Zó ( O E  LES SEPT PROVINCESUNIES A LOUER- OU A VENDRE PRÉSENTE ME NT. Traduction libre. M. DCC. LXXXIV.   AVIS DU TRADUCTEUR. Ce n'eft pas précifément une traduction que nous donnons au public. L'Imprimeur de cette Brochure Hollandaife crut qu'elle pourrait faire plaifir aux politiques, & leur donner une idéé de la manière dont les fiers Républicains des Provinces-Unies préviennent les attentats contre leur liberté; mais il ne favait pas le Francais; il chargea de la traduire un homme qui 1'écorchait a peine; & un de fes amis, qui ne fait pas un mot de Hollandais , eut la tache pénible de débrouiller le cahos indigefte qu'on lui préfenta, & de le mettre en un langage un peu plus clair. On n'a pu par conféquent fuivre littéralement 1'Auteur, on s'eft attaché a ij  €43 feulement a faifir fes idéés; on s'eft permis aufiï de réformer certaines expreffions trop libres & des comparaifons trop triviales que peut comporter la franchife Hollandaife, mais que la Langue Francaife n'admet pas. On a retranché tout ce qui aurait pu choquer trop cruement les Perfonnages illuftres contre qui 1'Auteur a cru avoir Ie droit d'exercer fa plume. Son idéé eft affez plaifante, fes comparaifons fort juftes , mais il eft entré dans trop de détails & femble avoir pris plaifir È épuifer la matière... On a évité autant qu'il a été polïïble les répétitions fréquentes dans 1'orïginal: fi le Lecleur trouve encore des redites inutiles, nous Ie prions de les attribuer a la manière dont on a travaillé a cette édition.  LES SEPT A L O U E R. OU A V E N D R E PRÉSENTE MENT. titre que je donne d ce Traité paraitra peut-être trop hardi; on m'objeStera fans doute qu'il exifte un HautSouverain ou Stadhouder héréditaire, &■ que d'ailleurs les fept ProvincesUnies font maitrejjes d'elles -mêmes. Je me fuis fait le premier cette objection; cependant pour peu qu'on veuille Ure ce petit Ouvrage avec attention , on verra que le titre n'en eft pas haf ar dé : Les fept Provinces infolvables failies par exécution , a louer ou a vendre aux plus offrans mais je crois qu'il vaut mieux m'en tenir d ma première a iij  co idéé, & je vals en démontrer les raiJons convaincantes le plus briévement qu'il me fera pojjible. On fait que lorfqu'on fait publier héritages , maijons, terres ou autres biens a Iouer ou a vendre,, cela peut provenir de dijférentes caufes. Je veux détailier les raifons qui portent d prendre ce parti. i°. Lorfque des héritiers partagent ent re eux la fuccejjion d'un dèfunt, s'il fe trouve parmi eux quelques mineurs } il arrivé fouvent qu'on eji obligé de vendre une partie de ces biens ou fermes pour l'acquit des dettes qu'auraitpu laiffer le dit défunt, & en louer d'autres portions pour jervir d élever les dits enfans mineurs. 2°. On ne voit que trop fouvent qu'urt propriétaire Jè trouve forcé d vendre de fon vivant. II arrivé journellement des malheurs qui dtent d un particulier toute autre reffource. 11 peut ètre accablê de dettes 3 tomber dans Vimpuiffance de fournir d Jes créanciers les nantifjemens & répartitions néceffaires3 d'oü il juit qu'il efl réduit d la  €75 trifle nécejjïté de vendre fes effets pour les-fatisfaire. Un homme dans ce cas eft-certainement d plaindre & mérite la commifération de tous ceux qui le connaiffent. 3,J. Mais on bldmera & on méprifera flvec jujte raifon le propriétaire qui fe mettra dans ce cas , fi on s'appercoit qu'il y ait de fa faute; fi Ja ruine provient de ce qu'il a négligé fes affaires, s'il s'efi adonné d la débauche , a une vie inappliquée , s'il a dijjipé Jon capital en dépenfes inutiles, alors il Jè trouve totalement d découvert & obligé de vendre par contrainte ou au^ trement le peu d'effets qui lui reflent. ^ tf.Une quatrïeme raijon, moins bldmable peut-être & en quelque forte malheur euje j, c'eft lorfqu'un particulier n'a pas par lui-même affix, de lumières pour gouverner comme il faut fes biens , fermes, &c. & les faire proper; lorf qu'il n'a pas les tatens requis pour conduire fon capital, qu'il ne fait pas le confcrver en entier , qu'il négligé l'amélioration de fes terres, qu'il hafarde & perd fon argent dans un com-  C s 3 merce mal-combiné ou de fauffes fpêculations. 5°. Lorfqu'une grande partie de propriétés , contrats , maijbns , terres» chdteaux & dépendances vient d tomber par décès ou quelqu'autre événement entre plufieurs héritiers dijférens s & que ces héritiers inhabiles par euxmêmes, a la geftion des biens, ou gênés par d'autres affaires, conviennent de choifi'r entr'eux ceux qui leur paraijjent les plus d portee ou les plus éclairés pour leur confier l'adminifiration & la direëtion des dits ,biens ou héritages , d la charge de veiller au profit & intérêt des héritiers en général. Ces administrateurs peuvent choifir, d'après le confentement des perfonnes intéreffées dans le dit héritage, un re? ceveur qui ait foin de veiller d ce que les dites terres foient pourvues d'un nombre fuffifant d'ouvriers , & que les maifons & chdteaux foient duement entretenus & ne tombent pas en délabrement. Le dit receveur eft aujfi chargé de faire attention que les jardins ou terres foient entourés de haies conve-  £ lui difputa la fouveraineté, & ayant pris les armes, elle livra une bataille fanglante & meurtriere qu'elle perdit. Le même Comte Guillaume étant tombé en dêmence, plujieurs Seigneurs dijférens s'érigèrent en Souverains dans leurs cantons refpectifs comme onpeut le voir dans l'hiftoire de cette Province ,& les plus puiffans occupèrent une plus grande étendue de terrein d proportion de leurs forces. La troifième caufe que j'ai alléguée de la vente contrainte des biens-fonds & que j'ai nommée la plus fouvent t  provient de la mauvaife conduite & du peu d'ordre du propriétaire. L'hiftoire de la Hollande peut nous fournir grand nombre d'exemples qui atteftent cette vérité. On peut y voir dans les temps les plus reculés, des Souverains fe rendre odieux d leurs fujets par l'indignité de leurs mceurs & le défordre de leur adminiftration, & perdre tout-a-la-fois leur puiffance , leurs qualités & fouvent mem» la vie. Si nous voulons feuilleter les anciennes chroniques , nous y lirons que le Comte Florent perdit non-feulement fa Comté, mais aujfi la vie, par les in. trigues de Gérarde Velfen Jon épouj'e , dont les défauts & les débauches Jont connus, Cette femme criminelle le fit tomber dans une embufcade oü il fut cruellement affaffiné. Pour peu qu'on dit quelques notions de l'hiftoire ,on neconnait que trop quelles furent les juites de eet ajfajjinat; toute la Province fe trouva bouleverfée; les Seigneurs qui avaient le plus de richeffes s'en fervirent pour ae-  C 20 3 quérir de plus grands domaines,& fe partagèrent cumme uneproie lebeaupays. que le Comte Florent avait pojfédé feul. Nous avons dit en quatriéme lieu que les biens fe trouvaient encore dans le cas d'être vendus ou aliénés quand les propriétaires n'avaient pas pareuxmêmes affei de connaiffdnce pour diriger leurs domaines : ce cas peut être o-ppliqué aux Rois d'Efpagne qui ont gouverné ce pays & qui ont été les derniers Comtes de Hollande. Si Philippe avait fuivi exatlement le confeil que Charles-Quint lui donnait en lui remettant la fouveraineté de eet contrée, jamais peut-être les Pays-Bas ne fe feraient révoltés contre lui. Ce fageEmpereur lui répéta plufieurs fois les mêmes avis au fujet des Beiges:Ne 3} cherchei pas 3 lui difait-il, d rien33 exiger des Beiges par la force ou laj 3i violence, ces peuples ne veulent pas „ être gouvernés avechauteur ;ne leur 33 donnei des étrangers pour Comman3} dans que le moins que vous pourret; 3, ne vous expofe\ pas a traiter leurs „ plus illujlres citoyens avec mépris-3  C 21 3 3) jamais vous ne pourriez les accoutu33 mer au joug. Si vous voulei qu'ils 33 chérijjent votre domination 3 ne fai' 3, tes lever les impóts qu'avec la plus 33 grande douceur; laij]ex-les leur re„ garder même comme des contributions 33 volontaires. Vous n'aureipas alors >3 de fujets plus fidèles , & qui vous 33 fournijfent avec plus de plaifir tou33 tes les resources que vous en vou3} drei tirer." Le grand Prince connaijjdit bien le caraclère des habitans des Pays-Bas; Philippe qui n'en était pas aujji bien injlruit, & qui ne l'avait pas aujji mürement examiné 3 crut pouvoir les gouverner de même qu'il gouvernait fes EJpagnols. La nation Caftillane eft peutêtre plus fiere que les Beiges 3 mais elle était lente > & fa pareffe la mettait hors d'état de rien entreprendre. Philippe II qui ne faifait pas cette diftinction , agit direclement contre les principes qu'avait tdché de lui inculquer l'Empereur Charles-Qjiint 3 6* quoique les Souverains fes predéceffeurs eufjent fouvent épruuvé le courage & la ferme-  € 2*3 té des Seigneurs Beiges & de leurs vajfaux, qu'ils euffent appris par des exemples fréquens que ces peuples préférdient de fe laiffer tailler en pieces , & de périr dans les plus affreux tourmens que de fe foumettre d des innovations injufies 3 il fe raffura fur la faibleffe des Bataves, & ne crut pas devoir craindre que leurs forces fuffent en état de lutter contre la fienne. Quand même ce Prince eüt fait les plus fages réflexions, il était environné de courtifans & de flaneurs qui irritaient fon amour-propre en lui remettant fous les yeux lapuiffance des Rois d'EJpagne s en lui repréfentant qu'il ferait honteux pour le Souverain de tant de vaftes contrées de paraitre céder d un peuple qui n'occupait qu'un point de ter re prefqu'imperceptible. Les confeils pernicieux ne fervirent qu'd augmenter les troubles ; Philippe III y mit le comble en envoyant dans ces pays le Duc d'Albe avec la qualité de Gouverneur. 11 fe flattait que fon nom feul intimiderait les Beiges & que fa févérité barbare les forcerait bientêt de mettre bas les armes.  C 23 3 C'était bien peu connaïtre le carae. tére indomptable de ces fiers défenfeurs des privileges de leurs ancêtres. Les armées du Duc d' Albe ne fervirent qu'd accélérer la révolution, & bientot les Bataves déclarèrent le Souverain qui voulait les détruire déchu de tous fes droits , & firent reconnaitre les fept Provinces-Unies libres & indépendantes. Aujji les Rois d'Efpagne ne furent pas Jeulement contraints de les faire afficher a louer ou a vendre,, ils les perdirent entiérement, puifqu'ils offrirent de céder leurs droits pour rien d la France ou d l'Angleterre , & de leur abandonner entiérement la poffefJion de. ces Provinces : ces deux Puifi fances ne voulurent pas même accepter ce beau préfent. Plaife au Ciel que Vétat préfent de nos affaires ne nous réduife pas d la même extrêmité ! Rejjèrrons au plutdt les Hens de notre union; que la Concorde foit notre garant & écarté de nous la tempête qui gronde fur nos têtes.  5 n 3 C'eft ce que doit nous faire craindre le tableau que je vais expofer , en comparant notre fituation abluelle avec la cinquième raifon que j'ai détaillée; nous y trouverons les rapports les plus pofitifs s & c'ejt eet objet qui fait le fonds principal de ce petit traité. Qii'on prenne la peine de fe le rappeller dans tous fes points , nous allons y trouver tous les caractères qui conviennent aux troubles qui menacent aujourd'hui la Hollande. Nos ancêtres après une guerre de 8i ans, avaient enfin acheté leur liberté au prix de leurs fortunes & de leur fang. Philippe III Roi d'Efpagne avait été contraint de les déclarer libres ; les habitans de ces contrées heureufes tranfmirent d leurs héritiers cette liberté fi juftement acqui/e & fes glorieufes prérogatives. Pour mettre plus d'ordre dans la diredlion de ce vafte domaine, ils fe virent obligês d'êlire des tuteurs ou adminiftrateurs, auxquels ils conférèrent le titre de Hautes-Puiffances. lis furent choifis parmi les citoyens les  C 253 les plus ittuftres & les plus éclair és % & on leur confia la direbtion des états & des villes. Cependant Guillaume premier, Prince d'Orange s'était diftingué par fon courage ,ja fidélité & fes fervices, & était regardé comme un des plus folides appuis de cette république naiffante. Les adminiftrateurs & les états raffemblés, munis d'un plein confentement d'un peuple libre & jaloux des droits qu'il venait d'acquérir par tant de travaux & de dangers, élurent ce Prince pour Stadhouder ou Gouverneur des Provinces-Unies. Cette charge ne lui donnait précifément que la qualité de Receveur & il était obligé de rendre compte de j fes aèlions au tribunal des HautesPuiffdnces. Tant que ce grand homme j fut en place on n'eut rien d lui repro- i ener au jujet ae ja directwn. Après le décès de ce Héros, qu'on. ; nommait a bon droit le Père de la pai trie , on lui donna pour fucceffeur dans lla qualité de Stadhouder le Prince Maui rice , Jon fils. Nous ex nous arrêterons pas fur la  € 26 3 mnduiteodieufequece Gouverneur tint * Vé«ard dejean vanö Iden-barnevtlt; ellt nefait certainement pas honneur au fils de Guillaume L Nous remarquerons feulement, pour faire voir Videe que les Hollandais ont toujours eue d un Stadhouder, d'après les récits des ecnvains les plus dignes de foi, que ce Prince après la mort de fon pere, ayant montré un naturel plus violent, les Etats-Généraux ou Hautes-Puijfances adminiftrateurs de ce bel heritage fe omrent en droit de mettre des hmites d fon autorité. Maurice avait fans doute trop bonne opinion de lui-même pour vouloirs'y foumettre; les adminiftrateurs lui oppo/aient les loix & leurs titres & lui demandaient compte de Ja geftwn. Entre ceux d qui l'honneur & la probite étaient chersje diftinguciit Olden-barnevelt; la faibleffe impardonnable de Jes coadminiftrateurs avait laijfé prendre trop d''autorité au receveur. Bar nevelt ne fe laiffa pas féduire , & par Jon Ziage tïvincible mit le plus jort obftacle a Vambition de Maunce. Le  C 27 3 ■ Prince n'avait malheureufement que 'trop de moyens de Je venger; Barnevelt réclamait en vain pour lui la reconnaiffance qu'on lui devaitpour tant d'années employees au Jervice^deja patrie. Ce vieillard vénérable a l'age de quatre-vingt ans , fut conduit a l'échafaud, &, malgré le rejpeèt qu'on devait d fes cheveux , dècapité pour fervir de viclime aux intéréts du Stad' houder. Ce Héros fi innocemment perfecuté 3 difait en montant fur le théatre de fon Jupplice & de fa gloire: „C'eft 3, ici que je vais recevoir le pnx de j, vingt-deux ans de travail, & la re„ compenfe des fervices que j'ai rendus „ d ma patrie."- ; . Mon deffein n'eft pas d'entrer ia dans de longs détails; je ne dirai^ pas comment les adminiftrateurs de l'état trouvant les affaires dans un déjbrdre inconcèvable, fur ent obligés derecourir d Elifabeth Reine d'jingleter re & implorèrent fon fecours pour fauver le précieux héritage des Bataves. Le Prince Maurice étant mort, les Tuteurs des fept Provinces-Unies nomc ij  € 28 3 mèrent pourGouvcrneur ou Receveur fon frère le Prince Frédéric-Henri. Ce Héros acheva ce que fon père avait commencé, ce que Maurice avait affermi, & il donna la dernière main au grand ouvrage de la liberté Hollandaife. Frédéric-Henri étant paffé de cette vie dans l'autre, après s'être fagement acquitté de fon emploi & mérité les regrets de fes concitoyens, on éleva d fa dignité, Guillaume II fon fils. Celui-ci oublia bientêt qu'il n'était que fimple receveur; fon ambition leporta fi loin qu'il pouffa la hardieffe jujqu'd faire emprijonner les adminiftrateurs en exercice, & il les faifait tranfporter d Loevefteyn. II ne s'arréta point d ces aètes de defpotifme , il voulut Jüpprimer les privileges d'Amfterdam fans en apporter d'autres raifons fi-nort que les chefs ou adminiftrateurs de cette ville auraient voulu lui difputer t'entrée de leur falie de conjeil; il devait cependant bien favoir qu'en qualité de receveur il n'avait aucun droit d cette diftinStion. Heureufement qu'il ne vécut pas long*  C29 3 temps; Dieu Venleva d la fleur de fon dge. On ne le plaignit. pas beaucoup; ce qu'il avait fait dans les commencemens, la manière dont il s'acquittait de Jon emploi de Stadhouder ne faifait que trop Jbupconner ce qu'il aurait en~ trepris des qu'il aurait eu plus de forces, & qu'il Jèrait parvenu d étouffer les réclamations des adminiftrateurs fidèles des fept Provinces-Unies. La République refta alors un certain efpace fans gouverneur ou receveur. Ces pays , cette libertè que nos ancêtres nous avaient acquis par la force des ar mes, refterent fous la direttion de nos principaux citoyens , fages ad., miniftrateurs choifis par nous^ & parmi nous, en un mot nos cohéritiers. Mais comme il arrivé ordinairement que chaque tête a une idéé différente, ce grand nombre de tuteurs ne s'accordaient pas tout-a-fait entre eux,- les autres héritiers prenaient part d leurs débats & formaient divers partis; il fut réfolu unanimement d'élire un nouveau Stadhouder , & le choix tomba fur le Prince Guillaume HL c üj  13° 3 C'eft du temps de ce gouverneur qu'on vit encore un exemple qui prouve combien dans un pays libre il eft dangereux pour les vrais défenfeurs de la patrie de prendre fes intéréts trop d coeur, quand on a laiffé trop d'autorité d celui qui ne devrait être que le premier de fes égaux & non pas leur maïtre. Les deux frères Jean & Corneille de Wit en fourniffent la trifte expérience. On peut voir dans l'hiftoire de la Hollande les circonftances ajfreufes de l'affajfinat de ces deux victimes de leur amour pour leur patrie. On a meme cherché d noircir leur mémoire. Après la mort de Guillaume III s les Provinces-Unies reftèrent derechef fous la direStion de leurs adminiftrateurs fans élire de nouveau gouverneur ou receveur. Ils fe maintinrent ainfi jufqu'en Van 1347. Mais dans le temps que les états paraiffaient les plus tranquilles, les diverfes Provinces, foit qu'elles y fuffent portées par quelqu'intérêt particulier, foit que dijférens citoyens Vouluffent  £ 3i J avoir plus grande part au gouvernement , on cria de tous cötés qu'il fallait procéder d l'életlion d'un Stadhouder. En vain leur demandait-on de quoi ils Je plaignaient, s'ils trouvaient qu'ils fujjent traités trop rudement ? lis répondaient qu'ils étaient plus écrafés fous la diretlwn des états que du temps du Stadhouder. L'expérience aurait cependant bien du leur prouver le contraire , puiJ'qiC aujft-tèt que Guillaume-Charles-Henri Frijo Prince d'Orangc & de NaJJdu eut été élu receveur ou gouverneur le 4 mai 1347, les llollandais furent dés ce moment même beaucoup plus chargés ; nonobftant le déjdgrément de leur nouvelle pofition , il y en eut qui s'objlinèrent a demander que le Stadhouder fut regardé comme indépendant des Hautes - Puifances & des adminiftrateurs naturels de ce riche héritage ; & les chojes en vinrent malheureujement d tel point, que non-Jèulement on accorda au Prince regnant plus de prérogatives que Jès ancêtres n'avaient jamais ojé prétendre , mais on pouffa l'extravagance jujqu'd dé-  C 32 3 clarer le 16 Novembre de cette même année 1747 le Stadhouder Gouverneurhéréditaire. 11 fut réglé que le gouvernement pafferait de plein droit d fa poftérité & d fes fucceffeurs tant en ligne maf culine que féminine. Ce qui était le comble de la démence; puifqu'il fallait fuppofer que tous les héritiers de ce Prince feraient aujfi zélés que lui pour l'intérêt général de la République, & feraient pourvus des mêmes qualités & des mêmes lumiéres que lui. En effet on -peut dire a la gloire de Guillaume IV qu'il était digne de cette confiance, & qu'il avait fu par fa bontéy fa douceur naturelle 3 fes maniéres aifées gagner entiérement l'efprit des Hollandais. Malheureufement il vêcut trop peu pour le bonheur de fes peuples ; après un gouvernement de quatre ans, un mois & huit jours il mourut le 22 Octobre 1751 , en laijjdnt deux enfans en bas dge. L'ainée était une Princeffe qu'on nomma Caroline > & qui eji a'ctuellement l'époufe du Prince-régent  C 33 3 de Weilbourg. Le cadet eft le Prince Guillaume V, abluellement notre Stadhouder-héréditaire. Après le décès de Guillaume-Charles-Henri Frifo, Ja veuve Annei Princejfe Royale d'Angleterre fuccéda d Jon illuftre époux en qualité de Gouvernante-douairière de la République des fept Provinces-Unies. Pendant le cours de fa régence la Hollande fut affligée de plufteurs calamités. Les Anglais font connus de tout temps pour être très-peu fcrupuleux d enfreindre les traités; on fait combien ils ont toujours été jaloux de notre commerce & de notre navigation , qui font les deux Jbutiens de notre patrie 3 & l'unique fource de nos richeffes. Les Hautes-Puiffances & les particuliers commercans eurent beau faire entendre leurs plaintes , elles n'étaient pas écoutées, ou fi elles Vétaient, on n'en tiraït aucun fruit. La gouvernante étant fille du Roi d'Angleterre, pour lors regnant, ne faijdit pas attention d nos clameurs , & nous n'avions d'autres rejfource que  C 34 3 ie repouffer la force par la force. Mais ce parti même était dangereux, & quand les états-généraux auraient été dans la difpofition de prendre les armes, la Princeffe s'y ferait oppofée: fon intérêt ne lui permettait pas de former aucune entreprife contre les Anglais, qui Vappuyaient de tout leur pouvoir : aujji cette nation avide faiJait-elle un tort inappréciable au commerce de nos Provinces. Notre fituation dans ces temps malheur eux, j'ofè me jervir d'une comparaifon triviale que je n'emploie qu'd caufe de fa jujteffe) reffemblait d un champ de bied confié aux foins d'une intendante, dont le père a de nombreux troupeaux de porcs. Les porchers négligens laiffent courir ces animaux dans les champs dont la file a la direction ; ils s'y rafjdfient & détruifent tout. En vain les héritiers & les vrais adminiftrateurs de ces terres portent leurs plaintes d Vintendante , & demandent qu'on tue ces porcs ou au moins qu'on les chaffe. Celle-ci fe mettant au-deffus des regies  € 35 5 de la juftice, paree qu'elle fait 'qu'on ne peut lui óter fa place qui lui a étê donnée pour elle & fes fucceffeurs d perpétuité, & ne ciaignant pas qu'on puiffe lui fubroger un autre inten~ dant, méprife les [clameurs des héritiers, & pour ne pas défobliger fon père, refufe de mettre ordre au dégat que les porcs font dans l'héritage. La Gouvernante-douairière Anne furvécut huit ans d fon époux ; d fa mort notre Stadhouder héréditaire aBuel n'avait pas encore on\e ans, on le déclara cependant majeur & on lui conféra fans oppofition le titre de Gouverneur des Provinces-Unies, fous la direclion des Hautes-PuiJJances. Cependant on lui nomma pour tuteurs | d'un coté, le Roi d'Angleterre & le Duc Louis de Brunfwick - Wolfenbuttel, qui était alors Feld-NIaréchal de la République; & de Vautre, les Etats de ces Pays. On confia l'éducation du Prince mineur au dit Duc de Brunfwick-JVolfenbuttel, fuivant les dijpojitions du teftament de jes parem. Ce Duc ejl un Mlemand s & dès le commencement de  € 3<5 5 fa règence il ne laiffa que trop voir qu'il n'était nullement au fait du carablère & des conftitutions du peuple Hollandais. La Cour du jeune Prince dijféra bientdt entiérement de celle de fon père : Du temps de Guillaume IV on n'y voyoit que des hommes libres ; fous fon fils on introduifit des Irlandais & fur-tout beaucoup d'Allemands. Bientot la longue Hollandaife n'y fut plus même en ufage, c'était une honte de ne pas favoir par Ier Allemand. 11 en fut de même de toutes les charges & emplois ; jujqu'ah rs les naturels du pays avaient feuls le droit d'y prétendre, mais dés ce moment tout fut confié a des étrangers, & la qualité de Hollandais fut un titre d'exclufion. Que fon illuftre Alteffe me pardonne une réflexion , j'efpère qu'elle ne la prendra pas en mauvaife part ; quelle idéé peut-elle avoir des Hollandais d'après que pendant fa minorité elle n'a vu dans Jon tuteur que de la haine & peut-être du mépris pour les peuples qu'il gouvernait ? C'ejl dans ces feminiens que ce jeune Prince  C 37 3 Prince u étê élevé; c'ejl d'après les principes du Duc qu'il a du commencer ajuger les Hollandais qu'on ne lui dépeignait pas d'une manière trop-avantageufe. S. A. dok maintenant connaitre le carablère des Bataves, elle doit etre au fait de leurs conflitutions s elle doit être inftruite de ce qui peut tendre au bien général, & voir combien fon tuteur l'avait abufée. Et cela ne pouvait pas être autrenient, le Duc qui n'avait aucune connaiffance de nos loix n'était pas dans le cas d'en inftruire les autres. Si ce Duc avait mieux connu les peuples auxquels il avait affaire, il fe ferait bien donné de garde de leur témoigner un mépris aujji vifïble, & de ne mettre dans les emplois tant civils que militaires une foule d'êtrangers au détriment des naturels du pays, qui étaient les vrais héritiers & qui feuls avaient droit aux biens de leurs ancêtres; aujji lui ontils furé une haine éternelle. Les villes lui repréjentèrent fouvent leurs privileges & lui remirent plufieurs fois fous les yeux les loix du gouver- d  33 nement; il s'en trouva choqué comme il nous Papprend lui-même dans le memoire qu'il drejfa contre la vüle £ AmSterdam , ou il fe plaint qu'on veut le iraiter précijément comme un homme a gaêQu'il me foit permis d'ufer d'une nouvelle comparaijon : autre choje ejt d'être poffeffeur d'une vafte etendue d'eau ou fourmillent mille & mille poiffons ; autre chofe eft d'etre riche en fonds de terre ou en troupeaux. Vart de tendre les filets pour amorcer le poiffon n'eft pas le menie que pour apprendre a faucher la terre ou d tondre les brebis. . LesWeftphaliens font les proprietaires des terres; les Hollandais règnent davantage fur la mer. Le Duc de Brunfwick ne pouvait donc et re au fait de la pêche, & fon Pupille eleve d après fes connaifances ne devait avoir aucune idee de la mer & de la manière dont on amorce les poijjons. -Le Réeent Allemand voulait gouverner les Hollandais comme les gens de Jon pays, qui font abfolument des ejclaves,  C 39 3 & d qui le nom de libertê eft même inconnu. Car le plus petit Prince d'Allemagne, ne pofféddt-il que la moitié du terrain que cultive un médiocre payJan Hollandais , ne foujfrira pas qu'un de fes vaffaux osdt contredire fes volontés en la moindre chofe, ni même murmurer de quelque barbarie qu'il ufe d fon égard. II n'en eft pas de même en Hollande, le plus petit, le plus pauvre fujet de la République a le pouvoir de défendre fes droits & a la noble fermeté de les faire valoir, quand même il ferait sur d'être écrafépar le crédit du Stadhouder. Chei les Allemands les Ducs, Princes ou Barons font tellement enthoufiajmés de la grandeur & de la nobleffe de leur origine, qu'ils croiraient y déroger s'ils admettaient en leur converfation quelqu'un qui ne fut pas dans le cas de prouver fes quartiers, futil riche, favant ou commergant célèbre. II devait donc parattre étrange au Duc de Brunfwick-Wolfenbuttel de penfer que le Prince fon pupille devait rendre hommage aux états d'un pays ou les d ij  C 4® 3 plus Hluftres membres s'honorent du titre de marchand. Ne devait-il pas être porti d injïnuer a fon élève (ainfi que jadis les flatteurs des Rois d'Efpagne le repréfentaient d leurs maïtresj que quand il ferait en dge , il ferait bien de fe prévaloir de fa haute naiffance, fe refpebler lui-même plus que fes ancêtres n'avaient fait & ne pas recevoir des loix des états s dont les particuliers n'avaient pas d'armoiries d montrer? N'eft-il pas clair que le Vice-gouverneur üillemand ne pouvait donner d'autres préceptes? Guillaume V étant parvenu d l'dge de gouverner par lui-même & ayant pris en main les rènes de l'état , les Hollandais eurent quelque efpoir que n'étant plus Jous la tutelle du Duc , on aurait plus de juftice aux héritiers naturels , qu'ils auroient quelque part d ces biens que leurs ancêtres avaïent eu tant de peine d acquérir, & que les places & les emplois feraient remplis par les vrais propriétaires; mais ils fe virent bientêt déchus de leurs ef pérances.  € 41 3 II faut cependant rendre juftice aux bonnes intentions & d la conduite de notre illuftre Stadhouder. On peut dire que ce Prince aime les Hollandais, & on ne peut douter de fon attachement aux intéréts des Provinces-Unies ; mais les affaires allaient toujours leur train ordinaire , toutes les plus belles places fe donnaient d des flaneurs étran~ gers ,& il était fort rare qu'un habitant du pays put y parvenir, ou Jï quelqu'un réufjifjait d s'avancer d la cour, ce n'était qu'eu rampant lachement & Jè rendant en quelque jorte ejclave du Duc ancien tuteur. Mais c'eft affei nous arrêier fur tous ces objets; il eft temps de revenir d prouver que les Provinces-Unies font réellement a louer on a vendre préfèntement. J'ai indiqué dans Partiele cinquième le tableau de ce receveur qui n'a en vue que fes propres intéréts, les fuites de fa négligence deviennent très-pernicieujès aux véritables héritiers. Qu'il me foit permis de le comparer un inftant avec notre fituation préfente ;non d iij  C 423 que je foupgonne notre illuftre Stadhouder d'être dans le cas de ce procureur; je ne parle ici que fur fon emploi en général. Les Hautes-Puiffances font donc les adminiftrateurs ou tuteurs élus par les cohéritiers propriétaires ; ces tuteurs ont donné le titre de Stadhouder d un Prince puiffant; ils ont fait plus , ils Vont rendu héréditaire dans Ja familie; de forte que les vrais propriétaires fe trouvent cruellement trompés, s'il fe rencontre pour Stadhouder un homme entiérement occupé de fes intéréts perfonnels& qui s'imagine, paree qu'il eft placé d la tête de la République, en étre le Souverain & Je croit beaucoup au-deffus des Hautes-Puiffances qui Vont conftitué dans cette charge. Je le répète encore s je ne parle pas pour fon illuftre Alteffe; & je ne m'étends pas davantage fur ce point^ qui devient inutile, paree que faime d me perfuader que Guillaume V n'a aucun deffein particulier contraire au bien général de la République, & quil ne voudra pas céder en noblejfe & enfidéhté.  C 43 3 a fes généreux ancêtres. Mais je ne puis cacher mafacon depenfer fur tous ceux qui l'environnent, & c'eft a eux que je vals direclement m'adreffer. Quand ce Prince s'eft mis d la tête du gouvernement, notre marine qui fait notre principale force était dans le plus grand délabrement. Cependant au lieu d'y jonger férieujement & de travailler d l'améliorer 3 on ne s'en occupa pref que pas & on ne s'attacha qu'd augmenter les troupes de terre. 11 Jèrait inutile de vouloir dijjimuler qui eft-ce qui donna ce funefte avis; on ne peut l'attribuer qu'au Duc qui s'oppo/d toujours de toutes Jés forces d ce qu'on ftt attention au réiabliffement de la marine. Cependant toutes les HautesPuiffances, toutes les villes & même les particuliers regardaient l'équipement des vaiffeaux de guerre comme plus nêcejfaire & plus efjentiel d l'état que des armées de terre. L'expérience n'a que trop malheureufement prouvé qu'ils avaient raijon; loijque les troubles entre l'Angleterre & l'Amérique ont éclaté , notre marine  "t 44 3 eVö/f tellement dépourvue que nous n'avions pas feulement de forces fuffifantespour efcorter nos vaijjeaux mar- chands Mais S. Jl. n'en fut pas la principale caufe , nous devons en rej'etter lafaute fur ceux qui ont 1'honneur de l'approcher & qui Font féduite pour l'intérèt des Puijfances voifines d qui ils ont des obligations. Quelque vertueux , quelque bien-intentionné que foit un Prince, il eft: facile d de perfides courtifans de le gagner; car mefürant tous les cceurs fur le fien , il ne peut s'imaginer qu'il y ait des ames affei fcélérates pour trahir leur fouverain & la patrie qui les a comblés de fes bienfaits. Oui ce font ces Idches flatteurs qui n'agiffant que pour leurs propres intéréts, nous ont mis dans le cas d'être fi cruellement vexés par les Anglais. Nous avons éprouvé la perfidie de ces mortels , lorfqu'ayant pris la rtoble réfblution de nous armer , ce nefut qu'avec la dernière lenteur qu'on mit notre ejcadre en état ,& lorfqu'elle fut prête d fortir , que d'obftacles n'op-  C 45 3 pofa-t-on pas encore d fes opéraüons f On en peut voir le détail dans le mé~ moiré que préfenta la ville d'Amfterdam, Ces pères de la patrie dirent ouvertement que le conjeiller-penfionnaire de Blyfwyck s'était plaint plufieurs fois aux membres des états que c'était le Duc qui par fon influence fur l'efprit du Stadhouder nuijait fecrètement d toutes les entreprijes qu'on vouloit former. S. A. parait a la vérité nier cette affertion, & Jèmble avoir été fachée de ces fidelles remontrances ; mais ces repréjentations ne méritent que des élo~ ges ; elles font la preuve de la fidelité & du xèle des foutiens de la patrie. Plut d Dieu que S. illuftre A. eut concu pour les courageux défenjeurs de , nos droits toute l'ejiime qu'ils méritent, & qu'elle fut perjuadée qu'ils n'ont en vue que la projpérité de Ja maijon & le bonheur de Vétat; elle ne les aurait pas forgés d faire voir qu'ils Jont les maitres & les véritables propriétaires, & qu'ils ont le droit de révoquer un, chef qui abuferait des privileges qu'ils  otzï fo'e/z voulu lui accorder; mais les courtifans n'ont pas manqué d'obferver au Prince, que fon honneur était compromis, & qu'on portalt atteinte d fon autorité. Qu'en eft~il arrivé? La divifion s'ejl mije entre les plus illuftres pères de la République & le Stadhouder. Ce Prince s'appercevant que tous ceux qui étaient portés pour les Anglais, étaient haïs de tous les gens Jènfés , crut qu'il était de Jon intérêt de Joutenir les premiers. Tous les naturels des Provinces-Unies Vont remarqué. La cabale Anglaife convaincue dans fon ame , qu'elle méritait en ejfet Vhorreur qu'on avait pour elle, & Je trouvant la plusfaible, chercha d intriguer & d drejfer des embüches aux bienintentionnés, dans Vefpoir de les porter d la révolte , & de fe procurer Voccafion de partager les ejprits & d'en féduire quelques-uns, afin de ruiner & de bouleverfer tout a Jon aife le beau jardin de la Hollande. Nous ne le cultiverions plus d l'ombre de la liberté, nos privileges feraient foulés aux pièdss  C 47 3 nos franchifes anéanties, & ce ferait alors qu'on aurait pu dire, que le fonds en était d louer ou d vendre. On eut peut-étre defiré bdtir fur ce même fonds un palais de Comte pour notre Stadhouder; mais, gr ace au Ciel, nous n'en fommes pas encore réduits d ce point, nous avons encore dans notre armée de fidèles défenfeurs, des tuteurs lélés qui expoferont plutdt leur fortune & leur vie , que de fouffrir que les Bataves retombent fous le joug de fer d'un Comte, malgré que les féducteurs faffent entendre au Prince que rien ne lui ferait plus facile que de réujjir dans ce deffein. Que de remerciemens ne devons-nous pas encore dDieu, tous nos cohéritiers ne font pas aveuglés ,la partie la plus Jaine de la nation eft encore remplie de jugement & de la connaijfance de fes vrais intéréts; Vamour de la patrie fubfifte encore dans les cceurs, tous prendront volontairement les armes, au cas que les boute-feux foutiens de la cabale Anglaxfe,viennent,fous le prétexte de maintenir les droits du Stad-  C 4« 5 houder, fouffer dans nos provinces lefeu de la fédition. Hélas! que dis-je , nos adverfaires ne font que trop puiffans , &lafroide infenfibilité fait parmi nous des progrès rapides. Déja d peine peut-on fouffrir dans quelques endroits que ces jujles amateurs de la liberté prennent les armes pour defendre le bien que leur ont laijfé leurs ancêtres. On ne les dépeint que comme des ennemis particuliers de la Maifon d'Orange. On ne veut pas voir qu'ils ne font que foutenir leurs privileges , & qu'ils font également portés d defendre l'honneur de Son Alteffe & les Hautes-Puijfdnces. Les gens fenfés fe trouvent féduits ou au moins rejlent dans l'incertitude. Que s'enfuivra-t-il de tous ces mouvemens ? une haine déclarée & une révolte univetfelle dans tout le pays. _ Les auteurs font prêts, on a déja formè plufieurs entreprijes; on en a vu des étincelles d la Haye, Rotterdam a été plufieurs fois le théatre de ces tumultes. Le 9 Juin de cette année Leyden a vu le commencement d'une dange- reufe  €49 3 reu re fédition. Les féditieux criaient ouvertement: vive Orange! Ceux qui ne fe joignaient pas a eux couraient nfque d'être infultés ou maltraités ; & s'il ne s'était trouvé quelques gens Jenjés , Dieu Jait a quel exces cette malheureuje ville eut été expojée... Je le deminde encore : Qu'amverat-il, fi on parvient d Jéduire les bienintentionnés pour le jervice desHautesPuijfances? Les auteurs de ces tumulus n'auront plus de 'frein, le frère s'élevera contre fon frère, & les puifdnces voifines profiteront de nos dijcujjions pour nous faire Jubir le Jort de la Pologne... Que vous en femble , mon cher Lecte 'ur ? ne peut-on pas dire que les Jept Provinces-Unies font a louer ou d vendre préjente/nent ? On me dira peut-ëtre que les choj'es n'en Jont pas encore pouffées d cette extrëmité; mais je prétends prouver qu'oui. Si les Hautes-PuiJJdnces voulaient entreprendre de defendre eet ét at, il faudrait qu'au préalableon put faire Vinvcntaire exaEi de nos forces ; Javoir quel nombie de vaifjeaux nous  150 3 fouvons armer , ce que nous avons a craindre ou d efpérer des Puijfances qui nous entourent. Nous avons perdu l'appui de la Suède, du Danemarck, de Venife, Frédéric vient de nous donner une bonne legon, l'Angleterre fe foucie peu d'être en paix ou en guerre avec nous ; il nous faudrait long-temps délibérer avant de mettre en mer une demi-dou\aine de vaiffeaux 3 tandis que d'autres Fuif fances navales peuvent en équiper plus ie douie douiaines. L'Empereur 3 nous dit-on , veut prefcrire des loix, il appuie fes demandes de raifons qui paraiffent fondées. 11 va même jufqu'd examiner s'il eft en droit de nous faire payer des intéréts, perfonne ne dit mot, moi meme je me tais : cependant notre vaiffeau de garde s'eft retiré de Lillo 3 & S. M. I. ne cejfe pas de demander. Qjie fommesnous en ét at de faire étant divijés en dedans & attaqués en dehors ? Ne pouvons-nous pas dire avec la plus grande raijon que cette République jadis fi fio-  C5i 3 riffante eft maintenant a louer ou & vendre. Ceft-la le grand, point abluel de Javoir ft on doit fatisfaire aux demandes de Jofeph II. Ce n'eft certainement pas une petite affaire, & ce qui eft le pire c'eft que toute l'Europe eft du parti de ce grand Prince. Le talent qu'il pofsède de fe faire aimer par-tout, fait dire d tous ceux qui Vont vu & même d plus de la mottié de nos concitoyens, que ce héros eft tropjufte ou trop éclairé pour demander un pouce de terre qui ne lui appartiehdrait pas. r Si ce Prince veut renouveller Cet droits fur les fept Provinces-UnieS % au moins fur une portie , il eft facile d en prévoir le Juccès : notre pltit7tat f deja diviféen deux faötions, l défa lamoine des cczurs penche pour Jofeph. «ranfvUrS *** laJuppoftion que\e grand Empereur ambitionne de s'cmpa- ™r deja Hollande, croit-on qu'il n'a pas deja pns fes mefures pour ne pas Je declarer en vain. 11 n'a jujqu'd préJent rien entrepris qu'il n'ait exécuté, & lunivers retentit de fes fuccès. 11 ne s'expojera certainement pas d jperdre la gloire que lui a déja obtenu la reujfite de tous ces dejfeins. Quclles reformes n'a-t-il pas opérées en moins de quatre ans dans Jes vaftes états , Cf dont l'exécution était plus difficile que de fe rendre maitre d'une partïe de la Hollande. Tous Jes projets pou'vaient avant leur exécution paraitre extraordinair es & même impajjibles 3 il en eft cependant venu d bout lil a tenu ferme & a dijfipé tous les obftacles. Qjie pourrions-nous lui oppofer ? Jet,tons encore un coup-d'ceil jur notre ft-  t 55 3 tuation politique. II faüdraït d'abord que les états particulier s des fept Provinces-Unies fuffent Hés enfemble par les nceuds de 'la concorde; il faudrait que toutes leurs vues ne tendiffent qu'au bien général, qu'ils ne s'amufaffent pas d dijcuter les droits & les prerogatives des provinces refpeclives , qu'ils réglaffent les affaires J eer ét ement & avec promptitude, que les Puijfances exécutrices fuiviffent fidellement leurs ordres , qu'on eut en tout temps une flotte bien équipée, & que les troupes de la République fuffent Jcrupuleujement exercée.s. C'eft d'après toutes ces précautions que les Hautes-Puijfancespourront faire relpecter leur j'ouveraineté ; mais conbme malheur euj'ement nous ne voyons aucune de ces dijpofitions , il faudm bien céder au plus fort: que pourrait-on refufer d un Prince qui fait Jes demandes a la tête d'une puifjante armee. Quandje dis que toutes les affaires fe traitent d'une manière contraire d nos intéréts, fe Pappuie par des fait s: On traine tout m longumr, il ity a  €56 3 plus de fecret dans les délibérations ; on peut apprendre dans les cafés ce qui doit Je dire le lendemain dans le Confeil des Huutes-Puiffances ; on' Jait tout ce qui concerne les flottes & les armée's de terre. Le Stadhouder qui eft la puijfance exécutrice & qui devrait lui-même Juivre les ordres des Hautes-Puiffances, fe repoje tout entier fur les 'joins du Duc de Brunjwick ; il ne nous refte plus rien de notre ancienne conftitution & de cette faine politique qui Jerait Ji néceffaire dans cette circonftance;nous n'avons plus que le Jöuvenir de notre ancienne gloire, nous ne la recouvrerons jamais. Plaife d Dieu 3 que ce pronojlic Joit mal-jbndé. Quel état plus trifte que la notre ! quel abime s'ouvre devant nous fi nous ne pouvons fatisfaire aux demandes qu'on nous fait de toutes parts! Ne ferons - nous pas contraints d'afficher notre République a louer ou a vendre préfentement? En effet réunijjbns fous un feul point de vue toutes les prétentions des Coups  57 étrangércs, & nous verrons fi nous ne ferons pas forcés de vendre le fonds pour acquitter les dettes. V'Angleterre demande qu on l indemnije des préjudices qu'elle pretend avoir Joufferts dans la dernier e guerre, Venife demande r ai fon de l'embargo qu'on a mis fur fes vaijjeaux, & qu ou la dédommage du retard que Jesjnarchandijes ont éprouvé. LeRoi dePmJJe veut qu'on paie au Stadhouder des domma*es & intéréts, & qu'on luifaffe des réparations pour les honneurs cj les prérogatives qu'on a ofé dijputer a Ja Mailon. La France n'a pas encore declaré ce qu'elle exige pour les Jervices au'elle a rendus dans la guerre contre VAngleterre; mais on peut fuppojer que pour la Jatisfaire , ü nous encodtera une bonne partie de nos pojjejjwns dans l'Inde. L'Empereur Jojeph dans les 14 articles qu'il préjente , demande la démolitiondes places fortes de Flatidre & de Brabant, & l'évacuation de ces villes qui nous fervaient de barrière cV qui étaient véritablement la defenje de nos états ; une partie de Bois-le-  C5S 3 Duc, Ia reftitution de Pafte! & de toutes les terres qui dépendent de l'Abbaye de ce nom; la ville de Maeftricht avec le Comté de Vroenhoeven, '& fon temtoire d'outre-Meufe; tous les frais & dommages qu'ont occafionnés le refus des fUfdites places; le montant dit profit que S. M. I. aurait pu en tirer , 6" enfin une fomme de 337^-6 fl. dont la République eft redevable d pluJieurs corps ou particuliers depuis l'année i7o9 jufqu'en 1746. Jojeph 11 demande encore, la liberté de l'Efcaut, & par conféquent Ventree de nos états. Ae s'enfuit-il pas que nous fommes d l agonie & que notre pays eft avec raifon a louer ou a vendre préfentement ? Mais, me dira-t-on peut-être , il ne Juffit pas que S. M. I. expofe de pareilles prétentions, il faut voir auparavant fi Jes droits font fondés: d cela je répondrai par la bouche de la plus grande partie de nos concitoyens, comme j'ai déja dit que c'était leur penfée, que ce grand Prince eft trop éclairé & trop jufte pour exiger un pouce de terre ou un doublé qui ne lui appartiendrait pas.  C 59 3 u4.il refte ce n'eft pas ici la queftion; dans notre pofition préfcnte , il nous eft indifférent d'agiter fi nous fomm.es redevables d VEmpereur ou non ? il faut demander ce que nous avons d objeSter d un proces verbal, figné de quatrevingt mille hommes ,qui font juftement le doublé de ce que nous pouvons mettref ur pied. Je crois que cette pièce eft très-forte & peu fujette d des difcuffions qui feraient inutiles. 11 eft de même dans les caufes civiles , quand on vous fait fignifier des prétentions réelles ou même imaginaires, ilfaut que vous aye^ d'abord dy oppofer des titres d'égale force, finon notre adverfe partie eft mife provifoir rement en poffeffion de Varticle contefté3 ou on commence par nous faire exécuter & expofer nos biens d louer ou d vendre. C'eft-ld notre fort... Plut d Dieuque Jofeph II foit le locatairè, Vacheteur ou Vexécuteur de nos terres! C'eft ce qui pourrait nous arriver de mieux; au refte il faut attendre Vévénement. F I N.