5 w « < d h m c s w a « < P % O g pï 6 g & ^ d ü o < >-* Ê w o ift tfii d g O *«V O <3 tfl 5a -* Cw g w c5 h d S W W £ •-> h cd « j ta h > ü pi ^ S Q 3 w 2 w § 3 Ë g « § § & O co g * w ►■J ei »3 D « H W h P<   12 A V E Ü Cr L E DE LA M O N T A G N jEntretiensPhilofophiques. XXVII. ENTRETIEM. LesLANGUES&leurETYMOLOGlE. £>j« connoitra les Noms , connoitra les Chof s. Platon. ]V[on Fils, «e méprifons point les autres Nations: ettésont toutes un caraaère d'originalïté, & teaucoup de chofes a nous apprendre. Ne méprifons point fürtout celles qu' il nous a plu d'appeller Barbares. Kous Afi^vons  C 2 > d'abord pas trop ce qu'on a voulu défigner par ce nom, ni s'il a été donné pour noter la louange" ou le blame. Ce que nous appellons politede, atticifme, urbanité, n'efi: fouvent qu'tin vernis , inventé pour cacher nos défauts , trouvé pour couvrir de grands ridicules ou des vices plus grands encüre. N'en fuyons donc pas fi fiers. Athéniens, comme nous nous glorifions de 1' ctre dèpuis plufieurs fiècles , aiïez longtems nous avons paiïe pour le peuple le plus poli de la terre;- efforcons nous d'en être le peuple le plus jufte & le plus grand. Sans nos arts, ( enfans du luxe,) fans nos déhors, impofans ou aimablesnos voifins valent ^uelque choie en-  C 3 1 core. Ils valent mêtne mieux que nous, dès quMls font, plus que nous, amis de 1'ordre, arrtïs de Ia juftice. Leurs inftituts, leurs ufages, leur idiöme furtout, pour être plus fimples , n'en font que plus digiies de notre curiofité; ils nous ramênent aux connoifiances primitives du genre humain , ils nous font rémonter jufqir a i'origine des chofes, dont il n'auroit jamais fallu tant nous éloigner. Dans la fociété , a la longue tout devient fï faclice ! Les Sciences & les Arts, mille objets s'y perfeclionnent ; cela eft vrai: mais il y en a mille autres auffi qui s'y détériorent , qui y contraclent une dépravation graduelle, ou y recoivent un anèaiï-  C 4 1 tiffèment fucceifif. Tant eft grand Ie pouvoir de Pexemple & celui de la coütume! Il . nous faut donc rétourner qpelquefois fur nos pas. 11 le faut aux Nations, comme aux tndividus. Mais il faut le faire avec ordre & tranquillité; fans féeouffes, fans convulfions, fans déchiremens. il faut confentir a le rappetilfer , plutot que vouloir s'aggrandir, fi 1'on veut rédefcendre jufqu'au berceau des fociétés, & s'éléver enfuite -a des hauteurs, non gigantesques, mais aux vraies hauteurs de la Nature. G1 eft la la fa^effe ; Ceft la cette ancienne Philofophie, dont nous parlions 1'autre jour, & que les Viellards  C 5 1 d'Egypte rappelloient aux Plafon, aux Pythagore, a, ces voyageurs célèbres qui parcouroient autrefois la terre pour s'inftruire, & non pour régenter leurs femblables; pour récévoir des lumieres, & non pour donner des vices ou des travers , comme nous faifons, aux peuples étrangers chez qui nous nous rendons, en échange de leur or ou de leurs marchandifes. L'inftruftion , la verité, la verité pure & célefte, & non ces défolantes dodrines qui fe bornent uniquement a cette vie; la grande & primitive morale des Nations, voila , voila quel étoit le prémier, le feul objet, peut-on dire, de la curiofité des anciens Philofophes, Pobjft de leurs réa 3  C 6 ] cherches. Que nous importe en effet tout le refte ? N1 avonsnous pas fous la main tout ce qu'il nous faut ici-bas pour foutenir notre frêle exiftence ? Fautil 1'aller chercher au loin? Le bonheur feroit-il placé pour nous au dela des monts Riphéens , ou des colonnes d1 Hercule ? Théogéne, que les connoiffances, que les principes, que les maximes & ufages des autres peuples ne foient donc jamais un objet de dédain ou dindifférence pour nous. Attachons-nous a les bien connoitre ; & , partout oh nous en découvrons les traces, fuivons-les avec foin. Si ces traces font effacées de nos livres, nous les trouverons darïs  [ 7 1 les noms, dans les mots: les mots & les noms font plus anciens que les livres, puisque ceux-ci en font compotes. En raffemblant avec intérêt les families- éparfes de- ces noms, en réparant ce que le tems y a défiguré, rendons aux mots, rendons aux chofes eet air véné» rable & antique, qirils ont perdu par notre faute, par la faute des hommes toujours amis de la nou* veauté. Enfin, pleins de cette eflime univerfelle pour tous les hommes-, de quelque nation , de quelque tems qu'ils puiffent être , ne mé* prifons jamais ce que nous ne con» ïioiffons pas encore affez, & nouriffons conftamment des penfées dignes de notre commune origine*  C 8 ] Dans ces difpofitions de 1* efprït & du cccur nous parcourrons le globe entier ; nous promenerons nos régards fur tout ce qui 1'habite ou 1'a jamais habité. Nous paflerons d1 Oriënt en Occident; puis des plages brülantes du noir Africain, & de fon humble toit de rofeaux , jufques aux huttes enfumées du glacé mais content Lappon & du pailible Samoiède. Partout nous trouverons , fous 1'air le plus groffier, une foule de connoiiTances eftimables , transmifes de père en fils, & que lignorance de nos Sciences & de nos Arts n'a pu entierement détruire, ou plutót qirelle a contribué a conferver; nous trouverons partout les traces dmne doctrine  C 9 1 univerfelle & ancienne, qui marqué, en traits de lumiere, les fit lons d'une vérité éternelle & primitive. C'est aux Langues que nous devons principalement nous attaeher: c'eft aux Langues que nous lerons rédévables des plus importantes découvertes. Au milieu de cette grande diveriité qui les caraftèrife, on obferve une foule de mots femblables; des noms , des phrafes tout-a-fait parallèles: nous n'avons qu'a les rapprocher. Et de ces rapprochemens, fouvent dus au hazard ( car il ne faut point ici de deflèin formé, il ne faut point de tours de forcer) d.e ces rapprochemens, qapu^taOL  moral, qu'un heureux tour d'efprit faiiit, jUge & apprécie, Pon voit fortir, par un élan fubit, des étincelles qui étonnent, & qui, par leur clarté, nous dècouvrent la porte du plus majeftueux cdifice, ou nous conduifent a des ckés entiéres. Plas d'un Herculanuïïi exifte ercore pour les Sciences; plus d'une Pompeïa nous veile a découvrir. Les ruines de Perfépolis font encore débout; le temple de la Minerve d'Athenes irei'i pas entierement renverfé : le Tempus edax rerum en a cpargné les plus belles parties. Paüant, affeyons nous pour en prendre au moins les dimenfions , avant que la faulx tranchante des fiécles n'achève de les abattre.  t u 1 En fortant des plalnes de Sen* naar, deux grandes families, fou» ches de deux grands peuples, fe font partagé la ter re, qirils ont remplie de leurs defcendans. C'étoient les Celto-Scythes & les Sarmates- Les aincs ou Anciens , ( die Alten, Chalten , Galaten , Gallen,') les Celtes, en ufl mot, ont tourné le mont Caucafe; & en tenant toujours la gauche, ils ont peuplé 1'Europe & une partie du nord de 1'Afïe, dépuis les Puludes Méotides jufques au de-la des Pyrenees & aux Colonnes d'HercuIe. Oeil la qu'üs ont été appelles Ceh-iberi 0u Celtes fupérieurs ; tandis qiren deca des monts , ils eurent fimplement Ie nom de Celus , Gakes,  Gallen, Wallen (a) OU Calen. (b) Ces peuplades s' étant multipliées & divifées a 1'ïnfini, leurs noms auffi fe fousdiviferent. Et ce font ces noms, effets du hazard , ou de certains caraclères diftinclifs tels quil plak a la rcukitude de les rémarquer, ce font ces noms qui ont donné naiffance aux Scythes , aux Cimbres ou Cimmeriens; aux Ofques , The-of^ues, Thusques, Toscans, Thèoüsques , Teutons f Goths , Germains , Francs , Bourgu'rgnons , &C. ; tOUS peuples (a) Les habitans du Fays de Wallet ou Walen, ou de Tanden Belglum en Angleterre. (b) Les habitans de 1'Ixlande, ou /êwlatid, (pays fupérieurtd' au-de-lay über-overlanA.) furtout des cótes maritimes ou des dunes. Dela le nom de Cale-doti, CaledoKiens: Dunes desCalen,debGalen onGallen^  C 13 1 cfont Porigine, & jufqu'a la dé-nomination, eft, pour la plus-, grande partie, parfaitement femblable. Différent par de fimples déhors, c'eft toujours le rnême peuple, frère ainé de 1'Efclavon ou du Sarmate. Ce dernier ent POrient, c'eft a dire, la Médie, la Perfe , PEgypte principalement pour partage, tandis-que le premier tfétabliffoit en Europe. Théogéne, je ne faurois trop vous le répéter , on ne connoit pas aflèz le prix des anciennes Langues. Les moins cultivées en apparence, font des tréfors, pour quiconque fait s'en fervir. II n'y a que 1'ignorant, qni, comme le rénard de la Fable, déprécie ce qiril n'eft pas fait pour atteimire;  r m J -Gardons nous de ce travers d'e'fprit; mais cvitons en même tems une erreur contraire. Tropfouvent enorgueillis de nos premiers fuccès, nous portons notre efpoir & nos prétentions trop loin ; nous voulons tout -e.xpliquer, nous croyons pouvoir tout entreprendre, tout foumettre a nos raifonnemens, a notre calcul. Cette folie, ( car c'en eft une, > a fouvent décrédité les fciences, & celle des Etymoiogies plus qtie toutes les autres, Pour le vulgaire des hommes, & méme celui des érudits . la feience des langues n'eft que la faculté d'employer un plus grand ou un plus petit nombre de fignes & de paroles. On porte les clés  I 06 T d\m grand nombre d'app arte mens, fans jamais y entrer. 11 n'en fera* pas ainfi pour nous, Théogene. Avec nos eles nous ouvrirons , C nous 1'eflayerons dn moins, ) les fouterrains du Iac Moeris O) & ceux des Pyramides; les habitations des Bardes , & les grottes des Druïdes ; peut-être irons-nous jufqu'aux fouterrains. d'Elephanta. SuivM-moi feulement. La route fer.a un peu longue ; mais elle pourra vous amnfer. Si elle n'offre pas toujours des objets de la première importance , au móins* (a) Moeris, Moer, Moeras; tout cela eft du Flamand & du Hollandois tout pur; & %nifie, encore aujonrd'hui des eaux ftagnamesdes Jacs ; Mosren, PetiMH, folders, en langue- tentonne.  I 16 ] vous y trouverez une grande variété de vues & de iites. J'ai ramaffé dans ma jeunefle , vous le favez j quelques provifions pour cette route. Né parmj les Osques, ( ce font les Thyr.réniens ou les Tofcans d'aujourd'hui, vrai mélange de Scythes & de Sarmates; ) je fus élévé non loin de la Rhétie , dans cette partie des Gaules que les Romains ont appellée Gdltia Togata. La langue des Celtes, ou des Teutons, dévint ainfï presque ma langue maternelle. Je paffai dela dans la Grèce , & je fis un long féjour a Athènes. Nou vel Anacharlis , j'aurois voulu aller rendre a la Scythie ce qirelie nous a doflné autrefois , un phi-  [ ir ï ïbföphe obfervateür, & vifiter, fon's cette dénomination , le Cimraerien, le Calèdonien , le Teuten ou Germain, & le Gaulois; m'entrétenir avec leurs Adelberts ou nobles Baravec les Bordes du AW, ou les Nordbens; avec ces hommes de beaucoup d'efprit & d'une haute flature , les Langobards ; pafler de la chez les-femmes Druïdes de la Germanie; chez lés AU» nmia, 1'éS P^elleda, chez les Adel» trudes, OU Druidejfis illuftres ; chez les Eftrudes, ou celles de 1'Eft; chez les Rktmdes , (é) les Omrit»; des, lucide trudes , &C ; enfuite' chez leurs frêres , les Druides des. ve évidente que les premières Druides étoient toutes femmes: remarque que ;e ne fache pas avoir e'te' faite par per. fonne, Auffi Tacito, en parlant des Germains, s'étend, lui qui ne s'e'tend jamais fuc rien , fur le refpeft que les Germains portoient attx femmes, qui étoient, pour ainfi dire, leurs piophétefies. Mais fi fe nom de Druide n'eft refté qu'aux femmes , celui de Barde , en revanche, a toujours appartenu , & apparlient encoie excliulvement aux hommes.  C <9 1 théniens-, de leurs préjugés innonï•brables, & de cette manie , qirils eurent en tout tems , de voulok affubler de fables, plus abfurdes les unes que les autres, les dogmes ou les opinions les plus faites pour être refpedées. Que iront-ils pas débité fur le compte de ces pauvres Gaulois ? Hé bien ! leur aurois-je dit , pen réviens: & votre De la toutes ces terminaifons de noms propres Germaniques, en Bert ou Bard. Les NorbertSy Adelbert ou Albert, les Langobards, dont nous avons deja parlé. Dela encore les Dagobert, ou Bardes £" la dague , aTe'pée; les Maubert, (nom qui vient non de Mau, mauvais; mais de Mal-bard, le Bard du mal o\i da Mallus. On fait ce que Mallus fignifle chez las anciens Teutons & Francs; Locusjudkiï, mallus publicus. Les Ricobert , Sigebert, Robert, Lambert ou Land-bert, &c. &Cis font du même genre.  C 20 ] Hérodote ne revenoit pas des Pjrénées , quand il vous difoit que' c'étoit une ville ; ni de chez les Scythes ou Arimaspes, quand il contoit que ces peuples n'avoient quHm o?il. Malheureufement, il m'a fallu rénoncer a ce projèt. L'age d'un homme ne fuffit ordi« nairement pas pour remplir laplus petite partie de fes deflèins. Les infirmités Paccablent & le conduifent bientöt a fa fin, que les voya* ges vont accélerant encore. Devenu d'ailleurs aveugle , j'ai fenti, par cela feul , m'échapper tous mes projets. Je me déterminai en conféqueiice a me rapprocher de ma prémière Patrie. Je m'établis fur cette.belle cote de PAppennin oa nous voici, non löin de Pan-  [ 21 ] cienne Grèce , de ce théatre fameux qu'ont illuftré les Pythagore & leurs nombreux difciples, fondateurs ou légiflateurs de tant de cités & républiques célébres, qui ont été les modèles des liècles lui vans & la gloire de limmanité. C'eft la que je vous trouvai, au fortir de votre enfance j Ceft la que j'efpère d'achever ma courfe & que vous dépoferez ma cendre. Pour moi, je nrenvolerai bientöt dans des régions nouvelles, au dela du Tems & de 1'Efpace , régions de paix & de bonheur; d'oü je vous dirai avec tranquillité & allégreffe : je vous attens, mon fils. Mais revenons a nos Celtes & a leur langage. Vous aurez fans doute quelque  [ 22 ) peine I me croire, fi je vous allure qu'il doit avoir été très-reflemWanta Fancien Egyptien ouCophte, & qu'a bien des égards il 1'eft tncore. Rien cependant n'eft fi eertain. 11 y a encore atijonrd'bui, entre plufieurs mots de ces deux langues, & entre les vérités qu*ilsexpriment, une frappante analogie. Prenons pour exemple ce qu'il y :a de plus ancien & de plus refpeflable parmi les Hommes, les noms que le Gelte & 1'Egyptien , de commun accord, ont donné a Dien, a 1'Auteur de la Nature, a la Nature elle-même. Ces nomsfont T/iot, T/ie-ot, Theut, Theut-aia GU Theut-ates•■: Godt: Her mes, Opis ou Orifa, Ijh. Chez 1'Egyptien le nom de Dieu.étoit TAots & le'Cel-  te, ieGermain, adoroit Thimt Theut-ata; (» ou, ce qui révient au même, ( car la différence n'eft que dans le rétranchement de Partiele & dans la maniere plus ou moins forte d'afpirer le mot, ) ii adoroit Godt, Guoda , ir0da; tous noms qui fignifient la même chofe, le Dieu de Punivers. (£) De Thot, The-ot, les Grecs & les Latins ont fait leur Théos & Dats, presque lans y rien changer: & ce qu'il y a de plus rémarquable, la (a) Atta vent dire Pere. Il le lignifie eneore chez. les Frilons., (b) Got, G-odt, Guoda, Wcdaou Wodan, font la même chofe cju'Oty Z-t littéralement & exa&ement notre mot goei, gut, good, qui, chez les Brabancons, Flamands, Hollandois,. Aüemands & Anglois, figmü&bon, agathos; la raéme chofe enfin que lemot Or, dont notre Philofophe, boa, Giammairien, va parler xantót.  C 24 ] ra-cine du mot, qui eft Ot, ( car The n' eft que 1' article , tel qu'il eft encore en ufage dans les langues Teutonnes & Anglo-Saxonne; G,GU, n'eft qu'uné efpèce d'afpiration ou de gutturale, dont lespeuples feptentrionaux aiment beaucoup a fe fervir; ) la racine Ot eft tout-a-fait Celtique. Ot y fignifie bon, ce qui appcrte du bcnheur, ce qui donne du fuccès. (a) Elle eft reftée, cette racine , chez les Osques , (a) On dit encore aujourd'hui, provcrbialement même, chez les Flamands, en Brabant & en Hollande; het zal niet otten ; pour fignifier cela ne reüfilra pas; Dieu ne bénira point la chofe; 6c notre mot de Loterie ne vient que dela. C'eft comme ft on difoit: laOtterie. Si on dit de nos jours la Loterie, cela ne - vient que d'ignórance ; comme on ■dit aller a Tergcuiv , a Ter-vauren .;  L 25 J chez les Aborlgenes & les LatiiTsv On la trouve dans leur Optimus s Ottimus , fuperlatif de bonus : de maniere que TVot, The-ot, irefi autre chofe que le Bon , Bon paf excellente, le difpenfhteur fouveraïn du Bonheur. Et quel nom pouvoiton donner plus convénablement a PÊtre Suprème ? Le monde pri- en repetant le prenom a, dejl compiis dans le ter, teuton. Bien plus ; le mot goed., gut% good, qui chez les Flamand, les Allemands, lesAnglois, fignifie Bon, eft le pur ot des anciens Egyptiens & Celtes, comme notre philofophe 1'obferve plus bas, ea parlant de Godt. Les peuplades Osquts, Theosques, Tos. eanes, Gothes, &c,, ont pris de la même racine le nom honorable de Bons; car Gothst Osques ou Otsques, deligne cela ; tandis que d'autres peuples furent qualifiés de Qua. di; quaeden ; die kaaiden, les mauyais, • c  [ 26 ] fflitif, en fortant des mains de fcwi auteur, pouvoit-il le défigner par un autre ? Qui nous a faits ? Qui a fait tout ce qui nous environne? demandoit un pere a fes enfants. N'eft-ce pas leBon? Le très-Bon? L'Optimus? Jedéfiequiconque faura réfiechir fur la marche de 1'efprit humain , autant que fur 1'analogie des langues , de donner une ëxplipation plus naturelle., plus convainquante. Celle que je propofe , eft toute entière dans le cceur de l'homme , comme elle eft dans le génie des langues. C'eft une vérité de fentiment; & le fentiraent, bien antérieur a tout ce qui s'appelle efprit , yant feul une démonftration.  [ 2r 1 I/iDiÓMB Celte, en nons faifant connoitre 1'origine de Thot, nous indique en même tems celle de Gott Godt, Guoda, comme je vous 1'ai dèja obfervé, Théogene. La lettre G, Gh ou Gu, qui commence ces mots, ne svy trouve que comme figne* de cette afpiration favorite , dont fes habitans du Nord fe fervoient, oü ils pouvoieiit, d'une maniere plus ou moins prononcée. La racine eft toujours la même; c'eft Ot, le pofitif d'Optimus: comme la racine dü mot Celtes, ( Caltai , Calten) ) eft Alten, les Anciens. Toute la diffèrence vient de la prononciation ; ce qui a lieu dans mille cas femblables. De forte que cette oblervation doit fervir de regie générale , & qu'entre  C 23 3 les nmns du philofophe étymo» logifte elle de vient une toife présqu'univerfelie. Hermes, Ojlris , & fa fubordonnée //fo, ces trois grands pivots de la plus ancienne théologie des nations, ( dont on peut dire que i'Egypte a été la maitrelfe , ) vont nous préfènter des développemens qui ne paroitront pas moins naturels. Ils font fondés, ainfi que les premiers , fur des noms & des origines Celtiques. Analyfons dabord le nom d'Hermes. Un léger changement en écartera toute la difficulté. Chez nos Grecs, comme chez les Romains, les lettres R & 5 s'échangeoint & fe confondoient continuellement. Chaque page de  C 20 1 nos Iexicographes peut nous en fournir des preuves. Ne m'en dé- mandez donc pas; vous les avez fous la main. Ces preuves font trop multipliées & trop'faciles. Ce fe- roit d'ailleurs vouloir me ramener fur les bancs des grammairiens, que j'ai quittés, il y a trop longtems. Je fuppofe en conféquence, qu'on a dit anciennement & indifferem- ment, Hermer ou Hermes : c'étoit une pure aiFaire de prononciation. P'après cette donnée, vous allez juger de mon explication. Her-mes ou Her-mer n'eft pas une Créature , ce n'eft pas un homme, ou un demi-Dieu: c'eft le Seigneur - Roi du Ciel & de la terre , le ter Opümus Maximus OU Trismegijle , comme 1'Egypte & c3  C 30 ] toute 1'Antiquité ont conftamment appellé leur Hermer ou Hermes. Seigneur & Roi, OU Souverain - Seigneur , voila la verfion littérale de ce mot & fa vraie fignification , antérieure a toutes les fables des Grecs. Que ce mot foit véritablement Egyptien, Sarmate ou Pelasgue, c'eft ce que nous n'examinerons pas; parceque cela ne prouve rien, fi non ce que nous favons dèja: qu'il y a une infinité de mots qui, a la feule prononciation prés, font les mêmes dans beaucoup de langues. II n'en eft pas moins vrai que ce mot appartient a la langue des Teutons (<0 ou des Celtes. (a) Le nom des Teutons même, qui vient de Teut, Theot, &c. a une origine commune aux Egyptiens, Celtes & Sairaatcs,  C 3r J Her, Heer ,Herr, a toujours lig» nifié dans ces langues & y lignifïe encore, Seigneur, Dominus : Mer,Roe. Le prémier de ces mots a été confervé même chez les Latins, & fe trouve, fans changement , dans leur Herus. II en eft de même d'une infinité d'autres mots Osques, The-Osques ou Celtes, qui fe retrouvent dans la langue Romaine, a laquelle ils ont été transmis par celle des Aborigènes, qui les ont recus, avec les Gaulois ou Teutons, leurs compagnons devoyage & frères d'armes, d'une fource commune. C'eft des Gaulois & des/Teutons que nous avons emprunté jufqu'a nos Municipia («) (a) Municipia, municipes, muniieps : ces mots vienent abfolument du Teuton , tnynfebap, gemynfcbap» Tout, jufqu'a la.  I 32 I & nos Lans. (a). Rome moderne , cette Terrarum Dea Gentiumque Roma, parle enfin très-fouvent Celte, fans le favoir ; & ne fe doute pas d'avoir 1'obligation de fa belle langue en partie a des peuples qu'elle méprife, qu'elle a cherché &'réüffi a fubjuguer, C'eft a la langue Teutonne & Celte que Rome doit jufqu'a fon propre terminaifon même, denote que ces mots ne font pas d'origine Latine ou Romaine, fi non pour autant que le Latium, & Rome, fondée darts le Latium, ont euxunêmes une origine Teutonne ou Celte. (a) Lares, Laar, Laer, eft un nom générique, fort ancien chez les Celtes & les Teutons, & qui entre dans la compofition d'une infinité de noms de leurs Villes & Villages. Groslaer , Wetzlaer y Vorfielaer , VoJJelaer , Rotfelaer , Wefpeèaer-, Sec, &c, le Diocèle d'Anvers,feul5  E 33 3 nom. O) Les Gaulois & lesCimbres ont été nos prémiers précepteurs en fait de langue: mais nos Marras, nos Jules -Céfar & nos Germanicus, leur ont bien rendu leurs lecons,& d'une maniere terrible. Nous les avons vaincus dans 1'art militaire; mais bientót ils auront leur tour : nous rece- fufHroit pour la preuve. Laar, laer,larr fignifioit anciennement habitation, demente , ce qui héberge, ou donne le couvert^ des maifons , oxiamas de maifons , &c. &c. (a) Rome, Roomen, en Grec Rome, qui fignifie la même chofe que Valentia, Ville d'Efpagne,8cc. n'eft autre chofe que notre vroom: fort, belliqueux* On fait que le Ve, comme le Ge plus haut, dans gemynfcbap , ne font que de ces allongemens, affez infignifians, des mots; la même chofe enfin que !e Ge qui s'employoit fi fouvent cnez les Grecs, & tant d'autres chevilles,  [ 34 ] vrons d'eux une leconde fois des lecons, qui ne feront point des lecons de Langue ; & Rome tremblera&pliera de nouveau fous le joug de ces guerriers rédoutables. (V). Nouvelle railon pour nous attacher a leur idiöme, pour 1'étudier & chercher a le polir. La traduclion que les Latins ont faite du mot Hermer ou Hermes, porte notre démonItration jufqu'a 1'évidence. Par une fimple transpofition de fyllabes > & en confervant le Mer celtique , ( que (a) Cela s'eft vérifié dans eet effaim de Cotbs, Ofirogots, Lombar is ou Longo~ bardst tous peuples Teutons ouGermaniques, qui ont inondé dans le cinquième & llxième lïècles 1'Italie & jufqu'a l'Afrique. Ceci femble placer 1'exiftence de notre Aveugle au plus tard versie commencement du cinquième fxécle.  C 35 1 •feulement de la fin du mot lesLatins ont transporté au commencement,) ils ont fait leur Mer-curius, fe fervantdu grec Kyrios a la place du Herr teuton, ou du latin Dominus. Mais lailTant-la le teuton . le grec & le latin ; laifTant-la le mot, | dont nous nous fommes afiez longcems occupés, allons direclement a une conclufion bieiy autrement importante^ & d'un rapprochement purement grammatical, déduifons une vérité hiftorique , il faite pour détruire une des plus J grandes calomnies, inventée coni tre nos ancêtres & contre liion; peur du genre humain. La pluspart des hiftoriens, & Jules-Céfar entrautres, ont dit,  C 36 D que le prbiapal Dieu des Gaulois étoit Mercure. Ils vouloient fans doute faire entendTe par I^l que les Gaulois reconnoiflbient plufieurs Dieux, & que, dans ce norabre, ils honoroient particulièrement le fils de Maia. Trompés ou trompeurs, les Romains, qui jaloufoient toutes les autres iiations , s'etforcoient conftamment de les déprimer (£), & de leur attribuer leurs propres fuperftitions. Mais le peuple des (a) Deum maximé Mercurium colunt, CxC. de Bello Gall. Lib. VI.Cap.XVII. (b) J'excepte le feul Tacite, le panégyrifte décidd des Germains, qui les a même li fort embellis , qu'on a cru qu'il avoit voulu écrire une Utopia, comme Th. Morus ; 8c propofer la Germanie «omme ün modèle aRome corrompue.  I 37 J Gaules , forraé par fes Druides & par fes Bardes, avoit des connoiüances & des fentimens bien plus rélévés; & lorsque les armes Romaines, & avec elles toute la corruption des mceurs & du cuite , pénétrerent dans ces contrées, ni les Gaulois, ni les Teutons, n'avoient pas encore perdu les traces de leur réligion primitive. Leurs Cicéron n'étoient pas obligés de cacher la timide vérité; (lofophe la confondoit avec les autres langues Germaniques & feptentrionales; Sc il n'avoit pas toxt.  C 43 1 défigner une première caufe. Je pourrois joindre a ceci VER Platonicien , dont on a tant parlé. Mais outre qu'il a un rapport plus direct, comme je crois , avec Hermes , & avec VHercule OU VEraclès des Grecs, nous n'avons pas befoin, lorsque tont eft clair & bien prouvé, d'entafler une erudition fuperflue & des démonftrations inutiles. LailTons les Grecs, par amour pour le merveilleux , ou pour couvrir une profonde ignorance, charger leur ER , leur Hermes, OU leur Eraclès, de tOUtes les impertinences que leur fuggère leur bondifiante imagination. La fimplicité de nos explications n'a pas befoin de ces parures ; elle n'en eft pas ja-  [ 41 ] ïoufe. Les Grecs s& leurs Poëtes, voulant tout embeilir , out tout gaté. Homere ! Homere ! vous B'avez pas fait le mal; il exiftoit avant vous. Mais vous 1'avez éternifé par le charme de votre invention & de votre diclion poëtique. LesPoëtes! Ha ! ils devoient transporter les hommes au Ciel : Ils ont mieux aimé trad ui re 1'habitant dn Ciel fur la terre ; («) ils ont révêtu la Divinité de toutes les imperfec~tions des hommes , & je puis bien dire , de leurs crimes. Les malheureux! Mais revenons. Le Thot des Egyptiens & des Celtes , le Godt, le ïVoda ou Odin des Germains & des Hyper- fa) Humana ad Deos transtukrunt s. ynalhm divina ad nos-, Cic, TufcKl.  [ 45 1 boréens ; Hermes , Ofiris , &C , ainfi expliqués , il nous refte une remarque aflez faillante a faire. Elle achèvera de démontrer qu'il n'y a pas de langue dans 1'univers plus propre a debrouiller nos origines, que 1'ancienne Gauloife ou Celtique. fV). C'eft elle qui nous a dèja mis fur les voyes de cette grande vérité, que les dogmes fondamentaux ont été long tems les mémes che\ les différens peuples : que ce n'a été qu'affez tard , & après les révolutions des guerres} des vices & du luxe , que ces dogmes ont commencé a être déflgurés , méTa) On verra, dans la fuite de ces Entre tien s, que nous lui avons bien d'aistres obligations encore.  C 46 3 eonnus ou détruits; & on peut bien ranger parmi nos Kyrïas doxas, que , dans les langues comme dansles opinions, tout annonce une origine, une tendance & une fin Communes. Omnia abuno Cf adunum. Nous pourrions confirmer cette vérité par un grand nombre d'obfervations, curieufes ou importantes. Toutes les langues nous en föurniffent , mais principalement celle dont nous avons tant parlé , la langue Celte. Elle nous explique , avec le nom de Dieu , 1'origine des Peuples, leurs ufages; &, ce qui eft tout \ fait particulier, après nous avoir fait connoitre le Bon par excellence, elle nous fait connoitre encore le Mauvais, Cefi-a-dire , Satan ou le Diable.  r 471 Le Diable eft tout a fait d'ori- gine Celte. C'eft des Celtes que les Latins & les Grecs out em- pruoté jufqu'a ce nom. Je le rencontre bien chez les Egyptiens fous le nom de Typhon ; mais je ne connois pas encore tous les rapports que ce dernier mot a avec nos langues modernes. Uu heureux hazard, peutêtre, nous le fera decouvrir , comme il a fait decouvrir 1'origine, ii longtems ignorée, de Thot, Teut-mm; Gadij iVodan, Hermes, OJlris OU Orifis. (a~) (a) Si je voulois rifquer une conjecture, j'expliquerois bien ici, d'une manière fort vraifemblable, le mot Egyp•tien , typhon, tyfon, tyfen, tyfel; & ce feruk encore la langue Teutonne qui me fourniroit cette explication. Mais je ne veux pas affoiblir par des conjeftures, même tres probables, des véritcs luaüaeufes & fortes.  C 48 ] Evil, Euvel, XJebel, dans les langues du Nord fignifie Méckant ou Mauvais. Ajoutez y 1'article Celte , vous aurez D^evil, D'euvel, D'uivel, Teufel. Les Latins & les Grecs en ont fait leur Diabolus; qui a bien quelque rapport avec le verbe diaballo , mais aucune connexion d'origine ni de fignincation. Voila comme les dogmes & la tradition des Cèltes s'accordent avec la plus ancienne Théologie du monde, avec celle desCophtes, des Hebreux & des Chrétiens. Je vous y ai conduit, du plus haut échèlon, Dieu, jufqu'au dernier» Satan ou le Diable. Mais qu'il nous refte d'échèlons intermédiaires & parcourir! La deftina-  C 49 ] tion de 1'homnie , fes épreuvesF ici-bas, fes récompenfes futures -r un autre ordre de chofes a venir, dont les préfentes ne font qu'une ébauche legére , un foible com- mencement: inuhim aliquod crea- turai ejus. Les initiations & les myftères de Satnothrace, d'Egypte & d'Eleufis ; les probations des Druïdes; le noviciat des difciples de Pythagore , les cérémonies .Tuives , toute 1'antiquité facrée & profane , dépuis la prémière origine des chofes & des hommes jufqu'au temps oü nous avons du dire, avec le Poëte : Magma ab integro fcsclorum nafcuur ordo; tems que je paffe ici fous filence, paree- que je n'ai entrepris de vous par- ler que philofophie , raifon., réB  C 50 1 ligion naturelle; tout, tout découle de la même fource & fe porte avec impétuofité, ou tend par une pente infeniible, vers le même bilt ; pour fe joindre enfuite a ce vafte océan, oü tout fe réunit & fe confond. O.nnia ab uno d> ad unum. C'eft ainfi que par un enchaiuement frappant, le monde ancien tient au préfent & au futur. Tout eft lid, dans les mots comme dans les chofes. Harmonie! celelte harmonie de tout ce qui exifte , & de 1'exiftant avec le pollible! Harmonie de 1'Eternité, du Tems & de 1'Efpace ! Heureux celui qui a fu vous entrévoir ! (0) 11 a découvert le (a) Felix qui potuh rerum cogmfcirt cau/as. Vi'rg»  C 5< 1 fentier da la véritc , & tient leflambeau qui doit 1'y conduire. Mais il eft tard, Theo notre converfation n'eft dèja que trop prolongée. Je vous crois fatigué. Ainfi , claudlte jam rivos puari, fat prata bïberunt ; pour parler avec le Théocrite Latin. Une autre fois j'achèverai de vous entretenir de nos origines Celtes. O). 11 me refte beaucoup de chofes a vous apprendre. C'eft par elles que vous decouvrirez les noms de presque tous les Peuples de 1'Europe & la plupart des (a) Cefera dans les Entretiens XXIII, XXIV Sc XXV. La Sageffe des Anciens. Le Portrait &* fes Copies. Les Sages de l'Antiquité; NUMA&e»  C 52 ] anciens ufages du Latium & de la Grèce. Vous y trouverez, comme j'ai dèja dit, nos Municipia, nos Lares, notre Rome même ; nos Larijfa.. ( & dès le tems d'Homère, il y avoit qnatre Villes de ce nom; ) votre Luteüa , notre Populus, notre Pollux, &c &c. Ce ne fera pas un Varron qui diflertera avec vous; mais Varron , avec d'immenfes connoiffances, ne favoit pas le Celte ou le Théotisque; & il ne pouvoit ainfi débiter que de docles réveries. L'Antiquité ne fauroit être expliquée que par elle-même; elle a beioin des Celtes, qui font les Anciens ,• ( die Alten. )  L'AVEUGLE DE LA MONTAGNE. Entretiens Philofophiques. jVt°n Fils, ilyalongtems que nos prétendus fages auroient voulu fe pafler de Dieu dans la. fabrication de leur monde. Un Dieu leur étoit a charge. Ayant ceiïé de s'élever jufqu'a lui, de DIEU, CETTE GRANDE VERITÉ P H Y S I Q U E. ENTRETIEN VII.'  L 2 ] converfer avec lui avec cette douce farailiarité qu' infpire la bonté fouveraine , & que donne un cornmerce intime de prières & de bienfaits , ils ont voulu fe fuffire a eux-mêmes. Ils ont cru n'être pas affez libres, s'ils dépendoient encore d'un pouvoir invifible & fupérieur. lis ont dit , les ingrats ! quand même il exifteroit, ce Dieu, quel befoin avonsnous de lui ? Le monde ne fuitil pas des Ioix inviolables ? Le foleil fe léve & fe couche pour nous, chaque jour, comme du tems de nos pères. La terre produit tous les ans fes fruits ; les animaux , leurs femblables. L' été fuccède au printems, 1'hiver ^ 1'automne. Tout a fon origine  t 3 1 phyfique comme fon terme , fes régies & fa méfure. Tout eft caufe & effet, & a toujours été ainili Qu'avons nous befoin d'une autre caufe, prémière ? Plaignons, mais n'outrageons pas ceux qui penfent, ou qui ofent du moins parler de cette manié re. Ils font atfez maiheureux. Mais par cela feul qu'ils font malheureux, & malheureux fans reflburce, il eft aifé de prouver qu'ils font dans 1'erreur. L'homme n'a point été fait pour le malheur ; aucune créature n'a pu avoir cette deftination. Nous ferions fans cela, non 1'ouvrage de la nature, ni du Dieu de la nature, pas même celui du hazard, mais 1'ouvrage d'un être malfai-  C 4 3 fant; & c'eft ce qui eft impoffible. .L'homme eft fait pour la felicité, pour les. jouiffances paifibles de 1'ame, pour le calme & le contentement de 1'efprit. Son ame doit être dans une harmonie parfaite avec tout ce qui Penvironne; il doit pouvoir fe dire : Je flus bien ; &, Demain , je le Jerai encore. S' il ne peut fe rendre ce témoignage , il n'eft pas heureux. Or, fi le Dieu de lninivers n' exifte point, ou que nous ne foyons pas fon ouvrage, loin de pouvoir parler de cette maniere, nous devons exhaler continuellement notre ame en foupirs , en plaintes , en plaintes amères. Ne reconnoiflant aucun pouvoir au deflus de nous, aucune intelli-  C 5 ] gence fupérieure, chacun doit fe confidérer comme le roi, ou du moins comme 1'égal de toute la nature. Mais, fi je fuis 1'égal de celui dont unbonheur trop voifin ou trop éclatant m'offufque & m'importune, comment ne pas en être jaloux ? Puis-je ne pas démander avec humeur, avec colère même , pourquoi mon voifin, pourquoi eet homme pofsède ces Tichelles, cette brillante fanté, cette jeunefle que je n'ai point? Pourquoi efh-il plein d'érudition & d'efprit , & jouiflant de toute la conlïdération de fes femblables? Et je fouffrirai cela , moi fon égal? Etjepourrai direqueje fuis bien, que je fuis heureux ? Non, non j loin d'éprouver le  [ 6 ] ealme & la paix , j' éprouve la guerre de toutes mes paffions, je fuis en proie a mille vautours, mille fois plus rongeurs que celui de Promèthée ; je fens tous les tourmens de 1'envie, O), tous les dechiremens de la haine & du défespoir. Et ces tourmens me font d'autant plus infupportables , que les accens de ma douleur ne font point entendus , que je fais qu'ils font inutiles , que ma haine eft impuiftante. Car qui intéreffer a mon fort ? Qui rendre refponfable de mon infortune? Sera-ce le hazard ? Mais ce feroit accufer le néant. Ce fera (a) Invidia, Siculi non invenére Tjranni tormentum majus. Horat.  C 7 ] ' donc toi , monltre , qui réünis fur ta tête tout ce qui me manque, & qui as le tort, 1'impardonnable tort , d'être heureux. Mais tu devois être mon frère ! N' importe. Tu es un enfant du bonheur, & je ne le fuis pas. Meurs; & que nrenfoncant le même poignard dans le cceur, je délivre a la fois la terre du poids d'un heureux & de celui d'un malheureux. Voila le tableau horrible, mais fidéle, d'une ame fous l1 empire du hazard , & qui n'a pas ce qu' elle défire. Ne reconnoiffant aucun principe, père de 1'ordre & de tous les humains; elle doit fe voir agitée ainfi, toutes les fois qu'elle fe croit raalheureufe. Et fes fentimens ne doi-  t 8 1 vent guères refpirer un plus grand calme, annoncer une ame plus fatisfaite , lorfqu'elle fe compte même parmi les heureux du fiècle. Contens, (je le fuppofe,) de notre portion de bonheur, au milieu ce notre plènitude & de cette variété de plaifirs qui pleuvent fur nous, dans livreffe de nos palfions , quel vuide n'éprouvons-nous pas? Combien de momens dont s'empare 1'ennui, o u dont le dégout fe raffafie ? N'ejlce que cela ? fe dit a elle-même 1'ame a chaque inflant. J'en appelle a tous les fortunés de la terre, nul excepté. Que le voluptueux dans fes bruyantes orgies; que 1'homme du monde, dans ces delaflemens tranquilles  Cr3 ■qu'ofFre une fociété douce & aimable, & que la vertu la plus rigide ne rejette pas; que, dans toutes les fituations de fa vie, le philofophe de bonne foi s'interroge dans le fécret de fon ame, comme ce badaud d' Athènes le faifoit avec tant de fotife en s'addreffant a fon voifin, & en hii demandant: Ai-je donc bien du plai/ir? Quelle fera la réponfe? Oh! qu'il eft aifé de la deviner ! Mais mettant encore & ce vuide & ces dégoüts a part, & prenant 1'homme content qui ofe dire : Je fuis bien ; pourra-t-il ajouter : Je le ferai demain? Et cette terrible incertitude , ou plutöt la certitude contraire, la certitude, que mille -évenemens imprévus peuvent % B  [ io ] chaque inflant troubler ma joie, couper la trame de mes jouilTances, détruire mon bonheur; la certitude que la mort, 1'implacable mort, doit néceflairement les termiuer un jour, pour les remplacer par le néant ou par la douleur : Cette penfée ne fuffitelle.pas feule, pour faire d'un heureux , un malheureux ? Rien n'eft li inconteftable. Sous 1'aveugle deftin, fous le hazard , nos jouiffances les plus douces font toutes empoifonnées par la crainte ; nos maux font abfolument incurables; tous les cceurs font ulcérés: Le bonheur eft de- venu une chofe impolfible. Mais, lorsque fubftituant a ces prétendues combinaifons fortuites,  C » 1 a des mots vuides de fens, une éternelle providence ; lorsque, déchirant enfin la page ou 1'infenfé, oü 1'homme toujours malheureux dès qu'il fe trompe , Ji écrit fi dénaturément: II ny a pas de Dieu, nous nous livrons a des plus confolantes doclrines; au même itïftant la douce efpérance', & fa fille la joye pure, commencent a briller dans nos yeux ; le calme eft dèja revenu dans nos cceurs , & le malheur s'évanouit de delTus Ia terre; tel qirun fonge léger qui ne Iaifle aucune impreflion de douleur, de crainte ou d'inqui étude. Dieu exifte, & mon bonheur avec lui. Dieu exifte, & tout exifte en lui & par lui: il crée  t»1 % chaque inftant 1'Action & ia Pensee. Une Action créée & exiftante , & la Pensee, qui exifte de même, & fe répliant fur fa propre exiftence, fe circonfcrit & dit: c'eft moi; qui appercoit enfuite & juge ce qui n'eft pas moi, ou ce qui eft autre; qui découvre , méfure & individue tout ce qui s'appelle Action : voila 1'Univers. Le moyen eft auffi fimple que fon Auteur eft grand. Dieu contient tout, fans pouvoir être contenu mille part; & 1'Univers, qui ne préfente. point de bornes a mon imagination effrayée , fe réduit, devant les yeux de fon auteur, aux dimenfions d'un atöme, a la fimplicité d'une monade. Dieu eft tout. «Devant lui  T 13 I •«Ta créature, ce rien trompcnf, «difparoit, & ne laiffe aucune tracé «de fon menfonge.i» J'emprunte ici les paroles du plus réligieux de nos Sages. (c'étoit gater la converfation (a) H veut, & tout eft fait. Vouloir eft fa puiiTance; Vouloir & le pouvoir eft fa fublime eflence. A fa voix tout s'emprelfe ï fortir 4a aéant;  I 21 ] Toutes les vérités prouvent celle de cette grande Caufe , éternelle, toute-puiiïante; & il n"y auroit pas de vérités, fi celle-ci irétoit pas la première. L'aveugle hazard ne fauroit devenir père de 1'ordre &del1iarmonieuniverfelle, comme 1'erreur & le menfonge ne Tout vit, tout obéit a fon commandement. Un nouvel univers va dans 1' inftant éclore ; Court remplacer l'ancien, pour faire place encore A celui qui tout prêt a fortir de fa main , Attend 1'ordre fuprême 6c remplit fon deltin. Que tout eft grand ici, la chofe 6? les images / D'un bonheur a venir quels fubfimcs préfages / C  C 22 ] peuvent prendre la place de la raifon. Avec le hazard , il eft inutile de diüerter fur rien. I/extrème de la folie & le comble de 1'abfurdité deviennent notre ^partage , & un pyrrhonifme univerfel étend fon regne fur tout. Que tout eft limple 8c grand / — Hélas.' foibles humains , Tout paroit grand a ceux qui font pa- tits & vains. Dans le fonds rien n'eft tel: tout eft nomenclature : Dans 1'univers entier tout eft rapports 6c fins. Et c'eft fur ces rapports que jugeant la nature, De toutes les grandeurs nous fommes la méfure, Mais Vous, Être infini, Bonté, For- ce , Sageffe, Tar qui tout eft formé , qui formez tout fans cefle;  C 23 1 Non ; 1'on ne fauroit fe perfuader fèrieufement, qu'il n' y a pas de caufes finales; qu'il ne peut y avoir une idee prototype, un plan de 1'Univers. L'oreille n'auroit pas été faite pour entendre? l'ceilpour voir? L'homme exiftant par cas O ! Vous, O .' de mon être 8c lource & complément , Vous n'êtes point foumis a ce rap- prochement. Par-tout Vous Vous trouvez grand, aimable 8c terrible ; Par-tout Vous m'échappez, préfent 8c invifible. Je parcours 1'univers, je Te cherche 8c Tu fuis ; Je Te demande au jour, je Te deman- de aux nuits Parois; O.' qui m'as fait. C'eft mon cri fans relache. Parois, 8c fois enfin touché de mo» ardeur ;  C 24 ] ïbrtnit, dans tme de ces féries ianombrables, que forme , durant toute une éternité, la comhinaifon non dirigée des atömes, fe fera trouvé un ceil, fe fera trouvé une oreille; il aura employé, ( toujours d'après un heureux Déchire \t' rideau, romps le voile impofteur ; Que ton bras tout-puilfant pour toujours me Panache. Je ne fais ou je fuis. Je ne pui9 fans Te voir Plus vivre fur la terre, 011 tout eft fombre & noir. Que m'importe la rerre, oii mon coeut me tourinente ? Que me fait 1'univers, li mon Dieu s'en abfente ? "C'univers ne m'eft rien , mais fon Auteur m'eft tout Extr. d'un Hymne Philofephique i DIEU, 8c les MONDES.  [ 25 ] hazard, ) 1'un pour voir, Pantre pour entendre ? Soit, encore. Mais fi liiomme d'aujourd'huï doit ce préfent, a une combinaifon enfant du hazard & qui aura éte précédée par des millions & millions d'eflais & de combinaiions défe&ueufes; fi le foleil, fi les étoiles & les planêtes, n'ont pas une plus brillante origine ; fi elles n'ont été fixées dans lenrs orbites que par rencontre fortuite; fi toj.it cela eft contingent enfin & non prémédité , d'oü vient qumn tel ordre n'eft plus fujet a être derangé ? Quand & comment eft - il devenu permanent & ftable ? Pourquoi ces variations , ces effais » qui ont .eu lieu pendant une C3  r 26 ] li prodigieufe fuite d' Eons, pendant le long cours de PÉternité, pourquoi tout cela n'a-t-il plus lieu aujourd,hui ? Pourquoi le même hazard, qui a formé 1'ordre acluel des chofes , ne le détrtrio ilpas? Faire, refaire , n'eft-ce-pas 1'efFet naturel d'une telle caufe, fur laquelle Pefprit fort a bati tout ion fyftême ? Si eet elprit fort eft du moins conféquent, qu'il nous dife donc, comment dèpuïs tant de milliers d'années , eet éléphant, que nous avons vu 1' autre jour que l1 on ménoit a Conftantinople , comment & pourquoi il ne fe trouve pas plus abruti, ou plus participant a la raifon humaine, que fa race ne Pétoit du (a) Ou de Siècies,  [ 27 3 tems de Pline, ou longtems avatlt lui? (tfKQu'y a-t-il qui empêche le cheval , par exemple , de donner a fon tour une bride a 1'homme ? Le perroquet, pourquoi n'a t-il pas poli fa langue ? comment n'en a-t-il pas formé un didionnaire ? L'hirondelle , que n'elt - elle devenue Académicienne ? Le Caftor ne devoitil pas avoir fait des progrès dans Part de batir , ou conftruire enfin un peu diffèremment fa maifon, après tant de fiècies; le moineau fon nid ? Comment (a) Pline , BufFon après lui, tous les naturaliftes , répréfentent 1' éléphant comme doué d?un inftinct fi fingulier, quon feroit presque tenté deluiaccorder des facultés morales & intelleduelles. Pope 1'appelle un animal demi-xaifonsble; half reafonabk.  C =8 3 Ie foleil, les planètes, la lune furtout, dnrant ce travail & ces combats éternels des élémens de la matière, comment fonteis reftés fi fidèlement foumis aux loix invariables de leur cours, ainfi qu'a nos calculs ? Car les aftronomes lifent encore aujourd'hui dans le ciel, tout comme du tems de Nabonaffar, le point conftant du léver & du coucher de chaque afire, fon cours journalier & annuel , fes phafes , fes éclipfes, les événemens paffes & futurs , fans s'écarter , d'une feule minute peutetre , de leur vrai tems ? Qu'on m'explique tout cela,d'une manière tant foit peu fatisfaifante pour celui qui répond , & pour celui qui interroge. En at-  [ 29 ] tendant, j'entönerai toujours mos hymne au grand Ordonnateur, au grand Démiurge, hymne d'admiration, d'amour & de reconnoiffance; & leslntelligences Céleftes, • & 1'Echo de la Nature, le répéteront a 1'uniffon; ils feront retentir mon cantique dans les immenfes concavités du Ciel. O l Rot immortel de tous les siecles ! rien n'est que parce que Tü es ! Et pour finir comme j'ai commencê, je ne celTerai de publier, ö ! mon Dieu ! que, fi vous êtes néceffaire a MJnivèrs, comme première caufe, comme premier moteur: vous ne 1'êtes pas moins, vous  C 30 ] l'êtes davantage, fi je puis parler ainii, a mon cceur. Quand je iraurois que ce cccur, & qu'un voile impénétrable me couvrit tout le refte. ce cceur vous fentiroit, vóus aimeroit; il me diroit ce que vous êtes pour lui. Sans vous, il feroit dans le dénuement le plus affreux, dans le trouble, dans le défespoir , les plus cruels. Sans vous, j'aimerois mieux brouter 1'herbe des champs, avec le paifible & infouciant agneau ; habiter , comme les ancêtres de Telliamed, les fonds des mers, avec 1'horrible baleine; ou parcourirles deferts de laLybie, avec le fiér animal qui y regne en dèfpote, en s'abreuvant de fang & de carnage : j'aimerois  r 31 ] mieux trainer ainfi mes triftes jours, que de vivre fur cette agréable colline , ou dans les palais dorés des Grands, avec mes femblables.   L'A V E U G L E DE LA MONTAGNE, Eraredens Philofophiques. Le P l a i s r r. ËNTRETI EN XVIII. XLaisir ! Plaifir ! Mobile avouë eu caché de toutes les aclions des hommes, qui es tu ? Oü es tu? Es tu loin ou pres de nous ? — Mais ta préfence, comme ton abfence , te fait affez connoitre; & qu'ai-je befoin après cela de favoir te définir , ou de faire des recherches pénibles fur ta. nature?  C 2 3 As tu quelque part une demeure fixe ? Voila ce qu'il m'importe de favoir, dès que je veux te chercher & apprendre a te trouver. Frère inféparable du contentement & de la joie , enfant du bonheur , tu me fembles quelquefois n'être nulle part; & pourtant je rencontre partout ton image. Tantöt je crois la voir dans la cabane du pauvre, tantöt fur un tröne. Vous buvez le neólar dans des coupes d'or; ou dans le creux de la main , en vous abreuvant, avec 1'indigent, de 1'eau de la prémière fontaine; vous courez vous alTeoir a la table du laboureur, lorfque fatigué & content, il revient fe delaffer  C 3 ] dans le fein de fa paifible familie. O ! Plaifir ! fi facile a la fois & fi inconcevable ! Pourquoi les foibles humains s1 obftinent-ils a te voir toujours loin d'eux , tandis que tu te trouves partout fur leur route, & pour ainfi dire fous leurs pas ? Mais je crois entrevoir ton fécret. Infpire ou dirige mes reflexions: que j'écrive fous ta diftée, & approuve moi quelquefois d'un fourire. C' é t o i t ainfi , Théogène , que je chantois P autre jour , fous mon platane folitaire , en m'accompagnant de la lyre, pendant que le foleil doroit encore le fommet de nos montagnes. J'attendois quelques-uns de nos amis  C4 3 pour la converfation du foir. J'allois continuer ; lorfque je m'appercus que je faifois de pénibles efforts , & que le plaifir étoit dèja loin de moi; car il n'habite pas, vous le favez , avec la peine. J'allois donc changer de ton & abaifier mon vol, lorfque Polydamas, arrivant fur ces entrefaites, ne me cachez pas, me cria-t-il auffi-töt qu'il put m'appercevoir, ne me cachez pas ce que vous chantiez fur votre lyre : j'eu ai entendu les derniers fonsharmonieux, en approchant de votre colline. Le vif intêrêt qu'il me marqua, joint au défir que j'avois moi-même, m'engagea a le fatisfaire. Je chantois, lui repondis-je, un hymne au Plailir i au Plaifir, dont  m la nature, la durée , les moyens & le béfoin , nVont occupé dépuis li longtems. (V). Quand on connoit le plaifir & qu'on parvient a le fixer , on connoit le bonheur. Le Bonheur ne peut (a) En 1760. a 1'age de 23. ans, 1'Auteur de cette Tradu&ion fit une autre petite piéce , tirée des Philofophes Grecs. Il Fintitula : Fragment fur les principes du vrai Bonheur. C' étoit une piéce très-morale , qui avoit trait aux chofes dont on parle ici ; ou plutót c'étoit un commencement des Philarmonica% que nous donnerons bientót. Le réfultat en étoit, que, dés quon aime, tout tf} bien ; qu'il falloit donc aimer tout t aimer toujours; & que , 1'univers eft plein de biens, pour quiconque a le fens droit £d* la paix de Vame. On établiflbit furtout cette profonde vérité : // eft enfant de f Ordre, VAmour qui eft pêre du Bonheur. Voila la morale qui a mérité quelques farcafmes au petic livre & a fon auteur j autem qui n'avoit pas écrit d'aiüeurs a 3-  C 6 ] être qu'une férie non-interrompue de fentimens agréables, fans aucun mélange d'amertume. Rien donc de fi important que cette théorie; & c'eft cependant oü la plupart des hommes, ces êtres pour le public, comme il ne le fait pas encore ici. Il n'avoit fait, que fibi &• Mufis canere ; il n'avoit fait tirer que lix exemplaires du petit opufcule en queftion. Un jaloux, qui peutêtre n'étoit pas en état de lire 6c d'entendre 1'almanach de Gotha, s'avifa de faire une critique de eet opufcule, lous le titre des deux Chryftppes , critique que perfonne n' a comprife 8c peutêtre pas lue; critique d'autant plus injufte , que le Fragment n'étoit que pour quelques amis inftruits, comme on vient de dire. Le jeune Philofophe concluoit finalement, qu'on devoit 8c qu'on pouvoit fe plaire par tout; 8c qu'avec ce fensdroit, qu'il demandoit, 5c tapaix de l'ame, lagrotte de philoclès 8c le dèfert d'Oails, devoient encore avok pout nous des chaim'és.  I 7 1 raifonnables, fe trompent. La rarfon', dont ils font fi fiers, n'a pas la force qu'ils lui attribuent ou elle dcdaigne ici de 1' employer. On diroit qu"elle fe cache, ou qu'el.le prend la fuite aux appro„ ches du plaifir, qu'elle n'ofe en fout en ir la vue. Une de nos Sapho 1'a fort bien dépeinte: Un peu de vin la trouble, un enfant la fèduit. En effet, fouvent il n'y a point a raifonner avec le plaifir. Veut-on 1'entreprendre ? II faut appeller au (a) Cette Sapho a déviné la penfée de Mad. Deshouillières; ou bien, celle-ci a pris la fienne de la Sapho Grèque. Quoiqu'il en foit , je n'ai pu mieux lendre le vers Grec, qui fe trouvoit en eet endroit, que par le vers, li connu, de notie charmante Poëte.  CM fecours une logique bien plus prei* fante que 1'ordinaire; il faut invo quer 1'Expérience , avec fa fceur MIabitude. Ces deux foutiens doivent encouragèr & étayer la Raifon. Ce ne font point des argumens* ce ne font point des définitions , que le Plaifir recherche. Aufti, a quoi bon tant de définitions? Que la Philofophie me le pardonne ! mais je crois que c'eft toute cette methode, que ce font 1'analyfe & la fynthèfe, tous mots que le plaifir ignore, qui on fait tort, un tort irréparable, a la raifon. lis tuent abfolumenr le plaifir ; qui ne veut révivre enfuite , que loin de tout ce qui eft fi raifonnant. D'ailléurs , fi nous confultons les philofophes , lss définitions ici  C9 ] né font pas une chofe aifée. Voyez comme 1'Académie, (Ancienne & Nouvelle, ) comme le Portique & le Lycée font partagés fur ces objets-. Ciceron en a écrit cinq livres (<0 ; & comme s' il n'avoit pas épuifé la matière , il y revient encore dans fes immortelles Tufadanes, la dernière, mais en un fens, la prémière produftion de eet homme incomparable. (£)• C'eft la (a) De Fir.ibus Bonorum 6y Malorura. (b) C'eft ce Ciceron dont Quintilien a dit: Tantkm fe aliquis profecijfe fciat, quantum ei Cicero placuerit. Un autre Romain en parle en ces termes: Ingenium Mud, quod folum imperio fuo fuppar Roma habuit. Mon Aveugle a bien 1'air d'avoir adopté ces jugemens de 1'Antiquite' a 1'égard du gtandhomme; je m'yriens comme lui.  C io ] qu'il abrége tout ce que les Sophiftes anciens ont dit fur la nature & les moyens du bonheur. Les fuivrons nous dans un vrai dédale de paroles & de raifonnemens ? Non, non, bon jeune-homme; tout cela eft pénible au moins, & inutile ; & nous n'avons pas tant de tems a perdre. Entendons-nous feulement, fans trop nous embarrafier fi nous entendons les autres; furtout, lorfque ces autres ne font plus avec nous, & qu'ainfi nous ne fommes pas a portée de leur communiquer nos doutes, & d'y récevoir leurs folutions. Ce quev tout le monde fent , ce que tout le monde connoit, n'eut jamais befoin d'être défini. 11 porte fa définition fur  I n 1 fon front ; fon vrai caraclère y eft écrit en lettres ineffacables. Le fentiment , la penfée , n'ont qu'a fe réplier fur eux-mêmes; & tout eft dit, tout eft entendu. C' eft ainfi que j' ai toujours jugé qu'il y avoit beaucoup d'objets indéfiniflables , précifement paree qu'ils font trop connus, & quil eft de 1'eflence de notre ame de les connoitre. Telle eft pour nous cette clarté du jour, dont je ne jouïs plus, il eft vrai; mais dont j'ai jouï affez longtems, pour pouvoir 1'apprécier & la diftinguer des ombres de la nuit. Et fi je vous demande a vous, Théogène, ce que vous croyez qui couvre la terre, lorfqu'en plein midi vous ouvrez les yeux;  t »3 vous n'héfitez point a me répondre : Ceji la lumiere. Vous diüinguez parfaitement cette lumiere, de tout ce qui ne 1'eft pas , ou de ce qui 1'eft beaucoup moins. Le diale&icien le plus fubtil ne fauroit, avec toutes fes définitions '& contre- définitions, vous apprendre quelque chofe de mieux que ce que vous favez dèja , dès que vous ouvrez la paupière. II en eft de même du plaifir & de la joie. Dès que nous les fentons, il ne faut pas qiron nous dife ce que nous éprouvons. Tout notre art , toute notre Philofophie, doivent être employés a rendre fixe & durable un fentiment trop volatil ; a enchainer un fugitif. O eft la le  i 13 ] grand ceuvre, &, dépuis longtems, toute mon étude. J'y ai fait peutêtre quelques progrès ; vous avez pu en juger: vous allez en juger encore. Souvenez-vous feulement que je ne vous ai pas promis beaucoup de définitions , ui des théorêmes, ni des démonftrations de théorême. Je n'analyfe ni ne définis point ce qu'on comprend aflez , ce qui eft fimple; (0) je ne veux pasprouver ce qui fe démontre de foi-même. La comparaifon , que nous avons faite avec la lu- (a) Notre Philofophe penfe 8c parle ici comme parloit Pingenieux 8c profond Malebranche, au fujet de toutes ces démonftrations 8c définitions intaliflables de chofes claires. On n'a qu'a voir 1'hiftoire, que PAuteur de la recherb  [ 14 1 miere, eft toujours devant mes yeux. On ne voit la lumiere & elle n'exifte, que paree qiron la voit. 11 ny a pas de meilleure raifon a don fier . C'eft la même chofe par rapport au plaifir. Soa nom dit tout ; fa préfence eft toute fa preuve. Dès que nous tenons le plaifir , pêii nous importe que lies foient fes formes , fa robe , fes atours. Que je m' amufe a faire réfoner ma lyre , ou a toucher mon tetracorde; a lire cbe dc la verité rapporte, touchant ce Pröfeueur d'Oxford, qui crut ne pas trop faire, en employant toute fa vie a compofer un livre, pour démontrer les huit pre'mieres Fropofitions d'Eucüde. Recb. de la vérité. Edit. de ijll, ia ^° Tom, I. pag. 417,  [ is ] Horaère , ou a m'entrètenir des chefs - d'ceuvre des Zeuxis & des Parrhafius , des Phidias & des Praxitèle ; que je me délecle a refpirer 1' air fur le déclin d'un beau jour, ou a refter affis, prés de mon feu, pendant que les autans fe déchainent; que me livrant aux douceurs de 1'amitié, j'aime mon bon Théogène , le jufte Ariftide , ou la vertueufe Herminie : tout cela eft indifférent pour le bonheur. , pourvu que j'aime ce qui eft aimable , pourvu que je ne délire que ce que je puis atteindre ; pourvu que tous mes fentimens foient des fentimens agréables; mes penfées, enfans de ordre & amies de la juftice^  I 16 3 Car, fans cela, rien n'eft durable; tout eft détruit auffitót que formé, & même avant de 1'être. (a). Enfin , fi je fais me gouverner, moi & mes goüts, je fens le plaifir d'être heureux ; j'ai tout ce qu'il me faut; je n'ai rien a défirer. Nous ne devons jamais préférer plaifir a plaifir, ni regretter celui qui eft palfé, puisqu'ii étoit fait pour pafïer, & que le plus fouvent il ne cofifïfte que dans le palfage. 11 ne tient d'ailleurs qu'a nous de le remplacer. Voudrions-nous refl'embler a eet enfant chagrin & révêche , qui pleurt C'eft ce qui fera plus amplement developpé dans les Philarmonica; ENTTRETIENS XIV, XV. & XVI.; que nous avons dèja. annoncés, mais pas encore traduits.  roit avant qu'on ne lui fervit fa table, & étoit mécontent encore après qu'on 1'avoit fervie ; parceque 1'agrément d' en profiter, alloit fe terminer pour lui? Hélas! Théogène, je vous 1'ai dèja dit, nous fommes tous de grands enfans, & Mutato nomine , de te fabida narratur* nous fommes cent fois moiiis raifonnables encore. Convenons donc que c'eft une folie, de vouloir être heureux d'une manière plutó't que d'une autre-; en Italië plutót qu'en Grèce ; dans la jeunefle plutöt que dans 1'age mür ou dans la vieïïefle. * Herat. h 3  [ 18 ] Car, pourvu que nous le'foyons' qirhnporte le lieu ou la manière? Et ce n'eft guères être plus fage , de defirer ce qu'on ne fauruit obtenir , ou de ne pas fe plaire dans ce que Dieu & la 'Nature ont placé fous notre mam, ou a nos cötés. Nous ne devons rechercher que des plaifirs faciles, immortels. Si la difficuité, fi la peine s'en mêlent, les plaifirs ceflent d'être plaifirs ; toute ceiiation , prévue ou imprévue', les aftaiïine. Nulle interruption ne leur convient; la variété feule eft conforme a leur nature. Le Plaisir prend toutes les formes ; il eft le vrai Protée. Prenons, comme lui, celles qu'il  C 19 ] nous préfente; c'eft le feul moyen de le garder parmi nous, c'eft le vrai fécret d'être heureux. Contens de ce que nous avons, nous conformant a ce qui eft établi, & croyant que tout ce qui exifte, eft bien: perfuadés que 1'homme, que la créature libre, fortant de 1'ordre , fait feule. le mal; O) nous foumettant a eet ordre , nous plianf a la loi du grand Tout, aux volontés de celui qui a fait tout ce qu'il a voulu, & uniquement paree qu'il 1'a voulu , & qui ne 1'a fait que pour nous , - (a) Zenon &le Portique foutenoienr». que nemo Uditur nifi a feipfo; 8c Plutarque a fait un Traité expres, fous ce titre Si la Philofophie des.Gentils parle ainfi 8c fait cela, que ne doit pas feite le Chrétien?  Z 20 J & Nous pour Lui: voila, voila la fagefle; il n'y en a point d'autre. Hors de la, point de repos, point de durable plaifir ; & confequem» ment point de bonheur, puisque Ie bonheur n'eft que dans la duree. Nous pouvons bien décorer d'un beau nom des gouts pafTagers & fatisfaits: mais dès qu'ils ne font pas dans 1'ordre, au lieu de de» venir les formes du plaifir & Ie véhicule de notre bonheur , ils deviennent 1'inftrument de notre peine : nous devenons auffitór, nous-mêmes, notre jüge, notre bourreau & notre fupplice. O). Le nom impofant que nous avons donné a la chofe , n' en a pm (a) Sua fïbi eft pcena omnis inoxd£ •»atus animus, S. Aug. Cenf,  [ 21 ] changer la nature; & cette nature étant fragile, éphémère, elle a le fort d'une décoration de théatre; elle ne fait que palier. II en eft ainfi de tout ce qui n'eft pas conforme a 1'Idée & a 1'Amour de 1'Ordre, uniques bafes de l'éternel. Nous pouvons bien, pour un moment , avoir 1' air d' hommes fatisfaits , heureux , contens ; mais qu'on nous examine le moment d'après : Le masqué tombe, Cf Vhomme re/lef 1'homme avec toute fa dilformité, dans toute fa diftbnance avec 1'ordre, 1'ordre plus ancien que 1'univers, a la ftrufture duquel il a préiidé. (f1)- Quelle étendue (a) Voy. les Philarmonica, ou, la Marais reduite a un feul principe.  r 22 3 fe découvre ici de vues & de himières ! Quelle fource de morale ! Quelle foule de vérités! Et elles portent toutes leur évidence & la douce perfuafion avec elles. Mais revenons a la théorie du plaifir. Nos go.üts, & des goüts fatisfaits, font donc, comme nous 1'avons déja vu, toute la matiere & lesformes du plaifir. 11 faut, pour avoir du plaifir , avoir des goüts r & les moyens de les fausfaire. Quiconque n'a pas de goüts, un être apathique ou qui n'aime rien , 00 , eft Pêtre le plus malheureux de la nature. Je me trompe ; il y ia) s. Catherine de Gènes difoit, en parlant des démons: qu'ils font malheureux ! il ne favent plus aimer..  C 23 ] a un dégré au dela. C'eft celui oü , au manquement d'amour, au défaut de plaifir, on joint le tourment de haïr. C'eft la le non plus ultra de 1' infortune. Ha ! quiconque a fü, une feule fois de fa vie, qu'il avoit un cceur, (ö) , & a qui une heureufe expérience a appris 1'ufage qu'il en pouvoit faire, celui-la n'a pas eu befoin d'inventer le nectar & 1'ambroifie; la pierre de Sifyphe, la roue d'lxion, ou les ondes du Styx : il a eu entre les mains, il a trouvé en lui-même , avec les délices du Ciel, 1'inftrument (a) C'eft-a-dire , la faculté de chérir , d'approuver quelque chofe , de sJj .eoKiplaiie,  C 243 des plus affreux fupplices. L'Enfer tout entier a été dans fon ccrur, si'1 s'eft livré au désordre, s'il eft devenu mécharït, fi la haine 1'a tourmenté. O). Le Ciel (a) Daus le Fragment fur les principes du vrai bonheur, dont il a dèja été parlé, il étoit dit: „1'auteur de notie être a voulu nous donner un coeur ou faa„biteroient la joye & les trancjuils „ plaifirs: il nous en a donné un capa,, ble d'aimer; il 1'y a formé lui-même 5, de fa main bienfaifante. Dès que la haine, les craintes, toute J'engeance „ de la haine, les empoifonnent, nous „ vivons pour notre fupplice , nous qui étions faits pour vivre pour le ,, bonheur, pour vivre de la vie des ,, intelligences,,, ,,0! Amour! O! ma Vie! prête-moi „ tes traits enflammés, que je blefie „ les coeurs des humains infenfibles , „ qui croyent aimer, & ne favent que „ haïr; qui coment e'teinellement après  C 25 3 au contraire, a été, dès cette vie», fon partage , s'il a aimé , s'il a aimé avec perfévérance, & que „Pamour „ chez ïui« foit rétourné a fa fource, (a~) , & foit devenu immenfe comme fon objet. Notre cceur , nos defirs , notre amour, nos goüts, voila, oui, voila linftrument, lesmoyens, 1'exécution, tout 1'enfemble de notre bonheur ou de notre malheur. On aime^ et tout est bien. On Al me , et l'on est heureux. Ceffe-t-on d'aimer, un feul inttant ? Fait-on „ ton ombre, & n'ont jamais eula for,, ce feulement d'éléver jufqu'a toi „ leurs delirs pufillanimes; &c. &c. (a) C'eft encore une expreflion du Sage, coté a la page 13. de VEntrétkn VII. c  C ] plus; hait-on quelque chofe? Auffitót, & par la même porte., le déplailir & la peine , le malheur, entrent -chez nous. Cet iiiftant de vient la proie des infames Harpyes, qui volent fans celfe autour de nous, & qui, bien plus que celles de Virgile , infeclent tout de leur foufïle empoifonné , ou nous déchirent de leurs griffes cruelles. Pour être heureux, il faut donc aimer totijours , ne haïr jamais. Aimer, approuver, trouver bon, trouver beau; goüter, être content, pofleder & jouir; tous ces mots, & plulieurs autres, font fynonyme's de plaifir; les fentimens qirils expriment, font tous frères. Jaloufer , au contraire , envier ,  [ V 3 fe deplaire, haïr ou detefter , ne font qu'une feule & même chofe avec peine & fouffrir. Que j"aime & approuve tout ce qui m'entoure, tout ce qui a des rapports avec moi; que je ne haïffe rien , pas même le mal-aife ou la douleur , qu'il n'eft donné a perfonne , dans un état changeant & perfeclible comme nous nous trouvons , (a) , d'éviter complétement; (£) je ne fuis point (a) V. Entretien XIII. (b) Mais ft cela n'eft donné compléte' ment a perfonne; il eft donné fouvent, i un efprit jufte, a un cceur droit & ami de 1'ordre , d'affoiblir, pour les trois quarts, ce qu'il y a de facheux dans cette rencontre. La fagefle prévient la plupart des maux phyfiques, & la patience émouflè ceux qui font inévitables; elle en fait des biens réels, Quant aux maux d'opi~  C 23 ] deftitué de plaifirs, je ne puis me juger malheureux. Toutes les fois que je rencontre les couleurs ou la livrée du mal, je ferai comme le Jupiter d'Homère, qui, du haut de 1'Olympe, détourne le regard des plaines enfanglantées de Troye , pour le fixer fur celles des pailibles Troglodytes, qui paif- iiion, la Philofophie, toute fcule, peut les guérir, la philofophie Chrétienne furtout, Qu'on life les Tufculanes de Ciceron , 6c mieux encore 1'excellent ouvrage de S. Cyprien, ( qui étoit bien phiiofophe, ) de bono Panentia. Qu'on voye ce qu'un Lavater dit de la patience; Lavater, qui a daigné faire quelque cas de ces Entretlens , 8c qui a traduit les quatre premiers, enAllemand. J'aurai i'occafion de citer encore ailleurs eet hornme aimable 6c pénétrant; furtout lorsque je parlerai de la puiffance 6c de l'énergie de la Prière. On n'a pas compris, on a critiqué ce que ce grand  [ 29 ] tent leurs trouppeaux. Ou, fïvous voulez que je prenne un cadre plus modefte, jimiterai eet Heureux Eorgne, qui , privé de 1'ceit qui voit le mal, ne pouvoit fe fervir que de celui qui fixe le bien. (a). Enfin , pour parler fans paraboles , je m'unirai a mon Auteur, a 1'Auteur de tout bien , qui eft non feulement au homme a conftamment dit a ce fujet. Mais ce ne font point des Pbilofophes Chrétiens qui Tont ainfi critiqué. Si cette Note n'étoit pas dèja trop longue , je donnerais ici quelques Dialogues Socratiques , faits pour nous guérir des maux de 1'opinion, 5c pour nous confoler, dans ce qu'on appelle les traverfes de la vie. i (a) Le Tradufteur a faifi autrefois la même idéé; 8c a fait un petit Conté Philofophique, fous le même titre, c 3  C 30 l Ciel, O) mais prés de moi & en moi; & qui , en m'aflurant la perfedibilité de mon être, nren fait attendre & rechercher, avec confiance & tranquillité, le perfectionnement. Si je me gouverne ainfi, & que j'aye le bonheur de rendre cette théorie, pratique : je fuis heureux , autant que Pon peut Pêtre dans un lieu d'épreuve & de nonpermanence ; je fuis heureux, par 1'efpérance & par la confiance certaines, que je le déviendraf deplus en plus. Je fais que je dois faire place ici, fur la terre,a d'autres êtres, perfeclibles comme moi;. (a) Parvulus fum; fed vivh in Cxlis Pater meus , & idoneus eft mihi tttte? mm* Aug, Conf,  [ 3* ] mais j'en prendrai une, en échangey au-dellus des atmosphères nébuleufes de notre fyftême planetaire, & je n'y férai pas moins heureux. (a). En attendant, ( car il faut que je le rédife encore: 1'on ne fauroit trop répéter, ce qu'il eft ft important de favoir & de pratiquer: ) en attendant, fi j'aime , fi j'approuve tout ce qui m'environne i fi je me complais dans chaque chainon de cette grande chaine , que Jupiter, felon une autre belle image, tracée par le Prince des poëtes, que Jupiter tient en fa main » & qui defcend du (a) Cette douce peifualïon , cette certitude,.font 1'objet de YEntretien XXII. U Chant dtt Cygnet ou /'Immortalité,.  t 32 ] haut de 1'Empyrée, jufques au fonds de 1'Efpace ; fi je me déJecle fans méfure & fans fin dans celui qui a créé la Sagefie & tient laPuhTance; (a), fi aucun atöme de Pefpace , nul point du tems ou de Péternité, ne peut fe trouver, oü je ne puifie & ne doive dire : J'aime , & tout est bien : fi mon amour eiï vif, s'il eft immenfe, comme il doit 1'être , puisqu'il trouve un ebjet immenfe & digne de lui; (O, fi mes goilts fatisfaits , fi mon amour jouiflant, vont croif- (a) C'eft la belle expreffion du livre de Job; in Omnipotente deleftari. (b) Dieu étant trouvé, rien, après cela, n'eft intiouvabki  t 33 ] fant toujours, toujours perfeaibles: Bonheur, Félieité, Félieité fuprême ! ö ! Te voila! Je m'y jette fans héfiter; & dis moi bien vite, Théogène, s'il eft poffible qu'il y ait une autre efpéce de Félieité ?   ERRATA. L'Abfence de 1'Auteur & le demï- favoir d'un Prote d'Imprimerie, ont occafionné les fautes fui- vantes. Dans VAvertiJfement. Pag. 12. Afcanius. Ufe{: Afcagne. Ibid. Note- les plus elegantes. life{? des plus élégantes. Dans les Entrétïens. Pag. 4. tout ton éclat. life\; entiê- rement ton éclat. Pag. 9. a travers de. efface\ de. Pag. 12. paradoxe. life\: paradoxal. Pag. 17 favelotte. lifei: féveroje. Pag 34. quelque changement que. life\: quelque changement qui. Pag. 51. on ne comptoit d'abord de pnblier. Ufe\: onne comptoit d'abord publier. Pag. 54. au lieu de: je 1'ai fingé. mette\: je 1'ai rappellé.  Pag 60. effhcex le mot ane. Cf JMfiitue\ cette jpériphrafe: le plus beau des quadrupèdes après le chéval. Pag. 61. prétenduement. life{: foidifant. Pag. 72. le mot bien eft transpofé; life{: nous aimons bien mieux que Pouvrage difparoifle pour nous, que 1'ouvrier immortel&c. Pag- 75- vis-a-vis des amis. lifa: vis-a-vis d'amis auffi fincères,. Pag. 86. avant que Cadmus n'eut. Kfiv avant que Cadmus eüt. ENTRET. Vil. ^g. 9. ligne 14. lifeV & prenant en général, 1'homme content. Pag- il. ligne, après doctrines; ajoutez : lorsque celui qui peut tout, fe préfente a notre régard , nous afiïïrant qiril ne hait rien de tout ce qu'il a créé, & nous offrant les Biens dont fa main, elt pleine \  Pag'. 12. ligne 4. Iife\: & qui fe rêpliant. Pag. 16. 1. ro- après, nficrièrai, ajoutez: en courant 1'annoncer a toute la terre. P. 18. 1. 17. balbutier: Ufe{i Bégayer. ENTRET. XXVII. P. 4.1.10. & 11. au lieu de, fe rappe- tiffer , Ufe\: s'apétifler. P^ 5. 1. 1. de PEgypte. P. 6. 1.8. Riphéens. life\: Riphées. P. 23. 1. 7. après TVoda; ajoutez, Odïn. P. 31. 1. 13. au lieu avec les Gaulois, Ufe\: ainfi que les Gaulois. P. 32. Ufe\: d'avoir en partie Pobligation; & elfacez , ligne après, en partie. P. 36. 1. ir. après deprimer, li/è{ï en leur attribuant.  P. 39. dern. ligne de la Note ta) après Teut-atta , ajoutez: Dkut notre. Pere. ENTRET. XVIII. P. 23. h 12. au lieu de chainon, lifèv anneau.