L E T T R E D E Ui L'ABBÉ RAINAL A L' AUTEUR DE LA NYMPHE DE SPA; Prfoedée d'une tettre de la Veuve Bourguignon, Inu primeur de S. A. C. Mgr. Ie Prince Evêque de Liege, a M. G, ***** Jon Confrère a , A LA H A Y E M. DCC. LXXSI.  I KONINKLIJKE BIBLIOTHEEK  Lettre de la veuve Bourguignon a M. G... . De Liege le 10 Novembrs 178T. Monsieur et Cher Confrère ! Pai cru vous faire plaijir en vous envoyant la lettre que je viens de recevoir comme de la part de M. l'abbé Rainal pour Pimprimer ; c& que je n'ai oféfaire , par la raifon que fai en~ tendu dire a mes ouvriers & a mon commis, que le mandement dont ci-joint un exemplaire , a été fait contre un jeune-homme qui avait adreffé quelque vers innocents audit abbé Rainal , // y a environ deux mots : par conféquent, ne voulanten rien déplaire a M. M. du Synode de Liege , je me Jüis difpenfée da cette imprejfion. Vous en fere\ ce que vous voudrei , pounu que je ne fois pour rien dans tout cêla; car mes ouvriers m'ont aufiappris que ce Diable de mandement fait un bruit terrible dans la vitte & les environs. Je n'ai jamais rien imprimê, qui in'ait fait autant de rêputation : je me doutais bien que c'était quelque chofe de conféquence , puifque pendant quHl était fous prejfe , deux membres du ■ Synode vinrent voir fi Vouvrage avancait , & lorfque je leur ai dit quHl ferait bientót A ij  C 4 ) prét, ils tèmoignèrent une grande fatisfaclion: leurs vifages femblèrent s'épanouir. D'après tour cela , j'ai penfé que la lettre en quejiion ne quadrerait pas' avec le mandement & je vous Penvoye a vos rifques & périh. J'ai chargé le prote de moh imprimerie , de vous donner un détail plus circonjlancié de cette affaire , parcequ'il m\i dit quHl la connaiff'ait bien ; Ceft un garpon fort fimple & qui vous dira ld vér!té, faufvotre difcrétion , fur laquelle nouscomptons tous les deux ; pour moi je ne me fnêle que des affaires de mon Commerce. J'ai Vhonneur d'étre ; Monsieur et Confrère | Votre très-Iiurnble & obéiflante Servante La Veuve Bourguignon. DÉTAILS fournis par LE ProTE. Vous ferez bien étonné, M., des parti" culnrités que Mad. la veuve Bourguignon m'a chargé de vous apprendre, au fujet du mandement ci joint, vous le ferez plus encore lorfque vous faurezce qui y a donné lieu. Voici le fait fimplement, & tel qu'il eft raconté par toutes les perfonnes impartiales de notre ville.  ( 5 ) , lOaóScy* f Un jeune homme nommé M. B*******agé de 11 a 2 3 ans,demceurs irréprochables,plein de frauchife , vif, aimant la pocfie & faifant quelquefois d'alïez jolis vers , était a Spa dans le tems que 1'Abbé Raynal y prenait les eaux. M. B. concut le defir fi naturel d'avoir une converfation avec eet homme célebre; ftiais une certaine timidité 1'arrêta : Taccueil éclatant que lePrinceiïenn de Prujfe & 1'Empereur iaifoient a M. Raynal, les égards publiés que ces Héros avaient pour le génie qui a tracé l'Hiftoire philofophique avec tant d'é* loquence & de profondeur , en augmentant fa timidité , redoublaient encore 1'envie qu'il avait d'admirer de plus pres celui qui obtenait a jufïe titre les fuftrages des„ perfonnes de Ia plus haute confidération. Quand il apprit cependant le départ de M. Raynal , il hazarda de lui offrir 1'hommage de quelques vers , (*) faits avec précipitatiom, mais avec Pentoufiafme qui décele itne imagination hardie , & capable d'enfanter quelque jour des ouvrages digncs d'acqué'rir une réputation meritée. M. 1'Abbé Raynal recut cette petite produélïon avec bonté, promit a 1'auteur de le voir a Liege ; & en eflet il lui tint parofe ; leur liaifon ne fut cependant d'aucune durée : les deux ou trois Ibis qu'ils fe rencontrerent , (*) Vous les trouverez inclus. A iij  ( 6 ) 1'Abbé R. ayant reconnu des talents a M..B. 1'encouragea dans fon gout pour les belles lettres. Ce que vous allez trouver bien étrange , M., c'eft que tout ce que je viens de vous marquer s'étant palTé vers la fin d'aoüt, on ignore comment deux mois après , une copie manufcrite des vers de M. B. intitulés : la Nmphe de Spa a 1'Abbé Raynal, parvint a M. le Tréforier G membre du fynode & qui ofdinairemènt y préfide en 1'abfence du C. de R Vicaire Général. Peu de per- t fon nes avaient connahTance de cette piece, quand tout a coup on apprend qu'eüe eft déferée au Confiftoire. Malheureuferaent aucun des membres qui s'y trouverent, n'eut alfez de prudence pour donner le fage confei! d'éviier un éclat. Tous hu contraire crièrent a 1'anathème. M. B. eft fommé par 1'huiffier fynodial a comparaitre pour être oui a la falie du confiftoire. Etrangement furpris d'une ordonnance rendue contre lui, fans procédure ni formalité quelconque , & a 1'occafion d'un ouvrage qui ne portoit aucune fignature , M. B. crut devoir aller a Bex implorer les bontés dont Son AltelTe CelfslTiine l'a honoré plufieurs fois , quoiqu'il fentit toute l'illégalité de l'ordonnance des Synodiaux. Ce Prince bienfaifant le recut  C 7 ) avec indulgence & daigna écrire lui même, apr'ès avoir lu les vers, a M. Gh... quil fouhaitait que cette affaire n'eüt pas de fuite. A fon retour du chateau de Hex, M. B. trouva chez lui une feconde citation pour comparaitre au Synode. Perfuadé qu'on fe conformerait avix intentrons de S. A., Mgr Ie Prince-Évêque , il crut devoir fe difpenfer de s'y rendre. Les moteurs de cette tracafferie échaufFerent les Synodiaux a un telpoint qu'ils iignerent un votum adreffé au Prince , dans lequel on avanca que cette affaire était la Caufe de Eieu... T. S. A. ne répondit pas ; le confiftoire interpréta ce filence a fn ma* niere. En conféquence troifième citatiun a. M. B... . En attendant on fema dans Ie public, les propos les plus allarmants pour notre jeune poëte. Des membres du Synode même approclierent fes amis, pour les exciter avec aigreur & menaces a ne plus voir un impie, 1'aflbciant aux Luther, aux Calvin.... Jls dirent affez ouvertement qu'ils en feroient un exemple , qu'on le perdroit. Les chofes étant a ce point, M. B. penfa aux précautions qui devenaient indifpenfables pour fa fureté. II écrivit a M. G. une lettre refpeftueufe mais ferme , dans laquelle il lui faifait fentir t'irregularité, ia précipitation, la violence même des pro-  ( 8 ) cédés exercés contre lui; loin qne cette lettre appaifat ces M. M. , ils en furent plus animés. ün convoqua le iy Oftobre , une afïèmblée extraordinaire du Synode , a 1'iffue de laquelle tous les membres qui la compofaient, partirent pour le palais de Seraing, campagne oü le Princc était alors. Ils eu■rent audience. On ne fait pas trop ce qui s'y paffa , mais le lendemain Dimanche 10 , on publia a tous les prönes , le mandement ci-joint. Vous devinez aifément, M., que les gens fages blamèrent un pareil éclat. On lüt furpris furtout de la qualification d'homme turbulent , donnée dans le mandement a 1'auteur de la Nymphe de Spa. On approuva moins encore la menace de le punir ■frfon la rigueur des luix. Ces odieufes imputations , ces menaces , forcerent M. B. violé en fon droit de citoyen , calomnié , flétri publiquement, d'infmuer au confiftoire, une proteftation appellatoire par forme de plainte a S. M. Impériale , confervatrice des priviléges & libertes des Citoyens de Liege. Les gens éclairés fentirent les confequences que pouvait entrainer cette affaire. L'acharnement & 1'efprit de parti la rendaient a chaque inftant plus importante. Le Prince-Evêque témoigna de nouveau combien il defiroit que tout fut afloupi ^ notre jeune  (9) poëte fi cruellement outragé , pénétré des foins que S. A. C. fe donnoit pour cette étrange caufe ; encouragé par les oiTres obligeantes dont le Prince l'avoit honoré en differentes circonftances > demanda avec foumiffion une conference dans fon palais de Seraing,en préfence de S. A. Quatre membres du Synode (nommément Mgr. le Comte ÜArberg, Evèque d'armfon , Suffragant de Liege, dont la juftice , la bienfaifance & les lumieres font connues ) fe rendirent a Seraing par ordre du Prince. 1VL B> parut, s'expliqua avec beaucoup de noblelTe & de fermeté , & enfin voulantprouver fon amouü pour la tranquillité & combien il refpeftait les volontés de S. A., facrifiant tout jufte reffentiment, il renonca a fon droit de recours , & fe foumit en expliquant hautement les ino* tifs qui le faifoient agir. M. M. du Confiftoire fe retirerent fort contents. S. A. témoigna a M. B. par les expreffions les plus obligeantes , la fatisfa&iun qu'Elle éprouvait. Je vous prie de croire , M., que volta le fait dans la plus vraie exa&itude. M. M. les Synodiaux de retour a Liege , rendirent compte de cette conference a leurs confrères ; plufieurs membres loin d'approu* ver ce qui avoit été fait, manifefterent leur mécontentement , réfolurent tm nouveau Vo- B  < io ) turn au Prince & délibérerent de nouveau fur cette affaire,inalgré le Prince & fes ordres précis pour que tout fut abfoïument & définitivetfient oublié. On commencoit cepenciant dans cette ville a voir cette' finguliere affaire, d'un ceil plus tranquille , lorfqu'un Gazetier de Cologne, exjéfuite , a ce qu'on prétend jfift' venu par un articleauffi impudent que calomnieux , inférè dans fon No. 90. , rallumer le feu qui couvoit fous la cendre Synodiale. Enfin j M. on ne fait a préfent quand la chofe fe terminera. La Ntmphe de-Spa. a FAbbi R.... Tti vas quitter cette aimable retraite Oü Ioin du bruit, des fourbfs, des cagott, Libië de foins, ton ame fatisfaite A fu gouter les douceurs du repos. Dans ces foréis en mon réduit fauvage Oü les beaux jours amenent tous les ans, Tant d'ètres nuls, tant de fous différent, Avec orgueil j'ai vu paroitre un fage. Ainfï tti vois dans mon riant vallon ï'armi la moufTe & la pale fougere, Bnller par fois une fleur paflagere, Quelques momens émailler le gazon j Et parfumer Ia ftérile bruiere. De fes malheurs imbécille artifan, Que contre toi dans fa fureur glapifie Des préjugés 1'aveugle partifan; Que des mortcls ce farouche tiran , Le Fanatifme i ton nom feul frcniifle .' l;e chêne ahier de vingt fiecles vaincjuear, tlevê aux cicux fon augufte feuillage:  ( v ) Auteur de lui, des Autans en furaut Eu vaiii mugit 1'impétueufe rage ; Jnébranlable il voit rouler 1'orage. A fon abri les charitres du bocage Viennent former leur concert endumeur, Brulé du jour, arrofé de fueur, Sous fes ramcaux rhonnète voyageur Goute Ie frais & bénit fon ombrage; Toujours utile il brille, & dage en aoe Sent augmenter fa force & fa vioueur.° Eh! que lui fait Ia vile fnurmiliere, Lei vains efForts des iufeSes obfeurs Qui fous fes pieds, rampajis dans Ia pouffiere, Vont les fouiller de leurs venins impurs > O vous dont I'lme & grande & courageufe De'daignc en paix les cris des envieux, De Ia raifon défenfeurs généreux Venez, yolez a ma grotte moulfeufle Et méprifez vos cenfeurs orgueilleux. Sous mes berceaux, malgré la jaloufie, La calornnie & fes affreux fuppóts, L'amant facré de Ia philofophie Fut courouné par la mail) des Héros. Salut a vous ! 6 Piinces magnanimes Qui déchirant le bandeau de Terreur, Suivez le cri de vos ames fublimes Et des hurnains cimentez Ie bonheur. Oui des Germains Tefpérance première , Le bon Jofepb »ux piéjugés fatal ; Du plus grand Roi que 1'Europe léveie, Ce fier Henri, Ie Frere & Ie rival , Sourds aux clameurs des rivet de Ia feine, Au bord fleuri de mon humble fontaine, Des vijs cagots t'ont bien vengé, Raymal. ïourfuis en paix, ton illuftre carrière, Que 1* fauté file tes jours heureux : PuifTe mon onde Sc pure & falutaire Sn prolonger le cours fi precieus! Longtems encor que ta voix révérée Tonne au milieu des peupies conompus.Ramene au vrai cette foule égarée D'êtret rampans fous Ie joug abattus; Vers toi 1'Europe a Iet bras cttndus: heiige fes droits & fa caufe facrée. Fais voir aux Rois la faiiite vérité.- B ij  ( 121 Tnh leur almer Ia douce Mpnfaïfance; Kous te devrons notie féli ité, Et dans ton coeur fera ta récompenfe. FEAwgors-Charles, par la grace de Dieu, Evique & Prince de Liege, Prince du Saint Empire aotnain. Duc de Bouillon, Marquiz de Fraticlnmont, Comie dp Tooz & de Home, Baron de Herflal, &c. &c. &c. A tous ceux qui ces Préfentes verront, Salut. Ce n'eft pas fans Ia plus vive douleur que nous venons de voir s'élever du fein des Brebis confiées a iios foins , un homme turbulent, affez audacïeux que d'ofer publier , par une témérité inouie , une Piece de Vers infbltanre pour tous les genres d'authoriré, contenant 1'éloge üeYAbbê Raynal, dont Jes Ouvra^es font fi juftement profcrits. condamnés, comme intfie^, blafphémntoires, féditieux, tendanr h foulever les'peupte* cotttre l'authorité fouveraivie & ei renverfer les fondwients de fordre civil. Ne pouvant ni tolérer, ni diffimuler une entreprife auili hardie, nous jugeons devoir rendre publique Pindignutinn qne nous avons refientie a la le&ure de Cette Piece feandnleufe, portant le titre de la Nymfhe de Spa h 1'Abbé Raynal, dont nous entendons punir 1'Auteur felon la rigueur des Loix. Et comme nous n'avons rien de plus a coeur que d'écarter de nos peuples le fouffle empoifonné de 1'irréligion, & de !es prémunir contre cette funefte épidemie, qui, partout ailleurs , fair les plus grands ravages, nous vous conjurons, N. T. C. F. deconferver avec foin le précieux tréfor de IaFoi, dont vous connoiffez 1'excellence & le prix : fermer & inébranlables dans la Religion de vos Peres , qui a toujours fleuri dans le Diocefe, & qui par fon éclat en a fait une portion diftinguée de 1'héritage de Jesus-Christ , vous n'aurez que au mépris & de 1'horreur pour les fophifmes & les attentats d'une Philofophie infenfée , qui ofe s'élever contre Dieu, & blafphêmer contre nos Myftères.  ( 13 ) Nous Ordonnons que la Prérente foit 'ntiprimée pour la connoifl'ance d'un chacun , & qu'elle foic publiée demain Ditnanche 28 du courant, dans'toutes les Eglifes de notre Cité de Liege, au Pröne de la Meffe ParoiiTiale. Donné a Liege ce 27 O&obre 1781. Pour WSr. le Picaire-Général abfent, GHISELS, Chanoine-Tréfoncier de Liege. AVERTISSEMENT de DÉDITEUR. J'étais dé/a informé d'une grande partie des manoeuvres fcandaleufes que M. M. les Synodiaux de Liege ont mifes en ufage contre Vauteur de VÉpitre a M. Vabbé Raynal : cette piece de vers n'a été que le prétexte dont les fanatiques fe font fervis pour injurier publiquement l'homme de génie a qui elle fut prefentée. Des fe mois de juin dernier, ils concurent la jaloufie la plus lache & la plus odieufe envers M. Vabbé Raynal, qui alors était déja a Liege. Ils virent avec le plus grand déplaifir ïaccueil dijlingué quHl recut du PrinceEvêque , des Grands & des Minifires étrangers. Cet écrivain juftement célébre fut en effet repu avec diftinBion par M. Sabathier Miniftre plénipotentiaire de France , qui n'auroit pas admis dans fa Sociétè, un homme que fa Patrie eüt regardé comme vraiment profcrit. 11 étoit logé che\ nn citoyen auffi recommandablepar fes lumkres & fes takns que par fa pro-  C 14 ) hté, & particutiérement honorê de la confiance, Ven peut dire même , de Vintimifé de fon Pnnce. (*) S. A. C. dejira que M. Vabbé Raynal lui fütpréfentè ; il eut Vhonneurde maneer plufieurs fois avec Elle. On fait que ce Pr. nee refpeclable a toujours fd dijlinguer le mérite , que fon ame aujfi grande que bonne rta jamais été fïduite parVefprit de parti ; que toujours jufie, fimple , bienfaifant, il ne fait vfage des lumieres de fon efprit, queyour rendre plus heureux ceux qui ont Vavautage de fapprecher. On concevra facilement d'après le portraitde eet augujle Prélat , que les prêtres Referent, pendantleféjour de M. Raynai tant * Liege qu'd Spa , tenter ouvertement aucune voye pour attaquer ni fa perfonne , ni fes éents , qu'ils ne comprennent pas peut-être j mais ils ourdirent des trames fourdes , & fe fervirent de deux exjéfuites , (**) qui introduits dans quelques families , foufflerent le poifon de la calomnie , dufanatifme &deVenvie. Ces hypocrites confommés amenerent pen dpeules fimples , les confeiences craintives , facilement allarmées quand on- leur dit qu'on attaque la Religion , au point qu'au moment cu la Nunphe de Spa fut rèmfè d un Membre du Synode, par l'infidélité dequelqu'un d qui (*) M. Plomte~u7. ' ~ (**) Le Pere de F. & le Pere Fe  ( *5 > ton avait ccnpé cette piece ; Vabbé Raynal étantparti , tous ces M. M. fe liguent d la fois , levent le mafque , & attdquent le jeune B. comme on Va vu dans le détail du Prote de la veuve Bourguignon. Jefuis perfuadéqua le Pnnce-Êvêque ignore les détours obfcurs , les perfidies & les refforts honteux que fon Synode a employés par le canal des deux émiffaires ci-deffus nommés. IIy a long-tems que ces Caffards font connus pour des perturbateurs du repos des families ; mais ils font ft adroits d fe confereer les portes de derrière, leur voie favorite, qtfon ne peut pref. ue jamais les convaincre de leurs affreux complots. Oefl encore par une fuite d'attachement aux principes de leur ordre , que leur Confrère retiré d Cologne, fous le nom dé Gazetier , a publié cette fcandaleufe Scène , d'aprè% les avis qu'il en avait vraifemblablement regus de fes Correfpondants de Liege. D'autres écrivains périodiques en ont parlé auji; mais avec la retenue que la charité chrétienne doit infpirer d tout homme convaincu de la famteré de fa religion. Ce coriphée des Sots compilateurs devrait moins fe livrer aux infinuations dangereufes que lui communiquent fes intolérants confrères ; il devrait fe jouvenir des lef ons quHl a ddja recues d eet égard, & qu'on pourroit  C t6 ) proaufrd è fon fujet des pieces d'une nature un peu plus conféquente que le Mandement dont il s'agit ; mais je ne veux pas toucher cette Corde : on m'accuferait de méchancetê: je dois éviter ce reproche. Apr'es avoir ajouté pour IHnjlruclion da public èclairé, les faits que les ouvriers de la veuve Bourguignon ignoraient , je dois d Vhumanité outragée , aux loix violies , d 1''autorité d'un Prince vertueux , d laquelle on a ouvertement manqué de refpecl , la publication de la lettre que Von m'a envoyée fous le nom de M. Vabbé Raynal ; qu'elle foit de lui ou non, elle m'a paru utile pour justifier cntièrement M. B. aux yeux des gens non prévenus. Accablerfous les arguments de la raifon fes indignes adverfaires , & les couvrir d'un ridicule inejf'acable , c'eft encor un chdtiment trop doux pour. ces Idehes fuppóts du fanatifme.  Lettre de M. L'abbé Raynal a l'auteur de la Nymphe de Spa. Monsieur , J'ai eu befoin du mépris que mérite la conduite du Synode de Liege , pour ne pas 'melivrera toute mon indignation. Je n'aurais jamais penfé que le fanatifme , 1'audace & l'égarement enfemble eufiènt produits des êtres aufïï imbécilles & auffi méchans. II faut croire, M. , que vous avez dévoré avec une circoiifpeftion digne du fage , les horreurs que ces infecles malfaifants ont lancées fur vous au mépris de toutes les loix divines & humaines. Comment ne vous eftil pas échappé un mot de plainte, pas un murmure contre ces vils corrupteurs de la fbi, tandis que les papiers publics retentiffent de leur petit triomphe ? Vous me donnez autant d'eftime pour votre cceur que j'avais concu d'opinion pour vos talens littéraires. Mais, Monfieur , fi vous avez cru devoir céder aux follicitations de vos amis , li l'amour de Ia paix & de la tranquillité ont enchainé votre reffentiment, fi enfin vous êtes plus épris de la fatisfaéliion intérieure d'une ame , qui ne veut pas avoir a fe faire le reproche de contribuer a 1'abailTenient de fes enne* C  ( 18 ) mis , que de la douceur d'une jufte vengeance ; il n'en peut pas être de même a mon egard. Votre flétriffure Synodiale rejaillit fur moi c'eft moi qu'on a voulu inlulter 'indireftement, en condamnant la Nymphe de Spa. II y a longtems que ces Sicophantes d'églife attendaient 1'occafion de fe venger fur mes ouvrages , de l'accueil mcrtifiant pour eux , que ma perfonne recut de leur Prince. Ma préfence fit taire leurs clameurs hypocntes. Ils redoutoient le nombre d'affaillants qu'ils auroient eu a combatre pendant mon fcjour : mais ils ont eu leurs coudées franches dès rinftant de mon départ & ce torrent fangeux s'efl débordé fur 1'auteur de la Nymphe de Spa , pour troubler la pureté de fon onde. Vous voyez, M. que votre caufe eft la mienne , ou du moins que la fureur aveugle de quelques menbres de votre Confiftoire, les ont tellement aftimilées que pour mettre votre innocence dans tout fon jour, il fuffit de rechercher comment ces M. M. ont trouvé que mes écrits font condamnés, profcrits juftement, comme contenant des impieth, des Blafphêmes , qu'ils font en un mot, féditieux , tendant a fculever les peuples contre Vaii* torité fouveraine & a renverf r Vordre cvvil. (*) (*_) Manderaen: de Ifege du 27 Oétobre 1781.  ( «9 ) Enfuite il s'agira de favoir comment les vers que vous m'avez fait 1'honneur de me préfenter , font infultans pour tous les genres ttautorité. (*) Quant au premier chef d'accufation, je vais t ach er d'y répondre avec plus décence & de fangfroid que n'en ont employé les Synodiaux dans le ftile barbare de leur cenfure ridicule publiée fous le nom de Mandement. Ce ferait peut être ici le lieu de placer mes doutes fur l'étendue de pouvoir, confiée a ce tribunal monftrueux : comment eft-il pofllble qu'il fubfifte chez des peuples tels que les Liégeois,jouiflant d'une liberté plus illimitée que celle même des Anglais,dont les loix, les conftitutions affurent la plus grande indépendance parmi tous les individus, dont les propriétés , les privileges font a 1'abri de toute infraftion de la part du corps qui gouvernc comme de celui qui eft gouverné : Je ne concois pas, comment cette fouveraineté réfidante dans le peuple en entier, peut s'accorder avec Féredlion d'un confiftoire ombrageux, qui peut au premier foupconmolefter un citoyen, violer les prérogatives de la liberté publique & infulter les mceurs particulieres, par des fentences arbitraires , qu'ont prefque toujours difté Tignorance & le fanatifme. C) Idem. C ij  ( 20 ) Il fr.udroitencoredemander qucl eft Fobjet de ce tribunal fantaftique, dont le modèle n'exifte que dansles fiecles de ténebres ; dont la perpetuité n'eft fondée, cimentée, que par 1'intolérance religieufe qui s'eft abreuvée du fang de fes frères dans ces tems malheureux , qui enfin ne peut avoir de bornes/i Pon n'y prend garde , tant que 1'opinion, cette fouveraine de Funivers, divifera la croyance des hommes: Il faut demander d'ou émane le pouvoir qu'il s'arroge. Puifque qu'il rend des arrêts au nom du Prince-évêque, il tient donc de S. A. C. ï'autorité précaire dont il fe décore ; ou tout au moins ce Prince eft avec , ou fans fon chapitre, (*) le figne vifible auquel le véritable pouvoir eft conné. Le fynode ne s'étant pas créé lui même , a donc manqué aux loix de 1'état ou au Prince, enrefufant degarder un filence abfolu que S. A. exigeait dans cette affaire. Les membres de ce tribunal ont fait publier & lire Ie mandement, malgré la volonté de S. A. Si ce Prince éclairé , vertueux, au deffus deux a tant de titres par les qualités perfonnelles & par Ie rang dont il eft dignement revêtu, ne peut impofer la loi a 1'affemblée fynodiale , il y a donc un vice dans Ia . (*) On fe fert de ces termes pour ne bleffer en rien les droits refpecïifs du Prince & du chapitre, parceque 1'on iguore le véritable terree oü ils doiVent fe rencontrer ou céder 1'un a 1'autre.  ( 21 ) conftitution du corps politique des qiraucunc force intermédiaire n'a Ie pouvoir d'arrêter les «ttentats que ce tribunal peut commettre contre les Iibertés dont les membres de la fociété doivent jouir 1 En voila affez pour prouver 1'illégalité des démarches du Synode , & pour faire voir eombicn il a manqué de refpecl: envers le Souverain magnanime qu'il mérite peu de poiféder. Mes ouvrages paroilTent a ces M. M., Impies , Blasphématoires , tendants d Jou/ever les peuples contre lautoritê légitime &c. Cette fingerie de leur part ne mérite que Ie ridicule dont il faut couvrir les pigmées qui veulent s'égaler aux géants de la fable. Si une nation entiere ou quelques uns de fes membres croyent devoir condamner des opinions éparfes dans mes livres , que les membres foient intérefles a conferver , a corroborer Ferreur qui les gouverne & qui leur eft fi utile, cela ne veut pas dire que des mirmidons doivent s'ingérer a fietrir les auteurs de ces opinions ou de ces phrafes, par un mandement hérhTé de calomnies & écrit dans Ie goüt des Riballier & des Nonotes. Ces pafteurs indignes du nom de chrétiens; devraient favoir que Ia cabale , I'intrigue , 1'impofture exercent leurs fuC lij  reurs prés du thróne des Rois, comme dans les Républiques , que les venins impurs qu'exhale leur fouffle empoifonné , ont féduit les ames les plus pures , que leurs ferpents toujours recourbés en replis tortueux fifflent dans les Sénats , dans les Camps , dans les Cours , comme a VAcadémie, ou dans leur Sanhédrin. Toutes ces infames manoeuvres font naturelles chez les humains. & le plus honnête en eft fouvent la victime. S'il s'enfuivait que dès qu'un livre eft condamné chez une clalTe d'hommes, l'auteur doit être banni de toute la terre habitable , je doute que cette févérité barbare püt faire naitre des écrivains eftimables. D'ailleurs en compofant mon Hiftoire politique J'ai eu en vue le genre-humain en général, & la pofterité qui feule eft le juge du mérite d'un ouvrage ; je n'ai écrit ni pour ni contre aucun Prince ni Particulier. Pourquoi tant de bruit fur un objet qui felon vous doit attirer a 1'auteur 1'animadverfion générale -? vous ne voyez pas que vous accélérez fa célébrité. Vos menées infernales me feraient prefque céder a ce mouvement d'amour propte. Car enfin fi les propofitions contenues dans mon livre vous paraiiTent dangereufes pour la fureté publibue, refutez-les. Vous devez au .moins  ( *3 ) avotier quebruler ou profcrire un ouvrage de raiforinement, c'tft dire : Nous ne fommes pas en état d'y répondre. Dites-moi,maintenant,Bufiris en foutanes, fur quoi vous avez fi indignement accufé,tourmenté , condamné 1'auteur de la Nymphs de Spa ? Pafceque fes vers contenaient mon éloge, ou du moins celle de quelques unes de mes produétions 1 car j'ai beau relire cent fois cette épitre, je ne trouve rien contre la religion que vous croyez venger , encor moins contre 1'être fuprême,dont vous avez avancé que c'était la caufe. Quoi! un poëte ne pourra plus compofer contre les préjugés , quelques rimes innocentes 1 vous nous laiffericz penfer que vous confeffez ne rien devoir qu'a ces maitres de la terre. II faut que vous foyez bien ignorants ou de bien mauvaife foi pour appliquerle motTyrans qui fe trouve dans le i ^me vers de cette piece, non au Fanatifme qui lui feit de régime , mais aux Souverains ; comme 111'auteur n'en connaiffait que de ce carattère. Voila de vos méchancetés! peut-on poufïèr plus Ioin la dcmence & le menfonge! prendriez vous pour une injure, le vers oü il dit que les bontes des Princës auxquels j'ai eu le bonheur de faire ma cour a Spa, m'ont vengé des clameurs que les Cagots des rives de la Seine, faifaient retentir contre moH Eft-  ( *4 ) ce que vous attfkz eu affez peu de jugement pour vous reconnaitre a ces traits 1 j'ignore s'il exifte de tels perfonnages aux rives de la Seine ; ce que je fais , c'eft que je ne les connais pas. Je ne me plaindrais dé perfonne fi votre déteftable fureur ne m'avait forcé a franchir les bornes que ma modération m'avait touj ours prefcr ites. Auriez vous cru démêler quelque reffcmblance entre vous & la fourmilliere des infeftes obfcurs, qui rampent dans lapouffiere'! Lorfque M. B. dit quele-FaHatifmè frémit a mon nom feul ; eft-ce que par un nouvel effet d'élearicité , vos corps auraient éprouvé une commotion phifique 3 Trouvez vous mauvais que 1'auteur de la Nymphe m'ait favorifé du nom d'amant de La Philofophie 1 en tous cas, vous conviendrez qu'une telle liaifon n'entraine aucun pêché contre nature. Seriez-vous jaloux de ce qu'il me fait compliment fur la couronne que 1'Empereur & le PrinCe Henry m'ont décernée en dépit de laealomnie & de fes fuppöts ; ou y a t-il parmi vous' quelqu'un qui ait fervi les pafiionsde cette furie'] ne voyez-vous pas que c'eft une métaphore honnête dont \ pour empêcher qu'elle ne paraiffe fous les yeux defillés de S. A. C. Je ne crois pas inutile d'ufer de préeaution envers des' hommes fi accoutumés au manege , a la noirceur & a t*hy-> pocrifie. Quant a vous, M. je vous plains fmcérement d'avoir été leur viclime; mais puifque vous avez obfervé lefilence jufqu'a ce jour , je vous confeille de le garder encore : la vérité eil lente , mais fa vengeance eft toujours füre, & tandis que fes détra&eurs infolens mettent tout en ufage pour éloigner fa brillante lumiere ; portée par les alles du tems, elle fecoue fon flambeau fur la vafte étendue des Meeles. j'ai 1'honneur d'être, &c.