*«**LES CARK,WT0V -    L A PAYSANE P ERVERT IE , o u LES DANGERS DE LA VILLE; H ISTOIRE vURSULE R* * , faevr d'Edmond , le Paysan , ms£ - au-Jour d'après les vèrhables LETTRES des Perjonages : Par 1'Auteur du Paysan Perverti. TOME III. PARTIE V. Jmprlmé A LA HA IE. Et fe trouve k PiRIS Cktt la cl. me Veuve Duchefne , Ubra 're. en la rut Sain.tjaqv.es, au Temple-du Goilt. M, -DCC- L XX X IV,  On a vu, dans le Tome II , Urfule faeheminer infenfiblement dans la route de la perverjion, parfafacilité a recevoir des billets-doux , par les fpeclades , les bals , & les autres plaisirs dangereus , fur-toutpar la coquetterie naturelle a fonfexe , par l'ambition ; enfin ft livrer a unt folk pajpon pour un Beau : Tout tft conduit par le Corrupteur de fon Frère ; mais ce Ptrfonage eji neuf, & il a des vues qui pourraitnt pajfer pour légitimes aux ieux des Gens peu délicats : Dans Celui ci , Urfule doublé fa marche : Elk fuit avec Lagouache; defcend rapidement de tz facon librt de-penftr, a la liberté d'agir; de cette dernière au libertinage & a la dtbaücht la p\us-rafinét: Elk en-efi cruellemtntpunk , mais fans étre changée.  LA PAYSANE PERVERTIE, OU LES DANGERS DE LA VILLE ; HlSTOlRB ctÜRSVLE R**, miseau-jour £apres les véritables LETTR e& des Perfonages. CINQU1EME PARTIE. LETTRE XCIII. ao décembrei L a xi r e , a G a v d e t. ( 0n voit qu'elle ne fait pas tous les deflèins de Corrupteur. ) C'est fait ; ils font enfemble d'hièr: je le tiens de Lagouache : ils ont pris un appartement dans une maison borgne d'une A 3  6 Paysane pjrvertii, très-vilaine rue de la Cité. La cacherte eft excellente ! on n'irait jamais les chercher-la: mais j'y pourvoirai. Pars, ou dirige ma conduite, Ten filence me laiffera maitrefle d'agir a ma tête; &c tu vois d'ici , que je re tarderai pas h les découvrir a Edmond. 11^ eft furieus. Ceft un exces de co'ère , d'emportement !.... Je crains fort pour Lagouache. Le Marquis eft dans une inquiétude !.... II ne fait que penfer de cette démarche. 3i lui ai-dit, que je ne croyais pas que les deux Fugitifs fulTenc enfemble : qu'Urfule n'ayanr pour buc que de forcer fes Parens a conlenrir a fon mariage, elie prenait lurement routes les précautions poffïblts , pour n'avoir rien a fe reprocher du cóté de la conduite. J'ai dit ce que la folie aurait dü faire. Voila donc comme font les filles, quand lapaflïon les aveugle, &qu'el!es ne peuvent plus fe dire , Jamais un Homme 'ne m'a touchée / Ceft comme moi (car. on peut fe citer ) ; aurr.is-j: pu me resoudrc jamais a écouter les vceux d'un certain Homme 3 tout aimable qu'il eft, fans...... A-propos , eet accident me délivre d'une grande attaque, & 1'Homme dont je pariais , d'un Rival dang-reus ! Ces jours pafles, Edmond m'en-contait, mais trèsvivement, & en-vérité il faut être fidelle, comme ie la fuis, n'ayant plus rien qui me recienne d'un autre cöté , pour être demeurée cruelie!.... Je crois qu'un Homme prudent ne doit jamais faire une efprit-fort de  T> A R T 1 E V. ? fa Femme ou de fa MaïtreiTe, Cil veut qu'elle ne le trompe pas : c'eft un avis que je donne a 1'Homme en-qu*ftion. S'ilfaut un fxein aux Hommes, il en-faudrait dix aux Femmes ; je l'ai déja fenti, & Urlule me le prouve. LETTRE XCIV. 35 décemhrev U R S U Z E , k L A V R E. {La Pauvre Tnfortanée i 'en-étant-alée avec Law gouache, elle en - eft punie par ce Fat lui-même » d'après les confeils de Gaudét. ) ne m'a remis ton apoftille , 8c ta copie de Lfttre , qu'^-l'inftant ou je fortais de ché ■ m.me Canon, pour n'y plus rentrer. J'ai krré ta Lettre , ne pouvant la lire, ÜC je ne l'ai ouverce qu'ici. Je l'ai d abord regardée comme un jeu de ton efpnt , 8c je n'y ai pas fait grande attention. C était-atort: quelques jours paffes avec Lagouache , rn'ont rait-voir que tu m'écrivais ce^ que tu pen fes , & par-malheur , la vérité. M011 deffcin eft de mettre fin a 1'inquiétude cruelie oü je fais qu'eft mon Frère : tache de le prévenir, & de l'engajer a me recevoir avec douceur: c'eft tout ce que je lui demande, A 4  8 Paysane pervertib. Mais ne lui montre pas cette Lettre; Je I'exige abfolument de ton amitié. Samedi (iy ), je partis comme tu le fais Vers les onze heures, a-l'inftant oü je favais que m me Canon & Fanchette devaient être au lit. Je m'en-affurai cependant, & je vis Ja chambre de la bonne Dame fans lumière : Pour Fanchette, elle dormait, & je la baisal lans 1'eveiller. Je defcendis en-tatonnant, & je toulTai, quand je fus 4 la porte de la rue. M.r Lagouache m'attendait en-fiacre, a vingt pas, avec Marie, la Nourrice de mon Füs, qu on m'avait rendue a la prétendue mort de 1'Enfant, & que j'ai retenuepour me fervir! Il était fort-mauffade : Je 1'avais fait-geler, disait-il, pendant une heure. Ses plaintes étaient fi-groilieres; fon aótion , en m'aidant è monter, me parut Il brutale, que j'étais prefque tentée de lemrer. Eh ! pIüt-i-Diru! Je ne fais quoï m'a retenue. Nous arrivames dans notre logement. L" fouper était pret: mais comme j'avais éré obligée de mg mettre a table avec m.me Canon , & m.Ue Fanchette , je ne pu3 manger. Il voulait m'y forcer , & me fiü cent contes, tous plus-fots les uns que les autres. Il alajufqu'a me dire en-ricannant, que c'était 1'envie d'être au lit. Ce moe me fit lui lancer un regard.... qui 1'inrerdit. II fe mie a ricannerencore , en-me-demandant, fi 1'on ne pourait pas badiner avec fa petite femme ? Je me calmai, bien-resolu£ de me yenger de fes propos» Je quittai la  P A R T I E V. 3 table avant lui , & m'enferraai dans_ ma chambre. U eut hndécenee de refter julqu'a trois heures, a m j pri rr , a me preffer, je crois même qu'il lui échappa quelques menaces. Je tinr-bon. Le lendemain Monfieur me bouda. Je le lailfai - faire. Le foir, je m'enfermai comme la veille. Il jura tresfort , f'emjorta , & me cria qu'il alaic mettrc la porte en-dedans. II y frappa eneffet, avec une efpèce de gros marteau , li-long temps, & fi-fort , que les Voifins font accourus. Il leur a dit, que ft femme ne voulait pas le recevorr auprèjS d'elle depuis plusieurs jours, & qu'il vojiKtt entoncer la porte ; non pour la maltraiter mais pour la careffer. Voyant qu'il y avait la da monde, & tous des ïnconnns , je fais fortie. II eft venu m'embraifer: tout le monde f'eft mis a rire, & ('eft retiré en ri.nt s on nous a fouh üté le bon - foir , ennous disant , qu'un auffi beau Cou le que nous le fesions , ne devait pas avoic de différend. 11 f'eft donc trouvé dans ma chambre malgré moi. Je lui ai fignifié que je voulais être feule. Mors m.r Lagouache a changé' de ton, & m'a fignifié a fon tour , qu'il prétendait refter ; que j'étais a lui, que. je m'étais donnée, & qu'il n'y avait rien de lï beau que le don. En - même-temps il eft venu pour fe familiariser au dernier point; car il a voulu mettre une main fur ma gorge. Je lui ai appliqué un fouflet. Il a porté fa main fur fa joue , en-lachant ce mot grof-  'i© Paysane pervertie. fier, dont les ff fifflantes écorchent lesoreilles d'une Femme honnête. Il f'eft tenutranquile un-moment. Mais a-l'inftant ou je ne m'y attendais pas , il feft jeté fur moi. Je me fuis défendue de toutes mes forces , ■& j'ai appelé ma Domeftique a mon fecours, II lui a déclaré , que fi elle approchait, il lui.... du piéd dans le"-'. Ces brutales exprcffions ont achevé de me mettre en-fureur: je ne l'ai plus ménagé. 11 a été obligé de me laiffer. Je lui ai ordonné de fortir. — Ordonne ! — Oui, je vous ordonne de fortir de ma chambre. — Non pardieu! que je ne t'aie eue a mon plaisir. — Vous ! jamais. — Ah! fi, Mignone , fi; tumettras de 1'eau dans ton vin ; car je te jure que je ne quitte pas d'ici que ga ne foit. — Tu fortiras, a-l'inftant , lui ai-je dit Marie alez ch^rcher mon Frère . rue , & dites- lui de venir fur-Ie - champ a mon fecours. — Si tu fors , Marie ( a-t-il dit en la retenant par la jupe ), je t'écrase. — Alez, obéifftz-moi; je fuis vctre Maureffe : — Et moi ton Maitre — Ma chère Marie , partez , je vous en-prie ! je reconnaïtrai ce iervice. — Et moi auffi ; car fi tu bouges , au premier pas , un de ces chenêts t'arrêteracour, en-te fendant la cervelle. — Sortez de ma chambre, Monfieur! — Je fuis chés moi, en-étant chés vous , & j'y rcfterai. — Mais vous n'êtes pas encore mon Mari. ■ Si je ne fuis pas chés ma femme, je fuis chés ma ( le plus vilain mot eft forti de  Partii V. »l fa bouche ) , & mes droits font ies mêmes-. Je me fuis mise a pleurer. Il eft refté tranquile , étendu dans un fauteuil , feignant de f'endormir. J'étais au dcsefpoir. J'ai été auprès de Marie , & je lui ai pa:lé fort-bas, pour 1'engajer a le reünir a moi. O Madame ! il me tuerait : il a des ieux qui m'ont fait-peur! Oh! le vilain Ogre ! li vous n'êtes pas fa femme encore , ne la devenez jamais , je vous en-prie ! — li hut abfolument machère Marie , quetu m'aides a le mettre hors de ma chambre ; tu n'enferas pas fachée ; je te garderai avec moi-. Et je l'ai embraffée , pour 1'y engajer. Nous fommes venues tout-doucement derrière 1'Ogre ( comme 1'appelait Marie ) : nousnous fommes jetées fur lui erifemble , &C quoiqu'il ne dormit pas, nous 1'avons fi bien contenu , que nous 1 avo; s mis- li h rs„ Nous avons fi-rmé la porte fur n us , &C nous-nous fommes rnises-au lit enfemble , malgré le vacarm- qu'il a fait a la porte , le refte de la nuit. Au jour , il f'eft couché. Et comme ma chambre a une feïtrê fur 1'efcalier , nous avons fait notre déjeuner & nous avons paffé la moitié de la journée fort - tranquilement. A diner , Marie lui a été mettre le couvert pour lui feul dans fa chambre. Il a voulu la maltraiter; mais cette filie , que j'avais aguerrie, lui a tenutête , & lui a déclaré, que f'il osait la frapper , elle lui fendrait le crane avec une bouteille. Elle Ta contenu par-la , & il a été fcrcé de diner feuL  'n Paysanepervertie. C'était lundi. Le refte du jour & la nuit iuivante , il eft refté tranquiie. Le mardirnatin , je l'ai entendu foupirer & gémir dans fa chambre , jufqu'a 1'heure du déjeuner. II m'a fait demander humblement par_Mine, la prrmiiïion de déjeuner avec moi. J'ai cru devoir y confentir. II f'eft fortbien ccmporté jufqu'a diner. Nous-nous lommes mis-a-table enfemble. En-finiffant, il m'a proposé une partie de rricrrac , que j'ai aceeptée. Nous avons causé enfuite. Il m'a demandé pardon de fes torts, & j'ai penfe que je pouvais 1'accorder. Comme nous alions nous mettre-a-tab!e pour fouper , il tft entré chés nous une Voisine forc aimable avec fon Mari. Je les ai recus polimenr. Lagouache , fans m'en - demander avis, les a priés de fouper avec nous. Ils ont accepté, en-disant, qu'ils brülaientd'envie^ de faire norre connaiffance. La gaité a règné a table: les propos ont été rortlibres, de la part des Convives , & de Lagouache qui les aime. J'étais furprise par intervale , d'entendre fortir certains mots des Halles de la bouche d'une femme jeune , jolie , & qui paraiffait affés bien-élevée. Enquittant la table , on f'eft mis a faire des folies: la Voisine a embraiTé fort-librement fon Mari; elle voulait que j'en - agiffè de même avec le mien: — Ah-ca , madame la Prude (m'a-t-elle dit), je vous avertis que je ne fors pas de chés vous ; que je ne vous voye au lit avec ce chèr Épous; & je  Partie V. 15 Vous avoue tout uniment que c'eft 4 fa pr;ère , que nous fommes venus fouper iet ce fcir pour cimenter votre reconciliation. Aions , point de bégueulerie ; je Ie veux & ei f?ra-. J'ai voulu parler. Elle m'a ferme la bouche. J'ai compris alors la raison de 1'apparente tranquüité de Lagouache ; il avait Egi par les confeils de cette femme, a laqueile fans dcute il avait fait une demiconfidence , en-nous donnant pour mariés: j'ai cru qu'il falait ceffer de rire : j'ai pris un ton férieus , en-disant a la dame Voisine , que j'avais des raisons importantes. — Comment! comment! eft-ce qu'il aurait.... (Je n'ose écrire une expreffion auffi-libre & auiTïgroffière.) Ah ! dans ce cas-la , c'eft aucre chose , & je ne dis plus rien ! — Eh-non , Madame, a dit Lagouache en riant d'une manière , qui, pour la première fois, me 1'a fait paraitre fot; je me porte aufïi bien que vous. — Mais que veut donc dire Madame ? — m'en-veut, pour un badinage qui m'eft échappé le foir de notre arrivée ici; elle ne faurait me le pardonner. Je vais vous le dire a-i'oreille-. Et il le lui a dit fans-doute. — Quoi ! ce n'eft que ca ! Ah! tu es une franche bégueule , Madame Lagouache ! fi je me fachais pour ca ! — Chaqu'un a fon humeur, Madame , ai-je dit fort-fèchement ; moi cela me fa-he beau-; coup ! & il faut que Monfieur ait la bonté de laiffer calmer mon reffentiment, avant qu'il foit queftion de reconciliation entre  '*4 Paysane pervertte. ïious-. Le mari n'avait encore rien dit qué de général. Il a pris mon parti , & foutenu Viyement l fa Femme , qu'elle ferait fa hée, ril lui avait tenu un pareil propos. Eile a affuré d'abord le contraire ; mais a-la-fin , elle f'eft rendue , en disant, Que cela était yai : mais qu'il re falait pas en - convenir devant moi, paree-que cela m'autorisait dans ma bouderie. Et elle a continué de prorefter , qu'elle ne fortirait pas que nous ne fuffions enfemble au lit, m.r Lagouache & moi. Son Mari, qui me paraït un Homme de bon-fens, ^ a voulu 1'emmener: elle f'eft fachée rrès-férieusement contre lui , & a continué de me perfécuter, jufqu'a ce que je me fois fachée a mon tour, & que je 1'aie renvoyée très-mécontente de moi. Lagouache a été obligé de fortir avec elle, & il lJa fait pour montrer fa douceur a nos Voisins. Lorfqu'il a été parti, j'ai dit a Marie, que je voyais bien que cette Femme était gagnée par Monfieur ; que je la priais daler aux écoutes, pour favoir , f'il n'y avoit pas quelquedeffous-de-carte, qu'il m'importait de connaïtre. Elie eft montée doucement, & elle a entendu le mari & la femme qui fe querellaient. — Que favcz-vous des raisons de cette Jeune-dame, disait le mari: peut-être eft-ce une fille-de-famille, car elle en-a 1'air , qui ne f'eft laiffée enlever qu'acondition d'un prompt mariage, ou,d'être refpedée jufqu'a ce qu'il fe faffe , & que ce Jeune-homme-ci veut abuser dc fa fituadon ï  Pahtie V. tj ;— Ah ! Ci je le favais , a dit la femme, je ferais la première a Ia foutemr ! — Sois-enfüre, mu femme: je fais que malgré certaine.s éxpreffions libres , que tu ciens de ta Mère, tu as 1'ame honnête & le cceut excellent; étudie un-peuces Ten s-gens-ci» avant de re dc ider pour ou contre : lorfque tu feras füre , |e trouverai-bon tout ce que tu feras, Sc toutce que tu diras-. La femme a repondu a lor, Mari , qu'il avait raison , & ils le font reconciliés. Mercredi-matin , Lagouache était furieus contre moi. Il a derriandé a déjeuner enfemble. Je m'y fuis prêtée. Il a gardé un morne filence , qui m't-rrrayait, & j'ai commencé a me repentir férieu?,ement de m'être mise-a-la-merci d'un tel Homme Ma chère Laure, je te 1'avoue , j'ai eu une faiblefle avec lui ; mais dans ma poskion, aclutlle, j'aimerais-mieux mourir Il f'en-tft alé après le déjeuner. Nous avons diné & foupé a la même table. Le lendemain jeudi , même conduite, fi ce n'eft que nous avons diné chés nos Voisins. On eft venu jouer chés nous jufqu'au fouper. On a repris le jeu après avoir quitté la table, jufqu'a la mefle-de-minuit, oü j'avais des raisons de ne pas aller: Lagouache a feint de fe trouver incommodé ; lans-doute pour fe donner un prétexte de ne pas accompagner nos Voisins: je n'ai eu auqu'un foupcon , croyant fentir fes motifs: il a demandé la permiffion de (e xetirer dans &  16 Pavsani puvertje. chambre , pour aler fe mettre-au-lit. J'ai voulu auflitót quitter Ie jeu. 11 m'a priée inftamment de n'en-rien faire, & de conrinuer a m'amuser. Nos Voisins ont eu la difcrétion de fe retirer dès que le tour a été achevé. Je fuis rentrée dans ma chambre, & je me fuis mise au-lit-avec Marie. J'éraisl a-peine endormie, que j'ai entendu quelque mouvement, qui m'a éveïllée : c etait Marie, qui fe remuaic, fe retournait. Je lui ai demandé^ ce , qu'elle avait , & pourquoï elle m'empêchait de dormir! — Vous dormiez-donc , Madame ? — Belle demande ! Alons tachez de vous tenir tranquile. —■ Mais, c'eft vous qui avez commencé-. Je "ƒ! ,rien compris a cela , & nous avons tache toutes-deux de retrouver le fommeil: je n'ai pu y parvenir ; & Marie , de fori cote, n'y ayant pas plus réüffi que moi , ou peut-être voulant f'affurer de quelque, chose, ellea feint d; dormir profondement: ce qu'on entendait k fa réfpiration forte'. Aubout d'une heure environ , j'ai fenti Marie, qui cherchait mes mains: elle les a trouvées toutes-deux , dans une position , qui lui a fait-voir que je ne 1'avais pas touchee. Elle f'en-eft affurée encore ; & ne pouvant plus douter , elle m'a donné de petits coups pour m eveiller. — Que voulezvous , lui ai-je dit £ — Madame, a-t-elle repondu fort-bas, Monfieur eft ici: voyez cc que vous voulez faire ? — reftez a-cóté se moi, quelque-chose q ui arrivé. — Mais c'eft a  Partii V. 17 c'eft , Madame , qu'il me fait des choses-... J'ai compris ce qu'elle voulait dire , & je lui ai fait-prendre certaines précautions, que j'ai auftï employees pour moi-même. Nous fommes reftées ainfi tranquiles, fans oser nous endormir: causant enfemble , dc choses indifterentes. A-minuit, al'inftant, oü 1'on a entendu touc lemonde paitir pour aler a la mefle, Lagouache, qui fe tenaic caché dans la ruelle de mon lic, eft venu fe jeter fur moi, repouffant Marie fi rudeinent, qu'il 1'a fait romber a terre : furprise 8c fans défenfe , j'alais être la viótime de fa brutalité, car il était parvenu a me couvrir la bouche. Marie n'osait crier ; cependant, je tachais de 1'encourager a ma défenfe par des mots inarticulés. Elle m'a comprise enfin , & par fes etforts, elle eft parvenue a me dégajer. J'ai fauré hors du lit, 8c prenant mes habits avec moi, je me fuis enfermée dans mon cabinet, oir ma prenrère penfée a éré de m'habiller promptement. Je letais a-demi, lorfque j'ai fait-attention aux cris étouffés de Marie; car auparavant, je penfais que c'était une querelle entr'elle &c Lagouache ; cette pauvre fille était nue; elle eft jeune , 8c aiTés jolie : le malheureus, qu'elle tenait embraffé , pour me donner le moyen de m'échapper , la trouvant a fa portée, paree-qu'elle ne foup9onnait pas fon defiein, a toumé fa rage coritr'elle 8c elle a été la viclime de fon zèle pour fa MaitrelTe.... Je fuis accourue ï fon fecours, Tarnt III. Tank V. B  l8 PatsANI ÏERVlRTIlj Mais,... il n 'était plus temps. J'ai vu m.r Lagouache , fiér de fon indignité, fe retirer , cn-disant, qu'elle venaic de payer pour moi! Ce trait eft infame , & je ne faurais dire j combien je fuis peinée , d'avoir pris a mon ieivice cette pauvre filllc, déja trompée par les Hommes, pour lui causer un fecond embarras, quiachevera peut-être de la perdre. Car ne nous flatons pis, ma Cousine ; quand les filles ont éprouvé ce crue! affront, elles n'ont plus la même déiicateffe , ni la même verru , fi elles en - conservent encore. J'ai tiché de confoler Marie. Mais elle eft au-desefpoir, & depuis ce* moment je ne puis parvenir a la calmer. Lagouache a osé parairre devant moi. Je 1'aï trané comme il le méritait. Il f'eft mis a ricanner. Je 1'aurais fouffleté. f'il avnic été a-portée de ma main , ou que je n'euffe pas crainr de me donner 1'air d etre fa Femme,; en-lui-fautant au visage. J'ai pris ma resolution de le quitrer ce foir : il eft moins fur nos pas depuis fon infimie ; je prépare nospaquets, & je n'artens que ta réponfe. Je t'envoie Marie , tandis qu'il eft forti, a la brune , envelopé dans fon manteau. Tache qu'il ne me retrouve pas ici. A ce foir, chère Laure.  P A R T I E V. *f LETTRE XCV. L A U R E , h G A V D E T. 1 Comme elle emporte tout, &. teiffe Lagcmach» avec les quatre murs. ) u rsuii eft chés moi: La voila quitte de fon enièvement, dontje t'envoie la relation , Sc de fon Lagouache. Eile f'eft comportée en-Lucrèce ! Nous fommes dans 1'incertitude fur la manièie dont elle doit fe remontrer a fon Frère: Marqué-nous ton Je ne doute pas qu'Edmond ne t'nit inftruit de fon malheur (car c'eft ainfi qu'il appelle 1'efcapade d'Urïule); fi tu ne lui a pas encore fait-réponfe, mon fentiment ieralt que tu le badinaftes un-peu ( 1 ) : tu te juftifirras toujours bien, en-lui momrant ma Ltttre , a ton retour rei. Je vais a p ésent repiendre la fuite du récit, oü Urfule 1'a laiflé , dans fa Relation. Aulieu de lui répondre, & pour ne rien donner au hasard, penfant qu'elle avait ( i) Cette Reponfe eft la CXXII.me du PAÏSAÏfr $. joo du T. 1/. P *  15 Paysane pervertie.1 affés foufferc, pour être dégoütée de fon' Lagouache, j'accompagnai la pauvre Marie , qui de fon cöté me priait a-mains-jointes, de vènir délivrer fa Maitreffe. Cette fille joue fort-bien fon perfonage, & elle ne commet en-rien les fecrets que tu lui as confiés. Tu fais des héroïnes de toutes tes Elèves ! J'aurais bien-laiffé Urfule quel- ques jours de-p!üs , avec fon Automate ; qui en-agit fi bien ; mais je craignais une reconciliation , fi j'avais fait la difficile pour la recevoir. Je fuis arrivée avant le retour de Lagouache. Et vïte j'ai fait monter Urfule en-voiture , avec les effets tranfportables; elle n'en-avait pas beaucoup ; & je 1'aifait partir. Je fuis demeurée pour le refte, avec Marie , que j'ai envoyée me chercher une autre voiture &c un Tapiffier. Nous avons tout öté. Ceci n'était pas de-concert avec Urfule; elle comptait que je laiffèrais les meubles a Lagouache ; d'autant que cela eft de peu de valeur: mais je voulais me dcnner le plaisir, f'il revenait tard, de ne rien trouver. J'ai été fecondée par fon mauvais-génïe: tout était chés le Tapiffier , qui demeure dans la même maison, quand mon Ruftre eft arrivé. Nous étions déja dans la voirure , Marie & moi. 11 eft rentré. Nous avons levé les portières , nous avons fait éloigner notre fiacre de quelque cinquame-pas ; enfuite , je fuis defcendue , &c j'ai été dans la maison. Lagouache effayait fes cléfs, qui n'ouvraient pas; j'avais fait-  P A R T I E V. ï| oter les ferrures-de-füreté ; il n'y avait plus que celles de la maison. Enfin , il en-a trouvé les cléfs apparemment; car il a ouvert. II jurait comme un Charretier, Sc fe fervait d'expreffions fort-malhonnêtes contre Urfule & contre fa Domeftique. En-entrant, il n'y voyait pas : les chambres vides rendaient fa voix plus-fonore , Sc fes cris étaient divertilfans. Enfin il eft monté chés fes Voisins. Je riais comme une folie, en-re tenant les éclats de mon mieux. Il eft revenu ave« de la iumière ; fon entree, en-ne voyant que les quatre murs, a été un coup-dethéatre. 11 a appclé fes Voisins. Ils font ac- courus. —Voyez ?.... tout eft nu! Elle a tout enlevé! — Nous n avons rien entendu-! Je crois bien ! je les avais prévenus de tout, en-leur racontant au vrai 1'hiftoire d'Urfule , qu'ils nedoivent plus revoir : ma mise, mon air diftingué , j'hésitais k 1'écrire, leur ont imposé; ils m'ont crue (comme c'eft la vérité ) une Parente fenfée qui venait au fecours d'une Etourdie , &C m'ont promis le fecret. Oh! comme ce vilain Lagouache a juré! J'écoutais tout-cela. Il a visité 1'appartement , oü je n'avais pas laiffé une chaise. Il f'embraffait; il marchait; il jetait au Ciel des regards de Joueur qui perd ; il tapait du piéd ; enfin , il fesait tanr. de grimaces & de contorfions , que j'ai éclaté-de-rire , en-m'enfuyant. 11 m'a entendue, & a voulu courir après moi. Mais j'ai regagné mon fiacre, qui eft parti fur-leB i  ii Paysane pirvertie, champ. Je fuis venue rendre tout-ce!a fidèJement a Urfule , qui a plié les épaules. Nous fommes enfuite convenues , qu'elle paraïtraic n'avair quitté fa retraite , que pour ealmer 1'inquiétude de fon Frère. Ce ne feta pas tout-a-fait mentir; elle eft trcs-affeófcée de la peine qu'elle lui cause ; & je crois qu'il eft bon qu'il ait d'elle cette idée. Prompte Réponfe , finon je fais a ma tête , & je rens Urfule a fon Frère aprèsdemain, dès que 1'heure des Lettres fera padée. LETTRE XCVI. Réponfe. (Tortueus Serpent! que de ruses pour perdre Celle qui 1'eft déja ! ) r J—'E projet d'Urfule de revenir a fon Frère, comme par-inquiétude, & paramitié pour lui, me paraït bon ! Ce que tn ine marqués fur la facon de lui écrire, eft excellent, & je m'y conforme. La relation d'Urfule eft fingulière , & abfolument differente de ce que j'aurais imaginé ! c'eft une pièce curieuse , & qui pourra nous fervir, cn-retranchant 1'aveu qu'elle t'y fait. Permets cepeirïdant que je révoque en-doute fa fincérité : ü j'avais ici Marie 3 ii fe pour--  P A r t i e V. ij Tait qvMe me dit , qie la nouvelle Lucrèce na pas été trait=e clfféremment de lancienn?. C'eft ce qu'il eft important d'approfo-.idir , & tu peus y tr tvailier en-m'attenduat, car je partirai fou> peu de jours. D'iprès tes découvertes affimatives de mes fourjeons. tu p mrras p rltr iibrem-ntdii Marquis , &conieiller adroke.m-nt d'accepter fes offres: Si aucontraire la c jnduite a éte conforme a la Refetpn , il Faüdra m'attendre. J'ai vu la belie ParangQn , après I'efcapade d'Urfule : fon éronnement , a cette nouvelle , m'a infiniment amu^é. Il auraic falu ia voir , chercher i lire dans mes kux , fi je disais h vérké. Je lui ai ;aiffé la petite fetiffadion de douter ; j'ai feirrt d'être mterdit , de n'être pas bien-für ; & quand je l'ai vu dèrni-raffctrée , je fuis forti , comme pour aler chercher la Lettre. Je n'avais pas dit que c'était d'Edmond. Je l'ai présentée ouverte. Elle a rougi, en-voyant 1'ccnture. «— C'eft de mon Cousin ! — De lui-même. , Et fait-il i — Lisez , beiie Dame-. Elle a lu (i). Dès le premier mot elle a, rougi ; elle a chancelé, après avoir lu quelques lignes, lorlqu'il a été queftion da Marquis fans-doute. Elle feft affise tremelante. La fuite la remettait un peu, quand un mot de. la Marquise de-*** , qu'Edmond a placé a la fin de fa Lettre, lui a rendu (i) Yovez la CXXI.me du Païsan » T. /ƒ, B 4  *4 Paysane pervextie. *oute fa couleur. Elle f'eft levée , & me Yt rendue affés-majeftueusement, en-me diSant: —Vous devez triompher! —Moi! Madame ! des malheurs de mon Ami! — Ils font 1'effer. de vos confeils. — A moi, qui fuis ici! — Ah-Dieu! f'eft-elle écriée , eft-il poffible! & le Frère & la Sceur! J'.rai a Paris, Monfieur ; j'irai au fecours fle mon Amie , & je 1'arracherai a fa perte-. Elle f'eft retirée dans fon cabinet, en-achevantces mots, & m'a laiffé. Je n'aime pas a faire autant de peine que je lui en-ai causé ; jenevouhis qu'humilier fa pruderie, & lui montrerque le néant de la vertu refftmble affés au néant des grandeurs : mais je l'ai profondement bleffée : ón m'apprend ce matin , qu'elle a Ia fièvre; & qu'elle garde le lit. C'eft une femme que j'eftime & que je plains ! Elle a tout pour être heureuse , & c'eft peut-être la plus infortunée des femmes par fa verru ( i ). Adieu ma Laure; tu vois bien que la route que tu fuis eft la meilleure ? (i) Ce n eft point par fa vertu que cetfe Dame eft malheureuse , mais pour avoir trop-écouté une paflion qu elle croyait innocente , qu'elle combattait, i q»1r. ne eracinait pas. Dieu! jufques-a-quand Jes Mech.-.ns tireront-rK , un barbare avantage des peines des Bons, pour infalter * la vertu. a la *onne-conduite.  P A R. T I E V. 2J LETTRE XCVII. 15 janvier 175}. V R S V I E , a G A 17 D É T. (La pauvre Infortunée avoue fa turpitude , Si découvre celle de fon Lagouache, qui eft horrible ). M o n Frère vous a tranquilisé a mon fujet, X'Ami ; je fais qu'il vous a écrie le 51 du moi dernier (1 ). L'amitié, la reconnaiflance & mon goüc me mettent la plume a la main , pour vous rendre compte de tout ce qui f'eft paffe depuis notre réirnon. Vous ferez content de moi, j'efpère ; car je connais vos difpositions a mon fujet; Laure m'a parlé clairement, & je vais f«ire de-même. Vous favez que j'avais quitté la maison de m.roe Canon, & que j'étais-alée demeuret dans la rue du Haut-moutin, avec Lagouache. J'aimais réeilrm m ce Jeune-homme, & fa b-iffefTe m'était abfo ument inconnue. Le premier foir, nous étions fort-bons-amis, & je vais vous avouer, ce que je cache a Laure elle même : ainfi le fecret ï je vous (O La CXXIU.ms da Paysan , T. //.  i-6 PaYSAHE PERTEB.TIE. connais, & j'y compte : je vous avouerai douc que nous ii-2vons eu qu'un lit : c'était mon bat, Sc je voulais for;er paria mon Frère a faire mon muiage. Le lendemain, eft arrivée la fcène que je place au premier foir , dans mon récit a Laure ; mais avec des circonftances encore plus - humiliantes pour moi; car il me reprocha ma 1...; vous devinez ce mot, & me traita comms une Malheureuse. Vous favez que j'ai du cceur 5 je fus piqué;-au-vif, Sc je me conduisis comme je le marqué a Laure, Le lendemain , il vint pour me demander pardon. J'étais tentée de 1'accorder : mais un refte de décore a garder m'en - empê;ha pour 1'heure. Cependant je m'adou:is b^aucoup. 11 forcit, & rentra dans fa chambre. Une heure après, Marie vint me dire qu'il était forti. J'avais des doublés cléfs a fon infu ; c'etait une précaution que j'avais prise enfesant préparer Tappartement : j'entrai dans fa chambre , en-fesant tenir Marie a une croisée de la mienne, pour m'avertir , f'il revenait. J'ouvris fon fecrétaire avec ma double-cléf, Sc j'y trouvai un brouillon de Lettre concu en ces termes : Lettre de Lagouache, a Pastourel. JE fui [ici avec ma drolejfe cnme je ne. conté pas de pouvoir lépou^er a co^e de fon frair e duns dj' Zore file amretenu e peu  P A R T I E V. 27 faite pis je la trete come une vile pttrk daffot e je ne la ménage pas je lé traite^ hiair au foir comme une G—use pour que la reconsiliation me vaille ancor queque-chose. Je la done pour ma Fume dans le voi%inage & je lé fai accroir a un voi^in e une voisine for^ honnêtejans pour qu'il ne foure pas leurs ns dans mais affeir fil antendent du brui car cil fot la rocer je la roceré je lé traite^ an marié la premiair nuit mes fa ete la plus belle ge né pas envie a présant de /ne genei tien moi une chanbe prete acote de toi je tanvoi di loui pour la meubler en chanbe de pentre cait la que nous riboteron aveque larjant de la dosfelle ge la fere{ ckantei fur le bon ton e ge la tra-. vallere{ de maniair que ci on man done le tant je la ra^erai au plus prais pojfible come je ne pourai pas lepou^er & que je fes quelle te plet je te la cederé une de fes nuits fan quelle le fache il fot bien fere queque cho^e poure cesami elle le fora par aprais fi tu vceu quan cela cera pace{ quaijfe que fa me fera a moi voila une bonrie obetne e cela oret été bien melleur cil i avet pu aveir un mariage car je noret. pas fet le difficile 0 fujet d'un cairten marqué vu qu'il lui a degea fet un anfan tu voi que fa net pas a menager je tiré voir le pluto que je pouré car je ne vceu pas tro mabcenté que je naye fait mon cou de peur de manque^ une bone occasion je pille tou ce que je pms attrapë arjan bigeou mon cecretaire dont gé la clé ait degea bien gartü adieu mon cher Pajïourel ton ami La & o xia en M  i-S PAVSANE PERVER.TIE. Je te diré qu'elle me croi amoureu amoureu moi je méprise tro les fame pour fa elle efi joli mais je nanvi^ajeret fa ci elle etet ma fame que du cote de linteret tu mantans Comme j'achevais de lire cette Lettre importante pour moi, Marie m'a fait le fignal, que Lagouache paraiffair. J'ai refermé bien-vite, fans avoir le temps de reprendre ce qu'il m'avait volé : mais je me fuis promis de profiter de la première occasion : & pour qu'il ne fe doutat de rien , j'ai laiffé la Lettre. Heft rentré. M m parri était pris 5 & depuis ce moment, jufqu'a la fin , la relation de Laure eft exaóte. J'y ajoute, que la journée même de mon départ, j'avais repris tous mes bijous , Sc jufqu'aux dixlouis envoyés pour meubler la chambre; apparemment qu'il at. ait cette fomme a lui, en-venant avec moi. Laure vous a marqué quel avait été fon étonnement a fon retour. II n'a profité de rien, pas même de ce que je voulais lui laiffer : Laure eft impitoyable pour les mauvais fujets. s Je vais a-présent parler de ma reconciliation avec mon Frère. J'étais chés Laure depuis le ij au foir , & il y avait déja y jours d'écoulés, que j'avais quitté Lagouache. Je priai Laure de fond.'r Edmond par Lettre. Elle préféra d'y aler, Sc de pénétrer fes difpositions. Elle les trouva affés fovorables , pour me dire qu'il fallait me  Partie V. 15 montrer. Elle 1'envoya chercher par Marie, que je veux garder avec moi, quoiqu'elle ne fache pas coifer ; je prendrai une femmede-chambre. Edmond en-voyant cette fille a paru tranfportéde joie : — Des nouvelles de ma Sceur ! — Oui. Monfieur; m.mo Laure vient d'en-recevoir; elle vous attend-. Il a tout quitté. Marie , qu'on avait envoyée en-voiture , a taché de le devancer, pour nous prévenir. Laure 1'a attendu; moi, j'ai paffe dans une autre pièce. —Eh-bien, chère Cousine, a dit Edmond, en-entrant, Urfule met-elle fin a mon tourment ! — Oui , mon Ami : cette pauvre fille ne fonge qu'a toi, & ta peine 1'occupe bien-plus a-présent, que l'envie de faire fon mariage. Seroit-il poffible ? Oiï eft-elle ? m'eft-il permis de la voir? —Je ne fais. — Ah-Dieu! Vous me flatez, Laure-! A ce mot, je n'ai pu me retenir, je fuis venue par derrière fur la pointe du piéd, & je l'ai embraffé. Il m'a reconnue a ma main. —- C'eft ma Sceur-! & il a porté cette main a fa bouche. J'ai été touchée au-dela de toute expieffion ; je me fuis jetée dans fes bras, fondante en-larmes. —Jamais, jamais, me fuis-je écriée , je ne donnerai le moirdre chagrin a un fi bon Frère ! qu'il parle ; fes volontés feront des lois pour moi. Edmond m'a ferrée contre fon cceur , fans pouvoir me répondre en ce premier moment; 8c lorfqu'il alait parler, le Marquis eft entré,  re Paysane per yertie.' Ca été'un^ autre fcène : mais comme elle ïn'intéreffe moins, je ne la décrirai pas (i). Depuis ce moment, je les ai vu tous-deux a rhaque infta "t, ou eniemble , ou aumoins i'Und'entr'eux. J'ai cru devoir prêter 1'oreille aux propositious du Marquis, appuyé par mon Frère. Ce n'eft pas que je ne voye fortbien que 1'hon.nêteté d'Edmond eft la dupe. du projet du Marquis : mais je dois tant a ce chèr Frere; je vous dois tant a vousmême , que je me crois obiigée de vous facrifler une vaine d^licateffe : les reftes d'un Lagouache valent-ils la peine que je vous^ mécontente ? Il faut a-présent vous dire un mot de la manière dont ce Malheureus a cédé au Marquis ce qui ne lui apparcenait plus. De-concert avec Laure, j'ai föigneusement caché les torts de ce vaurien , afin de me donner un certain prix. Edmond m'en-croyait encore amoureuse : cependant a la manière prompte avec laquelle j'ai confenti a 1'épreuve proposée par le Marquis , un Gaudét m'aujrait devinée : mais mon Frère eft encore bonace. Le Marquis 1'a fait venir chés Laure: nous-nous fommes cachés , Edmond &C moi. M.r de-*** lui a fait la proposition de m'épouser , pour me céder enfuit?. Lagouache a confenti, fans la moindre oifti- ( i ) Voyez la CXXIIl.me du PAYSAN , T. IL  Partij V. 'jfc'eulté , d'une manière fi vile , fi baffe , que 1'eufTé-je encore adoré , je 1'aurais pris en homur. J'étais humiliée du peu de valeur qu'il me donnait. Ah-Dieu ! que j'ai méprisé toute cette efpèce mercenaire ! Les Grands ont leurs défauts, mais que ces défauts font aimables, en-comparaison de ceux des Gens fans éducation ! J'ai-fait a cette occasion la comparaison du Marquis voulant m'enlever, employant la violence... II était encore poli dans fes plus-grands écarts; rien de mortifiant pour moi; ce n'étaient que des hommages; fes outrages marquaient 1'excès de fa paffion : dmefte , que n'eüt-il pas fait pour moi 1 quel bonheur a fes ieux , fi j'avais daigné exprirrer un desir ! Que c'eft avec juftice qu'on méprise le Peuple , & que vous avez raison , quand vousdites, qu'on pourrait juftificr tous les préjugés, même ceux qui paraiflent les plus odieus & les plus cruels !... Cédée ^humiliée , je pleurais de rage , & j'ai laiffé croire que c'était d'amour. Le Marquis a envoyé Lagouache 1'attendre a fon hotel, pour conclure, & il eft venu effuyer mes larmes, aufquelles il fupposait une fource plus douce. Je ne l'ai pas détrompé : eh ! le pouvnis-je >; mais je l'ai affuré que c'étaient les dernières. On dit que le vil Lagouache a été fortmaltraité chés le-Marquis. Je fens que la pitié me parle encore pour lui ; car j'en-. fuis-fachée. Pour terminer mon xécit, je n'ai plus  ji Paysane pervertie. qu'a vous ajouter, que j'ai accepté les proposirions du Marquis. Aux ieux d'Edmond, c'eft un dédommagement qu'il me doit, Sc dom il f'acquitte; entre le Marquis Sc moi, c'eft une liaison, & il m'encrecient. J'aurai foixantemille-ltvres par an. Ce qui me flatce davantage , dans ce revenu confidérable, c'eft 1'emploi que je me propose d'en-faire. Venez bien-vice ici; car Edmond eft riche des que je la fuis, Sc donnez carrière k vos brillans projecs. Adieu , 1'Ami. Toute a vous. LETTRE XCVIII. ao janvier. Réponfe. { Le Méchant ne veut paj le lifcertinage, mais un« perverfion raisonnée , pour procurer un avantage temporel a Edmond.) C->'est a-présent, belle Urfule , que vous avez befoin de confeils , & fur-tout de prudente pour vous conduire ! Vous voila audelTus des préjugés: mais le pas eft gliffant! pour peu que,vous incliniez a droite ou a ^auctie , vous tombez ou dans le remords, ou dans le libertinage. Je vous demande pardon de 1'expreffion , je 1'emploie dure , parce-que vous ne la méxitez pas, Sc quül eft  Pauti e V. jï eft bon de vous pari er net. Il faut done , très-chère Fille , corrimêneer a vous rendre compte a vous-même de vo: principes , tl vous voulez évit-r le malheur, & jouir au fein de la volupté . de tout-^s les douceurs de la vertu , unies a tous les avantages du vice (que ce mot ne vou' erfraye pas; ce n eft qu'un mo;). V ius êtes Fille-entretei ue : je tranche au-vif, & je p rle-vni : vousvous donnez au Mtrqüis, qui vous adore. Cette a£tion en-elle-même eft indifférente: elle peut être lou„ble , ou digne d° mfpris, d'après les motifs. Quels font les vótres ? Je les connais , & je crois qu'ils font les feu Is. Vous avez un Frère qui vous aim- , qui eft digne de toute votre ffect-ion ; a qui vous devez une feconde exiftance ; car fans lui que feriez vous ? Sürement la Femme d'un Ruftre, qui vous ferait des Enfans, vous forcerait a les nourrir , a le feivir, & a travail er pirdeffus tout- rela comme une Nègreffe (1). Qu'êtes-vous aujourd'hui ? Une Femme charmante, adorée , fêtée , riche , qui pouvez, avec le temps, faire la fortune de votre Frère & celle de toute votre Familie. Vos motifs fmt uniquement de fervir Edmon 1. Cette difposition eft noble , elle fait une vertu fociaie , d'une aétion indiffé- ( i ) Ce que dit ici Gandét eft viai : mais il ne Feft pas moins , que les plus excellente* des Femmes font dans ce pays , >>ü les Femmes font ainfi traitées : ji y en-a un millier comme était notre lomi-e Mèie, Tome lil. Fartie V, C  34 Paysane fhvertie. rente. Mais, direz-vnus „ je fujs au Marj d'une-autre ! Vous favez que cette autre a un dedommagement , & qu'ainfi persone n eft leze : car fi quelqu'un 1 'était, votre conduite ferait criminelle , & celle de votre Frère aufïi, qui aime la Marquise , & qui en eft aimé. C'eft un échange : ils font permis , dans la fociété, pour tous les autres fciens : une forte de décence 1'interdit pour les Femmes, chés les Nations policées (car al en-eft parmi les Sauvages, & même chés Jes Tertares ou eet échange eft autorisé), a-l'excepnon de Sparte , dont les lois font exaitees par tout le monde , comme les plus fages qui aient jamais été données aux Hom-mes : Eh bien, prenezque vous vivez a Soane, & pour ne pas être contrariée , gardez une reserve modeftedevantle monde; qu'on ignore quelle loi vous fuivez , & contentez-vous de jouirdu repos d'une confcience pure, unie a 1'eftime de vos Concitoyens les plus-fcrupuleus. Pour cela, chère Fille, vous voyez qu'il faur éviter tout ce qui ferait capable de fa re connaitre vorre conduite : que vous devez,, finon vous attacher au Marquis,. dumpins le bien-traiter , ne le tromper jamais ; & fi cela vous arrivait par-hasard , ou par-accident, faire enforte qu'il ne f'enapercut pas : A qui ne connaït pas un tort, ce tort deyie'nt r.ul. Je vous confeille de vous unir , f'il eft poffible , d'amirié avec la Marquise ; cela fe pourra , fi elle aime votre  Parui V. ~ $j Frère. Il en eft des moyens : celui qui me rirait davancage | & que je regarderais comme le plus-digne de vous, feraic d'attirer quelques présens du Marquis , pour les rendre a fa femme : mais il faudrait être bien füre auparavant, qu'elle ne f'en-trouverait pas humiliée ! C'eft ce que l'érude di fon caractère vous aoprendra , foit par vous-même, foit par Edmond. Une chose que vous ne devez jamais perdre de vue, c'eft que vous n'êtes qu'un , votre Frère &c vous ; vos intéréts font les mêmes 5 tout le bien qui arrivé a PUn , rejaillit fur 1'Autre : tout le monde peut-être étranger a votre égard ; mais Edmond & vous ne pouvez jamais être féparés d'intérêts. Il faut penfer touthaut enfemble n'avoir qu'une même ame, les mêmes vues, les mêmes deffeins : de1'inftant oir vous ferez desunis, vous- êtes perdus 1'Un ou 1'Autre , & peut être tous les deux. Je vous donnerai de bouche un autre confeil , que je n'ose confier au papier. Quant a. votre morale & a votre philofophie, faivez celles de la nature : ne faites pas a autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fit: fiites du bien , pour qu'on vous en-faffe : ne faites jamais a Persone un mal inutile , c'eft-a-dire , qui n'ait pas pour vous un avantage aflés grand , pour que vous puiffiez un-jour réparer le mal que vous auriez fait , f'il était néceffaire„ Ne ruinea pas votre Amant : parce-qu'ii  j£ Paysahï jervertib. faut être audeffous des bêtes-féroces, pour réduire a la misère & au desefoo^r un Galam-homme qui a de la faiblefle pour nous. EnnchiflVz vous cependant : mais par une fage économie ; en-banniflant toutes les fantiisirs ruineuses , toutes les dépenfes fans bur. Aimez I'argent : c'eft une vertu dans une Fille de votre claflepourvu qu'elle ne la poufle pas jufqu'3 1'avarice fordide : C'eft que ce vice óterait quelque chose aux. graces; il donnerait & la beauté un air mefquin : la prodigalité lui en-donne un autre , qui ne me revient pas davantage j. c'eft un air délabré , avide , corfaire ; tout cela gate les traits d'un job visage, par.ceque jamais ceux de l'Avare ni ceux de la Prodigue ne patent l'empreinte du contentement, de la tranquilité , de la paix de Fame, le plus précieus des biens. Evitez le; jeu . c'eft un vice , & l'un des plus odieusFuyez le l.bertinage ; & fi vous aviez du tempérament , comportez-vous avec pruden.-e , & co urne je vous le dirai, lors de. mon féjour a Paris. Le train de-vie que vous prenez n'efir peut être pas fans une forte de fcanda'e 1 mais qu'importe , fi l'on f'y fait un nom. qui dift nguc, & que la réputation qu'on acquiert foit honorable a certains égards 1 on fe met ?.lors au-niveau de tous les Hom-nes illuftres, qui ne font pas loués, er.tièrem it bc dans toutes leurs aclions» Le plus-grani mal, quoi qu'en-diseiit les  P a r t i e *V. ?/ Moraliftes , c'eft 1'obfcurité , la bafTeffe ; c'eft la vie de ces Plantes mouvantes, qui végècent autour de vous , qui vivent Sc qui meurent , fans que Persone fe foit apercu de leur exiftence. C'eft ce malheur que je veux faire évicer a Edmond , & par o-casion a vjus-même ; car c'eft lui que j'avais ïeul en-vue autrefois, ne vous connaiflant pas encore : c'eft ce malheur que je redoute pour moi-même bien plüs que la mort ; jufque-la , que je préfère le fors d'Eroftrate , de Cartouche , ou de Mandrin , h. celui de quelqu'Honnête-homme obfcur, mort avant d'avoir ceffé de vivre , & parfaitement nul aujourd'hui. Cette affertion parait forte ! mais je me fuis donné le plaisir , a Saint-bris , de faire lire la vie de Cartouche a de petits Payfans, encore dans 1'innocence , & je n'en-ai pas vu un-feul qui ne f'inrreffat a lui , qui ne faut&t de joie, lorfqu'il échappait a qudque danger. Qu'enaurait obienu de-plüs Turenne ou De-Saxc, Mais il faut ici contidérer, ma chère Fi le, que re n'eft pas ie crime ou le vice qui intéreffent; c'eft une certaine hardiefte , une certaine grandeur : un Scélérat bas, un vil Empiifinneur , n'excire que le friflbnneinent & i'indignation. Il faut done , dans un état fcabreu-;, & qui nous exposé au gr nd jour , montrer un cöté brillant ; il faut compencer les petits défauts par de belle'-cu Ltés ; ce que le monde nomme taacbinaicmcut inconduice , par des yckus,  15§ P A Y S'A NE P E R V E R T I E, 1'humanité , par - exemple , la bienfesance; J'ai-fait une obfervation : c'eft que les Comédiennes , prefque toutes des libertines, 8c les plus-viles des Créatures, par leur vilaine ame (m.IleLecouvreur exceptée), trouvent néanmoins la gloire dans le chemin du iibertinage. Pourquoi ? C'eft que ce dernier n'eft qu un accpfloire; les qualités brillantes des grandes Actrices 1'effacent, & le font regarder comme un badinage, un déla(Fem»nt de ces Femmes-a-talens fubiimes : que ce foit une Doublante qui donne dans les mêmes travers , elle n'eft pas également excusée; a-moins que fa beauté ne lui tienne lieu de mérite; car ce don naturel dans les Femmes compenfe tout, aulieu que ce n'eft qu'une misère dans les Hommes, qui fouvent même les a rendus ridicules ; 8c la mode en-cela, eft conforme au bon fens. J'ai connu d'autres Aétrices , qui n'ayant rij grand mérite , ni grande beauté, ont eu recours au moyen le plus-efficace , pour fe faire hono/er dans leur état; elles ont été charitables: Il ne faut qu'une bagatelle pour cela; teile de ces Fi'les qui rcoit de fori Amant-en-tire quarante-miilt-fbncs par an , fe fait la plus-brillante répütation , avec moins de mille-écus, diftribués durant un rude hiver; elle eft prönée, louée par nos Poèt-s, & bénie par tous les Bolnes-gens; la Dévote, qui en-enrage, cite aux :ceurs durs, a fon uj-t, ce pa^ge adrefTi aux I hansiens : Les Projïituées mêmes finut mieux traitées que vous.  P A R T I E V. $'f Mais, ma chère Fille, la gloire qui vous attend eft bien-audeflus de tout-cela. Votre figure eft parfaite : vous avez des fentimens nobles, élevés : le Marquis eft puifTamment ïiche , &c il vous met ala tête d'une maison, dont vous êtes réellement la Maitreffe, oü vousrecevrez du monde ; oü vous jouerez le röle de Ni non : Car voila votre modèle , ou la charmante Marion De-Lorme , que le Chevalier De Grammont élève fi haut3 tout en-parlant de fes galanterie?. Placezvous, Pil fe peut, audeffus de ces deux Femmes, qui font-honneur a leur fiècle : devenez comme elles, fam-use , courue , fêtée: mais ne vous contentez pas d'établir votre réputation fur les charmes de votre com» merce, fur votre beauté, fur votre facon-depenfer libre. hardie; joigntz y la bienfesance t Il faut cela dans ce fiècle , le moins aumönier de tous, & oü tout le monde eft fi pauvre , au fein de-, richeffes, a-cause du luxe , qu'on y prêche la bienfesance, plutót pour en-être 1'objet, que par goüt pour elle. Tel eft 1'efret de nos besoins faólices trop-multipliés! D'apres cela, foyez généreuse ; ayez quelques families pauvres, aufquelles vous ferez du bien , & qui en-diront de vous : cboififfez-les bien, ou plutot, je vous les choifirai : ce feront des Gens un-peu relevés audelfus du commun , obérés par des .malheurs , des faiilites , & obligés a garder dans le monde un certain décore : Ces fiuis-la, qui yenont la Bonne-bourgeoisie j  4o Pats ane peryertie. ne diront pas qu'ils font vos Obligés ; mais ils exalteront votre bienfesance ; ils en-parleronr la larme l'ceil, & feront aler votre réputation par-tout. Pour leur donner des Sujets a citer, vous aur z auffi deux ou trois pauvres Manoeuvres , bien • chargés d'Enfans, a qui vous donnerez le nécelfaire, que vous leur porterez de temps en-temps vous-même , mise avec modeftie , & prefqu'en-Grisette , mais ayant de belles d^ntelles , des odeurs , & tout ce qui peut annoncer une grande Dame , qui fe cache. Voüa les traits que iteront vos Obligés d'un ordre au-deffus du commun, Il ne fera pas mal que je vous déterre auffi que'que Croixde-faint-louis, réell -rirnt brave Homme, & dans le plus grand besoin : j'aurai foin que ce foit un Homm" molefte , pl-in de mérite, que fa timidité , fa fïené , ou fon manque d'intrïgue auront feuls empêché de faire fon chem:n : Vous ferez a eet Homme une penfion de miile-^cus, & vous lui donnerez votre tabie. Vo is 1'y traitirez avec refbeét- . & vous ra herez qu'il y tienne le haut bout, en 1'abfcence du Marquis. Vous le reconduirez toutes les fois qu'il fortira , cn-u i-m )t , vous iui m»rquerez la plus haute conlidération : flus vous i'honorerez , plüs vous-vou3 honorerez vous-même. Quand on vous demandera qui il eft ? Vous répondrez en-citant fes belles aéhons, & vous laifTerez entrevoir que votre refpeót pour lui, ne vous permet pas de lui ttfrir autre chose  P A R T I E V. 4* chose que votre table : mais que c'eft bien malgré vous! ces propos lui reviendront; 8c" ioyez fure que eet Homme, tel qu'il foit, portera votre réputation jufqu'a la Cour, 8c vous y ftra voir en-bsau. 11 faudra éviter les faibleffes de temperament , ou dumoins tacher qu'elles foient inconnues : fi pourtant il vous en-arrivait, il y a une manière de les faire pafier, Je 1'appelle a la Gauffin, parce-que cette Adrice iavait faire-excuser fes goüts, les plus-bas , par la manière dont elle les fatiffesait. Mais le mieux eft de ne pis avoir besoin de la recette ; & que ni le Coïfeur, ni le Porteurd'eau n'ayent rien de commun avec vous, hors de leur emploi. S'il fe tiouve des Gens diftingués par 1'élévation de leur rang, par leur illuftre naiffance, qui viennent a vous plaire, cedez alors, & prenez toutes les graces dune aimable liberté. Faites-votfs valoir cependant; plüs la Persone fera elevée, plüs vous devez parattre ne céder qu'au fentiment ; füt-ce un Vieillard , il le croira adoré ; les Hommes font li présomptueus , qu'en-dépit de 1'évidence , ils önaginent être encore aimables , fous 1'extérieur le plus-revoltant. C'eft a ce point, ma Belle , oü je vous attens , pour établir fohdement votre fortune ; car je m'offre \ vous diriger, & tous mes talens font a votre fervice : je ferai votre Intendant & votre Confeil , également desintéreffé dans les deux emplois. Vous fentez parfaitement, qu'il faut beate; Tomé IÜ. JPartie K O  41 Paysane pervertie. coup ménager 1c Marquis d'abord , & rant que nous aurons besoin de lui: c'eft 1'Homme qui vous donne un écat, une maison, une exiftance ; il vous mettra en-vogue , & vous fera remarquer. Mais un-jour viendra que vous le quitterez. Alors , pour vous fairehonneur, vous mettre audeftus de Ninon elle-même, & iürement audeftus de toutes nos Courtisanes actuelles , vous feindrez que c'eft par-générosité , pour ne pas achever de déranger fes affaires : car il faudra que nous les dérangions un-peu , lorfque nous ferons fürs d'avoir pour le remplacer ; & cela, par un motif que vous devinerez , j'en-fuis ftir , a la grandeur & a la beauté-d'airie que je vous fais : le Marquis ruiné a-demi; vous entre les mains d'un Homme diftingué , puiffant, vous ferez un-coup d'éclat; fans revoir le Marquis, vous vendrez vos diamans , & paierez fes dettes. Ce coup adroitement ménagé tout fera dit, & je vous vois audeftus de la fortune. C'eft ainfi, belle Urfule, que vous irez a la gloire. Placée par le fort , dans une condition obfcure , vous étiez condamnée a y refter , fi je n'avais pas découvert la paflion du Marquis, & fi je ne 1'avais pas déterminé a vous enlever pour vous aguerrir: Il falait ce coup décisif, pour vous tirer de chés les Canones & les Parangones; il falait encore plüs , & c'eft a quoi j'ai travaillé , en-fesant échouer tous vos mariages; {car ce fonc ici des aveus que je vous dois,  P A R T I E V. 4J "vous êtes trop belle , pour qu'on vous eüt plantée-la , fans mes intrigu;s; il n'eft pas jufqu'a votre Lagouache , que j'ai dirigé ; cela vous prouve la vérité de ce que Laure •vous a écrit de moi); vous fortez de votre obfcurité par le moyen le plus-effica,:e ; fi ce moyen a quelques cötés défavonbles, vous alez y fuppiéer par des correctifs; deforte que 1'enfemble de votre conduite , fera quelque-jour cité avec aimiration. Attachez-vous fur-tout a élever votre Frère : qu'il porte auffi tuut qu'elle pourra monter la gloire de votre norn : pour cela , il faut mare her fur le ventre a toutes les Filles de votre clafte 5 & vous le pouvez, fi vous êtes dociie. Ne demandez jamais que pour lui ; on vous accordera toujours votre demande, fans que vous y perdiez rien. • Je vais a-présent poser les principes de morale , que je vous avais annoncés encommencant, & dont 1'abondance de choses preiïees a vous dire m'a-écarté. Ce qui regarde 1'Etre - fu^rême ne doit pas vous arrèter: Tout eft égal a fes yeux : non qu'il foit indolent , comme le Dieu d'Epicure, mais paree-que les lois qui règlent nos actions , fur-touc celles que vous ferez, font toutes humaines ( 1 ) ; elles font des conventions humaines, faites pour certaines ( 1 ) On verra bientót le fruit de cette doétrine dangereuse, qui n'eft rapportée que pour en-iaontres les fuaettes etfets, D *  44 Paysane pirvertie. raisons, valables pour certains Efprits baroqs^ & dignes du mépris des Gens fenfés. Ainfi votre ïïtuation de fille entretenue eft condamnée parcertaines lois dedécence; tandis qu'au-fond , c'eft un véritable mariage a volonté ; vous êtes la fkonde femme du Marquis; vous recevez de lui, parce-qu'il le doit, vous ayant rendue-mère , & que dans le vrai 1'Homme doit nourrir la femme , la protéger, &c.a. Ce qui regarde vos Pareus eft autre-chose. Vous leur devez du contentement, de la fatiffaótion ; c'eft une dette. Vous leur en-donnerez facilement: il faut qu'ils ne voient que vos richefles, & les fervices ren Jus , tant a Edmond, qu'au refte de votre fimille. J'y veillerai. Lom que les plaisirs dans lefquels vous alez vivre, foient contraires a quelques lois générales de la nature, c'eft tout le contraite : plüs un Etre eft heureus, plüs il remplit le but de fa formation ; car Dieu 1'a fait principalement pour le bonheur : le bien-être épanouit 1'ame , la pénètre , & la rend plus - reconnaiftante envers l Etre-fuprême. Le mal-être , la peine , la portent aucontraire au murmure , a la haine de fon Principe ( i). Jouiflez done. La débaüche eft un crime contre la nature ; & quoique les femelles des Animaux ( i ) Ces maxirnesfont vrajes; mais le MiséraMe J H en-aiiiie ici!  P A R T I E V. 45 paraifTent donner dans une forte de débaüche, lorfqu'e'les Tont en-chaleur, cela ne convient point a la Créature Humaine, quï eft douée de raison. Ceft peur avoir fuivï la conduite des Bêtes, que les Nègres, quï en-approch?nt beau:oup , & quelques autres Nations fauvages des Pays- chauds , ont donné-lieu a la plus - cruelie des maladies, a la plus-incomtnode aumoins , a laplushonteuse : cesHommu-s-brutes, en-fe livrant fens-reserve a leurs appétits , ont corrompu en-eux les fources de la vie. Les Hommes des Pays tempérés , nJauraient jamais contracté cette infirmité dVux-mêrnes ; parceque jamais ils ne fe fuffent livrés a 1'excès qui tft capable de la produire. Mais ce qui eft bien-fingulier , pour cette maladie, & pour toutes les autres qui font contagieuses , comme la petitefceur de celle dont je parle , la pefte , la rage , les fièvres, la g.... , c'eft qu'elles n'exiftent pas en-nous; ce font des êtres moraux, pour-ainfi-dire, qui unefois engendrés, f'étendent, fe propagent, fe confervent > comme des germes d'Animaux , des années entières fans altération ! Cela eft prefqu'inconcevable ; a-moins de confidérer ces miafmes, ces germes, comme des animalcules imperceptibles, dont les femences ont la faculté de fe conferver longtemps, & quine fedévelopent que dans le corps humain , ou dumoins dans les corps animés. Le venin des Reptiles doitêtrc regardé comme un-peu différent; car  4^ Paysane JUVERIü. il ne fe conferve pas, Mais je reviens a ce que je disais: Il faut éviter 1'excès des plarsirs, fur-touc de ceux de 1'amour, & füt-on du temperament de Cléopatre , le contraindre , & le borner. Les auttes piaisirs ne lont pas moins dangereus ; le vin, les liqueurs, la bonne-chère , tout cela dctruit les charmes; & la Belle de-B*» en-fit une trifte expérience ! elle était née la plus-délicate nes Nymphes ; elle mourut la plus grofte oes Tripières. Le jeu ne doit rien prer dre fur votre fommeil; jouez , pour vous amuser un petit jeu ; il vaut mieux que le plaisir foit moins-vif: car f'il 1'eft trop, il vous abforbera, il vous abrutira comme ln refie, il vous maicrisera , &t vous rendra une femme auffi rehutante qu'une Plaideuse.. Quant aux arts , cftleurez-les: la peinture „ ou vous excellez , peut être confervée; occupcz vous a faire de petits présens, pour les Hommes que vous voudrez fubjuguer : li c'eft leur pprtrait , flatez-le ; trouvez des. graces aux magots même : fi c'eft le votre y "£,-"u nu'^' vous fesez encore longtemps afles-belle pour cela, fur-tout, en-ne vous peignant qu a la Staal, ainfi que le demande la mignature , c'eft-a-dire , cn-bufte. C'était une galante-Femme, que celle-tè , ,& qu'il eft bon que vous imitiez. La musique & le chant doivent auffi vous prendre quelques momens: il vous faut une harpe, & même nu clavecin : apprenez a-1 ecart, & ne vous montrez au-jour qu'auffi parfaite que vous.  P A R T I E V. 4? Voulez le paraïcre. Soyez douce, affable k vos Domeftiqs; fans familiarité ; cela elt p'.us important aujourd'hui que li vous etiez Marquise , paree-que vous ferez plus exposee a leur critique; ne leur parlez que pour vous louer d'eux ; & f'üs manquent, qu Unautre les reprenne; le Marquis par-exemple: que tout le bien qu'ils recevront pafi- par vos mains : ce font des Hommes, ce lont des femmes; Cela park, & Cela eft ecoute , même des Honnêtes-gtns. Deyant eux» ayez de la religion ; Gabrielle d Eftrées (e fesait refpeóter par-la. Vous devez abiolument éviter les expreffions Ubres, les iuremens &c.» ; davantage encore les attitudes , les libertes , même ave: ie Marquis ; plus vous ferez décente , plüs vous donnerez de reffort au desir. A votre place , en etant maïtreffe d'un Homme, je me conduirais de-facon , qu'en-me voyant , en-fe rappellant ma conduite , il doutat, fi je ne luis pas 1'Épouse la plus-décente , la plus-chalte , la plus-reservée. 4.i Mais en-même-temps , que tout ce quil y a de plus-coquet, de plus-provoquant faffe reftortir vos appas < la propreté , la coifure , la chauflure , que rien de tout-cela ne foit négligé. Evitez, dans votre parure , que rien n'approche de none fexe -, Cela tribadise une femme , & la rend hommafle , ou mefquine. C'eft une déteftable mode qui prend depuis quelque-temps ; les femmes baiflent leur chauffure, les Hommes hauU D 4  48 Paysane fervertie. fent la leur ; ils vont fe reffembler : roidiffezvous contre eet abus, & confervez leur fexe a vos cheveus, a vos robes, a vos chauffures. Prenez garde a vos Ouvrières ; Celles pour femmes, font pour la plupart cles machines , & ont moins de goüt, que les Ouvriers pour Hommes, ou que les Hommes qui travaillent pour des femmes: cela eft tout-fimple ; c'eft que les femmes ne fentent rien pour leur fexe : un Homme aucontraire , f'il n'eft büche, fent tout ce qui doit rendre une femme provoquante , Sc il tache de le donner. N'ayez rien fur vous , qui n'ait 1'empreinte de votre génie ; faites défaire, tant qu'il faudra , tk donnez a cette importante affaire tout le temps que vous pourez. La raison de ce confeil eft prise dans les mecurs & le goüt de notre iiècle: la facon - de - penfer y eft telle que fouvent la mise 1'emporte fur la beauté. Les gouts, même en-amour , y font tellement factices, qu'aubout d'un temps, ce qui avait d'abord déplu dans les modes, infpire au même Homme les plus-violens desirs. Ceci doit vous fervir de règle , dans votre faconde-vous mettre. Il faut fuivre les modes, quelqu'extravagantcsqu'elles paraiffenr; paree qu'elles donnent un certain prix a la laideur même , & qu'elles rendent la beauté extasiante. Mais en-même-temps , perftctionnez-les: ayez toujours 1'attention deramener leurs formes au vrai beau ; ce qui eft tïèsfacile ; la mode la plus-bisarre ayant füre-  Pahtiï V. $5 ment été a quelque Belle. Ne 1'adoptez pas en-automate, &c quoique tout aille aux Jolies Femmes , ayez foin de vous adapter la mode nouvelle de la manière qui vous aille le mieux. Ceft par ce moyen, que vous ferez toujours neuve , toujours piquante , toujours originale , c'eft-a-dire , jamais imitatrice fervile. Ne facrifiez qu' aux Graces, même en vous conformant a la mode: perfeótionnez 1'habillement Francais; rendez-lui fa nobleffe &c fa légèreté : fentez le but de tous fes accompagnemens , ^& ramenez les a leur inftitution , que d'ignorantes Couturières ont fait oublier. Que deviendrait TUnivers, fi 1'on en bamflait les Graces ! Elles feules mériter.t des autels , paree-qu'elles feules font le charme de la vie : ne les offenfez jamais ; c'eft un crime irremiiTible , & le desagrement qu'il jette fur la Coupable , eft une tache que rien ne faurait effacer. Je ne me laffe pas de vous eenre , belle Ninon , ou plutót bellë Aspasie: mais vous pourriez trouver que je pérore un-peu trop longtemps. Je finis , par la plus importante de mes maximes: Peu de rouge, ou p >int f'il eft poffible : ne pas fe mettre par des veilles , ou par des nuits trop occupées, dans le cas d'en-avoir besoin : dc frequentes ablutions dans la zone torride; c'eft un pays chaud, qui doit être tenu comme les appartemens d'Amfterdam ,  $0 paysane f ERYERTIf, qu'on lavedt ux ou trois-fos par-jour. Adieu," charn ante Sceur de mon meilleur Ami. J3.-/ Que Perfone ne voye cette Lettre , ni Eamor.d , ni même Laure. Gardez vousmerne vos fecress, & ils ne feront pas trahis. LETTRE XCIX. 37 février. U R s tr 1 s , a E B M O li B, ( L'Infortunée approuve Ie vice ). V v o 1 l a trots jours que tu n'es venu l Cette abfence me donne de l'inquiérude > que fais-tu, chèr Ami ?... Si c'était ce que je penfè , & que la Marquise i'abforbat abfolument, je m'en-réjouirais ! une avanture auffi-reievée , avec la Femme d'unt Homme, dont, au-fond , je fuis un-peu dépendante, puifque je recois de lui, rendrait au Frère , ce que la Sceur perd de ik dignité naturelle : & comme tous nous eft commun , les choses feraient dans un jufte cquilibre. Viens me dire ce qui en-eft aujufte , & fur-tout, répons-moi vrai, fur ce que je t'ai déja demandé dix - fois, depuis le mois de janvier : Quelle Femme eft - ce 2  PARTII V. fi fupposons, que je lui rendiffe une visite ou que je lui écrivtfle, comment le prendrait-elle? ferait-elle d'humeur a badiner de 1'ii-c.ination que fon Mari a pour moi „, fi j'en-badinais la première}.„. Il ferait de la plus grande conféquence , pour ton avar.cement , que j'euffe quelque liaison avec cette Femme , fi cela était poffible; tant fecrette qu'elle voudra : tout ce qui nous rmpo.te, c'eft que je lui parle, ou que je lui écrive, de fon aveu... Ah ! li jé pouvais en-faire une Parangon ! Mon intention * chèr Ami, ferait de la faire penfer a ton avancemer.t. Ne diffère pas une heure & yemr me tranquiliser. Trois jours !.... Je fats que •» n'es pas rnalade; que tu as paffe les nustsdehors de chés toi; que tu es forti pare , paifumé, charmant; Hem? oü as-tu éte \ U faurai fe ï Oh oui ; tu ne resifteras pas a ta Sceuï , qui ne veux que te fervir... On doft te remettre ces deux mots a ton; réveil. Au plaisir vivement desiré de te voir, & de te voir heureus (1). T.-f. On m'affure qu'Elle a été voir monFils, & qu'Elle lui a fait mille careffes. On prétend qu'Elle a pleuré , en-levoyant fi joli. La Persone qui me 1'a dis d) Edmond était alors dans 1'avanture qu'il' aécrit, CXXlY.me Lettre du Paysan, T. IL.  j2. Paysane pervertie. en-feeree, m allure que depuis ce moment",' Elle paraic ce voir avec plüs de plaisir , & qu'il lui eft échappé un mot... Devine ?... Ces pauvres. Hommes ! ce font leurs Femmes qui leurs donnent des Hériners... Je t'aifure que j'aimtrais bien mon Neveu. J'ai 1'honneur d'êcre , &c.a JP.-f. J'attens vos ordres pour vous faire parvenir ce qui dek retourner a fa légitime Propriécaire. Tomé III. Tartk V, t  58 Patsane pervjrtif! LETTRE C 111. le lendemain. Réponfe. ( La Marquife accepte la honteuse & ridicule pro», position de partager les dépouilles de fon Mari. ) Pour une Pirate, ma belle Fille , c'eft avoir une probité que j'admire. J'accepte : envoyez-moi , quand il vous plaïra , ma part des dépouilles; & puifte notre accord } jufqu'a ce moment inouï , épouvanter les Maris infidèles & diffipateurs ! Adieu. ( fans fignature ). N.a M.r De-Crèbillcn nis, ne pouvait croire que ces Rèponfes de la Marquise, fufiênt réelles : Je lui montrai les originaux , de la main d'une Femnie- de-quaiité. Le viai ( me répondit-il), n'eJJJouvent jas. yraifembliibie-,  P i R T I ! V. Jf> LETTRE CIV. le lendemain de la précédente» V r s uz e , a la Marquise. (Elle effeétue fet promefles. ) J'asis en-confcience , & vous avez Ia meilleure-part. Que dites-vous de la galanterie de m.r le Marquis ? Pour moi , je ne crois pas qu'il puiffe y en-avoir d'auffi bienentendue. Tout eft parfait; les dentelles, les étoffes, les diamans , les bijous ; c'eft d'un chois exquis! Je ferais tentée de croire qu'il connaiffait la deftination de toutes ces belles choses ? car envérité , Madame , d'après ce que dit mon Frère de votre raviffante beauté , il n'y a que vous au monde qui foyiez digner d'une parure aufti-brillante, qu'elle eft riche.. Je n'ai qu'un regret; c'eft de ne pas avoir le bonheur de vous voir fous cette parure, que; vous embeliirez. Mais je n'ose ni le demander, ni 1'efpérer. Je fuis, &c* E x  6o PAYSANE PERVE1TIE.1 LETTRE CV. le lendemaini Réponfe. ( La Marquise lui donne un rendévous. ) De tout mon coeur , je vous verrai charmante Fille. Nous irons au bois-de-Boi/_ logne , fans Domefliqs , qu'une de mes Femmes, & votre Laquais: nous prendron3 vme remise , & nous ferons partie-quarrée Vous , mon Mari, votre Frère & Moi. Te* nez-vous prête pourdemain. J'amènerai m.s le Marquis, & vous amènerez votre Frère,. Sur-tout le fecret! nous les furprendrons. Je ferai paree ; vous auffi : mais fous un coftume un-peu coquet outré : nous-nous donnerons 1'air d'être les Mnitreffes de ces Meffieurs , qui feront mis fans éciat : mais dont les dentelles & les bijous indiqueront des Gens diftingués : Cette partie me promet la plus agréable joumée de ma vie. Adieu, ma Belle-fille ; au plaisir de vous voir. T.-f. Je change d'avis ; j'amènerai votse Frère , &c vous, le Marquis. Ma voitur rne conduira chés lui : j'y defcendra0 je la renverrai , & il nous aura  Pa r t i e V. 61 un remise : cela fera plus-piquant a la rencontre au bois-de-Boulogne : ma voiture, outre les autres inconvéniens, aurait celui d'óter toute la furprise a m.r le Marquis : puifqu'il fait fi bien les choses, n'eft-il pas jufte qu'il ait un-peu fapart du plaisir ? N.a Les fix Letfres précédentes étaient en-partie dans le Paysan ; mais tronquées & défigurées r Elles ne f'y trouvent plus, &. cette petite correfpondance eft ici en-entier. LETTRE CVL 15 avril. U R S U L E , a G A U Z» É T. ( Elle lui fait-confidence de toute fa ccupatle conduite, ) Il ne faut plus-compter fur vous, \Ami ! Vous n'arrivez pas , & des mois entiers Técoulent ! Vous mérireriez qu'on vous laiffat tout ignorer. Mais non ; vous êtes un Ami trop effenciel , & vos fages avis font trop-néceffaires, pour qu'on Pen-paffe volontiers. J'ai faic usage des vötres a-la-iettre, aumoins dans tout ce que j'ai pu, & je m'enfuis très-bien trouvée. Je vais vous donner l-présent quelques détails fur ce qui fe  6i Paysane p e r v e r t i e.' paffe ici. Je penfe que mon Frère vous è écrit; mais il ne faurait vous apprendre cc qu'il ignore. Comme je vous le disais, en finiffant ma dernière , j'ai accepté les propositions du Marquis : une première raison , c'eft que j'en-ai eu un fils, & qu'il eft plus-naturel que je fois a lui qu'a Un-autre. II m'a logee fomptueusement, & m'a mise a même de faire une très-belle dépenle : j'ai tous les jours du monde , & nous vivons affés-bien enfemble. Mais je lui ai-fait-entendre , qu'il ne falait pas qu'aux ieux du monde , ni de mon Frère , notre intimité fut fi parfaire ; que le plus-für était que j'affectaffe des dégoüts , de 1'ennui; que je faurais 1'en-dédommager dans le particulier. Il a confenti a tout, & je lui ai tenu parole. Il f'eft trouvé' trop heureus. Je ne m'en-fuis pas tenue-la ; je lui ai-proposé de mettre fon Epouse dans mes intéréts par mes procédés a fon égard. Il a-paru furpris. Je lui ai détaillé mon projet, a-peuprès de la manière fuivante : La Marquise eft vocre Femme ; elle appartient a une Familie puiffante : vous la négligez ; elle peuc f'en-plaindre avec juftice , & troubler par la mon bonheur & le votre. Que vous aliez lui dire , que vous ïu'aimez , & que vous la priez de le fouffnr , c'eft un röle fou & plüfque ridicule : jnais que moi, après ce qui f'eft pafte entre nous 3 avant votre mariage, je la recherche ; 1ue 'e °^re &e ménagcï fes droits,  P A R T r E V. éf. de modérer votre dépenfe , de vous préserver de la prodigalité , c'eft une démarche qui pourra lui plaire , a ce que j'imagine , a juger d'après mon coeur-? Le Marquis m'a fort-approuvée ; il m'a juré , qu'une liaison avec Ion Epouse , ferait-ce qui le flar-terait davantage ; que j'en - étais abfo-lument la maitreffe , 8c qu'il me fecon-derait a fa manière , en-fe plaignant de mes rigueurs. Je n'ai rien dit d'Edmond , fur quï je fonde le fuccès de ma démarche , & que je veux tacher de fervir auprès de la Marquise, lis font du dernier mieux : mais je ne fais fi la glacé eft brisée. En-tout cas , i'y fais mes eff>rts , de toute manière ; & f'il le: faut, je donnerai de la jalousie a la Marquise. J'ignore fi c'eft difcrétion de la part de mon Frère , ou fi elle lui tient encorer rigueur ; mais il me taït fa bonne-fortune.. Peut-être me croit-il capable de quelqu'indifcrétion ' je lui pardonne ; jamais je ne ferai un crime a un Homme de manquer de confitnce en-parei!le occafion; c'eft un li beau défaut, & fi rare , d'être allés défiant , pour taire a fes Plus-intimes les faveurs d'une Femme , que \e ne m'en-fentirais que plus-attachée a Edmond. En-conféquence des difpositions que je viens de vous montrer , j'ai écrit a la Marquise , après avoir taché de faire expliquer mon Frère fur ce qu'elle penfait de moi. J'en-ai été aflescontente , pour rifquer une Leure , oü [e  64 Paysane pervertie. lui donne mille-témoignage de reconnaifiance pour Edmond , & de mon refpecT: perfonel. Je mets enfuite a fa difpositon la conduite qu'elle juge a-propos que je tienne avec fon Mari, & je 1'en-fais 1'arbitre abfolue. Sa Réponfe ( car elle m'en-a fait une des le lendemain ) , a ére celle d'une Femmed'efprir. Après f'être récriée fur le fénomène d'un commerce de Lettres entre-nous , qu'elle trouve une chose trop - fingulière & trop-piquante pour f'y refufer, elle me dit , que quoiqu'elle ne foit pas jalouse , elle accepte mes^ offres; elle m'engaje avec beaucoup de gaïté a tourmenrer fon Mari, é. le mettre aux abois. Elle m'affure qu'il eft jalous de moi a la rage, & qu'ainfi , je dois le tourmenter par la coquetterie la plus-décidee ; elle m'invite même a aler pius-loin , 1'il le faut. Quelques jours fe font écoulés , pendant lefquels j'ai-appris , par une Lettre qu'Edmond vous écrivait, & que j'ai furpnse, en-alant chés lui , tandis qu'il était ches moi, que la Marquise 1'avait favorisé, d'une manière auffi fpirituelle que prudente. Cette découverte m'a encouragée ; dès que j'ai été de-retour , j'ai remis la main a la plume , pour écrire a 1'aimable Marquise, toute la conduite que j'avais-tenue avec fon Mari. Ma Lettre était aftés-libre : mais j'étais füre qu'elle ferait bien-re^ue. Je ne me fuis pas trompte ; une Réponse cource & décisive , en-a ecé la fuite : Je l'ai montxee au Marquis : >-* Yoyez ce que vous voulez  P A R T I E V. 6) voulez faire ? Ceft a vous de cimenter un;: lecrette liaison encre la Marquise & moi ? 11 a ri de mon idee , qu'il a trouvée-charmante , & il a lui-même préparé le cadeau , que je devais envoyer a fa Femme , avec une Lettre. — Le trait eft uniq , disait-il , Sc bien plus-extraordinaire que ne le croit la Marquise ! Oh ! j'en-rirai quelque-jour avec elle , fupposé que les choses f'arrangent comme je 1'efpére- Je ne fais ce qu'il entend par eet arrangement: peut-êtrre le découvrirez-vous durant votre féjour ici ? Nous avons fait hiér une partie proposée par la belle Marquise. Je m'y fuis préparée dès le matin. Le Marquis eft arrivé: — Vcus alez a la campagne ? — Oui, Monfieur. —■ Peut-on favoir !...— Non.—C'eft unmyftère ? — Oh ! très-miftérieus , je vcus aflure. — Vous êtes la maitreffe , Madame , & je ne vous demande plus que 1'inftant ou je vous reverrai ? — Mais vous ne me quittez pas , j'efpère ? — Comment ! — Vous êtes cle ma partie . 11 eft venu m'embraffèr dix ou vingt-fois. — Vous êtes feul dans ma confidence : nous avons lié une parrie-quarrée , Une de mes Amies & moi, & je vous ai choisi pour mon Chcvalier. i— C'eft charmant ! — Alez-prendre un habit-de-campagne , & un remise-. Il eft forti avec une vivacité qui m'a plu. A fon retour , nous fommes partis. J'ai nommé la porte-Maillot, au Cocher. Le Marquis était tout-en-l'air: il cherchait a lire dans mes ieux ; mais il n'y Toms III. Partie V, F  £> que je lui ai rendu : ce qui a paru lui plaire. Elle m'a proposé un plan-de vie , dont je vous entretiendrai de bouche. il parait qu'elle a les mêmes vues que fon Mari, & qu'elle fe propose de faire un joli Quatuor. Elle m'a enfuite parlé de mon portrait, qu'elle tient de la main d'Edmond 3 du fien , que le mien lui a donné-envie d'avoir fous un coftume , oü les draperies ne font pas visibles. Elle m'a témoigné la plus-tendre amitié ; je croyais êrre avec m.me Parangon , & la Marquise aulieu de 1'efFacer , n'a fait que me fairemieux fentir tout ce que vaut cette belle Prude : envérité m.me Parangon a tout ; & ce que la Marquise m'a montré de-mieux , elle 1'a tout-comme la Première. C'eft un hommage que je fuis bien-aise de rendre, enpaffant , a 1'ancienne Inclination de mon Frère. Après un entretien particulier , afféslong pour faire-connaifTance, & nous communiquer tous nos petits fecrets tant aufujet d'Edmond que du Marquis , nous les F 3  70 PAYSANE ÏÏRVElTI!. avons rejoints. La Marquise a donné la main a mon Frère , & j'ai présenté la mienne au Marquis. L'heure du diner approchait ; nous avions beaucoup marché ; nous fommes revenus a la-Muette , chés le Suiffe. C'eft a table que la gaïté a brillé ; j'ai vu \\ tout ce que vaut une Femme bien-élevée , mais audeftus du préjugé , comme la Marquise : car ici , elle a furpaffé m.me Parangon , fans néanmoins fortir de la décence. Le marquis paraiffait enchante , autant de fon Epouse que de mon En-efTet , le charme que cette femme aimable répandait autour d'elle, agiffait avec tant de force fur moi-même , que j'étais tendre pour le marquis ; je 1'enivrais, & je m'enivrais moi-même. Edmond , timide & modefte , était fi-bien ce qu'il falait qu'il fut , que tous-trois nous ne pouvions nous laffer de 1'admirer ; & la marquise , m'a dit vingt-fois a 1'oreille: •— Il eft réellement aimable ! Ce n'eft pas une vaine apparence : Regardez-le ! pas la moindre imprudence ; pas la moindre familiarité , même avec mon mari : il eft modefte avec nobleffe ; il fe prête a tout, 8c ne f'avance jamais : cette partie-ci lui fait bien de 1'honneur dans mon efprit, & f'il ne change pas-... Elle f'eft arlêtée; elle 1'a regardé ; puis dans un mouvement très-rapide , elle a embraffé fon mari , qui en-a été auffi furpris que moi, Cependant il f'eft comporté de la manière Ia plus reconnaiffante; il a fait des complimens  Partie V. g* a fa Femme; il a vanté la bonté de fon cceur , qui égale fes graces & fa beauté. Il nous en-a fait jugeSi Vous imaginez comme j'ai du répondre : maisici Edmond nous a furpalTeSi Obligé de dire fon fentiment, il a fu melet les choses les plus-fortes & les plus-flateuses pour la Marquise , a des marqués de refpect, alles- touchantes , pour exciter deux larmes , que nous avons laiffé couler, la marquise 8c moi, dans le même inftant. Le marquis les a recueillies a toutes deux , & dans ce moment , j'ai vu, ou cru voir, que la marquise a preffé imperceptiblement une main d'Edmond , qui était prés d'elle. Voila comme f'eft terminé notre diner, un des plus agrei- . bles que j'aie fait en-ma vie. Nous avons auflitöt quitté la table : pour aler nous promener dans les jardins. Il y a eu beaucoup plus de lib:né: Le marquis m'a prise fans facpn , & a laifTé la marquise a mon Frère. Nou3 avons d'abord marché a quelque diftance : mais enfuite nous-nous fommes perdus.devue. L'envie de ménager un agréab.e tete-a tête a Edmond m'a rendue trés tendre : le marquis était comblé, de me fentir m'appuyer mollement fur fon bras: fes diicours étaient de feu ; il me montrait les fentimens les plus-paffionnés; il me jurait qu'il n'était heureus que de ce moment, & qu'il devait fon bonheur a la marquise ; qu'il voulait lui en-conferver une éternelle reconnaUTince, (Vous vovez que je ne brouiile pas les ménages ! ) Quant a Edmond , il paratt que F 4  fx Paysane ïervertie. fon entretien avec la marquise a été fort-amme : nous les avons quelquefois entrevus, tres-attaches a ce qu'ils fe disaient ; quelquetois nous les avons entendus , parlant aycc une aimable vivacité. Durefte , nous n'y avons rien compris: le marquis, dès que nous les approchions , m 'obligeait a les évicer, malgré la grande cnvie que j'aurais eue dö decouvnr quelque-chose. J'ai cependant usé de hnefle, fous un prétexte natutel, jc me Juis ecartée feule: la voix de la Marquise I etant fait-entendre, je me fuis approchée * als étaient allis fous un berceau de jafmins *c de chevrefeuils, & j'ai vu Edmond tenant fort-tendrement une main de la Dame dans les reux de laquelle je n'ai rien vu de', cruel. Je ne fais oü les choses feront alées : maisun baiser donné m'ayant fait craindré un denoüment trop heureus, fur-tout quand fcdmond l a eu rendu, j'ai rejoint le Marquis pour 1'eloigner. Nous fommes-revenus le foir , commnous etions partis , en-changeant un-peu i ordre : au-fortir des Tuikries , tout-a-la brune, le Marquis eft entré dans la même voiture avec fa Femme , & Edmond m'a lamenee ; mais aubout d'une demie-heure Je Marquis était chés moi; & Edmond chès 4a Marquise. Je vais maintenant pafTer a des choses d'un autre genre. Le Marquis m'a trouvé des talens fi marqués pour la danfe , qu'il m'a engajée a les cukiver : j'y ai réüffi au-  Partie V. dela de fes efpirances , a-l'aide des_ lecons du célèbre Dupré. Dans fon premier enthousiafme, le Marquis voulait que je débutaffe a {'Opéra: j'y ai confenti aflès-légèrement, enivrée moi-même des talens qu'on me trouve. Il a obtenu un début, 8c vendredi dernier je devais doubler mj1* Lionnais, dans le ballet charmant qui termine 1'intermède du Citoyen-de-Genève. J'ai-fait la répétition avec un applaudiflement général: Quelle voluptueuse ivreffe donne eet encens flateur ! Mais le Marquis, té- moin des hommages qui m'ont été rendus, les a trouvés trop-forts, fans-doutc : d'ailleurs , depuis la répétition , j'ai recu aumoins dix meffages , entr'autres de mon vieux Italien , qui f'eft trouvé la comme apoint nommé : c'eft 1'Ambafladeur, dont j'ai dit un mot dans une de mes Lettres a la Marquise ? ma porte a été fermée a tous ces Gens-la ; & vendredi dès le matin , le Marquis a fait-dire , que de puiftans motifs m'empêchaient de paraitre fur la fcène. Je fens qu'il a raison. Pour m'en-dédommager , il a fait dreffer un joli théatre dans mon jardin , & j'y ai danfé avec 1'applaudiffement univerfel le róle de m.lle Lannj, dans le ballet des Champs-élisées de CaJ?or-&Poitux. Un autre róle, qu'on a trouvé que je rendais fupérieurement, tant pour la danfe que pour la naïveté du chant, c'eft celui de m.lls Dervieux , dans 1'Aóte de Pygmalion : on dit que j'y furpaffe m.lle Puvigné, qui le  74 Paysane pïrvertié, joua il y a dix ans. Vous voye2 p.ar-toutcela , que je ne manque pas d'amusemens extérieurs. Quant a mon cceur , il eft parfaitement tranquile. Lagouache eft guéri. Il a prié Marie de lui procurer an moment d'entretien particulier avec moi, avant fon départ de Paris: j'y ai confenti; mais j'en-avais averti m.r le Marquis, & j'ai voulu qu'il en-füt témoin fecret. Lagouache eft entré humblemcnt. — Mademoiselle , j'ai bien des pardons a vous demander , des excuses a vous faire , d'avoir — Rien du-tout, Mon- fieur , vous m'avez rendu-fervice; par toutes ces choses la , que vous me priez d'oublier. Je ne m'en-fouviens que pour vouS en-avoir obligition : & fi vous voulez faire le voyage de Rome , je m'offre de vous recommandei a m.r le Marquis ? — Ah ! Mademoiselle ! le voyage de Rome ! — Il faut que vous quittiez Paris , & a votre place , je profiterais de cette néceffité , pour faire un voyage utile a mes progrès : j'aurai foin que m.r le Marquis fourniife a votre entretien. — Quoi! vous m'abandonnez ! Vous le mériteriez; mais je ne vous abandonne pas-. J'étais convenue avec le Marquis, qu'il puaitrait a un fignal: Je l'ai fait, dans la crainte qu'il n'échappat quelqu'indifcrétion a Lagouache. Le Mirquis eft entré fur le-champ, comme f'il fut arrivé , Sc m'a demandé fèchement , ce que je voulais a ce Garfon ; — Je lui promettais que vous  Partie V. 7f vous intcrcflerez pour lui , & que vous lui donnerez les moyens de faire le voyage de Rome. — J'y confens, a votre confidération , Madame, pourvu qu'il parte demain-. Il 1'a congédié , en-achevant ces mots, & j'en-fuis débarraffée. Voila , je crois , toutes mes affaires jufqu'a - présent, \Atni. Vous devez vous apercevoir , que je fuis affés fidellement vos confeils, dumoins, autant que me le permet 1'humaine fragilité. Pardonnez les fautes ; & fi vous trouvez que vos Elèves ne vont pas auffi-bien que vous le voudriez , venez nous mettre de bouche 3 dans la bonnevoie. JP.-f. M.me Canon ignore les arrangemens actuels ; elle m'a fait-témoigner fon étonnement de ne pas me revoir. Je n'oublie pas Laure ; mais je ne voulais en-parler qu'en-hors-d'ceuvre : je ne fuis pas contente d'elle. Je desire beaucoup votre arrivée par cette feconde raison.  7$ Paysane pervertie, LETTRE CVII. 35 ayril. Réponfe. (IIjéteÏHt la délicateffe de I'amour, St parle ii«m contre les Spe&acles , qu'il tourne en-ridicule,, 1'inconcevable Homme J ) n oublie pas JLaure ; .... je ne fuis pas contente d'elle. Je desire beaucoup votre arrivée , par cette feconde raison. Ma Belle , eft-ce que vous me croyez jalous ? Quoi i 1'Homme qui facrifierait a fon Ami, fon bien, fonhonneur, tour 1'agrément de la vie, (paree-que Tamme fatiffaite le lui rendrait au centuple ), eet Homme ne lui céderait pas une Femme ! Vous avez- encore bien des préjugés , belle Urfule , meme après être montée fur le théatre le moins-fcrupuleus de tous , ï'Opéra ! Tranquillisez-vous, ma Belle ! fi c'eft mon plaisir a moi qu'on me trompe , il ne faut pas difputer des goüts. L'égoïfme eft un vice partout, même en-amour; ceft lui, Iui-feul qui traite de débaüche Taimable liberté de la nature , & qui, par la contrariété , Ie plus-fouvent la rend débaüche, de liberté naturelle qu'elle était. Détickei-\oüs de ce malheureus égoifme, belle Urfule , & fans  Partie V, 77^ donner dans la débaüche , qui eft toujours un mal , mettez a la mode une aimable communité. Quoi! vous fi parfaite , vous feriez le partage d'Un feul ! mais par quel motif i pour mettre tous les Autres au defefpoir fans - doute , & jouir en - defpote féroce de leurs tourmens. Non , non; plusbelle que Gauffin, vous ferez en-mêmetemps plus-humaine encore. Mais(& c'eft ce que je ne cefterai de vous répéter), Prêtreflè du Plaisir , de Vénus, ou de la Beauté, de TAmour enfin, vous fentirez 1'importance de votre miniitère, vous ne 1'avilirez, vous ne la profanerez pas. Mon avis ferait, que vous-vous aquiffiez le refpecl: des Hommes, par la manière done vous les rendrez heureus ; que vous leur clevaffiez 1'ame , aulieu de Tabrutir : Encela bien-différente de la Circé de la mythologie , qui n'était autre-chose qu'une belle Abélèré, dont 1'amusement fut de dégrader par la pluï-crapuleuse débaüche Ceux qu'elle avait enivré de fes faveurs, j'abhorre cette efpèce de femmes. Je ne trouve pas même Ninon aftes délicate : elle avait, dans 1'exercicc du facerdoce amoureus , des légèretés choquantes. Je ne vous parlerai pas des Aótrices dont vous avez prefqu'été h compagne : le trait des noyaux-de-cerise excite mon indignation a un point, que je fouffleterais la Nymphe, fi elle était la. Par cette transition naturelle, je vais vous dire mon avis fur votre début,  78 Paysaiïe pervertie. Je méprise Acteurs, Actrices, Danfeurs, Danfeufes, Figurants, Figurantes; les Chceurs mafculins, les Chceurs féminins; Bïladins, Baladines , Sauteurs , Sauteuses , Danfeurs-, Danfeufes-de-corde, Volcigeurs, Voltigeufes , Paradeurs , Paradeuses; je mets touccela dansle même fac, en-depitde la morgue de nos Demoiselles des Francais Sc des Italiens. Je fuis abfolument du fentiment de m.r le Marquis ; vous ne devez pas vous mêler dans cette Tourbe; vous êtes audeffus de ces femmes-la. Songez done a ce qu'eft une A&rice ! Pous vous en-former une idéé, je voudrais que vous euffiez , comme moi, entendu liffler \zSainval pendant p'üs de cinq longues aunées , a dater de fon début j Sc de ï'Epitre très-bien rimée , que lui adreffa m.r Du-Rofoi: Vous auriez vu alors , ce qu'eft une Actrice , même avec du mérite, lorfqu'elle n'eft pas aimée ! Je fais que votre charmante figure , & le genre oü vous auriez donné, la danfe voluptueuse , vous auraient mise a-Tabri de ce revers. Mais encore, vous, prefque-marquise , ou approchant , quelque - chose qui arrivé, qu'auriez-vous été fur les planches ? La petite Urjule : On aurait applaudi la petite Urfule quand elle aurait bien-fauté, bien-minaudé & aubout d'un certain temps , dès qu'elle aurait paru. Trois Faquins, fix Petitsmaitres, quatre Abbés Sc deux Crapuleus du parterre auraient dit: — Elle eft ma foi gentille ! je voudrais Tavoir ce foir-1 ■— Je l'ai eu, moi.  Partie V. jj — Touchez-la , nous fommes frères. — C'eft une pauvre jouiffance. — Vous Tavez dit ! Voyez-?.... Et certaine partie de fon ajuftement arrangée d'une certaine manière, aurait peint jérogüfiquement contre vous la plus-groffe injure qu'on puifte dire d'une femme. — A-t-elle Qüelqu'un ? — Non : depuis un temps, elle vit fur le commun. ,— On prétend qu'on eft recu a un louis. ,— Ibn ! ( dit alors un des Crapuleus) ; pardieu , je fuis charmé de le favoir. — Elle a fa Sceur avec elle ( on fera eet honneur a Laure, avec qui on vous aura vue quelquefjis) , qui eft encore plus-humaine; elle eft a douze-francs. — Oh! j'aimemieux Celle-ci a un louis ; c'eft une fille-a talens. m— Elle eft jolie! — Mais fi libertine 1 croiriez-vous qu'elle a prsfque tué fix Chanteurs des Chceurs, douze Figurans, & la moitié de l Orqueftre ? —C'eft une MefTaline i — Autant vaut. —Oh ! parbleu ! je lui porcerai mon louis-! r< prend le Crapuleus-.... Et voila ce que j'ai vingt-fois entendu dire de nos Actrices, de nos grandes Aótrices ! Depuis longtemps je cherche dans ma tête quelle eft la clafle oü je dois ranger ce métier i Cela ferait bientót fait, fi les Comédiens ne jouaient que des Bourgeois-gentilhomme, des Cocu-imaginaire, des Medecinmalgrê-lui, du Dancour , du Dufrefnil, une-fois ou deux du Regnard ; des Tuteurdupé, des Hommes - dangereus , dcsPhiloso-  So Patsanh f t Rf er t ie. phes, des Sganarelle ; des Mariages-Samni-j tes, des Réduclion de Paris , & des Comédies ualiennes : Mais ils jouent les Horaces , le Cid, la Mort de Pompée , Athalie, Ph)~ dre , Britannicus , Mérope , Al^ire , Ma-/ hornet, Inès , le Siïge-de-Calais , la Veuve-, du Malabar, les Druides ; le Phe-de-famille , Eugénie , Nanine , le Duel ; le Tartuffe , le Misanthrope , les Femmes-favantes , les Pré* cieuses-ridicules , le Joueur , le DiJJipateur , la Gouvernante, \'Ecole-des-mlres, le Pcéi jugé-a-la-mode, le Glorieus, Esope-a-la-cour, fa Partie-de-chajfe , &c* Ils représentent la Surprise-de-l'amour, l'Epreuve , \zMireconfidente; Arlequin fauvage , Rose-&-Colas, Lucile , Silvatn , Zémire- &-A%or , \'A;nou~ reus-de-quin^e ans : Ils donnent a TOpéra , les Iphigénies , Alcefle , Cajlor } le Dew'/z , Eleclre : Et je m'arrête un moment a réflechir : Si les Aóteurs font méprisables, de yils Baladins dans les Pièces d'abord citées ; ils font des róles honorables dans les fecondes: Par-exemple , dans le Duel, Viclorine, Antoine, les Vindeck , ont des róles qui me charment. Dans Eugénie , le viel Anglois fon Père , eft un Homme refpectable ; la Fille , une Jeune-perfonne vertueuse & charmante: Il n'eft rien-la qui puiffe avilir 1'Aét fur ou TActrice ; aucontraire , ils font dans ces occasions les Prêtres de la bonnemorale & de la vertu; Mais quand je vois un George-Dandin Sc fa gaüpe de Femme ; un Pourceaugnac, & les Fripones qui le dupent;  Partie V. Sr 'dnperit ; un Sganarclle , un Moncade & fon "VAet-s-bonnes-fortunes ; une Agathe , dans les Folies - amoureuses ; ces baffès bouffonneries des Comédies-Italiennes; quand je vois Pair platement comiq que 1'Acteur donne a des Héros dans Henri-IV, dans la Réduclion ; une Eliane trois-fois ridicule le cafque en-tête ; alors je ne puis m'empêchei' de voir Tidenticé des Acteurs, des Actrices, avec les Baladins , les Baladines du boulevard ; & ce n'eft pas une queftion , fi ces derniers font méprisables : Taconet, enfavetier , ne rend pas la nature , il la cliargb & la dégrade : or il eft bien certain que Pourceaugnac , George - Dandin , YAvocarpatelin, fa Femme, le Berger Agnelet, &c.a, reffemblent comme deux gouttes - d'eau a Taconet. Done il eft honteus, degradant d'être Comédien, Sc fur-tout Comédienne. Quelle que foit la morgue des Femmes de cette cïlffe , combien ne font-elles pas audeftbus d'une Fille telle que vous 1 D'ailleurs , letatd'Actrice , de Danfeuse» me paraït contraire a mes projets a votre égard : & il faut vous avouer ici , que le Marquis, emporté par une idéé de Jeunehomme, aurait perfifté dans fa première idéé de vous faire Actrice, fans mes obfervations. En-^ffet, vous êtes la mère de fon? fils, & ne füt-il jamais qu'un Fils-naturel , il n'en-tiendra pas moins a la maison' fje-^^^i il pourra être officier , 8cc*s ïoudriez-vous que fes Confrères lui difTenc Tome III. Partie V, G  Si Paysane pervertie. un-jour" que fa Mère e'tait une excellente danleufe a \'Opéra ? Cette raison feule a fait changer le Marquis d'idée. Si nous confidérons le thé&tre quant au fond , c'eft-a-dire philosophiquement par les effets , il n'eft pas plus-honorabie, que par fon écorce : eet état, quelques plaisirs qu il nous donne , eft légalement flétri, &: c'eft toujours defcendre que d'y entrfr • Sa flétriffure eft jufte , i .ut par fes egt ts fur ]eg mceurs; i.»t par le genre d'imitation auquel Jl aflujetit les Adeurs & les Adtrices , les Danfeurs & les Danfeuses. Examinons ces deux articles. !.»* Les effets du fpedacle dramatiq fur les mceurs, font toujours nuisibles, quelleque foit la pièce , aumoins a une partie des Speöateurs : Car , Si la pièce eft l'Ecoledes^maris, par exemple , tous les Spedateurs y apprendront, qu'il faut que les Femmes , foient telles, que nous les voyons de nos jours, libres , folies, coureuses de bal & de promenades , coquettes pour la mise „ miubordonrées : Qu'il faut tremper , vilipender les Maris fenfés, oui ne veulent pas que leurs Epouses fuivent cette conduite indécente , deftrudive de route retenue , de toute é:onom;e, de tout bon gouvernement rans le ménage : Molere dans cette pièce , digne du feu , a été le plus-dangereus des Conupteurs le plus mauvais des Citoyens, Je plus-puniffablc des Auteurs. On va cependant tous les jours fans fcrupule a \'Ecole-des~ mms. j on y va rire des bonnes-mceurs „  Partie V. 8j approuver les mauvaises ; les Maris de la Capicale & des provinces y vont comme de vrais benêts , applaudir ce qui les fait journellement enrager chès eux ! Et la lecon ne fera pas infructueuse pour leurs dignes Epouses ! Comment regarder les deux Actrices principales, les deux Sceurs, dans X'Ecoledes-maris ? Comme les Prêtreffes de 1'Impudence , de la Perverfité , de Plnfubordination , de la Coquetterie : róle infame , m:niftère abominable , déteftable , digne des peir.es les plus-févères, & a leur défaut, de 1'infamie juftement jetée fur les Comédierts. Vous voyez , belle Urfule , que pour démontrer 1'infamie de la profeffion , je ne vais" pas chercher des Auteurs obfcurs ; je prens , Molilre , le grand Molière , ce grand Corrupteur , qui fesait fa cour aux déper.s des mceurs, fous un Roi auffi galant y que glorieus ; je prens Molihe , dis-je , ce véritablemcnt grand-homme , qui aurait eu affés-faic pour la gloire , & bien-mériter de fes Concitoyens , aprè" le Misanthrope , le Tartuffe , les Précieuses -ridicules, les Femmes favantes , ces éternels chéfdceuvres de bon-goüt & de bonne-morale. Auffi remarquez , que dans ces quatres Drames fublimes, 1'Homme divin qui les a faits , y prêche directement une morale opposée a celle de ['Ecole-des-maris : La Coquette eft abandonnée par Alcefie , parce-qu'elle veust vivre, comme ia Femme de YAnfte de \'Bcole des-marisi La Femme du tartuffe ae  §4 Paysane pervertie. vit pas comme celle de \'Ecok-des-mar/s : Que fait-il dans les Précieuses ndicules, que de ramener les Femmes a la noble-fimplicité de la iiature ! m :is dans les Femmes-favantes , ce Giand-homme prévoit les abus acluels > il y fronde d'avance, & c .*s Bioliothèques , qu'on prétend ouvrir aux Femmes , & la manie de vouloir leur donner réducation des Hommes , parce-qu'eiles font la moitié du Genre-humain ; (notez ceci, belle Urfule ; eiles font la moitié du Genre-humain $ Sc la Tourbe mépiifable des Gynomanes de celle-ci ï la Marquise De-Brinvilliers , & de cette Dernière a fa Femme , ainii qu'a toutes les méchantes Femmes du Bourg. — Eh ! pourquoi Dieu , qui eft tout paiffant ( fécria ce nouveau Garot) ,■ n'a-t-il pas donné aux Hommes la facalté de fe reproduire ? pourquoi les a-t-il affl'gés de ces fc:res déteftables & maudits qai ont amené 1'Enfer fur la terre-? &c.a Nos Gynomnu en-font autant que ce Brutal: lis veu~  ïent qu'il n'y ait plus qu'un fexe ; que tout foit Homme. Mais la Femme eft la plus-belle fleur de la Nature : Cei Être charmant, enIe laillant ce que 1'a fait cette bonne Nature , eft le puiflant lénitif qui adoucit les Hommes ; 1'attr.iit qui les réünit, les attaché les uns aux autres : D'ou-vient done le détruire l Car c'eft le dén uire , que de lui donner leducation des Hommes; que de lui èter fon aimable ignorance , fa naïveté enchantereiTe , fa délicieuse timidité : que d'empêcher qu'il ne foit le parfait opposé de l'Hom. me courageus. Maudit foit Celui qui ravira pour-jamais a 1'Hommc l'inexprimable pfeisir d'être le Protecteur , le Défenfeur , le Rajfureur de la Femme contre ces craintes enfantines, qu'il eft fi raviffant de calmer !... Il faut done laifter femmes les Femmes j comme il ne faut pas efféminer les Hommes. Et c'eft ce qu'a voulu nous enfeigner Molière, par fa Comédie des Femmes -Javantes. —M ais, medira-t-on, cesbonnes pièces font done utiles aux mceurs 5 — Oui, &c non ; comme répondrak le Sfynx; Oui,a laleóture; non a la représentation. C'eft le fecond membre de ma i .re proposition, que la représentation des pièces , quelles-qu'elles foient , eft contraire aux bonnes-mecurs. J'en-appelle a tous ceux qui vont au fpeclacle : les Jeuneshommf y voient p!üs 1'Aótrice que la morale : ils ne font occupés , durant tout fon jeu , qu'a la desirer , a la convoiter; &C comme1 il en-eft peu qui puiiTent p.rvenir iufqua elle, voici ce que j'ai vu ceiu-fois :.  3(j PAYSANE PERVERTIE. Les Femmes-de-plaisir abondent aux envlrons des fpecbcles; le Jeune-homme ému , en-foriant , appercok-il Quelqu'une de ces Malheureuses qui ait dans fa parure ou dans fa figure quelque rnpporc avec fa Déeffe de théatre , 11 fe livre a cette Céléno , perd avec elle un argent néceffaire & fa fanté. Ce ne ferait que demi-mal, fi on réalisait le Projet que m'a montré 1'autre-jour un Bon-homme , qu'au premier afpeci je pris pour un Sot. Mais la ledture de fon manufcrir me détrompa : ll eft intitulé, Le Pornographe , ou la Froftiiution réformée ; il y donne des moyens de rendre les Proftkuées moins-pernicieuses pour les mceurs, fans danger pour la lanté, &c.» Je l'ai lu avec furprise , & j'ai fenti le chagrin ie plus-vif, en prévoyant que le préjugé empêcherait que jamais on exécutat ce plan de-réformatior. La représentation de toute pièce , d'après ce pointde vue , eft d » -reufe pour les Jeuneshommes. Elle Teft également pour les Jeunes-filles & pour les Femmes. Combien , en-eft-il qui ont enfuite cédé a un Amant , coifé , coftumé , parlant, fe tenant comme tel A&eur qui les avait enchantées! Si j'ai vu cent Jeunes-gens fe perdre , en-trouvant a certaines Proftituées de la refTemblance avec la C—be (parce-que de nos jours les Hommes & les Femmes font tous jetés dans le même moule \ qu'il n'y a plus d'alure ni de marche de caraétère , mais feulement une facon d'exifter générale-imitative ; deforte que par le dos „ on ne faurak diftin-  Partie V. 87 guer aujourd'hui les Hommes & les Femmes de même taille ): Si j'ai vu cent Jeunes-gens fe perdre , j'ai de-même également vu des Jeune-filles fe donner a la Reffemblance des M—é , des M—hu , des C~u , des C—/, des M—r , Sec* Queiles-que foient lespièces , les représentations théacrales font done nuisibles aux mceurs du Speóhteur. Eh l combien de-fois la fage & tourhante D—i n'a-t-elle pas excité la tempêre dans de Jeunes-cceurs , qui venaient de la voir jouer foit Eugénie , foit Lindane , foit Angelique , ou tout autre róle honnête ! Cette Actrice , la décence même, qui eft touchante, fans être belle , parce-qu'elie a h forme de i'Innocence , de la Candeur, était encore plusdang'.reuse que la C—t, que la voluptueuse H—s , que ces lubriques Danfeuses de TOpéra , qui réüniffent la figure la plus-provoquante , a la mise rappelante , aux taiens, enchanteurs...... Mais c'en-eft affés la-del- fus : je dirai tout-a-l'heure oü je prétens envenir. II.*1 Le genre d'imitation auquel le Drame , tel qu'il foit, affujétit les Acteurs Sc les Actrices , les dégrade , les avilit; rend leur profeflion indigne du titre d'art libéral Sc libre. Rien de aisé a prouver. — Qii'eftce cyu'un Mime, un Comédien , un cteur; -—■ C'eft un imicateur. — Comment imitet-il 3 — Ce n'eft pas, comme le Peintre , en-fe-fervant de fa main , pour rendre fur un corps étranger 1'image de la nature: Ier  *8 Paysane pervertib. Comédien , le Danfeur pantomime rend fa Nature vivante dans fa propre Perfonne , comme le Singe : S'il le fait pour f'amuser, fe divertir , rire avec fes Amis, c'eft une lingerie divertiffante , c'eft un jeu d'Enfant, Pour fentir la vérité de ce que je dis-la , il fuffit de_ rentrer en-foi-même ; la raison Ie dit. Mais f'il le fait pour divertir des Gen» qui Ie paient, c'eft un Boufi'on , & ce mot emporte avec lui, chés toutes les Nations , 1'idée d'un Homme vil; on fent encore cela. Quelles en-font les raisons ? C'eft que eet Homme , ou cette Femme, fait a-1 egard des autres Hommes un róle d'infériorité, qu'il les divertit comme fesMairres; un róle de Singe, en-un-mot, exercé a divertir enles-imitant , des Erres audeftus de lui. Et une Fille comme Urfule R**, devantquï tout-Homme de-bon-fens, ou qui aura des fens , ne pourra f'empêcher de fléchir le genou , deicendrait au róle de Danfeuse , de Sauteuse , d'Imitatrice ! elle qui eft une Souveraine adorée , deviendrait letre fou~ mis qui gambade pour divertir une Afferoblée de tous les ordres de Cicoyens , pour leur donner publiquement le piaisrr d'admirer fon petit piéd , fa jambe jufqu'a la cuiffe_, fa gorge , fes beaux cheveux ? Elle fe fatiguera , elle fe mettra-a-nage , pour obcenir d'mfultans bravo ! des battemens de mains, des encoursgemens enfin comme on en - donne aux Dogues du Combat- du"Xaurtau! Fi! fi ! Uriule R** , la belle Urfule  Partie V. 3? Urfule , platrée de rouge irait gater fon beau teint, fa peau délicate ! elle irait fe donner en fpectacle , comme un objet de curiosité , a tant par Perfone , comme la Géante-prujfienne , ou le Nain-polonais.' fi !... Ce n'eft pas tout ce que j'ai a dire contre Timitatlön des Comédiens. Vous conviendrez que toutes les pièces ne font pas_des chéfd'ceuvres; qu'il f'y trouve des folies, des choses déraisonnables ; que de plats , de fots Auteurs mettent bien des platitudes & des fotises dans la bouche des Acteurs? des paroles a doublé entente , des calambourds, &c*, qu'une Actrice , une Danfeuse , font obligées de fe laifler baiser la main , le visage ; de répondre a des propos qui bleffent Thonné'teté ; que la Seconde, li le Compositeur des ballets Ta voulu , eft forcée de faire d'indécentes pirouettes, 5cc.» Eh! quelle honte, pour un être doué de raison, quelle humiliation , quelle dégradation de fe voir néceflïtée , par-exemple , a fe remolir la tête des fadaises d'un N*** , d'un D*** , d'un , &c.a ; de f'identifier au Perfonage que ces Sots ont créé; de parler comme lui & comme eux , 8t d'être devant un Publiq , confondu pendant trois heures avec leur fot Perfonage ! Jene fais comme on envisage cela dans le monde : mais pour moi , je foutiens que ce point feul eft une flétriflure , dont jamais le Comédien ne peut fe laver: c'eft pis que paffee par la main du Bourreau..,,, Tomé III. Partie V. H  90 PAYSANE PERVER.TIE. II parait que les Comédiens-itó//'e/2j I onrfenti, lorfqu'ils ont arrêté que les pieces feraient examinées deux-fois. Je trouve qu'iis ont eu-raison par rapport a eux; puifqu'üs rifquent tant a fe charger de pièces nouvelles! mais des Gens qui ont avilli deuxfois le bon Henri fur leur théatre ; qui ont admis des Mariages , un róle d'Eliane, &c.*3 mériteraient que les Auteurs obtïnffent contr eux un arrêt qui les déclarat indignes d'examiner les pièces , & qui les obligeat a recevoir avec refped tout ce que les Auteurs leur présenreraient , avec la feule approbation du Cenfeur-de-police. Les Francais font plus-fenfés; ils ont le jugement plus-fur & f'aviliifent moins: mais auraient-ils dü jouer l'H** dont Ie plusafnché proftitutifme ne les garantit pas.- Tout ce que j'ai dit contre le Théatre eft fi vrai, belle Urfule J que lorfque vous enez bégueule, c'eft moi qui confeillai k i,aure de vous conduire au fpeótacle, je louai expres une loge-a-l'année. Laure me demanda un chois de pièces , afin de favöir lps jours , & elle me pria de les lui marquer fur le catalogue de \'Almanach des fpeclacles. Je lui répondis : N'importe quelle pièce , toutes iront également au hut , dès qu'elle en-verra la représentation. Dans la vérité , il n'y a pas de choix a-faire , fi ce n'eft pour la ledture; jamais pour la représentation ; le poison diftile de la bouche des Aóteurs Sc des Actrices. Pour féduire la belle Parangon, je ne demanderais que de pouvoir Ia faireconduire par votre Frère trente-fois de fuite au Préjugé-a-la-mode , ou k la Gouvernante, ces deux chéfd'ceuvres de bonne-morale : je garanris qu'a la trentième , fi ce n'eft avant, la B-lie-dams ferait la plus-compLii, wnte des Maitrelles,  Partie V. 5>i Je vous vois d'ici froncer ces deux beau* fourcils, qui fe prêtent fi-bien a vous rendre majeftueuse , quand vousle voulez : —Que me débite-wl la , lui , dont les principes telachés admettent tout ce qu'il dit qu mipire la Comédie représcrüée-; Vous avez raison , charmante Fille : mais j ai r?isonne d'après les idees communes , dont j'ai ure des conféquences vraies. J'ai óté aux Comédiennes leur confidération , a'apres vos anciens principes, pour que vous ne foyiez jamais tentée de croire vous donner du relief en-entrant dans une Troupe , tut-ce ceile de \'Opéra, ou celle , plus-honoree encore , de la Comè&e-francaise. Pourquol prendre un état qui ne nous élève pas, qui peut nous rabaiffer , & qui a un caraftere 2 Or , ce cara&ère eft honteus dans la Comédienne ; la preuve , c'eft qu'un Comédien n« fera recu ni Avocat, ni Confeiller , ni Président , ni Cipitaine , ni pourvu d'auou'un grad% civil ou militaire. Reftez dcnc fans caraótère ; vous ferez capable de tout, voila mon avis : & fans-doute le votre , puifque vous avez déféré fi docilement aux confeils du Marcjuis , lors - meme que votre Frère paraiflait indifférent ladeffus ? Je crois que c'eft une grande inconféquence de la part d'Edmond ! punqu une Sceur comédienne , füt-elle Melpomène ou Thalie , tk la fageffe même , eft toujours une tnche. Et-puis vos Parens le faöraient tót ou tard : a'oü-vient leur donner H 5  '5>4 Paysane iervertie cacher: Edmond n'y a pas fongé envérité ' MarcuisqUe rtrC h°no"ble ™c k Te' '^iieire on donnera la couleur ^u SS vouara. Je fais par Laure que vous lisez beaucoup depms quelque-temps : j 'aurais fort-desiré d etre confulte fur vos lectures, que j'aurais dingees comme j'ai fait celles de votre Frere II feft qUe!qUef0is écarté de mes conleils; mais ce n'a pu être qu'a fes dépens. S'il a fait fervir pour vous le chois fait pour lui , c'eft mal ; fon chois était majcuhn; il vous-en-faut un feminin , & Ie fexe n'eft pas plus-diftercnt de vous a Un, que le doit-etre ie genre de vos It&ures \ ous alez en-juger, par le catalogue de fa iibuotheque. Point de Journaux : cette leóture rend parefleus, deeldeur & fuperficiei. L'Hiftoire annenne dans les fources ; le trop-eftimé Koüin la gatee, c'eft mon avis , que j'appuierai fur des preuves, quand on voudra. Les Hiftonensgreqs; fa voir , Hérodete, Theucydide , Xénophon , Polybe , Diodorerie-biciie , Denys - d'Halycarnaffe , Jofeph Jrhilon Plutarque , Ar rien , Arpien (quï eft peu fur, ainfi que) Dion-Caffius Hérodien, ZoTime, Procope, Agathias, Socratele-icholaftique , Soiomhe , Evagre , Nicephore, Manajfès, Cedrenus, Zonare, Ni-  PaHhh V. 95 téphore - Calijle , JK«>Aore - G«£onw , & Weitas. % , Les Hiftoriens latins , SaUufte , Cêsar , Ttte-Live , Patercuk , Quinte-Curce t Cornélius-Népos , Valhe-Maxime , Tact te , Florus , Suétone , Ju lia , Sparuen Lampa de , Vègïce, Capitolin, Voptfq, Amnueri & Eutrope. 3 , Les Poètes greqs : Homère , HSsiode , Safo , Anacréon, Pindare , Theocnte, Bton & Mofchus; les p^anqs . Efchvle, Sofocle, Euripide, Anjlofane bC Ménandre. 4, Les Poètes latins., X^^e / Virgile, Lucaia , Stace , Silius-ltahcus ; es Satyriqs , Horace, Ferfe , Juvetu^;les éiéaiaïs, Ovwfc, Properce, Catuhe , 2 z Welles Comiqs , Pte«e , ïfe'W ; le uam Séêque; le fabulifte Fkèdre. Le caudenue Théofrajle. , Voila les premières fources de toute bonne littéraiure , en-y joignanc les Philosophes , Platon , chés les Grecqs, Cicéron, Senèque „ chés les Romains; les Economiftes, tels que Columelle &C Varron J Celfe le Medecin i Vitruve TArchitede ; Suidas. f , Le chois des Livres modernes a ete le plus-long & le plus-dimcultueus ; celui des Anciens eft tout-fait : les Siécles ^intermediairs d'eux a nous les ont juges , pour ainfi dire , a 1'Egyptienne (1), & n'ont lai ie pafter que ceux dignes d'etre lus : mais les (1) Les Egyptiensfesaientjuger les Mo-rts, avant ie leur accorder les honneurs de la fepultute ; OH épurait la vie après 1« tripas. H 4  5 — Ah . le voici, ma Belle. Une Femme-autnee, fort des hornes de la modeftie prelcnte a fon fexe. La première Femme-auteur eft, je o oi, Sajo : elle écrivit en-vers , comme quelques-unes de nos Belles d'aujourd'hui. jeleurdemande , fi elles fouhaitent qu'on leur attribuent les mceurs de cette Lelbienne > Toute Femme qui fe produit enpublia , par fa plume, eft prête a f'y produire comme Actrice , j'oserais dire comme Courtisane : fi j'en-étais cru , dès qu'une Femme fe ferait fait imprimer , elle ferait auffitót mïse dans la clafte des Comédiennes , & flérrie comme elles : Ainfi , je ne permettrais d écrire qu'aux Femmes-entretenues & aux Actrices. J'accorderais aux Autrices , le privilege flétriffant des Fillesde-théatre , qui les fouftrait au pouyoir paternel : car c'eft-la fur-tout ce qui étabht la  leo Paysane mrvixiu, balfeffe des Comédiennes , les tire du rang öe Citoyennes, & les place dans la claffe des Profhtuées. Si jamais vous en-veniez a vous faire mfcrire , il faudrait que les circonltances les plus - malheureuses vous y eulfent reduite ; ce que toute la prudence numame ne peut quelquefois prévoir. Vous pournez écnre alors, fi vous en-aviez le ralent: mus il faudrait faire des Ouvrages utiles aux Femmes feulement, en-leur dévoilant tout ce qui les dégrade , fans jamais vous donner lair d'inftruire les Hommes ! ai vous avez-besoin d'un Guide dans cette carrière, ne prenez jamais un Savant de" 1 Academie ; ces Meffieurs ne font pas propres a vous y diriger ; ils gatent les Ouvrages des Femmes , par leurrégularité pédarteique. j'en-ai-vu Texemple le plus-frnppant au-lujet des Lettres de Catefby , eet Ouvrage charmant d'une Femme que j'excepte de cette critique (i), ainfi quUne-autre non-moms céièbre (z):!e Libraire de Catejby connailfait un Philosophe; il 1^ confulca fur le manufcrit : celui-ci le jugea inferieur aux Lettres de Fanny , de la même Auteur. Pour fon honneur, il faut croire qu'il ne Tavait pas lu , ou que la phi- £eft'de ceitsfemrm^ qu'«n Auteur conmi a dit, (M n a pas fait les Lettres de Catefby , Jenny , Amehe, &c.a Avan, dei ealomnier une Femme de cè ƒ * \ll auralt faIu f mformer. (a) M.me Ia C*** de-C**, dont les Ouvrages font de,a ,radH„s. (Notes de l'Edtteur, qut n'ejlvu de layis de Caud.fur le Th. ni fur Us F\-aut. F  Partie V. tot tasophie rie fe connait guère en-éiégance &c en intérêr. 11 ne me refte plus a vous dire , pour terminer cette longue Lettre , i.ntqu'unmot furies préjugés: Ecoutez-les , toutes lesfois que leurs chimères peuvent avoir des effets réels fur Tefprit de Ceux que vous aurez intérêt de ménager. 2.nt Que jevouscrois beaucoup plus facile a conduire que votre Frère , qui tient des Bas-bourguignons pour Tentêtemenr. C'eft un vice des Paysans de tous les pays , mais fur-tout des Paysans-Francais. Il en-eft peu d'auffi malheureus, non par le genre de notre gouvernement, qui eft fort-bon , mais par les charges , & par les Seigneurs , qui ont trop d'autorité. Dans un Village comme le votre , oü il n'y a pas de Seigneur visib'.e , paree-que c'eft un Corps , oü 1'on a des bois communaus, oü les Habitans f'affemblent pour des affaires d'intérêt-commun , pour des nominations de Syndics, de Collecteurs , de Patres, on eft républquain comme un Gènevois, entete , fiér, ou dumoins patriarcal , comme votre Père : Aulieu que dans les autres Viüages , oü fcjournent les Seigneurs , on eft bas, rampant , fouple ; mais fans énergie , fans capacité pour 'le bien : Tous ces Villages policés ne valent pas le votre: on a-beauy fêter les Seigneurs, ils ont beau faire du bien , la manière dont ils le font, erripêche qu'on ne les aime. Je m'applaudis de ce  ; f oi Paysane p e r v ! r t i !. que vous n'êtes pas née dans ces derniers endroics ; vous en-avez Tame plus-nob!e , vous en- êtes plus-capable des grandes-chofes. A-la-vérité , vous auriez [été Rosière : mais oü cela vous aurait-il menée ?.... A-propos des Rosihes , c'eft une épidémie depuis quelque-temps. Je ne fais qu'en-penfer , &c au-fond de Tame , j'ai fenti que je desaprouvais ces inftitutions, avant de pouvoir m'en-rendre-raison a moi-même. Ce n'eft que cette répugnance machinale, qui m'a fait en-chercher la cause. J'ai d'abord vu, que la vertu de village eft fimple, naïve , fans prétenfion , & que le Rosiérat détruic ces trois qualités , pour y fubftituer une dangereuse émulation , Tenvie, Thipoerisie. J'ai enfuire vu , que pour augmenter le mal, les Seigneurs & les Dames de paroiffe , yenaient eux-mêmes donner le prix , en étalant leur magnificence aux ieux de fimples Paysans : ce qui fait tenir a ces Bonnes.gens, un propos que j'ai entendu : —Mais qu'avons nous done fait a Dieu , nous qui fortons d'Adam, comme ces Gens-la , pour êtrepauvres, impuiffans, méprisés, tandis-... Paienfuiteobfervé, que desendroits voisins d'un Rosiérat, il fe fesait une émigrat'on nombreuse de Laquais, de Femmes-dechambre, de Cuisinières, qui venaienr en foule \ Paris , éblouis par la magnificence du Seigneur & de la Dame ; que plusieurs de ces Filles devenaient des Catins, &c.» J'en ai condu, que fi on inftitue des Ro-  Partie V. 10; siires , il faut éviter de mettre de Toftentaïion dans la cérémonie ; que ni les Seigneurs ni les Dames ne doivent y donner de reelat; la vertu de Village eft une violette, que fanc Pair de la Ville , ou la présence de Ceux qui Tont; Tor, les diamans Téclipfent, au heu de la faire briller Mais je fors ici de mon fujet. Revenons-y & je termine. 11 eft nuisible pour nos intéréts bien entendus , fur-tout pour ceux d'Edmond, que vous foyiez Femme de théatre : il faut eyiter toute efpèce d'aviliffement, ou ce qui eft tel aux yeux du monde : Si vous avez des galanteries , il faut qu'elles aient un air philosophiq , & qu'aulieu de vous avilir , elles vous élèvent aucontraire pardeffus tout ce qu'on nomme décence bourgeoise : Il faut être libre, & fi vous farrifiez jamais votre liberté, il faut quele Perfonage foit fi grand, qu'il y ait de Thonneur a dépendre de lui. II faut compenfer par des vertus réelles , tout ce que le Vulgaire appelle vice ; il ne faut ni étourderies , ni folies , ni rien qui puiffe faire dire au Peuple: Ces Blies-la dépenfent comme elles gagnent. IJne Jeune & jolie-perfonne de ma connaiffance , avait recu d'un Magiftrat Ion Amant , les fieurs les plus-rares: il lui prit fantaisie, apies qu'elles furent arrangées dans la coibeille de fon parterre, de les fouler aux piéds, en danfant deffus. Ce trait la fit-traiter de G— par fon Cotfeur , & par-tout le Village. Adieu, belle Urfule, Vous voyez que je  ro4 Paysane pirvertii. ne fuis pas un fi mauvais moralifte. Confultez moi done avec confiance , & foyez füre, que je ne vous répondrai pas comme a tout le monde, mais conformément a ce qui vous fera utile, fuivant les circonftances. ii aajffla. LETTRE CVIII. a8 avril. M.me Canon. a M.ME P a R A n G o n , ( Boa cosur de Femme, fous une rude envelope ! ) 1^ E bien mauvaises nouvelles a vous apprendre , raa chère Nièce ! J'entens dire d'étranges choses d'Urfule & de fon Frère ! Ils vivent tous-deux , ou tous-trois , car le Marquis eft avec eux , dans une jolie maison , a ce fiubourg Saint-honoré. Je ne fais ce que tout-ca veut dire ; & la manière dont Urfule m'a quitté; & fon Frère qui la cherchait pour la frime, & qui Fa trouvée quand il a voulu ! Jem'ypers! Cet Edmond va devenir un Vaurien , & je ne fais quoi me tient que je ne 1 ecrive a fes Parens, quï font de Bonnes-gens , &c craignans Dieu. Je vois que cette petite Urfule va donner dans le travers: Ca eft joli; Ca aura des Hommes qui lui en-couteiQnt, Ja tête tournera a  Partie V. ïo; a Ca; & puis la téteemportera le cul> comme dit le proverbe. Jarni-de-ma vie! fi Ca avait affaire a moi t Je vöus en-avertis , ma Nièce , vu que vous avez quelque crédit fur Tefprit de ces Gens-la ; & vous 1'avez acheté affés ^her , dieu merci ! afin que vous leur faffiez des remontrances un-peu vertes. Et marqutz-leur tout ce que ie vous écris, fi vous voulez ! je ne les-crains pas !je n'ai jamais crair.t les Vauriens.^ Merci dema-vie ! je voudrais qu'il me vinflent parler! je les fcrais rentrer cent piéds fous rerre, Ah-dame, c'eft qu'on eft bien-forte, quand on a le bon-droit de fon cöté , & que des Mal-vivam viennent vous reprocher ce que: vous avez dit deux ! moi je tiendrais tête a a une armée de Méchans, & fi je ne fuis qu'une yieille Femme l Tenez , ma Niècc : Urfule a toujours été coquette ; j'ai vu ca dés le premier jour. Voyez a mettre-fin a la conduite de cette petite Fil'e la : car je m'y intéreffe malgté moi ; & a-présent que ma colère viert de f'évaporer fur ce papier, tenez , les larmts, me viennent aux ieux , & fi vous favez bien que je ne fuis pas pleureuse. Mais avoir vu cette Petite-fil'e fi-aimab!e , fi-douce , fiportée-aubien ; & la voir aujourd'hui laquasi-perdue , avec une figure fi-angélique, c'eft un crève-cceur pour moi ! je voudrais- ne Pavoir jamais 'onnue ! Oui , fi elle était-la , je la f< uffleterais , oui, oui , jie l'm fouffleterais !' rx'avoir quittée . pour alcs' Tame III Partie V l  ieS Pa ysane pervertie. avec quï!... Eft-ce-la la place d'une Honnête- fiile ? Je ne vous en dis pas davantage ï mais cette petite Dróleffe-la nous met la mort au cccur , a moi, &c a cette pauvre Fanchette , qui la pleure tous les jours, Hom ! fi ie tenais votre Gaudét!..... Adieu i car revoila mes larmes. LETTRE C IX. i. ma:. M.me Parangon. a U r $ v x e. ï/3 Bonne-dame lui écrit, d'après Ia précédenfe,. pour tacher de la, toucher: mais il sfétajt déja. plus temps!) Ton long filence avec moi, ma très-chère Bonne-amie, me donne les plus-vives inqué-«judks , fur-tout fachantque tu n'esplus avec ma Tante Canon , & que tu vis , je c;ois,. avec ton Frère. Ma chère Fille , c'eft un Jeune homme , qui doit néctffairemene mener une vie très-diffipée ; je ne fais fi tu as bien fait de t'abandonuer a fa difcrétion : aurefte , j'attendrai, pour porter un jugem-nt, que tu veuilles bien m'inftruire toimême : je Tefpère de 1'amitié qui nous unit ,. êc de la certitude oü tu es , que je ne veux que ton bonheur. Mon arnicié, chère Ux*-  P A R T ï E V*. "f67 furie , eft a toute épreuve : veuille le Ciel que tu n'aies pas besoin que je t'en-convainque, tk que des circonftances facheuses ne rne mettent jamais dans le cas de t'en montrer toute la force & toute la vérité ! Je ne connais rien , quand j'aime, qui puifle me détacher de mes Amis, i!s feraient coupables, au piéd de Péchaffaud (0 , que malgré ma timidité naturelle , je m'élanceraisvers eux , je les reconnaurais, je les arroserais de mes larmes; je plaindrais leurs erreurs; je détefterais leurs crimes, mais j'aimerais encore leurs Peribnes. Je leur dirais:r O mes chers Amis ! que le vice a dupés , égarés, perdus ! mes chèrs Amis reconnaifsez dumoins qu'il eft votre ennemi, & que la vertu vous eüt rendus, finon heureus, du moins tranquiles : haïflez le vice en-ce moment fuprême, & revenez a la vertu ; que je recoive vos derniers fentimens, dignes de notre ancienne amitiél.„.. Je les embrafleïais; j'effuierais leurs larmes , f'ils en répandaient ; & fi la fource en-était tarie par la douleur , ou par la dureté , je porterais> dans leur ame un rayon de confolation , ou» un mouvement de tendrelfe, pour les faire' couler..... Quelles triftes images , je te présente-la, ma chère Urfule ! mais elles me pourfuivent depuis quelque-temps. J'ai desfonges affreus, & lans y croire , je fens que' ii} Hélae! elleTéprouvera BW-jo" ■  ïoS Paysane pervertie. dumoins ils marquent 1'excès d'agitacion oi\ font mes esprits. J'efpère, ma très-chère Bonne amie, que toi, ou ton Frère , voudrez bien me tirer d'inquiétude : elle peut être daneereuse pour. ma fanté. Ah ! Urfule ! il faudrait avoir mon cceur, pour connaitre tout ce que je fouffre de votre indifférence!.,. Adieu , ma chère Fanfan. Ne m'aimes-tu done plus dutout ? Que t'ai-je fait, Urfule ? Parle ? fi j'ai des torts, je mettrai mon bonheur i les ïéparer. Mn de la cinquieme Partie^  L A P A Y S A N E PER VE RT IE , o u LES DANGERS DE LA VILLE; BlSTOIRE v"Ursülb R** , fceur d'Edmond , le Paysan , mise - au-jour d'après les véritables Let TRES des Perfonages : ParTAuTEUR du Paysan Perverti. • TOME III. PARTIE VI. Jmprlmê A LA KA IE. Et fe trouvé a PARIS '$kei U A me Veuve Duchefne , libraire, en la fU6 Saintjaques, au Temple-du Goüt. 1 ■ =-■■ M.-DCC.-tXXXIT»   LA PAYSANE PER VERTIE, OU LES 3>ANGERS DELAVILLE^ HlSTOIRE fURSVLE R**, miseau-jour i'après les véritables LeTTRBS des Peifonages. SIXIEME PARTIE. ggete H3fr==. i [LETTRE C X. j mai. [U r s u i e y £ Laure. (La -voila tout-a-fait corrompue; car elle raisonne le vice. ) R econcilions - nous , ma chère : envérité , je ne faurais tenir rancune : pourquoi t'en-voudrais-je de quelques infidéliiés  112 Paysane pervertie. faites a un Abfent ? tan-pis pour lui, Sc tant mieux pour d'Autn.s: je ne vois rien-la dont le Genre - humain doive fóuffr r. Jé veux être infidelle auffi , & j'aurai bèsoirï de ton fecours. Ne va pourtant pas croire que 1'intérêt feu! nous réconcilie ! non , c'eft un fentiment de juftice : Je vais te reffembler; je te reffimble même déja, & j'aurais 1'abominable hypocrisie de te boucer , pour les mêmes choses que je fais ! Non, cela n'eft pas dans mon caraórire, D'ailleurs que fesons-nous, que tout Ie monde ne faffe l La Marquise elle-même trompe fon mari pour Edmond ; elle tromp- Edmond luimême , quoique le favori du cceur , pour.... Envérité , il faut être femme de qualité pour fe donner ces licences-la ! J'imagine que fê trouvant fort audeftus du commun des hommes, elle croit qu'en-defcendant a fon iaquais, elle a encore affés d'honneur clerefte , en-comparaison d'une grisette ! Ce qu'il y a de certain , c'eft que je me croirais tout-a fait deshonorée, fi j'en-avais-fait autant; & qu- la Marquise, elle voit h peuprès fur la mém-, ligre tout ce qui eft audeffous d'elle. Edmond a tout découvert r il f'eft faché ; mais je l'ai iorc'. a demander pardon de fes reproehes indifcrets (ij, & le paavre bauu a payé 1'amende. I! faut ^(O^ Voyez dans la CXXX.me Lettre du Paysan. v fbureni?  SS Partie VI. n? foutenir fon fexe , & a tout événement , accoutumer les hommes, quels qu'ils loient, a ne pas fe formaliser de quelques misères qu'une femme fe permet, pour fe desennuyer, & éviter la.... je cherche le mot; je crois que la Marquise appelle cela , ia monopée ; elle tient cette expreffion d'ua favanr. C'eft une charmante femme ! Eft-ce 4iu Edmond ne comptait pas qu'elle lui fera:t fidelle !.... J en-ris encore. Je viens de lui faire a ce fujet , un raisonnement fans replique : La Marquise trompe fon mari pour toi; elle manque a fon devoir, a la vertu ; elle a , pour en-venir a ce point, fecoué tous les préjugés; tu en-as •été ravi ; tu y as peut - êtfe contribué : Comment veux-tu qu'une femme audeftus des préjugés fe gêne au - point de t'être fidelle-? Il a répondu , —Par amour-,— L'eft-tu > 11 a gardé le filence. J'ai été bienaise de lui faire ce raisonnement , qui doit me fervir a moi-même, & qui doit également fermer la bouche a ton Pédagogue , f'ils vient a découvrir tes fredaines , ou qu'il s'avise d'être jalous. Ils nous ont-óté toute efpèce de frein (i) , & ils veulent ( i ) II eft cerfain, que fi la doctrine de nos Philosophiftes-corrupteurs étair vraie , elle ferait encore trés - dangereuse pour les Femmes , qui ont 1'efprit trop-jeune pour la fupporter. Edmond , ni même Gaudét, n'ont pas óté toute forte de frein, ainfi qu'on 1'a vu par la XCVII me Lettre: Mais , comme 1'ont fenti les Asiatiqs , donnez un piéd de liberté aux Femmes , elles en-prennent une lieue. TumeïU. Partie VI. K  s 14 Paysane pervertie, que nous foyions retenues'. Ge'.a me paraït contradictoire , inconféquent au dernier point. Mais les hommes le font tous, fin* guÜèrement a notre égard : Il n'en-eft pas un , qui, en-feduisant une femme mariée , en lui fesant trahir fon mari, ne prétende enfuite qu'elle lui foit fidelle , a lui , le corrupteur ; c'eft-a-dire , qu'ils voudraient allier le froid & le chaud, le doux & Tamer, la vertu & le vice. Ce matin ( pour revenir a mes affaires) , j'ai eu bes'oin , pour moi-même de toute la force de mes raisonnemens. Ce pauvre Cuvilier foupirait toutes les fois qu'il venait me faire-chanter; il baisait le bas de ma robe ; il était toujours prêt a fe mettre k mes genous.,.. Cela m'a touchée , au-point qu£ pour me débarraffer de fes foupirs, qui le fesaient chanter faus, & moi auffi , je lui ai-repondu par un autre foupir. Il m'a-entendue, & il a brufqué Tavanture. Je n'ai pas trop fait la renchérie. Mais je lui ai bien fignifié enfijite que je ne voulais plus qu'il détonnat, ni qu'il fut diftrait durant mes lecons. D'un autre cóté , ce pauvre Gallini , qui fe tue k me montrer le rigodon , m'impatientait par fa manie de vouloir me parler des mains, pour arranger mes jambes & mes piéds; j'avais beau lui dire, que j'entendais fon francais, & qu'il pouvait parler; il ne me parlait que d'une voie fyncopée. Jelui ai-demandé tout-bonriement ce qu'il voulait i II a-foupiré. j'ai-  Partie VI. 115 foupiré auffi. Il m'a-montré un fofa ; je Tai- rega:dé , & j'ai bien-voulu m'y laiffer conduire. Je ne fais pas fi ces deux Indifcrets ont parlé de leur bonne-fortune a Grandval: mais ce maïtre-de-déclamation , qui ne m'avait encore paru enthousiafmé que de fon are , Teft-devenu tout-a-coup de mes attraits. Hiér , a-i'inffant que je m'y attendais le-moins, je l'ai-vu a mes genous. Je lui ai-répondu par ces vers du Méckant : Une-autre vous ferait perdre ici votre temps, Ou vous amuserait par 1'air des fentimens: Moi qui ne fuis point faufTe. ..... ClÉon. Et vous pouvez cruelie !.. —Alons, par'ez-moi comme Cléon a la vieille Florise ! CLÉON. M'en-préservent les Dieus ! D'honneur , je vous adore, je brüle, je fuis coniumé-. 11 ne m'a pas laifiée tranquile, &c pour m'en-débarraffer je i'ai-traicé comme les autres. Ce matin , je ne fais pourquoï ces trois Hommes m'ont tourmentée fuccellivement., Que vouliis - tu que je fïlTe ? J'hésitais cependant, quand j'ai entendu : Hdte-toi de j»uir ! Je ne fais d'oü cela venait; mais j'ai pris le hasard au mot. Un-inftant après, le Marquis eft entré 5 le Financier le fuivait, & 1'Italien f'eft fait K 1  %i6 Paysane pervertie. annonrer : Me voyant cette Cour, je me fuis-f.fiise fur le tröne-du-plaisir, & je leur ai-ordonné a tous de me divertir. Ils ontobéi. Mais fi tu avais vu le Marquis! quel regard ! 11 n'a pu y tenir (1). Il a rencontré Edmond en-fortant : il f'eft plaint > & mon Frère , inftruit de ce qui verair —Non ; ce que j'ai fait, c'eft expres. — Ah! Cruelie! —Aveugle , bénifltzmoi ; je n'ai que vous en-vue-. Il m'a comprise, & j'ai eu peine a modérer fes tranfporis. Que de remercimens il m'a faits ! Comme il m'a exakée !.... Mais un malheur nous attendait ce jourla : je dis un malheur , paree que je crois que cela doit avoir fait de la peine a mon Frère. Nous fommes paflés dans mon boudoir des rendévous. J'ai pris par hasard la même position que les jours précédents, Sc ce qui m'a furprise, dans la même circonftance que la veille , je me luis fenti ferrer le piéd. Un mouvement de frayeur m'a fait le retirer vivcment, en même-temps que je me fuis a demi-foulevée pour regarder. Je n'ai rien vu. Enfuite fesant réflexion que ce r.e ppuvait être que le Marquis, ou mon Frère , j'ai fait la prude ; j'ai montré des regrets de ma chüte ; j'ai verfé des larmes : L Ami était d'un étonnement flupide : mais il f'eft remis. Je fuis rentrée dans mon cabinet de toilette , oü il eft venu fe mettre a mes genous, en me jurant que m.me Parangon ne f'en acquitterait pas mieux : Il croyait que je le fesais pour me divertir, Sc lui montrer tous mes talents. Cepenclant, j'avais de 1'inquiétude. J'ai fonné Marie, Sc je lui ai dit tout-bas de favoir adroitemer.t, qui f'était caché dans mon boudoir. Elle eft revènué me dire a 1'oreille, que c'était Edmond. Comme j'ai mes deffeins  u(S Paysane perverse. a fon fujet, j'en ai été charmée , dans un fens, & nous fommes retournésl'^ni & moi. Je ne me fuis pas contrainte , & je me fuis abandonnée a tout ce que le fentiment a de plus recherché, de plus délicieus. Il en était fi émerveillé, qu'il n'a pu f'empêcher de me demander, de quï je tenais ces charmant... Je fuis bien fachée de né lui avoir pas dit que c'était de la belle bégueule : mais j'étais trop occupée en ce moment. J'ai reposé mon piéd a Tendroic de cachette ; mais on n'y a touché que pour faire quitter impercepciblement ma mule , que je n'ai pu retrouver. Ce qui a été cause que \'Ami m'a reportée dans fes bras jufques fur mon fofa dans le petit fallon , oü j'ai voulu a!er. La, j'ai avoué k XAmi, qu'Edmond nous avait vus. 11 en a para furpris, & il eft forti quelques inftans après. J'attendais Torage.... En effet, dès que l'Ami, a été parti, j'ai vu paraïtre Edmond, ma mule k la main. Il Ta jetée k mes piéds de fahauteur, fans me dire un mot, 8c f'eft retiré en levant les ieux au Ciel. Je Tai rappelé : mais il n'a rien voulu entendre. J'ai achsvé ma toilette , & je me difposais k fortir, quand mon Frère eft rentré. J'ai jeté un coup-d'ceil fur la glaffe ; j'étais k croquer.... je ne me fuis pas remuée. Il eft venu me prendre la main. —Eft-.il poffible ! —Que veux-tu dire ! —N'as-tu pas, tout-a-Theure..,. —Eh-bien, fans doute i  Partie VI. 117 ne lui devons-nous pas affes > ne le mérite-t-il pas amant que le Marquis! —Voila toujours oü tu en ieviens ! — Mais , c'eft vrai 1 c'eft que tu m'y forces. Laiffe faire a ma prudence ; va, je me conduirai pour le mieux. Si j'étais encore p—11e, ce ferait autre chose ; mais puifque m'y voila , ne desobligeons pas nos Amis-. II n'a fu que me dire. Il a encore levé les ieux au Ciel, il m'a ferré la main , Ta baisée, & m'a quirté précipitamment. J'ai appris enfuite indireétement, que Ia Marquise lui donne des chagrins par fes infidélités : il paraït que fon attendriflement avec moi , yenaït d'une comparaison , qu'il fesait de fon fort avec celui du Marquis, & peut-être même l'ai-je un peu confolé, en lui prouvant, que les autres ne font pas plus heureus que lui. Car c'eft une confolation aumoins! & je t'avoürai que je fèrais enchantée, en fuivant mes fantaisies, d'avoir diminué le chagrin de mon Frère ! \'Ami Ta evité, depuis le tête-a-tête oü nous avons été vus, & je crois que fon départ précipité, a eu pour cause la honte..... de quoi ? de m'avoir rendu hommage ? Envérité , je lui en aurais voulu, f'il m'avoit froidement admirée, j'aurais été incrédure a tous fes éloges ! Tu me diras fi fon départ a eu d'autres raisons 5 Ne voyant plus X'Ami, j'ai Iaiffé revenir les connaiffances ordinaires, que j'avais écartées. Mais un bonheur rare, qui m'eft arrivé ï  Il8 Paysane pervertie. j'ai revu mon Page ! Il eft Colonel , & charmant. Je l'ai apercu par la fen^tre. Et vïte j'ai envoyé Marie après lui > pour lui dire , qu'une jeune dame de fes amies lui voulait parler. Il eft venu fur-le-champ. J'étais en gaze, comme le jour de la première reception de notre Dépréjugeur , ailïse fur mon fofa le plus voluptueus. En me voyant, il m'a reconnue dès la porte. Il a fait un cri de joie, & f'eft élancé jufqu'a moi. Je lui ai tendu la main en fouriant. — Quoi ! c'eft vous! c'eft vous, ma Divinité ! c'eft vous que j'ai le bonheur de revoir, & de votre aveu ! Mais , comment êtes - vous ici ? — Je fuis chés moi. ■—Fille, Femme? —Tous deux. —J'entens : vous êtes a quelque Midas ? —Point du tout ! je fuis a moi-même : mais m.r le Marquis de , ami de mon Frère , vient fouvent ici; je jouis d'une certaine fortune, que j'ai acquise par des moyens légitimes j'ai vu le monde , & je ne fuis plus ii prude qu'autrefois. ■— Parle vrai ; tu es entretenue-(i) ? J'ai fouri; car je ne voulais pas le faire languir. Il m'a traitée en officier ; je me fuis conduite en femme qui fait le monde , & le boudoir a été visité. J'y ai pris la même pofture , & a ma grande furprise , pour le coup , mon piéd a encore payé les torts qu'il n'avait pas! J'ai été réellement inquiète. ( i ) Tu ! Infortunée ! i! te tutoie déja ! Mais  F A R T i z VX Tïy Mals le Page ne me donnare pas de reiaclie: il me jurait qn'il était le plus heureus des Hommes, & que je le mettais hors de lui; il a fallu écouter tout ce qu'il avait a me dire , & il n'a nas eu firót finï. Enfin , je l'ai renvoyé, fous prétexte que mon Frère alait rentrer. —'Eft-ce bien ton Frère ? —Tu ne me feras pas certe queftidri, lorfque tu me cönnaitras mieux : tu juges? de ma faciliré , par celle qu'une ancienne' inclinarion m'a fait avoir pour toi ; va, je ne veux pas te répondre aujourd'hui fur ta queftion impertinente-. Il eft forti, un pen' mcertain , h je lui disais la vérité. Bien henreusement , je t'affure ! Auffitót' eft entré le vieux I-. lien , qui m'a fait' les plus bell s promtHl-s. Mais néant a fa' requêre. Ce pendant, comme c'eft un Homme' décoré , je le traite avec politeflè; d'ai!leurs> cela donne un ton a ma maison , & le' Marquis n'étant pas jalous de'ce vieux fatire,je me plais a le voir quelquefois foupirer.Je l'ai recu dans mon boudoir, & nousavons parlé. Je Tai fait piacer de facon , qu'il toutnat ie dos a la cachette : j'y a? porté le piéd, qu'on a touché encore, mais; fans me faire mal. Je n'ai plus douté que ce" ne fut Edmond. Dès que j'ai été libre, je fuis revenue feu-le , & je Tai découverr. Sans me plaindre je Tai embrafle , je Tai fait afleoir a cöté dei moi. —Pourquoi m'épies-tu > Ne veux tu* pas mon bonhgur ? ■— Oui , je Ie veux.:'. Tornt III. Pai-tlc VL. L  ?5© Paysan e pervertie. mais — LaifTe-moi done le faire a ma fantaisie ; fi tu me gênes, même en me donnant des plaisirs, tu les empoisonnes. Il n'a rien répondu ; il a loupiré. Enfin , il m'a ferrée contre fon cceur très-fortement , & il m'a dit: — Fais done ce que tu veux ; mais ménage le Marquis ; je 1'exige. — Je le ferai. Et toi, comment estu avec la Marquise ? — Racommodés, depuis la baffeffë quetu m'as fait faire Mais envérité, elle ne te vaui pas..,.. Il m'a baisé la main , teut troublé. 11 m'eft venu du monde , que j'ai été recevoir: c'était le Financier (i) : Edmond n'était pas forti, j'ai amené tout unimentmon Monidor dans mon boudoir, comptant que mon Frère refterait pour m'y tenir compagnie. Point du-tout! en entrant, je n'ai vu Perfone. Comme 1'endroit oü j'amenais Montdor eft la marqué de la dernière feveur , dès qu'il f'y eft-vu , il f'eft jeté a mes genous , en me remerciant de mes bontés , & en m'afturant qu'il faurait en marquer la plus-vive recnnnailfance. J'ai demandé , De quelles bontés ? ■—Mais, Mignone , ne vois-je pas Tu doutes peut-être ? 11 a ouvert un portefeuille garni en diamans; & en-a tiré pour cinquantemillc livres d'effets-au-Porteur : ■— Voüa des arrhes de ma ieconnaiftance , dont tu ne parais douter, belle Reine : daigne les recevoir (z). ( i ) Voyez le Tcme Ier. (a) La voila qui fe vend effrontément!.  Parti! VI. r?i Ji les ai-regardés , en-lui disanf: —• Mais ce n'eft pas de votre reconnaiffance que je doute , Moniieur ! je fonge feuUment , de quelles bontés vous me r-*merciez > — Je fuis dans le temple , le facrifice f'accomplira ; voila mon ex-voto-, J'ai ri de Texpreffion ; mais \'ex-voto m'a tentée. Cinquante' mille-livres ! J'ai-pris le porte-feuille , en lui-disant: — Vous êtes une de mes pre-mières Connaiffances , il faut bien-avoir quelqu'indulgence pour vous-! En-mêmeremos j'ai jeté le portefeuille fur ma jaseuse , de-facon qu'il tombat a terre. Mont-dor f'eft mis en devoir de me prouver qu'il m'adorait : j'éiudais adroitement; je fesaiscomme ces Enfons qui jouent a la baie \ je l'ai tantalisé ; les Femmes le font li-fouvent, qu'elles peuvent bien prendre leur re-* venge ! Pendant ce petit jeu , mon piéd ai cherché la cachette ; Edmond m'a fait connaitre qu'il y était. J'ai alors poufle le portefeuille infenfiblement de fon cóté, jufqu'è, ee qu'il l'ait eu pris (1), Dès que je me fuis' apercue qu'il f'en était faisi , je n'ai pas cru qu'il me fut permis de leurrer davantantage* un Honnête-homme qui payait fi cher. J'ai. fouffert que Tantale portat les lèvres aux. méts qui le fuyaient auparavant. Il f'tfE comporté en véritable affamé : je fouffrais. pour le pauvre Edmond (, i ) O misécables Enfans,. autrefois honHète!>>!i  ijl Paysane perver.tie. Quand ii a été parti, c'était Theure dü diner. J'ai-présenté la main a mon Frère, en-lui disant: — Je t'affure que fi tu n'avais pas accepté ce présent , que je te fesais , le financier n'aurait rien obtcnu-! II a rougi , &a j-eté le présent avec indignation fur mon ottomane. Je Tai été prendre. — Il faut legarder , li tu ne veux pas que je fois au> desefpoir d'avoir favorisé un Singe, qui ne m'inlpire que de la iépugnanre . Il Ta enfin repris, & Ta-fi-rré, non fans de grands foupirs.... Jamais je n'ai-éprouvé une joie plusvive & plus pure ! fi cela m'était arrivée vertueuse, je ne pourrais me laffer d'exalter les douceurs que procure la vertu (i) : mais c'eft le vice-, & je fens que cela me le rend beaucoup-moins-laid. Le Marquis eft entré pour-lors, & nous-nous fommes mis a table.. J'ai été le refte de la journée d'une gaïté bruyante, & fi folie, que mon Frère & le Marquis m'en-ont demandé la raison ? J'ai dit tout bas a Edmond: —Je n'en-ai pas d'autre que le plaisir que tu m'as-fait-, ll a été touché de ces fentimens; il m'a b isé la main , en disant au Marquis: —C'eft un excellent cceur! quel dommage que la tête foit fi folie-! Et comme le Marquis fait ( i ) II ferait affés inutile d'obferver , que c'eft une forte de vertu dans le vice même , &. non le vice qui donnait ce plaisir a Urfule. mais il faut préveuir les Malintentionnés. On verra dans peu que ces. Lettres, fi. libres, font ici néceffaiies. (L'Ediu)  Pahtie VI. t;j qn'Edmond eft abfolument dans fes intéréts, il f'eft tranquilisé Il a quelquef^is eu beaucoup raoins de fujets d'inquiétude . que rien ne pouvait le calmer !... Mais les voila , ces bons Hommes! Trompons-les bien! car, fuffions-nous des Lucrèces , ils n'en feraient pas plus ■ heureus: c'eft une pure duprrie que de leur êt:e fidelSes ; ils n'y gagnent rien , & nous y perdons. Je fèrais la plus-irgrate des Femmes, fi: je ne rendais pas la gloire a qui elle appartient: mon bonheur actuel, eft 1'ouvrage de T'Ami: Sans lui , entre nous , que ferais.— je ? Supposons la femme du Marquis; Je ferais bornée , contrainte ; fans doute réduite a garder mon appartement dans une trifte folitude, a voir une Maitreffe infpirer tous les fentimens qu'on me jure , &c jouir de tous les plaisirs qu'on me prodigue : car il ne faut pas croire, que deverioe femme du Marquis, j'aurais eu la liberté dont il laifte jouir Ion Egale , une femme qui a desParens qui prendraient fa défenfe , & une fortedot, qu'on pourrait lui f'.ire reftituer: j'aurais le fort de toutef les GnVtces qui épousent des Marquis, fi ces O-miers nefont pas des Ber.êts , comme un certain Comte ; je ferais méprisée, réduite a la compagnie de mes femmes ; je n'aurais pas même, fi ce n'eft en-cachette, la fociété de mes Laquais. Oui, VAthi eft un Génie ; lui-feulj vériablement audcflus des préjugés,. aTfu me rendre réellement heuretiie, ik je  »54 Paysan ê pervertie. crois que mon Frère le ferait également f'il f'était entiérement abandonné a fes confeils; fi , comme moi , il lui avait livre fon corps & fon imc. Eneffet, queile mortelle fut jamais dans une fituation plusagréable ! Tout me rit autour de moi (r) : J'ai le plaisir, comme certaines Princefles, de choisir les plus beaux-Hommes, & de leur jerer le mouchoir, qui eft toujours ramafféavecdestranfportsde reconnaiffance: Auqu'une étiquette ne me gêne ; on fait que je fais ce que je puis , dans ma fituation: mes Gens eux-mêmes, qui favent tout, ne me méprisent pas: Je fuis Fille „ maitreffe de moi , & c'eft mon état, que de faire des Htureus. Je n'ai pas eu le bonheur d'avoir un Père comme celui der Ninon , l'Ami m'en-a fervi; je lui dois plus qu'a mon Père charnel..... Tu vois que cela coule de fource , & que je ne faurais m'arreter quand il f'agit de marquer ma reeonnaiifance pour l'Ami. A-présent, ma chère Laure, auras-tu cette L?ttre ? Il faut que je me confulte Oui: je vois que j'ai encore lailfé un petit repli dans mon cceur a la difcrétion (z% ( i) Tnfortunée ! tu verras iientót que les plaistrt* iu Vice font un poison farlaté , qui cause mille-fois plüs de peine , qu'il n'a flaté Ie goüt. ( a) Voila une Fille bien-vicieuse ! di-a-t-on. C'eftce qui- eft. Voulez-vous que vil adulateur de mon-' fiècle , je taise 1'utile vérilé | Non : j'ai dit ce quis eft. a la Campagne, oü regne 1'innocence, la can>-  Partie VI. tff Remerciernoi ! Il fint être auffi bonne que je. la fuis, & auffi tendre amie envers toi, pour te donner que fait-on? des verges pour me fouetter un-jour. Rens-moi la pareille, fi tu es généreuse ; ou.,.. deur: je publie de-même ce qui eft a la Ville : J'ai vu tout ce que je dis! Naif, innocent moi-même , dans le féjour de 1'innocence, j'ai vu le vice i'approcher de mon cceur , f'y gliffer a-l'aide du plaisir, le corrompre , & me rendre-malheureus : car le malheur Laure, a U r s u l e. ( Elle lui rend confidence pour confidence en turpitude, ) Quelle-que-fok ma répugnance pour les Relations, Cousine, la crainte que tu rne croyes difposée a Tindifcrétion, me fair. lurmonter ma pareffe naturelle: je vais te donner un Ocage: & fij „'eft pas auffi riche que le tien , il faudra t'en-prendre, non a mes difcrétions , mais a mes attraits' qui ne font pas auffi- piquans ni auffi-courus que les tiens. Sans préambule, ïentre enmatière: car fi je n'aime pas les Relations, j.'aime encore bien moins la morale & les préfaces. Tu fais ma première Avanture. Jetais mnocente dans toute la valeur du terme3. quand m.i> Edmond , qui n'érnit encortr qu'un pa!to.paet, mais qne je croyais uij. Petitmaïtre du premier ordie, m'en-imposa par fon air demi civiiisé. 11 cueiliit ma fleur.je n'en-avais qu'une; mais dix lui auraient cgalement été-facrifiées, tant je me croyais faonorce de fes attentioas,. J'étais fi-neuve , que  Partie VT. ï$? que je ne me doutais feulement pas de cc qui pouvait en-resulter : je penfais que pour faire des Enfans, il falait abfolument êtremariée en- face-d'église. Je me croyais fortaimée: a-présent que je me rappelle fa conduite, je vois clairement que monfieur f'amusait aux-dépen* d'une Innocente. Mais ïl faut avouer qu'il avait déja fait quelques progrès dans la philosophie, puifque notre parenté ne le retint pas. Je paffe mes chagrins: je les ai-oubliés. L'Ami nous fitpartir pour Paris, ma mère & moi: il nous y logea fort-décemment, mais audeflbus de ce qu'il aurait desiré , afin de ne pas nous éblouir tout-d'un coup, & de laiffer quelque prix a ce qu'il devait faire enfuite. Cependant il n'attendit pas que je ne porcaffes plus les livrées d'Un-autre, pour me revêu'r des fiennes. Jecédai de bonne-grace a la reconnaiffance. Je fis ma fille, & je me rétablis. Ce fut alors que \'Ami nous logea plus fomptueusement, & qu'il employa pour nous les reffources heureuses de fon génie. Ma Mère ne voyait rien de ce qui fe paffait: les chagrins qu'elle ie forgeait a elle-même Tavaient déja abforbée prefqu'autant qu'elle 1'eft aujourd'hui; la machine mangeait, dormait, parlait, voyait , entendait; mais Tefprit ne difcernait plus. Je vécus fidelle, tant que je fus fans Connailfances. Tu vins a Paris; tes confidrnces, dans le temps même oü tu étak TomelU. Farm FI. U  i?8 'Paysane pervertie. bégueule, m'éclairerent fur ceque je valais. Jufqu'a ce moment, je n'avais encore fait auqu'une attention aux propos qu'on me tenaic, ni a certains geftes, qui fürement annoncaient quelque papier : Je devins plus obfervatrice, & je ne tardai guère a m'aperceyoir que je n'étais pas fans Adorareurs. Je t'imitai, dans ta conduite , & faute d'en-connaitre une meilleure, ce fut Ie modèle que je me proposai. Mais comme j'étais plus libre, j'alai auffi beaucoup-plus vïte, & dès avant que l'Ami fit fa longue abfence,^ j'avais déja filé une intrigue, lauf le dénoüment. Il partit enfin. Le temps de fon abfence fut fécond en-évènemens: Tu fus enlevée, violée; Edmond vint; je le revis avec intérêt, & je couchai fon cceur en-joue dès le premier moment. Je nefais fi ce fut mon goüt ou ma vanité qui me fit-desirer fa conquête; mais cette idéé ne me laiffait de repos ni jour ni nuit. Je favais par toi fa paffion pour la belle Parangon^ & qu'il Tavait traitée comme tu l'avais été par le Marquis; tout-cela lui donnait a mes ieux un prix infini. Je penfais en-moi-même, quelle gloire j'aurais de le rendre-infidèle a cette fiére beauté: caï mon but était qu'eile le fut, & qu'elle enfüt jalouse. Mais a-travers tout-cela, Edmond eut i'intrigue de la Marquise: moi, je me reffouvins de la mienne: on ne m'avait pas j?erdue-de-vue, J'accordai un rendévous  Partie VI. ïj?' «chés moi. Tu étais alors avec Lagouache, Sc tu ne m'avais pas encore écrit ta Rela-tion; deforte-que je te croyais au-faite du fconheur, & raffasiée de jouiffances: J'en■ctais un-peu jalouse , & je me dis: —Se Tai-je done la feule qui me priverai , tan«hs que les Vertus les plus-fauvages fe latifent eniever, violer , & qu'après ces mal>heurs cruels arrivés a leur pudeur, elles trouvent la chose affés ragoutante, pour envouloir tater encore ? Eflayons-en auffi-. Je fesais ces réflexions, profondement recueillie fur mon fofa, lorfque mon Galant fe Ét-annoncer. Je le re$us d'un air ouvert, qu'il crut agacant; car il brufqua fi vivement Favanture, que j'en-fus un-peu honteuse. Hélas! j'ignorais encore que c'eft Ie bon-ton, Sc ta feconde Relation (que j'aivue) m'a óté la-deffus tous mes fcrupules. 11 en-agit affés-bien , ï fa brufquerie pres, & me fit un joli préfent. Il revint deux ou trois-fois. Je m'en-laffai: je me reflbuvins fucceffivement des Autres : j'alai aux endroits ou je les avais-réncontrés le plus-fouvent, & que je ne fréquentais plus; ils reparurent fur mes pas; Sc je donrai le mouchoir tantöt a 1'un, tantöt a I'autre. Voila ce que t'a-dit la femme-de-chambre que j'ai-renvoyée, Sc ce qui t'avait-refroidie avec moi. J'abrége, parce-que je n'ai pas, comme toi, le talent de relater : notre reconciliajion f'eft-faite , & je t'avouerai que ton M i  *40 PAYSANE PERySRTIE.' motif m'a iï-bien gagné le cceur, que je fuis a toi pour-jamais. II f'agiflait de rendre Edmond infidèle a deux Beautés; la présente, dont il jouiffait, & i'abfente qu'il desirait. Après avoirpaffë par différentes mains, je fentis mon goüt pour lui fe ranimer plus-vivement que jamais. L'Ami alait-revenir ; il falait fe dépêcher, quoique ce ne füt pas mon intention de lui en-faire myftère (c'eft - a - dire de eet article feulement). La Marquise fut infidelle : Edmond en-fut piqué: il vint f'en-plaindre a moi: je le confolai, je le louai ; je lui preftais les mains dans les miennes; je les ai douces & potelées; cela üt-fenfation. Il me prit un baiser, que je xendis. C'était le coup-de-briquet; le feu prit a 1'amorce... Qu'Edmond mérite bien d'être la folie des femmes ! Envérité , fa prude Cousine n'eft pas de mauvais-goüt, Sc je crois que la Commère ne ferait pas fachée d'avoir encore des pleurs a verfer, un viol k fouffrir , & une pénitence a-faire. Jecrivis ma chute k l'Ami, en-ces termes: FoUDRE éclate f tonnerre tombe, écrase ! Terre tremble ' Soleil pdlit, recule ƒ & toi Tune éclipje toi f que tous les élqmens fe dêchainent; que la mortalité fe mette fur les moutons & fur les poules ; que les puces naiffent par fourmilltères, & desulent les belles ; que tout en-un mot fe bouleverfe dans la nature! Laure, la perfide Laure , a„„ traht.  Partie VI. 14*' lsorgueil de fon Aman t ! Oui , la fidélhê, qu'il croit qu'elle lui doit J'ei! éclipfée tot*lement, entre minuit & une heure : le premier contacl a une heure 30 minutcs ; l'im-1 merjïon totale a l h. 30 min. Z fecondes. Adieu je vais pleurer.. . c'eft-a-dire, rire aux larmes. Laure. Depuis ce temps-la , je reprens de temps ên temps quelqu'un de mes anciens amars, fuivant qu'Üs font genereus; car je fuis on p u faféreuee; c'eft mon dófaut: j'ai obfervé que les vices dorés , reflemblent comme df ux gouttes d'eau aux verrus: Sc fi j'étais médecin des mceurs , une Socrate, par exemple; qu'on m'amenat bien des Scélérats a guérir, je dirais, Pour honneur ravi par trahison , baffejfe , fripponnerie , m ge , concuffion, f de l'or. Item, pour honneur feminia , ehaftete', modefiie , perdus , Rt de l'or, changeant feulement le v> en ( 1 ) Adieu. P.-f Je te renvoie la terrible Letrre que l'Ami t'a écrite contre les ipeótacles, les Aóteurs, les Actrices, & c.a; elle m'a fait bien rire : j'ai eu la penfée de Tadréffer au Scmainier des Francais, qui eft de ma connaiffance, pour le pner de (O Allusion aux formules de Farmacie ; t yerfex s M 5  t^i Paysane pervertie; Ja faire imprimer , & d'en donner copn» a fes Camarades males & femelles. Quant a mon fentiment, je penfe que Tauteur de la letrre doit fe retra'óter. Je te charge de i'exiger. Que favons-nous, hélas I ce que nous ferons un jour ? Il doit auffi des excufes a quelques Auteurs:... mais eet article , a fon aise. LETTRE GXIV. - jo juin». U R S U Z E , a. G A U D. É TV (Elle lui exposé Ton art pour lè libertinage. Hélasï. L'lnfortunée le paiera-chèr ! ) Me voila prefque brouillée avec le Marquis , & davantage encore avec Edmond. Ce dernier eft, je crois, jalous, mais beaücoup plufque le Marquis lui-méme. J'érais, fi heureuse ! jamais vie ne réunit tant de plaisirs que la mienne , pendant environ un mois, le temps de votre voyage compris! mais a présent, ce ne font que des plaintes, des foupirs, des brouilles. On me xeproche fur-tout mes complaisances pour vous: c'eft mon plus grand crime aux ieux d'Edmond. Il me dit hier foir des choses très-dures, Sc appela ma maison par un trés,  Partie VI. uf$ Vllain mot, Cela me furprit , & les larmes rn'en vinrenc aux ieux. Il eut regret de fa brutalicé ; Il m'en demanda pardon , & me promit de fe conrenir, pourvu que je bantóffe tous mes Amans. J'ai-promis; mais bien-resolue de ne pas tenir Oü en- ferais-je ; avec la depenfe que je faisl Voila plus de cinquante-mille-écus que je dépenfe depuis un an , & le Marquis n'a guère fourni que quatrevingrsmille-livres: encore commence-t ilafeplaindre.C'eftqüe faFemme , de fon coté , fait auffi une forte dépenfe : fur-tout depuis quelque-temps, que nous-> nous fommes écrit-.U eftinconcevable (c'eft une réflexion que je fesais ce matin ) corabien une Femme-entretenue coute ! c'eft quelque chofe d'effrayant! Si elle veut plaire , exiter des desirs dans Tous-ceux qui 1'approchent , il faut quelle fe diverfifie , au-point de ne jamais fe reffembler : pour être toujours appétiffante , il faut du neuf tous les jours; il lui eftimpoffible demettre deux fois les mêmes choses , la plupart trop-fragiles: a moi, par-exemple , les gazes, les chauftures ne me fervent qu'unefois : Marie & Trémouffée , f emparent de ma dépouilie chaque-foir. Je fais-bien que les autres Femmes- entretenues n'en-agiffent pas avec autant de prodigalité; mais qu'eft ce que Cela , en-comparaifon de moi ? J'en ai vues que je n'aurais pas voulu toucher avec des pincettes: des fouliers dont le talon était croté j des bas de trois jours au* M 4  'ï44 Pavsane pervertiï. moins ; des bonnets prefque-falis ; urïc chemise de deux-jours. J'en-prens deux ou trois dans la belle faison , & une feulemcnt en hiver , par parefTe. J'ai-dèja-fait remonter dix-fois mes diamans; chaque mouchoir ne me tert qu'une fois. Auffi tous les Hommes m'adorent ; ils ne trouvent rien en moi qui ne foit la propretémême : car fi je fuis fi attentive , pour ce qui me touche , & n'eft pas moi , vous devez croire que je la fuis davantage enéore pour ce qui eft moi-même' _ Quant a mes meubles , on les croiraii: vivans , & ils ont leur coquetterie: c'eft un talent dans lequel je me fuis perfectionnée depuis. votre abfèsce. Outre leur fomptuosité , iis ont la volupté pour arae ; car j'ai voulu qu'ils en-euftènt une. Mes fofas font d'une facon particuliere: mes chaisespliantes , mes ottomanes , mes bergères , &c.3, me-recoivent dans leurs bras, Sc paraiftent p'utót des Ecres aftifs qui m'étreignent , que des meubles paffifs qui me portent. Tout-cela coüte des fommes immenfes. J'ai des tableaux : ce ne font pas des chéfs-d'ceuvres , a-l'exception de ceux de mon Frère , qui ont beaucoup de mérite; mais ils peignent la paffion que je veux exeiter , dans toutes les attitudes , graduées avec art par moi-même ; & chaqu'un eft en-opposition avec une glaffe qui le refjète : ils font placés de-manière , qu'il y en-a touïours un de vu, des ttois qui accompagnent  Partie VI. 14I chés moi , chaque tröne du plaisir: Celui des préludes eft libre & tendre : celui qu'en voit dans Tivreffe, eft licencieus: & celui qu'on ne voit qu'enfuite , ex-prime la reconnaiffance ; il eft fuivant les preuves que j'en attens , & il les irdique. C'eft moi dans le premier & le troisième tableau -,- c'eft Une-autre dans celui du milieu , paree que 1'émotion , même celïe du plaisir, quand elle eft auffi-fortement exprimée que >e Tai fait rendre, contraófce les mufcles, & enlaidit toujours un-peu. Vous demanderez , comment on voit cestrois dirtérens tableaux,, fans douce placés dans le même cadre ? C'eft. encore ici une de mes inventions: il y aun petit bouton d'ivoire au p rquet, a la porrée de mon piéd ; ce bouton a un fild'archal qui paffe pardeficus ie bois , & quï va faire glifler la toüe de chaque tab'eau » dès que je Tai pouffé. Ce mécanifme eft. très-prompt, & ne fait auqu'un bruit. J'aijoui quelquefois de Tétonnement de mesAdorateurs : Il en-eft qui croient f'êtretrornpés , & qui penfent avoir-vu le premier & le fecond tableau dans une autre pièce • Un a voulu voir f'il n'avait pas été déplacé par.Quelqu'un : il a tout visité, & ayar.ttrouvé un mur folide , il n'a fu qu'imaginer. Il y a cent ans, que je lui aurais perfuadé que j'étais une tée , ou une Magicienne : mais aujourd'hui , il n'y a plusmoyen ; il faut refter femme, fauf a fe rendre la plus-féduisante que Ton peut: cepen-  *4<ï Paysane pervertïé. mes d«ai!s que i'rrfl^m/r°portIornés ™ coftume que a, chois,; & ,e prens ce cofi d ap.es'a facon dont je me trouve momée; ? daPres k connaiiïance de ce qui piart davantage i -Amant que je veux fWi£ de l?1" hdle 3Ue 'e veux W donnet oueTv OUTfi" dVès Ie genre de plaisir Bacch3nreUX U' Pr°CUrer- La C0!Ture 3 Folie r T" UnC ?éopatre : cel,e «*olle une Badine , qui leurre & couronne, töur-a-tour ; celle er^Vc, une Vjerge,  Partie VI. ftfè qui fe défend avec maladreffe : ceüe en* Effrontée, que je veux prévenir, Sc faire un Encolpe de mon Amant: celle en-Honteuse , que je veux me défendre, par ces finijfe^ done charmans de la jolie G**; celle en Prude , que je veux reffembler a la Parangon ; Sc qu'il faut employer la violence : celle en-Coquette , que je veux jouir a-laM* ; Sc me lervir du fecours de mes meubles. Chaqu'un voit ainfi , en-m'abordant , le fort qui 1'attend dans mon boudoir : & comme chaqu'une de ces choses a fes détails agréables, je ne me fuis pas encore apercue , que Perfone ait été mécontent du fort que je lui préparais (i). Voila ma philosophie , i moi, [Ami l 6c non pas les billevesées d'aftronomie ou de physique dont vous rempliffez la tête de mon Frère , & que la Parangen parait pofféder tout auffi-bien que vous (2). Ce n'eft pas que je ne raisonne quelquefois: je me fuis-fait des principes, dont je vous entre* tiendrai peut-êtie quelque-jour. On me flate que j'aurai un Amant de la première diftinótion ; c'eft mon Maitrede danfe qui fe mêle de cela. Il m'a prévenue que cette affaire ne me gênerait pas; que fuivant toutes les apparences, j'en leraï (1) Quel rafinement de lzbertinage ! mais quella punition effroyable 1'attend ! (O Voyez les CIU & CIY.ws 4» PAïSAN, #*■ li*  • fi. PAYSANE PES.VEjR.TIE. quitte pour une nuit ou deux; attenda qu'il n'eft guère pofllble que ce Perfonage m'ait en-titre ; vu que cela m'exposerait: je ne pafferai que pour une fimpie fantaifie du moment, & je n'aurai abfolument rien a redouter. C'eft précisément ce que je demande : je luis Tefclavage . & je ne fuis paj encore blasée. J'efpère que je ferai-la un bon coup-de-filet : je travaille aux préparat-ifs: ma parure fera unique en fon genre: il n'y entre que de la gaze briliantée la plus claire; tout en-eft , jupes , robe; la chemise fera de mouifeline tranfparente. Je garderai cette parure pour vous la montrer. - dieu , l'Ami' c'eft aftes causé , jecrois ; car cette Lettre eft un vrai babillage de Femme ( i). P.-/ Les Thatres , les Acteurs , les Aótrïces . les Auteurs , toute la fequeile vous en veut; Laure a momré votre Lettre que je lui avais confiée: cela me factie : car je ■crois qu'au premier jour , j'aurai besoin de m'afKlier aux Privilégiées des couliffes : elle fent aujourd hui qu'elle a fait une imdrudence , & craint pour vous : Que faire a cela j C Q De Femme ! de Femme-perdue. LETTRE CXV.  Partie VS 155 LETTRE CXV. 4. juilletï' Réponfe.. (Tl montre ici d'autres fentimens fur le Théatre ofr les Comédiens, &. fur tout ce qu'il a-frondé.) ^^yfi faire a. cela ?' En rire: la co'ère de' ïvic-ziieurs lts Hiftrions ne duit produire que' eet effet la. Je voudrds qu'il fe fut agi d'Edmond , 6c vous auriez vu , ma Belle, ce' que je lui aurais dit, pour le détoumer de prendre le parti du Théatre (1)!... Mais avec vous, je ferai plus-modéré , paree que vousr êtes plus rakonnable que votre Fiére ; du.' moins , j'aime a me le perfuader. Vous ne voukz plus être Actrice ; 1'amïtié , le zèie peur votre intérêt m'avaient fair> outrer les choses; a présent je vais découvrir mes véritables feminiens. Ce que j'ai die: des représentations eft vrai : mais tout a fes; abus, tout a fes inconvéniens & fes avan-rages. Or les inconvéniens du Théarre font? moindres que fes avantages. La représenta-tion eft un amusement légitime , qui nous. ( 1 ) II n'y manquera pas ! & non-féulement dis Théatre, mais de la Littérature : Voyez la C LXUI>tn«s & la CLXVI.me, T. JII , du PaïsaN,. Tome-IIL, JPame VI, jfcfc  iji4 Faysane pervertie? donne !e plaisir , & le plaisir eft le baume de la vie. En-effet, ma chère Fille , les besoins font bien-triftes 3 bien-uniformes ! qui n'a que les besoins , fans connaïtre les plaisirs, iTeft ni heureus, ni malheureus , il végète : Celui qui n'a que les besoins, &c qui connaït les plaisirs , eft fouverainement misérable., C'eft l'état de 1'Homme-focial, en-France , en Angleterre , en Italië, en Efpagne, en AHemagne , en Ruffie , en Turquie, dans tout 1 Univers policé. On ne me le difputera pas: dèflors Tamusement du Théatre eft légitime , il eft néceflaire , comme tous les autres agrémens de la vie Si les besoins font uniformes, les plaisirs font infiniment variés; ils jètent dans la Société une diverfité , qui en fait le charme ; ils ne font pas le bonheur chaqu'un en particulier ; mais üs le fonttcusenfemble: Il eft impoffible a 1'Homme de les gpüter tous enfemble , c'eft pourquoi la jouilfa.nce complette du bonheur eft une chimère : mais Celui qui fait fuccéder des plaisirs variés, purs, non fujets a être fuivis du repentir, eft le plus proche du bonheur (i). Le ipectacle , a Paris fur-tout, eft un des plaifïrs qui conftituent le bonheur : Eh ! je ferai- alfés ennemi du Genre-humain , pour léprouver ce plaisir ! Je regarderais comme ( ! ) Cé qui fait encore que jamais un Homme ne peut dire, Je tiens le bonheur , c'eft qu'un des plaisirs «rui le confiituej eft iefpérance d'en-jouir. ( Noie de Gauiét,.  Partie VI. i ƒ r Vils Ceux qui le procurent ? Moi, je ferais alTés méchant, affés dépravé , pour mépriser Doligni ! cetre Femme vertueuse , aa théatre, & le modèle de fon fexe ! Je iTapplaurlirais pas aux graces de la jolie Fannier ? au jeu fin de Luy ? a Tintelligence de m.IIe Dugaipn! Je n'aarnirerais pas les brufques élans que Sainval a dérobés a la fublime Du~ mefnil ! Je ne reconnaïtrais pas que la belle Raucour rempiacera , quand elle le voudra eetre Actrice, dont le nom honore 1'art, Sc dont Tart furpaffa la nature , Clairon A ce nom je m'enflame , & fi j'étais adoreur par goüt, je lui drefferais des Autels! Je ne reconnaïtrais pas que Veftris rend Thorreur de la fcène de Gabrieüe audela de ce que Timagination osait le figurer! Quoi! je ferais de mauvaise humeur , quand Taimable Comat me retrace dans fes róles d'Amoureuse , & la fenfibilité de la natute , & le jeu féduisantdesGawJ/F/z, des Hus, aesGuéant,. ces Actrices charmanres a quï Vénus avait prêté fa ceinture ! Quoi! Bri^ard ne m mf~pirerait pas le refpect, Ia vénération 1 Je ne' verrais pas dans Larive, eet Acteur que demandait Baron , élevé fur les genous des; Reines , formé par les Graces , plus beau que Fdris, dont le jeu fage , un peu gatépar le Parterre de Paris, eut tari les larmes; que je donne a Lekain ! O fublime Rofcius li o Lekain ! quand j'aliais & t'entendre , Sc t'admirer, en te voyant paraïtre fur la fcène „ je te remettais mon ame y pour la mouveür K M  1c6 paysake t> e r v E r. ï ï lv a ton gré •, & tu Ia mouvais toujours fortei' ment, mais délicieusement, tant était profonde la connaiffance que tu avais du cceur Jaumain ! Incomparable Acteur , tu n'es: plus; une des fources du bonheur eft a jamais tarie pour moi J'a perdu Bellecour, eer Acteur longtemps froid , plus long-tempg, jiaturrl ; je ne verrai plus cette fcene de rupruredans \a Reconctliation-normande , oüf, m.lle Gaiithier & lui me fesaient pouffèr le cri de Tadmiration. Mais j'ai encore Molél Petitsmaitres francais, adorezle; en vous jouant, ïl vous a rendu aimables :■ nos Danfeurs o:t été a Londres pendant la guerre qui desole !a Patrie : ah pourquoi Molé n'y a t il pas ére auffi ! fon talent enchanteur , en rendant aimables au farouche Anglais jufqu'a nos rïdicules , nous en eüt fait chérir ; il aurait adouci ce Peuple magnanime , mais tropdur encore , & qui eft a deux fiècles de 1'urbanité frangaise. Si Bn\ard me pénètre de vénération, dans les Viei:lards tragiqs, Prérille , peut-être plüs habile encore (car je n'ose prononcer entre ces deux Hommes) Préville rn'étonne par fon doublé talent : maisoü y Tad' re, commerival de Bri^ard, c'eft dans fes róles de bonhomie ! Il me fait refpeóter , par le fublime de ion art , un Antoine , garde magazin ! Dans Eugénie, dar.s ie Bourru bienfaisant, quelle vérité.'... Si té Drameeft un mauvais genre, ó Fréronl ê Delaharpe, ö Cailhava , ö vous tous , Auteurs & Journaiiftes, qui le décriez, je vous  V a r. t i i vr.. trr ïncTicjue le Coupable : Alez aux Francais ;. faisiffez Prêvilk; liez le, garocez-le ; jetezïe dans un cachot: Revenez , avant qu'ils. foient inftruits du fort de leur Confrère , mettez la main fur Molé, fur Bri^ard ; ne vous avisez pas d'épargrer la fenfible, la touchante Doligni !. qu'elle foit entrainée fans> miséricorde , & traitée comme les Veflales, qu'elle n'imite qu'en beau ; enterrez-la vive , & le Drame Te ft avec elle : Faites enfuite I votre aise étrangler Pr&vills & fon Epouse % Briqard & Molé. Je vous garantis que cela fera plus eflicace que dix extraits de Fréron „ de Grosier; de Royoux; que cent Nouvellesfalles de Delaharpe , & que toutes les déclamations des Gens- de-goilt. Quoi ! je ferais affés dépourvu de fenfibilité , de fens commun ; je ferais alfés brute , affés huitre 3 pour ne pas être délicieusement ému, quand le Père- de-familie ( Brizard ) , fon Fils (Molé) , la jeune Sople (Doligni), me peignent avec la touche de la vérité, un de ces évènemens de la vie humaine, qui me xemettent avec des Hommes, qui m'ii'ftruisent, en me donnant nn plaifir mille fois audeffus du rire méchant , qu'excite notre Ariflofane /... Ce n'eft pas que je haïffe , ou que je méprise eet Auteur : fon mérite eft rare , eftimable a certains égards : mais fi, dans fa Comédie des Philofophes ; la première en ion genre depuis les Nuées du Comiq Athénien , & auffi odieuse que cette pièce enragée , il f'eft cru permis de desj*  hfi* PaysAhe per ver tip; fner , dans une Satyre représentée , deê lommes vivans , des Hommes eftimables 3 qui n ont contr'eux que les mauvais Gitoyens , & quelques Dévots fans lumières, il doic être permis a tout Homme de dire & d'im^ primer fon avis fur fa pièce : Elle eft rnauvaise dans fon but; funefte dans fes effets j calomniatrice dans fes détails; tout ce que le Poète prête aux Philofophes pour les rendre odieus , eft controuvé , exagéré , comme dans Ar/Jïofane. Eh ! pourquoi, pourquoi» Ingrats que nous fommes dire du mal de la Philosophie, a laquelle nous devons les beaux jours , les jours h jamais mémorables qui luisent fur TEurope l Eile eft notre bienfaitrice ; elle a brisé , elle brise encore les enrraves des Peuples: A la vérité , la Religion le ferait ; mais elle ne le fait pas : les maximes de fraternité font oubliées, méconnues : la Philosophie eft venue au fecours du Genre humain , & les Egoïftes ,. les mauvais citoyens, Ceux qui n'ayant auqu'une vertu dans le rceur , fe trouvent, par leur positron , dans le cas d'être fervis par les Autres , fe font couvercs du mafque de la Religion , pour déclamer contre la Philosophie (i). Eile n'avait qu'une feule réponfe k faire : (mais on lui smoose filence) ! — Je fuis plus-amie de la Reiigion que vous , bypocrites méprisables '. car je fais-faire ce ( i ) H doit faire dans la CXXIII.me Lettre, u» <4»se bjen-plus-wagninii. ,je J8 Reiigion,-  Partie VI. rft Cfu'elle recommande , ce quelle ordonne s Vous, mes vils Calomniateurs , vous redoutez ma vertu ; vous craignez que les Hommes ne m ecoutent , & qu'ils ne veuülenC être heureus : Eh-bien , je vous laifte ; je me retire , a une condition : Que iur les mêmes points que je recommande , vous> écouterez la Reiigion-. Si la Philosophie f'était auffitöt retirée ; que de bons Minif-tres de la reiigion fe fuffent-levés ; qu'ils; euffent, le code a la main,. prêché la moraledu Légiflateür; alors qu'aurait-on vu ? Cess mêmes Hommes, qui par zèle pour la reiigion , avaient-attaqué la Philosophie , euffent attaqué la Reiigion. Eh ! necroyez pas r, ma Fille , que tous ces Roquets qui aboient: en faveur de la reiigion, aient de ia reiigion i Ils.n'en ont auqu'une: mais il ne veulent pas de la Phiiofophie , & ils fe fervent de la Reiigion; pour la chaffer !... Le nouvel Ariftofane f'eft' rendu 'leur organe , fans-doute fame de leg; connaïtre, & dans deux de fes pièces, celle que je viens de citer, & 1'Homme dangereus v ii a voulu rendre odieuse la Philosophie. Je; fuis faché de fentir trop-bien fes motifs, &c de ne pouvoir les approuver. Mais oü il amon approbation toute-entière , c'eft dansles Courtisanes l Je reconnais ici le Poète dramatiq que la paftion n'aveugle pas; qui nc proftitue pas fon rare talent a fervir des, paffions étrangères, a fe venger de petits méjontentemens particuliers ; j'y retrouve lc Dramatifte habile, qui joint la faine m°l Qu'on déeerne done une couione a TAuteur pour cette pièce , & que le jour de fon tnomphe, on brüle fes deux autres Comédies , pour eftacer a jamais la tache qu'elles font a fon nom.. Mais dans ces Courtisanes , quel róle; pour vous, jrune ContntX Et fi je voulais encore mépriser, avilir les Commédiennes, quel puiflant argument ce róle ne me fournirait-il pas? Vous avez fouffert fans-doute, Actrice aimable, en-jouant ce róle ; mais tout le Pubiiq aurait fouffert, Pil eüt étéïoué par Doligni ; peut-êrre même ce Pubiiq indigné ne l'eüfc-il pas oermis..... Ce ne font pas les feuls Acteurs du Tharre par excelïence , qui ont droit a la reconnaiffance des Citoyens, dont ils font les délices : Ne dirai-je rien de Larrivée , eet Acteur de graces & de la belle expreffion ? ce Lekain de 1 Opéra ? De Legros , qui réünit a fexpreffion heureufe , la plus belle voix de i'Univers! Qre de doux momens ne m'a tas donnés cecce belle Actrice, la reine de la fcène.  Partie VI. ifft fcène lyrique pendant plus de dix ans 1 Arnoult , qui ne t'a pas adorée , n'avait ni ame, ni fenfibilké; il n'avait rien d'Homme ; c'e'tait une Huitre a figure humaine. Et toi , charmante Rosalie, dont j'ai deviné les talens avant que tu les eutfes-montrés, toi , digne de Gluck , Gluck feul & J.-J. font dignes de toi. Oü trouvera-t-on une Femme qui faffe tes róles , majeftueuse Duplant i Combien de fois Beauménilm'n. t elle fait desirer d'être 1'heureus Berger qui fert d'éco a fa voix touchante !... Mais que diraije de ces Nymphes enchantereffis , de ces Magiciennes aimables, de ces Fées qui réalifent les conces de m.ffle D'Aunoi! Halard , tu chafTais la Mélancolie de mon cceur , 8c malgré Ie Chagrin , qui en-gardait l'entrée, tu introduisais la Gaïté. Airfi difposé par toi, ta douce & voluptueule Compagne , Gui- 1 tnard , y fesait ghffer la volupié. D'HauèerVö/accouraitalors, & repoulïaitlaRéflexion; ïl m'amenait un Chceur de Jeunes-Nymphes, Théodore , Cécile, Dorival, Heinel... D'autrefois , il conduisait 1'Epouvante Sc 1'Horreur: fuivi desFuries, Pejlin, Hidoux, il portait dans mon ame un erfroi que j'ai- mais a fentir Mais quittons les enfers, quittons ce gourTre immonde, 8c revoyons a la célefte lumière , 1 elrgant Veflris , le fage & favant Gordel étaler Ia majelté , les graces & toute la magie de leurarr.... Oü es-tu Philome'le? qu'es-tu devenue , Voix enchantereffe , qui eüt desefpéré la Tomé IIL Partie VL Q  tSi Paysans ? ervïrtie! Roffignol ? Laruette , Actrice adorable, je n'entendrai plus ces divins accens ! je ne verrai plus ton jeu noble & vrai ? Mais Mandeville me refte encore ; & puiiTe-t-elle ne pas quitter la fcène , tant que j'aurai des veux pour la voir, & des oreilles pour Tentendra ! Ou eft Cailkau ? devait-il fe mon. trer , pour me rendre infenfible a-jamais aux talens de Ceux qui Tont remplacé j Aimable & fenfible Ckrval, tu me confoles de fon abfence : vous jouiez enfemble ; en - te voyant, je crois vous voir tous deux.... Mais. qu'apercois-je avec toi, auüeu de Laruette ? quelle eft cette Actrice manieree, qui ne fonge qu'a fa beauté , qui ne f'occupe qu'a la faire-admirer , qui dévelope bien mieux fes mouvemens , que fa voix j qui ne fonge qua fe montrer avantageusement, fans f'occuper du Perfonage ? Et cette Autre , qui, le mafque du Comiq fur le visage , vient grimacer la fenfibilité ? Actrice charmante fur les tretaux dela foire , pour y feconder Vadé , peut-être même y jouer k chéfd'ocuvte de Favart , cette Chërcheuse d'ejprit toujours fraïche , & qui jamais ne Vieillira ; mais incapabie de doubler Laruette , ni Mandeville! Ah! fuyons ce Théatre J ïl faut y renoncer ; il n'eft plus que le fpeóhcle des Cataugans Cependant j'y vois encore Carlin 1 Carlin, qui fit le charme de mes jeunes années : Te fouviens-tu ! ó Carlin, quand tu fbufflais Talumette quetenair, Garaline,, fraïche alors , brillante des fleurs  F a r t i e vr. isy de la jeunefïe ? Eh-bien , je vous admirais tous-deux , & je lentais quelque chose de plüs pour elle , ou le talent n'entrait pour rien. Te fouviens-tu , ö Carlin , quand, dans le Maitre-de-mufique, tu jouais avec la fémillante Favart ? 8c que tu vins i 1'amphithéatre nous chanter encore , Je fuis forti? II y a bngtemps 1 Rockart était parmi vous j on n'a pas joué la Bohémienne depuis lui, depuis Favart-; votre Suinfait mal au cceur dans ce róle : nous avions Champvilk; mais il nevaiait pas Trial...., Pardon , br-lle Urfule ! je viens de m'oubüer , envérité ! ,cmais je fuis fï-enthousiafte, du Théatre qu'en me rappelant les plaisirs qu'il m'a donnés par fes grands , fes inimitables Colons, Tillusion m'a emporté ; j'aicru les voir & conveifer avec eux. Cependant tout ne convient pas a tous j &c le théatre n'eft bon ni p ur vous, ni pour Laure; encore moins pour Edmond, fï jamais le caprice lui en-prenait. Ce que je ne crains gdèrë ceiendant : c'eft , a certains égards, un faible courage , il n'eft pas de ces Ames déga^ées qui, f'élancant audeli des préjugés , b avent les erreurs commth nes: ainfi rien a-iedouter de ce cóté-la , dumoins quant-a-prc'senr. Je me rappelle a a ce fujet, qu'un-jour il lisaït dans Smdas, hiftorien-moine-greq 8c compilateur du Xl.me fiècle , que les Farceurs du Triumvk lAntoine, étaient les mêmes a qui" le Rot Attak avait donné Ja ville de Myonuhs i Q *  Paysane pervertie. " Lorfqu'ils eurent eet établsffement, ajoute »' THiftorien , ils prétendirent f'y foftifier, »» & y former une république Hiftr!t*ie : » mais les Habitans de ( Theïos aujourd'hui » Suyir) , indignés d'un pareil voisinage »• envoyèrent a Rome, pour fe plaindre au w Sénat, de ce que ces farceurs érigeaient » une fortereffe fous les yeux de leurs an»> ciens Maitres; & par un refte de juftice , » le Senat de Rome corrompue , tranfporta »» la Colonie comique a Lébédos , aujour»» d'hui Lacéréa : » Edmond , dis-je , enachevant de lire ce trait, courut a moi Tindignation dans les yeux : —Ah-ciel ! quelle République ! & quelles mceurs elle aurait eues-! ( récria-t-il ). Je fouris. Mais il me xegarda d'un air fi-grand , fi-majeftueus, que je 1'embraffai. —J'aime cette indignation , lui dis-je; conferve-!a , elle te fera ïiéceffaire : j'aime eet air fur-tout; il montre la nobleffe de ton ame : je ne croyais pas ta figure efféminée fufceptible de tant de dignité, quoique j'en-euffe remarqué Ta-peu- pres dans celle d'Urfule : Mais ne méprise Per$one ; les Comédiens font des hommes-, Ce n'eft pas férieusement non-plüs que j'ai dit du mal de la plupart des Pièces dramatiques : ccpendant, je perfifte a-Tégard dél'Ecole des-Maris: malgré fon but moral, je n'aime pas George - Dandin: & comme Qu .lqu'un Tobferva au Parterre , le jour de la i .er représentation des Courtisanes, Un Etranger fachant notre langue , fans  Partie VI. iSf connaitre nos mceurs , qui fe fut trouvé a Paris , quand on y donna Goorge-Daadin avec cette nouvelle piéce , aurait pris de nous une fingulière idéé , Pil en-avait jugé par notre Comédie , qui doit être la peinture des mceurs. Refte les Femmes-autrices , dont j'ai dit du mal 3 comme Autrices feulement. Il y a trente ans que Clément écrivait: " Je hais » Tefprit dans les Femmes ( a-mains que » ce ne foit celui de faiilie , ou de naïveté ) , » parce-qu'il me femble qu'il prend quel» que-chose fur Pair de jeuneffe : je 1? par» donne a Celles qui ontle néz long , parce» qu'elles ne peuvent jamais avoirl'air jeunes; " & a Fée de S* , qui n'a plus de visage » : Moi, je fuis plus-indulgent , je leur pardonne tout 1'efprit poiTible ; mais non la fcience: je voudrais qu'une Femme-autrice ne peignït que la nature , qu'elle n'eüt de moyens que ceux de Tefprit naturel, fans auqu'un appui de ledture. Cependant il faut des exceptions : je tpermettrais la fcience a m.me Riccoboni ; paree - qu'elle fait en-faire un charmant usage : a m.me De - Genlis , paree-qu'eile fait la rendre urile; mais je Tinterdirais Èï m.1!e Saintléger , paree-que Tignorance doit être adorable dans fes vives & fémillantes produótions: Je voudrais que m,me Benoit ne peignit que des carricatures , paree - qu'elle l 'en- acquitte bien; fa Nouvelle-Afpafie eft un oüvrage prononcé , feien-audeffus de fes premières Productions j  3c?(j Paysane per ver t ie. je vous en-confeille la lecture : J'interclirais encore Ja fcience a nos Femmes-poètes ; 1'éruclition ne peut qu'appesantir leurs éruptions légères: d'ailleurs, que nous apprendront-eiles ? Les Femmes qui veulent régenter dans leurs é.rits , reflemblent , pour la plupart, au Compiiateur ignorant qui araffemblé les Anecdotesdes Beaux-arts ; elle nous apprennent faibiement, que ce que nous favons beaucoup-mieux. Quant au Rosières , aux-prix-de-vertu , que j'ai paru desapprouver, aulieu de revenir a ce fujet depuis ma Lettre du 15 avril, je me fuis aucontraire confïrmé dans mon opinion : Il ne doit point y avoir de prix d'émularion pour les mceurs : je m'explique , de prix uniq ; il faudrait autanc de prix , qu'il y aurait d'Individus: parcequ'il n'y aura jamais de mérite alTés tranchant pour mériter un prix uniq, & que pour favoriser une Fil'.e , on humiliera toutes les Autres. Aulieu qu'y ayant autant de prix que de Filles, mais gradués par leur valeur . on verrait tout d'un-coup ce qu'on eftime la veitu de Chaqu'une d'eiles. Il n'en-eft pas des mceurs, comme de 1'excellence dans un art: les mceurs font une chose délicate & facrée , a - laquelle on ne doit toucher que comme a 1'ceil , avec des précautions infinies: 1 , Si vous mettez un prix uniq pour les Filles & qu'elles foient dix en-age égal, vous en-découragez aumoins fix ou fept, qui n'y pourront afpirer durant la fai-  Partie VI. 1Ó7 Son du mariage : 2 , le prix uniq eft fondamentalement vicieus , en-ce qu'il donne a la vertu un motif étranger a la vertu , eftenciel'ement modefte , aimant fubfianciellement le fecret, le retirement: 3 , Les Hommes ne font pas infaiilibles; ils peuvenf donner le prix a la Plus-adroite & la Moinsdigne ; alors la véritable vertu eft gratuitement humiliée ; ce point feul deviait faire réprouver la feduisante inftitution des Rosiires: 4 , une Rosiire éiue éprouve un mouvement de vanité , d'orgueil: Tappareil de la fête fait qu'elle f'occupetrop d'ellemême pendant un temps : Jeune-homme amarier, je ne voudrais pas d'une Rosière ; j'irais choisir dans Tobfcurité Celle a laquelle on aurait le moins-penfé ; j'en - ferais ma douce& modefte compagne ; & tout Jeunehomme de bon-fens penf°ra de-même. Envoila fuffisamment pour juftifier mon idee : Laiffons nos Poètes parisiens f'extasier ; mettre aux Italiens une Rosières , qui n'a pas le fens-commun , & ne peut-être applaudie que par des Badauds ; pour nous qui voyons en-grand , qui favons approfondir , lions de la folie des Hommes, qui croient créerla vertu. Oui, on peut la créer , mais il n'en-eft qu'un moyen , la liberté , Tégalité des fortunes , qui empèchera que le besoin ne porte la Jeune-fille a fe vendre , §c qu'il ne fe trouve un Corrompu affés riche pour Tacheter.... Q;ie de choses è-dire encore ! mais une Lettre doit finir, fans quoi O4  ïtSS Paysane perver tij; Jamais elle n'arriverait a fa deftination: N'imitons pis le bon Evèque inftituteur des Rosières de Salenci ; les vues étaient pures } mais indépend.imment de fon inftitution, la plus-p.ufaite de toutes, les Filles de fon Vil'ageen-feiai^nr encore meilleures. Adieu , ma Rosière : Puilïé-je vous voir la Rose d. . C. 6c 1'. o. d. 1'. e. d. t. 1. C ( iV.j Ces mots font ainfi abregés dans l'originat Il ils font relalifs a des vaas fecreties de Gaudét. ) R.-f. J'ai oublié de répondre a Partiele des leclures : je m'en-apercois ma Lettre fcrrode. Mais ii eft trop important pour n'enrkn dire : voici deux mots fur un papier feparé , que je giiffe dans ma Lettre. Je ne vcus ai-confeiiié que desleélures ftitiles & convenables a votre position : Aux Femmes moins-répandues que vous dans un certain monde , aftreintes aux foins du ménage , il ne faut qu'un Livre , la Maison- Rujïique : fi néanmoins elles font des Liseuscs par goüt , je leur accorderai la Bibliothèque-bleue, comme une très-bonne lecture, a caus'e de la bonhommie qui y règne: fur-tout que leur Livre-d'heures, foit en-latin ! il n'eft pas nécelfaire que les Femmes entendent ce qu'elles demandent a Dieu : & voici tout ce qu'il leur convient de lui dire avec connaiffance : Mon Dieu J accorde^-mjgi tout cc que des/rs mon Mari [  Partie VI. #fj ~— 4» Remarque. Que penfer d'un pareil Homme , qu'on va voir, dans la CXXHI.me, élever des autels au faint Légiflareur des Chrétiens! M.r Gaudét , pour le peindre d'une manière bien-fentie ; nousa paru avoir naturellement un bon cceur , une ame excellente , mais jeté maiheureusement parmi des Hommes fans mceurs , opprimé par un Parenc injufte , douéd'un rempéramtnt ardenc au plaisir , il a-perdu de-bonne-heure toute eftime pour les Hommes , toute croyance ; il a-cherché a fecouer toute efpèce de frein , pour fatiffaire. fes paftïons. Cependant fon ame, lorfqu'elle n'eft pas couibée par 1'orage, fe redrefte : elle ie monrre alors dans toute fa b'auté ; elle étonne. Dans les deux Ouvrage dont il eft 1'ame , on doit remarquer que ce n'eft pas un Scélérat, quoiqu'il foit un Corrupteur : Caractère uniq peut-être dans tous les Ouvrages du genre de celui-ci : Gaudét eft un vérs table ami, & il perd la Sceur & le Frère ; non par erreur , non par fotise, non par perfidie ; il leur veut du bien; il veut les élever : mais n'étant pas retenu par la crainte faiutaire d'un Dieu rémunérateur 5c vengeur , il varille , il f'égare; il égare les Autres: fon ame forte prolonge fon erreur ; parce-qu'il fe croit toujours allés dé moyens pour tiiompher des obftacles: il efpère juf-  *7© paysane HRVERTIt. quau dérnier moment, oü furpris par un rnaiheur imprévu , il fe voit fans relTource : ïl fuccombe alors en-héros pa yen , & faitxegretter que. fes grandes & belles qualités n'aient pas eu Tappuide la Reiigion divine , faite pour le bonheur des Hommes. Preuve évidente, fans-replique , fublime, qu'elle eft néceffaire : C'eft le fruit que le bon Pierre-R** a prétendu que fa Familie retirat de la lecture des Lettres qui composcnt le Paysan & la Paysane 'pervertie. Je puis le dire, en-qualité d'Éditeur , & d'après quelques Journaliftes , ce doublé Ouvrage eft le plus-frappant, dans fon genre , le plusvafte , le plus-fortement-penfé , le plusnaturel , qui aic encore paru. ( L'Éditeur.  Partie VI. 178 LETTRE CXVI. ao juillef» U r s u i e j a. Laure. ( Chés une Libertine , tout eft libertin, 81 faithorreur.) O N n'y faurait tenir: Edmond me faittourner la tête! je crois qu'il fe converüt, ou que désolé des infidélités de la Marquise , il veut f'en venger fur moi l II faudra que j'en-vienne au moyen que je t'ai-dit. Il m'afurprise ce-matin avec mon Page ; tu fais "bien? Dans h Pièce d'a-cöté , Marie était avecle Cocher , dans la même fixuation que fa -pauvre MaitrefTe ; 8f TrémoulTée fesait le trio dans ma garderobe avec le Laquais. ll a-vu tout-cf la, & il eft-venu m'en-f are les plamtes les plus amères, dès quej'ai-été libre. Il a pleuré : je me fuis j< tée a fon cou ; j'ai encore le défaut d'être fenfible ; & je 1'ai-adouci. Mais c'eft toujours a recommencer. Je vais achever de fecouer le fcrupule. Je defirerais que tu me prêtalfes ton appartement pour u:e intrigue nouvelle, avec un Homme qui n'eft pas de-mise dans ma fociété ; c'eft un gros Amériquain , béte a  tji Paysane pervertie.' brutal, & fort-laid ; mais qui doit me valoir une tonne-d'or. Ii ne faut pas lailTér échapper cela- C'-ft mon Miïtre-de-musique qui me ie procure. Tu Üevrais avoir auffi des Maitres ? qu'en-dis-tu ? Je crois que ia visite du } dont je t'ai-parlé , eft pour dans trois jours. Je Pattens avec impatience : t'ai-je dit que c'eft mon Maitre-a-danfer qui me procure eet honneur ? J'écrirai a l'Ami Pun de ces jours (i) Il vient de me faire une Lettre !..... tu la verras. Re'ponfe. Adieu. P.f. J'apprens que mon Frère vient decrir* a la Parangon. C'eft quelque reminifcence (2). (1) La CXXXIV.me du Paysan , T. III. ( 2 ) La CXXXlII.me du Paysan , T. lil.  Partie VI. 172 * «ff LETTRE CXVII. 11 juillel Réponfe. (Efonnée de fon libertinage , Laure 1'en-iaille, quoiqu'auffi-corrompue.) T U tTes pas f n>.ore affés philosophe : a ta place , je ne me gênerais pas, & je recevrais tout mon monde fans déplacer. Aurefle j il ne nous appartient pas, comme dit ƒ.-/. Roujfeau, en-parlant de Voltaire , de juger nos Ma.tres ; & tu peux difposer de mon appartement. Permets feulement que je te faffe une obiervation : Mejfaline. prenait le boudoir de Lycifca ; paree-que cette Courtisane valait mieux qu'elle: tu fais tout le contraire : ne crains-tu pas de te décréditer ? Laure. T.-f. J'ai lu ta belle Lettre : Il eft audeftbus de toi & de moi d'être comédiennes : Vois-cu que nousfommes quelque-chose 5  f74 Paysane pervirtie. LETTRE CXVIIL 10 augufte matin. U r s u z e , a Laure. | Elle fait des projets erirninels de luxure, Sr. d'iru gratitude en vers m.me Parangon. ) Sauve qui peut! La belle Parangon eft arrivée : Elle vient d'écrire a Edmond (i): ce font des p'aintes , des jérémiades ! La Parangon écrit comme ma Bcllefceur de S**, dont les Lettres m'amusaient autrefois, &c qui me donneraient a présent des vapeurs. Md.s admire Taveuglement de la pauvre Prude jaiouse ! Edmond lui avait apparemroent demandé fa Sceur , pour éviter nos fiiets de Satan , & la Bonne-ame la réfuse ! 1 11e nous fert! elle entre dans nos vues ! Oh! il faut qu'il y ait un peu de vice dans fon vertueus cceur , puifqu'il fympatise avec le notre ! Il eft fur qu'elle veut garder Edmond pour elle.... Ah-pardi ! ceci me donne une idée. Edmond ne verrala miffive qu'en temps & lieu; & je vais profiter des _(.') Voyez le Paysan , Tom* III, dans 1* R.aa.avi,me Lettre.  Partie VI. 175* ïumières qn'elle me procure , pour hater le fuccès de mon projet! Quoi! belle Parangon ! vous venez a Paris chercher votre Violeur! Colombe gémiffante , vous voulez done encore tater du pêché ? Eh-bien, vous en-taterez , je vous jure, ou je ne pourrai... Mais il faut commencer par 1'exécution de mon grand deffein : j'ai dans Tidée qu<; cela rsndra Edmond plus docile a fuivre Timpulfion que je voudrai lui donner... Il fera honteus dumoins , & je n'aurai plus de reproches a- effuyer... Ne m'abandonne pas d'un moment, ou tiens-toi a ma portée : fesons défenfe commune : ma porte fera fermée ; Edmond feui pourra fe faire ouvrir. Soyons deux , pour Pinti.r/ider , nous eonfu'ttr , 6c laiffer plus fürement feul la Belle avec fon Amant , dès qu'il le faudra. L'Ami m'a fait répon«e* : il m'envoie une Lettre de mon rrère, qui répand un nouveau jour fur fes difpositinis. Ii a va nos Bonne-gens de S** , &c il les a enforcelés : mass comme i! peut arriver un revers , je vais fuivre le confeil qu'il m'a donné précédemment, de me faire encataloguer au magazin Saintnicaise : on dit que cela óte tout pouvoir aux Parents fur leurs Filles Eh-bien ? ne m'y voila-t-il pas ?.... Oh ! il a bien fait de fe rétraóter! les Théatres font utiles.... Car enfin > c'eft une très-be!le invention , que ce catalogue la! je voudrais en-connaïtre 1'Inventeur , & f'il n'eft pas  fy6 Paysane pervertii." trop-vieux, j'irais lui offrir ce que tant d°Autres me demandent avec mille inftances; & paient li chèr! Je ferai faire les démarches de mon enrólement a Edmond , après mon coup de filet a comme le nomme VAmi, JP.-f, J'écris a ce Dernier , & je lui envoie la Lettre que j'ai efcamotée. J'ai monrré la dernicre Lettre de T'Ami a m.lle de {'Opéra : Elle en-eft enchantée J EETTRE CXIX»  Partie VI. 177 LETTRE CXIX. le foit Za Mime, a la Même. ( L'Infortunés Urfule raconte un raauvais tour cru'elft' paiera chèr ! ) (Ceci eji la fuite de la CXXXVI.me, T. III du PAYSAN, dont elle parle en-finijftnt le pqfl-Jcrip ie la prece'dente. ) V oici une autre Lettre, que je joins celle qui eft déja caehctée. Je viens de faire maison nette : j'ai bannï d'un feul coup , & le Marquis lui-même , qui f'eft trouvé trop inftruit , & qui V» pris fur le ron du perfiflage; & N'èg'ret , qui me criait du bas de Pefcalier : Quand' voule^-vous done m'accorder quelque chose ? &c mon ancien Page qui voulait paraitrer mon favori ; & le Financier que fes dons mauffades rendaient exigeant ; enfin, 1'Italien , qui prétendait que je lui avait promis la dernière fois de le recevoir au dérroir de' f ile Bank ( confulte la carré des Terresauftrales, tu 1'y trouveras). Mais celui-cE mérite quelques détails , & fon avanture ferait a mourir de rire fans le dénouement^. qui eft du plus tragiq. On me fait beaucoup apprénendet f# Tame. III» Portie FL. F  tjS Paysane per vertik,' vengeance ! Je fuis Femme, que me ferai-il ? Un coup-de-poignard >. Mais je tkns a Quelqu'un , & je ne fuis pas Zaïde„, D'ailieurs , me voila fur le catalogue de la liberté : fi ce catalogue a le pouvoir de nous fouitraire a 1'autouté de nos Pères ^ je ne crois pas qu'il foit moins ffïicace contre les Amans : il doit nous donner. le droit de trompandi , dupandi , pillandi „ ruinandi , fubjiituendi & mocquandi per uni— verfam terrain , comme aux Médecins de Molière. Je n'ai plus que 1'Amériquain , que je recois ici, & un nouveau Soupirant qui f'eft annoncé ce matin. Il vient fcrt a propos ! car il me propose. de quitt c cette maison , oü je. me déplais a présent, pour aler demeurer dans une autre trésjolie a Samtmandé, quartier que je ne connais pas, & abfolument éloigné de toute» mes habitudes. Jé verrai cela : nous fommes en pourparler:: 1'Homme eft affés agréab.e 5. je lui trouve de fair de Lagouache : la nobleffe n'y domine pas , comme tu vois. Je vais tout vendre, fans en-parler a Personne : cela me fera très-fache. Edmond, depuis une efpiéglerie que je lui ai-faite,. eft d'une foumiftion.... Oh ! f'il favait que la Parangon eft ici !.... Mais le tour que j'ai joué a Fanchette, la dernière fois qu'elle eft venue, en la fesant affcoir fur mon fofa, 1'a bannie de chés moi. Car il faut ajouter , qu'étant fortie exprès au fignal que me fitiyjarie > qu'il me yenait quelqu'un, je laiilai.  Partie VI. 179 la belle Enfant feule ; c'était Tltaiien : il n'y voit pas comme une JeunefTe : deforte qu'il ala droit a Fanchette , que le fofi fesait ïetomber a chaque fois qu'elle voulait fe lever; il fe mit a fes genous , & peut-être même ala-t-il jufqu'è.... Je n'en-fais rien : mais eile f'écria , & j'envoyai a fon fecours Trémouffée , qui la ramena en-riant comme une Folie. Fanchette fortit fans me parler, & je ne Tai pas revue depuis (1). Pour achever ce qui regarde Tïtalien, je ne pouvais m'en-debarrnfTer , &c la complaisance d'une ou deux fois, ne faifair que le rendre (1) Ces Lettres, depuis quelque - temps , font comme un cours de libertinage : mais elles font def. tinées a montrer dans quel excès peut donner uiie Femme , lorfqu'une fois elle a-fecoue le joug des falutaires entraves de la modeftie 8t de Ia reiigion. On doit, en-lisant ces Lettres, av-,ir présent de quel point de candeur Si d'innocence eft partie Ia Pavsane > aujourd'hui Courtisane effrénée , Si. réünir un troisièma point-de-vue a ces deux premiers , (avoir, a quelï maux arTreux elle va être exposée ! A eet mftant mème, elle eft prète a tomber d.ins une infortune qui fera frémir .' eet Amant de S-iint-mmde eft un traitre , qui fert la vengeance de ritalien : On doit enfuite jeter un coup-d'ceil fur la pénitence que fera cette Urfule, aujourd'hui fi corrompue : on veira,. dans psu , cette Fille montrer les fentimens les plus. fouchans de componeïion Si de repentir, des Lettresattendnfïantes, de bonhommie <& de vraie pieté, etfa» ceront de la mémoire , avant que les Jeunes lecteurs quittent eet Ouvrage , ce qu'il pourrait y avoir de dangereus dans- les Lettres- acluelles, ou plutot elle nes le font pas, le vice a-r.u Sl punr n'eft pas dangereus comme Ie vice paré de rleurs : ni le Paysan per— veni, ni la Pay^ane ne peuvem Corronipre, Us ne! peayeat q,u'eiïrayer, (Nou de l'Editeta.  ïSo Paysane p e r y e r t i ë\' plus importun. Peut-être y aurais-je confenti , fans les horribles angoiffes par oü il falait paffer: car dumoins il y avait un avantage , &z j'étais délivrée d'un autre fupplice..„ Je pris confeil de TrémoufTée ; fuivant ce* vers de Boileau : Molière quelquefois confultait fa Servante* .—Parbleu , Madame , vous êtes bien em~ barralfée ! laiffez-moi faire-. Je crus qu'elle voulait prendre ma place , & j'admirais fonbéroïfme ; mais vu fa taille , je doutais da fuccès ; je lui témoignai mes craintes S •—*Moi, Madame! oh-que-non ! je ne fuis pas ainfi mon bourreau. II eft noir, il faut faffortir- Elle ala chercher la Sceur de mon jeune Nègre : cette Fille eft de ma taille , & d'environ vingt-ans : TrémoufTée l'inftruMt de ce qu'elle avoit a faire ; enfuite elle me 1'amena , pour que je lui donna (Te ixi's lateis-. La comédie comrnenca de ce morrwnt. Zaïde me copia de fon mieux» Lorfque nous 1'eümes bien inftruite, nous atteiidrrnes le foir avec impatience. 11 aniva & avec lui Tlralien , Je fe recus mieux cue Jamais : il étais enchanté. On fe mit a table, & f'étant approché de mon oreille, il me demanda , ft c'était 1'heureus /óur ? — Il ■ faut bien vous céder ! car vous ne diminuez rien de vos prétentions , vous autres Hommes-! A -e mot , il donna un ordre \ fort ...Valet-oe-chambre , & avant de forn'r de tabie, je yis entier un magnifiq présent a  P A R T I E VI. i*t quyon porta fur ma toilette. Il était fort impatiënt de me conduire dans ma chambre: fe m'y Iaiffai mener, moitié-gré, moitiéforce. TrémoufTée me mit au lit, & fuivant mes ordres , emporta les flambeaux.. Le vieux Muiatre vint auprès de moi: j'efquivai comme je pus fon haleine empeflée; je lui dis, de fe contenter de mes prometTes, 5c de me permettre ia plainte, fans exiger que je lui parlaffe. Il cpnfêntit a tout, & me pria même de me plaindre le plüs que je pourrais. La Nègreüe, cachée dans mon alcove, était prête , & fur-tout fort zélée pour m'obiiger. Je me gliffai adroitement, & fus me mettre dans fon lit, tandis qu'elle prenair ma place. Elle y fut a peine, que le Muiatre la joignit..,. Il y'ania beaucoup mes prétendus appas, & il jurait que quelque belle que je fuffe, il ne leur avait pas encore trouvé tant de perfection.. J'avais toutes lespeiriés du monde a m'empêcher de rire.. Enfin.... tout fe paffa fort a fon gré; mais. avec des peines infinies. La faute que je commis , fut de ne pas* faire fortir Zaïde , dès qu'il füt endormi... Je m'étais affpupie moi-même , & nous avions oublié ce point dans les ihftrudión* que nous avions données a cette pauvre Fille., Je m'cveiilai cependant la première : je quittai bien vite le lit , & j'alai pincer Zaïdede toute ma force. Mais envain; elle dormait comme fi elle eüt été morte : j'alai chercher.TiémoulTée, pour r/tmporter ainfi  lit Paysane pervutie. toure - endormie. Elle entra fort heureuseiheht ; il dormait encore : el':e prit la jeune NègrefTe , & la tira du lit : mais cette petite malhtureuse retint machinalement les draps, deforte qu"clle enrraina le Vieux-finge avec elle , & qu'il tomba ; ainfi que TrémoufTée , dont les piéds f'embarrafferent dans la couverture. Parfaitement éveillé par fa chuce , iTtah en vit Zaïde &i Trémuu 'Tee. Ma Femmede-chambre ne trouva pas qu'il y eüt grand mal a cela. Elle revint auprès de moi. Il n'y avait pas trois-minutes qu'elle était rentrée , que nous entendïmes un cri aigü. Nous accourumes : nous vimes le Vieux-monftre qui fortait , & Zaïde poignardée , qui perdait fon fang. TrémoufTée f'empreffa de la feccunr : moi, je donnais mes ordres pour faire chafifer de chés moi Pinfame Italien ; mais fes Gens 1'entouraient; il regagna Icnrement fa voiture. Je revins auprès de Zaïde, elle était expirante. Elle avait dit a TrémoufTée , que le Vieillard, après f'être affuré que c'était elle qu'il avait-cue...., Pavak poignardée , en-lui disant : —Voila pour toi : mais ta MaïtrefTe aura fon tour-. P.-f. Si Nègr'et reviert, car c'eft un effronté fapajou ! il faut que je m'an^use a fes dépens , d'une manière qui marqué tout le mépris que je fais de lui (i). ( i ) Elle n'en aura pas Ie temps , 1'fnfortunée ! Is £laive du malheur eft-fufpendu lur fatête, oil'Angfiseugsui Y3.-frapDec |.  Partie VI. >fg LETTRE CXX. li augufie, U R S XX Z E , a G A V D É T. { Elle rnontre comment elle f'eft corrompu le jagte» l^rnent, pour être lans remords, ) »T E t'écrivis hier ; je t'éeris encore aujnur-> d'hui. Qu'ai-je done tant a te dire 3 Je ne fais , mais je me meurs-d'envie de m'occu»» per, pour me tenir hors de moi-même ; & je crois fentir qu'en t'expoant mes; fentiments & ma conduite , je me juftifie les premiers & la derrière. Me voila dans une fitu ition qui m'aurait fait horreur, fi on me 1'avait prédite loriquc j'étais a mon. Village, ou bien a Au**, même a Paris, dans les premiers temps. Mais je ne tardal pas a entendre dans cette grande Ville des propos , qui m'ouvrirent les ieux. Dès Au** , on en-avait tenu quelques-uns devant moi ; mais je ne les comprenais pas., 11 ferait bien-étonnant , que la facon-depenfer'des Gens de - Ville , prefque tous éclairés, fiit mauvaise & fauffe, & qu'il n'y eüt de vraie que celle des automates de Village , te ls que j'étais > telle qu'eft eïïCQïe toute ma Familie i  '&4 Patsanb perverïiï, Dans les Villes , les Femmes ont deê Amans , tant qu'elles font jeunes & jolies: Je luis Fille, je fuis moirts coupable qu'elles, fi elles le font -, jc tiens une conduite louable $ fi elles ne le font pas. Voila ce que je me dis. J'obferve tout le monde , même ceux qui croient la reiigion : ils la croient comme f'ils n'y croyaient pas; mêmeintérêt, même fenfualité , même ambition , même jalousie , même dureté, même indifférence pour les devoirs & les pratiques de cette même reiigion , que f'ils n'y croyaient pas. Ils rient de la mort des Autres , comme fi Ie Paradis ou 1'Enfer ne devaientpas fuivre : C'eft qu'ils n'y croient pas. Et c'eft tout le monde qui ag,t ainfi : car les exceptions font fi rares ! Tout le monde fe trompe-t-il? Voila ce que je me dis; Je crois que non , & ceia me tranquilise fur le crime. Refte 1'honneur. Mes fentiments la-deffus ont encore cherché a f'appuyer fur ce qui exifte dans le monde. J'y ai-vu que 1'honneur accompagnait toujours les richeffes, bien ou mal - acquises : J'ai bien examiné cela; je ne me fuis pas trompée : J'en-aiconclu , qu'il n'y avait qu'on vcritable honneur, celui des richeffes. En-effet, les Per. fennes de ma connaiflance , en Hprflrhes Sc en Femmes qui font les plüs honorées , font les plus riches. Le Marquis n'a pas de mceurs : mais il eft riche, &c de plüs il a Ia nobleffe : il eft refpedé : par un grain oe mérice perlbnnei $ il tient tout de fes Ayeus,  Partie VI. iS; Ayeits, gloire & fortune. La Marquise eft une proftituée , depuis quelque temps: Elle a commencé par aimer mon Frère, parcequ'il eft bel-homme; elle n'avait pas d'autre motif; fon cceur n'était intéreffé par rien de louable : enfuite, elle 1'a-aimé pour le plaisir des fens. Malheureusement elle était infatiable, & Edmond n'était qu'un homme; elle a voulu effayer des autres Hommes : elle a trouvé que c'était la même chose que fon Amant; Sc elle a-fait des Amans de tous les Hommes. Enfin , confidérant que j'étais entretenue ; que je nageais dans 1'abondance & les plaisirs ; elle a pensé qu'étant auffi belle que moi, elle pouvait être payée auffi chèr : Elle f'eft affichée : les Richards libertins ont-été-enchantés de cette découverte ! mais elle-n'a-pas tardé a leur montrer, qu'une Femme-de-qualité-entretenue , qui proftitue fes Ayeults , les fait payer cher ! Elle les a traités avec une hauteur , une impudence! Elle ne daignait pas cacher le rival au rival; elle les croyait trop heureus de la partager. Le Marquis , comme c'eft_ 1'ordinaire , n'a fu tout cela q ie le dernier : il 1'a fouffert, parce-qu'il m'aimait, 8c qu'il trouvait le plaisir dans ma maison : mais lorfqu'il a été rebuté de ma conduite; il a'fait attention a celle de fa Femme : il a voulu fe plaindre : tout le monde lui a donné tort ; & la Marquise 1'emporte : d'oü je conclus que tout le monde pense comme elle 8c comme nou? Tomé UJ, Partie VL Q,  ï8(j Paysane peryertie, fur 1'honneur; fans-quoi, elle n'en-auraïr plus. Qui eft plus honoré que mon vieux Italien ; Et cependant, qui eft plus méprisable ? Le Financier Mont-dor eft recu par-tout, on fe 1'arrache, on f'honore de fa fociété : c'eft qu'il a le véritable honneur ; il eft riche. M.me S*** , après avoir été au Publiq , a trouvé un Mari , qui 1'adore; elle a un nom , un titre , & de 1'honneur : paree qu'ayant eu de 1'économie, elle avait, en fe mariant, foixante ou cent mille livres de rentes, avec quoi elle a fait la fortune d'un parvre & bon Gentilhomme; on 1'élève aux nues; on la regarde comme une Femme généreuse , qui a relevé une ancienne maison ; elle a de Phonneur a revendre; car elle en a cédé a un Auteur qui lui a dédié un gros livre. A-l'appui de tout cela , viennent tes lecons : mais fans les exemples, je doute qu'elles m'euflent perfuadée; tu aurais perdu toute ta logique avec moi, fi. j'étais reftée au Village. Je m'enfonce dans le raisonnement , je m'y plais aujourd'hui; je ne fais pourquoï. C'eft que mon Serin eft mort, & qu'une belle Angola blanche , que j'aimais beaucoup , m'a été volée : cela me rend philosophe. Il fuit de ce que j'ai dit , de la facort de voir générale , que je fuis revenue de mes préjugés: je n'ai plus les mêmes idéés du vice, de la yeitu, dc 1'honncur, de k  Partie VI. i %f reiigion. Le vice, je le regarde aujourd'hui comme un écart de la routine , une licence hardie, telle que celles que font les grands Poètes. La vertu , je la compare a mon ïouge; cela donne de reelat , mais il faut que la couche foit fuperficielle; je compte m'en-parer quelquefois : par-exemple, tu fais que j'ai réalisé ton confeil , pour le vieux-Militaire : j'en-ai un très-refpeótable dont je prends foin ; je ne me montre a fes ieux que fous le malque Parangon ; il me croit bonne , franche, Sc plus inconjidérée que coquette. L'honneur , ah ! il faut en-avoir ! Mais felon les Gens ! parexemple , avec le Marquis, le Financier , 1'Italien, mon Page, Sec.1, quelle efpèce d honneur puis-je avoir ? pas d'autre, avec le Premier , que celui de 1'écouter feul: avec les Autres , que celui d'exceller dans la volupté , de vader leurs plaisir : avec toi , quel fera mon honneur ? de fouler tout aux piéds; mais affés arlroitement pour ne pas me compromettre : d'être humaine , cependsnt , mais par égeïfme , ou plutót par fenfualité, pour me procurer le contentement intérieur, 1'eff.ime de moi-même, un certain orgueil très-agréable a fenrir. Quant h la reiigion, mes idéés font abfolument changées fur eet artiele : c'eft le frein du Peuple ; mais les Gens éclairés comme nous, en-ont-ils besoin ? Aurefte, je ne desapprouve pas que Celles qui ne peuveot avok mes plaisixs, tachcuc 4e P, 4  i88 PaYSANE fERVERTII, goüter ceux que procure la dévotion : 1'amout eft toujours 1'amour ; car j'ai connu autre. fois ce genre de jouiflance-la. Voila mes fentimens, d'après lefquels je règle toute ma conduite. Celle-ci eft abfolument conforme a ceuxla. Et c'eft ce qui me fait admirer ta philosophie , qui me met ainfi d'accord avec moi-même , quelque chose que je fafle ; aulieu que tout le monde que je vois &c que j'ai vu , même chés nous 5 ne fait jamais ce qu'il trouye le mieux. Moi, par ton Menfait, je fais toujours ce que j'approuve davantage. En-effet, rien ne m'arrête , d'après cette excellente règle que tu as donnée a mon Frère , pour juger nos aótions : Que doit-il en resulter ? Si c'eft un bien pour tout le monde , quelle que foit 1'action , elle eft bonne: fi c'eft un petit mal pour les Autres , & un grand bien pour nous, elle eft bonne. Ne font-ce pas lè tes régies! Et je les crois fondées dans la nature. D'après cela , je dépouille toutes les aclions de leurs envelopes préjugiennes , je les confidère nues , & je les fais , fi elles me plaisent. Par exemple , j'ai ruiné le Marquis , autant qu'il était ruinable. Cela parait mal d'abord aux ieux des Préjugiftes , & même aux miens: c'eft le Père de mon Fils. Mais Ad'abord, que me fait mon Fils ? C'eft un Être hors de moi, dans lequel je ne fens pas, & qui ne fent pas en moi. Enfuite , j'ai confidéré morale*nent le Marquis riche , abusaat de fes ri3  Partie V1 i'Sgf chefles: j'ai mis k fa folde une foule d'OuVriers, de Pauvres gens , & je me fuis or> cupée k leur partager le fuperflu de m.r le Marquis : les Gaziers, les Soyeurs de toute efpèce ; les Marchands de tous les genres pofïibles, les Bouchers, les Poiffonnières , tout ce qui fert le luxe & la bouche , m'a bénie de ce que je ruinais le Marquis: & j'aurais eu des remords, en fesant tant d'Ê- tres heureus, aux dépens d'Un feul 5 .', Je l'ai trahi : j'ai encore bien fait: je luis belle , je fuis desirée , dois-je , pour un feul Homme , rendre fouffians tant d'autres Individus ? Mais enfuite , je ne lui ötais xiên : il trouvait toujours les mêmes plaisirs; je fatiffesais les Autres, fans le priver. A-la vérité, j'avais des caprices; maisjepuisme rendre le témoignage , que mon motif a été fouvent, d'empêcher fon goüt pour moi de f'émoulfer trop-vïte , 8c qu'Une autre ne xuinat fa bourfe &c la fanté. Je reyiens k mon Fils: eft-il vrai que j'aidiminué fon bien-être futur , en ruinant fon Père ? Rien de plus douteus; j'ai fait dépenfer au Marquis ce qu'il aurait-donné a des Filles de YOpéra. Me voila done tranquille de toutes manières. Refte un point; legrand point! Je 1'examine de fang-froid : A quï fait-il tort ? k Perfonne : k Moi, k Lui , plaisir. II brülait , il était dévoré , il fouffrait; je l'ai-rafraichi-tranquilisé-guéri J'ai bien- eu quelques petits fcrupules; mais k 1'aide  ir»o Paysane pervertiï; de mes principes, ils fe font évanouis. J« fuis fiere depuis eet inftant: mon action me met audeifus de toutes les Courtisanes de la Grèce & de Rome ; elle me reporte aux prem;ers temps de Page du monde , a ces temps heureus , oü le desir n'avait point d'entraves : je ne vois plus rien qui m'étonne dans la conduite des anciens Perfans & des Guèbres modemes , des Rois d'Egypte &c des Seófateurs de Jatab, qui fubfiftent encore dans 'e même pays: je me dis, J'ai fait tout cela : je fuis Citoyenne du monde; auqu'une loi ne m'alTervit, que celle de la raison ; tout préjugé eft foulé aux piéds par moi, jeune Paysane n'aguère , deftinée par le fort a être la viótime de tous les préjugés. Par-exemple , que dirait-on chès nous , de ce que j'ai permis , iorfque je me fuis fait mettre fur Ie catalogue des Danfeuses de \'Opéra ? j 'alai chés un des vieux Directeurs. II prit fes iunettes : me regarda , les remit dans leur étui; m'emhraffa , & me dit Enfin ! aubout d'une heure, i! exigea que je levinfte a dix heures du foir. Je n'y man- quai pas Le lendemain , j'alai chés 1'Autre. ïl me demanda , Si j'avais vu fon Confrère ? Je d;s que non. — Vous êres charmante- ! Ce mot fut fuivi des mêmes libertés ; du même ordre de venir a dix heures du foir. Et le lendemain , je fus en cataloguée. Que dirait-en , fi Ton favait ce que j'ai fut pour '1'Italien ? Moi} qui d'après tes fages princi-  Partie VI. i?t pes, abhorre les modes qui rapprochent notre parure de celles des Hommes, je me luis dix Lis mise d'une manière qui me repugne, pour exciter les présens de ce Vieux-finge: trois-fois je me fuis habiliée en Jeune-homme de la tête aux piéds, parce-que je fayais le fubjuguerpar-la! J'étais charmante : ll m'alfurait que j'avais-Tair du plus beau Garfon.... Si la Reiigion était vraie , que je la crüffe , pourrals-je faire cela , &c tant d'autres choses , que tu fais & que tu ne fais pas, car je fuis fans frein, abfolument fans frein, & je détefte tout ce qui peut- m'en-feryir > auffi , je hais la reiigion , Ceux qui la prêchent, Sc fur-tout ceux qui la pratiquent: Je hais la Philosophie contraire aux Paffions , & Ceux ni.i la nratiouent- autant que la hak T Auteur des"?***< Tu vois que je fuis une excellente éco- lière Mais! je m'oublie 1 le plaisir de converfer avec toi m'entraïne ; on m'at- tend Qu'on m'attende. Je ne veux pas y aler moi ? Qui peut me contraindre >-. Cependant , ce n'eft pas tout, que de me juftifier toutes mes actions par mes principes; j'ai encore été plus-loin : j'en fuis venue k voir clairement, que je n'ai pas besoin de les juftifier. En-efFet, fi , comme tu m'en a convaincue , 1'Homme eft un être fouverain , qui ne rend de compte k Perfone , fi ce n'eft queiquefois aux lois , quand il a marqué d adrcffe ; il fuit de-la, que fi un Homme Q.4  *92 Paysane puvehtie. était alles fage, pour favoir comme' 1'Ange de Zadigt tout cequi eft utileaux Hommes, il pourrait en agir avec eux tout comme lui. Cependant on le condamnerait; on crierait, au Voleur , au Meurtrkr I Je t'avoue que je raisonne un peu, dans ce qui concerne les Autres ; maïs dans ce qui ne regarde que moi, je me decide fans examen : qu'importe ? ne fuis-je pas ma maitreffe ? c'eft de la peine & du temps perdu. Tu feras étonné de mesprogres, quand tu reviendras, & j'apprens que c eft dans peu. Rien ne m'arrête r je traite avec une indifférence qui t'enchantera , tout ce qui eonftitue ces crimes de inon Village , fi grands, qu'ils font dreffer les cheveus de la tête des Bonnes gens. AI occasion de mon dernier triomphe fur le? prefugés, qne je dois a ta morale, j'ai approlondi Ie p:us-général de ces crimes. Pourquoi les Hommes en-ont-ils de tout temps, fait «n ü-grand de 1'union des deux fexes > Je cherche d'oü-vient cette idie, je me creuse* I ïmagmanon , & je ne trouve rien qui me iati rafie, a-moms que ce ne foit la crainte de Tépuisement. Je me rappelle que tu as dit autrefois, dans une Lettre a mon Fiere, que c'était de I'abus feulement que les Horames font un crime. Mn's comme je n'ai pas cette Lettre (i) , j'ignore fi tu examines Ia queftion a fond. Pour moi , je vois fort- (i) C'eft la LXVII,m,e da. Paysan , T. 1,  Partie VI, ijiji bien que ce n'eft pas Tabus feulement qu'ils réprouvent, c'eft Ia chose même : ilne faut pour cela que des ieux & des oreüles, quand on eft dans le monde, a la Ville touc comme au Village ? Je voudrais bien avoir quelquechose de décifif fur cette matière ?... Ou plutot , que m'importe } Adieu : il m'a plu d'écrire jufqu'a ce moment ; il me plait de ceffer. P.-f. Je vais envoyer cette Lettre a Laure : car que fais-je, fi tu n'es pas en-route, ou arrivé ? je n'ai fini d'écrire que ce matin. n. Tu dois avoir ma Lettre du 10 (i); amoins que Laure ne l'ait gardée. Je fuis recluse d'hièr, & ne fais plus rien de ce qui fe paffe : i'oublierai bientöt le monde entier , hors Toi , & les Présens; tous les Abfens auront-tort. ( i ) La CXXXVI.me du Paysan.  J54 Paysane f e r v ï r t ï f , LETTRE CXXI. io auguft*. i I ^ y j! t Son arrivée ne garantira pas la malheureus» Urfule du chatiment! ) e s raisons m ont-obligé a ne pas defcendre chés nous. S'il y a quelque - chose , fais-moi le favoir: mon Laquais, quoique nouveau , eft un Homme für; il eft-inftruit. T)"-''*-moi dé "- - i 'i -n -- ca ^ousine. La Denc raran* gon , que j'ai-fuivie , accompagnée , amusée , diftraite malgré elle de fon chèr Edmond , eft arrivée dans cette Ville , pleine. de charmes & de douleur : mais je faurai préserver le Frère des premiers , la Sceur de la dernière, & lJUn-&-l'Autre de reproches mérités , qui feraient inutiles a présent: je fuis plus-propre qu'elle a remédier au mal; je reffemble a la lance d'Achille , je porte ilejfure & guérison, Tout a ma Laure , en plus d'un fens»  Partij VI. nf LETTRE CXXIT. même jou», Réponfe. ( Elle craint pour Urfule. ) IL on arrivée ne fera pas inutile a te» deux Elèves: Urfule eft dans un érrange embarras, & fon Frère paraït livré A la fureur du jeu , avec un emporternent qui m'épouvante ! Voila deux Lettres ^ de ma Coü^in: au'elle a-fait remettre chés moi , ~& que j'ai-gardées {i;; i oSS wü io, i awte d'hièr. Je n'en-veux pas confier davantage au papier. Urfule va bien-loin! & elle eft menacée d'une cruelie vengeance ! ma*$ j'efpère plus de tes talens tk de ton efprit, que je ne crains le vindicatif Itaiien. A notre entrevue desirée. (i) LaCXXXVI.me du PAYSAN, St la CXIX.me «lu présent Recueil.  tpï Pavane hrvbrth; LETTRE CXXIII. même jour» Replique, (II négligé un avis „He! Dieu lui 6te ü prudenc. ordinaire , pour que Ie crime foit puni. ) T •f F fcws-teoir cette Lettre a Urfule , Ie P utot poifible : J ai fait réponfe a Ia première avant d'avoir lu la feconde : je vais iire cdle-ö , & j'y répondrai fur-le-champ J a. eache mon arnvée, paree-que j'ai-fu SHfrUahfflï voulait faire un mauvais-parti a Uriule : Je me tenais oü je fuis, pour 1 oblerver. Mais il n'oserait, & je vais me montrer. Que fera-t-il ? dans notre fiècle , les atrocités ne font plus de mode, même parmi les Dilcendans des Profcrioteurs & des Profcms: Il y a longtemps, que les ientimens des Marius, des Sylla , des Antoine, des Oclavien. , des Tibht, des Caligula, des Néron , des Commode, 8cc» font abfolument éteints en Italië. L'avis m'avaic etonne. Je fuis revenu de cette crainte pupillamme. On m'avait offert de me vendre 1 Agent de I'Itahen , un Malheureus tiré des cachots qui f'eft-mis porteur-d'eau , pour Ie derober a Ia Juftice. Je Taurais-eu , endonnant cent-louii de plus que lltalien.  Partie VI. 19/ C'eft une duperie: ces Gens-la ne voulaient que m'efcroquer de 1'argent: le filencè &été ma réponfe. Tu feras tenir ma feconde Lettre dèsque je te 1'aurait-fait-remettre. JP.-f. Juftement ! comme j'alais cacheter y j'anprens par un de mes Affiaés , que c'était de-concert avec Pltalien , qu'on m'oftrait de corrompre fon vil Agent. Je me tiendrai coït, Sc ils en-feront pou» leurs démarches.  >j>$ Paysane pervertie. LETTRE CXXIV. même jour. G A tr D E T , a U R S U X E. jf II répond a la CXIX me , & parait fe rétraéter d# tous fes mauvais-avis : mais fatalement cette Lettre zie put être-remise , & Laure la garda ; tfi-bienqu'elle ne fut ouverte qu'aprés la captivité d'Urfule , Si ce fut ce qui comuienca de la ramener: II femble que Dieu ait-voulu tirer le bien de la Souice même du mal. ) "Vons n'avez pas oublié , ma Charmante } ce que je vous écrivais le 7 mai dernicr (1); Qu'il ne faut rien outrer : que la Nature & la Société puniffent tous les exces: Sc que dans notre fituation présente , nous dépendons autant de la Société que de la Nature. J'ai-détruit vos préjugés, parce-que j'ai-cru qu'ils nuiraient a votre bonheur: mais fi j'avais-pensé qu'ils euffentpu contribuer a votre félicité, je les aurais fortifiés, aulieu de les détruire. Vous avezété trop-loin , ma chère Urfule ! beaucoup trop loin! & je crains aujourd'hui ce que {1) La CXXXune du PAïSAM,  Partie VI. 199 *ous avez-fait-faire a votre Frère: fi jamais fes lumières venaient a f' offufquer , fa philosophie a être moins füre, cette a&ionle réduirait a un desefpoir féroce : je n^rjamais eu-l'idée , en-vous dépréjugeant^ 1 Un & 1'Autre , que vous en-viendriez-b. Ce n'eft pas tout que de faire tout ce qui eftpermis; il faut envisager toutes les fuites poffibles; & celles de cette aótion me fonttrembler. Aurefte , peut-être ne font-ce que de vaines craintes; Edmond me parait ai» fermi Cependant , quand je confidere la violence qu'ont fes paffions , je n'ose croire a fa philosophie ; je croirais plutoc h la votre. , , Ma chère Enfant! arrête-toi ; tu^as ete trop loin : retrograde un peu , pour etre ce •qu'il faut que tu fois. J'avais fur toi des vues importantes , que tu as anéantiesi On peutêtre fans préjugés , mais il ne faut pas detruire les facultés de la nature : Tu te blasés i un Honnête-homme , qui t'aimera , ne pourra plus efpérer de te rendre-mère , fi tu continues: cette qualité eft la plus-belle des Femmes; il ne faut pas 1'oublier. J'ai été mécontent de ce que tu dis au fujet de ton Fils , en parlant du Marquis ruiné. La tendreffe maternelie eft naturelle au moins , fi la paternelle ne 1'eft pas: évite d'être un monftre , on 1'eft de plusieurs manières, au moral, comme au physiq ; par la cruauté, par 1'infenfibilité ; par des fentiaens Sc des aftions qui éteigncnt toute idee  toe» Paysane perve rtie.' de fociété générale ou particulière. Si tu manques d'une ficulté effencielle a la Femme , quelle qu'elle fok , tu n'es plus une Femme ; tu es un monftre ! Il eft temps de f'arrêter. Il faut une réforme , & il la faut abfolue , autantque prompte. Si j'ai taché d'anéantir la reügion dans ton Frère , dans toi-même , ce n'eft pas que ja haïfle la reiigion ; loin de-Ia ! je fuis un de fes Amateurs, & il eft des Gens a quï je 1'inculque journellement. Si j'avais - exifté du temps de fon inftitution, j'aurais été unde fes apötres. En-effet, confidère ce qu'était ie Genre-humain, quand un Héros, unDieu la montra au monde! Des Monftres égorgeaient d'autres Monftres ; les Provinces étaient dévaftées par des Gouverneurs rapaces ; ia Capitale du monde, Rome, après d'horribles profcriptions, avoir gémi fous un Tibère, un Caligula , une Meffaline , fe voyait gouvernée par Néron ; des Bêtes féroces qui {'entredéchirent, font plus-douces que n'étaient ces Hommes: Une Voix f'élève du fond de la Judée ; un Homme, un Ange j un Dieu , f'écrie : Aime^-vous les uns les autres ! Vous êtes tous Frères : pardonne^ les injures ; fi l'on vous frappe , fouffre^, èénijfe^, faites du bien : donne[, tolére^ ; qua la différence des fentimens ne vous empêche pas de vous entrefecourir. O Mortels infortunés ! je vous aime ! je vous chéris ! Je viens vous annoncer une reiigion nouvelle , qui fera que vous vous aimerei, que vous vous chérire^ les  P A Tl T I I VI. 2©! u/ls les autres : je fais que les Mcchans vont f'opposer d ma doclrine ; la hardiejfe que j'ai de la précher, me coütera la vie : mais je donnerai monfang avec'joie pour cimenter ma doctrine : que je meure du plus cruel des fupplices ; mais que je vous adoucijfe ; que je vous rende heureus !... Opprimés , réjouiffe^-vous ƒ Bienheureus ceux qui pleurent , paree qu'ils feront confole's : Vous fere{ keureus , lorfque les Hommes vous perfe'cuteront, qu'ils vouschargeront d'injures , qu'ils vous tueront, d cause de ma doclrine frater nelle: Préche^lafans crainte : Jï vous périjfe^f qu'ejl- ce que la vie, aupres de la gloire immortelle qui vous attend? SoyeTjes Bienfaiteurs du Genre-humain ; ale-r par-tout inviter , prejjer les Hommes de f'aimer , de vivre en-Freres ; vous trouverer aufond de votre caeur une fatiffaclion douce , qui vousrendra heureus , dis cette vie, comme je lefuis ; un jour vous & moi , nous aurons der autels : II ne f'en tient pas la ; il exe'cute ce qu'il dit; il prêche, il touche ; il recherche les Pauvres qu'il a-loués; il les confole ; il leur monrre la gloire & le bonheur, dans la bonne vie , dans la confraternité : il fait des Héros de douze pauvres Pêcheurs , de foixante douze pauvres Manoeuvres; il les anime de fon efprit facré ; ils deviennent, par lui, plüfque des Hommes. Ce Héros, ce Dieuj ( car quel autre nom lui donner ?) eftarrêté,, comme il 1'avait préfenti : on te condamne ; & il meurt avec la douceur de 1'Agneau. Ses. Prosélytes effrayés, fe croient perdus : Ils. Tomé IJl. Portie VL R.  ïti Paysane hrtïIti!.' difperfent; ils fe cachent: mais bientót, ïkf leprennent courage : ils reviennent: animés> de 1'efprit de leursdivin Maïtre, du Bienfaiteur , du Sauveur du Genre-humain , il* affrontent la mort, rien ne peut les arrêrer { ces Hommes genereus, ces Héros , .ces Demi-dieus, ils viennent au milieu des piencs. qui les iapident, des fouets qui les déchirer.t, des épées qui les mutilent, & qui leur donnent la mort, ils viennent crier a leurs Boutreaux : Vous êtes tous frères ; aime^vous-f, chérijfe^-vous , faites-vous du bien : pourquoi vous haïr , vous tourmenter, vous perfécuter ? imite^ notre patience : vous nous dèchire^ , & nous vous pardonnons , nous vous bénijfons nous vous aimons, tout nos Eourreaux quevous êtes. Et Celui qui leur avait infpiré depareils fentimens , qui leur avait donnéFexemple, dont 1'ame aimante les animaic encore , ne ferait pas un Dieu ! Périffe Ie blasfcmateur qui osera le dire ! O Fils de Made ! fi tu n'avais pas des autels, je t'endrefferais ;..„ je t'er-drefferais aumoins dans rr on cceur , fi les lois de mon Pays f'y opposaient. Sauveur du G^ nre humain , Divin Légiflateur , qui es-venu faire des Hommes» & des Frères de Bêtes-féroces , profterné devart 'i'imsge glorieuse de i'inftrume nt de tonfupplice, je t'adore avec un ardeur brülant & le tranfport de la reconnaiffance ' ». . Voila mes fentimens , Uriule. Quoi 2 vous vous êtes imaginée que je méprisais , que je haüTais la Reiigion chrétienne !.,.,„,,  Partie VI. 103 O ma Fillle ! que je fuis malheureus de vous avoir crue plus éclairée que vous ne 1'êtes ! & que je crains de m'être également trompé avec votre Frère ! Sans-doute cette Reiigion fainte a des abus qui viennent des Hommes: ces abus vivement fentis , ont produit les guerres des Huguenots , dont le fouvenir eft li vif encore dans votre Village, & fur-tout dans votre Familie , qu'ils ont ruinée : mais les abus qui viennent des Hommes ; le divin Légiflateur les avait fous préver.us ; c'eft pourquoi les Papes& les Evêques font inexcusables de ne pas les anéantir ; de ne rappeler pas a fa primitive pureté , cette divine Reiigion 3 dont la beauté eft fi-grande , que fi elle exiftait fans abus , toutes les Nations viendraient 1'embraffer. Des incrédules ! ah! il n'y en aurait plus! Quel intérêt les rendrait athées ? la Reiigion ferait leur bonr heur dès ce monde Ce fujet m'a emporté ; je ne veux pas finir par une matière auffi férieuse , & je me rappelle a propos que je dois une réparation aux Auteurs dramatiqs: Je veux la leur faire publique ou parriculière, comme 1'infulte : ainfi, dans le cas oü vous auriez montré ma Lettre a Quelqu'un , montrez de même Ia réparation. Un Auteur dramatiq , tel que Corneille, eft capabie d'ennoblir une Nation, de la rendre grande a fes propres ieux : Un Auteur dramatiq, tel que Racine , ferait capabie d'amolir, de civiliser,.. les Anglais s èc même les Sauvages qui font a leurYold? R ï  en Amérique : Un auteur dramatiq , tel queMoLère, oü il eft bon , donnerait de la gaïté a un Spléeniq , corrigerait une Précieuse ,, convertirait un Hypocrite , rendrait foriable un Misantrope : Un Auteur dramatiq tel que Ksgnard , amuse aumoins , & fait rire les Maïtres , que leurs Domeftiqs volent. Un Auteur dramatiq tel que le grand Vohaire ,. inftruit , touche , rend honnête homme cn un mot, réünit tout le mérite des Corneille, des Racine , des Crébilloa : Ce Dernier effraie le vice : Dejlouches par fon Glorieus ,. s. contribué au progrès de k vraie philosophie : Lachaujfée Sc Marivaux font aimer le devoir aux Epous , aux Pères, aux Enfans. Tous nos Auteurs modernes font eftimables; un Lemierre , un Ducis , un Blindefainimore , un Demarmontel, un Delaharpe, un; Sedaine., un Dorat, un Palijfot ont plu ,t & m-ritaient de plaire. Mais fi je bue les Auteurs dramatiqs s. eert inement je ne louerai pas le Puhliqfpeciateur ! Dieu ! quels Automates les. talents ont pour juges ! Sc qu'il eft peu. Acteur d'exciter leur applaudiffement! Comment les Gens-d'efprit que j'ai nommés endernier lieu, peuvent-ils fe résoudre a travailler pour cette Hydre a'mille-têtes, dont pas une n'eft d'accord ! J'ai été au parterre, au pirquet, aux loges, jufqu'a 1'amphithéatre , qui eft au fpeccacle, ce qu'eft le Marais a la rue Sainthonoré; Sc la , jJaientendu louer les. fotises, autant que les  Parti? VI. 'aoj beautés; j'ai-entendu blamer les rnorceaux fublimes ; j'ai vu admirer les défauts de l'Aéteur, & honnir fes qualités , la fageffe ,, la fineffe , la raison de fon jeu fenti. Mais,, me direz-vous , ce Publiq décide jufte ce-. pendant ! —Oui : deux ou trois Têtes au. plüs, quelquefois une, qui donnent le branie^ a cette groffe Béte , qu'on appelle le Publiq;, Il faut même abfolument que ces Trois y. Deux , Un , aient lu auparavant la pièce ;, car il eft impolTible d'entendre a la première représentation : ce gros Cheval pouffif, le Publiq , touffe , crache , mouche , claque ,, hennir, braie , grogne , mugit, bêle continuellement, fuivant 1'efpèce d'animal, dontr eil chaqu'une de fes mille-têtes. Il n'a pas. ieulement 1'efprit d'avoir du plaisir , car iL fè 1'óte continuellement a lui-même, &c vous voudriez que ce gros Animal la ju- geat! Il eft fi vrai , qu'il ne fait pas. juger, & que l'éledtricité comrr.unicative du mouvement qui fait - applaudir aux: beautés, a une cause qui peut manquer,. cela eft fi-vrai, qu'on lui a vu approuver. des fotises paipables, parce-que ce jour-la,» 1'immenfe Ruche n'avait pas d'Ame-reine^. c'eft-a-dire , pas une de fes mille-têtes quï eüt le fens-commun, Le lendemain , ou: huit jours après, il fe trouvait que la Ruche avait une Reine , & alors 1'éleótricité avait lieu; elle cenfpuait ce qu'elle avait adoré„ Le contraire eft arrivé plus d'une fois : La: Jiête, le premier jour, étant abfolurjienx  $66 Pats Ine" '? ï r v e r t i I! brute, ne fenrait pas les beautés; & comme les beautés non-fenties , ont quelque-chose de très-plat pour Ceux qui ne les peuvent entendre, les Mille-têtes ennuyées fifflaient, grognaient, brayaient , &c * &c* Ce fut ainfi que la Bete était a la première repréfentation &e\'Atkalie de Racine ; a celle de plusieurs pièces de nos Auteurs modernes, qui redonnées dix-ans après ont réüffi ; parce-que la Béte avait enfin une ou deux de fes Mille-têtes qui étaient humaines. Je fuis perfuadé, par-exemple, que le Gujfave de mr. Delaharpe , redonné , réuffirait aujourd'hui ; que plusieurs tragédies de m * Demarmontel feraient vues avec plaisir : J'aientendu juger la Florinde de m.1 Lefèvre ; envérité ce jour-la, il falait que la Béte fut de mauvaise-humeur ; elle ne me permit pas d'entendre : Si aulieu d'écouter j'euffe applaudi, peut-être la décidais-je : mais je voulais donner a mes Co-têtes 1'exemple de la raison , & malheureusement celles qui étaient autour de moi , étaient , 1'une de Zinoté, 1'autre de Chien , une de Serpent 3 deux de Singe , trois de Peccata , une ó'E/éfant, fix de Carpe, buit de Merk, dix d'Oison : je voulus changer de place, & je me trouvai entre deux Dogues, ayant pardevant fix Taureaux , & par-derr:ère vingt Cochons , quatre Loups , & trois Ours. Que dire a tous ces Animaux - \a ? pas un ne m'entendait, lorfque je leur voulais parler dans les entr'acf es. Eft-il étonnant, qu'ave*  ttfi pareil composé , les Têtes - humaines , qui fe trouvent par-hasard fur le même tronc , avec eet aflemblage d'Animaux , ne puiffent goüter le plaisir du fpe&acle ? Si on attendrit la Béte, elle beugle , touffe &C mouche enfuite , a vous faire perdre le refte de 1'aóte ou de la fcène : fi on la fait-rire, elle braie fi-fort & fi longtemps, que vous? n'entendez plus rien : fi on 1'impatiente, elle frape du piéd , elle grogne, elle mugit, enfuite elle f'écrie paix-donc ! Vous vous croyez au-milieu de la foire oü toutes ces différentes Efpèces devraient être a. vendre. Pauvres Auteurs, qui êtes jugés fur un mot par une Linoie , ou par un San/onnet, dont la plaisanterie fait quelquefois tomber votre pièce , fans être - entendue ! Pauvre Speclateur-humain , qui crois aler te délafler dut' travail & des peines de la vie, & qui ne trouves, aulieu du plaisir , que 1'impauence & de vains efforts pour voir & pour entendre ! Je ne faurais concevoir comment on -va au fpectacle a Paris ! On dirait, que Ceux qui fy raffemblent, n'y vont que pour; fe gêntr, f'étouffer, fe brufquer, fe montrer égoïftes, fans égards , fans politefféo. C'eft le 'rendésvous de tous les Enrhumés , de tous les Cracheurs, de tous les Moucheurs , de tous les ToufTeurs , de tous les Policons qui aiment a entendre & a faire du b-uit ! Combien de Clercs, de Jeunes-Ofïiciers, & même de plus graves Speóteuxs, ne vont-la que pour famikeï  entr'eux, indépendamment des Pièces f Je crois que Ie moindre bruit devraic 'êrre defcndu a nos fpedacles , qui font abfolu- • ment différens de ceux des Anciens, oü le leuple cnait bravo! mais il faut obferver, que ce n'était qu'aux combats des Hommes contre les Bêtes , ou des Gladiateurs : Aux Pieces dramatiques , on ne foufflait pas ie mot, tant que 1'Adeur parlait; aux entr'aótes feulement, les P/auditeurs donnaient le fignal, en-frappant des mains encadence.. Adieu , ma chère Fille. imar,°n r°n7? danS ,e PaysAN, trois Lettre* A Urfule a Gaudet avant le malheur de cette Infor* Sö£i.r T?m. cxxxvm ■ CXXXIX * LETTRE CXXV,  LETTRE CXXV. même jour* U. r s u z e s ■e. Laure. .(La Malheureuse fe livre, pour appreadxe £ efcroqusr au jeu..) I'^ïi vient de m'écrire (i) : II eft iet depuis trois jours , & tu ne me Ie disais pas! Je pars malheurcusement dès des main pour Saintmandé avec mon nouvel 'Xriorateur. Je garderai 1'Amériquain ; il ignore mes nouveaux arrangemens, & je lui ai fait entendre, qu'il falait recommencer a nous revoir chés toi. Ainfi tu au.ras ma visite une ou deux-fois par feniaine, fi je fuis, Le charmant Homme que l'Ami/ Dislui que je 1'atterrs a-l'inftant , & que j ecarté tout Ie monde*..". Je continue , /.en-attendant mon petit Ncgre , qui m'eft alé cherch.-r des Joueurs : ainfi ce Billet 'va devenir une Lettre. _ II faut aycfeér qtiè mon nóuvel Amant vient très-i-própos. Edmond &' moi, nous avons horriblénient .déperifé ! Il 1 a-joué , ( i) La CXXXVII me du Patsan . T. UI. Tvme III, Partie FI> S  "kio Paysane p e r v e r t i e, moi auffi, & nous avons été la dupe d'Efcroqs. Edmond eft furieus : i! voudrait (Sc moi auffi), pour le doublé de la perte, favoir le fecret de ces honnêtes Meffieurs, feulement pour qu'ils ne puffent f'applaudir de leur adrefTe a nos dépens. Pendant qu il travaille a acquérir cette fcience vindicative, j'emploiedemoncóté tous les moyens poffibles pour yréüiTir. J'ai-faitavertiradroitement ce matin le plus-hupé de ces Fripons de me venir-trouver. Il n'a pas manqué d'accourir. Jamais je n'eus plus envie de plaire , & de ma vie je n'en multipliai autant les moyens, Mon Homme eft arrivé fur les une-heure aujourd'hui. Je 1'ai-fait-introduire dans mon boudoir , oü Marie avait - ordre de fi e 1'amener. Je 1'ai-recu comme un Dieu. Je voyais dans fes ieux quelque mouvement de défiance. Je I'ai-fait-affeoir fur mon fofa, dont le reffort a-parti, & je lui ai-fait mes agaceries mignardes. Il ne favait oü il enétait; j'ai-vu les desirs étinceler. Je les ai* ïrrités avec toute Ia coquetterie d'une Femme qui a de 1'usage. Il n'était plus maïtre de lui. C'eft alors que j'aï-fait ma demandt». On m'a-tout-promis. Je me fuis-levée furie- champ, & je 1'ai-mené a une table : Il a-commmencé a me donner des lecons. Mais il n'a voulu me montrer le coup-demaïtre, qu'après.... Il a-fallu en-pafter paria. J'ai-enfuite repris les cartes, & il m'adécouvert ce fameus coup-de-maitre. J'ai)Q\lé avec lui, &c je l'ai facilement gag*é.  Partie VI. if! Je n'ai-pas-eu la fotise de m'en- rapporter a fa difcrétion avec fes Camarades : ma fidelle & zélée Trémouffée avait mes ordres: Elle eft - venue lorfqu'il a - été fur - le - point de fortir, plutót affriandé , que raffasié de mes faveurs. Eile lui a-fait-entendre , qu'il ne falait pas me quitter ainfi ; qu'elle f'intéïeffait a fon bonheur, & qu'elle voulait lui sménagcr un tête-a-tête chirm:nt, après le diner; qu'elle défendrait la porte a tout le ■monde. Il a-confenti a tout; elle 1'a-placé dans mon cachot, en-lui-disant, qu'on lui fervïrait a diner-h ; que c'était 1'endroit de faveur , oü les H ureus attendaient les bonnes-fortunes de-diftinction. Ede a ajouté, que pour qu'il ne f'ennuyat pas , elle lui offrait un Livre d'eftampes...., ou fa Camaïadequi viendrait lui tenir compagnie. L'Efcroq a-regardé le Livre & parcouru les eftampes: mais ces fortes de Gens n'aiment pas la lecture , quelle-qu'elle foit. Il a-demandé une Compagnie vivante. Marie , que j'ai-dreffée le-mieux-du-monde, & qui fera un jour une Fine - mouche , eft - venue auprès de lui ; Trémouffée les a-laiffées enfemble. J'avais un doublé but ; qu'il f'amusat affés pour qi»< je ne fi.ffe pas obligée de le retenir pir-force, & de lui öter tout foupcon pour la fuite. J'ai fait avertir mes Joueurs de la veille, & nous alons-avoir une féance lucrative , j'cfpère.... Je fouhaite que la devance Moa S *  Paysane pervertie," Nègre ne vient point ! Je lui tirêraï Ie* oreiiies d'importance.... Ne I'avais-je pas dit! voila Nè'g'ret qui revient ! mais, cela eft pourtant de conféquence pour moi ! fi j'avais de fecrettes raisons, pour qu'on ne fe présentat pas contre mes ordres , ce ferait tout-dememe j Je penfe que les Filles de notre iorte, doivent écarter ces efpèces de Mouches importunes , qu'attire le miel des faveurs.... Je le ferai-traiter comme il lg mérite.... Ah ! voici done enfin Jacinthe!. Je vais Ie corriger, & lui-faire porter nia Lettre. F.-f. Je lui pardonne : il eft fi careffant !..;; Je fuis encore un-peu préjugifte, je "lp wis, puifqu'il me refte de la compaffion.  P A R T" I I VI. 2; 3 LETTRE CXXVI. 18 auguftej . La Même d la Même. { Commencement de fes peines : Urfule & Edmon* efcroqs, font'efcroqués au jeu,) J-*nvoie- moi l'Ami. Je fuis au desefpoïr,. & nous fommes-ruinés, Edmond 8c moi! C'a-été 1'affaire d'une féance. Ah-Dieu!.,.. de tout ce que je poffédais , il ne me refte* plus que le fonds que l'Ami m'a-fait affurer par la Familie du Marquis. 11 faut que je te faffe ce récit, en-attendant encore Jac'trU the, que ma bonté ne corrige pas. Après avoir mis 1'Efcroq en-cage avec Marie , j'ai-fait-pare a mon Frère de la fcience que je venais d'acheter & je me fuis difposée a-recevoir l'Ami, qui n'a-pas- tardé a paraitre Le fouvenir de cette sgréable entrevue , tempcre un-peu mon amertume; mais je ne puis qu'y jeter un coup-d'oeil rapide ; je ne faurais détaiiler. Les Joueurs font arrivés'pendant ce temps11. L'Ami ayarst-entend u Edmond , il n'apas voulu fe montrer •, il eft forti par 1'efcalier-dérobé. J'aurais-dü fuivre ma première idéé , qui était de le faire refter comme Spectatcuril nous auraic-fürtmert-été tjèsS 3'  xit Paysane per ver ti e.' vuk ■ mais on voit ce qu il falait- faire', quand les malheurs font arrivés. . Nous-nous-fommes mis au-jeu k fept-heures. Ldmond, que j'avais prévenu, avair-apporte des fonds; qu'il a-fait-briller aux yeux des tlcroqs. La féance a-commencé. Nous n avons pas-voulu d'abord faire-usage de notre adreffe. Les Efcroqs en-ont agi dememe ; ils ont-fondé le terrein. Après quelques tours , Edmond a'-hasardé un filé qui lui a-réüffi. J'en-ai-fait autant. Les Efcroqs 1 en-font-apercus; mais ils n'enont rien temoigné. lis nous ont-laiffé-aler. Enhardi par le fuccès , Edmond a-mis enusage une botte-ficrette , qu'il avait apprise de ion córe dans ia journée. Ce coup, auquel les Efcroqs ne f'attendaient Pas, & dans lequel j'ai-fecondé mon Frère , avertie par un petit fignal, nous a-rendu la mortié de ce que nous avions-perdu la veille. J'étaistranfportée-de-joie , & dans le fond de mon ame, je promettais que notre perte rentree ^ je quittais le jeu , pour ne le reprendre de ma vie, avec cette Canaille. Nous avonscontinué ; le jeu a-été franc de part 5t d'autre : petit gain de norre part. Le coup fuivant, petite perte. 'U-s Joueurs onr-voulu faire-usage d'une fupercherie ordinaire au troisième tour. Nous - nous - en - fommesapercus , & Edmond a-dit froidement : —Refaites, Monfïeur, vous avez-retourné une carte-. Ce n'était pas cela , mais ils I'ont-compris, Oa a-refait 3 & joué-franc  Partie VI. - iif. plusieurs tours, avec avantage égal. Enfin, nous avons - miné avec adreffe, a ce que nous croyions. Sürs de notre coup, nous y avons-été de fommes confidérables : on les a-tenues. Rrelan dans ma main, &. a\'as ! lorfque je vois abbatre trois valets , le quatrième tournant. C'a-été un coup-de foudre! Edmond avait-vu un valet dans le talon : il y a-couru. Rien ! nous avons bien-vus que nous étions dupes, par un tour plus-fin que tous lts nótres. Nous avons-payé. Un refte d'efpoir nous a-fait-continuer : nous comptionsqu'én-lesimimidant, le tour fuivant , oü j'avais la main , ils n'oseraient pas recommencer leur efcambtage. Edmond les obfervait d'un ceil fé\ère. Je me fuisdonné le même jeu en-ras: nöus y avonsété du doublé de 1'autre-fois : on a-tenu en-hésitant. J'abats; tout eft perdu ! les dix que j'avais crus - écartés, fe font - trouvcs dans la même main, le quatrième tournant. L'opération de combiner ce qu'ils avaient chaqu'un, de reprendre d'autres cartes qu'ils avaient dans un repli de doublure , fous les boutons de leur fraq, & de n'avoir que celles de leurs trois jeux, cette opération ficompliquée , n'a-été que d'un clin-d'eeil, tandis qu'Edmond relevait fes cartes. Cette dextérité m'a-furprise ! nous-n'avions-rienvu. II fallait ctffei le jeu , faute de fonds. On nous a-proposé une revenge , fur ma maison, mes meubles, 6c mes faveurs S4  zi6 Patsane pervertie. (cc dernier article h ïoreille). J'ai-accepté, egalement funeuse & de jouer & de ma perte : , aurais-joué ma vie , ou G \'on veut mes doigfs les uns après les autres, comme les Negres. Nous avons-gagné. Remis eni-onds par ce coup-la , nous avons-continué, avecacharnement: petit-gain3 pendant cinq a iix tours. Enfin , le hasard , fans tricherie, nous a-donné jeu-für. J'efpérais.... un trésor Ce ce coup Mais tout le monde a-paffe, k~ i exception d'Edmond, qui a-ramaffé ce qui m appartenair. Coup nul par - conféquent. Neus avóns-enfuite ufé d'adrefTe; avec desprecautions ïnfin'ies , nous relevant pour «tammer nos Joueurs. J'avais un vingt-unv tamond nen du tout. Nous avons-pris un zird aflarance^ nous a ■.•ons-nouffé , tant qu'on arvoulu. On a-quitté. Gain compler ce n'otrè part. Il' falait lever le fiége. J'enefals-tentée. Edmond m'a-fait figne de conimuer. Après quelques tours fans-etTer, iL' f'eft-présenté un beau coup. Il nous aéblouis, & notre attention feft-ralentie. On en-a profité. Nous avons-perdu tout notreeqmptant, ma maison ; mes meubles , mes fliamans... J'étais au-desefpoir, & les larmesme font-venues aux yeux. Edmond enfureur f'eft levé. Je 1'ai-retenu. Un Infolenr de la Troupe m'a-dit a-l'oreille : —Vous avez encore une refiource 2 — Je la joue y ai-je repris. —Pour tous-trois ? —Oui* tóus-trois-. Nous avons-rejoué. C'était un  ¥ A R T I I VI. Il-/ forfait, contre une fomme designée tièsconfidérable. J'ai-perdu !.... Edmond étaitforti au desefpoir, pour aler-prendre 1'air un-moment. On m'a fommée de payer. J'airetusé avec Indignation. Ils m'ont-emporrée dans mon cachot, oü était encore leur Ami s que j'ai-trouvé avec Marie, dans lat pfus-grande famiüarité. Les Quatre_ fe font réünis contre moi, & fihfame Marie , que Ie joueur avait-mise dans fes intéréts, pendant le temps qu'il avait- paffe avec elle , a-contribué a ma défaice. Heureusement qu'Edmond eft venu après deux ihfultes : II a-fondu fur eux 1'epée a la main , & les a-chaffés de la maison. C'eft un Héros : lis tremblaient tous-quatre devant lui, fa gloire a-diminué ma honte. Mais pendant le combat , Marie & fon complice ont-emporté ce que les Autres avoient-gagné r ma fidelle Trémouffée voyant agir Marie , n'y a-fait auqu'une attention, croyant que c'était par mes ordres. Ainfi me voila dépouillée abfolument, 8c pour ce qui me refte , le billet qui était fur jeu contre 1'argent, va me 1'enlever , a-moins que je ne reclame. Mais un Avocat que je viens de confulter, 8c ï qui je n'ai rien déguisé, me confeille de ne pas les attaquer , vu que nous feiions tous également punis. Je me confole un-peu ; il me refte quelques reffources , & mon intrigue commencante. Quant a Edmond , il a tout petdu ; il n'a pas une obole des cinquantemüie-livres du Financier 5 il a joué jufqu'au  'i8 Paysane p e r v e r t t è„ portefeuille garni de diamans. 11 eft-furieus 5 fa rage le porte a des exces.... Il ma-proposé tout-a-l'heure de me poignarder , & lui enfuite. Je 1'ai-ramené a des fentimens plus doux , en-lui exposant mes reffourceyj que j'ai même-enflées a-deffein. J'attens Jacinthe. J'ai-é:rit fi-rapidement, que cette Lettre eft 1'ouvrage de dix minutes. Tu liras fi tu peux. Pais partir \'Ami. A tantót. ( On neut voir- les CXXXIX , CXL CXLI,CXLII3CXLHI,CXLIVm"du Paysan.) Urfule ne vit pas Gaudét ; il ne put paryenir jufqu'd elle, lorfqu'il vint pour la voir, & fa vie fut exposée. Malgré fon adrejfe , il ne put ni ia Jauver , ni la découvrir ; il la crui tnorte , mais il ignoroit comment ; il ne fe doutait pas du fort qu'elle fubtjfait.  Pa m i i VI. nfLETTRE CXXV1I. 19 octobr*. U r s u l e , k Laure. ( Elle appelle a fon fecours , la pauvre Infortunée f. mais il eft trop-tard ! 1'horrible malheur eft tomb* fur elle , ot il 1'accable! ) A mon fecours ! mes bons Amis ! f'il eft poffible , venez a mon fecoun. ! , Empare-toi demonFrère, machèrr Laure, plutot pour ie rctenir , que pour 1'exciter 1 que l'Ami feul agiffe ; fa prüdeuce eft ma dernière reflource ; il n'ya qu'elle quipuifte me fauver ! Tu vas frémir, ma chère Cousine ; de tout ce qui m'eft-arrivé , de ce qui m'arrive encore, & de ce qui m'atrend : Il faut 1'ccrire , pour que l'Ami fache comme il doit f'y prendre , & trouve les moyens les plus- fürs de me fecourir, lans expcstr ma vie , peut-être la fienne. Après avoir tout - perdu comme je te l'ai maqué avant mon malheur; & avoir été traitée par deux Misérables , ccmme la Dernièie des Créaturcs, j'alais fans-doure effuyer le même fort de la part du Troifième , maigré ma resiftance & mes cris , brfqü'Edmond eft-venu me délivrer. Je l'ai  Nf* Paysane pervertie; Jailfé-fortir après I'avoir un peu calmé": m»t§ ü etait au-desefpoir ; Ia honte , Ia rage (il me la du en-me-quktant), déchiraient egalement fon Gceuri je ne l'ai-plus-revu depuis ce funefte moment. Mais j'en-éta» prelque bieü-aise d'abord , afin d'avoir plus de liberté , dans les premiers -temps de mon lejour a Stuntmshdè. Je fuis partie le lendemain-imtm , avec un ferremenc de cceur , tr.ite presage , ou trifte reffouvenir ! Tousdeux fans doutel... J'ai-été recue comme «ne Diyinire par mon Traitre , qui m'a pour-ainfi-dire dévorée de careffes. Tout etait brillant, & avait amant deckï & de commodité que chés moi avant mes pertes. J ai-nage dans les plaisirs; ce nouvel Athlète vaiait TAménquain.,.. Je ne te copierai pas ia ia Lettre que l'Ami t'a-fans-doüte-montree ( j >. Héias ! tout était-mis en-jeu par ce maudit Italien. C'était lui qui avait-envoye chés moi les Efcroqs qui m'ónt-ruinée ainfi que mon Frère ; c'eft lui , qui a-fakhabjiler un malheureus Porteur-d'eau enSeigneur, & qui m'a-réduite a affouvir la bfutalite de ce Misérable , qui m'avaittevie, & que j'étais-loin de reconnaïtre Voila eet Amant fur lequel je comotais, pour reparer mes prrtes ! On ne f'en' cache plus aujourd'hui..,. Tu fais que 1'Ita-  Partie V T. zt$ Jien jouiffait tous les jours de fa vengeance caché dans la maison , que je croyais a moi. II me fit-infulter par fon Laquais^ que le Porteur - d'eau , par mes ordres , jeta par la fenêtre : mais c'était pour me duper mieux , qu'on me facrifiait ce Maraud , comme tu vas voir, ma chère Cousine. L'Italien , fuivi de fes Gens , était venu. au fecours de fon'Laquais , étendu , brisé fur le pavé de la cour : les miens les at-, taquerent, & au moyen du zè'e de ma fidelle Trémouffée , qui frapait comme quatre & a laquelle on n'osait le rendre le Vieux Bouc eut le deffous , Sc fitretraite. Je me reposais fur mes trophées, me difposant a quitter la maison après avoir payé la dépenfe qu'on m'y avait fait faire, Sc rendu les meubles au Tapiffier : quand] le Porteur-d'eau , qui écaitj forti pour aler me chercher uue voiture, eft revenu avec deux fiacres. --Madame peut partir: oü. font fes paquets 2 oü Madame va-t-el!e-? Je nommai votre maison.... je n'avais plus d'autre asile Quant a mes paquets , je lui montrai un chauffon. —Tout tient la dedans Je montai dans une des voi- tures , & j'appelai Trémouffée. —Je vais prendre 1'autre, Madame (me répondit-elle), la Jarme a 1'ccil , afin d'être avec mes paquets , a moi, qui pourraient vous incommoder. nous fommes parties, J'ai dit au,  tó& Paysani 1'ervertie ■Porteur d! eau Efc/oq de monter auprès de znou - Non .Madame ! derrière le caroflè «eit afles pour votre ancien Domeftiq — Je le veux. —Il n'en fera rien ; je fuisconnu ; je veux être a ma place . Et il ajait rouler, fans écoüter les ordres que je ■lui donnais de venir occuper le devanr No.us avons pris le chemin de Paris. Aubout de quelque temps , je n*ai plus entendu rouler tur lepavé. J'ai fcfc aKrrêter , 'pour demander au Misérable q.d était derrière , ou j'alais? — A Paris, Madame: vous roulez fur la terre , pour que vous foyiez plus tranquile. —Oü eft Trémouflee ? —Les Chevaux de fon fiacre valent mieux que ïes notres , elle nous a dévances. Cela ne m'a pas plu : mais qu'y faiïe ? Nous avons continué de rouler plus dune heure fans que j'entendiffe le pavé. Au mi.ieu d'une route , que je ne connais pas, nous avons arrêté : on m'a dit de defcendre , & de donner ma bourfe : on amis le piftolet fur la gorge du Cocher de «acre , & on 1'a forcé de f'eloigner. —Je fuis reftée a la merci de fix Hommes , y compris le Traitre qui me fuivait, & qui m'a dit, —Madame! ce font des Voleursl nous fommes morts-!... On nous a bandés les ieux , dumoins a moi , & le Traitre dis .it qu'on les lui bandait auffi ; on m'a portee dans une voiture , ' & noUS avons poule environ deux heures. On m'ayait pus  Partie VI. ii| ma bourfe, ma montre , & tour ce que i'ava;s de quelque valeur..,. Nous nous fommes arrêtés , & 1 on m'adefcer.dut. Je me fuis-trouvée dans uiig chambre mefquine , puante, lorfqu'on m'a. d.bair'é les ieux; & j'ai-vu devant moi le malheur; us Italien.... il m'a dit , _ que tout ce qui m'était arrivé depuis quinzejours , venoit de fa p^rt. J'ai voulu ledévisager. Ure groffe Femme qui avait1'air d'une Bouchère , eft tautée fur moi , m'a donné d' ux gourmades, & m'a-terrafée. Eile m'a-eniuite-deshabillée nue , & m'a .orcée a me vêtir a'habits dahsle coftume des Femmes de Porteurs d'eau. Je les ai pris avec fierté , voyant que je ne pouvais faire autrement. C'eft avec fcet habit que je vous écris. Pendant ce temp:la , mon Traitre reprenait lts mêmes habits , avec lefquels je 1'avais vu porcer de 1'eau , & il eft-venu auprès de moi me dire , q'uil était bien fiché, mais qu'il y alait de fa vie , f'il n'cbéiiTait pas : q 'ori 1'avait tiré des cachots, ou il était enfermé eh attendant lts preuves de fes crimes qu'on pouvait i'y renvoyer. —Tu vois bien , m'a-t-il dit enfuite , en-levant le mafque , qu'il n'y a pas-ici a barguigmer , & que je ne te ménagerai pas plüs que les Innocens que j'ai-atttndu a la come d'un bois-r J'ai bien vu que j'étais-perdue: mais voulant eflayer Ci la douceuï  <èl4 TA Y-SA NE P E R.V.E R. Tl E.' pse ferviraït a quelque chose , pour fauver aumoins ma vie, j'ai cédé. Le Porteurr deau m'a traitée comme fa Femme , ou iomme fa Servante ; ii m'a fait faire fa foupe , j'ai été obligée de laver fa vailfelle , de nécoyer fes gros fouliers , de faire fon grabat , oü cependant il ne f'eft pas mis ; je l'ai occupé feule. . i Le lendemain on m'a fair- figner des Kans , le bacon levé: c'était un Nègre hideus qui le tenaic fufpendu. J'ai cedé encore. "Hu.it jours fe font écoulés, fans qu'on m'aitfak,autre chose , que de me. tenir vêtue avec des haiilons que les plus Pauvres ne ramafferaient pas dans la rue , pleins de crifle & de v.ne , en m'obligeant a fervir ,m.r le Porteur deau , & a faire tout 1'ouvrage de fon ménage , même a porter de 1'ëau , pour arroser le jardin : le grand Nègre , le baton ou le nerf de-bceuf levé, était mon infpccteur. Il me fit la galan,/erie de me dire le feptiéme jour / qu'il jne garderaic eet emploi que jufqu'a ce que Veuflè un mari, lequel en-ferait chagé : que pour lui , iorfqae je ferais femme , il me ferait 1'honneur de prétendre auprès de moi a un emploi qui me ferait plusagréabie. Je n'osai lui répondre , 'ayantdéja fenti deux fois la pesahteur de fon bras. Un Chapelain, mum d'un pouvoir des deux Curés, Sc du confentement de mes ' père  Parti! VI, iif Pere&Mére , eft venu mefiancer au Porteur-d'eau le feptieme jour; Sc le lendemain huitième , nous avons été marié?. C'eft alors que ce Malheureus m'a traitée en Efclave; il attendait qu'il eüt pour lui les apparences du droit pour me maltraiter. L'Italien eft venu me ricaner au néz , tel qu'il efi 3J il m'eft precieus. A demain fi j'exifte eneore t Fin de la Partie VI. & du Tome III.   L A PA Y SANE FERVERT1E, o u LES DANCERS DÈ LA VILLE, Tome IV, Tank VIL 4   L A PAYSANE PER FE RT IE , o u LES DANGERS DE LA VILLE; HlSTOIRE vURSULE R * * , faur d'Edmond , le Paysan , mise - au-jour d'après les véritables Lettres det Perjonages : Parl'AuTEUR du Paysan Perverti. T O ME IV. PARTIE VII. Tmprimé A LA H AIE. Et fe trouvé a P A r i s £ht\la. dme Veuve Duchefne , libraire, en la, rut Saintjaques, au Temph-du Goüt. $ft=*^ =_^_itt3 M.-BCC,-LXXXIV,  4 Urfule , dans le Tome III , a révolté Vhonnéte LeSeur par fon impudence, fon libertinage , 1'excès de fa dépravation , portée au-point que fon Corrupteur même en - eft - furpris : 11 veut fe rétracler: mais il eft trop-tard; la. vengeance eft-defcenduefur la téte de l'Infortunée, qu'on vient de voir dans une fituation qui faithorreur: Elle va d'abord , dans Celui-ci , être plus-malheureuse encore : dégradée audejfous des Bétes elle exdttra le frémijfement, la terreur, la pitié. Son fort cltange enfin , fans être moinsaffreus : Elk f'échappe ; mais la Nécejlté la repoujfe dans le gouffre ; elk tombe au - rang des plus-viles Créatures ; elle f'eft- abandonnée elle-même. C'eft alors , qu'accablée de - maux , elle jette un regard fur fa vie paffee ; elle rentre au fond de fon cceur , par différentes causes: ils'attendrit; l'Infortunéepleure, &.la vertu luit a fon ame aveuglée par le vice. M-me Parangon vient la chercher : Urfule , de- retour avec cette Dame , vit en fainte : Elk devient marquise: elle eft malkeureufe : eile offre fes peines en-expiatior. de fes crimes : Elk eft - poignardée On tranfporte fon corps a S**+ , après la mort d'Edmond & de m.mme Parangon , pour y étre-enterrés tous trois aux pieds de ceux du Père & de la Mère R***,  LA PAYSANE PER VERTIE, OU LES DANGERS DE LA VILLE; HlSTOIRE tfUnsVLE R** , mise* au-jour d''après les ve'ritables L.ETT R BS des Perfonages. SEPTIEME PARTIE. LETTRE CX XVIII. 30 oitolre» U r s u x e , d Laure. f L'infortunée continue a décrire des horreurs quï font frémir. ) ^Barbarie ! oh ! fi je t'avais-prévue!...., Quoi ! il eft des Hommes qui Pabreuvent de lang &c de larmes! Mais c'eft un récic a A 3  tf- Paysane peutertie, & non des plaintes , qu'il faut tracèr fur cette feconde feuille, fac-a-poudre jcté cematin par une fenêrre. Après avoir fubi l'horrible humiliation qui termine 1'autre feuilie", je fus-paree comme dans les jours de ma gloire, mais en-Coureuse-des-rues , avec des mouches ridicules fur mes contufions , & en-cet étac y livrée a la dérifion des Valets. L'Italien > acofté de fon Nègre , commandait cette Canail'e, qui d'abord,a la vue de que'ques rek tesde beauté demeura interdite: — Point de pitié-1 f'écria le vieux-monftre. Auffi-rór les Uns me dirent des infamies, ou rn'en-fireifv les Autres tiraient les loques de mes falb Jas déch.rés ; Ceax la puisèrent de Peau fale dans la marre , & m'inondèrent d'ordures Ceux-ci pou'faient la barbaxie jufqu'a me fr.:pper. On me lava enfuite , en-me jetanc dans un baffin ; puis je fus-livrée au Nc-gr; , qui m enftrma avec lui. J'étais-au-desefpoir • mais enfin , la foif de la vengeance a fuccédé a l'abbarement. J'ai-pris la résalutiort de poignarder i'abominable Nègre , &c d'atrendre la mort de Qui voudrait me la donner. J'ai-donc-diffimu'.é ; j'ai-feint de tomber dans une forte de ftupidité. Avec quelle Barbarie , dans eet état qu'ils croyaient réel, les infames Valets, m'ont-tourmentée , cutragée , jufqu'a me pouffer dans la marre de la-baffe-cour , d'oü je fortais couvertc de: fan ge & d'immondices ! O que la Valetaille eft une l&che Efpèce !,.., II eft vws,  Partie VIT. 1 que pour vendre aux Autres , fon temps , ion corps , fa volonté , il faut n'avoir plus d'ame ! On m'a-enfin négligéc dans cec état : la crafte dont j'étais couverte me rendait dégoutante , & fi quelque Marmiton , fur le récit de ce que j'avais-été , voulait encore m'outrag=r , je favais 1'écarter par une apparence de fureur. Je commencais a être fi-abandonnée de tout le monde , qu'a-peine me donnait-on de la nourriture : on mefaisait-couc'ner dans une loge, deftinée au gros Chien de-gard?, & oü je ne pouvais me tenir qu'affise. Cependant je guettais le Nègre , & fur - tout 1'Italien. Mais ce Dernier n'ayant-plus de vengeance a prendre d'une Imbécile , abandonne ma vie a la merci de fes Valets ; il ne parait plus. J'oubiiais un trait d'humi'iiation que j'effuyai; c'eft qu'un-jour, il me fit-fcrvir de jouet a toute ft Valetaiile , devant deux Filles cu-monde , qu'il avait fait-venir a cette maison de-campagne ; que ces deux Malheureuses me firent des infamies déteftables, &c que ma plume refuse d'écrire Je les gourmai de mon mieux : mais elles me le rendirent jufqu'a me laüfer pour morte. Ces fortes de Femmes font des bêtesféroces, plus-cruelles que le Porteur-d'eau , que le Nègre lui-même. C'eft dans Fétat d'abandon oü je fuis aprésent, enfermée dans une cour intérieure entourée de hautes murailles , que je vous eens, Je vais ta.her de guettsr par un ccilA 4  t Paysane pervertIe, de-bceuf qui eft dans le mur fur la campagne s plüs de vingt piéds de haut, quelque Laitière , k laquelle je ferai ramaflèr ma Lettre.. J'en-entens Une tous les jours ; mais je ne faurais lui parler; je retombe toujours, quand je veux mettre mon corps dans 1 embrasure : psut-être pourrai je lui jeter ma Lettre ; j'efpere, ou que cette Femme vous la portera & vous dira oü je fuis , ou tout aumoins qu'elle la fera-lire a Quelqu'un , & que la Police fera-inftruite.. Le poft-cript vous apprendra, fi je fuis vengée. Nota. II n'y ent point ie pojl-faipt; l'Infortunée nen-eut pas le temps. Elle jeta fa Lettre par l'ceiU de-bceuf, efpèce de trou rond , propre a pafTer un fusil pour tirer dans la campagne ; la Laitiere U, laraaffa ; mais elle la remit aux Gens-de-la-maison,  P A R T I I VII. 4 LETTRE CXXIX. ao décembre. Ze Même , a la Même. ( La pauvre Inforfnnée raconte ce qu'elle a-foufFerf depuis ; comment on l'a-mi9e dans un lieu-infame j. comment elle fen-eft-échappée , Si ce qu'elle eftdevenue enfuite,). Si mes deux Lettres, péniblement écritesa-vec un curedent trouvé par hasard , & taillé a 1'aide d'un mauvais-couteau, avaient-pui vous être remises , je ne ferais pas ici. Ah l fi vous m'aviez-oubliée , apprenez que je mer fuis encore plüs oubliée moi - même : On n'a pas de faibies paffions dans notre Familie , elles nous portent au bien ou au mal avec exces : lisez & frémiffez ! Je venais de paflèr- ma Lettre a la Laitière : je la vis , ou crus la voir fe baiffer.. Je m-'en-retournai a ma loge, agitée d'un commencement d'efpérance, pour y prendre un-peu de nourriture, refte des Chats& des Chiens , qu'on me donnait dans le même vase qu'a ces Animaux... (que la vengeance eft ingénieuse , longue & cruelie chés les Italiens!....) J'alais manger, lorfque le Nègre a - paru. Il était a - demi - ivre.- Il m'a-ordonné de venir a lui , du langage & dji ton dont on parle aux chiens. J'ai-fouri  '*© Paysane f e fi v ert ié,1 pour la première-fois, depuis mon malheur. Je luis fortie a-reculons, fiaivant mon ufage... Sa mam brutale m'a faifie, & m a-fait pouk fer un cri. —- Tu n'es pis grofTe , m'a-t-il d:t, en-empbyant le terme dont or fe fert pour les Animaux , Sc mon Miitre ne te veut pas mettre a la porte, que tu n'aies un Petit de moi; viens.,... ( jurant des mots infames). Je l'ai prié de me lacher : II ne m'a-répondu. q.j'en-me fefant le plus de mil qu'il a pu. Je me fuis-jetée fur lui. Loirr de f'effvayer , il m'attendait la poitrine découverte. J'ai - enfoncé un vieux co'uteau dans fon vilain cceur. L'Italien a-raifon: qurlle volupté , qu'une jufte vengeance! il a-encore-eu affés de force pour leretirer, & il l'a-lcvé pour m'en - frapper: mais fon bras a perdu le mouvement , avant qu'il ait -pu le ramener fur moi. J'ai-pouflë un cri-de-joie , en-voyant I'Infame tombé , &C fon fang bouillonner. Je 1'ai-laiffë mourir.... Comme la vengeance endurcic ! une gourte de fang me fesait- évanouir autrefois ! Je fuis done Italienne enfin ! Lonqu'il a-étéexp;ré, je 1'ai-traïné dans la marre durant la nuit ; parce-qu'en-emrant dans ma prifon , il avait-lailfé Ja porte-de-communicatnn ouverte , & je 1'ai-fixé au fond par des caillous, que la fange recouvrair. Après ce glorieus exploit, je fuis - venue laver fon fang , pour qu'il Hen - reftat pas de tracé, Sc je me fuis-renfermée moi-m:m* dans ma cour. Le lendemain, on anames : c ;r je ne faurais pius aimer, je ne faurais p! is. embr.iler avec plaisir qu'un Infame, qui, dégradé , flétri comme moi, n'a rien a me reprocher!..... eet Ami , ceft un Efpion ,. fouetté, marqné aux deux épaules; c'eft une ame balfe, bafte a 1'cxcès.... c'eft uit Laqulais de lltalCen , le même qui a-étéi«é dans Ia cour.... A ce mot, tu fnuW  Partie VII, 19 nes.... Va ! li tu ne te complais pas dans mon aviliflement, comme je my complais, tu n'es pas digne d'être mon Frère?... Mon Frère! eft-ce que j'ai un Fi ère, dec P.irens ?... Non, non, je n'en-ai plus... Avilis~:oi, ne voi que des Femmes de ma forte; foutidnsen Une, comme le fait ï mon ('gard le Laqutis, & bat -la , fi tu veux que je te revoie 1... Entï% me voila au plus-bas degré des Créatures humainej!.... Ce n'eft plus Urfule depuis longt-rmps , c/a-été Fntirne chés la-G>f*; Zaïre chés la-P** ; aujourd'hui , c'eft Trémoujjée chés la-M*** , oü je viens d'avoir 1'honneur d'être-adrtuTe . malgré mon age; ( car je fuis vieille; j'ai v^rgrdeux-ans ! ) j'ai-pris le nom de ma fidelle Femme de-charnbre, que ja voudrais fevoir! Laure eft avec moi; nous-nous-fesons des défis, & lorfque nous ne trouvons pasa fatiffaire nos goüts crapuleus ou nous fommes, nous fesons des excurlions ailleurs. Nous étions 1'autre jour, les complaifantes d'un Trucheur eftropié, & d'un lache Deserteur des Colonies , qui vient d'être pris & condamné a être-pendu; c'eft Lagouache: le vil Lagouache, ton dénonciateur (1) , m'a-trouvée, m'a-vue dans la fange, en-axi, voulait m'infulter ... Je 1'ai-fait-rougir de n'être pas aufii-vicieus que moi; il m'arefpedée a-force d'infamie : ainfi , les Bé- (1) Vovez les Lettres recouvre'es , Tom. IV iai  *o Paysane p ejv'ifttie) downs f'horiorent du giber.... Il a-été-pril dans mes bras:. on 1'a-renvoyé exécuter a ïile-d'Aix. Mon tempérament, eft-devenu une fa* teut; mon gout pour la crapule une rage; je yeux m'anéantir dans 1'infamie.... Ma main f'appesantit Pourquoi t'écrire 3 qu ai-je a te dire ?.... Ah !.... que j'avaisrt trouvé Laure & un Laquais, pour faire de 1'Une maGompagneehérie de débaü.he, & dé 1'autre mon Tyran : je veux être efclave, moi ! je veux,être par gout,-ce que litalien m'a-fait-être parforce, & me mettre audelTous du fort. Je veux-qu'il enrage de ne m'avoir-pas-abailTée autant que je m'abaiffe; qu'il en-crève de dépit;.. La tête me tourne!... C'eft: la joie d'avoir-retrouvé Laure,. & de venir dctre-battue par le vil Laquais du plus vil des Hommes .... Infortunée i j ai-perdu, les lumières de' 'la raison! mon imagination fe dérègle, &c force mes facultés; je fuccombe a 1'excès ( i ) Qui croirait que ce tableau frénétiq n'eftl pas outxe! ... 0„ dédaigne, dans la haute philosophie , detudier le cosur-humain par-tout • auffi le connait-on mal ; o„ jgnore k ^ ezcès.n f por ter. Je 1 ai-fu- moi ; riè 6- lachimatLjum. Cette connaiffance ferait très-utile a certains MmiT. trats , 5c fur- tout aur Ugiilateurs ; elle leur' donxait bien des lumieres , &-fèur ferait peut-èire décou™r les ventables lois coercitives a porter.-tous ces Malheureus ne ne font pas tncurablês en eux-mêmes' «wils le font b.en.förement par les moyers e»! ployes aujowd hui! {U£iheur.) 'uu'en* em-  Partie V I ï, Pi ïfe mes caprices... Urfule ! Urfule!... quitte tes vits noms L reprend celui d'Urfute.... Mais reprendras-tu ton innocence !... Non.,., non ! c'eft 1'impoffible. Le Plaftron d'ut^ Porteur d'eau, d'un Nègre, de la plus vile Canaille, des Scélérats , qui de fes br?s ont paffe a la. roue,. au- gibet, a la rame, ne faurait plus recouvrer un feul fentimenc d'eftime d'elle-même !,... Ah L que ne puisje effacer le paffe! Que n'eft-ce un fonge-, grand Dieu ! qu-1 plaisir j'aurais au réveil!.., Mais c'eft la réalité :. me voila... voila ma chair; la voila; je la touche,, je la fens, je fuis-éveillée; c'eft moi, moi qui écris, &c ne dors pas... c'eft. moi qui vient d êtrebattue, foulée-aux-piéds par un Laquais— fouteneur , a quï je n'af pas allés donnd d'argenr, pour aler le perdre au billard ; il m'a-arraché mon bonnet , il l'a-écrafef fous fes piéds Voila mon fein iiétri Voila mon orgueilleuse beauté ternie me voila pale, éxaillée, couverte*de rougeursr. de boutons, n'ayant plus dans mes veines. qu'un fang ardent, échauffé, corrompu...^ Oü eft le temps de mon innocence !....► Maudis fois-tu, chien d'Edmond ! je te maudis! maudite foir ta Parangon , &c fa paffion langoureufe; que 1'enfer la confonde, & fa Fanchette, & la-Canon, qui ne m'a - pas - affez - furveillée , affés - retenue , & mes- Parens,.qui m'ont-envoyée a ia Ville , qui ne m'ont pas-gardée chés eux, après mon viol!.... Ah chien de vil  PAVSANE RER vejt tje' Ie lendemain. ; J/j-cefTé d'écrire hiér, parce-que i'avaisecrase ma plume , & répandu mon encre Majheureufe! il n'y a plus de prrdon pour moi, jai-muidir, & mQn pè r Mere & mon Frère! La malédiction, je vais Ia verifier. ' P.-f. Japans que tu aim=s, & que w es-a.me d* la lolie Zéphire • cela me ranime & me confole ; c'eft une Fiile-dejoie ; elte ne rougira pas de ta Sceur i Adieu. Je n'écrirai plus  Partie VIT. r.$ LETTRE CXXIX. 15 rnari.. Laure, a Edmond. ( Peiuture du miférable état d'Urfule , Sc de CeSls' cfui écrit..) I L eft-a-craindre qu'Urfule ne fe tue, oir qu'elle ne fe fafTe-tuer. Depuis une Lettre qu'elle t'a écrite, elle nous óterair, fi éllë pouvoit, tous les Hommes qui viennent ici. Cependant, elle eft-ablolumrnt-gatée; je le lui ai-dit; mais elle ne m'écoute pas„. Piusieuis Horr.mes incommodés par elle font-furieus & 1'auraient-poignardée , ou. jetée par la fenêtre, fi on ne 1'avait-paseachée : ils doivent-faire enlever toute notre maison, a ce que m'a-dit un ancien Laquaisde lTtalien, qui eft efpion. Nous alons nous mettre en-füreté. Tu fais que la-M*** nous. a-renvoyée, comme trop-libertines pour fa maison. Nous fommes a-présent rue Beaurepaire, Sc nous alons-aler rue Ttquetone\. a un troisième, pour que Sofie (c'eft le nouveau nom de ta Sceur) foir moinsexposée a être trouvée & reconnue. Nousnous mettons dans nos meubies. Si tu peux nous aider, tu nous obligeras ; car nous. navons qu'ua mauyais lit, composé d'une  44' PAYS-AÏJE PFR VEir.TTï!7 paillaffe & d'un matelac dur comme un« pfanche. J'ai-rrop manqué a Gaudér, pour" avoir recours k lui. Tache de faire entendre raison k ta Sceur, f'il eff poffibie; Ou plutöt envoie-lui Zéphire: elle f'eft-éprise de cette Jeune-fille, & je fuis-fure qu'elle I'écoutera. Voila un trifte fort ! avec de fï grandes richeffes! une fi-belle perfpeótive!... Si ta Sceur était comme Une-autre, nous aurions recours au M-arquis: mais comme elle eft, je crois que tu en-mourrais de honte, f'il la voyart... Adieu. Je t'attens ce foir k i r heures, rue Tïquetone: envoiemoi fix - francs par le Porteur , fi ti* fes as» LETTRE  Partie VII, 2f LETTRE CXXXII. même jouri Réponfe. '{ L'Infortuné Edmond n'eft pas rnieux trae les deux Malheureuses.) J E fuis fnalade & pauvre : mais je vous envoie par ma Zéphire tou: ce que je pot 'fède. C eft une charmante &généreuse Fiile. Imitez-la : je ne veux pas vous donner d'autre modèle: même au ièin du hbertinage, 1'innocence, la candeur, font aimables encore : Zéphire me le prouve; & li je reviens un-jour de mon profond aviliflement, c'eft a Zéphire que je le devrai, T.-f. Quant a Gaudét, tu le crains; moi je le fuis'; Urfule le desire : Il ne fait pas encore toutes les horreurs qu'elle a-louffertes : ll les faura: mais f'intéreffe-t-on beaucoup a une Fille comme eft a-présent Urfule 2 Gaudét eft comme tous les autres Hommes; il aime le plaisir, & Celles qui peuvent le donner. Tome iy. Partie Vil, jg  3i6 P A Y S A N E PERVUTtE.' LETTRE CXXXIII. aj maU IT .R s u i e , a Edmond. ( Petit commencement de retour ; Hélas! que Ie vic* nous abaiffe!) J'AVAis-jeté mes plumes, brisé mon écritoire: je ne voulais plus écrire : une vérk table Proft n'écrit pas; elle a bien autre chofea faire !... Je recris aujourd'hui. J'aivu une Ange, j'ai-vu Zéphire. Il y a deux mois que tu me 1'envoyas, avec tout ton argent : elle y joignit tout le hen, & nous meubla. J'ai-travaillé le-plüs que j'ai-pu, & j'ai-rendu aujourd'hui a cette Ange célefte, qui refusait de recevoir, mais que j'ai forcée, en-lui-jurant que je Talais gourmer, G. elle ne recevait pas... Je lui en-ai-demandépardon enfuite, je me fuis-mife a fes genous, j'ai baisé fes belles mains (comme je les ai-eues!) mais avec modération, mon haleine & mes lèvres ne font pas pures. Que j'avais de plaisir a adorer la vertu dans ma Pareille! dans une Proftituée!... Mon cceur fe dilate; il bondit; je le fens bondir, ent'écrivant... Une Proftituée, m'offreTimage chérie, mais que je redoutais de voir dans,  Ïartie VII, if Toure-autre, de la modeftie dans la mise, dans les difcours , dans les actions! d'un cceur pur , pur comme fon haleine : d'une ame, grande, généreuse ( comme je 1'eus, nélas! ) d'un fourire aimable , enfantin , mignard , ( comme je 1'eus,) point défigu ré par le tiraillement de la rage, tel qu'eft aujourd'hui le-mien & celui de mes Com- pagnes..... Ah ! deux fources de larmes Je 11V v°is plus mes ieux fe fondent .... Oh ! oh ! mon pauvre cceur! mon pauvre cceur ?.... O mes Parens!.... Zéphire aime fa Mère Eh i quelle Mère ! 'Une Mère comme moi , une Infame!.,..! Zéphire , bonne , tendre fille , batue par elle, proftituée par elle , trompée , vendue par elle avant 1'age de onze ans, Zéphire dit , C'eft ma Mère : je he veux plus etre ce qu'elle veut que je fois; mais, fon chagrin me déchire le cceur • je donnerai ma vie pour elle, mais non ce qu'elle veut-. Et moi, qu'ai-je fait a la mienne, a la mienne,' Ir-bonne, fi-tendre, qui f'ótait le néceffaire, pour me donner le fuperflus; qui me portait dans fon vertueus cceur!... O ma Mère !... ó mon Père ! mon vénérable Père! Mon ! Ah mon Père.... Ah ! ces deux noms me dëchrrëht le cceur! Furies, laiiTèz-moi , dumoins écrire a mon Frère la douleur qui me déchire le cceur ! Furies , vous n'y perdrez rien ! Viens-me voir; mon cceurfattendrit; je* C x  iS Paysane pervertie.' t'écouterai.... viens; je péris : viens ; peutêtre fera-ce pour recevoir mon dernier fóupir. f II y a toute apparence rju'Edmond n'y ala pat: II la fuyait alors ; la vue de fon infortunée Soeur 1» déchirait de remords. ) LETTRE CXXXIV. 5 juia. E D MOND, d Z A U R E. { Le Corrupteur , après les avoir tous abbattus, eft encore debout!) Prépare ton cceur & ton courage, Laure! arme-toi d'eftronterie , fi tu Ie peux: ou plutot, viens modeftement te mettre aux genoux: de l'Ami le plus digne,& le feul qui nous refte. Gaudét eft arrivé. i P.-f. Je n'ajoute rien a ce mot : c'eft un coup - de - foudre. Préviens Urfule : encourage-Ia, fi tu n'es pas toi-même fan» courage. i P.-f. Il fait tout : 1'excès de fa fareur , ene proüye fon amitié 1 Dieu! qu'eile ëtak  Partie VIT. 15, grande & b 11e ! eile m'a-causé un mouvement d'honneur, le pr.mier , drpuis trois-ans (i) (') Voy. lome III, du Paysan, dans quel avililffe. «ent & dans quel abandon de lui - me me tl étak tombe. C 3 LETTRE GXXXV, 6 juin, Réponfe. (Laure apprécie enfin , &. le Corrupteur & le vice, mais il eft trop-tard ! Elle raconte fes folies.) s torts avec l'Ami font-ils de nature k être-pardonnés ? Je t'en-fais juge, Edmond; & d après ta réponfe , j'irai le voir, ou je le recevrai ; dans les deux cas , je ne veux point paraitre en-coupable : Je ne La luis pas, d'après fes maximes, & c'eft a luifeul qu'il doit Pen - prendre , s'il a-ététrompé. Quand je commencai d'être infiJelle, du temps d'Urfule , l'Ami, qui préférait fa polfeftion a la mienne , ferma les ieux, &c je m'accoutumai ainfi au vice ; car c'en-eft un que Ja proftitution: l'état de mon Amie, & celui qui me menace chaque jour , le prouvent fans replique. Lorfqu'Urfule futdifparue, que tu fus parti pour 1'Ang etterre,  -jo Paysane pervertie.' a la pourfuke du Porteur-d'eau, que 1'Italien y ayak-envoyé , fur quelques menaces ,. que les doutes de l'Ami lui avaient-fait lacher , depeur d'avoir ici ce Témoin contre lui, toutes les fcènesd'horreur qui fe fuccédaient me tinrent efFrayée. Cependant nous ignorions les plus cruelles! Le Porteurd'eau poignardé , toi, fauvé comme par mirake , de retour en-France , tu difpartis , foit pour te caher, foit par d'autres causes : mais tu n'avais rien a-craindre de iTralien j. ïl aurait lui-mème fait-poignarder le Porteurd'eau , qu'il n'osait-rendre aux fers, f'il n'avait- craint que tant d'atrocité ne fe découVriifent : Il nous fk-dire qu'il ne pourfuïvrait pas Edmond, qu'il excusair un Frère outragé, dont la Sceur était - avilie jufqu'a ce point. Le trouble causé par toutes ces. ïnfamies fe calma. L'Ami fut-obligé de faire un voyage a AuY*; je demeurai feule & ma maitreffe , ma Mère étant dèflors comme morte. Je me livrai a tous les égaremens„ qui avaient - perdu ta Sceur, & moi , ffbonne-confeillère du temps de Lagouache, -j'en-trouvai un Pareil, qui me ruina. Tour fut-confumé en - fix-mois. L'Ami, a qui je n'osais écrire ma position , devait bientóc revenir ; je vendis le refte des meubles, Sc fuivis mon indigne Amant dans un hotel garni, rue Tirechappe. Il ne me fit pas languir : dès le lendmain-matin de notre arrivée , tandis que je me livrais au fommeil „ dont il m'avak-exprèi-garanue durantla nuk,  Partie VIT. 31 il difparut avec tout mon argent, tous mes bijous, ne me laiffant que mes hardes , 8c les choses dont le poids Taurait - embarrafle: mais il fit main-baffe fur mes dentelles; il m'óra jufqu'a des boucles-d'oreilles que j'avais en-ce-moment, ainfi que celles de mes fouliers. Je m'éveillai, tandis qu'il dégarniifait mes oreilles; il m'embraffa , & me dit de dormir; que cela me blefl'ait. J'étais fans défiance , a-demi-affoupie , les rideaux tirés. Je me tint-tranquille, & il fortit. Cependant je réfléchiifais machinalemer.t aux boucles-d'oreilles qu'il venait de m'óter; je ne me rendormis qu'afles-mal, & aubout d'une heure, cette idéé m'étant revenue fortement, je fautai hors du lit. Je m'habillais a-la-hate, quand un Commifïïonnaire m'apporta une Lettre. Je cherchai ma bourfe, pour le payer. Je ne la trouvai pas. J'alai a ma malle; je Touvris : pas le fou ! Je brisai enfin le cachet, & je lus: Ma chère Femme : Ne t'inquiète pas de mon abfence d'une partie de la journée. Je fuis au jeu : j'ai perdu hiér ; mais j'efpère me ratrapper au- jourd'hui : J'ai-pris notre argent ; mais je t'en rendrai bon-compte cefoir. Ne le cherche pas. Comme je n'avais pas de monnoie, j'ai pris la tienne : tu n'a rien d dèpenfer aujourd'hui , fois tranquile. A ce foir. Le Cotnmijfwnnaire ejl payé. Je fus très-en colere, tout en-croyant que C4  "ijl PAVSANE FÏR7ERTII. c'était une vérité; je ne penfais qu'a Ia poffibilité d'une perte au jeu de tout ee que nous avions. Je me tranquilisai : je dinai feule, & il faktt, dès ce prjrmer repas demander crédit, qu'on me fit d alles mauvaise-grace. Dans 1'après-dinée, je voulus mettre quelque-chofe en-ordre de mes hardes: j'ouvris mes malles; plus de dentelles, plus de bijous I il ne reftait que mon linge êc mes robes! j'eus la bonhommie de croire qu'il avait-craint les revers du jeu, & qu'il f'était muni: mais je me promettais bien,, fi je pouvais r'avoir ce qui m'appartenait „. qu'il n'y roucherait plus! Je 1'atrendis pour fouper. Perfonne, Je mangeai quelques triftes reftes de mon diner, je me mis a Jire , en-attendant , jufqu'a fi-heures-dumatin, que je m'alfoupis. En-m'éveiilant„ 51 me fembla qu'un voile fc déchirait de devant mes ieux; je fentis que j'étaisdupée,, volée, abandonnée , fans reffources! Je fus. au-desefpoir... Cependant je me calmai „ fbngeant que fouvent les Joueurs paffent le jour & la nuit: mais ce retard était pour moi d'un mauvais-augure : j'imaginais qu'il avait perdu, & qu'il nWit revenir. Je fus toute la journée dans un état cruel. Vers.le foir, n'ayant-rien-pris, je fis vendre une de mes rob^s, qu'on donna pour une misère, quoiqu'elle fut trés-belle, & j'eus quelqu'argent. La nuit vint: j'étais a chaque inftant aux «coutes.; chaque Palfant me paraiffait Celui  Partie VII. 55' que j'attendais, & mon cceur battait a la marche de tous ceux que j'entendais fcus mes fenêtres: ils f'éioignaient, & j'étais audesefpoir. Enfin quatre jours f'écoulèrent. Je témoignai alors mes inquiétudes a mon Hötelie. Elle me dit , qu'il falait fairefaire des recherches. — Mais il a-emporté tout mon argent ! ■— Vous avez des effet:. , vendez. — On n'en - donne rien. — On fait ce qu'on peut dans votre paff--. 11 falut vendre , & en-peu-detemps, ruinée, accablée de chagrins & de honte, obligée d'.ivouer au Commiffaire, devant quï je portai plainre, que ce n'était pas mon mari, je me vis huée, & ne fachant oü me caclier. Dans cette fituation, il falait recourir a \'Ami. Je m'en-gardai bien ! c'était lui que je redoutais le-plüs. Mon Hoteffe, qui me voyait a la fin de mes reffources, me dit que puifque j'étais déja je n'avais qu'a Têtre davantage, fi je n'avais rien de mieux a faire. La honte, la colère, Tindignation contre moi-même , & contre les Autres, me fit fuivre ce confeil; je la priai de me lailfer ma chambre, & de m'adrefTer Quelqu'un. Elle m'envoya effeélivement un Marchand de la rue du-Roule, agé de cinquantecinq ans, un grand-fec-bourgeonné> qui m'ofTrit un louis par femaine. J'acceptai „ ne pouvant faire autrement. Mais bientot le dégout que me causa eet Homme , me le rendk infupportable. Je vendis fecrettemeni  ■ $4 Paysane pervertiê, tout ce qu'il m'avak-donné, je tirai de ka le plüs qu'il me fut polïible, ie me mis de mon mieux, & j'alai me promener au Talais-royal, dans les alées folitaires. J'y fusenfin-abordée par un Homme moins-laid que le Bourgeonné, mais environ du même age, qui me paria honnêtement d'abord , pour me fonder. Le voyant a-peu-près ce qu'il me falait pour 1'inftant, je ne ris pas la bégueule, je ris avec lui. Charmé de ma rencontre, il me fit des propofitions, que je recus mal, & dont il me demanda-pardon. II alait me quitter. Je le retins. — Vous etes un galant-homme, lui dis-je, & je ne veux pas vous tromper. Vous m'avez-prise pour une Fille : ce n'eft pas mon fort, grace au ciel: mais je puis me lier avec un Honhete-homme-... Le voyant interdit, j'ajoutai:— Je donnerai toutes les preuves poffibles de mon honnêteté : voyez; Je ne fiiisvenue ici que pour faire une Connailfance, dont j'ai-besoin: je la veux honnête; vous me convenez: ne laiftez pas échapper une occafion que vous ine retrouverez peut-être jamais... Ma beauté (a ce qu'il me dit) me rendjit perfuafive; il me répondit: Que (1 jetais eff-ctivement une Fille décente, Sc non une Coureufe, que je lui convenais parfaitement, Sc qu'il f'eftimerait heureus de m'être utile.Je lui fis alors mon hiftoire , a quelques dfguisemens-près. J'avais-eu trois Amans fucceififs, auquel j'avais-été fidelle: Le Premier était en- Amérique pour fes aftak  Partie VII. 3 ƒ fes, Sc ne m'écrivait pas: le Second m'avait-» abandonnée, fans me rien laiffer; & je net voulais pis du Troisième, qui n'avait én-» core ( disais-je,) rien obtenu de moi. Je pariais avec la candeur & la naïveté que tul meconnais; je fus-crue , & conduite dans la, rue du-Chantre, oü 1'Homme me montra un petit appartement trés- joli, que venaiff de quitter une Maïtreffè qu'il avait depuisdeux ans, laquelle était-entrée a \ Opéra , oü elle commencait a fe diftinguer. Je fusinfhllée fur-le-champ, les clefs me furentv remises : nos conventions furent trois louis par-femaine, fans les robes & les autres présens. Contente de ce qui m'aurait pariï bien-mefquin avant mes malheurs, je retournai chés moi, j'emportai dans un fiacre, qui m'attendait rue Béthisi, tout ce que ïa pus emporter, Sc je quittai chambre, Hóteffe, & vieux Bourgeonné, pour ne les plus revoir, li je pouvois, Mon nouvel Amant vint fouper avec moi^ Sc débuta par quelques présens. J'ai-vécuE avec lui afTez tranquille, quoique je le trompaffe prefque tous les jours. Je me mis $ faire des parties avec mes Voisines , chés des Abbelfes célebres, a un louis par-foirée, J'amaffai ainfi quelqu'argent, car je fuis naturellement ménagère. Un-jour (le plus malheureus de ma vie, après celui oü j'aiquitté l'Ami), j'alai chez la-G** (oü était». dors enfermée Urfule a mon infu ): nous éüons quatre Femmes. J'y trouvai trois  I* Patsane rjxtiftTi;, Hommes; on attendiit Ic Quatrième. ïl arnva, JugS de tm cor.fusion & de mon cmbarras, qtiind je vis pmirre dans ce quatnèm: Conv:v:- mon Mirchmd bourgeonné de b me <*/ 7?Wf / j- Crois qu'il «e venait pas au h.»sari, & qu'il m'avaitapL-r?ue dtns cette maison. li fe félicica ïroniquemsnt du bonheur de me retrouver, & il vanta mes charmes a Celui qui m'avaitchoifie. J'en-fus quitte pour cela en-cemoment. La joie règna; on foupa; on fe divenit, & je ne fis pas la prude, moi qui i avais-toujours faite avec 1'Homme bourgeonné. On fe fépara vers ie matin, & je pris un fiacre, a qui je me gardai-bien de ™?m.e.r ™a m£ ! )e le fis aler au Marais, cc de-la ches moi. Mais en-defcendant de ma voiture, je n'en-apercus pas moins le malheureus Bourgeonné. Je me promis bien de demander a déménager dès le jour même, lous prétexte que j'avais-été-vue de Quelqu'un de ma familie. Je n'en-eus pas le temps. Le Bourgeonné fe tint aux-environs de ma porte, fans la perdre-de-vue, & dès qu'on entrait, il venait voir fi c'était chés moi. Il eut la patience d'attendre jufqu'a deux heures, que mon Amant parut. Il le vit entrer. Un inftant après, il fonna, Sc me demanda. Ma Domeftique répondit que j etais en-affaires. — Je le fais, reprit-il ; je fuis 1'Intendant du Monfieur qui eft Ia, & je voudrais lui dire un mot-. La Sote vint avertir mon Amant que fon Intendant  Partie VII. Ie demandair. Il fortit, & ala-p?rler au Bourgeonné , qui Teniretint quelque-temps a-l'oreille, lui repréfentant fan -doute, combien il f'cxpofait avec moi, d'après les parties que je me permettais. Il ofFrit de me confbndre, & de le convaincre par lui-même. Mon Amart accepta le dernier parti , & reritra auprès de moi. J'apercns quelqu'altération fur fon visage. Je lui demandai, f il ; ayait-recu quelque mauvaife-nouvelle ? Il : repondit que oui; mais que c'était une ba; gatellle, & qu'il verrait li le mal était comme i on le disair. Le foir, Ia-G** me fit encore deman|der. Je refufai. Plusieurs femaines de-fuite ; je tins-ftrme. Enfin , au-bout de plus d'un imois , j'oubliai peu-a-peu ma rencontre, i.& j'alai chez la-G**; mais j'exigeai pour icondition, que je verrais lc-s Hommes de lla partie a faire avant que d'entrer. Elle y tconfentit, & a la pr< mitre occafion , je me irendis a fes offres. J'arrivai bien-voilée. Je defcendis en-fesant raser la porte par mon Fiacre, & j'entrai. Mais avant de me montrer oü j'étais attendue, je r ppelai a la-G** la convention. Elle me fit-envifager les lAéteurs: Un des quatre était mon Amant, ,& un-autre le Bourgeonné. Je reculai vive'ment, & je dis a a-G**, que j'ai is lui senvcyer a ma place une de mes Bonnesamies. Je retoumai pr ompremenrt chés moi, & je me ful ftituai une petite- ri!'e-demodes, de chés la Duo*, qui était très-jolie.  5$ Paysane pervertie, Cependant on m'attendait avec impatience. _ Quand la petite Adelaïdè entra , tous les ieux fe portèrent vers la porte. On appela auflitót la G**. — Mais ce n'eft pasla ce que nous attendions? — Pardonnez; .c'eft ce que je vous ai-promis , elle eft charmante; cela eft neuf; ceft du joli Sc da bon. Mais nous attendions cette Autre ( dit le Bourgonné), qui a Tceil fi fripon; ia, Celle qui porte fa tête avec tant de graces, & qui avait une robe de mouflel;ne, lorfque je vins ici la dernière-fois ? ~ Je ne me rappèle pas cela : Voila ce que j'ai de mieux, & je n'en-conmis pas d'Autres.— Le Bourgeonné fut-confondu. Cependant la partie le fit. Le lendemain, mon Amant, qui m'avait Toujours battu-froid depuis fon enrretien avec le Bourgeonné, me paria d'un air plusouvert:; il me proposa la promenade, & me fjr-delcendre chés la-G**. Il ne me fut pas oifficile de comprendre fon deifein. Je ne lailfai-voir auqu'une furprise ; je defcendis avec lui, & j'eus la plus-grande attention a ne pas faire un pas qu'il ne me guidat. II me préfenta a la-G** Je ne fis pas le moindre gefte, le moindre coup-d'ccil; je la falaai froidément Sc cérémonieufement: elle en fit de-même, & pendant une vifite de plüs d'une heure, il ne nous échappa Tien. Mon Amant me ramena, Sc arrivé a Ia maifon, il fe jeta a mes genous, me découvrit fes foupcons., Sc m'en-demanda-- ~  ¥*ARTIE VII, pardon. Je verfai des larmes, & je Iuï pardonnai cependant de fort-bonne-grace Me voila done un-peu rafhVe. Je m'obieryai loigneufement, & ayant-découvert Chés une de mes Amies, un pafTage par fa maison d'une rue a 1'autre, je profitai de cette decouverte pour aler chés elle, n'y reiter qu'un inftant, & me rendre de-la voilee ches la-G**, ou ailleurs. Cette vie dura trois-mois. Mais le coup de-foudre le Plus funefte m'attendait, A-force de m'obJerver, je m'oubliai une feule-fois, & cette tois me perdit. J'alai-voir la-M***, chés qui je n'avais pas encore mis le piéd : elle mavait-demandée fur ma réputation de mignardife. J'étais bien-aife de faire fa con. naiilance; je me rendis chés elle, en-paffant jieanmoins par Ia maison de mon Amie. Le iiasard voulut que lorfque j'entrai dans ma Drouette, parfaitement voilée, la fineffe de nu taille frappat un Hcmme bien-mis, qui paliait, & qui le dit a Un autre; eet Autre etait mon Amant. Les deux Hommes fuivirent la brouette, jufque chés la-M*** Comme je n'étais pas-fortie de chés moi je n etais - pas - foupconnée. Je fis-raser la porte, & je m'élancai dans la maison. Les deux Hommes ne virent que peu de chose de ma taille. Mais leur curiofité était-exci,' tee : J'avais aux ieux du Premier ce charme du premier Objet qui nous plait dans le jour, charme toujours ü-pwtfmx, qu'il een, ?uple la valeur d'une Femme , & qu'm,  ifo Paysane" pirv irtie.' Homme q'ii pourrait avoir ainiï toures Celles qui le frappenr de cette manière, éprouverait une volupté, finon abfo'ument inconnue, du-moins très-rare. lis enrrèient, 8c demandèrent a (e c hoisir une Compagne, pour pafler agréablement une heure de temps. Je venais d'entrer dans le falon de la-M**¥, Sc on me donnait une clef, pour aler me renfermer, lorfqu'en-touriiant la première marche, je me trouvai en-face de mon Amant. Je voulus fuir, & me hater de monter. 11 me retint par le bras : — Je vous y trouve-! Il ne dit que ce mot. Et appelant la-M*** : — Vous pouvez garder Mademoiselle ici, puifque vetre maison lui plaït; car elle n'en-trouverait pas d'autre a fon retour-. Il me falua ironiquement, Sc partit feul, en-difant a fon Ami: — Tu peux t'amuser; voila une Fille-, Je reftai confondue , & mes larmes coulerent. LaMw lui dit, qu'elle ne voulait pas de moi, (i j'étais honnête-fille , Sc qu'elle alait me prier de forrir de chés elle fur-le-champ, L'Ami me confola. Je tachai de le toucher par une faufle confidence: je luf fis quelques aveus, que je morivai comme je pus, Sc je le priai de me prendre, lui jurant une fidélité a toute épreuve. Je lui avais trop-plu, pour qu'il me refjsar : 11 m'emmena chés lui, car il était garfon; &c la , après m'avoir-raifurée, Sc promis un fort comme celui que me faisait fon Ami , il ajouta : «— Mais prenez garde ! je ne yous  Partie VII, 4r irous quitccrais que pour vous faire-mettre a l'Hópital-! j'abrége ce récir. Je ie trompaï au-bout dun an, une feule-fois, que je le croyais en-campagne : II le fut, & le même foir, je fus conduite a Saint-Martin. C etait un ifud'- .Le lendemain, je fubis la honte d'être jugée en public avec les autres Malheureuses, & je fus conduite a la Salpétrière. J'y-reftai trois-mois. En-en-fortant, je retoürnai chés la-M***, qui me fit-guérir d'une maladie de la peau, & on me coupa les cheveux. Je n'avais abfolument pas le fou : lorfque je fus-guérie , elle ne me trouva plus-digne de fa maifpn ; elle me renvoya; J'aiai dans un tndroit oü je trom, vai Urfule, avec laquelle je retournai chés la-M***, qui nous recut a-caufe de Ia lepuration de ta Sceur, & qui nous garda nx-mois.. Tu fais le refte, Edmond : voila ma vie, en-y-ajoutant, que je aujourd'hui les laflans, & que j'ai peutêtre Fincommodité de ta Sceur. Puis-je paraïtie devant l'Ami? Parle ? Ta réponfe fera ma bi; je m'inter, dirar le raisonnement. Tom& JF,. Partie F Ui ©  4i Paysane hrvutü.1 LETTRE CXXXVI. ' 7 mat» G au d e t , a Laure. (Le Séducteur profanait la fainte amitié , en-Is-'reflentant comme il ne méritait pas de la rtffantkf. 11 donne trop tard des maximes de retentie. ) C^'est moi qui vous répons: J'ai-lu votre Lettre. Vous avez-eu tort de me fuir, Laure; & fi ce tort n'était pas Torigine de tout ce que vous avez-fouffert, de tout le dommage que vous-vous-êtts caufé a vous-même, je vous le pardonnerais aifément ! mais comment voulez-vous que je vous gat* Ce qu'on ne peut faire. I, Il n'eft pas d'aétions défendues abfalument: celles qui paraiffent les plus-cri— mii^ lies, font qu.lquefois permises, ci'après les circïnftances : l'affacinat, le meurtre, le viol, Tincendie , le poifon , le vol, la fraude , le pil 1 - ge : Si vous ne diftinguez pas, & que vous affaciniez, que vous tuiez, que you< forciez la pudicité, que vous mettiez le-feu, que vous empoisonniez , que vous vo'.itz, que vous fraudiez, que vous pilliez,. vous fertz punï p.ir les lois, & en-horreur au. Gtnre-humain,.  Partie VII. 4$ donne le mal que vous avez-fait a mon Amie , a ma Compagne, a Celle que je regardais comme Une autre moi-même > Infenfée! comment veux-tu que je te pardonne!... a moins que je n'efpère réparer tout le mal que tu t'es fait!... Va, ce n'eft ni ta beauté, ni ta vertu, ni tcs mceurs, que j'ai-aimées, c'eft toi; & tu me reftes !..« viens, non dans les bras d'un Amant jamais! jamais!... viens renaitre dans le fein d'un Ami! connais-moi, toi qui m'as quitté, qui m'as redouté, compare-moi aux autres. Hommes, & donne-moi un nom, fi tu peux; le trouver! P.-f. Lifez le papier ci-inctus, Laure , Sc montrez-le a votre Coufine. ( On voit que Gaudét ne fait comment f'yprendre , pour repaier le mal qu'a-fait fafauSfi doclrine ; & ceci eft beaucoup-plus en-faveur des maurs , que le plus beau Traité-de- morale. )j Ce qu'on peut faire. I , II efl permis d'ajfaciner d la guerre 's c'efl-d dire de. guetter nommément un Ennemi , & de les coucher par- terre d'uncoup-defufil, de piflolet, de fabre , d'épée , de poignard: On tue licitement , en-fe battant dans la mêlee : On peut viokr , fi le Général quï met la Ville au pillage , l'ordonne ; 1'in famie retombe fur lui : On peut incendier a la guerre, on le doit quelquefois ; On peut e/u.-. D *  j|4 Paysane i> e r v e r t r e." II, Chaqu'un eft maïtre de fon corps :mais en-abufer,, au-point de fe perdre fotmême moralement & physiquement, eft un crime contre la Nature & contre la Société: La Nature nous punit par les maux physiqs, tels que les maladies: La Société, a laquelle nous-nous-fommes rendus inutiles., jious fiétrit, nous rejète de fon fein, nous couvre d'opprobres,. d'iufamies: Je ne vois. pas du-tout qu'elle ait-tort; 8c c'eft une très-fauffe philofophie, que de prétendre fe mettre audeftus du deshonneur foeial; il eft un mal réel, un mal qui a les conféquences les plus-férieufes: Vousdites, dans une Lettre que j'ai-vue, que je vous-ai-öté tout frein : je ne vous ai pas öté celui-la; tout-aucontraire ; je vous ai-toujours-dit qu'Epicure ne violait pas les lois de fon pays. J'ai-penfé , en-vous-parlant, que je pariais a des Etres raisonnables, auxquels il ïuffisait de dire, la raison, la réciprocïtêne veulent pas cela: La Raison , c'eft Dieu:. la Reciprocité, c'eft la Société: tous-les-deux punifLnt 1'un pour Tautre. III-, On n'eft pas obligé dë croire telle ou telle Reiigion ; mais li on brave impudemment toute efpèce de Reiigion devant le monde, il en-résulte de grands maux : i , On fcandalise, on bleife cruellement Ceiix qui croient une Reiigion quelconquej' on Ls anime contre foi; on leur infpire le dtstr de nous faire du mal: t, Comme les €|ens non-mftruitsqui ont-besoin du freirj  Partie VI f. +f 'poisonner les vivres d'une Garnifon opinidtre t On vole, on pille , on trompa légitimement fur mer & fur terra , pendant eet horrible fiéau , qui ne 1'eft que par le mal qu'il autorise. U,Certainement il eft-permis d une Femme r d un Homme d'ufer de fes facultès , pour le plaisir , en-fe tenant dans les bomes de la raison : Les aclions naturelles ne fauraient itre un crime contre la nature , quoique les. Hommes aient-pu convenir entr'eux , qu'il ne ferait-permis def'y livrer qu'en-telles & telles, circonftances: C'eft-pour quoi, dans le tas ou la conventien-fociale gênerait la liberté naturelle /e crois permis de fe cacher pour fe fatisfaire 3. & pour éviter le deshonneur ; d condition qu'on n'outragera pas la nature : Car alors , Jt les pemes phyfiques venaient a déceler la vio~ lation de la loi fociale, on fouffrirait égale* ment & la peine que la Société imposera , & celle de la Nature : or c'eft une folie que deƒ y expofer^ Si done une Fille fait un Enfant , qu'elle Je cache : mais fi on vient i lefavoir , qu'elle f'en-fajfe- honneur , comme d une aclion naturelle , & qu'elle ea-tire la preuve qu'elle n'eft pas une libertine. Car l cftime publique nous eft nécejfaire , & quand elle nous échappera d'un cóté, il faut tdcher de la ratrapper de l'autre. III. 11 fuffit de ne pas fcandaliser , & de ne pas contribuer d óter aux Ignorans un. frein neceffaire : notre croyance ne peut jamais être-opposée d nos lumières : mais jefoutiens, auz. la croyance chrétienne eg  4t5 Paysane pervertie.' de la Reiigion, font en très-grand-nombrej il airive de-la , qu'on comribue a les rendre nuisibles a la Société: D'oü ilfuit, qu'on eft réellement coupable par cela feul: On ne peut done, a cause du fcandale Sc du danger, manquer a f'acquitter des devoirs publiqs de la Reiigion. IV, Rien ne nous force a faire du bien aux Autres: la Nature, a-lavérité, nous a-donné la compaffion; mais 1'intérêt perfonnel que nous tenons d'elle, eft beaucoup plus-fort, & il nous eft-impoffible de ne pas en-fuivre 1'impulfion : Mais ne leur fesons; jamais de mal, quoiqu'il fe présente un grand bien personel a notre égard, par une raison dictée par le bon-fens & par 1 equité; le bon-fens nous enfeigne, que tout ce que nous frsons , peut nous être-fait: Téquité nous dit qu'un mal fut a Autrui blefle 1'Ordreéternel, qui eft Dieu; & cette voix, qui fe rail-erttendre au fond de norre cceur, êc qu'on nom me confcier.ee , eft celle de 1'Ordre éternel, dont elle aftefte t'exiftance contre t tus le be ux raironnemens des prétendus Athées, qui ne le font pas plufque m >i eu ce mom nt. Il faut écouter cette voix; fans quoi la peine de la violatron fera prompte, füt-on revêtu de la puiflance foiiveiaine. Préjugés a refpecler. I, les Diables. Il eft certain , quoiqu'on en-dife, que ceft une faufleté» que leur  Partie VIT. 47. Jorme aux lumieres, & qu'il n'eft rien de fiaife que de modeier fa conduite fur cette croyance , qui confifie , d aimer fes Semb'ables, a leur faire du bien, d - rendre d VEtre* principe l'hommage filial de notre exiftance , a regarder Jefus-Chrift comme la plus-pure emanation de Dieu , eu-égard au bien que fa doclrine a-fait aux Hommes. IV. Nous ferons toujours du bien aux~ Autres : paree qu'il en-refultera pour nous: une Jureté d'exiftance , qui eft le plus-grand des piaifirs : ce bien nous fera - rendu par les Autres ■ nous jouirons d'un fentiment delicieus , celui d'en-être ai més , fur - tout , fi nous fesons le bien desintéreffément, & fans bief Lr l'orgueil de nos Obligés : notre réputation de bienfesance , ou de bienveuillance J (car l'une égale l'autre , lorfqu'on manque de pouvoir ) n'en-fera pas moins-étendue , & elle en-fera beaucoup-plus-pure : tout ce que Voftentation ote au fecret , eile l'ote d notre réputauoti , pour le donner d l'ingratitude, Cetui qui fait du mal aux Autres, eft un Pou, qui , de gaité de cceur , s'exposé fous: une maifon que des Maffons démoliffent» Paf ons aux Préjugés a-refpeder. I, Mais combien n'a-t-elle pas retenu de Scélérats ! Je me rappelle que dans ma jeunejfe , aux veillées , on m'en faisait des; contes , qui excitalent en-moi un friffonnement falutaire , qui m'a-éloigné de mUt  4* Paysane pervertie.' exiftance; que leur croyance peut produirfi du mal; qu'elle cause des frayeurs trèsdouloureuses aux Ames honnêtes & timolées; qu'elle a empoisonné les derniers momens d'une foule de malheureus Moribonds. II, Celle des Anges n'eft pas a-beaucoup prés auiïiutile, ni auffi dangereuse. III , Celle des Révenaas eft mofnsefTrayante que celle des Diables; mais elle 1'eft beaucoup! Il faudrait la rectifier a la ' chinoise; en-bannir ce qu'elle a d'effrayant, & la rendre un fujet de conlolation. IV, Les Médecins guériffent de très-peu de maladïes, & tuent beaucoup de monde: il femble qu'il les faudrait anéantir, comme dangereus , comme nuilibles au Genrehumain ï V, Les Rêves: C'eft une vraie fuperftition , & jamais les fonges n'ont rien-fignifié: C'eft un efF.t de ce qu'on a, ou vu, ou entendu, ou fenti, ou penfé , ou une combinaison monftrueufe de tout cela, opérée par les organes matériels de la penfée durant k fommeil : Rarement les rêves ont pour objrt ce qui nous arrivé aótueilement , quoique cela nous afTecte beaucoup'; ils ne nous retracent le plus-ordinairement que les; chofes éloignées, & dont le fouvenir commence a f'effacer. La manier-de-rêver n'eft pas la même pour tous les Hommes,, il en eft dont les rêves font agréables 8c fcges, d'autres dont les rêves font^fous; enfin. aclions. „  Partie VII. 49 sclhns , non-feulement injuftes , mals préju* dicibles a ma fanté, II, Cependant , combien de Yoyageurs effrayés eile a - rajjhrés ; combien de Soldats chrêtiens elle a-rafennis lorfqu''ils étaient le* plus exposés ! III, Par ce moyen , elle ferait trïs-utile ! elle entretiendrait les Enfans dans la fou* mijfwn d leurs Parens , & Ceux-ci dnns la tendrejfe paternelle & maternelle, I V , Non „• Combien de Malades la confiance au Médecia tranquilise fur leur état , 6" qui guérijfent natureliement au-moyen de cette précieuse tranquilité, que les Aaimaux ont fans Médecins. V , Comme les Songes font tris - fouvent relatifs aux choses qui nous ont-fortementoccupés , il peut arrivei , & il eft quelquefoisarrivé , que 1'Homme endormi qui les a, peut fortuitement penfer qudque - chofe de très-utile , dont la fageffe l'étonne d fon réveil : mais j'ai ■ remarqué que les choses revees , crues faciles , étaient toujours réformables d l'exécution, V I , Les prétendus abus de la Reiigion foat devenus néceffaires avec le changement des ces circonflances : Par-exemple , il n'eft Perfonne qui , l'évangile a la main , ne condamne la repréfentation , le cérémonial introduit dans la Religiën , & Jur-tout les richeffes : Cependant , fi l'oti fait-attention que la Reiigion ckretienne , par-exemple , fimple , républiquaine dans fon origine , eft-devenue Tome IV. Partie. VU. E  ƒ» Paysane pervertie le meme Homme a des fonges tantöt fages^ tantöt fous. VI. Je ne mets pas la Reiigion au rang des préjugés: mais il y a dei préjugés dans la Reiigion, qui paraifTent très-préjud:ciables au bonheur du Genre-humain: j'aipenfé quelquefois a en-faire un plan deréformation, que dans ma jeuneffe je croyais d'une fageffe confomm=e : heureufement que j'ai-différé de le publier ! Les Prêtres font riches, aulieu d'être pauvres: ils ne préfentent que de Toftentation dans le culte, aulieu d'adorer en-efprit & en-vérité : ils font acharitables, vindicatifs, impérieus; ils négligent d'obferver toures les maximes du Légjflateur, au-point de fiire précifément le contraire de ce qu'il prefcrit, &c* (N.a Ceci n'eft pas la faute des Prêtres, qui font toujours ce que le Gouvernement veut qu'ils foient ; mais celle des Légiflateurs civils , qui ont-envifagé la Reiigion fous un-pointde vue différent du véritable. Ainfi, routesles-fois que les Philofophes déclament contre les Prêtres, c'eft qu'il faut un mot, pour fe f lire-entendre: les Prêtres ne font pas pluscöüpables des abus de la Reiigion, que les autres Citoyens. Ils recoivent, comme eux, de 1'éducation, tous les préjugés dangereus fur leurs prér igatives, & ils les foutiennent par intérêt-perfonnel : mais que la So~iété règle une-fois ces prérogatives, & le Prêtre, qui tft notre fils, notre frere, fera ce qu'on Youdra qu'ii foit.  Partie VIT. fi fa Reiigion des Monarchies ; fi l'on confidire , qu'elle eft-devenue loi conftitution des Etats , objet de la vénération publique , frein des Méchans , efpérance & confolation. des Bons , on fintira qu'il lui a-falu de l'appar ei l , de la majefié, aulieu de fon humilitê, de fon obfcurité premières. II n'y a qu'u*. feul point de'réforme d exécuter aujourd'hui , c'ejl le choix Jëvère des Minifires , la puretê de leurs maurs ; il faut augmenter leur confidération , aulieu de ta diminuer : mais tl faut qu'ils foient toute-humilité, douceur, ■charité, que jamais ils ne plaident : II faut que Celui qui , étant - entré dans eet état Jamt , n'en-pourra foutenir la pureté , ait la liberté d'en-fortir , & de redevenir profane , C'eft le feul moyen de maintenir la pureté dans un Etat fpécialement établi pour infpeder les moeurs. VII, Que ces occupations étant faciles , dies ne font - exercées que par les lncapables ; tous les autres Citoyens f'en-é.loignent , & f'ébhent par l'émulation aux choses fulltimes. VIII, Mais il maintient l'ordre , dans la fociété civile , oü il eft impojfble que les Citoyens foient tous fous ia même chose. IX, Rien de plus fage qu^ cette prohibition , dans tous fes eftèts : Elie a-fait naitre la pudeur , fentiment fi-utile , qu'il eft le charme de l'amour : £lk a- empéché que parmi les Hommes , xhe^ qui l'imaginaüon eft-facile d dérégler, l'incontinence n'anéanlit k. x  'f z Paysane p e r v e r. t i ï." le Genre-humain : El/e a-fortifié l'attachement des Hommes pour les Femmes , celui des Femmes pour les Hommes VII, Les ocupations bajfes, quoiqu'utiles , font méprifées : qu'en-résulte-t-il ? VIII, Le pré ju gé de la différence des conditions, eft-contraire a la raison, a la Reiigion : IX, Pourquoi une Femme ne recoit-elle pas tous les Hommes ? Ce qui eft permis avecl Un, ne peut-êtredéfcndu avec TAutre: c'eft un préjugé } Je m' rrête ici: Tout ce que vous nomm'Z préjugés, depuis que votre conduite vous a-fait craindre Ie mépris de vos Semblabks, ma chère Laure, peut également fe juftifier: pour réforrmr les abus, il faudrait avoir des moyens affurés, d'empêcher que les nouveaux usages n'en fiffent pas naïtre de plusdang reus (i), Urfule & Vous m'avez-convaincu d'une grand- vérité! C'eft qu'il faut des lumières peu-communes, un efprit anffi rare que jufte , pour ne pas avoir besoin de préjugés, de loi, de frein. Urfule f'eft perdue; je la regrette a proportion, de ce qu'elle pouvait monter plus-haut, avec fes charmes , fes graces, fes talens. Je ne doute pas que je n'en fuffe venu-a-bout, fans l'Italien. Je me ( i ) Gaudét , comme on 1'a dit, tache ici de rép». rer le mal qu'il a-fait , mais a fa manière: iln'osej pvt. ne veut pas le dementir tout-a-fait.  Partii VII, fi, fuis-déja-vengé des Joueurs qui Tont hum.liée ; je les ai-découverts, ils font-pris tous quatre, öc vönt partir pour les Ga'èresf, aufqu lies j'ai-rrouvé-moyen de les fairecondamner, eu-föuiilarltdans la fentine de leur vie paffee. J'ai-eu foiu qu'ils fuffenr> inftruits de la cn.use de leur malheur. Edmond a-puni f lib'ement le Porteur-d'eau, en f'exposant lui-même; tandis que moi, je IVuffe.fait-rompre fans m'expoftr. JelaifTe la-G**: parct-q.ie fans eile, Urfule n'exifterait plus: elle avait des ordres pour cela , qu'elle n'a-pas-?xécutés : D'.tilleurs, je fats que c'eft i xprè qu'elle a laiffé Urfule fechapper: elle avait-mis de Targent h fa portee, que Tinfortunée n'a-pas-oris ; grace pyaz elle, en-conféquence. Mais tout le refte ferapuni! La vengeance eft-ici un aóte-de-jufticej & comme les Hommes ne me la donneraient pas, je la prendrai. Je veux qu'elle faffefrémir Urfule elle-même. Je me fuis-emparé, a-force d'argenr, de toute la Car.aille qui 1'a-infulrée: la leclrure de fa Rdaüon m'arendu-furieus , & j'ai-eu-foin ae faire prendre tous ces Gens-:a; les uns pour vol domeftiq, que j'ai-découvert, ont-été-pendus; les Autres, pour différens fujets, ont été foit aux Galères, foit a Bicétre, d'oü j'auraifoin qu'ils ne fortent pas de fitöt. Tout-cela fait, que c'eft Urfule qu'on-venge. Refte ie Plus-coupable ! Mais la vengeance eft-elle légitime; c'eft une queftion que je me fuis-faite mille-foia  ƒ+ Paysane pertertie. depuis que je 1'exerce. Oui, en-tant que paffion naturelle, qui repouffe 1'outrage. Cependant Ie pardon eft préférable , & fi j'étais 1'Outragé, 1'euffé-je-été (ce qui eft ï'impoffible), au même degré qu'Urfule , je pardonnerais : Mais mon Amie ! la Sceur d'Edmond! la Cousine de Laure ! une Fille que j'ai-preffée dans mes bras Il faut qu'elle foit-vengée : la générosité de ma part ferait lacheté, indifférence, infeniibilité , baflefle, atrocité... Italien I lache & fot ©ppreffeur, qui me connaiffais, & qui asourragé a ce point une Fille qui m'intéieffait a tant de titres, quel nuage affreus de malheurs tu as-formé fur ta tête !... Le plan de? la vengeance eft tracé, & il fera digne de 1'outrage. Confole Urfule, Laure : dis lui qu'elle fe relève de fon abaiffement : apprens-lui combien de victimes lui font immolées déjai dis-lui que je lui en-réserve une digne d'Elle: Elle eft-marquée; depuis deux jours, je fais que fon Perfécuteur a une Fille, jeune, belle, innocente, reftée chés lui fous la; garde d'une Duègne incorruptible. Mais eneft-il, quand on les attaque avec affés d'argent?... Je fuis riche , & je n'épargneraï rien. Urfule vengée, 1'ordre rétabïi, fera content enfin, Votre Ami, a toutes-deux, Gaudét. F'.-f. Je réfléchis quelquefois fur la conduite d'Edmond : Mon Ami eft , je crois ,  Partie VII. 1'Homme par-excellence : Quel Erre , que ce Gailon i quel mélange de peciteflè & de grandeur ! Hapenot le libraire vient de me montrer une de fes lettres (i) j elle eft d'un Héros. Huit-jours apres, il f'engage comme un policon. Il deserte; on le prend ; il fe croit condamné: C'eft ici oü je 1'admire, oü je me-mettrais agencus devant lui; je n'-aurais-pas-défié la mort plus-courageusement, moi qui la méprise, comme le fait tout Homme doué de raison. (a) La ccly.me du Paysan, Tome IV, aux Lettres recouvre'es. N.a Les vu Lettres fuivantes montrent a quel point Gaudét était implacable, terrible, èc Ami d'Edmond. *4  j£ Paysane pervertif. LETTRE CXXXVII. 30 Juia» Gaudét, d Edmond. (Dieu punit les Scélérats let Uns par les Autres.) 7 I fèrne l'injurc , moijfonnera ta vengeance: Ta Sceur Sc toi, vous êtes vengésdu Vieillard Italien : eonnais mon araitié , par 1'excès du mal que je lui ai-fait. Tand.squetu m- croyais a Au**, j.'étais en-Italie; j étais a *** : on me renvoyaic tes Lettres. J'ai-depenle les trois-quarts de mon bien, pour réuffir : mais j'ai-réufn* , Sc je ne regrette rien : le crime était tropodieus, pour ne pas être puni. J'ai-fu a Paris, que le Monftre avait dans fa Ville une Fille unique, charmante, agée de feize-ans. Taidirigé toute ma conduite fur cette connaiffance: Je fuis-parti, je fuis-arrivé; j'ai-vu la Duèg-ie le même foir, comme fi j'eulTeété dépêché par fon Patron: j'ai-attaqué fa fidélité: elle m'a-d'abord-paru incorruptible: j'ai-prodigué l'or, l'or ouvrit la tour de Danaé; la Vieille a-cédé enfin: j'ai-eu la preuve encor une-fois du mot de Jugurtha; O Fitte vénak, tu feras a qui pour ra te  Partie VII. fj payer. La Jeune - perfine m'a-été-livrée. Non content de lui-óter ce qu'on nomrne 1'honneur, j'ai ch-rché a porter le vice dans fon ame, & j'y ai-réufïi : •orfqu'elle a-étécorrompue, je 1'ai-déterminée a-fuir avec moi. E Ie a-fui, eile eft ici; elle va-lubir le fort d'Urfule, & le mauvais lieu eft tout pret: viens 1'humilier, enfaite je la livre a 1'horeur de fon fort. M is je mertrai des bornes a ma vengeance. J'avertirai fon Père, & je lui ftrai-trouver fa Fille au centre du desordre, quand elie aura-pafte par toutes lesépreuves que je lui deftine. Je ne fuis p us le même. La beauté ne me touche plus: le récit d'Urfule, lorfque mon cceur f'amollit, me remet er-fureur, & me rend plus féroce qu'un Tigre qu'un Jagga. Je t'attens, rue„_ Viens: aye dumoins le courage de la vengeance.  S% Paysane pbrvertie. LETTRE CXXXVIII. 31 Juin,. Edmond, a ZÉPHIRE. ( II a horreur de la vengeance , qu'il eat prife luimème : mais le vice vu dans les Autres eft toujours laid , quoiqu'on 1'txcufe en-foi-même. ) 'here Petite, trouve-toi ce foir rue : Gaudét y eft: ce n'eft plus mon Ami; je ne le reconnais plus; c'eft un Forcené : ll a-fait une action infame , abominab!e, que je détefte; il faut avoir-été , pour porter la vengeance a eet excès. Dans ma fureur, je poignarderais encore le Vieillard: mais fa Fille ! 1'innocence, la beauté, 1'avoir- mise au rang de ces Infortunées Viens, ma Fille: empare-toi de la Signora Filippa, fous-prétexte de vouloir porter la vengeance encore plus loin que lui, & tachons de la fauver.... La main me tremble, & je fuis hors de moi! Elle eft-charmante 1 quelle rage pour le vieil Infame !  Partie VIT. LETTRE CXXXIX. 8 juiliet. G a u z> e t , a Zéphire. (II eft forcené de fureur &. de rage ; lui ; ce Corrupteur aboniinable ; plus-coupable encore que Celui qu'il punit! ) Charmante Foüetre : Avertis-mqï, quand la Fdippa fera dans 1'état que ie desire : c'eft-a-dire , telle qu'UrfuIe était', lorfqu'elle fut mise entte les mains des Chirurg:ens: c'eft ainfi que je veux la rendre a fon Père. Ne 1'épargne pas, fur-tout! Si tu hésitais, lit eet écrit que je t'envoie; il te metrra en-fureur, comme j'y fuis. Quelles indignirés ce malheureus a-fut-éprouver a la Sceur de mon Ami! qu'il lente, a fon tour,la rage naturelle a 1'Homme, blefle dans ce fexe, dont toutes les injures nous font bien plus fenfiblcs que les nötres; parce-qu'on nous humilie dans ce que nous devons défendre : Deux choses font effencielles aux Femmes, Zéphire ; (ta Mère ne m'entendra peutêtre pas ? ) 1'honneur &c la beauté: leur honneur blefle, ne fe répare pas plüs que leur beauté flétrie; par cette raifon, qui a-deshonorénotre Femme, notre Fille, ou notre Soeur, eft-voué k Téternelle vengeance, a la plus-cruelle qu'ou  éó Paysane perverTie. puiffeimaginer. Qielle'io ten'a-pas répin-lu fur Urfule Flnfame, dont tu vas lir- les forfai s, dans eet écrit, que j'ai-copté fur celui tracé de la main f'Urfule efle-mêrne! Elie rft: les aviit dies de bouche; j'ai-voulu qi'ele les écrivït pour les avoir toujours préfens. Veng-; ton Amie 6c li mienne ; ve/ig.- Edmo id ; point de pitié; dis a ta Mère la r?compenl'e que je lui deftine: centlou;s: ils font tout-prêts, & j'épniseraisavec plaifir les reftes de rm fortune pour une libelle aótion. Oui, oui, belle, nob.e, grande { elle punit un crime affreux?.... On m'ap-utêtre-cru indifférent pour 1 honneur de la Sceur de mon Ami: la jnanière dont je lui aique.!quefois-écrit, pourrait donner cette idéé : qu'on en-juge a-préfent par ma vengeance: il m'en--oüte cinqcentsm;!le-francs: j'en-aurais fait-autant pour ma Sceur; mais pas audela. Adieu, Zéphire. La pitié ferait ici un vice dans ton excellent cceur. Quelle Relation /... Urfule 1'a-écrite, 8c fans en-être-prévenue, comme fi elle eut-voulu donner a ma fureur toute 1'aótivité qui lui eft nécefTaire, elle a-mis eet écrit a la pofte ; je 1'ai-recu, comme f'il eüt été d'hièr (i); je l'ai-lu avec la même avidité, que f'il m'eütappris quelque-chofe de nouveau: j'ai-frémis de-même... Frémis auffi, fenfible Zéphire„ & deviens féroce. (i ) La p emière Lettre était-perdue ; c'eft fur la Copie de la main de Gaudét a Zéphire, qu'elle eft reo. fomée dans la kalle de ce Recueil, mei Éftfans•„  Partie VII. tf LETTRE CXL. 9 Jaillett Zéphire, « Edmond. (Elle montrefon ame compatirTanre. ) V UNS, chèr Ami. Voila une Lettre de Gaudét: elle mc fait-horreur. L'infortunée a-étémise malgré moi entre les mains de ma Mère : elle eft perdue > fi tu ne la délivres. J'ai-taché de parler ce matin a Filippa : muis elle eft fiavide des plaisirs dangereus qu'on lui veut procurer, qu'elle ne m écoute pas. Bondieu ! eile ne me reilt mb!e guère ! ils font nuls pour moi , fi ce n'eft.... donnés par 1'Homme que j'adore.... Cette Fille m'inréreffe : la jeuneffe , fa naiffance, fa beauté, fa douceur naturelle, qui rend décert en-elle jufqu'au hb rtinnge effréné que Gaudét a foufïlé dans fon cceur... Ne me paile pas de ces Batards! ton Ami 1'eft : Ces Gers-la ont tous une arre de fer, ou de boue. Laure vient d'arriver; elle avu 1'Italienne, & el e perfe comme moi. ■—D'ailieurs, dit-elle, n'y en-a-t-il pasafles de fait, & en la-iendant telle qu'elle tft a fon Père, n'tft - ce pas allés , pour faire» mourirde rage le vieil Infame-? Adieu, mon Ami: tu es bon, & je compte fur ta bonté,  *»i Paysane pervïrtii. JP-.f. Ah - ciel ! j'entens du bruic chés Fil ippaJ.... Je vais a fon fecours i heure après. C'était un Soldat qui la battait: elle eft routeen-fang. Je me-fuis-jetée fur ce Misé•rable, que ma Mère & ma Sceur regardaient faire, je l'ai-culbuté, jrté dehors , par ma feule vivacité... Viens, mon Bon-ami l Réponfe fur une Car te. (II a - partagé la -vengeance.) I^Te me tourmente pas, Zéphire: je le fuis-affés par mes remords !.„ Que deviendra tout ceci 1 Moi! moi! j'ai-pu-faire- fervir a la vengance ce que la nature Je n'ose-achever.  PRATIIVII. LETTRE CXLI. 3 augufte. Anonyme au Vieillard-ltaüen. ( O Dieu ! a quel point les Méchans fe puniffent!) Infame ! tu cherches ta Fille ! elle eft a Paris. Je 1'ai-deshonorée, avilie, fait-palTer par cent mains difterentes; les plus vils des hommes l'ont- humiliée. Reconnais la vengeance ! cette paffion que tu chéris, que tu as li-cruellement exercée fur un Chéfd'oeuvre de beauté, n'eft jamais ftérile ; chaque jouiftance la féconde : la3 tienne aenfanté centmille indignités qu'effuies ta Fille.... Je ne forme qu'un dcsir, c'rft de voir ta rage, ton impuiflame fureur : Je tiens a-présent ta Fille entre mes mains; je 1'ai-feduite , corrompue ; j'ai-gagré fa Gouvernante, qui me 1'a-livrée chés toi: je Fai-enfuite enlevée.... Je la tiens: un licuinfame eft fon palais : elle y eft-foumise k tous les caprices de la plus-\ile efpèce des Hommes.... Je te dévoue aux Furies par eet écrit. Lis, lis-le, ln:ame! lis, lis-le ! tu me venges de toi, en-le-lisar.t! Lis done Infameprofanateur de la Beauté , de ia Jeuni fle , de lavolupté, lis, lis, lis! Enfonce toi même, par tes ieux , le poignard a'Aleclo dans ton mauvais cceur Je te brave; tu ne me  #4 Paysane pervertiï."1 découvriras pas. Et quand tu me découvrira-is ? qu'en-ferait-il ? Que nous péririons enfemble. Tu fais ce que tu as-fait a Urfule R**> Eh-bien, ta Fille, ta chère Fille , 1'objet rie ta tendrcfle, de tes complaifances, en-a-fouffert autant autant , jufqu'au Nègre & pis-encore. Tu la verras, quand il en-fera temps. Tes ieux patemels la ver- ront fanée, fletrie, dégradée , malade C'eft ton fang; il eft coupable: mais fi ce n'eüt pas été ton fang, Filippa était une Divinité. Adieu. Cette Lettre eft de Gaudét.) LETTRE CXLI1. io augufte* Le Même , a. Edmond. ( II lui detaille la cruelie vengeance qu'il a-prise de 1'Italien. ) es-vengé. Ce n'eft pas a ton faible courage que j'ai-laifle le foin de remettre les choses dans 1'ordre: il Faut une ame ferme comme la mienne, pour punir le crime par le crime, la fcélérateff? par la fcéléiatefte, 1'infamie par 1'infimie , la ratre par la rage, 1'horreur parl'horreur, & tous les tra ifports dr 1'affreus desefpoir, par tous les tranfpirts de 1'affreus desefpoir. Comme un btie invï- sible ,  Partie VII. , Mais vers le foir du jour même de fa fuite r fon Père a-découvert fa retraite. Il Py eftrendu , & a-obtenu du Prince , qu'on lui remït fa Fille.. Dès qu'il 1'a-eue en fon pouvoir, il 1'a-empoisonnée dans la première chose qu'elle a-prise. Comme elle ne cherchait qu'a fuir, elle en-a-trouvé 1'occasion :. elle eft-venue chés nous, oü les douleurs l'ont prise. Elle n a-vécu que douze heures.. Gaudét 1'ayant-ui, il eft-accouru avec Urfule , & a-cherché a lui fauver la vie : mais, envain, elle eft-morre entre nos bras. II. vient de renvoyer cette nuit fon corps a fon Jere, Quel Homme l C'eft un Tigre férocs s  yo Paysane perve'rtie. Je fuis encore épouvancée de tanc d'hor-r reurs!... 2 heures aprè». Urfule, inftruite de tout, vient de fe mettre en fureur contre Gaudét, qu'elle a-nommé fon Corrupteür, 1'auteur de fa perte: elle lui a-reproché des Lettres qu'il lui a-écrites; elle 1'a-maudit. —Je le mérite (a-t-il répondu ) ; car la Lettre oü je me démens , a-étéécrite trop-tard : Cependant vous 1'avez-lue-ï Urfule a-dit , qu'elle ne favait ce qu'il voulait-dire. Laure en-était-chargée : Elle fa peut-être encore (i)-. Urfule a-pleuré. Eile doit vous demander cette Lettre. Je feraischarmée de la voir auffi: copiez-la moi , e vous en-prie. ( i ) Voyez la CXXIII.me ie ce Recueil  Partie VII. 71 LETTRE CXLIV. ai feptembre. U r s u i e , è Zéphire. (L'Infortunée fait lapeinture de fon horrible état. } X etite chère A.mie ! toi, dont 1'exemple m'a-parlé plus-effica.-ement que tous les Philosophes, je n'implore pas ta pitié ,Mjüs le trifte état oü je fuis réduite ; non jc ne 1'implore pas! Un Médecin , un Dien me promet la vie.... mais c'eft tout... Qu' ft-ce que la vie, hé las! quand on n'a qu'elle 1 Je fuis-dévorée d'ulcèies^ mon cadavre infeót me rait-horreur a moi-même ; je me dégoute de ce que j'ai-touche : des. os découverts , Sc non des doigts, tiennent ma plume, Sc ma main eft-appuyée fur un papier broiuÜard , afin que tu puiffe toucher Sc Jire ma Lettre. Ma langue gonflée fort de ma bouche ulcerèe: mon fein flétri eft difparu ; deux p'aies remplacent ma gorge..., La main de Dieu Pëft-appésantie fur moi... La main de Dieu .r C'eft la première-fois. depuis quatre ans, que je prononce ce noris facé Le refte de mon corps fint-horreur, & je fourFre horriblement, quelque position qu'on me donne. J'envie le fort funefte de ' la malhcureuse Filippa,M, Et w yeux me ve3  7ï Paysane pek.teutte. nir voirl mon Frère me Fa-dir. Tout m'a» bandonne, jufqu'a Edmond, dktuveuxme venir voirl Ne viens pas» mon Ange , je tc ferais-peur Mais fi, viens! viens, Zéphire ; viens, ma Fille , viens te pénétrer d'horreur pour le vice & pour les Hommes qui l'ont-créé 1 viens frémir! viens voir au plus-bas degré de la douleur & de la pourriture un corps vivant, rongé, qui n'eft plus que la moitié de lui-même. Viens, charmante Enfant ! viens m'entendre-gémir , pouffer les cris lamentables que m/arrachent mes douleurs.. Je les fufpens en-t'écrivanr.., Viens apprécier ton attachemenr pour Edmond lui-même.. Tu veux me voir! viens, viens done. Ah! Dieu! je grince d s dents..» ce qui m'en-refte.... tant je fouffre. Je ceffe , je ne faurais me tenir Zéphire!, ma chère viens me voir expirer. i heure après» Je reprrns Ia pRime. Laure vient de me lire la Lettre de Gaudér (i). Quoi L le Traitre nous a-trompées ! il eft chretierr dan* le cceur, & il nous a-empêché de Pern:!.. . L'cnfer eft done ouvert fous mes pas.... Tc lc vois!.... rien ne me rafture plus l Jl futS-peidue , a-jamais-perdue! Ah! ma Zéphire! viens me voir; viens m'en•ouragcr, & me relire cette Lettre.... fatale pour moi , mais qui peut-être falutaire y eonfölante pour Zéphire! O ), La CXxm.me de ce Recueit. LETTRE CXLY.  ■Partie VII. 7$ LETTRE CXLV. même jouis Z b p h i r e , d Laure. { Elle n'afpire qu'a 1'honnêteté: quel reproche pooe Celles a qui elle écrit, &. dont elle parle 1 ) O V-/n m'empe he d a!er a elle! ma Mère & ma Sceur me retiennent, par le confeil d'Edmond. Confolez-la , ma chère Laure ! dites-lui, que je brule de la voir, de la conioier: fa Lettre a la main, je brave ma Mère & ma Sceur ; je la lis tout-haut, & je les fiiis-trembler!... Ma chère Laure ! qne vousêtes heureuie! vous voila dans une maison honnê'fe, avec un Homme... que je nommerais bon & genereus, f il n'était pas le bourreau de Filippa... mais il eft boii pour vous..„ & vous voyez Edmond a toute heure; aulieu que moi , je ne le vois prefque plus... Ah ! puiffé-je être comme vous , Fufte-je accablée des maux que fourïre Urfule I... Je finis. Ma Mère eft-fortie. Je m'échappe, & je porte moi-même ma Lettre a. la petite-pojie. 4- Tome IV, Portie VII. G  74 Paysane peuvertii. LETTRE CXLVI. 12 feptembre. G AU D E T , a ZÉPHIRE, (II loue la vertu. ) N o u s fondons en-larmes ; vous venez de brifer nos cccurs!.... Enfant , qui m'étonnes , & de qui j'attens tout un - jour pour mon Ami, dis-moi, oü as-tu pris ta vertu ?.... Elle eft naturelle a 1'Homme , tu me 1'as prouvé. Innocence , pureté , naïveté , candeur , générolïré , charité, tu as toutes les vertus, & jufqu'a la prudence , fi - parfaite pour ton age , qu'elle furpalTe le notre a tous: oü les as-tu prises, ces verrus, dis le moi ! Ah ! c'eft dans ton, cceur ! c'eft du faint Auteur de ton Etre que tu les tiens ! Toi, toi, née d'une ,, élevée poür la proftkutiün , nourrie au , foumise dès ton enfance a la corruption, tu es pure ! ton ame célefte a toute fon originelle beauté Chéfd'ceuvre de la nature qui me montre enfin 1'Efpèce - humaine , dans toute fa bonté polïible , tu forcerois a aimer la vertu le fcélérat le plus - endurci; 1'AlTacin pret a tremper fes mains dans le fang, lailTerait ? a. ta vue, tomber le poi-  Partie VII, 7j gnard ; après t avoir-entendue , il ferait le defenfeur de fa Viclime.... Tu as • éteint dans Edmond la frenesie de la crapuleusé débaüche ; tu 1'as-ramené , mieux que toute ma philolophie , a des fentimens d'eftime de lui-même ; tu 1'as-changé: Ange célelte, aujourd'hui tu fais plüs fur Urfule , que nous-tous ; tu la rens a la raison , a la nature : viens la voir ; viens la pénétrer, nous penétrer tous de ta piécieuse innocence.... Je fuis bon , fenfible ; je me connais a ces vertus: j'approche quarante-ans...., tu n'enas que quinze; mais tu y es mon maïtre : Viens m'en-donner des lecons : je les revrai a genous, loin de toi pourtant ; ces charmes que tu as - arrachés au vice, ne doivent êtres-vus qu'avec une refpectueuse admiration. A ce foir. Le Bourreau de Fiuppa , mais Le Vengeur d'ÜRSULE. G Z  7(5 Paysane pervertie. (i) La cxux.me du Paysan, Tome IJl, LETTRE CXLVII. :8 feptembre. G a u d e t , d Laure. ( II dit de belles vérités , fur la fragilité de la beauté: Mon Dieu ! vous aviez-mis en-lui la connaiffance 8t le gout de la vertu. ) J E cormpte, chère Amie , que la connaiffance parfaite que vous avez de mon caractère , & les cruelles épreuves par lefquelles vous avez-pafle , vous garantiront a-favenir de femblables malheurs. Je vous ai-quittée fans inquiétude : mais il n'en-eft pas demême d'Urfule & d'Edmond ! J ecris a ce Dernier ( i ) ; mais fur un ton peuapprofondi , de-peur d'effaroucher fon imagination bieffée ! Bondieu ! dans quels écarts , dans quel fublime &: forrbre aviliffement il f'était-plongé ! Son ame eftforte : mais fa fougueuse imagination fait la lui a fa raifon ; fa Sceur lui relfemble , & vous en-connailTez les effets fur tousdeux.... La voila guérie ; mais elle eftaffreuse ; j'eipèn cependant qu'elle ne 1'eft  Partie VII, 7? pas a-toujours , & que fi fon imagination fe calme , elle pourra reprendre quelques graces, & être-fupporrable. Mais qu'eft-ce que d'être fupportable , après avoir tout charme, tout enchanté , tout fubjugué !.. Je vous avouerai, que je ne Vois plus aü-. qu une jone Femm;, a-présent, fans éprouvcr un lentiment profond de cornmis'-raton : Je fens, comme elle fera malheureusun-jour lorfque privée de ces frêles avantages , elle fe verra dédaignée , abandonnee, mepnsée ! La vieillefTe d'une Bellefemme , fi elle na-pas fait - provi/ion de verrus, n'eft pas une vieillefTe , c'eft un^ rage ; & c'eft avec bien de la raifon , que les Anciens disaient que la vieille aecube, devenue laide & malheureufe , fut-chaneéê en-cnienne !.... Il faudra placer Urfule queL que-p.irt, en-attendant que les chajrs foient revenues ; elle ferait mal avec vous, ou avec Ion Frère, a-caufe des ConnaifTances que vous avez tous-deux ; elle ferait d'ailleurs trop-abandonnée. Que fa penfion ne vous embarraffe pas. Mais c'eft Edmond qui m'inquiette ! Veillez fur lui, toutes-deux , vous & Zéphire. Ce n'eft pas que je ne craigne cette Dernière ! cette Enfant a trop de mérite , & fi Edmond l exalte une fois, voila un fot mariage qui je; fera. Zéphire me fait - trembier pour lui!.... Ma chère Laure , qutl beau naturel, que cette Zéphire ! li n'y a pas un G 3  7§ Paysane pervertie, défaut dans cette petite tête de quinze ans , pas un vice dans fon cceur; & 1'on y voit mille vertus ! N'alez pas croire que j'enfois amoureus ! Non, non. Urfule m'aguéri de 1'amour , je crois , pour la vie. Cette Fille fi-belle , comme je 1'ai-vue ! comme elle eft aujourd'hui ! Que je la plains ! que je la trouve malheureuse ! Le pis qui pourrait lui arriver , c'eft qu'elle rerournat chés fes Parens dans 1'état oü elle eft ; fon bon Père , imagination nrd-^nte, ainfi qu'elle, commence a radoter ; ils fe feraient-fècher mutuellemcnt de douleur, de regret & d'impatience.... J'aiobfervé qu'une belle Pécherefle excite un tendre fentiment dans le plus-zèlé Converciffejr; dans 1'ame de Ceux-même qu'elle a le plus-crueilement outragés, Amans, Amis, Parens : Le Premier , en la prêchant, fent malgré lui le pouvoir de la beauté ; quelle que foit fa vertu , Ia nature repouffée reprend par imervales le delfus; il tomberait c fes genous, f il ne fe retenait; au-milieu de fa plus-grande véhémence , fon ton , fon ceil fadoucillent& la Fripone ne manque pas de le voir : Les Amans font encore plus-laches : Les Amis biaisent: Les Parens au plus - fort de leur colère, éprouvent la celefte influence de la beauté : Mais une Pauvre-laide ! ah ! Perfone ne la ménage ; on lui parle avec aigreur, comme ji on la voulait faire-fouffrir de 1'impuiffance oü elle eft de retomber.  Parti f. VII. jf Je crois que le plus-fur, pour préserver Edmond de Zéphire , c'eft de 1'engager a renouer avec la belle Parangon : cette femme , telle qu'une belle fleur , que la giêle & 1'orage ont-feule-refpeótee aumibeu d'un parterre , a-vu pafter toutes fes Egales en-beauté : elle-feule demeure toujours la même : c'eft a cela qu'on diftingue une Belle d'une Jolie : la belie Parangon le fera longtemps encore , après que les Jolies feront-déja-paflees , fanées , ndées! Je me propose de lui parler d'Urfule : cependant avec ménagement : Elle eftfenfible, je fais qu'elle 1'aime , & qu'elle 1'aimera , tant que fon cceur battra.... pour F.dmond. Je finis , ma chère Laure , par un rrak de morale : Vous autres femmes , vous êres routes , oü des Prudes , ou des ■Catinsa-l'ex:eption d'une Catin (i), & d'une Prude ( 2.). { 1 ) Zéphire. ( 3 ) M.me Parangon. G4  So Paysane pervertie. LETTRE CXLVIIT. i oétobre. Réponfe. ( On met Urfule a 1'Hópital. ) u rstjle eft placée ; Edmond vous 1'écrit. Notre féparation me ferre le cceur. Quand elie a-vu cette Maison-de-honte , oü le désordre emprisonné fermente & empire (ce font les expreffions d'Edmond), fes larmes ont-coulé : Elle feft - panchée vers mon oreilie , & elle m'a-dit : — Je l'ai mérité ! Ce mot m'a-frappée comme un coup-de-foudre , & mon cceur a-battu. Cependant , je 1'aiconfolée , en-lui disant, s'— Vous n'ètes pas ici prisonnière ; vous êtes libre & penfionnaire; vous avez votre chambre feule, propre ; vous fortirez quand il vous plaira , pour prendre Pair hors de la maison , & vous aurez une femme pour vous fervir : je 1'ai-vue , elle eft fortadroite & fort-douce. Votre nourriture fera celle des Ofïïcières; fans comprcr , que vous aurez de nous tout ce qui vous fera plaisir. Enfin , vous-vous-rétablirez : cela fera long; mais votre Médecin efpère tout du temps , & que ces difformités difparaïtront enfin tout - a - fait , ou dumoins prefqu'entièrement-, Elle m'a-baisé-la main,  Partie VII. Sf' a ce difcourt, en-me repondant; — Laure, je fuis difforme ; mais ma maiadie a-changé mon coeur : je m'aime mieux comme je fuis , qu'avee 1 ame que j'avais. Mais ne .verrai-je pas Zéphire ? Je lui ai-dit, que nous - nous étions cachés d'elle , parcequ'elle f'opposait a notre plan , fans avoir de bonne raison a nous donner ; puifqu'elle n'aurait-pu ia metrre que chés fa Mère ; ce qui était fon delfein. — Non , non ! a-dit Urfule , & vous avez bicn-ftic de vous cacher d'elie. J'aime Zéphire : mais plurót tout-autre lieu, que d'être chés fa Maratre. Que ne peut-elle la quitter ! Nos adieus ont-été bien - triftes ! Edmond fur-tout parailfait-enfeveli dans une rêverie profonde , dont rien n'a-pu le tirer , que les larmes d'Urfule. Il 1'a-regardée, & fe levantavec vivacité, il a-fui(i), en-fe-retournant avec effroi. comme f'il eüt-été-pourfuivi par un Speótre : nous 1'avons-entendu poufler de profonds foupirs , & le p. Gurdien , qui remplit parfaitement vos intentions, f'écant-avancé pour le d°couvrir, il nous a-dit, qu'il était-appuyé contre le mur, les deux rnains-jointes & fon front deffus. Urfule a voulu le voir. Elle 1'a-prié de modérer fadouleur : Il ne lui a-pas-répondu ; mais nous avons-tous-entendu fortir ( i ) Voyez la L.me Figure dtt PAYSAN , 81 la CL.nit; Lettre, Tome III,  S2 Paysane pervertie. de fa bouche , a travers les fanglots , ces paroles : —• O Misérable ! voila done oü tu as-réduit ta Soeur / Il f'eft-enfuite-tourné vers nous , le visage en-pleurs; il nous aconfidérés d'un-air farouche ; puis il a-defcendu 1'efcalier précipitamment. Cette douleur , eet adieu fombre ont-plüs-fait pour resigner Urfule, que tout ce que nous lui avious-dit. Le p. Gardien a-été parler aux Supérieures; il leur a-fait 1'éloge d'Urfule, Sc fans mentir', mais en-joignant habilement deux époques , très-décousues , il a-parlé du viol d'Urfule , Sc de ta maladie, comme li la feconde eüt été la fuire du premier. Il ne f'en eft-eft pas tenu-la; il a , par vos ordres fans-doute , augmenté la penfion de tout ce qu'on a-demandé , pour qu'Urfule fut auffi-bien qu'il eft polfible. Il eft-enfuite-revenu vers nous , & ü 1'a-priéé de ne faire fes confidences a qui que ce fut dans la Maison. Je fuis très-contente de ce bon Gardien ; il était-animé de votre efprit, Sc vous n'auriez-pas-mieux-fait ; outre que fafigure vénérable donnait beaucoup de poids a fes difcours. Zéphire ne parle de lui qu'avee attendriffement , depuis qu'il afecouru Edmon dans fa maladie avec tant de zèle , & qu'il 1'a-comparée , elle , a la Samaritaine ( r ). Enfin nous fommesfortis de eet endroit, qui m'a-fi-fort-déplu, (O Voyez danf le PAYSAN, 1'hiftoire de cette /.ephire.  Partie VII. 85 que je préférerais la mort a le choisir pour asile. Je vois rarement Edmond depuis ce moment , & Zéphire elle-même fe plaint qu'il la négligé : Peut-être voyez-vous plus-clair que nous dans fa conduite ! N.a Edmond , quoique Zéphire 1'eötretiré de fes gours crapuleus, qu'il refpeétit la vertu dans cette Fille , ne travaillait point a épurer fa propre conduite , ni celle de fa Maïtreffe : Non-feulement il vivait avec elle ; mais il fe livra pour-lors au gofit des Avantures difficilcs, compliquées, roultipliées, qui exercent 1'efprit 8c les fens, aulieu d'intérefTer le cceur : on le voit dans le Paysan , mener jufqu'a trois intrigues èla-fois : Gaudét le laiffait fe raflasier de jourffances , pour faire un - jour fuccéder 1'ambition , 8c la rendre plus-puuTarire: mais on a-vu dans le Paysan ce qui eneft-arrivé.  $4 Paysane pervertie. LETTRE CXLIX. 15 mars. U R S U Z E , par une indulgence aveugle , on avait rendu , a fon - fujet , un bon-témoignage non-mérité ; eh ! puilfe-t-elle en-être humiliée autant que Ie méritent fes ordures! puiffe-t-eile être ainfi de quelqu'utilité a fes ' Compagne-de-féjour, de-desordre & d'in- 1 famie !....^ Dis-leur que leur Fille & leur Sceur eft a YHopital...., jufle derreure pour 1 elle, quoique les lois ne i'y aient-pas-condamnée : Dis-leur que j'attendrai toute ma vie la Rréponfe foudroyante que je mérite de leur part, & que je la lirai profternée (OOh! que de larmes ces mots iirent verier/ a notr$ pauvre Mère \  Sc? Paysane pervertie. dans la pouffière, la montrant a Dieu même, en-lui-difant: — PuniiTcz-moi feule o mon Dieu ! ils m'ont-bien-élevée ; ils ne font pas mes complices ! **. Je n'ai plus de nom dont je fois digne que , la Pécheresse. P.-f. Edmond vient me voir quelquefois. LETTRE CL. 15 mars , jour de Ia Vierge. Réponfe. ( Ma Femme lui raconte tout ce qui f'eft-paffé, a fon fujet a la maison paternelle. ) Ma très-chère Sceur : Votre Lettre aéié pour nous comme un fénomène du Ciel, Sc je 1'ai-longtems-tenue , connaiflant votre écriture, après 1'avoir tirée de la pofte , que la main me tremblait, & que le cceur me battait, fans que j'euffe ia force nil'envie de la décachster. Je la tenaisdans mes mains, envenant de V***, courant prefque malgré moi , comme pour la montrer a mon Mari. Mais quand j'ai-été au Moulinot , touteeffoufflée , il m'ett-venue en-penfée qu'il la fallait lire , Sc que peutêtre vouliez-vou§  Partie VII. 87 que certaines choses ne fuffenc-vues que de moi.. Je 1'ai-donc-décacheté , allise fous le noyer de Thomas Dondaine , & j'ai-cherché K voir quelque - chofe , ceure tremblante , n'ofant lire , ni le commenccment, ni la fin , mie milieu : la tenant loin de mes ieux , P°ur que quelqu'heureus moi parut, qui me donnat la force de lire : Et le premier que j ai-vu , c'eft, Je fuis préte d m'immoler au Seigneur en-holocaufie , füt-ce fur un bücher , pour obtenir de fa paterneüe bonté , qu'il verfe dans^ leurs cceurs, la joie quej'en-ai-bannie.'.... Et j'ai-levé au Ciel mes ieux pleins de larmes , disant au Seigneur; Beni foyiez-vous , mon Dieu ! car voila un bon mot! Et ïai-iu le commercemtnt, qui m'a-fait-treffauter. Et jg rae fuis-récriée:— Oui, oui, elle a encore un Fère , & une Mère , & des Frères 6' des Sasurs , & une Bellefaur qui l'aime Oir je ne comprenais pas le fens de ces paroles , que je croyais un reproche. Et j'ai-lu tout-du-long, dévorant les lignes & les paroles , & fuftoquant a chaque-mot. Et j'aifini , toute-hors de moi, & me levant enfuite , j'ai couru vers chez nous , jufqu'a ce que j'y fois arrivée. & j'ai - rencontré en-chemin des ferrmes du Pays , qui me voyant courir en-pleurée , m'ont-dit : — Vous courez bien-vïte , ó Fanchon l eft-ce qu'il-ferait arrivé quelque mdheur-? Et je nt leur ai-i ■cn-rópondu , que d'un fiyie de k rr.ain , leur faisant-a-entendre que j'avaishite. Et j'ai-trouvé a 1'entrée de ia maison;  8§ Paysane pervertie. rhon fils Edmond , & ma petite BarbeUrfule , que nous n'appelons qu'Urfule , qui m'ont - dit,— O Maman ! comme vous avez bien-chaud-! Et je ne leur aipas-répondu ; mais les embraflant feulement, & fur-tout ma petite, j'ai-couru chés nous , oü arrivait votre frère , mon Mari, de la charme du matin; car la ledture de la lettre m'avait-retardée. —• Il ne falait pas fi - vite courir , ma pauvre femme, m'a-t-il dit, & riiquer a te faire malade-! Mais fans lui dire une parole, je me fuis jetée a fon cou. Et il a-dit, — Qu'eft-ce que - c'eft ? qu'eft-ce-que-c'eft , ma chère Femme-? Et je lui ai-donné la Lettre. Il l'aregardée; 6c j'ai-vn qu'il trerfiblait toutcbmme j'avais-tremblé , n'osant lire : pourtant il f'eft-vite-remis; & il a-lu tout-b.rs jufqu'a la fin, cognant a tout-moment fes larmes, qui roulaient Sc voulaient couler. Et quand il a-eu-fini, il a-dit: — Dieu foit béni-!... Sans ajouter auqu'une autre parole. Et il f'eft-affis, rêvant, pendant que je préparais le diner. Et a-l'inftant oü le diner alait-être-prêt, il m'a-dit: — Ma Femme, je vas monter avant-diner , chés mon Père & ma Mère, a-celle-fin de leur montrer cette Lettre de repentance; n'y venezr-vous pas avec moi ? Et j'y ai-été avec lui. Et quand nous fommes-entrés, notre bon Père & notre chère Mère alaient fe mettre-a-. table; en-nous voyant, ils ont-dit: —Voici nos Enfans qui viennent diner avec nous : les  Partie VII. $ les biens-venus foienr-ils-! Et notre bonneIvlère Peft-levée pour augmenter Ie diner Et mon Mari a-préfenté la Lettre a fon Pere, qui 1'a-prise, & a-regardé fon Fils comme pour lui demander, De qui? Ec ayant-mis fes lunettes , il a-vu 1'écrimré & fes mains vénérablesont-défailli, comme fi la Lettre eüt-été un poids trop-pesanc pour elles ; & il la reg.rdait filencieusement les yeux baifles. Alors mon Mari lui a-dit■—Lizez mon Père; car il y a un-peu dé confo'atjon melée a Ia peine , & votre Fille Urfule eft encore votre Fille , & ie Seigneur n eco iduisit pas Ia Fcmme-adultère, non-piüs que la Cananée-. Et notre lere a-lu nas, p-ndant que notre bonne Mere, immobile comme une Statue, pale trembiante , reftait debout, fans prêfqué refpirer. Et quand II a-eu-lu, notre Père a-dit: — Sont-ils-Ia tous les Enfans du maU h! ureus Père ck de la malheureuse Mère-? Et tous y étiient; car mon Homme les avait fait-avertir. Et ils ont-répondu : Nous voici tous , mon Père-. Et le vcnérable Vieillard a-recomrrencé de lire tout-liaut la Lettre, Parrêtanr a chaque pose: Sc Unchaqu'un de nous fanglptait, occupé de Ca> douleur, quand notre bonne Mère, reftée toujours debout, eft-tombée de fa haureur comme morte. Heureusement fon Fils-amé 1'eft-trouvé-la , pour empêcher que fa tête ne portat a rerre, Sc il lVposée ïür U chaise, 011 elle a-repris un psu fes fens 5e Tome IV. F.irtk VU, H " '  5;o Paysane pervertie. notre Père l'a-regardée,en-lui difant, — Ma Femme , le Seigneur nous a-frappés par les Obiets de notre orgueil & de notre vanité folie; résignez-vous a fa jufh'ce, comme a fa miséricorde, & béniffez fon faint nom: car il ne faut ni découragement, ni desefpoir , mais confiance & Cc umiflion : il eft Ie Dieu jufte, qui punit & qui chatie, comme le Dieu bon , qui recompenfe & qui bienfait; mais qui relève un-jour 1'Humble 8c le Reperttant: Cette Lettre tft belle, Sc je la trouve contenant les fentimens qu'il faut, pour effacer de grandes fautes! par ainfi , prenez plutót part a la joie des Anges dans le Ciel, pour une Péchereffe qui fait-pénitence , que de vous livrer a la douleur pour votre drachme perdue; car elle fe retrouve, Dieu-merci! — Ah ! Dieu le veuille ! adit notre bonne Mère : mais que ma Fille, le fruit de mes entrailles ait-été ce qu'on dit ! c'eft ma douleur éternelle-! Et notre Père a-dit: — Ma Femme, pleurez votie Fille , car 1'ame d'une Mère tendre qui fut toujours en-vous, fe confole avec des larmes; mais mettez votre confiance dans le Seignerr: car le laint Homme Job, pour chose qui lui (oit arrivée, onc ne 1'a-maudit, corrme le lui fuggérait Satan, qui le tentait avec la permiffion de Dieu; au contr.ire, il 1'a-béni, a chaque malheur, même c'tantafïl'gé en-fa-chair d'une honteuse & cruelie ma'adie, nétoyr.nt fes p'aies avec des tets. de rots-caffés, afïis qu'il était fur un fumier: Paj-ainfi, foumettez votre douleur & vos  Partie VIT. 91 larmes au Maitre - de - tout: Car il y a de belles chofts dans la Lettre de votre Fille, & le Seigneur a une grande miséricorde pour 1-s grands Pécheurs & les grandes Péchereffes-. Et il a-rek: la Lertre, appuyant iur chaque parole, & fanglotant lui-même, comm-. jamais nous ne favonsvu fangloter. —Mais c'eft Edmond! a-t-il dit enfin ! Mon Dieu ! rendez-nous Edmond-? Lt fa voix ' -venait fi forte, & fidéchirante , en-disant, Mon Dieu.' rendeznous Edmond! qu'il nous femblait-rebramer & mugir ; & nous étions-quasi-tranfis, Auqu'un de nous n'osant lever la vue, & Chaqu'un pleurant les ieux baiffés: Puis II f'tft-tü, & a-rendu la Letrre a fon Filsaine, ap és avoir-regardé 1'adreffe, lui disant de me ia u mettre , & mon pauvre-Homme me la-remise, disant: — Ma Femme, notre Père vous remet la i ettre qui vous eft-adreffee-. — Fanchon Bcrthier, a-dit notre Père (& ceft la première fois qu'il me nomme de mon nom-de-famille), ferrez cette Lef trc, & qu'elle ne voy- plus ie jour; mais conl rvez-ia; car elle eft le cri & la lamentation d'une pauvre Abandonr.éc, que le Scigeur regarde en-fa pitié & miséricorde; partant, il ne faut pas qu'auqu'un Etranger la voye; pas m?me tous vos Frères & Sceurs, car il f. ut la taire a ceux d'Au**: & mettons-nous k table-, On f'y e'ft-mis ; mais È-iexc-prion des Plus-jeunes, Perfonne n'apiefque-rien-mangé; ck Un-chaqu'un f'e||r U %  cti Paysane per ver. t ie. bientót-levé c\i table, f'en-alant mornement a fon travail. Et quant a ce qui eft de notre pauvre Père, il y a-été aulïi , épierrer le champ-de-derriere-le-jardin : & comme il jetait les pierres dehwrs , on 1'a-entendu pouff-r des foupirs & des fanglots: & Toutun-chaqu'un disait dans le Village, —C'tft qu'Urfule & Edmond font morts; car leur Père eft en-grande douleur-! Voila, ma trés - chère Sceur , pour la réception de votre Lettre. Et il me refte a-présent a vous dire , ce qu'on m'a-enchargée de vous répondre. Et d'abord notre vénérabte Père léve de fur vous toutes les malédictions qu'il vous avait-données, comme je compte de vous le dire par-ci-après. Et il me recommande de vous marquer, qu'il eft toujours votre Père, & qu'on vous recevra ici comme 1'Enfant-prodigue, en-célébrant votre retour comme une fête, fans pas plüs parler du pafte, que f'il était-non-avenu. Et notre bonne-Mère m'encharge de vous écrire de fa part, qu'elle vous porte dans fon coeur, comme fa Fille, tout-ainfi qu'elle vous apoitée dans fon flanc, avant que vous viftlez Je jour; & qu'elle pleurera de joiee1-vousrevoyant, comme elle a-pleuré de dou'eur aux triftes nouvelles. Et norre bo.i Père & notre bonne Mèie ie réuniftènt ën-ce moment (car ils me regardent écrire) , pour me dire & dióter ces propres paroles, Et g._ Qui done pardonnerons-nous, Ji ce n'eft.k  Partie VII. 5? 'nos En fans-? Et quant a ce qui eft de mon Mari, Pierre votre Aïné, voici fes paroles : » —Ma pauvre chère Sceur, image de » notre Mère dans fa jeuneftè, & par ce, » fi-aimable & chère a nos ieux, revenez » je vous en-prie, vers votre pauvre Fa» mille, qui verra en-vous, non une Cou» pable, puifque par votre belle pénitence vos beaux fentimens, vous êtes plutöt " une fainte a-ce-jourd'hui, mais le jouet » du fort & de la méchanceté d'autrui » Quant a mon égard, ma chère Urfule " (dit-il), je ne te reverrai qu'avee refpect, >> contemplanr en-roi une Fille malheureuse, » illuftrée par fon malheur, & que Dieu » a-rappelée a lui, peutêtre plus-füremenc » que fi, fans auqu'un écart, il t'eüt-fait » Marquise, & la proteétrice de notre Fa» mille : Par-ainfi, chère Sceur, laiffe entrer » dans ton pauvre ceeur le baume de la j) confolation. Et fur ce, je t'embraffe ». Pour---l'egard de nos autres Frères & Sceurs, Un-chaqu'un d eux Sc d'elles m'enchargent de vous dire, qu'ils adoprent en-tout le difcours de leur Aïné, comme exprimant leurs véritables fentimens. Et pour a mon égard a moi, ma chère Urfule, je ne faurais que je ne fente fe fondre mon pauvre cocur , quand jy du'is & M.r le Conleiller furent-mariés , notre Père dit, — Il faut qu'Urfule Penrevienne,; elle n'a plus que faire-la-. Mais il ne dit pas qu'on vous 1'écrivït. Bien du temps par-aprè., on entendit comme un bruit, que vous étiez Ia maïtrefle du Marquis. Mais ce bruit tomba, paria vérité qui fe fut, on ne fait comment, qu'il vous traitait avec confidérarion a-cause de votre Fils, & nous n'enbaiffions pas la tête. Tout-ca ala un-peu de temps affes bien; fi ce n'eft qu'il paffa par V***, un Monfieur, qui dit, qu'il y avait une Jolie-fille de S** bien pimpante a Paris, qui avait plüs de diamans qu'une Ducheffe, & que tout le monde admirait. II n'en-dit pas davantage ^ 8c on ne favait ici, fi c'était louange ou blame. Mais cependant notre Père fe_ mit fort-en-colère, difant, Que vous aviez done les pompes de Satan , aufquelles vous aviez-renoncé au batème , &c que bientöt vous auriez fes oeuvres, fi vous ne les aviez d^'ja. Et il enchargea mon Mari de vous écrire de revenir auilitót la Lettre vue. Et mon Mari vous écrivit a 1'adrefle de la bonne Dame Canon , laquelle renvoya la Lettre a mon Mari, disant que vous étiez une Fille-perdue, & qu'elle ne favait oü vous trouver; que vous-vous étiez fait-metttre au Catalogue d'Opéra; re qui êtait fur vous tout pouvoir a Père & a Mère.. Cette nouvelle fit-emrer notre Père dins la colère la plus-terrible, & il disair: Qu'eftce-quc-c'eft que le Catalogue d'Opéra, qui óte  tjó Paysane pervertie. tout pouvoir a Père & a Mère ? Ca ne peutêtre en-pays chrétien , 8c je me moque cYOpéra, a quï je répondrai comm? il faut, quand il ferait le Diable: ce qu'il doit être, il ca eft-vrai-. Et ayant-fait lui-même uit voyage a Au**, pour y voir m.me Parangon, conduite pourtantpar mo.i Mari,cette Dame ne fut bonnement que dire , ii ce n'eft que vous ne lui aviez pas fait-réponfe; öc deux larmes qu'elle tachait de cacher , 1'ayant-trahie, notre Père voulut f'en-revenir tout-de-fuite. Et arrivé qu'il fut a la maison, devant nous-tous, il prononca ces trrribles paroles : —> Maudite foit la fiile qui faitbaiffèr les ieux a fa Mère, & fait-montrer au doigt fon Père, en-disant: — Voila le Père & la Mère d'une Catin : Je lui donne ma malédiótion, & le Ciel la punilTe comme elle le mérite. Exaucez, ö mon Dieu, un Père dont le coeur eft navré de douleur, par une fille dénaturée, & que le nom d'Urfule devienne une honte a-jamais pour Celle qui 1'a-profané-! Et notre pauvre Mère tremblante, eft-tombée a fes genous, en-iui disant, — Mon Mari & mon Seigneur , eft il bi'n-pofiib'e que vous maudiftiez le fruit de mes entrailles, q^e j'ai-porté dans mon flanc ! & fuis-je done maudite auffi ? ■—Non! no : ! Relevez vous, f.-mme; je ne maudis pas ce que Di u a-béni & nous1'avoiis-été enfemble au jour de notre mariage, encore heureus, puifqu'il me refte de bons Euftns ! Et il a-tendu les bras a fes  Partie VII. 97 fes autres Enfans, en leur-difant: — Confolez votre Mère, car la voila navrée, & la Malheureureuse, qui m'a-navré, la navre auffi, pour qu'elle foit doublement patricide... Ma femme, votre fille, eft-perdue: voulez-vous que je foutienne le vice ? Je la retranche de votre fein & de notre familie, afin qu'en-la-vouant a la célefte Vengeance qu'elle a-provoquée, je garantiiTe des Têtesinnocentes, nos bons Enfans d'ici, nos Petitsenfans, encore vêtus de la robe-blanche-.... — Oh ! oh ! a-dit notre pauvre Mère, eft-ce avec mon fang qu'il faut appaiser la colère du Ciel, ck devez-vous facrifier ma pauvre fille !... Pauvre Urfule ! te voila immoiée a tes freres & Sceurs ; mais pas Un ne voudra de rimmolation-l... Er tous nous avons-crié, —. Non, non , ma Mère, nous n'en-voulons pas ! & f'il faut qu'elle foit-punie, partageons entre nous fa peine, & que la malédi&ion paterneile f'amoindriiTe en nous frappant tous , nous & nos Enfans-! Et notre Père, les larmes aux ieux a-dit: — Elle vous frappera done, car une voix fecrette me le dit... O mes Enfans ! mes chèrs Enfans ! vous méritiez un meilleur fort! Et c'eft moi qui ai-vou!u mettre a la Ville Edmond & Urfule : que je fois-frappé feul, f'il fe peut!... Frappe, mon Seigneur, frappe le Père coupable ! mais épargne les Enfans-! Et. tous a genous, nous avons. crié a-la-fois:—ÉM non, non ! mon Djeu !f^appez-nous, frapTome IV. Par tufII; ï  0% Paysane pervertie. pez-nous ; mais épargnez votre Image-! Cette arfeótion de fes Enfans les uns pour les autres & pour lui, calma un-peu notre bon Père, & les larmes lui ruilfelèrent des ieux, en-lisant le chapitre de la Bible, oü les Ifraëlites pleurent la Tribu de Benjamin qu'ils avaient-maffacrée , disant, Hélas ï hélas ! il y a une Tribu de-moins en-ïfrael! ik notre bon Père f'arrêta-la fuffoqué , fibien qu'il interrompit la lecture, & ferma le faint Livre'. Et depuis ce moment, il parut toujours affligé. Mais ce fut bien-pis quelque-temps par-après, quand nous recümes la malheureuse Lettre , qui nous apprenait que vous étiez-mariée» a un Porteurd'eau ! notre pauvre Père en-fut a fon tour immobile comme une pierre; & il dit a notre bonne Mère : — Voila que je l'ai— maudite, & le Seigneur 1'a-ratifié. — O mon Mari! vous 1'aviez-démaudie-! Notre Père fecoua fa tête, & f'en-ala fe promener feul dans l'enclos foupirant; & on le voyait de temps-en-temps porter vers le Ciel fes regards &c fes mains. Et notre pauvre bonne Mère, elle , était a genous pleurante , & récitant des prières. Et notre Père étantrevenu, il dit a notre Mère: —. Ma femme, appelez votre fils-ainé-. Lequel vint aulTitót qu'il entendit la faible voix de fa Mère. Et notre Père lui dit: ,— Ecris a Edmond : car par-avanture nous donnera-t~il quelque confolarion-.' Et mon Mari écrivit a notre Frère. Et voila qu'Edmoud répondit par  Partie VII. -—Pardonnez, mon Père: car j'ai-fait mes informations a m.me Parangon, laquelle en-a-fait a fon Ami dangereus, lequel le pleurait lui-même, ne fachant ce qu'il étaitdevenu : Et j'alai en-deux jours jufqu'a Paris, oü je ne trouvai perfone a qui m'informer-. Et depuis ce moment notre Père ( 1 ) Ce font les cxlii , CXLlIl St CXLlVmes d* PAX5AN, Tome III. I i  ioo Paysane pervertie. nous demandait fouvent, a mon mari & a moi, li nous avions des nouvelles? Mais nous n'en avions pas a lui donner; car Edmond a-été jufqu'a-présent fans nous écrire depuis ces deux Lettres, & nousn'enavons-eu de nouvelles que par vous. Auffi votre dernière ligne d'Edmond a-t-elle causé une joie univetfelle, au-miheu même des larmes de douleur. Et voila encore un article de ma Lettre terminé , très-chère Sceur. II ne m'en refte plus qu'un. C'eft que tout-auffitót que nous avons-. eu ces nouvelles, par votre Lettre , mon Mari, avec la permiffion de notre Père, abien-vïte-été les porter a la chère Dame Parangon ; car il était-dit, entre cette bonne Dame & nous, que le premier qui aurait des nouvelles, les ferait-favoir a 1'autre. Sibien que mon Mari y a-été. Et en-entranr, il 1'a-trouvée avec une petite fille jolie comme la Mère, a laquelle elle montrait a-lire: Et en-voyant mon Mari, elle a-dit a 1'Enfant, — Alez embrafler eet honnête & digne Homme, car vous 1'aimerez bien un-jour-. Et la jolie Enfant eft-venue-embraflèr & faire fes petitcs careftes a mon pauvre Homme , avant qu'il ouvrit la bouche. Puis il a-dit, Madame, il y a des nouvelles. •—11 y a des nouvelles ! ö bon p]erre; — Mais, je ne fais, Madame, vu votre bonne & belle ame a notre égard, ii je vous les dois montrer ? — Montrez , montrez, mon chèr Pierre I... Et de qui font-elles 2 — De tous-deux , Madame.  Partie VIL 101 De tous deux-!... Et Ia Bonne-dame, demi-renverfée fur fa chaise, & les ieux fermés, a-femb!é fe trouver-mal : elle apourtant-dit: —Ils vivent? —Ilsvivent, chère Madame. — Ce mot me raflure : donrez, je vous en-prie-? Et il lui a-donné votre Lettre. Et elle 1'a-lue, mais par pauses, fondante-en-larmes, & n'y pouvant quafi voir. Et quand elle a-eu-lu, Edmond me vient voir quelquefois, elle f'efr-écriée: —Ol les Ct uels! ils m'ont-oubliée! tous-deux ! tous-deux!... Mais cette lnfortunée Urfule!.., Mon chèr Pierre ! il ne faut p.is montrer eet Objet de douleur a vos pauvres Père & Mère : c'eft moi qui l'irai-chercher. Je fais done oü elle eft enfin !... Alons, dinons, & je vais tout préparer pour mon départ-. Et c'eft elle, très-chère Sceur, qui vous remettra cette Lettre; car mon mari retourne aujourd'hui lui porter le plein-pc>x-» voir de nos Père & Mère. Je fuis, &c* Fanchon Berthier , femme Pierre R.** I 1  ioz Paysane pervertie, LETTRE CLI. i avril. M.m P A R A G O N, d F A N C H O N. ( M.me Parangon raconte comment elle a-repri* Urfule. ) N ous fommes-arrivées ici d'avanhièr, ma chère Fanchon, Urfule & moi: je l'ai je ne la quitrerai plus. Elle eft-rétablie : la difformité f'erface : un fourire eft-déja-revenu , depuis que nous fommes-enfemble^ Elle a des fentimens qui me pénètrent d'eftime, 8c j'ose dire de vénération pour elle. Je commence par le p'.us-prefie , comme vous-avez fait quelquefbis, mais je ne me difpenferai pas des détails, dont vous 8c toute votre eftimable Familie devez-être très-avides. Vous favez que dès que j'ai-fu oü était Urfule, je me fuis-préparée au départ: Le lendemain avec le jour , j'étais en-route, & je croyais que Ia chaise qui me conduisait était immobile, tant mon impatience la gagnait de vitelfe. J'arrivai le foir même a dix-heures. Je defcendis a la porte de la maison : mais tout était-fermé ; il auraitfalu des ordres du Roi pour me faire-ouvrir. Cependant je m'y obftinai, & 1'ou  Partie VII. ioj m'ouvrir. Sans m'expliquer, je demandai la Supérieure , une des plus refpeóhbles Femmes que j'aie-vues, Heureusement elle étaic encore debout, occupée a règler des comptes. Elle me recut d'un air riant, Sc voyant mon air ardent Sc empreffé , elle eut la bonté de me demander, pour qui je m'intéreffais ? Je répondis , —Pour Urfule R**. —Je m'en-doutais, Madame : Vous lui tenez , apparement > —Ah 1 11 je lui tiens! Oui , oui, Madame!... Je vous en-prie, donnez- la moi ce foir! —Ceft bien-prompt! On va Favertir : Vous permettez que je fois témoin de votre entrevue, afin de connaitre parfaitement quels fentimens elle a pour vous, par fon abord ? C'eft une Fille que nous eftimons beaucoup ici 1 ( Elle avait-envoyé chercher Urfule): fa conduite que rien ne nécefllte, puifqu'elle eft-libre y Sc qu'elle refte volontairement, eft un ft beau modèle, que c'eft une perte irréparable pour la Maison , qu'elle en-forte. Je ne fais fi elle a-été bien-coupable; mais fa pénitence a-été exceffive : je 1'ai-forcée a Fadoucir, tout en-Padmirant, & elle m'aobéi, avec cette douceur Sc cette foumif-lion, qui caraótérisent la vraie piété. Ces viles Créatures, que nous avons ici, précieuses cependant, puifqu'elles ont une ame, ees Créatures, qui ne refpeótent rien, honorent Urfule , Sc dans leur groffier vocabulaire , elles la louent , Sc lui donnent des marqués de refpecl: La Plus-perdue de 1 4-  104 Paysane peh.ver.tie. Toutes , Celle qui, renfermée ici pour Ia fixième-fois , femblait pour les Autres un levain de corruption & d'infamie, Pagenouille de'vant elle, & hier, lui demahda fes prières : deforte-que cette Infortunée va peutêtre devoir fon falut k Urfule. Il eneft-forti beaucoup de cette Maison, qui, inftruites par elle , ont-promis de quitter le vice ; j'en-connais plus de douze qui Fontquitté , & a qui je fais-paffer les fecours &c les encouragemens au-bien que des Perfones pieuses me confient... Mais voici Urfule : elle porte ici le nom de Sceur Marie Urfule eft-entrée modeftement, & fes ieux f étant-d'abord-portés vers la Supérieure , elle 1'a-faluée: puis fe retournant vivement de mon cóté, elle a-paru me confidérer fous mon habit de deuil avec une méditation profonde, dont elle eft-fortie par un cri, enfe précipitant a mes genous. J'étais-fi émue, que je ne pouvais-parler. Cependant Urfule était-profternée, fans articuler une parole. Je 1'ai-voulu foulever: —Ah 1 Dieu ! feftelle-écriée , eft-ce vous, Madame , qui venez ï moi 1 —Oui, ma chère Fille: Je fus hiér par ton Frère-ainé oü tu étais; & me voila; je nJai-pas-perdu un feul inftant! — O bonté !... que je ne mérite plus!... —Si, tu la mérites, puifque tu es néceffaire a mon cceur; puifque je t'aime, & que tu vas fairecouler dans la paix, le refte de mes jours.... —Infortunée... —Jet'cmmène, a-l'inftant: viens avec moi chés ma- Tante ; ma Sceur ,  Partie VII. taf ta tendre & conftante amie, malgré ton oubli de tant d'années! ma Sceur va te revoir avec autant de plaisir que j'en-ai moi-même. ■—Non , non ; je refte ici. —Et moi , je veux t'emmener; je 1'ai-promis a ta familie, 8c de ne te jamais quitter qu'a la mort; j'ai fon aveu ; c'eft 1'ordre de ton relpectable Père... —Arrctez, Madame : a ce mot je n'ai rien a repliquer: que voulez-vous que je falie ? —Te préparer a fortir avec moi; Madame la Supérieure le veut bien. —L'obéiffance, Madame, dit-elle a la Supérieure, paffe le facrifice: mon Père a-parlé, j'obéis, & je vais fuivre la plus-digne 8c la plus-parfaite des femmes quï vivent dans le monde-. Elle a-fait une révérence , en-disant, —'< J'emmenerai ma Compagne, Madame? '—■ Vous le pouvez, a-dit la Supérieure: Ion temps de force eft-écoulé depuis longtemps; elle eft libre-... Et f'adreffant a moi, quand Urfule a-été-partie, elle m'a-dit: —Cette entrevue me décide a vous laiffer-emmener votre Amie dès ce foir: je ne vous demande pas quï vous êtes; la converfation que je viens d'entendre, m'en-apprend affés.—Madame, je fuis Celle qui ai-tiré cetre Infortunée du fein de fa familie & deffous les ieux de fes vertueus Parens, pour lui faire trouver a la Viile un fort plus-doux : Et vous voy( z a quoi j'ai-réuff;-! Urfule eft-rentrée aulïitöt avec une fille, qui a-été fa femme-de-chambre , & que 1'abominable Homme qui..., avait £üt-ren-  to6 Paysane fervertie. fermer a YHópital pour trois ans. NoU» fommes-forties toutes-trois a onze heures, &c nous - nous - fommes - arrangées comme nous avons-pu dans la chaise. ; A notre arrivée chés m.me Canon, qui etait au-lit & que j'ai-défendu qu'on éveil- / ï'a'"mis Urfule dans la même chambre qu'elle avait-autrefois-occupée: elle n'a-pu f'y revoir fans attendrilfement, & elle eftreftée immobile, a repaffer dans fon efprit, a ce qu'il m'a-paru , ce qui était-urivé , depuis qu'elle avait-quitté eet asile. Ellefeftmise a-genous, fondante en-larmes, & priant, jufqu'au moment oü ma Sceur Fanchette , qui fe levait pour nous recevoir ,eft-entrée vers nous. Elle feft-jetée a mon cou, fans voir Urfule, que je lui ai-enfm montrée. —Urfule! elle vit!... Ah 1 ma chère Urfule-!... Elle a-voulu 1'embrafler; Urfule 1'en-a-empêchée de la main, en-luï disant: —rille aimable & pure, ne vous fouillez pas-! Ma Sceur interdite, m'a-regardée. Je lui ai-dit, qu'Urfule avait-auffilefusé mon embraitement (j'avais oublié de vous le dire); mais Fanchette ayanrvoulu abfolument 1'embrafler , il a-falut qu'Urfule cédat; & je 1'ai-aufiï-embrafïee a mon tour. Le lendemain , j'ai-été dès le matin a la chambre de votre Sceur, depeur qu'elle ne me prevïnt, en-fe présentant a ma Tante. Je 1'ai-trouvée-habillée , & a-genous. —' Enfin, je renais, m'a-t-elle dit, dans cette  Partie VII. 10? chère maison : mais je ne fuis plus digne que d'y être la fervante de tout le monde. »—J'y confens, pourvu que tout le monde y foit auffi la vótre. —ll faut que je falue m.me Canon; je 1'ai-entendue ; elle eft-levée , & j'alais paiTer chés elle , quand vous êtes-entrée. —Je 1'ai-ciaint: je ne veux pas que vous la voyiez fans moi: je vais m'ha" biller , & nous la verrons enfemble-. Tandis que je pariais, ma Tante, qui venait d'apprendre mon arrivée , eft-entrée dans ma chambre, & ma Sceur eft-venue m'avertir qu'elle m'y cherchait. J'y ai-couru: Mais je ne 1'y ai plus-trouvée. Je me fuismise a m'habiller très-a-la-hate, a-l'aide de Fanchette , & de 1'ancienne femme - de chambre d'Urfule, que fa Maitreffe m'avaitenvoyée. Mais pendant ce temps - la , ma Tante qui avait - entendu ma voix , a- été dans la chambre d'Urfule, qu'elle a-retrouvée a genous. Elle 1'a-regardc'e , fans parler, ne la connaiffant pas: puis f'avancant & lui voyant a-demi le visage , elle a-pouffé un cri de frayeur, qui a-fait lever Urfule, pour venir a elle. — Qui eft-ce ; Qui eft-ce ? disait ma Tante ? — L'tft la malheureuse Urfule, Madame, qui vous demande le pardon, & des prières-. Ce dernier moe a-confirmé ma pauvreTantedans fa première idéé; elle feft-mise a genous, & a-récité tout ce qui lui eft-venu a 1'efprit, en-disant a Urfule, qu'elle lui ferait-dire des. melfes. Votre Sceur, qui enfin a-compris  ioS Paysane ïervertie. fon erreur, Sc quelle lavait-effrayée, eftau?Iiror-venus me chercher, afin que je Ia raflurafle. Mais ma présence même ne la periuadait pas: Elle croyaic Urfule morte, Sc que c était fon Ombre. Nous 1'avonsremise au lic avec Ia fièvre. Vous imaginez que je me fuïs-bien-repentie de ne l'avoirpas-été d'abord prévenir: mais je nc m'attendais pas a ce qui eft - arrivé. Urfule était au-desefpoir de eet accident, que le grand age dë ma Tante pouvait-rendre dangereus: mais^ nous fommes-parvenues dans la journee a la calraer, & Ie foir même, elle avoulu parler a Urfule , qu'elle a-grondée comme une Mère gronde fa fille. Nous avons-pris jour au lendemain, pour lui.faire le récit de tout ce qu'a-fouffert l'Infortunée. A ce récit, que nous n'avons-fait que lire, parce-qu Urfule 1'avait-écrit de fa main, Sc Favait confervé , ma bonne Tante tantót fondait en larme , & tantót fe mettait dans une vive colère contre Urfule, de ce quelle n'avait pas eu-recours a elle. Moi-même , je n'ai-pu , fans frémir , entendre.... de fi hornbles choses, & Fanchette f'eft-trouvée mal. Vous verrez ce Récit : cela paffe toute imagination : Je ne crains qu'une cnose, c'eft qu.» venant a faire une imprefhon trop-vive fur vos Père & Mère , Ü ne leur foit funefte (i). r ')iïl/,ut obrervei" que dans ces Récits particuliere , Urfule n inculpait jamais fon Frère.  Partie VII. 109 J'ai-enfuite dit a ma Tante , que Pair de ce pays n'était pas bon pour Urlule , a laquelle il rappelait trop - vivement fes malheurs , & que je partirais dès le lendemain ; mais que je lui laiffais Fanchette. J'ai-appris alors a Urfule, que j'étais veuve , 8c que le deuil qu'elle voyait était celui de mon Mari ; que nous vivrions abfolument enfemble chés moi , comme deux Sceurs ; que je la regarderais comme étant la mienne; & j'ai-ajouté avec un fentiment cruel, 8c doux dans un autre fens, que c'était a plus , d'un titre. Le lendemain , je fuis - fortie avec ma Sceur Fanchette , pour quelques achats que j'avais a faire ; & je vous avouerai que je vis Edmond. M'a-t-i!-apercue ? c'eft ce que j'ignore. Cela me fit-penfer , a mon retour, a lui écrire deux mots (1), pour lui annoncer que j'emmenais Urfufe , & qu'il ne la cherctiat plus oü elle avait-été. J'eus-foin de ne lui faire ter.ir cette Lettre qu'a-l'inftant de mon déparc (z) , & après m etre-bienalfurée de fa demeure , qui eft rue Gdande, prés la place-Maubert , chés un Panflier, au quatrième : je vous la donne , pour que vous en-fafliez usage , fi vous le jugez ( I ) La CLIV.me du PAYSAN , Tome III. (2) Que de precautions , hélas ! pour fe^ rendre malheureuse! Si elle avait-vu Edmond , qu'elle lui eüt-parlé , il la iuivait , il 1'époufait, &. .... mon Père 81 ma Mère vivraient encore-... M*is il falait que le crime füt-puni  iio Paysane pervertie. è-propos. Ii me parut alfés proprement vétu ; mais pale , 1'air inquiete & trifte, marchant par bonds, & jetant fouvent les ieux de cóté & d'autre, comme un Homme qui cherche Quelqu'un. Sa vuc m'a-faittrefiaillir , & je 1'aurais peutêtre appelé , fi fen-avais-eu la force. Mais il eft-difparu, a 1'inftant oü j'en - formais la resolution. Depuis j'en-ai-changé (i ). Urfule fe trouve mieux ici qu'a Paris : Elle a fa femme-de-chambre avec elle, & je veux qu'elle la garde , cette pauvre rille avait un vilain nom ( z ); Urfule le lui achangé , après 1'avoir-retrouvée : c'eft une Frémj, d'une allés bonne familie d'Au** : c'eft une bonne-fille ; elle aime bien fa Mairrelfe. Pour moi , je ne faurais vous dire combien je remercie Dieu de me 1'avoirrendue : tout ce que je polfède eft a nousdeux. Je fuis très-fachée de ne pas avoir-eu des nouvelles de fon fils , avant de quitter Paris; mais j'ai-prié maSoeur &ma Tante de f'en-procurer, foit par le moyen d'Edmond, foit directement par le Marquis. Votre Sceur n'eft-connue ici de perfone , que du Confeiller; encore ignore-t il abfolument tous les triftes détails. Sa femme eft attaquée de la poicrine , & traine en-langueur. La fanté (O Dieu 1'a voulu , afin que le Coupatle füt malheureus comme il méritait : Mais mon pauvre Père & ma pauvre Mère , qui font-morts-de-douleurs !.,,. O lecon terrible ! ( a ) Trémouffée.  Partie VII. in n'eft pas toujours ou elle devrait - être; fouvent elle accompagne Ceux que la douleur aurait-du moifïbniier ! Au plaisir de vous-voir , ou ici , ou chés vous , ma chère Fanchon , fuivant la fanté d'Urfule , qui eft fort-dérangée. P.-f. Je viens de perdre ma chère Tante Canon; j'en-recois la nouvelle a-l'inftant: Urfule f'accufe de fa mort !.... C'eft a ce coup , que je n'ai plus de Mère ! LETTRE CLII. 12 mai. E d 7,1 É e , a Fanchon. ( Elle nous parle en-bien d'Urfule , demandant qu'elle tienne fon Enfant, & nous fait le tableau du bonheur de leur doublé ménage. ) M A tres chere Sceur : Je vous écris pour vous dire , que la chère Sceur Urfule, qui eft-arrivée ici avec M.™s Parangon , ccmme vousle favez, me refufe de t. nir PÉnfant que je potte, & qui, f'il p!ait-a-Dieu ,& f'il eft un garfon , portera le nom du chèr Frère abfent , dont il y avait fi-longtemps que nous n'avions-eu auqu'une nouvelle , perfone ne nous en-vou!ant dotmer. Vous favez pourtant que mon Mari aime bien  in Paysane pervejjtie. fon frère Edmond : & quant a moi , je n'oublierai jamais que je lui dois le co.ntentement que j'ai, d'avoir un bon Mari, doux Sc honnête- homme , Sc un bon Beaufrère; fi-bien que ma Sceur & moi no'js lui fommes redevables de tout ce que nous avons de bonheur. C'eft par cette raison , & par rapport a elle-meme, que je voudrais que la chère Sceur Urfule tienne 1'Enfant que je vais mettre-au-monde, Sc qu'elle lui ims pose le nom du chèr Frère avec qui elle a-été depuis fi-longtemps. Je ne fais pas ce qu'elle m'a été-dire , qu'il lui falait pour cela le commandement de nos chers Père Sc Mère , attendu qu'elle fe croyait par ellemême indigne de nommer un de leurs Peritsenfins. Je lui ai-dit la-deffus , que Frères & Sceurs étaient tous dignes les uns des autres. Et elle m'a répondu , que cela n'était pas toujours vrai. Je vo-js écris done, très-chère Sceur, Sc par 1'amitié que je vous porte, & paree-que vous êtes la femme de 1'Ainé , pour que vous ayiez la bonté d'avoir le commandement de nos Pèredk Mère, au fujet de ma dsmande. Je vous dirai que la cbère Sceur vit dans une grande reserve Sc modeftic , ne fortant qu'avee M.me Parangon , Sc vêtue comme elle d'un deuil fimple : elle n'eft pas d'une bonne fanté pour le présent , paraiffant languiffante, Sc cependant elle a quelque chofe de joyeus dans les traits du vifage ; comme le trouvant oü elle fe desire, qui eft-d'être avec  Partie VII. nj avec M.me Parangon; car c'eft un excellente Dame , eftimée ici, de tout le monde. Mon Mari & le frère Georget, vont la voir de deux foirs 1'un, & ma Sceur 8c moi I'autre foir ; & fon entretien n'eft qu'édificatiori: ce qui montre bien la fauffeté de certains bruits fourds qui avaient-couru ici. Elle va , autant qu'elle le peut, a i'Hotel-dim, fervirles Pauvres, & ie penfe qu'elle aurait comme envie de fe faire Hofpitalière. Je ne la trouve plus fi-changée de ce qu'elle était , que les premiers jours; car a-peine ai-je pu la reconnaitre , a la première-fois : mais vous favez que je 1'ai-vue la moins de toutes nos Sceurs. M.me Parangon m'a-dit, qu'elle contait de vous la mener, loriqu'elle ferait plus-forte, & que je ferai-relevée: efpérant que je pourrai les accompagner; ce qui eft tout mon desir. Quant au très-chèr Edmond, notre Sceur ne nous en-parle qu'avee la plus-grande reserve_, difant, qu'il eft dans une grande Vilie bien-dangeteuse ! 8c qu'elle nous recommande denepas 1'oublierdansnosprières.. Ce qui nous fait bien raifonner tous-quatre quand nous fommes-réunis les foirs. Car nous n'avons que ces momens-la. Nos Marisfont laborieus, & ne perdent pas un inftant:: auffi les petites affaires vont-eiles affés bïenl Notre bon Père vit heureus dans fa grandevieiHeffe , & nous fommes contens autanc qu'on peut 1'ètre , n'ayant rien a de/irer pour le bonheur , que de voir nos chèrs Enfans grandir & profpérer, Je ne vous Tome IV. Partie VII,, j£.  U4 Paysane pervertie. cache pas, chère Sceur , & j'en-remercle Dieu , qui fait tout pour le mieux , combien ne fuis-je pas plus-heureuse , avec mon chèr. Mari , que fi j'avais-époufé Celui qui a plus de mérite ( comme notre Bertrand le dit lui-même ); mais qui eft trop-deftiné aux grandes chofes, pour rendre heureuse fa Ménagère : J'en-embrafle quelquefois mon Mari les larmes aux ieux , en le remerciant de m'être-venu demander. Et fi Catherine fe trouve-la, il faut Ia voir fe donner le mérite de tout, & f'applaudir toute-feule; mais fi-bonnement, qu'on ne faurait f'empêcher de 1'en-aimer mieux. C'eft une bonne Sceur,, & plutót Mère que Sceur a mon endroir. Que Dieu la bénifte ! Pour notre Gtorget, ïl ne fonge qu'au travail; a-peine nous parlerait-il de lui-même : mais il n'eft pas. mauffade , & répond bonnement quand on lui parle. Je ne fais pas fi la chère Urfule &C le trés-cher Edmond ont-trouvé plüs debonheur que nous ,. tout-par-tout oü ils ont-été dansle Grand-monde, & les grandes. Compagnies : mais ce que je fais, c'eft que Tous-ceux qui nous connaiffnt, nous trouvent heureus. Je me plais a vous écrire ces choses-la , trés - chère Sceur , fachant combien vous nous aimez, & combien ellesvous plairont, & combien elles plairont a nos chèrs Père & Mère , que nous refpectous , & honorons comme 1'Image du> Bondieu a notre égard, nos dtux Maris,: m&, Söeur & moi.. Car jamais on ne pro--  Partie VI ï. rij ftonce le nom de mon Père ou de ma Mère R**, chés nous, que le frère Georget ne fe découvre avec refpeófc , & que mon Bertrand ne dise , — Dieu les bénijfe-. Et ma Sceur imite fon Mari, & fait une révérence : quant a moi , j'imite le mien , Sc je dis , — Dieu nous les conferve. Et c'eneft de-même de notre Père Servigné. Et il faut 1'entendre lui , quand on nomme fon Frère Sc ia Saeur de S** , comme il les appelle ; il marqué fa joie a fa manière , & tout en - disant , Dieu les bénijfe, comme mon Mari, il fe fait-verfer un verre de vin , Sc les falue Tous-deux comme f'ils étaient présens , difant, — Et que ne puis - je les faluer - ld .' Oh ! le bon Homme ! oh ! la bonne. Femme , que m'a fait connaitre Edmond i Car c'eft d lui que je dois leur connaijfance , & mes deux G endres , qui font tels, graces cl Dieu ! qu'en - me - les - fesant -faire-expres > je n'aurais pas Jï-bien-fait. Mais ils ont de Qui tenir : On ne faurait-étre que bon , fortant de fi bons Père & Mère. Et la premièrëfois qu'il dit ca , Georget fe prit a-pleurer de-joie, en lui difant: — Et vous aufïi done,, ainfi que votre .femme x vous êtes bons, puifque vous nous avez-donné de fi-bonnes'' femmes-! Ce qui fi -treffaillir mon Père, Voila mon papier, rempli, ma très chère? Sceur; je me fuis-fait fcrupule, d'y laiffer un-peu de blanc en-vous-écrivant, a vous a quli 1 ai toujours tant a dire. Je fuis avec une; midreflc de Sceut &. d'Amie ^ Votre tkcJ^  i\6 Paysane pervertie. LETTRE CLIII. 16 mai, jour de la faint Pelerin. Réponfe , de Fa n c h o n. ( Elle envoie a Edmnée le commandement de notrS' Père pour la tenue de fon Enfant par Urfule. ) oici j ma très-chère-bonne-amie-Sceur,. les paroles que me dióte notre très-honoré Père : " Je commande & ordonne a ma » fille Urfule, de tenir fur les fonts bénis » & facrés du batème, l'Enfam dont eft»* accouchée fa Sceur, ma chère fille &c » bru Edmée Servigné, épouse méritante jj de mon fils Bettrand , le quatrième de « Ceux que le Ciel m'a-donnés. (Dieu a» béni les Autres, qu'il daigne fauver le « Second!) Reconnaiftant que madire fille » Urf'le f'en eft-rendue-digne par fa bonne }> vie & repentance aóiuelles: Ainfi la bé» niffe le Seigneur , comme de-présent, » moi fon Père , je la bénis , a-celle-fin » que ma bénediction reposé fur elie, &Z » fe communiqué a 1'Enraöt de la très.» chère Edmé^ ma fille , d >nt le nom » m'attendrit', toutes-fois-&:-qua'->tes que je ».. le pro:ionce; & parce-qu'il eft mon nom, » & par la recordance qu'il me donne dh  Partie V I 1. n? » fils éloigné de moi & de fa Mère, qui » fommes fur nos vieux jours, & qui nous " avancons ja courbes ven la tombe. Amen.» —- Amen ! amen-l q a-été le cri de toute la familie, deyant lnquelle notre refpe&able Père m'a-dióté ces paroles de la bouche vénérable, étant-aflis a-cöté de notre bonne Mère, qui les a-approuvées de la tête & de les larmes. Tout le monde ici vousfouhaite un prompt rétabliffemenr, & defire 1'heureus jour, oü vous vierichez réjouir le cceur de nos chèrs Père & Mère, par vorre-aimée & desirée_ présence. Quant a la chère Sceur Urfule, la venue fera la fête du cceur de fa bonne Mère; car il treflaille dès qu'elle y pénfe : Vous & moi, chère Sceur, nous fentons le cceur de Mère, puifque nous le portons: mettons la plus-chère de nos filles en-ph ce d'Urfule. & nous en- place de Barbe De B**, & nous fiurons fes fentimens, comme fi fon cceur érait ouverr. Vorre chèr récit de ménage, que j'ai- lu tout haut le foir, a nos Père & Mère, devant toute la familie, a-reproduit un de ces anciens momens de calme & de bonheur , que j'ai-vu fi-fouvent ici autrefois : notre Père etait rayon'nant de joie. II f'èfllevé-tranfporté, disant, — Dieu béniffe mon frère Servigné ; Dieu béniffe fes chèresr filles & les miennes ! ah ! les excellentes filles-!... Et il a eu la bonté de dire, enme regardarit: — Comme la Liseuse de la Lettre-. Ce qui m'a bien-flatée ! Et notre  ri8 Paysane fervertie. bonne Mere fouriait, en-prefque-larmoyant, Sc disant: — C'eft pourtant mon Edmond; qui me les a-données-IO cette bonne Mère !... Je fuis, chère Sceur, &c.3 ff» . =,=4g^== LETTRE CLIV. 39 juin , jour de la faint Pierre 01 Paul. Fanchon, a Catherine, Femme de Ge or g e t. (Ma Femme lui rend-compte de tout ce qui f'ettpaffé chés nos Père & Mère a 1'arrivée d'Urfule &t a la leélure de la Relation.) Ma très-chère & bonne-amie Sceur: Je mets la main a la plume, pour vous donner des nouvelles de votre doublement Sceur, la chère Edmée, de la Sceur Urfule, & de tout ce qui fe pafte ici, depuis le jour de la Saintjean que nous les y poftedons, ainfi que 1'excellente femme m.me Parangon. Votre chère Sceur fe porte bien fi ce n'eft qu'elle f'ennuie un-peu de fon Mari; ce qui lui va très-bien , avec fa mine' douce; car 9a la rend plus-douce encore.. Mais il faut vous écrire la réctption ici. de la Sceur Urfule, depuis fi-!ongtemps abfente,. Sc llvivement desirée : Car encore  Partie VII. ir9 qu'on l'ait-contce au frère Georget, qui veut f'en-retourner le même jour de fon arrivée, fi eft-ce que je crois qu'il vous ferait le récit un-peu court. Le chèr frère Bertrand, dont c'était le tour a venir ici, nous ayant-annoncé que la chère Sceur, ainfi que m.me Parangon devoiant partir en-la-compagnie de fa femme le famedi fuivant, jour de la Saint-jean , &c qu'ils ne les pourrait accompagner, acause de la fenaison de vos lusernes, qu'il falait faire ces deux jours-la, entre les offices, notre Père Sc notre Mère fe préparèrent pendant les cinq jours de la femaine a les recevoir : Et on fe mit a nétoyer & approprier toute la maison , comme fi on eüt-dü recevoir une princeffe : & notre bonne Mère nous disait, plus-joyeufe qu'elle n'avait-encore-été depuis longtemps: — Ce n'eft pas une princeffe; mais c'eft votre Sceur, Sc ma fille, qui eft faintement pénitente , & qui a-paffé par de fi grandes épreuves, qu'elles font a faire-frémir, comme vous les entendrez , f'il plait a Dieu-. Etr la chère Bonne-femme fe dépêchait toute la premi-r", prenant garde a tout. Le vendredi mon Mari partit, pour aler avec la voiture couverte , chercher Ceiles que nousdesirions. Et voila que le famedi, notre bon Père qui fe léve toujours très-matin , ce jour-la le fit encore plus; & on voyait, que fous prétexte de m.me Parangon , ili aiettait auffi la main k 1'ceuvre. Et k 1'he.ure.-  'iio Paysane perver-Tie. qu'on fort de la grand'mefTe, notre Père' & notre Mère, aulieu de f'en-revenir a la ïriaison, ibnt-montés la montagne de Vesehaut, pour voir f'iis rencontreraient la voiture : Et comme ils étaient a mi-la montagne, vii-a-vis la- Cave-aux-loups, ils ontentendus le bruit d'une voiture : — Mes Enfans , n'entendez-vous pas une voiture ? a-dit notre bonne Mère. — Qui-da, ma Mère, a-dit Brigitte, & même comme de deux. Et nos frères les plus-jeunes ontcouru eu montant la montagne , & a deuxcents pas qu'on ne les voy.üt plus, ils ontrencontré la chienne triquttte , qui étaitalée avec mon Mari, laqué.ie les a-aboyés de joie, mais qui fentant fon maitre plus bas, les a-eareffés un-peu, & les a quittés tout-courant : Et voila qu'elle eft-venue a notre Père, avec fes careffes qu'elle lui fait, quand elle a-été un jour fans le voir, aboyanr, Rurlant, & fe roulanr a fes piéds. Et notre bon Père nous a-dit: — Les voici: car la Chienne ne quitte que du haut de la montagne vers la croix-. Et il voulait faire-affeoir notre Mère; mais elle 1'a-prié de la laiifes monter, Ibutenue par Chriftine & moi. Et nous fommes arrivés aux piéds de la croix, oü notre Mère f'eft-affise : car dela on adécouvert la charrette-couverte , & une chaise; & nos frères, qui les avaient jointes déja, revenaienr a-cóté de la chaise, Et notre bonne mère a-dit, — Qu'eft-ce done qu'il" y a dans la charrette, ou dans fa chaise 8  Partie VII. lzl chaise? Car la charrerte fuffisait-? Et elle était inquiette, fe forgeant mille craintes; car elle avait comme en idéé, que c'était peutêtre le corps de fa fille qui était dans la charrette: mais la chaise étant bientötavancée au-double , elle eft-arrivée auprès de la croix : C'était m.^ Parangon qui guidait; & Urfule f'eft montrée vïtemem & ayant-vu notre Père qui lui tendait la main pour lui aider a defcendre, elle l'aprise, & eft-defcendue, mais pour ie laiilèraler a fes genous, quelle a-embrafïes les larmes aux ieux. Et auffitót notre bonne Mère f'eft écnée: — Ma fille! c'eft ma fille-! Et elle a-voulu fe lever fans le pouvoir. Urfule 1'entendant , feft - trainee a genous a fes piéds. Mais la bonne femme f'eft-jetée a elle, & la fenant de toutes fes forces contre fon cceur, elle lui a-dit: —Tu es pourtant dans mes bras, & Dieu ie veut! que fon faint nom foit béni! J'ai toutes mes_ filles, & il ne m'en manque auqu'une ! Béni foyez vous, Sdgneur-! Et Urfule n'avait-pas-encore-parlé : mais elie pleurait le visage pale, & paraiifait prête a fe trouver-mal. M.me Parangon nous a-dit en-fouriant, — Elle craint quelle ne difparaifle-! On a-fait-remonter les Enfants dans la voiture-couverte, &c m.me Parangon a-dit qu'elle ferait bien-aise de faire a. piéd le refte du chemin avec notre Père, & qu'il falait qu'Urfule & notre Mère montaffent dans la chaise. Elle a-parlé bas a Edmée, qui a dit, —'Je veux aler avec les Enfans-. Si-bien que notre bonne Mère a été feule avec fa fille dans la chaise, oü elle 1'a-tenue dans fes bras, fans lui dire un feul mot prefque jufqu'a la maison. Et quand Urfule y eft-entrée , c'a-été un cride - joie de nous tous , de revoir notre Sceur avec nous. C'eft-la que notre Père l'a-embraffée, en-la nommant fa fille. Et Comme elle lui demandait pardon, il lui arépondu : — Si le Père - Célefte & parfait a-pardonné, comme je le crois , ce n'eft pas {Ui Père terreftre Sc imparfait awêtre ïevère  Partie VII. I2.5 & dót , puifque lui-même eft pécheur-. Enfuite Urfule a-été-demander pardon i norre Mère , avec des paroles fi-touchantes & fi-humbles, que la bonne femme ne pouvait fe retenir. — Oui , oui, lui a-dit cette pauvre Mère , comme le Bondïeu & comme ton Père, je te pardonne , ma chère j*. e- ' Ah ! ma Mère ! vous ignorez combien je fuis coupable ! j'ai été-tentée de me livrer au défefpoir; & peutêtre y ferais-je lans les prières & les bontés de quelques Amis plems de vertu-. ( Et elle a-regardé M.me para„gon ) w _ Mais C£ qui dok rü[_ prendre, c'eft que le premier rayon de faveur celefte, eft-tombé fur moi par 1'organe d une.... Samaritaine.... Auffi efpéré-je que mon pauvre & chèr Frère retournera aubien , & même vous fera-honneur un-jour; car c'eft par lui que je 1'ai-connue, & il anourn en-elle les bonnes difpofitions qu'elle tient de fon cceur & de Dieu, fans auqu'une culture de Ia part des Hommes! Qu'elle doit m'humilier,. ck me confondre !.... Quant a Ja rcfpeétable Amie que vous voyez , & quï honore de fa visite votre maison en ce jour , je lui ai-toujours-dü tout ce que j'ai-eu de bonheur & de bons fensimens-.... A ces paroles, notre Mère a-été-baiser les mains 'de M.me Parangon, & falait mettre a fes genous , fi elle n'en-eüt-empêché. Pendant ce temps-la < Urfule , a 1'heure qu'on f v attendait le-moins, f'eft-mise a nos genous L z  124 Paysane pervertie. a tous , & nous a - fuppliés mains - jointes £ & les ieux baifles, de lui pardonner le desbonneur qu'elle nous avait-fait , nous promettant devant Dieu & nos Père & Mère fon image , qu'elle reparerait fa faute , avec 1'aide de Dieu. Et nous la voulions relever & empêcher de parler. Norre Père nous a-fait-figne de nous retirer , & de la lailTer. Et quand elle a-eu fini, CGmme nous n'osions répondre, a cause du fileuce qu'il nous avait-imposés, il nous a-dit de parler a. notre Sceur , felon nos fenrimens. Et Unchaqu'un de nous-rous a-protefié qu'il pardonnait & chériflait une Sceur toujours aimée. Alors notre Père a-dit : — Ce dernier pardon demandé k vos frères & fceurs, ma fille, eft votre plus-belle adtion : car quant k moi, & k votre Mère , cela était naturel -r euffiez - vous raison , & nous tort : mais celui demandé k vos frères — Non , ma Mère , adit Urfule, dumoins les deux premières, & vous voyez la Coupable; je les airetenues-. M.me Parangon a-rougi , endisant a notre Sceur . — Tu ne me 1 avais pas dit ! je n'en aurais pas parlé !.... Mais la dernière , il 1'a - recu , quand je fus-fur-lepoint de t'emmener. — Pour celle-la , je le crois. — j'en-fuis füre, car je le vis rentrer chés lui , &>on l'a-remise a lui-même. — Vous 1'avez-vu; Madame ! a-dit notre L 3  izó Paysane pervertie. Mère. — Oui, lui-même ; & ma Commiffonnaire , la fille qui fervait Urfule autrefois , & qui. connait pafaitement Edmond, Ja lui a-remise a lui-même : mais il ne 1'apas reconnue , elle , a-cause de 1'obfcurité, & de la calèche qui la-couvrait ; & pareequ'elle lui - a - donné la Lettre a la porte entr ouverte , fans entrer. S'il avait-voulurépondre, il fait öü je fuis : aulieu que c'tft par-has?.rd que j'ai fu oü il était. — Il faut lui écrire',' mon Pierre ( a-t-elle dit a mon Mari. ) — Je le ferai moi-même, fi vou3 le desirez, a-repris la bonne Dame ; je ne fuis pas fiére avec mes Amis. J'ai une nouvelle a lui annoncer, qu'il ignore fans-doute: & a'ors, f'il me répond comme il convienc, je verrai Son fort , Madame , dépend abfolument de lui, dans tout ce qui a quelque rapport a moi. — O ! Madame ? fe' pourrait-il! ( a-repris notre Mère) Ah! quand pourrai - je le voir ici ! quand mes pauvres Enfans feront-ils tous-la, fans qu'Auqu'un y manque !.... Mon Edmond ! le nom de ion Père & fon portrait vivanr.... Oh ! f'il était donc-la ! Voila que-comme elle disait ces paroles , nous avons entendu de dehors une voix , comme de Bourgeois, &Z non de Payfan , qui a répondu , Jamais.' Nous en avons tous éré - troublés, & notre Père lui-même a-prêté attentivement l'oreille. Charlot , qui rit toujours, a-paru pale .& tremblant, & il eft forti pour aler voir qui c'était. Il a-couru du cöté du Vil-  Partie VIT. *f| fage, du cöté de la Farge, du cóté du Bout* part, & du cötc de la Creuse, fans rien voir par auqu'un de ces quatre chemins, & il eft venu nous dire , que ce n'était Perfone. M.ra<= Pragon a.f0urJ . & nous a_J;t ^ c'était förement Quelqu'un , & qu'il ne falait pas f'eftrayer fupefticicusement. Et en eftet, nous avons fu par - après que c'était deux Hommes de V*** qui paffaienr, done lUn avait demandé i 1 autre , Si fon fils reviendrait bientöt de 1'armée ? Celui - ci avait répondu avec force ( car il avait -appris la mort de fon fils la veille) Jamais ! ajourant plus bas ; II eft mort. Et ces deux Hommes, qui avaient chaud, & avaient chaqu'un une petite bouteille dans leur poche , voyant notre gros noyer de la - Ruellote , féraient afiis deffous, pour fe reposer a 1'ombre & le rafraïchir : C'eft pourquoi Charlot ne les vit pas; & ce fut B.itifte qui nous conta ca deux heures après; qu'il vit-partir ces Hommes , & qu'il fut leur demander , pourquoi ils avaient dit, Jamais , fous nos fenêtres > Voila, très-chère Sceur, ce qui f'eft-paffe" a la reception. Et depuis ce moment, que nous voyons a conduite d'Urfule, nous en-fommes dans l edificarion ! car c'eft la conduite d'une Samte : & notre bonne Mère fur - tout Padmire, & la regarde comme avec refpeéL Le lendemain de 1'arrivée , notre bonne Mere , notre Père lui-même , & nous-tous L 4  ii8 Paysane per.vertie. étions bien curieus d'entendre la Relatinn : M.me Parangon , qui 1'avait- vue, ne favait qu'en-dire , & elle n'y paraiflait pas encline. Mais Urfule ayant entendu notre defir, elle a demandé a nos Père & Mère leur heure , pour qu'elle la lüt elle-même ? Et ils ont dit, — L'après-midi , en fortant de table-. Et quand on a-été hors de table, Urfule f'en-eft-alée dans fa chambre , bien un quart-d'heure, & elle eft revenue, n'ayant plus rien de fon arrangement, mais la tête couverte d'une grofle coife noire, avec une» robe de deuil, tenant un papier a la main. Et elle f'eft mise a genous devant nos Père & Mère , la tête baiflee, commencant a lire en toute humilité , les ieux humectés de larmes. Cet écrit était-compofé de plufieurs Lettres ; la première a notre pauvre Laure y: aujourd'hui revenue a elle ( la CXXVI) , d'une autre Lettre a la même , qui eft la fuite ( la CXXVII) ; d'une troisème encore a la même (la CXXVIIl); de deux autres a Edmond (les CXXIX & CXXXIII) ; 8c enfin d'une Lettre de l'Infortunée a Zéphire ( la CXXXVI) ( Fanchon copiait ici toutes ces Lettres. ) Pendant qu'Urfule a-lu la première Lettre, notre Père parailfait enflamé ; il ne fe pouvait tenir tranquile, & la colère étincelait dans fes regards : Notre pauvre Mère, elle, fondait en larmes , levait au Ciel fes mainsjointes, ou les tenait-baiffées , comme de  Partie VII. 129 honte : Tous nous ■ autres étions dans un état terrible , & le Moins-méchant d'entre nous , rurait , je crois , tué ces Gens-la. Comme k coière & le révoltement-de-cctur nous changent ! Ca m'a-fait-penfer comme les deux Infortunés , Edmond , fur-tout , ont tant fait d'actions emportées ! je ne le pouvais comprendre auparavant A Partiele du Nègre tenant le poignard , & Oh ! oh! Chaqu'un de nous a-pouffé un cri ; notre Père f'eft-levé : notre Mère f'eft - quafi-évanuie, & M.me Parangon adit , qu'il falait ceffer la lecfure. — Non , non , a-dit rudement notre Père. Urfule aconnnué. Et quand on I'a-crue imbécille, logée dans la loge du Dogue.... nous avons tous-frémi !.... Pour moi , je fentais un friffonnement d'horreur & de faisiflement. J'ai-alors-jeté les yeux fur mon Mari. Il ne pleurair pas. 11 était a-cóté de M,me Parangon , la tête appuyée fur une main , fe couvrant les ieux de 1'autre. Urfule a continué les horreurs ; & elle eft - bientötvenue a la mort du Nègre. Nous avons tous-éclaté-de-joie : notre Père f'eft encore levé auftl-tranfporté , comme f'il eüt frappé lui-même leMonftre : Nous avons-retremblé quand on 1'a-eu-découvert, & quand on a habillé Urfule ; quoique nous l'euiïions devant nos ieux , nous croyions-qu'on alait ia mener a la boucherie. Mais nous-avonseu une fombre douleur , quand nous 1'avons vue.... Le refte nous a-navré le cceur  13» Paysane peryertie.' jufqu'a la Lettre , J'avais jeté mes plumes, qui nous a-fait fondre en-larmes , comme la Lisante. Et cette Petite chère Amie ! qui Oojtij a-fait aimer cette Zéphire, fans fonger k ce qu'elle a-été; car elle eft la bonté même , cequi efface tout..,. Mondieu ! que la pauvre Urlule a-fouffert !.... Quand elle a-eu fini de lire , elle f'eft reprofternée , devant Dieu d'abord , enfuite devant nos Père & Mère, en leur difant : — Vous venez d'entendre la confeffion de mon infamie & de ma turpitude, dont je demande pardon a Dieu, &c k vous , mon chèr Père , & k vous ma tendre Mère , qui m'avez-portée dans vorre fein, & que j'ai deshouorée autant qu'il aété en moi: vous fuppliant tous-deux de m'infiiger la peine que je mérite , afin que mes crimes foient-punis en ce monde , &c que je puifle obtenir en 1'autre la miséricorde du Seigneur-.... Mes chèrs frères &c fceurs (a-t-elle ajouté , voyant que norre Père ne répondait pas), je vous demande auffi. k tous pardon , vous fuppliant d'intercéder pour moi auprès de vos chèrs Père & Mère, que je n'ose nommer miens en ce moment-. Et tous nous fommes-tombés a genous priant pour elle. Et notre Père adit: — Le pardon eft dans le repentir, ma fille : levez - vous , & embreffez Un-chaqu'un de vas frères & fceurs.... Et quand elle nous a-eus-embraffés , il lui a-tendu la main , qu'elle a-baisée , & il lui a-dit: — Alez k votre Mère ; car fon cceur vous  Partie VII. 131 desire-. Et notre bonne Mère a-recu Ia pauvre Urfule dans fes bras , en fanglotant, & 1'embraffant , disant : — Dieu te pardonne, ma chère Enfant , & t'aime comme je fais! ainli fóit fa fainte volonté-! Voila comme Peft-paflée cette lecture tant fouhaitée ! Nous avons - auffi - eu une confidence, M.me Paragon & moi , au-fujet d une difposition qua cette Dame, qui nous ferait auffi honorable qu'avantageuse ; cela regarde Edmond , & le mariage. C'eft - en - dire affés pour le présent; vu qu'il y a loin d'ici la , attendu que nous ne fivons a-présent comme penfe Edmond. Urfule repartira avec M.me Parangon , dimanche prochain ; mon mari les conduira. Je fuis avec la plusforte affection de Sceur , &c. a N.a M.me paragon écrivit a Edmond le ij juillet fuivant; Urfule Py joignit: mais la Lettre fut-interceptée par Zéphire : c'eft la (cLyn.me du Paysan, Tom. III. ) Un an après , Edmond aporit du p. Gardien, que fa Cousine lui avait écrit ( clxj , Tome III, du Paysan ); mais il prit cela d'une manière fauflè , quoique conforme a ce ■ qu'il méritait ( clxu d\x Paysan ). Madame Parangon écrivit une autre Lettre le 6 novembre 1759 > qui fut encore retenue par Zéphire. Au mois d'Augufte 1760, je fuppliai Madame Parangon de nous avoir des nouvelles de mon pauvre frère : elle  ijl 'Paysane pervertie. me fit réponfe , qu'elle lui éctivait. Sa Lettre fut répondue par M.n,e Zéphire. Enfin le 14 janvier, Edmond m'écrivit (la clcxxxix du Paysan). Pendant ce temps-la, il n'arriva r:en a Urfule , qui vivait pénitente chés M.me Parangon , avec M.lle Fanchette , M.me Canon étant morte , comme ou i'a-vu. Fin de la Vll.mt Partie.  L A PAYSANE PER VERT1E , o u LES DANGERS DE LA VILLE; HlSTOIRE v'ÜRSULE R * * , fauf i'Edmond , k Paysan , wise - au-jout d'après les vèritables Lettres des Peifonages : Par rAuTEUR du Paysan Perverti. TOME IV. PARTIE VIII. Imprimé A LA H A I E. Et fe trouve a P A R I s Che\la cLme Veuve Duchefne, libralre, en la rut Saintjaques, au Temple-du Goüt. m. M.-dcc.-lxx xiy.  I  LA PAYSANE PERVERTIE, ou les DANGERS DE LA VILLE ; HISTOIRE d'URSüLE R* * , mise. au-jour d'après les véritaèles LETT&Ef> des Perfonages. HUITIEME PARTIE. LETTRE CL V.** i janvier 1761, U R S U Z E , d F A N C H O N. { Elle n'ose offrir elle-même fes refpefls , a la nou» velle-année. ) T JE te pne, ma chère Sceur, de mettre aux-pieds de nos très-chèrs Père & Mère, les vceus de leur indigne fille: ta méditation  i2é Paysane pervertie. les rendra moins-téméraires. Quant a toi, mon Amie-fceur, & a toute notre familie, je vous demande la permilïion de vous les offrir moi-même. M.me Parangon m'oblige a te marquer, que M* le Confeiller, qui eft veuf, penfe a moi de nouveau. Je n'ose arrêter ma penfée fur auqu'un mariage, quel-qu'il-foit: voila mon lentiment, fi j'ai-droit d'en-avoir un, après avoir li-longtemps abusé de ceux que j'ai-eus autrefois: & fi j'en-fuis-crue, il ceffera fa pourfuite: je me regarde comme trop-indigne de lui. D'ailleurs, je fonge que j'ai un fils. Tous les jours, depuis que Dieu m'a-fait la grace de le reconnaitre , je lui offre mes prières pour ce chèr Enfant, a qui je n'aurais donné que la vie & mauvais exemple ( f'il m'était - refté ). Je fuis, avec refpect, ma chère Sceur, Votre humble fervante a Tous, Ursule pécheresse. LETTRE CLVI.  Partie V I I ï. tff LETTRE CLVf. i mars, G a u d s t a a. Edmond. ( II adopte un Fils d'Edmond. ) • TT - ** (0 te remettra cette Lettre, & une de recommandation pour lui, que j'ai-cru- : de voir lui donner. Lis ma Lettre, promets & ne tiens rien : c'eft un Sujet dangereus, qu'il ne fiut pas inicier. Voila done Urfule Uu"! fe vojfe enparangonnéel la voiia devote, pénirente; la voila femme enfin, dans toute la figmncarion du terme, c'eft-a-dire , extréme en- tout! Virium Sffemper mutabile fcemina ! Si eile devait-être ainfi, jai-cu-turt de vouloir la guiderL. J'y fuis-attrapé fouvent ï toutes les fois que j'ai-voulu-conduire Quelqu'un , d'après mes principes, ou j'en-aifait des Scétérats, ou j'ai^trouvé des ames timides, mcapables d'eflor: ru es le Pul i avec qui j'aie-reüfli (i): auffi mon amicié pour toi n'a-t-elle jamais été fi-vive; tu es i un fecond moi-même; & pour te le prouver, C O II eft queftion de ee K>*, dans laCCXXlv du Paysan , Tome IV. f au (a ) A quoi Malheureus', a quoi as-tu réuiïf i :ah ! pour fon malheur, & pour le tien . tu le Terras Jjientot ! Tome IV. Partie, VUT. U  i}§ Paysane pervertie re pouvant plus efpérer d'avoir de ta Sceurce que j'en-attendais , car la voila prefquemorte, je renonce a 1'avoir de toute autre femme; j'adopte le fils de mon Ami, &C de la Vertu-dans-le-vice „ de m-me Zéphire enfin: J'aime le Père comme moi-même: j'admire la Mère, je la regarde en Sceurchérie , & je vais-faire mon Héritier de 1'Etre aimable, qui doit le jour a ces deux Etres fi-chèrs a mon cceur : Tout eft terminé ; quand il fagit de te marquer mon amitié , toutes-fois-&-quantes tu verras, Je vais-faire, fiche que cela. fignifié, J'aifait. C'eft une donation pure & fimple, accorapagnée- d'une tradition actuelle : m.r Trifnégifte (i) accepte , comme il le faut, pour 1'Enfant: la Mère a-figné ; tu figneras comme ami, ainfi que Laure; je voudrais que tous nos Amis fignaffent, non par oftentation , tu me connais, mais pour montrer plus clairement mon amitié pour toi. J'ai une idéé : En-conféquence de la loi, Pater eft (2) ; qui empêchera que Zêpkirin ne foit un jour. le Mari d'EdméeColette (3)?. ( 1 ) C'eft le Mari de Zéphire , qui était marié comme on 1'a-yu dans le Paysan., CLXXV.me ,■ Tome lil. (2) quem jüjlce nuptice iemonfircmt. Cod. Juft. ( 3 ) Gaudét ne refpeclait rien \ ceci fe verinera >. malheureusement! Vov. la CCXLXII.me du PAYSAN . TfimelV.  PRATII VIM. 139 LETTRE CLVII. 24, avrü,- U R S W X E ,. d Fa n c h o n. ( Calme trompeur avant I'orage ! ) u ne perfpective plus-riante que nous ne 1'avons-eue depuis longtemps, fe présente, ma très-chère Sceur. Edmond eft veuf de cette vieiile Dame que m.r Gaudét lui avaitfait-épouser, & nous avons, pour le rappeler a Celle qu'il a-feule-conftammentaimée, cette Zéphire, qui eft honnête au* jourd'hui & avantageusement établie, avec un homme qu'elle rend heureus. Mais il faut quelqu'indulgence pour Edmond, & même de 1'adreffe, pour 1'arracher au plusextraordinaire des Hommes, plein de vertus & de vices, qui a-été a fon but d'une manière effrayante, depuis qu'il connait Edmond : car il eft-parvenu a le faire-membre d'une Cour fouveraine. Par quels moyens!... Malgré le fort qui nous rit , je ne fauraj* me-défendre d'une fecrette inquiétude : & me rappelant combien nous avons - été cou-pables, Edmond & moi, je me dis, que nous ne fommes-pas-aiïès-punis... M„m2;Pa-rangon, a 1'i.nvitation de m.me Zéphire P, part fur le-champ, & va employer tous fe£ * Kfc 2.-  14© Paysane pervertie. efforts pour réünir Edmond a-jamais avec nous. Paffe le Cisl qu'elle réuffiffè !... Grand Dieu ! écoute la prière de l'Infortunée qui a-reconnu ta juftice dans fes peines, & quï fent aujourd'hui les effets de ta miséricor- de, avec les plus-vifs tranfports de recon- naifiance!.... Ma chere Sceur, mes larmes coulent malgré moi; il femble qu'une invisible main me repouffe... Priez, vous-autres, dont le cceur eft-pur; le Ciel vous écoutera mieux que les Efclaves du vice. Je me profterne devant mes refpeófables Pere & Mère. Adieu, ma chère Sceur. Ici fut-écrite la CCII.me Lettre da PAYSANi Wome IK  Partie V I I I. ,41 LETTRE CLVIII. j mat. U R S U X E , a la Même. ( Elle nous annonce Ie malheur d'Edmond. ) TT AJ-UMiLioNs-nous devant Dieu, ma chère Sceur !... Le Dieu des vengeances vient de parler ; il a-faiï-éclater fa puifance.... Mes crimes font punis... Edmond... eft-perdu... II faut done, grand Dieu ! que votre juftice luit rafiasiée! le repentir & la douleur ne la desarment pas ! les larmes amères que je verfe chaque jour n'ont-pu-éteindre le feu de votre colère.... Prihe de PiZRRE A** au las ie cette Lettre. „ O mon Dieu ! qui nuus avez-frappés dans votre „ fureur , j'adore vo?re juftice , & je me profterne j, dans la pouflieie fous votre bras vengeur : car j'ai» t> eu de 1'ergueil, en-voyant mon Frère élevé 1 „  't$t Paysane ïirvfrtiI1 LETTRE C L I X. De-S*** 3 juin. U r s u x e d M.me Parangon. ( Voici en-peü de mots les plus grands malheurs. ) A ce coup funefte, le courage m'abandonne, mon Amie!... Condamné, parrü... Mon frère!... Et mon Père vient d'expirer!... Au feul mot des GaÜres , il a-perdu la parole.... Il eft mort.... ma'Mère, le cceur ferré , la-regardé , immobile, Et c'eft moi, moi qui Tai-prononcé, ce mot' fatal!.... Je ne me connaiffais pas!.... Je les ai-tués tous-deux ! Mon frère &c moi nous les avons-poignardés !.... Mes frères, mes Sceurs, leurs Enfans.... J'ai-cru-pouvoir vous écrire.... ma tête me quitte.... Dieu m'abandonne.... Infortunée ( Urfule tornbait a-tout-moment dans le délire ; elle ne put achever cette Lettre , que ma Femme envoya. dans la fuivante , comme elle était.)  Partie VIII. 145' LETTRE CLX. du ** même jour* Fa n c h o n, d M.™ Parangon,en-lui-envoyant la préccdente. ( Pitoyalle Récit de la mort-de-douleur.) V 2. -a-t-il au monde, très-ehère Madame, une familie auffi-infortunée que la notre >... O mon Dieu ! ayez-pitié de nous & de nos pauvres Enfans?... Quand je"recus la Lettre de la Sceur Urfule, il y avait déja troisfemaines qu'il courait un bruit fourd dans le Pays, & les Enfans disaient entr'eux, fans qu'on entendït auqu'une Grande-perfone en-parler : — Edmond R** va-êtrerompu : il a-tué tout plein de monde! Prions Dieu pour fon pauvre Père & fa pauvre Mère-. La première-fois que j'en-entendis parler, ce fot par mon fils Edmond, qui vint me dire en-pleurant: — Ma Mère, M'lo Berault qui dit comme ca, que mon Oncje-parein va-être-rompu, a-cause qu'il a-tué tout plein de monde-! Le cceur me battit : J'appelai le Petit-garfon : — Viens ga, Edme , mon Ami: Qu'eft-ce que tu viens done de dire a mon Garfon?—Oh! c'eft que je 1'ai-entendu. dire, la femme a.  144 P|aysanê pervertie. Pierre: c'eft le petic Simon-Droin, qui 1'a die a Colas Chabin, qui 1'avait-entendu dire a V*** , a 1'auberge de la pofte, chés m.r Quatrevaux , qui faisit taire Celui qui lc disair., en-disant, Qu'eft-qu' tu dis donela , toi, de mon Cousin ! Et Celui-la qui \t disait, n'osa plus le dire. — Bien-obligé, mon Garfon : va-va, ca ne peut-être-vrai. — Oh 1 tant-mieux ! la femme-a-Pierre: car mon Père & ma Mère disont comme ca , que ca ferait ben-dommage qu'il y eür. c'te tache-la fu' la familie , vu que c'eft la pus-honorable du canton-. Je reftai touterêveuse: & mon Homme étant arrivé de la charrue, je ne lui en-parlai pas; ne pouvant le prendre fur moi. Son hls, en-causanr, a table, le lui dit : — Taisez-vous-! lui iépondit-il avec une forte de févérité qui ne lui eft pas ordinaire. L'Enfant rougit, & avait les larmes aux ieux. Je ne dis mot. — Voila un vilain bruit , me dit Pierre. "—■ Vous le favez done, mon Ami ? — Oui, depuis deux-jours. J'ai-été a V*** , & m.r Quatrevaux m'a raffuré : mais mon cceur ne i'tft pas , quoique mu raison le foit: Car enfin Edmond eft dans une place ii haute Mais avez-vous des nouvelles d'Urfule , qui eft feule a Au**, depuis le départ de m.me Parangon ? — Auqu'une , mon Ami. —Il lui faudrait-écrire. —Je le v s-faire, mon Ami, tout-d'un-temps après diner-! —Non; j'irai la voir: je vais paitir ce foir, & je reyiendrai fans m'ar- rêter,  Partie VIII. 14? rêter. — Ah ! mon Ami i c'eft vous tuer! '— J'irai a cheval : mais l'inquiétude eft bien plus cru-lle que la facigue ! Silence avec nos Père & Mère!.... Petic - garfon , fachez girder votre langue ; je répondais, a votre age , aux queftions , & ne pariais jamais de moi-même-. Il f'eft-préparé au départ, & pour le cacher a fes Père & Mère, il a-fcellé le C'neval dans le preflbir. II eft-parti. De ce moment, mon rJceur f'eft-feiré, & il 1'eft de-plüs-en-plüs! Voila qu'aubout d'une heure , notre Infortunée Mère eft venue : — O Fanchon I eft ce votre Mari qu'on vient de voir acheval alant du cóté du bois de ÏHopitault? — Je crois que oui, ma Mère. Ou eft-ce done qu'il var — Mais, il a quelqu'inquiétude, & il voulait voir Uifule, fans vous en-parler. —La pauvre Enfant! Ah! votre Mari a-eu-la une bonne-penfëe ! & puifqu'il eft a-cheval, j'en-fuis bien-aife.... D:eu le béniffe de fon bon cceur!... Av-rtilfez-moi quand il fera de-retour, ma fille , quelle heure qu'il foit. —Oui, mi Mère: mais n'en-parlez a perfone , je vous en-prie ! — Non , non, fi ce n'eft a votre Père & a vos Frères & Sceurs. — Non , non , a pfrfone. —• A mon Mari, aumoins ! une femme ne doit rien taire a fon Mari, & je n'y fuis pas faire-,-Quand elle a-été partie, je me fuis-arrangée pour veiller toute la nuit, Pierre était-parti a trois-heures. Et dès que tout le monde a-été-couché , dans 1? Tome IV. Partie VUL N  140 Paysane pervertie. grand lilence de la nuit , il m'a-femblé que j'entendais comme des Gens qui fe battent & qui trépignent. Je fuis-fortie toutdoucement a la porte hors la cour, tremblant que mon Homme ne fut-attaqué: 8c la, j'ai-écouré. Je n'ai-rien-entendu; tout était tranquile. Deux:heures ont-fonné au coucou. Je fuis-rentrée , & je fuis-venue me remettre a-fïier. Et voila qu'une demiheure après, j'ai-encore-entendu le bruit , mais pius-fort. J'ai-eu-peur ; mais je fuis encore fortie bien doucement, & j'ai-écouté^ Pour-le-coup j'ai-entendu comme une marche de cheval. Je fuis reftce-la , écoutante; paree -que tant-plüs je reftais, & tant-plüs le bruit devenait-forf. Er quand le Chevalier 8c le Chaval ont été aubout du pré de la Cartaude , j'ai-entendu un cri étouffé, 8c puis un Seigneur-mon-Dieu ! Il ne m'eft phia reflé de fang dans les veines : pourtant, je me fuis-vouiue-mettre-a-courir audevant : mais le Cheval eft arrivé, 8c mon pauvre Homme deflus , qui ne me voyant pas, eft-defcendu a la porte du preffoir, foupirant douloureufement. —■ Vous n'avez pas anêté , mon pauvre Mari, lui ai - je dit. — Ah ! vous êtes-la , ma pauvre femme ï Je ne vous fuis pas un Mari profitable en honneur... Entrons ma pauvre 8c a-plaindre Compagne. Mais du rafermiflement! —. Ce qu'ont-dit les Enfans eft-il ? —Non pas en-tout, 8c 1'accusation était faufle: mais ]i y a~eu moït d'hQmme-,, Ec nous femmes*  Partie VIII. T^7 entrés. II m'a-dit rouc-bas, dans la maison; —- Nos ènfans dorment!.... Mon Père fait- tait done...; O ma pauvre femme ! j'ai-trouvé Urfule échevelée, bouflie de larmes, avec une Lettre.... Je l'ai vue.... Oh ! la terrible Lettre !.... Edmond, le malheureus Edmond Sc Gaudét font perdus!.... — Perdus ! ■ Perdus tous-deux !.... O mon pauvre frère' c'eft donc-Ü la fin-!.... Et il fe cotraignait 4-cause de moi : Car le lendemain- matin , etant-alé feul au grenier-a-foin , je 1'y ai luivLfans bruit , Sc je l'ai entendu pouffer des fanglots qui me déchiraient 1'ame ; Sc puts pner Dieu de toute 1'ardeur de Coa bon cceur , en lui cmnt-merei: Et dans le moment, ou je lui alais-parler, voila que notre pauvre Mère me cherchait en m'appelant : & de-crainte qu'elle ne vint au gremer , j'en fuis defcendue : — Fanchon , a quelle heure done eft revenu votre Mari? Car tous les Chevaux y font. • A ce matin avant-jour , ma Mère. — A-t-il vu Ja pauvre enfant ? — Oui, ma Mère. — Qu'eft - ce qu'elle fait > — Elle n'eft pas bien-. Et la pauvre Bonne femme a-patf. J'ai tout de- fuite ajouté: — C'eft de chagrin d'Edmond qui eft en péril. — En péril.... Oh ! , oh ! je fuis femme Sc vieille , maïs je fuis Mère ; qu'on m'y laiffe courir , Sc qu2 je fauve mon pauvre enfant-.... Et elle m'a-quitrée en courant , fi légere , que je ne la vo.yais pas aler j mais je i'entenda*-  J43 Paysane pervertie. ener: — Mon pauvre Enfant eft en péril..;? Mon mari ! mon mari-!.... Il était fort l 'inforuné Père ! — Pierre , mon fils Pierre ! mon foutien , mon Ami ! Pierre ! Pierre-! Et elle ne donnait auqu'une relachc a fa voix. Tous fes Enfans fontaccourus ; mon mari lui-même les ieux fouges — O Pierre ! ton frère eft en pénl ! — Calmez-vous , ma Mère! oui; mais il a de bons Amis. — Ah! cours-y, mon Pierre.... Edmond ! Edmond ! le nom de ron Père ! — J'y vais, ma Mère ; j'y cours.... mais pourtant j'ai bien affaire ici =• ■— A quoi ? mon Pierre , mon foutien; le foutien^ de ta pauvre mère ( & elle 1'a embraflé ; ce qu'elle n'avait jamais fait , depuis qu'il a-pris 1'habit qui diftingue le Garfon de la Fille ). J'y ai affaire pour vous, ma mère. — Ah ! mon ami , laiffe-moi; &c f'il f'agiffait de ma vie , j'aime mieux vivre dans mon pauvre Edmond , que dans ce corps de vieille femme. -— J'y aiaffaire pour mon Père-. ( Mon pauvre Homme 1'entendait : il ferait parti d'Au**, pour Paris fans revenir , f'il rj'eüt pas eu affaire ici pour Pérs , Mère , Femme & Enfans , qu'il voulait foutenir dans une aufïï rude attaq-.e ). La Bonne-femme , depuis qu'on lui avait parlé du péril de fon fils, ne fongeait plus a fa fille : c'eft qu'Edmond reflemble a rotre Père ; & on ne faurait dire 3 quel point e;le le chérit, a cause de ■cette rdlcmblance : — En ce cas , refte  Partie V I I f. i49 pour foutenir ton Père ; car c'eft-la Ie premier pour nous tous : mais qui fecourra done mon pauvre fils-! Tous les frères onttilt : — Nous. voici, ma mère ; 011 faut-il aler ? — Aupièsde not:e Père , qu'Auqu'un de nous re doit quitter ( a-dit mon Homme): quant a mon frère , je fais que M.r LoiseaS eft inftruit, & qu'il travaille. Ma mère, le plus grand péril eft ici auprès de mon père:' aidez-nous^ a le garantir du cotlp-. II f'y prenait ainfi, la connai/Tant, & fachant qu'il tromperait ainfi la fenfibilité de la bonne &£ fimpiefemme, qui regarde fon mari comme Hn Dfeu fur terre. — Oui , mon fils ! oh f pui! Ton père vorre père.... oh ! il fautf lui adoucir le coup Pauvre Edmond l mon pauvre fils-! Er elle pleurait, fans de-mander , le pcnl, dont elle n'avait pas d'idée. Et voila que notre infortuné père eft arrivé. — Q>'eft-ce , mes enfans • — Mor» m ui ! Edmond eft en péri! ! — Mon chef • ! a-dit mon mari , mon frère...... eft malheureus. .— Et moi davantage' d'être fon père.... O Edmond ! que tu me coütes chcr ! — O mon mari ! ne lui en voulez .pas , au pauvre enfant !■ — Simple & bonne femme ! Compagne que Dieu m'adonnée dans fa bonté, ce fils vous fera mourir! S'il n'en meurt que moi, mon mari..... Ceft mon fils; ce n'eft pas trop de ma vie x pour lui prouver mon amitié ; il eft votre" porrrait.— Qu'eft-ce, Pierre ?... Tu pleures!.., O mon pauvre Pierre ! qu'eft-ce ? — UrfuiëN 5  t/o Paysane pervertie. mon père, a-recu une terrible Lettre.... — L as-tu ' — Non, mon père. — Que dit-elle i — Je vais vous le dire feul-è-feul-. Et il 1'aemmené ( mais il ne lui a-pas dit qu'il y avait mortd'homme). Et notre Bonne mère tremfelante, nous,a-dit: — Il va le dire a fon père: mes enfans , voila vos deux pères; 1'un vous a-donné la vie , après Dieu ; & 1'autre vous a-tous aidés dans votre enfance ; 8c vous favez comme il vous aime tous, fur-tout Edmond-!.... Et tout en nous parlant, elle xegardait le père.& le fils; & voyant que le père jetait les regards vers le Ciel, elle feft écriée : — Mon pauvre fils eft mort, & on me le cache !.... OuiUrfule le p'eure.... Il eft mort ! je n'ai plus mon Edmond-!.... Et elle feft-évanouie dans nos bras. Son mari eft-venu a elle, 8c la regardant: — Mère Infortunée ! tu ne reverras le jour que pour foufftir-! Nous avons tous friffonnc ! mais pasun n'a-ofédire un mot: les filles &moi, nous fecourions notre Bonne-mère , a qui notre père a dit: — Et plüt-a-Dieu qu'il fut mort! — Il ne 1'eft pas ! — Non , non. —> Mon Dieu je vous remercie ! — Ah ! plüta-Dieu ! qu'il fut mort dans. votre g.ron , innocent encore , & chéri de Dieu &c des Hommes-! Et il f'eft voilé la face de fes deux mains. Un inftant après il a-dit a Pierre : — Aidons a ta mère a monter, mon fils.... mes enfans ! mes pauvres enfans! Oh ! les petitsenfans de Pierre R**, EdmeR** ne vous tranfmettra pas Phonneur pur Sc fans  Partie VIII. ip tache , comme Pierre Ie lui avait-iailTé-I...» Et il a-aidé a monter a fa femme. Il était midi. J ai fait le diner : c'eft la première fois que notre Bonne-mère n'a-pas fait le diner de fon mari. Le Vieillard 1'a-dit, en dévorant fes larmes. Je me fuis approchée, & je lui ai dit ferment: — Si mon mari eft votre Lieutenant, moi, la mère de vos petits enfans, ne puis-je done pas tenir la place de rna bonne c< excellente mère, que navre la douleur ? — Oui, oui, Fanchon, ma fille, je ne me trou ve pas mal de votre foin ; mais de ce que cette cxemplaire femme ne fait pas, a cause de fi douleur , ce qu'elle fut toujours glorieuse de faire-. On a-diné. Er comme j'ótais Ie couvert , voila qu'eft entré M.r Loiseau, Il f'eft jeté au cou de notre père, de norre mère, & de nous tous, fans parler. — Je pars. — Oii alez vous , Monfieur :< a-dit norre père..., — Auprès de votre fils: j'efpère ne le quitter, qu'en le laiffant entre vos brasou plutót, je ne le quitterai jamais. Adieu. — Digne Homme! digne Ami! feft écriée notre mère. Et le digne Homme alait monter a-cheval , quand une chaise a paru a la porte : le Conducteur en a-tiré Urfule, mourante , qui eft venue f'évanouir aux piéds de fes père &C mère. On 1'a-fait revenir ; mais elle était ent délire : — Mon frère, s'écriait-elle! mon frère ! mon pauvre frère -! Ne voyez-i vous pas fes chaïnes.... II traine fes chaines-!... Notre Bonne-mère lui a-dit: — O ma pauvre fille! ou eft-il ton frère > — Aux Galhes é N 4  iƒ1 Paysane pervertie. A ce mot, notie père a-frémi: — Monfieur Loiseau?.... 11 n'a-pas achevé. Le bon Monfieur Loiseau a-baifle la vue. Notre père aregardé tous fes enfans, 1'ceil fee ; mais . Me, défiguré. II a-rendu la main a notre Bonnemère fans parler; Hei?s , fa langue était liée pour jamais ! Sailï', frappé, comme f 'il eik regu le coup mortel, il n'a plus ouvert la bouche. II eft tombé fur une chaise ; il acouvert fon front de f?t main; il a-pouffé un feul & dououreus lbupir ; il eft devenu froid : roide : fon cceur battait encore. Mon mari 1'a-voulu foulever. Il était mort. Notre mère qui était venue fe jeter dans fes bras , dès qu'il érait tombé fur fa chaise , le renait embraffé. S'appercevant enfin , malgré notre iiience , qu'il était mort, elle f'eft écriée lamentablement: —Jene vous quitteraj pas ,ö mon mari ! l'Infortunée mère du misérable fils qui vous donne la mort, ne vous quittera plus!.... O pauvre Infortuné ! t'avais-je porté dans mon fèin.... Elle n'a pas achevé; mais elle a-porté la main a les cheveus blancs pour les arracher Urfule , un peu revenue a elle-même, f'eft jetée aux genous de fa mère , qui 1'a-rcpouifée , en lui difant: — Tout eft fini : le voila mort de douleur; je ne le quitte plus-. Rien n'a pu la faire changer de résolution, ni la féparer de fon épous. Le Prêtre a-voulu la confoler : Elle lui arépordu : Que 1'Homme ne fépare pas ce que Dieu a uni. Elle a-r gu les Sacremens, fans, •quitter le cadavre, qui n'était pas changé j  Partie VIII. i;j & Ie lendemain, elle eft morte faisie corrme lui Je ne vous représenrerai pas notre douleur, Madame : Mon mari, eet homme li digne de ce nom , que je n'avais jamais vu pleurer, que parattendrifiement; mais d'une manière d'Homme , & non de Femme , mon mari feft abandonné aux cris ; ;1 f'eft jeté p r-terre , ii redemandair a Dieu fon père & fa mère.... Mais ,cJelt Urfule ! O la pauvre Infortunée ! quels cris ! que de pardons ! on eüt dit qu elle avait poignardé les deux refpeóhb es Défurts Pour moi, Madame , qui les aimais li tendremem , &c qui les refpeótais autant que jes aimais, accabiée de ma piopre douleur, il m'a-falu chercher a calmer celle d'un li chèr mari , qui m'a toujours loutenue dans mes peines , & qui s'abandonnait en ce moment ; & celle d'Urfule , qui était une furie de défefpoir. Mon digne mari 1 'eft enfin montré homme, é'pous ik père , après fêtrc montré le plus rendre des fils : 11 a-leuré , aulieu de crier.... Cependant , ma chère Dame , le bruit du funefte accident d'Edmond f'eft répandu : on nous regardait avec une foite de curiosité infultante ; a 1'exception du jour des funérailles , aufquelles tout le Village , tk les Flabitans des environs , font venus en foule : tous fondaient en larmes , ck béniffaïent ies honorabies Mors. Mais notre fituation fait pitié !,... Mes pauvres enfans baiflent la tête devar.t leurs camarades qui leur parient avec infolence & fupériorité 1 Mon mari rede-  154 Paysane pervertie. venu ferme , honore le nom de fon père J en n'en rougiifant pas ; mais tous n'onc pas ia fermeté ! O ma chère Dame! que devemr ! Mes Voifins me montrent au doigt : mon mari lui-même , éprpuve des mépris mais il les offre a Dieu : je lui oftrirai aufil Jes miens Jamais j: n'ai vu Pierre R*** fi digne de refpect! ceft ici ou je connais P.Homme dont je porte le nom ! , Je fuis avec refpecl, Madame, &c.a P.-f- Je vais remener moi-même Urfule i Au*** : elie périrait ici de douleur & de honte. ( Elle Vy remena en efFet, dans Ia charrette confrérie, la garda huit jours durant. )  Partie VIII. 155 LETTRE CLXT. de Paris , i juillet, M.me Parangon, d Pierre. ( La Bonne Dame veut me confoler : J'en fus reconnaiffant ; mais j'étais foumis a Dieu.) TE trouve enfin la force de vous écrire ! Le coup eft affreus; mais il n'eft pas audeftus de votre vertu. Je vais vendre tout ce que je'poffède , Sc le placer ici : faites - en autant, & venez m'y joindre. Nous y vivrons enfemb'e : tout nous fera commun , jufqu'a la douleur Sc aux larmes. Quittez ce pays, que vos moeurs honorent, refpeétable Pierre, & venez ici, je vous en conjure a mainsjoinr.es. Partez fur-le -ctiamp : j'ai un endroit tout pret , pour vous recevoir tous ; c'eft un cceur tout a vous qui vous en prie. O ma pauvre Urfule ! mais j'étais nécefftire ici ! *f 4. NOTE DE l'ÉdITEUR. La Réponfe a cette Lettre eft la ccvi.me du Taysan , Tome IV, Pierre y montré la grandeur  Bjé Paysane fervertie. de fon courage , & fa piété ferme & fdide , enremerciant V'excellente Dame, & en-lui declarant, comme un autre Socrate , qu'il ne veut point fuir le chatiment du Seigneur : II y montre en-mémetempsfa piété filiale , en-difant, Qu'il j,e quitrera pas la terre od reposent fes Père & Mère. Les vertu.s de Pierre . l'emportèrent enfin fur les crimes d'Edmond, & rendirent a la Familie"R** , l'honneur que la conduite de ce Dernier lui avait óté. Voyei les ccvi.me & ccxv.me , Tome IV dü Paysan. D-ins Ia ccviti me Lettre , Urfule confulte M.me Parangon , fur les démarches que le Confeiller fait -jaire auprès d'elle , pour l'épouser, malgré le des/wnneur d'Edmond : elle lui parle enfuite du Marquis, veuf uepuis peu , qui lui a-fait rendre mie visite par fon Fils , pour la f onder : Cette Dame , par fa Réponfe , qui ejt la ccix.me , Je décide pour ce Dernier. C'eft aprèsces deux Lettres que furent - écrites les deux"fuivantes , dix-huit-mois après le malheur d'Edmond, & environ quin^e ou feilde après la mort de la Mar-' guise de-***.  Partie VIII. 15/ LETTRE CLXII. 8 feptembre; Ze Marquis .re-***, ir-***. Je desire ardemment, Mademoiselle , le mariage que vous propose mon fils; je.rendrai cette union la plus folemnelle que je pourrai, & toute la familie du Marquis f'y trouvera. Je vous embrafte de tout mon cceur. La Comtesse de***.  Partie VIII. ij«> LETTRE CL XIII. feptembre,' U r s xr z e , au Ma r qu i s ce-***. ( Elle accepte, a cause de f»n fils, le mariage que I* Marquis de-*** lui propose.) M onsieur, Les monfs, que vous employez póur ms déterminer , font trop-puiilans , pour que j'entreprenne de les rejeter : Ceux que je pourrais y opposer ne feraienc applicables qu'a vous & a moi ; & je crois comme vous , que dans ■ un mariage tel que celui que vous me proposez, nous devons être nuls: J'accepte avec foumiffion : Votre Fils , Monlieur , m'en-fait un devoir ; je le fens. Que ne puis-je lui donner une plus-digne Mère !.... Mais le paffe n'eft plus en-mon pouvoir ; il eft dans les mains del'Eternel , aux ieux de qui tout eft-présent. J'aurais bien des choses a vous marquer , Monfieur: mais le tirre que vous voulez-prendre a. mon égard me ferme la bouche, & je me conforme dès ce moment de mon acceptation , aux lois de foumifiion qu'il va  iéo Paysane per ve r t ie. nïimposer. Il ne liédpas a une Femme de faire la raisonneur avec Ion Mari. Je me contenterai d'offrir pour vous au Ciel les vceux les plus-ardens , fans jamais vous fatiguer de mes remontrances 5 que lorfqtie vous me Pordonnerez. Je fuis avec refpect, Monfieur , Votre très-humble & très-obéiffante fervente* Ursule R**. / A la Comttjfe _^ Permettez , Madame , que je me jete a vos piéds, pour vous témoigner mon refpect: J'admire votre vertu , ia bonté de votre cceur , puisque votre Petit fils vous eft chèr , malgré cc queft fon infortunée Mère. LETTRE CLXIV,  Partie V ï H, t6t LETTRE CLXIV. i janvier* Ia Marquise x>.e-***j d Fa n c h o n. ( Elle a des preffentimens de fon affacinat. )' JV^A très-chère Sceur: II eft-fait enfin ce' mariage , fi longtemps fouhaité , oublié enfuite: pnis devenu impoffible: & enfin' redevenu praticable & même néceff ire • II eft-fiit! mais Ceux qu'il aurait-confolés _ne font plus !.... C'eft une douceur dont je n'étais pas digne.... je ne la fuis pas même d'avoir donné un état a mon fils... Mais ff j'ai cette douceur , fon Père me la fait- payer chèr ! Qu'importe ? le Marquis- de-*** vous eft-allié, par un bien vil Lien, qui n'eft bon qu'a jeter au feu , mais il: ïeft, & le vertueus Pierre R** , eft oncle? du Comte de-***, qui annonce les plush ureuses dlfposirrons. Ce chèr Enfant nva?me beaucoup; ck de mon ccté, je ne fau-rais peindre mes fentimens pour lui;.. Que; de tourmens il faudrait, pour en'-effacer ladouceur, puifque tous mes malheurs paffes* Sc presens, n'y faiuai-nt-donner atteinre!.„ Je concois enfin comment je fus-aimée„ comme:.t le fur mon frère , de ces'vénés*Tame. IV.. Factie. VlU,  Paysane pfrvertie.. bles Parens que nous avons... (car je fuis auffi coupable que lui de leur morr. ) Je ne goüte qu'en-tremblant la fariffaétion de careffer mon fi.s: Je vois a rout-moment fur cette tête fi-chère ou fur la mienne (mais ce dernier article n eft rien) le glaive de la Colère-célefte-fufpendu , prêt a frapper.... Je m'éveille quelquef>is au milieu de la' nuit, en-voyant égorger mon Fils... Je m'é- crie , je fors du lit, je cours D'autres- fois(& c'eft pendant le jour, lorfque je me jète accablée fur un lit-de-repos), je croisqu'un furieus qui fe cache, me plonge un poignard dans le fein. Je le regarde; je lui rens des mains luppliantes: Je tache de le fléchir: Il frappe!... — Encore ce crime,. dit-il: il le faut: Ja voila punie , ma Complice-I... Il fe découvre,^& c'eft Edmond que je vois!.. Ah! ce nom , fi chèr, me déchire le cceur !... Oü eft-il ? ou eft-il :-..„ Avoir fa grace , & ne pas fe montrer i ne pas reparaïtre!... Il fera mort quelquepart, de honte, de douleur, de besoin l De tous les maux dont la nature peut accabler un misérable Morrel, auqu'un , au-, qu'un n'a manqué a mon malheureus frè-re?... Auqu'un ne m'a-été-épargné , a-moimême , Infortunée , hors la mort, que mon frère a-trouvée Je le vois bien 5. c'eft notre fang qu'il faut aux Manes paternelles: les deux Parricides doiveot périr:ce que j'ai-fóuffert, n'était qu'une horrible queftion avant, ie fupplice: mais je fuis-  Partie V I I ï, fs| condamnée, ma fentence eft-lue; je vois, jc vois un Juge févère qui me la montre , 8c derrière-lui un Bourreau.... •^Ali! Dieu! c'eft encore Edmond que j'ai-cru-voir!... En-quel érar affreus ! privé d'un ceil & d'un bras; horriblenvnt défiguré!... memontranc par les cheveus la tête langlante .... d-1 ma Mère!.... Je ne fuis pas a moi, chère Sceur, dès que je m'occupe de ces idéés, que la présence feule de mon hls a le pouvoir de bannir: mon imagination f'alume, & je crois voir tout ce que je penfe.... On m'a-poutant-donné quelques nouvelle confolantes : Ton Mari.... ah ! c'efiY I'honneur de notre nom , comme j'en-fuis la honte !... Ton Mari a-tout-furmonté par fa vertu !.... Le chèr Bertrand, qui te remettra cette Lettre, te dira comme f'eft-fait mon mariage. Fête trifte 8c lugubre!.... J'étais en deuil: mes larmes ont-coulé, prefque des fanglots m'ont - échappé au piéd des autels. La cérémonie a-été publique: m.melaComteffe , ayeule de mon fils, 1'a-voulu a-cause de 1'Enfanr; les deux families du Comte 8c de la Comteffe y étaient, avec tous leurs Amis 8c toutes leurs ConnailTances. Le chèr Enfant était beau comme un Ange : toue le monde 1'admirait; on ne pouvait fe laffer' de le careffer : Les Etrangers même se-criaient , — Qu'il eft charmant ! c'elt FAmour! Sa Mère doit êcre bien-contente-k...  164 Paysane pervertib, Et quand on a-vu mes larmes,... on a-dlt hcureusernenr, C'eft de joie'. il eft vraique j en-avais. Mais nos chèrs Parens... qui C.mt mores de douleurs!.... Un coup-d'ccil fur Bemand , portait dans mon fein le poignard vengeur. Au piéd de 1'ajuteL les. ieux. fixés. fqr le tabernacle, j'ai-vu, entre les cierges, de chaque cóté, mon Père, le regard menacant, & ma Mère, f'arrachant les cheveux conme le jour de fa mort!.... Du doigt, mpn Pere me£fes3it-iignc de m'anéan-tir. J ai prefque-fait un cri, & le mouvement, de frayeur que j'ai eu a-frappé tout le monde... Jai-entendu qu'on disait: Elle penfeau rifque prefque-certain qu'a-couru fon fils , den'être jamais dfa place. Je me fuis-anéantiedevant Dieu, fuivant 1'ordre de mon Père: j'ai-reclamé la Célefte-miséricorde, & j'aifait vceu d'une humilité fans-mesure , telle qu'elle convient a un Néant infeft , tel que moi... Au-retour a la maifon, je me fuis-v.êtue comme a A.**, & j'ai-demandéla permiflion de fortir, pour aler. offn'r aDieu les prémires de mon mariage. M.me la Comteffe y a confenti. J'ai-employé la journée a visiter les Pauvres & fui-tout les. Prisonniers: je Le cherchais, hélas! parml ces Misérables..., Je re prie, ma chère Sceur , de me mettre dans. le cas de vous rendre a tous les fèrvices qui dépendront de moi: quoiquelesdettes demon Mari, & fa -onduite acmdk le gêneht beaucoupfa familie eft.  Partie VIII. je-***, a M.mt Parangon* ( Dieu lui infpire le desir de fa mort, Si elle la fènf approcher.) On X'a-vu , chère, Madame! 7/a-écrit! Oü fe cachet-//, grand Dieu!.... Que je Ie voye, ck que jexpir» !.... Il eft remps, Madame: mon Fils a douze ans &-demi; il eft prefque formé; fans-doure il va forrir de mes mains, tk peut-être... Mon Mari, devnubon Père^ne me présente plus qu'un avenir trop-heureus pour moi .. Je ferais heureuse ! pendant que mon Frère.... C'eft 1'impolTible ! il eft temps, il eft temps que je meure... Ne nous flattons pas, Madcme; la génér >sité de vos dirpositions que je connais a 1'égard d'Edmond , vous honore ; mais elle n'aura j ;mais d'effet, foyez-en-füre,.  i6% Paysane pirvertie. Quoi! il ferait votre mari! vous feriez fa femme! quel piaifir pourrait-il goüter, après la mort de fon Père & de fa Mère, que nous avons-tués ! après.... L'Homme qui vous a-fait violence, ferait-recu dans vos bras!... Celui qui... Je friffonne d'horreur!...Non , il n'y fera pas! non !... Et moi, ma carrière eft-finie... Si j'avais a fouffrir encore, je pourrais compter des jours.... je n'en-compterai plus.... Mon Dieu ! fi vous me préparez la mort, daignez recevoir le facrifice que je vous fais de ma vie !....„ Madame, le crime empoisonne 1'air que je refpire; il dénarure 1'ame; il en change les fenjtiments; même après le repe itir, il laiffe la portc-fermée a La tranquilité, au r pos:, la feule Innocence peut goüter le plaisir, & trouver le bonheur : les Damnés, piongés dans le gouffre dc feu , ne font-infoitunés,, que paree qu'ils ont-perdu le poirvoir de f'eftimcr, & que leur ame déformée par le crime, ne peut fe voir qu'avee horreur: ils font eux-mêmes l'inftrument hideus de leur lupp ice !... Je fais ce que j'ai-fait, moi :' a-ch.que fois que je me fuis oubliée dans' lés bras de mon fils, mon tourment fufpendu n'en acquiert enfuite que plüs de force : lorfqu il eft dans mes bras, je me fens mère , honnête, eftimable : dès qu'il m'a-quittée, la main d'un D:eu vengeur écrit aufïuot fur les parois de ma chambre mes desordre.-, paffes... Je les vois, je les' lisy ils font-pcuits par une inyisible Main... Je;  Partie V I I T. 16*9 Je me vois libertineabandonnée... me livrant a mes penchans desordonnés;... me deshonorant... Je me vois avilie, logée dans la hute du Dogue, foumise a un Porteurd'eau, a un Nègre affreus ; trainee dans la marre par une Valetaille frénétique; meurtrie, déflgurée... Je me vois pis encore.... proftituée de ma volonté: la dernière, Ia plus bafle, la plus effrénée des plus viles des Créatures... Je me vois... ó crime affreus! & quel en-eft le Complice.! La Célefte-juflice Técrit fur ma muraille entraits de feu & de fang... Je fuis-prête a me livrer au desefpoir... Une voix-fecrette me parle alors; elle me dit ce que j'ai fouffert; un fentiment de confolation me foulève , & je me jète aux piéds de mon Dieu Mais a peine relevée, mes Parens f'offrent a ma vue : lis me demandent oü j'ai-pu me corrompre a eet excès!... Je dem ure muette... O ma chère Dame ! je vousf raispitié!... Abandonnez toute idéé de bonheur; il eft impofïible, abfolument impoffiMe : vous n'aurez plus que des larm- s a répandre , ainfi que nous : votre vie eft-empoisonnée par mi-s crimes, & vous ne pouvez plus éviter le malheur; vous nous tenez de tropprès Et votre chère fille? Elle a I age de mon fils. Et les autres Enfans ? Vous les voyez?... Je ne les verrai plus. Je me fens accablée, une Voix fomde & prefque-öétachée deTome IV. Partie VUL f  ï70 Paysane per.veh.tib. moi-même , me crie au for.d du cceur : Urfule! Urfule!.... la tombe.... f'ouvre.... fous... tes pas\... Elle... t'appelle... pour...fe... fêrmerl.. Tout-a-l'heure, une Main , comme celle de 1'Ecriture , écrivait fur la mur ülle, Inceflueus. J'ai-frémi : je me fuis-écriée.... Men effroi n'eft-pas-encore-diffipé Je m'arrête. Ce foir je finirai ma Lettre, ou dumoins je la fermerai. Dieu ! que je me fuis-tourmentée i Je ne vois que du fang, des crimes, des horreurs, des monftres.... le foir. Ma chère Madame ! Mon fils vienr de Xe voir.... C'eft Lui, je n'en-doute pas.... 11 eft-eftropié , privé d'un ceil!... 11 a-demandé 1'aumóne a mon fils: — Pauvre Homme! vous êtes bien a plaindre! — Voila ou m'ont-réduit le crime & l'amour effiénê du plaisir-! Quel autre qu'Edmond auraitpu-faire cette réponfe! le lendemain S5. J'ai-quitté hiér la plume, pour aler dans le quartier oü mon fils a-vu le Pauvre. J'airegardé , j'ai-cherché. A mon retour, j'étais d'une triftefle fombre, accablante. Comme je rentrais, on a-crié : — II te trouvera ï mais tremble-l J'ai-friffonné. La nuit j'ai-fait un fonge affreus. Il m'a-femblé que j'avaisété-visiter les pauvres Prifoniers, comme je me propose de le faire en-fortant de É'effice, & que dajis m fombre cachot 3  V A R t I E V I ï I. I7r yavais-trouvé Edmond, chargé de fers En me voyant, il a-dit au Geolier qui m'accom. pagnait: ~ Redens-lal Voila ma Complice: charge-la de fers\ En-même-temps il aJecoue les hens d'une manière affreuse; ils lont- tombes ; il eft-venu fur moi d un air fruneus, & fans iui rien VO]-r v k majn - me iuis-fentie-frappée audeflbus du fein. Mon ianga-coulé a gros-bouillons. Edmond, dun air fu„euS) en a-recueilli dans un crane; il en-a-bu ! Je lui ai-dit: — Je te pardonne ma mort, Infbrtuné-! — Je n'ai que faire de ton pardon ! Regardel . II m'a. montré une tête qu'il cenait par les cheveus, langlante, la bouche ouverte, les ieux me' mcans : c etait celle de ma Mère-! J'ai-faic un efforr terrible pour fuir, & je mc fuis. «veillee trempée de fueur. i j heureï. Ma chère Madame; je pars pour l'office, « je ferme cette Lettre, le cceur ferré Adieu ! adieu ! 6 mon Amie! adieu!. Ce mot ne veut pas qüitter ma plume. P.-f. Ah ! mondieu ! Marianne Frémi vient de recevoir une Lettre de lui!... Ce n'eft pas fon écriture; mais c'eft de lui, ma chere Dame !.... Quelque-chose me dit que je vais le voir. (En Ce moment même, 1'Infortuné quittait Laure, comme on 1 a-vu dans le Paysan,\ il prenait li  I7i PAVSANE PERVER.TIE. LETTRE CLXVII. 5 heures du fair. L A V RE, 2 O B S CU RO P H I Z E. (Après avoir calomiiié Urfule , pour fexcuser k Edmond, elle en eft efTrayée, Sr. elle exprime le» craintes a fa Compagne de libertinage.) JE te fais des excuses, ma chère Amie , de la manière dont tu viens d'être-traitée chés moi, & je te prie en-grace de venir fouper (i). Je fuis dans une liruation quï m'épouvante ! Edmond m'a-bouleverfé le fang; je ne fais ce que je fais. Tout-afheure j'ai-pris un Livre , j'ai-voulu-lire j j'ai-vu, je crois, & voici que j'ai-lu écrit en trairs de feu fur la page ouverte : Laure'. ma Cousine ! pourquoi me fais-tu poignarder ? que t'ai-je fait', dis-le moi, toi ma parente, autrefois mon Amie-?... Je me fuis-frotté les ieux, & je n'ai-plus-rien vu de ce que je venais de lire. —C'eft une illufion ! me fuis-dit a moi-même. J'ai-t?nu le Livre fermé, le doigt a 1'endroit oü j'en-étais, & je me fuis-chauffée; j'éprouvais un friffon , (i) Voyez dans la ccxxn.me du Paysan , comment Edmond avait traité la danfeuse ObfcurophUe,, )5Com« i y.  P A R T ï E V I I !. iy^ comme lorfqu'on a la fievr-. Je me fuis-. afloupie. J'avais a-p*ine ferme les ieux, que J'u-cru-voir Edmond, couvert de fang, laiir furibond, qui me disait: Tu l'as-ac cusee ! elle efijugée , conddmnée , poignardée ! /e fuis k Bourreau ! Je me fuis-eveillée. Un fonge ! un rêve ! me fuis-je dit-! J ai-voulu-lirc. J'étais a la fecbnde Iigne , quand on a-frappé rudement trois coups k ma porte. Alcefte y a-couru. I! n'y avait lerfone. Elle elWemontóe en-murmuranc contre Ceux qui avaient frappé. — Ce n elf. Perfone, Madtme. Comme elle acjhevait ces^mots, nous avons entendu f us nos fenetres un cri douloureus, & qui reffembJait au hurlement d'une B :te féroce, plutót qu'a la vo1X d'une Créature hurnaine. J'aitrellailh. J'ai-fait-ouvrir la croisée, & Alcefte (a-vu, ou cru-voir Edmond. Je fuisiachee de n'y avoir-pas-été moi-même. Je me luis-alloupie de-nouveau , ne pouvanc m lire, ni m'occuper: J'aurais-desiré une visite, comme la fortune, en d'autres circonltances. Perfone n'eft-venu. C'eft-en-cemoment, que j'ai-fn't le rêve Ie plus-aftreus : C'était ma Cousine fe dé'oattant entre les mains de fon frère, qui tui donnait mille coups-de-poignard. Ellem'a-vue; elle m'a-tendu les bras, en m'appelant a Ion fecours. Edmond m'a-regardée d'urt air furieus: — N'approche pas-! (me disait-il avec un gefte menacant). Tandis que j'étaisfemplie d'épouvante, ce n'a-plus-été Urfule P i  J74 Paysane pïrvertie.' que j'ai-vue, mais une Géni/Te blanche: dont les ieux verfaient des larmes : je me iuis-rejouie de ce que ce n'était plus Urfule ma,s dans eet inftant, un cri ternble m'a-" erenlee en-furfaut, & j'ai-vu Alcefte devant moi, qui mVdit : - Madame, il vousarnveraquelque malheur; deux gouttesde-fang viennent de tomber fur vous du planchet: ce qui m'a-causé rant d'effroi que je me fuis-ecriée-. Je me fuis preWévanouie a ce téek. Je n'ai-pas-voulu-voir Wl g> T^jrV6 ^^i^ifuyer par Alcefte. f-Ü. "f"6 ün inftant > & if m'a-pris une faibleffe Je 1'ai-fonnée. Elle eft accou! rue : — Madame, le malheureft-paffé; car fe pent Commiffionnaire vient de voir ure Dame, qu'un Vo!eur a-afïacinée: c etait elle que ca regardait: car, Madame, tous les malheurs font-annoncés, fi on y prenaitgarde ! & fi on tirait les cartes, on verrait tout ce qui doit-arriver-. Cela m'a-un-peuraflurée. Mais je te prie, chère Amie, de venir paffer la foirée avec moi, fi tu n as rien qui t'en-empêche. Réponfe en-un-mot par mon petit Commiffionnaire. jgg^ , !lt , . j^gg Réponfe. Dans une demie-heure.  ?ARTIE VIII. Ï75 LETTRE CLXVIIT. date ignorée» Edmond,' d U r s u x e. ( L'infortuné Edmond , fans doute après avoir quitté laure, écrivit, ou plutöt commenca d'écrire cette Lettre folie ; quoiqu'ü n'en parle pas dans la CCXXII.me du PAYSAN , a-cause du trouble qui 1'agitait. II luireproche tout ce qu'ils ont fait enfemble, &. lui peint 1'horreur que doit infpirer fon nom. Ce fut après ou avant cette Lettre , que Ie pauvre Malheureux fortit, pour aler faire le coup le plus - funefte de tous ceux qu'il eüt encore fait ) TLdE puni-de-Dieu & des Hommes, écrit a Celle qui mérite, comme lui, d'êtrepu/iiede-Dieu & des Hommes, a Urfule R**,, la plus-coupable des filles que jamais femme ait-portée dans fon flanc. Voici ce que dit le puni-de Dieu, a la plus coupable des filles : Le poignard efl-levé : 1'Ange de la colère le tient-fufpendu fur le coeur de la Coupable , pour le percer du coup mortel ; paree qu'ayant-péché grièvement, elle ne 1'eft point reconnue : le Dieu des vengeances a lui-même armé le bras de fon Complice pour la punir, en la frappant au coeur: Fille-perdue, dont le cceur eft-impur, comment ne rougis-tu pas des ordures qui te eouvrent de ia tête aux piéds ? Comment P 4  17S Paysane pervektie. te complais-tu dans la fentine de tes viceS Sc de tes iniquicés-? Serais-tu plus coupable que ton Complice, & le Dieu des vengeances t'aurait-il réservée a leternelle damnation ?... Non ! non ! frappefrappe, frappe, la, & tu la purifieras. Eft-ce 1'Ange des vengeances ,. eft-ce un efprit infernal qui vient de me répondre?.... C'eft l'Ange-de&Vengeances , détaché du tróne du Dieu terrible, devant lequel i! afTifte, pourécouter la condamnation des coupables.... Urfule, quand un Criminel a-trempé fa main dans le fang, le fang fumant crie vengeance, Sc fa voix monte jufqu'au tröne de Dieu r Sc auiiitöt 1'Ange terrible écoute la fentence du Coupable; il lecrit avec le fang du Meurtri, 8i il vient 1'attacher inviiiblement au front dü Meur tri er, jufqifa ce qu'il fok eonduit en présence des Juges: alors malgré fes d'énis, les Juges lisent la fentence de fang apposée fur fon front, & ils le condamnent a 1'echafaut! Quand toi & moi, nous eumes commis nos crimes affreus, qui font dreffcr les cheveus a la tête, 1'Ange de la mort emporta le fcandale jufqu'au piéd du tróne de Dieu, & il dit: .— O Dieu ! deux Infames, le frère Sc la fceur, ont-profane 1'exiftance que tu leur as-données: les voila au rang des Brutes; ils ontabjuré la raison que tu leur as-donnée j vois-les, Seigneur, au rang des Brutes! Et le Seigneur lui dit, — Qu'ils foient punis d'un lupplice terrible Sc nouveau. —- De-  Partie VII T. 177 quel fupplice, Seigneur? — Ange de la mort & de ma vengeance, arme le bras du frère contre la fceur; frappe Celle-ci par la main du plus coupable ; je me reserve enfuite la punition du FratricHe-. Cet arrêt fut écrit en lettres de fang fur ton front Sc fur le mien; je vais 1 exécuter... — Me voila Bourreau : oü font les roues & les gibets, que j'exerce mon fanguinaire office! Non, je ne fuis nommée par 1'Ange de la mort, que pour punir ma Complice; & quant a moi, mon fupplice eft confiéau desefpoir... Que de crimes j'ai commis! Dieu ! que de crimes!... Père, mère parricidés; amie violée, infultée; nos corps profanés, inceftués, proftitu^s, corr mpus! Quoi ! tu ne rougis pas de tes crimes ! tu vis avec le marquis, a quï je t'ai proftituée ! O Proftituée!.... Mais je fuis le Proftitueur : Tournons le poignard contre mon cceur ; c'eft moi qui Fai-proftituée!.... Je ne la frapperai pas !.,.. — Non l frappe , frappe , frappe-la au cceur-\ Voix terrible ! Voix épouvantable , que me veux-tu ? —Frappe, frappe-la au cceur,... Je ne la frapperai pas l Frappe, frappe , frappe-la au cceur! fort fang verfé de ta main criminelle la purifiera : Elle, ou toi, vous hes d jamais perdus-1 Je frappe meurs , meurs , meurs!..... Elle eft morte.... A présent que mon nom foit un éternel fujet d'effroi.... J'ai-frappé, ]'ai-tué ma Sceur! qui me tuera? — Moi-.,.. Ange terrible ! frappe ! ne m'épargne pas!.  2?§ Paysane pervertii, "—Je frapperai quand il en-fera temps ƒ fe t'écrdserai fous mes piéds comme un Reptile vénimeus ; je te ferai defcer.dre dans. la tombe: point de grdce . Je n'en demande pas, Ange terrible! mais fauve mon ame.... Alons porter ma Lettre... A quï ? Elle eft mörte; je l'ai-poignardéefon fang .ruiiT-lait.... Je 1'ai-vue tomber... Comment ■ me nommera-t-on ? Comment me nommera ma mère, qui m'avait-confié fa rille?.., ma mère que j'ai-fait mourir de douleur ?... Ah!... di je poignarde fa fille dont elle m'avait établi le défenfeur!... On me nommera Ie parricide, le fratricide, 1'ingrat, le parjure , le monftre, le puni de Dieu Sc des hommes. Les gens du pays, quand ilsprononceront mon nom, frémiront d'horreur : Ils fe conteront mon hiftoire, en frémiffant; ils la chanteront en Complainte: mon nom prononcé le foir a Ia veillée % épouvantera les Jeunes-garcons & les Jeunesfilles... Les endroits oü mes camarades ontété avec moi dans ma jeuneiTe , feront abandonnés; on craindra d'y voir revenir mon Ombre traïnant fes chaïnes: En prononcant le nom d'Edmond, avant que je ile portaffe, on avait 1'idée de la bonté, de la douceur; après que je 1'ai-eu-profané r »ce nom fi doux, fi aimé, qu'a porté mon [père, le père que j'ai-fait mourir, on Jaura 1'effrayante idéé d'un Incelïueus , . d'un frarricide, d'un parricide abominable...... Oh ! oh U...  ? A R T I i V I I I. 17-51 Envoyons cette Lettre a Urfule , a 1'hótel du marquis.... Le marquis la veria ! il tremblera ! ma main a fait couler fon fang.., J'ai bien répandu du fang! oh ! que jen ai verfé!.... j'ai bien tué en ma vie!.... Je n'aiqu'une vie, &c j'en-ai-tant-ötées... Que de crimes!... Un bras me manque.... Orr va me couper 1'autre ; on le coupe aux Parricides; 1'échaffaud m'attend..,.. Allons a 1'échaffaud, recevoir la mort de la main de 1'Ange qui a écrit ma fentence fur mon front , avec le fang de ma fceur.... Frap- pons, frappons, frappons-la Meurs, In- ceftueuse.... N.a Cette Lettre , qui n'eft qu'un délire , fut trouvce dans Ia pocke d'Edmond , le jour de fa mort : M.me Parangon la prit, enfuite M.me Zéphire , qui me 1'a-enfin remise. Je ferais renté de croire , qu'au - lieu d'avoir été écrite avant le eoup-funefte , elle ne le fut qu'après , dans ut ' délire complet.  ïSo PaysAni perverïie; LETTRE CLXIX. 6 heures du foir : elle ne fut rendue que le 3 janv. Ur S U Z Ey a F A N C H O N, ( Sous f enveloppe de la Femme - de - chambre. ) ( Urfule écrit expirante. ) c V-/ en-est-fait .... je meurs.... Sc c'eft de fa main Je viens d'être-frappée ; je Z'entens encore : — Péris, Monftre, de la main de ton Complice! Un cri amaflait du monde, & 11 était arrêté: J'ai-retenu ce cri, que la douieur pouffait de ma poitnne jufqu'a mes lèvres.... Mais elles ne fe font pas ouvertes.... Mon Dieu ! pardonnezLui!.... II m'a-crue dans le vice ; je l'ai— vu, a fes regards.... Mon ceil avide de Le voir, de Le reconnaïtre, Le regardait même en-fentant le fer f'enfoncer dans mon fein (1) Je 11 ai-plus de force , Sc fe ne fais fi vous pourrez-iire.... 11 eft.... ah ! 11 eft.... défiguré, brülé, noir.... Je n'ai qu'un inftant (*) Voyezles ccxtx-ccxxv du Paysan , T.1V'  Partie VIII. iS» a vivre.... ma poirrine f'emplit.... je vomis Je fang a flots, & ce papier en-eft-fouil... Adieu... Nota. Utfule mourante , était Jï-occupée de ma pauvre Femme , qu'elle voulait lui écrire des chofes confolantes , d ce que m'ont dit les Perfonnes présentes i la mort : mais elle n'en eut ni le temps , ni la force. Elle avait a - cóté d'elle Marianne - Frcmi, fa Femme de-chambre , d qui elle rcmit fa Lettre pleine de fang , comptant y pouvoir ajouter un mot: mais le fang fortant i gros - bouillons , elle perdit toute connaij/ance , avant l'arrivée des Ckirurgiens , qu'on avait couru chercher. Sa pénitence a-été fi belle & fi grande que j'ai la confiance cjue Dieu lui a pardonr,é. Nous veuille t il pardonner aulfi nos offenfes , comme nous pardonnons i Qui nous a-offenfés, Amen.  iti Paysane per.ver.tie. LETTRE CLXX. 13 jariYiej Fanchou, a E D M É B. { Comment a-été poignardée Urfule ; &.confalant Ré» cit de fes bonnes-oeuvres , avec fes Lettres fecrettes.) O ma chère fceur, ouvre-moi un asile dans tes bras! je fuis-environnée d'horreurs & d'effroij Mon mari, fi-raisonnable, fipieus, fi-fenfible, marche fombre , morne; il ne fait pas attention a moi (c'eft la feconde-fois que ca lui arrivé; & c'eft Ia marqué des grands malheurs!...) depuis une fatale Letrre qu'il a-recue (1). Ah! f en-ai-regu enfuite une plus-fatale ! elle me montre Urfule mouranre, expirante, rendant le fang a-flots!.... Je la vois; je vois fon fang; fa Lettre en-eft prefqu'effacée , Sc a-peine la puis-je lire!... O Dieu! vous ne voulez pas que nous ayions même la -confolation de voir fes vertus! vous nous 1'enlevez quand elle édifie, afin d epouvanter Tous-ceux qui donneront dans le vice, Sc pour qu'ils ne fe fient pas fur une tardive repentance!... Hélas ! la pauvre fceur l'a- ('} U CCXXn.me ds PAÏSAN.a» TomelVs  Partie VIII. i$f eue firxère & parfaite; & li Dieu, comme il n'en-fiuT pas douter, lui a-remis ia coulpe, il ne lui a-pas-remis la peine: c'eft ce qw me disak tout-a-l'heure m,r Ie Curé... Ma c hère ocur, on faic ici comme l'Infortunée marquise eft-morte, & je vais te faire ce pitoyable reit. h'Infortuné induit en-erreur par un mot de Laure, qui ne voulait que fe débairaifer ■de fes remontrances, a-cru que la pauvre fceur revivait filie avec m.r le marquis, fur un piéd malhonnête: i/en a été fi indigné, ; qu'/7 eft entré en furie, oubliant qu'il était j lui-même fous la main de Dieu qui le icbatuit , ou plutöt f'en-fouvenant tropkieh ! & fe regardant comme un inftrument i de pui itjon , qui devait exécuter les venjgeances du Dieu terrible. II a-été du cóté ide 1'hóteldu marquis, la rage dans Tame: i 11 fembiait que la Célefte-Juftice lui amenat m vicnme: i'erione dans la rue; Urlule defcendant feule de la voiture. Ie Dnme ff in qui avait-ouvert la portière, f étant arrêtéi a ramaiier quelque chose qu il avait-laifié tomber: Urfule a-trébuché en-defcend.inr» le malheureus, voyant, ou croyant voir par tout-cela , un? jüie , qui n etait pas troprefpecfée, // f'eft-avancé, & Ia revoyant jolie . k la faible clarré oui refru'r ( rar rVrair le foir a la chure du jour*). Tl n'a~n]nz.Anur& [qu'elle ne fut coupable : Tranfporté de rage je la prie , depuis le malheur , car elle a-fait tout cequ'ont fait les Saints.... Que ne puis-jevous tout dire ! Quand fon Mari la méprisait mais il eft mon Maitre , & je le refpecle comme elle m'en a-donné Fexemple. Je finis , Madame ; me difant avec confidêration , Votre, &c.a Je vous envoie une terrible Lettre I dont vous auguret, We chose qui fait frènür, Öh peut dire, ma chère Sceur, que voila un bel éloge de la pauvre Infortunée , qui, Il elle avait encore eues quelques taches, en aurait obtenu la remise, par fa cruelie mort, &c fa fainte réfignation. Mais ce coup - ci m accable encore piüf-que tous les autres. Mon Dieu ! j'avais une (ï-tendre &c une iïbonne Amie, & vous me 1'avez-ótée quand-' je 1'aimaiSj & quand elle m'aimait fi-tendrement!.... Car je ne faurais rendre la moitié des amitiés qu'elle me faifait; & vous favez,. chère Sceur, qu'elle n'oubliait perfónne de la familie. Nos affaires, a tous, profpéraient par elle, & par 1'excellente Dame Parangon, qui fouvent fe cachait fous Ie voile de notre Sceur, comme je l'ai quelquefois découverc par les Lettres d'Urfule, que je vais joindre a la miénne, très-chère Edtnée , te priant &: conjurant d'en avoir foin, comme de reliques précieuses, pour me les rendre a coui  ïSS Paysane pervertïe',. voyage ici, que j'efpère, & done j'ai li-grancT befoin ! Elles fout enveloppées dans un par* chemin , pour les mieux conferver-, fur lequel eft écrit de la main d'elle-même, a ma : prière. Lettres partjculières d'Ursule R.?*& Marquife de-*** (1 ) , a fa Sceur Fanchon, femme Pierre R**L • i."~e' Te vais reprendre avec toi, ma très-chire Sceur , mon anciétine manière de teut écrire , & de te confier mes moindres penfecs.. Me voilé* enfin dans ce mariage fi - defiré autrefois , & ; que des Mal-intentionnés firent manquer ! Ils 1 meperfuadèrent d'agir comme une Folie, & jc> lefis, paree - que-j'étais réellement folie. Tu~. fais ce qu'il m'en a-coüié ! mais tu.n'imayines pas, ma chère Fanchon , ce qu'il m'encoüte> encore! MJ le Marquis a-découvert une\ partie des horreurs aufquelles j'ai étéexposée;: mais il ignore celles aufquelles je me fuis dé-vouée volontairement: je les lui aurais avouées, fijene nuisais , en cela, plus d .mon fils , & <}< lui-même , qu'a ma propre tranquillitè. Cependant , depuis qu'il a fu que j'étais veuve du> Fotteur d'eau, il n'efiforte de dédain qu'il ne. me marqué. Hélas ! f'il f'avoit feulement ,la: (O.Ces Lettres étant fans date , je les ai laif, feti ici»  Partie VIII". rty 'moitié de ce qui f'eft paffe dans ce lieu d''horreur ! II ne me touche qu'avee le plus grand1 mépris ; il emploie avec moi des expreffions> révoltantes. Mais je fuis obligée d tout Joufffir ,■ &■ je m'humilie fous la main de mon Mari & fous celle du Dieu jufte , qui me chdtie. L'uw de ces jours , qu'il me dégradait de la plus' outrageuse manière , mes larmes coulèrent pour la première fois , & je lui dis : — Monfieur , fonge%_ que cette vile Créature eft la. mère de votre fils..., II parut interdit. Enfuite, il fe mit d rire , en difant du ton le plus infultant . Si tu me l'avais fait après ta belle vis débaüchée,jele renoncerais... II aenfuite ajouté Hen des choses , au fujet du Porteur-d'eau , me fefant les demnndes les plus indêcentes & les plus humiliantes. Je n'ai répondu que par mes larmes , verfées bien fincèrement. Quand il m'a eu quittée, j'ai été ojfrir ces peines dDieu , & je juis fortie pour aller fervir lesPauvres ; ayant toujours foin de me faire fuivre du plus affidé des Domeftiqs de mon mamri, afin qu'il lui rende compte de mes moindres^ démarches, comme je fais qu'il l'en a chargé. ■ Car huit ou dix jours après notre arrivée ici , ilfit entrer ce Garfon dans ma chambre d coucher comme j'ai ais me mettre au lit, & il lui dit ces propres paroles : Farisar, je te fais le furveillant de cette femme , que j'at épousée par raison, quoiquejela méprise , &je la rens dépendante de toi comme de moi-même r Jüis tous fes pas , qu'elle le veuille ou non : fi Quelqu'uii , Homme ou Femme, montait en*  ïjo Paysane perverti?' earoj/è avec elle en ckemin , comme ce nepour* rait être que pour un motif de libertinage , je t'ordonne d'yentrer, & d'y demeurer , tant que ces per/onnes y feront. Si cette femme voulait monter dans quelques maifons fufpecles , tu t'y opposerais • je te donne d eet égard toute autorité , même d'employer la force. — Et je vousen prie auffi , Farisar , ajoutai - je : ce que Monfieur vous prefcrit eft ce qui fera mg fauvegarde ; & ne croye[ pas que je murmure de eet ordre, ou que je le trouve rigoureus : non r nmn , je mérite de plus grandes rigueurs aux ieux de Dieu , que tout ce que peuvent me faire les Hommes. ~— Ne te jie pas a ces difcours , Farisart ! c'eft une ruse diabolique-, Depuis ce moment, ce Laquais eft devenu mon Maitre: c'eft lui qui règle mes jorties , cV je fuis obligée de le confulter en iout, afin d'avoir' fa permiffion , jufque-ld qu'il voit mes Lettres £ ce qui m'eft le plus pénible. J'efpère cependantqu'il ne ver ra pas celles qui font pour toi , ma chère Sceur. Ces humiliations tempèrent bien la: petite vanité d'être -Marquise de nom ; car je fuis Servante d'ejfet , & audeffous des Servantes , qui ne recoivent des ordres que de leur Maitre & Mahreffe. Cependant, je bénis Dieu de cette humiliation. F ai peu dont je puijfe difpofer , mais je retranche fur la dépenfe de mes habits s pour fairequelques bonnes ceuvres , & Farisar parait luimême fermer un peu les ieux. Adieu , cf)re Bonne-amie- Sceur : prie Dieu pour moi :. car Jfifo-ifjre beaucoup de mille.autres choses y Jont.  P a k' | ï 5 V r r r. ï$t< jfê neparle pas. Mais qu'eft-ce que tout cela encomparaison de ce que je mérite ? P.-f Tu ne répondras jamais d ces Lettres-de~ confidence ; il ne le faut pas. 2 ^de Depuis ma derrière, il m'eft arrivé un mal plus grand que tous les autres , puifqu'il m'attaque dans mon corps , & qu'il me privé de careffer mon fils. Ten ai averti humblen ent M.'' le Marquis , le fuppliant de fonger d iuj. Je m'attendais d ce qui efil arrivé: mais j'ai fait mon devoir, car je dois vei lier d fa confervation. II m'a traitée outrageusement, m'accusant de ce qui ne peut-être , quoiqu'il fut trés - bien le contraire. II a voulu, ou feint devouloir chajfer Farisar ; enfin il f'eft conduit..,. Mais je mérite tout. Prie Dieu pour moi , ma trés chèpe: Sceur. Voila une terrible épreuve ! P.-f. Mon fils fe porte bien ; il eft charmant , & promet beaucoup. Je ne veux vivre que pour lui & pour ma pénitence. Voila mes deux confolations. 3'.m* Un peu de confolation , trés-chère Bonnêamie , fe mrte aux peines dont je t'ai parlé : mon Surveillant, ce Laquais que mon Mari afait mon Maitre , était l'un de ces jours dans mon cabinet- de - toilette d arranger quelque chose, Je fouffrais beausoup , Q M,7 le Ma£r.  rjz Paysane pek-verti'e. quis venait de me traiter fort mal. J'entendis ■ Farisar foupirer Sr pleurer. Uninftant après, fon Maitre l'appela : — Qu'as-tu done ? ( je l'entendis ). — Ma foi , Monfieur , ma Maitreffe , M.m' ia Mar qui fe votre femme , eft'la plus refpeclable Dame que j'ai vue de ma vie : c'eft une Sainte, & je neveuxplus être employé dfon fervice , que pour l'honorer & me recommander d fes prières. — Elle t'a - féduit, mon pauvre Sot 1 Va , c'eft une rusée Coq — J'ofe vous ajfurer , Monfieur & chèr Maitre , & vous jurer par tout l'attachement que- vous m'ave^ toujours-fu pour vous , que vous-vous trempe[ au fujet de Madame, & qu'un-jour vous aure^ regret d tout ce que vous lui dites & faites. — Monf Farisar , garde^ vos prédiclions pour vous - même , ou pour les Faquins de votre efpèce , & faites ce que je vous ordonne fans examen-. Cependant le difcours de ce Garfon a - fait quelqu'impreftion fur marl- Mari ; je le trouve plus réfervé Ah ! f'il. Jhvait tout ! comment me traiterait-il ? 4.me Je me trouve enfin , ma chère Bonne-amieSceur , dans unefituation fupportable de la part de mon Mari. 11 ne m'humilie plus au-point ou il le fésüit. Car il faut te dire enfin, qu'il avait ici deux impudentes Créatures , qui étaient mes Mahrejfes , & qui me fesaientfouffrir ioutes Jortes d'humiliations ; jujqu'a m'obliger d les fervir d - table , debout derrière leur cham t ian,4is qu'elles mangeaient avec- Monfieur  Partie VIII. 195' Monfieur le Marquis. Elles m'ont réduites & pis-encore ; mais cela nefauraitf'écrire dFanchon Berthier. D'ailleurs ai - je des droits ? Non , non , je n'en faurais avoir ; & tout ce qui m'afflige , ce font les fautes que fait Monm fieur le Marquis. Hélas ! nous fommes afféscoupables ! pourquoi nous charger de nouvelles iniquitês , & augmenter le tréfor de colère amaffé fur nos têtes ! ,. Enfin il a ceffi d'hier. Les deux Créatures font renvoyées, fans que j'ai dit un mot pour me plaindre. Farisar , tranfporté de joie , eft venu m'annoncer cette nouvelle. Le pauvre Garfon était hors de lui-même. On m'a-dit qu'après l'ordre donné, il s'était jeté aux genous de fon Maitre t & qu'il lui avait fouhaitê mille bénédiclions. De ce matin , la fomme dont je puis difposer , ejl augmentée. Earisar m'ajfure , que M.r le Marquis , inftruit de l'ufage que j'ai fait dn peu que j'avais, en a-été éd'ifié.,—ainfi que moi , Madame , ajoute-t-il , qui vous regarde comme la bénédiclion de la maison de mon Maitre. Et veuille le Ciel qu'elle en regoive les effets , en vous poffédant long - temps / Voila ce qui fe paffe. Cependant Monfieur le Marquis m'aencore parlé fort durement d diner , & il lui ejl même échappé un vilain mot que je mérite , mais qui n'en eft pas moins dur dans fa bouche. Je me trouve en état, ma trés-chère Sjeur , au moyen de mon aug.nentation , de t'envoyer une petite fomme , pour , fans me nommer , foulager nos pauvres Compatriotes : c'eft parti*. Tome IV. Fame VIII. R  ï 94 Paysane fervertie. culièrement les veuves chargées d'enfans , furtout cette pauvre Claudine Guerreau , qui en a fept ;fon fort m'a quelquefois tirédes larmes. Te te recommande encore cette pauvre veuve Madelene Brévin , qui f'ejl laijféejéduire par le fils de Jacques Berault, notre parent: nous lui devons plüf - qu'a une autre ; c'eftpeutêtre Edmond & moi qui avons corrompu fon Séducleur , & qui l'avons perdue : elle avait bien yécu fille & femme ; pourquoi ne fe ferait-elle pas bien comportée veuve ? Tu m'enverras fa pauvre enfant ; c'eft auffi notre parente , par te fang de Jon père ; j'en prendrai foin , & je ferai difparaitre ici, dans l'obfcurité que Paris favorise , la honte de fa naiffance. Quant d toi , ma chère Fachon , & d toute notre chère familie , j'entretiens déja mon fils de ce qu'il faudra faire pour vous ; cela fera d'un autre genre , fi je vis, ou que mon fils , comme je l'efpère , conferve a votre égard les fentimens que je lui inculque. O ! l'aimable enfant ! & 'qu'il m'efl chèr ƒ J'en fuis tendrement aimée & refpeclée , plüf - qu'une mère ordinaire , qui ferait de la condition de M.r le Marquis. II femble que ce chèr enfant veuille me dédommager des humiliations aufquelles fon père m'a condamnée , quoiqu'il les ignor'e abfolument , flumoins de ma part. Ma femme-de chambre m'affure que je dois ces difpofitions de mon. fils , non feulement d la tendrejfe de mes foins , fnnis aux difcours de Farisar : elle l'a-entendu un jour dire au jeune Comte :: Mon chèr jeune Maitre, M.me votre mère eft une Sainte,  Partie VIII, 19 j tf il n'y a pas de femme au monde comme. celle que vous ave^ le bonheur d'avoir pour mère-. Et comme le jeune Comte ( ajoutait gette bonne fille ) fait que fon père a une en" tière confiance dans ce Garfon , un pareildifCours de fa part , a-fait une grande impreffion fur lui, Voila , ma chère Bonne-amieSoeur, une grande confolationpour moi.' quoique je la doive d ce bon Donejliq , qui peutêtre gdgnera fon Maitre , non pour m'en faire aimer, mais pour le ramener d des j'entimens qui faffent un jour la paix de fon cceur, LorsQu'une partie de mes desirs font Templis , ma trés chère Sceur , & qu'une partie de mes peines cejfent, il m'en vient d'autres, non moins cruelles ! Ou eft mon infertuné frère ƒ.... Tandis que je fuis Marquise , moi la plus coupable ( car nous favons que fa peine flétriffante , n'a - été que l'effet d'un malheur ), il erre , & fürement gdgne fa malheureuse vie aux travaux les plus rudes , ou mendie fon pain, un pain bien amèr ! O ! ma chère Sceur ! on dit qu'on l'a vu ! & ou vu ? je ne fais qui me l'a ■ dit, car on par alt fe cacher de moi : mais j'ai entendu , ou cru entendre ces mots : En-pauvre, nayant qu'un bras; Il a-d; mandé 1'aumóne a m.lle Fanchette. C'était fürement d'Edmond/qu'un bras !... Dieutout-puiffant, que fignifié ce mot!.... qu'un bras !..,. Ö mon Dieu !.... Prie Dieu pour lui & pour moi ■chère Sceur !..,. perclus , mutilé, iln'efi pas R i  «9.6 Paysane tervertie. plus malheureus que moi /.... qu'un bras.! mon fi ére ! O Fanchon Berthier! toifi Piiuse, fi méritante, invoque ton Dieu fur le malheureus Edmond & fur fa coupable Sceur.' Ses peines m'indiquent celles que je mérite. Je t'envoie une nouvelle fomme, que tuiras recevoir d V*** toi-même : .le pont ejl payL Fy ai joint des présens pour toi , pour ton mari , tes enfans ; pour nos frères d'Au** , & notamment pour la chère Edméeja pluschérie après toi , & d l'égal de toi , de celles qui .ont honoré de leur. main & de leur foi , quelqu'un de mes frères : Agrée[ ces faibles marqués d'un fentiment inepuisable , eter nel, in- fjni. ADieu , aimée, chérie a jamais Belle* faur , & plüf-que Saur, ,ö chère Amie-Sceur ! quelle Lettre je. viens de lir,e ! C'e/l M.ms Parangon qui me l'acopiée comme tu vois / " Avanhièr, ,j'ai baisé » le feuil de ta.porte; je me fuis profterné » devant la demeure de nos vén,érables. pa, »> rens. Je.t'ai vu ; ■& les fanglots ro'out' w fnfFoqué. Ton Chien eft venu pour me »> mordre..; il a - reculé en heurlant, comme » fi j'euffe été une Bêre-féroce ! tu 1'as-penfé »> toi-meme; tu as-lancé une pierre ; elle »» m'a atteint ; c'eft la première de mon » fupplicef'il n'eft pas tropdoux, pour..„ s> un Parricide. Ta femme t'a-app'-lé ; vous ** avez été aux tombeux. Je vous devancais. P Youi y avez prié. Et tu as • dit a ta femme  Partie VIII. 197 # La roséeeft forte; la pierre eft moite; le fe» reinpourraitre faire mal; alons-nous-en.0< » La rosée ! c'étaient mes larmes ! Edmond » le malheureus ( 1 ) ». Dieu tout-puiffant ƒ faites misériccrde d votre affligéeServante.' mais cette Lettre a-brisé mon cceur. La rosée ! c'é-> taienr mes larmes ! O le pauvre Infortuné f ' combien done en avait-il répandu .'.... Ah! jefens pour tant un mouvement de joie.' il laVe Jes fautes & les miennes dans cé déiuge de larmes ! // nousTegénère &' nous batise tous deux dans ce torrent de larmes !.... Pauvre chèr Frère.' pauvre Ami ! mais pauvre Abandonnéde tout le monde , pendant que taSaur eft fervie li. Mon Dieu l je vous offre mon fang, tout indigne qu'il eft de' couler devant vous ! je vous' l'ojft e y mon Dieu l pour achever d'effacer dans les f/ots de ce fang vërfé, les crimes que mon pauvre fiére efface avec fes larmes !.... A-tout moment, ce mot retentit d men cceur: C'étaienc mes larmes ! Mon cvur bondit & treffaille dchaque fois que je répèteLa rosée ! c'étaient mes larmes ! Jamais , jamais je neme fuis fentie dans la fituation ou je me trouve.... Emploie, fuivant mes intentions, ce que je t'envoie ,■ chèr Amie. Mes Pauvres font fort bien , d ce que j'ai fu par celui qui m'eft venuvoir ici de ta part. Songe fur-tout d Edmée Bertrand ; elle m'eft chère d plus d'un titre , ainfi que fa bonne Sceur Catherine. (0 Cette Lettre eft auffi la ccvii.me du Paysan. To sae IV.  s9§ Paysane pervirtie. 7.m* TrÈS-CHÈRE Amie \ J'éprouve des horreurs depuis quelque temps : je ne te les répé» terai pas ; je les ai écrites en friffonnant d Madame Parangon , prefque malgré moi, fachant l'imprejjion qu'elles devaient faire fur cette refpsclable & finfible femme (i). Je crois que le terme de ma carrière n'efl pas éloigné 3 c'eft pourquoi je répète d mon fils , depuis. quelques jours , tout ce que je lui . ai recommande' d votre fujet, trés-chère Sceur. II foupfonne d'avoir fait l'aumóne d fon oncle ; & depuis ce moment , quoiqu'il y ait bien fix mois , l'enfant répète de temps en temps ces terribles paroles, que lui a-dites le Pauvre : Voila oü m'ont réduit le crime, & le goüt efh éne du plaisir. Quel autre qu'Edmond aurait prononcé d'auffi terribles paroles , en recevant l'aumóne d'un enfant ! C'était moi qui avait donné l'argent d mon fils. Hélas ! Ji j'avois fu en foulager la misère de mon infortuné frère, j'aurais donné tout ce que je poft tède , & ma vie avec , & mon d"ie , tout moimême !.... Pauvre malheureus ! IIn'avait qu'un ceil & qu'un bras !.... II périt en détail ! & moi,,.. Oh !.... Dieu prendra ma vie d'un feul coup. Mais par quelle main !.... Dieu ! dijftper les eff'rayantes idéés qui fe présentent d mon imagination troublée !.... Dois - je done périr de la main de mon frère ! Strons - nous tous (0 C'cfl la CX.XIV,rne de ce Volume.  Partie VIII. 199 ieux dans les mains de lacélefle vengeance, un inflrument depunitiontj de crime , comme nous fümes dans celles de la célejle colère , un inflrument decorruption & de chute !... Malheureus Edmond !.... malheureuse Urfule],... exemples vivans & teribles de la puniüon exigée decrimes affreus !... Mais , hélas ! n'y avait- il done ni féduclion infurmontable , ni humaine faibkffe , qui puijfent les faire excuser ! , Non ! Redoutable non ! que j'entens fans ceffe, tu ne me conduiras pas au desefpoir.... O mon Dieu / vous ne chdtie[ pas ceux que vous abandonne^ ; mais vos enfans , ceux que vous vouL[ ramener d vous , votre bras vengeur f'appesantit fur eux , & les punit avec févérité , pour leur faire trouver un-jour dans votre Jein paternel le rafraichiffement & la paix. Amen. P.-f. Je difvofe de teut ce que je puis , chèreamie-Sczur, en cette occafion , que je crois la dernière. Je me recommande a vos prieres d tous ; car mon cceur bat , & la main du Seigneur f'appefantit fur moi. 8.me De m.me Parangon. Je ne fais que penfer, ma très-chère Fanchon , de la ftuction ou je trouve notre Urfule : elle vient de m'écrire une Lettre effrayante. Au refte , fon imagination vive réalise bien des choses , qui ne font pourtant que des chimères. Ce n'eft pas que la fituation de l'Infortunée ne me cause d moi-même la plus fombre K 3  ioo Paysane pervirtte. terreur ! Dieu! quel état ! & ne pouvoir nik Joulag er, nt le rencontrer / toujours caché d nos ieux !.... Ak / je h fe/ls f ^ un mm ^ qui ejl celui des vengeances ; il fait éclater toute fa puijfance fur de faibles Créatures ; tu la grandeur de fon courroux les asgrandit en quelque-forte , pour les faire trouver digne de t ex er eer !.... Je fuis dépofitaire de beaucoup de choses de la perr de la chère Marquise ; c'eft d vous que tout f'adrejfe ; mais je fouhaiterais vous les remettre ici , chère Fanchon , f'il était poffible , pour bien des petites raisons. J'aurais d ailleurs un plaifr infini d vous y recevoir. .me De la Même. Ma chèreFanchon ! Je ne crois pas aux prodigts , ni'.aux proncfliqs: cependant je fuis épouvantée de ce que je viens de voir & d'entendre. Je regardais avec attendriffement le potrait d'Urfule , qui eft dans ma chambre d couchcr. Je l'ai-vu fe remuer , ou du-moins Urne l'a-femblé ; enfuite j'ai trouvé fon visage pdle , &fachair plombée. J'ai-appelé Toinette. Tandis qu'elle je difpofait d venir , j'ai diftinctesnent entendu ces mots : Urfule eft morte. Effrayée , j'ai de nouveau appelé vivement Toinette , qui eft entree en-courant: Je lui ai-dit de regarder le tableau. Elle l'a -trouvé comme a-l'ordinaire quoiquejele vijfe toujours changé. Enfin , je lui ai-demandé, fi elle n'avait rien entendu en-venant ? — Si, Madame , la petite Duchamps , dtsait d une Voifine 3 Urfule eft  Partie VIII. aor morte. C'eft une Fille de trentedeux ans , que Jon frère Svldat , qui la croyait-libertine , fur de faus rnpports , l'a-tant battue d fon arrivée ,, qu'elle n'en a pas relevé, J'ai compris a'ors ia raison de ce que j'avais entendu : mais. celle de la pdleur du portrait m'étonnait encore, lorfque Toinette.m'a-dit: — Mondieu, Madame , comme le portrait ejl pdle ! Je l'ai* regardé }.& il l'était ejfeclivement. Mais j'en ai bientót découvert la raison , dans un ri-deau de tajjètas vert ; que. le- vent foulevait par intervales. Je me j'uis done tranquiliséè. L'heure de la pofte eft venue. J'attendais une lettre avec impatienee , dcaufe de la derrière d'Urjule,qui avait rempli mon efprit de trouble & de triftejfe. Le Facleur n'arrivait pas : J'ai envoyé Toinette chés le Direcleur : li n'y avait rien pour moi; mais elle a-vu donner une Leure pour vous au Commijjionnaire de V***-, C'était l'écriture de la Fcmme-de-chambre d'Urfule }. a ce que m'a-dit Toinette, qui la connait bien : le cachet était noir. Cela m'inqutète & me raffure. Le dejj'us de vos Lettres eft prefque toujours de l'écriture. de la Femme-de-chambre , pour tromper les Curieus de Paris. Mais ce cachet en-noir ? 'lire^-moi d'inquiétude , ma chère Fa.nch.on , le plutot.poffible,. Voila, ma chère fceur, le récit fidéle de tout ce qui f'eft-pafle: car cette Lettre de 1'excellente Dame , eft d'avan-hièr. Je te prie de lui présenter la terrible Lettre que je te confte, mais avec pr.uden.ee 3 en Y.aL  2 6z PaVs'aNE PERVERTri. furant de mes très-humbles refpeórs, St ïachant d'affaiblir fa douleur , qui je crois, ne ie cédera pas a la nötre; fur-tout en iui exprimant le deiïr que j'ai de conferver fa précieuse amitié. Je ne doute pas qu'elle foit inftruite du malheur par mon 'mari, qui ne m'en avait pas parlé, de peur de me trop affliger. Adieu , chère fceur Edmie» (II y cur ici dix années fans aucunes Lettres' aFanchon , cjui fulfent relatives a fa Sceur Urfule.. Enfin Edmond étant mort, comme on l'a-vu dans & CCLXXVI.me du Paysan , T. IV , Fanchoü? écrivit a Edmée la Lettre luivante : ) LETTRE DERNIERE. la Même, d la Même. ( Dernier adieu dit aux Morts. ) * otrr ejl fini ! ma chère fceur ! une même tombe couvre trois corps.... lis font aux piéds de nos chèrs père & mère !„....!, Après 1'arrivée de ces triff.es Refies,Yla maison paternelle, on on les a-déposés fuivant la d.?mande de m.ms Parangon, nous les avons-environnés d'un luminaire , Sc nous nous fommes proposés de les veiller mon mari & moi, tour-a-tour, & tous deux enfemble. J'ai-comme^cé la première.  Partie V IIT. 205: &c au milieu de la nuit, feule, j'ai-voulu ouvrir le cercueil d'Urfule. J'y ai-porté la main fans trembier; mais j'étais en larmes , & je 1'ai-ouvert!... O ma fceur !... un cadavre defïéché !... hideus.... Je me luis prot ternée, & j'ai-crié merci a Dieu. —Voila done la beauté! Cette fille que les Hommes» pourfüivaient, qu'ils f'arrachaient, qu'ils puniffaient avec la rage d'une paffion rebutée ! la voila! la voila ! venez la prendre a présent, malheureus! venez 1'arracher a la mort ! au tombeau ! venez contempler d'un profane regard, oü eft la beauté qui vous charma-!... J'ai-fait couler mes larmes fur ce cadavre, reftes encore chéris de Celkr que j'ai-tant aimée... Je 1'ai-laifte ouvert..„ J'ai-voulu voir les deux Autres... J'avais de les revoir une faim avide... J'ai-découvert. le cercueil, oü font réunis Ceux que la Célefte-vengeance a-toujours féparés ; &C j'ai-vu.... O déplorable Objet, le malheureus Edmond , les cheveus fanglans, la bouche encore remplie du fang qu'il a-vomi.,. a-cóté Celle qu'au tombeau feulement j'aipu nommer ma fceur!... tranquille, corrme pendant le fommeil , feulement palie : fes beaux cheveux ombrageaient fon front noble & modefte, fins le couvrir. J'ai-porté ma bouche.... hélas, c'était une glacé que j'aibaisée.... Je me livrais a cette vue, fanglotant, ne me connaiflant quasi pas, quand j'aientendu quelque bruit. Je me fuis-retournée»  i©4" P'AYSANE PIS VE RTI E, C etait mon Homme. — Que faites-voni ; ma femme ! — Oh ! oh !.., je dis adieu aux Morts-! ai-je-fait. — Ma chère femme, avez-vous pu découvrir...—Tiens (je 1'aitutoyé ! ) tiens,. regarde... Urfule ... c'eft Urfule que voila!... Regarde! reconnais-tu celle que les Malheureus ont p*ofanée4>. Pierre f'eft-jeté a deux genous, & a-poulfé un cri lamentable , qui m'a-percé le cceur. — O ma fceur! ma pauvre fceur ! voila done öomme je vous revois!... Malheureus, j'ajété orgueiileus de vous, dès votre jeuneile: ;e disais : J'ai une feeur , qui eft la plus belle des filles , & un-jour quelqu'un de grand nom 1'épousera !... Oui , j'ai-eu cette idee plus-d'une fois, dès fa tendre jeuneffe.' Hé'as ! j'ai-lu la Relation, qui m'a bien rabaiflé mon orgueil ! me Ie voila bien davantage encore, que je vous vois-la, de la muin,.. Oh! oh! mon Dieu! que vous nous ay,z punis-!... Ma chère femme, laiffezmoi ici; je veux veiller les Morts, en-attendantquedemain , on les mettedansielieu de paix -! Et il f'eft-levé,,me voyant attentive fans tui répondre, fur le cercueil d'Edmond5 Sè- f'érant-avancé.... 11 a-frémi; il r.-reculé... — Mon frère!.. mon frère !... Oh ! qu'eï cri! je crois 1'entendre encore... Et il f'eftavancé tout pres comme pour le regarder.Mais je 1'ai-couvert, comme infpirée: —Il a-dit que tu ne le verrais jamais.! refpecte la volonté des Morts !... Mon mari f'eft-retirée,,ai-criant: — O Edmond! ó mon-  Partie VIIJ. aoy Ami dès norre enfance; Celui a quï j'ouvrais mon cceur, & qui m'ouvrais lenen.! tout eft done fini... Non ! non ! je ne te verrai jamais! j'ai-été , toi vivant, aufti prés de toi que je. Ie fuis„■ en ce moment , toi mort, & je ne t'ai.pas vu, parce-que tu me las interdit! que je ne te voye ,donc pas, même après ta mort!... Oh! oh! que ma douleur eft grande!... Mon Ami! mon Compagnon dans notre enfance, te voila done revenu dans cette maison, oü nous avons vécu, nous aimant fi-tendrement, nous.jurant.de nous toujours aimer; t'y voila done! mais morta la fleur de ton age!..„ Ma femme, appellez votre fils Edmond; qu'il viennne! qu'il vienne ici-!.Et j'ai- été chercher 1'enfant: & fon père 1'ayant vu, jl f'eft-jeté a fon cou, en lui disant: ■—Voila done a-présent mon feul Edmond!.,. j'en-avais trois f je n'en ai plus qu'un !..,.. Mon chèr Ami, tiens, fous ce voile.que je n'pse lever , eft. ton .parein : regarde-le; mais il m'eft,défendu de le voir; regardele pour moi-! Et 1'enfant a-!evé le voile , pendant que fon père fe couvrait le visage de fes deux mains. Et 1'enfant a reeulé de frayeur , disant: — Il eft mort! Il eft mort- i — Qui.! (a-crié le père:) II eft mort!.,.». O mon fils! tu vois-la ie plus beau des enfans , quand ii érait a ton age; le plus doux, le meilleur cceur, le plus pieus, le plus refpi dueus envers père & mère , le plus aïfeóvionné envers frères & icc.ur:,. 1 & le voila  *o(J Paysane pervertie. mort, tué par Dieu rnême! Regarde, regarde i comme Dieu 1 a-tué ! Il n'a qu'un ceil... il n'a qu'un bras... Hélas! il n'a plus rien-!... E: 1'enfant regardait, pendant que ion père voilé de fes deux mains, verfait des ™cs\en ftffoquant de fanglots. — Voila, voila oü 1 ont conduit la perdition de la Ville, Sc les mauvais confeils, & les mauvais Amis, & les mauvais exemples, Sc les flattenes , que lui fesait Un-chaqu'un fur fa bonne mine, fur fon efprit, fur fon habif*.^ ^'en e& enorgueilli, excusable qu'il était, fi jamais perfonne le fut; car il était en tout aimable Sc agrésble, & fpirituel, Sc amusant, Sc plein de reparties fines; toujours obligeant envers Un-chaqu'un, donnant Sc fesant plaifir, autant qu'il poui mais ^ a oublié Dieu, & Dieu l'a cnatié en père en colère..., pour le recevoir pourtant un jour dans fon fein paternel avec bonté: car il l'a affés puni! O mon pauvre Edmond! que j'ai tant aimé! qu'il me fcmble que je n'aime ce petit Edmond-ci, qu'a cause que tu me Tas tenu pour notre digne père, fur les faints fonts, que ton exemple dumoins lui profite, & qu'un jour il lise ta vie dans tes Lettres, pour y voir Sc comme tu t'es^perdu , & comme Dieu t'a puni Sc ramené a iui comme par force, a coups de verge de fer (0-!... Et quand mon mari a ( i ) Ces fortes d'oraisons funèbres font d'usage dans *e pays : ce font des moeura réelles qui ont décrites ici.  Partie VIII. 207 ,eut dit ces paroles, il eft tombé a deux genous, la tête panchée fur fa poitrine 5c pleurant. Et 1'enfant lui a dit : — Mon père, & moi, ft je perdais mon frère Pierre, je ferais dolent tout comme vous-! Et le père f'eft relevé. J'ai-recouvert Edmond: car mon mari ne le doit point voir; mais il a jeté fes yeux fur m.me Parangon, & fe trouvant dans les mêmes paroles que moi, il adit.: 1— C'eft done morté, ó la meiileure & la plus infortunée des femmes, que je devais vous nommer fceur!... Mon fils, vois dans ce cercueil, bonté, beauté, graces, géne* rosité, toute vertu; c'eft ta tante, Edmond, qui ne l'a été qu'un inftant; elle eft morte de douleur, & la voila au cercueil, pour avoir innocemment placé fon excellent cceur dans Edmond, avec trop de complaisance. Dieu 1'a-recue dans fon lein, car elle en eft toute digne, & je la prierai plutöt, que je ne prierai pour elle-. J'ai alors dit a 1'enfant: 1—Ici eft la tante Urfule-. Et 1'enfant a détourné la vue du cadavre: — Ce n'eft pas ma tante Uifule fi-belle, qui me caraiflait tant! — Si-fait, mon enfant , a dit fon père; la voila cette fceur fi belle, que j'aitant aimée! la voila... Dieu eft jufte... Tu ne verras fon hiftoire que dever.u tout-a-fait homme; car elie eft bien terrible ! mais elle a fait une rude Sc lincère p^nitence, & fi rude, que je la prie depuis fa mort, aulieu de prier pour elle: car fa vie de pénitence m'a fouvent remplie de confolation: Elle a  ïöS P a y s a -m e f e r' v e r t te. été marquise, & elle eft morre poignardée..-" par fon frère, qui la croyait dans le mauvais chemin... ou plutöt c'eft Dieu qui 1'atuée... Ma pauvre fceur! voila done ce qu'eft devenu tant de beauté , efmnocence , de fourire gracieus, d'aimable droiture , le voila!... O mort, que tu es dirfbrrhe! Comme ta main décharnée efface tout ce qui fit 1'admiration & 1'orgueil des Hommes-!... Nous avons ■ veillé tóute la nuit, après «voir renvoyé 1'enfant. Et a la pointe da jour, la grofte cloche f'eft fait entendre , lbnnant les plaints: tk il femblait que chaque coup retenrit h mon pauvre cceur. Et m.r le -Curé eft venu prier qu'on portat les corps a 1'église : car il était dit, par la chère Sceur, fi-peu longtemps femme d'Edmond, que les corps feraient mis dans la maison paternelle, tk de- la portés a 1'église, comme venant de mourir. Et mon Homme a*-répondu a m.-r le Curé, — Comme il vous plaïra : mais ces corps peuvent ici refter un peu, pour y être pleurés, comme il convient pleurer Cïux qu'on a tant chéris.. Et il a été dit que ce ferait a neuf heures, pour que la fainte mefle fut célébrée fur eux. Et a neuf heures , tous nos frères tk fceu' s en deuil, a l'exc;ption de vous," chèrc-fceur, h cause de votre maladie, o:i:-:*ntouré les cerrueils, tk les ont-voulu poner: manies nlles du Yillage ont demandé a omr Urfule , & les f'mmes,, la c lère fceuf ïr peu de temps: Mais mon Homme & Bemand Ie  Partie V I 11. i0$ fe font mis a la tête d'Edmond, & ontpaffe leurs deux mains delfous le portoir , appuyant 1'autre fur la tête du Défunt, 8c nleurant d'une fi pitoyable manière, que tout Ie monde Ie leur eft venu óter, 8c il a-fafui qu'ils Ie quittaftent, ainfi que Georget 8c Auguftm-Nicolas, qui avaient pris les piéds • & deux anciens Amis d'école d'Edmond ', en demi, ont pris la tête, & on ar-marchéf mon Homme fuivait, étant a faire pitié as yn-chaqn'un, ainfi que tous nos frères '8c iccurs, Bertrand fur-tout: 8c tel était le laajüement oü 1'on était, que les Chantres le lont arrêtés de chanter, & le Pafteur luimeme ne pouvait parler. Et tout Ie Village y «jut. Et comme on a été k la porte de JEglise, voila qu'eft arrivée une belle grande Dame, que je ne reconnaiffais pas: mais k la voix j'ai-entendu que c'était m.me Loi-. leau : Elle eft venue k moi, & m'a-embr iffée en pleurant: — Voila done ce que j'ai-t.int aime' (a-t-elledit). Ma chère Madame R ^atons la cérémonie : J'ai-amené deux Per' lonnes, k qui la vue en ferait funefte- Eile a enfuite parlé k m* le Curé, qui fur ce quelle hn a dit, a fiit prendre le chemin de la fofte. Un-chaqu'un en était furpris , & les Habitans du Village, fur-tout les femmes en ont murmuré. En ce moment, 8c pendant qu'on hésitait, ont pa n les deux autres Dames plus jeunes, dont I'Une échcvelee, fondante en larmes, 8c poulf;int des cris, f'eft pré.ipitée fur les cercueils: ÜAurjce Terne IV. Partie VIII. S  21o P'aysane firvertie'; plus raffse, mais non moins endolorée, ademandé a voir encore une fois fa fceur. On a-découvert fa tête. A cette vue, elle efttomb^e évancuie; tandis que 1'autre regardait Edmond fans prononcer un mot. Je me fuis approchée, & j'ai-recouvert les deux Cadavres, en disant: — Madame, j'ai le cceur aufli affligé que vous . Eile ne m'arien répondu : mais elle m'a-fuivie, & les Corps ont été portés a 1'église. Ces deux Dames étaient m.1,e Fanchette , a-présent m.me Quinci, & m.me Zéphire. On a-célébré la meffe : tk a 1'endroit ordinaire du prêne, le Pafteurveft monté en chaire, oü il a-dit : " —Mts chèrs Paroiifiens; Nous » célébronsaujourd'hui les obleque? de trois » Pcrfonnes, dont deux lont vos Compav triotes : vous les avez vus, & vous les » avez aimés , car avant leurs malheurs , » on ne pouvait les voir, fans les aimer & » chérir. Ils ont efluyé les plus grandes » épreuves tk les plus grandes tribulations: « elles vous feraient fiemir, li vous les » faviez toutes! Mais leur pénitence des » fautes qu'ils ptuvent avoir commises, a *> été fi grande , li erfrayante d'une part, » fi belle de 1'autre, que je les regarde » comme étant dans le féjour du repos. Si » vous confidérez leur mérite avant leur » chute, Perfonne n'en eut jamais davan» tage, ni pour le corps, ni pour 1'ame : li » vous les confidérez après, vous aurez la s» plus belle inftru&ion, & le plus grand  Partie VÏTf. ut »> effroi du vice: car jamais ils ne fe font j» crus affés punis; ils n'ont jamais dit k " Dieu: C'eft trop! arrête^, Seigneur ! mais » ils ont regu avec ardeur les chatimens de » fa main paternelle: & quand le coup » terrible de la mort a été frappé fur Cha» qu'un d'eux, ils ont offert leur vie, & » béni Dieu. Chers Enfans! qu'eft done le » pêché! f'il faut de fi grands maux pour » 1'expier !... Quant k la Dame que nous «• recevons ici avec eux, elle fut toute vertu » tk toute piété; vous avez connu fa familie, » tk fon père était votre confeil: elle a» voulu être ici avec Ceux qu'elle a aimésr » avant épousé Edmond R**, a-jamais » célèbre dans ce pays; & le jour même, f il eft mort écrasé , comme par la main " de Dieu. UnitTons nos prières pour ces « trois chèrs Défunts, qui feront un jour » nos Prorecteurs auprès de Dieu', f'ils hé » le font déja. Amen. » II eft enfuite defcendu de chaire, & il a achevé le fervice : après lequel on a porté les Corps k la fépulture. La foffe était ouverte aux piéds de nos rcfpeftables père & mère, avec 1'attention de ne point découvnr en auqu'une manière leurs reftes vénérables. On a-d'abord defcendu le cercueil d'Urfule, qui eft fortpesant, étant de plomb, & il a été placé aux piéds de fa bonne & tendre mère : mais la pesanteur avait donné un fi grand ébranlemenr k la terre, qu'elle f'eft éboulée, pendant qu on arrahgeait le S x  in Paysane pervsrtie. cercueil, & on a vu a découvert les os des piéds dégarnis de chairs, de Celle qui fut mère de douleur: ce qui a fait poutfer a tout le monde un cri d'angoiffe & de compallion. Et mon pauvre mari, criant, Ma mère.' ma mère.' f'efl-jeté dans la foffe, &C a-recouvert les piéds de fa mère, amoncelant la terre fur la têce d'Urfule, pour qu'ils y reposaffent a-jamais: tk après f'être profterné, en-baiffant cette terre & ces os, il eft-remonté , pale & défait. Et Un-chaqu'un disait, par un murmure de louange: — On voit le bon fils , jufqu'au dernier mo~ ment \ il a-recouvert les piéds de fa bonne mère morte, comme il la foulageait vivante-l... II a-falu enfuite defcendre le doublé cercueil, & mon mari a encore été dans la foffe , pour le foutenir, 1'empêchant de vacilier, tk qu'il ne tombat fur le cercueil d'Urfule. Et il a-dit tout-haut: — Voila done le dernier fervice que je te rens, ó mon pauvre frère Edmond! 1'ami de mon enfance, le chèr compagnon de ma jeuneffe, le confident de toutes mes pentées. Adieu Edmond! Adieu ! adieu ! chèr Ami, moitié de ma vie, porte-nom de mon reipeótabie père, aux piéds de quï je te dépose, fuivant ton vceu , afin qu'il te re^oive dans fon fein au féjour des Juftes, oü tu m'attendras, pour nous réunir tous un-jour.... O jour de réunion! je te falue-!... Et tandis qu'il parlait, Un de Ceux qui tenaient la corde du cercueil (car la foffe était profon-  Partie VIII. 21$ de, a-cause que notre Sceur, la pauvre défunte Urfule avait demande d'être misebienau-deffous de fa mère ) a-gllftè du piéd , & fe ferait tué en-rombant, fi mon mari ne 1'avait-retenu dans fes bras; car Pierre eft le plus-fort des Hommes du pays; Sc après I'avoir retenu, fans qu'il fe foit fait le moindre mal, il 1'a-enlevé comme un Oiseau, pour le mettre hors de la foffe. Mais eet Homme tombar.t, le cercueil a-vacillé, 8c la terre f eft-éboulée , de-facon que mon pauvre mari en était couvert: Et voila qu au flitot, on a-vu le cercueil de notre vénérable père; non du-coté des piéds, mais du cöté de la tête; & la plar che déja pourrie étant tombée, on a-vu a-découvert fon chef vénérable, encore en fon entier,' ayant fes cheveux gris, tels quJau jour de fon décès; & il avait encore, quoique cave 8c décharne, eet air vénérable 8c doux , qui le rendait le plus-gracieus des Vieiüards: Et mon mari voyant a-nu la tête de fon honoré père, eft-demeuré immobile, comme un Homme eperdu , ou frappé de la foudre : puis tombant a-deux-genous, il a-prié, fes larmes coulant, comme jamais on n'en-a-vues. Puis ie levant, il a-dit, — Mon père ! je vous revois!... mais mort! je vous revois le jour qu on enterre a vos piéds votre fils , qui portalt votre nom, 8c votre fille chérie, qui tous-deux vous auraient-donné confolation n vous aviez vécu! O mon*père! ils font morts! 8c votre fils-aïné, ainfi que tous  2i4 Paysane pervertiï. vos autres Enfans , leur renden! les derniers1 devoirs-! Moi, 1'entendant ainfi parier, je lui ai-tendue la main toute-éperdue, & il l'a-ïerrée, en-me demandant le fin bavolet de ma coïfure; & je lui ai-donné le même que fe portais a ma noce :• E: il en-a-couvert le visage vénérable de fon père, 8c- puis f'eftla tenu pendant qu'on jerait la terre dans la folie, de peur que le voile ne fe dérangeat. Et il a-fait mettre la tête d'Edmond fous la tête de fon père , comme la tête d'Urfule était fous les piéds de fa mère. Et quand la terre a-été a la hauteur de fes père 8c mère, il i'a-lui-même-arrangée fur eux avec la main, fondant en-!armes, prenant garde de rien déranger ni heurter; & il pouifait des fanglots d'Homme, fi-forts Sc fi-puiffans, qu'Un-chaqu'un en-érair-effrayé. Et quand il a-eu pieusement & filialement couvert la tête de fon père, Sc les piéds de fa mère, mis ainfi en-terre par-mégarde, lor-s de leurs funérailles, il eft-remonté, Sc a-fait-figne a Ceux qui couvraient, de cefTer; Sc il a luimême achevé de remplir la foffe de terre. Et quand eile a-été toute comble, il a reposé lui feul les tombes de pierre de fes père 8c mère qui avaient-été-déplacées, prenant garde d'endommager les fculptures, qui y ont-été-posées Sc fcell^es de la main d'Edmond repentant. Et on a-mis deffus un gril-lage renu tout-prêt , pour les préserver. Enfuite, Pierre Sc fes frères ont-posé fur la foffe des trois corps, la tombe nouvelle ?  Partie V ï I T. 21c il y a une infcription, qui porte ce qui luit : Ci-gic Edmond R** , bien né , de Parens honnêtcs & vemietis ; xnais qui fut corrompu a la Ville , ou il eft-inort misérable, après avoir éprouvé les plus terribles chatimens •,Et fa Femme Colette O* , Vertueuse Dame , autant que belle, qui a-voulu mourir , Et être-ersterrée avec lui. Ci-git Urfule R** , fa Sceur , Marquise de-** , Qui fut a la Ville avec fon Frère , Y vécat comme lui , Et fut-punie de-même , Après avoir-fait, (comme lui) une grande pénitence. Qu'ils reposent en-paix. Amen. - La trifte cérémonie achevée, on f'en-eftvenu a la maison, oü nous avons-eu le fpeólacle touchant de la douleur des trois Dames dont je t'ai-parié! M.«« Zéphire f éuit-contenue durantla cérémonie, priant, pleurant & regardant mon mari les ieux fixes: mais dès qu'on a-été de retour, fes larmes, fes cris, fon desefpoir nous ontetTrayés tous. M.lte Fanchette pleurait fa fceur avec aufll-peu de modération. Il n'y avait quem.me Loiseau, qui, quoiquetrès-affligée elle-même, consolait tout le monde. Mon  216 Paysane pervertie. mari a-parlé en-particulier a m.me Zéphire *• & elle a-puru^ fe calmer un-peu. Elle nous a-tous-embrafles, jufqu'aux Enfans, & elle a-demandé a partir fur 1'heure. Ce qui aéré-fermement-fecondé par m.me Loiseau. Les trois Dames font-donc-reparties fans avoir rien pris a Ja maison. M.me Zéphire a-voulu avoir quelque-chose qui eüt-été aux trois Défunts, & elle 1'a-ferré avidemenr. Mon mari n'a-pas-dit un mc Mais cette Innocente punie Eft pour elle un objet d'horreur, iS. Elle commence a reconnaïtre , L'Auteur de Gl corruption , 11 a-rendu par une Lettre, Hommage a la Reiigion : Lors Urfule defefpérée , Qu'as-tu-fait , malheureus Trompeu'r , Pourquoi done me 1'avoir-ötée , Cette Foi qui mène au bonheur-? L'a me d'Edmond n'eft point touchés E>u fort malheureus de fa Seeur j  Pratie VIII. 217 Aurore , fille débauchée , A Zéphire ênlève fon cceur: Cette Zéphire généreuse Qui dans fon mal fa-loulagé , Au fein du vice eft vertueuse; Urfule par elle a-changé. j o. Cette aimable Samaritaine Pour Urfule fut un miroir, Et, fa Pareille , rompt la chaïne Qui la liait au desefpoir : Ah ! je vois, dit l'Infortunée , Que Dieu pourra me pardonner ; Ceft la Vertu qu'il m'a-montrée , Zéphire va m'y ramener-l Sitot elle fit-pénitence, Comme une Saïnte elle vécut; Et toucha par repentance Des Créatures le rebut: Humble , <3c de fes pleurs inondée , La dernière elle fe mettait, Et la plus-grande Abandonnée Toujours audeffus d'elïe était. p. Pendant ce temps , Edmond fon frère, Moins-durement par Dieu frappé ,  zit Paysane pervertie. Brave la Célefte-colère Et fe livre a la faleté ■ II féduit une Blanchiffeuse , Trompe la Fille d'un Marchand; Au Billard une Revendeuse , A fes mauvais desirs fe rend. 53- Il f'amuse avec des Crieuses , Objets de fa brutalité ; Il courtise des Ecoffeuses , Qui tentent fa lubricité : Le cceur d'une coquette Orfèvre, En-Savoyard il pénétra ; Le même foir il prit le lièvre Avec cent-leuis qu'il présenta. 34- Une autrefois en-pleïne rue , Fille honnête il ose attaquer ; Il obt'ent une bonne iffue , Tant il a d'art a f'expliquer: Maïs en-alant pour voir fa Belle, D'une Soubrette il fut-tenté ; II la trahit a deux pas d'Elle ; On 1'apprit } il fut renvoyé. 3J- A la p'us-terrible avanture Au Taudion il f'exposa;  Partie VII ï. zz* Il fauta fur la couverture , Et par miracle il échappa : Tenu par quatre Moufquetaires, Qu'il avait-eicroqués au jeu, lis lui reservaient pour falaire , La broche devant un grand feu. 36. Mais telle eft fon infortune , Que rien ne change fon panchaut } Un-foir rencontrant une Brune Sans lumière fe retirant : Il profita de la furprise , Se fit pafier pour fon Amant, Qui furvenant dans i'entreprise , S'en-eft-vengé crueliement ! D'un Amant il fit connaifTance , Qui de fa Belle lui paria ; En-Ramoneur Edmond f'agence , Et fous la fuie en-triompha : Par-tout il entre & fe faufile ; C'eft ainfi qu'il f'enmouracha De la mondaine Obfcurophile Baladine de 1'Opéra. .jfe • -'„' Après une pareille vie 3 11 épousa par-intérêt,  2|o Paysane pertertie. Et de fa fïgure joüe II tire parti pr, Gaudét : Qui d'une place le décore , Et montre au Publiq étonné , Dans un Corps que Chaqu'un honore, Un libertin déterminé. 3?- A ia Vieille qu'il f'eft-unie U ne montre que des regrets; Mais Gaudét lui fait chère-lie, Et pour elle fe met en-frais : ' Courtisant la Fille & la Mère, Qui font belles au coffre-fort, Par le plaisir, les mène enterre ; Mais il gémira de leur mort. 40. A-peine elles font trépaffées, Que Gaudét & le pauvre Edmond Ont , de les avoir-avancées, Tous-les-deux le mauvais-renom : " On les accufe, on les arrête , On va les conduire en-prison; Ils doivent payer de leur tête D'avoir employé le poison. 41. Or chés Edmond étaient deux Dames, Objets de fon atfecbion :  Partie VIII. zj| On le liait , quand de ces Femmes Une efttombée en-pamoison : A fon fecours 1'Amour 1'appelle ; Mais fes deux bras fontvretenus: Vous m'empêchez d'approcher d elle J Dit-il , ah ! vous êtes-perdus! Degagé , fur eux il fe jère , II les rerrafle , il fe faisic De la première bayonnèce Qu'il tire du bout d'un fusil : 11 alFomme, il maifacre , il tue ; Gaudét ne voyant plus d'efpoir, Fait fauver Edmond a leur vue ; Périr tout-feul eft fon vouloir. 43- Ils font-prisj des Juges févères, Les ont-tous-les-deux-condamnés, L'Un k mourir, 1'Autre aux Galères: Pleurons fur ces Infortunés! Puilfe taire la Renommee , Ce jugement au bon Rameau , Car fi fa vii.eft dirf rnée , II f'en-va defcendre au tombeau ! 44- Ursule arrivé échevelée, Annoncant ce cruel malheur;  z}2 Paysane pervertie. De Père & Mère interrogée, Tous-deux elle les frappe au cceur; A cette fatale nouvelle , Le Père d'Edmond fut-glacé ; Comme lui fa Femme fidelle De douleur elle a trépalfé. 4f ■ P Cependant Edmond aux Galères Eft-fecouru p ir la pitié ; Monfieur Loiseau , brave & fincère , Court lui montrer fon amitié : II ie confole , obtient fa grace ; Mais de madame Parangon , Qu'en-bonté Perfonne ne palTe , Loiseau lui dit que c'eft un don. 46. Edmond entendant qu'il eft maitre De f'en-aler en-iiberté , N'en-profite que pour fe mettre Dans 1'état qu'il a mérité: Il fe fauve , en-Gueus il mendie ; II pleure , gémit , fe repent; Et dans cette dolente vie II eft-mordu par un Serpent. 47- De venin , fa main eft-enflée , A la fcie il liyre fon bras 5 Manchot,  Partie VIII. i$j Manchot, barbu , face halée, Fanchette ne le connaït pas : Le foir elle lui fait Faumóne , 11 fe fauve en-!a remettant; L'Ire divine l'aigu:l!onne , 11 court la nuit eh-gémiflant, „Au Village enfin il arrivé, De fes Parents baise le feui!; II voit fon Frère , mais il Fefquive j Et court pleurer fur le cercueil : De larmes Ia tombe eit-trempée , Pierre y furvient avec Fanchon , Disant que c'était la rosée j Ah ! c'étaient les larmes d'Edmond I Ursule toujours pénitente , Dans fes maux offre un cceur foumis 5 Mais quoique vraiment repentante , Son pêché ne fut-pas-remis: Avant de frapper fa Victime , Dieu la voulut mettre en-honneur } Afin qu'en-eonnaiffant fon crime ? Il en-infpirat plus d'horreur. ƒ0. A Paris elle fut MarquisesEr vit fon Fils. légitimé } Terr.s IV. JPaaiie VHIV V  234 Paysane ïerver. tie» Mais bientöt elle fut-reprife Par fon malheur accoutumé : Un-fort terrible la-menace , Tout "'annonce & 1'en-avertit; Elle le fent , demande grace , Mais envain, ion fort eft-écrit.. Edmond errant & misérable ^ Et fur Urfule ignorant tout, Vient a Paris, la croit coupable s. Et médite un horrible coup : Armé par Dieu , ce Fratricide A punir fe croit obligé ; Il poigarde une Parricide..., Sur lui ce crime fut vengé.. j2.. Il apprend bientöt qu'innocente-y, Urfule faintement vivait; 11 veut mourir ; mais foh attente N'eut pas encor fon efFet: On Féloigne ; il f'en-va fur 1'onde ?.. Trainant par tout fon chagrin noir j-. II acheva le tour du monde, Sans avoir rencontré Fefpoir.. ;3- Revenu de (1-loin en-France3, 3J retrace tous fes forfaits y  Partie Vf ÏT, *sj Ï5*un grand tableau c'eft 1'ordonnance, On les y trouve fous leurs traits: Urfule y paraït poignardée , On y voit 1'enfer Si fes fenx , Une bonne Ame profternée Pour fléchi» 1'Ange furieus. 54- Oh ! qui pourrait compter les peine* Du pauvre & malheureus Edmond 1 Tout-couvert de rougeurs mal-faines, Aveugle & plein d'infecFion ! C'eft Dieu qui prolongea fa vie Pour qu'il endurat plus longtemps y Car elle ne lui fut-ravie Qu'après les plus-afïieus tourmens, Le jour qu^on fit fon mariage: Avec madame Parangon ; Car elle était dans Ie veuvage Et toujours elle aimait Edmond t Une pierre par Dieu lancée , Du char erfraya les Chevaux Et de fa poitrine brisée On vit couler le fang par flots. Dernier Cotjple • A-pres fa mort „ en-ce Village ,. Ou. le Frère Se la Sceur font-nés „  X2,<3 Paysane pervertif; Dans le tombeau de leur lignage Leurs Corps ont-été tranfportés : Or profïtons tous de l'exemple Que leur fort donne aux Paysans; 11 faut que Chaqu'un le contemple , Pour fuir la Ville, & vivre a«x champs.  TABLE DES LETTRES. Tome Premier. Xj'Editeur au Lecïeur. page. a Préface de ITditeur. ^ Point-de-vue des IV Tomes. j Avis trouvé a la tète de ce Recueil. 9 Première Partie. Avanfpropos. Jt I.re Lettre. Urfule i fes Père & Mère. Son arrivé a Ia- Ville. ,p 11- Urfule d madame Parangon-. Elle eft revenue au village, 81 f ermuie de Ia Ville. 2I M. Madame Parangon au Père Elle redemande Urlule, &. nous fait la déclaration de la tromperie quon a faite a Edmond. }J W. Urfule d Fanchon Eerthier. Elle eft-rerournée k ia v uie , &. commence a laiffer-voir un peu de gout mondain. V. Urfule J F?ncft#n /a ieïïe_/-„,r. E]le colnmence a penetrer iien des choses. 39 .VI. fi^on/i. Ma Femme lui remontre doucement» d apres mes confeils. ^* VII. La Mèmea laMème. Fanchon lui raconte la recepüon de Manon a la maison paternelle. 50 ^l}h,VrJuU { Fwhon. Elle conté a ma Femme diilerentes choses , oü 1'on voit comme dèfiors elle iaccoutumait 3 voir en-Autiui des fcibleffes ezcu&Mes>  12j8 Paysan fi pervertiï. iX. Urfule dia Même. Elle parle de Ia manière Sant Fdmond fut-rerraffé de ma Lettre , au fujet de fa: iaute avec Laurote. g^. Seconde Partie. X. Fanchon i Urfule. Tableau de douleur, & Lettres de faufiété, dont ma Femme lui fairPart. T> Lettre de Laure aux Parens d'Édmond, dicle'e par Gaudét. ^"<. XI. Madame Parangon a Urfule. La pauvre Dame montre toujours fun bon & faiMe caeur, fans qu'elle f'en-doute. gg XII. Réponfe d Urfule aux deux Lettres précédenten. Elie raconte fon arrivée, & comme la corr-uptionrègne dans les grandes Villes. gg XIII. Fan.hon d Urfule. Ma Femme décrit ici la réception , le (éjour , Sr. le départ d'Edmond. ag XIV. Madame Parangon d Urfule. Elle montre fonbon-coeur &i fa faiblefle.. iI3 XV. Gaudét d Fdmond. II lui écrit qu'il 1'a-fecondé ;, il lui annonce la naiffance de la petite Laure , && lui parle mondainement d'Urfule. hj. XVI. Edmond d fes Père Sr Mère. Son cceur conferve encore les apparences de fon innocence première. ,2J XVII. Urfule d Fjinchon. Ma- Sceur copie un pap/er feoet de m me Parangrm , & montre qu'eile com.rnence a n'ètie pas auffi bonne &i naive qu'on la' croyait : ce qu'on voit par les tonhdences qu'elle fait a ma Femme. I2g Lettre du Conjeiller d Urfule. 33^. I. er BiUet-doux du Marquis de-***,. 157 II. Bület-doux.. jjjj UI. BiUet-doux. Eer Bület-doux du feconi Amant, 3^0 IL Billet du ieune Page,. tum  T A B E 2. 23-9 T.er Billet du Financier. , i^j II. Billet du Financier. 14^ III. Billet du Financier. BiUet-doux d'un Seigneur Italien. XVIII. Réponfe de Fanchon. Naiffance de mon Fils , & te qui 1'ett-paffé de Ia pait de mon.reipeétable Père. It8 XIX. UrfuU a Fanchon. Elle continue a lui rendrecompte de toute fa conduite, qui marqué bien de Ia coquetterie ! jéo, Lettre d'Edmond.. igi Réponfe de m.me Parangon au Père R**. 16^ XX. Ed mond d Urfule. II parle d'Edmée , ainfi que de fon art, &i finit par un mauvais - confeil a Urfule. I?g XXI. Fanchon d Urfule. Ma Femme lui parle de notre Neur Brigitte , & d'un bruit fiuheus au. fujet d Edmond. jjj0 XXII. Urju'e d Fanchon. La voila qui f'émancipe a recevoir des Lettres de fes Amoureus, &. a y répondre. jg IV. me Lettre du Marquis de-**, V. ine Lettre. ,$j Lettre d mudemoi'elle Fanchette. 190 VI. me Lettre du Marquis , d Urfule , en-hü-envoyant un present. 19a XXIH. Gaudét dEdmoni. 1 e Corrupteur d'Edmond lui nnrque ia ld coupable & feduclrice amitié, fu.-iout vers la fin de fa Lettre. 195 XXIV. Urfule d Fanchon.. Li voici qui "montre de 1'auibition. 202 XXV. Fanchon d Urfule. Ma pauvre Femme Ialoue , de ce qu'il ne fatait pas la louer; &c.a 206 XXVI. Urfule a Fanchon. Elle parle impi udemment au Marquis, qui 'ui annonce ce qu'ü veut fairejjur 1'avoir a lui. 22^  *4° Paysane pervertie. Lettre d'Urfule d Catherine & d Edme'e. 22S XXVn- G<,u A r 7 I f. XXIX. Madame Parangon d Urfule. Elle lui dornie a entendre Ion malheur. , XXX. Edmond d Urfule: Remords de fon attentat Jur madame Parangon. j XXXI. Gaudét d Urfule. II lui donne avis dn danger qu il caufe. 6 XXXII. Laure d Urfule. Elle I'avertit de fon prochain malheur. XXXIII Le Marquis de.***, d Urfule. II feit des ioumiffions a la Fille qu'il a-violentée. 7 XXXIV. Urfule d Laure. Elle crie envain aulecours. g XXXV. Gaudét d Laure. II mentre k-nu fon Ame, lans idee de morale ni de frein, &. découvre k. demi qu il eft complice du rapt! 9 XXXVL La Même d la Mème. II eft toujours lememe, Sr ne fe déguise pas avec fa Complice u ■ XXXVII. Urfule au Marquis. Hélas ! 1'honneur & Ja pudeur font encore tout-puiffant fur fon ême ! 12 XXXVni. La Mêmed Laure. Elle lui fait le récit de ion malheur. J? XXXIX. Gaudét d Edmond. 11 Ie venx calmer par le reut des arrangemens avamageus qu'il a-faits pour Urfule.. *' m ^ XL,  Table. 241 XL. Urfule i Fanchon. Ellè raconre fón malheur a ma Femme , Si en-reconnait la cause : 5ic. 2J Lettre du Marquis d Urfule. 31 XLI. Laure d Fanchon. Elle f'informe d'Urfule 8c de madame Parangon. 66 XLII. Réponfe. Ma Femme lui rend-compte de 1'arrivée 81 de la réception d'Urfule . 81 elle lui parle du desir qu'on a de marier Edmond a mlle. Fanchette. 68 XLIK, Gaudét d Edmond. II 1'empêche de fonger a un honnète mariage par des rnotifs adroits. 79 XLIV. Urfule d Edmoni. La voila qui fVnnuie da ton qui régne chés fes Père 81 Mère , Sc qui découvrt des difpositions que nous n'aurions pas foupconnées-! 8j XLV. Réponfe. II envelope 1'annonce de fon duel, en-répondant fur co qu'Urfule lui a-marqué. 86 XLVI. Urfule d Edmond. Elle flate le panchant d'Edmond , 81 luiouvre fon cceur déja gaté, aufujet de 1'adultère. 89) XLVII. Gaudét d Edmond. Idéés vraies fur le duel. JU XLVIU. Urfule d Fanchon. Edmond f'eft-battu pour elle avec le Marquis. 95 XLIX. La Mème d la Mème. Elle nous raffure aa fujet d'Edmond. 97 L. R.éponfc. Comme nos Père & Mère furentcontens du courage Si de la magnanimité d'Edm. , 81c. 98 ,LI. Gaudét d Urfule. AdrefTe du Corrupteur, pouc faire aler jufqu'a U Sceur, ce qu'il a dit au Frère , 81 pis encore. 10^ LI. Réponfe. La voila qu'elle prend auffi Gaudét pour guide, l'Infortunée ! 11^ LUI. La Mème d Laure. Origine de la corruptiort d'Urfule. Et voila comme le premier mariage de mon pauvre Frère fut auffi la perte de ma Sceur ! "7 Tome IK Pariie VUL X  141 Paysane pervertie' LIV. Réponfe. Tricherie ! car cette Lettre fut-dicté« en.partie par Gaudét , plus-fin que cette pauvre Fine! Portrait de Gaudet, , ug Quatrième F a t i e. LV. Laure d Gaudét. Urfule a un Fils. 135 LVI. Gaudét d la cruelie Laure. Adreffe du Méchant Gaudét , pour empècher Urfule d'alaiter. 127 LVII. Madame Parangon d Urjule. Elle lui donne de véritablement bons confeils. 129 LVIII. Urfule d Laure. Elle desire d'épouser le Marquis , Si fe plaint de ce que Gaudét f'y oppose. LIX. Réponfe. Laure , de-concert avec Gaudét, lui confeille une rineffe dangereuse. 13» LX. Urfule d Madame Parangon. Comment elle refuse le Marquis, en-voulant accepter ; Gaudét ne lui^ fesant-faire les propositions, que lorfqu'il fait qu'elles (èront fans effet. 13^ LXI. Gaudét au Comte de-*** , père du Marquis, Adreffe mondaine & ruse du Corrupteur, pour fervir le Frère aux-depens de la Soeur , St remplir d'autres vues fecrètes. 130 LXII. Réponfe. On voit ici comment va f'arranger le refus d'Urfule. i^a LXI1I. Replique. Gaudet a tout préparé ; il eftfdr de Ion fait. j^j LXIV. Laure d Vrfule. Elle continue a fervir les deffeins de Gaudet. 1^ LXV. Urjule d Madame Parangon. Elle fe doute de la lupercherie. i^j LXVI. Réponfe. M.me Parangon donne le feul confeil a fuivre. 1^7 LXVII. Laure d Gaudét. Jalousie de femme contre Urfule. LXVIII. Réponfe. II va faire féduire Urfule par un beau, fot mguYais fujet, j$q  Table. 243 LXrX. Urfule a Laure. Comment Gauclét lui faitrefuser le Marquis par-libertinage : Elle parle enfuite des bals , ces dangereuses Affemblees , fi fatales aux mceurs! Sa. de Comédies. 15 e LXX. Laure a Gaudét. Elle fe moque de fa Dupe. 156" LXXI. Réponfe. On voit ici toutce que le Corrupteuc a dans 1'ame. 157 LXXII. Réponfe. On voit ici , pourquoi Urfule a lairTé-emporter fon Fils a la Mert du Marquis de-***. 161 LXXIII. Gaudét d Urfule. II combat la pudeur , la -chafteté , toutes' les vertus. 16} 'LXXiV. Urfule d mjdame Parangon. Derniers bonsieatimens d'une pauvre Abandonnée; encore la pailion en-eft-elle le motif. 177 JjXXV. Gaudét d Laure. Cet Efprit-tentateur conduit tout a la perdition. 18S LXXVI. Laure d Urfule. Ijjjlle lui fait des remontrances trompeuses. 188 LXXVII. Réponfe. Urfule avoue fa folie paffion, pour un Vaurien. 191 LXXV11I. Rephque. Laure eft-parvenuea fon but» d'entèter Urfule pour Lagouache. 19a ■LXX1X. Urfule d Lagouache. La voila qui fe montre folie &. fans retenue. 19^ LXXX. Urfule d Fanchon. Elle tache de gagner ma Femme par des difcours trompeurs. 195 LXXXI. Réponfe Ma Fesnrae exposé les préfentimens de nos Parens fur les malheurs qui menacent Urfule Si Edmond. 199 LXXXII. Urfule d Lagouache. Elle lui annonce qu'il n'eft pas accepté de nos Parens, & qu'il peut 1'enlever. 104. LXXXIII. La Mème d Laure. Eile feint de lui demander confeil. 20j LXXXIV. Réponfe. Elle lui écrit d'après les vues de Gandit, qu'elle favait. 307 X 1  £44 Paysane pervertie. LXXXV. Laure d Gaudét Cette Lettre, par foa langaje, découvre la trame de Gaudét. ac8 LXXXVI. Réponfe. Gaudét n'eft pas toujours Ie maitre d arrêter , oü il veut, Ie mal qu'il fait. 209 LXXXVII. Gaudét au Marquis de*"*. II veul perdre Urfule tout-a-fait. 21t LXXXVI II. LeMème d Edmond. Le Corrupteur faitiervir tout le monde a fes méchantes vues. 214, LXXXIX. Le Mème d Lagouache. Gaudét fe fert auffi du Jrat qu il méprise. XC. Urfule d Lagouache. Elle lui donne rendévous pour 1 enlever. 2Jl XCI. Réponfe. II répond d'après la Lettre qu'il « recue de Gaudet. 22 a XCU- Lagouache d Paftourel, fon ami. II montre fa baffeife 01 fa poltronnerie- a3j TOME TROISIEME. Cinqu 1è me Partie. XCIII. Laure d Gaudét. On voit qu'elle ne fait pas tons les defleins du Corrupteur. 5 XCIV- Urfule d Laure. La Pauvre Infortunée I en» étant-alée avec Lagouache, elle en-eft punie par ce Fat lui-même d'après les confeils de Gaudét. 7 XCV. Laure d Gaudét. Comme elle a emporté tout, ic laiflë Lagouache avec les quatre murs. ig> XCVI. Réponfe- Tortueus Serpent! que de ruses pour perdre Celle qui 1'eft déja ! 2a XCVII. Urjule d Gaudét. La pauvre Infortunée avoue fa turpitude , &t découvre celle de fon Lagouache, qui eft horrible. 25 Lettre de Lagouache d Paftourel. 26 XCVllI. Réponfe. Le Méchant ne veut pas le liber.tmage, mais une perverfion raisonnée , pour pro'fflpi un avantsge ternporel a Edmond. jt  Table. 145' XOX. Urfule u Edmond. L'Infortunée approuve le vice. 50 C. Urfule d la Marquife. Comme elle a déja de 1'aisance dans le vice! 5a CL Réponfe. La Marquise répond fur le même ton aux impudences de ma pauvre Sceur. 54 GIL Urfule d la Marquise. Elle travaille a ruiner le Marquis, de-concert avec fa Femme. ^6 GUI. Réponfe. La Marquife accepte la honfeuse at ridicule proposition de partagèr les dépouilles de fon Mari. 58 C1V. Urfule d la Marquise. Elle effeétue fes promeffes. 51J CV. Réponfe. La Marquise lui donne un rendévous. 60 CVI. Urfule d Gaudét. Elle lui fait-confidence de toute fa coupable conduite, 61 CVII. Réponfe. II éteint la délicr.reflè de l'aitinur, & parle bien contre ies Speclacles , qu'il t,.urne en-ridicule, 1'inconcevable Homme ! 76 CVIII. Madame Canon d madame Parangon. Bon cceur de Femme, fous une rude envelope ! 104. CIX. Madame Parangon d Urfule. La Bonne-dame lui écrit , d'après la précédente, pour tacher de la toucher: mais il n'était deja plus temps! 106 s 1 x j e m e Partie. CX. Urfule d Laure. La voila tout-a-fait corrompue ; car elle raisonne le vice. iai CXI. Réponfe. Comme les Femmes courent-vife dans la carrière du vice, dès qu'elles y font entrées! 118 CX1I. Urfule a Laure. Ecarts effroyables de la pauvre Infortunée. 120 CX1I1. La ure a Urfule. Elle lui rend confidence pour confidence en-turpitude. i}6 X }  '146 Paysane ihteutie. CXIV. Urfule a. Gaudét. Elle lui- exposé fon art pour le iibertmage. Hélas! L'Infortunée le paieracherl r HX €XV. Réponfe. II montre ici d'autres fentimens fur Ie Théatre &. les Comédiens , & fur tout ce qu'il a-frondé. j^j CXVI. Urfule d Laure. Chés une Libertine , tout' eft libertin, &. fait-horreur. iji CXVIL Réponfe. Etonnée de fon libertinage r Laure 1'en-raille , quoiqu'atfn-corrompue. 173 ;CXVIII. Urfule d Laure. Elle fait des projets criminels de luxure, &. d'ingratitfide envers m.me Parangon. ,^ CXIX. La Même d la Mème. L'Infortunée Urfule raconte un mauvais tour qu'ells paiera chèr ! 177 CXX. Urfule d Gaudét. Elle montre comment elle f'eft corrompu le jugement, pour être ians remords. ,gj CXXI. Gaudét d Laure. Son. arrivée ne garantira pas la malheureufe Urfule du chatiment l 19^. GXXII. Réponfe. Elle craint pour Urfule. 195 CXXIII. Réplique. II négligé un avis utile ! Dieu lui óte fa prudence ordinaire, pour que le crime foit-puni. i96 .CXXIV. Gaudét d Urfule. II répond a la CXX.me , & parait fe retracler de tous fes mauvais-avis , &c. 198 CXXV. Urfule d Laure- La Malheureuse fe livre, pour apprendre a eftroquer au jeu, 209 CXXVI. La Mème d [a Mème. Commencement de les peines : Urfule &l Edmond efcroqs, font efcroqués au jeu, 2,j CXXVII. Urfule d Laure. Elle appelle a fon fecours, Ia pauvre Infortunée, 84c. a.19,  T A B L É. 147 TOME QUATRIÈME. Septieme Partie. CXXVIII. Urfuïe a Laure. L'Infortunée continue a' décrire des horreurs qui font frérnir. 5 CXXIX. La Mème d la Mème. La pauvre Lnfor-' tunée raconte ce q-i'e.le a-fouffert depuis ; continent on la mife dans un lieu-infame , com. jnent elle Pen - eft -echappée , & ce qu'elle eft.' devenue enfuite. 12 GXXX. Urjule 1: Edmond. La Malheurease, au"* fond dubourhier, paraït f'y complaire; mais eft défefpérée. CXXXI. Laure d Edmond. Peinture du misérable état d'Urfule, Si de Celle qui écrit. 25 CXXXII. Réponfe. L'Infortuné Edmond n'eft pas mieux que les deux Malheureuses. 25. CXXXIII. Urfule d Edmond'. Petif commencement de retour ; Hélas! que le vice nous abaiiï'e ! aS GXXXIV. Edmond d Laure. Le Corrupteur , après; les avoir tous abbattus , eft encore debout! 28 CXXXV. Réponfe. Laure apprécie enfin , Sl le Corrupteur &le vice , mais il eft trop-tard ! Elle raconte fes folies. '9' CXXXVI. Gaudét d Laure. Le Sédu&eur profanait la fainte amitie , en-la-reflentant comme il ne méritait pas de la reflentir , Sic. CXXXVII. Dieu punit les Scélérats te» Uns par Ier Autres. 56 CXXX-VIII. Edmond d Zéphire. II a borreur de lavengeance , qu'il eüt prife lui - même : mais le vice vu dans les Autres eft toujours laid, quoiqu'on 1'sxcufe en-foi-mèrne. S«' X 4  14S Paysane fervertie. CXXXIX. Gaudét d Zéphire. II eft forcené de fnrear & de rage ; lui ; ce Corrupteur abominab.e : plus-coupable encore que Celui qu'il pumt ! s9 CXL. Zéphire d Edmond. Elle montre fon ame com. patiffante. (sl CXLI. Anonyme au Vieillard ttalitn. O Dieu ! a quel point les Méchans fe punifTem ! 6} CXLII. Le même d Edmond. II lui détaille ia cruelie ■vengeance qu'il a-prise de 1'Italien. 64 'CXLLIII,1, ZéPkire <* Laure. Comment fe termine liiorrible vengeance de Gaudét. 69 jCXLIV. Urjule d Zéphire. L'Infortunée fait Ia pein. ture de fon horriile état. 7, CXLV. Zéphire d Laure. EHe n'afpire qu'a 1'honJiêtete : quel reproche pour Celles a qui elle écrit, 81 dont elle parle ! ^ CXLVI. Gaudét i Zéphire. II loue la vertu. 74. CXLVII, Gaudét d Laure. II dit de belles vérités, fur lafragilité de la beauté. Mon Dieu ! vous aviez'misen-lm la connaiffance 81 le goüt de lavertu. 76 .CXLVIII. Réponje. On met Urfule a i'Hópital. 8a CXLIX. Urjule d Fanchon. Enfin , elle récrit a ma femme ! mais digne de lui écrire ; elle eft changée! 84 CL. Réponje de Fanchon. Ma Femme lui rendcompte de tout ce qui f'eft-paifé, a fon fujet a la jnaison patemelle. gg Cl I. Madame Parangon d Fanchon. Elle raconte comment elle a-repris Urfule. ,03 ^idm^ ° Fanchon' EI,e nous parle en-bien d Urlule , demandant qu'elle tienne fon Enfant, &. nous fait le tableau du bonheur de leur doublé menage.  T A B I E. 245» Cl.III. Réponfe de Fanchon. Elle envoie a Edmée le commandement de notre Père pour la tenue de fon Enfant par Urfule. 116 CLIV. Fanchon d Catherine , Femme de Georget. Ma Femme lui rend-compte de tout ce qui f'eftpaffé chés nos Père Si Mère a 1'arrivée d'Urfule 81 a la leclure de la Relation. 118 Huitibme Partje. CLV. Urfule d Fanchon. Elle n'ose ofFrir elle-mème fes refpecls , a la nouvelle-année. 133 CLVI. Gaudet d Edmond. 11 adopte un Fils d'Edmond. M7 CLVII. Urfule d Fanchon. Calme trompeur avant 1'orage! M9 CLVIII. Urfule d la Mème. Elle nous annonce le malheur d'Edmond, 141 CLIX. Urfule d madame Parangon. Voici en-peu de mots les plus grands malheurs. 1^3 CLX De Fanchen a madame Parangon, en-luU envoyant la prècèdente- Pitoyable Récit de la mortde-douleur. '13 CLXI. Madame Parangon d Pierre. I aBnnne Dame veut me confoler : J'en fus reconnailTant; mais j'étais foumis a Dieu, 155 CLXII. Le Marquis de-*** a Urfule. II la demande en-mariage. 157 CLXIIÏ. Urfule au Marquis de-***. Elle accepte, a cause de fon hls , le mariage que le Marquis de-*** lui propose. 159 CLXIV. La Marquise de-***, d Fanchon. Elle a despreilentimens de fon aflacinat. 161  i-ro Paysane pervertie.' gjx!v" Edmond d Marianne Frémi. II Ia menacede la colere de Dieu ! ,5^ ct?V[ .La/.Mal;^e de-*** d madame Parangen.■JJieu hi infpire le desir de fa mort, Stelle la fenr approcher. 1(57 ^ifVi11- LaUre i °V^ropMe. Après avoir calomnié' l^rlule, pour f excuser a Edmond , elle en-erterrravee, Si elle exprime les craintes il fa Com-pagne de libertinage. .CLXVIII. Edmond d Urjule. L'infortuné Edmond , ians^doute après avoir quitté Laure, écrivit, ou plutot commenca d'écrire cette Lettre folie ; quoi«ju il n'en parle pas dans la ccxxii.me du Paysan a-cause du trouble qui 1'agitait. II lui reproehe tout ce quils ont fait enfemblc , 5; lui peint 1'hörreur que domnfpirer fon nom. Ce fut après ou avauf •?te L.e,tre > 1ue le pauvre Malheureux fortit, pour" aler faire le coup plus - funefte de tous ceux qu'il' eut encore fait. ■CLXIX. Urjule d Fanchon, jous 1'enveloppe de la remme-de-charnhre- Elle écrit expirante. 180 .€^XX. Fanchon dEdmee. Comment a-éte poignardée Uriule; & confclant Récit de fes bonnes-ceuvres . avec les Lettres fecrettes. Lettre de Marianne Frémi d Fanchon. j8s; Lettres particulières A'Urjule R** , Marquise de-*** ,aja Saur Fanchon , femme Pierre R**. I.re Lettre! 188 II. Lettre. I?I III. Lettre. jbid IV. Lettre.- 7^t. V. Lettre. m Tl. Lettre. ,5j .VII. Lettre.- j;r>g;  T A B t i, &C. ifï- VrTT. Lettre de m.me Parangen. i?9 IX. Lettre de la Mème. 209 Derniere Lettre. La /Wfme d la Mème. Dernier adieu dit aux Morts. 20ï Complainte du Payfan 8t de Ia Payfane. aif Fin de la Table,.  TABLE Des Noms desperfonages du Paysan tj. de U Paysane pervertis, A f--*Sn«-Bewnger, cöusine de Madèlan Baron. Alsacienne, fille-perdue de 13 ans Américjuaia (1'), amant dWule cotrorrrpue: Amts du. Marquis-, amans d'Urfule corrcmnue, nKKriSi-, (D'), voyez GAUDÉT Augustin-N,colas , frère d'r'dm; Sr d'Urfulei » £"SrPe-due ' "vslede Zéphire. SARBE tERL ET-DE-B E RTR 0 , mére d.r.amond & d'Urfule. Barse R**, fceur d'Edmond & d'Urfuie. Baron (Madeion} cocjuettequi aguerrit Edmond. Batistk, mari de Chrifiine R--, fceur B*d**, Bellombre, Cliarmelieu , Desfoa'rncaoÉ Dupile, Pie-rrefite , jéunes-gens d'Anxcrre. ' BtKAULr , (Mathieu) mari de Clau-dine R*>. Berdon Baron, fceur de Madelon. Bertrand R-, mari dTEdmée Service. Berthjer , gendre de Brigitte R- Blanchiffcuse: (la; , Tonton, forur de TLéodore Boujat (Alexsndre) mari de Barbe H.Brigitte R- , fceur. CaliDorgnon, femme de chambre d'Obfcurophile. LATHT-mvESERriGHé, fceur d'Edmce, femme de George R ■ •. Catiche R ••, ]a plus-jeune des Sceurs CiAimiNE R- fceur,  Table des Noms des Verfonages, '&c. 1 fj Champagne , Laquais de la Marquise de-***. Charles R •' , frère. Colart ( Adelaïde ), fille trompée par Edmond. C" (m.r) père de m.rr.e Parangon. COLETTE C"., voyez m.me PARANGON. Colette (EdmÉe-, ) fille d'Edmond. Coletre , fill« de journée de Tonton la BlanchiPfeuse. Comte (le jeune ) , fils d'Urfule. Comte de-*** ( le ) , père du Marquis de-***. C. D. L. M. , grand Seigneur , amant d'llrfule. Comte de*** (le), Capitaine d'Edmond dé» setteur. Conskiller ( le) , m.r Houffit, amant d'Urfule. Corhaux (Eglé) , jeune-fille d'Au**. Curé ( m r le ) , de S**. D'A • • ( le Chevalier) , écric la mort du Gardien. De-CourbuiiTon (m.me) , maitreffe de Therèse. De **** (ni;l!e) , épouse du j. C. fils d'Urfule. Des-Ecluses(Julie) maitreffcquiéconduit Eamond. De , ou la Petite üevarcnnes , fille d'Edmond & de la jeune-Marchande , qui fa-pris pour fon amant. Dévot ( m.r Voisin ) , fait connaitre Aurore a Edmond. Dominé (m.r) , père de Tiennette. Dondaine (Paul), gendre de Chriftine R". Dor» (Euftache) , mari de Marthon R '". Duc de ** (le) , amant d'Urfule. DuchefTe ( m.me la) , belle-mère du jeune-Comte de-" - , fils d'Urfule. Dupes d'Edmond au billard. Dupleflïs & Lebrun , filles-publiques. Duponc (laj , G-- ( la ) , Piron (la) , matrullc. publiques. EDMF. R- , père d'Edmond & d'Urfule. EDMÉE SERPIGNÉ , femme de Bertrand R,  2.J4 Table des Noms des Perfonages EDMOND R-; le Paysan perverti. Edmond , enfant , fils de Pierre R - , fïlleul da Prccéd. Fanchette C", m.me Quinci, fceur de m.me Parangon, compagne d'Urfule, & deftinée a Edmond. FAN-CEON BERTHIER , femme de Pierre R"; bellefceur, amie&correfpondante d'Urfule. Ferlet (Arsdré) , mari de Catiche R'\ ■Gardien (le Père) , ami d'Edmond. Filipa, (la lig hora ) , fille de 1'Italien ; perdue , par Gaudét , .pour venger Urfule. Financier (le) (Alontd'or )un des Galans d'Urfule. frémi (Marianne)., ou Trémouffée, femme-de- chambre d'Urfule. Garnier ( Aiexis ) gendre de Marthon R". GAUDET , ami-corrupteur d'Edmond, d'Urfule, & de Laure , areboutant des deux Ouvrages. ■Georget R • •, mari de Catherine Servigné. Graindargent (Benigne) , mari de Martinne R". Greneile ( Jeune-fille de la rue de-) trompée par Edmond, a-la-faveur de 1'obfcurité. Hérmine ( Sainte ) , ami d'Edmond & de Gaudér. .Hm/lier a V • • • , ciiargé fecrettemem par m.me Parangon de donner aux Parens d'Edmon 1'idée de le mettre a la Ville. ( fon nom Ladrée ) ÏTj&nx (1' ) amant & oppreffeur d'Urfule , qui 1'a-joué , & dont il fe-venge cruellement. Jacindie , nègre d'Urfule , frère de Zaïde. . Jacques Berault , maïtre-d'école de Sacj. Joueurs efcroqs , qui dupent Edmond & Urfule. Karats , mauvais-fujet , ami de N'èg'rer. Lagovache , grivois , fayori d'Urfule , & par qui elle fe fait-enlever. Lajarrie , valet d'Edmond fratricide & fu A&rices, dont il eft parlé. CVoir les pp. 94-5-6 du t. iii, pour les Noms oiiiis ici, ) Abularfage , auteur arabe : mot fur les Femmes* Adrienne , danfeuse-figutante a 1'Opéra. Archihq , auteur greq . f?tvtiq déchiranr. Ariftofane , le Pdlijjbt des Greqs. Arnoult, belle & fubüme aftrice de 1'Opéra. Aftruc , médccin , fes Livres utiles aux Libertins.' Bagueville (le) Marquis de-). Baron , 1'aéteur des graces; aux Francais. Batifte , jeune actrice de Tanden Opera comiq. B pré , jolie actrice de Tanden Opéra-comiq, Bellecour, a-leur francais , froid, mais excellent. Btnolt ("m.mel , aiürice cc ïtc-mporaine. Blain de-Saintmore , auteu.1 I ,agiq. Beauménil, jolie $ 'u chante actrice de-TOpcr*! Boileau, Ie premier'& ie moins-crim. des Cririqs. Tome IV. Parut VUL Y  % 5 3 Table des Noms des Auteurs , &cv JBoucher, peintre francais qui eut ,de la céiébrité.. Brkard., célebre Tragédien-père, aux Francais. ■ Bujfon ( le Comte de-) , none Pline ; fon beau* ftyie. Cailhava-d'Ëftandoux , auteur comiq. Cadleau , le premier des Acteurs dans fon genre.. Carlin, arlequin., grand feseur de bon fang &. de gaité.- Carmontel, auteur des Proverbes , Peintre impro-Cflrvïlh, ancienne.danfeuse de 1'Opéra. ( visateur,. Cécile, joiie danfeuse de 1'Opéra. Champville , acteur-francais aux Italiens, Chevrier, . auteur critico-caufliq. Clairon , aótrice trag franc, la perfeét. de fon art;. Clément, auteur des Ci'nq-Années-littéraires.. Clément, auteur tragico-cruento-fatyriq. Clerval, excellent acteur des pièces-arriettes. üolombe , belle attrice-arietteuse. Contat, jeune & jolie Actrice des Francais. Confiantin , mauvais acteur de Nicolet. &ook (le capitaine) recoit Edmond fur fon bord» Coraline, aétrice italienne , la Beauté, les Graces.. Corneille, père de la Tragédie-fiancaise. Crébillon, auteur ai.chi-tragiq., • 1— fon Fils , auteur de Romans légers. Cuvillier, un des Maitres d'Urfule , a-£t. de 1'Op.. Dalainval, mauvais aéteur aux Francais. D'Alembert, grand géomètre. JJancourt, auteur comiq du pius-mauvais-genre„. Dangeville , foubrette franc, inimitée-inimitable.. D'Auberval, excellent pantomime de 1'Opéra. De-Beaumarchais , auteur d'Éügériié , &c. De-Genlis ( la Comterte) auteur recommandable. Delaharpe , littérateur , dramatiq , journalille , &c. Demarmontel, auteur dramatiq & des Contes jnotaux.  Tabte des Noms des Auteurs', &c. 159 Dcrvieus , jolie danfeuse de 1'Opéra. Desmarres , ancienne aétrice-tragique francaisc.Destouches, excellent auteur comiq. De-Villedieu , célèbre romancière du dern. fiècle. Diderot, auteur du Père-de-fanulle , drame. Doligni , franchise, actrice de la plus-belle vérité. Dorat, bonbonier en-vers, en-prose, en-comédies. Dorival, jeune & jolie danfeuse de 1'Opéra. Ducis , auteur tragiq. Dufréne , ancien acteur tragiq francais. Dufreni , auteur comico-farceur. Duga%on , foubrette aux Francais. arietteuse comiquement férieuse.- Dumefnil, fublime actrice-tragique ftancaise. Duplant, majeftueuse aétrice de 1'Opéra. Dupré , célebre maitre-des graces & a-danfer. Durosoi, auteur poétodramatolyricotragicomiq.Fanier, excellente foubrette, aux Francais. Favart, actrice , le charme du Th. it. pend. ioans. - fon Mari, auteur de la Chercheuse-d' efprit.- Fontenelle , auteur-académicien bel-efprit. Fréron, feullifte amèr, auteur de i'Axnée littéraire. Gardel, danfeur & auteur pantomime excellent.Gaufjin , la pius-attendriffante des Tragédiennes. Gauthier, ancienne & bonne comédiene franc,. Geojfrin , célebre amateuse de Beaus-efpiits. Gluck (le chevalier ) , le premier des Musiciens.Goldoni, auteur du Bourru-bienfesant. Graffigni, autrice de Cénie , des Lettres Péruvien.Grandval, excellent amoureus au Thé. francais.Grétri, musicien charmant de comédics-arictres.Grosier ,Royous, deux de nos Cririqs anrifilosofiqs.Guéant, jolie amoureuse au Théatre francais. Guimard, ou la Volupté, laNaïveté, d. a 1'Ópéra. ■ Halcrd, ou Alard, excellente danfeuse del'Opéra<' Heinel, danfeuse charmante de 1'Opcra, Uldous 3. danfeufe &- furie de 1'opéra.  2.6o Tables des Nomsdes Auteurs, fsc. Jius , jolie amoureuse du Théatre francais. Labaumelle , le plus fot des Gens-d'eiprit. La-B** , homme riche. Lachaujfee , le Tére nee francais. Lanni , ancienne danfeuse de 1'Opéra. Larrivée , 1'Aéteur du goüt , a 1'Opéra. Laruette ou Filomele, aétrice enchan'erefle aux It. Laurens , abbé , auteur du (empere-Mathieu. Lefévre , auteur tragiq. Legros , de 1'Opéra, la plus-belle voix del'Europe. Lekain , le plus expreflif des Aét, tragiqs frang. Lemierre, auteur tragiq. Lionnais , ancienne danfeuse de 1'Opéra. Lu[i , belle & intelligente foubrette aux Francais. Mandeville , excellente arietteuse du Th. italien. Mantelle , aétrice de l'ancien Opéra-comiq. Marivaus , le Dorat de fon temps, mais fupérieur. Mokt, aft. francais , modele des Petits maittes. Molière , le père de la vraie Comédie francaise. Nainville , acteur-d'ariette , une trés-belle voix. Nicolet, directeur du plus confid. des Speet, au B. Pailhardelle , comédien , amant d'Oblcurofile. Pdlijfot, auteur dunciado dramato- fatyriq. Péliffier, ancienne & célèbre danseuse de 1'Opéra. Pejlin, forte danfeuse de i'Opéra, doub. d'Alard. Petitpas , ancienne danfeuse de I'Opéra. Piron , poète duro-tragico comico-érotiq. Poijfon , ancien excellent Valet du Th. francais. Préville , Th.fr. undes plus-grahds A :t. poffibles. Piévoft, bénédictin fugitif, célèbre Romancier. Prevdt, ancienne danfeuse de I'Opéra. Puvigné, ancienne danfeuse de I'Opéra. Racine, le tragiq du coeur, & 1'élégance meme. Regnard, auteur furo comiq. Retif-de la-Bretone , auteur du Pornographe , &c. Riccoboni, la premieredes Femmes auteurs. ^ Rothart, a&. francais aux Ital. hommes-de-gout.  cités dans le Paysan & la Paysane. 16't Rosalie-Lcvaffeur, opéradienne digne de Gluck. RouJfeau(].] .jn'entend pasl'év. de Cloyne Ba rklay. Sabbat/tier de Caftres, prétend. av.-fait les ; Siècl. Saintleger (m.lleDe-) jeune aut. de gr. efpérance. Saintval ainée , aétrice francaise tragidiflime. S*** ( S antereau-de-Marfy ) critiq éclairé. Sedaine , auteur opéra-comico-dramatiq. S**, a. g d, P. d. P., célèbre par fon éloquence. Suin , arietteur, qui fait les róles de Rochart. Taconet, auteur-adeur-bobelineur du Boulevard. Theodore, jolie danfeuse de I'Opéra. Trial, arietteur, egale Laruette fon prédéceffeur. Vddé, auteurpoiffard , audeffousde fa réputation. Vanloo , grand peintre francais. Vernet, célèbre peintre-de-vues de nos ports. Veftris-vèxe , le plus-beau danfeur de I'Opéra, Voltaire, le plus-grand de nos Ecrivains , 1'hon,neur de la httératnre & de la filosofie. Xénocrates , ancien auteur greq tres-frivole. Pin de la Table des Noms des Auteurs , &e,  AVIS Sur les Dangers de la Ville, ou Paysan.: & Paysane pervertis. C^ue le titre de cette Production n'en-éloigne ni lesAmes-pures, ni les Filosofes févères : On y trouvera les tableaus de la vertu les plus touchans ; une foule de fcènes in-térefiantes f'y-fuccèdent avec rapj_ dité : 1'ame y-eft agitée tantót dou« cement par la tendrefie maternelle & filiale i tantót plus-tnmultueuse-ment par 1'amour ; elle eft enfuite-déchirée par 1'indignation , 1'horreur, 1'épouvante : enfin elle eft con^ folée par le repentir fincère des coupables, & elle n'éprouve plus que la pitié y infpiréepar leur puni tion.  Cet Ouvrage eft compofé de plu^^eurs Parties nécelTaires a fon complément : . I. Le Paysan-pervertt, déja* publié , & dont il y a-eu dix éditions en-France, quatre de la traduftion allemande , & quarantedeux de la traduclion anglaise, depuis 1776 , ne fait qu'une feule & même hiftoire avec celle que nous publions: II. La liaison entre ces deux Pro* ductions, eft-établie par des ren vois dans la Paysane.