r Bi  CORRESPONDANCE SUR LES AFFAIR.ES PRÉSENTES DE LA HOLLANDE. FEUILLE PÉRIODIQUE POÜR SERVIR A LsHISTOIRE DE CE SIÈCLE TOME SECOND POLIT1QUE Je ne ftrs ni Baal, ni le Dieu tiUfraél. A AMSTERDAM M. D. CC. LXXXII.   CORRESPONDANCE POLITIQUE Sur les affaires prèjentes de la Hollande. n°. xxvii. LETTRE A l'Editeur de ce Journal. Amfterdam, le 38 Avril 1783. D'APRÈS la ledture de quelques paffages des premiers N°s. de votre feuille, Monfieur, je m'étois flatté de trouver dans la fuite de votre ouvrage, bien des chofes qui n'y ont pas encore paru. Je ne fuis pas le feul de vos ledteurs qui avoit concu eet efpoir. Cependant, vous touchez au terme de votre premier volume, fans avoir fatisfait notre envie. II fernble même qu'a mefure que vous avancez dans votre carrière, vous perdiez de vue les objets que nous attendions vous vqir difcuter. Souflïez donc que j'en rappelle quelques uns a votre fouvenir. Par exemple , vous voyant marcher fur les traces de 1'infortuné Linguet, ccrire avec fon feu & fa hardieffe; nous imaginions que vous alliez le venger du filence univerfel que fes amis garde fur fon compte (1) , & des coups (1) Le Rédacteur du Courier du Bas-Rbin ne mérite pas au moins ce reproche. II a fouvent plaidé en faveur du malheureux Ltngurt. Mais qu'a-t-il gagné ? Qu'a gagué 1'Auteur du Journal Polittqus, &c. qui a fi vivement pris la délènle de eet infortuné ? rien. Pour s'ètre expofés Tun & 1'autre a 1'ingratitude & au danger, ontils abrégé d'une heure la captivité de cette vi&jrae de la fureuc & de 1'envie ? (fort 4e l'Editeur,') Tom. II A %  4 Correfpondance poïitique. que lui portent fourdement fes ennemis, qui ont la cruelle commifération de le rappeller quelquefois au public qui foublie, pour le lui rendre ridicule ou odieux CO C'cft ainfi que s elt condmt en vers eet Auteur célèbre 1'Ecrivain hebdommadaire de cette Ville. M. Center en débutant dans fa nouvelle carrière, feignit de plaindre le malheureux Annalifie pour avoir occafion de parler de fes produclions avec mepns. II prometoit de péjèr dan, la balance de I equite la terrible infortune qui enchainoit Ja plume & fa perfonne; & depuis quinze mois qu ïl egare ou ennuye pcriodiquement mes compatnotes, il n'a parlé qu'une feule fois du prifonnier de la Baftille; encore étoit-ce pour linfulter. r Vous devriezbien, Monfieur, prendre la délenie de ce fameux captif, que tout le monde (i) L'Auteur de cette lettre a probablement en vue Ie trait qu'on vient de publier dans les Gazettes On dit que M. Livguet a fait préfenter tont récemment par fon frere, un Mémoire au Roi, fur une découverte mfailhble de faire parvenir des ordrps a Brefl & d'en recevoir des nouvelles en douze minutes • mettant fa hberté pour prix de ce fmgulier fecret. On'fent bi»n que cette fiéhon eft une rufe de fes ennemis, qui, apré* avoir debite il y a quinze mois qu'il étoit devenu fou , voudroient faire croire qu'il 1'eft réeilement. II n'y ? que la demence ou la malignité qui aient Pu enfanter un projet aufli abfurde; & certainement fi M. Linguet en eft 1'Auteur , ou la tête lui a tourné, ou il aura réflecbi que 1'extravagance & 1'abfurdité, étant le plus fur moyen de faire lbrtune dans le voifinage de la Bafttlle, ü deyoit eftayer de recouvrer par le ridicule, fa liberte qu'il a perdue par trop de mérite. Ainli en lui fuppofant cette folie idee, on peut Ja regarder cornme la latire la plus fan^lante qu'il ait pu faire de fon pays & des hommes qui y figurent. (Nc/< de PEditeur )  Correfpondance poïitique. 5 abandonne, ou même que la lacheté de fes perfécuteurs pourfuit jufques dans fon cachot. Ce feroit une tache digne d'un Ecrivain qui confacre fa plume a défendre les hommes opprimés ou perfécutés. 11 femble que vousayez pris fur vous cclle clc combattre le Poïitique Hollandois. Après avoir réfuté fes fophifmes fur les affiüres du temps; relevé fes errcurs fur les Américains & les effets de leur rébellion ; fes infmuatlons ou fes attaques contre le Duc de Brunfwick; que pourriez vous faire deplus équltable aux yeux des nations & de plus confolant pour les ames honnêtes, que de leur dénorxer fes réticences, ,ou de repoulTer fes aggreffions contre un infortuné , hors d'état de fe défendre, au fond de la prifon oü le defpotifme le fait gémir & pourrir? Je ne fais, Monfieur, li vous avez fait atten-" tion au plan que ce Périodifte tiaca de fon ouvrage, a la téte de fon premier Ny. C'eft une chol'e curieufe que ce plan, & quelque chofe de plus curieux encore, que le pédantifme & la morgue que 1'Auteur y étaloit. II s'annoncoit comme un hotnmc confommé dans la poïitique. Né politico-mane dans toute la force du terme; épris dés fon enfance d'une belle paffion pour la lecïure des Gaiettes, dont la vue le faijbit trejjaillir; il app'ris YJnglois afin de lire les papiers publics de ce pays-la, qu'il aimoit de préférence , paree qu'ils Jont bien grands & bien larges. IIy avoitplus de 50 ans qu'il compilloit. Un voyage de 10 ans Vavoit tenu abjent de ia Hollande, fa patrie. De retour dans ce pays, ceux d qui il donnoit des repas ne tarif/oient jamais en éloges Jur Jon compte: ils n'ojoient penfer que d'dprès lui. Pamphile, qui paffe pour une des têtes les plus profondes A 3  o Correfpondance poïitique. en poïitique i n'ofoitplus parler d'un événement important fans Vavoir confulté; & M.CeriJier avoic fouvent le plaifir de voir fon écho feté, pronei claqué, a proportion qu'il fe modéloit plus^ exaclement fur les obfervations qu'il lui üvoit fouffiées. „ De peur que fes complaifans commenfaux ne lui prodigualTent des louanges intéreffées; il prenoit le parti de fe produire au public. Ses obfervations étoient le fruit de Vexpérience & du iravaü. II avoit été témoin fouvent, même acteur > dans prefque toutes les grandes fcènes %ui font paffées durant ce fiècle en Europe, a Rosbach, a Fontenoy, en Rufjie, en Pologrte, en France^ fous le Régent'& le Chancelier de^Maupou, &c. &c. &c. // n'étoit pas non plus fans littérature. Ses lpngs voyages 1'ayant guéri de tout préjugé national, il en parleroit comme de la poïitique, lans prévention & fans partialité. II ne fuivroit d'autre regie que l'amour de l'humanité, & les loix communes du bon goüt^ ce qu'il a bien fait Voir dans fa belle traduélion de la lettre d'un M. de Leuwarde comme vous 1'avez remarqué Les feuilles hebdomadaires qu'il alloit entreprendre, offriroient un tableau piquant de 1'état des affaires de la poïitique & de 1'eiprit humain, II auroit cru manquer a fon devoir, s'il avoit^ gardé le filence fur-tout ce qui por te atteinte d la liberté civile des individus, ou a la liberté poïitique des nations. Il déteftoit autant ces opprejfions populaires, qui font les Juites de la licence , que ces chatimens arbitraires, que les Gouvernemens defpotiques couvrent du N nom de coup d'Etat ". Voila,, Monfieur, une aanalyfe exafte du plan que le Poïitique Uollandois fe propofoit de fui-  Correfpondance poi m'que. vre. Te n'examine pas fi ce plan eft bien ton , ni fi PAuteur Pa rempli, ni même fi c eft la un plan : peu importe. Mais je vous demande fi c'eft bien celui des Annales ? Ecoutons cependant M. Cerifier. „ Le fameux Simon-Nkolas-Henn-Linguet avoit a peu prés concu le même plan. Mal„ gré fes talens que j'admire, & fes infortunes „ qui me le rendent encoreplus cher, il nelera „ cependant pas mon modèle. 11 proftituoit trop „ è des perfonnalités une plume faite pour eclai„ rer le genre humain. A tout moment & a propos de rien, il faifoit paffer en revue d A, lembert & la Harpe, la Harpe & XAlembert. „ Les Rois de la littérature étoient les objets „ qu'il aimoit principalement a précipiter du „ Tröne. II n'en vouloit qu'aux grandes tetes, „ femblable au tonnerre, qui tombe ordinaire„ ment fur la cime des hautes montagnes. Pour „ nos deux Guinées il nous accabloit de decla„ mations contre les Encyclopédiftes & les Eco„ nomiftes; il ne les accufoit de rien moms que „ du projet de bouleverfer les Empires : on „ s'eft même fouvent appercu, qu'en vomiüant de brillantes horreurs contre eux, u finiiioit " par adopter leurs fyftêmes. Nous efpérons que , " s'ii obtient jamais fon élargiflèment, il nen" tonnera plus fon refrein ordinaire en faveur " de 1'efclavage & du defpotifme Afiatique : II " n'y avoit pas jufqu'au ftyle öriental qu'il ne " s'attachat a copier : les tigures, les apologues " couloient par torrent de fa plume : jamais ü " ne s'appercut que comparer n'eft pomt rai" fonner. Malgré ces traits qui n otent rien a " fes moeurs, nous ne laifferons pas dercndre, " de temps en temps juftice a fes talens lubli" mes, & de pefcr dans la balance de 1'équite " A 4  ' Correfpondance poïitique „ naturelle la terrible infortune qui vient d'en„ chainer fa plume & fa perfonne " bu!°H Ap;è" ?n radotage Pareil a ceiui du déf1- Pijler ü y a paffablement d'or- Sin q>Ul «^««W ™ Plan a eh «S^ft dU l0Üti^c ^llandois. II e i avoit embrafle un beaucoup plus vafte & plus» mtóreflact. II Pa quelquefofs preludevue, ïnnL> J ^hvrer è fün reffentiment ffl^ ernn'mis- °"]«4> reproché d'avoir SSVr0p;e défenfe , un temps & un efpace dans fon ouyrage, Pun & Pautre defiinés a 1 mftrudhon du public. Peut-étreen effet, pouTOit-on retrancher cies neuf volumes qu'il a publiés durant les trois années de fa courfe pénodique, la yaleur d'un volume de détails qui ne lont pas d une uoJjté générale, & de difC-uffions perfonnelles, qui n'iütéreflènt aue lui & les amis. 1 Mais ce tribut payé a la foiblefiè humaine eft-il donc une railön fuffifante pour parler avec nupns de lui & de fon öüvrage ? Slil a cédé Jouvent au delir fi naturel aux hommes perfécutes, d^entretenir le public des in uftices dont als lont 1 objet, a-t-il pour cela négligé de répandre h lumiere fur les matieres de la poïitique, de 1 econonie publique, de la littérature% routes les fois quei'occafion S'en eft préfentée' II a montre de Ugoijmtl Eh ! quei écnvain en en exempt ! Si Pon pefoit dans une balance equitable celui qu'il a fait paroïtre, & ce.ui que le Poïitique Ihllandois manifefte, de quel cote penchéroit-elle? II y a certainement plus c amour-propre, de prétentions, d'emphafe dans Jes deux volumes de M. Cerijier, que dansles trois annees ctes Annales, ^  Correjpondance poïitique. 9 2°. C'eft montrer peu de bonne foi que de les dénoncer au public comme un recueil de perfonnalités , de déclamations contre les Encyclopédiftes & les Economiftes; comme un tableau magique, dans lequel, pour deux guinées, on voioit paroïtre tour a tour $ Memhen & la Harpe, la Harpe & ÜAlembert. D'abord M. Cerifier prennant les Annales de 1'jédition fecondaire de Goffe, jouillbit de ce fpectacle pour une guinée. Enfuite eft-ce férieufement ou par ironie qu'il appelle deux Ecrivains auffi médiocres, deux Académi'ciens auffi intrigans que d'Alembert & la Harpe, les Rois de la littérature? Ces deux Rois de la littérature ne paroiffoient pas feuls fur la fcène : Marmontej y jouoit auffi un röle. A leur cöté on voioit d'autres perfonnages un peu plus célèbres ou plus refpeftables, dans une attitude plus décente & moms ridicule. Les Potentats, les Miniftres, les Magiftrats, les Marins, les Guerriers, les vrais Savans, lesArtiftes diftingués, les découvertes falutaires, les opérations intéreflantes, les grandes actions, les méprifes des Gouvernemens, les bévues des Adminiftrateurs, les arts, les fciences, les oppreffions, les opprefleurs, les opprimés, les hypocrit.es, &c. étoient paffes en revue. Quand les föttifcs ou les manéges de M. dCAlembert & confors ne le détournoient pas de fon objet, il nous entretenolt avec fon cloquence ordinaire, aes matières les plus utiles aux focictés & aux individus. II nous aceabloit de déclamations contre les Encyclopédijtes & les Economïjies, Non : peffonne ne déclamoit molis qae lui. 11 étoit le fléau des deckmateurs. 11 favöit trop bien raifonner pour déclamer. S'il a traduit aux yeux du pubLc les Encyclopédijtes & les Economijtes  £o Correjpondance poïitique. comme des feétaires dangereux, il a eu raifon; & 1'expérience plus encore que fes raifonnemens, a malheureufement prouvé que les Gouvernemens & les peuples, la Religion & le bon goüt, n'avoient pas d'ennemis plus redoutables que ces Capucins enfarinés, qui, s'annoncant comme les réformateurs des empires & les précepteurs du genre humain, n'étoient réellement propres qu'a bouleverfer les uns, & a tromper ou a égarer 1'autre. 3°. Rien n'eft moins judicieux, ni plus outrageant que Fobfèrvation de M. Cerifier, fur les opinions de M. Linguet par rapport a la ïexvkude AJiatique? & aux Gouvernemens Orientaux. La terrible infortune dont il eft 1'objet, ne prouve pas que les idéés fur Pefclavage & le defpotifme de ÏJfie foient erronnées. La modification fociale qui met le peuple a 1'abri de la mifère, qui n'expofe que les grands prévaïicateurs aux foudres de 1'autorité arbitraire ,, n'en eft pas moins falutaire aux individus, a qui elle allure la fécurité, paree que fon apologifte & fon défenfeur gémit dans 1'opprefiion. S'il n'a pas commis contre fa patrie quelque attentat fecret, capable de motiver la rigeur affreuiè exercée fur fa liberté, fon exemple feul eft la démonftration la plus frappante de la jufteffe de fes principes. Sous le defpotifme raifonnable de Vürient, eet Auteur infortuné leroit libre; & 1'homme puiüant qui fe cache pour 1'opprimer fous le defpotifme dépravé de 1'Eurppe, auroit payé de fa tête la lache vengeance qui enchaine Ja plume & Ja perfonne. Le Poïitique Hollandois montroit donc autant d'imprudenceque de cruauté, en préfentant au public cette barbare réflexion, au moment, ou le malheur de M. Linguet attendriflbit tous les  Correjpondance poïitique. n coeurs fenfibles, & foulevoit d'indignation toutes les ames honnêtes? 4°. Cette lacheté cruelle ne doit pas furprendre de la part d'un lèrpent qui careffe pour mieux percer de fon dard. Un homme qui réunit une pitié apparente a une dérifiqn effeétive j qui ridiculiie des talens qu'il admire; qui fait une peinture méprifante de fon femblable, dont il protefte que les infortunes le lui rendent encore plus cher; qui promet de rendre juftice a. fes talens fublimes dont au bout de quinze mois il n'a pas fait mention; de péfer dans la balance de l'équité 1'emploi le plus odieux du defpotifme, & qui n'en rappelle enfuite la victime infortunée, que pour 1'accabler de plaifanteries amères (i): un homme qui porte jufqu'a ce point 1'oubli de la décence, de la délicateffe & de 1'humanité, eft bien capable d'inveétiver un Auteur qui s'eft élevé dans les tribunaux & a la face du public contre les coups d'autorité, a, 1'inftant même oü cette autorité furprife le frappe & 1'enchaine. Cette cruauté balTe & aviliflante, furtout chez un Ecrivain qui s'annoncoit pour fupérieür a VAnnalifte, qu'il vouloit remplacer fans le prendre pour modele; me rappelle, Monfieur, un, autre trait du même genre, que j'ai lu au mois de Juillet dernier, dans un des N'. de 1'inllpide & plat Journal Encyclopédique. M. RouJfeau, non pas le fublime Jean Jacques, il s'en faut bien ; JVI. Roufjeau, rédacteur de cette mauffade rapfodie^ vendu aux prédicans de (i) Voyez le Poïitique Hollandois, tori). II. pag. 137. Quoique M. Cerifiir ait déclaré qu'il ne connoifibit notre ouvrage que par les lambeaux que les Gazettes en ont cités; nous nous emprefibns toujours de recommajlder la ledture du fien. (Nott de rÈditeur.)  \1 Correfpondance poïitique. {'Encyclopédie, aux pharifiens de {'Economie, z toute la Confrérie Académique, ennemis déclarés de M. Linguet, dont la fupériorité écrafoit ces avortons littéraires ; rendant compte de je ne fais quel mauvais ouvrage fur les'ufages & les coutumes de 1''Egypte, rapporte en preuve del'atrocité du Gouvernement ttoman, la barbarie d'un publicain turc, qui fit maffacrer des payfans, pour avoir négligé ou refufé de payer le tribut, comme fi la cruauté d'un Collecteur pillard, prouvoit la tyrannie du Gouvernement Fr cincois. D'apies de pareilles horreurs, „ dit le Journalifte de Bouillon, on n"eft pas „ furpris qu'zm Ecrivain trop célèbre ait fait „ Papologie des Gouvernemens monftrueux de „ Ysifie u défignant par cette pointe auffi inconféquente que perverfe, 1'infortuné qui fèche a la Bajiille, pour avoir montré qu'a Conftanlïnople on ne fait fauter que la tête des frippons ou celle des tyrans. Je vous quitte, Monfieur, preffé par le départ de la pofte. Si par 1'impreffion de ma Lettre, ou par une réponfe, vous m'encouragez a vous en écrire d'autres, je hazarderai de vous communiquer mes obfervations fur plufieurs objets qui me tiennent a coeur. En attendant, tenez moi quitte pour cette fois, & croyez que j'ai Thonneur d'être, &c. Fin de la Lenre huitième. (^OMME Capitaine-général, le Prince d'Orange eft le premier Officier militaire de la République , le Chef de 1'arniée : comme Amiralgénêral, il eft de même le premier Officier & le Chef de la marine de 1'Etat. En fa qualité de Stadhouder - héréditaire 3 il eft le Préfident  Correfpondance poïitique. né des Colléges Souverains de chaque Province, le Chef, non pas de la Confédération, mais de chaque confédéré. Relativement au pouvoir légijïatif, c'eft le premier membre de la Souveraineté : par rapport au pouvoir exécutif, c'eft le premier inftrument de Pautorité Souveraine; du moins quant a ce qui concerne la marine & les troupes. Ainfi il eft tout enfemble, une portion du Souverain, & le principal executeur de fes ordres. On voit combien les fonétions du Stadhouderat font importantes, & fes prérogatives étendues. On y appercoit pourtant des bornes. L'autorité du Prince élevé a cette éminente dignité, au fein d'une nationlibre , jaloufe du Gouvernement qu'elle a créé elle-même & cimenté de fon fang, eft circonfcrite dans des limites quelle ne peut franchir, fans ébranlerla conftitution. II n'a pas de droit fur Pétat & la liberté des Citoyens. II en eft le prote&eur pour les défendre contre les entreprifes des corps uinJiocratiqu.es, qui poiirroient troubler leur repos; & non pas le Souverain pour les répir a fon gré. Sa charge eft inftituée pour maintenir dans leur fphère les diverfes parties du Gouvernement, & non pour lui conférer la puïflance de gouverner lui-même. En un mot, ce Magiftrat augufte eft Pame de la machine poïitique, & non le maïtre de PEtat. II ne reffemble ni au Roi de PruJJe, qui eft un Souverain abfolu & fans partage; ni au Roi de trance, qui eft un defpote, malgré les loix fondamentales & les fanfaronades des Pariemens; ni a celui ÜAngleterre, qui exerce un deipotiime uutigé par des modifications moins ialutaires au peuple, que deftinées a mettre des entraves a la royauté.  14 Correjpondance poïitique. Exiger du Prince d'Orange qu'il facrifrat un lbjet a la haine de la mukitude, ou a 1'envie de les ennemis, n'étoit-ce pas eflkyer de Paviïir en le rendant 1'inftrument d'une vengeance lècrette, ou de 1'ériger en tyran de la nation, en le faifant 1'arbitre de 1'état & de la liberté des Citoyens? De deux choies 1'une : ou la propolition d'éloigner arbitrairement le Duc étoit un piège tendu a fon autorité, ou c'étoit un échelon pour 1'élever au defootifme. Si le Stadhouder avoit eu la foiblelTe de céder aux inftigations imprudentes des Bourguemeftrcs $ Amsterdam, les adverfaires du Stadhouder at iè feroient prévalus de cette condefcendance pour enchainer 1'un, & pour reftreindre les prérogatives de 1'autre : ou bien, li le Prince afoiroit a la domination fupréme, il auroit pu proliter de 1'ouverture qu'on lui préfentoit, pour fe frayer le chemin a la Souveraineté. Après avoir écarté fon ami comme auteur de confeils pervers, ou de mefures dangereufes, il auroit interdit fes ennemis, comme inftigateurs d'une turbulence contraire au .repos pu blic. Eh! qui auroit pu ïe biamer de déployer fur les dénonciateurs, Pautorité dont ils vouloient qu'il s'armat contre 1'objet de la dénonciation ? II eft étonnant avec quel empreffement les hommes revêtus de quelque pouvoir dans la fociété, fe portent aux coups d'autorité, qui réjailliffent fouvent fur ceux qui les out confeillés. C'eft ainfi qu'en France les Miniftrcs & les autres hommes en place, prodiguent les Lettres de Cachet, dont ils deviennent enfuite les objets a leur tour : c'eft ainfi qu'a Conjiantinople, les Vifirs adminiftrent avec profufion des Cordons, dont ils font bientót eux-mêmes décorés, Q eft vrai que ces voies cxpéditivcs fer-  Correjpondance poïitique. 15 vent mieux les paffions, le reflentiment & la vengeance, que ces formes lentes auxquelles la marche de la Juftice eft afiujettie. Mais n'eftil pas infiniment dangereux de tater de ces expédiens, dans un pays ou leur utüité, une fois fentie, pourroit devenir funefte a ceux qui Pauroient indiquée? Ce qu'il y a de plus étrange encore , c'eft que ce lont précifement les Magiftrats les plus oppofés au développement des droits avoués du Stadhouder-at, qui induhent le perlönnage illuftre qui en eft invefti, a faire effai d'un pouvoir dont on ne fe défaifit pas volontiers, quand une fois on s'en eft lervi avec fuccès. Quoi! vous vous repentez d'avoir lailTé a la charge éminente a qui vous étes redevables de votre liberté, une latitude que vous voudriez reftreindre dans des bornes plus reftèrrées : vous voyez avec peine 1'étendue des prérogatives attribuées au Citoyen augufte que vous en avez volontairement revêtu : & tandis que vous murmurez peut-étre en fecret de 1'exercice de la portion d'autorité légitime que vous lui avez confiée, vous 1'expofez a la tentation de vous ravir celle que vous avez confervée, en lui déférant le pouvoir arbitraire des Monarchies, qui ne laiffe a la propriété, a la liberté, a 1'état des Citoyens, d'autre fondement que le caprice du defoote. Quauriez-vous dit, li le Prince, profitant de vos Confeils, avoit renvoyé le Feld-Maréchal en Memagtie, pour appaifer les cris de la populace, dont vous vous rendiez 1'écho, & fait punir fes accufateurs, pour ufer dans toute fa plénitude du pouvoir d'attenter a 1'état des Citoyens, que vous vouliez lui déférer dans votre aveuglement? L'un eut-ü été plus odieux que 1'auu-e?  i6 Correjpondance pollitigue. Vous n'avez pas a redouter fans doute un Prince exempt d'ambition, content d'étre le premier parmi fes égaux, plus jaloux de vous fervir que de vous lubjuguer. Quoiqu'en difent les détracleurs de Ibn Mentor, les principes qu'il en a re?us, autant que fon caraétère moral, le défendent du defir d'empiéter fur les privileges de fes Concitoyens. Sa modération, comme fon patriorifme, vous alTure & la fécurité de vos perionnes & la liberté de votre pays; fi pourtant la förtune, & fur-tout vos divifions inteftines, ne vous réfèrvent pas des maitres étrangers. La preuve que vous pouvez être tranquilles fous la direction du Chef que vous avez confacré, c'eft fon refus même de fe livrer a vos infinuations pour exercer une autorité arbitraire, qu'il auroit pu étendre plus loin, après 1'avoir efiayé fur un des principaux fujets de l'Etat. Si réellement le Duc lui avoit inipiré les maximes de la domination dont onlui reproche d'étre imbu, il ne pouvoit pas trouver de moment plus favorable pour en faire 1'application, ni donner a fon élève de Confeils plus conforme a fes vues fuppofées, que celui de 1'écarter avec éclat de fa perfonne , & de fignaler fur une tête illuftre, les premiers coups d'un pouvoir tyrannique. II faut que la Province de Frije n'ait pas médité ces idéés, ni réfléchi fur la liaifon qu'il y a entre les principes qu'elle femble avoir adoptés, & les conféqucnces qui en réfultent. Autrement elle ne fe feroit pas livréé avec tant d'ardeur a un fyftême que fon intention n'eft pas fans doute de faire recevoir; fyftênie qui tend vifiblement a bouleverfer la conltitution aftuelle , ou en renverfant le Stadhouder at, ou en foivant\tStadhouder a franchir les bornes qui lui font preferites, comme le feul moyen •de fe fouftraire aux entveprilès formées contre fa dignité. Je vcus entretiendrai une autrefois, Moniieur, de la conduite étrange de cette Province. Aujourd'hui j'ai 1'honneur d'étre avec les feminiens que vous me coanoiflez, &c.  CORRESFOND ANCE POLITIQUE Sur les affaires prêjentes de la Hol lande. N°. XXVIH Tableau de la Marine Angloife. u moment des fcènes fanglantes qui s'ouVrent fur- toutes les mers, pour la gioire des Puiffances & la fatisfacüon des curieux, il n'éft pas indifférent de connaïtre le nombre & la foixe des armes qui font employees dans ce» joutts abominables. II y a un temps immémorial que le volumineux,; le diffus Courier de YEurope, nous promet un é'tat complet des forces navales de la Grande-Bretagne* Puifqu'il ne veut pus dégager fa promeffe, ni fatisfaire la curiofité du public dans Pidiöme Francdis, nous croyons faire plaifir a nos lecteurs de" leur communiquer une lifte de la marine Angloife, la plus complette qui ait encore parue, lans ofer cependant en garantir l'exaclitude. VAISSEAUX Vaisseaux, Canons. „u-dejfus de 80 ca*. 1'Wenable 08 Vaisseaux. Canons. le London 98 le Britania 110 le Queën 98 La Ville de Paris 110 le Sandwich 98 le Royal-Georte 100 le St. George 98 le Royal-Souverain 100 1'Atlas 90 le Vidtory 100 le Blenheim. 90 le Barfleur 98 le Namur 90 le Duke 98 le Neptune 90 lé Formidable 98 I 1'Océan 90 le Glory 98 le Prince 90 B  iS Correfpondance poïitique. Vaisseaux. Canons. 1'Union 90 le Royal William 84 le Cambridge 80 le Fontroyant 80 le Gibraltar 80 la Princefle Amélie 80 le Phinix 80 le St. Efprit 80 a8 Vaif. Can. 2.546 VAISSEAUX de 74 Canons. l'Ajax 74 1'Albion 74 1'Alexandre 74 1'Alcide 74 1'Alfred 74 1'Arrogant 74 le Belford 74 la Bellona 74 le Berwich 74 le Bombay Caftle 74 le Bulwark 74 le Canada 74 le Céfar 74 le Centaur 74 le Conqueror 74 le Courageux 74 le Cumberland 74 le Caefar 74 : le Carnatie 74 1 la Défence 74 ] le Dublin 74 1 le Dragon 74 1 1'Edgar 74 1 1'Egmont 74 1'Eüfabeth 74 c la Fortitude 74 le Fame 74 u le Grafton 74 le Ganges 74 1< le Goliath 74 j 1< Vmsseaux. Canons. l'Heftor 74 1'Hercule 74 le Héro 74 lTnvincible 74 1'Irréfiftible 74 i le Kent 74 le Lenox 74 le Lev'atham 74 le Marlborough 74 le Monarch 74 le Montague 74 le Magnificent 74 le Prince , of Wals 74 Ie Powerfull 74 le Ramillies 74 la Rélblution 74 le Robuft 74 le Royal-Oak 74 le Ruffel 74 le Shrewsbury 74 le Suffolk 74 le Sultan 74 le Superbe 74 le Téméraire 74 le Tygre 74 le Triumph 74 [e Torbay 74 ie Vaillant 74 e Van-Guard 74 a Vengeance 74 e Warrioc 74 e Wartpite 74 ï Pégafe 74 : Heftor 74 : Pluton, 74 5 VaiJ. Ca». 4810 VAISSEAUX u-dejfus de 64 jujqrpa 70 canons. : Barford 70 Boyne 70  Correjpondance poïïitïque. 19 VAissEAUx. Canons. Je Diligent 70 I'Orford 70 le Monarca 70 la Princeua 70 1'Aftionaire 54 1'Africa 64 1'Agamemnon 64 lAmérica 64 1'Afia 64 1'Anfon 64 1'Ardent 64 le Belliqueux 64 le Bienfaifant 64 le Belifle 64 le Crown 64 le Diadême 64 le Dictator 64 1'Egagle 64 1'Europe 64 1'Exefter 64 1'Eflex 64 1'Inflexible 64 Plntrépide 64 1'Infatigable 64 le Lyon 64 le Mars 64 le Magnanime 64 le Mourmouth 64 le Modefle 64 le Nonfuch 64 le Prince Wjlliam 64 le Prothée 64 le Prudent 64 le Prince Edward 64 k Panther 64 le Polyphemus 64 le Raifonnable 64 la Revenge 64 le Répulfe 64 le Ruby 64 le St. Albans 64 1 Vaisseaux. Canons. | le Samfom 64 ! le Scêptre 64 le Scipion 64 le Standard 64 I le Stately 64 la Ste. Anne 64 le Trident 64 le Vétérant 64 le Vigilant 64 !e Worcefter 64 1'Yarmouth 64 54 Vaif. C*n. 3402 VAISSEAUX de 50 <* 60 Canons. 1'AchiHe £Q le Bufala ^ le Conquertadore tf0 le Dunkirk (j0 le Dreadnougt le Firme le Medvvay e Grana 33 1'Hermione 32 a ju.;on 32 'Ifjhigénie 32 a Licorne 33 e LowestofFe 32 a ft agicienne 32 2 iVlenuaid 32 : iNiser 32  Correfporidance poUitique. 21 FrégatEs. Canons. ! l'Oifeau 32. Ja Pallas 32 la Pearl 32 le Profelyte 32 la Providence 32 le Raleigh 32 le Recovery 32 le Richmond 32 le Rarger 32 le Southamptoa 32 le Stag 32 le Succefs 32 la Syren 32 le T ham es 32 le Winchelfea 32 le Dromedery 32 61 Frcg. Ca». 2298. FREGATES audeffaus de 30 canons. 1'Active 28 1'Albemarle, 38 V Aurora 38 le Boreas 28 le Brillant 28 le Carysfort 38 le Charleftown 38 le Conventry 28 le Cyclops 28 Je Clinton 28 la Delaware 28 l'Entreprife 28 la Grana 38 PHinchenbrock 38 le Lizard. 28 le Maidftone a8 le Mercury 28 le Milfort 28 le Nemefis 3(8 le Pegafus la Pomonji 2.! Frég\tes. Canons. la Proferpine 28 la Reflburce 28 la Svbil 28 le Sokbaay 28 la Surprifè 28 le St. Euftachius- 28 le Tarrar 28 le Triton. 28 FUniccrne. 28 i la Veftal 28 I la ViHnia 28 I PA venture 25 I 1'Amphixrite- 24 I le Champion 24 I le Crocodill 24 I 1'Euridice 24 I le Fowey 24 le Garland 24 I 1'Hvaena 24 1'Hind 34 1'Hydra 24 le Mirmidoii 2-4 le Pandera 54 le Pellican 24 la Procupine 24 le Scahorfe 24 le Termagant, 34 PAriaJne 20 PAlfred 2o la Britania 2o le Cameux 20 la Camilla. 2o la Daphnée- jQ I la Galatea 2_ ! le Greenwicli 2o, le Germaine 2{> ! le Heart, of Oak 2{> I la Lady Macbwortb. 3 " j le Leitb 3a | le Londen-, Sft i i, le Loï4 Arnherft 3U! £ 3.  a3 Correjpondance poütiaue. Fregates. Canons. le Mackvvorth 20 Je Mentor 20 le Merchant 2C, le Narciflus 20 la Perle 2Q le Proteus 2D le Perfeus 2o le Queen ^Q la Royal Charlotte 20 le Squirrel 20 le Staford 2Q le Sphynx 20 le Sandwich 20 le Savannah 2o la Satisfaéllon 2o le San Carlos 20 | le Thrée Brothers 20 | le WJliam 20 1 1'York 20 | 80 Fr eg, Can. \q\a. SLOOPS & autres Batimens au- \ dejfous de 20 jufyua 16 | canons, le Cygnet 18 Ja Minerva 18 | le Minorca 18 I le Port Royal 18 | le Reynard 18 | le Sylph 18 | PAtalanta 16 \ 1'Ariel j5 1 . la Barbade 16 | le Beaver 16 \ l> le Caméleon 16" | 1 le Cormorant 16 I 1 le Delight 16 | 1 la Favorite 16 \l le Farry j6 i 1 1'Hornet 16 j y 1'Hinclienbrock 16 1; I Etégates. Canons. I le Hound j<$ le Hope j5 la Jamaica 16 1'Infpeftor j5 Je Larkte itf le Linx i & Et yoüa donc Pefprit de la Philofophie! Courtes réJlexionTjuTJe qui précède. Certainement Cartouche, Maudrin, n'avoient pas une morale auffi defiruétive de touteno ion de juftice de tout fentiment naturel, quecdle cue preche cette confeffion de foi philofopbique! Leur ferocite admettoit au moins de la difKrence entre le crime & la vertu. La fcélérateüi dl kursa&ons, n'effacoitpas lescaraétèresdTbien & du mal. Les precautions qu'ils prennoient pour affaffiner, étoient. un hommage iccret queW lenrïl ? 3 la W ^fend ces vio- t 22* UVWAClt0 des m'^u«és de leurs brigandages. lis laifloient a la morale toute fa to.ce, & a hnjuftice comme a la cruauté, tout ce quelles om cl'odieux. Ln OtoufTant la voix de  Correfpondance poïitique. 35 la dature dans leur coeur, ils ne 1'empêchoient pas de vivre dans celui des autres. Enfin, le public pouvoit abhorrer &leursperfonnes, &burs principes; les tribunaux s'armer pour les retrancher de la fociété, & en effet, ils en firent des oblations a la fureté publique. Mais 1'inlenfibilïté barbare des philofbphcs, dont un de leurs chefs fè rend ici 1'interprête, ne peut faire du genre humain qu'un comp:)fé mouftrueux d'hommes ftupides & de bêtes féroces. Otez la compaflion aux dix-neuf-vinns* ou qui font payés pour exeitur totts ces troubles, ou qui ne les excirent que pour avoir occafion de faire un peu parler d'eux dans le monde; Un court récit hiltorique de cette afr faire mettra le public a méme dc jüger du dégré de confiance qu'il faut donnet a la grave démarche de MMi les Frifons. ,i Au mois de Sept. de 1'annéé derniere, le fameux quartier de Wcjlergo propofa aux Etats de Frife d'écrire au Prince d'ünmge, pour le prier u'obliger le Duc a fe retirer de la Rep. Lette propofition n'ayant pas paffe alors , par l'oppofition de deux quartiers, on croyoit cette aöawe Oabliée dans la ProVincej le bon peuple faifoit tranquillcment fes fromages 4 & fongeoit fort peu au Duc#- ou aux ai£ures d'Etat qu il ne  Correjrovdcr.ee pplithjufi. 41 comprend pas, lorfque des hommes, qui ne font pas des froma^es, p:irce qu'ils auroient plutcfc brouille un Empire que fait cailler deux pintes de lait, fe font avifes de remettre inopmément la même propcfidon fur le L:pis; &, ce qu'il ya de rëmarquable, c'efi qu'ils ont choifï pour cela, le 7 du mois de Mars, le j mr même oü. les. Etats, de Hollande dCcidoient a la Bdye qu'il falloit remettre la même affaire par appel a la poftér'.té. Ce qu'il y a de. rëmarquable encore, ceft que. la réfblution d'écrire cette lettre, n'a rien moins qu'été prife a 1'unanimité dans les 3 quartiersj qu'elle a paffe avec une très-petite.majorité dans, celui d'Ojiergo; & par une feule voix de plus dans celui de Zew.en-iï''ouden. Le quartier. des. Villes n'ayant pu empêcher une démarche aufii fcandaleufe, auffi dangercufe même, pour le re-, pos de I'Etat, dans ces circonftances, 1'a formellemcnt. défapproüvée par une protcffation dont voici le contenu " 1 Le quartier s'étant flatté que les trois autres quartiers. ne fe réuniroien.t point contre M. le üuc de hrunjivick ; mais trouvant a préfent le contraire par les avis, prie. par la préiènte, que les trois quarriers'ne. prennent point de réfolution formelle, fans donner au quartier des VjIIcs, ouverture des motifs qui les y' portent ; ce quartier nel pouvant croire encore, que la véritable railbn, fuivant la propofitjon de Weftergo, confifte „ en ce que M. le „ Duc de Srufifwick, en q'-ialité de Confeiiler de S. A, „ M. le Prince Stadhouder héréditaire, eit iüfpeété d'ê»'.. „ tre la v'raie caufe de la directon défedtueufe des aüai^ „ res v* ' " I. Rarce qu'on ne déclare point dans, la propofition &les avis, que ce foupgon rélide prés de la piuraiité„des^ membres des trois quartiers , ipais prés des Citoyens.. U. Paree que le.quartier nofe prélumer,, que les.au-t. tres prendront une pareille réfölution accufatoire fans au- . cun mout ou fur ün ibupgon va^ue, dpiitYon netrou-, •ie, dans"la'propofition', & preuye uï vnüfembiance :  4o Correfpondance poïitique. ITT. Paree qu'il eft connu au quartier, que par une dédaration de S. A, M. le Prince Stadhouder héréditaire, retmfe aux Etats de Ho/fande & de Wep-Vrife le 20 Fevrier 1782 , M. le Duc de BrunJ-whi a été lavé d'un pareil foupgon. Enfin le quartier prie que les trois autres veuillent £rendre en férieufe confidération qu'une teile réfolutiort fur une affaire auffi importante peut tendre au de'shonüeur éternel de notre Province; & tout ce qui a déja été fait ou pourroit encore fe faire a ce fójet , on le laifie pour le compte des trois autres quartiers. II s'en faut bien que ce foit fimplement aux remarques du quartier des Villes & du rédacteur de Clèves, que fe bornent toutes celles que prélente 1'étrange lettre de la Province de Frife. Cette démarche produite par un acharnement inconcevable, eft encore plus irréguliere , plus inconftitutionelle que celle de la Ville dAmjïerdam. Alors du moins ce n'étoit qu'un membre d'une Province, peu^-être même de fimples individus, qui, fans aveu & de leur autorité pritte, déféroient au Chef de la République, un pouvoir capable de faire trembler tous les citoyens, fi ce Chef refpeclable avoit été difpofé a en ufer : & a préfent, c'eft une Province prefqu'entière, une Souveraineté, qui vient requérir rinftrument exécutif des voiontés de I'Etat, de s'arroger le droit d'un defpote, & d'en fignaler le début fur une tête illultre. Encore une fois une propofition de la naturede celle de la Ville d'slmjterdam & des Etats de Frife, ne peut pas, fans 1'illégalité la plus palpable, fans les conféquences les plus finiftres, étre portée au Prince , que comme une réfolution prife a 1'unanimité, ou au moins a la pluralité, dans le Sénat repréfentant la nation. Dans ce cas, füt-elle une injuftice manifefte, les membres de la confédération générale ayantconcouru a la formef} le Stadhouder devroit 1'exécuter  Correfpondance poïitique 41 comme un arrêt du Souverain , fi fa pradence & fon * autorité ne lui donnoient point affez d'afcendant pour la faire révoquer. Mais dans celui dont il s'agit, ce Chef éminent ne doit pas d'égards aux membres partjculiers d'une Province, ni méme a une Province entiere : fon vceu füt-il unanime, n'eft que le vosu d'un des confédérés; &. en le prêtant a lbn dcfir, il feroit poffible qu'on heurtat celui des autres. Qui affure a la Province de Frife que, tandis qu'elle demande au Prince l'éloignement du Duc, celles d'QveryJftl, de Groningue, de Gueldre, di Utrecht, de Zéelande, & mêrne de Hollande, ne defirent pas fa préfence & la continuation de fes fervices? En condefcendant au defir de la première, le Stadhouder s'expoferoit donc a enfreindre les droits de toutes les autres, & a s'en attirer les reproches. Le Duc, fous quelque rapport qu'on 1'envifage, eft un homme public, appartenant a la confcdération & non pas aux confédérés; fujet de la République, & non celui d'une Province. II ne peut être fiétri ou deflitué de fon Etat, que par un décret du Souverain. C'eft donc a la Généralité qu'il faut porter toute propofition tendante a. compromettre fon honneur, ou a lui enlever fon poitc ? II n'appartient ni a une , ni a deux Provinces de concert d'en exiger la retraite, fi les autres n'y confentent pas. Et a moins qu'il ne foit bien évident que le falut de I'Etat dépend de lbn expulfion, je ne penfe pas qu'on puiffe 1'opérer fans la réunion des fuffrages de tous les confédérés. Une chofe bien étonnante, c'eft le point de vue fous lequel les Etats de Frife confiderent le Feld-Maréchal, en demandant au Prince de le facrifier a leur animofité. lis 1'appellent le C 4  44 Correfpondance poïitique. Confeiljier de S. A. S. Mais le Duc n'eft pas reVétu de ce caraftère. Aucun diplome ne lui donne -ce .titre; & c'eft une rufe des ennemis: de cé- Seigneur < de 1'avoir invefti d'un emrioi cmmérique-, -ïnconnu dans I'Etat, afin d'avoir un but vers lequel ils pufiènt di'riger leurs batteries. Si ce n'eft pas de droit qu'il eft honoré de cette charge, c'eft, dit-on, de fait quil en exerce-Jes fonctions. IJ • eft de notoriété publique qu il adminifire des Confeils au Prince ? & qu'il a fur 1 efprit dé S. A S: affez d'afcendant pour les lui incrlquer. Et qui vous IV dit; je vous prie 5 Dans fa déclaration du 20 Févricr dernier \}ie Stadhouder n'a-t-il pas pofitivcment affuré le contraire?' N'a-t-il pas prbtefté que Yinfiuence qu'on rèproche a fon Mentor, n'eft qu'ün Yam fantcme avec lequel on cpouvante la mult:Dude: .,en effayant de donner un fondement ala perfécution qu'on lui a fufcitée? N 'a-t-il pas déclaré a la face de- YEurope, que non-leulement du'fu'öu de la volonté divDuc, il n'avcit pas été donné a' S. A. d'avis qui n'eut le bien du pays' pour óbjet; mais' qu'Eile ne le confultoit pas; même fur les matieres étrangeres a fon em-ploi,- notammcnt fur les affaires'de la Marine? K'üt-ce pas donner un -démenti formel au Prince ,**& fufpccter fa fmcérité, que de refulér d'aputer foi a les proteftations ? • ?ll y a plus encore. L'affëctation de préter au Duc Poffice ^Q'Cönfeiller du Prince, eft un dét:ur de la malignité , pour infulter impunément Sr"A. S.-Sirppofé ^en eflèt que le Stadhouder prennc Conieii du Feld-Aiarcchal ,• & qu'jl en recoive réellement de:mauvais; l'un ne feroit-il, pas/auffi repféhenfible de les demander, que 1'au- t/evdc les donner? II y a un pioverbe Hollandois qui dit; xe -n'ejl pas celui qui confeille qui pM. Selon te dicton-populaire, ce feroit Je  Correfpondance poïitique. 45 Prince qui feroit refponfable des Confeils perni; cieüx que le Duc lui donneroit. Ce feroit k lul qüil faudroit s'en prendre de les chercher, dé les rece.voir & de les fuivre. Et dans le fond, ce n'eft qu'a lui qu'eft injurieux le foupcon de s'y livrer : ce n'eft qu'a lui qu'on en veut, fous ce prétexte qui recèle des vues très-profondes contre fon autorité. Mais ce Prince plein de douceur & de circonfpection, après avoir donné long-temps un rare exemple de modération, vient enrin de montrer qu'il eft également capable de fermeté, quand il s'agit de foutenir fa dignité compromife, & de fe défendre d'une injuftice criante contre un fervitéur iliuftre, qu'il ne póurroit facrifier, fans fe préparer a lui-même le fort de Charles I, ou de jacques 11 Sa réponfe aux Etats de Frife eft auffi faüsfaifante que leur Letire eft déraifonnable; & 1'on peut dire que, fi celle-ci a été univerfellement défapprouvée; fi elle a excité^une indignatiou prefque générale: celle-la a été recue avec jOie du public impartial, ennuyé des piailleries éternelles d'une cabale de brouillons, qui ne cherchent qu'a augmenter le défördre & le trouble, pour contenter leurs petites paffions. Nqbles et Puissans Seigneurs, ' tHERS et bons amis. (_jE n'eft pas avec moins de douleur que de furprife , que nous avons vu'par la Lettre de V. N. P. du \ \ de ce- mois' i1 ia prière que'V. N. P. nous ont fake " de „ perfuader a Al. le Duc de Brunfwhk de s'abftenir de' „ la direft'.on des affaires & de fe retirer de la Républi,i qué,- & - cela'a caufe de ju méfiance générale & du „ mécontentement fur la grande diredlion des affaires, „ qui 'concernent 1'interêt du Pays,' particulièrement fur 1'adrainiftottioa- de la Marine de la République , 1»  4# Correfpondance poïitique. ri pwgrès- ten» qu'on y fait, & le peu de prote&on qui „ a ete donnee au Commerce , tant avant qu'après Vê„ poque de la Déclaration de GueiTe, faite a eet Etat „ par la Couronne ÜAnghmre; & que du mécontentement ainfi que de la méfiance , qui ne cedent de „ saccroïtre, eft refulté & s'eft augmenté une haine " P"ef^u,"niverrelle ^tre la perfonne & le Miniftère de », M. le Duc de Brunj-wkk, qui, étart rerardé comme " ü° ï6 £°nfeiller, eft tenu pour être la caufe principale ?, de la direébon défedueufes & lente des affaires ■ ce », dont il pourroit être a craindre les fuites les plus pré„ judiciables pour la tranquillité publique , & pour la », conftitution légale de cette F épublique : „ Quoique nous foyons toujours prêts a fati'sfaire , autónt qu'il eft en notre pouvoir, aux defirs équitables de v . IN. r., & quoique nous ne fouhaitions rien avec plus d ardeur que de trouver des occafions pour donner des preuves de notre zèle pour 1'avancement des vra's intéréts de cette République, fpécialement de la Province de Fnje, nous ne faurions diflimuler, que nous ne pouvons accorder avec les régies de l'équité, que q.ielqu'un, particnherement un Seigneur d'une Maifon fi IHultre a la charge duquel on allégue feulement un mécontentement concu fans le moindre argument qui foit fondé m preuve de délit; un Seigneur , a qui nous & notre' Maiion avons des obhgations ii efièntielles: qui a feryi la République, en qualité de Fdi-Maréchal, pendant plus de trente ans, avec tout le zèle & la fidélité poff;esj.^ en outre a rempli , pendant notre minorité, a la fatisfaftion tant de L. H. P. que de V N P & de Mtt. les États des autres Provinces, la'charge'de Capitaine-Général ; foit non-feulement exclus par le fait de tout maniment des affaires, méme de cel'es dont il eft direftement chargé en vertu de la commifiion des empiois militaires, remplis par ledit Sefcneur Duc, mais auffi de lui faire quitter le Pays Nous nous afiurons, que V. N. P. approuveront que d'apres des principes de reconnoiflance & de iuftice * nous nous crayons obbgés de juitifier ledit Seigneur Duc' pour autant qu'il dépend de nous, du blame* dont il l ete fletnpar la paiiionaveug'e d'un vulgaire mal informé & qu'a cette occalïon nous renouveilions a V N p de la maniere la plus fotavlk, la Déclaration, que  Correfpondance poïitique. 4* nous avons faite dans 1'AFemblée de 1'Ordre Equelïre de Hol/**Je, contenant principalernent, quon ne „ fauroit attribuer audit Seigneur Duc avec aucune , ombrederaifon 1'état déplorable &defeftaeux de de' fenfe, oü ce PaYs s'eft trouvé au commencement de la «uerre ; toute la prétendue négfgence qui auroit eu lieu a eet égard-, & toutes les faufles mefures, qu on , prétend avoir été prifes depuis longtemps, avec toutes les fuites fatales, qui en font réfultées; que nous „ fommes pleinement afiurés, que jamais il ne nous a 2 été donné par ledit Seigneur Duc, de fa volonte & „ de fon fu, aucun confeil, ni avis, qui ne fut pas , conforme aux véritables intéréts de la République ; „ que fur-tout on attribue fort injuftement a l mfluence „ des confeilsdudit Seigneurs Duc fur notre efpnt, que ' la Marine de notre République ne foit pas dans un „ meilleur état, ou qu'il y ait eu de l'inaéhvite dans „les opérations de guerre maritime pendant la derniew „ année, vu que nous n'avons jamais confulte ledit „ Seigneur Duc fur ce dernier point. „ Nous penfons par confequent, qu'auffi long-temp qu il ne nous a pas été prouvé, que le mécontentement qu on a concu foit fondé , & qu'aucune des accufations quelcooques, portée par un vulgaire pr.occupe a la charge du Seigneur Duc, n'aura été vénfiee en quelque lacon, nous ne pouvons ni ne devons déferer aux mftances de V. N. P. qui, a ce que nous fouhaitons cordialement, voudront bien s'en défifter en confequence , tandis que nous nous aflurons néanmoms, qu aucas que contre toute attente il eüt éte fourm a V. JN. f. quelque chofe, qu'Elles puflent conlidérer comme une oreuve valable de la méfiance qu'on a concu a 1 egard audit Seigneur Duc, V. N. P. voudront bien donner audit Seigneur Duc 1'occafion de fe juftifieirconvenablement.avantdele condamner,ou d'infifter.fur fon eloignement de notre perfonne. Au cas que rien de pareil n'ait été fourni a V. N. P. , ni ne foit produit par Elles, nousjugeons, que ledit Seigneur Duc n'a beiom d'aucune Réiblution Juftificatoire , mais qu on doit le regarder comme'pleinement lavé de ce blame. On eft charmé, Monfieur, d'entendre le Prince déclarer une bonne fois, que le Duc étarit inno'  4» Correfpondance poïitique. Cent è fes yeux, ne peut pas être coupable a ceux du pubnc, tant qu'on n'aura pas produit cont e kvonsPrVfnde qUel(^Ue délven effet, nous ™Tidlt fouvent ^ &moi, nenouslaffons SLt IerePeteri auffi long-temps qu'on n'articulera pas contre ce Seigneur des fafts bien préSfLS aU? long tcicps qu'on s'autorifera de la prétendue haine de la mukitude & du mécontentement mcpnfideré d'un vulgaire aveugle & féfluitj pour appuyer des inculpations vaeucs & inüetërrmnees, il n'a pas befoirj de juftiifcation. Y" .a.ies ennemis a fortir de ce miférabïe cerc e viaeux , & a lui a dédaigner des aggreffions ï?ATnf0lcS CjU eIles font abfurdes. mZ i, i trÜms .ne & fom Par laiflS défarlC es «"ft» replique de leur Gouverncui^ General Ils paroiffent réfolus a. pouflec tCUr fönt Mquau bout. II faudra voirq nel le iera lifiue de cette guerre de plume, qui ne pruage rien de bon pour notre pays. Après 1'avoir/ait au Peld-MarécTial, lesrtiats de Frf/c la dcclareritau&^ott^r. II iemble qu'ils avent lormé e deflèin de Tapper les fondemens de fon autorite , autant que de fe défaire du perfonnage qui a contribué a 1'affèrmir. e£ a ce h«r que tend vifiblement le proiet Propofé recemment par le quartier d'OJtereo: & Plufieurs fois. préché par TApótre Ceri&r ï Ce lever une miiice nationale, a llnftar de celle fles ^nglois, & qui ne feroit commandée que par des Officiers domiciliés en Frije, fouftraits par ja meme a la dépendance du Capitaine Gé-' nèral, qurnauroit plus d'infpeclion fur cette Partie de laimée. Cette idee a auffi pour but ete contraner, de rendrê même impoffible 1'augmentation des troupes devenue plus néceffairö que jamais, dans les circonitances oü la'&épu-' Wique ie trouve, environnée., comme elle i'efti  Correfpondance poïitique. 49 de Puiflhnces terriennes, jaloufes & formidables, qui ont porté Tart de la guerre & 1'accroiüement des armées a un fi haut dégré, que les Provinces - Unies, doivent apprêter leurs tetes au ioug que leur réferve le premier voifm, qui entreprendra de les fubjuguer.. Un but également vifible & plus prochain encore, que"celle de Frife fe prqpofe, c'eft de chagriner le Stadhouder; en quoi il n y a pas moins de cruauté que d'injuftice. De Laveu de tous ceux qui connoiffent le Prince d'ürange , il a autant de bonté dans le caraétère , que de droiture dans le coeur. Ses intentions font pures; toutes fes vues tendent au bien public. Les apologiftes les plus ardens de i:oppcjhiuny font forcés d'en convenir; & pour donner u.a fondement a leurs diatribes contre fon adminiftration , ils font obligés de reietter les fautes qu'ils lui reprochent; fur 1'obfeffion dé ConfeilIers pervers, qui Fégarent Cette tournure eft adroite fans doute, pour le décrier dans 1'efprit de la nation, en représentant fon Chef comme 1'efclave & le jouet de la poïitique de quelques hommes qu'on a fu peindre comme peu affeótionés au pays, & comme difpofés a ufer de 1'influence qu'ils s'y font acquife, pour faire pulluler, pour accréditer des maximes deftruétives de fa conftitution & contraires a fon bien-être. Mais elle eft aufii injurieufe au Stadhouder , qu'aux perfdnnages en qui ön prétend qu'il met fa confiance. C'eft le flatter en apparence, que de feindre qu'on le trouve doué de qualités cftimables, animé de fentimens patriotlques, plein de zèle pour les intéréts de I'Etat; & 1'outrager en eflfejtj que de 1'offrir au public , comme óbfédé de Cjnfèiis perfides, qui rendent ces heureufes difpofituns nulles ou funeftes a la patrie.  Correfpondance poïitique. Le Stadhouderat eft une dignité plus délicate encore qu'honorable. Elle ne donne pas a celui qui en eft revetu, le pouvoir de faire tout le bien quil voudroit, de le faire a propos, & de la mamere que les conjonélures 1'cxieent. La conftitution qui réclame 1'emploi de cette ditlature mitlgée, 1'a refterrée dans desbornes, que le laait meme de I'Etat, pour lequel elle eft ïmutuée, nauthorife pas toujours a franchir. la comphcation de la machine poïitique qu'elle elt deitinée a faire mouvoir, entraine des lenteurs, des contrariétés dans les mouvemens, dont le Stadhouder n'eft pas refponfable. Eut-il toujours des idéés juftes * des vues faines, & la meilleure volonté du monde; il arrivé fouvent qu'il neit pas en fa puiffance de les rendre utiles & lalutaires a fes Concitoyens. II n'a que la voie de la repréfentation, de 1'iniinuation, & tout au plus que fon fouffrage dans les dehberations & les réfolutions de I'Etat, oü Ion avis a du poids, moins en raifon de 1'éminence de fon emploi, qu'a proportion de la confiance que les Pvégens ont en ce qu'il propofe. Sa prepondérance n'eft pas affez forte pour plier les oPinions diverfes a la fienne, pour réunir les intéréts contradiótoires dans tui même centre & toutes les parcelles de 1'autorité difperfce ver's un même but. Sa carrière eft ériftée d'épines, fon adminiftration entourée d'entraves iès proiets expofés a la contradiction, & fa conduite au blame. Sil veut le bien, il n'eft pas fürderéuffir: sil fe trompe dans les mefures qu'il prend pour le laire, il eft 1'objet de la cenfure; & quand il lopere, il n'eft pas toujours celui de la reconnoiftancede ceux qui en prolitent. La charge dont il eft revétu, réunit fur fa tête tous les incon véniens üe la royauté , lans en remettre la force dans. xes mains.  Correfpondance poïitique 51 Q'iand un Roi ablolu gouverne mal, on mur* mure en fecret ; mais on fè foumet en public. Lorfque fes iumieres & fes vertus le rendent digne de règner, il produit le bien fans obftacles. Des adminiftrateurs qui recoivent de lui 1'impulfion, le fecondent dans fes vues, & perfonne ne 1'empêche de lesréalilèr. II commande, & tout le monde obéit. Si quelquefois des oppofitions s'élevent contre 1'exécution de fes deffeins , il dévelqppe fa prépondérance , & 1'exercice de fon autorité remet tout dans 1'ordre. II n'en eft pas de même d'un Stadhouder, qui ne peut rien par lui même; qui n'eft que le mobile d'une machine difficile amouvoir, &l'agent d'une fouverainété, dont les parties font rarement en harmonie. Les unes voudroient qu'il agiffe; les autres le forcent de s'arréter. Au milieu de ce conflit de prétentions oppofées, la pofition eft peu agréable & trés pénible. II eft diftrait des affaires publiques, par des difcuffions particulieres. Quand il fait des propofitions tendantes au bien général, des incidens minutieux, quelquefois même abfurdes , les font perdre de vue. II faut qu'il abandonne 1'adminiftration, pour s'occuper a manier les efprtts. II doit fubftituer a 1'art de régir I'Etat 4 1'adreffe de traiter avec les hommes. Encore ne réuffit-il pas toujours a les concilier. Les uns lui marquent de la défiance ; les autres lui témoignent du mécontentement. On empoifonne fes vues, pour avoir le droit de les cenfurer. Sa circonfpeétion paffe pour de la moleffe, fa prudence pour de 1'jncapacité, fa fermeté pour du defpotifme- S'il appréhende de montrer de la viguèur; on dit qu'il eft foible: s'il veut ufer des prérogatives de ion pofte; on crie qu'il tend a la domination. Quand il montre de Tactivité; on foutient qu'elle n'eft pas neceflaire, ou qu'eUe s'exerce fur des objets 1'uperflus : lorfqu'ii  ei Correjpondance poïitique. fe débat au milieu des Hens qui 1'empêchent de donner le mouvement aux opérations ; on prétend qu il les arrete, au lieu de les accélérer. Telle eft la fituation du Prince d'Oranze, depms quatre ans. Tous fes efforts pour mettre la RepubW en état de faire la guerre, ou dans une pofition refpeétable qui orit a fes voifinslenvie de la lm déclarer, ont été inutiles, & nelui ont attiré que des mortifications, ou des défagrémens. II y a donc auffi peu de générofité que de radon a chagnner un homme public, a qui on ne peut reprochcr qu'un excès de modération & de retenue , joint a. une impuiffance réelle de faire lui feul le bien qu'il aime & que fon cóeur lui dicte ? Y a-t-il une des perfonnes qui contribuent a remphr fes jours d'amertumes, a le rebuter par le découragement; qüi. ne puifle pas feformer une idee de la péfanteur dü fardeau dont il eft chargé ; & qui ne fache pas que 1'autorité du Hadhouder at ne peut fe déployer efficacement po ir le falut de I'Etat, que quand le voeu de la nation entiere, force les régences des Villes & la fouveraineté des Provinces, a feconder le développement de fes droits ? Adieu, Monfieur. Croyez que j'ai 1'honneur d etre avec un parfait attachement, &c. Faute a Corriger dans le ATö. précédent. Pag. 18. Fontroyant, lifez Foudroyant. Cette Feuille paroit réguliéremmt toutes les Jemaines , é> p trouve dans la plupart des Bureaux des Pojies & chezi les frincifaux Librairet de /'JEurope.  CORRESPONDANCË POLITIQUE Sur les affaires prèjentes dë ia Hollande* N°. XXX. TABLEAU De comparaifon des PRISES refpedtïves des PüiJJances belligérantes: Jj^N attendant qu'on puifie fe procürè'r ufo état complet des forces navales que les quatrè PuilTances liguées contre XAnglettere péüvent oppofer a celles de la fiere &redoutable Albioni, dont nous avons rapporté le tableau; recueillons ici celui des pertes réciproques q'u'ont faites, jufqu'ici, les einq nations acharnées $ qui donnent a 1'univers un fpectacle fi cruel* fi fou & tout aufli inutile. Les milliards qüe leur atroce démence a coüté au peuple, font lé moindre fujet de regret pour la fociété. L'argent ürrathé avec violencé, du efcamoté parlarufe, aü public , pour payer ces folies, n'eft point perdu: il n'a fait que cbanger de place. Sqrti de la poche dulaboureur , de 1'artifan & du marchand^ pour paffer dans la caiflè des Controleurs généraux, il eft retoürné, après différens circuits $ dans les mains des particuliere. Mais la poudre $ les boidets, les bols, lés agrêts, les munitïons 4 le temps, 1'emploi des milliers de bras qui préparent ou qui détruifent; tout eft eh pure perte pour le genre huöiain. , On peut hardiment affurer que; depuis fix ads, le Congres , ie Miniftère de Londres i ceux d* Toni. IL ö  34 Correfpondance poïitique. Verfailles & de Madrid, ont fait plus d'efTorts, le font donnés plus de foins & de mouvemens, pour nuire a la fociété, pour 1'épuifer de maténaux & de fubfiftances; que tous les Gouvernemens de 1 univers enfemble, n'ont jamais pris de iolhcitudes pour le bonheur des hommes. Quelle affligeante réflexion que celle que font naitre è un efprit jufte, ces êtrcs mal-faifans, qu'on nomme des Puiffances, inftituées dans le principe pour rendre la fociété riche & les indivi- ?uS ,.L£eux' mais dont les Nulles idéés, les toiles diffipations, la manie deftruclive, ne tendent qu'a ruiner 1'une & a faire fouffrir les autres! Prises faites fur les Anglois. Vaisséaux. "Canons. Vaisseaux. Canons, 1'Ardent, 64 je Drake, ' 18 FExpériment, 50 le Fly, j5 le Romulus, 44 1'York, 16 la Sérapis, 44 k Fortune, i5 la Minerve, 36 le Thorn, j6 le Caftor, 35 le Zéphir, 14 le Montreal 35 l'Adive, 14 la Terpficore, 32 le Pégafe, il le Fox, 28 le Spy, ,7 lAdive, 28 le Swallow. 14 1'Unicorne, 28 le Viper tI 1'Ariel, 28 le Weazel, ii le Livdy, 20 1'Alert, x? le Scarbarough, 20 le Sénégal, 14 laCeres, 18 ^Vüij. o». 708 Prises des Anglois fur leurs ennemis. u 45 r"f n' Fran?ois' 1'Aftiönaire, 64 "yillerrdePans» Ho la Fortune, J e Sr Efpnt, 80 la Belle poule, 35 U S ' 74 la Blanche, „ feK-ïï' 74 la Nymphe, |a* . e Pegafe, 4 la Prudente' | 1'Ardent (rW 04 la Magicienne, \l le Prothee, 6 1'Alcmène, \3  Correfpondance poïitique. £5 la Danaëj 30 1'Aventure, aS 1'Oifeau, 30 la Perle, 20 la Sertine, 28 le Pilote, 14 J'A&ïve, (reprife) 28 le Coureur, 14 1'Ünicorne, Qreprifej 28 la Mutine» 14 la Pallas, 32 • la Licorne* 32 29 Vaif. Can 124S 20. fur les Ëfpagnols. I la Léocadia, 34 le Phenix, 80 | 1'Arnmonica» 3a le Monarqué, 70 la MargueriUj 32 le Diligent, ^0 | la Grana, 32 la Princefi'a , 70 j —— le Guipufeoa, 64 | 9 Vaif. Can. 484 3°. fur les Américains. le Trumbull» 20 la Confédéracyj 36 le Cumberland, 20 le Hancock, 32 {le Ranger, 20 laRaleigh, 32 1'Alfred* 20 le Boilon , 32 la Tempete, 20 le Buckskin, 32 le Hun ter, t8 la Delaware, 30 le Cabot, 18 la Virginia , 30 le Lexington s \6 le Prou&or, 26 le Roebuck, 16 le Renouwn, 26 lejefferfonj 14 le Wafhington» 24 le Hampden, 20 21 Vaif. Can. 502 40. fur les Hollandois. le Marsj 35 le Mars, 60 le Caftor* %6 le Rotterdam , 54 I — - la Princeffe Caroline, 54 | 5 Vaif. Ca». 245» RÉ CAP1TULAT10N. Les Anglois ont pris ■aux Franfo'is 29 Vaif. 124Ö Cait„ aux Ëfpagnols 9 <■ 484 * ... aux Américains 21 ——— 502 * 1 * aux Hollandois 5 240 v • a Total 64 Vaif. 2472^ Can-, On leur a pris 29 - _ 7°^, ""f* tl leur refte 35 — 'n^A *****  S6 Correfpondance pditique. Ainfi leur Supéiiorité dans la joute terrible oü ils ont a lutter contre quatre Puiffances, dont une feule, la France, devroit fuffire pour les écrafer, el> donc, malgré tant d'ennemis fur les bras, & d eftörts réunis contre eux, équivalente a I Vaif. de no Ca». * no a — de 80 — l6o 4 de 74 .... 295 3 de 7o —— .... ais» 3 de 64 .... lg2 a ——« de 60 . ., I20 3 de 54 " Io8 3 , de 40 .. .. 8o 4 de 36 .... I44 3 • de 34 .... 68 4 de 32 .... 128 a de 3o .... 60 1 de 28 .... 28 1 de 25 .... 26 1 de 20 20 1 de 14 I4 35 Va f- Can. 1764 C'eft-a-dire, une flotte très-refpeclable. De pareils fuccès, avec la moitié des forces maritimes du globle a combattre, rendent cxcufable de concevoir de 1'orgueil & de la confiance. On voit par-la que les Anglois ont eu jufqu'ici un avantage décidé fur leurs ennemis, au moins quant aux fuccès fur mer. On volt auffi, que_ fi la force d'un peuple , dans une guerremaritime, dépendoit uniquement du nombre des armes avec lefquelles on combat, ils pourroient fe mefurer long-tcmps contre les 4 nations que leur profpérité & leur arrogance ont foulevées. Mais il ne fuffit point d'avoir beaucoup de vaiffeaux & d'en accroitre encore le nombre, même aüx dépens de fes ennemis, pour fe foutenir au milieu dune conjuration prefque uniVerfelle. Ces machines effrayautes ne peuvent  Correfpondance poïitique 57 être mues que par une multitude de bras qu'on n'entretient qu'avec desfommes immenfes. L' Angleterre manque a peu prés de ces deux ingrédiens guerriers, ou du moins, elle ne peut fe lesprocurer en quantité füffifante , 1'un que par la violence , au préjudice de fa marine marehande & de fa population ; 1'autre, que par des emprunts énormes, qui écrafent doublement la nation & par leur maffe effroyabïe , & par leur emploi même ; puifque la guerre qu'ils alimentent, quelle que foit fon iffue, aboutira a diminuer fa pulfrance, fon commerce, fes poffel fions & fes revenus. Une chofè rëmarquable, c'eft qu'autrefois le fer & les vertus militaires, la bravoure, laforce & 1'adrefTe des combattans, affuroient les fuccès de la guerre, & fixoient le deftin des nations. Aujourd'hui c'eft Var gent, foit qu'on en poffede réellement, foit qu'on fupplée a fa privation par un être de raifön qu'ön nomme crédit & par les chiffons de parchernin qu'il enfante. Jadis, plus un Général avoit de földats braves, robuffes & bien armés; plus il étoit redoutable. A préfent, plus un Gouvernement a effeftivement de numéraire, ou de facilité pour en efcroquer au public, & plus il eft puiflant. G'eft ce que montre d'une maniere frappante 1'exemple de la Grande-Bretagne. Elle n'a que 8 millions d'ames vouées a 1'agriculture , aux arts, aux manufaétures, aux emplois eivils, au commerce, a ra navigation pacifique : elle-lutte pourtant contre 20 millions de Franeois, 3 millions d'EJpagnols , 3 millions d1'Américains, 2 millions de Hollandois; & elle conferve,. upefupériorité de forces.! & elle a des fuccès! Mais auffi elle prodigue 1'argent; & les. Américains H'en ont point; les Efpagnols , malgré leurs.  5$ Correfpondance poïitique. mines; les Francois, malgré la richefie de leur lol n en trouvent point; & les Hollandois pliant ious le poids de leurs tonnes d'or, n'en veujent pas dépenfer (T). Cependant töt-ou-tard les Anglois doivent perdre leur fupériorité & fuccomber enfuite. La faculté d'emprunter diminue a mefure que la confiance des préteurs fe perd, & cette confiance s affbiblit a proportion que les emprunts s'accumulent, qu'ils' rendent le débiteur infolvable & le gage de la füreté infuffifant, D'ailleurs, par la nature même de la chofe, cette méthode abfurdc de fe procurer des fecours extraordinaires&immenfes, eft très-pernicieufe. Elle facilite des eftbrts au-defiiis de la vigueur réelle & de la force intrinfeque d'un peuple : c'eft de plus VU chancre qui le ronge fans relache, dont ft ne neut fè débarraifer, & qui finit par 1'épuifer totalement. A mefure qu'il le privé de fa ful> ftance , il lui rend 1'ufage de fes forces plus néCefiaire encore. 11 1'affoiblit & le furchavge touta-la-fois. Le nombre d'hommcs que les Jubjides prodigieux & facftes a obtenir font deftinés a "faire mouvoir, diminue tcus les jours. Ces agens fécondaires.renchériffent en devenant plus rares; & chaque année les forces effèétives iönt moindres , tandis que les moyens doivent être plus confidérables. Ainfi l'Angleterre qui a donné dans les excès d'une folie profufion du nerf de la guerre, touche évidemment au terme de fa grandeur, & au moment de fa décadence. Pour peu que la ligue formée contre fa puiflance merte de con- (i). Ah! voila le Nceud Gordien. Si depuis cinq ans que 3e Stadhouder demande des troupes & des vaifièaux, on avoit YOU1u fournir de l'argent, on auroit une bonne armee & une flotte refpe&able. On ne feroit point en guerre , & o% joujroit d'une confidération méritée. Mais,.".  Correfpondance -poïitique. eert, de vigueur & de perfévérance dans fes opérations, ce qui n'eft pas aifé; I'Empire Britannique fuccombera fous les coups de fes ennemis. Ils ont ufé de plus d'économie; il leur refte auffi plus de forces. Ne s'étant pas livrés aux mêmes prodigalités, ils trouveront plus de reffources. Sans fe gêner, ils lui oppoferont des forces fupérieures : ils pourront accroïtre les leurs, a mefure que les Hennes diminueront. II n'y a que la défunion, les mal-entendus, entre les confédérés, qui puiffent le fauver de la ruine. Mais la paix n'opéreroit-elle pas encore mieux le falut de l'Angleterre? Oui, fans doute. Mais. il faudroit que le nouveau Miniftère fut affez. fage pour la defirer; que le cabinet de Verfailles, par poïitique; le Congres, par ambition ; n'euffent pas de motif pour s'y refufèr: que la neutralité armee, par intérêt, ne fut pas invitée -a la traverfer. Les prétentions diverfes font fi multipliées; les intéréts refpectifs fi compliqués; les vues fecrettes fi contradiétoires, que ce fera une efpèce de miracle, fi on parvient a reconcilier les puiffances belligérantes, avant que 1'une d'elles ne foit écrafée, ou que les autres ne la fauvent par leur laffitude & leur épuifèment. Puifqu'il n'eft pas permis d'efpérer encore fitót la paix, tachons du moins d'infpirer de 1'horreur pour la guerre , en conftatant la millième partie des maux que eet abominable délire des Couronnes caufè a la fociété. Si les, Gouvernemens ..ont la fureur de fe livrer a ces funeftes convulfions , fans autre objet que de fe nuire réciproquement; de ruiner leurs peuples , fans efpoir d'aucune compenfation folide ; qu'ils fouffrent au moins. que les honirmes fenfibles élèvent la voix, pour réclamer contre les accès d'une démence fi fatale au. genre humain. D \  Correfpondance poïitique. TABLEAU De comparaifon des pertes refpeclives de la. marine des Puiffances belligérantes. Pertes des Anglois. I Vaisseaux. Canons. Vaisseaux. Canons, le Cerbere , 28 le Cornwall, 74 1'Andromede, 28, b- Défiance, 74 1'Aurel, 28 le Culloden; 74 la Tortoife, 26 le Thunderer,, 74 le Léviathan, 26" le Terrible, 74 le Grampus, 26 ie Otfa, fauté en Pair, 74 le GJafcaw, 24 Ie Sommerfet, 64 le Deal Caftle,' 34 J'Augufta, 64 le. Caméleon, ' 24 Ie Stirling Caftle, 64 le Scarborougb., 24 IpPlienix, 44 la VeftaL, 30' je Charon, 44 le Mercury, ao! Ia Junon, 32 le Marmaid, 20 la Flora, * 32 I le Beavers-prife, i8: la Blonde, g2 le Falcon, i& le Huflard, 32 ! le Merlin, 18 le Laik, ■ 32 le Sanvincent, 16, 1'Orpheus, 32 \e Yiclor, 16" le Quebcc, fasfiltnt fair, 32 le Barbadoes, i4 Ie Répulfe, ' 32 le C'ruifcr, ' jS PAretBufa, 32 ' 1'Otter,' itf JJ Saiime, 32 la Pomona, 16 lc,Lyv2rpoolf 28 leZébra, i. 74 le"St. Domingue', 70 la Hollande, toul. afond 6 8 le Pondérofo, 70 le St. Jofeph, 70 2 VaiJ. Can. 142 PHermione, 36 Total des Pertes. la N. D- des Carmes, 36 des Anglois 53 V. I744C<«* le St. Pierre , bruid 32 dssFranfois 13 — 5Ó8 la N. D. d'Andaloufie, 32 des Ame'ric. 10— 298 — la Rofa, 30 des Efpag». 9 - 446 — .—.— — des Hol la». 1 -- 142 —> 9 F»;/: O». 446 En tout 87 -V-^> VAngleterre a p-rdu 53 Vaif. & 1744 Canons, §es ennemis ont perdu 34 Vaif. & 1454 Canons. Difterence 19 290 Ainfi la Verte des Anglois eft plus confidérable de '19 Batimens & 290 Canons, que celle des quatre Puiffances qu'ils combatterit : maisfi i'on confidere que du cóté des prifes, ils ont 1'avantagede 35Vaiffeaux& 1704 Canons on verra que leur fupériorité, dans la comparaifon des forces röfpeétives, eft encore iavmenfè.  62 C°rrtJpofi.danu poïitique, Maintenant qu'on dife un peu fi lWent dé* penfe pour la conftruéftion, les aglisfla mement de ces 87 vaiffeaux perdus" n'auroitpas Q and -Chacun d'eux "'auroit coüté, ^ m fr,-PremiereS 5 en ^in-d'oeuvre, que 1iVresJ' ce fero5t toui°urs Pour une iomme de plus de 4o millions de matériaux & ge«S', comnagne d'une réflexion qui mérite d'étre ran-. I portée ici, 100 iktaillons, 46 Efcadrons, 140I pièces de Canon, 21 milles Bombes, 28 milles ) Grenades, &c. furent employés a cette belle enI treprife, qui échoua pourtant. // eft certain, \ ajoute 1'Hiftorien, que tous ces préparatifs de\ 1 deftruStion, fujjïroient pour fonder &' pour f I fleu/ir, la plus nombreufe Cctorue. Tout fiègi a de grande Ville exige ces fraix immenfes ; & quand il faut réparer che? foi un v'ülage 1 ruiné, on le négligé. Eh! comment ne le négligcroit-on pas? on ne peut s'occuper de réparations, quarid on ne ] penfe, quand qu'on ne fe mcut que pour dé-, truire. Lorfqu'on a épuifé toutes fes forces, prodigué toutes fes reffources a accumuler les' j ruines, on n'a plus de moyen pour les rebver. Les Gouyernemens s'embarraflent fort peu du | bonheur des peuples & de la proipérité de leurs ■ Etats. lis ne lont occupés qu'a enlever a la fociété la matiere de fes befbins, & a leurs fujets la faculté d'atteindre a la fubfiitance. Après . avoir détourné les produétions de la terre & I les travaux des hommes a des ufages inutiles, i ils font fervir les inftrumens qui en font provej nus, a couvrir les deux élémens de décombres ; & de débris. En Europe on proftitue plus. de i matériaux, on exécute plus d'ouvrages, dont | \qs habitans ne profitent point, dont ils ne leur '. revient que des peines, des privations & des malheurs 3 qu'ü; n'en faudroit pour rendre heu-  64 ' Correjpondance poïitique. reux tóus ceux de notre globe. L'art militaire & ia navigation font les deux néaux les plu* redoutables de cette partie du monde. Bataille navale aux Iqdes Occidentales. Xva fituation de deux joueurs avides, paffionés, exprimant alternativement 1'efpérance &la crainte, la fureur ou la joie, felon que les caprices du fort flattent leur avidité ou la déconcertent, eft 1'image de deux nations, dont les Cnefs s amufent au jeu auffi feu que terrible de Ja guerre, oü les viciffitudes de la fortune ne font pas moins fréquentes ni moins bizarres qu'au Pharaon ou au Biribi. C'eft ce qu'éprouvent d'une maniere bien f appante, depuis quatre ans, les Anglois & les Francois, rivaux éternels, ennemis implacables, dont 1'ambition ou les fottifes de leurs adminiftrateurs donnent effor a leur antipathie & a leuracharnement ies uns contre les autres. A Londres & a Paris, tantöt on fe réjoujt, tantöt on fe défefpère. On chante des te Deum a Notre Dame, ou 1'on tire le canon a la Tour. On vqit fucceffivemet paiTer les deux peuples de la joie a la confternation & de la douleur aux réjouiflances. La jburnte équivoque d'OueJpint n'a produit que des confeils de guerre, ridicules ou ödieux. Les Succes deRodmyfav Pangara, ont motivé la triftefte des Ejpagnols & les applaudiffemens des Anglois les prouefles de eet Amiral a St. Eujlache, a Denïerary, a EJJequebo, en lui procurant des richefiès, n'ont guèresexcité que 1'indignation publique, même chez fes compatrio-' tes. La reprife de Charles-Town, 1'échec du Baron de Rullecour kjerjey, la conquête daSt. Luciev  Corrifpondance politlqué. 65 ont donné quelques fenfations agréables & paffagères aux Anglois. Ces triomphes éphémeres ont bientöt été flétris par les revers de la Grénade, de Tabago, de St. Chri* ftophe, de la Ckefapaeck. Deux Flottés Marchandes interceptées par 1'armée combinée de France & d'Efpagne; le butin de Rodney capturé par M. de L.a motte Piquet; Cornwallis fait prifonnier avec fon armée; la Virginie perdue; Gibraltar foudroyé ; Minorque pris ; les établiffemens Hollandois des Indes Occidentales enlevés a leurs Conquerans; ont fait fuccéder dans le coeur des Brétons, les fentimens de la douleur a ceux de la fatisfa&ion. Depuis quelque temp3 les Cartes font changées en leur faveur: voila de nouveau la fortune qui leur fourit. Leurs armes font heureufes & triomphantes dans Ylnde, tandis que les Amiraux Kempenfeit & Barington interceptent en 'Europe , deux Flottes Francoifes deftinées a porter dans ces parages éloignés, des fecours pour arréter les fuccès de leurs dominateurs. Aux lndes occidentales , 1'heureux Rodney vient de remporter une nouvelle vicloire, qui , fans être plus décifive, que les autres efcarmouches de la guerre préfentc^ eft cependant eflentielle pour 1'Empire Britannique, dans la pofition allarmante oü il fe trouvoit, & par les elfets qu'il eft poffible qu'elle produife; Prendre la Ville de Paris de 110 pièces de canon, & commandée par 1'Amiral Francois, qui fe trouve prifonnier; le Glorieux, YHecior & le Céfar de 74, YArdent de 64 : couler a fond un fixième vaiffeau; défemparer & difperfer la flotte ennemie $ au point que huit jours aprèa deux autres vaifteaux avec une frégate tombent . encore au pouvoir du vainqueur, & que quatre vaifteaux réfugiés a Curacao avec leur Conv  66 Correfpondance poïitique. ffiandant, M. de Bougainville, courent rifquê detrejnterceptes : s'emparer de 1'artillerie de campagne, defhnée a faciliter la rédudtion de ■tejamaique , & de 1'argent qui devoit fervir a ■Payer les heros qui voloient a fa conquête : eelt ia fans doute un avantage important, qui feut confoler de plufieurs revers antérieurs. . ^ accident arrivé après le combat, au Glontvx ou nxCéfar, ( Car on varie encore a ce lujet ) qui fauta par la négligènce des vainqueurs ou par le défefpoir des vaincus, la marine Anglotfe fe trouve renforcée de 6 Vaifleaux dehgne & d'une Frégate feulement. Mais celle de trance eft affoiblie de 8 Vaiffeaux de hgne & d une trégate ; ce qui, dans la comparailon des forces navales des deux peuples, fait une diflérence de 16 batimens guerriers de pJus du coté des Anglois, ou de moins de celui des Frangois. Les 5 ou "óooo Prifonniers faits a bord des Vailieaux pris, font encore un avantaee, bien moins eflentiel a la vérité ; paree que cette perte affaiblit peu la France qui abonde en hommes; fans fortifier en aucun fens \*Anglé-terre qm manquede cette denrée, devenue rare & chere chez-el e, par 1'horrible confommation qu elle en fait depuis fix-ans, La politefte de nos moeurs, & notre droit moderne des Nations, permettent bien de tuer des hommes armés, mais non pas de fe les appropner quand ils ont mis bas les armes; des prijonniers font plutöt un embarras pour celui qui en tait, qu une perte pour ceux a qui on les prend.( i) (i) Nous ne pouvons nous refufer a citer fur cettft' matiere, quelques paflages de la Théorie des Loix. „ Le malheur d'étre pris a la guerre, dit M. Linguet, ne fait parmi nous que des captifs d'un moment. Mais il avoit chez les anciens & il a encore dans les trois quarts de  Correjpondance poïitique. 67 Quant aux matelots tués, noyés, écartelés> mutilés; il y a compenfation de part & d'autre. II paroit lèulement que le nombre de ces infortunés chez les Anglois, eft fix ou fept fois moindre que chez les Francois; & cela n'eft pas furprennant, puifque ces derniers ont eu un vaiifeau coulé bas, & un autre qui a fauté en 1'air, fans que de ces machines fatales , chargées de 15 ou 16 cents hommes, un feul ait été fauvé. Mais la France plus qu'aucune autre nation , peut faire d'abondantes pertes en ce genre, fans en fouffrir. (Dans ce pays-la; rien n'étant plus commun que des miférables) la terre des effets plus durables. II féparoit a jamais les nommes de leur patne. II ótoit a un foldat toutes les prérogatives attachées au nom de citoyen , en même temps qu'il 1'obligeoit a fe dépouiller de fes armes. II autorifoit 1'ennemi a le garroter d'une corde, au lieu de le percer d'une épée, & a le vendre dans un marché, après 1'avoir épatgné fur le champ de bataille. Sa valeur qui n'auroit pu le fouftraire a la mort, ne le garantiflbit pas de la fervitude, & ces héros qui fai foient tout trembier au commencement du combat, n'étoiene plus a la fin qu'une partie du bagage de leurs vainqueurs." „ Des motifs fort étrangers a 1'humanité , ou aux égards que merite la bravoure, ont anéanti ce droit, ou fi 1'on veut eet ufage, parmi les chrétiens tfEurope; mais il fubfifte toujours dans la plus grande partie 'du monde. II füt encore le droit commun de VApe & de Y^fnque, II nous dirigc même dans nos guerres avec les Mahométans „ II confacre ainfi d'un cöté ce que 1'on détefte hautement de 1'autre. II juftifie en apparence la fupériorité que s'attribuent ceux qui le réprouvent, fur ceux qui 1'adoptent, quoique dans le fond, toute la différence entre eux confilte en ce que les uns tuent précifément pour avo:r le plaifir de tuer, au lieu que les autres confentent a recevoir un dédommagement pour le fan» qu ils ne verfent pas, & balaacent la cruauté par 1'a▼ance. "  68 Correfpondance poïitique. rien non plus n'afflige moins, que les faignées qui en diminuent le nombre. Voila donc a quoi aboutiflent 'les difputès des Couronnes ? la ruïnè desvaincus; 1'affaibliffe* ment des vidtorieux en font les fuites inévitables. Les adtions les plus célébrécs qu'elles font faire, ne produifent que des meurtres, des mutilations, des calamités de toute efpèee. La vidtoire ne donne a ceux qu'elle couronne, que des carcaffes de Vaiffeau fracaffées, des voiles criblées, des héros de bron ze, des hommes extropiés, des prifonnièrs onéreux, a la place des foldats utiles qu ils ont perdüs. Les Lauriers du vainqueur font arrofés d'autant de larmes, qu'ils ont coute de fang; & fon triomphe motive plus de malédictions, qu'il ne recoit d'aDplaudiffemens. Celui de 1'Amiral Rodney a pourtant eet aVantage pour fon pays, d'avöir fkuvé une puiflante &riche Colonie. La Jdmaïque menacée d'une defcente, par un armement formidable* appuié d'une fiotte nombreufe, n'auroit guerre pu réfifter a 1'ardeur bouillante & impétueufe des trancois > plus experts dans ces coups de main, que dans 1'art de combattre fur un élément volage & fougueux, image de leur caractèré avec lequel ils font peu apprivoifés. La fuite au N°. prochain. Cette Feuille paroit régulie'rement toutes les ferr.aines) & fi trouve dans la plupart des Bureaux des 'Pojles' &, tkem les principaux Libratres de /'Europe.  CORRESPOND ANCE POLITIQUE Sur les affaires préfent es de la Hollande. N°. XXXI. SUITE de la Bataille navale aux Indes Occidentales. "|FJne chofe qui prouve combien les plus grands fuccès, a la guerre corome ailleurs, dépcndent fcuvent des plus petites caulès, & que les moindres fautes peuvent avoir les conféquences les plus férieufes; c'eft 1'occafion qui a déterminé le combat de la Dominique, & la manoeuvre qui a décidé de fon jflue, M. de GraJJe pouvoit 1'éviter, malgré les efforts des Anglois pour 1'y contraindre. Par cette adrefie, il eut rcmplis fon but; celui de conduire a Izjamaïque, 1'armement dirigé contre cette Ifle précieufe, fans que toute 1'habiieté de fes proteéteurs eüt pu ni la lècourir, ni entamer le convoi deftiné a lui donner d'autres maitres. L'infériorité del'Amiral Franpis, comme 1'importance de fa miflion , fembloit lui prefcrire le devoir de ne pas s'expoièr au hazard d'une aftion, dont les fuites dépendoient autant de fa pofition actuelle, que du nombre de vailTeaux qu'il pouvoit y faire prendrepart. Point du tout. Le Zélé dérive & tombe fous le vent des Anglois : trois ou quatre vailTeaux de ces derniers fe préparent a s'en emparer, & M. de GraJJe percl la tête. Au lieu de pourfuivre la route, en abandonnant un vaiifeau Tom. 11. E  ?o Correfpondance poïitique. que des circonftances heureufes pouvoient en* core fauver, il vole a fon fecours avec toute fa flotte; & par cette manoeuvre que la prudence condamne, il fe trouve forcé de combattre avec des forces inférieures, dans une pontion défavantageufe , que le calme & les vents pouvoient également rendre encore plus cntique. r L'évènement funefte de cette journée, montre cornbien ces mefures étoient mal réfléchies, & jultifie la cenfure que les Francais font de Ia conduite d'un General malheureux. Si la tortune avoit couronné fa maladreffe, on exalterqit fa prudence comme fa bravoure. C'eft toujours le fuccès bon ou mauvais qui décide aux yeux du public, des talents & du mérite cl un homme, expofé a fa critique ou a fes éloges. üapres bien des circonftances, il paroit que tous les reproehes ne doivent pas tomber fur M. de Grajfe. II fe plaint d'avoir été abanclonne par fes deux matelots, & mal fecondé par une grande partie de fa flotte. II eft aifé de comprendre qu'un de fes torts les plus effentiels, eft d'avoir eu dans fon armée des fubalternes nidifciplinés, & des chefs envieux, difpoies ale laifferfuccomber; exemples communs dans les faftes mihtaires & navals de la Franier? .ou "* n.e cefferont de fe répéter, tantquün Minuïre f.vere ne fe fera pas mis au deffus des confiierations qui empêchent de les prévenir. par_ des cnatimens rigoureux. J»ui,1-'1Amiral Fr?n9ois n'a pas montré autant dhabilete que de bravoure, ni fon armée la lubordination & la bonne volonté qu'il devoit en attendre; il faut convenir que fes vainqueurs n ont rien laiffé a defirer a tous ces égards. Commandans & équipages, ils ont difputé a lenvi lhonneur d'eacnaiiier la vidoire, Hz  Correfpondance poïitique. 71 1 de mériter les éloges de leur Général, par leur , obéiffance a fes ordres, comme par leur intré'pidité a combattre 1'ennemi. On admire comme un chef-d'oeuvre d'évolutions navales, la manoeuvre par laquelle 1'Ajmiral Rodney eft parvenu a rompre la ligne Francoife; bonheur qu'il a dü a fes talens, bien moins encore qu'a la fermeté de 1'Amiral Drake qui conduifoit Pavant garde; a 1'aideur du Duke & du Namur combattant a fes cötés. Hood, le brave Hood, qui avoit fait preuve a St. Chriffophe de fon habileté dans i'art de faire manosuvrer une flotte , a mis le comble a fa gloire fous la Dominique, en terminant ce furieux combat, par la réduótion de la Ville de Paris, (& par 1'honneur de recevoir fur fon bord, le Commandant Frangois. , Au moment oü 1'Amiral Rodney triomphoit des ennemis de fa patrie, le cabinet de St. James lui préparoit un affront. Créature des Sandwich & des North, il étoit dans le cours de la poïitique miniftérielle , qu'il participat a leur idifgrace & fut entrainé dans leur chüte. La (nouvelle de fa vicioire arriva a Londres en même temps que 1'Amiral Pigot partoit de Wlymouth pour lui porter 1'ordrc de fon rappel, |p' lui fuccéder. | Le nouveau miniftère, pour réparer 1'outrage Wit a un Général vainqueur, le feul qui de toute cette fotte & rumeufe guerre, ait fait ;(quelque acltion d'éclat; envoiè deux expréts, fun a la pourfuite de M. Pigot, pour le faire revcnir; 1'autre a M. Rodney pour lui laiiler J'alternative de fe démettre du^commandement, {jou de contiuuer a battre les Francois. La précipitation des nduiftres 3 fon égari ? Kevient une inaciere de cenfure pour la nou- E 2  72 Correfpondance poïitique. veile oppojjtion; car il faut toujours qu'un Parlement Britannique en ait une, & dans ce paysla, on change d'opinion & de parti, felon le vent de la faveur ou les caprices de la fortune. Tous les Miniftres réformés & leurs partifans compofent^acluellement la Phalange anti-miniftérielle. C'eft de fon fein que partent les orages ^qu'ils ont fi long-temps effuiés. C'eft une chofe curieule, peut-être même pitoyable, que les combats verbeux que celui cfes canons fous la Dominique a excités dans le Parlement. Tandis que M. Fox, eet antagonifte goguenard de Sir George, annoncoit aux Communes fa viftoire comme la plus importante par fa natüre & par fes effets, que les forces de la Grande-Bretagne ayent remportée durant la guerre actuelle ; le Lord Keppel, chef de 1'Amirauté, rival jaloux de la gloire de 1'heureux Amiral, s'attachoit a déprimer, dans la Chambre des Pairs, le fervice rendu a fon pays, par le favori de fon prédéceffeur. Dans la vue d'en diminuer le prix, & de mortifier le vieux Miniftre de la marine , qui le réhauffoit, afin d'en faire retomber fur lui une partie de 1'honneur, comme 1'ayant préparé par fes difpofitions ; M. Keppel ne craighit point d'exagérer les dangers de VAngleterre par des aveux indifcrets, & des indications tout au moins déplacées. „ Les Frangois, dit-il, ont encore 28 vaif„ feaux de ligne; les Ejpagnols 13 tout frais: „ ces deux Puiffances pëuvent adtuellement en „ faire paffer 30 aux lfles, oü ils recouvreroient „ au moment méme de leur arrivée, une fu„ périorité qu'il n'eft pas en notre pouvoir „ d'ernpêcher. Ils ont contre eux, il eft vrai, „ la faifon orageufe. Mais s'ils veulent hazarJ} der des vaiffeaux pour fe rendre maitre de  Correfpondance pollitïque. 73 „ la Tamdique, comment pouvons-nous nousy „ oppoferP'Quelqu'éclatante que foit la viétoire „ que nous célébrons, elle n'eft pas auffi dé„ cifxve qu'on nous la peint, & nos dangers „ font encore éminens. Cette malheureufe guerre „ de Hollande, employant une partie confidé„ rable de nos vailTeaux, dérange tous les plans „ poffibles d'opérations, & nos ennemis peuvent „ faire d leur volante tout ce qu'il ne nous ejl „ pas permis de faire. " On pourroit demander ce me femble au Lord i Keppel, d'abord , qui eft-ce qui peint la victoire de Rodney comme décifive ? perfonne n'en a parlé fur ce ton la, qu'un de fes confrères Miniftres,, dans la Chambre baffe. Enfuite, iïy a au moins de Pindifcrétion, li ce n'eft pas même de 1'imprudence, a révéler en plein Parlement, d'oü des milliers d'échos répandent a 1'inftant : tout ce qui s'y dit par toute YEurope, aux Francois & aux Efpagnols, le feeret de rendre les fuccès du 12 Avril inuüles a YAngleterre, . & de lui porter des coups funeftes, par des fa- : crifices quune conquéte importante compenferoit. Si ce n'eft pas un piège qu'il veut leur tendre, en les invitant a s^emparer de la Ja~ maïque, c'eft une grande maladreffe a lui de ) leur en montrer le chemin, & de leur en indiquer le moyen. N'eft-ü pas plaifant d'entendre ïc Miniftre ; d'une nation fiere & hautaine, qui fe croitfu- , périeure au refte du monde , & capable de faire ] tête a la moitié de 1'univers,. dire a la face du public; nos ennemis peuvent faire d leur vo- ' lunté ce quil ne nous ejl pas permis de faire? ' Et que font donc depuis quatre ansces' terribles ennemis ? Queis coups vous ont-ils portés ? Us vous ont caufé plus d'embarras que de per-  f4 Correfpondance poïitique. tes, & fait plus de peur que de mal- A quotï leur fervent ces vaiffeaux innombrables qui vous; paroiilent voler a leur gré, pour réduire vos pof-feiuons? A parader fur vos cótes, au a deve-nir la proie de vos efcadres. Et c'eft au mo ■ ment même oü vous triomphcz, oü vous vous i emparez des leurs, que vous tenez un langage i qui feroit ridicule , fi on ne démêloit pas en vous, 1'intention de le rendre fatirique. Jufqu ici c'a bien été conftamment lüfagc des \ cenfeurs Bretons d'accuellir la nouvelle des fuccès de leurs compatriotes , par des marqués d improbation , & de faire d'un avantagc efferttiel, ou 1'objet d'une cenfure, ou le prétexte de pronoftics finiftres. Mais jufqu'ici ce' n'étoit que le parti oppofé au miniftère qui fe pefffiettoit de ravaler le mérite des hommes employés par 1'Adminiftration, de donner a leurs victoires la tournure des revers, & depeindrelanation fur le penchant de 1'abime, a 3rinftant même de fes triomphes. L'ancienne oppojition étoit admirable dans 1'art d'empoifonner les actions les plus éclatantes, & de faire fortir du fein même des fuccès, le prélage des calamités. Mais aucun Miniftre ne s'étoit encore avifé d'aller en Parlement décrier les oppérations de fes confrères, & déprimer 1'utilité des fruits qu'elles ont produits. Aujourd'hui c'eft tout le contraire. C'eft le chef de la Marine lui-même qui compromet publiquement les mcfures du gouvernement, & qui ne répugne pas a dire que 1'Empire Bri■ lannique ne fauroit balanccr les forces de fes ennemis, tandis que fes armes répandues d'un pole a 1'autre, portent la terreur dans les deux Indes, & la confternation dans la moitié de ÏEurope. Les nouveaux Miniftres, en afpirant ! a le devenir, s'étoient tellement accoutumés a  Correjpondance poïitique. 75 critiquer 1'ancien miniftère, qu'ils ne peuvent s'empëcher de le cenfurer jufque dans fon tombeau. Ses opérations eufient-elles été bien combinées; les réfultats en fuffent-ils glorieux & falutaires; la prévention de fes détraóteurs ne ■ leur permettroit pas de lui rendre juftice. Tout ce bavardage miniftériel n'ayanr pour : but que de diminuer la gloire du vainqueur, : & de mortifier 1'ex-miniftre de la Marine, celui; ci fit expier au Lord Keppel fa démangaifon de 1 parler fans motifs & fans juftefle. 11 étoit queP : tion de voter une adrejje des remercimens de ! la Chambre-Haute a 1'Amiral viétorieux, & de ' 1'élever a l'honneur de la pairie. Le Lord Sand: wiek fon ami, faifit cette occalion pour faire ob; fevver, que les fervices rendus a la patrie par > ce Commandant fortuné, n'étoient pas dus a la i nouvelle adminiftration , qui, bien loin de les 1 reconnoitre, venoit d'en punir 1'auteur par une démiflion offenfante : il fomma le premier com: miffaire de l'Amirauté de déclarer qucls étoient les motifs de ce raopel injurieux& fe plaignit d'une autre infulte que le nouveau cabi, net préparoit au triomphateur du Détroit & des Antilles.. „, On veut 1'élever, dit-il, a la dignité de „ pair du Royaume. Mais quel titre lui defi „ tine-t-on ? le dernier de la pairie ; celui de , „ Baron;. tandis qu'un Amiral, dont les fervi„ ces connus devant OueJJant, a eu la modef„ tie d'accepter celui de Ficomte. " Par ce rapprochement ironique du combat idu 27 Juillet 1778 & de celui du 12 Avril , dernier ; le Comte de Sandwich cffroit a fon l fuccelfeur une réflexion mortifiante, qu'il s'étoit utttiré par fon inconfidératiom, La feule obfervation jufte de M. Keppel eft K 4  7/6 Correfpondance poïitique. cette malheureufe guerre de Hollande, qui employé une partie conjidérable de vaiffeaux Anglois, & qui dérange tous les plans pofjibles d operations de /'Angleterre, contre la maifon de Bourbon. II eft certain que ce quadruple ennemi eft, finon le plus redoutable, au moins le plus embarraffant de tous. Sans avoir encore porté de grands coups a 1'infolent Léopard, qui Fa longtcmps. molefté, il a pourtant été en quelques mois, comme je 1'ai déja remarqué plufieurs fois (i), plus nuifible a la Grande Bretagne, que les trois autres depuis le commencement de la guerre. La Hollande a tou% jours été fatale a 1'Empire Britannique, toutes les fois que les prétentions arrogantes de celuici, a contraint celle-la de lui réfifter; & fi dans la diipute ou fon defpotifme Pa de nouveau entrainée, elle ne peut pas avoir de fuccès directs fur lui, elle ne laiffera pas que de lui caufer, par les diverfions funeftes de fes forces qu'elle néceflite, des dommages réels & confidérables. A eet égard, la réflexion du Lord de PAmirauté eft vraie, & la rupture de VAngleterre avec la République eft le fruit d'une poïitique folie, & une tache inneffacable pour Pancienne adminiftration. Voici quelque chofe d'aufïï rëmarquable que les expreffions aigres qui coulent de la bouche des Keppel & des Sandwich, quand ces deux mortels qui fe déteftent cordialement, fe rencontrent en Parlement. Dans 1'adreffe de félicitation qu'il s'agiffbit de préfenter au Roi, fur le fuccès de fes armes, on avoit employé, en parlant de Parmée navale viétorieufe, les mots puijjante flotte des Indes Occidentales. Le parti (i) Voyez entr'autres endroits de notre ouvrage le N°. 12 du Tome premier, pag. 195 & fuiv.  Correfpondance poïitique. 77 miniftériel ne goütoit pas des termes, qui attribuoient a 1'ancienne adminiftration , 1'honneur d'avoir équippé une flotte qui méritat ce titre. Un de fes organes les plus diftingués, le Duc de Richmond, demanda qu'on les fupprimat. La Chambre s'occupa de eet amendement vétilleux, & ce qui n'eft pas moins fin-, gulier, c'eft qu'elle 1'adopta. „ Flotte puiffante, dit le Duc, eft une ex„ preffion relative qui ne peut être dêterminée „ que par la comparaifon des forces refpedtives. „ Je crains bien, fi 1'on calcule, que notre „ flotte des Indes Occidentales , comparée k „ celle des Francais & des Efpagnols, ne ceffe „ de paroïtre puiffante ? Rien de moins judicieux que cette remarque, dans le cas préfent. II faut bien que la. flotte Angloife ait été plus forte, puifqu'elle a remporté un avantage fi décidé, fur une flotte puiflante, qui ne lui cédoit pas par le courage my & en effet elle 1'étoit, puifque 36 vaiffeaux Anglois, ont combattu contre 31 Frangois. Le Duc de Richmond voudroit-il infinuer qu'elle a été feulement plus brave ? Ou bien, cette Grace Bretonne aimeroit-elle mieux que Rodney eut été vaincu. avec 60 vaiffeaux , que d'avoir triomphé avec 36 ? De deux chofes Tune : ou 1'ancienne adminiftration avoit équippé une Flotte puiffante; ou elle 1'avoit confiée a des hommes habiles & heureux, puifqu'elle a obtenu une viétoire fignalée fur une armée puiffante & brave. Dans le premier cas, Tobfervation du Duc eft fauffe; dans le fecond le reproche fait a 1'ex-miniftre de n'employer que des Officiers médiocres r eft injufte. . Tandis que ces puériles débats occupoient gravement les Miniftres paffés , prélèns & fb-  7* Correfpondance poïitique. turs de Lpndres dans 1'affemblée nationale ; ceux: de Verfailles recevoient la nouvelle du défaftre facheux qui les occafionoit. Selon la louable coutume de ceux-ci, de ne faire publier dans leur Gazette décharnée, que la relation des fucees que les armes Francoijes ont quelquefois fur celles de leurs ennemis"; ils n'ont rien fait annoncer dans leur chiffon périodique de la defaite cie la flotte fous la Dominique • precaution qui paroïtra aux hommes fenfés, inutile & abfurde tout-enfemble. Inutile, paree Ie Courier de l'Europe & les papiers publics clu Continent , circulant dans le Royaume, toute la France devoit être, en peu de jours, informee de fon malheur : abfurde , puifque les nouyelhftes étrangers parlant de ce défaftre dapres les gazettes Mngloiies, pouvoient exagérer les pertes des Francois, les faire paroïtre plus grandes a la nation , & augmenter fa confternatson, que le Miniftère fembloit vouloir exciter par fon filence. II eft vrai que fa conduite ftlencieufe auto-, iiloit les Pyrrhoniens a douter de ce malheur , & les périodiftes Gallomanes a nier fon exiftence. Un Courier parti de Londres en avoit déja porté la nouvelle au fond de YSillmagne, que les Parifiens ne vouloient pas encore y croire» & les Gazettes dévouéesau Gouvernement Fran~> $ois, fe complaifoient a le contefter. j N,?ü£^ons vu GePuis Peu dL's exemplesftnguliers de 1 ailectation ranpante, ou de lapartialité intereffée de ces Gazetiers icrupuleux, qui s'efforcent de ménager laccès du Royaume a leurs feuilles menlongères , par leur audace ó défigurer ou a nier les faits les plus certains &les mieux avérés. L'Amiial hempenfelt intercepte le Convoi de M. de Guichen ; 1'Amiral na/rington celui de M. de la Motte-Piquet, tous deux def-  Correjpondance poïitique. 79 tinés pour YInde. Les Gazettes Angloifès font remplies de détails fur les circonftances de la capture, fur le nombre des prilès: celle de Paris refte muette; lès émules dans 1'étranger ne parient que pour outrager la vérité. On n'a jamais pu la favoir d'après les récits véridiques de ces conteurs délicats. On citeroit cent traits de cette di'li mulation coupable, ou de cette baffèffe honteulè de leur part, depuis le commence'ment des troubles de YAmérique. II y a autant d'événemens dénaturés par leur effronterie, au point que Phomme impartial ne peut s'en former une idéé jufte dans leurs fatras d'erreurs ou de menfopges. A Lcnlres, il faut 1'avouer,. on n'éprouve pas eet inconvénient. On y dit la vérité fans fijques, Le gouvernement ne la diilrmule pas, & perfonne n'a de motif pour la taire. L'adminiftration public toutes les dépêches telles qu'elles font, avautageufes ou non pour I'Etat; & i^ n'y a point de Gazetier forcé a mentir, pour avoir le droit de faire cireuler fes futtifes dans le pays. Si 1'un s'avife de déngurer les faits, un autre s'empreflè auiïi-töt de les rétabUï, fans. s'expófèr a une prohibition injufte, uu a une captivité rigoureufe. La vérité fe montre fans danger; le lecteur avec de la patience peut la déméler a travers les nuages dont la prévention ou 1'ignorance Penveloppent; & celui qui 1'a fait voir, n'expie pas 1 Hommage qu'il lui a ren du, dans un cachot, fous la verge des defpotes, ou par des perfécutions, fous le fouets des ariftocrates. II ne refte plus qu'un feul coin de terre en Europe, oü ii foit permis de penfèr jufte & de parler vrai : c'eft dans la Grande Bretagne. Partout ailleurs la vérité eft captive & 1'homme  to Correfpondance poïitique. encbainé. Il n;y a pas jufqu'au Sénat de Berm cm ne prcfcrive la raifon , & ne fignalefon defpotifme fur les penfées d'un peuple qui fe croit hbre. (i) r r H Les Francoii: qui Ie font afTez pour chanfonner leurs Miniftres, ou les accabler de brocardstrop peu pour publier des vérités utiles, ou meme desventes indifférentes; montrent cependant au bruit de leurs cbaines & au fein de leurs cachots, un attachement a leur Maitre un zèle pour fes intéréts, dont peu de peuples lont capab es. La nation en ce moment donne un exemple de patriotifme que le gouvernement na certainement pas motivé paria confiance , dans cette conjonéhire ; exemple précieux, que les patriotes de notre pays avoient. déja recu mutilement de VAngleterre. II n'a pas encore provoqué 1'imitation parmi nous. Nos coeurs répubhcains font loin de cette dlfpofition oü un anthoufiafme auffi louable peut les échauffer. Une partie des Régens fe plaint de 1'autre; le public cenlure 1'adminiöration; les capitaliftes fongent a placer leur argent; tout le monde ene ou fe divertit. Mais perfonne n'offre des vailTeaux ou des Régimens a la Patrie Nos ennemis ont chargé d'offrandes ies autels (i) II a interdit la fociété Econowique de cette Ville la moins folie, la moins inutile de toutes les inflitutions de ce genre. Etpourquoi? paree qu'elle avoit publié un mémoire fage imte popu/ation, un mémoire vrai fur les «bus du ferment; crime irrémiiïïble fans doute, dansun pays oü le célibat & Je libertinage , a la fuite du luxe, font des progrès; oü le befoin d'argent expofe fouvent a jurer qu'on n'en a pas recu. A Ventje on eft pendu pour avoir parlé bien ou mal du gouvernement. Et on appelle cela des R/publijucs, pu ce qui eft la même chofe, des pap libres \ A ce compte, qu'eft donc Tlpaham ? qu'eft Conjiantin«ple !  Correfpondance poïitique. Zi du patriotifme. On a vu chez eux des Villes, des Bourgs, des Communautés, des particuliere même, lever a leurs frais des bataillons pour le fervice de la Couronne. En ce moment Ylrlande fe fignale par un don extraordinaire : ce Royaume ayant recouvré ion indépendance & fes droits, éternife 1'époque glorieufe de fa liberté par la reconnoiflance. La levée de 20 milles matelots pour la défenfe commune, eft un gage de fon attachement aux intéréts de la Grande-Bretagne. Les peuples devenus nos alliés ont auffi donné de ces témoignages honorables de zèle pour le falut de leur Pays. Les femmes Américaines ont eu le courage de vendre leurs bijoux pour fe- ■ courir les défenfeurs de leurs prétendues libertés. Les Efpagnols, qui ne font pas libres, ont également montré de la générofiié. Le Clergé, la Nooleffe, des Moines, des Marchands, ont fourni a leur Roi, de Pargent pour acheter des hommes & des vaiffeaux. C'eft furtout en France que eet enthoufialme patriotique fe montre avec éclat. Pour avoir été tardif, il n'en eft que plus fécond, & n'en fera fans doute que plus efficace. Déja les Etats d'Artois avoient fait conftruire & armer une frégate corfaire, dont le produit des captures devoit fervir a en lancer a'autres, & fucceffivement les prifes de ces dernieres auroient été employees au même uilige, ce qui formoit fur le papier, un accroiftement admirable, qui devoit en moins de vingt ans couvrir la manche de corfaires Artéfiens. Malheureufement, le Capitaine Favre, en rendant ce beau vaiffeau aux Anglois, a coupé le fil de eet progreffion dans fa racine; & ce fameux Marin a terminé fa carrière, en terniffant fes lauriers. Aujourd'hui ce n'eft plus une petite Province  Correfpondance poïitique qui armé une feule frégate pour le fervice du Roi : ce font tous les ordres du Royaume qui lm offrent des vaiffeaux du premier rang. M0n\ fleur & M le Comte d'Artois ayant donnf eet exemple, chacun s'empreffe de 1'imiter. LesEtat de Bourgogne offrent un vaiffeau de iio ca. nons; ceux de Provence de même. Le Clersé en donne 3; la Ville de Bmrdeaux un: celle de Lyon autant, la Généralité de Paris un au- \l rSr\V°?ClZ f°n m.m' Lcs corporations de la Capitale fe font reünies pour remplacer celui que montoit M de Graffe. LesFermiers gênéraux font un don de 600,000 livres , pour fie°ursrUpeteitr ^ WÜ» de §Uerre ™ W Si le combat du 12 Avril dernier, rappelle au jugement de 1'Amiral Rodney , les teams fignalés par 1'héroïfme & ïïntrépïdité des^Duc aiork, des Tromp, des Ruyter; on peut dire c^ue lVnthoufiafme dont la Zatton Fra^life l ent ammee a la fuite de ce défaftre , rappelle les beaux jours de la monarchie, ceux oü le patriotifme & 1'amour du Monarque produifoient le font empreffés de faire des facrifices pour laugmentation de la marine: d'autres ont ouvert des foufcriptions pour iecourir les veuves 7jQV^~ns des matelots & des fcldats tués dans laéaon : pour foulager de leur mifère, & conloler de leur perte, ces êtres ifolés & malïf61? * devenus les enfans de I'Etat, ] e? de voir multiplier les traits de cette lenfibinte touchante & généreufe, dont es nations & les individus font capables au mi. lieu même des atrocités qu'ils appiaudiffent ou quils commettent : c'eft fe devoirde 1'hiftorien ete les recueillir, & de les tranlmettre a la pofterite, ne fut-ce que pour diminuer 1'horreur  Correfpondance politiquè* 85 que lui infpirera le tableau des crimes de toute efpèce, donc les peuples fe fouillent & fe deshönorent. Tandis que tous les ordres de la nation fe livrent a 1'enthoufiafme noble & généreux qui les tranfporte; le Gouvernement prend des mefures {>our réparer les pertes de I'Etat. On dit que 'ordre eft déja expédié dans les ports, de mettre fur les chantiers, 12 vaiffeaux de différentes grandeurs, pour remplacer doublement les 7 ou 8 qui font péris , ou qui ont été pris. Si cela eft vrai, je ne confeille pas aux Anglois de renouveller lbuvent la fcène de Ia Dominique. Pour un vailfeau criblé qu'ils prendroient a la France, il en feroit auffi-töt lancé deux neufs des atteliers de la Manche Sc de la Mèditérannée : par cette progreffion, 1'Océan, en peu de temps, fe trouveroit couvert de öottes Francoifes innombrables, & a la longue l'Angleterre feroit fuflbquée fous fes propres trophées. Le refte au lV°. fuivant. PARIS Voilé donc enfin M Livguet rendu aux vceux du public. II eft forti de la Brille le 19 du mois paffe, jour de la Pentecote. Cette circonftance eft affêz rëmarquable. Seroit-ce pour faire era!re qu'il s'eft repeuti, ou que fes oppi-efl'.-urs fe font amendés, qu'on a fait choix d'un jour lignalé par des converfions& des mtracles? Son élargiflèruent eft-il une juftice, ou une grace? Si c^eft la première, elle eft bien tardive! Si c'eft la feconde , eile ent mieux mérité ce titre, en fe manifeftant dixhuit mois plutót. II ^eft plus naturel de penfer que le temps afligné paf lereQentim^nt, al'expiation de quilques torts légers, qu'il eft facile d'avoir aux yeux du pouvoir ou de la médbcrité, quand on réunit des talens diftingués a un mérite fupérieur, étoit fans doute expiré. Quoiqu'il en foit , enfin, eet homme célébre eft libre. Sei arais s'ea jréiosiP feut, & VAeadémie en tremble. J  84 Correfpondance poïitique. Dans le fond de fon Cachot) il n'a pas eu la confolation de favoir 1'intérêt que ceux-la ont pris a fa captivité, & la joie que celle-ci, avec fes partifans, en a fait eclater. Qu'on juge paree trait, de la rigueur affreufe quê le defpotifme exerce fur les viétimes de fes foupcons, ou de fa cruelle vengeance. II eft épouvantable que l'autorité inftituée pour 13 fécurité des citoyens, aflure quelquefois a l"homme invefti de fon pouvoir, la faculté d'exifevelir tout vivant, dans 1'obfcurité d'une prifon, quiconqué a le malheur de lui déplaire, ou de le choquer. _ On apprendra peut-être un jour en frémillant, le motif de la tyrannie dont un homme fameus en plus d'uU genre, a été 1'objet durant vingt mois entiers, fans qu'il ait tranfpiré dans le public, le moindre indice de délit, capable de motiver une févérité , réfervée a la trahifon. Comme il n'a paru aucune procédure qui conftatit le crime de eet infortuné, il eft permis de croire qu'il n'en avoit pas commis, & que fon terrible efciavage, qui eft un afte odieux de l'abus de l'autorité, n'avoit pour fondement que la haine de quelque ennemi acharné, & la foibleffe ou laperverfité de quelque homme puiflant. Mais comme les ennemis de M. Linguet ont tenté de perfuader au public, qu'il avoit provoqué les foudres de 1'Adminiftration par des fautes eiièntieiles, il doit a fa gloire comme a fes amis, de montrer qu'il a été une yiétime innocente de la furprife taite a un Monarque jufte & fage, qui 1'honoroit de fa bienveillance. II fera cru fur fa parole, de tous les hommes équitables & impartiaux, ou fes perfécuteurs feront reduits a rompre leur effrayant filence, pour le confondre, en révéiant les attentats qu'il a commis. Le public alors faura a quoi s'en tenir, Fautes d corriger dans le N°. précédent. Page 64, ligne 10, feu, life? fou : Pag. 68 ligne 2i, guerre, lifci guères. Cette Feuille paroit réguliérement toutes les femaines, & fe trouve dans la plupart des Bureaux des Potles & thex. les principaux Litreires de />£urope.  CORRESPON D ANCE POLITIQUE Sur les affaires préfent es de la Hollande. N°. XXXII. F I N Des Réflexiqns fur le Combat Naval du 11 Avril dernier. Louis XVI qui montre autant d'énergie dans 1'ame que de fenfibilité dans le coeur, a été fort touché en recevant la nouvelle de ce terrible revers, & n'a pas fait paroïtre moins de fermeté que dé douleur, A cè fujet, la gazette de Ley'den prète a ce Monarque un difcours, qui ne paroit guères plus naturel que jufte. ,> 11 ne fauf „ pas vous laifjer 'abattre, a-t-il dit, a fon Mi* „ niftre de la Marine : 'Redoublez d'ablivité; 3i doublé? ', triplèi les moy'ens : je vous ferai ?. jburnir tout Vargent nécefpxire : & que mes „ ennemis ne croïent pas avoir pour cëla une meiU leure compofition de moi'; ils n'auront la paix j, qu'au prix ou fax voulu la mettre. % „ Tant d'énergie dans ce'jeune Monarque, „ s'écrie' le gazetier, le fait encore morris ad* „ mirer que la bonté de fon cqeur. 'Sf Je ne fais pas ft on admire quelqu'un pour Ja bonté de 'jon coeur; il me lemble que' c'eft moins 1'admiration 'que 1'amour & 1'eftime, que cette qualité excite. Mais je fais' bien q&e le propos .qu'on rnet ici dans la bouche du Roi, n'a rien 'd'admira'ole. Doublci, triplet lts moyens', font des expreffioris tout -a- fait royales lans doute 9 " Tom. II ' % .11 ' F  Correfpondance poïitique. par leur laconifme. Je vous ferai fournir tout lm^tnecejraire, eft aifé a dire, & un peu plus difficile a executer. II faut au moins en avoir, ou en trouver. Les impots ou les emprunts lont donc inévitables pour s'en procurer, 2„ «J?™'Je VOi,s dans cette Phrafe une idéé plus affligeante qu'énergique. Qiie mes ennemis ne croyent pas avoir pour cela wie meilleure compofition de moi, annonce ete la grandeur d'ame : mais ils n'auront la paix qu au pnx oïij'ai voulu la mettre, indi- que une hauteur dont il faudroit probablement rabattre h on 1'éprouvoit. Ce ton altier étoit celui de Louis XIV, qui portoit 1'orgueil iuf- qua le croire deftiné pour faire la loi a 1'uni- vers , comme Alexandre pour le conquérir. II fut pourtant obligé plus d'une fois, de recevoir la paix aux condttions qu'il plut d fes ennemis dy mettre. II n'eft pas apparent qu'un jeune Monarque, fenfib e, modeite, humain-, qui defire la paix dont le coeur fouftre des calamités qu'enfante la guerre, s exprime en langage auffi hautain, humiliant pour des ennemis, qui font encore affez puillans , Je .ne dis pas pour 1'empêcher de leur prejenre des conditions, mais méme pour remporter fur fes flottes, des fuccès éclatans; & qui, par-la méme, pourroient s'obftiner a prolonger les malheurs des peuples, ne füt-ce que pour ie fouftraire a 1'humiliation de recevoii-la pi d w Prince aux prédéceffeurs duquel ils l ont tant de fois diétée. D'ailleurs .le Roi de France n'eft pas le feul ennemi de YAngleterre. En fuppofant qu'elle foit deitinee a recevoir des conditions dures, ce n eft ni Louis XVI uniquement qui 1'y réduit, m a lm exclufivement qu appartient le droit de les prefcrue. II me femble que le Congres de  Correfpondance poUtique tf PJiiladelphie, le cahinet de Madrid & les Etats généraux, ayant part a 1'abailTement du Léopard Britannique, en auront auffi une fans doute aux Hens dont il s'agira de faire choix, pour garroter eet animal féroce & mutin. II feroit donc peu convenable qu'une des mains employées a le chatier de lbn audace & de fon I jnfolence., prétendit feule a 1'honneur de Pen- > chainer. II y a plus. Malgré Tépuilement de la Grando S Bretagne, ül'Amérique fe réuniffoit ala métro» 1 pole, a quei titre que ce fut; fi YEfpagne, \ après s'être tenue fur la défenfive durant trois 9 ans, couronnoit les proueffes par fe retirer tout ] a fait; .fi la Sémiramis du Nord, par fa médiaI lion, parvenoit a repatrier deux peuples long] temps unis; les Anglois feroient encore affez 1 formidables & aflez énergiques, .pour extermi: ner la marine Franpife , .& diéter la loi a la j France. Ils font certainement plus puiffans aui jourd'hui fur mer, qu'ils ne 1'étoient quand ils I écraferent a la Hogue les flottes de Louis X1V> &c qu'ils lui prefcri.voient a Getruydemberg, les conditions de la paix. Et il s'en faut bien affurement, que la France foit auffi redoutable par rj terre, qu'elle 1'étoit alors. Ce propos, fi 1'on pouvoit croire qu'il alt j échappé au Roi, ne feroit donc rti vrai, ni placé, ni prudent; d'oü il eft aifé de conclure que S. M. ne Ta pas tenu. Mais il remplit unelacune dans les Gazettes,: il .eft propre a en .impofer aux fots, qui font Je plus grand nombre dans ce monde, & fur 1'imbécillité .defquels le fuccès | des Gazettes eft fondé. Les Souverains & les hommes d'un eertain acabi font bien a plaindrc d'étre expofés a fo voir traduits, deux fois parfemaine, devant lg Vu  Correfpondance poïitique. public, d'une maniere plus propre a les com, promettre, qu'a leur concilier le refcecl des peuples. Si les originaux reffembloient aux portraits qu'en tracent fouvent les périodiftes , ij taut avouer qu'on feroit excufable d'éprouver pour leurs perfonnes plus de dégout, que de venéracion. n .Si les xMaitrcs du monde fefoient bien ils fuppnmeroient toutes les Gazettes, ou du moins ils nen laifferoient faire qu'aux Ecrivains qui en font capables, Malheureufcment les Miniftres fi aiment pas qu'on inftruife les Rois : ils preferent qu'on leur faffe dire des fottifes, ou qu'on ies^oue plattement & de travers. II eft certain quune louange fade, ou faulTe, blcff; moins les yeux que la lumicre , & les orcilks que la venté, x ; On applaudit Louis XV l d'une répartie, qui militie: en effet des éloges, par la fenfibilité dont elle eft lexpreffion. Quelqu'un lui parloit de la perte_ de fes vaiffeaux. On peut la réparer^ répondit le Monarque avec émotion ; mais oü retrouver tous hs braves gens que j'ai perdus ? Ge difcours eft bien différent de celui du grand Condé, après la boucherie de Sénef. II fournit pourtant matiere a deux remarques, qui ont autant de jufteffe, qu'il a lui-même d'intérét. Premiéxement, fi les Potentats fentent fi bien le pnx des braves gens qui périffent pour eux, pourquoi donc en ïacrifient-ils un fi grand nombre lans néceffité? Que ne vuident-ils leurs quer relles eux-mêmes, lans livrer a la tuerie tant de malheureux qu'elles ne touchent pas ? D'ou vien.t que par inadyertance, ou par roldeur, un Prince sxpofe fes peuples aux calamités de la guerre, non pas pour acquérir des avantages •qui puiffent les cömpenfer , mais fouvent pour „des gombiuaiiöns qui leur font indifférentes ? Et  Correfpondance poïitique. 89 ce feroit de Ia même bouche qui exprime cette cxclamation totichante fur la perte de tant de braves gens, que feroit forti eet arfét cruel & peu décent ? Mes ennemis n'auront la paix qu'au prix ou j'ai voulu la mettre. Secondement, la perte des Vaiffeaux n'eft pas ' plus aifée a réparer que celle des hommes, fur: toutenFm/?ce, ouces derniers font fi communs. '■ Cette réminifcence, (1) outre qu'elle eft peu flati teufe pour ceux qui furvivent, ne préfente pas une idéé jufte, 11 en coüte plus d'argent> de' : peines & de travail pour conftruire, armer, apj provilioner un navire de guerre , que pour ie procurer les 8 ou 900 hommes qui le montent Cela eft vrai, non feulement pour 1'Adminiftration qui fait une partie de ces dépenles, mais i encore pour la fociété qui les fouffre toutes. Batir des vaiffeaux pour les perdre, c'eft 1'épuifer des productions de la nature, la frufter des tra; vaux humains deftinés a la vivirier ; & facritier 1 des^ hommes c'eft diminuer le nombre des individus miférables qui la compofent- 11 paroit bien que les correfpondans du Gazetier de Lcyden, n'ont pas étudié 1'art de régir (1) Louis XIV avoit dit la même chofe, a peu prés dans les mêmes termes, après la déroute de la Hogue. Tourvilh efi-il fauvé, demande le Monarque? Tour des Vaiffeaux , on feut en trouver j mais on ne trouveroit pas aifémtnt un Officier comme lui. Mais Tourville étoit tin grand homme. II s'agiflbit d'un chef liahile , chofe fort rare, & non pas d'équipages nombreux & braves, chofe qui 1'eft moins. Cependant Louis XIV auroit retrouvé plus d'un lour-vilk, & il ne put reléver fa marine détruite. II dépeupla fon Pays & obéra fes Etats par fes guerres meurtfieres & ruineufes; il ftcheVa de coirompre & d'ëpuifer fon peuple > par fon fafte & fel prolülions,  Correfpondance poïitique. le monde & les habitans, fous fon vrai point de vue. Sans cela ils auroient appergu que la perte des chofcs eft plus nuifible au genre hu* niain, que celle des perfmnes. II y a moins depréjudice pour la föcieté, moins de cruauté envers fès membres, de les tuer que de leur enlever leur fubfiftance, en les écrafant de traVaux inutiles ou funeftes. La guerre, quand elle n'eft que fanglante,. éft falutaire a la fociété. Elle eft pour le genrehumain, ce que la faignée eft pour les iudividus, dans V'apoplexie :. elle la débarraffe des huïneurs qui rincommodent, & prévient une plénitude qui pourroit la fufibquer. On peut regréter ou pleurer les individus qu'elle immole inais elle régénère Pefpèce.. Depuis 1'ufage des armes a feu elle eft deveflue moins fanguinaire,. mais elle eft plus défaffreulè & plus meurtriere. On tue moins de monde, mais on fait mourir plus de perfonnes : on fend moins de ventres, mais on en affame un plus grand nombre. C'eft fur les fubfiftances plusque fur les têtes deftinées' a les confamer, que portent fes ravages. Bien des gens font dans 1'opinion qu'elle eft moins funefte aujourd'hui, qu'avant la découverte de la Poudre d Canon. Ils fe trompent. Ces gens la n'évaluent que le fang.répandu dans les combats & dans les licges : ils ne comparent que les monceaux de cadavres laillés de nos jours fur les champs de bataille, avec ceux que la bravoure héroique laiffoit fur ceux des liècles précédens. lis comptent pour rien les bras fracaffés, les jambes emportées, les yeux créVés % les cötes enfoncées. lis ne confiderent ni les préparatifs- de la guerre, qui font aétuellement plus de mal durant la paix T qu'autrefois la gueiresaêaae n'en caufoit dans- lbn activité Mt ni fes ac-  Correfpondance poïitique. 91 compagnemens qui font immenfes; ni fes fuites qui font affreufes. Son infiuence fatale ne lè borne pas au terrain qu'elle dévafte & arroie de fang : fes dévaftations s'étendent au loin. Une Province éloignée de deux cent lieues , en ibulTre fouvent davantage, que celle qui lui lèrt de théatre. Combien de monde qu'on fait périr de mifère, pour alimenter les guerriers! Combien de gens qui fuccombent de fatigues, en conduifant les héros de bronze & les argumens de fer, fur le champ de 1'honneur ! Certainement il en coüte plus en tout lens pour tirer un coup de Canon aujourd'hui, qu'il n'en coütoit jadis, pour décider du fort d'un Royaume. Voila les eireurs qui pullulent encore. de nos jours: voila comme on raifonne dans un lièele de ïumieres. Apparamment qu'une émiffion trop abondante de rayons, offuique la vue. Louis XIV dans quatre guerres qui durerent 33 ans, fit périr les armes a la main 3 millions de fes foldats, fans parler de ceux de 1'ennemi qu'il fit tucr, maflaerer ou brüler. Ses armées & fes flottes, fe batoient cependant avec des armes a feu- Pour les nourrir & leur procurer les ingrédiens néceffaires a leurs exploits, il expola a mourir de faim dix millions de fes fujets , un pareil nombre de ceux de fes ennemis, & il en empêcha autant de- naitre. Affuremént-, Rome toujours armée & teinte de fang, ne fit pas en fix fiècles, avec fes javelos, lés fléches & fes coutelas, une auffi effroyable plaie au genre hu main. Les Frangois & les Anglois fèmblent ie piquer d'émulation pour en augmenter les fatigues & les privations, par leurs eftbrts a translormer les produétions de la nature, avee- le travail des hommes, en inftrumens deftruéteurs> F i  92 Correfpondance poütiqué. fcientöt ja fociété yerra la moitié des frmts de£ ttLnes a pourvoir a fes befoins, métamorphofcs en uftenciles de guerre, en agens meurtriers: elle a deja plus de canons, de mortiers, de fa- Sr n1i?s Jf ?U-^e : dIe ne ^derapasa compter plus dë Vaiffeaux armés de lafoudre* pour la detruire^ que d'atteliers de manufaéture pour habiller fes membres; plus de foldats & de matelots voues a confommer dans 1'oifivélé, ou a exterminer avec fureur, qüe de laboureürs & d amfans oefcupés a réparer les dégats de ces devaftateurs impitoyables. , Pendant qüe le. Gouvernement de Ver rallies ordónne des conftruétions pour remplacer doübiement les dix ou douze vailTeaux qu'il a perdu depuis quatre mois; celui de Londres qui en a tait 1 acquifition a coirps de. canons, & qui pourroi^ par cette raifon , fe difbenfer d'en conftruire pour conferver une fupérioritë qu'il n elt pas aifé a fes ennemis de lui enlever: en accroit auffi le nombre fur les chantiers; après 1 avoir au^menté par des conquétes. .. C'eft meme une chofe inconcevablé qüe Tactivité que la nouvelle adminiftration donne auv opérations & aux travaux publics. Ayant vivement cenfuré 1'ancienne de fon indolence, elle ne veut pas mériter le méme reproche. Tous leê chantiers royaux & particuiiers de la Tamijt font employés pour le fervice du Gouvernement; On alTure méme, qu'en Cé moment, ce fleuve orgueilleux, voit fur fes rives au-dela de foixante batimens dont plus de trente font des vailTeaux de ligne \ commencés depuis la régénération du Miniftère. .Quelle.effrayante profufion hé néceffitent p;É cfauffi. prodigieux éftörts 1 Oü trouver fans nuire ft i agriculture^ aux artsj au commerce* la mul-  Correfpondance poïitique, 79 tkiide dc bras néceffaires pour exécuter tant & • de fi funeftes travaux ? Ou prendre de 1'argent pour falarier les hommes qui les éxécutent, & . 1 des dcnrées pour les nourrir ? Uri pays, quelque riehe qu'il foitj ne doit-il pas étre prompj tement épuifé de commeftibles & de marchanï difes, quand la poïitique métamorpholè la moiI tié de fes habitans 4 eri marins, en foldats, ea [] charpentiers, qui ne créent rien d'urile, & qui \ détruifent tant de chofes féclamées par les beI foins de la fociété? Des vaiffeaux & les canons dont on les art me, ne fuffifent pas poür fe battre : il faut des i hommes pour les mouvoir, & de 1'argent pour i foudoyër les machines humaines qui les meuj vent. C'eft la le plus grand embarras de VAn% gleterre. Comment tröuvef des eipèces , après ^ avoir prodigué en fept aris, trois milliards de' i livres tóumois ? Oü chercher des bras pour i mettre cinq cents navires de töutes grandeurs i én mouvement, après en avoir fait périr prefqu'un million de fatigues * par des boulets ou des balles, dans lë méme eipace de temps ? A la difette d'argent on fupplée par la refi fource ordinaire, celle des emprunts, méthode ( admirablc, pour obérer ün Etat, & ruiner un I peuple, A celle des hommes, on remédié par la | prejfe, appanage merveilleux de la liberté, caj raétère intégrant d'un Gouvernement libre, pali ladium d'une conftitution fublime. Les fubndes : ordinaires ne fuffifant pas j on les doublé, on les tj triplei Les enrolemens volontaires n'étant pas | aifez confidérables pour équiper la marine, on i la compléte par la violence. Comme le befoin de matelots eft proportioné, d'une part au nombre que les maladies & les : combats ont fait périr ; de 1'autre a 1'augmentation des forces qu'on va lancer fur 1'Elément  94 Correfpondance poïitique. oü 1'on vcut dominer; jamais il ne s'elï fait plus Vivement fentir k\zGrande-Bretagne, que dans le moment préfent. Des vaiffeaux font enlevés è la France; mais ils n'ont pas d'équipages qui puilfent fervir : d'autres fortent neufs ou radoubés des chantiers de 1'empire; mais ils manquent de monde pour les manosuvrer. Une flotte combinée va fortir de Cadix; une divifion qui doit la joindre eft piête a fortir de Breft; une efcadre s'apréte a s'élancer du Texel. Que faire pour prévenir la réunion de ces trois orages, dont le choc pourroit faire éclater la foudre fur la fiere Albion, & 1'éerafer ? Un Miniftère vigilant, fecondé par des prépofés aétifs, & par 1'enthoufiafme que produifent les fuccès, parvient cependant a parer ce coup fatal, qui paroiifoit infaillible. D'abord il tache de ramaffer du monde pour équipper fes vaiffeaux. L'Amirauté étend fes filets fur les bords de la Tamifè & dans tous les ports du Royaume, oü depuis quelque temps les gens de mer, n'étant plus effrayés par 1'apparit,on des meutes de prejjeurs, fe montroient avee Lcurité. Au fignal donné, cent bandes de ces dogues s'élancent a la fois; enlevent a Londres feule, 1300 matelots. Le méme ordre, exécuté avec le méme fuccès par-tout, produit pour équiper 6 vaiffeaux de ligne. En même temps Ylrlande offre des hommes pour en équiper 25 ou 30. En attendant qu'ils arrivent, on repartit fur ceux qui ne le font pas encore, les Régimens mariniers, pour leur ièrvir d'équipages. Pendant que ces mefures fe prennent, une efcadre eft envoyée bloquer notre flotte dans le Texel; une autre va clouer M. de la MottePiquet dans le port de Breft. A lapproche de MM. de Ccrdova. & de Guichen, ua réunira  Correjpondance poïitique. $5 ces deux efcadres aux autres vaiffeaux qui srapprêtent a Plymouth, a Porfmouth; & ils irront au nombre de 35 ou 40 faluer les pavülons combines de France & d'Efpagne. Je ne ferois pas furpris que la nouvelle de cette rencontre, feroit encore accompagnée de celle d'une viétoire remportce par les Anglois. Je ne le fouhaite pas affurement : mais fi cela arrivoit, ce ne feroit pas ma faute. Qu'eft allé faire M. de Guichen a Cadix ? qu'y fut-il faire 1'année derniere? qu'y avoit on été faire les années précédentes ? Les EJpagnols ne fauroient-iïs fortir de léurs ports, fans être pouffés par les Francois, ni aller promener fur 1'ücéan, fans y être conduits ? Pourquoi, a chaque Campagne, fautil perdre fix mois pour les aller chercher ? Ijs s'en retournent bien tout-fèuls : ne pourroient-üs pas venir de même? En compagnie ou non, leurs promenades ne font peur qu'aux poiflbns. Pour eonfoler Ia France du rêvers des Antilles, un oifif oftlcieux de Paris, ou un menteur périodique de 1'étranger, vient d'inventer dés fuccès dans YInde. D'abord on répand le brult que M. d'Orvès les a obtenus : puis on publie une lettre qui les attribue a M. de Suf ren. Cette nouvelle fait en trois mois, un trajet pour lequel il en faut ordinairement fix. „ Elle vient „ par un batiment de guerre Hollandois, allant „ porter en France la reprife de Trinquemalle „ par 1'efcadre Francoife r " ce font les termes de 1'impofteur. Malgré fes caraéteres évidens de faulfeté, ce conté-bleu tourne fes têtés Paryfiennes, accoutumées a 1'impropriété des termes , par les phénix de YAcadémie. Mais les gens fenfés ne croient pas a la reprijè, apportée en France par un batiment de guerre Hollandois. Ils difent que la viétoire de Rodney ne -prouve pas la défaite de Sir Liugues : pai-ce que  96 Correfpondance poïitique lZ vl vaiTeUr5 ce n'eft Pas une raifon pour que 1 autre foit vaincu. Bien loin que celui-ci ait éflüyé un échec, Comme lecrivent M de Si. Prieft, les pachas d ^ & de Bagdad, qu'on fait auffi intcrvenir comme les garans dü fuccès des armes FranSoijes dans ces climats éloignés ; celles des fnghu y triomphent fur la Fiance , la /M/arafe cc Hyder-Ali \ elles ont batu Complétement, en diverfes rencontres, eet ennemi irréconciliable, & fait fur nous la conquéte de plulieurs ttabliffemens importans. U^ingleterre fe dedommage kir nos poffeffions en Afie, de Ta perte de celles que la révolte lui a enlevées dans le nouveau monde. Que produiront tant de fuccès brillans ou équïvoques, iur la pacification générale, ou particuliere, dont on dit que des Puiffimces refpectabJes soccupentféricufement? Rien : probablement rien. Ils ne font pas affez décififs pour obliger ia trance & nous a demander la paix j ils jont trop efientiels & trop conftans, pour forcer1 la Crrande-Bretagne a 1'offrir a fes ennemis. Elle ne ie fera donc point. On avoit concu 1'efpoir de la voir renaitre promptement» après la régénération du cabinet de James* Ses nouveaux membres, avantque d y entrer, avoient promis a la nation de la rameper, finon avec la Fmnce & VEfpagne* aumoins avec. YAmériqne & les Provinces-Unies. i^urs diipolitions apparentes n'indiquent pas d'éJoignement pour une réconciliation univerfelle i leurs premières démarches iémbloient la promettre a la terre. Une grande Princeffe, qui ambitionne le titre gloricux de Pacificatrice des nations, paroiffoit devoir influer fur le retour de la paix. Cependant 1'efpérance de la voir revenu* confoler tant de contrées ravagées par la  Correfpondance pollitïque. 97 guerre,011 ruinées pour la foutenir, s'afFoiblit de jour en jour; & quoique bien des perfonnes pretendent qu'on travaille férieufement a la rendre aux peuples défolés, il eft vraifemblable qu'ils en feront encore longtemps privés. II y a bien des chofes qui s'oppofent a la confeftlon de eet ouvrage déftrable, ou qui contribueront a en retarder la conclufion. D'abord, foit que les avances de la Cour de Londres ne paroiffent pas fincères, foit que fes oiTres ne foient pas de nature a être acceptées; les ouvertures ne font pas accueillies avec ce dégré d'empref•fement & de conlidération, qui préfage une iffue favorable. Ses propoficions ont produit chez nous un eöet tout contraire a celui qu'elle devoit en .attendre. La France ne montre pas un deftr véhément de prêter 1'oreille a celles qu'elle en recoit; & quoiqu'on ne puilTe pas encore être inftruit de la fenfation que produira en Ainériqne,, i'arrivée du meifager de paix, Carleton, onpeut conjecrurer que bien des motifs empêcheront les ofties dont il eft porteur d'y être, linon écoutées, du moins recues. Les affaires font embrouillées au point, qu'il fera fort difficile a la dexcérité des négociateurs les plus habiles de les démêler. II y a trop de monde a contenter, ou a réduire a la railön. II exiftc trop d'intérêts compliqués, de vues qui le croifent, pour qu'il foit aifé de les concilier autrement que par la ruine d'un des contendans, 'ou par lepuilèment des autres; ce qui n'annonce pour pacificateurs, que les canons qui porteront de graïids coups a quelqu'un d'eux, 'ou le temps qui les fatiguera tous. Cette peripective n'eft pas confoiante, mais elle eft vraifemblable. En Amérique on p:étend, non pas a la liberté, car il n'y en a plus fur la terre , mais a 1'indépendance. Ea france on veut l'abbaifliioient de 1'Empire Britgmifue;  9& -Correfpondance poïitique. chez nous la liberté de ]a navigation : en Efpague ©k ne fait pas trop ce qu'on veut; mais probablement on y veut quelque chofe. En Angleterre on ne voudroit rien de tout cela. On defïreroit de reconquérir les colonres, ou du moins de les aflbcier a leur défunte métrcpole. On fouhaite de réparer la faute impardonnable, la fottife énorme qu'on a faite en rompant avec nous; & tacher ou d'opérer la défeérion des Efpagnols, ou de les faire repentir de leur réfiftance, en enveloppant leur marine dans la ruine de celle de France qu'on va tenter d'écrafer. A ces prétentions générales, qui forment des difficultés de la même efpéce au retour de la paix, fe joignent dej prétentions particulieres, qui ne mettront pas de moindres obftacles dans lbn chemin. C'eft a une réconciliation féparée avec YAmérique & nous, que V Angleterre afpire; c'eft a une paix univerfelle que les autres Puiffances belligérantes prétendent. La Rujfie qui a offert fa médiation fur le premier plan, & qui perfévere a le fou tenir, ne réunit pas, pour le faire fuivre, ce dégré de puiflance qui intimide, ou de confidération qui en impofe. Trop éloignée pour jouer un role bien efficace dans les négociatior.s, & trop foible fur iner pour jetter dans la balance un poids capable de la faire pene-her; fon interv-ntion n'aboutira a rien, ou qu a peu de chofe. On n'a pas jufqu'ici montré beaucoup d'égards pour fes offres obligeantes •, & i! paroit que 1'on commence a concevoir de la défiance de eet officieux zéle Hyperboréen. II eft afl'ez connu que les Miniftres de St. James ne font rien moins qtt'unis entre eux, & d'accords fur la nécefiké , ou de faire la paix, ou de continuer la guerre. M. Fox, ce républicain outré, qui, ayec fes partifans., renowvelleroit fans fcrupules les icènes qui ont préparé le règne de Cromivel, voudroit, nonfeulement accorder 1'indépendance abfolue de VAmérique, faire une paix féparée avec la Hollandemais encore une paix générale, a quelque prix que ce foit, avec tous les ennemis de *?Angleterre ; paree qu'il s'étoit vanté, avant de devenir Miniftre, d'étre capable d'opérer ce grand ouvrage; paree qu'il iènt bien que s'il ne tient pas parole, il fera bientöt culhuté ; .paree qu'en faifapt polér les armes aux quatre peuples qui les ont prifes contre la Grande-Bre~ tagne , il acquenoit, avec lbn pani, fur celui du Roi*  Carrejpondance poïitique'. 5ne prépondérance, qui le mettröit a même d'effec'raer lfeï projets démocratiques. Mais il a un terrible adverfaire dans le Corate de Schelburn , royalifte zélé, poïitique inftruit & ferme, qui ft difpofe a jouer le role du grand Chatam. II a toujours été comme lui d'opinion qu'il falloit accorder aux colonies toutes les prérogatives utiles ou honorables qui pouvoient les attacher a la métropole ; mais il n'eft jamais entré'daris fon fyftême de les laiflèr ' échapper, ou par Findépendance, ou par la conquête. II eft perfuadé qu'en Europe, fon pays n'a d'ennemi naturel que la France , & que la poïitique ne doit pas lui en fufciter d'autre. De fes difpofitions comme de fes principes, il eft aifé de eonclure fi, pour peu qu'il foit écouté dans les cotifeils, & que lbn avis y prévale, le retour de la paix eft prochain. Les ouvertures que le nouveau Miniftère de Londret en a fait faire a la Hollande étant venues fort tard, il étoit tout fimple que la République penfat a fa fureté, & qu'elle prït avec les autres ennemis de VAngleterre des mefures efficaces, pour la garantir du danger dont 1'ancienne Adminiftration la mcnacdt. Peut-être avonsnous mis trop de precipitation a reconnoitre 1'indépendance de VAmériqu;; démarche qui ne fauroit nous proeurer aucun bien, & qut peut nous attirer beaucoupde mal. Mais enfin, ce pas fcabreux eft fait: il n'y a plus de remède. D'un autre cöté, nous avonsformé une alliance avec la France , concerté les opérations de la campagne , & pris 1'engagement de n'accepter ni armitice , ni réconcilation fans foa concours ou fon aveu. D'apkès eet état des chofes, com.neat les Province: - Unies pourroient elles entrer en négociation avec VAngleterre , pour une paix féparée ? comment la Rujfte peut-elle inlifter pour nous y déterminer ? Si c'eft 1'office de Médiatrice ou d'arbitre qu'elle veut remplir, ne feroit-il pas encore plus digae de Catberine II, de 1'offrir a toutes les puiffances beiligerantes, pour les réunir? Quelque lalutatres que foient ces bons offices; quelque refpe&able que foit la jtaaiu qui nous les .prélènts , ne fommes nous pas les roaitres de les rej etter, ou fommes nous encore libres •de les accepter ? Ge n'eft pas la 1'aute de S. M. I. fans doute , fi nous fommes dans i'knpaiilttBce, ou fi nous manquoiis de volonté, pour fuiyre les vues bienfai&nres.  ioo Correfpondance poïitique. Mais enfin, il fuffit qne cela foit ainfi , pour qu»il ne lui refte, avec notre gratimde, que la douleur de n'avoir pu nous rendre le fervice important que-fa grand ame lui avoit inlpiré. L'immobilité des autres puiffances neutres n'eft pas moins extraordinaire, que les mouvemens de la RuJJie : leur mdifférence , pour effeöuer une paix générale, eft auffi étonnante que fo« atftivité pour opérer une réconciliation particuliere. D'oü vient que la ' Suède, le Dammerk , la Pruffe & 1'Empereur, ne s'empreflent pas a feconder leur célèbre alliée, dans fes vues pacifiques? Ils ont accédé a fon plan de neutralité : Cpmment fe faitU qu'ils ne fe réuniflènt pas tous a fon auteur pour 1'appuier ? L'empreflement de celui-ci & 1'inaétion de ceux-la, ne peuvent-ils pas faire foupconnerde leur part, - le defir de voir prolonger la guerre, déguifë' fous les apparences de s'occuper a ramener la paix ? Et en effet, ils nont pas de motils pour faire, ni finir 1'une, ni renaitre 1 autre. On dit que 1'incomparable Jofepb II s'eft joint a fon Augufte Coufine, pour eflayer de nous raccommoder avec nos ennemis. Mais il faut, ou que L. M. I. veuJent foiblement ce rapprochement, ou que nous foyons bien opimatres a le r.ejetter; car nous nous aliénons toujours plus , a mefure qu'on témoigne 1'envle de nous rapprocher. D'ailleurs, quelle raifon 1'Empereur pourroitil avoir de nous reconcilier avec les Anglais, plutötque fon beau Frere Louis XVI, avec fon Coufin deorge Ui ? II n'y a donc pas d'apparence d'une paix prochaine ? Ou il faut une elpèce de miracle pour la faire revenir .ou te hommcsqui la rameneront ,'feront d'habiles gens! Si 1'on vo.uloit en croire quelques poiitiques liniftres, on^ craindroit bien piutöt que Ja difcorde ne s'ap-«; prête a ftcouer ailleurs fes funeftes brandons , & 'la guerre' a etendre plus loin fes ravages délölans. Us prétendent qu'il s éleve dans 1'atmofphère poïitique certains nuages d'oü la foudre ne tandera pas éciater. Ils apprehendent que le Canon , qui va ronfler a Geneve pour y expier le ..crime énorme de s'étre cru li bres , ne foit le prélude de celui qui grondera bientót autre part, pour prouver aux hommes qu'ils r.e font plus que des Efclaves, triftes jouets des pmLons ou des caprices de leurs redoutables patrons.  CORRESPONDANCE POLITIQUE, CIVILE et LITTERAIRE, POÜR SERVIR A L'HISTOIRE du XVIII! SIÈCLE. T O M E S E C O N D. SECOND CAHYER. Je ne fers ni Baal, ni le Dien d'Ifra'él. A B E R L I N, Chez ETIENNE de BOURDAUX, 1782, ct fc trouve a Leipzich, chez Crufius; a Hambourg, chez la Veuve Herold; a Vietme, chez Graffer; a Hanovre, chez les Fvères JJelmnck; A Stratsbourg, chez Bauer; A Manheim, chez La Fontaine; AL'Isie, chez Jacquier; hCopenhague, chez Heineke Faber; a Fribourg, chez Baffé; A Augsbourg, chez La Feww Klette; a ^«v«m, chez J. F. dcBork, a 5mxchez Fion; a Oeveit chez A. Ter Meer, a Francfort, chez Bronner. a la Haye, chez Coj/«; a Amflerdam, chez Clianguion; a Rotterdam, chez Bennet & Hnache. &c. &C. KC Prix 8 bons gros.   A V I S. „a y^et. Ouvrage périodique, qui avoit paru durant les premiers mois hebdoritai éairement & par feuille, après une interruption de plufieurs femaines, caufée par le dé* rangement de la lanté du Réda&eur, & par les nouvelles mefures qu'on a dü prendfe pour la publication & la diftribution, va fa pourfuivre avec plus de régularité & d'exadtitude, quoiqu'il ait plu au mauvais plai-" fant, M. Cerijier-j d'en annoncer la mort. ■ La diftribution hebdomadaire réunilTant plufieurs inconvéniens 3 foit pour Tordre de» matières, qui fe trouvent fouvent par cette fo.rme, mutilées ou interrompues, foit po«£ la livraifon de TQuvrage, qui, s'eifedue avec plus d'embarras & de fraix; on s'eft déter* 2 miné  vr Avi s. miné h le faire paroïtre & a le livrer par Cahyers de 6 feuilles, plus ou moins, qui formeront autant de numéros, jufqifa ce que le nombre de $2 Nos, qui ferment la première année, foit complet. Cq Cahyer renferme les Nos 33, 34,., 35> 3<5> 37> & 38. Le Cahyer fuivant xenfermera les Nos S9> 405 4-1 &c. En adoptant cette forme, on a un peu altéréle premier titre, qui fe trouvoit trop reflerré, pour le genre de l'Ouvrage. Le prix de chaque Cahyer eft fixé a hmt hons gros; ce qui réduit le prix de TOuyrage k la moitié de celui auquel on 1'avoit annoncé. Les 3 2 Nos qui ont déja paru vont étre réimprimés incelTamment avec le même caraclère & du même format, que ce Cahyer, & feront livrés également par Cahyers du Volume & du prix de celu-ci. DIXIEME  CORRESPONDANCE POLITIQUE, CIVILE et LITTERAIRE, POUR SÉRVIR a L'HISTOIRE du XVIIP. SIÈCLE. n". XXXllt tETTRE h UEDITEUR de eet Ouvrage. Amfterdam le io Juükt 1782: Je fuisj Monfieur,- ce foufcripteur qui, le mois, & Avril dernier, vous a écrit la lettre, que vousi. avez publiée dans votre N° 27. Quoique vous ne\1'ayez pas accompagneé d'un mot de ré poule, je luis fï Üatté de 1'accueil que vous lui avez fait, que je ne puis réfifter au. defir d'eiTayer d'en mériter un pareii. T&yti glorieux de me voir imprimé, j'ai prefque 1'orgueil de ine eroire digne de 1'impreffion. II eft vrai., qu'on imprimé tant de drogucs & de fottifes, que 1'honneur da faire gémir la preffe n'eft pas une caution de la bomé des phrafes alignées fous ce dodie inftrumeut. Le croiriez-vous, Moniiéur? c'eft a la vanité ne vous criuquer,. que j'alpire aujouid'iriiL Jehe iajs Tom. 11. 0 ' gÜ=jW  9& Correjpondance Poïitique. quelle manie me tourmente; mais je fens 1'envie de vous cdmmuniquer des obfervations, que mon amour propre me repréfente comme de la plus grande coniéquence. Bien des auteurs ne verroient dans ce procédé que de 1'ingratitude; vous, Monfieur, n'y voyez qu'ur» témoignage de mon eftime pour votre perfonne. & de mon admiration pour vos écrits. Au fein d'une ville, oti 1'aveugle enthoufiafme répubhcain, oula fureur de 1'efpnt de parti, qui n'a ni hrjnte, m éqmté, empéchent de les goutér, ie les dévore avec autant d'ardeur que de plaifir. Je ne fuis pas Ie feul qui les lit avec intérèt; plufieurs de mes Compatnotes en font leurs délices. Nbtre opulente & luperbe Cité renferme encore un grand nombre de Citoyens calmes & impartiaux, exempfs de 1'effervefcence qui égare les autres, oü de la paffion qui les emporte. Ce que je vais vous dire, Monfieur, vousprouvera que les habitans d''Amfterdam ne font pas tous, ou trompés par Terreur, ou entrainés par le fanatifme. Nous formons ici une efpèce tfe club, compofés d'hommes paifibles & inftruits, qui ont étudié la conilitution imparfaite & corripliquée de leur patrie; "oui ne fervent comme vous ni Baal, ni le Dieu cTJsrml c'eft-a-dire, qui ne font pas aveugiement dévoués» ou au parti du Stadhoudre, ou è celui qui tend a le ï-enverfer; qui fouhaitent le bonheur de leur pays, & Ie fervent dans leur fphére, de tout leur pouvoir, en prévcnant chez les uns la contagion de Pefprit de révolte, en guériffant les autres de ce fatal vertige, que Variftocratie fomente, pour étendre fa puiiTance en fe débarraflfant du frein falutaire, que la fagefle de nos peres a découvert & adopté, dans la charge du> Stadh'iderat, è qui la République a dü fon exiftence, & enfuite fon falut dans les conjonctures les plus allarmantcs, oïi la jaloufieöc 1'ambition de fes voiansl'oat fait pader. Dansles petitesCongrégations patriotiques, que nous tenons avec une circonfpeclion proportionée au danger que des citoyens fages cóurrent toujours parmi un peuple prévenu & paffionné, nous lifons tout ce qu'on publie pour ou contre Ie parti de la Cour, & celui de ia ville d'Amfterdam. La plüpart de ces écrits ne méritent  Civile Litteraire. g§ méritent pas d'étre lüs; leur platitude, ou la partialitéde leurs Auteurs n'infpirent pour le plus grand nombre qüe le dégout ou Ie mépris. II nous a fouvent fait de la peine, Monfieur, de voir que le vótre, qui eft fi fupérieur & ces rapfodies impertinentes, & a ces tocfins de fedition qui ineendient les efprits, ou affomment les boutiques de nos libraires, renferme cependant beaucoup de chofes, oii qui manquentde jufleffe, ou qui prêtent a la cenfure deVos adverfaires & a ceux de la caufe que vous plaidez avec tant d'éloquence & de force. Les amis de la paix & de la concorde auroient fouhaité, qu'un écrivain auffi diftingué par la vigueur de fes raifonnemens que par la beauté de fa diftion, ne le fut pas moins par i'exa&itude des faits & par les notion juftes des objets. qu'il difcute. Ils auroient vu avec plaifir que vous euffiez réuni au nerf du ftile & a la fécondité des réflexions, une connoiffance plus approfondie de notre conftitution, de la police de notre pays, du dégré d'autorité, dont les divers membres du Gouvernement Tont revêtus, des differentesjuridictions qu'il renferme , & d'autres particularités femblables, fur lefqueiles il eft aifé de fe méprendre, quand on n'a pas fait de ces Objets une étude longue & particuliere. Quoique fouvent de peu de conféquence, ces fortes de méprifes ne laiffent pas de prêter a la malignité, & dé fournir aux ennemis du bon ordre, le prétexte de décrier 1'ouvrage le mieux fait. Le vótre, Monfieur, me parait trop bien écrit, & publié dans de trop bonnes vues, pour que je ne défire pas avec vos admirateurs, qu'il fut exerript de ces inadvertances, ou de ces erreurs, dont le Poïitique Hollandois fourmille. L'cxactitude, la précifion a faifir les nuances qui féparent la vérité du menfonge, oü qui empêchefit de les confondre, ne pourroient qu'ajouter au mérite qui diftingué votre production de toutes celles dont les preffes nous innondent. Vous ne devez pas vous ofTenfer, Monfieur,- dui voeu de vos lefteurs éclairés, dont je fuis ici 1'orgsne. II eft motivé, & par 1'intérêt qu'ils prennent a votre gloire, & par le defir qu'ils ont de voir 1'ufage de vpl talens attcindre le but le plus rfoble, celui de fauver votre patrie du précipice, oh des faétjoas dénatu '^is5 G a 1'onfc  ioo Correfpondance Poïitique. ' ■ , 1 lont plongée. Voüs nedevezpas non plus vous cho* quer, s'ils ont le courage de vous reproeher des défauts, qui donnent prife aux ennemis du bien public, pour empoifonner le motif qui vous anime, & arrêtèr l'efFet que vos obfervations produiroient dans refprit de lanation, fi une fois elle etoit convaincue que vous n'écrivez que pour défendre fes droits, & 1'éclairer fur fes vrais intéréts. Ce n'eft pas une chofe étonnante que 1'écrivaia franfois de cette ville, le moins mauvais des avocats d'Amfterdam, fafte des bévues en parlant de notre pays, & que fes ouvrages, hiftoriques ou politiques, foient remplis d'erreurs frappantes. M. Cerijier, que vous avez plus d'une fois victorieufement réfute, eft un Auteur de parti. II écrit pour un parti. II ne peut en défendre Ia caufe qu'en aitérant la vérité, ou en, tronquant les faits. C'eft par des réticences affecties,, ou par des falcifications volontaires, qu'il peut la préienter au public, dans un jour avantageux. II faut qu'il charge le portrait de fes adverfaires, ou qu'il natte celui de fes cliens, pour la faire triompher. D'ailleurs, eet ccrivain ne feroit point foüffert; fes ■Écrits ne feroient pas liis du parti puiflant & nombreuï <]u'ilappuie de fa plume, s'il s'avifoit de ne Femployer «lu'a traccr les traits de la vérité. On ne lui permettroit pas ici de repréfenter notre conftitution fous fon vrai point de vüe; de discuter les pouvoirs dont les parties qui compofent notre Gouvernement font dépofitaires; de fixer avec clarté les bornes de chaque juridiclion; d'approfondir les caufes qui ont produit notre fituatioti préfente, nos embarras acluels, nos allarmes pour 1'avenir. Trop de monde feroit intércfle è lui fermer la bouche, ou a brifer fa plume, s'il ne vouloit s'en fervir que pour por ter la lumierc dans ce dédale monftrucux. Si fes écrits étoient modérés & vrais, ü feroit ou contraint a quitter cette ville, ou réduit a mourir de faim» vSon Poïitique hollandois n'annonceroit pas plutót du penchant a 1'impartialité, que pourlepunirde Ic compofer, avec 1'intention de le rendre utile, on lui óteroit fa Gazette, de peur que la contagion de la vérité n'y pénétrat. Ce qui eft arrivé au Couricr du Bas-Rhm, depuis que les manoeuvres & la mauvaife foi du parti ont ouvert les yeux a fon Ré-  Civiïe 6f Litteraire. lot Rédadbeur, eft fuffifant pour les tenir fermés a M. Cerijier. Enfin, en refufant, ou en négligeant de les ouvrir, il eft fur de la protecïion & de la céiébrité: il peut mcntir ou déraifonner a fon aife, fans craintes comme fans dangers. Ses fophismes obtiennent des' fuccès. Tous les enthoufiaftes du parti les accueillent; & comme ils font les plus nombreux, ou qu'ils font le plus de bruit, leurs brouhahas & leur égaremcnt compolent fon triomphe. Les hommes du parti qu'il outrage, ne 1'aiment pas fans doute; mais ils ne font ni ïnal a 1'auteur, ni tort aux écrits; & les citoyens neutres & paifibles qui réfléchiffent, cn blamant 1'un de faire puluier 1'erreur dans le public & Ia fédition dans les efprits, afiurent la fortune des autres, en les achetant pour en découvrir les paralogismes & les menfonges. Que votre cas, Monfieur, eft different! D'abord écrivant pour la défenfe de la Patrie, & non pour foutcnir les prétentions de quelques uns des enfans barbares qui lui déchirent le fein, ou qui lui coupont la gorge; vous ne devez pas vous propofer d'écrafer un parti, pour élever 1'autre fur fes ruines. Votre hut doit être conftamment de les concilier, en leur repré-' fentant leur devoir, & en refpecTant égalcment leurs droits, fondésfur la conftitution que les bons citoyens chériffent, tandis que les ambitieux, qui ne font pas plus rares chez-nous qu'ailleurs, s'efforcent de Ia renverfer. Faifant profeffion d'impartialité, & afpirant a 1'honneur de paffer, finon aux yeux de vos contemporains , au moins a ceux de la poftérité, pour le dé- i fenfeur d'un Gouvernement, aehëté au prix de tant de fang &d'aclionshéroi'ques, non moins falutaire que fingulier; 1 il feroit inexcufabie que par négligence ou par mégar- . de, vous méritiez le reproche d'en avoirméconnu lés resforts, & les prérogatives des membres qui le compofent. Vous n'avez pas de motif pour taire ou déguifer la vérité. Le Parti que vous défendez, paree qu'il eft opprimé & outragé, ne craint pas qu'on la dife. Le plus grand de fes torts eft peut-êtrc de ne 1'avoir pas dite lui-même, & deporter le ménagement & la délicateffe pour fes adverfaires, jufqu'a préférer de paffer G 3 dans.  Xoz Correfpondance Politque. d ins 1'opiiiion publique pour la caufe des mausc qui nous affligent, plutot que d'en indiquer les vrais auteurs k la multitude, qui alors leroit excufable d'en demandcr le chatiment. Refpeólant la conftitution, a laquelle il ne veut pas donner atteinte; defirant le bien que la défiance, les foupcons, les menées & la poïitique de fes antagoniftes, le mettent dans 1'impuiffance d'opérer; il n'appréhende, ni qu'on difcute les droit? refpeclifs des différens corps de I'Etat, ni qu'on indique la marche qu'il faut fuivre pour en affurer la falut. Je dis plus, Monfieur; non feulement il ne tend pas h changer la conftitution, puifqu'il lutte pour la foutenir contre les fecouffes qu'elle recoit des entreprifes des Anti - Stadhoudériens, qui s'occupent de la renverfer; mais ce ne feroit ni le flatter, ni le fervir, 91 obhgeant le Souverain d'un prévaricateur, a-iui ïnfliger la pumtion, ou a effeftuer la fatisfacfion reclamée. II fuffit d'ouvrir les annales de la République, pour fe convaincre que ce pouvoir eft fouvent inefhcace dans les mains des Etats Généreaux. Tant d'infraéhons palpables reftées impunies; tant de membres inh-actaires tnomphant après les illégalités les plus frappantes, foürriiflent" des. preuves multipliées de l ïmpuifiance du corps fédératif fur les parties qui le 1 cpnftituent. Son droit d'exfger, dénué de la force de le foutenir, eft devenu illufoire. Ceci, Monfieur, exige une petite digrefiion qui ne lera pas déplacée. Vous connoiffez 1'expédition de Guillaume II contre la ville d''Amfterdam, démarche qui a rendu le Stadhouderat fufpedr. a ceux qui 1'ont raal interprétée; démarche qui porta les plus ardent Anftocrates, a fupprimer, apres la mort de ce Prince, Ia digmté dont il étoit revétu, & a en exclure fon fils Guillaume III; démarche qui fert de nos jours de prétexte a toutes les incongruités dont nous fommes témoins, & dont notre patrie eft victime. J Les gens qui ont prétendu que cette expédition étoit illégale & oppreffive fe font fervi d'un raifonnement qui ne pouve pas la jufteffe de leur affertion ni de leur efpnt. „ La Généralité, ont-ils dit, n'a point de fouverameté fur les provinces; par conféquent elle n'en a point non plus' fur les parties de ces provinces • elle ne peut donc pas exercer d'acies de fouveraineté," ni fur les unes, ni fur les autres. Cela crant, elle ne peut ni ne do.'t ufer des voies de contrairïte contre les provinces confédérées, ni contre les villes "qui les ïomnofent", 1 Vous voyez, Monfieur, que cette maniere de railonner fuppoie, que c'eft uniquenent le droit de fouveraineté qui dorihe celui de contrainte contre des pro, vinc-es iouveiaines. Qr, cette fuppofition eft faüffc. Toute  Civüe 'ff ■ Litteraire. 10$ Toute lézion donne droit a la partie lézéedepourfuivre la réparation que lui refufe 1'agreffeur. Une fociété quclconque cxercc a eet égard, un empire inconteftablo fur fes membres. ' Elle a le droit de les contraindre , fi ce n'eft pas toujours celui de les punir, lorfqu'ils bleflènt leurs devoirs,, ou qu'ils manquent a leurs engagemens. . Ce droit n'eft pas vi imperii. mais jure paaitio. II dérive, non de l'autorité fuprêmc, mais de la nature méme du pafte qui lic & oblige tous les contradans.. Or c'eft de ce droit dont la Gcncralité a ufé envers laville & Amfterdam, en mettant les armes a la main de fon Capitaine Général, pour aller, non punir 1'offenle qu'elle avoit recue d'un fujet réfïaftaire, mais contraindre un affocié a fe conforrher au vceu de la pluralité. C'eft de ce même droit dont elle s'étoit plufieurs fois fervi dans le même fens, contre d, autres" membres. de I'Etat. Elle auroit pu en faire égalcmcnt ufage denos jours, pour exiger la réparation de la faute dontla ville d''Amfterdam s'étoit rendue coupablc, par fes. infraftions aux Articles du traité d'ÜLrcciit, que vous avez cité. . , Cependant obfervez, Monfieur, qu'il y a lom de ce droit a celui de venger immédiatement, & en vertu de fon autorité, en infligeant une punition. II faut éviter de confondre ces deux rapports trés diftindts. L'un exifte entre des affociés; 1'autre entre des maïtres & des fujets. II ne faut pas perdre cette diftinction de vue dans la difcuffion des mitieres relatives a notre Gouvernement. II faut bien fe garder de fournir aux brouillons de notre pays le prétexte de. décrier la caufe que vous plaidez, en autorifant le reproche qu'on fait a la Généralité de s'arroger fur les. provinces, une autorité qu'elle n'a pas. II faut s'en tenir ftrictement au droit qui derivc de la nature d'une affociation: il indique également les mêmes moyens pour contenir les ajbeiés dans leur devoir. II réfulte des relations qu'ils bnt contractées en faifant un pafte, le droit appartenent au corps de veillcr fur fes membres , & de les obliger a donner fatisfaftion, lorfqu'ils ont manqué a leurs engagemens. La difficulté eft, de 'favoir comment ce corps doit exercer parmi nous ce droit de contraiute. ComG j ment  ïo$ Correfpondance Poïitique, inent Ia Gépéralité doit-elle s'y prendre, pour o»érer la; vindifte publique lorfqu'elle croit qu'un des can-' fedéres a commis forfaiture, ou du moins quelque stfte digne de repréhenfion, foit envers un autre conjfedéré, foit envers une puiffance étrangere, foit feulement envers un fujet, qui fe trouvarft offenfé, de- Sfc {atlfri°ll K 5nxC£ ?as> la marche eft toute fimple. La Générahté a qm on s'adrefle pour obtenir réparation, doit s'adreffer elle-même au Souverain «tont le coupable fait partie, ou dont il eft le fujet: cefta ce Souverain a faire juger leprévenu, & alui mfliger la pumtion que la loi décerne contre lui. Si cette démarche du corps fédératif ne produit pas °V2et: " la Province qm renferme le prévaricateur ti ettettue pas la réparation exigée par la juftice de la partie lezee; fi des ménées fourdes ou le crédit du coupable le fouftroient au chatement: en ce cas la -Genéralite peut cc doit ufer des voies de fait. pour avoir radon d'un déni de juftice auffi évident, Ce n'eft pas en vertu de l'autorité fouveraine qu'elle a xecours alors a ces moyens extrêmes; mais en vertu du droit que lui confére le pafte focial. Les cffets font les memes, mais le principe eft bien différent. On peut dire que c'eft a peu prés dans ce fens que les nations vengent leurs querelles refpeftives. Un Roi n'eft pas le fouverain des fujets d'un autre Roi. Quand on a manqué a fa couronne, ou caufé quelque dommage a fon peuple, il s'en plaint au maitre des aggreffeurs. II n'a pas droit de les punir, mais bien tale au milieu de nous. li eft de 1 effence des corps d'étre tout-a-la fois licencieux & ufiipateurs. Nos Vroedfchappen fe font d'une part iouftraits a l'autorité fuprême du fenat, & de 1 autre affranchis de la dépendance des communautes municipales dont ils tenoient originairemem- leur comïmffion & leur pouvoir. Dépofitaires des droits & de . la portion de fouveraineté des citoyens, ils fe les font apppropnes. L'honneur de régir la cité & de reprélenter le corps de fes habitans, nerouleplus qu'entre un petit nombre de families patricienncs, qui fe le font arrogé exclufivement. La Bourgeoifie n'a plus de part a la Régence des villes ni au Gouvernement dé lLtat Les mams a qui elle avoit remis ce dépót. l ont abforbé. L'éleftion des Régens n'eft plus une des prcrogatives du peuple, dont jadis les Magiftrats n étoient que les fervitcurs & les agens auprès de 1'asfemblee fouveraine, comme les officiers du fouverain dans la cité. Dès les premiers temps de la République, ces Régences ablorbantes après avoir englobé les droits du corps des citoyens, effayerent de faire de la province de Hollande un corps fédératif femblable a celui des Frovmces-Umes. Chaque ville tenta de fe rendre fouverame chez elle, & indépendante des Etats, qui, depouillés par la de leur fouveraineté, n'auroient plus form: qu'une affcmbl e confédérée pour la Hollande. comme les Etats Généreaux le font pour la République des fept provinces. M. Idfinga reproche avec fondement 1 idéé de ce fyftême abfurde a Grotius On ne peut nier que les villes ne tendent fans ceffe a fe rcndre independantes des Etats; qu'elles ne refpeftent leurs ordres qu'autant qu'il leur plait; ce qui produit parmi-nous, une blgarure bien finguliere, & une jrregularité bien défolante dans l'exécution des loix.- En  Civile 6? Litteraire'.. Hf Én un mots, ce que vous voyez dans les provinces, {>ar .rapport a la Généralité, exifte dans les villes dé a Hollande, par rapport aux Etats de cette pro* vince. Dans le corps poïitique bien conftitué, commedans le corps humain, c'eft la tête qui commande. Chez nous, c'eft elle qui obéit. Si vous y prennez garde, Monfieur, vous verrez dans notre République * les bras & les autres membres faire les fonftions dur cerveau, & ne réferver a la partie fupérieure, qui femblcroit devoir les commander, que l'ofrice fubal* terne de leur obéir. Pour parler lans images, Ce font les Confédérés qui exercent féparement & chez eux la fouveraine puiifance; & la Confédération, k qui elle devroit appartenir, n'eft que leur organe. Les Etat* Généreaux qui devroi'ent réunir l'autorité fuprême^ quant aux objets qui ont motivé 1'afibciation des provinces, ne font a lalettre, que les fubordonnés, les interprêtes, ou les agens des afibciés. C'eft cette amphibolagie poïitique & la foiblefle qui en réfulte dans les mouvemens du Gouvernement* qui produifent parmi nous tant d'inconveniens défolans, k la place de quelques inconveniens terribles que cette combinaifon a fait difparoitre. La force dii corps poïitique comme celle de 1'homme, ne réfide pas dans la tête: les jambes & les bras ne font pa» proprcs aux fonéh'ons intelleüuelles, auxquelles ia nature les a foumis. Mais n'approfondifibns pas trop cette matiere dé peur de réveiller des idéés finiftres, & de tombec dans un extréme, en voulant éviter 1'cxftrême oppoféj Une chofe eft certaine: c'eft que la Généralité ne fauroit, ni réunir trop de puiffance pour opérer le faluc de I'Etat, ni être environnée de trop de licns, pour 1'empêcher de déploycr fon autorité au prejudice de fes membres. S'il n'eft pas eflentiel de 1'inveftir d'unö. mfpectión mquiétante fur les confédérés, il feroit au moins falutaire qu'elle fut rcvêtuc d'un pouvoir immé« diat fur la confédération. Que les Etats des provinces gouvement leurs peuples comme ils 1'entendent fans avoir a répondrc de leur geftion au fénat compofl de leurs délégués: a la bonne heure. Mais auffi, que ce iepat réuouTe a 1'honneur d'étre choifi pour repréfenter la  tl4 Vofrefpondanbé Fottïkut. Ia République, la puiffance de la gouverner Ifli-nïérrfê avec unité & avec vigueur. i Le Confeil d'Etat n'a-t-il pas été établi pour eet effet? Les provinces fans contredit font toutes libres & fouveraines chez elles, indépendamment de la Généralité qui les repréfente dans 1'ordre poïitique. A eet égard, qu'elles conferyent leurs droits & en jouiffent fans partage; il n'y a point d'inconvénient. Elles ont celui d'admettre dans leur fein refpe&if, telle forme de gouvernement, qui leur convient; de fuivre dans 1'adminiftration de la juftice, & de lapolice,la marche qu'il leur plait; de s'attacher au. fiftême de finance, que co uporte leur pofition locale, le genre de leurs productions ou de commerce de leurs habitans; delereer enfin la fouveraineté dans toute fa plénitude, & de la maniere qu'elles trouvent la plus convenable. Mais la Généralité doit jouir des mêihes prérogatives, relativement a la confédération: elle ne "peut pas être affujettie aux provinces , puifqu'elle eft inftituée moins pour les repréfenter vis-;ï-vis des puiffances ctrangeres que pour les unir, & pour leur communie quer une force qu'elles n'ont pas • féparement. Elle ne fauroit remplir fon objet, fi elle ne trouvepas dans fon effence, une autorité inconteftable,; & duns le développement de fes droits, une force qui fubjugue fes membres. Dans les objets qui ont rapport au but dè 1'affociation, fon autorité doit être indépendante, fans bornes comme fans partage. La paix, la guerre , les alhances,' la marine, les armées, les fortifications, les arfenaux ; cn un mot" toutes les rxrrties de 1'administration fuprême, qui ont rapport a la défenfe commune, ou a la füretë publiqua, doivent être dans la dépendance immédiate du corps fédératif de I'Etat. Sauf aux provinces.qui le forment par leurs députés, h. ne le compofer que de fujets capables de remplir ces foneftions auguftes, & incapables d'abufer de l'autorité dépofée dans leurs mains, en ne conférant 1'honneur d'étre les repréfentants de leur fouveraineté dans le confeil général, qu'a des hommes dont la maturité, les talens & le patriotifme, foient des garans de 1'intégrité, comme de la vigueur & dc la fageffe dc leur adminiftration. Les etats particulier* n'auroicnt pas h redouter une fupré-  Civile 6? Litteraire. ti$ ïbprémade qui ne fauroit ni porter fur eux fon infpe-o tion, ni étendre fon empire fur leurs membres, puisqu'elle n'exifteroit que pour des objets généraux, relatifs au gouvernement du Corps poïitique. La République de fon cóté, ne fiotteroit pas éternellemcnt dans 1'incertitude & la confufion; foible avec tous lesmoyensqui conftituent fa force, quand une autorité prépondérante les réunit dans un centre commun, pour les déployer avec énergie. Le concert dans les délibérations préviendroit les lenteurs, & la célérité dans 1'exécution alfureroit les fuccès. Une heure fuffiroit a des hommes inftruits & réunis, animés de 1'amour dü bien public & dépoötaires de la faculté de le procurer, Four favoir ce qui convient au falut de I'Etat, & pour ordonner. Les exécuteurs des ordres fuprêmes, auroient a répondre de leur exécution a l'aréopage. Le choix desmoyens, comme 1'emplöi des finances, provenues du contingent des confédérés, qui ne pourroient refufer les iubfides, lorfque les befoins publics les auroient motivés aux yeux du Souverain, feroient attribués fans partage comme fans conteftation aux Etatsgénéraux, ou (bus leur infpecfion immédiate au Confeil d'etat, leur miniftre. • A eux feuls apartiendroit le droit indélébile d'entamer des négociations, & de former des alliances, fans qu'une province particuliere, ou une feule ville, ait lé pouvoir de s'y oppofer; & Ce qui eft bien pire, de s'ingérer dans des manoeuvres qui n'ont qüe fa convenance pour motif; qui contrecarrent le vceu général; qui font éehouer les mefures de 1'adminiftration publique; & qui, en jettant la divifion, la défiance & le mécontentement entre les differens ordres de I'Etat x provoquent des orages fur la tête de la patrie, & 6ntrouvrent des abimes fous fes pieds. Si vous aviez préfenté, Monfieur, notre doriftiÊU" tion fous ce point de vue, vous auries offert a notre pays, 1'ébauche d'un gouvernement adm'irable, & vous n'auriez nas prété le fianc è des fnterpréfatiöfis fachcufes, ou k une critique fondéé. Vous n'en iariez p°s moins été autorifé k blamer la conduite d'JmZ fier dim, qui feroit aufli repréhenfible dans ce fiftérhei qu'elle eft illegale dans 1'état des chofes. Vo.is aurieal Tm. IL H ègal*  IÏ4 Correfpondance Poïitique. raifon di rePré^nter comme inconftitutionelle la démarche d'un membre particulier, d'une provmce particuliere, qui va s'immiicera traiter f5 cretement avec un peuple non avoué par la République; fonftipn exclufivement devolue a la GénSSé* qm trame, dans 1'obfcurité, des complots, poui-acti er fur fon pays la guerre avec une puiflance, £ le me tre fous le joug d'une autre. * étoJr^^^l3;-1^ fadle de/aire Voir «xnbien il étoit injufte & déplacé tout enfemble, qu'une ville feule, en fe por tant pour dénonciatrice d'un des premiers fujets de I'Etat prétendit, de fon autorité pri?h6f de h confédé«tion a 1'expulfcr S K nt> fanf motlver cette Prétention par des gneis evidens, m donner au prévenu la liberté de fe mfofier, ou au moins de fe défendre. Combien la ville ÜSörVen PrenPant fur elle la juftification d'un procédé auffi tyrannique pour celui qui en étoit 1'obiet, qu attentoire aux prérogatives de la fouveraineté J qm il appartient, a montré peu de bonne foi &dl. candeur; avancé de fophismes palpables & de max:mes dangereufes? combien la conduite aftueUe de la pro- jXcef &c &c fubVerÖb,e de tout ordre & & Mais yenons, 'Monfieur, & une feconde remarque% que Ia lefture de vos feuilles m'a fait faire, pa/ 131 & 132 du tome fee. Vous parlez du Stadhot dérat, comme dunedigmté qui confére au perfonnage qui en eft revêtu, une autorité active par elle-mö- F« i & C?mme G elle i?e"oit dans les mains du Stadhouder, des moyens Coercitifs pour 1'exercer Vous yn1-iLéte?rrenC°re«°mpé- C'eft Précifement cette autorité agiffante efficace qui lui manque, même dans es cas ou el e feroit le plus nécesfaire pour le bien de la patrie, & le moins a redouter pour fes citoyens: cette autorité falutaire & prompte, qui prévient les difficultés ou qui les furmonte, manque même k I'Etat dans Jes affaires pubhques. Cette aflertion vous paroltra exaa^ltr frado*e:.elJe eft pourtant de la plus ixafte vérité. Les réflexions que j'ai faites plus haut, fuffifent pour vous en convaincre; ou s'il vous falloiï d autres preuves pour en convenir, fongez foulement aux  Civile 6? Litteraire. i iƒ aux maux qui provoquent de fi ameres cenfures aU milieu de nous , & a l'impuifiance oü eft 1'adminiftration de les prévenir, ou de les réparer. Comme fociété civile les fept provinces formenti ainfi que les autres peuplades de la terre, des affociai tions plus ou moins parfaites, ou fi vous voulez, plus ou moins défeólueufes. Elles ont chacune des magiftratures, des états fouverains, des tribunaux qui exercent la juftice en leur nom, une police, un régime; enfin, une adminiftration quelconque, plus ou moins douce pour le peuple, felon fa forme, ou les vertus des adminiftrateurs. A eet égard , nous ne fommes pas plus a plaindre que les autres nations , & nous fommes plus heureux que la plüpart d'entrè elles. Le gouvernement eft recu, l'autorité affermie; le fujet fait a qui il doit obéir: en vivant paifible & foumis a 1'ordre établi* il vit tranquille. Nos loix un peu Gotthiquesj comme celle de toute YEurope; notre jurisprudence criminelle, encore barbare comme celle de nos voifins, font des ombres dans un tableau aflez fatisfaifant, pour exciter 1'envie ou les regrets des étrangers. II s'en faut bien que notre réunion générale puifle leur donner la même opinion, ou leur infpirer les mêmes fentimens. Comme corps poïitique, deftiné a figurer dans la lifte des Etats de YEurope, les Provin-, ces - Unies ne forment guères qu'une Oligarchie confufe & embrouillée, oü les pouvoirs indétermüiés s'entrechoquent au lieu de s'aider ; oü l'autorité' eft plütot paflive qu'aftive, & confifte moins a agir qu'& féfifter. Je ne dis pas que tel ait toujours été leur' caraftère, ni même qu'il dérive effentiellement de la conftitution primitive, faite k la hate, & pourtafKavec fagefte, mais altérée par les révolutións qu'elle * fubies,"& relachée par la fuccefllon des temps & 1'acCroiffement des richelfes, qui ont amené la corruptiort dés mceurs 6c des principes, d'oü réfultent des maux dui réjaillifient toujours fur le gouvernement, quand ils n'ont pas en lui leur fource. . Tel eft aujoud'hui 1'état de Ia République, qir*oii n'y connoit ni individu, ni corps invefti d'un pouvoir ftfflffant pour opérer le bien & prévenir ou rébrimer M mal. Ce que je dis eft fi vrai, que ni le ëhef d«r \W Ha f*«#  li<5 Correfpondance Poïitique. tat, ni aucun des premiers colléges de la nation nWeroient prendre fur eux de faire une réfo?me'import tante, ou une améhoration falutaire. Placés en au parence, pour conduire la machine, leurs foncïions lont bornees a lui montrer la route: «Sc ceux au devroient y marcher 4 leur fuite, l4?mPSenc dy dr«rt°n \?n reraa,rq-ue des imperfections ou des déforj;,r J n,a de P]us ou moins eftenticls, dans les S J«nc hes de Padminiftration. SiTent rep ie' nois de les énumérerici, je ne ferois que 1'écho des dameurs qui retentiifent d'une extremité è 1'auu-e dl no provinces IJ y a de Ia difcorde & de la mauvaife conXPar^ Ie,S (ionfédérés-- oh efi le pouvoir de les Ihtm l'J v dC 1CS foumettre? tout Ie monde fe piain.de néghgence, ou accufe même de prévarication, des membres du Gouvernement: oü réfide Ia M*Xe de remédier & ces maux, s'ils exidentT ou 2£ p/ edKm2 & d-e révoke s'éleve de ^utes parts: £ igerlqUk-deVr0iei?t ,e conda™er par leur exem-' Shi'rel ? P31,1.^ crédit, femblent fe com- plane a animer la multitude: en quelles mains eft dé- £rereunfe?Ut°n °apabIe dC réP™er une licence fi Nous manquons abfolument de ce fpécifique efficace en pol.tique, qui tranche.les difficulies qland onne nn'LP rS co.ncIher; V* fra"chit les obfticles, lorsZïo °J faU, °]t 1CS appla?ir- 0n ]e ö-ouveroit, fans & ™£U Unanime des membres de la con- & 1'SViT, Ci"f unanJmité feroit un miracle; ?Jn.V Pi kb/!té t 1 °btemr ne fait mieux appercevo r le befoin d'un pouvoir prépondérant, quifub\e$TnulTa™S quonncPeut ramcner, «Sc enchaine les volontés qu'on ne peut feumettre r\U^SBf0üfer n'a pas, CCt^ autorite bienfaifante qui prévient les enteurs, les difcuffions, les oppofitions, gffii >• mct™ 5CTme-, Otez lui la nommination aux errrptóis dans les forces de terre & de mer, 1'economie merneure de ia manne & de 1 armée, la préicntation rccc,mmandatJon des fujets a différens poftes; grtout ailleurs vous-verrez fa prérogativc redui te ! voiesdcrcpréfentation fur les mefures nécefiairesa la uéfénfè  Civile ty Litteraire. lij défenfe commune ou a la fureté publique, & a des moyens perfuafifs pour les faire adopter. Si fentêtement, la défiance, ou quelque autre motif les rejcfrtent, il ne peut'que gémir fur les maux de fa patrie; & 1'injuftice ou 1'ingratitude le rendent encore rcfponfable de l'inexécution des plans, qu'il n'a pas eu le pouvoir d'obliger fes concitoyens a fuivre. De cette notion affez jufte de notre conftitution poïitique, il ne faudroit pas conciure, Monfieur, que notre gouvernement ne vaille rien. II a des inconvéniens; mais il réunit auffi des avantages. S'il entretient des fermentations, U excite auffi des idéés de liberté, qu'on ne connoit pas dans les pays foumis au defpotifme. Sa foiblefie expofe la patrie a des dangers, & les adminiftrateurs a des défagrémens; mais fa douceur affure aux citoyens la fécurité. S'il man- 3ue d'énergie envers les puiffances, il eft auffi privé e la faculté d'opprimer fes fujets. Les délibéra't'ons font dénuées de concert; les mefures de vigueui ; l.'ex> écution de célérité: c.ela eft facheux, fans douic. Mais tout confidéré, je penfe qu'il eft préférable d'obéir k une autorité incertaine ou partagée, dont lts parties fe heurtent & qui nfe fes forces dans les aggresfions ou la réfiftance, plutót qu'a une autorité trop concentrée & trop aétive, dont 1'aclivité vigóureufe & 1'excercice fans obftaclc, peuvent également férvir a tyrannifer la nation., tout comme a la défendrel Au milieu de nos divifions inteftines & de nos ccmbats verbaux, fommes - nous auffi dénués, auffi vexés 3ue les Frangois avec leur monarque; auffi ( 'impots, auffi expofés a Ia yiolence que jes tfftglpfc avec leur parlement; auffi ridicules que les Gent 'ois^ qui menacent de périr en hommes libres, en' citoyens vertueuXj <3c qui fe rendent en poltrons? On fe u pute, on fe chipote, on s'injurie parmi-nous, il eft vrai. II vaudroit mieux qu'on s'accordat, qu'on s'entendrt, qu'on fe réunit pour mettre les forces de la République fur un pied refpeftable a nos voifins, alliés ou ennemis. Mais le gros de la nation, le peuple, eft indifférent, ou du moins, n'eft pas intérefle k ces coriteftations fameufes ou abfurdes: elles n'exiftent qu'cntre les bergers & les gardiens du troupeau, qui fe querellent pour favoir ou il faut le conduire, &*commert H 3 on  Ji8 Correfpondance Poïitique. on doit le tondre: témoins de cesdébats, les pacift* ques moutons paiffent tranquillement dans leurs parcs II y en a quelques uns qui ont la fimplicité de prendre parti pour ou contre 1'un ou 1'autre des contentans mais tout le refte s'en amufe. Cela n'eft pas fort eravê pour des Bataves des Republicains: mais cela fait paffer le temps. Infenfiblement nous arriverons a 1'époque ou la laffitude des puiffances belligerantes amenera le befoin de faire la paix. Quand elle fera fismée, tout rentrera chez nous dans 1'ordre accoutumé: nos maitres fe raccommoderont; leurs fujets fe livreront, les uns k leurs fpéculations, les autres a leurs plaifirs, s'embarraffer de 1'avenir, & après nous le délugei car, Monfieur, fi je ne me trompe, c'eft lÈt, a quelques nuances ou quelques exceptions prés, 1'efprit qui anime généralement Ia nation. Régens & peuples, en général, fe foucient fort peu du bien public. La feule chofe que nous ayons k craindre, c'eft que des chocs qui ébranlent notre machine poïitique, il ne Jorte une Aristocratie auffi dépravée, auffi impudente auffi tyrannique, que celle que nous avons vue difparoitre a la renaiffance du Stadhoudérat. Quoique cette dignité éminente ait été déclarée héréditan-e dans la maifon d'Orange, & perpétuelle dans la République, on voit bien que le voeu denos ambitieux Ariftocrates eft de 1'abolir, & de fe débarraffer, par fa luppreffion, d'un frein gênant, qui, fans avoir affez de force pour les réprimer, a affez d'efficace pour les contemr. C'eft vifiblement a ce but que tendent toutes leurs démarches, toutes leurs tracafferies tous leurs manéges. C'eft pour óter au Stadhouder la confiance du peuple, qu'ils ont élevé dans Ie public, des nuages fur fon adminiftration, & répandu des foupcons air fes prmcipes. C'eft pour le priver d'un foutien dans des conjonófures critiques, qu'ils ont entrepris & qu ils font parvenus, k rendre odieux è la multitude ie pedonnage a qui il a Ie plus d'obligations. C'eft enfin pour Ie renverfer, qu'ils dispofent les efprits a le confidérer comme un etrenul, ou fuperfludans I'Etat; qu'ils ien-roqrent de piéges & d'embuches au milieu de fa eamere épinëufe, oü il lui eft également dangereux 0e pancr ou de fe taire, d'agir ou de n'agir pas. Quant è ce monftrueux gouvernement Arijiocrati- que  Civile fe? Litteraire, 119 que drnt nous fommes menacés, fi la nation n'ouvrc bientöc les yeux, vous conviendrez, Monfieur, que c'eft bien Ie plus pervers, leplus extravagant, le plus defpotique de tous les gouvememens, s'il n'eft pas miagé par quelque inftitution qui en tempere la rigueur , & en prévienne les écarts. L'Ariftocratie pure eft ou folie, ou tyrannique; quelquefois 1'une & i'autre tout enfemble. Dans cette forme de gouvernement, il faut un contre-poids & un guide; fans quoi les chefs font tyrans & le peuple efclave. L'effence des corps eft de n'avoir ni pudeur ni fcrupules: perfonne n'y defire le bien, paree que 1'honneur de le faire n'appartient exclufivement a aucune des mains coopératrices: per-' fonne n'y rougit de faire du mal, paree que la honte en réjaillit fur tous, & que le prévaricateur fe cache, en difant; ce n'eft pas moi. Je n'ai jamais pu aimer VAriftocratie, depuis que dans mon enfance, on m'apprit qu'a Venife il y a de fombres mqivfiteurs d'état, qui vont effrayer de leurs farouches regards les Dieux pénates des citoyens, & violer les fancluaires domeftiques, pour arracher du fein de fes foyers & livrer au bourreau, 1'homme qui, dans 1'effufion de la confiance, a été affez téméraire pour donner des bénédictions a fes ombrageux defpotes. Je 1'aime bien moins encore, depuis que certaines excellences ont fait pendrc un homme affez courageux pour dévoiler des friponneries, & pour réfifter en face a un Adminiftrateur infidèle, devenu enfuite un des juges qui l'ont envoyé a la potence: depuis que d'autres Excellences ont interdit des gens qui ofoient dire des vérités indifférentes; qu'elles font allées mettre, a coup de canons & de mousquets, a la raifon des hommes qui ne prétendoient pas qu'on les vol&t impunément; qu'elles font allées en réduire d'autres, qui ne vouloient pas qu'on leur ravit leur fouveraineté: depuis enfin que des avortons Ariftocratiques, fUr les bords du Rhóne, ont ofé dire a leurs feigneurs & maitres; nous ne voulons pas. 'm Oui, Monfieur, fi la fafTtion, qui domine depuis quelqus années notre chere & pauvre République, parvient è culbuter le Stadhouder, a fupprimer le Staihoudirat; ii faudra que le gouvernement Ariftocratique nous baillonne, pour roa empêcher de flétrir H 4 cett«  ¥20 Corrèfpondance Poïitique. cette conftitution; ou qu'il nous enchaine pour nou? conferver au nombre de les efclaves. Mieux vaut yivre aux Antipodes ou k Conflantinople, que fous unë JSSIS^' égalemeilt ™ de Rome avoit trop 'bien compris la monftruofïté d'une pareille CQnftitution, pour 1'admettre fans préfervjtifs qui en prév,nfent les abus, ou fans intermédiaires qui en teroperaflent le defpotifme. Ne formant pas une Democratie pure, gouvernement idéal, qui n'a jamais exifté dans e monde, puisque les Etatsqui cfi onUe plus approché avoient des fujets ou des efclaves, qji ne participoient ni a la fouveraineté, ni a 1'admirulriation; les Romams, jaloux cependant de leur liberté, pnrent des precautions pour empêchcr quelques S3S?^ °Umettre IeS aut^es a Je* J'QU!?> cn appé fdnaffant fur eux, tout le poids de l'autorité. Les J !S,étfnt de vrais arïftocrates- les plébe-ens de véntables fujets. Mais les Magiftratures fimeufes , quu les circonftances firent naitre, & qui étoient toujours réunies fur une ou deux têtes a la fois, furent la fauve-garde de la République, & de la libèrté de fes entans. Elles prevuirent la tyrannie du fénat , & 1 elclavage du peuple. Jamais ceiui-ci ne put être gouverne qu avec des confuls, ni celui - 1'a contenu que par des tnbuns. Sans ces fpéeifiques admirables, iouyent le peuple, en fureur, auroit égorgé Ie fénat peuple ' Urmé de J'autorité' auroit enchainé lé Quelquefois méme ils ne fuffifoient pas pour fauver la patrie de ce danger. II falloit recourir è un remède mais infaliiiWe pour opérer fon famt On creoit un Dictatmr, Magiftrat paffager, & terrible devani; qui la République tremWt un infta^pour ïentrer enfoite dans I'ordre; il abforboit momentané.™JZS l6r Pouvoirs, de l'-Etat, &confondoit dans 2??» ? ft ffc tms les, citoyens humiliés aux pieds • \t 1 oT^-' armé de la P^'ffance d'un Djeui fVotre Répubhque, comme toutes les républiques modernes, manquede cette reflouree, moins effravante q«r laiutaire, qui epouvante un moment par la terreur qu elle irnpnme; mais qui régénère I'Etat, en remettm fes parties a leur place, & en redonnant de Ia vigueur'  ■Civile & Litteraire. lil gueur a fes refTorts. Formée comme les autres de pièces rapporcées, après avoir été détachées par la violence d'un gouvernement féodal; elle a confervé fon effence Gothique, & n'a changé que fa forme. Quoique le befoin d'en adopter une, ait fait réfléchir fur les expédiens pour s'en'alfurer une bonne, il n'étoit pas poffible, dans 1'état des chofes, au fein de 1'agitation & du danger oh 1'on étoit, de choifir la meilleure. Un peuple déja tout *brmé, plié fous le joug de 1'habitude, n'eft plus canable de fe faire une conftitution1 neuve, aflbrtie a fes c.; conftances, è fon local, a fes befoins; ni même de refbndre "flez celle k laqué1 le il eft accoutumé, pour la purger tout-a-fait de fon antfque rouille. II peut bien recouvrer aüez d'énergie po ir ft: fouftraire a la domination d'un tyran furieux, ou ,1'un defpote infenfé, paice qu'il ne flut que de la force pour s'arracher des bras de la ty annie, & que dubonheur, pour n'y pas retomber; mais non pas la hardiefle de réconftruire en entier 1'édifice poïitique 3u'il a rcnverfé, paree que cette entreprife demande e la préfence d'efprit, de la prévoyance, une profondeur & une magnanimité, qui fuppofent un calme, dont les conjoneïures ne permettent pas de jouir, & un défintéreflement que les paifions en effervefcence ne laiiTmt pas éprouver. II fe contente de rapprocher de fon mieux, les lambeaux de la mafure qui vient de cro lier. II 1'empêche de tomber tout - a - fait, erj 1'appuiant de nouveaux étais. II en replatre les crévaifes; et ce batiment informe & irrégulier, chancelant fur fa baze, fans convenance dans fes dimenfions t s'appelle une nouvelle conftitution. En deux mots; un peuple qui fecoue un joug, en reprend en même temps un autre. II change de maitre, mais non pas de gouvernement. C'eft ce qui nous eft arrivé: c'eft ce qui /tolt arrivé aux Sttiffès avant nous: c'eft ce qui arrivé aujourd'huï aux Américains, qui trouvent k la place d'un monarque dans George III, cent dominateurs dans le Co«grès. Ils feront dcformais régis par des fénateurs a PMladelphie, au lieu de 1'être par un Roi & fes Miniftres a Londres: mais ils n'auront pas pour cela de meilleures loix, une conftitution plus inaltérable, de barrières plus fortes contre la corruption du GouverH S nement  £2* Correfpondance Poïitique Bement. Ils n'ont pas fait une machine neuve, ou punfié la vieille: ils ont feulement prépofé d'autres mams Pour la conduire. aJwi-Sien/r n°S -peres- %abJ'urei-ent la domination dePhihppe II, qui avoit ceffé d'étre leur protecleur pour devenir leur tyran. L'atrocité de Ylnquifition les fit trembler: les barbaries du Duc d'Albe leur mirent les armes k la main; <5c la fortune couronnant leur mfurreftion par des fuccès, ils reprirent au Roi dEJpagneun droit dont il n'étoit plus dirae de iouir fur■ eiuc. On peut dire que la feule innovation effenV?}le our l'avenir, fur les mêmes principes que nous avons réclamés avec tant da chaleur: quel motif avionsnous de rejetter fes offres? aucun de faifonnablejVlais ce rapprochement defirable eut terminc tous lei différens; óté tout prétexte aux cntreprifes contre le Stadhouder & fa dignité; ouvcrt les yeux fifcinés de la nation fur lc befoin de pourvoir a fa défenfe; rcdonné a fon Chef ce dégré de confidération qui rend fon emploi auffi falutaire que refpeétable. II n'cii falloit pas davantage a fes adverfaires, pour faire ëchouer le projet d'une réconciliation: & au lieu d'y donner les mains, ils ont mis des barrières infurmon"tables entre deux peuples, également intérefles a ne fe feparer jamais. _ Voila, Monfieur, une idéé affez jufte dé ce qui eftj &. dc ce qui fe pafte au milieu de nous. C'eft uh canevas que je vous préfente a broder'. Recevez avec indulgence les remarques que j'ai pris la liberé dé vous faire, & ne doutez pas de l'intérêt qu.? je Tom. II I y>xz&-h  130 Correfpondance Poïitique, prends a vos fuccès, non plus que de la confidération parfaite, avec laquelle j'ai 1'honneur d'étre, &c. N<\ XXXVI. Stratagême Philofophique. C'eft quelque chofe de curieus que les mies donc les philofophes de nos jours s'avifent, pour fe concilier la confidération du public, & obtenir dc la célébrité. Ils fe foucient fort peu de mériter 1'une Ou I'autre; mais ils ambitionnent d'en jouir. A quelque prix que ce foit, ils veulent faire parler d'eux, dusfent-ils fe rendrc ridicules, ou s'attirer la réputation d'intrigans. Peu leur importe de Iaiffer a la poftérité Une mémoire précieufe ou des monumens dignes de fon admiration, pourvu qu'ils engouent leurs contemporains, en. leur en impofant par de'petites manoeuvres. La fottife du public feconde merveilleufemenc leurs vues. Perfonne n'a fu mieux en profiter, ni plus excellé dans Part des manéges qui 1'éblouiffent, que M. d'Alembert. Oh connoit fes tours de paffe paffe. II y a longtemps qu'il a fait fes preuves. II n'y a fortos de reflburces qu'il n'ait employé pour ufurper une rénommée, que fes talens & fes ouvrages font bien Idjn de jufiifier, & pour fe foutenir au fommet de lagloire, d'ou il eft rare qu'on ne culbute pas, lorsqu'on y eft monté avec des titres aufli médiocres que les fiens. Peu fatisfait de la réputation de Ge'omêtre Sc d'homme de lettres, que fes produdtions lui ont bien moins méritée que, le bonheur qu'il a eu de s'introduire dans .deux établiiTemens, qui fuppofent cette cfpèee de mérite a ceux qui y entrent; il a aufli ambitionné celle ' d'homme fenfible & bienfaifant; titres qu'on obtient toujours mieux en réuniffant les qualités qui les juftifient, qu'en s'efforcant de paroftxe les avoir. Au»  Civile ö5 Litteraire. Au-défaut d'aftions génércufes, capables de lm concilier 1'eftime des hommes, il a'trouvé le fecret d'er» faire publier, pour captiver 1'admiration des fots. On fe rappelle qu'un M. de la Bléterie, entreprit de venger la nullité bienfaifante de M. d'Alembert, en publiant qu'il lui avoit vu faire trois acfes de bicntaifance dans une demi heure. La vraie vertu eft rareinent fi fertile, & ne trouve jamais d'échras aufli m- difcret. , • „, , . . r , Quoiqu'il en foit de la féconde générofité duit Jiomme, de qui on cite tant de traits de dureté, de | fatire, de violence exercée contre les vivans, & de i fiel répandu fur la cendre des morts; voici encore un \ 1. A" top» k la tournure, a 1'objet de ce proeramme 51 eft aifé de reconnoitre le citoyen, qui ne s'efl fait connoïtre qu'au Secretaire de VAcadémie, ©> qui vou iant d'ailleurs garder Vanonime, n'a pourtant pas JaifTé que de préfenter lui même fon Mémoire d la Com pagme. Si ce petit bout d'oreilk oe fuffifoit pas pour dé-  Civile ó? Litteraire. 133 j 4éviner celui qui le porte, on ne pourroit pas fe mé■i prendre a cc petit nombres d'hommes dont les aStions i« ont un cara&ère de célébritê. On a déja fait obferver a M. d'Alembert que la particule dont, inalgré les I décifions peu mfaillibles du grand dictionaire de 1'A1 cadémie, ne s'emploie qu'en parlant des chofes intelJ lecluelies ou inanimées: quand on parle des hommes ij on fe fert de qui. La perfonne de qui je parle; des ij gens de qui les aétions ont de la célébritê. II eft affez I plaifant qu'un étranger doive donner des lecons de 1 Frangois a un des Rabins dc la Synagogue, inftitués ] précifément pour perfeftionner cette langue. Mais '1 M. d'Alembert, comme tous les vieux pécheurs d'haij bitudes, eft incorrigible. Ce n'eft pas feulement le choix des mots ou leur | application qui prête ici a la critique: les chofes mêj me en font bien plus fufceptibles. Par exemple qui j croira avec le donateur de 12000 liv. que tous- les \ genres de talens ebtiennent des récompenfes? perfonne affurement. Tout le monde fait au contraire que, ij pour quelques talens frivolës qu'on encourage , ou j qu'on récompenfe, on en laiffe une foule de précieux, I enfévelis dans 1'oubli, lorfqu'on ne les flétrit pas par ' le mépris ou par la perfecution. Les talens néceffaires au maintien de la fociété ne font point encouragés; & parmi ceux qui ne lui font qu'utiles, il y en a peu qui : recoivent des encouragemens ou des récompenfes. En tout genre les hommes les plus remarquableg par un véritable génie, ou les plus diftingués par un . mérite réel, font les moins accueillis, fouvent même I les plus négligés. Dans la littérature furtout, il fuffit \ de réunir de vrais talens a des fentimens honnêtes, pour être ou déchiré, ou perfécuté. Les encouragei mens flatteurs font pour les in trigans, & les récomI penfes utiles pour la médiocreté. Je ne fais pas s'il en eft en France autrement qu'ail! leurs. La maniere dont on y traite les écrivains les plus célèbres; les diftincfions qu'on y prodigue aux | plus médiocres; les baffeffes qu'il faut y employer | pour parvenir aux honneurs du Parnajfe, & fans fe 1 concilier la confidération publique, n'invitent pas k croire que les vrais talens y foient ni bien recherchés, jii honorablement récompenfés. I 3 La  J34 Correjpondance Poïitique, La feule vertu n'en a point. Cette affertion eft aufli peu vraie que la précédente. Le bienfaiteur des moeurs veut dire apparamment, que la vertu n'eft pas honorée comme elle devroit 1'être. Sans doute on ne 1'honore pas affez. C'eft peut-êtrc aux philofophes du jour qu'elle eft en partie redevable du difcrédit oü elle eft tombée. Ils 1'infultent ou la défigurent dans leurs éents: ce n'eft pas le moyen de lui concilier le refpett, que de la rendre odieufe ou ridicule. Si quelques uns de nos pédagogues modernes la peignent avec des couleurs attrayantes, ils démentent fi fort dans leurs athons les peintures qu'ils tracent dans leurs cabinets, qu'il n'eft pas étonnant que leurs difciples ou leurs admirateurs fe perfuadent qu'ils n'ont peint que des portraits d'imagination, dont le fondement eft une chimère. Mais 1'indifférence des uns «Sc le mépris des autres, n'empêchent pas la vraie vertu de conferver des par* tifans, «Sc d'obtenir la feule récompenfe dont elle eft fufceptible: elle la puife dans fon propre fein, & fin» juftice des hommes ne fauroit la lui ravir. Le citoyer» vertueux trouve au fond de fon coeur de quoi fe confoler de la froideur de fes femblables. Ce n'eft ni pour mandier leurs louanges, ni pour en recevoir des largeffes, mais pour faire fon devoir, qu'il s'exerce a la vertu. On peut même dire que celui qui fait le bien pour être 1'objet des unes ou des autres, ccffe d'étre vertueux. Il n'eft plus qu'un hypocrite méprifable ou un finge rifible. Que les moeurs foient élevées ou non, ou lafalisfaction intérieure d'avoir fait le bien eft toujours un falaire fuffifant du facrifice qu'exige la vertu, ou Ie fupplément qu'on lui offre ici eft un motif impuiffant pour. engager a le fupporter. II eft facheux qu'il faille a ïa plupart des hommes un autre prix que le plaifir d'avoir fait le bien, pour les porter a le faire. II eft certain qui'l faut que ce qui eft louable foit loué. II eft fur que 1'eftime publique eft un encouragement efficace a la vertu, & 1'émulation un des puiffans refforts qui remuent le coeur humain. Mais eft-il également louable de vouloir prcfenter la louange comme un vchicule a 1'homme pour aimer la vertu? S'il eft déja vertueux, il n'a pas befoin de eet encouragement: s'il  Ciyile Litteraire. 135 3>il ne 1'eft pas, il y fera infenfible, ou ne fera touché que d'une vaine oftentation. D'ailleurs les facrifices les plus pénibles que demande la vertu, elle les exige précifément dans les a cf.es les plus fecrets du coeur, les moins fufceptibles par conféquent d'étre expofés aux yeux du public, pour en recevoir 1'approbation, ou a ceux des louangeurs, pour en motiver les éloges. C'eft lorfqu'il s'agit de dompter des paffions violentes; d'étouffer le reffentiment; de pardonner un outrage; de renoncer a an grand intérêt; d'éviter une tentation délicate ; de fe tirer d'un piége gliffant, oh la probité coure rifque de faire naufrage, qu'une ame honnête a befoin de faire de nobles efforts, pour réfifter aux penchans de la nature & k la féduftion des objets qui ja flattent. Or, ces fltuations critiques oh 1'homme vertueux eft un véritable héros, font-elles propres a devenir le fujet d'un panégyrique Académique, & le deviendront - elles ? Non. Ce feront des acles prétendus d'héroi'fme, de générofité, de bienfaifance que les 'athletes célébreront. Ils domieront des louangcs, précifément a ce qui exige le moins d'efforrs & fuppofe le moins de vertu. II n'y a ni pcine ni mérite k faire un don quand on en a le moyen: le peuple même, a proportion de fes facultés, eft plus généreux que les riches, fans attacher d'importance k fa générofité. II eft tout fimple qu'un pere aime fes enfans; qu'une époufe foit fidele a fon mari; que des jeunes gens refpedlent la vieilleiTe; qu'un voifin en alfifte un autre dans le befoin. -Ces vertus fréquentès dans les derniers rang? de la fociété, ne peuvent pas fournir matiere a un .difcours d'apparat. Les écrivains ne loueront done que des chofes communes, ou des chofes qui ne ■mériteront d'éloges, que quand il n'y aura plus ni fentiment, m probité, ni honneur, parrai les hommes ? II n'eft pas prouvé, k beaucoup prés, que le premier objet des lettres ait été de louer les aciions louables. Dans leur origine elles s'écartoient peut-être moins de cette deftination. On les employoit a chan-ter les grandes adions, qui font la plupart des crime* stillans: oa les employoit a écrire l'niftoirjet qui n'eft I 4. guère  Correjpondance Poïitique, guère que celle des vices ou des fcélérateffes des hom-* mps qui y figurent le plus. On ne voit pas que dans 1 antiqmte, il y ait eu d'Academie pour enfumer d'cncens, un homme riche qui aura donné quelques pièces d or a un autre. La vertu ne conlifte pas dans une iargeile paffagère, dont un coeur corrompu eft quelquefois fufceptible comme une ame vertueufe. Et fUrement fi les lettres avoient été deftinées originairement a louer des aólions louables, les anciens avoient trop de jugement, pour les proftituer a célébrer des aumones, ou d'autres acfes auffi peu diftingués, parmi Jes attributs dont la vertu s'honore. ^On peut même dire que ce font les lettres qui ont ïepandu les erreurs qui égarent dans la route de la vertu, & les vices qui la tuent. Elles ont aidé les peuples qui les ont cultivées, a recevoir des principes /aux, qui la font méconnoftre, & a légitimer des aftions dont elle rougit. En poïitique, en economie, en morale, les lettres ont fait méconnoitre la vérité» & altérer les maximes. C'eft en particulier 1'office & 1 ouvrage de 1'éloquence, qui, dans tous les temps a également fervi a colorer le menfonge, & a faire -tnompher 1'impofture. Combien d'opinions erronnécs, de fentimens faux, d'aftions viles & de difcours trompeurs 1'art fophiftique des rhéteurs n'a t-il pas fait pulluier chez les nations pplicées? Les peuples ignojans fe font préfervés de ces égaremens cc des vices qui les accompagnent. En célébrant les conquérans, les poëtes ont accoutumé les hommes a régarder les ambitieux comme de frands perfonnages, & 1'ambition comme une vertu ,n confacrant dans 1'hiftoire les vices dégüifés, la dislimulation, Ia duplicité, la fourberie, Ja fraude, les Jettres ont difpofé les efprits a les envifager comme des fruits de 1'adrcffe, & les coeurs a n'en plus rougir. Ce lont elles qui ont introduit dans 1'éducation la moJeilc, la pufillammité, I'abatardiflcment des ames. J&lles ont pioné le luxe qui óte a fes efclaves des idéés famss & des fentimens élevés. Le defpotifme leur* doit fon extenfion & fon affermiflement: en carcffant Ie* d:fpotcs elles les ont rendu fans entrailles: en dor nt les chaines de la fervitude, elles ont rendu viis 0c lachas ceux qui les portent. •  - Civile & Litteraire. 137 Le génie a une fonftion plus honorable que celle de donner des élogcs a la vertu ■ C'eft d'enrcignef a la pratiquer. Les plus gratnds & les plus beaux gémes de f'antiquité n'ont pas fait de panégyriques. Socrate, Platon, Epctete, Caton, Mare- Aurele enfermoient la fagefle dans leurs difcours ou dans leurs-ecrits; & donnoient 1'exemple de la vertu dans leurs adlions. Milgré 1'admiration que le génie, ou ce qui en eft fouvent le firnulacre excite parmisnous; un homme de beaucoup d'efprit n'eft ni aimé ni eftimé, fi, a des talens" lupérieurs, il ne réunit pas les qualités du eoeuiy On admire Roujjeau, a caufe de la beauté de fon génie: mais on 1'eftimoit paree qu'il étoit honnête, & on 1'aimoit , parcequ'a la fupériorité des talens il joignoit la févérité des moeurs & la fenfibilité d'une ame droite. Dire que 1'Académie Francoife s'eft rapprochée de 1'inftitution antique des lettres, c'eft s'exprimer aufti incorreébement qu'avec peu de'vérité: c'eft's'expofer a être démenti par les faits. Les lettres, dans leur' origine, ne formoient pas une inftitution: elles étoienc cultivéés par des fages ifolés, qui s'exercoïent en fecret a chanter les louanges des Dieux & les aéfions quelquefois grandes, mais non pas toujours juftes, des héros. On ne voit pas que les gouvernemens de l'an-: tiquité aient ïbrmé pour les lettres, comme les gouvernemens modemes, des établiflemens, qui méritent le titre d'inftitution. Tous les arts ont été inventés par le befoin, perfeftionnés par les talens des particuliers. C'eft après qu'ils ont atteint la perfecfion, qu'on les réduit en fyftême. CorneHle, n'étoi1" point de I'Académie: Racine étoit un des plus grands poëtes du monde, avant d'y avoir une place. En tout cas, fi les lettres avoient eu pour objet de louer la vertu, il faudroit convenir que 1'Académie Francoife fe feroit bien peu rapprochée de cette inftitution. Le premier objet de cette Compagnie étóit de péler la valeur des mots, & non pas d'apprécier dé grandes ou belles aftions. A cette fonftion puérile, elle a réuni celle de méfurer des phrafes & de compter des vers. L'cloquence dans teProfe, la verfification dans la Poè'Jie conftituent a peu prés, toute fa compétence; encore rarement fes jugemens foüt-ils ratifiés I 5 pas  138 Correfpondance Poïitique, var les fuffrages du public. Combien de fois le bor, fens, Ie bon gout, la vérité n'en ont - ils pas appellé des fèntences de eet areopage? & cela ne doft pasetonner. Comme le tnbunal eft rempli de juges, qui pour la plupart font au-deffous du mediocre, & parmis Jefquels plufieurs ont eux - mêmes befoin de lecons de grammaire & de rhétorique; on comprend fans peine qu un paral affemblage n'eft guère propre a former des décifions afiez infaillibles, pour ne pas nécefliter Jes appels de Ia Raifon. II a propofé, il eft vrai, 1'élogc de plufieurs perfonnages diftmgues de la nation : mais c'étoit bien plus pour fe donner de 1'importance a lui-même, que pour reléver le mérite de ces grands hommes. En les 2-appellant au fouvenir du public, 1'Académie ne cher«hoit pas tant h propofer leurs vertus a fimitation, gueur du difcours? II ne fera pas-de plus d'une demi quart d'heure de leblure; c'eft-a-dire de 7 minutcs :èc demi. Les Géomêtres, comme on voit, font'müïütieux. Accoutumës a divifcr le temps ï 1'infini, ils ne font pas a une' feconde ou deux près: une demi 'mvnvktp, 'eft pour eux un objet eflcnticl. Que lc difcours foit en frofe, h k bonfte heïïfe1aufli bien ne fait - on guères que déraifonner en vers- ^éi ïl vaut autant le faire dans un jargon moins pénibje Mais pourquoi le hmiter dans des bornes fi reffefrëes & fi prëcifes. Commenti paree qu'il auroif quatre^Hgnesdeplus que la meiure, il ne feroit plus bon.bu du moins a'dmiflible.' parceque le fujet feroit feïtile óu 1'oratcur fécond; 1'aftion célébrée cefferoit de mén tb» le prix, ou ne pourroit être couronnéej cela eft'tóue 'cnfemble abfurde & injufte. Rcmarquez 'que le temps qu'emporte la Iefture d'u> ne pièce, dépend autant de-Ia volubilité du lefteur que de la prohxité de 1'écrivain. Si le Régent académique a la langue bien déliée & 1'ame bien intentionnée pour 1'auteur d'un difcours un peu Ion.% il'faura bien en renfermer la lefture dans 1'efpace du temps préfent: dans le cas contraire, il prolon^era cetlc d'ua autre au-de-la des bornes. . Quand M. IcfSécréiaire p-rpétuel aura mefuré toutes les pièces du Concours avec fon compas géométrique , il dira: „ celle-ci eft, un peu longue,-ou Iurpiul couitc: Mais M „ en eft 1'auteur: ce n'eft pas un'génie que ee M* „ mais il eft docile a mes volontés, arder'- pom' ies „ progres de la philofophie.^ U faüt que je Ui pofe Ia „ cou-  ,*44 Correfpondance Poïitique, - couronne In la tête. Auteur du bienfait, ne puis~' je pas me perm^tre une petitc fupercherie, pour a, en 'rend.e i'objet un homme, qui a befoin d'une mé,, 'daiile pour être célébré, ou de 25- Louis pour fe foutenir? Je vais donc monter mon fauffet en cons, fequence: je le reridrai rapide fi le difcours de „ M.. .. eft trop long, lent; s'il eft trop court. Jé 5, fais bien qu'il eft médiocre, & I'aclion qu'il célébre 3, puérile: nais je veux m'attacher 1'auteur par la re<3, connoiffance; & afin qu'il n'ignore pas qu'il m'en ^, doit, je lui' apprenirai que c'eft a ma dextérité 8, plus qu'a fon mérite, qu'il devfa fa couronne & fa ** gloire". Le perpétuel Secretaire a beau s'entortiller: on le déinéle faci/ement. • II 'ne faut pas être bien fin pour le feconnoitre aux traits fuivans. ,, L'Academie, avant d'acceptcr ces offres, a cru Ij devoir própofer au donateur les changemens qui fuivenr". Si 1'Académie ne connoit pas le donna,teur, commcnt a-t-ellfi pu lui própofer "mens ? i° Le Discours, ou rücit, fera fait par le* óire6leur de la Compagnie. Dans ce changement, on ne fait ce qui 1'cmportc, ou de la puéMÜté, ou du .ridicule. II eft puérile: il importe fort peu au donateur & au public que le Difcours ou récit fe faffe par le Dira£teur: cela n'intérefle que M. d'Alembert, qui .ayra fo:'n dj 1'étre le jour de la promotion. II eft ridicule': nötez qu'il ne fagft ici ni de D fcoars, ni de ried. II ne s'agit point du difcours: la pièce' fera cotri'pofée par un concurrent dans fon cabinet, & non par 'le directeur Académique dans raffemblée. Il n'eft pas 'non plus queftion de rédt: la pièce fera lue, & non ;pas féctêe. Ainfi dans une phrafe de fix mots qui expriment uné vétille, dont de graves Accadémiciens devroient rougir d'occuper le public, il y a deux ter'mes faux ou impropres: A ces traits je reconnais leur pere. II n'en auroit pas plus coüté a M. d'Alembert de flirc; la leSture fera faite: a la vérité cette tournure n'auroit pas rendu le changement propofé plus intéreffant; mais elle auroit rendu la phrafe moins impertinente. Et 1'on adraire TEterne] Sécrétaire, qui de- ptiïs  Civile Êf Litteraire. 145- puïs quarante ans eftropie ainfi la langue, dontil eft le £réfier en chef.' , , 20 L'académie ne pourroit accepter la donation propofée, fi elle rcnfermoit la moindre dilpojition " qui put intérefler perfonnellement quelqu'un de fes membres; en conjéquence, le revenu annuel des 5' 12 000 lïv. fera entierement employé a payer une " feule médaille, qui fera donnée pour prix de 1'afte de vertu". .,, , Toujours les mêmes contre-fens dans les idees; la même impropriété dans les mots. Premierement les flatuts de 1'Académie, interdifant a fes membres la faculté de concourir pour les prix qu'elle diftribue, il -eft abfurde & contradictoire de fuppofer que la donation renferme des difpofitions qui puiffent les intérefler perfonnellement. Ou M. d'Alembert s'eft imagine que fe donateur faifoit un Leg a 1'Académie, ou il a voulu faire remarquer au public le défintéreffement de ce -corps. Dans un cas, il y a bien de la fimplicité; dans 1'autrc bien de la maladrelfe. . . Secondement ; fuppofé qu'un Académicien entre dans la lice avec les autres concurrcns, & que foa difcours foit courronné, ce feroit une infra&ion aux ftatuts académiques: mais quel parti faudroit - il Prtn_ dre? Celui de laiffer le laurier au vainqueur, & de donner le rameau d'or a un autre. Alors-, dans ce cas, & non pas en conjéquence, le revenu annuel des .12 000 liv. pourroit être entierement emploié d payer une feule médaille, pour fervir de récompenfe a Pafte de vertu. Le ridicule de eet en conjéquence faute aux yeux: il fuppofe que les Académicicns défintéreffes feront les feuls athlétes du concours ; oti il n'a pas le fens commun. Eu effet: quand même 1'Académie ne pourroit accepter une donation qui intéiefferoit fes membres, s'enfuivroit-il qu'un concurrent, qui ne le feroit pas, devroit être, en conjéquence, fruftré de la récompenfe que le donateur lui afligne? En troifième lieu: voici qui eft bien autrement fficoncevable. Quoiqu'era conjéquence des fcrupules de 1'Académie, a accepter des offres qui intérefferoient perfonnellement fes membres, fe revenu annuel doiye être confacré k payer une feule médaille; YAcademi» Ie réferve pourtaut, de Varen du donateur, la liberté J Tom. II. K ' lli  U6 Correfpondance Poïitique, ni dans les chani, ^ forme. Tout ce ou'n i JS? f qV inepte Pour 13 1'antipathie du GréLTaLdémiS Mft*» c'e* idéés, l^iu^l^^t^^ «es fon habilite, pour les m£fes 5 & fon g°Üt> Comme adrelfé, ^ S STTufiS? fï^, !» étre «eur-Iibrairede rAcadé^efï0^'^^ Je fait doit s être nafTé m „ yrtjttne; puifque ront écrites £f,?^?& ^tSt^0,! cette autre partie de 1'annonSadérn&^'J6 Jonm qui aura mérité le prix, eTprSel lJrépublique, & qu'elle en ait fait Xn^aLtuAance auparavant le Sécrétaire dela C mpZ'? ^ avant la féance publique, fans; raSS if°?nn,er de leur indifcrétion ? ^o'mmentla tÏ/W chat.,ment TOmfe Ze arf*» noum r H o™ " perjonne, qui aura, S^atf* «fe laCompL? auUn Z prcfwitera pour recevoir la couronneS fi'Jl ■ qu'elle doit 1'obtenir? L^X^L^efiX^ lom dc 'cninformcr? ou bien M. dtfffi LI' 3 AnSe"^ *■ «" fornme généreux & biSfaE fellah L^Ziï que 1 autre. Ses «té*, comme 5£3feg £m co£ iwes. •  Civile Litteraire-. 14? nues. Mais il donne 12000 liv. oh! pour cela non, je vous en réponds: 41 n'eft pas fi fot. II a eu 1'art de perfuader a quelque nouveau M. de Valbelle de_ faire préfenter fous mains, par fon canal, ce cadeau a 1'Académie, & de 1'engager k garder le fecret. Par cette manoeuvré adroite il fait croire aux uns, & laiffe foupconner aux autres, qu'il eft 1'auteur du bienfait. Sana être o-énéreux, il jouit de 1'honneur de la générofité. C'cft^out ce que veut un homme, poffédé de la fureur d'obtenir tous les genres de gloire ou de renommée, Ce qu'il y a de plus choquant ici, c'eft de voir proftituer le nom du Roi a des manéges auffi méprifa* bles. C'eft de fon aveu, dit le programme, que la Compagnie a accepté la donation. Tant pis: c'eft une preuve qu'on ne lui a pas fait part du ridicule qui 1'accompagne, ni des conféquences qui la fuivent. La fomme de 12,000 liv. eft placée en rente viagéra fur la tête du Monarque & fur celle du Dauphin: c'eft; encore la une fingularité bien étrange de ce don, touc extrtordinaire. En général il eft odieux d'agioter avec la vie humaine; a plus forte raifon avec celle des Sou* verains. Parmi les caufes les plus acfives de la dépra* vation des mceuts, qui eft 1'ouvragc des gouverne* mens, il faut comprendrc leurs emprunts, & parmi les emprunts les rentes viagéres tiennent le premier rang.. C'eft une affez plaifante méthode de réformer les: moeurs, que de flétrir une inftitution annöncée avec eet objet pour but, döl'expédient qui ale plus contribué a les corrompre. > Et le difcours lü dans la féance publique fera prejente d ce jeune Prince. Ainfi fes premiers regards feront portés fur une clajfe d'hommes éloignée du tróne, &? il ■apprendra de bonne heure que parmi eux il exifte des Vertus. Voila une réflexion auffi judicieufe que bien tournée: les claffes plus prés du tróne doivent être fort flattées du compliment que leur fait le donateur, S'il faut porter les regards du Dauphin fur le peuple» pour découvrir des vertus, il n'en exifte donc plus chez les grands qui Penvironnent. On ne concoit pas par quel fecret M. d'Alembert eft parvenu a fe concilicr la bienveillance ou 1'admiration des perfonnes qu'il infulte d'une maniere auffi directe. Si parmi le peuple il exifte des vertus qui méritent r Ka dé  Correfpondance Poïitique, de fjxer les regards du prince deftinéa le gouvernerfi c eft fur cette claffc éloignée du tróne qu'il doic' porter fes yeux, pour en découvrir; ce n'eft donc pas elle qUl a le plus befoin de réformer fes mceurs ÏS-t -d™ .aIors.l'"nportance amphatique, attribuéea cette inftitution pitoyable? rJlSmt aVr°Uer q,u-b le PeuPIe fera bie" ^ancé; que ^v1T^^er°n^bienzaméIiorées> quand 1'Académie auiapielente au Dauphin, une mauvaife déciamation. km nn^c'renC0-frnvcIclppé deslanges de 1'enfance, ne lama pas lire; il faura a peme ouvrir les yeux, lorsque 1 année prochame on lui préfentera au berceau, le premier monument élevé par 1'éloquence a la réfor- SÏÏ. H°S *i en fera de cette préfentation comme de celle du Cordon bleu, des ordres de St.Louir & du St.EJpnt, dont on 1'a décoré Ie jour de fa naillance. Je ne vois rien de bien édifiant pour les mceurs du peuple dans ces formalités indifférentes. Laugufte enfant n'y trouvera pas non plus des initruétions bien précieufes, ou du moins, bien utiles II pleurera probablement après fa bouillie, au moment ou les réformateurs académiques lui offriront gravement un A. B G. philofophique. II eft douteux, qu au milieu de la foule de hochets de toute efpècê qui 1 environnent, il daigne porter fes regards fur celui que 1 Academie lui deftine; a moins qu'elle n'aie la precaution de le lui offrir fous une forme piquante La reheure frappcra plus fes yeux, que le difcours ne touchcra foncceur. Voila, il faut 1'avouer, une plailante maniere d'inftruire 1'Héritier préfomptif d'un grand Royaume. Ce n'eft pas ainfi que fe forma Henri IV. II ne lut pas depieces couronnées par 1'Académic: on ne lui prélenta par dejoujoux dans fon enfance. Né loin du tróne, il paila une partie de fa vie dans 1'adverfité; & formé III d •' 11 eïïpI°ya raucre a rég»er en grand Roi & en bonPnnce II avoit appris a connoïtre fon peuple en vivant avec lui, ix non pas en entendant parler gauchement par des pédans, qui connaiffent aufll peu c^- peuple, que ceux k qui ils en parient fous la pour- Addi-  Civile & Litteraire. 145 Addition aux réflexions, qui fuivent le Tableau conjigné dans le N» XXIX. On ne mange pas, dït-on, des bots de conftruclion, du Chanvre, du Fer, du Bronze, &c. Cela elt vrai. Aucun des matérnux, qui fervent a former les inftrumens deftrufteurs de la guerre, ne peut fervir immédiatement a la nourriture des hommes. Mais qui peut nier qu'on ne puiife pas les convertir a des ufanes plus utiles, qu'a. celui de la deftruftion ? Les travaux de toute efpèce exécutés; les bras employés ; le temps confumé, pour leur donner une propriété meurtriere; n'auroient - ils pas pu être dirigés de facon a. leur en communiquer une avantageufe a la fociété 1 Eft - il étonnant qu'elle foit pauvre & dénuée; que la plus nombreufe portion de fes membres manque du néceiTaire, quand les matières, que la nature leur fournit, pour leurs befoins, font diftraites de leur deftination originelle, & les forces, qu'elles poiTédent pour les modifier, proftituées a leur nuire & a les épuifer ? Les hommes de nos climats, accoutumés par 1'éducation & par 1'habitude a vivre de pain, fait avec du froment ou de feigle, ne mangent non plus ut üvoine, ni paille, hi Jourrage. Cependani; les chevaux de la cavalerie, de Vartillerie, des équipages, de main & de pofte, qui confomment ces productions de la terre, en font-ils moins, pour cela, le fléau de la fociété qu'ils affament? Ces malheureux ammaux, fi utiles a 1'homme, lorfqu'ils partagent fes travaux & adouciffent fes peines, ne font plus, comme les rent'ers & les moines, que des canceres dévorans, quand ils vivent dc même oififs, ou pour faire des parades comme les armées & les flottes, ou pour exécuter des ouvrages inutiles ou funeftes, comme les ouvriers ■qui fe confument dans les chantiers militaires, dan» les fortéreües, dans les forges, dans les fonder 1 es, H ^ dans'  Ï5» Correfpondance Poïitique, dans les afteliers ianombrables du luxe & dc la oolü tique. ruu Si le terrein qui produit leur nourriture, & les travaux champetres, qui la font croitre ou qui la préparent, étoient confacrés h multiplier lesVubfil&nces k focS V£ndTG & ra "^^régneroient dans la iociete, lans ceffe expofée aujourd'hui a la difette aux pnvations, & toujours a la veille de manquer du neceffan-e, par les profuöons que la manie Tffipï Lf mernemT & les "^vers fantaftiques des ïicl es font cpntmuellement des matieres précieufes. reclamees par les plus preffans befoins de fes membres .X?" Parcoure attentivement les diverfes branches ^ ^d™mft™.publ,que Sc de 1'mdtrfrrie moderne, en- Autope, la navigation, le commerce, le luxe, le iyfteme militaire & maritime, la plöpart des in ft tutions focialcs ; on fera effrayé du réfultat que produit un examen attentif de ces objets. On verra quTv a plus de terrein occupé, de travaux exécutés, de ma; teiiaux lacrifies, de mains employees pour fatisfaire Ia fureur du public & les folies des particuliere que pour procurer aux hommes de cette partie du monde inabitation, le vetement & la nourriture. Réflcxion accablante: mais'réflexion inconteftable, qui indique a veritable caufe du dénuement dc la fociété & dc 1 atfreule milere qui tourmente les trois quarts de fes membres , que fon ignorance ou fon délirc écrafent dures c°ndammcnt aux privations les plus Et c'eft chez des fociétcs nombreufes, dans des pays qui regorgent dc monde, ou il y a tant de mal heureux pnves des chofes les plus urgentcs aux befoins 1C t VJr' ? lorfcIu'on s'occupe ü ridiculcmcnt de lecettes fur la population; qu'on fe iivre fi inconfidé. xement a fes prodigalités défaftreufes de Ja terre dc fes frats & des forces deftinées par la nature, a' fé, condcr 1 une & a modifier les autres pour lc fervice de 1'homme! Encore li tout le monde étoit dans 1'aiïance; ii lc plus grand nombre des individus étoit heureux; fi les plus pauvres étoient logés, mcublés, vetus, nourns; fi les provifions du genre humai, ebondoient partout, fi ]a fociété avoit une furabon: dancc  Civile £? Litteraire. I5T. dancedc denrécs & de materiaux, dont elle put fair ; le facrifice fans foulfrance: il feroit pcut-étre permis, ou du moins excufable, de commettrc des exces qui ne fauroient 1'expofer aux privations. Mais encore une fois, a quoi bon dire la vérité aux fourds, ou la préfenter aux aveugles? N'eft-ce p.s rifquer de perdre fon temps, ou de ne faire que de 1'eau toute claire? Les couronnes n'eurent jamais ni yeux, ni entrailles. Proposition de la Ville de Lcyde aux Etats dk Hollande et de We stfrise. Ia Ville de Leyde, fi cdlèbre dans notre République, _j vient dc fe fignaler par une démarche eclatante, qui fait beaucoup de bruit parmi nous. Les partifans de la phalange, fous les bannieresde laquellc 1'unes.elt rangée, prennent 1'autrc pour lc noble effort d'un patriotifme genéreux, qui fe montre avec énergie, dans un temps critique. Peut - être les hommes impartiaux, équitables, qui réfléchiront dc fang froid fur la 'nature & les circonftanccs de cette conduite, y trouveront - ils quelque chofe d'un peu different. Ils feroient bien étonnés, fi, après un examen férieux, ils n'y voioient qu'une affectation déplacce, des alle«ations fans jufteffe, des conjcélures démenties par fex'périence, un deffein fecret de chagriner le Chef dc la République, une Jérémiade plus propre a la üegradcr qu'a la fervir. ccc. , Oue dans une conjonfture oh la fplandcur dc notre République eft fi vifiblcmcnt déchue; oh cct Etat autrefois fi puiffant, fe trouve éclypfé féparement par chacunedes puiffances, dont les forces réumes, auhccle paff1,- ne pouvoient produire cct effet; oh 1'impuiffance la foiblclfc, réelles ou prétendues, dont tout le monfe fe plaint, font attribuces par la voix publique a f iueptie ou k lanégiigence des chefs-de 1'adrrumltraK 4 tion  1^2 Correfpondance Poïitique, tion & k leurs principaux agens: que, dans une fituation femblable, des Régens, qui participent a la fouveraineté de leur pays, qui font obligés de veiller a fon lalut, en vertu du dépot facré qui leur eft confié: prennent connoiffance des affaires qui le concernent; qu ils s informent de 1'état des chofes, des moyens de défenfe, del emploi qu'eu font les perfonnes prépofees aux différens départemens: il n'y a ri«n la que de naturel & de ouable. On ne fauroit qu'applaudir au zèle aux folhcitudes de ces vénérables patriciens, quand ils joignent la circonfpecfion a la vigilance, & Ja prudence a 1'ach'vité. r^ir a\$Ae ZiIe,ne Perd-n Pas dc fon merite, & ces fo hcitudes de leur prix, par la maniere dont ils fe rnanifcftent ici? Les termes avec lefquels 1'un s'exprime; Ja pubheité, 1'oftentation, avec lefquelles les autres fe developpent, n'autoriferoient - ils pas a leur attribucr un motif, que la raifon & 1'équité ne fauroient approuver? Quoi! pour faire ion devoir, faut-il s expofer au reprochc d'y avoir manqué? pour sacqmtter envers la patrie doit - on 1'aviJir ou Ia compromettre? Le patriotifme aflurement n'exclud pas la prudence ni la juftice, & pour être magiftrat, il ne faut pas ceffer d'étre citoyen. Cependant il feroit bien difficile dc trouver ces caïatteres_ reunis dans la conduite, que la Ré«ence de Leyde yient de tenir. En affeclant un vif intérêt pour Ja gloire dc la patrie, elle en a proftitué 1'honneur aux yeux de 1 Europe enticre. Elle repréfente la République dans un état d'abjeflion & d'aviliffcment, que fes cenieurs les plus amers ne Jui reprochent pas Le preambule de fa complainte eft une vcritable fatvre qm peint Ia nation jouée au dedans, vilipendiée au déhors, & 1 adminiftration négligcnte, corrompue ayeugle, incapable de prévoiance, d'aftivité & dè vigueur. Ccrtamement ce langagc, quand il feroit vrai, feroit encore déplacé: ce ne feroit pas a des citoyens, inoms encore a des Régens de lc tenir II . leroit tout au plus fuportable dans Ia bouche des ennemis de Ia République, dont la bafleffe ou la Iacbete, les autonferoient a parler d'ellc avec dédain & «"•vee mépris. Ce n'étoit pns ainfi que les pntriotes dc Rome fe com-  : ■ Civile 6? Litteraire. 153 "comportoient clans les temps critiques de leur patrie. lis montroient plus d'élévation,denoblefle,de dignité. Ils fe gardoient bien de rendre la République méprifable, en en faifant aux yeux de fes ennemis des pein'tures méprifantes. Quelle que fut fa détreffe, ils lui 'ëpargnoient 1'affront de la dégrader. Après la déroute •de Canne, le fénat en corps alla au devant du malheureux Varron, pour le remercier de n''avoir pas défefpérê du falut de la République. Ce compliment n'étoit: qu'une formule de protocole, a la vérité: mais iÜ ?eint Ia magnanïmite de ces patriciens fameux, donc ame élevéè ne reffembloit guères k celle des hommes qui fe flattent aujoud'hui de marcher fur leurs traces. Dans le demier fiècle notre pays toucha au moment d'une cataftrophe femblable k celles qu'AnnibaC & les Gaulois avoient fait éprouver a Rome. U n'y ■avoit peut-être pas chez nous autant d'héroïfme, der •courage, dedévouement, que des circonft ances pareilles & les mêmes dangers en avoient développé chez les Romains. Cependant on vit prendre les réfolutions les plus généreufes: on mon tra une fermeté, une grandeur d'ame, dignes des fondateurs de la Républi•-que. Tandis que la Ville d'Amfterdam fe decidoit a s'enfévclir fous les eaux, a fe défendre jufqu'a 1'extrémité, plutöt qu'a fubir le joug d'un conquerant cruel, un Gréfier des Etats Généraux, lc digne Fagel, difoit a M. de Groot-, allez vendre votre patrie; pour moi, j'aimerois mieux être déchiré enpièces, que de më vendre Vinftrument d'une CommiJJïon fi honteufe. Le mot de Guillaume III n'eft pas moins rëmarquable. je connois, difoit-il, un moyen de ne pas voir périr ma patrie. C'eft de me faire tuer dans le dernier retranchement. Cnie nous fommes loïns aujourd'hui de ces fentimens magnanimes, avec ros ames rétrécies, notre efprit de chicane, nos calculs mefquins! Nous ne favons plus que critiquer, épiloguer, contrarier. Notre enthoufiafme s'évapore enfenfures, en difficultés. Dès que nous avons témoigné du mécontentement a 1'adminiftratioii, défapprouvé, blamé fes méfures, gric contre fes opérations; nous nous imaginons d'étre des citoyens géhéreux & des patriotes ardens. Le public irhpartia], les étrangers indifférens ou de K 5 fang  IS4 Correfpondance Poïitique, lang froid, décideront. fi ce n'eft pas Ia védtablement le jugement qu',1 faut porter de la propofition de Zeyde & de toutes celles du même eenre, exaltées dans lapame, avec tant d'emphafe & fi peJ de dicernement Ojitre 1 mdifcretion qu'il y a de compromettre la République en la repréfentant dans un état de confufion, de foiblefle de défordre, d'avilificment ■dignes du plus grand mépris, quel peut être le but de ces criailleries eternellcs ? quel bien peuvent - elles «ure* lont-elles une preuve du patriotifme de leurs auteurs? eft-ce en flétriflant leur patrie, qu'ils la rendront refpeólable a fes ennemis & è fes afiiésS eftce en cenfurant 1'adminiftration, qu'ils remédieront aées défauts, quils en réformeront les abus ? Et croicnt-ils s'être acquittés envers leurs citoyens, en les jettant dans la défiance & le doute; en faifant naïtre dans leurs cceurs les allarmes cc les inouié•tudes? ^ Je laiffe a penfer aux hommes dégagés de toute nrévention, fi c'eft bien pour tranquillifcr lc peuple pour 1'encourager a la vue du danger, pour le foumet-tre au gouvernement, qu'on s'appliquc avec tant de foins & dc perfevérance, a lui rendrc 1'adminiftration •ridicule, odieufe ou móprifable; a lui peindre la République dans la bafleffe & l'abjecfion, prête a tomber dans 1'abime, fur le bord duquel on lui dit que 1'incapacitc, ou linconduite de fes chefs 1'ont expoféc Et fuppofé que telle foit la fituation de I'Etat dans* ïes circonftances préfentcs, eft-ce lc moyen d'e prévenir ou de parer le danger, que de lc déplorcr dans un ftile aulh lache que les fentimens qu'il exprime ibnt pufillanimes ? Ou eft lc befoin de révélcr k la nation Ia grandeur du pcril oh elle fe trouve, & 1'humiliation •oh elle eft tömbée? Des Régens appelles a rélevcr la gloirc de leur patrie par la fageffc de-leur conduite a Jui rendre, par Ia vigueur de leurs actions-, la force qu'elle a perdue, ne peuvent-ils s'acquitcer 'de leur ■devoir fans en faire parade, ni délibércr fur Ia foiblefie de leur pays, fans mettre l'Europe ciuiere dans 'cette confidencc doulourcufe? Pourmoi, il me femble que l'afFcclat;on feule d'informer le public, par Ia voix de fimprcfliun, des repréfentations qu'on fe croit obligé de faire fur des objets  Civile 6? Litteraire. 15c bbjets d'une fi grande importance, décèlc mieux Ie but qu'on fe propofé, que les cfforts, que 1'on fait n'indiquent les mefures pour réparer le mal dont ori fe plaint. Les affaires publiques veulcnt être traitées en filence. Le fecret doit être 1'amé des délibérations fur des maticres auffi graves. II cfl toujours dangéreux, impolitique, d'apprendre aux ennemis de I'Etat, qu'on n'a pas la force de leur réfiftêr, & de montrer au peuple les caufes,' vraies ou fauffes, de cette impuiffance.- 1 Ainfi, quand- lés plaintcs de la Ville de Leyde, celles de Tergoes, & des Etats de Zêlande feroient fondées, elles annonceroient, par leur publicité, un deffein plus;malfaifant que falutaire. Auffi n'eft-il pas aifé de fe méprende fur la vérïtable intention, le motif fecret, de ces éclats, qui feroient fans objet , s'ils n'en avoient un bien réd contre la conftitution dc I'Etat.; s'ils ne tendoient & décrier le Stadhouderat, a rendrc le Stadhouder fuspcét, k lui enlcvcr l'afFecu'on du peuple k qui on' tache d'en inrpofer par eet étalage de craintcs & de follicitudes, pour lc foulcver contre le Chef de la République, & contre fes partifans. Mais quoi, dit-on, les villes votantes de la République , en leur qualité de membre intégrans de la fouveraineté, n'ont-ellcs pas lc droit dc prendre connoifi'ance de la fituation des affaires ; de témoigner leurs inquiétudes fur les fuites de ccttc guerre; d'exprimer leurs craintcs fur la manière peu vigourcufe dont on la fiit? S'il exifte des malverfations qui compromettent 'la patrie, n'eft-'il pas du devoir des Regens de chcrchcr a découvrir les adminiftratcurs in'fidèles? S'il y a dans quelques départemens des employés négligens ou mal affectionnés au pays, ne doit-on pas s'eftbrcer de les découvrir pour leur iufliger la punitiort qu'ils méritent? Oui, fans doute. II faut prévenir la trahifon par la vigiiance, ou punir par la^flg'ttóui! les traitres s'il y cn a., On ne peut pas contefter aux. villes le droit de s'cxpliquer librement fur les maticres du Gouvernement, ni les bhimer de la chaleur qu'elles font paroïtre pour pénétrer la caufe dc la mauvaife direftion des affaires. Mais o!i eft le bclhin de faire un tapage qui femble annoncer que tout eft perdu lans remède; qu'il n'y a partout que déprédation 6; préva- rica-  15^ ■Correjpondance Poïitique, ïicateurs? Nous avons cinquante villes, qui ont toute» Ie droit de fe plaindre, de s'inquiéter, de concevoir des foupcons, de les répandre dans le public, de ietter 1'allarme & la confternation parmi les efprits. Si «lies en ufoient, comme quelques unes ü'elles Ie font, il faut avouer que cela feroit un beau charivari au milieu de nous-, & quece patriotismè bruïant, qui s'évapore en paroles, en mauvaife humeur, avanceroie i»ien les affaires publiques. Ou eft furtout le befoin d'exhaler ces plaintes k la face de YEurope, en termes vagues & généraux, qui n'indiquent a la multitude qu'un adminiftrateur inepte, ou un agent coupable, dans le Chef de I'Etat? y a t-il un feul homme, qui, a la lefture de Ia propofition de Leyde, ne foit induit a croire que c'eft le Prince qui eft 1'auteur de tous les défordres qu'on y déplo3-e? Et fi les chofes en étoient réellement au point oh cette Régence les repréfente, ne feroit - on pas tenté, a la maniere dont elle indique la fource du mal, de Ie rejetter fur la faute de S. A? Auffi n'eft-il pas douteux que 1'objet direct, de fa Iamantation eft moins de décrire le véritable état des chofes, & d'indiqüer laméthode de les améliorcr, que de difpofer tout le monde a rejetter la caufe-de leur défedtuofité fur le Stadhouder. C'eft de quoi il eft facile de fe convaincre par Ia conftruétion même de cette pièce étrange. Elle propofé aux Etats de Hollande, notez bien, aux Etats de Hollande, qu'il plaife a leur N. & G. P. d'Or- donner fuivant leur puiffante £? autorité Souver aine ó'exiger . ... de S. A. S. Mgr. le Prince Stadhouder , Copie de tous les ordres qu'il a donnés, depuis le> commencement de cette guerre. Je ne dirai pas que le Prince ne doit pas cette communication a la Province d'Hollande, mais a Ia Généralité; paree que notre machine poïitique eft fï compliquée, iïdiffute, ü embrouilléc, qu'on n'ofe hazarder d'y porter le flambeau de la raifon , fans s'expofer h ëtre k chaque pas, arrêté par les prétentions diverfes & contradiétoires, qui s'effarouchent des rayons de la lumiere. Je ne dirai pas non plus, que 1'ordre a intimer au Prince de rendre raifon de fa conduite k Un feul membre de la confédération a qui il en eft refponfable, eft inju- rieux,  Civïle Litteraire, ï$r rieux, ofFenfant pour S. A. Une pareille aflertion paroitroit peut - être un crime de léze - majefté. Mais je foutiendrai hardiment qu'il tend a faire retomber fur le Prince le blame de tous les défordres, en le faifant foupconner d'en être ou 1'auteur, ou la caufe. Car 1'obliger a communiquer les ordres, émanés de lui pour les opérations navales, c'eft, ou 1'accufer indirecfement d'en avoir donné de mauvais, de contraires k fon devoir & aux intéréts du pays; ou le fuppofer capable de conniver par foibleffe, ou paf d'autres motifs, k 1'omiffion ou k la défobéiffance des? officiers, chargés de les exécuter. A quelque partie de cette alternative qu'on s'arrête, on y trouvera également un affront fait au Stadhouder, & un deffein formel de le déprimer dans 1'opinion publique. Quoiqu'il en foit au refte, de ces obfervations 8c de Ia piece qui les a motivées, nous n'avons pu nous refufer au deör de faire les unes; ni a celui, de configner 1'autre dans eet ouvrage comme un doccument {irécieux pour nos deffendans. Aux reflexions généraes fur la forme & le but de la propofition de la Ville de Leyde, nous en joindrons de particulieres, en forme de notes, fur quelques paffages qui ont befoirj d'éclairciffement pour être appréciés. „ Qae Mrs. leurs prin- En fuppofant avec MM* cipaux , depuis un long les Vênérables de Leyde efpace de tems ont été vi- la République dans 1'état vement affecfés de la fi- d'humiliation fj? d'abaijfe-tuation aufli déplorable ment oü ils la fuppofent, on qu'abjedte, oh ils doivent aurapeine de'convenir avec aótuellement voir réduite eux que la caufe du mépris cette république, jadis res- de quelques puiffances pour peelée. Cm'a eet égard notre pays, foit en effet laleur fenfibilité s'étoit ac- maniere dont-il fe comporte crue a proportion que eet- dans cette guerre contre te décadence fait des pro- 1'Angleterre. Premieredes plus grands; & que, ment, je voudrois bien falie perdant pas de vue leurs voir fi les Franeois & les relations & . leur devoir, Efpagnols depuis quatre ils avoient auffi cru devoir ans, tiennent une conduite faire, a différente* fois, plus propre que la nótre, des eifores pour ccarter, è ft concilkr le refpeSt de *'il leurs  15& Correfpondance Poïitique, pris & 1 abjecïion ou cette tion de leurs ennemis. Tout république ne s'étoit que le monde fait & convient trop vifiblement expofée, que ces deux nations col & de própofer au contrai- jument chaque campagne, ie des mefures capables les plus grlnds efforts en dempecher que la caufe parades, en fumée. Graces ■de leur ruïne ne s'enracine d Dieu, nous n'avons pas davantage. Se flattant que encore été frotés comme des tems plus favorables Vune dans le détroit ni ïes auroient difpenfés de roffés comme Vautre hus la réahfer plus ouvertement Dominique. Sec ondement ces efforts , ils s'etoient il y a précifément aujourlufqu a préfent abftenus d'hui un an, le o Aoüt d en donner des marqués 1781, que nos marins plus evidentes. Mais s'é- foutinrent généreufement tant appergus avec la plus l'honneur du courage £f des vive fenfation, que leur armes des Bataves. Alors jufte attente étoit décue & chacun convenoit 'que nous que la république fe voioit nous étions montrés avec réduite a une telle décaden- gloire: toute l'Euvope nous ce, que des puiffances rendoit cette jttjlice • nos auxquelles on n'auroit ja- ennemis même ne nous la remais penfé, n'héfltoient fufoient pas. Et voila en pas de faire des démarches ce moment la Ville de Levpeumefurées, quienfour- de, qui apprend d Vuau milent évidemment les vers, que, depuis le compreuves les plus humilian- mencement de la guerre tes; ils n'avoient pu s'abs- nous n'avons Ju que noul tenir davantage de recher- rendre abjecfs &' méprifa cherde la manicre la plus bles! A quelks inconfél exacte les véritables four- quences ne s'expofe t on ces d'oii tout cela étoit pas, quand on fe liv re'd la dénvé. Que cette recher- démangaifon de critiquer ' che les avoit évidemment II eft vrai, laRépublia'ue convamcus, que la con- de Venife a refufé de ren duite tenue dans cette ré- dre juftice d un de nos cipublique depuis 1'origine toyens, pour qui L II p de la guerre avec YAngle- avoient pris fait £? caufe' terre devoit paffer pour II eft vrai, k Danemarc en être la caufe unique & vient de faire une démarche ventable. qui annonce peu de confi¬ dération pour nous. Mais qu'mt  'Civile Litteraire. i$$ qu'ont de commun les procédés de ces puiffances, avec notre maniere de faire la guerre aux Anglois? Qui nous empêche de faire repentir Venife d'un dêni de juftice intolêrable chez des peuples policés, £?" de foreer la Cour de Copenhague d prendre un ton plus décent? C'eft bien plu tót d la conduite , que mus avons tenue avant la guerre, qu'il faut attribuer le peu d'égards qu'on nous témoigne. Jusqu'ici aucune puiffance n'en d manqué formeïlement que YAngleterre. On ne peut pas regarder comme uns marqué de mépris le procédé de 1'Empereur, qui nous a repris des Barrières inutiles, onèreufes & funeftes ; ou s'il y ade l'opprobre dans la forme dont l'anéantiffement des anciens traités s'ejt opéré, ce ne peut pas etre fur nous qu'il retombe. Vénérables Régens! cherchez la caufe du mépris dont votre patrie eft l'objet, dans l'iyiprudence de quelques uns de fes citoyens, qui ont été outrager la Grande Bretagne, fon alliée, en Amérique; dans l'impuiffance affeélée & le refus volontaire d'appaifer cette couronne, par une fatisfaEtion légitime; dans vos irréfolutions, vos in-  joo Correjpondance Poïitique; Puifque nonobftant les réfolutions les plus vigoureufes, prifes par les confédérés avec célérité & unanimité: malgré les fommes immenfes, accordées pour mettre la marine de eet état dans une pofition convenable; indêcifions éternelles, qui vous ont empèché de vous Qréparer d l'orage, tandis que vous le provoquiez pap des procédés peu généreux. JSTallez pas rejetter l'humiliation de votre pays fur fon Chef, que vous n'avez voulu ni écouter, ni aider, quand il vous invitoit a\ vous tenir fur vos gardes , & vous mettre en état de défence. Que n'avez-vous fuivi fes confeils, lors qu'il vous exhortoit en 1778, a) porter votre marine juf qu'a 60 vaiffeaux, &f votre armée jufqu'd 60 mille hommes ? Avec ces forces respeEtables, vous n'auriez pas été les jouets de la France, ni les viEtimes de YAngleterre. Des réfolutions vigoureufes, prifes par les confédérés avec célérité £? unanimité, des ïbmmes immenfes, accordées pour mettre la marine dans un état convenable, font des expreffions hyperboliques, enflêes, qui annoncent plus d'exagération que de justejfe, plus d'humeurque d'équité. II faut laiffer ce langage emphatique aux Anglois, aux Francois, aux Efpagnols, dont les gouvernemens prodigues ont en effet diffipé des millards pour l'élévation ö3 i'jntretien de leurs marines,  Civile Litteraire i6ï Tom. II nes ', depuis le commencement de cette guerre. Mais nous, qui favons fi bien compter, fi bien économifer; qui ne prodiguons pas notre ar gent fi facilement; ce jargon farci de rodomontades ne nous va pas. Les confédérés ont, fait fans doute ce qu'ils ont dü, ou ce qu'ils ont pu, dès qu'enfiti ils ont vu qu'il falloit fonger d fe battre. Mais quand on fait que fix mois après la rupture, il n'y avoit encore aucune réfolution prife pour augmcnter la marine, on ne voit pas ld beaucoup de célérité: quand on fait combien d'oppofitions, & de reftriëtions «ntrecus, de la part des proyinces & des villes, les Petitions du Confeil d'Etat, pour V augmentation des forces de la République, on me voit pas ld trop d'unanimité: quand on fait que les réfolutions fe font bornées d réparer quelques vieux vaiffeaux, d en conJlruire une vingtaine de neufs, on trouve peu de vigueur en cela: enfin, quand on réfléchit que f extraordinaire de guerre n'a pas été por té au-deld de 10 d 12 millions de florins, tandis que la France dépenfe plus de 100 millions de livres tournois é? YAngleterre plus de deux cent, mnuelkment; il faut ion-L yenir  IÓ2 Correfpondance Poïitique, CJes mefures patriotiques n'avoient , jufqu'a préfent, pu, ni protéger le commerce (le nerf de eet Etat,) ni défendre les colonies, ni porter des coups fenfibles a 1'ennemi; qu'au contraire, après 18 mois écoulés, on avoit avec ces efforts, a tous égards louables, fi peu effeétué, qu'un petit nombre de vaiffeaux ennemis avoit été en état de tenir renfermées toutes les forces de eet Etat dans fes embouchures, & d'intercepter tellement la navigation de cette République, que dans toute l'Europe on ne voit plus de pavillon Belgique fur mer. venir, que l'épithète d'immenfe, ne convient guères aux fommes que nous \ avons conjacrées d la défenfe publique. Dans ce paffage, comme dans le précédent, il y a encore plus d'hyperbole que de vérité. D'abord eji-ilbien étonnant que dix-huit mois après des réfolutions prifes avec Jipeu de concert &de promptitude, £? malgré les modiques fommes , verJées probablement avec • beaucoup de lenteur dans le tréfor public, ou dans les caijfes des Amirautés, on n'eut pas opéré des merveilles? Kuit mois après la rupture, les Amirautés, requifes de s'expliquer für les caufes du mauvais état Oii fe trouvoit la marine, repondirent, qu'elles n'avoient ni bois de conftruction, ni outils, ni ouvriers, ni ar gent. Dans une pénurie femblable, asfurement on ne fait pas des prodiges. Enfuite, remarquez que malgré ces embarras, £y/e peu d'empreffement des provinces d remédier d cette détreffe, par d'amples facrifices, on n'a pas laiffé que de remettre en état de fervir, un grand nombre de vaiffeaux délabrés, &? d'en conjiruire plufieurs dans tous les chantiers de la Républi-  Civile Litteraire. 163 ■publique. Si je ne craü gnois pas d'étre auffi téméraire que les cenfeurs de VAdminiftration Jont injustes, je pourrois peut-être montrer, que, dans l'invalle des dix-huit mois dont parle la Ville de Leyde, notre marine ajait plus de progrès que celle des Francois fi? des Anglois, avec leur fanfaronades fi? leurs horribles prodigalités. Mais telle ejl la mauvaije Joi des mécontens de notre pays , 'qu'on ne peut les confondre, Jans informer nos ennemis des mejures que 1'on prend pour les repoujfer. Le public impartial a déja dü plus d'une fois, objeryer, que les allégations des udverjaires du Stadhouder Jont compaffées avec tant d'adreffe fi? de malignité, qu'il ne pourroit les réfuter Jans compromettre I'Etat dont-il ejl le chef; en Jorte qu'il ejl réduit d l'alternative, ou d'abandonner Jon innoncence d la rage de Jes ennemis, ou de Jacrifier l'intérèt public pour Je juftifier. Troijiemement 1 avancer qu'un petit nombre de vaisfeaux ennemis avoit Juffi four tenir bloqué- toutes les forces de la République , dix mois après tant d'efforts réunis pour éviter eet affront, ejl une bomde en vérité bien peu digne de L 2 gr««  164. Correfpondance Poïitique, Événement qui, depuis que nous formons une nation, n'étoit jamais arrivé aivparavant; humiliation, 0Ï1 les puiffances de France & d'Angleterre, réunies, n'avoient jamais pu réduire la nation au fiècle paffe; quoique cette république fourniffe encore d'auffi bons hommes de mer qu'on en peut trouver ailleurs, qui brülent d'impatience de fe mefurer avec 1'ennemi, & de fe venger de fes mauvais traitemens inouis; & quoique eet Etat foit pourvu de chefs qui, dans la feule occafion qui s'cfl: préfentée a eux, ontmontré que par leur conduite & leur courage héroïque, ils fauront maintenir, peut- être même augmenter, Ja gloire dont cette nation ] s'elt comblée dans tant de j combats maritimes. Que 1 cela étant ainfi, comme, 1 hélas! J c l l graves magiftrats. Les vaiffeaux de la Frife, de la Meufe, de la Zélande n'étoient ni au Texel, ni au Vlie, quand Howe fe promenoit devant ces rades. Je ne concois pas comment des Vénérables of ent s'expofer d être publiquement contredit fur des faits qui font connus de tout le monde. Et puis eft - ce une chofe bien extraordinaire qu'une flotte d l'ancre dans un port ou dans une rade, foit enfermee par un petit nombre de vaiffeaux ? II y a dix mois, d'Arby ne bloquoit - il pas avec 28 vaisfeaux Anglois, plus de 40 vaiffeaux Francois dans le port de Breft? Qu'eft-ce que l'emprifonnement de notre flotte au Texelprouve? Rien du tout. En vérité, on a honte de devoir repouffer des plaintes auffi puériles £? des griefs auffi abfurdes. II n'y a plus de pavillon Belgique en Europe! par ma foi, je le crois bien; nous faifons notre Commerce fous le pavillon neu■re, fuédois, pruffien,im)érial, portugais: il n'eft >as furprenant qu'on ne ■oü plus le nótre plotter ur les mers. _ Avouez , lecleur judiieux, que voila un hélas.' ien placé d la fuite de l'éige de nos héros &? de leur bra-  Civile & Litteraire. 16S II n'eft que trop vrai, il ne doit fervir qu'au plus grand mécontentement de h plus grande & meilleure partie des habitans, qui ne refufcrcnt jamais de fupporter une impofition, futelle redoublée, & qui, tandis que cette charge devoit les en garantir, ont cependant dü elfder desdéfaftres aCcumulés, & voient encore, chaque jour, s'anéantir a leur 'grande douleur les moyens de leur fubfiftance & de leur bien-être: Inaclion fi impardonnable & (ne fautil bravoure. Ejl - ce que la Régence de 'Leyde feroit fachée, ouaffligée que laRtpüblique ait encore d'aufil bons hommes de mer qu'on en peut trouver aillcurs, qui brülent d'impatience de fe mefurer avec 1'cnnemi, & qui ont montré par leur conduite & leur courage héroi'que, qu'ils fauront bien maintenir & aug-. menter la gloire dont la nation s'eft comblée dans les combats maritimes ? On ne voit ld rien qui puisje motiver eet hélas fi touchant. Mais admirez comment de braves marins, remplis de fagejfe £? de valeur, ne peuvent fervir qu'au plus grand mécontentement de la plus grande & meilleure partie des habitans. Je fens bien que les Vénérab'les répondront que ce iïefl pas cela qu'ils veulent dire; mais Je répondrai, moi,que c'eft cela qu'ils difent. Or, certainement on n'a jamais rien dit de plus baroque ni de moins fenfé. Voyez un peu la belle conjéquence! comme elle découle des premiffzs! comme L 3. ce-  i66 Correfpondance Poïitique. il pas Ie dire?) direftion des affaires fi mauvaife, qu'elle doit frapper les yeux de tout bien-intentionné, qui aime fa patrie & qui doit ainfi 1'avoir continuellement en vue. ce raifonnement eft concluant! Les Vénérablesfont affetïés de i'Etat abjeft oïi ils doivent voir cette République , jadis refpedbée: leur fenfibilité augmente d mefure que cette décadence fait des progrès: ils font différentes fois des efforts pour écarter le mépris & ïabjeiïion oü elle s'eft expofee: fe flattant que des temps plus favorables les auroient difpenjés de réalifer plus ouvertement leurs efforts, ils s'étoient abftenus d'en donner des marqués plus éyidentes: mais s'étant trouvés degus de leur efpoir, £? voiant la: République expofée d des démarches peu mefurées de la part de puiffances aux quelles on n'auroit jamais penfé; ils ne peuvent plus Je difpenfer de rechercher la caufe de tout cela. Cette recherche les a convaincus que la conduite tenue dans cette guerre , eft cette caufe unique 6? véritable; puisque malgré les réfolutions, vigoureufes promptes , unanimes, é? les fommes immenfes, toutes les forces de I'Etat avoient été bloquées après dix huit mois,par unpetit nombre de vaiffeaux Anglois; que le commerce n'étoit pas protégé, ö? qu'on ne voioit ilus de pavillon Belgique ians les mers d'Emope, quoi..  Civile & Litteraire. 167 quoique les flottes réunies de la France fi? de i'Angleterre dans le fiècle paffe n'euffent pu produire cette humiliation, fi? quoique aujourd'hui nous ayons d'auffi bons hommes de mer qu'autre fois, fi? que nous foyons pourvus de chefs dont le courage héroïque mus affure le maintien, peut - être Vaccroiffement de la gloire dont la nation s'eft comblée jadis; ce qui étant ainfi, hélas! ne doit fervir qu'au plus grand mécontentement de la plus grande partie des habitans. Je crois, fi? tout le monde fera de mon avis, que les Régences de Leyde, de Tergoes, de Middelbourg, d'Alcmar, fi? toute la confrérie criarde, prouveroient beaucoup mieux leur bonne intention pour la patrie, en lui offrant comme les Francois, les Efpagnols fi? les Anglois, des vaisfeaux, des matelots, des bataillons, qu'en la fatiguant de leurs gémiffemens ftérils fi? infrudtueux. II 'eft vrai qu'il en cotlte moins d noircir un peu de papier, fi? d ennuier le public d'un bavardage infipide. Ce patriotifme ld n'eft pas cher. On eft bien intentioné d bon marché. Et que Mrs. leurs prin- • Refponfables : d Dieu, cipaux, qui, Hés par le fans doute, comme M: M. ferment & le devoir, ju- les Frifons, qui ne recongeant L 4 no'fftnt  Ï6& Correfpondance Pditiauè* geant que cela ne pouvoit plus être paffë fous filence, fans en devenir responfables, s'étoient vus preffés, pourdétourners, s'il eft poffible , les fuites préjudiciables que des aéfions de cette nature doivent néccffairement faire naïtre, de penfer aux moiens convenables & conftitutionels, quj doivent être jugés les meilleurs pour effectuer les changcraens qui peuvent, a jufte titre, être requis a cette fin. Afin donc que les confédérés refpeélifs, & en particulier L. N. & G. P. ne puiffent être taxés d'avoir tardé^ a prendre les mefures néceffaires pour porter les forces navalcs du pais dans 1'état requis , pour pouvoir agir avec fuccès contre 1'enncmi, les Vé- ' nérablcs fe trouvent obliges de própofer a L. Ar. & G. P. qu'il leur plaife d'ordonner, le plutót posfiblc, u.ne recherche rigide des caufes réelles & véritables de -cette inactifjp fi palpablc; &, a cette fin, fuivant leur puiffance & autorité fouveraine, d'cxigcr provi_:'•nellement dc S. A. S. Mgr. noijjent plus d'autres maU {res, quoique dans le vrai; ils ne foient comme tous les ff gens de VEtat, que les aelegués du peuple, lesferviteurs du public, les oM* eters de la patrie. Sur cette tirade affommante, je ne ferai que deux om trois remarques. i° C'eft un bien pauvre gouvernement, une bien pitoyable machine poïitique, que celle oü lesfupérieurs font obligés de vendre compte de leur conduite aux inférieurs; ou du moins, que celle oü les inférieurs prétendent avoir le droit d'aftreindre , de foumettre d l'examen, la conduite des fupérieurs, toutes les fois que l'humeur ou le caprice leur en infpiréront l'envie. Qu'on penfe que chez -nous 'cinquante villes ou membres de I'Etat ont les mêmes prétentions, £? qUe pour les faire valoir, ils ne confiderent pas fi le bien public , fi le fecret des opérations s'accordent avec les motifs particuliers qui les animent; £? on verra combien notre conftitution eftvicieufe. 2° L'affeclation de dire au Prince; nous fommes dans la ferme perjüation que de ce moment, V. A. pourra donner des preuves fuffifantes, comme on eft e« droit'  Civile. é? Litteraire. ifjp ) Mgr. le Prince Stadhou| der - Héréditaire, en quaI lité d'Amiral - Général de cette province". Copie de tous les ordres, qui par S. A., en 1 fa qualité fufinentionnée, | depuis le commencement 9 de la guerre préfente, j avoient été donnés de | tems en tems, jufques & 1 inclus la derniere fortie dc | la flotte, aux officiers pourvus de quelque commandemcnt en Europe ou ailleurs, fur. les efcadres | de 1'état, foit que ces j efcadres fe fuffent trouvées aux rades ou dans les i ports de la république, en Europe ou ailleurs; foit ; dans les ports ou aux rades d'autres puiffances; i foit qu'elles euffent eu ori dre de fortir, ou de refter dans leurs ftations. ■ De j plus, copie de tout ce qui : s'eft paffé aux confeils de guerre maritimes, tcnus i durant le même efpace de i tems, a bord des efcadres fufmentionnées en Europe, avec les réfolutions qui y ont été prifes,- le tout, entant que ces mêmes ordres & confeils de guerre pourroient avoir eu pour. objet, la protedfion du ■ commerce, la défence des poffeffions de la république, le dommage a caufer a 1'ennemi; dans la ferme attente, qu'a la fin de la cam- droit de s'y attendre, que les officiers de la République font chargés d''ordres d'un? nature d fe concilier avec leur devoir & le vótre; efi équivalente i au plus violent foupgon du contraire. On ne peut rien ■ concevoir de plus défiant, de plus défobligeant, de plus injurieux, pour un Chef, d qui les mèmes homnies qui Voutragent fi fenfiblement ont lié les mains, & qu'ils privent desmoyens de faire le bien, qu'il aime Ö3 qu'il. defire d'opérer. 3° Qjiand on Jé permet de fonder des griefs fur des fuppofitions, on rif que de joindre le ridicule d l'injujlice, ê? 1'on s'expofe au reproche d'avoir manqué de jugement autant que d'équité. C'eft ce qui eft ar* rivê ici d M M. les Vénérables. Ils fuppofent que la flotte Angloiib des IndcsOccidentalcs, informée de la ftation des flottes combinées dans la Manche a dü chercher d rentrerdans les ports 4'Angleterre, en,. dirigeant 'fa route par le nord. De ld, felon eux, l'obligation pour 1'Amiral Général de la République, d'ordonner d la flotte de Uitat de faire le tour de TEcofle, pour intercepter la flotte marchande des Anglois, öu preuve de l'incapacité, ou de la mauvaife volonté de ce Chef, s'il n'a L J pas  *7° Correfpondance Poïitique, compagne adluelle, S. A., en fa qualité fufmentionnée, reraettra des copies femblables de tous les ordres par elle donnés, ainfi 3ue dc ce qui aura été écidé par les confeils de guerre, de la maniere fusmentionnée: £72 out re , dans la ferme perfuafion que dès ce moment S. A. pourra donner des preuves fuffifantcs, comme 1'on eft en droit de s'y attendre, que 1'efcadre adtuellemcnt en mer eft pourvue d'ordres d'une nature, que les officiers qui y commandent, fe trouvent amplement chargés de caufer a 1'ennemi tout le dommage poffible, tant par la ruine de fon commerce, que par 1'interception de la flotte attendue de retour des Indes - Occidentales , laquclle, étant felon toutes les apparences, prévenue de la ftation des flottes combinées, tachera d'atteindre fes ports par le nord de VAngléterre ". pas réglé fes ordres fur cette hypothefe. Mais d peine la propofition de la Ville de Leyde ejl lue dans Vaffemblée des Etats, que les papiers public nous apprennent que la flotte des Indes - Occidentales, par une des plus belles manceuvres, a montré, combien des Régens font peu propres d combiner les êvénemens de la guerre, £? d diriger les opérations navales. Injtruite en effet de la flation des flottes combinées, fi? prévenue que la notre pourroit Vattendre par le nord, elle a eu foin d'éviter également ces deux pièges. Pendant que Howe amufoit Cordova £? l'attiroit d Vouefb , le convoi dirigépar desavifoou informés du fecret, rafoit les cótes de France, ê? fe rendoit dans les ports d'Angleterre, fans courir auvun rifque. Comment M M. de Leyde peuvent-ils ?étre mis dans Vidéé que les Anglois,prévoyant la mar'hé de notre flotte vers le nord, auroient laiffé la leur :ourir d un danger évitent? II faudroit les fup,ofer bien maladroits, pour ■ roire qu'ils Vauroient fait 'chapper aux flottes comnnées, afin de la jetter lans nos filets. Ce trait Vhabileté 6? de bonheur de a part des Anglois, eft bien  Civile & Litteraire. 171 bien mortifiant pour les Cordova fi? les Guichen, de qui il a degu l'efpoir d'une viche capture. Mais il me femble qu'il l'efi encore plus pour les Vénérables, dont il c déconcerté la prévoyance , Ê? óté d leurs plaintes jusqu'd l'ombre même d'un ■prétexte. Je fuis perfuadé qu'en apprennant cette anecdote , ils auroient bien voulu pouvoir retirer leur propofition, fi? en effacer le fouvenir dans l'efprit du public. 11^ eft bien démontré par Vévénement que, notre flotte, envoyéejur les cótes de Z'Ecoffe £5? de Z'Irlande, n'auroit point rencontré le convoi Anglois, qui a longé celles de France: mais eft-il également für qu'elle £n auroit été quitte pour avoir manqué fon coup, fi? fait une courfe inutile, comme font éternellement celles de France fi? d'Espagne, qui épouvantent tellement l'ocêan, que per* fonne ne s'y montre, tandis qu'elles s'y promenent fi majeftueufement fi? fi ridiculement'i C'eft de quoi 1'on peut raifonnablement douter.- J'ignore quels ordres le' Prince lui avoit donnés, fi? comment les officiers qui la commandent les ont exêcutés. Reléguê dans les bruyeres avec un peu de bon fens que je conJulte  i?2 Correfpondance Poïitique, II: De demander enfuite ouverture, fi une pareillè recherche a cu lieu pour découvrir a qui il faut attribuer, qu'après le départ connu de Sir Torke, les vaiffeaux commandés par Mrs. Satink & Volbergen, avec le vaiffeau de la compagnie, commandé par le Capitainc van Prooyen, n'aicnt pas été fur le champ avertis, afin de prévenir qu'ils ne fusfent tombes, ainfi qu'il eft fulte de mon mieux, je nefuis pas fi bien informé que les Vénérables , £? il ne m'appartient pas comme d eux, de mettre S. A. fur la felette, pour lui 'faire rendre compte de fes opératiom. Mais j'ofe croire qu'il en auroit ordonné une funefte d la République, s'il en avoit envoyé VEfcadre, trop loin d 'la rencontre du Convoi Anglois. L'Amiral Howe en amufant les flottes combinées avec la moitié de la fienne , auroit pu tomber avec Vautre moitié fur la nótreentiere, &? ia maltraiter au point qu'elle n'eut pu revenir dans nos ports. C'eft aux hommes du métier d juger fi cette conjeclure n'eft pas mieux fondêe,que le plan d'interception de M M. dc Leyde n'eft raifonnable. On ne peut pas fe diffi. muler que ces trois vaisfeaux n'ayent été les vi&imes de la négligence. Mais comme leur perte ne peut pas étre attribuée au Prince , qui ne pouvoit la prévenir que par l'organe de l'amirauté dont-ils rcffortoient; il n'en peut pas être rendu refponfable. Ce n'eft pas une chofe rare qu'il y ait des employés négligens ou malhabilcs. Mais en cherchant d les connoïtre ou  Civile & Litteraire. eft arrivé, entre les mains de 1'ennemi ? III. Et, demander communication des raifons: A. Pourquoi 1'année palTée 1781, les vaiffeauK & frégates dc guerre alors exiftans, rallies a tems, n'ont pas mis a la voile, pour protéger- tant les vaiffeaux des Compagnies Grieniales & Occidentales, que tous les autres navircs de eet Etat, & caufer tout le préjudice imaginable a 1'ennemi dans la mer dü JSFord, foit par les entraves données & fon commerce de la Baltique, foit par 1'interception de fes batimens revenant de la pêche des baleincs; comme auffi des navires de tranfport qui arrivoient d'Allemagne avec des troupes ; principalement lorfqu'il fut connu qu'un nombre de ces navires, Jimplement efcortés par quelques peu de frégates, devoient paffer le long des cötes de eet Etat pour fe rendre cn Angleterre ? — Et pourquoi au tems que 1'efcadre dirigea, au mois d'aoüt 1781, fon cours vers la Baltique, elle n'aroit pas été renforcée des vais- ■ou d les punir, doit on intercaller les plaintes qu'ils motivent, de fatjon d en faire retomber le bldme fur telui qui n'en ejl pas la caufe? Qjiant d la première partie de ce paragraphe, j'avoue bonnement que je ne fais rien ni pour ni contre. Probablement cela ne pouvoit fe faire, puifque cela ne s'ejl pas fait. A l'égard de la feconde partie, tout le monde fait fi? M M. de Leyde ne peuvent pas Vignorer, que les motifs qui ont empêché la joneïion des vaiffeaux de la Zélande fi? de la Meufe, ont été développés, difcutés amplement dans le temps. II faut aimer d prolonger les difcufjions, les debats, pour revenir fur une affaire décidée, uit an après la décijion. Èjl-  174 Correfpondance Poïitique, vaiffeaux, commandés par les Capitaines de Bruin, van Kinkel cc Rauws? B. A quoi il faut attribucr, lorfqu'on eut promis amplement, que les vaiffeaux aiant combattu fur le Doggersbank feroient réparés fur le champ, afin que, conjointement avec d'autres vailTeaux prêts a fortir, on put en faire ufage pour efcorter les convois cleftinés pour les IndesOrientales cc Occidentales, de même que pour la Baltique, que cette promeffe rie fut cependant pas réalifée; mais que les navires marchands, s'étant préparés fur la foi de la même promeffe, ont cependant été obligés, par Ie manque de fa preftation, dc paffer tout 1'hiver dans des rades dangereufes, a la perte immenfe des intéreffés: Et fi, les caufes en aiant été bien découvertes, on avoit bien appliqué, pour l'avenir, les moyens convenablcs & propres a prévenir des accidens femblables, & être für qu'on peut, ou avec autant de célérité que 1'ennemi, ou, comme du tems paffé, remettre en mer avec les vaiffeaux qui avoient combattu. Et fi, alors & même a. préfent que les vaif- _ Eft-ce une chofe extraor* dinaire dans le monde, même en poïitique, qu'on faffe des promeffes qu'on ne réalife pas toujours? combien de fois Rodney n'a t - il pas promis de rendre bien compte des Francois , des Efpagnols, fans pouvoir tenir parole? Apparamment qu'on ne put pas rèparer les vaiffeaux auffi promptement qu'on l'avoit efpéré. Si les navires marchands qui s'étoient préparés fur la foi de cette promeffe, dprofiter de l'escorte promife, ont fouffert au préjudice immenfe des intéreffés, c'eft un malheur, rjf la guerre en caufe bien d'autres. Mais il-eft fingulier que les Vénérables feignent d'ignorer, que la preftation du fecours de l'efcorte ne fut refufée par S. A., que fur l'avis d'un confeil de guerre nombreux, qui décida que la faifon étoit trop avancée, pour hazarder les forces de I'Etat d la proteStion du commerce. Qiie cela fut vrai ou non; qu'on cite tant qu'on vaudra des exemples contrair es d cette décfion; toujours eft - il certain que le Prince agit pour le bien des particulicri  Civile & Litteraire, I7S Vaiffeaux fe retrouvent actuellement en mer, on a veillé d'une maniere convenable k fe qu'il fe trouve une quantité fuffifante de matériaux de conftruction navale dans les ports respectifs de cette république* & a ce que les magafins néceffaires foient é tablis dans leur voifinage, pour, èl'inftar de ce qui fe paffa dans la guerre de 1605 & io'ó'ó", pouvoir réparer promptement les vaiffeaux de guerre au moment de leur rentrée, les pourvoir dc ce dont ils ont befoin & les renvoier en mer, afin qu'un féjour de longue durée ne préjudice point au fervice de 1'état? liers fi? pour les intéréts de la République; fi? qu'il s'expofa d des reproches, par un principe qui mérite des éloges. Onfent bien qüe c'eft ici une allufion faite d deffein, 6? que l'époque de 1665 fi? 1666 n'ejt pas citée ld' pour des prunes. Alors il n'y avoit point de Stadhouder , fi? on voioit de la célérité: aujourd'hui il y a un, fi? on remarque de la lenteur. Donc un Stadhouder ejl inutile par le premier de ces faits, fi? dangereux par le fecond. Voud ce que ne difent pas , mais ce que veulent faire entendre M M. de Leyde. Mais ils ne confiderent pas que M. de Wit étoit plus puijjant, plus craint, mieux fervi fi? fecondé que Guillaume V. On fe gardoit bien de rejetter fes propofitions, de méprijer fes avis, de refufer fes demandes, de contrecarrer fes mejures. II dirigeoit feul la République: il étoit aidé par l'enthoufiafme fi? 1'argent de fes citoyens. II pouvoit faire ce qu'il vouloit. II n'y avoit pas beaucoup de mérite d faire des merveilles. Encore n'efl4l de  I7tf Correfpondance Poïitique. pas bien prouvé qu'il en fit. 'Souvent la flotte manqua de boulets &? de poudre, Jürtout au commencement de la compagne de 1672. A l'époque citée ici malignement, la République avoit fur pied une marine plus forte en nombre de ■vaiffeaux, que celles des Anglois 6? des Francois reünies, & d la déclara* tion de guerre, il y a 20 mois, nous n'avions pas vingt-cinq batimens de toute grandeur, en état de tenir la mer. Efl-il étonnant que 1'Amiral Général, contrarié d'un cóté; point aidé de l'autre; n'ait pas encore pu mettre les chofes fur un pied d foutenir la\ comparaifon avec celui oia elles étoient d des époques brillantes ? Enfin , on pouvoit avec beaucoup plus de raifon, citer les annêes 1073 6? 1674, oü les Pro vinces-Unies, mifesfur le penchant de leur ruine par le parti de M. de Wit éxpulfoient les Francois de leur fein, avec tant de bonheur, & triomphoient des Anglois fur mer avec tant de gloire. Mais alors. ily avoit un Stadhouder £? voila pourquoi les Vénérablesfe gardent bien de faire tnention d'une des périodes les plus glorieufes des annales Belgiques. Qui~.  Civile Littéraire. *77 C. Pourquoi les vaisfeaux & frégates de guerlee, qui avoient paffe tout 1'été dans la Méditerranée, fans avoir caufé k 1'ennemi tiucun tort, principalement lorfque les ordres dont ils étoient pourvus, fte pouvoient plus opérer, n'ont pas été détachés aux polfeffions dé I'Etat dans les Indes - Qrientdles & ■öcc'identales, pour lé renfort fi néceffaire de fes établiffemens fans défenfc? Ou pourquoi il n'a pas été ordonné aux me.mes vaiffeaux Sc frégates, cn premier lieu, d'efcorter les fix vaiffeaux de retour de la compagnie des Indes - Oriënt ales , les* qucls, faute . de . convöi * fe trouvent encore au port de Cadix, prdvifionellejüerit de ce port vers ruft .des ports de France, Si en particulier a YOrient-, Sc enfuite, k leur retour, d'amencr les trois vaisfeaux de la même cóm? ?agnie, qui fe trouvent k ïrontreim, dans les pörts de la République ? . Öu pourquoi féquipage du vaifieau auparavarit convnandé par le Capi* taine Berghuis , . inutilément Sc k fi grands fraix réparti a bord des navires de la compagnie des, Indes fufnentionnés, nd fut pas Tom. II. ram ené Quiconque lira eet Alinea avec attention, conviendra que quand le Stadhouder feroit un demi- Dieu, il lui feroit impoffible de contenter tout le monde. Comment! envoyer des frégates aux IndesOrientalcs ö3 Occidentales tout-d-lafois; les faire conduire en même temps des vaiffeaux marchands de Cadix jujqu'aux ports de la République, 6? en paffant de la Méditéranée . .att Texel ou ddris la Méufe, ■fouter juf qu'en Norwege pour prendre d'autres navires ! Ah! que n'avonsnous des Vénérabliss, pout diriger nos opérations navales! C'eft alors que noui verrions des miracles. Cette phrafe eft fi obfeure qu'on n'y comprend rien. Ce qui eft .clair, . c'eft le chagrin qu'on éprouve de ce que t'équipage d'un vaisfeau ait été r.eparti a grands fraix fur des navires de ui, Compagnie. Mais M ct  X?8 Correjpondance Poïitique, ramené par eux a leur n tour, afin que ce monc put être placé fur 1'un d< .vailTeaux de I'Etat V . D. Pourquoi dès lc commencement du printems, avant qu'aucun navire ennemi fe montr&t prés de nos cötes, les vaiireaux & frégates de guerre, en état de fortir des ports & anfes rcfpectifs de cette République, n'ont pas été rafiemblés dans un lieu propre a cette opération, tel qu'y a fervi par le paffé & eft encore regardé comme utile a cela, celui connu fous le nom de Schooneveld; pour écarter aVec ces forces réunies 1'ennemi de nos cótes, ainfi que de la mer du Nord; pour efcorter jufqua une cert'aine hauteur, & faire partir enfuite de bonne heure fous une cfcorte convenable & pour le lieu de leur ■• ce qui ejl inconcevable, cV/2 e qu'après s'étre plaint que ss ces navires foient rejlés d Cadix & d Drontheim, Jaute d'efcorte, on demande pourquoi, a leUr retour, ils n'ont pas ramenê Véquipage reparti d leurs bords. II faut qu'il y ait ld une tneprife du traduEteur, ou bien M M. les Principaux ont été plus jaloux de chi. caner, que de montrer de Texa&itude. ! Mais dans ce temps ld, vous forciez votre Chef d concerter les opérations de la Campagne , avec les cours de Verfailles, £? de Madrid. Vous ne l'avez pas encore oublié, fans doute. Or puifque vous vouliez un plan de concert avec ces deux Puiffances, tl falloit au moins le temps de l'arrêter, £f vous favez bien, qu'il ne Vétoit pas encore au mois de juin. Puifque tout cela ne s'ejl pas fait, ilfaut bien qu'on n'ait paspule faire. Sans doute, le Chef appellé d donner le mouvement aux opérations de Fa marine, avoit de bonnes raifons pour en agir ainfi, &f entre ces raifons, probablement le plan d'opérations en ejl une. Mais d propos de ce plan, dont je n'ai pas encore parlé, quatre Campagnes,  Civile Littéraire. leur deftination, les vaisieaux des compagnies Oriëntale & Occidentale, armés depuis fi longtems a ia charge onéreufe de ces compagnies, dont la République ne peut pas fe pafier & qui cependant font menaeées d'une ruine prochaine: Puis, pour établir une croifiere contre les flottes marchandes Britanniques, qui alloient fi continuellement a la Baltique , ou en rcvenoient; ainfi que contre les transports deftinés a amener les vaiffeaux de guerre efcortans en fi peata quantité ces mêmes tranfports; du moins toutes les fois que cela auroit pu fe faire avec quelque apparence de fuccès, comme aufli les occafions pour' 1'exécuter n'ont pas manqué, & auroient pü être faifies avec beaucoup d'apparenCe de réuflite, fi la jonction indiquée des forces navales de la- République s'étoit faite affez a tems; alors elles auroient été trouvées fuffifantes pour tenir tête a une flotte énnemie peu nombreufe, mal équipée, remplie d'ailleurs de malades, telle enfin qu'elle s'eft montrée ii la vue de nos cötes ? E. Pourquoi, du moins, les vaiffeaux & frégates dg pagnes inutiles, ridicules. faites par 60 vaiffeaux Efpagnols &? Francois, n'auroient - elles pas dil fiiffire-, pour dégouter nos Bataves de toute combinaiJon avec les forces navales des autres Puiffances? Dans la guerre de - 1672 6? 1673, les Anglois ne fe louerent pas autrement des Beaufort, £? heureufemsni pour nous. Le plan ü''opérations jJfA tcit pas encore arnté. qudni M 2 l'es*.  a8o Correfpondance Poïitique, de guerre en état de fortir, n'ont pas mis fur le champ k la voile du Texel & du Vlie pour combattre 1'ennemi, dès que la plüpart de fes vaiffeaux eurent quitté le voifinage de nos embouchures, pour être employés contre les •jlottes Francoife & Espagnole réunies? 'F. Pourquoi, enfin, durant le cours de cette guerre, un bon nombre de frégates & de cutters, dont la République fe trouvoit fuffifamment pourvue, n'avoient pas été tenus en mer, afin de couvnr les navires équipés en courfe par des habitans particuhers j pnüY caufer du préjudi*e au commerce ennemi, pour Vefcadre Angloife parttt du Texel fc? du Vlie, pour aller parader dans la Manche. Le Stadhouder devoit - il s'expofer d des reproches d'un genre différent, enenvoyani-quelques vaiffeaux & frégates, courir après elle, au rif que de ne la pas atteindre. ou d'en être battusf Ejl - ce donc que les An- flois^ les Francois, les fpagnols efcortent leurs Corfaires ? Non. Sans parler de Vhonneur qui ne permet pas de fiétrir les armes de I'Etat, en les employant d protéger eet infame brigandage, il eft contre la narure de la chofe qu'on lui donne de la proteElion. Pourquoi les corfaires font-ils ar més, fi ce n'eft pas pour fe défendre? Quoi! Cent, deux cent citoyens, riches, avides .6? peu délicats, armeront en courfe, pour s'enrichir par des cruautés barbares par des rapines déshonorantes, dignes du der nier fupplice; &> il faudra que le public entretiennè d fes dépens, des forces pour appuier £? défendre ces mijêrables Flïbuftiers, que des peuples généreux devroient avoir en horreur! Nota bene, que -depuis ij mois, les Anglois n'ont com-  ' Civile C5* Litteraire. 1S1 pour aflurer nos cótes contre les infultes & les brigandages de 1'ennemi; pour prévenir ou empêcher que celui - ci ne vint s'emparer d'un navire armé en courfe a la vue ag. 107, lig. 37, d'inchérence, reogne, Uzez, d'incoherence, rögne. ' m , lig. 20, amphibolagie, Uzez amphibologie. -— "3, Jig. 7* fa force, Uzez Ia force. - 114, lig. 27, Töme fee, Uzez Tomé I» -— I27» lig- 29, Verbaux, Uzez Verbeux I29' % Première, n'eft-ce pas, ajoütez par. 130, Effacez N° XXXVI. F F< ' J3?,. üg. 4, Bléterie, Uzez Barterie. — 8 d'échars, Uzez d'échos. 133, üg. 11 i inftimés, Uzez inftitué. —- 40, & fans, Uzez & pour. — 139, lig. 19, duplicité Uzez publicité. 1 542, lig. 32, propres a conftatcr, Uzez. propres & en conflater. ' y^y^t, a 14^, üg. 3, ce, Uzez fe. ■ 14, d'une Uzez d'un. — 144, lig. 4, célébré, Uzez célèb're. — 77 V Pon^ez de cette manierej trop lont?- Jent s il eft trop courr. aJ 14Ö, lig. 18, écrites, Uzez décrites. lités" Hg' 35' prodigalités' lizez ces prodign- x54> üg- 4» la patrie, Uzez le parti. NB. Ii y a plufieurs petites fautes typographiques que !e leCleur fuppléera aifemenc, fans qu'il fait nécesfaire de les lui indiqser.    CORRESPONDANCE P O L I T I Q U E, CIVILE et LITTERAIRE, POÜR SERVIR A L'HISTOIRE du XVIII! SIÈCLE. T 0 M E S E C O N D. TROISIEME CAHYER. i A B E R L I AT, Chez ETIENNE de BOURDEAUX, 1783. A Leipzich, chez Crufius; a Hambmrg, chez la Veuve He* rold\ a Vienne, chez Grcpffer; a Hanovre, chez les FrèreS Hehvich; A Strasbourg, chez Bauer; A Manheim, chez Fontaine; A Lille, chez Jacquier; \ Vopenhague, chez Heineke fi? Fater; a Fribourg, chez fia^e; A Augsbourg, chez La F?«w Kiene; a Anvers, chez J. F. de .Bocfc, a 5rax> *I/ej, chez Flon; a Crevelt chez A. Tïr iWeer. a Francfort, chez Brönner; h la Haye. chez Gosfe; a Amfterdam, chezi Changuion; a /ïeftm/a?», chez £«nnrt & Zfaie. &c. &c. &c. Je ne fers ni Baal, ni le Dieu d'IfraëL et fe trouve   AVIS. f^Vans un ouvrage écrit a la hdte, imprt; mé loin des yeux de 1'Auteur , pat; des ouvriers qui n'entendent pas la langue' Francoife \ il n'eft pas furprenant qu'il fe gliste des belgicifmes, des fautes de Sens & de Langage. Quoique Yerrata qui eft placé a la fuite du cahyer précédent en indique plufieurs,' il y en a encore quelques unes dont il ne fait pasmentions & qui motiveroient une jufte critique, fi> dans rimpolfibilité oü nous fommes de les re&ifier, nous négligions des te. indiquer ici au lecteur. Ceft ainfi par exemple qu'ayant repris, ayec raifon 3 M. iïAlembert de fa manie * 2 d'em-  w ' •* A V I s. d'eniployer la particule dont fans difcemement, ce mot ce trouve employé deux fois aux pages i n & 124,, précifément k hféeretaire perpêtuek A la pag. 172 , on lit, de Varmrautè dont ils rejjbrtoient: il faut lire, d'oü ils retfortis* 'foient. PNSIEME  CORRESPONDANCE P O L I T I Q U E, CIVILE et LITTERAIRE, POUR SERVIR a L'HISTOIRE du XVIIP. SIÈCLE. N°. XXXIX. DIXIEME LETTREé La Haye Is 30 Aaüt 1782. ' Te m'étols propofé, Monfieur, de vous eritretenir i ■ aujourd'hui de la fuitc des procédés de M M. les I Frifons, envers le Prince d'Orange & le Duc dei | Brunswick. Mais en vérité, on fait tant de chofes | extraordinaires chez-nous, qu'on eft bien embarraffé^ j quand on veut en parler en ordre & a propös. A peina I une fottife eft elle finie d'un coté, qu'on en voit pa: roïtre une nouvelle de 1'autre. Un Correfpondanc i veut - il entretenir fon ami d'une bévue, d'une injuftica ; de fes compatriotes? II n'a pas plutót pris la plume „ 1 que voila qu'il en apprend d'une efpèce bien plus pi1 quante. C'eft ce que j'éprouve en de moment. J'alloia vous parler de la Frife. II faut que je Vous paria, 1 malgré moi de Leyde. A la fimple infpeftion de la propofition de cétte ville, que notre Èditeur a pris la liberté d'examiner* lans autre ménagcment que celui que 1'on doit a la Tom. IL N 'fWi  iSS Correfpondance Poïitique, vérité, on eft frappé d'étonnement du peu de bonne foi de fes auteurs, de la futilité de leurs raifons, cc de Pefprit de chicane qui paroit les animer. Mais la furprile augmente quand on confidere les circonftances oh cette étrange pièce eft préfcntée dans l'aflembléa Souverainc, cc dela répandue dans le public. En fixant 1'attention fur fa date, cc en la comparant avec celle d'une autre pièce mieux penfée, mieux raifonnée & mieux écrite, on ne voit plus dans la première qu'un deffein formel de décrier 1'adminiftration, cc de nuire au Chef de la République, fans compenfation pour I'Etat; un tiffu d'inconféquences, de répétitions affectécs, dans la feule vue de rendre le Gouvernement odieux, cc de foulever le peuple contre lui. La démarche de M M. de Leyde eft, ainfi que celles de Fliflingue, de Middelbourg, de Tergoes & des Etats dc Zélande, fur le même objet, de la fin de Juillet; ou du commencement d'Aoiit. Le but apparent de toutes ces propofitions, de toutes ces miflivcs, qui en ont un plus caché, eft d'obliger le Prince a rendre compte de la conduite qu'il a tenue depuis le commencement de cette guerre, cc a communiquer les ordres qu'il a délivrés aux commandans de nos Efcadres cc aux officiers de nos vaiffeaux. Or le Prince avoit déja fatisfait a cette demande, un mois avant qu'on la format. Dès le 5 Juillet, il s'étoit rendu au commité fecret, pour informcr les députés de L. H. P. des mefures qu'il avoit prifes, fpécialement pour les opérations de cette campagne, fur laquclle fes indomptables adverfaires, mfiftent avec tant de chaletir, qu'il s'explique. Comme fi S. A. avok prévu qu'ils feroient des incidens qui ont retardé le départ de la flotte, autant de griefs contre la dircclion de 1'Amiral Général, cc qu'ils y trouveroient des motifs d'une cenfure amere 6c injufte, il avoit d'avance terrafie ces plaintes frivoles, cc réfuté ces inculpations malignes, en expofant d'une manière viétorieufe aux Etats Généraux, le détail cc les raifons de fa conduite cc de fes ordres. M M. de Zélande & la Régence de Leyde ne pouvoient pas ignorer cette communication faite aux repréfentans des Provinces, quand un mois après qu'elle avoit été couché fur les Régitres de I'Etat, ils entre* pren-  Civile & Litteraire. igp prcnnent de fommer le Prince, de faire ce qu'il avoit : déja fait. II n'eft pas probable que les Etats - Généraux eulfent négligé d'informer leurs commettans, du compte que S. A. leur avoit rendu de fes opérations, & de 1'opprobation qu'ils avoient donnée a fa conduite. II eft donc inconcevable, qu'a la fin de Juillet. une partie nombreufe des Régens de la République faffe un éclat, tandant a repréfenter aux yeux du public, le Stadhouder comme un homme négiigeant ou malhabile, & a le faire foupconner par fes citoyens d'étre traitre k la patrie, tandis que, dès le commenccment de ce mois, les preuves de fa vigilance, de fa fagefle, de fon zèle pour les intéréts & la gloire du pays, avoient été dépofécs dans le Sénat de la nation', & honorées du fuffragc de cette augufte affemblée, comme vous pourrez vous en convaincre, Monfieur, par 1'extrait fuivant de fes régitres, en date du 5 Juillet 1782. S. A. S. le Prince Stad- II ejl bien étonnant que houder setant rendu au- dès la fin de mai, le Princê jourd'hui k 1'affemblée du fafi'e la même démarcha comité fecret, y a fait que le 5 Juillet, fi? que. aux députés de L. II. P. deux mois après cette prela propofition fuivante. miere communication, au Nobles fi? puijjans Seig- commencement de la Camneurs. „ Lorfque dans pagne, MM. de Zélande les dcrniers jours du mois fi? de Leyde, feignent de de mai, a mon retour de l'ignorer, fi? prennent de la rade du Nieuwe - Diep , cette ignorance volontaire, je rendis compte a V. N. prétexte de fe comporler P. des mefures que j'y comme fi S. A. fe dirigeoit avois prifes, je leur remis purement de fon Chef}> fif en même temps la réfolu- qu'elle fit aux confédérés: tion originale du confeil un miftère des ordres qu'eldc guerre, qui avoit été le donne fi? des mefures tenu en ma préfence a qu'elle prend. Puifque la bord du vailfeau de guerre Stadhouder met fous lest 1'Amiral- Général, & j'eus yeux de L. H. P. la pro.* la fitisfacfion de les voir cédure du confeil de guerre , approuver ma conduite. par quels motifs, des individus qui en font inftruits, vUnnent-iU deux mois après fequérir qu'on lui enjoigne d'en l compromis aux yeux £ \ Europe, par la Régence d'une Ville & les Etats d'une Province; ft s eft vu enfin forcé de romprc un fi? Jcnce que 1'intérêt de I'Etat lui impoioit,Ppour re pouffer les traits dont fes ennemis voudroicnt le pereer. Mais auffi fenfible a fon devoir envSs lam conuher la prudence qui ne lui permet pas de manque? 4 1 un, avec les egards qu'il doit a 1'autre. II a éviS le (O Le Courier du Bss\. lihm s N° 6a.  Civile & Litteraire. *95 Je piègë que la cabale lui tend depuis longtemps, en eiTayant de le pouifer a bout, de le jetter dans quelque faux pas, de lui faire commettre quelque indiscrétion, dont elle fe prévaudroit pour 1'écrafer. Ce n'eft pas une foible preuve de la circonfpeclion de -S. A. que la maniere dont elle a déconcerté le deffein de fes adverfaires, en fe préfervant du danger de compromettre la République, pour défendre fa réputation. II eft douteux, que dans le nombre de fes antagoniftes, il y en ait un feul capable de montrer ■autant d'habilete & de patriotifme qu'il s'en trouve dans le difcours fuivant; adreffé le 24 Aoilt aux députés des Etats Généraux. „ j'ai vu depuis quel- Ainfi donc tandis que lesque tems avec douleur, ennemis du Stadhouderat que des gens mal - inten- fe déchainent avec fureur, tionnés répandoient toutes le Stadhouder fe lome è fortes d'infinuations fur la répondre avec douceur: de' direclion prétendue mau- quel cöté eft la modération, vaife, fur la lenteur incon- la prudence, la juftice ? tevable qu'on remarquoit Tandis qu'ils rendent la de notre cöté dans les opé- république méprifoble dfes rations de la guerre, dé- voifins, qu'ils la comproclarée fans caufe légitime mettent envers fes ennemis; par la couronne de la fon Chef eraint d'en trahir ■■Grande - Bretagne contre les intéréts, rjf préfére de cette République, particu- voir fon honncur oiitragé, lierement fur YinaStion de au plaifir de Jé venger de la marine de I'Etat, don- fes colomniateurs, en divulnant a entendre que cette gant le fecret de I'Etat: de inaction doit s'attribuer au quel cöté font le vrai zèle du défaut d'ordres néceffaires bien public, le patriotifme' de ma part, dans finten- éclairé, pur, généreux? tion de me décrier aux yeux de YEurope entiere, furtout pour me rendre odieux & fufpecl aux bons citoyens de ce pais; comme fi, prévenu par un attachement illégitime pour le Roi ou le royaume dc la Grande - Bretagne, je n'avois pas fait avec affez de zèle tout ce qui étoit en mon pouvoir, tant pour porter dommage a 1'ennemj que pour la protcdlion du commerce. Afin donc dimt ofer fiiejice a toutes ces aflertioas ou écrits calomN j nieux ,  Correfpondance Poïitique. cieux, & de juftifier ma conduite aux yeux de VEu rope, particuherement a ceux des bons citoyens de ce pays, je n'aurois pas héfité a donner déia denuis •Jongtems ouverture a V. N. P. de tous les ordres oue i'ai rendus . avec priere d'en donner communication a Mrs. les etats vos commettans, fi ce n'cut été que je penfai qu'il pourroit en réiulter du danger, au cas que le fecret ne fut pas bien gardé, & que 1'ennemi en fut informé, notamment du plan d'opérations pour la préfente campagne, dont une partie s'eft, déja exécutée, mais dont 1'autre devroit encore s'exéter durant fon cours, comme la cour de France 1'a approuvé, après la communication que je lui en ai faite: Mais, voyant par la lettre de Mrs. les Etats de Zélande la réquifition qu'il a plu a L. N. P. de me faire, & apprenant que d'autres Provinces pourroient fe déterminer a la même démarche, j'ai cru que cette confidération ne pouvoit plus me retenir de faire la iufdite communication , & que je dois a mon honneur & a ma réputation de faire voir & de démontrcr par des preuves irréfragables, la facon dont j'ai agi pendant la guerre accucllc, & que S. A. a bien raifon d'appréhender que le fecret des opérations ne foit pas en Jureté, s'il le confioit d toutes les villes, d tous les régens. Parmi une fi grande multitude d'hommes, qui prétendent tous être autant -de Rois, ce feroit bien un miracle qu'il n'y eut pas d'indifcrets. D'ailleurs, ce n'eft, ni aux Villes, ni aux Provinces que l'executeur des réfolutions de I'Etat , eft comptable de la maniere dont il les exécute: c'eft au corps fédératif. Que fignifiroient da?is les Etats Généraux, les Miniftres d'Etat, les Comités fecrets de L. H. P. s'il falloit que 1'Amiral Général informdt tous les Etats, tous les Corps municipaux , des mefures qu'il prend, pour effecluer les intentions des confédérés? Que figni■fieroit furtout /eStadhouderat, fi.jceluï qui Vexerce n'étoit pas en droit de prendre fur lui, de faire mouvoir au gré de fafageffe 6? de fes lumieres 'les 'forces qui lui font confiécs, fans confulter fur leurs m 'ouvemens ceux d quiil n'eft plus refponfable que de 'l'ufagt qu'il  Civile Litteraire. *9? ■que ce n'eft pas a moi qu'il faut s'en prendre, qu'elle ne fe foit pas faite avec plus de fruit. Cependant pour le préfent je ne pourrai pas donner ouverture de ce qui doit encore s'exécuter durant cette campagne; mais je fuis prêt a expofer aulli les ordres que je donnerai, dès qu'elle fe fera terminée. II me faudra quelque tems , afin^ de mettre en ordre les pièces que je produirai pour ma juftification, & pour les faire copier. Je prie en attendant V. N. P. de communiquer mon intention a Mrs. les Etats, leurs commettans refpectifs, me flattant qu'ils 1'honoreront de leur approbation". qu'il en afait, £? non p a des moyens qu'il a trouvé d propos d'employer pour atteindre le hut propofé ? Mais une raifon fans replique, que S. A. n'a qu'infinuèe, & qu'elle pouvoit développer pour impofer filence d fes . détracteur s, c'eft le Plan d'opérations arrété de concert avec les Cours de Verfailles ö5 de Madrid. n'eft pas douteux que Ji le Prince , par négligence ou par mauvaife volonté , n'en avoit pas rempli les conditions , les Ambajfadeurs de France d'Efpagne, qui lefurvtillent, 71'auroient pas manqué de s'en plaindre: ils n'auroient pas manqué de faifir le plus léger prétexte de le faire, nefut-ce que pour animer les AntiStadhouderiens d crier en¬ core plus fort contre le Stadhouder. Or dèsqu'ils ne Je plaignent pas des dispofiiions £5? des me fur es du Prince, c'eft donc certainement que fa conduite ne prite pas d des plaintes. Et des lors, qui eft. ce parmi- nous qui a le droit de labldmer, ou d'en demander raifon? Ce n'eft pas tout. Ouand le Prince ne feroit pas retenu par amour, par zèle pour la patrie: quand il pourroit fans l'expofer au danger, fe livrer aux révélations indijcretes qu'on lui demande avec tant d'audace c? d'indifcrétion ; je foutiens qu'il n'eft pas le maüre de le faire, fans ï'aveu de la Franco £? de Z'Efpagne, dontü trahiroit la confiance & les intéréts, en Jé conformant aux vues de la Zélande ü? de Leyde. Si la République étoit feule en guerre contre /'Angletcrre, ie Stadhouder pourroit manquer de prudence envers fon pa\s, fans manquer de difcrétion envers PEfpagne' ö5 la' France. Mais puifque ces deux puiffances combattant le  ï$5 Correfpondance Poïitique, le même ennemi; puifqu'elles ont concerté leurs opérations avec celles des Provinces - Unies , ce feroit une 'trahifon manifejle que de révéler les mefures des unes en fatisfaifant la curiofité indifcrete de quelques membres des autres. Le fuccès de leurs projets refpekifs éépend fans contredit en bonne partie du fecret: £? puisque la République a faitchoix-du Prince pour les arrêter de concert avec les miniftres de ces puiffances, S. A. ne pourroit fans fe déshonorer le divulguer par la manifeftation prématurée des ordres qu'elle a donnés pour les effettuer. Sa condefcendance, ou plutót fafoibleffe d céder aux cris infenfés qui l'étourdiffent, feroit un crime envers les Cours de Madrid £? de Verfailles. Auffi le Prince fe gardera t - il bien de manquer auffi effentielk' ment aux régies de la prudence & de Vhonneur; Et tous les bons citoyens, tous les vrais patriotes, tous les honnêtes gens , applaudkont dfa délicateffe , d fa circonspetfion, d fa fermeté. Pas moins S. A. autant que la nature des chofes Va permis, a taché de prévenir les plaintes des malinten■tionés, en informant les députés des Etats Généraux. des mefures qu'elle a prifes, pour effedtuer le Plan de Campagne arrêté entre la République & la maifon de Bourbon. Dès la fin de mai, elle mit fous les yeux du comité fecret, le réfultafdu confeil de guerre, tenu le 27 du même mois, 6? fa conduite eft approuvée par L. Ji. P. 5 Juillet elle les inftruit de nouveau, des ordres qu'elle a donnés pour nuire d 1'ennemi, des obfiacles qui Je font oppofés d leur exécution; £P vu la délicateffe ées conjontlures, elle prend 1'avis des miniftres de I'Etat , des députés des amirautés, £5? demande les ordres ées Etats - Généraux, d qui elle expoj'e la fituation des affaires, la diverfité des opinions, afin d'agir a^ec l'aveu £? conformement aux intentions de la Généralité. Enfin, une facon de proceder auffi prudente, n'ayant pu prévenir ni arrêter la fougue des efprits turbulens ■qui veultnt décrier le Stadhouder, pour rendre le Stadhouderat odieux, le Prince offre le 14 Aoftt de commu•niquer ce qu'il afait £? ordonné pour le bien de laRépu* blique. Que veut on de plus ? Depuis quelques remaines, Monfieur, Ie bruit fe répmd ici que le Priüce va pubher une apologie de la COIÏ-  ■Civile & Litteraire* forj conduite: S. A, femble 1'annoncer dans la pièce que vous venez de lire: s'il confulte moins fa modératioa que la juftice de fa caufe, le mémoire attendu avec impaticnce par le public, ne pourra manquer d'étre bien intéreffant & fort curieux. On y dévoilera fans doute les véritables caufes de 1'état de langueur & d'inertie, oh la République eft plongée depuis fi longtemps, & les complots de la cabale Anti - Stadhouder rienne'qui joint au fecret de faire échouer toutes les mefures propofées pour le rétabliffement des forces nationales, 1'art d'en faire retomber la faute fur le Stadhouder. Peut-être le Prince a t-il trop différé de manifefter fon innocence au grand jour. Som filence a enhardi fes adverfaires a le décrier. Maintenant que la nation prefque entiere, féduite par leurs clameurs, & trompée par leurs manoeuvres, eft prévenue contre lui; il eft a craindre que la juftificatior» la plus triomphante, ne produife pas tout i'effet qu'oa doit s'en própofer. C'étoit il y a urr an, il y en a deux, que, par un mémoire public, plein de force & de raifon, il falloit terraffer le parti féditieux, ea expofant a la face du public le véritable état des chofes: cette démarche vigoureufe & jufte, eut alors opéré avec fuccès, en confondant les ennemis da Prince, qui font ceux de la patrie. Mais aujourd'hui„ n'eft - il pas trop tard, pour en attendre ces fruits falutaires? Cette confidération néanmoins ne doit pas arrêter Ie Prince dans le projet de faire fon apologie. Si elle ne peut pas être utile, elle eft dévenue nécefiaire. Compromis dans tous les fens, d'une facon cruelle, il doit au public, k la nation, a fes amis, k lui-même, de purger fon honneur des taches dont fes adverfaires i'ont fouillé. II en réfultera toujours qu'il fe difculpera aux yeux de VEurope des imputations de négligence, d'incapacité, d'affeftion criminelle dont on Ik chargé. Quand il aura montré qu'il n'eft ni prévenu en faveur des Anglois, ni indifférent a la gloire, aux fuccès des armes de la République; que ce n'eft pas k lui qu'il faut s'en prendre ni fi elles font fi foibles, ni fi leur emploi jufqu'ici a été prefque nul, les hommes impartiaux de tous les pays lui rendront juftice; le» bons Hollandois ouvriront les yeux: tant de citoyens flottanc  20O Correfpondance Tolitiqmt flottant aujourd'huf dans 1'incertitude, entre les dra* parti, n'héfiteront plus 4 prendre hautemcnt la défenfe d un Chef, qui réunit 4 fon zèle pour Ie bien public, Ia fermeté a foutemr fon innoccnce cc fes droits Avant de fimr ma.lettre, je ne puis m'empêcher, Monfieur, de vous prefenter encore quelques remarqu2s, qui ne font point étrangères 4 la matiere Parmi les plaintes ameres, exhalées par la Ville dé Leyde & la Province de Zélande, il y en a une con cernant I'Etat de pénurie, de foiblefle & de dénuemcnt, ou on a laiffé les Colonies dc Ia République On infinue que les mauvaifes manoeuvres de 1'Amiral General les ont abandonnées fans prévoyance & fans fecours a la merci de 1'ennemi. Mais outre que la defenfe & les approvifionemens des Colonies, doit être 1 ouvrage des Compagnies a qui elles appartiennent, & que vu les mefures prifes par YAngleterre avant de nous déclarer Ia guerre, il étoit impoffible d envoyer 4 temps a nos poireifions des avis de fc tenir fur leur garde, & des renforts pour les mettre k Pahrf de 1'inyafion; il efl; faux que le Prince ait néelicé ce qui etoit en fon pouvoir pour les protéger & les fe courir. Comme fi la providence fe plaifoit 4 confondre Ia mahce de fes adverfaires, 4 peine ont-ils articule leurs gnefs, que voilé qu'il paroit dans Ia Gazette meme d Amfterdam, qui leur efl dévouée une Jettre éente de Surinam, Ie 28 Avril dernier par le Capitaine W Silvefter, dans laquelle 011 lit ces propres mots. La confervation de cette Colonie peut finon dans^ fon entier , du moins pour la plus grande partie , être attribuée d la grande prévoyance de S. A. S., puifqu'il lui a plu de nous y envoyer affez d temps. On voit encore dans cette même lettre que ks frégates envoyées 4 propos 4 Surinam, pour le préferver de la conquête, ont recu ordre du Prince d'y prolonger leur Station; ce qui prouve au moins que S. A. n'a pas perdude vue les intéréts & la confervation de eet étabhflement. Le Prince fans doute ne mérite pas de rcmerciment pour faire fon devoir • mais que méntent donc ceux qui ont I'injuftice de 1'accufer d'y manquer ? On fe rappelle peut-être encore comment après la repnfe de St. Euftache, par M, de Bouillé, les Gall* Hol-  Civile Litteraire. 20 r Hollandois étourdiffoient les gens fenfés, par les cris immodérés de leur folie joie; avec quel enthoufiafme ridicule ils publioient la momerie non moins rifible, du pavillon Hollandois , arboré par les Francois dans la rade de cette Ifle. Ils publioient que la France n'en avoit fait la conquête que pour nous la rendre; que leconquérantln'attendoit que 1'arrivée de nos troupes, pour la dépofer entre nos mains. Quiconque auroic ofé leur dire qu'ils étoient des fots, des dupes ou des menteurs, auroit couru grand rifque d'étre lapidé. Le bavard, 1'infipide Cerifier, cefouffleur de fédition, ce toefin incendiaire de révolte, triomphoit alors avec une impudence, une audace, qui forcoient la raifon a fe taire ou a fe cacher. L'événement a bien vengé cette pauvre raifon, exilée de nos tètes Bataves. Les Francois gardent St Euftache. Après avoir fait extravagucr nos écrivains, par la Comédie qu'ils ont fait joucr a notre pavillon fur les parages de eet établiffement,' ils fe font difpenfés de cette parade dans les autres. Le Capitaine W. Silyefter, dit dans fa lettre du. 28 Avril. Les Francois fe font rendus maïtres de Demerary, d'Effequebo, 'des Berbices, oü il font plotter leur Pavillon. Pauvre Cerifier, après eet aveu accablant, ce fait inconteftable, que deviennent vos déclamations infolentcs & vos fophifmea infenfés! Mais a propos de ces Colonies perdues pour jamais, & que nous aurions pu recouvrcr a la paix, ii elles étoient reftées en la poffeffion des Anglois, qui ne fait que leur facile conquête eft moins 1'ouvrage de 1'habileté, du bonhcur de Rodney, que le fruit de la négligencc des directeurs de la Compagnie ? Les. deux grandes afibciations de commerce qui ont fait refluer dans notre pays tant de richeffes perfides, pour en corrompre, en dépraver les habitans, forment dans le fein de I'Etat, deux corps libres, indépendans fouverains, & qui pis eft, anarchiques, puiffans pour la réfiftance, foibles pour 1'exécution, comme ja République qui les renferme. Jadis leurs dire&ions mettoient de la vigilance, du zèle, de la vigueur dans la geftion de leurs affaires: les adminiftrateursi des établiflemens, honnêtes, furveillés, étoient écoutés quand ils propofoienc des vues utiles, & fecondés quand  «oz Correfpondance Politiquii quand ils indiquoient des befoins prefTans I] y a longtems que tout eft changé, en Europe & aux deur Indes. Le luxe, la rapine, 1'ineurie, la cruauté ont fuccédé a la prévoyance, au défintéreffement, a la modération. Les efclaves font traités avec une barbarie inhumaine; les affaires avec une infouciance incroyable: la foibleffe, le défordre fe montrent partout. Les arfénaux, les magazins font dépourvus; les ouvrages tombent en ruine. II n'y a point ou que trés peu de Soldats, pour contenir les ennemis intérieurs, & repouffer les ennemis du déhors. Tous les moyens de défenfe étant négligés, danss les Colonies, ces précieufes mamelles de notre fubfiftance offrent peu d'obftacles a vaincre, a qui veut s'en emparer. II n'eft pas furprenant que Rodney en ait fait la conquête avec tant de facilité. Elles étoient depuis longtems dans une fituation a ne pouvoir réfifter aux moindres forces d'un ennemi actif & vigilant, 1'antipode de nos direêtions oligarchiques. II y a plus de dix ans que 1'honnête Hogenheim, Gouverneur des Berbices, fe plaignoit amérement de Pindifférence des directeurs, qui laiffoient les poffcffions de la Compagnie, dans la confufion & le dénuement & leur prédifoit la perte d'un établiffement qu'ils refufoient de mettre en état de défenfe. II en eft a peu prés de même dans toutes nos Colonies, quoique leurs Gouverneurs n'ayent pas tous le courage d'en décrire le mal, & d'en indiquer le reméde. Quand 1'Abbé Raynal n'auroit pas informé toute VEurope de la confufion, de la foibleffe ou elles font tombées par les vices de leurs adminiftrations & de leurs employés, nous avons affez de moyens pour nous inftruire nous - mêmes de 1'état déplorable de la plüpart. Mais quiconque voudra être équitable, & remonter a la fource du défordre, conviendra qu'on ne peut pas le rejetter fur le Prince; que ce n'eft pas fa faute fi les deux Compagnies négligent les moyens les plus fimples de défenfe ; qu'on ne doit pas lui attribuer la perte dc leurs poffeffions, qu'ort n'a pas eu foin de mettre fur un pied capable de réfifter aux forces qui tenteroient de les envahir. S. A. eft un des plus forts aftionaires, par conféquent uri des membres perfonnellement les plus intéreffés k la profpé.-  Civile è? Litteraire. 203 ftrofpérité & k la confervation des Colonies. Commè Chef de la République fon devoir, fa gloire 1'obligent également a veilfer a la fécurité de fes poffeffions. A ces deux titres, on ne peut pas douter qu'il ne foic dilpofé a faire tout ce qui dépend de lui, pour mamtenir 1'ordre dans 1'adminiftration de nos établilfemens j, & pour les mettre dans urt état refpeéfable. Mais qui ignore que fon influence falutaire fur ces climats éloienés eft encore plus foible, plus contrecarrée, qua celle qu'il excerce fur les affaires de celui que nous habi- t0Dans Ia Kirielle de reproches que lui font M M. de Frife, de Zélande & de Leyde, il y en a un qui porte fur finactivité de nos forces navales. II eft certaia que c'eft quelque chofe d'étonnant que de voir une République -, qui dans le fièeleprécédent, mettoit en mer, au premier fignal de guerre, des flottes de 100, dé 150 voiles, qui fe montroient prefque toujours ea tïiomphe fur les cótes YAngleterre, dans VOcéan & la Méditeranée, n'avoir aujourd'hui qu'une marine foible, éparpillée, croupiffante dans les ports, ou ne paröiffant de loin a loin dans la me.r du Nord, que dans un état de foibleffe a n'ofer ou a ne pouvoir loutenir la rencontre des moindres efcadres que 1'ennemi lance de fes rades. Mais fans remarquer d'un cöté, que pris a 1'improvifte comme nous 1'avons été, avec une marine prefque détruite, qu'il faut rétablir avant de la préfenter avec affurance; & dc 1'autre, que nos voifinsr maritimes ont fait depuis cent ans des progrès qu'il na nous feroit plus poffible d'égalcr, foit pour le nombre , foit pour Ia force des vaiffeaux; on peut dire que cette guerre-ci a un caradfère particulier d'engourdiflemènt, d'apathie, de nullité, qui ne convient k aucune de celles que les puiffances fe font faites, depuis que le monde exifte. Nous n'avons encore rien fait qui vaille depuis 2a mois: cela eft vrai. Mais qu'ont fait, je vous prie» les Francois, depuis quatre ans & demi? qu'ont faic les Efpdgnols depuis trois ans ? Leurs monftrueufes flottes, 'k la vérité, ne pourrilfent pas tout a fait dans* leurs ports. Malgré la maffe énorme de. leurs vais-, fcatix, ils favent bien les faire mouvoir. Leurs efcadres vont de Breft a Cadix, & de Cadix k Breft. Tom. HL O Ces  ae>4 Correfpondance Poïitique. Ces pélémages aquatiques, fans doute, font fort ömufans, & furtout fort utiles. II faut convent que les promenades de la Manche, depuis 1'efcarmouche döuejjant, ont procuré a la France & a YEspagne, beaucoup de gloire & de profit. II v a un an que la flotte combinée cefla de parader, pour aller fe repoier de fes brillantes fatigues, précifément a 1'inftant ou nous avions befoin qu'elle tint les Anglois en échec, pour nous facihter le moyen de conduire nos flottes marchandes dans la Baltique, ou de les en ramener. • Pourquoi M M. de Leyde & de Zélande ne fe plaignent-ils pas des Cordova, des Guichen? Cette annéc encore, après avoir épouvanté les Maquerauts de 1 pcéan ils ont lailfé paffer a leur barbe la flotte des Ifles Jous le vent. On n'a jamais yu de guerre plus abfurde dans fes motifs, plus ridicule dans fa marche, plus funefte dans fes erfets. Mais jufqu'ici ce n'eft pas nous qui fouffrons le plus, m qui fourniflbns le plus a rire Les autres dépenfent leurs millards, & nous, quoi'qu'en «hient nos mecontens, nous confervons nos tonnes p0ln's cmPar« * la Souveraineté « laqucllk. ion élevation au Siedhoudcrat 1'aiTociok.  Civile 6f Litteraire. 209 tes les démarches qui préparercnt la cataftrophe fan» elante du Grand Penjionaire d'Hollande, le Prince n'étoit que 1'organe des Etats Généraux, dont-il cxécu a les ordres; on fait que Barneveld & fon parti auroient, non feulement renverfé Maurice, mais même bouleverié le gouvernement, s'ils avoient été les plus °Deux partis divifoient alors la République. _ Ils étoient nés a 1'occalion de la trève conclue avec YEspagne. lis avoient a leur tête, 1'un Barneveld & 1'autre Maurice. Le premier avoit voulu la trève, fous prétexte de fe repofcr après quarante ans de guerre, mais en effet par la crainte que le Stadhouder, combattant gloiïeufement a la tête des troupes, ne devint trop puhfant dans I'Etat. L'autre s'y étoit oppofé, par la raifon que les Efpagnols en profiteroient pour préparer les moyens d'écrafer la République, & que le repos dans des Provinces mal affermies, donneroit lieu a des divifions inteftines. L'événement vérifia les craintcs de Maurice &z de fes partifans. L'Efpagne profita en effet de la trève pour fe difpofer a recommencer la guerre avec fureur. Les Provinces au lieu de 1'employer a fe mettre en état de défenfe, ne s'en fervirent qu'a fe divifer fur des matieres de Religion & de poïitique. A la froideur que produifit entre ces deux grands hommes la diverfité de leurs fentimens fur les affaires publiques, fuccéda bientót 1'animofité. Les Arminiens voulant introduire des nouveautés dans les dogmes recus, étoient foutcnus par Barneveld: ils fufcitcrent des troubles dans I'Etat. Leurs adverfaires s'en tenant a la confeffion dc foi Belgique, confacrée par 1'union, étoient appuiés par Maurice, h la tête des Etats-Généraux. II avoit été folemncllcment arrêté par le traité d'Utrecht, qu'on ne feroit aucune innovation dans la doftrinc nationale, adoptéc par la confédération, que du confentement unanime des confédérés. Les Etats de Hollande, dirigés par leur penfionaire, s'arrogerent le droit dc faire fur cc fujet, des régiemens qui étoient du reffort de la Généralité: cette infraftion de 1'union n'eut pas 1'aveu de tous les membres de la Province: la noblefle, Amfterdam & plufieurs O 4 autres  aio Correfpondance Poïitique autres villes, ne concoururent point aces mefures; au contraire, elles protcfterent contre 1'attentat de leur Pour foutenir ces procédés irréguliers, la facfioa TJ£- F^W" arma de tous cótés- C'étoit «ne autre infraéhon a 1'union, puifque le droit de lever des troupes eft attribué a la Généralité. Des défordres contraires au repos public, commis en divers cn- t' ai?,faveur dcss 8o]dats enrolés contre le vceu de a confédération, & la lettre du traité qui Punit, S5rS 3Uir confédérés 9^ 1'alternative de voir pai 1 autorite dont ils étoient revêtus. Les Etats GéÖ: charfs, du dc veiüer au falut de la Jepubligue, deployerent la puiifance dont ils étoient öepoutaires, pour repnmer des faélieux. Maurice ne fut que 1 executeur de leur volonté. Il alla par leurs ordres a la tète des forces de PEtat, pacifief!£ fecFu Z > Rotterrdal> ouilfecomporta avec autant qe circonfpecf ion que de douceur. Par fa prudence 6c fa fermeté, il ramena Pordre, & prévint la ruïne de PEtat & la fienne, dont unè «H novateurs les ménacoit. 5 houdlnVn?' fay°/iff P.ar dcs fénateurs, Anti-Stad, Joudeiicns, qui fe foucioient probablemcnt fort peu des opinions qu'elle vouloit fake recevoir: mais qui en prontoient pour fomenter des troublcs, a la faveur defquels ils fe flattoient de culbuter lè Stadhot ,1'tdechanger la forme du Gouvernement établi. Les plus diftmgues des appuis dc la nouvelle, fecle étoient fans contredit Barneveld & Grotius, célèWes J un par fes talens politiques & fes longs fervices, 'S ere par fes vaftes connoiifances & fes nombreme ou- lem faö on le defir d'exciter de nouveaux troubles tant quils conferveroient, nonfeulemcnt leur autorité 11 rallut donc fe refoudre, oua voir renaftre les défoW farecifufire&ntIam wqué de je,ttcr ia ^pSS's ia conruuon & la guerre civi e, ou fe décider cour un. de ces coups d'Etat, toujóurs funeftes è X W en font les objets «Sc les Vilmes, mais guêf quefois  Vivile & Litterairs, III i j quefbis néceffaires au repos public & au falut de Ia j patrie ( i ). On s'arrêta a ce dernier parti comme le plus für, 6c j celui que la furcté publique confeilloit. Les Etatsj Généraux firent emprifonner les citoyens qui pou\ voient caufer du dommage a la République. Ils nom| merent une commiffion compofée de vingt deux juges, ij tirés de toutes les Provinces, qui fit le procésa Barj neveld, k Grotius, & aux autres Régens coupables de | fédition. Ils condamnerent le peniïonairc a perdre la j tête. Cette févcrité exercée fur un vieillard rcfpeétaj ble, qui avoit fi longtemps fervi ia patrie avec intégrité & avec gloire, ne pouvoit être juftifiée que par la nécelfité qui efl; audeffus de la loi: elle fut prefque généralement blamée. On la rejetta fur le Prince I d'Orange qui n'y eut d'autre part, que de laifler mou] rir fur 1'échaffaut, un homme digne d'un fort meilleur, | Grotius, fi intéreffé k attribuer cette mort k la venJ geance ou a 1'ambition de Maurice, lui rend la juftice, i de s'être comporté durant toute cette affaire avec aui tant de ménagement que d'équité. Après la mort du Prince on chargea fa mémoire d'un. | autre reproche qu'il ne mérite point. On 1'accufa d'avoir cherché a fe rendre maitre d'un pays, pour la liberté j duquel il avoit combattu quarante & un an contre les Ejpa, (O Qu'un citoyen obfcur, paifible, qui refpecte Ie gouvernement, pretentie être jugé felon les formes de la juftice, & ne reconnoifl'e pour' niges de fes aetions, que ceux que Ia Loi lui a donnés, cela eft dans' Pordre: il a droit fans contredit s ces égards: la fociété eft érablie pour les lui afiurer. Tout gouvernement, qui s'écarte de ces régies envers les individus, eft injufte & tyrannique. II n'y a qu'un deupore, qui fe. joue de fes fujets, qui puifTe méprifer ces barrières mifes au defpotifme, & ces entravej dont la fociété a entouré_ les tyrans. Mais quand un homme public, qui joue un grand role dans le monde, I eft inquiet, ambuicux ou vindicatil', & qu'il abufe de fon autorité , ou 1 qu'il fe fert de fon crédit pour troubtèr la tranquillité publique, ii ne 1 peut pas fe plaindre, ft, pour Iüióter le moyen de nuire a I'Etat, on: j eft forcé de s'écarter des formes ordihaires. Ce n'eft plus comme citoyen, mais comme ennemi qu'on le traite, & qu'on a droit de Ie traiI ter. Dès qu'il eft recounu que fa liberté ou fa vie font préjudiciablos au r>pos de la fociété, il ceiTe dc mériter la proteélion qu'elle doit ;\ tous fes membres. Toutes les nianieres de lui ravir l'une ou 1'autrc devien, nent légit}méjj felon eet axiomc célèbre: le falut du peuple ejl la lei fuprime. O 5  ili Correfpondance Poïitique. Efpagnols. On difoit que pour fe fraver Ie chemin k Ia domination , il avoit affervi les Etats - Généraux qu'il fefoit agir au grc de fon ambition; que fous prétexte de réprimer I'audace des Arminiens & d'arrêtef leurs féditions, il s'empara de l'autorité & des forces de I'Etat pour le fubjuger. Mais toutes ces imputations font également faulfes & odieufes. Ce projet n'a éclaté que dans les mémoires de Du Maurier, après la mort du Prince. Barneveld & Grotius, fes ennemis perfonnels, ne Pont point chargé dc cette accufation, & Maurice, après avoir été débaraffe des deux hommes les plus oppofés a fes prétendus deffeins ambitieux, n'entreprit rien contre la liberté de fa patrie. De part & d'autre on fit des fautes, on eut des torts, comme cela arrivé toujours dans les conteflations oh les efprits s'échauffent & s'aigriffent, oh les Kaffions fecretes & les intéréts privés fe déguifent fous :s apparences du bien public. II paroit que ceux de Barneveld & de fon parti furent de porter atteinte au traité d'union, par des Régiemens qu'ils firent fans le concours de tous les membres des Etats d'Hollatiie, & de laiffer armer une partie de la Province. Paree que les villes avoient jadis le droit de s'armer féparement pour leur propre défenfe, le penfionaire & fes ?>artifans fouffrirent qu'elles le riffent pour égorger eurs citoyens, & renverfer lc Gouvernement, Ceux du Prince furent peut - être de faifir avec trop d'emprcffement, 1'occafion de fe venger d'un homme qui cherchoit k lui enlevcr fes cmplois & k le perdre. Guillaume II afhegea la Ville & Amfterdam; cette entreprife parut auffi téinéraire aux gens de Part qu'attentatoire a la liberté publique aux yeux des hommes qui fubftituoient leurs prétentions particulicres aux droits inconteftables de la Généralité II fit cnfermer a Louveftein des fénateurs faéfieux qui étoient auffi contraires aux vues des Etats-Généraux, qu'oppofés a celles du prince. Cette violence parut un adte de tyrannie d'une conféquence dangercufe. Mais fans entreprendre de juff.ifi.er ces deux aclions, on peut remarquer qu'Amfterdam avoit enfreint i'union que le Stadhouderat efl defiiné a maintenir; & que les prifonniers avoient foutcnu, contre le vceu des confédérés  Civile & Litteraire. arj fédérés, un fyftême que le Prince prévoioit devoir être funeflc a la République, comme 1'expérience le fit voir par la fuite. Après la paix de Munfter, achetée par quatre vingt ans de combats, on met en délibération, fi,. pour dér chargcr le peuple d'une partie des impots dont il étoit accablé, pour payer les dettcs de I'Etat, & rétablir fes finances, il ne conviendroit pas de réformer dés troupes dont la valeur avoit affcrmi 1'indépendance de la République. Cette propofition avoit autant pour but de mortifier- Guillaume II que de foulager les peuples. Dans la fituation oh fe trouvoit 1'Europe en général, <5f les Provinces - Unies en particulier, elle étoit contre les régies de la bonne poïitique. D'ailleurs un Etat qui s'étoit formé par les armes, devoit conferver fur pied des forces capablcs de le faire jouir de la confidération qu'il s'étoit acquife par fes victoires. Le Prince, le confeil d'Etat, les Etats - Généraux opinoient pour la confcrvation de troupes aguérics, qui avoient rendu des fervices fi importans h la République. Ils appuioient leur avis fur deux railbns; 1'une qu'il y auroit de 1'ingratitudc a renvoycr après Ia paix, tant de vaillans Soldats, qui avoient répandu leur fang durant la guerre, pour confolider la liberté de la patrie; 1'autre que la France & YAngleterre reftant armécs, il étoit contre les maximes d'une faine poïitique de fe priver de tant dc Régimens étrangers, qu'on ne retrouveroit plus au befoin. ' La Province de Hollande s'oppofa feule a 1'exécution d'un plan fage: cllcordonna de fon Chef la réforme des troupes, ce'qui étoit porter atteintc a 1'union, a l'autorité du confeil d'Etat & aux droits du Stadhouder, a qui feuls appar» tiennent les forces publiques de la confédération. Des membres de I'Etat prenant fur eux d'exerccr des actes dc Souveraineté, dont les fuites furent auffi fatales a la République, que leur exemple étoit dangcreux; lc Prince, autorifé par la Généralité, entreprit de les punir, & de les ramener a 1'union. Sa conduite étoit allarmante fans doute; fa jeuneffc, 1'an*bitcn dont on le foupconnoit animé, motivoient d'ailleurs des appréhenfions. Mais fi le fuccès ne légitfma, pas fon ehtreprfie, les terrible? effets que produifit lc . fyftême  #14 Correfpondance Poïitique, fyftême qui prevalut après fa mort, fervirent du moins a 1'excufer. On fe livra fans retenue & fans précaution a une réforme a laquelle il s'étoit oppofé On fupprima une dignité dont on 1'accufoit d'avoir fait un ufage effrayant. Par haine contre un pouvoir dont ort lui reprochöit d'avoir abufé (O, on fe priva d'une xeffource dont 1'emploi légitime avoit tant de fois été falutaire. On licencia des troupes qu'on ne put plus retrouver quand on en eut befoin. La République, affoiblie par la perte de fon Chef & par la diminution de fes forces, ceffa d'étre refpecfable & refpeftée par fes voifins: elle eut trois gucrres a foutenir contre YAngleterre; L,ouis XIV mit a feu & a fang trois de fes Provinces, paree que celle de Hollande, contre le vceu de Guillaume II & des confédérés, diminua fon armée. Au milieu des calamités qui fondoient de toutes parts fur I'Etat, durant un gouvernement foible, négligent, fans prévoyance, privé du Stadhouderat qui en eft le nerf; le peuple en fureur maffacra lc3 freres dc Wit, ennemis déclarés de Guillaume, III. On ne peut pas rejetter cette horriblc abomination fur Je Prince; elle refta impunie, paree que durant les défordres des féditions, les loix dorment & leurs organes font muets. Elle débarraifa le Stadhouder, des chefs d'un parti oppofé a fes intéréts: elle 1'élcva, non fur les ruines de la liberté; mais fur celles de fes adverfaires, qui fatisfaifoient leur ambition a la faveur de ce mot impofant. II fut le libérateur, & non le tyran de fa patrie. II exerga toute fa vie un pou /oir étendu peut - être au dela des limites fixées par la conftitution: mais il avoit droit a une réconnoilïanco fans bqrnes. II (O II cn avoit fi peu abufé, que les Etats de fix Provinces, Inf firent faire des remercimens tic f< üi expédirion contre Ia Ville d'Amtterd/rtn. D'ailleurs, Ie prince muni d'une Cömmiflion fpécialc des Etaré Généraux, agifiantau nom de la Généralité pour défendre les droits de 1'ünion contre les infractii ns d'un membre d'un des Confédérés, ne peut •pas 4trc accufé d'un abus d'awci'ké , cvand il. n'outRj>af.e pas lln pouvoir.  Civile é? Litteraire. tig ïl efl a remavquer au refte, qu'il ne fut puiflant* que paree qu'il fut habile, heureux & néceffüre. Les circonftances le favoriferent. Le reffentiment des in^ juftices qu'il avoit éprouvées, ne lui permit peut-êtra pas toujours, d'ufer de cette modération qui embellit les talens & le mérite dans un homme public. L'idée des fervices éelatans qu'il avoit rendus, en fauvant fa patrie du gouffre oh la faction Anti- Stadhouderienne 1'avoit plongée, pouvoit légitimer a fes yeux une autorité execffive, qu'il auroit eu tort de ne pas s'approprier, pour la faire fervir au falut de fon pays. C'eft en vain qu'on prétend que le Stadhouderat a quelquefois ménacé la liberté des Corps politiques, & que les Stadhouders ont porté atteinte a celle des membres qui les compofent. I] n'en refte pas moins inconteflable que cette dignité, malgré les reproches qu'on puft faire aux perfonnages qui en ont étérévêtus, aété, dans tous les temps, une inftitution falutaire pour la République, & les hommes qui en ont été revêtus* des inflrumens de fon élévation, de fa fplandeur & dö fa fureté. La charge peut être envifagée comme la lauve - garde de la liberté nationale, & ceux qui 1'exercent, comme les défenfeurs naturels de la patrie. On objecferoit avec aufli peu de raifon, contre 1'utilité du Stadhouderat, & les avantages que les Stadhouders ont procurés a leur patrie, les époques oh la République cn a été privée, les fecouffes qu'elle a recues pour leur rétabliffemcnt, & les tentatives des Princes ó'Orange pour augmenter leurs prérogatives, en empiétant fur les droits de leurs concitoyens. II n'y a point de fait fi bien établi, qui ne puifle être conteflé; de propofition fi évidemment démontrée, qui ne puifle effuier des objections; ni d'inftitution fi utile, qui ne foit fujette a des abus; ni d'homme fi infaillible, qui ne faffe des fautes. Toutes les chofes de ce monde ont toujours un cóté défeétueux. Les plus parfaites ne font point a 1'abri de la critique. La République a vu des périodes affez longues, oh cinq de fes Provinces étoient privées de Stadhouders. Pour ne parler que de la première, qui comprend un efpacc de vingt deux ans, depuis la mort de Guillaume 11 jufqu'a 1'élévation de fon fils, on ne peut pas nier que les Provinces - Unies ne firent de belles & gran-  jtifj Correjpondance Poïitique s' grandes chofes, dans eet intervale. Mais fi elles n'avoient point de gouverneur général, dans la perfonne d'un Prince d'Orange, elles avoient un chef^ on diroit prefque un maïtre, dans celle du.Grand Penfionaire de Hollande. M. de Wit, par la fupériorité de fon génie & 1'afcendant de fes amis, exercoit une autorité , prefque fans bornes. II étoit le Cromwel de la République. II en avoit les talens, & a peu prés le pouvoir. II gouvernoit fa patrie, comme le Protetleur gouvernoit YAngleterre; & les hommes qui font toujours dupes des mots, fe croyoient plus libres fous Ie gouvernement d'un confeiller Penfionaire, que fous celui d'un Stadhouder. D'ailleurs apres la mort de Guillaume II. qui ne furvccut que peu d'années au lage & modéré Fréderic Henri, fon pere, M. de Wit trouva la République dans ün état dc profpérité, & de gloire, qui lui faciliteit les plus grands fuccès, même avec des talens médiocres. Les Provinces-Unies jouiffoient, au déhors , d'une confidération qui leur concilioit le refpect de toute la terre, & au dedans, d'une puiflance, qui devoit fon origine afes progès, a la fageffe, au patriotifme de Guillaume hr & de fes denx fils. De grands hommes dans la poïitique, dans la marine, dans le militaire, dans l'adminiftration, formés par Fréderic Henri, étoieut des avantages, qui facilitoicnt au Grand Penfionnaire, le moyen de briller a peu de fraix a la tête de la Nation & aux yeux de YEurope. Jean de Wit n'étoit pas aufli fanatique que Cromwel: mais il n'étoit pas non plus aufli habile Gouverneur, ni aufli bon poïitique. L'un haïlfoit la maifon d'Orange prefque autant que 1'autre déteftoit celle de Stuart: mais 1'aifaffin dé Charles premier rendoit fon pays florifiant & redoutable, tandis que 1'cnnemi de Guillaume III expofoit le fien a la deftruclion ou a 1'efclavage. Son averfion pour une dignité qui venoit d'infpirer' de 1'ombrage, & qu'il abolit pour fe venger fur un enfant de la faute du pere qui en avoit été rcvêtu; lui fit adopter un fyftêmc tout différent de celui qui rendit YAngleterre fi refpeclablc & fi terrible fous le proteétorat de Cromwel. Après la paix de Wesphalie, la prudence confeilioit de conferver fur pied des forces en état dc défendre la République: c'étoit lc vceu du Stad-  Civile &f Litteraire. Stadhouder. Des principes mal entendus d'économie firent rejetter ce parti. Au rifque de troubler 1'union , on s'oppofa au plan de Guillaume II. \\ s'irrita d'un procédé qui contrarioit le bien public, autant que fon inclination. II fe livra a la violence, & fit des fautea qui autoriferent, après fa mort, fes adverfaires a en commettre de bien plus effentielles. Paree qu'un Stadhouder jeune, entreprenant, S'étoit fait redouter a la tête des troupes, le Grand Penfionaire en conclut que le Stadhouderat étoit dangereux, & une armée inutile. II fit fupprimcr 1'un, & Iaiifa dépérir 1'autre. On négligea les fortifications & les arfénaux. Les flottes manquerent fouvent da poudre & de boulets. Les forterefies étoient dégarnies, & leurs ouvrages tomboient en ruines. Les troupes étoient foibles & fans chef; les foldats indifciplinés, & les officiers fans mérite comme fans coeurs. L'armée répartie fur les Provinces, qui s'arrogeoient féparement une autorité qui n'avoit plus de centre de réunion, étoit dans la plus grande confufion & dans le plus grand défordre. Les compagnies étoient données k des cochers, a des laquais de Régens; les régimens & lc commandement des places les plus importantes a leurs fils. Telle étoit la fituation de la République, quand Louis XIV, uni a Charles II par mer, aux Evêques de Cologne & de Munfter par terre, fondit fur elle comme un torrent, k la tête d'une armée de 130 mille hommes, commandés par les plus grands généraux dë fon temp». Les places qui devoient 1'arrêter ne purent ou ne furent faire la moindre réfiftance. We/el avoit été confié k un traitre qui le vendit au fléau du fiècle paffé. Un des poftes les plus effentielsde la Gueldre, capable de faire échouer une armée entiere, étoit commandé par un jeune homme de 22 ans, a qui fon pere, bourguemaitre, I'avoit fait obtenir, preférant fa fortune aux intéréts de fa patrie: eet étourdi, a la tête de 1800 hommes, n'cut ni la capacité, ni le courage de défendre une place trés forte, d'oh dépendoit le falut de fon pays. Avec de pareils obftacles a vaincre, & de femblablqs troupes a combattre, a quelles conquêtes les Tut enne s, les Condés ,  215 Correfpondance Poïitique, Condés, lés Luxembourg ne pouvoient - ils pas pretêö* dre? Et fans les éclufes de Muyden & la fermeté dii grand Guillaume, oh en feroient aujourd'hui Amfterdam, Alcmaer, Leyden, Dort & la Frife, quineveulent plus de Stadhouder ? Si en 1667, au lieu d'abolir par üft Edit perpétuel Ie Stadaouderat, on avoit élevé le Prince d'Orange a cette dignité, que de crimes & de maux on auroit prévenus.' Les frercs de Wit, promoteurs de cette loi ablurde, déeoree de noms plus abfurdes encore, n'auroient pas été mafTacrés: la diffention & 1'anarchie n'auroient pas enfanté tant de noirceurs, & laiffé faire tant de fautes. La France n'auroit pas tenté d'cnvahir la République, ou ne feroit pas parvenuea y porter la defolation & la terreör. Guillaume III, tout jeune qu'il étoit, avoit affez de génie & de lumieres, pour prévémr les malheurs, que fon exclufion a caufés; & quand la nature ne I'auroit pas eu doué de talens fupéneurs & précoces, il eut fuffi qu'il fut Stadhouder, pour redonner de la vigueur a un corps léthargique. II eft de 1'effence du Stadhouderat, quel que foit celui qui en eft revêtu, de porter 1'ordre dans les affaires, 1'energie dans les réfolutions, la célérité dans les opérations, du moins, lorfqu'il eft fecondé, ou qu'il n'eft pas traverfé dans fes deffeins. Son autorité audedans, fa confidération au déhörs, dépendent du fucces ou du bon état des chofes öh fon pouvoir s'étend. Ainfi j ce qui infpire le plus d'ombrage aux Ariftocrates, jaloux d'un pofte qui les éclipfe, eft précifément ce qui peut préferver la République da 1'anarchie & de la rumö. La gloire d'un Stadhouder eft mféparable de la confervation & de la profpérité de fon pays. S'il pouvoit perdre de vue cette liaifon intime entre fon honneur & le bien être de fes concitoyens, il ne feroit plus digne de leur confiance ni de fon rang: mais il faudroit qu'il fut fou ou enragé pour 1'oublier. Le miniftère de M. de Wit péchoit encore par un autre endroit: il manquoit de prévoyance aufli bien mie de vigueur. La poïitique de ce grand homme fut défectueufe, comme fon adminiftration étoit néghgeante. Les voilins le tromperent, tandis qu'il perdoit  Civile Litteraire. 219 perdoit de 'vue, les précautions propres k les décön* certer. II fe laiffa leurrer par Louis XIV & duper par Charles II. II fit en faveur de YEfpagne, une triplc alliance avec les Rois (YAngleterre & de Suède cette démarche choqua celui de France, qui ne pardonna jamais a la République des mefures qui contrarioient fes projets de conquêtes, & qui s'en vengea dans toutes les occafions d'une maniere cruelle. Les liaifons du Grand - Penfionaire avec la France, fort penchant pour cette couronne, 1'opinion qu'il avoir; de la probité du Prince ambitieux qui Ia portoit 1'aveuglerent au point, qu'il laiffa épuifer fon pays de munitions navales, fans prévoir 1'ufage que la marine Francoife fe préparoit k en faire contre lui. H vit pendant deux ans 1'orage groffir & gronder fur fa tête, fans fe mettre en peine de le détourner. Un Stadhouder n'auroit pas fait ces fautes, ou les auroit prévenues. Si le rétabliffernent da Stadhouderat, k deux époques différentcs, a donné de violentes fecoufles k la République, & ménacé la liberté, c'eft plutót la faute da ceux qui avoient abrogé cette dignité, que de ceux: qui Pont réintégrée. Elle fait une partie eflentielle de la conftitution; elle eft agréable a la nation- le peuple 1'envifage fous fon vrai point de Vue, en la confidérant comme le lien de la confédération, comme 1'ame des opérations intérieures, comme le centre du pouvoir exécutif, comme le contre poids de la puiifance ariftocratique, & la fauve-garde de la li_ berté publique. D'après cette opinion gravée profondement dans 1'efprit des Bataves, il n'eft pas iurprenant que le peuple ait été difpofé k rejetter fes maux fur la privation d'un emploi, inftitué pour les prévenir, & a en rendre refponfables les auteurs do eet ordre de chofes. II eft dans le caradlere de Ia multitude d'outrer tout, de porter tout a 1'extrême De même qu'elle arrachoit dans fa fureur les entrailles aux frères de Wit qu'elle haiflbit; de même elle auroit fait, dans fon enthoufiafme, un Dieu de GuiU laume III qu'elle regardoit comme fon fauveur GuiU laume IV feroit mort Comte de Hollande, s'il avoit voulu proficer des difpofitions d'ua peuple déeouté Tom; IIL P r &d>u4  12 o Correfpondance Poïitique-] d'un gouvernement relaché, corrompu, fans énerrié comme fans pudeur. Mais ces eombuftions dangereufes, qui manquerent deux fois de bouleverfer le Gouvernement, & qui d une anftocratie mitigée auroient pu former un Etat monarchique, fi les Princes d'Orange avoient voulu ravir les privileges de leurs concitoyens & enchainer la nation, a qui faut-il les attribucr? Ce n'eft pas au peuple, qm ne fe feroit jamais foulevé, fi fes Régens s étoient abftenus de dénaturer la conftitution, & de changer la forme du gouvernement. En lui ötant un .CUer, qu il étoit accoutumé k regarder comme fon protecteur en tout temps, comme fon libérateur dans les calamités, n'étoit.ce pas 1'expofer a la tentation & au danger, de fe donner un maftre, dans fon em« portement i Les Princes d'Orange & leurs partifans contribuerent beaucoup, fans doute, aux deux révolutions qui regénérerent le gouvernement, que Ia confufion pouvoit renverfer. Ils furent les mobiles qui remuerene le peuple; & ce peuple, qui fe croyoit le maftre, n etoit que 1'inftrument aveugle de ceux qui le faiioient agir. Mais les premiers chereboient a rentrer dans les droits, dont on les avoit injuftement exclus; qui pourroit les en blamer? Les feconds travailloient a leur faire rendre juftice; & puifque les Etats la refufoient, il falloit bien emplover le peuple pour 1'obtenir Si les affemblées légiflatives des Provinces, au lieu de s'arrogcr le droit d'abolir le Stadhouderat, s'étoient fait une loi de la perpétuer fur les têtes a qui il appartenoit, on n'auroit pas eu befoin de recourir k des mfurreclions pour le faire revivre. Cette derniere idéé ne manquera 'par d'effaroucher un grand nombre de mes compatriotes, qui en ont une bien différente de la nature de notre conftitution A mon avis, il eft pourtant certain que c'eft Ia plus jufte & la feule vraie qu'on puifle s'en former. Quiconque voudra y réfléchir avec attention & fans partiahté, fe convamcra facilement, que le Stadhouderat eft le premier reffort de notre Gouvernement, & une partie integrante de la conftitution des Pi •ovinccs en particulier, & du Corps fédératif en général. Cette iöftitution eft fi effcntielle, que c'eft a' fon ombrc que la  ■Civile & Litteraire. 221 Ia République seft formée, & fi légitime, que les Etats n'ont jamais eu le droit de la fupprimer. Une Province feule, ni toutes enfemble, ne peuvent pas plus révoquer un Stadhouder, qu'un Stadhouder n'a l'autorité de difibudrc les affemblées fouveraines. Le Stadhouderat fait partie de la Souveraineté , auffi effentiellement que 1'ordre Equeftre de Hollande. que le Clergé d'Utrecht, que les villes de toutes les Provinces , & les Quartiers de quelques unes. Pour s'en affurer, il ne faut que jetter uri coup d'ceil fur la formation des pouvoirs dans riotre République. Sans remonter aux époques les plus reculées de 1'nistoirc, arrêtons - nous aux temps oh elle eft le mieux connue. A qui appartenoit anciennement la Souveraineté des Provinces? Tout le monde convient que c'étoit au Comte de Hollande, au Duc de Gueldre, a 1'Evêque d'Utrecht. &c. Ces Princes n'étoient pas des maitres abfolus, k beaücoup prés* Leur pouvoir étoit limité. Les villes avoient des privileges; les Provinces eurent des Etats, au moins après que la Souveraineté en fut paffee dans la maifon de Bourgogne & dans celle d'Autriche. En quelles mains tömba cette Souveraineté, quand les Provinces abjurcrent la domination de Philippe II? A qui revenoit - elle de droit? C'eft ce qui n'a jamais été déterminé avec précifion, & que nous devons un peu difcuter. La matiere en vaut bien ia peine. Dans les difcufiions que firent naftre Partiele de l'exclufion, en 1654, & YEdit perpétuel en 1667, la Province d'Hollande avanca & foutint, deux propofitions également erronnées: 1'une, qu'i la révolution le Roi d'EJ'pagne ayant été déclaré déchu de tous fes droits, par 1'ufage tyrannique qu'il en avoit fait, la Souveraineté avoit été dévolue toute entiere aux Etats, exclufivement aux Stadhouders: 1'autre, que le Stadhouderat étant une dignité arbitraire, dépendante du bon plaifir du Souverain , & celui qui en étoit revêtu un fimple officier de I'Etat, fubordonnéè l'autorité fuprême; ils pouvoient être, 1'une abolie, 1'autredépouillé de fa charge, par les Etats, dès qu'ils ne les jugeoient plus néceffaires. Ces deux aifertions ne furent pas prouvées; mais élles pafferent a la faveur des circonftances. II P 3 auroit  HZ Correfpondancê Poïitique, auroit été dangereux dc les contefler, &' perfonne n'avoit intérèt dc réclamcr contre 1'ordrc de chofes qu'elles tcndoient a établir. Aujourd'hui qu'on paroit incliné a recevoir comme inconteftables les principes qu'elles préfentent, & qu'il elf vifible qu'on veut faire revivre le fyftéme auquel elles fervent de . -baze; fyftême également attentatoire & aux droits indélébiles de la maifon d'Orange en général & k ceux du Stadhouder actuel, en particulier; il doit être permis de les approfondir, & d'en montrer la faus•feté. Soutenir que la dégradation du Roi d'E/pagne fic paffer toute entiere-la Souveraineté aux Etats des Provinces qui renoncerenta fa domination, a Pcxclufion du Stadhouder, qui y repréfentoit Je Souverain; c'eft avancer une grande & notable erreur. Quon jette les yeux fur. les foncfions & fur la conduite de Guillaume ■premier, auteur de cette fcifïion célcbre; • on verra qu'il döt être de droit, affocié avec les Etats, a la Souveraineté qui paffoit en de nouvelles mams, ou qu'il n'en put être exclu que par. une ufurpation de ces memes Etats. Avant la Révolution le Prince d'Orange étoit Stad houder ou Gouverneur de la Hollande, de la Zélande & d'Utrecht. En cette qualité il repréfentoit le Souverain, et en exercoit tous les droits. C'étoit le ViceRoi de ces Provinces, fubordonné au Gouverneur lïcnéral des Pays-Bas. II commandoit les forces de terre öc de mer; il préfidoit a 1'adminiftration de la Rolice, de la juftice & des financcs: il créoit les lagiftrats au nom du Roi; il difpofoit de même des emplois: il convoquoit les Etats, qui régloient les contnbutions publiques & la répartition des impóts. U n y avoit que des cas extraordinaires oü ces Etats pouvoient s'affembler, fans la convocation du fouverain, ou dc Ion repréfentant, telles que celles oü leurs privileges fe trouvoient compromis ou violés. Les Etats-, Généraux ne lc pouvoient fous aucim prétexte, fans la permiffion du Souverain; & le refus dc permettre quils s affemblaffent, fut la principale caufe de la révolte des peuples contre Philippe II. Lelie étoit a quelques nuances prés Ia forme de Ia conltitution Belgique. ^uand im tyran qui a degradè I le  Civile & Litteraire. 4*3 5e tróne, Vavifa de tourmenter la confcience de fes fujets, & de leur ravir leurs privileges. II feroit déplacé de rapporter ici les horreurs que la démence lui rit commettre dans les Pays-Bas. II fuffit de remarquer que fes barbaries néceffiterent le foulevement des peuples, & juftifierent enfuite le divorcc qu'ils firent avec ce Prinoe cruel & fanguinaire. Guillaume I*r'. revêtu du gouvernement de trois Provinces, étoit appellé par fon emploi, k foutenir les droits, a appuier les prétentions de Philippe II. Mais loin de fe rendre Pinftrument des fureurs du defpote, comme fon devoir fembloit lui en impofer J'obligation, il fe rendit 1'avocat & Ie défenfeur de fes concitoyens, comme fa confcience & 1'honneur le lui diftoient. II fe ligua avec la nobleffe pour s'oppofer a la tyrannie des E/pagnols: il s'aflbcia avec les villes & les Etats des Provinces, pour demander le redreflement de leurs griefs, pour défendre leurs libertés, leurs biens & leur vie contre les inquifiteurs dc les bourreaux envoyés d'EJ'pagne pour les en priver. II ménagea la pacification de Gand qui affuroit aux Beiges leurs droits les plus précieux. Après la défeftion de plufieurs Provinces qui rompirent ce paéle folemnel, il refferra les nocuds des confédérés, par 1'Union d'Utrecht qui fut encore fon ouvrage. Jufque la aucune entreprife n'avoit été formée contre la Souveraineté du Roi d'E/pagne. On n'en vouloit qu'aux cruels Efpagnols & a leur odieufe Inquifition. On ne cherchoit pas a fe foufiraire k 1'autoritó du Souverain reconnu; mais a fe défaire des agens furieux qu'il employoit pour tourmenter des hommes libres. Le Prince d'Orange, 1'ame de tous les mouvemens, n'avoit ni 1'envie de fecouer le joug de Philippe, ni le deftein de le rcmplacer. Ce n'étoit ni' 1'ambition, ni la haine qui Ie guidoit: c'étoit le patriotifme, I'amour de la liberté , le zèle pour fa religion, 1'intérct de fes compatriotes, 1'horreur des perfécutions & des perfécuteurs. II defiroit de ramener le tyran k des fentimens équitables, & de voir pasfer les rênes du gouvernement, en des mains dignes de les tenir. II fut, le premier a confeiller de recourir k 1'appui P 3 d'une  «4- Correfpondance Poïitique, d'une puiffance étrangere, pour fe préferver du mal. heur de retomber dans les ferres de l'oppreifeur de fa patrie. Voyant qu'il n'y avoit ni fureté a traiter avec VEfpagne, ni fatisfa&ion a en obtenir, fans de puisfans fecours pour la mettre a la raifon; fe trouvant k la tête d'un peuple défuni, déchiré par des faftions, rempli de traïtres a la patrie & d'en vieux de la gloire du fondateur de la République; il confentit qu'on défcrat au Duc d'Anjou un pouvoir auquel lui-même avoit droit de prétendre. II croioit trouver un proiedteur a fon pays dans la perfonne d'un Prince, dont 1'ambition ne tarda pas k prouver, qu'on s'étoit mépris dans le choix qu'on avoit fait de lui, pour Gouverneur Général. Enfin arriva le jour mémorable, ou les Etats - Généraux, afiemblés k laHaye, renoncerent folemnellement a l'autorité de Philippe, & le déclarerent déchu de tous fes droits k la Souveraineté des Pays-Bas, ou du moins a celle des Provinces confédérées. Ce fut Guillaume Ier qUj dirigea cette aftian éclatante, presque uifique jufqu'alors, quand il vit que 1'efpoir d'obtenir juftice du tyran étoit perdu. II ne s'agit pas de favoir fi une nation opprelTée fous le fer de latyrannie, k le droit de fecouer le joug d'un Souverain barbare, qui 1'égorgeau lieu de la pro.téger; ni fi le Prince d'Orange viola fon devoir en abandonnant le parti d'un Prince cruel, pour foutenir Ia caufe d'un peuple opprimé. Le fuccès a couronné cette fameufe infurreêtion, & Guillaume Ier en a été l'in«i Itrument. C'efl: lui qui a dirigé la révolte des Hollandois, & confommé 1'ouvrage de leur indépendance & de leur liberté. Ses deux fils 1'ont aftermi fur une baze inébranlable. Ce qu'il importe de déterminer ici avec précifion, c'eft premicrement, quels furent les auteurs de la révocation de l'autorité du Souverain jufqu'alors reconnu pour tel; 2Q A qui la Souveraineté dont ce maitre farouche & impitoyable fut dépouillé pour jamais, devoit appartenir; 30 En quelles mains elle pafla en effet, en fortant de celles du defpote révoqué. _ Sur la première queftion, il ne peut pas y avoir de difficultés: ce ne fut ni la nation en1 corps, ni chaque Ville féparemerjt, ni les Etats féparés du Stadhouder, ni  Civile & Litteraire. 225 ni le Prince d'Orange de fon chef, qui abjurerent la domination de Philippe. Le peuple ne fut pas con-fulté fur cette fciffion. II avoit eu part a la Rébellion; il n'en eut pas a facie d'indépendance. Les Etats - Généraux, de concert avec les Stadhouders des Provinces, la confommerent. Guillaume avoit couru tous les périls de 1'oppofition au defpotifme Efpagnol: il concourut auffi k toutes les mefures qui furent prifes , pour y fouftraire fa patrie. On ne pouvoit même en prendre aucune fans fa participation. II fuffit de confulter 1'hiftoire pour s'aflurer, que les Etats n'étoient rien fans lui, comme il n'étoit rien fans eux, pour une opération auffi importante. Aufli fe réunirent - ils pour y travailler. La rénonciation a l'autorité du Roi d'EJpagne fut I'ouvrage du Stadhouder, de la noblefle & des députés des villes. La Souveraineté une fois arrachée des mains de fon ancien pqflefleur, étoit dévolue de droit a la maffe du peuple, a la généralité des citoyens. Délivré de fon ancien tyran, la nation étoit rentrée dans fon état primitif: elle avoit recouvré fa liberté naturelle. A elle feule appartcnoit la Souveraineté du Pays, ou le choix: d'un nouveau Souverain. Tout ce que les Etats des Provinces, les municipalités des villes, la noblefle & le clergé pouvoient réclamer, c'étoit la jouiffance de leurs franchifes & de leurs privilèges, pour lefquels ils s'étoient foulevés contre les attentats de 1'oppresfeur. La nation entiere pouvoit feule difpofer d'ellemême. Dans le choix d'un gouvernement, elle ne devoit avoir égard qu'a fes libérateurs, qui s'étoient acquis des droits a fa reconnoiflance. On ne put lui óter la faculté de former la conftitution qui lui convenoit, & de fe choifir les maitres qui lui étoient agréables, que dc fon aveu, ou fans ufurpation. Mais le peuple ne fut pas plus confulté fur 1'attribution & la diftribution du pouvoir Souverain, que fur la rédaction & la publication de 1'acfe d'indépendance, qui fépara pour toujours les Provinces - Unies dj la monarchie Efpagnole. Un petit nombre de perfbnnes, en enlevant l'autorité fuprême a Philippe II, fe 1'appropriercnt, & la partagerent entre-elles. Au lieu d'un tyran monftrueux qu'on avoit eu pour maitre-j les habitans des Villes recouvrerent des Régens P 4, pour  2ï6 Correfpondance Poïitique, pour condufteurs, & ceux des Provinces, des fénata pour Souverains. Ce gouvernement eft auffi légitime, lans contredit, que tous les gouvernemens du monde: on n'en contefte ni la juftice, ni la douceur. Ce n'eft pas même de quoi il eft ici queftion. Refte a favoir feulement, fi 1'homme qui contribua le plus a lui donner la naifiance, n'y avoit pas une part mconteftable, inhérente a fa'perfonne, le prix dc fes fervices, formant dans fa familie un patrimoine légitimement acquis k fa poftérité: fi celui qui fe iignala Ie plus dans les confeils & dans les armées , pour repouffer la tyrannie, ne tenoit pas un rang dis-tingué parmi les confédérés; s'il n'étoit pas unè portion effentielle, une partie conftituante de la confédération qui fecoua le joug de l'Ejpagne: fi le Stadhouderat, exiftant comme les Etats des Provinces & les Régences des Villes, antérieurement k Ia Révolution., n'a pas été de même incorporé dans la nouvelle conftitution, & admis dans la formation du gouvernement , comme Ia baze fur laquelle il repofe: fi Guillaume premier, le pere de Ia patrie, le fondateur de la République, fon légiflateur & fon foutien, lui, ■qui facrifia fes biens, fa familie & fa vie même, pour fouftraire fes concitoyens a une domination affreufe, n'étoit pas de fait & de droit le premier membre du fouverain fubftitué au tyran, ou du moins, s'il n'avoit pas autant de droit de partager la fouveraineté d'un Etat enfanté par fon zèle, fa prudence, fa valeur & fon patriotifme, que des Régens de Schoonhoven ou d'Jkmaer, qui n'eurent d'autre part a fon indépendance, que celle de donner leur fuffrage a facie d'abjuration qui y mit le fceau. II eft étonnant que ces idéés n'ayent jamais frappé perfonne, ou qu'on n'en ait nas fait ufage, pour débrouiller le cahos des prétentions diverfes qui s'entrechoquent parmi - nous ; pour déterminer les droits refpectifs des membres de la Souveraineté; pour faire reconnoitre ceux du Stadhouderat, & pour fixer fes prérogatives dans la diftribution des pouvoirs qui conftituent la Souveraineté. II fuffit fans doute de préfenter la queftion fous ce point de vue, pour faire fentir 1'cxtravagance & 1'injuftice de 1'opinion, qui excliid le Stadhouder de tout partage a l'autorité fuprê-  Civile fi? Litteraire. ii « fis ;mier nobleüu pays, & 1 on fait que la noblefle dan* plufieursaProvinces, étoit le premier membre del Etats. Ainfi, a eet égard, Guillaume 1*1 fefoit donc partie du Souverain? II étoit donc aflbefi au na «ge de la Souveraineté? Ses defcendans y avoieSïdonc des droits au même titre? On ne put donc es en ^sas*- fans une -ff qu on romp*. & non avec fon repréfentmt qu'K diyorce: f/i) le repréfentant du Souverain qu'SS abmra fe trouvoit k Ia tête des infurgens. cftoS lui qui les avoit ammés & dirigés. Rien ne s'étoit fair &:n avoit pu fe faire fans fa particiK Jfaas & aveu. Depofitaire d'un pouvoir étendu, en vertu dc fes emplois, il avoit en main le droit & la pufifance d écrafer fes conatoyens & de les faire rentrer fous k joug dc leur opprelfeur. Mais au lieu de ÏÏSbïrè aflervir fa patrie, ,1 Ia mk en état de dire a fon man „ Les peuples ne font pas nés pour les Princes„ mais les Princes. font établis pom les peupfc II „ ne • 00 Je fens bien qu'on pourroit ebiecter contre !es induclio»* m«. je tire ici des droits de Guillaume Ier a Ia Som eninen' H T, «Ie Stadhouder pour Philippe II, qu'il sVtoit dSTfcs cmnll & par confequent, qu' ne put pas être conlMArf ™mm» ~V*k ' A" «u Souverain, \<£ de Ia déclaration^e VMé^nZ ^Te™ tjue le Prince a'Orange avoit rémis fes emplois auRoi A'rn.1 SS«1fe, HlfUffi ""'ï1 'CS 3V-0it rePnS' & 1 s xe^coit qfn f lés Etats fe dëclarerent Souverains. Or, il eft évident qS cSte étó que, les Etats n'avoient pas le droit de lui conférerfaSité dont % Te trouvoit: revêtu, quand ils fe trouverent Souverains! Xe re fut » nomdc Phütppe ou de fon propre chef que S« s^toiuem en poffellion du Stadhouderat, il eft bien certain au moins qu'ü dtók «ei nes aüerablées nationales, lorfqu'elles fe deaderuit a ne nlus re  Civile £? Litteraire. 229 nc peut pas y avoir de Roi fans fujets; mais les fu« " jets peuvent fe paffer de Roi. Le devoir d'un Sou" verain efl; d'aimer fon peuple, & de le gouverner ' avec équité: s'il ufe autrement de fon pouvoir, i! " n'eft plus qu'un tyran, k qui on ne doit ni obéisfance ni fidélité. Philippe l au lieu de vous être " montré notre père; vous vous êtes déclaré notre " bourreau. Nous ne voyóns plus en vous 1'image de ' la divinité, qui feule pouvoit nous engager k vous " refpecfer, & a vous refter fidclcs. Vous avez violé '! votre ferment, & rompu tous les liens qui nous " attachoient a vous. Rentrés dans nos droits, nous ' renoncons a votre empire, & vous déclarons indi" digne de régner fur nous: nous révoquons votre * Souveraineté, & nous reprenons un bien dont vous avez abufé " ( 1). Mais ce langage, qui le tint, & qui avoit droit dele tenir? J'ai déja obfervé que ce droit appartenoic inconteftablcmeiit a la nation entiere; mais elle n'en ufa pas. Ce fut quelques uns de fes membres, fes reprcfentans, ou plutót fes chefs qui fe 1'attribucrent. II feroit bien fingulier que celui de tous qui avoit le plus de titres pour y participer; celui qui étoit le plus diftingué par fa naiffance, par fes fervices, par fes emplois, n'eut pas partagé la Souveraineté avec les différens ordres de I'Etat qui fe 1'approprierent. Certaincment le Prince d'Orange n'en fut pas, 6v n'en put pas être exclu. II ne confeilla pas d'en dépouiller fe tyran, pour le faire paffer exclufivement dans les mains de fes coopérateurs. II eft abfurde de fuppofer qu'il ait confenti a fecouer lc joug de Philippe, pour faire des bourgeois Souverains, & pour n'être lui-mêxne que leur premier fujet. II auroit été en délire. D'ailleurs, comme jc Pai déja dit, Guillaume fefoit partie des Etats, aufli effentiellemcnt que la noblefle & les Villes. II étoit Ie premier membre de ceux de quatrc Provinces, & le Chef des Etats-Généraux. A ce titre l'autorité fuprême de la République paffa dans (O Voye'. les repréfentations que Guillaume Ier fit aux Etats-GJn'raux, pour 'cs porter a renoncer h la domioatioii de ÏEfpngne, & a douacr un ajtxe Souverain a la nation.  33« ÏCorrefpondance Poïitique. *,?n? mains, conjointement avec celles des confédérés; & a Souveraineté des Provinces dont il étoit Stadhouder \m appartint comme aux autres membres des Etats, dans lefquelselle fe concentrapar Kolutiorl Le Gouvernement changea de forme en acquérant Jmdépendance; mais il ne fubit pas de changement cffentiel quand au fond. La Conftitution Bdgüjue refta ce qu elle etoit depuis longtemps, fans autre Srd"nn rl0tfbIrqUex^ nC ?lus êcre fous la Domination d un feul. Les Villes récouvrerent leurs privileges, les Provinces acquirent la Souveraineté & le gouvernement Général de la République, appa'rtint a ia confédération. Le Stadhouderat & les Etats établis bien du temps avant qu'on ne révoquat l'autorité du Roi d Kjpagne mais toujours diftindfs dans leurs attributs, 6: oppofes dans leurs fondh'ons, paree que 1'un s'exercoit au nom du Souverain, & que les autres agiiïbient au nom de la nation; s'identifierent a cette epoque, pour fe fubftituer au Souverain révoqué & pour ajouter a leurs prérogatives particuliercs le droit ce Souveraineté. On objedleroit envain contre les droits de la maifon d O range au partage dc la Souveraineté, que le tyran une fois degradé de fon autorité, le pouvoir Souverain etoit devolu a la nation, comme je 1'ai moi-méme obiervé plus haut; que tous les citoyens redevinrent egaux & hbres; que les dignités précédentes éto-'cnt abohes par le fait; que les fervices fignalés de Guillaume etoicnt bien des motifs a Ia réconnoilfancc majs non pas des titres pour prétenclre a plus d'autorite quil ne plaifoit a fes concitoyens de lui en confier; que la Souveraineté fe trouvant vacante par la mort civile du defpote, interdi de fes fondh'ons la nation avoit Ie droit de la répartir dans telles m'ains qui lm convenoit; qu'elle remit Ie pouvoir de la réait aux Magiftrats des Villes, & l'autorité Souvcrame aux deputes de la magiftrature réunis cn corps dans 3e Senat, ou affemblée nationale; que les Stadhouders des Provinces ne furent point admis dans ces aflemfolees Souverames, en qui rcfidoit Ia puiffance léo-jfla tive, premier attribut de la Souveraineté; qu'ils'ne furent confidcrés, en vertu de leur emploi que comme les exéeuteurs des volontés du Souverain • &c 5 ti  Civile & Litteraire. 231 II n'eft pas difficile de répondre. Les öbjeétions qu'on vient de lire font contraires au droit & au fait, démenties par le raifonnement & par 1'hiftoire. II feroit abfurde fins doute, de prétendre que le Prince d'Orange avoit des droits exclufifs a la Souveraineté d'un pays fouftrait a la domination du Roi d'Efpagne. Non, il ne pouvoit s'en emparer fans ufurpation: aufli ne chercha -1 - il jamais a régner. • II eut la générofité de refufer le titre de Souverain qui lui fut offert. Toute fon ambition fe bornoit a affranchir un peuple opprimé, & a rentrer avec fes concitoyens, dans las jouiffancc de leurs libertés & de leurs privileges. ■ On auroit également tort de foutenir que les fervices qu'il rendit a la patrie, 1'autorifoient a s'en rendre le maitre. II eut effacé des coeurs toutes les obligations qu'on lui avoit, s'il eut cherché a dominer. La réconnoilfance d'ailleurs, n'eft pas une; vertu nationale: elle n'eft point admife en poïitique, qui n'a pour règle que 1'intérêt & la néceffité. Un peuple n'eft pas obligé de s'impofer un joug, pour acquitter fes fervices qu'il a recus d'un de fcs.individus. Ainl? la nation Bntave, délïvrée de la tyrannie Efpagnole, par un Prince d'Orange-, ne devoit pas, pour cela, élever cette maifon a la Souveraineté. _ Il n'y a jamais eu de peuple qui fc foit donné volontairement un Roi: dans tous les temps & dans tous les pays du monde, c'eft la farce qui a difpofé des couronnes. Guillaume I** ne voulut pas en ufurper une; & ce n'eft pas k une autorité abfolue, que j'cntends qu'il avoit droit d'afpircr. Mais avancer qu'il pouvoit être, & qu'il fut cn effet exclu de toute participation a l'autorité Souveraine, au pouvoir légiflatif & a la puiffmee exécutrice qui la conftituent, c'eft évidemment renverfer toutes les notions, & contredire Ics.vérités les mieux: prouvees. D'abord il eft faux qu'en renongant a la domination de Philippe, la nation entiere ait formé a lbn gré une conftitution réfléchie, volontaire & libre; qu'elle ait confié aux Regences des Villes le foin & le pouvoir de les gouverner, & aux Etats des Provinces l'autorité fuprême. Le peuple n'eut point dc part a tout cela. II ne diftribua pas a fon choix le pouvoir Souverain. II ne fut pas même coufulté fur fa diftri- butioa.  2J4 Correfpondance Poïitique, feution. IIfc foumit au Gouvernement qu'on lui donnaCe furent les Etats, c'eft-a-dire, un petit nombre da perfonnes, qui étabhrent ce Gouvernement, ou plutót, qui conierverent celui qui etoit établi depuis plufieurs fiècles, fans autre modification oue de fe conférer k eux-mêmes, la Souveraineté qu'ils n'avoient pas pofledée jufque la. Or, le Stadhouderat étoit cifentiel a 1'ancienne conftitution, qui, bien loin d'étre altéréè, fe trouvoit fortifiée par eet accroiflement d'autorité ; & les Stadhouders fefoient aufli eflentiellement partie des Etats, que les autres ordres de la Batiort. Les anciennes dignités ne furent point abolies malgré le changement de maitre & de Religion: on en conferva les dénominateurs & les prérogatives. On ne mit pas même en queftion fi ceux qui en étoient revêtus, devoient recevoir de nouvelles provifions pour les exercer, & jouir de leurs droits. La noblefle refta ce qu'elle avoit toujours été, le premier ou le fecond ordre de la nation. Le Prince cVOrangeer\ vertu de fa haute naiflance & de fes fiefs dans plufieurs Provinces, étoit membre du corps des nobles qui devint un membre fi eflentiel de la Souveraineté. En un mot, on fit fi peu d'innovations importantes dans la conftitution de I'Etat, que, quoique la Réforme dans les dognes & dans le culte entrainaflent néceflairement la fupreffion des Evêqucs & des Chapitres, 1'ordre du Clergé, dans la Province d'Utrecht oh il formoit le premier ordre de 1'aflemblée nationale, continua de faire partie des Etats de la Province, fans autre modification que d'étre déformais compofé dc laïcs, paree que la Religion adoptée dans le pays, n'admet dans fon fein ni dignités, ni hiërarchie eccléfiaftique. Guillaume Ier avoit fi effentiellement en partage la Souveraineté des Provinces, conjointement avec les autres ordres de la nation; il fefoit fi bien partie du Souverain, qu'il en exerca conftamment les fonétions, fans conteftations, fans réfiftance, fans réclamations. II changcoit les magiftrats; il fefoit grace aux crimincls; il donnoit des régiemens pour les troupes, le commerce & la navigation ; il promulgoit des loix: ces fouclioas n'appartiennent qu'au Souverain, ou a celui qui  Civile fi? Litteraire. 23-j qui efl; chargé de fes plein - pouvoirs, pour le repréfenter. Ce ne fut pas par Commijfion, ou en qualité de repréfentant du Souverain , que le Prince d'Orange exerca des adtes de Souveraineté, mais en vertu de fon droit inconteftable a la puiflance fuprême, partagée entre lui & les Etats. II ne recut pas des Etats de Provifions particulieres, pour exercer ces acces de Souveraineté; & Pon ne voit pas qu'il ait été accufé d'ufurpation par fes contemporains, ni de s'être arrogé un pouvoir illégitime ; ce qui montre alfez qu'il n'outrepafla pas fes droits, en exergant l'autorité Souveraine. Jufqu'au temps de la Révolte, & peu d'année* avant la révocation du Roi d'Efpagne, les Etats de Hollande n'avoient été compofés, de la part, oif comme repréfentants de la nation, que de l'ordrg Eqiieftre , ou de celui de Ia noblefle, & de fix Villes. Celles de Dort, de Haarlem, de Delft, dö Leyde, d''Amfterdam & de Gouda , avoient feules le droit d'y envoyer des députés. Le fondateur de la République y fit entrer douze autres Villes. II donna voix aux Etats de la Province, aux Villes de Rotterdam, de Gorcum, de Schiedam, de Schoonhove, de la Brille, d'Alcmaer, de Hoorne, d'Enchuyzen, d'Edam-, de Monikedam, de Medemhlick & de Purmerent. LesMagiftratures de ces cités font des portions de Souverains , engendrées par Guillaume 1". \\ efl; vrai que les Etats concourent avec lui k augmenter Ie nombrede leurs membres; mais on ne peut pas difconvenir* que la conceflion en vertu de laquelle ces Villes ont été admifes a 1'honneur de participer, d'abord aux prérogatives de 1'aflemblée nationale, enfuite a l'autorité fuprême qui fut dévolue aux Etats par la déclaration de 1'indépendance, ne foit principalement 1'ouvrage du Prince d'Orange. Quand on confidere combien les corps font jaloux de leurs avantages, & répugnans a les partager avec de nouveaux vènus, au point que depuis 1572 les autres Villes de la Hollande n'ont pu être admifes aux Etats de la Province; que le pays de Drente qui paye fa cötepart a la Généralité, n'a pu encore entrer aux Etats - Généraux; combien les Etats de Hollande, compofés alors de la noblefle & de fix Villes, animés d'ua  234- Comjpondahce Polüiqui, d'un Efprit exclufif, comme tous les aflemblages dé cette efpèce le font eflentiellement, durent faire, & firent en effet de difficultés pour admettre douze autres Villes dans leur Corps, & pour donner a chacun de ces nouveaux membres une voix égale a celle de chacun des anciens, en forte qu'il ne falloit pas moins que le crédit & l'autorité de Guillaume, pour vaincre cette répugnance, & applanïr ces obftacles; il faut convenir que, de dixneuf voix dont les Etats dc la Province de Hollande font compofés depuis plus de deux cents ans, douze font redevables a ce grand Prince de leur exiftence & de leurs prérogativcs. Maintenant il feroit curieux de favoir comment il put conférer a douze Villes d'une Province, un droit qu'il ne poffédat pas lui même. A la vérité, a 1'époque de leur admiffion dans raflemblée nationale, les Etats n'étoient pas encore Souverain. Mais cette admiiiion étoit elle même un act e de Souveraineté, & un titre pour y parvenir, a ceux qui en étoient les objets. jQuoique Guillaume XeZ ni les Etats , ne fe regaixlaffent pas encore comme les pofieffeurs de l'autorité fuprême, les députés des Villes admifes dans raflemblée ne s'en envifagerent pas moins comme des membres légitimes des Etats, & comme des parties intégrantes de la Souveraineté, quand les Provinces le 1'attribuerent par 1'acfe d'indépcndancc: ils n'ont pas ceffé depuis lors, de jouir fans conteftation, de la prérogative honorable, que le Prince d'Orange leur conféra. En fuppofant que les anciens Etats de la Province, tels qu'ils étoient avant 1'introduótion dans leur Corps des douze Villes dont nous venons de parler, euflent pu prétendre de recueillir, a 1'exclufiop de leur Stadhou* der, l'autorité Souveraine enlevée a PhiUppe II; il feroit toujours évident que les deux tiers de ces mêmes Etats, tels qu'ils font depuis 1'admiflion des douze nouveaux membres, ne fcroient point regus a conteftcr a leur bienfaiteur, une prérogative dont-il les a inveitis. Les douze Villes incorporécs dans Paflembléc nationale, ne peuvent pas refufcr a celui qui les y a introduitcs, un dégré d'autorité légitime & une portion dc puiflance, égale au moins"a celle qu'il leura communiquée. Oü  Civile fi? Litteraire. *3S Ou Guillaume I" n'avoit pas le droit d'admettre ce» Villes dans les Etats de la Province, & de les achemincrparla au partage de la Souveraineté, avec la no» kleffe & les fix Villes qui formoient anciennemenc raflemblée nationale; en ce cas la prétention de ce* douze Villes d'étre des membres intégrans de la Souveraineté eft une chimère, & la conceflion fur laquelle elles appuient leur droit, un titre illufoir, puifque fon auteur n'avoit pas le pouvoir de conférer ce qu'il ö'auroit paspofledé lui-même: ou bien le Prince d'Orange avoit réellemertt le droit d'admettre ces Villes & 1'aflemblée nationale, pour devenir bientót autant da f>ortions du Souverain; & alors il feroit abfurde da ui refufer dans le partage de la Souveraineté, aumoins autant de part qu'il en a départie a ceux qui n'y avoient inconteftablement aucun droit, avant 1'honneur qu'il leur fit de les recevoir membres de» Etats. Si pour éluder les juftes prétentions de la maifoa d'Orange au partage de la Souveraineté d'un pays, qui n'a recouvré fa liberté que par la fagefle & 1'appui des Princes qu'elle lui a donnés ; on foutenoit que les titres furlefquels elle fonde fes droits, furent anéantis par Facie qui révoque le pouvoir du Roi d'EJpagnen dont Guillaume l" tenoit fes principales dignités; iï ne feroit pas encore difficile de répliquer. D'abord on demanderoit comment ce Prince auroit pu perdre fes droits a la Souveraineté par la déclaration qui, révoqua ceux de Philippe? Ce fut Guillaume qui eau ]a plus grande part a l'acte de renonciation, tant par fes confeils , que par fes acfions. S'il eft vrai qua l'autorité Souveraine arrachée au Tyran pafloit ipfo faclo dans les mains de ceux qui la lui 1'enlevoient: celles du Prince d'Orange ne devoient - elles pas esx être dépofitaires, auffi bien que celles des autres ordres de la nation? II n'eft pas vrai d'ailleurs que les titres des citoyens s'effacerent ou fe perdirent au moment de la fciffioxi des Provinces -Unies. Ce fut pour les rétablir, öC pour maintenir les privilèges de la nation, qu'elle fa foulcva contre 1'opprefleur qui vouloit Pen priver. Ceux de Guillaume n'étoient ni moins certains, ni moins facrés que ceux des divers ordres 4e l'£tat. l\ ' X«m. HL ü feroit  i$6 Correfpondance Poïitique, feroit bien fingulier qu'il eut perdu fes avantages, en combattant fi vaillament pour défendre ceux de fes concitoyens. Les titres bien loin de s'afFoiblir a la Révolution, fa fortrfierent & acquirent une nouvelle vigueur. Ceux qui avoient d'anciens privileges, les cónfervcrcnt en y en ajoutant de nouveaux. Prefque tous avoient leur fondement dans les chartres obtenues des Comtes & des Empereurs. La NobleiTe & les Villes tenoient leurs immunités des concefflons faites par les anciens Souverains. Elles firent revivre leurs droits en fecouant Ie joug de l'Efpagne. Les loix, les coutumcs& les ufagcs furent confacrées par le traité d'union. Les dignités, les charges de I'Etat, qui avoient existées fous la domination des maifons de Bourgogne & d'AutricIie, fe perpétuerent fans altération: on enconferva même jufqu'aux dénominations. Le pays paffa d'un Gouvernement monarchique mitigé k une forme républicaine compliquée: ce pafi'age fe fit fans porter atteinte aux droits des Stadhouders, aux prérogativcs de la nobleffe, aux privilèges des Villes & des Provinces. Chacun de ces ordres de Ia nation fe trouva en poffeffion & dans la joulffance de fes avantages, fans qu'il ait dü en faire renouveller ou ratifier les titres. Après Ia révocation de l'autorité de Philippe, lc Prince d'Orange fe trouva lui - même en pofleffion des prérogativcs dont - il avoit joui auparavant, & revêtu dc la même autorité, fans avoir recu de nouvelle inveftiture, ou de nouvelles provifions. Perfonne même ne pouvoit lui en donner. II n'y avoit plus d'homme au defiusdc lui,ni d'autorité fupérieure a la fienne. La Souveraineté étoit concentrée entre lui, la nobleffe & les Villes, dans les Provinces ou il fe trouvoit invefii du Stadhouderat. En fa qualité de Stadhouder, il étoit le premier membre du Souverain, & le premier ordre des Etats. Sa perfonne & les dignités qui repofoientfur fa tête, étoient tellement incorporées dans la conftitution, qu'on n'auroit pu les en. féparcr, fins la défigurer, ou Ia détruire. Le Gouverneur, reconnu armi les orages; d'un Gouvernement compliqué, 011 es prétentions & les droits font fi multiphés, fi diverfifiés: il s'occupa moins de conftater & de foutenir les liens, que de fe conformer aux circonftances, & de devenir dans I'Etat, ce qu'on voulut qu'il y fut. ïl auroit fuccédé fans oppofition a 1'auteur de fes jours fi Guillaume avant de mourir, avoit cu lc temps de régler les affaires, & d'affermir la conftitution. Un fcelérat Pen ayant empêché , les Etats, qui Vanroient fecondé pendant fa vie, pour faire paffer fon pouvoir & la dignité k fon fils, fe prévalurent dc fon malheur après fa mort, pour s'approprier fa portion d'autorité, en fe réfervant le Stadhouderat. pour en difpofer, ou le fupprimer k leur gré. Maurice fut reeardé, non comme un membre né de Ia Souveraineté & revêtu, de droit, du pouvoir & des prérogativcs de' fon prédéceffeur; mais fculement comme uh homme Q. 3 habile  S40 Correfpondance Poïitique, liabile h recevoir des honneursa exercer des emplois, quand il plairoit a la République de lui en conFérer. Son mérite perfonnel, la mémoire encore récente des fervices fignalés de Fon pere, la confidération duc a Fa haute naiffance, furent Fes Feuls titres a la préférence qu'on lui donna, d'abord a la charge de Capitaine Général, & enFuite a la dignité du Stadhouderat. Cette difpoFition fut autant, il eft vrai, 1'ouvrage ou hazard, ou celui de lanéceffité, que le fruit d'un fyftême réfléchi de la part des gtats, Ils cherchoient bien déja a diminuer, a limiter, a entourer d'entraves l'autorité qui n'étoit pas concentrée dans leur affemblée, cc parta'réa également entre tous fes membres; mais ils ne fongeoient pas encore a fe défier d'un Chef puilfant, ni a abroger la dignité qui réunit dans les mains d'un Feul, le principal pouvoir de I'Etat, & lui concilie les hommages des citoyens, Les mefures priFes contre l'autorité des Stadhouders, & les attentats commis contre le Stadhouderat, ont pris naiffance dans des temps poftérieurs. Al'époquedont il s'agit on étoit menacé de retomber fous le joug du deFpote qu'on avoit abjuré. La perte de Guillaume Jer rendoit le danger plus éminent. II Falloit penFer a Fauver Ia patrie, plu tót qu'ï diFcutcr les droits de Fes conducteurs. Ceux des Etats n'étant plus équivoques, n'étoient plus conteftés. Maurice aima mieux voler au Fecours dc Fon pays, & Fe foumettrc aux arrangemens pris pour le préFerver du malheur de rentrer Fous le joug, que dé Föutcnir les fiens. II auroit été imprudent & cruel tout cnFemble, d'expoFer I'Etat a des revers, en conFumant Fes Forces è. des diFputes Fur des prétentions particuUeres; & le fils du fondateur de la République avoit trop de patriotifme, pour la compromettre, ou la Facrifier a Fes intéréts perFonnels. II Fe contenta comme Fon pere, d'étre dans I'Etat ce que le bien public exigeoit qu'il fut, & non pas de jouir de Fa prérogative, dans toute fa plénitude; remettant a des temps plus heurcux, a faire reconnoitre & rcfpeéler Fes droits. II fit plus. N'étant pas affez puiffant pour s'oppofer Feul aux forces de YE/pagne; le peu d'union, la défiance ou la mauvaiFe volonté de Fes compatriotcs lui cn refufant de fuffifantes pour conFolider lui-meme 1'ou-  Civile Êf Litteraire. 241 Fouvrage commencé par fon pére, il fouffrit qu'on s'expofat une feconde fois a paffer fous une domination étrangere, cn recourant a fon fecours. Le péril que I'ambition perfide cc infenfée duDucd'Anjou avoit fait courir a la liberté, ne pouvant détourner les Etats de mettre celle de Leycefter a 1'épreuve, Maurice, qui préféroit Ie falut de fa patrie a 1'honneur d'en être le Chef, ne s'oppofa pas a la réfolution de recourir a 1'appui de YAngleterre, aux rifques d'avoir bientot fujet de s'en repentir. La prudence confeilloit d'éviter le danger de fe donner un nouveau maïtre, en voulant fe donner un protedteur trop puiffant. Guillaume Br avoit indiqué le moyen de prévenir les craintes que le Duc d'Anjou & le Comte de Leycefter firent naïtre tour - a - tour: c'étoit 1'entretien d'une bonne armée, levée en Allemagne, fuffifantepour la défenfe du pays, & 1'érecf.ion d'un confeil, revêtu d'un pouvoir affez ample, pour adminittrer avec célérité & avec vigueur, les affaires générales de 1'union. Mais les Etats toujours timides cc ombrageux; peu unjs & arrêtés par des conildérations pécuniaires, ne prirent que des réfolutions foibles, qui expoferent leur pays & leurs citoyens ou a rentrcr fous la domination Efpagnole, ou a être toura-tour fubjugués par un Prince Francois, ou par un favori d'Elizabeth. L'incertitudc des droits refpecf if$ des divers ordres de I'Etat; la fkuation de 'la République , vafcillante dans fon berceau , attaqués au déhors, défunie cc déchirée au dcdans; la jeuneffe de Maurice, forcerent ce Prince a confentir qu'on cherchat un Gouverneur Général en Angleterre, comme la foibleffe, la confufion & les envieux, avoient contraint fon pere, a permettre qu'on en demandat un a la France. Une autre raifon qui a toujours empêché le pouvoir du Stadhouderat de parvenir a un dégré dc maturité convenable, c'efl: le conflit perpétueï entre l'autorité Stadhouderienne, & celle des Etats, qui ont exclud les Stadhouders du fuffragc dans les réfolutions publiques. Ne confidérant les Princes élevés a cette dignité, que comme les premiers fujets de I'Etat, & leur refufant le partage de la Souveraineté, a laquelle ils fentoient trés bien avoir droit de partidper, \\ Q.4 s'cft  &4* Correfpondance Poïitique, s'eft élevé dans la République, deux pouvoirs tonjours peu daccords, fouvent cn contradia ion Deli J obhgation de combattre ou de fe défendre fans ceffe run contre 1'autre Tantot YAriftocratie a prévalu iïr 1 autorite Stadhouderienne, & tantot le Stadhouderatl renaiffant pourainfl dire de fes cendres, a failli d'engloutir le pouvoir des Etats. On rVauroit pas vu ces alternatives d'élévation & dabbaiffcment; de progrès produits par la force, ou de decadence amenee par la foibleffe, fi, au lieu de diyifer la puiflance fuprême, on 1'avoit réuuie. II fal- &l,TnCCntrer dan,S l6S -Etats' & y admettre les Stadhouders, comme ils avoient droit d'y entrer Ils devoient y figurer en leur qualité de Gouverneur, comme en celle de Capitaine Général, ik fieuroient dans les armées. Réuniffant en leur perfonne Ie premier ordre de la nation, il falloit qu'ils préfidaffent les affemblées nationales; qu'ils y participaffcnt aux réfolutions de la fouveraineté , a titre de Chef avant d'exécuter les ordres du fouverain, comml fon premier officier. ^J,l-dh°Ud^f privé,du droit de ^ffragedans lesdéliberat.ons, s eft trouvé défiguré. Les Princes qui en ont été revetus, fe font vus obligés d'exécuter comme Capitaine ou Awral, des réfolutions auxquelles ils n avoient pas concouru comme Stadhouder Delè la puiflance legiflative indépendante du gouverneur de I'Etat, deftiné k Ia diriger; & la puiflance executnee indépendante du véritable fouverain Les fctats decident fans la participation de leur chef, & ceft cc meme chef, qui fous un autre rapport, eft charge de 1'exécution des ordres qu'il n'a pas contritmé a former. On fent bien que, dans eet état tles chofes, le concert, 1'harmonie ne peuvent pas régner quand le vceu de celui qui commande, n'eft pas a 1 uniffon avec le vosu de celui qui doit obéir. .Le Capitaine, 1 Amiral Général eft rcfponfable au fouS1^ £ 1 e7xec,utlon des ordres qu'il en a recus, & ceft au Stadhouder, qu, n'en a point donnés, qu'il faut en repondrc. ' H ^Ld6fvUt d'Unité Am/ Ia P^nce fuprême; le SS I"? Cent,'° °V fcs rayons difperfes devro ent aboutir; lalangueur, les embarras, qui cn réfultcnt dajjp  Civile 6? Litteraire.' 24^ xlans le» mouvemens de la machine, dont les refTortsfont ou trop multipliés, ou trop foibles, ou-privé* d'un accord qui en facilite le jeu; ne font pas le» feuls inconvéniens de 1'exclufion que la conftitutiort donne, non pas de droit, mais de fait au Stadhouderat a la participation au pouvoir légiflatif dans les Etat* .particuliers des provinces, & au gouvernement général dans la coqfédëration. La rivalité, la jaloufie„ .I'envie, le mécontentement, les diffentions, les plaintes, une guerre intefline entre les membres du gouvernement, font les funeffes fruits de cette difpofitior» défordonnée. Un Stadhouder qui compare les préror gatives dont Guillaume fcr jouiffoit, avec celles dont il jouit lui - méme, ne peut qu'être humilié de la comparaifon. Quand il conlidere 1'étendue des droits que Je traité d'union lui attribue, & les bornes dans lesquelles ceux qu'il exerce font reflerrés, il elf tout fimple qu'il ne fe trouve pas a fa place. II voit dans le fondateur de la République, un légiilateur dont oa refpeéte encore les loix; un membre confidérable de la fouveraineté des provinces, le chef des Etats particuliers, 1'arbitre des Etats - Généraux, le premier adminiftrateur de 1'union. Lui, au contraire, il n'a en temps de guerre que des charges dans fes emplois, & en temps de paix, qu'un titre brillant & pompeux dans fa dignité. Ce réfultat produit un fentiment pénible, Maurice, Guillaume II, Guillaume III, a qui ces obfervations ne purent échapper, fe virent trop éloignés du point ou la conftitution & les loix les appelloient, Les d -ux premiers, choqués den'avoir que 1'ombre de l'autorité qu'elles leur attribuoient, & 1'autre d'en être injuftement privé, firent des efforts pour en recouvrer la rcalité. Dans leur reffenciment, peut-être porterentils les chofes au dela des limites de f équité. En vouJant atteindre le dégré de puiflance qui leur étoit due peut-être qu'ils le paflerent. Mal h leur aife dans le ccrcle trop étroit oh on les avoit reflerrés, il n'eft pas étonnant qu'en voulant étendrc fa circonfércncc, ils la franchiflent. Mais leurs tentatives pour fe remettre h la place qui leur étoit aflignée, en fe débarraffant des entraves dont on les avoit entourés, excitcrent des foupcons é. Q ƒ * des  244 Correfpondance Poïitique, des craintes dans 1'efprit de leurs adverfaires. Les Stadhouders ne pouvoient pas être contens de leur fituation, & 1 Arifiocratie en étoit envieufe Leurs droits n'étant pas bien déterminés; les limites de leur pouvoir netant pas clairement fixées, ils pouvoient ufurper fans penfer de lc faire, & être accufes d'ufurpation, fans méme ufer de leur prérogative dans toute fa plemtude. Aujourd hui même, que le Stadhouderat* devenu permanent, & déclaré héréditaire dans la maifon dlOrange, fembleroit devoir être déterminé avec précifion, fon autorité eft encore équivoque & incertaine dans bien des cas; & fon exercice expofce k être taxée d'imprudence ou d'ufurpation (i). Depuis la mort du fondateur de la'République, Ie Stadhouderat a toujours eu un grand désavantaee pour maintenir fon autorité Sc fes droits, contre les atteintes que les affemblées provinciales n'ont ceffé d'y porter dans toutes les occafions, excepté aux deux époques de la reftauration de cette dignité. D'un cóte il a dö lutter contre des corps, jaloux de voir dans i'Etat, un citoyen invefti d'un pouvoir étendu, dont il eft poffible qu'on abufe. L'importance de la dignité & 1'influence qu'elle donne a celui qui en eft revêtu, dans la diftribution des emplois, 1'ont fait regarder d'un ceil défiant & inquiet, par les républicains ombrageux, qui croient voir la liberté publique en danger, ou incompatible avec le dégré d'élévation & de puilfance que Ja conftitution affigne au Stadhouder. Déla C i j La Icttre menacanre que la Province de Frifc écrivit il y a quelques mois au Prince, & dont nous parierons bientót, eft une preuvè de rincertitude ori font encore les droits du Stadhouderat. Une ProVince procédé iltëgalement contre le Duc de Brunswick: Ia faftku ennemie de ce feigöeur forme une réfoiution illegale, qu'elle préteml obliger lc Stadhouder il exécuter. Le Stadhouder, ca vertu de fon autorité, croit ne devoir pas d'cgard ii v.n procédé" irrégulier. II déclare qu'il n'en aura pas; & on lui répond avec une irrévérence, avec des menaces qu'il faudroit tfleétuer s'il a tojrt , ou punir s'il a raifon'. Mais qui pourroit iei décider ia queftion? nous n'avqns pas de trilninal compétant pour juger les contefta ions qui s'élèvcnt entre les membres du Gouvernement, fur le conffit de leurs pmivoirs. Chez nous cbacun eft Juje & partie dans fa propre caufe. Aufli les differens de la nature de ceiui dont-il s'*git, ne fon;-ils jamais délinitivenieuc K.-minés.  Civile B Litteraire. 345 •Dela des défiances perpétuelles; des allarmes fans fïn, qui ont enfanté fouvent des précautions injimeufes, des entraves génantes, cc quelquefois des mefures jnjuftes contre le Stadhouderat. Les autres membres de la Souveraineté n'ont pas rencontré les mêmes obftacles; elfuié tant de contradiftions. Ils ont conftamment joui de leurs droits, fans être réduits a les difputer, ou forces a les foutenir. Perfonne ne leur en concertant la legitimité, & n'en troublant 1'exercice, il leur a été plus aifé de les conferver fans altération. Ils ont eu plus de facilité a les confolider, a les éclaircir , cc même k les étendre aupréjudice de ceux des Stadhouders, leursco - Souverains. D'un autre cöté, le Stadhouderat eft une dignité perfonnclle, qui repofe fur la tête d'un feul homme. En palfant d'un Stadhouder k fon fuceefleur, elle eft expofée a recevoir des diminuations, plutöt que des accroiffemens. La minorité, la jeunelte des Stadhouders; leur caradfère & leurs talens; les circonftances oh ils fe font trouvés; les affaires auxquelles ils ont été a portée de prendre part; font autant de circonftances qui ont influé fur la confidération dont ils ont joui, & contribué k déterminer le dégré de pouvoir qu'ils ont exercé: au lieu que les autres parties de la Souveraineté forment un corps, compofé d'aurant de corps, qu'il y a de membres dans le Souverain. Or, on fait que l'effence des corps eft de ne motrfir jamais; de perpétuer leur efprit & leurs prétentions avec leurs préjugés; de foutenir leurs prérogatives avec une opiniatreté invincible, cc d'étre continuellement enclins a les augmenter aux dépens de celles des autres. On fent quelle fupériorité ils ont nécefiairement fur un individu, expofé a toutes les mutations & a toutes les viciffltudes que la fuccefiion des temps opere. Les corps politiques ont toujours été redoutables aux hommes oppofés a leurs vues retrecies, ou contraires k leur efprit enyahiffeur, quand ccux-ci n'ont pas réuni affez d'autorité pour contenir ceux la, ou affez de forces pour les intimider. Les dietes orageufes tePologne ont quelquefois renverfé de 1'autel, ï% flole qu'elles y avoient élevées: lc parlement YAngleterre a conduit Charks premier fur 1'échaffaut, & chalfé  £4-6 Correfpondance Poïitique > chaiTé Jaques II du tróne. Ceux de France en aiï» roient fait autant k Henri III, s'ils n'euifent pas été auffi infcnfés qu'ils étoient furieux. Les Etats de Hollande ont efclu du Stadhouderat, 1'arriere petit -fils du pere de la patrie; «5c par leur chaleur comme par leur perfévérance a pourfuivre fon exclufion, aupres des confédérés, ils réuffirent a faire paffer aux Etats-Généraux, YEdit perpétuel, qui fiat pourtant revoqué peu de temps après, par un autre auffi irrévocable, mais également révoqué encore après la mort de Guillaume lil. Si le bifayeul de ce Prince avoit toujours vêcu, il auroit toujours été véritablement Stadhouder, dans toute 1'étendue du terme; c'eft-A-dire, le premier membre de la Souveraineté; partageant avec la nobleffe & les villes, dans les provinces dont il étoit gouverneur, l'autorité civile, la puiffance légiflative; & réuniffant parmi les confédérés, le pouvoir exécutif. II auroit continué d'étre dans les Etats le légiflateur de' la nation, & a la tête du confeil d'Etat, le Miniftre de la République. Chez les confédérés, il auroit concouru a la confeclion des loix & des régiemens, a Ia création des Magiftrats, a l'adminiftration inténeure Dans la confédération générale, il auroit été le Chef des Etats Généraux; il en auroit préfidé les aflemblées, & dirigé les mouvemens. La paix & la guerre n'auroient pu fe faire fans fon aveu: on ne 1'auroit pas mortifié comme Maurice, en concluant la trève avec YEfpagne, contre fon gré; comme Guillaume II, en faiiant la paix k Munfter au préjudice des alliés, & en licenciant les troupes de I'Etat, contre les régies de la faine poïitique. Le commerce, la navigation, la marine, 1'armée, les finances de la Généralité, les fortereffes, les arfénaux, auroient été adminiftrés fous fon infpeclion iramédiate par les députés des Provinces au Confeil d'Etat. Toutes les forces publiques auroient été dans fes mains ou dans fa dépendance; & il n'auroit pu en abufer, paree qu'il n'auroit pu cn faire ufage que pour la défenfe commune, & avec le confentement de fes affbeics. Qu'auroit-il pu défirer dans une République, dont il eut été le premier citoyen , le principal membre des fouverainetes, le chef dc la confédération, participant a toutes les parties dtl  Civile 6? Litteraire. 247* du gouvernement, rcpréfentant la nation parmi fes voifins & revêtu d'un pouvoir fuffifant pour faire le bien dè fa patrie, fans en avoir affez pour lui nuire? II eut êté plus grand qu'un Roi, & n'eut pas pu devenir comme lui un tyran. Guillaume 1" étoit tout cela, autant quil pouvoiC 1'être dans les conjonétures ou il fe trouvoit avant fa mort. II étoit tel, indépendamment de fa charge de Général & de fon titre d'Amiral, emplois qui nefont, comme jo 1'aidit, que des offices amovibles, a la dispofition du Souveran, mais n'entrant point dans 1'esïence de la Souveraineté. II 1'étoit en vertu du Stadhouderat dont il étoit revêtu; dignité inhérente a fa perfonne, & partie conftitutive du gouvernement qu'iï avoit établi. Si nous n'avions plus ni troupes ni^marine les emplois d'Amiral & de Capitaine Général 9 ne fèroient plus que de vains titres, «St la puiifance fuprême, n'en feroit ni moins réelle, ni moins entiere r mais fi nous étions privés de Stadhouder, nous n'aurions plus de véritable Souverain , ou du moins, nous n'en n'aurions plus de conforme a celui que la conftitution nous a donné, en révoquant le pouvoir de Philippe IL , , Mais Guillaume mourut avant d avoir pu actiever ï'édifice admirable dont il avoit jetté les fondemens. Un monftre trancha des jours deftinés a perfeftionner ion ouvrage. Ce. grand Prince n'eut pas le temps de féparer diitinêtement les divers pouvoirs conftitutifs de I'Etat qu'il avoit formé; de leur marquer des limites qui les empêchalfent de fe heurter, ou de fe confondre. Sa mort laiffa les principes dans une grande confufion, & les droits refpectifs des différens ordres fort incertains. Les uns n'ont pu être fixés depuis cette fatale cataftrophe, ni les autres déterminés avec précifion. Chacun les a interprété, étendu ou restreint, felon fes idéés, fes vues, fes intéréts, fes paffions & les circonftances. On peut dire que, depuis deux fiècles, la République flotte dans une incertitude pci^étuclle, penchant alternativement vers l'a« narchic & lc defpotifme; ne fe préfervant de ces écueils que par des hazards heureux, & par ce principe paflif, cette force de réfiftance, qui forment la baze de fon Gouvernement, & qui font tout a la fois. le  *4§ Correfpondance Politiquèi fevteeradical de fa Conftitution, & lc préfervatif de la diflblution dont elle a,été fouvent menacêe. Maurice ne put pas mettre la derniere main a I'ouVrage commencé par fon pere, II contribua peutétre plus que lui a affermir 1'indépendance de la République, a la rendre riche Sc puiifante: mais les circonftanccs ne lui permirent pas de porter la lumiere dans le cahos de la conftitution. En débutant dans la carrière briliante qu'il a parcouru avec tant de fuccès & de gloire, il étoit trop jeune, il avoit trop peu d'autorité pour travailler a un ouvrage auffi délicat 4jue celui de difcuter les droits refpectifs de tous les membres de I'Etat. D'aoord, il fut prefque en tutelle fous celle de Leycefter, les premières années de fon gouvernement. Enfuite, il paffa le refte de fa vie k la tête des armées. Combattant pour la fiberté publique, il eut peu de temps a donner a réclairciffcment des principes obfcurs de I'Etat, & ala fixation des pouvoirs qui en conftituent la Souveraineté. D'ailleurs, le fouvenir de la tyrannieEfpagnote étoit encore gravé dans tous les coeurs. L'horreur qu'elle avoit infpiré pour la domination d'un maftre trop puiffant, fefoit craindre jufqu'a la poffibilité des entreprifes qu'un chef guerrier, habile, adoré des troupes, auroit pu former contre les privilèges des Villes & l'autorité des Etats. Cette appréhenfion motivéé par tant d'exemples Confignés dans 1'hiftoire, & jufti-fiée par la connoiflance des pafflons qui agitcnt le' coeur humain, tenoit tous les efprits dans 1'inquiétude. Dc peur que le Stadhouder n'ufurpat un pouvoir injufte, on lui difputa des droits légitimes II n'y avoit point de titre bien clair, qui conftatat 1'étendue de fa prérogative, ni qui en fixat les bornes, comme il n'y en a pas encore aujourd'hui. Maurice prétendoit qu'on la reftreignoit trop. Barneveld Sc fon parti foutenoient qu'il la poftoit trop loin. Au lieu de convenir paifiblement de l'autorité Stadhoudenenne; de 1'étendre jufqu'au point que la Conftitution lui marqué, on s'appliqua d'une part a la faire valoir, & de 1'autre a la contefter: on s'échauffa, on s'aigrit, Maurice fut le plus fort, ou le plus heureux: il triompha dans cette facheufe conteftarion : fon ennemi fuccomba. Mais lc pouvoir naturel du Stadhouderat n'ed  .Civile Litteraire. n'en fut ni mieux éclairci, ni plus folidement affermi. Fréderic Henri fuccéda au pofte & aux honneurs de fon frère. Naturellement plus doux, & inftruit par la, fenfation que la mort de Barneveld avoit produite, il prit un parti différent de Maurice. Celui ci, après avoir combattu glorieufement pour l'affermiffemenn & la profpérité de la République, voulut être dans I'Etat tout ce que fa dignité & la conftitution permettoient qu'il föt. Mais celui la confentit k n'être pas plus qu'on ne voudroit. II s'appliqua a défendre la , nation, a faire fleurir le commerce, & non pas a démêler les principes diffus de la conftitution, toujours j imparfaite & incercaine. II tranquillifa 1'efprit inquiec de VAriftocratie, fur le caraêtère perfonnel daStadhouder; mais il ne la guérit pas de fa prévention contre le Stadhouderat qui 1'oifufque, & contre les prérogatives de cette dignité qui la choquent. II mourut regrété de la République entiere, qu'il avoit conduite avec fageffe, avec modération, au plus haut période de fplandeur: mais il laiffa la conftitution plus embrouillée j que jamais, le Stadhouderat plus chancelant, & le ; gouvernement expofé a tous les orages que 1'ambition . & 1'anarchie alloient lui fufciter. Son fils, jeune, plein de feu, d'aétivité & de talens, fe trouvant géné dans des entraves dont fes prédéceffeurs s'étoient moins appercu durant la guerre, oh ils figuroient dans les armées, au lieu de chercher prudemment & avec lenteur a étendre la circonférence du cercle ou on 1'avoit renfermé, effaya tout d'ur» coup de la franchir. S'en étoit fait, non pas de la liberté publique, comme des calomniateurs du Stadhouder at 1'ont dit, paree qu'ils avoient des motifs pour le dire; mais des embarras doncY AriftocratieYeatome, fi Guillaume II avoit réufli dans fon entreprife. Les défagrémens fufcités aux Stadhouders; les attentats l commis contre leur dignité; les atteintes portées k leur prérogative, n'auroient plus eu lieu. Les Villes ! auroient été foumifes aux Etats de leurs Provinces refpectives; les Etats des Provinces fubordonnés a la Généralité, pour ce qui concerne 1'union; la pluralitê ' fubftituée k 1'unanimité; le Stadhouderat reconnu pour le lien de la confédération, & les Stadhouders pour membres de la Souveraineté. Les forces difperftcs de I'Etat,  Correfpondance Poïitique, I'Etat auroient été réunies dans un centre commun 5 & le dépofitaire du pouvoir exécutif, auroit pu les déployer pour le bien public, fans oppofition comme fans danger, Guillaume II mourut, peut - être de chagrin d'avoir manqué fon coup; & 1'on punit fon Als poffhume, d'avoir eu pour pere un Prince qui n avoit point été affez heureux, pour refondrc une conftitution défeclueufe, & pour remédier aux vices d'un ■Gouvernement imparfait. II 1'eft un peu moins aujourd'hui. En 1747 on fitCn pas vers une amélioration dcfirable, qu'on n'cuC £as la prudence ou le courage de pouffer a fon terme. ,e Stadhouderat de toutes les Provinces, réuni enfin fur la même tête, a mis 1'unité dans cette partie; & c'eft beaucoup, quoique ce ne foit pas affez. Deveiiue ftable & permanente par 1'hérédité fixóe dans la maifon dCÖrange - Najfau, cette dignité femble avoir acquis une confiftance qui lui a manquée pendant prés de deux cent ans. Mais fon autorité n'en eft pas mieux déterminée, ni fes droits plus clairement fixés, ni I'objet de fon inftitution mieux rempli, ni la plénitude de fa prérogative plus complettement développée. Après bien des vicifHtudes, des fecouffes & des incertitudes, la République eft revenue au point d'ou elle étoit partie. Elle fit trop & trop peu a la derniere révolution, deftinée en apparence a prévenir toutes les révolutions ultérieures. Elle fit trop, en étendant le droit k la fucceffion iufqu'aux femmes au déf ïut des males; difpofition inconnue dans les Gou▼ernemens les plus abfolus: c'eft la un delire de 1'enthoufiafme & de 1'adulation, que ne compenfe pas la précaution d o ter k une Princeffe Stadhouder, la facultê d'époufer un Prince étranger; paree que la loi qui 1'empêche de difpofer de fa main, ne peut pas interdire a un Prince étranger la liberté de la rechercher, ni 1'empêcher d'appuier fa recherche d'une armée de deux cent mille hommes, pour la faire réuflir. On alla bien plus loin. Comme fi les hommes étoient incapables de garder un jufte milieu, ils ne fortent jamais d'un extréme, que pour paffer dans 1'extrême oppofe. Ils réparent une injuftice par un excès d'imprudence. Ici, en rétabliffant 1'héritier de Guit* laume  Civile fi? Littéraire. Sjt tmme ÏII dans les droits & les dignités de fes ancêtres» on porta la flatteric jufqu'a vouloir 1'ériger en Souverain II ne faïlüt pas moins que la modèration de Guillaume IV & fon défintéreffement, pour le défendre de la tentation de devenirComte de Hollande, & pour empêcher fes concicoyens de lui vendre leur liberté. : Mais cè qui n'eft pas moins étonnant peut-être, que eet excès de délire; c'eft qu'en confacrant le fuccelfeur de tant de héros, on laiffa la porte ouverte aux chicanes de ceux, qui poffédés un jour d'un fanatifme différent, voudroient cffayer de rcnverfer fes defcendans, du pofte oü on 1'avoit élevé lui-même. On fit trop pour la perfonne; pas affez pour la dignité. On chatouilla 1'ambition par des offres excesfifs; on flatta 1'amoür paternel par la conceffion d'une hérédité fans bornes. Mais par une de ces bizarreries» inconcevables, en accablant Guillaume IV de prérogatives outrées, on ne laiffoit a fa poftérité, que de la fumée pour héritage. II étoit jufte de le rappeller au rang des princes de fa maifon, & de concentrer dans fa familie un honneur qui lui appartient a tant do titres. Mais il falloit donner a cct avantage une étendue convenable, & lui affurer une folidité a 1'épreuve des conteftations qui le difputent, «Sc des entreprifes qui le minent. C'étoit pouffer les égards i 1'extrême, que d'étendre jufqu'aux femmes le droit de gouverner la République ; non pas que la main du fexe foit, comme on le prétend, trop foible pour tenir les rênes du gouvernement. Prefque toutes les femmes qui font montécs fur le tróne, 1'ont illluftré: trés peu en étoient: indignes. C'eft quand elles font affifes a cóté pouir 1'orner, & non placées deffus pour régner, qu'elles la fouillent ou 1'ébranlent. Dans les Républiques mêmes, leurs talens pour les affaires ne font pas moins réels, ni leurs motifs pour les bien conduite moins preffans, que dans les monarchies. C'eft leur éloigncment de 1'adminiftration, plutót que leur incapacité, qui rend les exemples de femmes célèbres en ce genre moins fréquens dans les uncs que dans les au:res. Nous n'en avons encore eu quune qui ait ei» Tem. III. R »»•  %5% Correjpondance Poïitique, une part diredte a la conduite de la République, & elle s'y efl diftinguée. Nos annales tranfmettront avec éloge k la pofténté, la mémoire de la PrincelTe Royale , mere du Stadhouder aófuel, Gouvernante des Provinces. Unies, durant la minorité de fon fils. Si les males s'éteignoient dans la maifon d'Orange ce ne feroit pas 1'impéritie des femmes que nous a'urions a craindre; c'eft le partage de leur pouvoir: & voila ce que la prudence confeilloit, fans doute, de prévenir en établiffant 1'ordre de la fuccefllon. 5 C'étoit un autre excès dadulation, que de vouloir èleyer Guillaume IV k la Souveraineté fans partage. II falloit 1 y aflocier dans les Etats des Provinces & le mettre a la tête de leurs repréfentans dans les Etats Généraux; mais non pas lui faire 1'offre de s'en rendre le maftre. Notre pays ne comporte pas la préiencc d'un pouvoir exceffif: dans aucun temps il n'a pu en fouffnr un abfolu. Les anciens Comtes ne Pétoient pas. Effayer de mettre le Prince d'Orange a leur place, c'étoit Pexpofer, ou k en defcendre, ou a-monter plus haut. Pour le bien de la République il, eut dft renoncer k l'autorité fuprême; & pour fê mettre de niveau avec les autres Souverains de 1'Europe , fon pouvoir eut dft faire les progrès que le leur a.fait depuis deux fiècles. Le pays étoit perdus ; fi lc nouveau Stadhouder n'avoit pas été auffi patriote, que fes flatteurs étoient imprudens. En expofant la patrie a ce danger, dans un moment dun enthoufiafme aveugle, on ne penfa pas a lui rendre le plus grand fervice qu'elle pouvoit recevoir de la.révolution: content d'avoir prévcnu , pour l'avenir toutes celles que la fuppreffion & la reftauration du Stadhouderat avoient occafionnécs, on ncgli»ca d'arondir fon autorité, & d'étendre fon pouvoir jufqu'aii pomt marqué par la conftitution. On rendit cette dignité inhérente a la République, comme elle 1'avoit eté dans fon origine; mais on ne la fondit pas affez dans le Gouvernement. Elle continue d'étre une puiilance dans I'Etat, différente, fouvent onpofée, de la puiflance fuprême. C'eft toujours un' contre poids plutót qu'un appui, & une force de réfiffance, quun agent attif. En un mot, on fit pour la perfonne  Civile £? Litteraire. 253 fonne toutce qui pouvoit flatter 1'amour • propre, ou 1'ambition; mais on ne fit pas pour la dignité, ce qui devoit la rendre véritablement falutaire. On la mit dans des entraves, ou on la laiffa dans J'indécifion fur fes droits. Sa puiflance efl: nulle pour ie bien, effecfive pour s'y oppofcr. Envain le perfonnage qui en eft revêtu,'le voit, le defire & le pro pofe: il n'a pas affez de pouvoir pour 1'effecf uer, il les autres membres du gouvernement refufent de lö goüter. Le Stadhouder eft trop ou trop peu parminous. Trop, s'il ne doit être que le premier fujet de I'Etat, un inftrument paffif des volontës du Souverain : trop peu, fi on a eu 1'intention d'en faire le Chef de la République. Elle reftera foible, défunie, déchiréc par des conteftations, également partagée d'opinions comme d'intérêts; une guerre inteftine entre les deux puiffances la minera infenfiblement, fi les chofes reftent fur le pied 011 elles font. Ses forces intérieures fe confumcront a foutcnir ou a défendre des prétentions particuliercs: les reffbrts s'uferont dans les cfiops perpétuels d'un conflit de jurifdicf ion, fi 1'on ne prend enfin Ie parti de ramener 1'unité dans la puisfance fuprême, & d'établir une jufte proportion daas la répartition des pouvoirs, dont le Stadhouderat doit pofleder la première & la principale part. J'ofe predire qu'il arrivera tot ou tard une révolution qui abolira de nouveau cette dignité, ou qui Ia portera a la place que la Raifon & fe bien public lui aflignent de concert. Tous les bons citoyens, les vrais politiques, les arms de la patrie, font "des vceux. pour ce dernier parti. Nos prétendus patriotcs du jour, vifent évidemment au premier. Ils colorent du zèle pour les intéréts de la République, le projet de fe défaire d'une dignité qui les choque, & de fe débarraffer du perfonnage qui en eft revêtu. Trop puisfanc au gré de leur ambition, trop foible pour opérer le falut de I'Etat, paree qu'ils Tont entouré d'entraves, & qu'ils 1'accablent de contradiéf ions; ilsvculent le rendre refponfable d'une impuiffance qui eft leur ouvrage, & 1'eh punir. II faut efpérer que 1'objet de ces entreprifes inconftitutionelles, de ces aggreffions fourdes & injuftes, ouvrira enfin les yeux fur le péril qui le menace; & qu'a 1'aide de 1'amour qui vit encore R 2 dans  254 Correfpondance Poïitique, dans le cceur des vrais Batave.?, pour la maifon d'Orange, il parviendra a déconcerter un complot, dont les fuites feroient aufli funcftes a la patrie qu'a fon Chef. On reproche au Stadhouderat en général, & a celui de Guillaume V en particulier, d'avoir cherché dans tous les temps, a étendre fa prérogative aux dépens de celles des Colléges & des magiftratures; a s'emparer de la difpofition des emplois qui en dépendent, afin d'augmenter fes partifans, par la diftribution des faveurs. II fe peut que les Princes d'Orange ayent quelquefois attaché du prix a la difpofition des charges, en faveur de leurs créatures, & taché de compcnfcr par le crédit, 1'infuffifance de leur pouvoir. II n'eft pas furprennant, que ne fe fentant pas a leur place , ils ayent fait ufage de tous les moyens qui leur ont paru propres pour les y conduire. Fruftrés du plus beau fleuron de leur dignité, ils s'en font fouvent dédommagé par des acceflbires, qui ne font que les fimulacres de la puiflance. Nc jouiflant pas d'une autorité capable de contenter une ame fiere, qui y a des droits, ils ont eflayé de s'en confoler par une influence qui flatte 1'amour-proprc & fatisfait la vanité Pnvés d'une portion efFecfive de la Souveraineté, ils ont vu des compenfations dans fon ombre. Si leur perfonne avoit toujours été aflbeiée comme elle devoit' Pêtre, au partage de la fuprême puiflance, & leurs intéréts fbndus, incorporés dans ceux de la nation, ou des ordres de citoyens qui la compofent; ils auroient pofledé alfez de prérogativcs honorablcs & utiles, pour ne pas ambitionner de s'en approprier dc ftériles ou d'équivoques. II y auroit eu fans doute plus de nobleffe, plus d'élévation & de grandeur d'ame, a dédaigner lc mince avantage d'influer fur la diftribution des emplois fubalternes, que les Villes ou les Corps regardent comme un dc leurs privilèges de pouvoir cn difpofer librcment; plus de prudence, & une Poïitique mieux réflechie, d'ötcr aux efprits tracafliers lc prétexte d'accufer le Stadhouderat d'empiétcr fur les droits des Rcgenccs, jaloufes aufli de leur influence & de leur autorité. Mais le cceur humiin eft fi foible, fujet a tant dc aéprifesj les grands-font naturcliement fi en- clins  Civile & Litteraire. 253 clins k fe prévaloir de leur fupériorité, qu'il y auroit de 1'injuftice a faire aux Princes d'Orange un crime d'avoir fouvent participé aux foibletfcs de 1'humanité, & fuccombé aux féduclions de leur rang. Qu'on chcrche un peu dans 1'hifloire un homme puiifant qui n'ait jamais outrepaffé les bornes de fon autorité, ni méfufé de Pafcendant que fon mérite ou fa place lui donnoit fur fes femblables. D'ailleurs les plaintes qu'on fait contre les Stadhouders, & furtout contre Le Prince actuel, ne portent pas fur des ufurpations. Guillaume V n'a pas envahi les privileges des villes, ou donné atteinte aux droits d'aucun ordre de citoyens. Les cris qui fe font élevés depuis quelque temps, contre 1'extenfion de fon influence, fe réduifent a lui attribuer trop de part dans la diftribution des emplois, ou dans le choix des fujets pour les remplir. Ccrtainement il n'y a pas la de quoi pour motiver la levée fcandaleufe de boucliers qu'on vient de faire contre le crédit du Stadhouderat, ni pour juftifier les démarches offenfantcs, injurieufes au Stadhouder, qu'on s'eft permifes avec autant d'audace que d'indécence. Suppofé qu'il n'ait pas autant de droit que les Régences des villes d'influcr fur la diftribution des emplois qu'elles prétendent être a leur difpofition, paree qu'ils font dans leur dépendance, ou dans leur reffort; dans le cas même oh il ne feroit pas comme elles autorifé a própofer des fujets pour les poftes vacans; comme elles obligé dc vciller a ce que les uns foient capables, & les autres adminiftrés fidelement: quel mal y auroit-il pour la République; quclle lézion réfultcroitil pour les privileges des particulicrs, quand il appuicroit de fon crédit & de fa récommandation, auprès des Régens, les fujets pour Iefquels il s'intéreffe? Les difpenfateurs des charges dont il s'agit, font - ils affez foibles, pour fe laiffer fubjuguer par une protection dont 1'idée les choque fi fort? Nc demeurent-ils pas toujours libres d'y avoir égard, ou dc la méconnoitre; de marquer au protccfeur de la confidération par leur defcrence, ou dc 1'indiffércncc par un refus ? Lui méme alfurement doit être peu envicux d'un role qui effarouche fouvent les uns, fans toujours obliger les autres. Probablcment il renonceroit fans peine k R 3. unc  25<5 Correfpondance Poïitique, une influence qui n'a rien de folide ni de flatteur, & dont 1'exercicc fait beaucoup de mécontcns & un ingrat. Depuis longtemps lc Prince a épuifé ou compromis fon crédit a fervir des hommes qui abulcnt de fes bienfaits pour 1'outrager; «Sc c'eft une chofe affez digne dc remarque, que dans le nombre des perfonnes quz s'clevent avec le plus de force contre fon influence, on diftingué comme les plus ardens a crier, ceux Ja même qui lui doivent la faculté de faire entendre leurs voix. Certainement le Prince doit être bien dégouté de déploycr une prépondérance qui n'a guères xnultiphé que 1'ingratitude des protégés, «Sc les défagrcmens du protcfteur. En s'abftcnant d'en faire ufage, il s'épargncra bien des embarras & des mortifications. II lui reftcra toujours affez de faveurs a diftribuer, pour s'attacher fes partifans honnêtes, «Sc pour recompenfer fes fidèles ferviteurs. Plus 1'on réfléchit fur les plaintes que 1'influence btadhouderienne excitc parmi nous, & moins Pon concoit le motif de ce foulevcmcnt prefque univcrfel qui s annonce en apparence pour la reftreindre, mais en ertoe pour 1 ancantir. En voyant la bicoque de Schoonhoven deputcr faftucufement au Prince, pour lui fignifier avec autant d'irrcvércnee que peu dc raifon, qu'il ait a sabuenir dc recommander, s'il. veut qu'on s'abstienne demanquer d'égards pour fa récommandation; la Ville de Dort prendre la réfolu tion de difpofer elle même des emplois, fans fe laiffer déformais influer; prefque toutes celles de Hollande fe cabrer contre lc choix du Stadhouder, &C; a cette réfiftancc, aces mefures, k cct eclat, ne diroit-on pas qu'il s'agit du falut de la patrie, ou des plus chers intéréts dc la nation ? Cependant le tout le reduit a foutenir quelques Prérogativcs municipales, pour lc mainticn dcfquellcs nos Régens nc répugneroient pas de mettre le pays cn combuftion. lis par ent le larfgagè du patriotifme, pour éblouir les yeux de leurs citoyens: mais c'eft 1'orgucil offenfé, & a vanite bleflee qui cherchent a fe venger. Leur hed il bien de murmurcr des progrès de Pinflucnce Stadhouderienne, eux qui ofent défendre la leur aux depens de Ia concorde, de h confiance & du bien public? / Et dans quel temps, juftes Dietix, s'occupcnt-ils avec  Civile & Litteraire. $57 avec tant d'ardeur, a recouvrer des privileges, qui, fuflcnt ils auffi importans que légicimes, n'en feroient pas moins des intéréts privés, que la juftice & 1'amour de la patrie devroient fubordonner a 1'intérêt général, fi ces deux vertus exiftoient encore au milieu de nous. C'eft dans lc temps oü nous fommes aux prifes avec urj voifin formidable, a la vcille de palier fous le joug d'autres voifins non moins rcdoutables; au moment oü le falut de la République dépend de 1'union de fes différentes parties, du concert de fes adminiftrateurs, de la vigueur de fes efforts: ce font ces momcns précieux, qu'on ne rougit pas de confumer cn vaines disputes, fur des prétentions perfonnelles & des intéréts puériles! Eft-ce quand le vaiffeau eft agité par la tempé te, que 1'équipage s'amufe a contcfter les droits du pilote, ou a réclamer les fiens? A la vue du danger, le péril commun réunit les coeurs & les vceux pour 1'éviter; on attend que 1'orage foit diflipé, pour reprendre la difcuffiou des intéréts qu'il avoit fait oublicr. Si 1'influence Stadhouderienne s'eft en effet étendue au dela des bornes qui lui font prefcrites, on ne lui reprochera pas au moins d'avoir profité des troubles intérieurs & des embarras du Gouvernement, pour s'étendrc. Son extenfion a eu lieu dans des temps calmes & tranquilles: fes progrès fe font opérés doucementj lentement, fans violence, fans commotions, fans compromettre le bien public, fans expofer la patrie a la guerre durant la paix, & a la ruine durant la guerre. Les efforts, les tentativcs' des Régens, pour recouvrer la leur, n'auront point cette excufe. On leur reprochera toujours d'avoir réfervé leurs réclamations & leurs entreprifes pour des temps orageux; d'avoir faifi un inftant critique, pour exercer une vengcance peu honorable. La poftérité leur dira: ,, ce ,, n'eft point 1'amour de la patrie qui vous animoit; ,, c'eft le defir de vous venger. Vous avez préparé ,, fourdement, en Amêrique, en France, en Ruffie, ,, les conjonótures facheufes oü votre pays s'eft trou„ vé. L'argcnt que vous avez refufé pour fa dé,, fenfe, vous 1'avez prodigué a des intrigues. Lors,, quj vous l'eutes jetté dans fembarras, au lieu de voler a fon fecours, vous vous étes appliqués h le R 4 » deA  958 Correfpondance Poïitique, déchirer. Vous lui aviez attiré Ia guerre avec va» „ voifins,^par des pratiques ténébreufes, pour la faire a, vous merries ouvertement a vos concitoyens. La République vous eft redevable de les malheurs au „ déhors, de fa foibleffe au dedans; vous feuls 1'avez „ conduite fur les bords du précipice: vousne feigniez 3, de vouloir 1'empécher d'y tomber, que pour avoir s, occafion de mortifier fon chef, & de lapper le Stadt, houder at jufques dans fes fondemens". Lettre au Redacteur de cet Ouvrage. La Haye le 4 Oüohre 1782. On commence enfin, Monfieur, k rendre, ou k faire juftice dans ce pays-ci. II y a quelques jours que deux Graveurs dc cette ville, le pere & le fïls, auteurs d'eftampes criminelles, furent arrêtés Hier ils s'avouerent coupables; on les a transférés au Spinhuis. On dit qu'ils feront flétris & bannis. S'ils peuvoient emporter avec eux la licence cffréncc de nos mauvais fujets de toute cfpcce, ce feroit une trés bonne affaire. C'eft commencer un peu tard k exercer des aft es de feventé devenus néceffaires depuis longtemps. A la verité, il vaut mieux tard que jamais. Que dira votre bon ami Cerifier, en apprennant cette nouvelle'? fans doute, d cnera a 1'injuftice, a la tyrannie, au defpotilme. II eft dans 1'ordre qu'un écrivain témcraire, plaide la caufe de Graveurs coupables. Le Grand Montesquieu, dit-on, fe mocque des gouvernemens Orientaux, oh 1'on étranele les Vifir» prévaricateurs , oh 1'on empale les efclaves mutins Jl a tort. Les adminiftrations ne doivent ras commettre d'injuftices; mais font elles plus excufablcs de tolerer des exces? Si nous avions ici une demidou- zaine  Civile 6? litteraire. -*5$ 7.aine de Cordons k diflribuer chaque année aux Magiftrats hégligens, & de copieufes baftonnades k adminiftrer aux folliculaires infolens, ou aux artiftes licencieux, les chofes n'iroient certainement pas plus mal qu'elles ne vont. Nous ne verrions pas tant d'intrigans ineptes ou ambitieux, devenus 1'idole d'un peuple abufé, ni tant de boutefeux de tout ordre, impunis ou protégés. Savez-vous bien,' Monfieur, que la France veut avoir dix de nos vailTeaux de ligne & quatre de nos frégates , pour accompagner les fiens a la promenade, attendu, dit-elle, que les nótres ne font rien cheznous. Nos Bataves récalcitrans répondent a cela, que les vailTeaux de la France & de YEfpagne n'en font pas davantage; k moins qu'on ne veulent parler de ceux que Rodney a pris, coulé k fond, ou fait fautcr en 1'air, dans Ie Bétroit & fous la Dominique. II y a ici des Stadhouderiens, qüe nos patriotes appellent fort élégammcnt des Anglomanes; hé bien, ces Stadhouderiens ont 1'audace dc dire, même tout haut, qu'il vaut autant lailfer pourrir nos vaiffeaux' dans nos rades, que de les envoyer pourrir a Breft ou a Cadix. Nous avons quelques bóns vieux Hollandois , qui fouticnnent, qu'il eft ridicule k un Royaume formidable, de demander des vaiffeaux a une puiffance incomparablemcnt plus foible, au fecours de laquelle il devroit avoir volé dix fois, depuis la déclaration dc YAngleterre. II paroit en effet bien fingulier, que les Francois, qui ne favent pas faire prendre 1'amorce de leurs'propres canons, vcuillent empruntcr les nótres, pour tirer fur les Anglois. Si une fois nous les avions envoyés clans la Manche, nous pourrions bien ne pas les en voir revenir. La poïitique du cabinet de 'Trerfailles feroit d'une cfpcce nouvelle, s'il n'cntroit pas dans fes vues, de mettre aux prifes, & dc laiffcr aifoiblir ou exterminer 1'une par 1'autre, deux nations rivales de fon commerce & de fa navigation. St. Euftache , Denier ar y, Effequebo, tombés au pouvoir de la France, nous tiennent fous fa férulc aux Jndes - Occidentales. Si le Cap de Bonne Efpérance avoit donné acces au fecours généreux, défintéreffé, que cette puiffance s'eft hatée de lui offrir, nous ferions dans fa dépendance aux Indes - Oriëntale*. Pour R 5 com-  lSé Correfpondance Poïitique, compléter notre fervitude dans tous les fens il ne nous manqueroit plus qu'un peu de docilité, po'ur envoyer notre efcadre s'enlafTer dans les filets de la flotte combmée. Alors, nous ferions efclaves fur tous les pomts du Globe. Nous verrions laquelle eft mé. férabie de h doucereufe domination Francoife, ou de 1 impeneufe mfluence Angloije. - * -1 Mais notre inipoli Gouverneur du Cap. a brutale, ment refufe 1'entrée de la ville aux troupes Francoifes. £ u2 m groffi.CTeté de les confidérer comme lè loup de la fable, qm soffre pour garder la bergcric Et ■tandis que ce bourru nous a privés d'un puiffant appui dans un autre hémifphère, nous avons des AneL maner ayeuelesou traïtres, qui nous cmpêchent, dans celui ci, de mettre nos forces navales fous fa proteerton. Nous fommes en vérité bien malheureux. d avoir des officiers dénués de favoir vivre 6c des adminiftrateurs qui manquant de prévoiancc. ' Depuis 1'affaire un peu chaude de Bomers - bank notre flotte il eft vrai, n'a plus fait rien. fes qu'ont1 donc fait celles de France Sc YEfpagne, depuis le commenccment de la guerre ? Nous venons de laifler paffer la flotte marchande Angloife de la Baltique: cela eft affez finguher , fans doute. Mais les Espagnols & les Francois, ont laiffé paffer de même celles de la Jamaïque, de VInde cc tant d'autres - ce qui n eft pas moins étonnant. La demande de la France, concourrant avec les rouvcllcs recues de Gibraltar , eft affez plaifantc tJn apprcnd que les fameufes batteries flottanles, ont cffu.e un fort qu'il etoit aifé de prévoir. Lc brave Mhot les a foudroye d'une grêle de boulcts rouges ü.n quinze heures il n'eft plus refte un feul veilige dé ces coutcufes cc terribles machines, annoncces par leur inventeur, comme invulnérables, cc deftinecs a reduire une des colonnes d'Hercule fous le jou^ dc fes antiques dominateurs. On feroit prefque tenté de croire que les Miniftèrcs dc Ver/ailles & de Madrid s'étoient attendu a ccttc facheufc cataftrophc- & qu'ils ont craint qu'a 1'iflue dc cette trifte déroute Howe, avec fon effrayante flotte, ne préparat aux' dc Guichen, aux Cordova, lc fort que Rodney a fait éprouver aux hangara, aux dc Gfaffe. Ils voudfoicne bien  Civile 6? Litteraire. atfr 'bien que nous leur envoyalTions des Zoutman, pour frotter les Parker que la Grande • Bretagne leur op» pofe. On ne voit point d'autre but a 1'infinuation, ou k la demande faite de nos vailTeaux: fi ce n'eft pas pour les empêcher de fe rouiller, qu'on leur propofé de faire une promenade du Texel a Brejl, il faut qu'on■ait envie de les employer a réparer les brêches que la flotte Angloife pourroit bien faire aux flottes combinées ; fans cela, on ne comprendroit rien au defir de les faire voyager dans des parages, oh les vaiffeaux Francois comme les vailTeaux Efpagnols, n'ont jusqu'ici fait que de 1'eau toute claire. Nos bons patriotes, qui confeillent ce pélérinage, ont perdu la tête; & nos bons voifins belligérans cherchent k acquérir de la gloire ou du profit k nos dépens. Ils voudroient bien que nous rendifiïons aux Bretons les coups qu'ils cn recoivent. Après nous avoir cajolé, ils fe mocqueroient de nous. La belle équipée que nous fairions en déployant nos forces pour exterminer les Anglois, afin de rendre les Franpis tout puiffans fur la mer! Nous pafierions de fievre en chaud mal. La propofition de la Ville de Leyde, toute abfurde, toute inconféquente qu'elle eft; malgré fon ftile laclie & fes affertions ou fauffes, ou imprudentes, a paffe aux Etats de la Province, unanimement de la part des villes. II n'y a que le corps des nobles qui ait eu la témérité dc ne pas 1'approuver, ou le courage de proteftcr contre une démarche, dont 1'inutilité, lc danger même, égalent 1'indécence & le fcandale. En conféqucncc une députation folcmnelle de faffemblée fouveraine dc cette province, a été envoyée aujourd'hui k S. A. , pour lui fignifier la réfolucion des Etats; c eft-a-dire*, 1'ordre de juftifier fa conduite, ou du moins, d'en rendre compte. II n'eft pas prouvé a beaucoup pres, que Ie Prince foit obligé de défcrer a la volonté des Etats dc Hollande. Premiercmcnt leur réfolution n'a pas réuni les fufrrages de tous les membres de la fouveraineté de cette province: elle n'a pas été prife unanimement: le corps de la nobleffe a rejetté la propofition peu néceflaire, peu convenable dc la Ville de Leyde: & l'ordrc Eqüejlre eft fans contredit, le premier ordre de Ia nation', le premier  26z Correfpondance Poïitique, premier membre du fouverain, & pour lequel le Stadhouder doit avoir au moins les mêmes égards & autant de défércnce, que pour les corps municipaux. Secondement; fuppofé que la réfolution des Etats fut unanime, ou que dénuée de 1'unanimité, elle fut au moins légale: en admcttant que la propofition de Leyde, qui luifert de baze, ne foit ni déplacée, ni indifcrete, ni injufte, ni fcandaleufc: qu'en réfulte t'il ? que 1'opinion de la province de Hollande elf dc faire xendrc compte au Stadhouder, & nullement que le Stadhouder doive rendre compte a la Réquifition de la province de Hollande. Si elle avoit le droit de foumettre ce Chef a un examen, les fix autres confédérés fauroient aufli féparément & au même titre. Bien plus : ils auroient celui de le difpenfer de cette reddition, & même de lui ordonncr de n'en rien faire. Or, fi après la démarche pompeufe & folemncllc de ce jour, il arrivoit demain a ia Haye, une députation des provinces d'Utrecht, de Gueldre ou dc Groningue, pour requérir le prince de fe refufer a une condefcendance, qui pourroit compromettre I'Etat, par la révélation des feercts qui le touchent; que devroit faire S. A. ? Sans doute elle feroit autorifée a dire aux députés: ,, MM. Commencez par vous entendre; puis par ,, vous accorder. Quand vous ferez d'accords, venez „ me communiquer votre réfolution; je m'y conformerai. II s'agit ici d'une chofe qui regarde la Gënéralité, & qui intercffe la République. Je ne fuis pas ,, 1'Amiral de la Hollande, ni le Capitaine Général dc „ YOver-yJJel, en particulier ; Mais des Sept Provinces ,, Unies. Les opérations de la guerre que je fuis char„ gé de dirigcr, concernent 1'cnfemblc dc I'Etat. Un s, membre ifolé de la confédération n'a pas le droit de m'ordonner, ni. un autre celui de me défendre une démarche rélative aux affaires Générales: faitcs vos ouvertures a la Généralité: communiqués vos idees ,, avos co-affociés. Lorsqu'ils auront arrcté unanime„ ment ou a la pluralité une réfolution quelconque, utile ou non a ma patrie; je la refpefterai comme ,„ une émanationdu corps fédératif, des intéréts' duquel 3, ma naiffance, mes droits & mes dignités in'ont fait ,, dépofitaire. Comptcz, M M. que ces intéréts facrés 3, de la République, ne me font pas moins chers qu'a. „ vous,  Civile ê? Litteraire. i6$ vous, qu'ils ne me touchcnt pas moins que vous, & '„ nue je ne fuis pas nloins que vöus dispofe a les défendre avec zèle, quand au lieu des tracaffenes qu'on 3 mefufcite, ' & des dégouts dont vousparfemez-macarj' ricre cpineufe, on me fournira des vaiffeaux & des équipages. Car, chsrs 6? bons amis, nous ne fom„ mes plus dans le temps des miracles: vous favez que je n'ai, ni comme Promethée le pouvoir de créer des '', hommes avec des pierres; ni comme Pompée celui " de faire fortir des Légions du pas de mon Cheval; ni le v moven de payer des matelots que vous ne voulezr '•' pas' me fournir. Mettez-moi en état de battre les ',' Anglois; mettez-vous vous même en état de vous " paffer de 1'influence des Francois: je vous convain' crai que je ne fuis ni anglomane 5 ni ennemi de la France". L'Affaire des Barrières efl , comme vous favez i Monfieur, fi non réglée, du moins linie avec notre puiffant allié, 1'Empereur. II n'en efl pas encore tout a fait de même chez nous. L'arrangement a former pour dédommager nos citoyens, militaires, Eccléfiaftiques & autres, qui ont perdu leurs emplois ou leurs places, par 1'évacuation, n'eft pas tout 'a fait terminé. L'Equité du fouverain ne lui permettant pas de punir des fujets, déja affez malheureux par les fuites d'un événement auquel ils ne participant que comme viftimes, s'occupe de leur faire un fort quelconquc, qui puilfe les confoler d'une de ces viciffitudes auxquelles la bienfaifante poïitique expofe quelquefois ceux fur qui fon influence falutaire s'étend. Le préavis du confeil d'Etat a été remis il y a quelques jours aux Etats Généraux. On en ignore encore le contenu ; & on attend a tout moment une décifion, qui n'intéreffe guères le public, mais qui touche plus ou moins 1'humanité. , II circule ici depuis quelque tems des copies manufcrites d'un petit difcours, qu'on dit avoir été prononcé h Namur, parunde nos Miniftres Hollandois, au fujet de 1'évacuation des places qui formoient ci devant notre Barrière. II me paroit écrit avec circonfpeétion & délicateffe. Je vous 1'envoye pour vous en convaincre. Vous pourrez cn enrichir votre recueil, fi vous ]e jugcz digne d'y entrer. Je fuis avec une eftimc diftinguée, &c. Le  ï64 Correfpondance Poïitique, •'•••*«*••• Le bonheur eft un mot dont le ton a fouvent frappé nos oreilles: mais fa véalité nous échappe toujours au moment oü nous penfons la faifir: nous n'embraiTons jamais qu'une chimère. II en eft du bonheur comme de 1'amitié: rien de plus commun que le nom; rien de plus rare que la chofe. On croit 1'appcrcevoir fous 1'éciat brillant qui environïie les riches; on fe trompe: on voit bientót percer le ver rongeur du chagrin, caché fous la pompe de l'opulence. On lc cherche dans les fancfuaires de la volupté: pourfuite inutile. On ne tarde pas a éprouver lafatieté, le dégout, le repentir. Cependant, Mes freres, ce bonheur exifte quelque part. La preuve en eft gravée en caraélères ineffacabies dans le fond de nos cceurs, qui Ie fouhaitent avec véhémence. L'Etrc fuprême eft trop lage & trop bon, pour avoir mis dans notre fein, le defir d'une chimère. Oü chercherons nous donc cette félicité pour laquelJe nous nous fentons formes, après laquelle nous foupirons avec ardeur? La pourfuivrons - nous a la lueur de notre foible Raifon? Hélas.' ce guide infidèle nous a trop fouvent égaré , pour qu'il foit prudent de nous livrer k fes confeils. Prcndrons nous nos paffions pour règle, au pour boufible dans la recherche du Souverain bien ? Mais leur effervefcence eft un état d'agitation & detrouble, qui produit Terreur, & qui mêne les regrêts k fa fuite. Voici, cbrétiens, un moyen plus für, pour attcindre eet éternel objet de nos vceux & de hos foins. La foi nous montre la route qui conduit au vrai bonheur. La Religion, re&ifiant nos idéés fur la nature des biens qui le conftituent, élève nos regards vers le Ciel oü il réfide; elle dispofe nos cceurs a la vertu qui 1'obtient, & nos efprits a la fagelfe qui en fait jouir. Nous éprouvons en ce moment, peut - être plus que jamais, qu'il ne fe trouve point fans mélange fur la terre. La Communion que nous allons célébrer, de> vant faire la cloture de nos exercices religieux clans ce tcmple, nous annonce affez a quellcs vïcifTitudcs les chofes de ce monde font fujettes. Nous avions dans ccttc  Civile Litteraire. $,6§ cette ville un état qui étoit légitime, puisqu'il avoit été embrafie fous la fanftion des loix, & fur lafoipubli» que. II paroiffoit allure, puifqu'il avoit pour baze un arrangement fondé lui même fur la teneur d'un traité folemnel, fubfiftant depuis foixante neuf ans, entre deux puilfances Amies, unies par les liens les plu3 refpeétables. Cet état, qui fembloit devoir être immuable, ou durer autant que nous, nous efl enlevé dans un inftant, précifément a la fuite de plufieurs indices attendriffans, qui en annoncoienta la crédulité confian- te, la confiftance & la durée C'eft ainS que les grands difpofent de la deftinée des petits; que la poïitique fe joue de 1'exiftence des hommes, comme lafortune de leurs projets . . . II. n'y a rien de folide ici bas, que la vertu & la piété. La fanté, les biensi les dignités, la confidération, tous les avantages-temporels font fragiles. A chaque pas que nous faifons vers le tombeau^ nous vérifions la maxime d un grand Roi; que tout ce qui le précède eft vanilé. S'il nous eft permis, Mes frères, de reftentïr ce que notre pofition préfente a de pénible & d'amer; il ne nous 1'eft pas également de nous plaindre de la caufe qui la produit. Nous n'avons pas plusle droit de cenfurer les mefures dont nous fouffrons, que nous n'avons le pouvoir de les prévenir. On ne fauroit nous empêcher certainement de gémir de 1'inftabilité des chofes humaines; mais on auroit raifon de nous blamer, fi nous ne 'favions pas nous foumettre a notre deftinée, avec des fentimens.convenables.a des fujetsrefpecfucux, &i a des chrétiens convaincus de 1'intervention de la providence dans les Evénemens en apparence les plus indépcnians dc fon empire fur cet univers. C'eft dans des conjonctures pareilles a celles ou nous nous trouvons en ce moment, que la Raifon & la Religion doivent déploycr avec énergie, toute leur vertu dans notre fein. C'eft de ces deux boucliers du fage & du chrétien, qu'il faut nous couvrir au milieu de l'orage. Armons-nous, Mes frères, contre un revers ioiprévu, de cette fermeté courageufe qui convien* li bien aux hommes de votre profeffion. Sur tout, que la réfignation qui convient encore mieux aux disciples de ce Jefus qui nous en a donné un fi bel exemple, ne ceffe jamais d'étre notre partage. Bien-  166* Correfpondance Poïitique Bientót nous allons nous disperfcr, fans efpoir de nous retrouver jamais réunis tous enfemble fur la terre Aflemblés pour la derniere fois dans cette enccinte oïi fi lonrtemps nous avons adoré Dieu en efprit fc? en vérité, nous ne pouvons plus nous flatter de nous revoir que dans le fein de la Diyinité, ou dans peu la mort nous reunira. Mais cette idéé eft moins trifte que confolantc- elle eft bien efficace pour nous aider a fupporter un défastre mopmé. Oui, ce Dieu qui nous a formés par fa puiflance; cette providence adorable qui a pris foin de nous par fa bonté, ne nous abandonnera point dans notre disperfion. Si nous ne murmurons pas contre les décrets du Tout - puiflant, qui tient le cceur des rois dansjes mains, pour en faire les inftrumens de fes desfeins; fi après avoir reen les biens qu'il difpenfe, & dont peut - être nous avons fouvent abufés, nous nous foumcttons fans réfiftance a 1'épreuve qu'il nous envoye; fa protecfion nous couvrira encore de fon ombre, & nous reflentirons de nouveau les cffets de fa follicitude paternelle. : Dieu fait toujours changer en bien, ce que les hommes avoient penfé en mal. Quelque-fois les avantages les plus1 defirablcs que nous puiflions gouter ici bas, dérivent de peines antécédentes; Sc fouvent ce que nous avons envifagé comme un inconvénient dans fon principe, dcvient un avantage par fes fuites. Toules chofes lournent au bien de ceux qui aiment Dieu. Si ce n'eft pas conftamment fur la terre que cette maxime fe vérifie, c'eft au moins dans le ciel qu'elle recevra toute fon évidence. Ce n'eft pas par un chemin parfemé dc fleurs & de plaifirs, qu'on arrivé a la félicité qui nous attend dans le féjour de la gloire & du bonheur. Etce fut dans un jour femblable acelui-ci, que le chef & le confommateur de notre foi, nous apprit qu'il faut paffer par des tribulations, pour entrer dans le Royaume célefte. Ihdépendamment des motifs de religion qui doivent nous foutenir dans notre retraite; il me femble, Mes frères, qu'il eft des confidérations humaines, propres a tempérer 1'amertume du facrifice, que des convenances pohtiques exigent de nous. Nous fervohs des maitres puiflans Sc religieux, qui fe font diftin gués dans tous  Civile Littêrairt. rt dc la main des hommes. & leurs erreurs, comme leurs paffions, empoifonnent ce qu'il y ade moins défedtueux ici-bas. Les abus, les défordres, les mau't dont la fociété gémit, ne tiennent pas nccesfairemqnt a foffenoe des conftitutions fociales ; toutes ont eu pour objet de les prévenir, ou de les diminuer: ïnais au relacbement ou è la corruption du-gouvernement, aux méprifes, ou airx pojfions des adminiftrateurs. • Notre machine poïitique,' Monfieur, eft comme tant d'autres , affez paffablê pour que dqs bourgeois pacifiques, occupés de leur commerce, s'en contentent, & ne cherchent point a en changer, comme font nos frères libres de Genève, ou é'Hollande. Notre adminiftration ferme fans pourtant être dure envers fes fujets, eft foible avec fes grands camarades. Comme elle n'eft qu'un ciron, & qu'ils font des coloües, elle trcmble au moindre mouvement qu'elle leur voit faire. Un mot de ces efpieglcs gigantefques la fait palir e: piier. Notre ümulacre de République eft bien plus foible & plus docile que fa fceur Batave, qui montre au moins les dents a fa fceur Venije, quoiqu'elle confentc que deux 'couronncs fe nomment, 1'une fa bienfaitrice, 1'autre fa proteElrice. . Vous jugerez, Monfieur, jufqu'oh notre fénat pprtc la compldifance, ou la foibleffe, pour fes confrères couronncs, par le trait fuivant. Le Libraire Virchaux cf- cette ville, homme honnête & c ontrefacteur, deux épithètes qui femblcnt incompatibles, mais que le brigandage typographique a feu allier; réimprimoit depuis quelque temps Ie irilïcMt'rcure de France. II n'y avoit S 4 "daagt  é/4 Correfpondance Poïitique, d'autre mal a cela, que celui de multiplier les copies d'une produftion affez mauffade, quoi qu'elle foit celle de fëpt ou huit académiens, qui ont eu la modeftie de fe qualifier les hommes les plus diltingu&s dans les lettres; les Ecrivains les plus diflingués de la nation. Pour rendre le Mercure Panckoucke un peu moins plat, Ie Libraire Firchaux inféroit dans fon Edition des articles un peu moins mauvais, que ceux de la fabrique de M. M. d'Alembert, la Harpe & confors. Au moyen de ce grapilhge littéraire, il étoit parvenu a faire du Mercure) réimprimé, un ouvrage fupportable. Dernierement, il s'eft; avifé de piller dans l'Obferva- • leur, ouvrage périodique qui s'imprime aLaufanne, un article fous le titre Es pa gne. Ce morceau qui eft d'une vérité amere, a choqué le conful efpagnol, réfidant en cette ville. Celui-ci s'eft plaint a notre Magiftrat, de 1'audace du üear Firchaux: il a demandé & obtenu la fupreffion du Mercure rapetaffé. Que 1'Edition rivale du falmigondi de Panckoucke foit fupprimée, ce n'eft pas grand dommage affurement: ce feroit même rendre fervice aux littérateurs, que de fupprimer 1'édition' originale. Mais le mal, c'eft que ce coup d'autorité arbitraire, dans une ville libre, Anféatique, enlève fa propriété a un citoyen, pere de familie, qui pourra bien être miné, parceque la mi gr ai ne ou la colique, ont donné de 1'humeur au Conful d'Efpagne. Comme le public pourroit s'imaginer que 1'infertion du fleur Firehaux eft criminelle, & Partiele inféré répréhenfiblc a un dégré capable de motiver une démarche auffi éclatante que celle de M. le Conful, & une foibleffe auffi grande que celle de notre Régence; nous rapporterons ce morceau fort dur , mais du tout point coupable. Le voici. E S P A G N E. „ Nous ne connoiffom pas de monarchie plus malmontèc & plus mal adminiftrée^we Z'Efpagne, quoiqu'elle fefoutienne depuis longtems, fff qu'elle fe releve toujours aVec avantage de toutes fes dêcadences. Cette contre e-, ajfife fous le plus beau ciel de TEurope, plus fertile & mieux pourvue de denrées premières que la France, efl plus étendue auffi etrrondie, fi 1'on en excepte un pe-. " |S * { Ut  Civile £? Litteraire» VS tit eöin que lui enleve le Portugal. L'ambitieux Charles V, n'aïant jamais recherché que_ les moiens qui le feroient parvenir d la monarchie univerfelle, négligea entierement tout ce qui conftitue la vraie puiffance; la population, le commerce & l'induftrie d'une nation. Philippe II, auffi ambitieux que Jon pere, plusrufé, mais moins favant poïitique, aiant fur le cceur les démembremens des états d'Allemagne, faits dfafucceffion en faveur de fon oncle, voulut s'en dédommager furla France, fur Z'Angleterre £? fur le Portugal. Plus intriguant que guerrier, pkis entêté que fage, il ne vit aucunpéril d ces difpojitions ; è? rencontrant partout plus d'écueils , plus de réfiftance £f plus d'objlacles qu'il n'avoit cru en éprouver, il épuifa Jes états d'hommes ö3 d'argent pour perpétuer des guerres inutiles. On prétend qu'il fit périr dans toutes fes guerres 900,000 hommes, é? qu'il dépenfa trois milliards de plus que les revenus de la monarchie; ce qui feroit, d notre facon de compter, quinze milliards au moins de dépenfes extraordinaires". ,, Philippe III. n'hérita ni des talens ni des vertus, ni des vices de Philippe II; plus hipocrite que légijlateur, plus fainéant qu'ambitieux, auffi indolent monarque que poffible, il fut auffi peu propre d régner après Philippe II, qu'a réparer les maux de la monarchie. Philippe IV. négligea tout ce que fon pere a^oit négligé, pour ne s'occuper que des quefiions de contraverfe. Charles II. donna d'abord quelques efpérances; mais plus enclin d la diffipation qu'a l'étude, il négligéa toutes les affaires; &? dégoüté du travail È? de la roiauté, par l'épuifement affreux oü fe trouvoit alors /'Efpagne, il mourui accablé d'ennui, laiffant avec douleur Ja fuccefjion d un petit fils de France , dans un état plus malheureux Êf plus obéré qu'il ne l'avoit recue. C'eft d la fuite de ces quatres règnes que /'Efpagne eft tombée Juccefjivement dans cet état d'épuijement ö? de mifere oü l'a trouvée la guerre de fucceffion. Trois vices capitaux ont dévorê f Efpagne fous la maifon d'Autriche: l'ambition, l'inté. rit, les mauvais principes. Trois vices plus deftrucleurs la déchirent encore dans ce moment: l'avarice, le préjugé, l'ignorance. Tant que /'Efpagne ne purgera pas fon adminiftration de ces trois tirans, jamais elle ne s'é-. levera d ce haut dégré de profpérité é? de gloire oafa fi(uation, fes propriet és £? fes ric heffe s femblent lui perS $ met^  &7' • • 1'indu- CÓ On ne voit pas tron commen: Pauibirion d'an fouverain, pmirreit faire le bófttfi* dc Ton pfcuple. Puifijue c'eft la folie r-rétenrirn 4c Chertrs l'. a la monarchie univcrièüe qui a dépcuplp %$fytg*t Hens, fc? d'Allcmands qui s'y Jeroieut etablis , & y auroient confervé la population fc? tous les arts utües. Cette nation 1 femble s'être ranimée Jous les regnes des. Bourbons ; fc? la guerre qui l'occupe maintenant actieve* ra de lui rendre Ja prémière vigueur". • Après avoir lu & r.elu cct articlc, on. a beau fc demander ce qui peut y avoir de propre k cxcitcr la bJlc confuïaire. LAuteur dit qu'on ne connoit pas demo! narchic plus mal montéc & plus mal adminiftrée que I'Efpagne. Cc n'eft pas la, fans doute, un comph-; ment; mais cc n'eft pas non plus une injurc. En gé* ncral les monarchics Europécnnes, comme les Rcpu-b'iqucs, ne font pas des mieux montécs, ni nicrvc:ILu-; fement admihiftrées. Dans leur état d'imp|rfect:on, qu'il n'eft peut - être pas poffible de corriger , il y a du plus & du moins: cllcs ne font pas aulfi défeétueules; fes unes que les autres, II y a des nuances entre leurs dófauts ou leurs vices. Ne faut-il pas qu'il y en ait xrtté qui foit moins "blcft", ou plus mal montcc c: admimkree que fes parcilles? Or, fi c'cü VEfpagnnle qui réunit cc défavantage, quel crime y a-t-il a lc dire ? Auroitr, il été plus prudent, plus honnête, plus vrai dc donner cette fupériorité doulourcufc a la Francoife, ou a. tout autre? I/affertion dc 1'écriyain ne feroit blamblc qu'en tant qu'elle ne feroit pas fondéc: encore nc 'feroit-cc alors qu'une erreur, une méprife, quL ne compromettant ni fe fouverain actuel, ni fes minis-' tres, ni aucun homme, ne pourroit cxcitcr ni le mé- con ■  27? Correjpondance Poïitique, contentement de perfonne ni in „;nfi;A0 ~ tT»« ll faudroit fe moquPer dTl'autcur fouTe féfug!^' Si 1 on vouloit ériger en délits toutes les erréurs de, écnvains & appeller la vengeance toutes les qu'ils fe méprennent on auroit en vérité bien kfaire Mais sil eft des méprifes qui doivent motiver de l' n dulgence ce font fans doute celles qui portent fft des matières abftraites, ét fur des êt?es fiéaS- ou qm nexcercant aue la critique d'un rêveur, dans' foï cabinet, n'affeólciit en rien la fociété, & ne comoro mettent aucun individu. Ici, par exemple, iffi, " tcar hehêtique ne fait tort k perfonnTpSr*£3£ re d'un être de raifon. La monarchie eft un être Sa qui ne peut pas s'olfenfer; tant qu'on refpeéte iémonarque perfonne n'a droit de fe plaindré. M. le coSful s eft plus nui dans 1'opinion des gens fenfés en prenant a mouche mal a propos, que ni Krchaux m fon Faifeur, n'ont fait de tort kl'Efpagne en cri tiquantlamarchegauche, la poïitique maladroite& quelquefois cruellc, de fon adminiftration Bien loin d'outrager celle qui régentc aujourd'hui les Efpagnoh, 1'obfervateur en fait 1'élogc. J II £™fft auffi, ce qui n'eft peut-êtrc pas démontré, que la nation abatardie fous les rois de la - maifon d'slutriche, $ eft un peu regenéree fous le règne de ceux de Ia maifon éc Bourbons Quand cette aflertion feroit une autre méprrfe de 1 Lcnvain, elle eft trop flatteufe Pour les Efpagnols & leur gouvernement acfuel, p0Ur cm'nn doive pumr le libralre qui la public. Que la «uerre préfente acheve ou non de redonner k VEfpasne fa première vigueur, il eft au moins bien fdr que 1'indolence & le fanatifme qui 1'ont dévaftée, nefont pas 1'ouvragc du fieur Firchaux. Mais les princes qui ont regné avant Philippe V font peu menages dans cet article! Ah! oui c'eft vrai" Mais auffi leur mémoire n'eft pas autrement précicufc' Lobfervateur na dit que ce que tout le monde fait' Cc c eft grand dommage, en vérité. II n'y avoit donc pas Ik de quoi motiver une févérite' 2UCo ]L - nce ou ^"'révérence auroient k peino excufee? Maïs ce qui eft furprenant ici ,• c'eft bier> moins la foibleffe de notre Magiftrat qui s'eft prêré h  Civile & Utitrakt» *79 »ne rigueur funefte k un de fes citoyens, que Ie per* fonnage qui 1'a provoquée. Quand même Partiele Efpagne du Mercure auroit été oifenfant pour la mo« narchie Efpagnole, ce n'étoit pas au Conful de cette nation a s;en appercevoir, ni k demander réparation de 1'offenfe, Les Confuls ne font point chargés des intéjêts ni de Phonneur des couronnes: c'eft a lajurisdiftion diplomatique que ceux-ci reftortilfent: ceux la font appelles a veiller aux intéréts mercantiles, k foutenir les droits des fujets du fouverain qui les envoie. La. fe borne leur miffion. Lorfqu'ils s'ingèrent dans des objets de police nationale, ils fortent évidemment de leur caraéTère; ils outrepaffent leurs pouvoirs, & la puiffance qu'ils invoquent pour appuier leurs prétentions, ne doit k leurs réquifitions, ni égards, ni condefcendance ; furtout, lorfqu'ils exigent que pour leur complaire, on commette une injuftice. Plus 1'on confidère la violence dont le pauvre Virchaux eft vicfime, & moins on comprend pourquoi elle a pu exifter. II eft bien certain que la cour de Madrid ne faura jamais qu'on a réimprimé a Hambourg, dans un mauvais journal, deux pages d'obfervations peu honorables a 1'Efpagne, ou plütöt, au caraclère & a la poïitique de quelques uns de fes princes, morts depuis plus d'un fiècle. Mais quand elle apprendroit cette particularité indifférente, & qu'au milieu des ocCupations férieufes que lui donnent les brillants exploits des Cordova, des Solano, des Langara, des Cr Mon, des Naffau, des d''Argon, elle püt fe reffentir,d'un procédé qui n'cmpêchera pas fes armes de prendre Gu braltar, & de battre 1'Amiral Howe; qu'auroit a craindre notre opulente cité, d'un mécontentement aufli peu foudé, de la part d'une puiflance dont nous fommes éloignés de cinq cent lieues? Aflurement nous ne 'redoutons ici ni les armées, ni les flottes Efpagnoles, pour qu'il faille nous procurer. la fécurité, par des complaifances qui réunilTent 1'injuftice k la foibleffe. On eft tenté, Monfieur, de croire que ce coup vient plütót de Paris que de Madrid. Le trait eft trop philofopbique , pour ne pas partir d'une main philofophe. Firchaux contrefait & raccommode de fon mieux, le Mercure de France* La contrefacfion eft un attentat porté  &8è> CofHfpondance Politiqüê, porté au privilége cxclufif du bréveté Panckoucke giii ne peut fouffrir ni concurrcns, ni rivaux: lc raccommodige en efl un autre a l'infaiilibilité géométrique, poëtique, littéraire des fluit académiens, copérateurs du fade Mercure. En voila plus qu'il n'en Faut pour rendre lc libraire de cette ville coupable d'un crime irfëmiffible. Son édition fccondaire nuit au débit dc 1'édition parifienne; & Panckoucke eft fi avidé de gain! & fes favetlefs mercuricls ont les bras fi longs! Ils font fi experts en iritrigues, qu'il ne feroit pas impoffible, que la réquifition confulaire, n'ait été dirigée par leurs maneges. On voit bien des chofes plus extraordinaires dans ce monde. Eflfin, on ne concoit pas pourquoi notre Régcnce, ayant cru devoir fe pré ter a uncvengeance fans objet, ou qui ne peut en avoir qu'un puérile ou ridicule, a prononcc une intcrdiclion contre Ia réi'mprcfiïondu Mercure. En admettant que le numéro qui a fervi de fondement a cette rigueur de l'autorité defpotique, fut réellement coupable, il falloit le fupprimer, ou dbliger 1'éditeur a lc réformcr: mais oh eft le befoin d'étendre lc chatiment, jufque fur les numeros fijivans qui n'exiftant pas encore, ne peuvent être ni repréhenfibles, ni prefcrits par anticipation. C'eft une tyrannie manifeftc & criante, que d'cnveloppcr dans la punition d'un ainé criminel, fes cadets innocens qui font encore a naitre. Quand un homme blafphême, ou qu'il injurie, on le punit; mais on ne lui coupe pas lalanguepourl'cmpêcher d'injurier & de blafphêmer encore. Quand un autre fait unbatard, on peut le chatier lans doute d'étre contrevcnu a 1'oïdre établi pour perpétuer 1'cfpèce; mais on ne lui öte pas la faculté d'en faire des enfans légitimes. Lorfque M. Marmonteï raüemela pour la première fois un poëme de Oni;:auld,. ön n'cnchaina pas fa plume, pour 1'empèchcr d^extropier d'autres chef - d'ceuvrcs du plus grand poëtc Lyrique. Lorfque M. d'Alembert débita fes premiers calembburs , extropia ,1a langue dont il eft lc griffier en chef, comme vous elite;;, Monfieur, on ne brifii pas fon compas géornétxalj pour lui öter le moyen de farcir de rébus fes fatires académiques, qu'il appclle des éloges. I! y a donc uue injuftice'cv:den:e'& une in-' con  Civile Litteraire. u8i cónféquence palpable, d'interdire au libraire Firchaux, la faculté d'enfanter des Mercures indifférens, paree que fes preffes en ont produit un repréhenfible ? Mais on feroit bien plus choqué de ce procédé illégal., qui enchaine arbitrairement l'induftrie d'un citoyen utile, dont l'aótivité eft néceflaire a la librairie de notre ville, s'il étoit vrai, comme Firchaux & fon Rédacteur 1'affurent, qu'ils n'ont hazardé 1'infeition fatale de 1'article qui amotivé la profcription del'ouvrage entier, que pour avoir occafion de le refuter dans un numero fubféquent. Leurs amis prétendent ,, qu'ils fe propo,, foient d'apporter un correélif aux affcrtions trop crucs; „ de 1'obfervateur helvétique; de lui démontrer que fes „ obfervations portoient fur des renfeignemens tres peu exacts concernant la monarchie Efpagnole; qu'il n'y „ en a guères qui foit plus fagement adminittrée; „ que ks fcienccs & les arts y ont fait fous 1'admini„ ftration acfuelle des progres tres rapides; que nulle pare „ 1'amour de la patrie n'eft plus vjf & plus énergique, „ les vertus fociales plus révérées , plus cultivées, ,, &c". Si cela eft, il faut convenir que le libraire Firchaux, bien loin d'étre criminel, n'eft puni que pour avoir voulu étre trop innocent. J'ai 1'honneur d'étre, &c. " Nota Qjtelqnes unes den idéés contenues dans la lettre qu'on vient de lire ,m'ont fait naitre celle de traiter,avec v.ne certaine étendue, une queftion intérejfante, touchant l'art typographique , confidéré fous un'point de vue phi'ïq/bphiqus &poïitique, ainfi que dans fes rapports avec let police de la cébfure, la propriété des écrivains, ou der auteurs, & la profejfion des Libraires. Cette maiière me paroit neuve, £? fufceptible de développemcns dignes xl'dttention. Je m'en oecuperai inceffamment, fans pourtant prétendre de la traiter d fond. (Notc de 1'Editeur) AfcfTRB  *M Correfpondance PolitUpa, Autre lettre du même au même. Hambourg, ce ij Oftobre, 1782. Notre Sénat, Monfieur, vient de donner un exemple précieux, plus rare encore dans les Corporations de toute efpèces que chez les individus. II a réparé par un afte de juftice, le tort qu'il avoit fait a un de nos concitoyens, par un acte de févérité outrée ou de complaifance déplacée. II a levé 1'interdiftioii prononcée contre la réimpreflion du Mercure de France du fieur Firchaux. C'eft a la rëquifition même de Mr. d'Ur-qu-llu, Conful général d'Ejpagne, que cet honnête pere de familie a été réintégré dans fa propriété , & qu'il a recouvré la faculté de multiplier les copies des fublimes produclions de vos philofophes, Académiciens, de Paris. Ce retour a féquité, a la modération, fait également honneur k nos Magiftrats, & k 1'agent Efpagnot. Puifque les hommes ne font point affez fages pour fe préfer ver des mé prifes, du ridicule, ou de 1'injuftice; il eft beau de les voir revenir quelquefois fur leurs pas. On defireroit prefque qu'ils fiïfent fouvent des fottiles, s'ils avoient toujours le courage de les réparer. Gardez-vous, Monfieur, de croire k 1'anecdote pu* bliée dans les papiers nouvelles, au fujet de la fupresfion du Mercure Hambourgeois. „ Ils ont annoncé que „ le N°. criminel de cet ouvrage, avoit été lacéré & „ brhlé, en place publique, par 1'exécuteur des hau„ tes - ccuvres, en préfence de M. le Conful-Général „ & d'une foule immenfe de fpecbateurs , accourus „ pour être témoins de ce petit auto-da-fé. Ils aflu„ rent qu'avant & pendant 1'exécution, on fonnóit la „ cloche qui note d'infamie, ou qui la déclare. Ain„ fi, ajoutent-ils, ce N°* flétri ne palfera qu'avec „ horreur a la poftérité la plus reculée". On feut bien que c'eft la une fatire deftinée a jetter du ridicule fur un  Civile & ^Litteraire. 283 tm procédé, qui a la fin du XVIIP fiècle, ménacoit de nous reporter vers le commencement du XVId Une farce auffi abfurde ne peut plus exifter aujourd'hu dans nos climats, a moins que la fcène n'en foit a Paris ou k Madrid. , „ ., , , II femble que les manoeuvres ou les fcnbes du grand Panckoucke avoient prévu le traitement qu'on préparoit h un de leurs batards fur les rives de YElbe. Ils avoient pris foin d'avance, de le venger de cet outrage. Le N° 9 du Mercure contient, au fujet de Y'Efpagne, un article bien autrement digne du fagot, que celui qui avoit fait fufpendre chez-nous la réimpreffion, & arrêter le débit de cet ouvrage. Mais ce morceau, qui feroit griller fes Auteurs, par YInquifition, fi jamais ils tomboient dans fes mains, fe trouvantmota mot dans 1'EditionoriginaledePam, 1'édition fecondaire du fleur Firchaux elf a 1'abri de la brftlure. Voici ce morceau tel qu'il fe trouve dans le pauvre Mercure du bréveté Panckoucke. Les fabriquans mercuriels, en annoncant un ouvrage qui a pour titre: Nouveau voyage en Efpagne, fait en 1777 6f 78 &fV,- s'expriment ainfi. Les leèïeurs qui s'occupent d'objets d'adminijtration , V.ront avec plaifir dans le nouveau Voiage la defcription des travaux & des défrichemens que Mr. Olavidez afaits dansles déferts de Z'Andaloufie, &?'furtout dans les montagnes de Sierra-Morena, cjf les regiemens qu'il avoit établis dans fa nouvelle colonie. Malheur eujement c'eft dans le chapitre de /'Inquifition qu'il faut chercher la, fuite des événemens relatifs d Mr. Olavidez; il contient une courte hiftoire de ce tribunal jufqud nos jours, la, fuite des principaux Autodafés , Je ric.it d'un de ces Autodafés raconté par un officier même de Z'Inquifition, avec une naïveté qui fait frémir; le précis d'un fermon prêché d Vouverture d'une de ces cérémonies, &c. L'auteur raconte les faits, £f s'abftient de toute réflexion. Onne f auroit mieux faire que del'imiter. Mais le chapitre le plus intèreffant pour les lecleurs de toutes les clas■fes, eft celui qui concerne les mozurs, le caraclere £? les ufages des Efpagnols. Le courage, la hauteur d'ame, lafranchife, la difcrétion, la patience, la fidélité forment les principaux traits du cara£lère national. Qn connoit leur attachement pour leurs fouverains ê? leur Tom. II. T zèle  284 Correfpondmue Poïitique, zèle pour la religion; mais Vextréme ignorance de la pl(l. part des Efpagnols fait dégénérer leur piété enfuPer/ti. non. Peu de femmes ortent, fe promenent & font famourfans rofaire. Plufieurs auteurs Efpagnols ont fait paroïtre des ouvrages tres profanes fousP!ef a^ples de ia Vicrge. Les Autos de Calderon lui font dédés fouscl titre: A ia mere du meilleur des fils, a la fille du meiï leur des peres, a la reine des Anges J'ai vu jouer, dit 1'auteur, d fon honneur Rd fon SéVllle' 16 Légatdie UniveST^|,iT A lïmpératrice du ciel, mere du verbe éternel rite™ Kr? CO"folation> SdtefSel- Ma^e-Xl fn„ ,°USfile| ^S"^ , la très-fainte fJ c ane fe, ™Jr?6t ? P°UI' ^«gmentation de foq £èni? W ,n^^nS-d^cette ville i°uer°nt une tres piailantecomedicintitulce: Le Lézataire les fïeWtkËr^^ *f hwHmns horrible* dont tes jpettateurs Jont toujours trés édifiés Le zele le plus ardent pour la déliv'rance des ames du jour precis ou une me doitjortir du purgatoire; f«f 1'on »otf /oftysf «j» town, elle eft compoiee de 17 Vaiffeaux de ligne. " 9 Frégates; &la flotte commandée par 1'Ami„ ral Ntebolfon, confifte en n Vaiffeaux de li°ne & „ 5 Frégates." ö ' Avec la permiflion deM. Cm/?£r, on ne voit pas la & idee ptquante. Que les Papiers Continentaux rappen tent ou non des Articles curieux que 1'on fuppofe devoir fe trouver dans les papiers publics ■ il n'v a la nen de bien propre a piquer ni lc goüt, ni Ia curiofite. Quand meme Ia lifte des forces Navales de lAmertque qu'on rapporto a la fuite de cette fuppofttion feroit exacte, on diroit qu'elle eft vraie mais pas du toutpiquante. II faut être bien maladroit pour appüquer les epithètes aufli gauchement ' II  Civile >  *9 «e être 1'objet piiflS! .^ Cow^r^ merite d'en ■'de Londres ? On rLZ autan.£ ^ue le Miniftère tres, de ce 'don? on S? r°6 °Jdlnaireme™ les au- vJm?rlue orJt i£ fo"demens les dominateurs de taxer e^NéïocLVeurs Z £S?1Cn fanS prcwes . a la main T 'Sïe t ™ V"*' ■1'oIivicr d'une cour perfide? 9 " en"ffaires ktrigans reSterlede! 'n,fans'Parle>- d« 1'indécencc qu'il y a a ffiülSfte /f iP°fitI0DS de paix' avcc ««e hauteu? uuuitante, & a accompagner fon refus de circon-  Civile & Litteraire. 297 ftanccs malhonnêtes, de termes méprifans; que fignifie le reproche fait au Miniftère Britannique , de chercher a tromper? Eft-ce que toutes les Cours n'en peuvent pas également être 1'objet? Ne fontelles pas toutes ufage des de'tours, des rufes , des fubterfi^es , toutes les fois que leur interet le rcquiert? CJuand elles font rèduites a fubftituer la poïitique a la force , elles trompent tant qu'elles peuvent Cela n'eft pas fort beau 5 mais cela eft inconteftable. Les Ariflocrates du nouveau monde n'ontils pas du tromper leur peuple, pour lui perfuader qu'il étoit efclave & malheureux fous la domination de George III; & qu'il trouveroit fous la leur le bonheur & la liberté? Mais, dit-on, YAngleterre n'ofïre la paix, ou ne fait femblant de 1'offrir aux Américains, que pour ietter entre-eux la difcorde , dont elle fe prévaudroit- pour les détacher dc leur grand allié, afin de les fubjuguer plus a fon aife les uns après les autres Elle veut traiter féparément avec les infurgens, qui, fidèles a leurs engagemens, ne fépareront pas leurs intéréts de ceux de la France. Soit. II eft beau fans doute de tenir fa parole. Mais fi les Francois ne veulent pas traiter fans leurs alliés, ni ceux ci fans les Francois; quand donc finira la guerre? Croit-on, au refte, que les quatre puiffances ennemies de YAngleterre , refteront unies jusqu'au bout ? La défeétion de 1'une viendra bientöt déconcerte'r les autres. La jaloufie , la crainte & d'autres motifs , jetteront la divifion parmi elles. Les Anglois ont trop d'intérêt a la fomenter; ils font trop bons politiques, pour ne pas le faire. Ils offriront 9 celle qui voudra fe détacher de la ligue, des avantages trop précicux, pour qu'ils ne foient pas acceptes; & les Américains qui auront, cnmme la Hollande , négligé de préter 1'oreille a des offres avantageufes, feront facrifiés. L'Efpagne, qui n'a pas encore fait la guerre , commencera la premicre a faire la paix , & obtiendra la meilleure compofition. La France la fuivra de prés, par néceffité ou par convenance. Que deviendront alors la Hollande & YAmérique? La  2$8 Correfpondance Poïitique. Ceft" 55?" ' 13 -feU!e difficu,te' dans ee pays » * c eit qUon y cramt le retour de la nair X? ' chez nous on a tout fait pour 1'expul/e? T p mmc P^Américain ge'mit fous le jo«?dé ie* r,™ peU' maitres. Accable' d'impots , Jaont il ne CSUpas même le nom il v a (iï ,n? J • connoiifoit heureufe, de Ia liberté ^^feSSfiJ?^ hommes avant lui, n'avoient jo f au'm m^dT ^^^^^ ^ armee Francoife une fois rétirée- 1'Arm^ r> tmentale-ime fois diffipeé, rendroiem'ces SfnJS"" pourquoi les R^^SJ^ST' Jgg aux petits tyrans des rivagés XbZ tX; //i VHor^-zn. L'apparition de celui-ei kPhi tadelphie n'auroit probablement pas Mm ik Celui ü£ la facu te' d'en rejetter les ouverture pLiüqull ' Ou,] y ait du mécontentement en AmêrXlt' ce n eft pas ce qui étonnc: il y en a dans torn ^ ™- c'f-]k flir-tout un •AïSBflSf-&ïK riemen, ohgarchiques; un fruit qui croit touionrVfi,r cei til? efclaves tremblans au non du defo" n?', 1°nt,miIle fofs Pl"s redoutables & moins poltroL que les hommes libres qui les infultent. P°1ÜOns> Mais ce qui eft vraiment fiirprenant c'eft la har dieife avec laquelle les pre'dicans dla révoke A mertcame ment les maux qu'elle a produits & fel duoeStSfrqU;el,e, 3 Iak Mïtre a fes vSlni s, ?genf dupes & involontaircs, de quelques heureux intrU gans.  Civile & Litteraire. 299 sans. II eft faux que le peuple Amêricain foit unanime dans le voeu de confommer une inde'pcndance qui n'eft utile qu'a fes Chefs. M. Cerifier a beau nous le foutenir avec fon aifurance ordinaire: il ne le perfuadera jamais qu'a des hommes crédules, qui ignorent cequi fe paffe fur un foi défole' par 1'ambition, au nom de la liberté. Sans adopter les bruits re'pandus par les réfugiés de VAmérique, fur la défertion réelle ou prochaine de plufieurs provinces, il eft fur que la fauffe honte retientles unes, & que le defpotisme enchaine les autres. Si le peuple étoit délivré des gardiens qui 1'intimident; fi les contrées les plus foibles n'étoient pas alfervies a lavolonté des plus fortes-, fi les fuffrages étoient libres; s'il n'étoit pas dangereux de manifester des fentimens diflérens de ceux des Chefs qui ont opéré la fciffion au nom du peuple, fans le confulter, & en letrompant; fi enfin le vocu de la partie fouffrante, la plus nombreufe comme la plus utile de la nation, étoit écouté, on reprendroit les anciennes liaifons avec lamétropole, ou 1'on en formeroit de nouvelles auffi douces & auffi falutaires. Ces difpofitions tranfpirent même jusque dans le Congrès. La crainte d'un proteéteur trop puiffant, y fermente dansles efprits. Ony tremble qu'un fecours appellépour fervir d'appui, n'y acquiertune prépondérancc incommode. Déja fon influence y prend un caraétère allarmant aux yeux des hommes prévoyans. Les Sénateurs calmes, dégagés des confidérations de llntérét particulier, voudroient qu'on put revenir fur fes pas, & renouer avec la mere-patrie. Ils fe repentent d'avoir porté les chofes trop loin, & donné a leur machine une impulfion, qui nc leur permet plus d'en arrêter le mouvement a leur choix. II femble que Washington connoiffe & craigne touta-la fois cette diifention dans le Sénat. On a imprimé & affiche' en divers endroits de Pbiladelphie, fous le nom de ce Chef de 1'Armée, une lettre qui peint affez bien fes difpofitions & fes vues. Quand elle ne feroit point de lui, elle prouve toujours que fa poïitique & fes fentimens ne font pas inconnus a tous fes compatriotes •, que le peuple peut bien être victime de  3©o Correfpondence Poïitique. dePambition fans en être la dupe; qu'il n'y a pas dans le Congres ce concert qu'on nous yannonce „i cette ferme convicbon qu'un rapprochement un tèl nouementavec YAngleterre, font auffi honteux & auffi funeftes, que M Cerifier le foutient. Cette pïquinioe eft trop curieufe, pour ne pas lui donner une place Allarme au peuple d'Amérique. Monsieur. V Le Commandant Francois en Chef, dont les idéés '5, font parfaitement analogues aux miennes relati„ vement a la propriété de refufer toutes propofitions „ qm peuvent être faites par la Mere-centree me „ prie de vous communiquer nos defirs & notre 'prie„re, qm font, de vous oppofer en Congrès avec „ votre influence & vos talens, aux derniers'offres „ envoyes par Sir Guy Carleton. II vous plaira, Mon„ iieur, fignifiera nos bons amis P * * # r * * # „ & N * * *, dont l'autorité & lezèle ne peuvent „ manquer de vous appuier dans toute mefure dont „ vous defirercz de venir a bout dans cette aflem}) blee, que telles font nos expeftatives." Je fuis, &c. Cfigné') George Washington. Cette lettre eft fenfée adreffée a un Mr. T 3 A s> écüier de New-Hampfbire , dévoué ordres de M Wafhington. Selon 1'opinion du peuple de Pbiladelphie , voila bien vifiblement deux partis dans le Congrès .- Yïm pour la France; 1'autre pour lAnglctcrre1'un pour 1'admiffion ; 1'autre pour la réjection des offres Britanniaucs. A la tête de celui ci lont les bons amis du Général ; M M P * * * N * * * R * * » & T * • », qffi, par leur zèh & leurs talens, ont acquis affez d'alcendant dans l'as- fan-  Civile & Litteraire. 301 femblêe, & d'influence fur les fuffrages, pour venir A bout de toute mefure qu'ils defirent. Dans le parti oppofé, font probablement les hommes modérés, fages-, ceux a qui les maux de leur patrie ont donné de la réfipifcence ou des remords; enfin , ceux que 1'amitié ou la réconnoilfance attachent aux pilliers de 1'ancienne oppojition des communes YAngleterre. On fe rappelle avec quelle chaleur les Fox, les Burke, les Barre & autres oracles de ce parti, ont plaidé la caufe de YAmêrique. C'eft a leur éloquence bruiante, ou peut-être a leurs intrigues fouvent plus efficaces que des fermons parlcmentaires, que les Américains doivent le retour a la modération du Cabinetde St. James: c'eft a leur inftigation qu'il a fait partir des Négociateurs pacifiques. II eft alfez naturel, que leurs amis dans le Congrès, foient difpofés a accueillir des ouvertures, des offres, dont ils ont été les promoteurs. Mais Wafhington & fes partifans, fe foucient fort peu des harangucs de Wefl-Minjler. Ils ont dans leurs canons, des avocats plus éloquens que les Démojlhènes de 1'oppofition. Peu leur importe de quelle part viennentdes propofitions,dontl'acceptation dérangeroit leur fyftême de defpotisme. Ils ne fe croient pas tenus a la réconnoilfance envers ceux qui les ont provoquées. Ils foutiennent que les auteurs du plan de réconciliation , travailloient pour leurs intéréts, comme euxenle rejettant, ils travaillent pour les leurs. Afpirant, 1'una fuccéder a George III, les autres aux Miniftres, aux Gouverneurs dc leur ancien Roi, ils font bien loin de goütcr des mefiires qui déconcerteroient celles qu'ils ont prifes. Le Congrès doit être dans leur dépendance & a leur difpofition. S'il devenoit trop récalcitrant , le Cromwel de YAmêrique, comme celui de YAngleterre, iroit, avec fes Soldats, dilfoudre ce Croupion Ultra-Maritime. Cet heureux Diclateur d'une nouvelle Rome, perdroit fon autorité, s'il ceffoitde commander aux troupes , devenues inutiles après le retour de la paix. Celle-ciune fois fignée, laconfervation de celles-la feroit inadmiffible, felon la conftitution, & incompatible avec 1'ombrageufe liberté. II faudroit que leur Chef  3oz Correfpondance Poïitique. Chef allat planter des choux comme Biron, ou eultiver des navaux, comme ces f'ameux Romains, dont il exerce le pouvoir, fans pofféder peut-être leurs vertus. II eft du moins bien difficile de les concilicr avec le mérite pajjif ou négatif d'un Guerrier, dont les plus grandsexploits, jusqu'ici, fe bornent a avoir fait pendre le malheureux Andrê , paree ou'Arnold fut un Apoftat, &avouloir faire fubir le même fort a innocent Af gilt , paree qu'un brutal de Lippencote a commis une adtion lache & barbare. Ce fecond trait feroit auffi odieux, que 1 e premier étoit affligeant. Le Major André n'étoit point efbion; il ne put être équitablement exécuté comme tel. Ii étoit 1'émiffaire d'un Chef, a qui il ne pouvoit, felon le code militaire, refufer fans crime, fans déshonncur, d'obéir. II exécutoit une commiffion, dont il pouvoit trés bien ignorcr 1'objet; & un pavillon parlementaire, fous les aufpices duquel il fuivoit des ordres facrés pour lui, étoit propre a le jetter dans 1'erreur fur le b'ut de fa mifiion, & dans 1'ignorancc fur le danger qui 1'accompagnoit. II étoit envoié vers un des Commandans dc 1'Armée ennemie, qu'il ne devoit pas foupconncr capable d'une lacheté, ou d'une trahifon. Sous ce point de vue , il étoit donc un agent innocent, & non pas un émiflaire criminel. Mais Andrê fut arrêté travefti, dans une enceinte oü fon déguifement & fon parti le rendoient fufpeét. II étoit porteur de papiers plas fufpeéts encore, qui dépofoient contre lui. Trompé par Arnold, & trahi par la fortunc, il eut la délicateffe de ne pas compromettre fon Général. II refufa d'établir fa juftification fur fon ignorance. Toutes ces circonftances ont pu excufer 1'erreur de fes juges, ou juftifief fa mort. La nouveauté du cas, lajeuneflé, 1'honnetcté, lc courage, lc malheur du Major, la perfidic de 1'apoftat, tout fembloit plaider en faveur dc cette victime de fon devoir &de la lacheté d'autrüi: mais la durcté de Wafhington, plus inllexiblc que les loix cruellcs de la guerre, vouloit un exemple, & demandoit vengeance. André fut pendu. Les larmes que ceux qui lc condamnerent répandirent fur fa cendre font fon éloge; mais ne font-elles pas  Civile blique, en immolant un homme qui avoit eu des deffèins perfides contre I'Etat, ne crurent pas que leur devoir, ni le falut de leut pattie, les obli^eaffent a fe déshonorer par une dureté inutile. Ils eondamnerent Gortion a avoir la tête trancbée; efpère de chatimenc qui ne déshonore pas dans 1'opinion: lis lui laifferent la foible confolation de mourir décoré des attributs de fa profeffion. Ufutexécuté avec toutes les maiques militaires Ce moment terrible fut adouci pout lui par 1'idée que, s'il ne mouroit paj innocent, il ne. mouroit pas au moins déshonore. André, moins criminel, n'eut pas ces adouciiTe? mens aux angoilfcs affreules d'une fin dcplotable.  Civile & Litteraire. 305 jnes. Mais quelle jurisprudence pourroit légitirner le fortfunefte, dont le Capitaine Asgill eft desfauvages n'autoriié ccrtainementrien d auffi ïllegal &d'auffi barbare, ni de plus abfurde & deplusmjufte Ilsn'ontniloix, ni presquede formes, pour öter la vie a leurs ennemis. Quand ils font la guerre, leur unique but eft d'en détruire le plus qu'ils peuvent. Leur poïitique, leur Code militaire n'admettent point les modifications recues par les nations pohcees, msque dans les horreurs du carnage. Leurs rcprefatUer ont toujours un objet: lorsqu'ils iifent de ee droit affreux auffi infenfé qu'abommable, c'eft pour maneer la chair des viftimes qu'ils égorgent, ou pour compenfer par la mort Üe leurs prifonmers celle de leurs Compagnons qu'ils ont perdus dans le combat. Mais TsEuropéens avec leur politeflé & leurs prétcndus égards pour 1'humanité; les Amertcains qui ie oiquent de marcher fur les traces des Europeens, en adoptant leurs ufages & leurs pratiques, n ont at OM motifs, nices compenfations, dans 1'exercice du dioit de rcpréfailles. Ils n'en ufent pas comme les fauvaees, pour fe nourrir. Leur but ne peut pas etre norf Plus d'affoiblir leurs ennemis, puisqu ils fe lont un point d'honneur de leur accorder la vie fur ie champ> de bataille, & de leur rendre apres la viótoire, la faculté de les combattre de nouveau. C'eft pour exercer je ne fais quelle pretendue egalité qu'ils fe livrent a des aclions évidemmentjmielies & injuftes, fans aucune efpèce d'utilite ni de pront comme s'il y avoit du déshonneur on de la foibleffe, a ne pas égaler les autres en cruaute & en injuftice. Ils croient réparer un tort qu ils ont reS en en commettant un autre, & eftacer un affront qu'on leur a fait, par un outrage qu'ils font eux memes Ils vculcnt montrer de la digmte-, ils ne font preiive que de pétiteffe. Ptirce que leur ennemi s eft déshonoré, ils rougiroient de ne pas fe deshonorer auffi. Ils font paroïtre plus d'humc ur, d ertetcment, d'oro-ueil cue d'équité & d'amoiir de 1 ordre On ne Jut pas dire que les rcpréfailles foient fondées fur le droft du Talion. Celm -ci ne peut s éxe£ eer qu'entre les- individus: 51 ' 'exifte plus entre es  306 Correfpondance Poïitique, Nations. En vertu de ce droit, on peut faire lééft», mement a autrm le mal qu'on en a rc9u. Les rcpréfailles font tout le contraire: elles immolent innocent a la place du coupable. Le principe qu produit ce* deux aSes eft bien le même: cfelt la ven-eance le relfentiment Mais les effets font différens& même oppofes. II n'y a pas de parite entre minir un homme injufte de fes torts, sTvengcr fu? m homme innocent les torts d'un autre. C'eft fe fair? je avoue, juftice a foi-même, dans les deux cas' ou 1 onfe trouve également dans 1'impuiffanccde 1'obtemr par les voies ordinaires. Mais quelle énorme ?S°rP-nrtl0n drnS kS reTuI-tats? IndividuellemcntS? repréfailles ne font pas mjuftes; elles peuvent être mies: colleétivement, elles fom auffi affics'Juffi folies qu atroces4 ' Dans la lettre du Général Carleton dont j'ai parlé plushaut, ilyaunpaffage relatif a 1'aifaire q ffi mSk naitre les réflex.ons qu'on vient de lire; & dan? la re'poïltW ^f^^fhington on en trouve un auffi fur lemêrnefujet. Ces deuxfragmensméritent d'étre confcrvé^ Nous les mettons ici en face, moins pour faire connoïtre la différence de ftile de leurs auteurs °»« celle des fentimens de ces deux Chefs ' q EXTRAIT de la Lettre de EXTRAIT de la Réponfe 7 mai 1702. 1Q Mai J?o2> »* A tout évène- „ . ri^ i, rnm ment, Monfieur, il eft a nupcemem de cette gueno moidedeclarer, qu'au cas dénaturée, ma onduftea que la guerre doive avoir porti des témoignagesZva- le deffus, je tacherai d'en riabtes contre fes fxcès Z rendre les maux auffi le- bumains, «Jen trop d'ocl gers au peuple de ce con- cojions, olt marqué fes di tinent que les circonftan- virzp^r^^^ xontTe^e^mS r?' f%lff \l Permettre. pajpe ü auquelje préfume „Je trouve avec beau- que Votre Êxcellencefait coup de chagnn, que des allufion, j'ai déja exprimê perfojmespnvée* & fans waWuöoafiw/«K au- &  Civile & Litteraire. 307 autorite, de part & d'au- folution formêc fur la plu» tre, ont lache' la bride a müre délibération, & dont ces paflions, qui auroient je ne me de'partirai point. dü être re'prime'es de la maniere la plus forte & la plus cfficace, & qui ont entrainé des actes dc Repréfailles , lesquellcs, a moins qu'on n'y mette un obftacle convenable, pourroient avoir une étendue également calamiteufe & déshonorante pour les deux partis, quoi qu'elles paroifiént pernicieufes d'une maniere plus e'tendue pour les natifs & les colons de ce pays. Quelque diffërence qu'il puilfe y avoir a d'autres égards entre nous, Monfieur; dans ce feul point cependant, nous devons nousaccorderparfaitcment, ayant un intérêt égal a prélerver le nom Anglois de tout reproche, & a empéchcr que les individps n'éprouvent un mal non néceflaire, qui ne fauroit avoir aucune influence fur une décifion générale: je ferai toujours prét a embraffer toute mefure convenable,, qui pourra tendre a prévenir ces excès criminels: &, par une avance que je fais, comme un premier acte de mon commandement, j'ai fait élargir M. LivingJlon, & j'ai écrit a lbn pere fur le fujet des cxcès qui fe font paffes dans la Nouvelle ferfey, défirant qu'il concoure a toutes les mefures que les intéréts communs de 1'humanité pourroient requérir, même darjs un état de Guerre. Remarques fur ces deux Wlorceaux. Heft clair que M. Wafhington écrit mieux, ou qu'il a un meilleur fecrétaire que M. Carleton. On a fouvent fait cette obfervation fur les producfions officielles, ou Miniftérielles des deux partis. II paroit que le Congrès & fes agens en général font mieux fervis de la plume, que fe Miniftère Britannique & les fiens. Mais c'eft la un foible avantage , quand il s'agit d'objets aufli férieux que ceux qui les divifent, & oü les argumens du Canon font plus poingnans, que ceux de la dialeétiquc. Entre M. Cerifier 8c nous , les avantages de 1'éloquence ne font pas a dédaigner.Quoique notre rival prouve presque a chaque phrafe qu'il n'en fait pas grand cas, on voit aflez cepenX 3 dant,  3°8 Correfpondance Poïitique, ■dant, qu'il n'affeétc de fe mettre au deffus' de la pureré du jan age, & des agrémens du ftile, que paree qu'i! feroit de vains efforts pour les atteindre. Mais ce font la des puérilités indignes d'occuper des hommes en qui le deftin des nations repofe. Auffi n'eft-ce pas pour critiquer le faire des deux Chefs dont i'un propofé a YAmêrique , des expédiens, des ; efforts, de la bonne volonté, pour lui épargner le fpeccacle des fcènes infames & cruelles que la guerre enfante, & dont 1'autre rejette 1'offre avec un fang froid revoltant, que je les ai transcrits; mais pour faire obferver que les Commandans Britanniques inculpe's de la faëon du monde la plus grave, par le Politique_ Hollandois , de commettre ou d'autorifer des forfaits, des horreurs contre les Américains, font cependant les premiers a les de'sapprouver, lorsqu'il en arrivc , & a faire des avances pour les pre'venir; tandis que les infurgens, repréfente's par cet écrivain, comme les viétimes de'bonnaires de la cruauté, de J'infolence des Brêtons, refufent defe préter a des mefures tendantes a diminuer les calamités d'une guerre Civile. Pour mieux faifir le fens de ces deux articles , il faut rapporter le fait qui en a été 1'occafion. A NeivYork il y a beaucoup d''Américains réfugiés des diverfes provinces, & connus fous le nom de Loyalijles. Ils y ont formé une affociation; nos Gazetiers partiaux affurent qu'elle a pour objet la vengeance & la rapine ; ce qu'il faut bien fe garder de croire. II faut ajouter auffi peu de foi a leur récit, quand ils difent que cette affociation eft indépendante du Commandant en Chef. Cette efpèce de confédération, dont notre I continent n'a pas même d'idéc, eftformée fur le modelede celles qu'on voit fouvent en Angleterre, en Jr lande, & en Ecojfe. Son but eft comme celui de ces dernieres, de défendre les droits légitimes des individus entrés dans ces corporations, &de veiller au rnaintien des prérogativcs que la conftitution légale leur allure. Dans la Grande Brétagne, c'eft contre Pinfluencc de la couronne qu'eües fe forment: a NewYork, c'eft en fa faveur qu'elle s'eft formée. . J)e mêjnes qpm a i?ur effence, elle^ different bier* Cf-  Civile è? Litteraire. 3°9 eependantquantaleurpofition lrjM%S-wïË ièlBfirann\ues développeut leur energie: pkrla refiftance- celle de YAmêrique de'ployela fienne par I acSv te ' Les Loyaliftcs de New - York font armes commeceuxde VÉcoffe ou de Y Ir lande; mais is le font contre leurs compotes diffidens. lui d'une vëritable Guerre cml^^tM^L^ reveille des atrocités. - 11 eft impoffible quil ne s cn «ommette pas au dela des mers. r/V . Tl v a plus. Ces hommes armes pour foutcmr la caufe de leur fouverain, le font également pour vcnSr leurs injurès. Hs ont tous a fe plamdre dc leurs Soncitoyens , dont ils ont rc9u des outrages ou des ™Ss. fis ont perdu leur repos; ils ont du au,tter leurs habitations, pour fe fouftraire a la vi^ncö des factieux qui ont incend.e leur patrie f priétés ont été confifquées par le Congrès, ou[parles Etats des Provinces. Eft-il étonnant, que des hommes profbrits &dépouillés par les tyrans dc leur pays, Jefpi?ent la vengeance, & la fignalént quelquefois par clcs exces ^ r * Cependant on leur en reproche peu. Les fltaatg oues panéayriftes de l'infurre&ion Amencame lont réduits pour les chargcr, de recourir a des tepotoj res ou a de vaines déclamations. II eft vrai qu cn dernier lieu, un des Officiers de cette Legiondc volontaires , s'eft permis un acte de vengeance, également lachc & cruel. Le nommé White, un des aüociés ayant été fait prifonnier par les Amencams, dans une incurfion que cette troupc fit dans la Nouvelle ferfev , fut enfuite tué par fes vainqueurs^ on ne fait comment ni pourquoi, paree que fa'vérité ne fauroit franchir 1'océan fans s'impreigncrdcs vapeursdu menfonge. On affure que pour venger fa mort, un de es compagnons, nommé Lipencote, Capitaine parmi les Loyalifles, conduifitdans les Jerfeys le Capitaine Buddy Officier Américain, qui avoit éte faitpnfonmer par les volontaires; il 1'emmcna fous prétexte de 1 ccnanger & arrivé fur lafrontiere des Jerfeys, il lc fit. pendre. Si la chofe eft ainfi, la vengeance pourfuivie par les maitres d'Huddy eft tres légitime. M. Wafhington ioftruit^de cet 4dte'de barbane, 4  3»o Correfpondance Poïitique, des Américains, &de leurs Chpf? J v 6 la part htaires. Dans tous les rl{ t ? ' Pohtla."es ou Mi- un Souverain ou mgé^ralffiJ^ }e CeUli-ci> mais qu'on mi livreVrmTi. fe' ne dem^de jafon fujet, ou fóTso]dat ^ r^' amoins ^«e< ftr au Witte du délSSanf conte"te de s'adresoudu moinfu"er S2?r^,1-,pour Ie faffe P«nir, quelle confJqS tlrriWe JKStt8*^ °" fcnt re. Les habitat d'nn * 1 3 Pratlaue contraifouverain étwe 7^ eroien^ ]* pprd d'un tuéyour être 1leur rivli* /°Uveram naturel> ^ garder fon trouneautï' W0» berger pour Juger lui-mém? ó ^T5011 ^U droit l*cré de les. icernéï pTrTa loi & i?Ur m^Cr les chati™ns Le Chevaher Chnton S PH10V°fes Par '«urs delta, inconteftable q 'exerror donciait^ll'urc,r d'™ droit fufant £Ïto^^^,J&* i^icc> ^ reLipencote? Les Gazetie? LP^^" le coupable fon refus comme un Si dfSui' „?S ï^?0» ce qu'ils difent; & WalhinoZ ï, ' favent donc mant de la venaeanrT 7 ~ lu,'meme, cn s'ar, juftes du droit natuSI &Vee Iu defrL^ n°ti0DS C'eft 3 ce tribnnal rn»i * PrVr Mftniire fon procés, damne't s'il eftTouoïSe ,h^7f0WMPeut dn  Civile & Littéraire. 31» du tout, la fentence du confeil de Guerre, équitable ou non, doit le décharger entierement aux" yeux des vengeurs de la mort a'Huddy, qui le pourfuit; en forte que, fi après un jugement definitif par lequel Lipencote feroit abfoud, la fortune le mcttoit en la puiflance de M. Wafhington, celui-ci ne feroit plus en droit de le punir, fous prétexte que le tribunal oü il pouvoit être légitimement jugé, auroit négligé de lui infliger la peine due a fon crime. Voici pourquoi. L'èVreur ou la prévarication des juges compétents ne peuvent pas être imputécs a un pi évenu. II eft fenfé innocent, dès qu'ils le déclarent tel, par un jugement revêtu des formes. II n'en eft pas de même dans le cas oppofé. Quand leur ignorance, leurs. pasfions ou leurs méprifes tendent a lèzcr un citoyen, il eft permis de revcnir contre leur décifion, de faire rectifier leurs écarts, par une révifion, devant uu tribunal fupérieur. Mais lorsqu'ils vont a fa décharge , il n'y a pas de pouvoir au monde qui puilfe fans iniquité, entreprendre de redreffer un jugement, pour le rendre plus onéreux a celui qui en eft 1'objet. C'eft par ce principe, que les Souverains, qui jouisfentde la prérogative d'adoucir les fentences, decommuer les peines, d'en faire gracc aux coupables, ne peuvent pas, fans une tyrannie odieufe, les aggraver, dès que le condamné acquiesce a i'arrêt prononcé contre lui. Les cas oü le contraire a eu lieu, ont toujours révolté la raifon, &foulevé l'indignatfon, comme des actes de barbarie, produits par une vengeance brutale & impudentc. Ce n'eft pas tout. Dans 1'état ordinaire de la fociété, il eft toujours aifé de punir un criminel, dés que fon crime eft conftaté. Les loix font en vigueur, les tribunaux paifiblcs, les juges calmes. Perfonne nes'oppofe 3 1'application dc la peine indiquée parle légiflateur, pour expier tel ou tel délit; & il arrivé rarement, que 1'exercice de la juftice foit arrêté par des obftaclcs, ou troublé par des appréhenfions fur les fuites de fa rigueur. II n'en eft pas de même dans 1'état de Guerre, de .nation a nation, & dans ces circonftances épineufes, oü des coufidérajaons tiréss de lanéceffité, plutót qué  Si2 Correfpondance Poïitique. de la juftice, irifluent fur la conduite & Ia détermination des hommes. Dans les cas femblables a celui de Lipencote, un juge eft fouvent balance' entre fon devoir, & 1'idée du danger qu'il y a a le faire. II fent 1'équite du facnfice que la réclamation exige de lui: mais il voit le péril qui ménace fa patrie, s'il a le courage de le confommer. II eft méme quelquefois dans 1'impuiffance d'accorder 1'expiation que fa raifon approuve, & quela loi ordonne. Les exempl es de ce genre ne font pas rares. korre pays en fournit un célèbre & récent: c'eft celui dè MM. de Ncuville & van Berkel. Le Roi YAngleterre prétendoiten avoir recu un affront, que les couronncs ne pardonnent pas, & qu'elles vengent toujours, lorsqu'elles joignentle pouvoir au reffentiment: il en demandoit une réparation qu'on ne pouvoit pas lui accorder. Ii ne lui étoit pas permis de recourir anxrepréfailles, en fefaififfantde deux Hollandois innmicens, pour leur faire expierl'oftenfedontilfeplaignoit: c'eut été une barbarie cffroyable. Celle dont le terrible Washington ménace le jeune Ajgiil, e'ft-ëllemoins affreufe? Au lieu defe déshonorer parun crime inutile, George III &c fes miniftres ont eu recours a un procédé admis entre les nations, celui de venger fur tout un peuple, les fautes ou les torts de quelques particuliers. Quelque odieux que paroiffecet horrible droit des couronncs, d'envelopper une fociété entiere dans la punitionde quelques uns de lés membres, qui, par 1'évènement, échapent presque toujours aux calamités que leur imprudence ou leurs provocationsont attirées fur leur pays, il y a pourtant moins de cruauté & de bafléffe a 1'exercer, qu'a commettre un affaffinat déguifé ious le nom de repréfailles. C'eft au moins afdS risques & périls, qu'une puiffance entreprend de venger fur une autre, les outrages qu'elle s'imagine en avoir recus. Ce prétendu vengcur du droit des nations court des dangers; & s'il obtient des avantages, il peut auffi elfuier des pertes. Quelque heureux &formidable qu'il puifle être, la fortune peutlö trahit, & la prudence de fes ennemis le déconcerter. II caufe du dommage; mais ii en recoit. Les préparatifs qu'il doit faire pour armer fa vengeance, font déja  Qvile & Litteraire. 3*3 déïa une compcnfation des maux qu'il fait fouffrir aux autres - & il arrivé fouvent que la nation altiere qui nÏÏ Ss'fcu diffiraulcr une offenfé légere , fe voit reduite , iprès avoir dépenfé des millards, & facnfié cent mille de fes membres, pour foutemr ce qu elle arScllcla Mai eft é, la Dignité de fa couronne, a fijper S nïtó dfpa&c, qui remet les chofes fur le pied ou elles étoient avant la guerre. . „. Ouelle différence entre la méthode de fe faire juftice > la voie des armes, & celle de fe venger par des reprifailles! Ici, on voit le foible defarme faiü par lepiüffant qui abufe de fa force; qui s'en fait urt titre pour opprimcr 1'iunocent v qm rend les loix complices de fa barbarie , ou plutót, qm cornmet de fang froid, unc atrocité gratuite. Quand un aggreffeur iniufte fait une guerre violente a une nation paifibie, il reffemble a un brigand qui attaque des paflans fur un grand chemin: le voleur expofc fa vie en attentant a celle d'autrui: s'il affaffine, les tribunaux s appretenta venger fes forfaits. Celui qui ufc de reprefaiUes, eft mille fois plus coupable. II joint la pcrfidie a la cruauté, &la lacheté a la.violence. C'eft un infame autant qu'un barbare. , ,., . M Wafhington peut imiter le potentat qu il a abiuré fi les généraux de celui - ci refufent de lui donner une fatisfacfion légitime, de 1'attentat commis en la perfonne de 1'Öfficier Buddy: il n'a qu a battre les troupes Britanniques, pour fe venger du dem de juftice de leurs Chefs. Tout lc monde applaudira a fon triomphe. Mais en faifant pendre lc Capitaine\ Aseilt qui n'eft ni 1'auteur de 1'aftront, m la caufe du rems de le réparer, il fe rendroit odieux a fes contemporains , & fa mémoire ne paiferoit a la poften,té, qu'entrainant a fa fuite , une ignomime mcöa- ^On'ne voit pas dans fa conduite ni dans fes lettres, qu'il foit convaincu de ces vérités, bien capables cependant d'cnchaïner les pafflons fougucufes & feroces de ceux', qui, jouant un role brillant fur la leene du monde, font jalouxde 1'eftime des êtres honnêtes qui 1'habitent. Les procédures commencees au fujet Jel'affaffin Lippencote ayantete' imerrompues,  314 Ctrrefpondance Poïitique, le commandement du Chevalicr Clintnr, --m, , „ nvéedefon fuccefleur- le Swi\ ur u ffa' a l &f* •nanteette interruptie™ p&E^SÖ^f para a fe la faire a lui-même im£^A£tA les Officiers prifonniers du même irrade n!p u r■' °US ne fftirfrfy, afin que le haA H q"e,le, CaP"ai- ie S d?^ aU Capkaine SSpl ne age de 20 ans, rempli de niérirp *r « t -p d'un riche banquier de l Int es£u\ü leV^f la rébellion Arfca/w ne SoMt oour ÓSiS h r6 vengeance fanguinaire, que de erJreSifJ pour compenfer la perte des VinZ« VICt'»lcs? & nes gens de la ph/g ande esperanee ^ ? auffi plein de tafens f devertS!Xncfetó'' fl m> lacnfie a la p ace d'un anoftar c™ • ut Va 1'être . celle d'^afiX, ' & ^ CümPat«°« Je fins bien que le droit de la Guerre o»i nvff réfradtaires pe^ef^ fufion du fang de quelques uns. La nSte de faf" "Se q£ °n appeilc 3 P^ononcer fur leS de" de la rigueur de leur deftinée 9 nazard, focial, comme des beftiaux, dont orine faitcas on f propomon du prix qu'ils cóütent ,TS qu'ils  Civile & Litteraire. 3*5 qu'ils rendent. C'étoit aux ftipendiaires coupables de quelque défordre, réfractaires a la difcipline, auteurs ou complices d'une rébellion contre leurs fupérieurs, qu'on appliquoit la méthode de décimerpar les arrêts du fort, les têtes qu'il faut immoler a la fubordination. Les Officiers , un peu plus eftimés que leurs Soldats , n'avoient pas encore été foumis a cette formalité humiliante. II étoit réfervé a M. Washington, de flétrir leur caraétère par une marqué de fervitude ou dc mépris. Parmi les modifications que 1'adouciffementde nos moeurs a introduites dans la maniere de faire la guerre , les procédés honnêtes & généreux envers les officiers trahis par la fortune, tiennent fans contredit le premier rang. Autrefois les peuples viciorieux réduifoient leurs prifonniers a 1'efclavage ; & en cela ils étoLnt plus conféquens: aujourd'hui, il les traitent avec des égards & de la générofité; en quoi ils font plus humains, ou du moins plus polis. II eft fans exemple chez les nations modernes , qu'un vainqueur ait fouillé fes lauriers , cn aviliffant des militaires, dont il ne peut ceflér de refpeéter le cara&ère, fans fe dégrader lui-même. Wafhington ef£ le premier, qui aitavili les ornemens de fon triomphe, en les rabaifiant au niveau d'un troupeau de moutons innocens, ou de foldats criminels, ce qui ne difié're guères, que par la valeur de la chair ou de la toifon de ces deux cfpèces d'animaux. A ces obfervations fur le procédé inoui du Général Américain, ajoutons une autre remarque , également effentielle: elle roulc fur la difproportion °qu'il y a entre 1'offenfe & 1'expiatiom Buddy a été asfaffiné par im Loyalifle; fifa mort ne peut pas fe pasfer de vengeance, ce n'eft pas parmi les Officiers Bretons qu'il faut en chercher 1'objet: ils n'ont rien de commun avec les volontaires de New-York. Le Capitaine Afgill, n'étant pas enrolé fous leurs drapeaux, ne peut être ni refponfable, ni viétime des outrages qu'ils font a leurs ennemis. C'eft parmi ceux d'entre-eux que le fort des armes ajettés entre les mains des intürgens, que le Chef de la ré- bel-  gi6* Correfpondance Poïitique, beliion doit choifir la tête qu'il veut offrir aux in3» nes de fon officier, pendu par un des leurs. Enfin, la conduite de ce G énéral n'eft pas feulement cruelle & impolie-, ellene bleffe pas uniquement les égards dus tout-a-Ia fois a la juftice & a la bienféance: elle porte encore un caraétère de mépris pour les conventions, que les guerriers de nos jours refpeétent fcrupuleufement: C'eft une violation revoltante d'un traité, en vertu duquel ia perfonne d'Af gilt eft devenue facrée comme lui. Suppofé que les Militaires Anglois puiffent être envifagés fous le même point de vue que les Loyalijles, & en confe'quence , qu'il foit permis d'ufer de repréfailles fur les premiers, pour réparer les crimes des feconds; ce ne feroit au moins que fur ceux qui feroient pris les armes a la main, comme Huddy 1'a été, que cette horrible & abfurde vengeance devroit tomber. Le Capitaine Af gilt eft devenu le prifonnier des Américains a la reddition d'York-Town.- il appartenoit a 1'Armée de Cornwallis, & non au Corps des volontaires de New-York. La capitulation qui lui a óté la faculté de fervir Ion fouverain, a rendu fa perfonne inviolable a fes vainqueurs. Ils n'ont acquis des droits qu'a fa liberté. Ils ne peuvent attenter ni afa vie, ni a celle de fes compagnons d'infortune, fans fe couvrir d'opprobre aux yeux des nations policées. La home d'une adtion auffi cruelle, d'une infraétion auffi lache du droit des gens, réjailliroit fur les Rochambeau, furies la Fayette, héros qui regardent 1'honneur comme le premier de leurs devoirs. Cependant le Général Wafhington paroit décidé h pouflér les chofes a toute extrénuté; a ne refpeCter ni la foi des traités, ni la parole des Francois, ni fa propre iignature, ni le ferment du Congrès, garand de la capitulation d'York-Town. Si Lippencote n'eftpas livré ou pendu, ledur &inflexible commandant de YAmêrique, déclare qu'il fera pendre le Capitaine Afgill. Arrivé a New-York, Sir Guy Carleton lui écrit pour lui témoigner combien il eftaffligé des excès commis par des individus fans caradtere ou fans ordres. II 1'invite a remédier de concert avec lui a des maux inu- tiles,  Civile & Litteraire. p$ més a des crimes fupcrflus, qui, fans pouvoir influer fur le fort de la guerre, ne tendent qu'a déshonorerle nom Anglois, qu'ils font tous deux également intérelfés a préferver de tout reproche. Pour réponre il recoitl'aliürance froide & laconique, que la réfolution de couronner toutes ces horreurs par 1'affaffinatd'un jeune homme honnête & innocent, eft fixe, mürement pefée; que fon auteur ne s'en départira pas. Hé bien , M. le Difiateur; imprimez a votre nom une note 'de lacheté & de bar'barie: ce font vos affaires Mais fachez que vous n'empêcherez pas 1'indignatton de tous les peuples, defe foulever contre votre cruauté. Mais a propos de ce héros taiat celebre, il en a paru dans la chafte Gazette d''Amfterdam un portrait rëmarquable. On y reconnoit la touche, oulepinceau d^ M Cerifier. Au ton guindé, au ftile contourné, alamarche lourde, on feroit tenté de Pen croire 1'auteur. C'eft un éloge outré, bien plus qu'un portrait reffemblant. Lepeintre fait des efforts impuiffans pour nous donnerun deffin correct & un coloris faillant. On voit qu'il travaille d'imaginaüon & non d'après nature. II ya des gens qui attribuent ce panègyrique a un Abbé Robin.- C'eft auffi un écrivain deftingué que ce M. Robin. II nous a donné; Nouveau voiage dans l'Amérique feptentrionale, en l'année 1781, 0 Campagne de l'Armée de M. le Comte de Rochambeau. En parlant de 1'arrivée des Fmnpois a Rhode-Island, il dit qu'elle répandit la terreur parmi les habitans; & dix lignes plus bas, dans la même période, il allure que leur départ attrifte mille fois plus que leur arrivée ïïavoit allarmê. A ce compte la terreur étoit bien foible, ou la trifteflé eft bien vive. Quand on écrit des balivernes ou des erreurs, on eft ordinairement auffi exaót dans le choix des mots, qu'éloquent dans 1'arrangement des idéés. Faut-il s'étonner fi le portrait de M. Wafhington, tiré par des hommes auffi habilcs que MM. Robin Sc Cerifier, elt un modèle d'élégance & de vérité. Ce morceau eft trop piquant, pour négliger d'en faire part a nos leéteurs. II pourra aiguifer leur goüt, ou flat-ter leur vue. D'ailleurs, nous 1'accompagnerons de quel-  Si8 Correfpondance Poïitique, quelques reflexions, propres a en faire reffortir let fceautes,^ & a en relever la faveur, s'il arrivoit ou'il parut n'etre qu'une louange fade, ou une flagornerie ©utree. Le voici donc. ö „ L'amour de la liberté, fditle Gazetier J'Amiïerdam ,) inné chez tous les hommes, & qui êchauffe aujourd hui de fon feu divin les habitans de /'Ame'riaiie Septentrionale , anime fpécialement l'ame êlevée de Washington. Modefïe & Simple dans la carrière brillante qu'il parcourt, oü il feroit ft pardonnable & R factie d'eprouver des mouvemens d'orgueil ce eéné~ reux foutien de la liberté de fa patrie, femble ne connoïtre d'autre plaifir privé que celui de faire le bonheur des hommes qui ont remis entre fes mains la défenfe de leurs droits naturels. On pardonnera donc d un cofmopolite, admirateur des vertus, fous quel climat qu'elles foient éclofes , de dejjiner oux yeux des hommes de tous les pais, le portrait d'un heros dime .de tous les éloges pub lies & particulier s. II ne pourra fans doute qu'être bien accueilli, furtout chez des républicains dom le fol efl encore éclairé par les doux rayons de la liberté." Portrait du Général Washington. „ J'ai vu Washington, ce héros, l'ame, le foutien d'une des plus grandes révolutions qui foient jamais arrivées. . . . Je l'ai fixé avec l'attention qu'infpire toujours la vue des grands hommes.- il femble qu'on troit retrouver dans leurs traits des tracés du génie qui les diftingué & les éleve au-deffus de leurs femblables. Washington eft fait plus que perfonne pour entretentr cette opinion. D'une ftature grande noble , bien proportionnêe , d'une phiftonomie ouverte douce , tranquille , d'un extérieur fimple £f modefle, il frappe, intereffe, Francois, Américains ennemis même. Placé d la tête d'une nation oü chaque individu partage l'autorité fuprême, oü les loix coactives font presqu'encore fans vigueur, oü le climat les mceurs, donnent peu d'énergie, oü l'efprit de parti, l'intérêt particulier, la lenteur, l'indolence nationale, ralentiffent, fufpendent, renverfent les mefures les'  Civile & Litteraire: 31J fti mieux concertêes, il a fu former des troupes d la. fubordination la plus abfolue , les rendre jaloujes de fes e'logel, leur faire craindre jusqu'd fon filence, pro-* jonger leur confiance, méme après des défaites, par'venir a la réputation la plus brillanie, obtemr le pouvoir ie plus étendu, fans irriter l'envie, fans faire nattre des foupcons , fe montrer partout fupêneur d ld fortune, développer toujours dans 1'adverfité des rhotens inconnus, &, comme fi fes facultés s'aggrandijfoient avec les dijficultês, ne trouver jamais plus de rejfources que quand il femble n'en plus avoir; ne porter jamais aux ennemis des coups plus redoutables que quand ils 1'ont vu vaincu; exciter l'enthoufiasme du peuple qui en eft le moins Juf ceptible, capter les refpects, les hommages de ceux, qui avoient le plus d'intérêt d les lui refufer conduire fes projets par des routes fecretes qui écbappent méme d ceux qui en font les inftrumens. In*< trépide dans les dangers & ne les eherchant que quand. le bien de la patrie l'exige, préférant de temporijer & d'étre fur la défenfive, parcequ'il doit tout attendre dii temps & qu'il connoit le génie de fa nation. Econome, fobre pour lui, & prodigue pour la caufe pubItqUe 0 comme Pierre le Grand, il a, par des défaites, con* duit fes troupes d ld viBOire; comme Fabius, mais avec moins de rejfources & plus d'obftacles, il a vaincu pour ainfi dire, fans combattre, & afauvêfa patrie. Telles eft l'idêe qu'on fe fait de ce grand homme, en le voiant* en examinant les événemens oü il a eu part, en êcoutant ceux qui l'approchent de plus prés. Sb vue eft, danstOu* tes les contrées de la république naijfante, celle d'un diea hienfaifant. Vieillards, femmes, enfans, tous courent fur fon paffage avec Un égal emprèjfement, fe fêlicitenb de Vavoir vu. On le fuit dans les villes avec des tormes allumées. On fête fon drrivéepar des illumindtioni publiques. L'Américain, ce peuplefroid, qui, jujques au milieu des troubtes, n'a fuivi d'autre impulfion que. celle de la mèthodique raifon, s'eft animè, s'eft enftam* mé, & les premiers chants que le fentiment lui ait ait~le$. ont été pour célébrer Washington. Tom. II  S3° Correfpondance Poïitique, Observations sur ce Port rait. JPour peu qu'on apporte d'attention a la leéïurc de cet article, on s'appcrgoit fans peine, qu'il ouvre un vafte champ a des critiques fondées de plus d'une eipece. D'abord, pour commencer par celle des termes, que fignifie cette'phrafe? une nation oü chaque individu partage l'autorité fuprême. C'eft Ja du Cerifier tout pur, & pour les mots & pour les chofes. Un autre, en mentant, tacheroitdu moins de s'exprimer en rerrnes congrus: il auroit dit, participe d, & non • partage. Quand on diftribue une chofe entre plufieurs pcrfoi.nes, on partage; quand ona cette chofe cnproprieté, onlapoffède; quand on n'enaqu'une portion, on y participe. Le pauvre Gazetier ne fauroit eenre, ou copier, ou traduirc une période, fans donner des entorfes au bon fens ou a la kngue. 11 vous dit enfuite que les loix coaétives de l'Amêfique Septemrionale font presque fans vigueur, comme fi on ne favoit pas que les loix du Congrès & des Etats quile compofent, font trés vigourcufes. Cette phrale convient parfaitcment a notre Réoublique qui exifte depuis deux fiècles, &point du tout a celle des Américains, qui n'exifte que depuis fix ans. Si nos placards n'étoient pasnuls, & l'autorité d'oü ils émanent paflive, nous n'aurions ni Poïitique Hollandois, ni autres écrits incendiaires. Nous manquons d'une force réprimante, pour contenir ou réprimcr les facïieux de tout ordre qui défolem. notre pays, & les fujets des Miats-DnisiiouvÊTit celle que leurs Chefs dirigent trop aólive. Lc zèle pour M. Washington trahit ici fon faifeur de portrait. On fait qu'un des refreins éternels du pouvellifte d'Amfterdam, c'eft de louer a toute outrance les Américains. Selonlui, ils forment un peuple de héros, unis pour la défenfe de leurs droits les plus facrés, plcins de foumiffion a 1'ordre public, & d'amour pour la patrie, a laquelle ils font préts de fa«nfier leurs biens, lear repos & leur vie. Tel eft Ie ma*  Civile & Litteraire. 321 Jangage de M. Cerifier, comme e'crivain bebdomadaire, d'un bout a 1'autre de Ton ennuieufe feuille. Ici, comme Gazetier, pour faire 1'éloge du Chef de 1'arme'e Américaine, il fatirifc la nation entiere ; il la repre'fente déchirée par des facfions, guide'e par 1'avarice, dominee par 1'inte'rêt', livre'e a 1'indocilite', k 1'indolence, & même, animéc par la re'volte. II repréfente le Général Américain triomphant par fa patience, fes talens & fa fermeté, de tous les obftacles que 1'indiiférencc ou la mauvaife volonté de fes concitoyens oppofent a 1'exécution des mefures coucertécs pour le bien public : formant fes troupes a la iubordination la plus abfolue; comme fi nous ne favions pas qu'elles ont fouvent donné des preuvesd'indifcipline & de mutinerie. On en a vu, il y a vingt mois, un exemple rëmarquable, lors que, commandans, officiers & foldats fe débanderent; menacant leur Général & le Congrès d'une défertion complette. Sans M. de Rochambeau &l'armée Francoife, il ne feroit plus refté un feul Américain fous les étendarts de la Liberté. On nous dit que le Chef des troirpes continentales eft parvenue a les rendre ja'loufes de fes êloges, d leur faire craindre jusqü'd fon filence: cela eft trés bien dit, & peut-être fort bon en rhétorique. Mais quand ort peint d'imagination, on peut décrire des merveilles„ tout comme des monftres. Ce n'eft pas ici le premiec roman publié par M. Cerifier. Son héros a fu parvenir a une réputation BrillaN^ te. Brillante , oui; mais eft-elle également folide ? ce font la deux chofes un peu difiérentes. Le P. de Montesquieu, MM. a'Alambert, Diderot, Marmontel, font aufli parvenus, dans leur genre, a fe faire une brillante réputation. Cependant, aux yeux de la raifon, leurs écrits la juftifieroient difficilement. Rien n'eft plus fufpect que des réputations brillantes: elles font, d'ordinaire, le prix de la médiocrité, foutenue par les manéges de 1'intrigue, & prönée par la fottife du public. La renommée eft aveugle. Sa trompette exalte avec fracas les hommes médiocres, & oublie fouvent Ie vrai talent. Les phénomènes qu'elle préfemc.üux contemporains, pgur e» receY 3 voir  322 Correfpondance PoUHque, voir les hommages, transmettent rarement aux fiécles futurs un fouvenir ou des titres qui captivcnt ceux de la poftérite'. Les véritablement grands hommes ont presque tous refte longtemps ignorés: peu ont été appi éciés avec équité, ou dignement célébrés dir nt leur vie. Des milliers d'exemples montrent la jufteffe de ces obfervations. Sans en chercher bien loin, M. Cerifier nous cn fournit un déciflf. A force de déraifonner avec hardieffe, & d'cftropier fans pudeur le fens commun, comme 1'idiome Francois, il eft parvenu auffi a fe faire une réputation quelconque. De bonne foi, pcnfe-t-il q-a'elle furvive aux chiffons péiiodiques qui lui fervent de fondemem? Tandis qu'il enfume d'enccns, ou du moins, qu'il lbüé avec cxcès un Américain, qui doit lui être indiflérent, il refufe juftice a fes concitovens, qui devroient bien toucher un peu fon ame'philofophe & jon cceur patriote. Que dis-je? il les outrage avec une audace puniffable. ün'apas répugné a proftituerfes talens & a déshonorer fa plume, pour rendre lc Prince d' Ordrigè fufpect d'infidélité ou de prévarication ; & lc Duc de Brunswick de perfidicou dc trahifon. Ces perlonnages la, fans doute, valent bien M. Washington. Ils ont peut-être plus de valcur & de talens militaires; ils montrent certaincment autant de prudence & des qualités auffi précicufes, dans des conjonctures beaucoup plus difficiles. Cependant, comment les traite-t-il? Au lieu de leur éloge, on trouve dans fes faitidicufes rapibdies, des fatires criminclles, & des infinuations odieufes. Et nos marins donc; nos héros du Doggersbank, avec quelle coupable impudence n'a-t-il pas ofé les compromettrc? Mais, que ne doit on pas attendre d'un auteur qui, en trois lignes, outrage, avec une irrévérence fcandaleufe, trois têtes couron' néos a la fois? (i) M. Washington a feu obtcnir le pouvoir le plus étendu. Ah! voila fans doute, le fondement de la répu- ta- f i) Vcyez Ie FtliOiut Heiiamis, Toms III, No. 7*1  Civile 5? Litteraire. 323 tatïon brillante dont il jouit. II eft certain, du moins, que c'eft la le moyen le plus abrégé, comme lc plus infaillible, pour rlxer les regards, & attirer les applaudilfemens du public. Le pouvoir tient fouvent lieu de mérite ; il accourcit beaucoup le chcmin qu'il faut parcourir pour arriver a la renommee. Un homme puiffanteft, ipfofaclo, un grand homme, furtout aux yeux de ceux qui ont fujet de le craindre, ou intérêt a le flattcr. 11 eft probable que le Cromwel de YAmêrique eft plus jaloux d'un pouvoir étendu , que d'une réputation précieufe; il a du moins pris plus de peine pour s'affurer 1'un, qu'il n'a fait d'aclions propres a mériter 1'autre. Ce qui eft vraiment admirable, c'eft que dans un pays libre, oü les loix coachves font fans vigueur, oü chaque individu partage l'autorité fuprême ; il y ait un citoyen qui parvienne a s'emparer du pouvoir le plus étendu, fans irriter fenvie, fans faire nattre des foupcons. D'abord on peut hardiment dire a MM. Robin & Cerifier, que cela n'eft pas vrai. Washington n'a pu étendre fon autorité, fans refferrer celle de fes concitoyens , conféquernment fans blcflér leur amour-propre, comme leurs droits; fans exciter leur jaloufie auifi bien que leurs craintcs. Par tout les hommes font défians Sc ombrageux. Dans les contrées oü ils prétendent a une égalité poïitique ou civile, un de leurs fcmblablcs ne peut élever la tête au deflüs des autres, fans faire naitre leurs allarmes: fon élévation effccUve ou apparente, eft pour eux le fjgnal de 1'ufurpation , ainfi que celui de la révolte. A Rome, 1'action Indifférente de faire batir une maifon fur un terrein élevé, paroiflbit un fymptöme de defpotismc, qui mettoit lc peuple en fureur? S'il n'en eft pas de même, proportion gardée, en Amérique , c'eft tant pis. Dès qu'un citoyen peut y arrondir, ou cnfler fon pouvoir, aux dépens de celui des autres, fans exciter leur dénancc & leurs réclamations, c'eft une preuve qu'ils ne font plus que des efclaves, ou qu'ils vont bientöt le devenir. Ce feul trait termine la conteftation, élevée pour favoir ii les Américains combattent dans la vue dc deveY 3 nir  324 Correfpondance Poïitique, nir libres , ou d'avoir de nouveaux maïtres. Que deviennenttout.es les vaincs déclamations du Poïitique Hollandois, furie bonheur d'un peuple foustrait a la pre'tendue tyrannie de George III, dès qu'un feul individu peut ufurper une autorite', qui lc ménace d'uri efclavage récl? Mais le Général Washington n'abufc pas du pouvoir qu'il s'eft approprié : il cn ufe avec tant de prudence & de modération, qu'au milieu d'une nation dont chaque individu partage l'autorité mprêrfle, il n'irrite point 1'envie, il ne provoque point les foupcons. Si cela étoit vrai, «e feroit encore tant pis. 11 vaudroit mieux qu'il infpiratdc Pombragc; qu'il donnat des craintcs. On fentiroit au moins le befoin de prendre des précautions. Tous les ufurpateurs hapiles, ont été des charlatans, de vrais comédiens. Ce futen légitimant fon ufurpation par fa douceur-, cn faifant oublier fes crimes par des bienfaits, qu' AuguJJe fraya Ie chemin aux tyrans de Rome. Oh n'auroit jamais vu Cromwel dévot, hypocrite, fi fes cómpatriotcs n'avoient pas été fanatiques; s'il avoit pu prendre la place de fon Roi, fans rendre la Religion complice de fes forfaits. Enfin, il ne faut pas croire a ces phrafes dc rhétoricien: obtenir le pouvoir le plus étendu, fans irriter 1'envie , fans faire r.aitre des fóupyons. Tout le monde ne convient point de leur juftcfié. Les fénatcurs de Philadclphie, les Arifiécrates dés provinces, nc font pas dc 1'avis du peintrc de M. Washington. Ils ont des inqüiérades, & le peuple des appréhenfions, qu'il feroit également imprudent & dangcreux dc laiflér transpircr. D'un bont a 1'autre de fa pefante feuille, M Cerif er reprélénte les Américains comme un peuple enthoufiaftc dc la liberté: on voit même, de temps en temps, paroïtre dans fa gazette, des pièccs qui les feroient paffer pour de fanatiques adoratcurs du fantóme de cette divinité chimérique. Ici, le faifeur de portrait, affure que fon original excite l'enthoufiasme du peuple qui en eft le moins fufceptible. II nc faut pourtant pas s'étonner de cette contraöicliont II y a des inconléqucnces bien plus frap* pan»  Civile £? Litteraire. 2a$ pantes chez les panégyristes de la revolte du nouveau monde. En voici une du peintre de M. Washington. Ii dit que ce Général fait Capter les refpects , les hommages de ceux qui ont le plus d'intérêt a les lui refufer. II crqit faire 1'éloge de ion héros: il ne s'appercoit pas qu'il en fait la faüre. Capter .dit toute autre chofe que l'écrivam ne vouloit dire. II fe prend toujours en mauvais fens. On. 1'applique aux hommes médiocres, quiufurpent, par des manéges , des refpedts & des hommages dont ils ne font pas dignes. Etre intrigant pour Capter 1'admiration des fots, & redoutable pour impofer filencc aux cenfeurs, eftun mérite qui conduit infailliblemcnt a une réputation brillante. Washington fobre pour lui même, eft une idéé nouvelle; on ne 1'eft pas pour les autres. La fobriété eft une vertu perfonnellc: elle ne contraftc point avec la prodigalité, qui peut être un vice public,, dans un homme d'état. Perfonne n'auroit jamais foupconné le Général Américain fupéricur aux Condés, aux Turcnnes, aux Guilleaume 111. Lc voila pourtant 1'égal dc Pierre Ier, & au deffus dc Fabius. Cependant, quand on confulte les évèncmens, auxquels fon panégyrifte nous renvoie, on trouve lc portrait un peu flatté. Qu'a donc fait ce chef de' rebelles, pour jufiafier ces louanges excelïïves, ou pour mériter une dofe auffi forte d'encens, que dédaignent toujours ceux a qui on peut, lans adulation, le faire refpirer? La fcène de Saratoga, une des plus décifivcs de la guerre YAmêrique , fut 1'ouvrage d'Ar■nold, plus que celui de Washington. La gloire de celle d'York- Toivn, non moins importante, appartient aux Rochambeau, aux la Fayette, aux St. Simon, aux de GraJJe. Le Général Américain n'eut guères d'autre part a la reddition de la place, a la prife des troupes qui la défendoient, que celle de recevoir 1'épée de Cornwallis , que le commandant Francois ne voulut point accepter. M. Washington n'a encore vu que de loin, lefeude 1'ennemi: 11a toujours laüTé.aux autres chefs de fon parti 1'honY 4 lacur  %i(> Correfpondance Poïitique, neur de paroïtre intre'pides au milieu des dangerg. Pour lui, la prudence les lui a toujours fait éviter. C'eft la, fans doute, un mérite ; mais ce n'eft pas celui des héros: A vaincre fans péril, on triomphe fans gtoire. Pour ne pas trop fatiguer nos Iccteurs, nous ne rapporterons plus que deux échantillons des rabachages de M. Cerifter.- 1'un, fort court, eft un rnodèle des Itile; 1'autre, un peu long, cn eft un de déraifon. De Rhode-Island, le 19 Juillet 1782. Notre Réfublique fêdérative imagine chaque jour de nouvelles prêcautions pour couper tout commerce, toute corresfondanceavec 1'ennemi. Dans tous les Etats, on prend toutes les mefures poffibles, pour faire ohferver l'édit, gut défend toute importation de marchavdifes Britanniques. .... Tout eft bien, dit 'le célèbrc Pope. Au commencement de feptcmbre de cette année, le Gazetier d'Amfterdam entretient encore Ie public <\'Europe, du fameux combatnaval, du 12 Avril précédent. II parle de la démutc complette des Francois, de la viétoire ftgnaléede Rodney, comme d'une efcarmouche, ou du moins, comme d'une affaire équi'yoque, fur laquelle on manque de détails & de lumieres. Cette affecfation ridicule n'eft pas fans pbje»:. Elle fqurnit au périodiste 1'occafion de débiter une ca-, pucinade Amêricaine. II la met dans la bouche, ou fous la plume d'un habitant des rivages Atlantiqucs. Son génie poétique lui fait fouvent introduire des perfonnages fabuleux fur la fcène, pour débiter fes romans politiques. En voici un curieux, qui mérite, $infi que fon auteur, une diitinction particuliere. De Philadclphie , h Obfervations fur la pièce 9 Juin 17S2. * ci-tontre. „II ne faut pas croirc Lanéceffitéquifaitun deque 1 es intrigucs de la g» an- voir de dijfimuler leurs f ende Bretagne, parviennc ja- timens, d ceux qui ne font mais anous détacherde nos pas de 1'opinion qu'une étroiadhe's i la. reconnoiffance & te union «nfre /'Amérique Ia &  Civile & Litteraire. 3*7 la poïitique nous comrnandent une conduite franche & droite; & nos intéréts réciproques font eifentiellement lies a une étroite union. Cette opinion eft fi bien établie en Amérique, que ceux qui penfent diffèremment n'ofent le faire cpnnoitrc en public,. „ Les réjouiffances générales , manifcftécs dans toutes les parties des EtatsUnisv. 1'occafiondelanaisfance YunDauphindeFrance; lerefus d'entrerennég.'ciation particuliere dans le temps oüla nouvelle de la malheureufe affaire du 12 Avril auroit pu nous décourager, montrent la chalcur & la fincérité de nos fentimens, if la France, ne prouve las que cette opinion foit ii univerfetlement refue , ii profondement enracinée iansl'efprit JwAméricains. Dans des temps orageux , ce font les hommes paffwnês qui font du bruit: les hommes fages reflent muets; leur voix ne fauroit fe faire entendre au milieu du tumulte des paffions. II ne faut pas traverfer l'océan, pour trouver des excmples qui confirment cette vérité.Chez nous, ceux qui n'approuventpas tant de procédés qui ont eu lieu depuis quatre ans, oferoient-ils le dire publiquement ? U pourroient - ils méme fans danger? Ni 1'une ni 1'autre de ces deux chofes ne montre n'en. Sur le rcfus duCongrès d'entrer en négociation de paix avec /'Angieterrc , voyez ce que mus en avons dit plus haut. Quant aux réjouiffances que la naiffance d'un Dauphin a motivées dans toutes les parties des Etats-TJnis , ce ne font que de vaines formules , une fimple politeffe, qu'on ne peut pas prendre pour l'expreffion des fentimens de ceux qui fe conforment aux unes, & qui rendent 1'autre. II efl toutfimflequelesAméricains, AlHés de la France, prennent  33& Correfpondance Poïitique, 5, C'eft ce quedémontrc Ia lettre fuivante, écrite par un membre du Gouvernement Américain. „ Nous n'avons recuauenn avis des Isles Franpoifes, qui puilfc difüper ou diminuernos craintes au fujet des actions entrclaflotte de notre Allie'& celle de »©trc ennemi j cependant part au bonheur de fon Roi. Après s'être réjoui de fa félicité perfonne/les par poïitique, ou par d'autres principes , ils n'en feroient pas moins difpofés d fe détacher de fon al lian ce, s'ils le pouvoient décemment, ou avec fureté. D'ailleurs, il y a un an que nous faifions auffi des réjouiffances pour le méme fujet. Les Francois qui en faifoiem bienplus que nous, s'enfouvienmnt a peine aujourd'hui. Et puis, on ne dit pas que des réjouijfanc w/emanifeftent; elles fontelles mêtfie la manifeftation de la joie. Quand celle-ci fe ■manisfeflepardesfêtes, des ieftins,rfejcocagncs-,ondonne des réjouiffances: quand c'eft par des tfaxx,; on les fait. Af.Cerificra toujours foin de mettre fes rcvêries dans la bouche de quelqueperfonnagc important, düt-il le rendre ridicule. II a mis auffi fous le nom d'autrui, la lettre d l'Abbé Raynai, dans laquclle il infulte trois potentau d la fois. On voit par Pentortillage de cettepêriode,que le Gazetier d'Amfterdam ne fait ce qu'il veut dire. II ne peut pas ignorer, au mois de feptembre, que la cour de France n'a pas fait publier de rêlation,  Civile & Litteraire. je fuis portéacroire, que i les récits publiés par celui- i ci, quoique trés defeélueux, . fontnéanmoins vrais: mais ; les rélations Frangoifes pourront feules nous ap- . prendre le dommage effnié par la flotte Britannique. „ II elf, quelque peu dc gens parmi nous, qui raifonnant, d'après les impoflures auffi hardies que fréquent es aes Anglois, &d'après quelques contradictions qu'on remarque dans leurs rapports, doutent env-ore de la vidtoire qu'ils s'attribucnt. ion du dêfajlrs que faflotea ejjuié, le 12 Avril, fe'on Jon ufage conflant dene oas mettre le public dans la -onfidence de fes affaires, furtout de fes pertes. Qtie ftgnifie ce verbiage-t des récits, quoique défectucux, qui lont néanmoins vrais ? s'ils Jont defeélueux; commentfont-iis vrais?s'ils font vrais; pourquoi fontils défeclucux ? 1'un de ces attributs dêtruit néceffairement 1'autre. Et puts, que nous impor- ■ te, au mois de Jeptembre, cequ'unmembredu Gouvernement Américain efl porté acroire fur l'atlion trés fanglante du 12 Avril? Qu'il en croiece qu'il voudra; l'isJue n'en a pas été moins fu'nefte a un parti, qu'utile ö", glorieufe d Vautre. , Si M. Cerifier avoit de la cohérence dans les idéés Gf de la jujleffe dans le jugement, on lui feroit obferv er que la contradidfion ne Je trouve pas dans lesrapports des Anglois, mais dans ce qu'il écrit. Le paragrapbe correspondant dêtruit celui qui le prêcède. Plushaut, c'étoit le membre du gouvernement qui doutoitduJuccès des Anglois; ici ce font quelque peu de gens. II n'y a pas eu de contra* didtions dans les rapports 4e/  35» Correfpondance Poïitique, des vainqueurs. lts fe font tous accordés a s^attribuer la vicloire, & leurs récits, quoique défeétueux, fe font néanmoins trouvés vrais. Cinq FaiJfeauxFrancois pris avec deux frégates;unfxième fauté en fair, famitai[fait prifonnier, font les tropbces qui conjlatent leur triomphe. Quant d leurs impoftures auffi hardies que fréquentes, onpeut croireque la Cour de Londres ö° fes commandans, ne fe piquent pas toujours de dire la vérité. Les Politiques, Hollandois ou non, nefefont pas fcrupule de la taire fouvent, d de la trahir quelquefois. Cependant, fuppofé que les Ang lois fe permet tent de la diffimuler, il femble que ce ne foit ni d Af. Cerifier, ni d un membre du Gouvernement Américain, d leur en faire des reprocbes: ils ont trop d'intérêt d cacber aupu-r blic, une foibleffe a laquclle ils font eux - mêmes fi fujets. Quel mifêrable écrivain, que celui quiofe d tous propos , (J dpropos de rien, prodiguer a un peuple entier, Pépitbète outrageante d'impofteur ? comment ne fe trouve t-il donc pas d Amfterdam, quelque véritableHollandois, quiprenni fur lui de laver fignomi-  '„ Quant & moi, il me paroitfi namrel, que 37 Vaisfcaux de ligne enbattent30, &les relations Britanniqy.es fontfi circonftanciées, que je ne faurois douter plus longtemps, que Sir George Rodney n'ait remportéla victoire i ninie qu'imprime d notre nation , ia démence d'un folliculaire , qui, dans fa rage Impuijfante, in fuite avecfureur, un peuple qu'il nouS efl permis 0 glorieux de battrc; mais qu'il ejl lacbe (f, bont eux dene pas refpecler^ Ne peut-ilpas fe trouver dl Londres, tout comme chez nous, quelquefamélique barbouilleur, qui, jugeant de let nation Batave d''après Firn* nudence des gazetiers menteurs qui la déshonorent encore plus qu'ils ne la dêcbirent, l a traduif e aufji, dans fon délire, devant 1'univers, comme un vil troupeau d'impojlcurseffrontés, également incapables de pudeur ö" de. remords ? Tout d fheure, les rècitt des Anglois étoient trés défectueux-, d préfent, les relations Britanniques font ft circonftanciées. Le barbouillage de M. Cerifier ne Vefl guères; car, les Anglois avoient bien ejfeclivement 37 Vaiffeaux , mais les Francois en avoient 34. La flotte Angloife ne montoit que 2604 Canons; laFrancoife en montoit 2776. Les Francois avoient donc la fupêriorité de 172 Canons, & celle des équipages, qu'on fait être d'un tiert plus forts que ceux des Anglois; fansparltr que la flotte  333 Correfpondance Poïitique, , », Mals c'eft une viftoire, dont les fruirs ne pourrontêtre qu'amerspour lui, & qui re'pand fur la conduite & le courage de 1'Amiral infortune' la gloire d'avoir re'fifié durant 12 heitres a une force fupérieure d'un cinquiènie a la fienne. - Mais au lieu de multiplier les conjeclures fur les fuites de ces e'vènemens, te battue avoit a bord, 5500 hommes de débarquemèrlt. Vnlè, en vérité, qui rend la jambe bien faite a la Ma™e Frangoife. Qitinieque M. de Graffe foitun brave homme, qui P'efl fort bien battu? Mais fes deux matelots fe font-ils battus de même} Tous les officiers de fa plotte ont-ils fait leur devoir comme lui ? Etpuis, taperte de la bataille en efl - elle moins rêetle? C'eft une fmgulierc gloire, que celle qui réjaitlit fur un vaincu d'une défaite complette qu'il effuie: il femble que celle du vainqueur ejl bien avfft éclatante & auffi profitable. II ne falloit pas moiHsque lajudiciairc de M. Cerifier , pour voir plus d'honneur & d'avantages, dans une cbute que dans un triompbe. A lui étoit rêfervé de faire porter aux lauriers de 1'heureux Rodney des fruits amers. Grand arbre deLuculhis, quelgoüt ont donc ceux que vousproduifez, fi les tnains viclovieufes de 1'Amiral Anglois n'ont cueilli, fous la Dominique, que deschardons ou des regrets? Quelpitoyable verbiage * aucuns efforts, cette mauvaife re'uflite pour eux 3 font  Civile £? Litteraire. mens, je me contenterai de vous informer, que felon tous les rapports, la flotte Francoife s'eft reünie a 15 Vaiffeaux de ligne Francois & Efpagnols, qui 1'attendoient a St. Domingue; de forteque lavicTzoire même des Anglois n'a pu empécher cette jonction, quoi qu'ils fufléntréfolus dc n'épargner aucuns efforts pour la prévenir; & nous pouvons rcgarder cette mauvaife réuffite pour eux, comme un point important gagne' de 1'autre cöté. font des locutions véritable* ment élégantes. Rcmarquez que M. Cerifier difoit plus baut, qu'on n'avoit aucun avis des Islet I'rancoifesfut•l'iffue ducombat ; qu'on attendoit les relations Francoifes , pour connoïtre les dommages esfuiés par 1'ennemi: ici, il dit que felon tous les rapports on efl informê des fuites de la baiaille. Ceft apparamment d'après les rapports des Anglois qu'on fait tout cela: mais ils font trés défectueux. M. Cerifier a dit, dans lapréface de fon, Poïitique Hollandois, qu'il étoit vieux: on feroit tentêde le croire en effet, fi Vort ne favoit pas qu'il y a des hommes, qui ont le malheur, de radoter a tout dge. Objervez de plus , que c'eft au mois de feptembre qu'il fait pulluier les fottifes dontil s'agit ;rappellezvousque,plusde quatre mois auparavant , on favoit en Europe, que les débris de la flotte Francoife furent difperfés, au point que, fix jours après l'aclion, deux frégates tomberent encore entre les mams des Anglois. Une divifionde cette armée navale , entrainée fous le vent, fe réfugia d Curacao. M. de Vaudreuil rallia,avec beaucoup de peine, 16 Vaisfsaux avec lesquels il fe retira  J3# Correfpondance PoUtiduei tira au Cap, oü il en trou* va en effet, i ou 3 autres Francois & 10 ou 11 Efpagnols. Mais ejl-celdun point fi important gagné d'un cóté, & une réujjite fi mauvaife pour 1'autre? Les Genevois tenoientce langage il n'y a pas longtemp s. M. Cerifier , qut étoit le Don Quichotte des uns, prête 1'autre par réminifcence aux Américains. Mais qu'aproduit cet enthouJiasme auxpieds des Alpes ? rien qu'une dêfeclion auffi méprifable, que le fanatisme républicainy étoit auparavant ridicule. II en feroit de même fur les bords Atlantiques; je ne dis pas fi trois puiffances s'y préfentoient comme a Genève, avec des Canons £? des Sol^ dats, prêts d foudroyer une feule ville & la poignêe de monde qui l'habite; mais feulement ft la France retiroit Jes troupes Ö" fon appuf aux faêieux, qui tiennent leurs timides & infortunés compatriotes fous le joug. Ilyaplus. Nosfougueux prédicans de la Démocratie, ou de /'Ariftocratie , (^caron ne fait ce qu'ils veulent} qui crient aujourd'hui avec tant de licence & d'impunitê, au milieu de nous; fi (atberoimt comme des polpons} „ Mais la confidération la plus propre a nous con(bler de cet événement (fi quelque cholé peut nous confolerdu revers d'un allié fi fidéle & fi généreux), c'eft qu'il nous a fourni 1'occafion de faire briller un caraeïere national , une bonne foi, une confiance & une fermeté , dignes d'un peuple , qui ejl libre €5" dêterminé a périr plntót que de ceffer de i'étre.  Civile & Litteraire. 335 „ Sir Guy Carleton s'offroit a nous , la branche d'olivier a la main, au moment qu'on recut cette délagre'able nouvelle : peutêtre avoit-il affez mauvaife opinion de nous pour fuppofer, que c'étoit une crife favorable pour nous détacher de nos alliés: il nous a annoncé fon plan: il a envoyé M. Morris, fon fecretaire, au Congrès, & peut-être nous a-t-il cru affez laches , affez ignorans fur ce que notre devoir, notre honneur & notre intérêt nous prefcrivoient, pour nous laiffer prendre a 1'appat dc 1'efpoir d'une paix prochaine: mais quoiqu'il n'ait été encore qu'environ un mois fur cette partie du continent, il doitavoirdéjacommencéa connoïtre\esAméricains. Tl s'eft écoulé quatre années depuis la date de Tom, II. i'heu- tróns; ils trabiroient leur cauje en laches, fi les affaires de notre pays chan■geoitnt affez de face, pour qu'il y eut a la défendre, quelque chofe d perdre, ou rien d gagner. II efl è ohferver d'abord, que ce n'eft pas M. Morris, mais M. Morgan, que le Général Carleton deftinoit i une mifjion vers le Congrès; enfuite , que l'ambaffade n'a pu avoir lieu, paree que le Congrès, & fon Commandant en chef, ont refufé d l'ambqffadeur, les pasfeportsnéceffaires. Celane prouve ni l'exaftitude, ni la vêraeitê de M. Cerifier. On fait, d'ailleurs, que le Général Carleton étoit chargé d'offrir la paix aux Américains, avant qu'on put f avoir l'iffue du combat de la Dominique ; avant même qu'on put fuppofer qu'il y auroit un combat. Le Bill des Communes eft dut 27 Fevrier, & la victoire de Rodney du 12 Avril, La. manie de M. Cerifier, de répandre auffi fur le nouveau Commandant Britannique le fiel dont il eft rempli contre ia nation Angloife, eft donc également folie & imperti* nente. Premierement, la France n'efl pas une Nation, c'eft Z w»  $3<* Correfpondance Poïitique, 1 hcureufe alhance , oxuunpays. Quand M. Cerinous unit a la France: cha- üervoudradirequelesAmé-que annee nous avons re- ricains ont regu chaque ancu de nouveaux Avantages n*e rfw avantages de/apart Cc la^part de fe» ^epujs iongtempS) jff toute /'Amérique Septentrionale ? Dès que les Américains font univerfellement (f fans exception fi zclei- partifans de /'Indépendance , d quoi bon qo Vaiffeaux Francois & 20 milles hommes, de cette nation pour l'étayer contre des forces Britanniqucs bien inférieures ? Si tous les habitans de ces vafles provinces étoient , comme on le débite avec tant d'affurance , oppofés d /'Angleterre , on peut hardiment avancer, qu'une armée de 100 milles Anglois ne fuffiroit pas pour les réduire , quand même elles jeroient livrées d leurs propres forces. Mais la multitude de Loyaliftes déclarés, ö" la foule bien plus nombreufe de Nicodémites, que la timidité ou la crainte retiennent dans l'apoftafie ou dars la dijjimulation, montrent affez que la mere - patrie compte encore des partifans parmi un peuple révolté. Que prouve d'ailleurs /'unanimité prétendue ou réelle, qui a confacré le vocu fanguinaire des EtatsUnis? Rien. Elle n'a pas eu lieu dans le Congres ni dans les Etats des provinces; la réfolution de rejetter les propofitions d'accommodement faites par la Grande Bretagne, y a été prik d la nluralité. r Quand même elle l'auroit été unanimement , cela ne prouveroit pas d'avantage. Dans les affemblêes nombreufes , les hommes violens ont un afcendant décidé.- les hommes doux cèdent fouvent par condefcendance , & quelque fois par foibleffe. Ils facrifient leur opinion d la crainte de fe tromper , ou d celle de fe faire des ennemis. Du triomphe d'un parti extréme fur leurs fcrupules ou fur leur timidité, faut-il en infêrer que le fuffrage qu'ils lui donnent foit le fruit de leur conviüioni Dt  Civile S5 Litteraire. 339 De flus: en arlmettant que la réfolution de pourfuivre une Guerre véritablement dénaturée , a paffé a 1'unanimité dans toutes les affemblées nationales , feroit-on autorifé a en- conclure, que le voeu général de la nation l'a ratifiée? Le peuple n'a pas concouru par fes fujfrages, d former le décret qui conftate le desfein oü font fes chefs, de perpétuer le fléau qui lefait fouffrir ff gémir. Voulez-vous favoir ce que ce peuple, viclime d'une ambition atroce, penfe d'une perfévérance cruelle , qui compromet fon repos , fes biens , fa liberté, fa vie ? Eloignez les gardiens qui le furveillent, ou les geoliers qui l'enchainent. Retirez l'armée de Rochambeau : ticenciez celles de Washington ff de Grcenc : alors, vous faurez s'il veut être libre ou efclave. C'eft un étrange abus des mots ff des chofes, que de parler colleclivement d'une nation, d'aprèsle voeu trés particulier d'un petit nombre d'individus, qui fe regardent comme en formant la totalité, ou la partie la plus effentielle, paree qu'ils difpofent de l'autorité ou de la puiffance. La Réfolution de rejetter toute réconciliation féparée avec la Grande Bretagne a été prife chez nous, d-peu-près unanimement par les corps législatifs , ff dans l'afftmblêe des confédérés. En faut-il conclure pour cela que les dixneuf-vingtièmes de la nation ne gémijfent pas de cette fotte guerre, ff ne fisfent pas les plus grands facrifices pour y mettre un terme? Voulez - vous un autre exemple? La rêconnoiffcnce de 1'indépendance Ame'ricaine a paffé dans nos provinces ff d la Généralité, non feulement avec unanimité; mais avec une prêcipitation , un enthoufiasme, dont ajfurement nos ancêtrcs n'accompagnerent pas la déclaration de la leur, apparamment par la raifon, que les intéréts d'autrui nous toucbent plus vivement que les nótres. Cinquante requêtes de négocians , qui fembloient l'expreffion du voeu national, ont hdté cette démarche éclatante. Toute l'lljirope la croit le fruit, le rêfultat des fujfrages 'dit peuple entier de notre République. Qu'en eft-il cependant? Au fracas avec lequel cetZ 3 f  34° Correfpondance Poïitique^ te explófton mémorable s'eft opérée , qui croiroit , que d'un peuple de deux millions d'individus, quinze cent perfonnes n'y ont pas concouru, ni quinze 'milles applaudie. Elle eft uniquement l'ouvrage de quelques hommes impétucux; de quelques intrigans hardis , d l'emportement desquels la partie ca/me ff fage de l'adminiftration s'eft vue forcée de coöpércr, comme dans une tempête furïeufe , un pilote expérimenté eft contraint de céder le gouvernail d un équipage mutiné. Ces faftueufes requêtes, qui ont fait tant de bruit, & provoqué de fi grands eff ets, en précipitant la marthe du gouvernement, n'ont pas été approuvêes par la moitié de nos négocians: A peine une cinquième partie les a fignées. Du nombre des ftgnatures qui y figuroient, les unes ont été capte'es par furprife; presque tout le refte extorqué par la violence. Beaucoup des titoyens qui y ont appofé leur feing , en font aujourd'hui au repentir .- les autres fe demandent raifon de leur étrange emprejfement. Ce feroit un mor-, ceau curieux que l'hiftoire de ces requêtes. Peutêtre hazarderions -nouj de la donner, fi nous ns voulions pas nous abftenir d'ajoutcr affliclion d Paffligé. C'eft par le même principe, que nous étant cru obligés, en qualité d'écrivain ff de citoyen, de développer fes principes d'cprès lesquels il nous a paru que 1'indépendance de /'Amérique Angloife feroit un événement funefte d /'Europe en général, ff a notre pays en particulier ;■ nous nous faifons 'êga-« lement un devoir de fupprimer les raifonnemens ff les faits propres d juftifier notre opinion fur cette fa-tale opération , dès qu'elle eft confacrée chez-nous, par un Oracle que nous devons refpetler. Les hommes publics peuvent fe mêprendre: mais leurs déciJions , quand une fois elles font irrêvocables ou fans remèdes , doivent paroitre infaillibles. II eft permis de ne pas y applaudir; mais il ne l'eft plus de les cenfurer. „ II y a fix ans aujour- Quand on a pris un rang d'hui que les Etats-Unis parmi les nations indêpen««t fan*  Civile & Litteraire. 341 ont pris rang parmi les na- dantes, on n occupera pas tionsindépendantes,&dés unc place diflinguée parmi ce moment ils occuperont les nations les plus célèbres. une place diflinguée parmi On /'occupc déja; ou du les nations les plus célèbres moins, on Jeflatte de l oc- par leur générofité, leur cuper. iermeté & leurs vertus. Graccs a notre enne- Ceft du Cerifier tout pur. mi"qui, entachant de por- Porter une flétrifiure; féteruneflétrijjruremeïïacable duire a une perfidie-, c'eft a notre cara eter c national admirable. On imprimewnc & de nous féduire par un fiétrijjure; on induit a une appat trompeur a une igno- perfidie. Les Anglois minieuje perfidie , nous a portent les armes avec lesmis a même de faire pa- quelles, fecondés de la forroitre au jour ces qualités tune, ils pourroient bienxmqui forment la baze dc la primer une fiétrijjure inef«loire & du bien-être des facable aux Américains : Etats. mais ils ne portentpo/'nf cet¬ te fiétrijjure. On féduit quclqu'un; on ne féduit pas d quelque choje. Le pauvre Gazetier crache les mots comme ils lui viennent a la boucbe. L' Europe enfin vanous Ab\ oui: elle les connoieo'nnaitre. tra malheureux, comme ils Jont; ou rcdoutables , comme probabi'ement ils le deviendront. M. Cerifier foutient que leur agricutture, leurs arts , leurs métiers , leur navigation Jont déjd florijfans ; qu'ils ont presque toutes les matieres premières de l'induftrie, ff, par conféquent, les alimens du commerce. Que Jera-ce quand ils auront les 41 VaiJJ'eaux de ligne ff les 21 Frégates qu'il leur prête? quand leur génie , leur courage , leurs reffources , tourné vers la conftruction & l'Equiï em en t d'une force navale, enfantcront , tous les fix mois, 62 Navires de Guerre, Jans parler de leurs Amateurs ff de leurs Frégattes fédérales? Z 4 MZ"  342 Correfpondance Poïitique, Mais fans leur crêer une marine imaginaire il eft pourtant certain que le nouveau monde , 'par la nature des chofes, doit, dans -peu d'annêes, devcnir funefle d Panden, fe venger des maux qu'il en a repus , ff le punir d'une maniere terrible , de la fottife que fait aujourd'hui /'Europe , cn fccondant une partie de /'Aménque d fecouer le joug de fes anciens dominateurs. Avant dix ans, la France ff /'Efpagne -regretteront d'avoir dêpenfé tant de millions, Jacrifiê tant de monde, pour appuier les colonies révoltées , dont 1'indépendance ff 1'élévation perpétueront les facrifices de leurs bienfaiteurs ■ les Puiffances du Nord ne gagneront rien d la rêvolutwn que les fecours des Francois ff des Efpaomois opérent: notre République y perdra beaucoup, en acquerant un nouveau rival dans la navigation, l'induftrie ff le commerce, ff qui, placé au centre'de l'unwers, deviendra pour le monde entier, ce que nous avons été durant deux fièctes pour /'Europe. Par l'événemcnt, la fciffton célèbre, qui fe confomme fur les rwages Atlantiques , ne fera avantageufe qu"d l Anglcterre : elle la dêbaraffera d'une furveillance gênante ; elle tui épargnera les fraix d'une proteclion couteufe; elle ouvrira des Communications, des dêbouchés immenfes, d l'induftrie ff au commerce des Anglois. Nous avons développê ces idéés frappantes dans les N°. 18 ff 19. de cet ouvrage. Les principes lumineux , les vêrités fimptes qu'elles préfentent , font devenus l'écueil de nos fophiftes fupcrjiciels ff diffus, qui, ne pouvant les rêfuter, fe bornent d les décrier. „ L' Anglcterre elle mé- i°. Aucun'de ces caraêlèmeapprendra peut-être a r es ld ne convient aux Améporter de nous un jugement ncaïnsconjidéréscommcpeumoinsdéfavorablc.&trou- ple. S'ils ont de la juftice vant que nous fommes mus ff de la fidêlitê, pour la par des principes dc juftï- France , ils en manquent ce, de confiance & de fidé- pour /'Anglcterre. Ce qu'ils lite', elle abandonnera fon appellent juftice, la mereprojet de nous regarder & patrie le nomme crime; leur de ƒ,-,  Civile & Litteraire. 343 de nous avilir pour nous fidélité n'eft d fes yeux, t re'duire enfin a 1'efcla- qu'une ignomimeufe pufivage. die. 2°. Pourquoi les Anglois renonceroient-ils au plaifir ■ de regarder les Américains? quel mal y a t-il a ce-la? font-ce des Dieux qu'on ne puijfefixer fans facrilèges: ou leur pontif a-t-il juré de s'exprimer toujours en dêpit du bon fens. 30. Que fignifie le projet formé par /'Anglcterre, d'avilir ff de réduire les Américains en efclavage? II eft faux que la Métropole ait jamais concu un pareil desfein fur fes colonies. Les Sophiftes des deux mondes le difent depuis fix ans ; mais les fcphiftes font des menteurs. Les Anglois ne fent point efclaves , pour boire le The' de leur compagnie, que les contr eb andiers de Bolton ont jetté dans la mer; pour ét re affujétis au Timbre, qui a révolté les factieux; pour payer des taxes dix fois plus fortcs , que celles qu'on vouloit impofer aux colons. Encore aujourd'hui, ce n'eft point d 1'aviliffement ni d lafervitude des Américains que /'Angleterre vifev\ elle ne porte pas jus que ld fon r effen timent: elle leur offre la paix ff non l'efclavage. La propofition de les réunir d l'empire Britannique , n'eft ni dure ni déshonorante. II faut être aveugle pour voir cela dans la conduite de la Grande Bretagne, ou de mauvaife foi pour le dire. Jamais colonies ne furent auffi riches , auffi beureufes, auffi doucement gouvernées, auffi puiffamment protégées par la Mere-patrie, que celles de. /'Amériquc Septentrionalc : rien ne prouve mieux la fageffe, la modération du Gouvernement de la Métropole d leur égard, que les progrès immenfes qu'elles ont fait en tout genre, dans l'intervalle d'un fiècle: les annales du monde n'offrent risn de comparable a cet exemple. Si les Anglois avoient formé le projet d'avilir leurs colons, & de les réduire en fervitude, ils ne leur auroient pas laiffé ' acquérir des forces , avec lesquelles ces enfans ingrats dêchirent maintenant h fein, qui les a écbauffés ff nourris. Les ColoZ $ niet  «44 Correfpondance Poïitique, m« Angloifes fe font foulevées par caprice fans *r*vocatton fans grief, Jans être mües par d'autre motff que Vinquiêtude de quelques mêcontens, appufésTar' lesintngues ff Vargent d'une puiffance traSr PZ ö compromis fa gloire ff facrifiê fes peuples pourlTfj ffoutenir des foBieux, dinsle iffïn d\%e d detmt!r R°'' ^ kUTS com^otes, al Znt Ji,i¥E/riVain f°P^ue ^Amfterdam a eu la har- Paf S réV°rhe de ^*- detou' l» ordres trJre %l°p °ntr'ih VOU?tl itMir d" imP°" ^binair es ff l fnquifition ? Ont ils maffacré les peuples ■ condanined mort le plus ^ Seigneurs,- eSy es habitans mams dijlmgués au feu ou d la potente* Un Duc d Albe , un Grenvelle Ecoffais Tam Te L, *V f$ font'ifi M^is dans le Jang de leurs frères en Amérique? Voit- Z\lZJLTHnmt'J,adiSJl f°rtuné f°u? rinfiuence Britannique, aujourd'bui fi malheureux fous celle du Congres; vott-on des trophêes du fanatisme ff de la rage, femblables au fac de Naarde, ^'Anvers ff de tant «Sff ' °U laJureur™V^0^Jefigna1oit:exêtrations que nos pères virent renouveller au fiècle dernier par les Francois, non moins barbares dans ce tcmps-ld, que leurs cruels devanciers l'étoient il v a éeux cent ans Le foulevement des Flamands étoit ?a rr t' nMafrtrl lrgitime ? celui des Américains ffi crtmmel, mfenfé, fans objet comme fans raifon. ,, Mais je dois encore Dans les temps: un auvous mformer de la cir- tre auroit dit.danslc temps fe. Dans les temps-même formation fe donne ou fe' d'Effequebo; dlui céder le Cap de Bonne Efpérance, Pondichery & Madras • vous verrez bientot les préliminair es de lapaix, fuivi's ée la fignature du traité.- ces conceffions modiqu.es, qui ^/^r^r°2^paX/t^/n^'^c Partie des dépenfes que cette Guerre a occafionnées è la Maifon de Bourbon , applaniroicnt bien des difficultés. II eft proba- %nXLiZdepe?dmCe de ''Ame»que ff les intéréts de Hollande-, n apporteroient. pas deforts grands obfta■cles a 1 acceptation des offres de /'Anglcterre. Les Améncains nous déviendrions ce que nous pourrions Nous avons fait me grande fottife de nous fourrer dans  Civile & Litteraire: UT dans cette étrange Guerre. Cen ejl une autre que de croire que les trois colojjes contre lesquels notre frêle machine fe heurte, ne s'arrangeront pas a nos dépens. lis feroient-bien généreux, ou bien mal acrotts. Je fouhaite ftncèrement qu'ils foient 1'un ou 1'autre; mais il eft permis d'en douter. On n'a pas voulu voir, qu'il étoit de l int ér et de l Anglcterre, de nous mettre au rang de fes ennemis; non feulement paree que, nous prennant en trahifon, dans 1'état de foibleffe oü nous étions, elle pouvoit faire fur nous du'butin & des conquêtes; mais fur-tout, parcequ après quelques annèes de guerre désaftreufe de part 4? d'autre, elle pourroit ojfrir d /'Efpagne & dia France des comoenfations dans nos dépouilles.- Elle n auroit pa» eu les mêmes rejfources, ft nous étions reftés neutres, ou fes alliés. Ceux de nos concitoyens qui ont agacé le fier Lêopard, tandis que notre Lion étoit dans l'impuijfan* ce, fe font montrés auffi mauvais patriotes, que mal* habiles politiques. „ La conduite de laFran- Suivi: quoi? c'efi ce quo ee eft fi uniforme & fi fincè- ne nous apprend pas notra re , durant tout le cours élégant O" correB écriyain, de la préfente Guerre, que II falloit dire Marché d'un cette reponfe ne nous a pas moins ferme dans.... caufe aucune furprife. Ce- ou fuivi d'un pas moins ferpendantl'onnefauroitnier, me le fentier. Apparamqu'une puiflance qui eut ment que M. Cerifier n'y a fuivi d'un pas moins ferme pas penfé. dans le fentier de la jufti- Perfonne ne nie que la ce & de la fageflé, auroit conduite des alliés del'Amépu fe laifiér éblouir aifé- rique ne foit trés fincère (f ment parl'éclatdes offres, trés uniforme.- Ceft cequo qui lui furent faites. les gens fenfés s'efforcent do perjuader d ceux qui croienf être fort habiles. Beft eer* tain que, depuis l'efcarmouche d'Oueffant jusqu'au,%e. ravitaillement de Gibraltar, Je 18 Oclobre dernier ,it y a'•beaucoup d'uniformité dans les opérations dt la guerre. Toui  34» Correfpondance Poïitique, „ Voila de notre part & Toujours la France prife dc la part de la France, la pour une nation: encore une conduite la plus propre a fois, M. Cerifier, /aFranfaire honncur aux deux na- ce efl un pavs tioas. r' • „Tl eft heureux pour leur gloiremutuelle, que, fans aucune communication, fans.aucun concert, fans- aucune conlukation préalable, ellesaient 1'une &J'autre, par 1'cffet de la même droiture innée, adopté Les mêmcs reTolutions contre des négociationsféparées. Une droiture inne'e chez des nations , c'eft quelque chofe de nouveau. Des nations qui agiffent de même fans concert; c'eft quelque chofe de curieux. Cela ejl fort heureux pour leur gloire: il feroit peut-être plus glorieuxpour elles, que leur droiture fut le fruit de la réflexion, de la poïitique, que celui de la nature. Cependant, celle des Américains eft nee bien tard. Qui a dit d Af. Cerifier que la Cour de Londres ait porté la mauvaife foi, jusqu'd difflmuler d celle deVcrfailles fon deffein de traiter avec fes colonies révoltées? A-t-elle pu même lui en faireunmijtère? Les débats parlementaires; la réfolu¬ tion aes communes; Vemisfion de Carleton ff l'objet de fa commijjion, n'étoientils pas connus du miniflère Francois, comme de /'Europe entiere? „ Mais elle fc flattoit, Quoique la Grande Bre- -en femant les germes de tagnc manque debnrme foi, la jaloufie & de la méfian- qualité ou vertu incompati- ce, de nous défunir: elle* ble avec la poïitique ,H n'eft efpéroit que les deux alliés, pas vrai que fes tentatives, ou fai-. „ Quel étoit l'objet de ces propofitions faites fecrettement & féparément aux.deuxparties?fi la Grande Bretagne cut été conduite paria bonne foi, elle auroit dü informerla France, qu'elle avoitdefléinde traiter avec nous.  Civile & Litteraire. 34^ ©u du moins 1'un d?eux prétcroitl'oreille a fes propofkions; que 1'autre cnprendroit de 1'ombragc \ que lc mécontentement s'en fuivroit; & qu'il cn réfülteroit évcntuellementune ruptur c, qui fe tcrmincroit a no us üibjugucr. „ Son projet a e'choué; 'l'artifice a été decouvert. „ Et tandis que cet artifice fait voir lapolitique inf.dieufe, qui dirige toujours les confeils , il a fervi i .prouver notre fidélité mutuclle,& notre attachcmeni a no.. alliés, ainfi que h . néceffité d'une confiance fans réfervc & d'une communication conftantc dt . tout ce qui a rapport ano: interets réciproques. Qrani faites féparêment auprès de la France ffaWAmériqiie, tandiffent a fubjuguer les Américains: ce font des propofttions de paix qu'elle leur a fait porter, ff qu'ils ont dédaigneufement rejettées , même fans les connoïtre. Mais il n'y avoit point d'artifice. On n'avoit d'autre projet, que celui de renouer avec des colonies, i des conditions honorables ff utiles aux deux partis. Tout-d-l'beure leGazetier trouvoit fort heureux d la gloire mutuelle des deux nations, qu'elles euff'ent agi de même, fans communication: : d préfent, il trouve fort né. cejfaire que cette communi: cation foit conjlante. Jusqu'ici c'étoit moins de : la perfidie, de la rufe que i de la hauteur, del'orgueil, qu'on avoit-reproché d /'Angletcrre: fa fierté, fes prétentions impérieufes, font peu compatibles avec les détours d'une poïitique artificieufe. II ne falloit pas moins que la fagacitê de M. Ceriiicr, pour al lier ces contraires. Malheureufement pour la gloire de cet êcrivain, il efl auffi maladroit dans fes injures que dans fes touanges.  'S5° Correfpondance Poïitique, „ Je fais au jourd'hui plus fierdu titre A' Américain que je nel'ai jamais été. ,, L'cnnemi nous repréfente-fans celle comme un peuple timide &lache, fans "foi & fans honöeiir. ,, II eft détrompé a préfent a fes propres dépens. Mais il eft un point a Pégard duquel notre honneur national a trop longtemps foujfert: nous avons affez de/enwe^pourabandonner nos maifons & nos habitations a un ennemi m- Grand bien vous faffe. li auroit peut-être été permis de s'applaudir de ce titre avant la réjeclion de la paix. Aujourd'hui, il vaudroit peut-être mieux en gémir que de s'en glorifier. L'ennemine dit pasunmot decela. Enfaifantunepeinture fi flateufe des Amériéains, M. Cerifier voudroitil nous faire croire que cela eft vrai? Ce n'eft pas la première fois qu'il foit devenu, dans fon entboufiasme louangeurjatiri que trés caufiique ff trés impudent. On ne voit pas ce qu'il en a couté a /'Angleterre, pour fe dé tromper de la bonne opinion qu'elle avoit confuedes fentimens pacifiques des Américairis. La viéloire de Rodney ; l'incendie des battcries flottantes; lamarebe triomphante de Howe dans le Detroit, d la vue de 50 Vaiffeaux Efpagnols ff Francois; font des accidens qui peuvent la confoler d'une découverte, fort peu honorable aux Etats-Unis. Je laiffe aux lefteurs éi apprécier le ftile de ce paslage. II feroit trop faftidieux, trop long, de relever toutes les fautes de ce genre, dans les écrits de M. Cerifier. Mais celles de juge-  Civile & Litteraire. 351 incendiaire: nous avons vu fans terreur nos maifons & nos fermes en flammes ; nous avons vu enlever nos effets, nos chevaux, notre bétail; & nos fentimens font refte's ïnébranlables: nous avons refu avec mépris des ouvertures de paix, qui nous auroient couvert de honte: nous avons fouffert toutes les calamités& les befoins, quiaffligent les citoyens exilés, oblige'sde chercher un azile a une grande diftance deleur propre patrie. — Nos femmes ontmontré la même fermété d'ame-, & fouvent leur fermêtê & leur patriotisme ont donne' vigueur au nötre : nous avons répandu notre fang pour la défenfe de la glorieufe caufe oü nousfommes engagés:nous fommes prèts aenrépandrc la derniere goutte pour fa défenfe: rien n'eft au dcffus de notre courage, excepté uniquement (je le dis avec honte) excepté le courage de nous impofer des taxes d nous-mêmes. ofe dire le contraire. Selon lui, ce Jont les parttjans du Congrès, qui ont fouffert ces mauX terribles, appanages affreux de la Guerre Civile, allumée par des. féditieux. Mais en voulant faire un portrait touchant du courage, de la fermeté de ces prétendus martyrs de la liberté , il n'en fait qu'une caricature ridicule ff mordante. Son dernier trait de pinceau efl une fatire ame- Tom. 11. A a re, %ement ff de vérité, leur doit-on la même indulgence ? A la vue de ce tableau fabriquê d coups de bacbe, qui ne prendroit /«Anglois pour des brigands, conduits par un AttUa, mettant tout dfeu ff d fang, fur le continent de/'Amérique? Et Pon veut accréditer ces menfonges atrocés, au moment même oü M. de la Peyroufe, renouvelloit dans la Baiede Hudfon, les horribles fcènes du Palatinat, de Bodegrave, de Swammerdam, incendiéspar ordre des Louis XIV. des Louvois, desLuxembourg! Jusqu'aprêfènt, on avoit toujours cru que les réfugiés, lesexilès Américains, étoient du parti de /'Angleterrc ; qu'ils gémijfoient d Londres, d New-York, d Charles-Town, de la perte de leurs biens, de l'ineendie de leurs Maifons, des perfécutions odieufes qu'ils ont effuiées de la part des tyrans de leur patrie. II n'y a que M. Cerifier qui  SS* Correfpondance Poïitique, re. Des hommes qui n'ont pas la générofité ie donner. quelques écus pour le fervice public, ne méritent pas d'étre crus, quand ils affurent qu'ils ont foufert fans murtnurer, avec joie, toutes les calamhés de la guerre; qu'ils fontpréts a verfer jusqu'a la derniere goute de leur fang, pour la défenfe de leur caufe. Quand on tient fi fon 'a fon ar gent, on tient encore plus a fa vie, d fes ai fes. II n'y a que des charlatans, qui aient l'audace de fe vanter d'un patriotisme épuré, ardent, avec des coeurs avares es* defféchés. Il en eft donc en Amériqne, tout comme chez-nous? On y bavarde beaucoup; on n'y efectue rien. Le patrio-, tisme s'y exhale enpa on applaudiroit a Ion zele: il auroit même pu, fans fe rendre repréhenfib e, poulfer plus loin la lifte des méprifes pa> émentaires. II pouvoit fans indifcrétion & fansPdanger, parler des atteintcs que le Parlement a fouvent eflaie de porter a l'autorité Royale ; de fafacilité on de facomplaifance a facnfier les droits du peuple don! il fe dit le gardien, aux vues des Miniftres, toutes r?J°1S- ?U 1 7 3 tr°UVe' fon avantaSe Particulier. C'eft ainfi que moyennant fon franc falé, il a laifS etabhr la gabelle , & n'a jamais fecondé'les proTets des bons citoyens pour fupprimer la ferme odieufe & tyrannique du fel. II laiflé le Controleur Général faire fans oppofition des emprunts onéreux a lEtat & au peuple, mais dans lesquels Mesfieurs pla- cent fems contre'es parle defpotisme, & rrep aviü ailleurs nar Ie Krl^n^, ge, pour êtie ni refp.aable , ni refpeeïé P "ganda. (b) Cette conduiie du Parlement ne doit pas futprendre Des ho™ rnes de q„, le méier eft de faire pendre, bluler, foueMes individu?" s ernbarraflent bren p,u de 1'efpèce. Lespomme de terre font le fcj  Civile 5? Litteraire. 359 cent comme les autres, avantageufcment leur argent; & il s'oppol'e aux impofitions même les plus raifonnables, paree que fes memhres contribueroient avec leurs compatriotes aux charges publiques. Que de tracafferies n'a-t-il pas fufcite'es a 1'étabhffement du Fngtième? Par fa réfiftance & fes chicanes , il eft parvenu a rendre cet impot, le plus fenfé de tous, presque auffi nul pour le Roi, que défolant Sc pénible pour les fujets. Les ennemis de M. Linguet auront goute la fortie indecente que 1'ordurier relateur s'eft permife contre cet homme fameux. Pour peindre le défefpoir de deux joueurs ruines dans les coupe-gorges de la Capital e , il les compare a Yannalijle au milieu des csnvulftons les plus af reufes, quand il ejl aghé par le Démon de la Vengeance. Et c'eft dans le temps oü cet e'crivain célèbre étoit opprimé ; dans le temps oü la rigueur de fon fort, lorsmême qu'il 1'auroit mérité, touchoit tous les coeurs fenfibLs; qu'un homme qui feint de révéler des désordres , des abus , perce d'un trait perfide, au fond d'un cachot, un auteur qui les a fi fouvent frondés, avant d'en devenir la vidtime? Eh! oü font donc les égards que les hommes fe doivent? Si la dépravation des moeurs, l'abus de l'autorité, 1'infamieou. la fcélérateffc des ames avilies Sc perverfes n'en font pas dignes; eft-il permis d'en manquer pour les malheureux? Cette cruauté lache fuffiroit feule pour décréditer un bon ouvrage. Quelle flétriffure ne doit elle pas imprimcr a un dégoutant! NB. Le morceau qu'on vient de lire étoit fait dès le moisd'Jlvril dirnier, peu de jours après celui qu'on a lü dans le N. 27. Ainfi on ne nous accufera pas de l'avoir compofé pour faire notre cour ai M- Linguet. II étoit alors infortuné; aujourd'kui il eft libre. Sovs le premier rapport, nous avons cru devoir le venger: fous le ftcond, nous lui laifferons lefoinde Je défendre. Mais fa liberté n'ête rien a celle que nous avons de publier après fa délivrance, les articles préparés durant fa captivité.  3 Co Correfpondance Poïitique, MÉMOIRE de S. A. S. Mgr. Ie Prince d Orange & de Naflau, Stadhouder Héréditaire &c remisk 7 Otlobre 1782., aL.H. P. les Etats Généraux. ]Dans un ouvrage fpécialement confacré a la difcusfion des matieres qui regardent la République des Provinces-Unies, au milieu des conjonctures inquiétantes ou elles fe trouvent, il eft naturel que nous ménagions une place a une pièce intércfiante par fon objet, & cuneufe par fes détails. Entre tous les documens que les affaires actuelles enfantent chez nous aucun ne merite affurement une diftinction plus particuliere que le Mémoire du Prince Stadhouder. Ce n'eft pas précifément par la véhémence, ou la fougue qu il fe fait remarquer, comme quelques unes de nos homehes patriotiques: ce n'eft pas non plus par la fatire ou la malignité, comme tant de jérémiades fur la fituation de la patrie, qu'il fe fera accueillir du public. C'eft une expofition fimple & fans fard de 1'état des chofes; un compte rendu avec candeur d'une geftion importante; une apologie modérée d'une conduite droite & guidée par des intentions pures mais décbiréc par la hainc armée de la calomnie • en nn mot, c'eft 1'cxpreüion naïve de la vérité dans la bouche d'un adminiftrateur éminent, qui fait rapport a fes co-fouverains, a fes Confédérés, de la maniere dont il a géré les affaires qu'ils lui font confiées, en vertu de fa naiflance, de fa dignité & de fes emplois- le iangage noble & franc d'un citoyen refpedable' & puilfant, qm regarde également comme indignedelui Ia diffimulation & la témérité, la baffeffe & 1'infolence, 1'artifice & 1'audace; mais qui fe croit fondé a mvoquer, non pas la punition de fes ennemis mais 1'cxercice de la juftice, & la prote<5tion des loix pour fa perfonne outragée & fon autorité compromife. Cette  Civile fi? Litteraire. %6i Cette pièce eft bien différente de toutes ces diatribes virtdentes que 1'ambition & la vengeance font édoreparmi nous, fous le masqué du patriotisme; de tous c-s libeües fanatiques ou fedmeux, que des hommes obfeurs ou méprifables répandent dans le public, pour déprier 1'adminiftration, pour noircir les adminiftratcurs pour rendre odieux ou ridicule aux etrang'^ a République qu'ils feignent de plaindre & de venVer On n'y voit pas de ces menfonges audacieux oue les cenfeurs dc notre Gouvernement of/ent imprimer • de ces alfertions imprudentes que nos patnotes aVancent avec tant de lége'retë & d'inconfequence, pou 1'mfulter & lc fiétnr. La ümplicité & la bonne foi dans 1'expofé des faits; la circonfpeftion dans la dilcuffion des circonftanccs délicates; la douceur dans i/articuiatïon des plaintes que l'injujtice la plus impu'dentc arrache a la fcnfibilité, caractérifent cette production infinimentprécieufe, par te jour qu elle repand fur lafituation des affaires dc notre patrie, fur 1'état de la marine de la République fur lescaufej! de fa foibleffe & de fon inactivité , lur les opérations navales & fur nombre d'événemens mal mterpretes, amércm'ent cenfurés par les adverfaires & les détractcurs du Prince. , . Point d'élans, point d'écarts; aucune de ces recnminations odieufes, dc ces inveótiyes & de ces pcrfonnalités indécentes, dont il eft lui-meme l'objet. Content d'expofer la marche qu'il a fuivre, es mefures ou'ilaprifes, les ordres qu'il a donnés, les eftorts qu'il a faits pour répondre a 1'attente de fes concitovens il nc fe livre ni au reffentiment contre fes ennemis, ni a des forties que de nombreufes provocations iuttifieroient, ni a des révélations qui demontrcroientfoninnocence, mais qui comprometteroient les intéréts de la patrie. Defirant dc retablir a confiance & de ramencr 1'harmonie, il fuppnme les reflexions que les droits d'une jufte défenfe lui donnoicnt celui de faire fur la conduite de fes antagomftes II déplore la caufe des malheurs publics; ils s'en difculpc; mais il n'en accufe perfonne. . Affurement on chercheroit cnvam dans le parti opv po-  3^» Correfpondance Poïitique, pofé ait Prince unc mode'ration pareille a la fienn? • autant de fagefle & de retenue qu'il en fait paoSe' dans un temps orageux, oü la violence & IatéméSc°m™f«. Nous Pavons déja remS plus d'une fois, & nous ne devons pas nous lafiér de le remarquer encore; le Stadhouder <*\ auffi prudem dans fes demarches, auffi réfervé dans fes procédés auffi pamotique dans fa conduite, que les Eta?s deS font lougeux, que Ia Ville d'A/cmar eft fophffiique que laMagiftramre de Leyde, s'eft montrél aSde! cett^vlSr ' ^ n0UVdlC PreuVe d^ II ne faut pas regarder cette pièce comme un Mê- cT^irrTnn^ï ?"« "'f" 3 ni la fom^nila cnafeur. Onn y trouve ni exorde, ni divifion. nirien de ce qui caraétérife Part oratoire. C'eft un" plutot qu'un difcours; une rélation de tout ce ?uê 1'Aimra Général a fait, comme de tout cè qu'il Ta pas pu faire pour le fervice & la défenfe de4 I'Etat depms que fi majorité 1'a élevé a la tête de 1'admini' ftration. Elle renferme plus de détails qu'il n'y rèSe d eloqiience. S. A. cherche moins a faire illufion k fes lecteurs qu'a les mftruire, & a les fubjuguer qu'a" les conyaincre Son but paroit fe borneruniquernent a fourmr des lumieres aux Confédérés & au public fur fa geihon mal appréciée par les uns, & déni-réé aux yeux de 1'autre. ' «c^ee Bien des gens s'attendoient a beaucoup plus & bien d'autres a beaucoup moins que le Prince Stadhouder n a fait. Ses amis, ceux de la patrie efpéroient de voir paroïtre une Apologie vigourcufe, pleine de feu éc de raifons, capable de terratfer fes adverfaires de les redmre aii filence, & de les couvrir de confu?lon; , VCR?-C1 fe Aattoient qu'il refteroit en défaut fur les eclairciflcmens que leurs plaintes infenfées Pont force a donner a des objets, ou qui n'en avoient pas befoin, ou que Ia poïitique défendoit de divuKier Les uns & les autres ont été trompés dans leur attente. L Amiral Général a évité tous les écueils fans profiter de tous fes avantages. 11 a ména-é fe? ennemis, fans négliger la défenfe de fa caufe: S'il n'a  Civile ger notre navigation marchande. Voila des faits dont les ennemis du Stadhouder ne difconviennent pas, & que lui même eft bien loin de diffimuler. Un autre fait également certain, c'eft qu'au commenccment de ce fiècle, a la mort de Guillaume III. en 1702, la République avoit une marine compofée de 100 Vaiffeaux de ligne , & d'un nombre plus coniidérable encore de Frégattes & autres moindres batimens. Que font devcnues ces forces refpectables, égaies a celles de VAngléterre a la même époque, & fupérieurcs a celles de toutes les autres nations maritimes de \'Europe enfemble? Par quelle fatalité des flottes fi puifiantes fe font-elles anéanties chez un peuple commercant, navigateur, précifément durant la période de temps, ou la marine a fait chez nos voifins, les plus rapides & les plus immenfes progrès, dont 1'hiftoire fafie mention depuis ceux des Romains & des Carthaginoisl Lifez nos annales. Vous verrez pendant 45 ans le Gouvernement Arijlocratique & Antifladhouderien, s'occuper de vérilles ou d'extorfions; perdre entierement de vue le bien public; nc montrant de vigueur que pour commettre des oppreffions fourdes ou des injuftices éclatantes; laiffant abatardir 1'armée, tombcr lés places frontières, & pourrir les Vaifléaux de la République; marchant exadtement, après la mort du grand Guillaume; fur les traces de 1'adminiftration qui avoit pris naiffance avec ce Prince, & ne manquant que des mêmes circonftances pour lui resfembler dans tous les points. On peut même dire qu'il furpaffa fon modéle en néghgence, en incurie, cn malverfations. S'il ne parut pas dans les années 1746 & 1747. \\nvan Gallen ambitieux, un Charles II. perfide, un Louis XlF. implacable, & des généraux auffi habiles, auffi heureux que les Turennes, que les Condés, que les Luxembourg, pour renouveller les fcènes affreulés de 1672, c'elt au hazard, a la fortunc, ou plutöc a la prov'idence, que notre République cn eft redevable, & non a la prévoyance, a la iageflé & aux précautions des hommes qui fe trouvoient a fa tête. Presque auffi peu en état dc fe défendre par terre a Tom. II. Bb 1'une  368 Correfpondance Poïitique, 1'unc de ces epoques qu'il Pavoit ete' a 1'autre, notre pays étoit encore nul par mer dans la Guerre de la Pragmatique, tandis qu'il avoit été redoutable fur cet élément quand la moitié des forces de YEurope s'étoient ligttées pour fa ruine. Sous PAdminiftration de M. de Wit, nos flottes ofoientau moins braver celles de YAngleterre & de la France re'unies; & pendant que notre pays étoit en partie ious la puiflance des Francois, en partie enféveli fous les eaux, & que la République touchoit au moment d'entrer dans le tombeau que fon Grand Penjtonnaire lui avoit creufé, notre pavillon vainqueur conduifoit en triomphe les dépouilles de nos ennemis dans nos ports. En 1745 nous n'aurions feu former une efcadre avec les débris des deux eens Vaiffeaux que le Reftaurateur de la République laiffa k nos peres cn monrant. Mais cette marine totalement détruitc a la reit.auratiön du Stadhouderat, par la foibleffe, Panarcbie, la confufion & Pinfouciance du corps fans ame ou fans tête qui a fignalé Pintervalle de 1'interruption dn Gouvernement Stadhouderien; cette marine complétement déchue, ruinée, n'eft-ce pas le Stadhouder qui a empéché fon rétabliffement? Non, je dis hardiment non. II n'y a pas un des plus déterminés, des plus amers cenfeurs de Padminiftration régénéréc cn 1747, qui n'en dit autant, s'il vouloit être fincère. D'abord, fi nos Ariflocrates font de fi zélés partifans de la régénération de notre marine anéantie, pourquoi donc ont ils été des inftrumens fi acfifs de fa décadence & de fa chute presque totale, durant la période oü fon entreticn leur auroit li peu coüté, & oü leur ardeur patriotique n'étoit pas contrariée par le Stadhouderat qu'ils accufent aujourd'hui de la ralentir, ou d'en exténucr les effets? Enfuite, il elf démontréque, bien loin que la Maifon a'Orange-NaJJau, remontéc au rang de fes ancêtres dans I'Etat, ait arrêté le rétabliffement dc la Marine tombée avec elle, cc font au contraire fes foins qui Pont empéchée de s'anéantir pour jamais. Conful tez tous les documens publics ; vous y verrez la prcuve de cette accablante vérité, que lacabale s'ef- for-  Civile & Litteraire. 369 force en vain d'obfcurcir aujourd'hui. Vous verrez Guillaume IV, a peine parvenu au Stadhouderat, s'efforcer de faire redevenir notre nation ce qu'elle avoit éte' jadis fous le Gouvernement Stadhoudericn des Princes d'Orange, une puiffance maritime refpectable, dont elle avoit presque perdu jusqu'au nom, fous 1'adminiftration perverfe & infouciante de VAristocratie. (1) Après la mort dc ce Prince moiffonnée a la fleur de fbn age, avant qu'il eut pu faire a la patrie tout le bien qu'elle fe promettoitde fes talens & de fon zèle, vous voyez fa veuyc, laprinccffe Royale, de'clarée Gouvernante & tutrice du jeune Stadhouder, mareber fur les traces patriotiques de fon e'poux, developper les prin- ( 1 ) Je fuis bien faclié de le dire; mais pourquoi ne le dirai je pas? li femble que la malédiótiön foit artachée au Gouvernement purement Arijlocratique parmi* nous, oc qu'une Provldence particuliere (e fe.it plu a Ie frapper de réprobation , en verfant fur lui 1'efprit de veilige, d'inconféquence & d'aveuglemenr. L'intervalle lempli nar le haineuX & vindtcatif de Wit, fut marqué par 1'imprudence , la faufie poïitique, 1'égarement, la négligence Sc les plus efFroyables malheurs. Ce defpote Arijlocrati.jue, fut tour - a - tour la dupe & le jouer de Cromvjel, de Charles II. & de Let.:: XIV. ; fa' patrie & tui - même , vutimes de fon ambition hypocrite & de fes fautes imparuonnables. On voit les mêmes bévues Sc des me'piifes encore plus funeftes durant Yintérim de 1703 ii 17^7. ï/inconféquence Sc I'abluidité caracréïifent 1'adminiftration de cette période, nulle en apparence , mais dans la téalité , plus fatale par les fuites, que celle de 1650 a 1671. D'une part on y appercoit VAnRocratie, déohainée aujourd'hui contre une augmentation mocüque de troupes néceflaires a la protedtion de I'Etat, entretenir une armée nombreufe , S: ruiner le pays, dans la Guerre de lx Pragmaticus, pour défendre des barrières éioignées Sc funeftes. Mais ce qui elt bien plus choquant & plus inconcevable , c'eft d'un autte cóté, que ces mêmes Ar-ijl'oeral, furieux aujourd'hui contra VAngléterre; prodigant a Ion Roi & a fes Miniftres les épithètes les plus outiageantes, étoient alors les efclaves ferviles & imp'rüdens de \x Poïitique Angloife. Aveugles jouets de cette couronne, ils conlentilent a n'avoir que des Soldats en Campagne contre les Armécs de Lvuis XV., Sc pas un VsilTeau en Mer aoppofer a fes flottes. lis laisierent aux Anglois le foin de combattre la France fur cel élément, &£ d'en acquérir aiufi 1'empire en s'y fortifiant, tandis que notre marine s'anéantiflbit 8c que nos mauns inaftifs devenoient nuls. Nous avons lefté 70 ans fans tirer un coup de Canon fur la Mer: imprudence dont l'liiftohe d'aucun peuple n'oftre 1'exemple, Mais ce ne lont pas de* Stadhouders qui l'ont commife. Bb 2  370 Correfpondance Poïitique, principes dc la poïitique laplus profonde &la plus falutaire, traccr aux confédérés le plan le plus beau & le plus utile, infiftcr avec force & par les motifs ies plus touchans fur la reftauration des forces navales, que le Gouvernement Arijïocratique avoit laiffé dépérir. Cette femme véritablcment grande, a la tête du confeil d'Etat, en 1756, conjuroit les Etats des Provinces , d'ouvrir les yeux fur les fuites funeftes de leur fatale léthargic, & les invitoit a fongcr enfin ïéricufcmcnt au rétabliffement de la Marine, que leur inconccvable négligence avoit laiffé tomber. (2) Son fils , Guillaume V., n'a pas montré moins d'inclination & de fervcur pour opérer cet ouvrage défirable. Parvenu a la Majorité en 1766, il fit dès lors connoitre fon voeu de rclcvcr les .forces navales dont la direcfion lui étoit confiée. Mais il faut 1'entendre parler lui même. Dès qu'en 1766 nous fumes parvenus aux Charges & „ aux Dignités de nos Ancêtres, qui nous étoient dévoluës „ a titre d'hérédité, en vertu de Réfolutions légitimes & fo,, lcmnellement confirmées par tous les membres du Gouver„ neraent; nous jugcames ne pouvoir mieux commencer 1'exer,, cicede l'autorité qui nous étoit confiée, ni donner des preu- vc-s plus édatantes du vif^empretTement que nous avions de ,, la faire fervir a la gloire & au bonheur de cette Répubii- que, qu'en fongeant aux mefures qu'il étoit nécelTaïre de „ prendre pour la prélèrverdu danger éminent dont elle avoit „ été menacée dans la guerre précédente entre la France fk. \'An„ gkierre, danger dont la main feule de la Providence l'avoit „ garantie. Nous conciimes qu'il étoit de Ia plus grande imprudence „ de la laiffer dans 1'état de; foibleffe qui l'avoit fi fort expofé „ au milieu des conjonctures critiques que la paix avoit diffi- „ pees, (1) Voyez la PeTi TroN po'.ir Pannc'e 1757. pièce rëmarquable dont nous donuerous une traduftion , acconipagues de quelques teaianjues- dans un des Cahyers fuivants.  Civile & Litteraire. 371 „ péas, mais que la moindre étincelledufeu qu'on voyoït cou,, ver fous Ia cendre pouvoit faire renaltre. Tout nous invi,, toita veillerattentivement a la fureté & a la défenfe du Pays: „ de facon néanmoins a ne pas donner d'ombrage aux Puiffan„ ces voifines. ,, Nous nous fimes donc inftruire de la fituation des finances „ de toutes les Provinces, afin de favoir jusqu'aquel pointcha„ cune d'elies pouvoit contribuer aux fraix d'une augmenta„ tion, devenuë indifpenfable, des forces de I'Etat tant par „ Mer que par Terre. Depuis cette époque nous n'avons ees,, fé d'infifter avec Ie Confeil d'Etat, dans les pétitions an„ nuelles, fur la néceffité de cette doublé augmentation; & „ nous avons toujours fortement appuïé fur le befoin de ren„ forcer fpécialement Ia Marine. „ Tous les membres de la Confédération fentoient comme „ nous cette néceffité, & en convenoient avec nous: cepen„ dant nous avons été privés de la fatisfaction de voir prendre ,, une conclufion formelle tendante a effectuer des mefures, „ qui pouvoient feules détourner les mauxque nous éprouvons „ aujourd'hui, & qui devenoient fans elles inévitables; 1'ex„ périence, hélas! n'a que trop juftifié les craintes que nou$ ,, avions concues. „ En 1768 Nous fimes de nouveaux efforts pour procurer „ le rétabliffement de la Marine de I'Etat, objet conftant de ,, nos vceux & de nos foins. Confidérablement déchue dès „ longtems avant notre naiffance, nous appréhendions que fa „ décadence complette ne fit perdre a la République fon rang „ parmi les Puiffances Maritimes. „ Pour obvier a ce malheur, nous propofamesun plan, fut„ vant lequel on auroit équipé tous les ans 'fix Vaiffeaux de „ ligne au moins, indépendamment des Frégates, que lesAmi„ rautés pouvoient fournir de leurs propres fonds. Ce Plan „ démontre que nous avons eu pour but, de mettre les For'„ ces Navales de Ia République en état de protéger fon Comu merce & fa Navigation. „ Malheureufement nos efforts ne furent pas couronnés du „ fuccès que nous avions lieu d'en efpèrer. Les chofes refte, rent en cet état jusqu'a 1'année fuivante. Alors les Etats ), Généraux nous prieient d'appuier auprès des fix autres Pro„ vinces les inftances de celle de Hollande, pour faire marcher le rétabliffement de la Marine, au moins d'un pas égal avec celui des Forces de terre; de former de concert avec la Bb 3 „ Con-  372 Correfpondance Poïitique, „ Confeil d'Etat un plan pour 1'augmentation des Troupes, & ,j de le communiqner a l'Affemblée Générale. „ Nous fatisfimes a cette doubie demande avec l'empreffe. „ ment qu'«x?geuient& 1'importance de la chofe & le défir que „ nous„avions de voir enfin la Patrie mife en état de fureté do „ tous les cótés: bientót toutes les Provinces, excepté la Zé„ lande, camfentirent plus ou moins promptement a la Péti,\ tion pour la conftruction de 24 Vaitfeaux." Ce n'étoit point affez au Stadhouder d'avoir déplové en vain lbn autorité, & fait inutilement ufage de fon ihfluen'cCj pour engager les confédérés a mettre lts forces dcla République fur un pied refpcdtable. II etoit encore de fon devoir, de fa dignité, de fon patriotisme, de faire les plus grands efforts pour la préferver du fléau de la Guerre. Ici fe joint 1'abfurdité a Hnjuftjëë , & Tcxtravagance a 1'atrocité des reproches que la haine, infpirée parle fanatisme, lui fait. Les uns Tont accufé d'un penchart fecret & d'un attacbement crimincl pour VAngléterre; les autres d'avoir föurdcment préparé & concerté cette guerre avec la Grande Bretagne, & d'autres irconféquences auffi palpables. Ces imputations contradidtoires, fe détruifent affez d'ellcs mêmes , fans qu'il foit bofoin de les réfuter. On nc peut pas diffimulcr qu'il ne fouhaitat de prévenir uneruptufe entre deux nations longtemps unies, & de voir- la patrie profpérer a Tonibre de la paix qui lui eft néceffairc dans tous les temps, mais particulierement dans 1'état de foibleffe d'oü on a conftamment refufé ele la tirer. Et qui peut nier que ce voeu' pacifique du chef de TEtat, placé de fagon a recevoir tanc d'iliufcration £v d'afceqdant de la guerre, quand il a des armes pour la faire, nc foit tout a fait désintéreffé? Qui peut disconvenir que cette poïitique hu-' mainc ne foit préférable au Macbiavêlisme de nos patriotes, qui ont refufé a leur patrie des armées & des flottes, cn la précipitant dans la guerre? &n'auront-ils pas a répondre a leurs concitoyens, d'avoir néceffité des aggreffions qu'ils étoient voiontairement. hors d'état de repouflér? Mais'  Civile & Litteraire. 373 Mais laiffons au public inftruit, a la poftérite' impartiale, a prononcer fur leur conduite & leurs vues. Mettons nos lefteurs a portee de juger fi les mefures iudiquées par le Prince, & rejettées par fes adverfaires, ne lui méritent pas autant d'éloges & de réconnoilfance, qu'elles lui ont attiré de cenfures & de dégouts. „ Lorsque les difTérens entre la France & VAngléterre „ éclaterent, dit S. A., & que la fituation des affaires, entre „ 1'Empereur & le Roi de FruJJi, faifoient craindre une guer,, re générale, nous nous vimes de nouveau obligés de montrer ,, aux confédérés le danger oü la République fe trouvoit ex„ pofée. Nous répréfentames qu'Elle courroit risque de ne ,, conferver de fon indépendance qu'un v\iin titre, fi 1'on ne „ fe hatoit pas de faire unanimement des efforts efficaces pour „ la mettre duns un état de défenfe refpe&able, propre a ia „ fauver de Ia trifte & pernicieufe nêcejfité de prendre parti „ dans les querelles de fes Voifins, & de s'écarter malgré Elle „ de fon fyfteme de Neutralité, fi utile a fa profpérité 5: a „ fon bonheur ; a Ia confefvation desquels aucunde fes citoyens n'a. plus d'intérêt que nous mêmes. ,, Ceux de la Patrie exigeoient de la pureté, de la droiture , de nos intentions, que nous ne négligeaflions rien de toutce qui pouvoit tendre a lui conferver la paix, en la mettant en „ état de fe faire affez refpecler au déhors, pour qu'aucune „ des Puiffances Belligérantes ne put Ia forcer de prendre part a fa quereile , ou que du moins , fe trouvant attaquée , „ Elle fut dans une fituation a pouvoir réfifter au ptemier „ choc. ,, Nous eumes la fatisfaftion de voir Ia plus grande partie des „ Confédérés fe ranger a notre avis. Mais plufieurs s'imagi„ nèrent que VAngléterre, trop occupée avec fes Colonies, ne „ hafarderoit pas une guerre contre la France. lis penferent ,, que la République ne feroit pas impliquée dans celle qui pa„ roiffoit prochaine en Ailemagne. En conféquence de cette ,, opinion , ils préférerent de laiffer le Pays fans défenfe. Ils „ déclarerent même que 1'augmentation de la Marine leur pa- roiffoit inutile pour le préfent. „ Nous ne fumes ni déconcertés ni découragés par cette oppofition : *Nos fermens & notre devoir nous impofoient „ 1'obligation de uavaüler fans relache au bien de Ja Répu. blique, Bb 4 Dans  374 Correfpondance Poütiqtü. „ Dans Ie deffein d'y contribuer de tout notre pouvoir „ nous requimes 1'Ordre de la Noblefle de la Province dé W hollande, de faire aux Etats une propofition motivée, con„ tenant les inftanccs les plus fortes, pour qu'on employat fó„ rieufement & promptement, tous les moyens de mettre la „ République en défunfe par Terre & par Mer. I] s'agiflbit ,, de diriger a 1'Affemblée Générale les chofes de facon. —. „ Que tous les Colléges d'jfairauti fujfsnt requis le plutót pojjible „ de délibérer fur le nombre des Vaifftuux de guerre que 1'on Pour„ ROit y devroit équiper encore, pour protéger efficacement ,, le Commerce £f la Navigation, mdependamment de ceux auxquels „ on avoit dija confenti. „ Mais cette propofition eut le fort de toutes les autres dé„ marches que nous avions déja faites pour la fureté du Pays, „ en notre doublé qualité de Capitaine & d'Amiral Général. Comme Stadhouder Héréditaire (ie toutes les Provinces , „ avec chacune desquelles nous avons Jes même rélations, il eft ,, de notre devoir de concilier autant qu'il efl en nous les opinion$, diverfes, & d'en porter les Membres , a préférer aux con- fidérations de 1'intérêt particulier, pouffées fouvent beaucoup „ trop loin, la cpnferyatión & la fureté, comme la gloire & „ la profpérité du Corps entier de I'Etat, ,, Nous eumes le bonheur de faire goüter ces motifs a la „ plupart des Confédérés. En Hollande même tous les Mem„ bres , foit par conviétion , foit par condefcendance , fe „ montrerent favorablcs a la propofition de 1'Ordre Equeftre. „ Amfterdam feule perfifta a foutenir 1'inutilité de 1'augmenta„ tion des Troupes. „ La fituation de Ia Patrie étoit de jour en jour plus critique. „ A chaque inftant il devenoit plus incertain fi les Puiffances voifines, armées d'une manière redoutable , Iaifferoient a la „ République 1'avantage de recueiliir a I'ombre d'uneheureufe „ neutralité, lesfruits de fon indufirie, & defaifirlts occafions „ de faire fleurir fon commerce; ou bien fi 1'une ou 1'autre „ ne profiteroit pas de fa foibleffe pour la forcer a prendre ,, parti, en acquérant dans fes deliberations une influence dia„ métralement oppofée a fon indépendance , & par conféquent „ a fes plus chers intéréts. Plus cette fituation devenoit fa„ cheufe ,. plus cette incertitude prenoit de force, & plus „ auffi notre inquiétude s'accroiffoit. Nous redoublan.es nos „ efforts avec une nouvelle vigueur pour mettre la Répiiblique ,, en état de faire refpecter, en cas de befoin, le fyilême fi ,> avantageux , fi convenable a fa pofition , de Neutralité, „ qu'cl-  Civile & Litteraire. 375 :, qu'elle avoit embreffé. Pour le maintenir, il falloit non feu'ement des Vaiffeaux; mais encore un nombre de ,. Troupes föffifant. „ Toutes les Provinces avoient confentl a 1'équipement ex: „ traordinaire des Vaiffeaux; le plus grand nombre des Confédérés inclinoient pour 1'augmeBtation des Forces de terrej ',\ quelques uns infifterent fur cet objet, & la pluralité des fuffrages s'y montroit dispofée en Hollande. Nous ne parierons pas ici des inftances ultérieures que nous fimes, ni „ du plan que nous commun iquaines, d'après la Réfolution de LL. HH PP. du 21 Mai fuivant: il demeura de nouveau fans cfFet. Certains Membres du Gouvernement té,, moignerent alors quelque envie, malgré notre impuiffance ,. & notre foibleffe, dcfedéclarer contre VAngléterre , &d'ufer „ de repréfailles contre les Vaiffeaux de guerre & les Ar„ m'iteurs Anglois , qui commeneoient a vexer & è maltraiter „ nos Navires marchands; ils ne réfléebiffoient pas combien „ VAngléterre étoit puiffamment armée , combien nos forces étoient débiles, & quel tems immenfe il falloit pour rétablir „ une Marine entiérement déchuë. Un nouveau Plan conci„ liatoire, propofé Ie 2oNovembrede la même année 1778, ,, répondit auffi peu que les précédens au fuccès qu'on devoic ,. s'en promettre. 11 s'agiffoit de prendre une Réfolution, en „ vertu de laquelle on arrêteroit les objets fuivans. 1. Que la République a 1'égard des troubles acfuels, & en „ particulier des différens entre les Cours de Lendres & de ., Ferjaüles, continueroit a garder & a. obferver une exacte ,, neutralité, fans fe mèler en aucune facon de ces troubles ni „ de ces difFérens, ni des fuites qui pourroient en réfulter, „ & fans y prendre part fous quelque prétexte que ce fut; Ie „ tout cependant faus déroger aux Alliances que la Républiquo „ avoit contractées, & auxquelles on ne prétendoit pas don„ ner atteinte „ II. Qu'après les troubles actuels, & lors dïme Pacifica„ tion générale, on reprendroit le fil des anciennes délibéra„ tions fur le rapport du 17 Janvier 1775 , fait ï 1'Affemblée „ Générale, touchant la manière dont on pourroit régler les „ forces de la République en tems de paix, en fixant fur I'Etat „ de Guerre une fomme annuelle, tant pour l^ntretien de la „ Marine que pour une augmentation modique des Troupes ; jque les délibérations fur cet Article feroient terminées au „ bout de fix mois, 4 la fatisfaclion mutuelle de (ous les ConBb 5 fé-  376 Correfpondance Poïitique, ,, fédérés, ou que fi après ce tems on n'avoit, contre toute ,, efpérance, rien arrêcé, les Troupes qu'on alloit lever fe,, roient eo ipfo licentiées, fans aucune déïiberation ultérieure „ & qu'il n'en feroit plus fait mention fur 1'état de guerre. ,, 111. Que durant les troubles aftuels entre la France & Ia ' „ Grande Bretagne on tiendroit en mer au moins vinot Vaif„ feaux de guerre & Frégates, ou plus encore fi Ie befoin „ 1'exigeoit, pour protéger convenabiement le Commerce & „ la Navigation. „ Cependant la Cour de Londrcs donnoit chaque jour de nou„ veaux fujets de plaintes. Nous concourumes, a la vérité, „ avec Ia pluralité des fuffrages , a fufpendre pour quelque „ tems, en faveur de cette Puiffance, les Convois accordés „ aux Vaiffeaux chargés de bois de conftruciion. Cette dé„ marche n'indiquoit pas de notre part qu'il fallut renoncer, „ pour 1'avantage de YAngleterre, a un droit que les Traités af„ furo.'ent aux habitans de ce pays. Mais vu 1'impuiffance oü „ la République fe trouvoit par Terre & par Mer, étatdéplo„ rable dont nous avions vaineinent taché de la retirer, nous „ étions perfuadés qu'il étoit plus prudent de fufpendre Pexer„ cice de ce droit, que de s'expofer, pour maintenir un objet' „ unique de Commerce, qui n'intérefToit pas d'ailleurs la maffe „ générale du Négoce, aux pertes énormes que la République „ a faites depuis. Notre opinion étoit qu'il falloit différer la „ protection d'une branche de Commerce qu'on nous difputoit , jusqu'au moment oü I'Etat feroit affez puiffamment „ armé pour fe défendre fur Terre & fur Mer. Sur mer, par,, ceque 1'Anglcterreayant depuis tant d'années une Marine étabh'e, ,, & armée alors encore plus que jamais, pouvoit ruiner en„ tiérement notre Commerce, & envahir nos poffeffions eu ,, Oriënt & enOccident ,fi nous nenous mettionspas en pofture „ de les défendre par des forces fuffifantes. Sur terre, „ paree que nous craignions que s'il falloit en venir imxmains „ avec cette Puiffance, Elle ne trouvat peut être les moyens ,, de nous attaquer fur le Continent, ou du moins de nous y „ fufciter de nouveaux ennemis. „ Les Annales de ce Pays, & en particulier ce qui arriva en „ 1666, lorsque 1'Evêque de Munfter enleva en peu de tems „ presque deux Provinces a la République, nous apprennent, „ affez que plus d'une Puiffance peut 1'attaquer par Terre. En „ tout cas il nous paroifi'oit, que quand bien même la rupture „ avec YAngleterre ne nous eut entrainé que dans une Guerre „ Ma-.  Civile & Litteraire. 377 1 Maritime, le petit nombre de Troupes de I'Etat ne fuffiroit " pas cependant pour garnir fuffifament les cótes du Pays,fans '! expofer fes Frontières. „ A tout cela fe joignoituneréflexion, dont 1'expériencene , nous a malheureufement que trop confirmë la foüdité. C'eft ' que quand on attend pour fonger afa fureté, que le moment du danger foit arrivé, on risque de ne pouvoir plus le fai„ re, lorque les apparences du péril font changées en eer,, titude. , , Par tout ce que nous venons de dire, d eft affez prouvé , combien nous avons fincèrement defiré de mettre la République en état de déployer de plus 'grands efforts pour la proteétioa „ de fon Commerce & de fa Navigation-: c'eft ce que démontr© „ également Ia propofition qne nous fimes encore aux Conté. dérés le 16 Mars 1779. dans la vue de -nous acquiter denos ',, devoirs envers la Patrie. On délibéroit alors fur la Réfolu, tion non révoquée, qui avoit fufpendu les Convols pour les „ Vaiffeaux chargés de bois de conftruftion. Si notre ouver„ ture eut été généralement goutée, la Marine auroit étéren„ forcéejon auroiteu50a60Vaiffeaux, parmi lesquels 20 ajo ,, de Ligne, & 1'on auroit porté Ie nombre des Troupes a go „ ou 60 milles hommes. Ainfi la République fe feroit vü en „ état de prendre, comme il convenoit a une Puiflance indé,', pendante, les réfolutionsqui auroient été jugéesles plus ana„ logucsf a fes intéréts & a fa dignité, dars les conjonclures ., épineufes oü elle fe trouvoit, gênée&embaraffée comme elle 1'étoit, d'une part par les prétentions de la Cour deLwdres,, "„ & de 1'autre par les Edits émanés de celle de Verfaüks. „ Après cela n'y auroit-il pas la plus haute injuftice de nous rendre refponfables de 1'impuiffance oü la République fe trou* voit, lorsque le Manifefte Anglois, en rempliffant Is coeur '' des bons Citoyens de laplus jufte indignation, fit naitre les ' plus vives allarmes fur les fuites de cette mésintelli, gence? Nous ne rougiffons pas de le déclarer ouvertement: cette funefte nouvelle nous porta un trés fenfible coup. Loin ', de nous tout attachement illicite è la Grande Bretagne, toute " prédiledlion pour les intéréts de ce Royaume: nous ne les '„ avons jam'ais envifagés avec fa follicitude que nous infpirent , ceux de la Patrie. Ces motifs honteux, qu'une licence effré"„ née & impunie jusqu'ici nous prête, en accréditant par les „ moyens les plus infames 1'opinion que nous en fommes anl!, més, ne fouillerent jamais notre cceur. „ Nonj  S78 Correfpondance Poïitique, „ Non , aucun habitant de la République ne défiroit plus ,, ardemment de la venger que nous: mais nous ne pouvions „ nous diifimuler les fuites terribles de cette rupture: notre „ amour pour la Patrie nous faifoit appercevoir dans un déplo„ rabie avenir les fources de la profpérité publique arretées „ tout-i-coup, peut-être détournées pour jamais; nos Co. „ lonies envahies & ravagées; nos finances enfin épuifées. Et „ ce dernier malheur plus réel alors, qu'il ne 1'étoiten effet, „ lorsque la crainte de 1'éprouver, en fe livrant a des dëpen„ fes indifpanfables, prévalut fur la néceffité de mettre laRé„ publique en état de foutenir fon honneur & fon lndépen. dance, • „ Nous étions intimëment convaincus que I'Etat ne pouvoit „ nous fournir les moyens néceffaires, nous ne difons point, „ pour faire tête aux Anglois, pour les punir de leurs injuftices, mais feulementpour défendre couvenablementles objets „ que la République avoit le plus a cceur de conferver, pour „ couvrir nos poffeffions, notre Navigation, & pour les fou„ ftraire a la rapacité de TEnnemi. Le Tableau comparacifdes „ forces maritimes des deux PuifTances fuffiroit feul pour le „ prouver. 1°. „ Peu de temps avant la Rupture on nous avoit communiqué plufieurs Lilles, dont nous n'avions aucune raifon de „ fufpecter 1'authenticité, & qui portoient fes Forces Navales „ des Angtois, tant en Europe que duns les autres Parties-du Mon,, de, a juó Vaiffeaux, favoir : 3 Vaiffeaux de 100 Canons. 1 de 98 ■ 2 —- de 8+ ■ 1 ■ de 80 ——— 48 de 74 ■ 1 ■ ■ de 68 ——— 24. > de 64 . 17 de 50 ■ ■ - 14 : de 44 ■ „ Huit de ces Vaiffeaux étoient entierement neufs, & 61 „ doublés en cuivre, outre trois Navires Garde-Cótes, & 20 „ Vieux Vaiffeaux de 80, 74, 70, 64 & 6o pièces, dont „ plu-  Civile 6? Litteraire. 375» , plufieurs pouvoient encore être réparés. Nous ne faifons point entier en ligne de compte un nombre bien plus confï. dérableencore de Frégates, de Cutters & d'autres Navires au * deiïbus 44pièces, ainfi qu'une multitude étonnante'de Capres „ & d'Armateurs. 20. „ La plus grande partie des Vaiffeaux Anglois étoient équipés; 1'équipage étoit méme beaucoup plus nombreux qu'autrefois. lis étoient montés de Matelóts expérimentés " & d'Officiers habiles. On avoit depuis plus d'un fiècle foigné cette partie avec beaucoup d'attention , & avec le zèle qu'infpire la néceffité accompagnée de fages précau- „ dons. 30. „ Les Vaiffeaux Anglois ont la réputation d'étre en „ général excellens voiliers, c'eft ce que reconnoiffent les „ meilleurs Marins, qui attribuent cette fupériorité a la for- me de ces Navires, qui d'ailleurs font presque tous doublés „ en cuivre. 40. „ Lorsque les hoftilités commencerent, la République „ n'avoit pas a beaucoup prés des forces fufSfantes a oppofer a ccllc» auc VAnghtem , inajgré fee autres Encemis , " pouvoit dirigêr contre I'Etat. Le nombre de fes Vaiffeaux étoit même bien inférieur a celui qu'il pouvoit mettre jadis en mer, dans les guerres qu'il eut a foutenir contre la „ Grande Bretagne. ,, En effet lorsque parut le Manifefte Britannique, on n'a„ voit tout au plus que 27 Vaiffeaux de ligne a mettre en mer, , ou que 1'on pouvoit préparer; encore presque tous n'é'„ toient que de 50 pièces; le refte confiftoit en 35 Frégates & deux Senaux ; en comprenant dans ce calcul 6 vieux , Vaiffeaux, uniquement bons pour fervir de Garde-Cótes & ti'Hópitaux, & d'autres qui étoient en conftruction; enfin des Goëlettes, des Taehts, & d'autres moindres Bdtimens, '„ auffi en conftruftion, ou qu'il falloit acheter & louer, & „ dont 1'équipage n'étoit pas i beaucoup prés complet. 50. „ Quoique plufieurs de ces Vaiffeaux & de ces Fré, gates ne fulfent pas juftement hors d'état de fervir, on ne , pouvoit cependant les comparer aux Vaiffeaux ennemis, '„ neufs, plus forts, & furtout meilleurs voiliers que „ ceux-ci. 60. L'équipage des Navires de la République n'étoit pas complet; il confiftoit principalement en matelóts inexpérimentés; on manquoit de Bas-Officiers & de Lieutenans. ,', La plupart des Capitaines & des Officiers Généraux n'a- voient  g8o Correfpondance Poïitique. '„ voient jamais fervi en temps de guerre , & manquoient „ par conféquent de 1'expérience , aufli néeeflaire pour un , Marin, que toutes fes autres connoiffances, mais qui ne peut „ s'acquerir que par 1'exercice. „ Toutes ces confidérations nous frappoient vivement; auffi la feule confolation que nous relfentimes lors des "„ premières hoftilités, ce fut la conviétion , que bien loin „ d'avoir fait naicre cette guerre, nous avions au contraire „ travaillé de tout notre pouvoir pour la prévenir. Nous eumes la douleur de voir donner depuis la tournure la " plus finiftre a des démarehes innocentes, qu'on empoifon"„ na, en les attribuant a je ne fais quelle chimérique & détefta, ble Anglomanie. Z,a fuite 111 cahyer prochain. FIN D TT T(1VIÏ S F r. O N Ti.