O 61 1099   DES AVANTAGES E T DÉSAVANTAGES D E L'ÉDUCATION tant publique que privée. h UTRECHT, Chez B. WILD & J. ALTHEER. MDCCXCIV,   A MESSIE URS les DIRECTEURS de la societe des arts & des Sciences de la Province d'U T R E C H t. J^ecevés mes fincères remercïmens de ce que vous avez bien voulu agréer la dédicace de ce petit ouvrage , il eft juste que je vous 1'adreffe puisqu'il eft le fruit d'une queftion que vous avez pro-  pofée, queflion la plus intérefTante qu'il foit poffible de faire pour le bien de 1'humanité, & pour laquelle les hommes de tous les pays , mais furtout vos Concitoyens vous doivent la plus vive reconriaislance. Je faifis avec empreflement cette occafion pour vous affurer du profond reipe& avec le quel j'ai 1'honneur d'être Messieurs Votre trés h. & ob. ferv. N. N.  P R É F A C E- Cette diflertation a concouru pour le prix propofé par la SociETé des Arts & des Sciences de la Province d'Utrecht, mais comme elle n'a pas été couronnée , 1'auteur la revue, corrigée & confidérablement augmentée , il efpère qu'avec ces changemens elle pourra être de quelque utilité, c'eft dans ce but feul qu'il en hazarde la publication.  FAUTES a CORRIGER. Page 7 ligne i & 2. gravées, egratignées, iisez gravé, égratigné. Page 26 ligne a». étudie volontiers, lis. étudie plus volontiers. Page s° l'6ne 20, Gondé lis Gaudi. Page 30 ligne 2 a. guere lis guerre. Page 31 ligne 6. Pyreé lis. Pyrée. Page 31 ligne 25. de battre lis. de faire battre. Page 32 ligne 1. unifent lis. nuifent. Page 48 ligne I. verre lis verra. Page 40 ligne 21. & dans le nombre ïl fe trouve hs il fe trouve dans le nombre. Page ligne 5- beide Hs by de Page 62 ligne 18. La Chalotais, lis La Charlotais. Paye 62 ligne 22. O /«. Bacon. II y a encore plufieurs fautes, comme des accents & des ponduations mal placés ou qui manquent &c, maïs il fera facile au lefteur de les reftifier.  DISSERTATION s u 35. les AVANTAGES et DESAVANTAGES de L'EDUCATION, Tant publique que privée. QUEST10N. Welke wyzs van opvoeding is de meest verkiefely ke? eene publicque of eene buizèlyke? welke zytt de voordeden en gebreeken van die beyden'i is et eene wyze van opvoeding, welke de voordeden van beyden, met uyt/Iuiting van derfelver nsdeelen bevat ? (A la quelle des deux éducations doit on donner la préfèrence? a la publique ou a la privêe? quels font leurs avantages & défavantages? pourrait-on trouver un mode d'éducation qui renfermat tout ce qu'il y a d'avantageux dans les deux, en évitant leurs défauts?) "Vous venez, honorables Meflieurs, de publier ce programe, je fouhaite de tout mon coeur qu'il fe trouve des perfonnes a même de répondre per» A  c * ) tinemment a une queflion, qu'il eft plus difficile de developer que 1'on penfe, c'ett ce dont conviendront aifément avec moi, les Pères qui ont été bénis d'une nombreufe familie, & qui fe font donré la peine de fuivre fon éducation; & tous ceux, qui ont paffé une partie de leur vie , dans Ia pénible & épineufe fonclion d'élever la j;unelTe, & qui ont aimé leur vocation. Welke wyze van opvoeding is de meest verkiezelyke? eene publicque of eene buyzelyke? &c. Je n'héfiterais pas de donner la préférence a ia publique, fi elle était dirigée comme elle devrait 1'être, maïs malheurcusement il n'y a pas de nos jours, d'établiffemens plus négligés, que ceux deftinés a 1'inftruction des 49 cinquantièmes parties de 1'efpéran» ce de la patrie, par le peu de foin que 1'on porte en génèral au choix de maïtres éclairés, intelligens & de moeurs irréprochables. Pour fe convaincre a qucl point les écoles quelconques, repondent peu au but des Parens, il n'y a qu' a les parcourir & en interroger les disciples. — II règne dans les études qu'on leur fait faire ure monotonie qui les jette reccffairement dans F indolence & le dégout. Loin d' infpirer du gout pour les fciences & les arts , 1' ennui & la féchereffe qui accompagnent partout 1'étude, donnent de la répugnance pour les élèmens de mus les arts & de toutes les fciences , auffi rien n'ett plus ordinaire que de voir les jeunes gens abandonner teute leéture au fortir des colléges,  C 3 ) & de ce qu*on appel le ici les études. — Com« parons la fumbre obfcurité des clafles a la gaietê du Portique & du Lycée; chez les grecs les jeunes gens fe promenaient, ils prenaient dans les mêmes lieux & en même tems leurs lecons & leurs ébats. Dans nos colléges & penfions, nul a- mufement pour des efprits qu'il faudrait réveillef & réjouir par quelque diverfité & des études agréables. Un des grands vices de nos colléges, c'eft le dé faut presqu'abfolu d'inftruclion morale & politique, 1'éducation qu'on y recoit ne tient point a nos moeurs corame celle des anciens; au fortir des claffes & fouvent de Pacadémie , Ia jeuneffe fe trouve dans la néceffité d'apprendre en quoi con« fiftent les devoirs cornmuns a tous les hommes , elle n'a recu aucuns ou peu de principes pour juger des adions , des moeurs, des opinions , des coutumes &c. „ Ce n'efl: donc pas fans raifon que „ 1'abbé Mann, dans une differtation de Ortu na„ tura & progrejju pbilofopbia moralh\ recomande ,5 fi fort 1'étude de la doclrine des moeurs, e i „ d. de la philofopbie morale , difcipline, qui ap„ prend a diftinguer le jufte de Pinjufte, qui d'a„ prés les lumières de la raifon dirige les aólions „ hurnaines, felon les régies de la juftice de 1'hon-. „ neteté & de Ia décence, & qui par cette route, „ conduit les hommes a la félicité naturelle. Le „ théologien, Ie jurisconfulte, le méJecin, cora» „ mencent oü la morale finit; quelle eft donc 1'erA 3  ( 4 ) „ reur de ces jeimes gens, qui a peine imbus des j, principes de la logique (& trés fouvent pas du „ tout 0 s'elancent tout d'un coup dans le Sanctu„ aire des loix ou d'autres fciences, & fe promet„ tent de grands fuccès, fans avoir étudié le droit „ de la nature des gens. Celui la feul cepen„ dant eft vraïment dofte, qui puife les vérités „ dans leurs fources & non dans des ruiffeaux & „ des veines éloignées & fouvent impures. < „ L'abbé Ivlann déniontre que la pbilofopbie morale „ furpafie touces les autres Sciences naturelles en „ excellence & en utilité , puisqu'elle feule en„ feigne aux hommes le chemin du vrai bonheur; il blame ceux qui la negligent ou qui 1'oublient, „ & leur applique cette penfée d'Euripide, „ II „„eft indigne a 1'homme de lavoir discourir de „„ toutes les chofes divines & humaines, de ce „„ qui eft, & de ce qui n'eft pas , tandis qu'il „„ ignore ce qui eft moralement juste,"" Je quitte cette digreflion & rentre en matière. Une bonne éducation publique , eft cependant le moyen le plus efficace & le plus fur, de conferver la conftitution d'un gouvernement, on peut alors élever la jeuneffe, felon Pefprit de cette conftitution en lui infpirant 1'amour delapatrie; chez • tous les peuples, Popinion publique eft la plus grande force de 1'état, fon influence, foit pour le bien foit pout le mal, eft trés puiffante, & il n'y a qu'une éducation publique, réglée par le magiftrat & par la loi, (& non par le caprice de quel-  C 5 ) ques reéteurs, régens ou maïtres de penfion igna- res, bourrus, morofes ou pédans,) qui puiffe pro- duire eet effet. Je parle de 1'éducation publique telle qu'elle devrait être, & non de celle d'aujourdui, qui eft un monftre, ou plutöt, on ne peut pas dire qu'il y en ait une actuellement, car elle dépend, je le repéte du caprice & de 1'impéritie de mille maitres igna- res; presque tous les enfans font ou devien- nent vicieux & reftent ignorans entre leurs mains, inconvéniens auxquels 1'éducation pariculière n'eft pas aufli fujette de nos jours, parceque les jeunes gens qui font furveilïés chez eux, pour peu qu'on ait eu foin de faire un bon choix dans les gouverneurs, & que ceux ci foient appuyés & aidés parles Parens, ne peuvent manquer de faire des progrès. Mais quelqu'habile que foit l'inftituteur au quel on a confïé des enfans, quelle confiance qu'on ait en lui, les pères & mères doivent toujours s'enquerir foigneufement des progrès des élèves, qui en deviennent par la plus foigneux a remplir leurs devoirs, & par la même plus fouples & plus obéïïfans envers leurs inftituteurs. Tout ce qui tient au raifonnement dans les écoles yeft nul, les jeunes gensyfont de vrais peroquets, aux quels on fait reciter d'utie manière bien fuperficielle, quelques demandes fur la religion , fur les langues, 1'hiftoire & la géographie , & cela avec fipeu de gout , fi peu de juftefïe, que la jeuneffe en fortant d'entre les bancs de 1'école, n'oublie A 3  C 6 ) rlen aufli vite, que ce que 1'on a, non giavée* mxs égratignées dans la mémoire. Ces défauts i encoré les moindres que 1'on ait a reprocher aux écoles de nos jours, du moins au plus grand nombre; les m&ïtres, la plupart pedans & fans éducation, n'ayanttrès fouvent que des notious fort min» ce« de ce qu'ils doivent enfeigner, faifant de leur vocation un pur n<étier, ne pari ent que bien rare» ment (& ce nombre eft petit encore) au coeur & ft 1'efprit des jeunes gens, qui fortent donc des écoles, Fefprit & le coeur non formés, ce qui eft ce» pendant le vrai, le grand but de 1'éducation. De la , reflue dans la focicté ce torrentde vices 6c de défauts que le jeune homme & la jeune rille y apportent, tels que la difïïmulation , le ruenfonge, les juremens, 1'égoïsme & la coquetterie, & comme tous les vices font enchajnés les uns aux autres, la conféquence eft facile a tirer. Un bon maïtre doit être plus intelligent que favant, (Z>) il ne doit être ni colère, ni pedant, ni avare; tout maitre qui croit fe donner du reliëf par le pedantisme, fe trompe grofüerement, il tombe dans le ridicule, rien n'échape aux jeunes gens, fur (£) Je voudrais auffi qu'on fust foigneux de lui choifir un condufteur, qui eust plus tot la tefie bien faicte, que bien pleine; & qu'on y requist tous les deux, mals plus les moeurs & i'emerjdement que Ia fcience. Mm-  C 7 > tout ou ily en a un grand nombre, parceque 1'undecouvre a coup fur, ce quel'autre n'appercoit pas, & dés lorsplus d'égards, plus de refpeft, fi rióceffliires a un msitre pour maintenir le bon or.lre & la fubordiuation dans fon école , & affurer les prog'ès de fes élèves , s'il fe donne du Tkiicule. Un homme poné a fe mettre facilement en colère, outre le pernicieux exemple qu'il donne, eft aveugle dans ces momens, il chatie trop ou ma! a propos, & fi une brute s'appercoit quand on la chatie acontre-temps & s'en venge fouvent, a plus forte raifon Pinjuttice n'échapera t'elle pas a un être raifonable, on fent aiférnent les facheufes conféquences qui peuvent en refulter: Obeft plerumque iis qui discere volunt, indok: eortim qui docent, Un bon maitre ne doit & ne peut pas être avare, ce vice infiue néceffairement fur les fots - iruïtres qu'il choifit, fur les domeftiques, fur la nourriture fur la propreté en génèral, fur 1'emplrcement de' fon école, enfin fur mille objets. Un fous-maïtre choifi par 1'avare , & dont le choix n'aurait pns été üirveillé par Ie Magiürat, ou le confeil d'éducation dont jeparlerai plus bas, eft tel , que le maitre prend ce qu'il peut trouver, il ne s'informe pas même fouvent de queile religion il eft., a plus forte raifon portera t'il encore moins 1'oeil fur la conduite pnsfée, fur fes moeurs, fon caraétèie, fa capacité & fon age. Le nombre des domeftiques n'étant pas fuffifant pour vaquer a tous les fervices qu'exige néceffairement une école, il eft des malrres qui ne A 4  C 8 ) rougifienr pas de remettre aux fous-maïtres les emplois les plus vils; j'en ai connu qui étaient chargé? de peigner les écoliers, de balayer 1'école, d'allumer le feu, de netoyer les fouliers &c. un enfant peut il avoir du refpeét pour un tul homme? & s'il ne refpecte pas le maïtre qui 1'enfeigne, quels feront fes progrès ? nuls, a coup fur, 1'écolier n'écoute pas un homme qu'il ne confidère pas. Comment encore, le fous-maïtre mal payé» peut-il prendre a cceur 1'avancement moral & phyfique des jeunes gens qui lui font confiés ? s'il travaille en manoeuvre, en mercenaire, fon humeur doit s'enresfentir, & influer par conféquent fur les punitions qu'il infiige, fur les foips qu'il doit prendre &C. II faudrait choifir pour fonder les écoles desemplacemens fpatieux, bien airés, accompagnés d'une vatte cour pour y faire prendre de 1'exercice aux écoliers, au moins une heure par jour. — J'entends fouvent dire que 1'espèce humaine fe dégrade, s'affaiblit, s'éfFémine, il y a du vrai, cela vient en grande partie de ce que 1'on ne fait plus prendre asfés d'exercice aux jeunes gens. — Qu'on les exerce £ la lute» (*) a U courfe, au faut, aux armes, a (*) Les jeux ïnêsuies & les exercices feront une bonne partie de l' estude, dit Montagne, la courfe la lufte, Ja ruufique la danfe &p. C'eft merveille corabien Platon fe montre foigneux en fes loix de la gayeté & pafletemps de. la jeuntffe de fa cite", & comblen il s'auéte leurs  C 9 ) jetter au loin un disque, un gros & pefant Mton, une groffe boule comme au jeu de quilles, cela leur donnera un bras nerveu. Cc) Qu'on les faffe auffi baigner, qu'on leur apprene a nager ; mais comme les eaux dans les 7 Provinces font d'ordinaire bourbeufes, qu'on fe contente dans les écoles qui ne font pas dans le voifinage de la mer ou d'une belle eau, de plonger, de laver les écoliers du moins pendant 3 mois de 1'année, & de deux en deux jours, dans de grandes cuves; l'eau eft le meilleur des toniques, le corps des enfans en fe fortifiant donnera de ï èlaflkitè a leur efprit & a leur ame. „ II eft certain dit le chevalier Filangieri, que „ 1'on négligé fingulièrement 1'éducation phyfi„ que de nos jours; le Crétois, le Grec, le „ Romain, ne reffembliraient-ils pas aujourdui a „ des hommes d'une efpèce différente de la nötre? 9, II n'eft peut-étre pas dans toutes nos armées mo- courfes, jeux &c. — des quelles il dit que 1'aniiquité a donné la coi duite & le patronage aux Dieux mesmes. (f) Montaigne , dont je voudrais pouvoir transcrire tout Ie chapitre 25, parcequ'il efl: rempli de judicieux, d'excellens confeils fur 1'éducation, s'exprime ainfi a ce fujet. „ Ce n'eft pas alTés , de roidir l'ame d'un en„ fant, il lui faut auffi roidir les mufcles; l'accouflu„ mance a porter le travail, eft accouftumance a porter la douleur: labor callum obducit dohri, il )e faut „ rompre a la peine & afpreté des exercices pour le „ drefler a la peine & afpreté des maux. &c." A5  „ deroes, un feu! homme, qui put fe faire aux ex„ ercices de la phïlange greque ou de la légion „ romaine, fupporter le poid de leurs armes, de „ leurs bagages & de leurs vivres , ou reflftet a „ leurs longues & pénibles marches? — Mais j'ap„ percois en partie, continue-t il , ce qui y a le „ plus contribué, ce font nos arts qui -ont tout per„ fectioné, excepté 1'efpèce humaine, ils ont don„ ré aux machines 1'énergie des hommes, & ont „ transformé les hommes en machines, un enfant, „ de nos jours, fait plus d'effet avec fon fufil, ,, que la ftonde & lejavelot, qui demandaient un „ bras nerveux, vigoureux & habile — Enfin quoi „ qu'il en foit, peribnne n'ignore 1'influence que „ le phyfique a fur le moral; que 1'on corrige 1'é„ ducation, les moeurs, les loix & le corps du ci„ toyen fe perfectioneront avec fon efpiit, & s'd „ n'a pas befoin de cette fuperiorité fur le champ ,, de bataille, (ce qu'a Dieu ne plaife) il en aura „ une plus précieufe en teras de paix, il fera moins „ pauvre & plus heureux." Un abus des colléges & des écoles, oü, pour le le nombre des disciples il n'y a pas affés de maitres, c'eil qu'on rejette toute la peine &- le travail fur les enfans, ils doivent travailler fans doute, mais les maitres doivent travailler avec eux, les foulager & leur aider a avancer; fans quoi les écoliers perdent beaucoup de tems a fe préparer & le dégout s'en fuit néceffairement. 11 ne devrait donc pas être permis a un maitre de penfion d'avoir un certain nombre d'écoliers fans de bons furveillans; d'ail-  leurs encore, une indifpoficion, des affaires, peuvent appeler le maitre a s'abfenter > les jeunes gens mal furveillés, ou livrés a eux mêmes pendant des heures entières, fe corrompent reciproquement, ils s'apprennent les uns les autres des juremens , des mots obfcênes, des manières lubriques, & trop fóuvent a fe mafturber; il faudrait pour éviter d'autant plus furement ce dernier vice, que chaque jeune homme eut fon lit a part & qu'on ne leur permit d'aller a la garde robe que 1'un après 1'aucre. — Ce que j' expofe dans ce paragraphe eft un des plus grands inconvéniens de 1'éducation publique, & il n'eft pas petit, mais il eft poffible d'yparer, fi les maitres font vigilans, a&ifs, & furtout fi on necherche pas a économifer fur les fous - maitres- L'on fent combien il eft donc néceflaire que le magiftrat tienne la main a de femblables étabhlTemens. Je voudrais que dans toutes les écoles, on eut un efpèce d'uniforme (J) tant pour les perlïonnaires que pour les externes, cela bannirait ou contribuerait a bannir d'entre les jeunes gens, cetefprit d'orgueil, & de 1'upériorité qu'ils attachent fouvent aux beaux habits; on ferapproche. on fe lie d'avantage quand on fe voit habillé de la même étoffe & de la mêmecouleur, cela eftfurtout effentiel dans une république, ou tous les hommes d'un certain rang, C^) Comme dans la plupart des Jnfiituts en Alleraa' gne, tant de filles que de gar9onsj ce fer»it d'ailleurs un objet d'économie.  C 12 ) font fenfés & doivent être plus égaux, que dans 1'état oü un monarque peut ennoblir, élever, enrichir & abaifler qui bon lui femble; enfin 1'ordre d'un établiiTement public demande , qu'il y ait le moins poffible, & même aucune diftinclion entre les jeunes gens, ne font-ils pas tous enfans de la même patrie? n'y vont-ils pas tous dans le même but ? celui de contribuer au bonheur de leurs concito» yens , de leurs families & de fe rendre heureux eu< mêmes. Un inconvénient qui fe préfente encore dans les écoks publiques, ce font les vacanccs, pendant les quelles les jeunes gens font livrés a eux mêmes, ou peu furveiüés dans plufieurs maifons; il faudrait pour y parer, qu'il y eut trés peu de féries, plus longtems un enfant eft abfent de 1'école, & plus il y retourne recalcitrant, revêche, & peu difpofé a fe remettre a 1'ouvrage. On devrait bannir des écoles les préfens en bonbons & en fucreries, que les mères ont accoutumé de faire aux enfans, outre que ces délicateffes gatent les dents& l'efiomac, elles ne peuvent être que des fujets de gourmandife, d'envie, de jaloufie, & fouvent de haïne pour les écoliers, entre les quels il eft de la plus grande importance d'entretenir la paix, la concorde, 1'amitié & 1'union; fi un écolier recoit des bonbons, il les partage , s'il en donne plus a 1'un de fes camarades qu'a 1'autre, comme cela arrivé d'ordinaire, il fe fait des ennemis , le gourmand deviendra flatteur auprès de celui qui iecoit fouvent des gourniandifes, & fi celui ci garde  ( 13 ) tout pour foi, cela dénote une ame rétrécie, un égoïfte, & les bonbons font plus propres a enraciner toujours plus ce vice dans le coeur, qu'il n'eft poffible d'y porter reméde quand on Fa découvert. II devrait y avoir dans chaque êcole une biblio thêque de livres amusans & inftru&ifs, on en aaftuellement d'excellens en tous genres & pour tout age. Newberi (e), WeiJJe & Mif. Trimme, Berquïn, Campe, Bafedow, Salzmann, Raf', Perponcber, van Alphen, Beaumont, Genlis, la Fite & nombre d'autres perfonnes, y ont travaillé comme a 1' envi & en plufieurs langues; les jeunes gens y auraient recours dans leurs heures de loifir, & ils prendraient ainfi infenfiblement le gout de la lecture; he! combien Fémulation des enfans ne ferait elle pas excitée par celle des vies d'enfans célèbres"? (/) (i?) The philofophy of tops and Balk; Newbery » encore ecrit plusieurs autres ouvrages pour les enfans. (e) Baillet en a fait un livre en France, mais fon esemple n'a pas été fuivi que je fache dans ce pays, une hiftoire en ce genre ne manquerait pas de materiaux dans les Pays-Bas. Grotius faifait des vers latins a 8 ans; J. Lipfe né a Isch prés de Bruxelles, fit a o ans des poémes, a 12 des discours, a 19 fon ouvrage intitulé Vari plit a 18 ans la chaire de grec a Leide ; Boerhave favait le latin, le grec et était verfé dans la littérature  C H ) Je voudrais que les maitres & fous-maitres, s'entremelaffent avec un ton de bonté dans les jeux des jeunes gens, fans paraïtre vouloir les gêner; a n ans; a 15 ans on chargea Van Effen de 1'éducation de jeunes Seigneurs; 's Gravefande commenca a 18 ans fon effai de perfpective, le meilleur peut-être qui ait paru fur cette matière, cela fuppofait déja un tréfor de connalflances & d'obfervations profondes; Alhinus était lefteur en niédecine è Lefde a 19 ans * de nos jours, Ie Prof. P. Nieuwland, (il me pardonnera fi je le nomme, fon exemple ailumera peut-être dans Ie coeur d'un de fes jeunes compatriotes le defir de l'imiter;) on lui propofait pendant qu'il était occupé il jouer avec un cercle, un problême de mathématiques, & fans discoutinuer fon jeu il le refolvait. Ces exemples, & nombre d'autres, pris dans la patrie, font plus propres a exciter une noble émulation dans le coeur du jeune Batave, que Thiftoire de ces enfans prodigc-s tels qu' Hermogéne le rhêteur, Heinccken de Lubek, ou Pic de la Ml' randole que 1'on voit ne pouvoir jamais imiter. Qu'il naiiïe outre cela un Plutarque hollandois, & des ceudres des grands hommes dont il célébrera les falts, il naitra des hommes qui feront honneur a leur nation & a 1'humanité. Je n' ignore pas que la plupart de ces vies font déja écrites, mais elles ne forment pas un corps complet, mais peu font écrites avec eet efprit phiIofophique & moral, qui eft abfolument nécelTaire a 1'his» toire pour qu'on la life avec fruit, & c'eft cependant cela feul qui met du prix a Plutarque & a tous les autres bons hiftoriens & biographes. Enfin il eft in-  C 15 ) on apprend bien mieux alors, que lorsqu'ils font fur les bancs de I'école, a fonder leur coeur & a conm.ir.re leur caractère. Tout fe paffe d'ailleurs mieux dans 1'ordre & on en contrafte ainfi infenfibloment 1'habitude. Ou devrait avoir dans lesécoles des jeux de dames, d'échecs, d'hiftoire, de géographie &c. pour y avoir recours dans les longues foirées d'hiver, ou dans les jours de mauvais tems, les premiers exercent 1'imagination & ceux ci la conteftable, que rien n'eft plus propre que la lefture de 1'hiftoire, & furtout celle des grands hommes ou de leurs éloges pour faire éclore les inclinations & les talens d'un jeune homme , & donner eflbrt aux étincelles que fon efprit & fon coeur recellent; c'efl ainfi que Pascal devint géomêtre. Tycho-Brahé aftronome; Des Cartes philofophe; Tournefort botanifte; que Carache enfaut était frappé de ce qu'il entendait dire de Raphaêl. Homère forma Krgik & Q. Curce a rempli Charles XII d'enthoufnfime. Un maitre intelligent fuit les progrés & les fympathies, en avertit les pères, qui s'ils veulent bien faire, vouent autant que les circonftances le permettent, leurs enfans i la vocation a la quelle ils ont le plus de gout & d'aptitude ; quels avantages n'en rerulterait il pas pour Ia focieté I c'eft ce qui a fait dire a Montaigne d'après Platon, qu'il faut colloquer les enfans, non felon les facultés de leur père, mais feIon les facultés de leur ame ; & que le jeune homme qui a les inclinations bafles, doit être mis, quand il n'y a Plus de remède, patisfier dans quelque boune ville, fuft-ilfils d'uu Duc  ( 16 ) mémoire; j'en bannirais les cartes; les maitres dé* vraient fe mêler dans ces jeux ci, comme dans ceux d'exercices, tels que levolan, la peaume, 1'arc, les quilles, 1'escarpolète, le faut a la corde &c. on objecten peut* être qu'il y a pirmi ces jeux des cas dangereux; celui qui n'a pas vu de dangers ne 'faura jamais les éviter dans le befoin, il en aura une peur, une frayeur pufiüanime; je veux donc que les maitres aiïiftent aux jeux pour apprendre aulfi aux jeunes gens a être prudens. Les jeunes gens ne doivent abfolument 'rien manger en cachette hors des repas; ils aiment paffionémenc les fruits, ils en mangent fouvent de mal murs, par conféquent de malfaifans ; il importe donc beaucoup que les écoliers foyent bien furveillés, & qu'on ait dans les écoles des domestiques fidèles. Je fuis d'avis qu'on faffe faire aux jeunes gens de fréquentes promenades, furtout le matin en été, & dans 1'aprés dinée en hiver; on ne doit nullement ménager le froid, il fortifie, on doit accoutumer la la jeuneffe aux intempéries de fair, mais les écoles doivent être bien chauffées, 1'écolier qui fouffre du froid ne peut pas travailler de bon coeur; on aura foin d'en renouveler Fair, le matin , a midi & le foir, airfi que des autres appmemens. 11 ne faudrait pas que chaque dortoir contint plus de 6 a 8 lits , d'une perfonne feulement, chaque chambrée devrait avoir un furveillant; chaque écolier doit avoir un effuyemain pendu a fon lit, une jatte, un verre, une bouteilled'eau, une broffepour les  ( >7 ) les dents & un peigne; le fous-maïtre veillerólt foigneufement a ceque chaque jeune homme fe lavftt bien les mains, le vifage & fe hetoySt les dents, il devrait auffi faire rincer la bouche avant de fe coucher ; il eft étonnant combien 1'on négligé cette pro» preté dans ce pays, & furtout dans les écoles, de la cette grande quantité de dents gatées qui déparent Ia bouche & triturent mal la nourriture, ce qui influe fur la fanté. Que 1'on ne cherche pas k pallier fa faute a eet égard, que 1'on ne rejette pas tout fur Fair & le fcorbut; fi leshabitans de ce pays favent conferver des meubles, des uftenfiles, lesfacades de leurs maifons en lés lavant fouvent, iplus forte raifon conferverait-on les dents jusques a un age avancé, fi on avait foin d'en e.^tirper le tuf, cette rouille, cette boue qui en corrodant Fémail, donne par la prife aux animalcules qui s'introduifent ainfi dans 1'intérieur de la dent. — Chaque écolier doit peigner lui même fes cheveux, il n'en faudrait point de coè'ffés dans les écoles; il y auroit un jour de chaque femainedeftiné a leur faire laver &décraffer la tête, par un domeftique homme & non par une femme, a dix ans les fens ne parient fouvent déja que trop, & malheur au jeune homme dont les paffions s'allument fitóf, il s'adonera a coup für tot ou tard a la mafturbation, j'en pourrais citer plufieurs exemples. Un maitre doit mettre le plus grand foin a ne prendre dans fa maifon que des domeftiques d'un age mur & d'une condui • te irréprochable, B  C 18 ) „ Je trouve qu'en génèral on donne trop peu de ,, foins aux quatre ou cinq prémières années de ,, 1'enfance, toute 1'attention fe termine aux befoins -, du corps; on ne fonge point que c'eft dans ce „ temps que les organes achevent de prendre cette ,, confiftance qui prépare les caraflères & même les ,, talens." Notre ame eft un compofé de force & de faibleffe, elle veut s'élever, s'aggrandir, mais elle veut le faire aifément & avec plaiür, il faut donc 1'exercer de bonne heurc, mais nepasl'exercer trop. Tant que 1'ame ne 1'exerce que par le fentiment, c'eft le goüt feul qui la mène, elle ne délibére point, parceque 1'impreftion préfente Ia détermine, il faudrait donc commencer a ne lui pré. fenter, qu'unefuite d'objets capables de ne produire que des fentimens agréables &doux, & lui dérober la connpïsfance de tous ceux qui la jetteraient dans rïmpatience ou la trifteffe. Onformerait par la peu a peu dans 1'homme dès fa plus tendre enfance 1'habitude de la gayeié qui fait fon propre bonheur, & celle de la douceur qui doit faire celui des autres. La joie accompagne toujours un coeur bienfaifant, c'eft par elle que 1'ame s'épanouit en quelque forte, & répand fur ce qui 1'environne, le bonheur dontclle jouit, au lieu que la trifteffe qui ronge le coeur, le porte a Ie vcnger fur les autres de Ia douleur qu'il reffent. C'eft cette conviction fans doute qui fait dire a Ballexerd, c'eft être vraimenc père que d'élever fes enfans dans la joie & dans la gaieté, en même tems qu'on leur fait aimer & pratiquer la ver-  C 19 ) til, car Ia gaieté repoufle efficacement. une foüló de maladies, & de vices aurait-il pu ajouter, qui atfligent 1'humanité. On doitinfpirer debonne heure fbumar.ké aux j, enfans, c'eff. cette vertu qui avait porté Ie bon ,, Socrate a fe lier d'afFection avec tout le genre hu„ main. II eft d'autant plus néceffaire de faire de ,, cette affection univerfelle un article a part dans „ 1'éJucation, que celle qu'on donne d'ordinaire, i, tend a inculquer des fentimens directement opi, pofés a cette vertu. En Efpagne un jeune en„ fant fait méprifer les Francois & les Portugaisdès 4, qu'il commence a bégayer, en Portugal" & en „ France les enfans ne tardent pas plus long tems h * maltraiter les Efpagnols; on connolt Ie fouvej, raio mépris qu'un Anglaisa pour les individus djS toute autrenation que la fienne,il fe croitl'hom-. „ me par excellence, le mignon des Dieux &c. i, Cette coutume inhumaine a paffé du continent ö, dans les ïles, oü elle a été fort bien recue, & en „ cela les enfans ne font qu'imiter leurs pères, car presque chaque peuple fe fait une habitude de i, baïr fes voifins, & de regarder avec mépris tous i, les peuples qui parient un autre langage, ou qui s'habillent autrement que lui; & presque par tout M la politique & la religion confpirent a entretenir ó, & a fortirier ces beaux fentimens. Mais, quoique' „ dans les pays les plus civilifés, tbumanitè foit 4» fort peu connue par fes effets, elle eft pourtant j, la bare de toutes les vertusfocïales, fans en excep», ter les plus chrétiennes, car fans elle, ces vertus ne* B 2  ( 2o ) „ font que de vains fantömes. Qu'eft-ce , jï vous „ prie, que la juftice, la bonté, la fincérité, la „ charhé, fi, renfermées dans' un pays , & bor„ nées par une montagne, une rivière ou un bras „ de mer, elles fe permettent toute forte de dure„ tés, d'injuftices, de trahifons & de fourberies a „ 1'égard des hommes qui vivent au dela de ces „ limites? 11 eft certain d'ailleurs que 1'humanité „ ferait furtout néceffaire aux peuples les plus puis„ fans; qui par cela même font continuellement „ expofés a la tentation d'en violer les devoirs, „ combien préviendrait-elle de guerres vifiblement „ injuftes, de perfidies efFrontées dans le commerce, „ & d'animofités mal fondées qui privent les peu. „ pies de plufieurs fecours réciproques?C'eft donc „ une vertu qu'on devrait recommander expreffe„ ment aux enfans & qu'il faudrait tficher de leur „ rendre naturelle d'aulfi bonne heure & avec au. ,, tant de foin qu'on leur infpire communément la ,, paffion contraire. Rien ne ferait plus propre a „ leur donner de grandes vues, & a leur remplir ,, le cceur de fentimens de douceur & d'equité, „ que la confidération de ce qu'ils doivent a tous „ les peuples de la terre dont Dieo eft le Pere, „ & qu'il prend également fous fa protection. —— la Cofte. On enfeignera dans chaque école (g), la religion (g) Les principes pour inftruire, doivent être en grande partie ceux dont la nature fe fert; la nature eft le meil-  C 21 ) naturelle & rèvelée, les langu.es, Peert'ture, fan'tbmètique, / „ teur judicieux prétend qu'un jeune homme com- prendraplusfacüement une démonftration, qu'une „ explication des régies de lagrammaire, qui font „ comme la métaphyfique de la langue. Ne pour,, rait-on pas ramener les modernes au fentiment „ des anciens? Pythagore & Platon voulaient que „ perfonnc n'entrat aux écoles fans être initiés a la „ géométrie; Socrate voulait qu'on s'y appliquat ,, dès 1'age le plus tendre, la géométrie ne pré» „ fente rien que de fenfible & de palpable, elle „ parle aux fens, & c'eft ce qu'il faut aux jeunes „ gens, une vérité qu'ils découvrent, leur en fait ,, appercevoir une autre après la quelle la curiofi,, té en fera courir plufieurs, air.fi de fuite; — „ il ne s'agira plus que de choifir des maitres qui ,, ayent une méthode courte&facile, & qui foyent „ furtoutdoués de beaucoup de patience & dedou„ ceur. Toute feience qui tombe fous les lens, eft laplus a la portée, la plus agréable, par conféquent la plus propre a occuper 1'enfance, telles fontl'hiftoire naturelle, les récréations phyfiques & mathé. matiques, lagéographie & 1'hiftoire; que 1'on garniffe pour eet effet les claffes, dortoirs, chambres d'études , corridors &c. de portraits de grands B 5  C 25 ) hommes CO - de cartes géographiques, d'eftampes rappdans les traits d'hiftoire les plus faillans, de plans de villes célèbres, de ports, d'édifices, de machines, de globes, baromètres , microfcopes &c. Un enfant dont on aura eu foin de nourrir la curiofité, fera a coup für des progrès rapides, la vue de ces objets élcébrife fon efprit, li je puis m'exprimer airfi , c'eft au maitre a favoir diriger & mettre a profit ce feu. Quelle efpèce d'apathie ne remarquc-t-on pas au contraire dans ceux dont 1'éducation a éteint 1'imagination , qu'entre 10 de ces perfonnes qui paffent a cöté d'une grue (machine) il fe trouve un enfant, il fera ordinairement le feul curieux qui y entrera pour voir comment elle peut foulever d'auffi grands fardeaux, quoique les neuf autres n'en connaiffent pas mieux le mécanismeque lui. Que les enfans voyent beaucoup d'objets, on ne peut trop remplir leur mémoire & leur imagina- tion de faits & d'idées utiles. Segnius irritant animos demijfa per aures quam qace funt oculis ftibje&afidelibus. La variété plaitfurtoutaux jeunes gens a eet age,on étudie volontiers deux heuresdurant quatre matières dilférentes, qu'une feule pendant (/) Le cabinet d'étude de mon père en était tapiffé, jen'oublierai jamais les traits hiftoriques qu'il m'araconté fur plufieurs d'entr'eux a mon êge de 10 a 12 ans. L'expérienc« démontre de tout tems qu'on n'oublie jamais ce qui s'est gravé pendant 1'enfance dans les fibres délicates du cerveau, par des aétes fréquens & réïtérés.  ?srre heure. Un grand maïtre dans 1'art d'enfeigneF, 's Gravefande, dit que ceux qui ont pris 1'habitude de ne cosfidérer qu'une forte d'idées , quelqu'habileté qu'ils puiffenty avoir acquife, raif.mnent presque toujours faux fur d'autres objets; il faut donc varier fes études autant qu'il eft poffible, (fans nuire k i'dl'entièle,) fi 1'on veut étudier plufijurs heures de fuite, & avec fruits; c'eft auffi le fentiment d'un habile Profcskur en Piiüutbphiede 1'uni. verfité d"Utiecht, dont j'ai eu le bonheur dc fuivre les lecons pendant deux ans. Le maïtre ne doit pas fe borner a faire faire une fimplc leéïure ou de fin. pies extrairs cïhistoire; nprès avoir fait lire quelques pages avec attention, il interrogera 1'écolier fur ce qu'il a retenu de fa lecon, ft verra par la s'il 1'a bien concue. Ce que 1'on concoit bien s'énonce clairement, Et les mots pour le dire, arrivent aifément. L'dcolier en récitant fe formera en même temps au ftile de la narration , (que 1'on négligé dans les deux éducations,) & comme Fhiftoire efl: le meilleur livre de morale qu'il y ait, le maïtre demandera a 1'enfant, en lui faifant des queftions a fa portée, ce qu'il penfe de tel événement, de telle découve'rte, des vertus ou des vices de tel homme &c. Rien de plus propre que cette méthode pour former 1'éfprit, le jugement & le coeur de la jeuneffe. — La géograpbie ne doit pas être une fimple nomenclaturei outre qu'elle doit néceiïairement accom-  ( =8 ) pagner 1'hiftoire, le maïtre aura foin d'y mêler des traits hiftoriques curieux & inftructifs, des anecdotes &c; il pariera de ce que chaque pays produit, de,, fes revenus, de fes richeffes, de fes fabriques,defon gouvernement, de fa population, de fes grands hommes en tout genre, mais furtout de ceux qui ont bien mérité du genre humain, & quant a fes fléaux, il ne les nommera que pour faire abhorrer leurs vices, & faire d'autant plus fentir aux jeunes gens le prix de la vertu. Les maitres s'étendront principalement, fur les grands hom. mes, les héros, les artiftes & les navigateurs qui ont illuftré la patrie, & fur les événemens nombreux & mémorables qui ont eu lieu dans ce pays. Je ne puis mempêcher de remarquer en paffant, qu'il eft étonnant combien 1'étude de 1'Hiftoire de la patrie eft négligée ; a peine un enfaut fait - il écrire , qu'on lui fait faire des thêmes d'Hiltoire greque ou romaineOO- mais il ignorera longtems) (») En génèral on doit préférer dans les études, la lefture des hiftoires qui font les plus utiles, celles dont on peut tirer & appliquer les meilleures conféquences pour les moeurs, pour la conduite de Ia vie & les affaires publiques & particulieres; or il n'eft pas douteux que les modernes renferment plus d'uiilité que les anciennes, (la bonté de celles-ci eft enquelque forte affaiblie par leur vetufté,) celles d'Europ? plus que les hiftoires de 1'Egypte & de la Chine, & les hiftoires du pays plus que les écrangères; c'eft 1'avis de Grotius & celui de tout  ( 29 ) & peut - être toute fa vie , comment la réformatlon s'eft établie dans ce pays ci, comment il s'eft affranchi du joug efpagnol, quelles font les forces, les richeffes', les fources de la fplendeur & les caulfes de la décadence de la république &c. Le lendemain, le maïtre fera répéter a. 1'écolier la lecon du jour précédent; il lui aidera, il lui rappelera avec bonté ce qu'il en aura oublié-cette marche eft lente, mais elle eft fure. f» Quand a chaque pays ou ville, on aura joint, autant qu'il eft poffible, un ou plufieurs traits curieux,l'enfant liera naturellement dans fa mémoire, ces traits & le nom de la ville ou du pays, c'eft ainfi qu'en parlant du Groenland, on y joint tout de fuite & naturellement, fideé du froid qui y règne, des baleines qu'on y pêche &c. les gens fenfés; in univerfum non incipere ab antiquisfimis, fed ab hts qui nojlris temporibus noftrteque notiti* propius coharent, ac paulatim deinde in remotiora. («) Que ce que 1'on préfente aux jeunes gens foit autant qu'il eft pofiible agréable, que 1'on ne ceffede piquer leur curiofité, de flinter leur amour propre, mais avec discernement & mefurei qu'on tache furtout de les efttretenir dans la gayeté qui eft naturelle a leur Sge, pour cela, qu'on fe donne bien de garde de joindre aux études 1'idée de labeur & de peine. L'expérience fait voir, Cpeut-on affés le répéter?) qu'on fe fait un plai- fir d'oublier tout cequ'on a appris désagréablement, & que fi quelque chofe le retrace malgré foi a la mémoire, ce fentiraent eft toujours accompagné d'un fentiment pénible.  C 30 ) Les priéïes feront lues & recitées a haute voix < par un des écoliers, il faut les vaiïer, quand on entend ou récite toujours la même, Pattention ferallenti; je voudrais auffi qu'on en Ot compofer de tems en tems a:ux jeunes gens, ehes doivent être courtes, on eft plus fur d'un recueiliement fontenu. Je trouve, en général, que les jeunes gens ne font pas affés inltruits, quand on les fait paffer de 1'écolg ou de leurs maitres, a une vocation quelconque, comme au commerce, au militaire, a la magiftra. ture même, .& que d'abus il en refulteü — „ Pour„ quoi n'eft-on pas plus perfuadé decstaxiome? '„ que Tignoran.ee eft la fource de rimperfe&ion des j, loix , & que leur inperfetlion eft la fource des vices „ du peuple." En réformant 1'éducation, ces abus disparaitront naturellement; Ie jeune homme qui fe vouera au militaire fera jaloux de s'inftuire, en apprenant qu'Alexandre était favant, que Céfar a écrit des conrmentaires; Turenne , Montécuculi, Saxe des mémoires; que Feuquières, Vauban,Gondé & norabre d'autres officiers diftingués ont donné d'excellens préceptes fur Part de Ia guerre f>). Celui que Pon deftïrrerait ala magiftrature apprendrait dans la vie des grands magiftrats , qu'il a befoin d'un courage'd'amc auffi ëlevé que celui du guerrierj (0) J'ófe afïïirer que Ie militaire inftruit & eclairé, fera la guerre avec bien plus d'humanité que 1'ignorant, qui croit qui tout fora-art ne confiste que dans une barbare vaieur.  ( 3i ) funt donufticet fortitudines non inferiores militaribus dit Cicero». ■— Enfin, dans quel état que 1'on entre, quelle vocation que 1'on embraffe, il faut au moins autant qu'il eft poffible, & cela n'eft pas bien difficüe , fe fauver du danger de reffembler au finge, qui prennait le Pyreé pour un homme; eh! que de .finges ne voit -;on pas de nos jours? Je viens aux chatimens, que fi peu de maitres peuvent ou favent infiiger. a propos, tant dans 1'éducation particuliere que dans la publique. Jj bannirais d'abord tous les coups. Je n'ignore pas qu'il y a des fujets méchans, vicieux ou revêches, fur les quels quelques coups de verge appliqués a propos, feraient fouvent un eflet plus prompt, plus efficace que les remontrances; mais ces fujets font graces a Dieu, rares, & Ie deviendront encore d'avantage a mefure que 1'on réformera 1'éducation, d'ailleurs, un maïtre pourrait facilement paffer d'un tel fujet a un autre, il vaut donc mieux épargner les coups k celui qui les aurait mérités , a caufe de 1'abus qui en pourrait réfulter, & qui certainement ferait pire que le mal auquel on voudrait pa- rer- „ Les coups font un chatiment d'efcla- „ ves, ni le magiftrat ni les furveillans ne de„ vraient avoir le droit de battre un jeune „ homme, de quelle maniére & pour quelle caufe „ que ce füti le législateur ne doit pas permettre „ dit le chevalier Fihngieri, que les moyens de„ ftinés a faire naïtre le fentiment de Ia dignité per„ fonelle, foyent mélés a ceux qui aviliffent & degradent; que ceux qui tendent a fortifier le corps  C 3* ) i, & 1'efprit foyent unis avec ceux qui unifent i ,i Pun & a 1'autre, en un mot, que des moyens „ deftinés a former des citoyens, foyent confondus „ avec les moyens propres a former des efclaves. —• L'expérience prouve que des enfans accoutumés au baton & au fouët, perdent (*) ordinairement cette force de corps, cette fenfibilité, cette douceur, cette aménité, cette philantropie naturelle, fource fé- conde de tant de qualités fociales. l!s devien- nent par les coups ,vils, hypocrites, diffimulés, mé- chans, vindicatifs &cruels* Je bannirais a plus forte raifon, tout chatiment ou honte fiétriffante aux yeux des camarades, ils abattent, ils défefpérent. —Je ne punirais pas non plus en faifant travailler, on ne doit pas employer comme chatiment ce qui entre dans le devoir; & que 1'on cherche a faire exécuter gayenient & de bon coeur, — Les chatimens les plus propres a être introduits dans les deux éducations, font, la privation de la liberté de jouer, foit feul ou avec fes camarades, frères ou foeurs, en général toute privation de ce qui peut faire plaifir; d'être féqueftré foit a 1'ècole ou a table des autres jeunes gens, d'être mis au pain & a 1'eau; d'être (*) Oftez-moila violence & Ia force; il n'eft rien è mon advis qui abatardiffe & etourdiffe autant une nature bien née. Si vous avez envie qu'il craigne la honte & le chastiement, ne 1'y endurciffez pas. Endurciffez le a la fueur, au fcoid, au vent, au foleil, & aux ha. zardt qu'il lui faut méprifer. Montaigne.  C 33 ) d'être enfermé feul dans une cbamhre; d'être con* darané a une parfaite inaciion, affis fur une chaife, pendant tout un jour, j'ai connu des enfans pour les quels c'était un trés grand fupplice. Le plus grand des chatimens, & en ceci, 1'éducation parti* culiere eft plus favorifée que la publique, c'eft la menace de la perte de 1'amitié des parens; d'être privés de leur vue, de leurs careffes &c. S'il ne s'agit que d'une taclie mal faite , il faut condamne'r a la refaire dans un moment de loifir; enfin , la privation des recompenfes, car par tout oü il y a des punitions, les recompenfes doivent les balancer & même 1'emporter, fur elle?. 11 eft des caraclères qu'on doit manier avec un art infini, il faut feindre de les fuivre lors même qu'on veut les redreffer, & tout eft perdu s'ils fentent la main qui veut les reduire. (/>) Tune fallere folers appoflta intortos extendit regula mores. C'était Ie grand & rare talent de Cornutus que Perfe avait eü pour maitre. 11 fe trouve encore de tems en tems des jeunes gens, qui quoique doués de génie , font d'un caractère rétif, quoique doux, ou paraiffent ineptes a entreprendre quelque chofe, cela vient de ce qu'on (p) Ceci parait p'us facile a exöcuter dans Térucation patticuliêre que dans la publique. c  ( 34 ) s'y prend mal c a d. qu'on n'a pas encore touché la corde fenfible qui porte a leur ame. De pareils caraftères font extrêmement difficiles a conduire, voici a peu prés les confeils que donne k eet égard 1'auceur anonyme d'un ouvrage intitulé, Principes de Uttérature Paris 1753. „ Si après avoir elTayé ,, d'une route pendant quelque tems 1'esprit ne s'y „ plait pas, c'eft une marqué qu'elle ne lui con„ vient pas. Envain employerait- on la contrainte, „ elle ne ferait que diminuer encore fes facultés „ & enlaidir les objets aux quels on veut le faire „ arpliquer. La feule reffource, fi on ne veut pas „ 1'abandonner entiérement, c'eft de lui préfenter „ les objets fous une autre face, & s'ils ne plai„ fent pas encore, il vaut beaucoup mieux 1'aban„ donner comme a lui même un certain tems, que „ d'occafionner, par 1'obftination une fuite de fen„ timens qui pourraient faire perdre a 1'ame fa ga„ yeté & fa douceur, deux avantages qu'aucun ta„ lent de 1'efprit ne faurait compenfer." On pourrait cependant, ce me femble, tenter encore une autre voye. Les talens font auffi variés que les befoins de la vie humaine, la nature y a pourvu & en mére bienfaifante , elle ne produit aucun homme fans le doter de quelque qualité utile qui lui fert de recommandation. C'eft cette qualité qu'il eft important de connaitre & de cultiver, fi on veut voir fructifier les foins de 1'éducation, autrement on va contre les intentions de la nature, qui réfifte conltamment au projet & le fait presque toujours échouer. Jl n'y a qu'a ouvrir les fafr.es de fhiltoi-  C 35 ) re pour fe convrirtcre de ce que j'avance ici , te prince Eugêne était deftiné a. 1'état eccléfiaftique; Ovide au barreau, fed quod tentabat fcribere verfus erat; Molière devait être valet de chambre, tapisfier du roi; Descartes militaire; Copernic médecin; 1'aftronome Fergufon berger; Hercbel muficien. Jene tarirais pas fi je voulais citer tous les exemples en ce genre. Que d'habiles artistes! que d'excellens ouvriers! que de bons agriculteurs ne gagne« rait-on pas? Si les parens favaient ne pas rougir en vouant leurs fils aux arts & aux métiers, lorsqu'ils montrent de Tinaptitude pour les vocations aux quelles ils avaient d'abord été deftinés. Si mon bloc de marbre n'eft pas propre a. en faire un mercure, j'en tirerai un therme difoit un Sculpteur. Les maitres éviteront avec le plus grand foin en cbatiant, tout mouvement de colère, les bouderies, les termes injurieux, toute partialité ou injuftice; s'il arrivait que le maïtre commit une faute, il ne doit pas en avoir honte, il doit même fe faire un devoir de la réparer. On punira lévérement le menfonge, pour quelque caufe que fe foit; la calomaie comme une action qui indique de la baffeffe dans 1'ame, & de la perverfité dans le coeur, le calomniateur réunit la méchanceté haïsfable du mèdifant, la fauffeté odieufe du menteur & la basfeffe méprifable du Idcbe, il eft par conféquent dans la fociété le membre le plus odieux, le plus vil, & le plus criminel. ■ Les maitres veilleront foigneulèment , fur le mèdifant & le rapporteur r C »  C 36 j celui ci ne parle que pour nuire; Horace n'a pas tort, lorsque pour exprimer 1'horreur qu'on doit avoir pour les rapporteurs, dit, qu'on devrait les pendre par la langue, & ceux qui les ècoutent par hs oieilles ; fur la coquetterie qui eft un defir de captiver indiltinctement, elle eft criminelle dans la femme, a caufe des roaux qu'elle peut caufer; le profeffeur de Felice dit; (q') que la coquette fait plus de ravage que la femme galante, le coeur ufé, bhïfé par la coquetterie, n'eft plus capable d'une paffion honnête, ni de rendre un mari heureux, & peut faire au contraire bien des malheureux, pendant qu'une fiüe galante peut devenir une époufe tenrire & efHmable; la gatante n'a pêché que par un falble du coeur , qui n'eft fouvent qu'un effet du temperament & des circonftances; la coquette pêche tout a la fois par 1'efprit & par le coeur, & cela a tout age. O) Presque tous les vices ont leur origine dans le désoeuvrement, que les maitres impriment donc bien a la jeuneffe , toutes les fois qu'ils pourront ( q) Dans un ouvrage pofthume, Le développement de la raifon. (O Je n'ignore pas que ies vices ou défauts dont je vais parler ne fe reinarqueront que peu ou point du tout peut - être dans des jeunes gens furveillés, mais il faut cepeudant (Ieur en parler , 11 ne faut leur cacher aucun des danger» qu'ils peuvent courir en entrant dans le monde.  ( 37 ) Ie fake foit direétement ou indirectement, que les fantaifies les plus bifares, les goüts les plus pervers, les plaifirs les plus infenfés , la diffipation, funefte furtout dans un chef de familie, les amufemens les plus frivoles, les dépenfes les plus extravagantes, font les enfans du défoeuvrement. — Le gotit exceffif pour la parure fuit ordinairement la vanitè & Porgueil, —— Une fage éducation doit principalement tilcher d'étoufter le germe de la colè' re, qui eft une paffion dangereufe dars la focie" té. La mauvaife humeur, Pentêtement, Popinia- tretê, fobfiination font des vices de 1'efprit & quelque fois du coeur, il faut les déraciner avant qu'ils ayent jetté de profondes racines , ils fint functies a 1'homme , en ce qu'ils le rendent naturellement désagréable & nuifent a fon bonheur. De la vanitè, Porgueil^ lacolère, l'entétemeni, Popiniatreti, &c. on pafte aifément a la vengeance, a Penvie & a la jaloufie qui font des inquiétudes de 1'ame, qu'un être fociable doit foigneufement répdmer pour fon propre repos, & pour le bien de la Societé; de Penvie & de la jaloufie on tombe facilement dans la batne, qui elt un crime, lorsqu'eüe eft 1'effet de nos paflions, on ne diit haïr que le vice; la haïne eft un état violant de 1'ame qui-en bannit tous les agrémens, & toutes les vertus, il eft furtout le crime des faïbles & des petits génies: quel intérêt ne doivent donc pas avoir les parens & les inftituteurs a fortifier 1'ame & a 1'embélir ? — IShïpocrifii eft un des caractóres les plus odieux de C 3  ( 38 ) rhurcanité, on en extirpera avec grand foin jusqu'au plus petit germe, — Les défauts fuivans quoique moins atroces que les précédens en font cependant des diminutifs. — La difftmulation engendre la méfïance. Uimprudence eft la fource de. nombre de fautes & d'égaremens; on peut être imprudent dans les difcours, dans les geiles, dans les actions, dans la conduite, dans les démarches, dans les affaires, dans lesfonctions publiques &c; la précipitation, la lègïreti, la frivolitê, Pinconjïdération, les fatjes vues, Patnourpropre, enfin toutes les pafiions jettent dans Timprudence. —— La jeunefle eft imprudente, cela eft naturel, on accufe les femmes de Pêtre plus que les hommes, cela vient de leur vivacité, une éducation raifonnée doit les habituer a la réfiexion.— Une branche dangereufe de Timprudence c'eft Pindiscrétion, le méchant n'attaque que fes ennemis, 1'indifcret nuit a fes amis mêmes. — La faiblesfe Cs) eft une difpofition de notre ame., qui nous (j) Villaume dans fon ouvrage fur Porigine £? le hut du mal, parait regarder la f;.ibleffe de cara&ère comme un grand défaut, a en juger par I'éloge qu'il fait des pafiions oppofées. Be vastheid der ziele waarin, de eigenzinnige beid en koppigheid gelegen is, is een noodwendige grondflag tot ftandvastigheid en verhardinge tot het uitoefenen der gerechtigheid, alle. deeze deugden onderfcheiden ftcb van dat gebrek alleen daar door, dat die onverfcttelijkheid hy  C 39 ) fait manquer aux lumières de la raifon & fouvent aux principes de la vertu; autre motif preffant pour les parens, pour les maitres & pour les inftituteurs, de tacher de donner du reffort a 1'ame des les plus tendres années; un homme faible fait le mal qu'il déteste, Sc craint de faire le bien, fi on 1'obfède; une éducation édairée préviendra ce défaut comme auffi la ligeretè, qui tient cependant quelque fois au tempéramment, le fanguin & le vif y font fujets; la légereté eft dangereufe au phyfque & au moral, la frivolitê en eft une fuite ordinaire, de même que Xifatuité, la fuffifance, la préfomption % la prévention, la (ïngularitè Sc la raillerie. La fatuitê vient de la présomption & d'un fot amour propre & va quelque fois jusqu'a 1'impudence & 1'infolence, c'eft un vice qui s'attire le mé- genen door kermis en waarheid vergezeld is, en dat koppigbeid zonder bet kennen der "waarheid handelt. Maar , iewyl dit kennen eigentlyk geen dryfvederis, daarom berust de deugd voornamelyk op deze vastheid of enverfetteiijkbeid van charakter welke ook eenigermaate een natuurIjk (pbyfifebe) aanleg van lichaam en ziel is. Zonder eigenzinnigheid is de mensch in V geheel niets, een fpringpop waar aan een ieder naar welgevallen trekt, en welke men fprongen laat maaken zoo men wil- Zonder vastheid zouden de menfehen nooit anders dan naar luimen en grillen handelen, 7 zy hunne eigenen of die van anderen. In bet doen en laaten waren geen plan, geen verhand, in bun charakter gent eenheid. C 4  C 40 } pris de toute perfonne fenfée, le fat n'eft pas pro pre aux affaires de la vie civile. II eft affés fiogulier qu'il y ait une elpèce de fatuitéinnée, on trouve chez les eniants des fujets, qui ont une trés bonne opinion d'eux mêmes, que^rien, a ce qu'il femble, n'a pu encore leur infpirer, & qui prétendent en iropofer a leurs camarades, en génèral a ceux avec qui ils vivent, & fouvent a leurs propres fupérieurs. Les maitres ne doivent pas manquer de répriraer un tel défaut, & d'en faire fentir le ridicule toutes les fois que 1'occaüon s'en préfentera. La Suffifance, vice anti focial, confifte dans la bonne opinion que 1'on a des chofes que 1'on dit, c'eft un travers d'esprit qui nait de la préfomption & de ïignorance, Ie fuffifant eft infupportable dans la focieté. La préfomption eft Ia dispr fition a fe cruire plus de mérite & de capacité qu'on n'en a, le prélbmptueux s'eftime trop & méprife les autres, ce vice eft le fils ainé de Forgueil, il tire fa fource d'une éducation faïble, qui n'humilie pas affés les enfans, lorsqu'ils donnent des marqués ou des preuves d'une présomption naïffante. La prévention vient d'un jugement faux, quinous fait haïr quelcun ou quelque chofe, fans avoir examiné ce qui eft digne d'amour ou de haine\, ce défaut fe corrige en grande partie a mefure que le jugement fe furme, & que la railbn vieat; il faut apprendre a être en garde contre la précipitation des jugemens.  ( 4i ) La Singulariti eft une aiïectation de moeurs, d'o« pinions, de manières d'agir ou de s'habiller contre 1'ufage ordinaire, 1'homme imgulier cherche a fe faire admirer, ce défaut eft le fruit d'une présomp. tion cachée ; le jeune Hollandais qui veut fi iger 1'Anglais oule Francais, dans fes manières vu fes habillemens eft un être fingulier & ridicule, La raillerie eft un propos fpirituel & piquant fondé fur le ridicule, les défauts & trop fouvent la vertu même de ceux qu'on raille; elle eft presque toujours 1'arme de 1'envie & de la malignité, elle déconcerte fouvent la fageffe & Ia probité, mais elle eft presque toujours 1'arme de 1'envie & de la malignité, elle déconcerte fouvent la fageffe & la probité, mais elle ne devrait avoir de prife que fur le vice. Le railleur eft un homme vain & méchant, en ce qu'il a toujours le deffein de bleffer, la raillerie eft donc une arme dangereufe, fes trairs font quelquefois plus cruels & plus infupportables qu'une injure; railler les indiférens, c'eft s'expofer folleraent a leur reffentiment , c'eft provoquer leur mauvaife humeur, railler fes fupèrieurs , c'eft leur manquer & s'expofer au chatiment; railler fes inferieurs , ou les malheureux eft une lacheté abominable; & railler fes amis, c'eft leur faire- voir qu'on leur préfère un bon mot, c'eft une perfidie atroce, on n'eft jamais en garde contr'un ■arai; le railieur eft cruel , & cependant rien de plus commun que ce vice , il fe trouve furtout chez .les jeunes gens & ceux en qui 1'éducation n'a pas fait diiparaïtre ce déüut inhumain. C 5  ( 4* ) Je fens trés bien que ce que je viens de dire fur les défauts & les vices, eft une digreffion un peu étrangère a la queftion propofée, mais je m'y fuis laiffé entraïner par Fimportance & la liaifon du fujet, & pour venir k cette conclufion , que dans une éducation particuliére, un inftituteur,, quelqu'éclairé, quelque vigilant, quelqu'intelligent qu'il foit, ne réuffira jamais fans fheureux concours de père, mère, parens & amis , & combien de fois n'at'il pas au contraire a combattre encore leur fotte & criminelle indulgence (/) cc trop fouvent même les pernicieux éxempies en tout genre que les éléves recoivent, que 1'on s'étonne alors que fi peu d'éducations réuffiffent? II me femble que la plupirt de ces entraves doivent difparaitre dans fiducatian publique , quand elle fera bien dirigée. Mais quels avantages ne retirerait - on pas? Si on pouvait concilier ceux des deux éducations, en fuppofant d'un coté des parens fenfés, & de 1'autre de bons furveillans publics, car on ne peut trop travailler de concert a fonder & fcruter le (O Auffi bien eft-ce une opinion recue d'un chacun, que ce n'eft pas raifon de nourrir un enfant au giron de fes parens. Cette araour naturelle les attendrit trop, & relafche, voire les plus fages: il ne font capables ni de cbaftier fes faufles ni de le voir nourri grolïïerement comme il faut & hafardeufement. Ils ne le fauroient foulFrir revenir fuant & poudreux de fon exercice, boire chaud boire froid &c. Mtntaigne.  C 43 ) coeur des enfans, pour tacher d'en extirper" jus» qu'au plus petit gerote des défauts dont je viens de faire 1'enumération, dès qu'on les y aurait appercus; . aux avantages que 1'éducation publique offre fe joigr nent encore celui de Pémulation f>), qui eft toujours un puiffant mobile dans une main habile, & les exemples en tout genre dont un maitre intelligent peut tirer un excellent parti. II faudrait que dans chaque école on fit deux examens par année en préfence des parens & de quelques membres du confeil d'éducation, on donnerait aux plus diligens, aux plus fages de chaque claffe, (fuppofé que les écoliers fuffent affés nombreux pour les divifer ainfi felon leurs ages & leurs progrés,) des médailles d'argent fur les quelles il y aurait gravé, prix de diligence, de fageffe, de vertu, dfbumanitè ou de bonté de cara&ère, & au revers un emblême, on diftribuerait des livres a quelques autres écoliers, Cela fuffirait ce me femble, pour fiatter, aiguilloner autant qu'il ferait néceffaire un noble amour propre, la vraye éraulation, ce grand & étonnant mobile de tous lesmouvemens du coeur humain. — 11 ferait permis k ceux qui auraient mérité les médailles, de les porter pendues a leurs veftes par un ruban verd pour la diligence, & par un blanc pour la fageffe, pen- (v) II e£t certain qu'il y a ordinairement peu d'émulation dans 1'éducation particulière, j'ai fouvent entendu les parens & les hiftkuteurs s'en plaindre.  ( 44 ) dant 15 jours feulement, & pendant ces 15 jours auffi ils feraient placés les prémiers a table, a 1'école & a la promenade; ce tems écoulé, 1'égalité reprendrait fes droits, pour bannir toute joloufie, idéé defupériorité, d'orgueil & d'autres pafiions. On devrait chaque femaine, diftribuer dans les écoles des témoignages de conduite, d'application, & même de négligence dans fes devoirs, ces témoignages feraient enrégiftrés dans un livre, que 1'on confulterait quand il s'agirait de diftribuer les prix, & ils feraient envoyés chaque mois par les écoliers mêmes a leurs parens ou tuteurs. Les louanges, les aroitiés, & les recompenfes qu'ils en recevraient, feraient un excellent aiguillon pour les engager i continuer a s'acquitter foigneufement de leur devoir, le défir que le jeune homme aurait de répandre par fon application, la joye dans le coeur des auteurs de fes jours, ferait le feul louable, car fi un écolier n'a en vue que de furpafl'er fes camarades, il eft a craindre que les principes d'égoïsme & d'orgueil ne germent déja dans fan coeur, & c'eft un ccueil contre le quel toutes les vertus fociales Vont ordinairement échouer; il élt donc de la plus grande importance d'éviter foigneufement ce danger, il faut pour eet effet en prémunir les jeunes gens, lorsqu'il en eft encore tems, & que les maitres repréfentent fouvent aux couronnés , & leur falie fentir, que fi on les récompenfe, ce n'eft pas pour les voir placés les prémiers, qu'au contraire la vertu eft humble & modeite, & que ceux qui par un principe d'orgueil veuieut être les piémiers,  ( 45 ) 1'Evangile les place les derniers, mais que ce n'eft uniquement que pour leur faire voir qu'on apprécie leurs talcns, leur bon coeur, leur bonne volonté t qu'on efpére qu'ils employeront un jour au bonheur de leurs femblables , que c'eft dans leurs coeurs par conféquent qu'ils doivent chercher leur prémière fatisfaction, enfuite dans la joie de leurs parens & de leurs fupérieurs; & que le jeune homme qui voudrait tirer de fon prix, 1'occafion ou une raifon de vouloir primer fur fes camarades mériterait par cela même d'être placé a la queue. L'éducation ne doit donc pas avoir pour but de d'évelopper dans les jeunes ames 1'ambition de primer (*), toujours fi dangereufe, il faut qu'elle y fubftitue au contraire, 1'amour de 1'humanité a 1'amour de foi, Fintérét général a Fintérêt particulier, qu'elle les faffe vivre en paix dans Page des pafiions. Qubn recommande fur tout aux parens, aux maitres, aux inftituteurs, de n'avoir aucune préJilection, (ou du moins de ne pas latémoigner) pour un enfant plutot que pourl'autre, parceque, outre que le favorisé court risque de devenir un enfant gaté, il eft de plus en büte k 1'envie, a la jaloufie (_r) Dans 1'éducation moderne on ne ceffe de leur répéter , tachès de furpajfer vos camarades, vous les couvrirés de bonte, vous pourrez vous moquer deux &c. ce font & ordinairement les avantages qu'on leur préfente.  C 46 ) &£a la haine de fes camarades, il eft conftamment détefté tant dans les maifons particulières que dans les écoles, —- Qu'on ne faffe furtout aucune acception dans la diftribution des prix & des témoigr.ages; les enfans font d'excéllens juges entr'eux, être injufte envers les bien intentionés, ce ferait les décourager totalement, & cependant, qui ne fait qu'il ne faut fouvent que tenir a une familie en place, riche ou puisfante pour être für de primer? —■ Mais quand les écoles feront bien dirigées & furveillées, eet abus difparaitra. Les maitres publiés choifis & dirigés par Ie ma giftrat & le confeil d'éJucation , dégagés des entraves qui fe préfentent dans 1'éducation privée, feraient véritablement dignes de former les enfans de la patrie, d'après les grands defleins d'un fage legïslateur; ainli le législateur n'aurait befoin pour former des hommes, que de bien diriger ceux qui doivent leur fervir de modèles. L'éducation publique, qu'on pourrait alors appeler nationale, étant ainfi dirigée, qui ne la préfererait a la domeftique? & pour des raifons donc je parlcrai encore plus bas; on verrait alors ce me femble, renaitre néceffairement parmi les citoyens, eet efprit d'égalité & de concorde qui malheureufement fe détruit tous les jours d'avantage, de cette union naïtrait abfolument Pamour de la patrie, ce grand & feul mobile du bonheur & de la fplendeur des Etats, mais qui parait s'éteindre de plus en plus dans les coeurs. Cet amour de la pa-  ( 47 ) trie (y~) redonneraït du nerf & de la confidération a lanation, ferait refleurirle commerce, & relever les manufaclures, car qu'on ne s'y trompe pas, les fatales diffentions aux quelles ce pays a été expofé,- ont bien un peu contribué a la 'décadence de 1'induftrie & du commerce, mais fi 1'amour de la patrie, au lieu d'un parfait égoïsme, avait réellement régné dans le coeur du plus grand nombre des partifans des trois partis , celui qui a fuccombé, n'aurait pas jettè, fi je puis m'exprimer ainfi, le manche après Ia coignée (z). Qu'on jette les yeux fur 1'étonnante Angleterre , elle eft toujours divifée, mais la minorité travaille avec autant de zèle au bonheur & a la fplendeur de fa patrie que la majorité, 00 En lecommandanr, 1'amour de Ia patrie, je ne veux pas parlerdecet infameégoïsme nationalqui fait d'abord, qu'on ne trouve rien de bien ou de bean que ce qui fe fait chez foi & qui fait de plus, mettre 4 une nation puiffante voifine de Ia nótre, cette infcription a la poupe de fes vaifTeaux, & enépigraphe a tous fes traités, pérife le commerce de toutes les ttgthm pourvuque le nótre filève; 1'égoïsmede particulier a particulier eft un vice, celui la eft un crime de léze humanité. 00 Et q«i peut fans frétnir, penfer aux coupables voeuxqoepiufïeurs d'entr'eux ont fait au commencement de I7P3- en faveur des Franqois, lorsqu'ils étaients prëts d'envahir ces heureufes provinces? & qui, ó comble d'abomination & d'faorreur ... jes forment encore aujour*Ji! ...  C 48 ) On vcrra., fi la gérération naiffante ou future reC' it une bonne éducation , difparaïtre en grande partie, le luxe, ce ver rongeant, qui mine & abforbe les fortunes; quand les Hollandais, hommes & (entmes, ne voudront plus être habillés, nourris, loj:cs & amufés a lafraneaife, a 1'anglaife, k Taliemande, maisa Ia hollandaife, il reftera annueliement des millions dans ce pays, &ce qui vaut bien plus encore, les vertus qui fuyent Ie luxe. Si deux millions de perfonnes ne voulaient être habillées que d'étoftes fabriquées dans les fept Provinces, que de fabriques Ton verrait fe relever ? que de villes on verrait refteurir & fe repeupler! Je laiffe aux perfonnes inftruites & éclairées dont votre honorabie focieté eft compofée, k caiculerces fommes. — Qu'on n'objecte pas que fi on ne tirait aucune étoffe dé 1'étranger cela nuirait au commerce (<0, voit-on les Anglais babillés de produflions hollandaifes ou francaifes, ou d'étoflcs oeuvrées que leur propre compagnie arporte des Indes? & le commerce ne fieu- rit-il pas dans fes i!es? & pourquoi? par ce- qu'il y rëgne un vrai armur de la patrie joint aux encouragemens du gouvernement (£\ Ce (a) Objection quim'a été faite plufieurs fois, mais j'ai renvoyé ces raifocneurs a la difertation du Gréffier van den Heuvel qui a été couronné par Ia Societè Hollandoife, en 1775. a l'ouvrage intitulé Rïchefe de Ia Hollande, & a 1'écrit de Rogge qui a concouru pour le prix de la Société d' Haarlem. (è) Qui eux mdroes fout des fiuits de ce même a- mour  C 49 ) Ce ne fera jamais, ni par les nobles effbrts que fait la branche ceconomique de la focieté hollandaife, ni par la défenfe du Souvcrain pour 1'entrée de telle ou telle marchandife, que fieuriront les fabriques du pays, 1'entrée des marchandifes étrangères fe deffendra d'elle même, quand chaque Hollandais ne voudra plus être habillé que d'étoffes fibriquées dans fa patrie , d'ailleurs ce délir d'être habillé d'étoffes étrangères n'eft qu'un pur caprice. Pardonnez moi, Mefïïeurs, cette digreflion, je n'ai pu m'empêcher de 1'inférer ici, parcequ'elle tient beaucoup, fi je ne me trompe, a 1'éducation que 1'on recoit dans ce pays (c). Une des raifons qui contribue encore a détruire, a éteindre de plus en plus dans le coeur des Hollandois, le génie national, le germe patriotique, fi je puis m'exprimer ainfi, ce font les mauvais maitres de perfion, & la grande quancité d'inftituteurs étrangersque 1'on voit dans ce pays, ily enade Suisfes,d'Allemans, deHongrafs, de Francais & dans le nombre, il fe trouve des hommes de mérite fans duute , cc ce n'eft point d'eux dont je veux parler, mour. Que 1'on ne me croye pas ici en contradiction avec moi méme, la dillin&ion eft facile a faire. (O Voyez Ricbesfe de la Hollande Tome 2. page 215. &c. édition in 8vo, ouvrage intéreflant a tous égards, & dont on ne 'peut trop recommander la lecture aux habitans de ces Provinces, dont il eft cependant fort peu connu, quoique traduit en hollandais. D  ( 50 ) mais Ia plus grande partie n'eft prife pour veiller furie phyfique, 1'esprit & le coeur des jeunes gens, que fur les plus legères recommandations, on les prend fouvent au rabais fans les connoïtre, & com. ment les connaltrait on? la plupart arrivé de puis peu de I'étranger, d'ou 1'on les commande ordinaire, ment comme des balots de marchandifes, on ne connait par conféquent ni leurs moeurs; ni leurs families, ni leurs cara&ères, ni leurs talens (d~) ni leur langage, ni même quelque fois leur religion ; je fais qu'on en a eu pris de la religion romaine dans des maifons protestantes fanss'en douter, cen'eftpas qu'un homme de' cette fede ne puisfe être ausfi bon gouverneur qu'un calvinifte ou un luthérien, je ne fais cette remarque que pour fervir de preuve a ce que j'avance, car telle n'était fürement pas Tintent-ion des parens. La majeure partie de ces inftituteurs, ne connait ni Thiftoire ni la gèographiede Ia Hollande , k plus forte raifon n'ont • ils pas de tein. (d~) Cependant on manque rarement de péfer fur cettedemande; Ferflaat bij wel bet Latyn ? hé badeaux ? eftce dans cette langue raorte que consiste toute 1'édu cation? Sur dix jeunes gens, il y en a neuf qui cinq ans après le congé de leut maitre, ne font plus en état d'expliquer un auteur. „ Ariftote n'amusa pas tant fon grand „ difciple a Tartifice de compofer fyllogismes &c. coin„ me a 1'inflruire de bons prèceptes touchant le courage, ,, la magnanimité, la tempérance & aatres vertus " ■ 11 faut de rinftruclion fans doute, mais mieux vaut pour inftituteur, un homme fenfé & de bonnes moeurs, qu'un ane chargé de livrei.  C 5i ) ture du génie national qu'ils doivent ïnspirer, dont ils doivent nourrir leurs élèves. — un autre inconvénient qui réfulte encore de cette multitude d'inftituteurs étrangers, c'eft que leurs élèves n'apprenent point leur langue maternelle que 1'on parle plus mal de jour en jour. — Que faire donc? direz vous, Meffieurs, faut-il prendre des inftituteurs nationaux? Mais les Hollandais qui pourraient ou voudraient fe vouer & cette vocation, n'ont d'ordinaire nl éducation ni manières, ils ne s'appliquent pas affez aux langues vivantes devenues fi nécefiaires aujourdui, tant, pour lire cette foule de bons ouvrages écrits en francais, anglais ou allemand, que parceque la connaisfance des langues tient abfolument a la bonne éducation, en ce qu'elle répand beaucoup d'agrément dans la fociété. Si donc il eft fi difficile de fe procurer de bons gouverneurs , qui font & doivent nécefiairement être extrêmement rares, quel eft le citoyen fenfé qui ne voit qu'il vaut infiniment mieux placer fes enfans dans de bonnes écoles normales, nationales, telles que celles dont j'aiparlé plus humt? Ne ferait ce pas i 1'éducation que recoivent les Anglais, qui ont peu de gouverneurs, encore la plupart de leur nation, & beaucoup de bonnes & nombreufes écoles publiques , qu'on doit attribuer ce patriotisme inné qui les caraêtérife? L'éducation que recevait le Spartiate, en génèral tous les peuples de la Grèce, le Romain (libera civitate) était publique, nationale; qui ne connait le zèle, la frugalité, 1'éloignement pour le luxe, les forces morales & phi Da  ( 5* ) fiques de ces peuples & leur dévoüment pour la patrie? L'éducation donnée par les gouvernantes n'eft pas fujett'e a un fi grand nombre d'inconvéniens que celle que recoivent les garcons, parceque les mères étant plus féJentaires, elles peuvent mieux furveillerles fiiles que les pères les garcons, que des emplois, le commerce, les obligent fouvent de s'abfenter une bonne partie de la journée,|& dont pltifieurs reviennent 1'esprit préoccupé, latêteremplie de leurs affaires & ont par conféquent befoin de repos. Je préfèrerais 1'éducation particuliere pour les filles, on peut mieux leur inculquer ce ton de réferve, de douceur, de bonté, d'attention , les faire a 1'ceconomie du ménage, leur donner le poli de la bonne focieté, a la maifon que dans une école, ou elles apprenent beaucoup a être cSucboteufés, babillardes, intrigantes, cachées les unes envers les autres & disfimulées envers leurs fupérieures. Les écoles des filles ont aufli néceffairement befoin d'une grande réforme , elles font fujettes aux mêmes inconvéniens, & peut étre a de plus grands encore que celles des garcons; telle' bourgeoile appelée a être un jour a la téte d'une maifon qui ne peut fe foutenir que par la plus ftriéte ceconomie, n'aura appris de dix ans a 18 qu'a balbutier ou iqucs mots de francais, a danfer, a crayoner quelques fleurs, a toucher quelques notes fur le piano forte & a faire des colifichets. Les réfiexions que ceci fait faire font en grand nombre, furtout  ( 53 ï fi 1'on fait mürement attention a 1'influence que 1'é ducation du fexe a fur la conduite & le bonheur des hommes, ce n'eft plus aujourdui unproblême, toute perfonne fenfée le concoit aifément, & peut journellement vérifier ce quej'avance ici, dans presque toutes les maifons. Les femmes dit un auteur mo,, derne (e) font les législateurs du code moral, ,, bien plus puiffant que le code civil, la prospé„ rité des états tient plus qu'on ne penfe a ce fexe ^, aimable. N'eft il pas inconcevable qu'on négligé tant l'éducation des femmes, mieux élevées & plus inftruites de leurs devoirs, elles éleveraient & inltruiraient mieux leurs enfans, & il ne faut pas douter qu'il ne f'en trouvat plufleurs parmi elles, qui feraient jaloufes d'imiter une Cornélie, une Aurélie &c. Les écoles des filles doivent donc ausfi être établies & furveillées par le magiftrat & le confeil d'éducation. J'ai dit plus haut, que 1'éJucation particulière des filles, n'eft pas fujette a un fi grand nombre d'inconvéniens que celle des garcons , & que je la préfèrerais k la publique. Comme on ne demande pas d'une gouvernante une aufii grande masfe de connaiffances que d'un inftituteur, il eft naturel que le nombre des bonnes inftitutrices foit plus grand que celui des bons gouverneurs; les hommes ont d'ailleurs beaucoup plus de vocations que les femmes aux quelles ils peu vent fe vouer, comme les (O Bern. Henri de St. Pierre. D 3  C 54 ) jnétiers, les arts, les ordres» la magiftrature, les cmplois, le commerce, le militaire &c. Jene crois donc pas me tromper en difant, qu'on pourrait fe procurer quatre fois plus de gouvernantes que de gouverneurs, 1'éducation particuliere des filles eft donc plus facile a conduire que celle desgarcms. -— Comme il eft cependant impofible qu'il convienne afchaque maifon d'avoir une gouvernante, il y aura donc aufli des inftituts publics pour les filles, établis fur un meilleur pié que ceux d'aujourdui, ils deviendront en même tems des pépinières d'inftitu trices dars les fous - maïtresfes. Je trouve trois principales raifons qui font augmenter journellement le nombre des gouverneurs, c'eft premierement 1'amour mal entendu de plufieurs pères & mères pour leurs enfans, il y en a qui les croiraient perdus, s'ils les voyaient fortir de la maifbn paternelle, ils veulent les foigner eux mêmes, les voir élever, croitre fous leurs yeux, & qui de vous, Meffieurs, ignore combien cette tendreffe eft fouvent pernicieufe pour les jeunes gens? c'eft en ftcond lieu la difette de bonnes écoles. — La troifième raifon tient'a 1'orgueil, Tout petit prince a des ambajfadeurs, tout marquis veut avoir des pages. Ce font apparemment toutes ces confidérations qui font que Ie chev. Filangieri fe déclare fi fort contre 1'éducation paiticulière, & lui font dire; aumilieu des foyers domeftiques une bonne éducation doit être èxtrêmement rare, paree qu'elle fuppofe le concours favorable de Ia nature, de 1'art & d'une fuule de circonftances; & enfin ou trouver  C 55 ) un nombre affez confiderable d'inftituteurs habiles ? Un homme doit lui feul pofféder toutes les connaiflances, avoir toutes les lumières, être douéjde toutes les qualitès que 1'on ne demande dans 1'éducation publique, qu'a plufieurs maitres ou furveillans réunis. D'ailleurs encore, le nombre de ceux qui pourraient payer & recompenfer un homme de mérite, tel qu'il le faudrait, eft peu confidérable & ne forme peut être que la cinquantième partie des citoyens d'un état, il eft donc trés effentiel de veiller foigneufement fur les autres parties de 1'espérance de la patrie. La diffipation, le goüt des plaifirs dans les riches (/), leurs vices, les diftraétions, la vanité & Cf) yillatme parait prouver que plus 1'on tient 4 un état élevé, & plus 1'on a de pafiions a combattre, qui fe développent k mefure que 1'ongrandit, & qui fuivent comine en croupe les befoins multipliés que fe font les riches, les focietés que 1'on eft obligé de voir, & les livres dont on fe fert pour perfectioner 1'éducation, & qui font connaitre trop tót les vices du coeur humain en y allumant des paffions qui peut-ètre n'y eusfenc jamais germé (*). Voici fes propres termes. „ In „ de zoogenoemde laagere ftanden der maatfchappye, (*) Cela eft vral jusqu'4 un certain point, combien de fois n'ai-je pas vu des jeunes gens faifis d'effroi i la ledure d'un tratt d'hiftoire, & ce pas pouvoir comprendre cimment il peut y avoir des monftres tels que ceux dont les faftcs fuut fouvent mention; comment encore cacher i une jeune perfoane des jatanteries de tel perfonnaje d« telle cour &e i  ( 56 ) 1'ambition dans cette même claffe, 1'amour exceffif de quelques parens pour leurs enfans, quelque fois leur indillérence, leur ignorance, leur ftupiditc; leur méchanceté même, les mauvais traitemens qu'ils „ beide land en ambachts man (f) alwaar de jongeling „ zijne voltooiing zeer vroeg kan bereijken , alwaar hij „ niet veele voorbereiding nodig heeft, van het tegen- „ woordigen weinig behoeft op te offeren, en weinig ,, moeds , weinige aanvuuringe behoeft , daar zijn de „ hartstochten maatig. In deeze ftanden is de liefde „ zekerlijk niets anders dan eene natuurlyke behoefte, de „ eerzucht ftrekt zig niet verder uit, dan tot het be- „ houden van eenen goeden naam en het aftveeren van „ beleedingen; de zorg en arbeid voor het onderhoud des „ leevens is niet fterker dan de geringe zwaarigheid om w hetzelve te verkrijgen groot is. De driften zijn altijd „ geevenredigd naar den ftand. Met de hoogere fianden „ is het geheel anders gelegen, een verfijnde en dikwerf „ kwaalijk begreepene befchaaving geeft aan de hartstochten niet zelden een onmatig vermogen ; waarom dan ,, ook in deeze ftauden veele buitenfporigbeden voor- „ vallen welken in de laagere ftanden onbekend zijn. In „ die hooge Handen is de ftaat van de jongeling ook „ veel moeilijker, zijne arbeid is meerendeels befwaar- „ lljker, meer verveelende ; meenig en yerdrietelijken „ luimen van hun die boven hem zijn moet hij verdra- „ gen, hij moet buigen en zich naar anderen fenikken, „ welk alles de landman niet behoeft te doen." Cf) Cc qu'il dit ici des ouvriers des villes n'cil pas exaflement vrai, plufieu.s ont contraflé les vices d^s grands par le contact, fans cn avoir pfji je poli.  C 57 ) font effuyer a des perfonnes bien nées & tres fouvent mieux éduquéesj qu'eux, le foin extreme & outré de la confervation de leurs rils, 1'empreffement minutieux a leur offrir des fecours dont ils n'ont pas befoin, excès de follicitude qui donne aux enfans une certaine puüllanimité, une certaine faibleffe d'ame propre a anéantir [toute efpèce de courage, tout fentiment de fes propres forces; le peu d'avantages réels que procurent les enmyeufes Ö5 dificties fonclionsd'inflituteur, qui cependant quand elles font bien remplies, fuppofent une maffe de connaijfances, de fageffe & de lumières peu commune, & qui doit par conféquent valoir a un tel homme, une confidération qu'on ne lui accorde pastoujours, ou pour mieux dire, que trés rarement; tous ces abus atteftent évidemment combien peu d'avantages il y a a efpérer de 1'éducation privée, & combien il y a d'inconvéniens a craindre. Une trés grande entrave que 1'on rencontre fouvent dans 1'éducation domeftique, c'eft que les Parens fe réfervent d'ordinaire la diftribution:des careffes , des pardons & des récoropenfes , & ne laisfent a 1'inftituteur que le foin d'exciter au travail, de reprendre & d'infiiger les chatimens, encore yen a t il bien peu qui ne foyent fans ceffe contrariés par père & mère, &c, & qu'en refulte-t'il alors? qu'il eft moralement impuffible que 1'inftituteur fe falie aimer de fes élèves. 11 eft cependant de toute récefcité que celui qui punit, puiffe auffi recompenfer, encourager, qu'il foit en un mot révétu de tous les privileges de la maïtrife, fans toute fois porter atteinte a ceux du pére, celui ci doit être D5  ( 58 ) en quelque forte corame Ie reffort cachè d'une muntte qui fait aller tous les rouages. Serait-il donc poffible d'obtenirdes citoyens tels qu'ils devraient être fans une éducation publique? qui aurait fur ce point un intérêt plus grand que le Souverainl qui en aurait plus les moyens? qui en connaitrait plus 1'importance & pourrait mieux en tracer le plan? Avant de pafier outre je ne puis m'empêcher de placer ici un avis, que je voudrais qui fut lu de tout inftituteur (*) des deux fexes. II en eft plulieurs qui croyent s'abaiffer en veillant fur 1'habillement, la propreté, enfin fur les foins quelconques que demande un enfant dés 1'age qu'on le leur remet, & qui fouvent eft bien tendre encore, on ne doit jamais rougir de rendre a fes élèves, des foins que père & mère ne rougiffent pas de rendre a leurs enfans, ils doivent au contraire s'en faire un devoir & dire , parens fum, bumani nibil a me olienum puto. Le devoir de tout inftituteur eft a mon avis plus grand, & plus difficile a remplirque celui de père & de mère, & il augmente a mefure qu'on ajoute a la confiance qu'on avait déja en lui. ]e m'étonne tous les jours plus qu'il fe trouve un fi grand nombre d'individus qui cherchent a fe placer comme gouverneurs, il faut néceffairement qu'ils léflechiffent bien peu fur 1'importance de Ia charge qu'ils ambitionent; mais fi des parens tendres & (*) Par le mot inftituteur je comprends auffi les»'»flit ut rices.  C 59 ) fages ont trouvé un fecond père pour leurs enfans» ils ne peuvent aiTez avoir dégards pour lui, toute la familie ne peut affez le confidérer & lui témoigner de 1'amitié, car un tel fujet rend aumoins deux a trois génèrations heureufes; des enfans bien élevés font la joye, le bonheur, la félicité de leurs parens, ils feront heureux eux mêmes, & a coup fur ils fauront bien élever les hls que Dieu leur accordera, celui qui a été bon fils fera bon époux» bon père, bon citoyen, il remplira bien toutes les charges qu'on lui confiera felon fétendue de fes lumiéres. 6 comment eft-il poflïble qu'on s'occupe fi peu & fi légèrement de 1'éducation! Is er eene wyze van opvoeding, welke de voordee* len van beyden, met uytftuiting van derfelver na* deelen bevat"? Après avoir développé autant que mes faibles lumières me Tont permis, les avantages & les inconveniens des deux éducations, je m'en vais tacher de propofer en peu de mots, unmoyen de conferver les prémiers, en évitant autant qu'il eft poffible de tomber dans ceux ci. Comme il eft impolfible de trouver un afiez grand nombre d'inftituteurs , tels qu'il eft abfolument néceffaire qu'ils foyent dans une éducation particulière, & fuppofant les écoles fur le pié que j'ai expliqué, il faudrait que les parens envoyaffent leurs enfans aux écoles publiques, pour y recevoir inftruótion dans les differentes branches qu'on veut leur faire enfeigner, & que ceux qui en auraient lesmoyens eufL-nt outre cela un furveillant dans la maifon paterneile; mais m'objectera-t'on oü fe formeront ces  C 60 ) furveillans? — Dans les écoles- — Je veux pour cela qu'-ün en tire les fous-maitres qui fe feront rendus recommandables par leurs moeurs, leur iatelligence & leur capacité. lis feront moins couteux que les gouverneurs d'aujourd'hui en cequ'on n'aura pas belbin de vifer a des puits de fciences, tels qu'on en demande a prélènt, les maitres publics y fuppléeront fuffifamment, il ne s'agira que de furveiller les jeunes gens le matin, le foir & dans les vacances; ces furveillans auront fuin que les lecons foyent bien apprifes & ils feront repafl'er celles du jour précédent, on évitera encore paria un trés grand inconvénient, c'eft que les jeunes gens ne feront jamais remis entre les mains des domeftiques, dés Page de 3 ans ils doivent leur être öte s'il eft poffible. — Ondemandera peur être, aquoi s'occuperont les furveillans dans le tems des colleges; ils auront foin d'apprendre a lire aux petits s'il y en a, & ils continueront a S'iriftriiire pour fe mettre a même de paraitre après cela avec honneur è la tête de quelque établiffement, ou de gerer un ercploi, car il efta préfumer que les perfonnes en place ou en crédit, préféreront recompenfer ceux qui ont eu foin de leurs enfans avant leurs cuiflmers ou leurs palfreniers. Les enfans retireraient airfi, ce me femble, tous les avantages des deux éducations, & on parerait en grande partie a leurs abus; pères, mères, infti. tuteurs, les furveiileraient a la maifon, èciisauraient au dehors des fujets d'émulation & des maitres experts dans toutes les branches de Pinftruction, jls participeraient aux louanges & aux recompenfes  C 61 ) qu'on diftribuerait dans 1'éducation publique, & aux careffes, aux témoignages d'amitié de leurs parens en rentrant chez eux s'ils s'en étaient rendus dignes. Les jeunes gens qui auraient le malheur d'avoir des parens bourrus, groffiers, ignorans, orgueilleux, ou dont tout le mérite eft d'avoir des écus, leur feraient du moins fouftraits une bonne partie de la journéé. Pour veiller a ce que les écoles fuffent toujours fur un bon pié, on devrait former dans chaque état ou ville, un Confeil d'éducation compofé de quelques magiftrats & de pcres de familie inftruits ou zèlésj quel eft le citoyen qui fe refuserait a con* facrer deux ou trois jours de 1'année a un emploi fi important ? 11 ne faut pas vouer un jeune homme k une vo. cation pour laquelle il n'a point de goüt, mais quand il aura fait un choix, il faudra autant qu'il eft posfible, Pinftruire, 1'élever felon le parti qu'il aura pris, je dis autant qu'il eft poffible, car je ne crois ni a une éducation parfaïte, ni a une éducation univerfelle, comme quelques auteurs de fyftèmes (g~) l'ont prétendu, mais bien k la meilleure éducation poffible, qui fe pcrfectionnera fans doute, a mefure que les hommes feront mieux éleves (*) On donne des retraites a d'anciens pafteurs, a de vieux militaires qui ont remplis, avec hon» (g) Qui certainement n'ont jamais éduqué. (*} Une perlection en améne une autre comme une découverse en engendre une feconde.  C 6a ) neur les pofies qui leur avaient été confiés, il n'y a li rien que de trés jufte; pourquoi ne penfionnerait on pas auffi les maitres de penfion, les chefs d'écoles, qui auraient bien mérité de la patrie? Les fervices qu'ils auraient rendus, valent bien ceux de l'eccléfiaitique & du foldat. Je conseilleapères, mères, maitres & inftituteurs de lire avec foin plufieurs ouvrages écrits fur 1'éducation & le choix des études, non pour en former un fyftême, car chaque enfant doit pour ainfi dire avoir le fien mais pour glaner'dans ces auteurs ce qu'ils ont de