HISTOIRE UNIVERSELLE, D E P U I S LE COMMENCEMENT DU MONDE JUSQU'A PRÉSENT. D'J PRÉS rJNGLOIS Vak ÜNE SOCIETE DE GENS DE LETTRES, &c. TOME QUARANTE-TROISIEME. C O NT E N A NT, La Continuation de l'Histoire du Royaüme de Suede , l'His» TOIRE DES RoYAUMES DE DaNNEMARCK ET DE NoRVEGE et lés six PREMIÈRES sections DE L'HlSTOIRE DE HoLLANDE ou des Provinces Unies. ENRICHIE DES CARTES NÉCESSAIRES, A AMSTERDAM et A LEIPZIGs Chez A R K S T Ê E & M E R K U S9 MDCCLXXXII, Avec Privilege.   T A B L E DES CHAPITRES et SECTIONS DE CE QUARANT E-T R O I S I E M E VOLUME. SUITE DU LIVRE TRENTE -UNIEME. CONTINUATION DE L'HISTOIRE DU ROYAUME DE SUEDE. SECTION VI. Contenant VHifloire du Royaume de Suede, depuis la mort de Guftave Adolphe en 1632 jufqiCa celle de Charles XII en 1718. . . . . . Pag. 1 VII. Contenant VHifloire de Suede , depuis la mort de Charles XII en 1718 jufques a nos jours. . . 50 LIVRE TRENTE-DEUXIEME. HISTOIRE DE DANNEMARCK ET DE NORVEGE. Section I. Defcription des Royaumes de Dannemarck & de Norvege, Mozurs des premiers Danois, Gouvernement aëtuel. Pag. 93 ■ II. Tableau fuccint de VHifloire de Dannemarck, jufqu'a la deflrutlion de VIdolatrie. . . . . 108 III. Etabliffement de VEvangile dans le Dannemarck. Evé- nemens dont ce Royaume fut le thédtre depuis cette époque juf qu'en 1147. ...... . 131 —I IV. Hifloire de Dannemarc depuis la mort d'Eric VAgneau, jufqu'a celle de Valdemar en 1240. . . . . 154 V. Contenant VHifloire de Dannemarck, depuis 1240 juf- qu'en 1319. .... 165 VI. Hifloire de Dannemarck, depuis la mort d'Eric jufqu'au Regne de Frédéric II. 1319 -1559. . . . 183 ■ VII. Hifloire de Dannemarck , depuis le Regne de Frédé¬ ric II jufques a nos jours. . . . . 207  1V TABLE des CHAPITRES et SECTIONS.. LIVRE TRENTE-TROISIEME. HISTOIRE DE HOLLANDE OU DES PROVINCES UNIES. Section I. Situation de Vlfle des Bataves. Tableau du^ Gouvernement ancien & moderne des Provinces Unies. Defcription géographique, &c. ..... Pag. 227 II. Hifltiire ancienne des Provinces Unies jufques au Gouvernement des Comtes. ..... 267 1 III. Hifloire des Provinces Unies, depuis Thèodoric jufques a la mort de Jacqueline <£? a Vufurpation de Philippe I, qui fait paffer le Comté dans la Maifon de Bourgogne. Années 923-1434. 318 - iv. Hifloire des Provinces Unies, depuis Philippe de Bourgogne jufques a Philippe II dit le Bel, que le Comté paffe dans la Maifon dAutriche. Années 1434-1482. . • • 39^ 4 ; V. Hifloire de Hollande, depuis le commencement du Regne de la Maifon d'Autrkhe Jür les Pays-bas jufques a Philippe III. Années 1482-1555. . • • • 4rS> _____ VI. Hifloire des Provinces Unies, depuis le commencement du Regne de Philippe, jufques au commencement du gouvernement du Buc dAlbe. Années iSSS~lS67- - 494 HISTOIRE AVIS AU RELIEUR. La Carce des Royaumes du Nord fe place. . . Pag. r Les trois Cartes, Germanie inférieure, Comté d'Hollande & Carte nouvelle &c, ... 227    HISTOIRE UNIVERSELLE DEPUIS LE COMMENCEMENT DU MONDE JUSQU'A PRÉSENT. SUITE DU LIVRE TRENTE-UNIEME. HISTOIRE DE SU EDE. Section VI. Hifloire du Royaume de Suede, depuis la mort de Guftave Adolphe en 1632, jufqu'a celle de Charles XII en 1718. A prés la mort de Guftave Adolphe,IeDuc de Saxe-Weymar fon éleve pric le commandement de 1'armée & vintabout de chaffer leslmpériaux de toutela Saxe: mais le menie accord ne regna plus entre les Princes Proteftans; ils vouliirent bien fe fervir des Suédois, mais fans rcgarder le fucccfTeur de Guftave corame le chef de 1'entreprife (1). La Suede étoit confternée de la perte de fon héros. Les Etats fiïent proclamer Chriftine qui n'avoit alors que fix ans, & renouvellerenc les anciens décrets contre Sigismond & fa familie; mais on ne fe difTimuloic pas les maux que pouvoic amener la minorité de la jeune Reine. Dans 1'étac d epuifemcnt oü étoienr les finances, il falloit une autorité ferme & vigoureufe. Guftave avoit élevé le Royaume a un point de gloire oü il falloit le maintenir; la rcputation de ce grand homme lui avoit attiré la confiance de toutes les PuifTances de 1'Europe. Les mcmes intéréts fubfiftoient toujours; il étoit de celui de la France de maintenir la guerre entre la Suede & 1'Empire, pour que la maifon d'Autriche n'employat point fes forces contre elle; auffi Richelieu fe dépécha-t-il de renouveller le traité d'alliance fait avec Guftave. Les Anglois & les Hollandois folliciterent la Suede de continucr 1'entreprife de ce Prince & promirent les mêmcs fecours. L'Empereur faifoit fes efforts pour détacher le Roi de Dannemarck; mais celui-ci étoit retenu par 1'efpérance de marier fon fils avec Chriffine. Le Roi de Pologne vit les projets qu'il avoit formés fur la Suede, détruits par la guerre que lui déclarerent les Mofcovites. Le Czar regrettoic . CO Hift de Cu{i- Ado1- T- 4- L' 12. Locoen. hift. Suec. L. IX. notre Hift. d'Alkm. ou Tom. XL. p. 505 &c. Tome XLllL a Sect VI. lii/l. de Suede. 1632-1718. Le Duc dt Saxe-tVeymar prentte commandement dt Varmée. Chrijline. Etat de ln Suede.  S-ECT. VI. Hift. de Suede. 1632-1718. Régence. Oxenjliern chargé des affaires fjf des troupes de Suede en Allemagne., Ses nigoeintiou a'.tprès d i Duc de Saxe, A'p-ès des J'f inces Proteftans. a HISTOIRE DU ROYAUME Guftave non-feulement comme un héros & ün ami", mais parccqu'il le regardoit comme 1'ennemi ie plus redoutable des Polonois. (1) Les Impériaux fe conloloienc de Ja dcfaite de Lutzcn par les avantages de la more de Guftave; le premier mouvement de l'Empercur fut de le pleurcr; mais fes larmes furent bientöt démenties par les feux de joie & le Te Deum qui fut chanté a Vienne: (2) les ennemis de la paix triomphoient. Les Sénateurs a qui Guftave avoit confié la tutelle de Chriftine, étoient le Grand Baillif, le Maréehal de la Couronne, 1'AmiraI, le Chancelier & le Trélbrier de la Couronne, Chefs des cinq Colleges; ils furent conlirmés par les Etats: 1'adminiftration du Royaume fut donc mife entre les mains, de Gabriel Guftafson Oxenfticrn, de Jacques de la Gardie, de Charles Carlfon Gyldenhielm, Axel Oxenftiern & Gabriel Benton Oxcnftiern. L'amitié de Guftave pour le Chancelier Axel Oxenftiern & la confiance que les Etats avoient dans fes vertus & fon habileté, les engagerent a lui confier le foin des affaires & des troupes de Suede en Allemagne. 11 fut chargé de renouveller les alliances avec les Electeurs & les Ordres de 1'Empire, de ne pas finir la guerre jufques a ce que chacun eüt obtenu fatisTaHion; il lui étoit furtout recommandé de veiüer a la défenfe des lieux dont la füreté du Royaume dependoit, & furtout des contrées maritimes entre 1'Elbe & TOder, & des terres limitrophes de 1'une & 1'autre Saxe, jufques a la conclufion d'une paix honorable & fmcere. (3} Le Chancelier qui fentoit toutes les diflicultcs que lui fufciteroient, le peu d'union des Princes Proteftans, la jaloufie de leurs Généraux, & lmdocilicé des Electeurs aux ordres d'un étranger, qui n'ééoi't point de fang Royal, repügnoit a fe charger de ce pénible emploi; mais il ne confulta que 1'intérêt de la'Patrie. lls'attacha d'abord a faire fen-' tir aux Princes Proteftans la néceiiité d'etre unis; il les engagea de regarder la Suede comme une reflburce contre les entreprifes de rEmpereur, & de faire caufe commune avec ce Royaume; il propofa aux Cercles de Suabe, de Franconie, du haut & du bas Rhin de convoquer une aflemblée a Uim. II alla luiï'même auprès de 1'Éleéieur de Saxe; il iiwoit que ce Prince vouloit fe faire mettre a la tête des affaires, & qu'il intriguoit auprès des Princes Proteftans; il vouloit a cct effet romprc raffcmblée des Cercles, transférée a Heilbron. (4) Oxenftiern lui donna les raifons les plus fortes, pour lui perfuadcr qu'il falloit fuivre le plan que Guftave s'étoit propofé; que le fuccès dépendoit abfolument de 1'union la plus étroite; qu'il s'agiiTbit de rétablir ce que cette union pouvoit avoir fouffert de la mort du Roi, de ruiner les efpérances & les intrigues que cette mort avoit fait concevoir aux ennemis de la Religion Evangélique. Ccpendant le Chancelier employoit toute forte de moyens pour conferver a la Suede, fes conquêtes en Allemagne. 11 étoit parvenu a faire confirmer a rafïémblée d'Heilbron, le traité d'alliaticé entre les Suédois & les Princes Proteftans, contre les Impériaux. II envoya dans la baffe Saxe & la Weftphalie, une armée fous les ordres de. George Duc de Lunebourg , & a Guftave Horn qui étoit en Franconie, le Duc Bernard de Saxe; il les ënga- (1) PufF. rer. Suec. L. 10. (2) Hift. de Guft. Adol. T.4. L. 12. (3) Locoen. L. 9. Hift. Suec. (4) Introd. è 1'Hift. Univ. T. 4. L. 4,  DE SUEDE, Lrv. XXXI. Sect. VI. 3 gea d'agir conjointemcnt dans 1'Oberhnd: il envoya en méme teras le Comte Palatin Chriftiern iur le bas Rhin, & le Comte de Thurn dans la Siléfie. Les Suédois s'emparerent de Bamberg dans la Franconie, fans eiTufion de Tang, & par force d'Aichftadt. Guftave Horn s'étoit emparé de toute 1'Alface, il avoit mis des garnifons dans les principales villes, Scheleftadt, Colmar, Moltzheim, Haguenau, Newbourg; il entra dans la Souabe, y battit la Cavalerie Bavaroife pres de Kempten , lui ferma 1'entrée du Wirtemberg oü elle devoit prendre fes quartiers, & détruifir un Regiment entier prés de Simmeringen; il pafla le Danube & fe joignit a Banner, malgré tous les efforts de 1'ennemi. Dans la Weftphalie le Duc de Lunebourg, joint a Kniphaufen, s'empara de plufieurs villes & chateaux, battit le Comte de Mansfel d, aificgea Hameln, contre Favis du Chancelier, qui eut mieux aimé que les troupes eufïcnt employé leur tems a fe difperfer dans la Weftphalie. Ce fiege dura trois mois, mais les Suédois furent bien payés de leur peine par la défaite de trois mille Impériaux qui étoient venus au fecours de cette ville. Les Suédois s'emparerent du canon & remporterent foixante-dix étendards ou drapeaux. En même tems le Landgrave de Heffè s'emparoit en Weftphalie de Dortmunde , Recklinghaufen , Dorften, Halteren, Coesfeld , Duimen, Borck, Borckold &, enfin, de Paderborn. (1) Le Roi de Dannemarck gagné par 1'Empereur follicitoit les Suédois d'abandonner 1'Allemagne & les cötes de Ia mer Baltique & offroit fa médiation h FElecteur de Saxe: le Chancelier qui vouloit ménager Chriftian, ne refufa point fa médiation; mais il propofa d'y joindre la France & la Hollande; il lavoit que 1'Empereur refuferoit ces deux médiateurs, & qu'il lui foumiroit une raifon plaufible de rejetter toute médiation. On parloit a Dresde d'un traité particulier, dans lequel il n'étoit pas queftion de la Suede; Oxenftiern diffipa ce projet, il rétablit les enfans de Frédéric, Comte Palatin, dansleurs terres & dignités, & flatta par-la 1'Angletcrre, le Brandenbourg, la Hollande & la maifon Palatine; mais 1'Eleéteur de Saxe refufa d'y donner fon approbation , ainfi qua tout ce qui avoit été fait a FaiTemblée d'Hcilbron. (2) Le Duc Bernard qui, après la jonclion de Horn, réfolut d'attaquer les Impériaux, avoit fait une irruption dans Ia Baviere; un complot qu'on découvrit dans I'armée du Danube, ayant fait foupconner a Oxenftiern que le Duc y avoit eu part, pour. s'emparer des Duchés de Franconie, de Wurtzbourg & de Bamberg, & pour fe faire nommer Généraliffime des armées; on confentit a le laifler maitre de ces pays, mais lui refufa le commandement abfolu: lc calme qui renaquit dans les troupes, confirma Oxenftiern dans fes foupcons, d'autant plus que ce calme ne dura pas longtems, & qu'il y eut toujours des divifions pendant le refte de la campagne, & que ces divifions s'oppoferent aux progrès que la grande armée auroit pu faire. Dans la Siléfie , la méfintelligence qu'il y avoit toujours entre les Suédois & les Saxons & les liaifons fecretes du Duc Albert avec les Impériaux, faciliterenc a Walftein 1'entrée de cette province avec des troupes qu'il avoit eu tout (1) Loeren. L. IX, hift. Suec. p. 614. (2) Locoen. loc. cit. Introd. k 1'Hift. Univ. T. 4. L. 4. A 2 Hifi. dé Snede. 1632-1718. Les fuccès des Suédois je fmtiennent. Conquétts de Guftave Ikm. Le Roi de Dannemarck offre fa médiation. Oxenftiern dijjipe plw fieurs projets nuifibles d In Suede. Divifion dans les armies des air liès.  4 HISTOIRE DU ROYAUME S*:ct. VI. Hift. de ■Suede.- 1632-171! IValfte'ni tfxifiu de cesdivifion & force k Suédois d'a bandonner h Siléfie. L'EleÜeu de Saxe fax ja paix ave i'Empereur I634. Prnpofition. rt'Oxi'?i. ■ftiirn. Hataiile dc Noi dlitlgue- le tems de lever; il furprit les Suédois qu'il avoit endormi par de feintes négociations, les difperfa & les fonja d'abandonner ce pays. ^ Les fuccès des Suédois en Franconie & dans le Palatinat fe foutenoient au ; grand, desavantage des Impériaux. Mais cette guerre commencoit a fatiguer les Cercles de la haute Allemagne, qui fouffroient bcaucoup des ravages des ^ troupes. La Suede s'appercevoit que la Hollande jaloufoit fes conquêtes, \ & que 1'Anglcterre penchoit pour 1'Efpagne; les dépenfes auxquelles la Suede fe trouvoit expofée lui faifoient quejquefois defirer la paix; mais ce qui portalc découragement dans la Ligue Proteftantc, fut la paix particuliere , 1ue 1'Elefteur de Saxe fit avec 1'Empereur. Oxenftiern en fut affligé, mais , j non pas découragé; il redoubla de foins pour raffermir 1'uniön des confédé; rés & pour les engagcr a faire de nouveaux préparatifs dc guerre; il profita . pour rclevcr leur courage de la circonftance de la difgrace de Walftein: il neut tenu qu'au Général Suédois de mettre eet orgueilleux profcrit dans fes intéréts; Walftein, dit-on, le lui propofa; mais depuis qu'en Siléfie il avoit trompé les Généraux Suédois , fous 1'apparence d'une négociation, Oxenftiern n'ofoit compter fur fa parole; cependant il héfitoit encore lorfque Walftein fut aflaffiné. (1) Oxenftiern qui voyoit que tout le monde défiroit la paix, convoqua une aiïèmbléc a Francfort fur le Meyn: il demanda, ou qu'on trouvat les moyens de la faire honorablement & dans les vues de Guftave, ou qu'on prit des mefures infaillibles pour forcer 1'ennemi a la demander. On ne put s'accorder ni fur 1'un ai fur 1'autre point: ce qui arrêtoit le plus fur le premier, étoit comment on reconnoitroit les obligations qu'on avoit a la Suede; tous les membres de 1'afTemblée convenoient qu'on lui devoit tout, mais lorfqu'il fut queftion de la récompenfe, chacun craignit de prononcer contre fes intéréts. On propofa de joindre la Poméranie a ce Royaume; mais FElecT:eur de Brandenbourg s'y oppofa. Le Roi de Hongrie avoit 1'uccédé h Walftein, dans le commandement des troupes impériales. Pour illuftrer les commencemens de fon Généralat, il mit le fiege devant Ratisbonnc: le Duc Bernard & Horn volerent au fecours de cette ville, mais elle fut prife avant qu'ils ne fufTent arrivés. Les Impériaux allerent fe pofter devant Nordlingue: les Suédois y jetterent quefc ques troupes & fe camperent prés de Ropfingen. En meme tems les Efpagnolsqui reveiwient d'ltalie, fe joignirent a 1'armée impériale, qui fe trouva fort fupéricure a celle des Suédois. Malgré cette infériorité, on réfolut de tout hazaj'der: le Duc Bernard, après un confeil de guerre, dans lequel il fut décidé qu'on s'empareroit d'une moutagne voifme de Nordlingue, pour être plus a portée de fecourir la ville, gravit la montagne, fondit fur les Impériaux & les obügea d'abandonner ce pofte. Bernard, contre 1'avis de Hom, vouloit pouflèr plus loin eet avantage; il y fut excité par quelques antres Généraux, qui le fnivirent. Horn fut obligé de marcher pour n etre pas accuié de lacheté. II attaqua une hauteur oü les Efpagnols s'étoient retrancbés , & qui dominoit le pofte dont Bernard s'étoit emparé ; mais après un combat qui avoit duré depuis le matin jufqu'a midi, Horn prit le (O Locoen. loc. cit. lütrod. U'hift. Univ. T. 4. L 4. & uotre Tom. XL. p. 506.  DE SUEDE, Lrv. XXXI. Sect. VI. 5 parti dc s'en retourncr par la vallée & gagner une autre hauteur; dans ce moment, Falie gauche commandée par le Duc, ayant pris la fuite, fe jetta dans 1'infanterie de Horn & la culbuta. Les Impériaux, proiltant de ce defordre, taillerent en pieces 1'infanterie Suédoife. 11 y eut fix mille hommes tués, un grand nombre de prifonniers, parmi lesquels fut Guftave Horn; cent trente drapeaux, le canon & le bagage furent pris. La cavalerie Suédoife fut fauvée par le Rhingrave, qui n'étant qua trois milles, accourut & arrèta les Impériaux. Les confédérés attribucrent cette défaite aux Suédois; ils murmurerent & crurent leurs affaires défefpérées. Oxenftiern étoit affligé de eet événement, mais il ne défefpéra de rien, & ne demandoit pour retablir les chofes & procurer a la Ligue dc nouveaux avantages, que de refter unis: il leur rcpréi'entoit que la cavalerie qui s'étoit ralliée fous Francfort, n'avoit point fouffert, & que plufieurs corps étoient entiers; mais les confédéixs abattus & 1'Eleéleur de Saxe dans l'inaétion, n'oppoferent aucun obftacle aux Impériaux, qui pénétrant jufques au fein de 1'Allemagne, empêchcrent les troupes des alliés (1) de fe réunir; & tandis qu'on appelloit 1'armée de France pour favorifer cette jonction, les Impériaux fe rendoient maitres des principales villes de la haute Allemagne. (2) Les Etats de Suede défiroient la paix; mais 1'Empereur 1'auroit mife a des conditións trop dures: le Chancelier en attendant du tems & des circonftantcs une occafion plus favorable de propofcr la paix, fe rendit a la Cour de Louis & fit un nouveau traité avec cette PuifTance; il pafla en Hollande & revint par mcr en Allemagne, après avoir féjourné quelques jours aux environs de 1'Elbe afin de pourvoir a la füreté des cótes de la mer Baltique. L'Elcfteur de Saxe fembloit avcir cnvie de chaflèr les Suédois de 1'Allemagne, il avoit gagné 1'Eleéteur de Brandenbourg. Oxenftiern cherchoit les moyens de ies'appaifer; d'autant plus que la tréve conclue avec la Pologne étoit prés de fon terme. L'Eleéïeur de Saxe lui avoit demandé la reftitution de 1'Archevcché de Magdebourg, que 1'Empereur avoit donné a fon fik; & fi le Chancelier vouloit retirer fes troupes, il lui offroit deux millions, cinq eens mille florins. Oxenftiern refufa; l'Electeur corrompit plufieurs officiers de 1'armée Suédoife, qui ne firent aucune réfiftance lorfqu'il attaqua les places qu'ils défendoient. Oxenftiern & Banner qui ne pouvoient plus compter fur leurs troupes, réfolurent de fe retirer; Oxenftiern s'étant apperco que 1'Electeur cherchoit a couper a Banner le chemin de la mer Baltique, fe rendit a Wismar, & Banner paffa dans le Duché de Brunswick; l'Electeur voulut 1'en chaffer, Banner s'empara du paffage de FElbe, gagna Altenbourg & avant dc paffer la riviere battit 1'avant-garde de 1'armée Saxonne. Sept mille Saxons affiégeoient Domitz; Banner envoya un gros detachement de cavalerie & d'infanterie, qui les tailla en pieces: fes troupes excitées par cette viéfoire reprirent courage, couperent le pont, forcerent les ennemis de remonter le fleuve jufquès a Werben pour pouvoir le paffer: il ne s'arrèta que pour attendre des troupes qui lui arrivoient de Pruflè, dès qu'elles 1'eurenc (1) Introd. Jt 1'Hift. Univ. T. 4. L. 4. (2) Idem. Ibid. Loccen. hift. Suec, L. IX. P. 647. A 3 Hijl. de Suede. 1632-1718. Les Suédois accujés de la pene de la baiaille. Sucrês des Impériaux. Oxenftiern rétablit Joutient tout. Banner remMorte plufteitrs awmtages contre les Saxons.  Sect. VI. Hift. de Suede. 1632-1718, 1636. Oxenftiern abandonné de la Li gut laiffe aux Impériaux la haute Allemagne. Succès de Banner. Succès des Suédois en Weftphalie. Les Impériaux battus par ie Landgrave de We. < I rée par les Impériaux & défendue avec la meme vigueur par Ramfé. (3) Celuici foutint le fiege jufques a ce que le Landgrave de Heflè s'étant joint a Leslé, forca les Impériaux a le lever & les'défit; il s'empara enfuite de Paderborn & de Munfter. Les Suédois furent ffioins heureux devant Magdebourg qu'a Hanau; le Commandant fe défendit mal & Magdebourg retomba au pouvoir de TEleéteur de Saxe. Banner trop foible encore, rappella Leflé de Weftphalie, marcha dans le Duché de Lunebourg, en prit la capitale, s'empara de Kalckbcrg & de Winfen & s'avan9a vers Saltzwedel: la ayant ippris que les Saxons s'étoient emparés de quelques places de 1'autre cöté de 'Elbe, il accourut au fecours de Domitz: il fut informé que les Saxons avec (1) Locoen. loc. cit. (2) Intr. k 1'Hift. Univ. Locoen. hift. Suec. L. 9. (3) Voyez lans Locoen. loc. cit. les details concernanc 1'ordre & féconomie que ce commandant avoit ais dans la ville relativement aux vivres: ces details peuvent 1'ervir de raodeie.  DE SUEDE, Erv. XXXI. Sect. VI. >? une forte armée étoicnt prés de Perlebourg; Banner repalTa 1'Elbe, & fe ré- , trancha prés de Parchin, en attendant Parrivée de Wrange! qui revenoit de ' Poméranie; dés que Wrangel 1'eut joint, quoiqu'inférieur aux Saxons, Banner 1 réfolut de les combattre: iis étoient dans un camp redoutable, il falloit les i en faire fortir: il attaqua deux forts voifins du camp, les Saxons vinrent au 1 fccours; Banner faifit ce moment, il les attaqua: le combat fut terrible; les ê Suédois retournerent dix fois a la charge, fans pouvoir ébranler les Saxons; ' alors le corps de réferve agit, & 1'armée Saxonne fut entierement défaite. (i) * Cette viétoire ranima les efprits; Banner acheva de rétablir la réputation des J armes Suédoifes par une défaite des Impériaux dans la Heflè, dont il les chaffa & les pourfuivit jufques en Weftphalie. Chriftine & fon confeil faifoient dans 1'intérieur du Royaume, les régiemens les plus fages concernant la Navigation & le Commerce. (2) Les Etats char«"erent Banner de faire enforte de mettre les Princes de Lunebourg & les Electeurs de Saxe & de Brandenbourg, hors d'état de Fempécher de porter la guerre dans les Etats de 1'Empereur. Banner fentit tout le poids dc cette entreprifc, les Impériaux ayant réuni leurs forc*es pour anéantir les Suédois: il quitta néanmoins la défenfive, fe précautionna contre les deffeins des ennemis, attaqua & défit quelques troupes Saxonnes, & après avoir battu deux mille Impériaux, caöèmbla fes troupes prés deTorgaw, fit paffer 1'Elbe a la plus grande partie dc la cavalerie, pour fe procurer des lubfiftances faciles; mais il lè jètta dans une pofition défagréable, paree-que les Impériaux ne voulant rien tenter jufques a ce qu'ils euftent réuni leurs différens corps difpêrfés dans rAllemagne, fe tenoient fur la défenfive; il n'ofoit ni fe jetter dans la Marche, ni dans la Poméranie, de crainte de manquer de fubfiftances & de s'éloigner trop de la Weftphalie: mais enfin ayant fait tous fes efforts pour engager les Impériaux a faire quelques mouvemens, & craignant de fe trouver enfermé, il pric le parti de paffer dans la Poméranie, & dépampa en diligence de Torgaw, laiflant quelques bagages dont il n'avoit pas belbin. 11 fut pourfuivi par les Impériaux, il les-repoufla, pafla 1'Oder a Furftcmberg avec fon artillerie & fe rendit a Landsberg, d'oü la marche des Impériaux 1'obligea de repaflèr FOder, & de fe retirer vers la baflè Poméranie pour- lè joindre a Wrangel. Bogülas XIV Duc de Poméranie mourut dans ce tems-la, fans poftérité male. George-Guillaumc, Eleéteur de Brandenbourg, en vertu d'anciens titres , d'inveftitures de 1'Empereur, de paétes de familie, réclama la Poméranie par droit de fucceffion & de propriété. (3) II écrivit a la Reine de Suede, afin que les Grands de fon Royaume, ni fon Réfident en Poméranie, ni fon Général ne lui portafient aucun obftacle, mais plutót qu'ils 1'aidalTent h fe mettre en poffeffion. La Reine ne lui difputoit point fes titres, mais par un article fecret du traité de 1630, entre Guftave Adolphe avec le Duc de Poméranie, il étoit dit qu'a 1'événement de la mort du Duc, le Roi de Suede retiendroit fous le fequertre & a titre de protection & de clientelle, le Duché de Poméranie, jufques a ce que Faffaire de cette fhccefïion fut (O Locoen. hift. Suec. Intr. a 1 Hift. de TUniv. £2) Loccen. hift. Suec. p. 651 (_3) Idem. Ibid. & notre T. 41. p. 285. lijï. de. uede. 632-1718. 'aiaille dz 'atchïn, aguée par 'armer cotire les 'axons. I chaffe lés 'mpériaux 'e la Heffe, 1637. Manauvres de Banner. Mort du Duc de Pqméranie. Prétentions de l'Klecteur de Brandenbourg.  Sect. Vi Hift. de ■Suede. 1632-17 Les Tin riaux en trent dat la Pomst nie. Banner l en chajje. . J638. Rapiditè des conquêtes desbuéduis. -8 HISTOIRE DU ROYAUME . entierement terminée, & que Ie Roi & fes fuccefleurs Mént indemnifés des dépenfes qu'il avoit faites pour délivrer cette province de fes ennemis. Cette ,8-affaire ne fut terminée qu'a Ja paix générale, & les Suédois parvinrent avec _ bien des efforts a empêcher 1'Elecïeur de Brandenbourg de fe mettre en poffeffion. )é_ La pourfuite des Impériaux & les efforts qu'ils firent pour entrer dans Ia . Poméranie leur coüterent beaucoup de monde. La marche de Banner conv fervant fes troupes, lui fait plus d'honneur que le gain d'une bataille Pour «-les éloigner de cette province, Banner fit une irruption dans la Nouvelle Marche & en Siléfie. Les Impériaux, comme il Ie défiroit, le fuivirent dans la Marche. Wrangel crut pouvoir prendre avec fécurité le chemin de Gnpswalde; mais un gentilhomme du pays appellé Bredaw, inrroduifit les Impériaux dans la province; ils pourfuivirent la cavalerie de Wrangel pendant une joumée entiere & la mirent en défordre; ils s'emparerent de Demmin, de 1'ifle d'Ufedom & de Wolgafr. Wrangel prit fa revanche dans 1'iflt de Rugen, dont ils vouloient s'emparer; il fit rompre la glacé fur laquelle ils étoient obligés de paffer, & il en fubmergea un trés grand nombre. (1) .* Banner les empècha d'aller plus loin & de pénétrer dans ia bafTe Poméranie & dès qu'il eut recu le renfort qu'il attendoit, il entra dans la haute & les en^chafla; ils étoient fous les ordres de Gallas: Banner s'empara de tout ce qu'ils avoient pris, les pourfuivit jufques dans le Mecklenbourg, les forca de s'éloigner des cötes de la mer Baltique, & de rentrer fur les terres hér*4■ditaires de 1'Empereur. (2) Aux renforts que Banner avoit recus, fe joignit une foule de transfuges, qui chafTés par la faim de la Poméranie, que la guerre avoit dévaflée, vinrent fe jetter dans les bras du Général Suédois; de forte que fon armée fe trouva forte de vingt mille hommes. Les Impériaux étoient plus heureux en Weftphalie, quoique le Duc Bernard eut une puifiante armée. Ce Prince réfolut de fe joindre a Banner pour pénétrer dans les pays héréditaires de 1'Empereur. Banner feconda fes projets pénétra dans les pays d'Anhalt & d'Halberftadt, battit les Impériaux en différentes rencontres, s'empara dans Ia Marche Brandebourgeoife, de Landsberg, Plawen, Francfort, Rathenaw, Havelberg: dans la Weftphalie, de plufieurs places & battit aux portes deDresde quelquès troupes Saxonnes. Ces exploits étoient 1'ouvrage de Banner ou de fes Généraux. Dans la Misnie il attaqua cinq régimens & les tailla en pieces, fit leur Général prifonnier' enleva vingt-fix drapeaux; & huit eens hommes prirent parti dans fon armée* II prit Naumbourg, Zeitz, Weiflenfels, Eulenbourg, Altenbouro- & plufieurs autres villes. (3) Ayant appris que 1'ennemi étoit entre Chemniz & Zwickau, & que les troupes de Hatzfeld & de Gallas devoientle joindre, il part a la faveur des ténebres & fe pofte entre ces Généraux & 1'armée. ' II battit & mit en fuite 1'armée Impériale, que les deux Généraux n'avoieiit pu joindre: il tua ou fit prifonniers quinze eens hommes, enleva vingt-fix drapeaux, cinquante étendards, vingt pieces de canon, & quantité de ba°-aa;e Cette viétoire ouvrit a Banner le chemin de la Moravie, de 1'Autriche & dé la nS ivi ^t' ^ Sl^C-P- f54' (?\ Intr' k Vim- de rUn!v- Mém- dc Ia ll<^ Chriftine par M. Arekenholtz. Tom. I. (3) Loccen. L. j>. p. 657. hift. Suec.  DE SUEDE', Liv. XXXI. Sect. VI. 9 Ia Bohème. II entra dans cette derniere & en (onnut une grande partie. II dólk un corps de troupes: mais a 1'appróche d'une armee fupérieure commandéc par 1'Archiduc Léopold Guillaume & Piccolomini; Banner, a qui la mort avoit enlevé le Duc Bernard (1) & qui n'étoit foutenu par aucun Princc d'Allemagne, iè vit obligé d'abandonner la Bohème; il fe trcnfporta dans la Mifnie, afin d'être plus a portée de 1'armée deWeimar & de celles des Princes de Heffe & de Lunebourg: il vouloit attirer eUtierement ce der- • nier dans fon parti. 11 fut joint par les Alliés & fe vit une armée trés nombreufe capable des plus grandes entreprifes. II efpéroit de battre Piccolomini, qui avoit pénétré dans le Voigtland; mais il n'en fut pas le maitre; il s'éleya tant de difputes au fujet du commandcment, auquel chacun des Gé- 1 néraux des troupes qui formoicnt cette armée prétendoit exclufivement, que Banner fut obligé de fe féparer. 11 alla en Thuringe & de-la il devoit aller s'emparer d'un pofte avantageux fur le Mein; mais lorfqu'il fut arrivé a Neuftadt, il apprit que les ennemis 1'avoient dévancé, & qu'ils s'y étoient retranchés. II s'approcha alors de la HefTe, & détermina par fes pricres, moins encore que par la rufe, le Landgrave de fe joindre a lui. (2) Cette rulè confiftoit a lui faire croire que les Suédois alloient porter leurs armes en Siléfie, ce qui auroit attiré celles de 1'Empereur dans fes Etats. Banner apprit que les Impériaux étoient en chemin pour ruiner le pays de Lunebourg; il les empêcha d'abord de paffer le Wefer & fe porta dans le pays même: manquant de fubfifhnces, ils retournerent dans la Franconie pour y prendre des quartiers d'hiver; Banner fe tranfporta alors a Culmbach. II ne perdoit point de vue les Impériaux, & pour peu qu'il eut été fecondé par les Princes Alliés, il auroit rendu les Suédois maitres des pays hérédicaires; les Impériaux tenterent inutilement de les chaffer de la Siléfie, oü mal"ré leurs efforts les places que Banner y occupoit furent confervées. Les rigueurs de 1'hiver retenoient les Impériaux dans leurs quartiers; la Diette étoit alors aftemHéea Ratisbonne, oü fe trouvoit 1'Empcreur; Banner parut lorfqu'on s'y attendoit le moins; mais le dégel qui furvint & les glaccs que le Danube charioit, empecherent qu'on ne püt le paffer,ni qu'on put y jetter un pont de bateaux: Banner réfolut alors de porter la guerre dans la Baviere & dans les pays héréditaires; mais Gucbrian, Général des troupes de Weimar, voulut marcher fur le Mein. (3) Cette différence d'opinion & 1'inexécution du projet du Général Suédois donnerent le tems aux Impériaux de fe rafièmbler entre Ingolftadt & Ratisbonne & de furprendre leurs ennemis. Banner partit a la hate, malgré le mauvais tems & les chemins plus mauvais encore: il y eut trois régimens qui refterent en arriere & qui fe jetterent dans Neubourg;les Impériaux, au lieu de pourfuivre les Suédois, s'amuferent a faire le fiege de cette ville: la garnifon fe défendit contre 1'armée Impériale pendant quatre jours; le Commandant foutint trois aflauts & ne fe 'rendit que paree que la place n'avoit que de mauvaifes murailles: cette défenfe donna le tems a 1'armée Suédoife de mettre entr'elle & 1'enncmi 1 un intervalle qui la fauva. Dix mille Impériaux qui 1'avoient continuelle- (1) Puffend. Commenc. de Reb. Suec. Lib. u. Seft. 39. Supr. notre Tom. XL. p. 514. (2) Introd. a 1'Hift. de 1'Uniy. L. 4. T. 4. (3) Idem. Ibid. Tome XLIIL B Hifi. de Suede. 1632-1718. B inner fouvre le ;hemin des ïays hérèiüaires. 1(540. Ohftacles \ue trouve Banner. Il fe main* ient en Siléfie. i Intrad, a I'hift. de füniv. T. 4. L. 4. C4) Loccen. 1. c. voyez-y les ciufes fe les deiaiis de cette guerrs.  DE SUEDE, Lr*. XXXI. Sect. VI. 13 forte gelee pour y pafTer , les difperfèrent & en détruifirent un grand , n°Gulhive Horn avoit conduit une armée de quinze mille hommes dans la ] province de Schoone, & s'étoit empnré de Helfingbourg. La guerre de Dannemarck ne Mbit pas oublier aTorftenfon celle d'Allemagne: il avoit mis de fortes garnifons dans toutes les places; Douglas fut envoyé en Poméranie & Guftave Otton Sceenbock en Weftphalie. Konigsmarck veilloit Tur la * haute & baflb Saxe & rendoit compte a Torftcnfon de tout ce qui s y paf- j fok; il avoit des ordres généraux pour 1'offenfive & pour la défenfive: il ap- , pritque i'Archevêque de Breme avoit des defl'eins cachés contre les Suédois; / avant qu'ils n'éclataffent, il s'empara de la ville de Verden; il fut que les Impériaux vouloient affiéger Leipfick, & il courut s'oppofer a leurs projets. Torftenfon, abfent comme préfent, rendit toutes leurs entreprries mutiles; il fut informé que le Général Gallas avoit conduit une nombreufe armée dans le Ilolftein pour bloqucr les Suédois dans le Juthland; Torftenfon vint a bout de Pen cbaflèr , de tailler en pieces fon arriere - garde prés de Lawenbourg, dele pourfuivrc jufqu'au-dela de 1'Elbe, & d'ailer camper prés du chateau de Bernbourg, oü les Impériaux s'étoient arrêtés; il les harcela, les forca deux fois dc changer de pofte, leur offrit lc combat, & n'ayant pu les obli-'-er de l'accepter, il les enferma, & par les fortes garnifons qu'il mit dansjes places qui les entouroient, il leur coupa les vivres, de forte que la famine fe fit bientöt fentir dans leur camp. Mais Gallas ayant appns que Torftcnfon étoit forti avec une grande partie de fa cavalerie pour tomber fur des fourrageurs, profita de ce moment pour s'échapper: Torftenfon revmt fur fes pas, pourfuivit Gallas qui marchoit fur Magdebourg; (1) il ne put le ioindre; mais il atrendit que lc manque dcfourrages forcat les Impériaux de fortir de Magdebourg, oü il favoit bien qu'ils n'en trouveroient pas: en effet la cavalerie Impériale en fortit & prit la route de Siléfie; Torftenfon la pourfuivit, la joignit auprès de Niemeck, & en tua une grande partie, II alla prendre fes quartiers en Mifnie; Gallas étoit refté dans Magdebourg avec ion infanterie: Konigsmarck eu: ordre de 1'alier affiéger. Gallas fortit de cene ville, craignant dc tomber entre les mains des Suédois; heureuiement tin pont qVils avoient établi fur 1'Elbe fut emporté par les glacés; Gallas profita dc cette circonfhnce pour ramener en Bohème les débris de 1 armee qu'il avoit conduite au fecours des Danois, & ces débris ne confiftoient qu'en mille 'hommes. Konigsmarck remporta plufieurs avantages dans IWrehevéch'- de Bremen; & Wrangel, a qui Torftenfon avoit confié le foin de conrinóéf la guerre contre le Dannemarck , fe rendoit maitre des villes & des chatcaux du Holftein & du Juthland; il étendit fes conquêtes fur les frontieres de la Norwege & s'empara- de 1'ifle de Bornholm: mais la Sucdc & le Dannemarck firent leur paix, & le traité qui fut figné le 17 Aoüt, termina Je cours des victoires de Wrangel. (2) s ■ -r Chriftine avoit atteint fa majorité le 18 Deccmbre de 1644 & s etoit miie a la tcte des affaires: elle ajoutoit, fuivant 1'expreffion de 1'AmbalTadeUr de Trance, a la qualité de Reine, la gracc, le crédit, les bienfaits & la force (O Voyèz notre T. XL. p. 520- CO ib!d- Introd- k im dc 1,üniv' L' 4' T' ** B 3 %t. de aiede. 632-17'S- Tovflenfon irige en léme t&ms es ispêraions en AU ;magne. 11 y ohtitnt ■les jw.cès kiatuns. tl défait les troupes q'Le Gallas cm» duifoit au fecours des Danois. 1645ifrang'lforce leü ,n~ nemarek i faire la paix avec la Sutde.  Ster. VI. Hifi. de Suede. 1632-171 Chrijlim prtmonce dans faj femblée d Etats, l'éi ge d'Oxe Jtiern. Grandes qualités dt cette Pri, cejje. Torfietfo gagne la bataille de Budwis contre les Impériaux, II fait la conquête de la Moravie, Heft arréh par la goutti cu milieu de fes triomfhes. 14 HISTOIRE DU ROYAUME de perfuader, jufques-la que les Sénateurs étoient étonnés de 1'afcendant qu'elle avoit fur leurs opinions. Ce fut elle qui preffa les négociations pour ï. la paix de la Suede & du Dannemarck, & lorfqu'elle fut terminée, elle en _ témoigna fa reconnoiflance a Oxenftiern, par une terre qu'elle érigea en Comté ; elle fit plus, elle prononca dans 1'aflèmblée des Etats 1'éloge d'Oxenfliern qu'elle avoit compofé. (1) Cette jeune Souveraine favoit furtout apprécier ,s les hommes, & c'eft un grand principe dans 1'art de regner. (2). A la mort 0- de Banner, grand homme, éleve, ami, confident de Guftave, qui lui ref«- fembloit par les qualités du cceur & 1'étendue du génie, réuniflant la pru- dence & la valeur, la fageffe du confeil & 1'activité de 1'exécution, amenant les événemens & prévoyant leurs fuites, Chriftine feule fentit tout ce que 1- la Suede perdoit en lui, & prévit la décadence des affaires; elle lui donna pour fuccefleur le feul qui pouvoit le remplacer, & ce choix fit autant d'honneur a Chriftine qua Torftenfon. (3) % L'Empereur voulut venger la défaite de Gallas; il rafTcmbla toutes fes troupes. Torftenfon qui ne s'effrayoit point du nombre, leur livra bataille entre Budwis & Tabor: le premier choc ne fut pas avantageux aux Suédois, mais ils fe rallierent, mirent en déroute les Impériaux & en tuerent un grand nombre; on en compta trois mille reftés fur le champ de bataille & plus de quatre mille faits prifonniers: les Suédois pourfuivirent les fuyards & peu de jours après 1'aétion ils en tuerent encore plus de 12Ö0, prirent le refte qui confiftoit en 3000 chevaux. . Les Etats héréditaires étoient conftemés; 1'Empereur quitta Prague & fe retira a Vienne: il s'y confoloit par la défaite de Turenne a Mariendal; mais la viétoire de Nordlingue vengea bien Turenne de la joie de 1'Empereur. Torftenfon s'avanca vers la Hongrie, dans 1'efpérance de faire agir Ragotzky; mais n'ayant pu le décider, il revint achevcr la conquête de la Moravie pour aller prendre fes quartiers en Saxe. L'Elecleur effrayé fe hata de conclure une trêve avec ce Général: les troupes Suédoifes évacuerent la Saxe & allerent joindre Torftenfon: la défech'on de l'Eleéteur & le renfort que le Général Suédois recevoit par la jonclion de ces troupes, furent un doublé fujet de chagrin pour 1'Empereur. En cffet, Torftenfon acheva la conquête de la Moravie, a 1'exception de la forterefïè de Brinn, la feule qui arrêta les Suédois; mais il ne s'obftina pas- devant cette place. II rctourna en Bohème, oü la goutte lui fit éprouver de fi . cruels tourmens au milieu dc fes triomphes, qu'il fupplia la'Reine de lui permettre de quitter le commandement de fes troupes: il fe fit tranfporter a Leipfick pour y rétablir fa fanté; mais il demcura perclus de tous fes membres. La Reine lui écrivit une lettre remplie de fentimens d'eftime & de reconnoiflance, & pour mieux les lui prouver elle lui fit préfent du Comté d'Ottila. {4) Ce Général eut 1'art de commander & de difciplincr les trou- (1) Mém. de Chriftine,Reine de Suede. Loc. L.9. (c) On feroit teute* de croire,que quelques Femnies Illullres s'y entendent inieux que les Hommes, & on en pourroit citer plufieurs exemples. Peut-êtrc que les hommes, de crainte que quelqu'un de fupérieur en mérite ne les éclipfit, le tiennent a 1'écart; & que le Sexe, qui n'eft pas fait pour brillc-r dans les batailles, ou dans Ie cabinet, exempt de cette pernicieuf'e jaioufie, ne trouve pas intérêt de facrifier ainfi celui de la Patrie. F. I. (3) Hift. de Chriftine, Reine de Suede, par Lacombe. C4) Introd. a I'hift. Univ., nos Toines XXXle. p. 377 & XLI». p. 522. Iiift. de Tureime, par llainfay. 8. Anift. 4 Vol. Wg.  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VI. 15 pes; abfent ou préfent, il en écoic obéi avec la même exactitude; il avoic comme imprimé fon génie a fes Généraux: Turenne étudia la* fcience militaire fous ce Général, & lui dat, comme le difoit le héros francois, cette difciplinë admirable, a laquelle il attribuoit fes fuccès. Torftenfon n'avoit que quarante ans, lorfqu'il (é vit forcé de quitter le commandement des armées que Chriftine donna a Wrangel. Ce nouveau Général, après avoir fait rafraichir fes troupes dans la Thuringe, s'empara de Paderborn, de Lemgow & de Stralberg. II fe concerta avec Turenne, & lorfque 1'Archiduc Léopold crut accabler les Suédois par la réunion de toutes fes troupes, Wrangel fut fecouru par le Général Francois. Ces deux Généraux agiffant d'intelligence, remporterent de fi grands avantages contre les Impériaux & firent des conquêtes li rapides dans la Baviere, que 1'Elecr.eur demanda une fulpenfion darmes: elle lui fut accordée, a condition qu'il céderoit a la Suede Memingen & Uberlingen. Peu de tems après le Duc de Baviere rompit fon traité & fe réunit aux Impériaux, qui njirent le fiege devant Memingen. Wrangel feul contre ces forces réunies fe retira dans la Mi-tóe: il fut fuivi par Meiander, Général des Impériaux, jufques ea Heffe, oü il affiégea Marpurg; ils pfirent la ville, mais la réfiftance que fit la citadellc les obligea de lè retirer: ils allerent prendre leurs quartiers en Franconie. (1) Chriftine publia des loix trés fages concernant la chafle, dont elle fixa les permiffions a certains tems de 1'année; concernant les coupes des bois, la culture des terres & 1'exploitation des mines. Elle prononca un difcours a i'affemblée des Etats, dans lequel elle mettoit en queftion, a quelles conditions on devoit faire la paix avec les ennemis, & les moyens les plus efficaccs de les y contraindre. WTrangel ayant recu des fecours de Suede & raffemblé les troupes de 1'Archevêché de Breme, entra en Bohème & y fit beaucoup de conquêtes ; revint fur le Wefer, en Weftphalie. Douglas s'empara d'IIcextcr, de Paderborn, d'Amoenebourg & de Marsberg. Cependant on travailloit a la paix: Osnabruck & Munfter étoient les Iieux" affignés pour les conférences. Les Ambaffadeurs de Suede & ceux de la plupart des Etats Proteftans s'aflembloient a Osnabruck; les Plénipotentiaires de 1'Empire, de la France, d'Efpagne, de Hollande & le Nonce du Pape, avec les Miniftres de la plupart des Etats Catholiques étoient a Munfter. Pendant ces conférences Wrangel & Turenne qui s'étoient réunis, pafferent le Danube a Lavingen; ils rencontrerent les Impériaux qui marchoient vers Augsbourg & les battirent: ils pafferent le Lech & fe rendirent maitres de toutes les places entre les rivieres d'Iffer & d'Inn. Piccolomini avoit retiré de Bohème les troupes Impériales; dans leur abfence Konigsmarck & Wittemberg, Généraux Suédois, formerent une entreprife fur Prague; ils fe rendirent maitres de la petite ville. Les affiégeans furent arrétés, jufques ace que Charles Guftave, Duc des Deux-Ponts, de la branche de Baviere Palatinc, fils de la foeur du Grand Guftave, qui venoit d'avoir le commandement en chef des troupes de Suede en Allemagne, arriva avec huit a neu! mille hommes: il preffa fi vivement le fiege, que la garnifon demanda a capt (O In'ud. ii Tim de 1'Umv, L. 4. T. 1. Hifi. de' Suede. 1632-1718. Wrangel lui fuccede. 1646. Scs fuccis en Bavitre. 16*47. Loix de Chrijline. 1Ö48. Conférences pour la paix. Siege de Prague.  Sect. VI, Hift. de Suede 1632-171 La paix t fignée a O nahruck. Avantag, qu'en recueille la Suede. Oxcnftin £f Salviia Miniftres de Suedea traité a'0 tiabruk. 1650. Chriftine refufe de J maner. Elle nipgn le P'rinét Charles (Juftave puur Jon Juccêjjew. (1) Voyez ces traités & 1'öüvrage du P. Bougean fur le traité de Weftphalie, ainfi que notre T. XL. p. 526, &c. (2) Lettres & Mémoires de Chriftine. (3) Loccen. hift. Suec. L. p. p. 693. (4) Lettres & Mémoires de Chriftine. 16 HISTOIRE DU ROYAUME tuier, mais a condkion qu'elle fortiroit avec armes & bagages: Ie Prince vouloit que Ia garnifon fe rendit a difcrétion; les foldats & les bonrgeois proli. tcfterent qu'ils s'enterrerpicnt plutöt fous leurs murs ; le «fiege continuo.it Javec fureur, lorfque la nouvelle de la paix fignée a Munfter*& a Osnabruck ft fit ceffer toute hoftilité. Par ce traité, fuivi de celui de Nuremberg qui régla 1- quelques dinerends entre la Suede & 1'Empereur & enfin de celui de Weft^phalie, on céda a perpétuité a la Couronne de Suede, toute la Poméranie citérieure, 1'ifle de Rugen, Stettin & quelques autres places dans la Poméranie ultérieure, les embouchures de 1'Oder, Wismar, 1'Archevêché de Bremen, 1'Evêché de Ferden, & on lui donna en outre cinq millions d ecus pour les frais de la guerre. (1} n Les Ambafladeurs de Suede a Osnabruck étoient Alder Salvius & Jean Oxenftiern , fils du célebre Chancelier. Le premier étoit d'une naiffance .^obfeure ; mais fes talens pour la politique & pour 1'adminiftration n'a'.. voient point échappé au Grand Guftave: fa fille 1'avoit élevé a la dignité de Chancelier de la Cour; il feconda les vues de Chriftine en accélérant la conclufion de la paix , qu'Oxenfticrn cherchoit a reculer par les difficultés qu'il faifoit naitre ; elle éleva Salvius a la dignité de Sénatcur & dans le difcours qu'elle prononca dans le Sénat a cette occafion; „ quand il „ eft queftion, (dit-elle,) de bons avis & de fages confeils, on ne de„ mande pas les feize quartiers; mais ce qu'il faut faire. II ne manque a Salvius que d'être d'une grande familie & il peut compter pour un avantage qu'on n'ait autre chofe a lui reprocher. II m'importe d'avoir de „ gens capables." (2) La Suede auroit pu efpérer de retirer de plus grands avantages de cette paix; mais Chriftine aima mieux facrifier quelque chofe au repos de tant de nations que cette guerre accabloit depuis fi longtems, que de s'cxpofer a Ja prolonger encore par des réclamations légitimes. Ce trait ne fut pas le moins glorieux de fa vie. (3) D'ailleurs, elle méditoit un projet dont 1'exécution étoit impraticabïe pendant la guerre. Les Etats aflemblés fupplierent la Reine d'affurer le bonheur de la Suede en fe choififlant un époux; ils lui préfenterent les veeüx de la nation en fa; veur de fon coufin Charles Guftave ; ce Prince s'étoit flatté d'époulër la Reine, qui paroHfoit entretenir pour lui les feminiens qu'elle lui avoit marqués dans fon enfin ce: en effet, elle lui témoignoit toute 1'eftime que méritoient fes belles qualités 6k ia gloire dont il s'étoit couvert dans la guerre d'Allemagne; mais Chriftine ne fe fentoit aucune inclination pour le mariage, elle avoit toujours éludé les propofitions qu'on lui en avoit faites. Elle répondit aux Etats: „j'aime mieux vous défigner un bon Prince & un fucceffeur capa„ bic de regner avec gloire: ne me forcez donc point de me marier; il pour,, roit auffi bien naïtre de moi un Néron qu'un Augufte (4)." Elle défigna le Prince Charles Guftave fon coufin , & lui fit donncr par le Sénat le titrc d'Alteffe Royale, & un revenu fixe pour fon entretien: on lui fit jurer que lui & les ficus obéiroient a la Reine; de n'entreprendre fans fa permiflion aucune  DE SUEDE, Liv. XXXI. Ssct. VI. i? cime affaire importante touchant l'adminiftration de 1'Etar; que s'il parvenoii a la couronne, il fe conduiroit par les conlejls du Sénat, & ne feroit rier de contraire aux loix & ufages du Royaume; que la femme qu'il prendroii ne feroit point d'une autre communion que de celle d'Augsbourg; que fes enfans feroient élevés dans la meme communion; que li on lui offroit quelquc Principauté ou Seigneurie hors du Royaume, il ne pourroit 1'accepter qu's condition qu'il demeureroit toujours en Suede; qu'il protégeroit la Doctrine Evangélique; qu'il conferveroit a tous fes fujets leurs droits, privileges & libertés. (i) Après la tenue des Etats, on procéda au couronnement de la Reine, qui fe fit a Stockholm, la ville d'Upfal' ayant paru trop petite. Cette cérémonie fut plus magnifique & plus pompeufe que celle d'aucun de fes prédéccf feurs. (2) Le Czar, contre qui la Suede avoit formé quelques .plaintes at fujet de 1'afyle qu'ü avoit donné a quelques payfans révoltés, fe hata de ter miner cette querclle & de donner fatisfaction aux Suédois. On auroit de firé que les Polonois e.ufïènt auffi terminé leurs différends par une paix foli de: le Roi de Pologne Cafimir II confcntoit a renoncer a fes prétcntion: au tróne de Suede ; mais il demandoit des dédommagemens. Chriftine refu feit de lui en accordcr aucun. Les négociations furent renvoyées a un autr< tems. La Reine afpiroit au repos & a la paix; elle offrit fa médiadon pou: calmcr les troubles inteftins qui alors agitoient la France. Elle témoigna fi joie au Prince de Condé loriqu'on lui ouvrit la prifon, oü lc crédit de Maza rin 1'avoit fait jetter. Elle s'adrefla a la Reine mere , aux Princes du fang, ai Parlement, au Cardinal de Retz, au Duc de Longueville, a Mademoifelh de Montpenfier; elle chargea fon Réfident en France de négocier un arran gement. (3) Cette paix qu'elle défiroit, ne regnoit pas dans fes Etats; il s'étoit élevc des qucrelles entre les différens ordres. Les Nobles reprochoient a la Reine fes prodigalités envers fes favoris; ils regardoient les emplois & les dignité; comme leur patrimoine, & les dons que la Reine en faifoit a ceux qui s'étoient diftingués par leurs fervices, comme une ufurpation: le Clergé le plaignoit auffi qu'on 1'éloignoit des affaires. Chriftine ne mettoit point de bornes k fes bienfaits; mais les finances étoient épuilëes; & quoiqu'clle avoit calmé les efprits , elle fentoit que ce n'étoit que pour un tems. II y avoit longtems qu'elle avoit formé le projet d'abdiquer; c'eft ce qui lui avoit fait défirer avec tam d'empreflemem la fin de la guerre d'Allemagne; elle n'avoit fait part a perfonne de fes deficins; le premier qui les pénétra fut Chanut, Ambafadeur de France en Suede; il en paria d'abord a la Reine avec liberté & lui expofa tous les inconvéniens d'une telle démarche. Chriftine fut inébranlable. Voyant qu'elle avoit été pénétrée, elle s'ouvrit au Grand Maréchal & au Chancelier de Suede ; Chanut en avoit écrit a Louis XIV & a la Reine mere; tous chercherent a la diffuader. (4) Charles Guftave, loin de témoigner aucune envie de regner , paroifloit ne vouloir être foumis (1) Loccen. L, j>. Introd. a 1'hift. de 1'Univ. (2) Locoen. loc. cit. p. 696. (3) Lettres & Mém. de Chriiï. fupra notre Tom, 31. p. 404. (4) Idem Loccen. hift. Suec. L. ?. Introd. a Thift. de 1'Uniy. fome XLlll C : Hift. de Suede. 1632-1718. Cotironns' ment de Uniftine. ■ Elle fait dU ■ vers traités, ■ 1651-1(552. L l Chriftine veut abdiquer. La Cour dt France cherche envain 4 '1 diffuader.  Sier. VI. Hift. de Suede. 1632-1718, Charles Gi.ftave, It bitnat, les Etats tentent de la faire changer de fentiment. I653-IÖ54' Chriftine Jirie Charles Guftave de la debarrafferdu trine. Son anmtr pour les fciences £p les lettres. 18 HISTOIRE DU ROYAUME qu'aux volontés de la Reine; il demeuroit prefque toujours a la campagne & ne faifoit aucune démarche qui put le faire iöupconner d'aucune vue d'ambition. Chriftine lui fit communiquer fon defiein par le Chancelier: Charles Guftave marqua beaucoup d'indifférence pour le tröne & écrivit au Sénat de faire fes efforts pour engager la Reine de ne pas renoncer a une Couronne qu'elle illuftroit par fa prudence & par fes viétoires. Cet éloignement de Charles, vrai ou affeété, ne fit qu'irriter les défirs de Chriftine: elle déclara fesTntentiotis au Sénat, qui la fupplia d'y renoncer: cette affaire fut remife a l'afTemblée des Etats; le Chancelier prononca un difcours fi touchant que la Reine en fut émue. Elle promit de retenir le fceptre, a condition qu'on ne lui parleroit plus de mariage. Charles Guftave fut le premier a témoigner fa joie a Chriftine & continua de paroitre avoir de 1'éloignement pour le tröne. (1) Les conférences pour la paix entre les Polonois & la Suede furent a peine commencéés, que les Polonois fous différens prétextes les rompirent & les firent renvoycr a 1'année fuivante; mais on ne put en venir a aucune conciliation. Les Polonois ne vouloient point la paix; ils étoient foutenus par PEfpagne, la République de Hollande & par 1'Empereur. Mais comme la trêve devoït durer encore huit ans, il n'y eut point de guerre. On croyoit que la Reine ne fongcoit plus a abdiquer, mais elle ne fupportoit plus q'u'avec peine le fardeau des affaires; elle n'afpiroit qu'après la vie privée comme un état libre; elle ne voyoit dans la Royauté que les embarras qui 1'accompagnent, & fe foucioit peu des honneurs qui y font attachés; les fciences, les arts, les belles lettres 1'occupoient entierement; ce n'eft pas que tant qu'elle a été fur le tröne, elle n'y ait montré toutes les vertus d'un grand Roi, mais le tröne lui déplaifoit a un tel point, qu'elle follicitoit Charles Guftave a Pen débarraffer. La paffion de Chriftine pour les fciences & les lettres avoit fait de fa cour 1'afyle des hommes les plus célebres dans ce genre, foit en France, foit en Angleterre: elle ne donnoit que fix heures au fommeil, elle confacroit lc refte de fon tems aux affaires, a la lecturc des livres les plus profonds & a la converfation des favans; elle en avoit chargé plufieurs de lui faire des collecfions d'anciens manufcrits, de livres rares dans toutes les langues, de médailles, d'antiquités & de tableaux. Elle fit des dons confidérables a 1'Univerfité d'Upfal, elle fonda celle d'Abo , inftitua une Académie de belles lettres a Stockholm. Elle préféroit la célébrité que donnent les fciences & les arts, a toutes les autres. On dit qu'elle entendoit onze langues, & elle cn parioit facilcmcnt plufieurs: le Grec étoit (1) On célébra des fetes publiques pour ranniverfaire de la Reine, & au fujet de fa nouvelle réfolution de garder la couronne. La jeune nob'eflTe chercha a fe diflinguer dans des tournois, des carroufcls & des courfes de bague: c'dtoit la Reine qui diftribuoit le prix. Au milieu de ces fetes, Chriftine s'étant rendue fur le port a quatre heures du matin pour vifiter la flotte qu'elle faifoit conftruire, s'avanfa imprudemment fur une planche étroite: 1'Amiral Flemraing lui donna la main, 1'Amiral' perdit pied & entraina la Reine dans 1'eau, qui dans cet endroit avoit plus de trente braffes de profondeur; heureufemen't Antoine Steinberg fon Ecnyer, s'élanpa affez promptement dans la mer pour faifir le bout de fa robe , &.avec le fecours de quelques autres perfonnes il prit la Reine par le bras & la retira de 1'eau. Chriftine eut la préfence d'efprit de faire fecourir 1'Amiral. Elle ne tèpoigna aucune drnotion, & ce jour raéme elle dlna en public racontant fonaventure.  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VI. rS celle dont elle faifoit plus de cas; cette Jangue & la Latine lui étoient tres familieres; elle fe plaifoit furtout avec les favans & les gens de lettres .francois: elle rechercha les femmes célebres; elle fut 1'amie de la Comteffe de Brege., de la Maréchale de Guebriant. Le célcbre Pafcal rechercha 1'eftime de cette Reine, il lui envoya fa machine de la Roulette, qu'il accompagna d'une lettre remplie de Fidée la plus fublime des grandes qualités de cette Reine; elle étoit en commerce de lettres avec les favans. (i) Bochart enchérit fur les éloges de Pafcal. Elle attira le célebre Defcartes auprès d'elle, & lui donna rendez-vous tous les jours dans fa Bibliotheque a cinq. heures du matin; mais les favans qui étoient a fa cour cabalerent contre le philofophe &, k leur honte & a celle de Chriftine, ils parvinren't a diminuer l'eftime qu'elle avoit pour lui; elle accueillit froidement fon nouveau fyftême & fes principes. II mourut deux mois après fon arrivécen Suede d'une fiuxion de poitrine & d'une fievre violente. Elle faifoit le plus grand cas de Salmafius, qu'elle logea dans fon palais & a qui elle rendoit vifite qu'and il étoit malade. Elle le combla de préfens quand il retourna a Leyde, & prit fa veuve & fes enfans fous fa protection, après la mort de ce fameux critique. Ce fut Salmafius qui lui recommanda Bourdclot; celui-ci avoit peu de favoir, mais un efprit fin & délié; il s'appelloit Michon & étoit fils d'un barbier de Sens; il efiaya de dégoüter la Reine de Pétude des fciences, & comme il étoit médecin, il lui perfuada qu'une étude trop abftraite pouvoit nuire a fa fanté, & que la littérature légere convenoit mieux a fon fexe: il jetta du ridicule fur les favans & les expofa a la raillerie. Comme Meibomius avoit écrit fur la mufique des anciens & Naudé fur les danfes des Grecs & des Romains, & que leurs ouvrages plaifoient a Chriftine, il engagéa cette Princcfie d'exiger des auteurs, pour 1'intelligence de leurs principes, de joindre la démonftration: Meibomius fut obligé de chantera la Grecque & Naudé de danfer a la Romaine. ■ Bourdelot naturellement railleur n'épargna rien; la Reine mere s'en plaignit, mais Chriftine continua de protéger fon favori, qui fit éloigner de la cour Naudé, Voffius, Bochart, Heinfius, Courtin & plufieurs autres,- il devint le difpenfateur des graces,il fit tomber dans le discrédit ce Magnus de la Gardie, le confident do la Reine. Enfin il fouleva contre lui la Nobleilè; on le rendit fufpccl a la cour de France, on lui attribua des liaifons fufpeétes avec le Miniftre d'Efpagne: les réclamations furent fi vives, que Chriftine fut obh'gée de le renvoyer en France en 1'accablant de préfens & de témoignages de confiance: mais elle 1'oublia dès qu'il fut parti ; les impreftïons d'un efprit léger & frivole s'eflacent aifément. Chriftine rougit de s'ètre laiffé féduire & finir par en parler avec mépris; Bourdelot, cet homme fi plaifant & fi gai, finit fes jours dans la mélancolie. Chriftine reprit fes études. (2) Cette Princeftè croyant que les femmes ne devroient jamais regner, dit dans les Mémoires de favie: „ j'aurois öté le „ droit de fucceflion au tróne a mes filles, fi je me fufie jamais mariée. Ma „ propre expérience m'a appris que le défaut du fexe eft le plus grand des dé„ fauts". Elle regardoit d'ailleurs comme 1'effet du plus grand héroïfme, de Ci) Voyez fes Lettres & fes Mémoires. C2) Lemcs & Mémoires de Chrift. Hift. dt Chriftine par Lacombe. C 2 Hift. de Suede. 1Ö32-171S. Savans accueillis hJu cour. Elk penfoit jue les femmes ne devoient jamais reiner.  Sect. VI. Hift. de ■Suede. 1632-1718. Eik ajfembk les Ea ts. Elle eft jowde (4 toutes les repréfentations. On confent & fon abdication. O') fixe fes revems. Elk eon- Jomme cet aHe cjf cede le trine o Charles Guftave. ao HISTOIRE DU ROYAUME quitter le tröne pour fe livrer a la philofophie, qui la récompenfa mal de ce facrifice. Elle avoit d'autres motifs encore. (1) Chriftine fit tranfporter fa bibliotheque, fes tableaux, fesflatues, fes médailles & fes antiqukés a Gothembourg; elle annonca au Sénat affèmblé a Upfal, qu'elle vouloit afiembler les Etats pour y confommer 1'affaire de fon abdication, & qu'elle défendoit de lui faire des repréièntations a ce fujet: le Sénat n'obéit point a cet ordre. On la conjura de ne point abandonner un peuple qui 1'adoroit & dont elle faifoit la gloire & les délices. Oxenftiern lui paria au nora de la nation: il ofa lui prédire qu'elle fe repentiroit un jour de s'êtrè dépouillée de fon autorité, mais qu'il ne feroit plus tems. Charles Guftave lui dit qu'elle étoit comptable envers la patrie du génie & des talens qu'elle avoit recus du ciel pour le bonheur de fon peuple, & que ce feroit un crime de 1'en priver. Chriftine fut inébranlablc. Elle fit connoitre qu'elle défiroit qu'on lui affignat deux cents mille rixdalers de rente fur des fonds bien affurés; elle demandoit en fouveraineté Wolgaft & les autres tcrres de Poméranie, avec la liberté de les vendre ou de les engager, pourvu que ce fut a des Suédois. Elle vouloit faire nommer le Comte de Tott, de la maifon de Wafa, fucceffeur de Charles Guftave, au cas que ce Prince mourut fans enfans; mais cette propofition ayant été desapprouvée du Sénat, elle n'en paria point aux Etats. (2) Les Etats s'afiemblerent; tous les Miniftres des cours étrangcres y furent invités, elle fit ['ouverture de rafTemblée par un difcours qu'elle prononca. On donna copie de fes demandes a chacuri des Ordres; Oxenftiern refufa de la lire, comme ne voulant participer en rien a cette démarche qu'il défapprouvoit: on fit inutilement de nouvelles inftances. Enfin après avoir longtems délibéré, les Etats confentirent qu'elle renoncat au tröne, & que Charles Guftave fut reconnu pour fon fucceffeur. On affigna les revenus de cette Princeffe furies Ifles d'Oeland, de Gothland & d'Oefel, fur Wolrin, Ufedom, fur la ville & le chateau de Wolgaft; ce revenu alloit a deux cents quarante mille rixdalers; mais ces terres & villes ne lui furent affignécs qu'a titre d'appanage & non de fouveraineté. On vouloit 1'obliger a ne point fortir du Royaume; mais Charles Guftave vouloit qu'elle eut une entiere liberté. Enfin quelques jours après elle confomma Pafte de fon abdication; vers les fept beures du matin, elle entra au Sénat avec le Prince Héréditaire, elle fit lire Pafte de fa démiffion, portaiu qu'elle renoni^oit tant pour elle, que pour fes parens préfens & a vcnir, a fes droits fur la couronne de Suede; qu'elle les cédoit avec toutes fes prétentions au Prince Charles Guftave fon coufin, qu'elle établhToit fon fuccefieur, a condition qu'il la maintiendroit pendant fa vie dans la pofTeflïon des terres qu'elle fe réfèrvoit a titre d'appanage ; qu'il lui feroit permis de vendre, engager ou donner trois préfeftures de la Poméranie & une de 1'ifle d'Oefèl, pourvu que ce fut a des fujets du Royaume, mais fans pouvoir difpofer des autres biens; qu'elle pourroit, quant i ce qui concernoit fa perfonne , faire tout ce que bon lui fcmblcroit, cöfnroe ibre de toutes fujettions & obéifiances, fans ctre tenue de rendre compte a pcr- (0 Voyez fes Lettres a M.Chanut, Ambsffadeur de France:il parott que depuis htiit atis He uiéditoit fon abdication. (2) Loccen, L. 9. Iutrod. a 1'hiü. de l'ÜDitf.  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VI. ai fonne qu'a Dieu feul, tant de fes aftions & conduite paffées, que de ce qu'el- j le pourroit faire après fon abdication; promettant néanmoms de fon cöté, ! qu'elle n'entreprendroit rien contre 1'Etat; enfin, cju'elle auroit pouvoir & 1 iurisdiétion fur les commenfaux & fur les domeftiques de fa maifon. CO Après cette lefture, les grands officiers de Suede revêtirent Chriftme de fes habits royaux & lui mirent la couronne fur la tête; elle prit en fa mam droite le fceptre & dans fa gauche le globe dor; le Grand Maréchal & le Grnd Tréforier portoicnt devant elle 1'épée & la clef dor; la Reine s'avanca au milieu de tous les Ordres du Royaume, des Miniftres des Princes étranïrers & des Dames de la cour; elle monta fur une eftrade, élevée de trois degrés & s'affit fur un fiege d'argent maffif: le Prince héréditaire étoit vis-avis fur un fauteuil, a cöté du tröne, mais hors de 1'eftrade. Un Sénateur lut a haute voix Pafte de démiffion, & le remit au Prince Charles Guftave; enfuite le même Sénateur lut 1'engagement du Prince envers Chriftine & le remit a la Princéftè. Alors elle remit les ornemens royaux aux grands officiers qui les dépoferent fur une table; elle fut obligée elle-même d'öter fa couronne de delTus fa tête, le Comte Pierrc Brahé n'ayant pas voulu 1'enlever Chriftine en habit de fatin blanc, s'avanca & prononca un difcours qui dura demi-heure. Les fpeftateurs furent attendris jufqu'aux larmes. Plufieurs fe ietterent fur fon manteau royal qu'ils déchirerent, pour conferver quelque refte de cette Souveraine adorée. Le Grand Chancelier Oxenftiern refufa de faire aucune fonftion de fa charge. Chriftine defcendit de fa place & préfertta fa main a baifer aux chefs des quatre Ordres. L'Orateur desPayfans s'approcha, fans prononccr un feul mot, prit la main de la Reine, la fecoua & la tenant a genoux la baifa trois ou quatre fois, pleurant & effuvant fes larmes avec un mouchoir; fe relevant enfuite & tournant le dos a la"Reine, il fe rctira auffi brtifquement qu'il étoit venu. (2) Chriftine fit enfuite un difcours trés touchant au Prince fon fucceifeur ; il y répondit par les témoionages de la plus vive reconnoilTance & 1'aflura qu'il n'oubheroit ïmiais le refpeft & les foins auxquels il étoit engagé par devoir & par inclination envers elle & les fiens. II recut a genoux la couronne des mains de la"Reine & ne la porta jamais devant elle: cet événement fut confacré par des médailles. (3) •> 1 Chriftine partit peu de jours après fous pretexte d aller prendre les eaux de Spa elle quitta la Suede, parcourut différens Etats de 1'Europe, alla fixer fon féjour a Rome, ou elle mourut en 1688 dans la 6ae année dc fon êsre Lorfqu'elle partit, Charles Guftave qui 1'aimoit, lui fit dire par 1'officier qu'il avoit chargé de la conduire jufques fur les frontieres de la Suede, qu'il lui oiTroit fa main & la couronne; mais Chriftine vouloit être libre: elle rapporte dans fes Mémoires que ce Roi dit en préfence de plufieurs perfonnes: ,. Chriftine m'a fait Roi, elle m'a donné une femme, mais je ferai malheurcux toute ma vie, puifqu'elle m'arefufé la gloire de la pofleder: rien " ne peut ine confoler." Nous ne fuivrons pas cette Reine dans fes voyages, & dans ies différens événcmens de fa vie privée; nous renvoyons a fes Let- CO Introd. a 1'hift de 1'Univ. CO de Chriftine Reine de Suede, P»r La combo. Loccen. L. C3) Wem Ibidem. C 3 HU. de iuede. 632-171S. Regrets& lai mes de toute !'«ƒ• femblèe. Chijlifk qu:tte la Suede.  Sscr. VI. Hift. de Suede. 1632-171S Son clogt Charles X, 1655. Etat de la Suede. Le Roientre en Pologne. II fe rend mattre d'u* ne partie du Royaume. S2 HISTOIRE DU ROYAUME tres, kfes Mémoires écrirs par elle-même, publiés par M. Arckenho'ts, & a 1'hiftoire de fa vie, publiée en 1762 par M. Lacombe. Chriitine n'avoit que 27 ans, lorfqu'elle renonca a un tröne qu'elle avoit illuftré: ' elle rendit fon regne célebre par la paix a laquelle la Suede forca PEmpe. reur; paix qu'elle donna a 1'AlIemagne dans un moment oü cette Souveraine pouvoit étendre fes conquêtes beaucoup plus loin: elle ajouta de nouvelles provinces a fon Royaume : elle fit fleurir les arts au fein de la guerre, qu'elle fut écarter de fes Etats: elle aflura le repos de fes peuples par des'loix fages: elle donna au commerce une vigueur & une aétivité qu'il n'avoit point eu jufqu'alors: les arts furent portés a une perfeétion que la Suede ne connoiflbit pas. Généreufe & libérale, elle aima mieux s'expofer a être la dupe de fa bienfaifance, que de mériter le reproche contraire: elle fut plus attentive a récompenfer les vertus qua punir les crimes; on la voyoit verfer des larmes en condamnant les coupables a mort. Elle étoit affidue au travail menant une vie dure & pénible; elle avoit beaucoup des qualités de fon pe' re & plufieurs de fes traits. Elle ne fut pas auffi heureufe après fon abdication qu'elle fe 1-étoit promis, elle regretta le tröne plus d'une fois, quoiqu'elle ne le témoignat point. Lorfque Charles Guftave prit les rênes du Gouvernement, il trouva les finances dans le défordre;. il crut que depuis que la Suede n'étoit plus én guerre, elle avoit perdu de fa réputation; il falloit donc pourvoir au rétablifiement des finances, & rendre aux armes de la nation leur premier éclat. II fut arrêté dans l'afTemblée des Etats de réunir a la couronne la quatrieme' partie du domaine qui en avoit été démeinbrée depuis la mort de Guftave Adolphe, & de faire des préparatifs pour réprimcr les entreprifes des Polonois & des Moscovites.. Les Polonois avoient enfreint la trêve, & ils refufoient de tcrminer les anciennes querelles. 'Wittemberg, Général que le Roi avoit mis a la tête des armée», entra en Pologne & rencontra un corps de 15000 hommes. Le Général Polonois capitula & les Vaivodes de Posnanie & de Calis preferent ferment de fidclité. Charles fuivit de prés Wittemberg, & lorfqu'il Peut joint il s'empara de Warfovie, n'ayant point trouvé de réfiftance, paree que les Polonois n'avoient pas encore rafièmblé leurs forces: plufieurs villes principales fe foumirent aufiitöt que les Suédois parurent. II marchoit a Cracovie, lorfqu'il rencontra les troupes du Roi de Pologne prés de Czamowa; il les mit en fuite après un léger combat & leur enleva leur bagage; il les pourfuivit & les tailla en pieces prés de Cracovie, & Cafimir qui ne fe crut point en füreté dans fon Royaume, fe fauva avec fa familie a Oppelen en Siléfie: ie fiege de Cracovie fut meurtrier & coüta beaucoup de monde aux Suédois; les troupes Polonoifes fe rendirent a Charles Guftave, & lui prêterent ferment de fidelité: la plupart des Gouverneurs & des Seigneurs de la grande & de la pecitePologne, de la Ruffie roure & des provinces de Mazovie, de Podolie & de Volhinie envoyerent des députés au Roi de Suede. Les Polonois effrayés penfoient a oftrir la couronne de Cafimir fugitif au Roi vainqueur; tandis que Janus & Bögiflas de Radzivil, avec une grande partie des Lithuaniens, entamoient des négociauons (O Lettres & Mém. de Chriftine.  DE SUEDE, Lir. XXXI. Sect. VI. 43 avec Magnus de Ia Gardie, pour fe donner k Charles Guftave, (1) ce Prince marchoit contre 1'Eleéteur de Brandenbourg, dont il avoit lieu de fe plaindre, & qui s'étoit rendu maitre de la PruiTe Royale: il Pobligea de reconnoitre comme fief de la Suede la Pruflè Ducale. (2) Les PuiiTances de 1'Europe frappées de la rapidité de ces conquêtes, craignirent que les Suédois ne devinrent trop redoutables, s'ils reftoient maitres de fi vaftes Etats: plufieurs réfolurent de fecourir les Polonois, a qui Charles par fa courfe dans la PruiTe donna le tems de fe reconnoïtre; ils eurent honte de leur lacheté: quelques troupes que Cafimir & les grands avoient raffemblées a la bate,n'eurent qua paroitre ; tout fe.fouleva,ies Polonois envelopperent les Suédois & les égorgerent. Charles accourut de PruiTe, il efiaya envain les voycs de la douceur & de la menace: il battit un corps de 12000^ Polonois, & ne fit que les irriter encore. 11 fe retira a Jaroflow; les Polonois fe raflbmbloient de tous cötés pour couper le chemin a fon armée, déja fort affoiblie par la faim, par le fröid & par le fer des ennemis; il marcha vers la PruiTe, pafia la Sane a fon embouchure dans la Viftule, malgré les Polonois & les Lithuaniens qui les bordoient & les gardoient, il battit les Lithuaniens. II cft vrai que Frédéric Margravc de Bade qui conduifoit de Pautre cöté de la Viftule un corps de 4000 hommes, fut défait & n'en ramena qu'un trés petit nombre a Charles Guftave, qui s'étoit frayé le pafiage de Warfovie. 11 laifla une partie de fon armée en Pologne, fous les ordres de Jean Adolphe fon frere, & revint en PruiTe avec le refte. Jean Adólphe & Wrangel voulurent foutenir Phonneur de la nation; après avoir donné quelque tems de repos a leurs troupes, ils attaquerent les Polonois prés de Gnesne, & la fortune feconda leur audace. Charles Guftave ne fut pas moins heureux contre les troupes de Dantzick, lorfqu'il fut arrêté par 1'arrivée de la flotte Hollandoife; il employa la voye de la négociation, fit de grands avantao-es aux Hollandois afin qu'ils fe retirerent: PElefteur de Brandenbourg confentit a un accommodement; mais tandis qu'on négocioit, les Polonois s'emparoient de Warfovie, & renforcoient leur armée: les deux Princes marcherent contre 1'ennemi qui occupoit auprès de Warfovie un camp redoutable en deca de la Viftule, ils Pen chaiTerent & il perdit beaucoup de monde. (V) 'L'Electeur, qui par fes lenteurs lors de fa négociation avec Charles, avoit donné le tems aux Polonois de prendre Warfovie, agit encore foiblement dans Pattaque du camp & la pourfuite des ennemis: il en fut puni par 1'irruption que les Polonois & les Tartares firent dans la PruiTe Ducale, oü ils défirent fon armée prés de Licca: Steenbock le vengea par la défaite de 1'armée combinée des Tartares & des Polonois. L'Eleóteur peu reconnoiïïant étoit fur le point d'abandonner les Suédois, & Charles ne le retint que par Pabandón de la fouveraineté de la PruiTe Ducale. L'Eleéteur eut fans doute été moins exigeant dans toute autre occafion; mais 1'Empereur tottjours jaloux des fuccès des Suédois, avoit excité les Moscovites a faire une diverfion dans les provinces de Carélie, d'Ingermanie & de Livonie; ils s'emparerent de plufieurs places dans cette dernierc province, & furent bat- ff) Introd. a 1'Hift. de 1'Univ. L. 4. T. 4. Loccen.- L. 9. (2) Voyez 1'Hift. de Brandenbourg fupr. T. 41. p. zliS. (3) Voyez 1'Hift. de Pologne fupr. T.42. p. 63. Hij}, de Suede. 1632-1718. Grande faute de Charles. 1656. Les Polo* nois égorgent les Suédois. Charles fe retireavec pei?ie dans la Pruffe. II revient avec 1'EleC' teur de Brandtnbourg. Nouvtaux [uccè:.  SliCT. VI Hift. dc Suede. 1^32-17 Le Dam marck d( clare la guerre a Suede. Charles fi ee Frédéi & demand ia paix. 165S. La grut fe ranum I660. Mort de Charles X «4 HISTOIRE DU ROYAUME • tus dans les deux autres; les Suédois les ctiaflerenc de devant Riga qu'ils affiégeoient, tandis que Charles obligeoit Cafimir d'abandonner les environs de ,Dantzick. (1) Les négociations pour la paix, dont Charles n'étoit point — éloigné, ayant été rendues inutilcs par les prétentions des Polonois, ce Prince conclut un traité d'alliance. avec Ragotzky, Prince de Tranfilvanie, qui marcha dans la Pologne avec une armée de cinquante mille hommes; il la joignit a celle des Suédois: mais les Polonois ayant toujours évité d'en venir aux mains, cette armée formidable ne fit que vivre aux dépens de Pennend. Charles laifia fes troupes a Steenbock & revint en Pruffe (2}. ie- Les Danois excités par Léopold Roi de Hongrie & par les Hollandois, fe - déclarerent contre la Suede. II y avoit une négociation entamée entre Char[a les Guftave & Frédéric pour exclure les Hollandois du commerce de la mer Baltique: cette négociation avoit été fufpendue par la guerre de Pologne, dont les Danois, avant de conclure, vouloient voir les fuites. Dans le tems que 1'armée Suédoife parut prête a fuccomber, les Danois entrerent dans le Duché de Brême & s'emparerent de quelques forts: Charles laifia. Jean Adolr_ phe en PruiTe, repréfenta a Ragotzky la néceflité de défendre fes Etats', ic lui donna d'excellens avis pour conferver fes avantages en Pologne, (3) öc tr prit la route de Stettin. Tandis que Wrangel reprenoit aux Danois les places dont ils s'étoient emparés dans le Duché de Brême, Charles fe rendoit maïtre du Holftein; ce Prince s'empara de plufieurs ifles & mena9a d'affiéger Coppenhague. Frédéric demanda la paix & elle fut conclue a Rothfchild le 28 de Février. Charles fe repentit de fa facilité, il fit fecrétement des préparatifs, & fous prétexte de quelques difficultés que lui faifoient les Danois rt au fujet de ce traité, il rentra dans le Dannemarck, lorfqu'on s'y attendoit ?, le moins; il affiégea Coppenhague. Mais il s'arrêta trop longtems au fiege di Cronebourg, dont il vouloit être maitre, avant de pouffer le fiege de la capitale; il donna le tems a Frédéric de recevoir les fecours qu'il avoit demandés aux Hollandois: les Suédois furent repouffés. La France, 1'Angleterre & la Hollande réunirent leurs efforts pour obliger les deux Rois a laire la paix. Le Roi de Suede avoit alors contre lui, les Danois, 1'Ëmpereur, 1'Elefteur de Brandenbourg, les Polonois & les Rufles,qui avoient fait une conféderation contre les Suédois, qu'ils appelloient leurs ennemis communs. (4) Mais tout effort pour la paix devint inutile, & la guerre devint encore plus vive; les Danois eurent quelques fucccs & en devinrent plus opiniatres; Charles faifoit les plus grands efforts pour les accabler. L'afièmblée des Etats avoit décidé que les Nobles fourniroient un payfan de leurs terres fur dix, & que dans les autres états ce feroit le huitieme. Le Roi s'étoit tranfporté fur les frontieres, lorfqu'il fut attaque d'une maIadie mortelle: ce Prince confia par fon teftament 1'éducation & la tutelle du jeune Prince fon fils, ainfi que 1'adminiftration du Royaume, a la Reine & , aux cinq grands Oftbiers du Royaume. La Reine devoit préfider dans le Confeil f/) Loccen. L. 9. in C.ir. Guft. (2) Idem Ibidem. (3) II en coüta cher a Ragotzky de n'en avir pas cru le Roi de Snede;fes troupes furent taillées en pieces, & il .fur forcé de faire 1111 traité bonteux: les Turcs entrerent enfuite dans fes Etats; il perdit la Tié dans Une bataille qu'ils lui livrerent. (4) Loccen. hij. Suec. L. 9. in Car.^Gufr.  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VI. 25 Confeil de Régence: la mort de ce Prince fut une perte irréparable pour le Royaume; fa guerre de Pologne eft un témoignage de fon génie & de fon audace; (1) il fit une faute en allant en PruiTe, avant d'avoir achevé la conquête de ce Royaume, mais il la répara, & fi la jaloufie n'eut engagé les PuiiTances de PEurope a venir au fecours des Polonois, Charles Guftave fe fut placé fur le tröne de Cafimir: fa première expédition en Dannemarck n'eft pas moins glorieufe; mais on ne fauroit 1'excufer d'avoir, fous un prétexte trop léger, repris les armes contre Frédéric: il réunit a la Suede la Scanie, la Livonie feptentrionale & quelques autres provinces; il fe montra le digne fuccelTeur de Guftave Adolphe; il fit honneur aux principes qu'il avoit puifés dans la conduite de Torftenfon, dont il avoit été 1'éleve, ainii que Turenne. II avoit époufé Edwige Eléonore, fille de Frédéric Duc de Holftein; il ne regna que fix années. Le jeune Roi n'avoit que cinq ans; fa jeuneflè & Pépuifement du Royaume fircnt défirer la paix; on y travailla avec d'autant plus de fuccès que la jaloufie avoit fufcité a Charles fes plus grands ennemis, que fa mort ne laifibit plus fubfifter ce motif & qu'ils étoient auffi fatigués de la guerre que les Suédois. On fit d'abord la paix avec la Pologne, qui fut conclue a Oliva, (2) abbaye dans les environs de Dantzick. L'affaire du Dannemarck fut plus difficile a arranger, mais on en vint a bout & enfin on traita avec la Hollande & la Moscovie. L'éducation de Charles XI fut négligée du cöté du moral, & ce fut un bien pour lui; on 1'appliqua aux exercices du corps, & il s'y rendit trés habile; il acquit un tempérament fort & robufte. On fit un crime ala Régence d'avoir negligé de cultiver fon efprit & fon cceur, afin de Péloigner des affaires & de perpétuer au-dela de fa majorité le befoin qu'il avoit de fes tuteurs; mais il arriva que, lorfque fon tempérament naturellement foible fe fut formé, fon efprit fe développa, il fe compofa un nouveau confeil & fe choifit des maitres habiles, fous lefquels il acquit rapidemenc des connoiflances politiques. La Régence conclut avec Louis XIV un traité qui renouvelloit les anciens. On efpéroit de jouir d'une paix durable; mais la Suede fe vit enveloppée dans les troubles qui vinrent encore agiter PEurope. Le jeune Monarque fongea a faire des alliances relatives a fes intéréts. II étoit attaché a PEleéteur de Brandenbourg; mais dés que celui-ci fe fut déclaré contre la France, Charles fe déclara contre lui. II fit en 1672 une irruption dans fes Etats; fon armée ayant franchi le paflage de Lockenitz, fe répandit dans le Brandenbourg, y fit plufieurs conquêtes, s'empara de toutes les places fortifiées, ménagea les campagnes, empêcha la dévaftation, & foumit tout fans rien détruire. (3) Déja ce jeune Prince qui ne triomphoit encore que par fes Généraux, annoncoit ce qu'il devoit être. „ Guerrier comme fes ancê„ tres, dit un des plus fameux écrivains, il fut plus abfolu qu'eux: il étoit „ frugal, vigilant, laborieux, tel qu'on 1'eüt aimé, fi fon defpotifme n'eut „ réduit les feminiens de fes fujets a la crainte." (4) Charles étoit fecondé par le Général Wrangel; malheureufement il tomba malade; les Géné- (1) Voyez rhift. de Pologne, fupra T. 41. p. 61. (2) Voyez ce traité dans la même hiftoire. ibid. p. 64 mte. (3) Voyez rhift. de Brandenbourg. fupra Tome 41. p. 25)0. (•4) Voltaire hift. de Charles XII, Liv. I. Tome XLIII. D Hift. de Suede. 1632-1718. Son éloge. Charles XI, Traite de paix d'Oli' va entre ia Suede & la Pologne; infuite avec le Dannemarck, la Hollande tflaRuJJie. i(56r. Traité d'alm liance avec la France. 1672. x Qualités de Marles.  Sect. VI. Hift. dc Snede. 1.632-1718. L't.ncisnne rivalité contre ia Suede fe rév-.ille. Les Suédois font battus, '674- Pertes des Suédois. 1676. Charles fe met o la tête des armées. ViBoire egale des deux cótés. 11 gagne celle de Landscroon. Valeur & fuccès de 'Charles. 96 HISTOIRE DU ROYAUME raux fubalteroes, ennemis les uns des autres, prétendant tous au commande-ment, traverfoient reciproquement leurs opérations; FEleéteur de Brandenbourg attaqua 1'armée Suédoife dans cette circonftance, & quoique celle-ci ent une meilleure artillerie, des foldats plus accoutumés a vaincre, & une pofition plus avantagcufe, elle perdit la bataille. (1) L'anciennc rivalité des nations ennemies de la Suede fe réveilla; la Hollande fit des préparatifs, les flottes Danoifes bloquerent les ports, & FEmpereur fit déclarer Charles XI a la diette de Ratisbonne, ennemi de 1'Empire; Lunebourg & Munfter fè joignirent a tous ces ennemis. Les feuls alliés de la Suede°étoient FEleéteur de Baviere & le Duc de Holftein. Heureufement la mort du Czar la délivra de fon ennemi le plus dangereux. On en vouloit furtout au Duché de Brême, que 1'Evêqu'e dc Munfter fe mit en tête de convertir a coups de fabre & de canon. II y envoya une armée de vingt mille hommes. Elle s'empara d'une partie du Duché; mais les Suédois qui vouloient le cornerver comme un paflage pour entrer dans celui d'Oldenbourg, chafierent les Munfteriens, & leur enleverent ce qu'ils avoient pris. Les Brandenbourgeois fe joignirent aux Danois dans la Poméranie, dont la conquête ne coüta qu'une campagne. Les Suédois perdirent 1'ifle de Gothland & deux batailles navales dans la mer Baltique: les Hollandois fous les ordres du célebre Tromp, & le Roi de Dannemarck fembloient menacer la Suede d'une invafion totale. Charles ne perdit point courage; les divifions du Sénat, contre lequel fes tuteurs lui avoient donné des impreffions, qu'il conferva toute fa vie, 1'avoient retenu au fein *de fes Etats. II fe mit a la tête de fon armée & fe inontra fur les frontieres: il tailla en pieces trois mille Danois commandés par Duncamp, prés de Helmftadr. II rencontra 1'armée Danoife entre POder & les murs de Lunden; Charles y développa des talens fupérieurs pour la guerre, il combattit avec le plus grand courage & conimanda avec la plus grande intelligence; Paile qu'il commandoit fut victorieufe, mais Paile que commandoit le Roi de Dannemarck triompha de fon cöté; la nuit fit ceffer un combat, dont chaque parti étoit en droit de s'attribucr la viétoire; égalité de pertes & d'avantages des deux cótés. La bataille de Landscroon fut plus décifive; elle compenfa la perte des deux batailles navales qui avoient fort affoibli Charles. II combattit dans cette aclion avec une valeur inoüie, il mit en déroute la gauche des Danois, tandis que la droite avoit la fupériorité; il s'y porta avec 1'artillerie qu'il leur avoit prife, & la forca de plier: il chargea treize fois, tua beaucoup d'ennemis & recut plufieurs coups dans fes armes. Cette viétoire & la valeur du Roi ranimerentle courage des Suédois: ils prirent Chriftianftadt en Scanie, & les Danois furent fouvent battus en Nonvege. Malgré les viétoires de Charles, il étoit impoflible qu'il fe fourint contre tant de forces réunies. Malheureufement Louis XIV, pour qui le Roi de Suede s'étoit engagé dans cette guerre, étoit dans Pimpoffibilité de lui envoyer des fecours. A peine avoit - il aflez de troupes pour lui - même, & fes finances étoient épuifées. (2) Louis fit fa paix avec la Hollande; on négocioit O) Voyez fTMoire de Brandenbourg. 'bid. p. ap*. (2} Voyez les Mémoires du lems & le flecle de Louis XIV par Voltaire,  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VI. *7 celle de la France avec 1'Empereur; mais Louis XIV ne vouloit donner les mains a aucun traité qu'on n'affurat a la Suede les pofleilions que le traité de Munfter lui afiuroit dans 1'Empire: FEleéteur de Brandenbourg & le Roi de Dannemarck offroient envain des avantages a la France pour la détacher de la Suede: enfin par le traité de St. Germain, auquel ceux de Weftphalie fervirent de bafe , on rétablit la paix entre les Rois de Dannemarck, FEleéteur de Brandenbourg & le Roi de Suede, auquel tout ce qu'il avoit avant la guerre fut rendu. Pour cimenter 1'union de la Suede avec lc Dannemarck, Charles épouia Ulrique Eiéonore, fille de Frédéric III :il profita de la paix pour rétablir les affaires de Pintérieur de 1'Etat, qui fe trouvoit épuifé par une guerre malheureufe. II convoqua a cet effet Faffemblée des Etats, & y fit propofer les articles fuïvans: i°. chercher les moyens de pourvoir a la füreté de 1'Etat par des alliances au dehors: 20. prendre des mefures pour rétablir les forces de mer cc pour entretenir une puiffante flotte: 30. renforcer les troupes de 'terra pour mettre les frontieres a 1'abri des infultes: 40. travailler a réformer les abus qui s'étoient glifies dans le gouvernement, & foulager le Royaume des charges & impofitions, que la guerre avoit entrainées. (1) II fut réfolu qu'on remettroit dans 1'efpace de deux ans, la flotte fur le pied oü elle étoit en 1664. La NoblefTe confentit qu'il feroit fait trois levées fur lespayfans, dans le cours des trois années fuivantes, s'il étoit néceffaire; que dix-huit maifons ou métairies, a raifon de dix écus chacune, entretiendroient un foldat pendant les deux premières années, & que pendant la troifieme, cet entretien rouleroit fur vingt maifons, a 1'exception des maifons des nobles & autres non taxées, depuis 163(5. On laifia a la difpofition du Roi d'entretenir un certain nombre de foldats fur les faóiorïes, les corps des chaflèurs, &c. La NoblefTe fe cotifa a raifon de cinq écus par chaque métairie,payables tous les ans a la St. Michel. On taxa, au payemenr du dixieme denier, ceux qui auroient quelque part fur les navires: on décida de rendre & reftituer au Roi les comtés & feigneuries allodiales, féodales, démembrées de la couronne devant. ou depuis Fannée 1604, ainfi que les maifons royales & nobles,avec leurs rentes détachées de la couronne depuis 1655. On adjugea au Roi les biens de Suede, de Finlande & des autres provinces du Royaume qui fe monteroient a plus de 600 écus, & on laiiïöit a la NoblefTe ceux qui fe trouveroient au defTous. Tous les différens ordres de 1'Etat, fans en excepter le Clergé, furent taxés pour les befoins & la défenfe de la patrie. (2) Le Roi, dont les vues tendoient au defpotifme & qui vouloit afföiblir Pautorité du Sénat, donna un édit, par lequel il déclara qu'il confentoit a gouvemer par les confeils du Sénat, mais que c'étoit a lui de juger quelles affaires il devóit communiquer aux Sénateurs: il leur défendit de prendre a 1'avenir le titre de confeillers du Royaume , & leur enjoignit de fe borner a celui de confeillers du Roi. II établit un tribunal, appellé la grande communion, pour faire rendre compte aux miniftres, officiers & a tous ceux qui avoient eu part aux affaires pendant fa minorité. Cette opération fit rentrer des fommes confidérables. Après ce premier pas, il crut pouvoir en hazarder un pius hardi. II convoqua les (O Introd. a 1'Hift. de 1'Univ. T. 4. L. 4. (2) Idem Ibidem. D 2 mji. de Suede. 1632-1718. 1670. Paix dl St. Germain, intre la Suede , le Dannemarck , Es?c ' 1680. Matiage dt Charles. Divers regiems ns pour le rétabliffemtnc des affaires & des finances. lölr. Edit qui reflreint Vaütmtidu SênaS. 1SS2.  Sect. VI. Hift. de Suede. 1632-1718 II affeUel pouvoir ab Jolu. 1683. 1685. Abus de c pouvoir. 16S6. Traité d'Altena. 1689. Repréfentations de la NobleJJe de Livonie traitèes de révolte. Patkul condamné. Mort du Roi. 1697. Ses qua,* Utés. (O Introd. h 1'Hift. de 1'Univ. T. 4. L. 4. (2) Voyez 1'hift. ds Charles XII &. Ia fin tragique de Patkul, ci-après. (3) Hift. de 1'Emp. de Ruflie fous Pierre le Grand;, I Part. Chap. XI. 28 HISTOIRE DU ROYAUME Etats, & il y fit décider qu'il auroit 1'autorité de terminer les affaires feui & comme il le jugeroit a propos. C'étoit lui donner une autorité abfolue & indépendantc. ) 11 travailla d'abord a afTurer le repos de 1'Etat, en renouvellant le traité »d'alliance défenfive conclu depuis deux ans avec les Provinces - Unies, & en • terminant toutes les anciennes difcuflions entre la Suede & la Mofcovie. Le premier abus qu'il fit de 1'autorité abfolue, fut de doubler la valeur repréfentative de la monnoye d'argent & de cuivre, fans doubler la valeur intrin; feque: ainfi le capital des dettes fut diminué de moitié ; les intéréts déja payés, comptés fur le pied de cette augmentation, & dont on forma un capital imaginaire, qu'on chargea d'intérêts onéreux, qui rendirent les créanciers de la couronne fes débiteurs; ce qui étoit bien pire qu'une banqueroute déclarée. La paix fut encore fur le point d'être rompue entre le Dannemarck & la Suede, par uh différend qui s'éleva entre Ia branche de la maifon Royale de Dannemarck & la branche de Holfiein alliée a la Suede. Cette querelle eut eu des fuites facheufes, fi 1'Empereur & les Electeurs de Saxe & de Brandenbourg n'eulfent rétabli la paix du Nord par le traité d'Altena. II y eut dans la fuite trois traités d'alliance confécutifs entre la Suede & le Dannemarck. (1) La NoblefTe de Livonie, que Ia commiffion établie pour la réduclion des biens ruinoit, nomma une députation pour repréfenter fes privileges. Le feul mot de privilege, eft un crime aux yeux de 1'autorité abfolue; on ne daigna point écouter les députés. Les Etats de la province engagerent Patkul a dreflër un mémoire, dans lequel il fit une peinture touchante de la mifere oü toute la Nobleflè étoit réduite. Les mêmes députés le préfentcrent; ils furent traités en criminels de Leze - Majeflé; & Patkul condamné a avoir le poing coupé & a perdre 1'honneur & la vie, échappa au fupplice. par une prompte fuite. (2} Charles fit des loix trés fages en faveur du commerce: il travailloit au rétablifTement de la paix entre la France, 1'Empire & la Hollande: dans les. aflèmblées de Ryswick, la médiation du Roi de Suede avoit déja fait des progrès fur les efprits, lorfqu'il fut attaqué d'une maladie dont il mourut le 15 Avril, quatre ans après la mort de fon époufe: ils avoient eu plufieurs enfans; Edwige Sophie Eléonore, née le 26 Juin 1681, qui époufa en 1698 le Duc de Holfiein Gottorp; Charles, né le 17 Juin 1682; Guftave, le 4 Juin 1683; Ulric, en Aoüt 1684; ces deux derniers moururent la même année; Charles Guftave, né le 17 Décembre 1686, mort le 1 Février 1687; Ulrique Eléonore,née le 23 Février 1688 & qui regna après Charles XII. Charles XI nomma la Reine Douairière Régente, avec un confeil de cinq Sénateurs. Ce Prince étoit familier avec le peuple & peu fier avec les grands; il étoit peu éloquent, mais il s'entendoit parfaitement a négocier, paree qu'il n'avoit befoin que de réfléchir. M. de Voltaire (3) attribue a Pabus du pouvoir fuprême dans Charles XI, les révolutions qui  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VI. arriverent de 1'Ingrie jufques a Dresde. „ Prefque toute la Livonie, ditil, „ avec FEftonie entiere,avoit été abandonnée par la Pologne au Roi de Sue„ de Charles XI, fous la réferve de tous fes privileges; Charles les refpecta „ peu. Le traitement fait aux députés de Livonie & a Patkul fut caufe „ que celui - ci fit connoitre a Augufte Elecfeur de Saxe les moyens de re„ prendre la Livonie." Charles XII fut proclamé Roi dès le lendemain de la mort de fon pere; il avoit quinze ans: dès fa jeuneflè il annonca cette avidité de gloire qui fait les héros; a Pagfr de fept ans il favoit manier un cheval; il aimoit les exercices violens, qui formerent fon tempérament; la première langue qu'il apprit, fut 1'allemand. Pour lui faire apprendre le latin, on lui dit que le Roi de Dannemarck & celui de Pologne le parloient: on fe fervit du même moyen pour lui faire apprendre le franfois. De tous les grands hommes dont on Pavoit entretenu, ou dont il avoit lu 1'hiftoire, Alexandre fut toujours celui qu'il préféra & -auquel il defiroit le plus de refiembler. En montant fur le tröne, fes Etats embrafToient, outre la Suede, & la Finlande, la Livonie , la Carélie, 1'Ingrie, Wismar, Wibourg, les ifles de Rugen, d'Oefel, la plus belle partie de la Poméranie, le Duché de Brême & de Verden. Charles XI avoit prolongé la minorité de fon fils jufques a 17 ans, au lieu que les loix de Suede fixoient a quinze la majorité de fes Rois. La Régente efpéroit de regner encore plus longtems fous le nom de fon petit-fils; mais il brüloit de regner par lui-même; il ouvrit fon cceur au Comte Piper , Confeiller d'Etat: celui - ci par le moyen d'Axel Sparre, qui s'empara de Pefprit des autres Confeillers de Régence, lui fit déferer le gouvernement & abdiquer la Reine; a fon couronnement il ne recut pas, mais il arracha la couronne des mains dc 1'Archevêque d'Upfal en le regardant fiérement. II donna toute fa confiance a Piper, qu'il fit Comte. (1) Frédéric IV Roi de Dannemarck, Augufte Eleéteur de Saxe, Roi de Pologne, & Pierre I, Czar de Moscovie, fe déclarerent contre le jeune Monarque; le premier paree que Charles protégeoit le Duc de Holfiein fon beaufrere, opprimé par Frédéric; les Danois fe liguerent fecrétement avec le fecond, qui fit une irruption en Livonie, fans avoir déclaré la guerre a la Suede : ce fut Patkul qui lui préfenta cette conquête comme trés facile, dans 1'état d'oppreffion & de défefpoir, ou 1'édit de liquidation de Charles XI avoit jetté les Livoniens. Le troifieme étoit le plus redoutable de tous; Pierre le Grand s'étoit rendu célebre par la bataille qu'il avoit gagnée fur les Turcs & par la prife d'Afoph, mais encore plus par le projet qu'il avoit formé d'adoucir & de changer les mceurs de fon peuple, après avoir fenti la néceffité d'adoucir les fiennes & y être parvenu. (2) Le Czar crut que la guerre contre la Suede lui faciliteroit le moyen de s'emparer de 1'Ingrie dont il avoit befoin, & de former un port a Porient de la mer Baltique, nécefiaire a fes vaftes projets: dans cette vue il fe ligua avec Augufte & les Danois. La Suede étoit conflernée de cette ligue;. fes grands Généraux étoient morts; le (1) Voltaire hift. de Charles XII, part, I. (2) Voyez 1'hift. de Ruftte dans cet ouvrage, fupr. T. 42. p. 285 &c. & 1'hift. de 1'Empire de Ruflie fous Pierre le Grand, pa: Voltaire. Hift. de Charles XII, par le même, part. I. Hift. de Suede. 1(132-1718. Charles XII. Ses dif[.&* tions. Sa minori' té alrégée. Ses enne* mis. Frédéric IV, Roi de Dannemirck. Auguftey Eletieur ■le Saxe. Pierre le Grand-  3 HISTOIRE, DU ROYAUME Sect. VI. Hift. de Suede. 1632-1718. Le caraüere de Charles fe dévekppe. II envoye des fecours au Duc de Holfiein. 170c 1'art de Stockholm, 11 defcend en Dannemarck. 11 rétaMH le Duc de Holfiein. Et termine la gueire en Jix femahits. Roi n'avoit encore donné que peu d'efpérance; mais fon caraftere fe manifefta, le Confeil délibéroit d'écarter 1'orage qui menagoit la Suede par ia voie des traités: le jeune Prince fe leve. „ Meflieurs," dit-il avec une fierté a laqueile on ne s'attendoic pas, „ j'ai réfolu de ne jamais faire une guerre in„ jufte,mais de n'en finir une légitime que par la perte de mes ennemis. Ma „ réfolution eft prife: j'irai attaquer le premier qui fe déclarera; &quand je „ Paurai vaincu, j'efpere faire quelque peur aux autres." (1) Dès ce moment il prit cette maniere de vivre fobre & rigoureufe qu'il ne quitta qu'avec la vie, renoncant aux plaifirs les plus innocens 6k a toute autre paffion qu'a celle de la gloire. II cnvoya huit mille hommes en Poméranie, au fecours du Duc de Holfiein, dont les Danois ravageoient les Etats;ils s'étoient emparés de Gottorp & affiégeoient Tonningue. Les Saxons, les troupes de Brandenbourg,de Wolfenbutel, de Hefiè-CafTel, alloient joindre les Danois. Les troupes de Hanover, de Zeil, trois Régimens de Hollande devoient s'unir aux Suédois, tandis que deux efcadres, Pune d'Angleterre & Pautre de Hollande, entroient dans la mer Baltique pour fecourir le Duc de Holfiein, conformément au traité d'Altena. Le Roi partit de Stockholm (oü il ne revint jamais) Ie 8 Mai 1700: fa flotte étoit de quarante - trois vaiflèaux & celui qu'il montoit de 120 pieces de canon: il joignit les efcadres des alliés; la flotte Dannife cvita le cómbat, & les trois flottes s'approcherent afiez prés de Coppenhague pour y jetter quelques bombes. Charles propofa d'aiïiégcr cette ville par terre, tandis qu'il la tiendroit bloquée par mer; la defcente fut faite a la vue des habitans confternés de Pïnaction de leur flotte; le Roi defcendit le premier, s'élanca de la chaloupe dans la mer, 1'épée a la main, ayant de Peau jufqu'au deflus'de la ceinture; il eft fuivi de Piper, de 1'Ambafïadeur de France, qui étoient avec lui, des officiers, des foldats, & tous marchent au rivage: les Danois abandonnent leurs retranchemens, dont Charles s'empare; Coppenhague envoye des députés, pour prier le Roi de ne pas bombarder cette ville; le Roi ëxigé quatre cents mille rixdalers, & qu'on voiture au camp toute forte de provifions: ces provifions font exadtement payées par les foldats. Charles fit dire au Roi qui étoit dans le Holftein, qu'il ne faifoit la guerre que pour Pobliger a faire la paix, qu'il n'avoit qu'a fe réfoudre a rendre juftice au Duc ou a voir Coppenhague détruite & fon Royaume mis a feu & a fang. On afTcmble un congrès, Charles preflè les Miniftres de prendre un parti, & le Duc de Holftein eft rétabli dans fes Etats & indemnifé de tous les frais de la guerre, qui fut terminée par un Prince de dix-huit ans, en moins de fix femaines. (2) Le Roi de Pologne inveftiflbit Riga, capitale de la Livonie, & le Czar s'avancoit du cöté de Porient a la tête de cent mille hommes; le vieux Comte de Dalberg défendoit la ville contre 1'armée des Saxons: Augufte leva le iiege. Charles dirigea tous fes efforts contre le Czar, il apprit que Pierre faifoit le fiege de Narva, il s'embarqua dans le tems le plus rigoureux de Phiver a Carelskroon, débarqua ii Pernaw avec huit mille Suédois,- tandis que le refte de 1'armée débarquoit a Revel. Le Baron de Horn défendoit Nar- (j) Hift. de Charles XII par Voltaire,Liv. II. (8) Voltaire Ibid,  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VI. s ' va avec mille hommes, contre une armée de quatre - vingts mille & cent cinquante pieces de canon. Charles qui avoit débarqué a Pernaw, précipita fa marche avec quatre mille hommes. d'infanixTie & ia cavalerie qui étoit d'autant; il forca les paffages & les défilés que le Czar faifoit garder, & parut a la vue du camp des ■lYJoseovitcs: (r) il rangea fa petite armée en bataille, commenca 1'attaque a deux heures après-midi; en moins d'un quart- d'heurc le foflë fut comblé & les retranchemens forcés. (2) Le Roi pourfuit la droite des ennemis jufques a la rivicre de Narva; le pont rompit fous les fa» yards, & la riviere fut en un moment couverte de morts; quelques-uns réi vinrent a. leur camp & fe défendirent quelque tems; mais leurs officiers vinrent mettre leurs armes aux pieds du Roi; le Général, un moment après, vient fe rendre. Le Roi les recut avec bonté; il ne retint que les Généraux & fournit aux officiers fubalternes & aux foldats defarmés, des vaiffeaux pour les conduire au-dela de la riviere. La nuit s'approchoit, la droite des Moscovites fe défendoit encore, dix - huit mille Moscovites avoient été tués dans leurs retranchemens, un grand nombre étoit noyé; le Roi s'empara de 1'artiilerie, fe pofta entre le camp & la ville, prit quelques heures de repos, en attendant le jour pour fondre fur Paile gauche,, il fut é'veiüé a deux heures dnmatin, par un aidc- de-camp du Général, qui envoya dire a Charles qu'il lè rendoit, & qu'il le prioit de lui accorder la même grace qu'il avoit accordée aux autres Généraux; Charles lui fit dire de s'approcher a la tête de fes troupes & de mettre armes bas, ce qui fut exécuté, (3) mais Charles ne retint aucun foldat. 11 entra dans Narva accompagné du Duc de Croy, Général de Farméc Moscovite & des autres Généraux prifonniers. Le Czar n'étoit point a cette bataille, il avoit quitté fon armée pour aller au devant de trente mille hommes qu'il faifoit venir de Pleskow; faute impardonnable dans cette circonftance. Le Roi de Suede prit fes quartiers d'hiver a Laïs; au printems il fe mit en campagne. On reproche a Charles d'avoir marché contre les Saxons , au lieu de pourfuivre les Moscovites effiayés; (4) mais il favoit qu'Augufle & le Czar venoient de fe lier par un traité, dans lequel Augufte s'engageoi't de fournir au Czar cinquante mille hommes de troupes Alleinandes, que ce dernier foudoyeroit, & Pierre devoit envoyer cinquante mille Rulles en Pologne, pour y apprendre Part de la guerre. Le Roi de Suede voulut empê-cher 1'efïèt de ce traité: il marche cn Livonie du cöté de Riga; il y trouve les Saxons retranchés fur le bord de la Dwina; Charles avoit fait conftruire de grands bateaux de fon invention, dont les bords plus hauts qu'a 1'ordinaire fe levoient ou fe baifibient comme des ponts-levis; en fe levant ils couvroient les troupes qu'ils portoient, en fe baifiant ils fervoient au débarquement. Charles fe fervit encore d'une autre rufe , il fit mettre le feu a quantité de pailie mouillée, & le vent qui fouffloit du nord au fud, oü étoient les ennemis, poufToit vers eux la fumée, qui couvroit la riviere & leur déro- (1) Le continuateur de Puffendorf donneaentendre que Charles y étoit avec toute fon armée, qui étoit de vingt mille hommes. T. 4. L. 4. Ch. XI. Nous avons fuivi M. de Voltaire, qui affure fur de bons garans que Ie héros Suédois n'avoit que 8000 hommes. (2) M. de Voltaire dit que ce fut après un combat de trois heures. (3) Voltaire Ibid, Nouj fupprimons plufieurs détails. (4) Introd. a 1'hift. de l'Univ. L. 4. Ch. 4, Hifi. de Suede. 1632-1718. Sitge de N.irva. Bataille de Narva ga-' gnit par huit müt ÜUideis. 1701. Charles marche coktre les Saxons, Pajfage de la Dviiatt  Sest> VI. Hift. de Suede. 1632-1718. Bataille de la Dwina, 11 ferme le projet dl dètróner le Roi de Pologne.1702. Sesfuccès £? fes viétoire s en Pologne. Une Mte de cheval lui cajje la cuijje. 32. HISTOIRE DU ROYAUME boit Ia vue de fes troupes; ala faveur de ce nuage, il fit avancer des barques remplies de cette même paille, qui groffiflant le nuage favorifa le paflage, qui s'exécuta en un quart-d'heure: dès qu'il eut pris terre, il range fes troupes en bataille, force cinq redoutes, deux grands épaulemens, huit retranchemens, derrière lefquels les Saxons fe retiroient, les chafïè de leurs poftes & leur tue ou fait prifonniers trois mille cinq eens hommes. Cette défaite des Saxons fut fuivie de la conquête de la Courlande, & Augufte fe retira en Pologne avec ce qui lui reftoit de troupes. (1) Charles réfolut de Py fuivre & de forcer la République a lui öter la Couronne; il forma ce projet a Birzen en Lithuanie, oü il étoit entré. Les Polonois desapprouvoient cette guerre; li elle étoit malheureufe, ils voyoient leur pays qui eft ouvert de tous cötés en proie au Roi de Suede: fi elle étoit heureufe, ils voyoient leur République fubjuguée par leur Roi qui 1'enclaveroit entre la Saxe & la Livonie. C'étoit donc fur le mécontentement des Polonois que Charles fe fondoit. Nous ne fuivrons pas 1'hiftoire du détrönement d'Augufte ; on en trouvera ailleurs les détails. (2) Charles marcha vers la Pologne; quelques moyens qu'Augufte eut employés pour 1'empêcher d'y entrer, il pafla en Samogitie, défit les troupes du Prince Wienowiski, & dévanca les Ambaffadeurs de la République qu'il rencontra a feize lieues de Warfovie. Le Roi les recut dans fa tente, & n'a3rant pu rien conclure Charles leur fit entendre qu'il leur déclareroit fes intentions a Warfovie; (3) il publia un manifefte, par lequel il invitoit les Polonois a joindre leur vengeance a la fienne & s'cfforcoit de leur perfuader que leurs intéréts & les fiens étoient les mêmes. Augufte a 1'approche des Suédois fe retira a Cracovie. Charles fe préfenta devant Warfovie, qui lui ouvrit fes portes. Le Cardinal Primat, ennemi d'Augufte, alla le trouver fous prétexte de ménager un accommodement avec le Roi de Suede; Augufte le chargea d'entamer la négociation, & le Cardinal ne profita de fon entrevue avec le Roi de Suede, que pour concerter les moyens de détróncr le Roi de Pologne. II fut réfolu, pour détacher les Palatins des intéréts de leur Roi, que Charles déferoit les troupes Sax onnes. Ce Prince marcha vers Cracovie, il attaqua les Saxons avec une armée fort inférieure & fatiguée: les Saxons fe défendirent avec courage, mais après un combat opiniatre & fanglant ils furent obligés de plier; ils abandonnerent le champ de bataille & perdirent quatre mille hommes, leur bagage, 1'artillerie & deux mille prifonniers. (4) Charles marcha a Cracovie & s'en rendit maïtre; Augufte n'avoit ofé 1'y attendre; le Roi de Suede alloit pourfuivre les Saxons; mais fon cheval s'étant abattu, il eut une cuifie cafiee. Augufte profita de cette circonftance, aiTembla une Diette a Sendomir, qui lui fut favorable; mais toute la Pologne ne penfoit pas de même. Cependant on envoya faire des propofitions de paix a Charles; mais il refufa de donner audience aux députés. Au (1) Introd. k 1'hift. de 1'Univ. L. 4. Ch. 4. Voyez les détails dans Voltaire, hift. de Charles XII. (2) Voyez notre Hift. de Pologne, T. 41 p. 83 &c. (3) Voyez 1'hiftoire de Pologne ibid. & 1'hiftoire de Charles XII. par Volt. L. 2 & 3. (4) Introd. k 1'hift. de 1'Univers L, 4. Voltaire ne dit ni le nombre des mons, ni celui des prifonniers.  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VI. Au commencement du printems, les années fe mirent en marche: celle de Snede alla camper a Prague, & envoya des détachemens foumettre quelques Palatinats. Les Polonois ne pouvoient pourtant pas fe réfoudre a détröner Augufte: Charles s'impatienta de leurs lenteurs; pour éerafer enticrement 1'armée Saxonne & fe ménager la communication libre avec Dantzick, il bloqua Thom;en attendant qu'il eut recu Partillerie qu'on lui envoyoit de Suede , il faifoit preflèr la Dictte par le Comte Piper, qui demandoit une explication pofitive. Thorn capitula a la première attaque: avant la prife Charles avoit rcjetté la propofition qu'Augufte lui avoit faite de lui remettre la place, a condition qu'il lui feroit permis d'en retirer la garnifon Saxotme j Charles lui fit dire qu'il n'affiégeoit cette ville que pour fe rendre nuitre des troupes qui la défendoient. II fit un traité avec FEleéteur de'Brandenbourg, qui s'engagea a fe déclarer contre les Polonois, s'ils n'abandonnoient point lc parti du Roi. Enfin par les intrigucs du Cardinal Primat & la fermeté de Charles, la Dictte convoquée a Warfovie, déclara le tröne vacant & Augufte, Eleéteur de Saxe, inhabile a' porter la Couronne de Pologne: ce fut le Cardinal Primat, qui fit cette déclaration. La Diette & Charles vouloient donncr la Couronne aJacques Sobïeski, fils du dernier Roi; mais Augufte 1'avoit fait eniever avec le Prince Conftantin fon fecond frere & conduire fecretement a Leipfick. Piper propofa a Charles de garder cette Couronne pour lui. Charles lui répondit qu'il étoit plus flatteur de donner que de recevoir des Royaumes. Alexandre, frere des deux Sobieski, vint demander a Charles vengeance de leur enlevement: Charles lui offrit lc tröne; il le refufa:le Comte Piper, & Staniflas Leczinski, Palatin de Pofnanie, preflerent le jeune Prince dc 1'accepter; mais il protefta que rien ne pourroit 1'engager a profiter du malheur de fon ainé. (i) Charles pour tranquilifcr les Polonois, a qui les contributions que levoient les Suédois déplaifoient, & qui craignoient d'ailleurs que Charles ne voulüt démembrer quelque province de la République, promit dc ne rien cnhver a la Pologne, de retirer fes troupes & de prêter cinq eens mille écus pour 1'entretien de 1'armée de la Couronne, auffitöt que lc nouveau Roi feroit élu & couronné. (2) 11 s'obligea de remettre aux Conféderés les conquêtes qu'on feroit, en cas que la République joignit fes troupes aux Hennes. II ceffa dc prendre des contributions, des Palatinats de la Confédération de Warfovie. Enfin Leczinski, Palatjn de Pofnanie, fils du Grand Tréforier de la Couronne,fut élu; Charles prit fes intéréts & ils fe liguerent enfemble contre Augufte. Staniflas avoit frappé le Roi de Suede par fa douceur, ion efprit & fa franchife: il s'informa de fon caractcre & fes qualités fe trouverent telles que Charles le defiroit dans celui qui feroit élu; & il donna ordre au Primat, qui vouloit faire tomber la Couronne a un Lubomirski, de faire élire Staniflas Leczinski. (3) Le Roi de Suede avoit donné rendez-vous a fon armée devant Léopold, place importante & qui renfermoit de grandes richeffes: en vingt - quatre heures elle fut prife d'affaut; tout ce qui réfifta fut palTé au fll de 1'épée; mais (O Voltaire Hift. de Charles XII. (2) Intr. a 1'Hift. de I'UniT. T. 4. L. 4. (3) Supra Tom. 42. p. 84. Tome XL11L E Mijl. de Snede. 1632-171Ü. 1703. 11 s'empan til Thorn. i7«4. li force les Polonoii a priver Au* gufle du trine. Il refufe li Couronne. II fait élire Stanislns Leczinski.  Sect. VI. Hift. de Suede. 1632-1718. Augufte p'-rott 4 Warjovie. Staniflas Je reiiie. 1705. Conquêtes du Czar en Livonie. nc6. Les armées dAugufte & du C'Z'tr dijjipées par kt iuédois. 1 34 HISTOIRE DU ROYAUME le foldarne courut point au pillage. Charles fit publier que les habkans, qui auroicnt des effets au Roi Augufte ou a fes adhérens, les apportafïènt euxmémes avant la fin du jour, fous peine de la vie, & quatre cents caiflès remplies d'or, dargent, de vaiflèlle & de chofes précieufes, lui furent remifes. (1) Le nouveau Roi de Pologne avoit été obligé de demeurer quelques jours a Warfovie avant d'aller joindre le Roi de Suede; il n'avoit avec lui que fix mille foldats de 1'armée de la couronne & quinze cents Suédois fous les ordres de Horn, lorfqu'Augufte fe fait voir aux environs de Warfovie avec une armée nombreufe. Staniflas envoye fa familie en Pofnanie: il crut, dit Voltaire, avoir pcrdu fa feconde filie, depuis Reine de France, alors agée d'un an: il la retrouva dans une auge d'écurie d'un village voifin , oü fa nourrice 1'avoit abandonné.e dans ce defordre. Staniflas alla joindre Charles, qui cherchoit Augufte & fon armée; tout fuyoit ou plioit devant lui; Schullenbourg dérobe des marches a Charles, paffe des défilés & conduit 1'armée Saxonne dans le Palatinat de Pofnanie; il y eft joint par Charles & Staniflas: il fe retranche & fe retire en bon ordre au milieu de la nuit avec cinq bleffüres; il eft fuivi a travers les bois; Schullenbourg paffe la riviere de Parts; la cavalerie Suédoife la paffe après lui, & Schullenbourg enfermé entre cette riviere & POder franchit ce fleuve & fauve 1'armée. Charles eft le premier a applaudir a fon courage & a fon habileté. (2) Augufte avoit conclu un traité avec le Czar; mais les avantages que Charles remporta fur les Sax ons & les Moscovites, forcerent Augufte de fe retirer en Saxe. Cependant le Czar avoit communiqué a fes Généraux, les connoifiances qu'il avoit acquifes dans Part militaire, & fes troupes eommengoient a les mettre a profit. (3) Pendant que Charles triomphoit en Pologne & en Saxe, Pierre le Grand remportoit en Livonie des avantages fur les Généraux Suédois ;il établifioit une bonne difcipline, avoit de bons ingénieurs, de bons officiers & une artillerie bien fervie. II avoit affiégé & pris Nerva, malgré le Comte de Horn, qui la défendit avec vigueur; les Ruffes coururent au pillage: le Czar arrêtoit le defordre & le maffacre, tuant de fa propre main les pÜlards qui refufoient de lui obéir; il en tra dans 1'hötel de ville & pofant fon épée fanglante fur une table: „ ce n'eft point," dit - il aux Magiftrats, „ du fang des habitans que cette épée eft teinte, mais'de celui ,, des Moscovices, que j'ai répandu pour fauver vos vies. " (4) Pierre fecondoit Augufte. Ils avoient eu une entrevue a Grodno; le Czar lui avoit amené une armée'de foixante-dix mille hommes, qui fe divifant en plufieurs petits corps, brüloient & ravageoient les terres des partifans de Staniflas, tandis que Schullenbourg avec la fienne s'avanca d'un a'utre cóté; mais les Suédois diffiperent ces armées en moins de deux mois,' Charles & Staniflas attaquoient ces corps féparés & les battoknt 1'un après 1'autre. Un parti Suédois prit le bagage d'Augufte, oü il y avoit deux cents mille écus d'argent; Staniflas faifit huit cents mille ducats au Prince MenzikofF: les Mo.-covites -éduits a un petit nombre, fe fauvoient au - dela du Borifthene. (5) Pendant zette courfe de Charles, Schullenbourg a la tête de vingt mille Sax ons, vint CO Voltaire hift. de Charles XII. L. 3. (2) Idem Ibidem. (3) Hift'. du Czar lerre I. Arnft.. T. 2. (4) Voltaire Lift. de Charles XII. L. 3. (5; Idem Ibidem.  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VL 35 préfénter la bataille h Renfchild,_qui n'avoit que moitié moins de monde. Le combat ne dura pas un quart-d'heure; les Saxons ne réfiflcrent point,' lept mille Moscovites qui pafïöient pour trés difcipiinés, prirent la fuite. La déroute fut fi générale, qu'on trouva fept mille fufils tout chargés fur'le champ de bataille. Un régiment francois tout entier, qui ayant été pris a la bataille d'Hochfiedt, étoit entré au fervice de Saxe, fur fait prifonnier & demanda a palier au fervice de Charles XII qui le recut. Augulle fans reffource, s'étoit enfermé dans Cracovie avec deux régimens Moscovites & deux régimens Saxons, lorfqu'il apprit que Charles étoit en Saxe. II étoit entré en Allemagne, avoit traverfé la Siléfie fans dai mer en avertir la Cour de Vienne; la Diette de Pvatisbonne 1'avoit déclaré ennemi de 1'Empire, s'il pafföit avec fon armée en-deca de 1'Oder; il n'en prit pas moins fon camp prés de Lutzen, oü il aha voir la place oü le Grand Guitave avoit été tué: fat tdché, dit Charles, d? vivre comme lui; fefpere que Dieu m.accordeva une mort auffi glorieuje. Enfin entré dans la Saxe "il n'y fit point de dégats, mais y mit de fortes contributions. Augufte dépóuillé de fes propres Etats, demanda la paix a 1'infcu du Czar, qui 1'auroit puni de cette démarche; il écrivit de fa propre main a Charles XII, qui confentit a la paix, a condition qu'Augulte renonceroit pour jamais a la couronne de Pologne, qu'il reconnoïtroit Staniflas pour légitime Roi, qü'il promettroit de ne jamais fonger a remonter fur le tröne, qu'il renonceroit a tous autres traités, & particulierement a ceux qu'il avoit faits avec laRuffie; qu'il lui renverroit avec honneur les Princes Sobiesky & les prifonniers; enfin qu'il lui livreroit les déferteurs & nomraément Jean Patkul. Dans 1'intervalle Menzikoff amena a Augufte une armée de trente mille RulTes & le preflbit de combattre Meyerfeld, Général Suédois, qui étoit a Calish avec dix mille Suédois; Augufte n'ofa ni refufer ni accepter; il fit avertir Meyerfeld des négociations de paix; Meyerfeld prend cet avis'pour un piege ,& attaque lesRuflès, qui font vainqueurs. Augufte rentre dans Warfovie ; il venoit de faire chanter le Te Deum, lorfqu'on lui apporte les propofitions de Charles ,qui ayant appris le fuccès d'Augufle n'en eft que plus in-' flexible fur fes propofitions. Augufte figna les conditions & vint lui-même , dans le camp de Charles, qui 1'obligea d'écrire a Staniflas pour le féliciter fur ! fon avenement a la couronne. II fut obligé de livrer Patkul, qui alors étoit Ambafladeur du Czar auprès d'Augufte. Celui-ci 1'avoit fait arrêter quelquc tems auparavant h Dresde, paree que ce Miniftre fut foupconné de ménager un accommodement entre le Czar & le Roi de Suede, pour prévenir celui que le Général Flemming & le Chancelier de Suede fe propofoient de négöcier entre le Roi de Suede & Augufte. Patkul livré contre le droit des gens lut conduit au camp d'Altranftadt, oü il demeura trois mois, attaché a un , poteau avec une groffe chaïne de fcr; il fut enfuite jngé par un confeil de guerre,condamné a être rompu vif & a être écartelé. II' fut livré au fupplice fans pitié. Cet aéte de cruauté nuit a la réputation de Charles, fj) Le Czar, pour fevengcr de 1'outrage qu'il avoit recu dans la perfonnede fon Ambafladeur & du traité fait par Augufte,entre en Pologne, malgré le Général (O Voyez les réflexions de Voltaire fur cet événement, hifi. de Charles XII. E 2 Hifi. de Sue ie. 1632-171??, Charles entre en Saxt. Conil il iptis \ue Charles met a la paix, yhigu/fi eronr.ait )tanifl:is. Patkul eft ompu.  SteCf. VI. Hift. de Suede. 1632-171R. IJ07. Staniflas revient tn Poiogne. Charles fait flier l'Em psreur. Charles feul •va a Diesde vair Au gujle. T7C8. II entreprcnd de porter la gutrre au ctntre /ie la Mojcowe. (O Voltaire hift de Charles XII. Liv. 3. (2) introd. a l'Hïft. de i'Univ. Liv. 4. Voltaire hift. de Charles XII. Liv. 4. 3 tranchemens; & lorsqu'ils furent faits, il fe mit a jouer aux échecs avec Grot- rt hufen: Fabrice Envoyé de Holftein, logé dans un petit village voifin &Jeffrey Envoyé d'Angleterre, réfolurent d'accommoder cette querelle. Ils dirent au Pacha que leRoi avoit des foupcons de 1'intelligence de Flemming avec le Kam des Tartares; mais le Pacha le diffuada;'celui-ci envoya a Andrinople ou étoit 1'Empereur, pour avoir fes derniers ordres au fujet de Paflaur qu'on étoit décidé de donncr a la maifon du Roi. Fabrice profita de cet intervalle pour conjurer le Roi de Suede de ne pas expofer une vie auffi précieufc. Charles demanda feulemcnt de n'cmployer fa médiation que pour lui faire avoir des vivres, & Fabrice 1'obtint aifément. On apporta 1'ordre du Grand-Seigneur, de paffer au fil de Pépée tout Suédois qui faifoit la moindre réfiftance, füt-ce le Roi même. Fabrice alla encore fe jetter aux pieds de Charles, qui prétendant toujours que les ordres étoient fuppofés, refufa conftamment de partir: „ Hls mattaquent", ajoutat-il, „ je faurai bien me défendre". Ses domeftiques, fes chapelains étoient a fes pieds & fondoient en larmes; les Généraux Hord & Daldorff lui montroient leurs poitrines coiivertes de bleftures & le fupplioient de les conferver pour une meilleure occafion: Charles fut inflexible. II fallut obéir. II affigna fon pofte a chacun; cleres, chapelains, palfreniers, cuifiniers, tout étoit foldat. (3) Les Turcs & les Tartares, avec dix pieces de canon & (1) La bourfe eft de 500 éciu. (2) Voltaire hift. de Charles XII. f3$ Idem ibidem, Liv. 6. F 2 f. de de. 3-1718. ;7i2. irlss dg' nieune \it pour corri' •ntr. 1 veut le 're partir r force. 1713. Charles fe tranche.  44 HISTOIRE DU ROYAUME Sec*. VI. Hift. de Snede. 1632-1718. II fgutient tin fiege 'dansja maifon , avec vingt perJonnes. Il tut 100 JaniJJaires. II eft fait pijonnier. Staniflas • ii Bender. \ deux mortiers, venoient attaquer Charles, qui fort fans armes, parle aux Janiflaires dont il étoit aimé, demande une fufpenfion d'armes de trois jours, & les Janiflaires menacent de fe jetter fur leurs chefs, s'ils attaquent le Roi avant 1'expiration de la trêve. Soixante d'entr'eux al leren t le lendemain a fon camp, fans autres armes que des batons, pour lui offrir de le conduire a Andrinople; en même tems il recut des lettres de Poniatowsky, qui lui marquoit que les ordres du Sultan n'étoient que trop réels, qu'il lui confeilloit de céder: mais rien de tont scela ne put le fléchir, il recut mal la propofition des Janiflaires, qui fe retirerent en s'écriant: ah! la tête de fer, puisqifil vent périr, qu'ilpérijjè. On attaque les retranchemens; a peins fes 300 foldats eurent-ils le tems de tirer 1'épée & font faits prifonniers: il vcut Ié renfermer dans la maifon avec en tout vingt perfonnes; lapone étoit afiiégée de Janiflaires; qoo Turcs ou Tartares étoient entrés par une fenêtre. Les Janiflaires fe jettent fur lui; il bleflè ou tue tout ce qui s'approche: il cut un bout d'oreille emporté d'une balie & fon bonnet fendu par un coup de fabre: il reftoit une falie oü fes domefliques fe défendoient; il s'y jette avec fa petite troupe, ouvre la porte qui donnoit dans fon appartement & fait feu fur les Tartares, qui eftïayés jettent leur butin & fe fauvent par la fenêtre ou dans les cavcs; Charles avec les flens tuant, maflacrant tout ce qui réfifle, nettoye la maifon en moins d'un quart-d'heure. On tire par les fenêtres fur la multitude ; 200 Janiflaires font tués. LeKam St le Bacha honteux de perdre taut de monde contre un feul homme, font lancer des fleches enflammécs fur la maifon, & le tok eft en feu; la maifon brüle déja: un garde propofe de fe rendre: Charles lui demande s'il croit plus beau d'être prifonnier, que d'être brülé? Un autrè propofe de gagner la maifon de la chancelleric, dont le toït eft de pierre: Charles 1'embrafle, le' foit Colonel, & fuit fon avis. La petite troupe fort de Ia maifon embrafée, fait reeuier les Turcs plus de 50 pas: mais ils fe rallient & entourent la petite troupe; le Roi tombe embarrafle dans fes épcrons: les Janiflaires 1'enlevent & 1'emportent ehez le Pacha; ne leur montrant aucune colere, il leur fourioit: tous fes officiers furent pris & dépouillés par les Tartares, qui les conduifirent prefque nuds & enchainés deux a deux (1). Le Pacha fit conduire Charles a Bender, lui céda fon appartement & le fit traiter en Roi: il ne voulut coucher que fur un fopha, oü Fabrice le trouva le lendemain, avec fes habits déchires, tout couvert de lang, les fourcils brülés ; mais Ie vifage tranquile & ferein. (2) Dans le tems qu'on le transféroit de Bender a Demirtafch, on amenoit a Bender Staniflas, qu'on avoit pris fur les terres Ottomannes; il alloit a Bender décider Charles a confentir a fon abdication au trone de Pologne & k un traité entre Ie Roi de Pruflè , Augufte & Charles même, pour chaflér les Ruflès; Staniflas déguifé fous Ie nom d'un Major Francois fut reconnu, & conduit a Bender par les ordres du Sultan. On apprit fon arrivée a Charles dans le chariot oü Pon Ie tranfportoit: „ courez a ,, lui, mon cher Fabrice", lui dit Charles; ,, dites-lui qu'il ne faflè ja4 mais de paix avec le Roi Augufte: affürez -le que dans peu nos affaires , chahgeront". (3). (i) Voltaire hift. de Charles; XII. Liv. 6". (2) Idem ibidem. (3) Idem ibidem*.  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VI. 45 Cependant le Czar, les Rois de Dannemarck & de Pologne, dépouilloient Charles de fes Etats: ils fe Herent enfemble; Augufte s'emparoitde Troptow, & Frédéric IV de Damgarten, dont la garnifon après une vigoureufe défenfe fe fauva a Stralfund. Cette derniere ville fut affiégée par les deux Rois; elle étoit fi bien défendue, que malgré Partillerie qu'ils firent vemr de Saxe & de Coppenhague, malgré le fecours de 10000 hommes que leur cnvoya le Czar ils furent obligés de lever le fiege. (1) Ils tenterent le fiege de Wismar avec auffi peu de fuccès; les deux Rois fe retirerent chacun dans fes Etats, laiffant les Moscovites en Poméranie, oü ils bloquoient Stettin. Lorsque Frédéric eut rétabli fon armée, il entreprit d'enlever Breme a la Suede, quoique le Duché eut gardé jufqu'alors une efpece de neutralité. Ce Prince alla affiéger Stade: la ville fut bombardée & réduite en cendres& la garnifon'obligée de fe rendre a difcrétion. Le Général Steenbock avec iaooo hommes pourfuivit les ennemis, une fois plus forts que lui & les atteignir dans le Duché de Mecklenbourg, prés de Gadebufch & de la riviere de ce hom ■ il étoit féparé des Saxons & des Danois qui avoient 1'avantage du terrein,' par un marais: il le franchit, les attaque & après un des combats les plus fanrians & les plus opiniatres, il force Parmée ennemie a pher & a céder le champ de bataille. Steenbock après cette viétoire, marche a Altena, ordonne aux habitans d'en fortir avec ce qu'ils ont de plus précieux, & réduit la ville en cendres, en repréfailles de 1'inccndie de Stade: plufieurs de fes habitans, qui demandoient inutilemcnt un afyle aux Hambourgeois leurs voilins, périrent de froid & de mifere. Cc Général entra dans le Holftein, &y leva de fortes contributions; mais fon bonhcur n'alla pas plus lom ; les Moscovites fe joignirent aux Saxons & aux Danois; il fit entrer une partie de fes troupes dans Tonningen, & fit camper le refte fous le canon de la place ■ fon deflèin étoit de les mettre a couvert de cette nombreufe armée; mais il fut bloqué dans fon pofte & forcé de fe rendre prifonnier de guerre avec toute fon armée. Les Alliés s'emparerent de la Poméranie, a 1'cxception de Stralfund, de 1'ifle de Rugen & de.quelques autres places. La ville de Stettin étoit menacée de paflèr bientöt fous leur puuTance; mais le Roi de Pruflè, fous prétexte de conferver cette place, déclara qu'il fe charsreoit du fequeitre de la Poméranie; c'étoit une convention fecrete entre les Moscovites & lui. Les Etats de Breme étoient remplis de garnifons Danoifes: la Finlandc étoit remplie de troupes Moscovites. Le Sénat & le Confeil de la Régence, n'entendant plus parler de leur Roi, fupplierent la Princeflè UIriquc Eléonore, ft foeur, de iè charger du gouvernement pendant 1'abfence de Charles: elle 1'accepta ; mais comme on lui propofa, pour rétablir les affaires, de faire la paix avec le Ruflè & le Danois, elle renonca a la Régence, perfuadée que le Roi ne ratifieroit point ce traité- elle en écrivit a fon frere, qui fit dire au Sénat que s'il vouloit gouverne'r, il enverroit une de fes bottes, & que ce feroit d'cllc qu'on prendroit de« 'ordres. II fit dire a fa foeur qu'il ne confentiroit jamais a la paix, a moins qu'on ne retablit Staniflas fur le tröne de Pologne. Le Pvoi de Suede avoit demandé d'habiter la petite ville de Demotica, a fix lieues d'Andrinople, Introd. a 1'hift. de 1'Uniw F 3 Hifi. de Suede. . 163 2-lJlS, Le Cz ir, ie EoideDanntmarekAugufte s'emparent d'une partie: des Etats de Charles, Vicïoire de Steenbock. Altena brille. Steenbock prijonnitr de giurre avec jon armée. La Pri'nce[fe Ulrique Eléonore ch .rgée du Couver* nement. Charles ü Demotica^  Sect. VI. Hijl. de Suede. 1632-171! La Suede déjoiee. 1714. Clfrles envoie une m perbe Ambaffadea la Porte fjf part (ie Turquie, II quitte fa fuite, fait feul le tour de l'Ademagne&ferend a Stralfund, 46 HISTOIRE DU ROYAUME prés du fleuve Hebrus; on lui afïïgna un Thaïm de provifions confidérable pour'lui & pour fa fuite , avec flulemcnt 25 écus par jour. Le Grand-Vilir >_ avük été dépofé: lbrahim Molla lui avoit été fubflitué; Molla avoit envie I de faire la guerre aux Moscovites. II fe fit dreflër une tente a Demotica & invita le Roi Charles a venirle voir, avec le nouveau Kam des Tartares & PAmbafladeur de France. Charles fe trouva dans un grand cmbarras; il ne vouloit pas fe rendre a Pinvitation ou a Pofdre d'un fujet, & cependant fon plus grand intérêt étoit d'entrer en éclairciflëment. Pour trancher la difliculté il fe mit au lit & réfolut de n'en pas fortir tant qu'il feroit a Demotica; il engagea Mullern, fon Chancelier, d'aller a fa place chez le Vifir. II refta dix mois couché. II étoit dans cet état, lorfqu'il apprit la défolation de fon Royaume ; mais le Vifir lbrahim Molla qui vouloit détröner le Czar, fut étranglé entre deux portes, & le favori Ali Comourgi prit fa place. Dès ce moment Charles comprit qu'il n'y avoit plus rien a elpérer de la Porte, car le nouveau Vifir avoit d'autres vues que lui. * Enfin Charles fit fignifier au Grand-Seigneur qu'il confentoit a partir & a s'en retourner par 1'Allemagne; mais avant de quitter la Turquie, ii voulut montrer la grandeur & la magnificence d'un grand Roi. II emprunta de Pargent a gros intéréts d'un cöté & d'autre, nomma Grothufen fon Ambafladeur Extraordinaire, & Penvoya folemnellement prendre congé de la fublimc Porte , accompagné de quatre - vingts perfonnes fuperbement vétues. (1) L'Am■ baffadeur fut recu avec tous les honneurs, mais on ne lui accorda point 1'argent qu'il demanda même a emprunter; la Porte fe chargea feuiement de toute la dépenfe jufqu'aux frontieres. On lui préfenta de la part du Grand Seigneur, une tente d'écarlate brodée d'or, un fabre avec une poignée garnie de pierrerics, huit chevaux Arabes avec des felles fuperbes & les étriers d'argent maflif. Son cortege étoit d'un Capigi Pacha & de fix Chiaoux, qui allercnt le recevoir a Demirtafch, de foixante chariots & de 300 chevaux. Arrivé furies confins de 1'Allemagne, il apprit que 1'Empereur avoit donné des ordres pour qu'on le recut avec la plus grande magnificence. On faifoit partout des préparatifs; mais quand il fut a Targowitz fur les frontieres de la Tranfilvanie, il renvoya fon efcorte Turque, affembla fa fuite, lui donna rendez-vous a Stralfund, a 300 lieues de-la, leur die de ne pas s'inquiéter de lui, prit deux officiers, fe déguifa fous une perruque noire, un chapeau bordé d'or, un habit gris, un manteau bleu, prit le nom d'un officier Allemand, courut la pofte a cheval, prit fon chemin par la Hongrie, la Moravie, 1'Autriche, la Baviere, le Wurtemberg, le Palatinat, la Weftphalie & le Mecklenbourg, fiufant ainfi Je tour de lV.llemagnc, & arriva cn feize jours & feize nuits aux portes de Stralfund, chez le Général Ducker, Gouverneur de la place: il fallut couper fes bottes fur fes jambes qui s'étoient enflées: on le mit au lit; il n'y refta que quelques heures, & fe ieva pour aller faire la revue des troupes & examiner les fortifications. (2) Le Roi trouva la Suede dans un état bien différent de celui ou il Pavoit laiffée. - La Régence avoit été obligée de donner une ordonnance pour enjoindre a tous les fujets de porter leur argenterie a la monnoie, pour y être (0 Voltaire hift. de Charles XII. L. 7. (2) Idem Ibidem.  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VL 47 changée en efpeces, avec promelTe d'en rembourfcr Ia valeur Pannée fui- j vance. Un avoic décidé de lever 10000 hommes de pied & 2000 chevaux, pour £ être joints aux 30000 hommes qui refioient de troupes nationales & que ,dans 1 le cas oü la guerre contiuueroit, les jeunes gens du Royaume preudroïent les armes. (1) Charles avoit fait partir le Général Liewen pour annoncer a t Stockholm fon retour: cette ville fe livra a 1'excès de lajoie: toute la Sm- i de retentiflöit de fon nom. Le Roi qui ne vouloit point ie marier, donna fa foeur en mariage au Prince dc Heffe-Caifel, Frédéric, qu'il declara Généralisfime de fes armées de Suede. Mais cc Royaume effuyoit tous les jours de notivelles pertes. Dans 1'ifle d'Ahland & fur les Cötes du Finland, les Moscovites s'emparerent d'un grand nombre de villes & de villages, qu'ils réduifirent en cendres: les Danois, entre les ifles de Femeren & d'Ahland, détruifircnt une efcadre Suédoife. Charles, malgré les follicitations de 1'Empereur, s'obftina a foutenir fa proteftation contre le traité de Neutralité & refufa conftamment de confentir au fequcflre de la Poméranie. II chafla les Prufliens de 1'ifle d'Ufcdom & s'en empara. LeRoi de Pruflè déclara la guerre a la Suede, & fit des préparatifs pour la reprendre. (2) Charles eut rccours a la France; mais Louis XIV accablé d'années & iatigué de la guerre, n'offrit que fa Médiation, qui fut infruétueufe. Le Roi de Pruffe exigeoit qu'on lui reflituat Ufedom, & Charles le refufoit: fon obflination lui fut fatale ; les Prufliens rcprirent cette ifle, tandis que les Danois enlevoient d'un autre cöté plus de cinquante vaiflèaux Suédois armateurs. Mais de tous fes ennemis celui contre lequel Charles s'indignoit le plus, étoit le Roi d'Angleterre, Eleclcur d'Hanovrc, qui fe déclara contre lui, fans autre motif que lefpérance d'obtcnir quelque lambeau de fa dépouille. (3) Les Alliés réunirent toutes leurs forces contre Stralfund, défendu par le Roi même en perfonne. Cette raifon rendit 1'attaque plus vigoureufe. Dès que la breche fut fiiite, on donna 1'aflaut en deux endroits dirférens. Charles fit des prodiges de valeur; le hafard fervit les Alliés, il leur fit découvrir qu'on pouvoit aller jusques au retranchement des ennemis, en paffant de ce cöté la mer, qu'on y avoit toujours cru trés profonde, a gué; ce retranchement fut pris, & 24 canons qu'on y trouva, fervirent a faire breche: le Roi vêtu cn foldat chafla les ennemis de tous les portes, qu'ils reprirent enfuite, & défendoit les ouvrages Pun après 1'autre. II voulut empêcher les Alliés de s'emparer de Pifle de Rugen,qui fort de rempart aStralfund du cöté de la mer: il y descend, les ennemis y étoient déja; le combat étoit terrible, mais les Suédois étoient cn trop petit nombre,ils font repouffés; Charles courut le plus grand risque d'être fait prifonnjer, & recut un coup de fufil; mais la blefliire ne fut point moffelle: le Comte Poniatowsky le dégagea. Le P^oi repalfa a Stralfund, & les troupes qu'il laifia dans 1'ifle, furent faites prifonnieres. Les bombes avoient réduit en cendres une partie de la ville de Stralfund, le Roi y étoit auffi tranquille que dans un camp. C'ert dans cette occafion qu'une bom.be ayant éclaté prés de la chambre oü il dicfoit une lettre, la piume échappa des mains du Secrétaire: „ qu'avez-vous", lui dit le fi) Introd. a i'Hift. de l'Uaiv. (2) Supra Tome 42. p. i26. (3) Voltaire hift. de Charles XII. Liv. 8. M. da uede. 632-171II. E'.at oit il 'ouve la uele. i7is. Siegc de. Straljund. Charles ifi hleifé.  48 HISTOIRE DU ROYAUME Sect. VI. Hift. de Snede. 1632-171R Son intré fidité. Stralfund fe ren t. 1716. Charles abaifje le Sénat. Succès de Charles en Norwege. Tl pro je'te un accommodementavec li Czar, 17:7. Roi, „ pourquoi n'écrivez-vous pas?" Lc Secrétaire effrayé ne put pronoflcer que ces mots: „ Sire, la bombe! Eh bien ! reprit Charles, qu'a de com„ mun la bombe avec ce que je vous diéte? Continuez". (1) Charles preffé ! paf fes officiers généraux de fortir d'une place qu'on ne pouvoit plus défendre, . y confentit peut-être paree que la retraite étoit plus difficile que la place même; il s'embarqua dans un petit bateau; il fallut caifer la glacé; en pasfant a la vue de rille de Rugen, un coup de canon tua deux hommes a cöté de lui; un fecond fracaffa le mat. Dès le lendemain Stralfund fe rendit & la garnifon fut faite prifonniere. (2) Charles fe retira a Carlscroon ; ne voulant, fans doute , paroïtre a Stockholm, qu'après quelque viétoire qui put balancer la défaite de Pultawa. On a cru fans raifon que c'étoit pour punir le Sénat d'avoir alTernblé les Etats fans fon confentement. (3) II eft vrai qu'il öta aux Sénateurs la part qu'ils avoient aux affaires de 1'Etat, qu'il les mit entre les mains du Baron de Gortz, cet homme entreprenant, dont les projets, ü Charles eut vécu, euffent entierement changé la fitce des affaires. Tl eft vrai encore qu'il forma cinq départemens pour 1'expédition des affaires, fous la direction de Gortz; mais fon abfence n'entroit pour rien dans fa vengeance. Le Roi de Suede employa 1'hiver a faire des levées de troupes & a réparer fa marine fort délabrée. On ne s'attendoit guere que, tandis que Pennemi menacoit fon Royaume de tous cötés, il porteroit la guerre dans la Norwege: il s'empara de plufieurs places, & battit Parmée que le Roi de Dannemarck y avoit raffemblée a la hate; les Suédois eurent des fuccès trés rapides, mais les Danois s'étant renforcés reprirent les places qu'ils avoient perdues. Lorfque Charles XII y avoit paru, la province n'étoit gardée que par 11000 Danois divifés en petits corps: Charles & le Prince de Heffe avoient 20000 hommes. Ils pénétrerent jufques a Chriftiana, toujours battant; mais ils n'avoient pas prévu le défaut de fubfiftances; Parmée Suédoife dépérit & a 1'approche de Parmée & de la flotte Danoifes, il n'y eut d'autre parti a prendre que de revcnir en Suede. Pendant cette expédition les Alliés s'étoient emparés de Wismar; le Czar auroit voulu garder cette place; elle fut une fource de divifion entr'eux: les négociations du Baron de Gortz pour Pac-r commodement qu'il ménageoit entre Charles XII & Pierre le Grand, avoient déja opéré fur Pefprit de ce dernicr; c'eft h quoi il faut attribuer fon inaction pendant que Charles étoit en Norwege, & peut-être cette irruption qui parut alors fi extraordinaire de la part du Roi de Suede, ayant tout a risquer pour 1'intérieur de fes Etats , doit - elle être attribuée a la même caufe. (4) On étoit las de la guerre; le Roi d'Angleterre travailloit a.la paix du Nord. Charles avoit nommé pour fes Plénipotentiaires, le Baron de Gortz & le Comte de Gyllenbourg. On découvrit une confpiration pour mettre le fils de Jaques II fur le tröne d'Angleterre. On accufa Gortz & Gyllenbourg d'en être les auteurs. L'un fut arrêté en Angleterre & 1'autre en Hollande. Char- CO Voltaire hift. de Charles XII, Liv. 8. (2) Idem ibidem. (3) Introd. b. 1'hift.' de 1'Univ. (4) Voyez dans Voltaire hift. de Charles XII. Liv. 2. de plus grands détails des négociations du Baron de Gortz.  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VI. 49 Charles ufa de repréfailles, il fit arrêter Jackfon, Réfident d'Angleterre a j la cour dc Suede, défendit fa cour au Minifire de Hollande,& ne leur ren- S dit la liberté que lorfqu'elle eut été rendue a fes Miniftres. Suivant le plan 1 duCongrès d'Ahland, formé par le Baron de Gortz avec le Czar, qui fe trou- " voit en Hollande, le Czar devoit reder tranquille jufques a la conclufion de 1 la paix; Charles demandoit une reilitution générale de tout ce qui lui avoit d été enlevé, prétendant que n'ayant jamais été 1'agreflèur, les alliés avoient r agi contre toute juflice. Les dilférends auroient été terminés, fans une flotte Angloife qui parut dans le Sund. Charles crut qu'on vouloit le forcer a la paix & lui impofer des conditions: il voulut faire voir a fes ennemis qu'il étoit toujours au defltis de la crainte; il leva une armée de 40000 hommes, fans compter les milices qui bordoient les cötes. (1) Mais 1'argent manquoit; point de crédit, ni au dedans ni au dehors; la France épuifée avoit cefle de payer les fubfides: d'ailleurs'le Duc d'Orléans, Régent, avoit d'autres projets que Louis XIV. Dans cette extrêmité Gortz imagina de don- ( ner au cuivre, moyennant la marqué du Prince, la valeur de 1'argent. Cette funefte reflburce fut mife en ufage , & fit déteftcr de toute la nation (2} Gortz , qui n'étoit haï que du Sénat. Les Danois, pas moins allarmés des préparadfs immenfes de Charles, fe joignirent aux Anglois & allerent fe préfenter devant le port de Gothenbourg, pour ruiner les vaifleaux Suédois; mais les batteries dreflees des deux cötés du havre, les empêchant d'approcher, ils fe bornerent a enlever quelque butin fur les cótes de Blekingcn & dans 1'ifle d'Oeland. (3) Charles ne voulut pas poufler plus loin cette affaire. La Norwege, pays hérifle de difficultés, étoit toujours 1'objet de fes voeux. D'ailleurs il craignoit moins de laiffer un champ libre a fes ennemis, perfuadé que fon accord fait avec le Czar, aidé de fes fecours, il fauroit bien leur enlever ce qu'ils lui auroient' pris. II avoit déja fait palier 10000 hommes en Norwege, il avoit pris fes mefures dc maniere qu'il fe flattoit de fe rendre en lix mois maitre de cette province. II fe mit lui-même en marche dans le mois d'Ocfobre 1718. Fréderickshall, fitué a 1'embouchure du Tiftendall, étoit regardé comme c une des places les plus fortes.- Charles commenca par le fiege de cette ville: U il envoya fon beau-frere, le Prince Héréditaire de Hefle-Caflel, avec un corps * de 0000 hommes pour obferver Pennend. Le 11 Décembre entre huit & neuf heures du foir, il alla vifiter la tranchée: il monta fur un gabion & s'appuya fur le parapet: il refta quelque tems a confidérer les travailleurs. On lui repréfenta le danger auquel il étoit expofé, découvert a demi - corps a une batterie de canons pointée vis a vis 1'angle oü il étoit; il avoit auprès de lui Siquier fon Aide de Camp, &Maigret, fon Ingénieur: le canon tiroit fur eux a cartouche; mais le Roi étoit le plus expofé. A quelques pas derrière étoit Je Comte de Schwerin, qui commandoit la tranchée. Siquier & Maigret virent dans ce moment le Roi de Suede qui tomboit fur le para- f pet, en faifant un grand foupir; ils s'approcherent; il étoit déja mort. Une balie pefant une demi-livre 1'avoit atteint a la tempé droite & avoit fait un (O Introd. a 1'hift. de 1'üniv. L. 4. (2) Voltaire hift. de Charles XII. L. 8. (3) Introd. k 1'hift. de 1'Unir. loc. cit. Tome XL1U. G «fi de nede. 632-171 ft. H arrêtek linifire ■dngtettr- Syfléme de 'onz. 171S. 'harles ftih fiege de redericksill. Charles ï tué.  Sect. VI. Eiji. de Suede. 1632-171 Sect. Vil ■Hifi. de Suede. 1718- i hos jours. Le Bart/, de Gortz tft arrêti. I7I£u UlriqueEléonorepromet de renonoer aupouvolr nbfolu* 50 HISTOIRE DU ROYAUME trou,dans Iequel on pouvoit enfoncer trois doigts: fa tête étoit renverfée ftir le parapet, 1'ceil gauche étoit enfoncé, & le droit entierement hors de fon k orbite. II avoit eu la force en expirant de mettre, par un mouvement natu► rel, fa main fur la garde de fon épée, & il étoit encore dans cette attitude. (1) On 1'enveloppa d'un manteau & 1'on déroba quelque tems fa mort au foldat. Ainfi périt a trente - fix ans & demi 1'Alexandre du Nord, heureux fi, comme le Grand Guftave, il eut tourné a 1'avantage de fes peuples fa paffion pour la gloire. Ses grandes qualités, dit M. de Voltaire, dont une feule eut pu immortalifer un autre Prince, ont fait le malheur de fon pays. (2) Après la mort de Charles, le Prince de Heffe empêcha que perfonne ne fortit du camp, afin de prendre fes mefures pour faire élire Ulrique Eléonore fon époufe, foeur de Charles XII, & prévenir les prétentions que pouvoit former le Duc de Holftein. II envoya a Stockholm la nouvelle de la mort du Roi. II affembla un confeil de guerre, dans Iequel il fut réfolu de lever le fiege de Fréderickshall. S E C T I O N VII. Hifloire de Suede, depuis la mort de Charles XII en 1718 jufques a nos jours. .U lrique Eléonore héritoit du trone, mais le Sénat lui confeilla de déclarer avant d'y monter qu'elle vouloit abolir le pouvoir arbitraire. Elle convoqua les Etats pour le trente - un de Janvier fuivant. Dans cet intervalle le Baron de Gortz, qui fut arrêté le lendemain de la mort de Charles ■ XII, comme il alloit joindre ce Prince en Norwege, fut conduit a Stock1 holm & mis en prifon. On arrêta en même tems tous ceux qui avoient eu part au maniment des finances: on annulla une efpece de billets de banque qu'il avoit introduits dans 1'Etat & furtout fa monnoye fiéiive de cuivre. (3^ Les Etat s'affemblerent au jour indiqué; quoique la Reine les eut convoqués, ils déclarerent qu'ils ne s'étoient affèmblés que de leur propre mouvement & fuivant les anciens ufages pour élire un Roi. Ulrique Eléonore leur fit favoir qu'elle s'étoit mife en poflèffion du tröne, en vertu de fon droit héréditaire. Les Etats ne lui donnerent que le titre de Princeffe Royale: on lui promit que fi elle vouloit confentir a regner fuivant la forme de Gouvernement qui lui feroit prefcrit, & il elle vouloit donner une afiurance par écrit, dans laquelle elle reconnoitroit tenir la couronne de la libre éleclion des Etats du Royaume, fans y avoir aucun droit, depuis fon mariage avec un Prince étranger, on la choifiroit pour Reine. La Princeffe promit 1'un (1) Voyez dans M. de Voltaire quelques autres circonftances. II y en a une qui ne: parok pas exaéte; il dit que Charles XII étoit a genoux, les coudes appuyés fur le parapet, & cependant il ajoute qu'il étoit expofé prefqu'Jt detpi-corps, & plus que. fon Aide: de camp qui étoit debout. (2) Hift.. de Charles XII \ L. 8. (3) Introd* a 1'hift» i& 1'Univ. L. 4. T. 4-  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VIL 5r & 1'autre, & fit par écrit Ia déclaration qu'on lui demandoit: alors elle fut reconnue Reine par tous les Ordres. . Cette fonne de Gouvernement, a laquelle elle foufcrivit, confiftoit dans les articles fuivans. La Reine ne profeifera jamais d'autre Religion que la : Luthérienne. Ses enfans,fi elle en a,feront choifis préférablement a toute autre perfonne pour lui fuccéder. Aucun Prince ne pourra être déclaré ma- . jeur, ni gouverner avant Page de vingt - un ans: aucun Gentilhomme ne fera J reconnu majeur avant ce même age. Tous les emplois confidérables du ' Royaume ne feront conférés qu'a des Nobles du pays, qui les auront mérités par leurs fervices. Les Etats feront difpenfés d'obéir aux loix qui auront été faites fans leur confentement. La Reine n'augmentera pas les contributions du peuple fans 1'aveu des Etats. Elle pourra faire la paix par le feul avis du Sénat; mais elle ne pourra déclarer la guerre fans le confentement des Etats. La Reine ne pouvant feule vaquer & fuffire a toutes les affaires du Royaume, elle fera fecondée dans Padminiitration de 1'Etat par des Officiers, des Sénateurs & des Intendans de Province. Elle gouvernera toujours le Royaume par le confeil des Sénateurs. Les Sénateurs feront nommés par lés Nobles avec 1'approbation de la Reine. Si cette Princefle eft abfente. ou indifpofée, les affaires feront réglées dans le Sénat a la pluralité d«s voix. Le tröne devenant vacant, fans qu'il y ait des Princes Héréditaires, le Gouvernement fera remis entre les mains des Sénateurs,jufqu'a ce que les Etats affemblés aient élu un fucceffeur. Un Gentilhomme ne pourra être condamné, lorfqu'il s'agira de la perte de la vie ou de 1'honneur, que par le tribunal de la Cour Royale appellé Hofraten. Les Préfidens des Colleges refpeclifs, ainfi que le Gouverneur de Stockholm, feront Sénateurs. II- n'y aura plus ni Gouverneur Général, ni Gouverneurs particuliers; mais les Provinces feront gouvernées par des Intendans. Les Armées de terre & de mer & leurs Officiers prêteront ferment de fidélité a la Reine, au Royaume & aux Etats. Aüüun Colonel, ou autre Officier, ne pourra faire marcher fans une permifiion de la Reine donnée en plein Sénat, aucun foldat hors des rendez-vous ordinaires, fous peine de perdre 1'honneur & la vie. La Reine convoquera de trois en trois ans les Etats du Royaume, & quand le bien public Pexigera. La NoblefTe Suédoife aura droit de s'élire un Maréchal. Celle d'Efthonie, de Livonie & d'Oefel fera rétablie dans tous fes privileges, lorfque toutes ces Provinces rentreront fous la domination Suédoife. La Reine aura les mêmes égards pour la NoblefTe des Provinces d'Allemagne en pareil cas, & elle confirmera a toutes les villes du Royaume leurs droits & leurs privileges, (^i) On ne pardonna point au Baron de Gortz d'avoir été 1'inftrument du defpotifme de Charles XII; on lui fit un crime de la faveur de fon maitre; on le regardoit comme 1'auteur des maux dont la Suede avoit été accablée fous le dernier regne. Les chefs d'accufation qu'on portoit contre lui, étoient: i°. 1'invention des efpeces imaginaires: 20. d'avoir voulu ruiner le Roi & Parmée, en lui confeillant de porter la guerre en Norwege, pendant la plus rigoureufe faifon: (2) 30. d'avoir attiré 1'ennemi dans le fein du Royaume, (O Introd. st rhift. de 1'Univ. L. 4. T. 4. (2) Cette accufation étoit démentie par mille trans de la vie de Charles XII, & notamment par fa courfe en ükraine, entreprife au plus fort de fhiver 1709. G 2 Hifi. de Suede. [71!?- a ïos jours. Nouvelle 'orme de Gouverne' nent.  5» HISTOIRE DU ROYAUME Sect. VII, Hift. de Suede. 171B- a nos jours. Supplice du Baron de Gortz. Couronnetnent de la Reine. Paix avec VEieSeur de Hanovre, Roi d'Angleterre. Le Czar fait des propefitions trop du- . res. Paix avec les autres Puiffances. 1720. La Reine demande ö, partager la couronne «vee le Princ'e de Heffe , fon ipoux. Cl) Voltaire hift. de Charles XII. Liv. 8. (2) Iutr°d. a 1'hift. de 1'Univ.. pour lui donner un Roi de fa main: 40. le Péculat. Le Baron fe jiiftifiort fur chacun de cesarticles; mais on n'écouta point fa juflilication; on refufa de lui accorder un Avocat. II paroit que la vengeance, comme le dit I'hiftarien de Charles XII, eut plus de part a fon jugement que la juflice; il fut condamné a avoir la tête tranchée au pied du gibet, fitué fur le grand chemin ho^s de la ville, dans 1'cndroit oü 1'on exécüte les voleurs & les brigands & d'y être enterré. Ce Seigneur protefta jufques au dernier moment de fon innocence, & mourut avec beaucoup de fermeté: il dit a haute voix, en tendant fon cou au bourreau: Satia te,Suecia, fangidne quem fitifli. „ Raf„ fafie - toi, Suede, du fang innocent dont tu es tant altérée:" & en effet le peuple étoit fi rempli d'admiration pour Charles XII, qu'il ne pouvoit attribuer les malheurs de 1'Etat qu'a fon Minifire. (1) Après la pompe funebre du Roi, la Reine accorda une amniftie générale & fut enfuite couronnée a Upfal. Elle ne fongea plus qu'a procurer la paix a fes fujets, aux conditions les moins desavantageufes. Le Roi d'Angleïerre ne manqua pas d'offrir fa médiation & la Reine n'ofa pas la rejetter. Elle confentit aux deux traités préliminaires; 1'un entre la couronne d'Angleterre & celle de Suede,contenant un renouvellement d'alliance entre les deux Royaumes -y 1'autre entre la Reine de Suede & le Roi d'Angleterre, comme Electeur de Hanovre. D'abord après la ratification du traité, ce Prince devöit payer a la Reine- de Suede un million d'écus, & elle cédoir a perpétuité les Duchés de Brême & de Verden , le fruit des conquêtes des Suédois. Lc Czar, dont la mort de Charles & le fupplice de Gortz avoient rompu les projets, fit des propofitions dures, & les foutint par des hoitilités cruelles. II attaqua les cötes de la Suede & livra aux Hammes Norkoping, Nikoping & plufieurs autres villes & villages; il détruifit les forges & les fondcries qu'il rencontra: au milieu de ces dévaftations il demanda PEfihonie , 1'Ingrie,. la Carélie en toute propriété, & le féqueiire ou la jouiffance de la Livonie pour quarante ans. Ces conditions révolterent la Reine, qui préfera de défendre fes Etats. Moyennant la ccffion de Stettin faite au Pvoi dc PruiTe , la médiation de ce Prince avoit procuré a la Suede la paix avec tous les autres Alliés a des conditions raifonnables. Le Dannemarck avoit confenti a une fufpenfion d'armes pour fix mois; la Pologne avoit figné un traité préliminaire. II n'y avoit que le Czar a amencr a des propofitions moins dures: le Roi d'Angleterre avoit envoyé dans la mer Baltique, 1'Amiral Norris avec une flotte de 30 vaiflèaux, & la Reine efpéra den tirer quelque avantage contre les Moscovites. (2) La Reine convoqua les Etats a Stockholm, leur expofa la fituation des affaires, leur rendit compte de toutes fes opérations & leur demanda de lui permettre de partager le poids du Gouvernement avec le Prince de PleflèCaffel, fon époux, en leur faifant envifagcr que le Royaume en retireroit les plus grands avantages. Le corps de la Nobleflê nomma vingt-quatre Commiflaires pour examiner cette propofition fous fes différentes faces; on en fit part au Sénat & aux trois autres Etats. La NoblefTe forma trois partis:Tun confentoit ptu-ement & fimplement au défir de la Reine; 1'autre vouloit qu'eL-  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VIL 53 le renoncat comme Chriftine; le troifieme, qu'elle portat feule Ia Couronne. L'Ordrc des payfans laiflbit toute 1'autorité a la Reine & conientoit cn même > tems que le Prince de HefTe les gouvernat en quahté de Roi. Le Prmce t voyant qu'il pouvoit compter fur la pluralité des iuörages, envoya aux Etats . une déclaration, par laquelle il promettoit de fe foumcttre ada forme de gouvernement prefcrite a la Reine. La Reine afl'ura les Etats qu elle ne vouloit transférer a fon époux toute 1'autorité Royale, lans entendre partager 1 adminiftration de fon vivant, qu'afip qu'il fut plus libre & plus en état de vciller aux intéréts du Royaume, & pour fe conferver les droits qu elle avoit a la Couronne, au cas que le Prince vim a mourir. (i) Après quelques conteltations, la NoblefTe fe réunit aux autres Ordres & Frédéric, Prince de Hefe- Ca fel, fat élu Roi de Suede aux mêmes conditions qu'Ulrique 1'avoit été. 11 fut fait quelques changemens au dernier réglement concernant la forme de Gouvernement. On régla que lc nombre des Sénateurs feroit fixé a 1'avenir a feize, lorfque la mort auroit réduit les vingt-quatre a ce nombre: on régla 1'exercice des fonaions des Sénateurs, auxquels on partagea 1'examen des affaires. On les exclut des Colleges , pour leur fubftituer des perfonnes verfées dans les affaires relatives aux objets, dont ces Colleges s'occupoicnt. Après le couronnement du Roi, ce Prince s'annonCa par Ia publication des traités de paix conclus avec 1'Angleterre, la Pruflèi la Pologne & le Dannemarck. Mais le Czar, quoique feul, refufoit de fe départir des conditions qu'il avoit propofées. Le Roi de Suede fit des préparatifs, & parut déterminé a tout rifquer: enfin Pierre le Grand fit faire fecrétement quelques démarches, & la paix fut concluc a Neuftadt. La Suede céda au Czar la Livonie, 1'Ingermanie, une partie de la Caréhe, le territoire de Wibourg, les ifles d'Oefel, de Dragoë,de Maen,&c. Le Czar rendit a la Suede, le Grand Duché de Finland, a 1'exception de la partie réfervée a la Ruffie dans le réglement des limites. Les privileges des habitans & 1'exercice aétuel de la Religion, furent confervés a la Livonie, a 1'Efihonie & a 1'ifle d'Oefel, avec la liberté d'exercice de la religion Grecque. Ce traité parut aux Suédois trop avantageux au Czar; on fe plaignoit qu'il n'eut pas été conciu plutót, pour prévenir les maux que le Czar avoit faits pour obtenir a peu prés les mêmes conditions. _ ; Frédéric employa le tems de calme, dont ces traités faifoient enfin jouir la Suede après de fi longues & de fi violentes tempêtes, au rétabliflëment de Pordre. Les finances, les mines de fer & de cuivre, principaux alimens du commerce de la Suede, furent les premiers objets de fes foins; il s'appliqua a les remettre en aétivité, & a faire refleurir 1'indultrie. Mais il porta furtout ion attention a fe mettre en état de pouvoir affembler une armée de terre & de mer, pour affurer les cótes du Royaume contre les entreprifes de 1'en- nemi. . , ,.r Le Roi convoqua les Etats pour le mois de Février: on y termma les dileuffions qui reftoient a régler concernant les limites de la Suede & de^la Moscovie. Depuis longtems le Duc de Holftein - Gottorp demandoit qu on lui donnat lc titre d'Alteffe Royale; les nouveaux régiemens qiu rendoient kt (i) ïmroê. a 1'hilf. de 1'Univ. G % i 7ijfr de iiede. os jours, Frédéric» 1721. Traité de paix avec ie Czar* I72-2i. Frédéric s'applique &■ rétablir les muux de lai Snede.  Sect". VU Hift. de Suede. 1718- a nos jours. Titre de Majefté Impériale tt'cordé ai Czar. 1724. L'ordre J rétaiilit pa les fnins d Frédéric. I725-I72Ï Vigilanc ie Fréderk Ï73I-I73: 54 HISTOIRE DU ROYAUME . couronne élecfive , fi le Roi mouroit fans poftérité, s'oppofbienc a la demande du Duc; cependant ce titre lui fut accordc fans tirer a conféquence, & contre 1'avis de Frédéric, qui néanmoins, au lieu de témoigner fon mécontentement,répondit aux Etats,qu'il ne s'oppoferoit jamais a ce qu'ils eftime- - roient utile a la nation. Le Czar demandoit auifi qu'on lui donnat le titre de Majeiié Impériale; aucune Puifiance de PEurope n'avoit encore reconnu ce titre ; on difcuta beaucoup, il y eut un trés grand nombre d'oppofans; mais pour ne pas fufciter dc nouveaux embarras, le titre de Majefté Impériale lui fut donné. On régla encore la maniere de procéder a une nouvelle élecfion dans le cas de la vacance du tröne , & 1'aifemblée des Etats fut fixée a Stockholm le trentieme jour après la mort du Roi, fans autre convocation que la publication qui en feroit faite dans les lieux accoutumés. II fut arrêté que la vacance étant arrivée, le Sénat fixeroit un endroit éloigné de Stockholm, dans Iequel les Miniftres étrangers, leurs families & leurs domeftiques fe retireroient jufques après l'élecfion Royale; fans qu'aucun put être admis dans le pays avant cette époque: le Sénat fut chargé de veiller a 1'obfervation de ce réglement .& a ce qu'aucune perfonne au fervice d'une Puiifance étrangere ne fe méldt des affaires de Péleétion. Par les foins que le Roi fe donna, on vit renaitre 1'abondance ; le commerce reprit une nouvelle vie; les mines mieux exploitées produifirent plus e qu'clles n'avoient jamais fait; les finances fe rétablirent; les abus difparu- rf rent; le militaire revint fur le même pied oü Guftaphe Adolphe 1'avoit mis; la marine fe releva, & toutes les parties de Padminiftration acquirent une . nouvelle aétivité. Dans ce tems-la furent conclus les traités de Vienne & de Hanovre: la Suede n'y vouloit entrer pour rien, pour n'offenfer aucune des parties contraciantes; mais enfin elle y accéda, malgré les repréfentations des Miniftres de 1'Empereur & de la Ruflie. On craignit d^avoir offenfé cette derniere Puifiance, lorfqu'on fut qu'elle faifoit des préparatifs de guerre rcdoutables; & quoiqu'on ne fut pas 1'objet de ces armemens, Frédéric fit de fon cöté tout ce qu'il put pour n'être pas pris au dépourvu, & attendit tranquillement que la Czarine fe décidat: mais ces foins ne dérangerent rien a fes projets de félicité publique, entreprife immenfc, fi Pon confidere 1'état de foiblellê & de dépériflèment, dans Iequel les guerres précédentes 1'avoient jettée; le peuple foulé par les impöts, par la difette & la cherté des denrées, par mille fléaux inféparables de la guerre, fortit de cet état d'indigence & de mifere: fans recourir aux armes, fa politique rendit des fervices efièntiels aux . Proteftans d'Allemagne. Charles Landgrave de Heflè-Caflèl mourut dans ces . circonftances: Frédéric, héritier de fes Etats, ne pouvant les gouverner par lui-même, établit une Régence, a la tête de laquelle il mit Guillaume fon frere cadet; mais il fit venir de Caflèl auprès de lui des Miniftres éclairés, dont il forma une Chancellerie, correfpondante avec la Régence de Cafièl. Les Etats qui, par la nouvelle forme de gouvernement, devoient s'aflèmbler tous les trois ans, furent convoqués au mois de Février. On y examina les comptes des mines & des domaines; ils obtinrent les applaudiffemens de TafTemblée. On y examina enfuite un projet que le Roi avoit fait pour remettre les forces de 1'Etat fur le pied oü elles étoient avant les malheurs de Charles XII. Attentif a faire fleurir les arts & les fciences, Frédéric fe dé-  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VEL 55 déclara Ie protecfeur de ceux qui les cujtivoient. II propofa au Sénac de / donner aux pauvres écudians des univerfités d'Upfal, d'Abo, de 'Lund & de S Grypswalde, les amendes pécuniaires auxquelles les particuliers font condam-1 nés; le Sénat reraercia le Prince de lui avoir ouvert un moyen de favorifer1 les lettres auifi encourageaut & auffi utile, & fit auffitöt un réglement a ce fujet. C'étoit par fon avis que dans les Etats précédcns, on avoit rendu aux i Payfans & aux Bourgeois le droit de chaffer fur leurs terres, que les Nobles' leur avoient öté. II y fit accueillir le plan de Van Afperen, préfenté pour Pétabliflèment d'une Compagnie des Indes; & il y fit agréer 1'établiflèment dans Stockholm même d'une autre Compagnie, pour 1'exportation du cuivre chez 1'étranger. On fut cependant allarmé des fortifications que la Czarine faifoit faire a Wibourg; le Roi redoubla de vigilance pour mettre la Suede en füreté. D'un autre cöté^, la mort d'Augufle Roi de Pologne, ayant engagé les peuples voifins de la République a prendre les armes, Frédéric faifit ce prétexte pour mettre une flotte en mer & faire de nouveaux préparatifs: quoiqu'il ne voulut prendre aucune part aux troubles de Pologne, le motif de maintenir la paix du Nord, qui lui fit mettre des troupes fur pied, étoit trop plaufible pour allarmer aucune Puifiance; & quoique Frédéric ne redoutat point la guerre, la paix n'en étoit pas moins 1'objet de fes voeux. II ménagea un traité d'alliance entre la Suede & le Dannemarck: il renouvella celui qu'il' avoit fait avec la France, ainfl que celui qui avoit été conclu en-1724 avec ' la Ruflie & qui devoit expirer au mois de Février 1736. La Czarine avoit été allarmée du traité renouvellé avec la France, & la France inquiete a fon tour de celui que Frédéric venoit de conclure avec 1'Impératrice, refufa de ratifier celui que fon Miniftre avoit renouvellé avec la Suede, qui étoit bien éloignée de s'allier avec une Puifiance pour rompre avec 1'autre. Toutes ces alliances furent examinées a 1'aflemblée des Etats, qui eut lieu le 30 Mai & dont le Comte de Teflin, Grand-maitre de la maifon du Roi, un des plus grands politiques de PEurope, avoit été élu Maréchal. II y prononca un difcours, dans iequel il retraca les obligations que la Suede avoit au Roi. Cette aflèmblée ou Diette dura onze mois. On y agita entre plufieurs autres affaires importantes, celle de la fucceflion a la couronne lorfque le tröne feroit vacant. II y eut différentes opinions: deux furtout 1'occuperent longtems; 1'une, que 1'ordre de la Noblefle avoit embraffée, étoit toute en faveur du Duc de Holftein; 1'autre étoit Ia plus générale, puifque les trois or-1 dres 1'avoient adoptée; elle tendoit a établir le Gouvernement Républicain. Cette difcuflion alla fort loïn & Pon fut obligé de renvoyer cette affaire a un comité fecret. Dans cette même Diette cinq Sénateurs accufés d'avoir pafle leurs pouvoirs, cn confentant au renouvellement du traité de Neuftadt, entre Ia Ruflie & la Suede, & dont on demandoit la dépofition, juflifierent leur conduite; mais ils donnerent eux-mêmes leur démiflion pour arrêter le jugement:la Diette accorda a leurs fervices une penfion de deux mille écus par an, au lieu de trois mille qu'ils avoient comme Sénateurs. On ne connoiflbit,. avant Eric, fils de Guftave Vafa, aucun de ces titres de Comte, de Marquisy de Baron. Ce Prince fut le premier qui les introduifit en Suede. (1) Ces CO Voltaire, ElTai fur les mceurs & 1'efprit des nations, Tom. 3. ch* 188. lift. de uede. 718- il os jours. II protégé es arts fjf ss fciences. II fait des iijpofitiois ie guerre )our la fh■eté de l'E-. at. 1738. On propofe l'établir le Gouvernenent RépuHicain.  5-6 HISTOIRE DU ROYAUME Sect. VIL Hift. de Snede. 1718- a nos jours. I7.19- U/lmbaJJa tenr de Rujjte inJutte par le ytuple. 1740. Mvrt de la Czarine cjf de 1'Empereur. 174'. Les Suêiois déclarent la guerre a hRvJJie. Jimaille de Wilman- flrand. Vic. toire incertaiue. titres étoient devenus a charge a ceux qui les portoient, a caufe des gran des dépenfes auxquelles ils les engageoient pour en lbutenir 1'éclat. La Diette demanda au Roi , de ne pas les conférer a ceux qui feroient défignés Sénateurs. Frédéric s'acquéroit trop de gloire par la paix pour defirer la guerre; il craignoit cependant que la Ruflie ne fit quelque irruption dans fes Etats, & pour plus grande füreté il garnit de troupes les cötes de la Finlande; 1'Impératrice en fit faire des plaintes au Roi, par fon Miniftre a Stockholm. Frédéric fit aflurcr la Czarine qu'il dcfiroit de vivre en paix avec elle, & que les troupes qu'il avoit envoyécs en Finland, n'avoient d'autre objet que de réparcr les fortifications des frontieres, qui étoient en trés mauvais état. Dans ces circonilances, un Major Suédois appellé Saint Clair, fut aflaflïné prés de Naumbourg cn Siléfie, par deux officiers & quatre dragons, qui lui enleverent les papiers de conféquence dont il étoit chargé. La cour de Ruflie fut foupconnée d'avoir fait aflaffiner Saint Clair; le foupcon fe changeant en certitude dans 1'efprit de la plupart des Suédois, le peuple infulta M. Befluchef, Ambafladeur de Ruflie. La Czarine écrivit dans toutes les ' cours de l'Europe pour fe juflifier de cet attentat. Cette Princefle ne douta plus des intentions de Ia Suede, lorfqu'elle apprit que cette Puifiance venoit de faire un traité d'alliance avec le Turc: elle en fit marquer fa furprife a Frédéric, qui lui répondit que ce traité ne pouvoit en rien nuire a la Ruflie, & protefla toujours qu'il defiroit de vivre en bonne amitié avec 1'Impératrice. II paroiflbit néanmoins que ces deux Puiflances n'auroient pas tardé den venir a un éclat, fi Ia Czarine & 1'Empereur,qui avoit écrit en fa faveur au fujet du meurtre de Saint Clair, ne fuflènt morts 1'un & 1'autre dans ces circonilances. . La Ruflie fe trouva a la mort de fa Souveraine dans une agitation qui ne lui permit pas de fonger a faire la guerre a la Suede, & Frédéric fe foucioit encore moins de la déclarer a la Ruflie. La mort de 1'Empereur qui mettoit en mouvement toute l'Europe, engagea Frédéric a convoquer une Diette extraordinaire, pour délibérer fur les mefures qu'il y avoit a prendre au milieu de ces troubles & des circonilances oü fe trouvoit la Suede. (1) La Diette étoit a peine ouverte, que Ie Roi fit remettre au comité feerct, des papiers trés importans trouvés chez le Baron de Gyllenflicrne, Secrétaire du Comte Gyllenbourg, premier Miniftre. Le Baron avoit été arrêté par ordre du Roi, fur le foupcon d'avoir révélé des feercts d'Etat au Miniftre de Ruflie, chez qui il avoit pafle plufieurs nuits. On n'a point fu cc que ces papiers contenoient; mais les députés des quatre Ordres déciderent qu'on déclareroit la guerre a la Ruflie. On prit pour motifs la violation de quelques articles du dernier traité & Paflaflinat de Saint Clair. Le Czar Iwan III répondit au manifefte de la Suede. Dès que la guerre fut déclarée, les troupes fe mirent en mouvement de part & d'autre. Un corps de Suédois d'environ trois mille hommes rencontra un corps plus confidérable de Rufles k Wilmanftrand, pres de Wibourg: ils en vinrent aux mains; le combat fut opiniatre & fanglant, il commenc^i a deux heures de 1'après-midi & dura jufques CO -Supr. Tom. XLI. p. 45. & Tom. XLII. p. 351.  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VII. 5 ques a huit heures; 1'acharnement fut égal, Ia perte a peu prés égale & 1 viétoire incertaine. Wrangel commandoit les Suédois, & Lafcy les Rulles Le reftè de la campagne ie paffa en petits combats. Dans le tems que ces chofes fe paffoient en Suede, une révoludon préci pita du tröne de Ruffie le Prince Iwan, pour y faire monter Elifabêth, fill de Pierre le Grand. Elle donna la liberté aux officiers Suédois qui avoien été Mts prifonniers a la bataille de Wilmanflrand : elle les chargea de dé pêches confidérables pour la Suede & bientöt il y eut une fufpcniion d'arme entre les deux nations. On crut que la paix alloit étre faite; il y eut de négociations, mais on ne put point s'accorder. Frédéric qui ne vouloi point entamer la guerre, fit de grands efforts pour la faire, de maniere : obliger la Ruflie de défirer la paix & d'offrir des conditions plus avantageu fes. Les opérations furent précédées de manifeftes de part & d'autre. Depui la bataille de Narva la nation Ruflc n'étoit plus la même le Czar 1'avoi renduc belliqueufe & fiere, il lui avoit communiqué fon génie. Lc Généra Lafcy avancoit toujours dans le Finland; il chaflbit les Suédois de pofte e; pofte, il les forca enfin de capituicr & d'abandonner le pays. Le Comte di Leuwenhaupt & le Général Budenbrock qui commandoient les Suédois, fu rent mis aux arrêts. Le Roi fe hata de lever de nouvelles troupes & les en voya renforcer Parmée qui revenoit de Finland. Dans ces circonflanccs la Reine mourut de la petite vérole le 5 Décen: bre, a 1'age de 54 ans. Le Roi avant la reprife de la guerre avoit aflem blé une Diette générale, pour délibérer fur les moyens de la continuer. Cett Diette , qui étoit toujours aflemblée, voyant 1'afcendant que les Ruflès avoien pris, & la Suede peut-être a la veille de rctomber dans la fituation, d'o elle commencoit a fortir, défira la paix, & employa la médiation du Rc d'Angleterre. II y eut un congrès aflemblé a Abo; mais ces démarches fu rentrendues inutiles par les propofitions humiliantes pour la Suede,'que fi rent les Miniftres de la Ruflie; on délibéra de continuer la guerre; on lev de fortes contributions, on _équipa une flotte confidérable a Carlskroon e tout annon^oit une guerre opiniatre & cruelle. A ces embarras fe joigni rent des troübles occafionnés par la fucceffion a la Couronne. La Diettf s'occupoit de cette affaire. Les prétendans formoient différens partis. L; Suede avoit de grandes obligations 51 la maifon de Hefle-Caflèl, & furtou depuis la grande guerre d'Allemagne, oü elle n'avoit pas héfité d'expofer fe: Etats & fes Sujets, dans le tems que la Suede fe voyoit abandonnée de tou; les Princes de 1'Empire, pour qui elle combattoit; (1) cette Maifon avoii toujours été Palliée du Royaume. Auffi une grande partié de 1'afièmblée penchoit- elle en faveur du Prince Frédéric de Heffe - Caflèl, neveu de Fré: deric Roi dc Suede, & gendre de George II Roi d'Angleterre. Mais ce parti étoit contre - balancé par celui du jeune Duc Charles-Pierre-Ulric dc Holftein Gottorp, neveu de 1'Impératrice de Ruflie. Ses partifans fe fondoient fur 1'ancicnne alliance de la Maifon de Holftein avec celle des Roi< de Suede, & fur 1'avantage que la nation pourroit en retirer pour faire unc paix honorable avec la Ruflie & recouvrer le Finland. Un troifieme parti (O Voyez notre IM. de Heffe, Tom. XLI. p. 36fX & ftliv. Tome XLIII. II 7 l Hifi. de . Snede. 1718- ft _ nos jours. C « S l t l Succès des j Rujjes. - Nêgocia', tions in- fruSlneufeS r pour la ■ paix. ■ 17J3- : Débats pour la , fuccejjion & la couronne.  53 HISTOIRE DU ROYAUME Sect. VII. Mijl. de Snede. ijVè- a nos jours. Les payfans Je foulevent en faveur du Prince Royal de Dannemarck. La guerre contre la Ruffie je zominne. Eleiïion du Duc de Holflein-Euiin. Traité de $aix d'Abo, O) Introd. h rhift.. dc rUni.v^ propofoit Ie Prince Chriftian des Deux-Ponts, auiïï alliéa la maifon Royale de Suede, & on al.léguoit en fa faveur, que fes trop grandes alliances n'exciteroient point la jaloufie de fes voifins, & qu'il ne forigeroit qu'a faire le bonheur de fes fujets. Enfin un quatrieme parti parloit dü Prince Royal de Dannemarck, & de rétablir 1'union de Calmar. Le Duc de Holftein Gottorp Pemporta fur tous fes concurrens & on lui dépêcha un courier a Moscow, pour lui en donner avis; mais lorfque les députés arriverent,il étoit déja reconnu en qualité de fuccefieur au tröne de Ruffie. La Diette fe trouva de nouveau partagée en différens avis. II y avoit dans la Diette deux partis dominans, celui du Prince de Dannemarck & celui du Prince des DeuxPonts : mais après bien des débats la Noblefle de Finland fit donner 1'exclufion au premier. Cependant 1'Ordre des Payfans, qui.avoit obtenu d'entrer au comité fecret pour cette fois feulement & fans tirer a conféquence, s'obftina a vouloir que le PrinCe de Dannemarck fut élu. Les autres ordres prirent des précautions pour que chaque ordre put procéder cn liberté. Les payfans trouverent un appui dans les Dalécarliens, qui prirent les armes au nombre de 20000 hommes & qui s'avancerent vers la capitale pour obli^er les Etats a nommer Ie Prince Royal de Dannemarck fucceiïèur au tröne. On alla au devant d'eux avec des paroles de paix, 3000 demanderent la permiffion d'entrer dans la ville: on la leur accorda; mais dès qu'ils y furent entrés, ils cauferent des desordres: on fe vit forcé d'en venir a des voies de rigueur; on les arrêta, on fit le procés aux plus rebelles, & ils furent tous condamnés a mort; mais fur le point d'être exécutés, lorfqu'on leur eut lu leur fentence, le Roi leur accorda la vie & les obligea feulement a prêter un nouveau ferment de fidélité. Tandis qu'on fe préparoit aune guerre vigoureufe, les ifles d'Ahland fe foumirent d'elles-mêmes a 1'Impératrice de Ruffie;mais les Suédois les renrirent & remporterent quelques avantages dans la Bothnie occidentale. Les deux partis s'attribuerent la viétoire, dans un combat qu'il y eut fur mer entre les deux^ flottes. Dans la Diette qui ne s'étoit point encore féparée, on fit le procés au Baron de Budenbrock & au Comte de Leuwenhaupt; ils furent condamnés a perdre la tête: le Roi vouloit leur faire grace, mais 1'ordre des payfans fut incxorable. Les Ruflès étoient toujours maitres du Finland: la Suede avoit befoin de la paix. On ouvrit de nouvelles conférences & les préliminaires furent fignés a Abo le 27 de Juin. Par un des arricles Plmpératrice demandoit que le Duc de Holftein - Eutin, Evêque de Lubec, fut élu en qualité d'héritier préfomptif de la couronne & de fuccefieur au tröne de Suede; ce qui fut propofé aux Etats. La propofition étoit délicate , aufli entraina-t-elle beaucoup de débats. L'ordre des payfans s'y oppofa d'abord formellement, mais on les fit confentir en faveur des grands avantages que la Cour de Ruflie offrit. Enfin le 3 de Juillet, le Duc Adolphe - Frédéric de Holftein-Eutin fut élu, & fes defcendans males déclarés héritiers de la couronne, felon l'ordre de fucceflion établi en Suede. (1) Dès que cette Election eut été faite, la paix fut conclue, elle fut fignée a Abo le 7 d'Aoüt; la Suede cédoit a la. Ruffie, conformémcnt au traité de Neyftadt, la Livo-  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VII. 5« ni», 1'Efthonie, Pingermanie & une partie de la Carélie, avec les diftrich des fiefs de Wibourg, qui font fpécifiés dans 1'Art. VIII du même traité, le; villes & fortereffes de Riga, de Dunamunde, de Pemau, de Narva, de Wi bourg, de Kexholm , & toutes les autres provinces nommées, avec leurs villes, fortereffes, ports, diftriéts, rivages & cötes appartenant a ces provinces, & les ifles qui fe trouvent depuis les frontieres de Courland & le lon^ des provinces de 1'Efthonie, de la Livonie, de 1'Ingermanie & du cöté orien tal de Revel. Le Roi de Suede cédoit encore la province de Kimenegrot dans le Grand-Duché de Finland. L'Impératrice reftituoit au Royaume d< Suede, le Grand-Duché de Finland, la province de Bothnie oriëntale Biorncborg, Abo & les ifles d'Ahland, les provinces deTravaflhus & de Nyland, avec la partie de la paroifle de Pyttis en-deca & h 1'Oueft du dernie: bras du fleuve de Kimen ou Keltis, avec toutes fes appartenances, de mêm< que la partie de la Carélie, ou fief de Kexholm, avec la province de Savo laxie, excepté la ville & forterefle de Nyflot & fes environs. On régloit en fuite les limites des deux Etats. (i) A pcine cc traité, qui rendoit a la Suede un repos fi defiré, fut-il con clu, que le Roi de Dannemarck réclama le Duché de Holftein, en verti des Conftitutions Germaniques, qui privent du droit de fouveraineté, tou Prince qui abjure fa religion, pour en profefièr une autre que la Catholiqu< & la Luthérienne, les feules qu'autorifent ces Conftitutions. C'étoit le ca: du Duc dc Holftein-Gottorp appellé au Tröne & a la Religion Rufie; cetti prétention lui fervoit en même tems de prétexte pour fe venger de la préfé rence que la Suede avoit donnée au Duc de Holftein - Eutin fur lc Prine Royal de Dannemarck. L'Impératrice de Ruflie fit déclarer a ce Prina qu'elle foutiendroit de toutes fes forces Péleélion du Duc de Holftein - Eutin & que, fi la Suede étoit attaquée, elle la défendroit. Lc Comte de Teflin qui s'étoit acquis la réputation du plus grand négociateur de l'Europe, dan: fon ambaflade en France, fut envoyé a Coppenhague; il détruifit toutes le: raifons & les griefs du Roi de Dannemarck, il fe donna tant de foins & fi conduifit avec tant dc fageflè, qu'il porta ce Prince a un accommodement. I fut envoyé quelque tems après, par le Roi de Suede, k la cour de Berlin demander au Roi de Pruflè la Princeffe Louife Ulrique, fa fceur, pour 1< Duc de Holftein - Eutin; il la ramena a Stockholm le 27 Aoüt, & elle fu mariée par 1'Archevêque d'Upfal. Le Pvoi entra dans la ligue ou union de Francfort, mais feulement com me Landgrave de Heffe. Soit qu'on cherchdt a brouiller les cours de Ruflk & de Suede, foit qu'en effet les partis oppofés au Duc de Holftein ne fu( iènt pas contens de fon élecfion, on publia qu'il s'étoit formé en Suede ut complot pour lui öter la fucceflion a la couronne; on prétendoit même qu< ce complot étoit appuyé par 1'Impératrice. Cette Princeflè fe juftifia par ui mémoirc, auquel le Roi répondit de la maniere la plus fatisfaifante pour elle la Diette étoit alors aflèmblée, le Miniftre de 1'Impératrice propofa de pren dre des moyens efficaces pour rendre a 1'avenir' les liens de la paix entre le deux couronncs plus folides, & fe plaignit en même tems qu'il y avoit de (O Vovez cet article concernant les limites Puffendcrf, Liv. 4. Ch. 1. & dans le R cueil de RcuJJct. H 2 ) Kift. de ; Suede. . 1718- k nos jours. I ■ Le Dannel marckmsnci' . ce la Susde. ■ 1744- , II fait la ( paix. ^ Mnriage > du Duc de ; Holftein- j. Eutin. ■ I745-I747. I l : Le Comte . de Tejftn , accuje ' jujiifié pat 3 les Etats.  Sect. VII Hift. de Suede. 1718- a nos jours. Méfiance enire les cours de Ruftie 6? de Suede. I7SO. Tntrigues d'écouvertei & punies. 2751.. Mort de Fféderic. Sou éioge. CO Voltaire, ElTai fur les mceurs & Fefprit des aations. T. 3. de réd. in 410» 60 HISTOIRE DU ROYAUME , perfonnes, dont les intrigues fecretes tendoient a troubler cette union. Le Miniftre nomma parmi les perfonnes fufpecles le Comte de Tefïin; mais ce Sénateur ayant demande a la Diette d'examiner fa conduire, fut ara pleinen c décharge & la Diette déclara que, bien loin d'avoir trotivé la moindre caufe -de foupcon dans ce Miniftre, jamais aucun n'avoit montré tant de droiture, dc prudence & de capaciré, & qu'il avoit toujours donné les preuves les plus éclatantes de fon zele pour les intéréts de la patrie. On étoit 11 bien parvenu a jetter du refroidifïèment entre les deux Souverains, les plaintes devinrent fi fréquentes, qu'on eut tout lieu de craindre une rupture éclatante. On prenoit refpeclivement des précautions pour fe mettre en füreté. Frédéric fit un traité d'alliance avec le Roi de PruiTe & renouvella celui qu'il avoit fait avec la France en 1738. Cependant on découvrit deux de ces intriguans, qui, a la vérité, ne s'étoient propofés de brouiller la Suede avec la Ruffie, mais qui trayailloient pour la cour de Dannemarck. Le Docteur Blackwel, Médecin Anglois, penfionnaire du Roi de Suede, & Springer, négociant, avoient entrepris d'enchainer la nation & de changcr l'ordre établi pour la fucccfïion a la couronne: Blackwel eut la tête tranchée, & Springer fut mis pendant deux heures au pilori; on ne fuc dans le tems ni quels étoient les véritables auteurs du complot, niquel en étoit 1'objet précis; mais comme il y eut des explications entre les cours de Suede & de Coppenhague, on conjeéfura qu'ils avoient projeté de rétablir Punion de Calmar & de mettre les deux couronnes fur la tête du Prince Royal de Dannemarck; la veille du jugement Springer s'étoit évadé & réfugié chez 1'Envoyé Extraordinaire d'Angleterre, qui ayant refufé quelque tems de remettre le coupable, ne le rendit qu'après avoir protefté contre la violencc qu'on lui faifoit: ce refus, ces proteftations, les murmures qu'il fic éclater au fujet du jugement de Blackwel, & la jullification qu'il entreprit en faveur de Springer, engagerent le Roi de Suede de fe plaindre a la cour de Londres, qui rappella fon Miniftre. Les Suédois & les Ruffes s'étoient mis en mouvement; ils s'obfervoient, mais ne faifoient aucun acte d'hoftilité; on attendoit le fignal de la guerre, lorfque le Roi mourut le 5 d'Avril, age de foixante-quatorze ans, onze mois & buit jours: il fut généralement pleuré & le méritoit, par la douceur de fon gouvernement & par le bien qu'il avoit fait a 1'Etat, en relevant le commerce & la marine, en rétabliflant le militaire, en rendant a la nation fon ancienne liberté, en renoncant au pouvoir defpotique. C'eft a lui qu'il faut attribucr, ce qu'un de nos écrivains dit des changemens heureux arrivés dans le gouvernement de ce Royaume: (1) „ Ce n'eft qu'après la mort „ de Charles XII, dit-il, que la Suede toujours guerriere s'eft enfin tournée „,a l'agriculture & au commerce, autant qu'un terrain ingrat & la médio„ crité de fes richeflès Ie peut permettre. Les Suédois ont eu enfin une „ compagnie des Indes, & leur fer dont ils ne fe fervoient autrefois que „ pour combattre, a été porté avec avantage fur leurs vailTeaux, du port de „ Gothenbourg aux provinces méridionales du Mogol & de la Chine; . „ cette Suede fi defpotiquement gouvernée, eft devenue de nos jours Iqt  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VIL 61 „ Royaunie de la terre le plus librc & celui oü les Rois font les plus dé„ pendans." Des que le Roi fut mort, Frédéric Adolphe, fon fuccéfTeur défigné , monta fur le tröne, & jura de fe conformer a la forme de gouvernement établie en 1720. L'Impératrice de Ruffie fit auflitör retirer les troupes qu'elle avoit envoyées dans le Finland, & fit affurer au nouveau Souverain qu'elle vouloit vivre en paix avec lui. Ce Prince fuivit dans fon' adminiftration le plan du fage Frédéric, fon prédécefleur; ce fut la même bienfaifance, la même bonté: il s'attacha a rendre fes peuples heureux, a continuer les défrichemcns commencés fous lc dernier regne, a favorifer le commerce & les arts. Cinq eens maifons ayant été confumées par les Hammes a Stockholm, il adoucit cette perte aux malheureux habitans; il porta un ceil attentif fur Péducation de la jeunefle; il réforma dans les tribunaux de juflice quelques abus, qui avoient échappé a la vigilancc du dernier Roi, & attira 1'abondance dans fes Etats. (1) Cependant il fe forma des eomplots contre lui, car a la honte de 1'humanité, les meilleurs Princes font plus expofés aux attentats de la méchanceté que les tyrans. (2) Le Roi venoit de perdre fa mere Albertine - Fréderique, Ducheffe Douairière de Holfiein - Gottorp, (morte a lage de 73 ans & cinq mois, le 21 Décembre 1757 ,)lorfqu'un Caporal de fa garde donna avis a la Diette d'un complot qui raenacoit 1'Etat. On arrêta un Capitaine, qui déclara a la quefiion que Stockholm devoit être 'livré aux fiammes & que pendant ce terme on devoit maffacrer la plupart des principaux citoyens, poui pouvoir enfuite renverfer plus aifément toutes les conflitutions de la Monarchie Stiédoife. Le Comte Eric de Brahé, Colonel des gardes a cheval, fut arrêté, avec le Baron Guftave de Horn & quelques autres. En attendant qu'on inftruisit leur procés, on donna cent mille écus de gratification au Caporal , avec le grade de Lieutenant; on découvrit quelques autres complices & plufieurs prirent la fuite; leur tête fut mife a prix: le Roi écrivit a ce fujet une lcttre trés touchante a 1'aflemblée des, Etats. II y rappelloit les tems orageux, oü, fans avoir jamais eu 1'ambition de regner, il avoit été appellé au tröne par une éleétion libre; le zele avec Iequel il s'étoit appliqué a faire la félicité de fes peuples & a réunir tous les cceurs; il y retrace fes facrifices au maintien de la liberté & dès loix; il s'y plaint des difficultés qu'il trouve fans ceffe dans 1'exécution de fes projets, même de la part de la Diette, tandis que dans 1'exercice de la Royauté il ne devroit avoir d'autres guides, que la parole divine, fa confeience,. la forme de gouvernement & fon acte d'affurance. II ajoutoit, qu'on lui avoit prefcrit de nouvelles regies trop étroites, qui bleffoient les droits de la couronne & qui rendoient fa condition plus trifte que celle du dernier de fes fujets. II y protefloit en outre devant Dieu, de fon penetrant a fuivre les loix, de fes vues dans le choix des fujets, dont il avoit rempli les emplois vacans détruifant Pabus funefte de la vénalité, & cependant on avoit toujours voté contre eux, on leur envoyoit des ordres qui n'auroient dü émaner que du tröne. II fe plaignoit enfuite des imputations & des libelles répandus contre lui & finifibit par les proteftationa Ci) Introd., a 1'hift. de 1'Univ. (2) Mémoires du tems. \ H 3 Hift. deSuede.1718. & nos jours. FrédéricAdolphe, ' I75T» 1755-175®*. Complot contre l'Etatï Le Roi Jeplaint des obft'.cles qu'on lui oppoje*.  §ECT. VII Hifi. de Suede. 1718- a nos jours. Le Comtt de Brahé, l, Baron de Horn,Stahl ivert &Puke ont la tl te tranchée, Traité du Dannemarck & de la Suede. *757- Soms de FrédeticAdolphepour le bien de 1'Etat. 62 HISTOIRE DU ROYAUME , les plus folemnclles de maincenir k liberté de la nation jufques a la derniere goutte de fon fang. II demandoit que les Etats lui fiflenc connoïtre clairement comment, a 1'avenir, il pourroit exercer fans trouble les droits de la Royauté & fes prérogatives, aimant mieux dépofer la couronne que de la • porter dans de continuelles agitations & d'une maniere peu digne de la Majefté Royale. Les Etats eurent égard a cette lettre, témoignerent au Roi ' leur fatisfaérion de fon gouvernement, & le prierent de continuer fur le même plan. Le comité avoit condamné le Comte de Brahé, le Baron de Horn, le Capitaine Stahlwert & le Lieutenant Puke a avoir la tête tranchée: La fentence fut confirmée par les Etats & exécutée le 13 Juillet. La Comteffe de Brahé trés avancée dans fa groffeffe follicita envain la grace de fon mari: il voulut embraftèr fon fils agé de neuf ans, avant de mourir, & luï fit les exhortations les plus touchantes. On condamna auffi a mort les auteurs des libelles & ceux qui les avoient répandus dans la Dalécarlie. Dans le tems que Ia guerre entre 1'Impératrice Reine & le Roi de Pruflè, la France & PAngleterre, occupoit toute l'Europe, les Rois de Suede & de Dannemarck jouiifoient d'une paix profonde; cependant ces deux Monarques crurent néceffaire de fe lier par un traité, pour faire refpeéter leur pavillon par les armateurs & les vaifièaux des puiffances belligérantes: ils entretinrent a cet effet une flotte combinée, jufques a ce que la paix fut rétablie en Europe. Mais le Roi de Dannemarck conclut Pannée fuivante avec PAngleterre un traité, par Iequel S. M. Danoife s'engagea, moyennant un fubfide confidérable, de joindre douze mille hommes de fes propres troupes aux troupes Eleétorales de Brandenbourg & d'Hanovre, au cas que des armées étrangeres pénétraffent dans les Duchés de Cleves, de Gueldres & dans la Weftphalie. La Diette des Etats du Royaume confirma la fentence rendue par contumace contre le Comte de Horn & le Baron de Wrangel, condamnés a perdre les biens, 1'honneur & la vie, comme principaux auteurs de la derniere confpiration. On y délibéra que les réfolutions du Sénat arrêtées a la pluralité des fuffrages, fcroient exécutécs indépendamment du confentement ou de 1'oppofition du Roi; il fut ordonné qu'il feroit fait un timbre pour fuppléer au défaut de fignature dc Sa Majefté ;on arrcta-que dans le cas oü le Roi viendroit a mourir avant la majorité du Prince Royal, le gouvernement du Royaume appartiendroit au Sénat , fans la participation & Padjonclion de qui que ce puifiè être; que toutes les affaires y feroient régiées pendant la minorité du Prince, & qu'il fera veillé a la fuite de fon éducation, fous la dircciion des nouveaux gouverneurs , précepteurs & inftituteurs, qui lui avoient été donnés par les Etats même. Plufieurs Proyinces commencoient a fentir la difettc des grains; le Gouvernement y pourvut de la maniere la plus fage; le Roi publïa que les habitans les moins aifés, cn rapportant des certificats de leurs befoins, pouvoient avoir recours aux magafins publiés, pour en tirer, moyennant un prix modique, la quantité de grains dont ils auroient befoin ■ & défendit fous les peines les plus féveres, la diftillation & 1'ufagc des liqueurs de grain. Le Roi s'adrefia a PImpératrice de Ruffie, pour qu'elle permït qu'on fit de nouveaux ichats de grain dans les provinces dc fon Empire voifines de ia Suede. Cet-  DE SUEDE, Liv. XXXI. Secï. VII. 63 te PrincelTe permit aux Suédois de tirer de Narva trente mille tonnes dc j grains, autant de Riga, trois mille de Windau, cc erïvoya au Roi, en pré- 5 fent, dix mille facs de farine pour être diftribués aux families les plus indi- : gentes. II fut établi une caiffe militaire, au moyen de laquelle les officiers ' qui fe retireroient après trente ans de ièrvice, recevroient, même après leur retraite, leurs appointemens en entier fans aucune redevance a la Couronne. Le Roi qui s'attaehoit a faire fleurir le commerce, fentit combien les privileges excluiifs lui étoient contraires; il fupprima en conféquence, les privileges de la compagnie de Turquie établie depuis quelque tems; en ouvrant ce commerce a tous les Suédois qui voudroient 1 'entreprendre, il excita une i émulation utile a 1'Etat; en même tems il publia une ordonnance, qui con- J damnoit a des peines trés féveres quiconque feroit convaincu d'avoir fraude Ia douane. Cependant ce Prince ne négligeoit riempour la füreté de 1'Etat, il envoya 16000 hommes vers la Poméranie. L'Impératrice de Ruffie lui ayant fait connoitre fes intentions pour fes Alliés, & prié ce Monarque de faire tous fes efforts pour feconder fes vues, le Roi communiqua la lettre de 1'Impératrice au Sénat; on preifa les recrues & Pon équipa a Carlskroon trois nouveaux vaiflèaux de guerre & quatre frégates. Les troupes de terre furent augmentées jufques au nombre de 20000 hommes: Pefcadre Suédoife ne tarda point a paffer le Sund pour aller croifer dans les mers du Nord, elle revint enfuite prendre les troupes deilinées pour la Poméranie Pruffienne. Le Roijuftifia dans un manifefte fon invafiondans cette Province, comme garant du traité de Weftphalie. L'armée pafla la Pene fur trois divifions: la première aux ordres du Général Lentigshaufen, furprit Anclam & Anclamer-fehr; la feconde, fut commandée par le Général Lievven; & la troifieme, par le Général Ehrens-. werd, qui s'empara de 1'ifle d'Ufedom, du fort de Pennamunde & couvrit 1'embouchure de la Pene. Le Roi de Pruflè fit marcher un corps de 12000 hommes, forma un camp devant Stettin pour y attendre les Suédois, & forca le Miniftre de Suede a la cour de Berlin, de fe retirer; & répondit au manifefte de Frédéric Adolphe. „ Le Grand Eleéteur feroit bien étonné, „ (écrivoit- il) de voir fon petit-fils aux prifes avec les Ruflès, les Autri„ chiens, pref que toute PAllemagne & 100000 auxiliaires Francois. Je ne „ fais s'il y aura de la honte a fuccomber, mais je fais qu'il n'y aura pas de „ gloire tt me vaincre." Le Maréchal Ungern de Sternberg, ayant le commandement général de l'armée Suédoife, fit d'inutiles efforts pour détacher les habitans de la Poméranie , de leur attachement pour le Roi de Pruflè leur Souverain. A Papproche des Prufliens, l'armée Suédoife quitta le camp de Ferdinandshoff & 1'ifle de Wolin , qu'elle abandonna aux ennemis, qui, malgré la fupériorité du nombre, ne purent jamais entamer le corps de Suédois qui étoit dans cette iile. Cette retraite des Suédois engagea la cour ^rappeller le Général Sternberg & a donner le commandement au Comte de Rofen, qui attendit les Prufliens dans 1'ifle de Rugen, d'oü fes fages difpofitions les empêcherent d'approcher. Cependant les Corfaires Anglois infultoient fans ceflè les batimens Suédois; le Sénat publia a cette occafion une amniftie générale en fa" veur des matelots qui, ayant pafte au fervice des Puiflances étrangeres,.retour- 'lijf . de luede. 718- st os jours. Compagnie le Turquie; 'upprimée. Le Roi enre dans lm Poméranie Prujfienne fon 'waar (ion, 1753o-  o4 HISTOIRE DU ROYAUME .Sect. VII. Hift. de Snede. 1718- a nos jours. Succès des Suédois. Bataille de Zorndorff. I 1759. Complot < concernant j le Gauver- ( nement, découvert a ' Stockholm. < 1 1 neroient a celui de leur patrie. Le Comte de Rofen voulut furprendre Penamunde, il étoit parvenu jufques fur les remparts; mais la garniibn vole a 1'endroit de 1'attaque & repouflè les Suédois, qui après un combat opiniatre furent obligés de fe rembarquer avec perte. Le gouvernement fit de fortes levées & envoya des renforts confidérables a Stralfund, & il fut convcnu entre les cours de Suede & de Ruffie, que dans le cas ou 1'Angleterre enverroit une efcadre dans la mer Baltique, la Suede y auroit dix vaiffeaux de guerre & quatre frégates, & la Ruflie quinze vaiflèaux & quatre frégates pour fe réunir au premier avis de 1'entrée des vaiflèaux Anglois. Les Ruflès s'étant approchés en force de la Poméranie, les Prufliens 1'évacuerent pour s'oppofer a leurs progrèsrles Suédois reprirent Anclam & Demmin. Dans cet interyalle, leur traité avec la Ruflie ayant été renouvellé, 1'efcadre du Roi commandée par le Vice-Amiral Langerbielke mit en mer; 800 Suédois entrerent dans Roflock & y mirent garnifon, ainfi que dans Guflrow, & ces villes furent fommées de remettre les contributions que les Prufliens. exigeoient; mais les caiflès avoient été vuidées: d'un autre cöté, les Suédois fircnt une defcente dans 1'ifle d'Ufedom, au nombre de 2000 hommes d'infanterie; ils s'emparerent de Penamunde, oü ils trouverent 45 canons, 3200 boulets, 730 bombes ou grenades, 3070 cartouches & une trés grande quantité de poudre. La flotte combinée de Suede & de Ruflie confiftoit en 25 voiles Ruflès & 9 Suédoifes. Enfin les armées Ruflè •& Pruflienne fe trouverent en préfence prés de Zorndorff. II y eut une bataille fanglante, dont chaque parti s'attribua la viétoire: le carnage fut affreux de part & d'autre: les armées étoient commandées par le Général Fermer d'un cöté & par le Roi de Pruflè de 1'autre. Le 25 Septembre, la bataille commenca a neuf heures du matin; a midi la première ligne des Prufliens fut culbutée; elle fe rallia & fut renverfée encore : mais le Roi de Pruflè ayant rétabli le desordre, vint. a bout de percer entre Paile droite & Paile gauche des Ruflès, les fépara, mit la droite en desordre & la poufla vivement jufqu'au bord d'un marais. La gauche ne fut point ébranlée; la nuit furvint. Le Major Général Damikoff rallia les foldats difperfés prés du marais, en forma un corps d'infanterie & de cavalerie, marcha aux Prufliens, les prit a dos & en flanc, les chafla une demi-lieue audèla du champ de bataille & s'y établit. La gauche averde de ce fuccès avanja auflïtöt, reprit tout le terrain que l'armée avoit occupé avant le combat St s'y foutint: le 26 on fe canonna encore & l'armée Ruflè enterra fes morts in préfence de 1'ennemi, & raflèmbla les drapeaux & les canons pris fur 1'enlemi. Les Prufliens, de leur cöté, remporterent beaucoup de trophées,& :haque parti remercia le ciel de la viétoire qu'il avoit remportée. Cependant on découvrit a Stockholm un complot , dont 1'objet étoit le :hangement de la conftitution politiquc. On prit un nommé Lambert, Serurier, & un Heyduc du Roi: le nommé Tiberg appliqué a la queftion, avoua me les confpirateurs avoient cnvie d'enchainer la liberté de la patrie & fa ruine otale; plufieurs perfonnes de diflinétion furent impliquées dans ce complot: lans le cours de Pinfiruction du procés, Lambert, un des chefs du com>lot pour faire foulever les Dalécarliens, mourut. Le fifcal demanda que' ;uit perfonnes ftiflènt punies de mort & leurs biens confifqués. Les auteurs & les  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VII. 65 ■& les complices de cette conjuration, tous gens obfcurs, furent condamnés a mort. L'armée Suédoife ayant repris fes opérations, que les divifions inteftines avoient fort rallenties, s'empara du chateau de Locknitz pour intercepter .aux Prufliens le paflage de la riviere de Randau. Les galeres Suédoifes prirent plufieurs batimens Prufliens : on fe rendit maitre des ifles de Wolin & d'Ulèdom, & on y fit un grand nombre de prifonniers: les Suédois obtinrent encore quelques avantages fur les Prufliens, dont les violences forcerent le Duc de Mecklenbourg k fe déclarer contre eux, & h joindre fes troupes & celles des Suédois. Le 7 de Février, les Suédois remporterent un avantage confidérable fur les Prufliens. A 1'approche de ceux,ci, les Suédois firent femblant de replier leurs quartiers; leurs gardes avancées avoient abandonné leurs pofles: les Prufliens trompés par ces mouvemens s'avancerent jufques a Anclam & s'emparerent des fauxbourgs; mais ils y furent furpris. La confufion fut fi grande, que Pennemi entra pêlemêle avec eux dans la ville. Le Général Manteuffel qui commandoit les Prufliens, recut trois bleflures & fut fait prifonnier de guerre avec une partie du corps qui étoit fous fes ordres. Le Gouvernement fut fi content de fon Général Lentingshaufen, qu'il fut décidé de lui envoyer un renfort de ioooo hommes des meilleures troupes. Mais après 1'affaire d'Anclam , les Suédois refterent tranquiles & attendirent que les Prufliens fiflènt quelque nouveau mouvement. Un corps confidérable commandé par le Comte de Ferfen s'étant joint a Parmée, elle fut attaquée dans le mois de Septembre par les Prufliens, qui furent repoufies avec perte^ le lendemain l'armée s'avanca jufques a Duckerovv, elle alla camper a Strasborg, & de-la vers 1'Uker , entre Paflewalck & Prenzlow, dans le Brandenbourg; les Suédois fommerent Prenzlow, & les Prufliens ayant refufé de capituler, les Suédois fe frayerent un chemin entre les palifiades; deux bataillons s'y jetterent avec précipitation & ouvrirent Jes portes; les,(Prufliens fe défendirent de rue en rue, & trouverent le moyen de s'échapper; mais les Suédois, maitres de la ville, y établirent leur quartier général. Leur Efcadre devoit foutenir les Ruflès,. qui faifoient le fiege deColberg; mais les Prufliens étant venus au fecours, les afliégeans abandonnerent leur entreprife, 17pieces de canon & 7 mortiers: 1'Efcadre fe retira. Les troupes, après avoir fait quelques expéditions dans la Poméranie Brandenbourgeoife, reprirent leurs quartiers fur les terres Suédoifes., ne pouyant pas fubfifter ailleurs. - Les Etats s'aflèmblerent le 25 Novembre a Stockholm; on y agita la ques» tion, fi f examen de la conduite du Sénat devoit être attribué a la grande députation & non au comité fecret. On décida de nommer une Commiflion exprès pour cet examen, & pour celui des motifs qui ont engagé la Suede d'entrer dans la guerre préfente. La réhabilitation de plufieurs officiers qui avoient quitté l'armée fans ordre ou malgré la défenfe qui leur en avoit été faite, fut un fecond point qui occupa longtems les Etats & fur Iequel il n'y eut rien de décidé. L'aflèmblée fut fort agitée par la différence des opinions. La Diette s'aflèmbla le 15 Février. Le Baron de Hopken Sénateur, qui Tome XLIII. I Hift. de Suede. 1718- k nos jours. Siege ie Colberg. Divifions •ntre les Ordres lis 'Etat. 1761.  Sect. Vil Hift. de Suede. i/id- h. nos jours. Congres d'Augshourg. 1762. Mort d'£ lifabeth Petrovuna. Réglemer au fujet des AJoble: Traité de paix. Le Hoi s'applique faire le bonheur dt fes fujets. CO Supr. Tom. XLII. p. 356. CO Ibid- & Tom. XLL p. 8fi &c. 66 HISTOIRE DU ROYAUME . rempliflbit fi dignement la place du Comte de Teffin, demanda de fe retirer a caufe des divifions qui regnoient en Suede, oü les uns briguoient pour, & les autres contre la liberté. Ces divifions nuifirent a 1'intérêt général, & c'eft a ce motif qu'il faut attribuer la lenteur des fuccès des troupes Suédoifes, ■ bien différentes de cequ'elles étoient aux tems de Guftave Adolphe,de Charles X & de Charles XII. II fut décidé que c'étoit contre 1'intérêt de 1'Etat, que deux des Sénateurs avoient conlèillé d'entrer dans cette guerre: ces Sénateurs ayant demandé & obtenu leur démiffion, on fongeoit a la paix; le Roi de France fit inviter les Etats par fon Miniftre, de concerter avec lui un plan de pacification, auquel tous les membres de 1'alliance donneroient leur confentement. Un Congrès fut afligné a Augsbourg: les Rois de France & de Suede, comme garants du traité de Weftphalie, avoient propofé cette ville a LL. MM. Britannique & Pruffienne , qui avoient confenti au congrès d'Augsbourg; mais la guerre n'en continua pas avec moins de vigueur. Dansle cours de cette guerre, les Suédois eurent peu d'aéfions éclatantes: cependant ils paflèrent peu de tems fans combattre, même avantageufement, &. furtout pendant la campagne de 1761. Le commencement de 1'année fuivante fut 1 epoque de la mort d'Elifabeth - Petrowna, fille du Czar Pierre I, Impératrice de toutes les Ruffies, a laquelle fuccéda Charles - Pierre - Marie de Holftein - Gottorp, neveu d'Elifabeth, fous le nom de Pierre III. (1) L'avénement de Pierre III au tröne de Ruffie changea la face des affaires: il fit un traité d'alliance avec le Roi de. PruiTe & bientöt les Suédois conclurent une fufpen'fion d'armes avec lui pour { deux mois. Dans Paflcmblée des Etats , plufieurs perfonnes que Ie Roi avoit ennoblies, ayant demandé a prendre féance dans la chambre des No- • bles, il fut décidé qu'on n'y en admettroit aucun, jufques a ce que le nombre de ceux qui,jouifioient a&uellement du droit de fuffrage,fut réduit a 800. Dans cette même afTemblée il fut délibéré d'ériger une ftatue a Guftave I. • La NoblefTe affigna des fonds pour cette dépenfe. La révolution qui précipita du tröne le Czar Pierre III, & qui y placa Catherine II, occafionnée par la paix que ce Prince venoit de conclure avec la PruiTe & par les changemens qu'il vouloit faire dans la religion, ne changea rien au traité conclu entre les Rois de Suede & de Pruflè. A ce traité fuccéderent les Prélimir naires de la paix, conclue entre la France & la Grande Bretagne le dixieme Février 1763 & enfin la paix générale. (2) Quoique la Suede fut la première des Puiffances qui fit la paix, elle fe. reffentit comme les autres des fuites de la guerre: les banqueroutes occafionnées par ce fléau a Amfterdam, a Hambourg, aBerlin, s'étendirent fur plufieurs négocians Suédois: le commerce fouffroit;, le Roi s'attacha a le rétablir. Le meilleur moyen de rendre aux Etats épuifés leur force & leur fplenh deur, eft d'encourager les arts & de récompenfer le mérite. Le Roi ennoblit le célebre Linnanis. II encouragea les progrès de Pinoculation & 1'Archevêque d'Upfal foumit fes enfans a cette méthode. Les Négocians touchés des bontés du Roi & de la Reine, firent frapper deux medailles d'or; 1'une repréfentant le bufte du Roi & au revers, des trophées d'armes avec  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VII. 67 cette infcriprion: Noflro grandefcant labore. L'autre portoit Ie bufte de Ia Reine, & au revers, divers attributs ayant rapport aux fabriques, avec Ia légende: Ingenium prccio- fuis auro. La France, qui avoit renouvellé avec la Suede fon ancienne alliance, lui accorda un million & demi par année , tant pour le payement des fubfides qui fe trouvoient arriérés, que pour ceux qui alloient courir. Le Roi, fans ceffe attcntif a foutenir fon commerce, obtint qu'il y auroit toujours une efcadre de cinq ou fix vaiflèaux de guerre dans la Méditèrranée, pour le mettre a couvert des entreprifes des Etats Barbaresques, a caufe de quelques différends furvenus entre la Suede & le Bey de Tunis. Ce Prince prétendoit que la Suede lui avoit refufé les préfents ordinaires, quoiqu'ils lui euffent été envoyés;il eft vrai que le vaifièau qui les apportoit, lit naufrage. Cependant les corfaires de Salé imquiétoient tellement le Commerce & la Navigation de Suede, que le Roi ordonna au College de Commerce, de n'accordcr des pafleports pour les mers, oü ces corfaires étoient en croifiere, qu'aux vaiifeaux qui feroient pourvus de munitions de guerre, d'un équipage nombreux & d'une artillerie fuffifante. Les'Etats convoqués depuis trois mois pour le 15 de Janvier, s'aflèmblereht folemnellement a Stockholm ; le Roi avoit pris les précaudons les plus fages, pour que les députés des différens ordres fuifent tous d'une réputation füre. L'ouverture de la Diette fe fit le 30. Le Roi vint y tenir fon tröne. Jl y avoit trois partis: les partis Francois & Anglois, & le parti national; celui-ci foutenoit que la nation ne devoit entrer dans aucun engagement avec d'autres Puiffances, ni cherchcr a fe tirer d'affaires au moyen de fubfides; mais qu'elle devoit tacher de fe relever par fon application & fon économie, au point qu'elle parvint a fon ancien état d'indépendance. Le Colonei Thure Guftave Rudbeck, Maréchal de laDiete, pronon9a un difcours, dans Iequel il attribua'les maux & la dégénération de la Suede, au changement de mceurs, aux événemens imprévus & au luxe. Le Comité s'occupa de cette queftion: quel fyfléme politique convient-il d'embraJJ'er relaüvement ,aux Puiffances étrangeres? la France, dont elle retire des fubfides; la Rujfie, avec laquelle la Suede a des ménagemens a garder, a caufe des Etats Ruffes qui avoifinent les fiens du cöté de la F'mlande; le Roi de Pruffe, qu'il faut également ménager a caufe de fes poffejjïons en Poméranie: enfin VAngleterre, dont il faut rechercher Vamitié relativement au Commerce & a la Navigation. L'Ordrc des payfans demanda qu'il leur fut permis d'acquérir des terres libres, héréditaires & de toute propriété; privilege dont la NoblefTe avoit feule joui jufques alors. Le Comité fecret demanda du tems pour délibérer fur des objets d'une fi grande importance; il ajouta qu'il voyoit avec une extreme douleur le trifte état du Royaume, & qu'il convenoit de fufpendre 1'acTivité de la Diette, jufqua ce que les membres du Comité fuflènt en état de rendre compte de leurs opérations; en conféquence la Diette qui ne devoit durer que trois mois, fut prolongée. On écrivit aux Miniftres que 1'Etat entretient dans les différentes Cours de l'Europe, pour avoir des éclairciflêinens concernant la régie, l'ordre & les régiemens des Poftes, qu'on fe propofa d'établir en Suede. Kierman, Bourguemeftre, & trois négocians furent I 2 Hifi. de Suede. 1718- a nos jours. 1/64. 17(55.  68 HISTOIRE DU ROYAUME Sect. VII Hift. de Suede. 1718 h nos jours. 1766. 1768. , arrêtés: ils furent trouvés redevables k 1'Etat de 64 tonnes d'or (quatre millions 800 mille livres de France:) ils poifédoient des biens immenfès. Outre les déprédations dont on les accufoit, Kierman avoit vendu a la nouvelle Compagnie des Indes deux vaiflèaux de guerre qu'il avoit fait conflruire pour la . Couronne, & avoit obtenu en même tems la permiflion de couper le bois dont il auroit befoin dans les forêts du Roi. On procéda criminellement contre eux. Ils furent condamnés folidairement a la rellitution de 60 tonnes d'or; Kierman au pain .& a 1'eau pendant 28 jours & a une prifon perpétuelle, oü il mourut quelque tems après. Lefebvre , directeur des mines, fut condamné a trois femaines de la même peine, a perdre fon droit de bourgeoifre & profcrit du lieu oü la Diette s'aflèmbleroit a 1'avenir; NicolasGrill & fon aflbcié, a une amende de trois mille écus chacun: ceux - ci fe racheterent de 1'emprifonnement & du jeune. Le Comte de Brahé profcrit par la Diette de 1756, ayant été réhabilité, fes biens furent déclarés transmisïibles a fes héritiers a titre de fucceflion. La Diette avoit terminé fes féances au mois de Novembre 176Ö. Avant. de fe féparer, le Comité fecret avoit annoncé aux Etats le mariage du Prince Guftave de Suede avec la Princeffe Sophie Magdelaine de Dannemarck,. qui fut célébré le 6 Novembre. On avoit accordé le titre de Majefté Impériale a 1'Impératrice de Ruflie, qui ne 1'avoit encore obtenu que du Roi. II avoit été arrêté que le Roi feroit publier un édit fur la liberté de la preflè; (1) ce qui fut exécuté. II avoit publié une ordonnance pour réprimer le luxe, foit dans les habits,foit pour la table: elle contenoit plufieurs régiemens fomptuaires, II regnoit entre le Roi & le Sénat une divifion nuifible au bien des peuples : c'étoit un choc continue! de la liberté républicaine contre 1'autorité; Le Roi, a 1'occafion de la fête'de 1'anniverfaire du Prince Royal:qui entroit. dans fa vingt-deuxieme année, fit annoncer au Sénat qu'il rappelloit de fon exil le Docfeur Ruftrom ; le Sénat répondit qu'ayant été exilé paria Diette, ce n'étoit point au Roi a le rappeller. Tout ce que le Roi propofoit, trouvoit des oppofitions de la part des Sénateurs. Les banqueroutes fè muitiplioient; le défordre étoit porté a un tel excès, que les Magiftrats & tous les habitans de la ville de Nikarlebi en Finland fe déclarerent infolvables devant le Parlement d'Abo, & que les trois quarts des habitans de Wafa, furent réduits a la même extrêmité. Ces banqueroutes, la décadence da commerce, le dérangement des finances, la fituation des propriétaires des mines, firent fentir la nécefiité de convoquer les Etats par anticipation. En attendant le Roi publia divers édits au fujet des banqueroutes, de la défenfe du caffé, de la contrebande, mais qui ne remédierent point au mal. Les oppofitions du Sénat aux propofitions du Roi devinrent fi fréquentes, que ce Prince étoit décidé d'abdiquer la Couronne: fon mécontentement (1) Cet édit porte, qu'il fera permis a tout particulier d'écrire & de raiformer fur toute forte de matieres, fur toutes les loix du Royaume, fur leur utilité & leur mauvaife influence; fur toutes les alliances du Royaume anciennes & nouvelles avec les Puiffances étrau*eres, fur leurs bons & mauvais effets; fur les propofitions a faire pour en conciure de iouveIles,& fur la publicité de ces alliances, a 1'exception de leurs articles fecrets.Cet édïc~ iccorde a chacun de demander a tous les Colleges établis pour 1'adminiltration aftuelle, fcu :ommunieation des regiftres qui contiennent la dicifioa de différentes affaires.  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VII. 6; étoit au comble. La Diette ayant été convoquée a Norkioping, malgré lei repréfentations du Roi, on procéda dans la capitale & dans les provinces a 1'élecHon des députés. A' Stockholm, ceux qui étoient a la tête des maitrifes, prétendirent que les habitans de cette ville qui n'avoient prêtéque depuis peti le ferment de bourgeois, au nombre de 200, devoient être exclus du droit de donner leurs voix; le Roi prononca en faveur de ces 200 habitans ; mais le Sénat ftatua qu'aucun citoyen ne pourroit jouir du droit de voter, qu'il n'eut été infcrit une année auparavant fur le röle de la bourgeoifie. Le Roi nomma au Gouvernement de Wefteras, mais comme celui qu'il avoit nommé , n'étoit pas un de ceux que le Sénat avoit préfentés, ce corps refufa de le reconnoitre. Le Roi de Dannemarck faifoit des armemens; le Roi de Suede déclara que, quoiqu'il ne doutat pas des bonnes intentions de fon allié, il étoit prudent qu'on prit toute.s les mefures néceffaires, pour fe mettre en état de faire face aux évéhemem; qu'il efpéroit que le Sénat n'en négligeroit pas les moyens; mais qu'il laiffoit a la délibération de ce corpss'il convenoit que dans ces circonilances on tint 1'affemblée des Etats a Norkioping, place fans défentè & toute ouverte.. Quelques Sénateurs fe rangerent a 1'avis du Roi; mais le reftc perfifta dans fon. oppofition; 1'un d'eux alla jufques a dire qu'il falloit y aflèmbler les Etats, la Diette ne dut-elle y- refter qu'un jour. Le Roi, la familie Royale & fa Cour s;y tranfporterent; & les Etats ouvrirent leurs féances le 19 Avrih Les Ordres du Clergé, des Bourgeois & des Payfans envoyereat des députés a la Noblefle , pour lui repréfenter que le Sénat aétuel ayant établi une nouvelle forme de gouvernement, a laquelle la nation devoit s'oppofer, il feroit a propos que les quatre Orateurs confultaffent les moyens de réformer cet abus. La Nobleflè fe joignit aux trois autres Ordres. Le Roi figna la réfolution, & envoya un de fes gardes a Stockholm, avec ordre aux Sénateurs de fufpendre toutes leurs fonétions & de partir vingtquatre heures après- Ia fignification de fes ordres pour Norkioping. II fut décidé par le Comité fecret que le Sénat ayant enfreint les loix & ébranlé les fondemens de la. füreté publique, on fe voyoit dans la néceffité de remplacer fes membres, excepté le Baron de Harner & de St.- Wallwick, par des fujets plus habiles & plus éclairés. Le Clergé & les Payfans vouloient qu'on condamnat les Sénateurs a faire amende honorable au Roi, dans le Sénat, pour avoir parlé plufieurs fois avec indécence de fa perfonne; mais le Roi s'y oppofa. L'aflèmbïée fut transférée a Stockholm. On offrit h quatre des Sénateurs de rentrer dans Ie Sénat; mais ils refuferent. Les cinq places vacantes furent remplacées par le Comte Eiïc Sparre , Amiral, qui la refufoit; le Baron de Pofte, le Comte Barck, le Comte Schwerin & Ie Baron de Sinclair, • On délibéra longtems fur les arrangcmens a prendre pour le cours du change, qui avoit occupé fi longtems la Diette précédente: on pcrmit 1'exportation du cuivre monnoyé. II y avoit eu depuis peu dans le Finland une révolte de payfans, occafionnée par la violence des exaéteurs. Le Roi y fit marcher quelques troupes & tout fut diflipé a leur approche. Les payfans eux-mêmes livrerent leurs chefs,on fe contenta d'en punir quelques-uns; ce> pendant le Gouvernement ordonna qu'a Pavcnir on auroit plus de ménagemens I 3 I Hij}. è% Suede. 1718- & nos jour», 17(5^-  Sect. VII Hift. de Snede. 171?,- i nos jours. I77J. -70 HISTOIRE B U R O Y A U M E ,pour les payfans en général ; il défeudit que lorfqu'iis fe trouveroient dans 1'impofiibilité de payer, on leur enlevat leurs beftiaux : on leur laifia la liberté, ainfi qu'aux propriétaires de terres, de diftiller de 1'eau de vie , mais pour leurs befoins feulement & point pour en vendre ou en faire trafic. .11 fut fait plufieurs autres régiemens arrêtés dans la derniere Dictte. On régla les revenus des Princes Charles & Frédéric-Adolphe a foixante mille écus pour chacun, & celui de la Princeffe Albertine - Sophie a vingt mille . écus. On accorda cent mille rixdalers .au Prince Royal, pour le voyage qu'il devoit faire dans les pays étrangers & autant aux deux Princes qui devoient aller prendre les eaux a Aix-la-Chapelle. Ce fut auffi dans cette asfemblée que fur les rcpréfentations du College de Médeciner on établit un impöt de deux liards par année fur chaque payfan, & de deux fols fur les autres fujets du Royaume, dont le produit devoit être employé a tenir dans les villes des remedes toujours prêts, que les médecins porteroient aux gens de Ia campagne, dont il étoit mort un grand nombre faute de pouvoir fe procurer des fecours. L'alfemblée des Etats termina fes féances le 30 Janvier. La méfintelligence qui avoit regné entre Ie Tröne & le Sénat, avoit produit deux partis; 1'un pour 1'indépcndance &, 1'autre pour 1'autorité. II parut plufieurs écrits, dans lefquels on outroit les principes: il y en eut quelques-uus qui firent beaucoup d'éclat. Les principaux étoient, une differtation pour prouver combien il étoit préjudiciable que les réfolutions prifes par les Etats du Royaume dans une Diette, fuffent changées dans les Diettes fuivantes. Cet ouvrage avoit été dénoncé au Comité fecret; mais comme beaucoup de gens étoient du fentimenr de 1'auteur, on ne pouffa pas plus loin les perquiiitions a ce fujet. Dans un autre, on mit en queftion , a qui il convenoit de rcmplir les principalesxharges de 1'Etat? Le Tiers Etat & Ja NoblefTe écrivirent beaucoup fur cette matiere. Le Tiers Etat foutenoit que , fous un Gouvernement libre, les Citoyens étant égaux, chacun avoit le droit d'y prétendre. Le Baron de Rehbinder , membre de la Chancellerie, convaincu d'être 1'auteur d'un écrit qui regardoit la perfonne du Roi, fut arrêté & déclaré coupable de .Leze-Majefté. On ne lui donna que quatre jours pour fe juftifier: il fut condamné feulement a la prifon & au pain & a Peau, pendant quinze jours , pour avoir manqué de prudence dans ce qu'il avoit écrit , & pour être forti des barnes du refpecl & de la décence en parlant de S. M. Le Baron en appella.au Roi même. Enfin le Prince Royal & le Prince Frédéric - Adolphe, Pun fous le nom du Comte de Gothland, 1'autre fous celui du Comte d'Ocland, partirent de Stockholm pour leur voyage & firent leurs adieux au Roi, qu'ils ne devoient plus re-voir, le 30 Öétobre; ils étoient accompagnés du Comte Frédéric Scheffer, Chevalier, Commandeur & Chancelier des Ordres du Roi. Ils fe rendirent a Coppenhague & vinrent en France dans le mois de Janvier 1771. lis furent prélèntés au Roi & a la familie Royale Ie 9 de Février & Ie Prince Royal foupa ce foir même avec S. M. II fe propofoit de faire un plus long féjour en France, lorfqu'il y regut la funefte nouvelle de la mort du Roi fon pere, décédé a Stockholm prefque fubitement le 13 de Février. Ce  D E SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VII. 7\ Prince avoit paile lajournée du 12 avec beaucoup de gaieté: vers les huit heures du 'foir, il iè plaignit d'une cranrpe d'eftomac; quelques moniens après il dit a la Reine qui étoit accourue, qu'il fentoit fa fin s'approcher & demanda a voir fes enfans. On lui porta les fecours" lés plus prompts, ils furent inutiles. Cette nouvelle fut bientöt répandue dans la ville: le Sénat s'affembla & proclama Roi, le Prince Guftave; on lui rendit hommage entre les mains des Sénateurs, comme s'il avoit été préfent, & l'aéïè de cet hommage fut aufiitöt expédié au nouveau Mónarque par un courier extraordinaire. A 1'ouverture du corps du Roi, on reconnut que 1'apoplexie dont il avoit été frappé, avoit été occalionnée par une indigeftion. II refta huit jours expofé fur un lit de parade & le 7 du mois de Mars il fut dépofé dans 1'Egiife de Ritterholm. Ainfi mourut ce Prince, que 1'hiftoire placera au nombre des meilleurs Rois; II avoit époufé le 17 dc Juillet 1744, la Princelïè Louife-Ulrique, fceur du Roi de Pruffe: il étoit monté fur le tröne le 6 Avril 1751. Prince boii & pacifique, il eut rendu la Suede plus heureufe, s'il eut pu vaincre les obftacles que la forme du gouvernement lui oppofa, & les contradictions toujours renaiflantes du Sénat. II fit tous fes efforts pour étendre les progrès de Pagricultüre, du commerce, des arts & des fciences, qu'il regardoit comme les föurces dc la- félicité publique. Sous fon regne les Lapons cultiverent la première & Part de lire & d'écrire commenca a iè répandre dans leur pays. Les édits qu'il publia, annoncent fon humanité. Ami de tous les peuples il fixa par une ordonnance le genre de punition qu'encourroient ceux qui, en cas de naufrage,. ne donneroient pas les fecours qui dépendroient d'eux; auffi, lorfque, les Diffidens de Pologne fe jetterent dans fes bras,, il leur promit fes bons offices pour les faire rétablir dans la jouiffance de leurs droits & de leur religion. La proteétion qu'il accorda au célebre Linnams: le maufolée qu'il fit élever dans 1'Eglife de Drottningholm, a Dalin ét a Klingenftierna, hommes de lettres & anciens précepteurs du Prince Royal, (monument dans Iequel il fit tranfporter avec folemnité leurs reftes du lieu de leur fépulture): enfin fon Edit de la liberté de la preffe & tant d'autres Régiemens, atteftent fa fageffe- & fon amour pour le bien public. Guftave III, fon fils, depuis fon avénement au tröne de Suede ne s'occupoit que des, moyens de rendre les peuples heureux; il étoit arrété par les obftacles les plus décourageans; le plus difficile a furmonter, étoit dans la nature du gouvernement, qui depuis qu'il avoit pris la forme ariftocratique, dégéneroit de jour en jour en une anarchie funefte a 1'Etat & redoutable au Souverain. 11 ne regnoit aucune harmonie entre les Ordres; le Sénat avoit ufurpé 1'autorité abfolue; il dicfoit les réfolution.s des Etats divifés. Deux partis, celui de la Cour défigné par le nom de chapeaux, & celui du Sénat, ou plutót de 1'oppofition, connu fous le nom de Bonnets, divifoient actuellement la Diette; mais ce dernier dominoit & fe fortifioit de plus en plus: (1) les ordres les plus utiles & les plus prelïans du Koi dépendoient du caprice du Sénat. Guftave, ayant témoigné vers la fin de Panuée précé- (1) La plupart des députés de la Diette étoient de ce parti: fur dix députés de Stockholm il n'y tn avoit que tiois du parti de la Cour. Hift: de Suede. 1718- a nos jours. GtiflaveHI. 1772. Annrchie de la Suede.  Sect. VII. ,ffi]t. de Suede. 1718- a nos jours. /ImamiJJement pro- . chiin dn pouvo 'rMo- ' narchique, C»uronnement de Guflave m. Dènonciations rti ftujjéts, t 1 Méctnten- ^ tmenu i 1 c Fa H1S TOIRE DU R O Y A U ME dente, avec les exprefiions les plus touchantes, au Maréchal de la Diette & aux Orateurs, combien il défiroit de voir 1'union fe rétablir entre les quatre Ordres, ne put jamais faire parvenir fes propofitions a la Diette aflemblée depuis le 14 Juin; quand le Maréchal & les Orateurs expoferent les intentions, on leur oppofa que, la Conftitution ne permettoit pas que les meffages du Roi parvinflent aux Etats, fans le concours du Sénat & 1'agrément du Comité fecret: Guftave fut même obligé de prendre des précautions pour faire imprimer fon difcours, tandis qu'on répandoit journellement des libelles & des fatyres contre la Cour. II en paroifibit un dans le même tems , qui contenoit les traits les plus envénimés contre le Tribunal Royal de Ia Cour, fbus le titre de Penfées cTun homme impartial. La désunion des Ordres avoit retardé jufques alors le couronnement du Roi. On travailloit depuis longtems a la rédaétion de 1'acfe royal ou capitulation, que Guftave devoit jurer d'obferver le jour de fon inauguration: on vouloit y limiter encore la puifiance du Souverain & 1'anéantir en quelque maniere; on ne.vouloit même pas qu'il lui fut permis d'abdiquer la couronne , fans le confentement des quatre Ordres. Cependant le Roi fe prêtoit a tout ce qui pouvoit plaire aux Etats, lorfque fon autorité & fa juftice n'étoient point compromifes; &, en dernier beu, il venoit de confirmer le choix qu'ils avoient fait du Général Rudbeck, pour remplir la place de Grand Gouverneur de Stockholm. Enfin la cérémonie du couronnement fe fit le 29 Juin. Le Roi, accompagné des deux Princes fes freres, fe rendit a cheval fur la place de Nordermalm & y recut le ferment accoutumé de tous les colleges, corporations & conliftoires, des compagnies du régiment des gardes du corps & du régiment d'Upland. II eft d'ufage que le Roi accorde une grace générale h tous les coupables, les grands crimes exceptés; mais les Etats ne voulurent point confentir que le Roi comprit dans cette grace, ceux qui avoient été condamnés par la juftice de Ia cour, comme atteints & convaincus de malverfation, lors du choix des membres de la Diette. Les Etats s'occtipoient alors d'un écrit du Confeiller Nordencrantz, contre le Maréchal de la Coj.tr, Jennings, le Chambellan d'Efien & le Directeur Fritzky, dans Iequel ils étoient inculpés de n'avoir pas foutenu, comme il étoit du devoir de leurs charges,,des dénonciations importantes que Pau:eur de cet écrit avoit faites au comité fecret; dénonciations qui portoient air plufieurs Sénateurs. Après bien des féances, le Clergé .déclara les déïoncés bien fondés k pourfuivre le dénonciateur; mais a caufe de fa malalie, cet Ordre voulut bien le décharger de la peine. Ces dénonciations jtoient juftes," & c'eft ce qui rendoit la publication de cet écrit fuuefte a fon aiteur: cependant il courut les provinces avec beaucoup de rapidité; les Sélateurs étoient indignés; ils favoient que les peuples étoient prévenus contre e Gouvernement, (1) & que leurs préventions étoient malheureufement 'ondées fur la difette & la cherté des vivres, qui augmentoient chaque jour, fur (1) Dans la Diette de 176*5 , le -Sdnat changea entiereraent Ia forme du Gouverneïent, & mit, pour ainfi parler, le Roi fous fa tutelle: dans la Diette de 1769, les chofes bmmencerent 4 changer de face. II y fut propofe de rempiacer tous les membres du Sé= > it, pour avoir enfreint les loix & ébraulé les fondemens de la füreté publique.  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VII. 73 üir le taux cxceffif du cours du change, fur les variarioirs continuelles dü prix des matieres premières, qui avoient jetté le commerce dans un entier dépérifiement & fur des malheurs plus grands encore, qui fèmbloient menacer la patrie; les Sénateurs n'ignoroient point toutes ces chofes, mais ils fe flattoient que le peuple en attribueroit la caufe a Guftave: 1'éclairer étoit donc un crime irrémiffible. La fermentation que cet écrit avoit faite, de nouveaux coups de defpotifme de la part du Sénat, exciterent de nouvelles plaintes; le premier qui éclata fut le Capitaine Hellichius, qui commandoit a Chriftianftadt; il fit prendre les armes a trois eens hommes, qu'il avoit fous fes ordres, les fit afiembler fur la place, exhorta les Bourgeois d'abjurer le joug du Sénat & de reconnoitre le Roi pour leur feul Souverain: il trouva les cfprits hcureufement difpofés, & il n'eut belbin d'ufer d'aucune violence. Le Prince Charles recut la nouvelle de ce foulcvcment a Landscrowna, dans la Scanie, oü il attendoit la Reine Douairière fa mere: il cn partit avec de fartillerie & le régiment de Sprcngporten , envoya ordre a deux régimens de cavalerie de fe joindre a lui, dans le deffein de marcher a Chn>tianftadt, dont la garnifon avoit fermé les portes & menacoit de fe défendre. Le Baron de Rudbeck fe préfenta & ne put pénétrer dans la ville. II re tourna a Stockholm pour donner avis au Sénat de ce qui fe paflbit. Cependant le Prince Charles affembla un confeil de guerre, auquel fut appclié le Feldt- Maréchal Comte de Hamilton, & il fut décidé que S. A. R. devofc faire tout ce qui dépendroit d'elle pour faire rentrer les foulevés daus le! devoir. Le Sénat & le Comité fecret s'afiemblerent féparément pour avifer aux moyens les plus prompts d'arrêter la révolte; mais au lieu de fonger a arrêter les troubles de Scanie, ils décidcrent de fe rendre maitres de la perfonne du Roi: une lettre que le Prince Charles avoit écrite au Roi, fon frere, que le Sénateur Kalling avoit eu la témérité de décacheter & qu'il avoit remiie au Sénat, avoit fait prendre la réfolution d'enlever Sa Majefté & de 1'enfermer au chateau de Caftenhoif. La lettre décachetée le 18, ne parvint au Roi que le 19. Le Roi fe plaignit de cette infidélité & Kalling ofa lui tenir des propos outrageans: Guftave fe contenta de lui, répondre qu''il lui prouveroit qu'il étoit fon Souverain. Cependant le Sénateur Funck, qui s'étoit rendu maitre du Gouvernement, avoit déja été nommé pour fe rendre en Scanie: le Comité fecret envoya dire au Roi de rappeller de cette Province le Prince Charles, ainfi que de celle d'Oftrogothie le Prince Frédéric, fes freres, fous prétexte que les Etats craignoient qu'ils ne fuiïènt trop expofés. Le Sénat & le Comité fecret n'c~ iant pas fe fier aux troupes chargées de la garde de Stockholm, manderent un bataillon du régiment d'Upland & un autre du régiment de Sudermanie: ils donncrent ordre k la cavalerie bourgeoife de monter a cheval. Le Comte de Kalling fut nommé Général Commandant: on fit pricr Sa Majefté de ne pas s'éloigner de la ville. Elle n'étoit confukée dans aucune de ces difpofitions: on n'exigeoit de lui que de figncr les ordres. Leurs délibérations continuerent le 18 Aoüt; on rendit compte aux Etats, qui approurerent tout. Tome XLIIl. K Hifi. de Suede. 1718- a nos jours. L'. Sénat veut en r*; letter la eaufe fur le Roi. Révolte contre It Sénat, Le Roi co'irt rifque d'être arrêté. Ordres da Sénat.  Sect. VIL Hift. de Suede. 1718- a nos jours. Situation iangereufe nu Rei. Commencement de la revolütim'. Le rêgiment des gardes fe déclare pour le Roi; Lt Sénat aux arrits. Sages prècautions du Roi. La cavalerie bourgeoij'efe déclare pour Cuftave, 74 HISTOIRE DU ROYAUME Le Roi fut informé que fa perfonne & fa liberté couroient le dangcr le plus preiTant; qu'il étoit queftion dans les délibérations fecretes du Sénat, de le rendre refponfable du malheur public; qu'il devoit étre arrcté a 1'arrivée du bataillon d'Upland, fixée a la nuit du 19 au 20, & que S. M. étoit confignéc aux barrières. Guitave, qui n'avoit pu prévoir ces trames, fe trouvoit dépourvu de troupes & dans la fituation la plus accablante: mais il ne fe déconcerta point & réfolut de faire face a tous les dangers. II fe rendit le 19 au matin a 1'arfenal, a la parade de fon régiment des gardes: tandis qu'il voyoit défiler le détachement qui devoit monter au chateau & fur la place du Nord, il fut entouré d'un grand nombre d'ofliciers: il les conduifit au chdteau; ils étoient deux eens: il entra avec eux dans le corps de garde & leur fit part de la fituation oü il "fe trouvoit, leur expofa les Outrages qu'il avoit recus, 1'ingratitude des Sénateurs a fon égard, & leur tyrannie envers le peuple: il leur protefia qu'il n'avoit d'autre vue que de 1'affranchir d'un joug qui devenoittous les jours plus infupportable; qu'il ne vouloit regner que pour fe mettre au deffus des obftacles qu'il trouvoit a faire le bien de fes Etats, h que s'ils vouloient 1'aider, il étoit prêt a facrifier fon fang pour rendre la liberté a la Suede & pour la fauver d'une anarchie aviliflante & deftruétive: ils promirent tout & lui prcterent ferment de fidélité. II y en eut trois qui refuferent, deux Capitaincs & un troifieme officier qui fe fauva. Les deux Capitaines furent mis aux arrêts; c'eft,fans doute, paree troifieme officier, que le Baron de Rudbeck fut informé de ce qui fe paffoit; il fe hata d'en donner avis au Comité fecret & au Sénat; mais il n'étoit plus tems. Le Roi étoit rentré dans la cour du chateau: il avoit fait refter fur la place la garde montante & defcendante; il fit appeller ces deux détachemens, leur fit le même tableau qu'a leurs officiers, les affiira qu'il feroit a eux k la vie & a la mort & leur demanda s'ils vouloient donner les mêmes affurances de leur affeétion? Ils répondirent tous par des cris de vive le Roi, & prêterent ferment. Les Sénateurs affemblés dans leur falie, entendirent ces cris; ils étoient aux fenêtres, lorfqu'ils virent entrer quelques officiers qui leur ordonnerent de la part du Roi, de ne point fortir du lieu oü ils étoient, & d'y refter tranquilles, en les afitirant qu'ils n'y manqueroient de rien, & qu'ils n'avoient rien a craindre. On ferma les portes du chateau, on y laifia une garde pour fa füreté, on tendit les chaines, & le Roi, avec ce qui lui reftoitde troupes, fe tranfporta au pare de 1'artillerie. La garde le recut avec acclamation & lui prêta ferment: il y établit fon quartier. 11 avoit afièmblé le régiment des gardes, & étoit préparé a tout événement. „ Monfieur," dit-if au Baron de Lievven, qui marchoit a la tête des grenadiers, „ fi nous ,, fommes obligés de repoufier la violence par la force, fouvenez-vous tou„ jours que ceux contre qui vous agirez, font vos freres. " II donna aufli ordre au régiment de 1'artillerie de s'aflèmbler. Pour éviter toute méprife, il ceignit fon bras droit d'un mouchoir blanc, & engagea tous les officiers d'en faire autant. Le canon fut diftribué dans différens quartiers, & fur les avenues les plus importantes; il envoya des piquets aux barrières, avec ordre de ne laiflèr fortir perfonne. Dès que le Roi parut, la cavalerie bourgeoife, que le Sénat avoit fait monter a cheval pour fa défenfe, fe déclara pour lui; 'Amirauté lui envoya des députés pour 1'alTurer de fa fidélité. Sa Majefté  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VII. 75 fit appellerim Secrétaire d'Etat, & lui fit cxpédier pour les troupes que le Sénat avoit mandées & qui étoient en marche, un ordre de s'en retourner. II envoya cet ordre par des officiers, qui rcncontrerent le bataillon d'Upland a quatre lieues de Stockholm. Le Baron de Cederfirom, Lieutenant-Colonel, qui je conduifoit, attaché au parti des Bonnets héfita & fut mis aux arrêts; mais ayant prêté ferment au Roi, on lui rendit la liberté. Le Baron de Rudbeck cherchoit a émeuter la populace : on donna ordre de farrêter; cependant comme il y avoit a craindre que fa réfiftance n'occafionnat quelque défordre, & que les Miniftres c-trangers ne fulfent infultés, le Roi leur envoya un de fes Chambellans, pour les prier de vouloir bien fe rendre au cbAteau, oü ils feroicnt plus fürement que partout aillenrs, & oü ils trouveroient toutes les commodités de la vie. Plufieurs s'y rendirent; quelquesuns ayant reftifè, le Roi leur envoya dire que leur füreté étant une des chofes qu'il avoit le plus a cceur,il feroit obligé de mettre une garde a leur porte; ils iè déterminerent h aller au chateau. Le Baron de Rudbeck, qui avoit été arrêté, y fut conduit bientöt après. Le Roi, pour raffurer le peuple, envoya fes hérauts efcortés par la garde bourgeoife, précédée des trompcttes & des timbales, faire une proclamation dans toutes les places & carrefours, & déclarer que S. M. ne vouloit que réformer les abus & détruire 1'anarchie; elle afluroit tous & chacun en particulier , de fa- liberté, de fes droits & de fa propriété : proclamation qui fut recue du peuple avec de grandes acclamations. Ce Monarque recut dans cet intervalle, deux couriers des Princes fes freres: le Prince Charles lui rendoit compte des difpofitions favorables du peuple & des troupes de Scanie, & le Prince Frédéric de celles des peuples de POftrogothie. Le Roi paifa enfuite dans 1'ifle,des vaiflèaux; les troupes s'empreflèrent de lui prêter ferment; les foldats & les matelots lui témoignoient & 1'envi leur fatisfaédon & leur zele: il fe tranfporta fur la place du Nord, il y recut le ferment d'une partie du régiment des gardes, au bruit des acclamations des foldats & du peuple. Les magiflrats 1'attendoient a 1'hötel de ville. 11 s'y rendit j ck il y recut leur ferment & celui de la bourgeoifie; il le regut du régiment des gardes, qui étoit fur la place du Sud & qui 1'accueillit avec les mêmes tranfports de joie: au Port, les matelots des navires marchands grimpés fur les cordages, exprimoient du geile & de la voix, les témoignages de leur amour & de leur zele: une foule de bonne bourgeoifie & le peuple accouru fur le Port, répondoient a leurs applaudiflèmens. Cette révolution qui, dans d'autres circonilances, eut fait couler des torrens de lang, n'en couta pas une goutte par la fageflè du Prince; elle fut un jour de triomphe pour lui & un jour de fête pour les Citoyens. Le Roi revenu au chateau, après un léger repas & quelques momens de repos, fit prier les Miniftres étrangers de fe rendre auprès de lui: il leur dit que c'étoit a regret qu'il avoit fait la démarche dont ils avoient été témoins; mais qu'il étoit indifpenfable pour la füreté de fa perfonne, & pour 1'Etat, qui étoient en danger Pune & 1'autre: il les pria d'en faire part a leurs Cours & de les aflurer que fes motifs, dès qu'ils feroicnt connus, le juftifieroient aux yeux de toute PEurope; efpérant que cette révolution n'apporteroit aucun changement a la paix, 1'amitié & la concorde qu'il vouloit entretenir avec toutes K a Hift. de >uede. i/iS- k ios jours. Précautions •n faveur les Minif■res èiran*ers. Déclaration du Roi au peuple. Les troupes prétent ferment au Roi. Ainfi q&e la Rauu getifie.  Sect. VII. Hift. de Suede. 1718- a nos jours. Révolution accomplie. Jok du peuple. Calme géhér al. Ajjemblée éts Etats. t 76 HISTOIRE DU ROYAUME les Puifiances, furtout avec fes amis & fes voilins: il ajoma, que ce qu'il' avoit fait, étoit pour le bien de fes peuples & pour le maintien de la vraie liberté: il leur dit qu'en les faifant prier de fe rendre au chateau, il n'avoit fongé qu'a leur füreté & a leurprouver combien leurs perfonne-; lui étoient cheres, & qu'il dépendoit d'eux, ou de retourner dans leurs hotels, ou de demeurer encore au chateau, oü il leur donneroit des logemens convenables.. Cette révolution étonnante s'opéra, prefqu'en moins de tems qu'il n'en faut pour en-faire le récit dans tous fes détails: 1'acTivité du Roi, fa fageife, fon courage, fa fermeté conduilirent tout, avoient tout prévu; des ordres fi multipliés n'entrainoient aucun embarras dans 1'exécutiom A huit heures du matin, le Roi étoit fur le point de tomber entre les mains de fes tyrans,. fans troupes, ayant tout a craindre d'un peuple qu'il étoit aifé de foulever; & avant la nuit, non feulement fes tyrans étoient en fon pouvoir, mais il étoit 1'idole de ce même peuple, & véritablement RoL Partout oü il pafla dans la journée, le peuple fe précipitoit au devant de lui & le béniffoit: les femmes 1'entouroient, baifoient fes bottes & les faifoient baifer a leurs enfans; les vieillards élevoient leurs mains vers le ciel, & fembloient le remercier de les avoir laiffé vivre encore ce jour-la: tout rétenuffoit de cris de joie; le parti des bonnets qui dominoit la veille, fembloit entierement anéanti ; Pailégreffe étoit unanime & générale. Ce Prince avoit été obligé de s'affurer de quelques perfonnes, dont 1'efprit inquiet & remuant eut pu enfanglanter une fcene fi touchante; mais en les faifant arrêter, il eut toujours foin d'ordonner qu'on ne leur fit aucun mal, ni aucune violen ce; il les fit loger dans des appartemens commodes, oü Pon avoit pourvu a tousleurs befoins. La nuit fe paffa auffi tranquilement que fi elle avoit été précédée par un jour de fête & de réjouiuance: le peuple dormit fans inquiétude, les troupes coucherent fur leurs armes; mais le Roi craignant qu'a la faveur des ténebres, les mutins ne têntaffent quelqu'entrepriiè, pafla une partie de la nuit a cheval, faifant avec une petite efcorte des rondes dans toute la ville. Le co tout étoit calme; cependant on continua les mêmes précautions que la veille. Le Roi recut le ferment de tous les colleges, de la grande & petite bourgeoifie, de la milice bourgeoife a pied & a cheval & de la plupart des perfonnes qui, la veille, avoient évité ou rèfufé de le prêter. Les officiers du régiment d'Upland qui avoit recu contre-ordre, quelques-uns des chefs du parti de 1'oppofition, demanderent a s'acquitter de ce devoir & le Roi les admit au ferment, avec les témoignages de la plus vive fatisfacïibni il fit annoncer i'après-midi du même jour, au fon des timbales & des trompettes, 1'affemblée des Etats pour le lendemain, dans la grande falie des Etats, au cMteau, avec injonction a tous les membres de s'y trouver, fous les peines portées contre les traitres a la patrie. Ils s'y rendirent tous: S. M. y alla avec tout 1'apparcil de Ia fouveraineté, elle fe placa fur fon tröne, & prononca le Difcours que nous placons en Note (1). CO Nobles, ii.i.ustrks, renomhês, dicnes, sages, iionnêtes, vertüeux et sravesJoiDois: „ Pénétré de ta plus vive douleur a la vue de la fituation malheureufe de la< , Patrie, je me vois forcé d'exppfet au grand jour des vérités ameres. Lorfque le Royau, me eft a deux doigts de fa perte, vous ne devez pas être furpris fi je ne vous recois pas  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VII. T( Le Roi ordonna enfuite au Secrétaire de Ia reviiion de faire Ia Jecture de Ia forme du Gouvernement qu'elle avoit rédigée, dans le véritable efprit & dans les principes de 1'ancienne forme du Gouvernement de Suede. Elle fe trouva prefque la même que celle 'qui avoit été obfervée depuis GultaveAdolphe, jufques au regne de Charles XI, en 1680. (1) Cette leéture faite le Roi demanda s'ils approuvoient la nouvelle forme? Tous leverent la main, & répondirent Om. II fit figne au Maréchal de la Diette & aux Orateurs, qui s'avancerent & fignerent cet écrit. Le Roi dit alors aux Etats, „ afin que les liens de cette union foient d'autant plus forts, vous les con„ firmerez par ferment." Le Roi dicta la formule, & ils jurerent; il finit cette féance , en invitant 1'aifemblée de fe joindre a lui pour rendre graces k Dieu. Après le Te Deimi r le Roi admit tous les membres a lui baifer la main. Les Sénateurs n'avoient point aflifté a cette affemblée. Ainfi finit en moins de trois jours, cette révolution étonnante, fi 1'on con- „ avec les mêmes fentimens de joie, dont mon coeur étoit rerapli, Iorfquevous vous af- fembliez devant le tróne. Je n'ai pas a me reprocher de vous avoir jamais rien deguifé. Deux fois je vous ai parl'é avec la franchife qu'exigeoit ma dignité, avec la fmcénté ', qu'infpire le véritable honneur. La même franchife,. la même fmcénté vont me ginder ' encore dans ce difcours: il faut vous rappeller le paffé, pour porter remede au prefent. C'eft une vérité bien trifte, mais géiiéralement recountie , que la dilcorde cc la hame onc déchiré le Royaume. Depuis longtems la Nation eft en proie aux diflentions de deux ' partis qui en ont fait, pour ainfi dire, deux peuples confpirant également, 1 nu ttPftfr , tre, la 'mine de la Patrie. La divifion a porté la haine dans les cceurs; la hame a mfpiré la , vengeance ; la vengeance a excité la perfécution. De-la ces nouvelles, ces frequentes ré„ volutions. Le mal s'eft accru: ila infeété & dégradé toute la fociété. Ces fecoufles pro„ duites par f ambition d'un petit nombre de perfonnes, ont ébranlé le Royaume. L un , & 1'autre parti ont fait couler des ruilfeaux de fang, & le peuple a été la vifhrne d une „ défunion qui ne 1'intérefToit que par les malheurs qu'elle a entrainés aprês elle' & dont il , eftaccabléle premier. L'uniquc but de ceux qui dominent, étoit d'affèrmir leur pouL voir; tout devoit s'y rapporter, fouvent aux dépens des Citoyens, toujours au détriment ' de 1'Etat. La loi étoit-elle claire? ils en altéroient le texte. Etoit-elle evidemment *, contraire a leurs vues? ils la détruifoient entierement. Rien n'étoit facré pour des nom' mes guidés par Ia haine & par la vengeance! La licence enfin a été portee (1 loin,_que ', c'étoit une opinion prefque généralement recue, que la pluralité des fuffrages etoit au „ delfus des loix, & qu'elle n'avoit d'autres bornes que celles qu'on vouloit y mettre. C'eft aiufi que la Liberté,le droit le plus noble de 1'humanité, a été changée en un def* „ potil'me aiiftocr'atïque, dans la main du parti dominant, qui étoit bientót terrailé par le parti oppofé, Iequel étoic fubju?ué lui-même par un petit nombre de parucuhers. Oa ' trembloit aux approches d'une Diette. Au lieu de penfer aux moyens les plus propres „ pour bien diriger les affaires du Royaume, toute 1'attention d'un parti fe portoit a s allx, rer une pluralité de voix, pour fe garanür de la fupériorité & de la violence de- Ftatee. ' Si la fituation intérieure du Royaume étoit périlleufe, combien ne devoit-elle pas etrc „ hmniliante au dehors? Né Suédois & Roi de Suede, il devoit m'ètre impoffible de croire „ que des vues étrangeres aient pti entrer dans le cceur d'un Suédois, encore moins que „ leur influence ait été préparée par les moyens les plus bas & les plus vils. Vous m e:i„ tendez; & ma rougeur fulfit pour vous faire fentir a. quel dégré d'ignommie vos diüen„ tions ontréduitle Royaume," &c. &c. S. M. rappelloit enfuite tous les foins qu e e avoit oris, les efforts inutiles qu'elle avoit tentés pour rétablir la concorde & la paix: elle déclara qu'elle ne vouloit regner que fur un- peuple libre; que fa volonte étoit Ferme & inébranlabie; qu'elle avoit abjuré la fouveraineté illimitée & qu'elle 1'abjuroit encore a la face de Dieu. , vrT (1) Charles XI, dit M. de Voltaire, fut le premier Roi abfolu, ^fon^fils Charles xu £ut le dernier. Effai jur les mmrs £ƒ f efprit 'les NuIoüs. Ch. CLXXXVIIL K- 3 Hift. de Suede. 1718- a nos jours. Les Etats prêteftt ferment. .  Sect. V Hijl. de Suede. 171R- k bos jour: Le Roi ci fe ie Sént, Dêmijfioi des Sénateurs. 11 crée u nouveau St nat. 78 HISTOIRE DU ROYAUME I. fidere Ie changement qui s'opéra dans la forme du Gouvernement. „ La Sue„ de, dit Voltaire, (1) étoit devenue une Républiqae, dont le Roi n'étoit „ que le premier Magiftrat. 11 étoit obligé de fe conformer a la pluralité :. „ des voix du Sénat; les Etats compofés de la nobleffe, de la bourgeoifie, — „ du clergé & des payfans, pouvoient réformer les loix du Sénat ; mais „ le Roi ne le pouvoit pas. Quelques Seigneurs plus attachés au Roi qu'aux „ nouvelles loix de la patrie, confpirerent (en 1756) contre le Sénat en „ faveur du Monarque: tout fut découvert; les conjurés furent punis de „ mort. Ce qui dans un Etat purement monarchique auroit paffé pour une „ aftion vertueufe, fut regardé comme une trahifon infame, dans un pays „ devenu libre;ainfi les mêmes aftions font crimes ou vertus,felon les lieux „ & felon les tems." Quelle diiférence entre ces deux révoludons, dont la caufe & la fin étoient les mêmes & dont le fuccès fut fi oppofé! Le 21 avant la fin du jour, les troupes étoient rentrées dans leurs quarr tiers & 1'artillerie renvoyée au pare: le lendemain le Roi leva les arrêts du * Sénat, & ordonna aux Sénateurs de paroitre en fa préfence: il leur avoit fait déclarer en les arrêtant, qu'il ne les regardoit plus comme les plénipotentiaires de la nation. Ils comparurent au nombre de dix. (2) Les autres, favoir, ie Comte de Liewen, le Comte de Horn, le Baron de Reuterholm, les Comtes de Schwerin & de Sinclair & le Baron Erenkrona étoient abfens par congé. Le Roi fit faire aux Sénateurs préfens la leéture de la forme de gouvernement, que les Etats aifemblés avoient recu la veille & qu'ils avoient juré d'obferver: ils prêtererit enfuite un nouveau'ferment, & S. M. les congédia, en leur permettant de fe retirer oü ils voudroient & en .les affurant qu'ils jouiroient de toute füreté & proteftion, pourvu qu'ils reftaifent tranquilles. Le foir chacun de ces Sénateurs, qui trois jours avant fe regardoient comme les dépofitaires de 1'autorité fuprême, recut fa démiflion concue en ces mots: „ Guftave, par la Grace de Dieu, Roi de Suede. Comme, par 1 „ la forme de gouvernement acceptée maintenant par la Diette, & confir„ mée par nous, la dignité de Sénateur qui vous avoit été confiée, prend „ fin pour votre perfonne, nous avons voulu vous en accorder la démiflion „ par la préfente, en vous témoignant notre fatisfaftton & notre contente„ ment fur votre conduite, pendant le tems que vous en avez rempli les „ fonftions. Nous vous recommandons particulierement a la grace de „ Dieu. " Gustave. Le même jour le Roi créa un nouveau Sénat, compofé dc dix-fept Sénaj teurs, favoir, les Comtes de Liewen, Maréchal du Royaume, de Hierné, - Walwick; les Barons de Ribbing, de Stockenftrom; les Comtes de Bielkc, Ulric de Scheffer, nommé Préfident de la Chancellerie, d'Hermanfon, de Beckfries, de Schwerin, Grand-maitre de la maifon de la Reine Douairière, de Poflè, de Barck, de Sinclair, qui fut confirmé dans le gouvernement de (O Volt. Précis du Siècle de Louis XV. Ch. XXXI. (2) Le Baron de Dubben, Préfident de !a Chancellerie; le Comte de Kalfing, Ie Baron »Je Funck, le Comte de Walwick, le Baron de Ribbing, le Baron «le Wrangel, 1'Amirat de Falkengreen, Ie Baron de Sparre, le Sr. Arnet & ie Baron de Falkenberg, Vice-Préfident de la ChanceHerie.  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VII. 79 Poméranie; PAmiral Falkengreen, Vice - Préfident de la Chancellerie , le / Comte Axel Ferfen, a qui S. M. continua la charge de Feldt-Maréchal de S .fes armées. Le Comte Rudenskiold demanda qu'on le difpenfitt de rentrer 1 dans le Sénat a caufe de fon grand age & dc fes infirmités. Le Roi réferva _ deux Sénateurs in petto, qui prendroient leur rang, du jour de la création du nouveau Sénat. Le Te Deum fut chanté le lendemain dans 1'égliiè St. Nicolas, en action de graces du recouvrement de Ia liberté; le Roi y affifta & après le fervice les Miniftres, les Ambafladeurs & la NoblefTe dc 1'un & 1'autre fexe, furent admis a lui faire leur cour. Le 25 le Roi, qui avoit mandé dans la grande falie du cMteau, les quatre Ordres de 1'Etat, s'y rendit en habits royaux, accompagné des grands d officiers de la Couronne, de fa garde de trabans & de plufieurs fénateurs. \ S'étant placé fur,fon tröne, dont, fuivant 1'ufage des anciens Rois de Suede, il frappa les bords d'un feeptre d'argent, il paria ainfi aux Etats : „ Animé ,, des fentimens de la plus vive reconnoifiance pour les bontés du Tout-puis„ fant, je m'adrefTè a vous aujourd'hui, avec la confiance & 1'ancienne fim„ plicité, dont nos ancêtres nous ont donné 1'exemple. Après tant de fe„ couflès violentes, le calme a reparu parmi nous. Nous n'avons plus en,, fin qu'un même but, le bien de la7patrie. II exige, ce bien, que nous „ féparions bientöt une affemblée qui a déja duré quatorze mois. Pour ,, cet effet j'ai refireint autant que je 1'ai pu les propofitions que j'ai a vous „ faire. Les befo'ihs font grands, mais ce font ceux du Royaume. Si 1'u„ nion, fi une confiance mutuelle préfident a vos délibérations, vos réfolu„ tions ne peuvent être que juftes & falutaires. Je veillerai, de mon cöté, „ a 1'économie, & ce que vous m'accorderez, fera employé uniquement pour le plus grand avantage de 1'Etat." Le Roi cefia de parler & un Secrétaire d'Etat fit la leéfure des quatre propofitions fuivantes: „ i°. Les Etats conviendront des fubfides a accorder, & j „ prendront une réfolution en conféquence. 20. On levera les fubfides qui, p „ en conformité des anciennes coutumes & loix du Royaume, faifoient les f, „ fommes accordées pour les frais des funérailles & du couronnement, & „ qui font percues pour 1'Etat fous divers titres. 30. Sa Majefté ne pouvant ■„ favoir jufqu'a quel poit?t ces deux articles, par rapport aux revenus ordi„ naires du Royaume, fuffifent aux befoins de 1'Etat, dans les circonftan„ ces actuellcs, elle propofe aux Etats, en conformité du §. XLVII de la „ forme du Gouvernement, de choifir dans les trois Ordres qui dirigent les „ affaires de la banque, un certain nombre de perfonnes, avec lesquelles „ S. M. puifle délibérer fur les mefures a prendre a ce fujet. 40. La Diette „ dirigera fon travaii relatif a la banque, de maniere qu'elle foit bientöt en „ état de contribuer au rétablifièment des finances." Les quatre Ordres prirent ces propofitions pour y délibérer; enfuite de quoi il fut arrêté unanimément, qu'il feroit fait au Roi une grande députation, pour remercier S. M. du foin qu'elle avoit voulu prendre de préferver fa perfonne & la patrie des d dangers qui les menacoient. Cette députation fut admife a 1'audience du Roi. d Les Etats s'aflèmblerent tous les jours pour délibérer fur les quatre propofitions: ils furent convoqués le 7 Septembre. Le Roi, accompagné du Prince Frédéric qui étoit revenu de la province d'Oftrogothie, fe rendit dans la lift. de iede. 71S- i 3S jours. AffembUe es Etats out Iss ibftdes. ropofltions' mr issfub' des. Grande tyutation !s Etats.  Sect. VI Hift. de Suede. 1718- a nos jour; Affemb dis Etat: pour la ci ture.. CO „ S I R E, (difoit-il) c'eft avec les feminiens de la joie la plus pure & la plus ref„ pecfueufe, que les Etats s'approchent du tröne de V. M. & lui font remetTre par lems „ Orateurs la reponfe aux propofitions qu'elle a daigné foumettre aleur conlidération. a&iW^'fl s'asitde rég,er i'impót pour les frais du Couronue„ ment & de la Sepulture du Roi, les Etats, pour foulager le peuple, ont adopté a quel,, ques changemens prés la méthode fuivie en i769. Quant aux finances & aK„, £ „ les Etats ont cru prendre la voie la plus füre pour des objets de cette importanten " ceSeïnZlVi ft ^ * F"*™* de V" M' trollvera * ^ d'órdonner & c'eft " „ cette fin que j a 1 honneur de remettre a V. M. de la part des Etats, tous les papier* t CoZT\qai C|0,lcerneIDt ««? »»fré. V. M. ayant ordonné aux Etats de nomme * 2 S~ % ■ r% $ membJeS 1 "quel V' P"C délibérer fur les ch°f« qui demandent " fon^nn -J lhonneur de ,UI répondre au nom des Etats, qu'ils donncnt pour ces " h bSune E?ö*< T^'T COnfia,,Ce aox Pclfonnes *<* OM eu le departement de " Ö l e MSJ epU'S le/omilie"cei^nt dé cette Dictte, & ils attendent avec , Kn«1fln^fw2^,*?^nm-i?raonB^ de,plus fur ceüJiec' & fe «commando» a la u unitmuation de votre bienveillance royale. ^ H I S T OIRE i) ü- il O Y A U M E :. falie, monta fur fon tróne & entendit- le compte que lui rendit a ce fuiet le Maréchal de la Diette. (Y) Le Roi, après avoir recu les papiers rclatifs aux finances, remercia les . Etats de la confiance fans bornes qu'ils lui témoignoient & annonca la clö- ture prochaine des féances de la Diette. En effet, le lendemain un héraut eed'armes en^ publia ia diffolution a fon de trompe, & le 9 les Etats affema.blés dans 1'églife, la Cour s'y rendit dans le plus pompeux appareil: précédé des trabans, du maréchal de la cour, des chefs des tribunaux, des chancelicrs , des fénateurs & du Prince Frédéric , le Roi en manteau royal étoit efeorté de fes gardes , des chefs des régimens, des dragons du corps, des aides de camp généraux, de 1'écuyer & du grand - veneur. Les Etats revenus dans leur falie, il s'y rendit avec le même cortege, & y recut les complimcns des orateurs des Ordres. Leurs harangues rouloient fur les avantages que chaque Ordre devoit attendre de la nouvelle conftitution, & chacun donnoit au Roi les affurances d'un amour, d'une fidélité, d'une reconnoifiance & d'un refpeét fans bornes. Le Prince Frédéric & les Sénateurs qui n'avoient pas encore prêté le ferment, furent appelles par le héraut, & s'acquitterent de ce devoir; enfin le Roi termina la feance par le difcours fuivant, qu'il prononca, après que le Recès de la Diette eut été lu fuivant 1'ufage: „ Messieurs des quatre ordres assemblés en Diette. Te termine cr„ fin les féances de cette Diette, 1'une des plus remarquables dont nos annales faffent men„ tion. Je fens ma reconnoilfance s'accroïtre envers 1'Etre fuprême, qui a dSigfië proté^ „ ger la Patrie, d'une maniere fi vïlible, en difïïpant les nuages qui menacoient" la liberté „ èi les citoyens d'une ruine totale. Cette Diette a pris nailfance dans le deuil & dans les „ larmes,que caufoir la perte recente & fenfible d'un Roi clément & dun Pere chéri .Vos „ déhberations ont continué au milieu des diffentions & des haines des partis, & la Provi„ dence lembloit n'avoir voulu porter a leur comble tous les malheurs qui avoient accablé ,, nos peres, que pour faire éclater fa puiffance dans les changemens.qui font arrivés La „ plus heureufe révolution, conduite uniquement par le Très-haut, a tout a coup formé les „ plaies dont le corps de 1'Etat étoit bleflé depuis plus de cent ans; èc d'un peuple défu„ n>, elle a fait une fociécé libre , puiflante, indépendante & zélée pour le bien de Ia Pa" trAe'a- ■ eft 1 etat dails leqill-'! vous me remettez les rênes du Gouvernement. La liberté „ eft affermie, la loi confirmée & 1'union rétablie. » Re-  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VIL 8t „ tlepréfentez-vous a preTent Ia tcndre fcnfibiüté avec laquelle je vous vois afiembiej „ devant le cróne. Pendant Ie peu dc jours qui Ce font écouiés depuis ce grand change„ ment, vous m'avez donné les marqués les plus touchantes de votre"amour & de votre ,', confiance fans bornes. J'ai vu revivre en vous& briller dans vos aiftions,ces vertos & ces „ grandes qualités qui faübient la gloire de vos ancêtres; cachées pour un tems dans vos „ cceurs, elles fe font de nouveau manifeftées avec plus d'éclar. Ce courage & cet atta„ chement inviolable envers le Rei & la Patrie, qui caractérifoient jadis 1'Ordre Equeftre „ de Suede, ont pui'Jamment fecondé mes efforts. Le Clergé a donné des preuves évidentes „ de fon zele pour la gloire de Dieu, de fon obéilfance aux fupëVieürs, de fa fenfi.bilité „ pourl'union & le bien-être général. Continuez, chacun dans les fonclïons de vos em„ plois, a fortiüer ces fentimens dans les cceurs de vos concitoyens. La Bourgeoifie s'elt „ occupée lans relache de la félicité publique, en cherchant a faire fleurir les -arts & les „ manufactuces. L'ordre des Payfans, qui a toujours témoigné Ie plus profond refpecfc „ pour les loix divines & humaines, s'eft difiingué dans ces circonilances critiques; 1'a„ mour de la patrie, ce fentiment-diftinfttf du cultivateur Suédois, a dióté fes réfolutions. „ Je me fépare de vous avec la douce fatisiaétion de voir la paix & ia concorde regner „ .dans toutes les claifes de mes fujets. Je ne puis dans ce moment, que vous témoi; ju/ti. ze du Roi.  SncT. VII. , Hifi. de Snede. 1718- ii nos jours. Retour du Rota Stockholm. Son zele pour le Joulagemeutdes peuples. 1773. Ses moyens &fes re}-, jourtes. Wamine de la DaiécarHe. Monopeles. Ritablitjetnen'. du militaire, \ $4 HISTOIRE DU ROYAUME jet a été congu, commencé & exécuté depuis le regne de Guftave I. Gufta-ve III a aboli la tyrannie dans la feconde année de fon regne, & a mis des bornes au débordement qui inondoït le pays. Le Roi des Goths rendra navigableje fleuve de la Gothie en dépit de la cataracle de PEnfer. La réforme des abus qui s'étoient giifies dans 1'adminiftration de la juftice, & qu'il détruifit dans tous les lieux de Ton paflage, lui firent encore plus d'honneur que ces monumcns. II punit févérement les prévaricateurs. Le changement de gouvernement avoit fait croirc aux payfans qu'ils étoient affranchis des redevances envers leurs feigneurs & ils fe refufoient a leurs ordres. Le Roi rendit une ordonnance, qui leur enjoignit dc leur rendre tous les devoirs auxquels Ia conftitution de 1'Etat les afïüjetit. Son retour a Stockholm ramena 1'allégrefie publique. On y avoit projetté des réjouiffances; mais Guftave ordonna qu'on employat 1'argent qu'on defbnoit a ces fêtes, au foulagement des pauvres:il ordonna enfuite que tous les eccléfiaftiques donneroient une lifte de toutes les families indigentes & des aumönes qui leur avoient été diflribuées; qu'iï" feroit dreffé un état de tous ceux qui en travaillant autant qu'ils le doivent, ou en faifant un petit commerce , ne peuvent néanmoins fe procurer une fubfiftance fuffifante, & que les perfonnes chargées par état de ces détails, indiqueroient la fource du mal & donneroient les moyens d'y apporter un prompt remede. La difette dont la Suede étoit affligée, faifoit craindre que les terres ne reftaflènt en friche, faute de lèmence; le Roi otrvrit a fes peuples les magafins de la couronne. Les Gouverneurs .des provinces, outre leur contingent, obligerent les négocians & les höpitaux de fe défaire d'une partie de leurs provifions en faveur des payfans qui en avoient befoin, cn les laifiant les maitres de paycr comptant, ou d'acquiter la valeur dc ce qu'ils recevoient, par des denrées a la récolte prochaine. Le Roi voulut en même tems, qu'on frappat des médailles avec fon bufte, pour être diflribuées, au jugement de la fociété d'agriculture, aux cultivateurs qui fe diftingueroient le plus. S'étant affuré que les terres de la Dalécarlie, rebelles a la culture, ne pouvoient pas fuffire a la fubfiftance de cette province, Guftave publia une ordonnance, par laquelle il exhorta les Dalécarlicns a chercher d'autres reffources dans leur induftrie : & afin de leur donner les moyens de s'occuper a des travaux utilês, il promit d'avancer les fommes néceffaires a ceux qui voudroient établir des manufacfures dans cette province & fe chargca de leur procurer le débit de leurs marchandilcs. La Dalécarlie avoit befoin de fecours abondans, elle étoit en proie a la famine; on trouvoit dans les bois & fur les grands chemins, les cadavres des malheureufes viélimes de ce fléau. Les habitans s'expatrioient. Cette calamité deftructive le devenoic chaque jour davantage par les monopoles des brafieurs,qui accaparoient le peu de grains qu'il y avoit dans la province. Les pourfuitcs féveres contre les diftillateurs & 1'importation hatée par les foins de S. M. ramenerent des grains & commeneerent la punition des monopoleurs; mais a la difette fuccéda une dyflenterie qui emporta, dit-on, plus de monde que la pefte de 1709. Ces foins ne faifoient pas négliger le rétabliflement dc la difcipline. Dès que les troupes furent completes, le Roi s'attacha a les exercer & a leur faire exécuter toutes les manoeuvres, depuis les opérations les plus minucieufes en  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VII. 85 apparence de Ia taétique, jufques aux grandes évolutions, que la paix avoit fait oublier. li trouva a fon avencmenc au tröne, que fuivant un ancien u latje établi parmi les officiers, ceux qui quittoienc, exigeoient, fous le titre d'accords de l'armée, de ceux qui les remplacoient des fommes qui fouvcnt excédoient leurs facultés; le Roi réfolut d'abolir cet ufage, ou du moins 'de le faire tourner au profit du militaire: il modéra ces concordats a une fommc modique & déterminée, & ordonna que les fommes provenant de ces ventcs fuifent verlees dans la caiffe des penfions, pour les officiers qui feroient dans le cas d'obtenir leur retraite; & comme il fe propoibit de faire a ce fujct un réglement général, il conlulta tous les chefs des régimens & leur demanda des mémoires. L'armée fuivantc, ayant cxaminé leurs avis, S. M. rendit a la fin de Mai une ordonnance, qui abolit les concordats connus fous lc nom d'accords de l'anuée, voulant i°. que tout officier qui paffera d'un grade a un autre, ne foit tenu de remettre a la caiffè des penfions, que la modique fomme fixéc par le réglement de 1773 : 20. que lorfqu'un officier aura 25 ans de fervice accomplis, il lui foit libre de fe retirer; qu'il jouiffè dc la peniion & retirc de la caiffe militaire les fommes qu'il y aura verfécs a chaque mutation de grade; mais qu'avant cette époque il ne puifie prétendre a ces avantages, qu'autant que quelque bleffürc 1'aura mis hors d'état de continuer fes feryiccs: 30. que les officiers, qui pafferoient au fervice de quelque Puifiance étrangere avec 1'agrément de la Cour, fuflènt autorifés a retirer les fommes dépoièes par eux dans h caiffe; mais qu'ils fuifent déchus de toute prétention aux penfions: 40. que, fi un officier après avoir rempli les 25 années & demandé fa retraite, venoit a mourir avant que d'en avoir recu le brevet, fa femme & fes enfans jouiroient de Ia récompenfe qu'il aura méritée: 50. que la caiffe retiendroic dix polir cent de toutes les fommes qu'elle fera dans le cas de reflicuer: 6°. que les chefs des régimens produiroient chaque année, aux Directeurs de Ia caiffe, une lifte exacte des officiers qui, paria vétérancc, auront acquis le droit de prétendre .a la penfion de retraite. Guftave 111 ne négligeoit rien pour mettre fur un pied formidable fon militaire & fa marine; non qu'il defirat la guerre, mais pour le maintien de, la paix : il difoit que la campagne Ia plus heureufe ne valoit pas un mois de repos. Non-feulement il completa tou^ les anciens régimens, mais il en créa trois nouveaux: il augmenta fa cavalerie de quatre efcadrons de dragons & dc deux régimens de hufïïirds & fit des changemens néceffaires dans 1'cxcrcicc. Quant a la marine il Paugmentoit toutes les années: deptfis la révolution vingt nouveaux vaiflèaux avoient été conftruits & les anciens reparés. On comptoit dans lc mois dc Juin 1774 quarante-deux vaiflèaux de guerre Suédois, plufieurs frégates & quantité d'autres Mtimens. Comme la marine militaire protégé la marine marchahde, celle-ci fert d'alimcnt a 1'autre; le Roi v.eilla avec foin au rétabliffèment du commerce & de la navigation. II publia une ordonnance qui, entr'autres ardcles, condamne a mille dahlers, monoie d'argcnt, tous les batimens qui mouilleront ailleurs que dans les ports des villes jouiflant du droit d'étape; a une amende de cent dahlers ,'. \c< patrons qui mouilleront fur les cötes, excepté dans les cas ou ils y feroient indifpenfablement forcés par les circonftances, & h cent cinquante dahlers, menie monnoie, ceux qui fortiront des ports fans pilote. L 3 Hij}, de Snede, 1718 a: nos jours. Conwiiats rsftreints. 177/f. Abolis, Caiffe de penfnns établie. K-traites 0 ilres régiemens. Marine.  Sect. \ Hifi. di Suede. 171"- a ■ nos jour Exporti tion perinife. Ordonnm ce au Jujt des dettes Inhumations hurs des villes. Accuïation contre lefénat dejonkioping. M histoire du royau me II. La défenfe de la diftillation des grains & de la vente dos ra„v A» • j on avoic tant abufé jufques au regne de Guftave t r eaUX"de;vie' d°uc avoit prifes comre les monopoleursf fe; encflemen 5*% , culture & la récolte abondante ^perLSlt^SS^ * l - des grains de toute efpece; il y avoit un fiecle aue JZuu [Q*?™™on ► avoir lieu en Suede; fix vaiflèaux marei ands chargés ^a^St^ PU ductions, partirent pour Amfterdam Alors \l S P rfl" ï Ces Pro" dela févérfté de la défenfe e ^ ^11^ on - m5s 1 ^0^7"Z" corder la tolérance qu'autant que Ie erains l t% P?P * d? n en ac" prix, & qu'a des particulier^ dom Ia conffi & kZ2T - ?. *"? pondoient qu'ils n'en abuferoient ooinr Afin n, « reputation lui ré- dt de 1'abondance, fttS^ficSS mVaÜde fe ^ de feigie, pour diftribuer dans leurs pa onTes Sifr-S? hors d'état de gagner leur vie Pdrüllies, a ceux qui fe trouveroiene ^ les dettes déja t^&^Tlèl^mA^^ &* qUG Ia maifon royale, ne feront plul p*^ESÊ » * prlexfde nattend pas que la loi rétabiiflè l'ordre & répr me lfs al va u de la loi & le défordre celfe; c'eft ce qu'on Vfeéfi SSÏ ' deVant inhumation, Les papiers publiés étoient re^ifdes^ ff ffii£-* France, des otoyens éclairés pour 1'extirpation de 1'ufLe l rb re rer les morts dans les églifes & de laiffer fubfifter les cimetieres au fein Z' grandes villes; voeux que le Parlement de Paris i JLSti ' . es que des interets (plus (acrés,fans doute,que la fanté d'un ' Tv rendent impuiflans dans ia capitale.LeCoE-e de Sté i SupX f obfervations multipliées qui avoient été fcitl^f-V^rSttiSS^tes de cet ufage, fit appercevoir les Suédois que le même abus & 5 ÏÏ' ddordre regnoient cheZ eux, & fans qu'il füt\eibin dlu u it n dS' ne ordonnance du Roi, les habitans des campagnes cefleren, ment les inhumations dans les églifes, mais encore^ metieres lom de leurs habitations. Cette réforme, a la vér té n'èft pas ffT nerale; maïs il y a tout lieu d'efpérer qu'elle fera idnmt H P gf" Royaume & que la Suede fervira JLJIlirt&Iff *" t0UC * Ladmmiftration de la juftice étant une des parties les plus eflèntie'Ies l admm.ftrauon générale, Guftave y veilla avec la plus grande eSude- * fut vivement affecfé des accufadons intentées contre le Parlement; de^ lonk in ping? d apres les mformations faites fur les lieux par le Chancelier detS" ce il evoqua cette affaire importante au tribuiJf^iTÏÏSiS & a Stockholm, & pour mieux conftater encore les f&, fe rJ^/^  DE SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VII. 8. commiülon chargée de faire routes Jes recherches néceffaires a rinir.ruct.ior d'une caulè, a laquelle il prenoit le plus vifintérêr. Ses intendons ayant été remplies a cet égard, le Roi envoya ordre aux juges inculpés (au nombre de treize) de venir a Stockholm pour y rendre compte de leur conduite: ils CQrap&rüjeni devant le tribunal préfidé par le Roi, en perfonne, & oü tout le Sénat de Stockholm fut invité. S.M. ouvrit la léance par un difcours qui mérite d'être conlacré dans les Mes de l'hiftoire, par les grands principes qu'il conticnt. Nous croyons faire piai/ir a nos leéteurs de le rapporter, (i) Le Baron Hagard, Secrétaire d'Etat, qui faifoit les fonétions de Chancelier de Juilice, commenca a lire les accufations; mais comme eiles étoient en trés grand nombre, la leéture en fut remife a une autre féance. 31 y en eut plufieurs & le Roi n'en manqua aucune : 1'inftrucMon fe fit publiquemcnt ; on accorda des délais aux accufés pour produire leurs moyens de juftilication. Dans cet intervalle un des accufés mourut. Ce ne futqu'cn 1775 que cette affaire, qui occupa longtems la nation, fut terminée par un jugement prononcé devant le Roi féant en fon confeil, qui déclara un des afleflèürs incapable d'exercer fa charge, démit trois autres affeffeurs de leurs emplois, fufpendit le vice* préfident & trois confeillers de juftice de leurs fonétions, condamnés en outre a la perte de trois & de fix mois de leurs appointemens; déchargea deux confeillers & un affefïèur des accufations intentées contre eux, fans néanmoins pouvoir prétendre aucun dédommagement contre le fifcal; enfin un autre confeil Ier fut démis de fon pofte & auffitót rétabli par S. M.,en payant 300 dahlers. Quoique cette affaire eut beaucoup occupé le Roi, il n'en avoit pas été moins attentif aux autres de 1'adminiftration; la Monarchie rétablie dans de juftes bornes, ramenoit peu a peu l'ordre, que le defpotifme du Sénat avoit CO » Messieurs les Senatkurs, la convocation de cette affemblée a pour obiet une „ affiiire des plus iraponantes , puilqu'elle concerne particulierement 1'honneur & Ia confer „ vation de plufieurs citoyens, & qu'elle intéreffe en général Ia tranquillité & la fortuna „ de tous mes fujets. II s'agit d'examiner fi le pouvoir confié par la loi, pour protéeer „ 1'innocence & Ia (üreté d'un peuple, a été employé pour les violer. Quoique le devoir „ de 1'autonté Royale m'obiige, comme chef & pere de 1'Etat, a veiller au bonheur & a „ Ia füreté de tous les habitans, il y a cependant une claffe de citoyens, dont 1'honneur „ & la reputation me font particulierement confiés : les charges illufires dont ils font re „ vétos, Ia portion importante de 1'adminiftrarron des loix que je leur ai remife entre les* „ mains, umflent en quelque (orte leur honneur au mien; ils ne peuvent prévariquer avec „ mipunité, fans le ternir: ils ne peuvent être injuftement accufés, fans que je les prot'eee „ puifque comme Roi,. en vertu de la loi, je fuis le protecteur de leur innocence & en „ même tems ie vengeur des droits du peuple, fi les magilTrats abufent du pouvoir qui leur ,t eft confié. Je me dois donc a moi-même, je le dois a la dignité dont ils font revétus „ de procéder a ce jugement. Je dois 4 mon peuple, que Ie procés s'inftruife fans aucun „ foup9on d oppreffion. Je dois a la poftérité de lui laiffer un grand exemple de iuftice „ Etant juge moi-même & partageant avec vous les devoirs précieux & rio-oureux attaché^ „ k cette qualité, je n'ofe ni ne puis prévoir 1'iffue de cette importante affaire- mais „ fouhaite avec la plus vive ardeur que cette procédure folemnelle foit la derniere' comma „ elle eft la première fous mon regne. Elle fera écrite dans les annales de nos i'ours & „ marquée comme Ia preuve fenfible d'une époque flétrie par la tyrannie & par la coh-ud „ tion.oü tout étoit pofïïb!e,oü rien n'étoit a 1'abri des foupfons, oü 1'on ofoit accufe? „ les perfonnes les plus illufires, celles-mémes qui,par le caracfere dont elles font revêtues „ paroifient être au deUus de tout , ét a plus forte raifon exemptes de foupcons aufïï T ffifl. de Suede. 171'J- 4 nos jours. Jugement.  Sect. VI! Hift. de Suede. 1718- k iios jours, Liberté t, commerce des grain De la dj, tillation. Divers rt gkmtns. Manufac ture de Tot néa. $8 H.l S'TOIRE DU ROYAÜ M E . entieremcnt dérangé: il s'attachoit cflènticllèment a faire fleurir Fagriculture & le commerce. La difette bannie lui permit de donner une ordonnance, qui abroge toutes les reflrictions auxquelles les marchands étoient affujetis pour 1'achat & la vente des grains, & accorde une liberté indéfinie de com- - merce aux provinces les plus fertiles, telles que la Scanie, le diftriét de " Scarabourg, la Sudermanie, la Weflmanie, 1'Upland, la Finlande & la Go. thie. Sur le modele de la France, Guftave reltreignit beaucoup la police réglementaire concernant ces denrées de première néceffité. II révoqua la défenfe de diitiller, a condition qu'on ne pourroit employer a la diftillation . dans le cours de 1'année, plus de trois eens mille tonnes dc grain, dont la répartition feroit faite entre toutes les villes & provinces du Royaume, proportionnément a leur population; voulant que chaque diltillateur s'cngagcat de faire ce commerce pendant quinze ans, cn payant dix dahlers, monnoie de cuivre, par tonneau d'cau-de-vie, lui prohibant de diitiller chaque année plus de mille tonnes de grains ni moins de deux eens. Cette ordonnance entroit dans d'autres détails. Mais la modieité de la récolte de 1'année fuivante obligea S. M. de la révoquer, ou du moins de la fufpendrc. Pour exciter 1'induftrie & fltVorifer 1'agriculture, il ordonna que le fils d'un ceniitaire de la couronne, auroit un droit inconteftable de fuccédcr a fon pere dans la cenfe, au cas qu'il eut duement fatisfait a fes obligations;. & a cet cffet il n'aura befoin que du confentement du Gouverneur de la province. II ordonna qu'a 1'avenir on ne feroit aucune acception de perfonne dans la répartition des fervices, dont jouiffent les recevetirs des droits royaux, ou autres fermiers de la couronne, mais qu'ils ne pourroient les céder a d'autres. II mit dans les corvées pour 1'entretien des chemins, un ordre qui foulagea beaucoup les habitans de la campagne, obligés de travailler a des réparadons, fouvent éloignées de leurs habitations de plufieurs miUes; il ordonna qu'il fut fait une nouvelle répartition dc ces corvées, & qu'on asfignat a chaque corvéable, la portion de route la plus proche de fon habitation. Dans le tems de Panarchie, le Commerce avoit beaucoup fouffert par les monopolcurs; le Roi ordonna qu'on fit les perquifitions les plus exaétes contre ces fang-fucs publiques, & notamment contre ceux, dont les manoeuvres tenoiént le cours du change a un prix exceflif. Les habitans des provinces les plus feptcntrionales de la Suede, étoient obligés de tirer a un trés haut prix dc 1'étranger, les étoffes néceffaires a leurs vêtemens: Guf- . tave établit a Tornéa une manufaéture, oü Pon fabriqueroit de gros draps, - femblables a ceux dont s'habillent les Lappons: & pour encourager la filature de la laine, il ordonna que c<^ux qui les premiers formeroient des établiffemens de ce genre, feroient pourvus d'uftenfiles & dédommagés du loyer de leurs maifons, aux frais du gouvernement. Les Suédois excités par 1'exemple d'un fi bon maitre, béniflènt le réta* bliflement du gouvernement monarchique & s'empreffent de concourir a fes vues. .Guftave prit fous fa proteétion cn 1775 , la Société Pro Patria, a Iaquelle il réunit la maifon des femmes en couche. II voulut qu'on inferivit en lettres d'or, les noms des perfonnes qui donneroient a cet établiffement, dont le bi.it eft d'excitcr Pémulation & de confoler 1'humanité pauvre 6c iouffrante, au moins mille dahlers. Le Roi éprouva bientót que la vertu trou-  DE SUEDE, b>. .XXXI. Sect. VII. 89 irotrvc fa récompenfe cn ellc-même. Deux particnliers qui cachcrenr. foigneufement leurs noms, envoyerent auflitöt 1'un , mille, & 1'autre, .deux mille dahlers. Nous ne rapporterons pas tous les encouragemens que Guitave III a prodigués depuis la révolution, au commerce & a 1'induftrie; nous nous bornons a un petit nombre. II fe propofa de fonder quatre grandes villes de commerce dans la Finlande, fur les terres appartenanc immédiatement a la couronne.: il promit a.ceux qui viendroient les habiter, une exemption de toutes impofition & charges pendant vingt ans, avec permilfion d'exercer tel commerce & métier qu'ds voudroient, fans être tenus de fe conformer a aucun flatut ou réglement de commerce ni de maitrife. Lc college de -commerce de Stockholm écrivit aux miniftres & confuls Suédois dans les pays étrangefs, d'envoyer chaque année des liftes exaétes de tous les Suédois qui ont adopté une autre patrie & qui s'y font établis en qualité de négocians, artittcs & autres; de rechercher les caufes de leur émigration, & de les engager a revenir dans leur pays. Les encouragemens de toute efpece que le Roi leur offre font bien propres a les rappeller: il a ordonné 1'éreétion d'un monument public, a la mémoire de Guftave Croll, qui, de fimple garcon tanneur, étoit parvenu, par fon travail & fon application, a une trés grande fortune. II étoit devenu le plus riche marchand de cuir du royaume, 6t avoit laiffé une fuccefiion de cinq eens mille dahlers, monnoye d'argent: il avoit fondé quatre prix de cinquante écus chacun, en faveur des artifans qui excellent dans leurs profeffions: le Roi a augmenté ces prix 'du doublé. Tous ces encouragemens porterent 1'énergie & la force dans toutes les branches du commerce: en moins d'un an 1'exportation de fer avoit doublé: le prix de la poix 6t du goudron étoit augmenté de moitié; celui de toutes les produétions du pays 1'étoit auffi dans la même proportion. Le luxe,fur Iequel on a tant écrit, eft ruineux dans certaines circouftanccs, & nécefiaire dans d'autres: il faut quelquefois le réprimer 6t non pas le dén-urne. Le Roi crut cevoir lui prefcrire des bornes. If publia des loix fomptuaires, plus favorables aux progrès de finduftrie, que gênantes pour les citoyens: (1) il ordonna que l'habillement national reftat toujours le même: il défendit cn général de porter du galon d'or ou d'argent, a Pexception des militaires; qui pourroient en porter, affortis a leurs uniformes. II prohiba les habits de draps fins fabriqués chez 1'étranger, a toutes perfonnes fans exception de rang & de dignité. II voulut qu'on n'ufat que de draps provenant des manufaétures Suédoifes. La bienfaifance des Rois eft inféparable de la juftice: dans Guftave qui Ci) L'ordonnance fomptuaire anètde en 1766, étoit ruineufe pour Ie commerce & les manufaétures. Elle défendoit 1'entrée & Fufage du caffé, du chocolat, de 1'arrak, du punch , de toutes liqueurs & eaux de femeur étrangeres, des vins,excepté de France. Elle défendoit tout delfert, excepté les fruits du pays; l'ufage du tabac avant 1'age de 21 ans, le permettoit au delfus de cet age en payant un dahler par année: ordonnoit que les garnitures des robes des femmes fuifent de la même étoife que la robe; leur interdifoit les dentelles au defius d'un pouce de large; interdifoit aux hommes les habits de velours, de foie, les dentelles; au peuple des manchettes: prohibant les meubles de foie, carrofles, coureurs, heyduques , coë'ff'eurs, .&c. Tome XLII1. M Hifi. de Snede. 1718- i nos jours. Tram Ue bienfaifari' ce.. 177Ö. Fwdation de villes. Monument érigé a l'indujtric. Loix fim$. tuaires.  oo HISTOIRE- DU ROYAUME fait qu'un juge dok mettre dans la balance la fragilité des hommes, fa bonte tempere- föüvent la févérité des loix; il fait être jufte, lans ceffer d'être bon. Dix-fept officiers du corps de 1'artillerie, Capitaines &Lieutenans, croyoient avoir le droit d'aller au pare, toutes les fois qu'ils le jugeroient a propos: ils fe préfenterent, & ayant trouvé les portes fermées, ils les ouvrirentavec violence. Ils fe préfenterent encore, on les refufa: ils firent un mémoite rempli de plaintes ameres & de termes injurieux contre le Général-major , leur chef: celui-ci demanda juftice a S. M., qui nomma un confeil de guerre. Les officiers furent condamnés a être caffës. Le jugement fut porté au Roi. Leur révolte méritoit une punition exemplaire; mais leur mérite follicitoit en leur faveur: il en condamna quatorze a remettre leurs commiffions, a faire des excufes au Général-major, a fervir enfuite pendant quatre mois, en qualité de fimples foldats & h remplir exaétement tous les devoirs de cet état, fous peine d'être dégradés pour un plus long terme; il ordonna que leurs appointemens leur feroient confervés, & que ceux qui étoient décorés de 1'Ordre de 1'épée, continueroient d'en porter les marqués, jufques a ce que le premier Chapitre en eut décidé. II interdit pendant trois mois, les trois autres officiers de toutes les fonéiions attachées a leur grade. Ainfi le Roi punit 1'indifcipline de braves officiers, dont le jugement du confeil de guerre eut privé 1'Etat. Mais il eft des cas oü la clémence deviendroit dangereufe. Quelques payfans de Finlande, dans le deffèin de fe faire donner 1'adminiftration de la terre de Seelsdorif, adminiftrée par M. Ehrenmann, Confeiller de la juftice de la Cour, & par fon frere Lieutenant-Colonel, les accuferent d'un mcurtre & de plufieurs malverfations. Le Roi fit examiner ces accufations avec 1'attention la plus fcrupuleufe; ellcs furent jugées calomnieufes, & 1'on foupconna les motifs intéreffés des accufateurs. Ils furent déclarés infames; les uns furent condamnés a être fouettés publiquement, & les autres a la prifon pour un tems affèz confidérable & au pain & a 1'eau. Le Roi, dés 1'année précédente, avoit réfolu de faire un voyage en Finlande, pour y créer & établir un Parlement a Wafa; mais des affaires plus preflantes 1'ayant retenu, il manda a Stockholm les membres qu'il avoit défignés pour compofer ce Parlement, & il fit 1'inftallation de cette Cour avec la plus grande folemnité, le 28 Juin. Ces établiffemens ne lui faifoient point perdre de vue les moyeris de donner au militaire une forme folide. En 1775, l'armée Suédoife montoit a foixante-quinze mille hommes. Le Roi avoit augmenté depuis peu, le corps des chaffeurs de Sprengporten dc fix compagnies. Pour donner aux troupes la facilité de fe recruter, il ordonna que chaque province auroit toujours fur pied un certain nombre d'hommes, proportionné a fa population; que cette milice refteroit dans les campagnes, continueroit d'y vaquer aux travaux de la culture des terres, & qu'elle feroit cependant exercée, certains jours de la femaine, a des heures indiquées, au maniment des armes; que les régimens deftinés a la garde des places & fortereffes fe recruteroient dans ces régimens provinciaux; & qu'enfin les troupes de campagne fe complette-. roient aux dépens des régimens de garnifon , qui fourniroient le nombre d'hommes dont elles auroient befoin & qui feroient remplacés par les recrues de la milice des provinces. Ainfi 1'agriculture fouffrira le moins qu'il fera Sect. VII. Hifi. de Suede. i/iu- k' nos jours. Officiers con/ervés a 1'Etat. jfugement ■plus 1 igou reux. Etallifjiment du Parlement deFinlande. Régimens fffovin- tiaux.  D E SUEDE, Liv. XXXI. Sect. VIL 9, poflible, de la nécefiité d'entrctemï Ie militaire fur ün pied refpeétable: il en réfultera un autre bien. Ce qu'on appelle la milice en France, enleve brufqucment les cultivateurs k la terre, & les enfans a leurs families: par 1'ordonnance de Guftave, cette fcparation eft préparée de loin; le cultivateur devient foldat peu a peu, fe forme au fein de fes Iares, prefque fans s'en appercevoir, & quitte avec moins de regret fes travaux champètres, pour des travaux avec lefquels il s'eft familiarifé. Les fortifications avoient été tres négligées pendant le gouvernement ariftocratique; le Roi fongea, dès qu'il fut le maitre, a les réparer: mais ces réparations exigerent des fommes & des travaux immenfes. Le devis du Général Sparre envoyé fur les lieux, fait monter les réparations d'une de ces fortereffes de fix a fept tonnes d'or, fans y comprendre ics matériaux qui doivent être fournis par la province, & deux eens pieces de canon. Quant aux fufils, les arfenaux en étoient prefqu'entierement dépourvus. La Marine avoit beaucoup fouffert depuis la révolution: Guftave s'appliquoit a la rétablir; il avoit fait divers régiemens, & il eft parvenu a la mettre fur un auffi bon pied que fes troupes de terre. En 1775 il publia une ordonnance, par laquelle il fut défendu fous des peines rigoureufes, aux directeurs & infpeéïeurs des chantiers du Royaume, de conftruire aucun vaiffeau de guerre ou autre batiment, pour le compte des nations étrangeres. S. M. fit abattre quantité de bois de conftruétion dans la Poméranie , & lc fit transporter a Stockholm ; de forte que bientöt on put s'y paffer de 1'étranger, d'oü Pon le tiroit auparavant. On perfeétionna par fes foins, la maniere de conftruirc: le.College de Commerce a publié une ordonnance , qui regie la police & la perception des droits" du port franc de Marftrand. Mais le gouvernement le plus folide en apparence, eft toujours prés de fa ruine, lorfque l'inftruédon publique eft entierement négligée, paree que 1'ignorance ramenant la barbarie, les abus & les préjugés ,°les peuples incapables de faire ufage de leur raifon & de juger fainement de leurs véritables intéréts, abjurent le joug des loix, fe précipitent dans Panarchie, deviennent les inftrumens de 1'ambition des grands & invitent Ie Souverain au Defpotifme. Guftave III trouva les provinces feptentrionales de fon Royaume plongées dans 1'ignorance la plus profonde: il remit une partie des impofitions pour y établir des écoles publiques: il y envoya des fujets propres a répandre la lumiere, ou plutötJa connoifiauce des premiers principes. Comme dans prefque tous les Etats, 1'inftruction eft principalement dans les mains du Clergé, & que c'eft autant fur fon exemple que fur fes préceptes, que le peuple reo-le fes moeurs, le Roi porta la plus grande attention h cet objet. II trouva&le clergé de Suede compofé de fujets fans talens, fans mceurs & fans autre vocation que le defir d'obtenir des bénéfices. Pour rétablir cet ordre, il renouvella les anciennes ordonnanccs & voulut qu'on n'admit aux fonétions du facerdoce, que des fujets d'une naifiance honnête, dont les mceurs, les talens & les connoiflances eufient été fournis k 1'examen le plus rigoureux. Pour donner au peuple une regie invariable de foi, il farma une commisiion des hommes les plus favans de la Suede, & leur propofa une nouvelle traduéiion de la Bible, dans laquelle il les engagea de corriger des fautes Hij}. d« Snede. 1718- k nos jours. RètaUiJJement des fortifications. Ordonnances pour lx Marine. Nêcejjitè de Vinjlruüion publique. Réforme du Clergé. TraduBion de la Bible.  Sect. VII Hijl. de Suede. 1718- a ros jours. 92 HISTOIRE D U ROYAUME, &c. , de la Vulgate. (1) Plufieurs favans de 1 eglife Cacholiquc conviennent aflèz cornmunement , que cette traduction a quelquefois mal rcndu le véritable fensdu texte; & que le traducfeur, entre deux fignifications du même mot, ou Hébreu, ou Grecr a pris la plus étrangerc au fens; ce qui rend la phra- . fe inintelligible, ou prérente un (èns tour différent de Poriginal. -Les incrédules n'ont. pas manqué de tirer parti dc ces méprifes, pour décrier le texte facré. Cependant on s'obfiine a ne pas corriger ces fautes. Par exemple, le miraclc des poux firiité par les Magiciens de Pharaon, dans PExode-' prêtoit a rire aux détraéleurs de PEcriturc Sainte, aux dépens des Juifs: les favans Suédois ont découvert par la comparaifon du texte avec la verfion des Scptante & les autres, que le texte fignifioit coufin, moucheron, au lieu de pou. Le Roi a fait plus, en■ attendant qu'il puiffe envoyer en Finlande , des perfonnes éclairées pour inftruire les peuples, il a permis a plufieurs villages, d'être cux-mêmes leurs pafteurs, comme dans les premie» ficcles du Chriflianifmc. Nous terminons ici 1'hiftoire de la Suede, qui prend une face nouvelle,, fous un Roi jufte & bienfaifant, ami des arts & de la paix, occupé du bonheur de fes fujets, travaillant fans ceffe a fe concilier leur amour. (2) II n'a point encore paru afpirer a la gloire acquife au prix du fang & de la mifere des peuples; mais le courage avec Iequel il a renverfé les bornes qui reftèrroient fon pouvoir, 1'intrépidité avec laquelle il a brifé lc fceptre du defpotifme, les foins qu'il a pris jufques ici pour rétablir le militaire & la marine, les progres qu'ils ont faits 1'un & 1'autre, depuis qu'il eft véritablement Roi; tout annonce que Guftave III réunit les vertus héroïques de Guftave-Adolphe & de Charles XII, & les vertus pacifiques des Antonjns: CO Nous n'en citerons que deux. M. Iè Franc de Pompignan, un de nos plus grands Littérateurs & de nos meilleurs Poè'tes, malheureufement découragé par les fatyres injuftes de Voltaire, & plus malheureufement célébré par les Frerons & les Sabatiers, a fait une étude approfondie des langues favantes. II a découvert dans Ie texte des iivres facrés, des' beautés qui ont difparu dans Ia Vulgate. En voici une. -La Vulgate dit fumam pennas diluculo : „ je prendrai des alles au point du jour:" expreffion obfeure & qui ne dit rien; M. L. F. de P. s'eft convaincu, en comparant le texte avec les verfions, qu'il falloit tra* duire diluculi: Je premhai les alles de l'aurore. Qtieile image fublirae n'of&e pas Ie changement d'une feule lettre! M. 1'Abbé Contant de la Mollette, trés verfé dans les langues Hébraïque, Syriaque, Grecque, Arabe &e. travaille aftuellememt avec frutt fur cette matiere; il a conigé quandté de palfages qui offroient un fens, ou louche, ou inintelligible ou fouvent contraire au véritable : il s'eft afluré que Jephté n'a point immolé fa fille, que' Samfon n'a point attaché des brandons de paille a la queue d'une légion de renards pour brüler les moiffons des Philiftins, &c. Heureux! s'il fe fut borné dans ce qu'il a pub'lié de fon ouvrage, è une critique honnéte de Voltaire; mais il 1'a rempli d'injures groffieres con-tre ce grand homme & , qui pis eft, de longues tirades de vers infipides & pitoyables. II n'eft pas extraordinaire de voir le zele dégénerer en fureur; mais il eft rare qu'il préc'ipite un favant dans cet exces de ridicule. La Religion n'exigea jamais un fi grand facrilice. (2) Les premiers jours de fon regne furent marqués par des bienfaits. Ce Prince partit de Paris, dês-qu'H eut appris Ia mort du Roi, fon pere. II fut qu'on faifoit de grands préparatifs è Stralfund & a Wifmar pour le recevoir; il fit tout fufpendre & ne voulut pis qu'on fit aucune dépenfe. Ces villes-, avec. fon agrément, verferent les-fommes deftinées «ces fètes dans le fein des families indigentes. II fupprima a Stockholm le théatre francois-, & voulut que les pauvres profitaffent de ce que couroit 1'entretien de ce fpeftacle. Il arrnonen qu'il donneroit audience trois fois la femaine & tous ceux qui ont des befoins a loi expoP.-r ou des graces a lui dèmander furent admis. Fin de. FHiftoire de Suede..  HISTOIRE UNIVERSELLE DEPUIS LE COMMENCEMENT DU MONDE JUSQU'A PRÉSENT. LIVRE TRENTE-DEUXIEME. i HISTOIRE DE DANNEMARCK ET DE NORVEGE. Skction I. Defcription des Royaumes de Dannemarck & de Noriege, M&urs des premiers. Danois, Gouvernement aclucL. Jl eft peu dc Royaumes dans filmvers, dont les pofleflionsS foient diflribuées d'une maniere auffi bifarrc, que celles de la Monarchie Danoife. Ses principaux domaines font en terre - ferme, & la capitale eft dans une ifle. Cette ifle eft celle de Séelande: elle eft d'une figure peu réguliere-; mais c'eft une vafte plaine, trés fertile, & qui n'a befoin d'aticun _ engraïs artii> c-iel: on y rencontre de§ bois, des paturages, des troupeaux & tout ce qui eft néceflaire a 1'approvifionnement de la capitale, qui emprunte peu de chofes des autres ifles & de la terre-ferme. C'eft au milieu du quinzieme fiecle, que Coppenhague eft devenu Ie féjour des Rois , & depuis fa fplendeur s'eft accrue de regns en regne, jufqu'en 1728, que les flammes en dévorerent la plus grande partie; défaftre que les reflburces minnes d'une ville commercante ont réparé depuis. Son port eft un des plus beaux & des plus furs du monde. L'ifle d'Amack eft le jardin de cette capitale. La Reine Elifabeth d'Autriche la peupla de Flamands induftrieux, qui y-firent croitre des fruits & d'autres végétaux , que la nature fembloit avoir refufés aux contrées feptentrionales. Cette ifle, ainfi que Coppenhague, eft fituéc. fur un canal qui, en fe refferrant de plus cn plus vers le Nord, forme enfin ce paflage du Sund, fi célebre & prefque toujours couvert d'une foréc de mats. (1) ' (O „ Ce fameux Deiroit,"'(ditf auteur des Lettres furie D-annemarch') „ oü i! palTe juCqu'a 3000 vaiffcaux par an & que !e Roi commande par la fortereffe de Cronenbourg, " eft un des lieux de l'Europe dont 1'afpeft eft 1« plus remarquable. Deux raers réunies " par un canal qui n'a qu'une lieue de largeur, des cótes agréables, une navigation dont " le mouvement eft continuel, torment le Ibeft-acle le plus riant & le plus fmgulier qu'on 11 puilfe imagintr. Le péage auquei font alfuiettis tous les vailfcaux, lans diitiiiÉtiun,. u,* M 3. sect. rr Rift. de Dannemarck, &c, Defcrip. Mceurs & Gouvernement. Ifle de $it ■ lande.  Sc.ct. I. Hifi. de Dannemarck, & Defftrip. Mceurs & Gouverne ment. Autres ii fes. Etats Da. twis en terre-ferme. 94 HISTOIRE DU ROYAUME ElfeTieur eft le port 'oü les vaiflèaux s'arrêtent pour payer le droit d'entrer dans la mer Baltique. C'eft la patrie de 1'hiftorien Pontanus. Au milieu de . ce détroit, s'éleve la petite ifle de Huéne, oü Tycho Brahé obfervoit les " cieux, interrogeoit la nature, & faifoit la guerre aux préjugés. L'ifle de Fionie, fituée a 1'Occident de la Sëelande, eft moins vafte, mais beaucoup - plus féconde. A Pafpeét des riches moiffons, dont Pautomne la couvre on fe croiroit tranfporté fous une zone tempérée. Odenfée en eft la capitale. " Au Sud de l'ifle de Séelande, on appercoit celles de Laland & de Falfter •' toutes deux prodiguentle froment au cultivateur laborieux; mais la derniere furtout eft couverte d'arbrcs fruitiers, qui trompent rarement 1'efpoir du laboureur. Le Langcland, nommé tel a caufe que c'eft un pays long & étroit, lfolfre qu'une ville & quelques villages, mais fa fécondité le rend important; Bornholm eft plus éloignée dans la Baltique; le terroir n'en eft point ingrat! Nous ne parions pas d'une multitude d'autres ifles peu étendues: les bras de' mer, qui les féparent, font fi poiflbnneux, que la pêche feule pourroit fuppléer a d'autres denrées dans des temps de difette: il ne faut donc pas regarder ces xontrées, comme des déferts perpétuellement enfévelts fous les glacés & la neige; la nature n'y paroit morte pendant 1'hivcr, que pour renattrc enfuite avec plus de force & d'éclat. Dans la terre-ferme le Juthland feptentrional forme la tête de cette lonyale & le pouvoir Monarchique abfolu lui appaftienneat par droit de n fucceilion, dés le moment que fon prédécefieur n'eft plus. XVI. Et, quoique les Etats du . Royaume, compofés des Nobles, du Clergé, & du Tiers-Etat, en nous conférant a nous & a tous nos defcendans dans la Iigne masculine & féminine le pouvoir illimité, pour en jotiirpar droit de fucceflion, aient par-la établi que, dés qu'un Roi eft mort, la couron» ne, le feeptre, le titre Ck le pouvoir de Monarque héréditaire font par-la-même dévolus k fon plus proche héritier, en forte que toute tradition ultérieure n'eft plus requife, puifque dorénavant les Rois de Dannemarck Ck de Norvege, tant qu'il y aura quelque rejetton de notre familie Royale , naiflént tels, fans avoir befoin d'éleétion j cependant, pour faire conooitre k l'tmivcrs que les Rois de Dannemarck & de Norvege placent leur principale gloire a rcconnoïtre leur dépendance de 1'Etre Suprème, & tiennent a honneur de recevoir la bénédiétion de Dieu par fes Miniftres, pour fe le rendre favorable en commencant leur regne, nous voulons que les Rois foient facrés publiquement & dans 1'églife, avec les cérémonies & felon les rits que la religion & les bienféances exigent. XVII. Le Roi cependant ne lera tenu , ni a prêter ferment, ni k prendre aucun engagement,fous quelque nom, ou titre que ce puifle être, de bouche ou par écrit, envers qui que ce foit, puifque, eu qualité de Monarque libra & abfolu, fes fujets ne peuvent ni lui impofer la néceflfté du ferment, ni lui prefcrire des conditions qui limitentfon autorité. XVIII. Le Roi peut fixer le jour de fon faere, comme il le trouvera a propos, lors même qu'il ne feroit pas encore majeur, & il doit fe hater d'implorer, par cet acte religieux, la bénédiétion de Dieu, & ie fecours puillant qu'il accorde a fon Oint. Quant aux cérémonies qui doivent s'y obferver, il en ordonnera, comme il trouvera bon télon les circonilances. XIX. Et puifque Ia raifon Ck 1'expérience démontrent, que des forccs réunies ont bien plus de pouvoir que fi elles étoient féparées, & que plus 1'Empire d'un Prince eft confidérable, mieux il peut fe défendre, ainli que fes fujets, contre toute attaque étrangere , nous voulons que nos Royaumes héréditaires de Dannemarck Ck de Norvege, avec toutes les provinces Ck les pays qui eu dépendent, les ifles, les places fortes, les droits royaux, les joyaux, I'argenc monnoyé ik tous les autres effets mobiliers, l'armée ik toutes les munitions, ainfi que les équipages, la flotte ik tout ce qui lui appartient, enfin tout ce que nous pofledons afiuellement, & tout ce qui pourra appartenir dans la fuite a nous ou a. nos fuccelfeurs, par les . droits de la guerre, de fucceffiön, ou en vertu de quelque autre titre légitime; nous voulons, difons-nous, que toutes ces chofes, fans aucune exception, demeurent unies Ck indiviles fous un feul Roi héréditaire de Dannemarck & de Norvege, Ck que les Princes du fang de l'un & de 1'autre fexe, contens de leurs efpérances, aitendent la fucceflion a laquelle ils peuvent être appellés, felon l'ordre que nous étabiirons. XX. Et puifque, par Partiele précédent, nous venons de ftatuer, voulant que ce foit un article eflentie! de cette loi, ik qui ne puifle être changé fous aucun prétexte, que les Royaumes & Provinces que nous pofledons aétuellement, ik que nous pourrions acquérir dans la fuite, ou par fucceffiön , ou par quelque autre titre légitime, ne puiffent jamais être féparés, ni divifés; nous voulons au'ffi que nos fucceffeurs afllirent aux autres enfans de la maifon Royale une fub» fiftance conveuable ik honorable, telle-que 1'exige leur nailfance, dont ils "feront obligés de fe contenter en argertt ou en terres; ik, fi on leur affigne des terres, fous quelque titre honorilique que ce foit, ils n'en.auront que les revenus annuels ik 1'ufufruit pendant leur vie, le fonds lui-méme demeurant toujours aflajeti a 1'autorité fouveraine du Roi: ce qui devra auffi s'obferver pour les terres qui conftitueront le Douaire de la Reine. XXI. Aucun Prince du fraig demeurant dans les Royaumes ou dans les Provinces de notre Do.nination, ne pourra fe maner, fortir de nos Etats, ou entrer au fervice des Princes étrangers, fans en avoir obtenu la permiflion du Roi. XXII. Les filles ik les fceurs du Roi feront entretenuer., comme il convient a des Princeffes, jufqu'a ce qu'elles fe marient du coafentemeat du Roi. Elles recevront alors leur dot en argent comptant, ik elle fera réglée fuivant le bon plaifir du Roi. Elles n'auront plus enfuite aucune prétention a former, foit pour elles, foit pour leurs enfans, jufqu'a ce qu'elles ou leurs enfans foient appellés au tróne. XXUI. Le Roi venant a mourir, li celui qui eft fon plus proche héritier fe trouvoit ab- N3 rifl. de anne- arek, ikc. lefcrip. Iceurs & louverne- lent.  Sect. I. Hift. de Dannemarck, &c Defcrip. Mceurs ck Gouverne Kient. ioz HISTOIRE DU ROYAUME fermés au mérite, qui ne fe préfentoit pas avec une longue généalogie & les grands, fïïrs de parvenir aux plus hautes dignités, fe mettoient peu en peine de les mériter. fént, lorfque Ie tróne fera devenu vacant, il devra fe rendre, toutes affaires ceffantes & fans de ai, dans fon Royaume de Dannemarck, y établir fa demeure & fa cour, & prendre fur Ie champ les renes de 1'Etat. Mais fi celui qui fe trouve le plus proche, & par confé ■ ^u,e!u ^eru'er du décédé.négligeoit de fe préfcnter dans 1'efpace de trois moLa moins qu i n en fut empeche par des raifons de fanté ou par quelque autre caufe légitime celui qui le fint immédiatement dans la Iigne , & qui, après lui, feroit le plus habile a fuccéder montera fur le tróne Quant a Ia régence ik au gouvernement du Royaume jufqu'a farri' vée du Roi on obfervera.ee qui a été ftatué ci-devant dans cette Loi fur la régence & la tutelle. XXIV. Les Pnnces du fang de 1'un ck de 1'autre fexe, auront après le Roi & a Reine le premier rang dans le Royaume, & ils obferveront entre eux pour la préférence a meme ordre, ou ils fe trouveront dans l'ordre ék le droit de fucceffiön. XXV Ils ne comT paroitront devant aucun juge inférieur, puifque le Roi lui-même eft leur juge'en premiera ik derniere inftance, ou celui qu'il commettra a cet effet. XXVI. Dans cet article Frédéric Btmbue a la Dignité Royale, tous les attributs poffibles du defpotifme ,qu'il pourroit avoi* omis; il vent que celui qui propoferoit de reftreindre dans quelque partie 1'autorité rovale foit traité comme cnminel de Lefe-Majefté; que la cefïïon que le Prince auroit faite d« quelque pornon de fon pouvoir, foit nulle èk fans effet; il attribue le même defpotifme avec la meme etendue , aux Princefles qui parviendront au tróne par leur droit héréditaire L Article XXVII regie l'ordre de la Succeiïïon... Les defcendans males nés d'un lég time manage, auront droit les premiers a la fucceffiön de ce Royaume héréditaire, &, tant qu'ii y aura un male iflu d un male, ni une femelle iffue d'un male, ni un male ou une femV iflus d une femelle, ni qui que ce foit de la Iigne féminine, ne pourra demander la Couronne par droit de fucceffiön, auffi longtemps qu'il y aura quelque héritier nécelfaire & légitime dans la Iigne masculine; en 'forte même qu:une femelle iffue d'un mdle fera tréférée au mdle tffu d'une femelle. XXVIII. Cet article eft une confirmation du précédent Les males feront toujours préférés; les lignes masculines feront toujours les premières, ek'entre ceux du même fexe ck de la même Iigne, Palné paffera avant le cadet par le dróit de priinogen.ture. Dans l'art.cle fuivant XXIX, Frédéric en offre un exemple dans fa propre famiHe, 6z. regie , d apres ces principes, l'ordre de fucceffiön de fes enfans ék des enfans qui naitront deux L'Art.c e XXX eft une fuite de celui-ci; Frédéric y prévoit 1'extinétion dé k branche ainée male; .1 appelle, füt-ce dans les temps les plus réculés la branche ca dette male a la pofïeffion indivifible des Royaumes de Dannemarck ék de Norvege XXXI Si par malheur il arrivoit... que tous les defcendans males de notre race masculine 'vinlfent a decéder,5 Ia fucceffiön au trone fera dévolue aux filles des fils du dernier Roi, & ii leurs hgnes, sil y en a; finon elle parviendra aux propres filles du dernier Roi, d'abord a 1'atnee & aux lignes qui en defcendront, enfuite aux autres & aux lignes qui en defcendront tucceffivement, admettant une Iigne après 1'autre.... XXXII. Si'le dernier Roi ne laiife point de filles apres lui, Ia Princeffe du fang, qui, dans Ia Iigne masculine, fera la plus Ivvm .1! hentera du Royaume, ainfi que les lignes qui pourront defcendre d'elle XXX111. Apres elle, laplus proche parente du Roi, qui fe trouvera dans fes branches fé" ininmes qui defcendent de nous par les males, aura le Royaume par droit de fucceflion vyypivS c• 8 rS ®8a& Pei,ks-fils » run aPr« 1'autre, une Iigne fuccédant a 1'autre'. XXXiV. Si les hgnes de nos fils, tant masculines..que féminines, venoient a s'éteindre la fucceflion fera dévolue aux lignes des Princefles'nos filles, ék d'abord il la Princeffe Anne. Sophie, comme Uainée, a fes fils èk petit-fils, jufqu'a Ia génération la plus reculée enfuite aux autres 1 une après 1'autre, & une Iigne après 1'autre. XXXV. La feconde l.Vne lera obligée d attendre 1 extinftion de la première, Ia troifieme celle de la feconde Ia nu-. fiu%W fif, ^ Ci0i"e,mf % ai"5 d^ £.ite' XXXVI' Si la ^^on au tróne parveioit auüls dune hlle, ck s il laiffoit des henuers males après lui, il faudra a tous éïards en ufer envers les hgnes mafculines qui en defcendront, de la même maniere que nous avons ordonne qu on en ufe a 1 égard des lignes masculines qui defcendront de nous; c'eft-a-dire que tous les males dans la Iigne masculine, qui en naitront, devront fuccéder au tróne par preference a tous les autres, 1 un après fautre,.& une iigne après 1'autre. XXXVII. Au refte, c eft aux filles Ó£ a leurs enfans & petits-enfans, dans un ordre perpétuel, qu'appar-  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. I. io. Le Roi décide, dans fon Confeil, des intéréts généraux du Royaume diéte ou abroge les loix, approuve ou rejctte les inftitutions nouvelles. Le: affaires que 1'on agite dans ce Confeil, ont déja paifé par les Chancellerie: Danoife ou Allemande; & ceux qui font intéreffés a refuter les projets pro pofés, ont déja été avertis de préparer leurs moyens. Ainfi il n'y a poini d'obfcuritédans cette adminiilration: après avoir fubi un examen préliminaire, mais févere & lumineux, les affaires paffent fous les yeux des Miniftres af femblés, qui les difcutent encore, avant de les expofer aux regards du Monarque. Différens Confeils font appellés pour balancer 1'opinion du Confeil, qui s'eft emparé d'une affaire. Ce n'efi point la marche du defpotifme arbitraire, dont le but eft d'agir, plutöt que de délibérer. Les quatre principaux Départemens font ceux des finances, de la guerre,de la marine, du commerce & de 1'économie générale. Les trois premiers font en Dannemarck ce qu'ils font dans tous les autres Etats, fi 1'on en excepte cependant celui des finances, qui met dans la perception des impóts, plus de promptitude, de vigilance, d'économie & de clémence pour le pauvre, qu'on n'en montre ailleurs. Les exécutions militaires contre le payfan contribuable & indigem font trés rares; elles ne peuvent fe faire que par l'ordre du Bailli ou Gouverneur, qui eft obligé de faire de fréquens voyages, & de connoitre la fortune & les befoins des habitans du canton qui lui eft confié. Les payfans. en général, font tenus aux corvées & aux mêmes taxes, que dans les autres Etats. Les Domaines du Roi font trés- confidérables & forment une régie particuliere. Le Roi partage les dixmes avec le Clergé, mais fa part eft confacrée a 1'entretien des colleges, des hópitaux & des inftitutions utiles. Les loix ne font pas toutes également équitables, mais elles font fimples, peu multipliées, & laiflènt peu de reflburces a Pavidité des officiers de juftice & a 1'efprit de chicane des cliens. La juftice criminelle eft lente , fcrupuleufe & toujours favorable a 1'accufé dans le cas de Pincertitude. On ne voit point de commiffions extraordinaires; chaque fujet eft jugé par fes juges naturels. On offre k 1'accufé tous les moyens de défenfe; il faut que fon procés paffe devant trois tribunaux, d'abord qu'il s'agit de 1'honneur ou de la vie. La Queftion eft profcrite, hors le cas du crime de Lefe-Majefté; encore ne peut-on, même dans ce cas, Pemployer fans la permifïïon du Roi. On ne voit point, en Dannemarck , comme en Ruffie, ces fupplices humilians, qui peuvent être a 1'inftant iniligés aux grands par le caprice d'un fouverain, aux petits par le caprice d'un feigneur ou d'un juge: en un mot, le Roi de tiendra la fuccefïïon au tróne. Les maris des filles n'y auront aucun droit, & n'auront aucune part au gouvernement monarchique de ces Royaumes: &, de quelque autorité qu'ils jouiflent dans leurs propres Etats, cependant, quand ils feront dans le Royaume , ils ne pourront s'y arroger aucun pouvoir & ils devront honorer la Reine héréditaire, lui céder la droite & la préféance. XXXVIII. L'enfant qui eft dans le fein defa mere, fera compté parmi les enfans & les petits-enfans; en forte que, quand meme i! noltroit après la mort de fon pere, il ne laiffera pas de prendre fon rang avec les autres dans Ia Iigne de Ia fuccefïïón. XXXIX. Cet article enjoint aux Princes & Princefles du fang d'annoncer la naiffance de leurs enfans, & prefcrit qu'il fera gardé un tableau généalogique de la maifon Royale. XL. Par cet article les batards font exclus de la fuccefïïon au tróne. Telle efl cette Loi Royale, qui changea la Conflitution Danoife. La plupart des autres Souverains ne font élevés au defpotifme que par dégrés; ce u'efl que peu a peu & en détail qu'ils ont dépouillé leurs fujets de leur liberté & de leurs privileges: en Dannemarck., tp contraire, la révolution fut totale & fubite. ■ Hift. de ; Danne- ; marek, &c. Defcrip. " Mceurs & : Gouvernement.  Sect. I. Hift. de Dannemarck, &c Defcrip. Mceurs & Gouvernement. Lcgislation. Traits dt rtjjemblance entre le loix Danoi fes, & les loix Ari' gloifss. Hornes d pouvoir et cléfmftiqu 104 ^ HISTOIRE DU ROYAUME Dannemarck n'a que le nom de defpote, tandis que d'autres fouverains, fous le nom de Monarques, font réellement defpotes. Quoique la loi générale du Dannemarck foit la volonté du Souverain, ce' pendant il eft probable que la nation confervera longtcmps fon code. Nous allons en donner une idee. Ces détails ne font point étrangers a 1'hiftoire. II feroit h fouhaite-r que fon pinceau, qui ne fut longtemps confacré qu'a reprém fenter des batailles & des aflaffinats, eut été plus ibuvent employé a peindre " les mceurs, la marche de 1'efprit humain, les progrès des arts, les gouvernemens, la légifladon. L'hiftoire, telle qu'elle a été écrite, h'eft propre qu'a former des guerriers & des négociateurs, & on a oublié que lè monde avoit befoin de légiflateurs & de philofophes. Le Code Danois eft divifé en ftx livres. Le premier traite de la procédure; elle eft a peu prés la même que dans toutes les Monarchies; la juftice fe rend au nom du Roi; on peut appeller d'un tribunal a un tribunal lupérieur, jufqu'a ce qu'enfin Ia caufe foit jugée irrévocablement par la Cour Souveraine. Les Officiers de la maifon du Roi ont, comme en France, en Angleterre, un tribunal particulier, chargé r de prononcer fur leurs différends: mais, ce qu'on n'attendroit pas d'un gouvernement defpotique, c'eft que les loix Danoifes reifemblcnt beaucoup a celles d'Angleterre. Dans Ie cas d'homicide ék de réglement de limites, on forme un tribunal extraordinaire de huit confeillers, que la loi appelle Sandemaend, hommes de vérité; ils rempliftènt les mêmes fonclions que les Jurés d'Angleterre, & font le même ferment qu'eux. On connoit, & on vante partout la famcufe loi habeas corpus, dont la Grande-Bretagne s'enorgueillit. Les Danois ont une loi qui approche beaucoup de celle - la. Perfonne ne fera mis en prifon, a moins qu'il nait été fur pris dans le moment, oü il commettoit un délit fujet a unepeine capitale ou corporelle, ou qu'il nait avoué en juftice ledit délit, ou n'-ait été condamné comme coupable d'icelui; durefte, tout honime accufé -en juftice pourra, en donnant caution, venir éj? S'eh refourner librement de la Cour, & jouir de toute la liberté néceffaire pour fe dêfendre. En général, toutes les loix criminelles établies en Dannemarck, femblent fondées fur ce principe, qu'il vaut mieux courir Ie rifque d'épargner un coupable, que celui, de punir un innocent. Au refte, il n'eft pas étonnant que les loix & les ufages des Danois reftèmblent, dans des points eflcntiels, a ceux d'un Royaume qu'ils ont conquis; oü plutöt c'eft dans le Dannemarck qu'il faut en chercher 1'original; les Anglois n'en ont que la copie: il eft probable que ce font les vaincus, qui ont adopté les loix de-s vainqueurs. Quant a la Religion, la Proteftante y domine; mais toutes les autres y . font tolérées. Le Roi exerce le droit de fuprématie, droit que les Princes '. Proteftans fe font attribués, dont Pierre le Grand s'eft emparé en Ruffie, & qui naturellement appartient au Tröne,ou au Sénat de la nation. Le Roi regie tout ce qui concerne le culte. Les Evêqucs n'ont aucune jurisdiétion temporede: ils n'ont d'infpeéh'on que fur les pafteurs, fur les écoles, & fur 1'adminiftration des deniers des pauvres; encore leurs décifions font-elles foumifes a la reviiion des cours fouveraines. Nous ne defcendrons point dans les détails du gouvernement cccléfiaftique, qui dans tout eft fubordonr.é a 1'autorité du Roi, & même a celle des Magiftrats. Nous obferverons feulement,  DE D A N N E M A R C K , &c. Lrv. XXXII. Sect. I. 105 ment que le clergé de chaque diocefe a une caiflë, dans laquelle les veuves & les crphelins des pafteurs trouvent, après la more de leur époux & de leur perc, une fubfillance proportionnée aux fommes que le pafteur a verfées clans ce tréfor pendant fa vie. Cet exemple fi fage a été imité par la plupart des communautés. Avant le regne de Frédéric IV, tous les payfans étoient ferfs, attachés a la glebe , & gémiflans fous la tyrannie féodale: ce Prince les affranchit en 1702; il les dégagea de tout ce qtie cet efclavage avoit d'odieux & d'humiliant; mais il ne leur rendit pas une liberté entiere, paree qu'il craignoit que cette révolution ne caufat la décadence de 1'agriculture. Ils cefferent d'appartenir au feigneur, comme payfans; mais ils appartinrent a 1'Etat, comme foldats; il ftatua:-,, que tous les garcons qui naitroient dans une „ terre, feroient enrégiftrés dans les röles de la milice, depuis quatorze ans „ jufqu'a trente-cinq, & qu'ils ne pourroient plus quitter leur demeure,_oü „ le fervice de 1'Etat les retenoit." Aujourd'hui c'eft depuis neuf ans jufqu'a quarante, qu'ils font enrölés. De ferfs ils font devenus fermiers, & font encore obligés par le feigneur a des corvées arbitraires, dont il recueille tout le fruit: il en eft peu qui acquierent quelque propriété; cependant, un colon ne peut être dépoffédé de fa ferme, que de fon confentement ou pal- une fentence juridique. Le Seigneur ne peut le frapper, s'il eft coupable, qu'avecle glaive de la juftice; & la voie de 1'appel eft toujours ouverte au payfan contre une fentence, que le Seigneur auroit extorquée ou achetée d'un juge fubakerne. L'étatrdes payfans de Norvege eft plus heureux encore & plus digne de 1'homme. II y a peu de nobles dans cette contrée, & par conféquent il y a plus de mceurs & plus d'équité. Les payfans y font propriétaires, ils jouiffent même du droit de chaffe, & ne relevent que du Roi: mais, les terres fe transmettent de pere en fils a 1'ainé de la familie, & ainfi graduellement fans partage aux plus proches, en obfervant que les fils excluent toujours les filles, & les ainés, les cadets. L'ainé eft cependant obligé, en gardant la terre principale, de donner a fes freres & fceurs une portion héréditaire. Les tribunaux font fort multipliés en Dannemarck, mais avec fageffe; il n'en eft point qui n'ait un but utile & des fonét ions facrées aux yeux du fage. II en eft un furtout qu'on devroit retrouver dans toutes les villes de Punivers. A Sparte 1'Etat fe chargeoit de 1'éducation de tous les enfans. Cette belle inftitution, facile a exécuter dans une petite République, eft impraticable dans un grand Royaume: cependant la patrie, mere de tous les citoyens , doit fuppléer a la négligence des parens, qui uniquement occupés de leurs intéréts ou de leurs plaifirs, abandonnent leurs enfans a eux-mêmes, & les laiifent croupir dans une ignorance honteufe & funefte. Le gouvernement Danois y a pourvu par. une efpece de cenfure, qui s'exerce dans les villes par des gens, que le Magiftrat choifit parmi les premiers citoyens, pour veiller a 1'éducation des enfans & a la bonne adminiftration des biens des pupilles. „ Ne croyez point, " (dit un obfervateur judicieux,) „ que ce „ foit-'la un vain nom: la loi leur enjoint en rermes exprès, de difpofer, de „ leur proprc autorité, des enfans négligés par leurs parens, & de les appli,., quer a quelque profeffion utile. Elle leur permet de fe rembourfer fur Tome XLIIL O Hift. deDannemarck, &C Defcrip. Mceurs & Gouvernenent. Etat des Payfans, en Dannemarck. En Norvege. Education.  Sect. t. Hift de Dannemarck, & Defcrip. Mceurs & Gouvernt ment. Loix mai times. ■ Des r.at /rages* io5 HISTOIRE DU R O Y A U M E „ les biens des peres, de cous les frais qu'ils ont fairs pour les enfans, & „ cela par la voie de l'exécucion; & la oü les parens feroient dans Pindigenu „ ce, elle veut que les maifons de charité faffent le rembourfement.-" & Les loix qui concernent la marine, font les plus féveres de routes,, & el: les doivent letre. Plus le crime eft facile a commettre, plus le chatiment " doit être terrible; c'eft une chofe admirable, que le navigateur, a deux1 ou _ trois mille lieues de fa patrie, au milieu de Pocéan, fans maitre, fans téi. moin, croie voir encore le glaive de la juftice ftifpendu fur fa tête; que le capitaine refpeéte les richefïes de fon armateur qui font en fon pouvoir; que cinquante matelots obéiflent a un feul homme, qu'ils haïffent, & dont'1'autorité fe trouveroit ilms reffource aétuelle, fi elle étoit attaquée. En Dannemarck, le capitaine eft autorifé a jetter & a abandonner fur une plage éloignée & déferte, tout matelot féditieux. Ceux qui, dans un naufrage, defcendent a terre, pouvant er;ore fecourir le vaiffeau , font condamnés mort :1a même peine eft portee contre ceux, qui fe jettent dans un canot, ou prennent la fuite de quelque autre maniere, abandonnant leur vaiffeau attaqué par des pirates. Le pilote, qui par fa faute a laiifé périr le navire qui lui étoit confié, le paye de fa tête, s'il ne peut le payer de fa bourfe. > La loi qui confifque les débris d'un vaiffeau qui vient d'échouer & les marchandifes qu'on a pu fauver, cette loi abominable, encore maintenue par des gouvernemens qui fe vantent de politeffc & d'humanité, eft abolie cn Dannemarck. „ La loi veut que tous les effets d'un vaiffeau qui a fait nau„ frage, foient recueillis & mis fous bonne garde , pour les reftituer, après „ déducfion des frais, au propriétaire, s'il fe préfente dans Pan & jour: „ s'il ne paroït pa<, on préleve les frais; le refte fe partagc entre le Roi „ & ceux qui ont fauvé la cargaifon." Frédéric IV ne crut pas que ce réglement fut un frein capable d'arrêter de vils déprédatcurs, qui s'enrichiiTcnt des pertes de leurs freres. II condamna a être pendu , quiconque fe feroit approprié quelqu'un des effets naufragés, fi la valeur de cet effet excédoit cinquante mares. II obligea tous les habitans des lieux voifins du naufrage, a répondre folidairement de toutes les déprédations qui pourroient s'y commettre, fi 1'on ne pouvoit en découvrir les auteurs/ Cette loi devroit être publiée dans tous les Etats maritimes. Mais on a voulu que 1'Amirauté rcflêmblat aux autres tribunaux, & que les juges maritimes, a 1'exemple des autres, fondaftènt leur fortune fur la ruine des families; & 1'on voit des Magiftrats s'avancér fur le rivage, non pour fauver les infortunés qui vont périr, mais pour les dépouiller, quand les vagues les auront jettés fur les bords. On ne concoit point d'idée plus affreufè, que celle d'un juge qui va au nom de fon Roi , faire légalement le métier d'un brigand. Ces ordonnances fi fages ont été maintenues & perfeclionnées par les fucceflèurs de Frédéric IV; tous fe font plu a faire fleurir le commerce, k multiplier les atteliers, les manufaétures (i), & a rendre la marine Danoife refpecrable.. (O Une obfervation bien fimple donnera une idéé affez iufle des progrès que les arts ntiles ont faits depuis quarante ans dans le Dannemarck. JVTous la tirons des différentes loix prohibitives, qui, en empêchant 1'importation de telle ou telle marchandife , prouvent qu'on elf parvenu a la fabriquer dans le Royaume, après favoir longtemps achetée de 1'étranger. On défendit en 1735 1'imponation des faulx & faucilles, en 1737 celle du fil -  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. I. io7 Le même efprit de modération regne dans les loix pénales: elles font dirigées vers le bien public; le chatiment ne fcrt pas feulement d'exemple, il eft encore utile a la patrie. La peine du banniifement eft prefque inconnue II purge 1'Etat d'un fujet nuifible, il eft vrai, mais il vaut mieux éteindre une torche brülante que de la jetter dans Ia maifon de fon voifin. D'un autre cöté, un banni peut encore être utile; & c'eft h quoi les Légiflateurs Danois ont fongé: les même criminels que 1'on exile ailleurs, y font condamnés aux travaux publics: le vol n'eft puni de mort, que dans le cas oü celui qui s'cn rend coupable, feroit un fugitif des prifons ou des galeres' Le vol commis par adreffe eft puni corporellement: le vol fait a force ouverte n'eft puni que par une amende infamante. C'eft dans les mceurs barbares des anciens Danois qu'il faut chercher la raifon de cette différente. Le vol commis a force ouverte eft une preuve de courage, & la bravoure étoit 1'excufe de tous les crimes aux yeux des anciens habitans du Nord. Un arrêt de mort ne peut être exécucé,s'il n'eft figné de Ja main du Roi; cette formaiité iaifTe quelque efpoir au coupable, & offre au Souverain des occalions d'exercer fa clémence. (i) Elles ne font pas fréquentes, les grands crimes font rares en Dannemarck: le vol "même n'y eft pas commun, furtout dansles ifles, a caufe des difticultes de 1 évafion. Nous terminerons cette defcription politique des Royaumes de Dannemarck & de Norvege par ces réflexions d'un obfervateur, quelquefois un peu flatteur, toujours confolant & fouvent judicieux. II part de ce principe, que le meilleur de tous les gouvernemens eft le defpotifme, Iorfque le defpote eft humain & jufte. Or il fuppofe que les Rois de Dannemarck le feront toujours, paree qu ils font imérefles k 1'être; qu'ainfi ils ne cliangcront rien aux inftitutions de leurs prédéceflèurs, fi ce n'eft pour les perfectionner „ Tant que 1'efprit qui anime cette Monarchie (2) fe confervera, la nation „ Danoife pourra fe vanter de vivre fous un gouvernement défirable • & „ pourquoi craindroit-elle un changement? Si jamais elle a pu redouter le „ joug, ceft Iorfque Ie pouvoir encore récent étoit cnvironné de jaloufies „ & de cramtes.^ Aujourd'hui, que tous les cceurs vont au-devant d'une „ autorité, dont 1 accroiflèment ne s'eft fait fentir que nar de nouveaux bien„ faits & de nouvelles graces, le Prince fexoit-il dans la conftitution de de laiton & du cuivre battu en 1739 celle des tamis, en 1741 celle du favon verd, de l or battu & de la cire k cacheter, en 1742 celle des chapeaux étrangers, eu 1744 cene des rubans, en 1748 celle de 1 orge mondé & perlé & des cardes de fer , en /rtt cel e des (ucres rafinés, en 1751 celle des pipes, en 1752 celle de la terre k foulon , en 17 J ■effnccesCdTlMnrftd;. * ™ ***** d'aUtreS ^ prohibitives, qui'prbuvm (p Nous ne pouvons paffer fous filence, 1'exemple inonï du fanatifme le plus bifarre e plus atroce, qui foit jamais entré dans l'efprit humain. Des miférables s Winerent que echaffaud éto.t le chemiir Ie plus court pour aller au ciel; que Ia prépnratiou de a conlc.ence qu. précédo.t le fupphee, étoit un gage affuré du fhlut. D'après ce princ fee ils affaflmo.ent de fang froid, fe hvro.ent d'eux-mémes a Ia juftice, & demandoient la faveur d exp.rer fur la roue^ Pour arréter les progrès de cette manie auffi abfurde qu'abominable on fut contramt de faire langu.r longtemps ces malheuren* dans les cachots, au milieu dê tous les tourments quon pouvoit leur faire fouffrir, fans leur öter la vie & de ne les en, voyer a 1 echaffaud, que lorsqu'ils étoient fur le point d'expirer (2) Lettre VIII fur le Dannemarck. ' O a Hij}, de Dannemarck, &c. Defcrip. Mceurs & Gouvernement. Loix péiKles, 1  Sect. I. HM- de Dannemarcft, &c. Defcrip. Mceurs & Gouvernejnent.- Sect. II. Hift. ancienne du Dannemarck. Vers Van 1058 avant y. c. Dan eft prociamé Roi puur prix di fesjervices, 108 HISTOIRE DU ROYAUME „ 1'Etat la moindre altération, qui put alïarmer fes peuples. Ne fentira-t-iï „ pas, qu'il ne fauroit tout voir par lui-même, & que, quand il attire tout „ a lui, il y aura toujours quelque homme qui, a 1'abri de fon nom, enva„ hira tout & décidera de tout au gré de fes caprices ? II n'y a point de „ remede a ce mal, que le partage de 1'autorité & la fage précaution de „ balancer ceux qui en font dépofitaires, les uns par les autres. C'eft auflï „ un des principes de ce gouvernement, & une jufte raifon de croire que, „ s'il y avoit un homme qui fut aflèz hardi, pour vouloir faire des innova„ tions dangcreufes, il trouveroit des obftacles, qui obligeroient tot ou tard „ le Prince a ouvrir les yeux fur des entreprifes funeftes a fes peuples.... „ Ajouterai-je encore, que, fi les Princes fe portent a certaines extrêmités, „ c'eft fouvent paree que les oppofitions les aigriflènt, & font naitre un „ choc d'intérêts particuliers, dans Iequel on oublie ceux de PEtat. Mais „ un homme trop puiflant pour avoir quelque chofe a craindre des autres, „ doit être naturellement doux & humain; &, s'il faut convenir que la „ liberté politique fouffre de cette puifiance, la liberté civile, la plus im„ portante des deux, ne peut manquer d'y gagner." S E C T I O N II. Tableau fuccint de V'Hifloire ancienne de Dannemarck, jufqu'a la deftru&ion de Vldoldtrie. Ij es contrées, que nous connoifions aujourd'hui fous le nom de Dannemarck , furent d'abord gouyernées par des Juges. Ces magiftrats étoient rois en effet, puisqu'en même temps qu'ils diéïoient des loix, ils commandoient les armées: ils firent même des conquêtes; ils foutinrent des guerres gloricufes contre les Saxons, peuple alors redoutable; il paroit même qu'ils étoient aufli dépofitaires de 1'autorité pontificale. Ainfi ils réuniflbient a la fois les trois puiffances, eccléfiaftique, civile ék militaire, & 1'on ne fcait pourquoï on ne leur donna que le titre modefte dc juges. Tous les hiftoriens (1) s'accordent a regarder Dan, comme le fondateur de la Monarchie Danoife: il étoit fils de Humblus, (2) homme puiflant qui poffédoit la Séelande ék plufieurs ifles adjacentes. Ces Etats fuffifoient a 1'ambition du pere; mais le fils concut de plus vaftes deffeins: les Saxons étant entrés dans la Cimbrie, Dan offrit aux Cimbres de les défendre, de les venger, pourvu que la couronne fut le prix du fuccès, ck cette propofition fut acceptée. Dan groflit de fes propres troupes l'armée des Cimbres, marcha contre les Saxons, les tailla en pieces, les chafla de toute la péninfule, ck monta fur le tröne promis a fa valeur: il réunit fon patrimoine a fes nouveaux Etats, ék époufa une Princeffe Saxonne , qui par fes vertus, fon courage , fit oublier aux Cimbres qu'elle étoit formée d'un fang, qui leur étoit odieux. Deux Princes ék deux Princeffes furent les fruits de cette union: Painé des Princes fe (O Hift' comp. Rep;. Dan. ine. auth. ab Erpoldo Linienbruch. in htc. ei. — Meurfms. (2) Voyez fupra, Tom. 42. p. 387, 388.  DE DANNEMARCK, èkc Liv. XXXII. Sect. II. 100 nommoit Humblus, & 1'autre Lother; nom détefté qu'aucun Roi de Dannemarck n'a voulu porter depuis. ' Humblus fuccéda a fon pere. Ce Prince croyoit que la guerre défenfive efl: la feule légitime: il voulut conferver, par la paix, la Monarchie, que fon pere avoit fondée par les armes, & réparer, dans un calme profond, les ravages de la guerre. L'avantage qu'il avoit d'être né d'une Princeflè Saxonne,brendoit L Dannemarck refpeétable a cette nation, et le protégeoit contre leurs eütreprifes: mais il ne put défendre Humblus lui-même contre 1'ambition de fon frere. Lother étoit un Prince audacieux, qu'aucun frein ne pouvoit arrêter; il bravoit égalcment le péril, le ciel, les loix ck les hommes: il forma une facfion; la révolte devint bientöt générale: un Prince avare du fang de fes fujets, étoit odieux a des barbares; Humblus tomba entre les mains de fon frere, ék fut contrahit de lui céder la couronne. On ne f^ait ce qu'il devint: mais il ne reparoit plus fur la fcene. (i) On a cru que c'étoit un fage, digne d'une autre patrie, qui croyoit qu'il étoit inutile de regner fur des hommes, qui ne vouloient pas être heureux ék qui même ne le méritoient pas. Les Danois furent bientöt punis de leur révolte, par le Prince qu'ils avoient couronné, ék lui-même le fut par eux de tous fes crimes. II ne regna qu'au milieu des fupplices, épuifa la fubftance de fes peuples pour la verfer dans fon tréfor, les accabla d'impöts, confisqua les biens de tous les riches, ék devint fi odieux qu'on 1'égorgea dans fon palais, ék que fon corps fut déchiré paria populace, Son nom fut, comme celui de Néron, une épithete infultante, que la vengeance publique ajoutoit aux noms des tyrans. On ne ujait quel fut fon fucceifeur. Si 1'on en croit Suaning, Bogh regna après lui: il étoit fils de Humblus; on ignore s'il étoit digne de 1'être; 1'hiftoire fe tait fur fes aétions. Après lui, Skiold monta fur le tróne ; il étoit fils de Lother; mais il honora par fes vertus héróiques le fceptre, que fon pere avoit fouillé par tant de crimes. Sa taille étoit gigantefque, fes forces plus qu'humaines; dans fa première jeuneflè, il s'étoit défendu contre un ours au milieu d'une forêt: ces dons de la nature étoient recherchés, non feulement dans un foldat, mais dans un Roi. Tels étoient les préjugês de ces barbares, qu'une grande ame leur fembloit inléparable d'un grand corps. Skiold étoit propre a les confirmer dans cette erreur: il étoit encore plus au-deflus des autres hommes par fa vertu, que par fa taille. II fut légiflateur, changea quelques régiemens abfurdes, èk leur en fubftitua de moins injuftes: quoiqu'avide de gloire , il trouvoit qu'il étoit plus honorable de bien gouverner fes Etats, que d'en fubjuguer de nouveaux ; il abandonnoit au foldat la dépouille des vaincus. „ La part du fol, dat, difoit-il, c'eft le budn; celle du général, c'eft la gloire." II fit connoïtre aux Danois une vertu traitée de foibleflè, par des peuples guerriers, la bienfaifance. II fut le pere de fon peuple: 1'accès de fon tröne fut ouvert au foible èk a 1'indigent. L'amour, paffion fi fouvent fatale au repos des fujets, quand elle s'empare du cceur de leurs maitres, s'alluma dans celui de Skiold, èk fit le bonheur èk la gloire du Dannemarck. Avilda ou-Uvilde, fille d'un Seigneur de Ger- (0 Kramzius. Hift. Dan. \ O 3 X Tifl. andeiine dn 3annenarek. 997Jvar.tJ.C.Caratlsre )acifique de Hunblusi U efl diirtné. Tirannie de Lat her ; il efl ajjasfiné. AvantJ.C. 97"AvantJ.C. Rpnne fortwié de Skiold.  Sf.ct. II. ■Hift. 'ancienne du Dannemarck. Crem lui Juccede. Incenftance de Gram. ■110 HISTOIRE DU ROYAUME manie en étoit 1'objet; (i) elle avoit feu plaire aufli a un Prince des Saxons3 les deux rivaux prirent les armes; des miiliers d'hommes alloient prodiguer leur fang pour une querelle amoureufe. Les deux Princes fentirent, que s'ils avoient le droit d'expofer la vie de leurs fujets pour la défenfe de la patrie, ils n'avoient pas celui de les faire égorger pour leur propre caufe: ils réfolu' rent de vuider eux-mêmes leur différend. Le Saxon -fut vaincu; auffitót l'armée Saxonne tomba aux pieds du vainqueur, ék la Saxe devint tributaire du Dannemarck. Ainfi 1'Elbe ne fut plus une barrière pour les Danois; les chemins leur furent ouverts dans le continent de l'Europe. Skiold, plus heureux encore par la conquête d'une époufe, que par celle de la Saxe, retourna en Dannemark ék ne s'occupa plus que de foins pacifiques: accablé d'années, fc-ntant que lés mains affoiblies ne pouvoient plus tenir le timon de 1'Etat, il allbcia Gram fon fils au gouvernement. Ce choix fit murmurcr Pambitieux Ringon, qui afpiroit a la régence; mais fa révolte fut étouffée dans fa naiflance. Skiold mourut regretté de ,tous fes fujets; fes defcendans s'honorerent du nom de Mdoldungs. Le chateau de Skioldenefs porte encore aujourd'hui fon nom; ék Péclat de fa vertu n'a point été obfeurci par les scontradiétions, qui rendent fi incertaine Philloire de ces premiers temps. Gram étoit foit jeune, lorfqu'il fuccéda a fon pere: fon éducation fut confiée a Roarius: la reconnoifiance de fon éleve ne fut point équivoque; il époufa fa fille; mais dans la fuite il la céda a un de fes Généraux. Ce n'eft pas le feul exemple qu'on trouve, d'une pareille ccffion, dans 1'hiftoire du Nord; un Prince donnoit fon époufe a un officier qui s'étoit fignalé par quelque ex plok glorieux, comme il lui auroit donné fon épée ou fa lance: il eft * probable cependant que ce n'étöit pas dans les premiers jours du mariale, que ces Princes faifoient de tels préfents. Au refte, la reconnoifiance avoit peut-être moins de part a cette fingulicre libéralité., que le dégout que Gram avoit concu pour la fille de fon Gouverneur, èk fa nouvelle paflion pour Groa, fille de Sigtrug, Roi de Suede. (2) Mais le volage ne lui garda pas longtemps la foi qu'il lui avoit jurée prés du cadavre fanglant de fon pere. II porta Ia guerre en Finlande; il fe flattoit de fubjuguer cette province; il le fut lui-même par Signé, fille de Sumblus: le vainqueur tomba a fes pieds; Sumblus, pour prévenir la ruine entiere de fes Etats, lui promit la main de ia fille ; mais il diflèra 1'effet de cette promefle. Tandis qu'infidele a fa feconde époufe, Gram en alloit chercher une troifieme au fonds du Golphe de Finlande, Suibdager Roi de Norvege enlevoit fa fille ck violoit fa fceur. On ne fcait comment accorder ces excès avec cette délicatcfle, que Pamour de la gjoirc met prefque toujours dans les procédés amoureux. Le viol étoit inconnu dans les temps de Ia chevalerie, ck les anciens habitans du Nord s'efforcoient de mériter les faveurs des belles, èk non dc les arracher. Gram alla, nóuvel Agamemnon, porter le ravage cn Norvege èk vengcr Phonncur dc fa familie. Sumblus, le voyant occupé au milieu des glaccs vers le pole, oublia fes iermens, èk, ne voulant point fon ennemi pour gendre, il accorda la main de fa fille a Henri Prince des Saxons. On prépara pour cet hymen Ses fetes les plus pompeufes. Gram en fut inftruit; il fc déguife, part a la Ci) Pontanus. (2) Supr. Tom. 42, p. 388.  DED AN'N E MA R C K, ftc, Liv.. XXXII. .Scct. II. .m tête de quelques Danois, déguifés comme lui, travcife une portie de la Suede, s'embarque, aborde en Finlande, apprend qu'on va eélébrer ie manage, court, arrivé au milieu du feftin, s'élance fur fon rival & 1'égorge, perce de coups le perfide Sumblus, faic malfacrer toute fa cour par fes compagnons, enleveSigné, èk retourne en Norvege (i) continuer la guerre. Mais les Saxons, qui ne refpiroient que vengeance, s'unirent aux Norvégiens: les Danois furent enveloppés; leur Roi périt la lande a la main. Jamais 1'amour n'avoit plus troublc le monde, que fous le regne de ce Prince: fon penchant a la galanterie coüta au Dannemarck desflots de fmg,de Por, des vaiflèaux: ce qu'il y a d'étonnant, c'eft que les foldats le fuivoient gaiement dans ces folies expéditions, oü la patrie n'étoit point intéreflee. L'arme favorite de Gram étoit une maffue; des peaux de bêtes féroces lui tenoient lieu de manteau royal; fa coupe étoit lc crime d'un ennemi tué de fa main: c'étoit un Hercule par fon courage, comme par fes foibleflès. La couronne de Dannemarck fut le prix de 1'infame raviflèur; ilpofledoit déja celles de Suede & de Norvege: mais il n'abufa point d'un bonheur, qu'il ne méritoit pas; il placa fon fils Asmund fur le tröne de Suede. Gram avoit laiflè deux fils, qu'il avoit eus de fes deux époufes, Guthorm ck Hadding: il céda au premier la couronne de Dannemarck, a condition qu'il lui en feroit hommage. Le jeune Hadding ne vit pas fans dépit, fon frere couronné, le Dannemarck tributaire, ék fes p-ropres prétentions rejectées: il réfolut d'attaquer le vainqueur de Gram; il raffembla des troupes, fit con< ftruire des vaiflèaux, trouva des reflburces pécuniaires dans le zele des Danois indignés de leur fervitude; il couvrit la mer d'une flotte nombreufe, èk attaqua celle de Suibdager pres de l'ifle de Gothland. Suibdager fut vaincu èk ne liirvécut point a fa défaite: (2) c'étoit peu de venger ia patrie; Hadding vouloit fe venger lui-même & monter fur le tröne: il tourna contre Guthorm lés armes vieforieufes; fon frere fut contrahit de lui céder la couronne; il eut envain allégué le droit d'aineflè contre une armée triomphanee. Asmund, fils de Suibdager, ne fut point fatisfait des couronnes de Norvege ék de Suede; il voulut reconquérir cello de Dannemarck ék immoler Hadding aux manes de fon pere enféveli dans les eaux. La guerre fut bientöt allumée. < Les habitans du Nord, fuperftitieux ék crédules, croyoient que liadding étoit * magicicn, ék que fes charmes rendoient fa perfonne invulnérable ék fes troupes invincibles. Asmund brava ce préjugé; il marcha contre fon ennemi; Eric fon fils alloit faire fes premières armes fous fes yeux: déja les deux armées font en préfence :1e fignal du combat eft donné; les deux'Rois fe cherchent, s'appcllent, fe rencontrent ék s'atteignaht ; du premier coup Eric tombe aux pieds de Hadding. Asmund, ayant a Ia fois fon pere ék fon fils a venger, fe précipitc fur le Danois: la döulenr, la colere égarerent fon bras; . Hadding le terrafla d'un coup de lance ék lui arracha la vie: la Reine Guldina, veuve d'Asmund, ne put lui furvivre; elle fe donna la mort. Haddinofier de fa doublé viétoire, mais percé de plufieurs coups, pourfuivit fes conquêtes en-Suede. Uffbn , fecond fils d'Asmund, trop foible pour 1'arrêter, tenta une diverfion, qui lui réuffit: il defcendit en Dannemarck; H.idding fut (O Flor. Dan. (2) Notre- Tom. 42. p.. 388. Hifi. ancienne du Dannemarck. // efl tui dans un tombat. 856-. Avant J..C. Hadiing venge fon fiere £f détióne fon frere. 830. dvantJ.C, luerre avec a Smde, 81(5. loantJ.C.  ii2 HISTOIRE DU ROYAUME Sect. II. Hifi. ancienne du Dannemarck. Trnh d'amitié héu,ï.juefeut - être fabuleux. 761. dvantj.l contrahit d'y rentrer. Au milieu de tous ces troubles (1) le tréfor Royal avoit été enlevé. Hadding promit aux coupables de les éiever aux premiers honneurs, s'ils le lui rapportoient; Fambition 1'emporta fur 1'avarice dans ces ames aveuglées par 1'une & par 1'autre; ils rapporterent le tréfor. Hadding leur tint parole; il leur donna 1'inveftiture des plus hautes dignités; mais comme il ne leur avoit pas promis de les y maintenir longtemps, peu de jours apres il les fit pendre. II raflèmbla de nouvelles forces, reparut en Suede, théatre confacré a fa vengeance: il y commit de grands maux; & cependant il y eut peu de fuccès. Bientöt la famine, qui étoit fon ouvrage, lé forca a fe retirer de ce pays qu'il avoitdéfolé: avant d'en fortir,il voulut terminer la guerre par une bataille décifive; il fut vaincu: mais fon courage & 1'efpérance ne 1'abandonnerent point;il reparut a la tête d'une nouvelle armée,pourfuivit Uffon,l'affiégea dans Upfal: celui - ci fit des propofitions de paix. Hadding qui les crut finceres fe rendit auprès de lui; mais ayant découvert qu'il le voulut fairs affaffiner, il tua Uffon, & donna fa couronne a Hunding, frere de ce malheureux Prince. Hunding, en rendant hommage au Prince Danois, ne fit que fuivre le penchant de foncceur: jk-awit concu 1'amitié laplus tendre, pour ce guerrier, liéau de fa familie èk'de fa patrie. C'eft ici qu'on accufe avec raifon les hifioriens Danois de fe laiflèr féduire par Pappas du merveilleux & du romanefque: ils font naitre entre ces deux Princes une amitié plus héroïque que celle d'Orefte & de Pilade. Hunding jura de ne pas furvivre au Prince Danois. Cependant Tofton, chef de brigands, ou plutöt général d'armée, car ces deux titres alors étoient a peu prés fynonymes, avoit levé 1'étendard de la révolte; les Saxons fe rangerent en foule prés dc lui: il ofa défier Hadding, ék en triompha. Bientöt la fortune change, les rebelles font vaincus a leur tour, ék Tofton meurt de la main du Roi. Mais une main chérie s'armoit contre les jours dc Hadding, c'étoit celle d'Uvilde, fa fille; le complot fut découvert. Hadding étoit pere; il pardonna: mais, comme la renommée dénature, exagere, toujours les événemens qu'elle annonce, un bruit courut en Suede, que Hadding viélime de la cruelle ambition de fa fille avoit été égorgé dans fon palais. Hunding fe fouvint de fon ferment; il aflèmbla tous les grands de fon Royaume, .célébra une fcte funebre en 1'honneur de fon ami; elle fut fuivie d'un feftin, ou les convives jurerent, en buvant, d'envoyer.a Hadding les ames de leurs ennemis, pour le fervir dans le palais d'Odin. Hunding avoit fait placer, au milieu de la falie , une grande cuve pleine de bierre; il s'y jetta en préfence de toute Paffemblée èk s'y noya. Hadding déplora Perreur fatale de fon ami, èk ne voulut point lui furvivre: il s'étrangla: d'autres prétendent qu'il fe fit tuer par fes gardes. Au refte, nous ne garantiflons nullement la vérité de ce récit. Torfteus (2) a même contefté 1'exiftence de Hadding: mais fi les Hiftoriens Danois nous paroiflènt trop crédules, celui-ci nous paroït trop févere dans fa critique; & la crainte d'être trompé par les autres, fait fouvent qu'il fe trompe lui-même. Frothon, fils de Hadding, lui fuccéda: né d'un Prince belliqueux, il le fut (O Notre Tom. 42. p. 389. (2) In ferie Reg. Dan.  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. II. 113 fut plus que lui. (1) Pontanus aifure férieufement, que ce Prince fut averti par un prophéte que, dans une ifle de la mer Baltique, il y avoit un tréfor gardé par un Dragon: nouveau Jafon, Frothon s'embarqua, tua le Dragon, & enleva les richelfes confiées a fa garde. C'eft ainfi que le peuple &, après lui, de crédules hiftoriens, expliquoient comment, après des guerres ruineufes, Frothon avoit pu trouver de Pargent pour fes expéditions. II efl: pofiible, qu'en effet il ait découvert une mine d'or ou d'argent dans quelque ifle, ék qu'il ait fallu employer la force des armes pour enlever ce métal aux habitans, & il fe peut aufli que quelque chef de brigands dé ce nom, qui avoit accumulé par fes pirateries de grandes richeflès, ait été exterminé par Frothon. II n'en faut pas davantage, pour faire imaginer la fable du Dragon, dont tous les peuples de la terre fe plaifoient a repaitre leur crédulité. Frothon entra en Courlande, fans morif, fans prétexte, uniquement pour chercher des périls & de la gloire: a fon approche les habitans s'enfuirent, etnportant avec eux leurs richeflès & les fruits de leur récolte. Ils fe flattoient que la famine chaflèroit ou détruiroit ces conquérans. En effet, ils furent contraints de retourner fur leurs pas; les Courlandois crurent qu'ils accableroient facilement, dans leur retraite, ces hommes affoiblis par la difette: mais les Danois avoient creufé fur leur route des précipices, qu'ils avoient, recouverts de gazon; rufe plus fouvent employée par celui qui défend fon pays, que par celui qui tente une expédition étrangere. L'armée Courlandoife donna dans le piege & fut maffacrée. Frothon tourna fes armes contre la Ruflie, mais il n'y pénétra point ék ne ravagea que les frontieres. II alla enfuite porter la guerre en Suede: fa courfe triomphante fut arrêtée par une femme; c'étoit fa fceur, époufe du Roi Regner, qui ofa fe mettre a la tête d'une armée ék repouflèr fon frere. Tandis que Frothon alloit troubler les Etars de fes voifins, au lieu de gouverner les flens, il en avoit confié la régence a Uffon, fon Miniftre ék fon beau-frere: le perfide confpira contre fon bieniakeur. Frothon, a fon refóur devoit perdre la couronne ék la vie; mais le complot fut découvert; le coupable tomba aux pieds de fon maitre, qui avoit 1'ame élevée; il pardonna; mais il chafla de fon lit la fceur de cet ingrat, dont elle étoit complice. Frothon foumit la Frife Cimbrique, dompta de nouveau les Saxons, ék ne trouvant plus dans le Nord d'ennemis dignes de fen courage, aflèmbla la plus belle flotte qu'on eut vue dans les mers du Nord, ék aborda fur les cötes d'Angleterre. On eut dit qu'il n'y paroiffoit que pour en prendre poffeflion au nom de fes fucceflêurs ék leur en marquer le chemin. Après avoir fait fentir aux Bretons ék aux Ecoflbis la fupériorité des armes Danoifes,il remonta fur fes vaiflèaux, débarqua en Suede, poufla fort avant fes conquêtes ék mourut. S'il avoit les talens d'un Général, il avoit 1'humeur querelleufe d'un foldat; deux de fes fujets eurent 1'audace de Pappeller en duel; tous deux périrent de fa main. Quel gouvernement, que celui oü le Sujet ofoit envoyer un cartel a fon Roi! ; Peu s'en fallut que fa mort ne fut fuivie d'une guerre civile: il laiflbit trois fils, Haldan, Roé ék Seal. Haldan prétendoit que le Royaume étoit indivi- voyer ou a accepter des défis, dont dépendoit quelquefois 1'honneur ék la liberté de la patrie. Un géant fortit du camp des Vandales, pour provoquer le plus brave des Danois. Meurfius ne fe contente pas de lui donner une taille èk des forces extraordinaires; il en fait aufli un magicien: cet art chimérique n'empêcha point fa défaite: „ fi je fuis vainqueur, dit-il, que la „ Vandalie ceife d'être tributaire: qu'elle paie le tribut, fi je fuccombe. " Ces conditions furent acceptées; un Danois fe préfenta, mais il lui fit mordre la poufliere. Cette viétoire devoit affïanchir la Vandalie: mais le préfomptueux fpadaflin propofa un fecond combat. Uffon fe préfenta, il vengea Phonneur du Dannemarck: le géant expira fous fes coups, èk quoiqu'on Pemporta lui-même.a demi-mort, les Vandales fe foumirent. Après la mort de Roric, le Dannemarck tomba dans une efpece d'anarchie. Plufieurs gouverneurs s'érigcrent en fouvcrains dans leurs provinces. Hordenvil regna fur le Juthland; il étoit gendrc du dernier Roi. Colier, Roi de Norvege, appellé en duel par lui, expira fous fes coups; une fceur du vaincu ofa tenter de le venger. Les femmes du Nord ne le cédoient point en courage aux hommes; fouvent elles les fuivoient dans les combats; quelquefois même elles les dévangoient; leur éducation leur donnoit des forces égales a leur valeur: on en vit plufieurs armer des flottes, les commander elles-mêmes, donner la chaflè aux pirates, ou exercer la piraterie. On pouvoit fans honte combattre une de ces Amazones èk même être vaincu par elle. La fceur de Coller ne fut pas aufli heurcufe que brave; elle tomba fous le fer de Hordenvil; mais il fut lui-même aflafliné par Feggon , fon frere. Le barbare, tout couvert du fang de ce Prince, forca fa veuve a lui donner la main; d'autres prétendent qu'elle étoit fa complice. De fon premier mariage étoit né ce Hamleth, a qui les hiftoriens (2) ont fait jouer un röle fi romanefque. Nous dépouillerons ce récit de toutes les fables, dont leur imagination a voulu orner, ou plutöt obfcurcir la vérité. Feggon, déchiré de remords, toujours importuné par la crainte, voyoit dans fon neveu un infortuné, dont le fort intéreflbit la nation, èk qui pouvoit lui öter la cou- CO Stipr. Tom. 42. p. 352. (2) Pontanus. — Meurfius. — Saxo Grammat.  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. II. u7 rótvne & la vie; fes courcifans 1'excitoient a s'en délivrer. Hamleth para le , coup en contrefaifant 1'infenfé; quelque piege qu'on lui tendit, pour voir fi <■ fa folie étoit feinte ou véritable, il foutint fon röle jufqu'au bout, & fut 1 aifez fage pour paroitre toujours extravagant. Feggon 1'envoya cn Angle- \ terre, pour 1'y faire périr; mais il échappa encore a ce danger, 6k fit retomber fur la tête des miniftres de la cruauté de Feggon, les coups qui lui étoient deftinés. Hamleth revint dans fa patrie, égorgea Feggon au fortir d'un repas, oü il s'étoit enivré jufqu'a perdre 1'ufage de fes fens, & mit le feu au palais. Alors il apprit a la nation, que fa folie apparente n'étoit qu'une rufe pour trompcr le tyran. II fut proclamé Roi du Juthland, car le Dannemarck. avoit encore plufieurs Rois; ék Wigleth, 1'un de ces Princes, ne tarda pas a déclarer la guerre au nouveau Souverain. II s'étoit, ainfi que les autres gouverneurs, enrichi par la piraterie; ék c'étoit fur fes richeflès qu'étoit fondée fon indépendance: il avoit même eu 1'audace d'exiger que 1'élection des Rois de Juthland fut confirmée par fon confentement. Hamleth ne devoit fa couronne, qu'a fa fageflè, a fon courage & a 1'amour de fes fu- . jets; il méprifa le fuffragc d'un ufurpateur, ék ne voulut point tenir fon < fceptre de lui. Wigleth irrité entre dans le Juthland feptentrional, le fer J ék la flamme a la main, pillant, faccageant, détruifant les villes ék les villages. Hamleth perdit alors cette noble> fierté, dont il avoit fait parade: il • s abaifia jufqu'a la priere. Wigleth fut inflexible. Hamleth tenta de le vaincre, n'ayant pu 1'appaifer : fes armes le fervirent mieux que fes prieres. Wigleth fut vaincu ék repoufle hors des limites du Juthland. Mais celui - ci ne renonca point a 1'efpoir d'accabler Hamleth : il reparut a la tête d'une armée plus nombreufe que la première: Hamleth, plein de la confiance que lui infpiroit fa première vicfoire, marcha contre lui, fut vaincu ék périt la lance a la main. Le champ qu'il illuftra par fa défaite, s'appella Hamlethshede, c'eft-a-dire, Sépulture de Hamleth. On prétend que Wigleth releva les ruines de la ville de Wibourg, la plus ancienne du Juthland (i). Son triomphe le rendit fi redoutable, qu'il fubjugua tous les autres gouvememens érigés en royaumes, ék qu'il réunit fur fa tête tous les démembremens de la Monarchie Danoife. Wermund fon fils lui fuccéda, après que le tróne avoit été longtems posfédé ou ufurpé par un Prince nommé Guitlach, dont on ne trouve rien de . remarquable. Wermund étoit un Prince pacifique, qui honoroit 1'humanité par fa bienfaifance, tandis que tant de prétendus héros la dégradoient par jeur cruauté. Forcé a prendre les armes pour repoufler les Suédois, il en triompha: mais il devint aveugle, ék le Duc des Saxons crut, a la faveur de cette infirmité, pouvoir s'emparer du tróne de Dannemarck. Uffbn, fils du Roi, n'avoit donné jufqu'alors aucune preuve de raifon, ni de courage: t fon caracfere apathique ék taciturne avoit fait croire qu'il étoit lache ék in- 1 fenfé. Le Duc de Saxe fit propofer un duel entre fon fils ék ce Prince; ce j combat devoit décider a qui appartiendroit la Couronne de Dannemarck; le j Duc menacoit de mettre tout a feu & a fang, fi fa propofition étoit rejettée. Uffbn étoit préfent k Paudience, ou les Ambafladeurs Saxons vinrent faire (O Cl. Wormius monum. Dan. P 3 Hift. anienne du )anneïarck. Fiirté dl 'lamlcth i lle lui eft unefte. 3>3. ■ivaniJ.C. üffon dérumpe ceux ui le royoient Mti £? nferft.  Sect. II. Hift. ancienne du Dannemarck. "292. Avant f.C. Pafte de Dan, 262. Avant J. C. Regne paiJible de Hugleth. 225 Avant J. C. Duel de Frothon & de Roger. 1 i 173. | AvantJ.C. ( 118 HISTOIRE DU ROYAUME cetre démarche, inouïe de nos jours, mais trés commune alors: il fortic auflitot de fa lethargie, & prenant le ton & 1'air d'un Héros: „ allez dire l „ votre maitre, répondit-il, que fi Wermund eft aveugle, il a un fils ao „ pui de fa vieilleffe & digne de lui fuccéder. Non-feulement je combattrai ■ » ™ntfe.Ie «Is de votre Souverain, mais contre tel lécond qu'il lui plaira „ de choilir. Ce fut dans une ifle formée par deux bras du fieuve Eider que les trois champions fe rendirent, en préfence des deux armées Saxonne &.Danoife. Les deux Saxons furent vaincus, & leur nation redevint tributaire. Uffon fucceda a fon pere ét prit le nom d'Olaus: on kmore les événemens de fon regne; mais le furnom de débonnaire cu'on lui donna attefle qu il etoit dlgne du tröne par fes bienfaits, comme il avoit paru le mériter par fa bravoure. r ■ Dan II, fon fils, n'illuflra pas moins le tróne par fes triomphes; il réprima les nouvelles revoltes des Saxons, recula les bornes de fes Etats, & fut le fleau de fes voiiins; il fut auffi celui de fes fujets: c'étoit le Sardanapale du JNord: fon fafte engloutiflbit & les dépouilles des ennemis, èk les fubfides que payoit la nation. Le prix du courage des guerriers étoit prodigué a de viles coumfannes: de laches flatteurs dévoroient la fubfiflance du pauvre Ce Prince voulut enfevelir fon luxe avec lui, & defcendre avec poinpe chez les ïnorts: jufques-la les Danois avoient brtilé les corps de leurs Princes ék recueilloient leurs cendres dans des urnes. Dan voulut être enterré dans une montagne, avec les marqués de fa Royauté, fes armes, fes tréfors èk fes mcubles les plus précieux. Ce fut avec plaifir, que la nation cacha dans le fem de la terre toutes ces richeflès, afin qu'il ne refMt rien, qui lui rappellat le fouvemr dun Prince odieux. Après le Tegne d'un diflipateur, on avoit befoin d'un Prince économe. Hugleth le fut:? il montra a la nation fes reflburces, excita fon induflrie, èk lui perfuada qu il valoit mieux équiper des vaiflèaux pour échan-er les producfipns dun pays contre celles d'un autre, que de les armer, pour aller rougir la mer de fon fang èk donner une proie abondante aux monfires qui I nabitent. Les Danois commencerent a aimer 1'agriculture, les arts utiles le commerce; goüt heureux, qui s'évanouit avec le Prince qui 1'avoit fair. naitre. Hugleth n'avoit point négligé Part de la guerre; il ne prit les armes que par néceffité, s'en fervit avec gloire, èk triompha des Suédois Frothon II, fon fuccefieur, étoit un fpadaflin, qui n'eut befoin que de fon epée pour conquérir des Etats: iUborda en Norvege, invita tous les braves du pays a venir fe mefurer contre lui; il en tua dix; mais il en reftoit un plus redoutable, c étoit le Roi Roger lui-même. Le cartel fut- envoyé avec toute la folemnité que méritoit un combat, qui alloit décider de la :ouronne. On prétend que Frothon, effrayé de la reputation que Ro«-er s'éjoit acquife dans 1'arêne, ufa de ffratagême pour en triompher: les armes du Danois étmcelloient d'or èk de pierredes; il s'appercut qu'elles charmoient es yeux de fon adverfaire: il les lui offrit. Roger, trop généreux pour fe léfier des dons d un ennemi, donna dans le piege. Frothon, qui connoiflbit e foible de fes armes, le terraffa, ck fut a 1'inftant proclamé Roi de Norvege. Le refte de fa vie fut confacré a rendre heureux les Etats qu'il avoit :onquis, & ceux dont il avoit hérité. II laifia une vafte puiffance a Dan III,  DE DANNEMARCK, èkc. Liv. XXXII. Sect. U. u9 fon fuccefieur: celui-ci étoit a peine adolefcent, lorfqu'il monta fur Ie tröne ; les Saxons mépriferent fa jeuneife ék leverent 1'écendard de la révolte; mais, dans ces temps barbares, oü tout 1'art de la guerre fe réduifoit a être brave, il fuflifoit a un jeune Prince de donner a fes foldats 1'exemple de Pintrépidité. Dan les conduifit aux combats, leur fraya le chemin de la gloire, ék revint vicforieux. C'efi: au Regne de ce Prince qu'on fixe vulgairement (i) 1'époque de 1'émigration des Cimbres ék des Teutons. C'étoient des peuples qui habitoient le Juthland ék les rivages de la mer Baltique: ils étoient tous d'une taille prefque gigantefque: c'étoient les'Patagons du Nord. De prétendues magiciennes étoient leurs prêtreflès; Page, èk'le fpedacle du carnage avoient endurci le cceur dc ces PythonüTes; elles égorgeoient les prifonniers pour lire 1'avenir dans leurs entrailles: pendant les combats, elles frappoient fur des peaux tendues au devant des chariots, ék par ce bruit lugubre, animoient leurs foldats, ék intimidoient 1'ennemi. Ces hordes, ennuyées d'une patrie ftérile, ou du moins qu'on ne pouvoit féconder qu'a force de travail, allerent, dans des climats plus doux, chercher une fubfifiance plusfacile: elles iè mirent en marche, ék laifièrent partout des monumens de leur fureur. Les habitans des campagnes, ceux-même des villes fordfiées, fuyoient a leur approche. On ne voyoit que cendres ék que ruines partout oü ces brigands avoient paffé. Ils traverferent le Rhin, inonderent les Gaules, franchirent les Alpes, ravagerent 1'Italie: plufieurs même parvinrent jufques aux colonnes d'Hercule. Les Beiges feuls oferent leur réfilter ék défendre leurs foyers contre ces hötes fanguinaires. Après Dan III, on voit paroitre fur la fcene Fridlef I. (2) 5Cc Prince fut le premier, qui, même au fein de la paix, entretint des troupes a fa folde: il efl: étonnant que des peuples fi belliqueux ne fifiènt plus aucun ufage de leurs armes, dès que la paix étoit conclue. Ce n'eil que pendant la paix qu'on peut exercer le foldat aux évolutions ék le rendre docile: quand 1'ennemi paroit, il n'efl: plus temps d'apprendre un art qu'il faut fur le champ mettre en pratique. Fridlef avoit adopté ce principe fi fage, que pour mainte-. nir le repos d'un Etat, il faut toujours fe tenir prêt a faire la guerre : il vouloit par cet appareil impofant contenir les Saxons, èk fe faire refpeéier même des Romains. (3) On prétend que Céfar n'ofa combattre ces troupes aguerries, èk qu'il aima mieux avoir dans Fridlef un allié, qu'un .ennemi. Cependant Huirwil, Prince Norvégien, fouleva les peuples de cette contrée. A 1'exemple de Fridlef, il les avoit exercés longtemps, avant de les conduire aux combats; le Monarque informé de leurs mouvemens, mit a la voile, ék débarqua fur leurs bords a la tête d'une armée. Huirwil marcha a fa rencontre avec confiance: on combattit avec beaucoup d'ordre, quoiqu'avec beaucoup de furie. Cette bataille efl: la première peut-être dans le Nord, oü le génie des généraux ait contenu èk dirigé la bravoure impétueufe du, foldat; aufli demeura-t-elle indécife: la nuit fépara les combattans. Mais hv plupart des Norvégiens abandonnerent Huirwil a la faveur des ténebres: ceux qui lui demeurerent fideles, n'étoient pas en aflèz grand nombre pour foute- 0) Pontanus —-Caïfar. (2)'Flor. Dan. (3) Hift, Reg. Dan. oper. Erpold. Linden» bruch in luc. ed. w r v Hift. ancienne du Dannemarck. AvantJ. C. Mceurs des Cimbres. irr. AvantJ. C. Nouveau fyftême militaire de Fridlef. La Norvege rentre ous la doninatknDanoife.  120 Hl ST 01 RE DU ROYAUME Sect. II, Hijl. ancienne di Dannemarck. 74 AvantJ.* Loix p; bliées par Frothon II nir le choc des Danois: Fridlef remporta une viétoire complerte. Revenu en Dannemarck, mais toujours avide de gloire, il en partit bientöt & alla 1 étonner 1'Angleterre ék 1'Irlande par fes exploits: il revint chargé de dépouilles. On aifure, que dans le dernier combat que les Bretons lui livrerent, - une grande partie de fon armée fut taillée en pieces. (i) Les ennemis alloient revenir h la charge ék lui couper la retraite vers fes vaiifeaux; il fit relever les morts ék trouva le moyen de les tenir debout ék les Bretons perfuadés qu'il avoit regu un renfort, n'oferent recommencer Ie combat. Frothon III fon fils lui fuccéda: c'eft ce Prince qu'on a appellé VAugufte du Nord. S'il en eut les vertus, il n'en eut pas les vices; il ne fouilla point fes mains du fang de fes fujets; des profcriptions ne fignalerent point fon avenement au tröne. II prit les rénes du gouvernement après une minorité oragèufe: la légiflation fut le premier objet de fes foins politiques. Nou* allons citer les principales loix de ce Prince qu'on a pu recueillir, elles don» i- neront une idéé des mceurs de fon fiecle. „ Les foldats qui auront combattfl „ au premier rang, auront la meilleure part du butin... L'or pris fur Fen- • „ nemi appartiendra aux officiers devant qui Pon porte Pétendard.... L'ar„ gent fera le partage du foldat... Les armes feront pour les lutteurs qui fe „ feront battus a coups de poing; ék les vaiflèaux pour le peuple qui eft „ chargé de 1'entretien ék de la conftruétion des flottes... Perfonne ne renfer,, mera fes effets fous la clef, paree qu'en cas de vol il recevroit du tréfor ,, Royal le doublé de ce qui lui auroit été pris; celui qui n'obfervera pas „ cette ordonnance, payera au Roi une livre d'or... La peine portée contre „ le vol fera "de même infligée a celui qui pardonnera a un voleur... Celui „ qui, dans un combat, prendra le premier la fuite, fera déclaré infame „ Les femmes ne confulteront que leur penchant ou leur volonté dans le „ choix d'un époux... Les filles n'auront pas befoin du confentement de „ leurs parens, pour s'unir a celui qui aura regu leur foi... La femme libre, „ qui époufera un efclave, deviendra efclave elle-même... Un homme fera „ obligé d'époufer la première femme, dont il aura obtenu les faveurs. Le „ mariage eft diflbus par i'adultere... Si un Danois vole quelque chofe a un „ Danois, il lui payera le doublé de la valeur de la chofe dérobée, ék de „ plus fera traité comme perturbateur du repos public... Si le voleur va „ porter fon larcin chez quelqu'un, èk que celui-ci ferme la porte de fa „ maifon, Iorfque le voleur y fera entré, il perdra tous fes biens èk fera „ fouetté publiquement, pour avoir participé au vol... Les exilés qui por„ teront les armes parmi les ennemis de la patrie, ou qui y rentreront avec „ des armes offenfives, feront punis de mort... L'exil fera la peine de ceux „ qui auront refufé d'obéir au Roi, ou qui auront exécuté fes ordres avec „ négligence... Celui qui, dans un combat, dévancera les foldats du pre„ mier rang, s'il eft efclave, deviendra libre; s'il eft libre, deviendra noble; „ s'il eft noble, obtiendra une préfeéfure... Les différends ne fe décideront „ plus par la voie du ferment, ni par celle du dédit... Celui qui aura forcé „ un autre a confentir a un dédit, lui payera une demi-livre d'or, finon il „ fera puni corporellement... Tous les différends fe décideront par le fer... „ Lorf- 0) Gram.  DE DANNEMARCK, ékc. Liv. XXXII. Sect. II. 121 „ Lorfque Pup des deux champions fera forti du champ de bataille qui lui „ aura été marqué, il fera réptité vaincu & perdra fa caufe... Si un parti„ culier attaque un gladiateur, celui-ci fe battra avec fes armes, & fon enne„ mi avec une mailde longue d'une coudée... La mort d'un Danois, tué n Par un étranger, iera réparée par la mort de deux étrangers." Frothon voulut chercher a 1'autre extrémité de l'Europe une compagne, dont les carcffes lui adouciffcnt les chagrins inféparables du gouvernement. Cc fut parmi des barbares, qu'il la trouva. Hannonde, fille du Roi des Huns, furpafibit en beauté toutes les Princefles dc fon temps: des ambafladeurs partirent, pour aller folemnellement demander fa main: on les fit accompagner par une magicienne, qui promettoit, avec le fecours de fon art, d'enflammer la Princeffe. Sa magie fut toute naturelle; elle peignit Frothon aux yeux d'Hannonde, comme le plus beau, le mieux fait, le plus vigoureux, le plus adroit de tous les habitans du Nord. II combattoit des deux mains, nageoit avec grace, domptoit le cheval le plus fougueux; .enfin il devoit être auffi tendre avec fon époufe, que redoutable avec fes ennemis. Hannonde fut aiférnent féduite par ceportrait; mais fon pere écouta peu fes défirs, ék, n'ayant pas concu une haute idéé de la puifiance du Monarque Danois, il lui refufa la main de fa fille. Les ambafladeurs jurerent qu'ils ne s'en retourneroient point dans leur patrie, fans avoir rempli 1'objet de ieur miffion; ils terminerent leur harangue par ces mots: il faut nous accorder Hannonde, ou vous battre avec nous. Le vieillard effrayé de cette propofition, céda aux menaces des Danois ék aux vceux de fa fille: elle partit. Mais elle ne vit point dans fon époux, tous les charmes que la magicienne lui avoit promis: elle s'unit a lui cependant, ék le dégout fuivit de prés le mariagc. Grépa,fils du Régent, (i)déja célebre h la Cour par plus d'une avanture galante, fut plus heureux que fon maïtre. La Reine 1'aima èk il répondit a fa paffion. Eric le fage étoit alors h Ia Cour de Dannemarck; il avoit gagné Ja confiance de Frothon par des louanges adroites, par des confeils utiles: mais il n'étoit en effet que 1'efpion du Roi de Norvege & lui rendoit compte de tous les deffeins du confeil Danois. Grépa furprit fa correfpondance, èk confeilla au Roi de le faire aflafliner; Frothon rejetta ce confeil avec horreur. Eric ne 1'ignora point; il réfolut de fe venger de Grépa ék, comme il étoit habile dans 1'art des intrigues, il découvrit bientöt celle de la Reine ék de fon amant, ék mit Frothon a portee de s'en aflurer. Ce fervice , fi toutcfois c'en efl: un, fut mieux payé, que ne Pauroient été des viétoires. Eric époufa la fceur de Frothon. Hannonde répudiée alla, dans Jes bras de fon pere, 1'exciter a la vengeance, accufer Eric de calomnie, t èk fon époux d'injuflice. Devenu beau-frere de Frothon, Eric s'attacha plus fincerement aux intéréts de ce Prince: il fut fon guide èk fon appui, dans la guerre èk dans, la paix. Mais 1'amitié n'étoit pas un fentiment capable (1) Ce Régent avoit exercé, fous le nom de fon pupille, une tyrannie odieufe; il ne prenoit pas même le foin de la couvrir des voiles du myftere: il avoit ofé publier ces régiemens, qu'on fuit encore dans d'autres cours , mais qu'on fe garderoit bien d'y publier: quicor.que Viudra par Ier au Roi, achetera cet honneur des tfficiers de la chambre du Prince a deniers comptans : teut Noble, qui voudra marier ja fille de l'aveu du Roi, fera tenu d'en obtenir la permijfton des mêmes officiers, &c. Time XllII. q Hifi. ancienne du Dannemarck. Maria ge malhrnrtux de Frothon. Hannonde H répudiée.  Sect. A. Hift. ancienne du Dannemarck. Guerres: les armes de Frothon triomphent partout. Sévéritè de ce Prince. Sa mort. 122 HISTOIRE DU ROYAUME de remplir rouc le ceeur de Frothon: un fentiment plus viflui faifoit fehtir le befoin d'une compagne. Eric alla demander la main de la fille du Roi de Norvege. Ce Prince fit naitre des difficultés, promit, différa, délibéra- tandis qu'il confultoit, Eric enleva la Princeffe & la conduifit en Dannemarck Cette Monarchie fut bientöt attaquée par de puiffans ennemis. Le courage de Frothon, la fagefle d'Eric triompherent de tout: les Vandales fufcités ou par le Roi de Norvege, ou par celui des Huns, peut-être par tous les deux, firent la première irruption; Frothon marcha contre eux, les tailla en pieces, les pourfuivit, fubjugua toute leur contrée, & prit le titre de Roi des Vandales. Le Roi de Norvege prit les armes, réfolu de venger fon affront & d'arracher fa fille des bras du raviffeur: il fut vaincu & fon gendre monta fur fon tröne. La vertu réeompenfée, le crime puni, étoient alors des. fpedaclcs trés rares: la force décidoit de tout; une couronne étoit fouvent le prix d'un rapt, d'un aflaffmat, d'une bataille. Tout vainqueur avoit le droit de détröner le vaincu: les:Princes ne fe liguoient point, pour venger ou pour défendre un autre Prince outragé ou opprimé. On ne connoifiöit d'autre droit public, que celui de la guerre, & ce droit affreux permettoit tous les excès, qu'on avoit la force de commettre: a peine daignokon plaindre le vaincu; il excitok moins de compaflion, que de mépris. Frothon, raviffeur & ufurpateur, mais heureux dans fes injuftes entreprifes, en devenoit plus grand aux yeux de fes fujets: il conquit la Suede & donna'cette couronne a Eric (i) pour prix de fes fervices; il pafla en Ansdeterre & forca les habitans de cette ifle a lui payer tribut: toute 1'Irlande, par'lui ravagée, rendit hommage a fon deftruéteur: revenu de tant d'expéditions; las de conquérir des Etats, il fongea enfin a gouverner les flens. Pénétré 'des lecons d'Eric, ce maitre ne lui étoit plus néceflaire: il changea quelquesunes de fes loix, pour les rendre plus féveres: le fupplice defliné aux voleurs fut fi affreux, que, pendant plufieurs années, des bracelets précieux refterent fufpendus dans une forêt, fans que perfonne ofat y toucher. Quand un Souverain ne donne pas 1'cxemple dc la vertu, il eft obligé d'employer Pappareil des tourmens, pour forcer fes fujets a être vertueux: fi un Prince, qui avoit ravi une fille a fon pere, envahi plufieurs Etats, pillé 1'An'deterre ék 1'Irlande, s'étoit contenté a porter de légeres pcines contre le vol, fon Royaume auroit été peuplé de brigands. On attachoit le voleur près'd'un loup affamé, qui le dévoroit: Frothon affiftoit un jour a cet horrible fpeéfacle, lorfqu'une vache fe précipita fur lui ék le tua d'un coup de corne: le peuple fuperftitieux crut que c'étoit la mere de ce voleur, qui, pour venger fon fils, s'étoit ainfi métamorphofée par le fecours de la magie. Le peuple ék les grands fe faifoient également initier dans cet art chimé'rique; on trouvoit des forcieres dans les cabanes, on en trouvoit dans les palais. Les Princefles rendoient dps oracles; ék ces fibylles n'étoient pas moins redoutées que celles d'Italie. On a prétendu que , pour étouffer les révoltes, qui pouvoient s'élever, on avoit caché aux Danois pendant trois ans la mort de leur Souverain. Ce fait n'eft guere plus croyable que la métamorphofe de la magicienne: c'étoit en préfence du peuple que le voleur avoit été puni ék (O Supr. Tom. 42. p. 3P4.  DE DANNEMARCK, èkc. Liv. XXXII. Sect. IL i*< que Frothon avoit été tué. Quand bien même on auroit pa perfuader a h nation que le coup n'étoit pas mortel, ék que Frothon avoit recouvré la fanté* ceux qui avoient quelque droit a la couronne, auroient-ils voulu être complices de cette feinte? Fridlef II étoit alors en Ruffie; il étoit allé chercher de la gloire; on croyoit qu'il y avoit trouvé la mort. On délibéroit fur le choix d'un Souverain ; la mémoire de Frothon étoit fi chere aux Danois, qu'ils promirent la couronne au poëte, qui célébreroit le mieux les exploits de ce héros. C'étoit la première fois qu'un tröne étoit le prix d'une ode. (i) Tous lés poëtes chanterent a 1'envi, la défaite des Vandales, la conquête de la Norvege J'Angle terre tributaire, 1'Irlande ravagée, les Huns vaincus. Hiarn 1'emporta lur fes nvaux: mais 1'art des vers n'a rien de commun avec ceux de gouverner ék de combattre: Fridlef fut bientöt informé de la mort de fon parem ou fon pere, ék du fuccefieur qu'on lui avoit donné: il démentit a la tête d'une armée le faux bruit de fa mort. Hiarn fcavoit chanter des batailles; mais il ne fcavoit pas en gagner: la fortune ne lui offrit que des fujets d'élég'ies; trois fois il fut vaincu par Fridlef. Jufquesda on pouvoit cftimer fon courage ék plaindre fon in fortune: mais, dès que Fridlef fut furie tröne, Hiarn fedéguifa ék vint a fa cour, réfolu d'affaffiner le fuccefieur du Héros qu'il avoit célébré; il fut découvert. „ Qiiel étoit ton dejjein ? "lui dit Fridlef. „ De farra„cher la w>,"répondit le poëte. „ Quelle mort me réfervois-tu?"repliqua le Roi. Hiarn étoit loin d'avouer le projet d'un affaffinat. „ J'étois venu,diz„ il,pour fappeller en duel. " Son déguifement prouvoit le contraire Fridlef ne daigna pas faire cette réflexion; il accepta Ie cartel: le poëte expira fous les coups du guerrier, aflèz généreux, pour faire rendre les derniers honneurs a fon rival; il fut enterré dans une ifle, fur la cöte du Juthland feptentrional, oii il s'étoit retiré après fa feconde défaite. Cette ifle fut appellée Hiarnoa. Fridlef fit la guerre aux Norvégiens, dont le Roi lui avoit refufé fa fille: la guerre s'allumoit prefque toujours au flambeau de 1'amourplus d'une Hélene röit le Nord en feu: des provinces furent ravaeées des villes livrées aux flammes pour deux beaux yeux; èk le genre humain fut plus d'une fois prefque détruit dans ces climats, par le même penchant que la nature nous a donné pour le reproduire. Fridlef pafla le refte de fes jours dans une paix profonde: il fut moins admiré, mais plus aimé que fon prédéceflèur. * FrothonIV,fon fils,obtintle furnom de Béral,paree qu'il doublala folde des troupes:il n'avoit que douze ans, lorfqu'il monta fur le tröne. Les Saxons mépnferent fa jeuneffe èk fecouerent fon joug: il marcha contre eux fuivi de généraux habdes ék de braves foldats. La Saxe fut conquife de nouveau Un avantuner, qu'on croyoit fils d'un géant, Livonien d'origine, vint lui offrir fes fervices: c'étoit un de ces hommes ambitieux, qui ne connoifiènt pomt de miheu entre une haute fortune ou la mort. Frothon 1'interrogea reconnut en lui des talens décidés pour la guerre, furtout pour les expéditions maritimes: il lui donna le commandement de fes flottcs; elles eurent bientöt I empire des mers du Nord, èk le pavillon Danois fut refpecté de toutes les CO Saxo Gram. — Pontanus. — Meurfius. Q a Hift. ancienne du Dannemarck. An 19 de i'ère ckrètienne.La couronne eft promfe au P c'.e qui chuntera le mieux les exploits de Frothon. Combat fingulier d'Hiarn £5? de Fridlef II. 33-  S-ECT. IL Hift. ancienné du Dannemarck. Force prot, gieufc de Stercatht; Mort fu vefte ds Frothon. 52- MciUvaiJ conduite a fon fils. 79' Retour 1 Stercather 124 HISTOIRE DU ROYAUME PuifTances. Stercather Amiral n'étoit pas moins verfé dans 1'art des fieges & des combats fur terre: il battit Viécar Roi de Norvege, conquit une partie de la Ruffie, diffipa la ligue des Courlandois, des Cimbres, des Gwer.es> Un Prince Saxon ofa propofcr un défi a Frothon. Les Rois ne rotlgiffoient - point alors de fe mcfurer avec leurs vaflatix, ni même avec leurs fujets. Stercathcr ne voulut point que fon maitre expofat fa vie au péril d'un combat: . il fut fon champion: le Saxon s'avanca: Stercather le' faifit entre fes bras, &, comme un autre Hercule,il l'étouffa,fi 1'on en croit les hiftoriens Danois. On prétend que le champ de bataille étoit prés des lieux oü eft fituée la ville de Hambourg, èk qu'elle tire fon nom de celui de Mammon, que portoit le vaincu. Soixante efclaves & foixante arpens de terre furent le prix du vainqueur: il triompha de la nation entiere, après avoir triomphe du chef. Les Saxons furent défaits; ils implorerent la clémence de Frothon. . Leur Prince 1'invita a un feftin iplendide, oü la paix devoit fe conclure le verre h la main; les principaux Danois s'y rendirent: mais le perfide Suercher fit mettre le feu a 1'édifice qui renfermoit cette augufte aflemblée. Frothon périt au milieu des flammes: (1) prefque toute fa cour eut le même fort; mais Stercather, ou n'étoit point a ce feftin funefte, ou s'échappa. i Ingell, fils de Frothon, n'avoit aucun des talens de fon pere, pas même e celui de choifir & de fuivre un confeil: fon regne fut celui de Ia mollcfiè ék du luxe. (2) On vit a fa cour une image de celles de 1'Afie: renfermé dans fon palais avec les miniftres de fes plaifirs ék les objets de fes lubriques penchans, Ingell oublioit les devoirs du tröne, lc bonheur de fon peuple ék la gloire des armes. Stercather lui repréfenta envain, qu'un Prince ne devoit pofer 1'épée, que pour s'occuper du gouvernement; que s'il méprifoit 1'honneur de conquérir ék de vaincre, il devoit rechercher au moins celui de dicter des loix ék de faire fleurir les arts. II ne fut point écouté. Son dépit lui fit abandonner fa nouvelle patrie, il pafla en Suede. Délivré de ce cenfeur importun, Ingell fe livra fans crainte a fes défirs effrénés. L'amour s'empara tellement de fon ame, qu'il époufa la fille du- meurtrier de fon pere, ék remit les rênes du gouvernement dans les mains des freres de cette Princefiè. Ainfi les Danois ie virent commandés par leurs plus cruels ennemis: leur regne odieux ne fut pas de longue durée. Stercather, ennuyé de ne plus jouer un röle fur la fecne du monde, ou poufle par le regret de voir 'e avilie une nation qu'il avoit élevée au plus haut point de gloire, fe déguila " ék reparut a la Cour de Dannemarck. Ingell rougit, en le voyant; mais fa honte fut fon falut: il placa prés de lui ce grand homme que 1'on croyoit perdu: les flatteurs furent éloignés; le luxe fut banni; les loix refpeélées. Olaus, fon fuccefieur, ne connut d'autres loix que fes penchans: fon palais fut 1'afyle des plaifirs, ou plutöt de tous,les vices: il n'eut pas, comme fon pere, un ami afiez courageux pour 1'arracher des bras de la molleflè. Cependant fon regne fut paifible: fes fujets porterent le joug aflèz patiemment, ck fes voifins ne 1'inquiéterent pas. II laifia deux fils; ék, par une politique (1) Suivant d'autres le Roi échappa & tua Suercher en duel, mais mourut peu après, paree que Suercher s'étoit fervi d'armes empoifonnées & 1'en avoit blelfé. Voyez Saxo, Meurfius, Pontanus & Suaning. (2) Pontan. Iliit. rer. Dan.  DE DANNEMARCK, &c. Lrv. XXXII. Sect. II. 125 abfurde, il ordonna que 1'un regneroit fur la mer, 1'autre fur la terre, & que, chaque année, ils changeroicnt d'empire mutuellement. Jamais parta- < gene fut plus mal réglé que celui-la, fous quelque jour qu'on 1'envifage. ] Frothon & Harald regncrent donc, le premier fur la mer & 1'autre fur Ia [ terre : 1'empire dc la mer, comme le plus confidérable, étoit échu a 1'ainé j pour la première année. La facilité de s'enrichir par la piraterie, qui étoit 7 alors honorée, rendoit le commandement maritime plus précieux que 1'autre; 1 aufli Frothon aima mieux aflafliner fon frere que de le lui céder. II réfervok le meme fort a fes neveux Harald ék Haldan: mais le fidele Regnon les déroba a fa fureur: il alla les cacher dans l'ifle de Séelande au fonds d'une caverne, afyle ténébreux, oü il leur apprit a chérir leurs femblables ék a ne point compter fur les faveurs de la fortune. II perfuada aux Danois que ces Princes étoient morts; mais il ne put le perfuader au tyran, toujours inquiet: il avoit rempli fes Etats d'inquifiteurs chargés dc trouver fa proie; la retraite des deux freres futenfin découverte; leur mort etoit réfolue; on alloit les trainer au fupplice, comme- de vils criminels, Iorfque Regnon tomba aux pieds de Frothon, ék par fes larmes, par fon éloquence, toucha ce cceur farouche: il accorda la vie a fes neveux. Ceux-ci n'afpiroicnt qu'a venger leur pere; ils attendirent une occafion; elle fe préfenta : fuivant Puffendorf, Frothon s'abandonnoit aux douceurs du repos, fi toutefois il en efl: pour un parricide; ils mirent le feu a fon palais; Frothon fut enféveli fous fes ruines: la Reine fut lapidée ék tous les partifans de Frothon furent maflacrés: mais, fuivant d'autres auteurs, (i) les deux freres prétextant avoir une querelle, eurent la permifiion de la vuider par un duel en préfence de leur oncle, contre Iequel a certain fignal dont ils étoient convenus, ils tourncrent leurs armes ék le tuerent. Harald ék Haldan regnerent enfemble pendant trois ans: mais enfin Harald abdiqua volontairement en faveur de fon frere: Haldan oublia les fages lecons que Regnon lui avoit donnccs dans la caverne de Séelande. La bravoure fut fa feule vertu: du refle cruel, injufle, orgueilleux, il gouverna ék le Dannemarck ék la Suede avec un fceptre de fer: il expola fa vie dans plufieurs combats finguliers, ék fe glorifia d'être le plus adroit ou le plus heureux gladiateur du Nord. Amoureux de Thorildc, fille de Grimod, pour obtenir fa main, il appella fon pere en duel èk 1'étendit mort a fes pieds: il étoit fort ordinaire alors de voir un amant traiter fon beau-pere, comme il eut traité fon rival. Haldan fut rempïacé par Unguln, mais un ne fcait quel étoit ce perlonnage, ni quel droit il avoit au tröne. On fcait feulement qu'il périt dans'un combat contre Regnald, Roi dc Suede: celui-ci entra en Séelande, ék attaqua le fils d'Unguin, Siwald, qui étoit monté fur le tröne de fon pere. On prétend que le combat dura trois jours, que le carnage fut affreux, que la viétoire ne fut décidée que par la mort de Regnald, qui / expira fous les coups d'un Seigneur Danois. Othar étoit le nom du vengeur c du Dannemarck. La main de la fille de Siwald fut le prix de cet exploit. ' Le Monarque époufa la fceur du guerrier, regna avec gloire èk emporta dans (i) Pontanus, Suaning. Voyez, auiïï fupr. T. 42. p. 395 & fuiv. ce qu'en difent les Hiftoriens Suédois que nous y avons fuivis: nous nous référons au rjfté a ce que nous y avons dit p. 305, 387 &c. Q 3 'Ml. anienne du )anneïarck. ) ingtrevae artage de n Royauti. 103. Harald £? Haldan 'jengent leur pere. 115. 146. .es Suédois mt vainus par les Oajiois.  i2Ó [II 1ST0IRE DU ROY AU M E Sect. H. Hijl. anciemie du Dannemarck. 155. Avanture d'Alfuh Perfidie d" Alfon 6? d'Algev. la tombe les regrets de toute la nation, ceux-même des Suédois, fur lefquels il avoit regné par droit de^ conquête, car ce droit étoit reconnu alors pour le plus légitime de tous, & pour obtenir une couronne il fuffifoit de tuer celui qui la portoit: rarement le fceptre tomboit dans des mains qui ne fuflènt pas fouillées de lang. On ne voyoit fur les trönes du Nord que d'illuilres raeurtriers, la plupart gladiateurs, plufieurs même laches aflaflins. L'art de refcrimc étoit l'art de regner; & quand on étoit adroit èk robuite, on poffédoit toutes les vertus royales. (1) Sigar regna fur la Suede ék; fur le Dannemarck, après la mort de fon pere; mais connoiflant 1'humeur indocile des Suédois, il aima mieux leur laiffer, moyennant un tribut, la liberté de fe choifir un maitre, que d'être fans cefie occupé a réprimer leurs révoltes. Ses freres, Alfon ék Alger, furent célebres par leurs pirateries; le premier le fut aufii par fes amours. Nous n'entrerons point dans tous les détails merveilleux du roman, dont on 1'a fait le héros: nous ne garantirons pas même le peu de faits que nous recueillerons de fes fingulieres avantures. II aimoit la fille du Roi de Gothlandil 1'avoit méritée par fa bravoure: le Roi confentoit a 1'avoir pour gendre; mais la Reine s'y oppofa. Alfon, de dépit, s'embarqua ék alla venger, fur les habitans des rivages de la mer ék fur les navigatcurs, faffront qu'il venoit d'efiivyer. La Princefie renfermée dans un cachot, s'évada, arma une flotte, ék alla aufli écumer les mers. II efl; certain que les femmes conduifoient fouvent aux combats des troupes qui marchoient a la gloire fur les pas de la beauté. Le Nord étoit fécond en Amazones, ék la valeur y étoit plus recherchée dans le fexe, que la vertu. Mais comment une Princeffe échappée d'une prifon, oü elle avoit été élevée dès fon enfance, pouvoit-elle armer ék commander une flotte? On prétend que fa petite armée en vint aux mains avec celle d'Alfon; que, dans la mêlée, la vifiere du cafque d'Alvide tomba: fon amant Ia reconnut; le combat cefla a 1'inftant; aux tranfports de la fureur fuccéderent les plus tendres carefles; Alfon épouia enfin 1'objet de fon amour (2). Alfon remonta bientöt fur fes vaiffeaux, accompagné de fon frere Alger; ils livrerent un cömbat opiniatre a trois pirates, tous trois freres, tous trois princes, comme eux. Après avoir verfé beaucoup de fang, on convint d'une treve; elle fut violée par les Danois, qui égorgerent deux des Capitaines Suédois; le troifieme vengea leur mort. Alger & Pamant d'Alvide périrent viétimes de leur perfidie. Leur vainqueur fe nommoit Hagboit. II fe déguifa, parut a la cour de Sigar, infpira a Signé fa fille 1'amour dont il brüloit pour elle, fut découvert, ék périt fur un infame gibet. Signé ne voulut point lui furvivre; elle s etrangla avec toutes fes compagnes, après avoir mis le feu au palais de fon pere. Telles étoiènt les mceurs de ces temps barbares, óü le fuicide, le duel, les aflaflinats, les batailles dépeuploient beaucoup plus le Nord, que les années ék les maladies. Sigar lui-même fut vaincu ék tué par flacon, ou Hacquin, qui s'avancoit a la tête d'une armée pour venger la mort de fes freres. La bataille fut fi fanglante , que le champ, oü elle fe donna, fut CO Voyez la note précédente. 00 Pontan. Lib. I. Meurfius. — Saxo Gramm. k Notre Tom. 42. ubi fupra.  DE DANNEMARCK, &c Liv. XXXII. Sect. II. fe? appellé le putti du majpicre. Hacon demeura au milieu du Dannemarck, triomphant, redoute, pillant, brülant tout, & prêt a ravir Ia couronne. Siwald II, fds de Sigar, raflembla une armée. On prétend qu'on comptoit dans fon camp autant d'Amazones que de guerriers. La préfence de ces héroïues, leurs charmes, leur courage, les périls au milieu desquels elles fe précipiterent, cette impulfion irréfiftible qui attaché 1'homme fur les pas de la beauté, infpirerent tant d'ardeur aux Danois, que les Suédois furent prefque tous malfacrés, ou dans le combat, ou dans Ia retraite. Hacon alla chercher en Ecoife un afyle qui devint fon tombeau. Siwald mourut fans poftérité. Cinq Seigneurs Danois démembrerent la Monarchie & fe la partagerent. Gurithe, fille d'Alfon, avoit des droits fur la couronne; mais elle n'avoit point d'armée pour la faire valoir: elle fe retira dans un chateau. Soit amour, foit ambition , Haldan, Seigneur Danois, lui promit dc la placer fur le tröne, & lui offrit fa main: elle 1'accepta; mais, avant de lui donner la fienne, elle vouloit qu'il fe fignalat par quelques exploits glorieux. Ce qui öte toute vraifemblance a cette hifloire, c'eft que Haldan, au lieu d'aller combattre les ufurpateurs enrichis de la dépouille de fa maitreflè, alla porter les armes en Ruffie, oü fa valeur lui étoit inutile. II revint au moment oü Gurithe, perfuadée que Haldan avoit terniTa gloire par une fuite honteufe, alloit époufer un Prince Saxon. Haldan immola ce rival a fa vengeance. 11 époufa 1'héritiere du tröne, foumit une partie du Dannemarck, & périt dans un combat qu'il livra a Vifet, 1'un des ufurpateurs. Harald,-fon fils, lui fuccéda. La fagefle de fa mere lui conferva, pendant fa minorité, ce que fon pere avoit conquis. Dès qu'il eut pris en main les rênes du gouvernement, (i) il travailla a réunir les différentes portions de la Monarchie. Vifet expira fous fes coups, Haldan fut vengé, & la Scanie fut conquife. Hather fut chaile de la Cimbrie Méridionale; Hunding ék Roric s'enfuirent de Lethrai La Fionic fe foumit: tout le Royaume enfin le reconnut. On lui reprochoit d'avoir Mchement égorgé Vifet, pendant la nuit, ék quelle nuit encore ! celle oü Vifet partageoit pour la première fois fa couche avec une époufe adorée. Cependant cet aflaffm courut au fecours de Hasmund, Souverain de la province de Wie en Norvege, détröné par fa fceur; il lui rendit fa couronne, ék, Iorfque ce Prince lui offrit de riches préfents: „ la gloire de défendre mes amis, " lui dit-il, „ eft le feul pré„ fent digne de moi." Pendant cette expédition, les Suédois étoient entrés en Dannemarck; il revint, les chafla, paffa lui-même en Suede, ék leur rendit tous les maux qu'ils avoient faits dans fes Etats. Peu de temps après, il apprend que les fceurs d'Olaus, Roi de Norvege, Pont renverfé du tröne'. Les femmes du Nord, maïtreffes des hommes par leurs charmes, étoient au moins leurs égales par leur courage, leur force, leurs intrigues. Harald partit une feconde fois pour faire la guerre a ce fexe ambitieux. Les Amazones raffemblerent une armée, elles fe préfenterent au combat avec la contenance la plus ferme; mais elles avoient peu de troupes: elles périrent les armes a la main, ék la viétoire demeura a Harald. Cette expédition glorieufe pour le Dannemarck, n'avoit pas été moins fatale a fon repos que la première. CO Saxo — Flor. Dan. — Meurfius. Hift. aneienne du Dannemarck. Armée i'hommes [j? de fetanes. 190. Démembre* ntnt de Li Monarchie, 201. 241. fa réunion.  Sect. II. Hift. ancienne du Dannemarck. Excur/ions des Danois. Deux légions d'' A•mazonesdans l'armée Dunoift- 201. - Heta parvient au int. 327. 128 HISTOIRE DU ROYAUME Ubbon, Prince de la Frife Mineure, étoic entré dans laCimbrieèk 1'avoit ravagée. Harald revient, furprend fon ennemi & le charge de chaines: mais, comme il reconnut en lui des qualités héroïques, il lui rendit la liberté & lui accorda la main de fa fille. Ubbon, comblé de biens, au moment oü il n'attendoit que la mort, confacra fes jours au fervice de fon beau-pere, lui fraya un chemin dans la Germanie, le conduifit viétorieux fur les bords du Rhin, tandis que d'autres Danois alloient défoler la Grande Bretagne, ék d'autres 1'Aquitaine. Harald revenu de la Germanie, mais toujours avide de gloire, porta fes armes en Suede; il avoit juré a cette Puifiance une haine implacable & il n'étoit que trop fidele a ce ferment. On admiroit dans l'armée Danoife deux légions d'Amazones, conduices par deux héroïnes, Wisma & Heta. Leurs armes étoient leur parure: leurs yeux étincelloient d'un feu martial: leurs chanfons étoient des hymnes au Dieu des combats: la terre fouvent couverte de neige étoit leur couchc. Le Roi de Suede avoit levé une armée formidable. Le defir de la gloire, la haine des deux Souverains étoient les feuls motifs de cette guerre. Les deux armées fë trouverent en préfence, dans la plaine de Bravelle en Oftrogothic: le combat fut opiniatre ék meurtricr; on fit de part ék d'autre des prodiges de'valeur; mais Ubbon étant tombé fous une multitudc de coups, la viétoire demeura aux Suédois. Harald eut le même fort que fon gendre: les Suédois, qui 1'eftimoient autant qu'ils le haïfibient, lui rendirent les honneurs funebres fur le champ de bataille. Telle fut la fin de Harald. Cette défaite fut le feul échec de fes armes. Meurfius ne balance point a le placer au nombre des plus grands Rois. (1) Quelques hiftoriens ont prétendu, que fentant les approches de la mort, ék, ne voulant pas 1'attendre dans fon lit, il n'avoit fait naitre cette guerre, que pour terminer fes jours fur un champ de bataille. Ringon , vainqueur des Danois, mit leur couronne fur la tête d'Heta, de cette héroïne qui commandoit une des deux légions d'Amazones; mais la nation devint tributaire de la Suede; la Scanie fut érigée en Royaume en faveur d'Olaus, neveu de Harald. Ringon divifoit ainfi la Monarchie pour 1'affoiblir. Heta, trop jaloufe de fon autorité, pour fe donner un maitre dans un époux, rejetta les vceux de tous les amans ambiticux qui briguoient fon tröne ék fa main. Les Danois s'étoient honorés d'être fes compagnons d'armes ; mais ils rougirent d'être fes fujets: ils appellercnt Olaus; ék 1'Amazone abandonnéc, alla dans la Cimbrie fonder Ia ville d'Hetléby, aujourd'hui Sleswigh, Son concurrent fit bientöt repentir les Danois d'avoir fi lachement trahi leur Souveraine: fa tyrannie fut longue ék cruelle:le poignard fut plus d'une fois aiguifé contre lui; mais fa force extraordinaire, fon adrefie effrayoient tous les conjurés. Un feul homme faifoit trembler,gémir ék ramper toute une nation. Ce ne fut que vers 327 que douze Seigneurs Danois 1'affafïïnerent dans fon bain. Omond fon fils fe fit adorer par les qualités contraires a celles qu'on avoit déteftées dans fon pere; il fut doux, bienfaifant ék jufte envers fes fujets; mais il ne traita pas de même fes voifins. II alla attaquer le Roi de Norvege , qui lui avoit refufé la main de fa fille, ék lui arracha la couronne ék la vic, (O Meurfius Hifi. Dan. Lib. I.  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. IL iap vie. Ce Prince, étendu fur un champ de bataille, baigné dans fon fang, j prêt a rendre le dernier foupir, paria ainfi a fon farouche vainqueur: „ j'ai c „ connu votre valeur; vous êtes digne d'être 1'époux d'Efa ; je vous la * „ donne & je meurs content de la remettre entre les mains d'un héros tel _ „ que vous." Ainfi le fceptre de Norvege pafla dans les mains d'Omond. Une guerriere, nommée Ruffla, s'étoit emparée d'une partie de ce Royau- j' me; il fallut la combattre ék fur mer ék fur terre: vaincue partout, elle ^ trouva de nouvelles reflburces. Omond fut réduit a féduire, par fes largeffes, les fujets de fon ennemie: elle fe retira dans une ifle, elle y fut pourfuivie ék périt 1'épée a la main. Deux de fes officiers jurerent de venger fa mort; mais 1'un fut tué; 1'autre obtint le gouvernement de Norvege pour prix de fon courage ék de fa fidélité. Omond, après avoir étouffé quelques révoltes dans fes Etats, pafla le refle de fes jours dans une tranquillité profonde, ék ne chcrcha plus d'autre gloire que celle de faire des heureux. (i) Le regne de Sivvard (a) fucceflèur d'Omond, ne fut qu'une fuite de défaflres. Les Suédois lui enleverent la Hallandie ék la Scanie; fa flotte fut vaincue èk difperfée. Tandis qu'il alloit chercher un afyle dans la Cimbrie, les Vandales entrerent en Dannemarck, perdirent la première bataille, ék ga- d gnerent la feconde, plus décifive ék plus fatale a Siward. Jarmoric fon fils fut amené en efclavage; fgsdeux filles recurent auffi des fers, ék furent vendues a des étrangers. LaSfcimbrie fut conquife. Siward fit de vains efforts pour reconquérir la Scanie: il périt dans cette expédition. Buthl, ou Bathui, ion frere, s'empara du Royaume. La Séelande èk la Fionie étoient tout ce qui reftoit de cette vafte Monarchie: c'en étoit trop encore pour un Prince (O Quelques hiftoriens placent fous ce regne la mort du célebre Stercather: c'eft lui faire paffer les bornes ordinaires de la vie humaine. On prétend qu'il étoit a la tête des aifaffins qui verferent le fang d'Olaus: ce fut lui qui lui porta le coup mortel au moment, , oü ce Roi, charmé de voir un général fameux par tant de viétoires, 1'invitoit ü s'approcher. Cet attentat ternit fa gloire, empoifonna fes plaifirs & fit de fa vieilleffe un long fupplice: toujours déchiré de remords, toujours pourfuivi par la crainte, voyant fans ceffe auprès de lui le fantóme de fa vidtime, il crut réparer cet affaflinat par de nouveaux forfaits; il égorgea tous ceux qui avoient armé fon bras contre les jours de fon Souverain: les uns veulent qu'il ait toumé contre lui-même fon épée fumante du fang de ces perfides: mais d'autres"ont'orné ce tragique récit de circonilances différentes. Si 1'on enxroit Saxon, ce Général accablé d'années & de chagrins, ne voulut point attendre dans fon lit une mort obfcure. Une voix fecrete lui crioit que tout affaflin doit périr, comme fa viétime: il fe foumit k cet arrêt de fa confcience; & pour mettre encore plus de parité entre le crime & le fupplice, il deftina a. celui qui lui plongeroit le glaive dans le cosur, la même fomme qu'il avoit lachement reeue pour prix de fon régicide: plein de cette idéé il fufpendit cet or a fon cou dans une bourfe, s'arma de deux épées, s'appuya fur deux batons & alla chercher quelque guerrier illuftre par fes exploits, qui voulüt lui rendre le fatal fervice qu'il attendoit; car 1'orgueil fe mêloit encore i la juftice qu'il vouloit fe rendre, & il ne pouv.oit fe réföudre a mourir de la main d'un homme fans nom. II fut d'abord taillé fur fes deux épées; & cette plaifanterie coüta la vie aux deux railleurs, qu'il étendit fur la place avec fes deux batons: enfin il reconnut Hoether, fils de Lemnon, qu'il avoit tué, pour l'avoir pouffé au crime: „ prends cette épée, lui dit-il, venge ton pere ; &, fi ce motif n'eft pas ,, affez puiffant fur une ame telle que la tienne, regarde cet or: je le donne ü celui qui „ m'ótera la vie." Le jeune homme lui trancha la tête. Saxo femble avoir craint que ce récit ne ftit pas, par lui-même, affez invraifemblable; il y a ajouté des détails encore plus fabuleux, & dont nous n'ennuyerons pas nos leéteurs. Saxo Gram. Hift. Lib. VIII. C2) Saxo — Pontan. Meurlius & notre Tom. 42. p. 402, Tome XLIII. R lijl. anienne du ianneiarck. Omond empare de 1 couronne 1 Norvege. 341. Dijgraces } Siward.  Sect. II. Hift. ancienne du Dannemarck. 346SSL Succès, ctuautes, fin malheureufe de Jarmeric. Z66. 371. Nouvelle èmigration. 130 HISTOIRE DU ROYAUME foible, auffi peu fait pour commaiidcr une armee, que pour göuverhér un peuple: il étoit fans lumieres, fans courage, inéprifé de fes ennemis, & peu refpeété des Danois. Jarmeric brifa enfin fes fers, & reparut en DannemarckSon oncle n'ofa lui refufer une couronne ,'dont il fe fentoit indi me Le ■ nouveau Roi reconquit la Hallandie & la Scanie, forca la Suede a lui 'payer tribut, chafla les Vandales de la Cimbrie, fe vengea de tous les öutrabes qu'il avoit recus pendant fa captivité, fit dévorer quarante de leurs èhèfs par des loups affamés, maffacra leurs armées, & rendit le refte tributaüv. Les Simbes,lesCureteséprouyerent auffi fon courage; les Vandales révoltés'furent de nouveau chatiés, ék leur tribut fut doublé. Vainqueur de tant d'ennemis il ne put fe vaincre lui-même;il devint cruel envcr, fon peuple, comme envers les rebelles; il fit aflaflincr, au milieu d'un feftin, fes neveux, fils d'une de fes fceurs, qu'un Prince de Germanie avoit époufée. Sur le fimple foupcon d'un commerce criminel avec.Broder, fon fils du premier lit, il fit fouter aux pieds une Princeffe Suédoife qu'il avoit époufée en fecondes nöces. (1) Ses freres accoururent pour la venger. Jarmeric leur fut livré par fes propres fujets & il périt au milieu des fupplices, qu'il avoit deflinés a fon fils s'il ne fe fut échappé. Broder n'eut ni les talens, ni les vices de fon pere. Son regne fut un long fommcil: les peuples fubjugués s'affranchimnt: les Suédois rentrerent dans la Scanie & dans la Hallandie. Siwald qui lui fuccéda, ne fut pas plus aétif: il fe renferma dans fon palais, ignorant ék la fituation de fon peuple èk les entreprifes de fes voifins. Enfin Snion parut, ék effaca la honte des deux regnes précédens. Lui feul avoit empêché les Danois' de fe foulever contre Siwald. On pardonnoit la lacheté du pere en faveur de la bravoure du fils: il recouvra, 1'épée a la main, les débris de la Monarchie ék les réunit. Les faétions furent étouffées par fa prudence, autant que par fon courage ; la plupart des provinces que Ia couronne avoit perducs furent reconquifes. Snion crut que tant d'exploits le rendoient digne de la main de la fille du Roi de Gothie: il la fit demander ék fut refufé: pour fe venger èk enlever la Princeffe, il foumet la Gothie, fe préfente a la Princeffe, qui fe jette dans fes bras. Elle avoit été promife au Roi de Suede: ce rapt alluma une guerre cruelle; des milliers d'hommes furent immolés a 1'amoureufe folie de ces deux Princes. Snion ne s'étoit occupé que de guerres: les arts utiles étoient ignorés ou négligés; 1'agriculture ïanguiflbit; il n'y avoit point de commerce:'la piraterie meme n'étoit pas en vigueur. Une familie affreufe défola le Dannemarck: on fut réduit a difputer Pherbe aux animaux. Enfin on ne trouva d'autre parti a prendre dans cette calamité que d'cxiler une partie de la nation. On dra le fort; èk ceux fur lefquels il tomba, s'enfuirent avec leurs families. Ces bannis s'arrêterent d'abord dans l'ifle de Rugen: Ia faim ék les Suédois les en chafferent: enfin ils pafferent dans le continent, èk pénétrerent jufqu'en Italië , oü ils allerent fe réunir aux reftes des anciens Cimbres. (2) Ici commence dans 1'hiftoire de Dannemarck une vafte lacune, oü Pon ' CO Supr. Tom. 42. p. 403. CO Voyez notre Hift. Anc. Tom. 13. p. 520. &c. Tom. 14. p. 53. '09. &c.  DE DANNEMARGK,;&c. Liv. XXXII. Sect. III. tfE nppercoit a peine de diftance en diftance quelques faits incertains & peu intéreffans. Nous ne nous y arrêterons point & pour n'offrir a nos leéteurs que des événemens qui méritent ék leur confiance èk leur attention, nous pafie-: rons a Petabliflèment de 1'Evangile dans le Dannemarck. S E C T I O N III. Etablijfement de VEvangile dans le Dannemarck. Événemens dont ce Royaume fut le thédtre depuis cette époque jufqu'en 1147. V^e fut fous le regne de Regner qu'on vit paroitre dans le Nord quelques lueurs du Chnftianifine, mais foibles, peu fenfibles èk obfcurcies par des opinions étrangeres a cette Religion. Charlemagne avoit établi 1'Evangile en Saxe par le fer; ce culte étoit déja le prétexte des maflacres, des ufurpations ék de tous les crimes: quoique peu éloignée de fa fource, la foi étoit tellement dénaturée, qu'on prêchoit la charité 1'épée èk la torche a la main. Les Chrétiens perfécutés, tant qu'ils furent foibles, devinrent perfécuteurs, dès qu'ils furent puifians: ces difciples d'un Dieu, qui prioit pour fes enne- ■ mis en mourant fous leurs coups, fortoient de leur patrie, la rage dans le cceur, pénétroient dans les contrées les plus éloignées, criant 1'Evangile ou la mort, mafiacrant les Druides aux pieds de leurs autels, brülant villes, villages, forêts, égorgeant fans pitié pour Ie fexe ou pour 1'age, tout ce qui refufoit le baptême, forcant ceux-même qui le recevoient a leur payer tribut. Peut-on, fans róu'gir, reprocher a Mahomet d'avoir étendu fa croyance par les armes, ék prétendre que la propagation de 1'Evangile étoit 1'ouvrage de Dieu feul; comme fi des incendies ék des aifaflinats étoient des miracles de fa toute-puifiance? C'étoit ainfi que Charlemagne avoit affuré en Saxe le fuccès de fa miflion: les Danois avoient fecouru les Saxons contre cet apötre conquérant, dont on célebre la fête dans certaines villes, tandis qu'ailleurs on prie Dieu pour le repos de fon ame. Les liaifons des Saxons èk des Danois avoient fubfifté, même après que les premiers furent efclaves èk Chrétiens: ils avoient donné a leurs alliés, autrefois leurs maitres, une idéé de leur nouveau culte, ék plufieurs Danois 1'avoient adopté; une religion prêchée la lance a la main par Charlemagne ék par d'autres guerriers, pouvoit ne pas déplaire aux difciples d'Odin. Si un apötre, pénétré des maximes évangéliques, étoit venu parmi eux, défarmé, les yeux baiffés, avec une contenancc modefte èk qu'il leur eut tenu ce langage: „ La loi que je vous „ annonce, vous ordonne d'aimer tous les hommes; elle vous défend de „ repoufièr 1'outrage par Poutrage; elle veut que vous embraffiez 1'ennemi „ qui vous frappe; elle condamne la vengeance même la plus jufie: vous „ cherchez la gloire èk elle la réprouve: vous n'afpirez qu'a paroitre èk elle „ veut qu'on fe cache: vous aimez les armes ék elle les a en horreur: vous " SS c?"n?,i(Fez d'autre droic que la force, elle n'en connoit d'autre que „ 1 eqmté: ' il eft probable que cet orateur auroit été ou repoufie ou tourné en ridicule par fes auditeurs. Mais comme les Danois jugeoient la morale R 2 Hift. antenne du 3annenarek. Sect. III. Hip. de Dannemarck , Pe. Siècle jufqu'a 1147. L'Evangile iénaturé ar les conptérans.  132 HISTOIRE DU ROYAUME Sect. III. Hift. de Dannemarck , 9e. Siècle jufqu'a. "47. Malheurs de Harald. Expéditions de Regner. des Chrétiens par leurs mceurs; au bruit des viétoires de Charlemagne, a Ia1 vue des exploits des autres Princes Chrétiens, ils fe perfuadoient peut'- êtreque N. S. Jéfus étoit un autre Odin, ami du camage, ék dépopulateur comme lui: apparemmcnt que le fpeéiacle de tant de guerres entreprifes en fon nom, le leur rendoit refpeétable, ék en comptant les viétimes du fanatifme des Chrétiens, qu'ils ne doutoient point que leur chef ne fut un Dieu, puif■ qu'il lè plaifoit h contempler la deftruétion ék a voir ruiffeler le fang. Regner étoit trop occupé de projets ambitieux, pour s'appercevoir de quelques progrès que 1'Evangile faifoit dans 1'intérieur de fes Etats: proclamé Roi par une faébon, il vit un parti plus puiffant couronner Harald VL On voulut prévenir par un partage 1'eifufion du fang: mais cc moyen, dont on fe fervit pour étouffer la guerre civile, fut précifément ce qui 1'alluma. On en vint bientöt aux mains; car alors on ne connoiffoit point ces longs préparatifs de guerre, ces marches, ces rufes, cesdétours, ces fauffes attaques, ces efcarmouches, ék toutes ces relfources de l'art militaire, qui précédent, éloignent, ou empêchent une bataille. La Campagne de Turenne la plus admirée, eit celle oü il ne combattit point ék forca fon ennemi a 1'inaction. Dans le Nord, deux généraux qui auroient paifé'la campagne a s'obferver, auroient été couverts de honte: deux armées s'affignoient un rende? - vous, comme deux champions; elles y alloient par le chernin le plus court, ék engageoient le combat en arrivant: la viétoire fe déclara pour Harald, qui demeura feul polfeiPeur du tröne. Regner alla porter le ravage vers le Midi: Harald, plus fage, mais non pas plus heureux, fit alliance avec Louis le débonnaire, Prince foible ék généreux, qui offroit h d'autres les fecours dont il manquoit lui-même. Regner reparut bientöt chargé d'or ék de dépouilles, en état de grofïïr fa faétion par fes largeffes, ék d'accabler celle de fon ennemi par fon courage: il fut vainqueur. Harald s'enfuit, Louis lui donna un afyle dans fa cour: il en fortit bientöt, a la tête d'une armée Francoife ék Allemande; il reconquit le Juthland, en fut chaffé , revint, conquit de nouveau, ék fut encore expulfé; enfin perdant tout efpoir de remonter fur un tröne, dont il étoit tombé tant de fois, il alla en Frife mener une vie obfcure, mais moins agitée. Regner ne cefla d'avoir les armes a la main: fon pere Siward étoit expiré fous les coups du Roi de Suede; il alla le venger. Le Prince Suédois fut fait prifonnier; Regner 1'immola de fa propre main, aux manes de fon pere: il pafla enfuite en Angleterre: le Roi de cette ifle, attaqué dans fes propres foyers, fut vaincu ék tué. Le vainqueur pénétra jufqu'aux extrêmités de 1'Ecofle, traverfa le Canal, qui fépare 1'Irlande de 1'Angleterre, détröna le Roi de cette contrée, reparut dans le continent, foumit la Saxe,ravagea la Livonie, chdtia les Norvégiem révoltés, attaqua le nouveau Roi de Suede, placa ion propre fils fur ce tröne, le vit bientöt armé contre 1'auteur de fes jours, Pattaqua, le vainquit ék lui pardonna. Toujours avide de gloire ék de butin, il remonta fur fa flotte: 1'Angleterre, 1'Ecoflê ék 1'Irlande furent encore les théatres de fa fureur; il n'en partit, que lorfqu'il n'y trouva plus de proie a dévorer. II defcendir fur les cötes d'Efpagne, qu'il livra au pillage, pafla le Détroit, entra dans la Méditerranée, ravagea les ifles de PArchipel, ék porta le fer ék la flamme jufqu'aux portes de Conflantinople: il regagna PO-  DE DANNEMARCK, ékc. Liv. XXXII. Sect. III. 133 céan, & débarqua en Wande. Hella étoit remonté fur fon tröne. Regner, 3 enhardi par tant de fuccès, 1'attaqua avec confiance; mais il fut vaincu, & I tomba entre les mains de fon ennemi, qui le fit dévorer par des ferpens (lui- * vant 1'opinion la plus commune.^) Telle fut la fin de ce brigand, homme de ■. génie, homme de courage, qui feut vaincre ék chanter fes vicioires, qui brifa desfeeptres, renverfa des trönes, changea de fertiles contrées en dé- fens, fut redouté au Nord, a 1'Orient, au Midi, porta plufieurs Couronnes, ék ne méritoit qu'un échaffaud. (1) La mort de Regner fut vengée: fes fils defcendirent dans 1'Irlande, firent d'abord une feinte alliance avec Hella, qui eut 1'imprudence de leur céder quelque terrein, oü ils éleverent une forterefiè, ék creuferent un port, pour établir une communication avec le Dannemarck ; lorfqu'ils crurent leur flotte aflèz nombreufe, pour avoir 1'empire de ces mers, leur armée affez ? redoutable pour foutenir le choc de toutes les forces de Hella, ék leur ville naiflante aflèz fortifiée pour leur offrir une retraite füre, fi la fortune des armes leur étoit contraire , ils déclarerent la guerre a leur ennemi. Hella marcha contre eux, èk leur livra bataille: il fut vaincu ék rendit les armes. Le fupplice qu'ils lui firent éprouver fait frémir, èk a peine peut-il être juftifié par la vengeance qu'ils devoient aux mines de leur pere; cependant ce genre de torture n'étoit pas rare dans le Nord: c'étoit celui qu'on réfervoit aux grands fcélérats. lis le firent difiequer tout vivant, tellement que fon corps avoit la forme d'une aigle; c'eft ce qu'on appelloit, aquilam in dorfo delineare, ék on prétend que leur vengeance préféra ce chatiment, pour le punk d'avoir imploré 1'affiftance des Romains, qui portoient une aigle pour enfeigne. Ivvar demeura quelque temps en Wande; fes freres retournerent dans leur patrie. Siward fon fuccefieur regna avec beaucoup de douceur ék de tranquillité, fans envahir les poiïèflions de fes freres, fans être troublé par eux dans les fiennes: il réforma quelques abus, ne fit Ia guerre qu'aux vices, ék mourut regretté de fon peuple ék même de fes freres. (2) Siward laiflóit un fils en bas age: le fceptre lui fut arraché par Eric, Prince du lang Royal: cet ufurpateur exerca longtemps la piraterie, ék perfécuta p les Chrétiens; on fgak que 1'effet naturel de la perfécution, eft d'étendre ék de fortifier les opinions qu'elle veut détruire: 1'efprk humain fe roidit contre toute autorité tyrannique , èk fouvent, pour mortifier des maitres cruels qui veulent captiver la penfée, il adopte un fyftême, qu'il auroit rejetté, fi on 1'avoit laifie libre. On vit paroitre en Dannemarck Anfcaire (3), Archevêque de Brême, PApötrc de la Scandinavië, homme éloquent, charitable, modefte, èk qui, lorsqu'on lui parloit de la puifiance que le peuple lui attribuoit de faire des miracles, répondoit: „ fi le ciel m'accordoit cette „ puifiance, mon premier miracle feroit de devenir un homme de bien." II ofa fe préfenter a la cour d'Eric, non avec ce zele amer, ce ton rude èk audacieux qui oifenfe, mais avec cette douceur qui attire èk perfuade; il fit fentir au Roi, que 1'Evangile, apprenant aux peuples a fouffrir fans murmurer; cette religion, dont la nouveauté lui donnoit de 1'ombrage,étoit la plus favorable au maintien du pouvoir fuprême. L'ennemi des Chrétiens devint (O Voyez Mallet Hift. de Dannemarck. & fupr. p. 98. (2) Suaning. Pontau» Meurfms, Saxo. (3) Supr. Tom. 42. p. 405. R 3 ïig. de >armeïarck,e. Siècle ifqu'a 1147. Sa moru Elle efl engte. B50. Chrétiens '.rfécuté:.  Sect. llh Hift. de Dannemarck , 9e. Siècle jufqu'il Excurfions des Danois, 873. 889. —v^.,. tUia, uxus non pas aomptes. L-es ditterentes parties du Danne- ' CO Flor. Dan. — Pontan. Hift. Dan. m HISTOIRE DU ROYAUME leur ;protectcun il recut le baptême & autorifa par un édit folemnel la deftruébon des idoies & 1 établiflement de 1'Evangile. Tandis qu'il s'occupoit de ces foins rehgieux & politiques, Guttorm fon neveu leve 1'étendard de la révolte: une partie de la nation fe range fous fes enfeignes, 1'autre embrafle la défenfe de fon Roi. On en vint aux mains; Eric, Guttorm, & tous les autres Princes Danois, a la réferve du jeune Eric fils de Siward, périrent les armes a la mam: celui-ci, après avoir, dans fon enfance, fouillé du fang chrctien fes mains dirigées par de crueis miniftres, devint Chrétien lui-même , des qu il fut fon makre. Sous fon Regne, les Danois s'embarquerent fous la conduite de Roric, d'Ordwig, de Godefroi, de Radulf, d'Hebbon, dlward, & de plufieurs autres chefs avides de butin, de fang & de gloire' ces excurfions de brigands, qui d'abord n'avoient d'autre but que le pillage, devmrent bientöt des expéditions combinées par des conquérans auffi habiles quambitieux. Iwar a la tête de fes troupes vieforieufes, voulut s'emparer de Ia Couronne d'Angleterre; mais après avoir triomphé dans une bataille rangee, il fut vaincu dans une embufcade, & ne furvécut point a fa défaite: fa mort n'effraya point d'autres Capitaines Danois, qui tenterent comme lui, daffervir les Bretons, tandis que Hadding, plus audacieux, pafloit e Détroit dc Gibraltar, portoit la terreur dans la Méditerranée, remontoir le llhone, franchiflbit les Alpes, defcendoit dans 1'Italie, & menacoit d entrer dans la capitale du monde, & de mettre la couronne impériale fur la tete d un Prince Norvégien. Chalfé d'Italie, il alla venger fa défaite fur les f raneois, sempara de Chartres & ne reparut dans le Nord, qu'après la mort dEnc. Canut qui lui fuccéda, Prince foible & fuperftkieux, ne laifia apres lui que le fouvenir de fes vices. ■ Frothon qui monta fur le tröne après lui, (i)protégea la Religion Chrétienne, que fon pere avoit tolérée avec peine: il prit le titre de Roi d'Angleterre & conferva les conquêtes que iès prédéceflèurs avoient faites dans cette ifle. La Religion avoit adbuci les mceurs des peuples; mais elle n'avoit point repnmé 1'ambition de leurs maitres. Dieu tient, fans doute, les cceurs des kois dans fa main; mais il leur plak rarement de les lui laiflèr changer èk il en eft peu, même parmi les plus pieux, qui n'aient été ufurpateurs' toutes les fois qu'ils ont pu j'être fans danger ék fans beaucoup d'efforts. On' en a vu, il eft vraifmême dans des temps moins reculés, confulter dés cafuiftes, avant d'entreprendre une invafion, ék les prendre pour arbitres de Ia iuftice ou de 1'iniquité de leurs prétentions: mais la morale de ces courtifans théologiens fe conforme toujours aux intéréts ou aux paflions du Prince: ék :out 1'effet que produit le réfultat de leurs conférences, c'eft de procurer' un Mlhatif a 1'ufurpateur contre les reproches de fa confeience, ék de lui faire :roire qu'il eft bien avec le Ciel, quoique il foit mal avec lui-même. Gormon, plus fage que tous ces Princes, qui alloient chercher au loin Ia ?loire, les périls, les richeflès, la mort ék le furnom de brigand, aima nieux etendre fon empire dans les contrées voifines, que d'aller loin de fa' jatne attaquer de fiers infulaires, amoureux de leur liberté, qu'on avoit  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. III. fc< raarck ék les ifles adjacenr.es étoient encore gouvernées par différens Duc: les uns indépendans, ék les autres s'efforcans dé le devenir. Gormon, force de courage, de patience ék de génie, réunit fous fes feules Joix i vafte corps de cette Monarchie démembréc. Tandis qu'il étudioit l'art c fubjuguer les peuples, la Reine Thira, fon époulè, étudioit celui de h iromper; elle expliquoit les fonges & rendoit des oracles: ce vil métier, qu des miférables ont depuis profeflë pour du pain, les Reines du Nord le pre feffbient alors pour fe rendre plus refpcétables au peuple: envain la Religio condamnoit ces chimères;elle avoit extirpé quelques vices, mais les préjugi étoient plus difficiles a détruire; ék 1'homme eft plus attaché a ce qu'il croil qu'a ce qu'il aime. Harald, fuccefieur de Gormon , eut toujours les armes a la main. So pere avoit rendu la Monarchie floriflante; celui-ci la rendit redoutable. L Norvege conquife, plufieurs viétoires remportées fur les Francois, Riclm rétabli dans fon Duché de Normandie, apprirent a l'Europe étonnée, qt le Nord pouvoit lui donner des maitres dans l'art de la guerre. Sa convê fion a la Religion Chrétienne n'adoucit point la férocité de fon caraétere; fit la guerre a fon propre fils, ék mourut de la main du perfide Parnatoïk qui ne cherchoit a placer le jeune Prince fur le tröne que pour regner foi fon nom. Ce fut fous le regne de Harald, felon quelques hiftoriens, qu les Danois éleverent le fameux retranchement de Dannevirk, pour défendr leur patrie contre les incurfions des Germains: cet ouvrage, moins étendu moins prodigieux que la fameufe muraille de la Chine, n'étoit pas moins im portant au falut de 1'Etat. Suénon, placé fur le tröne par un crime, dor il étoit complice, chercha a étouffer par le bruit des armes les cris de 1 confeience: il conquit la Norvege, pafla en Angletefre, y reparut plufieur fois, tantöc vaincu, tantöt vainqueur; enfin il vendit cher au Roi Breto; une paix qu'il viola dès qu'elle fut fignée; il méprifa aflèz fon ennemi, pou ne plus diflimuler le projet qu'il avoit formé de s'emparer de tous fes Etats ce malheureux Prince prodigua les foumiffions & les préfents a 1'ufurpateur Suénon recut ion or ék fes hommages ék lui arracha fa couronne: cependan fa fortune (è démentit; il fut contrahit de lever le fiege de Londres: il pé nétra en Ecofiè; mais comme la plus grande partie de la n.ition Bretonnt refufa conftamment de le reconnoitre, il ne fut point Roi dans cette contrée , mais feulement chef d'une faélion. Cette manie des expéditions étrangeres fe tranfmit de pere en fils dans la maifon Royale, ék tourmenta longtemps les maitre- ék les fujets: mais, tandis que la portion du peuple la plus avide de gloire ék de richeflès, fuivoit fon Hoi dans d'autres climats, la portion la plus fenfée ék la plus tranquille s'ennuyoit de vivre fans maitre, fans défenfe ék fans loix; ék quelquefois un conquérant qui avoit ravagé le refte de l'Europe, conquis des provinces, bridé des villes, battu de- flottes, ék qui revenoit chargé des dépouilles de 1'Angleterre, de la France ék de 1'Efpagne, trouvoit a fon retour un autre Prince placé fur le tröne qu'il avoit imprudemment abandonné. On vit, fous le regne de Canut 11, qui mérita, ou du moins qui obtint le fumom de Grand, un trifte exemple de cette inconitance des Danois, trop juftifiée par celle de leurs maitres, qui fe plaifoient a changer de patrie. II avoit fuivi 5 [•> Hifi. de a Dan'nëe marek, 9-'- Siècle l jufqu'a 'S 1147. 1 - SuperJïU tl tion. :s n 92^. a d Succès de q Harald. il , oio, s e t a s Guerre des l Danois ej^ j. Anglet'erre. ■ 1014.  Sect. III. Hift. de Dannemarck , 9e. Siècle jufqu'a _j HlLes Danois viéconteiiS de l'ahjence de Canut. Révolution en Norvege Mort d'Olaus. 136 HISTOIRE DU ROYAUME fon pere en Angleterre & s'étoit fait admirer dans le confeil & dans les combats. Pendant leur abfence le jeune Harald, frere de Canut, tenoit les rênes du gouvernement. Après la mort de Suénon, Ethelred rappellé par les Anglois vint difputer fa couronne au fils de 1'ufurpateur. Les Danois, indignés de Pabandon oü les laifibit leur maitre, alloient en choifir un autre. Canut fe voyoit expofé a perdre deux couronnes; il voulut conferver du moins celle que lui donnoit fa naiflance; il partit, & fe rn.Qnr.ra a fes fujets: tout rentra dans le devoir; le calme fut rétabli. Mais le nouveau Roi tourna bientöt fes regards vers l'ifle qu'il avoit abandonnée: il laifia aux Danois un fantöme de Roi; c'étoit Canut Horda, fon fils: la régence fut confiée a Ulfon, beau-frere de Canut, Prince ambitieux, profond dans Part de feindre, fcavant dans celui de la guerre, peu fcrupuleux fur les moyens de s'élever. II fouleva la nation, (1) 1'engagea a ne plus reconnoitre un Prince qui lui préféroit.des étrangers indociles, ék plafa la couronne fur la tête de fon pupilie, inexcufable de Pavoir acceptée, paree qu'il n'efl: point d'age auquel on puifle préfenter, comme une aftion légitime, 1'attentat de dépouiller fon pere. Cependant Canut fubjuguoit 1'Angleterre, diffipoit le parti d'Edmond, ék accabloit le peuple d'impöts pour le punir ck récompenfer les Danois compagnons de fes travaux (2): il n'ignoroit pas la révolution qui s'étoit faite en Dannemarck; cependant, au lieu d'aller chatier fes rebelles fujets, il médita de nouvelles conquêtes. Une partie de la Norvege relevoit encore de la Couronne de Dannemarck: mais les Norvégiens voyant Canut occupé en Angleterre, imiterent 1'inconftance des Danois, ék couronnerent Olaus, Prince du fang des anciens Rois. Celui-ci ne fe contenta pas du fceptre qu'on remettoit dans fes mains; fecouru par les Suédois, il defcendit en Séelande, pafla dans la Scanie ék foumit ces provinces. Tout a coup Canut paroit avec fa flotte ék fon armée viftorieufe. Ulfon expire fous des coups de poignard: Canut tombe aux pieds de fon pere, qui lui pardonne: les Danois recoivent avec des cris d'allégrefiè le Roi qu'ils ont profcrit; on fe range en foule fous fes enfeignes, on va chercher Olaus dans la Scanie: la bataille fe donne: les Danois lont vaincus; mais une défaite ne fuffifoit pas pour abattre le courage de Canut, ce n'étoit pour lui qu'un nouveau motif de haine ék de vengeance; il rafièmbla fes troupes fugitives, tailla en pieces l'armée d'Olaus, foumit toute la Norvege, donna cette couronne a fon fils, laifia un gouverneur dans fa conquête ék revint en Dannemarck. Olaus avoit trouvé un afyle en Ruflie; on prétend que ce nouveau Chrétien y faifoit des miracles, tandis qu'on lui enlevoit fes Etats: un parti aflèz puiflant le rappella; il fut proclamé de nouveau. Canut ne le laifia pas tranquille fur fon tröne; la guerre fe ralluma: il y avoit dans l'armée d'Olaus un grand nombre de payens; il les chafla de fon camp, croyant par cette aftion fe rendre propice le Dieu des batailles: il fut vaincu èk ne furvécut point a fa défaite: les hiftoriens eccléfiaftiques racontent fa mort autrement. (3) Nous avons déja dit que le Nord étoit plein de magiciens, ou du moins de gens qui croyoient 1'être. C'eft une faute de fe tromper foi - même, ék de ne pas faire ufage de fa raifon; c'eft un crime de tromper lés autres; èk ces CO Pontanus Hift. Dan. (e) Ilume Hift. d'Angl. (3) Hift. Eccl. de Fleury.  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. III. 13; ces prétendus magiciens, ou dupes, ou fourbes, méritoient d'être punis au moins par la honte & le' ridicule. Olaus fut plus févere; il iic périr tous les magiciens , & toutes les magiciennes que la foiblellè èk la crédulité de leur fexe rendoit plus excufables : elles étoient la plupart d'une 'naiffance illuftre: leurs époux les vengerent ; c'étoient eux qui avoient ouvert a Canut 1'entrée de la Norvege. Lorfqu'Olaus fit remonté fur le tröne, la perfécution recommenca; les magiciens furent livrés aux mains des bourreaux, dont leur art ne les délivra pas. Ceux qui échapperent a cette inquifition, dit 1'abbé Fleury, firent mourir fecrettement Olaus, tant pour venger les autres que pour plaire au Roi Canut. En conféquenee; Olaus fut placé au nombre des martyrs. Pontanus prétend qu'il mourut des bleiïures qu'il avoit recues dans le dernier combat. II 1'honore auffi du titre de martyr, fans doute paree qu'une partie de l'armée viétoricufe étoit payenne. Canut ne Pétoit pas; quoiqu'ufurpateur & brigand, il affecfoit la plus haute piété: le conquérant de la Norvege èk de 1'Angleterre devint le bienfaiteur, èk, peu s'en faut, le courtifan de< moines. Un capuchon étoit a fes yeux auffi refpeétable qu'une couronne: les confeils des cénobites étoient pour lui des oracles; une partie du produit des impöts alloit s'engloutir dans les monafteres: les terres, qui auroient dü être le prix de la valeur du guerrier, ou des fervices de 1'homme d'état, furent diflribuées aux religieux; des hommes qui avoient fait vceu de pauvreté & d'humilité nagerent dans Pabondance , ék furent comblés d'honneurs. Canut , enfin, alla a Rome en pélerinage, répandit les richeflès du Nord en Italië, ék en rapporta des indulgences: il retourna en Angleterre, oü il mourut dans les bras des prêtres ék des moines, qu'il avoit enrichis, aux dépends de fes peuples, qu'il avoit minés par fes profufions, autant que par fes guerres. La piété de Canut ne peut juftifier le furnom de Grand qu'on lui a donné; ce n'étoit qu'une dévotion minutieufe, févere fur quelques pratiques religieufes, indulgente fur les grands crimes: Pamour de la juftice doit être la bafe de la piété: on ne rachete point des ufurpations par des macérations ék des aumönes. Envain Canut, de fes mains triomphantes, élevoit des temples a PEternel dans des lieux qu'il avoit inondés de fang ék envahis injuftement: envain il prodiguoit aux miniftres de la religion, cet or, le fruit du travail du pauvre, qu'on ne peut lui arrachcr que pour la défenfe de 1'Etat: toutes ces largefles, tant célébrées par ceux qui les recurent, font des larcins aux yeux de 1'homme qui penfe. Durefte, Canut étoit intrépide dans le danger, aétif, infatigable: il eut tous les talens d'un guerrier, mais il n'eut point les vertus d'un héros, fi ce n'eft la modeftie, car les flatteurs lui étoient odieux. „ Canut, dit „ M. Hume, (1) le plus grand ék le plus puiflant des Princes de fon temps, „ Roi de Dannemarck, de Norvege ék d'Angleterre, ne pouvoit manquer „ d'obtenir le tribut d'adulation que les courtifans paient aux Princes même „ les plus médiocres ék les plus foibles. Un de ces flatteurs parlant un jour „ avec emphafe de la grandeur de ce Monarque, s'écria que rien ne lui de„ voit être impojjible. On rapporte que Canut a ces mots fe fit conduire „ fur le bord de la mer, ék, dans k moment du reflux, Iorfque- les eaux (O Hift. d'Angl. Tom. 1. Tome XLIIL S Hift. de Dannemarck . oe. Siècle jufqu'a 1147. 102S. Canut enrichit le clergé.  138 HISTOIRE DU ROYAUME „ montoient, il leur ordonna de fe retirer & d'obéir Èi la voix du maitre dé ii locéan: (i) il feignit enfuite d'attendre quelque temps cette marqué de „ leur foumiihon.; mais, Iorfque les vagues continucrent de s'avancer vers „ lui, & commencerent même a le mouiller, il fe retourna du cöté de fes „ courtifans & leur rit remarquer que toutes les créatures de 1'univers étoient „ foibles & dependantes; que la puifiance fuprême réfidoit dans un feul Etre „ qui tenoit tous les élémens dans fes mains, qui pouvoit dire a l'océan: va „ jujques-la, & pas plus loin, & qui d'un fimple iigne de tête renverfoit „ dans la pouffiere tous les monumens de 1'orgueil & de 1'ambition des „ hommes. Canut n'avoit regné pendant longtemps en Angleterre que fur la moitië de ce Royaume: il avoit été forcé de céder 1'autre moitié a Edmond; celui-ci regnoit au midi de la Tamife, 1'autre fur la partie feptentrionale de l'Angleterre. On prétend, qu'avant d'en venir a ce partage, les deux Rois s'étoient battus en préfence de leurs armées, que ce duel avoit tenu longtemps les elpnts en fufpens, que les deux champions, montrant une force & une adrefle egales, tous deux aufli habiles dans la défenfe que dans 1'attaque, renoncant enfin alefpoir de ségorger, avoient pris le parti plus fage de s'embraflèr fur le champ de bataille. Après la mort d'Edmond qui laiflbit deux fils & deux freres le pieux Canut confulta les Seigneurs & furtout le Clergé: il les fit arbitres de fes prétentions, mais en achetant les fuffrages des uns par fes largeflès, forcant ceux des autres par fon autorité, il fut enfin reconnti Roi de toute 1 Angleterre, & les légitimes héritiers furent chafies de leur patrimonie. On raconte que dans 1'afiemblée des grands, Canut dit qu'il ne fe. fouvenoit pas, fi, dans le traité de parage, on avoit réglé quel feroit le fuccefieur dEdmond, qu il prioit les Seigneurs qui avoient affifté a cette conference déclaircir fes doutes:. foit crainte, foit fiatterie, ou plutót 1'une & 1 autre, ils dirent, que d'après la convention d'Alnei, le fceptre d'Edmond devoit paffer dans les mains de Canut, quoique le contraire fut indubitable: cependant, comme il n'avoit encore que deux fils naturels, redoutant pour fa pofténté les droits inconteftables de celle d'Edmond, il époufa Emme, veuve d'Ethelrcd. C'eft de ce mariagc que naquit Canut III, qur d après les conditions expreflès de cette alliance devoit fuccéder au tröne d'Angleterre: mais, craignant que 1'humeur indocile des Anglois, & la jufte ambition des fils d'Edmond ne triomphaflent de la foibleflè- d'un Prince jeune & fans expérience, Canut H changea fes difpofitions avant de mourir & laifia la couronne d'Angleterre a Harald. Ce Prince (a) ne fut pas longtemps tranquille fur le tróne. Canut III avoit moms de talens que fon pere, mais il n'avoit pas moins d'ambition; il vint a la tête d'une armée difputer la couronne au nouveau Roi: mais incertam, lent, inacïif, il délibéroit, obfervoit, confultoit, tandis que fon concurrent affermiflbit fon empire, contenoit fes provinces, & tenoit tous ces-' fiers Bretons enchainés a fes pieds: il fallut renoncer a 1'efpoir d'ufurper le fceptre fur cet ufurpateur. Harald fut bientöt odieux aux Anglois; plus jaloux de fe faire craindre que de fe faire aimer, & d'avoir des fujets dociles que (OM. Hums, quoiqu'Anglois, ne rouvok pas mieux tourner en ridicule cet empire des Mers que 1 Angleterre s'attnbue. Pontamw. — Meurfius Elor. Dan, Sect. IH Mijl. de Dannemarck , $e. Sied< jufqu'a JH7- Teftament de Canut.  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. III. 13e. Stede ufqu'a ii47. Tyrannie \e Harald: 'a mort. 1039. Fin de lm Domination Danuife en ingiet ern. 1042. La cBuron- \e de D.mxemarekmffe fur In ête de Magnus. °rétentions ie Suénon, ■ l Ses défai- tes : fa fu\tef  Sect. III. Hifi. de Dannemarck , pe. Siècle jufqa'a "47- Mort de Magnus. 1048. 1049. Guerre entre les Nor. uégiens fjf les Danois. 105c* Paix avantageufc a Suénon , malgré Ja défaite. 140 HISTOIRE DU ROYAUME de reflources, erra d'afyle en afyle, toujours pourfuivi par Magnus & fe fixa enfin en Suede. Les Vandales s'étoient foulevés a la faveur de ces troub!es; ils ravageoient le Dannemarck, & les Danois appelloient a grands cris le vainqueur de Suénon: il revint, ék aima mieux fecourir fes fujets, que d'alfouvir fa vengeance fur-un fugitif, qui pouvoit lui échapper encore. II joignit les Vandales dans le Duché de Sieswigh, Iorfque chargés de dépouilles ils retournoient dans leur patrie: il les tailla en pieces; quinze mille de ces brigands demeurerent fur le champ de bataille. Cette viétoire affermic 1'autorité de Magnus, ék réunit en fa faveur les vceux partagés jufqu'alors entre Suénon ck lui. On lui décerna le furnom de Bon, qui ne lui fut pas fans doute confirmé par les Vandales: il fe préparoit a attaquer Suénon dans fa retraite, Iorfque la mort le frappa; les uns prétendent qu'il fe noya en paffant d'un vaiifeau a un autre; d'autres veulent, qu'un lievre ayant effrayé fon cheval, ce Prince tomba fur un tronc d'arbre ék y expira: il avoit regné fix ans avec gloire. On avoit adoré Magnus, mais on avoit plaint Suénon; ék Iorfque fon concurrent fut dans la tombe, toute 1'affeétion du peuple pour le Prince fugitif fe réveilla: il fut rappellé ék couronne. II eut cependant encore un nval acombattre, c'étoit Harald, Roi de Norvege, frere d'Olaus ék oncle de Magnus. Le Juthland fut le premier théatre de la guerre, ou plutöt de tous les crimes. Les Norvégiens, honteux d'avoir été fi longtemps tributaires des Danois, ne refpiroient que vengeance contre leurs anciens maitres: la foiblefie de 1 age ou du fexe ne fauva de leur fureur ni les vieillards, ni les femmes, ni les enfans. L'année fuivante, d'autres provinces éprouve-rent les mêmes ravages. Suénon fomma Harald dc fe trouver a 1'embouchure du fleuve Gothelbe avec toute fa flotte; une bataille générale devoit décider a qui appartiendroit la couronne: le fier Norvégien fe trouva au rendez-vous: mais les Danois retenus dans leurs ports ou par les vents, ou par la terreur, laifferent 1'ennemi maitre du champ de bataille. Les Norvégiens defcendirent, pénétrerent le fer ék la flamme a la main jufqu'a Sieswigh. On avoit i-aflemblé dans cette ville, qu'on croyoit inexpugnable, toutes les richeflès de la province: les Norvégiens y entrerent, I'inonderent du fang de fes habitans, la livrerent aux flammes, ék partirent, chargés de tous les tréfors qu'on y avoit accumulés. Suénon fortit enfin de fa léthargie; il pourfuivit les Norvégiens, ék ne put les atteindre: mais la campagne fuivante fut mémorable par une des plus fanglantes batailles navales, qui fe foient données dans les mers du Nord. Suénon avoit un plus grand nombre de vaiflèaux; mais ceux de Harald étoient plus grands ék manoeuvroient mieux: les Danois furent vaincus. Les débris de leur flotte fe raflèmblerent dans les ports de Séelande. Cependant on avoit verfé fans fruit beaucoup de fang, ék cette bataille étoit fi peu décifive, que le vainqueur fut contraint d'accorder la paix a fon ennemi ék de lui laiffer fa couronne. Suénon fe flatta alors de Pefpoir d'un regne paifible: il fe trompoit. Jufqu'alors il n'avoit eu que des concubines, èk ne s'étoit pas mê» me montré fort délicat dans le choix: on Pengagea a fe marier. II époufa Gutha, fille du Roi de Suede ék fa parente. Les Prélats enrichis par lesRois, maitres de plufieurs forterefies, foutenus par la Cour de Rome,, ék  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. III. 141 par rEmpire, s'armoient déja contre leurs Souverains des bienfaits, dont ils les avoient comblés. Guillautne Evêque de Rothfchild traita d'inceftc une alliance entre des parens au quatricme degré, concilie pour lc bonheur dc 1'Etat. Adalbert Archevêque de Brême excommunia le Roi ék la Reine, ék le mariage fut diffous: la foumiflion du Prince enhardit les Evêques. Suénon étoit violent èk terrible dans fa colere: des courtifans Payant infulté dans 1'églife de Rothfchild, au lieu de les livrer au glaive des loix, il les fit égorger dans le temple même. Peu de temps après, Suénon fe préfenta a la porte de 1'églife: PEvêquc courut a lui, lui donna dans la poitrine un coup de fa crofiè paftorale, en criant: „ arrête, bourreau! 1'entrée de ce „ temple t'êft interdite." Suénon fit une pénitence publique,. èk fe réconcilia avec 1'Evêque, comme avec 1'églife. La vengeance qu'il avoit tirée de Pinfolence des courtifans, étoit injulle, puifqu'elle n'étoit point légale: mais on ne fcait quel eft le plus étonnant, ou d'un fujet, qui ofe frapper fon Roi,, ou de ce Roi qui rend fa faveur a celui qui Pa frappé. II y avoit a peine deux fiecles que le Dannemarck étoit Chrétien; ék tels étoient déja la puiffance des Prélats èk Pabus qu'ils en faifoient; telle étoit aufli la foiblefle des Rois, que ce Suénon qui avoit été infulté par des Evêques, fonda plufieurs Evêchés ék enrichit ceux qui étoient déja fondés. Le Chriftianifme n'avoit pas fait de fi grands progrès parmi les Vandales. Ils firent périr Gothefcalc leur Duc, protecfeur de 1'Evangile èk dont le zele dégéneroit fouvent en cruauté. Les idoles reparurent fur leurs autels. Cette révolution en entraina une autre: les Vandales fecouerent le joug des Danois , ék renoncerent a leur Roi, comme a leur Dieu. Le Holftein, la Stormarie, le Sieswigh furent ravagés par ces barbares. Les habitans appellerent envain Suénon a leur fecours: ce Prince, uniquement occupé des affaires du ciel, ne fe mêloit plus de celles de ce monde. Son palais étoit une efpece de monaftere, rempli de prélats ék de religieus, oü Pon chantoit 1'office au lieu d'aflèmbler le confeil, oü le produit des impöts fe diftribuoit au clergé, oü des direéteurs de confeience rempliflbient les places des Miniftres d'Etat èk des Généraux. On y donnoit aufli quelques heures a 1'étude des belles lettres, telles qu'on pouvoit alors les connoitre dans le Dannemarck. Suénon protégeoit les fcavans, les admettoit a fa table; èk ces fcavans étoient tous ou des moines ou des prélats. (i) La théologie étoit la feule fcience dont ils occupoient le Monarque; on n'entendoit plus le palais retentir de ces hymnes guerriers, oü des héros poëtes célébroient leurs exploits. Suénon prioit po,ur fon peuple, au lieu de le défendre contre les Vandales. Ce même Prince, qui laiflbit fes fujets fans défenfeurs, fans fecours, fut encore poffédé de la manie des conquêtes: une facYion 1'appella en Angleterre , oü Pon étoit las du gouvernement de Guillaume: il y envoya une flotte fous la conduite de fes deux fils Harald èk Canut ék de 1'Amiral Osbern. Les Danois defcendirent, la ville d'York fut livrée aux flammes, le Northumberland fut conquis. Les vainqueurs marchoient k Londres; èk tout (i) L'un d'eux étoit fi ignorant, lorrqu'on lui mit la mitre fur la tête, qu'au lieu de ces mots Deus famulum fuum prottgat, on lui fit lire ceux-ci Deus mulum fuum protsgat, q,a'ü prononca ingénument & a hwte voix. VIL Pontan. £f Saxon* S 3 gift. de Dannemarck , 9e. Siècle jufqu'a 1147. Puijfancedu Clergé Dxnois. Revolte des Vandales z ina&inn de Suénon, ro6f?._ Tentative fur 1'Angleterre.  14* HISTOIRE DU R O Y A U M E Sect. II Bijt. de DanneKarck,oe. Siec jufqu'a 1147. IQ/O. Mort tl Suénon. JP74- Jnterregr. Harald f ptefacajo fiere. 3070. Caiüit L /ai Juccedi . trembloit dans cette capitale. Guillaume aima raieux corrompre fon ennemi que-de le combattre: fes préfents arrcterent Osbern, qui remonta fur fes vaiflèaux èk retourna en Dannemarck: il en fut chafle comme un traitre. Stiée non s'arracha enfin des bras des évëques & des moines, fe mit a la tête de fon armee & voulut venger fa honte; mais fon expédition en Angleterre fe borna a quelques brigandages: il n'en rapporta que des dépouilles, dont la mer engloutit une partie. -Canut fon fils, plus heureux, réprima la révolte des Sembesèk des Eilons. On tint un concile, oü lc haut -clergé réforma fes inférieurs, ék .ne fongca point a fe réfermer lui-même. On y paria de plufieurs abus; mais on oublia celui qui placoit les Evêques fur la même Iigne que les Rois, ék même au-deftus dans certaines occafions. Suénon vicillifloit fans gloire ék fims occupation: il voulut du moins prévenir les , troubles qui pouvoient naitrc après fa mort: il choifit pour fon fuccefieur, Harald fon fils naturel, ék ffatua qu'a 1'avcnir l'ordre de la naiflance régleroit -toujours celui de la fucceffiön: enfin il mourut cn 1074. Les hiftoriens ont répété tous les éloges dont la reconnoifiance des prêtres aeomblésce Prince: ■mais quand on Ie voit, oifif pendant 1'irrupxion des Vandales, brigand en Angleterre, .tremblant devant des -Prélats -fes fujets., .donnant a des pratiques minutieufes le temps qu'il devoit aux affaires, on .eft forcé de rejetter ces louanges, au nombre des flatteries, dont les palais rérentifiènt toujours. e. Les dernicres volontés de Suénon furent peu refpecfées: fon choix ék le droit de la naiflance appelloient Harald au tröne; mais cc Prince étoit foible, taciturne, mélancolique, fans fermeté dans le confeil, fans talens pour la guerre. Une faétion nombreufe votoit pour Canut, Pappui de la patrie,, fidole des foldats, égalcmcnt chéri des Danois ék redouté de leurs ennemis. La vertu, difoit-on, doit 1'emporter fur un droit d'aineflè, préfent du -hazard; principe dangereux, paree qu'il eft prefque toujours mal interprêté, èk que chaque parti voit toujours dans fon chef les vertus qu'il refufè au chef du parti contraire. Heureufement on ne prit point les armes: on indiqua une aficmblée des Etats généraux; ék le tróne demeura vacant, jufqu'a ce que cette afiemblée eut prononcé entre les deux rivaux. Les fuffrages fe 2 réunirent en faveur de Harald. Canut alla cacher fon dépit en Suede. 1 Le regne de fon frere ne fut pas long; 1'abolition momentanée de 1'épreuve par le feu èk du duel fut Pépoque la plus belle de fon gouvernement. Cet u'age barbare, conforme aux préjugés d'un peuple fuperftitieux èk guerrier, fut rétabli peu de temps après la mort de ce Prince, qui n'emporta dans la tombe que le fumom de Simpte.. 7 Canut IV fortit alors de fon afyle, ék fut procfcmé par tous les grands du Royaume. Son premier foin fut .de réprimer les nouvelles révoltes des Sembes; il les foumit, ék revint unir fa main viétorieufe h celle d'Ethele, fille de Robert, Comte de Flandres. Les loix étoient fans vigueur; les mceurs -étoient coriempues^ la force étoit érigée en droit.; tout homme puiflant de- (0 On luj envoya nn héraut chargé de lui dire: qtfon imïru-' \snte généolite povr'f D'.aus. -  144 HISTOIRE DU ROYAUME Sect. III. Hift. de Dannemarck , 5>e. Siècle jufqn'g il 47- Celui-ci ej, arrêté, & conduit en Flandre. Perfidie dt Blac. Canut eji ajjajjinê. vents étoient favorablcs; les Anglois avertis de cet armement trembloient déja dans leurs foyers; Guillaume même étoit inquiet. Canut appelloit envain fon frere: enfin il foupconne fa perfidie, ordonne a l'armée de 1'attendre, court a Sieswigh, reproche a Olaus fa lacheté, ék ordonne a un foldat de le charger de chaines. Le fatellite n'ofa porter fes mains fur le frere de fon Roi. Mais Eric, autre frere de Canut, qui 1'accompagnoit, faifit le coupable. On 1'envoya a Robert, Comte de Flandres, qui fut chargé de la garde de cet important prifonnier. Les ennemis de Canut, qui trembloient pour eux-mêmes, perfuaderent aux foldats ék aux matelots qu'on avoit manqué 1'inftant du fuccès, que les vivres étoient épuifés; que les conduire en Angleterre, c'étoit les mener a la mort. Auffitót l'armée fe licencie d'ellemême ; la flotte fe difperfe. Canut fait punir les auteurs du défordre, indique 1111 fecond rendez-vous: mais la nation s'écrie, qu'elle n'ira point porter fes armes en Angleterre, fi 1'on n'abolit la dixme accordée au clergé. Canut indigné ordonne qu'on faififie les biens de ceux qui refufent la dixme: il confie 1'exécution de fon édit a deux hommes odieux a la nation, dont l'un fut furnommé le Concujjionnaire. Tous deux furent les viétimes de la fureur du peuple. Canut s'enfuit d'abord a Sieswigh, oü il avoit laifle fon époufe ék fon fils: il leur ordonna de fe retirer en Flandres, tandis qu'il appaiferoit la fédition. La Reine partit avec le jeune Charles; mais Canut pourfuivi par les rebelles, s'enfuit en Fionie. II lui reftoit peu d'amis, ék le clergé,^qu'il avoit tant enrichi, ne lui prêtoit que de foibles fecours. Canut s'étoit arrêté dans un lieu prefque défert, oü une pierre longtemps confervée par la vénération publique, lui tint lieu ék de fiege èk de tróne. • On vint lui annoncer que les rebelles s'avancoient: il pouvoit leur échapper encore; mais le perfide Blac, homme puiflant par fa naiflance èk fes richeffes, èk qui avoit ju ré la perte" de fon Souverain, lui promit de fe montrer aux féditieux èk de les faire rentrer dans le devoir: il partit en effet, ék revint prefque auffitót, aflurant que les rebelles étoient prêts a mettre bas les armes, qu'ils ne demandoient qu'une amniftie générale; que la crainte feule du chatiment les empêchoit de venir fe profterner aux pieds de leur Roi. Canut céda a la néceffité ék a fon penchant naturel pour la clémence: il renvoya le traitre, ék lui dit de promettre aux féditieux, qu'aucun d'eux n'éprouveroit fa vengeance, qu'il les recevroit comme un pere recoit des enfans égarés, que le repentir lui ramene. Blac, au contraire, les anime a fe délivrer d'un tyran, efclave du clergé, qui prodigue a des prêtres le fang èk les fueurs de fon peuple. Ils le fuivent; il leur montre le chemin du crime; il leur marqué la place oü ils doivent frapper. Canut fe retire dans 1'églife de Saint Alban a Odenfée: Benoït ion frere, fidele compagnon de fes malheurs, s'arrête a la porte de 1'églife 1'épée a la main, foutienr le choc des rebelles, en étend un grand ncmbre a fes pieds. Les cadavres ferment la porte de 1'églife, ék fervent de retranchement a ce géncreux Prince. Déja les rebelles déiëfperent de faifir leur proie. Un député fe préiénte, èk demande a parler a Canut au nom de fes fujets. Bcnoit loupconne que c'eft un traitre; il le repoufle. Canut veut'qu'on 1'introduife, èk ce député 1'égorgc aux pieds des autels. Benoït veut du moins venger fon frere, n'ayant pu le délendre: il iè précipite au milieu des aflaflins, en immole plufieurs, èk torn-  DE DANNEMARCK, èkc. Liv. XXXII. Sect. III. H tombe lui-même, prés du cadavre fanglant de fon Roi, viétime dé 1'amiti •fraternelle. Le clergé prétendit que Canut étoit viétime de la religion, b peuple qu'il étoit celle du clergé. L'Eglife ne fut point ingrate; elle lui dé cerna les honneurs de 1'apothéofe. Ce qu'il y a de certain, c'eft que fi limort de Canut eft d'un iaint, celle de Benoit eft d'un héros, & qu'il méritoit bien qu'on lui ouvrit aufli les portes du ciel. On vit encore un autre prodigc d'amitié fraternelle. Olaus étoit prifonniei cn Flandres, &, fi fa conlpiration n'effacoit pas les droits de fa naiflance, 'c'étoit a lui qu'appartenoit la couronne. Nicolas, fon frere, qui pouvoit la lui enlever, alla en Flandres, ék fe fit fon ötage , jufqu'a ce qu'il eut payé fa rancon: elle le fut, dès qu'Olaus menta fur le tróne. Le procédé de Nicolas n'eft pas moins louable que la fidélité de Benoit; ék tous deux font d'autant plus eftimables, que, dans le Nord, les Rois n'avoient pas de plus grands ennemis que leurs freres. Une famine affreufe défola le Dannemarck; la terre fe refufa aux travaux du cultivateur; de longucs féchérefies, fuivies de pluies trop abondantes, détruifirent la foible efpérance du iaboureur. On fe difputa les plus vils alimens; le riche fut réduit a 1'indigence, ék le pauvre expira de faim. Le Roi fut contraint d'enlever a fon peuple le peu de grains qui lui reftoit, pour nourrir fes foldats. Le clergé ne manqua pas de dire, que le ciel avoit frappé la terre de ftérilité, pour venger la mort de Canut, ck furtout pour punir les Danois d'avoir refufé la dixme a fes pafteurs: mais le clergé lui-même éprouvoit le fléau, ék fon indigence étoit une objec•tion contre fes conjecfures. On ne fit rien de mémorable, tant qu'Olaus vécut: il eft étonnant qu'une nation de pirates,qui lors même que 1'abondance regnoit dans fa patrie, alloit enlever des richeflès fur d'autres bords, n'ait pas entrepris quelque expédition pendant cette affreufe famine, ék cherché fa fubfiftance a la pointe de d'épée. On s'entre-égorgeoit pour des racines, ou pour des cadavres. On compta plufieurs milliers d'hommes qui perdirent la vie ou par la faim, ou par le fer, en difputant leur proie. Le befoin fe fit fentir même dans le palais d'Olaus; le Prince mourut au fortir d'un feftin, oü il n'avoit pas trouvé aflèz de pain pour nourrir fes convives. Ingrat , fourbe ék perfide, il avoit confpiré contre fon bienfaiteur. Ce tróne qu'il avoit envié ne fut pour lui qu'un échaffaud, oü le remords, implacable bourreau, le tourmenta jour ék nuit. Le fpeétacle de la mifere de fon peuple, de tant de fquelettes affamés, qui fe trainoient a *la porte de fon palais en demandant du pain, le fouvenir de 1'amitié de Canut, enfin le tableau de la mort de ce Prince toujours préfent a fon efprit, lui firent de fon regne une longue torture. On dit que, corrigé par fes difgraces, il fupplia un jour le Tout-puiffant de le prendre pour viétime, ék de retirer fon bras vengeur étendu fur fon peuple, ék que ce fut en finifiant cette priere qu'il expira. ^ Eric fon frere lui fuccéda. On vit renaitre 1'abondance; mais, deux fcélérats chafies^ de la Scanie pour leurs crimes, infeftoient les mers, ravageoient les cótes, ék lorfqu'on envoyoit des vaiflèaux pour les pourfuivre, ils trouvoient un afyle parmi les Vandales. Eric réfolut de détruire leur retraite , il marcha vers Wollin prés de 1'lfle de Rugen , prit cetre ville ck la rafa jufqu'aux fondemens. Jamais elle n'a repris fa première fplendeur, Tome XLIII. 7 3 2 Hifi. de : Dannemarck , 9e- Siècle ■ jufqu'a iM-r- Génèroftè de Nieoks. 1085. Famine affreufe. Mort du Roi. JOQÓ". Guerre contre les Vandales.  Sect. III. Hift. de D.mnem arck, pe. Siècle jufqu'a i 147- Eric plaidt devant ie Pap", cnntrt un Euêque, 11 part poui ia Paieftint meurt. 110$. Portrait dt te Prime d'après Meurfius. (O Baudran. Dia. Geog, CO Meurfius Hift. Dan. Lib. IV. i4r5 HISTOIRE DU ROYAUME & ce n'eft plus aujourd'hui qu'un village (i). Les Vandales ardens a fe venger ne tarderenc pas a entrer dans le Dannemarck,, au moment ou ce Royaume étoit plongé dans une tranquillité profonde. Eric les pourfuivit jufques dans leur pays, mit tout a feu èk a fang, n'épargna ni le fexe ni 1'dge, fit ouvrir le ventre aux prifonniers & déchirer leurs entraïlles; cruauté qui ne peut être excufée par la perfidie de ces rebelles. Ce terrible vainqueur n'ofa punir un Prélat téméraire, qui vouloit aggrandir fa puifiance, au préjudice de 1'autorité Royale; il en appella au Pape, il alla lui-même a Rome plaider contre fon fujet, devant un autre Souverain. On dit qu'il y fit admirer fon éloquence; il n'y fit certainement pas admirer fa fermeté. II revint fier d'avoir gagné fa caufe, èk rapporta d'Italie une bulle qui érigeoit 1'Ëvêché de Lunden en Archevêché, ck lui accordoit la Primatie fur les Evêchés de Dannemarck, de Suede ék de Norvege. Ce Prince étoit fujet a des accès de füreur. Dans un de ces momens de délire, il tua quatre de fes gardes: revenu a lui-même, indruk de ce maflacre, il réfolut, pour Pexpier, d'aüer dans la Paleltine égorger des Sarrafins, aufli innocens que les gardes qu'il avoit poignardés. Envain on lui repréfenta, qu'abandonner fes Etats pour aller fe couvrir de gloire dans I'Orient, c'étoit punir les Danoii ék non pas fe punir lui-même. Envain tous fes courtifans offrirent de donner aux pauvres un tiers de leurs biens, pour appaifer la colere célefle; Eric perfifla dans fa rélblution, partit avec fon époufe , & mourut dans l'ifle de Chypre. Meurfius nous peint ce Prince avec les plus belles couleurs. On lui donna le furnom de Bon, dit cet hiltorien, paree qu'on vit renakre 1'abondance a Pinftant, oü il monta fur le tröne. Mais il avoit d'autres qualités, par lesquelles il méritoit ce titre vraiment glorieux. En congédiant 1'affemblée des Etats, il combloit de carcfies ceux qui 1'avoient compofée, ék leur promettok de veiller a la confervation de leurs biens. Ses promefles n'étoient pas de vaines paroles: il étoit le vengeur du pauvre opprimé; dans les différends, dont il étoit arbitre, il penchoit toujours pour 1'indigent, paree que fit foiblcffe invite le puiflant a 1'accablcr. II étoit 1'idole des bons, ck 1'effroi des méchans: il étoit pieux, ék fa reconnoifiance avoit fondé un monaftere dans le lieu même, oü il avoit recu le jour. Son éloquence étoit fi perfuafive, que fon avis étoit toujours celui des Etats: fix voix étoit a la fois, forta, claire ck douce, ék fe faifoit entendre de toutes les extrêmkés des comices. II étoit d'une taille prefque giganrefque, ék fa tête s'élevoit toute entiere au-deffus de celles de fes courtifans: la majeflé refpirok fur fon front; ék tous fes traits annoncoient qu'il étoit né pour le tröne. Sa force ék fon adreffe étoient inoüies: mais il ternit tant d'heureufes qualités par fes volages amours. Avant fon mariage de méprifables concubines avoient deshonoré fa couche, èk même après avoir contraété ce facré Hen, il avoit brülé plus d'une fois d'une flamme adultere. (2) Meurfius auroit pu lui reprocher encore èk fa fuite hontvufe, Iorfque Canut fut attaqué, èk fa cruauté envers les Vandales prifonnicr-, On prétend qu'il fallut deux ans au meflager pour aller de Chypre en Dannemarck porter la nouvelle de la mort d'liric. II laiflbit plufieurs enfans; mais la Conflkution de Suénon, du moins telle qu'on 1'interprêtok,  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. III. i4? appelloit fucceffivement fes freres au tröne. Harald , qui avoit gouverné i pendant 1'abfence d'Eric, étoit odieux a la nation. Suénon mourut avant de I faire valoir lés droits; Ubbon renonca aux fiens, ou par modeftie ou par m goüt pour la vie privée. 9' Enfin Nicolas fut élu. Ce Prince réforma le luxe de fa Cour, diminua les J* impöts, concerta avec Sigur R.oi de Norvege les moyens de rappeller au fein de 1'églife les habitans do la province de Smalande, qui étoient retombés dans les ténebres du Paganifme; (i) enfin il peupla le Dannemarck de pre- J tres & de moines étrangers, peut-être pour les oppofer aux autres, qui fe ' rendoient de jour en jour plus redoutables. Le Dannemarck fut encore le théatre de la fureur des Vandales, ils ravagerent le Holftein, & conquirent le Duché de Sieswigh. Nicolas prit envain les armes pour les repouffer; il n'éprouva que des difgraces: mais le jeune Canut, fils d'Eric le bon, les chaffa de leurs conquêtes, les pourfuivit jufques dans leur patrie, & forca Henri leur Duc a accepter la paix. Le Duché de Sieswigh fut le prix de ce fervice. Cependant Nicolas plus fait pour gouverner que pour combattre, 5 faifoit admirer fa fageflè & furtout fa bonté. Son exemple avoit rendu aux » mceurs leur première fimplicité; il avoit congédié fa garde ék n'en vouloit 1 point d'autre que 1'amour de fes fujets: il avoit renvoyé une partie de fes valets, ék avoit rendu a Ia terre ces cultivateurs que la haine du travail attiroit a la cour. Enfin il n'avoit confervé dans fes écuries qu'autant de chevaux qu'il en falloit pour donner la chaffe aux brigands ék rendre les chemins libres ék furs. Cependant le jeune Canut, aufli grand dans la guerre que Nicolas dans la paix, arma de nouveau, rentra dans la Vandalie, gagna plufieurs batailles, détruifit une partie de Ia nation, prit ék mit en cendres les plus belles villes, ravagea les campagnes. Telles font les aéïions par lefquelles il fe rendit fi agréable aux yeux de Henri Duc des Vandales, que ce Prince deshérita C fes enfans pour laifier fa couronne a cet ennemi, fléau de fon peuple. Quels r temps! quelles mceurs! cette difpofition contraire a la nature, a Ia raifon, a j la laine politique, fut folemnellement approuvée par 1'Empereur Lothaire qui donna a Canut le titre de Roi des Obodrites. Mais les freres de ce Prince, divifés entre eux, fe faifoient une guerre cruelle ék tournoient fouvent leurs armes contre leur patrie. L'un fe nommoit Harald; 1'autre portoit le même nom que fon pere. Le premier étoit le plus redoutable: il avoit fait conflruire prés de Rothfchild une fofterefie appellée Haraldsbourg. C'étoit de-la qu'il infeftoit les mers, ravagcoit les cötes, ék tenoit les habitans de Rothfchild dans des allarmes continuelles. Ceux-ci fortirent armés, taillcrent fes troupes en pieces, entrerent avec elles dans la fortereflê ck s'en retournerent chargés de butin. Nicolas par la douceur de fon gouvernement s'étoit attiré non feulement Pamour de fes fujets, mais 1'eftime de ces voifins. Après la mort funefte é de Ragwald Roi de Suede, les Oftrogoths proclamerent Magnus, fils du 1 Roi de Dannemarck; ils croyoient voir en lui 1'image de fon pere; (2) ils ' fe trompoient: ce Prince étoit envieux, cruel, diflimulé: il n'étoit point CO Epifc Adelgov. Archiep. Magdeb. (2) Supr. Tom, 42. p. 414. T 2 'ifk. de anncnrek,. Siècle f]tfa 1147. Nicolas■rvient au óne, fes enfans majfactes par, Eric. RévrAution .enIVoivege. 15a HISTOIRE DU ROYAUME „ ne veux point fouilier le temple de mon fang. J'irai attendre la mort druis ï Ït? fM f,meS pCrCSV tCS portes font enfon^es, la gurde raaOacréfe-, èk Nicolas ell egorge Ainfi périt après un regne de treme - cinq ans, lè cinquieme des fils de Suénon, ék le dernier qui porta la couronne Ses premières années annoncoient un regne fortune: il étoit né avec les difpofitions . les plus heureufes. Ses vertus étoient fouvrage de la nature: fes vices furent celui ces flatteurs; fi la mert ne lui eut pas cnlevé Marguerite fon époufe, fille dlngon Roi de Suede, il n'auroit perdu ni fon innocencc ni fa doire' •cette Prmcefle auffi lage'que belle, lui faifoit des pfaifirs de fes devoirs- il .avoit eu dejle deux fils, Ingon, qui mourut en tombant de cheval ék Magnus, quon furnomma le méchanr. Si Nicolas n ordonna point le meurtre de Canut, il lapprouva du moins, puifqu'il ne le punit pas Ene IV proclamé du vivant de Nicolas, ék couronné après fa mort, ne devoit pas ignorer que lc fang des Princes trouve des vengcurs: ceoendant il fut encore plus barbare que Magnus. Harald lui difputa envain le 'tröne- le choix de Nicolas n'étoit qu'un vain titre contre une armée viélorieufe • il s'enfuit en Norvege,_ Ce Prince avoit onze enfans: deux en étoient reftés en Dannemarck. bw les accufa d'entretenir une correfpondance avec leur pere: crime aflèz excufable; il les fit égorger tous deux. Harald furieux en tra dans le Juthland avec fes autres fils, & voulut foulever cette province I e meurtre des deux Princes avoit rendu Eric odieux au peuple. Le vengeur de Canut netoit plus a fes yeux qu'un meurtrier, qui méritoit le fort qu'avoit eprouve 1 afiaffin de ce Prince. On alloit prendre les armes pour mettre fin a fa tyrannie lorfqu'il parut. L'infortuné Harald ék fes neuf enfans tomberent entre fes mams:, il les fit maflacrer tous, excepté Olaus, qui s'enfuit en Suede. II porta enfuite fes armes chez les Vandales, les tailla en pieces & ne put renyerfer i'irnage d'un Saint Vitus, que les miflionnaires Chrétiens leur avoient cpnnee, ék qu'ils adoroient comme une divinité. Toujours avide cc fang , il pafla en Norvege , ou un aventurier, nommé Harald Gillius, pretendoit etre fils de Canut ék avoir droit au tröne; pour le prouver il avoit marché nuds pieds fur un fer chaud. Eric entra dans Anflo, èk réduifit cette ville cn cendres. Harald obtint la couronne, fit crevcr les yeux a Magnus fon nval, exerca fur iui d'autres cruautés, èk le rélégua dans un monaflere. Ene revint en Dannemarck. Le clergé, qui ne s'étoit pomt récné contre le meurtre de Canut, parceque les meurtriers de ce Prince étoient les bienfaiteurs de 1'églife, s'éleva avec force contre les crimes d'Eric qui ne lui donnoit rien. Efchill, Evêque de Séelande, ofa lever des troupes èk mteraire au Roi 1'entrée de cette ifle. Mais il n'étoit pas aufli habile dans la guerre, quaudacieux; il fut battu èk fait prifonnier. Eric vendit cher au clergé la liberté de cet Evêque: c'eft Je premier Roi du Nord , qui ait ofé foutenir les droits de fa couronne contre ce corps redoutable. Nicolas avoit commencé par étre un bon Roi; il avoit fini par être un tyran. Eric au contraire, mérita d'abord la haine de fes fujets par fes cruautés, puis leur amour par fon équité; il parcouroit fes provinces, èk rendoit la juftice foui/ent en plein air, aflis fur une pierre. Ce tribunal avoit quelque chofe d'augufte aans fa fimplicité. Le pauvre y étoit admis, il y étoit écouté, èk s'en ïetournoit content. Mais cette conduite fi fage n'ejfagoit point 1'horreur du maf-  D E D A N N E M A R C K, &c. Liv. XXXII. Sect. III. i -m#cre de Harald & de fes fils: leur fang-demandoit vengeance & i! l'o unt. Meurfius- raconte ainfi cette fanglante cataflrophe. Eric avoit offenfé 1 Scaniens en leur donnant Ricon pour Evêque, lorfiqu'ils demandoient , meme. Eschill que le Roi avoit chatié. La Noblefiè lc déteftoit, paree qu avoit fouvent rendu juftice a fes vaffaux contre elle. Eric étoit occupé < ces auguftes fonftiom pres de la ville de Ripen: il avoit admis paruii f gardes un certain Plok , furnommé le noir, inftrume.it fecret du reflentime des grands. Celm-ci fut cité au tribunal du Roi; il s'avance ék demande etre-entendu. Eric impofe filence au peuple, ék permet a Plok de parle Auffitót ce traitre le frappe de fa lance, ék le renverfe en s'écriant:„le tvrt „ neu plus-! j ai venge Harald j'ai vengé ma patrie; Danois, raffafie; „ vous du fang de ce monftre." Tous fes gardes s'enfuirent: le feul Eric ion neveu defend.t fon cadavre contre les infultes de la populace, acfio genereufe & digne d une mémoire éternelle. Ainfi périt ce? Eric qu'o plaignit malheurcux qu'on admira vainqueur,qu'on abhorra crüel, & qu'o affaffina vertueux. Jl ne laiflbit d'autre poftérité que Suénon, qu'i avoit c ,dune concubine. L'biftoire de fa vie officie a-fes fticceffeurs deux gram exemples quilsne fuivirent gueres; celui de parcourir les provinces, de vo tout par leurs yeux, de rendre juftice aux petits comme aux grands, ék cc ui de renfermer l autorité eccléfiaftique dans de juftes bornes, de réprime les revoltes des Evêques ék de ne pas les engmiffèr de la fubftance de 1'Etai Son corps fut en terre a Ripen: il ne paroit pas que fa mort ait été ven-éc Ene, neveu èk fuccefieur de cc Prince, étoit un bon parent, un brav -foldat, un honnete citoyen, fait pour cultiver auprès de fes foyers des vertu obfeures èk domeftiques; mais il n'avoit aucune des qualités néceffaires h m 11 IuKVrqU,°'C rWrrT,cc«c fe™e^ «éceffaire, pour réfifter au clerg, èk a la noblefiè: il étoit foible, mais fins méchanceté; ék fa douceur com .plaifantc le fit furnommer YAgneau. Efchill, fier d'un régicide, dont fe' pretentions ambitieufes avoient été 1'occafion, monta fur le fiege archiépit copa de Lunden, èk le Roi qu redoutoit un fort pareil k celui de fon onde, ly laiffatranquille Hue 1'étoit pas lui-même fur le tröne: cet OlZ echappé du mafiacre de fa familie, qui pendant le regne d'Eric UttuTrt n avoit ofé fortir de fa retraite, méprifa un Prince qu'on furnomn offó .gneau èkmm lui d.fnuter la couronne. II defcendit en Scanie ; PArchevêque fe defendit avec beaucoup de courage, mais enfin il fut contraint de capmder II fe rendit auffitót a la cour d'Eric, qui lui confia L commandement de fon armée. Olaus conquit toute la Scanie, èk lui donna un au- maf, diffipa fon armée, ék fit pendre le prélat" qui, fous -les aufpices de ce Pnnce occupoit la place d'Eschill. Olaus fe vengea de-ce mem re par ce" lm de Rmcon Evêque de Séelande. Les hoftilités continueren':enfirf Olaus fut vamcu fur les bords du fleuve Thiuta, èk perdit la vie fur le chanip de bataille Eric fut donc paifible pofièfièur du tróne: mais il s'en momm peu li, J r ' Te de foibIes efforts Pow"les repouffer, apprit la dé£SL ?eCs ?T?eS'- fans.h^te' la 9*** fes fujets, fans nqSfétude, èk tme XLÏlï m PUmr S bl*igandS: V?aVOk CnCOre m°ins récomP^ 53 b- Hifl. de 2s Danne,£ marek, ;.. 9e- Siècle 11 jvifqu'i le 1147. ïs ït a Eng efl t. ajjcijfme. n ii33. » a n n li i ' s t \' .' r > 1 G'ittrs eivile. Mon d'&latir.  Sect. III. Hift- de Dannemarck , £e. Siècle jufqu'a II47- H47MortiEric. Sect. IV. Hifi. de Dannemarck , 1147-1240, Houveaux treubles. i54 HISTOIRE DU ROYAUME fer; les guerriers, qui 1'avoient fervi contre Olaus & contre les Vandales, virent le prix de leur courage prodigué a de viles courtifannes. Enfin il fe rendit juftice, abdiqua la couronne, pafla de fon palais dans un monaftere & s'y revêtit d'un froc: il y fut bientöt attaqué d'une maladie mortelle. Quoique fa renonciadon eut été foleranelle & libre, cependant, lorfqu'on lui annonca que pour oppofer une digue aux ravages des Vandales, qui inondoient les* frontieres, les Etats s'aflembloient pour élire un Souverain, fes yeux s'enflammerent, il voulut prononcer quelques menaces, & mourut dans cet accès de colere. S E C T I O N IV. Depuis la meri d'Eric lAgneau, jufqu'a celle de Valdemar en 1240. Aux horreurs d'une guerre étrangere, fe joignirent celles d'une guerre civile. Suénon fils naturel d'Eric Emund, & Canut fils de Magnus, lè difputerent le fceptre qu'Eric YAgneau avoit quitté & regretté. Stenon, homme éloquent & dont 1'opulence égaloit la générofité, fe déclara en faveur de •Suénon-, & entraina dans fon parti le plus grand nombre des Danois. Efchill, toujours intriguant, toujours guerrier, fe mit a la tête de la faction de Canut. Suénon le fit arrêter: mais fon prifonnier le fit bientöt trembler luimiême. Ce Prince crut déja entendre gronder les foudres de Rome, & voir Ha Scanie armée pour venger fon Evêque: il fe hata de lui rendre la liberté, -& pour appaifer fon courroux, il lui donna de vaftes domaines. Canut étoit dans la Séelande, oü il fortifioit fa faétion. Suénon marcha a fa rencontre: on en vint aux mains. Canut fut vaincu; mais ia viétoire ne fut point décifi-ve. On s'attendoit a voir ces deux rivaux tenter de nouveau le fort des armes, Iorfque, au grand étonnement de l'Europe, ils fe liguerent & unirent leurs forces. Les Chrétiens n'étoient point encore dégoütés de ces guerres aufli funeftes qu'injuftes, oü la fuperftition, le fanatifme, la débauche, .Pinconféquence, multiplioient leurs crimes & leurs malheurs. On prêchoit encore des Croifades & Rome offroit le pardon de tous les péchés & des couronnes dans le ciel, a ceux qui iroient en Afie égorg.T leurs femblables, dont ils n'avoient recu aucune injure. Suénon & Canut Fe garderent bien de s'engager dans ces expéditions lointaines: mais il falloit obéir au Pape; on interprêta fes ordres d'une maniere moins contraire aux intéréts des deux Princes. Les Sclaves étoient retombés encore dans les ténebres de Pidolatrie. Canut & Suénon combinerent leurs efforts, pour les réduire fous le joug de 1'Evangile. Dieu, qui pardonne plus aifément Perreur que le meurtre, ne protégea point ces miflionnaires armés & avides de fang. Les Rugicns fecoururent les Sclaves; la flotte de Suénon fut vaincue & difperfée. Ce Prince craignit que, malgré tout fon zele évangélique, Canut ne profitat de fa défaite pour 1'accabler. II ne fe trompoit point: ce fut envain qu'il fortifia Rothfchild; cette place fut emportée d'aflaut. Suénon étoit alors occupé a lever une nouvelle armée en Scanie; il revint cn Séelande, & préfenta la  DE DANNEMARCK, èkc Liv. XXXII. Seur. IV. ,5 bataille a fon ennemi: elle fut meurtriere; Ia viétoire demeura a Suénon, 8 Canut fe retira dans le juthland avec les débris de fon armée. Suénon''al!: 1'y chercher; il étoit accompagné du jeune Valdemar, fils de Canut, Ro des Obodrites, qui joignoit a la valeur naturelle a fon a'ge, fexpérience & le 1'ang-froid de lage mür. Canut perdit une fangiante bataille, & fon part fut entierement diflipé; il erra dans les cours de Suede, de Pologne, de Saxe. mendiant des fecours ék n'éprouvant que des refus. Un prêtre lui tendit 1; main; c'étoit Hartwic, Archevêque de Hambourg; il lui forma une armée. ék Canut, relevé de fes pertes, au moment ou on le croyoit fans reifourct & fans afyle, parut tout a coup fous les murs de Wibourg. Suénon y étoit alors avec Valdemar. On ne s'attendoit point a cette attaque.; on avoit pri* peu de précautions pour la défenfe. Les vivres furent bientöt épuifés. Valdemar infpira alors a Suénon la généreufe réfolution dc fortir, de vaincre,ou de mourir au milieu des ennemis. Les retranehemeas de Canut furent forcés, la déroute de fes troupes fut entiere : ce fut a la valeur ék a la fao-efle dt Valdemar, que Suénon dut cette viétoire. Canut fe retira en Saxe;&mais ii ne perdit ni 1'cfpoir, ni le courage. Accoutumé a être vaincu, il n'en étoii que plus ardent a combattre; il efpéroit qu'enfin la fortune fe laficroit de lc perfécuter, ék qu'un feul combat répareroit toutes fes défaites. Les Juthiens ou Frifons fe déclarerent en fa faveur: déja ils avoient pris les armes, ék ils alloient ramener Canut dans le Dannemarck. Suénon les prévint; il entra dans leur pays, les tailla en pieces, s'empara de leur principale fortereffe èk les fit repentir de la compafiion qu'ils avoient eue pour un Prince malheureux. Celui-ci alla fe jetter dans les bras de 1'Empereur Frédéric Barberouffie: ce Monarque avoit été lié autrefois avec Suénon par cette amitié que de jeunes Princes peuvent refientir, quand ils ne font pas encore fur le tröne, ck qu'ils oublient, dès qu'ils y font affis. Frédéric offrit fa médiauon aux deux concurrens: il invita Suélïon, tous les grands de fa cour, ék furtout Valdemar, a fe rendre a Merfebourg, pour y terminer une querelle fi fatale au repos de leur patrie. Suénon s'y rendit; ce fut alors que la politique ambitieufe de 1'Empereur fe développa; il ceffa de feindre, èk ayant raffemblé autour de ces Princes une efcorte menacante, il déclara a Suénon qu'il falloit ou renoncer pour jamais a la couronne,ou fe reconnoitrc vaffal de 1'Empire ék lui prêter foi èk hommage. Valdemar fut aufli contraint de déclarer que, s'il parvenoit a Ia couronne, il reconnoitroit qu'il la tenoit de 1'Empercur. On régla un partage, dont Suénon èk Canut furent également mécontens. Le premier devoit pofféder le tröne; mais Frédéric donnoit a Pautre la Séelande. A peine délivrés des mains de 1'Empereur, les trois Princes proteflerent contre un aveu arraché par la force. La guerre fe ralluma entre Suénon ék Canut. Valdemar, toujours fidele au parti qu'il avoit embrafle, commanda Parmée de Suénon. Les plus vieux Généraux virent avec étonnement un jeune Prince auffi fage dans le Confeil, que terrible dans la mêlée, On fit la paix; Valdemar s'en rendit garant: lui feul étoit de bonne foi. On reprit les armes, on fe battit, on négocia de nouveau; un fecond traité fépara les combattans. Valdemar en fut garant une feconde fois; mais ce n'étoit qu'un palliatif aux maux dont le Dannemarck étoit déchiré. Suénon ne faifoit une paix fimulée, que pour faire la guerre avec plus d'avantage" V a 5 : ffljL d? i .Dannej marek, 1147-1240. Conflana de Canut. II53. Mauvaife foi de 1'Empereur, Traités conoius & aujjitót violés.  Sect. IV. Hift. de Dannemarck.1147-1240, Perfidie de Suénon. Mort de Canut. Suénon eft vaincu & perit. ii57- Regne beu reux deVal dimar; ver tut de fon Miniftre. (1) Pontan. Meurfius, 156 HISTOIRE DU ROYAUME Valdemar reconnut fa perfidie; il en eut horreur, abandonna fon parti, &•'■ fe jetta dans celui de Canut. II en eut bientöt un lui-même, & prit le titre de Roi. Pour fortifier fa faftion par une puiffante alliance, il époufa Sophie, fille de Suercher Roi de Suede, ïeya une armée, fermah Suénon 1'entrée du Dannemarck, &, pour rendre le calme a 1'Etat fi longtemps agité, coö* fentit au partagc du Royaume. II en fut 1'arbitre, & n'abufa point du pouvoir qui lui étoit confié, pour accroitre trop fon appanage aux dépens de fes ennemis; il ne fe réferva que le Juthland. Suénon profita de la fécurité de fes rivaux pour les faire égórger tous deux; (1) il les invita a un feftin, oü 1'on devoit célébrer par des cris de joie la fin de tant de haines ék de malheurs. A la fin du repas, les lumieres font éteintes; des alfaflins fe précipitent fur Canut ék Valdemar. Celui-ci leur échappe; il renverfe même le perfide Tritlcn, chef de ces meurtriers. Abfalon, fon ami, fon confident, qui fut depuis fon Miniftre, le chercha dans, 1'horreur de la nuit', pour s'offrir lui-même aux coups dont "fon maitre alloit être frappé. II recut dans fes bras la viétime qu'on venoit d'immoler, 1'emporta toute fanglante, réfolu de la venger, s'il n'étoit plus temps de la rappeller a la vie. Mais lorfqu'il parvint a la lumiere, il reconnut Canut; alors, dit Pontanus, une joie fccrette fe mêla a ion inquiétude. C'étoit un concurrent de moins pour fon maitre: il alla rejoindre Valdemar, qui après une vigoureufe défenfe s'étoit fait jour pépéè a la main , ék qui avoit trouvé chez quelques Danois fideles un afyle ignoré du tyran. II partit fecretement ék fe mit a la tête des Juthlandois, dont Pamour qu'ils avoient pour fa perfonne, ne pouvoit être effacé que par 1'horreur que Suénon leur avoit infpirée. Le récit de ce dernier attentat,. le fouvenir des exploits de Valdemar, fes ■ graces, fes vertus, fon éloquence, les foins de fon Miniftre Abfalon, 1'efpoir d'être heureux fous un Roi fi bien fervi ék fi digne dc 1'être , tout concourut a foulever contre Suénon le refte des Danois. II ne lui refta plus qu'une foible armée. Valdemar marcha contre lui ék lui livra bataille. Suénon fut vaincu èk périt dans fa déroute. Ainfi Valdemar regna feul fur le Dannemarck. Tous les cceurs volerent au-devant de lui; il obtint de 1'eftime publique le fceptre qu'il vouloit arracher a force ouverte. II avoit traité les vaincus avec tant de douceur, que leur feul regret, dans leur défaite, étoit d'avoir porté les armes contre lui. II avoit le bonheur de trouver dans Abfalon, Evêque, Miniftre èk . Général, un homme felon fon cceur, ami de la vérité, affez courageux pour ■ la dire, affez modefte pour Pentendre, auffi profond dans Part du gouverne- ■ ment, que dans celui de la guerre, digne en un mot d'être le fiivori d'un fi grand Roi. Cependant on voyoit encore parmi les Danois quelques reftes de cette humeur turbulente, qui furvit aux guerres civiles qui Pont fait naitret Les habitans de Rothfchild fe fouleverent. Valdemar parut; les rebelles vinrent lui demander grace, èk mettre a-fes pieds une fomme confidérable: le Héros accorda Pamniftie, èk refufa 1'argent; il pardonna de même aux habitans de Falfter, dont il avoit juré la perte dans un accès de colere. Les Vandales, voifins incommodes, tant de fois vaincus, mais jufqu'alors indomptés, défoloient encore le Dannemarck par de fréquens ravages. Valdemar ■  DE DANNEMARCK, èkc: Liv. XXXII. Sect. IV. 15; sfma-contre eux, efTuya-d'abord quelques échecs, remporta enfuite de grands avantages, & les forca a acheter la paix. II foumit avec plus de rapidité encore les habitans de Volgait. Auffi jaloux de fes droits, qu'attentif a ne pas enfreindre ceux de la Religion bien entendus, il chatia l'Arehevêque de Lunden, qui avoit foulevé les peuples de fon diocefe, èk ce qu'il y a d'étonnant, c'eft que ce fut 1'Evêque Abfalon qui 1'excita, qui 1'aida a punir cc prélat audacieux. Mais autant il étoit ferme dans le gouvernement, redoutable dans les combats , équitable fur fon tribunal, autant il étoit confiant & imprudent dans fa conduite avec fes voifins: malgré la trifte' expérience qu'il avoit de la politique ambitieufe, du caraétere perfide de Frédéric Barberouflè, cet Empereur, fous divers prétextes, fatdra encore a fa cour: il y étoit a peine arrivé , que le Monarque-Germanique s'affura de fa perfonne , & voulut le contraindre a lui rendre hommage: nje 'Hens ma couronne dc mon Peuple, & „ non pas-de PEmpereur," répondit Valdemar; grand mot, qu'on auroit du répéter a tant de Rois, qui prétendoient ne tenir leur couronne que da Dieu & de leur épée. Ce ne fut pas fans peine que Valdemar fe tira des mains de ce Prince: lorfqu'il partit, Frédéric lui permit de prendre fur fa route tout ce dont il auroit befoin, fans rien payer. „Je ne commettrai point „-dans vos Etats," répondit lc Danois, „ ce que je ne vous permettrois „ pas dans les miens." A peine revenu en Dannemarck il partit pour la guerre de Norvege. Cette contrée étoit cn proie a toutes les horreurs d'une guerre civile. Valdemar commit, fans doute, une faute en prénanïparti dans ces quercllés étrangeres aux intéréts de fa couronne. Mais dans ces temps barbares, on combattoit fouvent pour combattre, fans attendre aucun fruit de la viétoire. Ingon, Siward, Often, tous trois fils de Harald, s'étoient longtemps'dipputés le tróne de leur pere. Le farig Norvégien avoit coulé a grands flots dans ces combats. Ingon avoit enfin triomphe de fes deux rivaux, par fa perfidie, fa fortune, oü fon courage. Un Prince foüillc du fang de fes freres, fut bientót odieux. Haquin, fils de Siward, fóufeva la Noblefiè contre lui. Nouvcllcs faéïions, nouvelles intrigues, nouveaux mailacrc's. On' fe livra un combat fur la glacé. Ingon y périt; & la familie Royale s'y éteignit prefque toute entiere. Haquin fe flattoit de regner feul & fans allarmes. Mais Magnus, fils d'Erling Skakc, entreprit de le chaffer du tröne. Valdemar, dont il implora 1'afiiftancc, marcha a fon fecours, fit admirer fa valeur, celle dc fes troupes, acheva de ruiner cette malheureufe contrée, ék en partit fans avoir terminé les troubles qui Ia déchiroient. Revenu de cette inutile ék brillante expédition, il marcha avec Henri Duc de Saxe contre les Sclaves ék les foumit. Ils fe révolterent; il les' fubjugüa de nouveau; ils fecouerent encore le joug. Valdemar apprit combien il efl: difficile de dompter un peuple , en qui le fouvenir de fon ancienne liberté fait toujours renaitre Pefpoir de la recouvrer: il lui fut plus aifé de forcer les Norvégiens a lui céder la province de Wiek, comme indemnké pour les frais de la guerre. C'étoit le prix des maux qu'il leur avoit faits. Les périls continuels qu'il couroit a la guerre allarmoient les Danois, ils voulurent du moins, fi Valdemar périflbic, avoir un Roi de fon' fang ék formé par lui V 3 Hijl. de Dannemarck.ir 47-1240. 1161. Guerre civile en Nif' vege. - Révoltes r des Sclaves.' Province de Norvege cédée aü Roi de Dunnemefrek.  1 Sect. IV. c Hift. de Dannemarck..1147-124.0. ' 1165. ; 1 1 Valdemar ; force les Rugiens a rectvoir le baptime. : 1 Kouvelles expéditions. ; 58 HISTOIRE DU ROY AU M E [ans 1'art de regner & dc vaincrc. Canut fut reconnu pour ion fuccefieur. Cependant les habitans de l'ifle de Rugeft rejettoient encore la domination Danoife & 1'Evangile: ils adoroient iurtout 1'Idole St. Vitis , que prefme tout le Nord avoit révéré, & dont ils étoient les derniers croyans. Son itiödpal temple étoit a Argon; 1'idole étoit d'une taille gigantefque; elle ivoit quatre têtes; on ne lui avoit donné ni chcveux ni barbe; car les homnes ne fe contentoient pas de donner leurs paflions, leurs vices h leurs licux ■ il leur donnoient aufli leur coftume. Les Chrétiens ont auffi imité cete fuperflition ; les villageoifes habillent la Viergecomme elles-mêmes, &, lans quelques ports d'Efpagne, on voit Jéfus revêtu de 1'uniforme de gardenarine, la cocarde au chnpeau, & 1'épée au cöté. On voit ci bas (1) quel étoit le :u!tê des peuples que Valdemar alloit vaincre ék convertir: il defcendit fur leurs bords, ék pénétra jufqu'a la ville d'Arconqu'il inveftit. Cette place fut attaquéc ék léfendue avec une é«-ale vigueur: enfin les habitans demanderent a capituer- ils fe recornureut tributaires du Dannemarck; ils renverferent le dieu, lui'les laifia faire; chaflerent fon cheval, qui fut docile: mais le prêtre réfifta dus lono-temps:enfin il fallut céder a la force des raifons du Danois, èk furout a celle de fes armes. Les foldats murmurcrent de ce qu'on n'abandoniok 'pas la ville au pillage; mais Valdemar fut fourd a leurs plaintes, & raita fes nouveaux fujets avec autant de douceur que les Danois même. Valdemar fongea enfuite a faire canonifer Canut fon pere; il y réuffit: nais a peine dégagé de cette occupation difpendieufe ék étrangere au Gou- fO Dan< 1'une des mains de St. Vitis étoit une coupe, que 1'on rempliffoit de vin. Si -ette liqueur étoit beaucoup diminuée par fcvaporation pendant le cours de 1'année, on iuauroit que 1'année fuivante feroit Itérile: mais on attendoit tout de la fécondité de la erre fi la coupe étoit encore pleine: il eft inutile de dire que le prétre juroit, par le Dieu néme qu'il n'y avoit point remis de vin, depuis le jour oü il 1'avoit remplie en préfenee lu pei'ple Ce jour célébré par des orgies, oü 1'indécence fe raêloit 4 la gravité & a la lévotion 'fuivoit de prés la récoke: on lui 1'acrilioit des animaux, quelqueiois des homnes & 'furtout des Chrétiens. Naturellement ennemis de St. Vitis, leur fang lui étoit jlus'a"réab!e C'eft ainfi que nous avons cru pendant plufieurs fiecles que le fang des infideies ver'fé dans une croifade étoit un encens digne de_ 1'Eternel. St; Vitis avoit le tiers des dénouilles remportées fur les ennemis: c'étoit a fes pieds que les héros depofoient leurs trophées: on forcoiftous les Rugiens, & même les étrangers: qui abordoient dans 1 ifle, _a lui faire des offrandes. Le pr.être proteftoit toujours quil n en détournoit rien pour hnriême- cependant après bien des années le Dieu n eu étoit pas p us nche. Comme il n efl: «rueres d'ufaee que des prétres d'un certain rang marchent a pied, celui de St. Vitis avoit perfuadé aux Rugiens que ce Dieu avoit befoin d'un cheval pour aller combattre les ennemis de fon culte. Tous les matins on voyoit fumer la fueur du courtier, & cetoit une r»reuve que le Dieu étoit revenu de fes caravanes nocturnes: pendant le jour, Ie prétre feul avoit droit de monter 1'animal facré: il étoit 1'écuyer de St. Vit.s; ma.s ce qui neft pas ordinaire dans les autres cultes, le prêtre étoit au 1. palfren.er: 1 écurie étoit: yoifine du temple ie Dieu le prêtre, & le cheval vivoient dans une concorde tres édifiante, & s'enLi'iïoient de jour en jour, escepté le Dieu, dont 1'embonpoint etoit toujours le même. Tous les poils du cheval étoient facrés;le prêtre feul avoit le droit de les arracher: c étoient de précieufes reliques, qu'il vendoit fort cher aux dévots & furtout aux devotes: tout profane qui auroit ofé en arracher un feul de la criniere facrée, auroit été puni de mort: enfin la haquertée du Pape étoit moins révérée des Chrétiens. On confulioit le cheval,ainfi que le prêtre, avant d'entreprendre une expédition. La béte, par les mouvemens de fa tete akiere le prêtre par fes réponfes, oracles auffi infaillibles 1'un que 1 autre , annoncoient le gain ou la perte des batailles. Quant au Dieu., il ne difoit mot, & pendant le jour ü fe repofoit des vqyages de la nuit.  DE DANNEMARCK, ékc. Liv. XXXII. Sect. IV. i5< vememcnt, il reprit les armes, les porta fucceffivement dans la Vandalie, dans le Duché de Brême, dans la Poméranie, dans le Volgast, dans Fa Norvege, dans la Scanie, ou pour chatier des rebelles, ou pour foumettre des peuples libres. Ces expéditions Poccuperent depuis 1169 jufqu'en 1180. Au milieu de tant de triomphes, on confpiroit contre lui: parmi les complices on comptoit des courtifans qu'il avoit accablés de bienfaits. Un moine découvrit le complot. Le Roi aflèmbla tous les Seigneurs de fa cour, & fans défigner les aflaffins: „je fcais, dit-il, qu'il cn elf parmi vous, dont „ la grandeur &la fortune font mon ouvrage, & qui veulent attenter a mes „ jours. Je ne les nomme point, ék j'aime mieux leur laiflèr le temps du „ répentir, que de me voir forcé de les envoyer au fupplice. " En elfet, ils vinrent tous fe jetter a fes pieds. Ce Prince terminaen 118a fa brillante carrière , dans la quarante - huitieme année de fon age. Un moine lui donna la mort, en voulant lui fauver la vie avec un remede, dont il prétendoit être feul pofléfleuiv Ce fut furtout a fes conquêtes que Valdemar dut Ie titre de Grand, qui lui fut décerné: il avoit le germe des talens pacifiques; mais il ne prit aucun foin de les développer. Son regne ne fut qu'une fuite de combats: la manie des conquêtes, dont il fut polfédé, coüta la vie a plus de quatre cens mille hommes; il efl: vrai que, tandis qu'il portoit au loin la terreur des armes Danoifes, le fage ék fidele Abfalon travailloit au bonheür de 1'Etat. Mais, fi cette réflexion 1'excufe envers fon peuple, elle ne le juftifie point envers tant de nations qu'il a détruites, ék fur lesquelles il n'avoit aucun droit. D'ailleurs Abfalon le fuivoit fouvent dans les camps: il dirigea Pexpédition contre les Sclaves; toujours le premier dans Pattaque, le dernier dans la retraite, on le vit ala tête de quarante cavaliers, repouifer ék difiiper un corps d'ennemis pret a fondre fur 1'arriere-garde de l'armée qui paflbit une riviere. Aufli fcavant Amiral, que Général habile, il détruifit une flotte entiere de pirates qui infeftoient les mers. C'efl: peut-être la feule' fois qu'on ait vu un Archevêque commander des vaiflèaux ék gagner des batailles navales. II étouffa plufieurs révoltes par une fitge fermeté, par' une vigilance imperturbable.. Enfin il fut ék 1'Achille ck le Neftor des Danois, le guide ék 1'appui de fon maitre. Celui-ci avoit des qualités héroïques; fcrupuleux oblèrvateur des traités, on n'en connoiflbit point de plus lur que fa parole. Terrible dans la mêlée, doux après la viétoire, il pardonnoit fanseffort. Sa taille étoit avanngeufe ék prefque gigantesque; fon air étoit noble' ék martial, fa démarche fiere, fa force au-delfus de 1'ordinaire; avantages plus admirés des Danois que fes vertus même. Les habitans du Nord iaifoient plus de cas des qualités du corps que de celles de Pame. Canut VI avoit été reconnu du vi'vant de Valdemar; ék Pon efpéroit qu'il monteroit fur le tröne fans obftacle, que le feu des gueres civiles ne ie ral- 1 lumeroit pas, ék que le Roi pourroit travailler fans inquiétude a rendre heu- 1 reux un peuple que fon pere avoit rendu fi redoutable. Un jeune ambitieux renverfa ces efpérances: c'étoit Harald, Prince du fang Royal, efprit turbulent, audacieux, dont la Suede favoriibit les deflèins: il n'eut pas de peine 1 a foulever les Scaniens, peuple naturellement ennemi de 1'autorité, ék qui .avoit été opprimé par les intendans dc Valdemar. Canut ne voulut point > fii/l. de Dannemarck.1147-1240. Confpiration contre Valdemar. ri82. Sa mor!;, Canut VI wnte fur e tröne. La Scanie 'oulevéeparlaruld, ■  Sect. IV. Hifi. de Dannemarck.1147-1240. Jl eft vaincu,, IlES. 'Fermeté de Canut envers 1'Empereur. CO Voyez fupra p„ 155-15;. & notre Tom. 30. p. 534. GO Meurfius. Poft. Sax. ,>Jb. I. ióo H 1 S ï O I R E DU ROYAUME Sgnaler fon avcncment.au tróne par des aéles de rigueur: il envoya aux rebelles 1'éloqucnt Abfalon, pour les ramener a leur devoir, leur offrir une amniftie générale, & leur faire comprendre qu'ils n'étoient que les inftrumens de la haine des Suédois; que tous les malheurs de cette guerre feroient pour eux, que la Suede feule. en recueillerojt tout le fruit. Ces offres, ces raifons, furent moins puiflantes que les intrigues de Harald: il fallut prendre les armes. Abfalon dirigea cette guerre qu'il avoit voulu prévenir: il marcha contre Harald: on en vint aux mains. La nature lembloit combattrc de concert avec le parti lc plus jufte: un ouragan affreux s'éleva tout a coup, & fon effort fe dirigea contre les Scaniens; .les boucliersdes plus foibles furent emportés; les plus robufies ne .purent faire ufage des leurs. L'armée des ■rebelles refta fans défenfe, expolee aux traits des Royaliftes; elle s'enfuit & fe diffipa. Harald alla chercher un afyle en Suede; il n'y trouva qu'un tombeau. Canut irrité ne vouloit point faire de grace aux vaincus: il alloit abandonner la province au pillage. Abfalon arrêta les effets dc fon courroux, &, vainqueur des Scaniens, il fut leur défertfeur. Les Suédois n'étoient pas les feuls fauteurs de cette révolte. Frédéric Barberouife 1'avoit auffi fecondée, pour forcer Canut a lui rendre hommage: 1'affiftance qu'il avoit donnée aux rebelles, n'étoit pas fi fecrcte, que le Roi ne la foupconnat: la guerre terminée, 1'Empereur invite Canut a fe rendre a ia Cour, pour renouveller, difoit-il, 1'inviolable amitié qu'il avoit toujours confervce a fon pere; mais on fcavoit en Dannemarck ce qu'on devoit attendre de cette amitié: on fcavoit comment Frédéric refpeétoit le droit des gens & ceux de 1'hofpitalité; (1) on fe garda bien de lui livrer fa pro.ie. Cependant, comme on ne vouloit pas 1'irriter , Canut allégua divers prétextes pour différer fon voyage. Frédéric prit avec raifon fes délais pour un refus, &, regardant Canut comme fon vaflal, il réfolut de le traiter de même; il lui manda que, s'il ne venoit lui faire hommage de fes Etats, il alloit les donner a quelque Prince qui connoitroit mieux les droits de 1'Empire fur Je Dannemarck. Canut répondit qu'avant de donner fa Couronne , il falloit la lui arracher; qu'au refte, fi 1'Empereur vouloit lui donner la moitié de ce qu'il poffédoit dans PAliemagne, il feroit .fon vaflal pour cette partie. Cette „plaifanterie fut fort. mal rccue a la cour de 1'Empereur: cependant on ne voulut pas encore faire couler le fang humain pour un bon mor. L'Empereur envoya Sigefroi.Landgrave de Thuringe, pour effrayer Canut & cor.rompre fes Miniftres. Cet.Ambafladeur careffa toura tour Abfalon, Esbern, -Sunon, (2) & tous les grands du Pvoyaume: il leur dit que 1'intérêt qu'il prenoit a la profpéritc des Danois 1'avoit feul engagé a fe charger d'une com;miflion fi délicate ; qu'il s'agiifoit de fe faire un puiflant appui,, ou un enne-mi rcdoutabje; que fi Canut rendoit hommage a 1'Empereur, il n'avoit plus .rien a craindre de fes voifins; que, s'il étoit attaqué, toute 1'Allemagne s'ar.meroit en fa faveur; qu'au contraire, s'il refufoit cet hommage, tout le -corps Germanique alloit fe liguer contre lui: il leur demanda quelles forces üs pouvoient oppofer a celles de 1'Empereur? „Notre courage, le bon droit „ de  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect, IV. 161 „ de Canut, èk fes armes, " répondit Abfalon: „ de quel droit Frédéric v„ exige-t-il cet hommage? eft - il devenu notre Souverain pour avoir violé „ envers Valdemar fa promeflê èk les loix de 1 nonneur èk de Phofpitalité ? „ qu'il facl>e que Canut eft fon égal; qu'il regne fur" Ie Dannemarck, com„ me lui fur 1'Allemagne." A ces mots les yeux de Sigefroi s'cnflammerent de courroux; il éclata en menaces. L'intrépide Archevêque lui répondit d'un ton tranquille èk ferme: „ penfez-vous qu'un Roi ne foit qu'un Land„ grave, que Canut foit 1'homme de 1'Empereur, comme vous 1'êtes, & que Ie Dannemarck n'ait pas d'autres forces a lui oppofer que la Thurin„ ge ? Qu'il vienne ce Frédéric, dont vous penfez que le nom nous en im„ pofe, qu'il vienne en Dannemarck; il y trouvera des hommes. Allez, èk „ dites a votre maitre que le notre ne lui doit rien." Cependant les efprits échauffés s'adoucircnt: 1'Empereur, d'après le projet d'alliance arrêté entre lui avec Valdemar, demandoit, pour fon fecond fils Frédéric, Chriftine agée de fept ans, fceur de Canut, qu'il vouloit faire éleverk fa cour, èk elle partit avec le Landgrave. Canut pafla dans le Juthland, pour y étouffer quelques troubles qui commengoient k fermenter, èk que 1'Empereur avoit fecretement excités. Abfalon ne 1'y accompagna point. Bogiflas, Duc de Poméranie, créature de Barberouflè, profita de 1'abfence du Roi, équipa une flotte, èk fe jetta dans l'ifle de Rugen, dont le Prince, depuis la conquête de Valdemar, étoit vaflal de la couronne. Iuftruit de cette irruption, le Miniftre n'attend pas les ordres de Canut; il arme, met a la voile, diflipe la flotte de Bogiflas, taille en pieces fon armée, revient chargé de dépouilles, èk envoie a Canut la tente du Duc ék fes eifets les plus précieux: en même temps on fit partir des députés pour examiner la fituation de Bogiflas; il voulut perfuader par un calme affeété, que fa déroute n'avoit été qu'une retraite volontaire, qu'il avoit perdu peu d'hommes èk peu de vaiflèaux. Mais fi fa cour jouoit la gaieté, le peuple, qui ne fcait point diflimuler, étoit plongé dans la douleur la plus profonde; on n'entendoit que des meres qüi pleuroient leurs fils, des femmes leurs époux, des orphelins leurs peres, immolés par le fer Danois, ou enfévélis dans les eaux. Canut revenu du Juthland ne refpiroit que vengeance. La défaite de fon ennemi, ladéfolation des Poméraniens ne fuflifoient point a fon reflèntiment. Un affront cruel redoubloit encore fa fureur: PEmperetir avoit renvoyé fa fceur, cette même Princeffe k qui la main du jeune Frédéric étoit promife : il réfolut de punir le Souverain dans le vaflal: telle eft 1'idée que les Rois avoient de la juftice; d'honnêtes Poméraniens devoient être égorgés dans leurs foyers, pour venger 1'honneur d'une enfant de fept ans, a qui ils n'avoient fait aucun outrage èk qu'ils ne connoiflbient pas. Canut lui - même fe mit a la tête de fon armée: 1'Empereur ne fecourut point fon vaflal qui s'étoit imprudemment facrifié pour lui; trifte exemple, lecon terrible qu'on devroit répéter fans ceflè aux petits Princes, qui, pour jouer un röle fur Ia fcene du monde, s'engagent dans les querelles des Rois. Déja les Danois font dans la Poméranie. Canut ne retient point leur fureur: enfans, femmes, vieillards, tout ce qui n'a pas pris la fuite, eft maffacré fans pitié: les fortereffes font détruites ék rafées; les villages, les forêts font livrés aux flammes; Tome XLIII. X Hijl. de Dannemarck,1147-124  I02 HISTOIRE DU ROYAUME Sect. IV. Hift. de Dannemarck , 1147-1240, dé; les villes 011 brülées ou renverfées, n'offrent plus que des débris. Lr. Poméranie n'efl: plus qu'un vafte déferc, jonché de ruines, de cendres & de cadavres. Au milieu de ce théatre de deftruétion, s'éleve encore la ville de Gamin , dernier afyle de Bogiflas. 11 s'étoit envain préfenté pour arréter la courie des Danois; il avoit été vaincu dans plufieurs combats. Eniin il fe renferma dans Camin: il y fut alliégé. Bientöt la ville fut réduite aux dernicres extrêmités: on attendoit envain des fecours de 1'Empereur. Frédéric plaignoit fa viétime, ck la lajffojt périr: le Duc n'attendit plus rien que de la grandeur d'ame de Canut, ék des confeils toujours génércux qu'Abfalon donnoit a fon Roi: il fortit avec fa familie, fe préfenta au camp, fut conduit a la tente de Canut, ék fe jctra a fes pieds avec fa femme ék fes enfans; il lui remit fes Etats, ék ne lui demanda que la vie. Canut lui rendit fon Duché, a condition qu'il fe reconnoitroit Vaffal de fa Couronne; il valoit mieux rendre hommage a un vainqueur généreux, qu'a un maitre qui 1'avoit lachcment abandonné. Canut ne retint rien pour lui-même; il öta feulement a Bogiflas la Seigneurie de Barth, dont il fit préfent au Prince de Rugen, pour payer fa fidélité ék Pindemnifer des pertes qu'il avoit eflüyées. Bogiflas concut dès-lors tant d'eftime ék de reconnoifiance pour Canut, que ce Prince n'eut point d'ami plus zélé, ni de vaflal plus fidele. Lorfqu'il mourut, il ne voulut point partager fes Etats entre fes enfans. ,, Prenez," leur dit-il, „ Canut pour arbitre entre vous; n'appellez point de fa décifion: elle fera „ diélée par 1'équité même." Le Roi avoit pardonné fans effort au malheureux Bogiflas; il n'avoit vu en lui qu'un infenfé, qui s'étoit fait I'inflrument de la ténébreufe polidque de Barberouffe: mais il ne pardonnoit pas de même a ce Monarque; ék il étoit réfolu de lui faire tous les maux dont il feroit capable: il s'empara du Mecklenbourg que Burevin ék Niclot iè difputoicnt, les fit tous deux prifonniers, leur rendit la liberté, partagea entre eux cet Etat, ék recut leur foi ék hommage. II fit encore d'autres conquêtes dans 1'Empire, ék fa domination s'étendit depuis 1'Elbe jufqu'a POricnt de la Poméranie: tel fut le fruit des prétentions ambitieufes de Barberouffe. Cependant la frénéfie des Croifades n'étoit point encore calmée; deux fiecles dc réflexion ék de défaftres n'avoient pas fufïi aux Chrétiens pour leur faire concevoir que Dieu ne pouvoit être honoré par des maflacres: on fe préparoit a une nouvelle.guerre de ce genre. Frédéric avoit pris la croix; il craignoit que, tandis qu'il iroit en Paleftine conquérir des Etats pour 1'Eglife, Canut ne lui enlevat les fiens; il rechercha fon aliiance ék le pria d'oublier leurs différends. Canut remit fa vengeance a d'autres temps ék promit de ne point troubler le repos de PA1lemagne jufqu'au retour de Barberouflè. Quelque fincere que fut cette promeffe, Frédéric auroit mieux aimé que le Roi de Dannemarck 1'accorapagnat dans cette expédition, ék il 1'invita beaucoup a venir avec lui égorger les Sarrafins au nom d'un Dieu de paix; mais trop fage pour fe rendre a fes confeils, il aima mieux travaiiler au bonheur de fes fujets qu'a la deftruétion des Sarrafins; quoiqu'il ne put retenir quelques nobles, emportés par lc fanatifme ék 1'amour de la gloire, quivendirent leurs terres a vil prix aux moines, pour laver leurs péchés dans le fang Afiatique. Canut étoit perdu, s'il s'étoit éloigné de fes Etats. Valdemar, batard de  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. IV. iC: CamitV, Evêque de Sieswigh & Régent de ce Duché pendant Ia minori te du jeune Valdemar fils de Canut VI, étoit un Prélat ambitieux, intnVuart plein daudace & de génie. Ce n'étoit pas aflèz pour lui d'envahir -lus le nom de ttiteur 1 appanage de fon pupille; il afpiroit a la couronne: il foutenou que les barards n étoient point exclus du tróne ék plufieurs exemples iuft.fioient cette pretent.on. L'adminiftration des biens de Valdemar, les revenus de 1 Eveché,les offrandes qu'un peuple crédule prodiguoit alors, avoient accumule dans fes mains des tréfors confidérables. II pafla d'abord en Norvege, ou il raflèmbla les mécontens ék fe fit proclamer Roi: il fe liraa enfuite avec Adolphe de Schaffenbourg, Comte de Holftein, ék paree titre meme ennemi de Canut. L'armée des confédérés s'avanca vers 1'Eider: nouveau Fabius, Canut aima mieux ruiner fes ennemis que de les vaincre- il garnit fes frontieres, s empara de tous les pafiages, óta aux alliés tous les moyens de fubfifter, fut fourd aux murmures de 1'officier avide de glofte, du foldat avide de butm, & vit fes ennemis épuifés, affamés, fe licencier deux-memes Valdemar a fes pieds lui demander pardon, èk le fier Adolphe lui demander la paix On reconnut alors que fi fa conduite n'avoit pas été celle dun heros c étoit au moins celle d'un fage. Deux ou trois fiecles auparavant ce rcfus de combattre 1'auroit couvert d'ignominie: les efprits saccoutumoient a ne yoir dans la guerre qu'un fléau néceflaire k la défenfe de lEtat,.èk a ne plus prodiguer la gloire a des meurtres inutiles. La guerre fe ralluma en u95: Adolphe refufoit de rendre hommage au Roi de Dannemarck: deux campagnes, meurtrieres par les rigueurs de la faifon, beaucoup plus que par-les combats, ruinerent les deux armées- ma s Canut avoit plus de reflburces qu'Adolphe; celui-ci demanda la pak: Pob tmt encore èk ne tarda pas * la troubler. 11 tourna contre les Saxon le peu derforce.^ £UI IuiT rcfHient, & ccllcs q«'ü Put emprunter des Princes voifins: d afliegea Lawenbourg: les habitans arborerent envain ïe dr peau Danois fur leurs murailles èk appelleren Canut a leur tecours; la ville f " pn e. Hambourg fiibit le même fort. (i) Canut fit marcher contre Te conquerant Niclot & Burevin. La guerre fut longue èk fangiante Enfin les deux Generaux remporterent fur Adolphe une viéloire complet». M is Ni clot, viftime du devo.r féodal, périt fur le champ de bataille ék fut enfété i dans (on triomphe. Valdemar frere du Roi parut alors fur le Thé 're dela guerre, c< fes premières armes furent fignalées par des viéloires èk des conquêtes: il battit les Holfteinois dans plufieurs rehéöntrés: la pftipït de leurs yilles hu ouvrirent leurs portes, ou furent emportées d'aflaut La vflle de Lubec:ffereudlt, pour racheter fès vaiflèaux que Canut avo t faifis enfin Adolphe lm-meme enveloppé, abandonné par les flens, fuccomban fou la ég^ les ffife Sïn d" rï k T- *** ™ avec lc egards, es Bonrlelirs qu on doit a un Prince maheurcux: on l'v tratHl com: me un v,l ennnne,, expofé aux oun-ages dW nopulace Wolcn» & cruTe. X 2 ' ' I ■ Hijl. de Dannemarck , 1147-1240. L.'Evêque de Sieswigh pr$. clamé Roi en Norvege.1192. I2l0.  ió"4 HISTOIRE DU ROYAUME Sect. IV. Wit. de D.inneinarck,1147-1240. I2I3Terreur que Valdemar infpire aux Aüemands. ViBoUe fanglante tempor èe fur les Livoniens. On 1'eaferma d.ms un cachot: cette vengeance ternit la gloire de Canut. Cependant O.hjn Duc de Saxe, ennemi d'Adolphe, monta fur le tröne Impérial: (1} il étoit bien éloigné de demander la liberté d'un Prince qu'il haïfibit; & quoiqu'il fut de fon intérct d'affoiblir la puiffance Danoife, il vit, fans inquiétude, Canut parcourir les Etats qu'il avoit conquis en Allemagne, verfer partout des largeffes, partout recevoir des hommages. Canut revint & mourut dans un 3ge, oü fa fanté, fa vigueur fembloient lui promettre encore de longues années: on crut que fa mort n'étoit pas naturelle. Ce Prince étoit vraiment un héros: li 1'on retranche de fa vie le ravage de la Poméranie, & les traitemens rigoureux qu'il fit éprouver au Comte Adolpher on ne voit dans le refte que bienfaifance, équité, courage, fageflè & patience. II avoit fait tonner les foudres du Vatican, contre Philippe - Augufte Roi de France, qui avoit répudié fa fceur Ingepurge. Le Royaume entier avoit été frappé d'un Interdit, & 1'Eglife refufoit fes fecours aux mourans, parceque la Reine n'avoit point l'art de plaire a fon époux. Le vainqueur de Bouvines fut contraint de fe réconcilier avec fon époufe., 1'Eglife & Canut. C2) La foumiffion de laWagrie &de ia Nord-Albingie, la réduétion de Lawenbourg, Erling rétabli fur le tröne de Norvege, le Mecklenbourg en partie fubjugué,un traité d'alliance avec Othon Duc de Brunswick, une expédition malheureufe en faveur du tyran Suercher, une autre en Pruflè plus glorieufe ck moins injufte, la délivrance d'Adolphe, enfin le doublé veuvage du Roi qui époufa fucceffivement après la mort d'Ingepurge, Marguerite fille du Roï de Bohème, & Bérengere fceur de Ferdinand Comte de Flandres; tels furent les principaux événemens du regne de Valdemar jufqu'en 1213. Valdemar étoit fi redoutédans 1'AUemagne, que 1'Empereur n'ofa lui. refufer d'unir a la Couronne de Dannemarck toutes les conquêtes, que le Prince Danois avoit faites dans PEmpire. Cette condefcendance étoit bien éloignée de ces projets de Monarchie univerfelle, que les Empereurs avoient concus. La ville de Hambourg jaloufe de fa liberté feut bientöt fe fouftraire k la domination Danoife: mais Valdemar la fit rentrer fous fon joug. II fe prépara &> porter la guerre en Livonie; & craignant que, fi Ia mort le furprenoit dans le cours de cette expédition, le partage de fes Etats n'excitat des troubles funeftes, il voulut régler l'ordre de la fucceffiön: il partagea fes Etats entre fes enfans; chacun d'eux fut mécontent de fon apanage ék cette précaution que le Roi prenoit pour prévenir les guerres civiles, en fit naitre de cruelles après fa mort. Les Livoniens a peine fournis au joug de la Couronne de Dannemarck ék a celui de 1'Evangile, recouvrerent par une révolte générale & leur antique liberté ék leur abfurde religion. Valdemar marcha une feconde fois contre eux ; les prêtres lui promirent la viftoire, s'il vouloit reftituer a 1'Eglife les biens qui lui avoient été enlevés ék 1'enrichir par de nouvelles largeffes. Cette guerre fut regardée comme une croifade. Valdemar remporta une viétoire fi fanglante, qu'il auroit dü la compter au nombre des jours les plus malheureux de fa vie. Tandis que les Danois étoient acharnés a la deftruétion des Livoniens, 1'Archevêque de Lunden, placé fur une col- (0 "Voyez notre Tom. 39, p. 559 & fuiv. QO v°yez notre Tome 3°' 354  DE DANNEMARCK, èkc. Liv. XXXII. Sect. IV. 1Ó5 Une, comme un autre Moïfe, levoit les mains vers lc ciel ék fupplioit le pere commun des hommes d'accorder aux Danois la force d'égorger fes enfans. Le Pape écrivit au vainqueur ék 1'excita a ne rien laiffer en Livonie qui ne fut Danois ék Chrétien: mais au milieu de fes triomphes Valdemar fut enlevé par le Comte de Séverin, qui nourriffoit contre lui d'anciens relfentimens. Ce Seigneur jura que le Roi ne recouvreroit fa liberté, que par la ceifion de la Vandalie ék de la Nord-Albingie, ék en rendant hommage a 1'Empereur. Ce Prince aima mieux demeurer prifonnier que d'être libre a ce prix. Le Pape lanca fes foudres en faveur d'un guerrier dont les armes avoient été il utiles a 1'Eglife; mais ces foudres impuiffans n'empêcherent pas la révolte des peuples qui venoient d'être rangés fous la domination Danoife : enfin après trois ans de captivité, les fers de Valdemar furent brifés. II avoit fallu fe foumettre a des conditions humiliantes ék jurer par ce qu'il y a de plus jaint qu'elles feroient remplies; mais a peine fut-il libre, qu'il fe fit relever de fon ferment par le Pape ék crut dès-lors que 1'infraétion du traité n'étoit plus un parjure : peu lui importoit d'être accufé par fa confcience, pourvu qu'il fut juflifié par le Pontife. Sa liberté fut 1'époque de fa décadence: il voulut fe venger de tous fes ennemis a la fois, ék fon défefpoir n'étant plus dirigé par la prudence, il ne fit que des fautes ék n'éprouva que des revers. II perdit dans le Holfiein une bataille meurtriere ék y fut bleflè: enfin il fit la paix, mais on la lui vendit cher. La ville de Lubec même ne refpeéba plus ce Prince, dès qu'il fut malheureux: réfolu de la chatier , il 1'afliégea, mais envain. Désabufé de cette fauflè gloire, dont il avoit été tant épris, il confacra fes dernieres années au gouvernement intérieur de fes Etats: il débrouilla le cahos des loix jufqu'alors informes, fupprima ces coutumes bifarres qui approuvent comme légitime dans une province, ce qu'elles condamnent comme injufte dans une autre ; enfin il établit dans le code Danois, cette uniformité qui dirige vers un même but les forces, le génie, les mceurs des différentes portions d'un peuple. II mourut dans un age avancé: (1) il étoit brave, fcavant dans Part de la guerre, patiënt dans les fatigues, grand dans le malheur, mais peu modefte dans la profpérité.. Prodigue du fang de fes foldats, comme de celui de fes ennemis, le fpeélacle du carnage étoit un de fes plaifirs. Le calme qu'il rendit a fes Etats pendant les dernieres années de fa vie, ne répara point les maux qu'il avoit faits aux Etats voifins ék même au Dannemarck par tant de guerres fucceflives. S E C T I O N V. Contenant l" Hifloire de Dannemarck, depuis 1240 jufqu'en 1319.. Valdemar laiflbit quatre enfans, Eric qui fuccéda h Ia Couronne, Abel qui ayoit eu le Juthland en partage, Canut Duc de Bleking, ék Chriitophe qui n'avoit d'autre domaine que l'ifle de Langeland. Au moment oü Valde- CO Pontanus L. VI. Eric Annal. Dan. X 3 Hifi. de Dannemarck , 1147-1240. Captivité du Roi: fes difgraces* 122$. 1227-. 124c». Sect. V, Hift. ce Dannemarck , 1240 I3r*>.  Sect. V. Hili. de Dannejnarck.1240-131 ï66 HISTOIRE DU ROYAUME mar expira, une éclipfe centrale plongea tout Ie Nord dans une obfcuricé profonde: le Dannemarck n'avoit point encore de Tycho Brahé'èk le peuple ne manqua pas de voir dans cc phénomene le préfage d'un regne malheurs, reux. Mais ce n'étoit point les adres qu'il falloit conlulter pour prévoir les - malheurs des Danois; il fiiffifoit de connoitre 1'humeur altiere & ja'oufe des freres d'Eric. Ce Prince avoit des vues pacifiques; il avoit déclaré qu'il feroit avare du fang des hommes, ék que la néceflité feule de défendre des droits évidens ék inaliénablcs pourroit lui faire prendre les armes. D'après ce principe, il réfolut de recouvrer la Nord-Albingie ék la Wagrie,mais en facrifiant a cette conquête le moins de viétimes qu'il feroit poiiible; il invita Abel a s'affocier a cette entreprife: ce Prince avoit d'autres intéréts ék d'autres deffeins: il avoit époufé la fille d'Adolphe Comte de Holftein, qui, a peine forti de fa prifon, avoit fait nuds pieds le voyage de Rome, pour demander au Pape 1'inveftiture d'un froc, ék la permiffion d'être inutile fur la terre. II avoit laiifé fes enfans fous la tutelle de fon gendre, aimant mieux pratiquer lui-même les vertus monaftiques, que de former ces Princes aux vertus Royales. Abel les avoit envoyés a Paris, oü Pon s'occupoit a en faire de fcavans bacheliers: tandis qu'ils a'rgumentoient fur les bancs, Abel fongeoit a s'emparer de leur patrimoine, ék fe liguoit avec 1'Archevêque de Brême, Ia République de Lubec, ék les autres ennemis de la Couronne (i> Les Lubecois armerent une flotte, réfolus de mefurer leurs forces avec celles d'un Monarque ék d'aller attaquerCopenhague, que le fage Miniftre Abfalon avoit aggrandie, enrichic ék fortifiée. Cette capitale qui fait aujourd'hui Pornement du Nord, n'étoit avant 1167 qu'une retraite de pêcheurs: de fimples barques couvroient cette rade, oü fe raffemblent aujourd'hui tant de richeflès ék de forces navales. L'abondance de la pêche rendit ces matelots a Ia fois riches ék malheureux. Les marchands vinrent de tous cötés s'établir fur ces bords; ce concours y attira bientöt les pirates; cet efprit de brigandage qui regne aujourd'hui dans lc Midi, a pris naiflance dans le Nord. Les incurfions des corfaires auroient ruiné cet établiffement dans fa naiflance, fi Abfalon n'avoit fait conftruire pour les effrayer ék protéger Ia pêche, le fort d'Axelhus, qui eft devenu la citadelle de Ia capitale. Les écumeurs n'oferent plus troubler ce commerce, dont une partie du Nord tiroit fa fubfiftance: des magafins s'éleverent a Pabri du fort; les cabanes des pêcheurs fe changerent en maifons commodes ék décemment ornées; les privileges accordés par Abfalon y attirerent de nouveaux habitans. Les étrangers même furent admis a partager les bienfaits de ce Miniftre; ék lorfqu'il mourut en iao2, il eut la confolation de laifler une ville riche, bien fortifiée, bien peuplée, dans un lieu oü 1'on ne voyoit qu'une bourgade, lorfqu'il fut appellé au miniftere; heureux s'il avoit pu 1'affranchir du joug trop dnr des Evêques de Rothfchild! (V) On la nommoit alors Kiobmans-Hafen: Port aux marchands. O) Joan. Meurs. HUI. Dm. Reg. poft. Faldem. in quo Saxo deftnit reft. complete. Uh II. Pontan. Hift. Dan. (2) Les habitans furent longtemps fujets, ou plutót erclaves de ces Prélats , forcés de jes fuivre a Ia guerre & de facrifier le fruit de leurs travaux aux intérêcs, au fade, aux plaiürs de ces Seigneurs. Cette fervitude dura jufqu'en 12S4, que I'Evêque Erland adoucit le fort de ces malheureux. De ces ferfs il fit des citoyens, & leur accorda' des privile-  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. V. ï0> Telle étoit la ville que les Lubecois fe propofoient de détruire, parceque } fa grandeur naifiante les allarmoit, & qu'ils prévoyoient qu'un jour elle leur I enlevcroit une partie du commerce de la mer Baltique: en effet ils la fiirpri- 1 rent, ralerent la citadelle, ék s'en retournerent chargés de budn. Abel ap- 1 plaudit a leurs fuccès, les anima a tenter de nouvelles expéditions ék a pé- " nétrer au centre du Royaume; il marcha lui-même contre fon frere a la tête d'une armée raffemblée dans le Holftein ék dans 1'Allemagne: on alloit en venir aux mains, Iorfque les alliés d'Abel, apprenant qu'Othon Duc de Lunebourg ék Albert de Saxe alloient prendre les armes en faveur d'Eric, « tremblans eux-mêmes pour leurs Etats, ékcomptant peu fur 1'amitié ék futla puifiance de leur chef, 1'engagcrent a fe réconcilier avec le Roi, on mit bas les armes, les deux freres s'embrafferent, on fit la paix, ék 1'on convint q je les enfans d'Adolphe feroient rappellés de Paris pour gouverner eux - mêmes le Holfiein. Le Comte de Burevin, 1'un des négociateurs ék Parui d'Abel, époufa Marguerite fiile d'Eric, ék lui prêta foi ék hommage; nouveau chagrin pour la cour Impériale. Eric étoit de bonne foi; fon cceur avoit palpité de joie dans les bras de fon frere. Un incendie, qui réduifit en een- • dres deux monafieres, fit dire a ceux qui prétendoient lire dans 1'avenir, que ce feu étoit le préfage de celui dc la guerre civile qui alloit fe rallumer. L'ambition d'Abel juftifia bientöt cette prédiction hafardée. II refufa de rendre hommage au Roi pour le Duché de Sieswigh: on prit les armes. Eric ravagea les Etats du rebelle; celui-ci mit tout a feu ék a fang dans le Dannemarck: le peuple, viétime malheureufe des querelles de les maitres, fouffrit d'abord tous ces maux fans murmurer; inais les déprédateurs n'avoient pas refpeélé les biens du clergé. On avoit vu de prophanes foldats porter une main facrilege fur les tréfors des évêques, des abbés ék des moines: ék fi on leur avoit pardonné de ruiner, d'égorger le laboureur, Pouvrier, le ê ferviteur, qnoiqu'utiles, néceffaires, modeites 6c religieux, on ne leur pardonna 1 point le piiiage des biens eccléfiaftiques. Les Evêques s'affemblerent, ék Ses. qni furent confirmés par fes fucceffeurs, & longtemps refpeétés par les Rois. Cette viile devint ii forte que Chriftophe I, vaincu par Ie rebelle Meidorp, étant venu ponr v chercher un afyle-, on ofa lui fermer les portes: il ne put les forcer, &, dans ia fuite foit générofité, foit impuiffance de fe venger, i! parut oublier cet outrage. Eric VIII donna a cette ville dès marqués non équwoques de fa prédileaion: il y établit un Préiet pour rendre Ui juftice, & fexempta en 1318 d'un impót qu'on levoit impitoyablement fur chaque charrue dans le refte du Royaume. Cette circonftance femble prouver que cette ville n.étoit point encore parvenue a ce point de fplendeur oü 1'on abandonne 1'agriculture pour le commerce, & que les habitans fortoient des murs,pour labourer les campagnes voiünes Cette conjefture donne encore une belle idéé de la fnnplicité de leurs mceurs. Cependant ils étoient toujours dans la mouvance de 1'Evêché de Rothfchild; ce ne fut au'en 1443 que leur ville fut cédée parl'Evêque au Roi Chriftophe III, & réunie & la couronne. Cette révolution caufa beaucoup de joie aux habitans; ils trouverent la domination des Rois plus douce que celle des Prélats. Ils en recurent des fecours plus prompts & plus puiffans. _ Vers fan 1474 Chriftiern I fit un voyage a Rome, moins en obfervateur qu'en pélerin: il n'ailoit pas examirier les mceurs, les loix de 1'Italie & les monumens des arts, mais vifiter les tombeaux des Apótres. Le Pape Sixte IV lui accorda la permiflion d'établir une üniverfité dans fa capitale, & accorda a ce corps acadömique les mêmes privileges qu'a celui de Bologne. L'affluence des écoliers enrichit & peupla cette ville; mais, ce qui 1'éleva au plus haut point de gloire & de magnificence, ce fut 1'eiitrepót général du commerce du Royaume, que Chriftiem II y réunit 1'an 1515. lijk de lanneïarck,240-1319. Paix mal bjervée. 1244. Nouvelle uerre ciile.  168 HISTOIRE DU ROYAUME Sect. V. Hift. de Dannemarck , 1240-1319, Ligue des trois Rrinees contre le Roi. d'après d'anciennes bulles de Rome, ils jugerent que celui qui s'emparoit des biens de 1'Eglife, ou par rufe oü par force, ou qui méprifoit les cérémonies eccléfiaftiques, devoit être privé des fecours de la Religion, fans aucun égard pour fon rang; & que les pafteurs devbient répéter cette condamnation au peuple tous les jours defêie, (1) en langue Danoife. Eric & Abel furent excommuniés indiftinétenient: les pafteurs excicerent les peuples a la révolte; & les deux freres, acharnés a leur ruine mutuelle, furent contraints de fulpendre les effets de leur haine, pour tourner leurs armes contre leurs propres fujets. Ils fe virent cités au Concile de Lyon, par le Pape Innocent IV, comme s'ils avoient été fes vaflaux: leur réfiftance aux ordres du Pontife les rendit encore plus odieux a la nation; étrange fyftême de ces fiecles d'ignorance, oü les peuples méprifoient leur maitre, Iorfque foutenant les droits de fa Couronne & la grandeur de 1'Etat, il rejettoit les ordres defpotiques d'un petit Prince d'Italie! Eric & Abel furent contraints d'en venir a un accommodement: fans cette trêve, ils couroient rifque de perdre 1'un fa Couronne, ék 1'autre fon Duché. Ce ne futqu'avec beaucoup de peine qu'ils parvinrent a éteindre le feu de la fédition ék a obtenir grace du clergé. Eric voulut venger Copenhague , ék faire éprouver le même fort a la ville de Lubec; mais fes forces navales échouerent contre cette fiere République, également redoutable par fes richeflès ék par fon amour pour la liberté. Cependant les trois Princes cabaloient de nouveau contre le Roi. Abel étoit le plus ardent ék le plus dangereux de tous: chacun d'eux prétendit fe rendre indépendant dans fon apanage. Ils foutenoient que, dans le partage réglé par leur pere, la claufe de la foi ék hommage n'avoit point été énoncée. Ils conclurent enfemble une ligue offenfive ék défenfive, ék fe traiterent réciproquement en Rois. L'impétueux Abel, ■ Prince né pour le malheur de fa patrie, donna le fignal du carnage; il entra dans Odenfée, ék fit de cette fuperbe ville un monceau de cendres. Eric traita de même la ville de Schwinbourg, d'après cet affreux droit de repréfailles, qui, pour avoir été reconnu ék fuivi de tout temps, n'en eft pas plus légitime. Chriftophe attaqué, pourfuivi dans les ifles de Falfter ék de Lalland, fut contrahit de fortir de fes domaines. Canut afliégé dans la fortereffe de Stege, recut des fers: les Lubecois les briferent, parcoururent les cötes du Dannemarck, ék mirent tout a feu & a fang. Eric appella a fon fecours les Vandales, alliés plus terribles pour fes ennemis, qu'utiles pour lui-même. La foif du fang Danois fe réveilla chez ce peuple barbare; le Holftein fut leur proie. Oldesloe fut par eux détruite. Les trois freres réunirent les débris de leurs forces, fe jetterent dans le Juthland, chargerent d'indignes chaines ck traiterent cruellement leurs nieces Ingepurge ék Sophie: mais, ce' que le peuple leur pardonna moins encore, c'eft que 1'Evêque Efchill ne fut pas plus refpeété que ces Princefles. II ne refta des villes de Vedel ék de Randerfon, que quelques (O O?'1 Per '°'m Reclefice Bona occtiparet aut per fraudem interverteret, qui ne etiam ceremonias contemntret, is ut jacris, nuiio etiam refpeSu dignüatis, atque ordinis, arceretur;atque hoe diebus feftis' quibuscumque; per presbiteros , aut Ecclefiatum antiftites, lingud Danicd poponeretur, Meurfius Lib. II.  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. V. iji qucs ruincs.couvcrr.es du fang de leurs habitans. Après tant de défaftres, on Cit la paix; la ville de Lubec, intéreflee a la ruine du Dannemarck, ne tarda pas a enfreindre le traité. La guerre iè ralluma. Chriftophe vaincu tomba entre lés mains d'Eric: tout le Duché de Sieswigh fut ravagé. Flensbourg ék d'autres villes furent livrées au pillage. Le malheureux Chriilophe reconnut fa faute, a force de difgraces: il fe jetta aux pieds de Ton Roi, en obtint fon pardon, la préfecrure de l'ifle de Fémeren, ék la main de Margucrite de Poméranie. La flotte Lubecoife fut battue ék diiiipée prés du Sund, par Eric en perfonne. Abel chafle de Sieswigh, fut déclaré déchu de ce Duché: il y ren tra ,fecondé par 1'Archevêque de Breme, 1'Evêque de Paderborn , ék d'autres Princes Allemands. Enfin on pofa les armes, lorfqu'il ne refta plus rien a détruire. Les trois Princes fe reconnurent vaflaux de la Couronne, ék la paix fut fignée. La fin de la guerre.ne fut pas celle des malheurs du peuple. Les finances étoient épuifées; il fallut charger d'impöts la nation indigente: on en mit un .fur chaque charrue; on PappeJJa le Plog Penning. Auflitöt la Scanie fe fouleve; Ene paroit: fes officiers font égorgés fous fes yeux; il s'enfuit, revient avec une armée, foumet les féditieux, & les condamne a payer, outre .1'impöt, une amende onéreufe. Abel fut bientöt attaqué par les Comtes de Holftein, qui lui difputoient la ville de Rendsbourg. Eric, oubliant tant d'outrages, marcha a fon fecours: fa générofité lui coüta la vie. Abel 1'invita a un feftin; il s'y rendit; le perfide courut au devant de lui ék 1'embrafla: „ Seigneur, lui dit-il, c'eft malgré moi que j'ai pris les armes; j'avois ré„ folu de pafier Ie refte de mes jours dans une paix profonde, ék de ne „ plus fouiller mes mains du fang humain: foyez plutöt 1'arbitre de ma que,, relle, que mon défenfeur. J'aime mieux me réconcilier avec mes enne„ mis, que de les vaincre. Secondez mes deflèins paclfiques; il m'eft plus doux „ de vous être redevable de la paix, que d'un triomphe." (t) Après le repas il lui propofe une partie d'échecs; Herman Kerkweider étoit refté avec eux: c'étoit le confident ék 1'inftrument des furcurs d'Abel. Le poignard étoit fon arme iamiliere: il étoit accoutumé au crime, ék la voix du remords ne fe faifoit plus entendre dans fon cceur: en jouant, Abel paria de leurs anciens différends; il reprocha au Roi la maniere dont fa fille avoit été traitée par le Gouverneur qu'Eric avoit établi dans Sieswigh : „ elle avoit été, " difoitil, „ contrainte de fe cacher parmi des femmes de la lie du peuple, de „ s'habillcr comme elles, ék de s'enfuir nuds pieds pour échapper a la tyran„ me du Préfet." Et quoiqu'Eric eut pu repliquer que fes propres filles avoient été traitées plus durement encore par Abel, il répondit par une pki.fantene triviale ék indigne de lui: „ graces a Dieu! dit-il, j'ai de quoi payer „ les fouhers de votre fille. _ Ce n'eft pas le prix de fes fouliers que je de„ mande, reprit le Duc de Sieswigh; „ mais je fcaurai vous mettre hors „ detat de reduire jamais ma familie a une pareille i^nominie." Auflitöt Eric eft arrêté; on le lie, on le jette dans un batteau. Kerkweider, Ticho Bost & Lagon Guthmund 1'accompagncnt: celui-ci revient fur fes pas ék demande a Abel, ce qiiil faut faire de la perfonne du Roi? „ Fais-en ce que tu (O Meurfius Hift. Dan. Lib. II. Poft. Sax. Tome XLIII. v » Hifi. de D.mnemurck,1240 1319, Ils lui rendent hom- J mage. 1248. 1250. Perfidii d'Abel.  Sect. V. Hift. de Dannemarclt",1240.1319. Mort d'Eric. 1251. Soms pacifiques d'AhtL 170 HISTOIRE DU ROYAUME n voudras," répond le barbare. Eric voguoit déja fur le golphe, accompagné de fes farouches fatellites. Lagon fe jette dans une autre barque, & 1'atteint: dès qu'Eric -le reconnut, il s'écria: qu'on m'amene un prêtre; que 'je me prépare a la mort: elle efl certaine , puifque c'eft Lagon que je vois: dans cet indam Lagon attaché fa barque a celle d'Eric, & faute dans celle-ci en s'ëcriant: c'eft aujourd'hui; tyran, qu'il faut mourir! On defcendit fur le rivage * on fit venir un prêtre; le Roi fe confefla, lans donner aucun iigne de frayeur; puis fe tournant vers fes afiaffins: „ je fipavois „ bien, dit-il, qu'Abel m'öteroit la vie; mais je ne croyois pas qu'il choi„ firoit pour ce crime 1'inftant oü j'allois le fècourir. Qu'il tremble! un fort „ pareil 1'attend. Le^ciel frappe quelquefois 1'innocent; mais il n'épargne „ jamais le coupable," II n'en dit pas davantage; un coup de poignard lui coupa la parole: au poids de fes armes, on ajouta encore celui de plufieurs pierres, & dans cet état on le jetta a la mer. Deux mois après ce cadavre fut apporté par les flots fur le rivage. Le coup, dont il étoit percé, découvrit le crime d'Abel, qui avoit eu foin de répandre, que fon frere en allant rejoindre fon armée dans une barque trop foible & trop chargée, avoit fait naufrage. II avoit bien joué la douleur; des matelots avoient, par fes ordres, cherché le corps du Roi pour lui rendre les derniers honneurs. Ceux qui connoilfoient le caraétere féroce d'Abel, fon ambition, fa jaloufie, ne doutoient pas que fon frere n'eut péri par fon ordre: mais le peuple, toujours dupe de 1'extérieur des Princes, voyant couler les larmes du tyran, entendant fes gémiflèmens, n'accufbit que la fortune de la mort d'Eric, ék plaignoit Abel d'avoir perdu un frere fi tendrement chéri. On prétend que les afiaffins, avant d'égorger leur Souverain, lui demanderent oü étoit fon tréfor; & qu'il répondit qu'il F avoit caché dans une cajfette folidement fermée, c5* qui étoit en dépot dans le monaftere des freres mineurs de Rothfchild: il indiqua le lieu oü Pon trouveroit ce coffre - fort. Ce récit n'avoit rien que de vraifemblable. Eric avoit fondé ce monaiiere; il 1'avoit comblé de dons; il y paffoit le peu de loifirs que la guerre lui laiflbit: les-moines avoient toute fa confiance, ék il étoit poffible qu'il fe iïït repofé fur eux du foin de garder fes richeflès. Abel courut au monaiiere; on trouva la cafiette; on Pouvrit, ck Pon y vit une robe de moine: c'étoit-la le tréfor d'Eric. On ajoute qu'on y trouva encore un écrit, dans Iequel Eric déclaroit fa réfolution d'abdiquer en faveur de fon frere Abel, ék de paflèr le refle de fes jours dans un cloitre. Abel s'en retourna fort confus: mais, s'ü perdoit 1'efpérance d'un tréfor, il pofledoit une couronne ; ék, quoiqu'il 1'eüt acquife par un crime, elle avoiE des charmes pour fon ame ambitieufe. On s'étoit emprefle de le placer fur le tróne, moins par amour que par crainte: on prévoyoit, que fi 1'on tentoit de 1'écarter, il rallumeroit le feu des guerres civiles, ouvriroit a 1'étranger 1'entrée du Dannemarck, ék replongeroit la patrie dans toutes les horreurs, qu'on ne fe rappelloit qu'en frémiflant. On ne devoit attendre d'un tel Prince qu'opprefiion ék tyrannie; cependant fon regne fut aflèz doux: il rétablit les aflemblécs nationales, que la guerre avoit fuipendues, rendit aux loix la vigueur qu'elles avoient perdue au milieu dès difcordes civiles, confirma a fes freres la propriété de leurs ïpanages , & les augmenta ; ü renouvella le traité qui afluroit a 1'Ordre  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. V. r? Teutonique la poffefiion de la Gervie, & maindnt la paix avec le Corr Germanique, quoique, fous de vains prétextes, fon fils Valdemar eir ét arrete a Cologne en revenant de Paris: ville dès-lors regardée par le. étrangers, comme le fejour de la policeife & des arts; c'eft-1dire qu'on y etoitun peu moins barbare que dans d'autres endroits de l'Europe. VUmvel ftté, que Charlemagne avoit fondée dans cette capitale, eut Ia gloire de compter des Souverains au nombre de fes écoliers ; miais elle en fit plutot des üoéfeurs, que des Princes. e L'épuifement des finances la néceflité de racheter les Domaines engagé* furent le prétexte d un nouvel impót; & cet impöt, le prétexte d'une révolte: elle fe déclara fuccefijvement dans le Sieswigh, dans Ia Dithmarfie & dans a Frife Abe eut pendant deux ans les armes a Ia main contre les rebelles: (O da"sla Première campagne, il s'avanca imprudemment fur la dace, qui couvroit les marais de la Frife. Un dégel qui furvint tout a coup le forcaa faire une retraite precipitée, ék une partie de fon armée demeura engloutie dans Ie marais L année fuivante , il reparut ék fut vaincu. II def cendit de cheval, ék. chercha un gué pour traverfer une riviere qui s'oppofoit a fa fuite ; tandis qu il s avancoit dans Peau d'un pas incertain, ks Frifons accoururent & I egorgerent; digne mort d'un aflaflin ! Son cadavre refta longtemps expofe aux mfultes dc la foldatefque, ék a 1'avidité des bêtes férocfs & des oifeaux de proie; enfin les habitans de Sieswigh, revenus de leur première fureur, le dépoferent dans 1'églife de Saint Pierre. Le peuple crédule crut voir en-er des fpeéfres hideux autour de fit tombe, ék s'imagina que le ciel envoyoit ces fantömes pour avertir la nation qu'il étoit indigné de ce que, dans un temple on avoit donné un afyle aux reftes du mfurtrier dEric: fon corps fut exhumé, ék jetté dans un marais prés de Gottorp On ajoute que Ie corps ne fut point fubmergé, ék qu'il refta expofé aux regards des voyageurs, jufqu'a ce que les vautours 1'euflènt dévoré Abel laifibit deux fils, Valdemar ék Eric: la NoblefTe "avoit juré de phcer la couronne fur la tête de Pa né, ék que le fceptre ne fortiroit pointde la maifon d Abel, jufqu'a ce qu'elle fut étcinte. La Reine Mecht 1de Lm encore e jour a un fils pofthurae.nommé Abel: elle fe ].JST£rT dont elle fortit dans la fuite pour époufer le Régent de Suede. ValS étoit pnfonnier a Cologne. Eric n'avoit qu'un parti foible. Abel étok aU berceau. Chriftophe avoit des tréfors ék une armée: la Nation oubTh fermens & le couronna II fe déclara tuteur des enfans du feu RoL & fous ' ce titre, aont tant d'ufurpateurs ont abufé, s'empara de leun a^s ' qu on ne pouvoit pas eur refufer, quand bien même on tiroi Z Ifer' le trone a l ame. Ces jeunes Princes trouverent dans Mei dorp UnP^ fenfeur: il commandoit dans plufieurs villes qui leur appartenoienr ?!f r de les livrer au Roi Ce Prince raftembla u'ne ™2f & Zeük Lt " ou s etoit renferme le rebelle, fi toutefois on peut lui donner ce nou T ' trépide Gouverneur fit une fbrtie fi vigoureufe,que les Royafiftes Cm tl les en pieces Chriftophe lui - même fut entrainé dans leur déroute i ïh chercher un afyle dans Copenhague, dont PEvêque de Rothfchild lui iml CO Meurfius Hift. Dan. Lib. II. — pont3„. Hift. Dan. Lib VII " Y 2 t s ma. dt' > Danne, marek, ! I24° 1319» Révolte dans lt SUsioighf dans la Dithmarfie & dans ia Frife. Mort d'Abel. I 1254. Chriftophe !jl couronné iu prijudie des en'ansa'Abel.  t Séct. V. 1 Hift. de : Dannemarck , 1240-1319. Valdemar ejt délivré. Les Norvégiens fe déclarent 1>our Valdemar. Leurs Juccès , leurs ravages. Etrange loi l'Ortée' par unCon' die. 7i -V HISTOIRE DU ROYAUME a porte: telle étoit alors 1'audace des Prélats. Chriftophe ne fongea point t fe venger de celui-ci; un foin plus preffant Pagitoit: il fit de nouvelles evées, marcha contre Meidorp, vit fuir fon vainqueur devant lui, prit, démantela les villes que ce Général avoit en fa puifiance, & fit maffacrer fans pitié toutes les garnifons. II fe priva ainfi d'un fang qui pouvoit lui ctre utile & couler, dans d'autres occafions, pour la défenfe de la patrie. Chriftophe ne fe prefioit pas de payer la rancon du jeune Valdemar prt» fonnier a Cologne; il eft probable meme qu'il étoit d'intelligcnce avec PElectcur pour prolonger fa captivité: mais le généreux Mcldorp procura a fon maitre une fommc confidérable, & fes 'chalnes furent brifées. Tout concouroita fervir ce Prince, fon droit incontcftable, le fouvenir du ferment folemnel qu'on avoit fait a fon pere, 1'intérêt que les Princes Allemands prenoient aux troubles du Dannemarck, 1'occafion qui s'offroit aux Lubecois d'v porter le trouble & le ravage, lis armercnt une flotte nombreufe, defccndirent fur les cötes de Dannemarck, combierent des ports, brülerent des Villages, leverent d'énormcs contributions dans les villes; mais ils fe garderent bien de placer Valdemar fur le tröne: ils étoient trop intérefies a prolono-er la "uerre civile: la ruine des Danois faifoit leur rtchèfie. D'autres alliés vinrcmVofilr ]c Parci de Valdemar, ou plutöt accroitre les maux de la patrie- les Norvégiens fe déclarercnt en faveur du Prince opprimé; les Suédois fuivlrent leur êxemple: les Comtes de Holftein, les Margraves de Brandenbourg vinrent a fon fecours. Les ports furent bloqués, les cötes ravagées, par ces forces combinces: les Norvégiens furtout fignalerent leur fureur par les plus affreux ravages: rien ne futfacré pour eux: tout ce qui tomba entre leurs mains fut impTtoyablement maffacré; des villes furent détruites &.rafées • ils remporterent fur l'armée de Chriftophe une fanglante yiétoire. Ce Prince, tranquille au milieu de tant d'orages, ne perdit point cette préfence d'efprit fi néceffaire dans les grandes calamités: ce fut dans le fort de fes difgraces qu'il fit reconnoitrc Eric fon fils, agé de trois ans, pour fon fuccefieur au tröne, Iorfque lui-même fembloit pret d'en tomber: il feut divrfer fes ennemis, & les amencr a une négociation, dont les Ducs de Poméranie & de Vandalie furent médiatcurs. 11 promit de rendre a fes neveux leurs apanao-cs lorfqu'ils auroient atteint leur majorité, & Pon pofa les armes. Bientöt il eut a combattre des ennemis plus dangereux que la hgue du Nord- c'étoient les Prélats. Entre autres 1'Archevêque de Lunden avoit déclaré qu'il ne reconnoifibit d'autre Souverain que le Pape; il avoit c ïangé au o-ré d'e fon caprice les loix eccléiiaftiques du Royaume; il avoit tra té de fa* crile^es & d'im$ies toutes les ordonnances qui mettoient un hein a 1'ambition du clergé; il avoit foulevé lc peuple, cn déclamant contre les impots; & le peuple ne fongea point qu'il payoit la dixme a ce clergé, qui trouvoit, dans des fubfides employés aux befoins de 1'Etat, 'un motif pour 1 armer contre fon maure. Chriftophe n'ofa punir 1'Archevêque ni meme lui réfifter: il fupprima un impót néceffaire, qu'il auroit du replacer fur les biens ecc efiaftiques. Sa timidité, ia foibleflè enhardirent les Evêques; ds s affemblerent ék'déclarerent dans un Concile, que tout le Royaume tomberoit dans Vinter dit, Iorfque le Roi, ou quelquun de fes Officiers, ou quelque autre par f ordre de quelque JXoble, emprifonneroit un Evêque, le frappemt, m  DE DANNEMARCK,' &c. Liv. XXXII. Sect. V. i7: lui feroit quelque infulté ; que ce réglement devoit être adopté dans les autres Etats, oü un par eil délit auroit été commis; que le Roi ne pour rolt prévenir cet interdit, qu'en réparant avant un mois les dommages que f Evêque auroit foujferts: qu enfin tout Eccléfiaftique qui oferoit foppofer a fétabliffement de cette loi,ou l''enfreindre,feroit lui-même int er dit. (i) Le Pape ne rougit pas de donner a cet acte ridicule une fanétion folemnelle. Ce n'étoit pas affez que le peuple vit fes champs ravagés, fes .maifons brülées, qu'il fut mafiacré lui-même pour les qucrelles des grands; il falloit encore qu'il füt privé des fecours de la Religion, & expofé aux dammes éternelles, lorfqu'un Seigneur, dont peut-être il défapprouvoit la conduite, avoit infulté un Evêque. L'Archevêque de Lunden étoit 1'auteur de cette étrange conftitution. Le Roi le dénonca a 1'affemblée des Etats, & ne put le faire punir: la fanétion de Rome avoit atterré tous les efprits. Tandis que dans' la capitale même du monde Chrétien, des Dominicains plus raifonnables rejettoient cette loi abfurde, & refufoient de compter au nombre des Conciles une aflèmblée de faétieux , il ne fe trouvoit pas un généreux Danois qui ofat élevcr la voix contre un réglement qui aviliffoit & le tröne & Ia patrie , & qui expofoit les poffeflions des citoyens a Pavidité des prélats. On feut quels abus pouvoient réfulter de cette révolution. Un Evêque pouvoit traiter cTinjure atroce la chaleur avec laquelle un laïque auroit défendu un champ fur Iequel lc prélat auroit eu d'injtiftcs prétentions; & dès - lors le Diocefe & tout le Royaume pouvoient tomber dans 1'interdit, jufqu'a ce que le malheureux cüt facrifié fon patrimoine a. la tranquillité de toutes les conf- (0 Qj'ando Danicce Ecclefice graviter perturparentur, .ac majorum quoque metus im* penderet, fi Epijiopus aliquis, juffu Regis aut permiffu, aut cujusquam e No'iilibus, captus unquam abducatur , verberave aut injuriam qualem cum que patiatur , uti Jacris toto regno facer ordo abfiineret : idem quoqne extra Daniam faciendum, fi iftic idem perpetratum foret, nifi forte, qua commijfa, ab Epifcopo ejus loei, Rex commonitus intra menfetn correxiffet. In hxc omnes qui convenerant juravere, ac conftituere etiam , qui delinqueret. is ut fibi interdiütim a facris fciret. Pontifex que Alexander rata mox ka;c ipfa habuit. Meuif. Lib. II. Tïeur%, dans fon Hifloire Eccléfiaftiqui, parle en ces termes de cette étrange loi. Nous les citerons, afin que 1'on puifle comparer le récit de Meurfius & le fién. ,, Les violences contre les Evêques étoient fréquentes en Dannemarck, comme il „ paroït par les aétes d'un Concile ,dont les décrets furent coHfirmés par le Pape Alexandre „ le troifieme jour d'Oftobre de cette année 1557." Il feroit plus vrai de dire las violences des Evêques contre les liois Étoient fréquentes en Dannemarck. Fleury continue: „ en voici „ la preface." L'Eglije de Dxnntmarck eft expnjée a une fi rude perfécution des Seigneurs, que quand les Evêques veulent prendre fa défenfe, ils ne craignent pas de leur faire des menaccf injolèntes , même en préfence du Roi; &f elles ne font pas a. méprifer , vu que le Clergtii'a aucun fecours a attendre de la puiffance f éculier e ; tf i'orgueii des Seigneurs n't'tant aucunement retenu par la crainte du Roi, peut les pouffer a faire tout le mal qu'ils Veulent. C'eft pourquoi le Concik a ordonnè ce qui fuit: fi un Evêque eft pris, ou mutilé de quelqm rnembre , ou fi on lui fait en fa perfonne quelque autre injure atroce dans Vitendue du Ryjyau'me de Dannemarck, par l'ordre ou ie confentement du Roi, oude quelqm Noble demeurant dam le Royaume ; en forte qu'il y ait préfomption probable que c'eft la volonté du Roi, tout Ie Royuume fera en inttrdit: fi la violence eft faite cl un Evêque par une perfonne puisfante demeurant hors du Royaume, £? que 1'on conjeSnre que ce fait par le confeil du Roi ftf des Seigneurs de Dannemarck, le Diocefe de l'Evêque fera dès-lors ir.tsrdit. Si ie R'ii itant admoneflé ne fait juflice dans un mois , le Royaume demeurera interdit , jufqu'a ce que l'Eiéque ait fatisfa&ion. Nous défendons a tout Prêtre ou Cha'ielain de quelque Noble, de faire l'office divin en fa préfence pendant 1'interdit, fous peine ■d'excommunication. Hift» Eccl. Lib. XXIV. Y3 Hifi. de Drnnema'-ck.1240.r •>19,  Sect. V. Ailt. de D-iwneniaixk.1240-1319 Flotte Norvêgiennedevant Copenh igue, (jtnérofilé du Hoi de Norvege. Mort de Chifiophs. (O Pontan. rer. Dan. Hift. Lib. VII. p. 353. 174 HISTOIRE Dü ROYAUME ciences. L'audacieux Archevêque, dans une aflèmblée, s'écria qu'il n'obéiffoit qu'au Pape, & ne fut pas chatié. II fouleva touc fon Diocefe; les maifons Royales furent livrées au pillage; les courtifans chaffés & mal-traités. Si le Concile avoit eu quelque idéé de juftice, il auroit ftatué quelque peine contre un Evêque qui outragcoit fon Roi. Les Prélats appellerent les Norvégiens en Dannemarck. Haquin parut devant Copenhague avec trois cena voiles. Chriftophe ne fauva cette ville de la deftruétion qui la menaeoit,qu'en faifant porter a fon ennemi d'énormes contributions. Haquin les recut, mais il avoit Pame héroïque: il lui fuffifoit d'avoir fait trembler fon ennemi, & d'avoir vu des preuves non équivoques de la terreur qu'il lui infpiroit: il lui rendit fes tréfors, lui jura une amitié inviolable, ék fe retira au grand regret des Evêques. Ils chercheixnt d'autres alliés; ils en trouverent dans le Holftein, dont les Comtes étoient les éternels ennemis de la Couronne. L'Archevêquc de Lunden fut fi fier de leur appui, qu'il rejetta avec mépris la médiation du Régent de Suede, que le foible Chriftophe avoit invoquée pour négocier avec fon fujet. Ce Prince voulut faire couronner le jeune Eric fon fils, déja proclamé, h qui Valdemar pouvoit un jour difputer le fceptre. L'Archevêque défendit a tous les Prélats d'aflifter a cette cérémonie; aucun d'eux n'y parut. Eric fut couronné par les Sénateurs. Chriftophe eut recours aux armes ordinaires de la foibleffe, a la féduétion, a la perfidie: il corrompit un frere de 1'Archevêque, qui arrêta ce Prélat: d'autres Evêques eurent le même fort, èk il ne s'en échappaque deux, qui, en fuyant, lancerentleurs foudres contre le Roi, ék qui allerent a Rome, animer contre lui le Pontife, alors fi redoutable. Chriftophe eut encore la foiblefie de fe foumettre au jugement d'une Cour, qui avoit déja fomenté la révolte dans fes Etats. II mourut, Iorfque Rome alloit le frapper ék Iorfque Haquin accouroit a fon fecours. On prétendoit que fa mort n'étoit pas naturelle. Pontanus en parle en ces termes: „ quoique Krantzius paroifie croire que ce Prince termina tranquille„ ment fes jours au milieu de fes foins politiques, d'autres Hiftoriens, fur„ tout ceux qui vivoient a fa cour, ék qui, par cela même méritent plus „ de confiance, racontent que pendant les guerres civiles, Chriftophe qui „ vouloit y mettre un terme, fe rendit a Ripen, pour y conférer avec 1'Evê,, que qui y étoit prifonnier, ék d'autres prélats, les moins acharnés contre „ lui. II vouloit délibérer avec eux fur les moyens de finir les maux de „ 1'Etat ék de faire fa paix avec 1'Archevêque. Ils ajoutent qu'Arnefaft , „ Evêque d'Arhus, y vint auffi fous le même prétexte, ék qu'il 1'empoifon„ na, foit dans un feftin, foit dans une hoftie, en lui donnant la commu„ nion. Le moine fcélérat," ajoute le même auteur, „ qui, un demi,, fiecle après, empoifonna 1'Empereur Henri dans une hoftie, (crime dont „ le Pape témoigna peu d'horreur) femble avoir été le difciple de 1'Evêque „ d'Arhus, ou du moins s'être exercé, comme lui, dans cet art exécrable." Pontanus dit encore, „ qu'empoifonner un Prince excommunié, ne parut „ point un attentat aux yeux de ces bons prélats, ék que de fon temps la „ lociété de Jéfus enfèignoit cette doétrine." (1}  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXIL Sect. V. ï? Eric n'avoit que dix ans, lorfqu'il fuccéda k fon pere, & la Reine mer Marguerite s'empara de la régence: cette Princeflè montra d'abord plus d< fermeté que fon époux, contre 1'ambition du Clergé. Ce corps formidabl< refufoit de reconnoitre le nouveau Roi: il auroit fuffi peut-être de rendre h liberté aux évêques prifonniers pour rendre les autres plus dociles, mais lt Régente ne voulut point paroitre trembler devant des rebelles: elle cru qu'un acte de clémence paroïtroit une preuve de foiblelfe. Jarimar, Prince de Rugen, vint a la tête d'une armée pour délivrer 1'Archevêque de Lun den: les Royaliftes furent vaincus prés de Neftwed. L'Evêque de Rothfchik fit refufer la fépultureeccléfiaftique aux foldats d'Eric,qui étoient morts poui la défenfe de leur Prince, & renouvella 1'interdit lancé fur le Royaume Tarimar entra dans Copenhague & fit rafer la fortereffe. C'étoit la feconde fob que cette citadelle étoit détruite, depui, que le Miniftre Abfalon en avoii polé les fondemens. L'ifle de Bornholm fut aufli Ia proie des Rugiens • Tarimar pafla dans la Scanie; oü ce fier conquérant fut arrêté dans le cour de fes profpéritt's par Ia main d'une fimple villageoife, qui lui ploneea un coüteau dans le ventre , tandis qu'il abandonnoit au pillage lc hameau qu'elle habitoit. (Q Les Comtes de Holfiein prirent la place de Jarimar & porterent le fer & la flamme dans le Juthland méridional. 11 fallut rendre la hberté aux Evêques; mais 1'Archevêque de Lunden ne fut point fatisfait de fa délivrance: il vouloit voir fon maitre a fes pieds lui demander pardon de favoir chatié. 11 fe retira en Suede, d'oü il ne cefia d'exciter la cour de Rome contre ia patrie. Eric, trop fidele imitateur de fon pere, prit le Pape pour juge entre fon fujet ék lui: 1'interdit jetté fur le Royaume fut levé; maïs d demeura toujours fur les lieux, oü fe trouvoient le Roi & la Reine. Leur préfence devenoit un malheur pour leurs fujets; on fuyoit k leur approehc; leurs domefliques défertoient leur maifon; & peu s'en fallut qu'ils n'éprouvaflènt Pun & 1'autre le fort de 1'infortuné Louis le débonnaire A la faveur de cette horreur qu'ils infpiroient, Eric fils d'Abel forma un parti; .il demanda le Duché de Sieswigh, vacant par la mort de Valdemar Les Comtes de Holftein,fes oncles, cmbrafferent fa défenfe. Marguerite le'va une armée; on en vint aux mains: les Danois furent vaincus. fe Tuthland méridional frappé de terreur fe foumit a 1'Archevêque de Lunden. Le Roi & la Reine tomberent entre les mains des vainqueurs. Manuierité' n'obtint la liberté qu'en cédant la régence a Albert de Brunswick. Le°Roi ne recou-' vra la fienne qu'en payant une rancon de fix mille mares d'argent: il alla chcrcher un afyle a la cour d'Othon de Brandenbourg. Albert ne fut pas longtemps paifible Adminiftrateur du Royaume: les Séelandois foulevés par les prêtres s emparerent.dela fortereffe de Helfingor: lc Régent ne dut fon falut qua la fuite, & laifia le Dannemarck dans une anarchie affreufe, la Reine fans pouvoir, le Pvoi banni, les prêtres armés, le peuple en proie a la difcordc , la noblefiè accablée, les finances épuifées, & les champs fans culture. Enfin on fit la paix fur Pancien plan; Eric fut reconnu Duc de Sieswigh, a condition qu'il rendroit hommage au Roi de Dannemarck Cependant les Rugiens étoient toujours maitres de l'ifle de Bornholm, que (O Meurfius Lib. IL ï Hift. de : Danne, marek, ' 1240-1319, 1259. ; Fimeté d$ Mirguerite. [ Jirimat- vient en Dannemarck : il eft tué far une femme. Délivranee des Evi' lues. 1160. Dlfgraces fEric ie MarXuerite. 1264.  Sekt. V. hijt. de Dannemarck , 1240-1319- Le Lêgnt fnvorije les faüiéux, au iïtu ie les punir. 12C6. 1270. 1272. Mort de V Archevêque. "77- 176 /HISTOIRE DU ROYAUME Jarimar leur Duc avoit conquife & oh ne les en chafla, qu'après avoir vèrfé beaucoup de lang : la citadelle de Hammershaufs arrêta longtemps l'armée Danoife. Enfin tout fut fournis dans cette ifle, mais le clergé Danois ne 1'étoit point encore. La Reine Marguerite imploroit 1'afiiflance du Pape, pour chatier, ou du moins contenir tant de prélats faétieux, qui formoient encore de nouvelles cabales, & femoient parmi le peuple les calomnies les plus atroces'contre la familie Royale. Le Pape envoya dans le Nord le Cardinal Gui en qualité de Légat, pour pacifier les troubles; il ne fit que les accroitre: loin de venger 1'autorité fuprême, & de réprimer ces audacieux évcques, leur juge devint leur complice. 11 fe retira a Lubec, amenanc avec lui Ie féditieux Archevêque de Lunden, les évêques de Rothfchild, de Ripen & de Sieswigh. Ce fut de - la qu'ils lancerent les foudres du Vatican fur le Roi, fur la Reine, & même lur ceux du clergé qui, fatigués de tant de dillordes, fe foumettroient a leurs Souverains. Tel fut le fruit de cette mifllon apoflolique, qui n'avoit eu en effet d'autre but, que d'humilier davantage deux têtes couronnées. Le Légat retourna a Rome; 1'Archevêque Py accompagna & y fut comblé d'honneurs. Son abfencc rallentit un peu Pardeur turbulente du clergé. Eric plus tranquille fur fon tröne, acheta du Duc de Sieswigh la ville de Kolding, dont il fit le boulevard de fes Etats du cöté du Juthland méridional; il créa de nouvelles loix, triompha des forces navales Lithuaniennes & Mofcovites, prit en main la tutelle des enfans d'Eric Duc de Sieswigh, & promit de donner a Painé 1'inveftiture de ce Duché, lorfqu'il auroit atteint Page de majorité. Le Roi époufa Agnès,fille du Margrave de Brandenbourg, fonbeau-frere: 1'Archevêque de Lunden revcnoit de Rome, oü il avoit acquis de nouvelles lumieres dans l'art de foulever les peuples & de réfifter aux Puiflances: on s'attendoit a voir renaitre de nouveaux troubles. Eric, pour les prévenir, promit de donner au Prélat une fomme de quinze mille mares pour 1'indemnifer de fes pertes; il eut été plus jufte de faifiï tous les revenus de 1'Archevêché, & de les diftribuer a tant de families ihdigentes qui avoient .été les viétimes des difcordes civiles dont il fut 1'auteur. Heureufcment ce Prélat mourut dans l'ifle de Rugen, avant de rentrer dans le Dannemarck, oü les faétieux 1'attendoient pour le mettre a leur tête. On tint un Concile a Lunden pour mettre fin a tant de troubles. On attendoit de la modération de celui qui fut élu Archevêque une paix durable: il partit pour aller a Rome chercher lc pallium, ufage attentatoire a 1'autorité des Rois. L'Empereur le fit arrêter en Allemagne fous de vains prétextes: fes fers furent brifés peu de temps après; mais le chagrin que lui avoit caufé fa captivité momentanée le conduifit au tombeau. Trugoft Tortan fut choifi pour lui fuccéder: celui-ci jura d'aller a Rome recevoir 1'inveftiture de 1'Archevêché, de prêter au Pape ferment de fidélité, & de lui payer tribut en qualité de vaflal. Le Hoi ne s'éleva point contre cette atteinte portée a fa puifiance: il avoit pris le parti de fermer les yeux fur tous les outrages que le clergé pourroit kii faire, parcequ'il avoit befoin des fuffrages de ce corps pour faire reconnoitre fon fils Eric héritier du tröne; Iequel, en effet, fut proclamé. L'Etat avoit recouvré fa tranquillité, fans cependant recouvrer fon équilibre: chaque partie n'étoit point a fa place, quoique toutes fembloient s'ac- cor-  DE DANNEMARCK, &c Liv. XXXII. Sect. V. 177 corder. On efpéroit que le rede de ce regne orageux feroit paifible; & il 1'auroit été, fi Eric n'eut pris aucune part aux querelles de fes voifins. Magnus difputoit a Valdemar fon frere la couronne de Suede: fk) il promit de payer au Roi de Dannemarck une forame de fix mille marcs d'argent, s!il vouloit raflifter de fes armes. Les troupes parcirent; Valdemar fut renverfé du tröne èk Magnus y monta. Les troupes Danoifes furent congédiées, mais fans folde; quelques villages furent les viétimes de leur mécontentement ék la proie de leur avidité. Magnus faifit ce prétexte pour ne pas payer a Eric les fix mille marcs qu'il lui avoit promis. Auffitót la cour de Dannemarck change de fyiiêmc; on prend la réfolution de rendre la couronne au Prince détröné. Ce projet auroit été exécuté, fi 1'impaticnt Valdemar avoit attendu les Danois. Mais il tcnta fans eux le fort des armes; il fut vaincu, & foreé de renoncer a la couronne. (2) Eric recut les fix mille marcs qui lui étoient promis. Si d'un cöté on lui refiituoit ce qui lui étoit dü, d'un autre cöté Magnus Roi de Norvege réclamoit dans fes Etats des domaines patrimoniaux qui appartenoient a fon époufe Ingeberge. Eric, fier d'avoir changé la face de la Suede, rejetta avec mépris les prétentions du Roi de Norvege: on anna de part èk d'autre; 1'ancicnne rivalité des deux nations. fe réveilla. On prodigua Por pour équiper des flottes : Pélite de la jeunefie brigua 1'honneur de les monter: on partit enfin, & les deux armées navales fe rencontrerent a la hauteur de l'ifle de Scanor. Le combat fut des plus vifs; les Danois triompherent, ék la flotte Norvégienne fit une retraite précipitée, laifiant beaucoup de vaiflèaux pris, beaucoup d'autres engloutis dans la mer. Magnus laifia dormir fes prétentions , ék les cinq années de paix qui fuivirent la défaite de ia flotte furent employées par Eric a .renouveller fon alliance avec la Suede, h diminuer le fardeau des impóts, ék a réunir a la couronne quelques domaines aliénés. Au milieu de ces occupations douces, qui contribuoient a la félicité de fon peuple, ou du moins allégeoient fes maux, deux fléaux affreux répandirent partout la confternation: la pefle qui dépeupla le Dannemarck, frappa aufli les animaux, ék la famine fut une fuite de ce défaftre. Plufieurs ineendies réduifirent en cendres les plus beaux édifices dans les villes principales. Le peuple prétendit avoir vu deux dragons enflammés, qui, par les combats qu'ils fe livroient dans les airs , annoncoient ces difgraces; préjugé aflèz fingulier chez une nation accoutumée a voir des aurores boréales. Les Norvégiens profiterent de la terreur que ces calamités avoient répandue dans le Dannemarck: ils entrerent dans le Juthland méridional, oü ils narent tout a \ feu ék a fang. Valdemar, Duc de Sieswigh, fe ligua avec ces ennemis de la ! patrie, ék renouvella fes anciennes prétentions fur la couronne de Danne- ' marek: il fut arrêté au moment oü il alloit partir, pour mieux concerter avec Haquin, fuccefieur de Magnus, les opérations de cette guerre. Les Norvégiens pourfuivoient le cours jde leurs ravages: mais leur armée étoit CO Snpr. Tom. 42. p. 419 & 420. (2) Le Leéteur judicieux voudra bien obferver, que nousfuivons ici Pontanus, Meurfius & autres hiftoriens Danois cités dans cette Partie, & que ce font des Suédois qui ont été nos guides dans 1'Hiftoire de Suede; c'eft a lui de décider fur ce qu'il y trouvera de différence, & a nous d'être fans partialité fur leurs récits. Terne XLHI. Z Hift. de Dannemarck , 1240-1319. Révolution en Suede, Prétentions du Roi de Norvege fur quelques Méns fitués en Dannemarei,1278. La flotte Norvégienne efl bat' tue, 1284. La guerre 'e rallume 'ntre le Dannenarek la Norvege.  Sect. V. Hifi. de Danneuiarck.1240-1319. Fameux pirate Norvégien.128Ö. Les affasfins d'Eric Je retirent en Norvege. 1287. Nouviaux ravages des Norvégiens. 178 HISTOIRE DU R O Y A U ME moins redoutable que la flotte d'Alf Ellingfon, pirate opulent & féroce, ir terreur des mers, le fléau du commerce, avide de fang, avide de richeflès,qui portoit cn tous lieux la défolation & la mort: les fortereffes même ne 1'arrêtoicnt pas; il s'empara de celle de Calenbourg en Séelande, Malgré les 1'uccès des Norvégiens, Valdemar prifonnier rcnonca a fes prétentions fur la couronne ék fe reconnut vaflal d'Eric : ce fut a ce prix qu'il obtint fa liberté. La fin de cette année fut celle du regne d'Eric: il s'étoit formé contre fes jours une confpiration fi fecrette, qu'elle n'étoit connue que des complices; ils s'étoient juré mutuellement de fouifrir plutöt les plus longs ék les plus cruels fupplices, que de rien révéler. Stigoth ék Jacques Comte de Hal land étoient a leur tête.. Eric revenoit de la chafie dans un chateau prés de Wibourg; il étoit accablé de fatigue; il s'cndormit: les f onjurés entrerent, tous mafqués, ék le firent expirer fous cinquante-fix coups de poignard. Eric avoit de grandes qualités; un penchant heureux le portoit a la bienfaifance; ék fi la pefte ék 1'ambition du Clergé n'avoient pas défolé fon Royaume, fon regne auroit été célebre par la félicité publique. On ignora pendant quelque temps quelles étoient les mains odieufes qui avoient enlevé au Dannemarck ce généreux Prince , Iorfque leur fuite en Norvege , oü ils trouverent un afyle, les décéla. La Reine Agnès fe trouvoit a ia tête de 1'Etat, ayant a défendre fon fils Eric, agé d'onze ans qu'on avoit déja voulu égorger; le peuple a foulager, le clergé a réprimer, une guerre a foutenir contre les Norvégiens. Dans cette fituation embarraflante elle agit, comme on a vu depuis Paugufle Marie-Therefe cherchcr un appui chez les plus cruels ennemis de fa maifon, les Hongrois. Ce fut aux Sleswicois qu'Agnès confia la garde de fon fils: elle crut enchainer Valdemar en lui remettant cet enfant, dont il falloit qu'il fut ou le proteéteur ou Pennend: elle aima mieux le livrer a un rival généreux, qu'a un peuple indocile, a des prélats turbulens,. a des amis foibles, a des courtifans intéreffés. Elle ne fe trompa point dans la haute idéé qu'elle avoit coi^ue de ja vertu de ce Prince: il ne s'occupa que de la défenfe de fon pupille ék de la fplendeur de 1'Etat. II diflipa une nouvelle confpiration, qui s'étoit formée contre les jours du jeune Eric.- La reflitution des ifles d'Alfen, d'Arroë, de Fémeren, fut le prix d'une conduite fi louable: mais la haine naturelle des Norvégiens contre les Danois, excitée de nouveau par tous les mécontens réfugiés, troubla les jours fereins que promettoit une régence commencée fous de fi heureux aufpices. Une flotte fortie des ports de Norvege couvrit le détroit du Sund. Helfingeur fut réduit en cendres ; les ifles d'Amack ék de Vêne furent ravagées. Les affallins d'Eric a Ia tête d'une autre armée mirent tout a feu ék a fang dans l'ifle de Samfoë: Bratinbourg, Korfor, Tornsbourg, Skelskor ék Nicoping, furent livrées aux flammes. Les deux flottes fe réunirent ék combinerent leurs opérations, ou plutöt leurs ravages. Skeke fut détruit; Strebekoping eut le même fort; enfin les ennemis fe retirerent chargés de dépouilles, ck ne laiflant partout oü ils étoient defcendus, que le deuil ék la deftruétion. On propofa un accommodement au Roi de Norvege; on devoit lui céder les biens qu'il réclamoit, ou des équivalens: il exigeoit que les meurtriers d'Eric fuifent recus en Dan-  DE DANNEMARCK, ékc. Liv. XXXII. Sect. V. I? nemarck, que ce rappel même n'eut pas Fair d'une amniftie. Une telle pai auroit couvert le Roi d'un opprobrc éternel: cette propofirion fut reiettéi avec horreur. On ne fcauroit concevoir en cela la politique de Haquin: ut Roi devoit ientir a quels périls il expofoit fes jours, en protcgeant des réd ■cidcs. La guerre recommenca: on mit plus d'acharnement encore dans cette expédition; on ne vit que maflacres, brigandages, incendies. Le pirate Ah Ellingfon, après avoir fignalé fa férocité par de nouveaux exces, fut enfin pris par les Scaniens; on ne le traita point en ennemi, mais en coupable •il périt fur un échaifaud. Rannon, 1'un des meunriers du feu Roi & neveu de Grant Archevêque .de Lunden eut le meme fort: fon oncle fut arrêté; on lc foupconnoii d entretcmr de feercttes intelligcnces avec les bannis. Dès cet inftant, k Clerge jura a Ene la même haine, la même perfécution, qu'il avoit juréc h Ion pere. Le jeune Roi fe priva imprudemment du plus ferme appui qu'il put oppofer aux prêtres conjurés contre lui. II öta a Valdemar les ifles, qui lui avoient été cédées dans une aflèmblée générale des Etats. Auflitöt le üuc de Sieswigh fe hgue avec les Norvégiens; il arme une flotte; il fe fette de pumr le maitre ingrat, dont il a confervé les domaines, & qui le depouille des flens: il lui préfente la bataille; mais il la perd, & le vainqueur conclud une trêve avec le Roi de Norvege : les bannis rentrerent dans leur patrie; & la jouiflance des bien que Haquin réclamoit lui fut accordee jufqu a 1 expiration de la trêve. Mais le Dannemarck n'en fut pas plus tranquiHe: le fougueux Boniface VIII, qui auroit, au gré de fes caprices brde tous les fceptres de l'Europe, fi elle n'avoit pas eu un Philippe le Bel_ a hu oppofer, occupoit alors la place du modefte chef des apötres: il avoit appns la detention de 1'Archevêque de Lunden, & envova au Roi lsnarn Archipretre de Carcaflbnne, chargé d'une lettre impérieufe & menacante. Voici de quel ftyle le fucceflèur d'un faint pêcheur écrivoit a un Roi : " ™-Sf£ en,pnfon,ie!:,] Archevêque, vous avez notablement offenfé la „ Majefté Divine , meprife le Saint Siege, & bleflë Ia liberté Eccléfiaftique" ?,til Pour(lUO] "p"3 vous pnons & vous ordonnans dc mettre en liberté „ 1 Archevêque, & lui permettre de venir librement en notre préfence avec „ notre Nonce lsnarn. Nous voulons aufli que vous nous envoyiez au plutöt „ des ambafladeurs, qui puifient nous inftruire pkinement de F état de votre " &®au»!l?,l mnna a payer quarante - ïeuf mille maics d argent a 1'oncle de Paflalfin de fon pere, & jetta fur Ie Royau- CO Hift, Eccl. de Fienry. — Pontan. Z 2 ? C Hifi. de ; Danne1 marek. 1240-1319. 1289. 1300. 1294; Faldemar ft ligue avec k Roi de Norvege. 1295. Lettre injnrieufe de Boniface. L'Archevêque de Lunden s'échappe de fa prifon.  Szct. V. Hift. de Dannemarck , 1240-131; 1299. Audace di Légat, 3303. 180 HISTOIRE DU ROYAUME me un interdit général. Le proces fut long: lsnarn ne revint en Dannemarck qu'en 1299; il fignifia 1'interdit, & écrivit au Roi une lettre infolemment abfurde, dans laquelle il le menacoit dc lui öter fa couronne ék de la don- f ner a un autre, s'il ne payoit a 1'Archevêque la (bmme prefcrite par le Pape. Eric eut la fóiblefiè de propofer une entrevue; Grant retiré dans l'ifle deBorn- ' holm ne voulut point comparoitre; il agit en Souverain qui traite avec fon égal; il envoya un chanoine pour le repréfenter: ambafiade qui fut recue avec refpeét. Eric èk Chriftophe fon frere implorerent la'clémence de Boniface; ils promirent cte fatisfaire le Prélat, pourvu que fa Sainteté levat les cenfures: le Pape y cöhfentit. Mais le Légat plus infiexible & plus audacicux que fon maitre, prononca au milieu de la capitale d'Eric un arrêt, ! par Iequel il adjugeoit a 1'Archevêque le tiers de la ville de Lunden, le tiers de la fabrique de la monnoie, ék tous les domaines que le Roi poffédoit dans l'ifle de Bornholm èk dans le diocefe de Lunden. Si tous ces faits n'étoient pas appuyés fur des preuves authentiques, on refuferoit de croire au^ jourd'hui, qu'un puiflant Monarque du Nord ait fouffert qu'un Archiprêtre Languédocien foit venu dans fes Etats s'ériger en juge entre fon fujet èk lui, èk le dépouiller de fes domaines, pour les donner a ce fujet accufé de félonie. Eric appella de ce jugement au Pape: le Nonce refufa de lever Pexcommunication prononcée contre le Roi, ék ne leva que 1'interdit lancé fur le Royaume. Ainfi le Roi èk la Reine demeurerent toujours frappés de3 foudres eccléfiaftiques: partout oü ils fe trouvoient, le fervice divin étoit fufpendu; le peuple les fuyoit comme on fuit des malheureux frappés de la pefte. Eric lè plaignoit feulement de ce que le Légat avoit pajjé fes pou* voirs, ék lui avoit fait plus de mal, que le Pape ne lui avoit permis d'en faire. Du refte, tout ce qui avoit été ordonné par le Pontifc lui fembloit trés jufte. Ce ne fut qu'en 1303 qu'il fut abfous; il lui en coüta encore de nouveaux domaines, qu'il fallut céder a PArchevêché; mais,. comme Grant étoit odieux a la nation, le Pape lui donna 1'Evêché de Riga, ék placa fur le fiege de Lunden ce même Légat. orgueilleux, qui avoit impunément outragé le Roi dans fa capitale. Pendant tous ces troubles, Eric, que Pexcommunicarion avoit rendu horrible ék méprifable aux yeux de fes fujets, n'en étoit pas moins refpeétable aux yeux de fes voifins. Riga s'étoit mife fous fa proteétion; Lubec avoit recherché fon alliance; plufieurs Princes voifins 1'avoient pris pour arbitre de leurs différends: il avoit fait élever une forterefiè pour contenir Roftock, ville qui fembloit difpofée a paffer fous une domination ennemie ék qui depuis éprouva 1'effort de fon bras. Ce Prince fe plaifoit fouvent a raflèmbler un grand nombre de cavaliers, èk a donner des tournois, oü il étoit toujours vainqueur; foit que ces adroits - courtifans le laiflaflent triompher, foit qu'il triomphat en effet par la fupériorité de fa force. II annonga dans tout le Nord, qu'une pareille fête, image de la guerre, alloit être célébrée dans Pvoftock avec lc plus grand appareil: toute la jeune noblefle de Dannemarck èk des Etats voifins accourut, ou pour contempler ce fpéétacle, ou pour s'y diftingucr: la ville allannée d'un concours fi nombreux ferma fes portesi Eric diflimulant fon dépit, ouvrit la carrière dans une plaine hors de la ville,. &,dorfque le tournoi fut fini, afliégea la place; elle fe rendit après quelque  DE DANNEMARCK, ékc. Liv. XXXII. Sect. V. 181 réfiflance: ainfi Fimage d'un combat finit par une conquête véritable; il ]a mit fous la proteétion de Henri de Mecklenbourg, & s'en fit faire hommage. Cependant on faifoit de vains efforts pour rétablir la paix entre le Dannemarck & la Norvege: la trêve étoit expirée; on avoit repris les armes. Eric bloquoit tous les ports du Comte de Hallandie, qui, pour conferver fes domaines du moins pendant fa vie, fut contrahit d'en céder la propriété au Roi de Norvege , ék de Souverain devint Gouverneur de fes propres Etats. Cette guerre n'empêcha pas Eric de tendre une main fecourable a Birger, Roi de Suede, détröné par fes freres; (1} Magnus, fils de ce Prince, échappé des mains des ufurpateurs vint implorer fon aflhlance. Eric marcha contre eux ék ne put les attirer au combat: ils tenterent une diverfion, qui réuflit. Valdemar, Pun de ces Princes, porta le ravage dans la Scanie. L'année fuivante, Eric reparut en Suede avec de nouvelles forces; tous les grands du Royaume marchoient fous fes drapeaux: les rebelles effrayés de- ' manderent la paix, fignée ék violée prefque auflitöt: la Gothie occidentale fut le théatre de la fureur des Danois. La révolte des habitans du Holftein les rappella: les féditieux furent vaincus; mais la ville de Lubec leur donna un afyle; le Comte Gerhard bloqua fon port. Eric fe trouvoit partagé entre une ville qui s'étoit mife fous fa proteétion, ék des vaflaux qu'il devoit dé- ' fendre: il offrit fa médiation: elle fut acccptée. Valdemar, Duc de Sles- ' wigh, conduifit cette négociation ék le terme en fut heureux. Eric retourna bientöt en Suede a la tête de 60000 hommes: la paix y fut rétablie , ék ne rendit a Birger qu'une partie de fes Etats. Ce Prince reconnut trop tard la faute qu'il avoit commife,en fe privantde' Toi kel Canutfon, le plus ferme appui de fon tröne. La fortune de ce Général avoit été rapide: fes talens militaires ék politiques lui mériterent Ia confiance de Magnus, qui avoit ufurpé le tröne-de Valdemar fon frere, ék qui le laifia en mourant a Birger fon fils. Torkei refpeéla la derniere volonté de fon raai- 1 tre, quoiqu'il put ne pas 1'exécuter, ék placer la couronne fur la tête d'Eric, * ou fur celle de Valdemar,petit-étre même fur la fienne. Magnus 1'avoit nom- \ mé tuteur de fes enfans ék Régent du Royaume pendant la minorité dc Bir- r, ger. Torkei, pour aflurer a fon pupille la tranquille poflèfiion de fes Etats, fit arrêter le fils'Öu Roi détröné: 1'un ék 1'autre moururent dans les fers. La conquête de la Carélie, plufieurs viétoires remportées fur les Rufics, la conftruétion de quelques forterefiés fur les frontieres, la rédaétion des loix Suédoifes informes ék éparfes avant cette époque, le commerce des efclaves interdit a jamais, ne firent qu'irriter davantage 1'envie des courtifans, dont la haute fortune de Torkei bleflbit déja les yeux. Les freres meme du Roi en furent jaloux ék jurerent fa perte. Valdemar étoit 1'époux de fa fille, ék ce lien facré n'éteignoit point la haine qu'il nourriflbit dans fon coeur. La guerre s'alluma: les Ducs trouverent des alliés puiflans: tant que Torkei fut a la tête des troupes de Birger, elles triompherent; mais, fitót que ce Prince, pour appaifer fes freres, mit des bornes a 1'autorité du Maréchal, il n'effuya plus que des difgraces. Enfin 1'efpoir de conferver fa couronne, lui fit facrifier le feul homme qui fgiu la défendre: on accufa Torkei d'être 1'auteur (O- Supr. T. 42, p. 425. 2S Hift. de Dannemarck , 1^40-13*19. Le Comte de' Hallandie :ede JesDonaines au Roi de Norvege. 1306. Troubles en mede. 1307. Sédition 'ans le lolfiein. 1308. 'ortune rdiie rjf fin 'ag que de ^orkel Cautjon.  Sect. V. i-Ii/i. de Dannemarck.1240-1315 Ij 12' Confphation contre le Roi. Nouvelle eonfpiration. 182 HISTOIRE DU ROYAUME des troubles qui agitoient la Suede, & furtout de n'avoir pas refpecfé les biens de 1'Eglife dans la répartition des impöts. C'étoit alors un de ces attehtats, dont la tache perpétuéc de génération. en génération femblc ne devoir jamais s'effacer; Torkei Canutfon eut la tête "tranchée, ék cet homme - digne d'occuper un tröne mourut fur un échaffaud. C'eft un des meilleurs Miniftres qui aient gouverné la Suede, ék 1'hiftoire de fa mort décourageroit fes femblables, fi tout citoyen qui lui reflèmble, n'étoit pas pret a facrifier fa vie ék fa gloire même, a fa patrie. Sa mort fut 1'époque de tous les malheurs de Birger. Eric lui - même ne put lui faire reftituer que la moitié de fon Royaume. Torkei le lui avoit confervé tout entier. Eric pafla quelques années dans une profonde fécurité, occupé du bonheur des Danois: tandis que la féiicité publique étoit 1'objet de fes foins, on tramoit contre lui un complot exécrable. Sophie fa fleur le découvrit: elle cn trouva les preuves, le plan, les noms des conjurés, dans des papiers que fon époux laifla'en mourant. Eric cacha d'abord le péril dont fes1 jours étoient menacés: il indiqua a Voltenbourg une aflèmblée générale des Etats: tous les conjurés s'y rendirent, perfuadés que leur projet n'étoit point éventé.(i) Après qu'on eut agité quelques affaires d'Etat, le Roi déclara qu'il étoit informé qu'on en vouloit a fa vie; qu'il connoiflbit tous les complices de cet attentat; qu'il auroit pu depuis longtemps les punir, mais qu'il avoit voulu que la nation aflèmblée ordonnat leur fupplice. A ces mots tous les Seigneurs, frappés d'étonnement ék d'effroi, fe regarderent en filence : les uns paliflbient de crainte ék les autres d'horrcur. Enfin Valdemar préfenta la lifte des coupables, ék la lut a haute voix: les principaux étoient André Hogb ék Nicolas Rannon, déja connus par de grands crimes, enhardis par des amnifties imprudentes. On voyoit encore a la tête de ces régicides, les Evêques d'Othonie, de Rothfchild, de Vibourg, de Sieswigh, de Barglan. Hogb ék Rannon furent roués vifs: quant aux prélats, on n'ofa punir de fi redoutables criminels: leur mitre les mit a 1'abri du glaive des loix; Eric fe contenta d'exiger d'eux un nouveau ferment de fidélité. La crainte eut autant de part que la clémence au pardon qu'il leur accorda: s'il étoit dangcreux de laifièr vivre ces conjurés, il étoit plus dangcreux encore de les faire périr: a Rome, on les auroit regardés comme des martyrs, ék leur fang auroit trouvé des vengeurs dans le Dannemarck même. Une révolte dans le Juthland feptentrional engagca le Roi a faire élever des fortereffes dans cette province, pour la contenir par la terreur. Les démêlés de la ville de Stralfund ék de Vitiflas Prince de Rugen , deux fois terminés par Eric, fe réveillerent encore. La maifon de Brandenbourg embrafla le parti des Stralfundois; Eric celui de Vitiflas. Au milieu des alarmes que lui caufoit une guerre qui fembloit inévitable, il eut encore des inquiétudes plus cruelles. On eonfpira de nouveau contre fes jours. L'Evêque de Wibourg, auquel il avoit déja pardonné, étoit un des chefs du nouveau complot. L'Archevêque de Lunden Esjer Jurl, fuccefieur d'Ifnarn, étoit aufli au nombre des conjurés. Eric fit grace encore a 1'Evêque de Wibourg: quant a 1'Archevêque, n'ofant chatier lui-même un coupable de cette importance, (O Meurfius Hift. Dan. Lib. III.  DE DANNEMARCK, èkc. Liv. XXXII. Sect. VI. 183 il ie cita devant Ie Pape. Le Pontife, flatté de trouver parmi les tëtes couronnées, un cliënt qui, d'un mouvement libre, s'humilioit devant fon tribunal , daigna le favorifer & condamna le Prélat a payer cinq mille marcs d'argent a ion Souverain, qu'il avoit voulti égorger, & lui défendit de tramcr a 1'avenir de pareilles intrigues, & de changer les Gouverneurs dc l'ifle de Bornholm, fans le confentement du Roi. Cependant la guerre s'allumoit. Chriftophe frere d'Eric's'étoit ligué avec les Margraves de Brandenbourg. Des Princes Ailemands, a la tétc desquels étoit le Duc de Lawenbourg, firent lc fiege de Stralfund; le Duc fut pris par les habitans; ék fes alliés fe retirerent, apres avoir fans fruit confumé leurs forces devant cette place. Enfin on négocia; Chriilophe rentra dans le devoir. Stralfund fe remit fous la domination du Prince de Rugen, ék recouvra fes privileges , que Vitiflas lui avoit ötés. On croyoit la guerre civile étouffée, ék Ie feu couvoit encore fous la cendre. Chriftophe, plus humilié qu'attendri par le pardon que fon frere lui avoit accordé, pafla en Suede; il y fut fuivi par 1'Archevêque de Lunden, qui n'ayant pu aflafliner fon Roi, prit le parti de 1'excommunier: mais le clergé même déclara, que ces foudres étoient impuiflans èk lancés injuftement. Birger, qui pénétroit les deffeins de Chriftophe, fit enlever fes freres, pour rompre les defleins qu'ils tramoient avec le Prince Danois. Auflitöt le Royaume fe fouleve; Birger s'enfuit: Magnus fon fils recöit des fers. Christophe ravage la Scanie; Eric porte le fer ék la flamme dans les domaines de Chriftophe. Une trêve de trois ans fufpendit cette guerre. Le Roi rentra en poflèflion de l'ifle de Bornholm, fi lachement cédée a 1'Archevêque de Lunden. Eric èk la Reine fon époufe moururent prefque dans le même temps. Ils ne laiflbient point d'enfans. On grava des inferiptions fur leurs tombes a Ringftadt. (1) S E C T I O N VI. Hifloire de ' Dannemarck , depuis la mort d'Eric jufqu'au Regne de Frédéric II. 1319-1550. Le Dannemarck perdoit un Roi jufte èk bienfaifant, (2) qui n'avoit jamais pris les armes que par néceflité, èk a qui on ne pouvoit reprocher que fa conduite timide avec les Evêques èk la Cour de Rome. II avoit recommandé a tous les grands raflemblés autour de fon lit d'écarter du tröne Christophe fon frere: les ravages que ce Prince avoit commis, les troubles qu'il CO Sur celle du Roi: Ego Ericus quondam Danice Rèx, regnans ann. XXXII, retïus jufinimus pauperum ac divhum ubi jus habuerunt, oro omne's quibus aliq-nd forte feci fJ%J?Jv > &? "rent pro animd m,d ; qui obii anno Domini MCCCXIX die fcati Bnxn Epijcopi & Confesforis. Sur celle de Ia Reine: Ego Ingeburga,nata de Suectd, quondam Rcgma Danice. Rego omnes, fi aliquid eis font feci, quod invite fecijfem, ut mihi per faam gratiam imlulgeani £f fint memores anima mece; qui obn anno MCCCXIX die Ajjumptionis B. M. V. Cs) Pontan. — Meurfius. 5ect. VI. Hi{t. de Dannenarek,[319-1559. I3I9- Hi/l. de Dannemarck , 1240-1319. 1316. I3i?1318. Mort du Roi de ia Reine.  Sscr. VI. Hift. de Dannemarck , 1-3 i$)-i55; :Chri/ïoph efl élu. Guerre tink.1323. 1326. 184 'HISTOIRE D U ROYAUME avoit excités, fes liaifons avec les ennemis de la patrie, 1'inconftance èkla férocité de ion caraétere, fa diflimulation, fa mauvaife foi, ne juftifioient que trop cette exhérédation. Deux concurrens lui difputoient la couronne; h c'étoient Jean Comte de Wagrie,fon frere utcrin, ck. Eric Duc de Sieswigh. . On crut que ceux-ci, dont 1'humeur étoit moins vindicative, fupporteroient mieux leur difgrace; on aima mieux avoir Chriftophe pour maitre que pour ennemi: il fut proclamé,ék on luilia les mains par une capitulation, qui ne 5 lui laiffoit gueres que le nom de Roi. Le Clergé devenoit indépendant du pouvoir temporcl; la Noblefiè obtenoit des privileges, qui reiferroient 1'autorité Royale;plufieurs grands profiterent de cette circonftance pour étendre leurs domaines aux dépens de ceux de la couronne; une partie des Impöts futabolie; lc Commerce devint libre: il fut réglé que les Etats s'aflèmbleroient tous les ans, que le Roi n'entreprendroit rien d'important fans leur confentement. Chriftophe jura de maintenir cette révolution, ék de ne jamais réclamer ce qu'il cédoit; il le jura, comme il avoit juré a fon frere de 1'aimcr ék de lui être fidele. Cependant il ne fut couronné qu'au retour de 1'Archevêque de Lunden, qui étoit allé fe plaindre au Pape, de ce qu'Eric lui avoit enlevé l'ifle de Bornholm. Chriftophe la lui reftitua: il fit démolir les fortereffes que fon frere avoit fait conftruire dans le Juthland: enfin dans les premiers jours de fon regne, il n'épargna rien pour gagncr la faveur du peuple. Ses profufions, fes largeffes, fes ceflions imprudentes, 1'appauvrirent tellemcnt, qu'il fut contrahit de rétablir les impóts: le peuple le fouffrit ék les paya en filence. II en mit fur les biens des nobles, ék ils murmurerent; enfin il voulut en lever fur les domaines de 1'églife, ék la révolte commenca. A la tête des féditieux 011 voyoit Oluffon que Chriftophe avoit perfécuté, 1'Archevêque de Lunden qu'il avoit comblé de bienfaits., ék un grand nombre de Seigneurs, qui cherchoient a s'enrichir de la ruine de 1'Etat. La Scanie ék la Séelande furent ravagées; le Roi marcha contre eux ék les tailla en pieces; il s'empara de l'ifle de Bornholm, pour fe venger de 1'ingrat Archevêque , qui s'armoit de fes bienfaits contre lui. La révolte parut calmée: elle fe ralluma trois ans après a 1'occafion d'un nouvel impót. Charles nouvellement placé fur le fiege de Lunden en fut le premier moteur.: la nation révoqua le ferment de fidélité qu'elle avoit prêté a Chriftophe: fon fils Eric alla combattre les rebelles; il fut vaincu ék fait prifonnier. Eric Duc de Sieswigh mourut fur ces entrefaites. Le Roi fe déclara tuteur du nouveau Duc Valdemar; Gerhard de Rensbourg prétendit aufli a la tutele, ék les deux partis ravagerent les Etats du jeune Prince, fous prétexte de le protéger. Chriftophe inveftit Gottorp; Gerhard marcha droit a lui: on en vint aux mains. Le Roi fut vaincu, ék fe retira au centre de fes Etats; mais il n'y trouva que des grands armés contre lui, des prêtres menacans, un peuple furieux, qui lui prodiguoit les noms d'oppreflèur èk de tyran; s'il eut été vainqueur, on lui en auroit donné d'autre?. Chriftophe fecouru par les Princes de Vandalie, ne reparut fur le théatre de la guerre, que pour effuyer de nouvelles difgraces: vaincu encore, il chercha un afyle dans l'ifle de Falfter. jli y fut bientót invefti par la flotte Danoife, ék, pour comble de calamité, réduit a demander grace a des rebelles: ils lui accorderent la permiflion de  DE DANNEMARCK, èkc. Liv. XXXII. Sect. VI. 185 fe retirer avec ft familie h Roftock, oü il vécut, livré a la pitié infultante d'un peuple libre, ou du moins qui croyoit 1'être. Tandis qu'il gémiffoit dans fa retraite, les tacfieux décernoient a Gerhard les titres de Géttéraliflime & de Régent, a fon pupillè Valdemar celui de Roi. Mais on ne lui donnoit qu'un vain nom , qu'il devoit bientöt perdre, èk on lui ötoit le Duché de Sieswigh, que les chefs de la facfion partagerent entre eux, ainfi que les plus beaux Domaines de la Couronne. II fut aifé d'allumer la difcorde entre ces ufurpateurs; Chriitophe profita de leurs divifions, mit quelques Evêques dans fes intéréts, fe réconcilia avec le Comte de Vagrie fon frere uterin, qui lui prêta de 1'argent & des foldats, ék fouleva le peuple, fur Iequel le Régent venoit de mettre un nouvel impót; c'étoit tout ce que la nation avoit gagné a détróner fon Roi. Chriftophe eut bientöt une armée prefque toute Allemande; deux Evêques s'emparerent 1'épée a la main de la fortereflè oü fon fils étoit renfermé ék briferent fes fers. Cependant le parti des rebelles étoit encore fi redoutable, qu'il fallut confentir a une trêve. Chriftophe, ék fon fils Eric, qui avoit été reconnu en meme temps que lui, partagerent le Royaume, ék fe féparerent pour mieux fe fervir mutuellement. Chriftophe fit emprifonner Tychon Evêque d'Albourg, qui 1'avoit infulté; ce Prélat s'évada, courut a Rome, ék fit tonner les foudres du Vatican. Enfin on fit la paix. Valdemar renonca au titre de Roi, Gerhard a celui de Régent: le premier rentra dans fon Duché; le fecond eut l'ifle de Fionie. L'année fuivante, un différend entre le Comte de Holftein ék celui de Wagrie rallume la guerre. Eric ék Chriftophe prennent la défenfe de ce dernier. Les deux armées fe trouvent en préfence prés de Dannevieh dans la plaine de Lohede: pendant le combat, les Allemands que le Roi avoit a fa folde, le trahirent ék s'unirent aux Holfteinois, ék leur défeéHon décida la viétoire en faveur des rebelles. Chriftophe ék fon fils s'enfuirent jufqu'k Kiel. Eric mourut peu de temps après fa défaite: ce Prince étoit plutöt foldat que général; il fut vaincu prefque autant de fois qu'il prit les armes: mais fa piété filiale rendra toujours fa mémoire refpeétable. On négocia de nouveau: le Comte Gerhard tira encore parti de fes fuccès ; Chriftophe lui engagea le Juthland feptentrional , jufqu'a ce qu'il lui eut payé cent mille marcs d'argent: ék Jean s'obligea a racheter a fes frais la ville de Hinsgawel ék la moiti'é de l'ifle de Fionie, pour les reftituer au Comte. Ainfi la Monarchie fè démembroit en détail: elle fut affoiblie encore par la défection des Scaniens, des Hallandiens, des Liftricns, qui pafferent fous la domination Suédoife. Magnus pria le Pape dc confirmer par une'bulle fon ufurpation; Ie Pontife répondit qu'un juge devoit entendre les deux parties, ék qu'avant qu'il prononcat fur cette grande affaire, il falloit citer Chriftophe a fon tribunal. Ce Prince alloit paroitre a un tribunal plus redoutable, oü fans doute les jugemens de la terre, ceux-même de Rome font fouvent réformés; deux perfides Penleverent, ék le préfenterent au Comte Gerhard, qui fut affez généreux pour désavouer cet attentat ék brifer les fers de fon ennemi. Mais Chriftophe accablé de chagrins , ayant perdu fon fils ék une partie de fes Etats , mourut peu de temps après dans l'ifle de Falfter. Les dernieres années du regne de Chriftophe avoient été marquées par tout ce que la foiblefle du Prince, la méchanceté des miniftres, Paudace des grands Tome XL1II. Aa Hifi, de Dannemarck , i3tSM559- Chriftophe eft forcé de Je retirer & Roftock. 1329. 11 remonte fur le tróne, 1330- 1331. Mort d'Eric. 1332. Plufieurs provincesfe ~ donnent au Roi dt Siteie. 1333.  Sect. VI. Hift. de Dannemarck , I3I9-IS59. 1340. Valdemar eft élu après un long inlerregns. Traité avec la Suede , dans Iequel les fujets fontgarants de la hunne foi de leurs maitres. i e86 HISTOIRE DU ROYAUME rafiaux & les fureurs du peuple peuvent enfanter de plus déplorable. Un long interregne ne fit qu'ajouter de nouveaux malheurs k ceux qu'on avoit déja éprouvés. A une monarchie chancelante ck odieufe, fuccéda le cahos de I'anarchie. Ce fut au milieu de ces troubles que le jeune Valdemar fils de Chriftophe fut élu. On le furnomma Atterdag, paree que ce mot lui étoit famiiier. II fignifie, demain un autre jour ; il vouloit annoncer par-la qu'il tireroit un jour fa patrie de 1'abime oü elle étoit plongée. Le premier édit qu'il publia, fut une amniftie générale pour tous ceux qui avoient perfécuté & fon pere ék lui-même. L'Empereur, k la cour duquel il avoit été élevé, fe fit médiateur entre le nouveau Roi, le Duc de Sieswigh ck les Comtes de Holftein. Valdemar rentra dans la plupart des domaines qui avoient été enlevés k fa couronne, ck eut la liberté de racheter les autres; mais il n'en avoit pas la faculté; les finances étoient épuifées, ék il étoit important de rentrer en poftèffion de la fortereflè de Stolpe, qui étoit engagée pour une fomme confidérable. Les Dames Danoifes, animées par un patriotifme, dont cette hifloire fournit peu d'exemples, facrifierent alors leur parure k' 1'Etat, vendirent leurs bijoux ék en porterent le prix au Roi: pendant plufieurs années, ce Prince ne fut occupé qua racheter les domaines aliénés. Au milieu de ces foins politiques, il fongeoit k reconquérir la Scanie , ék manquoit de forces pour cette expédition. La Suede s'étoit agrandie ék fortifiée des pertes du Dannemarck; il fallut remettre k des temps plus heureux 1'èxécution de Ce projet: on conclut un traité entre les deux couronnes- la Scanie demeura k la Suede, ék on prit des mefures pour terminer a 1'amiable tous les différends, qui pourroient naitre, foit entre les Souverains, foit entre leurs fujets. La claufe qui termine ce traité eft finguliereparcequ'un grand nombre de Comtes, d'Abbés, d'Evêques, garants de la bonne-foi de leurs maitres, s'y engagent refpeétivement k prendre les armes contre leur légitime Souverain ék k fe liguer avec fes ennemis, s'il viole ce traité, fj) (1} Nos infuper Petrus Lundenfts Archiepifcopus , Sueciee Primas,. Siggo Scarenfïs Frenderus Stengenenfis, Dei gratid Epifcopi, Hem kus /Mas de Saba villa Schemingen, Ivarus Jnghmundfon, Laurentius Ulffon , Goflanus Tunesfon , Canutus Folkefon , Carolus Tygejfen, Carolus Naskoningfon, Uffo Abiornfon , UJfo Gulmarfon, Amundus Sture, Amundus Stueniffon , Tucho Glifftng , Laurentius Carljon , Magnus Kundfon , Siggo Magnuffpn, &c Milites, & 'Johannes Chrijtenfon, Armigeri, jjde jujfi.res £ƒ com- promijfores Domini noftri Regis Magni, pro pramifjis omnibus {if ftngulis firmiter obfirvandis una cum Domino noftre Rege fupra diüo „ promittimus bond fide & fub bonore „ noftro, Juccejforum noftrorum hazredum'. quod ft prcefatus Dominus nofter Rex Ma„ gnus, haredes Jui vel fucceffores adRegnum & Coronam Sueciee qualiter cumque venien- tes, prcetextu juris Corona Sueciee, aut propria temeritalis audacid, contra pramiflïi vel „ aliqua pramijforum venerit, vel venire attentaverit, ftatim nos, fucceffores noftri, £f „ haredes cum amicis omnibus noftris sliis que amore noftri quidquam facere vel omittere „ vo/entibus, Dominum Voldemarum Regem Dania, fucceffores fuos £? haredes, fub pree„ mijfd fidei fponftone . efficaciter & fideliter juvabimus, contra Dominum nofirum Regem „, Magnum ,flwcefforesfuos £f haredes, in pramijforum evidentiam (jf teftimonium ,figilla nojlra „ cum figillo Domini noftri Magni Regis praditti prcefentibus apponentes. Pont. Lib. VUL Les Seigneurs & Prélats Danois prirent a peu prés les mêmes engagemens envers la. Suede. Aujourd'hui un Roi eft defpote, 1'autre eft Monarque, dans ces deux Royaumes, ou leurs ancêtres foufïroienc que leurs fujets fuftent les garants de leur bonne foi, qu'ils prévilfent dans un aéte authentique le cas oü leurs maitres, fous prétexte du bien de leur Conronne, ou emportés par une téméraire ambition, violeroient un traité, qu'ils juraflent de fe révolter contre eux & de fe liguer avec leurs ennemis pour -les punk dc. leur inndélité, Sc qu'enfin ils appofalfent leur cachet a cóté du fceau Royal.  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. VI. 18; Tant de foins politiques occupoient tellement Valdemar, qu'il s'appercut •a peine d'un interdit lancé fur fon Royaume, paree qu'il avoit fait arrêter un Prélat turbulent. De nouveaux différends avec les Comtes de Holftein, la révolte des Frifons, auffitót réprimée par fes armes, partagerent enfuite fes momens jufqu'a fon départ pour la Croifade. II eft difficile de concevoir cortiment une tête aufli bien organifée fe laifia prendre au vertige épidémique qui entrainoit les Européens en Aiie: après avoir racheté tant de domaines, ce Prince, par une contradiétion abfurde, vendit PEftonie pour aller faire la guerre aux Sarrafins, & quitta fa patrie, qu'il aimoit, dans le temps oü fa préfence lui étoit plus néceflaire. Arrivé h Jérufalem, il fe fit recevoir au nombre des Chevaliers du Temple, plus célebres par leur deftruétion que par leurs exploits. Le premier feu du fanatifme fut bientót éteint dans fon cceur; il revint dans fes Etats & reprit les rênes du gouvernement. II confirma fon alliance avec 1'Empereur, rechercha 1'amitié de tous les Princes d'Allemagne, conclut une ligue défenfive avec la Pologne. Enfin Valdemar auroit ëté tranquile dans fon Royaume, fi les Comtes de Holftein, fes anciens ennemis , ne Pavoient inquiété par des prétentions chaque jour plus exagérées: il fit avec eux différens traités, qui aflbupirent la guerre fans 1'éteindre entierement. Elle fe ralluma bientöt avec plus de fureur que jamais. Valdemar fut vaincu d'abord; mais la fortune changea, & le Roi défit les Comtes en bataille rangée, foumit l'ifle d'Alfen & la céda généreufement a la Ducheflè de Sieswigh. La paix avec les Comtes de Holftein fuivit de prés leur défaite. Valdemar donna alors tous fes foins au bonheur de fon peuple; on le vit aflis fur les tribunaux rerminer les différends des particuliers, defcendre dans les détails de leurs befoins, & reprenant 1'autorité fuprême, forcer les ufurpateurs h reftituer tous les biens, dont ils s'étoient emparés a la faveur des anciens troubles. Malgré toutes les reflburces que Valdemar trouvoit dans fa prudence, il ne put appaifer les murmures des Juthlandois. Ce peuple, depuis quelque temps, fe roidiflbit contre 1'autorité Souveraine. Les députés que la Nobleflè envoyoit k Valdemar, furent poignardés: on accufa le Roi d'avoir armé les bras des aflaffins. Ce foupcon nous paroit aflèz démenti par le refte de fa vie • & il n'eft pas probable, qu'un fi grand Prince fe foit abaifle jufqu'a faire aflafliner des fujets qu'il pouvoit punir. Valdemar eiitra dans le Juthland; les rebelles, encore irrités de la mort de leurs repréfentans, la vengerent paria défaite de l'armée Royale. Le Roi fut plus heureux en Scanie; il foumit cette province;le Gothland eut le même fort: ce Prince démentit la modération qu'il avoit montrée jufqu'alors, en abandonnant la ville deWisbya la fureur avide de fes foldats. II revint triomphant & maria fa fille Marguerite avec le Roi de Norvege: c'eft cette Princeflè qui réunit depuis fur fa tête les i trois couronnes du Nord. ( Valdemar fit enfuite plufieurs voyages inutiles: il alla voir Ie Comte de' Flandres a Gand, 1'Empereur k Prague, le Pape k Avignon. Le plus grand avantage qu'il retira de fes courfes, fut d'avoir empêché 1'effufion du fang: les Autrichiens & les Bavarois étoient prêts k en venir aux mains; le Roi pafla dans les deux camps, paria avec tant d'éloquence & rapprocha avec tant d'adreflè les intéréts des deux partis, qu'on fe fépara fans combattre. Le Aa 2 Hifl. de Dannemarck.I3i9-T55p. Valdemar Je croife. 11 rivitns, I3S8. Sage gouvernementde ce Prince. Mariage de a Princeffe Marguerite wee le Roi leNorvege. 1354*  188 HISTOIRE DU ROYAUME Sect. VI. Bijt. de Dannemarck , 1319-1559; Ï368. 1370. Fiere rèponfe de Valdemar au Pape. ■. 1375Mort de Valdemar- Pcrlrait de Margue- fuccès de fa médiation vaut bien au moins 1'honneur d'une viétoire. Taudis qu'il fe promenoit en Flandres, en Allemagne, en France, fes voifins conjuroient fa perte; une ligue puiflante fe formoit contre lui; il ne s'en appercut que lorfqu'clle éclata. Valdemar oublia alors qu'un Roi ne doit choifir qu'entre la mort, la viétoire, 011 une belle retraite, mais qu'une fuite honteufe eft indigne de lui. Malgré lc nombre & la puifiance de fes ennemis, 1'état ou il fb voyoit alors, étoit moins déplorable que celui ou il avoit trouvé le Dannemarck en montant fur le tröne: cependant fon courage, qu'on avoit tant admiré au commencement de fon regne, 1'abandonna vers la fin. II s'enfuit auprès de 1'Empereur, ék lui demanda des fecours, que ces Monarques n'accordoient, que dans 1'cfpérance de compter un jour le Dannemarck au nombre des provinces de 1'Empire. Richard lui donna pour alliés ék pour défenfeurs, les Margraves de Mifnie, Bogiflas Duc de Stettin ék Adolphe de Holfiein. Valdemar compta peu fur leur afliitance: il crut que 1'appui de la Cour de Rome pouvoit feul rétablir fes affaires; il. envoya donc une Ambafiade au Pape Grégoire XI, ék connoifiant le goüt de cette Cour, il chargea fes Miniftres de préfents, tels que fa mauvahè fortune lui avoit permis de les choifir, des peaux, des faucons, des chevaux. Une fi foible oifrande n'eut pas même un foible fuccès: on s'appercut bientöt que le Pape favbrifoit le'peuple Juthlandois, ék la Noblefiè, ék les Princes voifins ligués avec cc peuple. Grégoire écrivit a Valdemar, que fon caraétere inquiet ék turbulent, les querelles qu'il s'attiroit fans ceflè, les impöts qui en étoient les fuites, juftifioient la révolte de fes fujets, ék qu'il 1'excommunieroit, s'il ne changeoit de conduite. Valdemar lui fit cette réponfe ferme ék peu mefurée: Valdemarus Rex Romano Pontifici, falutem: vïtam habemus a Deo, regnum ab incolis, divüias a parentibus, fidem vero a tuis predecejjbribus, quam, fi nobis non faves, remittimus per prafentes. ,, Je „ tiens la vie de Dieu, ma couronne de mes fujets, mes biens de mes an„ cêtres; je ne tiens que la foi de vos prédéceflèurs; fi vous ne favorifez pas „ mon parti, je vous la rends par la préfente." Le Pape s'amufa de cette bravade, ék répondit en riant, que la barque de faint Pierre ne cour cit aucun rifque dans la mer Baltique. Cependant le Grand Maréchal Hemming Podesbuch feut détacher de la ligue les villes de Vandalie; cette défeétion fut la ruine de la ligue entiere. Tout fe foumit. Valdemar rentra dans fes Etats, ék il pafla le refte de fa vie dans un repos que fes fujets partagerent avec lui: il mourut le 25 Oétobre 1375. Ce Prince étoit opiniatre dans fes fentimens, emporté dans fes pafiions, volage ék efclave de 1'amour; voila fes vices: il fut jufte, généreux, prudent, aima la paix, quoiqu'il eut fouvent les armes a la main; voila fes vertus. Sa piété fut un problême; les donations qu'il fit a 1'Eglife, fes pélérinages a Jérufalem ék ailleurs, ne prouvent que fa fuperftition. On prétend qu'il difoit, qiïil renonceroit volomiers au royaume des cieux pour regner éternellement fur la terre: on lui reproche d'avoir fait enfermer la Reine Hedvige dans le chateau de Sobourg. Le crime de cette Princeflè n'étoit pas bien prouvé; mais 1'époufe d'un Roi ne doit pas être foupconnée. Valdemar ne laiflbit d'autre poftérité que Marguerite, époufe de Haquin, Roi de Norvege, ék mere d'Olaus, qui entroit dans fa onzieme année.. Elle  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. VI. 180 avoit une ambition vafte, des connoiffances profondes, des charmes féducteurs, une éloquence, tantöt douce, tantót fiere, toujours perfaafive, des graces naturelles ou qui paroifibient 1'être, une modération apparente, une difcrétion impénétrable, une patience rare dans fon fexe, une prudence confommée, un courage au-defliis des périls & des revers. „ La nature s'eft „ trompée, difoit Valdemar; elle vouloit en faire un héros & non pas une femme." Elle réunit tous les fuffrages en faveur de fon fils; il fut proclamé, & on déccrna la régence a fa mere. La nature fembloit s'accorder avec 1'ambition de cette Princefle; la Suede .armoït en faveur d'Albert de-Mecklenbourg, fils de la fille ainée de Valdemar: une tempête engloutit une partie de la flotte ék diflipa le refte; délivrée de fes ennemis, Marguerite ne s'occupa qu'a fe fortifier par des alliances, & a gagner fes nouveaux fujets. Elle confirma les privileges de tous les Ordres de 1'Etat, ceux des villes de Vandalie, flatta le Clergé, carefia la Noblefiè, èk fe fit adorer du vulgaire par un extérieur populaire, quoique toujours majcftueux. Hacquin mourut, & le fceptre de Norvege pafla dans les mains de fon fils Olaus, ou plutöt dans celles de Marguerite , qui fut déclarée Pvégente. Déja deux Couronnes étoient fur fa tête, & ce fardeau étoit léger pour elle. Albert Roi de Suede méprifa une femme, dont il ne connoiflbit pas les talens; il porta fes armes ' en Scanie; "1'Archevêque 1'obligea de conclure une trêve de quinze mois; èk, lorfqu'il reparut, Marguerite envoya contre lui une armée qui le forca a faire une retraite précipitée. Depuis longtemps Ie Dannemarck n'avoit été ni fi tranquille au dedans, ni fi redoutable au dehors. La noblefle étoit refpcétée, mais point faclieufe; le peuple cultivoit en paix les arts utiles, & payoit les impöts fans murmurer; le clergé s'occupöit de fes devoirs ék ne fongeoit plus aux intrigues; la cour avoit peu de fafte, mais beaucoup de pouvoir. Les aflemblées générales n'avoient qu'un feul avis, ék cet avis étoit celui de Marguerite. Cette révolution étoit Pouvrage d'une femme: mais cette femme commit elle-même une faute, dont les fuites furent trés funeftes au repos de 1'Etat. Henri Duc de Sieswigh étoit mort fans enfans. C'étoit Ie moment de réunir a la Couronne ce Duché, étemel flambeau de difcorde. L'intérêt de la patrie 1'exigeoit: le droit naturel le permettoit; 1'ambition de Marguerite fembloit 1'y engager. Cependant, au grand étonnemcnt de tout le Nord, Marguerite donna 1'inveftiture de ce Duché au Comte Gerhard de Holftein, implacable ennemi de la maifon regnante. Elle vouloit, fans doute, étoulfer fa haine par ce trait de bienfaifance; mais, fi les bienfaits peuvent étcindre le reffentiment.dans le cceur d'un particulier, il n'en eft pas de même des Princes. Une mort prématurée enleva le jeune Olaus: c'étoit, felon Meurfius, un Prince humain, d'une piété éclairée, aimant la juftice ék la paix, prudent autant que fa jeuneflè le permettoit, docile aux confeils des plus fages Séna- ' teurs, dont il recherchoit 1'entretien, digne enfin d'une plus longue vie. (i) Albert, qui prétendoit aux couronnes de Dannemarck ék de Norvege, arbora cet écuflbn, fi longtemps fatal au repos du Nord, ou 1'on voyoit les .trois couronnes. Ce Prince ne ceflbit de lancer contre Marguerite les farcasmes les plus mjurieux. Soit que fes foupcons fuflènt bien fondés, foit qu'ils CO Meurfius Hift. Dan. Lib. IV. Aa 3 Hifi* de Dannemarck , I3I9-I559. Olaus, Roi: Mar$uerite, Régente. 1380. La Couronne de Norvege rèur.ie fur la même tête que celle de Dart' nem-irck. ï38i. Donation Imprudente iu Duchèd? Sieswigh. 1385MortV Olaus. Mauvaife •.onduite t'Albert.  Sect. VI. Hift. de Dannemarck , 1319-1559 Margueriu ejl pioclamec Reine dc Suede. I3ü8. Albert eft vaincu & pris. Déploralle état de la Suede. 1395. Marguerite traite avec Albert. (0 Voyez fupr. Tom. 42. p. 435. 190 HISTOIRE DU ROYAUME fuflènt calomnieux, il eft eertain qu'il eut été plus fage de les taire, & de refpeéler une femme qu'il devoit craindre. II n'étoit pas moins odieux h fes fujets qu'a Marguerite; il les accabloit d'impöts, violoit fans fcrupule ét leurs , loix & leurs privileges, rempiilfoit le Royaume d'étrangers, leur prodiguoic les richeflès de 1'Etat, les combloit d'honneurs, leur confioit tous les gouvernemens. Marguerite avoit foulagé plufieurs families qu'il avoit opprimées. Les Suédois fe ibuleverent, ik demanderent des fecours a la Reine de Dan■ nemarck ; elle leur en accorda. Cette facfion remporta des avantages qui parurent aflèz décififs, pour faire proclamer Marguerite, Reine de Suede. Albert envoya un cartel a Marguerite, qui 1'accepta avec une joie tranquille. Les deux armées devoient fe rencontrer dans la plaine de Falkoping: elles s'y trouverent. Le combat fut opiniatre; mais le choix de la pofition décida du fuccès: Fimprudent Albert avoit rangé fon armée dans une terre marécageufè, dont la fange retardoit 1'exécution des manoeuvres. Ses troupes furent taillées en pieces; il fut pris, ainfi que fon fils Eric, & trainé devant Marguerite, qui ne refpecla pas plus fon infortune, qu'il n'avoit refpcété fa vertu. Tous deux furent renfermés dans la fortereflè de Linkolm. (1} Au bruit de cette défaite les efprits fe partagent en Suede; les Allemands veulent qu'on venge, qu'on délivre Albert: parmi les Suédois, les uns demandent un nouveau Roi; d'autres proclament Marguerite. La Capitale étoit fidele a Albert; ék cependant les Allemands opprimoient, infultoient les habitans. Le Duc de Mecklenbourg, qui forca les Danois it lever le fiege de cette ville, ne porta dans les environs, dans fes murs même, que le ravage ék 1'horreur: politique aufli abfurde que barbare. Un grand nombre d'habitans, dont les feminiens étoient fufpeéts, périrent les uns fur Féchaffaud, les autres dans une prifon, a laquelle on mit le feu: c'étoit ainfi qu'on prétendoit rendre Albert cher a fon peuple. Ces cruautés, ces troubles domeftiques durerent plufieurs années; les Ducs de Meklenbourg furent enfin forcés de fe retirer dans leurs Etats; mais ils ouvrirent les ports de Roftock ék de Wismar a tous les pirates, qui voudroient courir fus aux Danois, aux Norvégiens ék aux Suédois du parti de Marguerite. Les Danois bloquoienr toujours le port de Stokholm. Les villes Anféatiques demanderent enfin la liberté du prifonnier, ck offrirent leur médiation pour la paix. Les conférences rompues d'abord, puis renouées, ne fe terminerent qu'en 1395. Albert s'obligea de céder dans 1'efpace de trois ans a la Reine Marguerite toutes fes prétentions fur la ville de Stokholm ék fur le Royaume de Suede; il jura de retourner en prifon, fi le traité n'étoit pas accompli au terme prefcrit. Les villes Anféatiques, Ie Duc de Poméranie , ék Jean de Mecklenbourg furent les garans de cette paix, fi glorieufe pour Marguerite, fi ignominieufe pour Albert. Une trêve de trois ans devoit précéder cette révolution; ék pendant tout ce temps Stockholm devoit demeurer en fequeftre entre les mains des Conlèils Anféatiques. Albert fe retira en Allemagne , fit alliance avec 1'Ordre Teutonique, reconquit le Gothland avec les armes de ce corps formidable, & céda fa conquête a Eric fon fils. La Reine affermit fon autorité dans la Suede, remplit les villes de garnifons Danoifes, ck lorfqu'on  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. VI. i9i lui repréfenta que c'étoit une infracfion du traité qu'on lui remde fous les yeux : „ gardez bien ce diplome, dit - elle , & moi je garderai vos „ places." (i) Cependant les Suédois honteux d'obéir h une femme, exigeoient qu'elle choifit un époux. Elle étoit trop ambitieufe pour vouloir fe donner un maitre; exemple qu'a fuivi depuis Elifabeth Reine d'Angleterre, qui eut encore d'autres traits de reifemblance avec la Sémiramis du Nord. Elle feut par fes intrigues, les forcer a proclamer le jeune Henri, fils de Wratiflas Duc de Poméranie & de Marie de Mecklenbourg & petit-fils de fa foeur. Pour le rendre plus agréable au peuple, elle changea fon nom de Henri en celui d'Eric. C'étoit un fantöme de Souverain qu'elle leur donnoit, & dont Pextrême jeunefiè lui Iaiflbit pour longtemps la fouveraine puifiance, fous le nom de tutelle. II fut reconnu d'abord par les Etats de Dannemarck & de Norvege, puis, après quelques difficultés, par ceux de Suede. Enfin elle concut & exécuta le grand projet de la réunion des trois Couronnes; elles furent déclarées indivifibles pour Eric & fes fuccefièurs. Ce fut h Calmar que les Etats des trois Royaumes conclurent ce traité fameux, dont le but étoit d'établir dans le Nord une paix perpétuelle & qui fit tout le contraire. „ Le premier arricle portoit , que les trois Royaumes qui étoient, en quel„ que maniere, éleétifs, n'auroient dans la fuite qu'un même Roi, qui feroit „ cependant élu tour a tour dans les trois Royaumes, fans que la dignité „ Royale put être aifeétée a aucun par préférence aux autres, a moins que „ le Prince n'eut des enfans ou des parens, que les trois Etats afiemblés „ jugeaflènt dignes de lui fuccéder; le fecond article confifioit dans Pobli„ gation que le Souverain avoit de partager tour a tour fa réfidence dans Jcs „ trois Royaumes , & de confommer dans chacun le revenu de chaque „ couronne, fans en pouvoir tranfporter ailleurs les deniers, ni les employer „ que pour 1'utilité particuliere de 1'Etat d'oü ils feroient tirés; enfin le ,, troifieme & Ie plus important ftatuoit, que chaque Royaume conferveroit „ fon fénat, fes loix, fes coutumes & fes privileges, & que les gouver„ neurs, les magiftrats, les généraux , les évêques, & même les troupes & „ les garnifons feroient pris de chaque pays, fans qu'il put jamais être per„ mis au Roi de fe fervir d'étrangers, ni de fes fujets des autres Royaumes, „ qui feroient réputés étrangers dans le gouvernement de 1'Etat oü ils ne ,r feroient pas nés." (a) (q Voyez fupr. Tom. 42. p. 436 & fuiv. (2) Telles furent, felon des Roches & Vertot, les principales conditions de ce traité. Meurfius en parie plus fuccintement. Pontanus 1'expofe en ces tennes: Statutum que ihïcr castéra, ut tria hac Regna, unum eumque, dum viveret, Ericum Regem a^noscerent • ac eo defunUo, unum fimiliter non plures dtinceps Reges haberent. Nee fas eJJet°Regnorwn uni Regem, ajfumere eligereve, nifi unanimi Regnorum fingulortm fuffragio; Regi Erico fi filius autfilii nafesrentur, eorum ur.us tantum non plures Regnis omnibus cum imperio prxejjet; cateris dhiones ac territoria Regnorum certa mandarentur. Filiabus ex ritu ac more veteri Regnis que ufitato l>rovideretur ; fi vero fine liberis defungi Regem contingeret, turn eum communibus, ut dittum efl, fujfragiis, quem cequo & bono niti, regnis que'quant maxime fore utilem , quafi Den coram judicarent. De bellis quoque fimilibus que qua ingmere pojjent, incommodis decretum, ut quod uni obveniret id obveniret fingulis, muluas que invkem operas & fubfidia preftarent: Regnum unum quod que fecundum leges £? jura' Hifi. de Dannemarck.I3i O-1559. Henri de Poméranie efl proclamé Roi.- i,397. Union de' Calmar:  Sect. VI. Hift. de Darmee marek, I319-I559- J400. 1402. Jmpofteur puni. 1404. I40S. 1409. 1410. T4H. Mort de Marguetite.. tpa HISTOIRE DU ROYAUME Telle fut cette conftitution fi connue fous le nom d'Union de Calmar, ouvrage d'une femme, que des hommes ne purent maintenir. Eric fut reconnu fuccefieur de Marguerite, héritier des trois couronnes indivifibles. La Reine commit pcut-être une faute, en donnant aux Danois des marqués de prédileétion qui allarmoient la fierté Suédoife. Son autorité étant beaucoup mieux affermie en Dannemarck & en Norvege, c'étoit du cöté de la Suede qu'elle devoit principalement tourner fa bieniaifance; dans ce Royaume elle parut ne careflèr que le clergé, qu'elle craignoit plus que la noblefiè, les troupes & le peuple. Du refte, elle avoit coutume de dire a fon fils: „ la „ Suede vous nourrira; la Norvege vous donnera de quoi vous vêtir; mais „ c'eft le Dannemarck qui vous défendra." Elle fe crut affez puiffante par Faffeétion des Danois, pour violer impunément une des principales conditions de 1'union de Calmar. N'ayant pu reconquérir lc Gothland fur 1'Ordre Teutonique, elle le racheta avec 1'argent des Suédois, & cependant elle 1'unit au Dannemarck. Malgré cette infraétion, tout paroifibit tranquille. La politique dc Marguerite enchamoit les trois nations, faifoit taire les murmures, étouffbit les complots. Un avanturier, fans talens, fans crédit, fe flatta de faire une révolution: il étoit fils de la nourrice d'Olaus, & fe donna pour Olaus lui-même. Sa fourberie, qui auroit réuffi peut-être fous un gouvernement foible, le conduifit au bucher: il fut brülé vif. Marguerite avoit eu lieu de fe répentir de fa bienfaifance envers Gerhard Comte de Holftein: ce Seigneur, a qui elle avoit donné le Duché de Sieswigh, avoit été un des fauteurs de la faftion Albertine; cependant après fa mort, elle ne fongea point a réclamer ce domaine; elle exigea feulement de fa v.euve Elifabeth, & des grands du pays, un ferment de fidélité, foible garant de leur foumiffion. Elle comptoit avec plus de raifon fur quelques fortereflès qu'elle acheta dans ce Duché, pour contenir le refte. Tout étoit calme; Albert avoit renouvellé fa renonciation aux trois Couronnes ; fon fils n'étoit plus; le mariage d'Eric avec Philippine , fille de Henri IV Roi d'Angleterre, confolidoit encore 1'union de Calmar; Iorfque deux fléaux affreux, la pefte & la famine, troublerent la félicité publique & enleverent un dixieme de la nation Danoife. A ces calamités fe joignirent de nouveaux troubles: la Duchefiè de Sieswigh Elifabeth s'empara de plufieurs fortereflès, qui appartenoient a la Couronne. II fallut prendre les armes, pour chatier la félonie: le jeune Eric parut a la tête d'une armée, & s'empara des ifles d'Arroë & d'Alfen. Le général Munck marcha contre les Frifons, fit de grands ravages dans leur contrée, ék fut enfin vaincu & laifle pour mort fur le champ de bataille. Sa défaite fit conclure une trêve, & la trêve amena la paix. Les Ducs de Mecklenbourg, qui avoient donné des Souverains a la Suede, rendirent hommage a ceux de Dannemarck. Tel étoit 1'état des chofes, Iorfque Marguerite fut emportée par une maladie, qu'elle avoit. Jua adminiftraretur: nee in Danid Notvagite que Suetica?, net in Suecid Danicm Norvagica que confuetudines, quw cuique Regnorum peculiares e(fent, locum haberent, efftnt que hac unione difcordice omnes, vetera que Regum atque Jniigenarum odia Jublata {«pita que, nee nnquam Regnorum alterum in alterum inlwgeret aut bello occajiones piteberet. I'ontan. Hift. 'rar. Dan. Lib. IK, Voyez auffi notre Tom. 42. p. 439.  DE'DANNEMARCK, èkc. Liv. XXXII. Sect. VI. 103 avoit gagnée dans un vaiflcau. Cetcc femme étonnante avoit feu réunir trois -nadons rivales, dompter trois peuples jaloux de leur liberté, raffembler fur fa tête trois couronnes, dont deux au moins fembloient incompatibles; elle avoit feu enchainer les grands, féduire les peuples, contenir le clergé. On défireroit plus de bonne foi dans fa conduite, plus de pureté dans fes moeurs : mais il elt rare que les grands talens ne foient pas accompagnés de grands vices. Les mêmes mains qui honorent 1'humanité par de belles aétions, Fhumilient toujours par quelques fautes; ék c'eft furtout des qualités des Souverains, qu'on peut dire que les extrêmes fe touchent. Eric fuccéda aux trois Couronnes: c'étoit trop d'une, pour un Prince fi foible. La Reine avoit moins confulté 1'intérêt des trois Etats, que le fien, en fe donnant un tel fuccefieur: elle avoit pris tous les moyens que fon humeur impérieufe avoit pu lui fuggérer, pour 1'empêcher dc s'inftruire ék de fortir de fa médiocrité. Dans la guerre, il ne fgavoit que chercher ék braver la mort: dans le gouvernement, il ne fcavoit qu'humilier les grands ék opprimer le peuple, ou par lui-même ou par fes favoris. II eut, il elt vrai, aflèz de fermeté pour faire déclarer les Comtes de Holftein déchus dc tous leurs droits fur le Duché de Sieswigh, paree qu'ils avoient porté les armes contre la Reine ék appellé 1'étranger dans le Dannemarck: il fallut foutenir a main armée la fentence des Etats. Le Duc de Brunswick avoit embrafie la défenfe des Comtes de Holftein, fes pupilles. Eric ne livra point de bataille qu'il ne perdit, n'afliégea point de ville qui ne le repouflat: tous fes fuccès fe bornerent a faire égorger fans pitié les habitans de l'ifle de Fémeren. II alla mendier des fecours en Allemagne, ék n'effuya que des refus. II pafla en Paleftine, pour implorer 1'afliftance du ciel, comme s'il n'avoit pas pu Pobfenir de même en Dannemarck: il manqua d'y être arrêté. Pendant fon abfence, on prépara fa ruine en Suede, en Dannemarck, en Norvege; tel fut le fruit de fon pélerinage. II trouva les Sleswicois armés, les Danois mécontens, les Suédois prêts a lever Pétendard de la révolte, 1'Anglcterre indifférente ék refufant de prendre fon parti. II fouieva les villes de Vandalie contre leurs magiftrats. C'étoit un mal plus grand que celui qu'il vouloit réparer. La Dalécarlie opprimée par un Gouverneur farouche, lui envoya envain des députés chargés de lui porter fes plaintes: ils n'efliiyerent que des refus èk des mépris. Ce peuple réduit au défefpoir donna le fignal de la rebellion, elle fut bientöt générale. Engelbert en étoit lc chef. C'étoit ce Dalécarlien qui avoit été 1'orateur de fa patrie; il en fut le vengeur. Eric voulut paflèr en Suede, il fit naufrage. Ce ne fut qu'avec peine qu'il fe rendit a Stockholm. On ne vouloit point encore le détröner, mais feulement le forcer a obferver le traité de Calmar. II le promit; èk Pon conclud une trêve d'un an, pendant laquelle les Gouverneurs nommés par Engelbert devoient avoir toute 1'autorité. (1) II partit pour le Dannemarck, reparut encore en Suede, èk demanda feulement la difpofition des Gouvernemens de la citadelle de Stockholm èk de quelques fortereflès. On les lui accorda. Dès qu'il les eut entre les mains, il ne paria plus de négocier, mais de punir-: il O) Meurfius — Pontan. — Loccen. Hift. Suec. — Puffend. Hift. dc rSuede & notre Tome précéd. p. 44.1. Tome XLIII, Bb Hifi. de Dannemarck , I3ISM550. 1415:. Guerre wathcüreufê.Eric ejt battu parwit. Révolte des Dalécar- liens. Révolvr tioni.  Sect. VI. Hift. de Dannemarck. 1435. 1436. 14.37. Eric eft üêpofé. I439Chriftopheie Baviere eft élu. 1440. tl eft reconnu fuccejfivementdans les trois Royaumes. 104 HISTOIRE DU ROYAUME défigna, fans 1'aveu des trois Etats, fon neveu Bogiflas de Poméranie pour fon fuccefieur: ce choix indigna tout a la fois la Suede, le Dannemarck & la Norvege. Eric s'enfuit cn Pruflè; mais il fut rappellé par fes amis. S'il avoit été profond politique, il lui auroit été poffible de réduire les Suédois puifqu'ils fe divifoient. Lc Royaume étoit rempli de facfions. Engelbert avoit été aflafliné: Ia voix publique accufoit de ce meurtre le Maréchal Charles Canutfon, rival de ce grand homme. Eric Pucke fe déclara fon vengeur, pour avoir un prétexte de lui fuccéder. On crut prévenir une guerre civile en rappellant Eric, qui répéta fon ferment d'obferver le traité de Calmar, & recut celui de la Nation. Ce Prince fut encore le jouet des vents; on le crut mort & on déféra la Régence au Maréchal, qui fit trancher la tête a fon concurrent Eric Pucke. Eric s'enfuit dans l'ifle de Gothland, emportant fes tréfors ék fes meubles les plus précieux: fon évafion le rendit méprifable. En même temps il foulevoit les Juthlandois contre la Noblefiè, foible reflburce, trame obfeure & indigne d'un Roi. Enfin les trois Etats le dépoferent , annullerent le ferment de fidélité qu'ils lui avoient fait, & placerent les trois Couronnes fur la tête de Chriftophe de Baviere, neveu de ce Prince par fa mere: il étoit fils de Jean Duc de Baviere, & de Catherine fceur du Roi détröné. Autant Eric étoit imprudent èk indii'cret, autant Chriftophe étoit fage ék difiimulé: il parut avoir horreur de dépouiller fon oncle, ék ne céder qu'a la néceflité de rétablir la paix dans le Nord. Tandis qu'on lui rendoit hommage, Eric eompofoit un manifefte qu'on ne lut pas, ou qu'on lut fans intérèt: on lui fignifia a lui-même qu'on 1'avoit jugé incapable de regner, & qu'on avoit remis fes trois fceptres dans les mains de Chriftophe. Celui - ci ne prit d'abord que le titre modefte de Proteéfeur de la Patrie; a 1'entendre, ce ne fut que par déférence pour la Nation, qu'il confentit a prendre celui de Roi. Les loix rétablies, les impöts diminués, les querelles des, Seigneurs appaifées, d'utiles établiffèmens, le fpectacle d'un peuple heureux, inviterent les Suédois partifans de Canutfon a fe ranger du cöté du Bavarois. Le Grand Maréchal étoit avare: Chriftophe 1'écarta avec des domaines ék de Por. La Norvege tenoit encore pour Eric: un Evêque fut chargé d'apporter a 1'aflèmblée des trois Etats la proteftation de fes compatriotes contre Féleétion de Chriftophe; gagné paree Prince, il fit tout le contraire, ék déclara qu'il apportoit le confentement dc fit nation. Un Sénateur qui fouleva les Juthlandois contre le nouveau Roi, fut vaincu ék expira fur la roue; déplorable viélime d'un zele indifcret pour les intéréts d'un Prince qui aimoit mieux être pirate que Roi. Eric, retiré dans l'ifle de Gothland, infeftoit les mers, enlevoit les vaiflèaux, ravageoit les cötes: pendant dix ans il exerca cette affreufe profeflion. On prefiöit envain Chriftophe de s'oppofer a fes ravages: „ il faut bien, difoity. il', laiflèr quelque chofe a mon oncle pour fubiifter dans fon afyle." Mais la compaflion qu'infpire un Roi détröné n'étoit point le véritable motif de 1'inertie de Chriftophe; il vouloit fe venger des Suédois, qui 1'avoient forcé a renvoyer les Bavarois, dont il avoit rempli les pays: les ruiner, c'étoit les afièrvir; ék le malheureux Eric fervoit fon neveu en croyant lui nuire. Chriftophe appauvrit la Noblefiè par la vente des fiefs qui fortoient des mains du premier aequéreur, dès qu'un autre en offroit un prix plus confidé-  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. VI. i rable. II regla que les dixmes, accordées aux eccléfiaftiques, feroient pa agées en trois parties égales, la première a 1'Evêque, la feconde au Cu la troifieme a Eglife paroifiaale: on oublia les pauvre dans ce parage Ro confirma les privileges des villes de Dannemarck , ceux-même des vil ft'S^ l'-itié,parcequil reconnoifToienipoffibï cle les iubjuguer. On obierva qu'a 1'cxemple de Manmerite & d'Eric preferoit le Dannemarck aux deux autres Etats. On prëffimêmé otfi av'c forme le projet de rendre les Couronnes de Suede& de No ve refVembtSe .' ^r^^^^^^^^^ ï** & que foi fujets, il tenta plus' d'une kïlnm^üöf^l f&2 venir aux mains: les Suédois furent te***. l nefeociation. Enfin il fallut ei Chriftiernles renvoya fiuis raneon prifonniers fent affez quel étoit le ^V?^i^^e%t1^ & * PréienK' °r leur patrie la plus haute idee dc^effiS SffriS f^- re"?Porterei" danj comme un héros auffi aiSlfqu^ SÏÏS Danois: ils le peignirèn. leurs difcours, & lorfauWès IV™ ' "TT11 b,entót reffec & douze députés de cffSÏÖlin^ * promirent a Chriftiern de lui faire reffouer" ^ CoumnnT / M fï* de Sl,ede inféparable de celle de Dannemarcï % V> 0U1°n ? de Norvege, comme pourdétröner Charles. Cdui-civnn'l^ tous le™ efforts ils trouverent a C^nfc^^ * d^ri^^^^^^^e «SU d'incenfment les feL vfees ^^^f ^ f§ Bb 2 95 f; Jtfyf. de é, Darmede marek, es t319"1^9té il iit 1- J* Ï443. IS > )i Adolphe de d Holjhin re£ fufe la Couronne. 1 t t 1 Chri/liirn d'Olden- . élu. ET;  Sect. VI. Hift. de Dannemarck , 1219-1559- H52. Rèvoluiions m Suede. 1457- 1459- 14C4. 1470. 1471. Sage gouvernementde Christiern. 1473. i96 HISTOIRE DU ROYAUME ploits plus nobles; une flotte Danoife afllégea Stockholm. Chriftiern péhé-tra dans 'la Gothie Occidentale, oü-il fut proclamé Roi; mais, dans fa retraite , il perdit une partie de fon armée & la Gothie retourna fous le joug de Charles. Le Monarque Danois ne fut point abattu par cette difgrace; il demeura quatre ans en Suede, conquérant lentement, paree qu'il ne vouloitpoint en venir a ces extrêmités, a ces moyens violens qui rendent le vainqueur odieux. Enfin Charles fe vit attaqué, vaincu, pourfuivi par 1'Archevcque d'Upfal: il s'enfuit a Stockholm, y fut afliégé, & éprouva Ie doublé affront de demander grace, èk d'efluyer un refus. 11 s'évada: Dantzic fut fon afyle. L'Archevêque couronna Chriftiern. Adolphe Duc de Sieswigh mourut & ne laifia point de poflérité: Pheureux Chriflïern qui venoit d'obtenir un Royaume, réunit encore ce Duché a la Couronne de Dannemarck, èk acheta des Comtes de Schawenbourg leurs prétentions fur les Comtés de Holftein èk de Stormarie. Le foin de rétablir la paix dans Hambourg, dans Lubec, dansd'autres villes Anféatiques, celui de terminer le différent! quis'étoit élevé entre les Comtes Gerhard & Adolphe au fujet de Delmenhorft,. occuperent le Roi.jufqu'en 1464. 11 eut alors d'autres inquiétudes. L'Archevèque d'Upfal, a qui il devoit la Couronne de Suede, n'avoit point cette modeftie qui fied a un bienfaiteur: i! parloit de fon maitre comme de fa créature. Chriftiern le fit emprifonner : auflitöt tout fe fouleve; Charles eft rappellé; le Roi rendit la liberté a 1'Archevêque ; ce Prélat fe plaifoit dans les révolutions: il en fit encore une; Charles fut chaflé, & Chriftiern ^proclamé de nouveau: bientöt il fe forma un autre parti; c'étoit celui d'Eric Axelfon, qui prit le titre de Proteéteur de la Suede. Chriftiern fut exclus a fon tour, & le peuple demanda le retour de Charles: il reparut & la Suede n'en fut pas moins déchirée par des faétions. Celle de Chriftiern, celle du Proteéteur, celles de quelques Seigneurs ambitieux minoient cette Monarchie. Chriftiern revint encore, remporta quelques avantages, ékne feut pas' en profiter; il entama une négociation: elle fut fans fruit; il reprit les armes ék fit dans la Gothie Occidentale une expédition malheureufe. Charles mourut, & laifia fa puifiance, avec le dtre d'Adminiftrateur, a Steen Sture , fon neveu. Chriftiern appellé en Suede par fa faction, aborda pres de Stockholm avec fa flotte; mais il fut-attaqué, vaincu & blefie; il revint en Dannemarck. Depuis cette époque il parut renoncer a la couronne de Suede, & ne s'oacupa plus qua rendre les Danois heureux: il veilla a 1'adminiftration de la juftice, èk fonda un grand nombre d'höpitaux; afylcs néceffaires, furtout dans• une contrée fi fouvent défolée par des maladies épidémiques. 11 alla a Rome vifiter les tombeaux des Apótres, ék rapporta du moins une rofe d'or, de cette cour accoutumée a recevoir des trélörs de tous ces pélerins couronnés ck a ne leur donner en échange que des indulgences. Ce voyage ne fut point inutile; le Roi obtint de 1'Empercur Fredenc III, que les Comtés de Holftein, de Stormarie ék le pays des Dithmarfes ferment reunis en un feul Etat fous le titre de Duché; il en recut en même temps 1'inveftiture. A fon retour il inftitua 1'Ordre de 1'Elephant, au milieu des fetes qu'occafionna lc mariage du Prince héréditaire avec Chriftine de Saxe; telle eft du moins 1'opinion la plus commune. Jean fut proclamé Roi, èk: aflbcié au gouvernement. La more enleva Chriftiern , au milieu des foms  DE DANNEMARCK, èkc. Liv. XXXIL Sect. VI. ttf pacifiques qui partageoient fes momens, depuis qu'il avoic renonce-au tröne de Suede. Ce Prince étoit digne des trois couronnes, auxquelles il étoit appellé. Général plus habile qu'heureux, brave foldat, fon front cicamfé portoit des marqués de fon courage. II ne fit la guerre, que lorfquil eut été honteux de ne la pas faire. Si 1'on en excepte quelques ravages qui durerent peu, il fut fur les champs de bataille Ie modele des héros, traitant es , foldats comme fes enfans & les vaincus comme fes amis. II protégeoit les; arts èk les cultivoit. Sa cour étoit magnifique, mais une vigilante economie empêchoit que ce fafte ne fut onéreux au peuple. Les Suédois fe repennrent de ne Pavoir pascouronné: leurs proteéteurs furent leurs maitres: Chris-; tiern auroit été leur pere. Le Dannemarck fouffrit peu de la guerre que fonRoi foutint contre la Suede; il avoit en horreur cet ufage tyranmque darracher de fon champ 1'innocent laboureur, indifférent aux qucrelles des 1 nnces. II ne recevoit fous fes drapeaux que ceux qu'un zele libre & 1 amour de la gloire y conduifoient. Avec de tels foldats il auroit conquis la Suede, fi fa valeur imprudente ne Peut pas engagé trop avant dans le pér* II elt le chef de la Maifon regnante. Cette augufte familie remonte a 1 antiquue la plus rcculée. Nous citerons ici ce que dit de fon origine, 1 auteur des Mémoires de Dannemarck (i). . n ■". „ La Maifon d'Oldenbourg, dont le Roi de Dannemarck qui eft aujour„ d'hui fur le tröne eft defcendu -, tirc fon origine du célebre Wmiland, 1 un „ des anciens Rois ou Ducs de Saxe, qui, après avoir courageulement de„ fendu fon pays contre Charlemagne, pendant prés de trente ans, fut a la fin obligé de fe foumettre a fon vainqueur. II fe convertit en même temps u k Religion Chrétienne; il fut fait Grand Duc-de Saxe, & rendit enfuite „ de grands fervices a 1'Empereur. Les hiftoriens difent, qu'il mourut en „ combattant courageufement pour ce même Empereur contre les Sueves Pan 8oo, ék qu'il fut inhumé dans 1'églife d'Angria* d'ou il fut transfere a Paderborn, par fon petit-neveu Henri 1'Oifeleur, Empereur de Germinie. Quant a la fucceffiön des Comtes d'Oldenbourg, avant que cette '! Maifon montat fur le tróne de Dannemarck-, on dit qu'un nommé Haio, ' - defcendu des Ducs de Frife, époufa Rixa, fille de Jean Comte d'Oldcn" bourg, petit-fils de Walpert, qui étoit fils de Wighert, fils du Duc Wit" tikind. Ce Haio eut de fa femme Rixa un fils unique nommé Ehmar, " qui, après la mort de fon coufin-germain Frédéric, devint Comte d'Oldenbourg. II eut pour fuccefieur Elimar II fon fils, a qui fuccéda Chns" tian, Prince célebre par fa valeur,furtout dans les guerres qu'il eut contre ', Henri le Lioh, Eleéteur de Saxe.- Chriftian fut afiafiïné cn allant a Jéru" falem. Comme il ne laifia point d'enfans, le Comté d'Oldenbourg tomba' entre les mains de Maurice, fon cadet,-qui, fe retirant enfuite dans un „ monaftere , le laifia a Othon fon fils aïné; Iequel étant mort encore fans , enfans, eut pour fuccefieur Chriftian II, fon troifieme frere, parceque le ' fecond fe trouvoit Chanoine de Cologne ék de Brême. Après la mort de „ Chriftian II, Jean fon fils ainé fut Comte d'Oldenbourg èk de Delmen„ horft, èk, après lui, Conrad fon fils unique; a quPfoccédaMaunce hls f i> Mom.- de Dannemarck^ Bb 3' HOI. de' Danner.arck.[319-1559. Sa mort ; 'on ihgOm* Origine de' la Maifon ' d'O.denlouv.  Sect. VI. Hift. de Dannemarck , 13 >9- '559 Jean ejl proclamé. Nouveaux troubles. J487. • 1 ) l 10 HISTOIRE DU ROYAUME „ ainé dei celui-ci, Iequel n'ayant• laiffé que deux filles, Théodoric, auffi „ ffls de Conrad ma.s d'up fecond marüge, hérica des deux Conïïs Ce „ Theodonc ou Thietttj funiommé 1'heureux, après la more de fa premie. , „ re femme, Adelaide de Delmenhorft, foeur dc Nicolas Archevêque de D è„ me, de laquelle 1 n'eut point d'cnfans, époufa en fecondes rtóees «E " Wa\ ?ÜVerd£ Balthafar Duc de Mecklenbourg, & fceur de Gerhard & „ d'Adolphe, Ducs de Sieswigh & de Holftein, de laquelle ifeutpmfieuS „ enfans, entre autres Chriftiern ou Chriftian, élu Roi de Dannemarck i „ ia recommandatie de fon oncle Adolphe, Duc de Sieswigh. Ce Prince » ff^S* * R01 ^Da^marck, de Norvege & de Suede, des Goths „ & des Vandales de Duc de Sieswigh, de Holftein, Stormar ef Wag ie „ cVDithmarfie, & de Comte d'Oldenbourg & de Delmenhorft II S „ ces titres a fes fuecefièurs, & le Roi de D&^kl^öSlio^ " S2hf'i| i réiT£ de ^lui de Suede' 1ue fes Prédécefteurs om quitté „ depuis la divifion de ces Couronnes." • 4 Jean avoit été reconnu héritier des trois Couronnes par les Danois, les Norvégiens & les Suédois. Steen Sture (on Stenon Sture) avoifSé au fi Hal' a l„f n ^ "'f^1161"fils' & fit j°uer tous le^flbrts delipt ouchoi t le nnf f R P°"r 1 &T^Ü U'Óne- LeS fierS Suédois q^'effa^«^/enor^eilliflbfent de vivre fous Ja proteétion d'un Achmmfttateur. C eft 'ainfi qu'avec des mots on abufe les Nations: 1'Admmiftratcur avoit plus d'atitorité qu'aucun Roi dc Suede n'en avoit eu Hn conyoque a Hermftadt une aflèmblée des trois Etats. Steen Sture ordonne pubhquement a la NobJeflè Suédoife de s'y rendre & lui donne eTfec et des ordres contraires: cependant Jean fut proclamé, & les efforts de 1'Adminiftiï teur furent inutdes pour ce moment Les Suédois impoferent au nouveau Roi des conditions diftkiles a remphr, & qui laiflbient des reflburces a leur indocilite Une partie de ce Royaume rejetta la domination Danoife. Steen Sture fivonfoic le fouievement qu'il paroiflbit vouloir réprimer: les fuccès de fon pa«r, ceux de la faéhon Danoife,régloient fa conduite; il étoit tour-a-tour midacieux ou foum.s, fuivant que la fortune étoit contraire ou favorable a es deffeins. Nous ne peindrons point ici fes menées, fes pieges, ni tous les details de ces revolutions, & de celles qui changerent la face du Nord fous Je regne de Chriftiern li:ces grands tableaux appartiennent a 1'hiftoire de iuede & nous n en donnerons ici qu'une efquiflè. Jean fe rendit maïtre du Gothland: cette conquête & d'autres fuccès for:erent ennn 1 Adminiftrateur a rendre hommage au Prince Danois- mais a 3eme avoit-il difparu, que Steen Sture reprit 1'autorité qu'il avoit perdue re Roi, avant de prendre les armes, voulut temer la voie dc la né^cialon , il fentoit que la guerre ne pouvoit que le rendre ou plus foible par fes ïéfeates, ou plus odieux par fes viétoires. II avoit affaire au plus grand poinque de lEurope, & fa droiture Pexpofoit encore plus a être trompé: une iflèmblée indiquee a Calmar fut fans effet & fans fruit. L'Adminiftn:eur arretoit toujours.Ie Roi par des apparences de paix; au moment oü la Tuerre alloit eclater, il entamoit des négociations, dont les préliminaires ramoient en longueur. Le Roi engagea les Ruflès a attaquer Ia Suede du -ote de la Finlande; mauvaife politique, qui aigric les efprits. Un peuple  DE DANNEMARCK, &c. Lrv. XXXII. Sect. VI. gg pardonne plus aifémenra fon maicre les rtiaux qu'il lui a faits lui-même ,qm ceux qu'il lui a fait faire par des étrangers. L'Adminiftrateur Steen Sture, don la fortune, Ia gloire & Ie mérite faifoient des jaloux, fut dépolè; le peupli qui 1'adoroit ne put ni le défendre ni le venger. Jean parut, diffipa ce ra masde payfans, d'artifans mal armés, mal difcipiinés,fut reconnu par 1'Ad miniftrateur lui-même, ék couronné par 1'Archevêque d'Upfal: le vainqueu lui laiifa la Finlande ck quelques autres domaines. Peu de temps après ChriiHern fils de Jean fut proclamé héritier des trois Couronnes. C'eft o Prince, qui par fes cruautés, fes perfidies, mérita 1'affreux furnom de Né ron du Nord. Cependant les Dichmarfes fe foulevent: Jean marche contn eux, leur préfence la bataille; il eft vaincu, s'enfuit, & fe voit réduic Fhumilïante néceflité de leur demander la paix. Steen Sture fortit alors de fa retraite & reparut fur la fcene. Les Suédoi fe fouleverenc; ies Norvégiens a leur exemple rejetterent la domination Da noife: en un moment tout change de face. Les révoltés s'avancent en bos ordre vers Stockholm; 1'Adminiftrateur eft recu en triomphe dans cette ca pitale: le peuple croit revoir fon proreéteur,' fon pere. Jean avoit impru demment laiffé la Reine fon époufe au milieu de fes ennemis. Elle fe retir dans le chateau, ék s'y défendit quelque temps: mais enfin elle capitula. (i Au milieu de ces troubles deux chefs de la révolte furent aflaflinés' le Roi, au lieu de faire juger les meürtriers par un tribunal Danois, le envoya devant les Eleéteurs de 1'Empire; cette conduite fit foupconner qu< cet attentat ne s'étoit pas commis a fon infeu. Aucun Roi du Nord n'avoi montré plus de déférence pour la puifiance Impériale; ék cette efpece d'hom mage qu'il lui rendoit animoit davantage les Suédois contre lui. Chriftien fon fils étoit en Norvege. Ce Prince avoit des talens, qui ne font point in compatiblcs avec les vices d'un tyran; H étoit brave foldat, & bon général il tailla cn pieces l'armée des révoltés, pafla en Suede & y fit quelques con quêtes. Steen Sture avoit fait alliance avec la ville de Lubec. Cette Ré publique jouoir depuis longtemps un röle dans le Nord, & fe rendoit redou table aux Rois. Jean arma contre elle le Duc de Mecklenbourg, & la force d'abandonner le parti de 1'Adminiftrateur. En même temps il lanca contre fes adhérens un arrêt moins efficace, qu'une Bulle de Rome. L'Émpereui ratafia cet arrêt, comme fi un Roi avoit eu befoin du fecours de i'aucoritt Impériale pour faire uiage de la fienne. Steen Sture mourut. A en croire le< Hiftoriens Danois „ il fut le Cromwel du Nord: il joua toutes les vertus & „ en eut peu de réelles, refufa Ie titre de Roi & fut cn effet defpote, aflèrvit „ fes compatnotes en criant Liberté, ék ne fut fidele a fes promeflès, que „ lorfqu il étoit de fon intérêc de ne pas les violer. Du refte, habile géné„ ral, polmque adroit, jurisconfulte profond, il feut fe faire adorer d'un f Peuple, dont les malheurs étoient fon ouvrage." Suante Nilfon Sture fut fon fiicceflcur. Cependant le Roi ravageoit la Scanie: il y commit des exces que ies droits fur la Couronne de Suede ne peuvent juftifier, ék ne conquic quun defert tout couvert des monumens.de fa vengeance. La guerre dura encore avec divers fuccès. Enfin une parrie de la Suede fe foumit: mais. CO Voyez fupra Torn. 42. p. 462» 7 ■ Hift. de t Danne- . raarek, \ I3I9-I559. ■ Steen Sture t eft dépcfé. u97\ 149». i 3 // reparoii . après la défaite de 1 U03. ■ ViQoire de . Chriftiern fur les Norvégiens.  Sr.cr. VI. Hift. de Dannemarck , 1.5 '3. Elevalioi ,de SigebrI' te ; fon cré dit, Ja ty ,tannie. £araBere de l'Arche- .%'êque ,d\Upfal. aso O I S ï O I l\ E DU R O Y A U M E 1'autorité de Jean y fut toujours chancelante , & il mourut fans avoir enttercment dompté fon peuple. On ne peut reprocher a Jean que lc ravage de la Scanie ; dans toutes les autres circonilances de fa vie , il parut humain, généreux & jufte; il protégeoit les lettres, il les honoroit. C'étoit dans PAca- ! démic de Copenhague qu'il choihïfoit fes Ambafladeurs. Son regne fut une fuite dc difgraces:.: mais fon plus grand malheur fut de donner le jour a un tyran. » , , Suante Nihon Sture n'étoit plus. Steen Sture le jeune lui avoit fuccede avec le même titre & la même puifiance. Cbrifliern avoit été reconnu par une faédon, héritier des trois couronnes; loin de gagner les efprits Suédois par une douceur au moins affeétée, il fe rendoit même odieux aux Danois. il avoit concu la paflion la plus violente pour Colombule, jeune Hollandoife, moins redoutable encore par fes charmes, que fa mere Sigebrite par fes intrigues. Colombule mourut; Torbern Oxy, Baillif du chateau de Copenhague, accufé d'avoir eu commerce avec elle & de favoir empoifonnée., ablöus par le Sénat, condamné par un tribunal de payfans vendus au foupconneux Chriftiern, expira fur un échaffaud. Sigebrite néanmoins conferva tout 1'afccndant qu'elle avoit fur 1'efprit du Roi: le fien étoit fouple, infi- ■ nuant; la conformité de fon caraétere avec celui de Chriftiern, l'audace avee laquelle elle érigeoit en vertus des crimes que les plus impudens flatteurs n'ofoient louer, lui avoient donné fur le cceur de ce Prince un pmpirejrréfiftible. Cette malheurcufc, qui avoit éprouvé toutes les rigueurs de Pindi"'cnce, & qu'on avoit vue en Norvege vendre des fruits dans un marché, devint la Régente du Dannemarck: elle difpofa de toutes les charges en faveur de fes créatures, fit dans le Royaume un bouleverfement général, aboïit des inftitutions utiles, & ne donna au Roi que des confeils, ou plutöt des ordres fanguinaires. Chriftiern étoit reconnu par les Danois & les Norvégiens, (1) mais les Suédois demandoient du temps pour délibérer: quatre ans fe paflerent en conférences , en négociations, &, pendant cette vacance du tröne, le pouvoir de 1'Adminiftrateur Steen Sture ou Stenon Sture JI s'affermiflbit. _ Chriftiern fe répentit de n'avoir pas débuté par un coup d'éclat: il voyoit fon rival adoré, & fon nom en .horreur en Suede; il excita les Rufles a attaquer de nouveau la Finlande, & rechercha 1'appui de Ja Cour de Rome. C'étok avec les foudres du Vatican qu'il fe flattoit de conquérir un Royaume. La difgrace de Guftave Trolle Archevêque d'Upfal lui offrit une occafion favorable h fes delfeins. Ce prélat étoit un homme violent, comptant la vie des hommes pour rien, foulant aux pieds les droits les plus faints, les traités les plus folemnels, audacieux dans fes projets, impitoyable dans fa vengeance, du refte brave foldat, habile général, adroit négociateur: il n'étoit point né avec ces talens; la nature n'en avoit fait qu'un homme ordinaire ; 1'ambition feule en fit un homme étonnant. Nous avons vu les prélats s'ériger en Souverains, devenir le fléau des peuples & la terreur des Rois, excommunier, dépofer leurs maitres, Iorfque ceux-ci ofoient faire ufage^ dc leur autorité fuprême, ou feulement les en menacer. Trolle avoit le même e.C- CO Pufftni. Hift. dt Susd. ~- Locctn. Hift. Sm» — Meurs, Hifi, Dan.  DE DANNE ma R C K, ékc. Liv. XXXII. Sect. VI. *0ï efprit de domination, qui avoit rendu fes prédéceflèurs li dangcreux; il mon,ta fur le fiege Archiépifcopal d'Upfal, dans un temps oü la Suede alloit fortir de la barbarie. Le bandeau de fignorauce commencoit h tomber, &, avec lui, la puifiance temporede des prêtres. Ne pouvant aflèrvir.fa patrie, il la trahit, appella Chriftiern, que le vceu général de la nation rejettoit,'ék combina avec lui fes intrigues & fes complots. L'Adminiftrateur avoit déja fait fentiraux Etats aflèmblés, qu'ils n'avoicnt point d'ennemi plus redoutable que ce prélat: on réfolut de fe faifir de fa perfonne. II fallut 1'afliéger dansun chateau: il s'y défendit avec cette valeur mal dirigée, qui nait de 1'orgueil humilié. Les officiers de fa garnifon, moins opiniacres que lui, le forcerent a capituler. II fut remis entre les mains du Sénat, qui le forca de renoncer a PArchevêché d'Upfal, & le condamna a paffer le refte de fa vie au fonds d'un cloïtre. Le Pape excommunia 1'Adminiftrateur, condamna les Suédois a une amende de cent mille ducats, & chargea Chriftiern d'exécuter ce décret k main armée. Voila donc un Roi devenu Général du Pape. La guerre s'alluma auflitöt. Ce fléau èk fes fuites étoient les préfens ordinaires que Rome envoyoit dans le Nord. Chrifliern confia le commandement .d'une partie de fes .troupes au Général Othon Crumpe, qui s'étoit déja fait connoitre par quelques exploits importans: il ne démentit pas fa réputation dans cette guerre; il tailla en pieces les Suédois fur les bords du lac Vetter, L'Adminiftrateur eut la jambe emportée du fecond coup de canon, qu'on tira dans cette bataille, ék mourut de fa bleflhre. Othon forca le paflage de Twcde, pénétra dans les provinces les plus reculées, ék pafla' fur le ventre :» tous les partis qui voulurcnt 1'arrêter. Un grand homme donne toujours de 1'ombrage aux tyrans. Pour prix de tant de conquêtes ék de viétoires, Chriftiern le renvoya depuis en Dannemarck. II y pafla le refte de fa vie dans un doux repos, efthné des Danois, des Suédois même ék n'ayant -d'autre ennemi que le Roi, a qui il avoit rendu de fi grands fervices. Cependant un fourbe né parmi la populace, éloquent, audacieux, confiant, profitoit des troubles qui déchiroient la Suede, pour fe faire un nom & jouer un röle qui le conduifit enfin a 1'échaffaud. II fe nommoit Hansil avoit été palefrenier. Nils Steen, fils de 1'Adminiftrateur, étoit mort peu de temps après lui. Hans avoit quelques traits de reflèmblance avec ce jeune Prince: le peuple crédule fut d'abord féduit. Hans fe fervit de fafcendanc qu'il avoit acquis fur fes femblables, pour décréditer parmi eux Guftave Ericfon Vafa, Prince qui defcendoit des anciens Rois de Suede ék qui jettoit alors lesfondemens de fa haute fortune. La veuve de 1'Adminiftrateur diffipa bien le preftige en jurant que fon fils étoit mort; mais Hans eut toujours un parti compofé de ce ramas de brigands qui, dans un Etat éleéfif, foufflent la difcorde ék ne fubfiftent que des malheurs de Ia patrie. II s'enfuit b Drontheim en Norvege, oü il fut recu, comme Prince de Suede par 1'Archevêque de cette ville. Ce prélat lui aida a lever des troupes; il étoit finguher de voir un prélat devenir le recruteur d'un palefrenier. On verra cette comédie finir d'une maniere tragique pour Pimpolïeur. Cependant la Veuve de 1'Adminiftrateur, après s'être longtemps défendue dans Stockholm, avoit été forcée de rendre cette capitale a Chriftiern. Ce irince étoit monté fur le tróne de Suede, ék Trolle fur fon fiege Archiéfme KUIL Ge Hijt. Je Dannemarck , 1319-1559. Ilejl dépsjc, iSxt,. Succès'l'Othon Crum- Impojlcur.  Sect. VI. Hift. de Dannemarck.I3I9-I559- Cruautéde Chriftiern. 3523. La flotte Danoife ejl brülêe. 1553. Chriftitri eft détióné, aoz HISTOIRE DU ROYAUME pifcopal. Le Roi retourna en Dannemarck & concerta avec les méchans qui Pcntouroient 1 'horrible tragédie, dont il devoit donner le fpectacle au Nord épouvanté. II reparoit a Stockholm , invite le Sénat a une fete porapeufe; & cette fête fut un horrible carnage. Les têtes les plus illufires tombcrcnc fous le fer des foldats qui firent les fonctions de bourreaux; la ville fut livréc au piliage, ék le fang du peuple coulay confondu avec celui de la noblefiè. Chriftiern vouloit faire noyer la veuve de 1'Adminiftrateur, cette héroïne dont il avoit éprouvé le courage. Norbi 1'empêcha d'ajouter cette cruauté a tant d'autres. La hante fortune de cet Amiral avoit d'abord été le prix de fon talent pour la flatterie; elle devint le prix plus légitime des fervices qu'il rendit a fon Roi. Le plus grand de tous, fans doute, fut de Pempêcher dc commettre une lacheté. 11 n'y réuflïc qu'en lui repréfentant que la veuve fatiguée d'une longue captivité, pourroit lui découvrir le lieu qui renfermoit les tréfors de fon époux. Mais il avoit lui-même, en donnant ce confeil, des vues intéreffées: il efpéroit que la Princeffe ne refuferoit pas fa main a fon bienfaiteur, & qu'il pourroit jouer en Suede le même röle que Steen Sture. Des circonftances qu'il n'avoit pas prévues, renverferent fes projets ambitieux. Chrhtiern n'étoit pas affez bon politique pour les pénétrer; il lui conferva fa confiance. II revint en Dannemarck, amenant avec lui Guftave Ericfon Vafa, qui avoit des droits fur la Couronne de Suede, ék la mere ék la fceur de ce Prince. (O Ce redoutable captif brifa fes chaines, erra quelque temps, trouva enfin un parti qui devint une armée, ék mit le fiege devant Stockholm. Norbi s'avanca au fecours de cette capitale, remporta quelques avantages fur les troupes dc Guftave, paffa dans la Finlande, oü la même fortune le fuivic: il revint fur fa flotte, attaqua celles de Guftave ék de Lubec, efluya ék rendit un combat opiniatre. Une tempête fépara les deux partis: la flotte de Norbi fe retira prés d'une petite ifle; elle s'y trouva embarraflee entre des glafons, a la faveur desquels Guftave vint y mettre le feu. L'Amiral ne put fauver que peu de vaiflèaux; il s'enfuit a Catmar avec ces débris. Guftave triomphoit en Suede: en Dannemarck la Noblefiè redoutoit une ; fcene pareille a celle dont Stockholm avoit été le théatre, elle s'affembla ék renonca au ferment de fidélité qu'elle avoit prêté au tyran. On le déclara déchu du tróne. Un Magiftrat ofa lui porter 1'acte de fa dégradation, il s'appelloit Magnus Munce: „ mon nom, (difoit cet intrépide citoyen) devroit • être écrit fur la porte de tous les méchans Princes." Chriftiern ne vit pas fes reflburces. 11 étoit encore maitre de fa capitale ék des ifles de la mer Baltique; 1'Allcmagne alloit prendre les armes en fa faveur; Norbi lui étoit fidele; Crumpe étoit aflèz généreux pour le fervir encore : mais le tableau de fes cruautés toujours préfènt h fon fouvenir, lui fit croire, fans doute, que le ciel, vengeur de Phumanité olitragée, combattoit contre lui, ék qu'il s'efforceroit envain de lui réfifter. II s'enfuit, comme un lache, emportant avec lui fes tréfors, les archives de la Couronne, fa femme, fes enfans, ék cette Sigebrite, qui 1'avoit pouffé au crime, ék que le peuple indigné voulut jetter dans la mer: onignore quelle fut fa fin. Chriftiern erra pendant neuf années, tomba entre les mains de fes ennemis, ék fut vingt-fept ans captif; jufte cha- (ij Supr. Tom. 42. p. 471, & uiv.  DE DANNEMARCK, Sec. Lm XXXII. Sect. VI. 20 timent de fa tyrannie. Pour Norbi, il Cc rendit maitre du Gothland C fut dc-la que cc fier Amiral déclara la guerre aux Rois de Suede & de*D-n nemarek: il s'érigea en Souverain,. & a ce titre il en ajouta deux autres in companblcs, ceux d'amt 4e Dieu & ennemi de tous les hommes. Au refte il n'eft pas le feul qui ait eu de la Divinité une idee aflèz faufie, aflèz minneufe, pour croire qu'on pouvoit lui plaire en déteftant fes créatures 11 troubla le commerce du Nord par fes pirareries. Guftave ligué avec Ia Ré gence de Lubcc, réfolut de lui faire la guerre. Norbi fe vit prefque en même temps attaqué par les Danois que Ranzau commandoit. Vaincu deux fois par ce Général, afliégé dans Landscroon, forcé de capituler, il alla fe ietter aux pieds de Frédéric i C'étoit ce Prince que le cri unanime de Ia Nation avoit appelle au trone; il étoit fils de Chriftiern I; on dit que dans fa jeunefle, un jour qu il paflbit devant plufieurs de fes vaflaux qui étoient k tatde 1-un deux dit aux aucres convives: levez-vous & faluez un Prince qui Ter* tm jour Roi de Dannemarck. Copenhague lui ouvrit fes portes après une foible refiftance. La Norvege le reconnut; il prit le titre de Roi des trois Royaumes, & protefta contre 1'éleétion de Guftave. Mais il montra peu dardeur a faire valoir fes prétentions. I! ne put retenir k fon fervice Norbi' qui auroit pu 1'aider a conquérir Ia Suede. Cet Amiral odieux aux trois nations, pafla en Mofcovie, de-la en Autriche, & alla chercher la mort en Itahe fous les murs de Florence. Cependant le Luthéraniline faifoit en Dannemarck des progrès rapides Fredenc, frappé du tableau épouvantable des cruautés que le fanatifme avoit cxercées dans le refte de lEurope, prit Ie parti dc la tolérancc: il défendit dexciter aucun trouble pour caufe de religion. „ Que chacun, difoit il, " £ con,TAfe d/ns/a cf°Pnce, comme devant un jour en rendre compte a V a ■ 1 n'- Y arV0it auCanc de Politicl^ que de philofophic dans la conduite de ce Prince. Le fouvenir de tant de troubles excités par ies flr^'v u-T" ^^"^detrónés ou excommuniés par eux, lui faifoit défirer 1 abaifièment du Clergé. Jean Tauflön feconda bien fes vues. II fu e plus redoutable ennemi de la foi Catholique, & Papötre le plus zelé de Ia religion Luthenenne. II voulut d'abord faire Peflai de fes talens dans Ie monaftere de Saint Jean de Wibourg. Les moines le chaflèrent; il fut accueilli par les Magiftrats. Frédéric Ie protégea; mais depuis i efliiya de grands revers. Les Etats le bannirent de la Séelande. II regarda ces nerfécutions comme des préfents de Ia bonté célefte, & comme un préfage^vorable pour le iucccs de fes travaux Evangéliques. Le peuple ne put'foulfrir qu on lui enlevat fon apötre; il prit même les armes en fa faveur TauTn fut Ie prem.er a calmer la fureur de la populace mutinée: cet acie de m£ dération lui rendit eftrnie & la confiance des Magiftrats. L'inftant étoit £ nve ou le fouvenir de la tyrannie de Chriftiern, des prétentions ambkieufes des Papes des ufuipations des prélats, des féditions du bas clergé devoit renverfer 1 edifice de PEglife Catholique. Les cloitres furent ouverfs a tou ceux qui voudroient en orar; les religieufes eurent Ia liberté de fe marier; les evêques furent obligés de renoncer a leurs relations avec le Pape & de sadreflèr umquement au Roi. La Cour de Rome, qui fe voyoit enlever une partie de fon empire, favo- Cc 4 S e Hifi. At - Danne. raarek, Ï5»5- Le Luthi- ranifme favorijé en Dannemarck. 1531.  iKCT. VI Hift. de Dannemarck , 1532Lhriftietft fik pi fmnier. 1533. 204 HISTOIRE DU ROYAUME riföit le parti du tyran détróné. La Maifon d'Autriche, a laquelle il écois allié, 1'aidoit foiblcment:. elle ne faifoit agir pour lui qu'un certain Knifow, célebre par fes larcins. II étoit né dans l'ifle de Malmoë, & fe rendit fameux fur la mer par cette valeur atroceT qui ne refpeéfe, ni les loix de la guerre, _ïni celles dc 1'honneur. La Gouvernante des Pays-bas lui confia le commandement d'une flotte, qui devoit ruiner dans la mer Baltique le commerce des Danoisi U s'acquitta de cette commiflion en vrai pirate :• il fut le fléau de la Baltique, & n'épargna pas même les vaiflèaux de Hambourg. Les habitans tle cette ville armerent contre lui, & le firent prifonnier: il eut la tête tranchée , & cinquante de fes compagnons fubirent le même fort. Chrifliern rap- m pellé par les prêtres, vaincu, pourfuivi, rendit enfin les armes, & fut enfermé dans le chateau de Sunderbourg, malgré la promefle que 1'Evêque d'Odenfée lui avoit faite d'obtenir pour lui des conditions, qu'il put accepter fans rougir. Frédéric ne jouit pas longtemps du plaifir de voir fon ennemi dans fes fers: il mourut 1'année fuivante. On le furnomma le Pacifique , parcequ'il réfifta au confeil qu'on lui donnoit de rétablir a main armée Punion de Calmar. b'atisfait de deux couronnes, il fit fa paix avec Guftave. Si Pon excepte Pabandon de cette prétention funefte au repos du Nord, il remplit toutes les promeflès qu'il avoit faites a fes fujets. Au refte, il avoit fous les yeux un grand exemple des périls auxquels s'expofe un Prince infidele a fes fermens. La Nation qui s'étoit foulevée contre Chriftiern, na pouvoit pas même être traitée de rebelle d'après la capitulation qu'il avoit jurée (1) a fon couronnement. (1) Elle étoit concue en ces termes: „ Nous nous engageons-, avant toutes cliofes-, „ d'aimer Dieu & de le fervir ; de protéger la fainte Eglife, & de 1'amplifier; de coufer„ ver inviolablement tous les privileges des évêqnes, des prélats & des autres miniftres de „ 1'Eglife, foit qu'ils aient été accordés par le faint fiege, ou par les Rois Chrétiens; „ d'honorer les archevêques de Lunden & de Drontheim, les abbés, les ordres duRoyau„ me, lanoblefle, les fénateurs, les confeillers, & d'avoir pour eux les égards que de„ mandent leur condition cc leur état. S'il furvient quelque diiférend entre nous & les „ archevêques, évêques , abbés ou quelques miniftres de TEglife, ou conviendra d'un „ lieu oü les fénateurs du Royaume prendront connoilfance de I'aiTaire & la régleront. S'il en furvient entre nous & nos préfers, ou quelque gentilhomme, foit qu'il foit du , corps du fénat, ou non, nous ferons obligés de le faire citer devant lefdits feigneurs, " foit qu'il s'agilfe de la propriété d'un domaine ou de quelque autre chofé que ce foit. " Et comme nous fommes tenus de protéger un chacun, & faire en forte qu'il ne lui foit ".fait aucun tort, nous nous obligeons pareillement" de comparohre devant le fénat, d'y Vépondre aux plaintes, qui feront faites contre nous, de nous conformer au jugement qui fera rendu, £? de ne témoigner aucun reffentiment des plaintes ou demandes formées contre nous felon les loix. „ Nous promettons d'admiuiftrer la juftice fans intcrêt, & de Ia rendre in, différemment au pauvre & au riche, a 1'étranger, coinme a 1'habitant du pays, fans ac', ception de perfonne. Nous ne commencerons aucune guerre, & n'introduirons point \ de troupes étrangeres dans le Royaume a 1'infcu & fans le confentement du fénat. Nous e:técuterons inviolablement la teneur des actes, que nous ou le Roi Jean notre pere avons (ignés, & nous acquitterons fes dettes. La monnoie que nous ferons battre, fera " de bon aloi, en forte que deux marcs puiflent faire la valeur d'un ducat du Rhin. Enfin " par le ferment que nous faifons, nous promettons raccomplilfement de tous ces articles a tous les habitans du Dannemarck & de la Norvege, & a chacun d'eux en particu' lier, & de la même maniere, que nos fujets fe Kent envers nous par 1'hommage & par ',' la promeife qu'ils font de nous fervir, & de nous aider de gens de guerre." Mais ft, ce qiih Dieu ne plaife, nous venions h violir quelqtiun de ces points , & (i fermer les treilles aux remontrances des fénateurs, tous les habitans du Royaume, pour leur lionneur  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. VI. zo5 Un incerregne orageux fuivit la more de Frédéric ;■ il laifibit deux enfans d'un premier lic, Chriftiern & Dorothée I, ék de fon fecond mariage, crois i fils ék crois filles y Jean, Adolphe , ék Frédéric; Elifabeth, Anne ck Doro- 1 thée II. Les Etats avoient promis au feu Roi de placer la couronne fur la tète de 1'un dc fes enfans. Satisfait de cette promefle,. il leur avoit laiffé le choix dc fon fuccefieur dans fa familie. Chriftiern avoit été Adminiftratcur des Duchés de Sieswigh ék de Holftein: il s'y étoit flut adorer de la noblefiè, des foldats ék du peuple. Mais il avoit favorifé les progrès de la nouvelle doctrine ék le clergé avoit juré fa perte. Une partie des prélats vouloit couronner le Prince Jean qui n'avoit que huit ans; une autre faétion vouloit brifer les fers de Chriftiern II ék lc replacer fur le tröne. Ce parti étoit le plus nombreux. C'étoit une ligue véritable, formée par la ville de Lubec, Christophc Comte d'Oldenbourg, 1'Arcbevêque Trolle, le Comte Jean de Hoya, ék les Magiftrats de Malmoé ék de Copenhague. Lubec afpiroit alors a devenir la Rome du Nord: elle vouloit détröncr Guftave. Chriftiern III fe ligua avec cc Prince pour leur défenfe commune. Marie Gouvernante des Pays-bas fit alliancc avec eux, parceque le commerce de Lubec ruinoic celui de la Hollande. Chriftiern ailiégea cette ville orgucilleufe. Ce fut pendant ■ ce fiege que ce Prince fut proclamé par les Etats de Juthland, dc Holftein,• ' ék de Fionie: il vint recevoir la Couronne a Horfens. Cependant lc Comte d'Oldenbourg avoit fournis la Séelande, il étoit cn-tré dans Copenhague; mais Chriftiern III reprit bientöt une partie des places qu'il avoit perducs. Une trêve fut conclue entre Lubec ék le Holftein. Il" y eut une entrevue entre le Roi ék le Comte; celui-ci e*igeoit, pour première condition, le rétablifièment de Chriftiern II:. la conférence fut inutile. On reprit les armes: le célebre Mare Meyer, Bourguemaitre de Lubec, homme ambitieux, efprit brouillon, fautcur de tous les troubles du Nord, tomba entre les mains d:s Danois ék fut écartelé. Le Comte d'Oldenbour."fut vaincu entre Midelfort ék Odenfée: la foumiflion de la Norvege fut le fruit de cette viétoire. Ce Royaume attendoit que la fortune jufqu'alors incertaine lui montrat le maitre qu'elle devoit choifir. Copenhague ne fe rendit qu'après un fiege meurtrier, pendant Iequel la famine, les maladies dé- * peuplerent cette malheureufe capitale. Chriftiern III pardonna a tous fes ( ennemis étrangers ou Danois, excepté au Conful Ambroife: 0:1 fe rappclia é comment Chriftiern II avoit traité les fiens; ck ce contrafte rendit le nouveau Roi plus aimable ék plus grand aux yeux des Danois. Le clergé feul n'eut aucune part a fa clémence. Les évêques furent arrêtés ék dépofés : leurs biens furent réunis au fifc; tous les moines Catholiques furent bannis dn Royaume; ék les Etats prêterent aux prédicateurs évangéliques Pappui de leur autorité. L'Eleéteur Palatin afpiroit a la Couronne de Norvege. L'Archevêque de Drontheim ofa même fe faire proclamer en fon nom: mais cette révolution ne fut que momentanée; ék la foumiflion de Copenhague &pour celui de leur ferment, uniront leurs forces £5? travailleront h'y mettre ordre; £? cs qu'ils feront en pareil cas, ne pourra point être réputé une violatim de leur ferment, nV contraire a /'hommage qu'ils nous auront fait & a la fidélité qu'ils nous auront prdmtfe. Que- 1'on - compare cette capitulation k la Loi Royale & 1'on verra quel cbeinin- Ytéilric III eut a faire pö,ur arriver au defpotifme. Cc 3. Hifi. de )annemrek.319-1559. 1535= Chriftiern '11 eft eau»; otmé a 'doijsm.; Il fe rend uil tra de 'openhaue.1536.  feCT. VI. Hift. de Dannemarck , i.319-1559. 11 détruic la religion Catholique en Dannemarck.JS39- Tl fe tient fur la défenfive contre i'Em; ereur. 1543- Traité entre Charles V & Chriftiern Iff. Mort de €hriftiern. JS59. 106 HISTOIRE DU R O Y A U M E fit tomber aux pieds de Chrifiiera tous les fujets des deux Couronne';. Ce Prince fe fit médiateur entre la Suede & la Régence de Lubec, & conclut, finon une paix, au moins une trêve entre ces deux Etats. 11 fit alliance avec plufieurs Princes Allemands, ennemis de la religion Catholique: elle fut détruite cn Dannemarck fans effufion de fang. Chriftiern conduifit cette révolution avec tant de prudence, qu'en 1539 tout étoit Luthérien, fournis & tranquille. L'Eleéteur Palatin toujours lêduit par fes efpérances ambitieufes, voulut entrer dans le Holftein; mais les vaiflèaux Hambourgeois Parrêterent, & une troupe de payfans le forca a prendre la fuite. Charles-Quint plus ambitieux encore & plus redoutable que 1'Eleéf.eur, toujours plein du vafte & chimérique projet de la Monarchie univerfelle, méditoit la conquête du Dannemarck. La Religion, prétexte ordinaire des ufurpations, légitimoit aux yeux des Catholiques fes ênormes prétentions. D'ailleurs PEleéteur Palatin avoit époufé Dorothée, fille de Chriftiern II; & cette alliance étoit regardée par fon parti comme un droit fur la Couronne. Chriftiern III feut détourncr 1'orage. Une flotte formidable croifa le long des cötes d'Allemagne; 1'alliance entre la Suede & le Dannemarck fut refferréc; les différends du Roi avec les Ducs de Poméranie furent terminés a 1'amiable. Une armée nombreufc & aguerrie fut cantonnée vers les frontieres de Dannemarck. La France s'unit d'intérêt avec Chriftiern & Guftave. L'Empereur intrigua, mena9a beaucoup, fit de grands préparatifs, ck n'entreprit rien. Enfin la paix fut conclue a Spire, aux conditions fuivantes: „ qu'il y „ auroit une paix perpétuelle entre le Dannemarck, 1'Empereur ék les Etats y, de ce Prince: q«e le Roi renonceroit aux alliances qu'il auroit faites avec „ quelque Prince que ce fut, fi ces alliances étoient contraires aux intéréts „ de 1'Empereur-; que le Roi ne pourroit donner aucun fecours aux ennemis „ de 1'Empereur, ék que 1'Empereur n'en donneroit aucun a ceux du Roi: „ que le traité de Gand feroit rétabli dans toute fa force: que la ville „ d'Amfterdam pourroit négocier librement dans le Dannemarck ék dans la „ Norvege, comme elle avoit fait par le pafte, ék qu'elle jouiroit des mê„ mes privileges que les villes de Vandalie: que la dot de chacune des filles „ du Roi Chriftiern II leur feroit payée, tant pour ce qui leur revenoit du „ chef de leur mere, que de celui de leur pere: que Pon accorderoit quelque ,, liberté au Roi Chriftiern II dans fa prifon, ék qu'on lui donneroit la li„ berté de chaflèr ék de fe promener avec fes gardes". (1) La Suede déclara la Couronne héréditaire dans la familie de Guftave (a). Cette hérédité déplut a Chriftiern, qui, malgré les proteftations du Héros Suédois, arbora les trois Couronnes dans fon écu. Fatigué de la guerre, il pafla le refte de fa vie dans une paix profonde: il ne prit les armes que pour chaflèr de la Baltique quelques pirates Francois ék Allemands. II refufa 1'homniage de la ville de Revel, afliégée par les Mofcovites, de peur d'engager fon peuple dans une fanglante ék iatale querelle. La mort 1'enleva dans un age avancé. II fut également regretté par fon peuple ék par fa familie. II aimoit la vérité, fe plailbit a 1'entendre, comme h la dire. Sa politique étoit fage, CO Des Roclies Hifi. de Dan Hift. d'Allemagne & fupr. Tom. 40. L. XXV. Secl. XI. (2) Supr. T. 42. p. 505.  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. VIL 207 lente, éloignée du menfonge & de tout manege vil. II étoit généreux, mais avec économie: il étoit brave, fans chercher follement 1'occafion de' montrer fa bravoure: il fcavoit faire la guerre, mais ne faimoit pas. Ce qu'il y a de plus étonnant dans 1'hiftoire de fa vie, c'eft. qu'il ait changé la Reli- : gion de ion pays fans verfer de fang. S E C T I O N VIL Hifloire de Dannemarck, depuis le Regne de FrédéricII jufques a nos jours Il n'y avoit plus de prélats Catholiques eu Dannemarck: Frédéric II monta lans obftacles & fans troubles fur Ie tróne de fon pere. La révolte des Dithmarfes, leur prompte réduction, 1'échange d'une partie du Holl'rein contre les Sotiverametés d'Oefel & de Courlande, que le Roi céda a Magnus fon irere le manage de Dorothée fa fceur avec Guillaume de Lunebourg, quelques différends avec la ville dc Ilambourg bientöt terminés par des arbicre*, une hgue ave e la Pologne, k Mofcovie & Lubec; tels furent les évenemens qui precéderent la guerre qui s'alluma entre la Suede & le Dannemarck. Eric lucceftcur de Guftave réclamoit la Hallandie, le Blecking, & lc Gothland Onnegocioit, on difputoic, on s'aigriffoic, Iorfque les Ambafladeurs Suédois- qui ailoient a Caffel demander au nom de leur maitre la main de la fille du Landgrave, furent arrètés contre le droit des gens. (O Cette infraétion fut le fignal de la guerre. La mer en fut le principal thédtrc: les Danois éprouverent dabord la fupériorité dc la marine Suédoife: fa) dans le premier combat, leur Amiral, Jacob Brockenhuifen fut pris & plufieurs de leurs vaiflèaux amenerent leur pavillon. Frédéric s'empara d'Elfsbouro-' & ravagea la Gothie occidentale. Dans une feconde bataille navale les vems combattirent pour les Danois, & leur aiderent a venger leur premier affront.La flotte Suédoife difperlée par les vents leur offrit une viétoire facile. Le ^iffeau Amiral des ennemis fut la proie des flammes, & les Amiraux lacob Bagge & Amed Trolle tombcrent entre les mains des vainqueurs. La Snede fut bientöt relcvee de ces pertes; la flotte Danoife qui croifbit h ia hautcur de Stralhmd fut mife en fuite, & laifla les ennemis recevoir ie pétge du Sund. Elle reparut bientöt, combinée avec celle de Lubec; mais i'une & 1 autre furent vaincues. Pendant ces combats peu décififs, quoique Ie' fiV- ■ ces nen fut pas equivoque,.les années de terre commettoient les plus erarftfs ravages; celle de Suede dans le Blecking, celle de Dannemarck dans la Sma andie; on en vim aux mains fous les murs de Warberg; Ie combat fut fanglant, & la vièW incertaine. Cette guerre n'eft qu'une fuite de mafTa- ?rnS Sn fQf ^öt^Danoife batcue Par lcs Suédpis a la hauteur de 1 lilledOeland, eft difperlée & brifée paria tempttc: des trbupes qu'Eric « envoie en Norvege fur la parole d'un impofteur, font paiièes m fil de 1'é- P pee; 1 armee Danoife, après avoir triomché,près de Norbi, fa trouve envo- * V) Siipr. Tom. 42-, p. 515. ^ Ibïd. p. 510.. Hifi. de Dannenarek,3 >9-i559. Sect. VU Hi(l. de Dannemarck, l '5S 9> jufques a ïiosjours. Frédéric II ptrviinf tröne Jrnis obftacies, . I5Ö2. Guerre entre la Sue.de & le D'hnnetrtari -iWp. 'r*c envoie es tro:iis en A';r- tge. ,  HISTOIRE DU ROYAUME Pf.CT. VII. Hijl. de Dannemarck.,, jufques a nos jours. 1568. 1570. Les Sui. dois acceptent une paix onêteuje. X57CT. Mort de Indeiic II. S596. ' Sage gouvernemer.t.de Ckristiern IV. 16 ri. loppée, fe fait jour k travers les ennemis, pouriuit fa marche, écrafe ua autre parti, qui 1'attendoit dans une embufcade. Eric fut détróné par Jean fon frere. (1) Ce nouveau Monarque rechercha 1'alliance de Frédéric: mais fes Ambafladeurs ayant conclu une paix honteufe. il les défavoua ék on reprit les armes. II y avoit longtemps que ces deux Nations rivales n'avoient fait éclater avec tant de furie leur antique animoiité. Warberg efl; pris après un fiege fata! a deux généraux Danois & a une rottltitude de foldats; les.cótes de Norvege , de Dannemarck font ravagées par les Suédois; les provinces Suédoifes font en proie aux Danois. Ceux-ci unis aux Lubecois vont jufques dans le port même de Revel enlever des vaiflèaux chargés de richeflès. Pendant cette grande querelle Magnus s'érige en Roi de Livonie fous la proteétion du Czar. Enfin les Suédois, malgré la fupériorité de leurs armes, accepterent une paix onéreufe. Leur Roi renonca h fes prétentions fur la Norvege, fur les provinces de Hallandie ck de Blecking, fur le Jempterland & Hermdalhn; il promit de payer une fomme confidérable, fit rendre tous les vaiflèaux pris aux Danois., & n'en obtint que la reftitution d'Elfbbourg. La Régence de Lubec rendit quelques années après k Frédéric II l'ifle de Bornholm que Frédéric 'I lui avoit engagée. Le Roi vécut encore douze années, uniquement occupé du bien public, oubliant la .gloire des armes pour chercher la gloire plus folide de faire des heureux, laiflant Magnus fe plaindre de la mauvaifc foi du Czar & perdre la Livonie, réprimant les infultes des Hambourgeois fans prendre les armes, & entretenant avec tous fes voifins une parfaite intclligence. II mourut a Anderscow le 4 Avril 1588. II fit ia guerre avec fuccès & fe montra opiniatre & inexorable envers les Suédois: cette guerre terminée, il fe livra a 1'étude des loix, a fon goüt pour les arts, aux foins du gouvernement. L'orphelin trouva ;en .lui un pere, 1'innocence un vengeur, ia foiblefie un appui: beaucoup de Rois Pont furpaffé dans la guerre; mais peu Pont égalé dans la paix. Chriftiern IV n'avoit qu'onze ans , Iorfque la mort de fon pere lui kiifla un Royaume a gouverner, des conquêtes a conferver, de grands exemples a fuivre, les efpérances de deux Nations a remplir. On nomma quatre Régens, & leur nombre ne rendit pas leur régence plus orageufe. L'éducation du Roi, dirigée ék par de fcavans Danois & par d'illuftres étrangers, fut k la fois phyfique & morale. II excella égalcment dans les exercices de 1'efprit ék du corps. II fut couronné en 1596 ék regna par lui-même. L'Eleéteur de Brandenbourg fe tint honoré d'être fon beau-pere ék lui donna en rnariage Anne-Catherine fa fille. Le Roi parut marcher fur les traces de fon pere , il évita fagement tous les pieges qu'on lui tendit pour Pengager dans les guerres qui agitoient l'Europe. Mais autant il étoit lent, lorfqu'il s'agifibit d'époufer une querelle, autant il étoit prompt a offrir fa médiation entre les parties belligérantes. II établit un tel ordre dans les affaires, qu'un féjour de plufieurs mois qu'il fit en Angleterre, pour y voir fa fceur, époufe de Jacques I, ne caufa aucun trouble dans le Royaume. Ce calme dura jufqu'en .1611; alors la Suede ék le Dannemarck s'accuferent réciproquement d'avoir violé Papcien traité i de part ék d'autre on mit trop d'.aigreur dans les repro* ches, CO Supr. Tom. 42. p. 52^=  DE DANNEMARCK, &0. Lr/. XXXII. Sect. VIL zop ches, trop d'injuftice dans les dcmandes, trop de fierté dans les refus. La rivalité des deux Nations fe réveilla & on reprit les armes. Chriftiern cntra de vive force dans Calmar. Bientöt fon gout pour le gouvernement intérieur le ramena a Copenhague, & il laifia le commandement de fon armée a Lucas Krabbe, qui périt peu de temps après dans un combat. Cependant la flotte Suédoife fut battue; leurs armes efluyerent encore d'autres échecs. Charles IX n'écoutant que fon défèfpoir envoya un Cartel a ChrifHern. Ce Prince méprifa cet emportement; il y répondit par une mauvaife plaifanterie. „ Je „ vois bien, dit - il, que les jours caniculaires ne font point encore paffes „ pour mon frere Charles, & qu'ils operent fur fa tête avec toute leur for„ ce. " Puis il ajoutoit: „ il vaudroit mieux que tu fuffès renfermé dans un „ poële chaud,quede te battre avec nous." Bientöt la fortune changea:- les maladies, la faim détruifirent l'armée Danoife. Charles IX mourut; GuftaveAdolphc lui fuccéda. L'Angleterre follicitée par la llollande & par les villes Anféatiques, dont le commerce étoit gêné par cette guerre, offrit fa médiation aux deux Rois. Elle fut acceptée ék la paix fut enfin conclue. (i) L'amour de Chriftiern pour la paix étoit fincere; ék plutöt que de la troubler, > il aima mieux diminuer les droits de péage du Sund, ék rcjetter Poffre des [ habitans de Neugardt qui vouloient pafiër fous fa domination. II toumoit toutes fes vues vers le bien public, ék s'occupoit furtout de la fplendeur du commerce. Une efcadre partit, doubla le Cap de Bonne-efpérance, ék les Indiens virent avec étonnement des habitans du Nord, dont ils ne foupconnoient pas 1'exiftence, fonder une colonie fur la Cöte de Coromandel. (2) Ce qu'il y a de plus eftimable dans cet établiffèment, c'eft qu'il fe fit fans cffufion de fang, ék que les Danois acheterent le terrein qu'ils occuperent. On fe fouviendra qu'un Pape avoit donné par une bulle aux Efpagnols la propriété de 1'Amérique, ék que cette bulle avoit été le fignal du plus épouvantable mafiacre, de 1'ufurpation laplus odieufe dont 1'hiftoire fafiè mention. . Chriftiern fe liguant avec Guftave-Adolphe, le proteéleur du Luthéranifme, prit comme lui la défenfe de 1'Eleéteur Palatin, ék des autres Princes mis au ban de PEmpire. Nous abrégerons lc récit de cette guerre, dont nous avons déja tracé le tableau dans 1'hiftoire d'Allemagne. (3) Les Danois forcerent le célebre Tilly a lever le fiege de Nienbourg; mais Pimprudence de deux officiers, qui, au lieu de s'emparer d'un paflage d'oü dépendoit lc falut de Parmée, attaquerent un détachement d'Impériaux, fit tailler en pieces prefque toute l'armée Danoife. Le Roi fit fermer le paffage du Sund a tous les vaiflèaux fujets de la Maifon d'Autriche; foible vengeance pour une fi grande perte. II leva des impöts, rafièmbla de nouvelles forces, ék s'empara de Peyne, de Wegt, deKalemberg, Hottenflewen, Summersbourg, Ostervic, Sclagen ék Steuerwald. Mais il fut vaincu dans la plaine de Goflar, prés de Lutter. Plus de dix mille Danois refterent fur le champ de bataille. Le Roi s'enfuit en-deca de 1'Elbe. Une nouvelle armée fe prépare a venger (O Mere. Franc. Sup. Tom. 42. p. 571. (2) Nous renvoyons le Lefteur, pour ce qui regarde les Etablilfemens aux Indes, tant des Danois, des Suédois, que d'autres peuples Européens, Ji notre Tome XXIIe. Voytz-tn ia Table des Chaphres, &c. £3) Supr. Tom. 40. p. 493. & fuiv. Tome XLIII. D d Hijl. do Dannemarck , 1559- jufques & nos jours. Pa'x etttre a Suede & e Dannenarek. IöiS. I625. i6ï7.:  Sect. VII. HM. de Dannemarck.1559- jufques a nos jours. Ï628. 1533. 1638. 1Ö40. 1643. 1644. - IÓ45. 1548. «549. aio HISTOIRE DU ROYAUME Ia défaite de celle-ci: mais elle n'éprouvc que des échecs; elle efl: rn'ife en fuite pres de Wolfenbutel: les Impériaux entrent dans le Holftein ék le Juthland leur cil ouvcrr. Chriftiern sempare.de l'ifle d'Ufedom & de Wolgaft; mais fes conquêtes lui font prefque auflitöt enlevécs par les Impériaux. Le Dannemarck étoit épuifé d'hommes ék d'argent: on paria de paix; elle fut conclue a Lubec. Les prifonniers furent fenvoyés fans rancon. Les conquêtes des Impériaux furent reftituées a la Couronne de Dannemarck: mais Chriftiern fut contrahit de céder aux Maifons de Sieswigh ék de HcJftein-Gottorp, l'ifle de Fémeren, ék leur droit héréditaire fur les ifles de Walde ék de Suldc. Chriftiern plus tranquille s'occupa du rétabliflement de Gluckftadt qu'il fit fbrtifier: il établit un droit de péage fur 1'Elbe en faveur de cette ville. Les Hambourgeois murmurerent, armercnt, infulcerent le pavillon Danois: mais Chriftiern feut les réduire ék fe venger. Jamais on' n'avoit médité de plusgrands projets de commerce. Le Roi fe ligua avec 1'Efpagne pour ruiner celui dc- Hollande. Des Ambafladeurs allerent en Perfe propofer au Sophi un traité de trafic. On devoit creufer un Canal dans le Holftein. On projettoit même la conquête de la Suede. Mais la défaite de la flotte Efpagnole par celle de Hollande fit évanouir tous ces grands deflèins. Brochman qui les avoit fait naitre eut la tête tranchée.- On négocioit Ia paix entre la Suede ék PEmpire, Iorfque tout-a-coup les Suédois s'emparerent du Juthland ék d'une partie du Holftein. Chriftiern arma une flotte, la-commanda cn perfonne, préfenta la bataille aux Suédois, ék recut deux bkflures: la nuit iepara les combattans. Dans un autre combat la flotte Danoife fut défaite. Enfin la paix fut conclue: Chriftiern céda aux Suédois le Jemptland, le Harndalen, la ville de Wisby, Arnsbourg, plufieurs ifles ék la Hallandie, comme caution du traité. II mourut trois ans après, heureux s'il n'avoit jamais fuivique les gou'ts pacifiques ! La Noblefiè Danoife, a qui 1'on pouvoit juftement reprocher les malheurs* occafionnés par les deux dernieres guerres, n'en foutint pas moins la fierté de fes prétentions, en voulant exclure du tröne, (1} encore éleélif alors, Frédéric III, fils ainé de Chriftiern IV; les bienfaits mêmes du feu Roi devinrent, entre fes mains, des armes redoutables, dont elle fe fervit pour défendre fes droits. Mais n'ayant point réufii dans le projet de couronner Waldemar, frere de Frédéric, elle réduifit les prérogatives royales dans des bornes fi étroites, que ce Prince n'eut que le titre de Roi. Frédéric, en montant fur le tröne, crut toucher au moment d'en defcendre, en apprenant que les Danois fe propofoient de brifer le joug de la Royauté, ék d'établir la liberté Républicaine fur les ruines de la Monarchie. Pendant que cet oragc menacant allarmoit la Cour, Ulefeld, Ambaifadeur de Dannemarck (2) auprès des Etats-Généraux des Provinces-Unies, conclut cette année les traités d'Aliiance ék de rédemption qu'il négocioit depuis longtems. Par ces traités, blamés également par les Miniftres ék les Négocians Danois, tous les vaiflèaux marchands Hollandois avoient le privilege de pafier le Sund, fans être vifités. Les Etats avoient même le droit d'y envoyer quatre vais- (0 Mém. de Dannemarck. (2) Annal. des Provin ces-Unies.  DE -DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. VIL 2U feaifii de guerre, fans en avertir Ie Roi. II eft vrai qu'ils étoient obligés ciations infruémcufes, Frédéric fit connoitre a Chriftine combicn le Grandmaitre Ulefeld étoit indigne de la proteélion qu'elle lui accordoit daüs fes Pacs= ce ™nce.Iui dévoilïl tonte la conduite de ce rebelle, & furtout la baflèflè qu i! avoit eue de retenir vingt-quatre mille rixdahlers, deftinés par Frédéric a foulager le Roi d'Angleterre réfugié en Hollande, dans fa malheureufe fituation. La Reine de Suede ne rougit point de répondre: „ Uie„ feid eft honnête homme: je le connois trés bien; il n'eft pas capablc dc „ faire une Mcheté. S'il dit qu'il a payc vingt-quatre mille rixdahlers au Roi „ d Angleterre, je le crois, & fi Ie Roi d'Angleterre dit le contraire, il en „ a menti;_& quand douze Rois, comme le Roi d'Angleterre, le foutien„ droient, je dirois qu'ils en ont tous les douze menti." L'événement le plus remarquable, arrivé peu de tems après, eft la démarche par laquelle les Etats-Généraux de Dannemarck rëconnurent Chriftiern, fils aine de Frédéric, pour fucceflèur de fon pere dans ce Royaume, & lui firent hommage en cette qualité. Les Danois fortifiés par leur alliance avec la Hollande declarerent la guerre a la Suede, qui ne profita point de fes avan- ■ tages pour conquérir lc Dannemarck; les viéloires rapides de Charles - Gustave obligerent enfin Frédéric a offrir des propofitions de paix a un ennemi 1 qu il avoit paru peu redouter, & qui alors faifoit trembler fit capitale. Le rebelle Ulefeld nommé Plénipotentiaire par le Roi de Suede, triomphoit de 1 humiliation de Frederic en lui impofant les conditions les plus onéreufes. CO Chanut, Négociations en Suede. Dd 2 ■ kiji. dc Dannemarck , 1559. jufqaes a nos jours. 1651. ICT52. Tentativi inutile auprès de li Cour di Suede, 1654. «SS- Juerre enre la Suede le Danlemarck.1658.  Sect. VII. Hift. de Dannemarck , 1559- jufques a nos jours. On négccie. 1660. zit HISTOIRE DU ROYAUME Forcés par les circonilances , les Danois demanderent une trêve de trois jours; Guflave, toujours téméraire & toujours heureux, répondit fïérement qu'il n'en accorderoit pas une de trois heures, & la paix fut enfin fignée par les deux Monarques le 28 de Février: cette paix conclue par néceffité, dura peu. Le Roi de Suede, perfuadé que lorfqu'il tourneroit fes armes contre la Mofcovie, la Pologne ou la Maifon d'Autriche, les Danois ne laifferoient pas échapper Poccafion de faire une divcrfion dangereufe, réfolut d'affoiblir le Dannemarck, au point de n'en avoir plus rien a craindre. (1) II vint asiiéger Copenhague: la noblefiè, qui jufqu'alors avoit méprile & opprimé les bourgeois, les traita honorablement, dès que leurs bras devinrent nécesfaires a la défenfe de la capitale. Elle leur promit une voix dans toutes les délibérations publiques, & le privilege d'acheter des terres & des feigneuries, pour en jouir avec les mêmes droits, dont jouiflbient les gentilshommes, & de ne payer aucune taxe, que celles que payoit la noblefiè. Frédéric , réfolu de périr avec la familie fous les ruines de Copenhague, profita de la lentcur de Charles a attaquer cette ville, pour la mettre en état de défenfe. Charles, en effet, renonca a une expédition qu'il avoit cru plus facile. C'eft a cette époque qu'on place le combat entre la flotte Suédoife & ia flotte Holiandoife, arrivée pour fecourir Copenhague. Une fingularité aflèz remarquable dans cette bataille célebre, c'eft que les fix Amiraux ou ViceAmiraux des deux partis, furent mis hors de combat. Frédéric, encouragé par Pinutilité des efforts de fon ennemi, rejetta avec mépris des propofitions de paix, qui alors ne pouvoient que le deshonorer. Vainement la France s'unit a 1'Angleterre pour rétablir la paix dans Je Nord: Pintention des deux Princes rivaux n'étoit point de s'y foumettre. . Frédéric fe flattoit de faire annuller le traité de Rothfchild; Charles efpéroit d en faire conclure encore un plus avantageux: tous deux croyoient avilir la Majefté Royale en fubiffant une loi que des Nations étrangeres vouloient leur impofer. Cependant la prife de l'ifle de Fionie par les Danois, fit perdre au Roi de Suede 1'efpérance de conquérir le Dannemarck. Les Puiffances voifines continuoient d'employer leur médiation pour rétablir la paix entre les deux Monarques, Iorfque la mort de celui de Suede parut devoir en accélérer le moment. Frédéric, délivré d'un ennemi redoutable, devint plus difficile fur les articles du Traité, que les médiateurs avoient tant de peine a former entre les deux Couronnes: enfin ce fameux Traité fut figné fous les tentes dreffées entre Copenhague & le camp Suédois. Après la conclufion de la paix, Frédéric chercha les moyens de réparer les défordres occafionnés par la guerre. II convoqua les Etats Généraux du Royaume a Copenhague. A 1'ouverture de Pafièmblée, les députés du peuple, fi longtemps ruiné & opprimé par les nobles, accuferent ces derniers d'être les auteurs de tous les inaux que 1'Etat éprouvoit: ils exigerent, que 1'argent néceffaire aux befoins de la patrie fut généralement levé fur tout le monde. La noblefiè, indignée d'une entreprife auffi jufte dans fon objet, que dangereufe pour elle dans fes fuites, fe difpofa a faire valoir fes anciens privileges. Pour brifer les chaines de 1'efclavage dans Iequel les nobles retenoient le peuple, il n'étoit qu'un moyen ; c'étoit de rendre 1'autorité flipteer) Mém. de Dan. & fupr. p. 24 de ce Volume.  DE DANNEMARCK, Sec. Liv. XXXII. Sect. VII. 213 me héréditaire dans Ia familie d'un Roi qui en fut digne, & Ranfow, Orateur des députés du peuple, ainfi que 1'Evêque de Copenhague, crurent que Frédéric méritoit cet honneur. Ils ne fe tromperent point, fi 1'on en juge par la crainte qu'eüt ce Prince, de fe charger d'un fardeau plus dangereux encore qu'honorable. II eut enfin la gloire d'opérer cette grande révolution qui, en peu d'heures, & fans aucun trouble, changea un gouvernement prefqu'ariftocratique en un-gouvernement monarchiqne. On trouve rarement dans 1'hiftoire, des peuples a genoux qui demandent un maitre : quelques pieux politiques ont regardé cet ét-range événement, comme une récompenfe que le ciel accordoit a Frédéric, pour réparer les malheurs qu'il avoit effuyés: quoi qu'il en foit, il eft certain que, depuis cette époque célebre jufqu'a la mort de ce Prince, le Dannemarck jouit d'un calme bien néceffaire, après les orages qui 1'avoient troublé. On a remarqué, avec raifon , que le pouvoir abfolu,. rendu héréditaire dans la familie de Frédéric, loin de lui aliéner le cceur de la Noblefiè de fon royaume, fi fiere de fes droits, depuis plufieurs fiecles , avoit éteint le feu de la difcorde, qui avoit produit tant de ravages,fous les Regnes précédens. Sans avoir, peut-être, les qualités brillantes de fon iujuite & audacieux rival,- Charles - Guftave, Roi de Suede, il eut les vertus bien plus eftimables d'un bon Roi, dont le peuple fut heureux, dès qu'il voulut 1'être. Frédéric eut de Ia Reine Sophie-Emilic, de la maifon dc Lunebourg, deuxPrinces & quatre Princefles. Chriftiern Paiué, naquit au chateau de Flens-; bourg, le 15 Avril 1646, dans le tems que fon pere étoit encore Archevêque de Brême. Chriftiern V, déclaré fucceffeur du Roi Frédéric, fon pere, avoit recu Phommagc des Etats de Dannemarck, a Vvisbourg, dès Pan 1655, & celui des Etats de Norvege, en 16&1. Témoin- des orages qui bouleverfercnt la patrie, fous le regne de fon pere,. il fe prépara a conjurer ceux qui menacoient le ficn. La Suede,en rompant 1'union des couronnes du Ncrd, s'étoit rendue formidable a la plus grande partie de l'Europe. Elle avoit arraché la Carélie aux Mofcovites, elle s'étoit emparée des provinces d'Ingermeland, d'Efthonie & de Livonie, enfin elle avoit étendu fes conquêtes jufques fur les frontieres de la Norvege & du Dannemarck. Christiern fe hata d'employer tous les moyens pour pouvoir réliflcr a cette Puisfance, depuis longtems rivale de la fienne; moyens difiiciles a mettre en ufage dans un tems, oü le défordre regnoit dans prefque toutes les parties de 1'Etat. (1) La fucceffiön d'OIdembourg étoit encore une femence de difcorde entre le Roi de Dannemarck & les Ducs de Holftein - Gottorp & de HolfteinPloën. Le Duc de Holftein-Gottorp fe repofant fur les forces de la Suede, dont il étoit Paljié, refufoit fierement de reconnoitre 1'autorité Impériale, a qui il appartenoit de décider fur les domaines conteftés, puifqu'ils étoient fiefs de 1'Empire. II ne craignit point de déclarer que le plus fiir moyen dé s"oppofer a 1'autorité de l'Empereur, étoit la pointe de F épée. Chriftiern, moins hardi a braver la puifiance Impériale, fe déclara en faveur du Duc de Holftein-Ploën, dont les prétentions-, d'ailleurs, paroiflbient fondées fur la CO du Regne de Chriftiern V. Dd 3 Hijl. de Dannemarck , 1550- jufques'a nosjours. ' 107cI6/I.  Sect. VII. Hift. de Dannemarck , 1559. jufques a nos jours. 1675. . I676. Difsrrace de Grifftn- füi. On lui fait grace de la, vie. 214 HISTOIRE D U R O Y A U' M E juftice. Cependant, ne voulant point dans les circonilances déliöatés oü u fe trouvoit, au commencement de fon regne, avoir pour ennemi un parent aufli dangcreux que le Duc de Holftein - Gottorp, il eut avec ce dernier une entrevue, dans laquelle il s'eiforca de prévenir les troubles qui menacoient les Etats. Cette entrevue eut tout le fuccès qu'il en efpéroit. Délivré des inquiétudes que lui caufoit le Duc de Holftein-Gottorp, le Roi de Dannemarck ne tarda plus a déclarcr la guerre au Roi de Suede, & a joindre fa flotte a celle des Etats-Généraux des Provinces-Unies. Les Suédois, jufqu'alors 'fi redoutés, eurent a repouflèr les forces du Dannemarck, de la Hollande, du Lunebourg & de Munfter, qui, divifés dans leurs intéréts particuliers, fe réunirent conftamment dans le projet de vaincre 1'ennemi commun. Chriftiern fignala le commencement de fon regne, par des viétoires aufli brillantes que rapides. CO Vainqueur des ennemis qui menacoient fes Etats, Chriftiern èn redoutoit de plus dangcreux dans fa Cour. Griffenfcld, élevé par la faveur du Roi au rang de Chevalier, de Comte, d'ExcclIcnce, de Grand-Chancelier, de Premier-Miniftre, éi même de Favori, fut aflèz ingrat, pour fe préter aux vues fecrettcs du Duc de Holftein-Gottorp, & de la Comtcfle d'Oldembourg, qui ne pardonnoient point a Chriftiern de les avoir obligés a renoncer au traité avantageux de Rothfchild, figné par Frédéric III, dans un moment, oü ce Monarque étoit lui-même forcé a une démarche que la néceffité exigeoit. Grilfenfeld futarrêté: comme il étoit dangereux, dans le procés qu'on lui fit, de nommer fes complices, on examina fon adminiftration, avec k certitude d'y trouver des raifons pour juftificr fa pene. 11 eft ii remarquer que dans le nombre des crimes dont on Paccufa, fans ofer parier du plus grand, on compta celui d'avoir donné des bénéfices cccléfiaftiques a clcs gens xeeonnus publiquement pour forciers: ce qui prouve combien la philofophie étoit loin alors des progrès qu'elle fait ,niain~ tenant dans le Nord de PEurope. Ce traitre alloit fobie le fupplice auquel il étoit condamné , Iorfque le Général-adjudant Schack arrêta 'le bras dn bourreau, en declarant que le Roi faifoit grace au coupable: il defcendit de Péchafaüd, pour entrer dans mie prifon, ou il pafla le refte de fa vie. Chriftiern n'ayant plus a redouter 1'infidélité d'un Miniftre qu'il avoit comblé de bienfaits, fit marcher des troupes vers Stade pour faire le fiege de cette ville, alors bloquéc par l'armée des Ducs de Brunswick - Lunebourg. L'Evêquc de Munfter paroiflbit vouloir feconder le Roi dans cette expédition; mais 1'intention lecrette de ce Prélat, alors allié du Dannemarck, malgré lui, étoit plutöt de délivrer cette ville , que de s'en emparer. Pendant qu'on continuoit lc fiege de Stade, qu'on étoit réfolu de réduire par famine, 1'Amiral Tromp, Hollandois, & 1'Amiral Nils Juel, Danois, fe faifirent de l'ifle de Gothland, gouvernée par le brave Comte Oxenftiern. L'intelligcnce entre les deux Amiraux contribua beaucoup a cette conquête, qui ne coüta pas un feul homme aux Danois. Cette cfpece de prodige fut renouvellé a la prife de la ville de Wisby par les deux flottes confédérées. Les habitans, charmés d'être délivrés du joug des Suédois, s'empreflerent dc rentrer fous la domination du Roi de Dannemarck, leur légitime Souverain. -CO Paff- Introd. — Annal. cLes Provinces-Unies. & fupr. p. 26.  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. VII. 215 Au commencement du mois de Juin, 1'Amiral Jucl, qui tenoit toujours la mer, découvrit la flotte des Suédois, compofée de quarante-quatre vaiflèaux de guerre, fans compter les petits batimens dont elle étoit accompagnéc. Les deux armées navales combattirent entre la cöte de Scanie ék l'ifle de Bornholm. La viétoire, difputée deux fois avec le plus terrible acharnement, ne fe déclara pour aucun des deux partis. Mais les Danois, inférieurs en nombre de vaiflèaux, de plus de mokte, eurent toute la gloire dc ce combat , en faifant reculer leurs ennemis. A cette nouvelle , 1'Amiral Tromp parut dc Copenhague ék vint renforcer la flotte Danoife, qui remporta une viétoire complette fur les ennemis, qu'elle attaquoit pour la troifieme fois. La flotte wétoneufe fe tranfporta a Uftcdt, dans le defièin de faire une defcente dans la Scanie, ou ChriiHern devoit fe rendre a la tètc d'une armée: le jeune Roi de Suede, Charles XI, jaloux de fignaler le commencement de ion regne par fes exploits, vint s'oppofcr a 1'expédition des Danois dans Ia Scanie. Moins heureux que Charles - Guftave, fon pere, contre une Nation devenue redoutable, il fut contrahit de renoncer a une entreprifè dont lc fuccès lui avoit paru certain. Les payfans de Scanie ék du Blecking, qui gémifloicnc fous la domination Suédoife, fe haterent doffrir leurs '?ervices&au Roi de Dannemarck, qui s'en fervit, pour enlever au Roi de Suede la partie la plus confidérable de fon bagage, quatre grands coffres pleins d'argenp, ék quatre étendards. Chriftiern fier du fuccès de fes armes, mit a profit la terreur qu'elles répandoient parmi fes ennemis, ék de nouvelles conquêtes augmenterent 1'éclat de fa réputation, tandis aue fon rival ne paroiflbit point devoir de fitót en mériter une. C'eft a cette brillante époque que fa ville de Stade fut forcée de capituler ék que celle d'Helmftadt fut livrée a "la fureur du foldat, a qui il fut ordonné de-ne refpeéter que les femmes. Cinq eens Suédois furent maflacrés, ék trois eens autres furent faits prifonniers. Le Roi de Suede, allarmé des progrès rapides de l'armée Danoife, raffemble toutes fes forces qu'il cömmande lui-même, ék-vient, prés de la ville de Lunden, attaquer les Danois, auffi commandés par leur Souverain Cette bataille fanglante ne changea point les deftins des Monarques rivaux. Chacun d eux s'attnbua la viétoire ék fe prépara a cn remporter une nouvelle. L occafion s'en préfenta bientöt. Charles vint attaquer Chriftiern pofté' entre Ilelfinbourg ék Landscroon. Les deux Princes , généraux ék foldats a la fois, exciterent leur admiratïön mutuefte par des prodiges de valeur L'aüe gauche des Danois fut totalement battue par le Roi de Suede, tandis que l aile gauche des Suédois étoit enticrement défaite par Ie Roi de Dannemarck; mais cette derniere, après s'être ralliée, étant revenue h la charge' avec furie, ramena la viétoire dans le camp des Suédois, qui reftant enfuite dans 1 maétion ne furent point profiter de leur avantage. Cependant PEmpire, la France, 1'Angleterre, le Dannemarck, la Suede, le Duc de Holftein-Gottorp, avoient envoyé des Ambafladeurs a Nimegue, pour rétablir la paix dans le Nord: mais aucun des deux Monarcues ennemis ne voufant renoncer a fes prétentions, ces Ambafladeurs donnerent au jeu, aux feftins, aux divértmemens de tous genres, le tems qu'ils devoient employer a des conferences, dont ils prévoyoient Pinutilité dans les circonftances préfentes. La fortune, qui jufqu'alors avoit favorifé ies drapeaux Danois, parut vom Hift. dc Dannemarck , J559- jufques a nos jours. Combat nvouL Succes des D'Xnois. Cain'iats entre let deux: armées. 1677.  .•Sect. VU Hijt. de Dannemarck , 1559-jufques a. nc jours. .D faite de Danois. 1678. aiö ■ HISTOIRE DU ROYAUME . loir fe ranger fous ceux de ia Suede. Les deux armées, campées fur des hauteurs, étoient féparées par une plaine, dans les environs de Stralfund. Le Comte de Konigsmarc qui commandoit les Suédois , profitant de k fécurité de fes ennemis, s'empara d'un pofte favorable, d'oü il fit un feu s terrible. Le Général Rumor, qui commandoit les troupes de Dannemarck, ayant été tué par un boulet ,' le defordre regna dans l'armée Danoife, qui 'fut enticrement défaite: on affure qu'on fit cinq mille hommes prifonniers, f ék que le refte périt les armes a la main, fi 1'on excepte quelques officiers, qui apporterent cette trifte nouvelle a Copenhague, ou ils accuferent le Général Rumor d'avoir commis une imprudence en fortant d'un pofte avantageux, pour avoir le plaifir de braver les Suédois. La mort avoit, fans doute, expié Ta faute de Rumor, mais elle ne confoloit point Chriftiern du malheur arrivé a fes armes. Ce Prince, jaloux de venger la gloire dc fes troupes, affoiblie par une Tdéfaite ft confidérable, réfolut de s'emparer d'Engelholm, ou les Suédois avoient une garnifon de cent vingt hommes dans un fort qui eft devant la ville. lis furent attaqués avec tant de vigueur, qu'ils furent contraints de fe retirer dans la place. Les Danois defefpérant de les forcer dans leur afyle, y mtrerit le feu. La flamme fit un fi terrible ravage, qu'il nc refta dans la ville qu'une feule maifon ék 1'églife. Prefque toute la garnifon y périt: il n'y eut que le commandant, un fergent, un caporal ék un foldat qui, après avoir eu le bonheur de fe fauver de Pincendie, tomberent entre les mains des Danois. Chriftiern, flatté d'une expédition qui rétabliflbit 1'honneur de fes armes, réunit toutes fes forces, pour faire lever le fiege de Chriftianftadt, dont la confervation lui étoit auffi néceffaire, que la conquête de cette place étoit importante aux Suédois, pour y faire fleurir leur commerce dans la Scanie. Cette entreprife n'eut pas le fuccès que le Roi de Dannemarck en efpéroit: les Suédois, par 1'avantage de leurs retranchemens, dont Chriftiern tenta vainement dc les faire fortir, empêcherent conftamment ce Prince de fecourir la ville. Les afiiégés, en proie a toutes les horreurs de la famine, furent enfin forcés d'accepter la capitulation honorable que les Suédois leur préfenterent. Le Roi, de retour a Copenhague, fit arrêter le Général Arensdorff ék le priva de fa charge, pour le punir d'avoir été 1'auteur de la perte d'une place fi importante a la nation ék fi utile aux ennemis. Cependant, on commencoit a publier a Nimegue, que les Etats-Genéraux des Provinces-Unies ne tarderoient pas a fe rendre aux repréfentations de la France, pour faire leur paix particuliere, ék qu'ils fe difpófofent a confentir a une fufpenfion d'armes de fix femaines, ék a promettre que fi, dans le cours de cette fufpenfion, on ne réufiifibit point a forcer leurs Alliés a accepter les conditions que la France leur préfentoit, les Etats-Généraux cefferoient de . les favorifer en aucune facon, pendant tout le cours de la guerre. Cette nouvelle effraya Copenhague, furtout quand on y apprit que Louis XIV, alors 1'arbitre de l'Europe, fe déclaroit en faveur du Roi de Suede; que 1'Efpagne alloit auiïï faire fa paix avec la France, ék la France avec 1'Empire. Chriftiern defiroit, il eft vrai, de voir regner Ie calme dans le Nord; mais jü vouloit une paix honorable. Si Pon nous montre une voie füre ék hon- n.e-  DE DANNEMARCK, &c Lrv. XXXII. Sect. VII. ai; „ nête," difoient fes Plénipotentiaires, ,, nous Pembraffons dès aujourd'hui, „ & fi la France la veut faire avec Sa Majefié, nous la croyons toute prête „ a Pacccpter , pourvu qu'elle s'établiffe fur le fondement de la radon & de „ la bonne union." Les Ambafladeurs de Dannemarck, ceux de Brandenbourg & PEnvoyé de Munfter avoient fait des efforts impuiflans pour détourner les Etats-Généraux du projet de figner une paix fi contraire aux intéréts de leurs Souverains. N'en pouvant rien obtenir, ils s'étoient réduits a demander que du moins leurs Maitres fuffent cbmpris dans le Traité que leurs Hautes - Puiffances vouloient fi opiniatrement conclure avec la France. Une propofition fi jufte paroiflbit devoir être acceptée. Elle ne le fut pas. Ces Ambafladeurs ne réuflirent pas plus, en s'efforcant d'empêcher 1'Efpagne de faire aufli fa paix avec la France, alors fi formidable par les brillantes conquêtes de Louis XIV. Ils échouerent pareillement dans le defièin de rompre Palliance formée entre PEmpire & la France, & par un traité particulier entre la Suede & PEmpire. Leur derniere refiburce fut de protefter contre tant de Traités, fans pouvoir parvenir a en figner aucun. A cette époque, le Roi de Dannemarck & PÈleéteur de Brandenbourg, abandonnés par leurs alliés, étoient les feules Puiffances qui fe viflènt. en guerre, malgré leurs efforts pour rétablir la paix. La France rejettoit avec hauteur toutes les propofitions de la Cour de Copenhague, jufqu'a ce que le Roi de Suede n'eut plus la moindre plainte a former. Les prétentions de ce Prince étoient d'autant plus grandes, qu'elles étoient foutenues par les armes de la France. II étoit aufli défavantageux qu'humiliant pour le Roi de Dannemarck de fe voir forcé de reftituer a fon rival, toutes les conquêtes qu'il avoit faites dans fes Etats. Cependant la France n'accordoit qu'un mois pour faire cette douloureufe reftitution, menacant d'impofer des conditions plus dures encore, fi, au bout de ce terme, la Suede n'étoit point entierement fatisfaite. Chriftiern, déflefpérant de fléchir la fierté de la Cour de Vcrfailles, confentit enfin au rétabiisfement des Traités de Rothfchild, de Copenhague ék de Weftphalie, ék la paix entre la France, la Suede ék le Dannemarck fut arrêtée, a Saint-Germain en Laye, le 2 du mois de Seprembre. (1) Les intéréts du Duc de Holftein-Gottorp, qu'on avoit dépouillé de fes Etats, ne furent point négligés. Chriftiern, par une claufe expreffe, confentit „ a lui reftituer la pofieflion „ de fes terres, provinces ék villes, aufli bien que la fouveraineré qui lui „ avoit été accordée par les Traités de Rothfchild ék de Copenhague. " Comme par PArticle XVII du célebre Traité de Lunden, on avoit fpécifié que le Roi de Dannemarck, ék celui de Suede, pour reflèrrer entre eux les Iiens de 1'amitié qui les réuniflbit, formeroient une alliance encore plus étroite, on conclut le mariage de la Princeffe Ulrique - Eléonore de Dannemarck, avec Charles XI, Roi de Suede. (2). Ce mariage, arrêté avant que la Suede eüc déclaré la guerre au Dannemarck, auroit prévenu, peut-être, les ravages qu'éprouverent ces deux Royaumes. II fut cependant encore remis au printems de 1'année fuivante, parceque le Roi de Suede crut que le premier de fes foins étoit de rétablir, (1) Hifloire des Négociations de la paix de Nimegue. Tome XLIII. Ee (2) Supr. p. 27. Hijl. de Dannemarck , 1510. jufques a no jours. 1679. 1680.  Sect. VU Hijl. de D.anneiriarck,:i55y- jufques a. m jours. i&S3- i6êg, (i) Supr. Tom. s\. p. 456", ai8 HISTOIRE DU ROYAUME . dans fes Etats, l'ordre que la guerre avoit renverfé. Au milieu du calme qui commencoit a regner dans le Nord, une étincelle faiilit de railumer 1'ineendie qui 1'avoit enflammé. Le Roi de Dannemarck avoit fait avancer une nombreufe armée, qu'il commandoit lui-même, vers la riviere d'Elbe, fous l prétexte d'en empêcher le paffage aux troupes de France. La ville de Hambourg, allarmée du voifinage dangereux des Danois, crut devoir en préve- " nir les fuites, en fortifiant la garnifon de la place, & en faifant élever un fort, au dehors d'une des portes nommée la Steenpoort: tandis qu'on fe préparoit des deux cöcés a mettre autant de vigueur dans 1'attaque que dans la défenfe, Louis XIV, alors tout-puiflant, écrivit au'Roi de Dannemarck, pour lui confeiller une paix, qu'il pouvoit peut-être lui prefcrire, dans la fituation brillante oü fe trouvoit la France. (1} On en vint en effet a un accommodement: mais Ie caraélere inquiet & orgueilleux des Hambourgeois fit renaïtre de nouveaux différends. Chrifiiern fe vit contraint d'afiiégcr cette ville. Ce ne fut qu'a la deiniere extrêmitc qu'elle accepta des conditions raifonnables, qui même ne furent pas exaétement obfervées de fa part. Cette petite République avoit également bravé dans ces circonftances ék le Roi de Dannemarck ék 1'Empereur. La guerre entre 1'Empire & la France n'étoit point encore terminée. Chrifiiern fe ligua avec Louis XIV, rEleéieur de Brandenbourg ék 1'Evêque de Munfter. II joua le perfonnage important de médiateur: mais fon penchant pour la France n'étoit pas équivoque. On s'attendoit a voir 1'incendie fe railumer: toutes les Puifiances armoient dc nouveau. Une flotte Francoife venoit joindre celle de Dannemarck. Une armée de terre s'empara de la Seigneurie de Jaever dans la Frife oriëntale. Le Prince d'Anhalr la pofiedoit; mais Louis XIV prétendit que c'étoit un fief du Duché de Bourgogne, ék le céda fous ce titre a la Couronne de Dannemarck. Cependant le Duc de Holftein-Gottorp s'efForcoit fecretement de s'affranchir de la domination Danoife: il négocioit avec la Suede. La trame de fes complots fut découvertc: auflitöt la portion du Duché de Sieswigh qui lui appartenoit, fut mife en fequeftre; ék les Ambafladeurs Danois firent entendre leurs plaintes a la Chambre Impériale. Les deux Cours de Copenhague ék de Stockholm fembloient également difpofées a la guerre : de part ék d'autre on faifoit des préparatifs; quand la médiation de la Hollande, de 1'Angleterre, de 1'Eleéleur de Brandenbourg, ék les fages confeils du Prince George de Dannemarck diffiperent cet orage : la paix fut conclue a Altena; le Duc fut rétabli dans tous fes domaines, ék Pon prit des mefures pour lui faire reftituer quelques Seigneuries qu'il avoit engagées. Peu d'années après les Couronnes de Suede ék de Dannemarck conclurent un traité, dont Pobjet étoit de favorifer leur commerce mutuel avec la France. Cette union allarma les Hollandois; ils infulterent le pavillon Danois; mais tous leurs vaiffeaux ayant été auflitöt arrêtés dans les ports, il fallut en venir a un accommodement. La mort de Chriftiern - Albert d'Oldenbourg, Duc de Holftein - Gottorp ck de Sieswigh, 1'humeur indocile de Frédéric fon frere ck fon fuccefieur,  DE DANNEMARCK, ékc. Liv. XXXII. Sect. VII. a,9 1'arrivée des troupes étrangeres qu'il appella prés de lui, firent naitre des différends, appaifés d'abord par les médiateurs de la paix d'Altena, mais renouveilés peu d'années après. Le Roi de Dannemarck fe vit forcé de prendre les armes; il entra dans le Holfiein, s'empara des forts de.Holm & de Sorcker & les fit démolir: le Duc de Holfiein fe fortifia encore de 1'appui de la Suede, obtint la main de la Princeffe Royale & le titre de Généraliffime des armées Suédoifes en Allemagne: il devint alors plus intraitable, fit élever de nouvelles fortifications, & rejetta avec hauteur les conditions qu'on voulut lui impofer. Les infirmités de Chrifiiern ne lui permirent pas de faire rentrer ce redoutable vaffal dans les bornes du devoir; il mourut le 4 Septembre 1699. Simple dans fes vêtemens, dans fes manieres, toujours vrai dans fes difcours, affable avec le peuple, comme avec les grands, peu judicieux dans le choix des hommes, mais fcachant les faire obéir, affez habile général , ék plus brave foldat , fidele obfervateur de fa religion, mais tolérant les autres, il ne manqua a fa gloire que de protéger les beaux arts: il eut le malheur de n'étudier que celui qui tend a la deflruélion du genre humain. Frédéric fon fils ne fut pas plutöt couronné, qu'il fongea a fe. venger du Duc de Holftein-Gottorp: il confia le commandement de fon armée au Duc de Wirtemberg, Ce Prince entre dans le Holfiein, s'empare d'Hufum, de Frédéricfladt, du chateau-de Gottorp, ék met le fiege devant Tonningue. Enfin PAmbaffadeur de France paria de paix; il fut bien fecondé par les garans du traité d'Altena. Le calme fut rétabli aux conditions fuivantes: „ que „ le Duc conferveroit fa Souveraineté; que le Roi ék le Duc pourroient „ élever des fortereffes fur leurs terres, pourvu qu'elles fuffent éloignées de „ deux lieues des forts qu'ils avoient déja; que chacun d'eux ne pourroit „ entretenir plus de fix mille hommes dans les Duchés de Sieswigh ék de „ Holfiein, a moins qu'une nécefiité évidente ne les y forcat." Chriftiern frere du Duc fut mis en poflèffion de 1'Evêché de Lubec; un ancien traité avoit réglé que cet Evêché feroit poffédé alternativement par les Maifons de Dannemarck ék de Holfiein: cependant cette familie avoit donné a la ville de Lubec fes trois derniers Evêques. Le Prince Charles frere du Roi fut élu Coadjuteur. La mort de PEvêque excita de nouveaux troubles: la Maifon de Holftein voulut conferver 1'Evêché. Frédéric foutint a main armée les droits de Frédéric fon frere. Déja le chateau d'Eutin eft au pouvoir des Danois. C'étoit la réfidence ordinaire des Evêques de Lubec: mais le fier Charles XII fe déclare défenfeur des prétentions de la Maifon de Holftein. Les troupes Danoifcs remettent leur conquête entre les mains des Rélidens" d'Angleterre ék de Hollande ék ces Miniftres y recoivent le Prince Adminiftratcur, fans préjudice des droits du Prince Charles. La défaite de 1'Alexandre du Nord, vaincu a Pultava par Pierre I , fon éleve dans l'art de la guerre (1), infpira de plus grandes vues au Monarque Danois; il voulut recouvrer la Scanie. Helfinbourg, ék Chriftianftadt fe rendirent après une foible réfiftance. Le Général Steinbock, fidele a fon maitre malheureux, attaqua les Danois, en tua huit mille, ék mit le refte en (.0 Voyez Supr. p. 29. & fuiv. & Tom. 42. p. 295. &c. Ee 2 ffifi. de Dannemarck.1559. jufques a nos jours. 1Ö07. 1700. 170S. 1710.  Sect. VII Hijl. de Dannemarck.1559- Piqués k no jours. I7II. 1712. I7I3I7J5. 1716. 1718. 1720. 1722. 22o HISTOIRE DU ROYAUME . en déroute. La ligue du Czar, du Roi de Pologne & de Frédéric, contre ce héros infortuné, n'eut pas de grands fuccès. On affiégea envain Wismar ék Stralfund. Le nom de Charles XII combattoit encore pour lui dans le Nord, pendant qu'il étoit prifonnier dans POrient. Frédéric, a la vérité , i foumit les Duchés de Breme ék de Verden; la journée de Gadebusch, oü il fut encore vaincu par Steinbock, lui fit perdre tous fes avantages. Quatre ' mille Danois demcurerent fur le champ de bataille: quatre mille autres rendircnt les armes. Mais ce même Général, jufqu'alors li heureux, ék qui, comme fon maitre, avoit vécu trop d'un jour, fut pris lui-même avec toute fon armée, 1'année fuivante, en venant au fecours de Tonningue affiegé par les Danois ék les Ruflès. Ce qu'il y a d'étonnant, c'eft que malgré la captivité de ce Général ék de fes troupes, la garnifon de Tonningue fe défendit encore jufqu'a 1'année fuivante, qu'elle obtint la capitulation la plus honorable. La flotte Danoife écrafa celle de Suede, la forca d'aller fe brifer fur les cötes, ék prit ou tua tous les foldats ék matelots qui la montoient. Animé par ces fuccès, Frédéric conclut avec les Rois de Pruflè ék d'Angleterre un traité d'alliance offenfive ék défenfive; ces trois Puiffances partagerent d'avance les conquêtes qu'elles fe promettoient. Les Duchés de Breme & de Verden ék la ville de Stade étoient le partage du Roi d'Angleterre. Celui de Dannemarck fe réfervoit l'ifle de Rugen, Stralfund ék fes dépendances, èk les Etats du Duc de Holftein-Gottorp, a qui il devoit offrir en échange les Comtés d'Oldenbourg ék de Delmenhorft. Le Roi de Pruflè jettoit fes vues fur Stettin, Wolgaft, Anclam, ék tout ce qui pouvoit aflurer la navigation de la Péene. La ligue fut auflitöt en mouvement. Stettin ék Stralfund fe rendent; Stade, le Duché de Breme, les ifles de Rugen ék d'Ufedom font conquifes. Charles XII revenu de Turquie, fait de vains efforts pour réfifter aux confédérés; la fortune Pa abandonné, mais fon courage ne Pabandonne pas. 11 pafie en Norvege, remporte d'abord quelques foibles avantages, ék fait enfuite des pertes plus réelles. Deux ans après il battit les Danois, qui chercherent un afyle fous les murs de Dromheim; mais la mort 1'attendoit lui-même fous ceux de Frédéricshall. (1) La chüte de ce héros changea la face des affaires; la Suede perdit fa fupériorité; des places importantes lui furent enlevées. Enfin cette Puifiance, fi redoutable vingt ans avant cette époque , demanda une fufpenfion d'armes, pour travailler a la paix. Elle fut enfin conclue: par ce traité le Duché de Sieswigh demeure uni a la Couronne de Dannemarck,ainfi que la Souveraineté ék le Pcage du Sund,auquel les vaiflèaux Suédois furent affujettis. La ville de Wismar recouvre fes anciens privileges; Stralfund, l'ifle de Rugen ék Maftrand furent reftitucs a la Suede. L'intelligence qui avoit regné jufqu'alors entre le Czar de Ruflie ék le Roi de Dannemarck fut bientöt troublée. Poflèflèur de la Livonie qui lui avoit été cédée paria Suede, Pierre I exigea que fon pavillon fut exempt du péage. La Cour de Copenhague n'y voulut point cenfentir: cependant cette conteftation ne dégénéra point en querelle, Frédéric gouverna fes Etats dans (O Supr. p. 49.  DE DANNEMARCK, &c. Liv. XXXII. Sect. VII. aa une paix profonde jufqu'en 1730, que la mort 1'enleva. Le Dannemarcl perdoit en lui un Prince ami des hommes & des arts, ennemi de la flatterie & dont le defpotifme dirigé par la juftice, rellèmbloit a Pautorité patcrnelie On ne peut lui reprocher qu'une confiance aveugle en des hommes avides. qui s'engraiflbient de la fubftance de 1'Etat, & qui, au milieu de leurs con cuffions, fcavoicnt impofer filence au peuple, & jouer a la cour le desintérefièment avec aflèz d'art pour fafciner les yeux du Souverain. Frédéric n'aimoit point a punir: 1'idée d'un fupplice ordonné par lui le confternoit: er examinant le procés d'un accufé, il craignoit de le trouver coupable; ék cet te clémence mal - entendue caufa le défordre de fes finances. Chriftiern VI, fon fuccefieur, fentit que la bonté eft un défaut dans ui Roi, quand elle excede les bornes de la juftice, quand, pour ne pas frap per quelques coupables, il laiffé gémir toute une nation fous la tyrannie de; fang-fues d'Etat. II nomma une commiflion, pour examiner les comptes d< ceux a qui Padminiftration des finances avoit été confiée fous le dernie: regne: plufieurs furent condamnés a une prifon perpétuelle; d'autres en fu rent quittes pour la confifcation de leurs biens; efpece de peine, dont 1'effe eft de reftituer au Roi ce qui a été volé au peuple: aucun d'eux ne porta fi tête fur 1'échaftaud. II eft rare que les fentences lancées contre des financier foient mortelles: on fe rappelle ce mot d'un entrepreneur des vivres a 111 Général francois qui le menacoit de le faire pendre: „ on ne fait pas pendrc ,, un homme, qui peut difpofer de deux eens mille écus." Cette réponfi laconique dévoile afièz le principe de cette indulgence, que les tribunau? de toutes les nations ont montrée pour des conculiionnaires, qui méritoien mille morts, fi le voleur domeftique en mérite une, puifque celui-ci ne vol< qu'un homme, ék que ceux-la pillent toute une nation. Cet aéte de juftice, qu'on pourroit appeller aufli un aéte de clémence. contint dans leur devoir les nouveaux Adminiftrateurs des finances, ék, deus ans après, Chriftiern fe vit en état de conclure un traité avantageux a fa couronne, ék qui ne pouvoit fe confommer, fans facrifier des fommes confidérables. Les Cours de Copenhague ék de Pétersbourg étoient depuis longtemps ennemies: celle-ci favorifoit les Princes de Holftein , dont 1'ambition avoit été, dans tous les temps, fi funefte au repos de la Monarchie Danoife. Les Rois de Dannemarck s'en étoient vengés en refufant auxSouverains Ruffes le titre d'Empereur. (1) L'impératricc Anne embrafla un autre fyftême de politique: elle confidéra que le Roi de Dannemarck, maitre du Détroit du Sund, pouvoit mettre des entraves au commerce de fes Etat?. Elle facrifia fagement les intéréts d'un étranger a ceux de fes fujets; le Duc de Holftein fut délaiflë par les Ruflès, ék contrahit de vendre au Roi le Duché de Sieswigh. La pofièflion lui en fut garantie par la Ruflie; c°s deux Puiffances conclurcnt une ligue défenfive, ék le Roi de Dannemarck cefla de refufer Ie titre depuis fi longtemps contefté. Le Duc de Holftein mit alors tout fon efpoir dans Ia Cour de Suede, que fa fituation, fes anciens rcflèntimens, ék des intéréts afièz mal entendus animoient toujours contre celle de Dannemarck: mais on commewjoit a fe laflèr (i) Memoires de Ruifie par Ie Général Manftein. Ee 3 t : Hift. de , Dannemarck , ' 1559- jufques a uos jours. 1730. 1 Fimnciers punis. L 1732. Rtunion ilu Duché de Sieswigh a la Courvnne.  222 HISTOIRE DU. ROYAUME Si:ct. VII. Hijl. de Dannemarck , 1559- jufques a nos jours. 1735. S< :i:s paci1'qu.es de Chrifiiern. 1738. Difftrend an ju jet de Steinhórft. Mort de Chrifiiern. ' I74ö. Portrait de Frédéric V. 17511753- 1757. d'une rivalité toujours funefte aux deux nations. Chriftiern VI fe conduifit avec tant de fagelfe, que, trois ans après, les Suédois conclurent avec lui une ligue défenfive. L'Angleterre rechercha auffi fon alliance. Ces travaux politiques étoient fes plaifirs; il aimoit la paix: il auroit voulu la voir regner fur toute la furface du globe, ék, parcequ'il 1'ahnoit, il fe tenoit toujours pret a faire la guerre. II avoit rétabli fur un nouveau pied 1'ancienne Milice iubftituée , comme nous 1'avons vu, a la fervitude féodale. Sa Marine étoit dans un état refpeétable. La ville de Hambourg en reffentit la fupériorité dans un différend qui n'eut pas de fuir.es. Le commerce protégé par une Adminiftration jufte ck éclairée devenoit de jour en jour plus floriffant. La Compagnie des Indes eut affez de fuccès, pour allarmer les Hollandois & les Anglois. Ils s'en plaignirent a Chriftiern lui-même; c'étoit vouloir engager un pere a arrêter le cours des profpérités de fa familie. Leurs demandes furent rejettées, & ne firent que fortifier 1'appui que Chriftiern accordoit a fes 'fujets établis a 1'autre extrêmité du monde. Quoique le fage Chriftiern eut réfolu de conferver fes Etats dans une tranquillité profonde, il fe vit cependant, malgré lui, fur le point de prendre les armes. Un village contefté a quelquefois mis l'Europe en feu. Un bailliage compofé de douze villages faillit d'allumer la guerre entre les Couronnes d'Angleterre & de Dannemarck. II s'agiffoit de la Seigneurie de Steinhorft, que les deux Rois fe difputoient: on fit de grands préparatifs; on commit de fégeres hoftilités. Enfin on négocia; le bailliage demeura a 1'Eleéteur de Hanovre moyennant un équivalent en argent, ék 1'alliance fut renouvellée. Chriftiern n'attsqua aucun de fes voifins ék fe tint en garde contre tous; il évit'a les pieges qu'on lui tendit pour lui faire époufer les intéréts de la Ruflie armée contre la Suede. Une flotte redoutable protégea fes cötes, fon pavillon, fans infulter ceux de ces deux Puiflances. II termina a Pamiable les différends élevés entre fes fujets ék les Hollandois, qui prétendoient avoir le privilege exclufif de pêchcr la baleine, même fur les cötes d'iflande ék des autres poffeflions Danoifes. Ce Prince fut fimple fpeétateur de la guerre defaftreufe qu'alluma en 1741 la fucceffiön de 1'Empereur Charles VI. 11 n'en vit pas la fin, il mourtft le 6 du mois d'Aoüt 1746,^ de quarante-fix ans. Cet age fembloit lui promettre une plus longue vie ék le Ciel fembloit la lui devoir pour le repos du Nord ék le bonheur des Danois. Au refte, il leur laiflbit dans Frédéric V un autre lui-même, héritier de fes vertus, comme de fon tröne, comme lui ami de fon peuple ék des arts, proteéteur des lettres, économe, laborieux ék jaloux de voir tout par fes yeux: en un mot, il fembla que le Dannemarck n'avoit point changé de maitre. Frédéric V avoit d'abord époufé Louife, cinquieme fille de Gcorge-Augufte II, Roi d'Angleterre: de ce mariage naquit le Prince Chrifiiern, ék la Reine mourut en 1751, enceinte d'un Prince qui ne vit pas le jour. Deux ans après, Frédéric contraéta de nouveaux nceuds; il époufa Julie-Marie de Brunswick-Wolfenbutel. Un traité lui aflüra la fucceffiön évcntuelle du Duché de Holftein-Ploën, au cas que le Duc ne laiflat point de poftérité mafculine, & cette convention fut arrêtée fous la réfeive de la confiimation de 1'Emrcrcur. L'Europe étoit embraféc des feux de la guerre; par une politique inconcevable, la France s'étoit liguée avec  DE DANNEMARCK, ékc. Liv. XXXII. Sect. VII. 22 la Maifon d'Autriche contre le Roi de PruiTe. Ce héros, prefque feul re fiftoit a toute l'Europe armée contre lui. Le Pvoi de Dannemarck fut aife généreux pour ne point fe liguer contre le plus foible, affez fage pour n point époufer fa querelle. Le róle de médiateur convenoit mieux a fon ca raéfere que celui d'ennemi. II négocia & garantit une fufpenfion d'arme entre le Maréchal de Richelieu ék le Duc dc Cumberland dans le Hanovre Apprenant que les Hanovriens vouloient enfrcindre la trêve, il fit déclare dans la plupart des cours, que fi fa garantie étoit méprifée, fi le traité étoi violé, il en tireroit une vengeance éclatante. En même temps on vit celfe la méfintelligence qui regnoit depuis quatre ans entre la Cour de Madrid 6 celle de Copenhague: Palliance fut renouvellée, le commerce rétabli, èk le ports ouverts de part ék d'autre aux commercans des deux nations. Cependan une armée de vingt-quatre mille hommes s'avanca pour couvrir les frontie res du Holftein, fous la conduite du Margrave de Brandenbourg-Culmbach On défendit aux femmes des officiers de fuivre leurs époux dans cette cam pagne. Cette défenfe eft un monument honorable pour le beau fexe Danois puifqu'elle attefte que les femmes y avoient confervé un refte du courage de anciennes héroïnes du Nord, & qu'avant cette époque elles accompagnoien leurs époux dans les camps. Pendant que PAllemagne étoit en proie aux plus affreux ravages, Frédé ric V ne s'occupoit que de foins pacifiques; il envoyoit des fcavans parcouri PArabie heureufe, pour y obferver tout ce qui pouvoit accélérer les progrè de 1'hiftoire naturelle, ou former de nouvelles branches de commerce: il devoient en même temps étudier les mceurs, les loix, la religion des Arabes èk former une colleétion précieufe des manufcrits les plus antiqucs. Dein manufacfures de porcelaine s'éleverent dans l'ifle dA.mack; ék la capitah trouva aufli le fuperflu dans cette ifle, qui d'abord n'étoit deftinée qu'i lui donner le néceflaire, les fruits ék les légumes. Ces occupations, qui tendoient toutes a la fplendeur, au repos du Dannemarck, mériterent a Frédéric V cet éloge gravé fur le bronze, ék enfermé fous le piedeftal de fa ftatue équeftre: Frederico F, Danorum Regi & Patri: cum inter 3 t I : 1760. ! Etablijjemens for-i més par Frédéric. i/<5i.  £24 HISTOIRE DU ROYAUME Sect. VII. Hift. de Dannemarck , 1559- jufques a nos jours. 1762. 1764. I7ó5' Sédition en Norvege. 1766. Mort de Frederic. Proclamation de Chriftiern Vil. Le luxe troJcrit;ïagricutturepmégee. 1767. cher un afyle dans leNord, devoit commander l'armée Danoife. La Cour de Londres offroit fa médiation pour arrèter le fang pret a couler: enfin ces grands différends furent terminés,avant que la guerre eut éclaté;le calme fut rétabli, & le premier foin de Frédéric V fut de foulager les payfans d'une partie de la taxe qu'ils payoient. Cet amour de la paix, qui animoit le Roi, s'étendoit a tout; la Religion même en reflèntoit la douce influence : on vit au milieu du Juthland s'élever une églilè Catholique, pour lés Papiftes qui s'y étoient établis. Une fédition en Norvege allarma la Cour. On fit partir des troupes pour contenir ces faélieux, des commiflaires pour écouter leurs plaintes, èk leur rendre juftice, foit en les puniffant, foit en réformant les abus dont ils fe plaignoient. Les juges mirent dans leur conduite un mélange de douceur & de lëvérité, qui fit rentrer dans leur devoir les gens de bien qu'un moment de vertige avoit égarés, épouvanta les méchans, & rendit 1'autorité de Frédéric , auffi chere aux uns, que redoutable aux autres. Ce Prince jouit peu du plaifir de voir revenir a lui des fujets, qu'il regardoit comme fes enfans: il mourut le 14 Janvier 1766, dans la quarante - deuxieme année de fon age. Jamais defpote ne fit plus aimer le defpotifme a un peuple efclave. On célébra tous les ans dans un Jubilé le jour oü la puifiance abfolue avoit été remife dans les mains de Frédéric IV. Les Danois, dans ces fêtes, rendjient graces au Ciel de leur avoir donné des fers, & li quelque chofe peut rendre cette flatterie excufable aux yeux d'un homme libre, c'eft la bonté de Frédéric V, fa tendreffe pour fon peuple, fon amour pour la paix, fon goüt pour les arts, fon horreur pour tous les vices. Après la mort de Frédéric, le Baron de Bernftorf, le plus ancien des Miniftres, fe préfenta au peuple fur le balcon du chateau & cria trois fois: le Roi Frédéric V efl mort; vive longtemps le Roi Chrifiiern FII! & trois fois le peuple répéta, vive longtemps le Roi Chrifiiern FII! Ce Prince commenca fon regne par une action que tous les Rois devroient imiter & répéter de temps en temps, & depuis plufieurs fiecles ufitée en Dannemarck; il alla fiéger fur le tribunal de juftice, entendit plaider une caufe, ék prononca lui-même le jugement. Un doublé mariage reftèrra les alliances conclues avec 1'Angleterre ék la Suede; Chriftiern porta d'abord fon attention fur le luxe. Les habits en or ék en argent furent prohibés dans le Duché de Sieswigh, dans celui de Holftein, dans Ie Comté de Rantzaw, la Seigncurie de Pinneberg ék Ia ville d'Altena. En même temps qu'il faifoit la guerre au luxe, Chriftiern accordoit a 1'agriculture la proteétion la plus étendue. II céda aux cultivatcurs, dans le bailliage de Copenhague, la propriété des métairies qu'ils occupoient; dans d'autres domaines, il partagca tellement fes terres, que chaque payfan eut un champ entouré d'un foffé. A fon exemple la Reine douairière SophieMagdelaine fupprima les fermes dans le ta'lliage de Hirschholm , ék en convertit les terres feigneuriales en biens affeétés aux payfans. On vit bientöt combien 1'cxemple des têtes couronnées eft puiffant. Le Baron de Bernftorf ék plufieurs Seigneurs affranchirent les payfans .des fervices qu'ils leur devoient, reftes de la barbarie féodale, qui n'étoit pas encore enticrement abolie depuis 1'établifiement de la Milice. Le Roi ék la Reine furent couronnes 1'année fuivante. Le  DE DANNEMARCK, &c: Liv. XXXII. Sect. VII. 22 Le Royaume étoit tranquille. Le Dannemarck n'avoit rien a redouter dan 3e Nord. Ce fut fur les bords de 1'Afrique que cet Etat trouva des enne mis. ■ Les Algénens lui déclarerent la guerre. Auffitót on arma dans lc ports du Royaume. Une flotte menacante mit a la voile: elle devoit bombarder cette ville féconde en brigands, éternel fléau du commerce & de 1'humanité. Mais les vaiflèaux contrariés par les vents ne purent exécuter cette entrepnfe. Alger fut fauvé de ce nouveau défaftre: cette ville en a tant efiuyé de cette nature , qu'on a rebati fucceflivement dans les terres loin du rivage, les quartiers que les bombes avoient brülés fur les bords, & qu'elle efl: mamtenant prefque hors d'atteinte. Au refle, on fcait le peu d'inté■rêt que le Dey prend a la confervation de cette place, (i) Cette affaire terminée, le Roi s'occupa des progrès des arts, des fciences du commerce: il confulta les commerc;ans eux - mêmes fur leurs intéréts II brifa les entraves qui captivoient le génie & les fciences: la cenfure des Jivres fut abohe : la prcfle obtint une liberté indéfinie. Le genre humain dut a unDefpote ce bienfait, que des Monarques inquiets & timides, des Républiques impérieufes lui ont refufé. On reconnut bientöt que les avantages de cette mdépendance en furpaflbient les abus. Le Dannemarck jufqu'alors avoit vu éclore peu de bons livres: en moins de trois ans on vit paroitre plus de cent quarante ouvrages en tout genre, dignes d'être lus par des philofophes. Le jeune Monarque parcourut les différens Etats de l'Europe pour s'mftruire & ennchir, orner, éclairer fa patrie des découvertes des arts, des lumieres des autres peuples: il revint encore plus chéri plu's digne encore de 1'être: il avoit cherché des exemples; il en donna lui-même, qui malheureufement n'ont gueres été fuivis. La peine de mort portée con tre le vol fut abolic; les voleurs furent condamnés aux travaux publics • leur fupplice devint utile a Ia patrie. On tranfporta les cimetieres hors des Valides villes; la nuit feule fut deffinée aux convois funebres, & les morts ceflerent d'être le fléau des vivans. Le Roi fonda une Ecole vétérinaire dont les erreurs, fans doute, ont pu faire dans fa naiflance quelques maux particuhers, maïs dont lavenir peut fe promettre un bien général. Tout fembloit calme & paifible, lorfqu'une révolution, dont la poflériré feule peutêtre connoïtra les caufes, donna aux Danois étonnés un fpeétacle affez commun dans les Etats defpotiques, & cependant jufqu'alors inouï en Dannemarck , depuis que les Rois y étoient defpotes. Quand il s'aeit de juffer des evenemens de cette nature les contemporains fe trompent fouvent fur les motifs, & h poftenté fur les faits. Nous nous contenterons donc de rapporter ceux-ci fimplement, & nous laiflerons a nos defcendans le foin de jmrer les caufes d apres les Memoires pofthumes qu'auront pu laiflèr les fpeétateurs ou les aéteurs de cette cataftrophe; car les grands ne laiflènt percer la vérité qu apres leur mort; pendant leur vie ils ne fcavent que 1'offusquer. infiSiiJ? ^mba^ade» EQ^gnol^itów^K un jour de la puifiance de fon maitre, & lui difou, que s'.l ne lu. accordon la fatisfaftion qu'il demandoit, il feroit réduirT Aleer ^irtenPar ^ S0t.te:.».Com^ien ton ma*«-e dépenfera-t-il pour cet armement? "demanda le Dey. „Hun milHons.' reprit 1'Ambafladeur. „ Hé'bien, " repliqua le Dey, HonSadeUJefte!" 12 " f°ir te feU * h ville> & » au'a 1uatre Tome XLllL pf ïffijl. de • Dannemarck.1559- jufques a nos jours. 1769. 1772.  s-f5 HISTOIRE DU R O Y A U M E, &c. Sect. VII Hift. de Dannemarck . 1559- jufques k no; jours. Le dix-huit Janvier les Comtes Struenfée & Brandt, le Lieutenant-Général Gadher & fon époufe, le Confeiller de Juftice Struenfée , & le ProfefTeur Berger, Médecin du Roi, furent arrêtés & conduits a la citadelle. Le Gé> uéral Gude, le Colonel Falkenfchiold, lë Lieutenant-Colonel Heffelberg,' :1e Baron de Bulow, le Contre-Amiral Hanfen, le Confeiller d'Etat Wildebrand, Ie Lieutenant Aboë & trois Secrétaires du cabinet furent mis aux ■ arfêts & gardés a vue. La Reine & la PrincefTè fa fille furent conduites au chateau de Cronenbourg; & le Prince Royal fut remis entre les mains d'une Gouvernante. Huit des plus habiles Jurisconfultes du Royaume furent nommés pour inftruire le procés de ces prifonniers. On fe faifit encore de quelques perfonnes fufpeétes. Le Comte Struenfée, objet de la haine publique, longtemps celui de la confiance & de la faveur du Roi- d'abord fon Médecin, puis fon Miniftre & fon Favori, déteflé de la Noblefiè, peut-être paree qu'il n'en connoiffoit d'autre que le mérite & les talens, odieux a tous ceux qui avoient quelques prétentions fur les places qu'il accordoit a fes parens, enfin regardé comme un tyran par la populace, qui fe confole de fa mifere & de fifbafleffe en abhorrant ceux-que la fortune accable de biens & d'honneurs, accufé d'athéifme par les prêtres, chargé enfin de prés de fix eens griefs par tous fes ennemis, coupable de plufieurs fans doute, ayant abufé de fon pouvoir comme fait tout nouveau parvenu, ayant peut-être les projets que PEurope lui a fuppofés, mais dont la poftérité feule connoitra la faufieté ou la réalité, fut condamné a perdre 1'honneur, fes biens, la vie, a avoir le poing coupé, pour s'être arrogé une trop grande autorité, pour avoir fait tort a la caiffe Royale de plus de fix millions, pour avoir f alfifié une ajfignation fur le tréfor, pour avoir congédié les gardes, pour avoir fait des arrangemens fu/pecls dans la capitale. Brandt fut condamné au même fupplice,pour forfaits commis par lui dire&ement contre la perfonne facrée du Roi. Celui-ci joua de la fiüte dans fa prifon pendant tout le temps que dura fon procés. Tous deux lurent eux - mêmes leur fentence d'un oeil tranquille; tous deux dormirent paifiblement la nuit qui précéda 1'exécution; tous deux fubirent la mort avec le même courage & ils exciterent plus d'admiration par leur confiance, que de pitié par leur malheur. Leurs complices furent condamnés a diverfes peines: la Reine fortit du Dannemarck & n'a vécu que peu de tems après: enfin tout cela étant arrivé de nos jours & fort récemment nous terminons ici. Fin de VHifloire de Dannemarck.     ■ „    HISTOIRE UNIVERSELLE DEPUIS LE COMMENCEMENT DU MONDE JUSQU'A PRÉSENT. (.0 Effai fur les moeurs & le génie des nations, ch. 164. > . Ff a Sect. L Hift. de Hollande. Defcription &c. jinciennetc des Bataves. Section I. Situation de F Ifle des Bataves. Tableau du Gouvernement ancien & moderne des Provinces Unies. Defcription géographique, &c. D e toutes les chimères dont Forgueil humain fe repait, celle d'une illuftre origine efl: la plus ancienne & la plus commune. Chaque peuple, chaque ville veut avoir pour fondateur, un Dieu ou un Héros. Les Troyens defcendoient des Dieux & les Romains cherchoient des ancêtres parmi les Héros de Troye. Le plus obfcur de nos villages veut avoir été Colonie Romaine; comme fi les fleuves les plus majeftueux dans leur cours, étoient toujours ceux dont la fource efl: la plus abohdante. „ Un petit coin de ter„ re prefque noyé dans 1'eau, dit M. de Voltaire, (1) qui ne fubfiftoit que de la pêche du hareng, efl: devenu une puifiance formidable, a tenu tête „ a Philippe II, a dépouillé fes fuccefleurs de prefque tout ce qu'ils avoient „ dans les Indes Orientales & a fini par les protéger." Ce rapprochement de Porigine des Bataves & de la grandeur des Provinces Unies, efl: le plus bel éloge qu'on puifle faire de cette nation fiere & modefte. Dans le tableau que nous allons tracer, on verra cette modeftie & cette fierté faire toujours la bafe de ce caraérere franc & ami de la liberté, que la meilleure partie de la nation conferve encore. Nous diviferons cette hifloire en trois époques: la première comprendra les tems les plus anciens jufques aux Comtes: la feconde le gouvernement des Comtes jufques h la révolution qui rendit les Provinces Unies libres & indépendantes: la troifieme depuis la révolution jufques a nos jours. Quoique les Hollandois s'embarraflènt peu de la gloire qu'ils pourroient tirer de leur origine, il n'en eft pas moins vrai que leur hifloire ancienne fe LIVRE TRENTE-TROISIEME. HISTOIRE DE HOLLANDE OU DES PROVINCES UNIES.  Sect. I. Hift. de . Hollande. Dejcription &c. Aimès £f e films des Romeins. Pays-bas ou Belgiue. Divifitn de "la Belgique. Isle des Bataves. 22S HISTOIRE DE HOLLANDE trouve Hóe avec celle des Roraains, donc Peftime pour cette nation elt at> teftée par leurs hiftoriens les plus refpectés. Lorfqu'ils porterent leurs armesdans la Germanie, l'ifle des Bataves leur parut le lieu le plus propre a fei* vk de rendez-vous aux troupes; paree que de-la ils pouvoient les tranfporter dans la Bclgique & les provinces maritimes des Gaulcs, par un des bras du Rhin, & par 1'autre bras qui communiquoit a PYflel, dans les mers du Nord, la Frife & la Germanie maritirac. Ces avantages ck la franchife que les Romains trouverent dans les Bataves, leur iufpirerenc une eflime qu'ils n'avoient pas pour tous les peuples; ils n'héfiterent point de^leur donner dans les inferiptions publiques le titre dc freres & amis de VEmpire Romain. (i) Ils faifoient le plus grand cas de leur milice: la cavalerie Batave avoit la plus grande réputation; elle fe diftingua a la bataille de Pharfale ck a celle d'Aétium. La cohorte Prétorienne qui formoit la garde des Empereurs, étoit compofée en partie de foldats Bataves. Le nom de Batave étoit affeété a une des meiUeures légions Romaines. (2) Dans leur ordre de bataille, une aile qu'ils appelloient finguliere, étoit toute compofée de cavaliers Bataves. Ces faits font atteités par un grand nombre de monumens. (3). Tacite, dans plufieurs endroits de fes ouvrages, pafte dë cette nation avec le plus grand éloge. (4) „ Les Bataves, dit-il, qui poflèdent „ peu de terrein le long du fleuve, en occupent une ifle ék font les plus „ vaillans de tous ces peuples; ils faifoient autrefois partie des Cattes. Obli" gés par des troubles domeftiques de s'en féparer, ils fe font retirés dans „ ce canton de la Gaule, pour fe donner aux Romains. Aufli continue-1„ on a les traiter avec une diftinétion ék des égards qui prouvent Peftime que „ nous faifons de leur alliance. Nous ne les infultons point par des impöts, „ ni ne les écrafons pas par des gens d'affaires. Libres de contributions èk „ de charges, ils font deftinés uniquement au fervice. Nous les réfervons „ comme nos armes, pour les employer un jour de combat." Ce que nous appellons Pays-bas n'étoit qu'une partie de la Belgique Romaine. On la divifoit en première èk feconde, ou en Germanie fupérieure èk Germanie inférieure. La Germanie inferieure s'étendoic depuis 1'embouchure du Rhin jufqu'a 1'Oblinga ou PAar. (5) La Germanie fupérieure s'étendoit depuis 1'embouchure de ce fleuve, jufques a celle de la Seine ; ce qui fait un pays affez vafte, dans iequel étoient compns le Luxembourg, l'ifle des Bataves, la Toxandrie, le Margraviat d'Anvers, les Duchés de Gueldres, de Cleves, de Juliers, de Limbourg , de Brabant èk les Comtés de Flandres èk d'Artois. La fituation de l'ifle des Bataves entre les bras du Rhin èk la mer, elt la même dans tous les auteurs anciens qui en ont parlé; Céfar, Phne, Pomponius Mela font d'accord a cet égard avec Tacite. (6) „ Au milieu dn (O Gens Batavorum amici & fratres Populi Romani. Cornel. Aurel. L. u Voy. 1Grur ter Infcrip. fol. 72 & les Antiquités de Sanft. Les Autunois recurent la.meme faveur. (O Gruter Infcript. fol. 514. Reckius in Herc. Prod. GO Söïv. Tabular. Anc.q. Batav. Gruter. Infcrip. fol. 75, fol. 519, fol. 532- (4) Vu. Agnc.36. Hift. palïïm & 20, trad. de la Bletterie & les notes. (5) Amm. Marcell. L. XV. cap. 9. (6) Cefar de Bell. Gall. L. IV. Pomp. Mei. ap. Cluv. Plin. hift. nat. Lib. IV. c. 25*. Tac de mor. Gerrnan^  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sacr. I. aa$ „ Rhin, dkPline, efl: l'ifle tres noble des Bataves. " Mais tous varient fur 1 Pétendue & les limites; ce qui a donné lieu a de longues & pénibles diflèr- I jations, qui ont jetté peu de jour fur ces macieres. II efl: trés diflicile de L concilier les defcriptions qu'on en trouve dans les auteurs de 1'antiquité , & t plus diflicile encore de les appliquer aux lieux aétuellement exiftans. Les changemens fucceflifs des lits du Rhin, du Vahal ék de la Meufe; les débouqueraens & les atterriffemens ont occafionné cette difficulté. Au tems " de Tacite, l'ifle avoit éprouvé bien des changemens depuis Céfar. Aux lits naturels, les Romains en avoient ajouté d'arciticiels; tels étoient le canal de Drufus, la coupure faite par Civilis a la digue que ce même Drufus avoit élevée pour mettre a couvert la rive gauche de fon canal; telle eft la foffe de Corbulon. (i) Tout ce qu'on peut conclure de ces divers paflages, eft que le Rhin formoit quatre lits; que la pointe de Lobeck le divifoit en deux 1 bras, dont le gauche étoit le Vahal, tandis que le droit confervoit fon nom, & paflbit a Batavodurum, oü il fe féparoit encore & formoit deux bras, dont 1'un étoit le Leek; 1'autre conlêrvant toujours le nom de Rhin, defcendoit a Utrecht ék fe divifoit encore en deux parties, donc la plus confidérable pafibit a Leyde. C'eft celle qui fe perd aujourd'hui dans les fables. A ces quatre lits, Drufus chargé de la guerre Germanique, en ajouta un cin- l quieme, en creufant un canal de communication avec PYfleL II éleva une digue qui commencoit a Batavodurum, pour couvrir la rive gauche,. qui fe trouvant plus bafie que la droite, occaflonnoit des débordemens du cóté des Gaules. Ces travaux interrompus par la mort de ce Prince , furent repris fous PEmpire de Néron, par Paulinus Pompéius, qui continuant les levées jufques a Catwyck, mit le cöté des Gaules a couvert des inondations. (2). Le Leek, qui fort du Rhin prés de Cuilembourg, ék fe rend dans Ia Meufe prés de fon embouchure, eft encore un ouvrage des Romains. Claudius Civilis, après la viétoire que Vefpafien remporta fur Vitellius, ayant été battu par Cerialis, que Vefpafien avoit envoyé dans les Gaules, fe réfugia dans l'ifle des Bataves : pour arrêter le vainqueur, il fit percer une digue , ék les eaux du Rhin formerent le Leek, qui coupe l'ifle par le milieu. (3) On croit que ce canal avoit été creufé par Corbulon ck que Civilis ne fit que le déboucher. (4) Le petit Yflèl eft tout moderne, ék ne C remonte qu'au milieu du XIIK fiecle: il fe forma des faignées du Rhin ék des canaux, que creuferent les habitans d'Utrecht, effrayés de la fréquence des inondations. Cecce même crainte a fait en divers tems ouvrir tant de canaux, que le Rhin épuifé devint un foible ruiflèau, qui fe perd dans les fables amoncelés a fon embouchure. L'ifle que forme le Rhin en approchant de la mer, eft Pancienne ifle des Bataves. Elle comprenoit la Veluwe, l'ifle de Bommel, le pays d'Utrecht, R une partie de la Gueldre ék la Hollande, jufques a Leyde. Son terrain étoit, i comme aujourd'hui, bas, marécageux ék prefque toujours inondé. (5} Les^ (O Tacit- An* L. XI. c. 20: O) Pont. Heuter. CIuv. veter. Gal!, defcript. L. r. (3) Tacit. hift. Lib. V. c. 19- (4) Hift. Générale des Prov. Unies T. L Tack. kift.. L„V. c. iSy 20. (5) Pont. Heut. vet. Gall. defcript. Ff 3 " • mfmq u'!l 'li[t, de lollande. hfcrip. on &c. Changeant. Lits du Mn, Canal de kujus.. ?anal denbulom Tsü d& kin. 'es preers ha- ans,.  Sect. T. Hijl. de Hollande. Defcription &c. Cimbres £5 Ttutons. llattes éjj Us Caltes. Origines fabuleuj'es. Helium. Flevus. Chdteau dt Britten 230 HISTOIRE DE HOLLANDE Celres, felon 1'opinion commune, habiterent les premiers cette ifle marécageufe; une inondation arrivée cent dix ans avant 1'ére Chrétienne, qui défola toutes les cótes, depuis la Norwege jufques aux Gaules, forca les Cim-3 bres & les Teutons d'abandonner le Jutland & les ifles Danoifes. Les premiers habitans de l'ifle formée par les bras du Rhin, fe joignirent aux peuples fugitifs, & abandonnerent leurs habitations fubmergées. A cette epoque, dit-on, la Zélande fut féparée du continent. (1) On attribue*Porigine des Bataves aux Battes, peuple de Heflè, que les Cattes, autre peuple du même pays, mais plus puiflant, voulurent foumettre a leur domination. Les Battes, trop foibles pour leur réfiiler & craignant 1'efclavage, lè retirerent dans l'ifle que les Celtes avoient abandonnée , & a laquelle ils donnerent le nom de Batavia. Catwyck, Cattendrecht, Cattenpolder, Cattenbroek portent encore le nom du peuple , avec Iequel les Battes affermis dans leur ifle, firent enfuite leur paix. Les anciennes chroniques ont débité beaucoup de fables fur 1'origine des Bataves. Elles parient d'un Roi Batos (2} qui, fuyant la colere de Panta fa belle-mere, s'établit par les confeils de Ménope Roi des Tongres, fon beau-pere, entre la Meufe & le Vahal, ou il éleva le chateau de Battenbourg, Catwyck & Lobeck; & qui enfin, fur les débris du palais du Roi Magus, dont les enfans s'étoient retirés dans les Gaules, s'étoit fait conftruirc un palais beaucoup plus magnifique, auquel il donna le nom de ce Roi. II 1'appella Neo-magus, dont on a fait Nimegue. D'autres prétendent que Nimegue efl: ÏOpidum Batavorum de Tacite. (3) Cet Opidum Batavorum efl: la feule ville de l'ifle, dont les anciens aient parlé; car Batavodurum , Arenacum, Vada, Grinnes, oü étoient les légions que Civilis fe dispofoit d'attaquer, (4) étoient des chateaux ou des forts. On croit qn"Arnhem , Wageningen, Gorinchem ont été batis fur leurs ruines. (5} Les hiftoriens de 1'antiquité parient encore de quelques chateaux qui ont difparu & dont Ia poficion embarraflè les modcrnes. UHelium étoit fitué fur la cöte occidentale du Rhin, vers Pendroic oü Ie Vahal & la Meufe fe jettent dans la mer: on croit que Drufus 1'avoit fait conftruire pour empecher les Menapiens & les Toxandriens, peuples féroces, dc faire des incurfions fur les terres de PEmpire; que ce chateau fut renverfé par les Saliens, & que les Francs Mtirent la Brille k fa place. (6) Ni le chateau de Flevus, ni l'ifle de Gin, oü il étoit conftruit, ne fubiiflent plus aujourd'hui: 1'un & 1'autre fut englouti par une inondation, qui a formé peu a peu le Zuiderzée & fubmergé trois provinces entieres. (7) A 1'embouchure du Rhin étoit le chateau de Britten, qui fervoit de • magafin aux bleds qui venoient de l'ifle. des Bretons. On ignore Porigine de ce chateau, dont on voit les ruines, Iorfque le vent de Nord eft afièz fort pour repouflèr les eaux qui les couvrent. Les uns, a caufe de fon nom, en attribuent la fondation aux Anglois; les autres a 1'Empereur Claude, & enfin a Caligula, Iorfque ce Prince extravagant vint avec une nombreufe ar- (0 Hift. Génér. des Prov. Unies T. 1. (2) Voyez le 14. Vol. de cette hifloire. (3) Hift. L V. c. 9. (4) ld. c. 20, 21. (5) Cluv. de trib. Rhen. AIv. c. 11. Hift. Génér. des Prov. Unies T. 1. (6) Cluv. ubi fupra. (7) Alting. Defcrip. Frifije. Pont. Heuter. vet. Garm. Defcript.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. I. 231 mée dérier POcéan ék le punir d'avoir ofé fubmerger quelques-uns de fes vaif. feaux;èk qu'il éleva une tour dans ce lieu même comme un monument de fa viétoire. (1). Cette tour a longtems wbfifté,, ék fervoit de Phare. Le terrein que la mer a gagné depuis Caligula, a de quoi effrayer ce pays; furtout, s'il eft vrai, comme 0111 allure, que les progrès de POcéan font devcnus plus fenfibles dans les derniers tems. (2} Le fol de la Hollande fe trouvant plus bas que celui des provinces contigue? , leurs eaux y coulenc par leur pente naturelle; les marées les repouffant, les forcent de fe répandre du cöté oü elles trouvent moins de réiiftance: d'ailleurs, dans certains endroits Ie terrein eft fans ceife miné par la mer, ék s'écroule enfin; de-la viennent ces fréquentes ék terribles inondations que la Hollande ék la Frife ont éprouvées. On a déja vu que les Celtes furent obligés de chercher d'autres habitations. On a confervé en Hollande 1'hiftoire de ces fubmerfions, comme on confervé a Naples celle des éruptions les plus confidérables du Vefuve; mais on peut fe flatter de 1'efpérance que le volcan s'éteindra comme mille autres, dont on trouve les veftiges; (3) au lieu qu'il eft a craindre que la mer ne franchifle les digues qui la re tien nent, ou qu'elle ne les renverfe, pour peu qu'on négligé de les entretenir. En 856 les eaux du Rhin groflies par la fonte des neiges, repouflees par les flots de 1'océan, qu'un vent violent nord-oueft tourmenta pendant un mois, inonderent les campagnes a une fi grande hauteur,qu'on pouvoit pêcher des remparts d'Utrecht. En 1170 ék 1205, la Frife ék Ia Weit-Frife . efluyerent les mêmes malheurs. Depuis cette époque, jufques en 1250, il y eut dix inondations ék deux provinces fubmergées, les plus fertiles ék les plus peuplées de la Frife. En 1277, 1'Embs refluant vers fa fource, inonda trente-trois villages ék forma le lac Dollart prés d'Embden. (4) La Zélande.a été détachée du continent, ék les bras de mer qui la féparent, forment des ifles que les eaux minent ék dont plufieurs ont été englouties. En 1420 , dans la nuit du 18 Novembre, une inondation de la Meufe cauféepar une violente tempête, emporta la plus ancienne des digues dont on avoit reflêrré le lit; le vieux Will devint une mer: le Waard de SudHollande fut inondé: dans cette même nuit foixante èk douze villages furent fubmergés, plus de vingt font encore fous les eaux; hommes, beftiaux, tout fut noyé; la ville de Dordrecht fut féparée du continent, ék le golfe de Biesbos couvrit tout ce pays. En 1514 on voyoit encore au-deflus de Peau, la pointe des clochers. (5} Les anciens Bataves ne connoiffbient point Part de fe garantir de Pélément ] qui les environnoit; les marées qui s'avancoienc dans les terres, obligeoient les habitans a fe conftruire des demeures dans les lieux les plus élevés. On commenca par creufer des canaux: les Romains avoient enfeigné ces ouvrages k ces peuples; Corbulon èk Drufus leur avoient appris a fe garantir par ces coupures, èk le dernier a oppofer une barrière aux flots de 1'océan; mais on négb'gea ces ouvrages. Lorfqu'après Pinondation de 1464, les eaux- (O Suet. in Cal. c. 45. (2) Junii Batav. c. 10. (3) Voyez rhift. des volcans éteints. (4) Willi. Procur. ad ann. 1250. Alting. Defcrip. Frifne. Id. not. Germ. Gabenn. Inondat. des Pays-bas &c. (5) Scriver. Bat. illuft. Hift. gén. des Pxav. Unies. Hifi. de SaUande. Defcrip. tion fjfc. I n o n d axio ks. Leurs effets. ) 1G u e s.  Sect. T. Hijl. de Hollande. Dejcription cjV. DeJJéchtmens. Canuux, Utih'tê de V hifloire des Provinces Unies. Ancien Gouvernement. Sous les Comtes. ip HISTOIRE DE HOLLANDE fe furent retirées, on s'appercut que les anciennes digues n'avoient plus que tres peu d'épaiifeur: la crainte du danger excita le zele. On commenca en 1466 des travaux plus folides. Non feulement on alfura les digues par de gros pilotis, mais on rompit la violence des flots par d'autres digues en avant des anciennes; quelque tems après les vers s'étant mis dans le bois, onforma un talus en avant des digues, avec de gros quartiers de pierre. L'érection du tribunal des digues remonte a 1'année 1300 : c'eft un confeil qui n'a pas de lieu fixe, & qui s'aflèmble tantöt a Leide, tantót a Delft, tantót a Rotterdam; fon fiege efl: fur les digues même, dont la confervation èk Pentretien lui font confiés. Le Préfident s'appelle Comte des digues. A force de travail les Hollandois ont reconquis quelques portions du terrein fubmergé, en le defféchant par des digues & des moulins. (1) Les canaux ont d'abord été 1'effet de la néceflité. Le premier objet a été de rafièmbler èk de reflèrrer les eaux éparfes ék ftagnantes; mais les canaux qui les contiennent & les aflujettiflènt, fervent a communiquer de ville en ville, ék a tranfporter les marchandifes, prefque fans frais, d'une province a Pautre ; ces canaux font en fi grand nombre , qu'a peine peut-on faire deux eens pas fans trouver plufieurs ponts. Des terres grafles ék la vafe même que Pon tire continuellement de ces mêmes canaux, fuffifent pour former les digues, qui contiennent ces eaux dormantes. C'eft du fein de ces marais que le Batave a fu fe rendre refpedable^ aux Puiffances les plus formidables, leur faire rechercher fon alliance, ék étendre fon commerce jufqu'aux extrêmités de la terre: 1'hiftoire d'un tel Peuple mérite également 1'attention du Philofophe ék du Politique. Pour le faire mieux connoitre, nous croyons devoir entrer dans quelques détails Géographiques: en parcourant ces provinces, nous donnerons une idéé des premiers Peuples qui les ont habitées, des monumens qui atteftent Pancienneté des principales villes, de ceux dont 1'induftrie moderne les a embellies: mais avant tout il eft néceffaire d'avoir une connoiflance générale du Gouvernement. 11 refte peu de monumens de Panden gouvernement des Beiges ék des Bataves avant Charlemagne, qui refondit les loix des Frifons èk en fit le Code de ces peuples; mais ces loix même éprouverent de grands changemens fous les Comtes. C'étoient des Seigneurs de fa cour, auxquels d confia 1 adminiftration des pays conquis , èk qui les gouvernoient fur les mftruétions qu'ils recevoient de ce Prince. Un des principaux devoirs du Comte, etoit de rendre par lui-même la juftice aux peuples, de prononcer fes jugemens en public èk de préfider aux féances du Tribunal; il étoit aflifté dans les jugemens, de fept aflèffeurs tirés de la bourgeoifie. Le tribunal fe tenoit en pleine campagne. Cet ufage s'étoit confervé dans la Frife , jufques au XlVe. fieclc. O) Louis IX, Roi de France, alloit tenir fa Cour de Juftice dans les champs. (3) . Sous les foibles defcendans de Charlemagne, les Comtes s appropnerent leurs gouvernemens èk les rendirent héréditaires. Pour fe faire un appui de s la (1) Grand rectieil des placards, Tom. UI. (O ubbo Eum fer' Frif' ^ Mém' de Commines.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. I. 233 Ia nobleiTe, ils partagerent avec elle leurs fonétions & leurs prérogatives. Ils devinrent de petits fouverains & pour foutenir leur dignité, ils eurent recours aux villes qui s epuiferent pour leurs maitres; mais leurs dons étoient toujours accompagnés de la demande de quelques privileges prefque toujours accordés. Vers le XlVe. Siècle, ils parvinrent a obtenir qu'ils enverroient aux affemblées, des députés de leur ordre. Les Comtes de Hollande firent des conceflions encore plus eflentielles. Pendant la brouillerie de Florent V. avec la noblefiè, on voit les bourgeois employés dans les négociations, ik participer concurremment avec les nobles a Padminiftration : les confeils des villes fignerent des traités ék leurs Souverains vinrent a ne rien entreprendre fans leur concours ék leur aveu. (1) Dordrecht, Leyde, Harlem ék Delft jouiflbient des droits des Capitales: Gouda ék Amilerdam obtinrent le même privilege. Les Comtes ennuyés de rendre la juftice eux-mêmes, en avoient chargé leurs affefièurs, qui la rendoient en leur nom; les magiftrats du Souverain , quoique fort fupérieurs a ces juges, ne pouvoient pas punir les abus qu'ils faifoient de leurs fonétions, parceque le Comte foutenoit fes officiers. Les villages n'avoient qu'un juge, qui fe choififlbit les afièfièurs qu'il vouloit; ceux-ci n'avoient garde d'être d'un avis contraire au fien : les injuftices ék les prévarications fe multipliant, exciterent les cris du peuple, qui demanda ces juges de fon ordre. Dordrecht eut un Bourgmeftre ék des Officiers municipaux en 1345. Delft, Leyde, Harlem obtinrent la même permiflion. Rotterdam forma un Confeil de ville, ék Amfterdam fe choifit un corps de Sénateurs parmi fes habitans. (2) Leurs fonétions ne duroient qu'une année; ils ne jugeoient que de petites caufes. Les Echevins ék le Bourgmeftre compofoient le Magiftrat: le Bourgmeftre obtint enfuite le pas fur les Echevins; les particuliers y gagnerent, les affaires furent plutöt expédiées, ék comme leurs jugemcns alloient par appel aux Cours fupérieures, ils ne confulterent que les loix ék les cputumes. Le Confeil de Hollande femble remonter au regne d'Albert; il n'avoit point de réfidence fixe avant Philippe I. Duc de Bourgogne, qui le transféra 1 a la Haye, ék Py fixa par le même aéte qui le conftitue héritier de Jacqueline Comtefie de Hollande. Les deux Souverains fe partagerent la nomination des officiers qui devoient régler ce Confeil; Jacqueline fe réferva le droit d'en nommer trois ék confentit que Ie Duc en nommat fix, trois nationaux ék trois étrangers. (3) Ce tribunal porta d'abord le nom de Chambre des comptes ék eut le droit de recevoir ék de régler les comptes des Receveurs. Philippe lui attribua le droit de juger définitivement toutes conteftations porties au tribunal, de nommer ék révoquer les Baillis ék de connoïtre des crimes. (4) II créa le Grand Tréforier, Préfident. En 1542 ce tribunal recut une nouvelle forme; le Stadhouder en fut créé Préfident, au lieu du Grand Tréforier. Lors de la révolution il fut compofé de fept Hollandois, de trois Zélandois & deux Trajectins. (5) .(O Rymer Aft. Publ. Aug. T. 3. (2) d'Orl. defcript. de Leide, de Harlem. Mamf. d'Amft. Manif. de Rotterd. (3) Hift. génér. des Prov. unies T. 1. (4) Papend. Ann. Batav. T. 2. (5) Hjit. gén. des Prov. unies. Tome XLIIL Gg m/i. de Hlollande. Defcription &c. Oiigine des Privileges ies Filles. Confeil de lollar.de.  Sect. I. Hijl. de Hollande. Defcription &c. Assem- b lees P r o vinciales. Code des Frifons. Profcription des duels. Jugemen des fept itoles. 234 HISTOIRE DE HOLLANDE Les Aflèmblées Provinciales ne portoienc pas, comme aujourd'hui, le titre cVEtats. Dans celles du Hainaut, le Clergé tenoit le premier rang; dans celles des Frifons, il étoit admis fans diftincfion. (i) Celles de Zélande étoient préfidées par 1'Abbé de Notre Dame de Middelbourg. Le Clergé ■ étoit exclu de celles de Hollande. (a) Le titre d'Etats donné a ces aflèmblées, n'efl: connu que depuis 141b par le traité fait entre Jacqueline & Philippe. Le Code des Frifons, rédigé & corrigé par Charlemagne, ne puniflbit les plus grands crimes, que par des .amendes ou par la confifcation des biens.. Les Etats furent autorifés a faire des ordonnances, qui proportionnaflent la peine au crime & les amendes aux fautes. Guillaume II. punit du dernier fupplice le viol & Pafiaflinat; exigea fept témoins pour la conviéHon de 1'accufé-; fit fupporter les impöts par les bien-fonds; afliijettit les gentilshom*mes a certaines contributions proportionnées a leur état. II fit pour la Zélande , un Code tiré des Loix Frifonnes & des Ordonnances pour diminuer le nombre des procés. Rien n'eut été plus propre que la Religion a adoucir la férocité de ces tems, fi fes miniflres 1'avoient mieux connue, ou s'ils avoient eu 1'efprit de leur état; mais il femble qu'ils ne fe fervoient de la crédulité des peuples, que pour épaiflir les ténebres, furtout Iorfque les préjugés favorifoient leurs paflions. Les Jugemens de Dieu par les épreuves du fer, du feu & de Peau fe foutinrent encore longtems: la barbarie des duels n'étoit pas feulement autorifée par les Princes, mais par les prêtres même; puifqu'on obligeoit les champions a fe confefler & a communier, avant d'entrer dans lalice. (3) Philippe I. défendit le premier les duels juridiques dans toutes les provinces. Le Code de Juflinien qui venoit d'être retrouvé, fervit debafe ala légiflation de ce Prince: il fit rédiger les coutumes, afligna des appointemens aux jurifconfultes, diminua les frais des procédures, & fubttitua les voies juridit ques aux voies de fait. II abolit le jugement des fept étoles. Les prêtres qui ne fe battoient pas en duel, & qui connoiflbient tout le danger des épreuves du fer chaud & de Peau, avoient imaginé un moyen plus commode & moins incertain ; lorfqu'on difputoit la propriété de quelque bien a une églife ou a un couvent, il fuflifoit si 1'Evêque ou a 1'Abbé de fe préfenter avec fept étoles, c'eft-a-dire fept prêtres ou religieux, & d'affirmer que le bien conteflé appartenoit a 1'églife ou au couvent. Ce ferment avoit la force d'une fentence: il eft vrai qu'on pouvoit en appelier au Confeil de Hollande; mais ce tribunal ne prononcoit pas: il étoit obligé de nommer trois témoins du cöté de la mer & quatre de Pintérieur des terres: leur dépofition faifoit Parrêt. Les Comtes avoient le droit de frapper monnoie: on, ignore de qui ils tenoient ce privilege. II relte des pieces avec le buite de Florent IV. & au revers Meden-marck, lieu oü elles ont été frappées. Les Comtes abuferent de ce droit, en augmentant la valeur numéraire des efpeces, fans en augmenter la valeur intrinfeque ; le commerce périflbit; les peuples fe plaigni- (0 Chron. Frif. S. Bon. Boxhorn p. 1. (2) Van der Goes, Régiflv des alTemb, d'HolL (3) Leg.. Car. Mag. ciu & verb. Duel..  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. I. 23 rent, & Jacqueline promit de ne plus toucher aux monnoies, fans leur cor fentement. Lorfque la maifon de Bourgogne mit Ie comble aux atteintes qu'elle poi ta aux privileges & a la liberté des peuples, lorfque la politique atroce d Philippe 11 eut rompu tous les liens qui les attachoient a leur Souverain 'le gouvernement prit une nouvelle forme. Guillaume de Naflau, Priiic d'Orange, en traca le plan; il voulut que chaque citoyen eut part a Pautc rité; mais en même tems il écarta tout ce qui pouvoit tendre a Panarchie ck a leur donner un maitre. Pour mieux établir Pégalité, il étendit a ton les citoyens la fouveraineté qu'il donna k chaque ville fur fon territoire Chacun eut la faculté de voter dans les aflemblées, dans les éleétions de députés èk dans celles des magiftrats. Pour réunir toutes les parties de c pouvoir divifé entre tous les citoyens & n'avoir rien a craindre de celui qi les réuniroit, il régla que les députés provinciaux ne feroient que les 01 ganes des vceux de la commune, fans qu'il leur fut permis d'y rien char ger , ék que, dans aucun cas, ils ne pourroient rien réfoudre de leu chef. (2) Chaque Province a fon gouvernement particulier. La Gueldre a le pre mier rang entre les Provinces Unies, k caulè du titre de Duché, qu'elle avoi depuis 1339. Le corps de Régence y eft formé de membres pris d 1'Ordre de la Noblefle, de la Bourgeoifie ékdu corps des Légiftes. (3) La Province de Hollande, qui a donné fon nom au corps entier de l République, a confervé k peu prés la même forme de gouvernement qu'el le avoit fous fes Comtes: Paflemblée des Etats en repréfente la Souveraine té. Ces Etats fe tiennent a la Haye depuis 1599; ils font compofés de 1; Noblefle ék des députés des villes de Dordrecht, de Harlem, de Delft, d< Leyde, d'Amfterdam, de Gouda, de Rotterdam , de Gorcum , de Schie dam , de Schoonhoven , de Briel ou la Brille ; d'Alcmaar, de Hoorn d'Enkhuifen, d'Edam, de Monnikendam, de Medenblick ék de Purmerend, dont les fept dernieres de la Nord-Hollande ou Weft-Frife. Le gouvernemen de ces villes eft prefqu'uniforme. Leur Confeil eft compofé d'un ou de plu fieurs Bourgmeftres ék de Confeillers, partie nobles ék partie bourgeois: le Penfionnaire eft toujours tiré du corps des Légiftes ék fait les fonétions dc Procureur - général, comme le Grand - Penfionnaire remplit celles d'Avocatgénéral de Hollande. II prépare les matieres qui doivent être mifes en délibération, compte les fuffrages, réfume les avis, ék rédige les arrêtés, qui fe forment k la pluralité de voix, excepté lorfqu'il s'agit de 1'intérêt général ou d'impofitions: alors Poppofition d'une feule voix dans le Confeil de la ville ou des villes votantes arrête la décifion. L'unanimité eft néceflaire, lorfqu'il s*agit de paix ou de guerre, de levées d'hommes ou d'argent, de conclure une alliance ou une ligue avec Pétranger. Les Etats Généraux ont bien le pouvoir de promulguer, d'interprêter ou d'abroger les loix ; mais leurs décifions n'obligent que les villes qui les ont acceptées. Ils n'ont point le droit de caflèr les arrêtés faits par l'unanimité des Provinces. Par Partiele VII de PUnion d'Utrecht, les Provinces fe font réfervé Ie droit d'é- (O Hift. gt'nér. des Prov. unies T. 1. (2) Idem Ibid. (3) Idem Ibidem. Gg 2 5 - Hift. de Hollande, Defcription &c. e , Nouvelle ; foi me de Gouvernement. , s s i (3 - Gouverneg ment des Provinces. Gueldre. i Hollande. l Ses Etats.  236 HISTOIRE DE HOLLANDE Sect. I. Hift. de Hollande. Dfcriptim &c. Zélande. Utrecht. Frife. Over-yJJei Croningue, Etats généraux. lire le Stadhouder ou de fupprimer fa charge, de nommer le Gouverneur de leurs villes, d'en garder les clefs, d'exercer la police, a 1'exception du militaire , de figner les brevets des officiers qui font a leur folde, d'établir des garnifons dans les places & d'exiger un ferment particulier des commandans. Les Comtés de Hollande & de Zélande étoient fournis au même Souverain ék gouvernés par le même Confeil réfidant a la llaye. Leurs députés étoient confondus dans les aflemblées générales ; mais au commencement des troubles, la Zélande réclama fes droits ék fes anciens privileges, qui lui furent rendus par le crédit du Prince d'Orange, que fa qualité de Marquis de Fleflingue ék de Véere rendoit fon premier noble. Aujourd'hui l'ordre de la Noblefle y efl: prefque éteint; celui du Clergé n'exifle plus; ainfi les députés de Middelbourg ék ceux des autres villes compofent coute la députation. (1) Les Etats de la Province d'Utrecht étoient autrefois fort nombreux: tous les Gentilshomraes avoient droit de féance. II y avoit huit députés du Clergé: ceux des villes d'Utrecht, d'Amersfort, de Wyck-te-Duurftede, de Rhenen, de Montfort formoient le Tiers-état. Aujourd'hui la députation efl: feulement de quatre Nobles ou Chanoines, deux Bourgmeflres de la capitale ék d'un député que chaque ville de la Province nomme a fon tour. La Frife a une forme d'élection qui lui eft particuliere. Les bourgeois ék les payfans s'aflemblent féparément: ils norcment deux commifiaires qui repréfentent le bailliage. Ces commiflaires fe réunifient ék en choififient huit, dont on forme un comité ék le refte fe partage en quatre chambres. L'inftruétion ék le rapport des affaires regardent le comité: les chambres prononcent : la Noblefle n'a aucune prérogative. La Province d'Over-yifel eft gouvernée par le Droflart ou Grand-prévöt, pendant 1'abfence des Etats, qui fe tiennent alternativement de trois en trois ans a Deventer, a Campen ék a Zwol: mais il ne peut en faire exécuter les Ordonnances, fans être aflifté de trois Gentilshommes ék de trois Commiflaires nommés par ces villes. La Province de Groningue eft la derniere, n'étant entrée dans Palliance qu'en 1594: Groningue en eft la capitale : elle eft gouvernée par un Sénat , compofé de huit Bourgmeflres ék feize Confeillers pris dans la compagnie appellée fermentée, qui s'afiemble une fois Pan, pour remplir les places vacantes: 1'éleétion fe fait par fcrutin. Ceux fous le nom desquels il fe trouve cinq feves noires, font maitres de 1'éleéiion. Les députés aux Etats font tirés du Sénat. (3) Comme les députés des Villes n'ont de pouvoir que celui qu'elles leur donnent, celui des députés que les Provinces nomment pour les Etats généraux, eft reftreint dans les mêmes bornes. Ils n'ont aucune aftivité perfonnelle, quoiqu'ils aient les prérogatives de la Souveraineté. „ La Républi„ que eft un Etat compofé de plufieurs Républiques alliées, fans fubordina„ tion ék dans 1'impuiflance d'exercèr aucun aéte atcentatoire a 1'autorité de (O Hift. génér. des Prov. unies. (2) Ubbo Emm. rer. Frifi* lib, 1. (3) Wicquefort Hift. des Prov. unies 1.1.  Oü DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sbct. I. 237 „ Pune 011 de 1'autre, quand même fix d'entr'elles fe réuniroient contre la . „ feptieme." (1) Les Etats Généraux font 1'organe commun qui réunit toutes les parties de la Souveraineté , & par Iequel 1'autorité de chaque Pro- ' vince devient générale ék defpotique. „ Cette forme de gouvernement," dit Montesquieu en parlant de la République fédérative, „ elt une conven„ tion, par laquelle plufieurs corps politiques confentent k devenir citoyens „ d'un Etat plus grand qu'ils veulent former: c'eft une fociété de fociétés „ qui en font une nouvelle, qui peut s'agrandir par de nouveaux aflbciés „ qui fe font unis. " C'eft fous ce point de vue qu'il faut envifager la Hollande. „ Aufli, ajoute-t-il, c'eft par cette aflbciation que la Hollande, PAlle„ magne, les Ligues Suifles font regardées comme des Républiques éter„ nelies." (2) La réfidence des Etats ne fut fixée qu'en 1593. Dans les premiers tems ils ne s'afiembloient que fur la convocation qu'en faifoit le Confeil d'Etat. 1 Lorfque Leicefter amena des fecours d'Angleterre, Guillaume I, qui crai- ' gnoit fes entreprifes, engagea les villes a s'aflembler de leur propre autorité dans une ville qui ne fut point a portée des Anglois. On s'aflembla en 1585 k Middelbourg, enfuite k Utrecht, depuis a Delft. Après avoir été fixés k la Haye, ils s'affemblerent une fois k Gorinchem, ék ce fut-lk qu'ils prirent le titre d'Etats Généraux des Provinces Unies; mais depuis 1599 ils fe font toujours afièmblés k la Haye, dans la grande falie du palais des Comtes, que les Etats de Hollande leur ont cédé. Au milieu eft une table longue, autour de laquelle les Députés prennent féance. Si ce n'eft que le Stadhouder foit préfent, Ie Préfident feul a un fauteuil. Vis-a-vis du Préfident font les Députés de Gueldres, après eux ceux de Zélande, d'Utrecht ék d'Over-yflèl; i ii gauche ék du même cöté du Préfident, font les Députés de Hollande; le premier fiege k droite eft occupé par un Député de la Province ék les autres par les Députés de Frife ék de Groningue. Comme chaque Province peut envoyer k fes frais autant de Députés qu'elle veut, il arrivé quelquefois qu'il n'y a pas aflèz de fieges: alors le furplus des Députés eft debout. Les Etats Généraux s'aflèmblent tous les jours de 1'année ék même les dimanches, a onze heures du matin. Chaque Province préfide a fon tour pendant une femaine, d'un dimanche a 1'autre. C'eft au Préfident qu'on préfente les mémoires, lettres, placets, requêtes, mémoires des IVJmiflres étrangers ou de la République. Le Greffier en fait leéture, le Grand - Penfionnaire débat les raifons pour èk contre , le Préfident recueillit les voix ék la pluralité Pemporte. {3) Lorfque l'unanimité des fuffrages eft néceflaire, s'il y a des villes oppofantes, leurs Députés font obligés d'aller prendre de leurs Etats des pouvoirs fuffifans ék la délibération eft fufpendue jufques k leur retour; ce qui met dans 1'expédition des affaires une lentcur fouvent trés préjudiciable: il eft arrivé quelquefois que les Etats ont pafle par deflus les oppofitions; mais fi les villes oppofantes n'avoient point donné leur confentement k 1'arrêté, leurs députés auroient eu tout k craindre. L'acceptation générale rend les CO Hift. général. des Prov. unies T. 1. (2) Efprit des loix, 1. IX. ch. 1. (3) Hift. génér. des Prov. unies. Ibid. Gg 3 Hifi. de Lloll:inde. Difcripion £?£■. Fix at ion te leur réïdence. Rang des députés.  Sect. I. Hifi. de Hollande, Dejciiptien c5"V. Autorité des Etats Généraux. Grande a ssimblée. Confeil d'Etat. 238 HISTOIRE DE HOLLANDE Arrêtés plus abfolus que les Editsdes Rois: nulle puifiance fur Ja terre n\ peut faire de changement. Les Députés font nommés tous les trois ans: les voix fe comptentpar provinces, ék comme il y en a fept, il ne peut jamais1 y avoir de partage. Le Stadhouder ordinairement, n'entre dans cet- te Aliemblee que lorfqu'il a quelque propofition a faire, ou qu'il foit mande. ^ Les déclarations de guerre, les traités de paix fe font au nom des Etats Généraux; c eft a eux que les Généraux ék les Officiers prêtent ferment. Le Feld-maréchal a auprès de lui un Confeil tiré du corps des Etats, auquel il elt oblige de communiquer fes projets ék qu'il ne peut exécuter fans 1'aveu de tous les membres: ils ont droit d'avoir dans le camp une garde d'infanterie (x de cavalerie. Les Etats Généraux, ou le Stadhouder en leur nom expédient les lauve-gardes, les lettres de grace,les tarifs des droits d'entrée ék de fortie. Ws recoivent les comptes de la Compagnie des Indes, ont 1'infpection fur la Chambre des monnoies., ék fixent la taille ék la valeur des efpeces. Les ireforiers,Receveurs ék autres Officiers chargés de la perception des deniers publics lont a leur nomination. lis nomment les Receveurs ék les Masriltrats dans le pays de conquête: ils ont la puifiance exécutrice; ils recoivent les Ambafladeurs ék nomment ceux que la République envoyé dans'les Cours étrangeres. Ils forment des Bureaux pour les affaires étrangeres, la imance. Ia marine èk le commerce. Chaque Bureau eft compofé de neuf Commifiaires, un de chaque Province, du Greffier èk du Penfionnaire. En un mot, ils jouifient de toutes les prérogatives de la Souveraineté ; mais comme les Villes èk les Provinces participent auffi a cette Souveraineté, lorfr qu il furvient des différends entre les provinces èk les villes, tout ce que peuvent les Etats, eft d'offrir leur médiation; mais ils ne peuvent porter aucun jugement fur ces conteftations, a moins d'un confentement formel efcrii>ion &c, Eglife de 'iollande.  Sect. I. Hifl. de Hollande. J&ejcription &c. CiaJJes. Synodes. Befcription géographique. 25a HISTOIRE DE HOLLANDE chaque paroide des infpefteurs, qui veillenc fur 1'adminiftration des revenus, fur le bien des fabriques, des höpitaux & des ëcóles. (i) Un cercain nombre d'églifes députent un miniftre & un ancien; & ces députés forment la Claflè, qui s'aflèmble trois ou quatre fois dans 1'année. La difcipline, la direélion ék 1'adminiftration des églifes, des höpitaux & 'des écoles, la diftribution des aumönes & la défenfe de la religion, la nomination des députés au Synode, ék 1'examen des candidats qui fe propofent pour le minirtériat, font les objets dont les Claifes s'occupent. Le Synode eft formé. des Miniftres ék des Anciens, députés par les clafTès: les Etats de la Province, oü le Synode eft aifemblé, y envoient deux Commiffaires,qui peuvent impofer filence aux opinans ék arrêter les délibérations, auffitót que les matieres ont quelque rapport a la police ék au gouvernement. Toutes les églifes font partagées en neuf Synodes; Gueldre, Sud-Hollande, Nord-Hollande, Zélande, Utrecht, Frife, Ovcr-yffel, Groningue ék les Ommelandes, ék le Clergé de Drenthe (2) Enfin le Synode National ou général eft formé des députés des Synodes provinciaux. II ne s'aflèmble que dans les cas extraordinaires ék fur la convocation des Etats Généraux. Celui qui fut affemblé a Dordrecht en 1618, pour la décifion des difputes entre Gomar ék Arminius fit plufieurs arrêtés : par un des articles, le Synode devoit s'aflembler tous les trois ans; mais les Etats Généraux n'ont pas eu beaucoup d'égard a ce décret. lis fe contenterent de faire dépofer dans leurs archives tous les aétes de ce Synode célebre , ék d'ordonner que tous les trois ans il feroit nommé des ^députés pour en'faire la vifite, avec les députés des Synodes provinciaux èk d'en dreffer procés verbal; ce qui s'exécute avec exaditude èk beaucoup de folemnité. La même députation va enfuite a Leyde faire la vifite de 1'exemplaire de la nouvelle traduétion de la Bible, faite par ordre de LL. HH. PP. fur Parrêté du Synode èk publiée en 1637. Telle eft la Hiérarchie de 1'églife dominante des Provinces Unies, qui paroit fubordonnée a la Puifiance temporede, èk c'eft un reproche que les Catholiques n'ont pas manqué de faire aux Proteftans; mais ceux-ci répondent , que le Souverain a la doublé qualité d'être membre de 1'Eglife ék , chef de PEtat, ék que conféquemment il eft de fon devoir de veiller fur " ceux qui font deftinés au miniftere de la parole ék de 1'inftruétion; que le 11 foin de conferver la difcipline appartient au Magiftrat féculier, juge de " 1'extérieur, comme 1'Eccléfiaftique Peft de 1'intérieur." (3) Après avoir tracé le tableau du gouvernement de la République de Hollande, il eft néceffaire de faire connoitre le pays même, fa fituation actuelle, fo'n étendue, fes bornes: en Ie décrivant nous donnerons une idéé des qualités du fol, de la richeflè de chacune des Provinces, de la beauté des principales villes, des premiers peuples qui ont habité les différens cantons de cette ifle èk de quelques monumens anciens. Les Provinces Unies ont retenu ce nom de leur union fignée a Utrecht pn I57o; elles fontbornées au Septentrion èk au Couchant par la mer du (O Hift. générale des Provinces Unies T. 1. (2) Idem. ibid. (sD Wem. ibid,  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. I. 253 Nord ou d'Allemagne; au Midi par les Pays bas Catholiqucs ék 1'Evêché de Liege; a 1'Orient par les Duchés de Juliers ck de Cleves, par 1'Evêchc de Munfter, le Comté de Bentheim & la Principauté d'Ooftfriie. Nous avons parlé dans Partiele du Commerce, des qualités productives des terres, ék dans le commencement de cet Ouvrage, des rivieres , des digues & des canaux. Ces fep: Provinces font le Duché de Gueldre (qui comprend le Comté de Zutphen;') les Comtés de Hollande ék de Zélande; les Seigneuries d'Utrecht, de Frife, d'Over-yffel ék de Groningue: leur fituation eft entre le 20e ék z6e. dégré de Longitude ék entre le 50e ék 54e dégré de Latitude Septentrionale. Leur longueur ou plus grande étendue eft du Sud au Nord, depuis 1'extrêmité du Limbourg Hollandois, jufques a Pextrêmité de la Seigneurie de Groningue, ék contient environ 48 lieues: elles en ont 40 dans leur largeur du Couchant au Levant, depuis Pextrêmité de Ia Hollande jufqu'a celle de 1'Over-Yflel. (1) Les pays qui font fous la dépendance des Sept Provinces ék qu'on appelle Pays de la Généralité, font fitués, partie dans le Brabant ék partie dans la Flandre ék dans le Limbourg. La Province de Gueldre eft entre Ia Zuiderzée, POver-yifel , 1'Evêché de Munfter, ék les Duchés de Cleves, de Juliers ék de Brabant. Au commencement du Xile liecle lc Comté de Zutphen lui fut uni. La Betuwe ou le Quartier de Nimegue lui fut incorporé en 1270. La Gueldre fut érigée en Duché en 1339, ék a caufe de ce titre elle a le premier rang entre les Provinces Unies. Les Nobles qui ont des liefs dans la Province, en compofent la moitié des Etats: il n'y a que cette différence entre fon gouvernement ék celui de la Province de Hollande. Cette Province eft la plus fertile: elle fe divife en quatre quartiers; mais lc quartier dont Ruremonde eft la capitale, a été féparé du Duché ék eft fous la domination des maifons d'Autriche ék de Brandenbourg. Les trois autres font ceux de Nimegue, d'Arnhem ék de Zutphen. Les Menapiens ont occupé une partie de la Gueldre, du Brabant ék les pays qui font au Nord du Wahal ék de la Meufe. Céfar les place fur les deux rives du Rhin, ayant les Eburons a 1'Oueft ék s'étendant du cö;é du Nord, jufqu'aux Bataves ék aux Morins. (a) Ces peuples s'étendoient au-dela du fleuve, mais ils en furent chaffés par les Sueves. Une autre partie de cette Province étoit occupée par les Eburons, qui s'étendoient dans les Duchés de Cleves ék de Juliers. (3} C'étoit un des peuples les plus anciens de la Belgique. Ils furent détruits par les Tongres, qui s'établirent dans la Germanie inférieure. Dans les excurfions des Cimbres ék des Teutons, ces peuples avoient laiffé fix mille hommes fur les bords du Rhin, pour garder leurs femmes ék leurs enfans. Ces 6000 hommes furent les ancêtres des Attuaires, qui s'établirent aux environs de Zutphen; ce Comté a été auffi habité par les Gugernes, qui faifoient partie des Sicambres ék que Tibere difperfa dans le voifinage des Ufipetes ck des Menapiens , dans le Comté de Zutphen, le pays de Cleves, celui de Juliers ék dans le; Comté de Namur. (4) CO Voyez la Méth. de Ge'og. par Leng. Dafr. Voyez IcsCartes de Sanfon de Fred. de Witc & P. van der Aa, d'lfellin, de Lifle, &c. Voyez encore la Géogr. de ia Croix. (2) Ccfar de Bell. Gall. L. IV. c. 4. (3) idea. L. IV & VI. CO Cluv. Genn* antiq,. L. VIII. c. 29. li S Hifi. de Hollande. Dejcrip. tion &c. Province ie Gueldre, Menapiens-* Eburons. Tongres. Attuaires. Gugernes*  254 HISTOIRE DE HOLLANDE Sect. I. Hifi. de Hollande. Dejcription &c. Nimegw. Son anti quité. (O Grutter Infcr. fol. XLVII. (2) Hift. L. IV. ch. 15. Le quartier de Nimegue a cinq territoires; celui de Nimegue, celui du Betaw ou Betuwe, ceux de Tiel, d'entre Wahal & Meufe & de Bommel. La ville la plus confidérable eft Nimegue même; on raconte quelques fables fur fon origine. Elles n'ont pas plus de vraifemblance que celle qui ■ fait vcm'r fon nom de Nova ék de Magia, filles de Vénus, dont Céfar porta • le culte chez les Bataves, ék auxquelles il confacra Neomagum ék Does. bourg, ainfi que Rhinmagen ék Durmagen au Dieu du Rhin ék a Dura. 11 efl: certain que cette ville ell trés ancienne; un grand nombre d'infcriptions qu'on y a trouvées, prouvent qu'elle étoit déja confidérable dans le tems de Vefpafien: mais il elt douteux qu'elle ait porté le nom de Nimegue avant -Charlemagne. Grutter, fur la foi d'une infeription, afliire qu'elle s'appelloit du tems des Romains Luïdonia. (1) Charlemagne, vers 1'an 774, rétablir le chateau qui étoit un ouvrage des Bataves, ék qu'habiterent après lui Louis le Débonnaire ck quelques autres Empereurs; il fut endommagé par les peuples du Nord ék réparé en 1155 par 1'Empereur Frédéric Barberouffe. Cette ville a de bonnes fortifications. Au-dela du Wahal efl: le fort Knodfebourg; le fleuve ék la ville font dominés parle Valkhof ou Palais Impérial, fortereflè batie fur une colline élevée ék efcarpée, dont 1'enceinte efl flanquée de tours ék renferme trois grandes places. Cette ville, qui a été fort aggrandie, eft batie fur plufieurs collines; trois fontaines qui coulent de la plus élevée donnent une eau trés abondante. II n'y rcfle que fix églifes depuis les guerres civiles; dans le chceur de celle de St. Eticnne, hatie en 1272, eft le magnifique tombeau de Catherine de Bourbon, fille de Charles de Valois ék femme d'Adolfe d'Egmond, Duc de Gueldre. La maifon de ville eft un trés bel édifice orné de plufieurs ftatues d'Empereurs. Les habitans ont confervé plus longtems que ceux des autres Provinces, les mceurs de leurs ancêtres. Ils n'accordent guere le droit de bourgeoifie, a moins qu'ils n'y trouvent un avantage récl. Ils font induftrieux, ék la plupart fe livrent au commerce. Dans le territoire de Nimegue, a 1'endroit oü le Rhin fait la branche du Wahal,eft le Fort de Schenck, ck au deflbus eft le Tolhuis, célebre par le paflage du Rhin a la nage, tenté par les Francois en 1672. Le Betaw renferme le territoire de Tiel ou Bas Betaw. Tiel eft une ville fur le Wahal, prife par les Frangois en 1672 èkdont ils ruinerent les fortifications en 1674. Le Betaw renferme encore Cuilembourg ék Buren; ce font deux Comtés, dont le premier fur le Leek appartient au Prince de Waldeck; le fecond appartient a la maifon de Naflau: il eft fitué fur !e Ling. HuejJ'en eft dans un canton dépendant du Duché de Cleves, ék voifin de 1'endroit oü fe fait la féparation du Rhin ék de 1'Yflel. Battenberg fur la Meufe, eft la principale ville entre le Wahal ék la Meufe. Bommel eft une ville trés forte fur la rive gauche du Wahal qui, avec la Meufe, forme l'ifle de Bommel; dans fon territoire font les Forts de Voorn ék St. Amlré. Le fecond quartier de la Province dé Gueldre, eft celui d'Arnhem, ou Ia Veluwe. Arnhem eft une ville agréable, elle eft fituée fur le Rhin. Quelques-uns ont cru qu'Arnhcm eft VArenacum dont parle Tacite. (2) Les  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. I. 255 autres villes font Wageningen fur le Rhin, qu'on croit être Pancien Vada; (i) Harderwick èk Elburg fur la Zuiderzée; la première de ces villes a un port & une univerfité: Hattem fur PYlfel. Le quartier d'Arnhem offre plufieurs beaux chateaux; un des plus magnifiques eft Loo, ancien lieu de plaifance des Ducs de Gueldre , fort embelli par Guillaume III, Prince d'Orange, & maifon de plaifance du Stadhouder. La Veluwe fut autrefois habitée par les Grinnes, petit peuple que Tacite place dans le voifinaze du Rhin. (2) ö Le Comté de Zutphen, troifieme quartier de la Gueldre, eft fertile en bied; Zutphen en eft la capitale, c'eft une grande ville afièz agréable & qui a le privilege de battre monnoie. Doesbourg, démantelée par les Francois en 1672, eft au confluent du vieux & nouvel Yflel: en outre on y a Lochem, petite ville fur le Borckel; Borckeloo èk Ilreede, bourgs fur la même riviere, & Groll petite ville, autrefois fortifiée; Lichtenvoort ék Brevoordt, Sey enter, Doetekom, Burg, 's Herenberg ék Aenholt. La Province ék Comté de Hollande eft la plus floriflante des fept Provinces; on y compte plus de huit cent mille ames, ce qui fait la moitié de la population des fept Provinces. Grotius dit que les quatre élémens font contre elle. (3) En effet, la terre eft marécageufe ék ne produit que des paturages; Pair froid, humide ék mal fain; Peau mal faine ék fort chargée, ék la chaleur que produit la tourbe eft fuffoquante : mais 1'induftrie y a dompté la nature; tout abonde dans ce pays ftérile, ék les plus belles villes fortent du milieu des eaux. Nous avons parlé des Etats de cette Province, du Confeil d'Etat ék de la Chambre des Comptes chargée de PAdminiftration du revenu de la Province ék de celle de Pancien Domaine de la Hollande. La Hollande, ou Pancienne ifle des Bataves, eft une prefqu'ifle, bornée au Nord ék a 1'Oueft par la mer d'Allemagne, a 1'Eft par le golfe de Zuyderzée ék la Seigneurie d'Utrecht, ék au Midi par le Brabant. Elle eft divifée en Weft - Frife ou Nord - Hollande ck en Hollande Méridionale. Trois cóntrées partagent la Weft-Frife: la Weft-Frife proprement dite en occupe la partie feptentrionale ; la partie occidentale eft comprife fous le nom de Kennemerland, èk le Waterland occupe la partie oriëntale, le lonor. L. III. c. 3. Veil, Patere. Plin. Hift. Nat. L. VIII. cap. 41. C2) Tacit. de Mor. Germ. 20. Hift. L. IV. c. 12. C3) Idem. c. 30,31,32. C4) Les Ufipetes habitoient le Duché de Cleves & une partie de la Gueldre; les Teuéteres le pays de Munfter & de Juliers; les Sicambres occupoient la Weftphalie. (5) Cef. de Bell. Gall. L. IV. 24, 29. C<5) Les Menapiens avoient la Gueldre; les Ubiens le pays de Cologne. (7) Tacit. de Mor. Germ. 20. LI 2 Sect. II. Hift. anc. de Hollande. Les Bat files alliés ks Ronains. fuerres dc *èfar con■e les Siimbres. .es UfipC' 's, les ~"euSeres. Hift. de Hollande. Defcrrption &c.  Sect. II. Hift. anc. de Hollande. LesSueves Bataves at fervice dt. Romains. Drufus: fes travaux chez les Bataves. Ses vidoi. res. 268 HISTOIRE DE HOLLANDE conquit la Grande-Bretagne (i) & qu'il défic les Sueves, donc il fait M grand éloge & qu d regarde comme le peuple le plus puiflant & le plus guerner. C'étoit une confédération de divers peuples, dont les Cattes fai- . foient partie. Ceux-ci attaquerent les Ubiens: Céfar jetta un pont fur le Rhin, attaqua les Sueves qui 1'attendoïent, & tandis que Pompée renverf- , leur cavalerie, Céfar met en fuite leur infanterie. Les Romains perdirent beaucoup de monde dans ce corabac. , Lorfque le Sénat rappella Céfar par les confeils de Pompée, les Bataves ■ le fuivirent. La guerre civile s'ailuma & Céfar marcha en Efpagne contre Aflramus & Petreius, envoyés par Ie Sénat pour y raflembler des troupes. Dans cette guerre la cavalerie de Céfar eut le plus grand avantage èk elle etoit en grande partie compofée de Bataves. (2) Ils déciderent la viétoire a Pharlale & furent les premiers qui entrerent en Egypte, lorfque Céfar y alla venger la mort de fon ennemi. (3) Céfar donna des preuves de fon ertime & de fa confiance aux Bataves, il les fit entrer dans fa garde': Augufte qui avoit eprouvé leur fidélité, forma une cohorte de leurs meilleurs foldats & en fit fa garde ordinaire. Cependant une confpiration générale des Germains, fit périr en un jour prefque tous les Romains qui étoient dans la Weftphalie ék dans le pays de Lrueldres. Les Sicambres, les Teuéteres & les Ufipetes fe réunirent, pafferent Ie Rhin-, défirent un corps de cavalerie Romaine, furprirent 1'avare Lollius, battirent fes légions, qui fe confolerent de leur défaite par 1'humihation de leur Général qu'ils haïfioient. (4) Augufte accourut au fecours des colomes & des alliés de Rome & les rebelles demanderent la paix. Rappellé en Itahe, il envoya dans les Gaules Drufus exécuter le proiet que 1 Empereur avoit formé de réduire la Gaule en Province Romaine Drufus craignoit les peuples qu'il laiflbit derrière lui; pour fe délivrer de cette crainte, dès qu'il fut arrivé a Lyon, il ordonna les préparatifs d'une fete, a laqué le il invita les principaux chefs des Gaulois & lorfqu'il les eut rafièmbles il les engagea de le fuivre en Germanie. Dans cet intervalle fes troupes fe raflèmbloient dans l'ifle des Bataves, qu'il avoit choifie pour leur rendez-vous, & afin que 1'oifiveté n'amollit pas leur courage, il leur fit creufer un canal, qui uniflbit le Rhin & PYfiel, & lui ouvroit un chemin dans Ia Frife & dans POcéan Germanique , jufqu'alors inconnu aux Romains. (5} Drufus entra dans Ia Germanie, parcourut le pays des Ufipetes, des Teucteres & des Sicambres, le fer ék Ia flamroe a la main. II foumit les Frifons au tribut & gagna li bien leur amitié, que le refiux ayant laiffé fes vaiflèaux afee fur les cótes ennemies des Chauques, les Frifons les remirent a flot. INousne fuivrons point Drufus dans fes-conquêtes, quoique les Bataves y, aient eu beaucoup de part; on peut voir ces détails dans PHiftoire de la Germanie ék des Gaules. (6) Une mort prématurée enleva ce héros dans le tems qu'il partoit pour Rome, ou le rappelloit Augufte. La plupart des Hiftoriens aecufent Tibere. . (O Cef. de Bell. Gall. L. IV. c. 1. f» Cef. de Bell. Civ. L. I & III Crt Fl r IV UTiTZt£e^Dl0a- f4) Strab. L.Sv.LnC.3Caï. t 4t C5J iacit. Ann. L. XI. c. 8. (6) Ycy. notre Hift. Univ. T. IX & X.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. II. 26$ d'avoir empoifonné Drufus. Cette perte arracha des larmes a 1'Empereur. au Sénat ék au Peuple Romain. Augufte pénétré de douleur prononca fon oraifon funebre dans le cirque & le perfide Tibere dans la tribune. (1) Nous avons parlé ailleurs des antiquités qui concernent ce grand homme, répandues dans la Batavie,& de la terreur que fes exploits èk la févérité de fa difcipline avoient attachée a fon nom. (2) Tibere remplaca Drufus dans la Germanie; il Ia parcourut avec une puiffante armée & recueillit des fuccès préparés par fon prédéceffeur; il alla triompher a Rome, (3) revint dansfifle des Bataves 1'année fuivante & resferra les Canninefates dans leurs anciennes demeures. L'inquiet & rufé Tibere imagina de divifer les Germains pour les maintenii fous le joug. II fema entre les chefs des jaloufies ék des rivalités, affeétant de 1'indifférence pour les uns èk comblant les autres de faveurs. II fe vit bientöt en tête, un ennemi puiffant èk redoutable; c'étoit Maroboduus, Germain d'origine èk qui avoit perfuadé aux peuples de la Germanie qu'ils feroieni toujours écrafés fous le joug. des Romains, s'ils nc fe réuniffoient pas fous un même chef, armé du pouvoir fouverain. (4) II n'attaquoit point les Romains , ne faifoit rien qui put leur déplaire; mais il ne leur cachoit poini fes forces, èk il commandoit les Marcomans, (5) les Sueves, les Suenons, les Marfes, les peuples de la Norique ék toute 'la Haute-Germanie ; il avoii fur pied une armée de foixante - dix mille hommes ék de 4000 chevaux. Se: Etats qui s'étendoient jufqu'au voifmage des Alpes, donnoient de 1'inquiétude aux Romains. Tibere marcha contre lui a la tête des légions qu'il avoit fait venir d'Italie; mais les Dalmates ék les Pannoniens profkerent de cette circonftance, pour entrer dans 1'Italie même, dépourvue de fes troupes. La République fit des levées immenfes ék demanda Tibere pour les conduire, ék en effet il détruifft l'armée des Pannoniens èk des Dalmates, que Velléius, fon panégyrifte, fait monter a huit cent mille combattans. (6) Augufte retint Tibere a Rome èk envoya Varus dans les Gaules èk en Germanie. Varus, rempli de préfomption,, méprifa les Germains. Arminius, Prince des Cherufques, flatta fa vanité, le loua d'avoir établi les loix a la place des armes èk lui perfuada que fes légions lui étoient déformais inutiles, .11 avoit en même tems raffemblé les chefs des Germains ék leur avoit communiqué fes projets. Lorfque tout fut difpofé, les Germains fe fouleverent èk Arminius parut a leur tête. Varus n'avoit gardé que trois légions; il avoit difperfé les autres dans les Gaules: au lieu de les rappeller èk d'attendre leur retour, il crut qu'avec ce qui lui reftoit, il diffiperoit les rebelles: (7) il marcha contre eux èk fon armée fut taillée en pieces: dix mille Romains péi-irent, ék Varus fe perca de fon épée. Les Germains ne furent point pronker de la vidoire; Tibere fut chargé de réparer les fautes de Varus: rendu fage par Pimprudence de fon prédécef- CO Snet. in Claud. Eut. L. VII. (2) Hor. Od. XIV. Vellei. Patere. L. XI. c. 27. CO Vellei. Pat. c. 53. Suet. in Aug. c. 21. (4) Vellei. Pat. L. II. cap. c4. (5) LesMarcomans occupoient la Bohème; les Marfes, le pays entre Paderborn & Munfter; les Suenons venoient des Suédois. La Norique comprenoit une partie de la Baviere & de Ï^JÏSl^S; ^ .VelleL Paterc' L* u' c- 54)55.56' GO wem. L. II. c. 57. Dion. Caff. L. VII. Tacit. Ann. L. I. U 3 Hijl. ancde Hollande. Sa mort pleurée par Augufte. Tibere lui fuccede. Guerrer de Germanie. Ann. de J- C 7- Défaite des Pannoniens par Tibere.. Arminius. Ann. ie J. c. 10. Défaite de Varus.  Sf.ct. II. Hift. anc. de Hollande. Germanims triomphe a"Arminius. Ann. de 'f C 16. Défaite des Bataves. 270 HISTOIRE DE HOLLANDE feur, il fe conduific cn grand général ék en habile politique: il commenca la défaite des Germains par la corruption de leurs mceurs. II les rendit fenfibles aux richeflès; a force d'argent il forma un parti contre Arminius. (1) Celui-ci refufa fa fille a Segefte que Tibere avoit créé Prince des Sueves: Segefte enleva la Princefle. Germanicus avoit remplacé dans Ie commandement Tibere, qui venoit de recueillir la fucceffiön d'Augufte. Germanicus, digne fils de Drufus, profita de la divifion des deux Princes ék défit Arminius. (a) Les peuples alliés des Romains, craignoient encore Arminius tout vaincu qu'il étoit: Inguiomer, fon oncle, Roi d'une de ces contrées, s'étoit joint a lui. Les Bataves déiibérerent de rompre Ie pont que Drufus avoit conflruit a Gelduba; Agripprine s'oppofe a ce projet timide, fe met a la tête des troupes auxquelles Germanicus avoit confié la garde de l'ifle ck ranime la confiance des Bataves. (3) Ce héros marchoit au fecours de Cecinna, qui s'étoit laiffé enfermer entre les dunes ék les marais de 1'Ems: Vitellius, qui le fuivoit entre le lac de Flevus ék la mer, fut furpris par le reflux ék par un vent de Nord, qui repouflant les vagues, confondit la mer ék le lac. Les flots entrainoient les foldats; il en périt plufieurs ék a peine les légions purent - elles gagner les hauteurs : le bruit courut qu'elles étoient noyées: on ne fut détrompé, que lorfque Germanicus les ramena dans leurs quartiers. (4) Ce Prince fit faire mille vaiffeaux de tranfport; il afïïgna pour rendez-vous général des troupes l'ifle des Bataves, ifle commode, dit Tacite, par la facilité de 1'abord, pour aflèmbler une armée ék pour la porter dans le pays ennemi. (5) En attendant, Germanicus envoya Silius ravager le pays des Cattes, (6) ék marcha lui - même au fecours du fort que Drufus avoit élevé fur la Lippe ék que cette nation afliégeoit. Les Cattes fuirent a fon approche. II s'embarqua fur le canal de Drufus en invoquant fes manes; il traverfa le Flevus, entra dans Ia mer du Nord, ék joignit fon armée a 1'embouchure de 1'Ems; il étoit fur la rive gauche: Arminius 1'attendoit fur la rive droite: impatiens de combattre, les Bataves ne fe donnerent point le tems d'attendre qu'on 2Üt conflruit les ponts ; ils fe jetterent dans le fleuve ék le pafferent a la nage, en préfence des ennemis qui les encourageoient par une fuite fimulée: Cariovalda qui commandoit les Bataves, donna dans le piege, fut enveloppé St périt avec la mcilleure partie de la noblefle. La cavalerie Romaine fauva le refte. Les légions qui furvinrent, mirent en déroute les Germains. Un de leurs Rois fut fait prifonnier avec fa femme, fille du Roi des Battes. Les Bruéteres (7) venoient au fecours des Germains; Germanicus envoya Stertilius au devant d'eux èk ils furent battus. (8) Ce héros fit donner la féDuiture aux rcftes des légions de Varus , épars encore fur le champ de bataille, mena fes troupes, que la piété du Général ék Pafpeét de ces lieux enflammoient, fur les terres d'Arminius: elles forcerent fon camp; les Che- CO Tac. de Mor. Germ. L. 6. (2) Tac. Ann. L. 1. Cluv. Germ. Aut. (3) Tac. ft.nn. L. 1. c. 69. (4) Ibid. c. 60. (5) Idem. Ibid. L. n. c. 6. (6) Les Cattes habitoient la Heffe. (7J Les Brufteres occupoient les bords du canal de Drufus, fuivant ijuelques-uns; fuivant d'autres la Drenthe. (3_) Tacit. An. L. 11. c. 8, 9.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. II. 27 rufques furent taillés en pieces; Arminius ék Inguïomer furent dangereufe ment bleifés & leur pays dévafté. (1) Germanicus vainqueur s'embarqua fur 1'Ems, & gagna 1'océan. Un tempête horrible emporta la flotte en pleine mer; elle fut difperfée par le vents; la plupart des vaiflèaux font pouflesfur des ifles enne mies, bordées d rochers & d'écueils cachés fous les eaux: quelques - uns coulerent a fond d'autres furent jettés fur des bords inconnus & déferts: la galere que mon toit Getmanicus, fut jettée ék prit terre a la cöte des Chauques; il n'impu toit qu'a lui feul ce défaflrc ék fe livroit au plus cruel défelpoir. Enfin 1 tempête s'appaifa ék les débris de la flotte vinrent peu a peu rejoindre 1 Général. (2} Les Germains, qui croyoient les pertes des Romains plus confidérables reprirent courage. Germanicus envoya Silius contre les Cattes, tandis qu'i attaqua les Marfes; les uns ék les autres furent vaincus, ék cette doublé vic toire confondit les Germains, qui ne pouvoient pas fe perfuader que les Ro mains, après la défaite de Varus ék la perte d'une partie de leur flotte, puf fent encore leur réfifler. (3) Les Romains rentrerent triomphans dans 1'ifl des Bataves, célébrant Germanicus, qui par fes récompenfes ék fes careflè les dédommageoit des maux qu'ils avoient foufferts. Tibere jaloux de la gloire de ce Prince, le rappella pour le faire jouir de honneurs du Triomphe. Germanicus moins touché de fa gloire, que di celle de Rome , follicitoit 1'Empereur de le laiflèr encore un an dans 1: Germanie; mais Tibere pour lui öter tout prétexte, le fit nommer Conful Le triomphe éclatant de Germanicus, les témoignages de la vénération pu blique pour ce jeune héros , acheverent d'ulcerer le cceur de Tibere qui pour 1'éloigner, lui donna le commandement des légions d'Arménie. L< poifon qu'on lui fit prendre, dit-on, avant fon départ, termina quelque tem après fa carrière, a 1'age de 34 ans , regreté du peuple Romain, des étran gers ék de fes ennemis même. Les Bataves firent dans Germanicus une perte irréparable: il aimoit cecu nation a caufe de fa valeur ék de fa fidélité; il s'attachoit a cultiver par 1'é ducation les difpofitions heureufes qu'ils tenoient de Ia nature ék a fain difparoitre ce qui leur reftoit de leur ancienne rudeflè. II avoit établi prè: de Leyde, une école pour inftruire la jeuneflè de la langue, des mceurs é> des arts des Romains. (5) Lorfque Germanicus eut été rappellé a Rome, les Frifons que fon non feul faifoit trembler, formerent des efpérances qu'ils n'ofoient pas encore faire éclater. Drufus avoit établi fur ce peuple, un impót de quelques cuir: de bceuf; on ne les inquiétoit ni fur le nombre, ni fur la qualité de ce; cuirs: Olenius, Gouverneur de la Frife, ne fe contentoit point d'exiger 1'impöt a la rigueur; mais pour peu qu'on tardac a Pacquitter, il faififfoit les beftiaux de ceux qui étoient en retard, ou leurs femmes ék leurs enfans: cette dureté révolta les Frifons; (6) ils coururent aux armes, maffacrereni ceux qui étoient prépofés a la levée du tribut, ék a peine Olenius eut-il le (O Tacit. An. L. ir. c. 20, 22. fjj) Idem. c. 24. (3) Idem. c. 25,26. (4) Idem. c. 73, (5) Corn. AmvBat. (6) Tacit. Ann. L. IV. c. 72. I - Hijl. ancv de Hols lande. 3 Arminius ; battu par Germani' cus. Germanicus • battu par l ia tempête. y 1 > Fainqueur des Ger5 mains. 5 t \ Sa mort. ■ Am. de ■ J. c , 19. Son atta' chement ■ pour les Bataves. SS. Révolte des Frifons contre Us Romains.  Sect. II. Jiifl. anc de Hollande. Leur viemiie. Tibere des Vrril les Cet mains. Maroboduus battu far Arminius. Mort d'Arminius. HISTOIRE DE HOLLANDE tems de fe retirer dans le chateau de Flevus, dont ils firent le fiege. Lucius Appronius, qui commandoit dans la Germanie inferieure, vint au fecours d'Olenius: il envoya les Bataves & les Canninefates tourner les Frifons, qui . s'étoient rendus maitres des défilés formés par des marais entre le lac Flevus & 1'océan. A leur approche le fiege fut levé; mais les Frifons qui voyoient qu Appronius ne pourroit faire paffer les troupes que 1'une après 1'autre les attendireut, tomberentfur les premières, qui, fe repliant fur celles qui' venoient après, mirent tout en confufion. Neuf eens Romains furent maflacrés prés du bois de Badhuenna; quatre eens autres qui s'étoient réfugiés dans une maifon de campagne, fe donnerent la mort, ék les Bataves auroient tous été maffacrés, fi Cethegus Labéo, qui commandoit la fixieme lé1.... .„„11,,,.,.. r~ TM r... r l . vu.v. wii pus nicuncuicuic. nDere nt penuaaer aux uermains que ce Prince afpiroit a la tyrannie, ék il périt par une conjuration domeftique. Grand Général, libérateur de la Germanie, il gagna des batailles contre les Romainsil en perdit fans pouvoir être vaincu. (5) II mourut \ Page de 37 ans. Les peuples frappés de fes vertus, lui décernerent 1'honneur de Papothéofe. Après CO. Tacit. Ann. L. IV c. 73. CO Hem. c. 74. CO Hem. L. 11. c. 40 S»£t. in Tib. CO Tac. Ann. L. 11. c. 63. " (5) Idem. c. 83. 4  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. II. 273 Après Ia mort de Tibere, Caïus Caligula, égé de 25 ans, parvint k 1'Empire. Si 1'éducation pouvoit quelque chofe fur les earacteres, celle que Germanicus fon pere lui avoit donnée, auroit dü faire de ce Prince le plus \ grand des Romains. Son avénement au tróne excita dans 1'Empire & furtout parmi les légions, la joie la plus vive. Dans Pefpace de trois mois, cent 't foixante mille viétimes furent immolées. (k) Le commencement de fon regne fut doux & paifible; il fe montra jufte & modéré, réforma les abus , fit des loix fages; mais ce regne heureux ne dura que huit mois. II devint un tyran lache, fanguinaire ék un infenfé furieux. Comme il avoit palfé fon enfance dans la Germanie, il voulut revoir ce pays ék recruter fa garde Batave : il fit faire des Ievées fi confidérables, qu'on crut qu'il alloit foumettre la Bretagne ék la Germanie. II fe mit a la tête de cette armée. II marchoit quelquefois fi vite que les Cohortes Prétoriennes étoient obligées de faire porter leurs drapeaux par les chariots de bagages, afin de pouvoir le fuivre. Quelquefois il alloit trés lentement, fe faifoit porter par huit foldats, ék envoyoit dire aux magiftrats de faire balayer les grands chemins, ék d'y jetter de Peau pour abattre la poufliere. (2) Adminius, fils de Cynobellinus, Roi des Bretons, qui fuyoit fon pere, vint fe mettre fous la proteétion de 1'Empereur , qui la lui accorda; auflitöt il écrivit au Sénat qu'il avoit conquis toute l'ifle. (3) Après quelques expéditions de la même importance, il entra dans la Batavie, déclara la guerre a 1'océan, difpofa les machines de guerre le long des cótes, rangea fes troupes en bataille, monta fur fa galere pour reconnoitre les lieux ék ayant fait fonner la charge, il ordonna a fes foldats de remplir leurs casques de coquillages , qu'il appelloit les dépouilles de 1'océan conquis. II raflemble enfuite les troupes, fait 1'éloge de leur valeur, ék leur diftribue de 1'argent. Pour conferver la mémoire de ce grand événement, il fit élever une tour fur le rivage, comme un monument de fa gloire. Comme il s'appercut que le luxe des Romains avoit gagné les Bataves ék qu'ils n'épargnoient rien pour fe procurer des habits ék des meubles d'étoffes d'Italie, dont la rareté augmentoit le prix, il envoya des ordres a Rome de charger les voitures qui fervoient a Papprovifionnement des bleds, des meubles de fes fceurs qu'il avoit exilées ék de les envoyer dans l'ifle. (4) L'approvifionnement fut fufpendu; la difette oü Rome fe trouva, excita les murmures, ék Pon réfolut de fe défaire d'un monftre dont les caprices expofoient la République aux plus cruels fléaux. Avant de partir de l'ifle des Bataves, il écrivit au Sénat de difpofer tout pour fon triomphe, èk comme il n'avoit point des captifs k trainer après fon char, il prit des Gaulois qui, pour de Pargent, en jouerent le róle; ils parurent a fa fuite, les cheveux t teints, la peau bafanêe èk prononcant des mots barbares qu'on leur avoit appris. 1 Caligula fut aflafliné peu de tems après fon retour a Rome. La crainte qu'infpiroient fes gardes Bataves, avoit retardé Peffet de la confpiration ; (5} èk s'ils ne purent Ie défendre, ils vengerent du moins fa mort fur fes meur- (0 Laiirent Echard Hift. Rom. L. IV. c. 3. OOSuet. in Calig. c. 43. (3) Idem. ibid. (4) Dion Caflius. L. 50. (5) Hift. Rom. de Laur. Echard. L. IV. c. 3. Tome XLIII. Mm Hijl. anc. le Holande. Ann. de r. c aligula. és ex plots •ifenfés. Son triomhe ridiule. Sa mort.  Sect. I Hifti an de Hol lande. 41. Cörhuh Fait la guerre ct Canafcui Qu'il fi ajf'jfmer. Canal d, Corbulon. Les Frif01 demanden la paix. Les Romainsles Batave vainqueur: desBretom £74 ' HISTOIRE DE HOLLANDE [. triers. (1) Cette preuve de fidélité a 1'égard même d'un tyran, augmenta c- leftime que les Romains faifoient de cette nation. Sous 1 empire de Claude, fuccefieur de Caligula, Corbulon fut envoyé — chez les Bataves contre Ganafcus, dont les pirateries infefioient les cötes de la Germanie & des Gaules: c'étoit un Canninefate , que fes cömpatriotesavoient cbaflé de leur pays: il s'étoit retiré chez ies Chauques, peuple fimple & n. groffier. (2) Ganafcus élevé dans les camps des Romains & fait a leur luxe brüloit de lè venger. II fit appercevoir les Chauques de leur pauvreté & leur fit connoitre les befoins; il lui fit enfuite aifé de leur infpirer le defir de les fatisfaire, en fe procurant par la force les chofes que la nature avare pour eux, prodiguoita leurs voifins: il leur fit conftruire des barques lezeres, Ot fe nut a leur tête. Dès leur première expédition ils firent un riche burin' Les Chauques infiruits par un tel maitre & encouragés par le fuccès étoient devenus des pirates redoutables. Les Frifons s'étoient joints a eux & il étoit a craindre que d'autres peuples n'entrafiènt dans cette confédérarion. Corbulon fit conftruire des galeres; les plus fortes furent conduites par le ( Rhm, & les autres navires^ar les lacs & les canaux; il couloir a fonds tous les vaiflèaux des pirates qu'il rencontroit: il eut bientöt forcé Ganafcus de it fe retirer. (3) Corbulon faifoit propofer aux Chauques de fe rendre. Ganafcus les en empêchoit; le Général Romain le fit affafilner dans une entrevue qu'il lui avoit demandée. Les Chauques indignés de cette perfidie, demanderent vengeance aux Germains; mais cet incendie fut arrêté dans fon origine par l'ordre que Corbulon recut de faire repaflèr le Rhin a fes légions. Ce grand Général, qui craignoit moins les ennemis que 1'oifiveté des trou- t pes, les occupa a creufer un canal au milieu de l'ifle des Bataves, pour réunir la Meufe & le Rhin. (4) Peu de tems auparavant, la terreur de fon nom avoit obligé les Frifons y ennemis fecrets de Rome depuis leur révolte & leurs fuccès contre L. Apronius^ de demander la paix; ils avoient donné des ötages ék s'étoient fix és dans le ix terrein 9ue Corbulon leur avoit afligné: il leur donna des Loix, un Sénat ; ék des Magiftrats, ék pour les contenir il Mtit un fort dans 1'endroit oü eft Groningue. (5) La feconde année de 1'Empire de Claude, ce Prince, a la perfuafion des Bretons même réfolut de faire pafler des légions dans la Bretagne, pour achever de la foumettre. Les Romains battirent plufieurs fois les armées de Cynobellinus. Le Sénat décerna les honneurs du triomphe a 1'Empereur, qui ne voulut les accepter qu'après les avoir mérités. (6) II fe rendit 1'année fuivante, avec les légions ék beaucoup de troupes auxiliaires, fur la cöte des f Morins; (7) il y joignit la flotte ék les troupes. Claudius Civilis comman- , doic alors Paile des Bataves. Les Romains s'embarqueréht a Boulogne. Les ' Bretons étoient de 1'autre cöté de la Tamife; ils en défendoient le paflage. (O Suet. in Calig. c. 46. f» Les Chauques, Cauches ou Cauques, comme les appelle Tacite, habitoient it 1'extrêraité de la Nord-Hollande. (3) Tacit. Ann. L. XI. c. 18. (4) Idem. c. 20. (5) Alting. Not. Germ. inf. part. i. Q6) Laur. Ech. Hifi. Rom. L. IV. c. 3. Empire de Claude. (7) Les Morins, que Virgile appelle extremi hommum, (iEneid. VIII. v. 727} paree qu'ils demeuroient a 1'extrêmité des Gaules fur les bords de locéan, occupoieut Boulogne, Ypres, St. Omer & Terrouanne.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. II. z?5 Les Bataves fe précipiterent dans Ie fleuve & le pafferent a la nage. Le« Bretons furent vaincus; une partie du pays fe foumit; mais la conquête de 1 ïfle^devoit coüter encore bien des travaux. Cependant les mceurs des Bataves s adoucifloient; ils s'inftruifoient dans les arts des Romains. Sous le regne de Néron & le proconfulat de Paulin, la digue que Drufus avoit commencée foixante ans auparavant, fut continuée jufques a Catwyck, & la rive Gauloife, inondée a la moindre crüe du Rhin, fut déformais garantie, (i) ^ La longue inaétion des troupes en Gennanie donna aux Frifons Penvie de s'emparer des terres, oii font aujourd'hui Campen & Deventer. Veritus & Malorix leurs chefs les conduifirent a travers les bois & les marais: déja les terres étoient enfemencées & les demeures fixées, lorfqu'Avitus, fucceffeur de Pauhn, les menaca des armes de 1'Empire, s'ils ne retournoient dans leur ancien féjour, ou s'ils n'obtenoient Pagrément de 1'Empereur. (2) Veritus ck Malorix allerent a Rome: Néron étoit abfent. On leur faifoit yoir en attendant les beautés de cette ville. Un jour qu'ils étoient au théatre dc Pompée, ils virent des étrangers fur les bancs des Sénateurs: ils demanderent qui ils étoient, & quand on leur eut répondu que.c'étoient les Ambaffadeurs des nations les plus braves & les plus affeftionnées aux Romains, ils allérent s'aheoir fur les bancs du Sénat, en difant qu'il n'y en avoit ni de plus courageuiè ni de plus fidele a Rome que les Frifons. Les Romains regardant leur naïveté comme digne des mceurs antiques, applaudirent: Néron leur accorda le droit de citoyens., mais il ordonna aux Frifons de repaffer le Rhin. (3) A peine s'étoient-ils retirés, que les Anfibares chaffés des marais qui fom a 1'embouchure de 1'Ems, par les Chauques, ne fachant oü s'établir & nc demandant qu'une retraite oü ils fuffent en füreté, vinrent s'emparer dc mêmes terres qu'on avoit refufées aux Frifons. Boïocal, guerrier diftim gué, étoit alcur tête; il avoit fervi les Romains contre Ganafcus. II les conjura d'accorder aux Anfibares un terrein inculte ék déiêrt, que les Chamaves, les Tubantes (4) èk les Ufipetes avoient autrefoit cultivé, ék qu'on laifibit en non-valeur, fous prétexte qu'on le deftinoit a nourrir un jour les beftiaux des foldats. Envain repréfenta-t-il qu'il avoit fuivi les drapeaux de Tibere èk de Germanicus, qu'il avoit été fait prifonnier d'Arminius, èk qu'après cinquante ans de fervice, il venoit encore foumettre fa nation aux Romains. Avilus refufa les Anfibares èk fe contenta d'offrir a Boïocal des terres, pour lui feul, en faveur de fon amitié envers les Romains. Ce guerriei regardant cette offre comme le prix d'une trahifon: „ nous pourrons man„ quer de terres pour vivre, répondit-il fierement, mais nous n'en manque„ rons jamais pour mourir." Boïocal quitta brusquement Avitus, ék implora les fecours des Teuéteres èk des Bruéleres: Avitus menace ces peuples de mettre leur pays a feu ék a fang, s'ils s'allient aux Anfibares. Ceux-ci font abandonnés. Errans èk fugitifs ils s'adreflènt aux Tubantes èk aux Ufipetes, qui les chalfent; ils paflènt chez les Cattes avec aufli peu de fuccès; enfin chez les Cherufques qui les rejettent également, ck a force d'errer fur des Ce^L^XIl/""' ft^riï'T K53- kV*** C; 541 (3) Ibid' C- 55- 56. Pont. Hift. wit donné leur nom Tub*»"es habitoient la province de Twenthe, a laquelle ils Mm a Hifi. anc. de Hollande. 56. Entreprifet des Frijont. Des Anfibares.  Sect. Bijl. ai de Hol lande. Civilii Sa hah eontre le Romains. Il s'attac lesChnnii fates £f , Frifons. 11 lat l Romains. 276 HISTOIRE DE HOLLANDE I. terres étrangeres, les jeunes gens périflènt fous les armes & le refte tombe ic. dans 1'efclavage. Les mers étoient encore infeftées de pirates, ék l'ifle de Mona , qu'on croit _ être la même qu'Anglefey, (1) peuplée de bandits de toutes les nations voi"" fines ékd'exilés, leur fervoit de retraite. II étoit diflicile de nettoyer les mers, tant que les pirates en feroient les maitres. Paulinus Suetonius réfolut de s'en emparer: il joignit k fes légions la cavalerie des Bataves, traverfala mer ék foumit l'ifle. (2) Dans ce tems éclata la conjuration de Vindex: elle fervit de prétexte aFonteius Capito,Gouverneur de la Germanie inférieure, qu'il défoloit par fon avarice ék par fes exaétions, pour fe défaire de Clau^ dius Civilis ék de Julius Paulus fon frere, iflus des anciens Rois des Bataves par leur pere ck chefs des Cattes par leur mere. (3) Quoique Phiftoire de la guerre de Civilis , appartienne plus particulierement a celle des Bataves, on Pa rapportée néanmoins dans cette partie de 1'Hiftoire Romaine qui regarde la Germanie ék les Gaules. (4) Elle y eft traitée dans toute fon étendue: ainfi pour ne pas tomber dans des répétitions inutiles, nous nous bornons k un précis trés fuccinr. Claudius Civilis, fauffement accufé d'avoir voulu troubler le repos de 1'Empire, fut envoyé chargé de fers, a Néron, qui le jetta dans un cachot. Après la mort du tyran, Galba lui rendit la liberté. II fut encore accufé d'avoir trahi les Romains fous Vitellius; ék cette accufation étoit mieux fondée que la première. La défeétion des Bataves dans Paffaire de Hardeonius, en étoit une preuve évidente. |e Civilis courut le plus grand danger pour fa vie. II n'avoit été conduit que r par fon ambition; il le fut depuis par une haine implacable contre les Romains. II feignit d'embraflèr le parti de Vefpafien contre Vitellius: mais lorfque le premier fut reconnu Empereur ék qu'on voulut Pobliger de difcontinuer la guerre, il ne leva point encore le masqué: il fit un tableau frappant des maux qu'il avoit foufferts ék des dangers qu'il avoit courus au fervice de Rome: „ cependant, ajoutoit-il, quel a été le prix de mes travaux? La „ mort d'un frere; des fers; les cris d'une armée en fureur qui demandoit ,, mon fupplice:" ék puis s'adreflant k ceux qui Pécoutoient: „ Trevires, „ Ubiens, favez-vous quelle fera la récompenfe de votre fervitude èk de „ tant de fang répandu? Un fervice ingrat, des tributs éternels, des fuppli,, ces infames ék la honte d'être les jouets des caprices de maitres orgueil„ leux." II s'attache par ces difcours les Canninefates èk les Frifons; il atht taque les Romains k découvert; il fe trouve k la tête d'une armée nombreufe x- compofée de Gaulois, de fes Bataves èk de leurs alliés; il trouve Aquilius es fur le Rhin, renverfe ék défait fes légions, èk les afliege dans leur camp. II feignoit encore de combattre pour Vefpafien: les Germains attirés par le bruit de fa viétoire, unirent leurs armes aux fiennes. Vainqueur de Lupercus èk de Hercinius Gallus, la viétoire de Vefpafien fur Vitellius ne lui fit point >s quitter les armes. Agiflant toujours au nom du premier, il défait Vocula; mais il eft défait k fon tour par des cohortes de Gafcons , qui iè rendoient au camp de Vocula ék qui prirent les Bataves a dos. Le faux bruit de & CO Cefar de Bello Gall. L. V. (2) Tacit. Hift. L. JV. c. 13. C3) Idem. L. V. c. 50. & L. IV. c. 13. (4) Voyez T. IX» & X de cette Hift. Univerfelle, dans 1'Hiftoire Rusnaine, L. III. c. 19.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. II. 277 mort procura de Pavantage aux Romains ; ayant remis le fiege devant le vieux camp, il eft bactu par leur cavalerie prés de Nuys & fes cohortes mifes en fuite; il eft encore défait prés de Mayence dont il faifoit le fiege. Cependant il femoit la difcorde & les haines entre les légions & leurs chefs; deux de ces légions qu'il n'avoit pü forcer dans le vieux camp, dépêchent vers lui, offrent de fe rendre a difcrétion & ne demandent d'autre grace que de leur conferver une vie défaillante, altérée par la famine qu'ils éprouvoient dans le camp. Civilis leur accorde leur grace ék leur demande. lis forcent du camp exténués ék fans armes; les Bataves gardoient les portes du camp; mais a peine les Romains font-ils a quelque diftance, que les Germains, contre le droit des gens, ék malgré les repréfencations de Civilis, les maffacrerent. (1) _ " Encouragé parle fuccès, il réduit bientöt fous fon obeiflance toutes les villes voifines; les unes fe foumettent par inclination, ék les autres par crainte. Enfin les Romains détrompés fur la politique équivoque de Civilis, par la révolte des Gaulois dont il étoit 1'auteur fecret, envoyerent contre lui Petilius Cerialis. C'étoit un Général brave, audacieux, mais indifcipliné ék faifant peu de cas de Pennend. La magnanimité de Cerialis qüi lui fait rejetter la demande du pillage de Treves, patrie de Tutor ék de Claflicus qu'il venoit de vaincre, ék qui s'étoit fouillée du fang des légions ék de leurs généraux; fon défintérelfement a refufer les offres que lui firent Tutor, Claflicus ék Civilis de le reconnoitre Empereur des Gaules; enfin la viétoire qu'il remporta fur eux, quoiqu'il fe fut laiffé furprendre, rétablirent la réputacion des Romains, que les Généraux qu'il remplacoit avoient ternie. C'eft après cette bataille que le Sénat de Cologne racheta la ville du pillage, en livrant au Général Romain la femme de Civilis ék le fils de Claflicus. Cerialis renforcé de trois légions marche a Pennemi: voulant franchir les marais derrière lefquels étoient les retranchemens des Bataves, les Romains s'y enfoncent, font écrafés ék forcés k Ia retraite; mais le lendemain Cerialis guidé par un transfuge, emporte les retranchemens, met en déroute les Bataves, en détruit un grand nombre, ék Civilis même eft obligé de poufler fon cheval dans le fleuve ék de le paffer a la nage. (2) Cerialis divifa fon armée dans Pefpérance de reflerrer Pennemi ék de le réduire par la faim; Claflicus-, Tutor ék Civilis firent des prodiges de valeur dans les différentes attaques qu'ils formerent; mais les Germains ayant été repoufles, Civilis fut encore obligé de paffer le Rhin a la nage. Civilis attentif a profiter des moindres occafions ék connoiflant la négligence dc Cerialis qui comptoit trop fur fa fortune, furprend de nuit fa flotte ék fon camp, les met en défordre, y tue tout ce qui s'offre a fes coups, èk s'empare du vaiffeau de Cerialis , qu'heureufement pour lui, 1'amour avoit appellé cette nuit fur un autre bord. Civilis ramena la galere prétorienne èk plufieurs autres vaiflèaux. Les avantages que Cerialis remporta, furent toujouis balancés par les fuccès de Civilis: les Romains fe rendirent maitres de l'ifle du Rhin; mais quand les pluies vinrent aux approches de 1'hiver, il n'eut tenu qu'k Civilis de les accabler dans ce terrein marécageux qu'ils ne con- (O Tacit. Hift. L. V. (O Idem. ibid. de Mor. German, Mm 3 Hifi. anc. de Hollande. // efi battu. Maffacre des légions. Les Ra- mains lui oppofent Cerialis. ViBoire de Cerialis. Succès de Civilis.  Sect. II, Hift. anc de Hollande. Confpin tion com (ivitfj, Civilis fai fa paix ave les Romains. Bataves vainqtteurs des Bretons 97. 278 HISTOIRE DE II O L L AN D E noiflbient pas. Cerialis voyant qu'il étoit impoflible d'écrafer fon ennemi • chercha a faire la paix; il gagna Veleda, prêtrefle des Germains- elle les exhorta a ceflèr une guerre funeile. „ Que leur avoit valu," leur difoit-elle _„ 1 amitié de Civilis, exilé lui-même èVfans patrie? Des calamités fans " n°mb;e, le maflacre des Trevires, Ie retour des Ubiens, la dévaftation „ del ifle des Bataves, des bleflures, des défaites, quelques lauriers arroles - du fang de a plus br-illante jeunefle." A ces confidérations elle ajoutoit " les_ promeflès les ,plus féduifantes. Les Bataves convenoient qu'une feule nation ne pouvoit pas lutter contre les maitres de 1'univers; que Rome n'ayant jama:s exigé deux,que des foldats & de la valeur, & point de tributs c eto.t les laiifer jouir de leur liberté. Tels étoient les propos du peuple • mais les nobles atmbuoient les malheurs de la nation a la vengeance parrieuhere de Civilis: ils difoient que la colere des Dieux s'étoit manifèitée en permettant que les Bataves aflïégeaflent les légions, égorgeaflent leurs lieutenans, & qu ils fiflent de Ia querelle d'un ièul, la caufe commune; ils étoient davis dexpier leur revolte en livrant le coupable. (1) Civilis n'attendit point feffet de ces difpofitions: il fit demander une entrevue a Cerialis: il protefla qu'il n'avoit agi qu'au nom & en faveur de Vefpafien contre Vitellius, conformément aux lettres d'Antoine ét aux ordres de Hordeonius ; qu'il n'avoit fait que ce que Mucien avoit fait en Svrie, Apronius en Mefie, & Flavius en Pannonie: que ks Bataves avoient force les troupes dans les Gaules a reconnoitre Vefpafien ; que s'ils avoient refufe de fe loumettre, lorfqu'on vouloit leur arracher les armes des mains c efl parceque leur foumifiion eut parti un aveu de la révolte qu'on leur im' putoit; que tant que Rome traiteroit les Bataves en alliés fideles, elle obuVöit difpofer de leurs vies «St de leurs biens: quant a lui, il n'employa d'autre juihfication, que d avoir empêché les Bataves d'extcrminer les Romains ioriqu ils s étoient engagés dans les marais de leur ifle. (2) t Cerialis feignit de croire tout ce que Civilis lui dit; le traité fut conclu & < fut favorable aux Bataves; (3) les Romains leurrendirent leur amitié, mais ils n employerent plus Civilis. Un ne fait pas au jufte quelle fut fa fin, ni a quelle occafion il fut conduit a Rome, oü, felon les uns, il périt dans les fers & felon les autres, il fut condamné au dernier fupplice. Domitien, contre Pavis du Sénat, étoit parti pour aller terminer cette guerre; il recut le traité a Lyon, & s'en retourna triompher h Rome comme vainqueur 'des Gauies & de la Germanie; triomphe aufli ridicule que celui de Caligula. (4) Les Bataves rentrés en grace, fervirent 1'année fuivante dans l'armée qu'Affricola conduifit contre les Bretons révoltés. Ceux-ci armés de longs fabres, ne purent pas foutenir Peffort des trois cohörtes des Bataves, avecleurs courtes • éPées> qui déterminerent la viétoire en faveur des Romains. (5) L'hiftoire n'offre rien d'intércifant fur ce peuple , jufques au regne de Trajan, qui rebatit la plupart des places détruites pendant la guerre de Civilis. Une des .plus confidérables fut Utrecht, qui en retint le furnom de CO Jack. hift. L. V. c. ar, 22, 23. CO Ibid. L. V. in fin. (3) Suite du L. V. de Tacite par le P. d Olleville. CO Suet. in vit. Domit. II. (5) Tacit. Agric. c. 39.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. II. 275> Traje&um Ulpii (furnom de Trajan), (i) Adrien ayant envoyé des troupes contre les Pannoniens, qui s'impatientoient fous le joug de Rome, la cavalerie Batave pafla le Danube a la nage. Les Pannoniens furent fi écon-! nés de leur audace, qu'ils fe foumirent. (a) Cette aét-ion courageufe valut aux Bataves de rentrer dans la garde des Empereurs. Adrien aimoit cette nation: il fit batir un marché dans leur ifle, au deflüs de Voorbourg. (3) On raconteque le Batave Soranus, ayant décoché une fleche en Pair, en décocha tout de fuite une feconde, qui coupa la première; Soranus étant mort quelque tems après, Adrien voulut que ce trait fingulier fut gravé fur fon tombeau. (4) Les Frifons étoient aufli rentrés en grace: on les trouve comme auxiliaires des Romains dans une expédition de Domitien contre les Daces & les Cattes. (5) Les Frifons, ainfi que nous Pavons dit, avoient eu leurs Rois. Frifo, dit-on, fut le premier: on lui attribue les commencemens de Groningue, que Gailon acbeva. Afco Aflinga, fondateur de Staveren, fut continuellement en guerre avec fes voifins ék furtout avec les Bataves, qui le firent prifonnier. Dejocaris lui fuccéda ék fut un Prince pacifique. Dibalde fon fils ne trouvant aucun- prétexte de rompre les alliances que fon pere avoit faites , nomma un confeil de régence, lui confia fes Etats, alla fervir 1'Empereur Claude ék faire la guerre aux Bretons: a fon retour il la déclara aux Sicambres, fut vaincu ék mourut de regret ék de honte. Tabbo conduifoit a Domitien un corps choifi de Frifons contre les Marcomans, ou Bohemes, lorfqu'il rencontra cet Empereur qui venoit d'acheter la paix. Afco II gouvernoit la Frife fous Nerva: il n'avoit que le titre de Duc. De fon tems il fe forma un volcan auprès de Staveren, ék neuf ans après, des payfans ayant creufé un puits, il en fortit une fi grande quantité d'eau falée, que les habitans facrifierent jufques a leurs enfans pour obteuir de leur Dieu Stavon, qui avoit prédit ces évenemens, de faire cefièr ces fléaux. (6) ' Tite Bocajat, frere de Tabbo Duc de Frife, ayant raflèmblé une armée dans la Germanie inférieure, alla au fecours d'Antonin le Pieux, contre les Vandales, qui habitoient le long de la mer Baltique,entre la Viflule, 1'Elbe ék la Nave. L'arrivée de ce fecours diflipa Parmée des barbares. 'Bocajat ayant taillé en pieces une armée de Goths, les Frifons forcerent Tabbo de 1'aflbcier au tröne. Ce qui regarde les Bataves, fe trouve fondu dans 1'Hiftoire des Germains depuis le regne de Domitien. Les Germains fous 1'empire dc Mare - Aurele, s'affocierent différens peuples fous une conftitution plus folide qu'elle ne Pavoit été fous Arminius èk Civilis. Ces aflbeiations ou grandes ligues difperfées paria fupériorité d: la difcipline Romaine, fe réunifibient bientöt èk finirent par renverfer 1'Empire.* La première fut celle des Allemans, qui dans la langue du pays fignifïe tous hommes ou hommes de tout pays. Vaincus par Mare - Aurele, ils fe réunirent ék franchirent les Alpes. Mare - Aurele leur ferma 1'entrée de PItalie èk les vainquit encore ; mais cet Empereur CO Alting. Not. Germ. infer. CO Eiuror>. L. VIII. c. 2. CO Tnn Bat ✓ivfS?' £ C4) HiS--rgé?- ^ T" *<' ^ Sliet, itl Vit. fiomit. I & L (p) Ubbo Emm. rer. Frif. L. III. c. 46. Hijt. anc. ie Holande. Les Bataves vainyueurs des Pannoniens rentrent dans la gar~ de de 1'Empereur. Alreffe de Soranus. Rois des Frifons. Volcan. Grandes ligues. D:s Memands.  Sftcr. II Ilift. an de Hallande. 183. P'Ttina üQ'ajJliiè, T97- Bataves dtjlingués par les Er, perturs. Ligue dt Francs. Comprenoh la Hollande. CO Eufeb. Hift. Eccl. L. V. c. 5. Niceph. L. V. Ann. Mere. c. 21. (2) Julius Capk, C3J Hift. gén. des Prov. Unies. feci. 1 & 2. (4) Herodian. L. IV. 2S0 HISTOIRE DE HOLLANDE . s'écanc laiffé enfermer dans les montagnes d'Illyrie , eut péri fans une efpece :- de miracle, que les Chrétiens attribuoient aux prieres d'une légion Chrétienne. CO Mare-Aurele fit la paix: mais comme il avoit bati quelques cha- _ teaux pour défendre les limites de 1'Empire, les Germains qui regardoient ces forts comme des marqués de fervitude, en prirent prétexte pour renouveller la guerre. Commode fit encore la paix avec les Germains, qui s'obligerent de fournir des troupes aux Romains. Les Frifons & les Bataves n'avoient eu aucune part k ces confédérations. Les Bataves compofoient en grande partie la garde des Empereurs. Les Pré- r toriens qui haiflbient Pertinax k caufe de fa févérité,ék qui regrettoient Commode, paree que fous ce tyran tout leur étoit permis , réfolurent de fe défaire d'un Empereur qui réprimoit leur licence; ils 1'aflaflinerent en plein jour dans fon palais, après trois mois de regne: (2) ils mirent 1'Empire k 1'encan: Julien ayant couvert les encheres, fut élu au grand mécontentement deSulpicien,beau-pere de Pertinax, qui s'eftimoit fort malheureux de ne pouvoir pas s'aflèoir fur un tróne teint du fang de fon gendre. Julien fut mis k mort par un décret du Sénat deux mois ék fix jours après fon inauguration. Sévere qui lui fuccéda , condamna au fupplice les meurtriers de Pertinax ék récompenfa les Bataves qui les avoient défarmés; il en forma un 1- corps diftinct de gardes ék leur donna des officiers, auxquels il accorda les prérogatives de la garde Romaine. II porta la guerre dans la Grande Bretagne; il fe rendit dans l'ifle des Bataves, oü étoit le rendez-vous des troupes ék répara le fort de Britten. (3) Septime Sévere laifia 1'Empire k Caracalla ék k Geta fon frere: Caracalla poignarda Geta fous les yeux de leur mere. Les femmes des Cattes, fur lefquels il remporta une viétoire, ayant préféré la mort a Pefclavage, Caracalla concut la plus haute opinion du courage des Germains ék s'habilla depuis comme eux. Comme il achetoit la paix dès qu'on le menacoit de la guerre, les Bataves profitoient du moindre prétexte pour la lui déclarer: alors ils lui envoyoient des Ambafladeurs, ék le traité finiflbit par le don d'une fomme confidérable. (4) Maximin remporta des victoires fignalées fur les Allemands: la Germanie s fut ravagée , fans que la confédération Allemande put être rompue. La ligue des Francs, non moins redoutable, étoit compofée de différens peuples, dont les principaux étoient les Saliens ék les Ripuaires. Les premiers s'étendoient du cóté du Rhin dans la Germanie èk dar.s les Gaules; les autres embraflbient tout le pays qui eft entre le Rhin, la Meufe èk la Mofelle: ainfi les Francs étoient en poflèflion des pays qui forment aujourd'hui la Hollande, la Zélande, le Brabant, une partie de la Flandre, le Hainaut, la Gueldre èk le pays de Juliers. On fixe 1'époque de Pinvafion de l'ifle des Bataves par les Francs vers 260; on croit qu'ils s'y établirent lorfque les légions èk les auxiliaires, qui gardoient le Rhin, fuivirent Valerien dans POrient. Nous n'entreprendrons point de fuivre les Francs dans le cours de leurs profpérités: il nous fuffit d'obferver qu'il réfulte des recherches des hom-  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. II. 281 hommes les plus favans ék des monumens les plus authentiques, que les Francs étoient en poflèflion de l'ifle des Bataves. (1) Après la mort d'Aurelicn, les Francs répandus dans les Gaules en occupoient une grande partie. Probus marcha fur les bords du Rhin & leur livra plufieurs combats, dans lefquels il tua, dit-on, quatre eens mille hommes, Francs & Germains. (2) Neuf des Rois de ces peuples lui demanderent Ia paix èk promirent de donner en tribut aux Romains, du bied, des vaches, ck des brebis, & de fournir feize mille hommes pour être incorporés dans les troupes de 1'Empire. II recouvra foixante-dix grandes villes quïls avoient prifes & reprit tout le butin qu'ils avoient fait. (3) On raconte qu'une troupe de Francs, a qui il avoit donné des terres éloignées , ennuyés du joug des Romains, s'embarquerent fur des vaiflèaux dont ils s'étoient emparés, coururent toute la Méditerranée, pillerent les cótes del'Afie ck de la Grece, aborderent en Afrique, défolerent la Sicile, prirent Syracufe, en maflacrerent les habitans, fordrent de la Méditerranée par le Détroit de Gibraltar & fe rendirent dans les pays, d'oü Probus les avoit tirés, par 1'embouchure du Rhin; (4) cette patrie ne pouvoit être qae la Hollande & les provinces voiflnes. Quant aux anciens Bataves, ils s'étoient confmés dans la Betuwe. (5) Les Frifons, les Saxons ck les peuples maritimes de ces contrées, excités par 1'exemple de ces aventuriers & par le butin qu'ils rapporterent de leur courfe, conflruifirent de petits bateaux trés légers de bois ék de cuir & s'embarquerent. Leurs armemens furent protégés par le Menapien Caranfe, que Maximien aflbcié a 1'Empire par Dioclétien, avoit prépofé pour veiller a la garde des cötes. Caranfe laiflbit partir les corfaires; mais a leur retour, il les arrctoit èk partageoit leur butin avec eux. Maximien indruk de fes prévarications, s'arma pour les punir; mais Caranfe pafla fur les cötes de la Grande - Bretagne ék fe fit proclamer Empereur. (6) II avoit laiffé fes magafins a Boulogne: Conrtance Chlore, défigné Céfar par Maximien, s'y tranf- i porta ék s'en empara. II y avoit une alliance entre les Francs maritimes ék Caranfe: Confiance attaqua la Zélande, par terre ék par mer, ék les Francs 'obligés de demander la paix, renoncerent a leurs traités avec Caranfe. (7) i Confiance vaincu par les Allemands leur livra, cinq heures après fa défaite, 1 un fecond combat, dans Iequel il leur tua foixante mille hommes: le refle fe retira dans l'ifle des Bataves, qu'il inveftit ék les forca de fe rendre. (8) II ! düperfa la jeuneflè des Francs dans les Gaules, ék obligea les Chamaves ék j les Frifons de rompre avec Caranfe. Les Frifons formoient deux partis. Le gros de Ia nation ék leur Roi étoient alliés des Romains; mais les Frifons maritimes étoient unis aux Francs ék aux Saxons. Ubbo eut deux fils; Odibalde, qui fut tué en Egypte au fervice de Dioclétien, ék Haron fuccefieur d'Ubbo, qui fit le bonheur de fes peuples. Théodoric, fils d'Odibalde , prit le titre de Roi ék batit Me- (1) Frerct Diff. fur ['origine & les établ. des Francs. Putting. (O Pat. Freret ubi fup. Not. Imp. Rom. (3) Vopifc. in Prob. cap. 13. Eutr. L. IX. c. 9. (4) Zosim. L. I. c 67. Eumen. Panegyr..Conftant. (5) Notit. dign. Imper. Rom. feft. 4, 5, 28. (6) Eutrop. L. IX. c. 21. (7) Eumen. Panegyr. Conft. (8) Eutr. L. IX. c. 23. Tom? XLIII. Nn Hijl. ane. Se Holaude. Etablis lans l'ifle ies Bataves. 277- Vaincus par Probus. Grand voyage de inelques Francs. Caranfe woclamé Empereur. Confiance >at les AU emands. "Hfperfe les Tr anc s dans is Gaules.  Sect. II. hift. anc de Hollande. 296, Caranfe ejfajfiné. 306. Confianti: viinqueur des Francs D'ishonnrt fa vicloire Limites des Francs §f de 1'Empire. 282 HISTOIRE DE HOL L A N D E denblik; maisHaron, fon oncle, le forca d'abdiquer' ce ticre ufurpé èk de fe contenter de celui de Duc des terres qu'il lui abandonna. (1) * Caranfe avoit fait vcnir un grand nombre de Barbares, qu'il avoit formés _ dans la marine : Confiance arma une puiflante flotte; mais voyant qu'il en eut coüté beaucoup de fang pour le réduire, il aima mieux terminer leurs différends par un traité ék lui lailfer la jouiflance de la Grande - Bretacmè pendant fa vie. Caranfe regna fept ans: il fut tué par Aleétus, fon and; Alectus ie fut trois ans après par Afclepiodore, préfet prétorien, qui reioignit cette province a 1'Empire. Conftantin vainqueur d'une ligue qui s'étoit formée contre 1'Empire, entre les Francs, les Chamaves, les Bruéteres, les Vangions, les Tubantes ék les Allemans , (2) entra dans le pays des Francs, remporta fur eux une victoire complette,nelaifla pas un homme en état de porter les armes, èk après » avoir traïné de ville en ville, Afcaric èk Radagife leurs Rois, il condamna . ces "nnces aux bêtes avec les autres prifonniers: aélion, qui ne méritoit pas le titre de pieux qu'on trouve fur une médaille frappée a cette occafion a 1'honneur de cet Empereur. (3) Conftantin obtint encore d'autres avantages fur le Rhin èk recut en grace les Francs. Ayant diftribué fes Etats a les trois fils, la Grande-Bretagne, les Efpagnes, les Gaules ék les deux Germames furent le partage de Conftantin; qui, mécontenc de fon appanaee, voulut forcer Conftant de lui céder 1'Afrique. II marcha en Italië avec une armée de Gaulois ék de Germains; 1'éloignement de ces troupes qui gardoient le Rhin, donna lieu aux Francs de paflèr le fleuve. Conftantin fut battu, èktué; Conftant qui voulut s'approprier fa dépouille, acheta la paix des Germains èk fit avec les Francs un traité, par Iequel les limites de 1'Empire furent fixées. (4) Ce peuple prit vivement fes intéréts, lors même que ce Prince livré a la licence èk aux plaifirs s'aliéna les cceurs de fes fujets ék de fes armées. II fut aflafliné par Magnence, (5) Germain d'origine qui fe fit déclarer Augufte a Autun. Les Germains entrerent fur les Provinces Ro~ maines èk y firent d'horribles ravages, ils furent battus par Conftance. Magnence abandonné par fes foldats, fe tua a Lyon ou il s'étoit fauvé. Cependant Gondomar èk Vodomar freres, chefs pu Princes des Allemans , avoient uni leurs forces pour ravager les frontieres des Gaules. Conftance marcha contre eux, les rencontra prés de Bale.èk les forca a demander la paix: Sylanus que Conftance avoit envoyé contre les Francs', parvint a les pacifier: ceux des Francs qui étoient attachés au fervice de 1'Empereur, furent jaloux de la préférence qu'il avoit donnéea Sylanus furArbellion,qui les commandoit. Celui-ci accufa Sylanus d'afpirer a 1'Empire. Malaric èk Malaubaudes, Francs, amis de Sylanus, prouverent qu'Arbellion étoit un calomniateur, èk que Sylanus étoit la viaime d'une intrigue abominable. (6) Sylanus fe retira de 1'autre cöté du Rhin, èk fut aflafliné dans fon camp par des émiflaires de Conftance, vingt-huit jours après avoir été décoré de la pourpre. Les Francs rentrerent alors dans les Gaules èk les ravagerent. (O Ubbo Etnm rer. Frifi. L. III. (» Paneg. Conft. c. XI. N°. 6. Lacl. de Mor. Pers. c. 39. (3) Brouwer Ann. Trev. L. III. c. 94. (4) Socrat. Hift. Eccl. L. II. c. 10. (5) Amm. Mare. L. XIV. Q6) Ibid, L. XV. c. <5.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. II. 28; C'eft a cette époque que Conftantin fit venir d'Athenes Julien, qui s'y livroit a la philofophie. Julien fe rendit maitre de plufieurs places dans les Gaules, forca les Francs a lui reftituer Cologne ék fit Ia paix avec eux, Comme il alloit a Sens , les Allemans , a la faveur d'un brouillard épais , tomberent fur fon arriere-garde, ék malgré le défordre oü ils mirent les légions, il les repouiïa ék continua fa route jufques a Sens. (1) Ils inveftirent la ville; mais après trente jours de fiege Julien les forca de fe retirer. (2) Les Bataves étoient toujours fideles aux Romains; ils rendirent des fervices fignalés a Julien, lorfqu'ayanr obligé les ennemis de reculer ék de fe réunïr prés de Bale, il tomba fur eux avec toutes fes forces ék les" obligea de fc réfugier dans les ifles du Rhin. Les Allemans qui croyoient avoir mis entre eux ék Julien, une barrière impénétrable, furent fi effrayés de voir les Bataves franchir le fleuve a la nage, qu'a peine ils oferent fe défendre. (3} Ils lui furent encore d'une grande reflburce a la bataille de Strasbourg. Les Allemans avoient fept Rois a leur tête: leur armée étoit forc fupérieure a celle de Julien, dont 1'objet étoit de rétablir les fortifications de Saverne, que les ennemis avoient détruites. Les Romains iinpatiens demandoient le combat: il fut terrible. Leur cavalerie plia; mais les Bataves, troupe redoutable, dit Ammien Marcellin, (4) ék propres a rétablir les affaires les plus défcfperées, ayant joint leurs forces a celles de leurs camarades, la foutinrent, ék favoriferent fa retraite: Julien 1'ayant ralliée, la ramena, décida la viétoire, ék les Romains pouefuivirent les fuyards jufques a la forêt Hercinie. Julien réfolu de chaflèr les Francs de la Germanie inférieure, dont ils s'étoient emparés, marcha d'abord contre les Saliens, établis a Pextrêmité de l'ifle des Bataves-ék dans la Toxandrie. (5) Les Saliens effrayés de fa marche, demanderent la paix, ék lui laiflèrent leurs femmes ék leurs enfans, comme des gages de leur foumiflion: enfuite il attaqua les Chamaves qui s'étoient emparés du chateau de Britten; il les furprit ék a peine leur Roi eutil le tems de paffer le Rhin. Julien touché de leur répentir, leur accorda la paix, k condition qu'ils retourneroient chez eux. (6) Ce Prince avoit relcvé les forts que les Francs avoient détruits fur la Meufe, lorfque les Quades chafles par les Saxons ék voulant s'établir fur les terres des Romains, indignés du refus que les Francs leur firent de les laiflèr paffer, traverferent a main armée l'ifle des Bataves ék chaflèrent les Saliens de la Toxandrie. Julien marcha contre les Quades, ék les Saliens fe joignirent a lui. Les Quades fe cacherent dans les bois; ils n'en fortoient que la nuit, ék, a la faveur des ténebres, ils alloient par bandes pillér ék dévafter le pays. Un Franc d'une grandeur déméfurée, appellé Charietto, a qui 1'habitude de la chaffe avoit donné une entiere connoiflance du pays, s'embufquoit avec une troupe de chaflèurs, tomboit fur les pillards, leur enlevoit leur butin ék les maflacroit. Charietto offrit a Julien d'exterminer les Quades, s'il vouloit lui donner quelques troupes légeres pour joindre a la fienne. Charietto ayant obtenu une cohorte de Bataves, enleva une troupe confidérable (1) Amm. Mare. L. XVI. c. 2. (2) Idem. ibid. c. 4. (3) Idem. ibid. c. n. (4) Idem. ibid. c. 12. (5) Altmg. Germ. infer. L. III. c. 0. (6) Amm. Marcell. Liv. XVII. c. 8. Nn 2 Hift. anc. de Hollande. Julien dans les Gaules. Fait la pah: avec les Francs. 3S7-. Services importantqu'il tire des Bataves. Succès de Julien. Contre les Quades.  Sect. It. Bijl. anc. de Hollande. Julien proclamé Augufte pa; ies Data•nes. Force les Attuaires demander l paix. Julien JLmp treur 284 HISTOIRE DE HOLLANDE de Quades & les égorgea de fang - froid. Un prifonnier s'étant échappé, rapporta aux autres ce qui venoit dc fe paffer. Ils envoyerent des députés k Julien pour implorer fa clémence. Ce Prince la leur accorda, a condition qu'ils ne porteroient jamais les armes contre les Romains, ni contre leurs alliés, ék leur donna des terres au-dela du Rhin. (1) On croit que ces Quades devinrent un peuple confidérable, ék qu'aidés par un grand nombre de Frifons ék de Saxpns qui lè joignirent a eux, après s'ctre rendus maitres de la Weft-Frife, occuperent lc pays que les Francs abandonnerent ék s'emparerent de Nimegue. (a) Comme les hiftoriens ne parient plus de l'ifle des Bataves, fous cette dér nomination, quoiqu'ils faflènt toujours mention des cohortes Bataves qui étoient au fervice des Romains, on a cru que cette ifle occupée, ainfi que la Toxandrie, par les Chamavcs ék les Bruéteres, perdit alors fon nom. Pour prouver que ces peuples, qui étoient Francs, ne faifoient qu'un meme peur ple avec les Bataves, on cite la maniere dont Julien fut proclamé Empereur. Lorfque Conftance jaloux de la gloire que Julien s'acquéroit dans les Gaules ék la Germanie, voulut lui öter les cohortes Herules ék Bataves,les premier res refuferent d'obéir ék d'aller dans la Perfe, paree qu'on leur avoit pro' mis de ne les mener jamais au-dela des Alpes: les cohortes Bataves indignécs de 1'ihjuftiee que 1'Empereur faifoit a Julien, Péleverent malgré lui fur le pavois, ék le proclamerent Augufte. (3) Or ce genre d'inauguration, étoit en hfagè chez les Francs; les Francs formoient donc le plus grand nombre des troupes Bataves. 'Mais ce genre d'inauguration n'étoit-il pas commun h d'autres peuples? Cette proclamation fe fit a Paris, oüjulien paflbit Phiver 'ék oü les troupes vinrent le trouver, Forcé malgré lui d'accepter, il nc vouloit point paroitre en public; ce qui fit répandre le bruit qu'il avoit été fecrétement aflafliné par fes ennemis. Les troupes étoient prctes a fè révolter, ék Julien fut obligé de iè montrcr; il harangua les cohortes, ék pour les diftraire, il les mena dans le pays des Frames appellés Attuaires , (4) qui s'étoient foulcvés ék qui commettoient des hoftililés fur les terres des Ro' mains. Les Attuaires, qui ne s'attendoient pis que Julien pénétrat dans leur . pays,'a caufe de la difficulté des chemins, demanderent la paix a genoux & julien la leur accorda. . Sur un ordre de partir envoyé aux cohortes par Conftance, elles fe fon.leverent encore,ék raenacerent Julien de la mort s'il perfiftoit dans fon refus: il fc laifla revêtir de la pourpre, ék comme il voyoit qu'il avoit tout a craindre dc Conftance, il réfolut de paffer en Italië. H furprit une lettre de Conftance adreflee a Vadomaire, un des Rois Allemans , qui d'accord avec 1'Empereur, faifoit des mouvemens comme s'il eut rompu la paix., afin d'empêcher Julien de- s'éloigner. (5) II battit les Allemans : Vadomaire ék les autres Rois lui demanderent la paix, ék conclurent un traité général au nom de tous les pettples qui compoföient cette ligue. Après avoir mis le pays en füreté, il revint a Paris oü il apprit la mort de Conftance. A peine fur le tröne,' il marcha contre les Perfes avec ces mêmes Herules qui avoient re- (O Amnr. Marcel!. Lib. XVIII. c. 2..Z0S. Lib. III. c. 5. Nic.Kolin Chr. (2) Hifl. gén. des Provinces Unies. T. ii. L. 2. (3) Amm. Mare. L. XX. c. 4. (4) loenibid. c. 10. (5) Idem. L. XXI. c. 14.  OU DES' PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sectv II. 285 ï'ifé d'y aller, lorfque Conftance voulut les y forcer. Julien fut tué dans cette guerre a Page de 3a ans, (1) juftement regretté de fon armée & de tout 1'Empire, excepté des Chrétiens qu'il n'aimoit pas; grand Prince, guerrier infati^able , général habile , il réuniflbit en lui , les vertus civiles ék morales': Pa) fo-bre, doux quoique ferme, patiëntr chafte, défmtéreffé, populaire, cenfeur des mceurs, il réprimoit les coupables plus par les menaces que par les fupplices, par fon exemple que par la force. B aimoit la plaifanterie, ék railloit heureufement: il fouffroit qu'on le reprit, lorfque fon caraétere vif ék impétueux Pemportoit trop loin. II étoit naturellement éloquent: malgré fon extreme popularité, il fut conferver la dignité de fon rang; le foldat Paimbit comme un camarade qui partageoit fes travaux & fes-.dansers, ék lc craignoit comme un Général févere qui ne fouffroit point de relachement dans la difcipline. Les plus grands défauts qu'on lui reprocho, font fa trop grande fènfibilïte aux applaudiffemens, fa fuperftition ék fon intolérance envers les Chrétiens; défauts d'autant plus inexcufablcs, qu'il fe piquoit de beaucoup dc philofophie. (3) Lorfque les Bataves que Julien avoit laiifés a Rheims, appnrent fa mort ék le nom de fon fucceifeur Jovien, ils maifacrerent dans leur défeipoir , Lucilicn,.. chargé d'annonccr ces nouvelles dans 1'Empire. (4.) lis firent grace a Procope qui 1'accompagnoit, parcequ'ü étoit du fang de Julien. Jovien le restaurateur du Chriftianifme, mourut apres fept mois ék huit purs de regne, agé de 33 ans, Prince brave, puiflant ék bon Général. 11 fut remplacé nar Valentinien, qui.s'aflbcia Valens fon frere. C'eft fous ces Empereurs que ie formcrent ces ligues des peuples du Nord, fi funeftes a 1'Empire Romain. Les Allemans franchirent les bornes que le traité dc Conftantin avoit fixées. L'avaricc'ck la hauteur d'Urface, Préfèt, occafionncrent cette révolte. II pvoit'recu leurs députés avec une fierté humiliante, ék retranché une partie des prélens qu'on étoit dans Püfage. de leur faire. Les chefs de ces peuples formerent une confédération redoutable. (5) Sotis le nom de Francs, elle embraflbit les Saliens, les Ripuaircs, les Sicambres, les Ufipetes, les Bataves ék quelques autres nations. Charito ou Cariton, Duc des deux Germanies & Severien qui commandoit deux légions, marcherent contre les Allemans ék rencontrerent Pennemi qui les attendoit. C'étoit au milieu de Phiver lc plus rigoureus. • Le combat fut opiniatre ék fanglant; le refus que firent les Bataves ék les Herules qui étoient dans l'armée Romaine, de fe battre contre leurs compatriotes, décida la viétoire en faveur de l'armée confédérée. La mort de Severien ék une blelfure mortelle que recut Cariton, ictterent.Pépouvante dans l'armée Romaine, qui fut taiilée en pieces. (6)^ Da^alaïfe, a la tête dc la cavalerie rafiembla les débris de cette armes; il inveftiïlcs Bataves ék les Herules, les dégrada ék les condamna a être vendus comme des efclaves: fenfibles a la honte , ils tomberent aux pieds du Général, excuferent leur inaélion par les Hens qui les uniflbient a leurs compatriotes. Valentinien les pardonna 6k les rétablit. (7) Ils réparerent bien- (0 Amm. Mare. L. XXII. c. 12. (0 Wem. L. XXII. c ia & 13. La BlecIIid. de tulieft Ol La Biet. ibid. Zos. L. III. c 25,3i (4) Amm. Mare. L. XXV. (5) Am». Mare. L. XXVI, c. 5. (6) Idem. L. XXVH. c. 2. (7) Zos. L. IiL c. 35, Nn 3 Hijl. me*. de Hollande. 3ör. Sa moit. Son éloge. Regrets desB ita-oes. Ligue d-.s peuples d l N-ori. Défaite des Romdins. Bataves dégradés.-  Sect. II Hift. anc de Hollande. Leur réi lilif/emem &f lews viS'iires. Suite des Rois Frifons. Chaffés l Ia CrandeBretagne.37°. Frifons fou mis aux Romains. 28<5 HISTOIRE DE HOLLANDE tót leur faute; 1'avant-garde des Romains rencontra prés de Pont-a-Mouflon • un detachement de Germains & de Francs, qui fut taillé ea^S' General des cohortes Bataves, apprit que le gros de Parmée campoi fur Ia - Mofelle; il les furprit dans le tems qu'ils fe baignoient éi en fit fans obftacll un mafiacre horrible: les Germains ék les Francs étoient parag s en £rt corps: fier de Ia viétoire qu'il venoit de remporter fur le premier, if marcha a. contre les Francs qui formoient Ie fecond: il trouva Ie? ennemis fous t armes. Le combat fut long ék meurtrier. Les Bataves ék les Herules rom pirent ie front de Pennemi; les Francs plierent èk laiflerent plusdlS mie mom fur Ie champ de bataille.(i)Un de leursRois ayant été fait priLSt les foldats le pendirent, èk Jovien ne punit pas cette aétion atroce. Dans ce meme tems les Frifons ravageoient l'ifle du Rhin. Jovien envoya contre eu' leur plylf (O § * ^ #* de * ^ ^ Un Prince Allemand nommé Randon, furprit Mayence, dans Ie tems que le peupk étoit a l églife; il enleva un grand nombre de prifonniers & ht un riche butin. Valentinien pafla le Rhin, dévafla le pavs ihr fa route & ne put joindre les Allemans , "qui s'étoient' retirés fu une" mo tfgre jouree de collines èk de chemins efcarpés. Valentinien en allanr iSoiw S^miï 7 COlli"eS ' dMS des chemins écaïïs &lré a! geux. un detachement enn«mi courut après lui; la vitefiè de fon cheval put a peine le fauver: 1'Empereur fit prendre les armes k fes foldats, détacha Z Bataves en avant èk les exhorta a le venger; armés de cordes èk de craS pons, dsgravifiènt le rocher, ouvrent un chemin a 1'année & parviennem aufommet de ces hauteurs: les Allemans font attaqués de touSP cö és e lang coule en torrens, ils rendent les armes èk demandent la paix. (T ' Cependant les Saxons les Frifons èk les Francs infeltoieiu les mei Les Frifons s étoient fort multipliés pendant la paix. Sur ce peuple regno t aloS Udolphe, fi s ék fuccefieur d'Odibalde, qui avoit remp acé Harom Son re gne avoit ete tranquille, lorfque fes deux fils, fondateurs d'une co ont dans mafn^T,; ï'^0' & aUX ^üois, ^taquerent lés Ro¬ mans. Theodofe envoyé dans 1'ifle par 1'Empereur, défit les Frifons, reprit Londres, &, apres divers combats, oü les fils d'Udolphe perdirent la vie- ' t {°If V'8 ?"S 3 rfV£? da"S le pays' Udolphe, dévoré de chagrin de la n ou de fes enfans abandonna la couronne a UfFo fon frere. Les Frifons 'Ifle dti^Rhin N^f ^T' 5$^! ^ ï ^w & Pénétre™ *"» , file du Rhin: Nannenus fut tué en voulant s'oppofer a leur defcente Sé- vere les repoufla, attaqua enfuite la Weft-Frife par mer èk par terre, détrui- fit la floue des Frifons, m,t le pays fous le joug des Romains, èk en enleva ■ a jeuneflè pour recruter es légions. (4) C'eft a cette coutume d'incorpo- h*IeS/ai"cus dans J!f leg,ons> q«'on doit-attribuer en grande partie, Ia guerre, fe fervirent enfuite des lecons de leurs maitres pour les détruhe. CO Amm. Mare. L. XXVII. c. 2. fa') Idem t yyaht ^ ^ r > » . Vief. 6s>. Zof. L. VI. Auf Mofe i „ os} J ldemVL< XXV1LJ- y C3) Aurel. L. XXVIII c d * 4 ^ Ajnm- Marc' L' XXVI1- c. 8.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. II. 2g; Valentinien vainqueur des Frifons marcha contre Macrien, Roi des Alle mans & parut fur la rive oppofée du Rhin, fans être attendu. II ravagea 60 heues de pays, & batit un fort au confluent du Necker & du Rhin qu'on prétend avoir été Porigine de Manheim. (1) Ce Prince alloit faire la guerre aux Quades & aux Sarmates, lorfqu'il fut-emporté par un coup de fang. L'emportement avec Iequel il répondit aux envoyés des Quades qui lui demandoicnt la paix, occafionna fa mort. II avoit nommé fon (ils Gra tien pour fon collegue & fon fucceffeur. Cependant Maraubodes, chef d'un parti qui favonfoit Valentinien II, jeune enfant qui n'avoit que cinq ans fils du dernier Empereur, le fit proclamer par les troupes; & 1'Empire eut trois maitres, Valens, Gratiën & Valentinien II. (2) Valens étoit dans l'Ö rient, occupé a repoufTer les Goths, aidé d'un corps de Bataves qui fe trouvoit dans ce pays, & qu'on croit être un refte des cohortes que Tulien avoit amenees dans la Pannonie. (3) Les Goths, dont il a été fi fouvent parlé dans cet ouvrage, étoient tantöt alliés & tantöt ennemis des Romains. Cette nation fe divifa fous 1'Empire de Valens. Les Oftrogoths vainquirent les Vifigoths , qui furent vainqueurs h leur tour. Les Huns, peuple encore plus féroee, chafla les GothsValens leur donna des terres dans la Thrace: Lupicin, Préfet de cette pro' vmce, chargé de leur fournir des vivres, les traita avec la dureté la plus cruelle: ils fe fouleverent "& fe répandirent dans Ia Thrace, ia Mcefie & la Pannonie; ils formerent une confédération avec les Huns & les Alains leurs ennemis. Ils perdirent une bataille contre Valens; mais qui ne les affoiblit pas: ils fe répandirent dans Ia Macédoine, la Thefialie & pillerent les fauxbourgs de Conftantinople. Enfin ils remporterent une viétoire complette fur les Romains. Valens bleffé dans fa fuite, fut emporté dans une maifon a laquelle les Goths mirent le feu. La fuite de ceux qui compofoient le corps de réferve de l'armée Romaine, en occafionna la déroute. Les Francs s'étoient fort étendus dans 1'Empire d'Occident: ils avoient de grandes pofleflions des deux cötés du Rhin. Ils étoient maitres de l'ifle des Bataves & de la Toxandrie Par Ikmtremife d'Arbogafte, qui fous le regne de Mallobaudes commandoit les Francs auxiliaires, Gratiën renouvella les anciens traités. Mallobaudes & Quintinus, l'un avec les Francs, 1'autre avec ies légions, remporterent une grande viétoire fur les Allemans des bords du Uanube, commandés par Priarius, un de leurs Rois. Théodofe qui mérita le nom de Grand, partageoit le tróne des Céfars, avec Granen & Valentinien II. Gratiën avoit attiré les Alains a fon fervice & les combloit de bienfaits. Les Romains rougirent de partager avec des barbares, les bonnes graces du Prince ék vinrent a le haïr. Déja leurs murmures eclatoient, lorfque Maxime fe déclara leur chef. (4) II étoit a la tête des légions qui défendoient la Grande-Bretagne: cet illuftre aventurier fe fervit du mafque de la religion pour parvenir aux grades fupérieurs de la milice. 11 en impofa aux Empereurs par les perfécutions qu'il fit fouffrir aux (O Hift gén. des Prov Unies T. u. L. 2. £0 Hift. Rom. de Laur. Benard, MaÏÏACufo6n in A^l ^ ^ *" ^ m ^ Sul^ de * ■ Hijl. anc. de Hollande. 375- Les Goths, les Vifigoths, les Oftrogoths. Liguês avec les Huns £5* lts Alains. Vainquews des Romains. Progrès des Francs. 3s3 • Thodcfe. Maxime parvenu pir /on in'.'uérance hypocritc.  :Sr,CT. II. Jlift. anc. de Hollande. mort. Défaite de létrinns. Origine di la Monarchie Fianfoiji. Stilicon. -eifelle h pfuplei du A'ord. a88 HISTOIRE DE HOLLANDE hérétiques & par le refpeét qu'il feignoit de porter aux Evêques. L'éleva. tion de Théodofe avec qui il avoit fait fes premières armes dans la GrandeBretagne, 1'enflamma de jaloufie contre Gratiën: il corrompit les troupes, . & les faveurs que Gratiën rëpandit fur les étrangers, acheverent de lui gagner les Romains. 'Les foldats maflacrcrent leur commandant ék proclamerent Maxime, qui feignit de s'y oppofer. 11 pafla dansles Gaules. (i) Gratiën qui étoit a Paris, alla a fa rencontre: fes troupes gagnées par 1'argent de Maxime, Pabaudonnercnt; il fe retira a Lyon, oü Maxime Payant attiré dans un piege, le fit aflafiiner par Arbogafle. (2) Valentinien II le reconnut Empereur des Gaules ; mais il n'en jouit pas longtems; vaincu par Théodofe èk Valentinien, il fe précipita dans la mer. Tandis que ce tyran fuivoit le cours de fes perfidies , les Allemans s'avancerent jufques a Cologne; les Romains les forcerent de repaflèr le Rhin; mais les Francs qu'ils voulurent pourfuivre, s'ëtant retranchés derrière leurs marais, accablerent les Romains i leur paflage, de traits dont ils ne pouvoient fe garantir ; les légions s'engagcrent danS les marais & furent taillées r en pieces; fans Ia nuit qui furvin't, rien n'eut échappé de cette armée. 'Théodofe mourut; il avoit partagé 1'Empire entre Arcadius ék Honorius; l'un eut 1'Orient ék 1'autre POccident: il avoit nommé Stilicon tuteur d'Monorius. Stilicon, Vandale de nation, étoit grand-maitre de la milice des deux Empires; il avoit époufé Serena, mere de Théodofe. C'eft vers cette époque que les anciennes Chroniques placent Porigine de Ia Monarchie Francoife. Stilicon parcourut le Rhin depuis fon embouchure 1 jufques a fa fource, pacifia tous les peuples, èk renouvelia les traités, en vertu desquels les Francs étoient chargés de garder tous les paflages du fleuve. Sunnon & Marcomir, Rois des Francs Orientaux, étoient entrés fur les terres de 1'Empire: Stilicon marcha contre eux, les fit prifonniers, mit a mort Sunnon ék envoya Marcomir en exil. Marcomir s'échappa, revint fur leRhin, aflèmbla les chefs des peuples, leur fit fentir la néceffité de fe réüriir fous un feul, ék les engagea de nommer Roi, Pharamond fon fils. (3) Voila ce que difent quelques anciens hiftoriens. Chudien aflure dans fon éloge de Stilicon, que Marcomir donna un Roi a chaque peuple Franc. (4) Stilicon étoit un des plus grands hommes qui euffent paru depuis la deftruétion de la République R.omaine; mais 1'ambition corrompit fon cceur: pour mieux réuffir a faire aflbeier Eucherius fon fils, a PErnpire, il imagina dc fufciter des troubles a Honorius. (5) II eut recours a Alaric Roi des Goths. Sous prétexte de fervir 1'Empcrcur, il perfuada au Roi de fe joindre a lui pour attaquer Plllyrie, qui, difoit-il, étoit une dépendance de 1'Empire d'Occident. Ce projet ouvrit Ia barrière aux peuples du Nord. Les s Goths pafferent le Danube ék prirent le chemin des Alpes. (6) Les ^Alains d'un cóté, les Vandales, les Sueves ék différens autres peuples de 1'autre, s'avancercnt jufqu'aux frontieres des Gaules: (7) les Francs firent des efforts inu- (O Zof. L. IV. Orof. L. VII. c. 34. (2) Ambr. de obitu Valentin. 6. Aug. de civu. L. V. c 25. (3) Greri'. Tmon.Hifl-. Franc. L. 11. c. 9. Vaief. rer. franc. L. 2. (4) Claud. de Land. Salie. (5) Greg. Tur. Hift. Franc. L. II. c. 8. (6) Jora. de reb. Goth. (7) Procop. de Bello Vaudal. L. I. c. ir.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIH. Sect. II. 28 inutiles pour les empêcher de pafier le Rhin; trompant la prudence de Stili con, ils fe déborderent avec plus d'impétuofité qu'il ne 1'efpérok; 1'Occi denc en fut inondé: les Slaves fe rendirtnt maitres de la Toxandrie, & ie Wiltes des environs d'Utrecht. On croit que ce dernier peuple fortoit di Windisch-Marck, entre la Carniole & la Croatie'(i) ék qu'il s'empar de l'ifle des Bataves. L'Empire étoit attaqué de toutes parts. La ligue Ar morique fe forma des peuples maritimes, qui n'efpérant plus aucun fecour des Romains, firent une confédération pour fe défendre: ils chafierent le gouverneurs ék les magiftrats que les Empereurs leur avoient donnés. Cett< confédération embraflöit depuis la province de Bretagne jufques a 1'embou chure de la Seine ék a celle du Rhin. Eugene II, Roi d'Ecofle, profitaut de 1'abfence des légions que Pufurpateur Conftantin avoit amenées dans les Gaules, reprit ce qu'il avoit cédt aux Empereurs. Les Bretons ne pouvant lui réfifter, demanderent des fecours a Honorius, qui enfermé lui-même dans Ravenne , leur permit de ft donner un Roi. Ce Prince forma des foupcons contre Stilicon ék les fii éclater; les ennemis de ce grand homme , crurent plairc a 1'Empereur, er le faifant aflafliner. Les Allemans ck les Bourguignons pafferent k- Rbin: les premiers fe rendirent maitres des bords du fleuve, depuis Bale jufques 2 Mayence; ék les Bourguignons s'emparerent de l'Helvctie jufques au mom Jura. Ceux - ci furent remplacés dans 1'Alface par les Allemans ; ék le< Francs s'établirent entre le Rhin ék la Mofelle. Le Patrice Conftantius fe contenta de les obliger au nom de 1'Empereur de reconnokre fa fuzeraineté. (a) Les Francs n'avoient fait jufques alors que des incurfions dans les Gaules. Ce peuple, ou plutöt cet aflemblage de différens peüples, comme nous 1'avons dit, commenca a y former des établiflemens. Pharamond, fils de Marcomir, a la tête des Bruéieres, des Chamaves, des Cattes, des Anfivariens ck des Saliens, tous peuples Francs, étoit entré dans les Gaules avec plufieurs autres Rois: Clodion, Roi des Saliens, leur aflura le pays de Cambrai jufques a la Somme. Les deux Germanies dépendoient encore des Romains; Tibato, l'un des chefs des Germains, les excita a fecouer lc joug; mais le célebre .Aëtius les vainquit, fit trancher la tête a Tibato ék a quelques autres ék les Germains renouvellerent leur traité d'alliance. (3) Aëtius réprima enfuite les Saxons ék les Frifons, qui infeftoient les mers ék pilloient les provinces, foutenus de la ligue Armorique: ils étoient partis de leur établifiêment aux embouchures de la Meufe ék du Wahal, avoient franchi le Détroit de Gibraltar ék défolé la Sicile. Aëtius vainquit les Francs, qui perdirent dans la bataille, leur Roi Clodion. (4) Ce Prince faifoit fa réfidence dans le chateau de Difparagum fitué, fuivant la plus commune opinion, au confluent du Vliet ék de 1'Yfiel. Dans le tems qu'Aëtius délivroit les Gaules des fureurs d'Attila ék des ravages des Huns, Vortigenes, Roi des Brittes ou Bretons, harcelé par les Piéles ck par les Ecoflbis, appella a fon fecours les Romains, qui trop oc- (0 Cluv. Germ. Ant. L. III. c. 14. (2) Orof. L. VII. c. 32. Greg. Tur. Hift. Fr. L. II. c. 9. (3) Profper. Clir. ad sn. 12 & 13. Valent. (4.) Profp. Faft. Act. & Sig. Faft. Theod. VI. Sid. Appoll. carm. V. v. 212. Fredeg. c. 9. Greg. Tur. L. II. c. 9. Tome XLIII, Oo 9 - Hift. anc. . de Hol, lande. 1 Hs inottdettt l VEmpire. j Ligue Ar, motique. Mort de Stilicon. 407. 413. 420. Etabli[fe. mens des Francs dans les Gaules. Aëtius. Vainqueur d'Attila.  soo HISTOIRE DE HOLLANDE Sect. II. Hijl. anc. de Hollande. Les Frifons, les Saxons £? les Angles. vainqueurs ies Piües. cupés ne purent lui être d'aucune utilité: ce Prince eut recours aux Frifons. Hengifl: èk Horfa, fils d'Odibalde R )i de Frife, raflèmblerent des vaiflèaux & lui meuerent les jeunes gens les plus braves & les plus déterminés. Us attaquerent les Piétes & les battirent. Us demanderent pour récompenfe, Piile de Tanut, dans laquelle ils avoient débarqué en arrivant. Vortigenes s'efiima trop heureux de les conferver a ce prix. Bientöt les Frifons fe trouverent trop reflèrrés dans cette ifle: ils demanderent une plus vafle étendue de terres. Horfa revint dans la Frife; il fit a fes compatriotes le tableau le plus féduifant du pays des Brittes; il les entretint des moyens ék de la facilité d'y faire des établiflemens: de-la il pafla chez les Saxons ék chez les Angles. (i) Tout ce qui étoit en état de porter les armes demanda a le fuivre. Plorfa fit un choix ék fe mit a la tête d'une troupe plus brillante que la première , dont il chargea douze vaiflèaux. La paffion de Vortigenes pour les femmes ne lui avoit point échappé. Hengift avoit une fille de la plus grande beauté: Horfa 1'embarqua avec lui. A fon arrivée dans l'ifle il trouva les Piétes ék les Ecoflbis fous les armes ék Vortigenes plus allarmé que jamais; Horfa tomba fur les ennemis avec fa troupe, en tua un grand nombre ék forca le refle a demander la paix. Vortigenes ne pouvoit afièz marquer fa reconnoifiance aux deux Princes: ils fe hazarderent a lui demander le pays appelle depuis le Northumberland ék Pobtinrent. Bs engagerent ce Prince a venir chez eux, ils lui donnerent des fêtes: a la fin du repas la fille d"Hengifl:, la belle Roëne, parut fubitement, une coupe a la main, ék la préfenta modeflement au Roi. Frappé de la beauté de cette Princeflè, Vortigenes la demanda a fon pere: il eut donné tous fes Etats pour obtenir fa main. Hengifl fe contenta a moins, ék la lui donna: il attaqua les Piétes fur leurs foyers, dévafta leur ifle, en tua un trés grand nombre, ék revint chargé de leurs dépouilles. Roëne étoit adorée de fon époux, ék les Princes de Frife fe lignaloient tous les jours par quelque nouvelle viétoire. Les Brittes étoient jaloux des Frifons. Vortumer, fils de Vortigenes, né d'un premier mariage, excita le clergé, fit déclarer nul celui de Roëne, ék les Brittes animés par les prêtres, éleverent Vortumer au tröne de fon pere. Prefle par la nation entiere,Hengilt fe retira dans l'ifle de Tanut ék les Frifons furent obligés d'abandonner la Grande-Bretagne. (2) Roëne ne perdit point courage, fon efprit ék fit beauté releverent le parti de fon époux, qui fut rétabli fur le tröne: Vortumer périt dans un combat. Plengift revint avec une flotte de trois eens vaiffeaux , a Ia tête d'une armée redoutable de Frifons ék de Saxons. Ils furent recus par Vortigenes. Quelques hiftoriens avancent que les Frifons tomberent fur lui; que la noblefle, qui compofoit fa fiüte, en fe facrifiant donna le tems a ce Prince, de fe fauver dans une tour, a laquelle ils mirent le feu ék qu'il y périt dans les flammes: les autres attribuent la mort de Vortigenes aux Brittes même; ce qui paroit plus vrai: ils ajoutent, que ce peuple joint aux Bretons de PArmorique , conduits par Aurele, leur Duc, vainquit (O Witikind. Ann. L. I. Hift. anc. de Hollande part. 1. Ubbo Etnm. rer. Frif. L. IIL (2) Hift. gén. des Prov. Unies. T. 11. L. 2.  Oü DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. U. spi les Frifons; qu'Horfa fuc tué dans une bataille , & quTIengift ayant été fait prilbnnicr, ils le firent périr par la main du bourreau. (i) Au défaut des monumens, on eft obligé de confulter ies chroniques: celles des Frifons dhènt qu'Oéta, fils d'Hengift, s'écablit dans la Weft-Frife avec ce qu'il put ramener de Frifons d'Angleterre; qu'il chafla les brigands qui occupoicnt le pays, en deflecha les marais, époufa Dibalde de la race des géans, batit la ville de Harlem, a laquelle il donna fon nom de Lenms qu'il avoit pris, joint a celui de Héros. Ezelin lui fuccéda; on place après celuici Ritzer, qui eut pour fuccefieur Richold Oifa; celui-ci défit les Danois qui avoient fait une incurfion dans la Frife; & obtint pour fon fils Odibalde, Huningua fille du Roi de Dannemarck: ce Prince regna après la mort de fon pere; il eut plufieurs enfans; il donna aux deux derniers les noms d'Hengift & d'Horfa, dont ils voulurent venger la mémofre, mais ils périrent dans leur entreprife. (2) Dans le bouleverfement de 1'Empire Roinain, on a bien de la peine a fuivre Phiftoire des Bataves. Plufieurs s'établirent dans les terres, que les Romains leur avoient données, & ne firent plus qu'un meme corps & un même nom avec les peuples qui occupoient le pays oii ils s'étoient établis; mais le fond de la nation Batave fe conferva dans la Betuwe: On ignore dans quel tems ils rcntrerent en poflèflion de Pancicnne Batavie abandonnée par les Francs. Les Frifons la joignirent \ leur Royaume ; ils chafièrent les Bretons des environs de Catvvyk. On ne trouve que poftérieurement a cette époque, Ie nom de Flandres donné a cette partie de la Belgique, dans laquelle Childeric avoit MtiMons. (3) On le fit venir de Flandert, Gouverneur établi dans ce pays par Clovis, lorfque vainqueur du Roi de Thuringe, il tenta de foumettre les Frifons; projet que la valeur de Richold, leur Roi, fit échouer: Richold foumit les Weftphales, & forca le Roi des Saxons a lui demander la paix. f4) II entra dans une ligue des Germains, qui, jaloux des progrès de Clovis, menacoient fes frontieres. Clovis alla au devant d'eux, les joi-eg. Turon. L. IV. c. 22. ("2) Mezerai Hift. de France, T. I. (3) Appeu.!, a Mare. Com. C4) Greg. Turon. L. IV. c. 9,14. (5) Idem. L,. IV. c. 22 , 25.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. II. 293 cupé des guerres que la jaloufie de Brunehaut fon époufe , & de Fredegonde femme de Chilperic, ailumoient entre les deux freres, efiaya dé brifer le joug une feconde fois. Sigebert marcha contre les Abares, qüi mirent fon armée en déroute ék le firent prifonnier. Cagan leur Roi, frappé de fon courage èk de fa fermeté, traita avec fon prifonnier, & conclut une alliance qu'il ne troubla jamais de fon vivant Sigebert vainqueur des Saxöns qu'il vouloit punir de leur injuftice envers les Sueves, èk de Chilperic fon frere, qu'il tenoit afiiégé dans Tournai, périt aflafliné par les émiffaires de Fredegonde (1) èk les Aufiraiiens proclamerent fon fils Childebert, Roi. Vers la fin du Vie. fiecle, les Warnes prirent fin & fe fondirent dans la nation des Frifons; ce peuple afièz puiflant demeuroit le long de la cöte du Rhin, a droite de fon embouchure: il avoit fes Rois. Le Waar,petite riviere fur laquelle Tacite ék Ptolomée placent ce peuple, ék qui fe jette dans la Viftulelui avoit donné fon nom,ou avoit recu le fien des Warnes. (2) lis paflèrent du Nord dans le pays du Rhin. Hermegiskel leur Roi, n'ayant point d'enfans de Théodechilde, fille de Thierry qu'il avoit époufée, mourut dans le tems qu'il étoit prét a terminer le mariage de fon fils unique Radigis, avec Ia fille du Roi des Angles. Avant fa mort il fit fintir aux Seigneurs de fa cour, combïen 1'alliance des Francs étoit néceffaire a fon peuple, ék combien leur inimitié pouvoit lui être funefte. On lui demanda les moyens de conferver 1'une ék de prévcnir 1'autre, „ Je n'en fais qu'un, dit-il, c'eft ,, de rompre lc mariage dc mon fils, arrêté avec la Princeffe des Angles, . èk „ de le marier après ma mort avec ma jeune époufe." Ce confeil fut fuivi. La Princeffe des Angles étant devenue Reine, fe mit a la tête de cent mille hommes ék d'une flotte nombreufe, marcha contre Radigis ék le vainquit. II fe cacha dans les bois, mais-la Reine fit faire des perquifitions fi exaétes, qu'on le trouva. On lc conduifit a la Princeffe chargé de fers; elle lui demanda raifon de fon manque de foi: il rejetta fon crime fur la politique de fon pere ék de fa cour, ék offrit de tout réparer. La Princeffe s'attendrit , brifa fes chaines ék Radigis 1'époufa fur le champ. II renvoya Théodechilde, oui alla fonder une abbaye aSens, oü elle s'enferma. (3) Radigis n'évita point la colere de Théodebert, frere de Théodechilde. Les Warnes furent écrafés & la nation ne fe relcva point de fes pertes. Ainfi les vues politiques d'Hermegiskel furent malheureufement juftihées. Clotaire regna feul fur les Francois; mais comme fes Etats étoient fort étendus, il mit a la tête de chaque Royaume un Maire du palais. Pepin le vieux eut PAuftrafie; ce Royaume plus expofé aux incurfions des Barbares, eut befoin d'un R.oi. Clotaire le donna a Dagobert, fous la Régence de Pepin ék d'Arnoul, Evêque de Mctz. Ce Monarque entreprit de purger la Flandre des brigands ék des monftres qui infeitoient ce pays marécageux èk couvert de bois; (4) envain y avoit-on établi un Grand-foreftier pour réprimer les desordres; les cötes Belgiques n'en étoient pas moins redoutées des voyageurs: le dernier Foreftier étoit mort, Clotaire lui donna pour fucceflèur f O Greg. Turon. L. IV. c. 44, 45;. (O Pr°c de Bell. Goth. L. II. Ptoloro. Geog. L. II. c. 2. (3) Fortun. Carm. Hift. L. IV. Eckard de reb. Franc. T. 1. (4; Fredeg. Chron. c. 47. Oo 3 Bilt. anc, de Hollande. Fredegond* fait affajfiner Sigebtrt. Les Warnes. Sont êcrajes. 614. La Flancht purgée de brigands.  291 HISTOIRE DE HOLLANDE Sr.cT. II Hifi. an de Holiande. Grandstiftiers. Suite dt Rois dt Frife. «33. Pepin. Caufes du fvuhoir des Alaires. . Ludovic Bucan, fils de Salvart Comte de Dijon. La fageflc ék la fermeté :* de fon admmiftration mériterent que le Roi lui donnat Richilde, fa fille, en mariage. Le commerce qui n'avoit jamais pu s'établir dans ce pays, y'de_ vint floriffant. Les marchands y vinrent en affluence & y batirent des'maifons: co- leur petite enceinte fut le commencement de Lille. (i) Lideric fut la tige* des Grands-foreftiers de Flandre, érigés depuis en Comtes. Les Saxons & les Frifons fe révolterent: les premiers firent déclarer a Clotaire qu'ils ne payeroient plus le tribut. Leurs Hérauts fe fervirent de termes fi infolens, que Clotaire les eut fait aflbmmer, fi Saint Eloy n'eut intercédé pour eux; le Roi fe contenta de les faire arrêter; Eloy les convertit èk leur adminiftra le baptême. Le Roi leur donna la liberté. (2) f La fuite chronologique des Rois de Frife offre de grandes difficultés aux favans. II réfulte de leurs recherches que Berthaud, Duc de la Saxe fupérieure, n'étoit que Régent de Frife, pendant la minorité de Ritzer, fils de Richold ; que Ritzer périt dans une bataille contre Pepin le vieux ou de Landen; qu'Adalgife lui fuccéda & qu'il regna paifiblement, occupé d'adoucir les mceurs des Frifons , par Pétabliflement de 1'Evangile & des Arts. (3) Après la mort de Clotaire & celle de Charibert fon fils, le bon Roi Dagobert réunir fur fa tête toutes les parties de 1'Empire Francois: fon regne fut tranquille. Les Slaves, Venedes ou Eiclavons firent des'incurfions: ^Dagobert, pour s'en débarrafièr, remit aux Saxons & aux Frifons les tributs impofés par Clotaire, a condition qu'ils écarteroient les Slaves des frontieres. On attribue a Dagobert la fondation d'Utrecht, pour garder le paflage du Rhin. II avoit détruit le chateau de Vittembourg, qui étoit fur la rive oppofée. II aggrandit aufli le port de Wyck-te-Duurftede & il établit des Comtes des deux cötés du fleuve. (4) Dagobert, vieux & infirme, partagea fes Etats entre fes deux fils: il donna le Royaume d'Auilrafie a Sigebert & celui de Neuftrie a Clovis: (5) Princes trop jeunes pour gouverner par eiix-mêmes, trop bons ék trop oififs pour réprimer 1'ambition des Maires, ils n'ónt laiffé qu'un vain nom. Pepin, Maire d'Auflrafie, avoit toujours été retenu auprès de Dagobert; mais dès que ce Prince fut mort, il reprit les fonétions de fa place, fe fit céder le gouvernement que le feu Roi avoit donné a Adalgife, ék mourut un an après. La Mairie pafla a Grimoald fon fils: Othon nourricier du jeune Prince la lui difputa ék Grimoald le fit afiaiïiner. Tandis que Sigebert fondoit des abbayes, dotoit des monafteres, que pour lui faire leur cour, Begga ék Gertrude, fceurs de Grimoald, fondoicnt l'ordre des Beguines ék faifoient élever la belle abbaye de Gertrudenberg, (6) Grimoald cimentoit 1'autorité des Maires, ék Eloy prêchoit 1'Evangile en Flandre, dans la Zélande ék dans la Frife. (7) Ce quifervit le plus h augmenter le crédit des Maires, fut Ia difpofltion des graces de la cour, des dignités, des places, des emplois que les Souve- (0 Fland. March. L. 11. Meyer Ann. Fland. (2) Mezer. Ahr. Chron. de 1'Hift. de France T. 1. (3) Ubbo Emm. rer. Frifiïe. L. III. (4) Diplom. Dagobert & Dipl. Belg. L. 11. (5) Dachelhe in vit. Sigeb. Reg. T. 1. (6) Mirei Faft. Belg. D;pl. Belg. L. 1. c. 12. (7) Idem. Faft. Belg. & Burgond. 7. n. 659.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. II. 295 rains leur abandonneren!:. Tour favorifoit 1'ambition des Maires. De jeunes Princes infoucians, étoient remplacés par des enfans. Sigebert mort a 1'dge de 21 ans, laifia pour lui fuccéder Dagobert agé de fept. (1) Deux ans après, Grimoald le lit tondre & 1'envoya fecrétement dans un monaftere fort éloigné.- II fit courir le bruit de fa mort, & en vertu d'un prétendu teftament de Sigebert, qui adoptoit Childebert, fils de Grimoald, il Ie fit monter fur le tröne. Les Auftrafiens révoltés, de cette perfidie, fe faifirent du pere & du fils ék les menerent a Clovis, qui les condamna a une prifon perpétuelle. Clovis II regna feul; mais il mourut quelques mois après. Dc trois Princes qu'il laifia, il n'y eut que Clotaire Painé qui fut proclamé. Les Auftrafiens qui vouloient avoir un Roi, élurent Chilperic: Clotaire étant mort, Ebrouin, Maire du palais de Neuftrie, éleva Thierry au tröne. Alors le Maire fe livra a fon orgueil ék a fon avidité. Les Seigneurs livrés au défefpoir enleverent le Prince ék fon Miniftre, confinerent l'un a St. Deins 6c 1'autre a Luxeuil. On donna a Ebrouin, Wulfiade pour fuccefieur, èk Childeric regna feul. Ce Prince fut aflafliné par Bodillon, qu'il avóit fait battre de verges, ék comme il s'étoit rendu odieux a Ia nation, fon palais fut pillé ; on maflacra la Reine qui étoit groflè ék un jeune prince. (2) Ces évenemens furent fuivis d'un interregne de quelques mois, pendant Iequel Ebrouin fortit de fa prifon, ék regna fous le nom d'un faux Clovis, qu'il prétendoit être fils de Clotaire, mais qu'il facrifia enfuit? dans un accommodement qu'il fit avec Luderic, Maire de Thierry, remis fur le tröne par les Neuftriens, il ravagea la Neuftrie ék la Bourgogne. Cet accommodement fut un moyen pour Ebrouin de faire aflafliner fon concurrent. (3) Cependant on fut que Dagobert n'étoit point mort: 1'Evêque d'York 1'ayant découvert dans un monaftere d'Irlande, le renvoya en France. Ses fujets Ie rétablirent fur le tröne (4) d'Auftrafie: il mourut fept ans après ék fut aflafliné par des émifïïiircs d'Ebrouin. Ce crime ne lui fervit de rien. Dagobert avoit remplacé Wulfrade par Pepin de Heriftal ék par Martin, neveu de Grimoald, qui du confentement de la nation prirent le titre de Princes ék Ducs d'Auftrafie. Pepin jouifibit du Pr mant, de la Lorraine ék de plufieurs autres terres dans les Pays-bas. (5) Ebrouin leur déclara la guerre ck les vainquit: Martin fe réfugia a Laon, ville qui alors étoit regardée comme imprenable. Ebrouin fit parler d'accommodement par deux Evêques: Martin eut la bonne foi de fe rendre au camp d'Ebrouin, qui le fit aflafliner. Enfin Hermanfroi , que ce monftre avoit dépouillé de tous fes biens , en délivra la France. (6) D'autres difenc qu'il fut tué dans une bataille que Pepin lui hvra;que Burchard Grand-foreftier ayant été pris dans cette bataille , la Flandre refta fans Gouverneur jufques h Lideric de Harlebet; (7) que v la Frife citérieure refta a Pepin èk que Radbod fut repouffé de 1'autre cöté i du Rhin. Ce fut alors que Pepin fit prêcher 1'Evangile chez les Frifons. On peut voir ce que nous avons dit des miflions de Willebrod èk de Boniface. (8) , Q\ Al■ Dll^efne rvit- S'eeb. Reg. T. r. f» Cont. Fred. L. 1. c. 93 & m, (3, Duchefoe■ m vit. Leodeg. c 12. (4) Ekard de reb. Frif. Oriënt. T. 1. (5) Kramz. Ann, Frif. L. III. c. 9. {6) Mez. Abr. Chr. de 1'Hift. de Fr. T. 1. (7) Cont. Cbr. Fredeg. c 47. Ann. Meteus. ad ann. 690. (ö) Supr. pag. 249. ' Hift. anc. de Hollande. Ebrouin. 656, Sa mort. epin nat*. e d; la rijt,  St ct. II. Hift. anc de' Hol. lande. Faitfapa avec Rad iod. Progrès i l'Evangili Donathi faites aux egtifes. Autorité t Pepin de Hérijlal. n%. Sa nroif, Charles Mm tel. &96 ' HISTOIRE DE HOLLANDE Nous avons parlé des efforts que fit Radbod pour arrêtcr les progrès du • Chrifiianifme. Pepin lui déclara la guerre & le vainquit. Les Francois fe rendirent maitres d'Utrecht. Radbod fugitif dans les marais qui font a Pcm_ bouchure du Rhin, eut le chagrin de voir les biens dont Pepin dépouilla Everard, Seigneur d'Elft dans la Betuwe, qu'il avoit engagé dans cette guerre, pafièr a Willebrod. Enfin on négocia le mariage de Theudelinde, . O) Ubbo Emm. rer. Frif. L. 1. (3) Ibid. Duchefne de Ivlaj. Domin. L. VI. T. 2. (4) Ann. Fuld. ad ann. 714. (5) Chr. de Fontanelle Ch. III. Ann. Fuld. ad ann. 71-5.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. II. o97 Charles qui n'avoit que 500 hommes, mais bien choifis, après sëtre bienafTuré de la fituation & de la négligence des Neuftriens, s'embufqua de nuit dans la forêt des Ardennes, tomba fur leur camp, tandis qu'il faifoit faire dans la forêt, un grand bruit de trompettes. Les Neuftriens, qui croyoient avoir fur les bras une armée formidable, prirent la fuite. Les détachemens que Charles avoit placés dans les défilés, en firent un maflacre horrible. (1) Cette viétoire attira les Auftrafiens fous les drapeaux de Charles. Rainfroy marcha contre lui & fut vaincu: Chilperic eut beaucoup de peine k fe fauver. L'infatigable Charles alla chercher Radbod, le vainquit, & uè voulut lui accorder la paix qu'a condition qu'il fe feroit baptifer. (2) Radbod avoit accepté la condition; il alloit recevoir le baptême, lorfque mettant un pied dans les fonts, il s'avifa de demander, fi fes ayeux ék fes prédéceflèurs étoient dans ce paradis qu'on lui promettoit? Wolfrand qui 1'avoit catéchifé, ne manqua pas de lui répondre que n'ayant pas été éclairés de la lumiere de la foi, ils n'avoient pas ce bonheur; Radbod fe retira en difant qu'il préféroit d'être un peu plus mal dans un lieu oü il retrouveroit fes parens ék fes amis, que de fe trouver dans un endroit oü il ne connoïtroit peribnne. (3) II mourut peu de tems après ék il laifia trois filles. Eyla, Painée, époufa Edelhard Duc des Saxons, ayeul du célebre Witikind. L'Auftrafie reconnut Charles pour fon chef; il fe rendit maitre de Cologne ék de Pleétrude, qu'il forca de lui abandonner fes petits-fils ék les tréfors de fon pe're. (4) Nous n'entrerons pas dans le détail des viétoires de Charles , qui ne font point de notre fujet. II foutenoit fes miflionnaires par les armes. Les idolatres fe révolterent; Charles les fubjugua, enleva leur jeuneffe ék en forma une cohorte. Maitre de la Frife, il attaqua les Allemans, s'empara du pays jufqu'au Danube, ramena fes troupes viétorieufes dans PAquitaine, foumit les Gafcons,ék défit les Sarrafins qu'ils avoient appellés a leur fecours. Poppon avoit fuccédé a Radbod; il afièmbla la ligue Saxonne, ék quoiqu'il cüt été baptifé, il exhorta les peuples a perfévérer dans la religion de leurs peres ék a former une confédération avec les peuples du Nord. A peine Charles fut-il informé de cette révolte, qu'il marcha contre les Frifons avec une armée aguerrie, foutenue d'une flotte nombreufe. II fixa le rendez-vous de fes vaiflèaux dans la Zuiderzée, entre les deux ifles de Frife. Charles mit l'armée des rebelles en déroute; lorfqu'ils voulurent gagner leurs marais, les troupes de la flotte leur en empêcherent 1'entrée. On en fit un maflacre général. Poppon fut tué, fon pays fut ravagé, les temples des idoles détruits, les bois tacrés brülés, ék Charles s'en retourna avec un butin immenfe. (5) La Frife fe reflentit longtems de cette perte. Adalgife fuccéda a Poppon, ék Radbod II h Adalgife; ils retinrent le titre de Rois; mais Charles exigea qu'ils fe reconnuflènt vaflaux des Rois d'Auftrafie. Charles - Martel, après la mort de Thierry de Chelles ne daigna plus mettre fur le tróne ces fimulacres de Rois, dont il n'avoit plus befoin. II prit le titre de Duc des Francois ék mourut comblé d'honneurs èk de gloi- (1) Ann. Metten!", ad ann. 716". f2) Ap. Math. Chr. Traject. Ann. veteris cevi. T. V. (3) Nic. Kolin Chr. (4) Hift. de'France de Mezerai. T. 1. (5) Ap. Duch. T. 11. Ann. Franc. Ann. Mett, ad ann. 73<5. Tome XLIH. Pp Hift. anc. de Iloilanue. Rat Radtod. Mort dt Radbod. Conquêtes ie Charles Martel. 732' Poppon Roi des Frifons eft tué. Ses fuccesfeurs.741.  Sect. II. Hifi. anc. de Hollande. Mort de ChitlssMartel. 752. Pepin 101 fils Roi de France. Les Frifons maffacrent des Cdtré' tiens, 763. Mart de Pepin. Charle. nugne. 298 HISTOIRE DE HOLLANDE re. (1) Quoiqu'il n'eut jamais pris lc titre de Roi, a fa mort i! partasea le tröne a fes trois enfans -; il donna 1'Aufiraïïe, Ia Souabe & la Thurino-e t Carloman ; la Neuftrie, la Bourgogne, la Septimanie & la Provenceli Pepin • . a Griffon, une-portion prife fi:r chacun dc ces .deux Royaumes: mais fes deux freres 1'enfermerent dans Chateau-neuf en Ardennes. Carloman érigea Ie fiege d'Utrecht en Archevêchc, & Winfrid a fa priere y placa Grégoire du fang Royal des Treviriens, qu'il avoit formé k la piété. (2) Les Frifons Orientaux tenoient encore a leurs idoles; ils s'uuirent aux Saxons & prirent les armos pour les défendre. Us avoient a leur tête Dideric. Carloman marcha contre eux & les vainquit; ils fe foulevercnt encore 1'année 'fuivante & Radbod fe joignit a eux; mais ils furent accabiés par les forces réunies de Carloman & de Pepin; ils demanderent la paix ék Dideric fe donna en ötagc. A la follicitation du Pape Zacharic , Carloman après cette viétoire, céda tous fes droits a Pepin ék fe retira parmi les moines du Mont-Caflin. (o,) Autorifé par le fouverain Pontife ék par les Evêques, Pepin rélégua Childcric dans un monaftere, ék de 1'avcu de la nation s'affit fur le tröne des Franeois. Boniface qui réunifibit alors 1'Archevêché de Mayence ék celui d'Utrecht, eut beaucoup de part a cette révolution. Après Pinauguration de Pepin , ce Prélat entreprit la converfion des Frifons: il avoit bati°des églifes au-dela de la Zuiderzée; il s'embarqua fur le Rhin, traverfa la Fiifc^convertit beaucoup de monde, pafla a Dockum, drefla des tentes pour ceux de fa fuite & fordfia fon camp: mais a peine eut-il commencé fes prédications, que les Frifons idolatres excités par Radbod II, forcerent le camp, mafla' crcrentlcs Chrétiens, pillerent les vafes• facrés, ék jetterent les livres faints dans les marais. Le Prélat périt dans ce maffacre, avec cinquante de fès diCciplcs. (4) Sa mort excita la vengeance des Chrétiens; POilcrgoo fut ravagé. Radbod alla fe cacher dans le Jutland: le corps de Boniface fut tranfporté a Utrecht, èk de-la -a Fuldc, dont 1'abbaye lui doit une grande partie de fes richeflès. (5) La Mifiion fut continuéc a Dockum, par les foins tb Grégoire , fucceflèur da Boniface: il envoya plufieurs miflionnaires dans la Frife. (6) Après avoir rendu au tröne de France, un luflre que tant de Rois avoient terni, Pepin mourut a Paris. II avoit afligné a Charles, la Neuflrie, la Provence ék la Bourgogne, èk a Carloman, 1'Auflrafie, la Baviere, PAllemagne ék lc Pays de Thuringe. Peu de Princes ont acquis autant de gloire que Charlemagne: il recula pendant fon regne, les bornes de la Monarchie Francoife , prefqu'auffi loin, que les Romains, par des conquêtes de plufieurs fiecles, avoient étendu celles de leur domination. La Religion lui doit une partie de fes triomphes dans Je Nord: heureux, s'il eut employé des moyens plus doux pour éclairer des peuples qui refufoient de croire ce qu'ils ne pouvoient comprendre! (7) Carloman fut enlevé par une mort prématurée: il CO Alln- Mettenfi ad ann. 741. (O Epift. Bonif. 97. Cod. Donat. piar. Mjrei. c. 10. Heda Hift. Epifc. Ultraj. (3) Anii. Fuld. ad ann. 745. Regïn. Chr. ad ann. 743. Ap. Mam. Epift. Chr. Monr. Calf. (4) Hift. gén. des Provinc. Unies. T. ir. L. 3. Villebr. in vita S Bonif. c. 10. Vit. Greg. Epif. Trajeft. c. 3 (5) J. F. Foppens Dipp. Nov. Coll. part. V. (6) Ann. Eginh Ann. Fuld. ad ann, 755. (7) Volt. Eflai fur les mceurs h l'efprit des nations. Ch. 15 & 17.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXÏII. Sect. II. 2po hifföit deux fils ■prcfqu'au berceau, (i) Les Saxons profiterent de cette chconfrance pour eflayer encore de brifer le joug que Pepin leur avoit itopofé. Sous le nom de Saxons on comprenoit alors les Germains Septentrionaux, divifes en Ooftphales, Ofterlingues, Agriens & Weftphales, en un mot, tous les peuples qui habitoient depuis POcéan jufques a la Bohème,& depuis la frontiere oriëntale de la Bohème jufques a la mer Baltique. Us étoient gouvernes par des Ducs indépendans les uns des autres, mais parmi lefquels on choifilloit un chef, qui avoit toute autorité tant qu'ils étoient fous W armes. (2) La Saxe s'unit avec cette partie de la Frife fur laquelle Radbod regnoit. lous ces peuples nommerent Ie célebre Witikind, Duc des Angnens, pour leur chef, pendant cette guerre. L'Oftergoo fut dévafté, les eghfes detruites & les Chrétiens maffacrés. Ludger, premier Evêque de Dockum, Hildegram & Gerdeber fe retirerent en Italië. Charles inftruit de cette revolte réfolut de foumettre cette nation belliqueufe, qui, fans un ennemi auffi redoutable,eut peut-être fait plus de progrès qu'aucune des autres hgues, sil faut du moins en juger par le tems & les travaux que Charlemagne, avec toutes fes forces, mit a vaincre les Saxons. Mais nous en avons parle ailleurs, (3) & nous nous contentons de remarquer que Charles, après avoir vaincu & fait rétablir les chiiteaux détruits,alla iixer fon féjour a Nimegue pour le refte du printems: attiré par la fituation de ce pays, il réfolut dy paffer tous les ans cette faifon. II y bat.it un trés beau palais fur le bord du Vahal. Dans le mois de Mars il convoqua une aflèmblée générale a Paderborn Les Saxons s'y rendirent par députés & y porterent les tributs: les chefs s'y trouverent tous, excepté Witikind, qui étoit allé en Dannemarck demander au Roi fon beau-frere des fecours contre les Francois. (4) lbin-Arabi Prince Sarrafin, yenu d'Efpagne, pour engager Charles de lui faire rendre ies Etats, parut dans cette aflèmblée, & lui en fit hommage d'avance fO Le Roi recut fa foi & partit de Nimegue avec une armée formidable:' tous les grands vaflaux de la Couronne Paccompagnerent; fept mille Frifons choihs y marcherent fous la conduite de Gondebaut, leur Roi. f6) La prife de Saragofle, la conquête de la Catalogne, la défaite & la foumiflion des Sarrafins furent le fruit de cette expédition: (7) mais au retour les Gafcons embnfqucs a Roncevaux dans les Pyrenées, tomberent fur Pavant-garde de Charles, la taillerenten pieces, tuerent un grand nombre d'Officiers & de Seignetms & pnncipalement Gondebaut, Roi de Frife, & firent un immenfe butin. (8) On prétend que le brave Roland périt dans cette bataille. Charles vengea leur mort & forca les Seigneurs du pays a lui livrer ces montagnards. La nouvelle qui fe répandit de la défaite de Charlemagne & le retour de Witikind, qui amenoit des fecours confidérables, ranimerent le courage des Saxons: ils traverferent le pays de Cologne & de Mayence Charles ,e tranfporta fur la Lippe; il y apprit que par Pennemife de Witikind, „ ,&Andel' Chr' ?d„an,n- P.u GÓ Ubbo Emm. rer. Frif. L. IV. (3) Voyez notre lom. ?o, p. 378. & (uiv. f4) Ann. Loif. ad ann. 777. Eckard in Winkind Ann Berun. ad ann. 777. (5) Abr. Chr. de Mezerai. T. n. g) JoanA Leyd. Lf IV » r£eya^; f;8.Poeu 88x0 ad ann- 778- (8) c- pp 2 - flifl. anc." de Hollande. Witikind, Chef des Saxons cjf des Frifons, 775' Succès di Charles. Echec de R.oncevaux, 782.  Sect. I Hift. an de Hollande. ViEtoiri WUikim Iteftdêfi Cruauté CharLmagne. Excufée, elk peut l'étre. Ccnjvrati, des peupl du Nord ionduits par Witi Aind. Mort de Radbod L dernier R des Frifon Défaite d Ft ifons. 735. 300 HISTOIRE DE HOLLANDE les Sorabes, peuple qui habitok entre 1'Elbe & la Sala, avoient fait allian- ce avec les Danois. 11 envoya des décachemens Auftrafiens pour mettre a feu èk a fang le pays des Sorabes. Witikind les rencontra comme ils venoient d'être joints par Théodoric, Prince du fang des anciens Rois de France, a la tête des troupes du Rhin & de la Meufe. (1) Théodoric ne vouloit rien donner au hafard; il étoit d'avis de rcconnoitre le camp ék les forces de Pennemi, avant d'en venir au combat. Les Généraux prirent fa prudence pour ,je timidité; ils paflèrent ie Wefer & ,fans avoir fait aucune difpofition, ils tom(. berent fur les retranchemens de Witikind, qui les attendit, les repoufla, ék les mit en déroute; il en maflacra un grand nombre ék le refte fuit dans le camp de Théodoric: les vainqueurs Pinveftirent. Charles marcha contre it. eux avec toute fon armée: les Saxons effrayés tournerent leurs armes contre Witikind même, qui trouva le moyen de s'échapper ék de fe retirer en Dannemarck. Les Saxons eurent recours aux pricres ék demanderent la paix: Charles exigea qu'ils lui livraffent leur Général; ék quand il eut appris qu'il it étoit parti, il fit maffacrer quatre mille cinq eens perfonnes. (q) Cette cruelle exéctition fe fit a Verden fur le Wefer. M. de Voltaire la regarde comme le crime d'un brigand. (3) Rien ne peut excufer Charles; il outra le droit de la guerre, en faifant égorger de fang froid un fi grand nombre de viétimes: ft mais il faut convenir que 1'opiniatreté des Saxons a ravager les terres des Francois, après tant dc défaites, malgré la foi fi fouvent jurée ék violée, après avoir éprouvé tant de fois la clémence du vainqueur, étoit bien propre a exciter la colere de Charles. D'ailleurs, il prévoyoit les maux dont la France auroit bientöt a gémir, par 1'introduétion des Normans que Palliance de Witikind facilitoit. Cependant ce maflacre indigna les nations du Nord; elles coururent a Ia vengeance: Witikind parut avec fes Danois; les Frifons rompirent toute '» alliance avec les Francois; perfuadés que Charles ne fe fervok de la Reli's gion, que comme d'un prétexte pour envahir les deux Germanies, ils détruifirent les églifes, en maltraiterent les miniftres & chaflèrent les miflionnaires. (4) Les Danois, a qui Radbod avoit peint les Francois comme un peuple ambitieux qui afpiroit a la monarchie univerfelle, ne refpiroient que la dévaftation: Radbod ne recucillit point le fruit de la haine qu'il avoit allumée, il fut enlevé par une mort précipitée. En lui finit Ia race des anciens Rois de Frife. Charles marcha contre les confédérés, les tailla en pieces & r, fit trancher Ia tête a un grand nombre de prifonniers. Les confédérés fe 'ji réunirent èk perdirent deux batailles fanglantes. Charles forma deux armées; ' 1'une, qu'il envoya en Weftphalie, étoit fous les ordres de Painé de fes fils; ,s il conduifit 1'autre dans la Thuringe. Les Weftphales furent battus par la première au paflage de la Lippe. (5) Les Ooftphales èk les Angriens furent mis en déroute fur les bords de PHafa. Charles èk fon fils refterent dans le pays èk le ravagerent jufqu'a 1'Eider. (6) Malgré tant de pertes èk de fang répandu, les confédérés reprirent les (O Eginh. Ann. ad ann. 782. (2) ïbid. Ann. Fukf. Laurisn. (3) Effai fur les mceurs & 1'efprit des nations. c. 15. (4) Eginh. Ann. Ann. Fuld. ad ann. 7Ï2, (5) Ann. Franc. & Ann. Eginh. ad ann. 784. (6) Ideai. ad euud. ann.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sec*. II. gor armes 1'année fuivante & les Frifons firent de nouveaux efforts; Charles le: vainquit encore. Enfin les Saxons fe mirent k la merci du vainqueur. I] écouta la clémence & prit le parti de la négociation. II rendoit juftice a la valeur & aux vertus de Witikind; il counoiflbit Pafcendant que ce Prince avoit fur les Danois, les Saxons èk les Frifons. II lui fit propofer la paix èk fon amitié: a cette condition il promit de faire grace aux vaincus; & comme il vouloit traiter perfonnellement avec lui, il lui envoya le premier des étages. Witikind vint le trouver au chateau d'Attigny; Charles alla au devant de lui, Paccabla de carefiès, convint de la paix, lui perfuada de fe faire baptifer, èk voulut être fon parrain. (i) II lui donna le Duché d'Angrie. Pour prévenir les révoltes, il établit un tribunal févere, une efpece d'inquifition & tranfporta dix mille families Saxonnes dans la Belgique , en France ék en Italië. Celles qui paflèrent en Flandre , furent d'un grand fecours a Lideric, pour ouvrir de larges routes a travers les bois ék les marais, pour biitir des forts, purger le pays de brigands ék repoufièr les Danois qui vinrent infulter Anvers ék Boulogne. Charles polit les mceurs des Saxons ék des Frifons ék les engagea peu a peu a embraffer le Chriftianifme. (2) Cette Religion pratiquée par Witikind ék les écoles introduites par Charlemagne, changerent infenfiblement le caraétere féroce de ces peuples; il cmployoit en même tems 1'adreffe, la force ék les carefiès. Mais en fait d'opinions la force eft le moyen le moins affuré. Charles avoit fournis les Wil fes, peuple Sclavon fans chef ék fans difcipline. (3) II alloit retourner en France, lorfqu'il apprit que les Frifons d'au-dela de 1'Embs, s'étoient foulevés ék avoient tué fes officiers; Charles vengea cet outrage par la dévaftation du pays renfermé entre 1'Embs ék le Wefer ék par Pexportation d'un grand nombre d'habitans. A cette époque il batit 1'églife de Paderborn ék y établit un Evêque. (4) Celui d'Utrecht étoit Alberic, fuccefieur de Grégoire. A Willihad avoit fuccédé Willerio, dans PEvêché de Brême. L'exemple ék la douceur de ces hommes pieux avoient plus fait fur les mceurs ék le caraétere des Saxons ék des Frifons , que les armes dc Charlemagne. (5) Tous les Frifons n'avoient pas été rebelles. Dans la guerre que Charles foutint contre les Huns, appelles dans 1'Auftiafie par Taflillon, gendre de Didier, ils étoient aux ordres du Comte Théodoric. (6) Les Saxons dans cette guerre fe révoltercnt encore ék fe joignirent aux Huns. Les Frifons étoient a la fuite de Charlemagnelorfque ce Prince marcha en Italië pour venger Léon III, des outrages qu'il avoit recus des Romains révoltés. Ceuxci ayant refufé de recevoir le Roi, les Frifons qu'il avoit dans fon armée, s'introduifirent dans la ville ék en firent ouvrir les portes. (7) Quelques auteurs nient que Charles foit entré de force dans Rome; mais il n'en eft pas moins vrai qu'il avoit des troupes Frifonnes dans fon armée. C'eft dans ce fi) Eginh. ad ann. 785. Ann. Met. Krantz. Ann. Frif. ,Rolvinck de fit. & mor. Weftph. L. 11. c. 7. (2) Meyer Ann. Fland. ad ann. 785. (3) Canif. Epift. Alc. XXX. (4) Ann. Laurish. Lambert. ad ann. 789. (5) Ubbo Emm. rer. Frif. L. IV. (6) Eginh. ad ann. 709. (7) Ann. Frif. ad ann. 709, Krantz. Ant. Frif. L. tii. PP 3 ! Hift. aiic. de Hollande. lis fe révoltent rjf/onl vaincus. Traité de paix tti'.te Charlemagne Witikitii. Les Saxnns £f ies Frifons emh'affent 1'Evangile.739. 1 ■  Sr.cr. II Hift. anc de Hollande. Charisma gne couro né Empe reur. 800. Lts Saxo Je révolten L'Empereur les e, patrie. 804. Etalliffement des Dixnus, tof. Premiert invafions des Normans. Luws ravages. 302 HISTOIRE DE HOLLANDE voyage que Charlemagne recut la Couronne de 1'Empire d'Occident, que le ■ Pape fic revivre en la faveur, (O Les Saxons excités par le Roi dc Dannemarck, profiterent de Pcloigne_ ment de Charles & fe révolterent encore. Ce Prince accourut avec toutes - fes troupes & dirigea fi bien leur marche, qu'il pouffa les rebelles, & les «- enveloppa entre 1'Elbe & 1'Eider. Us mirent bas les armes & fe rendirent a difcrénon. Charles voyant qu'il étoit impofiible d'accoutumer ce peuple au joug, cn tranfplanta la plus grande partie dans 1'Helvétie, & donna leurs m haoitations aux Sclavons Abodrites. II établit un confeil, ou une efpece u d mquifition, pour prévenir les troubles. Ainfi finit cette guerre des Saxons qui duroit depuis trente ans. (2) Charles traita déformais les Saxons & i<4 f. Fnions avec douceur. II exigeoit feulement qu'ils jurafient d'obéir aux Comtes & aux Evêques, qu'il avoit établis: ils s'oppoferent cependant a 1'étabhfiement des dixmes eccléfiafiiques. (3) Alcuin les excufa & prit même leur parti auprès de 1'Empereur;- mais 1'impót onéreux de la dixme n'en fut pas moms établi, & n'a jamais difparu depuis. Charlemagne commencoit a reflentir les infinm'tés de lage; il föftgèa au partage de les Etats. 11 donna la Frife & Ia Saxe a Cbarlel. L'Empereur fe tranfporta a Nimegue, fit publier ce partage & enjoignit aux peuples de reconnoKre Charles fon fils pour leur Souverain. (4) A peine Charles venoits J1 d'^cre nommé, que commencerent ces terribles invafions des Danois ou Normans. Godefroy, Roi de Dannemarck, fils de Germond & d'une fille de Radbod, fe mit a la tête des Saxons & des Frifons, qui, pendant les dernieres guerres, s'étoient réfugiés dans fes Etats; il prétendoit avoir des droits fur la Frife du chef de fa mere. (5) Les Normans parui-ent fur les cotes, defcendirent malgré 1'oppofition des Comtes, au'ils battirent, forcerentles Abodrites de fe rendre, pillerent Rerick, ville confidérable, éleverenturj1 grand rempart a 1'oppofite du pays des Saxons, du cöté feptentrionalde lEider, (6) & ne laifferent qu'une porte bien fortifiée. Ce jeune Prmce n arriva qu'après leur départ: il détruifit leurs forts, paffa leurs garnifons au fil de Pépée, éi démolit la murailie en plufieurs endroits. On s'entremit pour la paix entre Charlemagne & Godefroy; mais la négociation n ayant rien produit, Charles entra en campagne, battit les ennemis, entra dans Ie pays de Holfiein qu'il ravagca, y fit élever Ie fort d'Êflèsfeldt -y laifia une forte garnifon & revint en France. Godefroy trouvant trop d'obfhcles par terre, tourna fes vues du cöté de la mer; il arma deux eens voiles, defcendit fans difficulté dans la Frife, la ravagea, battit l'armée cpmbiaée du Duc Heric & des Comtes, qu'il forca de payer tnbut. li réduifit le peuple a la plus rudc fervitude, il ordonna que les maifons n'auroicnt qu'une porte ouverte au Nord, mais fi bafiè qu'on n y put ennxTou en fortir qu'a genoux. (7) Le receveur des impofitions forcoit les habitans, a jetter piece a pi.ece, leur redevance, dans un bou- CO Eginh Ann. ad ann. 8od, 801. Mon. S. Gall. c. 38. Anaft. Bibliotli. Vit. PonSf"5 L,?°" . CO Ann. Fnldenf. Laurish. Ann. Sax. (3) Alc. Epift VII. ap. M f™ < t'aPr --Drd\-J- CO Ann. Benin Regino ad ann. 80Ö fêl^ChnAKS^' C' I4> C6; Ami' Ce"iU Regill° 3d ami' öo;!' W Nicol-.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. II. 303 clier d'airain fufpendu a la porte du fort, ou il réfidoit, afin de juger par le fon fi la fonmie étoit complette. Les Frifons traités en efclaves implorerent PErnpereur. Godefroy fe vantoit qu'il iro.it 1'attaquer jufques dans Aixla-Chapelle. (1) II pénécra jufques \ Groningue, brüla 1'églife de St. Martin, ék fit paffer au fil de Pépée tous les Chrétiens; les Normans fe répandirent dans la Cherfonefe Cimbrique & la défolerent. L'Empereur avec toute fon armée, foutenue de deux flottes, Pune fur 1'Efcaut, 1'autre fur la Meufe, alla chercher Godefroy èk Ie forca de reculer; il n'eut pas la peine dc le combattreOl fut affifliné dans fon camp, les uns difent par fes gardes, ies autres par fon propre fils, dont il avoit répudié Ia mere depuis peu. (2) Les Normans contens de fauver leur butin, fe retirerent, èk Hemming, fuccefieur & neveu de Godefroy, fit fa paix avec les Francqis. Charlemagne, pour réparer les pertes Ck les maux que les Frifons avoient foufferts, les délivra de toute impofidon & de toute fervitude: il leur donna des troupes, avec lefquelles ils expulferent ce qui refioit de Danois dans ce pays, Ce Prince fit plus, il permit aux Frifons de fe gouverner eux-mêmes, Ck la Frife fut érigée en République fous la proteétion de 1'Empire. Charlemagne leur avoit donné des loix; ils créerent un Sénat,auquel ils en confierent le dépot. . Ces loix afiüroient a chacun la liberté ék la propriécé de les biens: eiles punifioient les voies de fait, la violence, ék tout ce qui peut porter atteintc a la füreté publique , iinm'geoient des peines capitales au parricide, au vol, al'incendie, a 1'incefte, régioient les dots, l'ordre des fuc? ceifions; mais cc qui tenoit encore de ia barbarie, c'eft que dans lc cas d'inlullüance de preuves tefiimonialcs, les prcuves par Peau bouillante, par le duel ék par lc feu étoient ordonnées. A 1 lemming, Roi de Dannemarck, fuccéderent Anul ék Sigefroy freres, petits-fils de Godefroy; ils fe livrerent bataille ék périrent tous les deux. Heriold ék Rainfroy, freres d'Anul, furent nommés par fon parti. Heriold fut chafië par les fils de Godefroy. II eut recours a Charles, qui lui donna des terres dans Ia Weft-Frife. (3) Charlemagne, au comble des honneurs ék de Ia gloire, étoit dévoré de chagrins domeftiques; Pepin , qui avoit comolocé de fe défaire de fes deux freres, fut renfermé au couvent de Pruyn èk Charles mourut, de forte qu'il ne lui refta que Louis. L'Empereur fentant ap. procher fa fin, couronna fon fils èk mourut peu de tems après, laifiant après lm la plus grande réputation ék la mieux méritée; grand homme dans tous les genres, a qui la France dut les premiers rayons de lumiere qui conimencerent a difiiper fa barbarie, (4) ék l'Europe un changement confidérable dans le gouvernement ék dans les mceurs. Louis le Pieux, furnommé le Débonnaire, s'attiraTinimitié du Clergé , pour avoir voulu i'affujerar a une vie ék a des mceurs plus régulieres. Les biens immenfes dont Charlemagne avoit enrichi 1'Eglife, rendirent fes miniilres impérieux ék vains. Les Frifons plus reconnoifiaus lui demcurerenc toujours attachés èk fidelcs, foit en mémoire des bienfaits qu'ils avoient re CO Eginh .vit. Car. Mag. cap. 14. Ubbo Emm. rer. ftfae. L. V. Van Loon Hift. anc. ^e\H°lh.' , CO Mou-S. Gall. de reb. Car. Mag. (3) Ann, Fuld. Regio, ad ann, 312. (4) Eginh. vu. Car. Mag. c. 10. Hijl. anc. de Hollande. Charlemagne les force a la retraite. T.i Frife érigée en République. Loix de Charlemagne. ' §13. Mort de Charlemagne. Louis is Dtbonlaire.  Sect. H. Hift. anc. de Hollande. Cttmesdes Normans »u Danois, S17. Lou's par- tvgl fes Etats a fes Jus. Les Fran- fois chafj'es du Dannemarck. Corfaires Danois. 823. t } 304 HISTOIRE DE HOLLANDE cus du pere, foit paree que le fils leur rendit le droit d'hériter, dont ils avoient été privés. (1) Heriold implora le fecours de Louis contre les fils de Godefroy. Ce Prince lui donna des terres a 1'embouchure de 1'Embs, pour qu'il put faifir plus aifément les occaiions de rentrer dans fes Etats.. Les Comtes des Abodrites eurent ordre de fe joindre k Heriold, de fe tenir en force fur les frontieres, fans néanmoins entrer fur les terres des Danois. Les Comtes pafferent 1'Elbe & 1'Eider; ils trouverent Parmée des fils dc Godefroy rangée en bataille, ck une flotte de deux eens voiles a la rade. Les Comtes fe bornerent h ravager le pays fous les yeux de Parmée. Heriold demanda de plus grands fecours; les Princes Danois folliciterent 1'amitié de Louis; mais 1'Empereur, dont 1'unique objet étoit d'entretenir les guerres iuteflines des Normans, n'accorda ni les uns ni 1'autre. (2) L'Empereur convoqua une aflèmblée générale k Aix - la - Chapelle. II fit deux grandes fautes dans cette aflèmblée: un réglement de difcipline pour le clergé, & 1'aflbciation de Lothaire fon fils a 1'Empire. Tout pieux & dévot qu'il étoit, le Clergé ne lui pardonna pas d'avoir défendu la Simonie, d'avoir réprimé le luxe des Evêques & la vie licencieufe des Eccléfiaftiques fcculiers & réguliers. II donna PAquitaine a Pepin & la Baviere a Louis, èk a l'un Ck a 1'autre le titre de Rois; mais il les fubordonna a Lothaire, ék au cas qu'ils euffent plufieurs enfans, il leur défendit de leur partager leurs Royaumes: il voulut que chacun ne put le déférer qu'a celui que fon pere, conjointement avec le peuple, éliroient. (3) Ces difpofitions mécontenterent Lothaire , qui ne vouloit partager 1'Empire avec perfonne. D'un autre cöté, Bernard, Roi d'Italie, fils naturel de Pepin ék oncle de Louis, qui croyoit avoir plus de droits a la fucceflion de Charlemagne, comme fils de 1'ainé de fes enfans, étoit excité a la révolte par les Evêques ék par tous les ordres de 1'Etat; mais cette confpiration fut bientöt découverte ék punie. (4) Les Danois laffés des maux de la guerre civile, appellerent Heriold au tröne. L'Empereur le fit efcorter d'une flotte ék du moine Anfchaire pour convertir le Dannemarck: Anfchaire effaroucha les idolatres; les fils de Godefroy fe mirent a leur tête. (5) Sclaonir, Duc des Abodrites, qui fupportoit impatiemment que Louis lui eut aflbeie Aftragon, fe joignit a eux, attaqua les Francois qu'Heriold avoit amenés, les battit, ék forca Heriold de fortir du Dannemarck. Sclaonir mit le fiege devant Eflèsfeldt: les Comtes accourwrent, mirent en fuite les Danois ék prirent Sclaonir. Aftragon, maitre dü pays voulut fe rendre indépendant, fe lia avec les Danois, èk ratifia pour lui le traité que Sclaonir avoit fait avec eux. L'Empereur indigné de tant d'ingratitude, le chafla du tröne ék rétablir Sclaonir, auquel il pardonna fa défecfion. Les corfaires infeftoient les cötes; Louis entreprit d'en nettoycr les mers èk de faire une guerre fanglante aux Danois: Heriold 1'inftruifit de leurs forces; 1'Empereur lui promit de le rétablir dans fes Etats èk Heriold s'engagea de (O ¥«• Lud- Pi' ine. Aut. Ann. Sax. Laurish. ad ann. 814. (2) Eginh. & Ann. ïertin ad ann. 815. (3) Baluz. T. 1. Chart. divif. Imp. (4) Ann. Benin, ad ann. 817. lo)d. Conft. Imp. T. i,- Ann. Laurish. Ann. Frifiug. L. 1. c. 33. Regino. (x> Alinlertin. ad ann. Sip.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. II. 3, de lui en faire hommage & de fe faire baptifer: en attendant il eut pour réfidence Wyck-te-Duurftede. Louis donna en même tems a Roruc & Hemming, freres de Heriold, des ficfs confidérables dans le Kennemerland Walcheren & pour retraite, en cas de defcente , le Rnftingcrland fur le We fer. La guerre fut déclarée dans Paffemblée de Nimegue. (1) Les exllé qui avoient eu part a la conjuration de Bernard & que Louis avoit rappellés ne tarderent pas de fe joindre aux Evêques, fecrétement ennemis de PEm pereur; ils chercherent a brouiller Ie pere avec les enfans. 11 venoit d'épou fer Judith, fille de Guelf de la maifon de Baviere : elle avoit d< 1'amitié pour le jeune Bernard; ils firent regarder ces liaifons comme crimi nelles. Louis avoit des remords du fupplice auquel il avoit condamné Bcr nard, Roi d'Italie; les Evêques les fomenterent & profitant de toutes cc circonilances, ils avilirent ce Prince. Frédéric, Evêque d'Utrecht, du fans. des anciens Rois de Frife, refpeftable par fes mceurs, mais dangereux pa' fon fanatifme, avoit détruit les reftes du Paganifme chez les peuples de 1; Zuiderzée, & avoit aboli 1'ufage des mariages des freres & des fceurs, qu regnoit dans la Zélande. Louis Pencourageoit h détruire entierement ce alliances incefitieufcs; Je Prélat outrant 1'amertume de fon zele, ofa lui din qu'il devoit fe réformer lui-même, avant de vouloir corriger les autres, & donner 1'cxemple en renvoyant Judith. (2) Cet Evêque fut le perfécu teur le plus acharné de cette Princeflè, qui finit par 1'immoler a fit vengeance. (3) Les préparatifs que Louis faifoit contre les Danois, intimiderent les Princes , qui offrirent de partager la Couronne avec Heriold; ils le recurent avec amitié; mais lorfqu'ils furent que cc Roi, Thora fa femme, Godefroy & Rodolphc fes fils, Hemming ék Roruc fes freres, ék toute leur fuite avoient regu le baptême ék qu'Anfchaire venoit pröcher 1'Evangile en Dannemarck, ils chafierent Heriold ék forcerent les Francois a repaflèr la mer. (4) Les Princes Danois rejetterent cet événement fur Heriold même, qu'ils accuferent de s'être attiré la haine du peuple. Louis, dont les troupes venoient d'être battues en Catalogne, confentit a faire la paix avec les Danois: Heriold renoncaau tröne de Dannemarck ék fe retira a Wyck-te-Duurfiede. La naiflance dc Charles le Chauve, fils de 1'Empereur ék de Judith; Pap* panage qu'il fallut faire a ce Prince aux dépens des Etats de fes freres; la révolte de Pepin ék de Louis contre leur pere; Panimofité du Clergé contre 1'Empereur, plongerent ce Prince ék 1'Empire dans une infinité de maux. Louis Je Débonnairc, prifonnier de fes enfans rebelles, confiné dans un couvent, dont les moines le traitoient indigncment, (5) efl enfin livré au tribunal des Evêques, qui ofent condamner leur Roi fur une accufation injufte: juges ék exécuteurs d'une fentence odieufe, ils le trainent au pied de Pautel, le dépouillent, le fouettent, le jettent dans une celluie dumonafte-' re de St. IVIcdard de Soiffons, couvert d'un fac de pénitent, fans domeftiques, fans aucune marqué de royauté, mort pour le refte du monde. (6) II (O Ann. Bertin. Ann. Fuld. ad ann. 326. (2) Beka Hift. Pontif. Vita Fred. Epifc. Treeft. (3) Lbbo Emm. rer. Frif. L. IV. lieg. ad ann. 838. (4) Ann. Bertin. ad ann. 827. (5) fheg. vit. Lud. Pii. c. 36. Nithard L. 1. Aimon. L. V. C. 12, (6) Agobard L. 11. Volt. Elfai fur 1'efprit & les mceurs des nations, ch. 23. Tome XLIII. Q q '5 fa Hijl. anc. Jj de Hol. lande. s i L''Evêque j d'Ui recht , out rage ' Louii. Enejl puni. Paix avec les Danois. Ouiragts faits i Louis par le clergé.  Sf.ct. II. Hifi. anc. de Hollande. Ravages des Norma nis dans la Frif fcf les is les du Rhin. Les Francais mafJacrés. La Betuwe recoit des Danois les noms de Hollande tf de Zélande. Les Paysbas Jont t'appanage de Lothaire. S39- 306" HISTOIRE DE HOLLANDE ne fortit de cette prifon que par la méfmtelligence de fes enfans. Judith fortit en même tems de eelui oü elle avoit été renfermée. Pendant ces troubles les Normans ravageoient la Frife: ils dévaflerent les deux rives du Rhin jufques a Utrecht, débarquerent leurs troupes, & fe rendirent par terre a Wy"ck-te-Duurftedc, emporterent cette place d'afiaut, la pillerent,y mirent le feu, maiïacrerent les habitans ék emmenerent en efclavage les enfans ék les femmes. (1) Louis fe plaignit aux Rois de Dannemarck; ils répondirent qu'ils n'étoient pas les maitres d'empécher leurs fujets de courir les mers, ék lui demanderent raifon de quelques Danois alBffinés auprès de Cologne. Louis fit punir les afiafiins. Les Normans n'en furent que plus audacieux. L'Empereur garnit les frontieres, fortina Hambourg, chargea PEvêque de veiller a la füreté des deux cötés de 1'Elbe, ék donna a Hemming un corps de troupes, le commandement de la flotte, & le gouvernement des cötes de la Germanie inférieure ék de la Flandre. (2) Les Danois reparurent ék furent vivement repoufles, avec une perte confidérable. Mais 1'année fuivante ils revinrent avec une flotte ék des forces fupérfures: ils ravagerent l'ifle de Walcheren. Le Comte Eggard ék Hemming marchcrent contre eux. Les Danois eurent Pavantage; les deux Généraux furent tués ék les Francois maffacrés ou mis en fuite. Ils traverferent PEfcaut ék faccagerent Anvers: ils brülcrcnt Witlam, fe tranfporterent par le Rhin a Wyck-te-Duurftede ék réduifirenc cette ville entierementen cendres, commirent toute forte de cruautés dans le Kennemerland; mais apprenant que 1'Empereur approchoit, ils remirent a la voile ék emporterent un riche butin. (3) Hemming & le Comte de Walcheren avoient été tués: leur mort afiligea fenfiblement PEmpcrcur. II fit des reproches violens aux autres Comtes de ne les avoir pas fecourus, leur öta leurs gouvernemens ék mit des Marquis a leur place. La Betuwe recut alors des Danois même les noms de Hollande ék dc Zélande: les Bataves avoient donné lc leur a la Betuwe, oü ils s'étoient réfugiés depuis longtems. (4) Les Normans qui n'ofoient rien temer par terre, a caufe des précautions que Louis avoit prifes, irifefterent les mers: une tempête violente difperfa leur flotte, fubmergea une partie de leurs vaiflèaux ék mit les autres hors de combat. Le Roi de Dannemarck fe piiant aux circonftanccs, envoya des Ambafladeurs a Louis, pour Paflurer qu'il avoit puni les pirates, ék lui demanda vengeance des Saxons & des Abodrites, qui ravageoient les frontieres de fes Etats. Cette demande artificieufe fut rejettée. Ce Prince ayant fait a la follicitation de Judith, un nouveau partage de fes Etats, entre ies enfans Lothaire & Charles; la plus grande partie des Pays-bas refta au premier; il eut lc Duché de Frife jufqu'a la Meufe , le Comté d'Ameland, le Comté des Bataves ék celui de Teiftertfant. Les Danois firent une defcente dans l'ifle de Walcheren, en pillerent quelques parties, ék leur Roi envoya certificr aLouis, qu'il n'avoit aucune parta cette dévaftation ék renouvella fa demande de punir les Saxons. Louis envoya fur les lieux pour s'aflurer cle Ja vérité: mais le pays a cette époque, fut fub- (1) Ann. Benin ad ann. 334. Ubbo Emm. rer. Frif. L. V, CO Idem- Ibid- C3) Ann. Fuld. ad ann. Ö37. Chr. S. Bert. Tart. III. c. 12. CO Aa». Benin, ad ann. 838.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. II. 30 mergé.- La mer furmonta les dunes & inonda prefque toute la Frife: 243.' mailbns furent abimées fous les eaux; le Rhin rctrograda èk pric un nouve'ai cours dans lc Leek ck PViïèl; la Zuiderzée ék POcéan s'unirent; les fable amoncelés fermerent prefqu'entiereineiu 1'embouchure qu'il avoit prés d< Cacwyck. (1) Ce fléau fut füivi bientót après de la mort de Louis le Débon nairc, un des plus grands ék des meilleurs Princes, s'il eut eu plus de fermeté Sa foibleflè lui attira tous les maux dont il fut accablé. Après fa mort Lo thaire ne mit plus de frein a fon ambicion; il fit propofer a Heriold d'atta quer les pays maritimes fournis a les freres èk lui promit des étabiifi'èmen dans la Frife. (2) Les enfans de Louis leDébonnairc réconciliés apres de fitnglantcs batailles Convinrent d'un nouveau partage. Lothaire eut le titre d'Empercur, PItalïc ck les pays entre le Rhin ék PEfcaut, depuis leurs fources jufques a la mer. Ce qui comprenoit la Zélande, une parde de la Hollande, Utrecht, une partie de la Gueldre èk du Brabant, le Cambréfis, le Hainaut èk deux portions de la Frife. La troifieme étoit dans le lot de Louis le Germanique; lc nom de Lotharingié ou Lorraine demeura a cette partié du Royaume de Lothaire, qui prend depuis les fources jufqu'aux embouchures de la Meufe èk dc PEfcaut. (3) Les trois Princes convinrent de réunir leurs forces contre les Normans. 11 y avoit peu de provinces maritimes que ces barbares n'euffent ravagées. La Guienne étoit dévaftée. Le Duc Totilus, deux fois vaincu par eux, parvint a les chaflèr de la Gafcogne. Ils revinrent après fa mort: Saintes , Angoulême , Limoges , Perigueux éprouverent leur fureur; ils avoient brülé la ville de Rouen , dévafté la Bretagne, étoient revenus a Rouen, avoient défolc la Normandie èk menacé Paris: ils parvinrent par la Seine dans les environs de cette ville, ils les ravagerent, mais nc purent jamais furprendre cette capitale. L'année fuivante, après avoir porté le fer èk Ie feu dans Ia Picardie èk la Flandre, ils revinrent dans la Frife, s'emparerent de la ville de Hambourg ék s'y feroient établis, fi 1'AUemagne n'eut réuni fes efforts pour les en chaflèr. Tout fuyoit devant eux, la terreur s'étoit emparée des peuples. Malgré les réfolutions des trois freres, les Normans pénétrerent jufques a Touloufe paria Garonne, revinrent fous les murs de Paris ék Charles s'en délivra a force d'argent. Ces Princes envoyerent des Ambafladeurs au Roi de Dannemarck,pour i'engager a mettre fin a ces défordres ékpour lui déclarer Ia guerre en cas de refus. (4) Mais tandis qu'on négocioit, une de leurs flottes dévafla 1'Aquitaine; une autre remonta le Rhin èk faccagea Wyck-teDuurftede. Les fils d'Heriold furent foupconnés d'avoir favorifé cette defcente , ék 1'Empereur fit trancher Ia tête a ce Prince ingrat ék perfide. (5) Roruc accufé d'avoir eu part au crime de fes neveux, n'évita le fupplice ' que par la fuite: il appella les Normands ék avec leur fecours fe rend'> maitre de Wyck-te-Duurftede, s'y fortifia, èk 1'Empereur ne pouvant 1'y forcer fut obligé de capituler. II confentit a lui laiffer cette.ville, avec des CO Chr. Tornac. Mart. ad ann. 839. Ann. Bert. ad eund. ann. C2) Ann. Benin, ad ann. 841. (3) Hift. Génér. des Prov. Unies. CO CaP. Reg. Franc. T. 11. CO Ann. Fuld. ad ann. 852. Qq 2 7 r Hifi. anc. l de Hól- . lande. • Inondation, 84c. Mort de . Louis le Dêbonnai" re. , 843. Nouveau partage. Dêvaftations des Normands. 245. Etablis dans la Hollande & la Gueldre.  Sect. II. Hift. anc. de Hollande. 852lis mctten\ la Frife d contribution. 855. ChaJJent k jfune Lo'tkaite des Fan-ha s. '857. La Flandrt érigée en comté, en faveur ile Mauduuin. Caufe de cette erectim. f 1) Ann. Benin. & Fuld. Chr. Fontenel. CO Ann. Bercin. ad ann. 852. C3) Ann. Fuldenles & Benin, ad ann. 852, 855- CO Meyef AM' Fia!ld« L< IL EPift' Marcel, t, 2. Flodoard L. III. 308 HISTOIRE DE HOLLANDE terres dans la Hollande & dans la Gueldre; & Roruc s'obligea de payer les droits domainiaux, & de garder 1'entrée de la Meufe. CO Ce triomphe de Roruc ne fit qu'exciter fes compatriotes. Chaque chef de corfaire efpéra la même faveur. L'un tombe fur la Frife, la ravage, gagne la Scine, pille Rouen & réduit Beauvais en cendres; mais comme il s'en retournoit, lui & les fiens furent maflacrés. L'autre porte le fer & le feu fur les bords de 1'Efcaut. Sidroc, corfaire redoute, parut dans la Frife avec une flotte de 250 voiles, que Godefroy, fils d'Heriold, avoit armée. Les Danois exigerent des Frifons, des contributions immenfes a titre de tribut annuel. Les Frifons trop afloiblis par leurs pertes pafëes, abandonnerent leurs cötes a leurs tyrans. Lothaire & Charles accoururent des deux cötés de 1'Efcaut; mais Charles fe retira fans combattrc, & 1'Empereur confentit a un traité, par Iequel il permit a la flotte de pafler 1'hiver dans une ifle, oü les Normans fe retraneherent, ék d'oü fis ne partirent qu'après favoir ravagée. C-) Roruc ck Godefroy quitterent la Frife, appellés cn Dannemarck par la révolte des fils de Gudurn contre Horuc , leur oncle. L'Empereur donna a Lothaire, le fecond de fes fils, les terres qu'ils avoient quiïtées. C3) L'Empereur quitta le tröne pour entrer dans un cloitre, oü il mourut peu de tems après. II partagea fes Etats a fes trois fils. Louis 1'ainé fut Empereur, & eut 1'Italie; Lothaire eut les deux Lorraines, & Charles la Bourgogne Transjurane. Roruc ék Godefroy de retour dans les Pays-bas, chafiérent le jeune Lothaire des pays qu'ils avoient abandonnés; mais rappellés en Dannemarck par la mort de Iloruc, ils munirent de bonnes garnifons les chateaux qu'ils laiflbient dans la Betuwe ék dans la Gueldre, pour n'êtrc pas expofés a les reconquérir, ék lorfqu'ils revinrent ils rentrerent clans la Frife, maitres du pays qui s'étend depuis 1'Eider jufques a la Baltique ék qu'ils avoient obligé Horuc II de leur céder. Vers ce tems, la Flandre fut érigée en Comté fur la tête de Baudouin grand-foreflier, Cj.) furnommé bras de fer a caufe de fa force ék de fa valeur. II avoit été frappé de I'efprit ék de la beauté de Judith, fille de Charles le Chauve, ék Judith n'avoit pas été infenfible a fon mérite; il la demanda au Roi, qui la lui refufa avec dédain. Charles 1'accorda quelque tems après aux vceux d'Etelwolph, Roi d'Angleterre, qui mourut bientöt après fon mariage. Le fils de ce Prince époula fa belle-mere ék ne furvécut pas longtems a fes nöces. Baudouin toujours amoureux de Judith ék nc pouvant point obtenir 1'aveu de Charles, fit confentir Judith a un enlevement. Charles fit excommunier le raviffeur ék marcha contre lui. Baudouin n'avoit que peu de troupes; il attendit Pennemi dans des défilés; a peine 1'avant - garde de Charles e'ut-elle paru, qu'elle fut attaquée de tous cötés ék repliée fur le corps d'armée , qui fut mis en déroute. Baudouin la pourfuivit ék 1'obligea de fe retirer: il étoit trop foible pour efpérer de fe foutenir. II prit le parti de recourir au Pape; il fit valoir les droits de la Princeffe qui, deux fois  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. II, 3o< Veuve, & maitrefle de difpoftr de fa main, avoit fuivi volontairement ui nuir.'el époux de fon choix; il prouva que Pexcommunication fondée fui une violen'ce prétendue, étoit injufte ék nulle; que leur mariage libre dt part & d'autre, contracté avec les formalités requifes, ne pouvoit point être diftbus, Le Pape touché de cesraifons, & jaloux du droit qu'il prétendoic avoir d'annullcr èk de confirmer le mariage des Souverains, leva Pexcommunication , déclara les Hens formés par les époux, indiflblubles & légitimes & s'entremit pour obtenir le confentement du Roi, qui fe laifia fléchir, fit célcbi\r le mariage pour la feconde fois ék cn fa préfence; créa Baudouin Cointe de Flandre, pour lui donner un titre qui le rapprochat de fa femme ék recula les bornes de cette province, depuis la Somme ék PEfcaut jufqu'a la mer. Cependant les Normans s'étoient emparés d'Utrecht, avoient prefque détruit cette ville; 1'églife de St. Martin étoit encore renverfée, les chanoincs maflacrés, Pévêque fugitif. Us dévaftoient tour-a-tour la France, les deux Germanies ék PJtalie. LesÉFrancois étoient trop foibles pour s'oppofer a leurs incurfions. „ Tout étant divifé, " dit Voltaire, „ tout étoit malheu„ reux ék foible." (i) Charles achetoit la paix de ces pirates, moyen infaillible dc les exciter a de nouveaux brigandages. Laffës dc défoler Ja France, depuis la Loire jufqu'aux Pyrcnées, ils mirent a feu ék a fang la Zélande. Chargés de butin ils retournerent dans leur pays ék revinrent bientöt après, défblant le plat pays ék forcant les marchands de fe réfugier a Wyck-te-Duurftede, ék quand ils y furent renfermés, les Normnns Palfiégerent, la prirent, pillerent tout ce qu'ils y trouverent ék maflacrerent les malheureux qui s'y étoient retirés. Lothaire ék les Saxons accoururent ék les bloqucrent dans une ifle du Rhin. Mais Roruc obtint de ce Prince que ces brigands fe retireroient avec leur butin: conduite ridicule, fi elle n'étoit pas fufpeéte. Charles, de fon cöté, tenoit rcflèrrés dans une ifle de la Loire, les Normans qui avoient dévafté la Bretagne ék PAhjou; il pouvoit en détruire jufques au dernier ék les laifia échapper: on le foupconna de s'être laiffé corrompre par Por des barbares,- mille fois plus barbare qu'eux. (2) Un autre Baudouin, fils de Robert de Heusden, qui s'étoit fignalé contre les Normans , avoit enlevé la plus jeune des filles d'Edmond Roi d'Angletetre; mais ils avoient fi bien pris leurs précautions qu'il n'avoit pu découvrir leur retraite, quelques perquilitions que le Roi eut fait faire; mais longtems après la Princeflè fut rencontrée dans un village de Hollande, filant avec un rouet. Elle avoit perdu fon époux ék en avoit plufieurs enfans: Edmond vivoit encore, il fut attendri fur le fort de fa fille ék de fes petitsIIIs: il demanda ék il obtint de 1'Empereur le titre de Comté pour la terre de Heusden, 1'aggrandit confidérablement ék y rérablit cette familie. L'Empereur voulut qu'elle portat dans fes armes une roue de gueules. (3) Après la mort de Lothaire , Charles vouloit envahir fa fucceflion , au mépris des droits de 1'Empereur Louis, frere des deux derniers Rois; il eut une entrevue, a Nimegue, avec Roruc: mais ces qucrelles furent pacifiées au (O Eflai fur les nioeurs & 1'efprit des nations. ch. 25. CO Ubbo Emm. rer. Frif. L. V. fjs) Aimoiu. L. V. c. 24. Ann. Bertin. & Fuld. ad ann, 870. Qq 3 1 Hifi. anc» • de Hollande. Les Normands cort* tinuint leurs rjvag?s. Foibles moyens que pyen i Ch irles le Chau. vs. U'.rccïil& l i Zélande ficcagês. S67- Heusden !rigé en Comté, s'étoient fortifics fur la cöte de Frife: la terreur enchamoit les Frifons & les Saxons; tout étoit conflcrné ou fugitif, lorfque PEvêque de Breme, (lambert, Prélat pieux ék brave, ranimant par fes exhortations la valeur enrourdie des Saxons, les conduifit a Pennemi étonné de leur audace: les Danois 1 animés par Porgueïl de tant de vicfoires; des Saxons combattant pour la 1 Patrie, la Religion ék la Liberté , fe battirent avec le plus grand aéharnement !Les Saxons furent vainqueurs, l'armée Danoife fut taülée en pieces, cc "qui 6 s'échappa périt dans les marais ou par le fer du Comce de Flandre Baudouin II. Un fait monter cette perte des Normans a plus de quarante mille. (4) 1 Les Normans continuoient leurs ravages en France. St. Omer, Terouanne, Arras, Totirnai, St. Riquier, St. Valery, le Hainaut, Ia Flandre èk'Je Boulonnois, étoient ruinés, Louis III ck Carloman gagnerent une bataille / contre eux: Louis le Germanique en délit huit a dix mille, dans le Hainaut a Louis ayant perdu fon fils, ne fongea plus a difputer 1'Empire a fes coufins• P il céda aux Seigneurs qui s'étoient diftingués contre les Normans la pro- f pnété des fiefs dont ils n'avoient que 1'ufufruit. II donna la Gueldre aux Seigneurs de Pont, avec le titre d'Avoués ou Proteéteurs. La Gueldre'fut ' enfuite érigée en Principauté èk le Comté de Zutphen lui fut'réuni fur Ia tête de Wichard. Les Pays-bas avoient été réunis a la Germanie par un traité dalhance, entre Louis le Germanique ék le Roi de France. O) Dudo Hift, Norm. L. II. Gtiil!. Gemm. Hift. Norm. L. II. c. 7,8. CO Idem Ibil C3> Meyer Ann. Fland. L. II. Ann. Benin, ad ann. 87* LVfabiil. dip!. L. VI e ?'! 1 L. I. c. 22. Ann. Mett. ad ami. 870. CO Ubbo Emm. rer. Frif. L. V%. Msyer ub'i fupav Hill. anc. de HollinJe. Défait lis t'rifons. S77. tyaite des hrmands ir les 2X0I1S, S'do. es Narands rémdusms la 'mee. Battus.  Sect. II. Hift. anc. de Hollande. lis fe 'retirent. Nouvelles incurfions. Leurs .ravages.832. Traité kontcux fait avec les Nortnnndï par "Empereur. 312 HISTOIRE DE HOLLANDE Chafles des Ardennes par Ie Roi de Lorraineèk par Baudouin II, les Normans s'étoient réfugiés au chateau de Thun. Le Rol les afliégea; fon fds naturel qu'il aimoic beaucoup, fut fait prifonnier <ék blelfé mortellement dans un alfaut. Louis pour le ravoir propofa aux Danois une capitulation avantageufe, pendant laquelle le prifonnier mourut. Les Normans cacherent cette mort, ék tandis qu'ils amufoient fon pere, ils gagnerent leurs vaiffeaux de nuit ék repartirent. (1) Le Roi ne trouva dans le fort abandonné que le corps de fon fils. Mais bientót rappellés par le Comte Bofon, les Normans entrerent par le Wahal, fe fortifierent dans le palais royal de Nimegue ék laiflèrent Berg-op-Zoom livré aux flammes. Louis, Roi de Lorraine, les afliégea dans ce pofte. Les Normans fe défendircnt avec tant de vigueur que tout ce que Louis put faire, fut de les obliger a capituler; ils promirent d'évacuer les terres de fa domination ék de rendre la ville; ils en fortirent avec leur butin; mais après avoir réduit en cendres, le palais magnifique que Charlemagne avoit fait batir. (2) Ils ne tarderent pas a revenir; Maftricht, Liege, Tongres, Bonn, Cologne, Zutphen, Aix-la-Chapelle, Juliers furent détruits. La mort de Louis arrivée a cette époque, les enivra d'une nouvelle fureur. Après avoir brulé Treves, ils allercnt a Metz. Lc Comte Venloo ék PEvêque raflèmblerent des troupes ék eflayerent de les arrêter, mais les Meflins furent repouffés ék 1'Evêque tué. Ils n'oferent cependant pas entreprendre le ftege de Metz. Louis, Roi de France, mourut: Carloman fon frere contfhua la guerre contre les Normans qui demanderent. la paix. On leur fit jurer qu'ils ne reviendroient plus dans le Royaume, ék de fon cöté 1'Empereur Charles réfolut de faire les derniers efforts pour délivrer 1'Empire de ces barbares. A la tête d'une armée redoutable, compofée de la plus grande partie de la milice Francoife, dc quantité de troupes d'Italie, des Frifons ék des Saxons, il devoit exterminer cette nation. On avoit fait les plus belles difpofitions pour furprendre les troupes répandues dans la campagne; les Normans furent avertis par les efpions qu'ils ehtretenoient a la cour de 1'Empereur; leur camp étoit a Haflou ou Elflo; l'armée 1'inveftit; mais Charles n'ofa jamais donner un aflaut général. Les forties des ennemis lui faifoient perdre beaucoup de monde; les chalcurs devenoient infupportables; la pefte fe fit refientir dans les deux camps. On paria de capitulation ék Charles eut la foibicfiè de rendre, par le-traité qu'il fit avec Godefroy ék Sigefroy,^ chefs des Normans, au premier"ce que fon pere & fon oncle avoient pofledé ék de lui donner Gifelle, fille de Lothaire II, avec la Frife pour dot; il accorda a 1'autre huit eens marcs d'argent ék la liberté de demeurer a Haflou. (3) Ce traité hontcux indigna Carloman, (4) il en témoigna fon reflèntiment a Charles, qui s'irrita de fes reproches: Sigefroy prit, fans doute, le parti de 1'Empereur; il defcendit par 1'embouchure de la Somme, mit la Picardie a feu ék a fang ék menaca Kheims. Carloman raflèmbla ce qu'il put de Francois, tomba fur CO Ann. Fuld. Bertin. Regin. Gert. Norraan. ad ann. 880. Meyer. Ann. Fland. L. II. («) Ann. Fuld. & Re?in. ad ann. 881. Cs) Gefta Norraan. & Regm. ad ann. 8!>2. Ubbo Emm. rer. Frif. L. V. (4) Paul Emil. de reb. Franc. L. Hl. Mirei. Ann. Belg. ad ann. 884. Sigeb. Gemblac & Otto Friflng. ad ann. 884.  OÜ DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Suer. II. 313 fur les Normans & les tailla en pieces. Malgré cette viétoire, voyant qu'il . ne pouvoit pas compter fur Pobciflance des Francois, il acheta la paix de <■ Sigefroy, moyennant douze mille talens qu'il promit de lui payer tous les 1: ans. (i) Carloman mourut peu de tems après, de la bleflure d'un fangiier. ' A peine fut-il mort, que Sigefroy viola fes traités, prétendant que Carloman avoit acheté la paix, & qu'il ne tenoit qu'a fon fuccefieur d'en jouir au mê- B me prix. (*) Ce fuccefieur étoit Charles le Gros, qui réunit fur fa tête 1'Al- ^ icmagne, ITtalie ck la France. Godefroy, qui cherchoit un prétexte de dé- ( clarer la guerre, en prit un aflèz fingulier; il prétcndoit que les Etats qu'on lui avoit donnés ne produifant que des grains, . 1'Empereur devoit lui céder Andernach èk Coblentz qui produifoient du vim II envoya a ce fujet une amballade a Charles, que cette propofition jetta dans 1'embarras. D'un cöté, le refus entrainoit la guerre; de 1'autre, accordér cette demande, c'étoit ouvrir PAllemagne a Godefroy. L'Ambafladeur de Godefroy étoit Gerlof, tige des Comtes de Hollande. Le Prince Danois avoit promis a Hugues, frere de Gifelle, de foutenir fes prétentions au tröne de Lorraine, qu'ils devoient partager: il avoit fait dc grands préparatifs de guerre, & tandis que Gifelle écartoit les foupcons loin de Charles par de continuelles marqués d'amitié, fon époux appelloit les Danois ék leur offroit des établiflemens dans le Kennemerland, d'oü ils É pourroient étendre plus loin leurs conquêtes. (2) Les Danois vinrent en 1 foule ék fe retrancherent fur PYfiel, dans le deflèin de s'emparer de Does- a bourg; mais leur projet fut renverfé par le Duc Henri. L'Empereur avoit pris du tems pour répondre a la demande de Godefroy. Dans Pintervalle il fit venir Henri, Duc de Saxe, qui commandoit dans le Brabant, ék a qui il expofa fes inquiétudes. Le Duc ne lui diflimula point la difficulté de fe débarraflèr des Normans, défcndus par leurs marais ék fe renouvellant fans ceflè; il ajouta que Godefroy, coupable de tant de perfidies, ne méritoit aucun ménagement, ék que fi 1'Empereur y confentoit, il trouveroit le moyen de Pen délivrer. (3) Charles le laifia le maitre. Henri choifit une troupe de Weflphaliens, qu'il fit paflèr fuccefiivement fur les frontieres de la Betuwe, déguifés en marchands. Lorfqu'ils furent rendus h leur deftination, il s'y rendit lui-même en qualité d'Ambafladeur, avec Guilibert, Evêque de Cologne, ék une efcorte trés nombreufe. A fon arrivée il fit demander a Godefroy une conférence a Schenck, fur la pointe qui fait la féparation du Rhin ék du Wahal; Guilibert écarta Gifelle, fous prétexte d'une conférence particuliere. Henri avoit confié fon deflèin a Everard, que le Prince Danois avoit dépouillé de fes terres ék qui n'afpiroit qu'a la vengeance. Godefroy paria de 1'Empereur avec peu de ménagement. Everard lui répondit d'un ton fier, qu'il falloit être foi - même exempt de CO ul3b° Emm. rer. Frif. L. V. (O La plus facheufe des extrêmités a laquelle unEtat puiiTe être réduit, efl d'être forcé a acheter la paix dc fes ennemis. II s'óte les moyens de leur réfifter & leur donne ceux de 1'accabler plus fiirement; il fe rend méprifable & ne fait que retarder fa perte. La paix acquife a prix d'argent, ne pouvant être que momentanée, un Etat ne doit recourir a cette reflource qu'autant qu'il a befoin de tems, pour faire des préparatifs. CO Regin. Ann. Fuld. ad ann. 884. (3) Hift. gén. des Prov. Unies. L. IV. T. II. Tome XLIII. Rr 'Jijl. anc. e Molmde. . 884. Us veultnt ;ndre la. 'karles Is iTIS. Tentativet es Nirlans fur 1 HoUan* e.  SfiCT. II. Hijl. anc. de Hollande. Godefroy l'un de leur chefs f eft tué par trahifon. lis jont exterminésdans la Frife. 81! 6. De nouvelles troupes délolent le Weftphalie. Une partie eft maffacrée. L'aiitre fe jointd Rolion , ou Raoul. lis f.ntent de jurprendre Paris. Charles tcheie leur retraite. 314 HISTOIRE DE HOLLANDE reproche, quand on s'avifoit d'en faire a quelqu'un. Godefroy lc traita d'infolent & le ménaca; Lverard d'un coup de fabre termina fa vie: auflitöt les marchands Wefiphaiiens fe joignent' aux troupes de la fuite de PAmbafiadeur & égorgent la garde de Godefroy. Les Frifons accourent, ils dé.testoient Godefroy; ce tyran leur avoit non - feulement délendu toute efpece d'armes, mais les avoit tous obligés a porter une corde au cou, comme des criminels toujours préts a être attachés au gibet. (k) Ces troupes raffemblées maflacrerent tous les Normans qu'ils rencontrerent. En trois jours la Frife en fut délivrée. Hugues fut arrêté ék renfermé dans le monallere de Pruyn. Everard fut fait Comte ék Gerloff rentra dans fes biens, qui lui avoient été ravis (2) dans le territoire d'Utrecht. L'aflaflinat de Godefroy ranima la rage des Normans ; les recrues qu'il faifoit venir, averties de cette fanglante exécution, fe jetterent dans la Weftphalie ék la mirent a feu ék a fang; ils taillerent en pieces les Saxons qui voulurent s'oppofer a leurs fureurs; mais les peuples du Teifierbant furprirent leur camp ék en tuerent la plus grande partie. (3) Ceux qui échapperent, s'étant joints a ce qui reiloit de l'armée dc Godefroy, entrerent dans la Seine, fous la conduite de Sigefroy, avec un fi grand nombre de barques ék de vaiffeaux, que la riviere en étoit couverte dans 1'efpace de deux lieues. (4) Ils allerent grofiir 1'Arméc de Rolion, qui ravageoit la Neuftrie, s'emparerent de Pontoife ék marcherent a Paris. Cette ville étoit alors renfermée dans une ifle formée par les bras de la Seine: on n'y entroit que par deux ponts défendus par deux forts redoutables: (5) ils y mirent le fiege. Eudes, frere de Robert le Fort, Comte de Paris, Goflèlin fon Evêque , 1'Abbé Ebbon, fon neveu, Harcheric frere de Tietberg Comte de Maux, Ragenaire, Aledrand, a qui la valeur qu'il avoit monirée dans la défenfe de Pontoife avoit obtenu la liberté de fe retirer avec fa garnifon, ék quantité de Noblefle s'étoient jettés dans la ville. Sigefroy ufa fans fuccès, pour la furprendre, de toute forte de rufes: il effaya la force ouverte ék ne réuflit pas mieux: il attaqua le grand Chatelet ék fut repoufie avec perte de 500 hommes: Paffaut avoit duré toute la journée; il recommenca Ie lendemain & les Normans furent encore repoufles. (6) Selon Mezerai^ le fiege dura trois ans, pendant lefquels il y eut différentes forties, ék les Normans firent des excurfions dans les provinces voifines. (7) Le Duc Henri de Saxe fut envoyé au fecours de Paris, forca Ie camp des Danois, ék fit entrer des troupes ék des munitions dans la place. II s'en rctourna fans avoir fait aucune perte; mais étant revenu quelque tems après, il tomba dans une foflè couverte de paille, fut aflbmmé par les Normans ék fon armée fe retira en Allemagne. L'Empereur vint lui-même au fecours de Paris, ék confidérant du haut de Montmartre la force des retranchemens du camp ennemi, il capitula, (o) leur accorda de 1'argent, a condition qu'ils quitteroient la France, après avoir paffé 1'hiver en Bourgogne, province qui fut livrée au pillage. Les Francois (1) Ubbo Emm. rer. Frif. L. V. Mog. Chron. Belg. ad ann. 884. O) Regio, ad arm. 885. Nic. Kolin Chr. (3) Gotfrid Viterb. Chr. part. 17. (4) Mezer. -Hift. de France T. i. (5) C'eft aujourd'hui'le grand & le petit ChrUelet. Voy. Saintfoix Elfais fur Paris, T. 1. p. 10. (6) Abbo Carmina. (7) Mezerai ubi fupra. (8) Ubbo Emm. rer. Frif L. V. Gefta Normami.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIÏÏ. Sect. II. 315 ck les Normans furent également indignés de cette capitulation : les- uns abandonnerent 1'Empereur, les autres aflaflinerent Sigefroy a fon arrivée dans la Frife. Après fa mort, les Frifons chaflèrent les Normans des bords de la Meufe èk profitant de la foibleflè de 1'Empereur, ils réfolurent de fe gouverner eux-mêmes & de former un corps de République. Le foible Charles, chaffé du tróne par Arnoul, batard de Carloman, réduit aux plus dures extrèmités, obligé de mendier de fon ennemi, les chofes les plus néceflaires a la vie, mourut étranglé par fes propres domeftiques. (1) Le Comte Eudes recut la couronne, comme un dépot qu'il fe propofoit de rendre a Charles , fils de Louis le Begue, jeune enfant de huit ans, ék fut couronne par Arnoul même. (2) Cependant les Frifons, dont la tyrannie de Sigefroy n'avoit point flétri le Courage, travailloicnt a la nouvelle forme qu'ils vouloient donner a leur gouvernement : ils établirent que Padminiftration de 1'Etat appartiendroit a 1'affemblée générale de la nation; ils reftreigm'rent les fonétions des juges a faire ob fer ver les loix de Charlemagne; ces juges, d'abord annuels, enfuite triennaux, devinrenta la fin eles charges héréditaires. Le pays fut divife par cahtons: chaque canton eut fes magiftrats particuliers, qui formoient les Etats Généraux, (*) dont 1'aflèmblée, qui fe tenoit tous les ans, fous un arbre, en pleine campagne, promulguoit, confirmoit, interprêtoit ou abrogeoit les loix, régloit les contributions, & jugeoit les affaires les plus importantes èk dont 1'appel ne pouvoit être porté que devant 1'Empereur. On accorda a chaque Seigneur une autorité abfolue ék dc fpotique fur fes vaffaux ék la fouveraineté dans fes domaines; ce qui occafionnoit des guerres entre les Seigneurs. Les plus foibles fuccomboient, ék 1'accroiffèment des richeflès fur la tête des plus puiffans corrompit peu-a-peu la conftitution. Alors les Comtes de Hollande s'emparerent de la Weft-Frife, ék ce Royaume eut pour bornes 1'Yflèl ék le Wefer. (3) La mer a depuis ce tems-la bien rapproché ces limites. Eudes ouOdon, Roi de France, attaqua les Normans qui ravageoient la Bourgogne, remporta fur eux une viétoire qui leur coüta dix-neuf mille hommes, ék ies chafla de la province. Ceux qui étoient dans les ifles de la Loire, furent défaits par Alain Duc de Bretagne. Les débris des armées vaincues furent joints par une flotte, qui venoit du Nord: ils entrerent dans la Meufe. Arnoul, Roi de Germanie, envoya contre eux fes Lieutenans. Ceux-ci, par trop de précipitation, fe firent battre entre Licge ék Aix-la-Chapelle. Arnoul fit un traité avec les Huns, établis en Pannonie; ils lui donnerent des fecours, avec lesquels il courut a la vengeance. Ses plus grandes forces confiftoient en cavalerie; elle parut étonnée a la vue des retranchemens des Danois: Arnoul Pengagea a mettre pied a terre, elle chargea avec 1'infanterie; le camp fut forcé ék les Normans prirent la fuite; leurs chefs furent tués, ék le plus grand nombre fut noyé CO Ann. Fuld. Ann. Met. Regin. Sigib. Otto Frifing, ad ann. 890. (2) Ann. Fuld. & Otto Frifing. ubi fupr. (*) II paroic que c'eft dans 1'ancienne conftitution des Frifons, que la Hollande a pris celle qui eft encore en vigueur. (3) Ann. Saxon. Regin. ad ann. 890. Rr 3 Hifi. anc. de Hollande. Les Normans asfajftnentSigefroy leur Chef, ci? font chafjés dt la Frife. 888. La Frife s'èrige en République. Le; Comtes de Hollande s,emparent de la PFefl. Frife Les Normans chaf fés de li Bourgogne, de la Bretagne,■ "892. rj? d'Allemagne. Noyés dans la Dille.  Sect. II. Hifi. anc. de Hollande. 895ZiventiMd, Roi •ie Lcrraine, Dêpofé. Périt dans un combat. Les Hum fnccedent aux Normans.Leurs victoires. Mort de Louis Roi de Germanie. Cenrad éh Roi ou Em rereur d' sUleiha- 316* II I S T O I R E D E HOLLANDE dans la Dille. Cette défaice coüta , dit-on , cent mille hommes aux Normans. (i) Les Pays-bas furent encore détachés de 1'Empire, par la nomination'de Zwentibold, batard d'Arnoul, au Royaume de Lorraine. Gerlof mourut vers ce tems, & Théodoric fon fils lui fuccéda au Comté d'Egmond. Walger fon frere eut le Teilterbant. La vie licencieufe de Zwentibold & les injuftices que fes maitreflès lui faifoient commettre, aigrirent les grands contre lui. Raginer, Duc de Hasbain ék du Hainaut, qu'il dépouilla & qu'il bannit fans raifon de fes Etats, engagea Odocar, un des plus puiffans Seigneurs de Hollande, a prendre les armes contre lui: a la tête des mécontens, ils s'emparerent du chateau, fitué a 1'embouchure de la iVIeufe, ex qui fembloit imprenable par les marais qui 1'environnoient. Zwentibold 1'invellit a fon tour; mais les pluies le forecrent de renoncer a fon entreprife. Raginer appclla Charles, qu'on appelloit le Simple: ce Prince s'empara de Nimegue. On fit la paix fous les armes, & Charles s'en retourna. Peu de tems après, les Lorrains indignés des mceurs crapuleufes de leur Roi, le dépoferent & fe foumirent a Louis Roi d'Allemagne. Zwentibold raflèmbla quelques troupes , livra bataille aux rebelles; il fut -vaincu & périt dans le combat, de la main d'un de ceux qu'il avoit opprimés. (2} A cette époque la Lorraine fut érigée en Duché. Les Normans chaffés d'Allemagne, furent remplacés par les Huns, qu'Arnoul avoit appellés a fon fecours, contre ces barbares: ils exercerent les mêmes brigandages. Louis marcha contre eux, èk fon armée fut taillée en pieces. Ils inonderent de fang, la Baviere, la Suabe ék la Franconie: ivres de carnage & chargés de butin, ils battirent Louis une feconde fois; ils porterent la défolation jufques en Lorraine & aux frontieres d'Italie; ce Prince fe vit obligé d'acheter une trêve ék de fe foumettre au tribut. (3) lis violerent le traité, défirent Parmée du Roi pour la troifieme fois ék cc Prince mourut du chagrin que lui caufcrent les malheurs de fes fujets, Prince vaillant ék digne d'une meilleure dcfiinée. Lc fang de Charlemagne venoit dc tarir cn Allemagne, par la mort de Louis. L'Allemagne étoit alors compofée de cinq Provinces ou Cercles, & chacune avoit fon Duc fous 1'autorité du Roi. (4) Arnoul étoit Duc de Baviere, Burchard de Suabe, GÜfebert de la Lorraine, Conrad de la Franconie , Othon de la Thuringe ék de la Saxe. Ils s'afiemblercnt pour donner un fuccelfeur a Louis; ils défererent le tröne a Othon, mais il le refufa a caufe de fon age. Son défintéreflement les engagea de le laifier maitre de Pélec■tion; il propofa Conrad, qui fut accepté. (5) Charles le Simple, qui avoit été exclu , voulut du moins avoir la Bafiè Lorraine. II fe porta fur le Rhin, s'empara de Nimegue ék d'Aix-la-Chapelle ék s'avanca jufques a Bonn. II y recut 1'hommage de Théodoric Comte d'Egmond, de Gerlac Souverain deda'Gueldre, d'Arnoul Comte de Flandre, d'Adolphe Comte de Boulogne, des Comtes de Metz, Toul, Verdun, Namur ék Luxembourg.. Conrad (1) Ann. Fuld. Ann. Met. Ann. Saxon. Regin. ad ann. Hoi. (2) Witikind Ann. Ann. Met. ad ann. 890. (3) Otto Frifing. L. IV. c. 15. Luitpr. L. 11. c. 2. Reg. ad amt. sjoi. (4) Struv. Sint. Jur. Publ. c. 19. (5) Witikind Ann. L. 1.  OU DES PROVINCES UNIES, Lm XXXIII. Sect. II. 317 eftaya de chaflèr les Francois, mais il fe vit forcé de céder la Bafle Lorraine a Charles. (1) Henri Duc de Saxe, parvenu au tröne d'Allemagne par la générofité de Conrad, fon rival, voulut 1'enlever a Charles. Haganon, miniftre du Roi ék fon favori, fe fervit de la rivalité de quelques Seigneurs envers Henri, pour les engager a favovifer fon maitre, ék a porter ces deux Princes a un accommodement: on ménagea une entrevue ék la Baflè Lorraine refta aux Francois. Charles, vainqueur de Robert, fe vit bientöt abandonné des flens. Alors il implora le fecours de Henri, ék des Seigneurs des Pays-bas. C'eft a cette époque qu'on rapporte la confirmation que Charles fit a Théodoric, des terres qu'il avoit hétïtées de Gerlof, cn y joignani les biens domaniaux qui formerent le Comté de Hollande. Cette Souveraineté fut renduè héréditaire fur la tête de Théodoric; car^elle étoit dans te familie depuis 861, que Charles le Chauvc avoit nommé Thierry Comte dt Hollande. (2) Les partages de la fucceffiön de Charlemagne entre les Princes de fa race, la foiblcffe de fes fuccefièurs, les gouvernemens des provinces rendus héré ditaires ék devenus enfuite des propriétés confirmées par ie Souverain même furent les fources ék 1'origine de cette foule de petits Etats, ou Souveraine tés. II feroit diflicile de démêler dans ce defordre oü les ravages des peu pies du Nord jetterent les diverfes parties de 1'Empire de Charlemagne, comment fe forma la fouveraineté de chacun des pays dont nous écrivon Phiftoire: tout ce qu'on peut aflurer, eft qu'il y avoit plufieurs Seigneurs cx Hollande, ék que la plupart des Seigneuries furent réunies fur la tête d'ui feul. Lc défaut de monumens a produit une grande diverfité d'opinions ^at fujet de cette union. Les uns prétendent que Charles le Chauve ne fit qu'ut feul Etat dc différens Comtés de Hollande; (3) les autres attribuent cettf réunion a Charles lc Simple; d'autres croient que lors de 1'invafion des Pays bas par les Normans oü Danois, chacun des petits gouverneurs étant tror. foible pour leur réfiitcr, la füreté commune exigea qu'ils fe réuniflent tou< fous le commandement d'un feul. Mais dans quel tems formerent - ils cette confédération? C'eft cc qu'il cit bien diflicile de découvrir: ce n'étoit aflürement pas du tems de Godefroy, puifqu'il eut pour Ambaffadeur auprès de Charles le Gras ou le Gros, lc Comte Gerlof même. On ajoute que la Noblefle périffant dans la guerre contre les barbares, le chef de ces différens Seigneurs accroiflbit fa Seigneurie ou Comté, de celles qui vaquoient, & qu'eniin lorfqu'il eut réuni plufieurs dc ces Comtés au fien, il fe trouva a k tête d'un afièz grand nombre de fujets pour pouvoir fecouer le joug du Souverain même, ék que c'eft ainfi que Théodoric fit confirmer fon indépendan ce par Charles le Simple. La familie de Théodoric a été aufli un fujet de conteftation. (4) Selor les uns il étoit fils de Sigebert Duc d'Aquitaine, ék de Gefne fille de Pepin, Roi d'Italie: les autres lui dortnent pour ayeul, Théodoric qui conquit h Frife au tems de Charlemagne; ék la troifieme opiuion, trui paroit la miem (1) Chr. S Gall. ad ami. 912, 913. Luitprand L. 1. c.'7. Aun. Sax. ad ann. 916 (2) Mez. Hift. de France ^Charles le Chauve. (3) Ann. Egmond ad ann. 863. Meyer Aiie Fland. (4) M-yer ibid. Hift. gén. des Provinces Unies T. 3. L. V. . Rr 3 Hift. anc, de" Hollande. Cede le tróne h Henti Duc de Saxe. 921. Comté de Hollande rendu héréditaire, l l i Variété d'o' l pinions fur , le Comté de \ Hollande.  Sect. II. Hijl. anc. de Hollande. 318 HISTOIRE DE HOLLANDE fondée, donne a Gerlof, AmbafTadeur de Godefroy, trois fils, Walgort, Rad bod & Théodoric; que de ce dernier naquit Gerlof, qui fut tué par le Normans ; que ce lecond Gerlof eut encore trois fils, qui porterent aufli . les noms de Walgort, Radbod & Théodoric, a qui fut coniirmée la fouveraineté de Hollande, compofée non feulement d'Egmond ék des autres pofleffions héréditaires de Théodoric, mais des terres qu'y ajouta Charles le Simple. Sr.CT. III. Hift. de Hollande. P23-1434 Théodoiuc I: Premier Comti üeh'ollands i>2.3. Théodoric fe fignale contre les Huns. Et dans les Toutnois. S E C T I O N III. Hifloire des Provinces Unies, depuis Théodoric jufques a la mort de Jacqueline & a fufurpation de Philippe ƒ, qui fait paffer le Comté dans la Maifon de Bourgogne. H aganon, miniftre ék favori de 1'infortuné Charles le Simple, follicita les Seigneurs" des Pays-bas, de venir au fecours de fon maitre, contre fes | propres fujets qui avoient élu Robert a fa place ék enfuite Raoul. La.prin' cipale caufe de la défeétion des grands étoit la crainte oü ils étoient que Ie Roi, qui venoit de conquérir la Lorraine, ne devint trop puiffant ék ne leur rctirat les terres ék les gouvernemens qu'ils vouloient rendre héréditaires dans leurs families. Par 1'ofire que Charles fit faire a Henri 1'Oifeleur, Roi de Germanie, de lui céder fa conquête, s'il vouloit le fecourir contre les rebelles, il eft aifé de jugcr qu'il ne refufa rien aux Seigneurs qu'il efpéra dattirer dans fon parti, ék qu'ils profiterent des circonftances. ( ) L'aétc, par Iequel il confirma a Théodoric la propriété des terres, dont il avoit hérité, y ajoutant les fiefs du domaine royal, le droit de percevoir les dixmes ék les amendes, a la charge de rapporter les autres impofitions au fifc, eft du 10 Mai 922, un mois feulement avant la bataille qu'il livra a Robert. On ne fait pas au jufte 1'étendue de ces pofieflions, la plupart des lieux défignés comme lignes de démarcation, n'cxiftant plus ou ayant changé de nom. (2) II refte peu de monumens de la vie de Théodoric, Dideric ou Thieary, car ces trois noms n'en font qu'un; mais on doit préfumer que ce Prince ambitieux ék politique mit a profit les troubles de la France, pour affermir ék pour étendre fa nouvelle fouveraineté. II fe fignala contre les Huns, qui avoient paflê le Rhin fur le pont de Worms, pillé la Frife ék s'étoient fortifiés dans la Veluwe. Henri 1'Oifeleur réfolu de les chaflèr dc fes Etats, invita les Seigneurs ék les Princes de l'Europe a feconder fes efforts; Théodoric accourut avec 1'élite de fes troupes ék partagea le triomphe de 1'Empereur. Le peu de fuite qu'on avoit donné aux guerres des Normans avoit appris a Henri, que la viétoire eft funefte aux Princes qui ne favent pas en profiter. II retint fes troupes fous les armes ék de crainte qu'elles ne s'amoliflènt dans le repos, il donna, fous le nom de Tournois, (*) des combats fimulés, ef- (1) Voyez Daniël & Mezerai Hift. de France ann. 921, 922, & notre Tom. XXX p. 283. • & fuiv. (2) Hift. gén. des Prov. Unies, T. III, L. 5. (*) Plufieurs hiftoriens rapportent 2i Henri 1'Oifeleur, 1'invention des Tournois; mais ces combats pacifiques étoient déja connus du tems de Charles le Chauve: dans 1'entre-  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. III. pece d'exercices ou de jeux, fournis a une difcipline févere, dans lefquels i propofa des prix aux talen.. & aux vertus militaires, Théodoric y fit admirer foi adreife & fa force. Ces jeux commeneoient d'être fort en vogue: Gerard Duc de Franconie donna un célebre Tournoi, & Théodoric y remporta encore lc prix. On ignore la date précifè de fa mort; il regna quarante ans: affoibli par les ans ék par de longs travaux, il remit a fon fils les rênes du gouvernement. Théodoric II, dont les Etats étoient bornés, voulut les étendre fur les terres des Frifons, qui refuferent de le reconnoitre: il leur déclara la guerre (i) ék les vainquit. Ils feignirent dc fe foumettre; mais bientöt ayant rafiembléleurs forces, ils entrerent fur les terres de Théodoric, ék apres avoir livré Alkmaar aux flammes, faccagé Egmond, brülé Pabbaye ék pillé le Kennemerland, ils afiiégerent Leyde. Théodoric joignit fes troupes aux Zélandois, que le Comte de Borfelen lui avoit amenées, ék remporta une viétoire complette fur les Frifons; les fuyards-furent maflacrés par les payfans: toute l'armée périt: les Frifons eurent recours a la clémence-du vainqueur, qui leur accorda la vie ék la paix; il érigea une chapelle fur le champ de bataille près de Rhinsberg, rebadt Pabbaye d'Egmond, oü il mit des Bénédiélins a ia place des religieufes, qu'il transféra a Bambroeck. (2) Sous le regne de ce Prince, la ville ék 1'églife d'Utrecht firent des acquifitiems confidérables, par le moyen de Balderic leur Evêque, qui, ayant été précepteur d'Othon I, en obtint des troupes, avec- lesquelles il afliégea la ville, qui étoit encore au pouvoir des Normans. La ville fut prife ék le pays délivré de fes tyrans. (3) Balderic, qui étoit de la maifon de Cleves, ne borna pas fon zele a leur expulfion; il entreprit de rebarir la cathédrale , de faire renouveller fes privileges, ék il trouva dans la libéralité d'Othon des reflburces pour 1'exécution de fes projets: ék le Clergé ék la Commune en recurent des terres immenfes, le droit de pêche a 1'embouchure du Rhin, celui de dixme dans la Weft-Frife ék le Kennemerland, les droits de battre monnoie, de péage ék de chafiè dans la Drenthe. (4) Louis IV, fils de Charles le Simple, regnoit en France: Henri, frere de 1'Empereur, lui difputa le tröne de Germanie, ék Gifelbert Duc de Lorraine, beau-frere de Pun ék de 1'autre, fe déclara pour Henri. Othon les vainquit ék chafla Gifelbert de fes Etats. Celui-ci vint en faire hommage a Louis ék feréfugia dans fa cour avec Henri. (5) Louis, a la tête de Parmée Francoife, entra dans la Lorraine, ék avec les fecours que Théodoric lui amena des Pays-bas, il s'en rendit maitre: mais les grands qui craignirent fon pouvoir , fe liguerent avec Othon qui recouquit cette province. Gifelbert dans Ia déroute des Francois, fe noya dans lc Rhin & 1'Empereur maitre des deux Lorraines, les donna a fon frere ék s'en réferva la fuzeraineté. Les deux Monarques firent la paix ék Théodoric fut compris dans le traité. Hil- vue de ce Prince & de Louis Roi d'Allemagne, fon frere, qui fe fit a Strasbourg, il v eut un fuperbe Tournoi. Voyez Nithard. CO Frodoard Cbron. ad ann. 923. Goldaft Confiit. Imper. T. I. CO Ann Egirrend Joann. a Leid. L. VIL c. 23. Math. Ann. vet. cevi. C3) Heda in Balderic. Toami. t Leid'. L. VI. (4J Diplom. Zwentibold. Dipl. Ottonis. Heda ubi fupr. (5) Witikind L. n. Regimer ad ann. 939. Luitprand. L. IV. ) I Hift. de 1 Hollande. 923- 1434- // reinst ie gouvernement a Jon fils. Théodoric II: DjuKieme Contie. Les Frifons ravagent fes Etats. Théodoric lesfirce a demander la paix. 934. Dons faits d 1'églife d' Utrecht. Théodoric allié des Francois. Compris danNe traité de paix.  Sect. IH. Hifi. de Hollande. Sage conduite de Théodoric invers Jon fils. Atïnoud: Troifieme Comte. 993- "Révolte de: Frifons. 11 entre dans la Wefi-Frije. Eft tui dans ie coinkat. 1005. Thkodo ric UI: Qjiatrisme Comte. Les Frifon Je révolten encore. Son frere ej aUitr téte. Jl lercck me. 320 HISTOIRE DE HOLLANDE degarde fa femme lui avoit porté en dot le comté d'Aloft, le pays de Waes & le chateau de Gand, & 1'Empereur lui accorda la propriété des terres qu'il tenoit comme fiets de 1'Ëmpire, dans la Zélande & la Welt - Frife. (1) Théodoric avoit trois fils: 1'ainé étcit Archevêque de Treves; le fecond avoit embrafle 1'état eccléfiafiique, ék leur pere voyoit avec chagrin que le troifieme fe difpofoit a embraflèr le même parti. II ne violenta point fa vocation, il le louoit du mépris qu'il faifoit du monde ék des grandeurs; mais il parvint a lui perfuader qu'il y avoit quelque chofe de plus grand aux yeux dc Dieu; le facrifice de fa répugnance même pour ces grandeurs, au bonheur des peuples. (2) Arnoud confentit a fe maner; il époufa Luitgarde, fille de Sigefrid , premier Comte de Luxembourg. Théodoric II mourut peu de jours après. La Hollande vit avec la plus grande fatisfaétion, les rênes du gouvernement pafier entre les mains du vertueux Arnoud ; mais Volkmar, Evêque d'Utrecht, engagea les Weit -Frifons a ne pas le reconnoitre: a ceux-ci fe joignirent bientót les Frifons jaloux de 1'autorité que les Comtes de Hollande avoient acquife. Arnoud difputoit a Magdebourg le prix d'un Tournoi, lorfqu'il apprit la révolte de ces peuples: (3) il accourut, ék après avoir inutilement employé les repréfentations ék les prieres, il fe vit forcé malgré lui de recourir aux armes. 11 entra dans la Weit-Frife a la tête d'une armee nombreufe; il établit fon camp a Winkelmade, petite ville, oü Winkel fut bad depuis. Le pays étoit diflicile ék coupé de marais: fon armée cut beaucoup a fouffrir de la mauvaife qualité des eaux. Le ciel, dit-on, accorda a fes prieres, la découverte d'une fource d'eau douce. (4) Mais ni fa piété, ni fon courage ne purent empêcher que l'armée enncmie ne le forejit dans fes retranchemens, que la plupart de fes troupes ne fuifent maflacrées èk qu'il ne fut tué: Prince vraiment digne des regrets d'un peuple qu'il rendoit heureux. 11 laifia trois enfans, Théodoric, Adalbert, dont la poftérité n'a fini qu'en 1679, & Sicco ou Siward, tige des Comtes de Brederode ék de 'Peilingen. (5) Lage de Théodoric qui n'avoit que douze ans, lorfqu'il fuccéda & fon pere, excita les Frifons a fe révolter encore; Luitgarde, belle-fceur de 1'Empercur, avec les fecours qu'elle en obtint, forca les Frifons a demander la paix èk a reconnoitre fon pupille. (6) Mais la Régente mourut èk les Fri- r fons reprirent les armes. lis avoient a leur tête Siward, qui s'étoit joint a eux par ' la crainte du reflèntiment du Comte, fon frere, a caufe de fon mariage avec Tetta, qui joignoit aux charmes de la beauté, Pefprit le plus féduifant, mais ; d'une naiflance obfeure ; elle étoit fille d'un marchaud Weit - Frifon trés riche. L'intrépide Théodoric menaca les Frifons de mettre leur pays a feu èk a fang, s'ils ne lui renvoyoient point fon frere. Tant d'audace intimida - les rebelles, ils engagerent Siward a demander grace pour eux èk pour luimême. Théodoric accorda tout, fe réconcilia avec fon frere, lui donna le gou- vcr- (1) Nicol. Kolyn. Chron. (2) ValTen. Hift. IIoll. part. 1. L. ir. (3) Aquil. Saxon. Joann. Fa st. (4) Eeka Hift. Pontif. Traject. (5) Junii Bat. c. 19. Joann. a Leyd.' de orig. & reb, gelhs Domin. de Brederode. (6") Nicol. Kolyn. Chron. Hitman Chron. Lib. VI.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIIL Sect. III. Sai vernement. du Kennemerland & fit la paix: il pardonna la mort d'Arnoud fon pere, aux Frifons, qui le reconnurent pour Souverain de la Hollande, s'o- 1 bligerent au tribut annuel du dixieme de leurs revenus & a lui fournir un eer- i tam nombre de troupes, lorfqu'il en auroit befoin. (i). La paix fit fleurir le commerce ék les arts: les Normans attirés par Pef- j poir du butin, pénétrerent par la Meufe jufques a Thiel, faccagerent la ville, 1 brülerent 1'églife & fe préparoient a de nouveaux ravages, lorfque Godefroy Avoué de Gueldres, fecondé des Comtes de Cleves & de Teifierbant les mit en fuite: ils parurent fur le Leek, 1'année fuivante, avec une flotte èk « des troupes plus nombreufes. Les Hollandois les recurent avec une audace " qui eut forcé Pennemi a la retraite, fi leur flotte eut refté fur la défenfive ; mais il profita du defordre oü leur courage & leur précipitation les jetterent. Les Normans paflèrent k travers la flotte ék pénétrerent jufques a Utrecht, dans le deffein de furprendre Ansfrid qui rempliflbit alors ce fiege. Ansfrid, du fang de Charlemagne, avoit quitté fon époufe pour fe faire prêtre ék s'étoit dépouillé de fes Comtés ék de fes Seigneuries, pour en dottr les églifes d'Utrecht ék de Liege ck Pabbaye de Heyligenberg. (2) Les Normans le firent prier de leur ouvrir les portes de la ville, pour aller faire leurs prieres a la cathédrale. Le Prélat rejetta leur demande hypocrite; ce refus ék Paudace que les Hollandois leur avoient montrée, les empêcherent de rien ^ tenter; ils fe retirerent ék ne reparurent plus fur ces mers. 1 Délivré de ces barbares, Théodoric trouva dans PEvêque Adelbold, fuccefieur d'Ansfrid, un ennemi plus dangereux. Les Evêques d'Utrecht avoient réuni fur leur tête des poffeflions immenfes, ils avoient ufurpé quelques terres de la fuccefïïon de Gerlof L'Empereur Othon leur avoit donné un fixieme de la pêche de 1'embouchure du Rhin. Par de nouvelles donations des Empereurs, les poflèflions de PEvêque s'étendoient jufques h la 1 vieille Meufe. (3) Adelbold fur ce titre prétendit que la chafle de la forêt \ de Merwede ék la pêche du Wahal ék de la Meufe, lui appartenoient. Les Evêques de Liege ék de Treves formoient les mêmes prétentions; (4) mais tous exclufivement a Théodoric qui en jouiflbit: ce Prince afltira fes poflesfions par un fort, qui a donné naiflance a la ville de Dordrecht. (5) Adelbold étoit Frifon; il anima fes compatriotes. Bavo Margiave de Bodegrave, fe mit a leur tête; les Hollandois marcherent a lui, le battirent ék lui enleverent fon Margraviat. Adelbold parut a la tête d'une nombreufe armée ék fut vaincu. Théodoric étendit fes conquêtes dans le pays d'Utrecht ; (6) mais ce Prince avoit établi un péage fur le Wahal ék la Meufe : cette contribution fervit de prétexte a la ligue que, pour venger fa défaite, PEvêque d'Utrecht forma avec les Evêques de Liege ék de Cologne; ils flatterent les marchands, féduifirent les villes commercanr.es ; alors ils fe plaignirent a 1'Empereur Henri II des exacfions de Théodoric fur le commerce ék la navigation de la Meufe èk du Wahal; exaétions, felon eux, plus Ci) Vofïïi Ann. L. II. 00 Miraus Cod. donat. piar. c. IV. Math. Chron. Traject. Ann. vet. cevi. T. V. C3) Joann. a Leyd. L. IV. c 12. (4) Chron. Cara. in Baideric. L. III. c. 9. (5) Alpert de div. temp. L. II. c. 20. Nicol. Kolyn. Chron. (6) Beka in Adelb. Tome XLIII. * Ss Wfl. de ioüande. )2 ï - 1434. Ï£ accorde a paix aux rij'ons. 1009. Incurfions ss Norlans. tLeiir ftraite. °rètentions ''Adelbold, Ivéque ï Utrecht. L'Evêque 'ui dèclare la guerre tfeft battu. 1018.  Sscr. III, F.iH. de Hollande. 143' Défaite dt Epifcopatn loiy. L'Evêqu efl, fait pri fonnkr. Traité dt paix. E telt ion 'vmprému de Btrnulphe. Mort de Théodoric MI. 3üa HISTOIRE DE HOLLANDE dignes d'un chef de pirates que d'un Souverain, & qui mettoient les peuples hors d'état de payer de plus juftes impöts. Théodoric fut cité & la démolition du fort fut ordonnée. (1) 'i Cette fentence fut le Sgnal d'une nouvelle guerre. Les Evêques d'Utrecht de Cologne, de Liege, de Cambray & Godefroy Duc de Lorraine chargés de 1'exécution , marcherent a la tête d'une nombreufe armée. Celle ^de Théodoric étoit inférieure en nombre; il avoit pour Généraux Siward fon frere, les Seigneurs d'Arkel & de Borfelen & les Vicomtes de Leide. Théodoric animoit les flens par fon exemplc ék par fes difcours; ils gagnerent Fa* f vantage du terrein. Théodoric tourna le marais, prit les ennemis en flanc • tandis que fon frere les attaquoit de front. La crainte gagna les épifcopaux^ ils furent mis en déroute, plufieurs fe noyerent dans les marais, un plus grand nombre fut maflacré; Godefroy fut fait prifonnier: ceux de Cambray ék de Liege furent paffés au fil de 1'épée par la garnifon de Dordrecht. , Adelbold fut pris le lendemain, comme il fe fauvoit dans un bateau. (2) Le' . foin que Théodoric eut des prifonniers ék la liberté qu'il rendit au Duc de Lorraine, lui gagnerent 1'amitié de ce Prince ék celle de 1'Empereur. Théodoric fe fit amener PEvêque d'Utrecht; il lui demanda quelle étoit la caufe de fa haine? Le Prélat lui répondit que fa confeience Pobligeoit a défendre les biens de 1'églife. Théodoric voulut bien juftifier fes droits, ék lui prouva que le fiege d'Utrecht n'avoit qu'un titre précaire fur le cours de la Mervve, paree que la ceflion faite k Godefroy le Danois, par Charles le Gros, n'étoit qu'une ufurpation. 11 lui offrit cependant de ie reconnoitre quant au fpirituel: il y eut un traité de paix, par Iequel Dordrecht ék Bodegrave demeurerent a Théodoric. Adelbold employa ce loifir a la conflruétion d'une nouvelle é4ife; il mourut ék les deux Chapitrcs ne pouvant pas s'accorder fur le choix de fon fuccelfeur, s'en rapporterent a 1'Empereur: ce Prince fe rendit a Utrecht; c'étoit Conrad II, qui tenoit alors les rênes de 1'Empire. L'Impératrice qui Paccompagnoit, preflee par les douleurs de 1'enfantement, s'étoit arrêtée chez un prêtre nommé Bernulphe; elle accoucha d'un Prince ék chargea fon höte d'en porter la nouvelle a 1'Empereur: Conrad dans le tranfport de fa joie, donna 1'Evêché a Bernulphe, qui s'y attendoit aufli peu que les Chanoines. (3) Siward étoit mort; la Hollande étoit en paix. C'étoit alors la mode des pélérinages; comme ils fiilbient pafier beaucoup d'argent dans les Etats des Princes Mahométans, ils protégeoient ces pratiques pieufes, ék fi la foule qui abondoit dans les faints lieux, n'eut infpiré des foupeons aux Caliphes, leur politique eut continué de favorifer ces faintes caravanes. Théodoric entreprit le voyage de la terre fainte: plufieurs Seigneurs 1'accompagnerent. (4) Avant fon départ, il donna la régence de fes Etats a Théodoric, fon fils, qui gouverna avec beaucoup de fageflè; au retour de fon pere il redevint fon premier fujet. Théodoric III mourut le 26 Mai i-oio. II laifia deux fils d'Othilde de Saxe, Théodoric ék Florent. (1) Alp. de div; temp. ubifup. CO Baldet Chron. Sigebert. Geinblac, ad ann. [oto. Ditmar. L. VIII, Ann. Sax. (j) Heda in Betnuiph. ■ (4) Nicol. Kolyn, Chion..  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. III. 323 Le peuple qui. avoit goCxté la douceur du gouvernement de Théodoric, 1 le vit avec joie remonter au tröne. Ce Prince donna pour appanage a FIo- i rent fon frere, le gouvernement du Kennemerland, qu'avoit eu Siward. Peu 9 de tems après fon inauguration, Conrad II mourut (*) a Utrecht; Henri II, " fon fils, qui lui fuccéda, donna a cette églife des terres dans les environs de e Groningue. (1) Tout fembloit annoncer a Théodoric un regne tranquile; < ce Prince ainioit la paix fans craindre la guerre; Bernulphe venoit de ratifier c le dernier traité entre Théodoric III & Adelbold , lorfque Baudouin V, Comte de Flandre, déclara la guerre au Comte de Hollande. La caufe de cette querelle étoit ancienne. Les Comtes de Flandre réclamoient les ifles de Sud-Bevcland ou de la Zélande, a 1'Ouefi. de PEfcaut; les Comtes de t Hollande leur oppofoient des titres antérieurs a leurs prétentions même, ' (2) ék entr'autres les lettres du 20 Mai 922, par lesquelles Charles le Sim-J ple détermine les limites des terr.es, dont il confirma la poflèflion a Théo- ' doric I. Baudouin V foutint fes prétentions par les armes: il fe jetta fur la Frife , chafla les Hollandois de l'ifle de Walcheren & s'en retourna triomphanr. Bernulphe faifit 1'oceafion de cette défaite pour s'aggrandir aux dépens de Théodoric: il demanda a 1'Empereur, la confirmation de la donation que Conrad avoit faite a Adelbold (3) du Teifterbant; il fit plus, il engagea Henri a foutenir fon ouvrage. Ce Prince vint faire fes paques a Utrecht a la tête d'une armée nombreufe & fit le fiege de Dordrecht. Les afliégés fe défendirent avec courage; PEvêque de Liege, dont les troupes faifoient partie de l'armée Impériale, alla ie cacher de peur & fut condamné a une amende de 300 livres poids d'argent. (4) Cependant les afliégés rendirent la place k Henri, qni s'empara des chateaux de Vlaardingen & de Kronenberg ; après quoi il rétablit Bernulphe dans le Teiflerbant & ne poufla pas plus loin fa conquête. (5) Théodoric qui ne pouvoit pas lutter contre de fi grandes forces, profita du refièntiment du Duc de Lorraine, qui venoit de fortir de la prifon oü 1'Empereur 1'avoit fait jetter, pour avoir öté la haute Lorraine a fon frere Gofillon: Henri avoit élevé ce Prince imbécille a la fouveraineté par les intrigues du Duc Albert, Evêque de Breme, qui s'étoit fait donner la régence. L'Empereur infenfible au cri des Lorrains, qui vouloient un Prince qui put les gouverner & aux prieres de Godefroy qui imploroit fa clémence, le chargca de fers. Godefroy s'unit a Théodoric ék tandis qu'il s'emparoit de Nimegue , le Comte mettoit a feu èk a fang les pays d'Utrecht ék de Liege. (6) Ils reprirent Vlaardingen; mais Godefroy fit fa paix ék Théodoric foutint ■ feul Porage. La flotte Impériale étoit entrée dans le Wahal: le Comte fe battit en retraiteévita le combat fur terre, ék par des manoeuvres favantes amufa Pennemi jufques a la faifon des pluies: alors le pays étant devenu impraticable, il attaqua 1'Empereur ék remporta plufieurs avantages; enfin (*) Théodoric avoit aiïifté k fon éledion comme Prince de 1'Empire,- & il n'étoit déja pas le feul des Comtes de Hollande, qui eik aflifté aux Diettes en cette qualité. Ubbo' Emm. rer. Frif. L. VI. (i) Diplom. Henric. II ap. Hedam. (2) Meyer Ann. Fland. ad ann. 1047. (3) Diplom. Conrad. II. (4) Geit. Epifc. Leód. c. 63. Martin & Durand vet. mon. T. IV. (53 Herman Contr. ad ann. 1046. (6) Ubbo Emm. rer. Frif. L. VI. Herman Contract, ad ann. 1044, 1047. Ss 2. lift.- de lollande. 23-1431. Tiiéodoic IV: 'inquieme 'onitc. Les isles s la Zéande occar ionnent /a \uerre. IC4Ö. L'Evêque d'Utrecht fe ligue contre lui avec 1'Emr pereur. 1047. Théodoric appelle hfon fecours le Duc de Lonaine.  Sect. III Hift. de Hollande 923 143 Viüoite Théodoric 1048 Fwiefte évensinmi caufe d w nouvelle guerre. Tlièodoru affaffinéftu fes tauriers. 1049. FlorfntI: Sixieme Comte, I05Ó". 324 HISTOIRE DE HOLLANDE , la mer rompant les digues inonda le camp & l'armée; tour, fuic ou efl fubmergé, & 1'Empereur même ne fe fauva dans Utrecht, qu'avec bien de la peine. Les Impériaux harcelés dans leur retraite, perdirent une infinité de ^ monde ék quantité de vaiffeaux: Théodoric revint fur fes pas,reprit Dordrecht tietk tout ce que Henri lui avoit enlevé. Théodoric jouiffoit du fruit de ft viétoire; il fut invicé k un Tournoi que PEvêque de Liege donnoit. Le Comte courut le troifieme jour contre Herman, frere de PEvêque de Cologne; le choc fut fi terrible qu.' la lance du Comte fe brifa, & que Herman bleffé d'un éciat mourut prefque fur le , champ. Les Evêques de Liege & de Cologne imputant au Comte cette 'e faute du hazard, crierent a la vengeance: les Liégeois furieux fe jetterent fur Théodoric ck fur fa fuite; ce Prince ne gagna Dordrecht qu'a travers mille dangers: deux de fes officiers furent tués. (1) Dans fa colere il rornpit tout commerce entre les Hollandois ék les fujets des deux Prélats, confifqua leurs marchandifes & fit brüler leurs vaiffeaux. (2} Les Evêques de Liege, de Cologne, de Metz ék d'Utrecht, ék Egbert Margrave de Brandebourg réunirent leurs forces, èk a la faveur des glacés, au milieu de 1'hiver, ils affiégerent Dordrecht, qui leur fut livré par des traitres: van Putten, que les ennemis retenoient dans la ville èk qui en avoit été Gouverneur, avertit le Comte de la négligence avec laquelle elle étoit gardée; le Comte s'en étant approché, van Putten lui en ouvrit une des portes. Théodoric s'empara des polles les plus avantageux, maflacra les traitres qui avoient livré la place, tua plus de quatre eens officiers, èk un plus grand nombre de foldats, ck Ie refie s'enfuit en defordre avec les Evêques ék Egbert. (3) Le Comte ne jouit pas longtems de fa viétoire. Comme il fe promenoit Ie lendemain fur le rempart, un des gens de PEvêque de Cologne qui s'étoit caché, lui lanca une fleche empoifonnée, 1'atteignit k la cuiffe ck ee brave Prince mourut trois jours après. (4) Théodoric étant mort fans poftérité, Florent qui étoit dans la Weft-Frife, y recut la nouvelle de fa proclamation. (5) Les Flamans profitant de ces circonilances rentrerent dans l'ifle de Walcheren, ék les Allemans honteux de leur défaite, s'emparerent de Dordrecht au nom de 1'Empereur. Ils en furent chaffës par Godefroy Duc de Lorraine, ami de Florent. Cet ami généreux fut expofé k la vengeance des Evêques de Liege, d'Utrecht èk de Metz, èk ne put réfifter a la fupériörité de leurs forces. Ils fe rendirent maitres de la Lorraine; mais 1'Empereur le rétablir a caufe de fa valeur. Florent aida Henri a reprendre le Comté d'Aloft èk le pays de Waes, qui étoient au pouvoir des Flamans, èk forca Tournay a fe rendre. Henri III étoit mort; Henri IV fon fils èk fon fuccefieur, étoit trop jeune encore pour gouverner par lui-même: les tuteurs qui compofoient la régence, accorderent la paix k Baudouin, Comte de Flandre, qui k la prife de Tournay, s'étoit retiré fur les terres de France, ék la Zélande refta a Florent. (6) Guillaume, frere de Wichard III Avoué de Gueldres, fuccefieur (O Flor. Temp. ap. Scriv. Barland Vit. Com. in Did. rY) Scriver. Vit. Comit. Chron. Belg. (3; Herman. Contract", ad ann. 1040. (4) Flor. temp. Scriv. Vit. Comit. in Theod. (5) Nicol. Kolyn Chron. Beka in Bernulph. VolT, Ann. Holl. L. 1. (6) Diplom. Henr. IV. Nicol. Kolyn Chron.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. III. 32< de Bernulphe au fiege d'Utrecht, Prince plus guerrier que religieux, profita de fa faveur auprès de 1'Impératrice Agnès, mere du jeune Henri, pour Pen --ager a déclarer la guerre a Florent & a le mettre au ban de 1'Empire, comme ufurpateur de Dordrecht, fji) Guillaume forma une ligue avec Anno Archevêque de Cologne, Théodouin Evêque de Liege , Lambert II Comte de Louvain, Herman Comte de Kuik, Wichard & Egberd Margrave de Brandebourg, Général de cette confédération. Leur armée étoit formidable, Florent étoit réduit a fes feuls Hollandois étonnés du nombre de leurs ennemis: leur Prince fe mit a leur tête, ranima leur courage & prit fon camp fous les murs de Dordrecht. II imagina d'en rendre les approches funefi.es a Pennemi; il fit creufer fecrétement dans tous les environs des fofies profonds, qu'il cacha fous des clayes faites de branches flexibles èk bien recouvertes de gazon. Florent attendit les ennemis derrière ces retranchemens invifibles. Us ne tarderent point a paroitre, & crurent marcher a la viétoire; les premiers rangs fe précipitent, font engloutis èk écrafés par les feconds; hommes & chevaux tout efl: confondu dans le piege; la frayeur s'empare du refle: Florent qui voit ce défordre du haut des murs de Dordrecht, lache fes' troupes, & quarante mille Allemans périrent fous leurs coups, ou refterent dans le précipice. L'Evêque Guillaume ék le Comte de Louvain racheterent leur vie ck leur liberté par une trés forte rancon. (a) Quatre ans après, les confédérés fe réunirent èk marcherent avec plus de précaution. Florent alla au devant d'eux & les rencontra prés du village de Hemert, entre la IVJeufe & le Wahal. La bataille fut fanglante ék Florent fut vainqueur; mais s'étant trop abandonné dans la pourfuite des fuyards, ék s'étant arrêté fous un arbre pour fe repofer un moment, le Comte de Kuik, qui avoit rafièmblé quelques troupes, le trouva endormi, le tua lachement ck maflacra tous ceux de fa fuite; fon armée vengea fa mort par celle de Kuik ék de fa troupe. Ce Prince avoit époufé Gertrude, fille de Hermar Duc de Saxe: il en avoit eu deux filles, Berthe qui fut Pépoufe de Philippe I, Roi de France, ék Mathilde, ék un fils qui lui fuccéda. Théodoric V n'avoit que quatre ans: Gertrude gouverna fous fon nom L'Evêque d'Utrecht, par le moyen d'Anno, Archevêque. de Cologne, fon ami particulier, qui fe trouvoit a la tête du confeil de Régence de 1'Empire, obtint de 1'Empereur tleux diplomes, qui lui tranfportoient tous les droits des Comtes de Hollande, fur leurs feigneuries ék pofiefiions; on furprit ces donations au jeune Empereur pendant les fètes de paques, qu'il étoit allé paffer a Utrecht. (3) Gertrude trouva dans Robert, fecond fils de Baudouin V , Comte de Flandre, un ennemi plus redoutable pour la Hollande que Guillaume même, ék qui pourtant devint 1'appui de la Régente ék le tuteur du jeune Comte. Robert étoit un Prince entreprenant ék audacieux, a qui fon pere avoit donné des troupes ék une flotte pour aller tenter fortune fur les terres des infideles, ék afin de le dinraire des defleins qu'il auroit pu former contre for frere. Robert avoit féjourné en Hollande du vivant de Florent ék s'y étoii (O VolT' Ann- Ho11- L- OO Joann. a Leyd. Beta _ in Bernulph & in Ville! (3) Herman. Contract, ad ann. 1064. Diplom. Henric. IV. Ss 3 Hijl. de Hollande. 923-H34. 'U Evêqut d'Utrecht forme contre lui um ligue formidable. Florent efl vainqueur par une rufe de guerre Jinguliere, Florent triomphe une feconde fois ö5 efl. affoffm. lOfTl. Théodoric V:$eptieme Comte. L'Evêque d'Utrecji-t veut profiter de jon enfance pour facca* bier. 1064. Robert dèclare la guerre a let Régente.  Sect. III Bijl. de Holande. 923-143, II eft vail cu C35 l'éfouje. 11 deviet lepluszélc défenfeur du jeune Théodoric. Baudoui. fon frere lu déclare la guerre. EU tui dans le combat. 1070. ■ Robert s'ttnpare des Comtés de Flandre & de Hainaut. L'F.vêque dUlucht fufcite contre lui Codfroy le JSojfu, Duc de Lorraine. Satf HISTOIRE DE HOLLANDE fait aimer. CO 11 projetta d'abord de s'emparer de la Régence & fon pere feconda fes efforts. II crut trouver dans un peuple gouverné par une femme [t ék un enfant, un ennemi facile a vaincrc; il fe trompa. Gertrude alla au _ devant de lui & le vainquit; il revint encore & Gertrude remporta 'fur lui 1- une feconde viétoire: il fè difpofoit a 1'attaquer une troifieme fois, lorfque les flamans ót les Hollandois qui craignoient également les fuir.es de cette guerre, s'entremirent pour la paix. Gertrude étoit encore jeune ék belle • on la maria avec Robert, qui prit le titre de Tuteur du Prince & de Gou' t verneur de la Hollande. Baudouin , fon pere, en faveur de ce mariale lui , donna le Comté d'Aloft & les cinq bailliages ék ifles a POccident de PEfcaut Robert mit autant de zele a défendre fon pupille, qu'il avoit mis d'aétivité •a s emparer de la Régence; il le regarda comme fon fils, ék Guillaume qui le redoutoit, fufpendit 1 execution de fon aéte. II partit pour la terre fainte avec plufieurs Evêques & un cortege nombreux. La caravane étoit de fept mille; elle tomba dans une troupe d'Arabes beaucoup plus nombreufe- elle fut pillée ék tadlée cn pieces; les trois quarts dés pélcrins furent tués. f2) 1 Baudouin VI, qui avoit fuccédé a fon pere, jaloux dc Ia fortune de fon ; frere, voulut lui enlever les ifles Zélandoifes ék le Comté d'Aloft- Robert quoique prompt ék guerrier, fupplia fon frere de ceflèr tout acte d'hoftilité' ék fut le premier a lui demander la paix. Baudouin rejetta fes prieres. Robert prit les armes malgré lui, gagna une bataille fanglante, dans laquelle Baudouin fut tué, ék Parmée Flamande taillée en pieces. (3) Robert confcrva non -feulement les ifles Zélandoifes, mais encore fe mit en poflcflion du Comté de Flandre, a Pexclufion des deux fils de Baudouin, Arnoud qui devoit hénterde ce Comté, ék Baudouin qui devoit avoir le Hainaut II fe prévaloit d'un teftament, par Iequel Baudouin V lui donnoit fes Etats' s'il yenoit a mourir avant la majorité de fes enfans. (4) Cependant Robert vouloit fe contenter de la Régence; les Flamans la lui refuferent pour la déferer a Richilde, leur mere. Elle appella Philippe I Roi de France ,a fon fecours; mais Robert battit Parmée Franeoifé ék obligea Richilde de renoncer a Palliance de Philippe. L'ambitieux & vindicatif Evêque d'Utrecht étoit aux aguets des circonftanccs, pour fufciter des orages a Robert. Richilde qui n'avoit plus 1'appui de la France, s'adrefla a 1'Empereur Plenri IV, ék par fon entremifc Guillaume-fit donner par ce Prince a Godefroy le Boflu, Duc de Lorraine, la commiflion d'exécuter les diplomes, en vertu defquels les Etats de Théodoric devoient paffer a PEvêque d'Utrecht, (5) ék pour intéreflèr Godefroy, Guillaume hu donna 1'inveftiture du Comté de Hainaut, dont il réferva 1'hommage a fon églife. Robert fut attaqué en même tems cn Flandre ék en Hollande. Comme il fe trouvoit en Flandre, il y attendit Parmée Impériale ék la battit complettement prés de Mons. Mais dans le tems qu'il recueilloit ces launers , Guillaume ék Godefroy remportoient la viétoire fur l'armée quil avoit en Hollande. Robert accourut, & trouva le Prince Lorrain (O Hift. Norman. L. IV. Synopf. Franco-Meroving. L. III. ad ann. 1071. (2) Mar. Scoc. ad ann. 10Ö5. Lamb. Sch. breve Chron. C3) Lamb. Sch. breve Chron. >4) Ann. XV*. Dipfom Hén°ri^g5 ad ann" ^ Meyer Aan' Flaud' ad anQ:  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. III. 32? craint ék chéri des peuples; il lui livra bataille, fut battu & forcé d'abandonner la Hollande au vainqueur; il fe retira cn Flandre avec Gertrude, fon pupille & une partie de la Noblefle, qui aima mieux le fuivre dans une terre étrangere que de pré ter ferment a Godefroy. (1} Celui-ci étendit fes conquêtes en Wefl-Frife; il y avoit fait un ample butin ; mais ayant renvoyé une parcie de fes troupes, il fe trouva invefli dans Alkmaar: Guillaume vola a fon fecours & le dra de danger. (2) Godefroy, pour maintenir les Frifons, éleva un chateau qui fut 1'originc dc Delft, ék il y fixa fa rélidence. Ce brave Prince y périt par un aflaflinat horrible. Gifelbert, ancien doineflique du Comte Robert, fe cacha fous des latrines, ék dans le moment oü Godefroy vouloit fatisfaire fes befoins, il lui enfonca une piqué dans les inteftins. On le tranfporta a Utrecht, oü il mourut. (3) S'il efl vrai que Robert ait eu. part a cet odieux complot, on doit ie plaindre d'avoir terni tant de vertus par un tel crime. Pour fe conferver la Hollande, PEvêque d'Utrecht jetta les fondemens du fort d'Yflelmonde; mais il mourut avant qu'il fut achevé. Guillaume a eu le mérite de défendre vfvcment les droits de PEmpire contre Grégoire VII. dans les différends qui donnerent lieu au fameux Schifme qui défola fi long: . tems la Chiétienté. (4) Ce Schifme occafionna de nouvelles diflentions entre les Comtes de Hollande, qui foutcnoieut le parti de 1'Eglife,. ck les fucccs< feurs de Guillaume. Robert délivré de fes deux ennemis, entreprit de rétablir Théodoric dan: les Etats de fon pere. 11 fallut enlever le fort d'Ylfelmonde; il s'adreflli ; Guillaume le Conquérant, fon beau-frere. Avec le fecours de quelque: 'vaiflèaux qtfil lui envoya, avec fes Flamans ék la Noblefle Hollandoife, i entra dans la Meufe, (5) rencontra la flotte de Conrad, qui avoit fuccédt a Guillaume, ék après un combat opiniatre fur terre ék fur eau, il s'ouvrii un paflage ék difperfa la flotte ék l'armée enncmies. Conrad fe jetta dans Ysfelmonde avec le refle de fes troupes fugitives; Robert ék Théodoric Py asfiégerent: ék après feize jours d'une déiènfe vigoureufe, le Prélat demanda h capituler, ék jura de laiflèr jouir paifiblement Théodoric du Comté de Hollande. (6) Théodoric rentré dans fes Etats, fit rafcr le fort d'Yflelmonde ék époufa Othilde, fille du Duc de Saxe. Après avoir regné en paix pendant quinze ans, il mourut, (7) ék laifia d'Othilde Florent, qui lui fuccéda, ék Mathilde, qui époufa un Duc. d'Orléans. Flohent II eut pour tutcur Conrad Comte de Werla, frere d'Othilde, qui fut aflafliné en voyageant dans la Frife; il fut remplacé par Hemi Comte de Northern, fils d'Othon Comte de Saxe ék beau-frere de cette Princefie. Celui-ci ayant obtenu ie Margraviat de Frife, fut tué par des matelots dans une émeute excitée par le nouvel Evêque d'Utrecht, (8) car Conrad avoit été affafliné. On raconte qu'ayant obtenu .de 1'Empereur des fonds pour faire batir une égiife ék s'étant trouvé dans les fondations une fource qu'on CO Sigeb. Gemb. ad ann. 1071. Nicol. Kolyn. (2) Joann. & Leyd. L. XI. c. 9. Heda in Willel. C3> Chron. Hervet, ad ann. 1076. (4) Lamb. Sch. ad ann. 1073 & 1074, Cs) Nic. Kolyn. Chron. Melis Stock in Dider.-V. (6) Beka in Conrad; Scriv. in Guid Nic. Kolyn. (-~) Heda in Volkmar. Dip!. Henr. IV. (8) Ann.. Saxon..ad ann, 10512. Chron. regni S. Pantaléon ad ann. 11.03. mik d ? - Hollaiu, 923-1434»- eli vainqueur en Flandres, £ƒ vaincu en Hollande. II fe retirè en Flandre. Ajfaffinab horrible. IQ76. ; Robert rétablit Théodoric dans fes Etats. 1091. Florent II, dit le Gros: Huitism; Comte. Ses Tuteurs font affasfinés.  Sccr. III. mjl. de HoiIande. 923-1434 Rebert fan le voyage de ia terre jainte. Croifade. Hèréfie de Tachelin. 1112. 328 HISTOIRE DE HOLLANDE ne pouvoit point épuifer, un Frifon offrit de la tarir, moyenant une fomme que FEvêque trouva trop forte; que 1'avare Prélat eut la baflefle de féduire le fils du Frifon pour lui arracher le fecret de fon pere, èk que celui-ci fe ! vengea de cette indignité par deux coups de couteau. II eft diflicile de concilier tant dc barbarie avec cet efprit de religion qui portoit alors les peuples & les Rois a entreprendre des guerres ék des voyages longs èk pénibles, a traversies plus grands dangers, a s'expatrier, a renoncer a tout pour aller délivrer les faints lieux èk quelques pélérins des mains des infidelles. Robert le Frifon, lorfqu'il eutabandonné la tutelle de Théodoric V, entreprit le voyage de la terre fainte. (k) A fon retour ceux qui 1'avoient accompagné, faifoient des maux que fouffroient les Chrétiens fous la tyrannie des Infidelles, des peintures fi affreufes, que lorfque 1'Lmpereur de Conftantinople écrivit a Robert, fils èk fuccefieur du Frifón, de venir 1'aider k délivrer les faints lieux, il trouva tous les efprits difpofés k la croifade. (2) Robert partit avec Hugues le Grand, frere de Philippe Roi de France, Robert Duc de Normandie, Raymond Comte de St. Gilles, Etienne Comte de Blois, Bracamont Comte dePouille, Godefroy Duc de Bouiilon, Euftache èk Baudouin fes freres, Dideric de Brederode, Jean d'Arkel ék Renould d'Egmond, ces trois derniers Hollandois , le Comte de Borlèlen Zélandois, Forteman qui fut tué au fiege de Nicée, (3) Galama, Botrika, Ecco, Sicco, Lingdama, Frifons. (4) Florent II époufa Petronille, fille de Dideric, Duc de Saxe, (5) bellefceur de Lothaire, qui fut depuis Empereur. Par un traité entre 1'Empereur èk Florent, celui-ci fut invefti des ifles Zélandoifes, a condition qu'il fourniroit k ce Prince des fecours contre Robert, qu'il vouloit dépouiller de la Flandre, pour y rétablir Baudouin; mais les efforts de 1'Empereur furent fans fuccès: Robert fut reconnu Comte de Flandre èk la Zélande refta a Florent, qui reconnut la tenir a hommage de Robert. (6) Vers ce tems parut un fanatique appellé Tachelin, hérétique petit-maïtre, riche en habits, parfumé d'eflènces, èk les cheveux trefles èk noués fur la tête. II prêchoit que la communion étoit inutile , qu'il n'y avoit aucun caraétere diftinéhf entre les prêtres, les évêques ék les laïqüës, que la dixme étoit une exaétion de la part du clergé èk que les femmes devoient être communes. (7) Ses prédications, qu'il foutenoit de trois mille hommes armés, qui Paccompagnoient èk prêts a maflacrer tout incrédule qui ofoit Ie contredire, lui attiroient des profélytes; mais cette maniere d'argumenter fut imitée par un prêtre, qui le trouvant feul au moment oü il s'embarquoit, le tua d'un coup qu'il lui porta fur la tête. Cependant cette doétrine donna lieu a la défenfe que Florent fit aux moines, de fe faire payer les enterremens, ufage qu'ils avoient introduit depuis peu; mais il maindnt le clergé dans la perception des dixmes. Florent étoit jufte ék bon: il eut a combattre la noblefle, qui donnoit trop (0 Iper. Cliron. S. Benin. c. 39. (2) Meyer Ann. Fland. ad ann. 1096". (3J Ubbo Emm. de reb. Frif. Lib. VI. (4) Chron. ver. cevi. Ubbo Emm. Chron. Zél. Reigerbert part. 11. c. 9. (5) Theat. Urb. Holl. ap. Boxhorn. (6) Meyer Ann. Fland. ad ann. 1108. 00 Rob. de Monte ad ann. 1124.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. III. 329 trop cFétendue a fes privileges. Etant un jour a la chafle dans la forêt de Kreil, (i) il rencontra les chiens de Galama, Seigneur Frifon; Florent en fit r.uer trois & maltraiter les domeftiques. Galama, quelque tems après, efcorté de fes amis attendit Florent dans le même endroit, pour lui demander raifon: Florent lui repréfenta qu'il manquoit aux égards que le vaflal devoit a fon Seigneur. Le Frifon mit Pépée a la main & bleflaFlorent au bras; les gens de la fuite du Prince affommerent Galama fur la place. Quelques hiftoriens difent que le Comte ayant empêché qu'on ne le tuat, ék fournis cette querelle a la décifion du Comte de Brabant, les Weft-Frifons regarderent cet aéte de clémence comme un effet de fa crainte; qu'en conféquence ils maltraiterent les prépofés a la levée des impots, que Florent marcha contre eux, dévafla leur pays & les forca a demander la paix. (2) Si ces hi'storiens difent vrai, ce fut la feule guerre qui troubla le regne de Florent II. RodoJphe Abbé de St. Trudon, Paccufe d'avoir trop aimé 1'argent: il raconte que Conrad lui ayant enlevé une églife, Burchard fucceffeur de Conrad s'obftinoit k la garder, mais qu'k la follicitation de 1'Abbé de St. Trudon, Florent s'étoit engagé de la retirer. „ Je fus obligé," dit Rodolphe, „ d'em,, ployer des cordons d'argent pour attirer de Hollande a Utrecht, le riche „ & gros Florent; mais je fus contraint de me fervir d'un marteau d'or, ,, pour amollir la tête dure de Burchard. (3)" Florent mourut le 22 Mars; il eut de Petronille de Saxe, Théodoric, Florent, Simon, & la belle Hedwige, qui époufa le Comte de Gueldre. L'adminittration des Etats de Théodoric encore mineur, fut conférée a Petronille, Princeffe ambitieufe, qui foutint avec fermeté les droits de fon fds. Les fecours qu'elle donnoit au Duc de Saxe, fon frere, contre 1'Empereur Henri V, ék le projet que celui-ci forma de rentrer dans le Comté d'Aloft ék dans les autres pays que Charles le Bon, fucceffeur de Baudouin VII, refufoit de lui rendre, attirerent les armes de Henri dans les Pays-bas. (4) Pendant qu'il étoit dans la ville d'Utrecht, plufieurs gentilshommes furent tués dans une émeute des vaflaux de PEvêque contre la noblefiè Allemande. Henri remonta a la fource de ce defordre ék fit enlever PEvêque, qui racheta fa liberté par une forte rancon. L'Evêque, pour fe venger, forma une ligue avec Petronille, Lothaire frere de cette Princefiè, ék PEvêque de Munfter. Lothaire avec fes Saxons vint chercher 1'Empereur, qui affiégeoit Kuilenbourg; Henri fe tint fur la défenfive: le Duc ayant attaqué Deventer, forca PEmpereur d'abandonner le fiege. Lothaire approvifionna ce pofte important ék retourna en Allemagne, oü il fut fuivi par les Impériaux. La mort de Henri V termina cette guerre. Lothaire, frere de Petronille, lui fuccéda. Cet événement fufpendit les querelles qui regnoient depuis fi i longtems entre les Empereurs ék les Comtes de Hollande: elle fit réunir aux £ Etats de Théodoric POftergoo ék le Wettergoo, que les Evêques d'Utrecht * avoient engagé les Empereurs a démembrer de la Frife, pour les unir au i (1) Ree. des placards de lloll. & de Weftfr. part. 11. (O Nicol. Kolyn. Chron. Ann. Egmund. ad ann. 1114. (3) Rudolph. Chron. S. Trudon. L. X. (4) Alb.' Krantz. Sax. L. V. c. 44. Ann. Saxonis ad ann. 1124. Tome XLIII. Tt Hi% de Hollande. 923-H34' Florent au toqué f3? blejjé par un Seigneur Frifon. Accufé d't' varice. 1122. TlJI?ODO- uc VI: Neuvieme ?oince. II2J. 'SOJlergott f le Wts>'rgoo unis la Holmdc.  Sect. III. Hift. de Hollande. 923-143' T128. Haine cit deuxfreres Florent fe ligue avet l'Evêque cCUtrecht. Rêccncilia- tion de Théodoric avec Jon frere, Florent efi ifjafftue. i-'38. 330 HISTOIRE DE HOLLANDE fiege d'Utrecht. Charles lè Bon,. Comte de Flandre, venoit de fuccomber a la conjuration formée conue lui, par la maifon de Stralem:_(i) il y avoit plufieurs prétendans a fa fucceffiön : Guillaume fon batard, Arnould fon ne. veu, & furtout Petronille qui faifoit un' titre a Théodoric du mariage de Gertrude avec Robert le Frifon, 6c qui achetoit des voix pour fon fils. (2). Louis le Gros, comme fuzerain, préfenta Guillaume d'Ypres, qui fut rejetté, comme complice du meurtre de Charles. Le Roi de France nomma d'autorité Guillaume,. fils du Duc de Normandie ék. d'une fceur de Charles le Bon. Théodoric ayant atteint fa majorité, prit lés rênes; alors éclata la haine. s de Florent dit le Noir ék de fon frere. L'amour du peuple pour Florent ex. citoit la jaloufie du Comte. Ne pouvant pas les accorder, leur mere cachoit leur animofité a tous les yeux. Godebald, Evêque d'Utrecht,. fonda fur cette inimitié Pefpérance de ravoir POftergoo ék le Weftergoo; (3) it fit armer les Weft-Frifons ék obtint des fecours des Kennemers>. Florent fe : mit a leur tête.. Théodoric fe tint fur la défenfive, jufques k ce que les glacés lui permirent d'agir; il entra dans la Weft-Frife; les habitans fuirent a fon approche ék fe retirerent derrière leurs marais. Théodoric fe contenta du butin qu'il fit dans le pays ék s'en retourna. Florent furprit ék brüla Alkmaar, pilla Harlem ék dévafta les environs. Théodoric entra dans le Kennemerland ék le ravagea: (4) cette guerre duroit depuis deux ans avec des avantages a-peu-prés égaux, lorfque Lothaire réconcilia les deux freres ék leur fit promettre d'oublier le pafte, en les faifant convenir de garder chacun ce qu'il avoit. (5) Florent le Noir tourna fes vues fur le Comté de Rechem, dans le pays de la Marck: il ne reftoit d'Arnould,. dernier Comte. qu'une fille appellée Hedwige.,. fous- la tutelle d'Herman, Comte d'Arensberg, Florent la demanda ék le peuple favorifa fes vceux.. Arensberg s'y oppofa ék fe lia avec. Godefroy, Comte de Kuik: André, Evêque d'Ukrecht, frere d'Arensberg, lui promit des fecours. Florent fit des ravages fur ies terres du Comte ék. parvint a gagner les Trajeétins,. qui lui ouvrirent la ville,, malgré leur Evêque , obligé de fuir. Florent brüla le fort de Leksmonde. (6) Ses ennemis n'ofant pas lui faire tête,. prirent un autre parti; ils s'embufquerent dans le bois d'Abftede: Florent en y arrivant pour la chaflb, les appereut, voulut. revenir fur fes pas, mais fon cheval s'étant abattu,. Arensberg profita de fa chüte ék.le maflacra. (7) Les aflaflïns furent mis au ban de 1'Empire, leurs biens furent confisqués, ék Théodoric. chargé de 1'exéeution de la fentence, leur rendit leurs terres, k la charge de 1'hommage. Conrad III, fuccefieur de Lothaire, annulla les donations faites par fon' prédécefleur, au Comte de Hollande, rendit POftergoo ék le Weftergoo a PEvêque d'Utrecht ék condamna a une amende de 1000 livres d'or celui qui s'oppoferoit a ce jugement. (8j) Théodoric irrité de ce démembrement, fe- (O Hift..gén..des Provinces Unies T. III. L. V. (2) Meyer Ann. Fland. (3) Ubbo Emm. rer. Frif. L. VI. Erkel. dilfert. d'Alkmaar. (4) Nic. Kolyn Willelmus proeur. ad ann. 1.132. (5) Melis Stoke in Did. VI. (6) Heda Vit. Epifcop. Traject, m Audrs \7j Ann. Saxon,.ad ann. 1133. (8) Heda Diplom. Courad. Hl'.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXllL Sect. III. 331 Iigua avec Othon, Comte dc Benthem, fon bean-frere, fils d'Othon, Com-1 te Palatin du Rhin. Le Comte de Benthem, fous prétexte de délivrer la 1 Drenthe, (*) attaqua Herbert, Evêque d'Utrecht, qui envoya contre lui 9 Hugues Boter, fils de Jean III, Seigneur d'Arkel: Benthem fut battu ék t: fait prifonnier. (1) Théodoric accourut ék mit le fiege devant Utrecht; PE- / vêque fe voyant prelfé, fe fervit d'un moyen qui n'eut pas réufiidansun fiecle a plus éclairé: revêtu de fes habits pontificaux, il fait ouvrir la porte, fort de la ville avec tout fon clergé èk menace Théodoric des foudres de 1'églife, ' s'il ofe continuer le fiege: Théodoric effrayé fait ceflèr toute hoftilité, tom- ] be aux genoux de PEvêque qu'il eut dü punir d'un abus aufli criminel, lui , demande pardon, èk le Prélat lui donne le baifer de paix èk lui fait jurer t qu'il abandonne fes prétentions. (2) Cependant la fureur des Croifades s'étoit0 renouvellée par les prédications de Bernard. Théodoric fe croifa a 1'exemple de Louis VII, Roi de France, de 1'Empereur Conrad, d'Alphonfe Roi de Caflille, de Roger Roi de Sicile, de Thierry Comte de Flandre èk de plu-. fieurs autres Princes. En paflant a Rome, Théodoric obtint d'Innocent II, < que les Abbayes d'Egmond èk de Rhinsbourg releveroient immédiatement du St. Siege èk non de PEvêque d'Utrecht, èk s'obligea de payer annuellement au St. Siege quatre fchelings monnoie de Frife. Heribert mourut; Théodoric a fon retour, trouva 1'églife d'Utrecht dans le Schifme au fujet de Péleélion du nouveau Prélat. C3) Les efprits étoient partagés entre Frédéric, fils du Comte Adolphe, èk Herman de Hoorne, ' Prevöt de St. Jeroen, prés de Cologne. Théodoric protégeoit Herman; Paffaire fut renvoyée a 1'Empereur, qui s'en rapporta a Ia décifion de la Diette. Herman de Hoorne 1'emporta. Les Trajeéfins qui vouloient Frédéric, en appellerent au Pape. Conrad fe promettoit de les punir, mais la mort Ie prévint. (4) Théodoric étoit chargé par 1'Empereur d'inftaller Herman;, il le conduifit a Utrecht èk forca les Trajeéfins de le reconnoitre: le Légat du Pape confirma Péleélion: Frédéric, fuccefieur de Conrad, borna la punidon des Trajeélins a une amende. (5) Une troupe de Frifons qu'on foupconnoit Frédéric d'avoir fait foulever, entra dans le Kennemerland èk y fit d'horribles ravages. Les habitans de Harlem èk d'Osdorp, prirent les armes èk mirent les Frifons en fuite; prés de 1000 furent maflacrés. Théodoric mourut le 5 Aoüt 1157: il laifia lept enfans vivans, qu'il avoit eus de Sophie fon époufe; Florent, Pélegrin, Robert èk Othon; Sophie, Idedwige, èk , Petronille , qui furent Religieufes a Fontenelles. (6) Ce Prince fut bra- • (*) La Drenthe avoit autrefois fes Comtes particuliers; le dernier fut Temino, qui viroit fous 1'Empereur Othon. Après avoir donné aux Evêques d'Utrecht, le droit de chalTe, qui leur fut conrirmé par Henri II, Henri III leur donna en outre quelques terres, dans les environs de Groningue, & promit de leur donner ce pays, après Ia mort de Goaelin, a qui il appartenoit. Les Evêques ufurperent le droit d'adminiftrer la juftice & y mirent des Gouverneurs. Les habitans de Groningue, fatigués du joug de 1'Evéque, tenterent de le fecouer. Heribert attaqua les rebelles, les'battit, & donna le Burgraviat de Groningue a Leffert, & Ia Chatelenie de Coevorden a Ludolphe, l'un & 1'autre fes freres. (O Beka & Heda in Heribert. (2) Meyer Ann. Fland. ad ann. 112$. Pont. Hift. Gelr. L. VI. Boxhorn Th. Urb. Holl. (3) Joann. a Leyd. Ann. Egmund. c. XXIV. (4) Otto Frifi. de Geft. Fred. I. L. IL (5) Pet. Chr. de HolL. in Dider. VI. (JS) Dumont Corp. Dipl. T. 1. part 1. Tt 3 fijl. de lollatide. 23 -H34- 'uerreavCG Evêque 'Utrecht. "hèodods lenaci de 'excommudcation lee le. fiege 'Utrecht, Dtuxieme Croifade. rrso. Schime hns 'Jtrechtt Mort de rhiodetlc*  33* HISTOIRE DE HOLLANDE Sect. III. Hift. de Hollande. ■ 923-14H Florent III iDixieme Comte. Difputes pour It fuccejjion de Qroningue. 71(52. Siege- de Groningue par i'Evêque d'Utrecht. L'Empereur juge leurs quenUes. ve & bon Souverain; il eut plus de crédit a la Cour Impériale que fes prédéceifeurs. Florent III conferva 1'amitié que Frédéric accordoit a fon pere. II époufa 'Ada, fille de David, Roi d'Ecolfe. II s'éleva une difcuffion au fujet de la fucceffiön de Groningue. Leffert n'avoit laiffé qu'une fille mariée a un Gentilhomme de Weftphalie; de ce mariage naquirent Rodolphe , Menfo & Heribert; ils prétendirent recueillir la fuccefïïon de leur ayeul: les fils de Ludolphe, frere de Leffert, foutenoient que cette Vicomté étoit un fief male qui excluoit les Menfo: le fucceffeur dc Herman de Hoorne au fiege d'Utrecht, Godefroy de Rhenen, affuroit qu'au défaut de males dans la branche ainée, Groningue fe réuniffoit de droit au fief dominant. Les petits-fils de Leffert appellerent au fecours Henri, Comte de Gueldres, & lui offrirent la fuzeraineté de Groningue: ils tenterent d'enlever fEvêque d'Utrecht dans fa malfort de plaifance, èk ce projet ne manqua que parceque le Comte de Cleves en avertit lc Prélat. (1). Celui-ci ne. ménageant plus rien, affiégea Groningue> le Comte de Gueldres venu au fecours, forca Godefroy de fe retirer auprès de Florent, a qui il promit la ceffion de POftergoo & du Weftergoo, s'il vouloit le fecourir. A ce prix Florent ramena PEvêque devant Groningue ék recommenca le fiege. Cette ville réfifla par la valeur du Comte de Gueldres & de Théodoric de Battenbourg: mais 1'Archevêque de Cologne fit confentir les parties a un accommodement. La ville demeura aux petits-fils de Leffert, moyennant 300 marcs d'argent qu'ils s'obligerent de payer a PEvêque. Florent voulut terminer en même tems, les anciennes querelles au fujet de la Frife. Le Comte examina les titres refpeétifs; ceux des Comtes de Hollande fe trouvant plus anciens, il vouloit fupprimer les autres; PEvêque alom évoqua cette affaire devant 1'Empereur,. qui décida quelques années après, que les revenus de la Frife feroient également partagés entre PEvêque ék le. Comte, qu'ils nommeroient conjointement les Gouverneurs; mais qu'il s'en. réfervoit la confirmation: que chacun pourroit nommer un Procureur particulier; que PEvêque ék le Comte pourroient aller dans le pays quand ils voudroient, ponrvu que leur fuite ne pafiat pas trente perfonnes; que les affaires tc-mporelles feroient portées au tribunal du Comte ék les fpiritueiies h celui de PEvêque. (2) Le Comte de Hollande ayant obtenu de 1'Empereur depuis quelques années, la permiflion d'établir une Douane a Geervliet fur la Bornifie, (3) les Flamans fe recrierent fur ce droit, qui ruinoit le commerce. Théodoric. d'Alface étoit alors Comte de Flandre, èk pendant fon voyage en Paleflinc ,.. Philippe fon fils gouvernoit fes Etats. Philippe èk Florent avoient été rivaux; ils avoient afpiré l'un èk 1'autre a la main d'Elifabeth, fille du Duc de Vermandois, èk Philippe avoit obtenu la préférence: lc revenu que les Zélandois retiroient de la pêcherie du Hareng, qu'ils avoient établie a 1'cmbouchure de la Meufe; (4) la fupériorité que les Hollandois commencoient & acquérir fur la mer; 1'augmentation de ieur commerce; le préjudice que leur. (O Baré. Hift. Cömir. Holl. in Flor. III. Ann. Egm. ad ann. 1162. f2) Beka in Gpdef. Cs) Van Balen Defc. de Dordrecht, Art. XIII. (4) Juni. Barav. c VI Cluv. de Trib. Oü. Rhen..  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. III. 333 induftrie ék la douane de Geervliet portoient au commerce des Flamans, leur mirent les armes a la main. Philippe afTura la navigation par une bonne flotte, & avec une armée de terre il pénétra dans le pays de Waas, & fe rendit maitre du fort & du pays. (1) Florent arma de fon cöté, mais Paffaire de Groningue le forca de fufpendre les hoflilités. Comme 1'Empereur fe trouvoit dans les Pays-bas.ril régla les contefhtions qui s'étoient élevées a 1'occafion des digues entre PEvêque d'Utrecht, le Comte de Hollande, Henri Comte de Gueldres & Théodoric Comte de Cleves : chacun, pour fe garantir des inondations, faifoit des digues qui rejettoient les eaux fur fes voifins. L'Empereur ordonna qu'il feroit fait un Canal a Nuy,aboudflant a la Zuiderzée; que 1'ancienne digue de Wyck-te-Duurftede feroit confervée ék que celle que Florent avoit fait élever auprès de Zwa? denbourg feroit rafée, comme dangereufe pour le pays d'Utrecht. (a) Lorfque tous ces régiemens eurent-cimenté la paix entre PEvêque ék Florent , celui-ci donna tous fes foins a la. guerre de Flandre; les Comtes de Gueldres, de Cleves ck de Bergues, avec lefquels il forma une ligue, fe chargerent de faire une diverfion dans PAlface: il arma une flotte confidérable, ck fit inquiéter les cötes par les armateurs Zélandois. (3) Florent ék fes confédérés tenterent le fiege d'Amfterdam; ils furent attaqués dans leur camp par Philippe, qui avoit pour alliés Mathias Comte de Boulogne, Hugues de Terouanne1 ék Godefroy de Louvain. Après un combat terrible qui dura fept heures, les Hollandois plierent ék Florent abandonné de fes alliés, fut fait prifonnier avec quatre eens gentilshommes. Les Hollandois perdirent fept mille hommes, ék les Flamans un plus grand nombre encore. (4) Florent ■ fut conduit a Bruges, oü il demeura trois ans: par le traité auquel il dut fa liberté, il fe reconnut vaflal du Comte de Flandre pour la Zélande, déclara les Flamans exempts dc tout impót ék péage, ék s'obligea de les indemnifer de toutes les pertes qu'ils avoient faites pendant la guerre. Pendant que Florent étoit prifonnier , les Kennemers joints a ceux dc Harlem ék d'Alkmaar, avoient dévafté ék brulé Schagen ék les environs; les Weft-Frifons, a leur tour, avoient livré aux flammes Alkmaar ék tué quatrevingts des principaux officiers qui avoient refttfé de fe rendre.. Florent voulut punir les Weft-Frifons a fon. retour; mais fa noblefle qu'il mena contre eux, fe fit battre par trop de précipitation ék fon projet échoua. (5)Les inondations qui fuivirent, mirent fin a cette guerre; la tempête ayant briflé les digues cn automne , la.mer couvrit une partie de la Zélande, de la Frife,. . ék du Kennemerland ;. du haut des murs d'Utrecht on pêchoit dans 1'océan. (6) Le même fléau fe renouvella avec plus de fureur encore trois ans après,, Utrecht fut menacé d'être fubmergé. Les guerres des Trajeétins furent fufpendues pendant dix - huit ans, par la nomination.de Baudotiin, frere de Florent, a 1'Evêché d'Utrecht. (7) Godefroy de Rhenen étoit mort: Prélat ambitieux, ék guerrier intrépide, il inquiéta fes voifins èk tourmenta fes vaflaux; il avoit élevé quatre chateaux; (1) Chron. de Flandre de Pierre d'Oudag, c. 77. (0 Meyer Ann. Fiand. ad r.nn. i\66. (3) Heda Diplom. Frid. I. (4) Meyer Ann. Fland. Sigebert ad ann. 1165Yofl". Ann. Holl. Q£) Willelm. Procurator ad ann. 1168. (6) ld. ad ann. Uiföi Beka in Godefiid. (7) Btka & Iïeda in Balderic. Tt 3. mfi. deHol lande. 923-1434.. Guerre des Flamans & des Hollandois. Jugement de 1'Empereur au fu. jet des digues. Défaite des Hollanditis par les Flamans, Florent eftfait prifonnier. Traité de paix. 1168. Ravages ies Kenneners. Florent eft 'lattu. X170. Tnondaions. I178».  . Sect. III. Hifi. de Hollande. 923-1434. Guerre contre les WeftFrifons. Traité de "paix. Ligue fowUtl'Eièqued'Utrecht. 1188. Paix. Troifieme Croifade. Mon de Florent. Théodoric VII: Onzieme Comte. ligt. II veutfe■couer le joug du Comte de Flandre. J192. 334 HISTOIRE DE HOLLANDE TerHorft contre les Gueldrois,Montfoort contre les Hollandois, Vollenhoven contre les Frifons,& Woerden contre iesTiajca ns. II avoit eu des querelles avec Egbert Seigneur d'Amftel. Baudouin & Florent firent une ligue contre les Frifons, elle réuflit mal d'abord; ce ne fut que deux ans après qu'ils s'emparerent du Texel & de Wieringen. Les Frifons demanderent la paix; elle leur fut accordée moyennant quatre mille marcs d'argent, en dédommagement des ravages faits dans le Kennemerland. (1) La bonne intelligence qui regnoit entre les deux freres, n'empêcha pas Baudouin de citer fes vaflaux a 1'on tribunal ék de fe faire reporter les hommages. Henri Duc de Lorraine ék de Brabant, refufa de comparoitre: cette maifon avoit pofledé la Vel uwe comme fief mouvanr de 1'églife d'Utrecht, ék 1'avoit cédée a la charge de Phommage aux Comtes de Gueldres: Gerard II, Comte de Gueldres, pofledoit alors ce fief. Baudouin le confifqua après en avoir chafle le Comte: Gerard prit les armes ék afliégea Deventer. L'Empereur voulut terminer cette affaire; mais Othon II qui fuccéda a Gerard , rompit tout accommodement. L'Evêque fecondé de fon frere ék de Thierry Comte de Cleves, mit la Veluwe a feu èk & fang ék faccagea le Comté de Zutphen(2). Othon appella au fecours 1'Archevêque de Cologne, 1'Evêque de Munfter, le Comte de Bergues ék le Duc de Brabant. L'Empereur chargea 1'Archevêque de Mayence d'appaifer cet incendie prêt a erabrafer les Pays-bas. On convint de s'en rapporter a la décifion de la Diette de 1'Empire ék en attendant on laifia le Comte de Gueldres jouir de* la Veluwe, qui enfin fut déclarée, trois ans après, fief mouvant de 1'églife d'Utrecht , la propriété confervée au Comte de Gueldres, ék les droits du Duc de Brabant réfervés. (3) La Hollande goütoit les douceurs de Ia paix, lorfque la prife de Jérufalem par Saladin donna lieu a une nouvelle Croifade: Florent y accompagna Frédéric, ék ces Princes périrent tous les deux; Florent attaqué d'une maladie violente, mourut au camp d'Antioche: leurs corps furent dépofés dans la cathédrale de cette ville. (4) Florent laifla quatre fils ék quatre filles. L'ainé des enfans de Florent, lui fuccéda fous le nom de Théodoric VII. Son pere en partant, 1'avoit chargé de gouverner fes Etats. Théodoric donna a Robertv' fon troifieme frere, le Kennemerland; Florent, le quatrieme, étoit Eccléfiaftique ék Prévót d'Utrecht: quant au fecond, il étoit encore dans Ia Palcftine, oü il avoit accompagné fon pere; il y refta jufques après la prife d'Acre ék il fut oublié dans la diftribution des appanages. (5) Philippe Comte de Flandre mourut aufli dans la Paleftine èk ne laifla point de poftérité. Philippe Augufte, Roi de France, prétendit que ce Comté lui revenoit comme fuzerain, a 1'exclufion de Baudouin Comte de Hainaut, beau-frere du dernier Comte de Flandre: Théodoric voulant profiter de cette querelle pour fe fouftraire aux conditions du dernier traité, offrit a 1'Empereur VI, 1'hommage des ifles a POueft de PEfcaut; mais Baudouin 1'avoit dévancé. Dans ces circonftances Guillaume de retour de la terre fainte,irrité de n'a- (0 Willelm. Procur. ad ann. 1184. Melis Stoke Chron. (2) Beka in Balderic. II. Godofr. Monach. ad ann. ï 188. (3) Diplom. Henr. VI. ap. Hedam. Beka in Balderic. II. (4) Godofrid. Monach. ad ann. 115)0. (5) Barland Hift. Comit. Holl. in Md. VII. Scriver. Hift. Comit.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIIL Sect. III. 335 voir point d'appanage, tomba fur le Kennemerland a la tête des Weft- Frifons: (i) Théodoric faifoit fes préparatifs, lorfque les Flamans pour fe venger de la confirmation du péage de Geervliet, qu'il venoit d'obtenir, firent une irruption dans la Zélande. Théodoric forcé de marcher contre fon frere ék contre les Flamans,. déja maitres de l'ifle de Walcheren, donna une partie de fon armée a Adelaïde de Cleves fon époufe, pour contenir Guillaume. (2) Elle fe conduifit avec la prudence ék la valeur d'un grand capitaine. Elle fe retrancha dans 1'Abbaye d'Egmond, ék gagna les milices de Nieuwport ék de Winkel, troupes d'élite de Guillaume: alors elle fortit de fes retranchemens ék Pattaqua dans fon camp fous Alkmaar. Guillaume qui lè voit tout a coup abandonné de fes meilleures troupes, fe défend quelque tems ék fe bat en retraite, fuyant derrière des marais oü fa belle-fceur ceffa de le pourfuivre. (3} Tandis que la viétoire couronnoit Adelaïde, Théodoric vainqueur des Flamans , les chafToit de la Zélande. Ces deux époux fe réunirent a Egmond. Baudouin Evêque d'Utrecht, Théodoric le Prevöt, le Comte de Benthem ék Adelaïde réconcilierent le Comte avec fon frere ék leur firent figner un traité,, par Iequel Théodoric aflura a Guillaume, une penfion fur le péai-e de Geervliet ék pour appanage 1'Oftergoo ék le Weftergoo. Lorfque Gtullaume voulut fe mettre en polfeffion, Henri de Craan Comte de Kuinder, s'y oppofa. M fallut prendre les armes. Guillaume attaqua Craan, le défit entierement, le chafla de Kuinder ék en fit rafer le chateau. On accufé Théodoric d'avoir été d'intelligence avec Craan. (4) On prétend qu'il lui avoit donné des ordres fecrets de faire arrêter fon frere, ék que Guillaume s'étant évadé du chateau deTer-Horft, fe retira en Gueldres, oü il époufa Adelaïde fille d'Othon, pour être en état de tenir tête a fon frere. Bientöt après Othon , Comte de Benthem , fe plaignit hautement des exaétionsque Florent de Vorenborch, Chakelain de Coevorden, exercoit fur les marchands qui paflbient en Allemagne. Baudouin cita Florent, qui non feulement ne comparut pas, mais qui joint a Volkert fon gendre, fe mit en état de réfifter a PEvêque d'Utrecht. Le Prélat les afliégea dans le chateau de Coevorden ék les forga de fe rendre: il dépouilla Florent de la Chatellenie qu'il lui avoit donnée ék rendit la liberté a l'un ék a 1'autre; alors Volkert Gentilhomme de Drenthe, fouleva fes compatriotes contre Othon. (5) Cet efprit de révolte fe communiqua a ceux de Groningue, qui maffacrerent leur Bailli. Par 1'entremife du Comte de Gueldres, PEvêque, d'Utrecht confentit a un aceommodement; mais- avant tout, il exigea qu'on lui envoyat des etages. Groningue en donna quatre, Coevorden trois ék ceux de Drenthe douze. Ils parierent a PEvêque avec une telle hauteur, qu'il les fit mettre en prifon. Volkert k la tête d'une troupe déterminée, marche de nuit, furprend Coevorden,. enleve la Comteflè de Benthem,belle-fceur de Baudouin,& le force ainfi a rendre les prifonniers. L'Evêque entre dans le pays de Drenthe,met tout a feu ék a fang; les Archevêques de Cologne ék de iVIayen- (O Melis Stoke Chron. dans Dideric. (2) Joann. a Leyd. L. XIX. (3) Willelm. «vT'-vSami'1 li)5' ^ Wtm'ibid'Beka in Bald* ^ De reb*Ulcrai* Anon^a- Hifi. dë Hollande. 92.i -1'34- Gwtre entre lei deux freres. Guillaume battu par fa bellefosux. Rhmion de Théodoric & de fon frere. Troubles de Drenthe. Groningue fe révolte. Le pays de Drenthe ravagé par l'Evêque d'Utrecht'.  Sect. III. ■ Hift. de •Hollande. £23-1434 Traité di paix roml>u. Schifme a Utrecht. Fin du Schifme. JJgue cm$re les Trajettins. Le nouvel Evêque enlevé.1202. Théodoic tfi fait fit Jonnier. Ravages des 7 ra- ] jcüins fjf . de d'Evi- j que. ] a . I 33f5 HISTOIRE DE HOLLANDE ce procurerent la paix, en engageant PEvêque d'Utrecht a rendre la c'Mtellenie de Coevorden a Vorenborch, qui s'obligea de lui payer mille marcs _ d'argent. (1) ! Benthem piqué de n'avoir pas été appellé au traité, engagea Volkert a le ■ rompre. Baudouin prit les armes & fut battu. Le Duc de Gueldres fit alors éclater le reflèntiment qu'il confervoit contre 1'Evêque, de femprifonnement des ótages.; il brüla Otmarfon. Les Trajeétins obtinrent des fecours du Duc de Brabant, qui travailloit a la paix, lorfque PEvêque mourut. La nomination de fon fuccefieur occafionna un fchifme; une partie du Chapitre nomma Théodoric de Hollande, Prevöt d'Utrecht; 1'autre Arnould de Gueldres, Prevöt de Deventer: le premier foutenu par les troupes de Théodoric fon frere, fut inauguré par le Bas Evêché: Arnould foutenu par le Comte de Gueldres, fht inftallé a Deventer & reconnu par les peuples d'Over - yflel. L'Empereur Henri VI renvoya cette affaire a Céleftin III, & en attendant confia 1'adminiftration des revenus de 1'Evêché au Comte de Hollande. Le Diocefe fut dévafté par les deux compétiteurs: enfin le fchifme, mais non la guerre, finit par leur mort, en Italië. (2) Les Chapitres réunis nommcrent Théodoric van der Aare, Prevöt de Maftricht. Cependant Guillaume fort de 1'alliance d'Othon de Gueldres, ne craignant plus ni Craan ni fon frere, menacoit l'un & 1'autre. Théodoric fe prêta a une réconciliation plus fincere, par 1'entremife du Duc de Gueldres. Ces trois Princes fe liguerent alors contre les Trajeétins. (3) Les revenus de la Frife, fuivant le traité de 1165 entre Florent III & Godefroy de Rhenen, devoient être également partagés entre le Comte ck PEvêque, & il ne pouvoit être établi d'impöts que de leur confentement unanime. Van der Aare, qui avoit befoin d'argent pour foutenir la guerre, alla dans la Frife ék y établit des contributions de fon autorité: cette infraction au traité fervit de prétexte a Guillaume pour le faire enlever ék le mettre en prifon. Les Frifons craignant d'encourir 1'anathême le délivrerent; le Prélat ne refpiroit que la vengeance. Othon s'étoit rendu maitre de Deventer; Théodoric inveftit Utrecht. (4) L'Evêque appella au fecours Henri Duc de Brabant, qui fit Othon prifonnier. Théodoric abandonna le fiege :fUtrecht, vola au fecours d'Othon ék s'empara de Bois-le-Duc, que Henri ivoit fait batir depuis peu: il y fit prifonniers le frere du Duc ék le Comte ie Kuik; (5) mais le Duc de Brabant ayant attaqué les Hollandois a leur ■etour, avec des forces fupéricures, prés de Heusden, la valeur de Théoioric ék de fes troupes, ne put les empêcher d'être taillées en pieces, ék Phéodoric d'être fait prifonnier. (6) Les Trajeétins profiterent de cette circonftance pour défoler la Hollande & a Gueldre; PEvêque pour brüler la Veluwe, reprendre Deventer ck s'emparer du Comté de Zutphen. Enfin les deux Comtes prifonniers racheterent eur liberté par un traité défavantageux. Le Comte de Hollande fe reconlut vaflal de PEvêque d'Utrecht ék.s'obligea de payer pour fa rancon, deux mille (O Ubbo Emm. rer. Frif. L. VI. (2) Beka in Theodor. Godof. Monach. d ann. 1197. (3) Melis Stoke Chron. fur Dideric. VII. (4) Anonyra. de reb. 'Itraj. c. XIII. (5; Beka in Theod. VII. (} Les Frifons facilitcrent a Guillaume 1'entrée d'Aix-la-Chapelle: ils arrctc rent Ie cours de la riviere qui traverfe la ville, au moyen d'une digue de quarante pieds de haut: cette place fut inondée ék la garnifon fe vit forcée dc capituler, Guillaume y fut couronné le 1 Novembre, (3) mais auparavani il s'étoit fait armer Chevaiier a Cologne. (4) II attaqua Keiferswenh. Le fiege dura un an; le gouverneur ne fe rendii qu'a la derniere extrêmité , ék lorfque les vivres eurent ehtierement manqué. Le généreux Guillaume récompenfa fa valeur, en lui donnant la ville en propriété ék Catherine de Brederode fa parente en mariagé. (5) L'Empereur Frédéric mourut; Conrad élu Roi des Romains par les parthans de fan pere ék par les fiens, monta au tröne de PErapire. Cet événement ék le défaut de finances découragerent Guillaume, ék malgré les follicitations du Pape ék le mariage qu'il lui fit contraéter avec Elifabeth, fille d'Othon de Brunswic, il renonca a fon entreprife. Guillaume courut le plus grand danger Ia nuit de fes nöces: le feu prit au palais; la Princeffe qui en connoiflbit les détours, le conduifit par la main ék le fauva. Guillaume de retour en Hollande, réfolut de fixer fa réfidence a la Haye: il y batit un palais magnifique, ék transféra dans cette place, les Etats qui fe tenoient auparavant a Gravefande, ville autrefois floriffante, & dont ie CO Alb- Stadens. ad ann. T243. Ilift. Landg. Thuring. c. 12. f» Chr. Erford ad ann. 1248. (3) Magn. Chron. Belg. Beka in Othon III. (4) Willelai, Procur. ai ann. 1248. (5) Boxhorn Th. Urb. Bilgic. , Hift. de Hollande. \ 923- 1434. : l l l ! Guillaume eft élu Roi des Ro- 1 mains. Frédéric lui difputi 1'entrée d'Aix-la- Cliapelle. 124". 1 Guillaume y eft couronné. Belle aBion de Guillaume. U renonce & fes pro jets fur 1'Empire, ' D.ingsr qu'il court. Fixe fa ré. f.dence è la Haye. Palais des Comtes.  Sbct. III ftyt. de Hollande •923-142 1252. Guerres Flandre. Leur 01 gine. Jugome? ds Saint Louis. Adelaïde Jaur de Guillaume époufe Jen i' Avesnes Ï253. Les Fla- mansdèfah en Zclandt S44 HISTOIRE DE HOLLANDE . port étoit comblé; il fortifia le chateau de Heemskerk, contre les entreprifes des Weft-Frifons. Une nouvelle guerre 1'arracha bientöt a ces occu i ' pations pacifiques. Marguerite Comteflè de Flandre, avoit eu de Bochard _' d'Avefnes fon tuteur & fon oncle, diacre & prevöt de 1'églife de Liege, qui avoit abufé de 1'innocence de fa pupille, Guy & Jean. Les Flamans vou- ie loient venger dans le fang de Bochard, 1'outrage fait au fang de leurs Souverains: il alla a Rome, fe fit relever des Hens du Diaconat, & obtint une difpenfe de parenté, avec la permiffion d'époufer fa pupille. 11 revenoit dans ce defiein, lorfqu'il fut aflafliné par des émiflaires des Flamans. Guy da Dampierre épris de la beauté de Marguerite 1'époufa, ék en eut Guillaume , Guy & Jean. II s'éleva des querelles entre les enfans de Bochard & ceux de Dampierre, qui les regardoient comme batards; ceux - ci foutenoient que les difpenfes obtenues par leur pere ék fon intention rendue publique, fufhToient pour aifurer leur légitimité. (1) Cette queftion fut fou- t mife au jugement de Louis IX, Roi de France, qui décida conjointement avec le Légat du Pape, (2) que le Hainaut appartiendroit aux d'Avesnes & la Flandre aux enfans de Dampierre. (3) Jean d'Avesnes époufa Adelaïde, fceur du Comte de Hollande. Guillaume lui donna pour dot le Comté de Namur confifqué entre fes mains èk qu'il regardoit comme lui appartenant, paree que Baudouin IX n'avoit point relevé ce 1 fief de 1'Empire: il lui tranfporta encore Ja propriété féodale des quatre bailliages, du pays de Waas ék du Comté d'Aloft, que Guillaume regardoit comme lui étant acquis, faute par Marguerite d'avoir obéi aux lettres adrefféés a tous les vaflaux de 1'Empire, pour leur enjoindre de venir le reconnoitre Roi des Romains. (4) Margueritte gagna du tems par de feintes négociations, ék lorfqu'elle eut rafièmblé fes forces, elle envoya Guy de Dampierre fon fils dans la Zélande , fief de la Flandre, dont le Roi des Romains lui-même avoit négligé de faire hommage a Marguerite. Quoique Guillaume fe fut rendu a Anvers pour les négociations, il n'avoit pas négligé d'envoyer dans l'ifle de Walcheren, Florent fon frere, qui s'étoit caché derrière les dunes de Weft-Capelle avec fes Kennemers. Dès qu'il vit qu'une partie de l'armée de Guy étoit defcendue, il fortit de fon embufcade, tomba fur les ennemis, qui ne s'attendoient point a combattre, ék jetta parmi eux le défordre ék la terreur. Ils fe rallierent cependant: Guil- s laume qui étoit fur la flotte accourut, débarqua a Arnemuidcn. La flotte de ■ Guy fut difperfée, les Flamans furent taillés en pieces, ék Guy fut fait prifonnier avec la plupart de fes Généraux. Le nombre des morts fut de cinquante mille ék celui des prifonniers au-dela, (5) ce qui paroït exageré. On prétend que pour s'en débarraflèr, Guillaume les fit dépouiller prelque nus ék les renvoya a Marguerite. Cette Princefiè eut recours h Charles d'Anjou, frere de Louis IX, ék lui donna 1'inveftiture du Hainaut, a condition qu'il lui ameneroit une bonne ar- (i) Meyer Ann. Fland. ad ann. 1252. Voft". Ann. Holl. L. 11. (2) Daniël & Mezerai Hift. de France dans Louis IX. (3) Apud Martcn & Dnrand T. III. JLitt Mar?. Com. Fland. (4) Lite. Will. Ap. Murtin & Durand T. I. Hift. gén. des Provinces Unies T. II. L. 6. (5) Meyer Ann. Fland. ad ann. 1253. Chr. Lrford.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIIL Sect. Hï. S4S ■armée. CO Mais Louis refufa de fe prêter aux vues de fon frere, & de fourcnir une mere contre fon fils & fon beau-frere. Guillaume écrivit en même tems au Duc pour Pengager d'évacuer Valeneiennes & de ne point entrer dans une guerre odieufe. Charles refufa brufquement & Guillaume Pajourna fur la bruyere d'Afche pour terminer leur différend en bataille rangée: il s'y rendit; mais a Papproche du Comte, il fe jetta dans Valeneiennes ; il y fut invefti, il dut fe fauver par une poterne, & tandis qu'il revenoit en France, les habitans remirent les clefs a Guillaume. Marguerite pour obtenir la paix, fut enfin contrainte de mettre Jean d'Avesnes en posfefiion du Hainaut, du pays de Waas & du Comté d'Aloft: (2) trop heureufe encore que le Roi de France voulut faire accepter ces conditions. Le Pvoi des Romains lui rendit alors Guy de Dampierre, fon fils, fait prifonnier a la bataille de Weft - Capelle. Guillaume fe difpofoit a partir pour Geneve, ou le Pape devoit le cou■ronner Empereur; mais les affaires 1'obligerent de retarder fon voyage. Gofewin d'Amftel avoit fuccédé dans le fiege d'Utrecht, a Othon oncle de Guillaume; Gofewin étoit fort diffipateur, ék fur les plaintes du peuple, le Pape le dépofa; le Prélat intimidé par les menaces de Guillaume confentit a fa dépofition; C3) Henri de Vianen fut nommé h fa place. Le Seigneur d'Amftel, frere de Gofewin, ék le Seigneur de Woerden, appuyés d'Othon Comte de Gueldres, s'oppoferent a 1'inftallation de Vianen, qui afièmbla une armée ék les ajourna pour vuider la querelle par une bataille. Guillaume parut a une des portes de Ia ville , tandis que Parmée défiloit par 1'autre. LArchevêque de Cologne qui gardoit Ia ville, lui en refufa 1'entrée. Guillaume forca la porte. Lc Prélat pour laifier le tems aux armées de fe battre, alla avec tout fon clergé faire de longues excufes au Comte, ék dans cet antervalle la viétoire fe déclara en faveur dc Vianen, qui ramena les Seigneurs d'Amftel ék de Woerden. Le Comte s'entremit pour Ia paix, ék ces Seigneurs fe foumirent a venir avec 500 des leurs, vêtus de laine ck tête nue, demander pardon a PEvêque dans la cathédrale, ék lui prêter ferment en qualité de vaflaux. C4) Guillaume avoit comblé les Trajeétins de faveurs; il s'étoit fait inferire au nombre des Bourgeois. Cependant un jour qu'il paflbit dans une rue, un inconnu lui jetta une énorme pierre, qui Peut tué, s'il n'eut eu le bonheur de 1 éviter: 1'inconnu difparut & ne fe retrouva point. Le Roi des Romains rcjetta cet outrage fur toute la ville èk jura de fe venger de tant d'ingratitude;(5) mais les Weft-Frifons, fecrétement excités a la révolte par Conrad 1 appcllerent ailleurs. Les Weft-Frifons, qui voyoient avec chagrin le chateau de Heemskerk que Guillaume avoit fait fortifier, pour mettre la Haye k couvert de leurs incurfions, 1'avoient attaqué en 1254. Gerard de Heemskerk les avoit repoufles, Guillaume entreprit de les fbumettre. II engagea les habitans d'Alkmaar a marcher contre eux, en leur accordant des privile- T W^'c^n011, S' Bert3niNPi,rt- % c. 49. ("O Martcn & Durand Thef. Anecd. h 1 jPjr- S' Hrr' ,Q Beka & Heda in Goesw- CO P- Hoyer de Papend. Ann. Belg. L. UI. (5) Dipl. Will. Regis ap. Hedam. P Tome XLIIl. Xx Hift. de Hollande. 923-H34. Guillaume maitre de Falencieii' nes. Paix avec Marguerite. 1255. Guerre h Ucrecli:. Guillaume appaife les troubles. D viger qu'il court & Utrecht. Rhtite de; We ft -Frifons.  Sect. III. Bijt. dc Hollande. 923 - H34. Guillaumt tué par des Frifons , ■ qui ne le eonnoisjoient pas. Enterri fecrètement. I2JÖ. Soit éloge.- Féconiitè falukuje. Rodolphe de Hapsbourg. La Suijje érigée en République. ) 1 « i j I S4f5 HISTOIRE DE HOLLANDE ges & en les exemptant de tout impót pendant dix ans. (1) Lorfqu'il eut raffemblc fes troupes, il entra dans la Welt-Frife: arrivé fur le bord d'un lac dont il croyoit la glacé affez épaifle pour foutenir l'armée, il la divifa en deux ék donna la droite a Brederode qui battit 1'ennemi; Guillaume pourfuivant les fuyards, fut arrêté par un marais; il voulut fonder le terrein avant que d'y cxpofer fes troupes; il s'éloigna hors de la vue de fes foldats; le poids de fon cheval rompit la glacé, ék des Frifons cachés dans des rofeaux le maffacrerent fans le connoitre. Lorfqu'ils furent qu'ils venoient de tuer le Roi des Romains, ils emporterent fon corps dans une chaumiere ék 1'y enterrerent fecrétement. (2) On prétend que ceux qui 1'accompagnoient, auroient pu le fecourir, mais qu'ils avoient été gagnés par les Allemans. Les Hollandois ne fachant ce qu'il étoit devenu, fe retirerent en defordre. Ce Prince n'avoit que vingt-fept ans ék périt fur les marches du tróne Impérial. 11 étoit digne de fa fortune, par fa valeur ék par fon amour pour la juftice. II accorda des exemptions ék des privileges aux villes de Hollande ék de Zélande, dont le commerce devint plus floriffant. II exempta Alkmaar, Delft, Dordrecht ék Ziericzée de tout péage. Ses diplomes fè font confervés jufqu'a ce jour. II fut le premier qui attacha des peines capitales au viol ék a 1'affaflinat; il éleva des édifices publics, il batie des palais ék fit ouvrir dc grands chemins; il dota des abbayes, ék on lui attribue un livre de prieres. (3) II eut d'Elifabeth, fille d'Othon Y Enfant, Duc de Brunswick, Florent qui n'avoit que deux ans , lorsqu'il perdit fon pere, èk une fille nommée Mathilde. Nous croyons inutile de refuter Panecdote de 1'incroyable fécondité de la Comtefie de Hennebcrg, fceur de Guillaume. (*) L'Empire étoit vacant, il falloit donner un fuccefieur au Roi des Romains. Conrad, fans rival, n'en fut pas plus heureux; les Eleétcurs fe diviferent ék après de longues conteftations, la crainte que le Pape ne fe fit un titre, en nommant un Empereur , réunit toutes les voix en faveur de Rodolphe, Comte de Hapsbourg , tige féconde de 1'illuftre Maifon d'Autriche. (4) Vers ce tems, les Suiffes fatigués du defpotifme infolent de leurs gouverneurs , fecouerent le joug de 1'Empire ék s'érigerent en République libre èk indépendante. (5) (O Diplom. Will. Regis. Manifeftes d'Alkmaar. (2) Math. Paris ad ami. 1256. Whlelm. Procur. Notre Tom. 40. p. 1. & ftiiv. (3) Mauif. de 1240, 1250. Jioxhorn fur Reigensb. part. II. (*) Nous n'aurions fait aucune mention de la couche de Marguerite, ComtefTe de Henïeberg, s'il n'en exifloit aucun monument: mais Erasme, Scriverius & d'autres en parient, St 1'on voit dans la facriflie d'Utrecht deux balïïns,dans lefquels on prétend que les enfans ie la Comteife furent préfentés au baptême, & 1'épitaphe de la mere qui attelte le fait. Elle «orte qu'une pauvre femme chargée de deux enfans jumeaux, demanda 1'aumóne a Ia romtelfe, qui, furprife de fa fécondité, lui dit que ce doublé fruit avoit fans doute une louble caufe; que la malheureufe mere,plus fenfible a 1'injure qu'on faifoit a fon honneur, pi'a fa propre mifere, leva les yeux au ciel, & le pria de juftiller fon innocence , en enroyant a Marguerite autant d'enfans qu'il y a des jours dans 1'année; que le voeu fut exau:é, & que neuf mois après, la Comtelfe mit au monde 365 enfans de l'un & de 1'autre èxe, qui furent portés fur les fonts dans deux balfius ; que les garcons furent nommés ean , les filles Elifabeth, & que Guy Evêque d'Utrecht les baptifa. Voyez Hift. én. des Provinces Unies. T. III. pag. 179. (4) Cafpin de finp. Chron. Auftr. ad ann. 1253. (5) Voyez notre Hift. des Suiffes. ?om. 39. p. 24. ékc.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. III. 347 Le fils de Guillaume II fut reconnu Comte de Hollande, fous la tutelle de Florent fon oncle. La trêve avec les Flamans étoit fur le point d'expirer. Guy de Dampierre partageoit avec fa mere, les foins du gouvernement. (1) Florent, le Tuteur, convertit la trêve en une paix folide; les principales conditions furent fon mariage avec Marguerite, fille ainée de Guy, en faveur duquel Marguerite, ayeule de Ia Princeffè,' lui donnoit les ifles qui font a 1'Oueft de PEfcaut; (2) & le mariage du jeune Florent, avec Béatrix, fille de Guy. La Noblefle & les Villes qui déja avoient un grand crédit, jurerent de refufer tout fecours au Comte de Flandre,s'il contrevenoit au traité, dont les conditions furent exécutées, a Pexception du mariage que Florent remit a un autre tems; mais il mourut dans Pintervalle, d'une bleflure qu'il recut dans un tournoi qu'on célébroit a Anvers. Les Zélandois fe gouvernerent longtems fuivant les fages ordonnances ék les ftatuts qu'il leur laifla, ékle jeune Florent perdit beaucoup par fa mort. Ce Prince n'avoit alors que quatre ans. Adelaïde fa tante, veuve de Jean d'Avesnes , prenoit foin de fon éducation: elle prit le titre de Tutrice de Hollande. ("3) Les Hollandois, foit qu'ils n'aimafiènt pas a être gouvernés par une femme, foit qu'ils fe méfiaflènt de fon habileté, Pobligerent de s'aflbcier Henri Duc de Brabant; mais bientöt la corruption de fes mceurs fouleva le peuple contre lui: il quitta la Haye, ék mourut peu de tems après. Othon III, Comte de Gueldres, fut appellé par la Noblefiè : les Zélandois s'y oppoferent; ils vouloient conferver la tutelle a Adelaïde: elle aflèmbla une armée dans le Sud-Beveland. Othon reconnu en Hollande pafla la mer, attaqua les troupes d'Adelaïde ék les tailla en pieces. (4) Le Comte de Gueldres, maitre de la régence, gouverna paifiblement jufques a ce que fon pupille agé de feize ans, regna par lui-même: il avoit époufé Béatrix, en cxécution du traité de 1256. La Hollande jouiflbir d'une paix profonde, lorfque les Kennemers fe révolterent contre la Noblefle qui abufoit de fon autorité. Les Trajeétins imitcrent leur exemple: les premiers vouloient exclure les Seigneurs du gouvernement , ils fe liguercnt avec les Weft-Frifons ék les peuples du Waterland. Les chateaux des Nobles furent pris èk rafés: les Nobles fe réfugierent èk fe forsifierent dans Harlem. Alors les révoltés fe répandirent dans PAinftclland. Le Seigneur d'Amftel faifit cette occafion pour fe venger de Paffront qu'il avoit recu de PEvêque èk du Sénat d'Utrecht, il fongea en même tems a^éloigner ces rebelles de fes terres. II leur perfuada que, quelque beau que fut leur projet, ils ne réufliroient jamais s'iis ne fe choififfoient pas un chef: ils le nommerent lui-même ék jurerent de lui obéir. Auffitót il les conduifit devant Utrecht, èk fit dire aux Trajeétins étonnés de fe voir inveftis, qu'il re venoit que pour les délivrer de la tyrannie des Seigneurs èk de Poppreflion des Magiftrats. Les portes lui furent ouvertes ék 1'alliance avec les Kennemers fut fignée. On crée de nouveaux Magiftrats, pris parmi le peuple, èk les anciens fontchafies; Amftel foutient avec des troupes les mêmes CO Meyer Ann. Fland. Willelm. Procurat. ad ann. 1256. Ca) Paaum pacis ap Manen & Durand, Thef. Anecd. T. h C3) Ann. vet. cevi T. II. Dipl. ad ann. 1258. (4) Alting. Germ. infer, part. II. Melis Stoke. Xx 2 Hifi. de Hollande. . 923-1434. Florent V : Se i zieme Comte. Paix avec la Flandre. Le Tuteur de Hollande tuédans un tournoi. 1258. Adelaïde d'Avesnes " lui fuccede dans la tutelle. Othon Comte de Gueldres bat lestroupes d'Ad".laide.Régent. 1268. Révolte des Kennemers 6? des Trajettins contre la Nobleffe. Le Seigneurd'Amftel en profite. Efl recu dans Utrecht.  Sr.cr. III. Wijt. de Hollande. 923- 1434- Défaite des Kennemers, L'Evêque s'empare d'Amsrsfort. 1272. Fin, ent matche contre les Weft-Frifons. Mauvais fuccès de cette guerre. 1282. Florent attaque les Frifons par mer. Remporie une viiloire complette. Découvre le corps de fon pere. Son alliance avec Edouard. Différens traites. 1284. 348 HISTOIRE DE HOLLANDE changemens a Amersfort & a Ecmland; il détruit les chateaux de fes «tóe* mis, mais après qu'il a fatisfait iès haines particulieres, il envoyé les Ken-nemers faire leur récolte. Tandis qu'ils affiegent Harlem, Jean Perfin qui y commande, détache des troupes pour brüler leurs villages; les rebelles quittent Ie fiege pour voler au fecours de leurs foyers: alors Perfin fait fortir la garnifon qui malfacre leur arriere-garde, & depuis cet échec les Kennemersne iè rafièmblerent plus. Cependant jean de Nafiau Evêque d'Utrecht fe préfente devant Ia viHe, accompagné du Comte de Gueldres; mais le peuple refufe de le recevoir; il n'affiege point la ville, il fe contente de prendre Amersfort, d'en renveiTer quelques édifices, & lè retire a Deventer, jufques a ce que deux ans après, Z weder de Bofinchcn, a la tête des bannis, furprit Utrecht par efcalade, & que Nicolas Kars envoyé par le Comte Florent rétablir l'ordre ancien. Le jeune Comte n'attendoit que 1'occafion de punir les Weft-Frifons- de la mort de fon pere. Leur alliance avec les Kennemers rebelles lui en fournit Poccïffioh; (1) il aflèmbla les Etats & la guerre fut réfolue. Florent qui entroit dans fa dix-huitieme année, rafiembla fes troupes a Alkmaar & entra eir campagne: les Weft-Frifons s'avancerent a Voorne, attaquerent fes travailleurs, les battirent & les fuivirent jufques a Heilo. Les Hollandois fe rallierent & leur tuerent 800 hommes; plufieurs périrent dans cette aétion. Cette guerre dura deux ans èk nc fut point heureufe; Adelaïde qui 1'avoit defapprouvée, perdit 1'amitié du Comte èk fut obligée de fe retirer avec toute fa familie, auprès de Jean d'Avesnes, fon fils, Comte de Hainaut. Florent ne fe découragea point, il réfolut d'attaquer les Frifons par mer. Depuis qu'il s'étoit fait armer Chevalier, il rougïflbit de n'avoir pas cueilli plus de lauriers: il traverfe la Zuiderzée, aborde a Wydenes, trouve les Frifons rafièmblés a Schellingkhout, les attaque ék remporte fur eux une victoire complette; tout fut maffacré, ou difiipé: un vieillard qui fe trouva parmi les prifonniers, promit d'indiquer 1'endroit oü repofoit le corps du Roi Guillaume, que les Frifons s'étoient engagés de ne jamais découvrir, condition qu'on lui rendroit la liberté. Auffitót le Comte fit cefièr le carnage, promit au vieillard plus qu'il ne demandoit & fit déterrer les os de fon pere, qu'il fit tranfporter a Middelbourg. (2) Florent écrivit cette heureufe nouvelle a Edouard Roi d'Angleterre, avec qui il vivoit en bonne intelligence. Leur amitié s'étoit formée pendant la longue négociation pour la paix entre les Anglois & les Flamans: pour la cimenter, ces deux Princes arrêterent le mariage d'Alphonfe fils d'Edouard, avec Marguerite fille de Florent, tous deux enfans. Bientöt il naquit un fils au Comte, & comme il excluoit Marguerite de la fucceffiön de 1'on pere, il changeoit les difpofitions du traité conclu pour fon mariage. (3) On arrêta lc mariage du Princequi venoit de naitre avec une Princeflè d'Angleterre & leur contrat de mariage reétifia le premier; mais Alphonfe & Marguerite moururent enfans, & il fallut faire de nouveaux arrangemens. Pendant ces négociations, le Duc Jean de Brabant affranchit Dordrecht de toute redevance ék de Phom*- O) Melis Stoke daris Florent V. (2) Will. Procur. ad ann, 1282, (3) ConceÊi Flor. Com. Holl. in Aft. Publ. Angl. ï. I, part. II.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. III. 34j ma«e que le Comte de Hollande lui devoit pour cette ville. (k) Peu de tems après il s'éleva des troubles entre Jean de Naflau, Evêque d'Utrecht, & les Seigneurs d'Amftel & de Woerden. Le Comte de Hollande fe vit forcé de prendre part a cette guerre, en vertu du traité de 1274, par Iequel il s'étoit engagé d'accorder fa proteétion a la Noblefle & au jYiagiftrat d'Utrecht, contre PEvêque qui entreprenoit fur leurs droits, ck de marcher a leur fecours a Ia première requifidon. La caufe de cette guerre étoit un nouveau péage établi furie Vegt, par Gifelbert d'Amftel, qui tenoit en engagement de PEvêque, le fort de Vreeland. (2) Les Trajeétins lui propoièrent de lui rendre la fomme qu'il avoit prêtée, s'il vouloit fupprimer le péage. Amftel refufa ék les Trajeétins réfolurènt d'afliéger le fort; ils furent repouflès avec perte par Amftel. Le Comte de Hollande qu'ils appellerent, s'empara des terres ék chateaux d'Amftel & de Woerden; Amftel & Arnould fon frere furent faits prifonniers, & cités au tribunal de PEvêque; ils furent convaincus de félonie & tous leurs biens confifqués: Woerden qui s'étoit fauvé, fut banni. Florent garda 1'Amitelland, moyennant quatre mille livres qu'il paya a 1'églife d'Utrecht, & donna cette Seigaeurie a Perfin, pour le dédommager des pertes que Pinvafion des Kennemers lui avoit caufées. Cependant on parvint a réconcilier les Amftel avec Florent & PEvêque; Woerden rappellé, rentra en grace. (3) Deux inondations prefque confécutives répandirent la confternation dans la Zélande & la Frife. Un nombre infini de maifons, de families & de bestiaux fut fubmergc dans ces deux provinces. Florent qui ne défiroit la paix avec fes voifins que pour réprimer les Weft-Frifons, toujours prêts a prendre les armes èk qui faifoient fans ceflè des efforts pour fe rendre maitres du chateau de Wydenes, profita de cette calamité pour les mettre fous le joug. Refugiés fur les hautcurs & les Communications interceptées par 1'inondation, ils fe foumettoient a Brederode, que le Comte avoit envoyé contre eux avec des vaiflèaux plats, chargés de troupes. (4) Lorfque la terre fut découverte, Florent parut avec une armée ék conftruiüt quatre fortereflès, a Medenblik , Alkmaar, a PElt de la Zype, ék la quatrïeme uniquement deftinée a protéger 1'entrée des Hollandois dans la Weft-Frife. (5) II alla enfuite a Toorembourg, oü les députés de la Frife vinrent le joindre. II y figna' le traité, en vertu duquel les Frifons le déclarerent ék reconnurent Seigneur de Frife; titre qu'il prit dès ce moment: en reconnoifiance il accorda quelques privileges a leurs villes. En même tems que Florent terminoit la guerre de Frife, il conclut un traité d'alliance avec Théodoric Duc de Cleves ék avec le Duc de Brabant, dont il promit de faire valoir les prétentions fur le Duché de Limbourg contre Renaud, Comte de Gueldres: il envoya des troupes au Duc Jean, fous les ordres de différens Seigneurs, qui, après avoir pris plufieurs villes de la Gueldres, fe fignalerenr a la fameufe bataille de Woeringen ék déciderent la viétoire en faveur du Duc. Les Comtes de (1) Aft. Publ. Ang. T. I. part. III. Voyez 1'Extr. de ces Aftes dans 1'Hift. gén. des Provinces Unies T. II. L. 7. (2) Üipl. Joann. I. ap. Math. Ann. vet. cevi T. III, Conv. Civ. Traj. inter & Com. Holl. 1274, 1278 in Jic. Mier. (3) Math. de Nobilit. T. II. Manif. d'Amlterd. Carl. Gii'elb. ann. 12Ü5. ap. Math. de Jur. Glad, (4) WilL Pr-ocur. ad ann. 1287. (5) Grande Chron. Div. XIX. c. 14, Xx 3. Hift. de' Hollande. 923-1434. Florent prend part a la guerre d'Amftel contre Utreeht. II s'empire des chateaux d''Amftel Q» de Woerden. Amftel IS Florent je réconcilient. 1287. Inondations dans la Zelande ($ la Frije. Florent en profite pour affujettir lts Frifons, Ils le rtconnoijjer.tpour Seigneur de Frije.  Sect. III Hift. de Holiande, 923-143 LaNohM confédérée contre Fit rent. Florent fai prifonnier par une perfidie. llrepoit e; grace la JVobleJfe. 1289. Troubles d'Utrecht. Florent le. $trmine. Prêtentior, de F.oreat au Tróne ti'Ecoffe. 1291. 350 HISTOIRE DE HOLLANDE , Gueldres & de Naflau & PArchevêque de Cologne furent faits prifonniers Le prétendu Empereur Frederic fit fignifier par 1'Evêque d'Utrecht ». {< Comte de Hollande, de ceflèr de faire hguenlaux Frifons. Le Comte ne ht aucune attemion a cet ordre & continua d'en agir relativement h fes des- re eins. La Noblefle voyoit avec peine la puifiance de Florent s'accroitre tous _ les jours, elle craignoit qu'il ne s'en prévalüt pour lui öter fes privileges(O ds prirent prétexte d'un impót du quatrieme denier qu'il mit fur les terl res de Zélande. Borfelen & Reneflè brouiilés depuis longtems fe réunirent & formerent une confédération avec les autres Seigneurs: ils appellerent Guy, Comte de Flandre, & lui offrirent de recouvrer les ifles a POueft de I Lfcaut. Florent qui comptoit fur les bienfaits qu'il avoit répandus fur les villes, fit peu dattemion ik ces projets; voyant cependant Middelbourg. en danger, il convoqua fes vaflaux; la Noblefle ne fe preflbit pas, mais le Peuple accouroit en foule fous fes drapeaux. La garnifon de Middelbourg forcee de capituler, avoit promis de fe rendre, fi dans un certain nombre de jours , Florent n amenoit du fecours. Ce Prince fe mit en marche avant l expiration du terme & parut avec une flotte formidable devant Ziericzée. Guy de Dampierre n ofa point hazarder le combat. Jean Duc de Brabant 1 1 n 1 T fIeur; F,?renC ne vouJoic écouter aucune propofition; mais e Duc de Brabant fe rendit fi preifant que ce Prince généreux, comptant fur ia loyaute de fon ennemi, alla lui-même peu accompagné trouver Guy qui ne rougit pas de le faire arrêter. Le Duc indigné de cette perfidie, tenta tous les moyens de délivrer le Comte: il n'en vint a bout qu'en s'obligeant , de demeurer a fa place, & ne put recouvrer fa liberté, qu'en payant une grofie rancon. Cependant Florent pardonna a Borfelen & a Renefle & recut en grace la foumiflion de la Noblefle. CO Utrecht vit renakre fes anciennes difcordes. Jean de Naflau étoit Evêque & netoit point Pretre; il refufoit aux voeux du Clergé & de la Noblefle dentrer dans les ordres, & cependant il diflipoit les revenus de fes Etats. AnX?X w T ?Sa f°n é,eélion; &>an de Zirik fut rais * ft place. Am iel & Woerden faififlant cette occafion pour entrer dans leurs biens, fe declarerent pour jean de Naflau t\ fe rendirent maitres de Vreeland & de Montfuort. Zink les battit, mais fes troupes furent battues a leur tour; enfin Ie Comte de Hollande termina leurs différends. Vers ce même tems ce Prince ' pour ramener la Noblefle & fe 1'attacher, inflitua POrdre de St. Tacques' dom il fe déclara le Chef: il nomma Chevaliers les Chefs de la Noblefle CO ^ L union de Florent & d'Edouard fe foutint avec la même intimité jufques a la mort de Marguerite, Reine d'Ecoffe. Florent étoit un des trcize prétendans qui fe dïfputoient ce tröne; il fe fondoit fur les droits d'Ada Princefle d Ecoffe mariée a Florent III, dont il defcendoit: Florent confentit qu Edouard obtint que les Ecoflbis reconnuflènt la fuzeraineté de 1'Anglcterre. Les droits des prétendans ayant été bien difcutés, Edouard déclara lean de Bailleul, henuer du tróne d'Ecoffe,, comme le plus proche; on s'obligea néanmoms a payer une fomme confidérable a Florent, par forme de L^c™ Pl'°C' 3d anD' I287> 00 Id£m'lbid' (3) Cod. Donat. Bdg.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. HL 351 dédommagement. (1) Dans Ie tems qu'il étoit encore en Angleterre, les Flamans firent une nouvelle irruption dans l'ifle de Walcheren. Florent fe rendit dans le Canal & tandis qu'il les tenoit en échec, les Hollandois firent une coürfe en Flandre & en reporterent un immenfe butin: 3000 Flamans détachés ravagerent l'ifle de Sud-13eveland; Borfelen les attaqua avec peu de monde pendant la nuit; les Flamans croyant avoir fur les bras Parmée de Florent, fe fauverent a la hate dans leurs vaiflèaux; tous furent tués ou noyés ou faits prifonniers & le Comte de Flandre fe retira. Florent avoit demandé du fecours au Roi d'Angleterre; Edouard qui vouloit fe ménager le Comte de Flandre, non feulement refufa des troupes ai Comte de Hollande, mais encore arrêta un mariage de fon fils, avec Philippine de Flandre, ék accorda a Guy que Pentrepöt des laines ne feroit plus è Dordrecht, mais a Bruges ék a Malines. (2) Florent irrité fit un traité avec la France, prête d'entrer en guerre avec 1'Angleterre; mais ce Prince fu afiafiiné par un complot, dont les motifs n'ont jamais été bien éclaircis. Or raconte que Gerard de Vellen, qu'il accabloit de bienfaits, pour lui faire oublier la mort de fon coufin qui avoit eu la tête tranchée, a caufe de ft liaifon avec les Flamans, avoit rejetté avec mépris les propofitions de mariage que lui faifoit le Comte, avec une femme qu'il avoit aiméc, ék que lc Comte lui répondit que quelque femme qu'il prit, elle feroit marquée au coir dc fon Souverain. Vellen , ayant époufé quelqu> tems après la fille dc Woerden, niece d'Amflel, Florent, dit-on, le chargea d'une commifiior importante ; après quoi il ordonna une chafle dans les environs du chateat de Velfen, oü il s'introduifit ék viola la jeune époufe. Elle prit le deuil, s'cnferma dans fon appartement, oü Velfen k fon retour ne put pénétrei qu'en enfoncant la porte. La fille de Woerden fondant en larmes raconta a fon mari tout cc qui s'étoit paflè. Velfen la confola ék 1'envoya a fon pere, qui jura de venger la honte de fa familie. II afièmbla fes parens ék fes amis, ék Pon fit part de la conjuration a Edouard, qui envoya Jean de Kuik , pour conduire cette trame. II fut réfolu d'enlever Florent ét de le livrer au Roi. Le Comte devoit fe rendre a Utrecht pour terminer quelques différends: on ft.ifit cette occafion. Florent avoit réconcilié les maifons d'Amflel ék de Zuilen, ék avoit invité ces Seigneurs a un grand repas, après Iequel Amftel lui propofa une partie de ehafiè a 1'oifeau. Florent monte a cheval ék Amftel le conduit vers un bois, oü Velfen, WToerden, Teilingen ék les autres conjurés étoient cachés. A la vue de Velfen, Florent met Pépée a la main. Les conjurés tombent fur lui, le renverfent, le lient fur fon cheval ék le conduifent vers Muiden, pour Pembarquer fur la Zuiderzée. Au premier bruit de cet enlevement, les Kennemers, les Weft-Frifons ék ceux du Waterland volent a fon fecours. Les conjurés fe voyant pourfuivis,prennent une autre route: mais le cheval du Comte s'étant abattu ék Velfen craignant que fa viétime ne lui échappe, tombe fur Florent ék le perce de vingt-un coups d'épée. Les Kennemers arrivés trop tard, le porterent a Muïden , oü il expira: Amftel ék Woerden fe fauverent ék moururent de mifere. Velfen ék CO Afta Publ. AngJ. T. 1. part. III. (2) Meyer Ann. Fland. ad ann. 1204. Defcrip, de Dordrecht. Rapin Thoyras Hift. d'Anjl. T. III. Hij}, de Hollande. 923-1434- Invafi on des Flamans en Zélande. Leur Défaite.1294. Brouiiierie de Florent avec Edouard. 1 Florent eft . majfacré par des ' Seigneurs. 1 Caufe Je leur conjU' . ration.  Sect. III. Hift. de Hollande. 923-1434 J.es conjurés pun'.s dt divers Juppi'ices. Eloge de Florent. •Jean I: Dix-feptieme Comte. 121)6. ■Jean d'A•utsnes Régent. 1207- Mariage de Jean L L'F.rêque iïUmcht fait foule•uer les Weft-FtiJ'ons. 352 HISTOIRE DE HOLLANDE les autres conjurés fe jetterent dans lc chateau de Cronenbourg; les Hollandois le prirent d'aflaut, malgré la nonchalance du Duc de Cleves, leur Général, qui fut forcé de leur livrer les prifonniers. Velfen fut mis dans un \ tonneau hériflc de pointes & roulé dans les rues. Les conjurés périrent par d'autres fupplices, & leurs parens jufqu'au neuvieme dégré, furent maflacrés; les chateaux de Croncnbourg & de Velfen rafés jufqu'aux fondemens, Amftel & Woerden profcrits a jamais. (1) Florent étoit dans fa 44e. année, lorfqu'il fut aflafliné; Prince plus grand ék plus puiflant qu'aucun de fes prédéceflèurs, aimé du peuple, refpecté des étrangers, grand Capitaine, Souverain jufte ék bon: il voulut diminuer les privileges de la Noblefle, qui abufoit de fon pouvoir; il en accorda au peuple qu'il aimoit, ék aux villes dont il connoiflbit 1'affeétion. II acheva le palais des Comtes que fon pere avoit commencé; il batit auprès de Hameien Vogelenfang, belle maifon de plaifance. (2) II avoit eu de Béatrix, fille de Guy, Ccmte de Flandre, cinq fils ék quatre filles. Jean feul lui furvécut. Ce Prince n'avoit que quinze ans, il étoit en Angleterre auprès d'Edouard. Plufieurs Seigneurs qui afpiroient a la régence, députerent vers le Roi pour lui demander leur Souverain, ék ne firent paroitre aucun foupcon fur fa complicité de complot contre Florent. Le Comte de Cleves s'étoit emparé du gouvernement de ia Nord-Hollande, ék Guy de Hainaut gouvernoit la SudHollande au nom de Jean d'Avesnes, que la Noblefle ék les habitans de Dordrecht nommerent Régent. Toutes les villes lui prêterent ferment. Edouard demanda par un Ambafiadeur qu'on lui envoyat une députation compofée de trois Nobles de chaque province ék de deux Bourgeois de chaque ville, pour être témoins du mariage de Jean, (3) qui fut célébré a Gipwik, le 7 Janvier 1297. Lc Roi fit jurer a fon gendre de ne rien entreprendre fans fon avis, extorqua dc lui plufieurs aélcs ék en demanda 1'autorifatiou ii 1'Empereur. (4) L'Evêque d'Utrecht crut les circonftances favorables pour exciter des troubles: il perfuada aux Weft-Frifons de fecouer le joug des Hollandois, ék de reprendre leurs anciens chateaux : il s'empara de Muiden, malgré la diligence que fit le Régent pour défendre cette ville. A 1'exemple du Prélat, les Weft-Frifons fe rendirent maitres de quelques forts ék les raferent. Borfelen, qui avoit obtenu des habitans de Dordrecht, le commandement de leur ftotte, fous prétexte de repouflèr les Flamans dans le cas d'une invafion, étoit rentré dans Veere: ils afiiégerent Middelbourg; mais le Régent les ■obligea de lever le fiege, ék il fut recu dans la ville; il alla enfuite délivrer Medenblik. (5) Edouard prefle par les députés confentit au départ de fon gendre: il le remit a Brederode, qui fit voile en Hollande: le Prince voulut relacher a Veere ; Borfelen d'inteiligence avec Edouard y recut le Comte Jean, s'empara de fon efprit ék fe délivra de Brederode, en lui faifant ordonner par le Comte, (O Scriv. Vit. Com. Holl. in Flor. V. Beka in Joann. II. VolT. Ann. ad ann. 1296. (2) Van Balen Defcript. de Dordrecht. Beda in Joann. II. (3) Aft. Publ. Ang. T. L part. III. {4) Ibid. Willemn Procur. ad ann. 1297. (5) Melis Stoke vx joann. I.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. III. S5 te, de le dévancer a Ziericzée. Borfelen le conduifit a Zudenbourg, cha teau qui lui appanenoic, & lui fit renvoyer tous les Seigneurs Hollandois Le Comte de Hainaut, pour ne pas expoïcr PEtat a une guerre civile, re nonca a la régence ék fe retira. A peine fut-il parti, qu'Amftel ofa reparoi tre: il voulut fortifier Amfteldam, qui jufques-la n'avoit été entouré que dc planches; mais les Kennemers renverfcrent les ouvrages ék forcerent Amfte a fe retirer. (t) Borfelen engagea le Comte a punir les Weft-Frifons, ék cette entreprifc eut le plus grand fuccès. Borfelen trainant partout. le Comte, lui fit jurei de ne rien entreprendre fans le confulter, ék de lui accorder une confiance fans bornes ék une proteétion exclufive. Brederode fut bannj du confeil: ï, perfuada a Jean,que Renefle vouloit le livrer a la France, ék Renefiè obligé de fe fauver, fut condamné au banniftèment, fes biens confifqués, ék Borfelen fe les appropria. L'Evêque d'Utrecht maitre de Muyden, ne mit plus de bornes a fon ambition: a la tête des Weft-Frifons, il pafla a 1'Eft de Ia Frife; ék comme il afpiroit a la conquête de la Hollande, il accu fa les Hollandois ék le Comte d'héréfie. C'étoit alors le premier aéte d'hoftilité des Evêques contre leurs ennemis; a la faveur d'une croifade qu'il prêcha contre Jean, les peuples accoururent en foule fous fes étendards. L'Evêque traverfa la Zuiderzée ék débarqua k Monikcndam ; mais il y trouva les Kennemers ék ceux du Waterland, qui tomberent fur lui, mirent fon armée en déroute, brülerent fa flotte, firent un maflacre horrible des épifcopaux ék a peine PEvêque put-il fe fauver dans 1'Ovcr-Yflèl avec une barque. Malgré ces avantages ék Pabus que PEvêque faifoit des armes fpirituelles, Borfelen engagea le Comte de faire la paix avec ce Prélat, a qui Jean rendit Muyden , Weefop ék les terres fur le cours du Vegt, a condition du ferment des fept étoles: de fon cóté, le Prélat promettoit de faire ligue défenfive avec Ie Comte ék lui tranfportoit a titre de fief, les Seigneuries d'Amftel èk de Woerden. A peine ce traité fut-il figné, que PEvêque s'en repentit. (2) Borfelen y. gagna le chdteau d'Yflèlftein , dont il avoit fait jetter le Seigneur dans les fers; mais que Bartha époufe du prifonnier défendit un an entier ék qu'elle ne rendit qu'a la derniere extrêmité, lorfque manquant de vivres ék de munitions., la garnifon fut réduite a quatorze perfonnes. Le Comte ajouta a cette donation en faveur de Borfelen, celle de Woerden èk de Beenskoop. Borfelen pour fe rendre maitre de tout, fous un Prince defpotique, après avoir humilié la Noblefiè, entreprit de dépouiller les villes de leurs privileges. II voulut s'aflurer de la maifon de Voorne, dont le feul héritier étoit encore mineur; il époufa la mere, èk maria fa fille avec le fils. Alors il hafarda de réformer les monnoyes, ék fouleva le corps du commerce: il attaqua les privileges de la ville de Dordrecht, les habitans les défendirent; il engagea le Comte a en faire le fiege; ils demanderent du fecours a toutes 1 les villes: Borfelen bloqua Dordrecht; mais cet indigne Miniftre fut la viéti- (O Meyer Ann. Fland ad ann. 1296". Vondel, poëte célébré par ies Hollandois comme leur Virgile,a fait une piece de théatre de cet événement, dont on araufe prefqu'annuellcment le peuple d'Amfterdam, vers la fête de Noël. (2) Chart. Joann. I, apud Math. da jure gladii. Tome XLIIL Yy 3 > - Hifl. de ■ , Hollande. . 923- 1434. Borfelen stempare de Cefpiit du jeune Comte. ■ LesWeJlFr'fons dt' faits. Brederode 8* ReneJJe dijgraciés. L'Evêque d'Utrecht ranime les troubles. Piê'che une Croifade contre Jean. Son armée mi Je en dé. route. Borfelen engagé Ie Comte i faire la paix. II agrandit ja mai' fon. Son ambiion outrce.  354 HISTOIRE DE HOLLANDE Sect. III. Hift. dc Hollande. S»23 -1434' Sm audace. 11 efl maffacré par le peuple. Jean rappelle Jean d'Avesnes. Qui rêpare Us maux faits par Borfelen. 1299. Mort de Jean , le 'dernier Comte de la mee de Théodoric. Jsan II: f)ix-huitieme Comte. 1300. (O Voff. Ann. Holl. L. V. (2) Willel. Proc. Melis Stoke in Joann. I. (3) Manifefte d'Enkhuifen. Volf. Ann. Holl. C4) Meyer Ann. Fland. ad ann. 1303. Miroir. Hiftor. (5) Ada Publ. Ang. T. I. part. 4. Q6) Van Balen Defcr. de Dordr. me de fon ambition. Après qu'il eut bien müri fon plan de defpotifme, il propofa au Comte d'anéantir d'un feul coup, les privileges des villes & de la Noblefle. Voorne,fon gendre,en fut informé; il eut horreur de ce projet, il en donna avis & 1'émeute fut générale. Borfelen fe fauva & emmena le Comte Jean avec lui; il gagna Schiedam pour palier en Zélande. Le généreux Voorne indigné de tant d'audace , pénetre dans 1'appartement de la Comteflè de Hollande & 1'engage de venir fur la place & d'exhorter le peuple de courir après Borfelen: 011 s'arme alahate, on arrivé a Vlaardingen; le Comte s'étoit déja embarqué: le peuple s'empare de tous les vaiflèaux qu'il rencontre; on joint le vaiflèau du Comte, on le ramene avec Borfelen, qu'on jette dans une prifon a Delft. On lui fit fon procés: (1) les juges n'oferent le condamner qu'a une prifon perpétuelle; mais le peuple plus jufte entoure la prifon, fe fait livrer le coupable &de maflacre. (2) On fe tranfporta au chateau de Kraayeflein. Aloud, Grand-bailli de Sud - Hollande ék cinq partifans de Borfelen furent trainés devant les murailles ck aflbmmés a coups de levier. Le Comte Jean fe jetta entre les bras des ennemis de fon miniftre, s'allia avec la France ék rappella Jean d'Avesnes, a qui il remit les rênes du gouvernement. Le nouveau Régent fit avec les villes, une ligue contre tous ceux qui avoient trempé dans le meurtre de Florent; il pacifia les troubles que Borfelen avoit excités, ék ceux que fes partifans excitoient encore dans la Zélande , il les réconcilia avec la ville de Delft; il annulla les donations extorquées du Prince, réunit Woerden ék Yflèlftein au domaine, ék par fa médiation les villes de la Weft - Frife fe réconcilierent avec le Comte. II ordonna une nouvelle rédaétion des loix Frifonnes, ék accorda a Enkhuifen, les privileges des villes. (3) Le Régent, après toutes ces opérations, partit pour la France ék laifia le Comte un peu incommodé a Harlem. Cette incommodite dégénéra bientöt en une diflenterie qui Penleva, le 10 Novembre: on foupconna violemment le Régent de Pavoir empoifonné. (4) II ne laifla point d'enfans d'Elifabeth d'Angleterre: en lui la race de Théodoric, qui regnoit depuis quatre fiecles, fut éteinte; fes Etats paflèrent a la maifon d'Avesnes; fa veuve n'ayant pu rien obtenir, repafla en Angleterre oü elle époufa Humfroy, fils du Comte de Herefort. (5) Les traités que Jean d'Avesnes, Comte de Hainaut, avoit faits avec les villes de Dordrecht, Middelbourg, Ziericzée , Leide, Delft, Harlem, Alkmaar ék Gertrudenberg contre les meurtriers de Florent V , lui en avoient concilié la faveur. Fils d'Adelaïde, fceur du Roi Guillaume , grand'pere de Jean I, il étoit fon plus proche parent ék fon héritier naturel. La Noblefle le protégeoit, il ne trouva aucun obflacle. Pour donner aux principales villes, une marqué plus particuliere de fon affection, il voulut qu'elles le proclamaflènt folemnellement èk le reconnuflènt légitime Souverain de Hollande, par des lettres fcellées du fceau.de chaque ville. De fon cöté, il leur confirma la part qu'elles avoient a la fouveraineté. (V5) Dès qu'il fut  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. HL 355 inauguré, il s'attacha a venger le fang de Florent fur les complices de fon aflafiinat & £t pourfuivre les amis de Borfelen: Jean de ReneiTe, Noble Zélandois , que Velfen avoit accufé d'avoir trempé dans le meurtre de Florent èk coupable de rebellion contre Jean I,demanda a fe juftifier, mais les preuves ne parurent pas fuffifantes: Renelle rejetté , paffa en Zélande, s'empara du chateau de Schouwen ék fouleva le peuple. Jean defcendit k Ziericzée: il avoit envoyé Guy fon frere avec une flotte: mais une tempête la difperfa ck Guy fut fait prifonnier. Heureufement Charles de Valois, obligea les Flamans, prêts a fe joindre aux rebelles, a faire une diverfion. (i) Florent de Borfelen & Reneflè ligués enfemble s'intriguerent auprès de 1'Empereur Albert d'Autriche, ék lui perfuaderent que les Comtés de Hollande ék de Zélande appartenoient a 1'Empire par Pextincdion de la maifon de Théodoric: ils lui promirent le fecours des rebelles , des Flamans ék des villes. Albert aflèmbla des troupes, auxquelles fe joignirent celles des Archevêques de Mayence ék de Cologne, ék fit dire aux Hollandois qu'il alloit dans leur pays pour leur donner un Souverain. Jean convoqua 1'aflèmblée générale de la Nation , ék de 1'aveu de la Noblefle èk des Villes, il fe prépara a Ia défenfe. Albert parut a Nimegue èk fit citer le Comte, qui remonta le Wahal èk fit reculer les Impériaux. L'Empereur furpris de la tranquilité des villes, dont Reneflè lui avoit garand le foulevement, étoit fur le point de s'en retourner; mais 1'Archevêque de Cologne, pour fauver 1'honneur d'Albert, négocia un traité, par Iequel 1'Empereur s'engagea de maintenir Jean d'Avesnes dans la paifible poflèflion des Etats qui lui étoient légitimément échus a titre de fucceffiön, ék que Ie Comte les tiendroit comme fiefs mouvans de 1'Empire. (2) II y avoit trois jours que cette inveftiture inutile étoit confommée, lorfque Rcnefiè arriva avec fes Zélandois: Albert leur confeilla de fe retirer èk de demander grace a leur Souverain. Leur pays étoit en proie au fer ék a la flamme: Jean inftruit qu'ils alloient joindre les Impériaux, y avoit envoyé le Comte d'Oftervant fon fils, pour le ravager: Schouwen, Walcheren ék le Sud-Beveland le furent fi impitoyablement, que le nom de Jean fans merci en refta au Comte d'Oftervant. Les Zélandois avertis que le Comte Jean avoit projetté d'enlever leur flotte* a leur retour, defcendirent a terre èk abandonnerent leurs vaiffeaux; ils fe préfenterent devant Schoonhoven, dont le Gouverneur vouloit les recevoir; mais les habitans les repouflèrent, èk joints aux Frifons ils forcerent le Gouverneur èk fon fils a fe rendre. Renefiè ayant également a craindre fon retour en Zélande , ou auprès d'Albert, voulut chercher un afyle en Flandre; il fut arrêté par le Comte de Bergues, qui lui tua 500 hommes, èk fe jetta dans un chateau. Jean envoya fon fils pour en faire-le fiege. Reneflè ne Pattendit pas longtems. II divifa fes troupes èk leur donna rendez-vous fur les cötes de Flandre. Le procés fut fait a Renefle èk fes biens furent confifqués èk diftribués a ceux qui s'étoient les plus diftingués contre les rebelles. Le Comte étoit parti CO édih de Nangis. Meyer Ann. Fland. ad ann. 1300. (<£) Wilh Tritem. Chr. ad anm 1300. Melis Stoke Chron. Colm. Yy a Hift. de Hollande. 923-1434. Nouvelle révolte dc Renejje. Renejje Borfelen excitent 1'Empereur contre Jean. L'Empereur échoue Cjf confirme Jean. Jean rava* ge leur pays. Les rebelles mis en déroute.  Sect. III. Hift. de Hollande. Les Tra- jeSins ravagent la Hollande. L'Evêque d'Utrecht eft tué, les épifcopaux ttillés tn pieces. Union des IrajeSins ij des Hollandois. 1302. Affaires de Flandre. Le Comte d'Oftervant tué au combat de Courtray. Vittoire des Fi.am.ans fur les Hollunioi:. Nouvelle v-Qoire des 1 Flamans. \ 356 HISTOIRE DE HOLLANDE pcmr le Hainaut, il en fut rappellé par 1'entreprife des exilés fur Tcr-Goes: ils furent entierement défaits: Renelfe ramena les débris de fon armée en Flandre: Jean II repartit pour le Hainaut, après avoir donné le commandement des troupes a Guy, & a Guillaume fon troifieme fils. L'f-vêque d'Utrecht venoit d'échapper de la prifon oü Jean de Ligtemberg, Bourguemefixe d'Utrecht, Pavoitjetté pour rendre le calme aux habitans. Le dépit de tant de difgraces le décida a envoyer la démiflion dc fon Evéché , au Pape Boniface VIII, qui la refufa. L'Evêque de Munfler fe joignit a lui: les deux Prélats n'ayant pu pénétrer dans la capitale, entrerent fur les terres de Woerden & d'Amflel, confifquées au profit de Guy d'Avesnes, frere du Comte. (1) L'armée des Epifcopaux pénétra dans la Hollande: il y eut une bataille fanglante; PEvêque d'Utrecht renvcrfoit les efcadrons, le refpcét retenoit le bras du foldat; mais enfin Ie Prélat fut renverfé & poignardé, èk les epifcopaux taillés en pieces. (2) Jean II fe tranfporta auflitöt a Utrecht & fit nommer a PEvêché, Guy de Hainaut fon frere, malgré les oppofitions de Waldek fon concurrent, qui s'empara de 1'OverYflel, d'oü Guy & fon frere le chaflèrent. Les Trajeétins èk les Hollandois vécurent en bonne intelligence, tant que Guy occupa le fiege de cette églifc. Jean partit pour le Hainaut & pendant fon abfence, le Comte d'Oftervant gouverna la Hollande & Guillaume la Zélande. Guy, fils du Comte de Flandre, gouvernoit les Etats de fon pere prifonnier, avec le Comte de Namur, de Philippe le Bel. Le Comte d'Artois conduifit contre Guy, qui ravageoit les frontieres de France, une armée confidérable. Les deux Princes fe rencontrerent prés de Courtray. 11 y eut un combat fanglant & beaucoup de monde tué de part èk d'autre; mais la viétoire refta aux Flamans, & le Comte d'Oftervant qui combattoit dans l'armée ft-ancoife, fut tué. (3) Guy encouragé par ce fuccès, entra dans le Hainaut; Guillaume irrité de la mort de fon frere, pénétra dans la Flandre, ravagea les cötes ék revenoit avec un gros butin; mais les mécontens bannis de la Zélande, joints aux Flamans , entrerent dans l'ifle de Walcheren, attaquerent Guillaume prés de Veere, mirent fon armée en déroute, difperferent fa flotte ék lui laifièrent a peine le tems de fe jetter dans Middelbourg; il fut forcé de capituler ék n'obtint que la vie ék la liberté, encore eut-il perdu la derniere, fans la générofité de Reneflè, qui repréfenta a Guy la' ionte dont il fe couvriroit, fi contre la foi de la capitulation il le 'aifoit arrêter. Cet échec découragea les Hollandois: la maladie du Comte Pobligea de :onfier encore fes troupes a Guillaume, Prince brave, mais trop jeune pour fe conduire lui-même. II eut ordre de fuivre les avis de PEvêque d'Utrecht (bn oncle; mais 1'imprudent fe laifla entrainer dans une embufcade ; fon armée fut battue: le Prévöt d'Utrecht, Nicolas ék Théodoric Perfyn , Théoioric de Harlem ék Théodoric de Zuilen furen: tués ék leur fuite maffacrée; 'Evêque d'Utrecht fut fait prifonnier, ék Guillaume cut bien de la peine a (O Beka in Willelm. II. Aunal. Belg. T. III. part. 1. (2) Idem. Ibid. Melis stoke dans jean II. (3) Daniël Hift. de France, T. III. Mezerai Abrégé Chr. Lieg. de Philiope le Bel. Diva: rer. Brab. L. XIII.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Süct. III. 35 fe fauver dans Zieriezée. (1) Le Comte de Flandre Pinveftic, fe content de bioquer la place & pafla en Hollande; tout fè foumit, depuis la Meufi jufques a. Harlem. Jean de Brabant profitant de cette circonflance tacha d< recöuvrer Dordrecht; il conquit beaucoup de pays, fit le fiege de Dordrecht, mais il fut forcé de le lever, battit fon arriere - garde, reprit Gertrudenberr. & défit en revcnant deux mille Flamans qu'il rencontra. (2) Le Comte d< Flandre s'empara d'Utrecht, par la méfintelligence des habitans divifés en deu> feétions: a la téte de 1'une étoit Ligtemberg; Lambert Je Frifon étoit k chef de 1'autre: le premier fut tué dans une émeute èk Lambert ouvrit les portes a Pennemi. (3) La Hollande étoit prefqu'entierement conquife: le Comte de Flandre ef péroit d'en faire une de fes provinces; mais un feul homme fit échouer fes projets. Witte de Haamitede, fils naturel de Florent V , avoit fuivi avec ur lèul vaiffeau la flotte Flamande; il revenoit de Zélande, & n'ofant entrei dans la Meufe, il détourne au Nord ék fuivant les cötes de Hollande, il def eend a Zandvoort. II fe rend a Harlem , qui tenoit encore pour le Comte Jean. II fe failit de 1'étcndard de Hollande, court dans les rues, raffure k peuple, écrit de - la a toutes les villes, qu'il eft tems de fecouer un joug honteux & fe dit envoyé par Guillauifte» qui le fuit avec une puiflante armée. Les Kennemers, ceux du Waterland ék les Weft-Frifons accourent fous fes étendards: Haamitede fe trouve bientöt a la téte d'une armée. Okemberg a la tête des bourgeois de Delft, chaffe la garnifon Flamande. Ceux de Leide imitent cet exemple. Katz étoit dans le chateau de Schoonhoven, qui eut exigé un long fiege: les habitans feignirent une émeute; Katz defcend dans k ville pour Pappaifer & il eft fait prifonnier: ils 1'attachent a une machine, a la vue de fon fils qui étoit dans le chdteau ék le forcent ainfi de fe rendre avec la garnifon. Les Flamans font chaffés de toutes les villes: Guy abandonne Utrecht, ék s'en retourne dans fon pays ; (4) il revient pour prcffer le liege de Zieriezée. Guillaume accourt pour défendre cette ville, ou périr fous fes murailles: ie fiege fut trés meurtrier. Le Prince donna plufieurs affauts ék fut toujours repouffé; enfin Guillaume recut les fecours auxquels la France s'étoit engagée par le dernier traité. Seize galeres èk vingt vaiflèaux conduits par Grirnaldi, Amiral Genois au fervice de France, joignirent la flotte Hollandoifè. Cette flotte combinée attaqua celle des Flamans, èk après un combat long èk opiniatre, la viétoire fe déclara pour les Hollandois; la flotte Fiamande fut coupée, èk difperfée; Guy ék PEvêque d'Utrecht qu'il avoit fur fon bord, furent faits prifonniers par Grirnaldi, qui les envoya en France: les rebelles de Zélande qui s'y trouverent, furent exécutés fur le champ; (5) les troupes qui afliégeoient Zieriezée prirent la fuite: Guillaume maitre de la ville, les fit pourfuivre: on en prit 5000. Middelbourg chaffa la garnifon Flamande, èk la Zélande entiere fut reconquife. Quelques exilés qui furent pris, fubirent la peine de leur révolte; plufieurs autres profiterent de 1'amniftie que Guillaume avoit publiée en entrant dans (0 Willelm. Procnr. ad ann. 1303. Nangis Chron. ad eumd. Beka in Guid. CO Volf. Ann. Holl. L. VI. Balen Defcr. de Dordrecht. CO Meyer Ann. Fland. ad ann. 1304. (4) Beka in Guid. Idem. Ibid. (5) Willelm. Procur. le P. Daniël Hift. de France T. UI, Yy 3 7 l Hifi. de ; Hollande. \ T-l- 1434- La Hollande aux abois. Sauvée pat (Vitte de Haamftede. Les Fh- mans font chaffés des villes. Les Fra'i' pois au Je. cours des Hollaniois. Déroute des Flamans. Chaffés de la Zélande.  Skct. III. Hift. dc Hollande. 9.83-1434 Renejje £ quelques Seigneurs Jont noyés, 1304. Mort de pan II. Guillaume III: Dix - neu' vieme Com te. Son maria ëe- 1305. Trêveentn la Hollandt 6f la Flandre. Régiemens 358 HISTOIRE DE HOLLANDE Zieriezée. Ce Prince repafla en Hollande & fe préparoic Èt chrd'fer Reneflè d Utrecht. Renefle craignoit le Comte de Flandre qu'il avoit engagé dans . une affaire qui avoil: fi mal réöffi, & Guillaume fur le pardon duquel il n'o. foit pas fe fier. A fon approche il fe retira fur lc Leek; mais le ponton fur ? Iequel fl voulut paffer cette riviere, s'étant renverfé, Reneflè fut noyé avec plufieurs Seigneurs ék entr'autres les deux fils de Gifelbert d'Amflel. (1) Jean II épuifé par une maladie de langueur, ne furvécut point aux viftoires de fon fils; il ne put fuffire aux tranfports de joie qu'il éprouva en apprenant la ruine de fes ennemis, il mourut le 22 Aoüt 1304, après avoir regné cinq ans. II fut doux, pieux ék clément; ,peut-êtré porta-t-il trop loin cette derniere vertu, puifque fes malheurs ék ceux de la Hollande n'eurent d'autre caufe que le pardon qu'il accorda a Borfelen. II avoit eu de Phihppine, fille de Henri de Luxembourg, depuis Empereur, Jean fans merci, tué a la bataille de Courtray; Guillaume, ék Jean , depuis Comte de Jilois ét de Beaumont; Adelaïde, qui fut mariée au Comte de Clermont ék de Bourbonnois; Marie, qui époufa le Comte d'Artois, ék Marguerite, qui fe maria avec Mailli, Comte de Nefle. (2) 0 • Guillaume hérita des Etats qu'il venoit de délivrer, il parcourut toutes les villes de Hollande, de Zélande ék de Fïjüfcék y recut en perfonne Ie ferment de fidélité de leurs habitans: il alla enfuite a la cour de France, oü le Duc de Bourgogne travailloit a' une paix générale. Pendant les négociations le . vieux Comte de Flandre mourut dans fa prifon : Guillaume confomma fon mariage avec Jeanne, fille de Charles de Valois , frere du Roi, ék partit avec fa nouvelle époufe. II donna a Harlem un fameux tournoi, oü fe trouverent vingt Comtes, cent Barons ck plus de mille Chevaliers. Dans les tranfports de'fa joie, il donna pour appanage au Comte de Blois, fon frere, les villes de Goude ék de Schoonhoven. La France ék la Flandre firent la paix; Guillaume n'y fut point compris, a caufe de fon abfence. Guy de Flandre ék PEvêque d'Utrecht prifonniers, obtinrent leur liberté. Guillaume s'arrangea avec Robert III, qui avoit fuccédé a Guy dans le Comté de Flandre ék conclut une treve de quatre ans. L année fuivante il fit une paix plus folide avec JeanII,Duc de Brabant; (3) mais il nc fut pas aufli heureux dans les négociations qu'il entama avec 1'Angleterre , pour faire ceflèr les plaintes refpectives des fujets des deux Etats par rapport au commerce. (4) II s'attacha pendant la paix a réprimer quelques abus. Un des principaux étoit 1'ufurpation des droits de la Noblefle par de riches bourgeois qui, fous prétexte des offices qu'ils acquéroient, s'exemptoient des contributions. Le Comte ayant convoqué 1'aflèmblée des Nobles èk des députés des villes, ordonna qua Pavenir perfonne ne feroit exempt des contributions, qu'après qu'il auroit juflifié de la noblefle de fon exu-aétion. (5) A Pexpiration de Ia trêve avec la Flandre, Guillaume voulut reprendre les armes; maïs les Hollandois èk les Zélandois, on ne fait au jufte par quel (O Meyer Ann. Fland. ubi fop. CO Petit. Chron. de Holl. dans Tean II. (3) Balen Deicr.pt. de Dordr. Butk Trophées du Brab. (4) Rymer. Ad. publ. Angl. T. I. part. IV. C5) Hift. gén. des Prov. Unies, T. II. L. VII.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv, XXXIII. Sect. III. 35, motif, refuferent de Ie fuivre dans Ie Hainaut, ék prirent pour'prétexte h befoin oü lis étoient de couvrir leurs cötes menacées psr las Flamans • cette desobéiiïance Pobligea de faire une paix honteufe: ii reconnut la fuze'raineté de la Flandre fur les ifles de POueil de PEfcaut, fe foumit a une penfion envers Guy pere de Robert, fe défifta de fes prétontions fur le Comté d'Alofl, le pays de Waas & les quatre bailliages,& a rétablir les exilés qui vb voient de piratenes èk rumoient le commerce , dans la jouiflance de leurs biens. (i) Le Comte réunit a la Hollande, les Seigncuries d'Amftel ck de Woerden , (2) que Jean II avoit cédées a Guy fon frere, Evêque d'Utrechtce Prélat étoit mort, laifiant 1'exemple rare d'avoir préféré d'être fimple Evêque, mais libre, a être décoré de la pourpre Romaine, qui Peut rendu dépendant d une cour étrangere. (3) Lorfqu'il élevale chateau de Stellingwerf les Frifons prirent les armes ék s'oppoferent a cette conftruétion; ils afliége' rent le chateau de Vollenhoven: le fiege avoit été trés meurtrier; mais Guillaume étant vcnu au fecours de fon oncle, les Frifons demanderent la paix Guillaume fit nommer h 1'Evêché, Zierik fon parem, qui fe régla toujours par fes avis. (4) Le Chatelain de Loune ayant pillé les équipages du Prélat & brülé le chateau de Dylembourg, Guillaume Pobligea d'indemnifer PEvêque ék de rebatir le chateau, malgré la proteétion du Comte de Gueldres qui foutenoit le Seigneur de Loune. Guillaume vouloit effacer la hontc du traité de 1310. II faifit Poccafion de la guerre que Louis X Roi de France faifoit a Robert Comte de Flandre Louis avoit attaqué les Etats de Robert du cöté de 1'Artois • le Comte' Guillaume remonta PEfcaut avec une flotte compofée de Hollandois, de Zélandois, de frifons ék de Hennuyers, brüla Ruppelmonde, ék ravagea le pays de Waas. Le mauvais tems fufpendit les hoftilités; les pluyes^firent pénr les bleds; la difette fut fuivie de la pefte qui défola la Hollande ék les environs : ces fléaux ceflêrent a 1'arrivée des Ofterlingues, qui conduifirent cn Hollande une immenfe quantite de grains. On entama des négociations pour la PW* W % ft* conclue que le 3 Mars 1323 , fous le regne de Charles IV, Roi de France. Par ce traité, Phommage que Ie Comte de Mandre.pretendoitpour les ]flcs de Zélande, ék laAenfion portée par le traite de 1310, furent remis a Guillaume, qui de fon cöté céda fes droits for le pays dAloft, les quatre bailliages ék Gerardsberg. Le Comte dMandrc confentit a ia réunion des biens des exilés au Domaine de Zélande" avec promefle de 1 aidcr a s'en mettre cn pofleflion, en cas de befoin ék moyennant 300000 livres pour les frais de Ja guerre. Depuis ce traité ' Hift. de Hollande. 923 -1434. Guillaumi fait wis paix défavantageufe.1310. I3I5- Pe/le £? famine en Hollande. I323Paix avec les FUmins. Isles i rOueft tk CEfcaut roumifs au Comte. Dépenfei ".xceffives ie (Juillaune.  Sf.CT. II BUI. de Holland Friviltgt ®bts?ius. Gusrrt rivile ó Dordrtch tppaifée. Guillaur, allie de Louis de Jlaviere. li ft joi, aux Fran fits J CQUt't Fh lippe. 360 HISTOIRE DE HOLLANDE [. plus grands pafibient fous fes bras fans fe bailïèr, & d'une force fi extraordinaire , qu'elle portoit de chaque main un tonneau de bierre de Hambourg, & £ qu'elle levoit fans peine, une poutre que huit hommes ne pouvoient pas _' remtier. Les mariages des filles de Guillaume, occafionnerent non feulement des dépenfes , mais des guerres ruineufes. Lorfque les Comtes marioient leurs filles, ils demandoient aux villes un don gratuit. Les Comtes avoient déterminé par leurs manifeft.es la contribution de chaque ville: Guillaume la porta plus haut que fes prédécefièurs. Dordrecht paya dix fois plus pour le mariage de Marguerite avec Louis de Baviere , qu'elle n'avoit jamais s payé. (1) Les villes profiterent de ces circonftances, pour demander des privileges. Les Kennemers en demanderent de fi exceflifs , qu'au lieu de .leuren accorder de nouveaux, le Comte leur öta ceux qu'ils avoient. (2) Ceux dont Dordrecht jouiftbit, exciterent la jaloufie des autres villes. C'étoit un droit d'étape, ou droit exclufif de vendre fur fon marché, toutes les marchandifes qui venoient par la Merwe & le Leek. (3) Les communes de la Nord-Hollande fe liguerent contre cette ville ék pillerent fes marchands: ceux-ci fe vengerent fur les vaiflèaux Nord-Hollandois. La guerre civile s'allumoit: le Comte arrcta 1'incendie, en menacant Dordrecht de lui öter tous fes privileges & en forcant les- habitans a demander grace. 11 fe vit bientöt entraïné dans une nouvelle guerre: Louis de Baviere avoit pour concurrent a 1'Empire, Frédéric Archiduc d'Autriche, (4} élu par 1'Archevêque de Cologne & par Rodolphe Eleéteur de Baviere. Une bataille dans laquelle Frédéric fait prifonnier, renonca a Péleélion, laifia Louis poflèflèur du tröne. Le Comte Guillaume avoit donné de puifians fecours k ce Prince ék en récompenfe Louis avoit renoncé a tous les droits que les Empereurs avoient fur la Hollande, la Zélande ék la Frife, fauf Phommage. Le Pape Jean XXII, ennemi déclaré de Louis, lui défendit fous peine d'excommunication de fe mêler des affaires de 1'Empire. Louis appella de cette bulle au futur Concile. (5) Le Pape fulmina 1'excommunication èk cita 1'ex* [j communié a fon tribunal; Louis ne parut en Italië qu'avec une bonne armée, dont Guillaume avoit fourni la meilleure partie; il étoit déterminé a aller joindre fon gen%e, mais la noblefiè èk fes fujets, qui défapprouvoient ce voyage, le retinrent. Louis chafla le Pape de Rome, fe fit couronncr Empereur, èk créa un nouveau Pape. (6) Dans cet intervalle Philippe VI, Roi de France, marcha au fecours du Comte de Flandre contre fes fujets révoltés. Guillaume alla joindre le Roi a Arras avec une petite armée , accompagné des Seigneurs d'Arkel , de a Wafiènaar, de Haamftede, le libérateur de fa patrie ék qui s'étoit acquis le >. furnom de fléau des Flamans; d'Egmond, de Brederode èk de plufieurs aui- tres Seigneurs. Un corps de feize mille rebelles pofte fur une montagne, ayant fondu fur le camp de Philippe prés de Caftèl; (7) Guillaume accourt pour (1) Manifeft. de Flor. V, de Guill. II. Boxhorn. Th. Holl. (V) Gouvern. Polit. de la Brille. Willel. Proc. ad ann. 1324. (3) Balen Defcrip. de Dordr. Manif. f4) Supr. Tom. 40. pag. 93. & fuiv. (5) Raynald ad ann. 1323. N". 30,33. (6) Willelm. Proc. ad ann. 1327, 1358, 1329. Supr. Tom. 40. p. ioo. (7) Daniël HUI, de France T. III. Mezerai Abr. Chron. T. III.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. III. £ pour donner le temps de fe mette en bataille; fon cheval s'abat & fa ca va lerie vole a Pennemi, forcé de reeuier; les Francais qui furvinrent,acheveren la déroute entiere. (i) Après cette expédition Guillaume tenta toute fort< de moyens pour réconcilier Louis & le Pape; après avoir écrit plufieur: fois, il fit le voyage d'Avignon avec une fuite de huit eens chevaux; mai: Jean lui fit défendre de palier le Rhóne, fous peine d'excommunication. 1 obéit & alla a Francfort pour eflayer de vaincre 1'opiniatreté de fon gendre II ne fut pas plus heureux dans cette négociation que dans 1'autre. La fucceffiön a 1'Evêché d'Utrecht, après la mort de Frédéric II , avoii fort occupé Guillaume. Ce Prince avoit inutilement tenté de faire nommei un Evêque qu'il protégeoit. Jacques d'Oudshoorn avoit été élu & n'avoii fiégé que peu de jours. (2) Jean de Bronkhoril avoit enfuite été choifi pai les Chapitres; les Comtes de Hollande, de Gueldres ék le Duc de Brabani s étoient envain ligués pour prendre poifeffion : ils s'étoient adrefiès au Pape qui avoit annullé 1'éleétion de Bronkhorft, ék Jean Dieft préiènté par Guilmme avoit été nommé ék avoit pris pofièflïon a la tête d'une armée. Guillaume, dont PEvêque ne pouvoit pas fe paifer, fut le maitre dans ion diocefe. Le débordement du Leek en 1324 ayant emporté la digue ék inondé une grande partie de la Hollande, ck le Comte n'ayant pu déterminer PEvêque ék les Chapitres a des réparations qui. intérefibient tout le pays, il fut obligé de recourir aux menaces ék enfin a faire des excurfions fur les terres qui leur appartenoient. Cet afte de juftice augmenta 1'autorité de Guillaume fur ce diocefe. L'Evêque lui faifoit une penfion de onze mille livres, dont les arrérages s'étoient accumulés. L'adminiftration des revenus de 1'Evêché, dont Guillaume s'étoit chargé, 1'avoit mis a portée de connoitre les affaires de la ville ék de la province. II permit a Jean de Ligtemberg, dont les magiftrats avoient vendu la maifon ék qu'ils avoient forcé de fe retirer, de demeurer a Oudewater ék de réclamer fes droits, les armes a la main. Ligtemberg appella les Hollandois, ravagea le pays ék la ville, qui fut obligée de payer 3000 florins a Guillaume. Ce Prince a la priere de PEvêque envoya le Bailli de Rhinland contre le Chatelain de Hageftein, qui exigeoit des contributions des paftans; ce Bailli prit le fort ék le rafa. (3) La Frife pofiedée autrefois en commun par PEvêque d'Utrecht ék le Comte de Hollande, s'étoit peu-a-peu érigée en République. Les Frifons ennuyés de cette forme de gouvernement, chaflèrent leurs magiftrats ék demanderent un Gouverneur au Roi de Dannemarck; ce Prince leur envoya un de fes gendres: ils s'en lafierent encore, le mafiacrerent ék renvoyerent fa veuve auPvoi fon pere: elle étoit enceinte; le fils dont elle accoucha, dès qu'il fut en age, cntreprit de venger Ia mort de fon pere. II n'avok qu'un feul vaiffeau, mais d'une ftrucfure ék d'une beauté fingulieres: il Ie conduifit prés de Groningue, dans le tems oü les Frifons y tenoient les Etats de leur Province. On demande quel en eft le Capitaine? II répond qu'il eft étranger hls d un magiftrat de Dantzick, ék que la curiofité ék Ie défir de s'inftruire lont les feuls motifs de fon voyage: il invite les chefs a venir fur fon bord. CO Meyer Ann. Fland. ad ann. 130R. (a) Beka in Frid. II. C3) Chart. Joann. III. cc Willel. III. Math. Ann. vet. cevi. ^ Tome XLIIl. Zz 1 • Hifi, de ' [ Hollande. ; 923-1434. ; I330. ■ I Ses efforts inutiles pmr réconcilier Louis de Baviire £ƒ le Pape. Troubles au fujet de 1'éhBion de I'Evêque d'Utrecht. y/utoritédii Comte fur le diocefe d'Utrecht. J3?r. Les Chefs des Frifons enlevés par un jeune Danois.  Sect. III. ] de j Hollande. S>23-i434- | Entreprife de Guil- i laume fur < la Frife. Traité en~ t tre le Comte j £f Edouard < ronfre /« . France. ' Mort de l Guillaume. r 133". t San (loge. 6a HISTOIRE DE HOLLANDE La propreté du vaiffeau, Fair leffe & galant de 1'équipage, les attirerent: ls y trouverent des rafraichiflèmens de toute efpece & quantité de différens 'hts: U les excita a boire & les enivra: lorfqu'ils furent endonnis, le jeune )anois leve 1'ancre ék les tranfporte a Coppenhague. (i) A leur réveil, ils 'è trouverent devant le Roi, qui leur reprocha vivement la mort de leur Gouverneur; mais il fut fi touché de leurs larmes, qu'il leur accorda leur ;race, a condition qu'ils détermineroient leurs compatriof.es k le reconnoitre >our leur Souverain. L'un d'eux fut député ék reporta le confentement de a nation. Les Frifons revinrent avec le Gouverneur que le Roi de Dannenarck leur donna; mais a peine furent-ils débarqués, que le Gouverneur fut envoyé, avec ferment de défendrc leur liberté. (2) Ce récit paroic mêlé de irconf tances fi fingulieres, qu'on peut douter de la vérité. Guillaume vouloit faire revivre fes anciens droits fur ce pays. En 1325, l avoit envoyé deux Juges a Staveren; le peuple excité par 1'Abbé de !tl Odulphe, les chafla ék rafa leurs maifons: le Comte envoya des vaiflèaux lans la Zuiderzée, qui intercepterent le commerce des Frifons, pillerent ék avagerent le pays,' jufques a ce que 1'Abbé de St. Odulphe fit des propofiions de paix a Guillaume qui y confentit, ék fuivant 1'aneien cérémonial, il ut élevé fur un bouclicr, ék reconnu pour Souverain. II établit des juges ans les villes ék jugea lui-même quelques affaires. (3) Charles IV, Roi de France, étant mort en 1328 fans poftérité, (*) Edouard III, Roi d'Angleterre, prétendit que le tröne lui appartenoit comne plus proche héritier, par fa mere; mais les Etats déciderent que la Loi lalique excluant les femmes du tróne de France, leurs repréfentans devoient tre exclus, ék reconnurent Philippe de Valois. Edouard déclara la guerre la France, ék envoya PEvêque de Lincoln pour folliciter Palliance de juillaume. II le trouva dans fon lit, retenu par la goutte, (4) Cependant Juillaume qui croyoit avoir a fe plaindre de Philippe, confentit a un traité, iar Iequel il s'engagea, conjointement avec le Comte de Zélande fon fils, [e fournir a Edouard, chacun mille hommes avec leur fuite pendant un an; idouard confentit que les places du Cambréfis qui feroient conquifes, fuflènt éunics au Hainaut, ék s'obligeoit en outre a payer au Comte, une penfion e flx mille livres. Le Comte de Zélande s'obligea de remplir cet engagement , en cas que fon pere vint a mourir. (5) II ne croyoit pas fa mort auffi rochaine: le Comte expira le 7 Juin k Valenciennes, peu de jours après le raité. II fut furnommé le Bon. Guillaume peut être mis au rang des grands 'rinces: il réuniflbit le confeil ék Pexécution; général habile ck foldat inrépide, magnifique ék généreux, il aimoit fes peuples ék malgré fes dépenjs exceflives, il en étoit tendrement aimé: jufle ék févere, il puniflbit fans ïénagemens les prévarications ék les fraudes. Un payfan étant venu fe plaintre a lui que le Secrétaire du Bailli de la Sud-Hollande, lui avoit enlevé une ache qui fuffifoit a fes befoins, Guillaume fit venir le Bailli ék fon Secrédré; condamné le premier a payer cent écus d'or au payfan, pour le punir (O Hift. gén. des Prov. Unies T. II. L. 7. (O Beningh. Hift. de 1'Ooft-Frife. ,. I. c. 139. (3) Petit. Chron. de Holl. L. III. Math. Ann. vet. cevi. T. III. (*) Supr. '. 30. p. 415. & fuiv. (4) FrohTart. vol. I. c. 29. (5) Afta publ. AngU . II. part. 3.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. Hl. 363 dc ne pas veiller fur fes fubalternes & fit trancher la tête a Paütre. (1) Voflius rapporte un difcours que Guillaume tint a fon fils, la veille de la mort, qui peint la belle ame de ce Prince. II Pexhorte a donner a fes peuples 1'exemple des vertus & de 1'obéiftance aux loix; d'être jufte, mais de ne punir que lorfque toute efpérance de ramener les coupables par la perfuafion, eft perdue: il lui recommande la douceur & la paix, la fermeté dans 1'infortune & la modération dans la profpérité. (2) II eut de fon mariage avec Jeanne de Valois, Guillaume, a qui il avoit cédé le Comté de Zélande , & quatre filles dont nous-avons parlé: fes alliances lui donnerent une autorité bien fupérieure, a celle qü'avoient cue fes prédécefleurs. Guillaume IV n'avoit que dix-neuf ans, lorfqu'il parvint au gouvernement du Hainaut, de la Hollande, de la Zélande qu'il avoit déja & de la Frife. A fon inauguration, il renouvella le traité fait peu de jours auparavant avec 1'Angleterre, (3) & il y ajouta quelques conditions plus avantageufes que les premières, fans doute paree que fon pere avoit attiré au parti d'Edouard le Duc de Brabant, les Comtes de Gueldres, de Cleves, de la Mark, de Juliers & Jean de Hainaut, Comte deBeaumont, fon oncle. Ces Princes fe raflemblerent a Halle; mais leur zele fut bien refroidi par la mort de Guillaume III. Ne pouvant rompre leur engagement, ils chercherent a Péluder: ils prétendirent que, comme membres de 1'Erapire, ils avoient befoin du confentement de 1'Empereur, & que c'étoit au Roi d'Angleterre a le demander. Edouard obtint non feulement cette autorifation, fous prétexte de défendre les frontieres de 1'Empire, mais encore 1'Empereur le créa fon Vicairc dans les Pays-bas, avec toutes les prérogatives de la Souveraineté ; (4) mais a la follicitation du Pape, Edouard renonca a ce titre. Dans ce même tems 1'Empereur érigea en Duché, le Comté de Gueldres, avec le droit de battre monnoye au même titre que les Comtes de Hollande. (5) Cependant les confédérés mirent le fiege devant Cambrai, dont Philippe s'étoit emparé. Edouard 1'abandonna bientöt & propofa d'entrer en France. Guillaume s'oppofa a ce projet & protefta que ne devant pas s'écarter des frontieres de 1'Empire, il ne fuivroit point le Roi d'Angleterre. Edouard fe vengea de ce refus en faifant paflêr fon armée dans le Hainaut, qui fut ravagé , & le Comte irrité pafla du cöté des Francois. Philippe retranché dans un camp inacceflible , vouloit détruire Parmée ennemie par finaélion. II y réuflit; les vivres manquerent aux confédérés; les murmures éclaterent & le Roi d'Angleterre fe vit obligé de retourner dans fon ifle. (6) Edouard & Guillaume fe réconcilierent, & le Hainaut fut encore ravagé par les Francois. Guillaume pafla en Angleterre & ramena le Roi. La flotte Angloife rencontra celle de France pres de PEclufe & la battit. (7) Cette bataille eft une des plus fanglantes qui aient été données fur mer. Tandis que les confédérés afliégeoient Tournai réduit a Pextrêmité , que Guillaume CO Chron. de Goude. Scriv. fur Beka. (2) Voff. Ann. Holl. L. III. (3) Will. Proc. ad ann. 1330. Corp. Diplom. T. I. part. 2. N°. 233. Aft. publ. Ang. T. II. part. 3, (4) Froiflart. L. I. c. 33. (5) Aft. publ. Angl. T. II. part. IV. (6j Froiflar vol. I. c. 41. (7) Cominuat. de Nangis ann. 1340. FroilT. vol. I. c, 3. Zz 2 Hifi. de Hollande. 923- 1434. Gum, au» me IV: Vingtiemt Comte. IlrenmveU le le traité de fon pere avec Edouard.Ligue eentre la France. Le Comte de Gueldres érigé en Duché. Le Comte paffe ducêté de laFraTice. Edouard réconcilié avec Guillaume. Combat dt l'Eclufe.  Sect. III. Mit. de Hollande. 923-1434 Trêve,' I34I- Guillattmt va fecowir V Ordre Teutonique. Trmbles d' Utrecht. Les Trajeétins obligés de demanderpardon. II marche co-itre les Frifons révoilés. 364 HISTOIRE DE HOLLANDE s'emparoic de Mortagne, de Sr. Amand èk de quelques autres places, Jeanne de Valois, ConitclTe Douairière de Hollande, qui fouffroit de voir aux prifes deux Princes dont l'un étoit fon fils & fautre fon frere, négocioit, de ! concert avec le .Roi de Navarre & le Duc de Brabant, & parvint a faire convenir les deux Monarques d'une trêve de neuf mois, qui fut enfuite prolongée pendant deux ans. (1) Après la conclufion du traité, Jeanne ennuyée du monde (è retira dans Pabbaye de Fontanclles. (2) Pendant la trêve, Guillaume qui dans fa jeuneffe avoit fait deux voyages en Pruflè, ayant appris que les Chevaliers Teutoniques avoient perdu une bataille, marcha a leur fecours. La politique,autant que 1'amour de la gloire, eut part a cette entreprife. Son principal objet étoit d'affurer le commerce des Hollandois dans la mer Baltique. Les Lithuaniens infefloient cette mer. C'efi contre ces pirates que lc Comte a la tête de quelques troupes ék de plufieurs Seigneurs, alla offrir fes fervices au Grand-maitre: celui-ci 1'oupconneux ék jaloux, les refufa. Guillaume cn témoigna fon mécontentement aux Chevaliers ék le Grand-maitrc fut dépofé. (3) De retour dans fes Etats, il marcha contre les Trajeftins. Jean Diefi étoit mort. Benoït XI fe réferva la nomination de fon fucceffeur. Guillaume s'intérefibit pour Jean d'Arkel, & le Duc de Gueldres vouloit rétablir Bronkhorfi: le Pape rejetta l'un ék Pautre ék nomina Caputio, Noble Romain ék Cardinal, qui aima mieux renoncer a 1'Evêché, que de quitter les délices d'Avignon. Jean d'Arkel gagna Pefprit de Clément VI, qui le nomma le 20 Mars 1342. Comme les circonftances ne lui permettoient de fe faire inaugurer qu'au mois de Mai fuivant; fes partifans ék 1'Empereur donnerent a Guillaume 1'Adminifiration de 1'Evêché pendant la vacance: Guillaume la confia au pere de PEvêque, qui en ufa comme de fon bien propre. L'Evêque a fon arrivée, fe trouvant obéré, réforma fa maifon, fe retira a Grenoble pour y vivre en fimple particulier ék donna Padminiffration a fon frere. (4) Guillaume s'indigna d'un arrangement qui fembloit Pinculper des déprédations du pere du Prélat, entra dans le diocefe d'Utrecht ék battit deux fois les Trajeétins; il afiiégea la ville èk fit pendant cinq femaines jouer ureize ' batteries , fans beaucoup de fuccès. Lc Comte s'expofa beaucoup èk fut blclfé au talon. Enfin par la médiation de Jean de Beaumont, Guiliaume confentit a une trêve, a condition qu'on ouvriroit une brêche de vin^t toi. fes pour le recevoir;que quatre eens bourgeois défarmés,la tête ék lesöpieds nuds, viendroient devant fa tente, lui demander pardon a genoux; (5) que les Trajeétins s'obligeroient a lui fournir cinq eens foldats toutes les fois qu'il paiferoii la Meufe, ck lui céderoient en propriété une rue entiere. Ces conditions furent acceptées èk le fiege fut levé. (6) Les impofitions que le Comte avoit mifes pour la guerre d'Utrecht, indifpoferent les Frifons. Les bourgeois de Staveren tuerent les receveurs. (7) Le Comte mena contre eux, les mêmes troupes qui avoient vaincu les Tra- (0 Daniël Hift. de France. Mezerai Abr. Chron. T. 3. (2) Cominuat. de Nafcgii ï>nl?ee- Hftï t,t Q\ A/b- AIsent' *d ann- (4) Ap. Math. Chron. Traj. T. V. Beka in WU1. IV. (5) Ap. Math. Ann. vet. oevi. T. V. f6) Toann. a Leyd. L. XXVIII. Chron. Ira,. Scriv. Vit. Com. in Will. IV. (7) Math. Ann. vet. cevi. T. V. Bek» m Joann. IV.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. III. ^5 jeclins; il s'embarqua a Dordrecht & prit avec lui les milices de cette ville: 1 fa flotte fut difperfée. Jean de Beaumont débarqua le premier, mais au lieu 1 d'attendre le rede de la flotte, il chargea les Frifons avec ce qu'il avoit de \ troupes; il fut battu èk perdit beaucoup de monde. Le Comte Guillaume étoit defcendu loin de fon oncle: il fe répandit dans le pays, brüla quelques villages ék donna le tems aux Frifons cmbufqués derrière des rofeaux de fe réunir ék de 1'envelopper: il fe défendit longtems; mais il fuccomba ék périt pcrcé dc coups, le 27 Septembre 1345: fon corps ne fut trouvé que dix jours après. Les Hollandois perdirent dans cette aélion 3700 hommes ék plufieurs Seigneurs. (*) L'écuyer de Jean de Beaumont lui fauva la vie, en e le tranfportant, malgré lui,dans fon vaiffeau. (1) La mort du Comte répan- 1 dit dans fes Etats, une conlternation générale. Dans les premiers tranfports de fa doulcur, la jeune Comtefiè fon époufe, envoya brüler le couvent * qu'elle avoit fondé dans l'ifle de Marken, deftiné pour les Frifons, avec 1 ordre de jetter les moines dans la Zuiderzée; ce qui fut exécuté. Guillaume étoit plus brave foldat que bon capitaine; d'ailleurs aimant la gloire, mais fage ék modéré. A fon retour de Pruflè, les Princes de 1'Empire aflèmblés a Cologne, lui offrirent la Couronne Impériale, ék il la refufa par égard pour < Louis fon beau-frere, (2) Louis, par reconnoifiance, vouloit ériger la Hol- ' lande en Duché. Ce titre eut coüté a fes fujets, ék il le refufa encore par cette feule confidération. (3) Amfterdam doit aux privileges qu'il lui accorda une partie dc fa fplendeur; quoique cette ville fit déja un grand com- t merce dans la Baltique ék qu'elle fut i'émulc de Dordrecht, elle étoit enco- ■< re génée. Guillaume lui accorda le privilege de faire juger par fon Bailli ék par fes Echevins, tous les cas qu'elle étoit obligée de porter dans les tribunaux des autres villes, a Pexception du crime de Leze-Majefté. Guillaume ne laiflbit point d'enfans: fes plus proches étoient fes quatre fceurs: deux feulement formerent des prétentions: Marguerite, femme de 1'Empereur Louis de Baviere, ék Philippine Reine d'Angleterre: celle-ci étoit la cadette, ék, par la diftance des lieux, la moins a portée de profitcr du moment. Les Comtés de Hainaut, de Hollande, de Zélande "ék la Seigneurie de Frife étoient fiefs dc 1'Empire. Louis en inveftit fon époufe, (4) après avoir fait décidcr la queftion, fi les fiefs étant mafculins, ils n'étoient pas dévolus a 1'Empire, faute d'héritiers males? L'exemple d'Ada ék celui de Jean de Hainaut Pemporterent. (5) Quant au Hainaut, Jean Comte de Beaumont cn prit 1'adminiftration au nom de 1'Impératrice. Marguerite fe rendit dans le Hainaut avec Albert fon fils, agé de neuf ans, ék un grand nombre de Seigneurs: elle avoit paffé par la France ék fait al- a liance avec Philippe V. Les Hennuyers la recurent avec joie ék lui prête- * rent ferment de fidélité. Elle pafla en Hollande ék les Villes en obtinrent ™ beaucoup dc privileges. Elle accorda a celle d'Amfterdam d'être unie au (*) Les deux freres Merwede, Haamftede, Guillaume de Noordwyck, Simon & Theo- a' doric de Teiling, Guy d'Afperen, Ogier de Spangen, de Hoorn, Borfelen, Kruhiingen, a de Ligue, Walcourt, d'Antoin, Florinville. (1) Math. Ann. vet. cevi. Continuar. de la Chron. de Nangis ad ann. 1345. CO [oann. ii Leyd, L. XXVII. Math. Ann. vet. cevi. T. III. C3) Waldenaar Chron. CO Froiffart vol. ï. c. 117. (5) Diplom. Lud. IV. Jvlath. Ann. vet. cevi. Zz 3 lift. de lollande. 23-1*34. -r345- Guillaume fl tui dans : combat. Terrible engeance 'e la Comejfe. Guillaume voit refuli 1 Couronne mpcriale. Privileges reerdes ii hift'.r dam. Margijiite : ingt-uniee Com(Je.1346. Privileges ■cordés ix Filles.  Sect. III - Hifi. de Hollande. 923--M3 Margueri eft rappell en jfllem, gne. Elle remet Gouvernement i foi fils, en qua fi:éde Liet, tenant. Mouvemer, de l'Evèqu «'Utrecht. Bataille fanglante. La trêve efi renouvellèe Partage entre les tnfans de Marguerite. Elle cede la Hollande d Guillaume. 1349- Elle larefrmd. Elle appelle les Anglois tu fecours. i i $66 HISTOIRE DE HOLLANDE Comté de Hollande pour avoir entrée aux Etats. (1) Elles exigerent qu'elle ne pftt porter la guerre hors du pays, fans le conlcntement de la NoblefTe t & qu'en cas de contravention les habitans fuifent difpenfés de tout fervi_' ce. (2) Marguerite fut rappellée en Allemagne par les affaires que Ie Pape ^fufcita a Louis. Elle avoit alors trois fils; Louis, Guillaume èk Albert. |s L'Empereur fit renoncer 1'ainé a la fucceffiön des quatre Provinces, ék Paf" fura a Guillaume qu'il fit partir. II arriva en Hollande en habit de domefli'Sque, dans la crainte qu'Edouard ne le fit enlever dans la route: Marguerite lui remit le Gouvernement fous le titre de Lieutenant (3) ck partit pour 1'Allemagne. r l L'Evêque d'Utrecht,par fes économies, étoit parvenu a faire des acquifitions èk a retirer les pays engagés: il réfidoit toujours en France; mais f rappellé par Pexpiration de la treve , il crut trouver dans le gouverne*■ ment d'une femme ék d'un jeune Prince de dix-fept ans, une occafion de reconquérir ce que les Hollandois lui avoient enlevé: il raflèmbla des troupes, rentra dans fEft-Hollande qui s'étoit-donnée a Guillaume IV ék brüla Oudewater. Guillaume marcha contre lui a la tête de fes vaflaux; arrivé a Schoonhoven, il écrivit a PEvêque ék 1'ajourna entre Yflelflein ék Jutfaes, pour mefurer leurs armes. (4) La bataille fut fanglante, Les deux armées y furent épuifées: le Général Hollandois fut pris ék les Trajeétins, quoique vainqueurs, furent obligés de renouveller la trêve jufques a la St. Martin. Le (Prélat oberé par les frais de la guerre, abandonna pour trois ans a fes créan' ciers, tous les revenus de fon Diocefe, moyennant une penfion de 4000 écus d'or par année. Le Chapitre s'oppofoit a ces arrangemens; mais le Prélat lans 1'écouter partit pour Rome. L'Empereur Louis mourut dans ces circonflances. (*) A la follicitation de 1'Impératrice, le College des Princes fit le partage des Etats de la maifon de Baviere entre fes enfans. La haute Baviere ék le Palatinat du Rhin furent donnés a Louis ék a Othon: la Hollande demeura a Guillaume, ék la Baviere inférieure fut Pappanage des trois autres freres , Etienne, Albert ék Jean. L'Impératrice garda le Hainaut ék céda les trois provinces. (5) Ce partage fut autorifé ék foufcrit par 1'Empereur Charles IV, fucceffeur de Louis de Baviere. Marguerite en remettant les trois provinces a Guillaume, s'étoit réfervé une penfion viagere. (6) Le Prince ayant mandé les députés des villes, fe fit inaugurer; mais négligea de payer la penfion a fa mere. Cette Princeffe irritée affembla des troupes, les conduifit en Hollande ék Guillaume trop foible pour lui réfifler lui remit le gouvernement; mais il s'attacha a gagner la Noblefle, qui fit fentir aux villes que la trêve d'Utrecht étant prête d'expirer, il leur falloit un homme pour gouverner. Delft proclama de nouveau Guillaume Comte de Hollande: il le fut bientöt par les villes de la Nord-Hollande ék du Kennemerland. Marguerite abandonnée par la plupart des villes, demanda du fecours :ontre fon fils au Roi d'Angleterre, avec promefle de lui céder le gouver- (0 Manif. d'Amfterd. (2) Grand recueil des Plac. de Holl. T. V. (3) Balen 3elcrip. de Dordrecht. Manif. de GuilJ. V. (fi Litt. Will. apud Math. de reb. )thoms. CO Supr. Tom. 40. p. 146. (5) Balen Defcrip. de Dordrecht. (61 Math. nm. vet, cevi. T. V. Gr. Ree. des placards de Holl. T. III.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. III. 36*7 nement pendant un certain nombre d'années. (1) Ce traité acheva de révolter les Hollandois. Marguerite avoit encore des partifans: il fe forma deux factions, qui pendant un iiecle & demi déchirerent ces provinces; playes funeftes , dont tant de malheureux furent les viétimes. Ces factions font connues dans Phiftoire fous les noms, Pune de Hoekins, du mot Hoek ou crochet, avec Iequel on pêche le cabeliau, poiffon commun dans les mers de Hollande; 1'autre de Cabeliaux: celle-ci tenoit pour le Prince & fa marqué diftinétive étoit un bonnet gris; 1'autre étoit dévouée a Marguerite & portoit un bonnet rouge. (2) Les Cabeliaux plus nombreux ék plus forts, ravagerent les terres des Hoekins: dix-fept chateaux furent rafés. La poudre a canon fut employée pour la première fois par les Hollandois au fiege de Rofenbourg. (3) Marguerite parut devant Veere, dans l'ifle de Walcheren, avec une flotte formée des vaiflèaux qu'elle avoit obtenus d'Edouard, de ceux de Hainaut ék de Zélande; elle rencontra celle de Guillaume, ék la battit. Le Prince ramena les débris de ia flotte dans fes Etats; le combat avoit été long ék opiniatre ék les deux partis furent trés maltraités. (4) Guillaume forma une ligue entre la Noblefle ék les Villes. L'on s'engagea de refufer a Marguerite, Pentrée du pays, èk Pon reconnut Albert pour fuccefieur du Comte en cas de mort. II y avoit dans la ligue des Hoekins beaucoup de Seigneurs, mais pas une Ville. Cependant Marguerite encouragée par ce premier fuccès, entra dans la Meufe èk chercha la flotte Hollandoifc: elle la rencontra prés de la Brille. Guillaume avoit recu des renforts confidérables; les flottes en vinrent au combat, qui fut aufli meurtrier que le premier: mais les Hoekins plierent. Reneflè ék Florent de Haamflede furent tués; Brederode èk un grand nombre de Seigneurs furent faits prifonniers (5) ik Marguerite fe vit obligée de gagner, a la hate, les cötes d'Angleterre. (6) Elle engagea Edouard de la réconcilier avec fon fils; la médiation fut acceptée: Guillaume pafla en Angleterre, ou il époufa Mathilde, fille de Henri Duc de Lancaftre, neveu du Roi. Edouard nomma des arbitres, qui déciderent que Guillaume demanderoit pardon a fa mere èk qu'elle le lui accorderoit; qu'il conferveroit la Hollande, la Zélande ék la Frife; qu'il lui donneroit une penfion prife fur ces trois provinces, ék qu'elle jouiroit du Hainaut pendant fa vie (7). Marguerite fe retira a Valencienncs, ou elle mourut 1'année fuivante. Guillaume partit auflitöt pour le Hainaut ék s'y fit reconnoitre ;il revint a la Haye èk fit fes préparatifs contre les Trajeétins. II fit une ligue avec quelques Seigneurs mécontens, campa prés de Wyck-te-Duurftede èk envoya des détachemens ravager le Diocefe. L'année fuivante PEvêque ayant rafièmblé des troupes de tous cötés, entra en Hollande, prit Muiden ék Wefop èk les livra aux flammes. Le Comte fit brüler Zoeft ék remporta une viétoire complette fur Othon de Laar, Maréchal de PEvêque. Enfin le Prélat fut obligé de demander la paix. Le Comte reconnut PEvêque Métropolitain des trois (1) Afta Publ. Angl. T. III. part. i. (2) Defcript. de Dordrecht par Beverwyk. (3) Chron. de Manif. par van der Houwe. T. 1. (4) Beka in Joann. IV. Joann. a Leyd. L. XXIX. c. 18. (5) Math. Ann. vet. cevi. T. h (6) Joann. a Leyd. L. XXIX. c. 19. Gr. Recueil dès placards de Holl. (7) Joann. a Leyd. L. XXX. c. 9. Hifi. de Hollande. 923-I434- Origine des factions des Hoekins éïf dis Cu/;eliaux. Les chdteaux des Hoekins rafés. i35o. Bataille entre ia mere & le fils. 1351. Marguerite viüorieufe. EU vaincue. Traité de paix : la Hollande. le Ztlande éf la Frife demeurènt <\ Guillaume. 1354. 1355- Gl'illa'JME V: Fingt-mieme Comte. U5<5. Guerre des Traftüiris,  Sect. III. Hifi. de iiollande. 923- 143' L'Evêqh obligé de demander i paix. 1357Affaires d Brabant. Heusden céié a GuiUaume, Egartment de jon efprit. II ejl en- fei mé. Guerre pour la Régence. Les Hoekins font déclarer Albert Ruuiard de Hollande. 1358. Guerres des deux factions. Chdteaux des Hoekins rujès. J359« 36S HISTOIRE DE HOLLANDE provinces, promit de lui rendre Ie chateau de Vreeland, moyennant Ia fomme de 3700 livres, pour laquelle il étoit engagé. Amfterdam ék Woerden _ furent de nouveau réunis a la Hollande. (k) - Le Comte fe trouva engagé dans une nouvelle querelle; Wenceflas Duc e de Luxembourg avoit époufé Jeanne, fille de Jean II Duc de Brabant veua vc de Guillaume IV, Comte de Hollande, ék en avoit eu le Brabant Louis Comte de Flandre avoit époufé Marguerite foeur'de Jeanne, dont la dot n'avoit pas été payée: Louis la réclama les armes a la main. Wenceflas < propofa a Guillaume de lui céder Heusden , s'il vouloit lui donner des fecours. Guillaume avoit des prétentions fur cette Seigneurie; il accepta 1'offfe de Wenceflas, sentremit pour la paix ék y parviut moyennant la ceflion du Comte de Mahnes, que Wenceflas fit au Comte de Flandre. (k) GuiUaume repafla enfuite en Angleterre pour applanir quelques difficultés au fujet de la régence des trois provinces, dont Marguerite avoit donné pour un tems 1'admimflration a Edouard. Ce Prince avant fon départ de Londres, étoit d'une humeur foinbre ék noire: il avoit condamné au feu un de fes Secrétaires pour une faute afièz legere: a fon retour il tua de fa main Gerard de Wateringen fans aucun motif. (3) Cette aftion ne laifla plus douter de Paliénation de ion elprit: on veilla fur lui; mais fa folie augmentant de jour en jour on le renferma dans le chateau du Quesnoy. La régence ou tutelle fut une fource de guerres entre les Cabeliaux ék les Hoekms. Ceux-ci fe déclarerent pour Albert Duc de Baviere appellé a la (ucceflïon de Guillaume; les Cabeliaux qui n'avoient pas voulu de Plmperatrice Marguerite, fille de Guillaume III, pour leur Souveraine prétendirent que la régence étoit dévolue a Mathilde de Lancaftre, époufe de Guillaume Pinfenfé Les Hoekins Pemporterent; Albert fut déclaré Ruvvard ou Proteéfeur de Hollande ék fes Iettres furent fcellées par Mathilde a Rotterdam e 6 Mars. II fut unammément reconnu, s'engagea de gouverner fuivant les loix de lctat, conjointement avec Ia Noblefle èk le Confeil des villes dacquitter les dettes & de payer h la Comtefle 12000 écus par an pour fon entreuem II changea les Magiftrats qui tous étoient Cabeliaux ék y nomma des Hoekins; il accorda des privileges aux villes, ék les principales eurent chacune ion college. . Cependant les faétions entretenoient toujours Ia guerre. Albert avoit öté le bailhage de Kennemerland a Bloemenftein, pour Ie donner a Brederode Celui-ci fut attaqué prés de Caftrikom par les Cabeliaux, èk fans la viteffé cie ion cheval, il eut été tué. Les habitans fortirent èk repouflèrent les Ca behaux, qui fe jetterent dans le chateau de Pleemskerk. Ce chateau fur pris, 6c le Seigneur étant mort fans enfans, il. fur réuni au domaine. U) Ce fucces indigna les habitans de Delft, qui étoient Cabeliaux; ils leverent des troupes, s emparerent des chateaux de Binkhorft èk de Polanen, les rafe rent, entrerent dans la Haye èk forcerent les prifons du Comte. Albert mit le CO Boxhorn fur Waldenaar. C2) Toann. a Levd L XXY r 16 oi m- * Leyd. .de Cur. Reip. Riemer. Defiip. de Ia II^.T.Ï ^ ^ J0^ ^  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. III. 369 le fiege devant Delft; les habitans fe défendirent avec courage; mais forcés de capituler, ils s'obligerent de demander pardon k genoux, de payer quarante mille Schilden èk d'abattre leurs murailles. Une partie de la garnifon s'étoit réfugiée a Heusden; Albert prit la ville défendue par deux Généraux des habitans: le fiege avoit duré un an. Les deux Généraux obtinrent la vie fauve, a condition qu'ils feroient un voyage a la terre fainte. (1) L'efprit de faétion avoit gogné la Gueldre: deux families puiflantes partageoient la Nation. Celle de Hekeren, foutenue par Renould,, fils ainé du dernier Duc & d'Eléonore fille d'Edouard II, Roi d'Angleterre , & celle de Bronkhorft, par Edouard fon frere. Ces deux Seigneurs en vinrent a une bataille. Renould la perdit, Edouard le fit renfermer & s'empara du gouvernement. (<0 Albert donna afyle aux vaincus. L'impétueux Edouard Pajourna en bataille rangée prés d'Amersfoort. Albert ne manqua pas de s'y rendre; mais Edouard ne tint pas parole: les Hollandois s'en vengerent cn brulant le pays. Edouard demanda la paix; Albert y confentit, & promit d'époufer Catherine, dès qu'elle feroit en age. Ce Prince obtint bientöt après de l'Em'pereur, 1'inveftiture des trois provinces; (3) mais craignant 1'oppofition de fon frere, il ne fit aucun ufage des lettres patentes; il garda le titre de Ruward. Jean d'Arkel, Evêque d'Utrecht, en retirant le chateau de Vreeland, s'étoit engagé de payer 3700 fiorins: Wernenburg fon fuccefieur, fut chargé de la dette & ne paya point: il s'étoit brouillé avec les Trajeétins qui le fi- ' rent prifonnier, & lui vendirent la liberté feize mille Schilden. II fut hors d'état de payer au Ruward les 3700 fiorins. L'affaire fut portée au Duc de Gueldres, qui condamna PEvêque a payer ou a 'rendre le chateau. Wernenburg mourut. Arnould de Hoorne ne tint aucun compte du jugement du Duc de Gueldres. Albert menaca les Trajeétins: ceux-cirafiemblerent cette fomme & la lui porterent; le Ruward, qui avoit contre eux d'autres fujets de plainte, la refufa fous prétexte que les efpeces n'étoient pas les mêmes que celles dont on étoit convenu; la véritable caufe de ce refus, étoit le fort de Gildenberg que PEvêque avoit fait conftruire, malgré la défenfe d'Albert, fur un terrein qui n'appartenoit pas a fon Eglife. L'Evêque brüla le fauxbourg de Woerden, (4) prit Muiden, Wefop èk quelques autres places. Albert s'empara de Gildenberg, Wulwenhorft, Hellenftein, ék brüla Her-manlen. Enfin ennuyés de la guerre, ils demanderent la paix. 11 fut convenu que Gildenberg feroit démoli, que les Trajeétins payeroient trois mille vieux Schilden, ék que 1'etnplacement du fort demeureroit aux Epifcopaux, moyennant le témoignage des fept étoles. Des différends furvenus au fujet des limites du pays de Heusden, fembloient annoncer une guerre entre les Hollandois ék les Brabancons. II y avoit eu des hoftilités entre quelques Nobles Zélandois ék les Bourgeois de Bois-le-Duc. Wenceflas Duc de Brabant avoit fait une incurfion dans le Hainaut: il avoit enlevé les effets des Hollandois dans Louvain. Albert arrêta tout, en propofant de s'en rapporter au jugement de cinq arbitres, dont (O Joann. a Leyd. L. XXXI. c. 5. (2) Pont. Hift. Gelr. L. VII. (3) Vind. Litt. Sch. Dipl. Car. IV. (4) Philipp. a Leyd. de Cur. Reip. Tome XLIII. Aaa Hifi. de Hollande. 923-1434. Delft affié%é, les habitans for:és è deKander parion. Troubles de Gueldre. 1374. luerre des Hollandeis omrt les rrajeclins. Traité de iaix. Différends iu lujet de Heulden ippaifès.  Sect. III Hifi. de Hollande 923-143 1379- Nouvem troubles , Flandre. Albert e faye (Pappaifer le trouble. 1380. Prunelle chef des Rebelles livré au fuppllce. Aitavelle prend fa place, & rend l fiege de Gand inte minable. (1) Math. Ann. vet. cevi. T. III. (2) Hift, gén. des Provinces Unies T. II. L. 8. (3) Meyer Ann. Fland. ad ann. 1379. (4) Idem. Ibid. ad ann. 1380. (5) iEgid. de Roya ad ann. 1382. 370 HISTOIRE DE HOLLANDE la décifion fut au gré des deux Souverains, qui depuis ce moment vécurent dans la meilleure intelligence. (1) Les troubles de Flandre ne furent pas fi ' ailës a appaifer. Les profufions èk la vie licencieufe du Comte Louis, épuih foient fes fujets: Jaques Hioins &•'Gifelbert'Mathias, fes favoris, étoient les complices de fes débauches. L'mfpeétion de la marine & de la navigation x' donnoit a Hioms un grand crédit fur 1'cfprit des Gantois, qui haïflbient 'n Mathias a éaufé de fon avarice. Ces deux favoris, amis en apparence, fe déteftoient en- fecret. Louis demanda aux Gantois quelque argent pour un tournoi qu'il devoit donner. lis répondirent que leur ville étoit libre & que de telles exaétions étoient contraires a fes privileges. Le refus oifenfa moins le Comte que le motif. Mathias profita de cette circonftance pour perdre fon rival. II 1'accufa d'avoir fuggeré cette réponfe aux Gantois, & le Prince donna 'a Mathias 1'emploi de Jaques Hioms. Celui-ci, pour s'en venger, repréferita fon maitre comme un tyran , qui facrifioit tout a fes plaifirs, a qui la Noblefiè & la Magiftrature étoient vendues. (2) II échauffa les efprits, perfuada la néceflité d'un changement dans le gouvernement, & fe fit nommer Tribun. La ville fe divila: la faérion du Tribun prit le chapeau blanc, celle du Comte le chapeau rouge. Le Comte avoit permis a la ville de Bruges de creufer un Canal: Hioms perfuade aux Gantois que Bruges a acheté cette permiflion pour ruiner fon Commerce. Auflitöt les Gantois tomben t fur les travailleürs, les chaflènt, afliegent Oudenarde & Pemportent; mais Brederode qui défend Uendermonde, les repoufiê de devant cette place avec perte. Mathias avec deux eens chevaux veut difliper cette populace, il eft tué & fa troupe taillée en pieces : les rebelles brülent la maifon de plaifance du Comte. Le Tribun furprend la ville de Bruges, mais il eft em- poifonné au milieu de fes projets. La mort du chef rendit les mutins plus furieux. Ils nomment quatre Capitaines fous les ordres de Prunelle. (3) Enfin le Duc de Bourgogne & Albert calmerent les efprits, en engageant le Comte de fufpèndre les travaux du Canal de Bruges; mais croyant difliper les faétions, il défendit de porter des chaperons & cette défenfe ranima 1'incendie. (4) Prunelle avoit fui dans le Hainaut; Albert le livra a Louis: Philippe Artavelle prit fa'place'; fils d'un braflèur de bierre, fon courage, fes talens & fon génie Pont mis au rang des'hommes illufires. L'exécution de Prunelle fut le fipnal d'une révolte générale. Louis avec les fecours d'Albert ék de quelques autres Princes, forma une armée de foixante mille hommes, avec laquelle il inveftit Gand. Les Hollandois qui regardoient cette ville comme trés eflèntielle a leur commerce, y firent entrer des vivres, malgré les or. dres d'Albert. Artavelle protégeoit les convois ék rendoit le fiege interminable: cependant les Gantois voyant qu'il faudroit fe rendre tot ou tard, prirent pour médiateurs, Albert, le Duc de Brabant ék PEvêque de Liege. Louis demanda pour préliminaire qu'on lui remit Artavelle ck toute négociation fut rompue. (5)  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. III. 371 Artavelle qui avoit eu la hardieffe d'accompagner les négociateurs a Tour- h uai, revint a Gand & fit entendre au peuple qu'une des condition-, que Louis f mettoit a la paix, étoit que tous les Gantois de l'un 6c 1'autre fexe, depuis # quinze jufqu'a foixante ans, iroient, la tête & les pieds nuds & la corde au Jt cou, lui demander pardon a genoux. Cette propofition révolta le peuple ; c lorfqu'Artavelle le vit bien animé:, „ il n'y a, dit-il, que deux partis, obéir „ ou combattre; les vivres manquent; il faut ou périr de mifere avec vos „ femmes & vos enfans, ou faire voir au tyran, que vous êtes des hommes „ & non pas des efclaves." A ces mots le peuple demande a combattre. Artavelle choifit cinq mille hommes des plus déterminés, fe met a leur tête, fort brufquement, malfacre tout ce qu'il rencontre, & met l'armée. en. fuite, Le Comte fe jette dans Bruges; les Gantois 1'y fuivent & s'eraparent de la 6' place: Louis caché toute la journée dans le lit d'une vieille femme, en fortit de nuit déguifé en manoeuvre, (i) Cette viétoire fit regarder Artavelle comme le hbérateur de la patrie, & toutes les villes de Flandre firent caufe commune avec les Gantois. La profpérité fut fatale a Artavelle; trop d'orgueil le perdit; il ne voulut entendre a aucun accommodement. Louis implora le fecours de la France. Charles VI a la tête de foixante mille hommes, arrivé a Arras, dans le tems qu'Artavelle afliégeoit Oudenarde: au bruit dc la marche des Francois, il laifle quinze mille hommes devant la place & avec quarante mille & fans cavalerie, il ofe affronter l'armée de Charles: il fit rompre tous les ponts fur la Lys; les Francais étoient a Comines & ne pouvoient pas trouyer un gué; quelques officiers ayant rencontré un batteaü, pafferent la riviere de nuit, tomberent fur les foldats qui la gardoient, & les Flamans croyant avoir tous les Francois fur les bras, jetterent Pallarme dans leur armée. Les Francois en profiterent pour rétablir les ponts & pafferent la Lys. Ils s'emparerent d'Ypres. Artavelle affembla les Gantois: il doutok fi peu du fuccès , qu'il avoit donné ordre de ne faire quartier qu'au Roi de France, qu'il devoit envoyera Edouard, tandis que les Flamans iroient faire la conquête de fon Royaume. (2) Mais Artavelle ne put réfifter a Pimpétuofité francoife & fa déroute fut complette. Quarante mille hommes refterent fur la place. Artavelle mortellement bleffé fut trouvé parmi les mortSj & Louis le fit i pendre avant qu'il n'expirat. Les Gantois étoient confternés: Dubois, un des Lieutenans d'Artavelle, releva leur courage. Gand fut invefti par les Francois, mais les approches •de 1'hiver fufpendirent le fiege, pendant Iequel le Comte de Flandre fut tué en duel par le Duc de Berry. (3) Philippe Duc de Bourgogne, qui avoit époufé Marguerite fille unique dé Louis, hérita par Ta mort du Comté de Flandre. Ce t'rince aidé des Francois & du Comte d'Oftervant, fils dAlbert , forca les Gantois a demander la paix. Le traité fut fait par Albert & la Ducheffe de Brabant; une des conditions étoit que les Gantois demanderoient pardon au Duc; les Gantois la rejetterent: Philippe^parut indigné: les Ducheflès de Brabant & de Bourgogne tomberent auflitöt aux CO Voff. Ann. Holl. Meyer Ann. Fland. ad ann. 1383. Ca) Le P. Daniël. Hift. de France T. III. Mezer. Abrégé Chron. fur Charl. VI. Cs) Joann. t Leyd. L. XXXI. c. 34. Aaa 2 ï/ï. de ollande. '3-I434- txche les mcois. 1382. •s, futcès. Sa défaite fa mort.  Sect. III. Flilt. de Hollande. P23-1434- La Gantois fournis, 385. Troubles de Gueldre. Albert : Vingt dtuxieme Comte. 1.I89. Mort de Guillaume rinfenfi Amours Albert fj? d' Adelaïde de Poelgeeft. Adelaïde eft ajfajftnie.139c. 372 HISTOIRE DE HOLLANDE pieds du Duc & demanderent pardon pour les Gantois. Cette aétion o-énéreufe défarma le Duc: il figna le traité, qui accordoit une amniftie générale du pafte, la confervation des privileges & la liberté des prifonniers, a condition que les premiers qui violeroient la paix , perdroient leurs biens ék leurs vies. (1) La difcorde dans ces tems malheureux, fembloit s'être emparée de l'Europe. La France éprouvoit des 'troubles inteftins; la Gueldre n'étoit pas moins agitée: Edouard & Renould étoient morts. Les Hoekins appelloient Mathilde, leur fceur: elle devoit époufer en fecondes nöces, Jean de Chatillon, Comte de Blois: 1'Evêque d'Utrecht appuyoit ce mariage. Les Bronkhorft le marierent avec Catherine, fille du Duc Albert, & s'aflurerent paria des Hollandois qui avoient reconnu Chdtillon Duc de Gueldres: (2) Albert le foutint. Le Duc tranquille de ce cöté s'étoit emparé de la ville de Grave: la Ducheflè de Brabant, veuve de Wenceflas, qui prétendoit y avoir des droits, 1'afliégea. (3) Elle appella a fon fecours Charles VI, Roi de France; & le Duc de Gueldres eut recours a Richard II, Roi d'Angleterre: il offrit de fe rendre feudataire de fa Couronne, promit de déclarer la guerre a la France & au Duc de Bourgogne, & de le fervir contre tous, a 1'exception du Duc de Juliers fon pere, d'Albert fon beau-pere ék d'Adolphe Comte de Cleves. Les Francois qu'il avoit provoqués lè répandirent dans la Gueldre ; le Duc fut forcé de demander la paix, de renoncer a toute Alliance avec 1'Angleterre ék de rendre Grave k la Ducheflè. (4) Guillaume 1'infenlé, Comte de Hollande, mourut vers ce tems, dans fa prifon du Quesnoy. Auffitót Albert déja défigné Comte de Hollande par 1'Empereur, fut reconnu par la Nobleffe ék par les Villes. II avoit fixé la réfidence & la Haye. La , depuis la mort de la Ducheflè Marguerite, fon époufe, la jeune Adelaïde dePoelgeeft, célebre par fa beauté, regnoit fur le coeur du Comte, ék vivoit avec lui dans fon palais. (5) Heureufe, fi elle fe fut bornée a aimer ék a être aimée! Mais elle difpofoit des graces, ék étoit plus maitreflè a la cour que fon amant. Poelgeeft fon pere étoit du parti des Cabeliaux: les Hoekins ne tarderent pas a être difgraciés, quoique le Duc leur dut fon élévation ék qu'il les eut toujours favorifés. Us refpirerent la vengeance. Guillaume Comte d'Oftervant, fils d'Albert, voyoit avec dépit l'afcendant qu'Adelaïde avoit fur 1'efprit de fon pere ék la honte qui en réjailliflbit fur fa maifon. Les Hoekins profiterent de ces difpofitions: la perte d'Adelaïde fut réfolue. Des hommes armés forcerent fon appartement pendant la nuit ék la percerent de plufieurs coups : le Maitre-d'hótel d'Albert qui voulut la défendre, fut maffacré. Les conjurés ék leurs aflaflins prirent la fuite ék fortirent du pays, pour éviter les premiers mouvemens de la colere du Comte. Sa douleur étoit au comble: il diffimuloit cependant dans la crainte de trouver parmi les coupables un complice qui lui étoit cher, lorfque le pere de fon maitre - d'hótel, vénérable vieillard, vint les larmes aux yeux, demander vengeance de la mort de fon fils: emporté par fa dou- (O Corp. Dipl. T. II. part. 1. Meyer Ann. Fland. (2) Math. de jur. glad. :. XIV. (3) FroilT. T. HL c. 9Ó, ut. (4) Idem. c. 130. (5) Joann. a Leyd. L. XXXI. c. 37-  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Site*. III. 373 leur, excité peut-être par d'Arkel & d'Egmond qui 1'avoient introduit auprès h du Comte, il alla jufques a lui faire craindre que des fcélérats afTez barbares H pour égorger une jeune fille, ne fufiènt afièz furieux pour tremper leurs 9 mains dans le fang de leur Souverain. Le Duc fe détermina a faire recher- ~ cher les coupables; cinquante-quatre Seigneurs furent cités a fon tribunal. Le n Comte d'Oftervant prit leur défenfe : Albert s'en indigna & fit ^ publier un je placard de profcription contre quiconque fe trouveroit coupable d'un meurtre 6' commis dans le pays, permettant a chacun de le tuer, fans crainte d'être pourfuivi. Les Baillifs recurent ordre en même tems, d'arrêter les afiaffins & de les punir, fuivant la rigueur des loix. (i) Le Comte d'Oftervant ne fe crut pas en füreté & fe réfugia dans le chateau d'Altena, que fon pere lui avoit donné. (2) II y fut joint par les Hoekins. Albert eut, fans doute, r fini par le pardonner, fi le Stadhouder Jean d'Arkel, fils d'Othon & quel- ri ques autres Seigneurs Cabeliaux, ne lui eulfenc perl'uadé que le jeune Comte / formoit des complots pour monter au tröne: ils le déterminerent a appelier auprès de lui, Jean, le fecond de fes fils, Evêque de Liege, qui engagé malgré lui dans 1'état eccléfiaftique, faifit cette occafion de brifer fes liens & fe joignit a d'Arkel. Jean pofiëdoit les Seigneuries de Woerden & de Gorinchem & fon pere y ajouta celles de Voorne & de la Brille. (3) Albert excité par fes favoris, réfolut le fiege d'Altena: il y conduifit de la groflè artillerie , prit le fort èk le rafa: le Comte d'Oftervant n'avoit pas ^ attendu fon pere; il s'étoit retiré a Bois-le-Duc. Albert y marcha après avoir F donné ordre de rafer tous les chateaux des Hoekins: ce qui fut exécuté. Tl Bois-le-Duc fut invefti. La Duchefiè de Brabant èk PEvêque de Liege,^ac- l compagnés de la Noblefle & des députés des villes, fe rendirent auprès d'Al- L bert, & le toucherent par le tableau des maux que cette guerre entraineroit après elle, & par la honte qui ne pouvoit manquer d'en réfulter pour le vainqueur. Albert confentit que fon fils fortit de Bois-le-Duc, a condition p qu'il fortiroit aufli de fes Etats avec ceux qui 1'avoient fuivi, jufques a ce ƒ< qu'il les rappellat. Le Comte d'Oftervant fe retira en France. Tout le tems j qu'il y demeura, fon pere ne lui envoya aucun fecours; un riche négociant yÉ d'Amfterdam, fournit a fon entretien & lui fit paffer tout 1'argent, dont il 1 eut befoin. Guillaume n'oublia pas fes bienfaits. Parvenu au tröne, il le fit Grand-Tréforier, èk lui permit de batir dans fa Seigneurie de Purmer un chateau, qui fut le commencement de Purmerende (4) L'exil de Guillaume ne finit qu'en 1395: on raconte différemment la caufe de fa réconciliation avec fon pere. Froifiard prétend qu'il faifit le tems y oü fon pere fe préparoit h faire la guerre aux Frifons, pour lui demander la p> permiflion d'aller avec les Hoekins ék Jean de Bourgogne, combattre les Infideles en Oriënt, ék que le Comte preffé par la tendreflè paternelle, lui répondit qu'il étoit plus important pour lui, de recouvrer fon patrimonie ék de retirer le corps de fon grand-oncle, qui étoit encore au pouvoir des ennemis. (5) D'autres aflurent qu'un jour que Guillaume alloit fe mettre a CO Boxhom fur Waldeoaar. CO Math- Ann* vet- (BW'U T* V' Joann' a Leyd- L. XXXI. c. 47. C3) Toaml- 4 Leyd- Ibid Privil' de la Brille & Voorn' (4) Math. de jur. gUdii. T. V. 'Joann. k Leyd. L. XXXII. c. jo. C5) Froiirarc vol. IV. c. 68. Aaa 3 'ijl. de illande. 23-1434- Ibert f»it cktnher r voupaes. 1393. Le Csvifs OHervmt 'i filt ƒ* tire dans 'Itena. 1394. tlbtrtl'as* ege; ie omte fe 'Are d ois-le•ue. Albert lal '.rmet de rtir de 'ois-le)uc de retirer 1 France* 1395.' Ubert rap* lie fon Is.  SsCT. III. Hift. de Hollande. 923-1434- Deux facthns défolent la Frife: Us Vdkoopers Êf les Schier ingers. 1396. Albert en prefite pour fvumettre les Frifons, Déroute des Frifons. Albert reconnu Seigneur de Frife. E 374 HISTOIRE DE HOLLANDE cablc avec le Roi de France, un Héraut öta fon couvert en lui difant, qu'il falloit être Chevalier pour manger avec le Roi; que le Comte répondit qu'il 1'étoit; que le Héraut lui avoit repliqué qu'on fe vantoit a ton d'être Chevalier, lorfque le corps ék. les armes de celui de qui on tenoit fon droit, étoient encore au pouvoir de lés ennemis. On-ajoute que Guillaume écrivit a fon pere ce qui venoit de fe paffer; que celui-ci jura qu'on ne feroit plus le même reproche a ceux de fon fang & qu'alors .Albert le rappella, ainfi que les Hoekins, parmi lefquels il y avoit de trés grands Capitaines. (1) Depuis la défaite & la mort de Guillaume IV, la Frife érigée en République jouiflbit d'une profonde paix; la divifion qui fe mit entre la Noblefle èk les Villes, parut a Albert une circonftance favorable pour venger les Hollandois & leur Souverain. La Frife étoit partagée en deux faétions, les Vctkoopers & les Schieringers,c'eft-a-dire la tribu des Nobles èk celle du Peuple. Leur haine étoit fomentée par ies prédications des moines des deux partis. Albert fe fervit du prétexte de la vengeance pour affujettir les Frifons; il obtint des troupes de France, d'Angleterre ék de différens Princes ék Seigneurs d'Allemagne ék de Flandre. Les villes maritimes fournirent une fi grande quantité de vaiffeaux, que plufieurs hiftoriens font monter la flotte a quatre mille gros batimens ék a quatre eens plus petits; mais d'autres ne la portent en tout, qu'a 479. L'armée étoit de cent mille hommes. La Hollande feule en avoit fourni trente mille, ék Albert ne crut pas pouvoir donner a cette redoutable armée, un plus habile Général que le Comte d'Oftervant, fon fils. Les Frifons avoient pourallié, PEvêque d'Utrecht: c'étoit alors Henri de Blankenheim, qui maitre du chateau de Coevorden , avoit promis aux Frifons de maintenir la paix avec eux, mille ans ék un jour. (2) Les Frifons réfolurent d'oppofer k Albert toutes les forces de la Nation ék iurerent de mourir libres Frifons. Toute Parmée Hollandoife n'étoit pas encore entierement débarquée, & Albert n'avoit pas eu le tems de la ranger en bataille, qu'elle tomba fur les Frifons retranchés derrière une digue: elle fut bientöt renverfée; ils fe retirerent dans leur camp fortifié derrière des marais; mais Albert ayant trouvé un paflage, les forca d'en fortir. lis fe rangerent en bataille dans la plaine, ék le combat devint terrible; mais dès que la viétoire fe fut déclarée pour les Hollandois, tout fut maffacré. On prétend qu'il ne refta de Parmée Frifonne que cinquante prifonniers; mais c'eft une exagération: les fuyards fe cacherent derrière des rofeaux: ils en fortirent contre les Anglois, qui voulant pourfuivre d'autres fuyards, s'engagerent dans des marais impraticables: ils y furent bloqués ék leur perte étoit infaillible, fi, ayant fait favoir leur fituation au Duc, il n'eut envoyé a leur fecours les milices de Delft, qui les dégagerent. Envain le Duc avoit - il exhorté celles de Harlem de tenter cette entreprife; foit qu'elles n'euflènt pas voulu s'expofer pour des étrangers, foit qu'elles cruflènt le fuccès impoflible, elles avoient refufé. Aufli Albert permit a la ville de Delft de relever fes murailles. (3) Rien ne s'oppol'a plus aux armes des vainqueurs; les chateaux ék les forts furent aifément emportés, les villes prifes, les villages mis en cendres ck le pays ra- CO VolT. Ann. de Holl. L. XIII. (2) Charta Freder. Epifc. ap. Math. (3) Ubbo mm. rer. Frif. L. XXVI. Meyer Ann. Fland. ad ann. 139Ó.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. III. 375 vagé. Albert fur reconnu Seigneur de Frife; il enleva le corps de Guil- ƒ laume IV, pour Pentcrrer dans la fépulture de fes peres, fe rembarqua avec f fon armée, revint a la Haye ék fon fils alla dans le Hainaut. (1) 9_ Les Frifons ne fentoient leurs pertes que pour les réparer. Us raffemblerent des troupes & chafferent les garnifons de Staveren & des autres places. e\ Les Schieringers de Groningue qui avoient noyé la garnifon d'Aitzema, dans d le Damfter-Diep, élurent pour leur Général Eppons-Niterzum ék conclu- ] rent une ligue avec les Ommelandes, qui s'iinirent a Groningue &qui depuis j n'en ont plus été féparées. La ligue jura de ne faire ni paix ni trêve avec les Hollandois, que lorfqu'il n'en reftcroit plus dans cette province. Le Comte d'Oftervant revient encore, bat les Frifons en bataille rangée, re- 1 prend Staveren, met un impót de fix fois fur chaque maifon, & recoit pour fon pere, le ferment de fidélité & 1'hommage des Frifons. L'Oftergo & le Weftergo furent fournis. Le Comte forma un confeil d'adminiftration. Mais h peine fut-il de retour dans le Hainaut, que la ville de Groningue divifée en deux faéfions fut ramenée a 1'union par PEvêque d'Utrecht, qui lui promettoit les plus puiflans fecours. Witten & Werperen, partifans de la Hollande , furent maflacrés dans 1'églife. A ce fignal le peuple court aux armes, ck Staveren eft encore afliégé. (2) A ces nouvelles, Guillaume & Jean élu Evêque de Liege, fon frere, paflent la Zuiderzée & débarquent a Staveren. Les Frifons parurent fournis; mais Guillaume & Jean informés qu'ils devoient furprendre leur camp, pendant la nuit, les attendirent fous les armes & en firent un maflacre horrible. Groningue ouvrit fes portes èk prêta un nouveau ' ferment de fidélité. Les Frifons fe fouleverent encore 1'année fuivante. L'Evêque d'Utrecht mit une forte garnifon dans Groningue & Staveren fut invefti. Albert envoya Brederode qui fut fait prifonnier; il s'échappa & voyant d'un cóté les Hollandois épuifés & de 1'autre Albert réduit, par le mauvais état de fes finances, dans Pimpoflibiiité de foutenir cette guerre, confentit une trêve avec les Frifons èk le fénat de Groningue, & les Hollandois ne conferverent que Staveren. Les Anglois foutenoient en fecret les Frifons. Jean d'Arkel,Stadhouder & Tréforier général, adminiftroit mal les finances, épuifées d'ailleurs par les dépenfes de la guerre; les fecours que les villes avoient fournis au Duc & qu'il avoit achetés par des privileges multipliés, commencoient a manquer. Ces confidérations 1'engagerent a figner la trêve. II demanda a Jean d'Arkel de rendre fes comptes; d'Arkel s'en offenfa & prit les armes. Sa 'fortune 1'avoit mis en état de faire la guerre de fon chef; (3) il refufa de comparoitre a la citation du Duc, qui confifqua fes terres ék feigneuries. Le Comte d'Oftervant fut chargé de mettre la fentence a exécution; Arkel lui envoya un cartel de défi: le Comte plus fage répondit froidement qu'un vaffal pouvoit tout écrire, mais que le Souverain pouvoit punir ék pardonner. D'Arkel inveftit Oudewater ék échoua contre la fermeté des habitans: il prit Gieflenbourg, brüla Abblaffwaerd : les milices de Dordrecht ék de Schoonhoven voulurent 1'arrêter ék furent battues; fes terres furent ravagées (1) Joann. & Leyd. L. XXXI. c. 55. (2) Jcan de Lemm. Chron. de Groningy Beninglia Hift. de 1'Ooft-Frife. (3) Joann. a Leyd. L. XXXI. c. 60. Math. Ann, vet. cevi. T. V. 'ijl. de ■ ollande. 23-143+- II ramene 1 Hollan» le corps ; fon oncle. lèvolte des rrifons. Ils Jont, . Ann. vet- cevi. ï. V.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. III. 379 a les faire arrêter fur un fnnple foupcon; mais quelque tems après il alla ren- / dre fa vifite au Duc de Gueldres, qui lui repéta les mêmes propos & lui I avoua que fi la paix avoit encore tardé a fe faire, il feroit acfuellement a fa 9_ Cour, non feulement en qualité d'ami, mais encore de prifonnier. Le Com- " te fit enlever le vieux d'Arkel. (1) On le prefla de découvrir cette trame: il t; fut longtems muet; mais dès qu'on Peut menacé de la torture, il avoua C qu'Egmond & fon frere avoient comploté de le livrer au Duc. Le Comte diflimula ék remit fa vengeance k un autre tems. L'alliance qu'il avoit con- Ji traétée avec la France, en arrêtant le mariage de Jacqueline, fa fille unique, j avec Jean Duc de Touraine, fecond fils de Charles Pinfenfé, lui faifoit pren- a dre le plus grand intérêt aux affaires de ce Royaume, livré aux facfions, ^ déchiré par 1'ambition du Duc de Bourgogne & plongé dans Panarchie, depuis 1'aflaflinat du Duc d'Orléans. (2) Envain étoit-il venu a bout de faire .accepter aux partis oppofés, un accommodement que leur haine mutuelle leur fit rompre prefqu'auffitöt. Le Comte étoit lié avec le Duc de Bourgogne. Les Hollandois .& les Zélandois favoriferent la defcente des Anglois en France. Quoique Jean d'Egmond eut obtenu un fauf- conduit pour venir fe juftifier, il n'ofa point comparoïtre, & le Confeil le déclara convaincu du crime < dc haute trahifon., le condamna a perdre la tête, & fes biens furent confif- 1 qués: il fe réfugia avec fon frere dans le chateau d'Ylfelflein: le Comte Pasfiégea & accorda aux prieres de quelques Seigneurs, de permettre aux d'Egmond d'en fortir, mais a condition qu'ils ne reparoitroient plus dans le pays, fans la permifiion du Comte, ék .qu'ils lui abandonneroient la ville ck le chateau d'Yfièlfiein. Le Comte s'obligea de payer fur les revenus des biens confifqués, deux mille vieux Schilden a Jean, fix eens couronnes a fon frere ék huk eens a Yolande leur mere. (3) Le vieux Comte d'Arkel obtint fa liberté, quelques 'années après. Le bruit fe répandit dans Utrecht, que la faétion de Lichtenberg avoit vendu la ville a Guillaume, moyennant une fomme confidérable; le peuple foulevé ayant a fa tête Herman de Lockhorft, Doyen du Chapitre, entou- a ra 1'hötel de ville, ék demanda qu'on changeat le Magiftrat: on s'aflèmbla ék Jacques dc Lichtenberg,Prevöt de St. Pierre,Jean de Lichtenberg; le Bailli, lc Bourguemeftre ék quelques autres furent bannis. (4) Us fe retirerent fous la proteétion du Comte. Tout commerce entre les Hollandois ék les Trajeétins fut interrompu. Ceux-ci s'éleverent contre le nouveau gouvernement; le parti de Lichtenberg reprit le' defliis; les exilés eurent la permifiion de re- P venir. Guillaume appellé a Utrecht termina ces querelles, en banniffant a * perpétuité les chefs de ces rebelles. (5) Mais dans le tems qu'il pacifioit 1 ces troubles, les Frifons furprirent Staveren, la feule ville que les Hollan- fi dois euflènt confervée dans la Frife, ék en chaflèrent la garnifon. Guillaume 5 trop occupé aillcurs , diflimula cette infulté ék renouvella la trêve avec les Frifons. (6) (O Voff. Ann. Holl. L. XV. Petit Chron. de Holl. T. I. L. 3. (2) Monftrelet Vol. I. ch. 36. (3) Joann. a Leid. L. XXXII. c. 22. (4) Math. de nobilit. l. II. AA. Ultraj. (5) Burman Ann. Ultraj. part. I. Math. de jur. glad. c. V. <0 Ubbo Emm. rer. Frif. L. XVII. Bbb 2 HJi. de [ollande. 23-1434- Confphaon eontrs 'uillaumc. lariage dt 'acqwAme utc le Duc e Touraiu ■ondtttmt'on des 'Egmond. Troubles '■Utrecht.. Appaifèc Jr Gièil. ;ume. 1414. ,es Ei ifons trprenmrst laveren.  38o HISTOIRE DE HOLLANDE Skct. III. Hijl. de Hollande. 923-i434 HX7- Mort du Duc de Touraine devenu Dauphin, Jacqwline reconnue hétitiert nnique de Guillaume. Mort de Guillaume. Jacqueline : Vingt(j'MtrismeComtejfe. I.*. cMteau d'Tjjetftein pris par les d'Egmond, repris par Brederode. II revint en France pour y célébrer le mariage de Jacqueline avec Ie Duc de Touraine, qui fut bientöt après appellé a la Couronne, par la mort du Duc de Guyenne fon frere. Ce Prince agé de dix;-huit ans, étoit avec fa , jeune époufe a Valcnciennes. La Reine preffoit le Comte de revenir en France & d'amener fon gendre; mais le Comte qui étoit du parti du Duc de Bourgogne & qui fe méfioit de la cour, héfita longtems: il fe détermina enfin ék le conduifit a Compiegne. La Reine vint 1'y joindre; elle eut voulu les mener a la cour; mais ne pouvant pas y réuflir, elle engagea Guillaume a 1'accompagner a Paris. II y eut une conférence avec le Roi, ék paria vivement en faveur du Duc. (1) II fut averti qu'on devoit Parrêter pour 1'obliger a rendre le Dauphin; le Comte partit fecrétement ék revint a Compiegne : il y trouva le jeune Prince expirant. Quelle que fut la caufe de fa mort, Guillaume fe Mta de ramener en Hollande Jacqueline fa veuve, alors agée de dix-fept ans. Quelque tems avant le départ de Guillaume pour la France, 1'Empereur Sigismond étoit vcnu en Hollande, pour Pengager de paflèr avec lui en Angleterre, afin de négocier la paix entre ces deux Royaumes. Leurs négociations furent inutiles; mais Guillaume profita dé cette occafion pour demander a 1'Empereur, un Diplome qui inveflit Jacqueline fa fille, de fes Etats, au cas qu'il vint a mourir. Sigismond le lui refufa. Ce refus, fon ftge, 1'ambition de Jean élu Evêque de Liege, qui s'obfiinoit a ne pas entrer dans les Ordres, le tourmentoient fur le fort de Jacqueline. II convoqua les Etats Généraux des trois Provinces ék l'afiemblée la reconnut unanimément pour fon unique héritiere: elle recut leur ferment, ék quoique 1'aéle qui en fut drefie, fut revêtu des fofmes ordinaires, le Comte exigea une obligation particuliere des nobles ék des villes, qui ne s'étoient pas trouvés a l'afiemblée. (2) Guillaume mourut quelques jours après cette déclaration a Bouchain, d'un abcès formé a la cuifiè, a Page de 52 ans. Gendre de Philippe de Bourgogne , les affaires de la France lui firent négliger celles de fes Etats. 11 en perdit la Frife. II n'eut de Marguerite que Jacqueline, qu'il aima tendrement. II laifia trois fils naturels ék une fille; Louis Seigneur de Fleflingue; Everard premier Seigneur de Hoogtwoudc, qu'il batit; Adrien,, ék Béatrix, femme en premières nöces de Philippe de Dorp, ék en fecondes de Jean de Woerden, Seigneur de Vliet. L'hymen trahit toutes les efpérances èk fit tous les malheurs de Jacqueline. Son premier époux appellé au tröne de France, étoit mort empoifbnné dans fa dix-hnitieme année; nous la verrons également a plaindre avec fes trois autres maris. Dès qu'elle eut perdu fon pere, Philippe Duc de Bourgogne la fit reconnoitre Comteffe de Hainaut. (3) La Hollande fe promettoit les plus beaux jours fous lc gouvernement de cette Princeffe; les d'Egmond ne tarderent pas a lestroubler; mais ils ne garderent pas longtems le chateau d'Yffelftein dont ils venoient de s'emparer. Les Seigneurs de Brederode ék de Montfoort, ayant gagné les milices d'Utrecht, forcerent la garnifon de fe rendre, èk Jacqueline qui fe trouvoit a ce fiege, permit (O Corps Diplom. T. II. L. II. Ca) Grand Ree. des placards. C3) Egid. delloya ad ann. 1417.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIIL Suct. III. 351 aux Traieétins de démolir les murs du chateau, qui les incommodoit beaucoup. (O Après cette expédition, elle fut inaugurée dans toutes les villes, excepté a Dordrecht. Ces nuagfes n'étoient que les avant-coureurs dun orage plus effrayant. L'amhitieux Jean de Baviere, élu Evêque de Liege, ayant renoncé a fon Evêché & a 1'état cccléliaftique, foutenu des Cabeliaux, fe rendit a Dordrecht & s'y fit reconnoitre Ruward : il fe ligua avec les maifons d'Egmond & d'Arkel, & entra dans Gorinchem; mais il ne put en emporter lc cll'lCCClU Guillaume VI par fon teftament, invitoit Jacqueline a époufer Jean Duc de Brabant, fon coufin. La Comteiïè douairière & la Nobletfe la prefTerent de conclurc ce mariage: Jacqueline y confentit dans 1'efpérance de fe donner Cm défenfeur. Elle fit reconnoitre fon nouvel époux dans toutes les villes & mit le fiege devant Gorinchem. Les Trajeétins pénétrerent dans la ville: d'Arkel rangea fit petite troupe en bataille devant ie chateau. On combattit de part 61 d'autre avec acharnement, mais enfin d'Arkel fut tué; fa troupe fut taillée en pieces & d'Egmond fut fait prifonnier. La mort de Brederode, un des plus habiles Généraux de Jacqueline, tué dans le combat, compenfa la perte de Pennemi. (2) Tean de Baviere demanda h Sigismond, Elifabeth de Luxembourg % fa coufme, & 1'invcfiïture.des Comtés de Hainaut, Hollande, Zélande & Frife 'comme dévolus a 1'Empire par défaut de males ; ce qu'il obtint: il le fit'iMucurer a Dordrecht en vertu des lettres de PEmpereur: (3) il accorda de nouveaux privileges a cette ville & y fixa la réfidence des Etats de la Sud-Hollande: il flatta les autres villes pour les attirer a fon parti; mais Harlem, Delft & Leide, Amfterdam, Gouda, Rotterdam, Alkmaar, Schiedam Hoorn , Oudewater donncrent des fecours a la Comtelfe. Borfelen 3 la tête d'une flotte, s'oppofa aux armateurs de Dordrecht & de la Brille, qui infeftoient les mers & qui brülerent Gravelande, en même tems que les Hoekins détruifoient les chateaux de 1'Amilelland & du Kennemerland. (4) Tacqueline après bien des follicitations détermina le Duc de Brabant a convoquer a la Haye les députés des villes, & le fiege de Dordrecht fut délibéré: la Comtelfe y marcha a la tête des Hollandois, qu'elle ammoit de fon courage; mais le Duc avec fes Brabancons combattoit mollement & perdoit d'utv cóté ce que les Hollandois gagnoient de 1'autre. Le Dac de Baviere averti par des efpions voulut profiter dc fon indolence; il tomba fur fon camp mal gardé & fut repoufle par les Brabancons: mais bientöt après, Pépoux de Tacqueline ennuyé des fiuigues de la guerre & commencant a manquer de vivres , fe retira & Pabandonna a fa deftinée. II s'arrêta cependant a Gertrudenberg, oü ayant appris que la Comtefiè avoit, par fa prudence empêché la défaite des Hollandois attaqués par les Cabeliaux, honteux de Va retraite, & n'ayant pas le courage de revenir fur fes pas, il envoya ordre a Jacqueline d'abandonner le fiege. (5) Jean.de Baviere, maitre de (t) Chron. de Goud. Math. Ann. vet. cevi CO Monftet T. I. c..187. Corn. Chron. ad ann. 1417- (3) Rymer Aft. Publ. Angl. Dgl0m.S1g.sm LJ»n, HL CO Grand Ree. des plac ï. X. (5) VoiT. Ann. Holl. L. X\II. Pent Chron. de Holl. T. I. L. III. „, : Bbb 3 Hifi. de Hollande. 9Ï3-1434. H'8. Jem de Haviei e fe fait reconnoitre Ruvuari il Dordrecht, Jacqurh'ne ijjouje ie Duc ds Brabant. D'Arkel 6? Brederode font tués. Jean de Baviere fe faitinve/tir des Etats de Jacfutiine. J icqueline fait le fiege de Dordrecht. Le Duc de Brabant ft retire , lui ordonne d'a. bandennet le fiep.  Sier. lil. Hift. de Hollande. 923-1434 'Traité en tre Jacque line fc? Ie. Ducs de _ _ Jirabar.l £5 dn Havisre J4AS- Le Dut de Baviere abufede jon MUtorité. Ligue de plufieurs villes & Seigneurs eontre lui. 1420. li s'erapart it Leide. 383 HISTOIRE DE HOLLANDE Dordrecht & de Papendrecht, défendu par Adrien, bdtard de Guillaume, qui aima mieux fe faire tuer fur la breche que de fe rendre, s'approcha de > Rotterdam /le furprit & cnvahit prefque toute la Sud-Hollande. Jacqueline accourut a la défenfe de fes Etats: elle fauva Gouda, Schoonhoven & Schiedam. Mais la fituation de la Hollande déchirée par les deux partis, fes cötes défolées par les pirates, les campagnes dévaftées., le commerce languiffant dans les villes, faifoient défirer la paix. Elle fut conclue par • Pentremife du Duc de Bourgogne. Paree traité entre Jacqueline, la No; bleue & les députés des Villes, le Duc de Brabant & le Duc de Baviere; cette Princefleen cas de mort, tranfportoit a Jean de Baviere, le Hainaut, la Hollande, la Zélande èk la Frife, dont le Duc de Brabant fe démettoit. Elle parragcoit pendant cinq ans, le gouvernement & le titre de Ruward avec lui ék le Duc de Brabant; elle fe réfervoit avec ce dernier la nomination des officiers: elle cédoit au Duc de Baviere, Dordrecht, le Burgraviat de la Sud-IIollande, Gorinchem, le pays d'Arkel., Leerdam, Ie Schoonerwaerd, Rotterdam , pour les tehir a titre de fief du Duc èk de la Ducheflè de Brabant, (i) Après ce traité, Ie Duc de Brabant retourna dans fes Etats: Ia diviïion y regnoit entre la Noblefle ck les Villes. Jacqueline 1'y fijivit; le Duc de Baviere fe hata de profiter de fon abfence. Au préjudice du traité, il difpofii des charges fans la confulter & changea les Magiftrats des villes. f» En toute occafion il agit en maitre. Cet abus d'autorité détermina les villes de Leide, d'Utrecht & d'Amersfoort a former une ligue. Ces deux dernieres avoient a fe plaindre du Duc de Baviere, qui avoit refufé de leur rendre juftice contre d'Arkel & d'Egmond, dont les gens avoient enlevé les marchandifes de leurs négocians. D'ailleurs on favoit a Utrecht que le Bavarois avoit fait un traité avec le Duc de Gueldres, pour s'emparer d'Amersfoort èk de Montfoort ék faire nommer PEvêque, lorfque le fiege feroit vacant. Deventer, Campen, Zwol s'unirent a ces villes , qui fignerent Paéïe de confédération avec PEvêque d'Utrecht, Philippe de Waflènaar, Guillaume de Brederode, Jean de Pleemftede ék déclarerent la guerre au Duc de Baviere. Les confédérés prirent ék ruinerent plufieurs chateaux des Cabeliaux. Le Duc alloit a Gouda. Les Trajeétins n'ayant pu J'attirer au combat, ravagerent la campagne, firent un butin immenfe ék jetterent cinq eens hommes dans Leide, que le Duc maitre des chateaux de Poelgeeft, Ter-Goes & Zyl, inveftit. Après neuf femaines de fiege, ck les vivres commencant a manquer, la garnifon capitula. Leide reconnut le Duc Jean en qualité de Ruward; le Burgraviat de la ville, que la maifon de Waflènaar pofiedoit depuis plufieurs fiecles, lui fut cédé fous la réferve du bourg, des hommes, des cygnes, des impöts, pêches ékpaccage qui dépendoient de cette maifon. Ce Burgraviat a depuis demeuré annexé au Comté de Hollande. (3) Les anciens manifelles ck privileges, a 1'exception de ceux qui avoient été accordés par Jacqueline, furent confirmés. La garnifon Trajeétine devoit fortir librement; .rnais d'Egmond 1'attaqua auprès de Woerden ék la pafia au (O VolT. Ann. Holl. ubi Cup. Gr. Ree. d»s rlac. T. III. (s) Magn. Chron, JBelg. Lifte de la Rég. d'Amft. ann. 141?, "(3) Orkc. Defcr. de Leide.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXïII. Sect. III. 383 fil de Pépée; lorfqu'on s'en plaignit au Duc, il répondit froidement que cette affaire ne le regardoit point. (k) Ce Prince étendit fes vues fur le Brabant, foit qu'il fut appellé par la Noblefle, foit qu'il fe prévalut des droits d'Elifabeth fa femme, veuve d'Antoine de Brabant; il avoit des correfpondances avec les Miniflres du Duc, Prince plongé dans la mollefle , incapable de regner & entierement livré a fes favoris. Le Duc de Baviere menaca Gercrudenberg, dont les habitans eflrayés capitulerent. Merwede qui commandoit au chateau, indigné contre eux, tira fur la wille ék la réduitlt prefqu'en cendres. Jean attaqua Ie chateau, mais le brave Merwede rendit fes efforts inutiles, jufques a Parrivée des Brabancons. Les eflbrts inutiles de Jacqueline pour engager fon époux a défendre fes Etats, les mauvais procédés qu'il avoit pour elle, fes amours pour la fille de Guillaume Afchc, Gentilhomme du Brabant, indifpofoienc depuis longtems cette Princeffe courageufe èk fenfible. Les favoris du Duc lui perfuaderent de chaflèr d'auprès de Jacqueline, les Hollandoifes ék les Hennuyeres, qui occupoient les principales places du Palais & de les remplacer par des Brabanconnes : le Maitre - d'hótel du Duc obtint un ordre pour dranger la maifon. Dès que Jacqueline en fut informée, elle partit a la hate de Vilvoorden oü elle étoit, pour fupplier fon époux de ne pas la féparer de perfonnes auxquelles elle étoit accoutumée dès Penfance ék dont elle connoifibit la fidélité. (2) Le Duc fut infenfible a fes prieres. Jacqueline indignée déclara qu'elle n'obéiroit point ék qu'étant Souveraine comme lui, il n'avoit aucun droit fur fa maifon. (3) Elle fe plaignit hautement: Marguerite, Comteflè douairière, vint du Hainaut. Elle feroit peut-être parvenue a rétablir Ia paix, fi Pon n'eüt eu foin de rendre inutile les progrès que fes prieres ék fes repréfentations faifoient fur 1'efprit du Duc. Marguerite outrée enfin de tant de réfiftance, ramena fa fille dans le Hainaut. La Noblefle prit le parti de Jacqueline, chafla deux des principaux favoris ék députa vers elle pour 1'engager de revenir. La Princeflè témoigna toute fa reconnoifiance aux députés ék leur fit fentir le danger auquel fon retour 1'expofcroit. La Noblefiè fit au Duc des remontrances, qui ne fervirent qu'a Pirriter encore davantagc; mais indignée du crédit des favoris ék de voir pafler les emplois èk les dignité? a des perfonnes fan3 mérite, la Noblefle s'aflèmbla, nomma le Comte de St. Pol Ruward du Brabant, èk convoqua les Etats Généraux a Vilvoorden. II y eut une conférence fecrete avec le Duc de Baviere, a qui Ia dignité de Ruward de Hollande èk de Zélande fut aflurée pour deux ans encore. (4) Jacqueline, a peine encore dans fa vingtieme année, réuniflant les charmes de la beauté, les graces de 1'efprit èk les plus belles qualités de Paine, la valeur d'une héroïne (5) èk une fageffe confommée, Souveraine facrifiée & d'indignes favoris, épouiè dédaignéc pour une rivale obfeure, par un Prince lache èk méprifé, ne pouvant plus réfifter a tant d'outrages, réfolut de rompre des liens formés contre fes vceux,par unepolitique aveugle,(6_) èk do (1) VoiT. Ann. Holl. ubi fupr. Grand. Chr. Divir. XXVII. c. 12, 13. (2) Hift: gén. des Prov. Unies. T. II. L. VIII. (3) Divai. rer. Brab. ad ann. 1420. VolIV- ubi fupr. (4) Petit Chr. de Holl. T. I. C5) Monftrel. T. I. c. 235. Mém*, a'öliv. de la Marche. (6) Meyer Ann. FlanJ. ad ann. 1421^ Hijl. de Hollande, 923-1434. II menace leBrabant. Procédés indignes èii Duc dt Brabant envers Jacqueline. , • Margw.rit'c emmene Jacqueline 'dans le Ha.naut. La Nób'.efjc Preni jon parth-  3*4 HISTOIRE DE HOLLANDE Seêt. III. Bijl. de Hollande. 923-143'! Elle romji fon mariag & en projette un avec li Du de Glocester. Le Duc dt Baviere s'empare d( Gertrudenhttg. Les Frifons le recon1.vijf ent. 1421. L een dit artir une lotte conïdérible. 1440. Négociations pour la paix. Querelles au fujet de Luxembourg.  Sect. IV Hift. de Hollande Mort di Margueri Douairier de Holl (i de. 14-11. Ï44I. Troubles daiis la Frife : as faffinat. 1444' Les Hoekins £f les Cabeliaux s'aigrijfent Les villes refujent les contributions. Soulevememiï AmJterdam.A Harlem. 394 HISTOIRE DE HOLLANDE . pereur Charles IV, fon pere. Elifabeth le céda a'Philippe. (1) moyennant une penfion de dix mille fiorins. Dans cet intervalle mourut Mar nierite de '2i Bourgogne, veuve dc Guillaume VI, Comte de Hollande, èk Imifippe fe 1' fit reconnoitre dans les villes dont elle jouifibit comme Douairière. Les négociations pour la paix continuoient lentement a Lubeck, lorfque *f Pierre Brandt, pénérré de reconnoifiance des bons traitemens qu'il avoit rc[. 9US tout le tems qu'il avoit été prifonnier en Hollande, revint a Lubeck èk fit tous fes efforts, pour engager les Ofterlingues a rabattre de leurs prétentions; mais n'ayant pu y réuffir, il parvint a faire conclure une treve de dix ans, pendant laquelle On devoit travailler a une paix générale. Cette trêve opéra les meilleurs effets èk fut renouvellée jufqu'a trois fois. Les Hollandois tenninerent aufli leurs dfiférends avec le Roi de Dannemarck, le Duc de Holftein èk le Grand-maitre de POrdre Teutonique; ils leur'aecorderent des indemnités confidérables pour les pertes qu'ils avoient faites pendant la guerre. Le Roi de Dannemarck confirma les privileges accordées par fes prédéecffeurs, & en accorda de nouveaux. (2) L'efprit de faéfion aflbupi depuis quelque tems, reprit de nouvelles forces. Un curé de Frife fut percé de plufieurs coups; les affaflins crurent . favoir tué, mais ayant appris qu'il s'étoit fauvé, ils allerent Péo-0r-er dans fon lit. Albert Does, a la.tête de quelques Vetkoopers & de quelques foldats étrangers, vengea cette cruauté par la prife d'un chateau qu'il réduifit en cendres; il afiiégea Franeker, que les Schieringers délivrerent: ils faccagerent Nord-woude, ék la guerre alloit devenir fanglante, fi 1'on n'eut por'té les chefs des deux partis a figner une treve de deux ans. (3) '- Les abfences fréquentes de Philippe avoient donné beaucoup de confidération h la place de Stadhouder ou Lieutenant Général. En 1444 Guillaume dc Lalaing avoit été nommé Stadhouder de Hollande ék de Zélande. Lalaing étoit de la faéfion des Cabelkiux; cependant il avoit marié fa fille* Yolande avec Renaud de Brederode, chef des Hoekins; ce qui amnnenta leur crédit ék les fit rentrer dans la régence des villes: les Cabéliaux murmurerent ék les haines devinrent plus fortes que jamais. Les impofitions que la difette rendit plus pefantes,aigrirent 1'efprit des peuples. Amflerdam, Harlem ék Delft, refuferent de contribuer a un oétroi d'emprunt que Philippe demanda. Ceux d'Amfterdam avoient déja refufé d'iudemmfer les Anglois , des maux que leur avoient faits les armateurs de cette ville. Le Confeil de Hollande la déclara rebelle: (4) Hoekins & Cabeliaux, tout fe fouleva: un officier du Bailli voulut faire ceffèr le trouble ék fut maflacré; le carnage alloit devenir général, lorfqu'un Prêtre, le Saint Sacrement a la ma'in , fe jetta au milieu des combattans, ék' leur fit tomber les armes des mains! Les Cabeliaux allerent a Harlem; les habitans prirent les armes. Les deux faélions rangées en bataille, étoient prêtes a fondre Pune fur 1'autre, lorfque le Clergé, comme le Prêtre d'Amfterdam, fe promena entre les deux troupes, avec le St. Sacrement. Les Hoekins fe retrancherent dans leurs maifons ék y furent afliégés. Le peuple couroit en armes dans les rues: les pa- (0 Hift- de la Rep. Sequan. & de la Franche-comté L. X. Petit Chron. de Holl. T. T. L. IV. (2) Aitzema T. I. Recueil de Placards ï. IV. (3) Petit Chron. de Holl. (4) Rieraer Defcr. de la Haye, T. II.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. IV. 395 re'ns attaquoient leurs parens; Andrichen Bourgmeftre de Harlem fut afliégé i dans fa maifon par fon propre frere a la tête des bouchers. Philippe venoit I de confier le gouvernement de ces provinces a Ifabelle fon époufe. (k) Cet- * te Princefle arriva a Harlem: les Cabeliaux la recurent a la porte, èk chercherent Lalaing dans fes équipages ék jufques fous fes robes; mais fachant ó qu'on en vouloit a fa vie, il s'étoit échappé. Elle tira les Hoekins de leurs 1 maifons, les ramena a Amfterdam ék prolcrivit la ville de Harlem. Philippe rnanda les députés des villes, dépofa Lalaing qu'il regardoit comme 1'auteur des troubles, ék le remplaca par Goflewin de Wilde, fous le titre de Préfident. Le peuple ami de la nouveauté fe félicita de la fuppreflion ' du Stadhouderat. Wilde fut recu avec des tranfports de joye: il publia les plus féveres défenfes de prononcer les mots d'Hoelrin ék de Cabeliau ék défendit toute efpece de fatyre contre les uns ék les autres. (2) A Leide le changement du Bailli caufa de nouveaux troubles; les Cabeliaux foutenoient celui qui avoit été déplacé; les Hoekins fon fuccefieur. On en vint aux armes: les Ploekins furent les plus forts. Leurs adverfaires, avec la permifiion du Préfident, appellerent au fecours ceux de Delft ék de la Haye. Waflènaar a la tête deceux-ci, les conduifit h Phötel de ville. Les Ploekins allerent au devant d'cux; mais Geerit Poter ayant fu les amufer par de feintes négociations, les Cabeliaux s'emparerent des rucs; les Hoekins fe barricaderent dans les cimetieres; ils perdirent beaucoup dc monde, ék ceux qui furent faits prifonniers, furent envoyés a la Haye, oü de Wilde les condamna comme Rebelles, fans épargner le beau-frere èk deux amis du Bailli déplacé. Tant de rigueur indigna. Philippe cherchoit a prévenir la révolte. Jean de Naflau èk PEvêque de Liege lui confulterent de partager 1'adminiftration des villes entre un nombre égal de perfonnes des deux factions, de traiter les Hoekins avec plus de douceur èk de rappeller les exilés. Philippe prit ce parti & vint a bout par ce moyen d'établir la paix, du moins pour un tems. (3} II fit divers réglcmens, confirma les défenfes que Jacqueline avoit faites èk que le Préfident avoit renouvellées, réforma Pufage de rendre les parens d'un aflafiin refponfables d'un meurtre , èk ordonna qu'a 1'avenir les parens du mort ne pourroient plus le venger par le duel. (4) Lannoy fur la tête de qui le Stadhouderat avoit été rétabli, étoit chargé d'informer contre de Wilde èk Banjaart Scci, Gouverneur deMedcmblick. Ces deux ennemis irréconciliables s'accufoient mutueilement. Wilde ,juge de Scei, 1'avoit fait accufer d'un aflaflinat par des délateurs èk par des témoins apostés. Scei accufoit Wilde d'un crime contre nature. Wilde fe trouva coupable ; mais fon aveu manquoit. Lannoy, pour empêcher que le crime ne iüt connu du peuple, avoit enfermé le coupable dans un chateau: ne pouvant pas arracher fon aveu, il s'avifa dc faire dreflèr dans la cour un bucher d'un cöté, èk un échaffaud de 1'autre. II fit mettre le feu au bucher èk fit appelier Wilde. II lui dit qu'il pouvoit op ter ou de Péchaflaud, s'il avouoit fon crime, qui étoit prouvé par la procédure, ou du bucher s'il n'avouoit pas. Wilde, a la vue des flammes, n'héfita point èk eut la tête tranchée. (O Riemer Defcr. de la Haye , T. II. Mém. de Rofe. (2) Petit Chron. de Holl. T. I. L. IV. Scriv. fur la Chron. de Gouda. (3) Mém. de Rofe X, XI. (4) Manif. d'Amir. Scriv. Defcr. de Harlem. Ddd 3 lift. de [ollande. i34-i482. Fureur s es Facions. 144?' $ladh»ude* it fuppriié. Emeutê i Leide. Combat en. tre les factions. Réglcmens. i44p.' Stadhouderat rétabli.  Sect. Hijl. i Hollan 1434 i 144! Exatl du Clet 6f Jou mens & Utrecht Philip appaife ejprits. II dejire réforme Clergé. Et fa co) mence. Réprime i'nbus de, Jurisdiction Eccl Jiajlique. 145c. Le Card nal Cufa pêche la Réforme. 39Ö HISTOIRE DE HOLLANDE !V. Scei, en effet convaincu d'un affaflinat, perdit fon gouvernement èk fur le banni. (1) 482. Cependant la guerre civile avoit recommencé dans Utrecht. Les Tra— jedins ne pouvant plus fupporter les exacïions du Clergé, avoient pris les >. armes & chaffé de fa Cathédrale, Guillaume de Diephout. Le Prélat ap•J" puyé par Montfoort & Cuilembourg a la tête des habitans d'Amersfoort, fur füe. ramené dans la ville par une brêche que fes partifans avoient faite. II rangea fes troupes en bataille fur le marché: le combat fut fanglant ék opinia. tre: PEvêque ék Montfoort furent renverfés de leurs chevaux, mais enfin ils repoufferent les habitans ék le Bourgmeftre Lichtenberg fut tué. L'Evêque fit pendre fur le champ tous les bourgeois qu'il prit. (2) Philippe fe pe rendit Parbitre de ces querelles ék les pacifia ; mais il s'appercut que le /«Clergé faifoit lervir la Religion de voile a fes vues ambitieufes'ék avares Les Souverains fe plaignoient des Papes ék des Evêques; le fecond Ordre étoit opprimé, les mceurs en fouffroient, le luxe ék la fierté des Prélats révoltoient. Les revenus eccléfiaftiques ne fuffifant pas a leur fafte, ils fnectoient a contnbution la crédulité des peuples. Les annates, les croifades ét les mdulgences avoient épuifé l'Europe; la plus grande partie des revenus la de la Hollande appartenoit au Clergé feculier ék regulier; il étoit exempt du de toute contnbution publique, ék les Laïques étoient obligés d'emprunter de lui pour payer les pédtions; ce qui doubloit 1'impöt par les intéréts La Réforme étoit généralement défirée; les Huflites la prêchoient malgré le fupphee de leur chef. Philippe en fentoit la néceffité; il ofa la tenter fur quelques objets. Les Jurisdiétions Eccléfiaftiques attiroient tout a elles, fous prétexte que la Religion avoit quelque intérêt direct ou indirect dans les cau»- fes. Les Doyens ék les Prevöts de la Hollande ék de la Zélande préfidoient aux Jurisdiétions dépendantes de PEvêque d'Utrecht, (3) ék comme les appels fe portoicnt devant le juge épifcopal, PEvêque d'Utrecht étendoit fon autorite fur les domaines du Comte. Dans les affaires>criminelles, ces Tu. nsdiéhons, plus attentives a leur propre intérêt qu'a celui de la fociété, punifibientle meurtre, Paffaflinat, Paduitere, les crimes les plus odieux & les plus deftruéteurs, par des amendes qui tournoient au profit de 1'Eglife. Philippe s'attacha a corriger ces abus ; il reflerra dans des bornes trés 'a étroites les Jurisdiétions des Officiaux, commenca par excepter feulement K des franchifes, les criminels de Leze-majefte èk les atïafiins de deffein prémédité. (4) Le Duc s'y prit trés adroitement pour étouffer les murmures inévitables du Clergé: il s'adrefla au Pape Nicolas V; (5) il le flatta fi bien qu'il le détermina a la Réforme. Ce Pontife envoya le Cardinal Cufa, fous '. prétexte de porter le Jubilé au Duc: il prêcha dans la plupart des villes de Hollande, il bornoit le culte des images, il s'élevoit contre les moyens dont on fe fervoit pour entretenir la fuperftition des peuples: il attaqua les préjugés,_ èk il ofa s'élever contre les revenus énormes dont le Clergé ék les moines jouifioient. Les Chanoines èk les Reguliers ne manquerent pas de décla- (O Riemer' Defcript. de la Haye. Memor. des fent. de la Cour. CO Petit Chron. de Holl. T I L. IV. Hift. Ponrif. Ultraj. fs) Boxhorn Hift. des Pays-bas. Brandt IM de la Réfonn. T. I. (4) Manifefte d'Enkhuifen de Grootb. (O Bo^horn fur Reigertb. & dans fon Hift. des Pays-bas.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv.. XXXIII. S^cr. IV. 397 mer contre le prédicateur. Cependant il.parvint a tenniner le fchifme qui déchiroit cette Eglife (1) & dans le moment ou les armées des deux Evêques étoient prêtes a s'égorger, Cufa accourut fur le champ de bataille èk les détermina a une trêve. . f Une guerre plus férieufe occupa bientót Philippe. Les Gantois s étoient oppoi'és a Pétabliffement de la Gabelle: ils avoient refufé un léger oéfroi que le Duc avoit demandé fur le bied; ces refus & le fouvenir de ladéfection des Flamans devant Calais, le détermincrent a confisquer leurs biens & leurs corps. Dès ce moment la guerre fut déelarée; le magiftrat leva quatre mille hommes, qui s'emparerent des places voifines, Philippe manda fes vaifaux. Le jeune Comte de Charolois, fon fils, le preffa de lui permettre de le joindre: le Duc qui craignoit pour fes jours, lui marqua d'attcndre du moins que fes armes fuifent prêtes: il répondit „ qu'il aimoit mieux com„ battre en veile que de manquer au fervice qu'il lui devoit, contre des ful, jets rebelles:" il dit a fa mere qui 1'exhortoit de fe conferver pour le bonheur de fes peuples: „ qu'il valoit mieux qu'ils perdiflent un jeune homme „ dont ils ne connoifioient pas la valeur, que de conferver un Mche." Philippe enfin confentit a le laifièr partir. (3) Les rebelles afliégeoient Oudenarde, que Simon de Lalaing défendit avec tant de courage & d'adrefiè, qu'il donna le tems au Comte d'Etampes d'arriver pour chalfer les afiiégeans. Ils fe jetterent fur Dendermonde avec une compagnie d'archers Anglois qu'ils "avoient achetés; mais ces étrangers les trahirent & une partie de leurs troupes fut maflacrée: ils entamerent dans un défilé le Comte d'Etampes, qui s'en vengea fur Thiefi. Les Gantois, pour empêcher qu'il ne s'y établit, détruifirent cette place & ravagerent vingtfept villages. (4). Philippe pafla PEfcaut, rencontra les troupes ennemies, mal difciplinées & levées au hafard; il les mit en déroute èk Jean de Lannoy qui arriva le lendemain avec beaucoup de Noblefle, & avec les Hollandois éx les Zélandois , acheva leur défaite. Les Gantois humiliés demanderent une treve ék le vainqueur y confentit; mais les rebelles rompirent les négociations: ils reprirent les armes: la guerre devint cruelle. Corneille, batard du Duc, emporta d'aflaut le chateau de Pougues ék y fut tué: Philippe en fit pendre la garnifon. Celle de Stadenbeck eut le même fort. Les Gantois uferent de repréfailles fur' les Zélandois prés de Huift: (5) ils préfenterent la 'bataille a Philippe, qui les battit ék les poufla jufques dans la ville: ils perdirent fix mille hommes ék demanderent grace. Philippe parut longtems inflexible, enfin a la follicitation des Evêques, il leur accorda la vie ék révoqua tous leurs privileges (6) Les Etats de Philippe étoient menacés par les Anglois, irrités des fecours qu'il avoit donnés a la France ék furtout de la prife de Bordeaux, a laquelle les Hollandois ék les Zélandois avoient eu la meilleure part. II envoya le Comte de Charolois en qualité de Stadhouder fur les cótes. Charles aimoit fa Noblefle, mais il aimoit encore davantage la juftice. Ayant fait faire le (1) Alb. Krantz Metrop. L. XI. c. 39. Boxhorn Hift. des Pays-bas. (O MeYer Ann. Fland. ad ann, 1448, 1449. (3) Hift. gén. des Prov. Unies T. III. JL. 9. (4) Petit Chron. de Holl. T. I. L. IV. (O Meyer Ann. Fland. ad ann. 1453' (6) Mouftrel. vol. III. Meyer ubi fupr. Oliv. de la Maren. L. I. c. 28. Ddd 3 Hifi. de Hollande. 1431-1482. Finit U fchifme aï Utrecht.. I45IRévolte det Gantois. Philippe leur déclare la guerre. lis ajji;gent Oudenarde. Dendermonde, 1453Défaite des Gantois. Les Gantois battus & punis. Les Anglois menacent les Etats de Philippe.  Sect. IV, J/iit. de Hollande 1434-148 Le Com de Charolois Stad houder, r met fa di gnité tï Lannoy, Difputes pour l'éle] tion a I I vêché d'L treek. Philippe marche co; tre les Tr jeïïins. I45Ö". Faitèlirel eonfirmer fon bdtara David dt Jiourgogn Ti ou les dans la Frife. Elle env ye des dépt tés è Philippe. Elle confei ii ia rtïlelanre demandie pL V Empereur. Philippe diffmule. 3<)8 HISTOIRE DE HOLLANDE proces aux Haamftcdc, ils ie trouverent coupabJes; il lcs condamna m barmiflèmentlans miféricorde, & Ans égard pour leur naiflance & pour'leur 2> crédit. Charles veuf de Catherine, fitte de Charles VII, fut rappellé a la _ Cour pour époufer Ifabelle de Bourbon: (1) il rendit le Stadhouderat '■e a Lannoy. Les Anglois humiliés de leurs pertes laiifoient la France tranquille. Phi,_ lippe profita dc ce repos, pour placer fur le fiege d'Utrecht vacant par la . mort de Rodolphe, David de Bourgogne fon batard. Gifelbert de Brederode avoit été élu, mais il lui manquoit 1'inveftiture de 1'Empereur ék la confirmation du Pape; il avoit révolté fes diocéfains par le rappel des exilés & .. avoir puni les rebelles. Etienne de Baviere, Chanoine de Cologne foutenu de 1'Archevêque & du Dtic de Gueldres, difputoit 1'Evêché a Brederode 1 Au milieu de ces divifions, Philippe entreprit de faire pourvoir fon bfitard. •(e) Les Trajeétins nommerent Brederode proteétcur. Le Duc prit les armes, & comme il avoit befoin du fecours de fes fujets, il rétablit les privileges des Kennemers, des Weft-Frifons, d'AIkmaar, de Dordrecht: les j. fommes qu'il en recut, le mirent a portée de faire Ia loi aux Trajeétins. f/O 11 parut a la tête d'une armée de quatorze mille hommes. Brederode, les chapitres & Ia ville effrayés, prierent le Duc de Cleves d'entamer une négociation avec Philippe. Le réfultat fut que David de Bourgogne fut cönfir^ mé, que Gifelbert rentra dans la dignité de Prevót du Chapitre d'Utrecht, f qu'il auroit en outre la Prevóté de St. Denis prés de Bruges & fes appointemens de Confeiller de la Haye. On lui promit une penfion de -4200 fiorins du Rhin , & cinquante mille écus une fois payés pour les frais de la guerre. ?. Dès que cet accord fut figné, David fut inltallé. (4) Tout le Diocefe le reconnut, excepté Deventer qu'il fallut affiéger. Philippe apprit avec peine que cette ville étoit fecrétement foutenue par le Duc de Gueldres, par le Sénat de Groningue ck par les Frifons. Ces derniers furtout 1'inquiétoient. Depuis longtems la Frife étoit Pobjet des défirs des Comtes de Hollande. Ils avoient occupé Staveren jufques a Guillaume IV. Philippe entretenoit 5.1'animofité des factions qui s'entre-déchiroient. (5) II promettoit aux Frii- tóps dc puiflans fecours s'ils vouloient le reconnoitre, & les menacoit de la guerre s'ils refufoient. Us lui envoyerent des députés pour écouter fes propofitions, tandis que les Etats fe préparoient a la défenfe. L'Empereur Frédéric profitant de ces circonilances, demanda aux Fri* fons la redevance a laquelle ils s'étoient fournis envers Sigismond, par le diplome qui les déclare Frifons libres. C'étoit un Grcoipar foyer: ils y T confentirent, a condition qu'ils ne reeonnoitrof nt d'autre mouvance que celle de PEmpire, & qu'il feroit défendu au Duc de Bourgogne de s'immifcer du gouvernement, fous peine d'être mis au ban dc PEmpire, ék que les privileges accordés' par Charlemagne feroient renouvellés. Tout fut accordé, ék les injonétions ftipulées furent faites par 1'Empereur, qui cependant offroit de rendre juftice au Duc. (6) Philippe diflimula. Avant de rien CO 'Monftrcler. vol. III. (2) j0ami. è Leyd, de Dornin. de Breder. L. 53. (3) Manif. d'AIkmaar i des Kennem. &c. (4) Joann. a Leyd. ubi fupr. (5) Egid. Ilening. Hift* d'Ooft-Frife. ch, 225, 231. L. I.; ch. 26, 30. L. II. (6) Boxbörnfor Waldenaar. Fgid. Beningh. L. 11. c. 86.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. IV. 399 entreprcndre, il voulut mettre ordre a fes finances. D'ailleurs la retraite du n Dauphin dans fes Etats & la hauteur du Comte de Charolois Pinquiétoicnt. H< li envoya ce dernier en Hollande cn qualité de Stadhouder, afin dc prévenir l* les fuitès de Pavërfion de ce Prince envers Crouy. IMais le Defpotifme du R, jeune Comte révolta. II critiqua le gouvernement de fon pere, s'empara D des biens des Seigneurs mores fans poftcrité, des terres iuondées, qu'il- defle- Fr choit par des digues & des corvées ruineufes pour le peuple: (1) il fe fai- £ foit par ces ufurpations, un domaine immenfe. Mais Philippe qui connodfoit fon caraétere emporté, détournoit les yeux. * Le Duc n'ofant ni refufer, ni accorder au Dauphin 1'afvle qu'il étoit ye- g nu chercher a la Cour dc Bruxelles, envoya deux. Députés a Charles VII, s] qui réfolut de fe venger. Le Comte de Charolois fit relever les murailles de Wyck-te-Duurftede, & viilta les forttfications d'Anvcrs & de Gorinchem. Ces démarches faifoient craindre a fon pere ies effets de fon ambition. Le 4 jeune Comte voulut pénétrer le fecret de 1'Ambaffade que le Duc avoit en- y voyée a Charles VII, &, a la tête de' laquelle étoient Crouy & Lannoy; il. p envoya dans ce deflein en France, le Comte de St. Pol, qui ne put rien découvrir. (2) Le Roi mourut dans ces circonilances: un bruit mal .fondé s'étoit réoaridu que Charles avoit deshérité le Dauphin Louis, en faveur du ^ Duc de Berry ion cadet & que celui-ci avoit formé un parti confidérable. rj Philippe ramena Louis en Fraüce, efcortc de fa Noblefiè & de 4000 che- e vaux; mais a fon arrivce le Duc de Berry lui remit les rênes du gouvernement, (3) Philippe, au Sacrc de Louis XI, lui rendit hommage pour les deux Bourgognes, la Flandre & 1'Artois & s'engagea de le fervir de fa perfonne & de les biens fans diftinétion. Louis lui en marqua fa reconnoifiance , en donnant au Comte de Charolois le gouvernement de Normaudie, avec trente mille t livres de penfion, & nomma cn meme tems Jean de Crouy, Grand-maitre n de fa maifon. Le Comte qui haïflbit Crouy & qui n'aimoit point 'le Roi, a 1 caufe de fa diffimulation & de la fauffèté de fon caraétere, s'oppofa a la res-r-J chr de Zé!, p. II. (ï) Manif. de Rotterd. & des autres villes. CO Da„iel, Meözer. Hift. de Fr. fupr. Tom. 30. p. 54». (5) Addit. aux Mém. de Comm, Eee 3 Hijl. de lollande. 431-i+8=- 1.08. Inauguraion de Uur les. Entrevue ie Chirles fjf de L ouis i Peronne. Nouveau fouievement a Lieve: m'tffacre d'Imbercourt & des Bourguignons, Le logement de Louis ejl invefli: jet craintes. II adoitc.it par fes intrigms1'efprit de Charles. Le Duc l'engage a le Juivre it Liege.  Sf.ct. IV, J-!ifl. de Hollande 1434-14^ Liégeoii battus. Lit ge i vefti. Charles { Louis fur point a'êi en leve''s. La, ville eft' prife daffaut. Cruelle' vengeance de Charles 1469. li rend l juftice pa mi-mêvie. Les Frifon rtfufent de le reconnoitre. Troubles d'Angleterre. Fomenlée par Louis. Vaiffeau: Hollandoii enlevés. Plaintes d Charles a Louis. 406 HISTOIRE DE HOLLANDE tiUh^s^Ta.g^de Ecoflbife; 1'autre h la tête d'une armée formidable. Neuf-chatel, Grand-maréchal qui conduifoit Pavant-garde ,rencomra i'Smée 2_ des Liégeois, la battit & la póurfuivit jufques aux portes dc la ville cmi fe - trouva wcffie par 1'arrivée de l'armée. Charles & Louis fe logeren? dans e fanxbourg Ils coururent rifque d'être enlevés de leurs mailons , don' n_ es derrières n étoient point gardés. Les propriétaires donnerent avis au confeil de ville de Ia facilité d'exécuter ce projet, qui ne manqua que par li f "dlCe ff foldatf qui samuloient a pillen, tandis que Louis & le Dur- défenJ do.ent 1 entree des; appartemens. (i) Quoique Liege fut fans fortifi'cations, es afliégés fe defendoient avec vigueur. On délibéra de donner I'afïïmt Louis vouloit qu on differa au lendemain dans 1'efpérance de fauver la ville: Charles lm dit avec iierté, qu'il étoit le maitre de fe retirer a Namur. Charles lui dit qu il ne eraignoit point le danger & fe mit a Ia tête des affiégeans. (2) Ladaut fut donné le dimanche. Les bourgeois qui croyoient ce jour confacre au repos, fe délaftbient des fatigues des jours précédens Les Bourguignons entrerent lans obftacle: une partie du peuple s'enfuit dans les Ardennes & y périt de faim. La ville fut livrée au pillage, aux flammes & au meurtre. On n epargna que les églifes. Louis auteur ék témoin de ces deyaftations, etoit forcé d'y applaudir & de faire fa cour a fon vaflal comme dit Mezerai; (3) il obtint enfin la permifiion de partir- le Duc 1 accompagna pendant une demi-lieue, & revint a Liege faire nover dans la • Meufe huit eens prifonniers: il étendit fa vengeance fur le pays de Franchemont, y pafla tout ce qu'il y rencontra au fll de 1'épée, & livra les villages au feu. Charles alla en Zélande: il y rendit la juftice en perfonne trois fois la , femaine: il etoit craint & refpeéïé: il n'avoit qu'a fe montrer pour appaifer • les nxes & les emeutes. Ufïb de Dokum lui offrit de le faire reconnoitre dans le Weftergo Le Bourgmeftre dEnkhuifen y fut envoyé ; mais les ■ frifons refuferent fous prétexte qu'ils relevoicnt de 1'Empire. II étoit réfolu de recourir a la force: il faifoit des préparatifs, lorfque les affaires d'Angleterre 1 obhgerent de différer cette expédition. (4) Le Comte de Warwick, qui avoit placé Edouard IVfur le tróne,avoit cffuyé de la part de ce Prince des traits d'ingratitude qui 1'exciterent L Pen faire defcendre. Depuis longtems les faéüons de la Rofe rouge ék de la Rofe blanche faifoient paffer alternativement Ia Couronne de la maifon d'York dans celle de Lancaflre. Warwick fortit du Royaume, foutenu en fecret par r Louis: il couvrit la Manche de fes corfaire*, qui attaquoient indiftinéicment amis ék ennemis; il s'étoit préfenté devant Calais ék avoit été repouf- . fé. (5) Les vivres manquant dans fes vaiffeaux, i! enleva une efcadre Hollandoiie , qui venoit de la Rochelle, ék qu'il conduifit dans les ports de France. Charles également irrité contre le Roi ék contre Warwick , écrivit a ! 1'Amiral de Bourbon ék a 1'Archevêque de Narbonne pour lui faire obtenir une prompte fatisfaétion, ck leur marqua que s'ils n'y pourvoyoient pas, il (O Mén. de Commin T. I. L. II. c. 7. CO P«it Chron. de Holl. T. I. L. V. (3) Abrege Chron de I'h.ft. de Fr. T. III. p. 530. (4) Egid. Bening, Hift. d'Ooflf. elét T ÏV°' m* L' IIL C' 4' I5* Rapin Thoyr* Hift* d'Aü'  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. IV. 407 y pourvoiroic a Paide dc Dieu, fans egard a leurs procédures trop arbitraires , "èk trop longues. (1) II mit auffitót cn nier une flotte fous les ordres de ] Henri de Borfelen , Seigneur de Veerc. Warwick qui fe trouvoit infé-: rieur voulut fe retirer dans la Seine, mais les Zélandois lui couperent lc che-' min, ék le forecrent afe faire échouer fur les cötes de Normandie. II n'y t fut point en füreté,: Borfelen brüla plufieurs de fes vaiflèaux ék en efnmena' dix en Zélande. (a) Warwick fut ramené en Angleterre par Pefcadre duJ Duc de Clarence: plus furieux de 1'échec qu'il venoit de recevoir, il raflèm-' bla une armée formidable , enleva Henri de la Tour de Londrcs, ék le replaca fur le tröne. Dès qu'Edouard fe vit abandonné des fiens, il s'embarqua avec cinq eens foldats, fur deux vaiflèaux Zélandois, ék vint aborder a; Alkmaar, li dépourvu d'argent, que ne fachant comment payer fon paflage, il donna au Capitaine fon habit,dont la fourrure étoit d'un trés grand prix. (3) Louis ék Charles, dont cette révolution dérangeoit les projets, cherchcrent a en tircr parti. Louis fe prévaloit de la retraite d'Edouard dans les Etats du Duc; le Duc prétendoit qu'ayant traité avec la nation, c'étoit a la nation èk non au Roi 3 lui garantir le traité, ék que d'ailleurs Henri VI étoit fon parent: il ne voulut point fe déclarer ouvertement pour Edouard; mais comme il craignoit que la France ék 1'Angleterre ne s'üniflent, il fit préparer fccrétcmcnt quatre gros vaiflèaux, eft loua quatorze aux Ofterlingues, équipa cette flotte a fes frais ék fit repaflèr fon beau-frere en Angleterre; il 1'avoit fait préeéder de dix mille foldats, qu'il avoit fait embarquer a Veere èk" qui paflèrent fans être découverts. Dès qu'Edouard fut parti, le Duc témoigna le plus grand étonnement ék publia un édit,qui défendoit a fes fujets de lui donner aucun fecours, fous peine de mort. (4) Cepenaant Louis cherchoit a éluder lc traité de Peronne. II fe plaignit aux Etats adèmblés que le Duc retenoit injuftement St.-Valery, qui appartenoit au Comte d'Eu. La Rcquêtc fut envoyée au Parlement, qui ordonna que Charles feroit affigné. Louis voulut que 1'huiffier chargé de 1'affignation, fignifiat Pexploit cn parlant a fa perfonne: 1'huiffier fut aflèz hardi \ ou aflèz adroit pour rcmplir fa commiffion. Charles en fut fi inctigné, qu'il ( aflcmbla fes troupes; mais Louis qui ne fe fentoit pas aflèz fort, traina les' chofes en longueur, ék obligea Charles de renoncer a fa vengeance. Dans ' ce tems le Duc de Bourgogne recevoit des avis de tous cötés, de fe tenir fur fes gardes. Jean de Chalons, Prince d'Orange, Pabandonna; Baudouin 1 un de fes freres batards avoit réfolu de Pempoifonner; le Duc de Bretagne renonca a fon alliance; St. Pol s'empara de St. Quentin; (5) Amiens refufa de le recevoir: il étoit fans troupes ék fe renferma dans Arras: il fit prier fecrétement le Connétable de ne pas le prefier. St. Pol répondit que fon fort' étoit entre fes mains, & que s'il vouloit donner fa fille en mariage au Duc* de Berry, ce Prince, en fe déclarant ouvertement pour lui, entraineroït tous" fes partifans. Lc Duc ne promit rien, aflèmbla des troupes, s'empara de Pequigny ék infulta Amiens pour engager le Connétable a lui lifter bataille:' mais voyant que le Roi s'avancoit avec des forces fupérieures, il évita le1 (O Duclos Hift. de Louis XI, Tome IL (O Reigersb. Chr. de Zéï. p. II. f3) Rapin Thoyras Hift. d'Anglet. T. II, L. 12. (4) Petit Chr. de Hoil. T. I, L. 5. (5) Duclos Hift. de Louis XI. Philipp. de Comm. L. II, c. 5. 'lift. de loliande. 434-14K2. Les Zèlanlois for cent Varwyk cl 'e faire chow.r. Edouard re'ugié en Hollande. 1471. Charles iravaille fe■rétemént i le replacer rur le tróne. 11 le fait 'epaffer en Angleterre. 'Iffignation lonnée par 'uilfiiT k 'larles de et part de LouiSi Guerre délarèe. Le Duc de hurgogne mté par t. Pol. II entre '■ans laPi' ardie.  Sv.rr. I\ Hifi. de Holland» 1434-14! Edouira remonte j le tiSne £ Angleterre. Reconnm ftince d'E dauitrd e vers les Hollandoi Révolte Hoorn. Ses mam faft ures ruiniet. Hoflilitè entre la France £f la Hollan de. Louis amu [e le Duc. Mort du Duc de fleny, tm poijonné pot un mol ne. 408 HISTOIRE DE HOLLANDE '. combat, écrivit a Louis, lui découvrit les intrigues de ceux qui rentouroicnt & lui fit part des propofitions du Connétable. Le Roi naturellemcnt foupconneux, confentit a une trêve d'un an. fj) J_* Edouard fut recu froidement en Angleterre: il affcéta de n'être venu que pour rcntrer dans fon Duché d'York, & non pour chaher Henri du Tröne: ce projet qui ne compromettoit perfonne, ranima fes partifans: enfin ayant gagné le Duc de Garcnce fon frere, il fe déclara ouvertement. Les deux freres fe réunirent: Warwick accourut ; les deux armées fe rencontrerent ir dans la plaine de Barnet, prés de Londres. Warwick & Montaigu périrent dansle combat, & Edouard viétorieux remonta fur le tröne."Henri fut renfermé dans la Tour & poignardé de la propre main de Glocefter. (2) Edouard s_ devoit beaucoup au Duc de Bourgogne; il ne fut point ingrat: il accorda a . la ville de Veere, une entiere liberté de Commerce en Angleterre, a 1'ex1- ccption de celui des Laines. 11 fit Borfelen Grand-Chambellan ék Confeiller r d'Etat, ék Grutbuifen qui 1'avoit recu a fon débarquement en Hollande, fut " fait Comte de Winchefter. Un Subfide de cinq eens mille écus que Charles fe fit accorder par 1'aflem. blée des Etats pour rétablir ék pour augmenter fes forces, occafionna une révolte a Hoorn. (3) II fallut affeoir fimpofition fur les denrées; le Prince la donna a ferme ék le fermier fit la perception fans miféricorde. La ville avoit demandé une diminution fur la taxe ék avoit été refufée. Le Duc lui avoit permis d'établir une hrafTerie , ék pour faciliter le débit avoit impofc les bierres étrangeres a quinze fois par tonneau: le peuple rejetta la fabrique ék refufa de payer le droit fur les bierres du dehors. On voulut faire exécuter 1'édit, le peuple fe fouleva. Les corps des métiers déploycrent leurs . enfeignes. La maifon du receveur fut pillée ék faccagée, les tonneaux de bierre enfoncés ék le tumulte fembloit annoncer de plus grands maux; il ceffa par la punition des principaux mutins; mais les manufaétures furent ruinées par le bannifiement ék par la défertion des ouvriers. (4) Louis avoit promis par le dernier traité, de protéger le Commerce de Hollande ék d'indemnifer les Hollandois des maux que fes armateurs leur avoient f faits; (5) cependant plufieurs batimens enlevés a la hauteur de Catwyk, furent conduits a Dieppe avec le commandant ék ies matelots. Les Zélan. dois armerent ck coururent fus les Francois. Lc Duc entra en campagne ; mais Louis Pamufa par des propofitions, en attendant que la mort duDuc de ■ Berry, qu'on le foupconne d'avoir prévue, Peut mis en pofiefijon de 1'appanage de cc Prince. Le Duc mourut en effet a point marqué: le Roi s'empara de la Guyenr.e, ou il avoit envoyé des troupes peu de tems avant cette mort, ék forca le Duc de Bretagne de renoncer a 1'alliance du Duc de Bourgogne. Celui-ci indigné de 1'affreufe deftinée du Duc de Berry, empoifonné • par un méchant moine, (6) entra dans la Picardie, le fer ék la flamme a la main, fit un bucher de tout le plat pays, vengea la mort du Duc par le maf- CO Drirj'- Hift. de Louis XI. T. II. Philippe de Comm. Preuves. (2) Rapin. Thoyras, Hift. d'Angl. T. II. L. 12. (3) Petit Chron de Holl. T. I. L. 5. (4) Regift. des aiït-mblées de Holl. (5) Preuv. fur Comm. T. II. L. 5. (é) Mezer. Abr. Chron. f. III, pp. 53(), 542.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. IV. 40c maflacre de tout ce qui tomba fous fa main; prit d'aflaut Nefle, paffa la garnifon au fil de Pépée, égorgea les bourgeois jufques dans les églifes; il eut poufle plus loin fes conquêtes, fi fon mauvais deftin n'eut voulu qu'il s'opiniatrat au fiege de Beauvais, qui lui fit perdre inutilement fix femaines & deux mille hommes, èk qui Pobligea d'accepter la treve que le Roi lui propofa. (1) Une émeute occafionnée a Zieriezée par la rigueur avec laquelle fe faifoit la perception des impofitions, détermina le Duc a quitter la France: le peuple attroupé avoit forcé Phötel de ville; le prêtre Simonszoon ék Michel de Heenvliet, chargés par le magiflrat de drefler les róles, avoient été maflacrés ik leurs cadavres jettés paria fenêtre, les magiflrats dépofés, & remplacés par des gens de la lie du peuple. Charles accourt & ce peuple inconflant ayant le clergé k fa tête, & fondant en larmes, tombe aux genoux du Prince , qui touché des témoignages de fon répentir, lui fait grace èk fe contente d'une amende de trente mille fiorins, payable en neuf termes. (2) Le Duc de Bourgogne fut appellé dans la Gueldre par la mort d'Arnoud d'Egmond. Le Traité que ce Prince avoit fait avec la France en 1460, lui avoit fait un ennemi de Philippe, qui, par le moyen de Catherine de Bourbon, fa belle-fceur, femme en fecondes nöces d'Arnoud, engagea Adolphe, fils de ce dernier, a le détröner. II le fit enlever dans le tems qu'il alloit fe coucher, & le fit conduire a Buuren en 1470. Le Duc de Cleves avoit fait quelques tentatives pour le délivrer. Le Comte de Charolois offrit fa médiation entre le pere & le fils. (3) Dans cet intervalle Florent d'Egmond, neveu d'Arnoud, renferme avec lui, s'évada & forma une ligue avec le Duc de Cleves, les Comtes d'Yflèlftein, de Cuilembourg & Bronkhorft. Adolphe confifqua leurs biens, & fit mettre le feu au chateau d'Yflèlflein par quelques foldats affez hardis pour traverfer la Hollande; Philippe les gueta au retour & les fit pendre: il cita Adolphe devant les Etats généraux. Adolphe comparut; mais craignant qu'on ne 1'obligeat de délivrer fon pere, il partit fecrétement. Charles vivement preffé par 1'Empereur & par le Pape, de procurer la liberté a cet infortuné vieillard, demanda en 1470, une entrevue avec Adolphe ; quoique Charles fïït fon beau-frere, il Pobligea de confentir a la délivrance de fon pere, & le fit garder a vue jufques a 1'arrivée du vieillard. (4) Charles eflaya de les accommoder; mais Pinflexible Adolphe refufa de laifler même le titre de Duc a fon pere. (5) Cette obftination révolta Charles, dont le cceur panchoit pour le jeune Prince; celui-ci s'étant appcreu de fon émotion, fe fauva avant la décifion, en habit de mendiant. II fut reconnu, arrêté ék conduit en prifon au chateau de Namur. Les Gueldrois qui tenoient le parti d'Adolphe, refufoient de recevoir Arnoud, qui fe trouvant fans fecours ék fans argent, engagea le Duché de Gueldre ék le Comté de Zutphen au Duc de Bourgogne pour trois eens mille fiorins: le Duc mourut deux mojs après, ék comme Charles n'avoit pas encore payé la fomme entiere, doutant de la validité de la vente, il fe foumit a la décifion de 1'Ordre (iyPetit chron. de Holl. T. I. L. 5. CO Regift. des Sent. Crimin. (3) Pontan. Hift. Gelri. L. X. (4) Add. fur Commin. T. III. (5) Mém. de Comm. L. IV. c. 1. Tome XLIII. Fff Hift. de Hollande. 1434-1482. Charles ravage la Picardie. Echoue devant Beauvais.Treve. h73Émeute a, Zieriezée. Appmjée. Affaires de Gueldre. Arnoud de Gueldre emprijonné par jon fils. Délivré par Charles. II engage li% Gueldre 4 Charles.  Sect. iv Hift. de Hollande 1434.14 Le Duc porte l'ho mage h l'Empere Charles manie It titre de R L'Empt reur man que d fa parole. Le Duc ■projette d s'emparer, des place fituées a gauche dt Rhin. II affteg Nuis. II met dt taxes fur Clergé. Impóts ft la Noblef & le plat pays. I47SLouis fo\ me une Ligue coi tre Charles, qui e fait une contre Louis. Lés Hol landois bat tus fur me par les Franpois. 410 HISTOIRE DE HOLLANDE . de la Toifon d'or, qui jugea en fa faveur & condamna Adolphe a une prifon perpécuelle. Charles fit iignifier ce jugement aux villes: il trouva des oppoj2>fïtions; il acheta les droits de Gerard Duc de Berg & de Juliers, s'empara a _ main armée des vilies oppofantes, obligea Groningue a capituler & maitre ende cette Province, il en porta 1'hommage a 1'Empereur. (1) * Cet accroiffement de puiffance 1'engagea de propofer a 1'Empereur M:rie ir. fa fiIle en mariage pour Maximilien, fi, réuniffant tous fes domaines, il voute-kit lui donner le titre de Roi. L'Empereur y confentit: le couronnement . devoit fe faire a Treves; tout étoit pret; Charles y parut avec une magnifi*' cence fi éclatante que Frédéric en fut humilié. L'Empereur exigea que le . mariage fut arrêté avant la Cérémonie: le Duc qui n'avoit aucune envie de marier fa fille, refufa d'y confentir (2) & Frédéric repartit pour Cologne. Charles ne fut point Roi, & Maximilien obtint quelque tems après la mort . du Duc> Ia main de Marie. Charles pour fe venger de 1'Empereur, forma le projet de s'emparer de toutes les places fortes fituées a la gauche du Rhin r depuis Nimegue jufqu'a Bafle. (3) La Maifon de Heffe & celle de Baviere j" étoient en difpute, a 1'occafion de 1'Archevêché de Cologne; une partie du Chapitre avoit nommé Robert fils de Louis, Duc de Baviere; 1'autre appella s fous le titre de Proteéteur, Herman de Heffe: celui-ci s'empara de Nuis, ék fon concurrent implora le fecours de Charles. Ce Prince afïiégea Nuis avec dix-huit mille hommes; mais comme ces troupes ne fuffifoient pas pour s 1'exécution de fon vafte projet, & que fes coffres étoient épuifés, il imagie na de mettre le Clergé a contribution. Pour y parvenir, il demanda des déclarations des revenus Eccléfiaftiques. Le Clergé cria au facrilege. Le Duc prononca des peines contre les réfraéhures; mais, malgré 1'aétivité de Charges & fes befoins preflans, les déclarations ne furent jamais données. (4) II -^s'adreffa a la Noblefle: il fomma tous les gentilshommes de fe rendre au camp de Nuis, & mit les exemptions a un prix proportionné aux revenus de leurs fiefs. Les villes contribuerent auffi a la formation dc cette armée. II mit.de fortes contributions fur le plat pays, ék la Gueldre fut moins ménasée que Ia Hollande èk la Zélande. (5) Charles oppofoit a la'ligue que Louis formoit contre lui, un traité avec -Edouard, par Iequel ce Prince devoit entrer en France,attaquer la Normandie èk fe joindre au Duc de Bretagne, èk en attendant donner des fecours " au Duc pour accélerer le fiege de Nuis. Louis ignoroit ce traité, lorfqu'il , engagea les villes du Rhin a lever feize mille hommes, 1'Empereur a fe mettre en mouvement, ék René Duc de Lorraine a entrer dans le Luxembour°-: il moyenna une alliance entre les villes d'Alface ék les Cantons Suiffès, ff) qui rendirent Ferrette a Sigismond, Duc d'Autriche. A Pexpiration de la . treve, Louis s'empara de Corbie, de Roye, deMontdidier, prit Jacques de ■ Luxembourg, frere du Connétable, qu'il garda a fon fervice. D'un autre cóté, les villes de Hollande èk de Zélande, dont les armateurs Francois ruinoient le Commerce, armerent tous les batimens qui étoient dans r ^^JefCj£mA- M?n' ClÏV- Cod' DiPIom' CO Duel. Hift. de Louis XI. T. II. (3) Mém. de Pmlippe de Coramin. L. IV. c. 1. (4) Grande Chron. Div. XXX. r>fm.¥' j n ^5' ,Rei§er^- Chron- de Zil Part- Ir- Boxhorn fur Reig. parr. II. (6) Philippe de Comm» L. II. Preuves L. IV.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. IV. 411 leurs ports. Leur flotte formidable alla chercher Pennemi, 1'attaqua ék fut / complettement battue: les Francois la pourfuivirent jufques dans la Zuider- E zée, & 1'auroient détruite, s'ils euflènt mieux connu cette mer. (1) Cepen- xj dant Charles s'opiniatroit devant Nuis, & quoiqu'il eut changé ]e fiege en } bloctis, il en étoit prefque aufli fatigué que les afliégés. 11 regrettoit de J s'être engagé fi avant, & fentoit le préjudice que fon obftination portoit c> a fés projets. D'un autre cótc, Frédéric ne comptoit plus fur les fecours h promis par la France. Enfin le Légat offrit de tenir la ville en fequeftre, „ jufques a ce que le Pape eut décidé entre Herman de Helfe ék Robert de fe Baviere. Cet arrangement qui fauvoit 1'honneur de toutes les parties, fut accepté. (2) Le Duc alla en Zélande, pour Mter le départ des vaiflèaux qui devoient tranfporter Edouard ék les Anglois. II y avoit cinq eens voiles, ék malgré ce nombre de vaiffeaux, Parmée étoit fi nombreu.fe qu'elle fut trois jours a paffer de Douvres a Calais. | Le Düc y alla joindre le Roi d'Angleterre. / Le Connétable avoit promis a Charles de lui livrer St. Quentin, ék a Edouard & toutes fes places; mais lorfqu'ils voulurent approcher de la première, il fit tirer fur eux, les obligea de fe retirer ék tailla en pieces leur arriere - garde. I (3) Le Duc de Bourgogne indigné de la perfidie de St. Pol, alla rejoindre P) fon armée, qu'il avoit envoyée dans le Barrois. Ce Prince réfolu de venger les dégats que le Duc de Lorraine avoit faits dans le Luxembourg, entra dans cette province, la foumit ék mit le fiege devant Nancy, quelques efforts que fit Edouard pour Pen détourner & 1'engager de porter la guerre en Fran- 4 ce, principal objet de leur union. Son obftination déplut aux Anglois. Louis inilruit de leur mécontentement parvint a force d'argent ék d'intrigues de les a porter a un accommodement. Edouard, ami du repos ék des plaifirs, ne 1 s'étoit rendu aux vceux de Charles ni par ambition ni par amour de la gloire: f' indigné de 1'entctement ék de la fierté d'un allié qui s'érigeoit en maitre, * flatté des égards ék de 1'eftlme que Louis lui faifoit témoigner, il ne fut pas diflicile a gagner. II confentit a une treve de neuf ans. Le Duc de Bour- l gogne 1'irrita encore par fes reproches dédaigneux; mais enfin quelque tems ^ après, il envoya fon acceflion a la treve. Dans Pentrevue des deux Rois, qui fe fit fur un pont conflruit exprès fur 1 1'Oife, après avoir juré l'un ék 1'autre Pobfervation du traité, Edouard remit i a Louis les lettres que le Connétable lui avoit écrites depuis peu. (4) Ce- d lui-ci voyant qu'il étoit perdu, recourut a la proteétion de Charles, qui pré- {( venu de toutes fes perfidies par Louis même, ék craignant que ce Roi ne le S\ troublat dans fa conquête, fit arrêter le coupable, ék 1'envoya a Peronne, a\ d'oü il fut conduit a Paris, oü il eut la tête tranchée. Nancy fe rendit après cinq femaines de fiege: maitre de la Lorraine, le Duc voulut punir les Suiffes. Ce peuple qui venoit de fecouer le joug de la maifon d'Autriche, avoit fut beaucoup de démarches auprès de Charles pour Pengager a le laiflèr en paix: ils lui avoient offert de lui fournir en tout tems, fix mille hommes ék de fe retirer de Palliance de Louis XI; mais il fut fourd a leurs prieres. Les (i'J Defcript. d'Amft. T. II. Defcript. de Hoorn. fa) Addit. fur Commin. T. III. f 3) Mém. de Pliilippe de Commin. (4) RaPin Thoyras, Hift. d'Angl. T. II. L. XIII. Fff 2 Hfl. de ollande. (■34-1482. e fiege de 'uis efl laiigé en oens. Ld ville ife en jueftre. Charles ' iit paffer s Anglois Calais. efl trompar le onnétable. "karles T'ége iancy mal'é Edau■d. ,ouis prote de leur éfintelli'.nce. II engage ■ 's Anglois une tree. ntrevue de ,ouis ri? i Roi Anglerre. . Pol efl r'eti.  Sr.cr. IV, Hifi. de Hollande, 1434-148 Intriguei de Louis auprès dei SuiJJes. Siege de Granfon. 14/6. Déroute a Varmée de Charles. Siege de li Tor at. Charles ej battu ave beaucoup plus de per te. Charles veut repren< dre Nancy, 11 efl trahi 'fes troupes maffacrées. Et périt dans le combat. Ses vertus 6? fes défauts. 412 HISTOIRE DE HOLLANDE intrigues de Louis vinrent au fecours de leur République naiflance. II obtint pour eux des Archiducs, une treve de dix ans, afin que n'ayant plus a fe 2> defendre contre leurs oppreflèurs, ils puflènt réunir leurs forces contre Ch?r- _ les, qui n'avoit rien a gagner dans cette guerre. Ce Prince entra dans le pays de Vaud & mit le fiege devant Granfon, petite ville presdeNeuf-chatel. Granfon capitula: il apprit que les Suifies fe raflèmbloient dans leurs montagnes: il voulut les y forcer, conduifant 1'avant-garde en perfonne. Lorfqu'ils le virent engagé dans les défilés, ils marcherent a lui, lattaquerent en tête, tandis que des troupes poilées fur des rochers macceflibles, laneoient des traits & rouloient des pierres énormes dans le vallon.-Jes Bourguignons écrafés fans pouvoir fe défendre, prirent la fuite, e & entramerent le corps de bataille; les équipages & le camp furent pillés. CO Louis en apprenant cette déroute, dit fans s'émouvoir; „ quand orgueii Prer°raP«on marchent en tête , honte & danger fuivent de prés. " JVIalgre fes pertes, Charles en état de tenir Ia campagne, alla mettre le fiege devant la petite ville de Morat: il apprit que l'armée des Suiifes, groffie des troupes du Duc de Lorraine, des Allemans auxiliaires & d'un peu de ; cavalerie ^Francoife fecrétement envoyée par Louis. venoit au fecours. Charles s obftma a voulcir 1'attaquer; il fut encore battu, mais avec une . perte bien plus grande que la première fois: huit mille Bounruienons furent tues. (1) 0 ö Le chagrin de cette défaite accabla Ie Duc de Bourgogne. Selon Commines, il en eut 1'efprit aliéné. Pendant fa maladie, René reprit la Lorraine & Nancy. Le Duc s'entêta encore de vouloir reprendre cette ville, quoiquil n eut que trés peu de troupes en état de combattre & qu'on fut au miheu de lhiver. Les Suifies, les Allemans & les Lorrains vinrent au fecours. Charles ofa les attaquer. Dans le moment oü les armées étoient en pretaice , Campobacchio, fon confident, pafla avec fes Italiens du cóté des amiles qui furent fi indignés de fa trahifon, qu'ils le chaflèrent: malgré cette défeéhon Charles eut la témérité de-vouloir combattre: mais les ennemis étoient fi fupéneurs, que les Bourguignons furent battus en un moment, Le Duc fut tué; les uns difent par des Allemans, qui ne le connoiflbient pas; les autres par des Italiens que Campobacchio , qui, dit-on, avoit promis de le livrer a Louis XI, mort ou vif, avoit laifles auprès de lui. (2) Ce Prince étoit dans la 46e. année de fon age & la huitieme de fon regne. On ne trouva fon corps que quelques jours après, percé de trois coups, mais prefque méconnoiflable, défiguré par la glacé oü fon vifin-e étoit pris. On lui donna de fon vivant, Ie titre de Téméraire, qu'il a fouvent juflifié. Beauvais, Nuis & Nancy auroient pu lui faire donner celui d'Opiniatre ou dObfhne. II avoit de 1'ambition,un efprit vafle, mais peu réfléchi. L'amour de la gloire étoit fon unique paflion: il recherchoit peu les plaifirs, il n'en ^A^&óAT^ 39- - "5 te" « Urn. L. V.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. IV. 413 voyoit pas de plus grand que la guerre, mais il comptoit trop fur fon courage. II étoit grand & généreux, & s'il foula fes peuples, ce ne fut point par avance, mais pour fournir aux frais de la guerre. 11 étoit jufte, mais févere dans fes jugemens. (*) Le Duc de Lorraine dépofa fes reftes dans un beau monument a Nancy.' L'amour que fes peuples avoient pour lui, leur fit efperer pendant quelque tems qu'il n'étoit point mort. Charles ne laifibit d'autre enfant que Marie: elle étoit a Gand lors de Ia mort de fon pere & dans fa dix - huitieme année: la principale Noblefiè de Hollande ck de Zélande, vint reconnoitre fa Souveraine. Cette Princefle fe trouvoit dans la fituation la plus embarraffante, dépourvue d'argent, de gens de guerre : (tous avoient été tués ou faits prifonniers) livrée a un confeil tumultueux, au milieu d'un peuple mutin & prompt a fe révolter, ne voyant autour d'elle que des perfonnes contternées & découragées. Ces circonilances n'échapperent point k Louis XI, qui donna 1'eflbr a fa politique. II projetta d'abord de s'emparer de toute la partie de la fucceflion de Charles qui relevoit de la Couronne de France, & de diltribuer le refte a ceux des Princes Allemans qui étoient fes alliés: il fe flattoit enfuite que, quoiqu'il put arriver, il feroit toujours le maitre d'obliger Marie a époufer fon fils. S'il eut commencé par ce mariage, ou, puifque fon fils étoit trop jeune, par celui ,du Duc d'Orléans avec la Princefle, il eut épargné bien du fang a la France; mais il vouloit éteindre la Maifon de Bourgogne qu'il déteftoit. (1) Pour venir a bout de fes defleins, il imagina d'exciter a Ia révolte les bourgeois de Gand, afin que Marie fut obligée de 1'appeller a fon fecours, II chargea de cette négociation, Olivier le Daim Gantois, autrefois fon barbier; mais il fe préfenta avec tant d'infolence a la cour de Marie, que ls Duc de Cleves èk le Comte de Ravenftein, fes tuteurs, fe virent obligés de le chaflèr. Louis fe vit bientöt maitre de la Picardie & des deux Bourgognes. II avoit prétendu qu'il ne s'en faififlbit que pour les rendre a Marie ék empêcher les Suifles ék les Allemans de s'en emparer; (2) mais lorfqu'il les eut en fon pouvoir, il foutint que le Duché lui revenoit faute d'hoirs males, ék que la Franche-comté étoit réunie a la Couronne par la donation que le Comte Othon V en avoit faite en faveur du mariage de fa fille avec Philippe le Long. Mais les plus vives inquiétudes de la Princefle venoient des Gantois. Ils vouloient non feulement la forcer a réfider dans leur ville, mais former fa régence ék fon confeil. Le Confeil de la Princefle étoit compofé de Marguerite d'York, Ducheflè douairière; de Jean Duc de Cleves; d'Adolphe de Cleves, Comte de Ravenftein; du Seigneur d'Imbercourt; de Guillaume Hugonet, Chancelier de Bourgogne ; de PEvêque de Liege ék du fils du (*) U11 Seigneur, amoureux d'une femme, fit emprifonner le mari, & fit craindre pour fa vie, fi cette femme ne Ia rachetok par le facrifice de fon honneur. Elle y confentit: leSeigneur pour conferver fa conquête fit égorger 1'époux. Cette femme , infidelle par amour, fe plaignit au Duc , qui obligea le traitre a 1'époufer & a lui donner fes biens. Au fortir de fautel Charles le fit conduire a 1'échaffaud. (O Mém. de Phil. de Comm. L. V, c. 13. CO Daniël Hift. de Francey Meze* rai Abr. Chron. dans Louis XI. Fff 3 Hift. de Hollande. 1434-14S2. Marie: vingt-Jeptiime Comte[fe. Elie eft reconnue/arla Hollande Éf lis Zélande. Projets de Louis XL II ex cit e les Gantois a la révolte. Ses moiifs. II s'empcre de la Picardie 4 des deuxi Bourgo- , gnss. Prétentions des Gantois. Conjeil de Marie.  SfiCT. I Pijl. de Holland: 1434-14 Difputes Ju jet de deputatie aux Eta Mar is , minde dt fubfides. Les H laniois t tiennent (,'rani pi •uilige. Ambcfja a Louis X Louis m la divijii entre les ininijlres de Marie el les Gantoi Le Chanct lier $> d'Imbercourt font tratnés au Jupplice. On compi Je un Con feil d Marie Les Gantois chaffé de devant Tournay. Maneges d, Louis a. ii Cour de Londres. co Hift, gén. des Prov. Unies T. IV, L.X, p. 170. co Mém. de Commin. L. V, c. 16. (3) Pont. IIeut. rer. Auftr. L. I. co Vellius Defcrip. de Hoorn. 414 HISTOIRE DE HOLLANDE V. Connétable de St. Pol. Ils afièmblerent les Etats Généraux. La députation caufa quelques troubles en Hollande. Les Ploekins & les Cabeliaux j"2i vouloient s'exclure mütuellement; mais enfin on convint que les uns & les _' autres pourroient étre élus, a condition que les Hoekins jureroient de n'aau voir égard qu'au bien public & qu'ils ne propoferoient aucune innovation l° dans Péleélion des magiftrats; que les faétions fe dépouilleroient de tout efprit de parti, & que toute cabale feroit punie de peine affliétive. Lorfque le 't/. Chancelier de Bourgogne demanda des fecours pour la Princefle, dont les * finances étoient dérangées , les Hollandois objeélerent 1'épuifement oü Ie i dernier regne avoit jetté les peuples, & 1'impofiibilité de fupporter de noub- veaux hnpöt*. Us fe plaignirent amerement des infraétions faites a leurs prile vileges ék en demanderent le rétabliflèment: c'eft a cette occafion que les »- Hollandois & les Zélandois obtinrent ce qu'ils appellent Ie Grand privilege, en vertu duquel leurs anciens droits ék franchifes'furent confirmés. (1) ü le II fut délibéré d'envoyer une Ambaflade a Louis. Elle fut compofée du '• Chancelier, de Gui de Brimeu, Seigneur d'Imbercourt, de Wolfard de Borfelen, Stadhouder, ék de Gruithuifen: le Bourgmeftre de Gand fit tous fes efforts pour les gagner. Ayant affuré le Roi qu'ils avoient plein - pouvoir de traiter de la paix, Louis leur répondit qu'il favoit que le Confeil de la Prin>t cefle n'étoit pas de cet avis, ék montra une lettre que d'Imbercourt lui avoit 'n remife en fecret, par laquelle en effet Marie prioit le Roi, au cas qu'il fut queftion de fon mariage, de ne s'ouvrir qua la Ducheflè douairière, a d'Imbercourt, au Chancelier ék a elle. Enfuite, comme par diftraétion, le Roi laifla la lettre au Bourgmeftre. (a) Cette lettre fatale fut la pomme de dif' corde, ainfi que Louis 1'avoit prévu. De retour a Gand, le Bourgmeftre qui fe croyoit joué, fit des reproches amers a la Duchefiè, qui ne pouvant foupconner tant de perfidie dans un Roi, nia la lettre; alors le Bourgmeftre furieux la jetta fur Ie bureau, en préfence du Duc de Cleves, de PEvêque . de Liege, de la Marck ék de St. Pol. Ces deux derniers qui haïflbient Hugonet ék d'Imbercourt exciterent la populace, qui fe faifit d'eux, les traina dans un cachot, ék les Etats ayant 'nommé des Commiffaires, ils eurent Ja tête tranchée, malgré les larmes ék les prieres de Marie, qui courut fur la place publique, échevelée ék en habits de deuil, demander la vie de fes - deux Miniftres. (3) Les Gantois ne furent point encore fatisfaits: ils pri' verent leur Souveraine de la Duchefiè douairière ék de Ravenftein, lui com' poferent un Confeil a leur fantaifie, ék tirerent de prifon Adolphe de Guelr dres, pour le mettre a la tête de leur armée. 11 fut tué peu de tems après, lorfque les Gantois ayant voulu affiéger Tournay, oü Olivier le Daim avoit introduit les Francois, furent repouflès ék obligés de fe retirer. , Tandis que toutes les villes des deux Bourgognes, a 1'exception d'Auxon1 ne, prêtoient ferment de fidélité a Louis, les Hollandois ék les Zélandois lui enlevoient fes vaiffeaux. (4) Mais ces prifes Pinquiétoient moins que les follicitations du Roi d'Angleterre pour la paix. Louis parvint a les faire ceflèr. II favoit que le Monarque defiroit de maner fa fille avec le Dau-  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. IV. 415 phin. Louis lui perfuada qu'on le preflbit vivement de donner ce Prince a Marie, & dès ce momenc le Roi d'Angleterre cefla de folliciter pour elle. (1). Les faétions fe réveillerenten Hollande. Les habitans de Gouda, la plupart Hoekins, demanderent compte des deniers percus fous le dernier regne; la magiftrature avoit été entre les mains des Cabeliaux, & ils quitterent la ville. On chafTa le Gouverneur que Marie avoit nommé ék les Hoekins le remplacerent par Engelbert de Naflau. (2) A Schoonhoven le. peuple demanda la fuppreflion totale des impöts; les receveurs furent mis en prifon ék ne furent élargis que fous le ferment de rapporter dans deux ans, les fommes qu'ils avoient percues. A Hoorn, Benjaart a la tête de la populace , arrêta le Bailli au milieu de fes archers: celui-ci fe fauva dans Phötel de ville; Benjaart 1'y fuivit, demanda les ordonnances de"Charles fur les accifes, en arracha les fceaux, les fit porter au bout d'un baton dans la ville, forca le Bailli de donner fa démiflion ék s'inflalla a fa place. Les Gantois s'emparoient peu a peu de la régence: leur Souveraine étoit dans leur entiere dépendance. Avant la mort d'Adolphe de Gueldres, ils avoient voulu le marier avec elle. Encore elfrayée du danger qu'elle avoit couru, elle fongea a fe choifir un époux: le Duc de Cleves efpéroit de 1'obtenir pour fon fils, qu'elle n'aimoit point. (3) Elle eut defiré le Dauphin, mais elle avoit trop a fe plaindre de fon pere, qui d'ailleurs, par une fauflè politique, craignant que fon fils ne devint trop puiflant, éloignoit ce mariage , fe flattant toujours qu'il feroit le maitre d'y forcer Marie. Elle fe décida enfin pour Maximilien, a qui Charles l'avoit promife. Dès que Frédéric fut qu'elle lui donnoit la préférence fur fes rivaux, il envoya des Ambafladeurs pour en faire la demande dans les formes. L'avarice de Frédéric laiflbit fon fils manquer de tout. Marie y fuppléa , envoya une partie de fa maifon au devant de 1'Archiduc, ék fit elle-même les fraix des nóces, (4) qui furent célébrées avec Ia plus grande pompe, le 18 Avril. Par le contrat de mariage, les enfans devoient fuccéder aux Etats du premier décédé, ék a leur défaut le plus proche parent du cöté ék Iigne, fans que le furvivant put y rien prétendre. (5) Quelque faché que fut Louis XI, il accorda aux prieres d'Edouard, une treve d'un mois. Les deux époux parcoururent les Etats de la Duchefiè ék s'arrêterent a Dordrecht, oü Maximilien fut reconnu par les députés des villes de Sud-Hollande, de Weft-frife ék de Zélande en qualité de tuteur, ék Marie fut inaugurée; mais les aékes furent intitulés du nom des deux époux. (6) Auflitöt que Louis apprit qu'elle étoit enceinte, il s'attacha a periuader aux peuples qu'elle accoucheroit d'une fille, a laquelle on ne manqueroit pas de fubllituer un garcon. Cette opinion s'étoit fi bien accréditée, que la Comtefie de Ravenftein qui porta 1'enfant au baptême, fe crut obligée de le préfenter nud a tous les regards. Bientöt 1'amour des Flamans pour un Prince qu'ils regardoient comme leur compatriote, mit Maximilien en état de tenir tête a Louis, qui, craignant de fe compromettre dans une bataille, lui CO Rap. Thoyr. Hift. d'Angl. T. II, L, XIII. C=) Grand Chron. Div. XXXI, c. 6. (3) Oliv. de la March. L. II, c. 9. C4) Philip, de Commin. L. VI, c. 3. (5) Dumont Corp. diplom, T. III, part. II. CO Caletl Defcript. de Dordr. Hifi. de Hollande. 1434-1482. Guerres entre les fac tions des Hoekins Êf des Ca. beliaux: & Gouda. A Schoonhoven. A Hoorn. Les Gantois veulens mettre leur Souveraine dans leur dépendance. Elle fongs au choix d'un époux: prstendans. Elle Je décidé pour Maximilien. 1478- Claujesdu contrat de mariage. Maximilien reconnu comme tuteur. ' Inauguration de Marie. Elle accouche d'un Ermee.  Sect. IV. Hift. de Hollande. 3434-148: Treve ave la France, Affaires d Gueldre. H70Troublesoer afi onnes enHollandt par les factions: d Hoorn: d .leide. A Harlem. A Rotterdam. A la Haye. t Les Francois font fur les Hollandois des prifes immenfes. Siege de \ Terouanne. . Bataille de l Cuinegate. ] 1 l $16 HISTOIRE DE HOLLANDE céda Tournay, Bouchain, Ie Quefnoy & conclut une treve. Maximilien en profita pour aller Tc faire reconnoitre par les Gueldrois. Après la mort d'A_ dolphe, ils avoient reconnu Charles fon fils. Ce Prince étoit a la Cour de . Bourgogne. L'Archiduc ayant refufé de le rendre, ils charaerent de h : régence Catherine foeur d'Adolphe. Elle follicita les fecours de la Cour de France: le peuple prit les armes; mais cette guerre devenant funefte au . commerce des Hollandois, ceux-ci fignerenc une treve. Frédéric de Cleves continuoit les hofiilités fi heureufement, que les Gueldrois propoferent de faire decider cette querelle par le Pape, & elle venoit d'être terminée en hveur de Marie èk de Maximilien. (1) Ce Prince fut encore arrêté en PloIIande par le feu des faétions I e Bail li qui avoit été chafle de Hoorn, n'ayant pu fe faire rétablir, avoit cédé'fes droits a Jean d Egmond, qui fit d'inutiles efforts pour les faire valoir Les Cabehaux iur lefquels il comptoit, furent bannis. A Leide cette faétion en' trepnt d expulfer de leurs emplois, les Hoekins qui y étoient rentrés depuis a mort de Charles. Egmond, Waflènaar, Schaagen ék quelques Sei-neurs a la tête des Cabeliaux de Harlem, Delft & Ia Haye, les chaflèrent de^eu maifons & de la ville. (V) A Harlem une troupe de jeunes gens forcerent pendant la nuit les maifons d'Adrien de Kruiningen, de Balard, de Brederode & de quelques autres Hoekins, dans le deflèin de les tuer pendant leur fommeil; mais ils furent avertis & fe fauverent; le Magiflrat ferma 1'oreille aux plaintes. A Rotterdam Borfelen, qui avoit convoqué les députés de la noblefle & des villes, pour arrêter le défordre, fut obligé de fortir au plus vite de table ék de partir. A la Haye une rixe élevée entre fes domeftiques ét ceux de quelques Seigneurs Cabeliaux, ayant obligé les premiers a fuir dans le palais, oü leur maitre réfidoit èk a faire feu, Egmond, Waflènaar & les Cabeliaux d'Amfterdam, forcerent les portes, pillerent les équipages du Stadhouder, enleverent fes meubles èk ravagerent le palais. Le Stad tiouder refpirantla vengeance, court a la Haye a la tête de fept mille hommes des milices de Dordrecht, de Gouda, de Schoonhoven, fait piller les Maifons des Cabeliaux, reprend le palais, ék transfere le Confeil de HoIJan. Ie a Rotterdam. (3) , .Tandis„(lue intérieur de PEtat fouffroit de ces desordres, les Hollandois aifoient fur mer des pertes confidérables. Coulon, Vice-Amiral de Fran:e, prit a la hauteur de Cherbourg, la flotte deflinée pour la pêche du na•eng ék un grand nombre de vaiflèaux chargés de grains, revenant de la Bal :ique Maximilien avec fes Flamans ék un corps de Lansquenets mit 'le lege devant Terouanne. L'armée Francoife marcha au fecours de la placeArchiduc alla a fa rencontre èk la trouva prés de Guinegate. La cavalerie flamande fut renverfée; mais la [cavalerie Francoife voulant la pourfuivre bandonna 1 infanterie: Maximilien la fit attaquer brufquement par Naflau & lomont, qui la mirent en déroute. La viétoire demeura a 1'Archiduc • nais elle lm coüta tant de fang, qu'il fut obligé d'abandonner le fiege. (4) 11 CO Pont. Hift Gelri. L. IX & X. CO Grand Chron. Divif. XXI. c. 18,22. Son riil*. Part" C4} Danid m- de Fr£nce' M"er' Abr'  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. IV. 417 II emporca Malancy, dont il fit pendre le Gouverneur & Ia garnifon con-. tre la foi du traité ; atrocité dont Louis fe vengea par une atrocité plus grande. Dans Pimpuiflance réciproque de continuer la guerre , Maximilien alla pacifier la Hollande & demander des fecours. Les Cabeliaux lui firent ob- , renir des villes, quatre-vingts mille Schilden, pendant huit ans & cent foixante mille comptant. II donna en récompenfe de nouveaux privileges aux villes de Harlem , Leide èk Amfterdam (1) & il accorda aux Cabe-j liaux, la révocation de Borfelen, donna la dignité de Stadhouder a Jufte de Lalaing, Plennuyer, contre les difpofitions du grand privilege, qui excluoit' tout étranger des grandes charges. Pour faire échouer les intrigues de Louis auprès d'Edouard, Maximilien obtint de ce Monarque le renouvellement j des anciens traités, entre 1'Angleterre ék les Pays-bas, ék les cimenta des fiancailles de Philippe fon fils, qui ne faifoit que de naitre, avec Anne, fille d'Edouard, encore au berceau. Louis ne pouvant pas mieux faire, confentit a une treve de quelques -mois. (2) Les troubles de Plollande n'avoient . été que fufpendus. Les Hoekins bannis de Leide, profitant du defordre occafionné par 1'explofion d'un moulin a poudre. qui avoit renverfé la moitié de 1'hótel de ville, ék jetté les habitans dans Pépouvante, s'introduifirent dans fes murs, fe joignirent aux Hoekins, leurs compatriotes, changerent ' le magiftrat ék bannirent les Cabeliaux. Ceux - ci demanderent vengeance k ' 1'Archiduc. II fit inveftir Leide par Montigny. Egmond, l'un des chefs des Cabeliaux, a la tête de quelques exilés de Dordrecht ék d'accord avec le Bourguemeftre d'Amfterdam, s'embarqua fur deux bateaux chargés de riz, qu'il fit conduire a Dordrecht. Comme on les prit pour des marchands, on les fit aborder fans défiance. Auflitöt d'Eg-. mond tombe fur le Bourguemeftre ék fa fuite; les habitans accourent & font reculer les faux marchands, lorfque le Bourguemeftre d'Amfterdam furvient ék décide la viétoire pour d'Egmond. Le Bourgueroeftre de Dordrecht ék fon Lieutenant furent tués; les habirans Ploekins prirent la fuite. (3) Les vainqueurs mirent en prifon le Bailli ék Pancien Bourguemeftre. Les Hoe-. kins furent chaffés en même tems de Gouda, de Schoonhoven ék d'Oudewater. Maximilien qui protégeoit les Cabeliaux, confirma 1'éleétion du Magiftrat de Dordrecht, fans préjudice du droit des bourgeois ék des villes. Les habitans de Leide s'étant jettés a fes genoux, il les pardonna, a 1'exception de dix-huit, dont un feul fut exécuté ék les autres bannis. (4) Les Trajeétins les recurent comme les martyrs de la caufe commune. Les prifons étoient remplies de Hoekins: plufieurs furent bannis ék leurs biens confisqués; (5) de ce nombre furent Montfoort ék Broekhuifen, qui s'étoient emparés de Leide. Le dernier s'étoit retiré a Montfoort avec fa garnifon, lorfqu'il vit la faveur que Maximilien accordoit aux Cabeliaux. Ce Prince faifit Purmerend qui appartenoit au Burgrave de Montfoort, ék donna cette place a Volkeflein, fon coufin , qui la vendit enfuite a Jean (1) Grand Recueil des Placards T. II. O) Rymer Aft. publ. Angl. T. V, parr. III. Pont. Heuter. rer. Auft. L. i. (3) Grand Chron. Div. XXXI, c. 30. (4) Balen Defcr. de Dordr. (5) Regift. des Sent. crimin. A. 'Tome XLÏÏÏ. Ggg Hijl. dè /Jollande. [434-14&2. Maximiien,quoiquevainqueur, ft forcé de ever le iege. h pacifie allollande. favorife es Cabeiaux. II marie 'Jhilippe 'onfils avec 4nne, fitte fEdouard. I48r. Les Hoe-, Uns fur)re?mentLeide. Dordrecht furpris par '■es Cabe'iaux.Les Hoekins chaffés de plufieurs villes. Leyde fe rend, les Bannis fe 'etirent & 'Jtrecht. .  4i S HISTOIRE DE HOLLANDE Sect. IV. Hift. de Hollande. 1434-1482 Les Hollandoismarchent contre Us TrajeÜins. Les Hollandois font battus. Nair den Jurpris par rufc. Le pays d'Utrecht ravagé. Utrecht réduit d 1'extrêmité.1482. Mégociatkns. d Egmond; d'autres eurent la tête tranchée, reis que Weftfalino- & Beaumont, l'un Bailli & 1'autre Bourguemeftre de Dordrecht, qu'otfaccufa de plufieurs crimes, & dont le feul étoit de tenir a une faétion abattue & d'avoir défendu les privileges de leurs villes & de leurs provinces. Cette faélion étoit dominante dans Utrecht; tous les Hoekins exilés s'v étoient réfugiés. David de Bourgogne, qui occupoit le fiege, s'étoit rëüté a Wyck-te-Duurftede. Cette ville, celle de Rhenen & une grande partie de la Noblefiè tenoient fon parti. Maximilien fit arrêter tous les TraVcctins qui étoient dans fes Etats & fit dire au Sénat qu'il ne leur rendroit la liberté, que lorfqu'il auroit chafië les exilés: le magiftrat refufa, ("1) föiè par impuiflance, foit par mauvaife volonté: on en vint aux hoftilités: les Trajeétins fe laffèrent les premiers; mais Montfoort fit exiler ceux qui' oferent propofer de renvoycr la garnifon , & ces exilés allerent renforcer le parti de 1'Evêque, qui venoit de prendre a fon fervice une compagnie de Reitres. Le Diocefe fut ravagé par les deux partis. (2) Un aventurier Francois, Basque de nation, appellé le petit Salafard, attaché au fervice de Maximilien, faccagea Jutfaas & comme il avancoit pour détruire les travaux de Montfoort fur le canal d'Utrecht, Montfoort marcha contre lui: Salafard prit cette troupe pour le fecours que 1'Evêque lui envoyoit, & fit battre fès Hollandois, qui perdirent leurs bagages & leur artillerie. Les Reitres furprirent Naarden par rufe; ils marcherent de nuit & fe cacherent dans les environs: ils avoient déguifé de jeunes foldats en villa^eoifes, portant des oeufs & du beurrc dans leurs paniers, au fond defquels stoient des poignards: ils fe préfenterent le matin; on les laifla entrer fans néfiance. Lorfqu'ils furent entre les deux portes, ils égorgerent la garde Si les autres fe précipiterent dans la ville, la mirent au piilage & firent pater une fomme confidérable aux habitans, pour fe racheter du feu. (") Lfe Stadhouder Lalaing detacha Salafard, qui porta le fer & la flammë dans :oute la campagne d'Utrecht, tandis que les Egmond ravageoient les cnvi■ons d'Yfièlftein & d'Oudewater; Lalaing, avec quatre ou cinq mille Hollandois, mie a feu & a fang Emmenes, faccagea Zoeft & Baarn, & détruiit un corps de Trajeétins qui venoit au fecours. Le Sénat donna le comnandement a Engelbert, qui n'avoit que dix-huit ans; il fe forma un cónèiï de ce qu'il y avoit de plus fages Capitaines. Alors Montigny bloqua Jtrecht. Cette ville fut bientöt réduite a 1'extrêmité & 1'on paria de paix: 2s conférences furent ouvertes; mais on ne put point s'accorder & la guerre ontinua. Royer de Broekhuifen enleva Vianen a Walraven, qui fe réfugia ans une tour; Broekhuifen le forca bientöt de 1'abandonner, en faifant brüler u pied, des matiéres dont la fumée 1'étouffoit. (4) La treve avec la France alloit expirer: Edouard livré h fes plaifirs foneoit peu aux engagemens qu'il avoit pris avec Maximilien. Louis avoit eu ne attaque d'apoplexie ; fon efprit moins aéfif paroifibit plus porté a la aix. Le Pape dans ces circonilances, fit offrir fa médiation; on nomma e part & d'autre des Plénipotentiaires , lorfque la veille du Congrès la (O GeiVLud. XI, L. VI, c. 22. (2) Math-. Ann. vet. cevi. T. I, ann. 148!, *82. (3) Geil. Lud. XI. Almeig. ubi fupr. (4) Chron. Traj. ann. 1481, 1485.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Skct. V. 415 mort de Marie changea la face des affaires. Cette jeune Princeffe étant a la chafle du vol, prés de Bruges, tomba de cheval & fe rompit une cöte; elle étoit enceinte; elle mourut de cette chüte, peu dc jours après, dans fa vingt •cinquieme année. (O Princefle refpeétable par fa douceur, fa prudence & fa piété; Souveraine de valles Etats, elle ne gouverna jamais; elle fut fous la tutelle tyrannique des Gantois, jufques a fon mariage avec Maximilien, qui la tint éloignée des affaires. Elle avoit eu trois enfans; Philippe qui lui fuccéda; Marguerite qui fut mariée en premières nöces k Ferdinand, Infant d'Aragon, & en fecondes a Philibert, Duc de Savoye. (2) Elle avoit eu un troifieme enfant, mort au berceau. S E C T I O N V. Hifloire de Hollande , depuis le commencement du Regne de la Maifon d Autriche fur les Pays - bas jufques d Philippe III. L e Conrrat de mariage de Marie avec Maximilien tranfmettoit fans difficulté k Philippe II, les Etats de fa mere. 11 n'avoit que quatre ans & la tutele appartenoit de droit k fon pere. Le fils fut reconnu Comte de Hollande ck de Zélande fous Ia tutele de Maximilien, qui fut en même tems nommé Ruward. C'eft par Philippe que ces Etats paflèrent dc la Maifon de Bourgogne dans celle d'Autriche, Les Trajeétins defiroient Ia paix. Le Sénat ne pouvant plus fournir a la folde des Rèitres, avoit impofé fur les aifés, une taxe de neuf florins par tête, dont il payoit les intéréts k vingt-deux pour cent. (3) Le peuple affamé vouloit rappeller PEvêque; une légere diftribution de bierre faite par Engeibert de Cleves & fix barques chargées de grains, arrivées dans cette circonftance, changerent ces difpofitions. La paix fut encore retardée. Les habitans d'Amersfoort ék ceux de Nieuwkerk s'étant réunis , s'emparerent de 1'églife ék inveflirent la tour de Barneveld, oü le Capitaine Jean van Schaffelaar fe défendoit vaillamment avec une vingtaine d'hommes. On le fomma, il répondit qu'il ne capitulerok que fur la breche. On amena du canon, èk la garnifon voyant 1'impoffibilité de tenir, fit des propofitions. On ne vouloit les accepter qu'k condition que la garnifon jetteroit le Capitaine du haut des murs. Ces braves gens eurent horreur d'une telle capitulation , ék réfolurent de fe défendre jufques k la derniere goutte. de leur fang. Alors Schaffelaar monte fur le parapet de la tour , en difant k fes foldats qu'il ne pouvoit mourir qu'une fois, ék qu'il étoit trop heureux que fa mort contribuat k leur falut : a ces mots , il fe précipite èk la garnifon elt fauvée. Lalaing avec une petite armée courut au fecours de la Weft-frife. Déja les Hoekins s'étoient emparés de Hoorn: ils n'avoient fouffert les Cabeliaux que fur leur ferment de ne pas entrer dans le magiftrat : le feu CO Chron. 1483, Duel. Hift. de Louis XI, T. II. CO p°nt. U^iet rer. Aufta C. X. C3) Hift. gén. des Prov. Unies T. IV, L. X. Ggg 2 Hifi. de Hollande. 1434-1482. Mort dt Mark. Sect. V. Hift. de Hollande. 1482-1555. Philippe II, dxt-leBel: vingthuitiemtComte. Maximilien Tuteur &Ruward. Utrecht affamé. Rtfoiution héroique de Schaffelaar.  Sect. V. Hijt. de Hollande. I482-I555- Incendie i Hoorn. Troubles. Ter Haar pris. Prife maffacre de Hoorn. Utrecht réduit & Pextrêmité. 1483. 1 420 HISTOIRE DE HOLLANDE ayant pris a quelques maifons, le Bailli Nicolaszoon attribua cet accident aux Cabeliaux; au lieu d'y remédier, il ne fongea qu'a prendre des précautions pour fa füreté & la moitié de la ville fut brülée. (1) Montigny, pour le punir de fa négligence, ordonna qu'on ne nommeroit le magiftrat qu'en fa préfence: il n'arriva point au jour indiqué & Péleélion fe fit. Le Stadhouder irrité man da fous quelque prétexte, les principaux habitans a la Haye ék les fit arrêter. II fe rendit a Hoorn, cafTa Péleélion, nomma Velaar Bailli, ék chafla les Hoekins. L'excès des taxes excita bientöt un murmure général; les exilés fe propofent d'en profiter. Nicolaszoon, qui s'étoic retiré dans la Frife, Jarrigs ék de Lieuves, Frifons, Naaldwyck & Middagten fe réuniflènt, s'embarquent a Staveren, defcendent avant le jour dans un lieu voifin de la ville, s'y introduifent ék arrêtent le magiftrat, excepté Velaar qui avoit fui au premier bruit. (2) Après le fiege de Ter Haar, le Stadhouder partit pour Hoorn, dévancé par Egmond & Velaar: ils prirent les milices de Delft, de Haarlem ék d'Amfterdam; fans attendre Montigny, il asfiégea & prit la ville d'afTaut. Velaar y fut tué ; tout fut pafte au fil de 1 'épée: le pillage fe fit avec tant de fureur, qu'on trouva dans des matelas, des enfans étouffés. Églifes, maifons, couvens, rien ne fut épargné : deux prêtres s'étant réfugiés dans un clocher, ils en furent précipités. Naaldwyck ék Middagten moururent les armes a' la main; Nicolaszoon eut la tête tranchée. Un des magiftrats fut haché en petits morceaux, qu'on mit dans un panier ék qu'on porta a fa femme: tous les prifonniers expirerent fur la roue. (3) L'Evêque d'Utrecht avoit obtenu du Pape, un bref d'excommunication qu'il fulmina contre Engelbert ék Montfoort. II jetta en même tems 1'interdit fur la ville. Le magiftrat oppofa une ordonnance, qui enjoignoic aux prêtres de continuer leur fervice. (4) Engelbert affiégea Yifelftein avec les Trajeétins; mais ils furent obligés d'y renoncer par la desobéiflance des Reitres, qui prétendirent ne s'être engagés que pour faire la guerre dans le platpays. La divifion ék la difette faifoient un égal ravage dans Utrecht. Au dehors Salafard, le Stadhouder ék Jean d'Egmond, a la tête de douze mille hommes, s'emparerent du chateau de Krooneftein, ék inveftirent le Waart, qui couvroit la têtè du canal d'Utrecht. Les premières bombes connues dans ce pays furent tirées a ce fiege. (5) On parle aufli d'une couleuvrine de 17 pieds de longueur, dont le boutel étoit de la groflèur d'un demi boiflèau: le bruit, plutöt que 1'effet de ces machines détermina les afliégés 1 capituler. Maximilien s'étoit déterminé a faire en perfonne le fiege d'Utrecht. Mais les troubles de Flandre le firent partir a la hdte. La tutele de Philippe pour la Flandre, le Hainaut ék les deux Comtés, étoit entre les mains de Louis de Bourbon, Evêque de Liege, de Borfelen, Marquis de Veere, de Philippe de Bourgogne, Seigneur de Beveren ék de Philippe de Cleves, Seigneur de Ravenftein. (6) Le Sénat de Gand avoit pris part a PAdminiftration. Les (O Velius Defcrip. de Hoorn. (2) Hift. gén. des Prov. Unies T. IV, L. ro. [3) Cbron. de 1483. (4) Alm. Geft. Lud. XI, L. VI. Bulle du Pape Sixte IV. dans Ieda. (5) Monftr. Vol. III. Daniël fYM. Franc. (6) Reig. Chron. de Zél. part. II.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 421 Gantois s'étoient emparés du jeune Prince & Ie faifoient garder. Ils prétendoient en difpofer fans confulter Maximilien. Ils ne le confulterent point dans le traité qu'ils envoyerent a Louis XI, & qui fut confirmé a Aloft, paf Iequel le mariage de Marguerite, foeur de Philippe, agée de trois ans, avec le Dauphin, fut arrêté; quoique Louis fe hornat a demander PArtois pour dot, les Gantois y ajouterent le Comté de Bourgogne, le Maconnois, PAuxerrois, le Charolois, le Marquifat de Salins, les Seigneuries de Noyers & Bar fur Seine, qu'on devoit céder a la France. Ce mariage étoit ii avancé que le Comte de Beaujeu regut la PrinceiTe fur Ia frontiere & la conduifit a la Cour de France. (1) Les nöces de ces deux enfans furent célébrées a Amboife; ce qui occafionna un fi grand chagrin a Edouard qu'il en mourut. (2) Maximilien s'y oppofa envain, a raifon de la dot; les Flamans le forcerent d'y confentir. Louis promit de fon cöté de ne donner aucun fecours aux Liégeois, contre lefquels 1'Archiduc pourfuivoit Paffaflinat de Louis de Bourbon, leur Evêque, oncle de Marie. Le Chapitre avoit élu le fils du Comte de la Marck, auteur de la mort du Prélat. Maximilien les chafia l'un & 1'autre ék fit nommer le fils du Comte de Hoorn; mais dès que 1'Archiduc fut parti, le Comte de la Marck rétablit fon fils. L'Archiduc irrité revint avec une armée plus confidérable: il battit les Liégeois: le Comte^ fut fait prifonnier ék décapité; fon fils périt dans le combat; Hoorn fut remis fur le Siege ék Maximilien déclaré Proteéteur temporel de 1'Evêché. (3) Ces fuccès effrayerent les Trajeétins j ils défiroient la paix. Dans le tems qu'une partie des Reitres étoit hors des murs, les habitans tomberent fur les autres ék fe rendirent maitres de la ville. On décida de rappeller PEvêque David, ék Montfoort ne pouvant mieux faire, fe mit a la tête des députés: il revint fur fes pas ék fit tous fes efforts pour faire révoquer la délibération; mais PEvêque rentra a la tête de trois eens chevaux: (4) il promit aux bourgeois 1'oubli du pafle ék fit arrêter Montfoort; ce Prélat qui ne fe croyoit pas en füreté, ayant appellé quelques Hollandois pour augmenter fa garde, les bourgeois foulevés rappellerent Engelbert, qui fe fit remettre David, 1'envoya prifonnier a Amersfoort, ék fit retirer les Hollandois dans leur camp. Maximilien réfolu de finir cette guerre, s'appröcha d'Utrecht avec douze 'eens hommes: il 1'afliégea ék forca les habitans a capituler. Le clergé fut obligé de venir proceflionnellement le recevoir a la porte de la ville: le magiftrat a genoux ék le peuple dans la même pofture bordoient les rues; le Diocefe ék le pays de Montfoort fe foumirent a payer uneamende de 20000 florins du Rhin: il fut convenu que David feroit rétabli dans fon Siege ék dans fes droits. (5) Maximilien accorda une amniftie du paffé, rétablit Montfoort dans fes biens èk fut proclamé Proteéfeur d'Utrecht par le Sénat. Ce Prince nomma Jean d'Egmond Stadhouder de Hollande a la place de Lalaing, qui avoit été tué dans le combat, èk Frédéric d'Egmond Stadhouder d'Utrecht; il rétablit David fur le Siege ék répartit pour la Flandre. (6) . Louis XI étoit mon: Charles VIII regnoit fous la Régence de la Dame CO Amelg. Geft. Lud. XI. (O Mezer. Abr. Chr. T. III. p. 5?r. (3) Duc'. Hift. de Louis XI. T. II. CO Chron. de 1481, 1483. (5) Hift. gén. des Prov, Unies. T. IV. L. 10. (6) Heda. Hift. Pontif. Ultraj. Ggg 3 Hifi. de Hollande. 1482-1555. Les Flamans traitent avec Louis, malgré Maximilien..Mariage de Mar gutrite avec le Dauphin arrêté par les Gantois. Leurs nices célébrées terminerent a faire des régiemens ék a créer des Colleges d'Amirauté; il fit , défenfe aux Capitaines dc fortir du Port, fans Pattachc èk le pavillon de 1'A■ miral. (4) Cependant ces ordonnances nc paflèrent point alors, a caufe de la formule , ainfi nous plait, dont il les termina, comme les Rois de France. On crut que le Roi des Romains vouloit introduire le defpotifme,  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 423 ck on refufa d'enrégiftrer fes Edits. Les Colleges ne furent établis que quelque tems après. Gand fe plaignoit de la perte de fes privileges & de Penlevcment de fon Souverain, lorïqu'Adrien Vilain de Raffinghen, un des Chefs de la révolte de Flandres, s'échappa du chateau de Vilvoorden, oü il étoit détenu. II revint a Gand ék ranima le feu de la fédition. (1) Elle commenca par la ville de Bruges, qui prit pour prétexte, une augtmntation dansles monnoies. Maximilien qui s'y trouva, crut qu'il fuffifoit de mettre fes troupes fous les armes pour appaifer la révolte; les bourgeois armés fe réunitfent ék font foutenus par les compagnies de Gand, conduites par Vilain de Raffinghen. Les Allemans furenc repouflës jufques dans le palais, oü Maximilien fut fait prifonnier par les révoltés, qui firent trancher la tête a Pierre Langhals, le Bailli. Les Gantois, pour jufiifier 1'audace de leur démarche, formerent une accufation en forme contre le Roi des Romains, ék conféquemment aux reproches qu'ils lui faifoient, ils prétendirent que les fujets du fils étoient autorités a s'affurer du pere, pour lui conferver fes Etats qui fe trouvoient expofés par 1'entrée des Allemans. (2) Le Pape les excommunia comme Rebelles. Le Parlement de Paris annulla la bulle du Pape, fous prétexte que les Flamans n'avoient d'autre Souverain que le Roi de France, qui les avouoit. L'Empereur les menaca; ils vouloient livrer leur prifonnier a la France; cc qu'ils auroient exécuté fans les follicitations des Zélandois ék de plufieurs Seigneurs, qui obtinrent fa liberté ék qui fe rendirent garans des fermens qu'il fit d'oublier le paffé, de renouveller 1'Union des Provinces, de renoncer a fes prétentions fur la Flandre, de confentir qu'elle füt gouvernée au nom de fon fils, par les Seigneurs de la Maifon de Bourgogne, de s'engager h protéger le Commerce des Flamans, ékc. (3) Le Roi des Romains remis cn liberté, rencontra prés de Malines 1'Empereur, qui venoit avec une armée au fecours de fon fils; il le pria de s'en retourner. Frédéric continua fa marche. Le Comte de Ravefiein , qui avoit garanti 1'obfervation du traité confenti par 1'Archiduc , offrit fon fecours aux Gantois, qui le nommerent Proteéteur. L'Empereur le mit au ban de PEmpire. Albert de Saxe, Margrave de Mifnie, commandant l'armée Impériale, inveftit Gand. Ravefiein le forca de fe retirer ék mit a feu ék fang le Hainaut ék le Brabant jufques aux portes de Bruxelles, qu'il furprit ék qu'il obligea de fe racheter du pillage. II fit déclarer 1'Eclufe pour les Gantois ék en fit 1'afile des Ploekins: errans, difperfés, vivans de pirateries, ils fe réunirent dans cette ville, ék fe nommerent pour Chef, Francois de Brederode; il n'avoit que vingt-deux ans, ék faifoit fes études a Louvain. (4) Avec le peu de vaiffeaux qu'il vint a bout de raffembler, il fit des prifes qui le mirent bientöt en état d'armer une flotte de quarante-hüit voiles, avec laquelle il entra dans la Meufe èk pénétra jufques h Rotterdam, dont il s'empara fans perdre un feül homme èk fans verfer une goutte de fang. II mit cette ville en état de défenfe èk les Hoekins y accoururent de toutes parts. Ils tenterent (O pont. Heuter. rer. Auft. L. II. CO Metteren. Hift. des Pays-bas. L. I. (3) Mezer. Abr. Chron. T. IV. dans Charles VIII. Hift. gén. des Prov. Unies. L. X. (4j Joann. a Leyd. de Dom. de Brederode c. XL1X & LXIX. Wit. de Hollande. 14Ü2-1555. 1488. Nouvelle révolte des Flamms/i Bruges i Gand. Li R>i des Romains prifonnier. Les Ganton veuient jufiifier leur démarche. Les Rebelles exconimuniés.Liberté rendue ci Maximilien. L'Emfie' nur ajfi:gt Gand c!? leve k fiege, L'Eclufe eft ?a[ylt des Hoekins. Ils nomment pour leur Chef Brederode. Ses exploits.S'empare dt Rotterdam,  Sect. V. Hijl. de Hollande 1-182-155 Botterda Progrès dt Hoekins, Battus fu: mtr. Bredcrodt évacué Ovt.rfchie. 1489. Amniftie. Traité de Francfort. Les Gantois fournis. Altératior, des monnoies. Murmures. 424 HISTOIRE DE HOLLANDE de furprcndre Schoonhoven, mais ils trouverent les habitans fous les armes qui leur tuerent deux eens hommes & les forcerent de remonter fur leurs ^ vaiffeaux. Brederode s'en vengea fur Delftshaven & Schoonerlo qu'il brüla. _ Le Burgrave de Montfoort s'empara du chateau de Woerden, & la garnifoii qu'il y mit, ravagea la Weft-Frife. B Frédéric repafla en Allemagne & Maximilien s'étant rendu a Leide engagea les villes en haine des Hoekins, de faire le fiege de Rotterdam. Brederode avoit pourvu la ville de vivres & de munitions. II entretint des correfpondances chez Pennemi; il tenta des entreprifes fur Schiedam, Gouda & Leide :^ les Hoekins furent repouffés; mais Brederode partit de nuit & fe renf dit maitre d'Overfchie, d'oü il étendit fes contributions jufques a la Haye & dans le Delftland. (1) Polhain èk le Stadhouder Egmond, chargés du fiege de Rotterdam, étonnés de la hardiefle de Brederode, firent quelques propofitions de paix, qui furent fans effet. Les Hoekins 1'urprirent Gertruidenberg, que les habitans de Breda racheterent. Cependant la difette commenca a fe faire reflentir dans Rotterdam. Brederode réfolu de fe procurer des vivres, fit équiper plufieurs vaiffeaux qui entrerent dans le Leek. Cette flotte fortit fous les ordres deNaaldwyck, de Zevender & de Kronenbourg. Les • Hollandois trop foibles fe replierent fur leurs pofles; mais ayant été renforcés par fix vaiffeaux chargés de groffe artillerie, ils attaquerent la flotte; les Hoekins furent battus; il en périt un grand nombre & un plus grand nombre fut pris. Naaldwyk & Zevender furent pris par quatorze eens Autrichiens, & Brederode fut obligé d'évacuer Overfchie. (2) Polhain preffé par les députés de Harlem, de Leide, d'Amfterdam, de Schiedam & de la Brille, de finir une guerre qui défoloit les villes & les campagnes , publia une amniftie pour ceux qui dans quinze jours rentreroient dans leur devoir; il permit aux autres de fe retirer oü ils jugeroient k propos. Cette publication fit un grand effet. Brederode follicité par les habitans de Rotterdam qui ne pouvoit plus tenfr, profita de 1'Amniftie & s'embarqua pour 1'Eclufe avec le refte de fa garnifon, qui n'étoit que de 1050 hommes. Egmond entra auflitöt dans la ville. Cette guerre opiniatre fe termina paile traité de paix, conclu a Francfort, entre Philippe, Maximilien, 1'Empereur, Charles VIII èk Marguerite, qui y prend le titre de fon époufe. (3) Par ce traité le Roi de France s'engage de terminer la guerre de Flandre èk en effet peu de tems après , les Gantois reconnurent Maximilien comme Tuteur de fon fils; les Magiftrats de Gand & de Bruges,vêtus de noir,pieds nuds & fans ceinture, lui demanderent pardon ck lui payerent une amende de trois eens mille Schilden d'or, & Ravefiein fe retira a 1'Eclufe, oü Brederode couvert de gloire, malgré fes derniers échecs,, s'étoit réfugié. (4) Des opérations mal adroites que fit Maximilien fur les monnoies ék le tort qu'elles firent au commerce, occafionnerent des murmures ék des plaintes. II voulut réparer fa faute ék remettre les chofes. fur Pancien pied, èk fit un nouveau mal. Les Hoekins profiterent de ce défordre, ils dévafterent la Zé- lan- CO Petit Chron. de Holl. Guerres de Fr. de Brederode. CO Mem- Ibid- C|) Rapin Thoyras Hift. d'Angl. T. IV. L, 14. Daniël Hift. de France. T. V. C4) Hift. gén. des Prov. Unies T. IV. L. X. ^  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 425 lande, & Montfoort maitre de Woerden , menacoit la Weli - Frife. Brederode qui prenoit Ie titre de Lieutenant de Philippe, fortit encore de 1'Eclufe avec une nouvelle flotte; n'ayant pu s'emparer de Goerede, il dévafla Ouddorp , le Waard de Zwindrecht & les environs de Dordrecht. Jean d'Egmond fit armer fecrétement & chercha Pennemi. Les deux flottes fe rencontrerent. Brederode avec des forces trés inférieures combattit avec un avantage prefqu'égal; la viétoire s'étant déclarée pour les Plollandois, Brederode defcendit a terre ék les Plollandois y defcendirent après lui. Le combat recommenca ék fut encore plus terrible; mais enfin Brederode fut moitellement blefté, fait prifonnier ék fa troupe difperfée: Naaldwyk fe retira a 1'Eclufe %vec neuf vaifièaux feulement & neuf eens hommes, dont la retraite fut favorifée par ceux de Zieriezée. On tranfporta Brederode a Dordrecht, oü il mourut de fes bleffures; jeune guerrier digne d'un meilleur fort par fon génie, par fa valeur, fa prudence ék fon aétivité. Les autres prifonniers furent envoyés dans différentes villes ék décapités. Montfoort fe vit obligé de capituler, il obtint la permifiion de fortir avec fa garnifon. On lui conferva fon Burgraviat, il la charge de rendre Woerden ék de promettre qu'il ne donneroit plus aucun fecours aux Hoekins. Ravefiein ck Naaldwyk les défendirent encore quelque tems dans 1'Eclufe. Maximilien ne voulut point attaquer 1'Eclufe, pour nc pas irriter le Roi de France: il avoit un doublé intérêt de le ménager. La jeune Duchefiè de Bretagne, prefque réduite a fa capitale, imploroit contre Charles le fecours du Roi des Romains; elle lui avoit offert fa main ék Polhain 1'avoit époufée fecrétement au nom de fon maitre: (1) mais pour accomplir ce mariage, il lui falloit une armée formidable. II avoit fait un traité avec le Roi d'Angleterre , qui ne réalifoit point fes promeflès: d'un autre cöté, Charles VIII éloignoit de jour en jour la confommation de fon mariage avec Marguerite, ék fomentoit la révolte des Flamans, quoiqu'il ignorat les avis fecrets de Maximilien. Les Trajeétins qu'il excitoit, chaflèrent leur Gouverneur. Aux dommages occafionnés par la réduétion de la monnoie fe joignirent d'autres calamités. Les pluies avoient perdu la récolte, ék les Hoekins de 1'Eclufe avoient enlevé les approvifionnemens que la flotte des Ofterlingues amenoit du Nord: les Hollandois étoient dans la mifere, ék le commerce anéanti n'oifroit plus de reflburce. Les pauvres que Leide èk Amfterdam nourriflbient, alloient au -dela de vingt mille. Les exaéteurs profitoient du malheur public. Ils exigeoient de ceux qui ne pouvoient pas payer, des obligations ufuraires: le Stadhouder les foutenoit; il leur prêtoic main-forte pour leurs exécutions; les Kennemers les chaflèrent de leur pays; les payfans fe raflèmblerent èk formerent deux troupes: 1'une fe dirigea vers Alkmaar, furprit une des portes, faccagea la maifon du Receveur Korf, fang - fue avide, qui avoit tiré de la diminution de la monnoie èk des obligations ufuraires, un parti prodigieux; fes régiftres furent déchirés èk fon comptoir pillé. L'autre troupe alla a Hoorn, mais fans fuccès. Le Stadhouder appaifa ces payfans en leur promettant que les Etats auroient égard a leurs plaintes èk ils fe retirerent. (2) (O Rap'n. Thoyras Hift. d'Angl. T. II. L. XIV. (O Grand Chron. Divif. XXXI. c. 74. Tome XLIIL Hhh Hift. de Hollande. 148 2-1555. 149a Ravages dt Brederode dans la 'Lilande.Brederode eft bleffê ö" fait prifonnier.Sa mort. Etat malheureux des Hoekins. Le Roi des Romains veut accomplir fon mariage avec Anne de Bretagne. Difette en Hollande. Révolte des Kennemers.  Sect. V. Hifi. de Hollande. 1482-1555, Entreprifes vaines des Hoekins. 1491. Ligue de Kaas-enbroods. Elle s'empare d'Alkmaar , de Hoorn & de Harlem. 1492. Echoue devant Leide. Le Duc de Saxe marche It Harlem, qui capitule. Les villes rebelles fe rendent. II annulle leurs privileges. Les factions anétmties. (O Manif. d'Enkhuifen & de Dordrecht. (*) Kaas-en - Brood, fromage & pain» (aj Brand Defcript. d'Enkhuifen. Manifeft. de Kennemerl. Grande Chron. Divif. XXXI. c. 78. 426 HISTOIRE DE HOLLANDE Naaldwyck a Ia tête des Hoekins de 1'Eclufe s'empara avec une petite flotte de Wyck-fur - merj, de Texel & de Wieringen; il s'annoncoit comme le fléau des exaéteurs. II tenta Hoorn & Enkhuifen, qui refuferent de le recevoir: il échoua partout & fe trouvant fans provifions, il licentia fes troupes & rentra dans 1'Eclufe fous 1'habit de valet, a la fuite d'un Seigneur étranger. Le Stadhouder, au lieu de procurer la diminution des impóts, propofa aux Etats d'en mettre un de deux fiorins fur chaque maifon. (1) Sa propofition fut rejettée; mais les Kennemers s'aflemblerent, formerent des compagnies & peignirent fur leurs enfeignes un pain & un fromage, fymbole du motif de leur confédération: ils en prirent le nom de Kaas-en-Broods. (*) Ils fe faifirent de Hoorn & d'Alkmaar~& riferent les chateaux de *Newbourg & de Middelbourg. Le Stadhouder marcha fur Alkmaar ék fut obligé de fe retirer avec précipitation. Les Kaas-en-Droods entrerent dans Harlem a la faveur de quelques bourgeois, qui leur en ouvrirent les portes. Maitres de 1'hótel de ville ils maflacrerent 1'Echevin Thomaszoon, hacherent André fon frere ék 1'envoycrent dans un panier a fa femme; ils fe répandirent enfuite dans les maifons qu'ils pillerent; ils enleverent 1'argent ék les regiftres des bureaux , brülerent les titres de familie ék foulerent aux pieds les fceaux du Prince. Les Weft-Frifons accoururent ék tous enfemble marcherent a Leide; mais le Stadhouder les ayant prévenus ,les difperfa, en tua un grand nombre, fit quantité de prifonniers ék les repoufla dans Plarlem. Egmond demanda des fecours au Duc de Saxe, qui lui mena les troupes Impériales. Les bourgeois de Harlem, qui voyoient du haut de leurs murs le plat pays livré aux flammes èk a la dévaftation, demanderent la paix. Les Kaas-en-Broods continuerent leurs ravages; mais ayant perdu fix eens hommes dans un combat èk le vainqueur s'avancant jufques aux portes de Harlem , le Sénat congédia les foldats de Gueldres èk de Cleves qu'il avoit appellés èk chafla les payfans de la ville. Albert demanda d'y être introduit fans condition: les habitans fe livrerent a fa clémence; ce Prince entra avec toute fon armée, fit drefler un poteau, y fit pendre ceux qui avoient introduit les Kaas-en-broods, ék publia une amniftie générale. Alors les villes rebelles implorerent fa miféricorde; mais il la leur fit acheter par des contributions énormes, par Pextinétion des privileges, par 1'anéantiflement des obligations du Comte envers les villes, par des humiliations dans tous les genres èk par des dédommagemens envers les exaéteurs. II annulla les privileges de Harlem , Alkmaar, Schagen, Newdorp, Nieuwland, des Kennemers, des WeftFrifons, de Venhuifen, Wydenes èk plufieurs autres villes,(2) qui n'en obtinrent le rétabliflement que peu a peu. Harlem ne les recouvra que fous Charles II. Les Hoekins furent entierement détruits èk avec eux tomberent toutes les faéïïons; mais aufli fur leur ruine Ia maifon d'Autriche jetta-t-elle les fondemens d'un defpotifme opprefleur. Elle profita de Paccablement de ces provinces épuifées par tant de guerres, par la mifere èk par la ceflation du com-  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sbct. V. 4a? merce. La Noblefle & les Villes n'eurent pas la force de repouflèr le joug. L'amour de la liberté n'étoit pas encore éteint; mais il ne triompha que lorlque 1'abondance fut entierement rétablie & que la mal - adrelfe des Tyrans rendit le joug infupportable. Cependant Albert de Saxe furprit Zieriezée & punit cette ville d'avoir fauvé les débris de l'armée des Hoekins, après la défaite de Brederode ; mais Raveitein défendit 1'Eclufe contre toutes les forces d'Albert, avec une telle valeur que le Duc eut peut-être été forcé de renoncer a fon entreprife, fans Pexplofion d'un magafin a poudre qui obligea Raveitein a capituler. II fortit avec fa garnifon, obtint le payement de trente mille fiorins qui lui étoient dus par 1'Empereur ék fe retira avec Naaldwyck a la cour de France. (i) Dans ce même tems Maximilien recut Paffront le plus fenfible: Charles VIII crut qu'un moyen plus fur que la guerre de réunir la Bretagne a fes Etats, étoit d'en époufer 1'héritiere. II favoit qu'elle avoit donné fa main au Roi des Romains ék qu'il l'avoit Pépoufée par procureur. Charles la tenoit affiégée dans Rennes; mais tandis qu'il prdfoit vivement le fiege, il faifoit agir auprès d'elle pour fon mariage. La Duchefiè n'objectoit plus que la parole donnée a Maximilien ék les formalités de 1'églife. Le Duc d'Orléans ék le Comte de Dunois, qui avoient beaucoup de crédit fur 1'efprit de la Duchefiè, leverent fes fcrupules. Quant au Roi des Romains, ce Prince avoit beaucoup promis ék n'avoit rien fait pour elle: d'un autre cöté, 1'églife rompit le lien qu'elle avoit béni, mais qui n'eft réellement formé que par 1'union charnelle des conjoints. Ainfi Charles VIII, rival préféré, obtint la main ék les Etats d'Anne de Bretagne, a laquelle il facrifia Marguerite qui, pendant dix ans, avoit porté le titre flérile de fon époufe. (2) Le Roi des Romains crioit a la perfidie; il appella a fa vengeance Henri VII, Roi d'Angleterre, qui defcendit a Calais ék que Maximilien devoit y joindre; mais Charles qui connoifibit 1'impuiffance de l'un èk 1'avarice de 1'autre, congédia 1'Anglois ennuyé d'attendre, avec une fomme de cent cinquante mille écus. (3) Maximilien eut recours a 1'Empereur, ék n'en tira qu'un foible fecours; tout fe borna a la furprife d'Arras: la colere du Roi des Romains s'appaifa, èk la paix fut conclue: le Pape releva Charles de la célébration de fon mariage avec Marguerite, fur le témoignage des parties, qu'il n'avoit pas été confommé: cette Princeffe fut remife aux Ambafladeurs de fon pere, a qui le Roi rendit les Comtés de Bourgogne èk d'Artois, qui formoient fa dot. (4) Frédéric III mourut: Maximilien lui fuccéda, èk ce Prince obligé de réfider en Allemagne, remit a Philippe le gouvernement des Pays-bas. II alla fe faire inaugurer a Francfort, oü il époufa Marie, fille de Galéas Vifconti Duc de Milan. Philippe ék Marguerite, accompagnés de la Noblefle de« Pays-bas , allerent au devant de lui, conduifirent le nouvel Empereur \ Louvain, oü il inveflit fon fils du Duché de Brabant, èk le créa Marquis dt Saint Empire. Philippe fe rendit aux Etats de Hollande affemblés pour for (1) Pontan. Heut. rer. Auffï. L. IV. Oliv. de la Marche L. II. c. 14. (2) Dan Mezer. Hift. de France,Regn. de Charles VIII. (3) Rapin ThoyrasHift. d'Ang: T. II. L. 14. (4) Dum. Corp. Diplom. T. II. part. II. Hhh a Hijl. de . Hollande. 14Ü2-1555. Progrès du defpotifme Autrichien. Le Duc de Saxe maitre de Zieriezée. Et enfin de 1'Eclufe. Anne de Bretagne époufé Charles VUL Et renvoye au Rei des Romains Marguerite fa fille. Maximilien demande du fecours au Roi d'Angleterrea i'Empereur. ■ Paix avec la France. 1493. 1494- Maximilien parvient & 1'Empire. II inveflit Philippe du Brabant,  4^3 HISTOIRE DE HOLLANDE Sect. V. HOI. de Hollande. I482-I555- Philippe inauguré tn Hollande. Grandes pojfeffums de Philippe. Jl ambition«5 la Fiie. Sapolitique pour affoillir les Frifons. Guerre des Vetkooptrs iS des Schieringers. Dekama nommé Podeftat par un parti. Aibert de Saxe nommé Podefiat de Frife par 1'Empereur. inauguration. II confirma les privileges des villes accordés par les Princes de fa maifon, n'enrendant pas néamoins qu'on fe prévalut des manifeites excorqués, pendant la minorité de fa mere, mais permettant aux villes de Delft, Leide, Gouda, Amfterdam, Rotterdam & Schiedam, de continuer a nommer leurs magiftrats jufques a fa majorité. Philippe avoit dix-fept ans; il fe trouvoit Archiduc d'Autriche, Duc de Lothier, de Brabant, de Styrie, de Carinthie, de Limbourg, de Luxembourg & de Gueldres; Comte de Habsbourg, de Bourgogne, de Flandres, de Kybourg, d'Artois & de Ferrëtte, de Hollande, de Zélande, de Namur, de Zutphen; Palatin du Hainaut; Marquis du Saint Empire, de Malines, d'Anvers & de Bruges; Seigneur de Frife, de Windifchmarck, de Salins ék de Portnau. II lui manquoit la Frife: quelques tentatives qu'eut fait le Comte d'Egmond pour Ia foumettre, il n'avoit jamais pu yréuffir: (1) il prit le parti d'affoiblir les Frifons en les divifant. Le Comte entretenoit la guerre entre les Vetkoopers, qui ne vouloient point de maitre, ék les Schieringers, qui convenoient de la nécellité d'un Chef, mais dont le pouvoir fut trés borné. Egmond foutenoit toujours les vaincus, afin qu'il n'y eut jamais aucun parti hors d'état de faire la guerre a 1'autre. Dockum avoit été pris par Mockama, Chef des Schieringers. Les Vetkoopers reprirent cette ville, s'emparerent du chateau de Mockama, le raferent ék forcerent Leuwaarden a fe déelarer pour eux. Pendant que le Sénat de Groningue propofoit une treve, Hariaxma avec deux mille hommes, attaqua les Vetkoopers ék les battit. Othon de Langhen envoyé par Frédéric III, 1'Archevêque de Cologne èk PEvêque de Liege, tenterent vainement de rétablir la paix. Le Sénat appella devant 1'Empereur de leur fentence en reftitution des terres de POftergo. Frédéric étant mort dans Pin« tervalle, ils s'adrefterent a Maximilien, qui envoya Othon avec pouvoir de décider. Othon manda les Etats a Sneek, èk enjoignit a la Province de nommer un Podeftat. II propofa trois fujets, Albert Duc de Saxe, Philippe de Cleves Comte de Ravefiein, èk Edfard Comte d'Embden. lis furent rejettés comme étrangers. Dekama fut nommé par un parti; il prêta. ferment entre les mains de Langhen, qui tranfporta 1'affemblée a Bolswaart, dont les députés n'avoient pas voulu fe trouver a celle de Sneek: les délibérations furent fi orageufes que Langhen fe retira de nuit. L'Empereur enjoignit au Sénat de Groningue, èk au Magiftrat des villes, de ne rien innover jufques a ce qu'il eut prononcé; mais dès qu'il fut monté au tröne Impérial, il s'inquiéta peu de la réunion de la Frife èk de la Plollande, ék Philippe fe foucioit encore moins de regner fur ce peuple indocile. Albert de Saxe piqué d'avoir été rejetté de 1'éleélion , remit les chateaux de Harlem, de Medenblik èk de Woerden qu'il tenoit en nantifièment des fommes qui lui étoient dües par la Hollande ék donna quittance de tout: k cette condition 1'Empereur, de 1'aveu de Philippe, le nomma Podeftat. Dans ces circonilances les Schieringers joints aux Allemans chaflèrent les Vetkoopers de Sneek. Les habitans de Leuwarden effrayés recurent garnifon du Sénat de Groningue. Les payfans maflacrerent les troupes de Barneveld, Capitaine AHe- CO Petit Chron. de Holl. T. I. L. VI.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 429 mrnd qui venoit de faire une courfe dans les Sept-forêts: ils s'affemblerent 1 au nombre de huit mille & demanderent du canon au Sénat de Groningue I pour attaquer Sneek. Ils furent d'abord effrayés du bruit de 1'artillerie; ils] ie rallierent attaquerent les Allemans & furent battus; cinq mille furent tués' ck le rede prit la fuite. Les Allemans rcntrés dans Sneek, demanderent'leur paye- les habitans étoient dans l'impoffibilité de les fuisfaire, ils/ empruntetent la fomme au Sénat de Groningue, avec promeüe de recevoir t carnifon Albert fans' paroitre étoit 1'ame de tout ce déiordre, il efpéroit que celui des deux partis qui feroit opprimé, 1'appelleroit au fecours. Philippe cherchoit par toute forte de moyens a fe conciher 1'amour de fes fuiets II conlirma les anciens privileges, en retrancha quelques-uns, & en limita quelques autres, tel que celui de la liberté d'élire les magiftrats;. il promit verbalement de nc point touther aux monnoies fans Paveu des villes: f O il s'attachoit furtout a rétablir le Commerce avec 1'Angleterre, interrompu par les querelles de la Duchelfe douairière dc Bourgogne avec Henri VII. Elle avoit fucceflïvcment reconnu le fucceffeur au tröne d'Angleterre dans Lambert Sinnel , fils d'un boulanger, & dans Perkin Warbeck , impofteurs accrédités, dont l'un fut rélégué par Henri dans le plgs bas emploi de fa cuifine ék f autre finit par la potence. Henri avoit demande a Maximilien dc lui livrer Perkin, qui étoit dans les Etats de Marguerite: ce Prince répondit qu'il ne pouvoit rien dans les villes de la Souveraineté de la Ducheflè. Henri défendit a fes fujets tout commerce avec les Pays-bas, ék Maximilien ferma fes ports aux Anglois. (2) La retraite du Roi des Romains ék Pinauguration de Philippe, qui n'avoit eu aucune part aux intrigues de Marguerite, chano-erenr les difpofitions de Plenri. 11 étoit de 1'intérêt réciproque des fujets de ces Princes, de rétablir leur commerce. Aufli les anciens traités furent-ils renouvellés', ék Pafte par Iequel les deux Souverains convinrent des conditions, porte encore le titre de grand traité. (3) Se conduifant avec fes fujets., comme un pere avec fes enfans, Philippe, bientöt après cc traité qui ranimoit entierement le commerce, affembla les Etats o-énéraux a Malines, pour leur faire part de fes négociations avec la Cour 'd'AraTon , pour fon mariage avec Jeanne, feconde fille de Ferdinand ék d'Ifabelle Reine de Caftille, ék pour celui de Marguerite fa fceur avec Jean Infant ék héritier des deux Couronnes. Ce doublé mariage fut également applaudi , mais ne fut pas également heureux. Marguerite perdit fon mari peu de tems après la célébration, ék 1'enfant dont elle étoit enceinte périt par une fauife couche: elle revint dans les Pays-bas en 1498. Jeanne d'Aragon arriva a Armuiden, au mois de Septembre : les plaifirs ék les fêtes qui accompagneren! ces alliances, ne furent troublés que par Pimpöt du joyeux avenement, impót d'autaut plus onéreux que 1'épuifement des finances fourniffoit aux exaéteurs des moyens affurés de vexer les contribuables. Les intrigues d'Albert ék 1'ambition du Sénat de Groningue entretenoieni les divifions qui défoloient la Frife. 11 ne reftoit dans 1'Oftergo d'autre place aux Schieringers, que Franeker. Le Sénat effaya de la furprendre par une CO Grand Ree. des placards. T. IV. CO Rapin Thoyras Hift. d'Angl. T. ü (3) Kyraer Aft. Publ. Angl. Boxliorn fur Reigersb. Franf. Bacon. Hift. de Henri Vil. Hhh 3 'fijh de Iollaude. 482-1555. ffoftilités , éfordres omentés ar Albert. U9SPrivileget'enouvellit ui Hollanie. Commerce rétabli entre 1'Angleterre £f la Hollande. Grand traité de Commerce.i4sx). Mariage de Philippe avec 'Jean. nedc Caftille. Et de Marguerite Ja Jasur avec l'Infant. Mort de f Infant» Suite des guerres intejlines efïuyoient les. plus affreux traitemens. Enfin les habitans fans reffource, de- - manderent a capituler. Les députés du Général Saxon s"étoient rendus a 1 hotel de ville, lorfqu'on vit entrer un bourgeois & fa femme échappés du camp, le vifage enfanglanté, le nez & les oreilles coupés: a ce fpeétacle, le Sénat chafi'a les députés & jura de s'enterrer fous les ruines de Groningue, plutót que de fe donner a de tels maitres. On députa vers le Comte d'Emb- . den, qui demanda la permifiion de Mtir une citadelle & entra dans la ville avec deux mille hommes. Jorrys demanda a Edzard de quel droit il s'emparoit de la ville? Le Comte répondit que c'étoit en qualité de Sequeftre Im- f pénal, pour la remettre a qui le Confeil Aulique jugeroit a propos: le Duc ^ diflimula ék lui fit 'expédier les provifions de Stadhouder, pour fauver du moins les apparences de fon autorité. (1) Charles de Gueldres reprenoit toutes les villes qu'on lui avoit enlevées. i Le nouveau Roi de Caftille lui écrivit une lettre remplie de menaces: il lui difoit que toutes les forces de fon allié ne fauroient le fouflraire a fa vengeance. Le Duc envoya la lettre en original a Louis XII. (2) Croï envoya fix mille Hollandois, aux ordres de Philippe, batard de Bourgogne, invefiir Wageningen; (3) il demanda en même tems au Roi d'Angleterre les fecours qu'il avoit promis; mais ce Prince, offenfé du refus que faifoit Marguerite d'accomplir le mariage arrêté avec lui, par Philippe, frere de cette Princeffe, lorfqu'il fut jetté par la tempête au port de Weymouth , fe contenta d'écrire a Louis XII de ne point envoyer des troupes au Duc de Gueldres, paree qu il alloit terminer cette guerre par un traité. II y eut en effet des conférences; mais Charles les rompit, offrant de prendre les médiateurs pour arbitres. (4) Le Stadhouder ne fe Iaflbit pas d'écrire au nouveau Roi de Caftille, qu'il lm étoit impoflible de foutenir la guerre fans argent ék plus impoflible encore d en obtenir de fes Etats épuifés par tant de guerres ék par les fommes qu'il avoit emportées en Efpagne. Philippe n'avoit aucun fecours a efpérer de fes nouveaux fujets. Leur affeétion, qu'il s'étoit d'abord conciliée par fon air affable, par un manuien noble ék par les graces de fa perfonne, s'étoit bien affoiblie. Sa conduite irréguliere les avoit indifpofés. 11 ne confioit les premières charges du Royaume qu'aux Flamans èk aux Plollandois: il tenoit Ia Reine fon époufe comme renfermée, fous prétexte que fon efprit étoit aliéné, efpece de démence dont on difoit que les infidélités continuelles de Philippe étoient la caufe. Cette conduite rappelloit aux Caftillans ces tems heureux, oü Ferdinand èk Ifabelle partageoient le poids du gouvernement, n'ayant qu'une même volonté ék travaillant de concert au bonheur de leurs peuples. Ce n'étoit pas dans ces circonftances qu'il pouvoit attendre des fecours de 1'Efpagne. Robert Comte de la Marck, avec deux mille Francois èk quatre cens Gens. d'armes vint au fecours de Charles. Le Stadhouder n'ofant Ie combattre, par- - $,5;E; BeninS- Hift. d-Ooftfr. L. III. c. 78. (2) Lettres de Louis XIL T. k X) Math. Ann. vet. cevi. (4) Lettres de Louis XII, T. I.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 437 vint k le gagner,en lui afTurant trois mille livres de penfion ck del'emploi au L fervice du Roi de Caftille. La Marck refta dans Pinaétioti & remit le com- « mandement k Engelbert de Cleves, connu fous le nom de Comte de Rethel _ ék redré en France. (i) Le fiege de Wageningen duroit depuis quatre mois, lorfqu'ori apprit la nouvelle de la mort du Roi de Caftille: le batard fi de Bourgogne le leva auflitöt. Louis ordonna k fon Général de faire cefler M toute hottilké. Philippe mourut a Page de vingt-neuf ans, le 05 Septembre, d'une pleurefie occafionnée par un verre d'eau k la glacé, qu'il but en 2 venant de jouer k la paume: (2) Prince comblé des dons extérieurs de la nature & fur qui la fortune fembloit fe faire un jeu d'épuifer fes bienfaits; plus louable par fon caraétere franc & généreux, par une probité rare, par fon courage èk par fa valeur, que par fon génie ék par fes talens. D'ailleurs irréfolu, peu propre aux affaires, livré k fes plaifirs, incapable de gouverner par lui-même, il abandonnoit les foins du tröne k fes miniftres ék fon cceur k fes maitreffes, auxquellcs il facrifia les devoirs les plus facrés. . On attribue le dérangement d'efprit de Jeanne, k la jaloufie qui la dévoroit èk a laquelle il donna lieu. 11 laifia cinq enfans légitimes; Charles de Luxembourg qui lui fuccéda,ék Ferdinand qui fut Empereur:ileut trois filles,dont la derniere naquit trois mois après la mort de fon pere. Quelques auteurs ont écrit que le Roi de Caftille laifla par fon teftament Charles, fon fils, fous la proteétion de Louis Xll, qui accepta fa tutele èk lui donna Croi Chievres, pour Gouverneur. Ce fait eft démenti par d'autres. (3) II eft vrai que peu de tems avant la mort de Philippe, Louis, a la follicitation des Princes èk de la Noblefle qu'il avoit convoquée, rompit le mariage de fa fille ainée avec Charles d'Autriche èk donna cette jeune Princeffe a Francois Duc de Valois , fon héritier préfomptif. L'Empereur Maximilien reflèntit vivement cette injure èk peut-être cette rupture influa-t-elle fur les rivalités de Francois I èk de Charles Quint. Le célebre Charies II. dans Pordre des Comtes de Hollande, eft appellé Charles Cinq ou Charles Quint dans Pordre des Empereurs. II n'avoit que fept ans, lorfqu'il perdit fon pere. Philippe laiffoit la foible Jeanne, feule maitreflè de la régence de Caftille, enceinte de fix mois. L'égarement de fa raifon la rendoit incapable de gouverner: le regret de la mort de fon époux avoit mis le comble k fa démence; non feulement elle n'avoit pas voulu le quitter pendant fa maladie, mais après fa mort, muette èk comme infenfible a force de douleur, il fallut Parracher d'auprès de fon cadavre; forcée de confentir qu'on Penterrat, il fallut enfuite 1'exhumer èk le porter dans fon appartement. Elle le fit mettre fur un lit magnifique èk dans fes plus beaux habits: elle avoit fes yeux conftamment fixés fur ceux de fon époux èk portoit de tems en tems fa main fur fon cceur, efpérant que le ciel lui rendroit enfin la vie. La jaloufie qu'elle confervoit encore, ne lui permettoit pas de laiffer approcher de ces reftes inanimés, d'autres femmes que fes vieilles domeftiques, èk lorfque le terme de fa groflèffe fut arrivé, elle aima CO Pont. Hift. Gelr. L. XI. Lettr. de Louis XII, T. I. CO Oiiv. de laJMtaclre L. II, c. 16. Marian. Hift. d'Efp. T. V. C3) Rapin Thoyr. Hift. d'Angl. T.IV, L. 16. Daniël, Mezer. dans Louis XII. Iü 3 'ijl. de ollande. 182-155S. Levée du cge de en. Mort de 'hilippe. 1506. Chaui.es II: Vingt neuvieme Comte, ou CharlesQuint. Etat de Jeanne Reine de Caftille.  Sect. V Uit. ik Holland i 182-1v Ferdinu efl no nm Régent d Caftille. 11 u'urp la Navar Margue* te Couve riante des Pays-bas Le Duc 1 Gueldres recommenc la guetre. II met en fuite les Hollandois de vant P an deroyen. II ejt repoujfefe retire dans la Gueldre.. Mai in ge de Cliirles II arrcté. Traité en trein. Hollende fcf l'A.gietene. 1508. 438 HISTOIRE DE HOLLANDE • mieux fe co-nfier h leur ignorance, que d'introduire une étrangere daas fon . appartement. • La nature ieule opéra fon accouchemenc, elle mit au monde une Princefle, qui fut appellée Catherine. (1) L' Cette Reine infortunée refufoit de nommer un Régent & les Caftillans ii étoient fort embarraffés. Ferdinand èk Maximilien, ajeux de Charles, préi tendoient a cette régence. L'ignorance des mceurs ék du génie Efpagncjls • le défaut d'argent ék de troupes fembloient exclure Maximilien,ék les Grands redoutoient la vengeance de Ferdinand. Enfin Padreife du Cardinal Ximenes ramena les efprits a Ferdinand, qui fut nommé Régent de Caftille. II . aggrandit les Etats de fon petit-fils de plufieurs places conquifes fur les ■e. Maures ék du Royaume de Navarre, qu'il ufurpa fur fon légitime Souverain. (2-) Maximilien partagea cette tutele en reprenant le Gouvernement des Pays-bas; mais comme les foins de PEmpire ne lui permettoient pas d'en _ donner de particuliers aux vaftes Etats de Charles, il en confia Padminiftra- • tion a Marguerite fa fille, qui, quoique deux fois veuve, étoit a peine agée de vingt-fept ans; mais dont les talens dans l'art de regner étoient déja fort , connus. Elle fe rendit aux Etats affemblésa Dordrecht, oü les Commiffaires Impériaux, après avoir juré au nom de 1'Empereur, de conferver les Privileges de la Noblefiè ék des Villes, firent reconnoitre Marguerite, Gouvernante. Les Hollandois demanderent le rétabliffement de leurs Privileges; mais elle ne voulut pas leur donner plus d'étendue, que Philippe ne leur en avoit donné a fon avénement. le Le Duc de Gueldres avoit recommencé la guerre, il menacoit Dordrecht ék Rotterdam: 1'argent manquoit a Charles. Ces villes lóuerent a leurs frais des foldats étrangers. Toutes les forces des Autrichiens confiftoient en cinq mille hommes d'infanterie ék fix ou fept cens chevaux. Ils inveftirent le chateau de Pouderoyen, défendu par Henri d'Ens: le Duc de Gueldres accourut, forca le Comte d'Egmond a fe retirer, ék les Hollandois a prendre honteufement la fuite. (3) Le Duc manquant d'argent fut oblitjé de iufbendre fes projets ék de fe retrancher dans trois camps, qui inquiétoient fort les ennemis; il permit a fes foldats de fe répandre dans la Hollande ék le Brabant: ils pillerent le pays ék mirent a contribution quelques places; mais ils furent battus devant Dieft par le Comte de Naflau ék pourfuivis jufques a Ruremonde. Dans la Plollande, ils pillerent ék brüierent Bodegrave èk s'emparerent du chateau de Muyden ék de Weefop, lorfque les bourgeois d'Amfterdam les arrêterent devant un fort qu'ils avoient élevé a Yperfloot, pour couvrir leur ville. Le Duc fut repouflc avec perte; & découragé par cet échec, il fe retira dans la Gueldre. (4) La Régente demanda des fecours aux Anglois, èk pour écarter les nuages qui s'étoient formés entre ces deux Puiffances, elle renouvella la ligue offenfive èk défenfive, ("5) ék arrêta le mariage de Charles avec la plus jeune des filles de Heari VII: mariage qui n'eut point lieu, a caufe de la mort du Roi, qui arriva peu de tems après. (O Itobertfon Hift. dc Charles V, T. I, L. 1. CO Marian. Hift. d'Efp. L. XXX. c. u & 12. C3) Lettr. de Louis Xll, T. I. Pont. Hift. Gelr. L. XI. C'0 Idem Ibidem, Guill. Herin, de Bell. Gel. (5) Rymer Ait. publ. Angl. T. IV. part. 18.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 43) La garnifon de Poudcroyen coramandée par le brave Henri d'Ens, me» toit a contribution les villes voifines, dont les milices s'unirent fous les ordres de Rodolphe d'Anhold, qui afliégea cette place; Ens fe défendit avec avantage; mais ayant été tué, la garnifon capitula.'(i) Anhold avec un corps de Wallons, joint par Yffelftein ék une bonne troupe de Plollandois, afliégea Weefop & convertit le fiege en blocus. Un capitaine de la garnifon entama des négociations fecretes avec le Sénat d'Amfterdam; deux moines étoient fes agens, ils furent furpris avec des lettres; on les chalfa de la ville. Le capitaine étant mort dans 1'intervalle, fut enterré au pied de la potence, & malgré le défaut de vivres, la garnifon fe défendit jufques a la paix. 11 étoit alors queftion d'une ligue entre le Pape Jules II, 1'Empereur ék les Rois de France ék d'Arragon contre les Vénitiens: on prit pour prétexte dc mettre fin aux querelles de Charles II, avec Charles d'Egmond Duc de Gueldres; & en effet pour couvrir les négociations fecretes de la ligue (a) on conclut un traité, concernant les guerres de Gueldres, par Iequel il fut arrêté que le Duc évacueroit Muiden dans huit jours, que les hoftilités cefferoient,que chacun retiendroit ce qu'il polfédoit, jufques a ce que 1'Empertiur ék les Rois de France, d'Angleterre ék d'Ecoflè euffent prononcé fur les droits des parties, ék que cependant le commerce dc la Hollande feroit libre. Le Duc de Gueldres n'étoit pas content, Louis XII fe vit forcé par fon Ambaffadeur de donner fa fignaturc : (3) bientöt il recommenca la guerre fous prétexte de quelques contributions que la Régente avoit percues dans le Bommelland. Cette Princefle porta fes plaintes a Louis, elles n'opérerent qu'une treve avec 1'Empereur. Le Duc de Gueldres attentif a tout ce qui pouvoit lui être de quelque avantage, grofiit fon armée de deux mille hommes que le Roi de Dannemarck venoit de'réformer, après la publication de la treve qu'il avoit conclue, fans la participation des Hollandois, avec les villes Anféatiques: renforcé de ces nouvelles troupes, le Duc leur ordonna de furprendre Campen ; mais ces Allemans furent battus, ék les prifonniers pendus fans miféricorde. Lc Duc de Gueldres indigné entra dans POveryftèl , le ravagea & iè rendit maitre de Diepenheim, de Goor ék d'Oldenzéel. Yffelftein, a la tête des troupes de PEvêque d'Utrecht, chafla le Duc ék reprit ces places. (4) A fon retour il trouva fes terres ravagées par les habitans d'Utrecht, qui étoient brouillés avec leur Evêque. Yffelftein les en punit ék batit un fort fur le Leek; ce fort fut bientöt invefti par le Duc que les Trajeétins appellerent; cependant Yflèiftein forca les bourgeois a demander ia paix, ék le Duc a faire une treve. (5) On travailloit a la paix entre le Duc ék les Autrichiens. Le Duc demanda pour la rendre folide, une des filles de Philippe II: cette propofition fut rejettée; 1'orgueil du Duc en fut bleflë, il rompit la treve fous un prétexte frivole. II employa la rufe ék la force pour s'emparer de Harderwyk, de Bommel ék de Tiel. La Régente s'en plaignit a Louis XII, qui feignit contre le Duc la plus grande indignation ék a qui il ordonna de rentrer dans (O Pont. Hift. Gelr. L. XI. CO Mez. Abr. Chron. de Fr. T. IV. f O Leur. de I.ouis XII. T. II. CO Petit Abr. Chron. de Holl. (5) Pont. Hift. Gelr- Hifi.de Hollande. 1482-1555- Weefop ajjiégé. Traité avee ie Duc de Gueidres. 1509. II recommence la guerre. 1510. II ravage' VOveryjjei. Les Trajeétins battus.Treve. II la romptè 151». Lf Duc s'empare deHardernxiyk, de Bommel de Hel.  Sect. V. Hifi. de Hollande. 1482-1555 La Gouvet nante demande des fecours a tous lesSou ■verains. LtDuc bra ve le Pape. leRoid'Ar ragon, Ma ximilien& le Duc de Saxe. Le Sénat d'Utrecht le nomme fon Aioué. 11 furprend Woudrichen & repouffe TsJ'eljlein devant Venloo.I5I2. Négociations inutiles. Préparatifi des Rois d'Arragon & d'Angleterre. 440 HISTOIRE DE HOLLANDE les bornes prefcrices parletraité de Cambray. (k) Le Duc n'en taxa pas moins a cent mille livres,la ranson.de quatre - vinges négocians Flamans oue t le batard de Gueldres avoit enlevés fur la route de Cologne a Francfort . La Régente les réclama-auprès de Louis XII , qui n'obtint leur liberté cué - fort tard. Cette Princeffe portoit fes plaintes a tous les Souverains Les recrues & les préparatifs que faifoit le Duc de Gueldres fembloient menacer la Plollande. II bravoit en même tems les foudres du Vatican dont le Pape . Ie menacoit; la colere du Roi d'Arragon, qui promettoit d'envoyer une armée, des qu'il feroit maitre de Naples ; la vengeance de Maximilien qui devoit le mettre au Ban de PEmpire, ck les foibles fecours qu'envovoit Henri de Saxe. J Dans ces circonftances le Sénat d'Utrecht nomma le Duc fon Avoué en reconnoifiance du fecours qu'il donna aux Trajeétins, & avec Iequel ils' repoufferent Florent d'Yflèlftein, qui vouloit prendre Utrecht par efcalade II entreprit a leur follicitation le fiege d'Yflèlftein & fut obligé de le léver Enfin les Anglois envoyerent a la Régente, le fecours qu'ils avoient promis-' ü ne confiftoit quen 1500 hommes (2) & elle n'en avoit pas davantasreaVe^y^ corPs'elle renta Ie fiege de Venloo,dont elle chargea le Com' te dYflèlflein, qui fe brouilla avec le Général Anglois; celui-ci repafla la mer, èk Yffelftein fut forcé de renoncer a fon entreprife. II prit quelques chateaux par repréfailles de Woudrichen, que le Duc de Gueldres avoit attaqué & furpris. (3) ' Louis malheureux en Italië, craignit que Maximilien, qui ne s'étoit pas encore déclaré contre lui, ne prit pour prétexte les fecours qu'il donnoit au Duc; il promit a Marguerite de s'employer férieufement pour la paix La Régente laffée de la guerre,nomma des Plénipotentiaires chargés de cónfentir que Charles gouvernat la Gueldre ék le Comté de Zutphen, cn qualité de Stadhouder, èk d'offrir de la part de cette Princeffe , "de racheter fes droits; mais elle exigeoit que le Duc en tri t au fervice de Charles II Le Duc révolté de ces propofitions, difiimula èk promit de remplir celles que Louis jugeroit a propos. (4) Ce Prince, fans argent èk avec fi peu de reflburces, tenant tête a la puiffante Maifon d'Autriche, étonnoit PEurope. Maximilien recueillit fes forces, voulut tenter un effort èk s'en tint aux nicnaces D'un autre cöté , les Rois d'Arragon èk d'Angleterre faifoient d'énormes préparatifs. Vingt - cinq mille Anglois devoient débarquer a Calais. Avec une partie, Henri VIII devoit foumettre la Gueldre, ék faire marcher 1'autre en Normandie. LouisXII fut allarmé, leDuc attendit 1 evenement. En effet le projet de réduire la Gueldre èk la promeffeque Ferdinand avoit faite a Henri VIII, fon gendre, de 1'aider a conquérir la Guyenne, n'étoient qu'un prétexte pour s'emparer de la Navarre, èk quand il Peut ufurpée, il s'embarraffa peu des promeflès qu'il avoit faites au Roi d'Angleterre. (5). Dès fM Ji w-n-^VT vF* , Ryttier A£i' Pubh A"g'- Tom- VI, part. r. 9} j°np* Hff Gelr',f- Xk i C4) Lettres de Louis XII, T. III. (5) Daniël Hift. de Ir. Mezer. Abr. Chron. dans Louis XII. KiJ  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 441 Des que Charles put agir, il fe vengea cruellement de 1'inaétion oü il. avoit été réduit: il entra dans la Hollande a la tête de onze cens hommes,J parut devant Amfterdam ék bmla un des fauxbourgs: il ramena un grand nombre de vaiflèaux de toute grandeur fous Utrecht ék s'établit dans la Chartreufe. Waffenaar voulut le déloger avec quatre cens hommes; Charles le 1 battit, le fit prifonnier ék Penvoya a Plattem dans une cage de fer. Le dé- j faut d'argent mit un frein a fa valeur. (1) Marguerite qui n'en avoit pas^ davantage, preffa Maximilien de venir au fecours des Pays-bas; mais Maxi , milien lui répondit qu'il lui falloit pour le voyage, une remife de dix mille 1 florins d'or, ék lui confeilla de s'accommoder avec le Duc. Louis traitoit de la paix avec Ferdinand; la Régente engagea le dernier * de comprendre dans le traité Charles II ék le Duc de Gueldres. Pendant , le Congrès le Duc s'empara d'Arnhem. Cependant on conclut une treve, qui devoit durer quatre ans. (2) Louis avoit perdu PItalie , ék les Provin- J ces maritimes de France étoient menacées par les Anglois. L'avare Maximilien fervoit alors en qualité de volontaire dans Parmée Angloife, a raifon de cent couronnes par jour. Après la prife de Terouane , Henri VIII < lui donna cette ville ék il la renverfa de fond en comble, (3) malgré Ja capitulation. Lorfque Tournay eut capitulé, Marguerite amena fon jeune pupille au camp, ék Henri alla les voir a Lille. Ce Prince conclut avec" Maximilien un traité, par Iequel 1'Empereur confentit que Henri retourn&t en Angleterre. 11 s'obligea de tenir pendant 1'hiver quatre mille chevaux ék fix mille fantaflins, a condition que Henri payeroit deux mille couronnes d'or, pour 1'entretien de ces troupes, ék qu'il attaqueroit une des Provinces de France, avant le 1 Juin, pendant que 1'Empereur entreroit en Bourgogne; (4) mais le Duc de Longueville qui étoit prifonnier en Angleterre , détacha Henri de 1'alliance de Maximilien, ék opéra la paix entre ces deux couronnes, a laquelle Maximilien fe vit obligé d'accéder. Le Duc de Gueldres ne profita pas longtems de la paix: les troubles de Frife furent le prétexte qui lui fit reprendre les armes. II rappella fix mille lansquenets qu'il avoit envoyés au fecours de la France. Jorrys Duc de Saxe avoit nommé malgré lui, le Comte d'Embden Stadhouder de Groningue ék des Ommelandes; mais Edzard ék la ville avoient été mis au ban de PEmpire. Ils avoient comparu devant la Chambre Impériale a Conftance. Sur la plainte de PEvêque d'Utrecht, le Légat les avoit fait fcmmer devant fon tribunal. Toutes ces formalités indifpoferent Edzard. II tenta de s'emparer de Leuwaarden ék échoua. Jorrys ne douta point qu'Edzard n'eut des projets fur la Frife. (5) II lui demanda compte de fon adminiltration ék Edzard refufa. Jorrys prit a fon fervice quatre mille fantaflins & deux mille cavaliers, tous réformés, vivant de brigandages fur les frontieres: il les envoya ravager les environs de Groningue, en même tems qu'il follicitoit le Sénat de rentrer fous fon obéiflance. Le Sénat refufa; Jorrys iuveflit la ville. L'Evêque d'Utrecht lui ayant donné du fecours, le Sénat envoya un dé- i (1) Lettres de Louis XII, T. IV. CO Rymer Aft. publ. Angl. T. VI, part. i. C3) Daniël Hift. de Fr. T. V. CO Hift- Sén- des Prov- Unies Tom' 1Y' L' ll' (5) E. Bening. Chron. de Frife. PetifChron. de Holl. T. I, L. 8. Tmne XLIIL Kkk Hij!, de follaude. 482-ïS55« Le Duc titre en Hol- mie •rüle un der 'nuxbourgt PAinj lerlam. Fait IVas'enaar pri'onnier & e met dans me cage de 'er. I5I3- li s'empa■e el'Amtem Treve. Maximi-' 'ien renverre Tcioua'ie. Traité avec '■'Angleterre. ISH' Le Duc ie Gueldres reprend les armes. Procédures contre Ed.' zard. Jorrys de Saxe marche contre lui.  Sect. V. Hifi. de Hollande. 1482-155, Edz'ird j ligue avec ie Duc de Gueldres. Charles s'empare dt Groningue, au nom de la France. Iljoue Edvsard & le Duc de Saxe. Rivage dei handes noires. Le GrandSierre, chej des pirates Frifons. L'Archiduc Charles inauguré en Hollande. 44» HISTOIRE. DE HOLLANDE tachement mettre a feu & a fang le pays de Drenthe. Le Duc affemBfa les Etats & demanda des fubfides. La Noblefiè offrit de fervir deux mois k fes dépends & d'entretenir cinq cens fantaflins. Eric de Brunswick lui a'me** na en même tems un corps de lansquenets. (k) e La Régente ayant défendu a fes fujets de s'enröler au fervice d'Edzard il alla trouver le Duc de Gueldres, qui lui promit de le fervir & de lui procurer même Pappui de la France, s'il vouloit la reconnoitre. Edzard confentit a tout. Le Duc fit un voyage a la Cour de Louis, & en reporta la commiflion de protéger l'Oofl-frife; (a) il demanda au Comte une fomme de trentc-cinq mille fiorins pour entrer en campagne. Edzard eut bien de la peine a lui en procurer une partie. Alors il forma une troupe d elite fous les ordres du Comte d'Oyen, qui dévafla la Twenthe & la Drenthe èk fe préfenta devant Groningue. (3) Cette ville ne fe foutenoit que dans 1'efpérance du fecours que le Comte d'Embden lui promettoit; celui qu'il avoit recu du Duc étoit trop foible pour rien hazarder. Oyen déclara" qu'il'ne venoit qu'en vertu d'un ordre de Louis XII; Jorrys députa vainement au Roi, pour lui repréfenter que, fans bleflèr les Conftitutions de PEmpire, il ne pouvoit pas aflifler le Comte d'Embden contre fon Seigneur, ék encore moins recevoir fon hommage. Le Duc de Gueldres qui n'avoit rien a craindre d'Edzard, ne diflimula plus fon deffein; il fomma le Sénat de reconnoitre la fuzeraineté de la France, ék de le recevoir au nom de cette Puifiance, en qualité de Stadhouder; déclarant, que fur le plus léger refus, il alloit fe retirer. II falloit fe décider: on ouvrit les portes au Comte d'Oyen, qui recut le ferment pour le Duc de Gueldres. Le Comte d'Embden confondu, fe retira. Le Duc de Gueldres, maitre de Groningue, le fut bientöt de Sneek, Slooten èk Bolswaert. Jorrys fe fauva en Allemagne; fes foldats abandonnésfe livrerent au pillage: on leur donna le nom de Bande Noire.. Oyen avec fa troupe èk les milices de Groningue, chafla les Saxons, reprit Appingadam, Dockum èk les autres places qui avoient été enlevées au Duc Charles. (4) La bande noire fe répandit de tous cötés èk commit toute forte de desordres. Le Stadhouder convoqua la noblefle ék les communes, pour chaflèr ces brigands, qui repaflèrenr dans Ia Frife, laiffant la dévaftation fur leurs traces: ils s'établirent dans le voifinage d'Amfterdam; le magiftrat leur en facilita la retraite. Jorrys leur envoya quelques vaiflèaux, avec des draps ék leur paye; mais ce convoi fut enlevé par le Grand-Pierre ,. célebre Corfaire qui fe faifoit appeller Pyrrhus Magnus. Cet armateur ' étoit le chef des Frifons, partifans du Duc de Gueldres. Jorrys découragc par ce dernier coup, envoya des députés a 1'Archiduc pour lui propofer de lui abandonner toutes fes prétenüons. L'Archiduc Charles parvenu a Page de quinze ans, acquéroit les plus belles connoiffances, fous la direélion de Chievres; il le familiarifoit avec différentes langues èk lui faifoit connoitre Phiftoire èk la politique; il 1'avoit accoutumé au travail dès Penfance. Maximilien, fon grand-pere, trop oc- CO Recueil des Plac. de Holl. E. Bèning. ubi fupra. (2) Lettres de Louis XII, T. IV. (3) E. Beningh. Chron. de Frife. (4) Idem ibidem. (5J) Recueil des, Elacards de Hollande..  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 443 cupé des foins de PEmpire pour fe livrer aux affaires des Pays-bas , en re- 1 mie le gouvernement au jeune Prince, qui fe fit inaugurer dans Ie Bra- I bant, la Flandre, en Hollande & en Zélande. C'eft dans cette circemftan-* ce que les députés de Jorrys lui offrirent la Souveraineté de la Frife, moyennant trois cens mille fiorins qui étoient dus a fon pere & cinquante mil- £ le pour les frais de la guerre. Le jeune Prince accepta Poffre èk les con- • ditions. (1) Le Roi d'Arragon s'affoiblilfoit de jour en jour, ék Charles prévoyoit que la mort de ce Monarque Pappelleroit bientöt en Efpagne: auffi fe dépêchat-il de mettre dans les affaires des Pays-bas, un tel ordre que fon éloignement ne put point les déranger: il fit prendre poffefïïon de Leuwarden, Harlingen & Franeker par Florent d'Egmond, Stadhouder de Hollande: il conclut une treve entre le Comte d'Embden ék le Duc de Gueldres. La bande noire fut difperlée, un grand nombre s'arrêta dans la Gueldre; le Stadhouder en prit deux cens a fon fervice, èk une grande partie s'attacha k la France. Charles en voyageant le long des digues s'appercut de quelques crevaffes. Outre les officiers que Guillaume II avoit créés pour 1'infpcétion des digues ék la füreté du pays, ék que Philippe le Bon avoit fubordonnés au Confeil de Hollande èk au Stadhouder, Charles créa un Sur-intendant des digues, qu'il autorifa a donner des ordonnances èk a changer les magiftrats ou officiers. (2) Ces arrangemens n'empêchoknt point Charles de s'occuper des affaires du dehors. Francois Duc d'Angoulême venoit de fuccéder a Louis XII, èk quoique ce Prince fe difpofat a difputer Milan k 1'Empereur, 1'Archiduc, dans les circonftances oü il fe trouvoit, ne jugea pas a propos de fe brouiller avec la France, dont il pouvoit avoir befoin. Le Roi d'Arragon dont la fin approchoit, avoit fait un teftament, par Iequel il donnoit a Ferdinand, frere cadet de Charles, la Caftille ék fes dépendances , PArragon, èk la Navarre; prétendant que les Etats dont Charles avokhérké, le rendoient affez puiflant: d'ailleurs,ies Efpagnols craignoient fon gouvernement. La cour, les mceurs èk 1'efprit de la nation lui étoient inconnus. Us auroient préféré 1'Infant Ferdinand, élevé parmi eux. Charles avoit envoyé Adrien d'Utrecht, en qualité d'Ambafladeur, avec des pleinspouvoirs pour s'emparer de la régence des Etats de Jeanne, dès que le Roi d'Arragon ferok mort. Ferdinand inflruit de la miflion d'Adrien, le chafla de fa Cour èk Penvoya dans un couvent. Le Comte de Chievres mit dans le parti de Charles, Carvajal, Zapata èk Vargas, Miniftres du vieux Roi, qui le flattant fur fon projet de la monarchie univerfelle, lui perfuaderent que le partage de fes Ètats alloit direétement contre ce vafte fyftême, èk parvinrent a lui faire révoquer fon teftament; il inftkua Charles fon héritier après la mort de Jeanne, èk le rétablit dans tous fes droits: il donna la régence de Caftille au célebre Ximenes, Archevêque de Tolede, jufques a Parrivée de Charles en Efpagne. (k) L'Archiduc avoit envoyé auprès de Francois I, Henri de Naflau èk MI chel de Croï, chargés de renouveller les anciens traités avec cette couron CO Boxhom fur Reigc-rsb. Chron. de Zél. CO Philipp. a Leyd. de Cura Reip. Cs) Marian. Hift. d'Efp. L. XXX, N°. 134. Kkk a lift. d e lollande, 482 «5SS- Jorrys lui ede 'la 7rije. VA'iïniuc en fait Prendre pojjejjion. Crêe un Sur-intendant dt. digues. 151& Teftament du Roi a" Arragon en faveur de Ferdinand. II le rêvi' que crée Xmenes Regent de Caftille. ■ Traité avee . la Frante,  Sect. V. Hifi. de Hollande. 1482-1555 Adrien veut s'emparer de k Régence. Ximenes le force de Je contenier d'y avoir part. L'Archiduc proclamé Roi de Caftille. Traité de Noyon. 1 : 1 ] Le Huc de Gueldres en < Italië. ( 11 part pour fes Etats. c Son cha- I gr in en ap- ] prenam la f Ritaille de Mirignan. F Pirateries C du Grand- ^ fkrrs. (O H'ft- gén. des Pfov- Unies T. IV, L. XI. (2) Daniël Hift. de Fr. T. V. Pont. Hift. Gelr. L. XI. (3) Baudier Hift. de Ximenes. (4) Danic-1 Hift. de Fr. dans Francois I. 444 HISTOIRE DE HOLLANDE ne, de demander i'accompliflèment da mariage de Renée de France avec Charles , les fecours du Roi pour prendre pofleflion des Etats de Jeanne & un délai pour la reftitution de la Navarre. (1) Francois fixa la dot [de Renée a fix cens mille écus, confentit a laifler jouir le Roi d'Arragon de la Navarre jufques a fa mort ék promit fes fecours en cas de befoin. Le fuccès de cette Ambaflade engagea Charles a demander pour Henri de Naffau , Claudine de CMlons , Princeflè d'Orange, élevée a la Cour de Francois. (2) Le Roi d'Arragon mourut: Adrien voulut s'emparer de la régence; Ximenes lui oppofa la difpofition du teftament d'lfabelie, qui interdifoit a tout étranger 1'adminiftration de la Caftille, la nullité des pouvoirs qu'il tenoit de Charles, qui n'avoit aucun droit avant la mort du Roi, & même avant Ia mort de Jeanne. Adrien accablé de ces raifons, fe contenta du partage de la Ré gence, que Ximenes lui offrit, bien afluré d'en exercer toute 1'autorité par la fupériorité de fon génie. Auflitöt que Charles eut appris la mort de Ferdinand, il prit le titre de Roi, contre toute forte de droits & de privileges: la Noblefle s'y oppofa; mais quoique Ximenes n'approuvat pas la démarche de Charles,il aflèmbla les nobles èk, malgré le cri de Ia nation , qui reclamoit les droits de Jeanne, il fit proclamer Charles Roi de Caftille. (3) Charles brüloit de partir pour 1'Efpagne ék regrettoit Ie féjour de Bruxelles: d'ailleurs il étoit encoreretenu par les affaires des Pays-bas. Pour qu'il n'auroit rien a craindre du cöté de la France, il fit avec Francois un nouveau traité qui fut figné a Noyon, par Iequel le mariage de Charles avec Louife, fille de Francois I, au lieu de Rénée, fut arrêté. Son pere lui lonna pour dot les droits de la France fur la couronne de Naples. Si Louie mouroit avant la célébration, Charles devoit époufer la fceur cadette, qui ïaitroit, ou s'il ne naiflbit point de fille, il épouferoit Renée; il fut convem que Charles payeroit cent mille écus par an, pour Pentretien de la Prin;eflè; qu'il reftitueroit dans fix mois, la Navarre a Plenri fils de Jean d'Alaret ék qu'après ce délai, les Francois pourroient attaquer ce Royaume, ans contrevenir au traité. (4) Cependant le Duc de Gueldres ne pouvant fupporter les loifirs de la paix, voit fuivi Francois I en Italië, a la tête de fix mille foldats. Le bruit de luclques hoftilités commifes par les Autrichiens fur les fronrieres de Guelire, le détermina a céder le commandement de fes troupes a Claude, Duc ie Guife ék a partir brufquement. II apprit a Lyon la célebre bataille de tfarignan: le regret qu'il eut de ne s'y être pas trouvé, lui caufa une mandie qui le mit a la mort ék le forca d'obferver la treve, du moins fur terre; ar fur mer la guerre n'avoit pas cefiè. La flotte des Frifons attachés au arti du Duc, infeftoit la Zuiderzée. Les Rebelles, fous la conduite de frand Pierre, donnoient la chaflè a tous les vaiflèaux, ék jettoient impi>yablement a la mer tous les Hollandois qu'ils prenoient. Ce Corfaire pre-  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 445 noic le nom de Roi de la mer & de Souverain de la Zuiderzée (j) Charles envoya contre ce brigand, Florent d'Yflèlftein, Amiral de Hollande, qui refPerra fa flotte dans le port de Workum, ék fit pendre foldats & matelots; il deftinoit le même fort au Roi de la mer, mais il fe fauva. Le Duc de Gueldres ne voulut pas être en refte de cruauté,il s'empara de Niewport, le brüla tk ne fit grace a aucun habitant. Le Stadhouder défendit aux villes toute treve avec ce Prince, ék fit trancher la tête a plufieurs gentilshommes de Gueldre, fous prétexte d'avoir fourni des vivres aux troupes du Duc. (2) De fon cóté, Henri de Naflau a la tête de fix mille hommes d'infanterie Hollandoife ék de mille chevaux, porta la dévaftation dans la Veluwe, jufques a Arnhem, livrant tout aux flammes fur fon paflage, ék emportant un immenfe butin. Francois I tenta inutilement de faire la paix entre le Duc de Gueldres ék le Roi de Caftille: il obtint une treve que le Duc rompit encore; il fit femblant de renvoyer la bande noire; mais par fon ordre ces brigands, au nombre de trois mille, traverferent la Frife, ravagerent la campagne , reprirent Dockum, (3) s'embarquerent fur le Kuinder, faccagerent Medemblik, ék n'ayant pu venir a bout du chateau, brülerent Opperdoes ék Twisk, forcerent Midwoude a fe racheter, (4) mirent en cendres Berckhout, Avenhoorn , Urfem, faccagerent pendant huit jours Alkmaar, oü les habitans de la campagne avoient porté leurs effets. Egmond, Beverwyk, Sparendam, furent ravages. Us remonterent par Utrecht, paflèrent la Leek a Cuilenbourg, prirent Afperen, ék paflèrent les habitans au fil de Pépée. (5) Henri de Naffau, qui jufques alors avoit été trop inférieur en forces pour les attaquer , s'étoit contenté de leur couper la retraite, ce qui n'avoit gueres fervi qu'a changer leur direcfion; mais ayant mandé le quatrieme hommede toute la Hollande, il marcha contre eux, les forca de rentrer dans la Gueldre, acheva la dévaftation de la Veluwe, inveflit Arnhem oü fe trouvoit le Duc, ék qui,craignant d'être fait prifonnier, capitulaék promit de figner la paix, dont les Plénipotentiaires, par la médiation de Francois I, avoient drellè le traité ■ i\ Utrecht. Les principaux articles étoient la renonciation du Duc de Gueldres a fes prétentions fur la Frife, excepté fur Groningue ,1a remife des titres ék papiers concernant la propriété des villes ék villages, le rappel des troupes étrangeres dans fix femaines: par le'5e article, le Roi s'obligeoit de payer au Duc pour fa cefiion, cent mille écus. (6) Dans le tems qu'on fignoit la paix, Grand-Pierre étoit bloqué dans le port de Bunfchooten. Ce chef de pirates s'étoit relevé de fa défaite, ék croifoit dans la Zuiderzée: la crainte engourdifibit tout: le Commerce étoit interrompu. Le Stadhouder afièmbla les députés des villes: on arrêta d'armer la flotte la plus confidérable fous le commandement d'Antoine de Fleteren: elle fut prête en moins d'un mois: Grand-Pierre fe retira a Bunfchooten, perdit la plupart de fes vaiflèaux ék fe fauva par terre. Les querelles éternelles des Trajeélins avec leurs Evêques, ék furtout la (1) E. Beningh. Hift. d'Ooft - frife L. III, c. 97. (O Recueil de? Placards de Holl. (3) E. BerJnjj. Chron. Ai Frife. (4) Grande Chron. Div. XXXII. 46. (5) Pont. Hift. Gelr. (6) Petit Chrjn. de Holl. T. I. L. VIII. Kkk 3 Hijl. de Hollande. 1482-1555. Le Duc s'empare cle Niewport, Ravages & ir'uauUs reciproques. Treve avec la Gueldre rompue. Briganda$es de li bande noire. La Frife ravagée. Saccage d' Alkmaar.. ÉT" de plufieurs villes &ƒ cldteaux. Les Ennemis repas(és dans la Gueldre. Traité de Défaite dl* Irand- Vierre. Affaires d'Utrecht.  Sect. V, Uiit. de Hollande. I432-155; Philippe a Bale refigne [on Eviché. Philippe bdtard de Bourgogne lui fuccede £? l'Arch duc fe fai déclarer Avoué. Le Roi dt Caflille part pour f Efpagne. Ligue con tre lui. Il efl repi avec tranj port, Ingratitudt du Roi envers Ximenes. Mort de ci Miniflre. 15 '8. Charles déclaré Roi, conjointementavec Jeanne. 446" HISTOIRE DE HOLLANDE facilité que la bande noire avoit eue de s'échapper par Utrecht, déterminérent 1'Archiduc a fe rendre maitre de cette ville. (k) U profita du defir .. q« avoit Philippe de Bade, de réflgner un Evêché qui ne lui avoit donné . que des chagrins. II détermina Philippe, batard de Bourgogne, d'entrer e dans les ordres, avec une difpenfe, que 1'Archiduc acheta douze mille ducats de Léon X. On confirma les privileges de la ville, excepté celui de 1'exemption des péages. Philippe fut inflallé & Charles accepta Ie titre d'Avoué d'Utrecht; titre dont Pavantage couvrit Pinfériorité. (2) ■ Enfin les prieres réiterées du fage Ximenes, les confeils de Maximilien, Pimpatience ék les murmures des Efpagnols, déterminerent Charles a partir! . Avant lbn départ, il remit a Marguerite de Savoye, fa tante, ék a un Conï feil qu'il lui nomma, le gouvernement des Pays-bas, Le Roi de Caflille fut accompagné par un grand nombre de Seigneurs Flamans ék Allemans, quoique Ximenes lui eut bien recommandé de n'en amener que Ie moins qu'il pourroit; fa fuite étoit compofée de foixante Gentilshommes de fa maifon , cent Gardes a cheval ék trois cens Officiers ou Domefliques. La flotte Efpagnole fut jointe par la flotte Hollandoife ck Zélandoife, que Chievres ' avoit armée. (3) A fon arrivée, le peuple, a qui Don Pedro Giron avoit , perfuadé que Jeanne, a caufe de fa démencc, incapable de gouverner, ne . pouvoit pas tranfmettre un droit qu'elle ne pouvoit pas exercer, étoit pret a fe révolter; mais a la vue de fon pavillon, ce même peuple fe mit a genoux ék reconnut fon maitre. Charles débarqua a Villa-Viciofa. Le vertueux Ximenes, accablé dage •ék d'infirmités, alla au devant de lui jufques k Aranda, oü il fut arrêté par une maladie férieufè. II écrivit au jeune Monarque pour 1'engager a lui accorder une entrevue,qu'il jugeoit indifpenlable:les Flamans ék furtout Chievres, qui craignoit que ce grand Miniflre ne deffillat les yeux du Roi, Pen détournerent. Ximenes lui écrivit encore pour le fupplier de renvoyer les étrangers qui formoient fa cour, pour lui repréfenter les maux qui affligeoient FEfpagne ék lui indiquer les moyens de les prévenir: mais Charles fafciné par fes favoris, répondit froidement a ce grand homme, par quelques témoignages vagues d'efiime, ék par le confeil d'aller finir tranquillement fes jours dans fon diocefe. Ximenes, qui s'étoit expofé a tant de dangers pour étendre les bornes de 1'autorité Royale, frappé de 1'ingratitude de fon nouveau maitre, ne furvécut que quelques heures a la leélure de cette lettre: il mourut agé de plus de quatre-vingts ans, après un mim'flere de vingt mois, pendant Iequel il s'acquit une réputation immortelle. (4) Charles fut déclaré Roi, quoiqu'il n'y eüt point d'exemple qu'un Prince du vivant de fon pere ou de fa mere eüt ofé prendre ce titre. Les Etats exigerent cependant qu'il regnat cenjointement avec Jeanne ék que dans tous les aétes, le nom de la Reine précédat celui de Charles. Le nouveau Roi éprouva bientót le mécontentement des Caflillans, excité par la préférence qu'il donnoit fur eux aux Flamans, par Pavidité de ceux-ci O) Math. Ann. in Phil. Burgund. (2) Chart. Maj. Eccl. in Math. Ann. T. I. (3) H>n- gén. des Prov. Unies T. IV. L. XI. (4) Marfolier Vie de Ximenes. Plechier Vie du Card. Ximenes. Voyez le bel éloge que Robertfon fait de ce Miniftre. Hift. de Charles V. T. III. p. po. fupr, Tom. 29. p. 4.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 447 & furtout de Chievres, donc Pavarice terniflbic les belles qualités. Bénéfi- h ces, Graces, Emplois, tout fut mis aux encheres. En moins d'une année H onze cens mille ducats paiTerent dans les Pays-bas, (1) föns compter les l_ fommes que Ximenes avoit envoyécs a Charles avant fon départ. Ces dépré- A dations ék ia nomination de Croï, neveu de Chievres, a 1'Archevêché de F Tolede, révolterent les Efpagnols. Le Roi n'écouta point leurs plaintes; ^ les villes fe confédérerent: heureufement Charles avoit envoyé en Allemagne auprès de Maximilien, Ferdinand fon frere , qui eut pu profiter du mécon- ü tentement général, d'autant mieux qu'il -étoit fort aimé des Efpagnols, ék que Ferdinand n'ignoroit pas qu'on avoit forcé le Roi d'Arragon a révoquer le teftament qu'il avoit fait en fa faveur. (2) Les Arragonois ék les Catalans ne fe montrerent pas plus favorables aux pétitions de Charles, que les^ Castillans. Alors fe forma PUnion des communes, qui devint enfuite fi fi redoutable. (3) Dans ces circonftances arriva la mort de 1'Empereur Maximilien; événement qui, par fes fuites, devient une des époques les plus remarquables dc 1 Phiftoire. On peut voir dans les volumes précédens (4) les détails de la l eoncurrence de Charles V ék de Francois I a PEmpire, les intrigues de leurs \ agens auprès du College Eleétoral, les raifons que les Eleéteurs firent valoir 1 en faveur du Prince qu'ils protégeoient, 1'Eleétion de Charles, fon Couron- < ncment ék les guerres que la rivalité de Charles ék de Francois 1 excita dans PEmpire. (5) Le Comte Palatin a la tête d'une Ambaifade folemnelle alla < en Efpagne, porter la Couronne Impériale a Charles, qui fe difpofa a partir 1 pour PAllemagne. Les Efpagnols s'y oppoferent: les Subfides extraordinaires ( qu'ils avoient déja accordés, engloutis par les Flamans, laiflèrent le Roi prefque fans reifource: il fit de nouvelles pétitions; elles augmenterent les murmures, mais elles eurent leur effet par Padrefiè de fes Miniftres. La fer- 1 mentation devint fi générale, que tous les étrangers auroient été maflacrés a ^ Valladolid, fi Charles ne s'étoit échappé a la faveur d'une tempête. (6) Enfin il quitta 1'Efpagne ék la laifia dans le trouble ék dans Panarchie. 11 avoit donné la régence au Cardinal Adrien; mais, quoiqu'il eüt conféré la Vice- ] royauté d'Arragon a Don Juan de Lanofa , ék celle de Valence a Don Diego j Mendoza, tous les deux Efpagnols, le choix d'Adrien n'en caufa pas moins «Findignation. 1 Charles prit terre a Flefiingue : la pefte qui ravageoit PAllemagne, oü les Eleéteurs, impatiens de 1'Interregne, 1'attendoient, prolongea fon féjour h Bruxelles, oü a peine eut-il le tems de jetter un coup d'oeil fur les maux ^ que les Pays-bas avoient éprouvés pendant fon abfence: car a peine Charles fut-il parti pour 1'Efpagne, que le Duc de Gueldres excitant les pirates l a de nouvelles courfes, onze vaiffeaux furent enlevés par Grand-Pierre a la ' vue de Hoorn èk plus de cinq cens Autrichiens tués ou jettés a la mer; la ^ flotte des Ofterlingues fut mife a contribution. Tel fut le premier effet de ; la proteétion qu'il avoit promife aux Frifons. La valeur des habitans de (1) Robertfon ubi fupr. (O Pierre Martyr. Epif. 608. (3)' Robertfon , Hift. de Charles V. T. III. pag. 100. (4) Voyez dans cette Hift. Univ. 1'Hiftoire d'Efpagne, d'Allemagne, de France. Tom. 29. p. 7. &c. Tom. 31. p. 30. & feq. & Tom. 40. p. 374. &c. (5) Robertfon. T. III. p. 101-143, (6) Idem. ubi fupn &. il}. de ollande. ^2-1555- 'viiitè des 'nmans. Ik revolte s Ef;>a* nols. Union itit ummunes. Mort de 'Empereur \i.xhniitn. livalité de :rahfois I f de Ckar. es V. Charles "Autriche egoit la Zowonne Impériale. II part. Dangers iue courentr és Flamans. Indignaion des Eftagnols■ontre la Régence C Adrien. 1520. L'Empeeur arrivé' Bruxelles. Maux eut <: Duc de rueldres voit faits- laHolmde.  Snor. V Hift. de Ilollnndi 1482-15. Héglemi qui fixe Les taxes des ville. üifputss fiir le dro 4'emrepót, Fermeté u Wyngaarden, Son zele pour la F-eligion. Progrès dt Luther. F.rafine lui opyofe fa modération. Lettre d'Etafme , qui mécontenie les deux partis. 448 HISTOIRE DE HOLLANDE rlfflv/?*? 1C,Ur Vi!le' , La difette d'arSent nettoic lc Stadhouder dans Ifl* '. P^lblke de fa, rejettoient tout le plids £ ÏÏ pèdl . vil e D aileurs la crainte d'une interruption totale du Commerce ca tule par lentreprife de Chriftiern II, qui avoit fait arrêter tous les vaifeaux du Sund, dont la plupart étoient Hollandois, fous prétexte que ChXnW pas payé la dot d Ifabelle d'Autriche, fa fceur? épouCe ^ r0Tl qZZ marck etoit diffipée par 1'arrangement de cette affaire. <» imux DÏufrSl T !fr -S JWHS dentrePóc> furent la caufe indirecte de SrteS J r TraJcftins Prétendoient être exempts des droits d'en- chaffer Wyngaarden de la ville; il y rentra paria proteétion ?AdS, mat epoudle de fa place. Ce Magiftrat, zélé défenfetir de la Religion CaSo E £-°mf C,/VQ^ JüfqUeS a,0rs écané de ces Provinces, la nSuvelle doctrine deja repandue dans une partie de PAllcmagne. (*) Le célebre ?Sinf ^rsConf;iller d'E"' de PArchiduc,Savoit d^onné a la Hoü nde l exemple d une modération qui eüt épargné bien du fang, s'il eut été S ck fi d un autre cöté le fanatifme n'eut pas trouvé des deibotes. * Luther voyoit tous les jours augmenter le nombre de fes difciples • il comptoit parmi eux le favant Melanchton & Carloftadt; il e%a Emfme qu. jomftou alors de la plus grande reputation il lui fit éerfrepa Melanch on 1 lui adrefta lui-même la lettre la plus propre a flatterTvani te Erafme lui répondit avec modeftie & 1'exhorta k dompter fa colere a ne pas deshonorer la cha.re de vérité, par des inveétives contre les Princes & contre les Papes, mais de foudroyer les abus que ceux qui les entouren font de la confiance & de la faveur de leurs maitres; d'éviter les défauts dc la plupart des predicateurs, qui n'annoncent aux peuples que des fables ék ne leur parient que de quêtes. Les uns trouverent cette Lettre trop douce & favonfant les dogmes de Luther; les autres la jugerent trop forte & Tome cn faveur des fuperftitions monacales. Tant il eft vrai que, Iorfque le fanatS me agite les efpms, la modération ék la fageftè nc produfent que Ie refibiv timent des deux partis. EEJeéteur de Saxe°écrivit a Erafme & Pe^gea cte lui „5?nBra"d D5fcript- d'Enkhuifen. f» Vc-üus Defcript. de Hoorn fal Bever, vvyk Defcnpt. de Dordrecht. Riemer Defcript. de In IW. UJ neVlÏL^d^JvTS Véc^e™>™°™ d'Allemagne, de France, &c. 1'origi- don?i^&wnaa^' Nous a en parIolls ici que teIarivement ™x P»vtac«  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 449 lui dire fon avis fur les écrits de Luther. Erafme s'excufa fur cc qu'il ne les avoit pas lus; mais qu'il croyoit qu'on favoit traité avec trop de rigueur & que la voie de la douceur eüt produit un plus grand bien. Les ennemis de Luther vouloient 1'engager a écrire contre lui; il s'en défendit, ne croyant pas qu'il dut attaquer un homme mordant & cmporté. (1) Erafme conferva toujours les mêmes fentimens. On les retrouve dans fes Lettres a Clément VII, a Melanchton, a qui il reproche d'avoir renoncé aux belles lettres, pour fe livrer a des difputes fiïvoles,& enfin dans fa Conférence fur le libre arbitre, ouvrage dans Iequel il combat les opinions de Luther, fans parler dc fa perfonne. L'éclat qu'avoient fait les thefes que Luther avoit fait foutenir dans PUniverfité de Wittemberg, la réfutation deTetzel, les conférences de Luther avec Cajetan ét Miltitz, de Carloftadt avec Eckius, ék la doctrine de Zwingle, exciterent la curiolité des Pays-bas. On y connoiflbit depuis les Croifades, (2) le trafic des indulgences: on n'avoit jamais difcuté ces matieres; on voulut favoir a quoi s'en tenir. Les négocians firent venir par leurs correfpondans, les écrits des doétcurs Allemans ék ces écrits devinrent un objet de commerce. On s'inftruifit ék Pon prit parti. Le Comte d'Embden admit la nouvelle doctrine. Déja une grande partie de 1'Oofi-Frife étoit Luthérienne. (3) Thomaszoon ék Wyngaarden, l'un Bourguemefire ék 1'autre Penfionnaire de Dordrecht, la repouffoient ék propofoient par un excès condamnable de zele, les moyens les plus violens de 1'extirper, lorfque Wyngaarden fut exilé. Alors les livres fe répandirent avec profufion , ék la corruption, le fade ék 1'ambition du clergé, qui depuis longtems révoltoient les peuples, firent recevoir la Réforme avec emprefïèment. L'Evêque d'Utrecht, Philippe de Bourgogne, Prélat plus pieux que favant, difoit hautement que le grand nombre des fêtes les rendoit moins facrées; que 1'excès des richeflès étoit pour les Evêques ék pour les Prêtres une occafion de luxe ék de mollefiè; qu'il falloit exclure de la prédication les religieux mendians, gens pour la plupart ignorans ék grofiiers, ék ne la permettre qu'a des prêtres connus par leur favoir ék par la pureté de leurs mceurs; que le mariage permis aux eccléfiafiiques étoit le moyen le plus affuré de mettre un frein a cette incontinence qui favoit indigné, furtout a Rome. Avec ces principes il ne fe donna pas beaucoup de foins pour repouflèr le Luthéranifme de fon diocefe: auffi y fit-il des progrès trés rapides. (4) Le couronnement de 1'Empereur, les fêtes magnifiques qu'on lui donna, les égards que Charles avoit pour 1'Eleéteur de Saxe, aqui il devoit PEmpire, que ce Prince avoit fi généreufement refufé, faciliterent la propagation de la doctrine de Luther dans les Pays-bas. Tandis que les difputes de Religion agitoient PAllemagne, la guerre défoloit la Hollande. Dans le tems que Charles ék Francois I concouroient pour PEmpire, le Roi de Caftille pour öter tout prétexte a la guerre, avoit engagé Marguerite a renouveller la treve avec le Duc dc Gueldres; elle fut fignée le 24 Février 1519, (5) avec fort peu (O Racine Hift. Eccl. T. VIII. Art. IV. §. VII. (2) Commel. Defcripr. d'Amft. (3) E. Beningh. Hift. d'Ooft-fr. L. III. c. 225. (4) Gerard Novioc in Philip. Bur- guad. Brand. Hift. de la Réforme. (5) E. Beningh. Chr. de Frife. Repert. des Phcards de Hol!. Tome XLIII. Lil Hifi. de Hollande. 1482-1555. II refufe d'écrire contre Luther. La Réforme péii'tre dans les Paysbas. Caufes de fes progrès. IFyigaardm veut 1'extirper. L'Evêque d' Utrecht tolere la Réforme en partie. La guerre défole la Hollande.  Sect. V. Hift. de Hollande. 1482-1555. La Zuiderzée eft infeftee par les pirates, Le Dannemarck renouvellé fes traités avec la Hollande. 1521* Luther au chdteau de Warbourg. Edit de li Empereur contre Luther, LaSorbonne 6f Henri VIU écrivent contre lui. JJEdit pull ié dans les Pays-bas. Exécutions des contrenenans. (1) Pont Hift, Gelr. L. XI. CJ2) Hift, gén. des Prov. Unies T. IV. L. XI. (3; Sleidan L. III. Cochl. ad ann. 1521. (4) Hift. gén. des Prov. Unies, ubi fupr. (5) Erafini Epift. ad Luth. L. VI. ad Melancht. (6} Hift. gén. des Prov. Unies ubi fupr.. 450 HISTOIRE DE HOLLANDE de difpofitions de 1'obferver, de la part du Duc. La Zuiderzée n'en fut pag^ moins infeftée par un corfaire Gueldrois, qui fut pris fur les cötes de Frife ék pendu a Slooten,(i) ékpar lesLieutenans du Grand-Pierreretiré a Sneek. L'enlevement fait par les Danois des vaiffeaux qui revenoient de la pêche du hareng, fembloit annoncer un orage du cöté du Nord; mais la prudence du Grand Amiral Plollandois Ie conjura. Un batiment Danois s'étant écarté de la flotte, un prifonnier Zélandois eut le courage de forcer les matelots par fes menaces de le reconduire \\ Vcere. Sommelsdyk, au lieu de protéger (It fuite, le fit arrêter, répara le batiment Danois, habilla Péquipage ék le renvoya a Coppenhague, avec le prifonnier ék des Ambafladeurs pour réclamer les prifes. Le Roi de Dannemarck fenflble a un procédé fi? noble, fit tout rendre ék renouvella les traités avec la Hollande. fk) Cependant le Pape lancoit fes foudres contre Luther, qui vomiffoit des imprécations contre Rome 'ék le Pape. Tandis que Frédéric, qui, pour le fauver, Pavoit fait enlever fecrétement, le retenoit dans le chateau de Warbourg, ék que fes feéfateurs accufoient les prêtres de Pavoir affafliné, (3} 1'Empereur préparoit 1'Edit qui fut public le 8 Juin 1521, par Iequel il tient Martin Luther pour hérétique obftiné èk notoire , veut que tout le monde le reconnoifle pour tel, fait défenfes fous peine de Leze-iVIajefté de le fecourir, protéger ni défendre, enjoint aux Princes qui le trouveront dans leurs Etats de 1'arrêter èk 1'emprifonner, de pourfuivre fes adhérens èk fauteurs, défend de garder ni lire aucun de fes ouvrages, ordonne aux Magiftrats de les condamner au feu, èk fait défenfe d'imprimer, vendre ni débiter aucun livre en matiere de foi, fans la permifiion de Pordinaire èk 1'approbation de 1'univerfité la plus proche. (4) La Sorbonne ék Henri VIII, Roi d'Angleterre, écrivirent contre Luther qui, du fond de fa retraite, faifoit face a tout, traitant la Sorbonne de furieufe èk Henri de théologien ignorant èk de Prince imbécille. (5) L'Empereur fit publier fon Edit dans les Pays-bas, fans en prévenir les Etats, qui dans le moment ne firent aucune attention a cette infraétion de leurs privileges. Marguerite chargée de le faire exécuter, en donna la commiflion a van der Hult, qui cita devant lui les fauteurs de la réforme. Le placard portoit peine de mort contre les hérénques ék ceux chez qui on trouveroit des livres, èk promettoit aux délateurs le tiers de la confifcation. (6) Jean Bakker, prêtre de Woerden, accufé d'avoir diflribué la traduétion du Nouveau Teftament de Luther, fut pendu èk brülé a la Haye. II y eut d'autres viétimes du zele intolérant de Charles a Leide, a Harlem, h Amfterdam, a Muiden, a Ruppelmonde èk a Amersfort. Ce zele de Charles contre Luther, avoit pour objet de fe concilicr Ie Pape èk de Penlcver a Francois I. Charles étoit plus occupé de la guerre prête a éclater entre fon rival ék lui, que des difputes théologiques. Elle étoit fur le point de s'allumer dans la Navarre, dans les Pays-bas èk en Italië: il falloit ménager 1'Angleterre èk le Pape. Francois foutenoit le Duc  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 451 de Gueldres, qui avoit dédaigné fa citation a la Diette de Worms. La Diette avoit lancé un clécret, qui ordonnoit a Roggendorf de quitter la Frife avec les troupes du Duc & les Princes promirent de foutenir leur décret par les armes. Un combat naval que 1'Amiral de Hollande Sommelsdyk gagna dans les mers du Nord, étonna le Duc, qui parut plus traitable, mais non moins a craindre. (1) Charles Quint & Francois I n'attendoient que Poccafion de faire éclater leur haine; mais chacun craignoit de paffer pour Paggrelfeur. Par le traité de Noyon, Charles s'étoit engagé de reftituer la Navarre dans fix mois, paffé Iequel tems, les Francois pouvoient attaquer ce Royaume, fans manquer au traité. Le refus de Charles autorifoit donc les Francois a ravir ce Royaume ufurpé. Francois I, pour éviter tout reproche de la part de 1'Empereur, fit faire les premières hoftilités, fous le nom de Plenri d'Albret. (a) Henri de 1'Efparre, frere du Comte de Lautrec, fe rendit en peu de jours maitre de ce Royaume ék ne fut arrêté que par le fiege de Pampelune, dont les fortifications commencées par Ximenes, n'étoient pas achevées. Cette place ne tint pas longtems; (*) ék fi 1'Efparre s'en étoit tenu h cette conquête, la Navarre étoit perdue pour 1'Efpagne: mais il eut 1'imprudence d'afliéger Logrogno, petite ville de Cafiiile. Dès ce moment les Efpagnols qui prenoient peu d'intérêt a la Navarre, fe réunirent en faveur de leurs foyers, forcerent 1'Efparre d'abandonner le fiege, le pourfuivirent, èk le jeune téméraire, au lieu de iè retirer fous le canon de Pampelune èk d'y attendre les troupes qui devoient Ie joindre, livra bataille a l'armée Efipagnole fort fupérieure a la fienne, èk, après un combat opiniatre, les Francois taillés en pieces furent obligés d'abandonner leur conquête. (3) A peine cette guerre fut-elle terminée, que le feu préparé par Francois I s'alluma d'un autre cöté. Robert de la Marck, étoit Duc de Bouillon, petite Principauté indépendante fur les frontieres du Luxembourg ék de la Champagne; fous prétexte que le Confeil Aulique avoit attenté aux droits de fa Souveraineté, dans un jugement rendu en faveur du Comte d'Aymeries, contre les fils du Prince de Chimay, qui avoient été maintenus par les juges de Bouillon dans la propriété de la petite ville d'PIierges, il quitta le fervice de Charles èk demanda la proteétion de Francois. (4) Ce Monarque profita du reflentiment du Comte èk lui promit de le foutenir. Robert envoya cn même tems un Héraut déclarer la guerre a 1'Erapereur ék Fleuranges faire le fiege de Vireton, (5) tandis qu'avec une armée levée en France, en " (O Petit Cliron. de Holl. T.I,L.VIII. (s) Robertf. Hifi. de Charles V. T. III, p. 289. (*) Ce fiege eft méraorable par la bleffure qu'y recut Ignace de Loyola, Gentilhomme Bifcayen. „ Dans le cours d'un long traitement Loyola ne trouva, pour charmer fon „ ennui, d'autre amufement que la leéture des Vies des Saints. L'irnpreffion que cette ,, leéture fit fur fon efprit, naturellement porté a 1'enthoufiafme &, en même tems, ambi„ tieux & entreprenant, lui infpira un violent delir d'égaler la gloire des héros fabuleux de ,, 1'Eglife Romaine: ü fe jetta dans les aventures les plus extraordinaires & les plus bifar. ,, res, qui aboutirent enfin & 1'inftitution de la Sociétë des Jéfuites, celui de tous les Or„ dres monaftiques.qui a été le plus politique & le mieux gouverné, & qui a fait le plus „ de bien & de mal au genre humain." Robertf. Hift. de Charles V. T. III. L. 2. (3) Ant. di Vera Vit. Car. V. (4) Robertf. Hift. de Charles V. T. III. p. 293. Hift. gén. de» Prov. Unies T. IV. L. II. (5) Daniël Hift. de France dans Franc. I. Lil a Hifi. de Hollande. 1482-1555. Le Duc de Gueldres èprouvequeUques revers. Commencement des guerres entre Francois I. 1'Empereur. Les Francois envahijjent la Navarre. Siege de Pampelune. Les Ejpx- gnols reprenneni la Navarre. Robert de la Marck jmtenu par Franpois I. Déclare Ia guerre en Jon nom cï 1'Empereur.  Sect. V. Hifi. de Hollande. 1482-155; Fratifois te dejavou lui foui nit des troupes. AMiatio infrutliieu Je du Roi d'Angleterre. HoJHlitèi de i'Enipe reur. Bayard eblige lesimpériauxd'abandonner le jieg< de .\lezieres. Succes de: Fratifois. Congrès d, Calais. La pc. li£f le commerce de lc, Hollande tfdeC/ln gieterre ajjurés. Partie dl poids de la guur re fupportee par i, Hjtllanie. (O Robertfon Hift. de Charles V, T. III. (2) Hift. de Eraofois I. par M*. Gaillard. Daniël, Mezerai dans Francois I. (3) Ryrner AA. Publ. Angl. T. Vf.. Rapin Thoyr. Hift. d'Angl. T. V,. L. 20. (4} Robertf. ubi fupr. 452 HISTOIRE DE HOLLANDE apparence contre les ordres du Roi, il dévaftoit le plat pays. Charles vit bien d'oü le coup partoit, il ne diflimula pas, il fe plaignit de cette infrac- , tion au traité de Noyon & réclama le fecours de Henri VIII; mais Francois i prétendit qu'il n'étoit pour rien dans cette guerre, que Robert combattoit en fon nom ék pour fa querelle ék que c'étoit contre fon aveu qu'il avoit * levé des troupes. Henri s'offrit pour médiateur: Francois, pour ne pas blef- 'Ter le Roi d'Angleterre, répondit qu'il acceptoit avec plaiiir la médiation d'un Roi fon allié ék fon ami, quoiqu'elle fut inutile, puifqu'il n'avoit aucune j intention de faire la guerre. Le Stadhouder de Hollande avec les forces des Pays-bas, entra dans le Duché de Bouillon ék s'empara de toutes les villes, excepté dc Sedan, que Fleuranges, fils ainé de Robert, défendoit, ék s'avanca vers les frontieres de la France. Charles lui ordonna d'afliéger Mouzon , qui fe rendit par la la- ' cheté de la garnifon. Naflau inveflit Mezieres, dont la prife eut ouvcrt la Champagne a Parmée Impériale; mais le Roi qui connoiflbit 1'importance de cette place , en avoit confié la défenfe au brave Bayard, qui obligea les Impériaux a lever honteuflemcnt le fiege,après y avoir perdu beaucoup de tems ék de monde. Francois parut a la téte d'une armée nombreufe, reprit Mou- 1 zon, s'empara de Bouchain, Bapaume, Landrecies ék les démantela. Cette campagne fut bien funefte a la France, par le dégout que Francois donna au Connétable de Bourbon, en lui préférant pour le commandement dc Pavantgarde, le Duc d'Alencon. (1) , Les conquêtes de Francois 1 furent fufpendbes par Ie congrès inutile , que Ie Roi d'Angleterre avoit aflèmblé a Calais. Wolfey qui afpiroit a la Thiare ék qui gouvernoit 1'efprit de fon maitre, crut trouver dans 1'Empereur un appui plus favorable a fes vues ambitieufes; il engagea Henri VUI a déclarer que Francois étoit 1'aggreflèur, ék que par conféquent il devoit, conformément au traité de Londres, fe lier avec Charles contre Francois. (2) Wolfey rompit le congrès , après avoir fait figner une treve pour afiurer la pêche ék le commerce de la Hollande ék de 1'Angleterre. II fe rendit I Bruges ék conclut au nom de fon maitre une ligue entre PAnglecerre, le Pape ék 1'Empereur contre la France. (3} Chipvres étoit mort du chagrin, dit-on, qu'il concut du myftere qu'on lui avoit fait do traité conclu par D. Juan Manuel, entre Léon X ék 1'Empereur ék des maux auxquels il prévit que fa patrie alloit être expofée. (4) Ces maux commencoient déja a s'y faire reflèntir. La Hollande fupporta une bonne partie du poids de cette guerre. Elle avoit été toujours malheureufe dans fes querelles avec la France, ék elle voyoit avec peine que pour des 'haines étrangeres, elle alloit être expofée au reflèntiment de cette Puifiance. Le Stadhouder, Henri de Naflau, obligea les vaflaux de monter a cheval, ék les villes furent chargées de fournir leurs milices. La feule contribution de Ploorn fe monta a 187 foldats, armés ék équipés; on permit de mettre, pour les. entretenir, une accife fur la. Hollande ék la Weit - frhè,  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 453 d'un groet par chaque tonneau de bierre 6c de dix groots par chaque barrique de vin. (1) . Le Duc de Gueldres étoit trop aétif pour ne pas profiter des circonftances. 11 parcouroit la Hollande déguifé ck en vifitoit exaétement les frontieres. La ven te du péage d'Utrecht, iaite par les Evêques aux habitans de Campen, < occafionna des querelles favorables a fes deflèins. Les fraudes des négocians • engagerent la Régence de Campen a tranfporter lés bureaux a Zwol. Les' habitans de cette derniere ville s'y oppoferent. Cette difpute étoit en voye d'accommodement, lorfque le Duc de Gueldres propofa a ceux de Zwol, de mettre leur ville fous fa proteétion. Dès ce moment il déclara la guerre aux fujets de PEvêque, (2) qui ne pouvant arriver que par la Zuiderzée, étoient expofés a de trés grandes dépenfes ék a manquer leurs opérations, tandis que le Duc de Gueldres faifant tout venir par terre, les dévancoit toujours ék faifoit la guerre heureufement ék a peu de frais. Les peuples de 1'OverylTèlvoulant mettre fin a cette guerre, confentirent que le Duc garddt ce qu'il avoit conquis. Par cet accord, le Duc fe trouva maitre d'un port fur la Zuiderzée. (*_) Le Stadhouder enjoignit auflitöt aux villes de Hollande, dc pourvoir a leur füreté, (3) ék envoya garnifon dans quelques-unes: le Duc ne tarda pas a faire des uétes d'hoflilité: fes armateurs, joints aux mécontens de Frilè, mirent a contribution les ifles de Texel ék de Wieringen, ék cette efcadre s'étant renforcée enleva une flotte marchande qui revenoit de la Baltique. (4) La ligue formée entre le Pape ék 1'Empereur avoit eu Ie plus grand fuccès en Italië ; Ia politique de Léon X , qui s'étoit déclaré contre Francois I; les hauteurs de Lautrec; la vengeance qui animoit Louife de Savoye, mere du Roi, contre ce Général; la défeckion des Suifies, avoient rendu les Impériaux maitres de Milan. Léon X mourut; Wolfey èk Médicis afpiroient a la Papauté. Wolfey comptoit fur les promeflès de Charles, qui fit nommer Adrien, fon ancien précepteur, fils d'un pauvre brafièur d'Utrecht, dont les talens ék le mérite,s'ils étoient au delfus de fa naiflance, furent inconnus me» • me a ceux qui le nommerent, ou du moins méprifés des Romains qui infulterent les Cardinaux en fortant du conclave. (5) Wolfey diflimula encore fon i chagrin; l'aye. T. I. L. VI. (4} Heda Hift. Pontif. Traject, in Phil. Burguud. (5) Belief. Ep. Guich. L. XV.. Hijl. de Hollande. I4Ü2.T555. Inondation. 1524. Le Duc'de Gueldres déuafle la Mairie de Bois-leDuc. Emeute £ la Ha-je. Appaifée par la fageffe du Stadhouder. Mort du Pape Adrinn VI. Découverte' de la conjuration du Connétable ie Bourbon. Ligue con',re la Franie.  Sect. V. Hifi. de Hollande. 1/582-1555. Situation de Francais 1. Prifonnier a Pavie. 1525- Ligue pour la liberté de Francois I. 'Alliance de la Franse de r Angleterre. Treve entre la Hollande la France pour le Commerce. Pétition de la Gouvernante. Chriftiern Jl anive en Zélande. 455* HISTOIRE DE HOLLANDE (1) Le Cardinal de Médicis lui fuccéda fous le nom de Clément VII. Les Anglois & les Impériaux avoient fait des tentatives inutiles contre la France; la vigilance de fes Généraux la fauva, ék fes ennemis furent partout repouffés. (2) Francois ne fut pas auffi heureux en Italië; obligé d'abandonner le Milanez, privé paria mort de Bayard, dun héros qui honoroit fon regne, chaffé des Etats de Genes, éblouï par fes fuccès en Provence, ék par fa conquête de Naples, il eft fait prifonnier a Puvie. Charles témoigna extérieurement la plus grande modération a la nouvelle d'une viétoire auiii peu attendue, (3) ék ne s'en livra pas moins aux projets les plus vastes; mais la grandeur de fon triomphe en fit craindre les confcquences a fes alliés même. Plenri craignit que la balance du pouvoir ne penchat trop en faveur du vainqueur; les Princes d'ltalie concurent la même crainte, qui bientót fe communiqua a tous les Souverains de PEurope. Wolfey, a qui Péleélion de Clément ne laiffoit plus aucun doute qu'il n'eut été trompé par 1'Empereur, lui aliéna entierement le cceur de fon maitre, qui éclata le premier. Ce généreux Monarque, peu de jours après 1'arrivée de Francois I dans fa prifon de Madrid, conclut avec la Régente de France, un traité d'alliancc défenfive ék promit tous fes foins pour tirer le Roi de captivité. (4) La conduite peu décente de Charles envers fon prifonnier indigna tous les Souverains, ék le traité de Henri fut bientöt fuivi d'une ligue entre le Pape, les Princes d'ltalie ék les Vénitiens dans la même vue. (5) Les Hollandois témoignerent la plus grande joie de la viétoire de leur Souverain. lis faifirent cette occafion pour conclure une treve générale avec la France, en faveur du Commerce interrompu par la guerre: les Etats députerent en Angleterre, Adolphe de Bourgogne pour traiter avec Henri ék la Régente. On figna une armiftice, qui devoit durer fix mois. Lc Roi d'Angleterre, le Duc de Cleves ék PEvêque de Liege furent compris dans le traité. Par un article fépare le Duc de Gueldres prorogea la treve pour un an. (6) La défeétion du Roi d'Angleterre rejettoit tout Ie poids de la guerre fur les Pays-bas. Marguerite fous ce prétexte, chargea Dorp de faire aux Etats une pétition de cent mille fiorins: cette fomme fut refulée. Dorp lè réduifit a quatre - vingts mille, ék ne fut pas mieux accueilli. Marguerite ne fe laffa point ék le Stadhouder , a force dc carelfes ék de menaccs, parvint a faire approuver la pétition par la Nobleffe ék par les Villes d'Amfterdam, Dordrecht, Harlem, Rotterdam, Schiedam, Hoorn, Enkhuifen ék Schoonhoven; mais elle n'obtint rien de Delft, Leide, Gouda, Oudewater, Alkmaar ék Gorinchem , que la crainte de la colere de 1'Empereur n'ébranla point. Ces villes refferroient leur argent pour fubvenir aux frais d'une guerre qu'ils voyoient prête a s'allumer contre les Danois. Le barbare Chriftiern II avoit perdu fes Couronnes; Guftave Ericzoon lui avoit cnlevé celle de Suede ék Frédéric de Plolftein, fon oncle, celles de Dannemarck ék de Norwege (O Guich. L. XV. 238. Paul. Jov. Vita Adriani. (2) Herben. Mem. de du Bellay. (3; Vit. del. Car. V. de Ulloa. (4) Rapin Thoyr. Hift. d'Angl. XIV. (5) Arit, de Vera Vit. Car.V. Guich. Hift. de Flor. Q6) Reigersb. Chron. de Zél. part. II.  OU DES PROVINCES UNIES, Llir, XXXIIL Sect. V. 457 ge. C1} Chriftiern avoit chargé un vaiffeau de toutes les richeflès qu'il avoit enlevées dans ces deux Royaumes, & la mer les engloutit; il aborda dans «me chaloupe en Zélande, en 152.3. L'Empereur dont il avoit époufé la fceur, lui donna un afyle dans le Brabant. Ceux de fa fuite firent le métier de pirates pour fubfifter; ils enleverent les vaiflèaux de Lubec. Les Hollandois ftipplierent Chriftiern de faire ceflèr des brigandages, qui ne manqueroient pas de faire révoquer la permifiion que le Roi de Dannemarck leur avoit donné de commercer dans les ports de Norvege, ék de leur fufciter la haine des Ofterlingues. Chriftiern promit; mais peu de jours après un armateur Danois, en vertu d'une permiflion de la Gouvernante, fortit d'Amflerdam, ék fit des prifes confidérables dans le Vlie. Les Hollandois s'en plaignirent a cette Princefle, qui répondit qu'elle avoit ignoré Pintention ék le départ de Parmateur. Celui-ci n'ayant pu obtenir de vendre fes prifes a Amfterdam , g'en défit a Goerée. Ceux d'Amfterdam demanderent qu'il leur fut permis, de faire le procés k Parmateur ék a ceux de fon efcadre. La Gouvernante refufa d'y confentir, ék fe contenta d'ordonner aux Danois de fortir de fes ports. Ils refuferent; le Bailli fut obligé d'ufer de force, pour les faire mettre a la voile; ils tomberent entre les mains des Hambourgeois, qui les firent pendre. (2) Les Ofterlingues demandoient la reftitution de quelques vaiflèaux qui avoient été pris dans les ports de Zélande ék d'Anvers. II y eut des négociations ouvertes; les Zélandois ék les Brabancons n'envoyant point des députés, la Gouvernante s'engagea d'obliger ces Provinces k Pobfervation du traité qui feroit conclu. On convint d'une treve de deux ans, afin que dans 1'intervalle chacun fournit les mémoires des dommages qu'il avoit foufferts. La publication du traité de Madrid ék de la paix, répandit Ia joie dans les Provinces maritimes, qui efpéroient de voir refleurir le commerce. Francois avoit promis non-feulement de ne donner aucun fecours au Duc de Gueldres, mais d'engager ce Prince a céder fes droits a 1'Empereur, en cas de mort fans héritiers; (3) mais ce Prince ne tarda pas a donner de nouvelles inquiétudes h. la Plollande. Sur la foi du traité de Madrid, les Hollandois ne doutoient point de la foliditéde la paix entre leur Souverain ék Francois I. Us ne s'occupoient que du rétabliflèment de leur commerce. Olaus Magnus, Miniftre du Roi de Suede, le feul des députés des Ofterlingues qui fe fut rendu a Cologne, oü devoient être réglés les dédommagemens que les Etats demandoient a Lubec, Stralfund, Hambourg ék Dantzig, s'étoit tranfporté a la Playe pour un nouveau traité, dont Aflèndelft, Penfionnaire de Leyde, ék André Jacobzoon de Naarden, Penfionnaire d'Amfterdam, demanderent la ratification a la Gouvernante. Le Duc de Gueldres dérangea ces arrangemens pacifiques: il s'étoit emparé pendant la guerre de Frife, du haut Evêché d'Utrecht. Henri de Baviere, a la follicitation de fes diocéfains, étoit convenu de fe retirer, moyennant une fomme fur laquelle le Duc ék lui étoient d'accord; mais le Duc vouloit qu'elle lui fut payée comptant ék les Trajec- (0 Voyez les Hift. de Suede & de Dannemark. fupr. Tom. 42. p. 468. & fuiv. & ce Volume p. 202. &c. (2) Reigersb. Chr. de Zél. ubi fupr. (3) Mein. de du Bellay L. III. Guich. L. XVII. Tome XLIII. Mnarn Hifi. de Hollande. 1482-1555. Set armx< teurs COUrent fus les vaiffeaux de Lubec. Les Danois font chaffés de Hollande. Treve avec ceux de Lubec. 1516. Traité ds Madrid. 1527* Traité avec lis Ofterlingues. Divifions k Utrecht.  Sect.V. Hifi. de Hollande. 14*2-1555 Le Duc d Gueldres e/i appellé pa\ le Senat. Il s'empvi de la ville Allarmss de la Hollande. Difcujjiom pour la levée £f fentretien de: foldats. Premiers voyageurs Hollandois. Mariage de 1'Empereur avec Ifalelle de Portugal. Caufes de ces progrès. Progrès du Lutbéranifme. i 458 HISTOIRE DE HOLLANDE tins refufoient de rien avancer avanc 1'exé.cution. L'Evêque demanda cette fomme aux églifes qu'il taxa; elles refuferent & les bourgeois prirent leur défenfe. L'Evêque couruc aux armes, ék le Sénat demanda du fecours au ■ Duc, qui a la tête de fes troupes s'empara de la ville. (i) Ce voifinage ' allarma les Hollandois: Egmond Comte de Buuren, Capitaine général, fe hata d'écrire au Confeil de lever une armée èk de défendre aux Hollandois de porter des vivres dans Utrecht; les villes prirent ces ordres pour une terreur panique du Comte, èk repréfenterent aux Etats que le moindre mouvement fourniroit un prétexte au Duc pour rompre la treve èk que les Magiftrats d'Oudewater èk de Muiden refufoient de recevoir garnifon. Le Capitaine général offrit de faire des levées, a condition que les villes fe chargeroient de l'èntretien des foldats: les villes répondirent que les dernieres pétitions (*) avoient été accordées pour la défenfe du pays contre le Duc de Gueldres. On leur objecfa que les fonds avoient été employés a payer d'anciennes dettes. Pendant ces conteftations le Duc de Gueldres èk le Sénat d'Utrecht écrivirent, qu'ils étoient dans 1'intention de vivre en paix avec leurs voifins èk d'obferver la treve. C'eft dans cette circonftance que Ie Stadhouder Lalaing obtint de fixer fon féjour a Bruxelles ék fit nommer Caftre pour commander en fon abfence en qualité de fon Lieutenant. Les deux grands événemens qui rendront ce fiecle a jamais mémorable,. commencoient a changer la face de l'Europe: tandis que le Luthéranifme acquéroit tous les jours de nouvelles forces, les voyages ék les établiflemens des Efpagnols èk des Portugais dans le nouveau monde excitoient Pémulation de différens peuples. Henri de Veere avec deux vaiflèaux équipés aux dépens du Seigneur de Beveren, a qui 1'Empereur avoit accordé la propriété des pays qu'il pourroit découvrir, revint en Zélande, après un an de courfes infruétueufes. Mulock ne fut point découragé par cet exemple, il partit èk mouilla aux Ifles du Cap-Verd èk reparut a Zieriezée en 1528. Bientöt les conquêtes de Charles dans le nouveau monde, fon alliance avec le Por. tugal, fon mariage avec Ifabelle, fille d'Emanuel èk fceur de jean III, rendirent les voyages de long cours plus fréquens en Hollande. (2) Les progrès du Luthéranifme étoient plus rapides encore; 1'application des biens eccléfiaftiques aux befoins de 1'Etat, dont Frédéric, Eleéteur de Saxe, donna 1'exemple; (3) la guerre fanglante que les chefs de 1'Eglife èk de PEmpire fe faifoient; la prife ék le fac de Rome par le Connétable de Bourbon, qui y fut tué; les brigandages èk les cruautés qui fe commirent dans cette capitale du monde, plus mal-traitée par les Cacholiques qu'elle ne 1'avoit été par les Goths; le deuil hypocrite de Charles, lorfque faifant ceffer les réjouiflances du peuple, au fujet de la naiflance de Philippe fon fils, arrivée a cette époque, il ordonnoit des prieres pour la délivrance du Pape que fes troupes inveftifloient dans le cMteau St. Ange èk réduifoient aux plus. cruelles extrêmités; les conditions honteufes auxquelles le Pondfe fut obligé (O Henri van Efp. Chr. (*) Cette pétition, avec le don gratuit que la Gouver- ïante exigea, étoit de 104000 florins. Ces pétitions devinrent trés fréquentes, malgré les nurmures qu'elles excitoient prefque toujours. (2) Ant. de Vera Hift. Car. V. [Z) Supr. Tom. 40. p. 306. & Tom. 41. p. 258.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 459 de fe fournectre pour fortir de captivité: (1) toutes ces circonilances furent, fans doute, des fujets de triomphe pour Luther. 11 voyoit avec joie, ] que les peuples ne pouvoient pas refpeéter longtems une Religion dont le proteéteur fembloit fe jouer. Une grande partie de PAllemagne avoit embraffé les nouvelles opinions: les Proteftans, qui faifoient plus de la moitié des habitans d'Utrecht, favori- 1 foient le Duc de Gueldres: il s'étoit emparé de Rhenen ék du chateau de ' Horft. Henri de Baviere s'adreffa a f Empereur. Ce Prince exigea du Prélat ■ la celfion de la fouveraineté temporede, qui dès-lors fut réunie a la Hollan- 1 de. Le traité fut conclu a Schoonhoven, oü PEvêque fe rendit. (2) L'exécution du traité fut le motif d'une nouvelle pétition. Le Stadhouder inhfta ' fur la néceftité de défendre le pays; néceflité que rendoit plus preftante le traité de la France ék de 1'Angleterre contre 1'Empereur. II obtint quatrevingts mille fiorins, que les villes confentirent, a condition que cette fomme ferviroit a la défenfe des Provinces. Les querelles de Charles ék de Francois devinrent fi vives, que 1'Empereur ayant reprcché au Roi de France de manquer a fes engagemens, Francois lui donna un démenti ék lui envoya un cartel, qui fut accepté; mais le duel n'eut pas lieu. (3) Les Pays-bas fe refièntirent bientöt de cette défunion. Les vaiflèaux Plollandois ék Zélandois devinrent la proie des armateurs Francois. (4) La Gouvernante défendit tout commerce avec la France. Tandis que les Zélandois mettoient leurs cötes en füreté contre les Francois, les Plollandois fe précautionnoient contre une defcente dont les Anglois les menagoient. Le Duc de Gueldres voulant prévenir les mefures que les Hollandois prenoient contre lui, envoya dans leur pays Roflum, avec cinq cens chevaux ék deux mille hommes d'infanterie. Ce Général entreprenant prit la livrée ék les enfeignes d'Autriche. 11 fuivit le Rhin ék pafia devant Leyde, qui prit fes troupes pour un corps Autrichien; mais lorfqu'il fut arrivé a la Haye, il déploya Pétendard de Gueldres. Les habitans effrayés refterent fans défenfe; le Confeil prit la fuite. Les Gueldrois coururent aux prifons ék fe renforcerent des criminels qui y étoient renfermés. Toutes les maifons, excepté celles dont les habitans étoient Gueldrois, furent pillées: on exigea de la ville, vingt mille fiorins comptant pour fe racheter du feu. Après ce coup de main, la troupe fe retira chargée de butin, ék mit a contribution tous les lieux oü elle pafia. (5) Le Sénat ék la ville d'Utrecht protefterent qu'ils n'avoient aucune part a cette entreprife. Toute la Hollande fut dans la confternation; on envoya fur ia frontiere , trois mille hommes d'infanterie ék cinq cens cavaliers. Les Etats rappellerent Caftre a caufe de fon age avancé , ék donnerent fa place k Bailleul, gendre de Waflènaar, trop jeune encore. Le Stadhouder s'en plaignit, obtint de Ia Gouvernante la confirmation de Caftre ék fit donner h Bailleul le commandement de la cavalerie. De fon autorité il fit faire a Leyde, la recherche de ceux qui retenoient les effets des Trajeétins. Les villes crierent a Pinfraétion. Le Stadhouder avoit des troupes, il conti) Daniël Hift. de France T. V. Robertfon Hift. de Charles V. T. IV. L. 4, & fupr. Tom. 29. p. 18. & Tom. 32. p. 440 &c. (2) IVIira;. Not. E,cl. Be'gïc. ad ann. 1528. (3} Mém. de du Bellay. L. III. Robertfon T. IV. L. 11. & fupr. Tom. 29, p. 19. & Tom. 31, p. 48. fj4) Reigersb. Chron. de Zél. part. IL (5) Pont. Hift. Gek. L. XI. Mmm a Wft. de lollande. '482-1555. Les Preeftans d'Urecht favoifmt le, Duc de }ueldres. La fouvs■ainetéemporelle f Utrecht reume li la, Hollande. 1528. Fameux Cartei de Francois & V F.mpereur, Vaiffeaux Hollandois mlevés. Les Gueldrois ravagent la Haye. Le Lieutenant Général revoquê fS rétabli.  Sect. ^ Hift. d Hollani 1-4 82-1. Précm tions £ péparai Traité Neutral, entre l'^ gleterre ies Payi ias. Le Du de Gueldres perd Haffeit, Hattum, Elburg j Harderivyk. Sa gan [en chaj) d'Utrecht L"Evêqi eft rétabli Ja vengeai ce : le Dt cefe foumUal'Eii$frtur. 46V HISTOIRE DE HOLLANDE '. tinua fes recherches, ék obligea van der Goes, Avocar de la Province, a lui : faire des excufes. Le defpotifme augmentoit tous les jours; cependant la ,55.Gouvernance craignant d'irriter le peuple, rappella Caftre & Bailleul, nom__'ma le Comte de Renneberg èk.fit faire la revue des troupes par un Echevin 1- d'Amfterdam; on fir auffi des préparatifs fur mer; (1) on éleva des batteries r a 1'embouchure des rivieres; on conftruifit des batimens de toute grandeur '■/'•& de toute efpece. Les Flamans ck les Hollandois fe promirent une proteétion réciproque pour la pêche du hareng; on enjoignit a chaque maifon de fe fournir d'armes néceffaires, on renouvella Palliance des villes maritimes avec Anvers & Bois-le-Duc. On convint de lever des troupes pour la conquête de 1'Evêché: on en donna le commandement au Comte de Buuren & le Stadhouder fe dépouilla de toute autorité fur le militaire. A fa priere les Etats avancererent les contributions ék y ajouterent un fupplément de deux mille livres de rente. L'Empereur étoit fi peu dans 1'intention d'accorder de grands fecours aux Provinces, qu'il refufa de fe charger de 1'entretien de mille hommes qu'on avoit envoyés a PEvêque d'Utrecht, prétendant qu'il devoit fe contenter de quatre mille florins par mois qu'il lui payoit èk de quatre cens chevaux qu'il lui fourniflbit. La ceflation du commerce entre 1'Angleterre ék la Hollande nuifoit égalöde ment a 1'une ék a 1'autre. (2) Les fabriquans de Londres avoient excité une t„. é5meute: Marguerite profita de cette circonftance pour propofer a Henri de £P s'ouvrir les débouchés de fes fabriques, par un traité de neutralité pour les - Pays-bas.. Ce traité fut conclu. On y ftipula quelques autres articles. On laiffa le Duc de Gueldres maitre d'accéder au traité, en cédant a 1'Empereur la ville d'Utrecht, le haut Evêché, Groningue ék les Ommelandes. (3) La joie que les Plollandois eurent de ce traité, fut modérée par la maniere impérieufe dont le Stadhouder Pannonca. II dit que 1'Empereur avoit bien voulu leur en faire part, quoiqu'il fut le maitre de faire la paix ou la guerre fans leur confentement. ( Le Duc de Gueldres trompé par fa poh'tique, hêfita trop' longtems- d'accéder au traité de neutralité. Schenk lui prit Haffeit, Ia feule place qui lui donnat entrée dans 1'Over-Yffel. Le Comte de Buuren fe rendit maitre de: Hattum, Elburg ék Harderwyk. Les habitans d'Utrecht, que leur inconftance avoitdégoütés des Gueldrois, faifirent le moment, oü la plus grande partie de la garnifon étoit fortie: ils en avertirent Guillaume Turck, qui commandoit le fort du Waard, ék lui ouvrirent les portes, que la garnifon trouva *■ fermées & fon retour. L'Evêque fut rétabli, ék fit trancher la tête \ ceux e qui s'étoient déclarés pour le Duc ék jetter les Chanoines dans le Leek. (4) 'te Le Stadhouder prit poifeffion du Diocefe au nom de 1'Empereur , comme .- Duc de Brabant. l- Tiel affiégé par le Comte de Buuren, fe défendoit avec tant d'opiniatreté, que le Stadhouder demanda de nouveaux fonds aux Etats; mais pendant les ,. difputes qui s'éleverent entre les députés èk lui, une grande quantité de foldats, qui ne recevoient pas de.paye, déferterent: Buuren fut obligé. de le- O) Hift. gén. des Prov. Unies; T. IV. L. XI. CO Robertf. Hift. de Charles V.. X. IV. L. 4 Q) Dumont Corps Diplom. T. IV. part. I. Rymer Acfa Publ. Ang!,s. X,,Vi. part. II. C4-) Henr. van Efpen. Chron.  Oü DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 462 ver le fiege. Le nombre des déferteurs étoit fi confidérable, que les confé- h dérés, dans la crainte que le Duc ne s'en fit un appui, renouvellerent la « ligue. Les villes attribuoient cette défertion k la grande quantité des fauve- J fardés, qui. empêchoient le foldat de vivre aux dépens de Pennemi. fk) La eonteftation finit par la demande d'une création de mille fiorins de rente ék 0! d'un emprunt de feize mille; Pemprunt fut unanimement accordé,- mais la k création de la rente ck la fupprefiion des fauve-gardes entrainerent de longs J2 débats, auxquels la propofition d'une treve de dix jours de la part du Duc de Gueldres mit fin. Cette treve avoit pour objet la paix avec 1'Empereur, u dont le traité fut conclu k Gorinchem. Le Duc de Gueldres y renoncoit a P' 1'alliance de la France, èk k toute alliance contraire aux intéréts de 1'Empe- ? reur, k qui il promettoit Phommage pour fon Duché, pour le Comté de d Zutphen, Groningue èk les Ommelandes,Coevorden èk le pays de Drenthe, 1 en qualité de Duc de Brabant:, de fon cöté, 1'Empereur s'engageoit de retirer f fes troupes de Plarderwyk, Hattum èk Elburg, de réunir le haut quartier de la Gueldre a Montfort, de lui payer fa vie durant feize mille fiorins d'or de penfion, d'entretenir deux cens cinquante cavaliers dans fes troupes, èk de ne point porter, du vivant du Duc, le nom ni les armes du Duché. Après tant de guerres contre une Puifiance aufli redoutable, ce traité étoit bien glorieux pour le Duc de Gueldres. Charles èk Francois étoient également fatigués de la guerre: Francois n'afpiroit qu'a revoir fes enfans retenus k Madrid, èk ne pouvoit fe flatter d'y parvenir par la force des armes. Files avoient été fi malheureufes, il avoit ■ efluyé tant de pertes, qu'il ne pouvoit plus rien tenter. Charles voyoit PAutriche menacée par Soliman, qui avoit ravagé la Hongrie ; les Efpagnols murmuroient de la longueur d'une guerre, dont ils faifoient les frais. Les confédérations des Princes qui protégeoient la Réforme,. faifoient craindre pour la füreté de PEmpire. Le Pape efpéroit que la paix lui rendroit ce que la guerre lui avoit ravi. Deux femmes terminerent de fi grandes querelles; Marguerite, Gouvernante des Pays-bas, èk Louife, mere de Francois I, unies par 1'amitié èk par le defir de réconcilier deux Souverains, dont Pun étoit le neveu èk 1'autre le fils de ces Princefles : elles fe rendirent a Cambray, prirent pour bafé le traité de Madrid, adoueïrent la dureté de quelques articles èk leverent toutes les difficultés. (2) Le Pape avoit déja fait fon traité particulier; Charles lui rendit toutes les places qui avoient appartenu a 1'Eglife èk le Pape lui accorda Pinveftiture de Naples. II ne lui impofa d'autre obligation que de lui préfenter tous les ans une haquenée blanche. (3) Mais tout ce qui arrivoit d'heureux ou de malheureux étoit la caufe d'une nouvelle pétition. A peine 1'année précédente le traité avec le Duc de Gueldres avoit-il été conclu, que la Gouvernante avoit demandé aux Etats aifemblés a.Gorinchem, cent quatre - vingts mille livres de quarante groots, pour les réparations des forts èk chateaux de la frontiere èk du diocefe; èk en outre des fonds pour entretenir douze cens foldats èk deux cens chevaux. Ci) Hifi. gén. des Provinces Unies T. IV. L. XI. CO Robertf. Hift. de CUar- ias V. T. IV. L. XI. C3) Guich- L«IX- Sleidan. L. VI. Paul Jove. L. XXVI. Du- mom Corp. Diplom. L. VI. Du Bellay L. III. De Thou. L. I. Mmm 3 ijl, de ollande. -82-1555. Buuren'ligé dé ver le ege de* 'iel, Difputes rminèes ir la treve. Et enfin ir le traité » Duc vee l'Emereur. 1529. Etat des ?uijjances. Traité de Cambray.- Pétitions' de la Gouvernante.1  Sect. V. Hifi. de Hollande. 1482-155; Forcé es. Ca! ami té en Hollan de. L'Empereur fe concilie famour des Italiens. 11 efl cou' roimé. i53o. Difputes de religion en Allemagne. Edit de Marguerite pour la réforme du Clergé. I ( 462 HISTOIRE DE HOLLANDE Les Etats accordercnt quatre -vinges mille fiorins & une création de rentes pour vingt mille livres. A la publication du traité de Cambray, elle demanda aux Etats convoqués a Bruxelles, la ceinture de rimpératrice a la I naiflance de Philippe & le couronnement de 1'Empereur; elle demanda en outre a la Hollande, quatre - vingts mille fiorins, pour la conftruétion du fort de Vredenbourg k Utrecht'& pour 1'entretien des troupes. Van der Goes eut beau repréfenter la mifere de la Hollande épuifée par tant de pétitions, la Gouvernante perfifla & paria d'un ton a vouloir être obéie; il fallut payer cent trente mille couronnes, & la Zélande endettée de plus de cinq cens foixante dix mille, paya trente mille livres de 40 groots. (1) La Hollande ne fe confoloit pas du peu d egards qu'on avoit eu 'pour elle dans rle traité de Cambray: les Pays-bas étoient défolés par Ia Suette, maladie - épidémique, venue d'Angleterre, qui faifoit périr les malades par des meurs qu'aucun remede ne pouvoit arrêter, & qui fe répandit dans toute l'Europe. (t>) L'Empereur partit pour Pltalie, oü il parut avec tout Péclat d'un conquérant. II fit fon entrevue avec le Pape a Boulogne; il s'humilia & baifa les pieds de ce même Pontife qui venoit d'être fon prifonnier. II forprit ies Italiens, qui s'en étoient fait Pidée d'un Prince plus féroce que les Rois des Wifigoths: ils ne virent qu'un Prince poli, affable, plein de graces, prévenant dans fes manieres, régulier dans fa conduite & dans fes mceurs (3) II avoit fait la même impreflion fur 1'efprit des Efpagnols, dont il avoit faifi le caraétere & qui venoient de lui donner des témoignages de leur amour. Après fon couronnement a Boulogne, comme Roi de Lombardie & Empereur des Romains, il partit pour PAllemagne. La nouvelle dodrine y étoit généralement répandue. Charles avoit formé le projet de ramener les efprits par la douceur. La Diette qu'il aflèmbla a Augsbourg, n'avoit d'autre objet que de concilier les Théologiens des deux partis. Mélanchton compofia un fymbole connu fous le nom de ConfeJJion cTJugsbourg: les Théologiens Catholiques le rejetterent: (4) on excitok Charles a uier de toute fa févérité. Le Nonce Campeggio obtint de la Diette une condamnation des opinions des Proteftans, la profcription de toute tolérance. II fit ordonner que ceux qui refuferoient d'obéir a ce décret , furent déclarés incapables d'exercer les fonétions de juges & de paroitre comme parties a la Chancellerie Impériale. La fameufe Ligue de Smalkalde, fut le premier fruit de cet aéte de rigueur. Tous les Etats Proteftans de PEmpire s'unirent pour ne former qu'un corps. Marguerite qui panchoit aufii vers la douceur, t fpéroit d'arrêter les progrès du Proteftantiftne en opérant dans les mceurs du Clergé une réforme abfolue. Elle rendit un édit, qui ne permettoit la prédication qu'a'des perfonnes, dont la fagtife, la conduite & les lumieres fuifent connues. Elle 'eur défendit toute matiere de cohtroverfe. (5) Cependant le grand nombre de Proteftans répandus dans fes Etats, Pobligea d'en citer quelques-uns ievant le Confeil de Brabant. Les Etats réclamerent leurs privileges, qui CO Boxhorn fur Reiger?b. part. II. (2) Petit Chron, de Holl. T. ï. L. 7. .3) Robertibn Hift. de Charles V, T. IV, L. 4. (4) Sleidan. L. VI. De Thou L. ï. 5; Brandt Hift. de la Réf. L. 1.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 463 accordoient aux citoyens de ne pouvoir être traduits pour crime, hors de H leur jurisdiétion: Marguerite foutint que depuis que leur Comte étoit, Em- ™ pereur, les Pays-bas ne formant qu'une Province, les Plollandois étoient fufticiables du Confeil. Ces querelles n'empêchercnt pas Marguerite de fai- , re une nouvelle pétition a la Hollande; elle confiftoit a avancer neuf termes tf< de la pétition de cent mille couronnes & de la moitié des quatre-vingts mille florins de la derniere pétition, & malgré les plus fortes repréfentations, la ; Gouvernante arracha le confentement des villes, 1'une après 1'autre. (1) pê Dans ces circonftances une tempête furieufe éleva, le 5 Novembre , les A eaux au defllis des digues; les ifles ék les cötes de Zélande furent fubmer- ti gées, plus de quatre cens villages furent renverfés; il périt une quantité innombrable d'hommes ék de beftiaux, ék les hommes qui échapperent, furent réduits a la mendicité. L'ifle de Walcheren fut couverte d'eau pendant trois femaines; une tour, les murs de Fleflingue ék ceux de Veere furent détruits; la ville de Reimerwaal fut entierement inondée, celle de Coetgen abimée ék la plus grande partie du Nord - Beveland, demeura dans la mer, j'ufques en 1597, que le Comte de Hohenloo fit deflecher les terres ék relever les digues. (2) Dans cette calamité les députés de Hollande qui revenoient de Malines, furent accueillis par le Comte de Naflau, qui les engagea de retourner vers la Gouvernante pour lui repréfenter les malheurs de ees Provinces. Marguerite défendit aüflitÓE toute exportation de grains, ék ^ établit un échange entre la Hollande ék la Zélande, la Flandre ék le Bra- g bant, de grains, de beurre, de fromage èk d'autres comeftibles. Cette Princefle mourut peu de jours après, jurtement regrettée: elle avoit gouverné ü avec autant de douceur que les circonftances avoient pu le permettre. t La modération de Charles envers les Proteftans étoit 1'effet de fa politique. II vouloit faire nommer Ferdinand fon frere, Roi des Romains, dans 1'efpérance de rendre PEmpire héréditaire dans fa familie. La ligue de Smalkalde s'y oppofoit en vertu de la Bulle Caroline, qui défendoit de créer un Roi é} des Romains du vivant de 1'Empereur; mais Charles fit fi bien fentir la néceflité de lui donner un Vicaire, que Ferdinand fut élu ék couronné a Aixla-Chapelle. (3) II avoit encore des raifons aufli efientielles de ménager ?i les Proteftans; leur ligue étoit redoutable: il favoit qu'elle négocioit auprès " de Francois I; que le Roi d'Angleterre étoit irrité, paree que le Pape, par v complaifance pour 1'Empereur, avoit retardé èk enfin rejetté la demande du / divorce de Plenri, ék qu'enfm il avoit beaucoup a craindre de Soliman. II arriva k Bruxelles au mois de Janvier, avec Marie fa fceur, veuve du Roi de Hongrie: van der Goes, Avocat de la Plollande, qui le complimenta au nom de la Province, lui traca le tableau le plus touchant de la fituation oü les guerres ék les dernieres calamités 1'avoient jettée èk lui peignit le zele, avec Iequel fes fujets des Pays-bas lui avoient facrifié leurs vies ek leurs fortunes èk finit par le fupplier d'accorder quelque relache k fes peuples. L'Empereur répondit avec beaucoup de bonté; mais en indiquanc une aflèmblée des Etats généraux k Bruxelles pour la fin de Février, il fit (O Hift. gén. des Prov. Unies T. IV, L. XI. CO Petit Chron. de Holl. T. I, L. VUL C3) Sleidan 142. Seckend. L. III, c. 1. Heuter rer. Auft. L. X. c. 6. ijl. de jllande. 32-1555- teclamans dis ais, ;wons, 'nondams. Exporta. on defeivie: èchan! établi. Mort de largueri- Ferdinani 'u Roi dis'.omains. Vlotifsdes \éntkgt. ii?i.r de karles en;rf les roteftans. 1531.  Sect. V. Hijl. de Hollande. 1482-1555 Pétition di 1'Empereur. Il nommt Marie Gohvernantedes Paysias. Régiemens pour l'adminijiration de la Juftice. Xtendut de jurisdictiën duConfeil de Hollande. 4*4 HISTOIRE DE HOLLANDE entrevoir quel en -étoit 1'objet: en effet Charles remit aux députés un énr par iequel il demandoit au Brabant, douze eens mille couronnes fix c-ns t mille fiorins h j Hollande, & aux autres Provinces a propordon; deftinani . un tiers de ces dommes, au rembouriement des rentes créées fous le Ceel . des villes un tiers h la folde des garnifons, & un tiers a Pacquittement de fes der:,:, perfonnelles. Cette pétition accablante entraina de grands débats danr lelques Charles, quoiqu'avec affabilité, fit fentir qu'il parloit en mai, tre qui vouloit être obéi. Les Etats confentirent quatre - vingts mille fiorins par an, pendant quatre années, ék quatre-vingts mille fiorins comptant a condition qu on aboliroit les licentes pour les grains; ce qui fut accordé L Empereur avant foi! départ, nomma Marie fa fceur Gouvernante 'des lay,s'T' Ce«ePrinceffe trés appliquéea Pétude des fciences ék des arts, ie délaflant a la chaflè de fes occupations littéraires, avoit donné de grandes preuves de fon habileté. ,(1) Charles compofa fon Confeil de PEvêque de 1 alerme, des Comtes de Hoogfiraten ék de Buuren ék de quelques Seigneurs du pays, t.res du Confeil d'Etat. Ce Confeil, qui ne s'affembloit que lorfque le Prmce lappelloit, obtint la permifiion de tenir fes féances fans être mande. (kO Des plaintes formées contre le Stadhouder, au fujet d'une demande qu il s étoit chargé trop facilement de faire aux Etats, fournit a 1'Enipereur une occafion de faire une réforme ék de nouveaux réglemens pour 1 admimfirauon de lajufiice, en quarante - quatre articles: il y renouvelloit la condamnation contre les novateurs, ck Pexécution a toute rigueur de fes ordonnances a cet égard. II y enjoignoit aux officiers fubalternes de rédiger par eent, les ufages ék coutumes de leurs reflbrts ék de les remetrre dans fix mois k la Gouvernante. 11 infligeoit aux banqueroutiers frauduleux la même peine qu aux voieurs publics. 11 ordonnoit d'arrêter les mendians a Pexcepnon des moines, èk d'héberger les étrangers pour une nuit: il chargeoit les villes du foulagement des pauvres, des malades, des veuves èk des orphehns; défendoit fous des peines corporelles, a ceux qui vivent d'aumónes de frequenter les cabarets: il fixoit Pefpece d'habillement felon les facultés r, !aJ'uftement des femmes fur Pétat du mari; condamnoit les iureurs ék blafphemateurs au pain èk a Peau, ék pour le blafpheme réfléchi a avoir la langue percée d'un fer rouge. (3) L'Empereur fit faire la leéture de ces régiemens aux Etats ék en recommanda fortement Pexécution, furtout pour ce qui regardoit les Proteftans. II accorda au Confeil de Hollande une étendue de jurisdiétion beaucoup plus confidérable qu'il n'avoit ■ il lui donna la compétence de toutes les conteftations qui intéreifenr la dignité du Prince, fes prérogatives, fes intéréts, fes droits, fes domaines, les officiers de fa maifon, ce qui concerneles privileges des étrangers: ainfi le Confeil de Hollande, devenu le tribunal du Prince , abforboit 1'autorité des autres. Cependant le Congrès afiemblé pour régler le dédommagement refpeétif des villes Anféatiques ék des Hollandois, avoit été xompu fans avoir rien régie. f 3J Repertoire des Placards de Hollande.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 4Ö5 g\è: Le Sénat de Lubec avoit rappellé fes PIénipotentiaires : Chriftiern F avoit pris a fon fervice, les foldats d'Ennon, qui avoit fuecédé k Edzard, H Comtp d'Embden, & fait alliance avec les Comtes,d'Oldenbourg, de Del- J menhorft & d'Ezens. La Hollande, qui avoit cautionné la dot de la Reine, futeffrayée des préparatifs de Chriftiern. Frédéric fon rival, intercep- dt toit aux Hollandois le commerce de la Baltique, en leur fermant Je paflage d' du Sund. Le projet de Chriftiern étoit de faire une defcente a Coppenhague. II avoit cinq mille foldats ék point de vaiffeaux. L'Empereur, fon beau - frere, fur qui ce tyran comptoit toujours, avoit défendu qu'on lui en fournit. (1) Ce Prince u-rité traverfa POveryffel & la Gueldre , pénétra par * le Bas-Evcché, au fein de la Hollande, ék le fer ék la flamme a la main, il c ravagea tout jufques aux murs de Delft. II s'avanca jufques a la Haye & jetta 1'épouvante parmi fes habitans. L'efpoir du butin groffit fon armée jufqu'a douze mille hommes; il forma un détachement de trois mille, qu'il envoya piller Alkmaar, dont la perte monta a des fommes énormes. On eut recours a 1'Empereur, qui chargea Schenk , Stadhouder de Frife, de négocicr avec Chriftiern. Ce Prince déclara, qu'il ne partiroit que lorfqu'on lui ti auroit payé la dot de fa femme, ék qu'on lui auroit donné douze vaiffeaux pour cmbarquer fes troupes, promettant toute liberté de commerce, lorfqu'il auroit reconquis fes couronnes. (2) On y confentit: la flotte fut équipée, mais au lieu de defcendre en Dannemarck, une tempête le jetta en Norwege. II fe réfugia dans Anslo, oü il fut afliégé. (3) Le Stadhouder défendit qu'on lui donnat aucun fecours. Malgré cette défenfe quelques armateurs d'Amfterdam chargerent leurs vaiflèaux , avec une fauflè deftination ék des ordres aux Capitaines de fe laiflèr prendre. Frédéric irrité de ces manoeuvres ék pouffé par les villes Anféatiques, jaloufes que les Plollandois partageaflènt avec elles le commerce du Nord, favorifoit les armateurs qui croifoient h 1'entrée du Sund. On convint cependant d'ouvrir un Congrès a Plambourg, pour négocier un accommodement avec le Dannemarck. Les villes Anféatiques y mettoient des obftacles; mais preffées par la Régente, elles engagerent Frédéric a demander que le Congrès füt transféré a Coppenhague. L'interrupdon du commerce du Nord rèduifoit a la mendicité plus de fix mille matelots, ék la difette avoit fait monter les grains a un prix exceflif. (4) Malgré ces calamités le Stadhouder demanda 1'avance des pétitions de 1533 ék 1536. Les Etats refuferent, mais il fallut confentir a une création de quelques/1000. - de rente. Un vaiffeau d'Edam appartenant aux habitans d'Amfterdam , ayant été pris en revenant de Lisbonne par les Lubecquois, la Gouvernante mit un embargo fur les vaiffeaux des villes Anféatiques. On , équipa une flotte de foixante voiles, ék de huit mille foldats, pour ruiner le ' commerce des Oflerlingues, ék donner la chaflè aux armateurs. L'Empe- ' rcur fe chargea de la moitié des frais de 1'armement. Chriftiern bloqué par terre ék par mer , fut obligé de fe rendre a difcrétion. Ce Prince, k qui perfonne ne s'intéreflbit plus, depuis la mort d'Ifa- (0 Velius Defcript. de Hoorn. (2) Manifeft. d'Amft. Regilt. de van der Goes. (3J Voyez Tom. 42. p. 501. & fupr. p. 204. (O Velius Defcript. de Hoorn. Tome XLIII. Nnn 1 'tji.de ollande. -82-1555. /Warmes s Hollands. avagts dt hrijliern. Négocia" ms. 153'i. Congrès $, lambourg. Pétition. Emlargt ~ur les laijjeaux les OJleringues.  Sect. V Hift. de Holland! 1482-15 Chrijlit II. renft mé dans une puj perpétuel Les II01 landois e elus de l, paix du Dannemarck at les Paysbas. Inondatio Maladie ipidemigu, *533» Allarme. ies Ilollai dois. Prècauiions. Nouvelles fr.ïntes. MJJlpèes. 406 HISTOIRE DE HOLLANDE • belle d'Autriche, fa femme, facrifiée k une indigné courtifanne, fut renfermé u fnS "n Chateau V™ le rc?e de, ^ iPWs. (O La Gouvernante ToZ ;5. de cette circonftance pour faire des propofitions a Frédéric, qui renouvella les anciens traites; mais Ia Régence de Lubec perfuada au Roi d'exclure les rn Hollandois & de leur demander un dédommagement pour les frais que leur armement 1 avoit obligé de faire; il demanda trois cens mille fiorins & SL •on naca de recommencer la guerre avec la Hollande, faute de payement. Maie. ne fouunt ies Hollandois; les armateurs de Lubec ayant recommencé leurs - courfes, elle fit fommer Frédéric de déclarer s'il vouloit la paix ou la guerre 1 ü ^ne inondation plus furieufe que celle de 1'année précédente, délbla la Hollande & la Zélande ; les eaux pouifées par le vent s'éleverent un pied par deffus les digues. Les ifles de la Zélande, quantité de villages & les « terres deffechees a grands frais furent entierement inondés. La digue qui couvrojt Ia Weft-fnle fe trouva percée en plufieurs endroits. A cette cah™e ,fe J01g™ ™e maladie contagieufc, dont la Hollande ck la Zélande furent affligees. A Zienczee plus de trois mille perfonnes furent emportées en , moins de trois mois. Rotterdam fouffroit beaucoup. La Gouvernante' accorda a quelques villes, pendant quatre ans, une retenuede deux mille cina cens livres, pour la réparation des digues. (2) 1 On apprit bientöt après qu'il fe formoit entre Amersfort & Utrecht fur les frontieres de Gueldres, un corps de trois- mille hommes, fans qu'on put favoir quel etoit leur but, ni quel étoit leur chef. 11 fe répondit diffé■ rens bruus :1e plus général étoit que le Sénat de Lubec, d'accord avec le " 7ülr ,, Gfló*?s> deftinoit cette troupe a brüler les vaiffeaux dans les ports de Hollande. (3) On arrêta quelques batimens a Harderwyk. Marie fit convoquer les Etats a la Haye. Les députés, dans 1'incertitude de ce qu'on avoit a craindre, renvoyerent la délibération devant le Confeil; il refufa de fe meier d une affaire qui ne regardoit point 1'adminiftrarion de la juftice • mais il exhorta les Etats a nommer des troupes nationales pour garnir les' frontieres: (4) pendant les débats que ces avis occafionnoient, 011 abprit que cette troupe sapprochoit de Wyck-te-Duurftede. Alors on borda la riviere jufques a Dordrecht, on dégarnit les arfénaux; le Comte de Buuren avec fa compagnie, celles d'Aarfchot & de Naifau, marcherent vers euxle Stadhouder avec fa cavalerie & quinze cens fantaflins, fe porta au deflhs d'Utrecht; mille foldats & mille payfans, camperent fous les murs de cette ville. Le Comte de Buuren offrit au Duc de Gueldres de 1'aider a chaflèr ces étrangers; il ne répondit rien: mais voyant fes Etats inveftis par Buuren , Hoogftraten & Naflau, il écrivit au commandant de la troupe, qui fa retira fous Munfter. r 1 A peine ces allarmes furent-elles diflipées, qu'elles fe renouvellerent avee plus de raifon. Une autre troupe fe forma au même endroit que la premiere, & 1'on apprit que Lubec fourniflbit 1'argent ék 1'artillerie. Enfin cette terreur fe diflipa, dès qu'on fut Ia caufe de cet armement. Les querelles (O Voyez 1'Hift. de Suede, fupr. Tom. 42. p. 502. & ce Volume p. 204.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 467 d'Ennon Comte d'Embden, avec Balthazar d'Ezens, gentilhomme d'Ooftfrife, que Chriftiern avoit appaifées, s'étoient renouvellées: Lzens chalie de 1 fon pays s'étoit retiré au chateau de Rozande, que le Duc de Gueldres lui ; avoit donné pour afyle, avec permifiion de lever des foldats. Lorfqu d eut ralfemblé fes troupes, il marcha en Ooft-Frife, battit Ennon ck le forca de figner un traité qui finit leurs difputes. (1) _ _ . D'autres allarmes fuccéderent a ces terreurs. Neuf vaiffeaux étoient lorris de Lubec, neuf autres devoient les fuivre. On craignoit que cet arme- , ment ne s'emparat du Détroit du Sund. Les députés du Waterland preien- < terent un plan, dont Pexécution devoit coüter foixante mille fiorins. Les députés des villes refufoient d'y contribuer, fi le Brabant, la Flandre ck la Zélande ne fourniflbient leur part. Le Stadhouder foutenoit qu Amfterdam ayant plus d'intérêt h cette guerre, devoit fournir cinquante vaifieaux & les autres villes fe charger de Péquipement. (2) On apprit que Frédéric vouloit être indemnifé des depenfes que I armement de la Hollande lui avoit occafionnées. On fut fort inquiet pour cinquante -cinq navires qui étoient a Dantzic. On délibéra beaucoup, on vouloit que la guerre fut déclarée au nom de 1'Empereur, & qu'après 1 expédition, on répartit les frais de la campagne fur les quatre Provinces ïntéreifées; qu'Amfterdam & les villes maritimes fourniflènt trente vaifieaux cc douze frégates, montés de grofie artillerie, de trois mille foldats ck de douze cens matelots. Ce plan fut accueilli, mais il entraina encore quelques difficultés. (3) TTT r Frédéric III, Roi de Dannemarck, étoit mort; Chriftian 111, ion hls, lui avoit fuccédé: il paroiflbit moins éloigné de la paix. La Gouvernante avoit promis de mettre un embargo fur les ports & s'étoit réfervée de donner des permiffions pour la navigation de POueft & la pêche du hareng; mais les Lubecquois éludoient la défenfe, en faifant entrer les marchandifes du Nord par Plambourg; Marie donnoit des permiffions aux Flamans & aux Zélandois, préférablement aux Plollandois. Ce qui, dans quelques villes, avoit caufé des émeutes. D'ailleurs la flotte étoit prête depuis longtems ck le Sénat de Plambourg offroit fa médiation. Toutes ces chofes engagerent les Etats de preflèr la Gouvernante, de nommer un Amiral, de délivrer 1'artillerie que 1'Empereur devoit fournir, de déclarer de bonne prife les marchandifes de Lubec, quoique venant deHambourg, de fixer leurs réponfes au Sénat & de hater le départ de la flotte. La Gouvernante nomma Gerard de Merkere, ancien Amiral de Flandre, défendit 1'entrée des marchandifes de Lubec, ék demanda pour préliminaires une treve de trois mois, pendant lefquels on travailleroit a la paix. Des que Merkere approcha du Sund, 1'Amiral de Lubec fe retira a 1'embouchure de 1'Elbe, ou Merkere le tint bloqué; de forte que les feuls vaiffeaux des Pays-bas purent pénétrer dans la Baltique. Les Ofterlingues fe déterminerent enfin a figner une treve de trente ans, ék de rendre la liberté au commerce de Plollande. (4) (1) Beningh. Hift. d'Ooftf. L. IV, c. 31, 39, 44 , 58. f (O Hift- .«*>■ des Prov. Unies T. IV, L. XI. (3) Idem Ibidem ubi fupr. (4) Reigersb. Chron, de Zél. T, II. Nnn 2 7ifi. de Iollande. 482-I555- Armement les Lubecwis. Memces Ja Roi deÜannemarek. Armement contre les Lubecquois. L'Amiral de Lubec bloqué. 1534.  Sect. V. Uil}, de Hollande. 1482-155; Négociations de l'Empereu auprès des Proteftans Traité. J53S- Edit contre les novaleurs.A labaptijtes. Exécutés. Jean de Leyde. Son Juppli. ce. Propofuion d'exterminer tous les fcÜaires re'ittèe. < 1 b 468 HISTOIRE DE HOLLANDE L'Empereur redevoit deux cens mille florins fur les dépenfes de Parmement; mais des foins plus preflans ne lui permircnc pas de s'acquitter li cherchoit a s'attacher les Proteftans qu'il n'aimoit pas, mais dont il avoit be. foin. Les Edits d'Augsbourg & de Worms les rendoient trés circonfpects Cependant on entama des négociations; les Proteftans envoyerent a Ratisr bonne, les conditions auxquelles ils mettoient leur alliance. Elles lui furent préfentées dans le tems que Soliman entroit en Hongrie; elles étoient du, res; il les modéra & par le traité qu'il conclut, il s'engagea a n'inquiétcr perfonne pour caufe de Religion, jufques a Ia décifion d'un Conciie général qu'il promit d'annoncer & de provoquer. (1) Les Proteftans envoyerent'en' Hongrie, fous le commandement de 1'Eleéteur de Saxe, quatre-vingts mille hommes & trente mille chevaux, qui fe réunirent aux Catholiques: Charles marcha a Vienne avec cette armée formidable; il y attendit Soliman, qui fe retira a Belgrade, & 1'Empereur alla en Italië, oü il eut plufieurs conférences avec le Pape au fujet du Conciie. Charles tolérant par politique en Allemagne, étoit perfécuteur dans les Pays-bas: il s'autorifa des troubles des Anabaptiftes, pour publier un édit qui punifibit de mort ceux qui débitoient de nouvelles opinions, avec injonétion aux Baillis de les pourfuivre a toute rigueur. Nous ne reviendrons pas fur cette feéle extravagante & fur les fureurs auxquelles ces fanatiques fe livrerent dans la Suabe èk en Weftphalie: (2) ils s'étoient fort multipliés dans les Pays - bas. Hofman fut leur apötre a Embden: il fut brülé a la Haye, avec Tripmaaker, qui fe difoit Elie: Jean Mathias ou Mathiszoon fè faifoit paffer pour Enoch dans Harlem: il étoit fecondé dans fes prédications, par fa bru, jeune ék belle femme, qui lui fit beaucoup de difciplesil les répandit dans les autres Provinces. Jean Mathias, boulanger de Harlem ék Jean Bockelzoon, plus connu fous le nom de Jean de Leyde, compagnon-tailleur de cette ville, s'étoient emparés de Munfler. Ce dernier après la mort de Mathias prit le titre de Roi. (3) Les Anabaptiftes des Paysbas lui furent d'un grand fecours, jufques a "ce que les Princes d'Allemagne, ayant formé une ligue ék afliégé Munfler, enleverent ces détachemens, réduifirent les afliégés a la famine, furprirent la ville ék firent périr le Roi Jean de Leyde dans les plus affreux tourmens. Les principes de ces fanatiques furvécurent a leur Royaume. Cette feéle fubfifte encore dans les Paysbas, fous le nom de Mennonites, mais aufli douce, aufli tolérante ék pacifique, qu'elle étoit turbulente ék fanguinaire. D'ailleurs il ne manqua peuthre a Jean de Leyde pour établir folidement fa théocratie, que de naitre dans m fiecle ék dans un pays plus barbares. (4) Dans le tems de fon regne, les Anabaptiftes avoient réfolu de furprendre Amfterdam; mais la vigilance du Magiftrat diflipa leurs aflemblées: Marie :onvoqua les Etats a Malines ék propofa d'exterminer tous les feétaires: ils koient trés multipliés: les députés de Plollande rejetterent cette horlible ropofition, ék fe bornerent a promettre d'interdire la chaire a toutes per- (0 Sleid. Comm. L. VIII. Hift. du Conc. de Trent. de Pallav. (2) Voyez PHjft Allem fupr. Tom. 40. p. 412. &c. (3) Joann. Corvin. de Monaft. obfed. f4) Ro' atf. Hift. de Charies V. T. IV. L. 5.  OU DES PR.OVINCES UNIES, Lrv. XXXIII. Sect. V. ionnes, dont la doétrine, les mceurs èk la capacité ne feroient pas connues 1 6k de réprimer ceux qui répandroient Terreur. Hoogftraten fe tranfporta a l Amfterdam, barmit de la ville Hubertzoon & fit emprifoimer deux bourgeois; * le bruit s'étant répandu qu'il devoit en faire enlever deux cens pendant la nuit, les citoyens s'afTemblerent a 1'hötel de ville, èk lui firent dire qu'ils ne foulfriroient point un tel attentat fait a leurs privileges: le Comte ne demeura que deux jours dans la ville. Dans le tems que Munfter étoit réduit aux abois, Jean de Leyde avoit envoyé Géélen, ancien difciple de Jean Mathias, pour acheter des vivres en Hollande: Géélen crut fe conformer aux ordres de la Providence, en fe fervant de Pargcnt dont il étoit chargé pour s'emparer d'Amfterdam: Campen y avoit été aufli envové cn qualité d'Evêque: ces deux fanatiques com- c pioterent de mettre le feu dans différens quartiers: la Gouvernante en fut heureufement avertie. Trente Anabaptiftes, tant hommes que femmes, furent pris. Les hommes furent brülés, ék les femmes renfermées dans des facs, furent jettées dans Peau. (1) Quelques jours après cette exécution, i un tailleur appellé Dideric, aifembla fept hommes ék cinq femmes. , Après avoir prophétife, il prit un cafque, une cuiraflè ék une épée; enfuite il fe 1 deshabilla ék jetta fes habits ék les armes au feu, en difant que ce qui vient dc la terre, doit être dévoré par les flammes: toute 1'aflèmblée Pimita: ils fe mirent a courir ainfi nuds, dans les rues,en criant: „ malheur! malheur! „ la vengeance approche; faites pénitcnce." Le froid étoit alors au plus haut dégré ék i!s ne le reflèntoient point. On les arrêta, ék lorfqu'on voulut leur donner des habits pour paroitre devant les juges, ils les refuferent ,^ cn difant que la vérité marchoit nue ék qu'ils étoient 1'image de Dieu. D'ailleurs, on nckira d'eux aucune lumiere; on leur fit trancher la tête ék pendant Pexécution, on cn arrêta encorè cinquante qui couroient nuds dans les rucs d'Amfterdam. Géélen avec trois cens hommes entra dans la Frife, s'empara d'un couvent, en chafla les moines, brifa les images, pilla les vafes ék les ornemens. Schenk reprit le monaftere, pafia plufieurs de ces furieux au fil de Pépée, ék les prifonniers furent livrés au fupplice. (2) Géélen fous un nom emprunté prit le parti d'aller fe jetter aux pieds de la Gouvernante, témoigna le répentir le plus fincerc, promit de lui livrer Munfter, ék obtint des lettres de grace; mais il parut bientöt a Amfterdam fous fon véritable nom, toujours avec le projet de furprendre la ville. II vint a bout de féduire un des plus riches citoyens: avec fon fecours il fit venir un grand nombre d'Ana- < baptiites. L'exécution du complot fut fixée au 10 Mai, jour de cérémo- ■ nie pour les officiers de la ville. lis furent avertis, mais tandis qu'ils perdoient le tems a délibérer , Géélen a la tête de cinquante hommes tue Ie < commandant de la garde, met fa compagnie en fuite, s'empare du canon ck tire fur 1'hötel de ville. Tout fuit; les Anabaptiftes étoient convenus de f& raflèmbler lorfqu'ils entendroient le tocfin: heureufement un jeune homme effrayé, qui alla fe cacher dans le clocher , fans prendre garde a ce qu'il faifoit, retira après lui la corde de la cloche.:. Les Anabaptiftes n'entendant (O E- Beningh. Hift. d'Ooft-frife. (2) Hift. gén. des Prov. Unies. Nnn 3 Ufl. de lollande. +82-1555. Complot mtre Am'tritam* Découvert if puni. ?anatiques, Exécutés. Autres ixécutions. Nouveau omplot des 4ndbaptises contre énfter'am. Manquè,  Sect. ^ Hift. d Holland J482-i; STaffaa SufpUc Pa (fage Sund fei mé aux Holland/)! Difpute. fur les L centes. Marie dt mande des •vaiffeaux pour 1'Elec teur Pala tin contre le Roi de Dannemarck. 47° HISTOIRE DE HOLLANDE [. point Ie fignal, ne fortirent point de leurs maifons; les bourgeois avertis «V e- ce qui s eft pafte* 1'hötel de ville, fe rallient; f^^p^SSSt^^ 55. precaut.on dans les ténebres, font tués par lés Latiques iffiTfu?2 - place. Alors on en ferme les avenues avec des voiles^ de vaiS t ndue derrière lesquelles on entaiTe des facs de houblon ék des ballÏÏ tfiSt^ a tend le jour dernere ces fingulieres murailles, pendant que les AnaSTpdlS chantent tranquillement des cantiques & des pfeLies. Dès que e S Pa . 3onV eSIretraiK'ileme"s de »?e tombenc; les bourgeois fondent li es faLSS? lcs.rpounfC dfS 1 hótd de ville> dre»c & eux de Ja place & des mrnfons voifines & en font dn horrible carnage. Géélen voyant que tout eft perou, monte au haut de la tour ék fe prékipite. Les Jnjur&cTm"farvé S' S?ÏÏ£ danS lGS fLippIiCeS' CaJ"pen' E^*e ftc é pa? Jean de l£& ™]S aU/arcan' une mïtre de fer-blanc fur la tête;f? langu^e fut airachee la mam droite coupée ék enfin il eut la tête tranchée. L?Go r 3* f£Sl le^r"8 C0UteS,Vii,CS' -nd,nnSi°on contie ces leétaiies , les hommes a avoir la tête tranchée ék les femmes h ctre jettees dans Ia mer. (i) Us difparurent ék fe retirerent en ASSe «,-l r rqUS CCS PTV1"CeS éC0ienc aS{tées par le fanatifme, de nSuveïux o rag/es fe formoient du cöté du Nord. Les Lubecquois jaloux de la paix , ? rl dc5a""eraarck venoit de faire avec fa'Hollande" fe iguerei, vecleConKed'OHenboutg&skmpa.-erent de Copenhague. LeSïe Jóu Sund fut fermé aux Hollandois, qui fe fervirent de va^üx^E bourg, de Gueldres ék de Breme. <» La Gouvernante,pour prévenl di- r ir ir°U Ut Ï^t^ 12 tranfport des Srains- 0° cette défenfe au retabhfièment desLicentes, O & les négocians s'y oppoferent. A force de préfens Os obtinrent 1'exemption d'un impót qu'on vouloit mettre Se tree ék la fortie des grams. Autrefois la juftice ék la fermeté parvenoien\ fa.re rejetter des propofitions qui étoient contraires au bien pubüc mais depms pres d'un fiecle, il falloit corrompre par des préfens, les■ mi'niSS du defpotifme pour les engager a ne pas faire le mal; mais ces préfen furent rendus inutiles par la guerre qui recommenca. h) P j'ir, nPC^*r a-V?iC marié Dorothée^ 1'aïnée des* filles de Chriftiern II ék - d raidledAutnche' roeur ^ Charles, avec Frédéric, Comte Palatin Chriftian III, chaflè de fa capitale, Ia tenoit afliégée. Charles vouloit le . forcer a lever Ie fiege. 11 avoit rafiemblé quatre mille foldats, qu'il vou ok . joindre aux troupes de Lubec ék d'Oldenbourg. Comme il n'avoit poin de vaiffeaux , Marie demandoit aux Etats vingt-cinq vaiffeaux de gue re ck quelques autres bat.mens. Les Etats qui favoient que Guftave, Roi de Snede s etoit emparé du Détroit du Sund, pour empêcher 1'Empereur de s'étendre dans le Nord, refuferent, a moins que les autres PtovinL ïs P4yi- ^ïffÊsöÊ^de iaRéfor-de Brandc- h e- de (O Les Licentes étoient des permiflïons que le Souverain accordoit oour de IW*. Jexporter pu d'imponer fes grains, lorfque fexportation ou HmporS o.f étoit défendue (3) Henri van LTp. Chron.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 471 bas ne contribuaflènt a cet armement. Marie répondit que ces Provinces pj n'avoient aucun intérêt a la guerre. Les Etats repliquerent qu'il s'agifPoit de H la gloire de 1'Empereur & qu'elle devoit les intérefler autant que les Hoi- K iandois; mais pour toute réponfe, au lieu de vingt-cinq vaiffeaux, le Stad- ~j houder leur en demanda trente & annonca aux Etats que les troupes de dé- r, barquement arrivoient ék que pour la füreté du pays il falloit que ces vaif- P feaux fuifent prêts. (i) , Cette querelle fut füfpendue par des embarras plus a craindre encore pour ^ la Hollande. Chriftian pour faire diverfion envoya Rantzau au Duc de / Gueldres, ék il fut convenu que Chriftian, dès ce moment, fourniroit au < Duc deux mille foldats, ék qu'il les porteroit jufques a cinq mille, dès qu'il " feroit maitre de Copenhague, ék huit vaiflèaux montés de douze cens hom- ;' mes. Le Duc promit de fon cöté douze cens hommes en cas de befoin. (2) ( Le Comté de Benthem fut indiqué pour lieu d'aflemblée. Les levées fe firent fecrétement: le Comte d'Ezens fournit 1'artillerie : tout fe faifoit au nom du Roi de Dannemarck par Meinard de Ham, muni d'une commiflion , du Monarque, mais a la folde du Duc : 1'orage tomba fur Groningue ék 1 Meinard fe retrancha prés d'Appingadam. En même tems, le Comte d'E- 1 zens menaca les Hollandois de mettre leur pays a feu ék a fang ék de brüler , les environs d'Amfterdam , s'ils ne difcontinuoient pas leurs préparatifs contre le Roi de Dannemarck. Les Plollandois frémirent. Le Stadhouder manquoit de troupes; un incendie avoit mis Delft hors de défenfe, ék facilitoit a Pennemi, le moyen de couper aux Hollandois toute communication avec la Zélande ék la Fiandre. (3) Cependant la Gouvernante s'obftinoit h. vouloir fecourir l'Elecleur Palatin. Les Hollandois craignant que cet armement n'attirat les Danois dans leur pays, la prierent de le faire en Zélande. Elle ordonna que les compagnies des Comtes de Buuren ék d'Hoogftraten fe joigniflènt a celles qui étoient deftinées au Comte Palatin, pour chaflèr d'Appingadam, ce Meinard qui les bravoit ék qui fe faifoit appeller le fléau de Dieu; mais les Comtes liés par leur ferment h la défenfe de la Province, ne purent point aller au fecours dc Groningue. D'un autre cöté, cette ville étoit fort preifée par le Duc de Gueldres, qui fe difpofoit a conftruire un fort, pour la tenir en refpeéf, Groningue n'ayant plus que la liberté de fe choifir un maitre, préfera 1'Empereur , ék le reconnut pour fon Souverain. Alors Schenk afliégea Appingadam avec les troupes deftinées a PEleckeur Palatin; ce qui retarda Pembarquement. Pendant qu'on difputoit au fujet d'une nouvelle pérition de la Gouvernante, Schenk prit Appingadam, ék Meinard qui défendoit cette place, fut envoyé a Wilvoorden. (4) Coevorden ék les autres places fe rendirent. Chriftian dans Pintervalle s'empara de Copenhague; ainfi les préparatifs que Charles avoit faits pour 1'Eleéïeur, ék la ligue de Chriftian ék du Duc de Gueldres, tout tourna au profit de 1'Empereur, qui, avant la fin de Pan-, née, fe trouva maitre de Groningue ék du pays de Drenthe. Marie reprit (O Hift. gén. des Prov. Unies T. IV, L. XII. £0 Pont. Hift. Gelr. L. XI. (3; E. Beningh. Hift. d'Ooft-fr. (4) Pont. Hift. Gelr. L. XI. % de Miande. .821555.- .es Etats fujent la ètitiotu Et Jont \rcês de acrorder. e Roi de htnne\ark fe gue avec> Duc de lusldres. '-e pays de 'Jroningui nvalti. Le Duc mnace les Hollanlois.- Groningue fe donne a: 1'Empereur. Traités wee le Dannenarch-  Sect. V, Hifi. de Hollande 1482-155 Négociations au fujet de Milan £j fituation t, Francois 1 Allarmes de la Hollande.Ses mers fes cótes infeflées. Paix avei le Duc de Gueldres. Mort d'Erafme. 1537Pétitions. 472 HISTOIRE DE HOLLANDE les négociations avec Rantzau & 1'on convint d'une treve pour trois ans. Les anciens traités de commerce entre la Hollande & le Dannemarck j. furent renouvellés, & la Hollande agitée depuis fi longtems vit renaitre _ 1 abondance. L'Empereur preflbit la Gouvernante de lui faire le plus de levées qu'elle pourroit dans les Pays-bas, tandis qu'il raffembloit de 1'argent a Naples & en Sicile. La mort de Sforce laüToic a Charles la difpofition de Milan. Francois I le défiroit pour Henri Duc d'Orléans, fon fecond fils. (1) L'Empereur doimoit des efpérances, dont Francois n'étoit pas la dupe. Cependant t chacun de fon cöté, travailloit a fe faire des alliés. (2) Francois avoit fait un '. traité avec le Duc de Gueldres. Les Etats furent effrayés pour leur pays; maisle Duc dirigea fa marche fur Groningue, il échoua ék les allarmes dela Plollande recommencerent: les villes engagerent le Comte de Buuren de > tenter la voye de la négociation; mais avant tout, le Duc demandoit la reftitution de Groningue. En attendant, la Zuiderzée étoit infeftée par les armateurs de Hardervvyk ék des autres villes maritimes. (3) Les cötes de la Hollande ék de la Zélande 1'étoient en même tems par les Francois. La Gouvernante permit a fes armateurs de prendre leur revanche, ék défendit tout commerce avec la France; mais les deux Puiffances confentirent a la liberté de la pêche du hareng. Cependant le Comte de Buuren renoua fa négociation avec ie Duc de Gueldres, (4) ék parvint a un traité, par Iequel 1'Empereur renoncoir au titre de Duc de Gueldres èk de Comte de Zutphen, du vivant du Duc, qu'il reconnut a titre de vaflal, lui aflura vingt mille fiorins de penfion èk vingtcinq mille comptant pour la ceflion de fes droits fur Groningue, Coevorden èk le pays de.Drenthe, èk vingt mille pour fes droits fur Utrecht. Les Trajeétins furent rétablis dans la jouiffance des biens qu'ils poffédoient fur les Domaines du Duc; les habitans de Zwol maintenus dans le droit de paflage fur le fleuve; le commerce des fujets des deux Souverains rétabli fur le pied qu'il étoit avant la rupture. (5) L'Empereur avoit accordé en 1534, des lettres pour la réunion de la Seigneurie d'Utrecht au Comté de Hollande èk de Zélande; elle fut confommée par le traité. Le 12 Juillet de cette année, mourut a Bale le célebre Erafme: il avoit pris^le parti de Luther contre les théologiens de 1'école : il regarda 1'étude de 1'Ecriture Sainte, comme la feule regie de la vérité religieufe; mais fa douceur ék fa timidité, lui firent attendre du tems, la réforme des abus. (6) Marie avoit bien dc la peine a trouver des fonds pour Ia défenfe des Pays-bas: elle venoit de faire une pétition de cent vingt mille fiorins une fois payés èk de ia même .fomme payée en fix ans; mais ces deux objets furent modérés par les Etats a quatre-vingts mille fiorins chacun. Dans cette circonftance Francois entra dans 1'Artois èk afliégea Plesdin. L'armée Impériale avoit été licenciée,faute de paye, èk Buuren n'avoit que quatre mille hommes. CO Daniël Hifi. de Fr. T. V. Regn. de Francois 1. r2) Voyez Abr. Chron. du Prefid Henault, fous 1536. & fupr. Tom. 31. p. 57- Tom. 40. p. 414. &c. (3) Pont. j « n en' KXI' „ (O IM- êén. des Prov. Unies T. iv. L. xii. (5) Petit Chron. de Holl. T. I. L. 7. Pont. Hift. Gelr. L. XI. (<$ Robertf. Hift. de Charles V. T. iii. L. H.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 473 mes. Marie fit alors une pétition de douze cens mille fiorins: les Flamans j y confehtirént j mais les Plollandois demanderent du tems: il n'y en avoit 1 point k perdre, & Marie propofa d'établir un florin fur chaque cheminée. . Alors la Plollande, voyant qu'a caufe de fa population elle fupporteroit la plus grande partie de 1'impöt , confentit a la pétition des douze cens mille fiorins. Cependant Plesdin, St. Pol, St. Venant & Montreuil tomberent au pou- ' voir de Francois I; mais ce Prince ayant affbibli fon armée pour envoyer un t gros détachement en Italië, le Comte de Buuren, dont l'armée étoit de vingt-trois mille lansquenets, de fix mille Wallons & de huit mille chevaux, i reprit St. Pol, Montreuil ék afliégea Terouane. (i) Le Dauphin ék Mont- 1 morency, pour faire lever le fiege, réfolurent de donner bataille. Us étoient en marche, lorfqu'un héraut leur apporta de la part de la Gouvernante, la nouvelle d'une treve de dix mois, (2) mais feulement pour les Pays-bas. Cette treve avoit été procurée par Eléonore, Reine de France, ék Marie ia fceur, qui voyoient avec peine les frontieres de la France ék de la Flandre ravages, ék ces Etats défolés par 1'interruption du commerce, fans aucun avantage pour les uns ni pour les autres. Charles fe détermina k confentir a la treve, k caufe du traité d'alliance que Francois avoit conclu avec Soliman. Le Pape obtint enfuite que la treve dureroit dix ans: il fut convenu que chacun garderoit en fa pofieflion ce qu'il avoit ék que dans cet intcrvalle, les deux Rois' enverroient a Rome des Ambafladeurs, pour y difcuter , leurs prétentions refpeétives. L'Empereur èk Francois, que le Pape n'avoit pu faire confentir k fe voir, fe rencontrcrent a leur retour a Aigues-mortes; 1 ils y eurent plufieurs conférences èk conclurent une paix perpétuelle.Cj) _ Les Hollandois, dont les ports n'avoient jamais été fournis k la jurisdiétion de 1'Amirauté, ne reconnoiifant, en vertu de leurs privileges, d'autre autorité que celle de leur Stadhouder, de la Gouvernante èk du Confeil de la Province, eurent de vives conteftations avec 1'Amiral Adolphe de Bourgogne , qui vouloit aflüjettir les négocians k prendre des commiflions de fon tribunal. Us menacerent de ne pas remplir les pétitions èk d'en employer ; Pargent k armer une flotte, pour protéger leur commerce èk détruire celle des ennemis, fans aucun égard aux fauficonduits des Amiraux. Marie, pour faire cefier ces difputes, offrit de recevoir les pafle-ports d'Adolphe èk de les délivrer elle-même. Adolphe les refufa a la Princeffe èk continua de drer de grofles fommes des fauve-gardes. Les Etats révoltés de ces vexations, équiperent cinq vaiffeaux de guerre èk fix bufes pour protéger le commerce. Marie fe détermina k leur envoyer des pafle-ports en fon nom èk le payement des pétitions fut continué. (4) Le Duc de Gueldres ayant rafiemblé a gros frais des foldats qu'il engagea \ dans Harderwyk, au nom du Roi de France, les embarqua de nuit fur; cinq vaiffeaux èk s'approcha d'Enkhuifen; mais il fut découvert; les bour- 1 geois donnerent 1'allarme èk le Duc gagna le large: (5) il écrivit au magiftrat' (1) Daniël Hift. de Fr. Regn. de Francois I. (2^ Robertf. ubi fupr. (3) Dumont Corp. Diplom. T. IV. part. II. (4) Recueil des traités. Dumont. ubi fupr. (5) Hiftgén. des Prov. Unies T. IV. L. XII. Tome XLIIL O 0 0 'UJt. de lollande. 482-155S. 'ïiles prifes 'ar les 7rangois. Reprijes ,ar l'Emcreur. Treve. Entrevue le Frangois :^de l'Ernereur Paix. Contejlaüons au fuiet des fanie-gardes. ~)effein dti Duc de gueldres nar.qué.  Sect. V. Hijl. de Hollande J482-I55 1538. Gucrré 1 Duc cont fes fujas La Velum ravagé:. Les Ecat hii donnen un fucceffeur ma/gr lui. Sa mort. ÏS39- Joris ou ,yean de Bruges, chef des AnahapüsUs. 474 HISTOIRE DE HOLLANDE d'Amfterdam qu'on formoit des foupcons injuftes fur de fauifes apparences; qu'allant recevoir le Cardinal de Bourbon, fon oncle, il avoit été porté par les courans a la cöte d'Enkhuifen, & qu'a caufe des vents contraires, il étoit _ rentré a Harderwyk. r Le Duc de Gueldres chargé d'ans & de gloire, confervoit toujours fa " haine envers la maifon d'Autriche: il follicitoit les Gueldrois a fe donner k 'e la France: fa propoiition fut rejettée, ék Ja guerre s'alluma entre fes fujets ék lui. Les garnifons Francoifcs furent chailées de Nimegue, de Zutphen ék de Venloo: les habitans qui craignoient que le Duc ne les livrêt au Roi de France, raferent les citadellcs. Les autres villes appellerent a leur fecours '* les Autrichiens ék les foldats de Cleves. Le Duc tomba fur la Veluwe ék la ravagea; les autres quartiers effrayés eurent recours a la négociation. (1) II étoit queftion du fucceffeur du Duc. Son héritier légitime étoit Antoine, fils de René, Duc de Lorraine, marié avec Philippine, fceur de Henri, pere dc Charles Duc de Gueldres. Antoine étoit foible ék peu propre au gouvernement. Les Etats propoferent de marier Anne fa fille, avec Guillaume, fils ck héritier de Jean, Duc de Cleves ék de Juliers, ék Anne de Cleves, fceur de Guillaume, avec Francais, fils ainé d'Antoine, ék pour aftu. rer ce doublé mariage, les Etats folliciterent le Duc de confentir a finaugu' radon d'Antoine. Le Duc ne voulut point fe dépouiller: les Etats appelf lcrent Jean de Cleves. On n'eut aucun égard au refus du Duc. On lui 1 donna quarante - deux mille fiorins comptant, payés par le Duc de Cleves; dix-huit mille par la Gueldre ék Zutphen, une rente de vingt-cinq mille payables par Jean, de quinze mille par la province ék deux mille fiorins d'or fur le péage de Lobed. (2) Le Duc de Gueldres ne furvécut point k un arrangement fait malgré lui, ék qui le dépouilloit de la fouveraineté. Ce brave Prince fut en même tems un des meilleurs politiques de fon fiecle. Plabile a profiter des circonftances, il fut fe maintenir, malgré le défaut d'argent ék de forces, contre le coloftè de la puifiance Autrichienne. Après la mort du Duc, les quatre quartiers recurent en même tems, les réclamations de Marie, en vertu des anciens traités, ék celles du Duc de Lorraine; mais le Duc de Cleves étant en poflèfiion, ils lui renvoyerent les unes ék les autres. (3) Quelques émeutes occafionnées par les Anabaptiftes, refte de difciples de David Joris, fils de Joris Lekoman, célebre peintre fur verre, occuperent un moment la'Gouvernante. David avoit fuivi dans fa jeunefiè une troupe de batelcurs. Sous 1'apparence de la ftupidité, il avoit un efprit fin, réfléchi, l'art d'étudier ék de connoitre les hommes, furtout celui de les féduire ék de les faire fervir a fes vues. 11 avoit recu Pimpofition des mains d'Orbe Philips. Le nouvel apötre prêcha a Delft contre 1'euchariftie ék les prêtres. II fut arrêté ék condamné a avoir la langue percée. Uni avec Jean de Leyde, ils pafibient l'un ék 1'autre parmi les fanatiques pour deux prophêtes envoyés par Jéfus-Chrift, pour détruire Luther ék le Pape. Jean de Leyde lui donna des fommes confidérables pour lui amener une armée de Frifons. La Gou- (O Pontan. Hift. Gelr. L. XI. (V) Recueil des Placards de Gueldref. T. I. C3) Pont. Hift. Gelr. L. XI,  OÜ DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 475 vernante en ayant été informée, profcrivit Joris, qui avoit pris le nom de Tean de Bruges, ék défendit a toute perfonne de le recevoir, fous peine du fribct, promettant cent fiorins au dénonciateur de Joris èk quarante pour chaque Anabapdfte. Sa mere eut la tête tranchée a Delft. Joris fut perlécuté par Meinard fon gendre, qui avoit embraffé les opinions de Jean de Battenbouro-, homme confidéré par fa naifiance, différant des autres Anabaptiftes. La crainte de fon gendre le chafia des Pays-bas, èk de 1'argent de Jean de Leyde èk de fes difciples, il acheta prés de Bale, le chateau de Bruinmgen, oü fous le nom de Jean de Bruges, qu'il reprit, il mena pendant onze ans la 'vie la plus voluptueufe. La frayeur qu'il eut, en apprenant qu'il étoit découvert, lui caufa la mort. On fit le procés k fa mémoire; èk fes os exhumés, trois ans après, furent brülés avec fes écrits èk fon portrait. (1) Les foins que Paul III s'étoit donnés pour réconcilier Charles Quint èk Francois I, avoient pour objet la ligue qu'il forma entre les Princes Chrétiens'contre les Turcs, èk dont il fe déclara le Chef. Elle fut fignée par 1'Empereur, par Ferdinand Roi des Romains, par les Princes d'ltalie èk par 1 la République de Venife. Le Roi de France différa d'y entrer èk Henri VIII refufa. Charles réfolut de rafièmbler toutes fes forces maritimes, èk d'afliéger Conftantinople. (2) La Hollande èk la Zélande devoient fournir cent vaiflèaux de guerre. Par les foins de Marie, il y en eut en fort peu de tems, quarante-qnatre en état de partir, dansles ports de Zélande: les cinquante-fix qu'Amfterdam èk le Waterland devoient fournir, furent prêts un mois après; mais Charles occupé de foins plus preflans, licentia cette flotte èk conclut un traité avec Soliman. (3) Dans ces circonftances 1'Impératrice mourut a Tolede, èk comme tout étoit un fujet de nouvelles pétitions ou de dons gratuits, après avoir complimenté le Roi fur cette mort èk 1'avoir remercié de leur avoir donné Marie pour Gouvernante, les villes furent obligées de paflèr dix mille fiorins, que Marie demandoit qu'on ajoutat aux dix mille de don gratuit. Bientöt après, 1'impatience avec laquelle les peuples fupportoient Ie joug du defpotifme, fe manifefta paria révolte de Gand. Lorfqu'en 1537, les Pays-bas fe crurent expofés aux attaques de la France, par les nouvelles querelles de Francois I èk de Charles, Marie voulut mettre une armée fur pied, èk demanda', comme on Pa vu plus haut, une contribution de douze cens'mille fiorins, la Flandre étoit taxée a quatre tonnes d'or: Bruges, Ypres ék le pays libre donnerent leur confentement: Gand refufa; mais la bourgeoifie , le corps des cinquante-deux métiers ék les tifterands offrirent de fervir eux-mêmes fous le grand étendard de la ville, fuivant Pancien ufage. La Gouvernante rejetta leur offre èk voulut que les Gantois fe foumiflènt a la délibération prife par les autres villes, èk fit arrêter les Gantois qui étoient h Bruxelles, a Anvers, a Malines èk dans tous les lieux de fa domination, proteftant qu'elle ne leur rendroit la liberté, que lorfque Gand fe feroit fournis a Parrêté. (4) La ville de Gand déclara a la Gouvernante, qu'elle alloit CO Brandt Hift. de la Réf. T. I. De Thou. Hift. Univ. ann. 1556. CO Velius Deïcrp. de Hoorn. (3) E. de Veere Chton. (4) Pont. Hein. rer. Auftr. L II. . Ooo a Hjffl. de Hollande. 14Ü2-1555. Sa retraite &fa mort. Ligue contre es Turcs. Grands préparatifs en Hollande. Inutiles, Mort de 1'Impératrice.Pétition. Révolte de Gand. Origine des troubles.  Sect. V. Hift. de Hollande. '482-1555 Ils t/ffrent a Francois 1 de le reconnoitre.Franfois en donne avis a Charles. L'Empereur Je détermine a part ir. II paffe par la France. jfecueil que lui fais le Roi. 476 HISTOIRE DE HOLLANDE deputeren Efpagne, & lui repréfenta qu'il étoit contre la jufiice & contre fes privileges de la forcer a fe ranger a la pluralité, lorfqu'il s'agiffoit de contributions: Marie les rcnvoya devant lc Procureur général. Les Gantois obtinrent des villes qui avoient confenti , de demander une fufpenfion k la levée de 1'impöt, jufques a ce que 1'Empereur eüt prononcé. Us protefterent qu'on ne pouvoit pas les rendre refponfables des fuites de cette affaire ék fignifierent un appel a 1'Empereur. (1 j La Gouvernante chercha a les gagner ék offrit de rendre les prifonniers. Charles recut les députés avec hauteur, rejetta leur demande ék les renvoya au Confeil de Malines, qui jugea les prétentions des Gantois mal fondées èk les condamna a payer fans délai. (2) Ce jugement contraire a leurs privileges, les révolta. La ville fe fouleve , on court aux armes-, les nobles font chaffés; on fe faifit des officiers de 1'Empereur: Pund'eux, accufé d'avoir déchiré le regiftre qui contcnoit Ie titre de leur exemption, efl: appliqué a la queftion: ils nomment un confeil èk relevent leurs fortifications. Us députerent a Francois I, pour lui offrir de le reconnoitre pour Souverain èk Paider a reeonquérir les Provinces des Pays-bas, qui avoient autrefois appartenu a la Couronne. Francois I, foit par politique, foit par pure générofité, refufa 1'offre des Gantois èk donna avis a Charles, de tout ce qu'il favoit de leurs projets èk de leurs démarches. (3) Marie afferma les accifes: les Gantois déliberent de défendre les payfans contre les exact.eurs a main armée; ils demanderent en même tems la réforme du Gouvernement. Marie preftbit vivement 1'Empereur de venir dans les Pays-bas, ék il en fentoit la néceflité; mais il falloit ou y arriver par terre, en traverfant PItalie ék PAllemagne, ou s'embarquer dans un port d'Efpagne ék arriver par mer dans les Pays-bas: la première route étoit trop longue èk exigeoit une dépenfe èk une fuite dignes d'un Empereur: la feconde n'étoit pas praticable a caufe de la faifon, èk paree que d'ailleurs il étoit brouille avec Ie Roi d'Angleterre. Charles dans cet embarras, imagina le projet inconféquerit de paffer par la France: il connoilfoit Francois I rempli d'honneur ék de • générofité. II propofa fon projet afes Miniftres, qui firent tous leurs efforts pour Pen détourner: mais il perfifta èk fit demander a Francois par fon Ambafiadeur, le paflage dans fes Etats, en lui promettant de terminer a fa fatisfacfion 1'affaire du Milanez. (4) Francois I, fans vouloir rien ftipuler, confentit avec empreflement a recevoir 1'Empereur, èk envoya fur le champ, le Dauphin èk le Duc d'Orléans, avec Montmorency, au devant de lui: il les trou • va a Bayonne, èk ils lui propoferent de paflèr en Efpagne, comme ötages, jufques a fon retour. Charles leur dit que la parole du Roi étoit le plus für des garants. (5) 11 fut comblé d'honneurs èk de fêtes dans fa route. On lui rendit les mêmes hommages qu'on eut rendus au Roi. Francois alla au devant de lui jufques a Chatellerault: ils fe donnerent les témoignages de 1'amitié la plus vive , èk ces deux Monarques, dont les haines avoient bouleverfé PEurope, firent a cöté l'un de 1'autre, leur entrée dans Paris. (6) Charles (O Mémoire fur Ia révolte des Gantois, par J. Hollander. (1) Robertf. Hift. de Charles V. T. IV. L. 6. (3) Mém. du B'ellay. Pont. Heut. ubi fupr. (4) Ro¬ bertf. Hift. de Charles V. T. IV. L. 6". (5) Hift. gén, des Provinces Unies T. IV. L. 12. (6) Hift. de Thou, L. I. c. 14.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXUI. Sect. V. 477 v demeura fix jours, non fans inquiétude, parceque la confcience de fes / propres feminiens, lui faifoit craindre que Francois ne le penetrat Quelques Eres de France étoient d'avis que le Roi s'aflurat de fa perfonne, juf- _ mies kce qu il eüt fatisfaédon des griefs dont il avoit a fe plamdre. Francois nWina jamais que Charles püt le tromper encore; mais des que Charles / fcïïnffi? dans les Pays-bas , il refufa au, Ambafladeurs de France, 1 inves- { tiitire du Duché de Milan , fous prétexte qu il etoit trop occupé de la r Ié MaL^oitTnudlêment tenté toutes les voies de la douceur pour ramener 1« révoltés Llle leur avoit envoyé Adolphe de Bourgogne & Bryard, Préfident du Grand Confeil de Malines. Les rebelles demanderent qu on nommat de nouveaux magiftrats; les Envoyés s'étant excufes fur ce qu ils J n?avdent pas des pouvoirs, fe virent dans le plus grand danger; on es ren- , ferma jufques a ce qu'ils eufient recu ces pouvoirs : ils demannoient la revoca ion de 1'ordonnance de Philippe II, qui annulloit les privileges & des lmres de 1'Empereur qui confirmoient cette ordonnance. (1) Ils formoient plufieurs autres demandes ck furtout qu'il leur füt permis de lever autant de foldats qu'ils jugeroient a propos. Marie confentit a tout apres avoir protefté contre la violence; mais fa condefcendance ne les rendit que plus mutins. Ils rehaufierent le prix des monnoyes, défendirent les creations des rentes Le Prince d'Orange avec quelques troupes, affura les forts. II forca Warnêwyk d'abandonner Geveren, qu'il avoit invefti. A 1 arnvée du Comte deRoeulx, Stadhouder de Flandre, qui portoit les ordres del Empereur, fa révolte s'accrut encore. On courut aux armes de part èk d autre. La fédkion gagna Maftricht, qui maflacra fes Magiftrats. f» Ferdinand avoit conduit a Bruxelles deux régimens. La Gouvernante avoit raflèmblé dans les Pays-bas quatre mille hommes èk un troifieme corps etoit venü d'Efpagne par mer. Charles fe difpofoit de marcher a Gand a la tete de ces trois corpl Les Gantois, fans chefs, abandonnes du Roi de France, ( 'envoverent des députés h 1'Empereur & offrirent de lui ouvrir leurs portes., Charles pour toute réponfe fe mit en marche. La confternation regnoit dans 1 la ville Charles y étant entré, fit venir les douze députés du Senat ; il s'iflit entre Ferdinand & la Gouvernante, entouré des Chevaliers de la T01fnn d'or Un des députés difcuta les privileges, en vertu defquels on demandoit'la fuppreffion de Pimpöt. L'Avocat du fifc infifta fur les vices de Ss orivileo-es. Le député ne fe défendit pas longtems, il fe profterna aux pieds du Prince & demanda grace pour la ville de Gand. (3) Charles_remit Fe jugement au mois de Juin, & alors il déclara les Gantois aflüjettis aux pé irdons confenties a la pluralité des voix, la ville déchue de tous fes droits • & orivile"-es la vie, les biens, les armes des habitans confifques, ainfi que la cloche0 du tocfm & la rente de cinq cens cinquante livres, acquife par la ville de Charles Duc de Bourgogne; il condamna le magiftrat, accompagné de auatre cens cinquante des principaux habitans & de tous les porte-faix, a venir en habit de toile ék la corde au cou, lui demander pardon a genoux; CO Mém. de Jean de. Holland. (O Wem. ibid. Hift. gén. des Prov. Unies uW fupr. (3) PüUt« Heut' ter' Auftr' L' Ooo 3 Ufl. ós ioHaude. 182-1555;. Ij4°- igradtu Is '.rfvie dt limpe:ur. De-manes auiaieufes des rantois. lis courem iux armes, Ils offrent \ l'Empeeur de tui uvrir Iturs wtes. Les Ganois font 'ugés. Leur puni:ion.  Sect. V, Hift. de Hollande 14*52-155 L'Empereur vifite les villes de Hollai de, de Z lande & Utrecht. Pétitions. Le Prince tt'Orangs, Stadhouder Général, L'Empereur confirme fa mauvaife foi envers Francois I. Difputes des villes avec 1'Amiral. Décifion'de 1'Empereur: elle fouffre des diffieultés. 4?B HISTOIRE DE HOLLANDE h payer outre leur quote-part aux quatre cens mille fiorins, une amende de cent cmquante mille comptant & de fix mille a perpétuité. L'anciZ5- forme . dadmuhtofen fut abolie On fit de nouveaux ,-égIemens. On Stic üne .citadelle aux depens des Gantois, & vingt-fept prifonniers oü fuLft gent CO i;^m les autres oWent leur grace TPri> dtl Charles alla vifiter les villes de Hollande & de Zélande, fit une pétition de fix cens mil e fiorins payables en fix mois, & cette pétition fut coiffentie fans difficulte II alla a Utrecht, il y fut recu aux flambeaux par h Noblefle & , e Magiftrat; une fl umination générale regnoit dans la ville; les rues: étoient jonchees de fleurs: 1'Evêque, a la tête de fon Clergé, fe mit l eenouT dès qu d parut: on lm porta les clefs, qu'il rendit. On avoit é evé un ftmer* are de triomphe & des ftatues colaflales: il continua fa routeaprèsVoTcbtenu une petition René de Chalons, Prince d'Orange, qui avo t héricé de tous les biens du Comte de Naflau fon pere, Ie r^Jn^^^B^. ?\l ,rCT mTma Sradhouder Général de Hollande, de Zélande de Wefl-fnfe d'Utrecht de Voorn & de la Brille, a la pl ce d'ArStó de Lalaing Comte de Hoogftraten, qui étoit mort & qui, ?endant dix hÜk Flo,-PnTS'R"C ÓT%de CGf^. (O Cette même 'année n oumre Floient dEgmond, Comte de Buuren, Capitaine général, & Adolphe de ^Tfe,rCOT/e BeVCre? & de Veere' Gra"d Amiral. Maximflien on hls lui fuccéda dans cette place. Dc retour a Bruxelles, PEmpereu fi hre aux Etats, une nouvelle ordonnance, portant profcription d ?S re t Tiï?' Kment desrA"abaP"'^ " m. enfuite pour fe rendre h a Diette de Ratisbonne. Ce Prince manqua indignement a ia parole qu'il avo t donnee a Fran9ois I en lui refufant 1'inveftiture du Milanez: il propofa de donner par mamère^de dédommagement 1'inveftiture de la Fland'e au Duc dOrleans mars a des conditions qu'il favoit bien qu'on n'acceptero pasenfin il refufa ouvertement d'abandonner un fi bel Etat, pour loml ,?dï m r' nUXArCtS de f°n ^éHl ' & bfa ^ eCit jamais fait une promefle aufli folie. Cs) Francois fut indigné d un procédé qu'il auroit du prévoï L Empereur partit pour PItalie, C4) & dans fon abfence la Gouvernante eflaya de term.ner la d.fpute des villes avec 1'Amiral, at, fujet des droits quil sattribuoit. II prétendoit avoir part dans les prifes: il préfidoit dans toutes les Amirautes, forcoit les négocians de prendre fon attaché ék les mettoit a contribution. L'Amiral & les négocians s'autorifoient du même titre; ces droits étoient accordés aux Amiraux par des lettres oatentes cU Maximilien & de Philippe II. Les villes citoieiu ces mêmes lettres en eur faveur , paree qu elles contenoient la claufe, privileges des villes, 6? des particuliers. Cette affaire fut remife a la décifion de 1'Empereur qui confirma les lettres patentes de 1487, mais qui attribua la revifion des fentences des Amirautés au Grand Confeil de Malines. (5) Cet édit fut exécute en Zélande, oü 1'Amiral avoit beaucoup de crédit; mais le Prince < ^2 A!eXnIeJGrnd- & Lo!x du Comt- de FIflndre, T. I. r2) Neer EccL S. Mar. de Breda. Reig. Chron. de Hollande. Crt Pml Tov Hift T \n , \ £ L Paolo Hift. Conc. Trid. T. I. (5) Hijgen. dS^Provftv/uia. C0 *f  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 479 d'Orange empêcha qu'il ne fut exécuté en Hollande. Ces revifions dt Confeil de Malines étoient un attentat aux privileges de Ia Province, qu donnoient aux citoyens, le droit de ne pouvoir être ajournés hors de leur: jurisdiétions. On fe fervit enfuite du prétexte de pourfuivre les feétaires, pour multiplier les évocations. Les Licentes donnerent bientót lieu a de plus vives querelles: quoique la Hollande en eüt obtenu 1'exemption.en 1531, & la fuppreflion en 1535 . une compagnie de traitans fe préfenta pour affermer ces contributions. Les Etats firent a ce fujet les plus fortes réclamations. La Gouvernante lèui envoya une déclaration avec des modifications. On fit de nouvelles remontrances; la Gouvernante les rejetta ék fit dire aux députés qu'elle vouloii être obéie. On fentit bientöt le dommage que cet impót faifoit au coiu merce des grains, au bien du peuple ék aux intéréts de la cour; car le: vaifieaux paflbient fans s'arrêtcr. La violence qu'un receveur exerca contrt un bourgeois, acheva d'irriter le peuple, qui eut maflacré 1'exacfeur , fi lc Sénat ne Peut fait fauver fecrétement. L'Empereur voyant le peu de früi de Pimpöt, ék les troubles qu'il occafionnoit, envoya ordre de furfeoir a 1; perception des Licentes. Van der Goes, Avocat des Etats, demanda la fup' preflion totale de Pimpöt; la Gouvernante ne pouvant mieux faire, deman da un dédommagement de vingt-cinq mille florins. On fe hata de les lui ac corder ék cette affaire en demeura-la. (1) Dans le tems que Charles étoii encore a Ratisbonne, Jaques V Roi d'Ecofle, allié des Francois, permettoit a fes armateurs d'attaquer les Hollandois ék les Zélandois dans le Nord; le commerce ék la pêche fouffroient beaucoup de leurs courfes: Marie paryint a vaincre Pobftination du Roi Jaques, ék a un traité qui rétablit la liberté de la pêche ék du commerce. (2) Soliman s'étoit emparé de la Hongrie par une rufe indigné de ce granc homme, ék fe voyoit a portée de faire la loi a Ferdinand. (3) Dans cettt circonftance, Charles crut devoir ménager les Proteftans. 11 eut pu mar cher au fecours de fon frere, mais il aima mieux faire une diverfion, attaquer direélcment Alger ék délivrer la Méditerranée ék les cötes d'Efpamie. des corfaires, du fameux Barberouffe ék de Haffen Aga. Charles fit des ef forts incroyables: fa flotte étoit immenfe. Vingt mille hommes d'infanterie. deux mille de cavalerie, prefque tous vieux foldats , Efpagnols, Italiens ék Allemans; trois mille volontaires, la fleur de la Noblefle Italienne ék Ef pagnole;^(4) mille foldats Malthois, envoyés par le Grand-maitre, avec cinquante Chevaliers, compofoient Parmée. On tenta vainement de diftraire 1'Empereur d'une entreprife que la faifon ék des cötes dangereufes rendoient impraticable. Charles s'obftina; mais la flotte ék l'armée furent prefque entierement détruites par les tempêtes, par le fer d'un petit nombre d'ennemis ék par des fatigues incroyables: (5) 1'Empereur eut lui même bien de la peine a fe fauver; jetté par une feconde tempête, qui difperfa les débris de fa flotte, fur les cötes d'Afrique, il fut retenu quelque tems daas (O Hift. gén. des Prov. Unies T. IV, L. 12. (2) Dumont Corp. Diplom. T. IV. part. II. (3) Voyez notre Hift. d'Allem. Tom. 40. p. 421 & d'Hongrie Tom. 41. P- (3<0 (O Robertf. Hift. de Charles V. T. IV, L. 6. (5) Voyez notre Hift d'Iilpagne Tom. 29. p. 32. &c. l Hifi. de Hollande. ; 14^-1555. Querelles fur les Licentes. ; Les Liccn~ tes fufpeu' dues. i Armateurs Ecoffois nuifibles au • commerce tja la , pêche. Traité. Préparatifs pour iexpèditiond''Alger. L''année £? la flotte font détruites par la tempête par Pennemi.  Sp.ct. V. Hifi. de Hollande 1482-155 'Ambafladeurs Fra', fois affa fir.és. Traité d'a liance enti ia France h Dannemarck, la Suede, l'E eojje, 0>e 1542. Pétition. ha flotte Danoife dijperfée par la tem}ête. Les Paysbas menalés. Précautions du Stadhouder. La Mairie de Bois-leDuc ravagée tar van Bojfum. 4"$o HISTOIRE DE HOLLANDE le port de Breggia; il revint enfin en Efpagne, oü Ie bruit de fa perte Va'. voit devancé , ainfi que dans fes autres Etars. (1) Les Hollandois èk les Zélandois formoient une partie de cette flotte malheureufe, & leur perte fut _ plus confidérable que celle des autres pays qui avoient concouru a cette expédition. Charles n'avoit afieété pendant quelque tems, une réunion fincere avec !- Francois I, que pour jetter des foupcons dans 1'efprit dc Soliman. Le Roi [- convaincu de fa mauvaife foi, ék dérerminé a tout, envoya au Ture des AmU Odeurs pour raffurer ce Prince; mais le Marquis du Guaft les fit aflafliner e pour s'emparer de leurs dépêches. Cette perfidie indigna Francois, qui ne ,refpirant que la vengeance, négocia auprès des Rois de Dannemarck, de Suede ck d'Ecoflè. II avoit fait un traité d'alliance avec Guillaume Duc de . Cleves ; (2) ék Charles en avoit pris occafion de donner 1'invefliture du . IVJilanez a Philippe, petit-fils d'Antoine Duc de Lorraine. Pour fubvenir aux préparatifs d'une guerre inévitable, la Gouvernante affembla les Etats Généraux a Bruxelles, èk leur préfenta un tarif, oü les contributions de chaque Province étoient fixées. Cette nouveauté furprit ék indifpofa. D'ailleurs la Hollande fe plaignoit qu'après tant de fubfides on n'eut pas fortifié les frontieres: les députés s'étendirent fur 1'épuifement des villes, qui fe trouvoient même dans 1'impuifiance de réparer les digues renverfées_par les ouragans, fur Pinterruption de la pêche ék du commerce; èk la pétition fut modérée a quatre-vingts mille fiorins en cas de guerre. (3) Le Roi de Dannemarck s'étoit propofé la conquête de Walcheren; 'mais la .flotte qu'il y envoyoit, montée de cinq mille hommes de débarquemenr battue par une horrible tempête, difperfée èk jettée fur les cótes de Nor' vege , fut obügée de regagner Coppenhague dans le plus grand défordre Les Hollandois s'emparerent d'un des vaiflèaux, firent pendre l'équipan-e èk trancher la tête au capitaine, faute de commiflion. Les Pays-bas étoient menacés: Francois avoit formé cinq armées,deftinées Pune h la conquête du Luxembourg, commandée par le Duc d'Orléans: 1'autre fous les ordres du Dauphin, devoit marcher fur les frontieres d'Efpagne: la troifieme conduite par van Roflüm, Maréchal de Gueldres, formée des troupes de Cleves, avoit pour objet le Brabant. Le Duc de Vendóme, a la tête de la quatrieme, fe portoit en Flandre, èk la cinquieme dans le Piémont, fous les ordres de 1'Amiral d'Annebaut. (4) Le Stadhouder fongea férieufement a prendre des précautions pour la défenfe du pays; il garda les bouches du Texel ck du VJie, jetta deux cens hommes dans Rheenen èk quatre cens dans Ja Brille munitles frontieres de Weft-frife contre les armateurs de Gueldre; ("5) ék' • les armateurs Plollandois ék Zélandois coururent fus les Francois. Le Prince d'Orange obligea van Roflum qui marchoit fur le Brabant,a repaflèr la Meufemais fon armée revenant fur fes pas javagea la Mairie de Bois-le-Duc: les habitans de Breda effrayés fe retirerent a Dordrecht, que l'armée n'ofa point infulter, mais elle s'empara du chateau de Hoogflraten. Ma- 'CO Sandoval Hift. L. II. Robertf. ubi fupr. CO Dumont Corp. Diplom. T. V. C3) Hift. gen. des Prov. Unies T. IV. L. 12. CO Daniël. Mezer. Hift. de France Regne de Francois I. C5) Velius Defcript. de Hoorn.  Oü DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 481 Marie profita de la circonftance pour demander de nouveaux fubfides: elle trouva des oppofitions de la part des villes. Le Prince d'Orange que 1'invafion de van Roflèn avoit obligé de transférer les Etats d'Amfterdam a la Playe, en partit pour aller au fecours d'Anvers menacé par ce Général Qi). II avoit marqué au Gouverneur, le jour de fon arrivée; la lettre tomba entre les mains de van Roflèn, qui mit fes troupes en embufcade , tailla 1 en pieces le détachement du Prince , èk le pourfuivit jufques aux portes d'Anvers, dont il fit fommer le Gouverneur: mais comme van Rofien n'avoit point d'artillerie, il fe répandit dans Ia campagne, qu'il mit a feu & a fang. Repouifé de devant Louvain, il quitta le Brabant, & alla rejoindre les Francois dans le Luxembourg. Son départ détermina les Etats a refufer les fubfides; mais comme les Pays-bas étoient toujours menacés, la pétition fut enfin confentie. (2) Les difcuflions juridiques entre 1'Empereur & Guillaume Duc de Cleves, n'étoient pas encore terminées, lorfque Guillaume appuya fes droits de fon alliance, avec Francois I. Le Duc ayant amufé les Impériaux par de feintes négociations, reprit au Prince d'Orange, les villes dont celui-ci, conjointement avec les Comtes de Buuren ék de Boflu, s'étoit emparé; ils 1'obligerent de lever le fiege de Plensberg. Van Rofien s'avanca dans la Veluwe 6c mit a contribution Cuilenbourg, Vianen ék Heusden. Ces hoftilités furent fuivies de nouvelles pétitions. En Hollande les deux Dixiemes furent établis, indépendamment d'autres impofitions pour la paye des foldats èk des cavaliers. Le Duc d'Orléans, maitre du Luxembourg, avoit abandonné fa conquête, pour courir avec un gros détachement dans le Rouflillon, oü il croyoit que le Dauphin alloit donner une bataille. Le Prince d'Orange profitant de 1'imprudence de ce Prince ék de Paffoiblifiement de fon armée, reprit le Luxembourg, en même tems que le Dauphin abandonnoit le fiege de Perpignan. (3) Francois ï, qui avoit tout difpofé pour une nouvelle campagne, entra dans le Plainaut. Le Duc de Vendóme s'empara de Bapaume, èk le Roi inveflit Landrecie. Le Duc d'Orléans reprit le Luxembourg. Van Rofien dès le mois de Février ayant tué au Duc d'Arfchot, trois mille hommes, fait un plus grand nombre de prifonniers èk pris 1'artillerie èk les bagages, (4) 1'avoit obligé de couvrir les frontieres du Plainaut .* tandis qu'il le tenoit occupé, il entra dans le HautEvêché, pilla, forca Amersfort a capituler, fe fit payer quatre-vingts mille fiorins, ravagea une feconde fois la Mairie de Bois-le-Duc èk n'épargna ni églifes ni monafteres. (5) Tandis que les armateurs Francois infeftoient les cötes de Hollande, Maximilien de Bourgogne, Amiral des Pays-bas, croifoit dans les mers de Gafcogne: il attaqua avec une efcadre de neuf vaiflèaux de guerre, dans la riviere de Bordeaux , une' flotte marchande, dont il prit la plus grande partie, difperfa le refte èk fesj troupes pillerent quelques villages. L'Empereur avoit trouvé de grandes reflburces en Efpagne, il en avoit (O Pontan. Hift. Gelr. L. XII. CO Hift- gén. des Prov. Unies T. IV. L. 12. (3; Daniël Hift. de France T. V. Regn. de Francois I. C4) Daniël & Mez. ubi fupr. (5) Pont. Hift. Gelr. L. XII. Tome XLI1J. Ppp Hijl. ds Hollande. 1482-1555. dnvers melacc. 154». Pan Roffen •net la Peluw; a con■ribution. Le Luxem' ')ourg enva'ii par les Franpois, repris par le Frince d'Orange. Et envahi mcore par 'es Fran■ois. Ravages de vanRojfien, Reprêfailes dans les ners de ïajcogne.  Sl'.CT, V. Hijl. de Hollande, 1482-155 Charles marche co; tre le Di de Cleves. Il prend Duuren-.h Efpagnols la'brélent. Le Duo 1 Cleves fe foumet. Van RoJ Jen paffe a\ fervice de ïEmperem Tétition, Charles aj fiege Landrecie. Franpois jette des fecours dam la place. 482 HISTOIRE DE HOLLANDE obtenu plus de quatre millions d'or. Jean, Roi de Portugal, lui avoit prêté de groilès fommes, & pour füreté, Charles 1'avoit mis en poffeiïion des -# ifles Moluques. Jean, en confldération du mariage de Marie fa fille, avec _ Philippe, fils unique de 1'Empereur, lui fit de trés grands avantages. D'un autre cöté, Henri VIII lui promettoit des fecours en hommes & en argent. (1) En partant d'Efpagne, Charles en laifia le gouvernement a Philippe. A !- peine fut-il arrivé dans les Pays-bas,qu'il marcha contre le Duc de Cleves,. avec une armée de trente - fept mille hommes d'infanterie & de huit mille chevaux. II fut joint par le Prince d'Orange avec deux mille chevaux & douze mille fantaflins. L'Empereur donna le commandement de l'armée a Ferdinand de Gonzague, appellé le Grand Capitaine. Cette armée mit lc fiege devant Duuren, vaillamment défendu par Vlatten, qui fut enfévéli fous •f les ruines de la ville, prife après une réfiftance opiniatre: les Efpagnols & les Italiens paflèrent tout au fil de Pépée & pillerent les maifons, les églifes & les monafteres, & enfuite ils brülerent la ville. Juliers & Roeremonde ouvrirent leurs portes: Venloo réfifta. Le Duc craignant pour fes Etats héréditaires, fe foumit & demanda pardon a 1'Empereur a genoux, qui lc 'e renvoya fiérement a fes Miniftres. (2) II renonca par le traité a toutes fes prétentions fur le Duché de Gueldres, a fon alliance avec la France ék le Dannemarck ék promit de s'unir a 1'Empereur ék au Roi des Romains. A ce prixon lui rendit fes Etats héréditaires, ék on le rétablit dans fes privileges de Prince de PEmpire. Charles recut le ferment des quatre quartiers de Gueldres, en unit le Stadhouderat a ceux de Plollande, de Zélande ék d'Utrecht pofledés par le Prince d'Orange. Van Roffen pafla au fervice de 1'Empereur. t Par cette conquête, la maifon Autrichienne fe trouva maitreflè des dix-fept Provinces des Pays - bas. Charles prenoit a la tête des a6t.es, les titres de " Duc de Brabant, de Limbourg, de Luxembourg, de Gueldres; Comte de Flandre, d'Artois, de Hainaut, de HollaDde, de Zélande, de Namur ék de Zutphen; Margrave d'Anvers ék du St. Empire; Seigneur de Frife, de la ville de Malines , des villes ék pays d'Utrecht, d'Overyflèl ék de Groningue. (3) Cette augmentation de puifiance ne 1'empêcha pas de faire a la Hollande, une pétition de douze cens mille fiorins, qui fut accordée, avec permifiion de créer des rentes ék de lever les entrées fur les vins, la bierre, les draps de laine ék de foie. . Charles marcha dans le Hainaut, ék recut au camp de Quesnoy, fix mille Anglois que Henri lui envoyoit; avec ce'renfort il mit le fiege devant Landrecie,vigoureufement défendu par de La Lande ék d'Effé. Francois I marcha au fecours de la place. On s'attendoit a une bataille décifive.' Les armées n'étoient féparées que par un ruifièau; mais fes bords efcarpés empêchoient que 1'une ou 1'autre ne le paffat fans déranger Pordre: on fe canonna longtems ; Francois étant parvenu a jetter du fecours dans la place, fe retira en bon ordre, fans que Gonzague put entamer fon arriere - garde. Charles pi- (i) P. Jovii Hift. L. 40. Mezer. Regn. de Francais I. Robertfon Hift. de Ckarles V, L. VII. (2) Robertf. ubi fupr. Pont. Hift. Gelr. L. XII. (3) Recueil des Placards de Gueldres c. XXXII.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 483 qué d'avoir échoué avec toutes fes forces devant Landrccie, s'empara de Cambray par furprife & diitribua fes troupes dans leurs quartiers.- (1) Le paflage du Sund fermé par les Danois, faifoit hauifer de jour en jour, le prix du bied en Hollande, & il étoit a craindre que Lubec ne s'emparat du commerce des grains. Les marchands d'Amfterdam députerent leur Penfionnaire a Charles, pour Pengager a des négociations avec les Puiffances du Nord. Charles fe rendit a leurs vceux ék parvint a un traité, par Iequel Chriftian III renonca a Palliance de la France , & rouvrit fes ports aux , Pays-bas (2). On comprend aifément que cet avantage fut Poccafion , d'une pétition. _ f_-'r Charles avoit ouvert la Diette de Spire par des uiveéhves contre Francois I , qu'il avoit peint comme un apoftat ligué avec les infideles pour J detruire 1'églife ék la religion: en conféquence il demanda des fecours aux Proteftans, ék, pour mieux en venir a fes fins, il fufpendit Pexécution de PEdit d'Augsbourg èk leur accorda le libre exercice de leur Religion. (3) Les Proteftans lui donnerent une armée commandée par Guillaume de Fur- ■ ftemberg, qui s'empara du Luxembourg. Charles prit Commercy, Ligny & inveftit St. Dizier en Champagne, tandis que Henri VIII inveftiffoit Boulogne, èk que Norfolk prefibit le fiege de Montreuil. Les deux Monarques devoient fe réunir devant Paris; mais Pambition de prendre des villes a Penvi l'un de 1'autre fit manquer leur projet. (4) Louis de Beuil, Comte de ■Sancerre, défendoit St. Dizier avec ia valeur la plus aétive èk la fageffe la plus réfléchie. GuiUaume, Prince d'Orange, qui fe diftinguoit a ce fiege, y eut 1'épaule fracaffée ék mourut de fableffure, le lendemain, agé de 32 ans. Comme il n'avoit point d'enfans, il inftir.ua pour héritier de fon nom ck de fes Seigneuries, Guillaume de Naflau, fon coufin, qui n'avoit que onze ans. 11 fit cette inftitution a la follicitation de 1'Empereur, qui ne prévoyoit pas que cet enfant affranchiroit un jour du joug de la maifon d'Autriche, les plus riches Provinces des Pays-bas. Le jeune Naflau vint iixer fon féjour a Bruxelles, avec la Princeffe Douairière fa coufine._ (5) Comme il étoit trop jeune, 1'Empereur donna le Stadhouderat a Louis de Flandre, Seigneur de Praat. Charles avoit été repouffé trois fois de devant St. Dizier, lorfqu un paquet qui contenoit le chiffre du Duc de Guife, Gouverneur de la Champagne, tomba entre les mains de Granvelle. Charles en profita pour écrire a Sancerre, au nom du Duc, que le Roi fatisfait de fa défenfe, èk voulant fauver une aufli brave garnifon, lui ordonnoit de capituler aux conditions les plus avantageufes. Sancerre obtint tous les honneurs militaires èk rendit la ville. Charles écrivit auflitöt h Henri, de marcher a Paris; Plenri ne voulut point abandonner le fiege de Boulogne. L'Empereur s'avanca jufques a Chateau-Thierry èk jetta 1'allarme dans la capitale; mais piqué de Pobftination du Roi d'Angleterre, craignant que le Dauphin ne profluit de la viétoire du Duc d'Enghien a Cerifolles, pour lui couper fa retraite, preffé CO Arm. Belg. T. I, part. II. Daniël ubi fupr. 00 Dumont Corp. Diplom. T. IV, part. 2. (3) Sleid. Comm. L. XV. Pallav. Hift. Conc. Trid. h- V. c. 5. CO R-aP"l Thoyr. Hift. d'Angl. T. V. (5) Supplem. au Corps. Diplom. T. V. jf Ppp 2 Vijl. de ' Hollande. [482-1555. Charles s'empare de "ambray. 1544- Traité de ommerce ivec le Dannenarek, qui 'e fépare de 'a France. Pétition. Charles ibtient des recours des Proteftans. Avantages ie Charles. Le Prince i'Orange bleffé au fiege de St. Dizier. Charles Vengage i iéclarer Guillaume de Najfau, fon héritier. Charles maitre de St. Dizier par furprife. Charles . pénetre jufques t\ f h dr teau-Thier' ry.  Sect. V Hi/l. Ai Holland 1482-if Paix 1 Crepy. Pétitio 154S- Emhar ie la Ho /wie. Pétitio? L'Empt reur fe p pare a li guerre cc tre la Prottjlan ' 11 les am Les Pn teftans pénetrent fo fecret. 484 HISTOIRE DE HOLLANDE . par Ie défaut de fubfiftances & menacé par le Pape, Charles Gsm Ia paix de Crepy, (1) negociée par Eléonore fa fceur & par Granvelle II re• tourna dans les Pays-bas & demanda de nouveaux fecours a chaquè Provin- — ,ce en particulier. La Hollande fut taxée cent mille fiorins, qu'elle accorda le a condition que le centieme denier fur les marchandifes feroit fupprimé- cé qui fut accorde: mais la perception de cette fomme entrama bien des difpub. tes par le defaut d efpeces. ^ , Le foncile é,t0it indiciué h Trente & les Evêques ne fe preffant pas de sy rendre, Charles, pour amraer leur zele, renouvella les édits contre les Proteftans (o) & autonfa PEvêque d'Utrecht a les citer a fon tribunal. Les « Etats qui cra.gnoient de voir augmenter 1'autorité des eccléfiaftiques, penchoientpour la To erance. D'autres foins les occupoient encore. Tandis quils travailloient a la répartition des impöts , que la guerre, qui continuo^ entre la France & PAngleterre, (3) les tenoit dans une continuelïe . mquietude, que es Anglois mettoient des embarras a leur commerce, Charks fit une nouvelle pétition de fix cens mille fiorins payables dans quatre ans, & malgré Ia cherte des denrées & la rareté des efpeces, elle fut comentie - L Empereur faifoit alors fes préparatifs de guerre contre les Proteftans. Par e- le moyen de Francois I, il avoit obtenu une treve avec Soliman: il levoit ^ de tous cotes des hommes & de 1'argent. II faifoit agir auprès de PElec- teur de Baviere pour le faire entrer dans fes vues. Lamoral Comte d'Esrr. mond, Henri de Brederode, André Mtard de Waflènaar, monterent a cht val, a la tete de la Noblefle Hollandoife. D'Egmond, Comte de Buuren, aftemblo.t les forces des Pays-bas, & Charles, après s'être fait inaugurer ;'" la Gueldre, (4) pamt pour la Diette de Ratisbonne, oü il devoit difoit- tl, terminer a 1 amiable les affaires de religion. Mais quand les Pro. teftans virent les Princes Catholiques s'aflèmbler de tous cötés, ils comprirent qu il les avoit joués. Us s'aflèmblerent & lorfqu'ils fe virent en force ils lui firent demander contre quels ennemis il deftinoit de fi grands prépara' 1 a• ; ^ °?ment, leurs fecours': 11 réP°ndit d'une maniere équivoque & preffa fes Generaux de fe rendre a Ratisbonne. (5) II envoya le Cardinal de 1 rente aRome & la ligue avec le Pape fut fignée. Charles s'oblifreok d entrer mceffamment en campagne & de ne conclure la paix qu'avec le confentement du Pape, de protéger le Conciie & de n'entrer dans aucun accommodement préjudiciable aux intéréts de 1'Eglife & de la Religion Ce Prince, pour mieux tromper ies Proteftans, leur écrivit que fon inrintion etoit de venger fon autorité, de Pinfolence de certains réfrachures, & non de troubler Ia liberté des confeiences. (6) > Les P^eftans ne fe laiflèrent point; éblouir; ils fe préparerent k Ia guerre; maïs ds ne purent obtenir des fecours ni des Vénitiens, ni des Suiflès, b ni du Roi de France, ni du Roi d'Angleterre. Malgré la neutralité de ces PuuTances, ils furent en etat de mettre fur pied, une armée de foixante - dix r (*ï D.um2,?£ CorPs DiP'- T- IV> Pa». 2. Cal Repert. des Plac de Holl tart S: de Se, Y,C£ VIL. Sen* d6S Pr0V' ÜBieS T' IV' L' CO **■  ÖU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 485 wille hommes d'infanterie, & de quinze mille de cavalerie, avec une artil- ï lerie de cent vingt canons, de huit cens chariots de mumtion, de fix mille t pionniers & de huit mille bêtes de fomme: (1) PElecfeur de Saxe,le Land-_ grave de Heffe, le Duc de Wirtemberg, le Prince dAnhalt , les villes , d'Augsbourg, Ulm, Strasbourg, y avoient feuls cóntribue. L Empereur/, renfermé a Ratisbonne, fut étonné de la promptitude avec laquelle cette « armée s'étoit formée. II n'avoit avec lui que trois mille hommes d infante-; rie Efpagnole & environ cinq mille Allemans. Si les confédérés avoient ofé profiter de leur avantage, la guerre eut fini-la; mais avant de la com-, meneer, ils voulurent jufiifier leurs démarches par un mamfefte. (2) Char- ( les ne répondit a une conduite fi modérée, qu'en mettant 1 Eleéteur de baxe & le Landgrave de Heffe, au ban de PEmpire, les déclarant rebelles, profcrits, dépouillés de leurs privileges, leurs biens confifqués & leurs fujets ; abfous de leur ferment de fidélité. (3) Charles donna ordre au Comte de Buuren de paffer le Rhin: il etoit a ia tête de trente mille hommes & de fept mille chevaux. (4) II arriva, en même tems que Farnefe entra dans le Tyrol, avec douze mille fantaflins Italiens & quinze cens cavaliers. L'Empereur fomma les Cercles & les Princes Proteftans qui n'avoient pas figné la ligue de Smalkalde, de fournir leur contingent. Le Conciie commenca le 13 Décembre; il s'éleva des difficultes; les féances étoient peu nombreufes; les Proteftans refufoient de le reconnokte & les feffions furent fufpendues. Cependant les hoftilités avoient commencé. L'entrée de Maurice de Saxe & de Ferdinand dans 1 Eleétorat , firent une diverfion favorable aux Impériaux, en forcant PElecfeur de counr au fecours de fes Etats; ce qui obligea le Landgrave de fe retirer dans la Heflè, & de laiflèr 1'Empereur maitre de la campagne. L auteur de cestroubles, Martin Luther, étoit mort le 17 Février 1546 a Eisleben, lieu de fa naiflance; il mourut d'une inflammation d'entrailles dans la 6se. annee de fon rlge; on a vu ailleurs fon éloge exageré par les uns, & fa cenfure outree par les autres. (5) 11 laifla de Catherine de Bore plufieurs enfans, & fa poltérité fubfiftoit encore a la fin du dernier fiecle. (6) La retraite des chefs de la ligue entraina la difperfion de l'armée des confédérés. La bataille de Muhlberg, les malheurs de Frédéric de Saxe, du Landgrave de Pleflè, la ligue difperfée, tant de fujets de triomphe enflerent 1'orgueil de Charles. 11 exerca fur PAllemagne les vexations les plus odieufes, fans diftinéhon d amis ou'd'ennemis. La mort de Francois I, acheva de le plonger dans une telle ivreflè, que les Princes indignés commencerent d'ouvrir les yeux iur le defpotifme auquel il vouloit les aflèrvir. (7) Cependant Marie rétabliflbit l'ordre & la tranquilité dans les Pays-bas: elle renouvella les loix fomptuaires, fit des régiemens concernant la pêche du hareng, (8) pourvut a la réparation des digues qu'elle vifita , mit en vigueur les loix qu'elle avoit déja fait publier contre les meurtres commis CO De TIiou Hift. Univ. L. I. Robertr. ubi fupr.- (O Davila Comm.. de Bello Germ. C3) Sleid. Dumont Corps Dipl. T. IV. (O Jig. vu. No. 53- Pont, Heut. rer. Auftr. L. XII. (5) Voyez 1'Hift. d'Allemagne , Tom. 40, P- 43 W*' cédentes. (6) Sleid. Sekendorff. (7) Voyez 1'Hift. d'Allemagne T. 40 . P433, &c. CO Reperu des Placards de Hollande. Ppp 3 tijk de oüande. 182-1555. 'Is mnunt ir pied ne puifnte ar\ét. Leur len;ur fauve 'karles. Qui met es chefs au an de 'Empire, Troupes dt Charles. Ouverture du Conciie de Trente. Mort dt Luther. Orgueil de Charles. Sage gei* vernement de Marie.  Sect. V Hifi. di Holland 148C-TÏ Guerre ■ itouvellee entre I's. gte'.erre la France Erécautionicie L Hollande pour la 1 fenfe de pêche. EtabliJJ ment de troupes fixes en Hollands. 1548. DiJcuJJion. avec les Princes dt f Empire. tul jugement de' PEmpereur. 4SÖ HISTOIRE DE HOLLANDE . dans FivrefTe. Les fanaux en tems de guerre furent rétablis, plufieurs forts ; dans Ia Zélande furent confiruits. Les anciennes querelles entre le^tadhou5*s. der de Hollande & le Grand Amiral avoient recommencé, la démiflion de _ Praat lui donna occafion de réunir ces deux places; elle engagea 1'Empereur a donner le Stadhouderat a Maximilien de Bourgogne, qui depuis longtems étoit Amiral. La mort de Henri VIII avoit précédé celle. de Francois I. Plenri, par fon teftament, recomrnandoit la conclufion du mariage d'Edouard fon fils, avec Marie Stuart: la Régente d'Ecofie s'y oppofoit. Le Duc de Sommerfet, tuteur d'Edouard, réfolut d'obtenir fon aveu , les armes a la main. Henri II, qui fuceédoit a Francois I, foutint la Régente; & la re- guerre fe renouvella entre 1'Angleterre & la France. (1) Les armateurs ,n_ Ecofibis ne tarderent pas a troubler la pêche & le commerce de Hollande y» èk de Zélande. Marie propofa aux, villes maritimes d'armer la dixieme bufe . pour efcorter les autres, a condition de partager les prifes. Les députés vouloient que toutes les villes contribuaflent a 1'armement. Enfin la Hol1 lande n'ayant pu déterminer les Provinces a mettre une flotte en mer équi•é. pa feule huit vaiflèaux, & obtint pour les frais, un impót fur chaque baril ec la rance. Pêche de ollande terrom- iS.' Embarras • la Holnde. Pétition. Les Franlis maitres 'i Luxemburg. La Chamtgne & la 'icardie ivagées. Trifes de aijjeaux lollandois. 1553'étitionsde'karles. 1554Pétitions. Haintes & éclamaions des ïriüleges.  Sect. V. Hi/t. de Hollande 1482-15; ViÜime fanatifme. La Gouv nmte v° s'emparer des titres originaux d'.s privileges. Les Fra fois rava gent ï Ar tois,s'emparent de Marienbourg,Bouvines, Dinant. Affaire d Iienti. Charles ravage la Bicardie. Intrigue de Charles II engagi les cordeliers de Metz a lu livrer la ville. 490 HISTOIRE DE HOLLANDE Heemvliet, que fon age & fes mceurs faifoient relpefter du peuple- il fut condamné a être brülé, (O & il expira fur le bucher avant qu'on ne " 1 allumat. n _' Les Etats s'étoient fouvent plaints des infraétions faites aux privileges • les in titres de ces privileges appellés manifeftes, avoient été longtems difp'erfés r_ dans les chartiers de différentes villes. Le Grand-Peniionnaire, par ordre „{ des Etats, les avoit raffemblés & dépofés dans la chambre des Comptes de la Haye; la Gouvernante avoit déja fait des démarches pour s'en emparerelle les demanda encore: les Etats ordonnerent au Greffier d'en fournir des copies & lui défendirent de fe deffaifir des originaux. (2). Henri avoit affemblé une nombreufe armée fur les frontieres des Pays-bas1- il en détacha une partie pour ravager PArtois: le refte s'avanca fous les or■ dres du Connétable de Montmorency, vers les provinces de Liege & du ! Hainaut, par la forêt des Ardennes. Le Maréchal de St. André détaché par le Connétable, prit Marienbourg, place que la Gouvernante avoit bien fortifiée. Henri fe mit a la tête de fon armée & inveftit Bouvines, qu'il emportadaffaut; il s'empara de Dinant; (3) mais Emmanuel Philibert de Savoye, ayant raflemblé les Impériaux, obligea les Francois de regagner les frontieres: ils ravagerent tout fur leur route & brülerent les places ouvertes Us inveftirent Renti, que Charles voulut fauver, fans en venir a une bataili le; mais la difpute d'un pofte occupé par le Duc de Guife engagea une affaire générale, & après un combat opiniatre & meurtrier, les Impériaux furent repouffés & perdirent le pofte; mais 1'Empereur refta dans fon camp quoiqu'il eüt perdu beaucoup de monde. Les Francois, qui manquoient de provifions, fe retirerent. (4) Charles entra dans la Picardie, oü par repréfailles des ravages que les Francois avoient faits dans PArtois & le Hainaut, il porta le feu: mais de part & d'autre tout fe borna h. des dévastations. (5) La viftoire de Marciano, la réduétion de Sienne, confolerent Charles des mauvais fuccès du Duc d'Albe en Piemont; mais n'ayant pas t afièz de forces pour entreprendre rien de confidérable en France, ii eut recours a 1'intrigue. Les Francois rendoient les approches de Metz redoutables a Charles. II tenta le Pere Léonard, gardien des cordeliers, par la promeffe de 1'Evêché: (6) ce moine, que le Duc de Guife & Vieilleville aimoient beaucoup & qui pendant le fiege avoit rendu des fervices importans au premier, fe dévoua a 1'Empereur. II devoit entrer dans Metz quantité de provifions pour le chapitre général qui devoit s'y tenir; le Pere Léonard profita de la circonftance, fit paffer des munitions de guerre & des foldats en habit de cordeliers. Les religieux étoient du complot^ & logerent les foldats dans le couvent. Le Gouverneur de Thionville devoit tenter une efcalade de nuit, & en même tems que la garnifon feroit occupée a le repcuffer, les moines devoient mettre le feu dans différens quartiers de la ville, & les foldats fortir du couvent & attaquer la garnifon par derrière.. Hift0d,BFrnT' vf'r?!ïh^TVrVr1, ^) Riemer Defcr. de la Haye, T. I. (3) Daniël , rr h a ?SZh°?> T O) Dan- ubi fupr.Ant. di Vera Vita Car. V. C5J Roberif. Hifl. de Charles V. T. VI. L. XI. (6) Pont. Heat. rer. Aultr. L. XIIL  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. V. 49ï Le jour même de Pexécution, Vieilleville qui avoit remplacé le Duc de Guiiè, fut informé par un efpion qu'il tenoit a Thionville, que les cordeliers de Metz avoient des conférences fecretes avec le Gouverneur, ék que celui-ci fe préparoit a quelque expédition importante. Auifitót Vieilleville fe tranfporte au couvent, découvre des foldats fous Phabit de moines, ék leur arrache le fecret de la conlpiration. Léonard étoit a Thionville; il revient, on 1'arrête, ék il dévoile tout. Vieilleville, avec une partie de la garnifon, fe met en embufcade, ék taille en pieces les Impériaux au nombre de quatre mille. Le Pere Léonard ék vingt cordeliers furent condamnés a mort: les jeunes défefperés d'avoir été féduits tuerent le Gardien ék accablerent de coups les quatre plus vieux. On fit grace aux fix plus jeunes. (1) Bientót après, une efcadre Francoife de dix-neuf vaiflèaux ék de fix frégates, ayant rencontré entre Douvres ék Calais vingt-deux batimens Hollandois revenant d'Efpagne, vint a 1'abordage. Le combat fut terrible; fix vaiflèaux Francois furent brulés ék un coulé h. fond; il y en eut aufli du cöté des Plollandois fix brulés. On n'a jamais pu favoir fi les Francois mirent le feu aux vaiflèaux Hollandois, ou fi les Hollandois, voyant qu'ils ne pouvoient échapper, envelopperent le vainqueur dans leur perte. On prétend que les équipages de ces vaiflèaux s'étant jettés a la mer furent fauvés par cinq vaiflèaux Plollandois; mais que les Francois étant en plus grand nombre que les Hollandois, s'en rendirent maitres ék les menerent a Dieppe avec les cinq vaiflèaux. (2) La guerre continuoit en France ék dans les Pays-bas. Charles avoit fortifiéHesdin: malgré le blocus, les Francois avoient fait entrer un convoi dans Marienbourg; mais tout fe borna h. quelques hoftilités. (3) La peftt qui s'étoit déclarée dans le camp de 1'Empereur, obligea le Duc de Neven de s'éloigner, ék Charles d'cnvoyer fes troupes en quartier d'hiver. Le fa meux Martin van ou de Roflèn fut attaqué de cette maladie, qui mit fin i fa belle carrière. II avoit fervi pour ék contre 1'Empereur, également redoutable dans l'un ék 1'autre parti. II mourut a Anvers, il ne laifla qu'une fille: elle étoit muette, ék Pon aflure qu'un effort qu'elle fit dans la difcuflion dt fes intéréts, lui fit trouver la parole. (4) La Hollande étoit épuifée; unc taxe fur les cheminées excita des murmures parmi le peuple; les manufactures languiflbient: dans ces circonilances, la Gouvernante fit une troifiemt pétition de deux cens mille florins, ék malgré les remontrances les plus tou< chantes, il fallut donner fon confentement. A cette époque fe fit en Hollande le premier établifièment des fermes, a caufe des frais de perception ék de Pavidité des receveurs, qui tournoient a leur profit une partie du produit de Pentrée des bieres. Quoiqu'on ait vu ailleurs Phiftoire de Pabdication de Charles, (5) comme cette fcene étonnante fe pafla dans les Pays-bas, nous croyons devoir en parler encore. L'Europe fut dans la plus grande furprife de la réfolution d'un (O Robertfon Hift. de Charles V. T. VI. L. II. (2) Velius Defcr. de Hoorn. Pont Heut. rerum. Auftr. L. XIII. (3) Daniël & Mez. Hift. de France, Regne d< Henri II. (4) Sligtenb. Hift. de Gueldres. (5) Voyez notre Tom. 25. p. 41. &c, Tom. 40. p. 447. Qqq a Hifi. de Hollande. 1482-1555. Le complet tft découvert É? mis & profit, I5SJ- Combat remarquableentre les Franpois fj? les Hollandois. Continuation de la guem entre la France • tflesFa-jsbas. Mort du brave van Roffen. Epuifement de la Hollande.Pétition. Etabliffe' ment des fermes. Abdication it Charles,  Sect. V. Hifi. de Hollande. M82-I555 Gejfun des Pays- bas. Enrigiflrettiniv dess L ttrïs de 492 HISTOIRE DE HOLLANDE Prince qui avoit toujours été dominé de la paflion du pouvoir; mais Charles couvert de gloire, réuniiPant fur fa tête des domaines immenfes, fentit que fes fréquens accès de goutte, en affoibliffant fes organes, influoient fur fon génie, & lui laifPoient peu de tems pour vaquer a fes affaires; il crai* gnoit que la fin de fon regne ne répondit point au commencement; & peutT être même le caraétere fombre & ambitieux de Philippe, qui pouvoit faire craindre a fon pere d'être obligé d'en venir a une rupture ouverte, le détermina-t-il. (1) L'Empereur avoit convoqué les Etats pour le 25 d'Oétobre: il avoit rappellé Philippe d'Angleterre,. dont le féjour lui étoit devenu infupportable. (2) Charles fiegea aux Etats fur fon tröne, entre fon fils, Eléonore Douairière de France , & Marie Reine de Hongrie, fes fceurs, Maximilien Roi de Bohème & Emmanuel Philibert Duc de Savoye. Derrière lui étoient les Grands d'Efpagne, les Princes de PEmpire & les Chevaliers de la Toifon: le pouvoir des Députés s'étendoit a recevoir la ceffion au profit de Philippe. Charles öta de fon cou, le Grand Cordon de la Toifon, qu'il pafia a celui de fon fils & le créa Grand - maitre; il Fembrafla & lui recommanda de regardcr les Chevaliers de cet Ordre, comme les plus fermes foutiens de fon pouvoir & de fa gloire. Philibert de Bruxelles, Préfident du Confeil ,expliqua enfuite les intentions de 1'Empereur, ék lut 1'aéte de réfignation, par Iequel ce Prince abandonnoit a Philippe, fon fils, tous fes domaines, fa jurisdiétion ék fon autorité dans les Pays-bas, librement ék volontairement; tranfportant k Philippe Pobéiflance que fes fujets lui avoient jurée èk les priant d'avoir pour lui la même fidélité. (3). Alors Charles appuyé., a caufe de fa foiblefle, fur Fépaule du Prince d'Orange, fe leva èk prononca un difcours, dans Iequel il retraca avec dignité èk fans oftentation, Phiftoire de fon regne,. de fes conquêtes , de fes voyages fur terre èk fur mer, en Allemagne, en Efpagne,, en France, en Italië, dans les Pays-bas, en Angleterre, en Afrique. II ajouta, qu'il n'avoit regné qu'autant qu'il avoit pu faire le bonheur de fes fujets, èk qu'au lieu-d'un Souverain affoibli fous le poids de 1'age ék des infirmités, il leur donnoit un Souverain qui joignoit a la force de la jeunefle ,. Pexpérience èk la maturité de Page; (4) il demanda pardon des fautes qu'il pouvoit avoir commifes pendant une fi longue adminiftration. II fe tourna enfuite vers Philippe,qui s'étoit jetté a genoux & qui baifoit fa main:il Pexhorta a aimer fes fujets, a travailler a les rendre heureux; il ne lui demanda que ce témoignage de fa reconnoifiance. II fe raffit: toute 1'aflèmblée fondoit en larmes. Philippe alors fe leva,. èk commc.il ne parloit pas le Flamand, il pria qu'on permit a Granvelle de parler pour lui. Marie remit a 1'Empereur le gouvernement des Pays-bas. Le lendemain Philippe renouveüa le ferment qu'il avoit prêté lors de fon inauguration; celui des députés fé fit en la forme ordinaire. (5) Les lettres de ceflion de 1'Empereur furent. enrégiftrées, a la charge par le nouveau Souverain, d'acquitter les dettes èk de remplir les engagemens que Charles avoit contrackés pendant fon regne. (1) Watf. Hift. de Philippe II. L. I. (2) Robertf. Hift. de Charles V. T. VI. L. XL . (3) Pont. Heut. rer. Auftr. L. XIV. (4) Robertf. Hift. de Charles V. ubi fupr. C5) Ree. des Placards T„ III & IV.  OU DES PROVINCES UNIES , Liv. XXXIII. Sect. V. 493 Philippe accepta la donation avec fes charges & conditions. (1) Quelques femaines après 1'Empereur, dans une aflèmblée auffi folemtielle, réfigna les Couronnes d'Efpagne avec toutes leur dépendances dans Pancien & le nouveau monde & ne fe réferva qu'une penfion annuelle de cent mille écus. II garda encore la Couronne Impériale jufques au 7 Septembre de 1'année fuivante. Charles faifoit de nouvelles tentatives auprès de Ferdinand pour 1 engager a réfigner fes droits a la Couronne Impériale k Philippe. 11 lui offroit en dédommagement, Finveftkure de quelques Provinces en Italië, ou dans les Pays-bas, a fon choix; mais Ferdinand fut inflexible. Alors Charles abdiqua 1'Empire en faveur du Roi des Romains, & chargea Guillaume Prince d'Orange, de lui.porter les Ornemens Impériaux, & 1'autorifa a préfenter au College des Eleéteurs, Facie d'abdication. (2) N'ayant plus rien qui le retint, Charles partit pour 1'Efpagne, aborda a Loredo en Bifcaye, ék lè rendit par terre a Burgos, cü Philippe lui fit attendre quelque tems la moitié de la modique penfion qu'il s'étoit réfervée. Dès qu'il Feut touchée, il en diftribua une partie a fes domeftiques ék les renvoya. II ne voulut pas que les Reines qui 1'avoient accompagné jufques a Valladolid , 1'accompagnafiènt plus loin, quoiqu'elles defiraflent de partager avec lui fa retraite, ék qu'elles fiflènt les plus vives inftances de le leur permettre. 11 leur fit les adieux les plus tendres ék fe rendit a fon hermitage du couvent de St. Juft, dont la fituation Favoit autrefois frappé ék oü quelque tems avant fon abdication, il avoit envoyé un architeéle pour y batir un appartement, dont il avoit donné le plan. C'eft dans cette retraite qu'il pafla le refte de fes jours, oubliant' fa grandeur paffée ék cette avidité de pouvoir qui le faifoit afpirer a la Monarchie Univerfelle; il y. vécut tranquille ék contemplant du rivage, cetce mer oü fon ambition avoit excité tant de tempêtes. 11 prenoit fi peu de part aux événemens politiques qu'il ne daignoit meme pas s'en informer. 11 cuftivoit de fes mains lés plantes de fon jardin: (3) il n'avoit gardé qu'un petit nombre de domeftiques; il avoit banni toute étiquette èk goütoit avec quelques gentilshommes, fes voifins, la douceur de Fégalité. Tantöt il fe promenoit a cheval avec un feul domeftique; tantöt il s'occupoit de quelque ouvrage de méchanique avec Janellus Turianus, qu'il s'étoit attaché: il mêloit a ces amufemens les exercices de la religion; mais dans les derniers mois, affoibli par de violens accès de goutte,. il fe livra a toutes les aurtérités dc la vie monaftique: il devint timide èk füperftitieux a force de fcrupules. II voulut célébrer fes funérailles de fon vivant; on le mit dans le cercueil, on fit toutes les cérémonies de 1'églife, ék lorfque tout le monde fe fut retiré, il fortit de fa biere èk rentra dans fon appartement : foit que la longueur de la cérémonie Feüt fatigué, foit que cette image de mort eüt fait fur fon efprit une trop forte impreffion, une fievre ardente le faifit le lendemain, èk il y fuccomba le ai Septembre 1558, agé êé 58 ans, 6 mois èk 25.jours: (4) il en avoit 55 lorfqu'il abdiqua. Parmi les grandes qualités qui Font illuftré , celle de connoitre les hom- f O Strada de Bell. Belg.,L. f. CO Robertf. Hift. de Charles V, T. VI. L. 12. Q) Sandov. Hift. Car. V,- CO Robertfon Hift. de Charles V. T. VI. L. 12. Q.qq. 3 ffSft. de rloüande. 1482-1555.. Befignation des Couronnes i'Efpasne. Nouveaux efforts de Charles pour engager Ferdinand & abdiquer. Ferdinand refufe. Charles ab' dique 1'Empire en faveur de fon frere. Départ df Charles pour VEf'jigne._II arrivé . fa volonté fuprême. (3) II favorifoit les étrangers au préjudice des Flamans, il viola leurs privileges, les perfécuta, les opprima & porta les chofes au (O Voyez dans Watfon a la fuite de 1'Hiftoire de Philippe II, T. IV. 1'Apolojrie du Prince d Oranje. 00 Strad. de Bell. Belg. Dec. I. L. X. CO Watfon Hift. de Philippe II. T. I. L. 3.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. VI. 495 point qu'il falloit, ou que les Pays-bas tombaflent dans une langueur funefte & périflènt fous le joug du defpotifme, ou que la liberté renverfitt fes oppreileurs: mais elle avoit k combattre contre un coloflè de puifiance , qui embralfoit une partie de Punivers dans l'un & 1'autre monde. Philippe poffédoit en Europe, les Royaumes de Caftille, d'Arragon & de Navarre, ceux de Naples & de Sicile, le Duché de Milan, la Franche-Comté & les Paysbas: en Afrique, Oran, le Cap Verd & les ifles Canaries: en Afie, les ifles de la Sonde, les Philippines & une partie des Moluques: en Amérique, les Empires du Pérou & du Mexique, la Nouvelle Efpagne & le Chili, Hifpaniola, Cuba & plufieurs autres ifles. II trouvoit dans les mines du Potofi, du Chili & du Mexique, plus de richeflès que n'en pofledoient alors tous les autres Souverains de PEurope enfemble. (*) Aucun n'avoit une marine aufli formidable, des troupes mieux difciplinées ni de plus grands généraux. (1) Un pouvoir aufli vafte dans un Prince tel que Philippe, eut pu faire craindre qu'il ne réalifat la chimère de la Monarchie Univerfelle, qu'on attribue k la Maifon d'Autriche, s'il eut joint k fon ambition, la prudence de Charles, fon pere. Philippe, qui vouloit aflujettir les Pays-bas a fes vues defpotiques, regarda comme un obftacle , le gouvernement doux & pacifique de Marie fa tante; il le donna a Philibert, Duc de Savoye, dont le pere, par attachement k la Maifon d'Autriche, s'étoit vu dépouillé de fes Etats par Francois I. II confirma le Comte de Beveren dans le Stadhouderat de Hollande, Zélande & Utrecht. (2) II alla enfuite k Anvers prendre poflêflion de la GrandeMaitrife de 1'Ordre de la Toifon & en donna le Collier k plufieurs Seigneurs & entr'autres au célebre Guillaume de Naflau, Prince d'Orange. II fit des changemens dans les Tribunaux, & conferva k Viglius, grand partifan de la perfécution & de Pintolérance en fait de religion, la place de Préfident du Grand Confeil, dont il avoit donné la démiflion. II nomma plufieurs Seigneurs pour aflifter au Confeil; mais il ne confultoit que le fanatique Granvelle, Evêque d'Arras, Barlaimont & Viglius. Granvelle, fon confident intime, étoit chargé de toutes les affaires qui concernoient la religion & comme toutes les acfions & toutes les vues de Philippe, avoient pour but fa dévotion cruelle & fuperftitieufe, Granvelle avoit fur lui le plus grand afcendant. Ce fut lui qui diflipa les fcrupules du Monarque, lorfque par refpeét pour le St. Pere, il héfitoit de faire la guerre au fougueux Paul IV, qui 1'avoit déclaré déchu de la Souveraineté de Naples, pour en inveftir fon neveu. (3) Philippe fe difpofa a faire demander des fubfides aux Etats; il propofa Ie l5oe. de tous les biens fonds & le 50e. de tout le mobilier. Les villes de Hollande chargerent leur Stadhouder de lui faire fentir tout 1'odieux de cet impót, qui non-feulement entraineroit des frais immenfes pour 1'eflimation des biens, mais qui feroit une fource de divifions, paree qu'il faudroit recourir aux dépofitions des voifins des propriétaires: quant au 5oe. du mobi- (*) On allure que Philippe re?ut trois millions du Pérou, pendant la guerre de 1557 & 1558 avec la France. (1) Watfon Hift. de Philippe II. T. I. L. 3. (O Guicii. Dif. des Pays-bas. (3) Watfon Hift. de Philippe II. T. I. L. 2. De Thou. Hift. Univ. fupr. Tom. 37. p. 280. S Hifi. de Hollande. 1555-1567. Eiendue de fes domaines. r55. Ses vues defpotiques. Il crée le Duc de Savoye Regent. Son atta. chement a, Granvelle, Pétition inouit.  496" HISTOIRE DE HOLLANDE Sect. VI. Hifi. de Holiando. 3555-1567. 1557-1558. Difette en Hollande. Dettes &? ?étitions. lier, ce feroic expofer les particuliers a faire de faux fermens pour éviter de trop fortes taxes. Le Roi diffimulant le reffentimenr de ce refus, changea la nature de fa pétition en 400000 fiorins, dont il confentit de diftraire le I5e. pour le montant des exemptions accordées au Prince d'Orange, a la Comtelfe de Buuren , aux Comtes d'Egmond & de Hoorn, & la'pétition fut accordée. (1) Nous renvoyons le Leéteur h nos Hiftoires d'Efpagne (2) & de France (3) pour les divers évenemens des années 1557 & 155°"'; mais dès 1'année précédente, la difette fe faifoit reffentir en Plollande par le mauvais état de la marine & par 1'interruption de la traite des grains. Le tonneau de feigle valoit cent feize fiorins d'or. II s'étoit élevé de grands débats au fujet de Parmement, dont la Plollande vouloit que les frais fe prélevaffent fur la généralité. On avoit envoyé chercher des grains dans la Baltique; il falloit affurer le retour des vaiffeaux: les députés offrirent d'en donner dix, fi Ie Roi vouloit leur accorder vingt-cinq mille fiorins. Philippe, en leur donnam cette fomme,exigea que fur les dix vaiffeaux,ils en fourniffent cinq, & qu'ils fe chargeaffent de les entretenir pendant trois mois: cette condition étoit onéreufe; mais il étoit d'une néceffité indifpenfable de rétablir la traite des bleds & la pêche du hareng. Amfterdam fournit fix vaiffeaux montés par cinq cens hommes, entretenus pendant trois mois, & la Hollande offrit dix-neuf mille fiorins a prendre dans fa caiffe: on arma quatre batimens pour efcorter les bufes. Enfin 1'efcadre mit a la voile, & joignit la flotte du Nord, qui ramena 1'abondance & fit tomber la cheité. (4) Philippe qui vouloit avoir a fa difpofuion le Connétable & le Maréchal de St. André, prifonniers du Duc de Brunswic qui les avoit envoyés dans fes Etats, offrit cent douze milledivres pour leur rancon ék donna au Duc, la Seigneurie de Woerden en engagement. La Comtefie Marcuerke avoit juré de ne 1'aiiéner jamais. C'étoit un privilege cher aux habitans, confirmé par Philippe le Bon, ék cette aliénation fut regardée de mauvais oei!. L'épuifement des finances étoit tel, que le peuple ne payoit les impöts qua la derniere extrêmité; les dettes étoient immenfes, les intéréts ruineüx. Le Roi pour s'acquitter vouloit engager les Etats généraux a fe charger du centieme des biens-fonds ék du dixieme fur les meubles. Mais on lui répondit que des guerres étrangcres au pays, ayant occafionné ces dettes, elles regardoient uniquement le Roi. Ce Prince lors du fiege de Calais avoit fait une pétition de vingt-quatre tonnes d'or: les Etats confentirent a la création de cent mille fiorins de rente, ék pour la füreté des arrérages, il leur abandonna des péages ék des dixmes. Au lieu du centieme èk du dixieme, il afligna huit tonnes d'or par an, pendant huit années, dont Ia Hollande devoit fupporter pour fa part cent mille florins. II y eut des difficultés; mais enfin ces pétitions furent accordées, a condition que les Etats conferveroient la caiffe èk feroient la diftribution des deniers, que les troupes étrangeres feroient congédiées èk qu'on obferveroit le traité conclu avec PEmpire en 1548. <0 Hift. gén. des Prov. Unies T. V. I. 13. (2) Tom. 29. ad Ann. Ji. ad id. (4) Hift. gén. des Prov. Unies. T. V. L. 13.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. VI. 497 1548. Les Etats de Plollande confentirenr encore une levée extraordinaire de trois cens mille fiorins. (1) Ces chofes fe paflöient après les conquêtes de Philippe en Picardie. La rareté des efpeces mit beaucoup de lenteur dans la perception, & ce fut ce qui favorifa le projet hardi du Duc de Guife. Ce Général, renforcé de quelques troupes levées en Allemagne, afliégea & forca Thionville a capituler, malgré fa garnifon de 1800 hommes. En même tems Thermes, Gouverneur de Calais, ayant faflemblé une armée de 10000 hommes d'infanterie & de 1500 chevaux, pénétra dans la Flandre , détruifit Dunkerque & plufieurs autres villes ; il poufia jufques a Niewport, dévaftant tout. par le fer & la flamme: mais il fe trouva arrêté par une armée trés fupérieure aux ordres du Comte d'Egmond. Thermes iè retira fur Gravelines, cherchant a gagner Calais & a éviter le combat; Egmond ne lui en donna pas le tems: il le fuivit de fi prés, qu'il fallut en venir aux mains, & malgré les favantes difpofitions de Thermes, après un combat long & opiniatre, les Francois furent mis en fuite: aooo hommes reftcrent fur le champ de bataille, 3000 furent faits prifonniers: 1'artillerie èk le butin que Thermes avoit fait dans fa courfe, demeurerent au vainqueur; Thermes fut bleffé lui-même. Alors les troupes du Comte d'Egmond joignirent l'armée du Duc de Savoye, ék Philippe fe vit en état d'attaquer le Duc de Guife a forces égales. (2) Les flottes Angloife èk Plollandoife s'étoient réunies & infefloient les cötes de France. La Cour étoit trés allarmée pour la Bretagne ék la Normandie. Les flottes combinées tentcrent en effet une defcente au Conquet. Le Baron de Kerfimont, a la tête de quelques troupes raflèmblées a la hate, ék du Ban ék Arriere-ban, tomba fur les Anglois avec tant d'impétuofité, qu'il les forca de gagner leurs vaiffeaux & de fe retirer. (3) La flotte Hollandoife rentra dans ies ports ék défarma pour n'être pas chargée de 1'entretien. Les Ducs de Savoye ék de Guife étoient en préfence. On s'attendoit a une bataille fanglante, lorfqu'au lieu d'en venir aux mains, les deux Généraux s'éloignerent en même tems. On ne favoit a quoi attribuer cet événement imprévu. Mais il efl: certain que Philippe ék Plenri craignoient également pour le fuccès. Des négociations avoient été entamées: Montmorency , jaloux de la grandeur de Guifè, avoit fait des ouvertures au Prince d'Orange; on lui avoit permis d'aller a Paris. Henri 1'aimoit, il fe laifia perfuader de confentir a un accommodement. Le Prince d'Orange agiflbit de fon cöté auprès de Philippe. De part ék d'autre, des Plénipotentiaires furent envoyés a 1'Abbaye de Cercamp, voifine du champ de bataille, ék les préliminaires furent la véritable caufe de la féparation des armées. (4) Les Plénipotentiaires de Philippe étoient Granvelle, le Prince d'Orange, le Duc d'Albe, Ruy Gomez de Sylva ék Viglius: ceux de Plenri étoient le Cardinal de Lorraine, le Connétable, le Maréchal de St. André, Morvilliers ék PAubefpine. Marie ék le Duc de Savoye avoient aufli envoyé leurs Plénipotentiaires. On afliire que la Ducheflè de Lorraine étant venue a Peronne, voir Charles fon fils, Granvelle qui 1'accompagnoit, rencontra le (O Hift. gén. des Provinces Unies ubi fupr. (2) Watfon. T. I. L. II. (3)Rapin Thoyras Hift. d'Angl. T. VI. L. XI. (4) Petit chron« de Holl« T' IL Tome XLIII. Rrr Hifi. de Hollande. 1555-156/. Prife de Thionville. Bataille dt Gravtlints. Defctntt manquét. Négociaiions.  Sect. VI. Hifi. de Hollande. 1555-156; I55P- Philippe afpire j de Plesdin étoit vacant; Egmond en qualité de Stadhouder, devoit préfenter trois fujets, fur lefquels le Roi choififfoit celui qu'il vouloit nommer. Granvelle pria le Comte d'en ajouter un quatrieme, contre 1'ufage, Paffurant que ce feroit fans conféquence èk uniquement afin que fon protégé prit date pour la première place vacante: Egmond le crut; mais le Miniftre tout-puiffant auprès de Philippe, fit nommer le furnuméraire au préjudice des vrais compétiteurs. Egmond èk le Prince d'Orange étoient brouillés: Guillaume ayant appris le mécontentement du Stadhouder, oublia tout, alla au devant de lui & ils s'unirent pour la caufe commune. Les villes repréfenterent a Marguerite, combien 1'établiffement des Eve- D ques feroit funefte au commerce, en ce qu'il gêneroit cette liberté de con- «« fcience dont les commercans étrangers avoient jouï de tout tems: la Gouvernante renvoya les députés a Philippe, qui leur accorda un furfis jufques a fon arrivée. fa) Roeremonde, Deventer, Leuwarden & Groningue refu- J ferent 1'entrée aux Prélats; Malines ék Bois-le-Duc ne la leur accorderent qu que comme a des voyageurs èk ne leur permirent aucunes fonaions: Utrecht, ƒ* Harlem èk Middelbourg les recurent. (3) La requête des Abbés èk des Religieux fut rejcttée. On leur répondit que le but de Péreckion des nouvelles (O Hift. gén. des Prov. Unies T. V. L. 13. (2) Metteren L. II. C3) Boxliora fur Reigersb. T. I. Sss a de lande. n carac- Jécontenlent du mte ïgmoni. tputation fujet des 'iques. tccueil 'on leur it.  Sect. Hili. Hoii» 1555- Lioe Repréi liuns Gow'm te au . t$tft Peu dl qu il e fait. Guerrt Vile de Irance. 508 HISTOIRE DE HOLLANDE VI. Cathédrales étoit de foutenir 1'Eglife & la Foi, „ contre les audacieux qui Je „ ojoient attaquer l une & 1'autre. " (1) Cette réponle, qui manifeftoft ,567.^ ™e? de,L' L?UT' acheVa d'lrrker ,es e,Frics: deslibelles fe répandirent: les Kedtrykers (_0 inonderent le public de chmfons & de fatyres contre '4u. les pcrlccureurs & les eccléfiaftiques. Granvelle étoit 1'objet de leurs plailanteries & les Réformés celui de leurs éloges. Ils jouoient les Prélats dans leurs farces grollieres, que malgré les-ordres de la Cour on imprimoit Pms 1 approbation des Cenfeurs, ék malgré la cruauté des fupplices qui ne difcontinuoient pas. Les Proteiians tenoient des afTemblées noéturnes; a Valenciennes on arraeha deux iVIiniltres aux fatellites qui les conduifoient au bucher. Marguerite, qui dans le fond n'approuvoit pas cet exeès de févérité fe trouva ion embarraflëe par Pordre qu'elle recut de Philippe d'exécuter'les mf3. edits a la rigueur. Elle dépêcha en Efpagne fe Baron de Montigny, pour u ia repréfenter au Roi, le danger d'une révolution prochaine, le befoin qu'elle favoit dhommts ék d'argent dans des circonftances, oü 1'averfion du peuple pour I Inqiiifinon, ék le mécontentement de tous les ordres, fembloient annoncer la guerre civile. Elle avoit demandé foixante mille fiorins en deux termes ék une augmentation fur la pétition ordinaire. L'augmentacion avoit éte confentie, a condition qu'au lieu de foixante mille fiorins, la conftitution feroit portée a cent mille pour le compte du Roi; mais cette demande , faite au commencement de 1'année, ne paffa qu'au mois d'Aoüt. Le retour cas de Montigny ne porta aucun adouciftement a la ficuation oü fe trouvoient les Provinces. 11 publia que le Roi n'avoit fait aucun cas de fes remontrances. Les Seigneurs firent éelater leurs plaintes contre Granvelle. II avoit dit que la Noblefiè Flamande n'étoit qu'un afièmblage de prodigues ék de fois: quelqm s jours après, dans un repas, oü fe trouvoient le Prince d'Orange , Montigny, les Comtes d'Egmond ék de Buuren, ces Seigneurs imaginerent de tourner la chole en plaifanterie. Egmond habilla iès gens de drap d'or, ék leur donna des bonnets garnis de grelots, tels que les peintres en donnent a la folie, excepté qu'ils étoient en forme de mitre. La Gouvernante Payant prié de fupprimer ce genre de bonnets, Egmond leur lubliitua des faifceaux de fleches en broderie , pour marquer 1'union des Nobles. (3; ff. La guerre civile allumée parle fanatifrne ék 1'ambition, défoloit la France. Le maflacre de Vafïï avoit été fuivi de la prilè de Rouen, de Mons d'Angers, de Vendóme ,de la Charité, de Poitiers, du Pont de Cé, de Bau' gtney, de Cnalons, de Macon, d'Angoulême, de Romans de plufieurs places en Provence ék dans le Languedoc, par le Prince de Condé ék 1'Amiral de.Chatillon, chefs des huguenots. Dans le cours de ces hoflilités, la vide d'Orange fut prife par Serbelloni, qui fervoit le parti contraire ék qui paffa les habitans, tous Proteftans, au fil de Pépée. (4) Philippe avoit demandé a Pjtalie ék aux Pays-bas, des fecours contre les Réformés de France, ék la Ducheflè de Parme avoit ordre d'envoyer deux mille hommes; mais O) Boxh. fur Reigersb. T I. (O Poëtes du Tems, comme les anciens Trou- 1 XXIX x9y°Yf « t (3) le c,erc h*ift' des prov' unies t' (4) De Xkoa i.. XXIX, XXXI. Supr. Tom. 31. p. 104. & fuiv.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. VI. 509 Ie Prince d'Orange & le Comte d'Egmond, qui eroyoient ces troupes plus H néceflaires dans le pays, s'oppoferent a leur dépar. Elilabeth Reine d'An- » •leterre ayant promis des fecours au Prince de Conde, Marguerite promba _ Pentrée des draps Anglois. Cette prohibition fut également funelte a 1'An- , gleterre & a la Hollande; auffi Philippe Cx Elilabeth, après quelques négo- m ciations, rétablirent-ils la liberté du commerce, conformément au Grand» TrCeependant les troubles augmentoient dans les Pays-bas. II y eut des af- I femblees a la Cour de Marguerite; il s'en tint chez le Prince d'Orange: Marguerite fit des pétitions, qui furent refulèes. Le Prince lui demanda en plein Confeil la convocation des Etats généraux, pour remédier aux maux qui affligeoient les Provinces. Granvelle, qui avoit tout lieu de craindre Pinfluence que Guillaume auroit fur cette aflèmblée, perfuada a la Ducheflè que cette convocation lui feroit préjudiciable èk qu'on ne manqueroit pas " d'y porter atteinte aux droits de la Couronne: qu'il falloit rejetter dans " tous les cas, la propofition du Prince d'Orange, mais furtout dans cette " circonftance, paree que les Abbés indignés de la diminurion de leurs re" venus, la Noblefle du fecond ordre & les Députés des villes, féduits par '„ Guillaume & par les autres Seigneurs, ne manqueroient pas d'emporter " tous les fuffrages. " (2) Ces railons furent euvoyées a Philippe, qui les approuva ék donna de nouveaux ordres a la Gouvernante de faire exécuter fes édits, avec la plus grande févérité. Le Prince d'Orange ék les autres Seigneurs, bien perfuadés que Philippe ne permettroit jamais une aflèmblée, oü la Nation étoit en droit de difcuter fes intéréts, voyant les viétimes du fanatisme laffer le fer des bourreaux, Granvelle cherchant a perlüader au Souverain que la négligence des Gouverneurs des Provinces, multiplioit les feétaires, prirent le parti de s'adreflèr a Philippe même. Le Prince d'Orange , les Comtes d'Egmond ék de Hoorn écrivirent au Roi , que le feul j moyen de ramener la tranquillité publique, étoit de rappeller Granvelle, dont le defpotifme Pa voit rendu 1'objet de la haine univerfelle; qui n'apportant au Confeil que des réfoludons prifes dans fon cabinet, abufoit de fon crédit pour fe rendre maitre des déiibérations; qu'il leur étoit impoflible de fervir utilement le Roi ék le Peuple, tant qu'un Miniftre.fi coupable auroit un pouvoir auffi iüimité; que 1'on rappel leur laiflèroit le pouvoir de foutenir 1'autorité Koyale ék maintenir la pureté de la foi Catholique. (3) Philippe répondit avec beaucoup de modération; mais il s'excufa fur le rappel de Granvelle, n'étant pas dans Pufage de renvoyer fes Miniftres fur les plaintes de leurs ennemis, fans leur donner la liberté de fe juftifier; il les en rageoit a prouver leurs accufations, ék s'ils ne vouloient point le faire par édrit» d'envoyer l'un d'eux a Madrid. Les Seigneurs èk le Prince d'Orange, mal fatisfaits de cette réponfe, écrivirent une feconde lettre, dans laquelle ils témoignoient leur furprife , du peu d'égards que le Roi avoit pour leurs repréfentations: qu'ils ne lui avoient point écrit comme accufateurs de Granvelle, mais comme. étant obligés par leurs emplois, de Pinformer de tout CO R«pin Thoyras Hift. d'Angl. T VI, L. 17. CO Watfon Hift. de Philip- pe II. T. L L. 7. (3) Wem. Ibid. , Sss 2t jl. da )llande. 55-1567' dommer cs ertumpis rétabli. roubles. IS6> Les Seigneur! écri' tent au Roi» Réponfe de Phiüipe. SeconoB ettre.  Skct. V Hijl. d< Holland 1555-15 Satis effi Nouvell remontrar, ees. Inutiles. Emeutes. 510 HISTOIRE DE HOLLANDE [. ce qui imérefloit fes Etats; qu'ils n'avoient jamais fongé a demander la perte • de Granvelle; qu'ils verroient avec joye fa fortune èk fa profpérité, tiilleurs jj que dans les Pays-bas; que le Hoi pouvoit 1'employer plus utilement dans _ quelqu'autre de fes Etats; qu'il ne connoiffoit pas aifez Ie caraétere des Flamans pour les gouverner; qu'ils ne fe feroient pas attendus qu'on les crut propres au röle de délateurs; que d'ailleurs ils n'aimoient pas affez le Cardinal pour faire un voyage en Efpagne, a caufe de lui: que le Roi pouvoit s'informcr par lui-même de la véritable fituation de 1'Etat; qu'il apprendroit que bientöt il ne fera plus tems de chercher des remcdes; qu'enfin, puifque le Roi leur accordoit fi peu de confiance, ils le fupplioient de leur permettre de ne plus afllfter au Confeil, oü ils ne pourroient que déroger a leur dignité, fans aucune efpérance d'être d'aucune utilité, tant que le Cardinal y conferveroit fon autorité. (1) t. Philippe répondit qu'il feroit attemion a leurs remontrances, mais qu'en attendant, il les prioit de continuer d'entrer au Confeil. Us obéirent, mais " convaincus que le Roi ne vouloit pas renvoyer Granvelle, ils lui adrefferent - encore un mémoire, dans Iequel ils lui repréfentoient que le rappel du Cardinal étoit d'autant plus indifpenfable, que le peuple perfuadé qu'il étoit trop foible pour fupporter tout le poids du gouvernement, dont néanmoins il ufurpoit tout le pouvoir, étoit prêt a fe révolter; qu'il étoit tems que Sa Majefté ceflat de s'opiniatrer \ foutenir un homme, qui, par la licence de fes mceurs èk la rigueur de fon intolérance, hatbit la ruine de 1'Eglife & de la Foi , dont^la Noblefle avoit été jufques alors le plus ferme appui. Us ajoutoient, qu'on ne pouvoit prêter aucun motif d'ambition a leurs remontrances, puifqu'ils remettoient au Roi, le dépot de fon autorité & qu'ils le fupplioient d'accepter leur démiflion, èk d'agréer leur retraite. (2) Le Prince d'Orange, les Comtes d'Egmond & de Hoorn fignerent ce mémoire en qualité de Confeillers d'Etat; les Stadhouders ne ménagerent plus Granvelle & fes partifans; ils les accablerent de ridicules ék de mépris: cependant Philippe n'eut pas plus d'égard aux dernieres remontrances qu'aux précédentes: il envoya de nouveaux ordres a la Gouvernante & il fut aifé de prévoir que la guerre civile ne tarderoit pas a s'allumer. II y avoit fréquemment des émeutes dans les villes; le Miniflre Fabry, que les archers conduifoient au fupplice, fut arraché de leurs mains. On n'exécutoit plus les Proteftans que fecrétement; exécutions toujours odieufes, parcequ'elles font contraires au but que la loi fe propofe en ordonnant la mort des coupables, Fexemple Public. „ Les Magiftrats rencontroient des difficultés infur„ montables a faire exécuter les ordres de la Cour, & le nombre des Pro„ teftans augmentoit chaque jour, en raifon des efforts que la Régence ék „ fes,Miniftres faifoient pour les détruire." (3) D'un autre cöté, les difputes de Religion ék Pacharnement des partis ne produifoient que le doute, Fincertitude ék enfin Pincrédulité, ék ceux qui avoient du penchant au libertinage, rejettant l'un ék 1'autre dogme, fe Iivroient a une licence eflrénéerdes fcélérats s'attrouperent, pillerent le couvent des religieufes d'Ouderghern, y commirent toute forte d'horreurs ék brülerent 1'églife. CO Watfon Hift. de Philippe II, T. I. L. (O Hift! gén. des Prov. Unies T. V. c. 13. C3; Watfon L. 7.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. VI. 51 r Cependant Granvelle s'emparoit des charges,& les diftribuoit a ceux dont i il efpéroit de fe faire des créatures: Marguerite n'ofoit lui réfifter & fe lais- f foit conduire: Barlaimont & Viglius, par un zele mal-entendu pour la Reli- > gion le fecondoient. Les Seigneurs qu'il bravoit, déclarerent a la Gouvernante', que Pintention du Roi ne pouvoit jamais avoir été de mettre le gouvernement entre les mains de trois étrangers, au préjudice de la Nobleife, qui, fuivant les loix fondamentales, devoit préfider a 1'adminiftration de la juftice èk a la direéïion des finances. Dès ce moment ils ne fe cacherent \ plus, ék cherchant a fe faire des partifans parmi le peuple, qui croyoit que | 1'éloignement de Granvelle importoit a la gloire de Dieu, ils applaudirent au mépris dont il le couvroit. (k) Philippe efpérant d'adoucir les efprits, écrivit aux Seigneurs qu'il fe préparoit a paffer inceflamment dans les Pays-bas; qu'il ne doutoit pas de la J fidélité de fa Noblefiè; que les lettres qu'elle lui avoit écrites, étoient infuffifantes pour le mettre au fait; qu'il defiroit qu'on lui envoyat quelques Seigneurs pour 1'inftruire dans un plus grand détail, ék qu'il ne pouvoit fe déterminer a renvoyer fes fideles ferviteurs que fur des accufations bien prouvées. Les Seigneurs encore trés mécontens de cette lettre , n'y répondirent qu'après avoir déclaré a la Gouvernante que le Peuple étoit pret a fe révolter fous prétexte de Religion ék d'Impöts; qu'il n'y avoit rien a compter fur des troupes mal payées, ni fur des forts mal entretenus; qu'il feroit important dans cette extrêmité de convoquer les Etats Généraux; mais que, puifque le Roi ne le vouloit pas, ils la fupplioient de lui faire agréer la démisfion de leurs charges: ils envoyerent au Roi, un doublé de cette déclara- • tion, ajoutant qu'ils le prioient d'obferver qu'ils ne reprochoient k Granvelle que fon incapacité pour le gouvernement, qui Pavoit rendu méprifable au peuple, ék qu'ils ne fe feroient jamais imaginés qu'on voulut les compromettre avec un tel homme par une accufation en forme. (2) Dès ce moment ils cefièrent d'entrer au Confeil, ék leur retraite Mcha Ia bride a la haine du peuple contre Granvelle; les eftampes, les fatyres, ie» chanfons, les libelles fe multiplierent. (3) La Noblefiè ne garda plus aucune efpece d'égards. Egmond avertit la Gouvernante que jufqu'alors la Noblefle avoit garanti le Cardinal de la fureur du peuple, mais que dès ce moment elle ne s'en mêleroit plus, èk qu'il favoit que fa mort étoit jurée. On prétend qu'a cette époque il y eüt une Confédération, dont Paéte fut figné par le Margrave de Berghen, le Comte d'Hoogftraten, le Comte de Meghen, Brederode èk un trés grand nombre de Seigneurs; mais cet aéte n'a jamais été publié. (4) Dans ces circonftances les Etats furent convoqués pour la pétition extraordinaire; les Députés refuferent de rien entendre tant que le Cardinal feroit préfent, èk il fut obligé de fe retirer a Malines pendant les féances: la pétition ne fut accordée que 1'année fuivante. Enfin Marguerite craignant que fon autorité ne vint a être méprifée, envoya Armenteros, fon Secrétaire, k la Cour de Madrid, chargé d'y expofer les plaintes des Seigneurs èk le dan- (0 Hift. gén. des Prov. Unies ubi fupr. (2) Idem. Ibid. (3) Strada Dec. ï, L. III. 00 Hift. gén. des Prov. Unies ubi fupr. 'Ii(l. de [ollande. 555-'567- Mépris du >euple pour ïrativelle. Lettre de 'hilippe. Les Sei' rneurs of~ frent leur iémijjlotu Granvelle ixclus dis Etats.  Sect. VI Hijl, de Hollande Sa rstrai 1504. Viglius g Barlai- dont. Efforts 1 Guillaum en faveui de la ToU rance. Progrès c, Guillaumt 512 HISTOIRE DE HOLLANDE . ger qui raenacoit Granvelle. (1) Philippe frappé du récic d'Armenteros promit de faire favoir inceffammenc fes volontés au fujet du Cardinal II dé;>.tendk aux Seigneurs.de quitter le Confeil; chargea le Secrétaire de' Mareue" _ rite d'une lettre particuliere pour Granvelle, dans laquelle il lui permettoit tf. de quitter fon emploi & de fe retirer en Franche-Comté. II partit peu de tems après, fous prétexte dalier voir fa mere. Mais Philippe ne pardonna jamais au Prince d'Orange & aux autres Seigneurs de 1'avoir obligé de le renvoyer. (2) La joie que caufa le départ de Granvelle fut générale. La Gouvernante en témoigna fa fatisfaétion. Le Prince d'Orange rentra dans le Confeil- il travailla a réumr les Seigneurs & a faire revivre les Privileges. Marguerite qui connoiffoit fa probité, le foutenoit auprès du Roi; mais fans ceffe con, trané dans fes projets d'adoticir la perfécution, par Viglius & Barlaimont, Cathohques zeles & partifans outrés de Granvelle, il vit la Régente adopter leurs principes. Cependant il faifoit tous fes efforts pour réunir les efprits, il attiroic chez lui les députés des Provinces, les invitoit a fa table & les aidoit dans leurs affaires particulieres. II vouloit introduire la Tolérance mais la cabale des Cardinaliftes lui en ötoit tous les moyens: on fit même' « dans la fuite un crime a Guillaume, aux Comtes d'Egmond & de Hoorn ; des efforts qu'ils avoient faits pour amener la Paix & PUnion. (3) Cepen'• d£l"t par fes foins le Confeil d'Etat prit le deflus fur le Confeil privé: c'étoit-la le grand objet de fes vceux. Marguerite ne confultoit plus en particulier Barlaimont & Viglius; & quand elle les auroit confultés, il n'en eut pas moins fallu que leurs réfolutions euffent été portées au Confeil d'Etat En effet, on préfenta un placard , qui afftijettifibit au décret ceux qui auroient pafle un mois fans fréquenter les églifes. Le placard fut rejetté, contre le vceu des Cardinaliftes. (4) e Guillaume par fon affabilité, par fes vues droites & juftes, fe concilioit . 1 amour des Grands & du Peuple. On difoit hautement que les Proteftans étoient en trop grand nombre pour efpérer de les détruire par les fupplices • qu'il y avoit des moyens plus doux de les extirper, la réforme du Clergé' la perfuafion, 1'adoucifièment des Edits, & la rolérance des Religions: quant aux abus du Gouvernement,on difoit que Ie mtilleur moyen de les réformer étoit d'élever le Confeil d'Etat au deffus des autres. Ces difcours paruren: affez importans a Marguerite pour aflèmbler le Confeil, & pour délibérer s'il falloit en avertir le Roi ék le preffer de venir. Une partie du Confeil étoit encore animée de 1'efprit de Granvelle. (*) Ses partifans craignoient que la Gouvernante féduite par Guillaume, n'inftruifit Philippe & ne le défilMc. lis fou- (O Vita Vigl. N°. 82. CO Watfon ubi fupr. Bentivogl. Grotius. Apol. du Prince d Orange a la fuite de Watfon T. IV. (4) Repert des Placards de Hollande. > C ) Perrenot de Granvelle étant arrivé a Befancon, 1'Archevêché vint & vaquer & il i obtint. Comme par fes créatures il gouvernoit encoie les Pays-bas , Philippe a la follicitation de Marguerite, 1'envoya a Rome; il le chargea enfuite de négocier une Ligue con. tre le Ture, & lui donna la Vice- Royauté de Naples. II étoit fur le point de revenir a JBefancon, lorfque Philippe le nomma Ambaifadeur pour conclure le mariage du Duc de Savoye avec 1'Infante Catherine, fille du Roi. II finit fes jours a Madrid ie 12 Septembre 1500, agé de 70 ans.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIH. Sect. VI. 513 foutenoient que pour anéantir le Proteftantifme il n'y avoic qu'a laiiTcr faire les Inquiïïteurs, a les foutenir èk a forcer le Peuple de recevoir le Conciie de Trente, & que pour faire ceflèr la mauvaife adminiftration de la juftice, il fuffifoit de ne point aifujetdr les fentences a la reviiion du Confeil d'Ltat; ils ajoutoient que pour de fimples opérations, la préfence du Roi étoit fort peu néceffaire. , Le Prince d'Orange répondoit, que ce n'étoit point par des memoires qu on pouvoit convaincre ie Roi de la néceffité d'employer des remedes efficaces, èk qu'il falloit Pinformer de vive voix de 1'état aétuel des Provinces; que le Comte d'Egmond fe chargeroit de cette commiflion, fi la Gouvernante le jugeoit a propos. Elle y confentit; & Viglius fut chargé de donner fes milructions en plein Confeil. Elles devoient rouler en partie fur la réception des Décrets du Conciie de Trente. Philippe étoit réfolu de les faire recevoir dans tous fes Etats, & malgré les troubles qui agitoient les Pays-bas, il exigeoit une foumifiion entiere & fans réferve; la Gouvernante avoit fait part au Confeil des ordres abfolus qu'elle avoit recus a ce fujet. Lts avis furent partagés: le Prince d'Orange regardoit un grand nombre de ces décrets, comme contraires aux loix fondamentales de la Confiitution; (1) il Cit que, tandis que plufieurs Princes Catholiques les avoient rejettés, comme oppofés aux droits des Souverains, il y auroit de Pinjufiice de les propofer a ces Provinces; qu'en conféquence il falloit fupplier le Roi,, de révoquer fes ordres: fon avis fut appuyé de plufieurs Confeillers. Viglius opinoit pour 1'obéifiance abfolue; il précendoit que les „ faints décrets étoient U remede le plus efficace contre ïhéréjie qui défoloit les Pays-bas, & que c étoit par les Conciles Généraux, que de tous les tems ïEgiife avoit afj'uri fa doElrine & fa difcipline. 11 convenoit que quelques-uns des décrets fe trouvoient oppofés aux loix ék aux privileges du pays, mais il prétendoit cu'on pouvoit tout concilier en mettant de la modération ék de la prudence clans Pexécution. La Gouvernante auroit voulu fe conformer aux ordres du Roi, mais les remontrances qu'elle recevoit de tous cötés, la crainte que ces ordres n'achevaffent de révolter le peuple, la déterminerent h prendre le parti qu'avoit propofé le Prince d'Orange ék a députer en Efpagne le Comte d'Egmond. Viglius fit la leéture de fon inftruétion; elle déplut aux deux partis. Le Prince d'Orange en fut furtout trés mécontent; il interrompit Viglius, en lui difant que ce tableau des affaires n'étoit propre qu'a tromper le Roi. II indiqua les points dont il falloit Pinftruire fans flatterie ék fans ménagement: il dit qu'il falloit lui faire fentir que la diflblution des mceurs du Clergé rendoit 1'Inquifition méprifable; que 1'autorité des Magiftrats étoit anéantie, paree que le peuple ne pouvoit pas refpeétcr des juges qui affichoient la haine; que 1'on ne pouvoit pas forcer les Flamans a recevoir les décifiona d'un Conciie que les Catholiques Allemans ék Francois ne vouloient pas recevoir; que, quoique Catholique , il n'approuveroit jamais que le Roi s'arrogeat un pouvoir defpotique fur les confeiences, ék prétendit privc-r fes fujets de la liberté de croire ék de penfer: qu'il ne falloit pas lui faire croire, (O Watfon Hift. de Philippe II, T. I. L. 7. Tome XLIll. Ttt Hijl. de Hollande. "555-I5Ó7- Efforts des intolerant. Difputes iu jujet de 'a réception iu Conciie. Embairas de la Gouvernante. Fermeti de Guillaume.  Sect. VI Hifi. de Hol ande 1555-15$ I565- Départ 1 Com e d'Egmom Projet 1 détruire t, Protefiuns Philippe trompe Eg mond. 514 HISTOIRE DE HOLLANDE , par un faux expofé, les Proteftans moins nombreux qu'ils ne 1'étoicnt & ne pas lui cacher que chaque province, chaque ville, chaque viltenen ■ étoient pleins; qu'il falloit en conféquence lui demander Ja révocation de _ fes bdlts, le rappel des Inquifiteurs, la fuppreffion du Confeil privé la réforme du Clergé, 1'abdication des nouveaux Evêques, & le fupplier'de fufpendre la publication du Conciie, jufques a ce que les troubles fuffeut appaifes. Vighus fut h confondu' de cc difcours, qu'ayant paffé la nuit a riéditer fa réponfe, d fut fiifi le lendemain d'une attaque d'apoolexic, dont 1 eut bien de la peine a fe rétablir. Hoperus prit fa place ék réditrea 1 inftruétion. b , . Le Comte d'Egmond partit ék trouva la Cour d'Efpagne dans des difpofi<» tions bien oppofees aux vceux du Prince d'Orange. Philippe & CVherine de , Medicis avoient comploté la deftruétion des Proteftans. Ce projet infernal auquel le Duc d'Albe avoit eu beaucoup de part, étoit tenu fort fecret' cependant le Prince de Condé & PAmiral de Chatillon en eurent de violens 'e foupcons & Condé en avertit le Prince d'Orange. „ Les méfiances des Hu' „ guenots, obferve le Préfident de Plainaut, firent naitre en France, la fe„ conde Guerre Civile ék donnerent lieu au commencement des troubles ,, dans les Pays-bas. " (1) Cependant ces méfiances n'étoient que trop bien fondees, malgré les précautions que Philippe ék Catherine de Médieis prenoient de cacher ces horribles complots fous le voile perfide de la douceur ék de 1'affabilité. Philippe en effet recut le Comte d'Egmond avec les témoignages de la confidéradon ék de 1'eftime: il ne fe démentie en rien tout le tems que le Comte pafia dans fa cour, foit qu'il efpérat de le gagner foit qu il neut d'autre defiein que de le tromper. A fon départ, U lui fit - préfent de cinquante mille fiorins, ék comme le Comte avoit plufieurs filles il lui promit de les établir avantagcufement. (2) Egmond, homme franc ék' fincere, fut ailément Ja dupe de ces proteftations: fi crut celles que le Roi lm fit pour fes fujets des Pays-bas ék il ne douta pas que ce Prince ne fut tres décidé a changer de maximes ék de conduite; il en étoit fi perfuadé qua fon retour dans les Pays-bas, il ne ceffoit d'exalter les bontés du Roi, .ék 1 amour dont il étoit pénétré pour fes peuples. (*) O) Abf,é^ Chron- de m,'ft- d^Fr™ce' ann- 1565. (O Hifi. de Philippe II, par Wation, 1. I. L. 7. (O La Politique qui enveloppoit toutes ces trames etoit fi cachée ; il regnoit parmi les Souverains une perfidie fi fburde, qu'ils cralerióiènt raêm? de seuvrir a leurs Ambafladeurs. Charles IX écrivoit au Baron de Fourquevaux fon Ambafladeur en Efpagne, au mois de Décembre 1565: „ Je n'ai voulu plutöt vous ref„ pondre, jufques a ce que s étant préfenté une occafion, 'je vous ai bien voulu faire cet„ te depêche pour vous avertir, comme je fuis depuis hier arrivé en cette ville fa Bloisl „ pour aviler 1 état de mes finances & plufieurs autres chofes trés nécefl'aires, pour le bien „ & foulagement de mon Royaume, qui elt, Dieu merci, du tout en paix & repos & le „ fera tncore davantage è favenir, moyennant le bon ordre que fefpere v donner- de „ quoi je lerai b.en aife que donniez fouvent avis, aux Roi & Reine Catholiques, 'mes „ bons frere & leeur, afin que fi on leur avoit voulu faire entendre quelque chofe au con- „ traire, ils puiflent connoitre par ce que je vous écris & 1'aflurance que je vous en don„ ne, que tout le rtfte ne font que menfonges; m'étant déja la Reine de Navarre, ma „ tante, mon coufin le Prince de Navarre, fon fils, m0n coufin rle Prince de Condé & „ plufieurs autres Seigneurs venus trouver; & y devant arriver mon coufin le drdinal de „ Lorraiue & fes freres & femblablement le Maréchal de Montmorency ik Aumiral, &  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. VI. 515. Nous voici enfin a la fameufe époque oü Pon va voir Ia liberté nakre de 1, Pcxeès de 1'efclavage; lmtolérance opérer le triomphe de ce qu'elle croyoit ti héréfic; le fceptre du defpotifme fe brifer; celui des arts prendre fa place; l_ ék des peuples jufqu'alors méprifés par leurs farouches maitres, former une Puifiance rivale des Monarchies. De ces caufes différentes, aucune ne contribua plus a la ruine des Efpagnols dans les Pays-bas que 1 établiffement de Plnquidtion. Au nom de cet exécrable tribunal, le fage frémit, le vrai chréfièri foupirc, ék 1'hypocrite fourit. L'églife a décerné les honneurs de 1'apo- j» théofe au moine fanguinaire, qui érigea dans le Languedoc cette affreufe jurisdiétion. Cette inftitution fut imitée dans plufieurs Etats, furtout vers le Midi, oü la chaleur du climat difpofe plus les cerveaux au fanatifme. Les Chrétiens, las d'éprouver contre les Mahométans la mauvaife fortune de leurs armes, touraerent contre d'autres Chrétiens leur fer homicide. Des armées Catholiques maffacrerent des armées qu'elles croyoient Hérétiques, ou furent maflacrées par elles; des flots de fang coulerent, des campagnes furent ravagées, des villes furent réduitcs en cendres, pour quelque paflage obfeur diverfernent interprêté par les deux partis. Deux lignes defEcriiure Sainta fuffiibient pour mettre un Royaume en feu. Mais ce qu'il y eut de plus odieux , c'eft que les prifonniers, qui tomberent entre les mams des Catholioues, expirerent au milieu des tourmens, ék que le droit de la religion fut' plus atroce que le droit de la guerre. Les loix de 1'honneur, celles de 1'humanité furent foulées aux pieds; le vainqueur s'érigea en juge du vaincu,ék fut bientöt fon bourrcau. Lorfque les Non-papiftes étoient foibles eken petit nombre, ou lorfque leur morale leur défendoit de repouffer la force par la force, alors, abufant de leur foiblefle , de fanadques Prélats les citoient devant leur tribunal ék les condamnoient a la mort. On ne voyoit que roues, gibets, buchers, dans le fein d'une Eglife qui fe vante d'avoir horreur du fang. On vit des Princes, des t'rinceflès même aflifter, fans horreur, a cet affreux fpeétacle. On chanta des Cantiques a 1'Etre Suprème en maffacrant fes créatures; ék on crut 1'honorer par des meurtres. En voyant un Grand Inquifiteur entouré de fes viétimes, on eut cru voir Néron ordonnant la deftruétion des Chrétiens. Voyez ce qu'en difent le célebre Montefquieu, ck 1'auteur de 1'Hiftoire de ce tribunal. (1) tous tant qu'ils font, ne tendent autre but que a me bien obéir: ayant chacun d'eux bien " voulu au retour de ce mien long progrez, me venir bailer la main." Ce n'eft que dans E fu"ite des Lettres de Charles & de Catherine, qu'ils s'ouvrent peji-a-peu, maïs toujours d'une maniere détournée. Lettres Mfs. pendant tdmbaffadt du Marquis de Fuwquevaux en 6 vol. 4° dans la liibl. du Roi. m Ce tribunal eft infuDportable dans tous les gouvernemens; dans la Monarchie, Ö ne peut faire que des délateurs & des traitres; dans les Répubiiques, i! ne peut tor" mer cuie de maihonnêies gens; daps 1'Etat defpotique, il eft deftrufteur comme lui. La maniere feule dont on procédé dans ces tribunaux fuffic pour en donner horreur: A ne fer, donc pas hors de propos de donner une idéé de cette étrange maniere d inftruire un ftrocès Puifqu'eHe peut fervir a jufiifier la conduite des Flamans. Nous ne parierons point des Dieees multipliés qu'on tend au malheureux accufé, de l inuule avocat qu on lui donne & ciuï ne peut lui parler en fecret, de finterrogatoire qu'on lui fait fubir fur les circonftances de la vie les plus indilférentes , du refus qu'on lui fait de lui indiquer la faute 1'on lui impute , de la neccffité oü on le met de devenir lui-même fon accufateur , enfin de la longue durée de fa détemion, de la promeilè qu'on lui fait de lui rendre la liberté, Ttt 2 'ijl. de ollande. ;55-i50> Ztablijfe'.nt de Tne[uifirn.  5i6 HISTOIRE DE HOLLANDE Sect. VI. La Note fait connoïtre quel monftre affreux la Cour d'Efpagne vouHift.de loic ériger dans les Pays-bas. Ce qu'il y avoit de plus fingulier dans cette Hollande. aDominable inftitution, c'èft qu'on réfervoit les Auto da fé les plus nom- 2. _breux pour les trois époques marquées par 1'allégreife publique, celle ou le Epoques Souverain parvenoit au tröne, celle oü il atteignoit fa majorité, & celle oü principales \\ fe marioit. Ce fpeétacle, digne de compaffion & d'horreur, étoit la fête daSffUS0 ^u'011 donnoit. Au lieu de cris de joie, il entendoit les hurlemens de ces viétimes infortunées; au lieu de ces feux variés & difpofés avec art, s'il s'avoue coupable; promelTe qu'on viole, s'il eft aflez crédule, aflez foible pour laiffer échapper fon fecret. Ce font-14 les moindres injuftices des Inquifiteurs; il en eft de plus révoltantes. „ L'on ne donne jamais ou raremeiu a un accufé Ie nom des témoins „ qui ont dépofé contre lui, foit pour empêcher qu'il ne les gagne ou les intimide, fois ,, pour ne pas donner lieu aux reproches qu'il pourroit faire; ou afin que 1'aiïtirance qu'ont „ les témoins de-n'être jamais connus, facilité les accufations. 20. Par la même raifon, „ l'on n'oblige point les témoins a. prouver leurs dépofitions. 30. Par la même raifon il „ n'y a jamais ou du moins trés rarement confrontation de témoins. 40. Dans ce tribunal, ,, ii caule de 1'énormité du crime d'héréfie, tous témoins font recus, de quelque lieu qu'ils ,, viennent, & quelques infames & reprochables qu'ils puiflent être; des parjures, des „ fcandaleux, des infames, des hérétiques, des Juifs, des Mahométans, tout y eft recu ; „ & le témoignage de ces gens fi peu dignes de foi fuffit pour perdre un homme & pour „ le faire condamner au feu. 50. Deux témoins par ouï-dire valent un témoin qui a vu & „ oui, & fuffifenc pour faire donner la queftion. 6°. Les délateurs même paffént pour té. ,, moins, & c'eft pour cela qu'on ne veut pas qu'ils foient parties; enfin un fils peut té„ moigner contre fon pere, un pere contre fon fils, un domeftique contre fon maitre, un „ mari contre fa femme, une femme contre fon mari; ce qui renvcrfe toutes les loix, & donne lieu & une infinité de trahifons & de vengeances. Après qu'un accufé a „ donné fes réponfes, fi elles ne fatisfont pas, & que d'ailleurs le crime ne foit pas fuffi„ famment prouvé, on le condamné a la queftion (ou a la torture, comme l'on parle „ dans 1'Inquifition.) II y ena de trois fortes,qui font toutes trés rigoureufes. La premie,, re eft la corde, la feconde 1'eau, la troifieme le feu. La torture de Ia corde (e donne en liant un criminel a une corde par les bras renverfés en arriere: enfuite on le leve en haut avec une poulie; &, aprés 1'y avoir lailfé quelque temps fufpendu, de toute Ia „ hauteur du lieu on le Iailfe tomber a demi-pied de terre avec des fecoulfes, qui dislo- „ quent toutes les jointures & qui font jetter au patiënt des cris horribles. Si cette ,, torture ne fuffit pas , on emploie celle de 1'eau: l'on en fait avaler quantité au criminel, „ puis on le couche dans un banc ereux qui fe ferme & ferre tant qu'on le veut. Ce banc „ a un béton qui le traverfe, & tient le corps du patiënt comme fufpendu, & lui rompt ,, i'épjne du dos avec des douleurs incroyables. La torture du feu eft la plus rigou- „ reufe de toutes. On allume un feu fort ardent, enfuite l'on frotte Ia plante des pieds „ du criminel de lard ou autres matieres pénétrantes & combuftibles. On f étend enfuite „ par terre, les pieds tournés vers le feu; on les lui brüle ainfi, jufqu'a ce qu'il ait con„ fellé tout ce que l'on veut fcavoir.... Quand donc un criminel eft condamné ft la tor,, ture, on le conduit dans un lieu deftiné a cela ,qu'on appelle le lieu des tourmens. C'eft „ une grotte fouterraine, oü l'on defcend par une infinité de détours, afin que les cris ,, horribles, que jettent ces malheureux, ne puifl'ent être entendus Ce lieu n'eft éclairé ,, que par deux flambeaux fombres, qui ne jettent qu'une trés foible lumiere, mais qui „ fuffit pourtant pour faire voir au criminel les inftrumens de la torture, avec un ou plu„ fieurs bourreaux, vêtus comme les pénitens d'une grande robe de treillis noir, & la tê- „ te & le vifage couverts d'une efpece de capuchon noir. Quand on a tiré de la „ bouche'de 1'accufé a force de tourmens tout ce qu'on veut fcavoir, c'eft-4-dire, ce dont „ il eft innocent, aufli bien que ce dont il eft coupable, le malheureux n'en eft pas quit„ te; il faut qu'il fouffre une feconde torture fur 1'intention & les motifs qui lui ont fait „ faire, ce dont il eft tombé d'accord.... Après que ces malheureux qui ont agi la plupart ,, du teinps plutót par fentiment que par raifon, en ont avoué plus qu'ils ne fcavent, il 5, faut efluyer une troifieme torture pour avoir la révélation des comphces.... Quand une  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. VI. 517 qui tcrminenc nos fêtes, il ne voyoic que les flammes des buchers ; de lugubres cantiques étoient la feule mufique dont on flattoit fon oreille; on Paccoutumoit a voir fans pab'r, la rage des bourreaux & les tourmens de leurs viétimes: c'étoit ainfi qu'on préparoit fon cceur a la bienfaifance, la première vertu des Rois. Ce n'étoit que par degrés que Charles V avoit fait exercer ces rigueurs dans les Pays-bas. Lorfque les premières femenccs du Proteflantifme fe laifferent appercevoir, on ne punk d'abord que par des amendes, ceux qui en „ mort également cruelle & honteure efl: inévitable, le plutót qu'on la pent donner efl une elpece de foulagement... Ce foulagement tout foible qu'il eft, n'eft point en ufage dans , 1'Iiiquifition, & l'on y dilfere fouvent Pexécution après la conriainnation , d'une ou même de plufieurs années, afin qu'en puniifant a la fois un plus grand nombre de cou- „ pables., le fupplice en foit plus horrible. Telks lont les procédures de_ 1'Inqui- ,, lition: mais il ne fera pas hors de propos de rapporter quelques-unes de fes principales „ maximes. L'on tient dans 1'Inquificion pour maxime inviolable, qu'il ne faut jamais „ difputer de religion avec les hérétiques, furtout devant le peuple; qu'ainfi ils doivent „ être inftruits par la voie de 1'aurorité, non par celle des éclaircillèmens... On ne doit point donner la vie ft un hérétique, quoiqu'il fe rétraóte, paree que tous fe fauveroient ,, par de feintes rétraftations. On ne doit jamais interroger un accufé, comme li l'on dou,, toit de fon crime; mais il faut toujours fuppofer le fait comme véritable, & 1'intcrroger ,, feulement fur les circonilances... 11 faut lui promettre en des tormes ambigus de lui „ faire grace, s'il confeffe fon crime , & ne lui rien tenir de ce qu'on lui a promis, quand „ il fa confefté.. . Les biens d'un hérétique font acquis de droit ft 1'Inquilition, au préju„ dice même de fes enfans & autres héritiers Catholiques... On ne lailfe pas d'être fufpeft d'héréfie & fujet ft 1'Inquifition, quoique l'on n'ait avancé une héréfie qu'en radiant, ou que l'on n'ait imité les hérétiques, que pour fèv divertir... L'on ne doit point faire ', la correüion fraternelle, avant que de déférer ft 1'fnquifition. II n'y a raifon ni de parenté, ni d'alliance, ni de reconnoifiance, füt-ce mime de la vie, qui puifle difpenier de déférer un criminel qui eft devenu fujet ft 1'Inquifition. .. On ne laiflé pas d'être fujet a Plnquifitlon pour avoir avancé quelque héréfie, quoique ce foit par ignorance, paree ' que tout fidele eft obligé de fcavoir ce qui a été condamné par 1'Eglife. Les Magiftrats laïques font obligés de préter main forte a 1'Inquilition, fous peine d'excommunication: un Magiftrat excommunié, pour avoir refufé fon fecours ft I'Inqüifirion, s'il differe de fe ,', faire ablbudre, doit être condamné comme hérétique Un hérétique fecret (qui ne , divulgue point fes erreurs, & ainfi ne peut nuire qu'a lui-même) doit être déféré 1 1'Inquilition & condamné... Un hérétique caché, qui n'a point palfé pour tel pendant ', fa vie, & qui n'eft reconnu tel qu'après fa more, dok être condamné & exécuté eu elFigie. Cn accufé qui avoue qu'il a tenu de bonne foi une héréfie, croyant que ce fut un fentiment Catholique, doit être mis a la torture pour fcavoir s'il dit vrai... Les Inquifiteurs conviennent eux-mêmes, que, par les procédures qui font en ufage; dans 1'Inquilition, il eft bien diflicile que beaucoup d'innocens ne périflent avec les ' coupables. Mais cette difïïculté ne ies embarrafle pas beaucoup; car c'eft encore une de leurs principales maximes, qu'il vaut mieux faire périr cent Catholiques irréprocha, bles dans leur foi, que de laifler échapper un qui ne le foit pas. La raifon qu'ils eu reudent, c'eft qu'en donnant la mort ft un Catholique, ou ne fait que lui affurer le pa' radis; au lieu qu'en lailfaut aller un des autres, il pourroit perdre & infeóter un grand ' nombre d'ames. II n'eft pas même permis ft ces innocens injuftement oppriraés de fe ', plaindre de l'injuftice qu'ils ont foufferte; le faire, feroit un nouveau crime que l'Inqui• fuion puniroit avec d'autant plus de févérité, que fa réputation y feroit engagée, & que, dans ce tribunal, on n'avoue jamais que l'on a mal jugé. II faut donc qu'ils s'ea tiennent ft la confolation que donne le directoire des Inquifiteurs: Qut perfonne ne dfe „ qu'il a été condamné injuftement, ne je plaigne, ni des juges lu ciéfiajliques, ni du n jugement de CF.giife: mois, s'il ejt injuftement condamné, qu'il nutte ja joie en ce \, qu it fouffré pour la jufiice." Montefquieu, Efprit des Loix, Liv. XXVI, Chap. XI. Hift. de rinqaifitlon. Liv. II. Ttt 3 Hifi. de Hollande. 1555 1567  Sect. V mit. di Holland 1555-15 Sévérit des Edit Fxcepti en faveu; de la vilt d' /Invers 1566. Feinf mi dération t Philippe I 5i3 HISTOIRE DE HOLLANDE I. étoienc atteints. Mais des hommes, qui étoient prêts k fadrifier leur vie pour * leurs opinions, craignoient peu la perte de leurs biens. La févérité fe chanl' gea bientöt en barbarie. On vit paroitre des édits fanguinaires. Toute per_J fonne qui (1) difputoit fur 1'Ecriture Sainte, ou qui, pour exercer des aci tes de Religion, afliftoit a quelque aflèmblée particuliere, li c'étoit un homme, devoit périr par le fer; fi c'étoit une femme, on 1'enterroit toute vive; encore ces iüpplices étoient-ils une efpece de grace accordée a ceux qui avoient reconnu leur erreur. Le feu étoit la peine de 1'opiniatreté. Les biens de 1'accufé étoient confifqués au profit des juges & des accufateurs; ce qui multiplioit les délations & rendoit la perte des accufés plus certaine. En même temps, on défendoit au peuple de lire d'autres livres que ceux qui étoient approuvés par les Dofteurs de Louvain. Ecarter ainfi les objeétions de les adverfaires, étoit le vrai moyen d'avoir toujours raifon, fi cette ordonnance avoit été fidelement exécutée. Mais profcrire un livre, c'eft donner aux curieux le fignal de la leéture. Combien de mauvais ouvrages ont eu de la célébrité, qui feroient reftés dans 1'oubli, fi le Gouvernement n'eut pas daigné les condamner! 'Réfifter k toute autorité prohibitive, eft un fentiment naturel a 1'hommc; ék les bulles, les mandemens, les décrets, ont plus contribué a la fortune des libraires, que les auteurs meme des livres m condamnés par le Pape ou par les Evêques. La ville d'Anvers ft- plaignit de ■ ce que ces édits rigoureux écartoient de fon port les Anglois & les" Alle; mans. On fut contrahit d'en adoucir la rigueur en faveur des étrangers; ék Pon régla que les contrats ck les teftamens faits par des coupables, ék qui étoient déclarés nuis, lors même qu'ils avoient été faits avant leur eohdaranation, auroient toute leur force ék feroient obfervés après leur mort. Cependant les Inquifiteurs n'étoient encore que de fimples Commiffaires, qui, par imerim, firent périr ou profcrivirent a-peu-près cent mille hommes, en aftendant qu'on leur donnat une puifiance plus étendue. Philippe II vouloit enfin établir cet horrible tribunal fur des fondemens 1- inébranlables: tout trembloit dans les Pays bas. Le Comte d'Egmond avoit '■e été comblé de carefiès & d'honneurs; Philippe avoic promis de tempérer la ' rigueur de fes édits. „Mais, dit Grotius, ce n'étoit qu'un vain difcours. Car „ en effet il y avoit fi longtemps qu'it étoit déterminé a la rigueur, que dès ,, fon arrivée des Pays-bas en Efpagne, comme il eut appris qu'une quan„ tité de monde, ék même plufieurs des principaux du monaftere de Saint j, Ifidore, avoient quelques fentimens particuliers, touehant l'ancienne doc„ trine ék les anciennes cérémonies, il ne fe contenta pas d'avoir fait con„ damner au feu des hommes renommés pour leur fcavoir, ék des femmes „ conGdérées par leur nobfeflè; " mais il en vit Pexécution de fes propres yeux avec autant de confentement, que fi ceut été un fpeclacle de réjouijfance. Le Comte d'Egmond ne rapporta donc que de vaines efpérances; encore ne laifla-t-on pas longtemps au peuple cette frivole confolation. On publia prefque auflitöt. ik les décrets du Conciie de Trente, ék des lettres par lesquelies le Roi déclaroit ouvertement ia réfolution hnmuable d'exterminer les CO Annales des troubles des Pays-bas par Grotius, Liv. I.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. VI. 519 Proteftans par le fer & par le feu. L'Inquifition reprit toute fa force, ou plutöc toute fa furie: tandis que les honnétes gens réclamoient leurs privileges enfreints, leur liberté anéantic, 1'humanité outragée; les prêtres regrettoient leur ancienne licence, & fe liguoient contre le Conciie de Trente, dorit-la moraie trop févere, felon eux, les forcoit a mettre au moins de la décence dans leur conduite. Les politiques ne voyoient dans Pétablilfement de PInquifition, que la toute - puifiance future du clergé; Us s'efforcoient de pcrfuader que leur autorité fans bornes, renverferoit bientöt celle du Roi. Les grands n'attendoient plus rien dc la juftice de Philippe, ni même de fa clémence. Ce Prince croyoit avoir Dieu, Granvelle, lePape, & lui-même a venger. Ainfi les Nobles ne compterent plus que fur PafFeétion du peuple, & fur 1'horreur que lui infpiroit cet affreux tribunal, dont les degrés étoient déja teints de fang. Ils fê retirerent du Sénat, & malgré les défenfes du Confeil de Madrid, formerent différentes aflemblées. Des mariages , des feltins, des fêtes domeftiques cn furent les prétextes. Enfin la ligue de Bruxelles fe forme. L'Inquifition en fut le feul objet. On vouloit réprimer la cruauté des prêtres, & non réfifler a 1'autorité du Roi, comme il eft aifé de s'en convaincre paria leéture du plan de cette aflbeiation. (1) (1) Voici cet afte de Confédération tracé par Philippe de Marnix, Baron de Ste. Aldegohde & figné ft liruxelles au mois d'Avril par un grand nombre de Gentilshommes. „ Comme ainfi foit, que depuis nagueres on foit düment informé, & que l'on fcait de „ vrai, que certains Perfonnages pervers, cauteleux & malicieux, prétextant fauflement „ le grand zele qu'ils ont ft 1'entretenement & aügmenratiOH de la Religion & Foi Catholi„ que & de 1'union du peuple; mais tachans feulement de ralfafier leur infatiable avarice, „ ambitioh, orgueil infupportable, ont, par leurs paroles emmiellées, & faux donné a ,, entendre, fi bien feu perfuader au Roi notre Sire, nonobfiant quelques remontrances „ au conrraire qu'on lui ait faites: que contre le ferment que fa Majefté a fait a Dieu, & „ a fes fideles Sujets des Pays-bas, il ait ft toure force voulu introduire & impofer la per„ nicieufe Inquifition, laquelle eft non-feulement déraifonnable, & contraire it toutes loix, „ tant divines que humaines, mais auffi furpaflhnt toutes les rigueurs & cruautés, que ja. „ mais aient par ci-devant pratiqué les plus cruels tyrans infideles & payens; & laquelle „ aufli ne peut rédonder qu'au grand deshonneur du nom de Dieu, & a la perte, défola„ tion & ruine totale des Pays-bas, pour autant qu'elle réduit toute autorité & jurisdiétion „ fous !a puifiance des Inquifiteurs; rendant toutes perfonnes, perpétuels & miférables ef„ claves, expofant tous les gens de bien en continuels & évidens dangers de leurs corps & biens, par leurs recherches & vifitations. De forte que, fi un prêtre, un'Efpagnol, „ ou quelque mauvais garnement, veut mal, ou nuire ft autrui, par le moyen de 1'Inqui„•fition, il pourra 1'accufcr, faire appréhender, voire faire mourir, foit ft droit, foit ft „ tort, & confifquer les biens, (cela s'entend toujours) du plus homme de bien du mon„ de, fans qu'il puifle être otvï, ni jamais écouté en fes caufes, raifons & défenfes légi„ tijmes. Par quoi nous fouflknés, ayans toutes chofes pefées & mürement confidérées, avons eftimé & eftimons être de notre devoir, f comme de raifon) d'obvier auxdits ap„ parens & intolérables inconvéniens; &. par bons moyens, pourvoir ft la füreté de nos „ biens & perfonnes, afin de n'être expofés en proie, ft ceux qui, fous prétexte de Reli„ gion ou Inquifition, fe voudroient enrichir aux dépends de nos biens. Iaii!>- & vie. — „ A raifon de quoi, avons avifé de faire & faifons une bonne, ferme, & fainte Alliance „ & Confédération: nous obliceans & proniettans l'un ft 1'autre par ferment (blemnel , „ d'tmpêcher de tout notre pouvoir que la dite Inquifition foit maintenue, ou reen. „ forte que ce foit, publique, ouvirte, ou cachée, ou fous couleur, ou couverture .. i „ ce puifle être, füt-ce fous le nom ou ombre d'lnqii'fition, Vifitation, Placards, Man- demens , ou autre prétexte quelconque; mais du tout 1'abolir, entant qu'en nous fera, „ 1'extirper & détaciner comme Ia fource de tout tléfordre & injuftice. Faifons néaumo a$ „ proteftation devant Dieu &. les hommes, en bonne foi & confeience, que nous n'en- Mft, de Hollande. i555-'57 Comprom tk Bruxe hu  Sect. Hift. c Hollan 1555-• Les C, flérés \i jratent requête DucheJJ 520 HISTOIRE DE HOLLANDE H. Louis de Naflau, frere du Prince d'Orange, qui ne diffimuloir plus fon J, penchant pour la nouvelle doéïrine, entra avec empreflèment dans une }IT ^U1.,P°LL1V0IC u.n J'°ur détrilire le Papisme. Les Comtes d'Arember»- & dé _ Cudenbourg lui virent fon exemple; & bientöt on compta parmi les Confédérés Henri de Brederode, perfonnage plus important par fa naiflance que par fon meme. II defcendoit des anciens Comtes de Hollande, & cette ori! gme le rendoit cber & refipeétable au peuple. Un grand nom en impofe plus „fi. au v ulgaire que de grandes vertus. Ces Confédérés préfenterent une requê*■ te a la Ducheflè. Brederode étoit a leur tête; il porta la parole: il ne paria TL P,°'nC ^c.c " iieuaule lUue  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. VI. 521 „ ment mis ck pofé par les Ducs; ne fut que les deux autres Etats, fcavoir „ la Noblefiè & les Villes y confentifiènt. a°. Que le Duc ne pourra pour„ fuivre civilement ni criminellement nul de fes Tujets naturels, ni étrangers >,, y habitans, que par voie ouverte & ordinaire de la juftice du pays, oü „ 1'accufé & ie coupable fe puiflènt défendre par Avocats. 30. Que le Duc „ ne pourra mettre aucun tribut, ni aucune impofition,ni aucunes nouveau„ tés fans Pagrément des Etats du pays. 40. Que s'il advenoit que le Duc „ voulut reftreindre leurs privileges, foit par la force ou autrement: en ce „ cas ceux de Brabant, proteftation folemnelle préalablement faite, feront „ acquittés ék déchargés de leur ferment & hommage ék comme gens francs „ ék libres, pourront fe pourvoir comme ils trouveront pour le plus con„ venable. " Telles étoient les principales prérogadves que Brederode prétendoit avoir été violées. La derniere étoit une menace, qui méritoit toute 1'attention du Confeil de Madrid ék de la Gouvernante. Celle-ci fut aifez imprudente pour la méprifer ék pour fouffrir, qu'en fa préfence le Comte de Barlaimont traitat de „troupe de Gueux une aflèmblée de gentilshommes, parmi lefquels on voyoit un defcendant des anciens Comtes de Hollande. Brederode donna (1) aux confédérés un feftin fplendide dans la maifon du Comte de Cuilenbourg, qui fut depuis rafée pour cela même. On délibéra fur le nom qu'on donneroit a la ligue naiflante; on préféra d'abord celui de Société de la Noble Concorde; ék on décerna au chef le titre de Reflaltrat eur de la Liberté perdue. Mais bientót, par un changement fingulier , ils prirent comme une marqué d'honneur, ce même nom de gueux qu'on leur avoit donné par mépris. Strada prétend que ce fut dans le délire d'une orgie que fut faite cette proclamation: Vivent les gueux! ék que Brederode fufpendit une beface h fon cou, ék but dans une écuelle de bois a la fanté des gueux. Vivent les gueux l s'écria encore 1'afTèmblée; ék la beface ék 1'écuelle paflèrent de main en main: chacun s'emprefla a s'en parer, avec autant d'orgueil que les Grands d'Efpagne fe décoroient de laToifon d'or. Les convives changerent enfuite de chapeaux, & fe les mirent fur la tête reny er/és, comme ils avoient déja l''efprit renverfé, (dit Strada) qui ne voit dans cette cérémonie que Peffet de Pivreflè ék de 1'extravagarice: il eft plus probable que cette démarche finguliere fut réfléchie, que le but des Confédérés étoit de s'attirer les regards du Peuple par leur coftume bifarre, ék fon affeétion par ce nom de Gueux, qui porté par des gentilshommes fembloit annoblir la mifere, 1'indigence èk Pobfcurité. Lorsqu'on les vit parcourir les rues, ayant a leurs chapeaux des bouteilles , des écuelies, des gobelets de bois, ék au cou une médaille de bois ou de cire , fur laquelle on lifoit ces mots: fideles au Roi, jufques a la beface, ce fignai de ralliement leur gagna plus de partifans, que n'eut fait 1'étendard de la Noble Concorde. Enfin ils fe couperent la barbe, ck ne confervcrent qu'une doublé mouftache retroufiee, qui leur donnoit un air martial ék terrible. Brederode fe préfenta encore devant Marguerite; il étoit accompagné du Comte de Bergh, de Louis de Naflau, ék du Comte de Cuilenbourg. II repréfenta qu'il n'y avoit plus de temps a perdre; que le peuple, effrayé de (1) Strada, Guerre de Flandre. L. V. Tome XLIII. Vvv Hifl.de Hollande. 1555-1567. Origine du nom de gueux. Nouvelle députation.  Sect. VI. Hift. de Hollande, 1555-156 Ecrit fupfofé ou dl moins peu outhentif«f. Marguerit veut envoyer deu: des piinci faux Confédérés en Efpagne. (O Mém- Pour 1'Hift. de Flandre. 00 Strada liv. V. CO Mém. pour rffift. de Flaadre. 522 HISTOIRE DE HOLLANDE Pappareil de 1'Inquifition, étoit difpofé a la revolte; que, fi l'on attendoit des ordres de Madrid, il ne feroit plus temps de le calmer; que la Noblefiè- 7 ayant avcrti la Gouvernante du péril qui menacoit 1'Etat, les maux qui al- - loient naitre ne pouvoient lui être imputés; qu'on ne pouvoit en accufer que la tyrannie des Inquifiteurs. (1) Marguerite promit que 1'Inquifition feroit plus modérée a 1'avenir; mais eile leur défendit de s'affembler, & les mena9a. de ia colere, s'ils ofoient tenter encore de groflir leur faétion. Les députés fe féparerent. Les Comtes de Cuilenbourg & de Bergh fe retirerent dans la Gueldre. Brederode fe rendit a Anvers. Si l'on en croit une lettre de Marguerite a Philippe, dès que Ja populace apprit fon arrivée , quatre mille hommes accoururent vers fon bötellerie. Brederode fe préfente a Ia fenêtre un verre a la main: „ citoyens d'Anvers, leur dit-il, je viens au péril de ma „ fortune & de ma. vie vous délivrer d'un tribunal tyrannique, & arrêter les „ effets des édits fanguinaires. Si vous voulez me feconder dans une fi „ glórieulè entreprife, & travailler avec moi a la confervation de votre liber„ té, recevez cette fanté que je vous porte, ék témoignez-moi par un figne „ de la-main que ma propolidon vous efl: agréable. " II but & leva la main le premier: auffitót quatre mille mains fe leverent, prêtes a s'armer pour la défenfe de la liberté. (2) Cette même foule 1'accompagna jufqu'aux portes de la ville, ék le fuivit des yeux, 1'appellant fon libérateur ék fon pere. On fema dans le même temps parmi le peuple un écrit, que Strada regarde comme fabriqué par les Confédérés; c'étoit une promeflè des Chevaliers de la Toifon d'Or, aux Gentilshommes affèmblés a Bruxelles, de faire ceflèr les procédures des Inquifiteurs. (3) Elle étoit concue en ces termes: „ les „ Seigneurs ici préfens, promettent fur leur foi ék ferment de leur Ordrey „ aux Députés de cette noble ék honorable compagnie, fuffifamment autori„ fés de recevoir entre leurs mains les promeflès defdits Seigneurs: que dès „ aujourd'hui en avant, les Magiftrats ék les Inquifiteurs ne procéderont „ pour le fait de la Religion, par prife de corps ni confifcation de biens , ni „ banniflèment pour le paffé ni pour Pavenir; n'eftoit que par quelque aéte „ féditieux, ou énorme fcandale, aucuns foient trouvés rebelles ék coupa„ bles. Au quel cas, vous, Meflieurs, en prendrez connoiflance comme ,, de raifon; ék ce, par forme de provifion, jufques a tant que' Sa Majefté par avis ék accord des Etats Généraux aflèmblés, en aura autrement or„ donné." Cet écrit allarma beaucoup la Gouvernante; elle raflèmbla quelques Chevaliers de 1'Ordre de la Toifon d'or,qui le défavouerent; ék fe bita d'effacer 1'impreflion qu'il avoit pu faire fur le peuple. > Mais ce fut envain qu'on voulut faire envifager la Confédération, comme Une faétion obfeure, méprifée des Grands, formée dans le délire de Pivrefie, ; ék fans crédit même parmi la portion la plus fenfée du peuple. L'afpeét des roues, des gibets, des buchers, les édits rigoureux affichés dans les villes, ramenoient nécefiairement la multitude au parti de ceux qui vouloient la défendre. Marguerite réfolut d'envoyer a Philippe des députés de la Confédération. Son choix tomba fur le Marquis de Bergh ék Florent de Montmo-  OU DES PROVINCES UNIES, Lïv. XXXIII. Sect; VI. 523 rencv. Baron de Montigny. Un courier devoit.les précéder, arriver a Ma- fl drid reprendre la route de Flandre, les rencontrer & leür annoncer si s H Doüv'oienc, avec füreté, mettre le pied en Efpagne. Le Comte de Bergh ]_ hlefle a la jambe ne put partir furie champ. .Montigny fe mit en. route.avec quelque preiPentiment du fort qui lui étoit réfervé. II avoit cependant des lettres & des inftruéïions de la Gouvernante, qui devoient ha tfcmr beu de fauf-conduit. Mais on avoit vu en Allemagne. Jean Hus èc jerome de Prap-ue arrêtés & brülés au mépris du fauf-conduit d'un Empereur; le fanatifme ne refnecre rien, quand il croit venger Dieu par une perfidie. Montigny irriva & fut bien recu a la Cour. Cependant le Pape excitoit Philippe a ie venger des Flamans & a égorger des viétimes qui fedivroient d ellcs-memes au facriiicateur: en même temps.il offroit a Marguerite des lecours, cu'elle n'ofoit accepter fans la permiffion du Roi d Efpagne. Les profcrits raoDellés par les Confédérés rentrerent dans leur patrie: la faétion- fe groiht; Anvers furtout la voyoit s'accroitre dans fon feini Les marchands arboroient les marqués diftinétives des gueux. Le retour procham de, ia hberte leur promettoit celui de 1'induftrie & des richeiTes; & le nom de gueux pouvoit leur rendre leur opulence. 'f Philippe allarmé promit de venir en Flandre, de sy annoncer par des aftes de clémence , & de modérer la rign.-ur des Edits. (+) H affuroit les j Chevaliers que c'étoit en eux qu'il avoit placé fa confiance, & qu avec leur j fecours il efpéroit difliper cet orage. Le Proteflantifme faifoit chaque jour de nouveaux progrès. Les Calviniftes de France, les Luthériens ét le> Anabaptiftes d'Allemagne s'étoient répandus fur les frontieres & prêehoient leurs opinions tantót en fecret avec circonfpeétion, tantót en public avec audace. Les Anabaptiftes, & les Calviniftes étoient en plus grand nombre que les Luthériens- mais ceux-ci 1'emportoient fur les deux autres feftes par le crédit & le'rang de leurs partifans. Les Doéteurs Anabaptiftes n'entrainoient que la populace, paree qu'ils prêehoient la deftruétion des Magiftratures, f*) Dans la correfpondance manufcrite du Marquis de Fourquevaux, de Charles IX & de Catherine de Medicis que nous avons citée, parmi les lettres dans lefquelles il eft par e de ces querelles , eft un avis particulier qu'il donne a Catherine. „ La heence, d.t-.l, %ue les Flamans out prinfe de prêcher eft recue en trés mauvaift: part en Efpagne, enco" re que ce qui leur a été permis de prêcher hors les villes & 1'abohtion des Phcards & " pardon du paffe vienne de ce Roi,. qui 1'a fait fous le nom de Madame de Parme la" quelle n'eut ofé permettre chofes tant contraires a 1'Inquilmon, laus expreife permiffion " dudk Sr Roi,'qui en a été confeillé par les principaux Seigneur de fon Confeil, en at" tendant de pouvoir affembler les Etats de Flandre & des Pays-bas; qui vaut autant com" me d'attendre le tems & opportunité de pourvoir aux défordres desdits m*ï™ de re" " primer la licence par les nleilleurs moyens que ce Roi pourra. - Ladite licence eft " ïrouvée trés mauvaife & ne l'eudurent, finon paree qu'il n y a remede pour le pre.ent de 1'empêcher,- car fi voulant oppofer ce Roi il penfe bien, & ceux de def?a oue les " Flamans lui contrediront, lesquels ont grands deniers prêts des particuliers quils appel" lent Gueux , & des mêmes Banquiers qui font de leur Religion, non-(eulement Fiamans, " mais v a deux Efpagnols trés pécunieux... Ils ont affurance du Duc de Saxe^qu.1 les fervira & fecourra de 4000 Reiftres. & le Comte Palatin de 14000 hommes de pied ; outre sSo de leur même nation & opinion. _ Samedi 26 d'Oftob;e r56ö) fut tenu Confeil général d'Etat pour avifer fi ce Roi doit faire le voyage de b andre, ou en donner la charge au Duc de Savoye, laquelle chofe eft demeuree indec.ie & par autre Confeil a été dit depuis qu'il le doit faire: mais le Duc d'Albe ira le premier, cic. Vvv 2 ifti de ollande. 55-i56r. progrês da "rotf:Jlnnijmt & de a Ligue.  Sect. VI. Hift. de Hollande. 1555-1567. Départ du Marquis de Bergh. 1 . i Tentative i inutile du ] Comte de Megues. i < 1 I t 1 Le Prince f d'Orange li invers. 1: n 524 HISTOIRE DE HOLLANDE des honneurs auxquels elle ne peut prétendre, & la communauté des bier* objets de fon envie, qu elle ne poffede pas. Les églifes, ies places nubli ques n étoient point affez valles pour contenir 1'affluence du peuple J e\ prédicateurs étoient obligés de le haranguer dans les campagnes. Plufieurs d entre eux compterent jufqu'a quinze & feize mille auditeurs ; jamais les orateurs de la Grece & de Rome, lorfqu'ils parloient des grands intéréts de la patrie, ne trouverent autant d'efprits difpofés a les entendre, que ces foohistes argumentans fur quelque texte auffi inintelligible que leur commentaire Chacun deux accufoit derreur , d'aveuglement, d'impofture , tous ceux dont 1 opimon differoit de la fienne; mais aucun d'eux ne condamnoit fes contradifteurs au banmffement, a 1'opprobre, a la mort: la charité la tolé rance , 1'humihté , étoient les premières vertus qu'ils recommandoient a leurs difciples: & cette morale comparée a Porgueil, a ia cruauté des Inquifiteurs rendoit ccux-ci encore plus odieux. Le Marquis de Bergh étoit parti enfin pour aller repréfenter a Philippe létat de la Flandre, fon autorité chancelante, le peuple révolté une révolution prete a fe confommer, s'il ne fupprimoit 1'Inquifition, feule caufe de tant de maux. Mais ce député tomba malade en France, ou fei-mit de 1 etre, pour ne pas fe charger d'une commiflion fi périlleufe. II envova fon Intendant pour entamer cette affaire, & preffentir quel fuccès on en pouvoit attendre. Cependant la ville d'Anvers fe rempliflbit d'étrangers. Marguerite leur ordonna d en fortir & ne fut point obéïe: elle fit publier les anciens Edits • défendit au peuple de fe rendre aux prêches, & üs furent plus fréquente* : elle profcnvit tous les livres qui renfermoient la nouvelle doétrine & lê public en fut inondé. Le Miniftre du Calvinifme, a la fin d'un prêche nionta fur;un cheval & rentra dans Anvers en triomphe, aux acclamations ie la mukitude. Cette pompe donna de la jaloufie aux Miniftres Luthérienson pouvoit en profiter pour détruire les deux partis l'un par 1'autre & on ne //S* L\Magiër, mvua Marguerite a venir appaifer cés troubles par a préfence. Mais elle fe comporta comme le Marquis de Bergh & par le aeme motif, elle _y envoya le Comte de Megues, pour y annoncer fon ar! ivee, quelle devoit accelerer ou différer fuivant les avis qu'il lui donneroit \ peine le Comte eft-il entré dans Ja ville, que tout eft en allarmes- fa préence n'annonce que des projets de deftruétion. Le Comte d'Aremberg doit e ftuvre avec douze compagnies; quand la ville fera remplie de foldats Vfarguerite parokra efcortée de prêtres & de bourreaux, & viendra le fer k la flamme a la mam , établir 1'Inquifition d'Efpagne. Tels étoient'les dif :ours des miniftres & les craintes du peuple. Le Comte de Megues fut rap»el e. Les habitans fouhaitoient ardemment de voir le Prince d'Orange- lui eul, felon eux, pouvoit rétablir le calme; & ils étoient prêrs a ado'pter ous les moyens de pacification qui feroient propofés par lui. Marguerite le eur envoya; Brederode a la tête des Gueux vint au devant de lui;Fe peuple ï prefla fur fon paflage; air retentit d'acclamations; on lui chanta même ;s pfeaumes de Marot. II fit de vains efforts pour impofler filence a cette mltitude. Enfin il leur dit un peu en colere: „ voyez, pour Dieu, ce que vous faites, afin de ne pas vous en repentir quelque jour." Ce peu de lots ou ne fut point entendu, ou fut regardé comme un trait de modeftie"  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. VL 525 ik non comme un ordre fincere de mettre fin a ces applaudiffèmens: ils re- . doublerent: Voila le vengeur de la Liberté; voila celui qui nous apporte la 1 vraïe Religion ; nous naurons plus befoin de la NobleJJe confédérée ; voila celui0que nous fuivrons a favenir, & a qui nous préfenterons nos requêtes. ' Le Prince d'Orange parut offenfé de ces cris, dont il devoit etre flatté en fecret. II voulut concerter avec le Magiftrat les moyens de dïffiper les affemblées. Mais leur lenteur laifla un libre champ aux ferftaires. Les Confédérés convoquerent une nouvelle aflèmblée, pour conférer fur leurs intéréts. Santruden fut le lieu marqué pour le rendez-vous. Cette ville appartenoit k PEvêque de Liege. Ce Prélat défendit aux habitans d'ouvrir leurs portes aux Gueux. Mais cet ordre fut moins puiflant que la crainte de voir ravao-er les campagnes voifines par Brederode. Ce chef fut recu dans Santruden avec tout fon parti. L'aflemblée fut orageufe. On propofa de permettre a la fois toutes les Religions. En effet, a n'envifager le culte qu'avec les yeux de la politique, il faut n'en avoir qu'un, ou les tolérer tous. Dans ce dernier cas, aucune feéle ne peut acquérir aflez d'importance, pour fe rendre redoutable. II y a trop de petites faétions, pour qu'il puifle fe former de grands partis; & la paix devient le fruit d'une multitude de difcordes obfcures. L'homme eft moins opiniatre dans fon opinion, quand il en voit tant d'autres, différentes de la fienne ék différentes entre elles. Des querelles de cette nature ont embrafé la Suiffe, oü l'on n'admet que deux Religions; elles ne cauferont jamais de grands maux en Hollande, oü on les admet toutes. La plupart des Confédérés ne penfoient pas ainfi. Plufieurs furent frappés d'horreur, lorfqu'on propofa la tolérance de toutes les feéles: Chacun vouloit que la fienne regndt, que toutes les autres fuifent exclues; égoïfme théologique, qu'ils reprochoient aux Catholiques, même en Pimitant d'eux. ,t, , Charles de MaMsfeld fe retira; fon exemple entraina d autres Confederes. Mais leur retraite n'eut point de fuites funeftes pour le parti, déja aflez nombreux pour pouvoir fe paffer de plufieurs de fes membres. La Gouvernante oppofa a ces aflemblées, 1'autorité du Prince d'Orange ék du Comte d'Egmond. Elle n'ignoroit pas leurs difpofitions fecrettes; mais, par cette marqué de confiance, elle efpéroit les gagner ék les attacher au parti du Roi. Ils aflêmblerent les Confédérés, ék les prierent d'attendre la réponfe de Philippe, ék de ne point former de nouvelles affbciations, contraires a la tranquillité publique. La Gouvernante recut encore une requête plus fiere, plus menacante que les autres. Elle lui fut préfentée par Louis de Naflau. II étoit accompagné de onze Gentilshommes tous Proteftans, oti difpofés a Pêtre. Les Catholiques les appelloient, en riant, les douze Apötres. Ils demandoient des aflurances folemnelles contre les armes de Philippe, dont ils fe croyoient menacés; ils réclamoient la médiation du Prince d'Orange ck des Comtes d'Egmond ék de Ploorn entre le Roi d'Efpagne ék eux; ils vouloient encore que Pon convoquat une aflèmblée générale des Etats des Pays-bas: en un mot , ce n'étoient plus des coupables qui demandoient grace; c'étoient des ennemis qui confentoient a traiter avec leur ennemi. Si ces demandes, ou plutöt ces conditions étoient rejertées, ils menaeoient Vvv 3 mji. de iollande. 555-15^7. Tolérance univcrfelle rejeitée par plufieurs Confédérés. Nouvelle requête.  Sect. VI. Hifi. de Hollande. I555-I56>. Difpofitions de Philippe. 526 HISTOIRE DE HOLLANDE dappefier Pétranger dans leur patrie ; reüource toujours- funefte au parti meme qui s'en fert. Marguerite répondit que les Chevaliers de- la Toiiori d'or devoient s'aflèmbler a Bruxelles, qu'elle les confulreroit fur ces grands objets. Cette réponle déplut a Pimpatiente audace des Confédérés. Mais la Gouvernante les appaiia par une complaifance plus dangereufe, que ne Peut été une fatisfaétion moins équivoque. Elle accorda le Gouvernement: d'Anvers au Prince d'Orange , lui donna des gardes pour fa perfonne, & lui permit d'introduire dans la ville une garnifon choifie par lui-même. Marguerite fe flattoit toujours de gagner ce Prince a force de bienfaits. Le Baron de Montigny étoit alors en Efpagne. Sa' miffion n'avoit point été infruétueufe. Philippe confentoit au rappel des Inquifiteurs Efpagnols, pourvu que leur autorité paflat dans les mains des Evêques des Pays-bas; il permettoit au Confeil de Flandre de tempérer Ia rigueur de fes Ordonnances, pourvu que ces changemens fuffent approuvés par le Confeil de Madrid: enfin il accordoit une amniftie générale. Ce remede auroit arrêté peutêtre le mal dans fa naiflance; mais on avoit laiffé échapper des motnens précieux. Dans Porigine de ces troubles, a peine auroit-on ofé demander ce que Philippe fe réfolut trop tard a accorder, maintenant qu'on étoit animés & foutenus par le Prince de Condé, par 1'Amiral de Coligny, par tous les Calviniftes de France & par les Luthériens d'Allemagne. D'ailleurs, on 11'ignoroit pas que ces Evêques Flamans, a qui on vouloit confier les foudres de 1'Inquifition, étoient des créatures de Philippe, qu'ils s'étoient nourris des maximes Efpagnoles. Cette modération que l'on promettoit, n'étoit qu'une moindre cruauté. On jugeoit de 1'avenir par le pafte. La Gouvernante avoit cru faire un aéte d'humanité, digne des éloges des Sages, & de Panimadverfion de la Cour de Rome, en fubftituant le fupplice de la corde a celui du feu, & le banniffement a la prifon. II étoit probable que les adouciffemens accordés par des Evêques, ne feroient pas plus fupportables, que ceux qu'avoit imaginés une femme que 1'Eglife accufoit de trop de douceur. On n'eut pas longtemps ce reproche a lui faire; elle fit publier de nouvelles ordonnances, plus rigoureufes que celles-même de Philippe, contre les miniftres qui prêcheroient, ék contre leurs auditeurs. L'ennui auroit bientöt chaffé ceux - ci, fi on les avoit laiffés libres; mais on voulut les contraindre, ék la perfècution les attira en foule fur les pas de leurs orateurs. On ne s'aflèmbla plus dans les villes, mais dans les campagnes. Envain Marguerite s'en plaignit aux Gouverneurs des Provinces: ils répondirent que Ie mal avoit fait tant de progrès, que le feul remede étoit de ne plus lui en oppofer aucun. On ofa même le lui dire dans fon Confeil. Philippe écrivit, avec aufli peu de fruit, aux Gouverneurs. Les Confédérés s'aflèmblerent de nouveau, cc réfolurent de périr plutöt, que de perdre la liberté de confcience. (1) Le Prince d'Orange èk le Comte d'Egmond furent encore envoyés^vers eux,'pour prévenir Peffet de cette réfolution. Mais on fent tout ce qu'on devoit attendre d'une pareille députation. Quand il eut été pofljble de contenir les Nobles par des vues d'intéfêt, il n'y avoit plus de digues aflez fortes pour arrêter la licence du peuple.. CO De Meteren Liv. II. Bentivóglio Liv. II.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. VI. 527 Ce peuple fe réunifioit en pelotons tumultueux; fes armes n'étoient point / des lances, des épées, des fufils; mais des marteaux, des leviers, des maf-1' fues. Ce n'étoit point contre des foldats qu'il alloit combattre; c'étoit con-1 trede vieilles ftatues gothiques, prefque ruinées par le temps. Les églifes 1 furent les champs de bataille, oü cette populace iignala fa fureur. Les ima- d, ges y furent brilées, ou déchirées; les ftatues ren verlees & foulées aux pieds. £ La perte fut peu grande pour les arts. Les églifes des Pays - bas n'étoient i( point encore ornées d'un grand nombre de tableaux & de ftatues modernes; on n'y rencontroit gueres que des monumens de 1'ancienne barbarie. (k) Tous les Catholiques crierent au facrilege, k la profanation. Leurs cris étoient juftes, paree que tout temple doit être révéré par ceux-même qui n'adorent pas la Divinité qu'on y adore. D'ailleurs, les ftatues étant la propriété d'une églife, c'étoit une déprédation, un larcin, que de les enlever ou de les brifer. Mais fi c'étoit un crime de renverfer les ftatues, n'en étoit-ce pas un plus énorme de faire périr au milieu des fupplices des hommes qui, en les fuppofant hérétiques, n'avoient que le malheur de fe tromper dans des fujets de controverfe indifférens a l'ordre civil ? Si nous croyons qu'une ftatue de pierre ou de marbre peut être 1'image de Dieu, ne croyons-nous pas aufli que 1'homme eft fon image vivante; & de toutes les profanations, en eft-il une plus exécrable que 1'homicide, commis au nom de Dieu même? Ce fut furtout dans la principale églife d'Anvers, que les nouveaux Iconoclaftes exercerent leur furie; aucun Catholique n'ofa s'y oppofer: cette deftruétion fut Pouvrage d'un moment & ne coüta pas une goutte de fang. Strada met férieufement les démons de la partie; il en fait aux profanateurs un égide contre la colere célefte; ék, fi on Pen croit, le Diable fongeoit k protéger fes miniftres, tandis que Dieu oublioit de défendre fes images & celles de fes faints. Ecoutons ce Jéfuite: ,, certes, fi chacun de ceux qui détruifirent en fi peu de temps un fi merveilleux édifice, n'avoit pas cent < „ bras, il y a raifon de croire ce que plufieurs ont penfé, que les démons mêlés avec les hommes avoient puiflamment contribué a Pexécution de „ cette entreprife, ou que cette furieufe violence, par laquelle une églife fi riche & fi grande fut détruite, & entierement renverfée en moins de quatre heures, les autels dépouillés, les ftatues jettées par terre, les ta„ bleaux rompus, les fépulchres violés, ék toutes les chofes faintes profanées,ne pouvoit être infpirée que par le foufle des démons, qui donnoient „ également de la force ék de la fureur k ces facrileges, puisqu'ils leur faifoient un fi agréable facrifice. En.effet, dans cette promptitude ék par' mi cette confufion, tandis qu'ils vont ék qu'ils viennent dans 1'églife comme des furieux ék desinfenfés, qu'ils moment avec des échelles, k 1'envi l\ l'un de 1'autre, jufqu'au plus haut de la voute,qu'ils en font tomber ék le „ marbre ék le bronze, qu'ils faccagent ék qu'ils pillent ce qu'il y a de plus> „ précieux, perfonne d'entre eux ne fut bleffé, ou par quelque chüte ou (1) II efl: probable que le peuple n'auroit pas plus refpeété les cbefs - d'eeuvres des plus grands maitres. De nos jours en France un abbé fit óter de fon églife une vieille ftatue de Saint Sebaftien; elle étoit de bois, & tomboit en pourriture: il y fubftit'ua une ftatue du même Saint, ouvrage d'un artifte célebre. Celle-ci fut renverfée par Ie puiple; l'aucienne: fut remife ifa place, & peu s'en fallut que 1'abbé ne füt lapidé. Vijl. de [ollande. 555-1567. teftruStitm ■s Jlatues ? dss taeaux dans s églifts. Crédulitè k Str-ada*  Sect. VI. Hifi. de Hollande. 1555-156; Foihleffe dt Marguerite, Le Comte sf Egmond refiife le Généralat. 1 528 HISTOIRE DE HOLLANDE „ par les ruines qui tomboient de tous cötés, ou par Ia rencontre & par le „ chocde leurs outils. Ceft-la, [ans doute, une marqué que les monfires ( „ de Pen/er étoient par quelque permiffion de Dieu les conducteurs de cet . „ ouvrage, & que, par leur, affiflance, ce crime auffi impie que difE„ cile a- exécuter, fut commis fi promptement & comme par un prödi„ ge, fans que perfonne fut bief él" (1) Les Proteftans prétendoient au contraire, que le fuccès de cette entreprilè prouvoit qu'elle étoit agréable au Très-Haut;que ce prodige qu'on attribuoit aux démons, ne pouvoit être que fon ouvrage, & que dans ces deftruéteurs qu'on traitoit de facrileges il n'avoit vu que des ennemis de 1'idolatrie, animés d'un faint zele. Ces 'raifonnemens n'étoient peut-être pas plus folides d'un cöté que de 1'autre II étoit mutile de chercher ou dans le ciel ou dans 1'enfer 1'auteur d'un miracle qui n'exiftoit pas. Nous ne voyons rien de prodigieux en tout ceci, que Ia créduhté d'un hiftorien, d'ailleurs recommandable par la beauté de fon ftyle par la chaleur de fes récits, & quelquefois par la jufteife de fes réflexions. ' La Gouvernante parut confternée au bruit de cette Sédition (2) Elle s'abandonna aux confeils de la Nobleffe & fon indulgence s'accrut comme 1'audace des révoltés. Elle confentit a oublier tout ce qui s'étoit pafte: les Confédérés, de leur cöté, renoncerent a leur ligue, tant que leur liberté ne feroit point menaeée; mais lorfqu'on voulut les contraindre a faire une profeffion ouverte de la religion Catholique, il s'éleva un cri unanime & féditieux. II fallut céder encore a la force & a Ia néceflité. Les affemblées furent permifes aux Proteftans; on leur défendit feulement d'y porter des armes. L'exécution des Edits fut fufpendue. Mais Marguerite voulut qu'on regardat comme un aéte de clémence ce qui étoit un effet de fa foiblefle. Ce mafque honnête, dont elle couvroit fa timidité, ne trompa ni les nobles* ni le peuple, ni elle-même. On reconnut aifément que, fi elle pardonnoit' c'eft qu'elle ne pouvoit pas punir. En Efpagne on étoit également indiVné de la complaifance de la Duchefiè, & de la fureur des Proteftans On les traitoit de criminels de Leze-Majefté, comme fi c'étoit manquer a 1'obéiflance düe au Souverain, que de n'avoir pas, en matiere de théologie, les mêmes opinions que lui. On deftinoit au dernier fupplice tous ceux dont on pourroit fe faifir: ils ne Pignoroient pas & fe tenoient prêts a fe fecourir mutuellement. Ils s'aflemblerent a Dendermonde : ce fut dans ce congrès qu'ils réfolurent d'élire un Général. Le Comte d'Egmond étoit confommé dans l'art de la guerre, ék, ce qui vaut peut-être autant, il étoit adoré des foldats; mais il n'avoit point adopté cette maxime des chefs de faétion- que lorfqu'on tire F épée contre fon maitre , il faut f etter le fourreau dam la riviere. Envain il fut proclamé: il répondit qu'il ne vouloit point être leur chef; qu'il s'étoit efforcé d'affranchir fa patrie de la tyrannie des Inquifiteurs, ék non du joug légitime de Philippe; que ce Prince avoit été féduit par des prêtres fanguinaires; qu'il ne falloit que lui faire voir la vérité, pour calmer fon courroux. Cette réponfe accabla les Confédérés, ék même le Prince d'Orange, qui voulut donner a Philippe la démiflion de fes Charges, St fe retirer en Allemagne. Mais le Roi qui croyoit voir en lui une vidime ré- (0 Strada Liv. V. (2) Grotius Annal.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. VI. 5:9 réfervée a fa vengeance , fe garda bien de Ia laifTcr échapper. II lui témoi'ma une confiance aveugle,èk lui manda qu'il le regardoic comme le feul homme capable de rétablir la tranquillité dans les Pays - bas. Le Prince retourna a Anvers, oü par fa tolérance, par la douceur de fon gouvernement, il rendit plus odieufe encore la domination Efpagnole. Cependant la Gouvernante levoit des troupes; elle en donna le commandement a Pierre Erneft Comte de Mansfeld. La Noblefiè fe drfperfa; le Comte de Home lui-même fe retira dans fes terres. Cette conduite n'annoncoit aucun projet de rebellion. Ce fut 1'infiant que Marguerite choifit imprudemmcnt pour révoquer fes promeffes, rétablir 1'Inquifition, & donner des entraves aux confciences. Elle prétcndit qu'elle ne devoit point oblèrver des loix dicties par la force. Dès cet infiant les Flamans adopterent pour maxime immuable, qu'il ne falloit plus fe fier a aucun traité conclu avec les Efpagnols. La Gouvernante, fidelle aux principes de la politique Autrichienne, avoit exigé des chefs de fes troupes le ferment d'une obéiffance aveugle. Ils avoient juré de traiter, fans examen, comme ennnnis, tous ceux qui feroient profcrits par le Roi. La difcorde regnoit dans le parti oppofé; ies afièmblées étoient moins nombreufes, les délibérations moins tranquilies, les réfolutions moins unanimes. L'efpoir d'une amnifiie détacha quelques confédérés & les jetta dans la faétion Efpagnole. Le Comte d'Egmond lui-même avoit prononcé ce ferment redoutable. Le Prince d'Orange & le Comte de Hoogitraten avoient feuls refufé de le faire. „ Quelle hor„ reur, difoit ce dernier, ma femme eft au nombre des profcrits, & on „ veut que je jure de 1'égorger! " On attendoit une armée Efpagnole; Philippe avoit promis de venir dans les Pays - bas pour y rétablir la paix. On croyoit déja le voir paroitre armé de la foudre, portant en tous lieux la deftruétion ét la mort. On ne doutoit point, que cet homme vindicatif, & qui faifoit toujours fervir 1'intérêt de Dieu a cette paflion la plus chere a fon coeur, ne faifit une fi belle occafion d'abolir tous les privileges, derniers reftes dc la Liberté des Provinces des Pays-bas, & de traiter cette contrée comme un pays de conquête. Telle étoit la réfolution du Confeil de Madrid. Les troupes étoient prêtes a marcher: échauffées par les exhortations des prêtres, elles étoient altérées de fang. Mais on ne fcavoit fi on les feroit paffer par la France, ou fi on les expofeiok aux périls de la mer. Philippe n'étoit point déterminé a commander fon armée en perfonne; entouré d'un peuple docile èk fanatique, il craignoit de fe compromettre avec des hommes qui s'arrogeoient la liberté de penfer, qui afpiroient même a celle de fe gouverner. Si fes armes efiüyoient quelque échec, il aimoit mieux Papprendre de loin, que d'en être fpeétateur. Alors la faute tomboit fur fon général, ék fa gloire étoit a moitié fauvée. Envain on lui oppofoit 1'exemple de Charles Quint, (1) qui, bravant le refièntiment de Francois I par la confiance qu'il avoit en la bonne foi de ce Prince, avoit traverfé la France pour chatier les Gantois révoltés. Philippe fentoit bien que fa préfence n'en impoferoit pas a tout un peuple, comme celle d'un grand Empereur a toute une ville. (1) Bentivoglio. Tome XL11I. Xxx Hift. de Hollande. 1555-1567. Incertitule de Philippe.  Srct. VI. Hifi. de Hollande. 1555-1567 0'isrine de Mit hes, fa fortune. E tourne les amies de Selim con~ tr.e les Vinitiens. 1 530 HISTOIRE DE HOLLANDE Pendant ces délibérations le feu de la révolte fe propageoit de plus eu plus dans les Pays-bas. La Confédération s'affermilfoit, après avoir chancelé quelque temps: elle adoptoit des principes plus fürs, des plans mieux . combinés; elle avoit réfolu de faire alliance avec les Cantons Suiifes, afin de fermer aux Efpagnols le paflage de la Savoie. Les Nobles juroient d'expofer leur vie pour la défenfe des Marchands, & les marchands de contribuer aux frais de la guerre. Les différentes Seétes fe rapprochoient de la Confeflïoh d'Augsbourg, afin d'inviter les Eleéteurs qui la fuivoient a époufer. leur querelle. Charles IX avoit défendu aux Francois de prendre les armes en faveur des Proteftans de Flandre; mais ceux-ci confervoient toujours des intelligences avec les Calviniftes de France, & en recevoient des fecours fecrets. Enfin ils avoient des correfpondances jusques dans le ferrail de 1'Empereur Ture, par Pentremife d'un homme fingulier, favori du Sultan & de la fortune, que nous allons faire connoitre. Son nom étoit Miches; 1'Efpagne étoit fa patrie, le Judaïfme fa religion. (O La crainte de 1'Inquifition le forca, dès fa tendre jeunefiè, a quitter les lieux qui 1'avoient vu naïtre. II pafia a Anvers, oü. il s'acquit Peftime de la Noblefiè, celle-même de Marie Reine de Hongrie, alors Gouvernante des Pays-bas. II y auroit joué un plus grand röle, fi Pamour qui ne connoit ni la différence des religions, ni celle des conditions, n'avoit troubié fes pro» jets de fortune. La fille d'un gentilhomme 1'aima & en fut aimée. Mais les préjugés de noblefle & la différence des cultes s'oppofoient a leur union. II enleva fon amante, & chercha avec elle un afyle h Venife. II propofa k cette République, un projet que la faine politique ne pouvoit défapprouver, celui d'accorder aux Juifs une ifle voifine, pour y établir leur commerce. Mais le Sénat étoit trop inquiet, & les marchands trop jaloux, pour prêter a cette demande une oreille favorable. Miches fut chaifé, comme un homme fufpeét. Dès cet inftant il jura de fe venger; & fon refièntiment n'eut pas moins de part que fon ambition aux efforts qu'il fit pour s'introduire dans le Divan. 11 carefia toutes les paflions de Selim II, fut le miniftre de fes plaifirs, ék Selim a fon tour devint celui de fa vengeance. Les Maures d'Efpagne imploroient Paflillance du Sultan. Selim étoit difpofé a les fecourir ék a porter (2) la guerre fur les cötes de Grenade. C'étoit 1'avisdu Grand-Vifir ék des principaux Confeillers d'Etat. Miches fit une révolution dans le Confeil, ék par fon éloquence infinuante, par fa politique capticufe, tourna les vues ék les armes de Selim vers l'ifle de Chypre ék contre Ia République de Venife. Cette diverfion étoit défavorable a la Confédération de Flandre, qui défiroit de voir Philippe occupé en Efpagne. Mais Miches leur écrivit que le puiflant Selim n'avoit pas aflèz d'un feul ennemi, :el que la République de Venife, qu'il menacoit toute la Maifon d'Autriche St particulierement le Roi d'Efpagne; il les excitoit a mettre la derniere ïiain a leur ouvrage, a fe venger de la cruauté des Catholiques èk h fecouer e joug Efpagnol. On prétend que Miches afpiroit k être Vice-Roi de Chypre; on 1'accufe d'être 1'auteur de Pincendie qui renverfa 1'arfenal de STènilè, dès-Iors le plus beau de Punivers, èk depuis fi bien rétabli. Si tels. O) Strada liv. V. (2) Hift. de la guerre de Chypre, par P. Pizarre.  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. VI. 531 étoient les deffeins de cet ambitieux, il ne donnoit aux Flamans que de vai- e\ nes promeflès; mais il rclevoit toujours par ces chimères leur courage abat- Ho: tu , & travailloit a la décadence de la Maifon d'Autriche, qu'il déteitoit pref- ï£S que autant que la République. Les Confédérés enhardis par cet cfpoir, offrirent a la Gouvernante trois millions de florins, fi on vouloit leur accorder la liberté de confeience: étoit-ce pour donner une haute idéé des forces de leur parti? étoit-ce pour avoir un prétexte de lever 1'argent néceflaire a la guerre? On 1'ignore: mais il efl: probable qu'ils n'étoient pas difpofés k donner une fi grande fomme h Philippe. Marguerite appercut le piege, & rejetta cette offre dangereufe. En même temps elle prenoit toutes les mefures poflibles pour divifer les conjurés. Une femme efl: plus propre k ces fortes d'entreprifes qu'un homme; elle connott mieux les replis du cceur humain, les caufes, les effets des petites pasfions, les reflbrts fecrets qu'il faut mettre en jeu. Elle augmenta le nombre de fes foldats, ordonna aux officiers d'empêcher non feulement les aflemblées relimond Le Prince n'ofa lui-même fe déclarer chef du parti, craignant d'avoften tête un adverfaire fi. profond dans la fcjence des armes, & voyant fes amis chanceler, les troupes de la Gouvernante s'ac.croitre, le zele des Proteftans fe refroidir, il fembloit prêt a céder a 1'orage & a chercher un port en Allemagne. Quand Marguerite vit trembler cet ennemi, elle brava tous les autres. Jacques Marmx, Baron de Touloufe, avoit levé quelques troupes, avec leiquelles il s etoit flatté de fe rendre maitre de la Zélande. La Gouvernante fit marcher contre lui Philippe de Lanoy, Seigneur de Beauvoir; elle lui . tnu ce difcours: (3) „Je prends le ciel a témoin, que c'eft malgré moi que „ j| ai recours aux armes. Je n'aï jamais ciéfiré le funefte honneur de verfer. „ le ianghumam; quoique les femmes-ne foient pas toujours infenfibles „ aux cris de viétoire, & que le fouvenir des exploits de mon pere put ex„ citer dans mon cceur une ardeur martiale. J'ai envain efiayé fur ces in„ grats, fur ces méchans, le pouvoir de la clémence & des bienfaits. Ma „ bonté n'a fait qu'accroitre leur audace & diminuer mon autorité f'offen'„ ferois mon Dieu, mon Roi, ma patrie, les manes de mon pere fi je „ différois plus longtemps de m'oppofer aux e.:cès de ces rebelles qu'avoit „ enhardis ma foiblefiè. Infideles a leur Dieu,-comme a leur maitre c'eft „ au noir flambeau de 1'héréfie, qu'ils ont allumé celui de la difcorde' Un „ crime a été le prétexte d'un autre. 11 eft temps de les frapper. Coura-fe „ Beauvoir! c'eft vous que j'ai choifi pour venger le tröne & les autels' „ Courez donc vers Ofterveel. Je remets dans vos mains ma puifiance ven- CsJ'scrada VL. ^ " 00 U CktC Hift- dss Provinces Unles-  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. VT 5^ „ gerefle. Toulóufe, a la tête d'un vil ramas de brigands, qui ne péttt „ infpirer de terreur qu'a des payfans, ravage cette contrée. Attaquez - ie,. ! „ foyez impitovable; n'écoutez aucune condition: point de quartier, que „ tous ces fcéiérats dignes du dernier fupplice périffent par le fer & par „ le feu. " Beauvoir, animé par ces paroles, marcha contre le Baron de Toulóufe. Les deux partis en vinrent aux mains prés d'üfterveel ; quinze cens Calviniftes demeurerent fur le champ de bataille; trois cens rendirent les armes & ne purent obtenir la vie: fidele aux ordres féveres de Marguerite , Beauvoir les fit paffer au fil de Pépée. Le Baron de Toulóufe expira au milieu des flammes dans un grenier, oü il s'étoit retiré. La Baronne, fon époufe, étoit dans Anvers; elle ignoroit fi fon mari étoit mort, elle fcavoit leulement que fa troupe étoit taillée en pieces; qu'il étoit en danger, s'il n'av .it déja perdu la liberté ou la vie. Auflitöt elle parcourt les rues, les cheveux épars, rempliflunt Pair de fes cris, levant les mains au ciel, & conjurant^le peuple de fecourir fon époux, s'il refpiroit encore, de le venger, s'il n'étoit plus. Quatorze mille Calvinifl.es s'arment, fe raffemblent, fans ordre , fans autre chef qu'une femme égaréc par la douleur. Le Prince d'Orange avoit voulu d'abord que l'on rompit le pont d'Anvers, pour empêchcr le Baron de Toulóufe d'être fecouru, & l'armée viétorieufe d'entrer dans la ville. Ce procédé, par Iequel il recherchoit la faveur de la Gouvernante, ck montroit fa foiblefte, le rendit un moment odieux a la populace. II fe préfenta pour difliper la faétion de la Baronne. Mais fa prélence ne fit pas Pimpreflion dont il s'étoit flatté. Cet homme qu'on avoit appellé le Libérateur, le Dieu tutélaire des Pays-bas, entendit retentir autour de lui les noms de traitre, de perfide. Un Calvinifle ofa même le menacer de fon piftolet. Ces Calviniftes étoient odieux aux Luthériens, qui s'unirent contre eux aux Catholiques. Le Prince d'Orange voyant ces deux faétions rapprochées, fe mit a leur tête pour forcer les Calviniftes a mettre bas les armes. II y réuflit enfin; la Baronne demeura fans appui, & la cendre de fon époux, fans vengeance. Le calme fut rétabli dans Anvers, mais Ia révolte éclata dans Valencienncs. Les habitans du Plainaut ne portoient qu'impatiemment le joug Efpagnol; leur Province fe vantoit de nêtre Jujette qua Dieu & au Soleil: cc vieux proverbe entretenoit dans les cceurs des idéés de liberté inefacables. On avoit déja vu éclorre quelques femences de fédition. Marguerite y envoya des foldats. Le magiftrat confentoit a leur ouvrir les portes, mais le peuple les leur ferma; il demandoit que le Prince d'Orange, les Comtes d'Egmond, de Plorne & d'Hoogftraten fufiènt les garans de la modération de ces troupes. Marguerite irritée réfolut de faire affiéger la place; elle déclara les habitans criminels de Leze-Majefté, confifca leurs biens, & chargea Noircarme,. Gouverneur de la Province, de Pexécution de cet arrêt. Cé Général remporta d'abord quelques avantages fur un parti de révoltés, qui méditoit la furprife de Lille: le bruit de ce premier fuccès le rendit maitre de Tournai; il y entra en triomphe, défarma les habitans, ék commenca le fiege de Valenciennes. Philippe montra dans cette occafion la lenteur, fin»cerdtude naturelles a Marguerite, ék cette Princefle fembla avoir pris le ca-- Xxx & •Y? (fe i .■iii ^e. Mort du Bxnn de Toulouje : louleur de (1 veuve. Fureur du peuple* Souleve. ment dans Paltncien* nes. ".ene viile eft ijfhgée,.  Sf.ct. Hift. c Hollan 1555-1 Valencu nes fe n è difcrétion. Serment que le Prince d'Orange refuft de frê.er. 534 HISTOIRE DE HOLLANDE n. raétere de'Philippe; c'étoit elle qui vouloit livrer fur Ie champ la ville aux e -horreurs d'un ailaut; c'étoit Philippe qui vouloit qu'on ne fu qu'un blocus efpérato que la faim, la crainte rameneroient enfin ce peuple a Pobéiflance! —; Noircarme lui étoit plus odieux que tous les Inquifiteurs etifemble. II Mhic choifir des négociateurs qui lui fuifent agréables. Le Comte d'Egmond & le Duc d'Arfchot fe préièntercnt aux afliégés ék furent écoutés. „ Quel eft „ votre efpoir, difoient-ils? Si vous exiiïez encore, ce n'eft qu'a la clé„ mence de Philippe, que vous devez la vie. L'artillerie peut en un jour „ faire écrouler vos foibles murailles. Attcndez- vous des fecours des Fran„ cois? ils furent toujours vos ennemis: des habitans de Tournai? ils ont „ mis bas les armes: de ceux de Bolduc? ils tremblent pour eux-mêmes: „ du Baron de Toulóufe? ignorez-vous fa défaite & fa mort? La foudre „ eft prête a éclater; elle gronde déja fur vos têtes. 11 eft temps encore „ d'en prévenir les coups, & d'appaifer un Monarque irrité. Soumettez„ vous & n'ayez pas Ie courage infenfé de vous enfévelir fous les ruines de „ votre patrie. La Gouvernante exige feulement que vous j-eceviez une „ garnifon. Ceux qui voudront obéir au Roi, pourront demeurer dans Ja „ ville; on offre aux autres une libre retraite. " Ces conditions furent rejettées d'une voix unanime. On croyoit Toulóufe vainqueur, & Beauvoir fu>dtif. Cette faulfe nouvelle affermiftbit 1'opiniatreté des afliégés. Noircarme fit battre la place; les habitans étoient embrafés tout a la fois èk du fanatifme de la Liberté ék de celui de la Religion. Mais ils n'avoient point de chefs Au cun ne fcavoit commander, aucun ne vouloit obéir: le plus habile d'entre eux étoit uh nommé la Grange, homme éloquent, fait pour haranguer fa patrie, & non pour la défendre. Lorfquils virent la brêche ouverte, Pennemi prêt a donner Paffaut, ils demanderent a parlementer. „ Penfez-vous, „ leur dit Noircarme, que vous foyez dans le même état qu'il y a deux „ jours? Non, non: il n'eft plus tems; je ne traite point avec un ennemi „ que je regarde comme vaincu." Le lendemain ils fe rendirent a difcrénd tion. Noircarme y entre ék repouffe durement les femmes qui venoient, en lui préfentant leurs enfans, implorer fa pitié; il eft fourd aux cris lamcntables de ces infortunées. 11 fait fermer les portes de la ville. Cependant il conticnt fes foldats; 1'honneur des femmes eft en füreté; la vie des innocens ne court point de péril; aucune maifon n'eft pillée. Les principaux auteurs de la révolte font chargés de fers; 011 faifit, on ramene les miniftres qui s étoient enfuis fecrétement. On examine le procés des uns ék des autres. Les premiers font décapités ; les prédicateurs font pendus. Les richeflès des citoyens confifquées font partagées entre les foldats, les privileges abolis, l'artillerie enlevée, ék huit compagnies demeurent dans la place. Cette conquête parut fi importante, qu'on difoit qu'on avoit trouvé dans Valenciennes les clefs de toutes les autres villes. Cependant Ia Gouvernante ik publier une Ordonnance, qui enjoignok a tous les Magiftrats ék Commandans de jurer folemnellement, qiiils feroient fideles au Roi, éj? qtfiïs le ferviroient contre tous ceux qui feroient déclarés criminels, fans exception de perfonne. Plufieurs Confédérés refuferent de prêter ce ferment. Le Prince d'Orange fe défait de fes Charges. „J'ai „ déja juré au Roi, dit-il, de le fervir fidellement. Faire un nouveau fer-  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. VI. 53; ment, ce feroic avouer que j'ai manqué au premier. D'ailleurs, fi ma pro" mefie m'engage envers le Roi, elle m'engage aufii envers les villes & les " peuples, dont j'ai juré de déf'endre les privileges. Si on attaquoit leurs " immunités, je me verrois forcé d'enfreindre l'un ou 1'autre devoir; d'être " infidele il l'un des deux fermens. Ces mots, fans exception de perfonne, ' m'obligeroient, fi on Pexigeoit , k porter les armes contre 1'Empereur " même, dont je ibis vaflal. Ce ferment me forceroit a tremper mes mains " dans le fang de mon Époufe qui eft Proteltante, k fervir la rage des Inqui" fiteurs, a faire exécuter des Edits contrakes k 1'humanité, k la religion " même, k remplir les villes de buchers, d'échaifauds, de gibets, k ex- terminer les hommes, au lieu de les gouverner. Enfin le Roi pourroit envoyer, pour commander en Flandre, tel homme k qui il me feroit hon" tcux d'obéir." On tenta encore, mais envain, d'engager ce Prince a prononcer ce ferment. 11 fut inflexible, & prit le parti de la retraite. Dillenbourg, dans le Comté de Naflau, fut 1'afyle qu'il choifit pour mettre fit tête en füreté. fVlais fon imprudente confiance laifla fon fils k Louvain. 11 efpéroit que les privileges de 1'univerfité , dans laquelle ce jeune Prince étudioit, feroient fa fauve-garde; comme fi les Efpagnols, qui avoient tant de fois foulé aux pieds les loix de 1'humanité même, avoient pu refpeéler les immunités d'un corps académique, qui ne pouvoit oppofer a leurs armes, que des argumens & de vieux parchemins. Cet homme a qui le Prince d'Orange auroit rougi d'obéir, cet homme a qui Philippe venoit de confier le Gouvernement Général des Pays-bas, étoit Ferdinand Alvarès de Tolede, Duc d'Albe. On fcait qu'au milieu des plaifirs èk des intrigues de la Cour, plus occupé alors de fa fortune que de fa gloire, il recut de Flandre une lettre avec cette adreflè fatyrique: au Duc d'Albe, Grand Maitre de la Maifon du Roi en temps de guerre, Génér alijfime de fes armées en temps de paix ék que cette épigramme réveilla fon courage: il ne la méritoit pas. (1) I' avoic laiflES fur les cótes d'Afrique des monumens de fa valeur. Tunis ék Alger avoient éprouvé la force de fon bras, ck la fupériorité de fon génie. Wittenberg ék la Saxe avoient été les théatres de fes exploits; on Pavoit vu triompher encore en Italië. Le falu* de Civitella afliégée par les Francois étoit fon ouvrage. Mais fidele aux opinions recues dans fa patrie, après avoir fait la loi au Pape, il lui avoit baifé les pieds: ce Pontife avoit vu fon vainqueur proflrerné devant lui; ék on avoit lu dans le traité cette condition finguïiere, dictée par lui-même, qu'il feroit admis a 1'honneur de baifer les pieds du Pape. Du rerte, le Duc d'Albe étoit un homme féroce, cruel avec tranquillité, incapable de colere, mais commettant de fang-froid tous les excès que le délire de la fureur peut infpirer k un homme emporté; comptant pour rien le fang des hommes, il lui importoit peu qu'une province iüt déferte 011 peuplée,pourvu qu'elle fut foumife. Un champ de bataille couvert de mores, une ville inondée de fang, des buchers, des échaftauds, étoient pour fes yeux farouches des fpeétacles agréables. Le fac d'une ville, une exécution fanglante étoient les feules fêtes, auxquelles il femblat prendre plaifir. Def- (1) Iliftoire d'Efpagne par Ferréras- Hifi. de Hollande. 1555-1507. II fe retire h, Dillenbourg. Lc Duc d'Albe efi envoyé dans les Paysbzs. PortraitduDuc d'Albe.  Sect. VI. Hifi. de Hóllands. 1555-156; Violence dt Don Carks. Le Duc tVAlbe rajjembfe ies ttoupes. 53ê "HISTOIRE DE HOLLANDE pote altier il regarJoit le genre humain, comme un amas de vils troupcaux dellmés a être la parare de eeux qui les conduifoient. II falloit que tout ce qui fapprochoit, lut fon efclave ou fa viétime; II ne connoiffoit point le re. mords, parceque tout ce qui pouvoit le rendre redoutable étoit jufte a fes yeux, èk qu'il fcavoit aflbcier fes intéréts a ceux du ciel. II aimoit la religion,- paree quelle fail'oit fa grandeur; mais il la faifoit haïr, par les maximes cruclles, qu'il avoit adoptées. Attaché aux pratiques les plus minutieufes, il le lcroit fait un crime de ne pas les obferver, & ne fe reprochoit pas les cruautés les plus odieufes. C'étoit, en un mot, le digne Miniftre de Philippe, fanatique & inflexible comme lui. Si Charles-Quint 1'avoit cru, il auroit fait de Gand un monceau de cendres; pas un habitant de cette malheureufe ville n*auroit échappé a fa vengeance. On prétend que 1'Empereur monta avec lui fur une tour, qu'il lui rit contempler cette capitale, èk que pour répondre au confeil qu'il venoit de lui donner, il lui die: Combien pet fez-vous quilfaudroit de peaux d'Efpagne pour faire un Gant de cettegrandeur? Le üuc d'Albe ne connoiffoit point de proportion entre les délus & les peines. Toute faute lui fembloit digne du dernier fupplice; toute défobéiffance étoit une rébellion, tout délai étoit un refus, toute remontrance un outrage. Tel .étoit le Général qui venoit venger 1'Evaneile Philippe & le Pape. ö 0 ' Le jeune Don Carlos avoit été indigné des horreurs que 1'Inquifition avoit exercées dans les Pays-bas. II ne dillimuloit point combien ce tribunal lui fembloit contraire aux loix de 1'humanité & a 1'efprit de la religion. 11 ne concevoit point cette étrange politique, qui faifoit un crime d'Etat d'une erreur indifférente a l'ordre focial. II avoit défiré de commander dans ces Provinces èk d'y rétablir la paix; il entra en fureur, dès qu'il feut que le choix du Roi s'étoit arrêté fur le Duc d'Albe. Ce Prince, dont'la fin tragique a intéreffé tous les cceurs fenfibles, n'étoit pas aufli parfait, que Pa peint la compaflion qu'il infpiroit. II étoit violent, emporté, ék fa colere reflèmbloit au délire, fi l'on en croit les hiftoriens Efpagnols, dont cependant le defir de plaire a 1'Inquifition peut rendre le témoignage fufpeél. (1) Le Duc d'Albe s'embarque a liarcelone, aborde a Nice, pafiè a Genes, raflemble dans le Milanois les troupes difperfées, ék s'avance vers les Alpes. Quatre régimens compofoient fon armée: celui de Naples étoit aux ordres d'Alonfe Ulloa; Julien Romero commandoit celui de Sicile; Sanchès dc Longdono celui de Lombardie; Gonzales de Braccamonte celui de SardaiVne. C'étoient de vieux fantaflins conduits par des chefs profonds dans ParrT de' la guerre. Le commandement de la cavalerie fut confié a Ferdinand de Tolede, fils' naturel du Duc. Un régiment de quatre mille Allemans vint groflir Parmée fous la conduite du Comte Albéric de Lodrone. Parmi les^Généraux on remarquoit encore Sanchès d'Avila, le Marquis Chipir.no Vitelli, ék Gabriel Serbelioni: cette armée franchit les Alpes, traverfa les Etats du Duc de Savoie, cötoya la Franche-Comté ék arriva dans le Duché de Luxembourg Domaine de la Maifon d'Autriche. Cependant la Gouvernante fe répentoit d'avoir demandé une armée: elle pré' O) Supr. Tom. 29. p. 56".  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. VI. 537 prévoyoit que 1'autorité du Général accableroit la fienne, ék qu'elle ne prêteroit que l'on nom aux changemens qu'il alloit faire. Elle écrivit a Philippe que le calme étoit rétabü dans les Pays-bas, que 1'afpeét de cette armée ne pouvoit que railumer le feu de la révolte, que la Noblefle étoit difperfée dans fes chateaux , mais qu'a la vue de ces troupes elle fe raflembleroit pour s'oppofer a la violence; que de tous les privileges, le plus cher aux Flamans, c'étoit d'être gouvernés par leurs compatriotes. Mais le Confeil de Madrid ne vit dans ces remontrances, que le défir qu'avoit Marguerite de gouverner feule. Le Duc s'avanga vers la Flandre , ék fut complimenté par Barlemont, par Noircarme, ék par ce même .Comte d'Egmond auquel il apportoit la mort. Quoique le Duc eüt d'abord afluré la Ducheflè qu'il ne venoit qu'avec une puiflance militaire, il publia bientöt fes pouvoirs qui ne laiflbient rien a Marguerite: (1) choifir, nommer, dépofer les Commandans, diriger les opérations de la guerre, traiter avec les Princes voifins, abolir ék créer des confeils d'Etat, des tribunaux, abroger, changer, rétablir les loix, récompenfer ék punir, en un mot toutes les fonétions, toutes les prérogatives de la Souveraineté, étoient dans les mains du Duc d'Albe. Bruxelles, Anvers, ék Gand furent les villes que le Duc d'Albe choifit pour la réfidence principale de fes troupes. Les Wallons lui étoient fufpeóts; il les congédia. Les Magiftrats furent forcés de lui remettre les clefs des portes; ce ne fut pas fiins fe plaindre de cette infraétion de leurs privileges; mais le Duc leur répondit qu'il feroit tout ce qu'il jugeroit néceffaire au fervice du Roi , auquel feul il rendoit compte de fa conduite. L'Inquifition fut rétablie; parmi les anciens édits, il choifit les plus rigoureux, ék les fit publier de nouveau. Enfin il établit un Confeil de douze Magiftrats, choifis parmi ceux qu'il connoifibit les plus impitoyables: ils devoient rechercher la conduite de tous les Flamans accufés d'avoir excité ou fomenté les féditions. II appella ce tribunal le Confeil des troubles; mais le peuple, qui n'eft pas toujours dupe des mots, le nomma Confeil fanguinaire. On ne peut le comparer qu'au fameux Thédtre d'Eperies, que la Maifon d'Autriche érigea depuis pour chatier les Hongrois. Le defpotifme rigoureux de cette Maifon nous a donné les deux plus belles Républiques de l'Europe: la Suiflè ék la Hollande. II en auroit fait naitre une troifieme, fi les Hongrois avoient été dans une fituation plus favorable a la liberté. Le Duc fut luimême Préfident du Confeil. Mais il remit une partie de fon autorité dans les mains de Jean Vargas. Un feul trait fufhra pour peindre ce Jurisconfulte Efpagnol: il difoit, en parlant de la deftruétion des images: Héretici fraxerunt templa: Boni nihil fecerunt contra; debent omnes patibulari. „ Les „ hérétiques ont renverfé les temples; les Catholiques ne s'y font point op„ pofés; donc il faut les pendre tous indiftinétement." Les Efpagnols qui connoiflbient le caraétere farouche de ce Magiftrat, difoient que la gangrene des Pays - bas ne pouvoit être guérie, que par un coüteau aujji tranchant que celui de Vargas. Plufieurs Flamans étoient entrés dans ce Confeil; mais la honte, le remords, le nom affreux qu'on avoit donné a ce tribunal (O Le Clerc Hift. gén. des Prov. Unies. Liv. II. Tome XLUL Yyy mil. de Hollande. 1555-156% Inutiles remontrancesde la Gouvernante. Rêtablitfe- 1 ment de rinquifi^ tion. Caraclere de Vargas.  Sect. VI. Hifi. de Hollande. i555-t56; ü Nouvelle profcriptions: noi veaux fup plices." Sêcuritè é Comte d'Egmond. (O Mém« P°"r ''Hift. de Flandre Tome I. 538 HISTOIRE DE HOLLANDE les en chaflèrent, ou du moins les empêcherent de s'y montrer. On n'y vit paroitre que Vargas, Louis del Rio, & la Torre. r> Ces hommes de fang jugeoient fans appel. II étoit défendu a tous les J autres tribunaux de s'occuper des derniers troubles. Celui-ci violoit impunément tous les privileges des villes, & lorfqu'elles faifoient quelques remontrances, Vargas répondoit fierement: que le Confeil ne faifoit aucun cas de leurs privileges. II fuffifoit d'avoir préfenté des requêtes, pour obtenir Ia modération des édits, ou de les avoir approuvées, de s'être trouvé aux affemblées religieufes, ou de les avoir favorifées, de regarder les privileges des Provinces comme ineffacables & indeflruélibles, de nier que, par la conduite de fes peuples, le Roi fut dégagé de toutes les promeflès qu'il leur avoit faites, pour être jugé criminel de Leze-Majefté. L'erreur, en matiere de religion, étoit encore un attentat contre le Souverain; ainfi opinoit le Confeil fondé fur ce principe, que les Rois étant les images de Dieu fur la r terre, tout ce qui peut offenfer Dieu les offenfe. D'après ce principe, il étoit peu de Flamans qui puifent compter fur leur innocence. Aufli les '~ bourreaux ne fuffifoient pas a Pexécution des arrêts de mort. Après avoir " verfé le fang des coupableson confifquoit leurs biens, d'ou Pon peut inférer qu'il étoit diflicile qu'un homme opulent ne fut pas criminel. D'illuflres families tomberent ainfi dans 1'indigence. Le fifc fe groflit par ces profcriptions, au grand déplaifir du clergé, qui voyant la mode des teftamens paffee, fembloit n'avoir imaginé la confifcation des biens des Proteftans, que pour y fuppléer. Mais, lorfqu'un pere imbécille ou malade, deshéritoit fes enfans en faveur des évêques, des abbés, ou des moines, 1'honneur reftoit du moins k fa poftérité; au lieu que 1'Inquifition, en envoyant un pere de familie k Péchaffaud, ötoit a fes enfans tout k la fois 1'honneur & les biens. Cependant les têtes les plus cheres au peuple n'étoient point encore tombées. Le Comte d'Egmond fe rafluroit, en fe rappellant fa conduite dans les derniers temps. II avoit refufé le Généralat qui lui étoit offert; il avoit réfifté aux follicitations du Prince d'Orange, k Pempreffèment de la nation, aux carefiès de la fortune qui lui tendoit la main, pour le conduire au faite ! des grandeurs. Sa fidélité dans ces circonftances fi favorables k 1'ambition , pouvoit faire oublier qu'il étoit entré dans la Confédération, & rappeller les fervices qu'il avoit autrefois rendus a 1'Etat dans la guerre. II vivoit dans une fécurité profonde, & ne trembloit que pour fes anciens amis. Le Comte de Home n'avoit pas les mêmes motifs de confiance; mais il croyoit qu'on n'oferoit jamais lever le glaive des loix, ou celui de la vengeance, fur une tête révérée de la nation. Le Duc d'Albe les fit venir a fon hotel pour les confulter, difoit-il, fur le plan de quelques citadelles qu'il vouloit faire batir. Ils s'y rendirent; ils y furent arrêtés. Nous penfons que Ie Leéteur nous fcaura gré de ne pas paflèr légérement fur le procés de deux perfonnages de cette importance. La haine y préfida; mais la haine peut quelquefois être jufte dans fa rigueur. C'eft k la poftérité, froide, impartiale, équitable, k révoquer ou k confirmer Parrêt lancé contre ces deux Seigneurs. On accufoit d'abord (1) le Comte d'Egmond d'avoir demandé le rappel  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. VI. 539 du Cardinal de Granvelle; il en convenoir & ce n'étoit pas un crime: il n'avoit point forgé de calomnies contre ce Miniftre; il avoit dit feulement que ce Prélat n'étant point agréable au peuple, les Pays - bas ne feroient point tranquilles tant qu'il les gouverneroit. On prétendoit qu'il avoit fait faire a fes gens une livrée rouge, pour infulter a la pourpre Romaine, dont Granvelle étoit revêtu: il aifuroit qu'il ne Pavoit fait que par économie. II avoit èké d'avis de réunir le département des finances au Confeil d'Etat;_ fes ennemis prétendoient qu'il n'avoit donné ce confeil , que pour fatisfaire fon avidité: mais cette intention n'étoit prouvée par aucun fait. II avoit voulu, difoit-on, fe faire grand au préjudice de la grandeur du Roi. Le refus du Généralat prouvoit le contraire. Dans les premiers troubles, le Comte au milieu du Confeil avoit dit, qu'il avoit befoin d'aller a Aix prendre les eaux: a entendre fes accufateurs, il vouloit ainfi priver la Gouvernante d'un fecours qui lui étoit néceffaire: mais il n'avoit point été a Aix, & prétendoit avoir fait au repos public le facrifice de fa fanté. On vouloit qu'il fut hérétique au fond de Pame; mais dans toutes les cérémonies publiques, il avoit fait des aétes folemnels de Catholicité & les hommes ne font pas juges des penfées. Lc Comte convenoit de s'être trouvé au feftin, oü le verre a Ia main on avoit crié: vivent les Gueux! mais il prétendoit avoir en fecret blamé cette proclamation , gardant le filence , & cédant a la nécefiité. Cette réponfe n'étoit pas claire. II eft certain que le Comte étoit du nombre des Confédérés, puifqu'il retourna a plufieurs de leur aflemblées. II avoit propofé dans le Confeil de faire prêter aux Gouverneurs, aux Officiers, aux Magiftrats un nouveau ferment de fidélité, de leur faire jurer même de conferver la foi Catholique ; ce qui Pavoit rendu odieux au parti. Cependant on vouloit qu'il eüt refufé de prêter un nouveau ferment: il avoit feulement différé de quelques jours a le figner, paree qu'il ne lui fembloit pas congu dans les termes convenables. II s'étoit trouvé a 1'affemblée de Dendermonde; mais il afluroit n'y avoir délibéré que fur les moyens d'empêcher les prêches, èk de rétablir par des voies douces la foi Catholique: il avouoit que Louis de Naflau avoit été d'avis de fermer a l'armée Efpagnole 1'entrée des Pays-bas; mais il ajoutoit que cette propofition avoit été rejettée d'une voix unanime. Le Comte avoit empêché les prêches a Dendcrmonde, il fe louoit même d'avoir envoyé cinquante foldats pour faire pendre le feul miniftre, qui eüt ofé prêcher dans les environs: il regardoit cette rigueur, comme une action honnête qui devoit défarmer la févérité de fes juges. Quant au Comte de Home, il commenca par établir qu'il n'étoit refponfable que de fa propre conduite ék non de celle des autres Seigneurs: il m'a qu'il eüt voulu changer de maitre: il s'expliqua avec plus de franchife fur le compte du Cardinal de Granvelle; il foutint que fon gouvernement étoit tyrannique, èk, qu'en défirant fon rappel, il n'avoit eu qu'un défir légitime èk naturel k tout bon citoyen. Quant a la livrée infultante, il affura, ainfi que le Comte d'Egmond, que ce n'étoit qu'une économie domeftique. II nia pareillement qu'il eüt été du Compromis de Bruxelles. Mais Popinion publique le placoit au nombre des Confédérés. 11 feroit trop long de rapporter toutes les queftions minutieufes que Pon fit au Comte, ék tous les détails dans lefquels il defcendit pour y fatisfaire. Le ton dont il répondoit, Yyy 2 HiA. de Hollande. 1555- i.5p7r Grkfs contre lui. Griefs contre le Comte de Home.  Sect. V Hift. de Holland. 1555-15 540 HISTOIRE DE HOLLANDE ;. étoit fimple & ingénu: fouvent il fe contentoit de nier les faits, comme on les avaneoit contre lui, fans les prouver. En général, tous les reproches ; qu'on faifoit aux deux accufés, étoient d'avoir haï Granvelle; mais-on peut ^| haïr le Miniftre, fans haïr le Souverain: de n'avoir point impoié fdence a des ennemis du gouvernement, qui tenoient des difcours féditieux dans les aflemblées; mais tolérer des difcours, qu'on ne peut réprimer, n'eft pas les approuver: d'avoir approuvé les requêtes préfentées a la Gouvernante; mais elle avoit elle-même reconnu par fon confentement la juftice de la plupart des demandes qu'ils lui faifoient: d'avoir voulu fe retirer au milieu des troubles; mais un exil volontaire n'eft pas une trahifon: de n'avoir pas employé le fer & le feu pour arrêter les progrès du Proteftantifine; mais ce remede tyrannique eft contraire aux maximes de 1'Evangile: enfin, d'être entrés dans la Confédération; article fur Iequel ils fe défendirent fort mal tous deux. II s'agit donc d'examiner, fi cette Confédération étoit une conlpiration réelle contre le Roi. Rien ne prouve que les Confédérés etiflènt alors le deflèin de changer de maitre. En même temps qu'ils crioient vivent les Gueux! ils crioient aufli vive le Roi! On lifoit fur leurs enfeignes cette infcription: fideles au Roi, jufqu'a la beface: ils avoient déclaré formellement dans leur Compromis, qu'ils ne fe liguoient que contre les Inquifiteurs. Réfifler au Prince qui veut établir un tribunal équitable, une loi jufte, c'eft un crime, fans doute: mais réfifter k des hommes féroces, qu'il envoie pour exécuter des édits fanguinaires, en lui repréfentant qu'il a été féduit par ces méchans , avides de fang & de richefiès; en proteftant que ce n'eft point contre lui, mais contre eux qu'on veut fe tenir en garde, eft-ce une rébellion, un crime de Leze-Majefté? n'eft-ce pas plutót le droit de la défenfe naturelle? Le Comte d'Egmond n'avoit en lui-même qu'un attachement fort équivoque pour la Confédération, tout légitime qu'elle paroiflbit. Quand bien même fon intelligence momentanée avec les Confédérés 1'auroit rendu coupable, fon repentir, le refus du Généralat, fa conduite poftérieure , elfacoit fa faute & faifoit revivre fes anciens fervices. Quant au Comte de Horne, fa conduite n'avoit point été douteufe: il avoit été toujours attaché a la Confédération. Ce n'étoit pas fans peine qu'on avoit obtenu, que les deux accufés euflent des avocats & des procureurs, pour les confeiller & les tenir en garde contre les artifices des juges. Le défenfeur du Comte d'Egmond demandoit que le procés fut renvoyé au Tribunal des Chevaliers de la Toifon d'or. Sa requête avoit été rejettée: il fe nommoit de Landas. Celui du Comte de Horne étoit Théodore Liesvelt,qui s'éleva par fon fcavoir & fon éloquence, & fut Chancelier du Brabant & Envoyé du Prince d'Orange en France. lis étoient asfiftés de plufieurs autres jurisconfultes. Mais a quoi fervoit tout cet appareil, puifque la mort de ces deux viétimes étoit réfolue? Ce confeil pouvoit bien confondre la calomnie, jufiifier des aélions malignement interprêtées; mais il ne pouvoit pas changer le cceur de Philippe & celui du Duc d'Albe: ils avoient befoin eux-mêmes d'un confeil de jurifconfultes qui leur apprit, que la liberté de penfer eft le premier droit de 1'homme, que 1'empire des Rois ne s'étend point fur les efprits, qu'une erreur fur les dogmes n'eft point un ' crime d'Etat, que loin de venger Dieu par des meurtres, on 1'outrage: ils  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Secp. VI. 541 avoient befoin d'un confeil de politiques, qui leur fit fentir, que c'eft par la douceur qu'on gouverne les peuples, par 1'indifFérence & le ridicule qu'on décrédite & qu'on corrige les chefs de feétes, que la tyrannie efi: elle-même la caufe de fa propre ruine, qu'un tröne fouillé du fang de 1'innocence efl: prêt a s'écrouler. Toute l'Europe s'intéreflbit au fort des deux illufires accufés. L'Empereur Maximilien II eut la gloire d'écrire en leur faveur au Roi d'Efpagne & au Duc d'Albe. Les Confédérés retirés en Allemagne implorerent pour eux 1'appui des Eleéteurs. Mais, plus on follicitoit pour ces infortunés, plus on accéléroit leur perte. Le premier de Juin ils furent déclarés forclus de preuves, quoique la plus faine partie des Magiftrats foutint qu'on ne pouvoit pas prononcer une forclufion dans une affaire de cette importance. L'Empereur Maximilien avoit envoyé un gentilhomme a la Comteflè d'Egmond pour 1'aflurer que fon époux ne périroit pas, que Philippe ne verferoit pas un fang fi illuflre & qui lui avoit été fi utile. La Comteflè étoit entourée d'onze enfans, tous fondans en larmes, tous trop foibles encore, ou poui fauver leur pere , ou pour le venger, & qui alloient demeurer fans appuf fans fortune, fans honneur, livrés h la compafiion des hommes, & a 1'ignominie qu'imprime le fupplice d'un pere. Ce fpeétacle excitoit un attendris' fement général. Le peuple fe rappelloit les exploits du Comte, fes vertus. fa conduite modérée; il frémiflbit de 1'idée feule de voir tomber une tête fi refpeétable. Le Duc d'Albe importuné par les lettres de 1'Empereur & des Princes d'Allemagne, par les prieres de la Noblefle, par les gémiflèmens du peuple, peut-être par fa propre confciencé, prit le parti de s'en délivrer en hatant la mort des deux prifonniers. Les deux fentences mortelles furent prononcées par le Confeil des troubles & confirmées par le Duc d'Albe, qui les figna avec une tranquillité féroce. Le 4 de Juin le Confeil fut aflemblé. On y lut ces deux arrêts, qui ne feront jamais elfacés de la mémoire des hom« mes. Cependant les deux prifonniers n'étoient point encore inflruits du fon qui leur étoit réfervé; on ne leur avoit point encore lu ces arrêts (1) ri- (O Sentence de mort portée par le Duc d'Albe contre Lamoral, Comte d'Egmond, Prince de Gavre, Chevalier de 1'Ordre de la Toifon d'or, prononcée le 4 Juin 1568, „ Vu par Monfeigneur le Duc d'Albe, Marquis de Coda , Lieutenant Gouverneur & Ca„ pitaine Général pour Ie Roi és pays de par decha, le procés criminel d'entre le Procu„ reur Général de Sa Majefté, demandeur contre le Comte d'Egmond, Prince de Gavre, „ prifonnier, défendeur; & aufli, vues les informations faites par ledit Procureur Géné„ ral, titres, écritures & inftrumens par lui produits, & la confetïïon dudit prifonnier, „ avec fes défenfes, inflrumens & écritures produites de fa part en fa décharge; ayant vu „ pareillement les fautes qui dépendent dudit procés, d'avoir commis crime de Leze-Ma„ jefté & de rébellion par ledit Comte, en favorifant & étant complice de la ligue & abo„ minable conjuration du Prince d'Orange & d'autres Seigneurs de ces Pays-bas. Ayaat „ aufli pris en fa fauve-garde & proteétion les Gentilshommes Confédérés du Compromis, „ & les mauvais offices""qu'il a faits en fon Gouvernement de Flandre, au refpeét de notre „ fainte Foi Catholique, & défenfe d'icelle, avec les feftaires féditieux & rebelles de Is „ fainte Églife Apoftolique Romaine &. de Sa Majeflé. ConQdéré en outre tout ce qu „ réfulte dudit procés: fon Excellence. le tont bien mürement délibéré, avec ceux dt „ Confeil, qui eft auprès d'elle, déctare que ledit Procureur Général doit olv.enir fes con „ clufions, & partant déclare ledit Conjte , avoir commis crime de Leze-Majefté & d< „ rébellion, &, comme tel devoir être exécuté par f épée & fa tête mife en lieu haut & „ public, afin qu'elle foit vue de tous, & qu'elle foit ilkc, tant que autrement en foi' Yyy 3 Hifi. de Hollande. I555-j567. Intérêt qut prend Maximilien au fort dei accuJés.  Sect. V Hift. de Holland 1555-15 Condanv tion des d 'ux pt fonniers. Mort dl Comte d'Egmona £ƒ du C01, te de Ho ne. 542 HISTOIRE DE HOLLANDE L goureux. Lc Duc d'Albe fic venir 1'Evêque d'Yprcs pour leur annoncer leur lupphce & ies préparer a la mort. Le Prélat ne put retenir fes larmes l' lorfqu'il feut quel emploi lui étoit confié. II fe jetta aux pieds du Duc ■& _ lui demanda la grace des deux accufés. Le Duc lanca fur lui un regard ,a. terrible. L'Evêque vit bien qu'il n'obtiendroit jamais la' vie de ces infortum nés; il demanda un délai de quelques jours; mais le Duc le repoufla en lui " difant •. 3e ne vous ai Poim aPPetté a Bruxelles pour retarder Pexécution de leur fentence , mms pour les y préparer. L'Evêque confterné fe rendit auprès du Comte d'Egmond, & , d'une main tremblante , lui préfenta fa fentence mortelle. Le Comte palic a cette vue. „ Voici une fentence bien „ ngoureufe, dk-il; je ne penfe pas avoir tant oifenfé fa Majefté, pour „ ménter un tel traitement; néanmoins je le prends en patience & prie le „ Seigneur, que ma mort foit une expiation de mes péchés, & que par-la „ ma chere femme & mes enfans n'encourent aucun blame ni confifcation •' „ car mes fervices paffés méritent bien qu'on me fafiè cette grace. Puifqu'iï „ plait a Dieu & au Roi, j'accepte la mort avec patience.". Le Comte le confefla, communia de la main de 1'Evêque, écrivit a Philippe, a Sabine de Baviere fon époufe. II fondoit en larmes lorfqu'il fonsreoit a la nombreufe familie, qu il laifibit dans Pindigence & dans Popprobre. Enfin revenu a lui-même, il demanda a PEvêque quel difcours il pourroit tenir fur Péchaffaud, pour 1'édification du peuple? Le Prélat lui répondit que le moins qu'il pourroit parler feroit le mieux, & cela pour deux raifons- a caufe qu il ne feroit pas entendu; V autre, que quand il feroit entendu le peuple étoit tellement méchant , qu'il interprêteroit diverfement ce qu'il diroit, & qu'enfin fes difcours pourroient profiter a quelques-uns & nuire a plufieurs. Des foldats Efpagnols entrerent auflitöt; ils apportoient des cordes pour lui lier les mains. „ Cette précaution eft inutile, leur dit le ,, Comte: on ne me trainera point a Péchaffaud; j'y irai volontairement." 11 y monta avec beaucoup de fermeté,fe couvrit la tête d'un bonnet, 1'abaifla fur fes yeux & recut le coup mortel. Le peuple, préfent a ce fpeétacle, fondoit en larmes; les uns crioient Gr ace \ plufieurs crioient Vengeance \ tous frémiflbient; ce qui prouve que ce n'eft pas toujours un fentiment dé cruauté qui raflèmble la multitude autour d'un échaffaud. „ ordonné par fon Excellence. Et ce pour chaftoy (chatiment) exemplaire des délits & „ cnmes commis par ledit Comte d'Egmond : commandant que nulle perfonne ne foit oage qu'VaCïeré fa vie latistaéhon d etre force par 1'édit barbare que le Roi d'Efparife? Et quand on fuppoferoit même que le Duc d'Albe eut été affèz téméaire & affèz préfomptueux pour tenir une conduite auffi imprudente, y a-t-il [uelqu'un, qui, confidérant les conféquences facheufes qui en ont réfulté, luifle imaginer que le Roi ne 1'eut pas défavoué & ne lui eut pas fait fentir bn mécontentement ? Ne I'a-t-il pas puni pour un objet d'une bien moiniie importance, pour avoir marié fon fils avec fa coufine, plutöt qu'avec ine autre femme, que ce fils avoit féduit par une promefle de mariage? 'our une faute auffi légere, ce vieux fervitëur ne fut - il pas banni de la prémee de fon maïtre, & enfermé même dans une prifon; d'oü on rie le fit >rtir que paree qu'on ne put trouver en Efpagne quelqu'un qui fut plus prore que lui pour tyrannifer les Portugais? Quelle opinion pouvons-nous rok d'un Roi, qui, pour fatisfaire un reffentiment perfonnel, punit avec nt de rigueur un ancien fervitëur, on peut même dire un ancien ami, & qui  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. VI. 553 qui laifle impunie une aftion auTi atroce que celle d'avoir établi un impöt m contre la volonté de fon Souverain, dont les fuites ont caufé les plus affreu- H > fes calamités a fes fujets des Pays-bas? Non feulement Philippe ne Pén a' *J5 pas puni, mais il 1'a recu a bras ouverts & .l'a comblé d'honneurs. Comment, après une telle conduite, ofe-t-il parler le langage d'un bon Roi & vanter fon affeétion pour fes peuples! " Le Prince tTOrange entre enjuite dans le détail des chofes qui font on feront rapportées dans cette Hiftoire & c'eft pour éviter des répétitions, quavec Mr. IVatfon, nous pajjbns aux reproches que lui fait le Roi de fon mariage avec la file du Duc de Montpenfier. „ Mon accufateur, continue le Prince d'Ürange, non content de vouloir noircir ma réputation & me rendre odieux k 1'univers, tache de donner auffi atteinte a 1'honneur de ma femme, & il dit que j'ai époufé d'une maniere fcandaleufe une religieufe confacrée a Dieu par h main d'un évêque, & cela au mépris des loix du Chriftianifme & de 1'églife Romaine, & tandis que mon mariage avec une autre femme fubfiftoit. Quand cette affèrtion feroit vraie, convient-elle dans la bouche d'un Roi inceftueux & adultere?Mais vous favez, Meflieurs, li cette affertion a quelques fondemens. Mon mariage avec ma première femme, qui eft morte préfentement, ne fubfiftoit plus alors, & le divorce qui m'en avoit féparé, avoit été approuvé par les dofteurs mêmes de 1'églife Romaine & par les illuftres Princes auxquels elle appartenoit. Ma femme, quand je 1'ai époufée, n'étoit pas felon les regies même de cette églife une religieufe, comme le dit mon accufateur. Le Duc de Montpenfier, mon beau-pere, étoit fincérement attaché a la communion de Rome, non par intérêt, comme un cardinal de Granvelle & d'autres miniftres Efpagnols, mais par principe & par conviétion; il n'épargna rien pour mettre la .légitimité du mariage de fa fille a couvert de tous doutes & conteftations; il confulta les principaux membres du parlement de Paris, nombre d'évêques & de théologiens, qui tous furent d'avis unanime que les vceux de célibat, qu'avoit fait ma femme, étoient nuls, vu fa grande jeuneffè; que ces voeux étoient contraires aux regies de Péglife gallicane, a la jurifprudence des tribunaux de France, & même aux canons du concile de Trente, pour lequel mes adverfaires ont une foumiflion fans bornes: il trouva auffi que dans la réalité fa fille n'avoit point fait de pareils voeux, qu'elle avoit protefté publtquement n'avoir jamais eu intention de les faire, & que, dans fon abfence même, on en avoit fourni des preuves inconteftables. " „ Mais, quand bien même mon mariage ne feroit point Iégitime fuivanc • les principes de Rome, de quel front mon accufateur oferoit-il m'en faire un reproche? A-t-il oublié cette maxime triviale que, pour avoir le droic d'accufer un autre, il faut être bien fur de ne pouvoir être foi-même accufé? Ne fait-ü pas que je puis lui reprocher d'être 1'époux de fa propre niece? II dira fans doute que le Pape le lui a permis: mais le pouvoir du Pape a-t-il plus de force que la nature, qui fe fouleve contre toute alliance inceftueufe? D'ailleurs, n'eft-il pas vrai, que pour parvenir a ce mariage, il a fallu qu'il fit mourir fa première femme, cette femme dont il avoit des enfans, cette femme, fille & fieur de Rois de France? Je n'avance poinc ce fait témérairement ; ce n'eft poinc par relTentiraeni que je le lui reTornt XLIII. Aaaa 1. da lande. 5-'567.  Sect. VI Hifi. de Hollande I555-I5Ö 55+ HISTOIRE DE HOLLANDE . proche; on a en France la prenve de cette acïion horrible dont je I'accufe." „ Mais ce ne fut pas le feul aflaflinat que ce mariage lui fit commettre - 'il £ nt kcrifier fon fils unique: fans cela le Pape n'auroit pu lui accorder la _ difpenfé qu'il défiroit, & pour 1'obtenir il n'auroit pas eu le prétexte de n'avoir point d'héritier male. C'efl: donc a ce mariage qu'il faut attribuer la mort de 1'infortuné Don Carlos , auquel on pouvoit reprocher quelque inconduite, mais pas un feul crime qui put jufiifier fa condamnation, encore moms excufer un pere de tremper fes mains dans le fang de fon propre fils. Mais, quand bien même Don Carlos eut été réellement coupable, devoit-il etre jugé par des moines, par des Inquifiteurs Efpagnols, vils efclaves de la tyranme de fon pere? C'étoic a la nation, c'étoic a fes futurs fujets a qui ion pere devoit déférer fon crime, c'étoit a eux a juger fon fils. " „ Mais ce bon Roi, jufte & équitable comme il 1'eft, n'auroit-il pas auffi été porté a facrifier fon fils aux fcrupules qu'il auroit pu avoir de laiflêr a fes fujets, dans fon héritier, un Prince forti d'un mariage illégitime? car Meflieurs, le mariage de Philippe avec la mere de Don Carlos n'étoit pas' moms contraire aux loix de Dieu & des hommes, que fon fecond mariage Dans le tems qu'il époufa la Princefle de Portugal, il étoit déja engairé dans les hens du mariage avec Ifabelle Oforis, dont il avoit eu deux enfans, Pedre & Bernardmo. Ce mariage qu'avoit fait Ruy Gomez de Silva , Prince d'Eboli, fut la fource de la puiflance & de la grandeur de ce Seigneur. Perfonne n'ignore que dans le même tems ce Roi, qui prênd aujourd'hui' avec tant de chaleur le parti de la chafleté, vivoit dans un adultere habituel avec une autre femme, nomraée Euphrafie. Qui ne fait pas qu'il forca le Prince d'Afcoli d'époufer cette même femme, qui étoit enceinte de lui? Ce Prince infortuné mourut, & tous les courtifans Efpagnols attribuerent fa mort au chagrin que lui avoit fait 1'affront auquel il avoit été obligé de fe foumettre, & la cruelle néceflité oü il s'étoit vu de reconnoitre pour fon héritier le batard adultérin d'un autre: dans le vrai, ce fut le Roi qui le fit empoifonner. Voila, Meflieurs, la conduite chafie & les mceurs pures de ce même Roi, qui a aujourd'hui 1'audace de vouloir noircir mon mariage & de le qualifier d'une violation manifefte des loix facrées de la chafleté." „ Je terminerai cette apologie, après m'être permis de faire encore quelques remarques fur la nature & fur 1'efpece de la fentence de profcription qu'il a prononcée contre moi. C'efl: dans cette partie de 1'édit que le Roi, ou quelque vil inflrument de fa tyrannie, a employé contre moi les expreffions les plus fortes & les plus atterrantes; mais elles ne me caufent pas plus d'effroi, que n'en ont caufé les anathêmes de Clément VII au Prince Philibert, mon parent, quand il afliégea ce Pape dans le chateau de St. Ange & qu'il 1'y fit prifonnier. Après les preuves que j'ai données du peu de crainte que m'infpire le pouvoir de Philippe, après avoir fait tête depuis tant d'années & fes meilleurs généraux & aux nombreufes armées qu'ils commandoient, c'efl; un moyen bien puéril que Philippe emploie pour m'intimider, que cette profcription , les^ déclamations qu'elle renferme & les termes outrageans qu'elle contient. J'ai moins de raifons maintenant que je n'en avois autrefois, de craindre les attentars de ces miférables qu'il veut armer contre moi. Je nignore pas qu'avant de s'en fervir, il a offert de très-grandes récompeniès  OU DES PROVINCES UNIES, Liv. XXXIII. Sect. VI. 555 a des empoifonncurs & a d'autres afTaflms pour les engager a me priver de Ia vie; il agüToit alors fecréternent; mais aujourd'hui c'eft publiquement qu'il m'avertit de fes projets fanguinaires. J'efpere qu'avec 1'affiftance de Dieu & de mes amis, je n'aurai rien a craindre de fes machinations infernales, & que, malgré elles, je conferverai ma vie auffi longtems que Pexigeront les intéréts & la profpérité des peuples, auxquels je 1'ai dévouée." Ce qui augmente ma confiance, c'eli 1'indignation générale qu'ont caufé & que caufent encore aujourd'hui les moyens que met en ufage mon ennemi pour me détruire. Je fuis perfuadé qu'il n'y a pas une nation en Europe, pas un Prince dans 1'univers, fi 1'on en excepte le Roi d'Efpagne & les Efpagnols , qui ne regardent comme barbare & déshonorant d'autorifer ainfi, & même d'encourager publiquement, le meurtre & 1'affaffinat. Mais tous les fentimens d'humanité & d'honneur font depuis longtems étrangers au Roi d'Efpagne;& a fes fujets. Philippe, ayant recours a un aflaflin pour fe défaire d'un ennemi qui ne lui cache ni fa haine ni fon mépris, avoue a la face de 1'univers entier qu'il eft fans efpérance de le vaincre par la force des armes. N'eft-ce pas de fa part un témoignage authentique qu'il craint les effbrts que ie puis faire contre lui? N'eft-Ü bien honteux, bien lache & bien bas, de faire un tel aveu? Mais la lacheté & la baflefle de fa conduite ne font pas plus grandes, que 1'abfurdité du choix des récompenfes qu'il promet a ceux qui exécuteront fon projec cruelril ne leur promet pas feulement de 1'argent, mais la nobleflè, mais des honneurs; comme fi 1'amour de la gloire pouvoir influer en quelque forte fur un homme capable de commettre une aélion qui le déshonoreroit & qui le feroit généralement détefter. Si un gentilhomme étoit affèz malheureux pour fe laiffèr féduire par Pappas des promeffes de Philippe, dès le moment qu'il s'en rendroit digne, ne perdroit-il pas fa nobleflè? & qui eft-ce qui oferoit former avec lui aucune efpece de liaifon, fans fe croire déshonoré ? Mon ennemi lui-même Pa fenti, puifqu'il s'adreiïè plus particulierement aux criminels &aux malfaiteurs qu'a tous autres: Afin, dit-il, que ce que je demandé puijfe s'exécater plus facilement & plus promptement, & défirant de punir le vice & de récompenfer la vertu, nous promettons, foi de Roi & comme Miniftre du Seigneur, que s'il fe trouve quelquhm qui ait affez de courage & d'amour du bien public, pour exécuter nos ordres & nous délivrer de cette pefte de la fociété, nous lui ferons donner, en terres ou en ar gent, a fon choix, lafomme de vingt-cinq mille écus: s'il a commis quelque crime, quelqiCénorme qu'il foit, nous nous engageons de lui en accorder le pardon: s'il rieft pas noble, de Vannoblir , ainji que tous ceux qui Vaideront & Vafftfteront. N'eft-ce pas lk, Meflieurs , une invitation formelle a tous les fcélérats & a tous ceux que la fociété a banni de fon fein? Point de crime, quelqu'énorme qu'il foit, qui ne foit pardonné; point de criminel, quelqu'abominable qu'il puifle être, qui ne foit comblé d'honneurs. Un Roi qui fait de telles promeffes, qui invoque le fecours de gens de cette efpece, a-t-il le droit de prendre le titre de Miniftre de Dieu? lui, qui ne met point de diftinétion entre le vice & la vertu; lui, qui fans rougir déclaré publiquement qu'il eft dans la volonté d'accorder des récompenfes & des honneurs a des hommes fouillés des crimes les plus atroces. En vérité, Meflieurs, je me réjouis detre perfécutépar un homme Aaaa 2 m/i. de lollande. IS55-I5Ó?  Sect. VI. Hifi. de Hollande. 1555-1567 556 HISTOIRE DE HOLLANDE, &c. h qui 3a confcience permet d'employer des moyens auffi impies: les fentimens depraves du cceur de mon accufateur font un témoignage de mon inST* .. " Je.cro.s que ce que je viens de dire, fuffit pour me juftifier deSrM .nuputauons dont eft rempli 1'édit de profcription. Je ffifa iamLs fi!? fi j etois entré dans le détail des cruautés que Philippe aeSvcéci envers le's peuples des Pays -bas; fi j'avois voulu rapporter toutes le» SS^Tl comimfes a leur égard: ce détail, d'ailleurs, auroit été inutile V0Us avez „Mais, avant de finir, je dois cependant vous fupplier de réfléchir féneufement fur les moyens auxquels notre ennemi eft forcé aujourd'hu d'avoir «cours pour accomphr fon defièin. Cette infame profcriptionlepefnesl les foms que lu, & fes miniftres prennent continuellementpour femeïïa d vï fion parmi ces provinces, font voir clairement qu'il eft fans eSnce de nous affervir par la force des armes, tant que nous refterons uS » * „ C eft alfcrement ma perte feule qu'on fe propofe. Si la mort ou Ie banmffement m öcoit d'au milieu de vous, dit Philippe, la tranS é feroit bientot retabhe dans les Pays-bas. Vous concevez gfément deTuel te tran quilhté il veut parler. Rappelez-vous la fituation oü vous vous êtestrouvés avant mon retour dans ces provinces; vous gémiffiez alors fous lWeXn tyranmque du Duc d'Albe. S'il étoit vrai que mon exil püt vous ddivrer de vos calamites Philippe n'auroit pas befoin d'employer le fecours des. Snï & des empoifonneurs. Combien de fois me 4-je expofé vo ontairemé r aux dangers les plus grands pour votre défenfe? C'eft avous aT«^7„a vie & ma prefence font utiles ou préjudiciables au bien de ces^o ine™ cefta vous feuls,. & non au Roi d'Efpagne, que je dois comme de na conduite: vous avez fur moi un pouvoir abfolu; difpofez, coZS vous e trouverez a propos, de ma perfonne & de ma vie; prononcez: j'obéira • fervez-vous de 1'autorité dont je reconnois que vous êtes inveft s! doTnez oes ordres, ou pour mon départ, ou pour ma mort, fi vous jugezVu .ou 1 autre néceffaire au bien général." J b u „ Mais fi, au contraire, comme je m'en flatte, ma conduite pafTée vous a convaincus de la fincérité de mon zele & de mon attachement; fi ma Ion gue expénence vous donne de la confiance en mon habileté pour conduïë vos affaires, je continuerai d'employer a votre fervice les talens que j'ai reeus du ciel, dans 1'cfpérance que vous ferez attention aux exhortarions précé dentes que je vous ai faites de maintenir parmi vous 1'harmonie & la cScot de, & que vous travaillerez vous-mêmes avec vigueur a défendre le peSle que vous vous etes engagés de protéger, comptant qu'avec a %S d* lout-puiflanc vos travaux feront couronnés de fuccès." Fin du Tornt Quarante-truïs.   I