BM!^.\Universiteit van Amsterdam' 01 3127 9614  OEUYRES D E BOULLANGER. TOME QUATRIÈME.   Ö E ü V R E S D E BOULLANGER fiorao , quod rationis est particeps , consequentiam cernit, causas rerum videt, earumque progressus et quasi antecossiones non ignorat , similitudines iomparat, rebus prïesentibus adjungit, atque annectit futuras.. CiCïRo de offic. lib. 1. c. 4- TOME QUATRIÈME A AMSTERDAMv 1 7 9 4-   P R É F A C E. LETTRE DE U AUTEUR. J e recois , Monsieur 3 avec reconnoissance , les ob~ servations que vous m'envoyez sur raon ouvrage. Si je suis sensible aux éloges que vous daignez en faire, j'aime trop la vérité pour me choqi ;r de la franchise avec laquelle vous me proposez vos objections; je les trouve assez graves, pour mériter route mon attention. Ce seroic être bien peu philosophe j que de n'avoir pas le courage d'entendre contredire ses opinions. Nous ne sommes point des théologiens ; nos démêlés sont de nature a se terminer a 1'amiable; ils ne doivent ressembler en rien a ceux des apótres de la superstitiën , qui ne cherchent qu'a se surprendre mutuellement par des argnmens captieux , et qui, aux dépens de la bonne foi, ne combattent jamais que pour défendre la cause de leur vanité et de leur propre entêtement. Nous désirons rous deux le bien du genre humain; nous cherchons la vérité ; nous ne pouvons} cela posé , manquer d'être d'accord. Vous commencez par admettre la nécessitéd'examiner la religion et de soumettre ses opinions au tribunal de la raison; vous convenez que le christianisme ne peut soutenir eet examen, et qu'aux yeux du bon sens il ne paroitra jamais qu'un tissu d'absurdités, de fables décousues, de dogmes insensés, de cérémonies puériles,de notions empruntées des Chaldéens, des Egyptiens , des Phéniciens, des Grecs et des Romains. En un mot, vous avouez que ce système religieux nest que le produit informe de presque routes les anciennes superstiTome IF~, A  i Préfaci. üons , enfantées par le fanatisme oriental, et diversement modifiées par les circonstances et les préjugés de ceux qui se sonr depuis donnés pour des inspirés, pour des envoyés de Dieu , pour des interprêtes de ses volontés nouvelles. Vous frémissez des horreurs que 1'esprit intolérant des chretiens leur a fait commettre, toutes les fois qu'ils en ont eu le pouvoir; vous sentez qu'une religion , fondée sur un Dieu sanguinaire , ne peut être qu'une religion de sang; vous gémissez de cetre phrénésie, qui s'empare dés Fenfance de 1'esprit des princes et des peuples j et les rend également esclaves de la superstitiën et des prêtres j les empcche de connoïtre leurs véritables iméréts , les rend sourds a la raison , lesdétourne. des grands objets qui devroient les occuper. Vous reconnoissez qu'une religion fondée sur l'enthousiasme, ou sur 1'imposture , ne peut avoir de principes assurés, doit étre une source éternelle de disputes, doii roujours finir par causer des troubles, des persécutions et des ravages, sur-tout lorsque la puissance politique se croira indispensablement obligée d'entrer dans ses querelles. Enfin, vous allez jusqu a convenir qu'un bon chrétien , qui suit littéralement la conduite que 1'évangile lui present comme la plus parfaite , ne connoït en ce monde aucun des rapports sur lesquels la vraie morale est fondée j et ne peut être qu'un misantrope inutile s'il manque d'énergie, et n'est qu'un fanatique turbulent s'il a 1'ame échauffée. Après ces aveux , comment peut-il se faire que vous jugiez que mon ouvrage est dangereux ? Vous me dites que le sage doit penser pour lui scul; qu'il faut une religion, bonne ou mauvaise , au peuple; qu'elle est un frein nécessaire aux esprits simples et grossiers , qui sans elle n'auroient plus de motifs pour s'abstenir dü  P R É t A C E. J crime et du vice. Vous regardez la réforme des préjugés religieux comme impossible; vous jugez que les princes, qui peuvent seuls 1'opérer, sont trop intéressés a maintenir leurs sujets dans un aveuglement dont ils profitent. Voila , si je ne me trompe, les objections les plus fortes que vous m'ayez faites, je vais tacher de les lever. D'abord je ne crois pas qu'un livre puisse être dangereux pour le peuple. Le peuple ne lit pas plus qu'il ne raisonnej il n'en a ni le loisir , ni la capacité : d'un autre cöté, ce n'est pas la religion, c'est la loi qui contient les gens du peuple, et quand un insensé leur drroit de voler ou d'assassiner, le gibet les avertiroit de n'en rien faire. Au surplus, si par hazard il se trouvoit parmi le peuple un homme en état de lire un ouvrage philosophique , il esr certain que eet homme ne seroit pas communément un scélérat a craindre. Les livres ne sont faits que pour la partie d'une nation que les circonsrances, son éducatior», ses sentimens, metter.t au-deSsus du crime. Cette portion éclairéö dé la société, qui gouverne 1'autre , lit et juge les ouvrages; s'ils contiennent des maximes fausses ou nuisibles , ils sont bientót ou condamnés a Toubli, ou dévoués a 1'exécration publique : s'ils contiennent des vérités, ils n'ont aucun danger a courir. Ce sont les fanatiques , les prêtres et les ignorans, qui font les révolutions; les personnes éciairées , desintéressées et sensées, sont toujours amies du repos. Vous n'êtes point , Monsieur, du nombre de ces penseurs püsillanimes, qui croyent que la vérité soir capable de nuire : elle ne nuit qu'a ceux qui trompent les hommes, et elle sera toujours utile au reste du genre humain. Tour a dü vous convaincre depuis long-tems que rous les maux , dont notre espèce est affligée, ne A i  4 Prefacs. viennent que de nos erreurs , de nos intéréts mal entendus , de nos préjugés, des idéés fausses que nous attachons aux objets. En effet, pour peu que Ton ait de suite dans 1'esprit il est aisé de voir que ce sont en particulier les préjugés religieux qui ont corrompu la politique et la morale. Ne sont-ce pas nos idéés religieuses et sumaturelles qui firent regarder les souverains comme des dieux ï C'est donc la religion qui fit éclore les despotes et les tyrans j ceux-ci firent de mauvaises loix (2); leur exemple corrompir les grands ; les grands corrompirent les peuples; les peuples viciés devinrent des esclaves malheureux , occupés a se nuire , pour plaire a la grandeur et pour se tirer de la misère. Les Rois furent appellés les images de Dieu ; ils furent absolus comme lui; ils créèrent le juste et 1'injuste , leurs volontés sanctifièrent souvent 1'oppression, la violence, la rapine; et ce fut par la bassesse, par le vice et le crime , que 1'on obtint la faveur. C'est ainsi que les nations se sont remplies de citoyens pervers qui, sous des chefs corrompus par des nations religieuses, se firent continuellement une guerre ouverte ou clandestine , et n'eurent aucuns motifs pour pratiquer la vertu. Dans des sociétés ainsi constituées., que peut faire la religion 3 Ses terreurs éloignées , ou ses promesses ineffables, ont-elles jamais empêché les hommes de se livrer a leurs passions, ou de chercher le bonheur par les voies les plus faciles ? Cette religion a-t-elle influé sur les mceurs des souverains , qui lui doivent" leur pouvoir divin ? Ne voyons-nous pas des princes , remplis de foi, entreprendre a chaque insrant les guerres (1) Cetre yé'rité ejc dans tout son jour dau? les Recherches sur Vorigine. du DetfQlisme wiental.  P R I F A C !, ƒ les plus injustes; prodiguer inutilement le sang ec les biens de leurs sujets; arracher le pain des mains du pauvre, pour augmenter les insatiables ; permettre et même ordonner le vol, les concussions, les injustiees ? Cette religion, que tant de souverains regardent comme 1'appui de leur tróne, les rend-elle donc plus humains , plus réglés , plus rempérans, plus chastes , plus fideles a leur serment > Hélas ! pour peu que nous consultions 1'histoire, nous y verrons des souverains orthodoxes , zélés et religieux jusqu'au scrupule, être en même tems des parjures, des usurpateurs , des adultères j des voleurs , des assasjins , des hommes enfin qui agissent comme s'ils ne craignoient point ce Dieu qu'ils honorenr de bouche. Parmi ces courtisans qui les entourent, nous verrons un alliage continuel de christianisme et de crime 3 de dévotion et d'iniquité, de foi et de vexatious , de religion et de trahisons. Parmi ces prêtres d'un Dieu pauvre et crucifié, qui fondent leur existence sur sa religion , qui prétendent que sans elle il ne peut y avoir de morale , ne voyons-nous pas régner 1'orgueil, 1'avarice , la lubricité, 1'esprit de domination et de vengeance (2) ? Leurs prédications continuelles et réitérées depuis rant de siècles , ont-elles véritablement influé sur les mceurs des nations ? Les conversions, que leurs discours opèrent, sont elles vraiment utiles; Changent-elles les cceurs des peuples qui les écoutent ; De 1'aveu même de ces docteurs, ces conversions sont très-rares , ils vivent toujours dans la. (1) Quand nous nous plai<;nons des désorjres des prêtres, on nous ferme la bouche en disant yu'il faut faire ce qu'ils disent et ne pas faire ce qu'ils font. Quelle confiance pouTons nous donuer en des médecius qui, lorsqu'ils ont lei raèmes maux que nous , ne venlent jamais se serrir des jnêmes remèdes qu'ils prescriTent? , A3  6 PrÉfacï. lie des siecles ; la perversité humaine augmenre chaquè jour, et chaque jour ils déclament contre des vices et des crimes, que la coutume autorise, que le gouvernement encourage , que 1'opinion favorise , que le pouvoir récompense, et que chacun se trouve intéressé a commettre 3 sous peine d'étre malheureux. Ainsi, de 1'aveu même de ses ministres, la religion, dont les préceptes ont été inculqués dès 1'enfance et se répétent sans relache, ne peur rien contre la dépravation des mceurs. Les hommes mettent toujours la religion de coté, dès qu'elle s'oppose a leurs desirs , ils ne 1'écoutent que lorsqu elle favorise leurs passions, lorsqu'elle s'accorde avec leur tempérament, et avec les idéés qu'ils se font du bonheur. Le libertin s'en moque, lorsqu'elle condamne ses débauches: 1'ambitieux 1 la méprise lorsqu'elle met des bornes a ses voeux; 1'avare ne i'écoute point, lorsqu'elle lui dit de répandre des bienfaits ; le courtisan rit de sa simpliciré, quand elle lui ordonne d'être franc et sincère. D'un autre cöté , le souverain est docile a ses lecons, lorsqu'elle lui dit qu'il est 1'image de la divinité ; qu'il doit être absolu comme elle; qu'il est le maitre de la vie et des biens de ses sujets; qu'il doit les exterminer, quand ils ne pensent point comme lui. Le bilieu écoute avidement les préceptes de son prêtre , quand il lui ordonne de haïr; le vindicatif lui obéit, quand il lui permet de se venger 1'ui-mêine 3 sous prétexte de venger son Dieu. En un mot, la religion ne change rien aux passions des hommes , ils ne 1'écoutent, que lorsqu'elle parle a 1'unisson de leurs désirs; elle ne les change qu'au lit de la mort : alors leur changement est inutile au monde , et ie pardon du ciel, que Ion promet au repentir infructueux des mourans , encourage les vivans a persister dans Ie désordre jusqu'au dernier instant.  Preface. 7 En vain la religion prêcheroit-elle la vêitu, lorsque certe vertu devient contraire aux intéréts des hommes , ou ne les mène a rien. On ne peut donner des mosurs a une nation dont le souverain est lui-même sans mceurs et sans vertu; ou les grands regardent cette vertu, comme une foiblesse ; oü les prêtres la dégradent par leur conduite; ou 1'homme du peuple , malgré les belles harangues de ses prédicateurs , sent bien que , pour se tirer de la misère, il faut se prêter aux vices de ceux qui sont plus puissans que lui. Dans des sociétés ainsi constituées, la morale ne peut être qu'une spéculation stérile , propre a exercer 1'esprit, sans influer sur la conduite de personne, sinoa d'un petit nombre d'hommes que leur tempérament a rendus modérés et contens de leur sort. Tous ceux qui voudront courir a la fortune j ou rendre leur sort plus doux , se laisseront entramer par le torrent général , qui les forcera de franchir les obstacles que la conscience leur oppose. Ce u'esr donc point le prètre , c'est le souverain, qui peut établir les moeurs dans un état. II doit prêcher par son exemple •, il doit effrayer le crime par des chatimens; il doit inviter a la vertu par des recompenses; il doit sur-tout veillera réducation publique, afin que 1'on ne seme dans les cceurs de ses sujets , que dës passions utiles a la société. Parmi nous, 1'éducation n'occupe presque point la politique; celle-ci montre 1'inJifférence la plus profonde sur 1'objet le plus essenriel au bonheur des états. Chez presque tous les penples modernes , 1'édueation pubuque se borne a enseigner des langues inutiles a la plupart de ceux qui les apprennent; au lieu de la morale , on inculqus aux chrédens , les fables merveilleuses et les dogmes inconcevables d'une religion trés- A4  8 Préface. opposée a la droire raison : dès le premier pas que Ie jeune homme fait dans ses etudes, on lui apprend qu'il doit renöncer au témoignage de ses sens, soumettre sa raison , qu on lui décrie comme un guide infidèïe , et s'en rapporter aveuglcment a 1'autcrité de ses maltres. Mais quels sont ces maïrres ? Ce sont des prêtres, intéressés a maintenir 1'univers dans des opinions dont seuls ils tecueÜlent les fruits. Ces pédagogues mercenaires, plein d'ignorance et depréjuges, sontrarement eux-mêmes au tpa de la société. Leurs ames abjectes et rétrécies s.ont-elles bien capables d'instruire leurs élèves de ce qu'elles ignorent elles-mèmes ? Des pédans, avilis aux yeux mêmes de ceux qui leur confient leurs enfans, sont-ils bien en état d'inspirer a leurs élèves le désir de la gluire, une noble émulation, les sentimens génèïgux, qui sont la source de routes les qualités utiles a la répubhque > Leur apprendronr - ils a aimer le bien public, a setvir la patne, a connoure les devoirs de rhomme et du citoyen, du père de familie et de ses enfans, des maures et des serviteurs ? Non sans doute; 1'on ne voit sortir des mains de ces guides inepces et méprisables, que des ignorans superstitieux qui, s'ils ont profité des lecons qu'ils ont recues, ne savent rien des choses nécessaires a la société, dont ils vont devenir des membres inutiles. De quelque coté que nous porticns nos regards, nous verrons 1 etude des objets les plus importans pour rhomme, rotalement negligée. La morale , sous la laquelle je comprends aussi la politique, nest presque" comptée pour rien dans 1'éducation Européenne ; la seule morale qu'on apprenne aux chrétiens , c'est cette morale enthousiaste, impraticable, contradictoire, incertaine, que nous voyons soutenue dans leraragile; elle nest propre, comme je crois 1'avoir prouvé j qua  P R ! I A C 1. ? dégrader 1'esprit, qu 'a rendre la vertu haïssable , qua former des esclaves abjects , qua briser le ressort de 1'ame ; ou bien si elle esr semée dans des esprits échauffés elle n'en fait que des fanatiques turbnlens , capables d'ébranler les fondemens des sociétés. Malgré 1'inutilité et la perversité de la morale que le chrisrianisme enseigne aux hommes , ses partisans osent nous dire que sans religion Ton ne peut avoir des 'mceurs. Mais qu'est-ce qu'avoir des mceurs, dans le langage des chrétiens ? C'est prier sans relache , c'est fréquenter les temples , c'est faire pónitence, c'est s'abstenir des plaisirs, c'esr vivre dans le recueillement et la retraite. Quel bien resulte-t-il pour la société de ces pratiques , que 1'on peut observer , sans avoir 1'ombre de la vertu? Si des mceurs de cette espèce conduisent au ciel, elles sont uès-mutiles a la terre. Si ce sont-la des vertu s , il faut convenir que sans religion 1'on n a poinr de vertus. Mais, d'un autre <:óté, on peut observer fidellement tout ce que le christianisme recommande, sans avoir aucune des vertus que la raison nous montre comme nécessaires au soutien des sociétés politiques. II faut donc bien distinguer la morale relïgieuse de la morale politique : la première fait des saints, 1'autre des ciroyens; 1'une fait des hommes inutiles ou même nuisibles au monde , 1'autre doit avoir pour objet de former a la société des membres utiles, actifs, capables de la servir, qui remplissent lesjdevoirs d'époux, de pères, d'amis, d'associés , qu'elles que soient d'ailleurs leurs opinions métaphysiques, qui , quoi qu'en dise la théologie , sont bien moins süres que les régies invariables du bon sens. : En effet, il est certain que 1'homme est un être sociable j qui cherche en tout son bonheur; qu'il faitle bien, lorsqu'il y trouve son intérêt; qu'il n'est si  1(5 P R i F A C 1. Communémënt méchanr, que paree que sans cela il seroit obljgé de renoncer au bien-être. Cela posé , que I education enseigne aux hommes a connoitre les rapporrs qui subsistent entr'eux, et les devoirs qui découJent de ces rapports ; que le gouvernement, a 1'aidê des loix, des récompenses et des peines, confirme les lecons que 1 education aura données ; que le bonheur accompagne les actions utiles et .vertueuses; que la hortte , le mépris , le chatiment punissent le crime et le vice; alors les hommes auront une morale , fondée sur leur propre nature, sur les besoins des nations, sur 1'intérêt des peuples et de ceux qui les gouvernent. Cette morale, indépendante des notions sublimes de la théologie , n'aura peut-être rien de commun avec la morale religieuse ; mais la société ft aura rien a perdre avec cette dernière morale, qui, comme on U prouvé, s'opposea chaque instant au bonheur des états, au repos des families , a 1'union des citoyens. Un souverain , a qui la société a confïé 1'autorité suprème, tient dans ses mains les grands mobiles qui agissent sur les hommes ; il a plus de pouvoir que les dieux, pour établir et réformer les moeurs. Sa présence, ses récompenses, ses menaces , que dis-je ; ■un seul de ses regards, peuvent bien plus que tous les sermons des prêtres. Les honneurs de ce monde , les dignités, les richesses, agissent bien plus fertement sur les hommes les plus rc-ligieux , que routes les espérances pompeuses de la religion. Le courtisan leplus dévot craint plus son Roi que son Dieu. Cest donc, je le répète , le souverain , qui doit prêcher ; c'est a lui qu'il appartient de réformer les mesurs 5 elles seront bonnes , lorsqüe le prince sera bon et vertuepx lui-même; lorsque les citoyens recevront une education honnêre, qui, en leur inspirant de  P r é ï a c f. ir bonne heure des principes vertueux, les habimera k honorer la vertu, a détester le crime , a mépriser le vice, a craindre 1'infamie. Cette éducation ne sera point infructueuse,lorsque des exemples continuels prouveronr aux citoyens que c est par les talens et les vertus que 1'on parvient aux honneurs, au bien-être , aux distinctions , a la considération 3 £l la faveur , et que le vice ne conduit qu'au mépris et a 1'ignominie. C'est a la tête d'unenation nourrie dans ces principes , qu'un' prince éclairé sera également grand, puissant et respecté. Ses predications seront plus efficaces que celles de ces prêtres qui, depuis tant de siècles , déclament inutilement contre la corruption publique (i). Si les prêtres ont usurpé sur la puissance souveraine le droit d'instruire les peuples, que celle-ci reprenne ses droits, ou du moins qu'elle ne souftre poinr qu'ils jouissent exclusivement de la liberté de régler les mceurs des nations et de leur parler de la morale ; que le monarque reprime ces prêtres eux-mêmes, quand ils enseigneront des maximes visiblement nuisibles au bien de la société. Qu'ils enseignent, s'il leur pla'it, que leur Dieu se change en pain, mais qu'ils n'enseignent jamais que 1'on doit haïr j ou détruire ceux qui refusent de croire ce mystère ineffable. Que da,ns la société nul inspiré n'ait la faculté de soulever les sujets contre 1'autorité , de sémer la d'scorde , de briser les liens qui unissent les citoyens entr'eux, de troubler la paixpublique pour des opinions. Le souverain, quand il voudta, pourra contenir le sacerdoce lui-même. Le fanatisme est honteux quand il se voit privé d'appui. Les (0 Quintilien dit : Quid quid principes faciunt , preccipere videntur. Les princes semblent or.lonner de faire tout ce qu'üs font «tii-mcmes.  ÏS- P R É F A C E. prêtres eux-mêmes attendent du prince les öbjets de leurs desirs , et la plupart d entr'eux sont toujours disposés a lui sacrifier les intéréts prétendus de la religion et de la conscience, quand ils jugent ce sacrifice nécessaire a leur fortune. Si 1'on me dit que les princes se croiront toujours intéressées a maintenir la religion et a ménager ses ministres , au moins par politique , lors même qu'ils se seront détrompés intérieurement; je réponds qu'il est aisé de convaincre les souverains par une foule d'exemples , que la religion chrétienne fut cent fois nuisible a leurs pateils ; que le sacerdoce fut et sera roujours rival de la royauté ; que les prêtres chrétiens sont par leur essence les sujets les moins soumis; je réponds qu'il est facile de faire sentir a tout prince éclairé que son intérêt vérirable est de commander a des peuples heureux; que c'est du bien-être qu'il leur procure , que dépendra sa propre süreté et sa propre grandeur; en un mot, que son bonheur est lié a celui de son peuple, et qu a la téte d'une nation, composée de citoyens honnêtes et vertueux, il sera bien plus fort, qua la téte d'une troupe d'esclaves ignorans et corrompus , qu'il est forcé de tromper pour pouvoir les contenir , et-d'abreuver d'impostures pour en venir a bout. Ainsi , ne désespérons point que quelque jour Ia vérité ne perce jusqu'au trone. Si les lumières de la raison et de la science ont tantde peine a parvenir jusqu'aux princes, c'est que des prêtres intéressés et des courtisans faméliques cherchent a les retenir dans une enfance perpétuelle; leur montrent le pouvoir et la grandeur dans des chimères, et les détournent des objets nécessaires a leur vrai bonheur. Tout souverain qui aura' le courage de penser par lui-même, sentira  PrÉFACI. 13 que sa puissance sera toujours chancelante et précaire tant qu'elle n'aura d'appui que les fantöraes de sa religion , les erreurs des peuples, les caprices du sacerdoce. II sentira les inconvéniens resultans d'une administration fanatique, qui jusqu'ici n'a formé que des ignorans présomptueux , des chrétiens opiniatres et souvent turbulens, des citoyens incapables de servir 1 etat, des peuples imbécilles, prêts a recevoir les impressioiïs des guides qui les égarenr; il sentira les ressources immenses que mettroient dans ses mains les biens si longtems usurpés sur la nation par des hommes inutiles, qui, sous prétexte de 1'instruire, la trompent et la dévorent (1). A ces fondations religieuses, dont le bon sens rougit, qui n'ont servi qua récompenser la paresse, qu'a entretenir 1'insolence et le luxe, qu'a favoriser 1'orgueil sacerdoral, un Prince ferme et sage substituera des établissemens utiles a 1'état, propres a faire germer les talens , a former la jeunesse, a récompenser les services et les vertus, a soulager les peuples, a faire éclore des citoyens. Je me flatte, Monsieur, que ces réflexions me disculperont a vos yeux. Je ne prétends point aux suffrages de ceux qui se croient intéressés aux maux de leurs concitoyens ; ce n'est point eux que je cherche a convaincre ; on ne peut rien prouver a des hommes vicieux et déraisonnables. J'ose donc espérer que vous cesserez de regarder mon livre comme dangereux et mes espérances comme totalement chimériques. Beaucoup (1) Quelques personnes ont cru que le clergé pouvoit serrir qusl«uefois de barrière au despotisme , maïs 1'experi'nce «uffit pour prouver que jamais ce corps n'a stipulé que pour lui même. Ainsi Pintêrêl des nations et celui des boas souv«raius tionve que ce corps n'est ab«oluinent bon k rien.  14 P K. É F A C E. d'hommes sans mceurs ont attaqué la religion, paree qu'elle contrarioir leurs penchans; beaucoup de sages lont méprisée, paree qu'elle leur paroissoit ridicule; beaucoup de personnes 1'ont regardée comme indifférente , paree qu'elles n'en ont point senti les vrais inconvéniens: comme citoyen , je 1'attaque, paree qu'elle me paroit nuisible au bonheur de 1'état, ennemie des progrès de 1'esprit humain , opposée a lasaine morale, dont les intéréts de la politique ne peuvent jamais se séparer. II me reste a vous dire avec un poëte ennemi, comme moi, de la superstition: Sitibi vera videtur, Sede manus, et si falsa est, accingere contra Je sufs , etc... Paris, le 4 mai, 1758.  LE CHRÏSTIANISME D É V O I L É, Ou examen des principes et des effets de la religion chrétienne. Superstitie) error insanus est3 amandos timet 3 quos colit violat: quid enim interest, utru.m Deos neges aa infames ? SlNEe. Ep. 12. CHAPITJAE PREMIER. Introduction. De la nécessité d'examiner sa religion, et des obstacles que 1'on rencontre dans eet examen. Un être raisonnable doit dans toutes ses actions se proposer son propre bonheur et celui de ses semblables. La religion , que tout concourt a nous montrer comme 1'objet le plus important a uotre félicité temporelle et éternelle , n'a des avantages pour nous, qu'autant qu'elle rend notre existence heureuse en ce monde, et qu'autant que nous sommes assurés qu'elle remplira les promesses flatteuses qu'elle nous fait pour un autre. Nos devoirs envers le Dieu que nous regardons comme le maïtre de nos destinées , ne peuvent être fondés que sur les biens que nous en attendons , ou sur les maux que nous craignons de sa part : il est donc nécessaire  t6 Le Christianisme que rhomme examine les motifs de ses craintes; ildoit pour eet effet, consulter 1'expérience et la raison , qui seules peuvent le guider ici-bas ; par les avantages que la raison lui procure dans la monde visible qu'il habite , il pourra jager de la realitéde ceux qu'elle lui fait espérer dans un monde invisible , vers lequel elle lui ordonne de röuriiei ses regards. Les homnus, pour la plupart, ne tiennent k leur religion que parhabicude; ils n'ont jamais examiné sérieusemenr les raisons qu: les y attachent, les motifs de leur conduite , les fondemens de leurs opinions; ainsi la chose, que tous regardent comme la plus importante pour eux, fut toujours celle qu'ils craignirent le plus d'approfondir; ils suivent les routes que leurs pères leur ont tracées ; ils croient, paree qu'on leur a dit dès 1'enfance qu'il falloit croire. ils espèrent, paree que leurs ancêtres ont espéré; ils tremblent, paree que leurs devanciers ont tremblé ; presque jamais ils n'ont daigné se rendre compte des motifs de leur croyance. Très-peu d'hommes ont le loisir d'examiner, ou la capacité d'envisager les objets de leur vénération habituelle , de leur attaehement peu raisonné, de leurs craintes traditionnelles ; les nations sont toujours entraïnées par le torrent de 1'habitude , de 1'exemple, du préjugé; 1'éducation habitué 1'esprit aux opinions les plus monstrueuses , comme le corps aux attitudes les plus génantes : tout ce qui a duré long-tems paroit sacré aux hommes; ils se croiroient coupables, s'ils portoient leurs regards téméraires sur les choses revêtues du sceau de 1'antiquité : prévenus en faveur de la sagesse de leurs pères, ils n'ont point la présomption d'examiner après eux ; ils ne voient point que de tout tems rhomme fut la dupe de sespréjugés, de ses espérances et de ses craintes , et que les mêmes raisons lui ren- •dirent  dêvo'dé. Ch. I. ij dirent presque toujours 1'examen également impossible. Le vulgaire , occupé des travaux nécessaires a sa subsisrance , accorde une confiance aveugle a ceux qui prétendent le guider; il se repose sur eux du soin de penser pour lui; il sousent sans peine a tout ce qu'ils lui pTescrivent; il croiroit oftenser son Dieu, s'il doutoit un instant de la bonne foi de ceux qui lui parient en son nom. Les grands, les riches, les gens du monde, lors même qu'ils sont plus éclairés que le vulgaire , se trouvent intéressés a se conformer auxpréjugés recus, et même a les maintenir; ou bien , livrés a la molesse, a la dissipation et aux plaisirs, ils sont totalement incapables de s'occuper d'une religion qu'ils font toujours céder a leurs passions, a leurs penchans , et au desir de s'amuser. Dans 1'enfance, nous recevons toutes les impressions qu'on veut nous donner; nous n'avons, ni lacapacité, ni 1'expérience, nile courage nécessaires pour douter de ce que nous enseignent ceux dans la dépendance desqceis notre foiblesse nous met. Dans 1'adolescence, les passions fougueuses et 1'ivresse continuelle de nos sens nous empêchent de songer a une religion trop épineuse et trop triste pour nous occuper agréablement: si par hasard un jeune homme 1'examine , c'est sans suite j ou avec partialité ; un coup d'oeil superficiel le dégoütë bientöt d'un objet si déplaisanr. Dans 1'age mür, des soins divers, des passions nouvelles, des idéés d'ambition , de grandeur, de pouvoir, le desir des richesses, des occupations suivies, absorbent toute 1'attention de 1'homme-fait, 'ou ne lui laissent que peu de momens pour songer a cette religion, que jamais il n'a le loisir d'approfondir. Dans la vieillesse , des facultés engourdies, des habitudes identifiées avec la machine , des organes affbiTome IV. B  i8 Le Christianisme blis par lage et les ïnfirmités, ne nous permettentplus de remonter a la source de nos opinions enracinées; la crainte de la morr, que nous avons devant les yeux , rendroit d'ailleurs très-suspect un examen au mei la terreur préside communément. C'est ainsi que les opinions religieuses , une fcis admises, se maintiennent pendant une longue suite de siècles ; c'est amsi que dage en age les nations se transmettent des idéés qu'elles n'ont jamais examinées; elles croyent que leur bonheur est attaché a des institutions dans lesquelles un examen plus mür leur montreroit la source de la plupart de leurs maux. L'autorité vient encore a 1'appui des préjugés des hommes, elle leur défend 1'examen, elle les fcrce a 1'ignorance, elle se rient toujours prête a punir quiconque tenteroit de les désabuser. Ne soyons donc point surpris, si nous voyons Terreur presque identifiée avec la race humaine •, tout semble concourir a éterniser son ave-clement •, toutes les forces se réunissent pour lui cacher la vérité : les tyrans la détestent et 1'oppriment, paree qu'elle ose discuter leurs titres injustes et chimériques; le sacerdoce la décrie , paree qu'elle met au néant ses prétentions fastueuses; 1'ignorance , 1'inertie et les passions des peuples, les rendent complices dc ceux qui se rrouvent intéressés a les aveugler, pour les tenir sous le joug, et pour tirer parti de leurs infortunes : par - la , les nations gémissent sous des maux héréditaires, jamais elles ne songent a y remédier, soit paree qu'elles n'en connoissenr point la source, soit paree que 1'habitude les accoutume au malheur et leur óte même le désir de se soulager. Si la religion est 1'objet le plus important pour nous, si elle influe nécessairement sur toute la conduite de  dévoilé. Ch, I. rcj la vie , si ses influeuces sétendent non-sèulement a notre exisrence en ce monde, mais encpre a celle que 1'homme se promet pour la suite , il nest sans doiite rien qui demande un examen plus sérieux de notre part : cependant eest de toutes bs choses celle dans laquelle le commun des hommes montre li ph ; de crédulké; le même homme , qui apportera 1'examen le plgs sérieux dans la chose la moins intéressante a son bien-être, ne se donne aucune peine pour s'assurer des motifs qui le déterminent a croire ou a faire des choses, desquelles, de son aveu , dépend sa félicité temporelle et éternelle; il s en rapporte aveuglement a ceux que le hasard lui a donné pour guides ; il se repose sur eux du soin d'y penser pour lui, et parvient a se faire un mérite de sa paresse même et de sa crédulité i en matière de religion, les hommes se font gloire de rester toujours dans 1'enfance et dans la barbarie. Cependant M se trouva dans tous les siècles des hommes, qui détrompes des préjugés de leurs concitoyens , osèrent leur montrer la vérité. Mais que pouvoir leur foible voix contre des erreurs sucées avec eur lait , confirmées par 1'habitude, autorisées par lexemple , fortifiées par une polinque souvent complice de sa propre mine ? Les cris imposans de 1'imposture réduisirent bientöt au silence ceux qui voulurent réclamer en faveur de la raison ; en vain le philosophe essaya-t-il d'inspirer aux hommes du courage, tant que leurs prêtres et leurs rois les forcèrent de trembler. Le plus sur moyen de tromper les hommes, er de perpetuer leurs préjugés , c'est de les tromper dans 1 entance : chez presque tous les peuples modernes , 1 education ne semble avoir pour objet que de formsr B x  1Q Le Chrisüanisme des fanatiques, des dévots , des moines, c'est-a-dire , des hommes nuisibles 3 ou inutiles a la société •, on ne songe nulle part a former des citoyens : les princes eux-mêmes , communément victimes de 1'éducation superstitieuse qu on leur donne, demeurent toute leur vie dans 1'ignorance la plus profonde de leurs devoirs et des vrais intéréts de leurs états •, ils s'imaginent avoir tout fait pour leurs sujets, s'ils leur font remplir 1'esprit d'idées religieuses , qui tieiment lieu de bonnes loix , et qui dispensent leurs maitres du soin pénible de les bien gouverner. La religion ne semble imaginée que pour rendre les souverains et les peuples également esclaves du sacerdoce; celui-ci n'est occupé qua susciter des obstacles continuels au bonheur des nations; par-tout oö il rè5ne, le souverain n'a qu'un pouvoir précaire ; et les sujets sent dépourvus d'activité , de science , et de grandeur d'ame , d'industrie, en un mot des qualités nécessaires au soutien de la société. Si dans un é'at chrétien on voit quelqu'activité , si 1'on y trouve de la science , si 1'on y rencontre des mceurs sociales, c'est en «êprt de leurs opinions religieuses ; h nature , routes les fois qu'elle le peut , ramène les hommes a la raison et les farce de travailler a leur propre bonheur. Toutes les nations chrétiennes, si elles étoient conséquentes a leurs principes, devroient être plongées dans la plus profonde inertie •, nos contrées seroient habitées par un petit ncmbre de pieux sauvages, qui ne se rencentreroient que pour se nuire. En effet, a quoi bon s'occuper d'un monde que la religion ne montre a ses disciples que comme un lieu de passage ? Quelle peut être 1'industrie d'un peuple , a qui 1'on répète tous les jours que son Dieu veut qu'il prie ; qu'il s'afflige , qu'U vive dans la crainte ,  dévoilé. Ck. I. i1 qu'il gémisse sans cesse ï Comment pourroit subsister une société composée d'hommes a qui 1'on persuade qu'il faut avoir du zèle pour la religion, et que 1'on doit haïr et détruire ses setnblables pour des opinions: Enfin, comment peut-on attendre de 1'humanite , de la justice, des vertus, d'une foule de fanatiques a qui 1'on propose pour modèle un dieu cruel, dissimulé , méchant, qui se plait a voir couler les larmes de ses malheureuses créatures, qui leur tend des embuches , qui les punit pour y avoir succombé, qui ordonne le vol, le crime et le carnage? Tels sont pourtant les rraits sous lesquels le christianisme nous peinr le Dieu qu'il hérita des Juifs. Ce Dieu fut un sultan , un despote , un ryran , a qui tout fut permis •, 1'on fit pourtant de ce Dieu le modèle de la perfection ; 1'on commit en son nom les crimes les plus révoltans, et les plus grands foriaits furent toujours justifiés, dès qu'on les commit pour soutenir sa cause, ou pour mérirer sa faveur. Ainsi la religion chrétienne , qui se vante de prêter un appui inébianlable a la morale, et de présenter aux hommes les motifs les plus forts pour les exciter a la vertu , fut pour eux une source de divisions, de fureurs et de crimes •, sous prétexte de leur apporter la paix , elle ne leur apporta que la fureur, la haine, la discorde et la guerre; elle leur fournit mille moyens ingénieux de se rourmenter •, elle répandit sur eux des lléaux inconnus a leurs pères; et le chrétien, s'il eut été sense, eüt mille fois regretté la paisible ignorance de ses ancétres idolatres. Si les mceurs des peuples n'eurent rien a. gagner avec la religion chrétienne, le pouvoir des rois, dont elle prétend être 1'appui, n'en retira pas de plus grands avantages; il s'établit dans chaque état deux pouvoirs B 3  22 Le Christianisme distingués; celui de la religion, fondé sur Dieu luimême, 1'emporta presque toujours sur celui du souverain ; celui-ci fut forcé de devenir serviteur des prêrres, et toutes les Ibis qu'il refusa de Héchir le genou devant eux , il fut proscrit, dépouillé de ses droirs , exterminé par des sujets que la religion excitoit a la révolte, ou par des fanatiques , aux mains desquels elle remettoit son couteau. Avant le christianisme, le souverain de 1'état fut communément le souverain du prêtre; depuis que le monde est chrétien , le souverain n'est plus que le premier esclave du sajerdoce , que 1'exéc iteur de ses vengeances et de ses décrets. Coneluons donc que la religion chrétienne n'a point de titre pour se vanter des avantages quVlle procure a la morale, ou a la politique. Arrachons-lui donc le voile dont elle se couvre; remontons a sa source; analysons ses principes; suivons-la dans sa marche, et nous trouverons que fondée sur 1'imposture, sur 1'ignorance et sur la crédulité, elle ne fut et ne sera jamais utile qu'a des hommes qui se croyent intéressés a tromper le genre humain ; qu'elle ne cessa jamais de causer les plus grands maux aux nations; et qu'au lieu du bonheur qu'elle leur avoit promis, elle ne servit qu'a les enivrer de fureurs, qu'a les inonder de sang, qu'a les plonger dans le délire et dans le crime, qu'a leur faire méconnoitre leurs véritables intéréts et leurs devoirs les plus saints.  dévoilé. Ch. II. 23 CHAPITRE II. Histoire ahrégc du peuple Juif. D a n s une petite contrée , presque ignorée des autres peuples , vivoit une nation , dont les föndareurs, long-tems esclaves chez les Egyptiens , furent délivrés de leur servitude par un prêtre d'Héliopolis, qui, par son génie et ses connoissances supérieures , sut prendre de 1'ascendant sur eux (1). Cet homme, connu sous le nom de Moyse, nourri dans les sciences de cette région fertile en prodiges et mère des superstitions, se mit donc a la tête d'une troupe de fugitifs a qui il persuada qu'il étoit 1'interprête des volontés de leur Dieu, qu'il en recevoit directement les ordres. II appuya , dit-on , sa ïr.ission par des ceuvres qui parurent surnaturelles a des hommes ignorans des voies (i) Mauéton et Chérêmon , historiens egyptiens , dont le juif Joseph nous a transmis les lémoignages , nous apprennent qu'une multitude de lépreux fut autrefois chassée d'Egypte par le roi Aménophis , qne ces bannis élurent pour leur che!' un prêtre d'Héliopolis* , nommè Moyse , qui leur composa une religion , et leur donna des loix. Voyez Joseph conlr* Appion, livre I, chapitre 9, 11 et 12. Diodore de Sicile rapporte 1'histoiie de Moyse , dans la tiaduction de 1'abbé. Tenasson. Quoiqu'il en soit, de 1'aveu même de la biblc, Moyse commrara par assas'iuer un Egyplien, qui avoit piis querelle avec un Hebreu apiès quoi il se sauva en Arabic, ntt il épousa la fille d'un prèlre idolatre qui lui repiocha souvent sa cruauté ; de.la ce saiut homme retourna en Egypte pour soulev r sa nalion mécontente contre le roi. II regna long-tems, 1'eïemple de Coré, de Dsthan et d'Abyron , prouve que les esprits - forts n'avoient point beau jeu avec lui. II disparut, comme Romulus , sans qu'on süt trouver son corps, ni le lieu de sa sapulture. B 4  24 Le Christianisme de la nature et des ressources de Tart. Le premier des ordres qu'ik leur donna, de la part de son Dieu, fut de voler leurs mairres, qu ils étcient sur le point de quitter. Lorsqu'il les eut ainsi enrichis des dépouilles de 1'Egypte, qu'il ss fut assüfé de leur confiance, il les conduisit dans un désert, ou, pendant quarante ans , il les accoüturria a la plus aveugle obéissance ; il leur apprit les volontés du ciël, la fable merveilleuse de leurs ahcêtres , les ceremonies bisarres auxquelles le très-haut attachoit ses faveurs; il leur inspira sur-tout la haine la plus envenimée contre les dieux des autres nations, et la cruauté la plus étudiée contre ceux qui les adoroient : a force de carnage et de sévérité, il en fit des esclaves souples a ses volontés , prêts a seconder ses passions, prêts a se sacrifier pour satisfaire ses vues ambitieuses : en un mot, il fit des Hébreux , des monstres de phrénésie et de férocité. Après les avoir ainsi animés de eet esprit desrructeur, il leur montra les terres et les possessions de leurs voisins j comme l'héritage que Dieu même leur avoit assigné. Fiers de la protection de Jéhovah ('i ), les Hébreux ïTKirchèrent a la victoire; le ciel autorisa pour eux la fourberie et la cruauté; la religion , unie a 1'avidité , étouffa chez eux les cris de la nature , et sous la conduite de leurs chefs inhumains, ils détruisirent les nations Chananéennes avec une barbarie qui révolte tout homme en qui la superstition n'a pas rotalement anéanti la raison. Leur fureur, dictée par le ciel-même, n'é- (0 C'êtoit le nom ineffable du Dieu des Juifs , qui n'osoient le prononcer. Son nom vulgaire etoit Adonaï, qui re«senib!e furieuseinent d I'Adonis des Phéniciens. Voyes les Rccheichc* sur Torigine 6a Despotisme oricntal.  dévoilé. Ch. II. ij pargna, ni les enfans a la mammelle 3 ni les villes ou ces monstres portèrent leurs armes victorieuses. Par les ordres de Dieu , ou de ses prophêtes, la bonne foi futviolée, la justice fut outragée, et la cruauté fut exercée (i). Brigands , usurpateurs et meurtriers, les Hébreux parvinrenr enfin a s'établir dans une contrée peu fertile, mais qu'ils trouvèrent délicieuse, au sortir de leur désert. La, sous 1'autorité de leurs prêtres 3 représentans visibles de leur Dieu caché > ils fondèrent un état détesté de ses voisins , et qui fut en tous tems 1'objet de leur haine, ou de leur mépris. Le sacerdoce, sous le nom de théocratie , gouverna long-tems ce peuple aveugle et farouche; il lui persuada qu'en obéissant a ses prêtres , il obéissoit a son Dieu lui-même. Malgré la superstition , forcé par les circonstances , ou peut-être fatigué du jbug de ses prêtres, le peuple Hébreux voulut enfin avoir des rois , a 1'exemple des autres nations , mais, dans le choix de son monarque, il se crur obligé de s'en rapporter a un prophéte. Ainsi commenca la monarchie des Hébreux, dont les princes furent néanmoins toujours traversés dans leurs entreprises, par des prêtres , des inspirés, des prophêtes (1) Pour se faire une idéé de la férocité Judaique, qu'on li se la conduite de Moyse et de Josué , et les ordres que le dieu des armées donne a Samuel dans le premier livr» des Rois , chap. XV, vs. '25 et 24 , ou ce Dieu ordonne de tout exterminer , sans en excepter les femmes et les eufans. Saül fut rejettè , pour avoir épargnè le sang du roi des Amalécites. David seconda les fureurs de son Dieu , et tint envers fes Ammonites une conduite qui révolte la nature. VoyeE le liv. dts Rois, chap. XII, v«. 5i. C'est pourtant David que 1'on propose encore pour le modèie des Rois. Malgré sa révolte contre Saül , ses BrigahJage» , ses adultères , sa crutlle perfidie pour Urie , il est nommè l'homme seloli Ie cceur de Dieu. Voyez le Dicticn. de Bajle a l'art-  iG Le Christianisme ambitieux , qui suscitèrent sans fin des obstacles aux souverains qu'ils ne rrouvèrent point assez soumis a leurs propres volontés. L'histoire des Juifs ne nous montre, dans rous ses périodes, que des rois aveuglément soumis au sacerdoce ou perpétuellement en guerre avec lui, et forcés de périr sous ses coups. La superstition féroce ou ridicule du peuple Juif, le rendit 1'ennemi né du genre humain , et 1'objet de ses mépris : toujours il fut rébelle , et toujours il fut maltraité par les conquérans de sa chétive' contrée. Esclave tour-a-tour des Egyptiens, des Babyloniens et des Grecs , il éprouva sans cesse les traitemens les plus durs et les mieux mérités ; souvent infidtle a son Dieu , dent la cruauté , ain,si que la tyrannie de ses prêtres, le dégoutèrent fréquemment, il ne fut jamais soumis a ses princes; ceux-ci 1'écrasèrent inutilement sous un sceptre de fer , jamais ils ne parvinrent a en faire un sujet attaché ; le Juif fut toujours la victime et la dupe de ses inspirés , et dans ses plus grands malheurs, son fanatisme opiniatre , ses espérances insensées, sa crédulité infatigable, le soutinrent contre les coups de la fortune. Enfin , conquise avec le reste du monde , la Judée subit le joug des Romains. Objet du mépris de ses nouveaux maitres, le Juif fur traité durement et avec hauteur, par des hommes que sa loi lui fit détester dans son cceur ; aigri par 1'infortune , il n'en devint que plus séditieux, plus fanatique , plus aveugle. Fiére des promesses de son Dieu ; remplie de confiance pour les oracles qui, en tout tems, lui annoncèrent un bien-être qu'elle n'eut jamais ; encouragée par les enthousiastes ou les imposteurs, qui successivement se jouèrenr de sa crédulité , la nation juive attendit roujours un Messle, un monarque , un libérateur , qui la débarassat du joug  dévoilé. Ch. III. 27 sous lequel elle gémissoit, et qui la fit régner elle-même sur routes les nations de 1'univers. CHAPITRE III. Histoire abrégèe du Christianisme. C->E fut au milieu de cette nation , ainsi disposée i se repaitre d'espérance et de chimères , que se montra un nouvel inspiré, dont les sectateurs sonr parvenus k changer la face de la terre. Un pauvré Juif, qui se prétendit issu du sang royal de David (1) , ignoré longtems dans son propre pays, sortit tout d'un coup de son obscurité pour se faire des prosélites. II en trouva dans la plus ignorante populace ; il lui prècha donc sa doctrine , et lui persuada qu'il éroir le hls de Dieu, le libérateur de sa nation opprimée , le messie annoncé par les propbêres. Ses disciples , ou imposteurs, ou séduits, rendirent un témoignage de sa puissance ; ils prétendirent que sa mission avoit été prouvée par des miracles sans nombre. Le seul prodige , dont il fut incapable , fut de convaincre les Juifs, qui, loin d'être touchés de ses ceuvres bienfaisantes et merveilleuses, (1) Les Juifs disenr que Jésus étoil fils d'un soldat nommé Pandira ou Panihet, qui sèduisit Alarie qui étoit une coëffeuse mariée a un nomni' Jochnnan; ou , se!on d'autres, Pandira jouit plusieurs fois de malie, tan lis qu.; relle-ei croyoit avoir affaire ii son mari ; par ce moyen el e devint grosse , et son mari chagrin se retira k Babylone. D'autres prétendent que Jésus apprit la magie en Egypte , d'ou il vint exercer son art en Ga'i'ée, et oü on le lit mourir. Voyez Pfeffer, iheol. Judaica? et mahomelicte . etc. principia Lypsiaz, 16S7. Bautres assurent que Jisus fut un brigand , et se fit chef de voleuri. Yoyez La Gémare.  i8 Le Christianisme lè firent mourir par tin supplice infamant. Ainsi le fils de Dieu mourut a la vue de tout Jérusalem; mais ses adhérens assurèrent qu'il étoit secrertement ressuscité trois jours après sa mort. Visible pour eux seuls, et invisible pour la nation qu'il étoit \ enu éclairer et amener a sa doctrine , Jésus ressuscité conversa, diton , quelque tems avec ses disciples , après quoi il remonta au Ciel, ou , devenu Dieu comme son père, il partage avec lui les adorarions et les hommages des sectateurs de sa loi. Ceux-ci, a force d'accumuler des superstitions, d'imaginer des impostures, de forger des dogmes, d'entasser des mystères, ont peu-a-peu formé un systême religieux , infcrme et décousu , qui fut appellé le christianisme , d'après le nom du Christ, son fondateur. Les difiérentes nations , auxquelles les Juifs furent respectivement soumis, les avoient infectés d'une multitude de dogmes emprunrés du paganisme : ainsi la religion judaïque, Egyprienne dans son origine, adopta les rites , les notions , et une portion des idéés des peuples avec qui les Juifs conversèrent. II ne faut donc point être surpris si nous yoyons les Juifs , et les chrétiens qui leur succédèrent, imbus des notions puisées chez les Phéniciens , chez les Mages ou les Perses, chez les Grecs et les Romains. Les erreurs des hommes, en matière de religion , ont une ressemblance générale ; elles ne paroissent différentes que par leurs combinaisons'. Le commerce des Juifs et des Chrétiens avec les Grecs , leur fit sur-tout connoitre la philosophie de Platon, si analogue avec 1'esprit romanesque des Orientaux, et si conforme au génie d'une religion qui se fit un devoir de se rendre inaccessible a la raison (i). (a) Origène ditqueCel.se reproc'ioit a Jésus-Chiist d'avoir emprunt e ■flusieurs des maximes de Platon. Yoyez' Orig. contra Ceh. 1. 6 Saint    dcvoïlL Ck. HL *9 Paul le plus ambiueux et le plus enthousiaste des d,scip!es de Jésus porra donc sa doctrine assaisonnée de sublime et de merveilleux, aux peuples de la Crrece, de 1' \sie , et même aux habitans de Rome ; il eut des sectateurs', paree que tout homme qui parle a 1'imaeination des hommes grossiers , les mertra dans ses intéréts et eet apótre actif peut passer, a juste ntre, pour fondateur d'une religion , qui , sans lur , 11 eut pu s'étendte , par le defaut de lumières de ses ignorans collégues, dont il ne tarda pas a se separer pour ètre chef de sa secte (1). Ouoiqu'il en soit , le christianisme , dans sa na.ssance, fut forcé de se bomer aux geus du peup e; M ne fut embrassc que par'les hommes les plus abjects d'enrre les Juifs et les Payens: c'est sur des hommes de cette espèce que le merveilleux a le plus de droit: (a). Un Dieu infortuné, victime innocente de la mechanceté,ennemi des riches et des grands, dut ètre un objet consolant pour des malheureux. Des mceurs auste- ... ■ J,„. Plarnn le commencement de rév»ti- Augus.in «cue nuM a tronve dansPlaton le co gile de S. Jean Voye* ^IZL Platon 1'église depuis „otion, dn Verbe sont ^-^ ^ £ prouver, a su tirer un trés-grand parti ae ce pm.uj ^ , Par la • „ rl.rèrien, re"»rdoient Saint. (O Les Ebionistes, ou prem.ers Cliret.ens , re a Ml comme un apo.tat , un hèrètique, par ce qu d ai^tp-t .ièrement de la loi de Moyse, que les autres apotres ne voulo.ent que léformer. , . ■ • (a) Les Chrètien, furen, appeUés par mopr.s Eb.omtes ce qm •ijtïriS* de, vnendians, des gueux. Voyez Orig contr. Cel.... II. er Euseb. hist. eeelés. \. III, ch. 37. Ebion , en hebreu, ..gn.fi. pauvre On a vonlu depui, personnifier le mot Ebiou , et Ion en « fa.t un he rétil «n chef de secte. Quo, qu'il c„ soit, la rebg.on chret.enne dut'sur-out plaire aux esclaves , qui étoient exc us de, choses sacrees, et que 1'on regardoit k peine eomme des hommes; elle eur parauad, qu'iirauroienHeur tou/un jour, et que dans 1'autre v.a ,1, sera.eav p'us heureux que leurt niaitres.  3® Le Christianisme res, le mépris des richesses , les scins , désintéressés en apparence , des premiers predicateurs de 1'évangile donr 1'ambition se bornoit a gouveri sr L-s ames l'égalité que la religion metroit entre les hommes' la communauré des biens , les secdurs mutuels què se pretoient les membres de cette secte, furent des objets tres-propres a exciter les desirs des rauvres, et a multiplier les chrénens. L'umon , h concorde, .affection reciproque , continuellèment recommandées aux premiers chréuens, durent séduire des ames honnêtes • la soumission aux puissances, la patience dans les so'uftrances, lindigence et 1'obscurité , firent regarder la secte naissante comme peu dangereuse dans un gouvernement accoutumé a tolérer routes sortes de sectes Ainsi, les fondateurs du christianisme eurent beaucoup d adherens dans le peuple , et n eurent pour contradicteurs , ou pour ennemis que quelques prêtres idolatres, ou Juifs , intéressés a soutenir les religions étabhes. Peu-a-peu le nouveau culte, couvert par lobscurité de ses adhérens , et par les ombres du mystère. jetta de très-profondes racines, et devint trop étendu' pour être supprimé. Le gouvernement romain s'appercut trop tard des progrès d'une association méprisée -r les chrénens , devenus nombreux , osèrent braver les dieux du paganisme J jusques dans leurs temples. Les empereurs et les magistrats devenus inquiets, voulurent eteindre une secte qui leur faisoit ombrage; ils persécutèrent des hommes qu'ils ne pouvoient ramener pat la douceur, er que leur fanatisme rendoit opiniatres. leurs supplices intéressèrent en leur faveur; la persécution'ne fit que multiplier le nombre de leurs amis: enfin, leur constance dans les tourmens parut sumaturelle et divine a ceux qui en furent les témoins. L'enthousiasme se communiqua, et la tyrannie ne ser-  dévoilé. Ch. III. j i vit qu'a procurer de nouveaux défenseurs a la secte qu'on vouloit étouffer. Ainsi que Ton cesse de nous vanter les merveilleux progrès du christianisme; il fut la religion du pauvre; elle annoncoit un Dieu pauvre; elle fut prêchée par des pauvres et des pauvres ignorans; elle les consola de leur érat; ses idéés lugubres elles-mêmes furent analogues a la disposition d'hommes malheureux et indigens. L'union et la concorde, que 1'on admire tant dans les premiers chrénens, n'est pas plus merveilleuse-, une secte naissante et opprimée demeure unie, et craint de se séparer d'intérêts. Comment, dans ces premiers tems j ses piêtres persécutés eux-mèmes , et traités comme des perturbateurs 3 eussenr-ils osé prêcher 1'intolérance et la persécution ? Enfin , les rigueurs exeicées contre les premiers chrétiens, ne purent leur faire changer de sentimens , paree que la tyrannie irrite, et que 1'esprit de 1'homme est indomptable , quand il s'agit des opinions auxquelles il croit son salut attaché. Tel est 1'erTet immanquable de la persécution. Cependant , les chrétiens que 1'exemple de leur propre secte auroit dü détromper, n'ont pu jusqu'a présent se guérir de la fureur de persécuter. Les empereurs romains, devenus chrétiens eux-mêmes c'est-a-dire , entrainés par un torrent devenu général , qui les forca de se servir des secours d'une secte puissante 3 firent monter la religion sur le tröne; ils protégèrent 1'église et ses ministres ; ils voulurent que leurs courtisans adoptassent leurs idéés; ils regardèrent de mauvais ceil ceux qui restèrent attachés a 1'ancienne religion ; peu-a-peu ils en vinrent jusqu'a en interdire 1'exercice; il finit par étre défendu sous peine de morr. On persécuta sans ménagement ceux qui s'en tintent au culte de leurs pères ; les chrétiens  32 Le CAristianismt rendirent alors aux j > i .. les maux qu'ils en avoient rcxus. 1 main i'ur rempli de sédi- tions , causcts par le zèle errVcné des souverains et de ces prêtres pacinques , qui pcu aupanvanr ne vouloient que la douceur ct riiidulgenu.'. I.cs empereurs , ou politiques, ou superstitieux, comblèrent le sacerdoce de largesses et de bienfaits , que souvent il méconnut; ils établirent son autorité ; ils respectèrent ensuite , comme divin , le pouvoir qu'ils avoient eux-mêmes créé. On déchargea les prêtres de routes les fonctions civiles , afin que rien ne les détournat du ministère sacré (i). .Ainsi > les pontifes d'une secte jadis rampante et opprimée , devinrent indépendans: enfin , devenus plus puissans que les rois, ils s'arrogèrent bientót le droit de leur commander a eux-mêmes. Ces prêtres d'un Dieu de paix , presque toujours en discorde entr'eux , communiquèrent leurs passions et leurs fureurs aux peuples, et 1'univers étonné vit naitre, sous la loi de grace , des querelles et des malheurs qu'il n'avoit jamais éprouvés sous les divinités paisibles qui s'étoient autrefois partagé , sans dispute , les hommages des mortels. Telle fut la marche d'une supersrition , innocente dans son origine j mais qui par la suite , loin de procurer le bonheur aux hommes 3 fut, pour eux , une pomme de discorde , et le germe fécond de leurs calamités. Paix sur la terre 3 et bonne volonté aux hommes. C'est ainsi que s'annonce eet évangile , qui a coüté au genre humain plus de sang que toutes les autres religions du monde prises ensemble. Aime^ votre Dieu (1) Vnyez Tillemont, daas la *ie d« Constant!», time IV, art. de  dévoilé. Ch.HL 33 de toutes vos forces , et votre prochain comme vousmême. Voila selon le législateur et le Dieu des chrétiens, la somme de leurs devoirs : cependant , nous voyons les chrétiens dans 1'impossibilité d'aimer ce Dieu farouche , sévère et capricieux , qu'ils adorent, et d'un autre cóté , nous les voyons éternellement occupés a tourmenter , a persécuter , a détruire le prochain et leurs frères. Par quel renversement une religion, qui ne respire que la douceur , la concorde, 1'humilité t le pardon des injures , la soumission aux souverains , est-eile mille fois devenue le signal de la discorde, de la fureur , de la révolte, de la guerre , et des crimes les plus noirs ? Comment les prêtres du Dieu de paix onr-ils pu faire servir son nom de prétexte pour trouwer la société , pour en bannir 1'humanité, pour autoriser les forfaits les plus inouis, pour mettre les citoyens aux prises, pour assassiner les souverains ? Pour expliquer ces contradictions, il sufht de jetter les yeux sur le Dieu que les chrétiens ont hérité des Juifs. Non contents des couleurs attreuses sous lesquelles Moyse 1'a peint, les chrétiens ont encore dénguré son tableau. Les chitimens passagers de cette vie sont les seuls dont parle le législateur Hébreu; le chrétien voit son Dieu barbare, se vengeant avec rage et sans mesure pendant réternifé. En un mot, le fanarisme des chrétiens se nourrit par 1'idée révoltante d'un enfer, ou leur Dieu, changé en un bourreau aussi injust» qu'implacable, s'abreuvera des larmes de ses créatures infortunées, et petpétuera leur existence pour continuer k la rendre éternellement malheureuse. La, occupé de sa vengeance, il jouira des tourmens du pécheur, il écoutera avec plaisir les hurlemens inutiles dont'ilfera retentirson cachot embrasé. L'espérance de voir finir ses peines ne mettra point d'intervalle entre ses supplices. Lome IT. C  34 Le .Christianisme En un mot, en adoptant le Dieu terrible des Juifs,, le christianisme enchérit encore sur sa cruauté; il le représente comme le tyran le plus insensé, le plus fourbe, le plus cruel, que 1'esprit humaan puisse concevoir; il suppose qu'il traite ses sujets avec une injustice et une barbarie vraiment dignes d'un démon. Pour nous convaincre de cette vérité, exposons le rableau de la mythologie judaïque, adoptée et rendue extravagante par les chrétiens. CHAPITRE IV. De la mythologie chrétienne , ou des idees que le christianisme nous donne de Dieu et de sa conduite. Dieu, par un acte inconcevable de sa toute-puissance, fair sortir 1'univers du néant (i); il crée le monde pour être la demeure de 1'homme, qu'il a fait a son image; a peine eet homme, unique objet des travaux de son Dieu, a-r-il vu la lumière, que son créateur lui tend un piège auquel il savoir qu'il devoit succomber. Un serpent, qui parle j séduit une femme, qui n'est point surprise de ce phénomène; celle-ci, persuadée par le serpent, sollicite son mari de manger un fruit défendu par Dieu lui-même. Adam, le père du genre humain, par cette faure légere, attire sur lui-même et sur sa posrérité innocenre une foule de maux que la mort suit, sans encore les terminer. Par 1'ofFence (1) Les anciens philosophes regardoient comme un axiome , qu» rien. ne se fait de rien. La créarion ^jjelle que les chrétiens I'admettent auiouid'hui j s'est-a-dire 1'éduction du néant, est une invention théologique assez moderne. Le mot Barak, dont la Genese se «ert, signifie faire r anauger, iisposar une maüére deja existaute.  dévoilé. Ch. IF. ?J d'ün seul homme , la race humaine entière devient 1'objet du couroux céleste; el'.e est punie d'une aveuglement involontaire par un déluge universel. Dieu se repent d'avoir peuplé le monde; il trouve plus facile de nover et de détruire 1'espèce humaine, que de changer son cceur. Cependant un petit nombre de justes échappe a ce fiéau; mais la terre submergés, le genre humain anéanti, ne sufllsent point encore a sa vengeance implacable. Une race nouvelle paroit, quoique sortie des amis de Dieu, qu'ij a sauvés du naufrage du monde, cette race recommence a 1'irriter par de nouveaux forfaits; jamais le Tout-Puissant ne parvient a rendre sa créature telle qu'il la desire; une nouvelle corruption s'empare des nations, nouvelle colère de la part de Jehovah. Enfin, partial dans sa tendresse et dans sa préférence, il jette les yeux sur un Assyrien idolatre; il fait une alliance avec lui; il lui promet que sa race, multipliée comme les étoiles du ciel, ou comme les grams de sable de la mer, jouira toujours de la faveur de son Dieu ; c'est a cette race choisie que Dieu révèle ses volontés; c'est pour elle qu'il dérange cent fois 1'ordre qu'il avoit établi dans la nature; c'est pour elle qu'il est injuste j qu'il détruit des nations entières. Cependant, cette race favorisée n'en est pas plus heurèuse, ni plus attachée a son Dieu; elle court toujours adesdieux étrangers, dont elle attend des secours que le siert lui rêfusej elle outrage ce Dieu qui peut 1'exterminer. Tantöt ce Dieu la punit, tantót il la console , tantót il la hait sans motifs, tantöt il 1'aime sans plus de raison. Enfin, dans 1'impossibilité oü il se tcouve de ramener a lui ijj^ peuple pervers, qu'il chérit avec opmiatreté, il lui envoye son propre fils. Ce fiis n'en est point écouté. Que dis-je ! ce fils chéri , C z  3 5 Le Christianisme égal a Dieu son père, est mis a mort par un peuple objet de la tendresse obstinée de son père, qui se trouve dans l'impuissance de sauver le genre humain, sans sacrifier son propre fils. Ainsi, un Dieu innocent devient la victime d un Dieu juste qui 1'aime; tous deux consentent a eet étrange sacrifice, jugé nécessaire par un Dieu, qui sait qu'il sera inutile a une nation endurcie, que rien ne changera. La mort d'un Dieu devenue inuiile pour Israël, servira donc du moins a expier les péchés du genre humain. Malgré 1'éternitéde 1'alliance, jurée solemnellement par le très-haut, et tant de fois renouvellée avec ses descendans, la nation favorisée se trouve enfin abandonnée par son Dieu, qui n'a pu la ramener a lui. Les mérites des souffrances er de la mort de son fils sont appliqués aux nations jadis exclues de ses bontés; celles-ci sont reconciliées avec le ciel, devenu désormais plus juste a leur égard; le genre humain rentre en grace. Cependant, malgré les efforts de Ia divinité, ses faveurs sont inutiles, les hommes continuent a péchcr; ils ne cessent d'allumer la colère céleste, et de se rendre dignes des chatimens éternels, destinés au plus grand nombre d'entr'eux. Telle est 1'histoire fidelle du Dieu sur lequel le christianisme se fonde. D'après une conduite si étrange , si cruelle, si opposée a toute raison, est-il donc surprenant de voir les adorateurs de ce Dieu n'avoir aucune idéé de leurs devoirs, méconnoirre la justice, fouler aux pieds Fhumanité, et faire des efforts, dans leur enthousiasme, pour s'assimiler a la divinité barbare qu'ils adorent, et qu'ils se proposent pour modèle ? Quelle indulgence 1'horngie est-il en droit d'attendre d'un Dieu qui n'a pas épargné son propre fils ? Quelle indulgence ltiomme chrétien, persuadé de cette fable,  dévoilé. Ch. IV. i7 auroit-il pour son semblable ? Ne doit-il pas s'imaginer que le moyen le plus süi de lui plaire est d'être aussi féroce que lui (i) ? Au moins est-il évident que les sectateurs d'un Dieu pareil doivent avoir une morale incertaine, er dont les principes n'ont aucune fixité. En eftët, ce Dieu n'est point toujours injuste et cruel; sa conduite varie; tantot il crée la nature entière pour rhomme; rantöt il ne semble avoir créé ce même homme, que pour exercer sur lui ses fureurs arbitraires; tantót il le chérit, malgré ses fautes; tantót il condamne la race humaine au malheur pour une pomme. Enfin, ce Dieu immuable est alternativement agité par 1'amour et la colère, paria bienveillance et le regret; il n'a jamais dans sa conduite cette uniformité qui caractérise la sagesse. Partial dans son arfection pour une nation méprisable , et cruel sans raison pour le reste du genre humain , il ordonne la fraude, le vol, le meurtre, et fait a son peuple chéri un devoir de commettre, sans balancer, les crimes les plus atroces, de violer la. bonne foi, de mépriser le droit des jgens. Nous le voyons, dans d'autres occasions, défendre ces mêmes crimes, ordonner la justice, et prescrire aux hommes de s'absrenir des choses qui troublent 1'ordre de la société. Ce Dieu , qui s'appelle a la fois le Dieu des vengeances, le Dieu des misérie ordes 3 le Dieu des armées, et le Dieu de la paix, soufflé continuellement le froid et le chaud; par conséquent il laisse chacun (i) On nous donne la mort du fils de Dieu, comme une preuTe indubitab'e de sa bomé; n'est-elle pas plutöt uue preuve indubitabie de sa férociié , de sa vengeance implacable et de sa cruauté ? Un bon chrétien, en mourant, disoit » qu'il n'avoit jamais pu roncevoir qu'un » Dieu bon eüt fait mourir un Dieu innocent, pour appaiser uo c Dieu juste ». C 3  3 8 Le Christianisme de ses adorateurs man-rede la conduite qu'il doit tenir, et par-la, sa morale devient arbitraire. Est-il donc surprenant, après cela, que les chrétiens n'aient jamais jusquici pu convenir entr'eux s'il étoit plus conforme aux yeux de leur Dieu de montrer de 1'mdulgence aux hommes que de les exterminer pour des opinions \ En un mor, c'est un problême pour eux de savoir s'il est plus expediënt d'égorger et dassassiher ceux qui ne pensent point comme eux, que de les laisser viVre en paix, et de leur montrer de 1'humanité. Les chrétiens ne manquent point de justifier leur Dieu de la conduite étrange, si souvent mique, que nous lui voyons tenir dans les livres sacrés. Ce Dieu, disent-ils, maitre absolu des créatures, peuten disposer a son gr.éj sans qu'on puisse, pour cela, 1'accuser d'injustice, ni lui demahdër compte de ses actions : sa justice n'est point celle de 1'homme; celui-ci n'a point le droit de blamer. II est aisé de sentir lmsuffisance de cette réponse. En effet, les hommes, en attribuant la justice a leur Dieu, ne peuvent avoir idéé de cette vertu, qu'en supposanr qu'elle ressemble, par ses^effets, a la justice dans leurs semblabbs. Si Dieu n'est point juste comme les hommes, nous ne savons plus comment il Xèsi3 et nous lui attribuons une qualité dont nous n'avons aucune idée. Si 1'on nous dit que Dieu ne doit rien a ses créatures, on le suppose un tyran, qui n'a de règle que son caprice , qui ne peur, dès-lors, être le modtle de notre justice,' qui n'a plus de rapports avec nous, vu que tous les rapports doivent être réciproques. Si Dieu ne doit rien a ses créatures, comment celbs-ci peuvent-dles lui devoir quelque chose » Si, comme on nous le repète ?ans cesse, les hommes sont, relarivement a Dieu, comme l'argile dans les mains du power, il ne peut  dévoilé. Ch. IV. Jf v avoir de rapports moraux entte eux et lui. C'est néanmoins sur ces rapports que toute religion est fondée : ainsi , dke que Dieu ne doit rien a. ses créatures, et que sa justice n'est point la mem* que celle des hommes, c'est frapper les fondemens de toute justice et de toute religion, qui suppose que Dieu aoit récompenser les hommes pour le bien, les punir pour le mal qu'ils font. , On ne manquera pas de nous dire que eest dans une autre vie que la justice de Dieu se montrera- cela posé, nous ne pouvons 1'appeller juste dans celle-ci, oü nous voyons si souvent la vertu oppnmee et le vice récompensé. Tant que les choses seront en eet état, nous ne setons point a portée d'attnbuer la justice a un Dieu qui se permer, au moins pendant cette vie, la seule dont nous puissions juger, des injustices passagères que 1'on le suppose disposé a réparer que que jour. Mais cette supposition elle-même nest-eüe pas trés-gratuite J et si ce Dieu a pu consentir detre rnjuste un moment, pourquoi nous flatterions-nous qu'il ne le sera point dans la suite ï Comment daiileurs concilier une justice aussi sujette a se dementir avec rimmutabilité de Dieu \ Ce qui vient d'être dit de la justice de Dieu, peut encore s'attribuer a la bonté qu'on lui donne, et sur laquelle les hommes fondenr leurs devoirs a son egard. En effet, si ce Dieu est tout-puissant, s'il est 1 auteur de toutes choses, si rien ne se fait que par son ordre, comment lui attribuer la bonté, dans un monde ou s-s créatures sont exposées a des maux continuels, a des maladies cruelles, a des révolutions physiques et morales, enfin a la mort 2 Les hommes ne peuvent attribuer la bonté a Dieu que d'après les biens qu ils en recoivent; dès qu'ils éprouvenï du mal, ce Dieu C 4  4® Le. Christianisme nest plu, bon pour eux. Les théologiens mettent a couvert la bonté de leur Dieu, en mant qu'il soit Iauteur du mal, qu'ils attribuenr a un génie malfaisant, emprunté du magisme, qui esr perpétueilement occupe a nuire au genre humain, et a frustrer les intentions favorables de la providence sur lui Dieu nous disent ces docteurs, n'est point 1'auteur du mal,' jl le permet seuiement. Ne voyent-ils pas que permettre le mal est la même chose que le commettre, dans un agent tout-pmssant qui pourroit 1'empêcher ? D'ailleurs si la bonté de Dieu a pu se démentir un instant,' quelle assurance avons-nous quelle ne se démentira pas toujours > Enfin , dans le systême chrétien , comment concilier avec la bonté de Dieu, ou avec sa sagesse, la conduite souvent barbare er les ordres sanguinaires que les livres saints lui attribuenr 2 Comment un chretien peut-il attribuer la bonré a un Dieu qui na cree le plus grand nombre des hommes que pour les damner éternellement; On nous dira, sans doute, que la conduite de Dieu est pour nous un mystère impénétrable; que nous ne sommes point en droitde 1'examiner- que notre foible raison se perdroit toutes les fois qu'elle voudroit sonder les profondeurs de la sagesse; qu'il faut 1'adorer en silence^ et nous soumettre, en tremblant, aux oracles d un Uieu qui a lui-même fait connoïtre ses volontés • on nous ferme la bouche, en nous disant que la divinité s est révélée aux hommes.  dévoilé. Ch. V. 41 CHAPITRE V. De la Révélation. C^omment , sans le secours de la raison, cönnoltr» s'il est vrai que la divinité ait parlé • Mais, d'un autre coté, la religion chrétienne ne proscrit-elle pas la raison i n'en défend-elle pas 1'ujage dans 1'examen des dogmes merveilleux qu'elle nous présente ? ne déclame-t-elle pas sans cesse contre une raison prophane qu'elle accuse d'insuffisance, et que souvent elle regarde comme une révolte contre le ciel ? Avant de pouvoir juger de la révélation divine, il faudroit avoir une idéé juste de la divinité. Mais oü puiser certe idéé, sinon dans la révélarion elle-même, puisque notre raison est trop foible pour s'élever jusqu'a la connoissance de 1'Etre suprème 3 Ainsi, la révélation ellemême nous prouvera 1'autotité de la révélation. Malgré ee cercle vicieux, ouvrons les livres qui doivent nous éclairer, et auxquels nous devons soumettre notre raison. Y trouvons-nous des idéés précises sur ce Dieu dont on nous annonce les oracles ? Saurons-nous a quoi nous en tenir sur ses attributs ? Ce Dieu n'est-il pas un amas de qualirés contradictoires qui en font une énigme inexplicable ? Si, comme on le suppose, cette révélation est émanée de Dieu lui-même, comment se fixet au Dieu des chrétiens , qui se peint comme injuste, comme faux, comme dissimulé, comme rendant des pièges aux hommes, comme se plaisant a les séduire, a les aveugler, a les endurcir, comme faisant des signes pour [es tromper, comme répandant sur  42 Le Christianisme eux 1'esprit de vertige et d'erreur (i) ! Ainsi, dès les premiers pas, 1'homme qui veur s'assurer de la révélation chrérienne, est jetté dans la dénance et dans la perplexiré; il ne sait si le Dieu, qui lui a parlé, n'a pas dessein de le tromper lui-même, comme il en a trompé tant d'autres de son propre aveu : d'ailleurs, ji'est-il pas forcé de le penser, lorsqu'il voit les disputes interminables de ses guides sacrés, qui jamais n'ont pu s'accorder sur la facon d'entendre les oracles précis d'une divinité qui s'est expliquée ? Les incertitudes et les craintes de celui qui examine de bonne fbi la révélation adoptée par les chrénens, ne doivent-elles point redoubler, quad il voit que son Dieu n'a prétendu se faire connoitre qu'a quelques êtres favorisés, tandis qu'il a voulu rester caché pour le resre des mortels, a qui pourtant cette révélation étoit également nécessaire? Comment saura-t-il s'il n'est pas du nombre de ceux a qui son Dieu partial n'a pas voulu se faire connoïtre? Son cceur ne doit-il pas se troubler a la vue d'un Dieu, qui ne consent a montrer, et a faire annoncer ses décrets, qu'a un nombre d'hcmmes très-peu considérable, si on le compare a toute 1'espèce humaine? N'est-il pas tenté d'accuser ce Dieu d'une malice bien noire, en voyant que, faute de se manifester a tant de nations il a causé, pendant une longue suite de siècles, leur perte nécessaire? Quelle idéé peut-il se former d'un Dieu qui punit des miihons d'hommes, pour avoir ignoré des loix secreties, qu'il (l) Dans I'écriture et les jiéres de 1'églüe, Dieu est toujours representé comme un séducteur. II permet r|u'Eve soit séduite par un serpent; ,1 endurcit le cosur de Pharion : Jéstf4-Cftri«t est une pierre dachoppemtnt. Vo.li les points u« vue sous les'pjcls on nous montra h divinité.  dévoilé. Ck. V. 4? n'a lui-même publiées qua la dérobée, dans un coin obscur et ignoré de 1'Asie Ainsi, lorsque le chrétien consulte même les livres rëvélëSj tout doit conspirer a le mettre en garde contre le Dieu qui lui parle; tout lui inspire de la défiance contre son caractère moral; tout devient incertitude pour lui; son Dieu, de concerr avec les interprêtes de ses prétendues volontés, semble avoir formé le projet de redoubler les tenèbres de son ignorance. En ener, pour fixer ses doutes, on lui dit que les volontés révélés sont des my stères 3 c'esr-a-dire, des choses inaccessibles a 1'esprit humain. Dans ce cas, qu'étoit-il besoin de parler? Un Dieu ne devoit il se manifester aux hommes, que pour n'ètre pas compris? Cette conduite n'est-elle pas aussi ridicule qu'insensée 2 Dire que Dieu ne s'est révéïé que pour annoncer des mystères, eest dire que Dieu ne s'est révelé que pour demeurer inconnu, pour nous cacherses voies; pour derouter notre esprit, pour augmemer notre ignorance et nos incertitudes. Une révélation qui sercit 'véritable, qui viendroit d'un Dieu juste et bon, et qui seroit nécessaire a tous les hommes, devroit être assez ciaire pour être entendu de tout le genre humain. La révélation sur laquelle le judaïsme et le christianisme se fondent, est-elle donc dans ce cas? Les élémens d'Euclide sont intelligibles pour tous ceux qui veulent les entendre : eet ouvrage n'excite aucune dispute parmi les géomêtres.^ La bible est-elle aussi claire, et les vérités révélées n'occasionnent elles aucunes disputes entre les théologiens qui les annoncent; Par quelle fatalité les écrimres, révélées par la divinité même, ont-elles encore besoin de commentaires, et demandent-elles des lumière d'enhaut, pour être crues et envendues; N'est-il pas étohnant  44 Le Christianisme que ce qui doit servir a guider tous les hommes, ne soit compris paraucun deux? N'est-il pas cruel, que ce qui est le plus important pour eux leur soit le moins connu? tout est mysrères, ténébres, incertitude, matière a disputes, dans une religion annoncée par le trés haut pour éclairer le genre humain. I/ancien et nouveau testament renferment des vérités essentielles aux hommes, néanrnoins personne ne les peut comprendre; chacun les entend diversement et les théologiens ne sont jamais d'accord sur la facon de les interpréter. Peu contens des mystères contenus dans les Iivres sacrés, les prêtres du christianisme en ont inventé de siècle en siècle, que leurs disciples sont obligés de croire, quoique leur fondateur et leur Dieu n'en air jamais parlé. Aucun chrétien ne peut douter des mystères de la Tnnité, de ITncarnarion, non plus que de lefficacité des sacremens, et cependant Jesus-Christ ne s'est jamais expliqué sur ces choses. Dans la religion chrétienne, tout semble abandonné a 1'imagination, aux décisions arbitraires, qui sarrogent le droit de forger des mystères et des articles de foi, suivant que leurs intéréts 1'exigent. C'est ainsi que cette révélation se perpétue, par le moyen de 1'église, qui se prétend inspirée par la divinité, er qui, bien loin d'éclairer 1'esprit de ses enfans, ne fait que le confondre, et le plonger dans une mer d'incertitudes. Tels sont les effets de cette révélarion, qui sert de base au christianisme, et de la réalité de laquelle il n'est pas permis de douter. Dieu, nous dit-on, a parlé aux hommes; mais quand a-t-il parlé? II a parlé, il y a des milliers dannées, a des hommes choisis, qu'il a rendu ses organes; mais comment s'assurer s'il est vrai que ce Dieu ait parlé, sinon en s'en rapportant au témoignage de ceux-mêmes qui disent avoir recu ses  de'voilé. Ch. V. - 4^ •rdres ? Ces interprêtes des volontés divines sont donc des hommes; mais des hommes ne sont-ils pas sujets a se tromper eux-mêmes, er a rromper les autres s Comment donc connoitre si 1'on peut s'en fier aux témoignages q!ieces organes du ciel se rendent a eux-mêmes? Comment savoir s'ils n'ont point été les dupes d'une imagination trop vive, ou de quelqu'illusion ? Comment découvrir aujourd'hui s'il est bien vrai que ce Moyse ait conversé avec son Dieu, et qu'il ait recu de lui la loi dn peuple juif, il y a quelques miliers d'années? Quel étoit le tempérament de ce Moyse? Etoit-il flegmarique, ou enthousiaste; sincere , ou fotube; ambirieux, ou désintéressé; véridique, ou menreur? Peut-on s'en rapporter au témoignage d'un homme, qui, après * avoir fait tant de miracles, n'a pu cétromper son peuple de son idolatrie, et qui, ayant fait passer quarante sept mille Israëlites au fil de 1'épée, a le front de déclarer qu'il est le plus doux des hommes? Les livres, atribués a ce Moyse, qui rapportent tant de faits arrivés après lui, sont-ils bien authentiques? Enfin, quelle preuve avons-nous de sa mission, sinon le témoignage de six cent mille Israëlites, giossiers et superstitieux , ignorans et crédules, qui furent peut-être dupes d'un législateur féroce, roujours prêt a les exterminer, ou qui n'eurent jamais connoissance de ce qu'on devroit écrire par la suite sur le compte de ce faineux législateur ? Quelle preuve la religion chrétienne nous donnet-elle de la mission de Jésus-Christ ? Connoissons-nous son caractère et son tempérammenr ? Quel dégré de foi pouvons-nous aiourer au témoignage de ses disciples, qui , de leur propre aveu, furent des hommes grossiers et dépourvus de science, par conséquent susceptibles de se laisser éblouir par les arrifices d'un  4^ Le Christianisme imposteur ad.roit i Le témoignage des personnes les plus instruites de Jérusalem neut-il pas été d'un plu! grand poids pour nous, que celui de quelques ignoj-ans, qui sont ordinairement les dupes de qui veut les tromper ? Cela nous conduit actuellement a 1'examen des preuves sur lesquelies le christianisme se ronde. CHAPITRE VI. Des preuves de la religion chrétienne, des miracles, des prophéties , des martyrs. 'N i\"S aV0RS vu> dans les chapitres précédens, les motirs legitimes que nous avons de douter de la révélation faite aux juifs et aux chrétiens: d'ailleurs, relativement a eet article, le christianisme n'a aucun avantage sur toutes les autres reiigions du monde, qui routes, malgré leur discordance, se disent émanées de la divmite, et prétendent avoir un droit exclusif a ses faveurs. L Indien assure que le Brama lui-même est 1'auteur de son culte. Le Scandivane tenoit le sien du redoutable Odm. Si le juif et le chrétien ont recu le leur da Jehovah, par le ministère de. Movse et de Jésus, le mahometan assure qu'il a recu le sien par son prophere, inspiré du même Dieu. Ainsi, toutes les reiigions se disent émanées du ciel; toutes mterdisent 1'usage de la raison, pour examiner leurs titres sacrés; toutes se pretendent vraies , a 1'exclusion des autres; toutes menacent du courroux divin ceux qui refuseront de se soumettre a leur autorité ; enfin toutes ont le caractere de la fausseté , par les contradictions palpables dont elles sont remplies; par les idees informes, obs-  dévoilé. Ch. VI. Al cures 3 et souvent odieuses , qu'elles donnent de la divinité ; par les loix bizarres qu'elles lui attribuent; par les disputes qu'elles font naitre entre leurs sectateurs : enfin , routes les religions que nous voyons sur Ia terre , ne nous montrenr qu'un amas d'impostures er de rêveries qui révoltent également la raison. Ainsi, du cöté des prétentions, la religion chrétienne n'a aucun avantage sur les autres superstitions dont 1'univers est infecté, et son origine céleste lui est contestée par toutes les autres, avec autant de raison qu'elle conteste la leur. Comment donc se décider en sa faveur 2 Par ou prouver la bonté de ses titres ? A-t elle des caracrères distinctifs qui méritent qu'on lui donne la préférence , et quels sont-ils2 Nous fait-elle connoitre, mieux que toutes les autres, 1'essence et la nature de la divinité ? Hélas! elle ne fait que la rendre plus inconcevable; elle ne montre en elle qu'un tyran capricieux, dont les fantaisies sont tantot favorables, et le plus souvent nuisibles a 1'espèce humaine. Pvend-elle les hommes meilleurs 2 Hélas ! nous voyons que par-tout elle les divise, elle les met aux prises, elle les rend inrolérans, elle les force d'être les bourreaux de leurs frères. Rend-elle les empires florissans et puissans 2 Par-tout oü elle règne, ne voyons-nous pas les peuples asservis, dépourvus de vigueur, d'énergie, d'activité , croupir dans une honteuse léthargie , et n'avoir aucune idée. 4e la vraie morale 2 Quels sont donc les signes- auxquels on veut que nous reconnoissions la supériorité du chistianisme sur les autres religions 2 C'est, nous dit-on, a ses martyrs. Mais je vois des miracles, des prophéties et des martyrs dans toutes les religions du monde. Je vois par-rout des hommes, plus rusés et plus instruits que le vulgaire , les tromper par des pres-  4% Le Christianisme tiges, et 1'éblouir par des ceuvres, qu'il croit surnarurelles, paree qu'il ignore les secrets de la nature et le* ressources de 1'art. Si le juif me cite des miracles de Moyse, je vois ces prétendues merveilles opérées aux yeux du peuple le plus ignorant, le plus stupide, le plus abject, le plus crédule, dont le témoignage n'est d'aucun poids pour moi. D'ailleurs, je puis soupconner que ces miracles ont été insérés dans les livres sacrés des Hébreux , long-tems après la mort de ceux qui auroient pu les démentir. Si le chrétien me cite Jérusalem , et le témoignage de toute la Galilée, pour me prouver les miracles de Jésus-Christ, je ne vois encore qu'une populace ignorante qui- puisse les attester; ou je demande comment il fut possible qu'un peuple entier, témoin des miracles du Messie, consentit a sa mort, la demandat même avec empressement > Le peuple de Londres ou de Paris , souffriroit-il qu'on mit a mort, sous ses yeux , un homme qui auroit ressuscitó des morts, rendu la vue aux aveugles , redressé des boiteux, guéri des paralytiques ? Si les juifs ent demandé la mort de Jésus, tous ses miracles sont anéanris pour tout homme non prévenu. D'un autre coté, ne peut-on pas opposer aux miracles de Moyse, ainsi qui ceux de Jésus, ceux que Mahomet opéra aux yeux de rous les peuples de la Mecque et de 1'Arabie assemblés ? L'effet des miracles de Mahomet fut au moins de convaincre les Arabes ' qu'il etoit un homme divin. Les miracles de Jésus n'ont convaincu personne de sa mission : St.Paul lui-même, qui devint le plus ardent de ses disciples, ne fut poinc convaincu par les miracles dont, de son tems, il existoit tant de témoins; il lui fallut un nouveau miracle pour convaincre son esprit. De quel dooit veut-on donc nous faire  dévoilé. Ch. Vl. ^ faire croire aujourd'hui des merveilles qui n'étoient point convaincantes du tems même des apötres, c'est-a-dire peu de rems après qu'elles furent opérées ? •Que 1'on ne nous dise point que les miracles de Jésus-Christ nous sont aussi bien attestés qu'aucuns faits de 1'histoire prophane, et que vouloir en douter est aussi ridicule que de douter de 1'existence de Scipicn ou de César, que nous ne croyons que sur le rapport des historiens qui nous en ont parlé. L'existence d'un homme, d'un général d'armée, d'un héros, n'est pas incroyable; il n'en est pas de même d'un miracle(i). Nous ajoutons foi aux faits vraisemblables rapportés par Tite-Live, tandis que nous rejertons, avec mépris , les miracles qu'il nous raconte. Un homme joint souvent la crédulité la plus stupide aux talens les plus distingués; le christianisme lui-même nous en fournit des exemples sans nombre. En matière de religion, tous les témoignages sont suspects; 1'homme le plus éclairé voit très-mal, lorsqu'il est saisi d'enthousiasme, ou ivre de fanatisme, ou séduit par son imagination. Un mirade est une chose impqssible; Dieu ne seroit point immuable, s'il changeoit 1'ordre de la nature. On nous dira peut-être que sans changer 1'ordre des choses, Dieu , ou ses favoris, peuvent trouver dans la nature des ressources inconnues aux autres hommes > mais alors leurs ceuvres ne seront point surnaturelles, et n'auronr rien de merveilleux. Un miracle esr un effet (1) Un fait suruaturel demande, pour être cru, des témoignages plus forts qu'un fait qui n'a rien contre la vraisemblance. II est facile de croire qu'Apollonius de Thyane a existé ; je m'en rappone la-dessus a Philostrate, par ce que soa existence n'a rien qui choque la raison , inais je ne crois plus Philostrate , quand il me dit qu'Apollonius faisoit des miiacles. Je crois bien que Jisui.Christ est mort, mais }a ne crois pas qu'il soit ressuscité. Tome IV. D  ƒ0 Le Christianisme contraire aux loix constantes de la nature; par conséquent, Dieu lui-même, sans blesser sa sagesse, ne peut faire des miracles. Un homme sage , qui verrok un miracle , seroit en droit de douter s'il a bien vu ; il devroit examiner si 1'effet extraordinaire, qu'il ne comprend pas, n'est pas du a quelque cause naturelle, dont il jgnore la manière d'agir. Mais accordons, pour un instant, que les miracles soienr possibles, et que ceux de Jésus ont été véritables, ou du moins n'ont point été insérés dans les évangiles après le tems oü ils ont été opérés. Les témoins qui les ont transmis , les apótres qui les ont vus , sont-ils bien dignes de foi , et leur témoignage n'est-il point récusable ? Ces témoins étoient ils bien éclairés ? De 1'aveu même des chrétiens, c'étoient des hommes sans lumières, tirés de la lie du peuple, par conséquent crédules er incapablcs d'examiner. Ces témoins étoient-ils désintéressés? non; ils avoient sans doute le plus grand intérêt a sourenir des fairs merveilleux , qui prouvoient la divinité de leur maïtre, et la vérité de la religion qu'ils vouloient établir. Ces mêmes faits cnt-ils été conflrmés par les historiens contemporains? Aucun d'eux n'en a parlé , et dans une ville aussi saperstitieuse que Jérusalem , il ne s'est trouvé , ni un seul juif, ni un seul payen , qui aient entendu parler des faits les plus extraordinaires et les plus multipliés que 1'histoire ait jamais rapportés. Ce ne sont jamais que des chrétiens qui nous attestent les miracles du Chrisr. On veut que nous croyions qu'a la mort du fils de Dieu la terre ait tremblé , le soleil se soir eclipsé, les morts soient sortis du tombeau. Comment des évènemens si extraordinaires n'ont-ils été remarqués que par quelques chrétiens ? Furent-ils donc les seuls qui s'en appercurent ? On veut que nous croyions que le  dévollé. Ck. VI. Chris: est ressuscité; on nous cite pour témoins, des apótres, des femmes, des disciples. Une apparition solemnelle , faite dans une place publique, n'eür-elle pas été plus décisive que toutes ces opérations clandestines, faites a des hommes intéressés a former une nouvelle secre ? La foi chrétienne est fondée, selon SaintPaul, sur la résurrection de Jésus-Christ; il falloit donc que ce fait fut prouvé aux nations, de la facon la plus claire et la plus indubitable (i). Ne peut-on point accuser de malice le Sauveur du monde, pour ne s'être montré qu'a ses disciples et ses favoris ? II ne vouloit donc point que tout le monde crüt en lui ? Les juifs, me dira-t-on, en mettant le Christ a mort, méritoient d'être aveuglés. Mais, dans ce cas, pourquoi les apótres leur prêchoient-ils 1'évangile > Pouvoient-ils espérer qu'on ajoutat plus de foi a leur rapport qua ses propres yeux. Au reste, les miracles ne semblent inventés que pour suppléer a de bons raisonnemens; la vérité et 1'évidence n'ont pas besoin de miracles pour se faire adoprer. N'estil pas bien surprenant que la divinité trouve plus facile de déranger 1'ordre de la nature, que d'enseigner aux hommes des vérités claires, propres a les convaincre, capables d'arracher leur assenriment ? Les miracles n'ont été inventés que pour prouver aux hommes des choses impossibles a croire; il ne seroir pas besoin de miracles , si on leur parloit raison. Ainsi , ce sont des (i) Le» Bazilieos et les Cirinthies, hérétiques qui YiVoieat du tem» de la nais«ance du christianisme , soutenoient que Jésus n'étoit point mort, et que Simon le Cyrénéen avoit été crucifié en sa plaee. Voyez Epiphan. heer. ch, aS. Voili, dès !• berceau de l-égli»e, des hommes qui révoquent en doute la mort, et par conséquent la résurrection de Jesut - Christ, «t 1'on Teut que nou» la croyon» aujouiil'hni! D z  Le Christianisme choses incroyables, qui servent de preuves a d'autres choses incroyables. Presque tous les imposteurs qui onr apporté des religions aux peuples , leur ont annoncé des choses improbables , ensuite ils ont fait des miracles, pour les obliger a croire les choses qu'ils leur annoncoienr. Vous ne pouve^ , ont-ils dit, comprendre ce que je vous dis , mals je vous prouve que je dis vrai j en falsant a. vos y eux des choses que vous ne pouve^ pas comprendre. Les peuples se sont payés de ces raisons ; la passion pour le merveilleux les empècha toujours de raisonner ; ils ne virent poinr que des miracles ne pouvoienr prouver des choses impossibles, ni changer 1'esprit de la vérité. Quelques merveilles que put faire un homme, ou, si 1'on veur, un Dieu lui-même , elles ne prouveront jamais que deux et deux ne sont point quatre, et que trois ne sonr qu'un-, qu'un être immatériel, et dépourvu d'organes, air pu parler aux hommes; qu'un être sage, juste et bon , ait pu ordonner des folies , des injustices , des cruautés, etc. D'oü 1'on voit que les miracles ne prouvent rien , sinon 1'adresse et 1'imposture de ceux qui veulent tromper les hommes, pour confirmer les mensonges qu'ils leur ont annoncés, et la crédulité stupide de ceux que ces impostures séduisenr. Ces derniers ont roujours commencé par mentir, par donner des idéés fausses de la divinité, par prétendre avoir eu un commerce intime avec elle; et pour prouver ces merveilles incroyables, ils faisoient des ceuvres incroyables, qu'ils attribuoient a la toute-puissance de ceux qui les envoyoienr. Tout homme qui fait des miracles , n'a poinr des vérités, mais des mensonges a prouver. La vérité est simple et claire; le merveilleux annonce toujours la fausseté. La nature est toujours vraie; elle agit par des loix qui ne se dé mentent jamais. Dire  dévoill Ch. VI. 53 que Dieu fait des miracles, eest dire qu'il se contredit lui-même , qu'il dement les loix qu'il a prescrires a la nature •, qu'il rend inutile la raison humaine _, dont on le fait 1'auteur. II n'y a que des imposteurs qui puissent nous dire de renoncer a 1'expérience et de bannir la raison. Ainsi, les prétendus miracles que le christianisme nous raconte , n'ont, comme ceux de toutes les autres religions , que la crédulité des peuples , leur enthousiasme , leur ignorance, et 1'adresse des imposteurs pour base. Nous pouvons en dire autant des prophéties. Les hommes furenr de tous tems curieux de connoitre 1'avenir; ils trouvèrent, en conséquence, des hommes disposés a les servir. Nous voyons des enchanteurs , des devins, des prophêtes, dans toutes les nations du monde. Les Juifs ne furent pas plus favorisés, a eer égard , que les Tartares, les Nègres , les Sauvages, et tous les autres peuples de la terre, qui tous possédèrenr des imposteuts , prêts a les tromper pour des présents. Ces hommes merveilleux dürent sentir bientöt que leurs oracles devoienr être vagues et ambigus , pour n'êrre poinr démentis par les effets. II ne faur donc point être surpris si les prophéties judaïques sont obscures , er de narure a y ttouver rout ce que 1'on veut y chercher. Celles que les chrétiens attribuenr a Jésus-Chrisr, ne sont point vues du même ceil par les juifs, qui attendent encore ce Messie, que ces premiers croient arrivé depuis 18 siècles. Les prophêtes du judaïsme.ont annoncé de tous tems, a une nation inquiète et mécontente de son sort, un libérateur, qui fut pareillement 1'objet de 1'attente des Romains, et de presque toutes les nations du monde. Tous les hommes , par un penchant naturel, espèrenc la fin de leurs malheurs, et croient que la providence D 3  ƒ4 Le Christianisme ne peut se dispenser de les rendre plus fortunés. Les juifs, plus superstitieux que tous les autres peuples, se fondanr sur la promesse de Dieu , ont du toujours attendre un conquérant , ou un monarque , qui fit changer leut sort, et qui les tirar de 1'opprobre. Comment peut-on voir ce libérateur dans la personne de Jésus, le destructeur, et non le restaurateur de la nation HébraTque qui , depuis lui, n'eut plus aucune part a la faveur de son Dieu ? On ne manquera pas de dire que la destruction du peuple juif, et sa dispersion, furent elles-mêmes prédites, et qu'elles fournissent une preuve convaincante des prophéties des chrétiens. Je réponds , qu'il étoit facile de prédire la dispersion et la destruction d'un peuple toujours inquiet , turbulent, er rébelle a ses maitres; toujours déchiré par des divisions inresrines : d'ailleurs , ce peuple fut souvent conquis et dispersé; le temple, détruir par Titus-, 1'avoir déja été par Nabuchodonosor, qui amena les tribus captives en Assyrie , et les répandit dans ses états. Nous nous appercevons de la dispersion des Juifs , et non de celle des autres nations conquises, paree que celles-ci, au bout d'un certain tems, se sont toujours confondues avec la nation conquérante, au lieu que les juifs ne se mêlent point avec les auttes nations parmi lesquelles ils habitent, et en demeurenr toujours distingués. N'en est-il pas de même des Guébres , ou Parsls de la Perse er de 1'Indostan, ains.i que des Arméniens qui vivent dans les pays Mahométans? Les juifs demeurent dispersés, paree qu'ils sont insociables, intolérans , aveuglément attachés a leurs superstitions (i). (i )Les actes Art apótres prourent èvyemi.ieni' qu» > dè» «vant JmuiChrist, !es juifs étoient diapersés; i) an rmt ,ie 'a Gièet, de 1'irabie,  dévoilé. Ch. VI. 55 Ainsi, les chrétiens n'ont aucune raison pour sevanter des prophéties contenues dans les livres mêmes des Hébreux , ni de s'en prévaloir conrre ceux-ci, qu'ils regardent comme les conservateurs des titres d'une religion qu'ils abhorrent. La Judée fut de tout tems soumise aux prêtres, qui eurent une influence trés-grande sur les affaires de 1'état, qui se mélèrent de la politique, et de prédire les évènemens heureux j ou malheureux, qu'elle avoit lieu d'attendre. Nul pays ne renferma un plus grand nombre d'inspirés ; nous voyons que les prophêtes tenoient des écoles publiques, ou ils initioient aux mystères de leur art, ceux qu'ils en trouvoient dignes, ou qui vouloient , en trompant un peuple crédule, s'attirer des respecrs, et se procurer des moyens de subsister a ses dépens (i). L'art de prophétiser fut donc un vrai métier, ou , si 1'on veur, une branche de commerce fort utile et lucrative dans une nation misérable, et persuadée que son Dieu n'étoit sans cesse occupé que d'elle. Les grands profits , qui résultoient de ce trafic d'impostures , durent mettre de la division entre les prophêtes juifs; aussi voyons-nous qu'ils se décrioient les uns les autres; chacun traitoit son rival de faux prophete j et prétendoit qu'il étoit inspiré de 1'esprit malin. II y eut toujours des querelles, entre les imposteurs, pour sa- etc. a. Jérusalem pour !a fète de Ia Pentecötc Voyez le* Acte», ch. 2, vs. 8. Ainsi, après Jésus, il n'y eut que les hahitan» de la Judée qui furent dispersés par les Romains. (i) S. Jérome prèrend que les Saducèens n'adoptoient point lee prophêtes , se contestant d'admettre lei cinq livres de Moyse. Codwel , de Jure laicorum, dit que c'étolt en buvant du vin que le«. prophêtes se dispowient h prophétiser. Voyez p. 260. Il paroit qu'il» itoient dea jongleurs, des poêtes et de» musiciens , qui apprenoient, comme partout, leur métier. D 4  56 Le Christianisme voir a qui demeureroit le privilége de tromper leurs concitoyens. En effer, si nous examinons la conduite de ces prophêtes si vantés de l'ancien testament, nous ne trouverons en eux rien moins que des penonnages vertueux. Nous voyons des prêtres arrorans , perpétuéllement occupés des affaires de 1 etat , qu'ils surenr toujours her a celle de la religion; nous voyons en eux des sujets sédititieux , continuellement cabalanr contre les souverains qui ne leur étoient point assez soumis, traversant leurs projets, soulevant les peuples contre eux , et parvenant a les détruire, et a faire accomplir ainsi les prédictions funestes qu'ils avoient faires contre eux. Enfin , dans la plupart des prophêtes qui jouèrent un röle dans l'histoire des juifs, nous voyons des rebelles occupés sans relaché du soin de bouleverser 1'état , de susciterdes troubles, er de combattre 1'autorité civile, dont les prêtres furent toujours les ennemis, lorsqu'ils ne la trouvèrent point assez complaisante, assez soumise a leurs propres intéréts (i). Quoiqu'il en soit, 1'obscurité étudiée des prophéties permet d'appliquer celles qui avoient le Messie , ou le libérateur d'Israël, pour objet, a tout homme singulier, a tout en- (0 Le prophéte Samuel mécontent de Saul qui refuse de se prèter k «es cruaulés, le déclare déchu de la couronne, et lui suscite un r.V«I dans la personue de David. II ne paroit avoir été qu'un sédirieux, qui eut du dessous dans ses querelles avec ses souveiains, et qui fut obligé de se soustraire par ia fuite a de fustes chatimens. Jérémie nous fait entendre lui-même qu'il étoit un traitre, qui s'entendoit avec les Assyriens contre sa patrie assiégée; il ne paroit occupé que du soin d'óter h ses concitoyens le couiage et Ia volonté de se défendre ; il «chète un champ de ses parens , dans Ie tems même oü il annonce k ses compatriotes qu'ils vont ètre dispersés et menés en captivité. Le roi d'Assyric recommande ce prophéte a son général Nabuzadan , et lui dit d'a\oir Brand soin Jelui. Voyez Jérémie.  dévoilé. Ch. VI. 57 thousiaste , ou prophéte , qui parür a Jérusalem ou en Judée. Les chrétiens, dont 1'esprit est échauffé de dée de leur Christ, ont cru le voit par-tout et Tont distinctement appercu dans les passages les plus obscurs de l'ancien testament. A force d'allégories , de subtilités , de commentaires, d'interprétations forcées , ils sonr parvenus a se faire illusion a eux-mémes , er a trouver des prédictions fcrmelles dans les rêveries décousues , dans les oracles vagues, dans les fatras bizarres des prophêtes (1). Les hommes ne se rendent point difficiles sur les choses qui s'accordent avec leurs vues. Quand nous voudrons envisager -sans prévention les prophéties des Hébreux , nous n'y verrons que des rapsodies informes, (t) II est aisé de tout voir dans Ia bible, en s'y prenant comme fait S. Augustin, qui a vu tout Ie nouveau testament dans l'ancien Selon lui, Ie sacrifice d'Abel est 1'image de celui de Jésus-Christ; les deux femmes d'Abraham sont Ia synagogue et 1'eglise ; un morceau de drap rouge , exposé par une rl'le de joie qui trahissoit Jéricho , signifioit !t sang de Jésus-Christ; 1'agneau , le bouc , le lion , sont des figures de Jésus-Christ ; le serpent d'airain représente Ie sacrifice de Ia Croix; les mystères même du christianisme sont annoncés dans l'ancien testament ; la manne annonce 1'Euclrai istie, etc. Voyez S. Aug. serm. 78. et son Ep. 167. Comment un homme sensé peut-il voir dans 1''Emmanuel, annoncé par le prophéte Isaïe , le Missie, dont le nom est Jésus. Voyez Isaie , chap. 7, vs. 14. Comment découvrir, dans xm juif ob Si les martyrs prouvoient la vérité d'une religion , il n'est point de religion , ni de secte , qui ne put ètre regardée comme véritable. Enfin, parmi le nombre, peut-ètre exagéré , des martyrs donrle christianisme se fait honneur , il enestplusieursquifurenr plutót les vicümes d'unzèle inconsidéré.  ^° Le Christianisme d'une humeur turbulente, d'un esprit séditieux, que d'un esprit religieux. L'église elle-même n'ose point justifier ceux que leur fougue imprudente a quelquefois poussés jusqu'a troubler 1'ordre public , a briser les idoles, a renverser les temples du paganisme. Si des hommes de cette espèce étoient regardés comme des marryrs, töus les séditieux , tous les perturbateurs de la société, auroienr droit a ce titre, lorsqu'on les fait punir. CHAPITRE VII. Des mystères de la religion chrétienne. Reveler. quelque chose a quelqu'un, c'est lui découvrir des secrets qu'il ignoroir auparavanr (i). Si on demande aux chrétiens quels sont les secrets importans qui exigeoient que Dieu lui-même se donnat la peine de les révéler , ils nous diront que le plus grand de ces secrets, et le plus nécessaire au genre humain, esr celui de 1'unité de Dieu ; secret que , selon eux , les hommes eussent été par eux-mêmes incapables de découvrir. Mais ne sommes-nous pas en droit de leur demander si cette assertion esr bien vraie > On ne peut point douter que Moyse n'ait annoncé un Dieu umque aux Hébreux , et qu'il n'ait fait tous ses efforts pour les rendre ennemis de l'idolatrie et du po- (0 Dans les religions payennes on révéloit des mystères aux imties • on leur apprenoit alors quelque chose qu'ils ne savoient pas. Dans la ♦ehjg.on chrétienne, on leur révéle qu'ils doivent croire des trinités , des mcarnatfon», des résurrections , etc. c'est-a-dire des choses qu'ils ne eomprennent pas plus que si on ne leur avoit rien révéié, ou qui le, piongent dans une pluj gran le ignorance qu'auparavant.  dévoilé. Ch. Vil. 6t lythéisme des autres nations, dont il leur représenta la croyance et le eulte comme abominable aux yeux du monarque céleste qui les avoit tirés d'Egypte. Mais un grand nombre de sages du paganisme, sans le secours de la révélation judaïque , n'ont-ils pas découverr un Dieu suprème, maitre de tous les autres dieux ? D'ailleurs , le destin, auquel tous les autres dieux du paganisme étoient subordonnés, n'étoit-il pas un Dieu unique , dont la nature entière subissoit la loi souveraine > Quant aux traits, sous lesquels Moyse a peint la divinité , ni les juifs , ni les chrétiens , n'ont droit de s'en glorifier. Nous ne voyons en lui qu'un despote bizarre , colère, rempli de cruauté , d'injustice, de partialité , de malignité, dont la conduite doit jetter rout homme , qui le médite, dans la plus aftreuse perplexiré. Que sera-ce, si 1'onvient a lui joindre les attributs inconcevables, que la théologie chrétienne s'erforce de lui artribuer ? Est-ce connoitre la divinité, que de dire que c'est un esprit un être immatériel, qui ne ressemble a rien de ce que les sens nous fonr connoïrre ? L'esprit humain n'est-il pas confondu par les attributs négatifs d'infinité, d'immensité', d'étemité, de toute-puissance, d'omniscience , &c. dont on n'a orné ce Dieu , que pour le rendre plus inconcevable ? Comment concilier la sagesse, la bonté , la justice, et les autres qualités morales que 1'on donne a ce Dieu, avec la conduite étrange , er souvent atroce , que les livres des Chrétiens et des Hébreux lui attribuenr a chaque page t N'eür il pas mieux valu laisser l'homme dans 1'ignorance totale de la divinité, que de lui révéler un Dieu rempli de contradictions, qui prête sans cesse a la dispure, et qui lui sert de prétexte pour troubler son repos ? Révéler un pareil Dieu , c'est ne rien découvrir aux hommes, que le projet de les jetter dans les plus grands  Cl Le Christianisme embarras, et de les exciter a se quereller, \ se nuire, a se rendre malheureux. Quoi qu'il en scit, est-il bien vrai que le clinVianisme n'admette qu'un seul Dieu, le même que celui de Moyse ï Ne voyons-nous pas les chrétiens adorer une divinité triple, sous le nom de Triniteit Le Dieu suprème engendre de route éternité un fils égal a lui; de 1'un et de 1'autre de ces dieux il en procédé un troisième , égal aux deux premiers; ces trois dieux égaux en diviniré , en perfection, en pouvoir, ne ferment néanmoins qu'un seul Dieu. Ne suffit-il donc pas d'exposer ce systême pour en montrer 1'absurdité> N'estce donc que pour révéler de pareils mystères , que la diviniré s'est donné la peine d'instruire le genre humain ? Les nations les plus ignoranres, er les plus sauvages, ont-elles enfanré des opinions plus monstrueuses, er plus propres a dérouter la raison (r)? Cependant les écrirs de Moyse ne conriennenr rien qui aitpu donner lieu a ce systême si étrange, ce n'est que par des Le dogme de Ja TriniteW visiblement emprunté des rêverie» d. Platon, ou peut être des allègories, »ous lesquelles ce philosophe romanesque cherchoit è cacher sa doctrine. II paroit que c'est k lui que le chrutiWsme est redevable de la plupart de aes dogmes. Platon ad. mettoit nois hYpostases, ou facons d'ètre de Ia divinité. La première constitu* Ie Dieu suprème; la seconde Ie Logos, ou le verbe , 1'm. telligence divine, engendrée du premier Dieu; la troisième est' VÉtpril, ou 1'ame du monde. Les premier» docteur. du christianisme paroissent avoir été Platoniciens ; leur enthousiasme Irouvoit san» doute dans Platon une doctrine analogue a leur religion ; i'üa eussent été reconnoissans , ils auroient dii en faire un prophéte ou un père de 1'èglise. Les mis«ionnaires jèsuites ont trouvé au Thibet une divinité presque jeroblable k celle de no» pays ; chez ces Tartare» , Dieu s'appelle Koncio-cik, Dieu uuique, et Kon-eio-sum , Dieu triple. Sur leurs cl.apelets, il» disent om , ha. , hum, intelligenca. bras, puissance; ou parole, caeur, amour. Ce» mots jont un des noms de la divinité. Voyez. Lettres édifiantes , lome XV. Le nombi» tiois fut toujours rèréré drs ancien», paree que, dans les langue» orientalts, sa lom, qui signilie trois , «ignifie aussi salut.  devoilê. Ch. VII. 6j trxplications forcées, que 1'on prétend trouver le dogme de la trinité dans la bible. Quant aux juifs, contensdu Dieu unique, que leur législateur leur avoit annoncé, ils n'ont jamais songé a le tripier. Le second de ces dieux, ou , suivant le iangage des ■chrétiens, la seconde personne de la Trinité, s'est revêtue de la nature humaine, s'est incarnée dans le sein d'une vierge, er renoncanr a sa divinité, s'est soumise -aux infirmirés attachées a notre espèce, et même a souffert une mort ignominieuse pour expier les péchés de la terre. Voila ce que le christianisme appelle le mystère de l'incarnation. Qui ne voit que ces notions absurdes sonr empruntées [des Egyptiens, des Indiens et des Grecs, donr les ridicules mythologies supposoient des dieux revêtus de la forme humaine, et sujets, comme les hommes, a des infirmités (i) ? Ainsi , le chrisrianisme nous ordonne de croire j qu'un Dieu fait homme, sans nuire a sa divinité , a pu souffrir, mourir, a pu s'orfrir en sacrifice a luimême, enfin n'a pu se dispenser de tenir une conduite aussi bisarre, pour appaiser sa propre colère. C'est-la ce que les chrériens nomment le mystère de la rédemtion du genre humain. II esr vrai que ce Dieu mort est ressuscité; semblable en cela a 1'Adonis de Phénicie, a 1'Osyrisd'Egypte , a 1'Atys de Phrygie qui furent jadis les emblêmes d'une nature périodiquemenr mourante et renais- (1) Le» Egypiieas parois»ent ètre les premiers qu! «yent préteml» eue leurs dieux ayent pris des corps. Foé, Ie dieu du peuple Chinofs , est né d'une vierge , féeondée par un rayon du soteil. Personne ne doute , dans 1'Indostan, de» incarnations de Vislnou. II paroit que les thèologiens de toutas les nations , déséspérés de ne pouvoir a'élever jusqu'a Dieu , 1'ont.ibrcé de descendre jusqu'a eux.  ^4 Le Christianisme santé, le Dieu des chrétiens renait de ses propres een- dres, et sort triomphanr du tombeau. Tels sont les secrets merveilleux, ou les mystères subhmes , que la religion chrétienne découvre a ses disciples; telles sont les idéés , tantöt gtandes, tantöt abjectes., mais toujours inconcevables, quelle nous donne de la divinité; voila donc 1<^ lumières que la révélation donne a notre esprit i 11 sembleque celle que les chrénens adoptene se soit proposé q ue de redoubler les nuages qui voilenr 1'essence divine aux yeux des hommes. Dieu, nous dit-on , a voulu se rendre ridicule, pour confondre la curiosité de ceux que Ion assure pourtant qu'il vouloit illuminer par une grace spéciale. Quelle idéé peur-on se former d'une révélation , qui, loin de rien apprendre, seplaita confondre les norions les plus claires ? Ainsi, nonobsrant la révélation si vantée par les chrétiens, leur esprit n'a aucune lumièresur 1'êtrequi sert de base a toute religion; au contraire, cette fameuse révélation ne sert qu'a obscurdr toutes les idéés qu'on pourroit s'en former. L'écriture sainte 1'appelle un Dieu caché David nous dit qu'il place sa retraite dansles tenehres, que les eaux troubles et les nuages forment le pavülon qui le couvre. Enfin, les chrétiens , éclairés par Dieu lui-même, n'ont de lui'que des idéés contradictoires , des notions incompatibles, qui rendent son existencedouteuse, et même impossible, aux yeux de tout homme qui consulte sa raison (i). En effer J comment coneevoir un Dieu, qui, n'ayant creé le monde que pour le bonheur de 1'homme , permet pourtant que la plus grande partie de la race hu- JL\ ü" ^ ]'èS]''S' " = Tun° Deum ma*imi cognoscimu* turn ignorare e,,m fgnoscimut. ' maine-  dévoilé. Ch. VII. 6y maine soit malheureuse en ce monde et dans 1'autre ? Comment un Dieu qui jouir de la même félicité, pourroit-il s'olienser des actions de ses créatures ? Ce Dieu esr donc susceptible de douleur; son être peur donc se troubler; il est donc dans la dépendance de 1'homme , qui peut a volonté le réjouir ou 1'afiliger. Comment un Dieu puissant laisse-t-il a ses créatures une liberté funeste, dont elles peuvent abuser pour 1'orfenser, er se perdre elles-mèmes ? Comment un Dieu peut-il se faire homme , er comment 1'auteur de la vie et de la nature peür-il mourir lui-même ? Comment un Dieu unique peut il devenir triple, sans nuire a son unité ? On nous répond , que toutes ces choses sont des mystères; mais ces mystères détruisent 1'existence même de Dieu. Ne seroit-il pas plus raisonnable d'admettre dans la nature, avec Zoroastre, ou Manès, deux principes, oü deux puissances opposées que d'admettre , avec le christianisme, un Dieu teut-puissant, qui n'a pas le pouvoir d'empècher le mal; un Dieu juste, mais partial; un Dieu clément, maisimplacable, qui punira , pendant une éternité, les crimes d'un moment; un Dieu simple , qui se triple; un Dieu , principe de tous les êtres, qui peut consentir a mourir faure de pouvoir satisfaire autrement a sa justice? Si dans un même sujet les contraires ne peuvent subsister en même tems, 1'existence du Dieu des juifs et des chrétiens est sans doute impossible ; d'oü 1'on est forcé de conclure, que les docteurs du chrisrianisme , par les attributs dont ils se sont servis pour orner, ou plutot pour défigurer la divinité , au lieu de la faire connoitre, n'ont fait que 1'anéantir, ou du moins la rendre méconnoissable. C'est ainsi qu'a force defables et de mystères, la révélation n'a fait que troubler la raison des hommes, et rendre incertaines les notions simples qu'ils peuvent Tornt IV. E  <5fc> Le Christianisme se former de 1 'être nécessaire , qui gouverne la na>rure par des loix immuables. Si 1'on ne peut nier 1'exisrence d'un Dieu , il esr au moins certai'n que 1'on ne peut admettre celui que les chrétiens adorent, et dont leur religion prétend leur révéler la conduire , leS ordres et les qualités. Si c'est être athée, que de n'avoir aucune idéé de la diviniré, la théologie chrétienne ne peut être regardée que comme un projet d'anéantir 1'existetice de 1'être suprème (i). CHAPITRE VIII. Autres mystères et dogmes du Christianisme. P J- uu conrens des nuages mystérieux que Ie christianisme a repandus sur la divmité, et des fables judaiques quil avoit adoptees sur son compte, les docteuis chrénens ne semblenr s'être occupés que du soin de multiplier les mystères, et de confondre de plus en plus la raison dans ieurs disciples. La religion , dfstinée (0 Jama's les tbéologiens chrétiens n'ont été d'acrord entre eux sur les preuves de 1'existence d'un Dieu. ils se traiient 1 eciproquement d'alhèea , par ce que leurs démonstrations ne sont jamais les mèmes. II est tres peu de gens, parmi les chétiens, qui ayent écrit sar Texistence de Dieu, sans se faire accuser d'athéismo. Descarles , C'arice , Ar. nauld , Nicole, ont éïé rogardés comme des athées ; Ia ïaison en est bien simple : il est tota'ernent impossible de prouver 1'existence d'un ötre aussi bizarre q 19 celui dont le christianisme a fait son Dieu On nous dita sans doufe que les hommes n'ont point de niesures pour juffer de Ia divinité , et que leur esprit est trop borné pour s'en former une i.lée : mais , daus ce cas , pourquoi en raisonner sans cesse ? Poui juni lui assiguer des qualités , qui se détruisent les mies par les autres? Poirrquoi en racou'ter des fables? Pourquoi se quereller et «egnrger, sui !« facürt d'enteuurc les rèvoiie» qu'ou débite sur son compu?  dêvoilé. Ch. Vïïï, 67 & êclairer les nations, n'est qu'un tissu d'énigmes •, c'est un dédale , d'oïï il est impossible au bon scns de se tirer. Ce que les superstitions anciennes ont eu de plus inconcevabledut nécessairement trouver place dans un systême religieux, qui se faisoit un principe d'imposer un silence érernel a la raison. Le fanatisme des Grecs, entre les rnains des prêtres chrétiens, s'est changé en prédestination. Suivant ce dogme tyrannique , le Dieu des miséricordes destine le plus grand nombre des malheureux mortels a des tourmens éternels; il ne les place , pour un temS, dans ce monde, que pour qu'ils y abusent de leurs facultés, de leur liberté, afin de se rendre dignes de la colère implacable de leur créateur. Un Dieu, rempli de prevoyance et de bonté, donne a l'homme un libre arbïtre, dont te Dieu sait bien qu'il fata un usage assez pervers pour mériter la damnation éternelle. Ainsi, la divinité ne donne le jour.au plus grand nombre des hommes, ne leur donne des penchans nécessaires a leur bonheur, ne Jeur permet d'agir, que pour avoir le plaisir de les plonger dans 1'enfer. Rien de plus affreux que lespeintures que le christianisme nous fait de ce séjour, destiné a la plus grande paröè de la race humaine. Un Dieu miséricordieux s'abreuvera , pendant 1'éterniré , des larmes des infortunés, qu'il n'a fait naitre que pour être malheureux; le pécheur , renfermé dans des cachots ténébreux, sera livré , pour roujours , aux Hammes dévorantes ; les voutes de cette prison ne reten!iront que de grincemens de dents, de hurlemens; les tourmens qu'on y éprouvera , au bout de millions de siècles, ne feront que commencer, ec 1'espéfance consolante de voir un jour finir ses peines manquera, et sera ravie elle-même ; en un mot, Diêü , par un acte de sa toute-puissance , reitdra l'homme suscepdble de E i  £8 Le Christianisme soüffnr, sans interruption etsansterme; sa justice lui permettra de punir des crimes finis , et dont les effets sont limités par le rems, par des supplices infinis pour la durée et pour l'éternité. Telle est Tidée que le chrétien se forme du Dieu qui exige son amour. Ce ryran ne le crée que pour le rendre malheureux; il ne lui donne la raison , que pour le tromper; des penchans , ]ue pour 1'égarer ; la liberté , que pour le déterminer i faire ce qui doit le perdre a jamais; enfin , il ne lui ionne des avantages sur les bêtes, que pour avoir occasion de l'exposer k des rourmens , donr ces bêtes , .insi que les substances inanimées 5 sont exemptes. Le ogme de la prédestination rend le sort de Thomme bien nlus facheux, que celui des pierres et des bi'utes (i). II est vrai que le christianisme promet un séjoür délicieux a ceux que la divinité aura choisis pour êrre les objers de son amour •, mais ce lieu n'esr réservé qu'a un perit nombre d'élus , qui , sans aucun mérite de leur parr , auronr pourtant des droits sur la bonré de leur Dieu , partial pour eux, et cruel pour le reste des humains. (1) Le dogme de la prédestination gratuite fait la base de Ia religion judaique. Dans les écrits de Moyse , on voit un Dieu partial pour le peuple qu'il a choisi et injuste pour toutes les autres nations. La théologie et l'histoire des Crecs nous montrent par-tout des hommes punia par les dieux , pour des crimes involontaires et prédits par des oracles. Kous en avons des exemples dans Oreste , dans Oedipe , ete. De louL tems , les hommes ont fait de Dieu le plus injuste de tous h» etres. Parmi nous, seloa les jansènistes , dieu n'accolde sa grace qu'a qui lui piait , sans avoir égard au mérite , ce qui est bien plus conforme an fatalisme judaique , chrétien et payen , que Ja doctrine dea naobnistes, qui prétendent qne Dieu accorde sa grace k ceux qui la d'emandent. II est cerlain que des chrétiens conséquens sont d« vjais faialistes. Ils s'en tirent , en disant que les voies de Dieu sont des mystères ; mais, si ce «ont des mystères, pourquoi ên laisonuX'iit-ils to-jouisjr  dévoilé. Ch. VIII. 69 Cest ainsi que le Tarcare et YElisée de la mythologie payenne, inventés par des imposteurs, qui vouloient , ou faire trembler les hommes, ou les séduire, ont trouvé place dans le sysrême religieux des chrétiens , qui changèrent les noms de ce séjour en ceux de Paradis et d'Enfer. On ne manquera pas de nous dire , que le dogme des récompenses et des peines d'une autre vie , est utile et nécessaire aux hommes , qui , sans cela , se livreroient sans crainte aux plus grands excès. Je réponds , que le législateur des Juifs leur avoit soigneusement caché ce prétendu mystère , et que le dogme de la vie furure faisoit partie du secret que, dans les mystères des Grecs , on révéloit aux initiés. Ce dogme fur ignoré du vulgaire la sociéré ne laissoit pas de .subsister : d'ailleurs, ce ne sonr poinr des rerreurs éloignées , que les passions présentes méprisent toujours, ou du moins rende nt problématiques, qui conriennent les hommes \ ce sont de bonnes loix ; c'est une éducation raisonnable; ce son* des principes honnêtes. Si les souverains gouvernoienr avec sagesse et avec équité, ils n'auroient pas besoin du dogme des récompenses et des peines futures, pour contenir les peuples. Les hommes seront toujours plus frappés des avantages présens , er des chatimens visibles , que des plaisirs et des supplices qu'on leur annonce dans une autre vie. La crainte de 1'enfer ne retiendra point des criminels, que la crainte du mépris, de 1'infamie, du gibet, n'est point capable de retenir. I_.es nations chrétiennes ne sont-elles pas remplies de malfaiteurs , qui bravenr sans cesse 1'enfer, de 1'existence duquel ils n'ont jamais douté ? Quoiqu'il en soit , le dogme de la vie future suppose que l'homme se survivra a lui-même, ou du moins qu'après sa mort il sera susceptible des récompenses et E i  70 Le Christianisme des peines que la religion lui fait prévoir. Suivant le christianisme , les morts reprendront un jour leur corps ■> par un miracle de sa toute-puissance , les molécules dissoutes et dispersées , qui composent leurs corps, se rapprochero.it; elles se combineront de nouveau avec leurs ames immortelles : telles sont les idéés merveilleuses que présente le dogme de la résurrection. Les Juifs , dont le législateur na jamais parlé de eet étrange phénomène , paroissent avoir puisé cette doctrine ciiez les mages, durant leur captivité a Babylone; cependant elle ne fut point universellement admise parmi eux. Les pharisiens admettoient la résurection des morts , les Saducéens la rejettoient; aujourd'hui elle est un des points fondamentaux de la religion chrétienne (i). Ses sectateurs croient fermement qu'ils ressusciteront un jour, et que leur résurrecrion sera suivie du jugemenr univèrsel et de la fin du monde. Selon eux , Dieu qui sait tout, et qui connoit jusqu'aux pensées les plus secrertes des hommes, viendra sur les nuages , pour leur faire rendre un compte exact de leur conduite ; il les jugera avec le plus grand apparejl, er d'après ce jugement, leur sort sera irrévocablement décidé; les bons seront admis dans le séjour (1) L'auteur de 1'EccIésiaste , chapitre IU , v. 10 , compare Ia mort de J'hom ne a celle des aniinanx , et paroit au moins mttire en pro-> blème Ic dogme de l'immo! talilé de 1'ame. Nous ne voyons pas dans 1'évangile que Jesus-Christ fasse un crime aux Saducéens de nier Ia résurrection ; cependant eet artrcle mèritoit bien quelques remarques de la part d'un Dieu, qui venoit apprendre taut de singularités aux; hommes , et qui d'ailleurs devoit ressusciter lui-même. II est vrai que Jésus dit dans 1'èvangile que Dieu n'est pas le Dieu des morts ; mais cela ne prouveroit pas la résurrection , Chez les catholicme Romaras , les saeremens sont au nombre il« iept, nombre cabaliste , reagique ec wj'sïérisux.  7* Le Christianisme . Ainsi' tout est tay#« » tout est magie, tout est inaompréhensible dans les dogmes ainsi que dans le culte d une religion révélée par la divinité, qui vouloit urer le genre humain de son aveuglement. C'HAPITRE X. Des livres sacrés des Chrétiens. L A religion chrétienne , pour montrer son origine céleste , fonde ses titres sur des livres quelle regarde commè sacrés, et comme inspirés par Dieu lui-même4 Voyons donc si ces prétentions sont fondées; examinons si ces ouvrages portent réellement le caractère de la sagesse, de romni science, de la perfection, que nous attribuons a la divinité. : La bible, qui fait 1'objet de la vénération des chrétiens , dans laquelle il n'y a pas un mot qui ne soit inspiré , est formée par 1'assemblage peu compatible des livres sacrés des Hébreux , connus sous le nom de \'Ancien Testament, combinés avec des ouvrages plus récens , pareillement inspirés aux fondateurs du ' christianisme, connus sous le nom de Nouveau Testament. A la rête de ce recueil, qui sert de fondement et de code a la religion chrétienne , se trouvent cinq livres , attribués a Moyse , qui, en les écrivanr , ne fur, dit-on, que le secrétaire de la diviniré. II y remonre a 1'origine des choses ; il veur nous initier au mystère de la créarion du monde, tandis qu'il n'en a lui-même que des idéés vagues et confuses, qui décèlent a chaque instant une ignorance profonde des luix de la physique. Dieu crée le soleil, qui est , pour notre systême planétaire , la source de la lumière ,  dévoilé. Ch. X. 79 plusieurs jours après avoir créé la lumière. Dieu, qui ne peur être représenté par aucune image, crée rhomme a son image ; il le crée male et femelle , er bientot oubliant ce qu'il a fait, il crée la femme avec une des cötes *de l'homme; en un mot, dès 1'entrée de la bible, nous ne voyons que de 1'ignorance er des contradictions (1). Tout nous prouve que la cosmogonie des Hébreux n'est qu'un tissu de fables er d'ailégories, incapables de nous donner aucune idéé des choses , et qui n'est propre qu'a contenter un peuple sauvage, ignoranr et grossier, étranger aux- sciences , au raisonnement. Dans le reste des ouvrages attribués a Moyse, nous voyons une foule d'hisroires improbables et merveilleuses, un amas de loix ridicules et arbitraires; enfin , 1'auteur conclut par y rapporter sa propre morr. Les livres postérieurs a Moyse ne sont pas moins remplis d'ignorance ; Josué arrête le soleil , qui ne tourne point-, Samson, 1'Hercule des juifs, a la force de faire tomber un temple.... On ne finiroit point, si on vouloit révéler toures les bévues et les fables , que montrent tous les passages d'un ouvrage qu'on a le front d'attribuer a 1'Esprit-saint. Toute 1'histoire des Hébreux ne nous présente qu'un amas de contes, indignes de la gtavité de 1'histoire et de la majesté de la divmité ; ridicule aux yeux du bon sens, elle ne paroir invenrée que pour amuser la crédulité d'un peuple enfant et stupide. (1) S. Augustin avooe qu'il n'y a pas moyen de conserver le vraï lens des trois premiers chapitres de la genése, sans blesser Ia piété, •ans attribuer a Dieu des choses indignes de lui , et qu'il faut recoutir a 1'allégorie. Voyez S. Aug. de Genest, contra Manichtzos lib. I, eap. a. Origéne convient aussi que, si 1'on pre.id a 4a lettr* 1'h'stoire de la création , elle esc absuide et contradictoire. V. Philos.  8o Le Christianisme Cette compilation informe est entremêlée dés oracles obscurs et décousus , dont ditférens inspirés, ou prophêtes , onr successivemenr repu la superstition des juifs. En un mot, dans l'ancien testament tout respire 1'enrhousiasme , le fanarisme, le délire, souvent ornés d'un langage pompeux; rout s'y trouve , a 1'exception du bon sens , de la bonne logique, de la raison, qui semblent être exclus du livre qui sert de guide aux Hébreux et aux Chrétiens. On a déja fait sentir les idéés abjectes, et souvent absurdes, que ce livre nous donne de la diviniré; elle y paroit ridicule dans toute sa conduite; elle y soufflé le froid et le chaud; elle s'y contredit a chaque instant ; elle agit avec imptudence ; elle se repent de ce qu'elle a fait; elle édifie d'une main, pour détruire de 1'autre; elle retrace par la voix d'un prophéte, ce qu'elle a fait dire par un autre : elle punit de mort toute la race humaine, pourle pêché d'un seul homme, elle annonce , par Ezéchiel, qu'elle est juste, et qu'elle ne rend point les enfans responsables des iniquités de leurs pères. Elle ordonne aux Israëlites , par la voix de Moyse , de voler les Egyptiens ; elle leur défend dans le décalogue, publié par la loi de Moyse, le vol et 1'assassinat : en un mot, toujours en contradiction avec lui-même, Jéhovah, dans le livre inspiré par son esprit, change avec les circonstances , ne tient jamais une conduite uniforme, et se peint souvent sous les trairs d'un tyran, qui feroient rougir les méchans les plus décidés. Si nous jettons les yeux sur le nouveau testament , nous ne verrons pareillement rien qui annonce eet esprit de vérité, que 1'on suppose avoir dicté eet ouvrage. Quatre historiens, ou fabulistes, ont écrit 1'histoire merveilleuse du Messie ; peu d'accord sur les circonstances  dévoüé, Ch. X. 8t circonstances de sa vie, ils se contredisent quelquefois de la facon la plus palpable. La généalogie du Christ, donnée par Sr. Matthiea , ne ressemble poinr a celle que donne Sr. Luc; un des évangélistes ie fait voyager en Egypte, un autre ne parle aucunement de cette fuite ; 1'un fait durer sa mission trois ans, 1'autre ne la suppose que de rrois mois. Nous ne les voyons pas plus d'accord sur les circonstances des faits qu'ils rapportent. St. Mare dit que Jésus mourut a la trohième heure, c'est-a-dire , a neuf heures du maan; St. Jean dit qu'il mourut a la sixième heure, c'est-a-dire, a midi. Selon St. Matthieu et St. Mare, les femmes, qui après la mort de Jésus allèrent a son sépulcre, ne virenr qu'un seul ange; selon St. Luc et St. Jean, elles en virenr deux. Ces anges étoient, suivant les uns , en dehors; et suivant d'autres, en dedans du tombeau. Plusieurs miracles de Jésus sont encore diversement rapporrés par ces évangélistes, témoins ou inspirés. II en est de même de ses apparitions après sa résurrection. Toutes ces choses ne semblent-elles pas devoir nous faire douter de 1'infailhbilité des évangélistes, et de la réalité de leurs inspirations divines ? Que dironsnous des prophéties fausses, et non existantes, appliquées , dans 1'évangile, a Jésus ? C'est ainsi que St. Matthieu prétend que Jérémie a prédir que le Christ seroit trahi pour trente pieces d'urgent, tandis que cette prophétie ne se trouve point dans Jérémie. Rien de plus étrange que la facon dont les docteurs chrétiens se tirent de ces difficultés. Leurs solution* ne sont faites que pour contenter des hommes , qui se font un devoir de demeurer dans 1'aveuglement (i). (i) Thcophilacte dit r|u« rien ne prouve p'us surement la bonne foi des évangelies , que de ne s'èrre pas aecordés sur tous les pomts : fome IV. f  8* Le Christianisme Tout homme raisonnabie sentira que toute 1'industrie des sophismes ne pourra jamais concilier des contradictioris si palpables , et les efforts des interprêtes ne lui prouveronr que la foiblesse de leur cause. Est-ce par des subtérfuges, des subtilitës et des mensonges, que Ion peut servir la divinité ? Nousretrouvons lesmêmes contradictionsjes mêmes erreurs, dans le pompeux galimarhias attribué a Saint Paul. Cet homme rempli de 1'esprit de Dieu, ne montre dans ses discours et dans ses épitres, que 1'enthousiasme d un forcené. Les commentaires les plus étudiés ne peuvent mettre a portée d'entendre, ou de concilier les contradicnons décousues , dont tous ses ouvrages sont remphs, ni les incertitudes de sa conduite, tantót ravorabie, tantöt opposée au judaïsme (i). On ne pour- » car sans cela, di't-iï, on anrolt pu les soupconner d'avoir écrit da concert ,. Voyez Theoph, prrvmium in Maukwum. S. Jéróme dit hrmeme que les citatifta. de S. MatWu ne s'acce.rdent point avec la verston grecque de Ia bible. Qnanta *> inter Matthteïm et Septuaginta, verborum, ord.nisque discordia si» admiraberü , si hebraicum ■uideas, sensusque contrarius est. Voyez Hi-r. de ope, gen iitervret Erasme est forcé do convenir qne l'Esprir diviu permettoit ,M ap'ötre, de s egarer. Spiritus ilie di.invs , mtntium apcstolicarum moderator passus est suos ignorare qu Tout homme qui veut se conserver, ne sent-il pas que les vices, 1'intempérance, la volupté, mettent ses jours en danger ? Enfin , 1'expérience n'a-t-elle pas prouvé a rour être pensant, que le crime est 1'objet de la haine de ses semblables, que le vice est nuisible h. ceux mêmes qui en sont infectés, que la vertu attire de 1'estime et de 1'amour a ceux qui la cultivent ? Pour peu que les hommes réfléchissent sur ce qu'ils sont, sur leurs vrais intéréts , sur le but de la société , ils sentiront ce qu'ils se doivent les uns aux autres. De bonnes loix les forceront d'être bons, et ils n'auront pas besoin que 1'on fasse descendre du F 3  86 Le Christianisme ciel des régies nécessaires a leur conservation et a leur bonheur. La raison suffit pour nous enseigner nos devoirs envers les êtres de notre espècc. Quel secours peurelle tirer de la religion , qui, sans cesse , la contredit et la dégrade ? On nous dira, sans doute, que la religion , loin de contredire la morale, lui sertd'appui, er rend ses obligations plus sacrées, en leur donnant la sanction de la divinité. Je réponds , que la religion chrétienne, loin d'appuyer la morale , la rend chancelante et incertaine. II est impossible de la fonder solidemenr sur les volontés positives d'un Dieu changeant, partial, capricieux , qui, de la même l öiche , ordonne la justice er l'injustice, la concorde et le carnage, la tolérance et la persécution. Je dis qu'il est impossible de suivre les préceptes d'une morale raisonnable , sous 1'empire d'une religion qui fair un mérite du zèle, de 1'enthousiasme, du fanatisme le plus destructeur. Je dis qu'une religion, qui nous ordonne d'imirer un despote qui se plan a tendre des piéges a ses sujets, qui est implacable dans Ses vengeances , qui veut qu on extermine tous ceux qui ont le malheur de lui déplaire , est incornpatible avec toute morale. Les crimes dont le christianisme , plus que toutes les autres religions , s'est souillé , n'ont eu pour prétexte que de plaire au Dieu farouche qu'il a recu des juifs. Le caractère moral de ce Dieu doit nécessairement régler la conduite de ceux qui 1'adorent (i). Si ce Dieu est changeant, ses adorateurs (i) Le bon ioi S. Louis disoit a son ami Joinville que » quand un » la'ique enteiuloit médire de Ia reügion chrétienne, il devoit la dé» fendre, nou-seuleinent de paroles, mais a bonne épée tranchante, » et en flapper les raédisans et les mécréans k travers Ie corps , » tant qu'elle pat enirer ». Voyez le JornyiUe publié par Dueange , page 2.  dévoilé. Ch. XI. 87 changeront, leur morale sera.ilottante, et leur conduite arbirraire suivra leur tempéramenr. Cela peut nous montrer la source de l'incertituda ou sont les chrétiens , quand il s'agit d'examiner s'il est plus conforme a 1'esprit de leur religion, de tolérer, que de persecuter ceux qui diffèrenr de leurs opinions. Les deux panis trouvent également, dans labible, des ordres précis de la divinité , qui autorisenr une conduite si opposée. Tantót Jehovah déclare qu'il hait les peuples idolatres, et qu'on doit les exterminer; tantót Moyse défend de maudire les dieux des nations ; tantót le hls de Dieu défend la persécution , après avoir dit lui-même qu'il faut contraindre les hommes d'entrerdans son royaume. Cependant, 1'idée d'un Dieu sévère et cruel faisant des impressions bien plus fortes et plus profondes dans 1'esprit, que celles d'un Dieu debonnaire, les vrais chrériens se sent presque toujours crus forcés de montrer du zèle contre ceux qu'ils ont supposé les ennemis de leur Dieu. Ils se sonr imaginés qu'on ne pouvoit 1'offenser , en mettant trop de chaleur dans sa cause : quelques fussenr ses ordres d'ailleurs, ils ont presque toujours trouvé plus sur pour eux de' persécuter, de tourmenrer, d'exterminer ceux qu'ils regardoient comme les objets du courroux céleste. La tolérance n'a été admise que par les chrétiens laches et peu zélés, d'un tempérament peu analogue au Dieu qu'il servoienr. Un vxai chrétien ne doit-il pas sentir la nécessité d'êrre féroce et sanguinaire, quand on lui propose pour exemples les saints et les hétos de l'ancien testament ? Ne trouve-t-il pas des motifs pour être cruel, dans la conduite de Moyse, ce législateur qui fait couler par deux fois le sang des Israclites , et qui fait immoler a son Dieu plus de quarante mille victimes ? Ne trouve F 4  88 Le Christianisme t-il pas, dans la perfide cruauté de Phinées , de Jahel, de Judith , de quoi justifïer la sienne ? Ne voi:-il pas dans David, ce modèle achevé des rois , un monstre de barbarie , d'infamies, d'adultères , er de révoltes , qui ne Fempêchent point d'ètre un homme selon le cceur de Dieu ? En un mot j tout dans la bible semble annoncer au chrétien , que c'est par un zèle furieux que 1'on peut plaire a la divinité, et que ce zèle suffit pour couvrir rous les crimes a ses yeux. Ne soyons donc poinr surpris de voir les chrétiens se persécu'tant sans relache les uns les autres*, s'ils furent tolérans, ce ne fut que lorsfjüijs furent eux-mêmes persécutés, ou trop foibles pour persécuter les autres ■ dès qu'ils eurent du pouvoir, ils le firent sentir a ceux qui n'avoient poinr les meines opinions qu'eux sur rottS les points de leur religion. Depuis la fondation du christianisme, nous voyons difiérentes sectes aux prises; nous voyons les chrétiens se haïr, se diviser , se nuire , et se traiter réciproquement avec la eruauré la plus recherchée ; nous voyons des souverains, imitateurs de David, se prêter aux fureurs de leurs prêtres en discorde , et servir la diviniré par le fer et par le feu; nous voyons les rois eux-mêmes devenir les victimes d'un fanatisme religieux qui ne respecte rien, quand il croit obéir a son Dieu. En un mor, la religion , qui se vantoit d'apporter la concorde er la paix , a depuis dix- huit siècles causé plus de ravages , et fait répandre plus de sang , que toutes les superstitions du paganisme. II s'éleva un mur de division entre les citoyens des mêmes états; 1'union et la tendresse furent bannies des families; on se fit un devoir d'être injuste et inhumain. Sous un Dieu assez inique pour s'ofiensei des rrreurs des hemmes , chacun devint inique; sous un Dieu jaloux et vindicatif,  dévoilé. Ch. XL 89 chacun se crut obligé d'entrer dans ses querelles, et de venger ses injures enfin , sous un Dieu sanguinaire, on se fit un mérite de verset le sang humain. Tels sont les importans services que la religion chrétienne a rendus a la morale. Qu'on ne nous dise pas , que c'est par un honteux abus de cette religion que ces horreurs sont arrivées 3 1'esprit de persécution et d'intolérance esr 1'esprit d'une religion qui se croit émanée d'un Dieu jaloux de son pouvoir, quia ordonné formellement le meurtre , dont les amis ont été des persécuteurs inhumains, et qui dans 1'excès de sa colère n'a point épargné son propre fils. Quand on sert un Dieu de eet affreux caractère, on est bien plus sür de lui plaire , en exrerminant ses ennemis , qu'en les laissant en paix offenser leur Créateur. Une pareille divinité doit servir de prérexte aux exeès les plus nuisibles; le zèle de sa gloire sera un voile , qui couviira les passions de tous les imposteurs, ou fanatiques, qui prétendront être les interprètes des volontés du ciel; un souverain croira pouveir se livrer aux plus grands crimes, lorsqu'il croira les laver dans le sang des ennemis de son Dieu. Par une conséquence naturelle des mêmes principes, une religion intolérante ne peut être que conditionnellement soumise a 1'autorité des souverains temporels. Un juif, un chrétien, ne peuvent obéir aux chefs de la sociéré , que loisque les ordres de ceux-ci seront conformes aux volontés arbitraires, er souvent insensées de ce Dieu. Mais qui est-ce qui dêcidera si les ordres des souverains, les plus avantageux a la société, seront conformes aux volontés de ce Dieu ? Ce seront, sans doute , les mi nistres de la divinité j les interprètes de ses oracles, les confidens de ses secrets. Ainsi, dans un état chrétien , les sujets doivent être plus soumis  5© Lc Christianisme aux prêtres , qu'aux souverains (x). Bien plus , si ce Souverain offense le Seigneur, s'il négligé son culte, s'il refuse d'admettre ses dogmes, s'il n'est point soumis a ses prêtres, il doit perdre le droit de gouvemer un peuple, donr il met la religion en danger. Que disje; si la vie d'un rel souverain est un obstacle au salut de ses sujets, au règne de Dieu , a la prospérité de i'église 3 il doit être retranché du nombre des vivans , dès que les prêtres 1'ordonnent. Une foule d'exemples nous prouve que les chrétiens ont souvent suivi ces maximes détestables; cenr fois le fanatisme a mis les armes aux mains des sujets contre leur légitime souverain , et porté le trouble dans la sociéré. Sous le christianisme , les prêtres furent toujours les arbitres du sorr des rois; ilimporta fort peu a ces prêtres que tout fut bouleversé sur la terre, pourvu que la religion fut respectée : les peuples furenr rebelles a leurs souverains, routes les fois qu'on leur persuada que les souverains, étoient rebelles a leur Dieu. La sédition , le régicide sont faits pour paroitre légitimes a des chrétiens zélés, qui doivent obéir a Dieu, plutot qu'aux hommes, et qui ne peuvent, sans risquer leur salut éternel, balancer entre le monarque érernel et les rois de la terre (2). (1) U n'est point de chrétien k qui 1'on n'apprenne, dès 1'enfance, tpj'ii vaut rnieux ohèir a Dieu qu'aux hommes. Mais obéir a Dieu , n'est jamais qu'obéir aux prêtres. Dieu ne parle plus lui-mème. c'c;t 1 1 g1 se qui par'e pour lui ; et 1'èglfte est un corps de prêtres , qui trouve souvent dans la Lible que les souverains ont tort, que les loix sout ctimmelles , que les ctablisscmens les plus scnsés sont impies , que la tolérance est un crime. (2) Les ennemis des jèsuites se «ont prévalus contt'eux , de ee qu'ils -ont imaginé que le meurtre d'un tyran étoit une action louable et légitime ; un peu de réllexion suffisoit pour faire sentir que si Aod a bien fait, Jacques Clément n'a pas été criminel , et que RavaiKac n'a fait que suivie les' lumiéres de sa conscieitce. S. Thomas d'Aquin a for-  dèvo'dé. Ch. XI. 91 D'après ces maximes funestes , qui découlent des principes de christianisrne , il ne faut point être étonné si, depuis son établissement en Europe , nous voyons si souvent des peuples révoltés, des souverains si honteusement avilis sous 1'autorité sacerdotale , des monarques déposés par les prêtres , des fanatiques armés contre la puissance temporelle , enfm des princes égorgés. Les prêtres chrétiens ne trouvoient-ils pas dans l'ancien testament leurs discours séditieux autorisés par 1'exemple ? Les rebelles contre les rois ne furent-ils pas justifiéspar 1'exemple de David? Les usurparions, les violences, les perfidies, les violations les plus manifestes des droits de la nature en des gens , ne sonr-elles pas légitimées par 1'exemple du peuple de Dieu, er de ses chefs ? Voila donc 1'appui que donne a la morale une religion , donr le premier principe est d'admettre le Dieu des Juifs j c'est-a.-dire un tyran, dont les volontés fantasques anéantissent a chaque instant les régies nécessaires au mainrien des sociétés. Ce Dieu crée le juste et 1'injusre ; sa volonté suprème change le mal en bien , et le crime en vertu; son caprice renverse les loix qu'il a lui-même données a la nature; il détruit quand il hu plait les rapports qui subsistent entre les hommes, et dispensé lui-même de tout devoir envers les créatures , il semble les autoriser a ne suivre aucunes loix certames, sinon celles qu'il leur prescrit, en différentes circonstances j, par la voix de ses interprêtes et de ses inspirés. Ceux-ci , quand ils sont les mam-es , ne prêchent que la soumission ; quand ils se croient lézés, ils ne prè- melleoient prèehé Ie régici'de. Voyez les coups d'êtat, tome II , p- ^5. Les princes chrétiens devroient trembler , s'ils réRéchissoient au* consécjuences des principes d« leur religion.  9l Le Christianisme dient que la révolte ; sont-ils trop foibles ? ils prêchent la tolerance, Ia patience, la douceur; sont-ils les plus forts ; ils prêchent la persécution, la vengeance , la rapine, la cruauté. Ils trouvent continuellement, dans leurs livres sacrés , de quoi autoriser les maximes contradictoires qu'ils débitent; ils trouvent dans les oracles dun Dieu peu moral et changeant, des ordres directement opposés les uns aux autres. Fonder la morale sur un Dieu semblable , ou sur des livres qui renferment a la fois des loix si contradicroires, c'est lui donner une base incertaine, c'est la fonder sur le caprice de ceux qm parient au nom de Dieu, c'est la fonder sur le tempérament de chacun de ses adorateurs. La morale doit être fondée sur des régies invariabies; un Dieu qui détruit ces régies, dérruir son ouvrage. Si ce Dieu est 1'auteur de l'homme, s'il veut le bonheur de ses créatures, s'il s'intéressea laconservauon de notre espèce, il voulutque l'homme fïït juste humain bienfaisant; jamais il n'a pu vouloir qu'il fot mjuste, ianatique et cruel. Ce qui vient d'être dir, peut nous faire connoïtre ce que nous devons penser de ces docteurs qui prétendent que, sans la religion chrétienne, nul homme ne peut avoir ni morale, ni vertu. La proposition contraire seroit certainement plus vraie, et 1'on pourroit avancer que rout chrétien, qui se propose d'imiter son JJieu, et de mettre en pratique les ordres souvent mjustes et desrructeurs, émanés de sa bouche, doit etre necessairement un méchant. Si 1'on nous dit que ces ordres ne sont pas toujours injustes, et que souvent les livres sacrés respirent la bonté, 1'union, 1'équite, jediraiquele chrétien doit avoir une morale mconstante; qu'il sera tantöt bon , tantöt méchant suivant ses intéréts et ses dispositions parriculières. D'ou  dévoilé. Ch. XI. 1'on voit que le chrétien, conséquent a ses idéés religieuses , ne peut avoir de vraie morale , ou doit sans cesse flotter enrre le crime et la vertu. D'un autre cöté, n'y a-t-il pas du danger de lier la morale avec ia religion; Au lieu d'érayer la morale „ n'est-ce pas lui donner un appui foible et ruineux que de vouloir la fonder sur la religion; En effet, la religion ne soutien'r point 1'examen , et tout homme qui aura découvert la foiblesse ou la fausseté des preuves sur lesquelles est établie la religion sur laquelle on lui . dit que la morale esr fondée , sera tenté de croire que cette morale esr une chimère , aussi-bien que la religion qui lui sert de base. C'est ainsi que souvent, après avoir secoué le joug de la religion, nous voyons des hommes pervers se livrer aladébauche, a l'inteiTtpérance , au crime. Au sortir de 1'esclavage de la supersrition , ils tombent dans une anarchie complette , et se croient tout permis paree qu'ils ont découvert que la religion n'étoit qu'une fable. C'est ainsi que malheureusement les mots d'incrédule et de liberrin sont devenus des synonimes. On ne tomberoit pcint dans ces inconvéniens si, au lieu d'une morale théologique , on enseignoit une morale naturelle. Au lieu d'interdire la débauche , les crimes et les vices, paree que Dieu et la religion défendent ces fautes, on devroit dire que rout excès qui nuk a la conservation de l'homme , le rend méprisable aux yeux de la société, est défendu par la raison ,. qui veut que l'homme se conserve ■■> est interdit par la nature , qui veut qu'il travaille a son bonheur durable. En un mot, quelles que soient les volontés de Dieu, indépendamment des récompenses et des chatimens que la religion annonce pour 1'autre vie , il est facile de prouver a tout homme, que son intérêt, dans ce monde, est de ména-  5)4 Le Christianisme ger sa santé , de respectec les mceurs, de s'attirer 1'estime de ses semblables, enfin d'être chaste , tempérant, vertueux. Ceux que leurs passions empêcheront d'écouter ces principes si clairs, fondés sur la raison, ne seront pas plus dociles a la voix d'une religion , qu'ils cesseront de croire , dès qu'elle s'opposeraa leurs penchans déréglés. Que 1'on cesse donc de nous vanter les avantages prétendus que la religion chrétienne procure a la morale ; les principes, qu'elle puise dans ses livres sacrés, tendenr a la détruire; son alliance avec elle ne sert qu'a 1'aftoiblir ; d'ailleurs , 1'expérience nous montre que les rarions chrétiennes ont souvent des mceurs plus corrompues que celles qu'elles traitent d'infidèles et de sauvages; au moins les premières sonr-elles plus sujettes au fanatisme religieux , passion si propre a bannir des sociétés la justice et les vertus sociales. Contre un mortel crédule que la religion chrétienne retient 3 elle en pousse des milliers au crime; contre un homme qu'elle rend chaste , elle fait cent fanatiques, cent persécuteurs, cent intolérans., qui sont bien plus nuisibles a la société que les débauchés les plus impudents qui ne nuisent qu'a eux-mêmes. Au moins esr-il certain que les nations les plus chrétiennes de 1'Europe, ne sont point celles ou la vraie morale soit la mieux connue et la mieux observée. Dans 1'Espagne, le Portugal, 1'Italie, ou la secte la plus superstitieuse du christianisme a fixé son séjour , les peuples vivenr dans 1'ignorance la plus honteuse de leurs devoirs; le vol, 1'assassinat, la persécution , la débauche y sont portés a leur eomble ; rour est plein de superstitieux • on n'y voit que très-peu d'hommes verrueux •, er la religion elle-même, complice du crime, fournit des azvles aux criminels, et  de'voile'. Ca. XII. Aimer un Dieu colère, capricieux, injuste, aimer Ie Dieu des juifs 1  5 5 Le Christianisme Aimer un Dien injuste , implacable, qui est assez cruel pour damner éternellemenr ses créatures ! Aimer robjet le plus redoutable que 1'esprit humain ait pu jamais enfanter! un pareil objet est-il donc fait pour exciter dans le cceur de l'homme , un sentiment d'amour ? Comment aimer ce que 1'on craint > Comment chérir un Dieu sous la verge duquel on est forcé de trembler? N'est-ce pas se mentir a soi-même que de se persuader que 1'on aime un être si terrible et si propre a révclter (i); Aimer son prochain comme soi-même, est-il bien plus possible > Tout homme , par sa nature , s'aime par préférence a tous les autres ; il n'aime ceux-ciqu'en raison de ce qu'ils contribuent a son propre bonheur ; il a de la vertu dès qu'il fait du bien a son prochain; il a de la générosité , lorsqu'il lui sacrifïe 1'amour qu'il a pour lui-même; mais jamais il ne 1'aime que pour les qualités utilcs qu'il trouve en lui- il ne peur 1'aimer que lorsqu'il le connoit, et son amour pour lui est forcé de se régler sur les avanrages qu'il en recoir. Aimer ses ennemis, est donc un précepte impossible. On peut s'abstenir de faire du mal a celui qui nous nuk- mais 1'amour est un mouvement du cceur, qui ne s'excite en nous qu'a la vue d'un objetqr . nous jugeons favorable pour nous. Les loix jusres , chez les peuples policés, ont toujours défendu de se venger ou de se faire justice a soi-même ; un senriment de générosité, de grandeur d'ame , de courage, peut nous (1) Sénèque dit, avec raison, qu'un homme sensé ne peut craindre les dieux, vu que personne ne peut aimer ce qu'il craint.... Deos nimo sanus timet ; furor enim est metuere talutaria , nee quisquam arnat quos timet. De benef. 4. La bible nous dit : Initium sapientia- . li/nor Domir.i. Ne scroit - ce point plutöt Ie cooirnencement de la folie ? porter  devoile. Ch. XII. 97 porter a faire du bien a qui nous oflème ; nous devenons pour lors plus grands que lui, et même nous pouvons changer la disposition de son coeur. Ainsi 3 sans recourir a une morale sutnaturelie, nous sentons que notre intérêt exige que nous étouffions dans nos cceurs la vengeance. Que les chrétiens cessent donc de nous vanter le pardon des injures, comme un précepte qu'un Dieu seul pouvoit donner , et qui prouve ia divinité de sa morale. Pythagore , long-tems avant le Messie , avoit dit : Qu'on ne se vengeat de ses ennemis qu en travadlaru a en faire des amis ; et Socrate dit dans Crircn : Qu'il n'est pas permis un homme qui a recu une injure , de se vengerpar une autre injure. 'Jésus oublioit, sans doute , qu'il parloit a des . hommes, lorsque, pour les conduite a la perfection , il leur dit d'abandonner leurs pcssessions a 1'avidite du premier ravisseur ; de rendre 1'autre joue pour recevoir un nouvel outrage ; de ne poinr résister a la violence la olus injuste-, de renoncer aux richesses penssables de ce monde 5 de quitter maisons, biens, pareus, anus, pour le suivre' de se refuser aux plaisirs , même les plus innocens. Qui ne voit dans ces conseils subhmes, le langage de 1'enthousiame , de 1'hyperbole ? Ces conseils merveilleux ne sont-ils pas faits pour décourager fhomme , et le jetter dans le désespoir ? La pranque lktévale de ces choses ne seroit-elle pas destructive pour lil SGClétC ? Que dirons-nous de cette morale qui ordonne que le coear se détache des objets que la raison lui ordonne d'aimer? Refuser le bien-être que la nature nous presente , n'est-ce pas dédaigner les bienfaits de k divinité : Quel bien réel peut-U résulterpourla soaete, de ces vertus farouches et mélancoliques que les chrétiens regardent comme des perfection. i Ün homme aevient-rl Tome IK G  9$ Le Christianisme bien utile k la société, quand son esprit est perpétuellement troublé par des erreurs imaginaires, par des idéés lugubres, par de noires inquiétudes qui 1'empêchent de vaquer a ce qu'il doit a sa familie, a son propre pays, a ceux qui 1'entourenr ? S'il est conséquent a ces tnsres principes, ne doit-il pas se rendre aussi insupportable a lui-même qu aux autres ? • On peut dire, en général, que le fanatisme et 1'enthousiasme sont la base de la morale du Christ; les vertus qu'il recommande, tendent a isolerles hommes, a les plonger dans 1'humeur sombre, et souvent a les rendre nuisibles a leurs sembiables. II faut ici-bas des vertus humames,le chrétien ne voit jamais les siennes qu au-dela du vrai; il faut a la société des vertus réelles; qui lamainticnnent, qui lui donnent de 1'énergie, de activité; il faut aux families, de la vigilance, de Jaftection, du travail; il faut a tous les êtres del'espèce humaine, le désir de se procurer des plaisirs legitimes, et d'augmenter la somrae de leur bonheur. Le christianisme est perpétuellement oceuué, soit a dégrader les hommes, par dés terreurs accablances, soit a les enivrer par des espérances frivoles, seniiments également propres a les détourner de leurs Vrais devoirs. Si le chrétien suit a la lettre les principes de son législateur, il sera toujours un membre inutile ou nuisible a société. (i). 0 Malgri les e!oges que les chrétien, «orment .« précepte, de leut i„? m„tre, «o«s en rronyo», nul s„„t tot.llemj contraire, a lequtte et a la droite raison. t.n effet lorsque Jésus dit : . F.ite.cvous des a„„s dans le ciel avec ks richesses acquises injustemen, .' n ,ns,nue-t-t! pas r,s,blement qu'on fait bien de voler, pour fair, 1'au mone a«x pauvres ? Les interprètes nous diront sans doute ou'il na. Ie en parabole; mai, il ia;sé d'en pénétrer'le sens. Au reste, Ie, cbréfil, prat.quent trés-souvent le conseit cle leur Bi™ ; beaucoup d'en.re eux vo.ent pendant tout. feur vie,.pom «pjr le plaisir d. fait, de, doua-  dévoilé, Ch. XII. f9 Quels avantages, en effet, le genre humain peut-il tirer de ees vertus idéales, que les Chrétiens nomment évangéliques , divines 3 théologales 3 qu ils préfèrent aux vertus sodales, humaines et réelles, et sans lesquelles ils prétendent qu'on ne peut plaire a Dieu , ni entrer dans sa gloire > Examinons en détail ces vertus si vantées; voyons de quelle utilité elles sont pour la sociére , et si elles méritent vraiment la préférence qu'on leur donne sur celles que la raison nous inspire , comme nécessaires au bien-être du genre humain. La première des vertus chrétiennes , celle qui sert de base a toutes les autres , est la Foi ; elle consiste dans une conviction impossible de dogmes révélés, de fables absurdes, que le christianisme ordonne a seS disciples de croire. D'ou 1'on voit que cette vertu exige un renoncement total au bon sens , un assentiment impossible a des faits improbables , une soumission aveugle a 1'autotité des prêtres, seuls garans de la vérité des dogmes et des merveilles que tout Chrétien doit croire , sous peine d'être damné. Cette vertu , quoique nécessaire a rous les hommes, est pourtant un don du ciel, et 1'erfét d'une grace spéciale ; elle interdit. le doute et 1'examen ; elle privé l'homme de la faculté d'exercer sa raison , de la liberté de penser , elle le réduit a 1'abrutissement des bêtes; sur des matières qu'on lui persuade néanmcms être les plus importantes a son bonheur éternel. D'ou 1'on voir , que la foi est une vertu inventée par des ,ion, aa moment de leur mort, a dos mona-tères et » des hop.taux. Le MÜsia dans un autre endroit , traite fort-mal sa mere , qui »e cherchoit. il ordonne a ses disciples de s'emparer d'un aue. U noye oa troupeau de coclions, etc, la -fèritè ces «teM* ne s'accordent pomt »ree uae boune moiala. G i  ioo Le Christianisme hommes, qui craignirenr les lumières de la raison, qui ypulurenc tromper leurs semblables , pour les scumettre k leur propre aurorité, qui cherchèrent a les dégrader, afin d'exercer sur eux leur empire (i). Si la foi est une' vertu , elle n est, assurément, utile qu'aux guides spiriruels des Chrétiens, qui seuls en recueiilent les fruits. Cette yertu ne peut qu être funeste au reste des hommes , a qui elle apprend a mépriser la raison qui les distingue des bêtes , et qui seule peut les guider sürement en ce monde. En effet, le christianisme nous represente cette raison comme pervertie , comme un guide infidèie , en quoi il semble avouer n'ètre point fait pour des êtres raisonnables. Cependant, ne pourroit-cn pas demander aux docteurs chrériens jusqu'oiï doit aller ce renoncemenr a la raison ? eux mêmes , dans certains cas , n'ont-ils pas recours a elle > n'est-ce pas a la raison qu'ils en appellent , quand il s'agit de prouver 1'existence de Dieu ; si la raison est pervertie , comment s'en rapporter a elle dans une matière aussi importante que 1'existence de Dieu ? Quoiqu'il en soit, dire que 1'on croit ce qu'on ne concoit pas, c'est mentir évidemment • croire sans se rendre compte de ce que 1'on croit, c'est une absurdité. II faut donc peser les motifs de sa croyancé. Mais quels sont les motifs du Chrétien J C'est la confiance qu'il a dans les guides qui 1'instruisent. Mais sur quoi cette confiance est-elle fondée ? Sur la révélation. Mais 0) S. Paul dit : Fides ex auduu ; ce qui signiüe qU«. Ton ne croi, que aur des oui-d,re. La foi n'est jamais que 1'adhésion aux opinions des prêtres : la fo, v„e est u„ p;eUx entètement, qui fait que roua ine pouvons imaginer que ces prêtres pmssont se tromper eux-memes, 1U vo„l„,r rromper les aut.es. 1.,-, foi ne peut ètre fondée que sur la bonue opimon que uous avons des lumières «les pritre».  1 dévollé. Ch.XIÏ. ioi sur quoi la révélation est-elle fondée elle-même ? Sur 1'aurorité des guides spirituels. Telle est la manière dont les Chrétiens raisonneur. Leurs argumens en raveur de la foi , se réduisent a aiteyPour croire a la. relmon , il faut avoir de la foi } et pour avoir de la foi] il faut croire ü la religion ; ou bien , il faut avoir deja de la foi, pour croire a la nécessite de la roi (i). La foi disparo'ir dès qu'on raisonne ; cette vertu ne soutient jamais un examen rranquille , voila ce qui r-nd les prêtres du christianisme si ennemis de la science. Le fondateur de la religion a déclaré lui-même, que sa loi n'étoit fake que pour les simples et pour les enfans. La foi est 1'erTet d'une grace que Dieu n'accorde guères aux personnes éclairées er accoutumées a consulter le bon-sens, elle n'est faite que pour les hommes aui sont incapables de réBexions , ou pour des ames enivrées d'enthousiasme , ou peur des êtres invmciblement attachés aux préjugés de 1'enfance. La science fur et sera toujours 1'objet de la haine des docteurs chrétiens ; ils seroient les ennemis d'eux-mêmes, s'ils aimoient les savans. Une seconde vertu chrétienne , qui découle de la première , est XEspérancè , fondée sur les promesses hatteuses que le christianisme fait a ceux qui se rendent malheureux dans cette vie : elle nöürnt leur en- (,) Plusieurs théologie*, ont -ou,-nu que la foi, ««» les J • ',■ Un „(„'ni c'est la vertu dont les prêtre» «uffisoit pour se sauver. En gencrai. ces' i r font plus dé cas. Elle est sans doute la plus „écessa.re a leur extstence 3 n'ist donc pa, aurprenanr qu'ils avent .hel ché 4 1 aabhr par le fer et feu. C'est pour maintenir la foi, que l'iuqutsHtoa bru,e ces hététiques et des Juifs; c'es, pour ramener a la foi, que les ro.s et et les prêtres perséoutent; c'est pour convaincre .st.rement ceux qu. n'ont point de foi , qae les chrétiens les extrrminent. O vertu me.vethW. et digne du Dieu de la bonté! ses miiuslres pumssent les hon.mes , lorsqu'il leur refuse ses graces. G j  101 Ze Christianisme thousiaittie; elle leur fait perdre de vue le bonheur présent ; elle les rend inutiles a la société ; elle leur fait croire fermement que Dieu récompensera dans le ciel leur inutihté, leur humeur noire, leur haine des plaisirs, leurs mortifications insensées , leurs prières, leur oisiveté. Comment un homme enivré de ces porapeuses esperances , s'occuperoit-il du bonheur acruel de ceux 1™ U v' PAneot > «ndis qu'il est indifférent sur le >e i Ne sait-il pas que c'est en se rendant ■ en ce monde qu'il peut espérer de plaire a ; En effet, quelque flatreuses que soientles ■ que le Chrétien se fait de lavenir , sa religion les empoisonne„par les terreurs d'un Dieu jaloux qui veut que 1 on opère son salut avec crainte et tremble■ ment; qui puniroir sa présomprion et qui le damneroit impitoyablement s'il avoit eu la foiblesse d'être homme un instant de sa vie. La troisième des vertus chrétiennes est la Charité elle consiste a aimer Dieu et son prochain. Nous avon's deja vu combien il esr difficile, pour ne Pas dire impossible, déprouver des sentimens de tendresse pour tout etre que 1'on craint. On dira sans doure que la crainte des Chrétiens est une crainte filiale ■ mais les mots ne changent rien a 1 essence des choses, la crainre est une passion totalement opposée k 1'amour. Un fils qui craint son père , qui a lieu de se défier de sa colère , qui redoute ses caprices , ne 1'aimera jamais sincérement. L'amour d'un Chrétien pour son Dieu ne pourra donc jamais être véritable; eesten vain qu'il voudra sexciter a la tendresse pour un maitre rigoureux qui doir effrayer son ccenr, il ne 1'aimera jamais que comme un tyran , a qui la bouche rend les homrnages que Ie cc£ur lui refuse. Le dévót n'est pas de bonne-foi avec lm-même quand il prétend ehérir son  dévoïlé. Ch. XII. 105 Dieu j sa tendresse est un hommage simulé , semblable a celui que 1'on se croit obligé de rendre a ces despotes inhumains qui, même en faisant le malheur de leurs sujets , exigent des marqués extérieures de leur attachement. Si quelques ames tendres, a force d'illusions, parviennenr a s'exciter a 1'amour divm , eest alors une oassion mystique et romanesque, prodmte par un temperament échaufte , par une imagmation ardenre, qui fait qu'elles n envisagent leur Dieu que du coté l'e plus riant , et qu'elles fermenr les yeux sur ses véritables défauts (1). L'amour de Dieu n'est point le mystère le moins inconcevable de notre religion. La Charité, considérée comme l'amour de nos semblables , esr une disposition vertueuse et nécessaire. Elle n'est plus alors que cette humanité rendre , qui nous intéresse au» êtres de notre espèce , qui nous dispose a leur prêrer des secours qui nous attachent a eux Mais comment concilier eet attachement pour les créatures , avec les ordres d'un Dieu jaloux qui veut qu'on n'aime cue lui, qui est venu separer le fils davec son père , 1'ami d'avec son ami i Suivant les maximes de 1'évangile , ce seroit un crime d'offrir a son Dieu un cceur partagé par quelqu autre objet terrestre i ce seroit une idolatrie de faire entrer la créature (0 C'est un tempérament .ra.nl et tenclre qui produtt la dévottoa mystiaue. Les femme, hystéricae- sont communément celles qu, atment Dieu avec le plus cl. vivacité ; elles l'aiment avec emp.rte-nent , ronme elles aimeroieut un homme. Les Ste. Thirêse, les Magdeleme de Pa/zy, les Marle a-la-coque, et presque toutes les reltg.euses bten. dévotes, sont dans ce cas. Leur imaginatie s'égare, et elles donnent a leur Dieu , qu'elles se peignent sous des traits charmans , la tente.dre... qu'il ne leur est pas permis de donner i da, êtres de notre es- èce. II faut de 1'imagination , pour s'éprendre d un olqet mconnu. II'en faut bien plus encore, pour aimer un objet qu, 11a rien d amable; il faut de la folie, pour aimer un objet hatssab.e. G 4  I04 Le Christianisme en cnncurrence avec le créateur. DaillèörS, cominenr aimer des êtres qui offensenr contimiellement la divinité , ou qui sont pour nous une occasion continuelle de loffenser } Comment aimer des pécheurs i Aussi, lexnérience nous montre-r-elle que les dévots, obliaés par principes de se ba» eux-mêmes , ne sont que trèspeu disposés a mieux traiter les autres \ -a leur rendre la vie douce , a leur montrer de 1'indulgence. Ceux qui en usent de la sorte ne sont point parvenus a la perfection de l'amour divin. En un mot, nous voyons que ceux qui passent pour aimer le créateur le plus ardemment ne sont Pas ceux qui montrent le plus d affect-ion a ses chétives créatures< nous les voyons , au contraire, répandre communément 1'amertume sur tout ce qui les environne , relever avec aigreur les défauts de leurs semblables, et se faire un crime de montrer de 1'indulgence a la fragilité humaine (i). En effet , un amour sincère pour la divinité doit être accompagné de zèle; un vrai Chrétien doit s'irnter quand il voit offenser son Dieu; il doit s'armer d'une juste et saki te cruauté pour réprimer les couPables ; il doit avoir un desir ardent de faire régner la religion. C'est ce zèle dérivé de l'amour divin , qui est la :source des persécurions et des fureurs dont le christianisme s'est tant de fois rendu coupable ; c'est ce zele qui fait des bourreaux , ainsi que des martyrs; (0 Dans !« p.T? le., -pin» chrétiens, les dévots sont orrVna.rement «gardé, C»«Hfl* >e, fléart m sociétés: la bonne compagnie les craint comme dw ennemis ,1e Ia joie , «mme des erArnyeê*.' Une femme devote a raremént le talent de - se conë.Iieï 1'amOu'r de sn„ ma,i, ai I-h gens. Une retfción logubre -et mélancolique ne peut avoir de,'s-etateurs b.en ar-able». Sert in d leu ■ rrwte, il fantètre .riste romme lui. Les «octet, rs chrétjêns out tièi-judicieussment obstrvé quej. C. a pleuré, mais n'a jamais ri.  dévollê. Ch. XII. iof c'est ce zèle qui fait que 1'intolèrant arrache la foudre des mams du Très-Haut , sous prètexte de venger ses injures 5 eest ce zèle qui fait que les membres d une même familie , les citoyens d'un même état se detestent , se tourmentent pour des opinions , et souvent pour des cérémonies puériles , que le zèle fait regaalder comme des choses de la dernière importance; eest ce zèle J qui mille fois alluma dans notre Europe, ces guerres de religion si remarquables par leur atroené • enfin, c'est ce zèle pour la religion , qui justifia la calomnie , la trahison , le carnage , en un morJ les désordres les plus funestes aux sociétés. II fut toujours permis d'employer la ruse , la fourbene, le menson-e , dès qu'il fut quesüon de souten.r la cause de (1). Les hommes les plus bilieux, les plus colères , les plus corrompus 5 sont communément ks Plus zelés 5 ils espèrenr qu'en faveur de leur zele le ciel leur pardonnera la dépravation de leurs mceurs, et tous leurs autres déréglemem. C'est par un effet de ce même zèle que nous voyons des Chrénens enthousiastes parcourir les terres et es Ofers, pour étendre 1'empire de leur Dieu , pour lui faire des proselvtes , pour lui acquérir de nouveaux sujets. C'est ainsi que, par zèle, des missionnaires se (O Le coneüe écun.énlqne de Corstance bt brüler Jean Hu, .« Jérom, J,r' « .Wé le sauf conduit de PKmpereur. ««steur, chrét.en. ont en,eigné qu'on ne devo.t pomt garder la fo aux 1 pape, oni dispensé cent fois'des sé.hïens at.de. promesse Ait, * ILdoxes. L'his-oir, des gnerre, de religion en-re les chreuens„.„ mon.re des trahisons, des cruautés , des p.rfid.e, , dont on n a pa, Itlple, dans .es a„«eS goerres. Tout est justin , quand c'est pour Dieu q-Ve 1'on combat. Nous ne voyons , dans ces guerres , q enfans écrasés con-re les muraille, . des femmes grosse, eventrees de, fiMe. violées et massacrées. Knfin le zéle religieux r.adtt toujouts le . hommes ingésiieox dans leur bilbariti  I0& Le Christianisme croient obligés d'alier troubler le repos des états qu'ils regardent comme infidèles , tandis qu'ils trouveroient fort étrange , s'il venoir dans leur propre pays des missionnaires pour leur annoncer une autre foi (i). Lorsque ces propagateurs de la foi eurent la force en main, ils excitèrent dans leurs conquêtes les révoltes les plus affreuses, ou bien ils exercèrent sur les peuples soumis , des violences bien propres a leur rendre leur divinité odieuse. Ils crurenr , sans doute , que des hommes a qui leur Dieu éroit si long-tems demeuré inconnu , ne pouvoient être que des bêtes sur lesquelles il étoit permis d'exercer les plus grandes cruautés. Pour un Chrétien a un Lifidèle ne Vut jamais qu'un chien. C'est apparemment en conséquence des idéés judaïques que les nations chrétiennes ont été usurper les possessions des habitans du Nouveau - Monde. Les Castillans et les Portuguais avoient apparemment les mêmes droits , pour s'emparer de 1'Amérique et de 1'Afrique, que les Hébreux avoient eus pour se rendre maïtres des terres 4gs Chananéens , pour en exter-, miner les habitans , ou pour les réduire en esclavage. Un pontife du Dieu de la justice et de la paix ne s'arrogea-t-il pas le droit de distribuer des empires lointains aux monarques européens qu'il voulut favoriser ? Ces viclations manifestes du droit de la nature et des gens , parurenr légirimes a des princes chrériens j en (0 Cambi, empereur de la Chlne , demandolt aux jé-ultes , misstV «aires a PeKin ■ » 0"e Aimr* ~*». „• •• • j • • V-e amcz-iou., , si | envoyoi» des missionaire» chez vous , ? O,, Sa„ Ie, revoltes que les jésul-cs ,nt excltées au Japon et "jn7»T'e.' ■ ■ m ^"^ en"7'ren,enr bannir ,e ühristiamsme. Un ^\!!Tr!''0''a'Cr 'hST " n"««i»n*i>'e.« sant mousquets netoient pas ptop.es i ft„.e de> f,.0>ii;tes „_  ■ iévoiié. cl xii. m faveur desquels la religion sanctihoit 1'avarice, la cruauté , 1'usurpadon (i). Enfin le christianisme regarde YHumilite comme une veru sublime ; il lui attaché le plus grand pnx. 11 ne falloir pas, sans doute , des lumières divines et surnaturelles , pour sentir que 1'orgueil blesse les hommes , et rend désagréables ceux qui le montrent aux autres. Pour peu que Ion réfléchisse , on sera convaincu que 1'arrogance , la présomption , la vanité, sont des qualités déplaisantes et méprisables; mais IIaumilité du Chrétien doit aller plus loin encore , il raut qu'il renonce a sa raison, qu'il se défie de ses vertus, qu'il refuse de rendre justice a ses bonnes actioiis, qu;il perde 1'estime la plus méritée de lui-même. D ou 1'on voit que cette prétendue vertu n'est propre qua déorader l'homme , a 1'avilir k ses propres yeux , a érouffer en lui toute énergie et tout desir de se rendre utile a la société. Défendre aux hommes desestimer eux-mêmes et de mériter 1'estime des autres, eest bnser le ressort le plus puissant qui les porte aux grandes acuons, a 1'étude , a 1'industrie. II semble que le christianisme ne se propose que de faire des esclaves abjects, inuriles au monde , a qui la soumission aveugle a leurs prêtres tienne lieu de toute vertu. N'en soyons point surpris , une religion qui se piqué d'être surnaturelle , doit chercher a dénaturer (,) S. Augustin «ou. apprend que de Jroit diviu tout apparUeW au* j„téa : maxime fondée sur un passage des paeaume, , qn. d,t que Ie. Utes mangeront le fruit d« travail de, i-piea. Voyez S. Aug. ep.ga. On ,ait quele pape, par une bulle do.née en faveur de, ro„ de Ca,til'e, d'Arr.go. et de Portugal , fixe la ligne de démareanon qu, r-glo.t les conquête, que cbicuB d'eux avoit foite. NI le, 'e* de tels principe, , Tuniver. «est-il pa. la proie du br.ga.dage ua chrétiens ?  Le Christianisme l'homme : en effet, dans le délire de son enthousiasme , elle lui défend de s'aimer lui-même; elle luï ordonne de haïr les plaisirs, et de chérir la doulenr; elle lui fait un mérite des maux volontaires qu'il se fair De-la ces austérités, ces pénitences destructives de la santé, ces mortifications extravaganres , ces privations cruelles , ces pratiques insensees, enfin ces suïcides lents, par lesquels les plus fanatiques des chré tiens croient mériter le ciel. II est vrai que tous les chrétiens ne se sentent pas capables de ces perfecnons merveiileuses; mais tous pour se sauver, se croient plus ou moms bbligés de mortifier leurs sens, de renoncer aux bienföits qu'un Dieu bon leur présente , paree qu'ils supposent que ce Dieu s'irriteroit s'ils en bisoient usage, et ne fait offre de ces biens que pour que Ion s abstienne d'y toucher. Comment la raison pourroit-elle approuver des vertus destrucrives de nousrnemes; Comment le bon - sens pourroit - il admettre un Dieu qui prétend que 1'on se rende malheureux et qui se plait a contempler les tourmens que s'infiigent ses créatures ? Quel fruit la société peut-elle recueillir de ces vertus qui rendent l'homme sombre , misérable et rncapable d'êrre utile a la patrie ? La raison et 1'expénence , sans le secours de la superstition 3 ne suffisentehes donc pas pour nous prouver que les passions et les pïarsirs poussés a 1'excês se rournent contre nousmèmes, et que l'abus des meilleures choses devient un malverrtable ? Notre nature ne nous force t-cllepasa la temperance ; a la privation des objets qui peuvent nous nuire ? En un mot , un être, qui veut se eonserver, ne doit-il pas modérer ses penchants, et fuir ce qui tend k sa destruction (0? II est évident que le (O Us idéés funes!e,, n,.e les ho.nm.s oat eues Le père TachnrJ dit que les Siamois out une morale qui leur défend Jien-seulement les actions deshonuétes, mais encore les pensee» <„  dévoilé. Ch. XII. 11 r La religion Chrétienne, peu contente de ces maximes raisonnables recommandè le célibat, comme un état de perfection ; le noeud si légitime du manage est une imperfection a ses yeux. Le père du Dieu des chrétiens avoit dit dans la Genèse : II nest pas bon que l'homme demeure sans compagnie. II avoit formellement ordonné a tous les êrres, de croitre et de multiplier. Son fils, dans 1'évangile, vient annuller ces loix-, il prérend que pour être parfait il faut se priver du mariage , résister a 1'un des plus pressans besoins que la nature inspire a l'homme, mourir sans postériré, refuser des citoyens a 1'état et des supports a sa vieillesse. Si nous consultons la raison , nous rrouverons que les plaisirs de 1'amour nuisenr a nous-mêmes , quand nous les prenons avec exces; qu'ils sonr des crimes, lotsqu'ils nuisent a d'autres; nous sentirons que corrompre une fille , c'est la condamner a la honte et a 1'infamie, c'est anéantir pour elle les avanrages de la société; nous rrouverons que 1'adultère est une iftvasion des droits d'un autre, qui détruit 1'union des époux, qui sépare au moins des coeurs faits pour s'aimer ; nous conclurons de ces choses, que le manage étant le seul moyen de satisfaire honnêtement et légitimement le besoin de la nature , de peupler la société, de se procurer des appuis , est un état bien respectable et bien plus sacré que ce célibat desrtucteur , que cette castration volontaire, que le christianisme a le front de transformer en vertu. La nature, ou 1'auteur de la nature, invite les hommes a se multiplier par 1'attrait du plaisir; il a déclaré hautement que la fem- J« de-,irs impurs; d'oü 1'on TOit qae 1» thastetè et la pureté de> mceurs furent estimées , mèmeavant le christianisme, et par des nations qui u'en avoient jamais ouï parler.  li* Le Christianisme me étoit nécessaire a l'homme; 1'expérience a fait connoitre qu'ils devoient former une société, non-seulemenr pour jouir des plaisirs passagers, mais encore pour s'aider a supporter les amertumes de la vie j pour élever des enfans, pour en faire des citoyens 3 pour trouver en eux des supports de leur vieillesse. En donnant a l'homme des forces supérieures a celles de sa compagne, la nature voulut qu'il travaillat a faire subsister sa familie; en donnant a cette compagne des organes plus foibles , elle 1'a destiné a des travaux moins pénibles, mais non moins nécessaires ; en lui donnant une ame plus sensible et plus douce, elle voulut qu'un sentiment tendre 1'attachat plus particulièrement a ses foibles enfans. Voila les liens heureux que le christianisme voudroit empêcher de se former (i) ; voila les vues qu'il s'eiforce de traverser , (1) II est évident cjue dans Ia religion chrétienne Ie mariage est regardé comme un état d'imperfection. Cela vient peur-ètre de ce que Jésus-Christ étoit de la secte Jes Essenien», qui , semb'ables aux moines moderues , renoncoient au maiia^e , et se vouoient au célibat. Ces idéés ont vraisemblableinenr été a loptées par les premiers chrétiens, qui atlendant , d'après les prophéties du Christ, Ia fin du monde a chaque instant, regardóient comme inuti'e d'avoir des enfans et de multiplier les liens qui les attachoienta un monde prêta pèrir. Quoiqu'il en soit, S. Paul dit qu'il vaut mieux se mdrier que de se brulerJésus avoit parlé lui-même avec éloge de ceux qui se sont faits eunuques pour le royaume des cieux. Origène prit k la lettre ce conseil ou ce précepte. S. Justin mariyr dit que Dieu voulut naitre d'une vierge, afin d'abolir la génération^ ordinaire , qui est le fruit dun desir illégitime. La peifectlon que le christianisme altathe au cé'iiat, fut une des princip'ales causes qui le fit bannir de Ia Chine. S. Edouard le confesseur s'abstint de femme toute sa vie. L'idée de la perfection , attachée a ia chasteté, fut cause de 1'extinction successive de toutes les families royales des Saxons en Anglelerre. Le moine S. Auoustin, lapötre des Anglais, eousulta S. Grégoire pape, pour savoir cambien il faut de tems pour qu'un homme, qui a eu commerce a vec sa femme, puisse entier a l'églitt, et ine adrnis a la communion des fidèUs. en  dévoilé. Ch. XII. 115 en proposant, comme un étar de perfection , un célibat oui dépeuple la société , qui contredit la nature, qui invite a la débauche , qui rend les hommes isolés, et qui ne peut être avantageux qu a la politique odieuse des prêtres de quelques sectes chrétiennes, qui se font un devoir de se séparer de leurs concitoyens, pour former un corps fatal , qui s'éternise sanspostérité. Gens ceterna , in qua nemo nascitur (i). Si le chrisrianisme eut 1'indulgence de permettre le mariage a ceux de ses sectateurs 3 qui n'osèrent ou ne purent tendre a la perfection, il semble qu'il les en a punis par les entraves incommodes qu'il mir a ce noeud; eest ainsi que nous voyons le divorce défendu par la religion chrétienne , les nceuds les plus mal assortis sont devenus indissolubles; les personnes, mariées une fois, sont forcées de gémir pour toujours de leur imprudence, quand même le mariage, qui ne peut (i) Le célibat, prestuit aux prêtres de 1'ég'ise romaine, paroit etre 1'effet de la politique la plus rafKuée , dans les pontifes qui 'es soumirent k cette lol. D'abprd il dut augmenter la vénérat.on des peuples oui crurent que leurs prêtres n'étoient pas des hommes composes de chair et d'os comme les autres. En second lieu, en interdtsant Ie mariale aux prêtres , on rompit les liens qui les attachotent a des families et k 1'etat, pour les attacher uniquement k l'èg'.se, dont les biens, par ce moyen , ne furent point pariagés, et demeurerent en entier. C'est par le célibat que les prêtres de l'église routame sont devenus si puissans et si mauvats citoyens. Le célibat les rend en ctuelque sorte, indépendans ; ils ne sont point obligés de songer a leur postéritè. Un homme qui a familie, a des besoins inconnus au cehbataire qui voit tout finir avec lui. Les papes les plus ambttteux ont itè les plus grands promoteurs du célibat des prêtres. Ce tut oreKoire VII qui travailla a l'établir avec le plus de chaleur. Si les prêtres pouvoient se marier , les rois et 'es princes seroient bientot prêtres et le souverain pontife ne trouveroit point en eux des sujets assez docües. C'est au célibat que paroissent dus la dureté , 1 tnhumamte 1'obstination et 1'esprit remuant que 1'on a toujours reproches au ckrge catbolique. Tome IV. H  IJ4 Le Christianisme avoir que le bien être, la tendresse, 1'aifection, pour objet et pour base , deviendroit pour elles une source de discorde, damerttimes et de peines. C'est ainsi que la loidaccord avec la religion cruelle, consentent a empecher les malheureux de briser leur chaines. II paSQit que le christianisme a mis tout en ceuvre pour detourner du mariage, et pour lui faire préférer un célibat qui conduir nécessairement a la débauche a 1 adultère , a la dissolution (i). Cependant le Dieu des juifs ayon permis le divorce, et nous ne voyons point de quel droit son fils, qui venoit accomplirla loi de Moyse, a revoqué uue permission si sensée. Nous ne parions point ici des autres entraves que depuis son fondateur, l'église a mises au mariage (2)! (.) La nature perd jamais ,e, drpits ; le, cejibat.ir.. sentent des besotns comme les aut!e5 hommes; ils ne trouvent de ressourc, que dans la prost.tutton et d.„, Prfrfjé», ou dans de, moyen. qu. la décence ne permet pas de „ommer. En E,pagne, en Portugal en Itahe, les momes et les prêtres sont des monstres de luxute- k détau che, la pétlérastie, les aJultères ne sont si eommuns dans ces 'pays , ,„•• cause des ce hbatatres. Les vices des latques devienj.oient plus rare,, si le mariage n etoit pas indissoluble. (*) Les souverains pontifes de Kom. doiyent bien rite, q„a„d il, voyent es ro,s les suppliër de leur accorder des dispenses de LriaJ 11 est évtdent que dans l'origine les mariages entre pareus fure.u défendus par la lol c vile ; des Prince, u„,„ ,. . lu,e"c f ' "es Princes et nes Emperetirs , meme chré- tren* ont seul,, au comméncëment, défèndu et permis ces sorte, de rnartages Voyez le code de Théod. tit. la. l„i 5 et daas ^ o. 5 t.t. 8 parag, ro et Ibid. tit. 8. 9. S7. Les rois de France ont exercé eraTZép" M- ^ MarCa * tM«*°t ■■ Juri, Jc o / P"ny«' ulU cöntrocrsid. Voyez son livre de con. Z " t : " ***** Pe'-4-Pe« «V* a pourtant usurpé ce dro.t sur les Pnnces, et les Papes se sont tellement rendus maitresdu hen conptgal quil fut un tems qu'il étoit presque impossible de savoir « Ion etott bten ou mal ntarié; l'église défendoit les mariages jus- emn' h ' , "* ^ 88 CO""o!"e- «-int un empechement; /„ afjlnité, spMles furent inventées ; les parrain, et es marratnes ne purent plu., s'épouser, et le Pape devin, ainsi Jarbure du sort des Roi, et de leurs Sujets; et sous prétexte dèL-  dévoilé. Ch. XII. 11 $ En proscrivant les mariages entre parens , ne semblet-elle pas avoir défendu que ceux qui vouloient sunir, se connussenr parfaitèmént etne s'aimassent trop tendre- ment. .... Telles sont les perfections que le chrisuamsme propose a ses enfans, telles sont les vertus qu'il préfère a celles qu'il nomme par mépris , vertus humaine*. Bien plus, il rejette et désavoue ces dernières, il les appelle fausses, illégitimes, paree que ceux qui les possédoient, n'avoient point la foi. Quoi ! ces vertus si aimables, si héroïques de la Grèce et de Rome , n'étoient point de vraies vertus ! Si 1'équité, la patience d'un payen , ne sont pas des vertus , a quoi peut-on donner ce nom > NV ;t ce pas confondre toutes les idéés de la morale que de prétendre que la justice d'un paven n'est pas justice , que sa bonté nest pas bonté , que sa bienfaisance est un crime ? Les vertus réelles des Socrate , des Caton, desEpictète, des Antonin, ne sont-elles donc pas préférables au zèle des Cyrille , a 1'opiniatreté des-Athanase , a 1'inutilité des Antoine, aux révoltes des Chrysostome, a la férocité des Dominique , a 1'abjection d'ame des Francois (i). il troubla cent foi, 1'ordre de, états; il excommunia ,es souverain, ; I. déc.ara leurs enfans illégitimes; il p**»^ de la succession aux couronnes. Cependant, sutvant la btble , .1 est indnbitable que les enfans d'Adam durent épouser leurs sceurs. Ces ma.iages, disent-ils, sont criminels , pa.ee que, si a t'ucon, qu. subsiste dèji entre parens, se joignoit encore la tendresse corquga.e, .1 seroit a c.aindre que l'amour des époux ne fut trop grand. (0 On saitque S. Cvrille, k 1'aide d'une troupe de momes tenta de faire assassiner Ore,te, gouverneur d'A'exandr.e, et reusstt a iatre assassiner, de la facon la plus barbare, la belle, la savante, la vertueuse Hynatie. Tous' les saints , que l'église Romaine rèvère ont éte, ou des rèbelles qui ont combattu pour Ia cause de soa amb.tton , ou des imbécl'es qui 1'ont richement dotee , ou des visionna.res qut se son. détruits eux-mêmes. H 2.  ii6 Le Christianisme Toutes les vertus que le christianisme admire, ou sont outrées er fanatiques , ou elles ne tendent qu'a rendre l'homme timide , abject et malheureux : si elles lui donnent du courage, il devienr bientöt opiniatre , altier, cruel er nuisible a la société. C'est ainsi qu'il faut qu'il soit , pour répondre aux vues d'une religion qui dédaigne la terre, et qui ne s'embarasse pas d'y porter le trouble , pourvu que son Dieu jaloax rriomphe de ses ennemis. Nulle morale vérirable ne peur être compatible avec une telle religion. CHAPITRE XIII. Des pratiques et des devoirs de la religion chrétienne. Si les vertus du christianisme n'ont rien de solide et de réel, ou ne produisent aucun effet que la raison puisse approuver, elle ne verra rien de plus estimable dans une foule de pratique gênantes , inutiles et souvent dangereuses , dont il fait des devoirs a ses dévots sectateurs , et qu'il leur montre comme des moyens assurés d'appaiser la Divinité , d'obtenir ses graces, de mériter ses récompenses ineffables. Le premier et le plus essentiel des devoirs du christianisme est de prier. C'est a la prière continuelle que le christianisme arrache sa félicité ; son- Dieu , que 1'on suppose rempli de bonrés , veut être sollicité pour répandre ses graces; il ne les accorde qu'a 1'importunité; sensible a la flatterie , comme les rois de la terre , il exige une étiquette , il n'écoute favorablement que des voeux présentés suivant une certaine forme. Que dirons-nous d'un père , qui, connoissant les besoins de ses enfans, ne consentiroit point a leur donner la nour-  dèvoilé. Ch. XIII. 117 riture nécessaire, a moins qu'ils ne 1'arrachassent par des supplications ferventes, et souvent inutiles? Mais n'est-ce pas se dérier de la sagesse de Dieu que de prescrire des régies a sa conduite > N'est-ce pas révoquer en doute son immutabilité que de croire que sa créature peur 1'obliger a changer ses décrers ? S'il sait rout, qu'a-t-il besoin d'être averti sans cesse des dispositions du cceur et des désirs de ses sujets ? S'il est tout-puissant, comment seroit-il flatté de leurs hommages , de leurs soumissions réitétées, de 1'anéantissement ou ils se mettent a ses pieds! En un mot, la prière suppose un Dieu capricieux, qui manque de mémoire , qui est sensible a la louange , qui est flatté de voir ses sujets humiliés devant lui, qui est jaloux de recevoira chaque instant des marqués réitétées de leur soumission. Ces idéés, empruntées des princes de la terre, peuvent? elles bien s'appliquer a un être tout-puissant, qui n'a créé iunivërs que pour l'homme , et qui ne veut que son bonheur > Peut-on supposer qu'un être tout-puissant, sans égal et sans rivaux , soit jaloux de sa gloire 5 Est-il une gloire pour un être a qui rien ne peut-être comparé 5 Les chrétiens ne voient-ils pas qu'en voulant exaltet et honorer leur Dieu , ils ne font réellement que 1'abaisser et 1'avilir? II entre encore dans le systême de la religion chrétienne , que les prières des uns peuvent être applicables a d'autres; son Dieu, partial pour ses favoris , ne recoit son peuple que lorsque ses vceux lui sont offerrs par ses mi nistres. Dieu devient un sultan, qui n'est accessible que pour ses ministres, ses visirs, ses eunuques erles.femmes de son sérail. De-la cette foule innombrable de prêtres, de cénobites , de moines et de religieuses , qui n'ont d'autres fonctions que d'élever leurs H 3  118 Le Christianisme mains oisives au ciel , et de prier nuit et jour, pour obtenir ses faveurs pour la société. Les nations paient chèrement ces impcrtans services, et de pieux fainéans vivent dans la splendeur, tandis que le mérite réel, le travail et 1'industrie languissent dans la misère (i). Sous prétexte de vaquer a la prière et aux cérémonies de son culre, le chrétien , sur tout dans quelques sectes plus snperstitieuses, est obligé de demeurer oisif, de rester les bras croisés pendant une grande partie de 1'année ; on lui persuade qu'il honore son Dieu par son inutiliré; des fètes , multipliées par Pintérêt des prêtres et la créduliré des peuples , suspendent les travaux nécessaires de plusieurs millions de bras ; l'homme du peuple va prier dans son temple , au lieu de cultiver son champ ; la il repa'it ses yeux de cérémonies puériles , et ses oreilles de fables er de dogmes auxquels il ne peur rien comprendre. Une religion tyrannique fait un crime a 1'artisan ou au culrivateur qui, pendant ces journées consacrées au déscsuvremen:, oseroit s'occuper du soin de faire subsisrer une familie nombreuse et indigente; et de concett avec la religion , le gouvernement puniroit ceux qui auroient 1'audace de gagner du pain au lieu de faire des prières ou de rester les bras croisés (2). (1) Un empereur ( c'étoit Justin , si je ne me trompe ) demandoit pardon k Dieu , et se faisoit.un scrupule du tems qu'il donnoit a 1'adrninistration del'état, et qu'il ótoit a ses priéres. (2) Constantiu, comme empereur, ordonna, en I'an 021, de cesser le dimanche toutes les f nrtions de Ia justice, les métiers et les occupations ordinaires des villes. Celles de Ia campagne et de 1'agnculture furent exemptées de cette loi. Ces dispositions étoient au moins p'us raisonnables que celles qui subsistent aujourd'hui, sur-tout "chez les catholiques Romains. C'est maintenant le Pape et les Evèques qui prescrivent les fètes, et qui fotcentle peuple a être oisif. Voyez Tillemont, tij de Cunitantin, art. i5. p. 1S0.  dcvoilê. Ch. XIII. 119 La raison peut-elle souscrire a cetre obligation bisarre de s'abstenir de vinndes et de quelques alimens , que certaines sectes chrétiennes imposent j Le peuple qui vit de son travail , est en conséquence de cette loi, forcé de se conrenter , pendant des in tervalles très-longs, d'une nourriture chère, mal-saine , et peu propre a réparer les forces. Quelles idéés abjectes et ridicules doivent avoir de leur Dieu , des insensés qui croient qu'il s'irrite de la qualité des mets qui entrent dans 1'estomac de ses créatures ! cependant a prix d'argent, le ciel devient accommodanr. Les prêtres des chrétiens ont été sans cesse occupés a gêner leurs crédules secrateurs, afin de les obliger a transgresser ; le tout , pour avoir occasion de leur faire expier cièrement leurs prétendues transgressions. Tout dans le christianisme , jusqu aux péchés , toume au profit des prèrres (1). Aucun culte ne mit jamais ses sectateurs dans une dépendance plus entière et plus continuelle de leurs prêtres, que le christianisme ; ils ne perdirenr jamais de (1) Les Grecs et les Chrétiens orientaux observent plusieurs carèmes , et jeünent avec rigueur. En Espagne, en Portugal , on achete Ia permission de faire gras les jours défendus ; on est forcé de payer la taxe, ou la balie de la croisade, même quand on se conformeroit aux commandemeus de l'église , sans cela poinc d'absolution. L'usage de jeüner et de s'abstenir de certains alimens , est ve.ru des Egyptiens aux Juifs, et de ceux-ci aux Chrétiens et aux Mahométans. Les les catholiques Romains regardent comme hérètiques , sont presque les seules qui proHtent de 1'abstincnce de la viande; les Anglais leur vendent de Ia morue , et les Hoüandais des harengs. K'est-il pas bien singulier que les chrétiens s'abstjennent de viande, abstinende qui n'est ordonnée mille part dans Ie Nouveau-Testament , tandis qüWs ne s'abstiennent point du sang, du boudin et de Ia chair des animaux étouffés qui sont absolument défendus par les apótres , et aussi sèvèrement que la forniiation ? Voyez les actes des ap. chap. i5. v. 8. H 4  .1-0' Le Christianisme vue leur proie \ ils prirent les mesures les plus jüstes pour asservir les hommes et les faire contribuer a leur puissance, a leur richesse j a leur empire. Médiateurs entre le monarque céleste et ses sujets, ces prêtres furent regardés comme des courtisans en crédit, comme des mimstres chargés d'exercer la puissance en son nom, comme des favoris auxquels la divinité ne pouvoit rien refuser. Ainsi les ministres du Trés-Haar devimenr les maitres absolus du sort des chrétiens; ils s'emparèreru: pour la vie des esclaves que la crainte et les préjugés leur soumirent; ils se les artachèrent et se rendirent nécessaires a eux par une foule de pratiques et de devoirs aussi puénles que bizarres, qu'ils eurent soin de leur faire regarder comme indispensablement nécessaires au salut. Ils leur firent, de l'omission de ces devoirs, des crimes bien plus graves, que de la violation manifeste des régies de la morale er de la raison. Ne soyons donc poinr étonnés si dans les sectes les plus chrétiennes, c'est-a-dire les plus superstirieuses, nous voyons l'homme perpetuellement infesté par des prêtres. A peine est-il sorti du sein de sa père , que, sous prétexte de le laver d'une prétendue tache orlglnelle , son prêtre le baptise pour de 1'argent, le réconcilie avec un Dieu qu'il n'a poinr encore pu offenser; a 1'aide de paroles et d'enchantemens il 1'arrache au domaine du démon. Dès 1'enfance la plus tendre , son éducation esr ordinairement confiée a des prêtres , dont le principal objet est de lui inculquer de bonne heure les préjugés nécessaires a leurs vues; ils lui inspirentdes terreurs qui se multiplieront en lui pendant toute sa vie ; ils 1'instruisent dans les fables d'une religion merveilleuse , dans ses dogmes insensés, dans ses ïhys'tères incompréhensibles; en un mot, ils en font un chrétien superstitieux , et jamais ils n'en font un citoyen utile,  dêvoilé. Ch. XIII. m un homme éclairé (i). II n'est qu'une chose qu'on lui montre comme necessaire , c'est d'être dévorement soumis a sa religion. Sois devêt, lui dit-on , sois aveugle , mcpnses ta condition, occupes-toi du ciel et négligé la terre , c'esr rour ce que Dieu te demande pour te conduite au bonheur. Pour entretenir le chrétien dans les idéés abjectes et fanatiques dont sa jeunesse fut imhue, ses prétres, dans quelques sectes, lui ordonnent de venir souvent deposer dans leur sein ses fautes les plus cachées, ses actions les plus ignorees , ses pensées les plus secrettes; ils Ij forcent de venir s'humiher a leurs pieds , et rendre hommage a leur pouvoir; ils effrayent le coupable , et s'ils 1'en jugenr digne , ils le reconcilient ensuite avec la divinité , qui, sur 1'ordre de son ministre , lui remet les péchés donr il s'étoit souillé. Les sectes chrétiennes, qui admettent cette pratique, nous la vantent comme un Grein très-utile aux mceurs et rrès-propre a contenir les passions des hommes; mais 1'expérience nous prouve que les pays oü eer usage est le plus fidèlement observé, loin d'avoir des mceurs plus pures que les autres , en ont de plus dissolues. Ces expiations si faciles ne font qu'enhardir le crime. La vie des chrétiens est un cercle de dérégleme.ns et de confessions périodiques; le sacerdoce profite seul de eet usage , qui le met a porrée d'exercer un empire absolu sur les consciences des hommes. Quelle doir être la puissance d'un ordre d'hommes qui ouvrenr et ferment a leur gré les portes (i) Dans presque tout 1'univers , 1'education des hommes est confiée i des prêtres. I ne faut point être sul ].ris, après cela, si 1'ignorance , la supersiition et le fanatisme s'éternisent. Chez les protestans, amst que chez les cathoüques , les uniyersités sont des établissemens purement sacerdotaux. II sembleroit que les Européens ne Teulent former que des moines.  tit Le Christianisme iu ciel, qui ont les secrets des families , qui peuvent k rolonté allumer le fanatisme dans les esprits! Sans 1'aveu du sacerdoce, le chrétien ne peut participer a ses mystères sacrés : les prêtres ont le droit de Ten exclure. II pourroit se consoler de cette privation prétendue; mais les anathêmes ou excommunlcatlons des prêtres, font par-tout un mal réel a l'homme; les pemes spirituelles produisent des efïèts temporels , er tout cifjyen qui encourt la disgrace de l'église, est en danger d'encourir celle du gouvernement, et devient un objet odieux pour ses concitoyens. Nous avons déja vu que les ministres de Ia religion se sont ingérés des affaires du mariage; sans leur aveu un chrétien ne peut devenir père; il faut qu'il se soumetteaux formes capricieuses de la religion; sans cela, la polirique, d'accord avec la religion, excluroit ses enfans du rang des citoyens (i). Durant tout le cours de sa vie., Ie chrétien , sous peme de se rendre coupable, est obligé d'assister aux cérémonies de son culte, aux instructions de ses prêtres; dès qu il rempiit fidèlement eet important devoir, il se croit le fayori de son Dieu , et se persuade qu'il ne doit plus rien a la sociéré. C'est ainsi que des pratiques inutiles prennent la place de la morale , qui partout est subordonnée a la religion , a qui elle devroir commander. Lorsque le terme de sa vie est venu , étendu sur son Kt, le chrétien est encore assailli par ses prêrres dans ses derniers instans. Dans quelques sectes chrétiennes, la 0) Pour peu qu'on Ilse ï'hrstoire , on trouvra que les prèlres chrét.ens ontvoulu .« mèlér de tout : l'église, en bonne mère , s'est mèlée de Ia coeffure, de I habi 'ement, de la chaussure de ses enfans. Dans Ie qumzume s.écle , elle étoit iriitée contre les souliers pointus que ion portott alors sous le „om de souliers ü la poulame. S. Paul, de son tems , avoit décriè Ia fri-ure.  devote'. Ch. XIII. lij religion sc-mble s'être étudiée a rendre I l'homme sa mort mille fois plus amère. Un prêtre tranquille vient porter 1 alarme auprès du grabat d'un mourant; sous prétexte de le reconcilier avec son Dieu, il vient lui faire savourer le spectacle de sa fin (r). Si eet usage est destructeur pour les citoyens, il est au moins ttèsr utile au sacerdoce qui doit une grande partie de ses richesses aux terreur? salutaires qu'il inspire a propos aux chrétiens riches et moribonds. La morale n'en retire pas les mêmes fruits: 1'expérience nous montre que la plupart des chrétiens, vivant atèc sécurité dans le débórdé»nent ou le crime, remetterit a la mort le soin de se reconcilier avec Dieu: a 1'aide d'un repentir tardif et des largesses qu'ils font au sacerdoce , celui-ei expie leurs faures , et leur permet d'espérer que le ciel mer en oubli les rapines, les injüsticës et les crimes qu'ils ont commis pendant tout le cours d'une vie nuisible a leurs semblables. La mort même ne termine point 1'empire du sacerdoce sur les chrétiens, de quelques sectes : ies prêtres mettent a profir son cadovre ; a prix d'argent, on acquiert pour sa dépouille mortelle, le droit d'être déposée dans un temple, et de répandre dans les villes 1'infection et la maladie. Que dis-je ? le pouvoir sacerdotal s'étend même au-dela des bornes du trépas. On achète cherement les prières de 1'Eglise pour délivrer les ames des morts des supplices que 1'on prttend destinés dans (i) Kien de plus barbare que les usages de l'église Romaine, relanvement aux mourans ; les sacremens font mourir plus de monde que les maladies et les médecins ; la fiayeur ne peut que causer des révolutions f,icheuses dans un corps affoibli; cependant la po'ihque s accorde avec la religion pour maintenir ces usages cruels. A Paris, lorsqu un mèdecin a rendu trois visites a un malade , 1'ordonnance veut qu'on lu. faêse administrer les satremens.  I24 Le Chrlstianismt 1'autre monde a les pürifier. Heureux les riches, dans une religion ou , a 1'aide de 1'argent, on peut intéresser les favoris de Dieu a le prier de remettre les peines que sa, justice immuable leur avoit fait infliger (i)! Tels sont les principaux devoirs que le christianisme recommandè comme nécessaires , et de 1'observation desquels il fait dépendre le salur. Telles sont les pratiques arbitraires , ridicules et nuisibles qu'il ose souvent substituer aux devoirs de la société. Nous ne combattrons pas les différentes pratiques superstitieuses admises avec respect par quelques sectes, et rejettées par d'autres, telles que les honneurs rendus a la mémoire de ces pieux fanatiques de ces contemplateurs obscurs , que le .pontife romain met au nombre des saints (2). Nous ne parierons pas de ces pélerinages donr la superstition des peuples fait tant de cas, ni de ces indulgences, a 1'aide desquelles les péchés sont remis. Nous nous contenterons de dire que ces choses sont communément plus respectées du peuple qui les admet, que les régies de la morale , qui souvent sont totalement ignorées. II en coüte bien moins aux hommes de se conformer a des (1) A 1'aide du dogme du purgatoire et de 1'efficacité des pnères de l'église pour en tirer, l'église Romaine est souvent pai venue k dépouiller les families des plu, riches successions. Souvent les bons chrétiens déshéritent leurs parens, po':r denner k l'église, cela s'appeüe faire Son ame héraicre. Au concile de Basle, tenu en r445, les Franciscains bSëWèrent de faire passer en dogmes cette proposition : Beaius Franciscus , ex divinio prwilegio, quoi annis in purgatorium descendit, suosque omnes in caelum deducit. Mais ce dogme trop favorable aux Cordeliers, fut rejetté par les èvêques. L'opinion de l'église catholique est que les prières pour les trépassés sont mirt» en masse commune. Dans ce cas , comme de raison, les plus riches font les frais. (2) On sait que le Dairy, ou pape de Japonnois , a, comme celui des Romains, Ie dróit de canoniser ou de faire des saints. Ces saints se nomment Camis au Japon.  dévoilé. Ch. XIV. rites, a des cérémonies, a des pratiques , que d'être vertueux. Un bon chrétien est un homme qui se conforme exacrement a ce que ses prêtres exigenr de lui \ ceux-ci , pour toutes vertus , lui demandent detre aveugle, libéral et soumis. CHAPITRE XIV. Des effets polhiques de la religion chrétienne. Après avoir vu L'inutilité et même le danger des perfections, des vertus et des devoirs que la religion chrétienne nous propose , voyons si elle a de plus heureuses influences sur la politique, ou si elle procure un bien-être réel aux nations chez qui cette religion est établie, et s'est fidèlement observée. D abord, nous trouvons que par-rour ou le christianisme est admis, il s'établit deux législations opposées 1'une a 1 autre er qui se combattent réciproquemenr. La politique est faite pour maintenir 1'union et la concorde entre les citoyens. La religion chrétienne , quoiqu'elle leur preche de s'aimer er de vivre en paix, anéantit bientót ce precepte par les divisions nécessaires qui doivent s elever parmi ses sectateurs, qui sont forcés d'entendre diversement les oracles ambigus que les livres saints leur .annoncent. Dès le commencement du chrisnamsme, nous voyons des disputes très-vives entre ses docteurs ( i ). (1) Dans Ia première fois que le, apotres s'assemblent dans le coneUe de Jèrnsalem, nous voyons S. Paul en querelle avec S. P.^e, pour savoir s'il falloit observer les rites judaiques , ou b.en y lem nce, IZ hommes qui tenoient la foi de la première ma.u ne purent et.e d'aceord, i!s ne fout pas élé davantage depuis.  ïi6 Le Christianisme Depuis nous ne trouvons dans tous les siècles, que des schismes , des hérésies, suivis de persécutions et de combats très-propres a détruire cette concorde si vantée, qui devient impossible dans une religion oü tout est obscutité. Dans toutes les disputes religieuses les deux partis croient avoir lieu de leur coté, par conséquent ils sont opiniarres. Comment ne le seroient-ils pas , puisqu'ils confondent la cause de Dieu avec celle de leut vanité ? Ainsi , peu disposes a céder de part et d'autre, ils se combattent, se tourmentent, se déchirent, jusqu'a ce que la force ait décidé des qnerelles qui jamais ne sont du ressort du bon sens. En effet, dans toutes les dissentions qui se sont élevées parmi les chrétiens, 1'autorité politique fur toujours obligée d'inrervenir, les souverains prirent parti dans les dispures frivoles des prêtres, qu'ils regardèrent comme des objets de la dernière importance. Dans une religion établie par Dieu lui - même , il n'est point de minutie; en conséquence les princes s'armèrenr conrre une partie de leurs sujers ; la facon de penser de ia cour décida de la croyance er de la foi des sujets; les opinions qu'elle appuya furent les seules véritables; les satellites furenr les gardiens de ['orthodoxie , les aurres devinrent des hérétiques et des rébelles, que les premiers se firent un devoir d'exrerminer (t). Les préjugés des princes ou leur fausse politique , leur ont toujours fait regarder ceux de leurs sujets qui n'avoient point les mêmes opinions queux (0 Un homme d'esprit disoit que la religion orthodoxe étoit, dans chaque état, celle dont étoit le bourreau. En effet, si 1'on y fait attention , on coaviendra que ce sont les rois et les soldats qui ont étaldi tous les dogmes de la religion chrétienne. Si Louis XIV eut yécu, la constitutiou Unigenitus seroit devenua un «rticle de foi parmi nou*.  divoilé. Ch. XIF. 127 sur la religion, comme de mauvais citoyens, dangereux pour l'état, comme ennemis de leur pouvoir. Si, laissant aux prêrres le soin de vuider leurs querelles impertinentes, ils n'eussent point persécuté , pour leur donner du pied, ces querelles se seroient assoupies d'elles-mêmes , et n'eussent point intéressé la tranquillité publique. Si ces rois, impartiaux, eussent réeompensé les bons et puni les méchans, sans avoir égard a leurs spéculations, a leur culte, a des cérémonies , ils n'eussent pas forcé un grand nombre de leurs sujets a devenir les ennemis nés du pouvoir qui les opprimoir. C'esr a force dinjustices, de violences et de persécutions, que les princes chrétiens ont cherché de tous tems a ramener les hérétiques. Le bon sens n'eutil pas du leur montrer qne cette conduite n'étoit propre qu'a faire des hypocrites, des ennemis cachés, ou même a produire des révoltes (1). Mais ces réflexions ne sont point faires pour des princes que le christianisme travaille dès 1'enfance a remplir de fanatisme et de préjugés. II leur inspire, pour toute vertu, un attachement opiniatre a des frivolités, une ardeur impétueuse pour des dogmes étrangers au bien de 1'état, une colère emportée contre tous ceux qui refusent de plier sous leurs opinions despotiques. Dès-lors, les souverains trouvent plus courr de détruire que de ramener par la douceur: leur despotisme altier ne s'abbaisse point a raisonner. La religion leur persuade que la tytannie est légitime, que la cruauté est méritoire, quand il s'agit de la cause du ciel. (1) Louis XIV, apiès ia révocatinn de 1 édit de jVanles, fit. comme 1'on ïait , touimenter les HuguenoÉs?, et leur défendit en même tems de sortir de la France. Cette conduite paroit aussi sensie que celle de ces en/'aus , qui tourmentent des o.seaux qu'ils ont rcnfermés dans ur.e cage , et qui pleurent ensuite , quaud ils ie* ont tués.  I2$ Le Christianisme En effet, le christianisme changea toujours en de-sPotes et en tyrans les souverains qui le favorisèrem; il les représenta comme des divinités sur la terre ; il fit respecter leurs caprices comme les volontés du ciel même; il leur livra les peuples comme des rroupeaux d'esclaves dont ils pouvoient diposer a leur gré. En faveur de leur zèle pour la religion, il pardonna souvent aux monarques les plus pervers , les injusrices, les violences , les crimes ; et sous peine d'irriter le très-haut , il commanda aux nations de gémir, sans murmurer, sous le glaive qui les frappoit au lieu de les protéger. Ne soyons donc pomr surpris si, depuis que la religion chrétienne s'est établie , nous voyons tant de nations gémir sous des ryrans dévots , qui neurenr d'autre mérite qu'un attachement aveugle pour la religion , et qui d'ailleurs se permirent les crimes les plus révoltans, la tyrannie la plus affreuse, les débordemens les plus honreux, la hcence la plus effrénée. Quelles que fussent les injustices, les oppressions, les les rapines des souverains, ou religieux ou hypocrites, les prêtres eurent soin de contenir, leurs sujets. Ne soyons point non plus étonnés de voir rant de princes, incapables ou méchans , sourenir a leur tour les intéréts d'une religion, dont leur fausse politique avoit besoin pour sourenir leur autorité. Les rois n'auroient aucun besoin de la superstirion pour gouverner les peuples, s'ils avoient de 1'équité, des lumières et des vertus, s ils connoissoient et pratiquoient leurs vrais devoirs , s'ils s'occupoient véritablement du bonheur de leurs sujets; mais comme il est plus aisé de se conformer a des rites que d'avoir des talens ou de pratiquer la vertu, le christianisme trouva rrop souvent dans les princes des appuis disposés a le soutenir, et même des bourreaux prêts a le servir. Le*  divoili. Ch. XIV. 129 Les ministres de la religion n'eu'rent pas la même complaisance pour les souverains qui refusèrenr de faire cause commune avec eux, d'embrasser leurs quercllcs, de servir leurs passions; ils se soulevèrent contre ceux qui voulurent leur résister,. les punir de leurs excès , les ramener a la raison, modérer leurs prétcntions ambirieuses, toucher a leurs immunités. Les prênxs crièrent alors a ïimpunïté, au sacrilège ; ils prétendirent que le souverain mettoït la mam a 1''enccnsoir, usurpoit des droirs accordés par Dieu lui-même; en un mot, ils cherchèrent a soulever les peuples contre Fautorité la plus légitime; ils armèrent des fanatiques contre les souverains , rravestis en tytans, pour n'avcir point été soumis a l'église. Le ciel fut toujours prèc a venger les injustices faites a ses ministres; ceux-ci ne furent soumis eux-mêmes, et ne préchèrent la .soumission aux autres que quand il leur fut permis de partager rautoriré , ou quand ils furent trop foibles pour lui résister. Voila pourquoi, dans la naissance du christianisme, nous voyons lesapótres, sans pouvoir, prê~ cher la subordination ; dès qu'il se vit soutenu , il prêcha la persécution ; dès qu'il se vit puissant,, il prècha la révolte , il déppsa les rois, il les fit égorger. Dans toutes les sociétés politiques ou ,1e chrisrianisme est établi, il subsiste deux puissances rivales , qui luttent continuellement 1'une contre 1'autre, et par le combat desquelles 1'état est ordinairement déchiré. Les sujets se partagent, les uns combattent pour leur souverain, les autres combattent, ou croient combattre pour leur, Dieu. Ces derniers doivent toujours, a la fin , I'emporter, tant qu'il sera permis au sacerdoce d'empoisonner 1'esprit des peuples, de fanatisme et de préjugés. C'est en éclairant les sujets qu'on les empêchera de se livrer au fanatisme; c'est en les affranchissant Tomc IV. I  ij© Le Christianisme peu-a-peu du joug de la superstition, qu'on diminUer* le pouvoir sacerdotal, qui sera toujours sans borneS et plus fort que celui des rois, dans un pays ignorant et couvert de ténèbres. Mais la plupart des souverains craignent qu'on n'éclaire les hommes ; complices du sacerdoce , ils se liguent avec lui pour étouffer la raison , et pour persécuter tous ceux qui ont le courage de 1'annoncer. Aveugles sur leurs propres intéréts, et sur ceux de leurs nations, ils ne cherchent a commander qu'a des esclaves, que les prêtres rendront déraisonnables a volonté. Aussi voyons-nous une honteuse ignorance, un découragement total régner dans les pays ou le christianisme domine de la facon la plus absolue : les souverains , ligués avec leurs prêtres, semblent y conjurer la ruine de la science, des arts, de 1'ind'ustrie, qui ne peuvent être que les enfans de la liberté de penser. Parmi les nations chrétiennes, les moins superstitieuses sont les plus libres, les plus puissanres, les plus heureuses. Dans les pays ou le despotisme spirituej est d'intelligence avec le despotisme temporel, les peuples croupissentdans 1'inaction, dans la paresse, dans 1'engourdissemenr. Les peuples de 1'Europe, qui se vanrent de posséder ia foi la plus pure , ne sont pas assurément les plus florissans et les plus puissans; les souverains, esclaves eux-mêmes de la religion, ne commandent qu'i d'autres esclaves , qui n'ont point assez d'énergie et de courage pour s'enrichir eux-mêmes, et pour travailler au bonheur de 1'état. Dans ces sortes de contrées le prêtre seul est opulent, le reste languit dans la plus profonde indigence. Mais qu'importent la puissance et le bonheur des nations a une religion qui veut que ses sectateurs ne s'occupent point de leur bonheur en ce monde, qui regarde les richesses comme nuisibles, qui  dévoilé. Ck.XIF. 151 prêche un DieU pauvre , qui recommandè l'abjection d'ame et la morrification des sens ? C'est, sans doute, pour obliget les peuples a pratiquer ces maximes, que le sacerdoce , dans plusieurs états chrétiens, s'est emparé de la plus grande partie des richesses, et vit dans la splendeur,' tandis que le reste des citoyens fait son salut dans la misère (1). Tels sonr les avantages que la religion chrétienne procure aux sociétés pohtiques ; elle forme un étar indépendant dans 1'état \ elle rend les peuples esclaves ; elle favorise la tyrannie des souverains quand ils sont complaisans pour elle 5 elle rend leurs sujets rébelles ét fanatiques quand ces souverains manquent de complaisance. Quand elle s'accorde avec la politique , elle écrase, elle avilit, elle appauvrir les nations , et lc-s privé de science et d'industrie ; quand elle se sépare d'elle, elle rend les citoyens insociables , turbulens, intolérans et rébelles. Si nous examinons en détail les préceptes de cette religion , et les maximes qui découlent de ses principes, nous verrons qu'elle interdir tout ce qui peut rendre (1) Pour peu qüe 1'on veuille ealculer, on verra qu'en Italië , en, Espagne , en Portugal et en Aliemagnc , les revenus eceiésiastiques doivent excéder , non-seulement ceux des souverains , mais encore ceux du reste des citoyens. On prétertd que 1'Espagile seu o renfeime plus de cinq cent mille prêtres , qui jouissent de revenu» ïiiimenses. Assurémenl le roi d Hspagne n'a pas le slxième de res revenus pour dèfendre 1'état. Si 'es moines et les prêtres sont nècessjires a un pavs , }1 faut convenir que le ciel lui fait payer bien chèrement des ferières. J.'expulsiou des Maures a ruiné riUpagne; il n'y a que 1'extinction des moines qui puisse la rétabln. Mais cette opération demande beaucoup d'adresse ; un roi , qui la tenteroit trop brusquement , seroit a coup s'jr détróné par des peunles qui ne s; ntitoient pas le bien qu'il vou. droit leur faire II faut, avant toutes choses, que 1'Espagne soit ius* Mruite, et que le peuple soit content de son maitre. I X  13 2 Le Christianisme un état florissant. Nous .avons déja vu les idéés d'im- perfection que le christianisme attaché au mariage et 1'estime qu'il fait du célibat : ces idees ne sont point faites pour favoriser la population , qui est sans contredit la première source de la puissance pour un état. Le commerce n'est pas moins contraire aux vues d'une. religion dont le fondateur prononce 1'anathême contre les riches , er les exclur du royaume des cieux. Toute industrie est également interdire a des chrétiens parfaits qui mènent une vie provisoire sur la terre; et qui ne doivent jamais s'occuper du lendemain (i). Ne faur-il pas qu'un chrétien soit aussi téméraire qu'inconséquent, lorsqu'il consenr a servir dans les armées ? Un homme qui n'est jamais en droit de présumer qu'il soit agréable a son Dieu, ou en état de grace , n'est-il pas un extravagant de s'exposer a la damnation èternelle ? Un chrétien qui a de la charité pour son prochain, er qui doit aimer ses ennemis, ne devienr-il pas coupable du plus grand des crimes, lorsqu'il donne la mort a Uï-cjaonime dont il ignore les dispositions, et qu'il peut tout d'un coup précipiter dans 1'enfer (1 ). Un soldat est un monstre dans lé christianisme, a moins qu'il ne com batte pour la cause' de Dieu. S'il meurt alors, il devient un martyr. Le christianisme déclara toujours la guerre aux sciences (1) S. Jean Chrisostome dit: •> qu'un marrhand ne pent jamais jj'aire a sou Dieu, qu'un chrétien ne peut être ntarchand, et qu'il faut 1» c'iasser de l'église ». II se foade sur un passage du pseaume 70. Je riai point connu le négoce. (2) . Lactance dit qu'un rhtétien ne neut être ni soldat, ni aoeif* „steur. Voy-z to^ie I , page i5t. Les Quater» et les Jlcnnonires m portent point i«s aime* , i.» »out plus eonséquens que les autres ehréiieiis.  dcvcUé. Ch. XI F. MS « anx connoissanccs humaines; elles fü^^êjtdées comme Uh obstacle au salut \ M scunce cnfU 3 ait un apócre. II ne faut ni raison, ni étude, a dè-hommes «fli doivent soumettre leur raison au joug de fce la ton De laveu des chrétiens, les rondateurs deleur-«hêion furent des hommes grossiers et ignorans\ ij faut que leurs disciples ne soient pas plus éclairés -queu*, pour admetire les fables et les rêveris que ces ignorans ses vérés ont transmises. On a toujours remarqué que les hommes les plus éclairés ne sont communément que de mauvais chrédens. Indépendamment de la hoi que la science peut ébranler, elle détourne- le ciueu^n da ïvuvre da salut, q-i est la seule ventableir.ent necessaire Si la science est utile a la société politique, 1 ignorance est utile a la religion et a ses ministres. i.es , siècles dépourvus de science er d'industrie, furent aes sikhs d'or pour l'église de Jésus-Christ. Ce kit a ors que les rois lui furent le plus soumis \ Ce fut alors que ses ministres attirèrent dans leurs mams routes les richesses de la société. Les prêtres d'une secte trcsnombreuse veulent que les hommes qui leur sont soumis, ignorent meme les livres saints , qui contiennent les régies muls doivent suivre. Leur conduite est sans doute trés-sage; la lecmre de la bible est la plus propre de routes a désabuser un chrétien de son respect pour la bible (1). (,) T.epapeS. Gr-Voi.e fit ttfttffc, 'le son tems, liri grand nombre de livres des parens. Dés Ie commenceme'nt du cli.istiau'sme ; nous ioTOnj que S. Paul se fit appofter des livres pour les faire butler ; ,V oui sVst toujours depuis pratique. dans regjisé. Les tenrsMu cTiristlinisme auroiént dü dèfemlre, sous peiné de damnatmn , de i unals a»pre...l« 4 'ire. L égliae Komaine» fait très-sagefneht tV*tet les lixres dés saints SU ...aio. du vu'gaire. Dès qu'on ent commenco He. lire d'ans le sei/lème siècle, tout se ren.nl t UV.è.ie, « de revolte, cou-re es p.èues. L'ueuieux tems poaj l'.'glise , ou ies mö.AeJ I 3  1134 , Le Chrïstianisme En un mot, en suivant a la rigueur les maximes du chnsriamsme, nulle société politique ne pourroit subsister. Si Ion doutoit de cette asserrion , que 1'on ecoute ce que disent les premiers docteurs de l'église on verra que leur morale est totalement incompatiblê avecla conservation et la puissance d'un état. On verra que, se on Lactance , nul homme ne peut ètre soldat: que, selon St. Justin, nul homme ne peut ètre magistrat; que, selon Sr. Chrisostóme , nul homme ne doit faire le commerce j que, suivant un très-grand nombre , nul homme ne doit étudier. Enfin en joignant ces maximes a celles du Sauveur du monde, il en resultera qu'un chrétien qui, comme il le doit, tend a sa perfection, est le membre le plus inurile a son pays, a sa famile, a tqus ceux qui 1'entourent; c'est un contemplateur oisif, qui ne pense qu'a 1'autre vie, qui n a rien de comrnun avec les intéréts de ce monde, et na rien de plus pressé que den sortir promptement (i). Ecoutons Eusèbe de Césarée, et voyons si le chré- seuls .avoient lire et .crire, e, oi ft sc fais0;ent Jes titres de . .«..on ! S. Ion douuoit de 1, hain. ou du m,plis ie, de „J pour les acjences ou en trouvera les preuves dans les passages suivLS. Jerome dit : Geomelria, aiitkmetirn l i ■ . , ' "'"'■>"e"ca : musea , habent m sud scienttd ventatem, sed non ex scientu! Uld , scUnlia est noscere seymra,, etintéWgereprophetas, evangelia credere, prophetasnonjgnorare. Vide Hier. Ep. ad Tim», s. Ambroise dit : Lid tarn absurdum qua,n de astronomid et geometrid tractare , et profunda » et évfque su.vant , sont\a n,émf chose, évan,, dit-il, 9ue, "f" itf iüt des Jisttoctims dans la rclLim. Aujourn hoi, les ëv«q«e , ■ „e sont bons 1 tien , jouissen, de gro, revenus, et un g.and nusub,. it eurés, qui tmaillejit, moment d* faiaB,  r?8 lè Christianisme del'autdj on peut croire que ces évêques sepayèrent Par leurs prop.es manrs, de leurs inLc^~Tt ent a portée de puiser dans le rrésor public. C ux qui tenterent de nouvelles conquêtes spirituelles, IZ en 2 qU ,Is CO"'-™^oienr. Quoi qu'il en sou les tresors amassés par la crédule piété deU v3e d /n?UXi °haCUn gou- vernet er disposer des; deniers de Ia communauré : deh des bngues des factions, que nous voyons commencer avec l'église de Dieu M T ec ƒ°"S a'm toujours ceux qu! revin ent le Irl' fT*** ^omperdesinaxim^^ et rutne^6 i anW d-ueura dans 1'abjection , « rut pmecute, ses évêques et ses prêtres , en discorde ^ S°;fmentj « ^ ^telles n^ forti A °rSi maiS l0rSC1Ue Co-«ntin voulut breux er .^/^ ^ Revenu très-nomweux, et a qui son obscurité avoit permis de s'érendre tout changea de face dans l'église-, les chefs des chrétiens, séduits par 1 autorité , /t devenus nsans, se combanirent ouvertement: ils engagèrent les ouverains dan leurs querelks; .ls ^jr. leu- nvaux; et peu-a-peu comblés d'honneurs et de riches- Z'Jl1 "e/'eCOnnUt Plus e» euxlessuccesseursdeces Pauvres apotres ou mcssagers t que Jésus avoit envoyes pour prêcher sa doctrine; ils deyinréntdes princes. (') I! )' avoit convent du sa„„ r6pandu aQX £Z , , .  dévoilé. Ch. XV. ï?J qni, soutenus par les armes de 1'opinion , furent en état de faire la loi aux souverains eux-mêmes , et de mettte le monde en combustion. Le pontificat, par une imprudence facheuse, avoit été, sous Constantin, séparé de 1'Empire; les Empereur eurent bientót lieu de s'en repentir. En effet, 1'évêque de Rome , de cette ville jadis maitresse du monde, dont le nom seul étoit encore imposant pour les nations, sut profirer habilement des troubles de 1'Empire , des invasions des barbares, de la foiblesse des Empereurs trop éloignés pour veiller sur leur conduite. Ainsi, a force de menées er d'intrigues, lepontifeRomain parvint a s'asseoir sur le tröne des Césars. Ce fut pour lui que les Emile et les Scipions avoient combattu ; il fut regardé , dans 1'occident, comme le monarque de l'église, comme 1'évêque universel, comme le vicaire de Jésus-Christ sur la terre, enfin, comme L'organe infaillible de la divinité (i). Si ces titres haurains furenr rejerrés dans 1'orient, le pontife des Romains règna sans concurrent sur la plus grande partie du monde chrétien; il fut un Dieu sur la terre; par 1'imbécillirédes souverains, il devint 1 arbitre de leurs destinées; il fonda une theocratie , ouun (1) On sait que la préémiaence des papes , toujours contestée par les paiiiarclies d'Alexanj'rV, de Constaniinople et de Jérusalem , est fondée sur une équlvoque qni se trouve dans le Nouveau-Testarnent. Le Pape se prétend successeur de S. Piene, a qui Jésus dit: Tu es i'ierre, et sur cette pierre je fonderai mon église. Mais les meil'eurs critiques nient que S. Pierre ait jamais été k Rome. A 1'éfjard de 1'mfaillibilite du Pape, quoique plusieurs chrétiens aieut assez de force d'esprit pour le nier, en recueillant les voix, on verra que eest un. vérité iucontestable dans 1'esprit des Espaguols, des Itahens, des Portugais, des Allemands, des Flamands, et même de la plupart des F.anca'is. Be'larmin assure quele Pape est eu droit d« f^lre des iujustices. Jurc potsst contra jus decernere.  *4° Le Christianisme gouvernement divin, dont il fut le chef; ét les rois furent ses lieutenans. II les détrèna , il souleva les peuples conrr'eux, quand ils eurent 1'audace de lui résister:en un mot, ses armes spirituelles, pendant une loneZ 6 £"« II. ch. .. Les prêtres Egyptiens ont toujour* au moin, ■ ie dixmes, et furent exempts de to.,*. les charges pubn.mes Moyse, qui étoit un Egyptien et de la ni'.m de Lev, ams, que le Seu des Juifs, ne pa.oi.sont occupés que du sou. de f„r. subs^er le. nrè.res, 1 1'aide des sacriHces et 4<« dixmes qu',1. leur a,s,gr,ent. Les prêtres chrétiens ont indubicablement .uccèdi au, drotts des prêtres  141 Le Christianisme Ainsi les intéréts du sacerdoce furent séoarés rf* ceux de la société; des hommes, voués a dT e chois.s pour être ses mmistres , ne furent point confondus avec des sujets prophanes ; les lou et les tl bunaux ctvrls n eurent plus aucun pouvoir sur eux; i s ne furent ,uges que par des hommes dé leur próp* corps. Par-la , es p]us grands excès ^ °£ vent rmpunrs; leiu- personne , , D °U fu mvrolable et Sacrée (0. Les souverains furen obhges de defendre leurs possesstons , er de les próreger, sans quils contribuassenr aux charges publi- c^vinr" f m0mS ^ COntritófél" q« W qu tl onvtnt a leurs mtercts; e„ un mot ces homme ré_ vetes furent nnpunément nuisibte et méchans, etne verent dans leS socrétés , que pour les dé orer , Pe^^t^:^^etde p-; nattstt^/ïf SièCleS'^' ^ . . '.. f, leUlé ds Jeufs instrucrions ? Ces hommes m ailhbles ont-ils pu convenir entr eux sur 1 pomts les plus essenuels d une religion révelée pat la dj .Tuifs : d'oü 1'on voit que ce sero/- „„ , . • . payer les jj,m„ k j.L;' ' gra"d P*** <7"e de ne point fcfe 47. -v. a6. nous ,„„„,, , ordma.res. X>^,s /„ Genese 9 «ft li. Selon //^"X:'4 T ^ ^ voit, s'en sont tenus , la L \1L T ^' ''°n (.) La cause des démèi s d \Ien T H '^^PTt ^ b'MS' Archeveoue de Cantor!.., (Thomas S^ytT^l voulut puntr des ecclésiastmues nour J.. ■ , monarrjue eu* commis., En dem.er lieu e " 1%'""TV.t des t-ar citer vainement la pe.missio , de fa V"" " ** «»• *»» Tempé dans le cL" de "ze r,, '"^ d"''Mi,«' «'•.vol, glise ne spuffte pas r^'^'S^Z 7 '1 f*"^ Ion qu'elle ,H„TO & „„- . 1 , ' '5Se ""'"sf"; eest pour de faire rendre c^^. " ~ ^ ^ " ^  dêvo'dé. Ch. XV. 14) vinité ? Qu'elle étrange révélation , que celle qui a besoin de commentaites et d'interprétationsconrinuels? Que penser de ces divines écrirures, que chaque secre entend si diversement ? Les peuples , nourris sans cesse de 1'instruction de tant de pasteurs; les peuples, éclairés des lumières de 1'évangile , ne sont, ni plus verrueux , ni plus instruits sur 1'arlaire la plus importante pour eux. On leur dit de se soumettre a l'église, et l'église n'est jamais d'accord avec elle-même; elle s'occupe, dans tous les siècles, a réformer, a expliquer, a détruire, a rétablir sa céleste doctrine •, ses ministres créent au besoin de nouveau dogmes, inconnus aux fondateurs de l'église. Chaque age voit naltre de nouveaux mystères, de noüvelles formules, de nouveaux articles de foi. Malgré les inspirations de 1'esprit saint, le christianisme n'a jamais pu atteindre la clarté , la simplicité , la consistance , qui sont les preuves indubitables d'un bon systême. Ni les conciles y ni les canons , ni cette foule de décrets et de loix , qui •forment le code de l'église, n'ont pu jusqu'ici fixer les objets de la croyance de l'église. Si un Payên sensé vouloir embrasser le christianisjme , il seroit dès les premiers pas jerté dans la plus grande perplexité, a la vue des sectes multipliées, dont ahacune pretend conduire le plus stirement au salut, et se conformer le plus exactement a la parole de Dieu. Pour laquelle de ces secres osera-t-il se déterminer j voyant qu'elles se regardent avec horreur, et que plusieurs d'entr'elles damnent impitoyabiément toutes le? autres •, qu'au lieu de se tolérer , elles se rourmentent et se pérsécurent, et que celles qui en ont le pouvoir, font sentir a leurs rivales les cruautés les plus étudiées, et les fureurs les plus contraires au repos des sociétés ? Car , ne nous y trompons point, le chris-  144 Le ChrlstLinisme .tianisme, pén content de viclenter les hommes pour les soumettre extérieurement a son culte, a inventé i'art ,de tyranniser la pensée et de tourmenter les consciences; art inconau a toutes les superstitions payennes. Le zèle des ministres de l'église ne se borne point a 1'extéüeur; ils fouillenr jusques dans les replis du cceur; ils violent insolemment son sanctuaire impénétrable ; ils justifient leurs sacriléges et leurs ingénieuses cruaarés par le grand intéret qu'ils prennent au salut des .ames. Tels sont les elfets qui résuitent nécessairernent des principes d'une religion qui croit que IVrreur est un ,crime digne de la colère de son Dieu. C'est en ccvn_séquence de ces idéés que les prêtres , du consentement des souverains, sent charges, dans certains pays, de maintenir la foi dans toute sa pureté. Jugcs dans leur propre cause , ils condamnent aux Hammes ceux dont les opinions leur paroissenr dangereuses (i);entourés de delateurs , ils épient les actions et les discours des citoyens, et sacrifient a leur sureté tous ceux qui leur font ombrage. C'est sur ces maximes abomi,nables que \'Inquisitien est fondée; elle veut trouver (.) Le, tr.bunaux cWls , quand fU sont juste, , ont pour maxïme S. ehercher tout ce qui peut tendre i la défense de IVruse ; le ,ri|,on,| de l,nq,m,:,on prend «actgent le ccmre;pied. Jamais on „e dit" a Jaccuse la cause de sa dëtention , jamais o„ „e lui cohïrbnte Ie, , C moms; .gnore son crime, n faut pourtant qu'il l'arone. Voila le» rnaxtmes des pmres chrétien,. Jl est vrai cue l'inqnisitton ne cohBamne personne 4 motrrir ; des prêtres ne peuvent verser du san. nar eax-rneme. : cette fonction est réservée" au ' bras séeu'.Vr. et° !-e, fourbe» font mine d'intetcéder pour le CCupable, b.en sürs de n'e.re potn.t ecoutes. Que dis-je ? j|, feroient , san., doute , un beau br ir s, les magtstrat. a'Ioient Ie, pr.udre au mot. Conduite bien && il ces homraes , en qui 1'intérët étouffe 1'uumam'té , la slncérite , la des  dévollé. Ch. XV. des coupablès, eest 1'ètre déja que de lui avoir donné des soupcons. Voila les principes d'un tribunal sanguinaire , qui perpétue 1'ignorance et fengourdissement des peuples par-rout oü la fausse politique des rois lui permet d'exercer ses fureurs. Dans des pays qui se croient plus éclairés et plus libres , nous voyons des évêques qui n'ont point dé honte de faire signer des formules er des professions ie foi a ceux qui dépendent d'eux, ils leur font des questions captieuses. Que dis-je ? les femmes mêmes ne sont point exemptes de leurs recherches ; un prélat veut savoir leur sentiment sur des subtilitès inintelligibles pour ceux même qui les ont inventées. Les disputes entre les prêtres du christianisme firent naitre des animosités, des haines , des hérésies. Nous en voyons dès la naissance de l'église. Un systême fondé sur des merveilles, des fables , des oracles obscurs, doit être une source féconde de querelles. Au lieu de s'occuper des connoissances utiles , les théologiens ne s'occupèrent jamais que de leurs dogmes; au lieu d'étudier la vraie morale et de faire connoitre aux peuples leurs vrais devoirs , ils cherchèrent a faire des adhéreas. Les prêtres du christianisme amusèrent leur oisiveté par les spéculations inutiles d'une science barbare et énigmatique , qui, sous le nom de science de Dieu ou de théologie , s'attira les respects du vulgaire. Ce systême, d'une ignorance présomprueuse opiniatre et raisonnée , semblable au Dieu des Chrétiens, fut ïncompréhensible comme lui. Ainsi les disputes naquirent des disputes. Souvent des esprits profonds et dignes d'êrre regrettés , s'occupèrent paisiblement de subtilitès puériles, de questions oiseuses , d'opinions arbittaues, qui , loin d'être utiles a la société , ne firent que la Tomé IV, K  *4 Ie Christianisme troubler. Les peuples èrirfèrent dans des querelles qu'ils n'entendirent jamais; les princes prirent la défense de ceux des prêtres qu'ils voulurent favoriser • ils décidèrenr a coup d epée 1'orthcdcxie , et le parti qu'ils chomrent accabla tous les autres ; car les souverains se croient toujours cbligés de se méler des dispures théologiques; ils ne voient pas qüen s'en m'êlari't, ils leur donnent dc 1'importance et du poids , et toujours les prêtres chrétiens appellèrent des secours humains, pour sourenir des opinions dont pourrant ils croyoient que Dieu leur avoit garanti la durée. Les héros que nous trouvons dans les annales de l'église ne nous rrïöntrenr que des fanatiques opiniatres qui furent les victimes de leurs folies idéés, ou des persécuteiirs furieux, qui rraitèrent leurs adversaires avec la plus grande inhumanité, ou des factieux qui troublèrenr les nations. Le monde , du tems de nos pères, s'est dépeuplé pour défendre des extravagances qui fönt rire Linè postérité qui n'est pas moins insensée qu'eux. Presque dans tous les siécles on se plaignit hautement des abus de l'église; on paria de les réformer. Malgré certe prétenduè réforme dans le chef et les membres de l'église , elle fut toujours corrompue. Dès prêtres avides , turbulens , séditieux , fifèftt gémir les nations sous Ie poids de leurs vices , et les princes furent trop foibles pour les ramener a la raison. Ce ne fut cue les divisions et les querelles de ces tyrans, qui diminuèrent la pesanteur de leur joug pour . les peuples et pour les souverains. L'empire du^pontife romain , après avoir duré un grand nombre de siécles, fut enfin ébranlé par des enthousiastes irrités , par des sujets rébelles qui osèrent examiner les droits de ce despote rèdoutable. Pldsieürs princes, fatigués de leur esclavage et de leur pauvreté , embrassèrenr des bpi-  dévoïlé. Ch. XV. 147 nions qui les mirent a pcrtée de s'emparer des dépouilles du clerge. Ainsi , 1'unité de l'église fut déchirée, les sectes se multiplièrent, et chacune combartit pour défendre son systême. Les fondareurs de cette nouvelle secte, que le pontife de rome traite de novateurs , ó!hérétiques , et d'impies , renoncèrent , a la vérité , a quelques-unes de leurs anciennes opinions ; mais , contens d'avoir fait quelques pas vers la raison , ils n'osèrent. jamais secouer entièrement le joug de la supersririon; ils continuèrent a respecter les livres saints des Chrétiens; ils les regardètent comme les seuls guides des fidèles ; ils prétendirent y trouver les principes de leurs opinions; enfin , ils mirenr ces livres obscurs , ou chacun peut trouver aisément tout ce qu'il veut, et ou la divinité parle souvenr un langage contradictoire , entre les mains de leurs sectateurs , qui , bientöt égarés dans ce labyrinthe rorrueux, firent éclore de nouvelles sectes. Ainsi , les chefs des sectes , les prétendus réformateurs de l'église , ne firent qu'entrevoir la vérité ou ne s'attachèrent Jqu'a des minuties ; ils continuèrent a respecter les oracles sacrés des Chrétiens, a reconno'itte leur Dieu cruel et bizarre; ils admirent sa myrhologie extravagante , ses dogmes opposés a la raison ; enfin, ils adoptèrenr des mystères les plus incompréhensibles, en se rendant pourtant dirficiles pour quelques autres (i). Ne soyons donc point surptis , si , malgré les réformes , le fanatisme , les disputes, les persécu-' tions er les guerres , se firent sentir dans route 1'Eu- (1) De quel droit les protestans , qui admetten*' la trinité , 1'incarriation , le baptême, etc. rejet ent-ils le mystère de la transubstantiatiation? Quand on fait tant que d'admettre up.e abs .rdité, pourguoi l'arréter en chemin ? K i  148 Le Christianisme rope; les rêveries des novateurs ne firent que la pionger dans de nouvelles infortunes ; le sang coula de toutes parts , et les peuples ne furent ni plus raisonnables ni plus heureux. Les prêtres de toutes les sectes vouluient toujours dominer, tr faire regarder leurs décisions comme infaillibles et sacrées: toujours ils persécutèrenr quand ils en eurent le pouvoir ; roujours les nations se prêtèrent a leurs fnreurs ; toujours les états furent ébranlés par leurs farales opinions. L'intolérance et 1'esprit de persécurion sont 1'essence de toute secte qui aura le christianisme pour base ; un Dieu cruel, partial, qui s'irrire des opinions des hommes , ne peut s'accommoder d'une religion douce et humaine (1). Enfin , dans toute secte chrétienne, le prêrre exercera toujours un pouvoir qui peut devenir funeste a 1'état ; il y formera des enthousiastes , des hommes mystiques, des fanatiques, qui exciteronr des troubles routes les fois qu'on leur fëra entendie que la cause de Dieu le demande, que l'église est en danger, qu'il s'agit de combattre pour la glcire du très-haut. Aussi voyons-nous dans les pays chrétiens, la puissance temporelle servilement soumise au sacerdoce , occupée a exécuter ses volontés, a exterminer ses ennemis, a maintenir ses droits, ses riches ses , ses im- (1) Calvin fit bruler Servet a Genève. Quoique les prêtres protestans laissent a leurs sectateurs le droit d Vxaminer, ils les punissenr, quand le fruit de leur examen n'est pas le m.'me que le leur. Les Eglises protestantes ne se vantent pas d'être infaillibles; mais elles veulent que 1'on sutve leurs décisions, conrae si elles 1'étoient. C'est pour des querelles de religion, et faule de toiéiance, que Charles ï fut forré de perdre la têle. Quoique les nations protestantes se yantent d'être tolérantes , la différence de religion en met beaucoup entre les citoyens ; le calvmtste le ljuihërien, 1'anglican haissent Ie papiste et le mépiisent, de même que celui-ci darane. Par-tout la secte dominante fait cruelleïnent sentir sa supérioiité aux autres.  dévoilé. Ch. XV. i49 münités. Dans presque toutes les nations soumises a 1'évangile , les hommes les plus oisifs, les plus séditieux , les plus inutiles et les plus dangereux , sonr les plus honores et les mieux récompenses. La superstition du peuple lui fait croire quil nen fait jamais assez pour les ministres de son Dieu. Ces sentimens sont les mêmes dans toutes les sectes (1). Par-tout les prêtres en imposent aux souverains , forcent la politique de pl er sous la religion , et s'opposent aux instrtutions les plus avantageuses a 1'état. Par-tout ils sont: les instituteurs de la jeunesse, qu'ils remphssent , des lenfance , de leurs tristes préjugés. Cependant, c'est sur-tout dans les contrees qui sont restées soumises au Pontife roma.n , que le sacerdoce a toujours joui du plus haut dégté de richesse et de pouvoir. La crédulité leur soumir les rois eux-memes, ceux-ci ne furent que les exécuteurs de leurs volontés souvent cruelles; ils furent prêts a tirer le glarve toutes les fois que le prêtre 1'ordonna (z). Les monarques de la secre romaine , plus aveugles que rous les autres, eurenr dans les ministres de l'église une confiance imprudenre , qui fut cause que presque toujours ils se pi-êtèrent a leurs vues intéressées. Cette secte ertaca toutes les autres par ses fureurs intoléranres et ses persécutions atroces. Son humeur turbulente et cruelle la rendir justement odieuse aux nations moins deraisonnables, c'est-a-dire moins chrétiennes (3). (,) JVn excepte pc.rtanv les QuaKers ou Trembleuis , qu, ont le bon esprit de ne vouloir point de prêtres dans leur secte. (ï) Ad nutum sacerdotis , comme a dit le dou.t S. Bernard. (5) Dieu rejette les tiédes • tout chrétien doit avo.r du zc le , puts„„•il doit aimer tendrement son Dieu. Un roi très-chrétten dott tout «terminer, plu.öt nue de soufftirque ses sujets offensent son Dteu. Philippe 11 et Louis XIV lurent des rots vtaiment rhrettens. Les An- K 3  Ii° Le Christianisme N'en soyons point étonnés , k religion romaine rut purement inventée pour rendre le sacerdoce toutpuissant ; ses prétres eurent le talent de s'idenrifïer avec la divinité, leur cause fut toujours la sienne leur gloire devint la gloire de Dieu, leurs decisions furent des oracles divms, leurs biens appartinrent au royaume du ciel ; leur orgueil , leur avance , leurs cruautés futent legitimés par les intéréts de leur céleste toafc». bien plus, dans cette secte le prêtre yjr son souverain a ses pieds , lui faire un humble aveu de ses fautes , et lm demander d'être reconcilié avec son Dieu Parement yit-on le prêtre user de son ministère sacré pour le bonheur des peuples 3 il ne songea pomt a reprocner aux monarques 1'abus injuste de leur pouvoir les misères de leurs sujets , les pleurs des opprimés! trop timide ou trop bon courtisan pour faire tonnerla vente dans leurs oreilles, il ne leur pa.de point de ces vexations multipliées sous lesquelles les nations gémissent, de ces impöts onéreux qui les accablent ,°de ces guerres inuriles qui les détruisent, de ces mvasions perpetuelles des droits du citoyen ; ces oojets n'intéressent point l'église , qui au moins seroit de quelque utiiite , si elle employoit son pouvoir pour mettre un h-ein aux excès des tyrans superstitieux fj). Les rerreurs de 1 autre monde seroient des mensonges pardonnables glo,setles Hollandois sont de, chrétiens tiédes et lache, , qui prefirent la prospèr.tè de J'éiat et du eomme.ee éux «térêt, de la religion. Danslechr.stiani.me, tolér.nce et in lifférence pour Ia religion sont devenus syuon.me,. comment peut-on e b:a.„er le pa, ,i de Ia tolérance , dan., une r. ligion dont le fondateur a dit : Qui nest pas avec mot est contre moi. (O Le maréchal B** di,oit i Loui., XIV : . Je conroi., bien que "™"e ",a)8,t;' ,rou" »» confesseur qui, pour avo-ir da aédit, lui » donne la soluiion - n, ;» „, „„., „■ , , „ ... ' •'•> I' "■ eonroi, pas comment le père Teil.et » trouve que'qu un pour 1'absoud-e lui-même v.  dévoilé. Ch. XV. ifi si elles servoien: a faire trembler les rois. Ce ne fut point la 1'objet des ministres de la religion ; ils ne stipulèrent presque jamais les intéréts des peuples ; ils encensèrent la ryrannie : ils eurenr de 1'indulgence peur ses crimes réels ; ils lui fournirent des expiations aisées; ils lui promirent le pardon du ciel, si elle entroit avec chaleur dans ses querelles. Ainsi , dans la religion romaine , le sacerdoce régna sur les rois ; il fut par conséquent assuré de régner sur les sujets. La superstition et le despotisme firent donc une alliance éternelle , et réunirent leurs efforts pour rendre les peu- • pies esclaves et malheureux. Le prêtre subjugua les sujets par des terreurs religieuses , pour que le souverain put les dévorcr; celui-ci , en récompense , accorda au prêtre la licence , l'opuience , la grandeur, et s'engagea a détruire tous ses ennemis (i). Que dirons-nous de ces docteurs que les Chrétiens appellent Casuistcs , de ces prétendus moralistes qui ont voulu mesuter jusqu'oü la créature peut, sans risquer son salur , offenser son créareur; Ces hommes profonds ont ènrichl la morale chrérienne d'un ridicule tarif de péchés; ils savent le dégré de colère que chaque pêché excite dans la bile de 1'ètre suprème. La vraie morale n'a qu'une mesure pour juger des fautes des hommes: les plus graves sont celles qui nuisent le plus a la société. La conduite qui fait tort a nousmêmes , est imprudente et déraisonnable ; celle qui nuit aux autres est injuste et criminelle. (1) les nations cathojiqnes sont les p'us ignorantes et les p'us esclaves de 1'Europe ; l'e-,c!avage religieus entraine 1'esclavage politique les prêtres de 1'Eglise Romaine semblent faire aux souverains la même proposiiion que le diable lit a Jêsus-Chi ist, lorsqu'il le tent* dans le dêsert. Ifcec omnia ubi dabo , si cadens adoravsris me. Nous te bvrerons tous tes sujets pleds et poings Hés , si tu veux te sonmeltre k nos fantaisiei. K 4  ij2 Le Christianismt Tout, jusqu'a 1'oisiveté même \ est récompensé dans les prêtres du christianisme. De ridicules fondations font subsister dans 1'aisance une foule de fainéans qui dévorent la société sans lui prêter aucun secours. Les peuples , déja accablés par des- impóts , sont encore tourmentés par des sangsues qui leur font acheter chèrement des prières inutiles , qu ils font négligemment, tandis que rhomme a talens , le savant industrieux, le miliraire courageux , languissent dans 1'indigence , ou n'ont que le nécessaire , des moines paresseux et des prêtres oisifs , jouissent d'une abondance honteuse pour les états qui la tolèrent (i). En un mor, le christianisme rend les sociétés complices de tous les maux que leur font les ministres" de la divinité ; ni 1'inutiiité de leurs prières prouvée par 1'expérience de ranr de siècles, ni les effets sanglants de leurs funestes disputes, ni même leurs débordemens et leurs excès , n'onr encore pu détromper les nations de ces hommes divins , a 1'existence desquels elles ont la simplicité de croire leur salur attaché. (i) La saryre la plus fort? , qui ait jamais été faite de. prélres du christianisme est eontenue dans S. Mathieu , chap. 23. Tout ce que le Christ y dit des Scribes et des Pharisien» convient exactement a nos prêtres. Dans la parabole du Samaritain, Jésus-Christ nous fait entendre que les prêtres sont, de tous les hommes, les moins humanis. II est rare, parmi nous, que les mendians s'aJi csscnt a un ecclésiastique.  dévoïlé. Ch. XVI. M3 CHAPITRE XVI et dernier. CON CL U S I ON. Tout ce qui a été dit jusqu'ici, prouve de la facon la plus clairé, que la religion chrétienne est contraire a la saine politique et au bien-être des nations. fclle ne peut être avantageuse que pour des princes depourvus de lumières et de vertus , qui se croiront obhges de régner sur des esclaves, er qui, pour les dépouiüer ' etles tyraiiniser impunément, se ligueront avec le sacerdoce , dont la fonction fut toujours de les tromper au nom du ciel. Mais ces princes imprudens doivent se souvenir que pour réussir dans leurs projets , ils ne peuvent se dispenser d'être eux-mêmes les esclaves des prêtres, qui tourneroient infailliblement contre eux leurs armes sacrées , s'ils leur manquoient de soumission, ou sits refusoient de servir leurs passions. Nous avons vu plus haur3 que la religion chrétienne par ses vertus fanatiques , par ses perfections msensees, par son zèle, n'est pas moins nuisible a la saine morale , a la droite raison, au bonheur des individus , a 1'union des families. II est aisé de sentir qu'un ebrenen qui se propose un Dieu lugubre et souffrant pour modèle, doit s'affliger sans cesse er se rendre malheureux. Si ce monde n'est qu'un passage , Si cette vie nest qu'un pélerinage, il seroit bien insensé de s attachér a rien ici-bas. Si son Dieu est offensé soit par les actions soit par les opinions de ses semblables, il doit, s il enale pouvoir, les en punir avec sévénté , sans cela il manqueroit de zèle et d'affection oour ce Dieu. Un  *M Le Christianisme bon chrétien doit, ou fuirle monde, ou s'y rendre in- commode a Jui-même et aux autres. Ces réflexions peuvent suffire pour répondre a ceux qui pretendent que le christianisme est utile a la politique et a la morale , et que, sans la religion , l'homme ne peut avoir de vertus ni être un bon citoyen. I/inverse de cette propostion est sans doute bien plus vraie, et Ion peut assurer qu'un chrétien parfair, qui seroit consequent aux principes de sa religion, qui voudroit imirer fidelement les hommes divins qu'elle lui propose comme des modèles , qui pratiqueroit des austémés, qui vivroitdans la solitude, qui porteroit leur enthousiasme , leur fanatisme , leur entêtement dans ia société un rel homme, dis-je, n'auroit aucunes veitus reeües, ce seroit ou un membre inutile a 1'état, ou un citoyen incommode et dangereux (i) A en croire les parrisans du christianisme, il sembleroit oud n'existe point de morale dans les Pays oü cette rehgion n'est point établie : cependant, un coup dtril superhciel sur le monde, nous prouve qu'il y a des vertus par-tout : sans elles aucune société politique r MU 017übsistel'- Chez M Chmois , les Indiens, les Mahométans, il existe , san, doute, de bons pères, je b0ns mans des enfans dociles er roconnoissans des sujets fidcles a leurs princesj et les gens'de bien ** I. Holland* »I IJ* ^' " -0'1 *" ' **  dévoilé. Ch. XVI. 155 y seroient , ainsi que parmi nous , plus nombreux s'ils étoient mieux gouvernes et si' une sage politique f au lieu de leur raire enseigner dès 1'enfance des religions insensées A leur donnoit des loix équitables, leur faisok enseigner une morale pure er non dépravée par le fanatisme , les mvitnit a bien faire , par des récompenses ■ et les detournoit du crime par des chatimens sensibles. En effet, je le répète , il semble que par-tout la religion n'ait été inventée que pour épargner aux Souverains le soin d'être justes, de faire de bonnes loix et de bien gouverqer. La religion est 1'art d'enivrer les hommes de 1'enthousiasme pour les empêcher de s'occuper des maux dunt ceux qui les gouvernent les accablent ici-bas. A 1'aide des puissances invisibles dont on les menace, on les force de souftrir en silence les misère' dont ils sont affiigés par les puissances visibles; on leur fait espérer que s'ils consentent a être malheureux en ce monde , ils seronr plus heureux dans un aurre. C'est ainsi que la religion est devenue le plus grand ressort d'une politique injuste et lkhe , qui a cru qu il falloit tromper les hommes, pour les gouverner plus aisérnent. Loin des princes éclairés et vertueux des mojeas si bas ! Qu'ils apprennent leurs véritables intéréts ; qu'ils sachent qu'ils sont hés a ceux de leurs sujets; qu'ils sachent qu'ils ne peuvent être eux-mêmes réellement puissans, s'ils ne sont pas servis par des citoyens courageux, actifs , industrieux et vertueux, attachés a la personne de leurs maitres; que ces maitres sachent enfin, que 1'attachement de leurs sujets ne peut être fondé que sur le bonheur qu'on leur procure. Si les Rois étoient pénétrés de ces importantes véntés, ils n'auroient besoin , ni de religion, ni de prêtres,  O* Le Christianisme pour gouverner les nations. Qu'ils soient justes, qu'ils soient équitables, qu'ils soient exacts a récompenser les talens et les vettus , et a décourager 1'inutilite , les vices et le crime, et bientót leurs états se rempliront de citoyens utiles , qui sentiront qUe ieur propre inreret les invite a servir la patrie , a la défendre , a chétit le Souverain, qui sera 1'mstrument de sa félicité • ils n auront besoin , ni de révélation , ni de mystères ] mde paradis , ni d'enfer, pour remplir leurs devoirs La morale sera toujours vaine, si elle n'est appuvee par 1 autorité suprème. C'est le Souverain qui doit être le souverain ponrife de son peuple ; c'est a lui seul qu'il appartient dënseigner la morale, d'inviter a la vertu de forcer a la justice , de donner de bons exemples ' de repnmer les abus et les vices. H arfoibht sa puissance, dès qu'il permet qu'il s'élève, dans ses états une puissance , dont les intéréts sont divisés des siens, dont la morale n'a rien de commun avec celle qui est nécessaire a ses sujets, dont les principes sont directement contraires a ceux qui sont utiles a la société ^ est pour sêtre reposés de 1'éducarion sur des prêtres enthousiaste, et fanatiques , que les princes chrétiens noat dans leurs états que des superstitieux, qui n'óht d autre vertu qu'une foi avëugle, un zèle emporté une soumission peu raisonnée a des cérémonies puénles, en un mor, des notions bizarres , qui n'influent point sur leur conduite, ou ne la rendent point meilieure. En effet, malgré les heureuses infiuences qu'on attnbue a la religion chrétienne, voyons-nous plus de vertus dans ceux qui la professenr, que dans ceux oui Iignonentï Les hommes rachetés par le sang d'un ü4u meme, sont-ils plus justes , plus regies, plus honnêtes que d autres ? Parmi ces chrétiens, si persuadés de leur  dévoïll Ch. XVI. 157 religion, sansdoute qu'on ne trouve point d'oppressions, de rapines, de fornications , d'adultères \ Parmi ces courtisans pleins de foi, on ne voit, ni intrigues, ni perfidies, ni calomnies > Parmi ces prêtres, qui annoncent aux autres des dogmes redoutables, des chatimens terribles, comment trouveroit-on des injustices , des vices, des noirceurs ? Enfin , sont-ce des incrédules, ou des esprits -forts, que ces malheureux , que leurs excès font tous les jours conduire au supplice ? Tous ces hommes sont des chrétiens, pour qui la religion n'est point un frein , qui violent sans cesse les devoirs les plus évidens de la morale, qui ofrensent sciemment un Dieu qu'ils savent avoir irrité , et qui se Hartent, a la mort, de pouvoir , par un repentir rardif 3 appaiser le ciel, qu'ils ont outragé pendant tout le cours de leur vie. Nous ne nierons point cependant, que la religion chrétienne ne soit quelquefois un frein pour quelques ames rimorées, qui n'ont point la fougne ni 1 energie malheureuse qui font commettre les grands crimes, ni 1'endurcissement que 1'habitude du vice fait contractei. Mais ces ames timides eussent été honnêtes , même sans religion; la crainte de se rendre odieux a leurs semblables , d'encourager le mépris, de perdre leur réputation, eussent également retenu des hommes de cette trempe. Ceux qui sont assez aveugles pour fouler aux pieds ces considérations , les mépriseront également, malgré toutes les menaces de la religion. On ne peut pas nier non plus, que la crainte d'un Dieu, qui voit les pensées les plus secreties des hommes , ne soit un frein pour bien des gens; mais ce fjein ne peut rien sur les fortes passions, dont le propre est d'aveugler sur tous les objets, nuisibles a la société. D'un autre cöté, un homme habkuelkment honnête.  li§ Le Christianisme n'a pas besoin d'être vu , pour bien faire ; il crainr d'être obligé de se mépriser lui-même, d'être forcé de se haïr, d'éprouver des remords, sentimens affreux peur quiconque n'est pas endurci dans le crime. Que 1'on ne nous dise point que , sans la crainte de Dieu , l'homme ne peut éprouver des remords. Tout homme' qui a recu une éducation honnête, est forcé deprouver en lui-même un senriment douloureux, mêlé de home et de crainte, toutes les fois qu'il envisage les actions deshonorantes dont il a pu se söuffier : il se juge souvent lui-même, avec flus de sevérité que ne feroient les autres; il redoute les regards de ses semblables ; il voudroir se Fufr lui-même, et c'esr-la ce qui constitue les remords. En un mot, la religion ne met aucun frein aux passions des hommes , que la raison , que 1'éducation, que la saine mor; le ne puissent y mettre bien "plus' efficacement. Si les méchans étoient assurés d'être punis toutes les fois qu'il leur vient en pensée de commettre une action deshonnête , ils seroienr forcés de s'en désister. Dans une société bien constituée, le mépris devroit toujours accompagner le vice, er les chatimens suivre le crime; 1'éducarion , guidée par les intéréts publics, devroit toujours apprendre aux hommes a s'estimer eux-mêmes , a rêdouter le mépris des autres a craindre 1'infamie plus que la mort. Mais cette morale ne peut être du goüt d'une religion qui dit de se mépriser , de se haïr , de fuir 1'esrime des autres, de ne chercher a plaire qu'a un Dieu dont la conduite est «explicable. Enfin, si la religion chrétienne est, comme on le prétend , un frein aux crimes cachés des hommes, si elle opère des effets saluraires sur quelques individus , ces avantages si rares , si foibles , si douteux , peuvent-  devoilé. Ch. XVI. iS9 ils être comparés aux maux visibles , assurés et immenses que cette religion a produits sur la terre } Quelques crimes obscurs prévenus, quelques repentirs stériles er rardifs , quelques futiles restitutions , peuventils entrer dans la balance vis-a-vis des dissentions continuelles, des guerres sanglantes, des massacres affreux, des petsécutions, des cruautés inouies, dont la religion chrétienne fut la cause et le prérexte depuis sa fondation ? Contre une pensée secrette que cette religion fair étouffer , elle arme des nations entières pour leur destruction réciproque; elle porre 1'incendie dans le coeur d'un million de fanatiques elle met le tfouble dans les families et dans les états; elle arrose la terre de larmes et de sang. Que le bons sens décide après cela des avantages que procure aux chrétiens la honne nouvelle que leur Dieu est venu leur annoncer. - Beaucoup de personnes honnêtes, er convaincues des maux que le christianisme fait aux hommes, ne laissent pas de le regarder comme un mal nécessaire , et que 1'on ne pourroit, sans danger, chercher a déraciner. L'homme , nous disent-ils, est superstitieux, il lui faut des chimères; il s'irrire lorsqu'on veut les lui óter. Mais je réponds que rhomme n'est superstitieux que paree dès 1'enfance tout contribue a le rendre tel; il attend son bonheur de ses chimères 'paree que son gouvernement trop souvenr lui refuse desréalirés; il ne s'irritera jamais contre ses Souverains quand ils lui fetont du bien, ceux-ci seront alors plus forrs que les prétres er que son Dieu. En effet, c'est le Souverain seul qui peut ramener les peuples a la raison; il ebtiendra leur confiance et leur amour , en leur faisant du bien ; il les détrompera peu-a-peu de leurs chimères, s'il en est lui-même détrompé, il émpêchera la süpérstïuön de nuire , en la  i6o Le Christianisme méprisant, en la divisant, en autorisant la toléranee des différenres sectes , qui se battront réciproquement, qui se démasqueront, qui se rendront mutuellement ridicules : enfin, la superstition tombera d'elle-même, si le prince , rendant aux esprits la liberté, permet a la raison de eombattre ses folies. La toléranee et la liberté de penser sont les véritables contre-poisons du fanatisme religieux ; en les mettant en usage , un prince sera toujours le maïtre dans ses érats; il ne parragera point sa puissance avec des prêtres séditieux , qui n'ont point de pouvoir contre un prince éclairé, ferme et vertueux. L'imposture est timide, les armes lui rombent des mains a 1'aspect d'un monarque qui ose la mépriser , et qui est soutenu par l'amour de ses peuples et par la ferce de la vérité. Si une politique criminelle et ignorante a presque par-tout fait usage de la religion pour asservir les peuples et les rendre malheureux, qu'une polirique vertueuse et plus éclairée 1'affoiblisse et 1'anéantisse peu^-peu, pour rendre les nations heureuses; si jusqu'ici 1'éducation n'a servi qu'a former des enthousiastes et des fanatiques, qu'une éducation plus sensée forme de bons citoyens; si une morale , étayée par le merveilleux et fondée sur 1'avenir, n'a point été capable de mettre un frein aux passions des hommes, qu'une morale , établie sur les besoins réels et présens de 1'espèce humaine , leur prouve que, dans une société bien constituée, le bonheur est roujours la récompense de la vertu; la honte, le mépris et les chatimens, sont la solde du vice et les compagnons du crime. Ainsi , que les Souverains ne craignent point de voir leurs sujets détrompés d'une superstition qui les asservit eux - mêmes, et qui , depuis tant de siècles, s'oppose au bonheur de leurs états. Si Terreur est un , mal,  dévoilé. Ch.XVI. 161 mal, qu'ils lui opposent la vérité ; si 1'enthousiasme est nuisible, qu'ils le combattent avec les armes de la raison; qu'ils relèguent en Asie üne religion enfantée par 1'imagination ardente des orientaux; que notre Europe soit raisonnable, heureuse et libre , qu'on y voye règner les mceurs, 1'activité , la grandeur d'ame , 1'industrie, la sociabilité , le repos ; qu'a 1'ombre des loix, le Souverain commande et le sujet obéisse; que tous deux jouissent de la süreté. N'est-il donc point permis a la raison d'espérer qu'elle reprendra quelque jour un pouvoir depuis si long-tems usurpé par Terreur , 1'illusion et le prestige ? Les nations ne renonceront-elles jamais a des espérances chimériques , pour songer a leurs véritables intérêrs ? Ne secoueront-elles jamais le joug de ces tyrans sacrés , qui seuls sont intéressés aux erreurs de la terre ? Non , gardons-nous de le croire; la vérité doit a la fin triompher du mensonge; les princes er les peuples , fatigués de leur crédulité , recourront a elle ; la raison brisera leurs chaïnes > les fers de la supersrition se rompront a sa voix souveraine , faite pour commander sans partage a des êtres inrelligens. Amen. Tornt IK   AVANT-PROPOS. Xj'HOMME est né pour la vérité, il la cherche quand elle lui manque, il 1'estime et la chérit quand il croit 1'avoir rencontrée. L'homme est si peu fait pour Terreur , que toutes les fois qu'on a voulu 1'y faire romber, il a fallu le séduire et le tromper en lui présentant des phantómes auxquels on a donné tous les titres du vrai er toutes les apparences de la réaliré. C'est enfin, paree que la vérité a toujours été chérie , roujours désirée du genre humain , qu'il n'a néanmoins dans presque rous les tems été nourri que de mensonges , paree qu'on n'a jamais cessé d'abuser de son heureux penchanr et de son avidité naturelle pour la connoitre et pour la posséder. Si les hommes d'aujourd'hui , plus naturellement éclairés qu'ils n'ont jamais été , aiment et chérissent encore leurs préjugés et leurs folies opinions , c'est paree qu'ils les croient établis sur une longue suite de faits et d'événemens incontestables •, c'esr paree qu'ils s'imaginent que leurs chimères sont les vérirables annales du monde , auxquelles, en effet, Timposture a su les lier si étroitement et par des chaines si longues et si étroites qu'elles paroissent également indestructible les unes et les autres. Ce ne sonr donc point leurs préjugés et leurs opinions mêmes, que les hommes respecrent et adorent c'esr 1'apparence du vrai dont elles sont décorées, c'est le sceau de 1'authenticité qu'on a su leur arracher. Que le vrai paroisse , j'ose ètre le garant de Thommage qu'il recevta du genre humain. Avec de semblables dispositions dans le cceur des L 2  IÓ4 AvANT-PROPOS. hommes, on doit être étonné , sans - doute , de voir qu'ils ont si peu profité de 1'exemple de ces esprits heureux, de ces génies distingués que la nature a produits de siècle en siècle pour éclairer 1'univers , pour remerrre la raison dans ses droirs et pour lui rendre son ressort. On les a vu, ces génies , secouer avec intrépidité et a la face de route la terre, le joug humiliant de Terreur : néanmoins cette erreur subsiste et subsistera véritablement encore long-tems. Oü est donc eet empire de la vérité , dira-t-on ? Ou est ce penchant vers elle que je me fais un si grand plaisir de voir dans tous les cceurs ï Cet empire, ce penchant, ces mutuels attrairs , ne seroient-ils ici que les illusions d'une ame qui prise trop le genre humain ? Gardons-nous de nous arrêrer sur un soupcon aussi abominable, sans doute. Loin de croire que rhomme puisse se plaire dans le mensonge, et qu'il soit incorrigible, ne faut-il pas plutot penset que 1'esprit et le génie s'y sont mal pris pour réussir , et même qu'ils sont insuffisans quand ils sont seuls, pour la destruction des erreurs qui ont établi leur empire sur la terre ? Cet empire , tantöt séduisant , tantot tyrannique, que 1'on révère depuis tant de siècles , est fondé, comme nous venons de le dire , sur une longue succession de faits et d'événemens que 1'on peut regarder comme les places forres de 1'erreur. Si nous considérons dans ce point de vue quelle conduite ont tenu l'esprit et le génie quand ils ont osé se soulever conrre ce redoutable empire, nous verrons que les gens d'esprit n'ont jamais fait que la petite guerre , sans oser s'approcher des forts et des remparts qu'ils n'auroienr point été capables de détruire. Nous verrons que les hommes de génie n'ont fait que des invasions hardies et éclatantes,  A"VANT-PROPOS. 165 a la vérité, mais sans succès continu, paree qu'ils ont dédaigné des siéges toujours pleins de lenteur, pour ne livrer que des batailles plus conformes a leur audace et a leur caractère. II leur auroit fallu, pour des sieges de cette espéce _, des munitions et des armes particuliéres: jamais ils n en ont voulu d'autres que leurs forces naturelles et leur courage. Pour cesser la comparaison , rous les faits sur lesquels les erreurs du monde enrier sont fondées, n'ont jamais été considérés par les gens d'esprit qu'avec mépris ou indirïérence, ou bien ils ne les ont attaqués que par des satyres er des plaisanreries, sans se donner la peine de les étudier et même de les connoitre. Les hommes de génie ont été plus kin , il est vrai: leurs attaques ont été plus vives; les traits qu'ils ont lancés avec force contre 1'ensemble rotal des erreurs, ont causé plus d'épouvante: mais comme ils n'onr pas non plus pris ces erreurs en dérail, qu'ils n'ont jamais opposé des faits aux faits qu'elles nous opposent; voila les causes de leur peu de succès, et de la constante durée des préjugés des mortels, dont on ne pourra voir le terme et la chute qu'autant qu'on les attaquera en détail, qu'on en suivra la chaine pied a pied , et qu'on les prendra corps a corps les uns après les aurres. II est aisé de reconnoitre a présent qu'il s'en faut de beaucoup que telle ait été la conduite même des plus grands hommes. Jamais 1'incrédulité qu'ils ont témoigné sur tout ce qui captive le reste de la terre n'a été la suite d'une conviction motivée sur des faits et sur des preuves évidentes et palpables. Ce n'a jamais été que par la scule force de leur génie qu'ils onr mcins vu que pressend quels étoient les égaremens du monde. Ce n'est que d'après ces pressentimens _, dont les hommes de génie seuls sont capables, qu'ils ont hautement L 3  lC6 AvANT-PROPOS. refusé a Terreur 1'hommage que la vérité seule peut obrenir de ces grands caracrères. Aussi esr-il arrivé dela que leur génie n'a servi que pour eux seuls. Si leurs exemples ont quelquefois ébranlé , ils n'ont pu rien détruire j paree qu'ils n'ont pu convaincre le genre humain qui demande des preuves , er non des pressenrimens ou des raisonnemens métaphisiques. Nous devons donc prévoir que tel grand que soit le penchant général vers la vériré, les préjugés établis subsisreront jusqu'a ce que le progrès des connoissances, qui fera plus en un jour que Tesprit et le génie, présente au genre humain Texamen juridique de ses opinions et jusqu'a ce que Thomme puisse voir de ses propres yeux , par une sorre de géographie morale, quelle est sa véritable posirion a 1'égard de la vérité. Soyons sürs alors du parti qu'il choisira : semblable au voyageur qui reprend sa route après les rénèbres qui lont égaré , il ne balancera jamais entre une erreur démontrée er la vérité enfin trouvée et reconnue. J'ai cru ces premières réflexions nécessaires avant Texposition des fables que je dois examiner dans cette disserrarion. Elles présenreront des absurdirés si grossières qui ont été et sont encore adorées, qu'il en auroit pu résulter , contre mon dessein , quelques réflexions contraires a Thonneur du genre humain, si 1'on n'eüt été prévenu avec quelle bonne foi naturelle il s'est toujours conduit lorsqu'on lui a fait embrasser des erreurs ou lorsqu'on a voulu Ten dépouiller.  DISSERTATION SUR ÉLIE ET ÉNOCH. Stupete Gentes. préliminaire s. Entre toutes les fables et les erreurs qui se sont répandues au sujer d'Elie depuis deux mille six cent ans environ , et sur Enoch depuis plus de cinq mille cinq cent ans, 1'on a oublié de mettre en leur nombre 1'idée oü 1'on a été , et oü 1'on est encore } que ces fables ou ces histoires sont propres et particulières aux Hébreux. L'objet de cette dissertation sera de faire connoitre que tout ce que le peuple superstitieux a debité au sujet de ces deux prophêtes, apparrienr aux erreurs communes a routes les nations de la tetre et aux ages du monde connus les plus reculés. II ne suffira donc point pour en voir ou pour en comprendre 1'origine, de considérer les fables chez les Hébreux seuls et en parriculier , comme on s'est contenté de faire jusqu'a présent; mais il sera nécessaire de rappeller en forme de préliminaire, les découvertes aussi simples que singulières qui viennent d'être faites sur tout ce qui concerne les ooinions religieuses de 1'antiquité et sur les sources l 4  168 Dissertation communes des égaremens de 1'univers. Elie n'occupe qu'un coin de ce nouveau tableau. Levons le voile pour un instant, ec considérons-le tout entier. Les désastres et les calamités dont le monde fut accablé lors de ces anciennes révolutions de la nature, donr mille monumens physiques sont les témoins indestructibles , avoient affecté , comme nous avons vu dans nos recherches sur le despotisme oriental, le genre humain si profondément , que dégouté de son existence et instruit de la fragilité de son séjour, il avoit tourné toutes ses vues religieuses du cóté de 1'autre vie, dont il se faisoit alors des peintures d'autant plus séduisantes et d'autant plus vives, que la vie d'ici bas étoit malheureuse er rraversée. Cette attente d'un avenir plus heureux étoit pour le genre humain, une ressource dans ses malheurs er une consolarion très-puissante dans ses misères, paree que le désordre rnême qui règnoit dans toute la nature, en lui montrant sa dissolution prochaine , sembloit lui montrer en même tems la fin de ses peines et de ses ennuis. Plus les calamités étoient grandes , rlutót 1'homme espéroit en voir le rerme : et les ruines de 1'univers ébranlé éroient pour les mortels , aussi religieux alors que misérables , les annonces et les signes de cette paix et de cette éternelle harmonie vers laquelle ils soupiroient sans cesse. L esquisse que nous avons déja crayonné de toutes les religions du monde , nous a fait voir par le concert de tous les usages et de toutes les tradirions des peuples , que c'est a ces tems déplorables que les dogmes de la vie future , de la descente du grand juge er du jugement dernier , ont dü le crédir oü ils ont été de toute antiquité. Ce même exquisse, envisagé d'age en age , nous a  sur Elle et Enoch. 169 fait ensuite connoitre toutes les cormptions étrangères que ces dogmes sacrés ont subi et toutes les formes bizarres qu on leur a laissé prendre a mesure que le calme s'esr trouvé rendu a la nature , a mesure que les hommes, moins misérables, sont devenus moins religieux, a mesure enfin , que la succession des siécles a éteint le souvenir du passé , a ruiné les monumens et a changé le sens des symboles historiques , civils et religieux, dom insensiblemenr on a perdu 1'intelligence. Enfin , nous avons vu que eest de ces dogmes si saints en eux-mêmes et qui pouvoient être si utiles au bonheur et a la tranquilliré de routes les sociétés de la terre , que sonr néanmoins sorties des calamités politiques, sans nombre, des fables dont on ne soupconne pas encore toure la srupidité , et des cultes monstrueux par 1'abus que fait 1'ignorance de tous les symboles anciens qui les représentoient , et de tous les usages religieux qui y avoient rapporr. Pour en donner quelques exemples relatifs au sujet que nous avons choisi dans ce vaste tableau, comme dans les tems voisins des révolutions de la nature } tous les météores étoient les annonces de la fin du monde et de 1'approche de la vie furure , c'est de-la que, par une suire , les météores, les éclipses et les comètes , sont devenus des objets de superstition chez toutes les nations de la terre ; les unes s affligeant alors dans la crainre de la fin du monde et du retour des ténèbres anciennes , et les autres se réjouissant dans la perspective de la vie future. Plus généralemenr les météores et les phénomènes n'ayant plus conservé de rapport avec le destin du monde en général; chaque nation , chaque particulier même, n'y a plus vu que les signes prophéüques des événemens politiques de son pays ou de sa familie ; de-la 1'astrologie , et tous les peuples  17'o Dissertation enfin , a la vue de ces prétendus signes, ont pratiqué des usages bizarres et singuliers , dont ils n ont jamais pu nous déduire les raisons et les motifs, mais dont nous avons vu dans son lieu 1'heureuse solution. C'est du dogme de la future venue du grand juge que sont sorties mille idees chimériques er diversifiées a 1'infini chez toutes les nations anciennes, d'un être imaginaire, d'un conquérant, d'un prophéte, d'un législateur qui viendroit un jour changer la face de la terre. Comme tantót le soleil ou une etoile, tantót un homme , un bceuf, ou un cheval avoient été primitivement les symboles représentatifs de ce grand juge futur; de-la les uns ont attendu un autre soleil, d'autres une étoile nouvelle, plusieurs un roi, un homme merveilleux \ et quelques-uns, comme les Indiens du Mogol, un dieu sous la forme d'un cheval qui viendroit juger Turnvers. C'est dans ce dogme , si ridiculement personnifié , que s'étoit aussi formé cet être indeterminé qu'attenioient les Hébreux comme un conquérant qui soumettroit 1'univers a la Judée , et qui feroit'de leur Jérusalem la capitale du monde assujetti. Les éclipses, les comêtes, les phénomènes ayant été anciennement les annonces du jugement dernier et de la descente du grand juge , rous les météores er les comêtes sur-tout , conservoienr le privilege d'êrre les signes de la ruine des empires, et les annonces de la mort ou de la naissance des rois , dès conquérans et de toutes lestêtes faites pour changer la face du monde. C'est de-la en particulier que les signes du ciel furent toujours regardés comme-les avant-coureurs des personnages chimériques auxquels le dogme du grand juge ayoit donné lieu. Aussi les Juifs eurent-ils grand soin d aller demander a celui qui prétendoit être celui qu'ils  sur Elie'et Enoch. 171 attendoient, qu'il leur montrat des signes dans le soleil et dans la lune. C'étoit-la, en effet, le sceau authentique et antique de la venue du grand juge et de la fin du monde , que cette imbécile nation avoit confondue avec un conquérant , er avec la fin des empires de la rerre. Ce qui ne prouve que trop leur farale méprise, er celle du monde entier ; ce sont ces allarmes sur la fin du monde, dont les premiers siècles de notre ère ont été stupidement les dupes et les victimes. Les erreurs sur les anciens dogmes furent inséparables, paree que les dogmes eux-mêmes étoient inséparables. Comme le ciel avoit été 1'emblême le plus universel du grand juge , et le lever de 1'auroie 1'image de sa future enrrée triomphante , les yeux ont toujours été fixés vers 1'orient , et cet aspect du monde a été regardé comme le cöté ou le grand juge paroitroit, et d'ou viendroit un jour le renouvellemenr tant attendu, aussi bien que les signes qui doivent 1'annoncer. De-la le crédit de 1'aspect orienral dans la science des Aruspices , et de-la les temples, regardés comme les maisons furures du grand juge sur la terre, ont été tournés vers le córé par ou 1'on s'imaginoit qu'il viendroit un jour. Le raotif de cette ancienne et universelle disposition de la porte de tous les temples, a tellement eu pour objet primirif d'offrir une enrrée facile et directe au grand juge, que lorsque , par une autre erreur , les rems de 1'arrivée de ce grand juge furent désignés par des nombres mystérieux ou sabbathiques qui rendirent la folie des hommes périodique comme le cours des astres qu'elle consultoit 3 ces portes, ordinairement fermées, s'ouvroient solemnellement a 1'entrée de ces périodes. Sans en rappeller les exemples que nous avons été chercher dans le culte des Grecs et des Romains, jettons seulement les yeux sur les Hébreux,  i -ji Dissertatïon qui, chaque premier jour de la semaine , chantoient, attollite portas ozternales, et introïbit rex glorice. Rapprochons ensuite ce canrique des usages des nations payennes qu'ils n'ont jamais cessé d'avoir. Jérémie leur reproche de garder dans leurs temples des chevaux et des chars dédiés au soleil , d'aller tous les matins a la porte oriëntale saluer eer astre et d'examiner avec inquiétude 3 comme tous les autres peuples , ce que le lever de 1'aurore annoncoit d'heureux ou de malheureux. Nous avons vu, par 1'étude particuliere que nous avons faite de ces usages, que ces chevaux et ces chars consacrés au soleil n'ont été , aussi bien que les boucliers de Jérusalem er de Rome , que des équipages destinés au grand juge quand il arriveroir. II est donc vrai que la disposition des temples , que les cantiques des Hébreux qu'ils ne comprenoient plus, et tous ces différens usages qui y ont rapport, avoient eu primitivement pour objet le grand juge , et son arrivée du cöté de 1'orienr. C'est ainsi que, par la suite des tems , nous avons été les témoins que c'étoit du cóté de 1'Europe, que les oracles Américains s'étoient attendus a des législateuirs, commes les Romains autrefois craignoienr de les voir arriver du cóté de 1'Asie , et comme nous voyons aussi les Asiatiques les chercher eux-mêmes au-dela de 1'horison de leur pays, attente ridicule, sans doure, dont les termes placés aux extrêmirés du cercle, nous font bien voir quelle est la raison pour laquelle les Hébreux onr arrend u et attendent encore. Pour rendre ces préliminaires plus complets, et dimmuer, s'il se peut, par certe préparation , la surprise que le développement des fables d'Elie et d'Enoch ne peut manquer de produire quand on ne connoit pas  sur Elle et Enoch. i-$ encore la véritable ch&me des égaremens de 1'esprit humain , rappellerois-je aussi les abus sorris du dogme de Ia vie future 3 ces abus ont été ridicules chez les uns , cruels et sanguinaires chez le plus grand nombre. L'Isis a la téte de vache, emblême de la paix et de 1'abondance, en étoit primitivement 1'innocenr symbole , paree qu'on s'attendoit a jouir dans 1'autre vie de la paix et de 1'abondance qu'on ne trouvoit plus dans celle-ci. Cette figure allégorique éroit alors le viatique qu'on portoit aux moribonds qu'il falloir encourager dans le fatal passage. Mais, lorsque les instructions dont cette cérémonie étoit sans doute accompagnée, eurent été négligées, et qu'on eut substitué la vache même a l'Isis, insensiblement 1'antique Troglodite et 1'imbécile Indien se sont imaginé que les ames des justes passoient dans le corps de cet animal, et les gentils de 1'Inde n'ont point aujourd'hui de plus grande consolation , au dernier moment de la vie , que de tenir la queue d'une vache , er de se faire reli gieusement arroser de sa bouze ou de son urine pour rendre 1'ame purifïée digne du séjour qu'elle doit habiter. Nous n'aurions qu'a rire de cette plaisante imagination, s'il n'étoit pas arrivé un autre abus bien plus funeste au genre humain. Comme les promesses de cette heureuse vie et de cet état de splendeur et de félicité qu'on faisoit envisager aux jusres dans le règne futur, étoient inscrires et célébrées dans des prières, des hymnes et des recueils sacrés, ces hymnes et ces recueils, corrompus et devenus en partie inintelligibles, devinrent avec le tems , des recueils d'oracles et de prophéries qui ne furent plus que les voiles sacrés de I'ambition des nations , qui , en diverses régions et en divers tems,  174 Dissertaüon s'emparèréijt des ten-es de leurs voisins a titre de terres promises par les Dieux. Chaque peuple s'appropriant les belles destinées promises aux justes , se regarda comme un peuple élu a qui la monarchie universelle étoit réservée par les oracles. Les malheureux Cananéens exrerminés par Josué , n en sonr pas les seuls exemples. C'étoit par Tabus de ce dogme du règne des justes que les fanatiques Hébreux envahirent autrefois une partie de la Phénicie, et c'est d'après les anciens dérails de la félicité et de 1'abondance de la vie future qu'ils n'ont cessé de nous faire des peintures romanesques sur les délices, la beauté, la richesse et la fertilité de leur misérable Judée. C'étoit de même par principe de religion, et sur la foi des sybilles que les Romains marchèrent aussi avec une confiance intrépide a la conquête du monde entier. Selon eux , les dieux s'intéressoient puissammenr a leur monarchie : c'éroient les dieux qui en conduisoient et qui en avoient prédit tous les succès. Nous avons vu dans le détail de cette partie de leur ïeligion, que les livres sybillins n'étoient que des livres apocaliptiques, corrompus er très-anciens, oü il n'avoit été question que de la fin du monde , du jugement dernier, du grand juge et de la vie future. C'esr enfin paree que les hymnes des Hébreux, que les chrétiens ont adoptés, sont des hymnes de la même espèce et de la même source que les hymnes des sybilles , tcstc David cum Sybilla, que la Rome nouvelle s'imagine y voir des promesses sur 1'universabilité de son règne (i) et de son étendue ; titres fabuleux (1) Le piétendu regne de 1'Eglise n'est que le regne des justes dans le ciel, que 1'ignoiance el 1'ambition ont fait descendre sur U icrre.  sur Elie et Enoch. tyr et chimériques qui dans tous les tems ont fait ruisseler le sang sur la terre. L'Amérique même , cette région si séparée de l'ancien monde, a été la victime de ce dernier dogme corrompu chez elle et dans les autres conrinens. Ce fut après une suite de fausses rraditions que les Américains recurent d'abord a bras ouverts des bourreaux qu'ils regardèrent dans les premiers momens de leur arrivée comme étant ces dieux enfans du soleil et du ciel , qui, selon les anciens oracles de leur pays, et selon leurs chansons religieuses , devoient un jour venir de 1'orient : ils crurent les reconnoitre a leur puissance et a leur foudre: mais ils ne les reconnurent que pour en être foudroyés. Cette rrisre et malheureuse contrée disoir, il n'y a pas rrois eens ans, ce que Virgile chantoit il y a plus de dix-sept siècles , lorsque la folie du tems échauffoit son génie poétique. Ultirna Buma?i -venit j«m carminis tetas ; Magnus ab integro sczclorum nascilur ordo. Jam redit et virgo ( *) , redeunt Saturnia regna ; Jam nova progenies ccelo dimittitur alto. Les Américains prirent réellement les Espagnols pour cette nova progenies de Virgile : toutes les anecdotes des découvertes successives faites en ce pays nous en ont pleinement convaincu après la recherche que nous en avons faire. Voila pourquoi ce peuple infortuné baisa d'abord les pas des premiers Européens qui descendirent sut ses rivages. Si nos pères eussent (*) Cette Vierge n'est autre chose que l'Isis anc.'enne , a tète «Je vache , dont la sculpture grecque *vo«'t fait une vierge porunt la corne d abondance.  iy6 Dissertatie»! été moins avides d'or que d'encens , il n'auroit tenu qu'a eux, vu la prévention de ces climats, d'en devenir les dieux, c'est-a-dire d'en faire la féliciré. Qnelle occasion perdue d'instruire des millions d'hommes, et d'en être bien recu! elle ne se trouvera jamais si belle; mais c'est assez de ces préliminaires : ils développent suffisamment le plan général des erreurs de 1'univers. Enrrons dans le détail parriculier des erreurs des habitans de la Judée, et commencons par Elie. É L I E. Les saintes chroniques des Hébreux nous donnent 1'époque de 1'enlèvement miraculeux du prophéte Elie, sous les règnes d'Ochozias , roi de Jérusalem , et de Josaphat, roi de Juda , 1'an 901 , avanr notre ére vulgaire. Depuis ce tems la nation juive attend son retour, et les chrétiens, comme leurs évangiles et leurs pères nous rapprennenr, ont hérité de ce même dogme. L'attente des Juifs esr si constante , que dans les assemblées de parens et d'amis , en présence desquels ils fonr la circoncision de leurs enfans, ils ont 1'usage encore aujourd'hui, de mettre dans la salie de la compagnie un siége distingué qu'on laisse vuide pour le prophéte, s'il lui plaisoit de revenir. Tous les jours, a la fin de chaque repas , ils demandent a Dieu son retour , aussi bien que 1'arrivée de leur Messie. Regarderons-nous ce dogme singulier de la future venue d'Elie, comme une suite des ces vieilles erreurs que les symboles personnifiés di grand juge qu'on attendoit, avoient occasionnées chez toutes les nations de la terre ? Le dogme de la fin du monde, toujours adjoint et toujours uni a celui de 1'attente d'Elie, comme il  sur Elie et Enoch. 177 il étoit uni autrefois a celui du grand juge , ne pourroit-il pas êrre un des premiers motifs de nos soupcons-? » Je vous enverrai, dit Malachie, le prophéte i, Elie , avant que le grand et le terrible jour du Sei" gneur arrivé ». Les Juifs , en effet, ont toujours regardé sa venue comme ï'annonce du grand sabbarh d'Israël-, et dans ce siècle fameux oü la peur de la fin du monde commenca a fiiire courir par la Judée, et ensuite dans tout 1'empire Romain , des zélés qui prêchoient la pénitence aux mortels et la révolurion finale, les Juifs alors cherchoient leur Elie par-tout. Tantöt ils pensoient que c'étoit Jean , et tantöt que c'étoit Jésus, ainsi que nous 1'apprennent ceux-mêmes qui ont fait les évangiles qui nous restent. Sur quoi nous devons remarquer qu'il est toujours arrivé , depuis ce rems-la , que toutes les fois que les peuples ont été frappés des mèmes rerreurs, chaque fois aussi les peuples prévenus , ont été chercher 1111 Elie ; et qu'on n'a jamais alors manqué de fanatiques hardis , qui ont tenté d'en faire le röle, en se conduisant d'après le plan de sa vie future qui, grace aux prophêtes , et a 1'imagination des hommes, est écrite et toute faite d'avance, pour la commodité, sans doute, des chevaliers-errans du fanatisme. Si nous rapprochons des époques communes , marquées pour la venue d'Elie , er pour la descenre du grand juge, la valeur intrinsèque de ce nom Elie, qui signifie le Très-Haur (1) , et qui désigne le Dieu feu, et le soleil étoit jadis son emblême , nous pourrons encore möins méconnoïtre dans le dogme des Juifs, Terreur commune des nations, puisque les époques , comme la valeur du nom, concourenr a ne nous faire fi) Hos, le Fort, Evech, le Dieu fort, Elion le soleil Tome IK M  Dissertatlon' voir dans cet Elie qu'un soleil, qu'un grand juge ; que cet être indéterminé qui doit venir au 'bout d'un cerrain période ,^et dont l'ancien symbole reprdsentatif ayant été envisagé sous difFérentes faces, et sous diflférens noms , a donné lieu a 1'invention ridicule de plusieurs personnes qui, par une semblable analyse, se réduiront ainsi a 1'unité, ou pout mieux dire a rien! Ce n'est pas ici le lieu de nous arrêter sur le Messie, dont 1'attente a toujours été liée a celle d'Elie , indépendamment du concours des époques capables de nous ouvrir les yeux , a cet égard; il suffit, pour être convaincu que le dogme qui le concerne a la même origine, de se rappeller 1'usage qu'ont encore les Juifs en cerrains pays, d'ouvrir leurs fenêtres, lors des tonnerres et des éclairs, dans 1'idée oü ils sont que, dans ce moment, le Messie n'est pas éloigné. Stupide prévention qui , seule, seroit une preuve complette que ce Messie , que les chrétiens disent avoir vu , il y a plus de dix-sept siècles, et que les Juifs atrendent néanmoins encore, n'est autre chose que le grand juge que routes les nations croyoient être annoncé par les phénomènes er les météores. Pour démasquer tout-a-fair le sainr prophéte Elie, pour avoir la solution de toutes les merveilles de sa vie, et suivre jusqu'au bout 1'analogiè déja connue entre lui et le soleil, entre lui et le grand juge, il nous reste les légendes a examiner. Le zèle dElie, dans lecriture , esr toujours comparé a un feu ardent, et sa parole brülante a un flambeau qui éclaire. L'imagination des hommes 1'a vu dans les airs au millieud'un rourbillon, et dans un char enflammé , attelé de chevaux de feu; et cette écriture 1'appelle le char et le conducteur d'Israël. ( Rois, ch, 4. v. i ).  sur Eüe et Erroch. . 179 Rien de plus analogue sans doute au soleil, au Phaéton , et a 1'Apollon des Egyptiens et des Grecs toutes les anciennes anecdotes de l'extinction du soleil, et des incendies arrivées sur la tetsej ont servi aillustrer son histoire. Tous les météores et les phénomènes, soit des révolutions passées, soit des révolutions futures, ont été incorporés dans sa vie, comme ils avoient été incorporés dans les vies des dieux et des héros du paganisme. C'est Elie qui a fermé le ciel, en parlant au nom du Seigneur, et qui a fait règner la srérilité et la famine en se retuant vers 1'orienr. ( Rois , ch. 3. v. 17 ). C'est Elie qui par trois fois a fait tomber le feu du ciel, pour devorer les hommes , er qui a précipité les rois dans 1'abyme ( Eccl. 4S ). C'esr Elie qui a été le témoin suf le mont Sinaï des jugemens du Seigneur, et sur le mont Oreb , des arrêts de la vengeance , et de 1'émotion de la terre en présence du grand juge. ( Rois ch. 3. v, 19). C'est Elie qui, dans son enlèvement, laissa tomber un manteau qui, peutêtre , ri est autre chose que ce voile poëtique , symbole de la nuir, que le soleil caché étendit autrefois sur 1'univers , pour le plonger dans d'arfreuses lénèJ bres par son absence. C'est encore Elie que les Rabbins, ainsi que Tertulien , les Orienraux et autres , font, depuis sa disparurion , demeurer sous la Zóne Torride , ce domaine du soleil dans une sphère inabordable aux hommes, oü ce grand^prophéte s'occupe a eontempler les actions humaines, et a écrire jour par jour tout ce qui se fait de bien et de mal dans notre région subhmaire. Enfin, c'est ce personnage fabuleux, puisqu'il faut nécessairement en cönvenir , qui, dans la bible, comme dans le ciel, occupe une place distinguée er qui y recoit des éloges qui 1'élèVent audessus des plus grands prophêtes. M 1  18o ^ Dissertatlon Avec tant de fables et d'impostures on pourroit croire cependant que 1'écfiture n'a pas eu un ferme dessein de nous rromper; car toute sublime et toute morale que soit 1'épisode d'Elie dans les saintes chtoniques, on a négligé , en 1'y insérant, beaucoup de précautions qui communément ont été usitées pout donner le change sur ces sources primitives, d'oü toutes les anecdotes sans nombre que 1'on y voit, ont été tirées. La fable d'Elie paroït mal liée et fort mal cousue au fil de toute cette pieuse histoire. L'écriture ne nóus donne point sa généalogie; elle né nous nomme ni son père ni sa mère, elle ne fait jamais mentionde son age, comme il est de style pour tant d'autres personnages qui ne le valenr pas; et encore moins nous parle-r-elle de sa postérité. Elie, dans la bible 3 est un homme isolé qui tombe des nues au troisième livre des rois, et qui y retourne au quatrième. II ne seroit pas équitable néanmoins de dissimuler que cette écriture donne une patrie a son héros, qu'elle appelle Elie de Thesbes, ou le Thesbite habitant de Galaad , et que quelques tradirions fugitives et rabbiniques lui donnent pour père un nom mé Sabbaca, et indiquent cette contrée de Galaad dans la tribu de Gad. Cette apparence de bonne-foi ne doir cependant pas nous séduire dans un sujet sur-rout oü la fable et le mensonge se sont jusqu'ici tellement manifestés, qu'il est naturel de soupconner que, jusqu'a ces termes géographiques , tout ce qui peut le concerner , ne doit nous cacher qu'erreurs et absurdités. C'est ce qui va être facile a prouver. La valeur même de ces noms nous apprendra qu'ils ne sont devenus géographiques que par 1'allusion qui s'est trouvée entre les anciennes épithétes de 1'Elie symbolique et certains lieux de la Palestine, et nous fera voir en même tems que c'est  sur Elie et Enoch. 181 cette ressemblan.ee qui a déterminé le père, la patrie , la province et les djfférens voyages qu on a mis sur le compre de notre prophêre. L objet et 1'usage de l'ancien symbole d'un grand juge devoit être d'instruire les hommes des révolutions passées , des révolutions a venir et des grands changemens que ce grand juge feroit un jour: c'étoit-la le moyen employé autrerbis pour rendre les hommes sociables er religieux •, et ces sortes d'instructions se donnent ordinairement aux peuples a tous les renouvellemens de périodes , soit de semaines , de mois , de saisons, d'années ou de siècles. Ce symbole devoit être appellé le symbole des changemens, des novations , des mutations , le symbole des retours et des périodes, et enfin le symbole des révolurions. Or , le nom de Thesbes , cette ville qu'on donne pour le séjour ou pour la patrie d'Elie, a pour racines les verbes Schab ou Schabah , qui signifient revenir, rétablir, ramener , convertir. Tesckbah , qui dèrive de ces mêmes verbes, comme notre Thesbes signifie aussi révolutions y retour. Elie le Thesbite ne désigne donc autre chose qu'un Elie pérïodiaue. Le nom de Sabbaca que les rabbins, d'après d'anciennes traditions, donnent a son pere, doivent encore avoir ces mêmes verbes pour racines, dautant plus que ce nom est analogue ou plurot qu'il est le même que Schabah , nom du mot hébreu, que les Européens ont nommé Janvier, le mois du renouvillement, paree que Janus étoit autrefois en Europe le symbole des périodes , et que c'est dans ce mois que le soleil, après le -solstice d'hyver , renouvelle sa course annuelle. Elie le périodique étoit ainsi le fils d'un autre période, paree que la succession des rems a du être nécessairement regardée comme une succession généalogique,lorsque les symboles chroniques ont été personnifiés- M j  18i Dissertadon 11 en est de même de Galaad de la tribu de Gad, soit que Galaad sorte par corrnption de Galgal ou Galal, qui indique 1'action d'une sphêre ou d'une roue qui toerne, soit que Galaad provienne de Galalhzb, circulation des tems , du siècle , ou soit encore que Galaad de Gad ait pour origine le mot composé Gal-Gad, qui signifie révolution fortunée. Pour confirmer enfin la justesse de toutes ces diverses interprétations, et donner le dernier coup pour faire renrrer cet Elie, sa géographie et tout son parentage dans le néant d'ou ils sont sortis, il faut encore faire- attention que 1'ecriture nous dit que son Elie venoit de Galgala lorsqu'il fut enlevé ( Rois ch. 4. v. 2.). Ga/gala est encore notre mot périodique et révolution. « • » Ainsi, cette chalne singuliere d'expressions chroniques, constate de la facon du monde la plus authentique, que cette géographie n'est qu'une chimère et qu'Elie n'a été qu'un de ces symboles astronomiques que 1'on montroit aux peuples a la fin des années et des siècles, et qu'on retiroit enfin après leur avoir donné a ce sujet les diversës instructions que la police civile et reiigieuse avoit mises en usage pour le bien des sociétés. Cet étrange abus qu'ont fait les Hébreux d'une langue qui jusqu'ici a été regardée comme leur langüe familière et originelle , fait si visiblemenr voir combien ils étoient étrangers a son égard, qu'on a rout lieu de croire que le fond de cetre langue ne leur a point appartenu. Originair#d'au-dela de 1'Euphrate, les Hébreux, en s'emparant d'une partie de laPhériicie ont vraisemblablement nsurpé en même tems la langue phénicienne, et du mélange qui en esr rêsulté , a sans doute été 'formé l'Hébreu qu'ils ont parle jus--  sur Elie et Enoch. 18 $ qu'aux tems de leur captivité de Babylone. Le long séjour qu'ils ont fair dans cette contrée a produit encore dans leur langage deplus grandes altérations •, ensorte que 1'Hébreu n'a plus été qu'un mélange bisarre et confus de phénicien , de syrien, de chaldéen , d'arabe et d'autres langues voisines donr routes les racines se sont coufondues. Tel est, je pense, le véritable portrait que 1'on' doit se former de certe langue sainte, dont on a une si haute estime. Ce n'est qu'un misérable jargon , qu'un monstre formé de plusieurs pères, dont les régies grammaticales ne peuvent' remonter au-dela du quatrième siècle avant notre ère : aussi ces régies ontelles été la plupart du tems insuftisantes pour découvrir les vérirables racines : aussi est-il arrivé que lorsqu'on les a cherchées suivant les principes nouveaux, 1'on n'est parvenu qu'a des étymologies triviales qu'on a ordinairement rourné d'un cöfé dévot et mystique. La bible contient elle-même un million de faits appliqués a tous ses différens acteurs qui n'ont d'autres fondemens que les fausses étymologies et les fausses idéés qu'on s'étoit faites de leur nom. Cette fatale découvene se développera de'plus en plus , a mesure que 1'on portera le ilambeau d'une critique eclairée et impartiale sur rous les livres des Hébreux. Les tems écoulés depuis leur création jusqu'au jour de leur captivité en produiront un jour aux yeux de la postérité indignée , des exemples sans nombre qui feront enfin rougir les nations de leur longue crédulité. Comme nous ne sommes point encore parvenus a ce degré de connoissance qui familiarisera par la suite avec des erreurs si singu ières , et en fera connoitre tout le vrai et to>;te la possibilité; nous croyons devoir en M 4  *$4 Disscrtation donner aussi ici un exemple du même genre , et pré- cisément sur un sujet semblable. Cet exemple servira a. justifier un peu les Hébreux, en montrant qu'ils n'ont pas été les seuls qui se soient repus de chimères et de mensonges. Tirons cet exemple d'un peuple, de la bonne foi duquel on n'a cependant point douté jusqu'ici , c'esta-dire du peuple Romain: considerans 1'origine historique qu'il a donnée aux jeux séculaires : jeux périodiques er célèbrés de siècle en siècle avec le plus grand éclat. Valerius Volusius , habitant de la Tarentèse, se voyant, disent leurs historiens, sur le point de perdre trois enfans qu'il chérissoir, par les ravages d'une peste considérable , sacrifia sur trois autels a Pluton, Cérès et Proserpine, fit vceu d'établir une fete de reconnoissance qui se célébroit tous les cent ans , et ses trois enfans furenr guéris. C'est a cette cérémonie et a cet événement étranger a la nation que Rome rapportoit la célébration de ses jeux séculaires; motif obscur et qui nerépondoitpoint a la célébrité et a la solemnité de ces fètes rares èr fameuses qui attiroienr dans la capitale de Tempire, au renouvellement des siècles , un concours innombrable de tous les peuples d'italie qui y étoient invités , et de toutes les nations que la curiosité et la dévotion y faisoient accourir. On doir donc sentir , que pour 1'intelligence des vrais motifs de ces jeux séculaires, il ne faut faire aucun fond sur le vceu et sur i'histoire de Volusius; mais qu il faut, s'il est possible , remonter a des sources plus générales , plus éclairées, plus élevées , er reek lement dignes de la grandeur de cette solemnité périodique. I  sur Elie et Enoch. i8j> Pour y parvenir , revenons encore aux impressions qu'avoient fait sur les hommes les anciens malheurs du monde, aux commémoranons qui avoient été établies pour en perpétuer la mémoire, et aux dogmes sacrés auxquels ils avoienr donné lieu; ce sont-la les seuls principes capables d'expliquer tous les mistères des religions antiques. C'est ici en particulier le dogme de la proximité de la fin du monde, a la fin des périodes, que nous devons regarder comme le motif secret de la religion des Romains en cette occasion: je dis motif secrer, paree qu'ils 1'ignoroient eux-mêmes , et qu'ils n'en avoient plus d'autre que 1'usage et une superstition héréditaire. Ce peuple fameux différoit en cela des Méxicains, qui, jusqu'a l'arrivée des Européens , célébroient des jeux séculaires aussi solemnels que ceux des Romains, assez semblables aux usages des jubilés des Hébreux; mais dont ils savoient encore que 1'objer et le motif étoient la peur de la fin du mende a la fin du siècle, et la joie aussi bien que la reconnoissance envers les dieux , sur sa durée prolongée paf un siècle nouveau. Nous devons donc légitimement soupconner que le même motif avoit lieu chez les anciens peuples d'Italie. Comme tous les autres peuples de 1'Orient et de 1'Occident, ils attendoient autrefois la fin du monde , lorsque chaque siècle éroit sur le poinr d'expirer: mais la continuité de la marche de l'univers afferrni, les jnstruisant dès la première aurore du siècle nouveau, que les dieux leur accordoient un nouveau période , un nouvel age, ils célébroient cet heureux événement, comme faisoient les Méxicains , il n'y a pas trois cent ans , par des fêtes de reconnoissance et de divertissement qui suceédoient aux allarmes et a la pénitence. Le sujet de cette solemnité étant ainsi développé,  ï 86 Dissertation « nous voulons actuellement savoir comment tout ïhonneur a pu en revenir chez les Romains a leurs Valerius Volusius , il faut remarquer que ces fêres primitives ont du être appellées les fêres, ou les jeux die 1'heureux retour, de 1'heureuse révolurion, et en langue Italienne les jeux Volusiens du verbe Volvere, Kramer„ retourner ; duquel mor , Volusiens , il est aa-sé de voir qu'on a fait insensiblement un Monsieur Volusius. II en est de même de son sur-nom Valerius; il «st sorti de Tépithète naturelle de 1'affaire, c'est-a-dire, /«Se- Vitere , se bien potter, être heureux, être affermi. Cest ou nous en voulons venir, et voila chez les Romains la févolution fortunée personifiée en Valerius Yolusius, comme nous avons vü ci-devant qu'elle a 4tê changée chez les Hébreux en ville et enprovince, dont on a fait la patrie et le domicile d'un Elie aussi fabuleux que le fondateur de la fêre romaine. Je ne suivrai pas plus loin la fable de Volusius et és ses trois enfans, ni les cérémonies des jeux séculaires , qui, s'ils étoient rapprochés et conciliés avec h poë'me séculaire d'Horace, confirmeroient toujours les solutions que je donne a tous ces problèmes mystiques et mythologiques : j'avertirai seulement, pour que 1'Histoire d'Elie puisse un jour être parfairement connue dans toutes ses parties, qu'il faudra confronter cette peste de la Tarentêse, ces trois enfans, ces trois aurels les commémorations que les Romains faiaoient aux jeux séculaires, des anciennes stérilités, et anciens désordres de la nature , avec 1'histoire de la veuve de Sarepta , avec les anecdotes de la famine de son pays, avec la multiplication de son huile, et enfin sur la résurrection de son fils, en faveur duquel Elie se racourcit et se rapetissa par trois fois. II me seinble voir le Janus Romain, tantót jeune, tantöt  sur Elie et Enoch. 187 vieux , paree que les périodes ne rouchent pas plutot a leur vieillesse , qu'ils se renouvellent et se rajeunissent. Aprés avoit vü nos anciens dogmes habillés a la romaine et a riiébraïque * considérons actuellement notre Elie sous la robe d'un Musuiman. II importe de le suivre dans tous ses déguisemens, et ce n'est qu'en confrontant toutes les formes qu'out pris les dogmes primitifs , que nous pourrons parvenir au trêne de la vérité , oü Terreur assise depuis quatre ou cinq mille ans , est appuyée sut les annales du monde , et adorée de tous les peuples de la terre, sans exception. Les sectareurs de Mahomet sont divisés , comme tout le monde le sait, en deux principales sectes. Les Turcs süivent celle d'Omar, er les Persans suivent celle d'Aly: ce dernier étoit gendre et cousin de Mahomet ; il étoient Tun er Tautre vers Tan 62; , de notre Ere, dans tout Téclat de leur gloire et de leur puissance. C'esr sur cet Aly , en parriculier , que les Persans ont accumulé fables sur fables, et qu'ils ont des volumes de miracles 3 et des recueils de merveilles inouies. II étoit, si on les éeoute , d'une incomparable beauté. C'est pour ne poinr arfoiblir 1'idée qu'ils ont de la'splendeur de son visage , que jamais leurs peintres ne le représentant autrement que derrière un voile, paree qu'ils ne pourroient réussir a peindre cet éclat dont les hommes n'avoient pu de son vivant soutenir laprésence. Leur vénération pource prophéte approche même de Tadoration. h ly, disent leurs théologiens , étoit quelque chose de plus qu'humain; il n'étoit pas dieu, mais n >n loin d'être dieu. En rapprochant ces idéés sublimes et éclatantes qui nous préviennent déja sur Tastte qui éclaire Tunivers, • le nom d'Aly , si relatif a celui d'Elie, et qui, chez  -i SS / Dissertatlon les Persans , désigne même le très-haut, nous reconno'itrons aisément la même fable \ er nous serons moins surpris si les Persans, ayant sur Aly les mêmes idéés que les Héftreux ont sur Elie, ce prophéte est de même attendu sur la fin des tems , pour triompher de tous les ennemis de sa religion et des siens. D'après de telles similitudes , nous ne pouvons douter qu'Aly ne soit de même un symbole solaire, un embléme du grand Juge personifié , et s'il falloit encore ajouter quelques traits a ceux qui précédent, je rappellerai le glaive a deux pointes dont 1'Elie Persan est toujours armé, et les particularités de ses/ chroniques qui ont placé sa naissance un vendredi, ce jour sabarique et périodique des Musulmans , et qui ont fixé sa proclamation a la succession de Mahomet a 1'équinoxe du prinrems : dates fabuleuses qui n'ont de rapport avec Aly , qu'en sa qualifé secrette de symbole solaire , d'annonce ciVile des périodes, et d'age du grand-juge. Cet effrayanr récit, qui semble culbuter et confondre tour ce que 1'histoire croit avoir-de plus certain , et faire rentrer dans le néant un personnage dont il est diffïcile de mettre 1'existence en doute , me fait prévenir ki 1'objection naturelle qu'on doit me faire. Est-ce qu'Aly n'a point. vtcu ? Est-ce qu'il n'y a point eu réellement un Aly chez les Musulmans, chez les Persans en particulier et dans notre septième siècle ? II y a eu un Aly , sans doute , dans notre septième siècle , er chez les Persans qui en ont fait un de leurs grands prophêtes. Ce n'est point du tout quant a son existence , a son nom et a sa familie un être fabuleux. La vie d' Aly étoit imprimée dans 1'esprit des peuples de FAsie plusieurs milliers de siécles avant sa naissance; et lorsque 1'esprit de ces peuples a été frappé par eertaines circonstances , pertains événemens et certains  sur Elie et Enock. 1S9 hommes-, alors ils ont vu en sa faveur tout ce qu'ils croyoient que 1'on devoit voir. Telle est la source de 1'histoire d'Aly. II en a été de même de tous les héros de la plus grande antiquité. Ceux qui onr composé leurs vies avoienr 1'esprit prévenu par des fables encore plus antiques qu'eux ? et qu'ils ont adaptées a la vie des grands hommes; et leur imagination gatée par des chimères , leur a fait écrire , comme réellemenr arrivé , tout ce qu'ils pensoient devoir être nécessairement arrivé. Voila 1'unique raison par laquelle les vies de tous les anciens législateurs, rois, héros ou conquérans se ressemblent toutes. Le même fond de fables , d'erreurs et de préventions a fourni toutes les formules et les élémeUs de leurs histoires. Les vies d'Osiris, d'Adonis, de Bacchus, de Moïse , de Zoroasrre 3 d'Abraham , d'Apollon , de David , de Numa , de Romulus, etc, toutes tracées en différens siécles, a la vérité , ont été brodées néanmoins sur le même caanevas. Et comme je 1'ai dit et démontré ailleurs , tous les grands hommes de 1'antiquité Egyptienne 3 Chinoise , Hébraïque, Grecque, Romaine , etc. ont été jettés dans un moule commun, qui doit son origine a 1'abus des anciens dogmes et des symboles commémoratifs 3 dont 1'usage, comme 1'abus qu'on en a fait, m*a paru avoir été uniV vetsel , et avoir eu lieu par toute la terre , dans les rems ignorés qui ent précédé tous les tems connus. C'est la tout ce que je peüx dire a 1'occasion d'Aly de plus consolant pour la sureté de 1'histoire. Je sens bien qu'on est aussi peu avancé d'avoir la vie fabuleuse d'un homme véritable , que le roman d'un être de pure imagination : mais pour nous dédommager, nous aurons le fruit important que 1'on doit titer de cette triste découverte -, c'est d'apprendre aux hommes a voir et a penser par eux-mêmes a 1'avenir.  Ijja Dissertation Pour renrrer dans notre sujet, amenofts présentement sut la scène un compagnon que les Persans donnent a Aly dans son futur retour : son histoire servira de prélude a celle d'Enoch , qui , chez les Hébreux est le futur compagnon d'Elie. Le second prophéte Persan est encore un des douze successeurs de Mahomet, et il seroit aussi difficile d'annihiler son existence , que celle d'Aly, son confrère; mais il n'en est pas de même des événemens de sa vie merveilleuse. Sans nous y arrêter,, il suffit d'être instruit que ce héros Mahométan, pour'suivi par ses ennemis , disparut un jour, fur enlevé par miracle, er placé dans une haute région d'ou il doit revenir a la fin du rems , pour punir ceux qui 1'ont offensé, et pour en prendre une éclatante vengeance : en conséquence d'un dogme qui lui accorde une telle vertu et un tel pouvoir , il est surnommé le raaïtre des tems ( Chardin , t. 10 ) nom par lequel 1'Etre suprème, seul maitre de la durée du monde, est déja désigné , aussi bien que le soleil qui' est la mesure des tems et des périodes. C'est en 1'honneut de ce prophéte futur, que les Musulmans ont établi a Hispahan , en Arabie, er auttes lieux de 1'Asie, des palais meublés, et des écuries garnies de chevaux. C'est en sa faveur que les dévots ne manquent guères de léguer pour son service quelques maisons, quelques armes , ou quelques autres usrensiles , pour que ce maitre des rems trouve , quand il lui plaira venir sur la terre, des chevaux en haleine et tous prêrs a le servir. On a toujours grand soin qu'il y en ait un dans chaque écurie, selié , bridé er armé; er on ne manque jamais les vendredis d'en promener un sclemnellement par la ville. Si nous voulons présenrement ramener rous ces usages a leurs principes primitifs , et appercevoir dis-  sur Elie et E/loch. Sft tinctement dans ce maitre des tems le gtand-juge,doi$E on a si ridiculement fait un successeur de Mahomet, remarquons la nature du période qui régie les promenades du cheval sacré , et rappellons-nous les idéés qu'ont les Mahométans sur leur vendredi. Selon les Turcs, ce sera un vendredi qu'arrivera 1e jugement dernier. Selon eux encore , ce sera un vendredi que les Chrétiens viendront pour les détruire ; er cette terreur panique qui ne provient que de 1'abus de 1'aiacien dogme de la destruction du monde fixée k la fin des périodes septenaires, est si forte chez eux, que les porres de toutes les grandes villes de 1'Empire se ferment tous les vendredis pour qu'il n'y entre aucun étranger. Tous ces équipages et tous ces usages sont donc véritablement destinés au grand-juge* Notre maitre des tems de la chronique Persanne n'est donc lui-même que ce grand-juge personifié dont 1'ancienne attente étoit un objet de desir et de terreur: de desir , paree qu il devoit amener le régne futur des justes; et de terreur, paree qu'il exercoit ses jugemens sur la terre. C'est par une suite de ce dernier point de vue , que les Turcs ferment les portes de leur ville au septième jour de leur semaine , comme firent les Hébreux au passage de 1'ange exterminateur. Ön se rappelle ici, sans doute, que les Manichéens s'attendoient de même au jugement dernier a chaque septième jour: leur opinion qu'on regarda dans le tems comme une nouveauté , étoit bien plus ancienne qu'eux. Les chevaux sacrés du mahométisme Persan qui viennent nous retracer tout ce que 1'antiquité, et en particulier, tout ce que les anciens Perses, adorateurs du soleil, avoient de semblable dans leur culte , doivenc ici nous dévoiler la cause secrette qui a produit un schisme dans la religion mahométane , dès 1'instant  Dissertation même qu'elle a paru sur la terre. Les habitans de la Perse étoient, depuis des milliers d'années , trop livrés au culte du soleil _, qui ne procédoit que du culte de l'ancien grand-juge, er de son alresse religieuse , pour qu'ils aient pu changer du tout au tout, et substituer, lors de la mission de Mahomer, des dogmes vraiment nouvaux aux anciens. Les préjugés et les usages ttansmis d'age en age dans cette contrée , avoienr préparé ce schisme long-tems avant la naissance de la religion qu'il divise; et telle religion qui fut survenue aux Perses , elle se seroit nécessairement accommodée, comme a fair la mahométane, a la constitution des esprits de cette religion. II esr donc vrai, comme nous 1'avons dir plus haut, que 1'esprit des hommes a toujours été prévenu. C'est aussi chez les anciens Perses qu'il faut remonter pour trouver 1'origine de toutes les fables , et de toutes les merveilles qu'ont débité les Persans modernes sur les actions et sur les gestes de leur prophéte du septième siècle. De même que les Arabes, anciens adorareurs de la lune, ont porté le croissant dans la fête d'Omar; les Persans, anciens adorareurs du soleil, ont confcndu, avec eer astre , Aly et son collégue , le maitre des tems, qui ne sont que des Mythra , qui ont changé leurs anciens diadèmes pour des turbans. Le point de vue sous lequel nous venons de considérer le culte des habitans de la Perse dans tous les ages , sera le même pour toutes les autres religions qui se sonr succédées sur la terre depuis 1'extinction de la religion naturelle commémorative ! elles nous monrreront toutes , quand on les étudiera de même en détail , les fables primitïves sous des noms nouveaux , et les usages les plus antiques sous des motifs modernes 5 mais  sur Elie et Enoch. Lp| mais les fables et les usages ne seront néanmoin's jamais ,assez déguisés , pour que 1'on puisse en méconnoitre les sources impures et la frivole erreur de chaque nation. Le judaïsme s'est moqué du paganisme er a mépnsu toutes les autres religions autant qu'il en étoit lui-même abhorré. Le christianisme a pris le dessus sur le judaïsme et sur le paganisme. Le mahométisme a son tour a déclaré la güerre a tous.. Chacun a cru tenir une religion nouvelle. Chacun s'est imaginé marcher dans un chemin tout nouveau: tous cependant ont été. ou d'aveugles idolatres 3 ou les dupes de leur fanatisme , de leur orgueil, ou de leur ignorance. Une autre remarque que nous devons ajouter a celleci, comme très-utile pour faciliter un jour ces grandes études, c'est que les tems modernes rendront a 1'antiquité les mêmes services que cette antiquité développée nous rend déja , en expliquanr nos usages, et en nous éclairant sur nos erreurs. Les cultes et les religions de nos siècles éclaireronr a leur rour tout ce qui se trouvera d'obscur dans les religions des ages les plus reculés •, et les secours réciproques proviendront nécessairement de ce que la véritable chaine des égaremens de, 1'esprit humain étant enfin connue , il sera alors aussi facile de la suivre en montant qu'en descendant. C'est ainsi que les Persans d'aujourd'hui nous révèlent le sens de certains usages des anciens Perses que nous connoissons sans les comprendre , et que les'Peres anciens nous montrent la source des usages de nos Persans. C'est ainsi que les fètes Mexicaines nous ont donné la solution des jeux séculaires de 1'ancienne Pvomejet nous résoudrons quand nous voudrons les obscurs motifs des loix jubilaires et sabbathiques des Hébreux , qui ne nous onr présenté jusqu'ici que des usages aussi Tome IV. N 1  19A Dissertation gênans qu incompréhensibles. Cette antiquité cómparee ofFrira un concert admirable, et feta retentir un jour la voix de toutes les Iangues, et de tous les Slècles en faveur de la vérité dont tous les traits cachésetdisperses ca et la chez tous les différens peuples du monde, ne demandent qua être rapprochés pour nous la faire mamfestement connoïtre , et pour nous la faire aimer. Les fables des Persans et des Hébreux sur des personages de même étoffe et de même destinée, sont en beaucoup de choses si semblables que ce seroit une autre quesuon intéressante a résoudre,de savoirlequel des deux peuples en a fair part a 1'autre. Je ne parle pomt du fond du dogme, car il a été commun a toutes les nations ; mais des détails qui , étant variés chez toutes , sont néanmoins assez semblables chez nos deux peuples. Ce problême seroit ici trop long a résoudre. Je dirai seulement, pour terminer 1'histoire d'Elie, que j ai plusieurs raisons de soupconner que c'est des pères que les Hébreux onr pris ces détails, soit pendant leur dernière caprivité, soit dans ces tems reculés ou leurs pères demeuroient encore au-dela de 1'Euphrate. J'ai contre 1'ordre des tems fait anticiper les fables quon a débitées au sujet d'Elie et de ses semblables sur celles qui ont rapport au grand prophéte Enoch, beaucoup plus ancien qu'eux. J'ai été forcé a cette méthode, paree qu'il y a dans la bible si peu de fairs sur ce patriarche, qu'il a fallu necessairement que ceux qui ont été ses disciples et ses imitateurs servissent a leur tour de préliminaire a leur inaitre et a leur modèle : nous allons même encore le thercher dans la sombre antiquité oü il ne s'est caché  suf Élle et Enoch. 195 qué par des détours : mais il ne nous échapera pas ; le fil d'Ariadne est trouvé. É N O C H. Si nous voulions prendre le ton ordinaire de 1'histoire , nous ne manquerions pas d'abord de marqucr que 1'enlèvemenr d'Enoch est arrivé Tan du monde 9S7, 669 ans avant le déluge,. 3713 avant notre ére vulgaire, selon les Samaritains, ou 317 selon le texte Hébreu qui rerranche du texte ci-dessus et de la durée du monde, une semaine de centaine d'années j 696 ans ou 700 : mais il est tems de ne plus se casser la téte dans les calculs de cette sublirrie et antique chronologie : tantót elle a été trouvée trop courte , tantót elle a été trouvée trop longue. Pour nous débarrasser de ce labyrinthe , le plus court est de saurer par dessus , et le plus sage, comme la suite le fera voir, sera de s'en tenir a zéro par rapport a elle. Le développement de Thistoire d'Elie , de celle d'Aly et de son confrère, nous a placés dans un cherhin assez avancé pour appercevoir de loin et soupconner légitimement que notre Enoch a pu être, comme eux, un ancien symbole astronomique , une être moulé d'après le grand juge , et un personnage qui doit avoir avec Elie le même rapport qu'a , chez les Persans, le maitre des tems avec Aly; nous aurons de ce rapport une certitude entière, si nous pouvons découvrir que le soleil, emblème du grand juge, a porté un nom semblable , ou approchant, a celui d'Enoch. .L'Annac des Phrygiens, appellé aussi quelquefois Channac , ou Nannac , et que quelques-uns ont déja soupconné être un Enoch a cause de la similitude des noms, rn'a toujours semblé avoir été un des titres N 1  Dissenatlon anciens de 1'astre du jour, comme celui de Nannea a été celui de la Lune, ou de Diane qui présidoit a la nuit. Indépendamment de ces affinités grammaticales entre Enoch , Annac, tout ce que la fable raconte de 1'Annac Phrygien , a rapport aux différentes anecdotes que les Rabbins et 1 ecriture nous ont transmises sur Enoch , et a la valeur des différentes racines de son nom. Annac étoit, dit la fable , un prince trèsreligieux sous le règne duquel un oracle publia que lorsqu'Annac sortiroit du monde,- tout périroir. Pour appaiser les dieux, ce Prince ne cessa roure sa vie de prier en faveur des hommes, et les hommes consternés ne cessèrent de verser des pleurs si abondantes , que de-la étoit sorti le proverbe : pleurs Annac , pleurs amères. Tant de prières, ranr de pleurs ne fléchirent point le courroux de; dieux : Annac mourut, et a sa mort le déluge de Deucalion submergea le pays. La fable aioute qu'il mourut agé d'un peu plus de trois eens ans, et que c'éroit de la longue vie de ce Prince que provenoit cet autre proverbe ; vieux comme Annac , pour designer une grande vieillesse et une trés-haute antiquité. C'est ainsi qu'en Grèce , on disoit dans le même sens : vieux comme Ogygès, sous lequel aussi étoit arrivé un déluge, et que nous disons encore, vieux comme Enoch. Le proverbe Phrygien s'est transmis jusqu'a nous. Les Rabbins parlent de méme d'Enoch comme d'un pleureur , et les vetbes Anac er Anack signifïent sanglotter , remplir L~'air de dameurs ; et Anackab signifte cris, gémissemens. Selon 1'écriture, Enoch a de méme prévu le déluge , le jugement universel, et il a invité les hommes a la pénitence. Son nom designe souvent en hébreu , un homme religieux et consacré a Dieu : c'esr a soixante-cinq ans que lui est né un hls qu'il a nommé Mathusrdech ,  sur Elie et Enoch. 197 nom qui signifie 1'envoi, la mission, le dard de la mort, et par lequel on prétend qu'il vouloit prédire la destruction générale. Ces traits sont , sans doute , suffisans pour faire sentir le rapport qu'il y a entre le roi Phrygien et le patriarche Hébreu; pour appercevoir ensuite le rapport au'ils ont 1'un et 1'autre avec le soleil, il faut remarquer que la fin du monde devoit , selon la fable , venir a la mort d'Annac \ qu'elle doit venir, selon les Hébreux et les Chrétiens lorsqu'Enoch, de retour un jour, sera tué par 1'Antechrist; et que tous les apocalyptiques nous annoncent aussi 1'extinction du soleil comme le signe de la fin des tems : ce qui réalise cette explication , c'est le déluge de Deucalion placé aussitór après la mort d'Annac. Deucalion signifie le soleil éteint. Selon toutes ces traditions, nous devrions voir dans 1'écrirure le déluge arriver immédiatement après Enoch: quoique cette correspondance ne se remarque point, je ne puis douter néanmoins qu'elle n'ait existé da"ns les tems primitifs de ces vieilles annales. Nous pouvons nous rappeller ici qu'entre les chronologies Samaritaines et Hébraïques , il y a une différence (i) d'une semaine de cen'taine d'années sur l'époque du déluge : or comme 1'enlèvement d'Enoch est placé prés d'une semaine de centaine d'années avant cet événement destructif, si nous ajoutons au texte Hébreu qui est le plus ccurr, cette semaine qui y man- (1) Déluge (les Samaritaius avant notre ère vulgaiie. . . . • 3o44 ans. Déluge des Hébreux avant notre ére vuig ire. . . 2Ö48 Lnlevemeut d'Enoch avant le déluge. * 669 Ce dernier t.rjne ne diffère du Samaritain 'juc de 27 m>. . • 0017 NV  198 D issertatwn que, neus verrons alors 1'ascension d'Enochcorrespondre? dans ce rexre au nombre d'années ou les Samarirains placenr le déluge. Nous pouvons d'autant plus nous fier a certe conjéeturé que le fils qui a été donné a Enoch désigne bien moins un homme que le déluge même. Nous aurons lieu de revenir sur ce problême, et de le démon trer plei nement. Tout ce que les Rabbins et les Orientaux célèbrent de talens prodigieux de notre parriarche, va le rapprocher encore si prés du soleil, que nous ne pourrons le méconnoltre : ils en font le plus grand astrologue , et le plus grand asrronome qui. ait jamais paru. Avant Enoch le tems n'étoit réglé que par semaines et non par années •, er c'est \ lui que 1'archange Uriel_, le dieu de Lumiere s'est adressé pour apprendre aux hommes 1'ordre des mois , des saisons , des années , la marche des cieux er du zodiaque. Ce sont- la, sans doute, de violens indices qu'Enoch, comme Elie , n'ont été que des symboles astronomiques dont on a fait de grands législateurs, des symboles et des codes mêmes de la législation. Enfin Enoch a été enlevé dans un char de feu, et porté au paradis terrestrej sous la zone torride. Les Orientaux et les E.abbins ont ajouté que sa disparurion fut la cause innocente de 1'idolatrie ; ses amis lui ayant érigé des sratues qu'on honora d'abord, mais qui furent ensuite adorées. Sur quoi nous devons norer en passant qu'il n'y a jamais eu de meilleure raison donnée, sans la comprendre, de la source de 1'idolatrie , puisqu'elle n'est sortie que de 1'abus que 1'on a fait par la suite des tems , des symboles commémoratifs du soleil perdu, et de tous les autres malheurs du monde qui furent personnifiés avant que d'être divinisés. Cette tradition  sur Elie et Enoch. 199 bien remarquable, est un de ces exemples que nous trouverons un jour fréquemment, savoir , qu'il y a eu au milieu de Terreur, une tradition secrette des faits et des vérités primirives. Pour donner enfin le dernier coup de pinceau a notre Enoch, pour lui donner toute la splendeur solaire qui lui appartient, et montrer définitivement que le soleil et lui ne font qu'un , et qu'ils ont porté le même nom, jettons les yeux sut la Junon romaine qui présidoir aux calendes de tous les mois, en la même qualité que la lune présidoir par-tout ailleurs aux néoménies , paree que Junon n'étoit autre chose que la lune elle-même. La mythologie ( voye^ t'abbéBannier ) nous apprend que cerre lune romaine étoit quelquefois appellée Enochia , celle qui tient les rênes : le soleil dont on a toujours fait son mari, a donc porté le nom d'Enoch; c'est ce qu'il falloit prévoir. Le mot banack signifie en hébreu régler, conduite , donner des loix er des préceptes. Si TEnoch des Hébreux, et si 1'Annac des Phrygiens ont été des symboles des rems et des périoaes , comme on n'en peut douter , nous devons nécessairement leur trouver quelque parenrage avec les Janus et les Saturnes de Tantiquité payenne , puisqu'ils président de même aux révolutions des semaines , des saisons, des années er des siècles. Examinons les titres de ces deux grandes divinités , et commencons par Janus a chercher le dégré de leur alliance et de leur parenté. Le mot Enoch se confond trés-souvent avec le mot Anusch, tant a cause de leur ressemblance, que par un certain rapport d'idées. Enoch désignant ce qui est sujet a révolution , et Anusch , ce qui est mortel et périssable. C'est donc a cet Anusch oriental que je rapporterai 1'étymologie du Janus occidental formé du N 4  * ico Disserudon nom Anusch, et de I'épithèté Jo, ou jah qui signifie dieu : le dieu Anusch, le divin Enoch, le divin soleil ; car Macrcbe nous a clairemem démontré que Janus étoit le soleil. Ce qui rapproche encore notre Enoch de ce dieu des I arms, qrie les Etrusques ont aussi connu sous le nom d'Anus, c'est de voir la mythologie profane'lui donner deux visages , aussi bien qu a Saturne, lorsque dans notre mythologie sacrée, il est souvent parlé du doublé Soufflé , ou doublé esprit d'Elie, ce singe de notre Enoch. Les faits, aussi bien que les étymologies , réuniförit de méme nos deux ptrsónnageS. C'est Janus que Es Occidëritaux donnent cc mme 1'mstitutéur et le premier invehtéut de la religion , des temples et des céïémonies sacrées ; c'est lui qu'ils révèrent sur ce pied; et les Rabbins font Enoch instituteur de plusieurs sociétés religieuses er grand prédicateur. Janus passoit pour être 1'mtereesseur auprès des dieux, et pour celui qui leur présentoit les prières des mortels. Enoch est regardé par les Hébreux comme un des bons anges, comme un des diligens mc-ssagers de 1'Etre suprème, et comme celui qui est sans cesse occupé a tenir registte des péchés et des mérites d'Israë!. Janus présidoir a i'orient et a l'ceciaent , au passé et au fürür; il tenoit en rnain un sceptre et une clef; il indiquoit les périodes, et avoit éte un des bons reis de lage dor. Enoch est un grand prophéte; c'est lui qui est auteur de la formule d'excommunication qui ouvre ou ferme les perres de la synagogue. Les fêtes de dédicaee et de renouvellement sont appellées Annaka chez les Hébreux, et c'est Enoch qui doit être le futur avant-coureur de la félicité des jusres et du grand juge. Enfin , pour dender trait que j'ai réservé jusqu'ici, queiqu'U fut soffisanc lui seul peur ddbrouiller eet ab-  sur Elie et Enoch. 201 surde cahos, Macrobe dans ses saturnales, pour prouver que son Janus n'esr que le soleil, fait remarquer qu'en certe qualité , on voyoit les statues de Janus montrer d'une main avec les doigts 300, et de 1'autte 6 y , pour indiquer le nombre des jours de 1'année solaire ( Saturn. lib. 1. chap. 9. ) Remarquons de même qu'Enoch dans la génèse ( chap. 5. 2. 23. ) a été enlevé au bout de 3 65 ans. J'abandonne ici mon lecteur a ses propres réflexions, et je le laisse admirer cette respectable chronologie qui fait des années.avec des jours et des parriarches avec des planetes et avec des astres : disons seulement, et dans les mêmes termes a peu prés que Juvenal : O sanccce gentes quibus nascuntur in astris numina! Par cerre analogie d'Enoch avec Janus , nous devons de plus en plus nous confirmer que le déluge de la génèse a dü arriver vers le tems d'Enoch , ainsi que nous 1'avons déja conjecturé , puisque c'esr. de Noé , sous lequel la bible place ce déluge , que divers commentateurs se sont efforcés de montrer que le Janus et le Saturne des payens avoienr été rités. Par raltération des faits et des expressions de 1'histoire sainte, on peut dire qu'ils entrevoyoient la vérité , mais que la prévention les empêchoit de voir que les dieux des Payens et les patriarches des Hébreux avoient une commune origine, et ne se devoient rien les uns aux autres. L'Anus des Etrusques étoit péri de même dans un fleuve au tems d'une grande inondation, ainsi toutes les fables concourent, malgré elles , a la vérité. L'alliance étroite que nous venons de découvrir entte 1'Enoch des Hébreux et le Janus des Latins , nous montre en même tems quelle liaison il doit nécessaire-  102. JDisscrtatiort ment avoir avec Saturne. Ce dieu , comme ancien symbole des juges et des jugemens, et comme symbole des périodes , avoit ses fétes au solstice d'hiver, i cause du renouvellement de i'année solaire, et au commencement de mars qui étoit le premier mois de Fannée civile des Romains : le septième jour lui étoit aussi consacré, et jusqu'aujourd'hui il porte ^encore le nom de ce dieu er de cette planète. C'est a la faveur de ce nombre septenaire auquel il présidoir, que nous fcroyons que le rapport d'Enoch a Saturne, déja indirectement prouvé par rout ce qui précède , peut être direcrement érabli , 1'écriture ayarit de même accordé au prophéte Enoch la septième génération depuis la création. Comme la génèse n'a point fixé ses dates, et placé ses époques a 1'aventure , comme nombre de certains incrédules se le sont imaginé ; mais qu'il y règne un plan et un systême raisonné , dont nous venons touta I'heure de voir un exemple, il est naturel de soupconner que ce n'est pas sans raison er sans morifs qu'elle a placé son Enoch' périodique a la septième génération. Pour parvenir a la découverte de cette raison secrette , je ne connois d'autre moyen que d'observer si 1'ordre des sept générations ensemble, et des 'sept patriarches , n'auroit pas eu pour règle le rang des sept planètes, et des sept jours de fa semaine qui portent leut nom. Nous pouvons d'autant plus sérieusement tenter cette recherche , que j'ai déja reconnu que ce point de vue , si céleste et si sublime , avoit été celui des auteurs Romains et Chinois de qui nous tenons les anecdotes des sept rois de Rome , er des sept premiers empereurs de la Chine. Comme plusieurs autres peuples ont suivi le même plan , si nous avons le bonheur de réussir dans un semblable examen chez  sur Elie et Enoch. 10$ les Hébreux , ce sera la preuve directe du rapport d'Enoch et de Saturne. Nous verrons en même tems que les Juifs ont eu raison de n'avoir jamais voulu céder en rien'aux plus fameux peuples du monde, qu'ils sont et seront toujours les tivaux de toute la terre, en fable, comme en histoire-, et nous trouverons de plus , en faisant ces observations, de nouvelles instructions et de nouvelles lumières qui ont éclipsé jusqu'ici la vérité et échappé a tous nos savans et sacrés interprêtes. ADAM. \"e. Génération. L E SOLEIL. I". Jour de la semaine. Adam , comme le premier et le chef de tous les hommes sur la terre, a des droirs inconresrables pour briller a cóté du soleil, le premier astre de notie uiiivers. Le nom d'Adam désigne celui qui est .rouge. C'en est assez pout juget pai son rang et par son nom de son analogie avec le soleil, sans aller chercher les chroniques Orienrales, qui en fonr, comme les chroniques Persannes d'Aly, le plus beau visage et le plus bel homme qui ait jamais été, et qui lui ont donné trois enfans qu'ils ont appellé feu, flamme et lumiète. S E T H. IIe. Génération. LA LUNE. IP. Jour de la semaine. S e t h , son fils, le père de la branche des saints,  204 Dïssertation doit, en qualité de second dans 1'ordre généalogique avoir sans douce rapport a la lune a qui le second jour de Ia semaine a été consacré. Peut-être a-t-on fait de beth la tige des hommes religieux, paree que la lune a toujours été la régie des fètes et 1'annonce des assemblees religieuses. C'étoit pour certe raison que le mot qui signifioit la lune et lunaison (Jerach, la lune en hébreu ) dans les anciennes langues orientales, désignoit dans les anciennes langues occidentales, le prêtre et Ie sacerdoce. ( Jésus, un prêtre en giec ). On ne peur douter que ce n'ait été a cette sainte propriété de la lune que Seth a dü son pnvilège. C'est aussi dun législateur trés-religieux dont les Romains ont lait leur second roi , c'est-a-dire de Numa , dont le nom, comme l'ancien nom Menès, nom Egyptien de la lune (Numa n'est que son anagramme) signifie la lei, la courume. Le nom de Seth, qui signifie être mis, être remplacé, a pu' lui ètre donné sous cet autre point de vue, que la lune suceède au soleil et le remplace. Comme cette planète, par la variété des idees popuIaires, a été souvent regardée comme une planète malfaisante, et la reine des enchanteurs et des magiciens; ce pourroit être de-la que les Egyptiens donnoient a Ienneroi du monde le nom de Seth ( Typhon) qui dénvant alors d'une autre racine , signifieroir destructeur. Sethath, en Chaldéen , est le trisre hyver qui dépouille la rerre. Si nous allons chercher le nom de Seth dans Sathar et sethar , céler, cacher, couvrir, nous y verrons encore un des caractères que les phases lunaires ont fait attribuer a notre planète. Si nous voulons connoitre Serh par les Rabbins , nous verrons qu'ils donnent a ce patriarche une sceur qui servira même a dévoiler son frère : ils 1'appellent tantöt Asurah, et tantöt Oreah : s'il dériye d'Hcrach,  Sur Elie et Enoch. xoj il signifie la mort : s'il dérive d'Harach , il signifiera qui concoit ou fait concevoir •, aiors ce sera la déesse Lucine, qui présidoit aux accouchemens. Oreah, aussi bien que Lucina , signifie encore lumineuse; ce qui rapproche de toute facon notre Asurah de la lune , et de Seth lui-même , qui avoit fait nombre de prodiges, disent les Séthiens de 1'Asie , qui prétendoient tenir une religion particuliere de ce patriarche, travest» en déesse. Peut-être même doute-t-on qu'il puisse désignet la lune, paree que la sceur qu'on lui donne n'est autre chose que cette même planète. Pour diminuer cette surprise et éclairer 1'obscurité qui semble règner ici, il faut savoir que la primitive idolatrie , peu galante , n'admettoit point la divinité féminine : la lune alors n étoit que le dieu Lunus •, et ce n'est que sous son nom que nous devons la reconnoitre dans notre patriarche. Lorsqu'ensuite les hommes sont devenus plus religieux envers le beau sexe, alors la lune est devenue la déesse Luna-, et pour ajusrer la nouvelle mythologie avec 1'ancienne, on en fit la sceur du dieu Lunus, et de notre patriarche par conséquent. Le culte de cette planète , sous le nom de Lunus, subsistoit encore au rems de 1'empereur Caracalla. Spartien nous apprend que cet empereur fit, pour 1'adorer, un voyage a Cherès en Mésopotamie, oü ce dieu Lunus avoit 'encore des autels (i). II convenoit qu'une lune Séthienne, ou qu'un Seth lunaire eut des adorateurs dans la patrie d'Abraham qui étoit de sa race. (011 ne seroit pas difttcile de retrouver ce dieu Lunus dans Jupiter gathien. Voyez Plutarque , yie de Thésée.  lo6 Dissertation ENOS. IIP. Génération. MARS. IIP. Jour de la semaine. L e dieu Mars, qu'Homère et tous les poëtes Grecs font fils de Jupiter et de Junon, c 'est-a-dire, du Soleil et de la Lune., tient le ttoisième rang dans notre semaine , comme Enos , fils de Seth , et petit fils de 1'Adam solaire, tient le ttoisième rang dans la généalogie sainte. Enos signifie, qui «cause la mort, une chose mortelle, nom très-convenable au dieu des batailles : ainsi c'étoit sans contredit de cet ancien nom grec que Bellone, la déesse de la guerre, s'appelloit Enovo et Enyo, et que Mars étoit surnommé Enovalius et Enyolius, du même mot Enous ou Enos, ou 1'Hus Phénicien, c'est-a-dire le dieu qui porte la mort, le dieu des querelles meurtrières. C'est , sans doute, d'après de telles enseignes qu'il est écrit, que ce fut au tems de notre patriarche que la profanation et le crime commencèrent a règner sur la terre. Comme ce Dieu j tout cruel qu'il étoit, a été néanmoins la divinité favorite de plusieurs peuples, et entr'autres de ceux de la haute Asie , d'ou les Hébreux éroient originaires, et que ce Dieu y étoit adoté sous la forme d'une épée; c'est encore, sans doute, de-la que les Rabbins attribuenr a leur Enos des livres sacrés et des institutions religieuses , et que le Dieu des Hébteux est souvent appellé le Dieu de la vengeance , et le Dieu des combats.  sur Elie et Enoch. ioj C A I N A N. IVe. Génération. MERCURE. IVe. Jour de la semaine. Cainan, correspond au jour de Mercure, c'esta-dire Mercredi. Tout le monde sait 1'analogie de Chuan des Phéniciens, et de Canaan des Hébreux, avec le dieu des marchands. Ainsi por.r juger du rapport de notre 4e. génération avec cette quatrième divinité, il suffit de savoir que Ca'man ainsi que Canaan, ont la même valeur, et signifienr 1'un et 1'autre, possessenr, acheteur, commercanr. M A L A L É E L. Ve. Génération. i J U P I T E R. Ve. Jour de la semaine. Malaleel, qui signifie brillante abondance, fait connoitre par-la le rapport qu'il doit avoir avec la planète de Jupiter , qui, dans la science des horoscopes j prédir süremenr, dit-on , le pouvoir et les richesses. Je serois assez tenté d'en croire quelque chose, paree que le pseaume 8oe. que les Hébreux chantoient le cinquième jour de chaque semaine, ne parle que ie corbeilles pleines, que de bouches remplies, et que de 1'abondance de cette farine et de ce miel promis aux justes. Mais je ne sais si les pseaumes, malgré le grand  ic8 Dissertatión respect qu'on leur porte, pourroient faire revenir 1'astrologie du discrédit oü elle esr tombée parmi nous : c est que nous ignorons que la distribution de ces hymnes, eu égard au jour de la semaine, s'est depuis plus de deux ou trois mille ans conciliée avec la marche des planères •, et que tantöt c'est le soleil _, tantöt la lune, et tantöt Jupiter, etc. qui décident du genre de 1'instruction que 1'on doit donner en ces jours auxquels ils président tout-a-tour. JARED. VP. ü-eneration. V E N U S. VP. Jour de la semaine. Jared, correspondant au jour de Vénus , et les erreurs précédentes ayant été si bien liées et si bien suivies jusqu'icij nous pouvons deviner sans efforr, et sans crainte de nous tromper, que ce nom parriarchal n'est qu'une altérarion, ou une autre prononciation de Jarech, ou Jarad, nom de la lune des Hébreux, 1'Astharte, la Vénus de la Phénicie. D'ailleurs, ainsi que 1'Adam solaire a eu pour fils un Seth lunaire, pour la première fois, il a bien fallu que le Malaléel solaire (car Jupirer étoit tantöt un astre, et tantöt une planète ) eüt \ son tour un Jared lunaire. C'est a la vérité un doublé emploi en fait de génération et d'histoire qui ne seroit point tolérable aujourd'hui comme il 1'étoit autrefois; mais les siècles ne sont-ils point différens en rout ? Notre siècle qui ne pourroir présentement donner 1'existence a un insecte, est-il comparable a cet ancien firmament de la génèse, qui étoit une  sur Elie et Enoch. aoji une si fertile pépinière de grands hommes et de saints personnages ? Le génie même et la facon de penser des hommes nont-ils pas totalement ohangé ? Aujotird'hui rrois ne font qu'un : jadis un seul en valoit mille. ENOCH. VIP. Génération. S A T U Pv N E. VIP. Jour de la semaine. Nous voici donc enfin arrivés au ternie que nous cherchions. Enoch et Saturne, la septième génération et le septième jour, correspondent aussi parfaitement entr'eux , que les six autres générations, les six planètes, et les six jours précédens. Aussi ce n'a pas été un faux avis qui nous avoir été donné par le plan historique des sept rois de Rome, et des sept premiers empereurs de la Chine ; et nous pouvons avec assuranee nous fiatter de commertcer a conUoitre le systême des chronologies er des généalogies des Hébreux , sur lesquelles on a déja tant travaillé avec si peu de succès, Ces trois exemples, auxquels nous pourrions en ajc ater d'autres aussi peu soupconnés, se prouvent trop inutuellemënt, pour ne nous pas instruire du talent des anciens en fait d'histoire. On peut juger par la différence des dares oü les Hébreux , les Chinois et leS Romains ont placé ces sept regnes , que le [ enre astrologico-historique a éré du goüt d'un trés-grand nombrö de siècles. Par-la nous devons acrucllement découvrif que tout ce que les nations anciennes ont appellé le règne des dieux et des héros , est ce qu'en langus Isme IK O  11 o Dissertation sainte on appelle le règne des patriarches, et que soufi ces différentes dénominations , la confiance que nous devons avoir^ pour 1'un et pour 1'autre, doit être en route équité pésée au méme poids et a la même ba- lance. La distribution des ceuvres des sepr jours de la création a paru de même toute astrologique. La lumière fut faite le jour du soleil; 1'aride parut le jour de Mars ; l'homme parut le jour de Vénus, et Dieu se reposa le jour de Sarurne. L nistoire des sept générations nous confirme ici ce que nous avons avancé plus haur, que l'ancien plan de la génèse avoit été de déterminer la révolution du déluge aussi-têt après Enoch, comme les autres traditions le font arriver aussi-tót après la mort d'Annac. Les trois générations qui ont été ajoutés ne peuvent donc être regardées que comme une inrerposition qui a été faite par la suite dans la génèse. Pour en expliquer les motifs, j'oserois hazarder que les rrois patriarches , Mathusalem , Lameth et Noé , n'ont été ajoutés ainsi aux sept' primitives générations , que paree qu'ils ont rapport aux trois anciens dogmes cèlébrés a la fin des périodes seprenaires. Mathusalem (a vécu prés de mille ans) et désigne comme nous avons vu, la fin du monde. Lamech (auquel on donne une vie sabbathique de 777 ans), et qui signifie roi , ainsi que Malech, dont il n'est que 1'anagramme, désigne le grand juge ; et Noé qui signifie dieu avec nous, repos et tranquillité , désigne la vie future > er le monde renouvellé. Ce n'esr que sous C3 titte qu'on a fait de ce dernier patriarche la source du genre humain depuis le déluge , et qu'on lui a donné , ainsi qu'a Saturne , trois fils pour repeupler les trois parties de la terre. lis en auroient eu quatr»  ■sur Elie et Enoch. iiï certainement, si 1'Amérique eüt été plutót décou- 1 verteSi c'étoit ici le lieu de suivre ces belles chroniques et ces pieuses générations, nous verrions que les douze signes du zodiaque n'onr cédé en rien aux sepr planetes, et qu'ils ont comme elles , fécondé et multiplié la race des dieux et des sainrs. Mais comme ces observations nous meneroient trop loin de notre sujet, ! examinons seulement en passant, 1'invincible penchant qu'ont toujours eu les Hébreux vers 1'idolatrie phénieienne et chaldéenhe. Ils n'en ont été Maniés par leurs prophêtes que paree que ceux-ei qui lisoient mieux dans le futur qu'ils ne connoissoient le passé , ignoroient que les Hébreux voyoient dans les yeux de leurs voisins leurs pères, leurs ayeux et leurs ancètres. Ce culre des ancètres encore subsistant a la Chine procédé de la même source, et n'est cependant pas condamné par les P. P. de la société de Jésus. Pour revenir a notre Enoch , a notre Saturne, er k notre septième génération , toutes les roures détournées que nous avons prises pour parvenir a des vérités si profondément embarrassées et cachées, nous ont fait voir que c'est d'une souree commune qu'il a été dit que le sombre Saturne , qni présidoit aux révolutions expirantes , avoit été chassé du ciel par Jupirer, (Saturne a, de même qu'Enoch et qu'Annac , averti les hommes du déluge) et que le trisre Enoch avoit ére enlevé , ou si Ton veut emporté, au bout d'un nombre périodique. Iudépendamment du terme de 505 années que 1'on a donné a sa vie sur la terre, et du rapport de la septième génération au seprième jour,deux circonsrances qui indiquent ces vertus périodiques vont nous éclairec On ne peut négliger de remarquer què eest fan du monde 9S7 qu'il a disparü, c'est-a-dire & Q *  Ui Dissertatïon la fin du premier milliaire, le nombre de mille ayant été une quantité respectéede qui, sans doute a dépendu la lóngueui ou la brièveté des six générations antérieures a ce patriarche, qu".l falloit bien amener a ce tems. Comme le respect qu'on avoit pour les périodes millénaires ne décidoit point parfaitement si les révolutions, ou les grands événemens devoienr arriver au commencemenr, au milieu , ou a la fin de la dixieme dixaine de chaque mille \ c'est de la que 1'enlèvement d'Enoch ayant été placé vers la fin de son milliaire, 1'enlèvement d'Elie n'a été placé que dans la première année de la dernière dixaine d'un autre milliaire, qui répond a Tan ooi de notre ère vulgaire. C'esr ainsi que dans les semaines sabbathiques de la vie de Noé, le déluge a été placé 1'an 601 de la vie de ce patriarche. Chez les Romains, le jour de Saturne leur renoit lieu du jout sabbathique des Hébreux, que nous pouvons chez ces derniers appeller de même le jour d'Enoch , et les mêmes usages se prariquoient chez les deux peuples sur des motifs singulièrenent difFêréns. Les Romains redoutoient le septième jour , comme un jour noir et de mauvais augure, pendant lequel ils se seroient bien gardés d'enramer une affaire, ou de se rnettre en voyage. Jamais néanmoins ce peuple , non plus que les Grecs qui appelloient de même le septième jour j un jour redoutabb , n'ont motivé le sujet de cette horreur, qu'en nous disant qu'il étoit funeste et malheureux. Si nous en croyons les Hébreux qui gardoient ce jour-la un exact repos et s'abstenoient de toute affaire et de tout voyage, comme les peuples de 1'occident, ce repos étoit un devoir religieux pour tous les hommes , er eux en particulier devoient honorer le repos du dernier jour de la création. Pour démontrer ici que les Hébreux , comme les  sur Elie et Enoch. lI5 Romains étoienr dans une parfaire ignorance de leurs propres usages, er que le vrai rnotiF de cette horreur de cette terreur des nations , et du repos mdicietix du judaïsme ne procédoit que de fancienne attente dn ugement dernier, et de la fin du monde au septième our, rappellons le pseaume que les Hebreuxx chantoiert chaque jour du sabbath , sans y comprendre plus que les Romains ne comprenoient aux hymnes de leurs Sybilles ». Hspêtitont ^ditce pseaume en parlant des pécheurs,, voici qu ris vont périr: ceux qui coml mettent lïniquité, et que les justes seront renou,'. velles». On entrevoit .donc ici le pêche originel de tous les usages du septième jour chez rous les peuples du monde. Les uns alors s'affligeoient, lorsque d autres se réjouissoient, a cause de ce doublé point de.vueqm unissoit i'instant de la destruction du monde , avec 1 instant de son renouvellement futur. Mais en tenant ces conduites opposées, ils avoient tous oublié quel etoit le vrai motif de leur crainte et de leur espetance Nous devons ajoutet ici que le f. jour qui portoit le nom de sabbath n'avoit point eu ce nom primmvement, comme le repos de ce jour -de la création ; mais pour lé même sujet et dans le même sens que ce même nom avoit été donné au premier mois de 1'année solaire, paree quil désigne par sa vraie racine un période nouveau et un renouvellement. Sabbath n'a sigmfié repos par la suite des tems, que paree que 1'on s est repose ce jour-la sous difTérens prétextes religieux er superstitieux.' C'est ainsi que 1'altération du sens primitif des noms, a toujouts suivi 1'altération des usages et de leurs motifs. Les différens objets qui ont paru dans cette dissertation , ont du faire entrevoir a chaque instant des découvertes séduisantes a suivre , er des questions Siss O 5  *14 Blssertatïon iiombre a proposer et a résoudre : mais comme chacune en particulier demanderoit un livre entier , je me suis écarté le moins que j'ai pu d'Ldie et d'Enoch. Ainsi, quoique ces deux personnages soienr dans un champ sans bomes et sans limites , hatons-nous néanmoins de leut en donner , et finissons par quelques notes rapides sur ce qui nous reste a dire sur certains hommes sacrés er prophanes qui ont quelques obiigations a nos deux patriarches qu'ils ont pris , et qu'on leur a donné pour modele. Nous avons vu que c'étoit de la même source d'oü étoient sortis Jes Enoch , les Annac et les Cannac, qu'étoient également sortis les Janus et les Nanna. C'est encore dans cette source qu'il faudra chercher 1'origine des déesses, telle que Diane, et les Anaïs et les Anaites d'Arménie et de Cappadoce. On y trouvera encore 1'Oannes des Babyloniens , ce fameux législateur. Mais ce qui doit être plus intéressant a notre égard, c'est d'y reccnnoitre rous les différens personnages qui ont porté le nom dAnne , de Jean , de Janvier: leurs histoires a rous porrent le nom de leur origine , et ont conservé jusqua nous le ton et les prérogatives de 1'illustre maison de Janus. Les idéés singulières dont les Juifs et les Chrétiens du premier siècle s'étoient prévenus sur Jean-Baptiste, sur Jean 1'Evangéliste, avoient un principe qui n'a nul-! ement été soupconné jusqu'ici. Ce n'étoit pas seulement paree que Jean-Baptiste prêchoit la pénitence , et paree que les hommes de ce siècle s'attendoient au grand et horrible jour du Seigneur , que les Juifs s'imaginoient qu'il étoit Elie et le précurseur de celui qu ils artendoient: ce n'est pas encore de ce qua 1'imitanon d'Elie, il portcit un habit de poil et une ceinture de cuir sur ses reins j c'est qu'au genre-de vie qu'il  sur Elie et Enoch. 21 $ avoit embrassé , il avoit joint un nom dont les orientaux. ne pouvoient méconnoitre le sens et la valeur, Jean , Joannès, Joannan , ne sont autres que ceux de Jo-Annus, Jo-Annes, Jo-Annan et Jo-Annach ; le dieu Janus, le dieu Annach, nom de cet ancien symbole et de 1'approche du grand- juge , qui, personnifié sous celui d'Enoch , le confondoit nécessairement avec celui d'Elie. . . II en est de même de Jean le bien -aime , disaple du Messie des Chrériens, il lui avoit dit, sans doute, pour de bonnes raisons, er avec connoissance de cause, qu'il restcroit jusqu'a ce qu'il vuit : mais les aurres disciples , non encore éclairés -j de 1'Esprit-Saint, ne devinèrent poinr les'vues de leur maitre , et croyant avoir 1'explication de certe énigme dans lenom de Joannan que portoit leur confrère , ils pensèrent qu'il auroit le sort d'Enoch, qu'il ne mourroir poinr avant la fin du monde et 1'arrivée du grand-juge. Comme cet oracle neut pas dans le tems un accomplissement aussi subit que l'ancien oracle d'Annac , l'église d'Orient a sauvé 1'honneur du Messie par une -assomption de Jean toute semblable a celle d'Enoch et d'Elie ,-et l'église d'Occident s'est contentée de faire vivre son apótre assez d'années pour qu'il put voir en racourci les horreurs de la fin du monde dans la désolation de la Judée , et la destruction de Jérusalem. C'esr donc dans ces noms , er dans routes les fausses idéés nies de 1'abus des anciens dogmes, qu'avoient été puisées toutes les opinions singulières et toutes les extravagantes et dévotes histoires qui onr eu cours dans les premiers siècles de notre ère sur les témoins et les coadjuteurs de fa mission du Messi e, tl esr vrai qus l'église qui sait discerntr Tivraïe du bon gain , en a re ■ ',3 4  *1 & Disstrtation jetté tant qu'elle a pu , et qu'elle a sagement supprimé une multitude d'évangiles aussi anciens que ridicules et des usages sans nombre qui sentoient trop leur vémable source : elle ne fait point, comme toute 1'églistf d oriënt, cette fête comique de 1'enlèvement de Jean a l equmoxe d'automne; elle a retranché des messes de Jean 1 Evangehste , la prose du Bceuf , cet ancien sym-bole du soleil d Osiris, et du grand-juge Egypden. Ce nest plus quen quelques endroits , comme i SaintMaur (i) encore, qu'a 1'équinoxe du printems , on céIcbre des offices nocturnes a trois messes en 1'honneur de Jean. Comme il n'est plus actuellement d'usage de le faire quen 1 honneur de la naissance du Messie au solstice d'hyver, ce période solaire qui régloit chez les Komains la fêre de 1'invincible Mythra , il faut espérer qu il en sera de même un jour de bien d'aurres usages semblables que l'église n'a tolérés jusqu'aujourahui que par condescendance , sans doute, pour la dureté du cccur de ses enfans. L'aiglc , cet antique symbole de 1'année courante chez les Egyptiens, est encore le symbole de Jean 1'Evangeliste. Toutes les fètes de Jean (2) suiveiit, sans qu on y pense , les anciennes périodes de Janus, et sont toujours indiquées par des solstices ou des équinoxes. leis Jeans que ce puissent être, apótres , martyrs et confesseurs 3 tous vienncnt prcndre la place qu'ils ont heritée de Janus, et je ne sais même si leurs légendes 0) Ce., fètes ont ét. supprimées de nos jours. Cette égU,e ne sub, liste plus ( i735J. . O) Equ.We de Mars, Jean C'imaque : Solstice de Juin, JeanÏSapMste, Jean de Palsam , Jean Martir. Equinoxe de Septembre , Jean Je Nam , Jean de Montnrirel. Solstice de Décembre , Jean TEvan^iiste , Jean Cynlle. "  sur Elie et Enoch. nj ne placent point toujours leur mort ou leur naissance sous ces équinoxes et époques solaires qui leur appartiennent de droit. Nous avons, en 1'honneur de cet évangéliste, des feux publics et des brandons par une suite de cet ancien usage de rallumer les feux sacrés au renouvellement des années , des saisons, et même des semaines. C'esr a 1'équinoxe d'automne qu'arrive en Iralie la fête de Saint Janvier dont le sang miraculeux doit alors se renouveller a Naples , pour décider de la stérilité ou de 1'abondance de 1'année, de la tristesse ou de 1'allégresse de la fête: c'est le saint le plus cher au pays: il est, suivant une légende irréprochable, 1'aïné des sept planètes •, et preuve authentique qu'un tel saint et qu'une telle fête est plus antique que le christianisme même, le norn de Janvier a de même chez nous ses priviléges f er le premier mois de 1'année contient plus de fêres de Jean qu'aucun autre mois. C'est encore le nom de Jean qui est le plus souvent invoqué dans tous nos offices, et dans nos prières diurnes et nocturnes, avec une disrinciion particulière , comme successeur, sans doute , de Janus , dont le nom jadis commencoit tous les actes de religion chez les Romains , dans le rems que ce dieu étoit 1'introducteur en charge auprès des dieux , et le porteur accrédité de de toures les suppliques des mortels. Ce sont encore les saints qui ont 1'avantage de porter ce nom , auxquels nos légendes ont toujours eu 1'attenticn de donner une vie longue. En erfer, des sainrs moulés sur des êtres qui ne devoient point mourir, devoient nécessairement obtenir une vie plus longue que le commun des saints, depuis que la mode des enlévemens s'est perdue.  2i$ Dissertaüón Pour rerminer enfin ce parallele instructif, ajoutons que, par une suite de .analogie que le nom de Jean er ses histoires ont toujours conservée tacitement avec les Enoch, les Annac, les Elie, les Aly et le soleil, qui tous ont été révérés de 1'antiquité et du monde entier; eest dela que les fêres de Jean sont aujourd'hui recues et respecrées de routes les nations , malgré la différence des religions. Ce n'est point un saint de vilIage , comme tant d'autres qui sont iuconnus hors de Ia vue de leur clocher. Jean est un saint universel dont les fêtes sont célébrées par les Mahomérans d'Europe , d'Asie et d'Afrique , aussi bien que par les Chrétiens , et qu'il ne me seroit pas difficile de retrouver chez les Incas de 1'Amérique. Arrivé au tems de nos recherches sur toutes les erreurs qui onreu cours sur la terrea 1'occasion d'Elie, d Enoch, et de leurs semblables , n'ai-je pas lieu de craindre qu'après un rableau aussi frappant de la conduire du genre humain depuis tant de siècles , on ne nre une conséquence route différente de celle dont j'ai cherché dès le commencement de cette dissertation a prévenir le lecteur ? Pourra-t-on reconnoirre a rravers ce ténébreux cahos de mensonges, et dans cet abmie d erreurs oü le monde s'esr plongé et resre enseveli, .cette voix intérieure , et ce penchant naturel vers le vrai dont . je pretends faire honneur a 1'humaniré ? Cette chaine d'erreurs et d'imbécillité n'est-elle pas plutot une preuve du contraire , et ne sera-t-elle pas a jamais un monument du gout naturel et persévérant que les hommes ont pour la fable ? Pour détourner d'aussi noirs pressentimens , je n'aurai besoin , je pense , que de faire remarquer, que si l'homme est fait pour la vérité , il n'est point né cependant pour elle, et qu'il lui  sur Elie et Enoch. faut nécessairement , pour la connoitre, des instrucrions , des lecons et des exemples. Les reproches qu'on auroir droit, ce semble , de faire aux hommes , ne doivent donc point tomber sur eux en général, mais Süt le nombre de ceux qui, dans rous les ages, se sont rendus , par leur état, les guides et les docteurs de 1'univers. C'est deux seuls en effet qu'il auroit dépendu (s'il n'y eüt eu de leur 1'intérêt sans doute) de nous instruire tous sans préjugés: 1'un neut pas été plus difficile que 1'aurre, ni pour eux , ni pour nous. Si leurs saints et leurs ministres sacrés eussent secondé, comme ils devoienr, ce fond naturel de religion et de raison, qu'il seroir atroce de méconnoïtre dans le cceur humain, et qu'ils-eussent fair succéder des instructions simples et vraies a ces grandes er sublimes lecons qu'avoient déja donné les malheurs du monde-, nen doutons point, jamais 1'on n'auroit vu les nations faire, comme de concert _, des chütes aussi horribles et aussi déplorables, II ne faut point d'autres preuves de 1'impossibiliré de ce concert, que la trame même des erreurs que nous venons de parconrir: Le genre humain encore esr réuni de sentimens sur la fabuleuse rour de Babel: mais sur des faits plus récens , il est incapable de construire et d edirier des systêmes d'erreurs médiiés, ré'léchis et calculés a loisir, comme ceux dont les annales des Hébreux viennent de nous offrir un exemple. Les malheureux humains onr donc été trompés par ceux donr ils devoient être éclairés. Plnignons-les dcnc dans leurs égaremens ; er loin de les insulter pour un crime involontaire , que certe confiahce même qu'ils ont eue aux artisans du mensonge, en les preuant pour les artisans c\e Ja vérité, nous fasse lire dans 1'avenir ce  zio Disstrtation , &e. , que les hommes seront un jour, lorsque le progrès général des connoissances leur aura appris et démontré que tout ce qu'on leur a donné pour une succession continue et non interrompue de faits et de vérités, n'est qu'une succession continue et non interrompue de fables et d'impostutes sacerdotales.  EXAMEN CRITIQUE DE SAINT PAUL:   ÉPITPlE dédigatoire A M. L. N, MONSIEUR, T) : 'ans notre dernier entretien vous m avez paru fort épris de St-Paul et de ses ouvrages: vous m'avez recommandè de relire ses écrits; m'assurant que j'y trouverois des argumens très-propres a ébranler Tincrédulité et a conlïrmer un Chrétien dans sa foi. Quoique les actions de cet apótre si célébre , rapportées dans les actes , et sa doctrine contenue dans ses épitres, me fussent déja parfaitement connues , cependant, pour me conformer a vos desks er vous donner des preuves 'de ma docilité , j'ai relu ces ouvrages, et je puis vous assurer que je 1'ai fait avec la plus grande attention. Vous en jugerez vous-même , par les réflexions que je vous envoie: elles vous prouveronr au moins*que j'ai bien lu. Un coup-d'ceil superhciel n'est propre qu'a. nous rromper ou a nous laisser dans Terreur. Les passions et les préjugés des hommes les empêchent d'examiner avec ardeur, er la paresse les dégoute trés-souvent des recherches nécessaires pour découvrir la vérité , que Ton a pris d'ailleurs tant de soin de voiler a leurs yeux. Mais on a beau la couvrir , son éclat perce tot ou tard; les ouvrages de 1'enthousiasme ou de Timposture finissent toujours par se trahir eux-mêmes. Au reste , lisez et jugez. Vous trouverez , je pense , au moins quelques raisons pour rabattre un peu de la haute opinion que le préjugé nous donne de Tapêtre  224 EPITRB DIDlCAlOIR!, des Gentils , cc du systême religieux des Chrétiens t dont St-Paul fut évidemment le véritable architecten Au reste, je iTignore pas qu'il est très-difficile de se défaire rout d'un coup des idéés auxquelles notre esprit s'est depuis long-tems accoutumé : mais , quel que soit votre jugemènt, il n'altérera point les sentimens d'amitié et d'attachement qui sont dus a la bonté de votre cceun Je suis &c. EXAMEN  EXAMEN CRITIQUE DE SAINT PAUL. Insanis Paule : muiten te litterae ad imaniam convertunt. Act. Apost. cap. xxvi. v 24. CHAPITRE PREMIER. La conversion de S. Paul est-elle une preuve en faveur de la religion chrétienne. -P1.US1EUR.S théologiens voudroient nous faire regarder la conversion miraculeuse et Tapostclat de Saint Paul, comme une des plus fortes preuves de la vérité du christianisme. Mais , en regardant la chose de prés, il paroit que cette conversion, loin de prouver en fav;ur de cette religion , en infirme les autres preuves. En effet , nos docceurs assurent continuellement que la religion chrétienne tire ses plus fortes preuves des prophéties de Tanden testament: tandis pourtant que dans le vrai il n'esr point une seule de ces prophéties qui puisse être littéralement appliquée au Messie des Chrétiens. St-Paul lui-même, voulant se servir de ces oracles de la nation iuive pour prouver la mission du I Christ, est obligé de leur donner Tentorse , er de leur chercher un sens mystique, allégorique, figuré. D'un autre cóté , comment ces prophéties, faites par des Juifs et adressées a des Juifs , pouvoient-elks servir de preuves a la doctrine de St-Paul, qui avoit évidemment formé le dessein d'altérer, ou même de detruire Ta::- *rr. p  n6 Examen critique la religion judaïque , pour élever un nouveau systême sur ses ruines ? Les choses étant ainsi , quelle connexion réelle ou quel rapport pouvoir-il y avoir entre le systême religieux des Juifs et celui de Sr-Paul ? Pour que cet apótre fur en droit de faire usage des prophéties de ces Juifs , il falloit qu'il restat Juif; sa conversion au christianisme lui ótoit évidemmcnt le droit de se servir des prophéties appartenantes a la religion qu'il venoit d'abandonner et dont il méditoit la ruine. Des prophéties véritables ne peuvent se trouver que dans une religion divine, et une religion vraimenr divine , ne peut être ni alrérée , ni réformée , ni détruite ; Dieu lui-même, s'il est immuable, ne pourroit pas la changer. En effet, les Juifs ne pouvoient-ils pas dire a St Paul : <• Apostat que vous êtes ! vous croyez a nos pro» phéties, et vous venez détruire la religion fondée " sur ces mêmes prophéties ? Si vous croyez a nos » oracles , voüs êtes forcé de croire que la religion f> que vous avez quittée est une teligion véritable et '» divinement inspirée. Si vous nous dites que Dieu a » change d'avis, vous êtes un impie, qui prétendez " que Dieu a pu changer er n'a point été assez sage " pour donner tout d'un coup a son peuple un culte » parfait et qui n'eut pas besoin de réforme. D'un » autre cöré , des promesses réirérées du très-Haut, » confirmées pat' sermens a nos pères , ne nous as» surent-elles pas que son alliance avec nous doir érer-> - nellement durer ? Vous êtes donc un imposteur, et » suivant notre loi , nous devons vous exterminer; » vu que Moyse , notre divin législateur , nous or» donne de faire mourir quiconque aura la témérité " de nous précher un nouveau culte , quand même il » confirmeroit sa mission par des prodiges. Le Dieu  de Saint Paul. 22.7 » que vous prêchez nest pas le Dieu de nos pères: » vous dires que votre Christ est son fils; mais nous n savons que Dieu n'a point de fils. Vous prétendez » que ce fils, que nous avons fait mourir comme un » faux prophéte , est ressuscité , mais Moyse n'a point » parlé de la résurrection; ainsi votre nouveau Dieu » et vos dogmes sonr contraires a notre loi ; et pat » conséquent nous devons les abhorrer ». Enfin, ces mêmes Juifs auroient pu dire a Paul : « Vous nous » rrompez en disant que vous êtes le disciple de Jésus. » Votre Jésus a été Juif pendant toute sa vie 5 il s'est » fait circoncire ; il s'esr conformé aux ordonnances » légales ; il a souvent protesté qu'il étoit venu pour » accomplir , et non pour abohr norre loi: randis que » vous , au mépris des protestations du maitre dont » vous vous dites 1'apótre, vous prenez la liberté de » changer cette loi sainte, de la décrier , de dispenser " de ses ordonnances les plus essentielies ». Bien plus, la conversion de Sr-Paul affoiblir érrangement la preuve que la religion chrétienne tire des miracles de Jésus-Christ et de ses apotres. Suivant les évangélistes eux-mêmes , les Juifs ne furent aucunement convaincus par ces miracles. Le prodige si éclatant de la résurrection du Christ, les merveilles opé- _ rées depuis par quelques-uns de ses adhérens , necon-' tribuèrent pas davantage a leur conversion. St-Paul n'en crur rien d'abordj il fut un zélé persécuteur des premiers Chrétiens , au point qu'il tij eut, suivant les Chrétiens, qu'un nouveau miracle , fait pour lui seul, qui put le convertir; ce qui nous prouve qu'il fut au moins un tems ou St-Paul n ajouta nulle foi aux merveilles que les partisans de Jésus racontoient a Jérusalem. H lui fallut un miracie particulier pour croire a des miracles que nous sommes cbiigés de croire P i  228 Examen cr'uique. clans le tems ou nous vivons, sans que le ciel opère aucun prodige nouveau pour nous en démontrer la vérité. CHAPITRE II. Opinions des premiers chrétiens sur les actes des apotres, et sur les epitres et la personne de Saint Paul. C'est dans les acres des apotres et les épitres de St. Paul que nous trouverons les détails de sa vie et le systême de sa doctrine : mais comment pouvons-nous être assurés de 1'authenticité de ces ouvrages , tandis que nous voyons plusieurs des premiers Chrétiens en douter er les rejetter comme apocryphes 2 Nous trouvons, en effet , que dès les premiers tems de l'église , des sectes entières de Chrétiens n'ont point cru que plusieurs des épitres publiées sous le nom de cet apötre, fussent réellement de lui. Les Marcionistes assuroient que les évangiles étoient remplis de faussetés , et Mardon , leur chef , prétendoit que son évangile éroit le seul véritable (i). Les Manichéens, qui formoient une secte très-nombreuse au commenceinent du christianisme , rejettoient comme faux tout le nouveau testament , et monrroient d'autres écrits tout différens qu'ils donnoient pour aurhentiques. Les Cérinthiens, ainsi que les Marcionistes , n'admettoient point les (i) Voyez Tiüemont, mémoires, tome II. p. 257. S. Irénée. Lit. i. chap. a5. Théodoret dans son histoire p. 196. S. Epiplune, Hérésf. >XVH. Légl.se a long-trui» doute que 1'épitre a'is Hébreux fut de S. Paul. Voyez le recueil appcllé Langusraana , et Tuist, etciés. d'Eutèbc , liv. VI, chap, ao.  de Saint Paul. 229 acres des apotres. Les Encratites et les Se've'nens m'aIdoproienr ni ces actes , ni les épitres de St-Paul. St. Jean Chrisostönie, dans une homélie qu'il a faite sur les actes, dit que de son tems ( c'est-a-dire vers la fin !du quarrième siècle ) bien des gens ignoroient , non-, seulement le nom de 1'auteut ou du collecteur de ces lactes , mais même ne connoissoient aucunement cet ouvrage. Les Valentiniens , ainsi que plusieurs autres sectes de Chrétiens , accusoient nos écritures d'être. remplies d'erreurs, d'impe.rfecrions , de contradictions, er d'êrre insuffisanres sans le secours des traditions; c'est un fait que St-Irénée nous atteste. Les Elicnites ou Na^aréens , qui , comme nous verrons bientót, furent les premiers Chrétiens, rejettoient toutes les épitres de Sr-Paul et le regardoient comme un imposteur et un faux frère. On ne manquera pas de nous dire que 1'on ne doit pas s'en rapporter au témoignage des hérétiques; mais je répondrai que dans le cas , donr il s'agit, leur rémoignage est du mème poids que celui des Orthodoxes, attendu que toutes les sectes diiTérentes se sont cru orthodoxes et ont traité leurs adversaires d'hérétiqiies. Comment démèler la vérité si 1'on n'entend les deux partis ? A quels signes reconnoitrons-nous ceux a qui 1'on doit s'en rapporter ? Donnerons-nous gain de cause, sans écouter leurs adversaires , a des écrivains qui nous. débitent des faussetés sans nombre, qui se contredisent eux-mêmes, qui ne sont jamais d'accord entr'eux, et dont, néanmoins, 1'on nous produic les éerits discordans comme des preuves de ce qu'ils avancent ? Dans toute autre matière une pareille conduite sembleroit décéler une parrialité marquée ou même de la mauvaise foi: mais en matière de religion tout est bon , et 1'on ne se croit pas obligé d'v regarder de si prés. 1J 3  ±3 o ( Examen critlque QuoiqiTil en soit, de ce qu'une secte a recu ou rejerté un ouvrage , il ne s'en suit pas que cet ouvrage soit vrai ou supposé ; il ne peut y avoir diversité d'opinions qu'entre des personnes de partis différens: leurs témoignages doivent paroitre d'un poids égal jusqu'a ce que les partisans d'une secte aient été convaincus d'être plus fourbes et plus menteurs que ceux d'une autre. Si 1'on n'a point d'égard a 1'autcrité des hérétiques, c'est qu'ils n'ont pas eu assez de pouvoir pour faire recevoir leurs opinions. C'esr le pouveir ou la foiblesse qui font des orthodoxes er des hérériques: ces derniers sont toujours ceux qui n'ont point assez de force pour faire passer leurs sentimens. Comment s'y prendre donc pour découvrir de quel coté est la vérité ? Un homme impartial ne s'attendra pas plus a la trouver dans un parti que dans un autre : ainsi le rémoignage de 1'un ne peut pas avoir plus de poids que celui du parti contraire, aux yeux d'un homme non prévenu. Cela posé , nous ne pouvons pas nous en rapporrer a 1'autorité des traditions chrétiennes, qui ne sont point les mêmes dans toutes les sectes , et nous serons réduits a recouiir tiniquement a la raison j sur-tout quand nous trouverons que les ouvrages que 1'on regarde aujourd'hui comme auihentiques, ont été regardés autrefois comme supposés ou comme apocryphes par quelques sectes chrétiennes trés-anciennes, et que les écrits que 1'on regardoir alors comme apocryphes ont été depuis adoptés comme vrais. II paroit que dans les anciennes églises on liscit a la fois les ouvrages qu'on regarde maintenant comme vrais et ceux qui passent maintenant pour supposés: ensorte qu'il y a lieu de croire qu'on les renoit alors pour également autheiuiques: il est au moins très-difficile de demontier le contraire dans le tems oü nous .yivens."  de Saint Paul. 231 Quelques églises ont attribué la même autorité aux écrits faux ou douteux, qu'aux écrits véntables. L'église romaine adopte aujourd'hui comme authenriques et comme divinement inspirés plusieurs livres de la Bible qui sonr absolumenr rejettés par les Protestans. Comment est-il possible de décider quel est le parti qui se trompe ? ) De quel droit peut-on affirmer aujourd'hui que les ouvrages de S. Paul, anciennement rejettés par tant de sectes chrétiennes , sont authentiques , c'esr a-dire , appartiennent vérirablement a cet apotre ? D'un autre cóté , comment attribuer a 1'inspiration des écrits remplis d'inconséquences , de contradictions, de bévues, de faux raisonnemens, en un mot, qui porrent tous les caractères du délire , de 1'ignorance , de la fraude 3 Je conviens que ceux qui manquent de preuves valables fonr roujours ttès-bien d'affirmer la chose d'un ton d'autorité; mais ce ton ne ptouve rien , et prévienr toujours contre ceux qui le prennenr. Rien n'esr plus nuisible a la vérité que 1'arrogance d'une autoriré usurpée. Voila cependant les armes que 1'on ne cesse d'opposer a ceux qui doutent de la religion. II sembleroit que ses défenseurs n'ont point d'autres argumens que leurs. prétentions; il esr aisé de sentir que ces argumens ne sont rien moins que dirimans. Les actes des apotres adoptés par les Ebionites ou les Na^aréens , rapportoient, entr'autres choses, « que » Paul étoit originairemenr Payen , qu'il vint a Jéru» salem , oü il demeura quelque tems •, qu'ayant en» vie d'épouser la fille du grand-prêtre, il devinr pro» sélyte et se fit circoncire ; mais que n'ayant pu » obtenir la femme qu'il désiroit, il se brouilla avec » les Juifs ; se rait a écrire contre la circoncision , P 4 i  i 31 Examen . cr'uique » contre 1'observarion du sabbath et contre celle des » ordonnances légales. On scair que le nom de Ndfaréens fut le premier qui fut dorinë aux Chrétiens. S. Epiphane, de qui le passage qui précède est tité , dit qu'ils furent ainsi nommés a cause de Jésus de Na^areth dont ils étoient les premiers disciples. Les Juifs les nommoienr Nasarden s, du motflébreu No^erim , qui signifie un séparé, un excommunie'; ils les désignoient encore sous le nom de Minéens , c'est-a-dire A'Héretiques. Ils furent encore par mépris nommés Êbionites , c'est-a-dire pauvres , mendiaus, foibles d esprits. En effet, le mot Hébreu Ebion , signifie un pauvre , un misérable , 1'on sgait que les premiers sectateurs du Christ n'étoient rien moins que des hommes opnlens ou spirituels. Ces premiers fïdèles étoient des Juifs, conyertis par Jésus lui-même ou par ses apotres les plus anciens, tels que Pierre, Jacques et Jean , &c , qui, ainsi que leur mairre, vécurent dans le judaïsme. Ces apotres, disciples et nouveaux convertis, ne diftéroient des autres Juifs que par la croyance en Jésus-Christ, qu'ils regardoient comme le Messie prédir par les prophêtes; ils se crurent d'ailleurs constamment obligés d'observer la loi Mosaïque, persuadés que leur Messie esr venu pour accomplir, et non pour dètruire cette loi. En conséquence ils conservèrent la circoncision , 1 abstinente de certaines viandes, 1'éloighemen; pour le G.nrils, en un mor les rites et les ordonnances judaïqu 's. Ainsi les premiers apcrres et leurs adhérens n'étoient que des Juifs , persuadés que le Messie étoit déja venu, et alloit bieutót régner •, ce qui les fit haïr er persécutet comme des schismatiques ou des hérétiques par leurs concitoyensi S. Jérome nous apprend que, même jus-  de Saint Paul. qu'a son tems, les juifs étoient dans 1'usage d'anathématqer les chrétiens 3 sous le nom de Nazareens , trois fois par jour dans leurs synagogues (i). Tout cela prouve évidemment que les Na^aréensoa Êbionites étoient les premiers chrériens, endoctrinés par les plus considérables des apotres , et que ces premiers n'étoient que des juifs réformés ; c'est véritablement la seule idéé que 1'on puisse se former du chns-, tianisme, tel qu'il a été enseigné par Jésus-Christ lui-même (i). ... Comment donc s'est-il fair que depuis Jésus le christianisme se soit tellement éloigné du judaïsme; Un peu d'attention nous prouvera que c'est a Saint Paul que ce changement est du. Rebuté par les juifs, qu peutêtre curieux de jouer un plus grand röle , nous le voyons se separer de ses confrères de Jérusalem , er entreprendre la conversion des Gentils , pour lesquels les juifs n'avoient que de 1'horreur. Encouragé par ses premiers succès i et voulant les étendre eiacore , il dispensa les payens de la cérémonie douloureuse de la circoncision ; il déclara que la loi de Moyse n'étoit qu'une loi de servitude, dont Jésus étoit venu arTranchir les hommes ; il prétendit que toute 1'ancienne loi n'étoit que ïcmbléme et la figure de la loi nouvelle ; s'annonca comme Xapotre des Gentils , et laissant précher a Pierre et aux autres Nazareens 1'évangile de la circoncision, il prêcha son propre 'évangile , qu'il appella lui-même celui de Xincirconcision : en un mot il fit divorce avec la loi des. juifs , a laquelle les apötres ses confrères (i) S. Hierouym. in Isaiam. cap. V. vt. 18. (a) Le savant Sclden ' fc Synedr. lib. I, cap. 8. ) en par antd», Chrelien, , Ah : Nee disciplina il/a apud eos aha quam judaamus reformatus, M» cum jide in Mesüam , seu. ChrUtum , rUè «mjunctus.  4 3 4 Examen eritique erurent devoir se tenir attachés, au moins a trien dei égards. La conduite de Paul dut naturellement déplaire a ses anciens dans 1'apostolar; mais la crainte paroit les avoir déterminés a céder pour un tems i notre missionnaire, qui déja s'étoit fait un parti considérable. Cependant les actes des apètres et les écrits de Paul nous prouvent ses démêlés avec ses confrères , qui, selon les apparences, ne virent jamais de bon ceii ses entreprises et ses invocations. Bien plus, Origène, Eusèbe et S. Epiphane nous apprend que notre apötre fut regardé comme un apostat, un imposteur, un cnnemi par les Êbionites, c'est-a-direj les premiers fidèles. Mais le parti de Paul ayant a la fin prévalu , la loi judaïque fur entièrement bannie du christianisme, et les Êbionites ou Nazareens, quoique plus anciens en date , quoique formés par le Christ et ses premiers apötres , furent déclarés herétiques. II est a propos de remarquer ici que ces Êbionites ©u premiers chrétiens assurcient que Jésus n étoit qu'un homme , tant du cóte de son père que de celui de sa mère, c'est-a-dire 3 fils de Joseph et de Marie • mais qu'il étoit un personnage juste , sage 3 excellent, et méritant par-la d'être appellé fils de Dieu , a cause de sa vie sainte et de ses bonnes qualités (i). D'ou 1'on (0 Voyez S. Irénéa l. c. 26. Euseb. hist. eccles. I. 5. c. 27. S. Epiphan. Ifares. 7. „. 2. hceres. 28. n. 1. ha-res. 30. n. 2, 18. Théodoret, hvret.fab. I. 3. c. 1 et 1. Origène, dan» son trailé cóntre Celse , disiingue deux sortes d'Ebionites , mais qui s'accordoient a n.er la divinité de Jesus-Christ. II p.roit que les adhéiens de S. Pal»! appellèrent long-tems leurs adversaires Êbionites par mépris, ou pour leur reprocher la pauvreté de leur esprit, ineapable de s'élever jusqu'aux «ubhrmtés et aux sens mystiques que cet apotre cabalisle. savoit donner k tout. Quoiqu'i! en soit, S. Pierre Jui-mème, dans sa première fredication, ne présente nulloment Jésus Comme un Bieu , mais  'de Saint Paul. 1iS voit que les premiers chrétiens étoient, ainsi que les premiers apotres , de vrais So c i nik n s. Mais S Paul pour donner sans doute plus declat a son mlnistère , et ses adhérens après lui, voulant releyer la samteté de leur religion, firent de Jésus un dieu } dogme dont il n'est plus permis de douter, surtout depuis que les partisans de S. Paul sont devenus plus nombreux et plus fotts que ceux de S. Pierre et des autres fondants Juifs ou Na^aréens du christianisme pnmiut, qui par-la changea totalement de face, quant a ses dogmes capitaux. Devenus ainsi les maitres du champ de bata.lle, Paul , ses adhérens, et les disciples formés a leut ecole, se virent en possession de régler la croyance , d mventer de nouveaux dogmes, de faire des évangiles , de les arranger a leur manière , de se forger des nrres , dexcommunier comme hérétiques tous ceux qui se raonttèrent indociles. C'est ainsi que 1'auteut des actes des apotres ne parle, pour ainsi dire , que de son maitre S Paul, et glisse très-légèrement sur les actions des apotres du parti contraire. Le méme auteur ( b. Luc) passé pour avoir composé son évangile sur les memoires que S. Paul lui fournissoit , quoiqu il neut point vu , ni connu Jésus-Christ. » Fauste le manichéen disoir au sujer des evang. es » qu'ils avoient été composés long-tems apres les apotres, par quelques hommes obscurs , qui dans „ la crainte que 1'on refusat d'ajouter foi a des his» toires dont ils ne pouvoient être instruits, pubhe„ rent sous le nom des apotres leurs propres écrits, ü Si pleins de bévues , d'opinions et de relations dis- comme un homme. » Vou. save, , dit*, que Jésus de Nazamh a é.è „n homme que Dieu a readu eèléWa 4 Voyez les actes , tWp. " , yt. aa.  ; " Examen critique » accoid avec elles-mêmes . (,). Un peu plus loin i accuse hautement ses adversaires , qui avoient eu le credit de se rendre orrhodoxes , et leur dit : . c" stTin de notie Seigneur bien des choses * qui, quoicm elles - Potent son „om ne 5< ^ ^ Jjftj W Cela n'est pas surprenant, pui 8 vons souvent pi-ouvé que ces choses nLtpomtété nou T ^ ni Pai' S6S aP-^S > mais que d'es bruif " f°ndéeS d6S —> 'ui t t Jh f vasues;et ramassées par je ne ^ le ont pubhees sous le „om des apótres de notre ^neqr, et leuronr ainsi attnbué leurs erreurs propies et Jeurs mensonges ». coiuietT- "OUS aPPTnd lui''même W." óvaJlgile sous la tn, évi'nffilp, f-J •' Sem' pai' S0" exorde ïo«loir 1'opposer a d'auB'iea antcneurs. » peut donc conjectuur que Ie, éran^le, i ■ ■V' sont très-difffréri. rl» "a"S'I« que no,« avons aujour- Jè!<« ou ïb,Ws if P°uvo,'ei,t a™'r '«« P^miers fi- opmion, de S Pe"' t,es-,>,tll-se fijfre que les partisans des de S. 3 te'é 0U "™g* >* *v«ngi-e., de S. Mal Avoient étre EV •' * S' Pierre' ct de S- J«™ , q«i tous S" téftSS? cW-a-dire du parti contraire ««Hbué i S. Mathieu" iV'V?''6"' "n (es Hébreux. «Tpfc». V. OW,* ; "/r'B 4 ';urs de trailer d'apo- Ca) rw i J-\. j. torn. i. Ongene contre Cels* , i;T, 5.  de Saint Paul. 237 CHAPITRE III. De l'autorité des conciles des Pères de l'église et de la tradition. (>£ n'est que dans les Peres de 1'égbse et les conciles , que nous pouvons trouver les témoignages qui nous assurent de 1'authenticité des traditions chrétiennes et d'après les preuves qui nous restent il paroit qu'ils n'approuvoient ou ne rejettoient des opinions que suivant qu'elles convenoient ou nuisoient aux intéréts du patti qu'ils avoient embtassé. Chaque écrivain ecclésiastique , et chaque assemblée d'évêques adoptoient comme canoniques les ouvrages dans lesquels se trouvoient leurs dogmes particuliers; ils traitoient les autres d'apocryphes et de supposés. Pour peu que 1'on connoisse les écrirs des Peres, 1'on trouvera que l'oil ne peut s'en rapporrer a eux sur aucuns faits; on reconno'irra que leurs livres sonr remplis de négligences, de contes , d'impertinences et de faussetés; on les voit ensevelis dans les ténèbres les plus épaisses de la superstition et des préjugés. Chaque mor annonce leur crédulité ou leur mauvaise foi. S. Clément le romain croyoit la fable du pnértix renaissanr de sa cendre, et la cite comme une preuve de la résurrection. Papias qui fut le maitre de St. Irenée, étoit, au jugïment d'Eusèbe lui-même , un homme d'un esprit foihle } un auteur fahuleux q ui a contribué a induire beaucoup de gens en erreur, et< entr'aurres St. Irénée son disciple , qu'Eusèbe regarde comme un bon homme fort crédule, quoiqu'il soit le premier historiën ecclésiastique de marqué. II n'est pas surprenant * "• (kzz  ajg Examen erhique qui ont suivi de pareils guides soient tombés dans Terreur (i). D'un autre coté Ton ne finiroir point si Ton vouloit entter dans le détail des excès commis par les Pères de l'église et les conciles : leur histoire ne serviroit qu'i prouver leur ambition, leur entêrement, leur esprit séditieux, leurs fourberies, leurs intrigues, leurs cruautés dans les persécutions qu'ils suscitoient a leurs adversaires. C'est néanmoins a la probité er aux lumières de ces grands personnages que Ton veut que nous nous en rapportions ! On prétend que c'est d'eux que nous tenons les oracles purs de la vérité ! II faut donc que nous prenions des lecons de douceur, de charité , de sainteté , dans les écrirs de quelques factieux qui étoient peipétuellement en querelle, qui traitoient leuts advetsaires avec la plus grande dureré, dont les ouvrages sont remplis de hel, dont la conduite , de Taveu même de leurs parrisans et de leurs admirareurs, fut presque toujours injuste, violente et criminelle ? Comment veut-on que neus voyons le centre de l'unité dans des canons et des décrets formés par des assemblées oü regnoienr Tinrrigue, la discorde et 1'animosité: Comment regarder comme des saints, comme des docreurs infaillibles, comme des personnages dignes de notre confiance , des hommes pervers, continuellement en dispute avec les autres et en con- (1) II paroit que plusieurs des écrivoins , que 1'èglise révère , sont rombés dans des erreurs que l'église, mieux iustruite a prösorites depuis leur t™«. S Irénée et S. Justin ont été visiblenaent des lMillénaires. Presque rous les premiers docteurs out citi Dieu et 1'ame matérie's. Le savant I.eclero accuse S. Ignace martyr d'avoir été Arien . d'après «juelques citations. Voyez la bib'ioth. anciénnc et moderne, rome XIX f f. 588 et suiv. D'ou 1'on voit que c» n'est qu'avcc le tems que lafo» s'est *rra,ngée.  I de Saint Paul. aj£ tradiction avec eux-mêmes > Quels guides pouvonsnous trouver dans la personne de ces prêtres turbulens dont 1'ambition , 1'avarice3 1'esprit cabaleur et de persécution percent de toutes parts ? On n'a qu'a lire 1'histoire ecclésiastique pour se convaincre que le rableau qu'on vient de faire des conciles et des Pères n'est nullement exagéré. D'un autre coté , les écrivains et les conciles sur 1'autorité desquels on voudroit fonder la croyance des chrétiens, dans toutes leurs traditions ne font que se copier et se suivre aveuglément les uns les autres; nous les voyons dépourvus de raisonnement, de logique et de .critique. Par-la leurs ouvrages se trouvent pleins de fables , de bruits populaires , de-faits évidemment controuvés. Esr-il bien possible d'ajouter foi aux traditions d'un saint Jéröme qui dans la vie de saint Antoine nous assute que ce saint homme eut une conférence avec des satyres aux pieds de chèvre 2 N'eston point en droit de douter de la bonne foi d'un saint Alïgustin quand il dit avoir vu une nation composee d'hommes qui avoient leurs yeux au milieu de Testomac 2 De pareils auteurs sont-ils donc plus ctoyables que ceux de Robinson Cruso'ë ou des mille et une nuits 2 En supposant même qu'il y ait eu au commencement du christianisme des livres aurhentiques dans lesquels les actions et les discours de Jésus-Chrisr et des apotres ont été fidèlemenr rapportés, serons-nous autorisés a croire que ces livrei sont parvenus jusqu'a nous tels qu'ils étoient d'abord ? Avant 1'usage de 1'imprimerie il étoit sans doute bien plus facile d'en imposer au public qu'il ne 1'est aujourd'hui; cependant même depuis que 1'on imprime 1'on a donné cours a bien des faussetés. L'esprit de parti fait qu'on adopte  "*4© Examen critique sans examen tout ce que 1'on croit utile a saproprd cause. Cela posé, combien les chefs de l'église, autrefois seuls dépositaires des livres saints, onr-ilspu, soit par des fraudes pieuses , soit par une volonté déterminée de tromper, insérer des faits faux ou des articles de foi dans les ouvrages qu'ils avoient entre les inains ; Le savant Dodwel convient que les livres qui coraposent le nouveau testament n'ont paru en public qu'au moins cenr ans après le Christ (i). Si la chose est certaine , comment pouvoir s'assurer si ces livres existoienr avant ce tems ? Par la suite ces livres ne furent qu'entre les mains des gens de l'église jusqu'au rroi-sième et quatrième siècle, c'cst-a-dire , a la merci de quelques hommes dont 1'intéré! et 1'esprit de parti régla toujours la conduite; ou qui n'eurenr ni la probité ni les lumières requises pour découvrir la vérité et pour la rransmerrre dans sa pureté originelle. Ainsi chaque docteur fut a portée de faire des livres saints ce que bon lui sembloit; et lorsque sous Constantin les chrétiens se virent soutenus par 1'Empereur, leurs chefs furent les maitres d'adopter et de faire adopter comme authentiques , les livres les plus conformes a leurs propres intéréts, et de rejetter comme apocriphes ceux qui ne s'accordoient point avec la doctrine dominante. Mais au fond quand même nous serions sürs de 1'aurhenticité des livres que l'église adopte aujourd'hui, (1) \oici ses propres paroles : Latitcbant enim usque ad recentiora Ma, seu Trcjani, seu cciam fuitasse Adriuü, tempora in privetarum ecclesiarum , seu eticm IIOMJNUM , scrinüs scripta Ma canonica , ne ad ecclesia: ca'lholicce nontiam perveairent. V. H. Podwell. dissei Lat. in Ireuseup-. ■ "ï XXY1II, p. fc6. nous  de Saint Paul. 241 nous n'aurions pourtant encore d'autres garants de 1'autorité des écritures que les écritures elles-mêmes. Or est-il une histoire qui ait le droit de se prouver elle-même l Peut-on s'en rapporter a des témoins qui ne donnent d'autres preuves. de ce qu'ils avancent que leur propre parole 2 cependant les premiers chrétiens se sont rendus fameux par leurs mensonges, leurs ficrions et leurs fraudes , que 1'on nomme picuses quand elles tendent a 1'avantage de la religion. Ces pieux faussaires n'ont-ils pas attribué des ouvrages a Jésus-Christ lui-même et aux apötres ses successeurs 2 N'avons-nous pas de leur facon des vers syb'üüns , qui ne sont évidemment que des prophéties toutes chrétiennes faires après coup, et souvent copiés mot pour mot, dans l'ancien et le nouveau testament ? S'il eut plu aux Pètes de Nicée de regarder ces prophéties comme divinement inspirées, qui les eut empêché de les insérer dans le canon des écritures 2 et pour lors les chrétiens ne manqueroient pas de les regarder aujourd'hui comme des preuves indubitables de leur religion. Si des Chrétiens au commencement du chrisrianisme ajoutoient foi a des ouvrages pleins de rèveries, tels que le pasteur d'Hermas , 1'évangile de l'enfance , la lettre de Jésus-Christ a Abgare , qu'elle confiance pouvons-nous avoir dans les livres qui nous resrent deux2 Pouvons-nous même nous flatter d'avoir ces livres tels qu'ils ont été originairement écrits2 Com' menr distinguer aujourd'hui le vrai du faux dans des ouvrages dans lesquels nous voyons 1'enthousiasme, ia fourberie et la crédulité percer a tout moment 2 Puisque les évangiles eux-mêmes manquent des preuves nécessaires pour établir leur authenticité et la la veriré des faits qu'ils nous rapportent, je ne vois pas Tomé IK Q  i^l Examen critique que les épitres de saint Paul ou les actes des apotres jouissent a cet égard d'un plus grand avantage. Si 1'on n'a pas fair difficulté d'attribuer des ouvrages a Jésus , aura-t-on été ttop scrupuleux pour en attribuer a ses apótres, ou pour leur faire des légendes romanesques , que la longueur des rems a fait passer pour des livres respectables (1)? Si un corps d'hommes puissans, eten possession de commander a la crédulité des peuples, y trouvoit son intérêt, il parviendroit a faire croire au bout de quelques siècles que les avantures de Dom Quichotte sont très-vraies 3 et que les prophéries de Nostradamus ont été inspirées par la divinité même. A force de gloses , de commenraires , d'allégori es, on trouve et 1'on prouve rout ce qu'on veut; quelque frappante que soit une imposture , elle peut a 1'aide du tems , de la ruse er de la force passer a la fin pour une vérité , dont il n'est plus permis de douter. Des fourbes opiniatres, et soutenus par 1'autorité publique, peuvent faire croire tout ce qu'ils veulent a 1'ignorance toujours crédule ; sur-totrt en lui persuadant qu'il y a du mérite a ne point s'appercevoir des inconséquences, des contradiccions , des absurdités palpables, er du danger a raisonner. (1) Eusèbe dit formellement que de son tems que^ues chrétiens trèsorthodoxes ne croyoient pas que 1'épitre aux Hébreux fut de S. Paul. Euseb. hist. eccl. lib. ff. cap. 20,  de Saint Paul. 2.43 CHAPITRE IV. Vie de Saint Paul selon les actes des apotres. J'ai fait voir jusqu'ici que tien n'étoit moins prouvé que 1'authenticité des livres qui contiennent la vie et les écrits de saint Paul. J'ai montré que les actes des apotres et les épitres de saint Paul ont été rejettés par des secres chrériennes , qui subsistoient dès les premiers rems de l'église. On a dü reconnoitre que 1'opinion de 1'authenticité de ces livres n'étoit fondée que sur des traditions auxquelles il est bien difhcile d'ajourer foi, vu le caractère des personnages par qui ces traditions nous ont été transmises. C'est pourtant sur des garans si suspects que 1'on prétend établir 1'autorité de ces ouvrages. II faudra donc les admettre sur parole et sans examen , ou bien recourir a la raison , afin d'examiner par soi-même ce que 1'on doit en penser. Pour nous former une idéé de saint Paul, ne consultons donc' que les ouvrages mêmes qui contiennent les détails de sa vie; quelques suspectes que ses sources doivent nous paroitre , il n'en esr point d'autre oü nous soyons a portée de puiser. L'auteur quelconque des actes des apotres , raconte la conversión miraculeusede Saul, appellé depuis Paul, dansle chapitre IX. Nous le rrouvons déja nommé dans les deux chapirres précédens, d'abord comme approuvant la morr de Saint Etienne , le premier martyr de la religion chrétienne; et ensuite comme persécutant l'éelise et y portant la dé- q *  2.44 Examen critique solarion (i). Peu content de tourmenter les Chrétiens de Jérusalem , il se munit de lettres dugrand-prêtre qui 1'aurorisenr a saisir ceux qu'il doit trouver a Damas, mais en route un miracle fait changer rous ses projets; il est tout-a-coup entouré d'une lumière divine; sajrs voir personne , il entend la voix de Jésus de Nazarerh qui lui demande le morif de ses persécutions. Saul, tout tremblant, s'informe de la conduite qu'il doit tenir; Jésus lui dit qu'a Damas on 1'instruira de ses intentions. Notre persécuteur perd la vue dans cette occasion , mais son cceur est converti , et la vue lui est miraculeusement restituée par un chrétien de Damas, nommé Ananie , a qui une révélation particulière avoit fait connoitre ses mauvais desseins contre les chrétiens et les grandes vues de Dieu, qui deceperséeuteur veut faire un vase cVélectïon , c'est-a-dire 1'apótre des Gentils. Aussi-töt après sa conversion et sa guérison, Saul est baptisé , et se met a prêcher le Christ, a L'annoncer comme le hls de Dieu dans les synagogues , a confondre les Juirs, au point de faire prendre a ceux - ci la résolutipn de le tuer. Mais le nouveau missionnaire trompa leur vigilance et rendit leurs desseins inutiles en se sauvant de nuit, a 1'aide d'une corbeille dans laquelle on le descendit pour le faire sortir de Damas. II se rendir a Jérusalem , oü les disciples de Jésus furent eifrayés de le revoir; mais Barnabé le présenta aux apotres, leur apprit sa eonversion ; er les détermina a 1'aggréger a leur collége, En conséquence il prêcha Tévangile; (1) Les acres apostoüques d'Abilias atriibuent a Saul le lumulte qui s'excita contre S. Jacques le mineur, et l'accusent même tl'aToir précipité cet apotre du liatit des dégrés du (emple. Codex apocriph* Nos'i Testament!, t. I, p. 5p,5. et suzv.  de Saint Paul. 245 cette conduite lui suscita bientót des traverses et des persécutions de la part des Juifs, qui formèrent encore le projet de le faire mourir. Mais il trouva le moven d'échapper a leurs fureurs, a Taide des disciples qui le conduisirent a Césarée , d'ou , ensuite , ils 1'envoyèrent a Tarse. Barnabé vint joindre Saul dans cette dernière ville , d'oü il 1'emmena pour le conduire a Anrioche. Ici Saul et Barnabé demeurèrent pendant un an ; ils y firent un grand nombre de conversions: ce fur la que les prosélyres prirent pour la première fois le nom de Chrétiens. Pour échauffer le zèle de ces nouveaux convertis, on fit venir des prophêtes de Jérusalem 3 1'un d'enrr eux, nommé dgabus , prédit une grande famine ; ce qui déterrnina les disciples d'Antioche a faire des aumónes a leurs frères de Judée ; Saul et Barnabé furent les porteurs de" ces marqués de générosité , et les apotres , que les premiers fidèles rendoient dépositaires de leurs biens , reconnurentj sans doute, le prix de 1'acquisition que la secte avoit faite dans la personne du nouveau missionnaire (1). CHAPITB.E V. Saint Paul se fait l'apotre des Gentils. Causes de ses succès. T out nous prouve que Paul et son associé Barnabé rrouvèrent plus de facilité a convertir les Gentils que les Juifs, qui se monrrèrent presque toujours rébelles a leurs lecons. La dociliré des premiers et 1'indocilité (0 Actes des apötres, cliap. XI^ Q 3  lJr& Examen crïtique des derniers pouvoit avoir des causes très-naturelles -y les idolatres étoient dépourvus d'instructions , leurs prêtres contens de tirer d eux des offrandes et des sacrifices, ne songeoient aucunement a les instruire dans leur religion : ainsi nos missionnaires trouvèrent peu d'obstaclesa leur persuader les nouveautés qu'ils venoient leur annoncer. II n'en étoit pas de même des Juifs, ceux-ci avoient une loi a laquelle ils étoient très-fortement attachés , vü qu'ils étoient convaincus quelle avoit été dictée par Dieu même. En conséquence, nos prédicateurs ne pouvoient se faire écourer d'eux qu'autant qu'ils leur prouvoienr que la docrrine qu'ils leur prêchoienr cadroir avec les norions dont ils étoient déja préocupées. Les apótres étoient donc obligés de raisonner avec les Juifs suivant leur propre systême , de leur montrer que le Christ qu'ils leur annoncoient étoit le Messie qu'ils attendoient dfjprès leurs propres prophéties : en un mot , en prêchant 1'évangile a des Juifs, les prédicateurs de 1'évangile étoient forcés a des discussions embarrassantes , et perpétuellement exposés a des chicanes et a des contradictions qu'ils n'avoient point a craindre de la part des Gentils, qui recevoient sans disputes les nouveautés qu'on leur présentoit; dont plusieurs, d'ailleurs, s'accordoient assez bien avec les notions de la mythologie payenne, comme on 1'a fait voir dans un autre ouvrage (i). D'un autre cóté, les idolatres n'avoient pas sur la religion les idéés exclusives des Juifs; ils étoient toléransj ils admettoient tous les cultes, et se trouvoient disposés a rendre leurs hommages a tous les dieux qu'on vouloit leur apporter. Les Hébreux n'étoient point dans ces dispositions; ils se croyoient seuls en possession du (0 Hist. critiq. de J. C. chap. 17.  de Saint Paul. 147 Dieu véritablej et rejettoient avec horreur les dieux et les cultes éttangers. Ces réflexions suffisent pour nous expliquer comment les apotres eurent plus de succès dans leurs prédicatious aux Gentils, que dans celles qu ils firent aux Juifs: elles nous apprendront sur-tour les vrais morifs de la conduite de Paul. En effet, tebutés des chicanes et des traverses des Juifs , nous voyons Paul et Barnabé se rourner du cóté des Payens qui les écoutoient plus favorablement (1), et déclarer aux Juifs que Dieu les abandonnoit. Les Gentils furent apparemment flattés de la préférence ; beaucoup d'entr'eux adoprèrent la religion qu'on leur annoncoit; ce qui n'empêcha pas les Juifs d'animer contre nos missionnaires le zèle des femmes dévotes, dont les criailleries les obligètent a sortir d'Antioché en Pisidie. De-la nos deux associés, après avoir secoué contre les opiniatres la poussière de leurs pieds, se rendirent a Icone, oü les Juifs les traversèrent de nouveau , et même irritèrent les Gentils contr'eux, ce qui les obligea de fuir a Lystre en Lycaonie. La , suivant les actes des apotres, Paul se crut obligé de faire un miracle, sachant trés-bien que rien n'est plus propre que les prodiges a faire impression sur 1'esprit du vulgaire. II guérir donc un boiteux. Ce miracle convainquk les idolatres qui prirent Paul et son camarade pour des dieux, et voulurent en cette qualité leur offrir des sacrifices ; cependant ce prodige ne produisit pas le mème effet sur les Juifs; ceux-ci, selon les apparences, ne le regardèrent que comme un prestige ou quelque tour d'adresse donr ils ne furent point les dupes. En effet, nous voyons que les Juifs qui néanmoins ne le (1) Actes des apotres, chap. XIII, v. 45 et suiv. Q 4  248 Examen critique cédoient a personne en crédulité, loin d'être touchés du miracle de Paul, le lapidèrenr comme un malfaiteur, et le laissèrent pour mort. II se tira pourtant de ce mauvais pas , et retourna a Antioche , d'oü il étoit parti , afin d'y rendre compte des succès de sa mission, dont il paro'ir qu'il n'avoit pas lieu de s'applaudir personnellemenr; s'il avoit fait d'amples recrues a Jésus, il avoit pour y parvenir éprouvé bien des mauvais rraitemens. Cependant les Na^aréens ou Êbionites, c'est-a-dire les premiers d'entre les Juifs, qui avoienr embrassé la doerrine des apórres, éroienr persuadés que la religion du Christ n'étoit qu'un judaïsme reforme'. Toujours attachés aux pratiques de la loi de Mcyse , ils se crurent obligés de montrer leur zèle pour elle; en conséquence, ils prétendi'rent que les Gentils, convertis par les apotres , devroieht être comme eux soumis a la circoncision. Mais Paul et Barnabé s'élevèrenr forteïnenr contre cette opinión (1) : ils sentirent trés bien qu'une opération si douloureuse , sur-tout a un certain age , seroit un motif plus propre a rebuter des idolatres qu'a les artirer a la secte. Mais comme 1'affaire parur rrès-importante , on en remit la décision aux apörres demeurés a Jérusalem. En conséquence, Paul et Barnabé s'y rendirent aussi bien que les partisans de la circoncision , chacun dans la vue de sourenir son avis. On négocia er nos deux missionnaires firent sentir au collége apostolique la conséquence dont il étoit d'affranchir les Gentils d'un joug qui les auroit révoltés. Ainsi, suivant 1'Auteur des actes des apotres ( qui paroit avoir été très-dévoué au parti de S. Paul) il fut décidé (1) Voyez aetes des apöcres , chap. XV, v. 5, et ce oui a été dit su cbapïtre II sur les Nazaréens.  de Saint Paul. M9 que les Gentils , nouvellement convertis , seroient exemptés d'une cérémonie qui jusque-laavoit été regardée comme très-essentielle 3 vu qu'elle avoit été instituée par la divinité même. On a lieu de croire que les apotres anciens ne souscrivirent qu'avec bien de la répugnance a une décision qui sembioit annuller un des points capitaux de la loi Mosaïque, et rectiher les ordonnances du très-Haut. Jésus lui-même s'éroir soumis dans son enfance a la circoncision ; il avoit pratiqué pendant sa vie les usages prescrits a ses concitoyens; il avoit formellement déclaré qu'il étoit venu , non pour détruire, mais pour accomplir la loi des Juifs , et cependant nous voyons S. Paul et ses adhérens , de leur propre autorité, annuller tout d'un coup une cérémonie d'institution divine, approuvée et observée par leur maitre, et cela par des considérations politiques et mondaines auxquelles les saints ne devroient poinr avoir égard. Quoiqu'il en soit, par cette décision , que Paul extorqua des apotres, il sembla dès-lors donner le signal du schisme, qui par la suite sépara totalement les Juifs des Chrétiens. Cependant nous verrons bientót Paul, qui dans cette occasion prit en main la cause du prépuce des Gentils , reprendre les anciens erremens et circoncire lui-même un disciple. Tant il est vrai que les plus grands saints ne mettent pas toujours de 1'accord dans leurs opinions, ni de l'uniformiré dans leur conduite ! Les apotres ayanr montré tant d'indulgence sur Tarnde de la circoncision des Genrils, voulurent pourtant donner une sorte de satisfaction aux partisans du judaïsme ; dans cette vue ils défendirent aux nouveaux convertis d'adorer les idoles , de se livrer a la fornication, et leur ordonneren! de s'abstenir deschairs étouffées  25o Examen critique et du sang des animaux : par ce moven 1'on voulut contenter rout le monde : les Gentils ne furent point circoncis et se soumirent en partie aux ordonnances des Juifs, qui virenr par-la que 1'on avoit toujours de la déférence pour la loi de leurs pères, a laquelle ils furenr toujours rrès fortement attachés (i). Munis de cette décision du concile de Jérusalem, dans laquelle les apotres se déclarent eux-mêmes autoris és du Saïnt-Esprit, Paul et Barnabé retoumèrent a Antioche , d'oü ils voulurent aller visiter les villes oü ils avoient déjk prêché : mais une conresration sur le choix d'un associé de leurs travaux, brouilla nos deux saints missionnaires , et fit qu'ils se séparèrenr. Barnabé , accompagné de Mare , s'embarqua pour 1'isle de Chypre , tandis que Paul er Silas son nouvel associé traversèrent la Syrië et la Cilicie pour confirmer dans la foi ceux qui avoient été précédemment convertis (2). (1) Voyez les acres , chap. XV. Tout semble prouver que les apotres « repentirent bientot P.usebe, ne regardoient Jésus que comme un homme, fils de Josepli et de Marie, et qui n'étoit appellé fils de Dieu que par ses vertus. Ce qui pourroit faire deviner la vraie cause de la brouillerie de Saint Paul avec Saint Barnabé , dont 1'évangile insinue que Saint Paul etoit dans Terreur, en enseignant que Jésus étoit Dieu. Voyez 1'ouvrage curieux de Tohand intitulé : Nazarenus , p. 22 et suiv. Quant a S. Mare , k 1'oceasion duquel Paul se brouille avec Barna, bè, la tradition nous apprend qn'il devint disciple de S. Pierre, qui lui dicta son évangile.  de Saint Paul. ijl CHAPITRE VI. Paul prêche dans l'Asie minéure , la Macédoine et la Grece. ArrivÉe a Lystre, S. Paul, nonobstant 1'indulgence de la décision du concile de Jérusalem , crut que La politique exigeoit qu'il ciixoncit un prosélyte nommé Thimothée , qui étoit né d'un père Gentil et d'une mère Juive } les actes des apotres nous .apprennent le motif de cette circoncision •, il y est dit que Paul la fit a cause des Juifs qui étoient la. V. Actes ch. XVI, vs. 3. Nos deux missionnaires parcoururent ensuite plusieurs provinces de l'Asie mineure, telles que la Phrygie et la Galatie, et cependant nous trouvons que le SaintEspnt leur défcndit d'annoncer la parole de Dieu en Asie (1). A moins que 1'on ne suppose que dans ce passage le Saint-Esprit ne soit mis pour indiquer que nos missionnaires s'appercurent qu'il y auroit du danger pour eux a prêcher leur doctrine, car dans 1'écriture sainte les personnages dont elle parle sont toujours supposés n'agir que par 1'impulsion du ciel. Paul eut.une vision qui lui persuada d'aller en Macédoine. Arrivé a Phiiippes il prêcha des femmes avec tant du succès qu'il eut le bonheur de convertir une marchande de pourpre nommée Lydie ; en reconnoissance elle pria nos missionnaires avec instance de loger dans sa maison. Ils y étoient trés-bien sans doute , vu que les devotes ont grand soin de leurs direcreurs, (1) Actes, chap. XVI- 6.  Examen cr'uique mais nos saints personnages eurent la mal-adresse de faire un miracle qui dérangea leurs affaires; Paul chassa 1'esprit malin d'une servante , qui ayant un esprit de Py thon apportoit un proftt d ses mattres en devinant. La guérison, ou peut-être la conversion de cette esclave, déplut a ses maitres •, ils en portèrent des plaintes aux magistrats; le peuple prir de 1'humeur contre nos prédicateurs ; ceux-ci furent battus de verges et mis en prison. Un tremblement de terre les tira pourtant d'affaires; ils gagnèrent le geolier qu'ils convertirent a la foi. Cependant les magistrars envoyérent ordre a celui-ci de relacher nos deux prisonniers. Mais Paul ayant encore sur le cceur les coups de verges qu'il avoit recus, exigea que ces magistrars vinssent euxmêmes les tirer de prison, assurant qu'ils étoient des citoyens Romains: a ces mots les magistrats intimidés vinrent leur faire des excuses, les mirent hors de prison et les prièrent de sortir de leur ville ; ce qu'ils exécutèrent après avoir éré consoler Lydie la dévore et les frères, qui, suivant toute apparence, ne les laissèrent point pattir les mains vuides. Ces mauvais succès ne découragèrenr pas nos missionnaires , qui reconnurent sans doure que c'éroientla des inconvéniens attachés a la profession. En effet ils se rendirent a Thessalonique, oü Paul eur le bonheur de faire quelques prosélyres parmi les Juifs et parmi les Gentils; il convertit sut-tout plusieurs femmes de qualité; mais les Juifs endurcis furent très-irrités de ces succès; ils voulurent enlever Paul et Silas, mais ne les ayant point trouvés, ils trainèrent Jason, leur hóte , et quelques-uns des frères devant les magistrats , les accusant du crime de lèze-majesté et de reconnoitre un autte souverain que César. Cette émeute obligea nos missionnaires de déloger  IL de Saint Paul. z ƒ 5 pendant la nuit de Thessalonique pour se rendre a Bérée, oü les Juifs les regurent très-bien, vu que Paul parvint a leur persuader que 1'Evangile qu'il leur annoncoit étoit clairement prédit dans leurs écritures: il y a tout lieu de croire que ce fut a 1'aide du sens mystique , cabalistique , allégorique , dont il sent toujours faire un si bon usage pour rrouver dans l'ancien testament de quoi prouver ce qu'il vouloir. II recruta encore dans cette ville un grand nombre de femmes Grecques de qualité; les femmes, selon S. Jéröme, sont les instrumens les plus propres a propager une secte; leur légèreté fait qu'elles s'éprennent aisément des nouveautés ; leur ignorance les rend crédules j leur babil fait qu'elles répandenr les opinions dont elles se sont imbues; enfin leur entê'.ement fait qu'elles s'attacbent très-fortement a la facon de penser qu'elles ont une fois adoptées. En un mot nous voyons qu'en tout tems la religion chrétienne eut aux femmes les plus grandes obligarions; c'est a elles sur-tout que les no~ vateurs doivent s'adresser quand ils ont des opinions a établir ; c'est par elles que des fanatiques et des imposteurs dévots parviennenr a faire valoir leur doctrine et a semer le trouble dans les états. II paroit que du tems de S. Paul les femmes avoient droit de parler ou de prophétiser dans l'église ; elles en onr depuis été privées, il ne leur esr plus permis que de clabauder dans le monde en faveur des systémes de leurs saints direcreurs, qu'elles croyent roujours infaillibles, sans même savoir 1'erat de la question. Les Quakers sont aujourd'hui les seuls chrériens qui permettent aux femmes de prêcher. Les juifs de Thessalonique vinrent troubler nos prédicareurs dans leurs travaux apostoliques , au point que Paul fut obligé de s'enfuir ; cependant il eut soin de laisser deux missionnaires a Bérée pour veiller au trou-  2 ƒ4 Examen critique peau qu'il s'y étoit acquis. Cependant ils regurent bien- tör 1'ordre de le joindre a Athènes. Dans cette ville fameuse le zèle de notre Apótre s'échauffa; il eut des conférences avec des pHio-ophes: curieux de connoirre les découvertes que cet homme venoit leur annoncer , ils le menèrent dans I'ai ét< | agè; la Paul les harangua , leur paria de son Die. d'une fagon assez conforme aux notions que plusieurs philosophes de la Grèce avoient déja de la Divinité. Pour confirmer son discours il leur cite un passage du poè'te Aratus qui semble néanmoins supposer , selon la doctrine de Platon, que Dieu est 1'ame du monde. II s'éleve ensuire conrre les dieux fairs de pierre ou de métaux; ce qui ne devoir point choquer des philosopbes dont les idéés étoient plus relevées que celles du vulgaire. Jusque-la norre orateur fut écouté tranquillement; mais les sages d'Athènes ne voulurent plus 1'entendre dès qu'il se mir a parler du jugement dernier et de la résurrecrion , qu'ils regardèrent comme une notion absurde et ridicule. Cependanr la prédication de Paul ne fat pas totalement inutile a Athènes; le dogme de la résurrection ne 1'empêcha pas de converrir Denis , senateur de 1'aréopage , une femme nommée Damaris et quelques autres. Ceux - ci ne furent aucunement choqués de cette doctrine, faite pour révolrer des philcsophes habitués a méditer la nature et a ne point adopter sans examen des idéés merveilleuses er romanesques.  de Saint Paul CHAPITRE VII. Prédication de S. Paul d Corinthe et d Ephèse. -A.pres être parti d'Athènes notre Apötre vienr a Corinthe. II paroit qu'il n'y eur pas d'abord de grands succès car il se mit a travailler a son premier métier , c'esr-a-dire a faire des tentes. Cependant il se hazarda de prêcher dans la synagogue , oü les Juifs furent indignés de ses discours: ils le menèrenr au tribunal du proconsul d'Achaïe , qui eut assez de prudence pour refuser de se mêler de leurs contestations. Les juifs n'imiterent point sa modération : ils maltraitèrenr Sosrène chef de leur synagogue, soir pour avoir laissé prêcher notre Apótre, soit pour avoir été converti par ses discours. Paul partit au bout de quelques jours de Corinthe; il se coupa les cheveux pour accomplir un vceu qu'il avoit fait, et qui suivant les apparences 1'obligea de se rendre a Jérusalem afin de sacrifier dans le temple suivant la loi. D'ou 1'on voit que notre apótre n'avoit point encore totalement rompu avec la religion judaïque, et qu'il se crovoit de tems en tems obligé de garder des ménagemens avec les Juifs. En effet nous le voyons continuellement tantót pratiquer, et tantót décrier le judaïsme. De Jérusalem Paul se rendit a Antioche oü il passa quelque tems ; mais 1'activité de son esprit le remit bientót en route. Après avoir traversé les hautes provinces de l'Asie, il vint a Ephèse oü il ttouva le secret de réunir a sa secte, les disciples de S. Jean-Baptiste qu'il baptisa de nouveau , et a qui il fit connoitre  1)6 Examen critique le Saint Esprit dont ils n'avoient aucune idée. Après avoir grossi son parti de ces nouvelles recrues , Paul se mit a prêcher dans la synagogue d'Ephèse ; mais trouvanr les Juifs peu dociles il se retira et sépara ses disciples d'avec eux. II se mit donc a enseigner dans une école particulière , et a faire des miracles pour appuyer ses discours ; il guérissoit des malades , et surtout des possédés; en quoi il réussissoit beaucoup mieux que ceux d'entie les Juifs qui voulurent a son exemple se mêler d'opêrer de pareilles cures. Ces merveilles convertirent bien des gens. Cependant les prédicarions de Paul a Ephèse lui suscitèrenr une afiaire qui pensa lui devenir rrès-facheuse. Les orfévres de cette ville gagnoient beaucoup d'argent a faire des petits temples d'argent de Diane , la patrone des Ephésiens. Ces artisans furent mécontens des prédications de notre Apótre, qui décrioit les dieux et pouvoit ainsi fairé tomber leur commerce: leurs criailleries allarmèrenr le peuple et causèrenr une émeute ; ce peuple , comme il arrivé d'ordinaire quand il s'agit de la religion , s'échaufia beaucoup sans rrop savoir pourquoi. II avoit compris en gros que la religion éroir menacée et qu'on en vouloit a sa patrone -fil n'en fallut pas davanrage pour exciter son'zèle. Cependant le greffier de la ville, ayant fair entendre qu'il n'y avoir aucun danger pour la déesse , calma la fureur d'une populace superstitieuse et tira de cette manière norre Apótre d'embarras. Cependanr Paul jugea qu'il étoit a propos de quitter une ville oü il avoit couru de si grands dangers; il se remit donc en marche. Arrivé a Troade il recommence a prêcher; son sermon , un peu trop' long , endormir un jeune homme , qui tomba du ttoisième étage dans la rue: on 1'emportok déja pour mort, lorsque 1'apótre 1'ayant  de Saint Paul. 257 1'ayant embrassé , assura les assistans qu'il vivoit; 1'auteur des actes prend ce fait pour un miracle et nous dit gravement que Paul ressuscira un mort dans cette occasion. Nonobstant ce prétendu miracle qui auroit du , s'il eut été bien vrai , convertir toute la ville, Paul s'en alla sur le champ et recommenca ses courses. Arrivé a Milet il prit congé des prêtres de tous les lieux voisins après leur avoir fait une exhortation pathétique , dans laquelle il se vante de son humilité , de son désintéressemenr, er leur recommandè de veiller sur le troupeau qu'il leur avoit acquis par ses prédicarions er ses courses infarigables. CHAPITRE VIII. L'Apótre se fait des affaires fdcheuses a jérusalem. II est envoyé d Rome. Paul s'embarque ensuite pour se rendre a Jérusalem: nonobsranr ses pressentimens propres , les avertissemens qui lui furenr donnés er les prières de ses adhérens , il voulut obstinément se rendre dans cette ville j oir les Juifs, irrités de ses succès, lui préparèrent un sort facheux. II fut très-bien regu des frères auxquels il apprit les progrès de la nouvelle secre •, mais ceux-ci 1'avertirenr des mauvais desseins des Juifs, qui prétendoienr, non sans raison, qu'il enseignoit une doctrine contraire d celle de Moyse. Pour faire romber ces bruirs er pour calmer la colère du peuple , on lui conseilla d'affecter de remplir quelques cérémonies judaiques k la vue de la nation, et de donner a ces actes religieux beaucoup de solemnité. ' TomelK R  2/8 Examen critique Paul y consentit; mais les Juifs d'Asie n'en furent point les dupes; ils savoieiit a quoi s'en tenir sur sa doctrine qui les avoit révoltés; ils ameutèrent donc les Juifs de Jérusalem en leur disant qu'il amenoit des Gentils dans le temple. Aussi-tot toute la ville futen rumeur; le peuple dévot se saisit de Paul, le tira hors du remple , dont les pottes furent fermées conrre ce profanateur. On alloit le ruer sans un Tribun, qui le tira des mains de ses ennemis et le mena dans la forteresse au milieu des clameurs d'une populace acharnée qui demandoit sa mort. L'Apötre prêr d'entrer dans la forreresse demanda au tribun la permission de haranguer; ce qui lui fut accordé, après que son conducteur se fut ptéalablement assuré qu'il n'étoit pas le brigand qui avoit depuis peu exciré un souievement dans le pays. D ans son discours, qu'il prononca en Hébreu, Paul raconta au peuple 1'histoire de sa conversion miraculeuse, a peu prés de la manière dont elle a été cidevant rapportée. Ce récir s loin de touchet les Juifs, leur fit perdie parience , sur-tout quand 1'Apotte leur apprit qu'il étoit envoyé aux Gentils. Alors ils rompirent le silence pour crier qu'on fit mourir cet homme, que ce seroit un crime que de le laisser vivre. Alors le tribun le fit enfermer dans la forteresse, et commanda qu'on lui donnat la question en le fouettantj afin de tirer de sa bouche i'aveu du crime qui mettoit ainsi les juifs en rumeur. Alors Paul se déclara citoyen romain , et représenra au 'centénier chargé de 1'exécution qu'il n'étoit point permis de rraiter ainsi un citoyen sans 1'avoir jugé. Le centénier en rendir compte au tribun qui craignit d'avoir agi avec trop de précipitation. Celui-ci dès le lendemain voulant savoir au vrai pour quel sujet none homme étoit accusé par les Juifs,  de Saint Paul. 2^ lui fit óter ses chaines et le présenra aux prêtres et au conseil de la nation. Paul commenca donc a haranguer le conseil. II déclara d'abord que dans tout ce qu'il avoit fait • il avoit entièreraent suivi les lumières de sa conscience. A ces mofs le grand prêtre lui fit donner un souffler; sur quoi Paul irrité , au lieu de tendre 1'autre joue suivant le conseil de Jésus _, dit des injures au grand prêtre, le ttaita d'hypocrite ou de muraille blanchie. Majs comme il s'appercut que 1'on blamoit son insolence a 1'égard d'une personne respectable pour les Juifs , il se modéra et dit qu'il ignoroit que ce fut le grand-prêtre a qui il avoit parlé en termes si peu mesurés; ignorance dont cependant on a lieu d'être surpris dans un homme qui devoit être instruir du lieu oü il étoit et de la qualité des personnes devant lesquelles il parloir. Notre orareur étoit plus au fait de la facon de penser de ses auditeurs: scachant que le conseil étoit composé de Saducéens qui nioient la résurrection , et de Pharisiens qui la soutenoient, il scut profiter habilement de la circonstance pour mettre la division entre ses ju-es Pour cet effet il prétendit être Pkarisien , « de race Pharisienne, et il assura qu'on vouloit le condamner d cause de l'espérance de la résurrection des morts. Ce stratagême produisit 1'effet que Paul avoit espéré ; les Pharisiens se déclarèrent pour lui et le reconnurent innocent. Que savor.s-nous, disaient-ils, si un esprit ou un ange ne lui auroit point parlé'? Le tumulte augmentant, et le tribun craignant que 1'orateur ne fiit mis en pièces, il fit venir des soldats pour 1'enlever d'entre les mains des forcenés, et le fit ramener dans la forteresse. Pendant la nuir suivante Paul eut une vision, dans laquelle il ctüt voir lè Seigneur qui lui disoit d'avoic R 2  1(<0 Examen critlque bon courage , et lui prophétisoir qu'il iroit a Rome pour lui rendre témoignage. D'un co té , quarante Juifs fanatiques firent vceudeneboire ni manger qu'ils n'eussent assassiné Paul. Cette résolution eut 1'approbation des princes des prêtres , qui, suivant 1'esprit du clergé, ne trouvètent rien de plus honnête qu'un assassinat pour se débarrasser d'un ennemi. Les sénareurs consentirent aussi a cette trahison. Mais Paul ayant été averti par son neveu de ce qui se tramoit contre lui, le fit savoit au tribun ; célui-ci pour soustraire son prisonnier a la fureur des Juifs , le fit conduire sous bonne escorte a Césarée, et le remir entre les mains de Fjlix, gouverneur de la province. Paul et ses accusateurs comparurent devant ce gounerneur payen , qui , peu au fait des disputes théologiques des Juifs, dit qu'il jugeroir certe affaire après s'en être plus amplement informé. Cependant quelques jours aprés il fit venir 1'apótre devant lui et Drusillesa femme , qui étoit juive \ ils écoutèrent ce qu'il leur dit de la foi en Jésus-Chrisr. Mais comme Paul, après leur avoir prêché la justice , la chasteté , la pénitence, leur paria du jugement dernier, le gouverneur et sa femme en furent effrayés, et lui dirent de se retirer, remertant a un autre rems pour 1'enrendre. Felix dans 1'espérance de tirer quelque argenr de son prisonnier, 1'envoyoir chercher souvent pour s'entretenir avec lui. Cette conduite dura deux ans au bout desquels ce gouverneur fut remplacé par Festas. Les Juifs vinrent accuser Paul devant ce nouveau gouverneur, er lui demandèrent de 1'envoyer a Jérusalem. L'accusé sentant bien que le lieu de la scène ne lui seroit point favorable , et craignanr que Festus ne cédat aux instances de ses ennemis , en appella a César. Cet appel suspendit. toute procédure. Cependant Festus  de Saint Paul. 161 ayant parlé de son prisonnier au roi Agrippa 5 celui-ci eur la curiosité de voir un homme qui avoit fait tant ] de bruir en Judée. Paul parut devant ce Prince , se jus1 rifia des accusations intentées contre lui, et finit par lui ] prêcher la résurrection du Chrisr. Cette doctrine parur si étrange a Festus , qu'il ne douta pas un instant que 1'orareur n'eüt perdu 1'esprit. Cependant comme ia 1 folie ne lui parut pas un crime digne de mort 5 il Teut renvoyé absous , s'il neut point appellé a César. En conséquence de eer appel , Paul fut embarqué sur un navire qui devoir le porter en Iralie. Après bien des rraverses , il fit naufrage sur les cêtes de 1 isle de Malthe , oü 1'auteur des actes, d'ou nous avons tiré ce récit, ne manque pas de lui faire faire des miracles, I assaisonnement nécessaire aux légendes. Enrr'autres merveilles que S. Paul opéra dans 1'isle de Malthe, il se J guérit lui-même d'une facon très-naturelle de la morsure d'une vipère; en effet, il paroir qu'il y appliqua le feu sur le champ , remède très-simple et trés connu , mais qui parut un prodige aux pauvres Malthois; en conséquence ils prirenr pour un dieu le possesseur d'un si beau secret (1). II n'y eut , suivant les apparences , rien de plus merveilleux dans la cure que 1'apótre fit l du père de son hóte , qu'il trouva malade de la fièvre ! et de la dissenterie •, maladies que 1'on voit céder a des remèdes rrès-simples. Cependant cette guérison fit une grande répuration a Paul ; on lui amena bientót un grand nombre de malades que, suivanr son histoire , il ne manqua pas de guérir. On lui rendit de grands honneurs , on lui fournit les provisions nécessaires a son voyage, et il s'embarqua pour 1'Iralie. Arrivé a Rome , Paul eut la liberté de conférer avec (0 Actes, chap. XXVIII, vs. 3, 6. R 3  Examen rritique les Chrétiens (i) et de prêcher les Juifs a qui il tichelt de persuader la foi de Jésus par la loi de Moyse et par les prophêtes, qu'il avoit le talent d'appliquer merveiiieusemem a ses vues ; les uns épris des explicatxons mysriques , cabalistiques et allégoriques que notre apótre leur donnoir , adoprèrent ses opinions, tandis que beaucoup d'autres ne se rendoient pas a la force de ses argumens. Indigné contre ceux-ci , il leur apprit que leur endurcissement même avoir été prédit par Isaie; puis il leur fir entendre que Dieu avoit fcrmé le projet de les aveugler, afin d'avoir un prétexte honnète de les rejetter et de transférer aux Gentils des lumières et le salut dont les Juifs se rendoient indignes par 1'obstination dans laquelle Dieu vouloit qu'ils persistasrent. Cette conduite de la divinité dut sans doute paroitre bien étrange aux Juifs. Aussi les actes nous apprennent-ils que les prédications de Faul excitoient de grandes contestations cnr eux (2). Elies ronloient, suivant lés apparences, sur la predestinauon et sur la grace • questions sur lesquelles les théologiens chrétiens nont pas pu depuis prés de dix-huit siècles ni s'enrendre, ni s'accordcr. II paroit que nonobstant 1'ebscurité de sa doctrine, norre apótre ne laissa pas de faire a Rome des partisans a. sa secte; cette obscurité elle-même dut être un appas pour bien des gens , qui croient qu'une doctrine (1) II paroit , par les actes , rjne S. Paul trouva déja Ia foi etablie i Rome ; nous ignorons par fjul : nous verrons blentót que ce ne fut po.'nt par Saint Pierre , h moins que 1'on ne suppose que Saint Luc, par attachement pour Saint Paul, n'ait tou)u pnver Sainr Pierre de 1'honneur d'avoir planté la foi dans la eariiale. (2) Actes , chap. XXIII.  de Saint Paul. 263 est d'autant plus merveilleuse ou divine que 1'on est moins a portie de 1'entendre. II prêcha donc pendant deux ans le christianisme aux Romains sans que personne y mit obstacle, et par-la il travailla a répandre cette religion dans la capirale du monde. Les actes des apotres, que l'église nous ordonne de regarder comme divinement inspirés, ne nous apprennenr rien de plus. St-Luc , disciple de St-Paul, a qui cet ouvrage est communément attribué , ne nous a transmis ni les acrions , ni les miracles , ni la mort de son héros. Nous sommes réduits a nous en rapporrer la-dessus a des traditions que 1'intérêt du clergé nous doit faire regarder comme presque aussi sacrées que des inspirations divines. Suivant ces ttaditions si respectables, notre apótre versa son sang pour la foi, ï la propagarion de laquelle il avoir travaillé ; il eur, dir-on, la téte tranchée sous le règne de Néron, 1'an 66 de 1'ère chrérienne (1). D'après ce qui vient d'être dit , on devroit narurellemenr regarder Sr-Paul comme le vrai fondateur du siége pontifical de Rome. Cependant des traditions utiles aux pontifes romains nous obligent de croire que ce fut St-Pierre qui établit son tróne dans la capirale du monde ; les papes ont jugé que leurs intéréts exigeoient qu'ils se porrassent pour les successeurs et les ayants cause de ce prince des apotres , a qui Jésus lui-même avoit, suivant 1'évangile, accordé des droits et des priviléges immenses. Ces tradirions font donc voyager Sr-Pierre a Rome, antérieuremenr a St-Paul, et ne font regarder celui-ci que comme 1'associé subalterne des travaux apostoliques du premier. (1) Suivant les actes apostoliques da romancier Abdias , quand on décola S. Paul , H sortit de son corps du lait au lieu de sang. Codex apocriph. novi Teslam. torn. I, p. 455' R 4  Examen critique Cependant des critiques ont osé douter de la réalité" du voyage de St-Pierre en Iralie , et de cette fondation du premief siége du monde ; des auteurs , d'ailleurs très-orthodoxes , sans avoir égard aux intéréts du Pape, et sans respect pour les traditions qui les favorisent, ont traité ces prétentions de chimères: quant aux hérétiques , ennétriis nés ae 1'autoriié du pontife romain, ils ont assure que le voyage de St-Pierre a Rome étoit une fable imaginée par ses faureurs et partisans dans ia vue d'exalter son autorité. Les uns et les autres de ces critiques fondent leurs doutes ou leurs assertions i°. sur ce que les livres que Péglise regarde comme inspirés, ne font aucune mention de ce voyage cle Simon Pierre , quoique la circonstance d'aller planter la foi dans la capirale du monde füt assez remarquable pour méritet d'être mentionnée par préférence a d'autres villes moins illustres oü les actes des apotres nous disent qu'il alla prêcher. En effet, le St-Esprit, ou St-Luc , son organe , voulant nous apprendre , dans cette histoire , les voies dont Dieu s'est servi pour prcpager 1'évangile, ne pouvoit, sans injustice, omettre un succès paren1 , ni manquer d'en faire honneur a St-Pierre, en cas qu'il etit eu droit d'y prétendre. 20. St-Paul , qui fut a Rome dans le même tems que St-Pierre auroit dü s'y rrouver , ne parle aucunemenr de ce prince des apotres dans les épitres qu'il écrivir de cette ville aux fidèles de différens endroits, tandis qu'il leur parle de beaucoup d'autres disciples bien moins considérables que sonillustre collégue. Nous devons pieusemenr supposer que si St-Pierre eut réellement planté la foi a Rome, 1'apótre des Genrils eut été trop équitable pour lui ravir la portion de gloire qui lui revenoit pour une si belle conquête.  de Saint Paul. ^5 ,° Nos deux apotres , d'après les disputes qu'ils avoient eues a Antioche , ne devoient pomt chercher a se rencontrer, ou a se trouver en même heu. bamt Pierre devoir naturellement eviter un collegue aluerqui lui résistoit en face 3 et qui lui faisoit publiquement des réprimandes assez désagréables. D ailleurs, Rome étant une ville payenne , tomben naturellement dans le département de 1'apötre des Gennls. Enfin St-Paul d'après les aetes des apotres , étoit trop bouillant pour s'accommoder long-tems d'un associé plus grand que lui Sa brouiüétie avec Barnabé pour un dinerend assez léger , prouve que Paul étoit très-facile a irnrer A° St-Pierre écrivit sa première épitre de Baby lont et non de Rome. II est vrai que les partisans du voyage de St-Pierre , prétendent que Babylone est la meme ville cue Rome ■ mais c'est une erreur de géographie que sans beaucoup de foi 1'on ne pourra jamais admettre comme une vérité. D'un autre cote , la ville de Babylone en Assvrie ne subsistoit plus aü rems de St-Pierre ; il n'y avoit alors qu'une Babylone en Egypte, c est la seule d'cü 1'on puisse supposer que cet apotre écrivit cette première épitre. , 5° Les traditions qui font voyager St-Pierre a Rome sont remplies de fables propres a les rendre ttès-suspectes , telles que sa dispute avec Simon le magicien, qui s'étant élevé en 1'air par la vertu de son art, tomba et se cassa les jambes par la vertu des prières de rapórre. On peut encore mettre au rang des fables lapparition de Jésus a St-Pierre, au moment ou il fuyoit de Rome, et son crucifimenr la téte en bas. Ces laits ne sont rapportés ni par des auteurs inspirés, ni par des témoins oculaires; ils ne sont fondés que sur des traditions , c'est-a-dire, sur des bruits populaues, que  2<^ Examen critique bien des gens ne respectent pas autant que le pape ou Ie clergé paroissent le desirer (i). Au risque donc de découvnr St-Pierre pour couvrir St-Paul, nous dirons que toutes ces raisons semblent au moins autoriser a douter du voyage de St-Pierre a Rome; au moins les actes des apótres semblent insinuer que St-Paul fut le vrai fondareur du siége de Keme. II devroit donc être regardé comme le premier des papes , d'ailleurs les papes ont adopté ses maximes , et fidèlement imité sa politique a beaucoup d'égards ; on pourra s en convaincre en comparant les principes assez consrans de l'église romaine avec ceux de notre apótre que nous aurons bientöt occasion d'examiner. CHAPITRE IX. Réflexions sur la vie de Saint Paul et sur son caractère. Telle est en peu de mots la vie de St-Paul, que 1'on peut , a juste titre, regarder comme le principal fondareur de la religion chrétienne. En effet t il paroit que sans lui les apótres ignorans et grossiers de Jésus, f0 Oe* ftits sont nniquement crus sur le témoignage d'Arnobe , '■e S. Cyr.lle de Jérusalem, d'Irénéo, grand contour de fables , d'Eusebe, de Tertullien , de Justm martyr, de S. Jéröme ; en un mot, de gens an?ouel, il est diffide de s'en rapporter; et qui „e nous ont wammu la legende de S. Pierre sur la périlleuse autorité d'un certain Pap.as, que 1'historien Eusèbe taxe lui-méme d'avoir été n„ homme trésI 7 SE? °a ''■ ci-'3«ant- O» peut y joindre pourtant la legende d Abd.as , dont Je, écrits sont de la méme trempe que les contes desFees. Voyez Codex apocryph. Novi Testam. tem. I, p, 4oa et suiv. r  de Saint PauL 2(<7 ne seroient jamais parvenus a répandre leur secte II leur falloit pour réussir un homme plus instant, p us actif , plus entreprenanr , plus enthousiaste , plus adtoit qu aucun de ceux qui avant lui composoient le collége apostolique. Nous voyons toutes ces qualités réunies dans Paul , elles en firent l'homme le plus propre a jetter les fondemens d'une nouvelle secte. Il avoit scu profiter des lecons qu'il avoit recues chez Gamaliehce fut la qu'il acquit une connoissance proronde des écritures des Juifs, qu'il apprit 1'art de les exphquer dans un sens allégorique , ou , si 1 on veut, lart mystérieux de la cabale a 1'aide de laquelle on peut trouver dans ces livres ce dont on a besom. . _ L'on ne peut guère douter que notre aporre n ait eu beaucoup d'ardeur et d'ambition. Nous le voyonsd abord persécuter avec chaleur les disciples de lesus; et dans la vue de faire son chemin er sa cour aux protres faire le métier de délareur et d'espion. II crut apparemment se pbusser par ces moyens; mats se voyant déchu de ses espérances trop ambitieuses, et peut-ette méprisé ou négligé par ceux-mêmes qu'il avoit si ehaudement servis , il changea de batteries , se jetta dans le parti des ennemis des prêtres , et voyant la porree de 1'esprit des gens qui se trouvoienr a la tere de la secte chrétienne , il comprit aisément qu il lm seroit très-facile de les éclipser et de s'en faire le chef luimême. • II y a lieu de croire que ce furent-la les vrais motifs de la conversion de Paul. Un esprit de la trempe du sien , en se déclarant pour la nouvelle secte, satisfaisoit a la fois sa vengeance et son ambition. II hit donc très-facile pour Ananie de. lui faire entendre raison. Les apótres ne tardèrent pas a sentir tout le pnx de leur nouvelle acquisition; ils reconnurent la supe-  Examen cr'uique rioriré d'un tel homme ; ils prévirent le parti què la secte naissante pouvoit tirer de son scavoir', de son génie bouillant, de son humeur remuante, de son inttépidité. Aussi voyons-nous le nouvel apótre , depuis Ie moment oü il fut aggrégé au sacré collége , jouer Ie róle principal et faire entièrement oublier ses confrères. Ceux-ci , contens de prêcher a Jérusalem , ne se monrrent que très-peu au dehors, randis que notre héros parcourt continuellement les provinces , fair des conquêres spirituelles er fortifie en cent endroits le parti des disciples du Christ devenu désormais le sien. En un mot , Paul devient 1'ame de sa secte : son enthousiasme se communiqué: il brave les dangers quand il s'agit de grossir le nombre de ses partisans; son ambition esr flattée de 1'empire qu'il exerce; les traverses, les fatigues, les emprisonnemens et les coups ne sont point capables de railemir son ardeur; il veut réussir a tout prix, rien ne lui coüte pour satisfaire le desir qu'il a d'étendre les opinions qui le mettront a portée de régner sur les esprirs: il sait bien que nul empire sur la terre n'est plus flatteur ni plus fort que celui de 1'opinion. Rien ne nous oblige donc a regarder 1'activité } la consrance opiniatre , le courage de Paul comme des offers miraculeux ou surnaturels. Nous trouvons la même chaleur et souvent la même intrépidité et la même opimatreté dans tous ceux que 1'ambition ou quelque passion très-forte anime. Les obstacles ne servenr communément qu a irriter de plus en plus les ames énergiques ; elles se font un mérite de braver les dangers; les supplices et la morr même ne peuvent en imposer a ceux qui sont fortement énivrés d'un objer dans lequel ils fonr consister leur bonheur. On nous présente St-Paul comme un homme déta-  de Saint Paul. ehé de toutes vues petsonnelles. On nous vante son humilité , son désintéressement, sa constance , sa patience , comme des preuves indubitables de sa bonne foi er de son zèle pur pour sa religion. Mars nous dirons que toutes ces choses ne prouvent qu'une violente envie de réussir. Les prédicareurs d'une secte naissante et opprimée , desritués de forces , doivent toujours s'annoncer par beaucoup de souplesse , de douceur et d'humilité ; un ambitieus doit, pour gagner les cceurs, affecter beaucoup de modération et paroitre desinteresse ; d'ailleurs il esr bien sür de ne manquer de rien lorsqu'il sera parvenu a érablir son empire sur les ames. Les dévors laissent-ils jamais manquer leurs guides spirituels ï Enfin la patience et la constance sont necessaires dans toutes les entreprises: tout homme qui veut mener une grande avanture a bien , ne doit point la brusquer. Cependant si nous nous en rapportons a 1'histoire de St-Paul, la patience ne fut pas toujours.sa vertu dominante ; nous lui voyons très-souvent gater ses affaires par ses emportemens , et sur-rour aliéner les Juifs au lieu de les amener a ses opinions. 11 auroit peut-être beaucoup mieux réussi auprès d'eux , s'il eüt moins écouté son tempérament fougueux, dont il paroit que ses compatriotes furent souvent révoltés. Les dévots prennent communémenr pour du zèle ce qui n'esr qu'un vice dans leur caractère er une imprudence dans leur conduite. La réponse dure que Paul fit au grand prêtre, prouve que notre apótre n'étoit pas ttop enduranr, et oublioit au moins dans quelques occasions la patience chrétienne.  47° Examen critiqtie CHAPITRE X. De 1'enthousiasme de Saint Paul. rA drLlJ reste, il paroit certain que cet apótre étoit rempli d'enthousiasme et de chaleur. On demandera, peutêtre , si 1'on doit le regarder comme un imposteur ? mille exemples nous prouvent que rien n est plus ordinaire que de voir Tcnrhousiasme, le zèle er la fourberie se combiner dans les mêmes personnes. L'enthou«ïasre le plus sincère esr communément un homme dont les passions sont turbulenres et sujettes a 1'aveugler ; il prend ses passions pour des impressions divines; il se fair illusion a lui-même , et s'enivre, pour ainsi-dire, de son propre vin. Un homme que des morifs d'ambirion ou d'interèt aurcnt d'abord engagé dans un parti , finit très-fréquemment par s'y artacher de bonne foi, et d'autant plus fortemenr qu'il aura fait plus de sacnfkes pour lui. S'il est parvenu a se persuader que la cause de se* passions est la cause de Dieu , il ne se fera nul scrupule de 1'étayer par toutes sortes de moyensi il se permertra quelquefois 1'artifice, la ruse, les voies obliques pour soutenir les opinions dont il se sera convaincu. C'est ainsi que 1'on voit tous les jours des dévots très-zélés employer le mensonge \ la fraude, et quelquefois le crime, pour soutenir les intéréts de la religion, c'est-a-dire, du parti qu'ils auront cmbrassé. Ainsi quoique dans '.'origine le desir de se venger des prêtres Juifs ou des vues d'ambition aient pu déterminer S. Paul a se jetter dans la secte chrétienne, il a pu peua peu s artacher sincèrement a cette secte, se persuader  de Saint Paul. 2.71 qu'elle étoit préférable a la religion Juive, et employer des moyens répréhensibles pour la faire réussir dans le monde. Au reste, 1'examen qui nous reste encore a faire de quelques rraits de la conduite de notre apotre et de quelques passages des écrits qu'on lui attribue, servira mieux que rous les raisonnemens a fixer le jugement que nous devons porter de sa personne. Voyons donc ce qu'il nous dit lui-même. Cet examen nous fera conno'itre si Paul éroit d'aussi bonne foi, aussi désintéressé, aussi humble, aussi doux , aussi honnête que ses partisans le soutiennent. S. Paul enparlant de lui-même, dit « qu'il connoït un » homme qui a été ravi jusqu'au rroisième ciel, er que » la il entendit des paroles ineffables qu'il n'est point » permis de répérer » (1 ). II paroit en premier lieu qu'il n'y a qu'un homme d'une imaginarion bic-n échauffée qui puisse prétendre de bonne foi avoir été ravi au troisiéme ciel; ou qu'il n'y a qu'un imposteur qui puisse assurer un pareil fait quand il n'en est pas persuadé. En second lieu nous demanderons de quelle utilité pouvoit-il être pour le genre humain que Sr. Paul eut entendu dans le troisiéme ciel des paroles ineffables , c'est-a-dire } qu'il ne fut ,pas permis de répéter? Que penserions-nous d'un homme qui viendroit nous assurer qu'il possède un secret trés-important pour notre bonheur, mais qu'il ne lui est point permis de le découvrir ? Ainsi le voyage de Sr. Paul est ou une chimère enfanrée par un cerveau malade, ou une fable controuvée par un fourbe qui cherchoit a se faire valoir par des faveurs particulières du ToutPuissanr. Ce voyage étoit parfairemenr inutile, vu qu'il (1) Epitr» 2 aux Coriut'-iiens , chap. XII, v 4.  •271 Examen critique ne fut point permis a celui qui 1'avoit fait de raconter ce qu'il y avoit appris. Enfin il y a de la malice a St. Paul d'irriter la curiosité de ses auditeurs sans vouloir la satisfaire. En un mor, sous quelque point de vue qu'on envisage cette histoire ou ce conté du ravissement de St. Paul au troisiéme ciel, il ne peut être d'aucune utilité pour nous, ni lui faire beaucoup d'honneur a lui-même. CHAPITRE XI. Du désintcressement de Saint Paul. En examinant de prés la conduite de notre apótre nous aurons bien de la peine a la trouver aussi désintéressée que ses partisans voudroient le faire croire. Nous avons déja fair sentir les motifs naturels qui ont pu contribuer a sa conversion. S'il est vrai, comme l'assuroient les actes des apótres adoptés par les Êbionites ou Na^aréens, que Sr. Paul se fut flatté d'e'pouscr la fille du grand-prêtre, et qu'il n'ait pu réussir dans ce projet, pour un homme d'un caractère bouillant et emporté comme lui , ce méconrentement dut être suffisant pour le déterminer a changer de parti, et a se jetter dans celui qui devoit le plus déplaire aux prêtres, dont nous avons vu qu'il s'étoit fait 1'espion et le satellite, et dont il avoit voulu bassement captiver la bienveillance en se rendant le minisrre de leurs fureurs contre les disciples de Jésus. Ce fut peut-être le mauvais succès des amours de cet apótre qui le détermina a garder le célibat, et a en faire un mérite, tandis que suivant la loi des Juifs rien n'étoit réputé moins méritoire que cet état. Ce saint homme  de Saint Paul. 275 •nomme voulut sans doute transformer en vettu une conduite qui n'étoit en lui que 1'effet du chagrin et de ■la mauvaise humeur. II assure qu'il est bon pour l'homme de s'abstenir de la femme ; en conséquence nos prêtres ont regardé le célibat comme une perfecrion , ils se sont cru obligés d'imirer le grand Sr. Paul , même dans son ressentiment contre le sexe. Ils sont flattés de pouvoir comme lui résister a ïaiguillon de la chair qui souvent les tourmente ; s'ils ont eu 1'indulgence de permettre le mariage aux profanes, c'est paree que St. Paul a dit qu'il vaut mieux se marier que de brüler (1). II pourroit néanmoins se faire que la conversion de St. Paul eut eu d'autres morifs que 1'anecdote rapporrée par les acres des Ebionires, qui paroit exposée a bien des difficultés. En effet , suivant ces mêmes actes , Paul étoit né payen } s'étoit fait prosélyte et pat conséquent sans folie ne pouvoit prétendre a la fille d'un grand-prêtre dont la dignité étoit si éminente chez les Juifs. D'un autre cóté , suivant les écrits admis aujourd'hui par les chrériens , St. Paul étoit de la tribu de Benjamin , ce qui ne lui permettoit pas non plus de s'allier avec la fille d'un grand-prêtre, qui devoit être nécessairemenr de la tribu de Lévi. De plus , Paul étoit un artisan , un faiseur de tentes, état qui naturellement devoit 1'empêcher. d'aspirer a une alliance aussi illustre que celle d'un souverain pontife. Aussi , a moins de supposer que farnour n'eüt totalement (1) S. Clément d'Alexandrie nous dit que S Paul étoit marié. En effet il paroit que'que part faire mention d'une femme (avee laqnelle il vivoit comme avec. une sceur sans doute) , qu'il n'a pas voulu emmener avec lui, ponr n'appoiter aucnn obstacle a l'évaugile. Euteb. hist. eccles. lib. ITT, cap. 3o. Tome IV. S  474 Examen cr'u'ique aveuglé notre héros sur les obstacles qui natutellertient s'opposoient a ses désirs , il y a lieu de croire que sa conversion, ou son changement de parti, eut quelques autres motifs que le mécontentement de voir ses amours frustrés, II y a donc lieu de croire que Paul étant d'un génie très-remuant, s'ennuya bientöt de son métier : voulant temer fortune et vivre sans travailler , il se fit 1'espion des prêtres et le délateur des chrériens. Méconrent de ces prêtres, qui peut-être ne le récompensèrent pas aussi largement qu'il s'y étoit attendu, il se jetta dans la nouvelle secte dont a 1'aide de ses talens il se promit de tirer un bon par i , ou même de pouvoir devenir le chef. Au moins put-il se ptomettre d'y subsister aisément et honorablement, sans être obligé de faire des rentes. En erfet , il voyoit que les apotres , gens grossiers et inférieurs a lui, vivoient trés-bien aux dépens des nouveaux convertis, qui s'empressoient d'apporter leurs richesses a leurs pieds; en conséquence Paul comprir que rien ne lui seroit plus facile que de vivre de même , et de se faire un sort agréable dans une secte dans laquelle il se sentoit capable de jouer un röle important. Son ambition dut être plus sarisfaite d'occuper un des premiers postes , même parmi des gueux, que de ramper dans un poste infame er déshonorant sous des prêrres avares , hautains et dédaigneux. Enfin Paul nous apprend lui-même qu'il avoit des parens considérables entre les apótres, qui ayant embrassé la foi de Jesus-Christ avant lui , purenr travailler avec succès k la conversion d'un homme ainsi disposé (i). Les persécutions qu'il avoit fait éprouver aux disci- (i) Epitre aux Somains , chap. XVI. vj. i.  de Saint Pauk lyt pies ne durent poinr merrie de grands obstacles a son admission dans le collége aposrolique. II ne fut question que de s'expliquer et de convenit des faits. Les chefs de la secte durent être très-rlattés de voir leur parti faire la conquête d'un adversnre incommode qui venok de lui-même leur offrir ses services. Sa conversion opérée par un miracle faisoit honneur a la mission , et montroit au vulgaire la protection du ciel qui changeoit le cceur des ennemis les plus aeharnés des chrétiens. Comme Paul n'ignoroit pas que dans ce parti on faisoit trés-grand cas des miracles, des visions , des révélations , il crut que c'étoit la porte la plus favorable pour y entrer et pour se rendre agréable aux apotres; ils le recurent a bras ouverts, bien assurés de la sincérité d'un homme qui, après avoir fait un pareil éclat, ne pouvoit plus reculer sans se rendre également odieux aux Chrétiens et aux Juifs. Enfin Paul , parmi les autres talens qui pcmvoient le rendre propre a propager la nouvelle religion, savoit , suivanr les apparences, 1'Hébreu, le Grec et le Latin, 'tandis que, malgré le don des langues , on ne v oit pas que les autres apótres aient eu les mêmes avantages. En effet, nous les voyons rester a Jérusalem, ne prêcher qu'a des Juifs , randis que le nou vel apótre étendok ses conquétes spirituelles dans les provinces de l'Asie et de la Gtèce, oü sans lui il paroit que 1'évangile neut pas été prêché de si-tót. Lié une fcis a la nouvelle secte, Paul eut sans doute le plus grand intérêt de la répandre , de fortifier son parti, de se faire des sectareurs, afin d'avoir des appuis et de règner sur un plus grand nombre de dévots. Ainsi de quelque facon qu'on envisage les choses, notre apótre , soit dans sa conversion , soit dans sa prédication , ne fut rien moins que dégas-é d'intérêts. S i  xy6 Examen critique Tout missionnaire a nécessairement de l'ambition; il se propose de dominer sur les ames , et tout nouS prouve que St. Paul n'étoit nullement exempt de cette passion inhérente a tous les fondateurs de sectes. Bien plus , après avoir une fois établi sa puissance ecclésiastique , nous le voyons souvent ne pas négligér ses intéréts personnels, faire sentir a son troupeau qu'il est très-juste que le prêtre vive de l'autel3 en un mot s'occuper des émolumens de la prédication. Que celui, dit-il, que 1'on instruit dans les choses de la foi assiste de ses hiens en toute manière celui qui instruit (i). II parle sur le même ton aux Thessaloniciens ( chap. V. verset 12.). II les prie de considérer beaucoup ceux qui les gouvernent selon le Seigneur : il leur recommandè pareillement de leur montrer une ckarité abondante. Au reste , Sr. Paul n'est point ingrar , comme ses sv.ccesseurs, des bienfaits qu'il a recüs. II remercie les Philippiens pour 1'avoir secouru dans ses besoins par deux fois. II paroir que de son tems les apótres ne possédoient pas encore de droit divin ce que les hommes avóienr la bonré de leur donner : mais depuis, les membres du clergé ont assuré qu'ils tenoient de Dieu seul ce qu'ils obtenoient de la générosité des princes er des peuples, ce qui les dispense évidemmenr d'en montrer de la reconnoissance a personne. (1) Epitra aux Galatas, chap. VI, v. 6.  de Saint Paul. 177 CHAPITRE XII. Du ton imperieux de Saint Paul et de ses vues politiques. I L paroit par les écrits attribués a St. Paul ki-Im que lempire qu'il exercoit sur les membres qu'il avoit acquis a sa secte n'étoit rien moins que doux. Pour se convaincre de cette vérité il ne faut que lire la facon dont ce despote spiriruel parle aux fidèles de Corinthe. » Je prends Dieu a rémoin, leur dit-il, et je veux » bien qu'il me punisse si je ne dis la vérité, que c/a » été pour vous épargner que je n'ai point voulu aller » a Corinthe » (1). II dit ailleurs : » Je vous écris pour » vous éprouver, et afin de reconnoirre si vous êtes ■>» obéissans en toutes choses » (2). II menace les Corinrhiens et leur dir: " Je viens encore une fois parmi » vous , je ne pardonnerai ni a ceux qui avoient » pêché auparavanr, ni a tous les autres » (5). Enfin » il justifie le ton qu'il prend en disant: « Je vous écris » ceci étant absent, afin de n'avoir pas lieu , lorsque » je serai' présent, d'user avec sévérité de la puissance » que le Seigneur m'a donnée pour édifier er non pour " détruire ». C'esr apparemment en vertu du droir de chatier que St. Paul ici s'attribue, que les pontifes et les prêtres des chrétiens se sont depuis arrogé une puissance spirituelle illimirée sur les pensées de leurs sujets. Peu-a-peu leur empire s'est étendu sur les corps •, les (1) Voyez 2. épitre aux CorintUiens, «hap. I, r. i5. (2) Ibia. chap. II , v. 9. (5J Ibid. cliap. XIII, t. 2 et 10. Si  178 Examen trhiqêt prêtres chrétiens , enchérissant sur 1'apotre a qui le Seigneur n'avoit donné que la puissance pour édifier, se sont encore sêrvis de cette puissance pour détmire ceux qu'ils ne trouvoient pas assez dociles a leurs décisions. Si St. Paul n'a pas èxercé sur ses brebis un pouvoir aussi étendu, c'est sans doute paree que, comme nos pasteurs, il n'avoit point encore a ses ordres des princes , des magistrars et des soldars propres a exécuter ses saintes volontés : ave: son génie irnpéiïeux il y a lieu de croire qu'il se seroit conduk de même que plusieurs pères de 1'égüsë , que les pontifes de Rome et que la sainte inquisitior; On voit encore que 1'Apótre, peu content de juger sans appel des affaires spiriruclles, vouloit de plus se rendre maitre de la décision des procés. Comment, dit-il, se trouve-t-il quelquun 'parui vous qui ayant un différend avec son frère ose l'appeller en jugement devant les méchans et les infidèles , et non vas devant les Saints ? Ne save^-vous pas que les Saints doivent juger le. monde (1)? Ce passage preuve evidemment que T Apótre, dans la protondeur de sa politique, avoit dès-lors formé le projet de rendre les Saints, c'est-adire , le clergé , arbitres de la fortune des fidèles comme de leurs consciences. En effet, il ajoute , ne save$vous pas que nous serons les ju ges des anges mêmes ? combien plus le devons-nous être de ce qui ne regarde que la vie présente ? On ne peur assez admirer la mo- CO I. Epitre aux Corinthiens . VI, v. i et 2. Pour peu qu'on li'ie • ttentivement les a.tes (les apotres , leurs épitres et l'bNtoire des premiers curetieHs, ou sera couvaiucu que les premiers fondateurs du chiistianisme «e sonr proposé de faire de leurs prosélytes une associat on porlicu'ière indépendante du majisrrat civil, et dépendanfe nnquemenl de ses ehefs sprrituel». Un apótre, un évèque , un missionaire furent des ambiticux doni, l'oljet fut toujours de regner seul* tui leurs troupeaux, et de vivre houorablcmenr a leurs dépeas.  de Saint Paul. 279 deration du clergé chrétien pour n'avoir pas toujours fait usage a la rigueur d'un texte si décisif, qui lui attribue formellement le droit de juger toutes les affaires temporelles ou qui regardent la vie présente En effet d'après ce passage, il paroit que les chrétiens dans leurs affaires ne devrcienr avoir d'aurres juges et même d'auttes souverains , que l'église. C'esr d'après ces maximes que nos prêtres sont devenus des censeurs , ou une sorte de magisrrats, qui se sont mêlés de tout, qui ont prétendu juger de la légitimité des actes civils, des naissances, des mariages, dont ils se rendirent les arbitres ; en un mot ils s'emparèrent des hommes dès qu'ils furenr nés, et réglèrent tous leurs mouvemens jusqu'a la mort. Enfin c'est d'après ces prétentions que les papes se sont impudemment arrogé le pouvoir de disposer des couronnes , d'excirer des soulevemens et des guerres, de pronon eer sur les droits des souverains et des peuples. II n'est pas surprenant que les chefs de l'église chrétienne ayent de tout tems montré S. Paul comme un homme 'tour divin , 1'ayent appellé \'apótre par excellence, ayent inspiré pour ses écrirs une vénération profonde, les ayent fair regarder comme des oracles du Saint Esprit. Cet Apótre fut évidemment le premier architecte de l'église. On peut sur-tout le regarder comme le vra fondareur de 1'hiërarchie ecclésiastique. C'est a lui que sont dus les prérogatives , les priviléges , les droits divins des évèques et les prétentions du clergé. S. Paul établit des évêques , leur as igna des droirs , et jetta dans ses écrits les premiers fondemens de la puissance spirituelle, qui depuis se rendit formidable a la puissance temporelle. L'inventeur de tant de choses utiles pouvoit-il manquer d'être 1'organe de la divinité \ Cependant, pour peu qu'on lise avec réflexion les évangiles, on trouvera que Jésus n'avoit aucunement S 4  280 Examen critique parlé de cette hiérarchie, ni de cette puissance, ni de ces prérogatives du clergé : au contraire nous le voyons sans cesse prêcher a ses apótres, legalité , i'humilité, la pauvreté. Mais en cela, comme en beaucoup d'autres choses, notre Apótre ambitieux se crur en droit de corriger les disposirions du Christ , qui en toute occasion se montra peu favorable aux prêtres. Au reste ces changemens introduirs par S. Paul suffisent pour nous mettre au fait desa politique secrette. II voulut, suivant les apparences , se rendre le chef spirituel et temporel des églises qu'il avoir par ses travaux fondées parmi les Gentils, auprès desquels., comme on a vu, il eut plus de succès qu'auprès des Juifs. C'est pour les gagner a lui qu'il se fit tout d tous; qu'il les dispensa, comme on dit, des ordonnances les plus essentielies de la loi de Moyse. En un mot il eut le secret de s'insinuer dans les esprits des idolatres , qu'il prenoit quelquefois par la ruse , se proportionnant a leurs vues et ayant pour eux, comme il dit lui-méme , tantót du laït et tantót des viandes solides (i). En effet, comme on 1'a suffisamment observé cidessus , Paul, après ses succès auprès des idolatres, s'embarrassa fort peu de ménager ni les juifs convertis, ni ses confrères plus anciens dans 1'apostolat; il se déclara ourertement contre la loi mosaïque. II alla, comme on a vu, lui-même a Jérusalem solliciter un décrer pour dispenser les Gentils de se faire circoncire : cet article lui tenoit fort a coeur, sentant très-bien que cette indulgence étoit nécessaire pour lui conserver ses nouveaux sujets. Ainsi ce fut lui qui élargit la brêche, très-petite dans 1'origine, qui séparoit les Juifs des Chrétiens ou Na^aréens. Cette conduite déplüt natu- (0 I. Epitre aux Conütbiens, chap. III, v. a.  de Saint Paul. iSr* rellement au reste des apótres qui parurent, même depuis le concile, toujours attachés aux ordonnances de ia loi judaïque, mais qui, dans cette occasion, sevirent contrahits de céder a Paul, ou de temporiser avec un homme qui avoit pris de 1'ascendant sur eux. CHAPITRE XIII. De thumilité de Saint Paul. .A.VEC la conduite adroite et ambitieuse que 1'oa vienr de remarquer dans S. Paul , il est difticile de croire que 1'humiliré fut sa vertu dominante. Pour peu qu'on lise attentivement ses écrits on trouvera sans peine qu'il ne s'abaisse communément que pour se faire valoir aux yeux de ses partisans; il ne manque poinr de se vanter des peines, des souffrances er des travaux qu'il a subis pour l'amour d'eux; c'est la-dessus qu'il fonde ses droits a leurs respects et a leur reconnoissance. Que les hommes , dit-il, nous considèrent comme les ministres de Jésus-Christ et comme les dispensateurs des mystères de Dieu. Plus loin il ajoute : U semble que Dieu nous traite nous autres apotres , comme les derniers des hommes 3 comme ceux qui sont condamnés d la mort, nous faisant servir de spectacle au monde, aux anges et aux hommes. S. Paul reproche ensuite aux Corinthiens leur bien-êrre , leur molesse , leurs prétentions , et compare leur situation avantageuse h. la sienne. Nous sommes fous , leur dit-il, pour l'amour de Jésus-Christ; mais vous autres vous êtes sages en Jésus-Christ; nous sommes foibles et vous êtes forts r vous êtes honorés et nous sommes méprisés. Jusqu a cette heure nous souffrons la jaim, la soif, la nuditc  Examen critiquc et les mauvais traitemens , nous n avons point de demeure stable ; nous travaillons avec beaucoup de peines de nos propres mains. II fait ensuite une énumération des maux qu'il souffre , puis il leur ajoute : je ne vous écris pas ceci pour vous faire honte , maïs je vous averti^ de votre devoir. Quel est donc ce devoit 2 S. Paul lexplique trés - clairement , eest de le regarder comme leur vrai chef , et de le preférer a tous les autres docreuts ; car, dit-il, quand vous aurie^ dix mille docteurs ou maitres en Jésus-Christ 3 vous navet pas nianmoins plusieurs pères , puisque c'est moi qui vous ai engendrés en Jésus-Christ par 1'évangile. Notre humble missionnaire leur envoye son lieutenant Timothée pout les remettre dans le devoir, c'est-a-dire, dans 1'obéissance qu'ils doivent a leur père spirituele i\ promet de les aller visiter lui-même et leur demande humblement: que voule^-vous que jefasse ! aime^-vous mieux que je vous aïlle voir la verge a la main 3 ou avec charitéet dans un esprit de douceur (i) > Dans toute cette tirade remarquable rien n'annonce cette profonde humilité dont on fait honneur a S. Paul: au contraire tont y décèle 1'esprit de domination et le desir de règner exelusivement sur les ficièles qu'il avoir convertis. Ce sont communément les hommes les plus fiers qui se plaignent le plus amèrement d'être maltraités et méprisés; et parmi les dévots 1'orgueil sgait se couvrir de la plus grande humilité. Cependant notre Apótre ne se donne pas toujours Ia peine de masquer son amour-propre ; en effet lorsqu'il se compare au reste des apótres, il fair très-bien sentir que, quoiqu'appellé le dernier, il a droit de prétendre a la première place. Je ne pense pas, dit-il, (0 I. Epit. aux Coriatluena, cbap. IV, V. ï, 9 , 12, ia , a.  de Saint Paul. 28 J avoir été inférieur eri rien aux plus grands d''entre les Apótres. II paroit que les Corinthiens avoient etc choqués de la dureté de son ton, car il ajoute , si je suis grossier dans mes discours, je ne le suis pas pour la science ; mais nous nous sommes fait asse^ connoitre parmi vous en toutes choses. Sentant ensmte que 1 on pouvoit être choqué des louanges imprudentes qud se donnoit a lui-même, il dit : puisque plusicurs se glorifient selon la chair, je puis aussi me glonfier (1). Enfin il s'explique très-clairement loisqu'il dit a son cher Timothée : j'ai été établi le prédicateur, l'Apótre et le maitre des nations (2). Au reste il est aisé de voit que nos docteurs évangéliques se proposent 1'humilité de S. Paul pour modèle de la leur. C'est sans doute pour imiter ce grand Saint que le pape prend humblement le titre de serviteur des serviteurs de Dieu ; ce qui ne 1'empêche pas de faire sentir sa verge pasrorale a tous ceux qui refusent de reconnoitre sa puissance illimitée , et de souscrire aveuglément a ses décisions infaillibles ; mais quand les ministres et les chefs de l'église font usage de la verge , ce n'est jamais que pour montrer qu'ils ont beaucoup de zèle pour les intéréts du Seigneur. (j II- Epit, aux Corinthiens, chap. XI, v. 3, 6, 18. (3) II. Epit. a Timothée, chap. II, V. i3.  **>4 Examen cridque CHAPITRE XIV. JDtc $U de Saïnt-Paul Réflexions sur cette yerm chrétienne. V ^->e que dans Ia vie ordinaire 1'on nomme colère, fo«eur .vengeance, délire, se nomme zèle, dès qu'il sagit de la religion ou de la cause de Dieu C'est «ne maxime chez les chrétiens dévors que 1'on 'nepeut trop aimer Dieu, ni par conséquent pécher en lui montrant trop de zèle. D'après ces principes, dans leurs querelles nos docteurs s'injurient, se déchirenr se calomnient , se font mille noirceurs et vont jusqu'a* se persecuteret s'exterminer quand ils en ont ia liberté Chaque parti, fermement persuadé qu'il a la raison de son cote, que sa propre facon de penser est la seule que Dieu puisse approuver, se croit tout petmis pour détruire les opinions de ses adversaires, qui leur déplaisant a eux-mêmes, doivent évidemment déplaire a Ia divinité. Ainsi, en examinant la chose de prés , Ie zèle religieux n'est que la colère excirée dans un dévot par des opinions peu conformes aux siennes ou a celles du parti dans lequel il se trouve engagé. En un mot Ie zèle est le nel que la contradiction fait éclore dans 1'ame des dévots. II n'est pas douteux que S. Paul n'ait baissé en ce genre des modèles que nos docteurs évangéliques ont de tout tems très-fidèlement imités. Si ce grand Apótre n'alla pas jusqu'a persécuter ceux qui résisroienr a ses argumens , ou qui ne se soumettoient pas aveuglement a ses décisions suprémes , c'est qu'il n'étoit pas le plus fort; sans cela, a en juger par la ehaleur de son tem-  de Saint TauL aS| pétamment, nous avons lieu de présumer qu il se fik aisèment porté a des exttémitès très-propres 4 justifier les saints emportemens auxquels les chefs de l'église se sont depuis livrés dans toutes les occasions oü ils ont eu assez de pouvoir pour faire éclarer leur zèle. En effet, nous trouvons que 1'amour-propre de S. Paul ne souffroit point trop patiemment la contradiction; il livroit d Satan ceux qui refusoient de lui obéir, il prétendoit que tout évangile qui n'étoit pas le sien étoit abominable : «Je m'étonne, dit-il aux Galatts, » qu'abandonnanr celui qui vous a appellés a la grace de »> Jésus-Christ, vous passiez si-tot a un autre évan- gile ". U prétend et aflïrme lui-même que lui seul enseigne une doctrine vérirable , et tous les autres sont, selon lui, des imposteurs, de faux prophêtes , des perrurbateurs; on est obligé de croire sur sa parole que lui seul possède l'infaillibilité. II va jusqua dire dans la chaleur de son amour-propre : » quand un ange ■» du ciel vous annonceroit un évangile difféient de celui que nous vous avons annoncé , qu'il soit ana« thême. Je vous 1'ai dit, et je vous le dis encore, »> si quelqu'un vous annonce un évangile different de " celui que vous avez recu , qu'il soit anathême (i) ». Ce langage pourroit bien paroitre insolent, présomptueux et même impie, a ceux qui n'ont pas la foi} cependant c'est celui que tiennent tous les jours les chefs de chaque secte; nous les voyons continuellement de leur propre autorité anathema tiser, excommunier, damner ou fivrér d Satan quiconque a la témérité de ne point entendre 1'évangile a leur manière. (t) 11 paroit qua dans cette tirade S. Paul avoit en vue S. Pierre et les autrs apótres Nazarèens, dont révangile pouvoit être, caiame oe « vu , très-diffèrent du aiea. Voyez chap. li.  i8i tyran luxurieux , un adultère infame , un assassin perfide, un parjure, en un mot un David, comme urt grand saint, ou même par excellence comme l'homme selon le cceur de Dieu l La foi parvient arenverser dans 1'esprit des dévots les notions les plus simples de morale et de vertu. La religion encourage les hommes les plus pervers a se permettre les crimes les plus honteux, les déréglemens les plus aftreux; en leur mettant sous les yeux les exemples de scélérats qui n'en ont pas moins été des amis de leur Dieu. On ne peut pas prérendre que saint Paul dont nous parions ici , se soit rendu coupable d'excès aussi crians que ceux que l'on peut reprocher a cet indigne roi des Juifs , dont 1'histoire ne presente qu'un long tissu d'horreurs : mais sans la foi il est bien difficile de regarder notre sainr Apotre comme un homme irréprochable. Quoique rtiisrorien quelconque a qui nous devons les acres des apötres ait eu dessein de représenter son héros comme un modéle de vertu , nous trouvons que par une bévue singuliere, il ne s'est point appercu qu'il le faisoit mentir publiquemenr et de la facon la plus solemnelle en présence du Sanhedrin ou grand conseil des Juifs. En effet, comme nous 1'avons déja. fait remarquer , s'appercevant que son auditoire étoit composé de Saducéens et de Pha'risiens, dans la vue de les diviser et de se faite des partisans, Pauls'écrie, » qu'il est pharisien , fils de pharisien et qu'on lui » veut du mal a cause de L'espérance de la résurrection ". Or nous rrouvons deux mensonges avérés dans cette asserrion. En premier lieu il étoit très-faux que Paul fut un Pharisien ; au moment ou il parloit, il étoit chrétien , il étoit apotre, il prêchoir Jésus-Christ, il travailloir efficacemenr a faire des prosélytes a sa secte, il avoit révolté les Juifs en leur annoncant une loi T z  Examen critique nouvelle contraire a celle de Moyse, il avoit fait abolir dans le concile de Jérusalem la pratique de la circoncision si formellemenr ordonnée par cette loi. En un mot il prêchcit le christianisme et non le judaïsme dans le même moment ou il se dit Pharisien. Dans certe occasion il se conduit réellemenr comme un apostat; du moins on ne peut nier qu il ne se conduisit en lache , qui n'osa point avouer sa croyance véritable en présence du conseil, et qui recourut a un artifice honteux , a des restrictions mentales, pour donner le change a ses juges. En efFet la conduite de St. Paul en cette occasion ne ressemble aucunement a celle d'un grand nombre de martyrs, qui franchement s'avouoient chrétiens, au risque même de leur vie , confessoient hautement Jésus-Christ en présence des persécuteurs et des bourreaux. La présence du grand-prêtre et du conseil en impose tellement a 1'apptre qu'il se dit Pharisien ; la crainte rrouble sa mémoire au point de lui faire cublier que la veille même il s'étoit déclaré chrétien et missionnaire de Jésus vers les Gentils , en présence du peuple assemblé devant la forteresse , qui indigné de ses propos , se mit ï crier : Ster du monde ce méchant 3 car ce seroit un crime que de le laisser vivre. II n'y a donc que la subtilité théologique qui puisse laver St. Paul de mensonge , d'apostasie , de laeheré, dans cette occasion. En second lieu iï n'étoit point vrai que ce fut k cause de l'espérrice d'u;:e autre vie et de la résurrection des morts que Paul étoit poursuivi par les Juifs, c'étoit pour avoir prêehé une doctrine nouvelle, contraire a la loi de Moyse ; ce grand légblateur n'avcit nulle part enseigné ce que l'on d-voit penser ui ,de la résurrection des morts ni du dogme cie IVtïtre vie. Les Juifs, sans cesser d'être Juifs , embrassoient li dessus  de Saint Paul. 19, telle opinion qu'il leur plaisoir; les Saducéens la rejettoient, sans être pour cela exclus de la synagogue et sans cesser d'observer la loi judaïque ; les pharisiens 1'admettoient, sans qu'il paroisse que ce dogme les portat a faire scbisme avec ceux qui ne pensoienr pas comme eux. II est vrai que Paiil avoit prêché la résurrection _, mais é$*oit celle de Jésus , sur laquelle il prérendoit étabiïr une nouvelle secte très-difiérente de la religion judaïque. Ainsi les paroles de Saint Paul n'étoient qu'un subterfuge, indigne d'un homme a qui la grace devoit donner assez de courage pour soutenir devant le conseil, au péril de la liberté et de sa vie , les mêmes sentimens qu'il avoic montrés au peuple et prêchés dans rous les lieux oü il avoit planté la foi. C'étoit donc pour avoir prêché le christianisme , et pour avoir ( en dépit même des apótres ses confrères ) voulu abolir pour les Gentils les usages du judaïsme, que Paul étoitpersécuté. Les prêtres étoient sans doute indignés contre un homme qui s'effbrcoit (d'anéantit une loi et un sacerdoce qu'une révélation divine leur avoit tant de fois montrés comme devant durer éternellement, tandis que 1'auteur de Yépitre aux Jiébreux assure formellement qu'ib ont été abrogés pat 1'évangile. C H A P I T R E XV I. ilypccrisie de Saint Paul. O N ne peut s'empêcher dappercevojr encore de la mauvaise foi et une hypocrisie profonde dans toute la condüite de St. Paul a Jérusalem. Après avoir prêché dans un grand nombre de villes de l'Asie e: de la Grèce une doctrine révoltante pour les Juifs, et qui les souleva par-tout; après avoir aboli en faveur cles GentiLs T 5  ic}^ Examen critique la'circoncision si fortement ordonnée par la loi de Moyse et jugée si nécessaire aux prosélytes de Ia porte , nous voyons ce grand apótre , par le conseil de ses confrères, se soumeitre , pendant sept jours , a des cérémonies judaïques , se purifier avec affectation , faire savoir les jours aux quels s''accompiiroit cette purification _> et quand l'offrande devWÊ être presentée pour lui et ses associés (i). Mais les Juifs d'Asie, qui connoissoient les vrais sentimens de notre missionnaire pour 1'avoir entendu prêcher chez eux, ne furent point les dupes de son hypocrisie; ils émurent tout le peuple , se saisirent de lui en criant : « Au secours , » Israëlites ! voici celui qui dogmatise par-tout contre *> ce peuple , contre la loi et contre ce lieu saint, et » qui de plus a encore amené des Gentils dans le •> temple, et a profané ce saint lieu ". Voila les vrais griefs des Juifs contre St. Paul , et sans nier ce que l'on trouve dans les actes, l'on ne peut s empêcher de convenir qu'ils étoient bien fondés. Que diroit-ön aujourd'hui d'un évêque, qui, sans prétendre cesser d'être chrétien, iroir pendant sept jours dans une synagogue de Londres ou d'Amsterdam pour accomplir des cérémonies judaïques a la vue de tout un peuple } On ne manqueroit pas de le regarder coinme un apostat ou comme un fripön qui auroit des vues intéressés, a moins quen le jugéaht plus favorablement on ne le prit pour un fou ? Cependant on adrnire cette conduite dans St. Paul; il prétend la justihi.:r lui-même en disanr qu'il s'est fait tout a' tous. C'est ainsi que l'on trouve que 1'hypocrisie, la faussecé , 1'imposture sont des voies permises pour (:)Aetes, chap. XXI, vs. 26, 27, 28.  de Saint Paul. gu« valpir la cause de Dieu et pour U gagnet des ^Cependant il y a tout lieu de croire que Sr. Paul, en agissant d'une manière si singulière, avoit ben plus en vue ses propres intéréts et sa propre sureté que les intéréts de la divinité. Au reste, sa conduite a été fidèlement-copiée par un grand nombre de missionnaires chrétiens, et sur-tout par les jésmtes, a qui leurs adversaires reprochent d'avoir souvent albe le culte de Jésus-Christ avec celui des peuples idolatres quils vouloient convertir a la foi. CHAPITRE XVII. Saint Paul accusé de parjure s ou t'auteur des actes des Apotres convaincu de faussete. Non content de tenir une conduite si oblique^ou si hypocrite , nous voyons encore notre grand apotre se rendre évidemment coupable d'un parjure ou d un faux serment. Pour s'en convaincre l'on n'a qua lire le commencement'de son épitre aux Galates; pour leur prouver que 1 'évangile qu'il annoncoit lui étoit divinement inspiré-il dit : « Je vous déclare donc, mes frères, » que 1'évangile que je vous ai prêché n a rien de „ l'homme , paree que je ne 1'ai point appns d aucun » hommé, mais par la révélation de Jésus-Christ ». Plus loin il ptouve ce qu'il avance , en disant: « Mais » lorsqu'il a plu a Dieu , qui m'a choisi partieulière» ment dès le ventre de ma mère, et qui m'a appellé » par sa grace, de me révéler son hls, ahn que je le » préchasse parmi les nations , je 1'ai fait aussi-tót » sans prendre conssil de la eh.iir et du sang, et je T 4  2 6 Examen critlaut » ne suis point retoumé d Jérusalem pour voir ceux » qui étoient apótres avant moi , mais je m'en suis " en Arabie , er puis je suis encore revenu a " DattiftS. Ainsi rrois ans s'étant écoulés, je reróurnai " a Jérusalem pour visiter Pierre , et je demeurai » quinze jours avec lui sans vcir aucun des autres » apótres, sinon Jacques, frère du Seigneur. Je prends » Dieu d témoin que je ne vous mens point en tout * ei que je vous écris » (i). Mais si Paul ne ment poinr dans ce qu'il écrit aux Galates, il est évident que 1'auteur des actes des apótres, (que l'église chrétienne regarde comme aussi divinément inspiré que S. Patd) a menu! En effet dans le chapitre néuiiéme des aars , il est dit que Paul a la suite de sa conversion , et après avoir recouyré la vue, c'emeura quelques jours avec les disciples qui étoient a Damas; ce qui prouve qu'il se fit instruire/'.ir des hommes , ou qu'il prit conseil de la chair et du sang. Se croyant sufiisamment forrifié dans sa théologie par Ananie ou par d'autres , il se mit a prèchét h Christ dans la synagogue ; conduhe dont les Juifs furent si choqués qu'ils voulnrent le tuer : man Patsl a lei je d'ur.e ccrbeille tehappe aleer fureur, c t, sans qu il soit fait mention de son vcyage en Arabie , il se rend droit a Jérusalem , oü d'abori ies disciples eUreHt petif de lui ; mais Barnabé les rassura et le présenta aux apótres , en leur racontant sa conversion miraculeuse et sa prédication courageuse a Damas. En conséquence il est dir que Paul fut aggrégé au corps des fidèles, » qu'il demeura dans jérusalem , vivant avec les apótres (i) Ce passage pror.ve enr.ore tiés-forteroent que S. P.ml préclioil un évangile différent des aatjes apótres, c'est-i-uüe des Êbionites ou Nazat ééns.  de Saint Paul. 197 » et parlant avec force au nom du Seigneur-, il disputok » aussi avec les Juifs Grecs, et eux cherchoienr un » moyen de le tuer. Ce que les frères ayant reconnu , » ils le menèrent a Césarée , et 1'envoyèrent a Tarse II est aisé de voir combien ce récit de 1'hisrorien inspiré des actes s'accorde peu avec celui de 1'apórre mspiré qui écrit anx Galates et qui leur confirme son récit par un serment. D'ailleurs le voyage de S. Paul en Arabie au sortir de Damas, et qui précéda de rrois ans son arrivée a Jérusalem , devient très-peu probable , aussi bien que son séjour dans ce pays. En effet les disciples de Jérusalem devoient ètre en correspondance avec ceux de Damas ; conséquemment ils auroient appris par leur moyen un événement aussi intéressant pour la secte que la conversion de Paul , er que les soms qu il se donnok pour propager leur doctrine : ainsi notre apótre n'auroit pas fait; peur aux disciples de Jérusalem, et n'auroit pas eu besoin auprès deux de la recomatandation de Barnabé. ïl paroit donc que le nouveau converri aüa droit a Jérusalem au sortir de Damas; que Ia il eüt occasion de converrcr avec les apótres, et que sa théologie ne lui fut point infuse. Mais en supposant même que le voyage et le séjour de trois ans en Arabie aient eu lieu , il n en sera pas moins certaiö ou que Sr. Paul a fait un faux serment aux Galates; OU que 1'auteur des actes s'est trompé. En effet-, St. Paul écrit « Qu'au bout de trois ans il » retoutna a Jérusalem pourvisiter Pierre, et qu'il de" meura quinze jours avec lui sans voir aucun des « autres apótres ». Ce qui est toujours contraire au iécit de 1'auteur des actes , qui nous apprend qüe (1) Actes des apótres , chap. IX  *-9$ Examen critique Saul étarit venu d Jérusalem , il cherchoït d se joindre aux disciples , mais que tous le craignoient , ne croyant pas qu'il fut un disciple. Notre Saint contredrt tout ceci par un récit tout différent qu'il atteste par un serment. Bien plus, par ce serment Paul contredit lui-même Ie discours que 1'auteur des actes met dans sa bouche, en présence du roi Agrippa, de la reine Bérénice et du gouverneur Festus (i), en leur racontant sa con* version il leur dit : « Je ne résistai donc point a la » vision céleste, mais j'ai annoncé premièrement a » ceux de Da'mas et ensuite dans Jérusalem , dans » dans toute la Judce et aux Gentils, qu'ils fissent » pénitence et qu'ils se convertissent a Dieu, etc ». Ainsi suivant 1'auteur des actes, St Paul convient luimême qu'il prêcha d'ahord d Damas, ensuite d Jérusalem^ avant que de s'adresser aux Gentils. S'il ent prêché pendant trois ans en Arabie, il auroit dit cette circonstance , dont il n'est fait menticn mille part dans les actes des apótres, randis que nous y trouvons tant de détails minutieux sur ses courses continuelles. Nous remarquerons encore, en passant, une contradicrion visible dans les actes des apótres. L'auteur de eer ouvrage , en rapportant le miracle de la conversion de Saul, dir que les hommes qui 1'aecompagnoient demeurèrent rout étonnés, car ils entendoient une voix , mais ils ne voyoient personne (2). Cependant le même auteur des actes, ouhliam ce'qu'il a dit en cet endroit, dans le discours qu'il fait tenir k Paul en présence du peuple Juif, lui fait dire ces mots : ceux qui étoient avec moi virent bien la lumière , mais ils n'ouirent point la voix de celui qui me parloit (5). (1) Actes, chap. XXVI, vs. 20. CO Actes, chap. IX , vs. -. (3) Acies, chap. XXII, ts> 3,  de Saint Paul. 299 C'est au lecteur impartial a voir quel dégré de confiance méritent de pareils écrivains , qui se trouvent si évidemment en contradiction. Dans le premier exemple Paul atteste solemnellement par un serment la vériré d'un fait non seulement omis, mais encore formellement contredit par S. Luc, son historiën et son disciple: dans le second exemple 1'historien se contredit lui-même. Cela devroit au moins sufnre pour ébranler la foi implicire que tant de gens ont dans des ouvrages qui n'ont ni 1'exactitude ni 1'harmonie que l'on exige dans les écrivains ordinaires. Quanr a nos docteurs, ils nous diront les moyens qu'ils imagineront pour sauver 1'honneur de ces deux inspirés , qu'ils onr grand intérêt de lavet d'une accusation si grave et si facheuse pour la religion chrétienne. C H A P I T R E XVIII. Examen des miracles de Saint Paul. QuOIQUE S. Paul, comme nous venons de le voir, ait pris sein lui-même d'infirmer le témoignage de 1'auteur des actes des apotres, c'est néanmoins sur la parole de cet auteur que les chrétiens se croient obligés de ne pas douter cles miracles de notre grand Apótre. En effet, de méme que tous ceux qui ont voulu érablir des sectes nouvelles , notre prèdicateur ne peur se dispenser de faire des prodiges ; c'est le moyen le plus sur d'exciter 1'admiration du vulgaire. Incspable de raisonner , de juger de Ia bonté d'une doctrine , et souvent d'y comprendre quelque chose, les miracles sont pour lui le plus puissaht des argumens; ils lui prouvent indubitablement que celui qui les opère est un favori de  500 Examen critiaue la Divinité j et par conséquent ne peut pas avoir torr, ni être capable de vouloir en imposer. Les miracles étoient surtout nécessaires parmi les Juifs; ils demandoienr des signes a tous ceux qui leur parloient au nom du Seigneur, er ceux-ci n'avoient pas de peine a en faire devant un peupie ignoranr et crédule qui voyoit tout ce qu'on vouloit lui montrer. Malgré ces dispositions si favorables a tous les faiseurs de miracles , nous ne voyons pas que ceux de Jesus lui-même er ensuite de ses apótres aient produit sur la nation Juive les eftets que l'on étoit en droit d'en attendre. Nous trouvons que du tems oü ils onr été faits ils n'ont convaincu personne, et qu'ils ont au contraire artiré des affaires a.ceux qui les opéroient. Ce ne fut que long . tems après que ces prodiges produisirent leur effet, et par une merveille qu'on ne peut se lasser d'admirer, ces prodiges qui n'ont point ére crus par ceux qui les ont vus, furent crus très-fermemem par ceux qui ne les avoient point vus , et sont encore aujourd'hui pour les chrétiens une des plus fortes preuves de la divinité de leur religion. II n'y a plus que quelques raisonneurs qui persistent a juger de ces miracles anciens de la méme manière que les contemporains qui n'e les virent pas , ou qui , s'ils les virent, les regarderent comme des prestiges, des fouiberies , des tours d'adresse peu capables d'en imposer. II n'y a que la simplicité de la foi, c'est-a-dire, une confrancs implicite dans la parole de nos guides , qni puisse nous faire voir des miracles ou nous faire croire a ceux que nous n'avons point vus. Mais cette foi simple est 1'effet d'une grace particulière que Dieu n'accorde qua ceux qui sont pauvres d'esprit, er qu'd refuse très-durement a ceux qui pensent ou qui raisonneur. Dès qu'on manquc de confiance dans les opérateurs, on ne voir plus de rui-  de Saint Paul. 501 racles, ou du moins l'on se défïe de ceux qu'on leuc voit faire. II ne paroit pas que S. Paul fit des miracles, a Jérusalem après sa conversion; cette ville n'étoit pas dans son département; elle étoit dans celui de S. Pierre et des autres apótres judaïzans, qui, suivant les actes, ne eessoient d'y faire des prodiges. Notre Apótre des incircöricis ou dans le district duquei étoit la conversion des. Gentils, ayant quitté ses confrères, commenca le coursde ses miracles a Paphos. II étoit sur le point de ccnvertir Sergius ,.ptoconsul de la province , sans un maudit soreier de Juif nommé Bar-Jésus et surnommé Elymas , c'est-a-dire , le magicien 3 qui vouloit empêcher ce magistrat de croire en Jésus-Christ. Indigné de fobstacle que cet homme mettoit aux volontés divines , au lieu de le convertir et de le convaincre luimême , Paul lui dit beaucoup d'injures , suivant i'usage pratiqué jusqu'a ce jour par les Théologiens; il 1'appella donc enfant du diable, et finit par le frappet d'aveuglement. Si cette conduite fut utile au salut du proconsul, qui , suivant 1'auteur de ces actes , ayant vu ce miracle , embrassa la foi et admiroït la doctrine du Seigneur, bien des gens ne seront point si édifiés de ce ptodige , trés-contraire aux maximes de 'la douceur et de la charité chrétienne. En effet n'eut-il pas été plus honnête a S. Paul 3 armé de la toute-puissance divine d eclairer les yeux de 1'esprit de ce soreier, que d'aveugler les yeux de son corps > Mais on voit toujours que" le miracle que les apotres ainsi que leur divin maitre ont eu le plus de peine a feite, fut celui de convaincre les personnes prévenues, ou peu disposées a tout croire. II paroit que dans l'occasion dont il sVjt h soreier étoit plas fort que Paul en fait de raisónöémeht, cs  JOi Examen criilque qui mit celui-ci en colère. En effet la logique n'étoit pas le talent le plus marqué de notre Apótre , non plus que de ses confrères et successeurs. D'ailleurs ce saint missionnaire étoit d'une humeur trop emportée pour raisonner de sang-froid et pour argumenter d'une facon claue et précise. Ainsi, pour rerminer la dispute avec Elymas, il lui dit des injures , er peut-étre, assuré de la protection du proconsul qu'il voyoit ébranlé en faveur de sa doctrine, se hazarda-t-il de donner a son antagoniste des coups, qui le priverenr quelque tems de 1'usage de ses yeux ; car il est très-possible , même sans miracle, de priver quelqu'un de la vue (i). On nous apprend que notre Apótre, et son associé Barnabé, firent des miracles a Icone, au point que toute la ville fut partage'e , les uns etant pour les Juifs , et les autres pour les apótres. Cependant immédiarement après on neus dit: » mais comme les gentils et » les Juifs avec leurs principarx chefs allcient se jettet » sur eux pour les outrager et les lapider, les apótres » 1'ayant scu , s'enfuirent a Lystre etc. (2)». Cette conduite des habitans d'fcone est sans doute inconcevable; Payens et Juifs se réunbsenr pour maltraiter et lapider nos Apótres qui, malgré la toute-puissance divine dont ils disposent, n'ont d'autre expediënt que de fuir pour se mettre en süreté. Malgré 1'inurilité de ses miracles Paul en fair encore un a Lystre •, il y guérit un boiteux dans lequel a la seule inspection il découvrit beaucoup de joi'. Ce qui pourroit faire soupgonner qre Ie miracle pouvoir avoir été concerté entre eux. » 11 lui dit a haute vcix: levez» vous et tenez-vous droit sur vos pieds. Aussitót le (0 Actes des ap.Jrres , cliap. XIII. (1) Actes, chj;i. XIV, vs. 4, r>, C.  de Saint Paul. JOJ » boiteux se leva en sautant , et commenca a mar« chet (i). Le peuple de Lystre est si frappé de ce prodige quïl prend nos deux missionnaires pour des Dieux , et veut leur offrir des sacrihces; mais Paul et Barnabé s'en défendenr avec modesrie. Ce miracle éclatant avoit été cru , même par le sacriricateur de Jupiter , puisqu'il est dit quil amena des taureaux et apporta des couronnes devant la porte , voulant aussi bien que le. peuple leur sacrifier. Cette circonstance prouve trésclairement que personne a Lystre ne doutoit de la réalité du prodige. Cependant quelques Juifs , arrivés d'Icone , sufüsenr pour détromper route une ville , qui avoit vu le miracle du boiteux-, le pauvre Saint Paul, que Ion avoit pris peu auparavant pour Jupiter , est iapidé , et trainé hors de la ville , paree qu on le croyoit mort. II en revint pourtant, et malgré son miracle il se sauva avec Barnabé pour se réfugier a Derbe. Le miracle que notre Saint opéra a Philippes en Macédoine ne lui réussit pas mieux ; il y guérit une servante, qui avoit un esprit de Python , er qui , ayant par-la le secret de deviner, gagnoit beaucoup d'argent a ses maitres. Ceux-ci , loin de reconnoirre et d'admirer le pouvoir d'un homme qui réduisoir au silence Apollon , 1'un des plus puissans Dieux du Paganisme, trainent Paul et Silas devant les magistrats et soulevent le peuple contre eux. II est encore bon de remarquer qu'Apollon ( c'est-T.-.hre , le diable) qui résidoit dans cette devineresse , rravaille a démolir son propre empire. En effet ayant appercu Paul et son camarade , la servante se mit a les suivre en criant:» ces hommes sont » des servireurs du Dieu très-haut, qui vous annoii« cent la voie du salut; elle fit la méme chose durant (a) Ibid. cliap. XIV ,9, u, 12, 19.  304 Examen critique v plusieurs jours, mais Paul ayant peine a le souftrir, * se retöiirna vers elle et dit a 1'esprit: je te commande » au nom de Jésus-Christ de sortir de cette fille; er il » somt a 1'heure même (t) ».Ona lieu d'être s'urpris que Paul souffnt avec peine une déclaration si favorable a sa mission, et qu'il imposat silence a un démon qui lui rendoit un témoignage si honorable, et si capable de lui procurer des adhérens ! Mais la conduite des Saints est toujours faite pour être inexplicable. ^ Dans ces rems malheureux oü , la foi étant refroidie, l'on ne croit plus gueres ni aux possédés, ni aux devins , ni aux sorciers, il est difficile de savoir de quelle nature pouvoir être 1'esprit de Python qu'avcir cette fille Madédonienne (2). Si l'on pouvoit hazarder la dessus quelques conjectures , on pcurroit supposer que nos apótres , pour se donner du reliëf, la gagnèrent er 1 en* gagèrent a jouer son róle,ën lui faisant entendfe qu'il y auroit plus deprofit pour elle a s'atracher a la secte, qu'a travailler pour des maïtres qui la récompenscient peut-êcre mal de son métier d'énergumene , dont ils tiroient tout le prcfir. Les magistrars de Philippës , sur la plainte de ces maitres, firent, comme on a vu, fusriger nos exorcistes et les mirent en prison. Un tremblement de. (1) Acres, chap. XIV, vs. i7, ,8. (a) Quelques critiques ont été très-embarassés de savoir ce que c'étoit que d'avoi'r un esprit Je Py,ho„ ; plusieurs ont cru que ceux ou celles qu, avoient cet esprit étoient des gens connus encore sous Ie nom &'En{.astromyi!,es ou de Vcntrihc/ues, qpi avoient la fïculté d'atticüler des mots, plus ou moiris disfinctcment, sans qu'on appereüt en eux aucun mouvement des livres. II existe en effet des personms qui ont cetle lacnlié , et qui s'en solvent Bout rmlarassr,crux qu, n'en sont pas préveóus. 11 n'en faul pas davanuge pour émertlfflw le peuple. oui ntrfbü* toujours i o>s causes surnatutellée lo'ut ce qu'il trouve d'extraordi'naire. terre  de Saint Paul. $o} terre sutvint fort a propos, le geolier fut gagné ou converti; les ïriagistrats croyant avoir assez puni les missionnaires leur permirent de s'en aller; mais alors, comme on a dit, ils se déclarèrent citoyens Romains, et ne voulurenr s'en aller qu'après que les magisttats intimidés eurenr consenti a leur faire réparatiön d'honneur. Nonobstant les merveilles que Paul faisoit durarit sa mission, des bruits désavantageux l'accompagnoient par-routou le suivoient de prés dans toutes les villes oü il passoit, ensorte que ni lui, n ses camarades ne pouvoient long-tems séjourner dans les mêmes endroirs. Ils ne firent que passer par Amphipolis er Apollonie , et se rendirent a Thessalonie , oü en très-peu de tems la ville fut en allarmes. Jason leur hóte , comme on a vu , fut maltraité a leur occasion; on se plaignir que nos missionnaires bouleversoient tout, et en préchanr un autre roi que Ce'sar sembloient vouloir tramer une conspiration. En conséquence , comme 1'accusation étoit grave, les frères firent évader Paul er Silas pendant la nuit. Arrivés a Bérée , nos deux aventuriers excitèrent bientöt les mêmes troubles. Paul se rendir a. Athènes oü les philosophes qui 1'entendirent le prirenr pour un discoureur dont le cerveau s'étoit troublé. II eut quelque succès a Corinthe , oü il demeura un an er demi ou deux ans. Cependanr, malgré ses succès qui furent trèslents sans doute, il eut le chagrin d'être obligé de rravailler de son ancien métier de faiseur de renres , ce qui devoit paroitre fort dur a un prédicateur fait pour vivre de l'autel, c'est-a-dire dont le commerce consistoit a vendre des denrées spirituelles a ceux qui s'engageroient a lui donner de quoi subsister honorablement: c'est le tralie du clergé. Au reste S. Paul a soin Tome IV. V  3o6 Examen critiquc de se vantet aux Corinthiens de son grand désintéressement. II leur fait sentir quil n'a point voulu leur être d charge ; par ou il semble avoir voulu leur faire des reproches indirecrs , capables de piquer leur amourpropre et d'exciter leur générosité envers le saint homme qui travailloir a leur salut (1). Les Corinthiens s'étoient peut-être imaginé que des hommes qui faisoient des miracles n'avoient besoin de rien: mais nos faiseurs de prodiges ne savoient se procurer leurs besoins que par des voies ordinaires ou naturelles. Ils éroient comme les adepres qui sont toujours dans la misère quoiqu'ils offrent aux autres le secret de faire de 1'or. II y a lieu de croire que Paul fit de grands miracles chez les Corinthiens ; au moins il leur dit lui-même: » les marqués de mon apostolat ont paru parmi vous » dans toute sorte de toléranee et de patience , dans les » miracles , dans les prodiges er dans les effets extraor" dinaires de la puissance divine (i) ». Cependant nous trouvons que ces miracles n'avoient pas encore suffisamment convaincu les Corinthiens puisque Paul leur dit plus loin : » Est-ce que vous voulez éprouver la - puissance de Jésus-Christ, qui parle par ma bouche, » qui n'a point paru foible mais rrès - puissant parmi » vous (3) >» : A 1'égard des miracles opérés par Paul a Corinthe , nous n'en avons pour garant que lui-même, et c'est assez ; 1'auteur des actes des Apotres, quoique très-facile sur eer arricle, ne nous dir pas qu'il en ait fait dans cette ville ; nous pouvons 1'en croire , sur-tout puisque notre Apotre y séjourna long-tems, ce qui ne * (1) II. Ep. aux CorintiV, XI, v. 7,8,6, 16. Iind. XII, va. t5 Voyez encore I. Ep. aux Corinth. chap. IX, vs. 11, r3, 24. (2) II. Ep. aux Corinlh. chap. XII, vs. 12. (3) II. Ep. sux Conoth. chap. XIII ? ys. 3.  de Saint Paul. 307 lui arrivoit pas d'ordinaire dans les endroits oü il daignoit en faire 5 ces miracles, comme on fa fait remarquer, 1'obligeoient presque toujours a se sauver par 1'inclignation publique qu'ils ne manquoient pas d'exciter. II fut obligé de sortir d'Ephèse oü l'on assure qu'il fit un grand nombre de miracles et oü ses ir.ouchoirs et les linges qui l'avoient touché guérissoient les maladies(^) et chassoient les démons du corps des possédés- il part de Troade immédiatement après avoir ressuscité un mort , ou du moins après avoir assuré qu'un jeune homme cru mort ne 1'étoit nullement. Enfin dans 1'isle de Malthe il se guérissoit lui-même de la morsure d'un vipère, soit paree que cet animal ne 1'avoit point réellement mordu , soit en appliquant le feu a la morsure, remède rrès-naturel, mais qui pouvoit être inconnu des habitans de 1'Isle, comme on 1'a déja remarqué. CHAPITRE XIX. Analyse abrégée des écrits attribués d Saint Paul. A-prcÈs avoir examiné le caractère de S. Paul dans sa conduite, il est a propos de faire quelques réflexions sur ses écrits •, elles serviront a jetter un plus grand jour sur cet homme célèbre a qui le christianisme a tant d'obligations. Si nous nous en rapportons aux ouvrages qu'on lui attribue, cet Apótre des Genrils devoit ètre un composé fort extraordinaire de qualités disparates qui en faisoient un tout assez inexplicable. II nous apprend lui-même qu'il y avoit deux hommes en (2) Arrrs cVs aporres , XIX. 12- V %  jo8 Examen critique lui , le vieil homme et l'homme nouveau ; rhomme juste et lliomme pécheur. II avoit deux corps , 1'un naturel et 1'autre spirituel; le corps de pêché et de mort, et le corps de justice et de vie. II avoit au dedans dè lui-même deux loix qui régloient ses actions, la loi de pêché et la loi de justice; la loi de la chair et la loi de 1'esprit. Jamais pauvre mortel ne fut plus tourmenté et tiraillé que notre Apotre , de son propre aveu, 1'étoit par ces deux personnages distincts, et par ces deux loix opposées qu'il avoir au dedans de lui-même. L'homme chamel lui fait dire : « je scai qu'il n'y a rien de bon » en moi, c'est-a-dire , dans ma chair , paree que je » trouve en moi la volonté de faire le bien, mais je » ne trouve point le moyen de 1'accoraplir : car je ne »» fais pas le bien que je veux , mais je fais le mal que » je ne veux pas. Que si je fais ce que je ne veux pas, » ce n'est plus moi qui le fais, mais c'est le pêché qui » habite en moi. Lors donc que je yeux faire le bien, » je trouve en moi une loi qui s'y oppose, paree que » le mal réside en mei &c. malheureux nomme que " je suis ! qui me délivrera de ce corps de mort ! Ce » sera la grace de Jésus-Christ notre Seigneur. Et » ainsi je suis moi-ntême soumis et a la loi de Dieu » selon 1'esprit, et a la loi de pêché selon la chair (i) ». Dans d'autres endroirs X'homme spirituel lui fait tenir tout un autre ;angage : il assure aux Galates qu'il est identiné avec Jésus-Christ et crucifïé avec lui : " Je » vis, dit-il, ou plutöt ce n'est plus moi qui vis, » mais c'est Jésus-Christ qui vit en moi (2). D'ailleurs il dit aux Romains : « la loi de 1'esprit de vie qui est " en Jésus-Christ m'a délivré de la loi de pêché et de (1) Ep. aux RomaJas, VII, 18, 19, ao. (a) Galat. 11 , 19 ct 20.  de Saint Paul. 3 ©9 » mort (i) ». II est certain que cette duplicité de nanature et de loi dans Saint Paul et avouée par luimême , est propre a nous jetter dans les plus grands embarras. En effet comment savoir distinguer dans sa conduire ou ses discours ce qui vient du vieil homme3 de la chair, du pêché, de la mort, de ce qui doit être attribué a Yhomme nouveau, a Y esprit, a la justice , a la vie, a. la grace de Jésus-Christ; Est-il bien possible dans le tems ou nous sommes de nous assurer de ce qui dominoit en S. Paul dans les momens oü il patloit, agissoit 3 écrivoit ? Peur-être que les maximes et les dogmes que les chrétiens admirent le plus en lui n'ont été que des suggestions de la chair et des fruits de vieil homme, et que. ce vieil homme influoit souvent sur sa conduite , qui , comme on a vu, ne fut pas toujours irréprochable. En un mot les aveux de ce grand Apótre sont de nature a jetter les chrétiens , méme les plus affermis, dans des incertitudes dont, sans des graces surnarurelles, ils auront beaucoup de peine a se tirer. Au reste ces aveux peuvent servir a nous rendre compte des inconséquences , des contradictions 3 des absurdités, des mauvais raisonnemens, des sophismes, des idéés décousues que nous renconrrons a chaque page des écrits attribués a S. Paul. II est a présumer que c'esr 1'Esprit - Saint ou Jésus - Christ qui parle lorsqu'il se mohtre raisonnable : ce seroit un blasphême de dire ou de penser qu'ils pussenr déraisonner; dans ce cas nous dirons que c'esr S. Paul, ou sa chair, qui parle iorsque nous trouvons chez lui de mauvais argumens , des extravagances, un galimathias inintelligible. On ne peut pas supposer que 1'Esprit de Dieu (i) Romaiiu VIII, 2. V 3  3 16 Examen critique lui eut fair dire des sottises et des contradictions, ou lui eut inspiré un langage incompréhensible pour ceux qu'il avoir dessein d'éciairer et d'instruire par la bouche de cet apótre. En effet S. Pierre lui même se plaignoit de 1'obscurité des épitres de son confrère : « dans les» quelles, dit-il , il y a quelques endroits difficiles et " susceptibles d'un mauvais sens (i) ». La distinction que nous venons de faire pourra nous mertre a portée de juger les ouvrages de S. Paul et nous rendre raison des obscurirés que nous y trouvons ainsi que des variations continuelles que nous remarquons dans ces principes. 11 dit aux Galates qu'il s'est fiché contre Céphas ou S. Pierre , qu'il lui a résisjé en face, er s'esr irrité contre les autres apótres paree qu'ils temporisoienr on usoient de dissimularion , se prétant tantót aux usages des Juifs et tantót a ceux des Gentils (2). Ailleurs il dit : « qu'il a vécu avec » les Juifs, comme Juif, pour gagnerles Juifs: ilajoute: » j'ai vécu avec ceux qui sont sous la loi, comme si " j'eusse encore été sous la loi, quoique je n'y fusse » plus assujetti, pour gagner ceux qui sont sous la » loi; avec ceux qui n'avoient point de loi, comme » si je n'en eusse point eu moi - même , quoique » j'en eusse une a 1'égard de Dieu , ayant celle de » Jésus - Christ, pour gagner ceux qui étoient sans » loi. Je me suis rendu foible avec les foibles pour » gagner les foibles ; enfin je me suis fait tout a tous » pour les sauver tous (3) ». D'après ces passages (1) Vil. Epitre de S. Pierre , chapitre III , vs. iG. Ce reproche prouve très-clairenmnt ia niésintellisjence ü an aux Philippiens : « ayez soin d'opérer » vorre salut avec crainte et tremblement». La raison qu'il en donne aussitót est tout-a-fait singulière : « car, » dit-il, c'est Dieu qui opère en vous le vouloir et " le faire, selon qu'il lui plair (4). II dir positivement"aux Romains que « ce sont ceux » qui gardent la loi qui seront justifiés » : néanmoins dans le chapitre suivanr il leur dir « que nul homme " ne sera justifié devant Dieu par les eeuvres de la » loi ". Plus loin il prétend que « l'homme est justi» fié pat la foi sans les eeuvres de la loi Comment notre Apótre concilie-t-il ces contradictions qu'il ne peut s'empêcher de sentir ? C'est en demandant: " dé» truisons - nous donc la loi pat la foi ? a Dieu ne » plaise , mais au conttaire nous 1'établissons (y) II est difficile de concevoir comment S. Paul peut prétendre é^ablir la loi en disant qu'elle est inutile pour la justificaüon. (ï^ Ephésiens II. 29. (2) Ephésifn», IX. 5, 6. (5) Philippienj, II. 12 , i5. (4) II. 6 et 7. (5) Romains, II. i5. IbU. III. 20, 3S, Examen critique » les ouvrages de la sagesse divine , il lui a ptó de » sauver par la folie de la prédicarion ceux qui croi» roient en lm ». Après avoir ainsi préparé les esprits, al conclut en disant: « Pour nous , nous prêchons Jé» sus-Chnst crucifié , qui esr un scandale aux Jui' » et une folie aux Gentils. Ailleurs il dit: Pour moi » a Dieu ne plaise que je me glorifie en autre chose » quen la croix de notre Seigneur Jésus-Christ. Quelque violent qu ait pu être 1'enthousiasme de Sr. ■Paul, il sentoit très-bien que Ia doctrine qu'il prêchoit devoit pai-oitre bizarre et insensée , a des êtres raisonnables. II etoit forcé de s'avouer a lui-même qu'elle renversoit toutes les idée. recues ; qu'elle ne pouvoit aucunement soutenir 1'examen; que c'étoit une entrepnse trop forre que de vouloir faire croire a des êtres senses qu'un Dieu avoit pu mourir , que ce Dieu mort etoit ressuscité; qu'un Dieu immuable avoit pu changer et annullet 1'alliance érernelle qu'il avoir faire avec les Juifs et tant de fois confirmée par des sermens, öcc. Ainsi none apótre, pour faire passer des opinions m peu vraisemblables , crut qu'il étoit nécessaire de Substituer la folie i la place de Ia raison , et de prémumr ses disciples contre la logique. A 1'évidence qui resulte du témoignage des sens il substitua donc la foi, qui selon lui , est Vévidence des ehoses invisibles , eyidence qui ne peut être fondée que sur la plus stupide crédulité. Ainsi ce prudent orateur eut soin de mettre en garde contre la philosophie du bon sens , et contre toute science, voyant trés bien qu'elles pou'voient mettre des obsracles mvincibles a la religion qu'il vouloir établir et dont il prérendoit se rendre 1'ame er le chef De-la nous voyons qu'il attaché le plus grand mérite a la foi, c est-a-dire , a une söumission aveugle et implicite a sa  de Saint Paul. 5*7 propre autorité j ï une confiance sans bornes en luimême, qui empêchar de douter un instant des choses dont il attestoit la vérité. Comme la science pouvoit nuire a .'établissement de son empire spirituel, il a soin de la décrier , il avertit quelle enfle 3 tandis que la charité édiüe. II faur , suivant toute apparence, dans cet endroit entendre par la charité cette arfection tendre pour son directeur spirituel, qui formant les yeux sur les défauts auxquels il pourrek être sujet comme tous les autres hommes , fait que l'on est fermement convaincu que ce qu'il dit est vrai 3 qu il esr incapable de tromper , er que Ion doit 1'en croire bien plus que ses propres sens. C est ainsi que ce grand apotre travaille sans cesse a établir sa propre autorité sur les ruines de la raison, et de la science. Cependant on pourrok opposer a cette doctrine , si utile a tous ceux qui ont intérêt d'étabhr et de maintenir des opinions absurdes et des fables incroyables , que Dieu étant, selon eux , 1'auteur de la sagesse humaine , il n'a donc pu la détmire sans renverser son propre ouvrage. On demandera a Saint Paul et a tous ceux qui , comme lui , prêchent une foi implicite , si la folie est plus propre que la sagesse a faire parvenir a la connoissance de Dieu \ On leur demandera, si Dieu a donné la sagesse aux hommes a condition de ne jamais s'en servir , er si ce n'est pas a 1'aide de la sagesse humaine que les hommes peuvent se faire quelque idéé de la sagesse divine ? On leur demandera , si Dieu sans changer absolument 1'essence des choses a pu faire que la sagesse devtnt folie , et ■la folie sagesse } Enfin on leur demandera , si pour être Chrétien il faut absolument renoncer au bon sens, ou jusqu'a quel point il faut être insensé pour avoir de la religion ?  5J8 Examen criüque A toutes ces questions les théologiens , fidèles k marcher sur les traces de St-Paul , nous diront qu'il faut cmcre , et que dès qu'ils nous parient il faut se soumettre k leur propre autorité. £n effet, selon Saint Jr'aul la foi consisre d croire tout ce que nous entendons dire a nos guides sacres, La foi 3 dit-il, vient d* ce qu on a oui, ce qui suppose évidemment que l'on ne peut ouir des mensonges (i). D oü il résulte qu'avon de h foi c'est sacrifier sa raison aux volontés et aux interets de nos pasteurs spirituals. La charité doit nous convaincre que ces guides infaillibles et impeccables ne peuvent ni se tromper, ni vouloir nous induire en erreur. D'après cette ferme persuasion nous ne serons jamais embarassés , a moins que ces pasteurs par hasard ne vinssenr k se partagcr d'opinions. C'est pourtant ce qui arnve très-souvenr dans l'église , et ce qui y est arrivé dès le commencement. En effet nous avons vu StFaul lui-même résister a St-Fierre et n'être point du même avis que lui. Leur querelle, comme bien d'autres, eut des suites très-facheuses , et produisit un vrai schisme entre les partisans de Pierre et les partisans de 1 apotre des Gentils. • Celui-ci a reconnu lui-même qu'il falloit qu'ily e% ces lierésies [x) dans une église perpétuellement guidée par le très-haut. Cette prophétie s'est vérifiée dans la rehgion chrétienne , qui depuis sa fondation n'a jamais cesse dêtre agitée par des querelles, des divisions , des animosités , des troubles et des fureurs, qui feroienr croire que 1'évangile ne fut donné aux nations que pour exciter en elles des fermentations inconnues aux Payens, 0) V. F.pfr. anx Ronuin», chap. X, Tl. ij. (2) 1. Cormthifoi , XI. 10,  de Saint Paul. $ 19 t et pour faire voir jusqu'a quel point de démence la créduliré pouvoit conduire. Les écrits de St-Paul ont sur-tout fourni dans tous les siécles une ample marière aux disputes des docteurs chrétiens. Les dogmes obscurs et inintelligibles qu'ils contiennent ont du nécessairement être entendus diversement par les rêveurs profonds , qui ont passé leur J tems a les méditer. Chacun prérendit avoir saisi le vrai sens de ce docteur infaillible et divinement inspiré. Chacun crut voir dans ses écrits la confirmation de ses propres senrimens. Des ouvrages remplis de contradictions donnèrenr continuellement gain de cause aux partis les plus opposés et les plus acharnés a leur destruction réciproque. On opposa S. Paul a 1'autorité de S. Paul, et dans 1'impossibilité de décider a 1'aide du raisonnement des questions totalement étrangères i la raison , l'on eut recours a la violence , et les plus forts firent sentir aux plus foibles qu'eux seuls avoient li compris les intentions du grand apótre. On disputa il sans fin sur la prédestination , sur la grace , sur la liberté de l'homme ; on ne s'entendit jamais soi-même; \ on nemend» jamais S. Paul ; les plus entêtés , les plus méchans , les plus forts firenr passer leurs opiI nions comme les seules que 1'esprit-saint eüt dictées. Au reste, les incrédules ne sont pas les seuls a qui 'I les ouvrages de S. Paul paroissent obscurs et inintei| ligibles; 1'apótre S. Pierre en a porté le même jugement ; il dit très-formellement que les écrits de son I confrère contiennent des choses difficiles d entendre (1), Si le prince des apótres, quoiqu'illuminé par 1'Espritsaint , trouvcit des difficultés dans les ouvrages de S. Paul, que pouvons-nous penser de la présomption de (1) II. Epit. de S. Pierre, cliap. III, vs. 16.  3io Examen critique nos commentateurs modernes , lorsqu'ils prérendent nous expliquer le vrai sens des passages énigmatiques et embrouillés que l'on rencontre dans les épitres de ce docteur des Genrils > CHAPITRE XXI. Du Saint-Esprit. Ce que c'est que l'inspiration divine. Cependant il eut été plus sage d'examiner d'abord le dégié de confiance que méritoient les écrits réels ou prétendus de cet homme merveilleux, dont nous venons d'exposer 1'histoire. Avanr de disputer, il eut été a propos de s'assurer de 1'autorité d'un apótre dont les ouvrages ne vous paroissent infaillibles que sur sa propre parole ou sur celle de 1'écrivain a qui l'on doit les actes des apótres. En eftér on nous dit que S. Paul étoit inspiré par le Saint-Esprit. Mais qu'est-ce que le Saint-Esprir \ Comment inspire-r-il un homme ; Quelle assurance avons-nous qu'il 1 air autrefois inspiré i A quels signes reconnoir-on ses inspirations invisibles ? Comme ce n'est que sur ces inspirations qu'est fondée la religion chrétienne , ces questions valent bien la peine d'être discurées. II n'est fait aucune mention du Saint-Esprit dans l'ancien testament; il y est bien parlé de 1'esprit du Seigneur qui, dit-on, saisissoit, ou résidoit dans les prophêtes et les autres saints personnages chargés de parler au peuple juif; mais dans aucun endroir le StEsprit n'est annoncé comme un être distinct de la divinité ; ce n'est que dans le nouveau testament que nous trouvons cet être métaphysique divinisé , ou ce soufflé divin personnifié. En effet ce n'est que dans 1'histoire  de Saint Paul. ?±t 1'histoire de Jésus-Christ que le Saint-Espnt commence a jöuer un role j nous 1'y voyons chargé de couvrit Mant ie son ombre 3 et de faire naitfe en elle le sauVeur du monde, qui fut * dit-on 5 engendré par l'opé* ration iu Saint-Esprit. Ce même Saint-Esprit déscëifdit èiicore sous laforme d'une colombe sur Jésus-Christ au moment du baptême dans le Jcurdain qui lui fut administré par StJean-Baptisre. Dans levangiie selon Si Jean, dont 1'auteur paroïr avoir püisé ses idéés dans la phiiosophie platonicienne, il est beaucoup questicn du Saint-Esprit ■, que l'on ne définit jamais. Jésus prcmct de 1'envoyer a ses apotres, après que lui-mèmé il les auroit quittés. Cet esprit est dési^né sous lê nom de Paraclct oü de Cortsolateur; Jésus assure qu'il procédé du père et qu'il 1'envoië'ra de la part du père, pour rendre rémoignage de lui , Jésus (i). Plus loin il leurpromer que quand cet esprit sera venu il leur enseïgnera. toute vérité. Mais' il ajoute une circonstance qui paroit nuire a la science divine de cet esprit: Jésus dit de lui: » Cat il né pariera pas de lui-même; mais il dira tout » ce qu'il aura ehtendu, et il vous annoncera les cho» ses a venir (2). II me glorifiera paree qu'il receyra » de ce qui est a moi . et il vous 1'annoncera Suivant la promesse de Jésiis cet esprit consolateuf descendit en effet sur les apotres le jour de la Pente-» cóte. « On eiitendit tout d'un coup un grand bruit com» me d'un vent violent et impetueux , qui vcnoit du » ciel et qui remplit toute ia maison oü ils étoient as--' sis : eri même rems ils virent paroitre comme des » langues de feu qui se pavtagèrent, et s'arrêtèrent suf — — — r-v-*< 0) S. Jean, chap. XV, v.. aft. (») S. Jean, chap. XVI, vs-. 14. Temt IV. %  jii Examen critique » chacun d'eux. Aussi-tót ils furent tous remplis du Saint-Esprit; et ils commencèrent a pariet diverses » langues , selon que le Saint-Esprit leur mettoit les - patoles dans la bouche (i). Beaucoup degens furent étonnés de ce prodige, mais il ne parut pas bien convaincanr a d'autres , qui n'avoient pas apparemment une foi aussi vive que les premiers. Ces inerédules prétenditent que les apótres inspirés étoient ivres et pleins de vin nouveau. Mais Pierre, rempli de 1'esprit divin, leur fit une harangue enthousiaste et prophétique ■> suivant 1'auteur des actes elle produisit un grand effet sur un grand nombre des audireurs , qui se couvertirent aussi-tót. En conséquence de la descente du Saint-Esprit les apótres recurent le pouvoir , non-seulement de parler diverses langues , mais encore de chasser les démons et de faire des miracles. Cependant nous ne voyons point par leur histoire , quoiqu'écrite par des auteurs favorables a leur cause , que le Saint-Esprit leur ait donné le pouvoir de chasser le démon de 1'incréduiiré. sur-rout dans 1'esprit des Juifs ; ceux-ci résistèrent constamment a 1'Esprit-saint et firent éprouver des traitemens cruels a des hommes qui s'en disoient remplis. Non-seulement les Apótres avoient recu le SaintEsprir, mais encore ils avoient le moyen de le communiquer a d'autres 5 ce qui se faisoit par Yimposition des mains. II est difficile, sans avoir une foi soumise » de se faire une idéé nette de cette communication invisible du Saint-Esprir , ou de la facon dont cet Esprit indivisible se répandoit et se partageoit sur tant de personnes différentes. Cependant il n'est pas permis de douter que cette transmission du Saint-Esprit ne se .—s*„ . . ; —_______ .—_» (1) Actes, eh.ip, XI, vs, 2, 3-, 4 , 15 .  de Saint Paul. .Volt perpétuée depuis les Apótres jusqu'a nous. C'est encore par Yimposition des tnains que lés chefs et les guides des chrétiens recoivenr I's Saint-Esprit et le droit d'enseigner. Si nos évèques et nos prêtres, qui repréisentent a nos yeux les Apótres et les disciples, n'ont pas recu comme eux ni Ie don des langues, ni le dori des miracles, ils ont au moins recu la faculté de faire croire que le Saint-Esprit ne cesse de les inspirer et de les illuminer dans leurs décisions, souvent contradictoires j ce qui doit être regardé comme un trèsgrand prodige. Un chrétien risqueroit d'être damné s'il osoit douter que 1'Esprit-Saint préside invisibiement a l'église, et doit résider dans le cerveau de ses chefs jusqud la consommation des sïèclés. Quoi de plus propre a nous faire sentir les égards et les respecfs quë nous devons a de; hommes qrfi nous assurent euxmêmes qu'ils sont les temples vivans du Saint-Esprir? En reconnoissance de ces arantagfs que lë SaintEsprit procuroit aux ministres de la religion chrétienne, ils se sont cru ohiigés de le déifïer. C'étois le moins qu'ils pussent faire pour un Etre dont leur propre pouvoir étoit évidemmen»- érnané. En effet si le SaintEsprit chargé d'inspirer! église n'eitt point été un Dieu,, 1'autorité de l'église eüt pu être contestés", au lieu qu'étant bien décidé que le Saint-Esprit est Dieu, il n'est plus permis aux hommes de lui disputer ses droits \ il ne leur reste que de souscrire aveuglement aux décisioj:. de ceux qu'il a cïmisis pour être ses organes; ceseroit se révolter contre Dieu-même que de vouloir les eontredire. ' I On voit donc de quelle importance il étoit peur les chefs de Féglise de faire 1'apothéose du sainr-Ësrrif. II falliit en faire un Dieu a tout pi:*, sans cela 1'éi'ïïe n etit point eté infaillible j son ir.faillibicé n'est X z  , 2^ Examen critique fondée que sur les inspirations conrinuelles du $ain_f Esprit, et pour qu'il fut infaillible lui-même , il failoit que l'église en fit un Dieu. Ainsi c'est l'église qui sagement a fait le Dieu qui la rend infaillible. Cependant quelqu'utile que cetre déification fur a, l'église, elle souffrit beaucoup de difficuités. En .effet comment concilier ce nouveau Dieu, ce Mercure , ce messager du père et du fils avec 1'unité de Dieu; pour tranchet toutes les disputes sur cette matière importante pour les chsfs de l'église , ils décidèrent que le Saint-Esprit procédoit du Père et du Fils, étoit Dieu tout comme eux , et pourranr ne faisoir qu'un même Dieu avec eux. Ils fermèrent la bouche a ceux qui se récrièrent contre cet oracle ihintelligible, en disant que c'étoit un mystère, que l'homme étoit fait pour adorer et croire san$ pouvoir y rien comprendre, ils ajoutèrent que l'église infaillible 1'avoit ainsi décidée ; qu'étant inspirée par le Saint-Esprir, (c'est-a-dire , par un Dieu) l'on ne pouvoir se dispenser de croire cu'elle avoit le droit de décider que le Saint-Esprit fut Dieu. Cela suffir pour nous faire connoitre sur quoi se .sont appuyées 1'autorité de l'église et la divinité du Saint-Esprit. L'Eglise a divinisé 1'Esprit-Saint, et c'est la divinité de 1'Esprit Saint, qui sert de base a 1'autorité de l'église. Nous voyons par-la les vrais fondemens de la puissance ecclésiatique : nous voyons la solidité des t:*_es de l'église : nous voyons la véritable origine clu mystère de la Trinité, aujourd'hui si respectable pour les fidèles. Enfin nous voyons ce que nous devons penser des inspirations du Saint-Esprit, qui se sont fait sentir aux ministres de l'église depuis son origine jusqu'a nous.  de Saint Paul. zij CHAPITRE XXII. De l'inspiration des prophêtes de l'ancien Testament. IL ne paroit pas, comme on a dit, que les Juifs eussenr du Saint-Esprit des idéés aussi nettes que les Théologiens chrétiens : bien plus , -il y a rout lieu de ctoire que les Apótres n'en avoienr pas encore imaginé des notions aussi subtiles que celles que l'église a cru devoir inventer depuis leur rems. Chez les Hébreux , tout homme qui durant son sommeil avoit des rêves , tout enthousiaste qui avoit ou qui prétendoit avoir des visions , se croyoit inspiré par le Seigneur, ou du moins se donnoit pour tel. II regardoit les mouvemens de son cerveau comme des avertissemens du ciel; il débitoit son dévot galimatias comme des oracles a des audireurs crédules , qui ne doutoient pas uit insrant que le dé-lire inintelligible de ces harangueurs ne füt 1'erfét de quelque illumination du tout-puissant. Comme dans les songes, dans 1'ivresse, dans 1'enrhousiasme l'homme ne paroit étre aucunement le maitre de lui-même, on crut que ce qu'il disoit dans ces états divers, devoit venir d'une force surnaturelle, agissante en lui a son iriscu et malgré lui : les sentences et les discours qui sortoient de sa bouche étoient regardés comme des inspirations d'en-haut, et recueillis comme des ordres divins. Leur obscuriré ne faisoir qu'irriter la curiosiré, redoubler la terreur', et mettre 1'iinaginatioii en travail. On supposoit que Dieu qui parloit par ces énergumènes ne vouloit pas s'expliquer plus clairen.ent, X 5  Examen crhiqu$ Ces réflexions fondées sur la nature des hommei crectules, ignorans, superstitieux, peuvent servir a nxer nos idéés sur tant de devins, d inspirés, de prophêtes que nous voyons jouer un si grand röle, nonseulement dans toute lïiistoire des Juifs mais encore dans toute 1'amiquiré payenne , er méme chez rous les peuples grossiers et sauvages que l'on voit aujourd'hui repaudus sur la terre. Le métier de prophéte paroit sur-tout avoir été lucratif et respecrable chez les Hébreux , peuple abruti par la superstition , et que ses prétres eurent toujours soin d'enrretenir dans une ignorancé profonde er dans une crédulité très-urile pour ceux qui vouloient les mener suivant leur fantaisie. Quiconque vouloit se faire écouter des Juifs s'annom fok donc comme un inspiré , leur faisoit au nom du cel des meirac.es ou des promesses , leur prédisoit ou des malheurs propres a les intimider, ou des évènemens heureux propres a séduire les esprits. Pour ati rirer l'attenrion du public , et souvent pour produire ■ des révolutions dans 1'état, il sufhscit a un prophéte de 4he gravement que ie Seigneur lui avoit parlé; d'assurer que le ciel lui avoit conrié ses désseins dans une vision; aussi-tót les ccrveaux des Juifs entroient en termen tation. Les Apótres voulam étr.blir une relbnne ou exciter une révolution dans les esprits , senrirent la nécessité de se conformer au geut dominant de la nation. pn conséquence ils s'érigèrent en Prophêtes , ils SS donnèrent pour des inspirés, ils parlèrent d'une fa%qïi obscure, i\s débkèrent des oracles, ils prédkent ia fin du monde , ils prèchèrent le messie , Hs annoncèrent un royaume dans lequel leurs adhérens jouiroient d'un bonheur dont depuis si long-tems leur nation srbjuguée se voyoit privée. Enfin pour prouver l* vérité de leurs prédictions et la légkimité de leur  dé Saint Paul. 317 mission, ils firent des miracles , c'est-a-dire, des eeuvres capables d'étonner des gens aussi crédules que les Juifs. Cependant ceux-ci, malgté toute leur ignorance , ne se laissèrent point convaincre , ni par les harangues et les prodiges de Jésus , ni par les prédicarions et les miracles de ses Apotres. Tous leurs efforts échouèrent devant 1'endurcissnrient d'un peuple tant de fois la. dupe des aspirés sans nombre , qui 1'avoienr si souvent trompe avec le plus grand succès. II y a donc lieu de croire que Jesus et ses disciples ne jouèrent pas bien leur röle, ou que les Juifs de leur rems, devenus plus caureleux, n'eurent plus la méme foi que leurs ancètres avoient tant de fois montrée. En effer nous ne voyons pas que les premiers prédicateurs du christianisme fissent beaucoup d'impression sur leurs concitoyens , ils eurent bien plus de succès, et saint Paul sür-tofcï , auprès des idolatres, pour qui leurs harangues enthousiastes , leurs prédicarions et leurs prodiges furent un specracle plus nouveau. Chez les gentils la prédication étoit une chose inconnue , le peuple étoit dédaiené par les prétres ; chacun se faisoit de sa religion telle idéé qu'il vouloit; il n'y avoit point de systêmes théologiques que l'on fut obligé d'adopter; enfin a 1'exception d'Esculape , les dieux ne faisoient que très-peu de miracles pour leurs adorareurs (1). Ainsi, comme on 1'a déja remarqué , les circonstances furent favorables a notre Aporre pour prêcher sa doctrine aux payens; ils se trouvètent plus disposés que les Juifs a l\) I.es chti't'ens mirent par la suile les miracles a la mode parmi les paveiis. Ap.«H C'est l'église. Mais qu'est-ce qne l'église > c'est un corps conrposé des guides spirituels des chrétiens. Ces guides ont-ils été témoins des actions et des miracles rapportés contradictoirement par St. Paul et par son historiën ? Non •, ils les connoissent par une tradition, contestée déja dans le tems des premiers chrétiens , mais confirmée depuis par une révélation du Saint-Espric, qui ne cesse, selon eux, d'éclairer son église. Comment saurons-nous s'il esr bien vrai que l'église soit continuellement inspirée ? Elle 1'assure elle-meme, et il y auroit, selon elle, le plus grand danger d'en douter. Ce seroir résister au Saint-Esprit, qui s'est identifié avec l'église , ou qui fait cause commune avec elle : crime qui ne sera remis ni en ce monde ni en 1'autre. De rous les péchés le plus impardonnable est de résister au clergé. CHAPITRE XXIV. Réflexions générales sur les fondemens de la foi des chrétiens , et sur les causes de la créiidité. V o i l a donc les seuls foniemens de la foi ! les chrétiens sont obligés de croire que St. Paul n'étoit ni un enthousiaste ni un fourbe, paree que l'église a décidé qu'il étoit divinement inspiré : l'église a décidé ce point important de la croyance d'après les actes des apotres et les épitres , qui, comme on 1'a dit plus haut, furent également rejettés par plusieurs des sectes du christianisme pimiirif; et qui, comme on 1'a fait voir dans le cours de cet ouvrage . sont remplis de contradictions et d'sbsurdités.  |34 Examen cntlque Cependant aucun chrétien n'ose douter aujourd'huï de 1'authenticité de ces livres. Ces ouvrages sont regardés comme sacrés par l'église uhiverselle , par les chrétiens de toutes les sectes, qui, a 1'exception néanmoins de quelques variantes considérables et de quelques changemens très-importans, les lisent de la méme manière, et ont pour eux la même vénération. Que peur-on opposer a cette unanimité 2 1'exemple de Mahornet. Ce prophéte, aujourd'hui également révéré par toutes les sectes des musulmans, fut d'abord regardé et traité comme un imposteur a la Mecque , d'ou il fut obligé de fuh. Son alcoran , devenu depuis la régie et le code d'un clergé, soutenu par des princes et des peuples puissans, fut d'abord regardé comme un tissu de fables inventées par 1'imposture. Cette unanimité des Mahométans a reccnnoirre la sainteté de Mahomet et la divinité de 1'alcoran ne prouve pas plus en leur faveur, que 1'unanimité des sectes chrétiennes a reconnoïtre la sainteté de St. Paul et l'inspiration de ses écrits, ne prouve en faveur de cet apótre et de ses épitres merveilleuses. C'est le propre de l'habitude de changer Ia face des choses; les hommes se familiarisent peu-a-peu avec ce qui les révoltoit d'abord; le rems parvienr a confondre le mensonge et la vérité ; les faussetés les plus démontrées rïnissent par devenir des faits indubitables pour les ignoraus , les paresseux, les personnes trop öccupées ou trop dissipées pour examiner, qui font par-tout le plus grand nombre. L'imposture la plus palpable, quand elie a duré long-tems, acquiert une solidité que rien ne peut ebranler : ce que beaucoup de gens ont cru pendant des siècles paroit avoir des fondemens réels, et semble au moins avoit de ia probabilité. Lorsqu'une fois les traces de lnriposture ont  de Saint Paul. ^ j été effacées par le tems, elles sont dirficiles a. démêleri et la plupart des hommes trouvent plus court de s'en tenir a 1'opinion recue que de chercher péniblement ce qu'ils devroient penser. Voila les vraies causes de 1'indoLence que les hommes monrrenr communémenr toutes les fois qu'il sagit de se rendre compte des motifs de leurs opinions religieuses; ils se contenteHt de sv.ivre le rorrent. D'ailleurs quand le préjugé esr soutenu par la force , et devient nécessaire aux inrérêts d'un corps puissam, il est dangereux de le combartre, et peu de gens'ont le courage de reclamer contre des mensenges que tout Ie monde approuvé er que 1'autorité soutient. D'un autre cóté i'erreur , quand elle esr habitneile , passé póur la vérité et devient aussi agréable qu'elle. Nous tenons a nos vices et a nos préjugés; les vertus et les opinions qui leur sonr opposées nous paroissent ridicules ou désagréables. Ce sont ces dispösMons, inhérentes a 1'espèce humaine , qui font que les natiórïs'apprivoisent peu-a-peu avec les opinions ies plus extravagantes, avec ies fables les plus impertinentes, avec les systèmes les plus mal digérés. Nul artifïce ne fut mieux imaginé , nulle fourberie ne fut plus propre a tromper le vulgaire que ïinspiration divine. C'est sur ce fondement que portent toutes les religions du monde; c'est _ cette invention mer~ veilleuse que les prêtres de toute la terre doivent leur existeuce , leurs richesses et leur pouvoir. Quand un homme nous dit qu'il est divinement inspiré , il est difficile pour la plupart des hommes de s"'assurer s'il ment ou s'il dit la vérité. Dieu ne dément'jamais ceux qui lê font parler ; au contraire / les imposteurs qui trompent en son nom , font pour ï'ordir.aire des miracles , et ces prodiges sont pour la mnltïtüde peu  Ëxaihen critique clairvoyante des signes indubkables de 1'approbatlofï divine. Jugera-t-on de ces inspirés par leur conduite? Ik savent communément en imposer par leur désinréres* sement, leur patience, leur douceur, et l'on n'imagine pas que des hommes si modérés aient pu former le projet de tromper ou de dominer. Ce n'est qu'après s'être peu-a-peu insinué dans les esprits que l'on voit 1'ambition, 1'avarice er les passions du missionnaire se développer •, c'est après avoir gagné la mulritude qu'il fait sentir son empire, et qu'il exige avec hauteur les récompenses et les respects qui sont dus a 1'organe du ciel, a 1'envoyé du Très-Haut. C'est par ces voies que le christianisme a été fondé. Ces manoeuvres ont été mises en usage pat notre grand apótre et par tcus ceux qui par la suite ont répandu sa docrrine. Sa propre expérience fit souvent sentir k Paul que sa hauteur et son génie fougueux mettoient des obstacles a sa mission; aussi le voyons nous quelquefois faire violence k son caractète, prenc'r. le ton de la douceur et de rhumilité , bien plus propre que celui de l'arrogance et de 1'humeur a s'insmeer dans les esprirs. II ne prend le ton de maïtre que quand il est sur de son fait; c'est alcrs qu'il menace, qu'il tcnne, qu'il déploie son autorité. S'élève-t-il quelque dispute entre lui et ses associés ; il leur résiste en face, il sent combien il leur est nécessaire , il s'en prévaut pour leur faire sentir 'toute sa supérioriré. Soji exemple a éré de tout tems fidèlement suivi par les chefs de la religion chrétienne. Humbles, doux, patiens , tolérans, désintéressés lorsqu'ils ont été trop loibles , ils sont deyenus airiers, querelleurs, intolérans, avares et rébelles aux puissances, quand il se virent assurés de leur empire sur les peuples. Ce fut alors  de Saint Paul. 3 3 7 alors qu'ils presciivirent des loix, qu'ils écrasèrent leurs ennemis, qu'ils firent trembler les rois au nom du Dieu dont ils se disoient les interprêtes. Les chefs de la religion chrétienne ont fait dans tous les siècles passer les opinions les plus conformes a leurs intéréts pour des oracles divins. Le Saint-Esprit neut d'autre fonction que de couvrir de son ombre leurs passions , leurs intrigues, leurs cabales, leurs prétentions. Les ouvrages de notre apótre fournirent a des prétres querelleurs des argumens pour se nuire; ses rêveries décousues, ses obscurités mystérieuses, ses oracles ambigus , furent un arsenal oü les partis les plus opposés tfouvèrent des armes pour se combattre sans fin. En un mot , les écrits inspirés par un Dieu qui vouloir éclairer les hommes n'onr servi qua plonger les nations dans les ténèbres. Des guides éclairés par les lumières de 1'Esprit Saint ne virenr pas plus clair que les autres dans les mystères inintelligibles que présentoit a tout moment un systême rempli de cohtradicrions. Ces grands docreurs ne furent d'accord sur rien •, chaque chef de parti se fit des adhérens, qu'il échauffa contre les ennemis de ses propres opinions , que chacun regarda comme les seules que le Ciel put approuver. De-la naquirent des haines, des animosités, des persécutions, des guerres qui mille fois ont porté ( le trouble et la désolation parmi les chrétiens , assez aveugles pour suivre des hommes qui se prétendoient inspirés par le Saint - Esprit, tandis qu'ils n'étoient évidemment inspirés que par 1'esprit d'orgueil, d'ambition , d'opiniatreté, de vengeance, d'avarice et de rerébelüon. Terne IV. Y  JjS Examen critique C O N C L U S I O N. c w"ardons-nous donc, ó mon ami, de nous laisser guider par des inspirés : enthousiastes cu menteurs , ils ne seroient capables que de nous conduire a des erreurs funesres a notre repos. Consulrons la raison , si décriée par des hommes visiblement intéressés a éteindre une lumière capable de nous éclairer sur les complots de leur politique ténébreuse. Cette raison nous apprendra que des ouvrages contradictoires neméritent pas notre croyance qu'un apótte turbulent, ambitieux, enthousiaste, peut avoir été un saint très-urile a l'église et trés -nuisible a la société. Cette raison nous fera senrir qu'un Dieu qui veue se révéler ne peut avoir dicté des écrits ininrelligibles-, qu'un Dieu rempli de sagesse n'a pu inspirer des systêmes dans lesquels on voit percer a chaque instant la folie; qu'un Dieu qui est 1'auteur de la raison ne peut exiger qu'on J'immole a des fables et a de prétendus mystères incapables de produire autre chose que des dissentions et des maux sur la terre. Soyons équitables, bienfaisans , pacifiques : laissons a Sainr Paul , et a ceux qui le prennent pour modèle, leur ambition altière , leur fanatisme turbulent, leur vaniré opiniatre, leur humeur persécutante , et sur-tout leur zèle amer, qu'ils ont le front de couvrir sous le nom d'intérét pour le salut des ames. Montrons a tous les hommes, non une charitéevangélique , qui souvent se convertit en haine et enfurer.r,mais une charité réelle,qui n'inspire que l'amour, la paix , 1'indulgence et 1'humanité. Que cette charité, si vantée et si peu pratiquée par S. Paul et ses successeurs, soit Ia règle de notre conduite et la mesure de nos jugemens sur les hommes et sur leurs  de Saint Paul. 3 39 opinions. Examinons tout, et tenons-nous en d ce qui est bon (i). Ne nous laissons point aveugler par les préjugés de 1'enfance , par 1'habitude , par .'autorité. Ne nous en laissons pas imposer par les noms pompeux de Paul, de Céphas, ou d''Apollon (2); mais cherchons la vériré er suivons la raison qui jamais ne pourront ni nous égarer, ni nous rendre nuisibles a nos semblables, ni ttoublet la société. (1) Epit. aux Thessa'on. chap. V, ai. (*) I. Epitre aux Corinthiens , chap. III, v. aï. Y i   DISSERTATION SUR SAINT PIERRE. y 3   DISSERTATION SUR SAINT PIERRE. Perculiam Pastnrem et dispergentur oves : Je frapperal le Pasteur et les brebis seront dlspersêes. MiTHTEÜ , CAr. 26. v. Si. Pierre , disciple et Apótre de Jésus , est universellement reconnu , depuis qu'il y a une église chrétienne, pour le prince de l'église, et pour le premier des douze Apótres. Après son maitre , c'est celui sans doute a qui les chrétiens ont le plus d'obligations, et celui qui mérite de leur part le plus de respect et le plus de considération. Etre le second après Pierre, c'est être le premier parmi les hommes. Aldouin Jésuite (1) , qui a écrit sut les papes au dix-septième siècle , a coinmencé , comme il le devoir, par la vie de Pierre ; il en a même donné le véritable porrrait avec celui de tous ses successeurs sans en omettre aucun; ce qui suppose de sa parr de grandes recherches. En effet il convient que pour composer cette vie intéressante , il a lu et consulté plus de cinq cent auteurs. Avec tant de secours nous devons être étonnés d'être aussi peu instiuits que nous le sommes sur le (1) Bililiot. choisie de Leclerc , tome 4, P- *78- Y 4  344 Dissertation fondareur du premier siége de l'église. Excepté quelques versets des évangélistes et quelques chapitres des actes , tl ne reste plus que des traditions tellement contestees que plus de la moitié du monde savanr, doute que Pierre ait jamais siégé dans Rome. On a cependant possédé sous le nom de cet Apótre plusieurs ouvrages ; mais les uns ont été rejettés en divers tems j et les autres, en petit nombre, ont ete recus L'évangile de Pierre s'est conservé pendant deux siecles chez une partie des chrétiens, ensuite il a éte rejetté comme ouvrage supposé. II en a été de meme de son apocalypse. La première de ses lettres a ete p us heureuse , et s'est transmise jusqu'a nos jours sans ie moindre soupcon. Quant a la seconde, elle a dabord eré recue, puis long-tems soupconnée et rejettee même de quelques-uns', attendu que son style ne ressembloit point a celui de la première : enfin elle a ete rehabihrée sur ce qu'un sage ( S. Jéróme ) (,) a dit que 1 Apótre avoit alors changé de secrétaire. Ces lettres sont dattées de Babylone, ( c'étoit le nom que les chrétiens donnoient autrefois a la ville de Rome ) et elles sont adressées aux différens peuples de lAsie-mineure, chez lesquels il avoit long-tems voyagé et demeuré. Ce que l'on ale plus remarqué dans ces lettres eest quil y avertissoit les fidèles et ses amis, que la fin (_) de routes choses étoit prochaine, qu'ils eussent a se tenir prêfs, et que blentöt (3) ils verroient, comme au tems de Noé , de nouveaux cieux et une nouvelle terre : phénomênes peu dignes de curiosité; (0 FJeurv, hf„. ecclés. tome I( fc a^c cxpl.cat.on, tome XXXI, p. 5o_. ? (2) 1. ipuu cap. IV , 7. (3) a. épist. cap, IU, v. ia.  sur Saint Pierre. 34f heureusement qu'ils sont encore a paroitre. Ubi est promissio et adventus ejusï (i). Ce sont ces difhcultés et 1'obscurité d'un sujet, si grand d'ailleurs, qui m'onr engagé a le considérer de plus prés que ces auteurs : je n'ai pas même lu les Bollandistes; mais peut-être mon rravail n'en sera-t-il que meilleur. Je me suis adressé directement aux anciens habitans de 1'Asie-mineur, particulièrement aux Phrygiens , et je leur ai demandé quelle étoit cette tête chauve et vénérable, et ce que représentoit 1'image de ce vieillard qui pleure amèrement et qui prie les mains jointes. Je feignis aussi d'ignorer afin de m'insrruire. » C'est Annac me dirent-ils , c'est un de nos plus » anciens rois. II vivoir au tems de Deucalion. P.eli" gieux et chéri des dieux dans un siècle corrompu, un " oracle lui révela qu'après sa morr le monde périroit. » II en avertit les hommes pour les engager au repen» tir-j il pria même les dieux en leur faveur, er crut " fléchir la colère du ciel en pleurant toute sa vie. Ce " fut en vain : Annac mourut et la Phrygie fut sub» mergée. Ce malheur qui a éteint la mémoire du passé » er qui a renouvellé les êtres, n'a pu éteindre néan» moins le souvenir de ce prince , ami du genre hu» main •, son nom er ses larmes ( continuèrent ces » Phrygiens) vivent encore jusques dans nos proverbes. " Nous disons de rous ceux qui pleurent amèrement, » ils pleurent comme Annac , et paree que les tems y> de son règne sont actuellement très-reculés, nous di» sons aussi de tout ce qui est antique, il est vieux " comme Annac. Les Hébreux nos voisins disent vieux » comme Khanoc ; les Celtes vieux comme Henoch; {]) 2. épist. cap. III, v. 4-  34^ Dissertation » et les Romains qui descendent de nous, disent dans » le même sens inconnu comme la nourrice d'Anchise. " C'est ainsi que les nations ont conservé la mémcire » de notre ancien monarque , même en corrompant w son nom et son histoire. Er remarquez que si les » Romains ne parient point des larmes d'Anchyse , » ils n'ont fait que de les transférer a son fils JEneach (i), » héros aussi pleureur que religieux , paree qu'il n'est, » ainsi que son père , qu'un doublé emploi de notre » Annac. » Nous dérivons le nom de notre prince de Anach, » soupirer, pleurer, et c'est-la sa vraie racine. Quel» ques Grecs qui 1'ont prononcé Cannac, 1'onr chet» ché dans leur Kaïno s''entr''ouvrir, er comme les déri» vés de ce mot Grec donnent Kasma et Kaos, _ro_<, ou" verture , abime , ils ont confondu notre Annac avec » le Cahos et la confusion du monde; c'est une ima" gination que les évènemens du siècle de notre Prince » peuvent seuls excuser. Les Hébreux dont le langage " est rude encore le dérivent de Khanac conduirc , » erreur qui les a précipités dans une autre fable. Cette » dernière racine esr commune au nom a'Enochia , " qui a été donné a la lune, paree que le nom d'Henock " a sans doute été aussi un des anciens titres du so" leil qui règle et qui conduir toutes choses. II y a même " encore une consrellation dite Heniochus. L'usage de » ce nom dans la primitive astronomie joinr a la mé" prise des Hébreux sur la racine de notre Annac , » est, a ce que nous pensons, la seule raison qui leur " a fait imaginer que leur Khanoc a été le premier " astronome, que c'est lui qui a divisé les tems par " semaines , par mois, par saisons , par années , et fi) Eneas, Enée.  sur Saint Pierre. 347 » qu'il esc 1'inventeur des douze signes du Zodiaque. » La suite de cette opinion fabuleuse n'a été que de ii les potter a une autre absurdité qui leur a fait donnet >< a ce patriarche astronome une vie roure asttonomique » de 36; ans, paree que le soleil circule en 365 jours. » Ils prétendent qu'ensuite il a été enlevé du milieu » des hommes, et qu'il ne finit sa course de 3 6; jours que » pour en recommencêr une autre. Ce sont-la , comme » vous voyez, de pures imaginations, et nos histoires » ne rapportent point de telles fables de notre Annac. » II esr mort la vcille du déluge , et n'est immortalisé » dans nos conrrées que par le souvenir de son amour » pour nous et de ses larmes. Les Romains ne pré» rendent pas non plus que leur vieil Anchyse air été » ainsi enlevé; mais , ce qui n'est peut-être que la » même fable transposée , ils croyent que Creiise sa * femme et la fille de notre dernier et malheureux roi » Priam, a été enlevée par Vénus lors de 1'embrase» menr de Troye. Cette tradition ridicule er plusieurs » autres de ce genre nous font soupconner que de» puis la sortie des Romains hors de la Phrygie, ils » ont confondu les anecdotes de la ruine de leur pre" mière patrie avec les anecdores ou plutöt avec les » fables de 1'ahcienne ruine du monde. Ils ne sont » pas au reste les seuls dans ce cas, et presque toutes » les nations ont ainsi confondu le souvenit des ré» volutions naturelles avec celui des révolutions poli» tiques et civiles. » Les différentes fictions des Hébreux n'empêchent » point cependant que ce Kkanoc ou cet Henoch ne » ressemble infinimenr a notte Annac. II a été ainsi » que lui religieux et chéri des dieux; le déluge lui a » été révélé de même; comme lui il en a inutilement h averti les hommes, et les Hébteux le regardent en-  3 4^ Dissertation » core comme leur médiareur et leur intercesseur dans " le ciel. Si vous joignez a ces traits les é vènemens arrivés, » selon eux , du tems de cet autre patriarche qu'ils ap» pellent No ach Noé ( ou ha-noach avec 1'article ), » vous aurez alors un Henoch historique et complet, » c'est-a-dire, un véritable Annac. Les Hébreux eusV sent été sages de s'en tenir a ces premières traditions, » sans les amplifier; mais par caractère, ils ont tou" jours été plus portés a la fable qu'aucune autre na» rion ; ils sont inépuisables sur leur Henoch ; ils le con» sidèrent encore comme 1'aureur des prières employées » pour les consécrations, les dédicaces,et les expiations, » et des formules d'excommunication contre les impies. » Les Egyptiens et les Grecs attribuent de leur cóté ces » institutions religieuses a cet Hérmes que les Latins » appellent Mercure : pour les mettre tous d'accord il » seroit facile de leur montrer qu'ils ont les uns et les » autres abusé du mot Kherem, d'oü viennent herm « ethermès, qui signifient dans nos langues orientales » dévouement et anathéme. Dans la langue des Grecs " un son voisin de celui-la veut dire interprête; er ils » ont fait d'Hermès un interprête des dieux et 1'auteur » des anathémes. Khanac, racine de Khanoc Hébreu, " signifie, comme nous avons dir, conduire, et de » plus donner des loix , dédier, fonder, consacrer; » et de-la les Hébreux en ont fait aussi un fondateur » et un instituteur de rites religieux. Cette facon de " composer 1'histoire doit vous dégouter, me dirent ces n Phrygiens, de tout ce qui vient du pays des Hébteux ; » tenez-vous-en donc a nos tradirions beaucoup plus sim-, » plesetparconséquenrplusvraies.Cetteimageenfinque » vous nous monrrez n'est autre que celle d'Annac » qui a prédit a nos pères la fin du monde et qui a. » pleuré et prïé pour eux ».  sur Saint Pierre. 349 Surpris de cette érudition phrygienne sur les antiques légendes des Annac , des Henoch, et des Hermes que ja ne cherchois point, elle me parut aussi bisarre que nouvelle; et transporté si loin de mon véritable ob jet, je me croyois égaré dans les régions mythologiques , lorsque je me rappellai que les docteurs grecs des premiers siècles de notre ére avoient, ainsi que ces Phrygiens , reconnu Y Henoch hébreu dans YHermès égyptien , et qu'ils avoient même recu avec vénération les livtes apocalyptiques, prophétiques et mystiques qui existoient de leur tems sous ces deux noms. Fortiflé par ce ressouvenirj le récit des Phrygiens me parur moins étrange, et si je ne les crus pas tout-afait, je doutai moins. J'aurois alors volontiers demandé a ces pères grecs pourquoi ces personnages de la haure antiquité avoient été ainsi les types les uns des autres, et pourquoi ils formoient tous ensemble le type du prince des douze apotres. Pierre a pleuré comme Annac : il a prédit la fin du monde comme Henoch et Noach ; et comme Hermès, il est le fabricateut des foudres de la religion. II y avoit dans ces rapports, a ce qu'il me paroissoit, un excellent sujet d'instruction et de controverse ; mais je craignis de leur faire des questions indiscrertes , et je n'osai montrer des doures a ces prédicateurs de la foi; peur-être m'eussent-ils dit: croye* ainsi que nous, et ne disserte^ point. Je cherchai donc a m'éclaircir plus librement ailleurs, ou a noyer mes doutes dans un nouveau cahos. Je m'approchai des anriquaires du siècle d'Auguste, er leur montrant mon image, je leur demandai de même ce qu'elle représensoit. Ils 1'examinèrent avec encore plus d'attention que les Phrygiens, et remarquant les  3 j o Dissertation deux clefs et même le coq , attributs inséparables de notre apótre. » C'est Janus, me répondirent-ils, c'est « Janus. II est aussi ancien que le cakas ■ me dit Ovide, 5» et c'est le vieux cahos lui-même. C'est, me dit un m autre , le fils de Creiise , fille d'Erectée, le premier » roi du Latium, le premier qui ait élevé des temples, » et qui ait établi une religion parmi les morrels. Son » nomesr janua3porte3paree qu'il a ouvert une nouvelle " vie, paree qu'il préside au passé et a 1'avenir, a » 1'orienr et a 1'occident, et aux port es de nos vesti» bules, de nos maisons et de nos villes. II est le pos» sesseur des clefs paree qu'il ouvre et qu'il ferme a » son gré le ciel et la terre, qu'il est le maitre des tems, » et qu'il dispose de la paix et de la guerre. II n'est w pas un Romain qui ne confesse 1'étendue de son " pouvoir. Aussi est-ce par Janus que nous ouvrons » la journée en invoquant les dieux, et son nom se " trouve en tête dans toutes nos prières. II est notre » médiateur et notre génie tutélaire, ainsi qu'il nous » 1'a fait voir quand il nous a délivré des Sabins par » le miracle signalé de la porte vïminale ; enfin c'est » lui que les hymnes de nos prêrres Saliens appellent " encore le dieu des dieux. Oui sans doure, reprit » alors Macrobe, cette image est celle du plus puis» sant et du mieux-faisant des dieux, puisque c'est le »« soleil lui-même et le maitre des douze signes du zo» diaque. Ses attributs sont variés suivant les tems et »? suivant les lieux. Lorsqu'il représente le cours solaire " annuel, les doigts de sa main droire expriment 300, » et ceux de sa main gauche expriment 6S lorsqu'il " représente son cours journalier : on met ce coq a ses " pieds aussi bien qu'a ceux de Mercure, qui de même w est regardé comme un médiateur entre Dien et le,"?  sur Saint Pierre. 3 ƒ i » hommes, mais qui n'est, ainsi que cette image de » Janus (1), que le soleil lui-même». En vain m'érois-je attendu a une nouvelle histoire; je reconnus facilement celles des Phrigiens, des Grecs et des Hébreux dans celle des Romains; je les reconnus dans les dérails et dans 1'esprit de ces détails mais surtout dans les allusions et les jeux de mots qui me parurenr chez tous en avoir été la base commune. Je me gardai bien de leur dire ce que je pensois de leur légende ; je ne pensai qu'a la mienne , et me dis a moimême : L'image de notre Apotre a donc ce privilége d'être reconnue par tous les yeux et par tous les tems pour celle d'un chef de religion sur la terre er d'un souverain dans le Ciel, qui a le droit de le fermer et de 1'ouvrir. Ayant ainsi découvert que, par le moyen d'une formule primitive, c'étoit un Saint de tous les ages , c'en fut assez pour moi; et sans chercher une nouvelle instruction , mes idéés se fixèrenr et mes vues s'étendirent tellement qu'enfm je connus Pierre , comme si je 1'eusse fait moi-même. Les dirrèrences que j'avois remarquées entre quelques anecdotes de ces légendes ne me parurenr plus provenir que de la dirTérence même des langues qui s'étoient plus ou moins prètées a favoriser les prétentions des peuples. Je crus même y distinguer aussi les variétés que la religion de chaque age avoit du nécessairement y nrfittce. Si, par exemple, Henoch n'esr dans la Genese qu'un patriarche qui a vécu 365 ans, c'est que les Hébreux qui se sont trompés sur un emblême solaire, n'en ont pu faire qu'un homme, (1) Anubis Mercure Phénicien est aussi reprisensé clans les moniireens avec les cleCs i\e Janus. Le Coq é;oi: le sirabole du Soleil reoaissant chaque jout.  t}i Dissertatiórt * leur loi leur ayant défendu de faite des dieux. Chez lè'Sf Romains idolatres ce nombre chronique n'étoit que le signe de 1'office de Janus, mais ce Janus étoit adoré d'eux comme un Dieu Soleil qui ouvroit et qui fermöit les années et les jours; et c'étoit en conséquence qu'ils avoient donné son nom au premier des douze mois de 1'an solaire : enfin ces douze mois et les douze signes du zodiaque dont ces mêmes Romains faisoient le cortége et les ministres de Janus , ont dü se transrormer en hommes , ainsi que leur maitre , aussirör que la mythologie a été obligée de chanter son ancien langage. II seroit inutile de chercher les canaux qui ont transmis d'age en age ces singulières légendes , er de vouloir connoitre tous les moyens qui ont servi a en transmuer ainsi les objets en certains tems. Ce seroit tenter un travail impossible; et l'on aura toujours sur ce sujet plus de soupcons que d'idées nettes et ptécises : ce qu'il y a de plus certain , et ce que 1'expérience appuie, c'est qu'il n'v a pas d'absurdité a laquelle on ne doive s'attendre de la part du fanatisme joint a une fausse science , et de la crédulité jointe a 1'ignorance. L'histoire de ces légendes doit appartenir a 1'origine même des religions , qui toutes ont eu une naissance obscure et lente, pendant laquelle les peuples ignorans et grossiers ont moins inventé de nouvelles légendes que corrompu les anciennes pour les approprier a leur nouvelle facon de croire et de voir les choses. Les hommes sont bien moins inventeurs qu'on ne pense en fait de religion. Ce n'est pas cependant que le vulgaire seul et le hazard avec lui y aient uniquement préside ; il y a eu quelque fois aussi un travail d'esprir de la part de quelques gens , et il est a croire qu'une longue babitude ayant rendu certains êtres et cerraines idéés nécessaires  suf Saint Pierre. 3 ƒ 3 nécessaires aux peuples , ceux qui les ont conduits les premiers par un autre chemm ont mieux aimé leut montrer sóus'un autre 'aspect les objets pritrritifs de leur vénération » que de les suppnmer tout-a-fait; il est vrai quen cela les nouveaux conducteurs se trompoient eux-mêmes , maïs ils gagnoient a tromper les autres, et ik s'embarrassoient forr peu que la nouvelle religion fut la dupe de 1'ancicnne pourvu qu'ils en fussenr regardés par le peuple comme les fondateurs. Voila quelle a été pendant plusiedrs siècles la source de tant d'ouvrages supposés. On n'auroit pas tant prêché la foi s'il y avoit eu de la bonne foi. Quoiqu'il ne soit plus nécessaire de montrer que la légende de notre Apotre ne contient rien qui n'ait été connu de la plus haute antiquité , ajoutons cependant aux traits généraux que nous avons appercus dans les Annac , les Hennes et les Janus , ce que nouspourrons encore appercevoir de particulier dans 1'histoire même de Pierre, telle qu'elle a été faite par les premiers chrétiens , et telle qu'elle est recue aujourd'hui par les moins crédules et les plus raisonnables. Nous y retrouverons ces mêmes jeux de mots qui ont si prodigieusement étendu les domaines de la mythologie , ces mêmes allusions recherchées , et cet esprit de figurisme qui décelenr le goüt cabalistique de nos premiers écrivains tels qu'ils soient et tels qu'ils ayent été. Notre Janus moderne étoit, dit-on, le fils de Joha- nan, en Grec Joannes er Jean dans notre langue. Ce nom signifie bienfaisant, mïscricordieux et celui qui pardonne. "bn peut le regarder comme la racine primirive du Janus latin que les prêtres Saliens nommoient Jane, Janes , et d'autres Jon. On sent alors pourquoi ce Dieu étoit chez les Romains la porte de l'audience des dieux et le canal de 1'invocation , et pourquoi le nom de Jean Tome IF. Z  3 ƒ4 Dissertatlon est joint a celui de Pierre dans nos prières journalieres du soir et du matin. Quelquefois notre Janus apostolique est aussi appellé le fils de Jona; ce n'est pas une méprise sans doute, mais une autre allusion qui nous avertit de ne voir dans le Jonas qui a prédir la ruine de Ninive, qui 1'a invitée a la pénitence (i) 5er qui a été accablé d'une grande tristesse, qu'un Janus Assyrien c'est-a-dire un Annac ou un Henoch. Le premier nom de nctre Apotre étcit Simon, a ce que l'on dit encore. II signifie pose', étqi'i constitue'. Son autre nom Cephas, c'est-a-dire Pierre, semble ainsi n'êrre qu'une suite du premier; aussi son maitre lui dir-il en le lui donnant: tu es Pierre et sur cette Pierre je batirai mon église. Rien n'est plus conséquent, surtout dans le génie orienral. A cette promesse son maitre ajouta: les portes de 1'enfcr ne prévaudront jamais contre elle; je te donnerai de plus les clefs du royaume des cieux, et tout ce que tu délieras sur la rerre sera délié dans le ciel. II semble ici que le texte auroit du dire en bonne logique , et tout ce que tu ouvriras sur la terre sera ouvert dans le ciel ; car on ne délie point avec une clef, mais on ouvre. Cette irrégulariré dans 1'expression vient du son du mot Cephas avec lequel on a voulu faire allusion dans Ie reste du discours. On ne pouvoit prendre cette allusion dans aucun des mots qui signifioient clefs , portes , et ouvrir, mais la consonnance se retrouvoit dans Khephas, déiïyrer, mettre en liberté', et dans Cephata , lier et enchalner: c'étoit sans doute une licence permise a la faveur de laquelle ce que la promesse ne pouvoit réguliérement dériver du mot de Cephas, elle ie riroir de tous les sons voisins. Ce goüt particulier pour les allusious, qui fait de (0 Jonas, cap. IV<  sur Saint Pierre. 35f ilVistoire une éspèw de logogryphe, se rencontre jusques dans la profession er la demeure de Pierre. II étoit pêcheur, dit S. Mathieu, et de la ville de Betshaide „ dit S. Jean ; ce nom de ville veut dire ihaison de la pêche. Elle étoit situee sur le; lac de Géne\areth, non loin de Geth-Epher , ancienne patrie de Jonas. Personne n'ignore encore que Jésus dit aussi a Pierre: pêcheur de poissons , je te ferai pêcheur d'hommes: JAien n égale la sagacité cabalistique , elle ne négligé rien. En conséquence de cette exactitude la barque de Pierre ne pourroit-elle pas être aussi le vaisseau des médailles de Janus , YArche de Noé et le navire de Jonas ? Tous ces gens d'ailleurs qui datoient ou qui partoient du déluge ont couru de grands risques sur mer. Ceux qui ont fait parler notre Apotre dans ses épitres, n'ont pas manqué non plus de lui faire tenir un langage ou. il rut reconnoissable.. S'il exhorte les fidèles a croire a 1'avénement de Jesus, c'est paree qu'il est la pierre de l'angle, la pierre vïvante , la pierre de Sion , et qu'il faut ainsi qu'ils soient tous des pierres spirituelles , sans quoi Jésus ne sera pour eux qu'une pierre de chute et qu'une pierre de scandale. Tout est pierre avec Pierre. 1 Epist. Cap. II. Les clefs du ciel dont il est parlé dans la promesse, y sonr en opposirion aux portes de 1'enfer. Ces clefs devoient appartenir a Pierre , puisqu'il éroit prédestiné pour réunir en sa personne le pouvoir des Henoch } des Hennes, er des Janus ; mais il avoir aussi sur ces clefs un .droit direct et personnel qu'il ne renoit que de son nom et qu'il importe de connoitre. Laréunion de ces deux droits sur sa tére est la suite du concours le plus singulier des anciennes langues; et cette découverte tient a use étvmologie. d^ücate qu'il est ce- z «  z}6 Dissertation pendant nécessaire d'approfondirpour arriverala pleine connoissance de norre objet. Le mot de Purre nest, comme 1'onscait , que la traduction Francoise du Petra des latins da Petros des Grecs , et du Cephas des Orientaux, er il signifie communément ce que nous enrendons par une pierre, un caillou, un rocker. Mais si, quand au son, nous le considérons comme un mot Hébreu ou Phénicien , il signifie ouvrir, et il doit s'écrire pier dont la racine esr paar, il a ouvert. Les autres tems de ce verbe ne nous fonr pas moins connoitre ce son de pierre avec 1'idée historique que nous y artachons comme a un nom d'homme. On y trouve Piarethi j'ai ouvert, Piaretha , masculin , et Piareth feminin , tu as ouvert et Pczreth ou Pareth celle qui ouvre et ce qui s'ouvre. Si cet accord n'étoit dü qu au hazard, on auroit encore lieu d'être surpris de trouver ce hazard dans 1'histoire d'un apótre qui a le droit d'ouvrir ; mais si ce n'en est point un , comrne il y a route vraisemblance , on demandera quel rapporr et quelle analogie il y a entre ce que nous appellons une pierre et ce que nous entendons par ouvrir, er comment cette analogie a pu être connue des anciens et sur-tout des orientaux qui ne devoient point attacher au son de pierre ouvrir, 1'idée que nous y attachons vulgairement de pierre et de caillou. Cherchons d'abord si 1'analogie des sons a eté connue de 1'ahtiqtrité. Entre les dérivés de paar et de pier, et dans les modes des conjugaisons de ce verbe oü il prend des lettres préfixes, je rrouve apaer j'ouvrirai} etepaer, je serai ouvert. Or ces sons neus avertissent que le larin apenre aussi bien que le rrancois ouvrir, qui tient beu d'aveire et d'auvrirc, sont dérivés du paar et du pier oriental. II en est de même du Peiro des Grecs.  sur Saint Pierre. 3 57 Le mot Poereth , rité ci-dessus et qui signifie celle qui ouvre et ce qui s'ouvre, a pu aussi se lire porth sans la poncruation ; et le mot porta des latins en dérive si narurellement, qu'ils n'ont pu dans leur langue le dériver que i'aperta. Osons actuellement et pour un moment en dériver aussi petra , er méme petrus comme s'il venoit d'apertus , puisqu'il a pu se faire que les A'aperire ayenr plus d'une fois perdu la préfixe alpha qui se trouve incorporée dans tous les modes du verbe latin contre 1'usage des orientaux qui ne 1'employoient que pour certains tems et contre 1'usage des Grecs qui dans Peiro et dans ses dérivés 1'ont rejetté rout a fait. Voila pour 1'analogie des sons. Cherchons présenrement quelle a pu ètre 1'analogie des sens, er quel rapport il y a, par exemple, entre porta une ouveruure , etpetra une pierre. La plupart des arrs et des choses utiles ont été souvent trouvées par hazard. On prétend que les incendies des volcans ont fait découvrir les métaux , ce qui est très-vraisemblable. II en a pu être de méme des pierres et des carrières. Elles n'auront été trouvées et connues que par les fentes et les ouvertures de la terre, d'abord par les ouvertures naturelles et accidentelies, et ensuite par celles que I/industrie humaine aura faites pour imirer la nature qui lui découvroir une chose utile. Dela les premières carrières auront été appellées simpiement Focroth , des ouvertures , et ce même nom aura été donné par la suite a ce qu'on entiroit; c'esr ainsi que nous appellons mine le métal que nous tirons des mines. Nous pouvons donc conjecturer que les premiers Grecs auront fait de Poerotk d'abordporoth etpoetroth, et enfin poros et petros qui n'en sont que des métathèses et des dialectes; que nos pères de même auront 7 3  35$ Dissertation fait perriere (i) pour signifier une carrière et pierre pour designer ce que l'on en are. Pour donner a cette cohjecture route la force qu'elle peut avoir, je rappellerai que le Peiros des Grecs signinoir ouvrir avec ejfort et faire passage en creusant, et que son dérivé poros joignoit a la signification de trou, de po rte et de passage celle d'un lieu pizrreux. Observons en finissant sur cet aride , mais singulier sujet, que ces rapports de sons et de sens dansles dérivés occidentaux du mot oriental , ne se retrouvent point dans 1'orient. Les mots de pierre er porte y ont chacun leur origine er leur racine distincte et parriculière. C'esr une singularité de plus, mais elle nous oblige d'admettre le concours des Grecs er des Latins avec les Hébreux dans la composition des fables qui concernent notre Apótre , c'est ce qu'on a déja du pressentir d'ailleurs. L analogie étant comme en notre mor francois pierre , lapis et le mot hébreu pier, ouvrir, ainsi que les allusions qui en ont été la suite, il importe encore de savoir que de ce méme mot oriental étoit sorti le nom d'un autre être rnythologyque fort connu des premiers Israëlites et des peuples leurs voisins, c'est celui de fidele Peor adorée par les Moabites et lesMadianites. Quelquefois cette idole est appellée Baal peor, c'est-a-dire, le seigneur Peor; et la Vulgare 1'écrittantót PKogör, et taritot Beelphegor ( a cause des diverses prononciations (z) de Yajïn ). Lés interprêtes qui n'ont (1) Ce termc de perriere est beaucoup plus d'usage , dans nos provinreft , que celui de carrière. Je soupronne que ce dernier rerme v;ent de C/irah , creuser et fouiller. Pcut-ètre vient-il des tarreaux que l'on en tire ; mais on devroit , dans ce cas , écrire quairicre. (?) 11 paroit que cette pronoticiatiori de Vajin en g n'étoit pas forC  sur Saint Pierre. 359 eu aucune étendue de connoissance sur ndolkne, ont die que le dieu Peor éroit une idole Aordures er de „udué, paree quen latin dperire peutsignetdecouvnr aussi bien qnöuvrif, mais en hébreu paXr designè simplement ce que nous entendons par uvvnr, cesta-dke, faire ouverture. Aussi P«r ne sigmne-t-n qu *■ fceWbr i/«tor, celui oui ouvre le portier-, et ces. encore un _W ahtique de la Phemcie qui sous le nótn de Êelphegor n'est plus aujourd'hui connu que dans la Démonomanie. _ Pour s'instruire de sa véritable ou au moins de sa nrimitive fonction , il ne faut qu'examiner le rems er la circonstance ou il en est fait mennon. Les lsrae Iftes avoient erré dans le désert quarante années , et s'y étoient livrés a diverses idolkries successives lorsötfüs s'adressèrent enfin au dieu Peor. Quoique leur seule superstition put renëré raison de ces culres intense», on doit remarqurr néanmoins qu ils avoient recpurs a ces cakes suivant leur situation et selon la nature d» leurs besoins. Si dès le commencemenr ils se sont fait un veau d'or, c'étoit comme on scait , pour renrésenter leur conducteur qu'ils croyoient per5{i; et si sur la fin de leur long péierinage, lorsqu ils étoient devant Jéricho prés de passer le Jourdam et örêts d'entrer dans cette terre promise , üs ont eu recours a une nouvelle divinité , la circonstance nous dit que c'étoit pour en obtenir un heureux passage , pour qu'elle leur ouvrit enfin un pays qui leur avoit éte si long-tems ferme; et le nom du dieu invoqué en est „site- de, ancien,. Les Grecs aaroie„t fait de pier pegiro et non peiro n'.liL-in« les tiadiic eurs ue la et le, Lat,,,, apegno et non apeno T>.lleur, £ ^ Vulga'.e ne sont pa, consian, "ai" l ; le, vtivre «uMêmmt, il, aur.i.ot dO ->re Begrip»*?*, pu,,T. , a un ajin, dans Baal, L 4  3 ^° Dissertarion une démonstration. Cest de plus auprès du temde d« r.eor que Moyse qui ne devoit point entrer en Chanaan, mounu er fut Ng ^^ cemi qui ne devoit pas franchit le passage mourut a Larve»*» et prés du fof^r de la terre promise l Ce tour histonque est digne du génie hébreu; aussi toute cette histoire ne me paroir-elle qu'une allégorie oules het« sont ajustés aux noms, er les noms aux lieux et ou les faits sont toujours saerifies a 1 illusion comme dans tout re reste de ces annales. Si ce Moyse dont on n a jamais trouvé la sépulture, et que les Rabbins disent enlevé comme Ecnoch et que Purre a vu en erTet sur le Thabor avec Elle ( autre singe ,\'Henoch) n etoit lui-méme que ce Dieu Peor , cela seroit sans doute assez plaisant, et nest pas sans vraisemblance. Mais u faut quirter ce Peor (x) , content de ïavok trouve et reconnu pour ce qu'il est. Son nom au reste f ÏPf°*W* directement et par une succession de dialecte le nom de notre Apótre en se conservant dans les conrrees onentaies comme un nom propr. qui a pu insensiblemenr se changer en ^ir. et en pier, Defaron ou d autre il n'en est pas moins certam que ce nom apostohque est des plus antiques, et qu'il a ete connu des plus anciens mithologistes comme des modernes pour Ie nom d'une puissance supérieure qui avoir le pouvoir des clefs. II nous reste très-peu de chose a examiner dans notre legende, mais ce peu est encore utile, et va confinner ces dermeres decouvertes. Ou remarquera donc que (ï) Nohs noteron, encore, sur re mot de Peor, que les Arst.es et «es dynens s en sej-.en*- tw- «v„ ~: i ™„„/ ^ «enen. poty c.iprimrr les ouvertures er Vs rentes de, «nontagnes. De 14 sans rleu'e esi venu 1'usaoe d'amel)* i Jee, de,, Portes. Qn « in ]es Pones C^ne^''£/u2Z 'cZil è'de Aeclerc, tome 7.  sur. Saint Pierre. 361 lorsqu'il est quesrion de Pierre dans 1'écriture et dans la tradition, il y est presque toujours question de porte, et que c'est toujours a la porte que se passent les évènemens les plus intéressans de sa vie. Déja nous avons vu que les portes de 1'enfer ne prévaudront jamais contre sa puissance. C'esr ensuite a la porte d'un vestibule (i) qu'il renonce le bon maitre qui 1'a corablé de promesses et qui lui pardonne sur le champ. C'esr a la belle porte du temple qu'avec Jean son collègue il guérit un boiteux. (Peut-être en esr-il de ce miracle comme de celui de Janus a la porte viminale ). Lórsqu Hérode le fait mettre en prison j la porte de fer s'ouvre dellt-même, Pierre se sauve chez Jean et frappe a sa porte. Une servante accourt 3 entend sa voix, et le laisse frapper a la porie , pour apprendre a la compagnie que Pierre esr a la porte. Quand les portes des prisons de B.ome lui sont encore ouvertes , Pierre se sauve de même \ mais arrivé a la porte de la ville , Jésus lui apparoit, 1'arrête, et 1'engage a se faire crucifier. Pierre y consent •, il retourne , il esr pris er crr.cifié la rête en bas; et pour que tout soit exact dans sa legende, la tradition rapporte que c'est sur le (i) Janicule qu'il a consommé son sacrirke. Voiia ce qui a été dit, écrit, et ( ce qui est plus étonnant) ce qui a été cru. Tel est le digne complément et la fin de cette histoire : histoire fabuleuse a la vérité, mais elle surpasse en antiquité tout ce qu'on pouvoit en attendre , et ce n'est pas une petite considération. Elle nous a décou- (i) Mtthiéu , chap. XXVI, v. ;o. (u) rlt-iuy, hisc. ectits. lome i, liv. 2, p. 222.  361 JDissertation vert des choses que nous ne savions pas , et c'est encore un mérite. Nous ignorions , par exemple, que ïorsque les hommes onr quirté le paganisme pour la religion chrétienne, les dieux n'ont pas été les derniers a se convertir aussi, et que plusieurs d'entreux ont quitté le ciel poëtique pout entrer dans le paradis. C'est Fort bien fair a eux, sans doute ; mais c'est encore mieux fait a nous d'en être instruits aujourd'hui, après 1'avoir ignoré pendant tant de siècles. Reste a savoir s'ils y resteront long-tems. On est déja dans le goüt de donner la chasse a ces anciens objets de la crédulité des peuples, et plus d'un théologien même a montré dans ce siècle son nouveau zèle. II est vrai qu'ils ne se sont encore adressés qu'aux plus petits et aux foibles, ce qui n'est pas montrer un véritable courage, ni prendre le plus sür moyen d'épouvanter les autres et d'abréger cette grande opération. II conviendroit dans ce genre de conibat, comme dans tous les autres , de commencer par attaquer les premiers et les chefs de ces idoles béatifies. La déroute d'une armée est crdinairement la prise du général. En voici un que je viens de prendre ; je vous le livre , messieurs les théologiens : frappe? Ie pasteur , et les krebis seront dispersies ; car vous n'ignorez pas qu'il faut que les prédictions s'accomplissent. Lorsque l'on aura présenté et analysé de la sorte une vingtaine de légendes tant anciennes que modernes , peut-être arrivera-t-on a la connoissance du vrai systême de la Mythologie sacrée et profane ( s'il y en a un ): au moins en les comparant ensemble on pourra appercevcir quel en aura été le premier fond , et de quelle parr seront venus leurs omemens et leurs variétés. Nous n'anticiperons point sur ce qui ne peut être que le résutxat et l'effet du concours de p.H;:ieurs  sur Saint Pierre. 363 légendes •, mais celle-ci esc assez étendue et diversifiée, pour que nous puissions en tirer une lecon générale et un principe que les autres ne pourront que confirmer,S'il n'y avoir eu qu'une seule langue sur la terre, il n'y auroic poinc eu de mythologie ou il n'y en auroit eu qu'une.  T A B L E DES ARTICLES Comenus dans ce volume. Préface de l'auteur. pffge , C*amtrh premier. De la nécessité d examïrtersa religion, et des obstactes que l'on rencontre clans cet examen. i5 Chap. II. HisLoire abrégée du peuple Juif. 23 Chap. III. Histoire abrégée du christianisme. 27 Chap. IV. De la mythologie chrétienne , ou des idéés que le christianisme nous donne de Dieu et dc sa conduite. Chap. V. De la Révélation! ^ Chap. "V I. Des preuves de Ja religion chrétienne , des miracles , des prophéties , des martyrs. 46 Chap. VII. Des mystères de ia religion chrétienne. 60 Chap. VIII. Autres mystères et dogmes du christianisme. 66 Chap. IX. Des rites , des cérémonies mystérieuses , ou de la thér.rgie chrétienne. 74 Chap. X. Des livres sacrés des chrétiens. 78 Chap. XI. De la morale chrétienne. 84 Chap. XII. Des vertus chrétiennes. g5 Chap. XIII. Des pratiques et des devoirs de la religion chrétienne. ng Chap. XIV. Des effets politiques de la religion chrétienne. 125 Chap. XV. De l'église, ou du sacerdoce des chrétiens. i36 Chap. XVI et dernier. Conclnsion. r53 DISSERTATION SUR ELIE ET ÉXOCK. 167 EXAMEN CRITIQUE DE SAINT PAUL. 221  T A B L E. 56S EPITRE DEDICATOIRE A M. L. N. page 2,2.5 Chapitrë premier. La conversion de Saint Paul est-elle une preuve en faveur de la religion clirétienne ? 225 Chap. II. Opinions dos premiers chrétiens sur les' actes des apótres, et. sur les épitres et la personne de Saint Paul. aag Chap. III. De 1'autorité des conciles , des Pères de l'église et de la tradition. 237; Chap. IV". Vie de Saint Paul selon les actes des apótres. 24S Chap. V. S. Paul se fait 1'apótre des Gentils. Causes de ses succes. 245 Chap. VI. Paul prêché clans l'Asie mineure , la Macédoine et la Grèce. 25»? Chap. VII. Prédication de S. Paul a Corinthe et a Ephèse. 255 Chap. VIII. L'ajiótre se fait des affaires facheuses a Jérusalem. II est envoyé a Rome. 267 Chap. IX. Réflexions sur la vie de S. Paul et sur son caractère. a66 Chap. X. De 1'enthousiasme de £. Paul. 270 Chap. XI. Du désintéressement de S. Paul. 2-73 Chap. XII. Du ton impérieux de S. Paul et de ses vues politiques. 277 Chap. XIII. De J'humilité de S. Paul. «Bi Chap. XIV. Du zèle de S. Paul. Réflexions sur cette vertu chrétienne. 284 Chap. XV. Des mensonges de S. Paul ou de son apostasie. 390 Chap. XVI. Hypocrisie de S. Paul. 291 Chap. XVII. 8. Paul accusé de parjure, ou 1'auleur des acies des apotres convaincu de fausscté. 2q5 Chap. XVIII. Examen des miracles de S. Paul. 299 Chap. XIX. Analyse abrégée des écrits attribués a Saint Paul, - 507  966 TABLE. Chap. XX. De lA Foi. En quoi consiste cette verin. 3i4 Chap. XXI. Du Saint-Esprit. Ce que c'est que l'inspiration i divine. 52c, Chap. XXII. De 1'inspiration des prophêtes de l'ancien Testament. 325 Chap. XXIII. De la descente du Saint - Esprit sur les Apótres , ou de leur inspiration divine. 329 Chap. XXIV. Réflexions générales sur les fondemens de la foi des chrétiens, et sur les causes de la crédu/ité. 533 Conclusion. 338 DISSERTATION SUR SAINT PIERRE. 043 Fin du tome quatrième.