Hiftoire et Anecdotes de la Révolution Frangoife depuis 1'avénement de Louis XVI. au tröne jusqu' a 1'époque de fa mort. Tome fecond, contenant les faits. jusqu'a la fin de 1'année 1790. Amfterdam, 1794.   Hiftoire et Anecdotes de la RévolutionFrangoife depuis l'avénement de Louis XVI. au tröne jusqu'a lepoque de fa mort. Tornt II. première Seclion.   Sommaire de la première Sec!ion. T~]roits feigneuriaux. Troitbles dans diffé-*~^ rentes provinces. Trait de Bravoure du Marquis de Lafieyrie et du Marquis de Courtivron. Articles du Code criminel. Docteur Guillotin. Fr er es Agaffe. Tfoubles a Lyon. Difcipline a]es Rêgiments Suiffes. Séance du 4 Fevrier. Difcours du Roi. Sentiments de la Reine. Serment civique. Ni/ére a Paris. Atteliers dt Cbarité. Life civile. Affaires êtrangeres. Agiotage de M. Necker. Adreffe de PAf~ femblée au peuple francais. Sitppreffwn des ordres religieux. Scène fcandaleufe des files de Paris. Nouveaux troubles dans les Provinces. Lettre du Garde des Sceaux. Maffacre a Béziers. Lettre du Duc d'Orleans. Comité militaire. Differents Réglements. Augmentation de paie de tarmée. EngaA ij gements.  4 gements. Höpitaux. Maffe générale. Maffe de ligne et Chaufjure. Confeil d'Adminiftration. Maffe tféconomie. Punitions. Troubles a St. Domingue, a la Martinique. Décret rélatif aux Colonies. Mademoifelle Théroigne de Méricourt. Abolition des lettres de cachet, et des arrtts de Surfèance, anecdotes. Confeil de familie. Compagnie des Jndes. De ret de Siippreffwn de cette Compagnie. Réclamations de plufieurs Princes d'allernagne, indemnités propofées. Retour du Prince de Conti Ceffation du fervice des Parlements. Obfervations fur les cours fouveraines. Droit de Committirnus. Inftitution des Jurys. Juges de Paix. Mort de Fempereur Jofeph II • Dévaftation des fonts. Gr ands- Maitres des eaux et forêts. Maitrifes particulier es. Réflexions fur ladminiftration des Bols. Conduite de M. Necker. Retour du Cardinal de Rohan. Comité des Recherches. Prife des annonciades. Décoiwerte du Complot de Mr. de Maillebois. Bonne favardin. Décret rélatif a la Religion dominante. Députés des ligues grifes. Députation de Corfe, Géné-  5 Génêral Paoli. Arreftation du Marquis de Merk dAmbert. Traité avec la Rêgence d'Alger. Dépenfe du département de la marine. R'ponfe de la Reine aux Commiffaires du Cbdtekt. Proclamation du Roi rélatvce aux affgnats. Proclamation aux babitans des Colonies. Rixe des Garde Suiffes et Chaffeurs foldés. Garde-Nationale de Paris. Le Roi parcourt les fauxbourgs. Ajfemblèes primaires. Exces et maffacres en Bourgogne. Filzjean de St. Colombe. Vicomte de Voifins. Comte de Rully. Maffacres dans les Provinces méridionaks. Commandeur de Glandevès. Troubles a Avignon. Conduite du Pape. Droit de faire la paix et la Guerre. Decrets. Motio?is aux tbuilleries et au Palais royal. Baptéme civique. lnfultes faites a des députés. Affemblie chéz les Libraires. Fermentation h Paris. Fenneté de Mr. de la Fayette. Députation du Cbdtekt. Charles Lameth , Alexandre Lametb, Théodore Lameth. Rareté du Numéraire. M 'moire de M. Necker. Proclamation du Roi. Voïage a St. Cluud. Supprejion des preuves de Noblejfe. RéfleA iij xion  6 xionsfur les preuvcs. Ordres de chevalerie. Ordre du St. Efprit. Ordre de St. Micbel. Ordre de St. Lazare. Ordre de St. Louis. Ordre du mérite militaire. Ordre de Malte. Confréries de St. George, de St. Hubert, et de VOrtenau. Lettre du Roi, rélative h la lifie civile. Décret Affaires du Clergé. Traitement des Miniffres du Culte. Convocatjon rélative h la fédération. Mort de Franklin. Nouveaux troubles et maffacres a Avignon. Guerre civile h Nismes. Etat tle l'armée francoife. Infpecteurs extraordinaires. Dragons dAngoulême. Infurrection h Aix. Troubles occafionès a Perpignan par le Vicomte de Mirabeau. Dèputation du Comité des étrangers. Difcours du Baron de Cloots du val - de grace. Réponfe du Préfident. Suppreffwn de la Nobleffe héréditaire. Decret. Adminiftration des Poft.es. Rigoley d" Ogny. Bureau du Secret. Avant  I Avant- Propos. Le Caractêre de la Révolution fe développa d'une maniere éclatante, dans le courant de 1'année 1790. Aucune Autorité ne put arrêter fes progrés: los' anciens tribunaux furent détruits fans obftacles, les orclres religieux fupprimés , le Clergé ahéanti-, 1'Armée qui devoit être vouée au Roi fe livra en entier a la Nation qui lui préfentoit des biens illüfoires, et avoit cherché a féduire fes chefs pur des pcrfpeftives de fortune et d'avancement5 Le désordre fe propagea plus quc jamais dans le Royaume, et il-y^eut dans toutes les provinces des fcênes de meurtre et de carnage qui refteTent impunies. La NoblelTe héréditaire fut abolic. — Toute la Nation fe réunit le 14 Juillet 1790 pour jurer un attachemont inviolable a une Conftitution dont ellc ne connohToit ni la Baze, ni les principes. Le numéraire qui éxiftoit en france fut rcmplacé par un A iv papier  8 papier qui n'avoit qu'une hypotheque trés incertaine. La guerre civile fut au moment d'éclater dans une partie du Royaume, fans le courage d'un Général qui peu de tems aprês fut declaré traitre a la patrie. Le Roi perdit le peu d'autorité et de confidération qui lui reftoit, et les Jacobins établirent leur empire dans tout le Royaume avec un defpotisme inconnu jusqu'alors. Tel eft Ie tableau fuccinct des événemens que j'aurai a décrire, ils font fi interelfans par eux mêmes que je me bornerai a les rapporter avec eet efprit de franchife et de verité qui carattérifera toujours mes écrits. La  La Précipitation avec laquelle 1'aflemblée avoit aboli les Droits Seigneunaux fondes iur la Ier- gneuriauXt vitude, dans la Séance du 4 Aout 1789» ne lui avoit pas permis de faire une diftin&ion éxa&e de ceux qui etoient fupprimés avec, ou fans Indemnité. Les payfans interprétant cette réticence en leur faveur refuferent de payer dans la plus grande partie du Royaume les droits les plus légitiment dus, tels que les eens , les lods et autres Redevances dont Forigine provenoit d'une conceffion de fonds , les Seigneurs ou proprietaires voulurent en éxiger le payement, quelquefois ils employerent contre les débiteurs les contraintes, ou des pourfuites judiciaires , qui dans les circonftances étoient bien deplacées. A v Dans  X O HISTOIRE ET ANECDOTES TroMé: ," Danf-le Quercy,dans' Ie dans dtfe- T . „ , „, J nnttsPr,. LimouGn , le Pcrigord , la vinces. Guieniie et en Auvergne ou la Nobleffe ell ordinairement trés pauvre, elle fe trouva peu difpofée k faire des facrifices a fes Valfaux ou a fes tenanciers; les payfans s'afiemblerent et commirent plufleurs exces; ils pillerent des Chateaux en Bretagne, en brulerent quelques uns avec les Archives; dans d'autres provinces, ils éxigerent a main armée que leurs Seigneurs renoncaffent a tous leurs droits. Ce Brigandage etoit fans doute aufTi atroce que revoltant, mais il a été confidérablement augmenté par les clameurs des nobles, des chateaux qu'on a cru détruits éxiftent encore, des particuliers qu'on croyoit maflkcrés ou au moins maltraités reparoiffoient fans avoir eu d'autre mal que celui de la peur; en général tous les particuliers qui ont manifefté du courage et de la fermeté ont contenu leur Valfaux et prévenu les désordres. En  DE LA REVOLUTION FRANC,OISE. 11 En Quercy le Marquis de Tfuit ie Lafteyrie Colonel de Carabi- iravour du niers'a la tête de douze do- f*"W * i ut Lajteyrte. meftiques ou Cavaliers de Maréchaufée, difperla un attroupement de trois cent Brigands qui venoient attaquer le Chateau du Cte d'Aubert fon beau pere; il fauva par eet acte de courage les proprietés de plufieurs particuliers qui avoient pris la fuite laiflant leurs maifons a la difpofition de ces fcélérats. Le Marquis de Courtivron Chef d'éfcadron de Carabiniers ^"J^"*' accompagné de quelques chaf- won. feurs chargea le Sabre a la main plus de huit cents habitans des Vosges qui avoient pillé le Chateau de Vaux - Villers en Franche Comté et qui dans un moment de fureur vouloient maflacrer la Duchefle de Tonnerre leur bienfaitrice, il 1'arracha de leurs bras meurtriers, et rexpreflion de fa reconnoiifance, et de celle d'une partie de l;i Province le dédomagea fuffifament des dangers qu'il avoit pu courir. Les deux traits  12 HISTOIRE ET ANECDOTES traits que je rapporte font authentiques, mais il faut fe méfier de beaucoup d'autres relations qu'on a fait circuler dans le Royaume. II n'eft pas un houbereau dans les parties méridionales qui ne fe vante d'avoir fauvé fa Province, d'avoir fait fuir tous les brigands qui n'exiftent que dans fon imagination; un grand nombre d'Ofriciers de troupes de ligne ont des expéditions fuperbes a citer et que dans leur enthoufiasme ils compareroient volontiers aux campagnes de Turenne. Tel eft le caradère du francais toujours porté a 1'exagération et fe maintenant rarement dans les bornes de la vérité. La Bravoure eft fans doute une de fes qualités innées, mais fon amour propre exceffif et fa jatfance en dépriment fouvent le mérite. AuCommencement de 1'année 1790 1'Memblée qui avoit chargé pluiieurs de fes membres de rédieer un nou- Articles du „„„„ /-. , . . , ,, Code Crimi. veau Code cnminel decreta les mi Articles fuivants. Les  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 13 Les fautes étant perfonnelles, 1'éxécution d'un coupable, ou les peines infamantes qui pourroient lui ètre infligées de quelque nature qu'elles foient, n'imprimeront jamais aucune flétriilure au refte de la familie. L'honneur de fes parens et de fes alliés ne fera nullement entaché et ils demeureront comme auparavant fufceptibles, d'être admis a tous les emplois civiles et militaires. Dans aucun cas le bien du coupable ne pourra etre confisqué (*). Le Corps du Criminel qui aura été exécuté, fera remis a fa familie, fi elle le défire. Dans tous les cas, il fera inhumé* comme celui des autres Citoyens et il ne fera fait aucune mention dans les acles mor- (*) La Convention nationale a formellement anéanti eet article en confisquant le bien de tous les Emigrés, dont la pluspart n'avoient commis d'autre faute que celle d'abandonner une terre fouillée par tous les genres de Crimes, et oü la Vertu ne trouvoit plus d'azile.  14 H1ST0IRE ET ANECDOTES mortuaires du genre de Supplice qui 1'aura fait périr. DoüeurGuil- . Ceft k DofleUr Guillo- lotin. tin qui rapporta ces articles, fon noni efl devenu encore plus célébre par 1'invention d'une machi. ne perfeétionnée par le célebre chirurgien Louis, qui fert a décapiter les criminels et qui pour perpétuer fa mémoire s'appelle Guillotine. II fe préfenta bientót une occaOon d'appliquer les préceptes philofophiques que contenoient les articles qu'on avoit décreté. Les freres Agaife fils d'un Négotiant accrédité de la rue St. Honoré ayant été convaincus d'avoir fabriqué de fauffes lettres de Change furent exécutés. Le Bataillon de la Garde nationale du Quartier St. Honoré, envoya une députation a leur ayeul Vieillard refpedtabïf a tous égards, pour tacher de le confoler de ce malbeureux événement, et pour ajouter un noveau prix a cette démarche, le nommé Beaulieu, Afteur des varié-  DE LA REV0LUT10N FRANqOISE. 15 variétés donna la démiffion d'un etnploi de Lieutenant qu'il occupoit dans ce bataillon, et 011 y nomma fur le champ le jeune Agaife frere %a^e_ des criminels ; il fut acueilli et fèté par fes nouveaux camarades. M. de la Fayette Tembraifa après 1'avoir fait recevoir Officier, et le placa a coté de lui a un repas qu'il donna a la fuite de eet événement. Le lendemain une députation du bataillon fit part du choix qu'il avoit fait a 1'aifemblée nationale et requt les juftes applaudiiièments que méritoit fa générofité envers les malheureux par<=nts des coupables. La ville de Lyon avoit _ . , , r . Troubles & jusqu'alors ete parfaitement iyo„. tranquille, fes habitans livrés a des fpéculations de commerce, s'etoient fort peu occupés des progés de la Révolution, des efprits turbulents parvinrent au mois de janvier 1790 a y femer le trouble et la divifiou. Un nomfere xonfidérable d'ouvriers quitterent les inauufadtur.es et s'alfemblereiit pour forser  l6 HISTOIRE ET ANECDOTES eer les portes de 1'arfenal; la Garde nationale qui occupoit ce pofte fut repouifée, les fufils et autres armes furent enlevées, le Commandant de la ville M. Imbert fut pourfuivi et ménacé du fupplice de la Lanterne. II fe réfugia a 1'Hotel de Ville et fe mit fous la proteclion du Régiment de Sonnenberg: C'est en vain que le populace chercha a provoquer cette troupe intrépide, en 1'accablant d'injures et raifaillant a coups de pierres, les braves Suiifes et quelques Dragons du Régiment de Penthiévre parvinrent a rétablir 1'ordre en fe conduifant avec courage, fang froid et la plus grande modération. On ne fauroit en général donner trop d'éloDifcipiint ges a la conduite des Suiifes Suifes. pendant la Kevolution, etrangers a tous les partis et a toutes les fadions, ils n'écoutoient que la voix de leurs chefs, on les voyoit affronter les dangers avec ce Courage qui diftingua jadis leurs ancêtres a ceö Batailles a jamais "fameufes de Morat et de  DE LA REVOLUTION FRAN£OISE. 17 de Marignan, par tout ils fe montrerent comme pacificateurs, ménagerent le fang du peuple en fe facrifiant pour diffiper les attroupemens et arrêter le Brigandage. Un feul Régiment s'eft laiffé égarer et a payé cher fa coupable erreur, nous en parierons dans la Suite. Le 4.Fevrier le Préüdent lut un Billet du Roi qui annon- *(J£rfj! qoit qu'il fe rendroit a 1'aflemblée nationale a midi, on ignoroit abfolumenc quel etoit le but de cette apparition inopinée, lorsque le Roi prononqa le difcours fuivant. * „Meflieurs, la gravité des Circonftances (*) ou le trouve RaL la france, m'attire au milieu do (*) Si c'éfl le Roi qui a compofé ce difcours il. n'ecrivoit pas d'une maniere élégante et pure; un francois a de la peine a comprendre ce que fignifie la GraHité des circonftances. On croit recon^ noitre dans eet écrit 1'empreinre du ftile de Necker et fur tout fon gout pour les exclamations. T.U. Seü.I. B  18 HISTOIRE ET ANECDOTES de vous. Le Relachément progreflif dö tous les Hens de 1'ordre et de Ja Subordination, la fufpertfiori ou 1'inaclivité de la juftice, les mécöntentemens qui naif, fent des privations particülieres, les oppofitions , les haines malheureufes qui font la fuite inévitable des longues diffenfions, la fituation critique des finan- ! ces et 1'incertitude fur la fortune publique ; enfin, 1'agitation générale des1 efprits, tout femble fe réunir pour entretenir 1'inquiétude dés véritables amis de la profpérité et du bonheur du Royaume. „ „Un grand bu't fe prefente a vos regards, mais il faut y atteindre faiis accroüTement de trouble et fans nou velles convulfions. C'étoit, je dois le dire d'une m^uiére plus douce et plus tranquile 'que j'espérois vous y conduire, lorsque je formai le deifein de vous raffembler, et de réunir pour la félicité publique, les lumieres et les volontés des Repréfentans de la Nation; mais mon bonheur et ma gloire ne font pas moins etio  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 19 etroitement liés au fuccés de vos travaux. Je les ai garantis, par une continuelle vtgilance, de 1'influence funefte que pouvoient avoir fur eux les circonftances malheureufes au milieu des quelles vous vous trouviesplacés. Les horreurs de la difette que la france avoit a redouter 1'année derniére, ont été éloignées par des foins multipliés et des approvifionnemens immenfes. Le désordre que 1'état des finances, le discrédit, 1'exceffive rareté du numéraire et le dépérhfement graduel des revenus devoient naturellement amener ; ce désordre , au moins dans fon éclat et fes exces, a été jusqu' a préfent, écarté. Jai adouci par tout, et principalement dans la capitale, les dangéreufes conféquences du défaut de travail; et non obftant 1'arfoibliffement de tous les moyens d'autorité, j'ai maintenu le Royaume, non pas, il s'en faut bien, dans le calme que j'euffe défiré, mais dans un état de tranquilité fuffifante pour recevoir le bienfait B ij d'une  20 H1ST0.RE ET ANECDOTES d'une liberté fage et bien ordonnée: enfin, malgré notre fituation intérieure généralement conniie, et malgré les orages politiques qui agitent d'autres Na* tions, j'ai confervé la paix au dehors, et j'ai entretenu avec toutes les puiifances de 1'Europe les rapports d'égards et d'amitié, qui peu vent rendre cette paix plus durable. „Apres vous avoir ainfi préTervés' des grandes Contrariétés qui pouvoient ü aifément traverfer vos foins et vos trava ux, je crois le moment arrivé, ou il importe a 1'intérèt de Pétat, que je m'affocie d'une maniére encore plus expreffe et plus mamfefte a 1'exécution et la reuffite de tout ce que vous aves concerto pour 1'avantage de la france. Je ne puis faifir une plus grande occafion que celle oü vous préfentés a mon acceptation des Decrets deftinés a établir dans le Royaume une Organifation nouvelle , qui doit avoir une influence fi importante et fi propice fur le bonheur et fur la profpérité de eet empire. „Vous  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 2 I „Vous favez, Meffieurs, qu'il y a plus de dix ans, et dans un tenips ou le Voeu de la Nation ne s'étoit pas encore expliqué fur les aiTemblées provinciales; j'avois commencé a fubftituer ce genre d'Adminiftration a celui qu'une ancienne et longue habitude avoit confacré. L'expcrience m'ayant fait connoitre que je ne m'étois point trompé dans 1'opinion que j'avois conque de Putilité de ces Etabliflemens, j'ai cherché a faire jouir du mème bienfait toutes les Provinces de raon Royaume; et pour affurer aux nouvelles Adminiftrations la confiance générale , j'ai voulu que les membres dont elles devoient être compofées fuifent nommés librement par tous les citoyens. Vous aves amélioré ces vues de plufieurs manieres , et la plus eifentielle fans doute, eft cette fubdivifion égale et fagement motivée, qui, en afFoiblilfant les anciennes féparations de province a province, et en établiifant un fyftème général et complet d'equilibre, réunit davantage a un mème efprit B iij et.  2 2 HISTOIRE ET ANECDOTES et a un mème intérèt toutes les parties du Royaume. Cette grande idee , ce falutaire deffein vous font dus! il ne falloit pas moins qu'une réunion de volontés de la part des Repréfentans de la Nation; il ne falloit pas moins que leur jufte afcendant fur 1'opinion générale, pour entreprendre avec conftance un changement d'une fi grande importance, et pour vaincre, au nom de la raifon, les réfiftances de 1'habitude et des intéréts particuliers. „Je favoriferai, je feconderai par tous les moyens qui font en mon pouvoir, le fuccés de cette vafte organifation, d'oü dépend le falut de la francej et je crois nécelfaire de le dire: je fuis trop occupé de la fituation intérieure du Royaume, j'ai les yeux trop ouverts fur les dangers de tout genre dont nous fommes environnés, pour ne pas fentir fortement que dans la difpofition préfente des efprits, et en confidérant fétat oü fe trouvent les affaires publiques, il faut qu'un nouvel ordre de chofes s'etabliffe avec  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 23 avec calme et avec tranquilité, ou que le Royaume foit expofé a toutes les calamités de 1'anarchie. „ Qiie les vrais citoyens y réfléchifTent, ainfi que je 1'ai fait, en fixant uniquement leur attention lur le bien de 1'état, et ils verront que, mème avec des opinions difFérentes, un intérèt éminent doit les réunir tous aujourdhui. Le tems réformera ce qui pourra refter de défedtueux dans la Colleétion des Loix qui auront été 1'ouvrage de cette aifemblée; mais toute entreprife qui tendroit a ébranler les principes de la Conftitution mème, tout concert qui auroit pour but de les renverfer , ou d'en affoiblir 1'heureufe influence, ne ferviroient qu'a jntroduire au milieu de nous les efFrayans maux de la difcorde; et en fuppofant le fuccès d'une femblable tentative contre mon peuple et moi , le réfultat nous priveroit, fans remplacement, des divers biens dont un nouvel ordre de chofes nous offre la perfpedtive. B iv »Liv-  3 4 HISTOIRE ET ANECDOTES „Livrons nous donc de bonne foi aux efpérances que nous pouvons concevoir, et ne fongeons qu'a les réalifer par un accord unanime; que par tout Ton fache que le Monarque et les repréïentans de la Nation font unis d'un mème intérèt et d'un mème voeu, afin que cette opinion, cette ferme croyance répandent dans les provinces un efprit de paix et de bonne volonté, et que tous les citoyens recommandables par leur honnèteté, tous ceux qui peuvent fervir 1'état effentiellement par leur zèle et par leurs lumieres, s'empreifent de prendre part aux différentes fubdivifions de 1'adminiftration générale, dont 1'enchainement et 1'enfemble doivent concourir eificacement au rétablilTement de 1'ordre et a la profperité du Royau- me/*^ „Nous (*) L'aveuglement du Roi etoit extréme, s'il ne prévoyoit pas que dans des Aflemblées populaires la vertu et 1'honêteté d'un particulier etoient des titres d'exclufion pour être nommé aux nouvelles places adminiftratives et j'udiciaires; la Suite  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 25 „Nous ne devons point nous lé diffimuler, il y a beaucaup a faire pour arriver a ce but: une volonté fuivie, un éffort général et commun, font abfolument néceifaires pour obtenir un fuccés véritable. Continuez donc vos travaux, fans autre paffion que celle du bien; fixés toujous votre attention fur le Sort du peuple et fur la liberté publique; mais occupez vous auffi d'adoucir , de calmer toutes les défiances, et mettés fin, le plustót poiïible, aux difFerentes inquiétudes qui éloignent de Ia france un fi grand nombre de fes citoyens, et dont 1'effet contrafte avec les Loix de füreté et de liberté que Vous voulés établir. La profpérité ne reviendra qu'avec le contenternent général. Nous appercevons par tout des efpérances; foyons impatiens de voir auffi par tout le Bonheur. „Un jour, j'aime a le croire, tous les franqois indiftinctement reconnoitront B v 1'avan- Suite des évenements a de'montré cette trifte vérité.  2 6 HISTOIRE ET ANECDOTES 1'avantage de 1'entiere fuppreflion des difFérences d'ordre et d'état, lorsqu'il eft queftion de travailler en commun au bien public, a cette profperité de la patrie qui intérene également tous les citoyens; et chacun doit voir fans peine que, pour être apellé dorénavant a fervir 1'état de quelque maniére, il fuffira de s'ètre rendu remarquable par fes talens ou par fes vertus. „En mème tems néanmoins tout ce .qui rapelle a une Nation 1'ancienneté et Ja continuité des fervices d'une race honorée, eft une diftlndion que rien ne peut détruire; et, comme elle s'unit aux devoirs de la reconnoiifance, ceux qui, dans toutes les clalfes de la fociété, afpirent a fervir éflicacement leur patrie, et ceux qui ont eu déja le bonheur d'y réuflir, ont un intérèt a refpeder cette transmiilion de titres bu de fouvenirs, le plus beau de tous les héritages qu'on puhTe faire paifer a fes enfans. ,,Le refped dü aux Miniftres de la Religion ne pourra non plus s'eifacer; et /  DE LA REVOLUTION FRANfOISE. 27 et lorsque leur confidération fera principalement unie aux faintes verités qui font la fauve garde de 1'ordre et de la morale , tous les eitoyens honnëtes et éclairés auront un égal intérèt a la maintenir et a la défendre. „Sans doute, ceux qui ont abandonné leurs priviléges pécuniaires, ceux quine formeront plus, comme autrefois, nn ordre politique dans 1'état, fe trouvent foumis a des facrifices dont je.connois toute Fimportance; mais j'en ai la perfuafion, ils auront afsès de générofité pour chercher un dêdommagement dans tous les avantages publics dont Fétabliifement des affemblées nationales préfente 1'efpérance. „J'aurois bien aufli des pertes a compter, fi, au milieu de plus grands intéréts de Petat, je m'arrètois a des calculs perfonels, mais je trouve une compenfation qui me fuffit, une compenfation pleine et entiére dans raccroiifement du bonheur de la Nation; et c'eft du fond de mon coeur que j'exprime ici ce fentiment. "Je  2 8 HISTOIRE ET ANECDOTES „Je défendrai donc, je maintiendrai la liberté conftitutionelle dont le voeu général, d'accord avec le mien, a confacré les principes. Je ferai davau. tage; et de concert avec la Reine, qui partage tous mes femimens, je préparerai de bonne heure 1'efprit et le coeur de mon fils au nou vel ordre de chofes que les circonft-ances ont araené; je 1'habituerai dès fes premiers ans a ètre heureux du bonheur des francois, et a reconnoitre tonjours , malgré Je langage des flatteurs, qu'une lage Conftitution ie préfervera des dangers de 1'inex. périence, et qu'une jufte liberté ajoute un nouveau prix aux fentimens d'amour et de fideiité dont la Nation, depuis tant de Siécles , donne a fes Rois des preuves fi toucliantes. „Je ne dois point Je mettre en doute, en achevant votre ouvrage, vous vous occuperés fürement avec iageife et avec candeur de l'arTermiirement du pouvoir éxécutif: cette condition ftns la quelle ü ne fauroit éxiiter aucun ordre durable  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 2 9 durable au dedans ni aucune confidération au dehors. Nulle défiance ne peut raifonablement vous refter; ainfi il eft de votre devoir, comme citoyens et comme fidèles repréfentans de la Nation, d'atfurer au bien de 1'état et a la liberté . publique cette ftabiiité qui ne peut dénver que d'une autorité active et tutélaire. Vous aurez iurement prélent a 1'efprit que, fans une telle autorité, routes les parties de votre fyftème de corï. ftitution refteroient a la fois fans ken et fans correfpondance ; en vous occupant de la liberté que vous aimés et que j'aime auffi, vous ne perdrez pas de vuë que le désordre en adminiftration, en amenant la confufion des pouvoirs, dégénéré fouvent, par d'aveugles violences, dans la plus dangéreufe et la plus allarmante de toutes les tyrannies. „Ainfi, non pas pour moi, Meffieurs, qui ne compte point ce qui m'eft perfonel prés des lois et des Inftitutions qui doiveut regler le deftin de 1'empire, mais pour le bonheur mème de notre patrie,  30 HISTOIRE ET ANECDOTE» patrie, pour fa profpérité, pour fa puit iance, je vous invite a vous affranchir de toutes les impreffions du moment, qui pourroient vous détourner de confidérer dans fon enfemble ce qu'éxige un Royaume tel que la france, et par la vafte étendue, et par fon immenfe population, et par fes relations inévitables au dehors. „Vous ne negligerez point non plus de fixer votre attention fur ce qu'éxigent encore des législateurs les moeurs, le Caradère et les habitudes d'une nation devenue trop célébre en Europe par la nature de fon efprit et fon génie, pour qu'il puilfe paroitre indiiferent d'entretenir ou d'altérer en elle les fentimens de douceur, de confiance et de bonté qui lui ont valu tant de renommée. „Donnez lui 1'exemple auffi de eet Efprit de juftice, qui fert de fauve Garde a la proprieté, a ce droit refpeélé de toutes les Nations, qui n'eft pas 1'ouvrage du hazard, qui ne dérive point des  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 31 des privileges de 1'opinion, mais qui fe i lie étroitement aux rapports les plus ef; fentiels de 1'ordre public et aux premié{ res Conditions de 1'harmonie fociale. „ Par quelle fatalité, lorsque le' .; calme commenqoit a renaitre , de noum velles inquiétudes fe font elles répandues |' dans les pro vinces! par quelle fatalité ; s'y livre-t'on a de nouveaux excès! joi;; gnez vous a moi pour les arrèter et em! pëchons de tous nos efforts que des vio) lences criminelles ne viennent fouillet I ces jours oü le bonheur de la Nation ] fe prépare. Vous qui pouvés influer I par tant de moyens fur la confiance : publique, éclairés fur fes véritables inI tèrêts le peuple qu'on égare. Ce bonj peuple qui m'eft fi cher , et dont on 1 m'aflure que je fuis aimé, qüand on1 ■ veut me confoler de mes peines. Ahï : s'il favoit a quel point je fuis malheureux a la nouvelle d'un attentat contre ; les fortunes,ou d'un aéte de violence con- - tre les perfonnes, peut être il m'épargneI roit cette douloureufe ajnertume.  32 HISTOIRE ET ANECDOTES „Je ne puis vous entretenir des grands intéréts de 1'état, fans vous preffer de vous occuper d'une maniére inftante et définitive; de tout ce qui tient au rétabliifement de 1'ordre dans les finances, et a la tranquilité de la multitude innombrable de citoyens qui font unis a la fortune publique. 11 eft temps d'appaifer toutes les inquiétudes; il eft temps de rendre a ce Royaume la force de Crédit a la quelle il a droit de prétendre. Vous ne pouvés pas tout entreprendre a la fois: Aufli je vous invite a réferver pour d'autres temps une partie des bieus dont la réunion de vos lumieres vous préfente le tableau ; mais quand vous aurez ajouté a ce que vous avez déja fait, un plan fage et raifonnable pour 1'exercice de la juftice, quand vous aurez affuré les bafes d'un équilibre parfait entre les revenuset les dépenfes de 1'état; enfin, quand vous aurez achevé 1'ouvrage de la Conftitution, vous aurez acquis de grands droits a la reconnoiifanee publique j et dans la continuation fuccelfive des  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 33 des Alfemblées nationales, Continuation I fondée dorénavant fur cette Conftitution mème, il n'y aura plus qu'a ajouter d'année en année de nouveaux moyens de iprofpérité; puiife cette journée, ou voitre Monarque vient s'unir a Vous de la raaniére la plus franche et la plus intime, être une époque mémorable dans |l'Hiftoire de eet empire! elle le fera, je il'efpere, fi mes Voeux ardens, li mes iinftantes exhortations peuvent être un jllgnal de paix et de rapprochement entre jiVous. Que ceux qui s'éloigneroient enIfcore d'un efprit de Concorde devenu fi pnéceifaire, me faifent le facrifice de tous iles Souvenirs qui les affligent; je les ppaierai par ma reconnoiifance et mon af/fedion. Ne profeifons tous a compter ;de ce jour, ne profeifons tous, je vous tien donne 1'exemple, qu'une feule opiInion, qu'un feul intérët. , qu'une feule Bvolonté, 1'attachement a la Conltitution mouvelle, et le défir de la paix, du bonkheur et de la Profpérité de la france. „ T. II. Se8.1. c Ce  34 HISTOIRE ET ANECDÜTES Sentiment de Ce - Difcours fut entendu la Reine, avec le plus grand enthoufiasme et luivi des plus vives acclamations, une Députation de Paflemblée reconduifit le Roi au Chateau des thuileries et rencontra fur la terralfe la Reine qui tenoit le Dauphin par la main. Elle arrèta la Députation pour 1'affurer que fes fentiments et ceux du Roi etoient les mèmes, qu'elle approuvoit de toute fon ame les démarches qu'il avoit faites pour affurer la liberté et le Bonheur du Peuple: elle ajouta qu'elle apprendroit a fon fils, a refpecler les vertus du meilleur des pères, et que fa conftante occupation feroit de lui faire fentir que la Puiffance des Rois n'eft fondée que fur Pexade obfervation des loix. II n'eft pas douteux qu'a cette époque le Roi ne parlat trés fincérement, lorsqu'il affuroit Paffemblée de fon attachement a la Conftitution; fi fes entreprifes fur les prérogatives du Monarque et fur toutes les propriétés , n'euifent 'pas été pouffées a Pexcés, jamais on ne Peut  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 35 Teut déterminé a rétracler d'une maniere autentique la démarche qu'il venoifc de faire, qui alfurément étoit de la part du Souverain un a&e libre et volontaire. A peine le Roi fut-il forti que M. Goupil de Préfeln propofa a 1'alfemblée de prëter fur le champ le ferment concü. en ces termes „je jure d'étre fidele & la Nation, h la loi, et au Roi, et de défendre de tout mon pouvoir la conjlitution décretée par l ajjemblée nationale, et fanüionêe par le Roi. Tous les membres de l'aiTemblée s'empreiferent de monter a la Tribune et proférerent ce ferment en difant, le jure , d'après la formule lüe par le Préfident, les fpectateurs qui occupoient les galleries imiterent eet exemple. Le Corps municip.il prêta ce Serment aux acclamations d'un peuple innombrable Raffemblé fur la place de Gréve , et bientöt après tous les citoyers s'empreiferent de manifefter leur attachtment a la conftitution dans les principales villes du Royaume, en prétant C ij ce  36 HISTOIRE ET ANECDOTES Serment tt- Ce ferment qui fut appellé vtque' Serment Civique. Le 14. Fevrier on chanta un Te Deum a notre Dame, pour célébrer ce nouvel accord des fentimens du Souve- rain avec ceux de la Nation, et il y eut le foir des Illuminations fomptueufes dans tous les quartiers de Paris; le peuple auroit fans doute préfére qu'on lui donnat du pain dont il manquoit alors, quoique le Roi eut établi a fes dépens plufieurs atteliers de charité: Misère «ti j • < Faris ^a P us §ran"e rnisere regnoit dans la Capitale, 1'esprit de la révolution avoit encore augmenté le germe d'oïfivété et de défoeuvrement qui exiftoit depuis longtems parmi la claffe de citoyens obligée de vivre de fon tra> vail journalier. M. Bailli vint demander des fecours a rarfemblée pour fournir des moyens de fubfiftance au peuple, il n'en obtint que des promelfes, la municipalité de Paris fit placer des travailleurs pour démolir plus promtement la Baftille et en niveler  DE LA REVOLUTIÖN FRANqOISE. 37 niveler le terrein, on en établit auffi fur les boulevards pour déblayer des terres, au lieu de les occuper a un prix déterminé par toife, ces ouvriers recevoient 20s par jour, pour refter dans Finadion a cöté de leurs outilsj „1 . • r o Attelttrt de car lorsque les ïnlpecteurs ou Cbarieém condudeurs d'atteliers leurs faifoient quelques repréfentations, ils fe raifembloient et les maltraitoient griévement, a moins, que par une fage prévoyance ils ne preféraflent de prendre la fuite. Dès le commencement du mois de Janvier, ralfemblée avoit décréfcé 1'envoi d'une Députation a fa Majefté , pour qu'elle fixat elle mème les fonds, qu'elle défiroit pour 1'eutretien de fa maifon; 1'abbé de Montesquiou Préfident, exhorta le Roi a renoncer a TEconomie dont on favoit qu'il faifoit Profeffion, pour tout ce qui lui étoit perfonnel; en 1'aifurant, que les dépenfes faites pour la fplendeur du tröne réjailliroient fur le peuple. Le Roi C iij répon-  38 HISTOIRE ET ANECDOTES répondit, qu'il ne s'occuperoit de eet objet, que lorsque 1'alfemblée auroit afluré le fort des Créanciers de 1'état, et les fonds néceffaires, pour la fureté et la défenfe du Royaume. Le 6. Fevrier, 1'alfemblée fe fit rendre compte des dépenfes du département des arlaires étrangeres, et après en avoir examiné tous les détails, elle fixa les fonds néceifaires a ce Département, pour 1'année 1790 a la fomme de 6,700,000 Livres. La depenfe de 1789 avoit été de 7,^0,000 Livres compris 4^0,000 Livres, qui refioienten Cailfe. Le traitement du SecreAffains E- ,,, , , , , trangeres. taire d etat' charge du Departement des affaires étrangeres, étoit plus confidérable que celui des autres miniftres, par ce qu'il fe trouvoit afujétti a une plus grande Repréfentation, pour la réception des Ambaffadeurs et autres étrangers: ce traitement perfonnel étoit de 500,000 Livres non compris les frais de Bureaux et quantité d'autres objets dont il pouvoit difpofer fans reddition de compte,  DE LA REVOLUTION FRANfOISE. 39 compte, entre autres des dépenfes fecrettes, qui montoient au moins a la mème fomme. Lorsqu'un Secretaire d'état entroit en place; il etoit d'ufage de lui accorder une gratification de 100,000 Livres pour fon ameublement, et a raifon des changemens perpétuels, cette dépenfe fe renouvelloit fréquemment et indépendemment des graces que les miniftres fe faifoient accorder pendant qu'ils étoient en fonétions, ils obtenoient toujours des penfions de retraite de 20 a 40 mille livres. Mr. Necker a eu la vanité de fervir 1'état fans recevoir aucuns émoluments ; mais pendant qu'il avoit la. diredlion desfinances, il a ouvert quantité d'emprunts trés avantageux pour les prèteurs: il faifoit accaparer fur le champ, par les maifons de commerce, oü il avoit placé fes fonds, la presque totalité de ces emprunts, fans qu'elles fuflènt obligées de fournir la valeur de leur Soufcription. C iv Lors-  4© HISTOIRE ET ANECDOTES Agiotage de Lorsque des particuliers JU. Necker. aPPortoient leur argent au tréfor royal pour avoir des actions dans les emprunts; on leur afluroit, qu'ils étoient fermés; ils étoient alors obligés de racheter ces mêmes adions des accapareurs, en leur accordant un bénéfice confidérable. Telle eft la fource de fon immenfe fortune et de celle de la pluspart des banquiers génèvois fes parents ou ailbciés. A 1'époque de fon rapel il avoit preté a 1'état 2,000,000 Livres dont on devoit lui payer les intéréts a 5 pour cent, On allure que la Convention vient de les lui refufer : quoique cette mefure foit inique, on ne peut fe diffimuler que eet acfe arbitraire n'a pas infpiré un grand intérèt a ceux qui connoilfoient les manoeuvres de M. Necker, les plus hypocrite de tous les hommes. Le onze Fevrier , 1'alfemblée décréta 1'envoi , dans tout le Royaume, d'une adrelfe au peuple francois; 1'Évêque d'Autun étoit 1'auteur de cette pröduction, elle eft trop intereifante, par fa  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 41 fa jadtance, pour qu'on ne la rapporte pas entier. AdreJJe de Taffemblée nationale aux francais n Fevrier 1790. L'aifemblée nationale s'avangant dans la Carrière de fes travaux, reqoit de toutes parts les félicitations des provinces, des villes, des communautés, les témoignages de la joie publique; les acclamations de la reconnoiffance; mais elle entend auffi les murmures, les clameurs de ceux que bleifent ou qu'affligent les coups portés a tant d'abus, a tant d'intérêts, a tant de préjugés. En s'occupant du bonheur de tous, elle s'inquiéte des maux particuliers : elle pardonne a la prévention, a 1'aigreur, a 1'injufticei mais elle regarde comme un de fes devoirs de vous prémunir contre les influences de la calomnie, et de détruire les vaines terreurs dont on cherchoit a vous furprendre. Eh! que n'a-ton pas tenté pour vous égarer, pour ébranler votre C v con-  42 HlSTOIRE ET ANECDOTES confiance! On a feint d'ignorer quel bien a fait raflèinblée nationale: Nous allons vous le rappeller. On a élevé des difficultés contre ce qu'elle a fait; nous allons y répondre; on a répandu des doutes, on a fait naitre des inquietudes fur ce qu'elle fera: nous allons vous 1'apprendre. „Qu'a fait 1'aifemblée? Elle a tracé d'une main ferme , au milieu des Orages, les principes de la conftitution qui affure a jamais votre Liberté. Les droits de 1'homme étoient méconnus, infultés depuis des fiécles ; ils ont été rétablis pour 1'humanité entiére, dans cette déclaration qui fera a jamais le cri de ralliement contre les oppreifeurs, et la loi des législateurs eux mêmes. La Nation avoit perdu le droit; de décréter et les lois et les impots : ce droit lui a été reftitué, et en mème temps ont été confacrés les vrais principes de la Monarchie, 1'inviolabilité du chef auguftê de la Nation , et 1'héredité du tróne  DE LA REVOLUTION FRANfOISE. 43 tróne dans une familie fi chere a tous les francois. Nous n'avions que des états généraux: Vous avez maintenant une aifemblée nationale, et elle ne peut plus vous ètre ravie. Des ordres néceifairement divifés, et affervis a d'antiques préventions, y diétoient les décrets, et pouvoient y arrêter 1'eifor de la volonté nationale. Ces ordres n'exiftent plus: tout a disparu devant 1'honorable qualité de citoyen. Tout étant devenu citoyen, il vous falloit des défenfeurs citoyens; et au premier Signal on a vu cette Garde nationale qui, raffemblée par le patriotisme, commandée par fhonneur, partout maintient Pordre, et veille avec un zéle infatigable a la fureté de chacun pour 1'intérèt de tous. Des priviléges fans nombre, ennemis irréconciliables de tous bien, corapofoient tout notre droit public : ils font détruits; et a la voix de votre affemblée, les provinces les plus jaloufes des  44 HJSTOIRE ET ANECDOTES des leurs, ont applaudi a leur chüte, elles ont fenti qu'elles s'enrichiifoient de leur perte. Une féodalité vexatoire, 11 puiflante encore dans fes derniers débris, couvroient la france entiére: elle a difparu fans retour. Vous éties foumis, dans les Provinces, au Régime d'une adminiftration inquiétante: vous en êtes affranchis. Des ordres arbitraires attentoient a Ia liberté des citoyens: ils font anéantis. Vous vouliez une Organifation "complette des Municipalités: elle vient de vous être donnée; et la création de tous ces Corps, formés par vos fuffrages, préfente en ce moment, dans toute la france, le fpeétacle le plus impofant. En mème temps 1'alfemblée nationale a confommé 1'ouvrage de la nouvelle divifion du Royaume , qui feule pouvoit érracer jusques aux dernieres traces des anciens préjugés , fubftituer a Pamour propre de Province , 1'amour véritable de Ia patrie, alfeoir les bafes d'une  ' DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 45 d'une bonne repréfentation, et fixer a la ; fois les droits de chaque homrae et de chaj que Canton, en raifon de leurs rapports ; avec la chofe publique ; problème diffiI cile, dont la folution etoit reftée incon- nue jusqu'a nos jours. Dès longtems vous défiries 1'aboliI tion de la Vénalité des charges de MaIgiftrature: elle a été prononcée — Vous. | éprouviés le befoin d'une réforme , du E moins provifoire , des principaux vices U du Code criminel : elle a été decretée, I en attendant une réforme générale — de n toutes les parties du Royaume nous ont : été adreifées des plaintes, des demanIdes, des réclamations: nous y avons faitisfait autant qu'il étoit en notrre pouIVoir — la multitude des engagemens Ipublics éffrayoit: nous avons confacré I les principes fur la foi qui leur eft duë — | Vous redoutiés le pouvoir des miniftres: nous leur avons impofé la loi ralTurante I de la refponfabilité. L'impót de la gabelle vous étoic odieux: nous 1'avons adouci d'abord, et nous  46 HISTOIRE ET ANECDOTES nous en avons promis l'entiére deftruöion; car il ne nous fuffit pas que les impóts foient indifpenfables pour les befoins publics; il faut encore qu'ils foient juftifies par leur égalité , leur fageffe, leur douceur. Des penfions immoderées , prodiguées fouvent a 1'infqu de votre Roi, vous ravilfoient le fruit de vos labeurs, nous avons jetté fur elles un premier regard févère, et nous alons les renfermer dans les limites étroites d'une Itricte juftice. Enfin les finances demandoient d'immenfes réformes: fecondés par le Miniftre qui a obtenu votre confiance, nous y avons travaillé fans relache et bientót vous allés en jouir. Voila notre ouvrage, franqois, ou plutöt voila le votre: car nous ne fommes que vos organes, et c'eft vous qui nous. avés encouragés, éclairés, foutenus dans nos travaux. Quelle époque que celle , a la qutlle nous fommes enfin parvenus! Qiiel honorable héritage vous allés  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 47 allés transmettre a votre Pofterité! élevés au Rang de citoyens, admiffibles a tous les emplois, Cenfeurs éclairés de Fadminiftration quand vous n'en ferés par les dépofitaires , furs que tout fe fait et par vous et pour vous, égaux devant la loi, libres d'agir, de parler, d'écrire, ne devant jamais compte aux hommes, toujours a la volonté commune; quelle plus belle Condition! pourroit-il être encore un feul citoyen, vraiment digne de ce nom, qui ofat tourner fes regards en arriére, qui voulüt relever les débris dont nous fommes environnés , pour en recompofer Panden édifice! Et pourtant que n'a ton pas dit? que n'a ton pas fait pour affo.ïblir en vous 1'impreflion naturelle que tant de biens devoient produire? Nous avons tout détruit, a-t-on dit: C'eft ([u'il- fah loit tout recouftruire, et qu'y a-t -il donc tant a regretter ! veut - on le favoir? Qiie fur tous les objets réforme-5 ou détruits, Pon interroge les hommes qui n'en profi- ■  48 HISTOIRE ET ANECDOTES profitoient pas; qu'on interroge même la bonne-foi des hommes qui en profitoient; qu'on écarté ceux-la qui, pour ennoblir les affiidtions de 1'interêt perfonnel, prennent aujourd'hui pour objet de leur commifération, le fort de ceux qui dans d'autres temps, leur furent fi indifferens; et 1'on verra fi la réforme de chacun de ces objets ne réunit pas tous les fuffirages faits pour être comptés. Nous avons agi avec trop de précipitation ... et tant d'autres nous ont reproché d'agir avec trop de lenteur! trop de précipitation ! Ignore-t-on que c'eft en attaquant, en renverfant tous les abus a-la-fois, qu'on peut efpérer de s'en voir délivré fans retour ; qu'alors et feulement, chacun fe trouve intéreffé a rétabliffement de 1'ordre , que les réformes lentes et partielles ont toujours fini par ne rien réformer; enfin que 1'abus que 1'on conferve devient 1'appui, et bientöt le reftaurateur de tous ceux qu'on croyoit avoir détruits. Nos  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 49 Nos aflemblées font tumultueufes... et qu'importe, fi les décrets qui en émaUient font fages? nous fommes, au re;fte, ioin de vouloir préfenter a votre ladmiration les détails de tous nos désbats. Plus d'une fois nous en avons ;été affligés nous mêraes; mais nous avons 'fenti en mème temps, qu'il étoit trop linjufte de chercher a s'en prévaloir, et jqu'aprés tout, cette impetuofité étoit iPeffet presqu'inévitable du premier comlitat qui fe fint peut être jamais livré aentre tous les principes et toutes les erireurs- On nous accufe d'avoir afpiré a une }!perfeétion chimérique . .. reproche bizar?:re, qui n'eft, on le voit bien, qu'un i voeu mal deguifé pour la perpétuité des }abus. L'aifemblée nationale ne s'eft 1; point arrètée a ces motifs fervilement sjiintérefles ou pufillanimes: elle a eü le Icourage, ou plutót la raifon de croire I que les idéés utiles, néceifaires au genre ihumain, n'étoient pas exclufivement dellftinées a orner les pages d'un livre, et  5O HJSTOIRE ET ANECDOTES que 1'ètre fupréme, en donnant la per» fe&ibilité, apanage particulier de fa nature, ne lui avoit pas défendu de 1'appliquer a 1'ordre focial devenu le plus: univerfel de fes intéréts, et presque le: premier de fes befoins. II eft impoffible a-t-on dit, de régénérer une nation vieille et corrom-. pue que 1'on apprenne qu'il n'y ai de Córrompus que ceux qui veulent per-, pétuer des abus corrupteurs, et qu'une Nation fe rajeünit, le jour ou elle a réfolu de renaitre a la liberté. Voyés la génération nouvelle : comme deja fon Coeur palpite de joie et d'efpérance! Comme fes fentimens font purs, nobles, patriotiques! avec quel enthoufiasme on la voit chaque jour briguer 1'honneur d'etre admife a prèter le ferment de Citoyen ! . . . Mais pourquoi répondre a un fi miférable reproche? l'affemblée nationale feroit - elle donc reduite a s'excufer de n'avoir pas défefperé du peuple franqois ? On  DE LA REVOLUTION FRANfOISE. 5 I On n'a encore rien fait pour le peuple, a-t-on ofé dire ... et c'eft fa cauïe qui triomphe par tout. Rien fait pour le peuple! et chaque abus que 1'on a détruit , ne lui prépare-t-il pas, ne lui aflure-t-il pas un foulagement? étoit-il un feul abus qui ne pefat fur le peuple? II ne fe plaignoit pas. - - C'eft que 1'éxcès de fes maux étouifoit fes plaintes .. . maintenant eft-il malheureux ... dites plutót: il eft encore malheureux; ... mais il ne le fera pas longtems: nous en Ifaifons le ferment. j Nous avons détruit le pouvoir exécu: tif. . . Non: dites le pouvoir minifté- riel; et c'eft lui qui détruifoit, qui fou- vent dégradoit le pouvoir éxécutif. Le < pouvoir éxécutif nous 1'avons éclairé en I lui montrant fes véritables droits, et fur I tout nous 1'avons ennobli en le faifant remonter a la véritable fource de fa puif- fance, la puiifance du peuple. II eft maintenant fans force . . - contre la conftitution et la loi: cela eft D ij vrai}  52 HISTOIRE ET ANECDOTES vrai; mais en leur faveur, il fera plus: pumant qu'il ne fut jamais. Le peuple s'eft armé ... Oui pour fa< défenfe: il en avoit befoin — mais, dansi plufieurs endroits il en eft refultédes mal-, heurs ... peut-on les reprocher a Ya£, femblée nationale? peut-on lui imputer: des défaftres dont elle gémit, qu'elle ai voulu prévenir, arrèter par toute la forcei de fes décrets, et que va faire ceifer fans f doute 1'union déformais indilfoluble entre i les deux pouvoirs, et l'a&ion irréfiftible | de toutes les forces narionales ? Nous avons paffé nos pouvoirs: la s réponfe eft fimple. Nous étions incon- I teftablement envoyés pour faire une Con- \ ftitution: c'étoit le voeu; c'étoit le be- j foin de la france entiére. Or, etöit-il I pofllble de la créer, cette Conftitution, j de former un enfemble, mème imparfait, de decrets conftitutionels, fans la plénitude des pouvoirs que nous avons exer- I cés ? difons plus: fans 1'aifemblée natio- I nale la france étoit perdue; fans le prin- j cipe qui foumet tout a la pluralité des i fuffra-  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 53 fuffrages libres , et qui a fait tous nos decrets, il etoit impoifible 'de concevoir une aifemblée nationale; il eft impoffible de concevoir, nous ne difons pas une ; Conftitution mais mème 1'espoir de détruire irrévocablement le moindre des abus. Ce principe eft d'éternelle vérité-, il a été réconnu dans toute la france j il s'eft reproduit de mille maniéres dans ces nombreufes adreffes, ces félicitations d'adhéfion, qui rencontroient fur toutes les routes cette foule de libelles oü 1'on nous reproche d'avoir excédé nos pouvoirs. Ces adreffes, ces félicitations, ces hommages, ces fermens patrioüques: quelle confirmation des pouvoirs que 1'on vouloit nous contefter! Tels font franqois les reproches que 1'on fait a vos repréfentans dans cette foule d'écrits coupables, oü 1'on aftedie le' ton d'une douleur citoyenne. Ah! vainement on s'y flatte de nous décourager: notre courage redouble; vous ne tarderés pas a en reffentir les effets. D üj L'aC.  54 HISTOIRE ET ANECDOTES L'aflemblée va vous donner une Conftitution militaire qui compofant 1'armée de foldats citoyens, réunira la valeur qui delend la Patrie, et les vertus civiques qui la protégent fans 1'éffrayer. Bientöt elle vous préfentera un fyftême d'impofitions qui ménagera 1'agriculture et 1'induftrie, qui refpe&era enfin la liberté du Commerce, un Syftème, qui, fimple, clair, aifément conqu de tous ceux qui payent, déterminera la part qu'ils doivent, rendra facile la connoiifance fi nécélfaire de Pemploi des revenus publics, et mettra fous les yeux de tous les francois le véritable état des finances, jusqu'a préfent labyrinthe obfcur, ou Poeil n'a pu fuivre la tracé des tréfors de 1'état. Bientöt un clergé - citoyen, foustrait a la pauvreté comme a la richeife, modèle a la fois du riche et du pauvre, pardonnant les expreffions injurieufes d'un délire paffager , infpirera une confiance vraie, pure, univerfelle, que n'altérera ni 1'envie qui outrage, ni cette forte  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 55 lorte ae piue uu»^) " — rir encore davantage la réligion; ü en accroitra 1'heureufe influence par des rapports plus doux entte les peuples et les pafteurs; et il n'offrira plus. le fpedacle que le patriotisme du Clergé lui mème a plus d'une fois dénoncé dans cette Affemblée, de 1'oifiveté opulente et de 1'activité fans recompenfe. Bientöt un fyftème de lois criminelles et pénales, didées par la raifon, la juftice, 1'humanité montrera jusques dans la perfonne des vidimes de la loi, le refpedt du a la qualité d'homrae, Refped fans le quel on ïi'a pas le droit de parler de ni orale. Un Code de lois civiles, confié a des juges defignés par votre luffrage, et I rendant gratuitement la juftice, fera dis(paroitre toutes ces lois obfcures, complif quées, contradicloires, dont 1'inchoérence et la multitude fembloient laiifer mème a un juge intégre, le droit d'appeller juftice a fa volonté, fon erreur, quelque fois fon Ignorance; mais jusqu'a ce moD iv ment  56 HISTOIRE ET ANECDOTES ment vous obéirés religieufement k ces i mêmes lois, par ce que vous favés que le refped pour toute loi non encore revoquée, eft la marqué diftindive du vrai Citoyen. Enfin nous terminerons nos travaux par un Code d'inftrudion et d'éducation nationale, qui mettra la Conftitution fous la fauve Garde des. générations naiflantes; et faifant pafler 1'inftrudion civique par tous les degrés de la repréfentation, nous transmettrons dans toutes les clafles de la fociété, les connoiffances nécéflaires au bonheur de chacune de ces Clafles, en mème temps qu'a celui de la fociété entiére. Voyés, francois, la perfpedlive de bonheur et de gloire qui s'ouvre devant vous! il refte encore quelques pas a fai- ; re, et c'eft oü vous attendent les détra- 1 deurs de la Révolution. Défiés vous d'une impétueufe vivacité; redoutés fur '\ tout les violences, car tout désordre peut devenir funefte a la Liberté. Vous Gherilfés cette liberté, vous la pofledés main-  DE LA REVOLUTION PRANC.OISE. 57 maintenant: montrés vous digne de la conferver; foyés fideles a Pefprit, a la £ lettre des décrets de vos repréfen- tans, acceptés ou fan&ionnés par le Roij ii diftingués foigneufement les droits abolis < fans rachat, et les droits rachatables, mais encore éxiftans; que les premiers ne foient plus éxigés, mais que les fe1 conds, ne foient point refufés. Songés aux trois mots facrés qui garantiffent ces ! Décrets: la Nation, la loi, le Roi, la S Nation, c'eft vous; la loi, c'eft encore vous; c'eft votre volonté: le Roi, c'eft: 1 le gardien de la loi. Quelques foient 1 les menfonges qu'on prodigue, comptés i fur cette union. C'eft le Roi qu'ort j trompoit: C'eft vous qu'on trompe main1 tenant; et la bonté du Roi s'en afflige: I il veut préferver fon peuple des flatI teurs qu'il a éloignés du tróne; il en, I défendra le berceau de fon fils; car au milieu de vos repréfentans, il a déclaré ji qu'il faifoit de 1'héritier de la couronne k le gardien de la Conftitution. D v Qu'on  58 HISTOIRE ET ANECDOTES Qu'on ne vous parle plus de deux partis. 11 n'en eft qu'un; nous 1'avons , tous juré; c'eft celui de la liberté; fa vidtoire eft fïire, atteftée par les conquêtes qui fe multiplient tous les jours, laiffés d'obfcurs blasphémateurs prodiguer contre nous les injures, les calomniesi penfés feulement que s'ils nous louoient, la france feroit perduë. Gardés vous fur-tout de réveiller leurs efpérances par I des fautes, par des désordres, par 1'oubli de la loi. Voyés comme ils triomphent de quelques délais dans la perception de 1'impöt! ah! ne leur préparés pas une joie cruelle! Songés que cette dette non, ce n'eft plus une dette: C'éft un tribut facré, et c'eft la patrie maintenant qui le reqoit par vous, pour vos enfans, ; elle ne le laiifera plus prodiguer aux déprédateurs qui voudroient voir tarir pour 1'état le tréfor public, maintenant tari pour eux; ils afpiroient a des malheurs qu'a prévenus , qu'a rendus impoffibles la bonté magnanime du Roi. Francois, fecondés donc votre Roi, par un faint et  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 59 et immuable refpedl pour la loi, défendés contre eux fon bonheur, fes vertus, fa véritable gloire, montrés qu'il n'eut jamais d'autres ennemis que ceux de la lliberté; Montrés que pour elle et pour ilui votre Conftance égale votre couirage, que pour la liberté dont il eft igarant, on ne fe laffe point, on eft injifatigable. Votre laflitude etoit le derinier efpoir des ennemis de la Révolution j i als le perdent: pardonnés leur d'en géirnir; et déplorés, fans les haïr, ce refte 1: de foibleffe, toutes ces miferes de 1'hu:imanité: cherchons, difons mème ce qui •ilesexcufe. Voyés quel concours de cau;ifes a dü prolonger, entretenir, presque I: éternifer leur illufion. Eh! ne faut il ;i| pas quelque temps pour chaffer de fa nmémoire les fantömes d'un long rêve, I les rêves d'une longue vie ? Qui peut litriompher, en un moment des habitudes li de 1'efprit, des opinions inculquées dans 11'enfance, entretenuës par les formes exI térieures de la fociété, longtemps favoriI fées par la fervitude publique qu'on croyoit  6O HISTOIRË ET ANECDOTES croyoit eternelle, chéres a un genre d'orgueil qu'on impofoit comme un devoir, enfin mifes fous la protedion de 1'intéret ■ perfonel qu'elles flattoient de tant de i manieres? Perdre a la fois fes illufions, ( fes efpérances, fes idees les plus chéries, , une partie de fa fortune; eft il donné j a beaucoup d'hommes de le pouvoir { fans quelques regrets, fans des efforts, lans des réfiftances d'abord naturelles, et qu'enfuite un faux point-d'honneur s'impofe quelque fois a lui mème? Eh! fi dans cette clalfe n'a guéres fi favorifée, il s'en trouve quelques-uns qui ne peuvent fe faire a tant de pertes a la fois, foyés généreux; fongés que, dans cette même clalfe, il s'eft trouvé des hommes qui ont ofé s'élever a la dignité de citoyens, intrépides défenfeurs de vos droits, et dans le fein mème de leur familie, oppofant a leurs fentimens les plus tendres, le noble enthoufiasme de la liberté. Plaignés francois j les vidimes aveugles de tant de déplorables préju- gésj  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 6l gés; mais, fous 1'empire des lois, que le mot de Vengeance ne foit plus prononcé. :Courage, perfévérance, générofité, les vertus de la liberté, nous vous le demandons au nom de cette liberté facrée, feuHe conquête digne de 1'homme, digne de vous, par les eiforts, par les facrifices i que vous avés faits pour elle , par les i vertus qui fe font mélées aux malheurs i inféparables d'une grande Révolution: ne i retardés point, ne déshonorés point le „plus bel ouvrage dont les annales du i monde nous ayent transmis la' mémoire. jlQu'avés vous a craindre ? Rien, non irien, qu'une funefte impatience: encore j quelques momens. C'eft pour la li- uberté! vous avés donné tant de Siecles :;au defpotisme! Amis, citoyens, unepa:;tience généreufe au lieu d'une patience ilfervile. Au nom de la patrie, vous en •lavés une maintenant: au nom de votre IIRoi, vous avés un Roi, il eft a vous; |non, plus le Roi de quelques milliers. 1|d'hommes, mais le Roi des franqois, de bpus les franqois. Qu'il doit méprifer main-  62 HISTOIRE ET ANECDOTES maintenant le défpotisme ! qu'il doit le hair.' Roi d'un peuple libre, comme il doit reconnoitre Terreur de ces illufions menfongéres, qu'entretenoit fa cour, qui fe difoit fon peuple! préftiges répandus autour de fon berceau, enfermés comme a deifein dans 1'éducation royale, et dont on a cherché, dans tous les temps, a compofer 1'entendement des rois pour faire des erreurs de leurs penfées, le Patriotisme des cours. II eft a vous, qu'il nous eft cher! ah! depuis que fon peuple eft devenu fa cour, lui refuferès vous la tranquilité, le bonheur qu'il merite? déformais , qu'il n'apprenne plus aucune de ces fcènes violentes, qui ont tant affligé fon coeur' qu'il apprenne au contraire , que 1'ordre renait, que partout les propriétés font refpedées, défendués, que vous recevés, vous placés fou 1'égide des lois, 1'innocent, le coupable ... de coupable! il n'en eft point, li la loi ne Pa prononcé ou plutöt, qu'il apprenne encore, votre vertueux monarque, quelques uns de ces traits généreux, de ces nobles  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 63 nobles exemples qui ont déja illuftré le berceau de la liberté franqoife éton- nes le de vos vertus, pour lui donner plus tót le prix de Hennes, en avanqant pour lui le moment de la tranquilité tpublique et le fpe&acle de votre feli- Éieité. Pour nous, pourfuivant notre tache daborieufe, voués confacrés au grand traivail de la conftitution, votre ouvrage auitant que le nótre, nous le terminerons, laidés de toutes les lumieres de la franjce et vainqueurs de tous les obftacles: faItisfaits de notre confcience, convaincus, iet d'avance heureux de votre prochain ibonheur, nous placerons entre vos mains jee dépót facré de la conftitution, fous jla garde des vertus nouvelles , dont le 1 germe, enfermé dans vos atnes, vient id'éclore aux premiérs jours de la liberté. La ledture du Difcours du Roi du Ia. Fevrier, et de la Proclamation de 1'aC Ifemblée du onze de ce mois, produifit lle plus grand enthöufiasme dans les ProSvinces, elle ranima la conftance, et ref- ferra  04 HISTOIRE ET ANECDOTES ferra les Hens qui unuToient le peuple a fes repréfentans. La Majorité de ralfemblée défiroit depuis longterm, la fuppreffion de tous les ordres religieux. Le 12. Fevrier Mr. Treillard célébre Avocat au Parlement de Paris , et Pun des ennemis les plus acharnés du Clergé fit un rapport trés étendu, oü après être convenü des fervices que les moines avoient rendus a 1'état dans les fiecles d'ignorance, tant en encourageant 1'agriculture, qu'en s'occupant Supprejfion <\e perpétuer les fciences alors des Ordres ^ ,g confidérées; ü démon- religieux. r tra, que la plupart des ordres, avoient dégénéré de leur inftitution primitive, que les Couvents n'étoient plus comme autrefois, Pazile de la vertu et de 1'innocence, mais le réceptacle de tous les vices, (et malheureufement cette alfertion , peut être trop forte, n'étoit pas depourvüe de vraifemblance) il fit envifager, combien il éxiftoit, dans les Monaftéres et dans les Couvents, de mal- heureiw  DE LA REVOLUTION FRAN£OISE. 65 lieurenfes vidimes de 1'Avarice ou de ' 1'ambition des families : mais en laiiïant I aux moines et aux Religieufes la faculté « de refter dans le monde , en renonqant a la vie monaftique, il propofa de réunir ü ceux qui préféreroient de fuivre leur mè« | me genre de vie en les établiifant dans ! des maifons qui leur feroient défiguées. Ce rapport fut attaqué, avec la plus grande véhémence, par les membres les plus éloquents du haut Clergé; I'£vèque i de Nanci repréfenta , entre autres cho;!fes; que la faveur qu'on promettoit aux 1 religieux et religieufes, qui quitteroient ; leurs maifons pour rentrer dans le moni de, en leur aifurant une penfion ; étoit liabfolument illufoire, puisque ces penj llons ne fe payeroient pas plus par la fui:lte , que le modique traitement accordé llaux jéfuites lors de la deftrudion de leur 1 ordre: ce qui ne formoit cependant qu'un tiobjet de 400 Livres par individu: cette firaifon prépondërante, et quelques autres | tout auffi fages, ne furent point écoutées 1 par la partie de 1'aifemblée qui avoit réT.ILSecl.I. E folu  66 HISTOIRE ET ANECDOTES lblu la perte des ordres religieux. Elle décreta comme article conttitutionel, „que „la loi ne reconnoitra plus de voeux „monaftiques folemnels de 1'un ni de „1'autre fexe, déclare en conféquence, „que les ordres et congrégations régulié„res, dans lesquelles on a fait de pareils „voeux, font fupprimés en france, fans „qu'il puiife en être établi de fembla„bles a 1'avenir. „Que tous les individus de 1'un „et de 1'autre Sexe éxiftans dans les „maifons religieufes et monaftères, pour„ront en fortir; en faifant leurs décla„rations, devant la municipalité du lieu; „et il fera pourvü a leur fort, par une „penfion convenable: qu'a 1'égard de „ceux ou de celles qui préféreroient de aifuivre la vie monaftique, ils feroient „réunis dans des maifons défignées par „l'alfemblée. „Elle excepte cependant les reli„gieufes de cette réunion en leur affu„rant la faculté de refter dans les cou„vents qu'elles habitoient. Mais cette faveur  DE LA RËVOLUTION FRANQOISE, 67 faveur momentanée leur fut bientöt retirée. Ce décret fut accueilli dans tout le Royaume avec transport par les Proteftans, les impies et ceux qui depuis longtemps avoient le projet d'envahir les biens de Péglife, mais fuivant les regies de la faine politique, la fupprelïion totale des religieux étoit réellement désavantageufe pour la france. II eut été trés fage de réduire le nombre des moines, et fupprimer les maifons peu confidérables , de fixer Pépoque des Voeux a vingt cing ans, et fur tout de ramener les religieux par des lois févères a avoir Pefprit de leur état, et a fe maintenir dans les bornes de leur inftitution primitive: mais on ne peut difconvenir, que les grandes maifons, la pluspart fituées dans des parties agreftes et ifolées de la france n'encourageaffent 1'agriculture et la population, qu'elles ne fourniffent des fecours confiderables aux pauvres, et qu'elles ne procuraffent des débouchés avantageux pour les fciences et les arts. E ij L'é-  68 HISTOIRE ET ANECDOTES L'éducation de la jeuneffe étoit con£ée a plufieurs congrégations religieufes, et quoique leur genre d'inftru&ion n'égalat jamais celui qu'avoit adopté 1'ordre des jéfuites, il n'eft pas moins vrai, que ces corporations attachoient plus de foirt et d'amour propre a l'inftrudtion de Lx jeunelfe, que des Profeifeurs laïes qui nétoient pas obligés par état a donner 1'exemple des bonnes moeurs, et envifageoient leur emploi plutót comme un objet d'utilité, que comme une fondtion auffi honorable que diftinguée. On devoifc a des religieux' les ouvrages les plus favants et les découvertes les plus importantes: Ces coniidérations et nombre. d'autres qui fe préfentoient, devoient engager les législateurs a ne fupprimer les ordres religieux que partielement et lorsqu'on auroit pu remplacer avantageufement le bien que les grandes maifons faifoient dans leur arondiffement. La paffion 1'emporta , et la perte des moines projetée depuis longtemps fut irrévocablement confommée. L'affera-.  DE LA REVOLUTIÖN FRAN£OïSE. 6$ L'alfemblée qui ne dédaignoit pas d'ufer des moyens le plus vils et les plus honteux pour fafciner les yeux du public, fit jouer dans fon enceinte une fcëne qui prouve et fon impudence d'une part, et d'autre part, a quel degré la dépravation de moeurs étoit portée en france. Peu de jours après qu'elle eut rendu le décret portant fuppreflïon des ordres religieux, des proftituées du Palais royal déguifées en Religieufes vinrent remercier les législateurs de leur avoir rendu la liberté: leur difcours etoit rempli de la plus baife adulation, et de phrafes ampoulées peignant leur adrniration, pour leurs nobles travaux : le Préfident répondit Scêne f™"- r » i dajeufe des pompeutement a cette naran- ^aesdupa_ gue préparée, et leur accorda uis Royal, les honneurs de la féance. Le mème foir la plus grande partie des filles publiques qui habitent le Palais royal parurent dans le mème coftume, elles attirérent la curiofité des Parifiens, mais fur tout des étrangers, par leur mainE iij tien  7<5 HISTOIRE ET ANECDOTES tien modefte; ils fe livrérent avec d'au-. tant plus d'empreffement a leurs perfi- • des fédu&ions qu'ils croyoient véritable- J ment que eet elfain de Veftales, s'étoit échapé des Couvents: ils fe repentirent bientöt de leur crédulité; le poifon qui circuloit dans leur veines, leur fit maudire cent fois 1'affemblée, qui avoit non 1 feulement autorifé, mais payé cette fcan- I daleufe mafcarade. Peu aprés on joua | fur différents théatres la fuppreflion des } voeux monaftiques ; des Abbeffes, des religieufes parurent für la fcène et achevérent de couvrir de ridicule une Religion dont les principes font auffi fublimes que purs. Le peuple corrompu fuivoit avec empreffement ces fpedtacles aviliffants, et fon gout pour les turpitudes et les obfeénités ne faifoit que s'acroitre. Le 16 Fevrier, le Garde des Sceaux communiqua a 1'affemblée, de la part du Roi, de nouvelles plaintes rélativement aux troubles et aux désordres qui fe commettoient dans les differentes Provinces. Les nouvelles loix entravoient par tout 1'acU.  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 71 Fadtivité du pouvoir éxécutif; le militaire ne pouvoit agir que fur la Réquifition des municipaux: cette efpéce de .dépendance parut, dans le principe, humiliante a des Officiers, Nouveaux 1 v , troubles dans qui étoient accoutumes a no- /fj prBvinm beir qu'aux ordres du Souve- ces. -rain, et qui confideroient de flmples citoyens, comme des LiUft iu êtres qui leur étoient infini- Garde des ment inférieurs. Telle eft la Scemix. Source de Pindifférence ou de Pinaétivité avec la quelle les troupes de ligne éxécutoient fréquemment les Réiquifitions des municipalités. Les Officiers municipaux, d'un autre coté, crairgnants de fe compromettre ou de s'atti!xer 1'animadverfion de leurs concitoyens ;toléroient fréquemment les désordres, :et lorsque les troupes de ligne vouloi;ent les réprimer, on les peignoit corru:me des fatellites du defpotisme. Cette lutte perpétuelle des différen|tes autorités étoit faite pour propager Panarchie, et on ne peut fe dilfimuler, E iv que  72 HISTOIRE ET ANECDOTES que 1'aifemblée qui cherchoit a fiatter les paflions du peuple, n'a employé aueuns moyens pour la réprimer. Dés la fin de 1789 elle avoit a la verité décreté 1'ufage de la loi martiale; mais fon application étoit fujette a de telles formalités que tout le mal étoit fait avant qu'on put 1'arrêter. A Béziers, des Contrebandiers armés arri- JUafacre è verent en p1ein midi avec Un Btzters. r grand nombre de chevaux ou Muiets chargés de Sel; les gardes de la ferme voulurent s'oppofer a 1'entrée de ce Convoi, le peuple fe joignit aux contrebandiers et pourfuivit les commis qui cherchérent un azile a 1'hotel de ville avec leurs families; les Officiers municipaux éffrayés, fe cacherent, fans faire aucune réquifition au Régiment de Medoc qui étoit en Garnifon dans cette ville : Mr. de Baudre Lieutenant Colonel fit prendre les armes a fa troupe, empêcha la multitude de s'armer, préferva 1'hotel de ville du pillage, et protégea la fuite des malheureux commis de la ferme 5  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 73 ferme; 011 en arrèta un grand nombre qui cherchoient a's'échapper, cinq d'entre eux furent pendus, et plufieurs autres furent malfacrés et mutilés de la maniere la plus barbare. Mr. de Baudre parvint avec peine a rétablir 1'ordre et a fauver le refte de ces infortunés; fa conduite mérite des éloges, mais les Officiers municipaux manifeftérent la plus grande crainte et le défaut de préfence d'efprit, fans le fecours du militaire, la ville auroit été livrée a la guerre civile. Des exces également effrayants eurent lieu dans plufieurs autres parties du Royaume ; il feroit trop affligeant d'en rapporter tous les détails. L'aifemblée ne prit aucune mefure définitive rélativement a la lettre du Roi concernant ces excès, elle fe contenta de renvoyer cette affaire au Comité de législation pour en faire fon rapport: les désordres continuerent et ne furent pas réprimés. Le Duc d'Orleans, dont Lettre du heureufement on n'entendoit Duc A'Orii. Ev pas ans-  74 histoire et anecdotes pas parler depuis fon féjöur a Lonui.es,, écrivit a 1'affemblée pour lui témoigneri fes regrêts, de n'avoir pü afïifter a lai Séance intereflante du 4 Fevrier; il aifu-. ra qu'il prenoit part de coeur et d'inclination a toutes fes délibérations, et luii envoya par écrit fa preftation du fer-.< ment civique. Cette lettre fut reque avec le plus vifs applaudiifements et on en decrèta l'imprefïion au procés verbal. L'aifemblée recevoit de toute part des adrelfes de félicitation et d'adhéfion, on y exprimoit les fentimens de la plus vive reconnoüfance pour la liberté qu'el- II le avoit conquife, et les bienfaits qu'elle» procuroit au peuple; il ne faut cependant pas croire que ces adreffes fuffent didées par un effet de la volonté générale, elles ï étoient presque toujours extorquées, ou arrachées par un motif de crainte ou de ! foibleffe. Trois ou quatre des plus zèlés Démocrates rédigeoient 1'adreffe d'une ? ville, ils la préfentoient a la fignature a des autres citoyens, ceux qui auroient refufé 3  DE LA REVOLUTION FRAN?OISE. 75 refufé de foufcrire, étoient injuriés, perfécutés, quelque fois mème cruellement ;maltraités; tel étoit 1'empire de la loi et de la liberté, et 1'expreJflion du voeu des citoyens. Mais raffemblée avoit befoin de ces écrits pour augmenter 1'enithoufiasme du peuple de Paris et en faire un étalage pompeux dans les procés verbaux de fes Séances. Plufieurs Régiments envoyerent a cette époque, des ladreifes de félicitation et d'adhéfion, qui J étoient diélées par le mème efprit que (celles des villes: le chef qui commanidoit pendant Pbiver, et qui avoit eu a jfe plaindxe de Pinjuftice de la Cour, ou iqui efpéroit fon avancement des decrets 1 de 1'aifemblée, faifoit figner un écrit par I quelques jeunes Gens, ou des Officiers 3de fortune, qui, par état, devoient ëtre apartifans de la Révolution: on appelloit 3 cette produdtion, 1'adreffe d'un Régiment |ou d'un Corps; tandis que la majorité" i des Officiers qui a cette époque étoient jabfens n'y avoient nullement cöoperé. |A leur retour , plufieurs d'entre eux, vou-  76 HIST01RE ET ANECDÜTES voulurent improuver la démarche quii; avoit été faite , la mésintelligence et lai désunion s'établit dans les Corps; c'elti ce que déflroit raflemblée qui vouloit n'ê. tre fervie que par fes créatures. , . A cette époque, le comité Comité m- .... _ . Utairt. müitaite nt paroitre plulieurs rapports rélativement a 1'avancement aux différents grades; et fuccefflvement tous les objets rélatifs aux troupes de terre furent éxaminés et fcrutés avec le plus grand foin. VirerentsRe- Le Reglement, concerglements. uant 1'avancement aux dirTérens grades, accordoit les deux .tiers des emplois a 1'anciennete, et le tiers au choix du Roi. On ne peut fe difïimuler que ce réglement et la plus ! part des autres, ne fuffent diclés par un efprit de fageffe et de juftice: il n'y avoit que les imbécilles partifans de 1'ancien régime , ou ceux dont 1'ambition fe trouvoit fruftrée de fes efpérances, ou qui éprouvoient des ■? fupprefïions d'emploi, ou de places lucratives, qui puffent les désaprouver. J'en-  DE LA REVOLUTION FRANcjOISE. 77 J'entrerai dans quelques détails ré.lativement a ces nouvelles lois lorsque les circonftances fe préfenteront. | Ce ne fut qu'au mois d'Aóut 1790 que raffemblée fit paroitre la première jpartie de fon Code militaire, mais en lattendant, elle fit joüir les troupes, a | datter du premier Janvier, d'un bienfait iconfiderable, celui, d'une augmentation de paie de 2*« 6 d- par jour, pour tous iles individus indiftinclement, compofans 1'armée. La paie du Soldat franqois étoit auJ tre fois trés modique et n'avoit pas éte augmentée depuis plus d'un fiecle, quoique la valeur de 1'argent eut diminue et que les denrées de première néceflitó euifènt hauifé confidérablement, elle étoit de S5' Par j°ur Pour *e fantaffin, de 6s« pour le Dragon, de \h pour le Cavalier: fous le Miniftère de Au<,wenta* Mr. de St. Germain la paie fut tion ie Pa. augmentée de 8d>> et divifée J*/* VAr' ., r . 1 fee. de la mamerc luivante. 2S« de retenue par jour. pour une livre et demie  1% HISTOIRE ET ANECDOTES mie de pain de munition, que la régie des vivres fourniflbit a chaque Soldat 5 is. qu'on prélevoit pour la malle de linge et chauflure et as- 8d- a l'ordinairej fur cette modique Somme, le foldat étoit obligé de fe procurer plufieurs objets qui ne faifoient pas partie de fa fubfiftance, tels que, de la poudre, de la pomade,; i 1 ■ i 1 > t) i,.u.j— . malgré cela la condition du Soldat franqois n'étoit pas malheureufe, ceux qui avoient appris quelque metier ou prorelfion, obtenoient la faculté d'éxercer] leurs talens, ceux qui n'avoient aucune indu- ftrie faifoient le fervice des travailleurs, et fe procuroient ainfi une augmentation de paye. Ces détails paröitront, fans doute, minutieux a quelques ledleurs qui ont la connoiifance de tout ce qui avoit rapport au militaire franqois; mais les étrangers trouveront peut.être agréable, d'en être inftruits. E»Swn,e«ts. La Durée de 1'engage-'' ment du Soldat francois etoit de huit ans, le Roi payoit 102 Livres pour  DE LA REVOLUTION FRANQOISE. 79 1 - * pour 1'engagement d'un fantaffin, 120 Livres pour celui d'un Dragon, Huflard ou Canonier, 132 Livres pour un Cavalier. La taille prefcrite etoit de f pieds deux pouqes, pieds nuds pour le fataflin, f ipieds trois pouqes pour le Dragon ou Huflard et 5 pieds quatre pouqes pour |e Cavalier. L'habillement étoit de drap de bonine qualité et devoit ètre renouvellé tous les trois ans. L'aflemblée ftatüa que dorénavant les Soldats ne coucheroient que deux dans le mème lit; les fournitures étoient afsès bonnes, et en général, dans ipresque tout le Royoaurne , les Cazeranes étoient agréablement fituées, faisnes et bien aérées: mais c'éft ttfur tout dans les Hopitaux que fe déployoit la grandeur 1 du Souverain et les reflburces d'une Igrande Nation, le Soldat malade recebvoit tous les fecours que 1'Humanite la plus feufible pouvoit fuggérer pour hadoucir fa malheureufe pofition, et dans les  go HISTOIRE ET ANECDOTES les hopitaux fervis par des femmes (*),| il exiftoit une propreté, et une recher-| che digne d'admiration , et de plusi, grands éloges. La (*) Les dames hofpitaliéres et les foeurs gril fes, qui adminiftroient quelques hopni taux, méritent le plus grands éloges ,1 par 1'ordre, la décence, la propreté avecf la quelle elles foignoient les malades. Les dames hofpitaliéres étoient des fil-| les de familie honête, fouvent mêmel d'extra&ion noble, qui fe voüoient libre-i ment au fervice des hopitaux: des parti-l culiers Aifcs s'y faifoient fouvent trans-1 porter pour. y éprouver de ces atten-l tions délicates qu'ils ne trouvoient pas| dans leurs maifons. L'hopital deBefanconi régi par des Dames hofpitaliéres, efti un de ceux dont 1'adminiftration réunif-li feit les fuffrages des Regnicoles et des.1 étrangers. Toutes les Dames hofpitalie-i res, et les foeurs grifes, ayant refute.ji de preter le ferment éxigé des fon&ion-'| naires publics , ont été inhumainementl chaifées; elles ont été remplacées par dei viles mercenaires qui n'ont pas 1'efprit del leur état et négligent les malades.  DE LA REVOLUTION FRANqOlSE. 81 La fcience de la médecine et l'art de la Chirurgie étoient certainement poufles au plus haut point de perfection en france ; les fujets les plus diftingués dans jj.ce genre étoient attachés aux Hopitaux jjet y donnoient des foins avec éxaditude | et vigilance. Le prix moyen de la jourjnée d'hopital coutoit dix fept a dix neuf ifous par jour; les médicamens, les d'enIrées de toute efpéce étoient inlpedlées lavec le plus grand foin. L'aiTeniblée s'occupa de rémédier a quelques abus qui exiftoient dans 1'adminiftration intérieure, et voulut établir des hopitaux régimentaires, fous 1'infpeöion des chirurgiens majors, qui devoient traiter les malades dans des chami bres particulieres: ces eifais ne furent i pas heureux, les Soldacs furent négligés, ;|et dans plufieurs Régiments, le prix de la journée d'Hopital s'éleva a plus de ! quarante fous : on fut obligé de renoncer a ces établilfemens précaires. Le Soldat franqois caduc, inflrme | ou eftropié , avoit la perfpedive d'ètre T.ILSecl,h F admis  %2 HISTOIRE ET ANECDOTES admis dans les Compagnies d'invalidesi detachées dans les places , quelquefois i mème a 1'Hoteldes invalides, monument; du fafte de Louis quatorze , dont 1'af-1 femblée a cru devoir détruire la régie fans trouver de moyens de la remplacer fe avantageufement* Dans les changements de Garnifon ji ct en route la* nouriture du Soldat four- h nie par Étape étoit faine et abondante, I et il étoit presque toujurs logé commo- k dément dans des maifons particuliéres. 11 ne fera pas inutile de parler dejjl l'adminittration interieure des Régimensl et des différentes maffes, par ce que c'eft I eet objet qui a excité les plaintes des* Soldats et a porté plufieurs Corps a desl mouvemens féditieux , et mème a des,è infurrections marquées contre les chefs,! dans le Cours de 1'année 1790. Lors qu'un Soldat s'engageoit, ont prélevoit fur le prix de fon engagement! une fomme de quinze livres qu'on réu-l niffoit a une maffe apellée, générale,! chargée de toutes les dépenfes d'entre-l tien,!  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 83 tien, d'habillement, équipement, répa- iration, d'armement, d'engagemens &c., et dans les troupes a cheval, de tout ce qui avoit rapport a 1'homme et au i cheval. Le Roi fourniffoit a cette Maffe générale une fom- ^fe géni' Ime de 70 Livres par an pour chaque fantaflin, et de 140 Livres pour [jchaque homme monté: cette Maffe s'ac- jcroifoit par la moitié de la paye des Soldats fémeftriers, par le prix des dégagements , par une partie de la propriété des Soldats qui mouroient &c. on ne de- ! voit faire le décompte de la portion de cette maffe qui revenoit au Soldat, que lorsqu'il quittoit fon Corps , et la rete- Jnüe primitive étoit deftinée a lui procurér des vétemens ou autres objets né- icéffaires lorsqu'il devoit entrer en Cam- ipagne. Indépendemment de cet- tte maffe , il éxiifoit celle de Maft At iiinge et chauffure, pour laquel- ^Zfure. ile on retenoit a chaque Sol- Idat, un fou, par jour; et dont le déF ij conipte  84 HISTOIRE ET ANECDOTES compte lui etoit fait tous les trois mois.i Avant rétablüTement du confeil de la| guerre, il éxjftoit une maffe générale J une petite maffe , et divers autres ob-l jets féparés. Pour fimplifier la compta-. bilité, on ordonna la réunion de toutesJ les mafles et on chargea la maffe géné-l rale de toutes les dépenfes quelconques: le comité militaire fit paroitre divers ré-j glements trés fages rélativement a fonj adminiftration. L'infpe&ion et la régiej de cette maffe générale étoit confiée af un Confeil compofé du Colonel, dul Lieutenant Colonel, du Major (*), des deux plus anciens Capitaines et du quar-| tier-maitre-tréforier qui n'avoit que voixj confultative: les Officiers fupérieurs ab-l fens étoient remplacés par des Capitai-I nes: les clefs de la Caiffe qui avoit troisl ferrures particuliéres étoient confiées:l Pune au Commandant, 1'autre au pre-j mier Capitaine, la troifiéme aui ConfeiWad- quartier - maitre tréforier. Lef miniftratlon. d»adminiftration devoitj régir; (*) En 1790 1'afiemble'e nationale fupprW ma  ! DE LA BEVOLUTION FRANCOISE. 85 Irégir avec économie tous les objets apipartenants au Régiment tels qu'habilleKiens, équipement, réparations, et on cdoit dire a la loüange des Officiers franfcois, qu'en général ils apportoient a ces Jfondions infiniment de foin, de délicatjtefle et de défintéreffement. Indépendemment de cette maffe géliérale, il exiftoit dans prèsque tous les >;Corps, une maffe ditte d'économie (apelillée vulgairement maffe noire) dont la cconnoiffance et l'adminiftration étoit reïervée exclufivement, aux Chefs de Corps ^et au Quartier-maitre.^ Les ^ fonds de cette Maffe étoient conomiu ïproduits par 1'excédent des dé^gagements fouvent tres confidérables; le Jtarif des dégagements pour les congés \ de grace qu'on pouvoit accorder, étoit I fixé fuivant le nombre d'années que 1'intdividu avoit a fervir, et c'eft cette fom|me qu'on verfoit a la maffe générale, tmais les Chefs de Corps éxigeoient F iij pres- Ima le Grade de Major et le remplact par celui du fecond Lieutenant-Colonel.  86 HISTOIRE ET ANECDOTES presque toujours des Soldats aifés quii vouloient fe procurer leur liberté unej fomme infiniment plus confidérable, quij; devoit être verfée a la Maffe d'économie, I ainfi que le produit de la vente des effetJ|] des hommes morts; lorsque les comil miffaires des guerres fe prêtoient a claf-f fer dans leurs revües quelques paffe -| volants, cetobjet augmentoit cette Maf-| fe, ainfi que des retenuè's, qu'on faifoit aux Officiers pour entretenir une muliJ que confidérable: quelque fois même des Chefs de Corps y ajoutoient le prix; du bois qu'on fourniffoit en Alface, et quelques autres Provinces au complet; malgré 1'abfence des Sémeflriers et Soldats ayant des congés et qu'ils ne fai4 loient diflribuer a latroupe qu'a Peffedif. ,j Le produit de cette Maffe fervoit a former la haute paye des muficiens,' a donner des engagements plus confidérables aux hommes d'une taille et tournure diftinguée, et enfin a plufieurs autres dépenfes de fantaifie ou d'agré- ment,  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 8? ment, qui dépendroient de la volonté ou des caprices des Chefs, j; Le Soldat naturellement méfiant, four tout pour tout ce qui touche a fon intérèt, fuppofoit que cette maffe étoit ■le produit des retenuës injuftes qu'on ilui avoit fakes, et que, par confequent, lelie étoit fa propriété; ainfi des que |les rènes de la difcipline et de la fubjordination commencèrent a fe relacher, jet que les principes de liberté fe profpagerent; ils profitèrent d'un moment j: qu'il crurent favorable, pour faire des jréclamations. Ces repréfentations furent ijifouvent accompagnées de menaces, et j commis quelque crime, ou étoit il flé- i tri dans 1'opinion publique par quelque ii adbe de lacheté ou de baflelfe, une leti tre de Cachet le déroboit a la peine ju* | ftement méritée ou a 1'infamie qui de[voit fuivre fes pas. II y avoit mème f des parens aifès dénaturés, pour faire | enfermer des enfants contrefaits, éttro- piés ou a qui ils ne trouvoient point afsès d'efprit ou de jugement, pour faire rejaillir leur fortune fur d'autres enfants, objet de leur prédiledtion: et d'oü. provenoit cette faveur infigne qui déroboit I les coupables au glaive de la loi , et ! établiifoit des peines différentes pour les Icitoyens d'un mème état? de Pabus d'un [ pouvoir, qui ne connoiifoit d'autres bor| nes que la volonté d'un feul, et de la l'confiance deplacée que le Souverain acI' cordoit fouvent a des Miniftres pervers. G ij Je  IOO HISTOIRE ET ANECDOTES Je termine mes réflexions fur les lettres de cachèt, les mémokes de Linguet fur la baftille, ceux de la Tude et plufieurs autres ouvrages qui ont ckculé" dans toute 1'europe, ont infpiré une horreur générale, contre ces ades tyranniques et arbitraires du défpotisme: tous les Cayers indiftindement, demandoient 1'abolition des lettres de Cachèt, les législateurs ont fatisfait généralement le voëu de leurs Commettans en rendant ce décret, il éxiftok encore d'autres ades défpotiques de la pleine puiifance et autorité que s'étoient arrogés les Souverains, qui avoient beaucoup d'analogie, avec les Lettres de cachet et dont la fuppreflion étoit également nécéffaire. Un de ces abus d'autorité etoit 1'ufage des arrèts de furféance. Lorsqu'un Seigneur de la cour avoit contradé des dettes qu'il ne pouvoit ou ne vouloit payer, ou qu'un particulier quelconque qui, avoit quelque relation avec les miniftres ou fes commis vouloit fe fouftraire aux pourfuites légitimes de fes cré- anciers,  DE LA REVOLUTION FRANfOISE. IOI anciers, il follicitoit et obtenoit fur le plus frivole expofé, un arrèt du confeil appellé, Arrèt de Surféance, qui le mettoit pendant plufieurs années a 1'abri de touttes demandes ou attaques juridiques pour le payement de fes dettes. Cet arrèt fe rendoit presque toujours fans qu'on eut entendu les parties adverfes qui fe feroient fans doute oppofées a ce qu'on ne les privat pendant longtemps • de la jouilfance de leur proprieté. Les marchands et les fournilfeurs de Paris qui étoient accoutumés a ces manoeuvres .de la part de leurs débiteurs, augmentoient en conféquence d'une maniére exorbitante leurs mémoires généralement quelconques ' et le prix de leurs marchandifes. Les citoyens qui avoient de 1'ordre et de 1'arrangement et payoient comp- | tant, étoient obligés de réparer les pertes que faifoient fupporter aux fourrdf- : feurs, 1'efcroquerie des courtifans dérangés, ou des intriguans. C'eft avec des arrêts de furféance que le Miniftre AmeG iij lot  102 HISTOIRE ET ANECDOTES lot payoit fouvent les faveurs des actrices qui avoient contradé des dettes iramenfes. Les Adeurs imitoient leur exemple. Le danfeur d'Auberval quoiqu'il eut des appointements tres confiderables, avoit contradé en une année 60 mille Livres de dettes, preffé par fes créanciers il menaqa de quitter 1'opéra et de fe retirer en Rulïïe; la Reine que cette perte auroit fans doute fenfiblement affedé , fit payer fur le champ cette fomme, et a cette époque un militaire infirme ou eftropié obtenoit avec peine une penfion de 400 Livres (*). Quel- (*) Qu'il me foit permiï^de citer deux exemples de 1'addrefle ave*c laquelle les Grands Seigneurs ou les courtifans fatisfaifoient quelquefois leurs faintaifies, comme ayant rapport avec les arréts de furféance. Le Comte D'A. . . séduit par la beauté et la franchife de Mlle. Contat, defira faire connoilfance avec elle, peu après fon début a la comédie francoife; il fe fit annoncer. L'aétrice le reeut avec un air  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 103 Quelques mois après Pabolition des Lettres de cachet 1'Aflemblée établit les G iv formes air embaraffé, et affecla beïucoup de trifteffe; le Comte luy en demanda la caufe; apres avoir hefité longtemps , elle lui avoua, qu'elle devoit 50 mille écus, et qu'elle fe trouvoit obligée, de payer cette fomme fous le plus bref delai. Un papier qui fe trouvoit par hazard fur la cheminde, contenoit le nom de fes créanciers fictifs, qui, d'accord avec 1'aétrice devient lui rendre une partie de 1'argent qu'on fuppofoit que le Comte D'A. *** leur feroit payer. II prit efFectivement le mémoire et dit a 1'aétrice: tomment ? Ce n'eft que cette bagatelle qui vous afflige, je m'en charge. La gayeté reparut fur le vifage de MUe Contat, le tête a tête fut vif et intereiTant et le Comte D'A .. • partit trés fatisfait, mais connoiffant depuis longtemps toutes les rufes des courtifannes , il ne s'occupa nullement de payer cette dette fimulée. Quelques jours après il revint chez Ml??- Contat, apres quelques compliments le Comte lui dit; 'Eb bien! Votre affaire eft arran^ gêe. Non Mons... (répondit 1'actrice)  104 HISTOIRE ET ANECDOTES forraes néceflaires pour priver un Citoyen je fCen ai pas entendu parler —— Quoi! Amelot ne vous a pas encore envoyê un arrèt de furféance, foyez tranquiïïe, vout Taiirés demain; elle le rec/ut effeétivement, et ce fut la feule recompenfe des faveurs qu'elle avoit accord; au Comte d'A •.. cette lecon engagea MUe. Contat a fe faire payer d'avance, elle avoit (dit-on) fixé le prix de fes foirées a cent Louis, et elle trouva plufieurs amateurs. Le Duc des Gesvres qui étoit contrefait et dont les affaires étoient trés dérangées apprit que Melle. Jonville chanteufe de 1'Opéra avoit des dettes confidérables; il crut la circonftance favorable pour lui faire des propofitions, convaincu que Tappas de 1'argent 1'engageroit a ne pas faire attention a fa laideur, il lui promit mille Louis par mois. La propofition fut acceptée avec empreffement et il entra en jouiffance de fal conquête. Pendant 1'intervalle de cettei nouvelle connoiflance le Duc de Gesvres fit affembler les differents Créanciersi de Melle, Jonville, examina leurs me-j moirés, les trouva exorbitans, et les enga-  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 105 toyen de fa liberté; lorsque la jdémence, limbecüite, ou la Familie. Conduite lcandaleuie exigeoient qu'on le féqueftrat de la fociété. Les caufes de la détention devoient ètre éxa&ement fcrutées par un Confeil de familie nombreux qui pouvoit en former la demande, et la loi ne devoit 1'accorder qu'après le plus mur examen. L'aifemblée s'occupa pendant plufieurs féances de la Confervation ou de G v la engagea a les réduire, en leur faifant efperer leur payement a une époque trés prochaine. Les différentes remifes qu'il obtint montoient a mille Louis. Au bout du mois il envoya les mémoires réduits a Melle. Jonville, pour le payement de la fomme, qu'il lui avoit promife. C'eft par des pareüs moyens que des courtifans ,qui par un penchant inné pour la débauche (ou pour être a la mode) s'etoient ruinés avec . les femmes, cherchoient a duper a leur tour les Courtifannes, et les marchands, avides ou confians qui leur avoient accordé du Crédit.  I06 HISTOIRE ET ANECDOTES la fuppreflion de la Compagnie des In- li des: cette queftion interelfante mérite i d'ètre dévelopée. Colbert qui avoit été le Créateur I de la marine franqoife, et qui cherchoitl a encourager fes rélations avec rétran-jt ger par tous les moyens, avoit fait ac-| corder un privilége exclufif a une com-t pagnie pour le commerce avec les Indes k orientales , cette Société n'a-1 Compagnie it féuffi dans le Com-k des Indes. r , r mencement, quelques iecours fc du Gouvernement 1'avoit foutenüe; a lagl mort de Colbert on renouvella le pri-1 vilège et la Compagnie commenqoit as profpérer, lorsque la fin défaftreufe du| Regne de Louis quatorze la fit tomberfc dans 1'anéantiifement. Elle fe releva ce-1 pendant depuis 1730 a 175-0. Sous lal diredion de la Bourdonnois et de Du-i pleix, elle avoit fait des conquètes im-l portantes et la Nation jouüToit d'une grande Confidération dans 1'Inde , lors- j que la Conduite et les malheurs de Lal- i ly, firent abfolument pencher la Balance en  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 107 ! en faveur des Anglois; presque tout :;fon territoire fut conquis, les fortificailtions de Pondichery démolies, le Comimerce foumis a de telles entraves, que i la Compagnie voyant qu'elle ne poulivoit pas foutenir la concurrence de fa irivalle remit fon privilége au Roi en 11769. et vendit fes établiffemens a 1'éftat, ce qui dédommagea foiblement 3 les adlionaires des pertes qu'ils avoient leffuyées. Depuis 1769 a 1785. 1© | Commerce de 1'Inde fut abfolument li| bre pour tous les négoqians , et ils le jfirent avec plus ou moins de fuccès. JLoursque M. de Vergennes et M. de I Calonne, on ne fait par quels mo1 tifs, rétablirent le privilege exclufif, li en faveur d'une Compagnie, quoique i le Commerce particulier, fe fut foul tenu avec avantage jusques a cette j époque. Le Commerce de 1'Inde étant fujet a de grands risques et a des avances confidérables paroit devoir être fait avec plus d'avantage par une Compagnie qui peut  108 HISTOIRE ET ANECDOTES peut fupporter des pertes que par desi particuliers qu'une fpéculation malheiül reufe peut ruiner irrévocablement (*)>.| 1'exemple de 1'Angleterre et de la Hol*I lande nous fournit un preuve de TutUi* té des Compagnies; ces états oü il exiil fte la plus grande liberté de commerce,! fouticnnent cependant le privilége del leurs Compagnies, et y trouvent unejl fource de richelfes et de profperité pourl le trcfor public. Malgré ces raifons plaufibles, les| principes qui dirigeoient 1'Alfemblée, lesl tations de villes de Commerce, lel peu d'aétivité et d'intelligence de la nouvelle Compagnie, dont les entreprifes avoient été peu utiles, et plus encore1 les intrigues du Miniftère Anglois et 1'or qu'on (*) Une Compagnie fait affortir fes envois, et ne court pas ris que de faire affluer une efpèce de marchandife, tandis qu'on fe trouveroit abfolument dépourvü d'a^ tres objets nécèlfaires; ce qui peut arriver a des particuliers qui ne fe communiquent pas la nature de leurs car*gaifons et chargements.  DE LA REVOLUTION FRANfOISE. IOq» I qu'on allure qu'il avoit fait répandre parmi les membres les plus accrédités de il'aifemblée, 1'engagerent a rendre le Décret fuivant. „II eft libre a tous fran- mmt ie cpis de faire le Commerce avec Supprejfion les Indes orientales, au de la *e "tte du Cap de bonne efpérance (*). Ce Décret fut un triomphe pour les Compagnies des Indes Angloife et Hollandoife, dont des Négotians particuliers ne pouvoient dans aucun cas foutenir la Concurrence (**). Plu- (*) Le rapport qui précedoit ce Décret fut lu par un nommé Hernoux Marchand de Grain de St. Jean de Losne qui n'avoit aucune connoiifance des affaires des Indes, ce travail avoit été préparé par des négocians, et ils choifirent un député ignorant qui voulut bien fe charger de débiter leur ouvrage. (**_) Les progrès du luxe en france , ont mis eet état dans la nécéffité de ne pouvoir fe paffer du Commerce avec les Indes orientales, et il eft certain que la balance de Commerce fait disparoitre une quan-  110 HIST01RE ET ANECDOTES Plufieurs Princes et Souverains d'Al-I lemagne, entre autres le Margrave d'An-ji *cti***& fPach' revê^ue de BamberS>E deflufieurs et la Ville imperiale de Nu-|i Princes VAL remberg adreflerent des Mé-i lemagne. moire s a 1'aflemblée, pour ob-J tenir le payement des fommes confidé-i rables qui leur étoient dües, pour avoir t fourni des fourages a 1'armée franqoifefi pendant la guerre de Sept ans; 1'aflem-I blée qui étoit embaraflee de payer des dettes moins anciennes et peut être plus légitimes, renyoya les mémoires de ces Princes au Comité de liquidation, et jamais qüantité de numéraire, paree que les Indiens l'enfouilfent avec foin. II eft cependant plus avantageux pour la france de négocier directement avec 1'Inde que d'acheter ces marchandifes des Anglois ou des Hollandois, a qui elle ne pourroit fournir aucuns objets en échange; ce commerce donne de 1'activité a la marine, forme des matelots, donne de réflbri , et des lumieres aux riches négocians, et maintient une efpèce de rivalité avec les autres puilfanccs.  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. III mais il n'y eut rien de ftatué fur eet :|öbjet. Lorsque 1'affemblée fupprima la plus "i grande partie des droits féodaux dans Stoute 1'étendue de la france, lelie declara qu'on mdemmie- frofgfétu Iroit a Pamiable les Princes de il'empire poifelfionnés en Alface et en )Lorraine: au lieu de fe réunir et d'in«téreffer en leur faveur, le Corps germainique 1'apathie et 1'infoufiance Générale tqui paroiifoit regner parrai tous les foujjverains de 1'Europe, leur fit négliger ïune occafion légitime d'arrêter dés le ïprincipe les rapines de ralfemblée, pluSfieurs d'entre eux voulurent entrer en [Négotiation, d'autres fe plaignèrent foiIblement, et 1'affemblée ayant connu itout fon afcendant fur les efprits et la ïcrainte générale qu'elle infpiroit, ne leur iaccorda aucun dédomagement. Le Prince de Conti qui s'e- _ . ^ Retour att Itoit éloigné au commencement princt Ae wie la Révolution, revint dans Conti. Ile courant de Mars a Paris, et s'em-  112 HISTOIRE ET ANECDOTES s'empreifa de prèter le Serment civiquej peu auparavant il avoit défiré fe fixerj en allemagne, et avoit mème entame| quelques Négotiations avec le Duc dej Würtemberg, pour qu'il lui céda la jouif-j fance de fon Chateau de Ludwigsburg; fa foibleife et fa verfatihté le firent changer de projet; il a dü fe repentir pluJ lieurs fois de n'avoir pas fuivi un partij diclé par 1'honneur, et qui lui aifuroit, d'ailleurs, fa tranquilité. L'alfemblée Nationale avoit détruit] tous les anciens Corps de Magiftrature, mais comme fon travail fur le nouvel ordre judiciaire n'étoit point achevé, elle avoit engagé les chambres de vacations de plufieurs parlements a continuer leurs fervices. Au comCefation du mencement de 1790, elles cef Service des £'erent presque tOUteS leurs Parlements. r ^ fon&ions, et comme on n'avoit pas encore procédé aux choix des juges qui devoient étre établis dans les dfiférens diftrids qui n'étoient mème pasi encore formés; on remplaqa les anciens Magi-  DE LA REVOLÜTION FRAN£OISE. 113 '1 Magiftrats par des Avocats ou hommes de loi a qui 1'aflemblée accorda un traiatement provifoire de douze livres par ] jour. Les anciens tribunaux en france, fur tout les Parlements étoient en Gé1 néral trés bien compofés, et la juftice s'y rendoit avec autant de dignité que d'impartialité: Cependant Obfirvntious depuis 1'échec qu'avoit efliiyé la {urks C°"rs Magiftrature en 1771. elle avoit Sperdu de fa Confidération, les ancienjnes maifons qui occupoient des charges, | pour ainfi dire héréditaires, fe retirerent, et furent remplacées par des families moins diftinguées; il faut convenir néanmoins que les Parlements dans toutes les circonftances efléntielles fe conduifoient avec noblefle et dignité, et fi 1'eqfprit de Corps les dominoit quelque fois, ils fe réuniifoient toujours lorsqu'il étoit tqueftion d'oppofer une barrière au Défpotisme, et de réclamer les droits du peuliple. Ils avoient préténdu précédement ïrepréfenter les Etats généraux et avoir \ TM. Sett.I. H feuls  114 HISTOIRE ET ANECDÜTES feuls le droit d'enrégiftrer les impotsJ quoique perfonne ne leur eut délégué ce pouvoir. Quelques années avant la RéJ volution ils refuferent de fe préter aux volontés de la Cour et aux plans propos fés par M. de Calonne et 1'archévêque del Touloufe et la Nation leur étoit redea vable, d'avoir, par leur réfiftance, accé-J léré 1'époque de la Convocation des Etatsj généraux. On déclamoit depuis longtems con-j tre la vénalité des charges, mais en Géi néral ces Compagnies apportoient duj fcrupule a 1'admiflion des fujets qui fél préfentoient; les fommes fournies primiJ tivement a 1'état pour la taxe des char-J ges produifoient a peine 1'intérêt de 1'arJ gent, de maniere qu'on pouvoit direj avec vérité que la juftice fe rendoit gra-J tuitement de la part des Magiftrats, etj en*général, on ne pouvoit pas fe plain-j dre avec fondement de la partialité del leurs jugements: des agens fubalternesj quelques Avocats, des Procureurs, des| GrefEers, des Sécrétaires avoient intro^ duit i:  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 115 duit une déprédation a la quelle on pouvoit remédier. II n'étoit pas rare d'entendre des ;plaintes rélatives aux différens degrés de jurisdidlion et fur tout de ce qu'ils étoient trop multipliés > cependant un citoyen :de la derniere clalfe, pour être jugé déifinitivement, ne pouvoit connoitre que trois degrés de Jurisdiótion, la juftice feigneuriale qui fe rendoit aux frais du Seigneur, le Bailliage ou la Sénéchaulfée, let le Parlement. Lorsqu'il éxiftoit des ilmotifs de calfation, dans les arrêts des ^Parlements, pour avoir pêché contre les Kbrmes, (ce qui arrivoit rarement) 1'afifaire etoit portée au grand Confeil qui [hugeoit s-il y avoit lieu a la Caffation ide. 1'arrèt, et dans ce cas 1'affaire etoit «renvoyée a une autre Cour Souveraine ipour être jugée fans appel. Un abus qui exiftoit, étoit „ . , n 1 Droit deuom- |le droit de Committimus, ac- mittimus. icordé a ceux qui éxerqoient ades emplois quelconques, mème le plus Ifubalternes dans la maifon du Roi ou H ij dans  Il6 HISTOIRE ET ANECDOTES dans celle des Princes de la Familie rol yale: au moyen de ce privilege on n<| pouvoit les attaquer en première inftanj ce, qu'a la chambre de requètes du Parj lement de Paris, et ils pouvoient y tr '«1 dis )fdont les charges étoient tres Eauxttf*. [| lucratives: ils réfidoient prés- rtft, | que tous a Paris, et fe con- H v ten-  122 HISTOIRE ET ANECDOTES tentoient de faire des tournees de quelques femaines dans leurs départements; non pour vifiter les forêts, mais pour faire la vente des coupes et des futaies: ils avoient fous leur autorité et infpection plufieurs Officiers défignés fous le nom de maitres - particuliers, garde-marteaux , garde - généraux et Gréffiers. Dans chaque ville confidérable , il y avoit un tribunal défigné fous le nom de Maitrife, qui connoiffoit des Maitrifes commis dans les forèts particuliere!. f et dans les rivieres; en général les Officiers de ces tribunaux n'étoient rien moins qu'intégres, et ils fe permettoient, presque dans tout le Royaume, les plus grandes malverfations; les forêts étoient négligées, les futaies fe coupoient impunément , les taillis étoient rongés par les befHaux: dans presque toute la france il n'éxifte plus de bois de Conftrudion, non feulement pour les vaiffeaux, mais mème pour les batimens, et dans peu d'années on fera ©bligé d'avoir recours aux puiffances du Nord  ! DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 123 INord et aux Hollandois, pour fe procufrer eet objet de première nécéffité: 1'afsfemblée au lieu de s'occuper de régénéirer radminiftration des forêts, a toléré «les anciens abus; le vol et le brigandage !n'ont pas été réprimés et la deftruclion ipresque totale des bois perpétuera longitemps le fouvenir de la Révolution. On a déliberé plufieurs : fois, s'il ne feroit pas plus uti- Reflexient ile de vendre et divifer les fo- ^"1 '■admï~ ntjtratson iel Irêts appellées nationales , que bois. ide les lailfer réunies en gran1 de malfe, fous la direction d'une admi'i niftration éclairée. Je penfe que la fo. lution de cette queftion ne peut fourfrir i, aucune difficulté ; fi on vendoit les fo- i rêts nationales, le nouvel acquereur qui jicraindroit toujours que fa propriété ne I fut pas affurée, et qui chercheroit fur le ii champ a recouvrer fes avances, dégradeI roit les bois, couperoit le tailli et les I futaies fans chercher a attendre que 1'un lét 1'autre fulfent en plein e valeur; s'il §ïe trouvoit un particulier qui reglat fes coupes  124 HISTOIRE ET ANECDOTES coupes avec intelligence et économie, fon voifin et fon fucceffeur ne fuivroient pas les mêmes principes, et on fe verrok contraint de renoncer a des plans fages et bien combinés. Les principes de liberté qui, fuivant les décrets des nouveaux législateurs, doivent s'étendre a la régie de toutes les propriétés, ne tendent pas moins qu'a la deftrudtion totale des forêts, dont 1'explokation devrok être foumife a des lois trés féveres (*). La Conduite de Mr. Ne- Conduite de , j ' 1 ■ r ■ 1 i i JU Necker C^et* "epla'i01t de plus en Pius a 1'affemblée; au lieu de communiquer avec franchife et vérité, tout ce qui avoit rapport aux finances, il cherchoit au contraire a couvrir fes calculs d'un voile myftérieux, il avoit refufé longtemps a remettre le livre rouge, et fa conduite toftueufe dans cette circon- ftance (*) L'ordonnance des eaux et forêts de 1669. eft un chef d'oeuvre dans ce genre , mais malheureufement depuis longtemps on ne la fuivoit plus.  DE LA REVOLUTION FRANC.OISË. 125 .ftance n'annonqoit pas ce Patriotisme dont il fe difoit pénétré; au commence,ment de Mars, il avoit remis un mé. moiré a ralfemblée, oü il propofoit en1 tre autres chofes la création d'un Bureau j de tréforerie, compofé des membres les Iplus éclairés de 1'alfemblée en matiére i de finance et dont il feroit Préfident; le ;vingt cinq Mars le Roi réitéra la mème 1 demande a 1'alfemblée. Les vües du Mi: niftre n'étoient pas équivoques, il vou(iloit, par ce moyen, fe délivrer de toujjte refponfabilité, et faire partager a 1'afiifemblée les reproches d'impéritie qu'il • méritoit perfonnellement. Elle pénétra facilement le Projet de Mr. Necker, d'aili leurs par fes précédents arretés, aucun de fes membres ne pouvant accepter de 1 place ou emploi a la nomination du Roi, l elle décréta qu'il n'y avoit lieu a délibeI rer fur la Propofition de fa Majefté et celle de fon Miniftre. Quelque temps après 1'alfemblée eut un nouveau fujet de mécontentement a ajouter a ceux qui éxiftoient déja contre  I2Ó HISTOIRE ET ANECDOTES tre Mr. Necker: Le comité des penfions, ayant demandé les comptes des précédentes adminiftrations des finances, M. Necker après plufieurs délais, répondit le 13. Avril, que tous les renfeignements a eet égard fe trouveroient chèz M. Dufresne de St. Léon premier Commis du Controle Général, et que les députés du Comité des penfions pouvoient s'y rendre a fix heures du foir; quelques minutes auparavant , il envoya chercher M. Dufresne, et les députés ayant attendu inutilement fe déterminerent a fe rendre chès le Miniftre. Ils fe plaignirent avec humeur de fa Conduite dans cette circonftance: M. Neqker répondit a fon tour qu'on avoit fait imprimer le livre rouge fans 1'agrément du Roi, et il ne communiqua aucuns des papiers qu'on demandoit. Sur le rapport qui fut fait a 1'affemblée de eet événement, elle décreta: „Que le Miniftre des finances feroit „tenü de remettre fans délais tous „les comptes qui lui feroient deman„dés par les différents Comités. Le  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 12? Le Cardinal de Rohan qui „ ' . Retour du s'etoit ablente depuis long- Cardinal de temps revint a 1'aflemblée pour Rohan. ♦ y prêter le ferment civique. Suivant la nouvelle divifion de la france en départements , fon évèché devoit être confervé; il efpéroit, par eet acte de foumiffion, conferver auffi une partie de fon revenu, et favorifer par cette démarche le fuccès d'un mémoire qu'il avoit préfenté, pour que la Nation qui s'emparoit des biens de fes différens bénéfices, fe chargeat du payement de fes dettes. Mais appercevant bientöt que 1'aflemblée cumuloit les iniquités et les injuftices, il fe retira a Etenheim, dans la partie de fon évèché, fituée en Allemagne. Un des Comités le plus occupés, étoit, fans doute, celui des , ^ . Comité de recherches: On comptoit par- Rgchercheu mi fes membres, les plus zèlés patriotes, ils avoient des efpions et des correfpondans dans toutes les parties du Royaume, les projets et les plans les  128 HISTOIRE ET ANECDOTES les plus fecrets que pouvoient former lesi mécontents, leur étoient dévoilés presque aullitót qu'ils étoient conqüs; ce co-| mité, plus terrible que 1'inquiiition, faii foit trembler tous les citoyensj l'azile; de la paix et de 1'innocence n'étoientl pas mème refpeclé par ces démocrates: foupqonneux. Sur la plus abfurde déla-f tion, on vit Charles Lameth, accompa-l gné de plufieurs Compagnies de la Gar-j de Nationale , environner pendant la nuit le Couvent des Annonciades, y fai-j re les perquifitions les plusj Prife des fcandaleufes. L'abbeiTe de cel Anmncia- couvent? jyjde. Baren tin Soeurl du Garde des fqeaux fut obli-| gée d'ouvrir fon appartement, de livrerj fes Correfpondances et après avoir par-| couru toutes les céllules on ne trouval pas les Arittocrates, qu'on prétendoit ëtret recélés en grand nombre dans ce Cou-i vent. La feule vengeance qu'on ait ti-t ré de cette irruption barbare, a été de cé-j lébrer cette expédition de Charles La-j meth dans un petit poëme agéablementl ver-|  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 129 verfifié , intitulé: la prife des AnnonI ciades. Des délations d'uiie Nature plus féI rieufe occupérent le Comité et fervirent I a augmenter parmi le peuple les germes il de méfiance qui éxiftoit déja contre les :j partifans de 1'ancien Gouvernement. Un I nommé Mallbt de Grand-maiIfon, fecrétaire de Mr. le Comte Dêcouverte j de Maillebois, et fon valet de (ffiSty. I chambre vinrent dénoncer que Maillebois. % le Chevalier de Bonne - SavarI din Officier dans la légiou de Maillebois Iau fervice de Hollande, avoit été chargé de porter a Turin a Mr. le Comte d'Artois , un projet de Contre-Révolution rédigé par ce Général et qui avoit été communiqué a fon Secrétaire pour en faire une Copie: Ce plan paroit d'abord Itrop abfurde pour avoir été conqu par iim militaire, qui avoit autant d'efprit et |de connoiffances qüe Mr. le Comte de IjMaillebois; mais quand on réfléchit que jïa paflion nous entraine fouvent a faire «des projets et des démarches qui paroifT. II. Sta, I. I fent  Ï30 HISTOIRE ET ANECDOTES fent de la plus grande inconféquence aux yeux de la faine raifon, on ne peut s'empêcher d'ajouter foi a cette délation. D'après ce plan Mr. le Comte d'Artois devoit déterminer le Roi de Sardaigne a fournir 25 mille hommes et fixMillions en argent, engager 1'Eipagne a cóopérer a ce projet en failant marcher des troupes et en fourniflant huit Millions: on devoit déterminer 1'empereur a adhérer a cette coalition ; il paroit qu'on comptoit pofitivement fur les fecours des Princes poifellionés en Alface qui devoient s'emparer de cette Province. Le Manifefte devoit être rédigé par Mounier ou Lally-Tolendall, conformément aux principes énoncés dans la féance royale du 23 Juin 1789. La première Colonne des troupes du Roi de Sardaigne devoit fe porter fur Lyon oü on fuppofoit qu'on trouveroit beaucoup de partifans défiran la Contre-Révolution: une autre divifion devoit entrer paria flandre, et une troifieme pénétrer par 1'Alface et la Lor raine. Le nombre des troupes étrangé- res  DE LA REVOLUTION FRANqOlSE. 131 | res devoit ëtre augmenté par la quantité \< de mécontens qui éxiftoient dans le Ro; yaume; Les troupes qui gardoient la Ifrontière, devoient non feulement favoirifer leur entree, mais mème fe joindre a elles. Les trois divifions devoient aririver jusqu'au portes de Paris, interCepter les vivres et contraindre cette ville a adopter la forme de Gouvernement qu'il plairoit au Roi de donner au peuple francois. Les troupes devoient désarmer dans leur marche tous les citoyens et =ileur faire prêter ferment de fidélité a fa \jMajefté, et en cas de réfiftance égorger Èlfans pitié tout ce qui chercheroit a s'opipofer a leurs progrès. Tel eft en abregé 1 le projet communiqué par Grand-maifon. I On doit juger d'après eet appercü de la |-facilité de fon éxécution, dans un royaui! me oü tous les efprits favorifoient la réI volution ; ce Secrétaire affura que dés I qu'il avoit eu connoilfance des plans du Jl Comte de Maillebois, il s'étoit détermi1 né a le quitter, et s'étoit en confequen1 ce échappé du Cbateau de Thury apparI ij tenant  1%% HISTOIRE ET ANECDOTES tenant a Mde. de Caffini. Le valet de chambre ajouta que desque le Général, s'étoit apperqu de 1'évafion de fon Secre-ji taire,il s'étoit déterminé a fuir en gagnant: la route des pays bas. M. de Maillebois s'étant échappéj le Comité des recherches donna ordreli d'arreter le Chevalier de Bonne - Savar-j din dans toute 1'étenduë du Royaume et envoya en conféquence fon fignale-| ment aux municipalités de villes les plusj confiderables et aux frontieres. Le Chevalier de Bonne-Sa-jl Bonne. Sa- , . . . . . 0 vardin. vardm etoit origmaire debavoye^| dès qu'il apprit qu'on le pourfui^j voit il fe cacha pendant quelques femai-f nes dans 1'hótel de 1'ambaifadeur de- Sari daigne; ayant voulu fortir du Royaume^i il fut arreté par la Garde Nationale dut Pont-Beauvoiiin, quoi qu'il eut quitté! fa voiture pour paifer par des cheminsj détournés. On trouva dans fon Portei Feuille la relation d'une Converfationl qu'il avoit eüe avec M. de St. Prieft, eö dans le cours de fa correfpondance, onj crut:  DE LA REVOLUTION FRANQOISE. 133 : crut déméler que ce Miniftre étoit indij, qué four le nom de Farcy, mais comme I il n'éxiftoit que des indices contre lui, I 1'aflemblée ne crut pas devoir faire pouri fuivre ou dénoncer ce Miniftre. BonneSj Savardin fut conduit a 1'abbaye, et le I chatelet commencja une procédure conI tre lui. J'ai deja rendu Compte, par antiI cipation , du décret qui fut rendu le 13 Avril, lorsque Dom Gerle propofa a Iraflemblée de reconnoitre que la Relifgion catholique, apoftolique et romaine Iferoit la Religion dominante du Royauime, et fon culte public le feul autojrifé par les lois. Voici le texte littéral de ice Décret captieux, rédigé par Décret refa. 'Mr. le Duc de la Rocheraucolt, " la, Re~ apres les difcuflions les plus nunte. ?yives entre les différents partis. „L'aflemblée Nationale, confidérant iqu'elle n'a et ne peut avoir aucun pouiVoir a éxercer fur les confciences et fur les opinions religieufes que la Majefté I üj de  134 HlSTOIRE ET ANECDOTES de la Religion et le Refpect profond qui p lui eft dü , ne permettent pas qu'elle-; devienne 1'objet d'une déliberation. Con-nj fidérant que 1'attachement de 1'aflemblée b Nationale au culte Catholique apoftoli-j que et romain ne fauroit être mis enf doute, au moment mème oü ce cultett feul va ètre mis par elle a la premierea place dans les dépenfes publiques , etl oü par un mouvement unanime de re-| refpecl, elle a exprimé fes Sentiments,! de la feule maniére qui puifle convenir a la dignité de la Religion et au Caraclère de 1'aflemblée Nationale. „ „ Décréte , qu'elle ne peut ni ne doit délibérer fur la motion propofée, et qu'elle va reprendre 1'ordre du jour concernant les dixmes ecclefiaftiques.,, Députés des Quelques députés des Lu LigueS'GH- gues - Grifes envoyerent, a f"m cette époque, une lettre d'ad- héfion a ralfemblée; ils comparoient leur Gouvernement a celui que la france venoit d'adopter tandis qu'il eft connu que, les  | DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 135 j les Grifons et leurs alliés font la plus 1 part fujets des Cantons Suilfes, qui les j gouvernent defpotiquement par 1'entre|mife des Baillis qu'ils y envoyent; ils | fe plaignoient de ce qu'ayant un Régif ment au fervice de france (celui de SaI lis Marfchlins) le chef difpofoit arbitraiI rement des emplois d'Officiers fupérieurs, |et des Compagnies, fans y nommer des 1 naturels du pays, ils demandoieirt, a I eet égard a jouir des mêmes prérogati- ves que les Cantons fuiifes, qui avoient ides Régimens entiers au fervice de :l france. Quelque - tems après le Général Paöli (*) accompagné Députation ,„r , de Corfe Gé- ;de deux deputes Cories, M. „(ral Paolit ilM. Panatieri et Cafabianca parut a la Barre de Paffemblée; après des déclamations contre le defpotisme fous le quel vivoient les habitans de cette isle, I iv il (*) Le même Paöli eft devenu un ennemi déclarö de la rcpublique francoife, et vient d'être déclaré traitre a la patrie, par la Convention Nationale.  136 HISTOIRE ET ANECDOTES il remercia 1'affemblée de leur avoir renJ du leur liberté et de lui avoir permis dei revoir fes foyers après vingt ans d'exild il prêta le ferment civique , au milieui| des applaudiffements de tous les fpedta-l teurs. Le retour du Général Paöli dans 1 fa patrie occafiona le plus grand enthou-1 fiasme; non feulement on le nomma ii Commandant Général de la Garde Na-I tionale, mais on lui óffrit encore 1'emploi de Préfident du département , et une Penfion de 1 f,000 Livres. II refufa généreufement cette place et Pargent, en- articulant que la liberté de fes concitoyens pouvoit être en danger, fi les pouvoirs adminiftratifs et militaires étoient cumulés dans la mème main, qu'a 1'égard du traitement il ne croyoit pas devoir Paccepter puisque le modique revenu de fes polfeflions fuffifoit a fon exiftence. L'affemblée Eléclorale avoit décreté qu'on lui éleveroit une Statue, mais il refufa auffi cette marqué de diftinction „ Refervez, (dit il), les honneurs que vous voulez me rendre, jusques a Pé- poque  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 137 poque de ma mort, vous jugerez alors plus fainement, fi je m'en fuis rendu digne. Le Marquis de Merle d'Am- Arreflation bert, Colonel du Régiment de AuMarqu.it la Marine , elfuya quelque %Am"lJu temps après une punition trés mornfiante, qu'il s'étoit attiré par fat morgue et fa hauteur; ayant refufé de donner fon nom a la porte de Marfeille , ou le Régiment qu'il commandoit étoit en Garnifon, il infulta la Garde Nationale et la municipalité qui le fit arrèter et conduire en prifon; on rendit Compte de eet événement au Roi et a 1'alfemblée. Sa Majelté approuva la conduite de la municipalité, et ordonna que Mr. D'ambert refteroit en prifon jusqu'a Ce que cette affaire eüt été jugée par les tribunaux. L'affemblée confirma cette décifion. M. de la Luzerne Miniftre de la Marine inftruifit l'affemblée, que le Marquis de Senneville Envoyé ex- Traitéavee traordinaire prés la Régence fa Regmet Iy d'Aleer, d'A^r'  138 HISTOIRE ET ANECDOTES d'Alger, avoit conclu le 29. Mars 1111 traité d'Alliance trés utile au Commerce, Ct qui devoit durer cent ans: pour preuve de la bonne intelligence qui regnoit entre les deux puiilances, le Dey avoit fait remettre en liberté tous les franJ f;ois efclaves et le Marquis de Senneville les avoit ramenes a Toulon. Sur le rapport de M. Malouet 1'afl femblée fixa a la fomme dei Dcpenfe du 47,662,8 f 3 Livres les dépenfes Département de k ^ pourl'année 1790. Elle fe fit rendre compte de 1'état et du nombre des vaiifeaux appartenants a la marine royale, qui éxiftoient dans les ports, du traitement de differens employés, des frais de Conftrudion et d'armement: elle parut fatisfaite de 1'expofé que fit M. Malouet Intendant de la marine a Toulon , qui réuniifoit une grande probité, a beaucoup 3e Connoilfances et d'inftrudion. •■ Y, Un trait de Caradère qui Reponfe de la * Reine aux fait infiniment dhonneur a Ia Commijfaires Reuie et qui mérite d'etre rap- iuCbatelet.  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 139 porti, eft fa réponfe aux Comiifaires du chatelet, qui vinrent la prier de vouloir bien donner fa déclaration fur les événémens arrivés les 5 et 6 Oclbre 1789„Jamais, dit-elle, je ne ferai la délatri„ce des fujets du Roi, j'ai tout vü, j'ai s,tout iu, et j'ai tout oublié.,, Le Roi fit paroitre le 19 Avril une Proclamation, pour Proclatmti- , , r on du Roi engager tous les bons francois rdative mx a favorifer la Circulation de AjjiSnats. 400 millions d'aifignats, dont Palfemblée avoit décrété 1'émiffion, et a les recevoir et donner comme de 1'argent comptant: Sa Majefté fit fentir combien le bonheur de 1'état tennoit a cette confiance réciproque , dont elle donnoit elle mème Pexemple. Cette proclamation ne produifit pas un grand effet, perfonne ne fut tenté d'échanger fon argent contre du papier, dont PHypothéque ne paroilfoit pas trés alfuréé. Une autre Proclamation PrtckmtL addreffee aux habitans de St. hitms ies Do- Colonits.  I40 HISTOIRE ET ANECDOTES Domingue, de la Martinique et des autresl isles francoifes pour les exhorter a la paix et a la Concorde , n'eut pas plus I de fuccès; le décret de ralTemblée Nationale qui 1'accompagnoit renouvella la haine et les prétentions des deux partis, celui des blancs, et celui des gens de couleur, et les troubles y continuerent plus que'jamais. Jtixes des ^ s'éleva a cette époque Gardes Suif. une rixe férieufe a la barrière %nfoidê~s de Mont-martre entre les Gardes Suifles et les chalfeurs foldés de la Garde Nationale de Paris, et il y eut plufieurs tués et blerTés de part et d'autre; cette querelle auroit pü avoir de fuites trés facheufes fans Padtivité de Mr. de la Fayette, qui fit configner la troupe qui étoit fous fon commandement, et fupplia le Roi de donner des ordres aux Officiers fuiffes pour qu'ils continffent leur Soldats. Mr. de la Fayette avoit orGardeNatio. ganifé avec une promptitude *" e ms' fans égale la Garde Nationale de Paris ?  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 141 : Paris , et il éxiftoit environ 40 milles I Gardes Nationales a pied dans cette Catpitale, tous bien vétus et exercés; les ibataillons du centre compofés en grande i partie des anciens Gardes Franqoifes, du i; giiet - a pied et d'une quantité de Soldats qui avoient quitté leurs Régiments , i étoient les feuls foldés et formoient 9600 |hommes; y compris les Compagnies de I chaifeurs foldés. La paye du fimple Soldat, Iétoit de quinze fous par jour: chaque Bataillon avoit des piec.es de Campagne et des Canoniers inftruits , la Garde a. Cheval étoit de mille hommes , payée a raifon de 3 Livres par jour, pour la folde du Cavalier et la nouriture du Cheval; il éxiftoit indépendament de cela un état major trés nombreux, des Chefs de divifion a feize mille Livres d'appointements par an (*), des Majors, des Aides- (*) Le Prince de Salm • Kirbourg ne dédaigna pas d'accepter un de ces emplois, fon motif étoit de fe mettre a 1'abri des pourfuites de fes Créanciers, ce qui lui réullit pendant quelque tems.  142 HISTOIRE ET ANECDOTES Aides-Majors, et fur tout une grande quantité d'Aides de Camp, qui tous avoient des traitements confidérables; la plupart: de ces Officiers, avoient infiniment d'adi-< vité et d'inteiiigence, plufieurs d'entre eux avoient quitté leur Corps , pour caufe de dérangement dans leur fortune, pour dettes, ou pour quelques affaires particulieres. Mr. de la Fayette fut tirer parti de cette circonftance pour les attacher encore davantage a fa perfonne et a leurs foneticus; et par uit effèt combine de leurs foins, de ceux des fous Officiers inftrudteurs, et peutêtre par le zêle et 1'amour propre que les citoyens de Paris y attachoient eux mêmes, au bout de trés peu de tems, la plus grande partie des Bataillons de la Garde Nationale, manöeuvroient auffi bien que ceux des troupes de ligne les mieux exercés. La Dépenfe nécéffaire pour 1'entretien de cette Armée , étoit fupportée par la Commune de Paris; il falloit y ajouter celle des atteliers de charité, les  [ DE LA REVOLUTJON FRANCOISE. 143 :'les frais qu'entrainoit la nouvelle Admijniftration municipale , dont les reiforts étoient auffi nombreux que compliqués, l'illumination de la ville, les réparations jdes ponts et du pavé; tandis que la recette etoit presque nulle. Au bout de quelques mois, il le trouva un déficit confidérable dans la caiife de la ville, on fut obligé de demander du fecours a 1'affemblée Nationale, qui en accorda, dans le principe, pour favorifer les progrès de la Révolution. Le désordre dans 1'Adminiftration des finances de la Capitale ne fit que s'accroitre par le changement perpétuel des Officiers municipaux et de leurs agents , leurs fonöions étoient limitées a un laps de temps trop peu étendu, pour qu'on put en éxiger aucune refponfabilité : d'ailleurs il n'éxiffoit aucune autorité qui eut la force de les y contraindre. Les fortunes , les plus fcandaleufes fe font faites rapidement aux dépens du tréfor public, et la ville de Paris , fe trouve chargée du poids d'une dette immenfe qu'elle  144 HISTOIRK ET ANECDOTES qu'elle ne pourra jamais payer, fans lei fecours des autres parties du Royaume. Je n'éxagére pas en affirmant que la ville de Paris a dépenfé plus de joo Mülions (*), pendant les trois premières: années de la Révolution, fans avoir formé ou encouragé aucuu établiïfement uti-. le, excepté la Confbruction du Pont de Louis XVI (**). L'impéritie des nouveaux Magiftrats s'eft manifeftée a chaque inftant, les fubfiftances ont manqué plufieurs fois, le peuple a été malheureux et perpetuellement agité , mais il peut, a fon gré égorger fes femblables; tel C*) Combien des Souverains du premier Ordre n'ont pas un revenu auffi confidérable pour 1'Adminiftration entiére de leurs états; mais le peuple préfére fans doute la tyrannie et les vexations de fes I femblables au Gouvernement d'un Monar-1 que qui, ufant avec juftice du pouvoit i qui lui eft confié , mettroit un frein a | la licence. (**) Depuis 1'éxécution de ce malheureuxI fouverain, ce Pont s'appelle Pont de la i Révolution.  DE LA RÉVOLUTION FRANf OISE.> I45 tel eft le bien dont il jouit et la liberté ; qu'on lui a procurée, il la regarde, comme une de fes plus douces jouilfances! ijDétournons, pour un inftant, nos yeux ;de ce tableau désaftreux quoique je me itrouve encore forcé de parler bientöt de Jmeurtres et de carnage. Le Roi et la Reine, foit LeRoipar- /r» 1 •, c court les )Pour elfayer de recouvrer laf- fauxhourgu peétion du peuple, ou pour faItisfaire leur penchant naturel a la BienIfaifance, parcouroient fréquemment les jfauxbourgs de Paris , habités par beauIcoup d'ouvriers et de malheureux. Un Bour après avoir vifité les differens atteHiers et les manufadlures du quartier St. lAntoine, le Roi tira de fon porte feuillle plulieurs ailignats pour les diftribuer lau peuple qui environnoit fa voiturej Imais voyant que ces papiers étoient difificiles a divifer entre une quantité d'inIdividus, il les remit dans fa poche, en Idifant: „Mes enfans, ces billets vous „occafioneroient quelque perte et des era„barras pour les convertir en efpéces, XILSe£l.I. K allez  146 HISTOIRE ET ANECDOTES „allez trouver de ma part M. de VilleJ „quier (*), il vous donnera des écus. ,1 Ce trait de bonté de la part du Monacf que occafionna le plus grand enthoufiasè me parmi le peuple , on le reconduifitji jusqu'aux tuileries avec les plus vivea acclamations. Que ce peuple eft boni (obferva le Roi) quand on vient le cherJ cher: (une dame de la cour qui étoitl dans la voiture répondit) „ il eft bien difjj ,,férent quand il vient chercher:,, Ouin (répartit la Reine) c'eft qu'alors il efa mü par des impulfions étrangeres. L'époque de la ConvocaJp Affemhliis , 1 , frimaires. tlon "es allemblees pnmairest deftinées a choifir les électeursl qui devoient nommer les Adminiftrateursi de Département et Diftricts fut le fignaEt de nouveaux troubles dans la plus granJi de partie du Royaume, les émifTairesl des Clubs, qui fe qualifioient amis de laf Conftitution, parcouroient les pro vinces Jk les (*) M. Le Duc de Villequier etoit- alors premier Gentilhorame de la chambre deii Service.  j DE LA RÉVOLUTION FRANCJOISE. 147 les villes et les villages, pour fuggérer au peuple de ne point donner fon fuffrage aux eccléfiaftiques et aux nobles jtoujour prêts a trahir fa caufe. Une des Conditions néceifaire pout avoir voix délibérative étoit, de prèter le ferment civique; beaucoup des particuliers d'un Caradlère paifible, prévoyant bue ces affemblées feroient orageufes, avoient pris la Réfolution de n'y point jparoitre: on les peignit' comme des Réjpelles a la loi, comme de mauvais citojyens, et le peuple armé les contraignit He paroitre aux affemblées; plufieurs Nobnés et quelques prètres, furent maltraités, de la maniere la plus barbare et mêjme il y en eut qui perdirent la vie. Ipeux qui fe déterminerent a paroitre aux faffemblées furent baffoüés , infultés et ;jbhaffés comme des intriguans qui venolient y femer le trouble et la défunionj il ne reftoit donc aucun azyle pour échap;per a la fureur du peuple, de toute part un honnète homme ne voyoit que dangers, opprobre et ignominie. K ij A Vit-  148 HISTOIREET ANECDOTES A Vitteaux, dans le Duj Exces ttMaf- cU de Bourg0gne5 M. FilJ Jacres en ° ° i Bourgogne, jean de St. Colombe fut ma(fa-| cré de la maniere la plus bar-| bare, lors de la réunion de rafTembéei primaire. Mrs- de Ste- Maure, le Vicomte dei Virieu, et le Vicomte de Damas furent I chalfés de l'affemblée de Semur en Au* xois, on leur arracha leurs ordres et del corations , on déchira leurs habits , ett ils durent leur falut a la fuite la plusjl prompte et a la protedion de quelques citoyens, qui leur en faciliterent lea moyens. Le Curé de Maffangi fut égorgéi un autre prëtre fe noya prés de Beauneji en cherchant a éviter fes perfecuteursji Le trouble et 1'éffroi regnoit parmi lestt citoyens ci devant privilégiés dans plu* lieurs provinces. Filvean de Mr' Filz3ean de S* Coj Ste.Coiombc. lombe avoit plus de 76. ansk lorsqu'il fut malfacré; il étoit) üTu d'iuie ancienne familie de robe: il' avoit)  2 DE LA RÉVOLUTION FRANcOISE. 149 avoit été confeiller au Parlement de ïBourgogne, et avoit continué fes foneticus en 1771. lorsque les édits dictés par le Chancelier Maupeou détruifirent 1'ancienne Magittrature ; On Paccufoit ,de faire le Commerce des bleds, et d'è:tre aifocié avec un meunier qui livroit .iau peuple de Dijon des farines de mau:vaife qualité (*). 11 y eut une émente confidérable dans cette ville au mois d'Avril 177$": "fa maifon fut pillée, et il courut les plus grand dangers de peridre la vie: apres ce facheux événement, il s'étoit retiré a Paris, ou il vivoit dans Jl'obfcurité, 1'orsqu'un fort fatal le fit areparoitre a Vitteaux , ou il avoit des iporïëffions: fon age lui donnoit le droit d'ètre fcrutateur , on voulut lui contefter cette qualité, il arracha avec violenice la plume de la main du Secrétaire de l'affemblée, ce fut le fignal de fa mort, plus de cent particuliers fe jettèrent fur ului, prolongerent fon fupplice en lui K iij fai- (*) La vie retirée et crapuleufe qu'il menoit, accréditoit ces foupcons.  150 HISTOIRE ET ANECDOTES faifant fubir tous les tourments que pour-1 roient inventer les Cannibales. Le Vicomte de Voifinsj; Vtcnmte ie ,r' / i i , w „ Voifmu Marechal de Camp, Comman-li dant de 1'école d'Artillerie établie a Valence en Dauphiné fut mafi facré impitoyablement, au commence-ij ment de Mai, par le peuple. II étoitfi tout au plus coupable d'avoir tenu quelJ ques propos indifcrets et contre - révoluJ tionaires, on 1'accufa d'avoir fait mettrejj la ville en état de défenfe, pour la livreE aux mécontens et on fuppofa , qu'aufi moment de fon affaflinat il avoit dans fa poche une lettre de Mr. le Comtel d'Artois, rélative a ce complot: mais ce» fait eft abfolument controuvé et n'a étél répandu que pour fournir un prétexte a eet affaffinat. Les Soldats de fon Corpsf qui auroient dü le protéger, furent les premiers a fe joindre au peuple , onb! croit mème que 1'un d'entre eux lun tira un coup de fufil qui abrégea les fupplices qu'on lui préparoit. Les  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 151 Les Officiers d'Artillerie en Général, ceux du Génie, et presque tous les Canoniers ont été des plus zèlés adherents de la Révolution; cette circonftance paroitra moins extraordinaire , lorsqu'on faura que la plupart d'entr'eux n'etant pas de la clafie de 1'ancienne NoblefTe, avoient une haine originelle contre cette Cafte privilégiée, ils étoint auffi communément plus inftruits et éclairés que le refte des militaires, et fentoient, par confequent plus vivement la néceflité d'une réforme dans le Gouvernement; mais dés que plufieurs deces Officiers eurent reconnu que l'affemblée ne gardoit plus aucune mefure, envahiffoit les propriétés et ne refpe&oit plus la liberté individuelle, ils fe font emprelfés d'abandonner une caufe qu'ils nc pouvoient fervir avec hon1. neur (*). Cependant un grand nombre K iv qui (*) Au mois de Juillet et Aóut 1792. on comptoit plus de 300. Officiers ou éléves d'Artillerie et du Genie parmi lei érnigrés.  153 HISTOIRE ET ANECDOTES qui n'avoient que peu de fortune, ont confervé leurs emplois, et n'ont pas fü 1 faire ce facrifice que didtoit la délicatelfe. A peu prés dans le mème | Rully d' ternes, le Comte de Rully Co- 1 lonel du Régiment du Maine | fut maifacré pendant la nuit dans 1'ap- l partement qu'il occupoit a Baftia en Cor- [ fe; on 1'accufoit d'avoir donné ordre aux I Soldats de fon Régiment de tirer fur le I peuple dans un moment d'infurredion; } il avoit été obligé de fe cacher pour t fe fouftraire a fa fureur , il voulut re- I paroitre quelque temps après, croyant i que tout étoit oublié : mais en Corfe, I les haines et la vengeance fe perpétuent I de génération en génération , et il fut I la victieme de quelques fcélérats, dont f le crime eft refté impuni. Mr. de Rully, étoit originaire dut Duché de Bourgogne, (fon nom étoitil Bernard) fa familie ne jouilfoit d'aucunl crédit èt n'étoit pas trés illuftrée; fa mè-1 re qui avoit infiniment d'ambition, luiu fit époufer MU*. de Blot fille de qualité, I fansn  DE LA RÉVOLUTION FRANqOlSE. 153 i fans fortune, mais qui étoit attachée 4 ) Madame la Ducheife de Chartres; cette alliance lui procura un avancement rapide, il obtint le grade de Colonel en fecond du Régiment de Royal - Rouffillon, fervit dans 1'Inde, et a fon retour fj fut nommé Colonel du Régiment du Maine ; il avoit peu d'efprit et d'inftrudion , et partageoit la légéreté et 1'imprudence de beaucoup de franqois nés dans la mème claife; C'eft peut être ce Caradère qui a provoqué fa fin malheureufe. Le vingt neuf Avril, les citoyens de Marfeille prirent la Réfolution de s'emparer de la citadelle et des autresforts qui protégent cette ville; ils s'introduifirent dans la citadelle, défarmerent le Garnifon, et fommerent enfuite le Commandant du fort St. jean de leur remettre ce pofte. Pour prévenir toute I éffufion de fang; le confeil de guerre af{ femblée, 1'autorifa a permettre aux cii toyens d'en garder la porte. On rét pandit le bruit que le Chevalier de BauG K v fet  154 HISTOIRE ET ANECDOTES fet Commandant avoit opiné pour fe défendre jusqu'a la derniere extrémité; le peuple en fureur fe porta chez lui, le maffacra et porta fa tête dans toutes les rües; la municipalité paroilfoit approuver cette infurredion, puis qu'elle ne prit aucunes mefures pour la réprimer. Le peuple s'empara auffi de la Citadelle de Montpellier mais, hereufement fans répandre de fang. A Nismes, a Touloufe, a Alais et dans d'autres villes des Provinces méridionales, oü la différence de Mafacre Religion maintient toujours des dansles Pro- es de fermentation fl y vtnces men- ° r> ■ r dionales. eut des attaques ferieufes entre les deux partis: plufieurs perfonnes y perdirent la vie, d'autres furent dangéreufement bleffés; les catholiques et les] proteftans s'accusérent réciproquement d'avoir excité ces troubles. La guerre civile fut au moment d'éclater a Montauban d'une maniere plus férieufe; les catholiques , a ce qu'on prétend, excités par une lettre paftorale ' de  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 155 de 1'évêque ; s'oppoferent a ce que la municipalité ne fit 1'inventaire du mobilier des Couvents; la partie de la Garde Nationale proteftante voulut protéger la municipalité; il y eut un combat férieux oü les proteftants fuccombèrent; le Duc de la Force fe mit a la tête des catholiques, pourfuivit et désarma plufieurs Soldats du Régiment de Languedoc, qui cherchoient a rétablir 1'ordre, ils furent trainés a la porte des églifes pour y faire amende honorable et enfuite incarcérés. Un Courier ayant apporté cette nouvelle a Bordeaux, la municipalité fit partir fur le champ quinze cents hommes pour protéger le parti opprimé. Cette troupe étant arrivée a Moiffac aprit que la paix etoit rétablie a Montauban, et que les deux partis paroiffoient être réconciliés, elle fe détermina alors a retourner dans fes foyers. Quelque temps après cette expedition, un prètre irlandois, étant arrivé a Bordeaux, par la voiture publique, fut arrèté par le peuple, comme étant un des auteurs  156 HISTOIRE ET ANECDOTES auteurs des troubles de Montauban, eet ecclefiaftiaftique qui parloit a peine franqois, n'ayant pas répondu aux queftions qu'on lui faifoit, fut regardé comme coupable; on avoit dégagé la fatale lanterne, pour le pendre a fa place, lorsqu'un particulier propofa de le conduire chez le Duc de Duras Commandant de la Garde Nationale; le peuple s'etant calmé un inftant, il propofa de faire interroger ce prètre par les Officiers municipaux, on le transféra a 1'Hotel de ville, ou on découvrit facilement fon innocence , ce qui le fauva du fupplice qu'on lui préparoit. A Toulon le peuple fe porta a des exces le plus répréhenfibles, il s'affembla enfoule, a la porte de 1'arfenal qui étoit fermé, pour délivrer trois matelots qui avoient été mis en prifon par ordre du Commandeur de Glandevès; eet Officier fut obligé de les faire mettre en liberté: bientöt après les féditieux éxigérent des armes et des munitions; cette demande •leur ayant encore été accordée ils arrê- terent  DE LA RÉVOLUTION FRANfJOISE. 157 terent le Commandeur de Glan- Commandevès et fon frere, les mene- de"r Ae rent a 1'Hotel de ville oü ils 'v 9 furent mis en prifon ; le Chevalier de Chaulet jeune Officier de marine, qui étoit a la tête d'un detachement de Troupes de ce Corps fut bleflTé dangéreufement, et auroit fans doute été tué fans le fecours de quelques citoyens qui lui fauverent la vie. Dans d'autres parties du royaume, il y eut également des meurtres et des Affaffinats; ces malheureux événements étoient tellement multipliés, qu'on ne paroiffoit plus y attacher la moindre importance, et que la perte de la vie de beaucoup de citoyens innocens, n'éxcitoit plus ni intérêt, ni pitié. Le peuple franqois devenu féroce répandoit le fang avec un plaifir barbare, et ce fpe&acle paroiffoit lui être devenu nécéffaire. L'efprit de la Révolution franqoife fe répandit bientöt dans la ville d'Avignon et dans le Comtat Jrmhl" * 1 Venailun appertenant au Pape. C« Troubles k  158 HISTOIRE ET ANECDOTES Ce pays avoit été donné au St. Siege par la célébre Jeanne de Naples, et depuis cette époque cette propriété ne lui avoit jamais été conteftée. Lorsque la france avoit a fe plaindre des Papes, elle s'en emparoit, mais elle 1'avoit toujours reftitué peu après. Les habitans de eet heureux climat jouiifoient de toute la profperité poffible et de la douceur d'un bon Gouvernement; ils ne payoient que les impots nécélfaires pour 1'entretien de quelques Soldats et le traitement du vice-légat, et en reconnoiffant 1'autorité du St. Siege, ils jouiifoient de la liberté la plus étendue. La france pour empècher que ce pays ne devint un dépot de contrebande et de commerce interlope, y avoit introduit d'accord avec le Pape, le régime fifcal établi dans le refte du Royaume; mais elle dédommageoit les citoyens du Comtat par une rétribution confidérable qui fe partageoit annuellement avec beaucoup d'équité. Tel étoit Pétat de ce pays qui contient fept villes, plufieurs bourgs et villages confidérables et  S DE LA RÉVOLUTION FRAN£OISE. 159 jet une population d'environ 150. mille james; lorsque des étniifaires de Paifemjblée vinrent y femer le trouble et la divillon. La fermentation devint dangéreufe; |le vice-légat autorifa le 14. Mars la Convocation d'une Affemblée Générale a jAvignon qui devoit défigner cinquante membres chargés de propofer PorgSnifajtion d'une nouvelle municipalité: au lieu de fe borner a rédiger ce plan, on Inomma tumultueufement un Maire et Ides Officiers municipaux conformément (aux principes adoptés en France. Les Snobles et les eccléfiaftiques attachés au Jparti du Pape voulurent contefter la vallidité de cette nomination; le 13. Avril lil y eut'une émente, dont les fuites poufvoient devenir finiftres; le peuple enviilronna la maifon oü demeuroit le Comte iPalamede de Forbin et éxigea qu'on lui Kvr&t Mr. de CoëfHer Officier de la Gar|de de la ville dont les principes lui paöroiffoient fufpeds, Mr. de Forbin pour Iprévenir de plus grands malheurs fortiü de  IÓO HISTOIRE ET ANECDOTES de la maifon , fut enveloppé par les fé-1 ditieux et au moment de perdre la vie,j s'il ne s'étoit défendu avec autant dej courage que de modération: un dome-1 ftique de fon pere le fauva et il fut af-1 fés heureux pour s'échapper de la ville; J le Bailli de Villefranche et plufieurs au- J tres nobles furent également pourfuivis et obligés de prendre la fuite avec pré-1 cipitation. Le 18. Avril la nouvelle municipa-I lité entra en fonétions, les troupes foldées par le Pape et la Garde Nationale fe réunirent fur la place et une foule de citoyens prèterent le ferment d'étre fideles a la patrie et au St. Siege, et de maintenir de tout leur pouvoir les arrêtês des diftrifös et la nouvelle Conftitution. „ , . , Le Pape ayant appris ces Conduite du , , , / , ^ Pape. evenemens desapprouva la Conduite du Vice Légat, caifa et annulla toutes les délibérations prifes par les nouvelles affemblées électorales et la municipalité; il fe détermina a envoyer un de fes Secrétaires M. Céleflini. pour I  DE LA RÉVOLUTION FRANQOISE. IÓI pour fe concerter avec le Vice-Légat et les anciennes autorités conftituées pour rétablir 1'ordre et la pak; Mais le nouveau Confeil de la Commune fit un arrèté, par le quel, fans avoir égard au bref du Pape, on n'admettroit point M. Céleftini, a qui on notifieroit a fon arrivée qu'il eut a s'én retourner fous peine d'ètre traité comme perturbateur du repos public. Le Confeil arrèta auffi d'adopter tous les Décrets de l'affemblée Nationale qui pourroient convenir aux intéréts de la ville et du Comtat. L'affemblée s'occupa pendant plufieurs féances de la difcuffion d'une Qiieftion importante. La Nation doitelle accorder au Roi le droit de déclarer la guerre et de faire la paix ? Les orateurs les plus di- ftingués de 1'affemblée fe firent Drc*t df 1 v . ,. . r, , fMre i« /""'* entendre, apres avoir divife la tt <„ gHerre. guerre en guerre offenfive et >l defenfive et être convenus que le peuple ilfranqois devoit fe borner a garantir fes jpoffeffions de Pinvafion des puiffances TM. Seü.I. L étran-  IÓ2 HISTOIRK ET ANECDOTES étrangeres fans jamais chercher k faire des conquêtes, plufieurs d'entre eux furent d'avis d'accorder ce droit au Roi. Des patriotes furent tres furpris d'entendre le Comte de Mirabeau déclamer avec force pour foutenir cette opinion; il étoit, fans doute, deja d'intelligence avec le gouvernement pour faire paifer des Décrèts qui pulfent faire recouvrer au Roi une partie de fon autorité. Le peuple fe refervant d'accorder les fubfides par 1'organe de fes repréfentans, le droit de déclarer la guerre que réclamoit le Roi ne pouvoit jamais être une prérogative dangéreufe. La Nation Angloife fi jaloufe de fa liberté n'a pas héfité de le conférer a fon Souverain. Le fecret et l'a&ivité que demandent les préparatifs de guerre , éxigent que le pouvoir de difpofer des differens agens, ne foit confié qu'a un chef qui peut réunir prudence dans les préliminaires , célérité dans 1'éxécution: Ces raifons et plufieurs autres auffi prépondérantes ne purent vamcre' la réfiftance qu'oppofa le parti démo» crati-  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 163 cratique, qui reprefentoit, que 1'exerci! ce du droit de déclarer la guerre accorüdé au Roi, ne manqueroit pas de présparer de nouveaux fers a la Nation j que jle confeil du Souverain (malgré la recfponfabilité des miniftres) pourroit être ifacilement corrompu par les puüTances jétrangéres, foit pour engager la guerre jdans des circonftances peu favorables, cfoit pour la terminer par des traités désjavantageux : qu'on n'auroit point a re>douter ces inconvenients d'une aflemblée nombreufe, dont toutes les démarches 1 étoient éclairées , et; qui avoit le plus igrand intérêt a réiïfter au defpotisme. | Enfin apres les plus vifs débats 1'af:femblée rendit le 22, Mai les Décrets jfüivants. Article Ier. L'afTemblée Nationale dé- Décret crete comme Article Conftitutionel ce qui fuit. I • „Le droit de la paix et de la guerre ! „appartient a la Nation , la guerre L ij »n«  164 HISTOIRE ET ANECDOTES „ne pourra être décidée que par un It „Décret du Corps legislatif, qui fera |s „rendu fur la Propofition formelle k „et nécélfaire du Roi, et enfuite re „fanctioné par fa Majefté. Art. II. Le foin de veiller a la fureté exte- U rieure du Royaume, de maintenir fes i droits et fes poifellions eft délégué au | Roi par la Conftitution de 1'état; ainfi | lui feul peut entretenir des Rélations po- L litiques au dehors, conduire les négocia- I tions et choifir les agens, faire des pré- U paratifs de guerre proportionés a ceux des éats voifins, diftribuer les forces de | terre et de mer ainfi qu'il le jugera con-1 venable , et en regler la direcfion en cas de guerre. Art. Dl. Dans le cas d'hoftilités imminentes' ou commencées , d'un allié a foutenir, d'un droit a conferver par la force des;! armes, le pouvoir éxécutif fera tenu d'en I don-.fl  DE LA RÉVOLUTION FRANcOISE. 165 : donner, fans aucun délai la notification | au Corps législatif, d'en faire connoitre | les caufes et les motifs, et fi le Corps I législatif eft. en vacance, il fe rafferaI blera fur le champ. Art. IV. Sur cette notification, fi le Corps t législatif juge que les hoftilités commenI cées foient une aggreffion coupable de S la part des Miniftres, ou de quelque 1 autre agent du pouvoir éxécutif, 1'auteur de cette aggreffion fera pourfuivi comIme criminel de léze Nation, l'affemblée ï Nationale déclarant a eet effet que la | Nation franqoife renonce a 1'efpoir d'en| treprendre aucune guerre , dans la vüe jde faire des conquètes, et qu'elle n'em[jployera jamais fes forces contre la liI berté d'aucun peuple (*). L iij. Art.' (*) Les Jacobins n'ont pas tenu fidellement 1'engagement qu'avoit pris 1'afferablée conftituante.  ï66 H1ST0IRE ET ANECDOTES Art. V. Sur la mème notification, fi le : Corps législatif décide que la guerre ne I doive pas ëtre faite, le pouvoir exécu- 1 tif fera tenu de prendre fur le champ les niefures pour faire celfer ou prévenir I toutes hoftilités, les miniftres dernéurant refponfables des délais. Art. VI. Dans le cas d'une guerre imminente , le Corps législatif prolongera fa Sef- 1 fion dans fes vacances acoutumées et j pourra être fans vacances pendant la' guerre. Art. VII. Toute Déclaration de guerre fera faite en ces termes: „De la part du Roi des frangois., „au Nom de la Nation. Art. VIII. Pendant tout le cours de la guer- I re , le Corps législatif pourra requérir I le pouvoir éxécutif de négocier la paix, I et  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 167 et le pouvoir éxécutif fera tenu de déférer a cette réquifition. Art. IX. A 1'inftant ou la guerre celfera le Corps législatif fixera le délais dans le quel les troupes levées au deifus du pied de paix, devront être congédiées, et i'armée réduite a fon ètat permanent. La folde des troupes ne fera continuée que jusqu'a la méme époque après la quelle, fi les troupes éxcédanc le pied de paix reftoient raffemblées, le Miniftre fera refponfable et pourfuivi comme criminel de léze Nation. Art. X. Au Roi feul appartient le droit de conclure et de figner tous les traités de paix, d'alliance et de commerce avec les puiifances étrangeres , et toutes autres conventions qu'il jugera utiles a 1'état: mais les traités et les conventions ne feront éxécutés qu'après avoir été ratifiés par le Corps législatif. L iv Pen-  IÓ8 HISTOIRE ET ANECDOTES .„ .. , Pendant qu'on difcutoit Molions aux ^ tuilleries et cette importante queftion , et au Palais- en général, lorsque 1'aifemRoyal. s'occupoit de quelque dé- libération eflentielle, le peuple fe rarfembloit en grouppes dans le jardin des tuilleries et du Palais royal, fur tout fur la téralfe des feuillans, d'oü on pouvoit correfpondre avec ceux qui occupoient les galeries de l'affemblée: on étoit inftruit fur le champ de toutes les motions et des mouvemens qui s'y palfoient, et le peuple qui étoit a Pexterieur témoignoit par des applaudiflèmens, des cris et des huées fon fuftrage ou fon improbation; C'eft en vain que le préfident faifoit réclamer du filence , et ordonnoit que des patrouilles de la Garde Nationale fiflent dilfoudre les grouppes; les Soldats étoient obligés de fe retirer ne voulant pas ufer de vioience contre leurs Concitoyens. Chaque Grouppe avoit fon orateur qu'on écoutoit toujours avec attention, lorsqu'il déclamoit contre Panden gouvernement et les autorités cön- ftituées  DE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. 169 ftituées; fi quelque particulier manifeI ftoit une opinion différente de la fienI ne, il etoit maltraité, chaiTé du Groupcj pe quelque fois mème pourfuivi, et plon= gé dans les pieces d'eau pour y recevoir d ce que le peuple appelloit le Baptéme Civique. Le chevalier *a?timt I d'Aymar Chef d'efcadre, qui 1V!que' |-avoit perdu un bras dans 1'Inde, en Ij combattant fous les ordres de Mr. de 5 Suffren, ayant obfervé a un particulier j qui déclamoit avec violence contre le |Roi et la Reine, qu'il devoit en parler javec plus de refped; fut enveloppé par le peuple, et n'ayant aucun moyen de fe déffendre alloit être plongé dans le balfin du palais royal, lorsqu'un citoyen repréfenta qu'il étoit barbare d'abufer de la pofition malheureufe d'un militaire qui avoit fervi 1'état avec autant de diftindion, pour le punir d'avoir manifefté librement fon opinion; il le prit en mème temps fous fa protedion et le reconduifit chez lui avec applaudiflement de la part de tous les fpedateurs. L v Ou  I70 histoire et anecdotes On diftribuoit a la poite de 1'aflem- ■ blée des pamphlets contre les! jnfultesfd- jj^putés dont les opinions n'é- ë Teputés?" toient pas conformes au ca-. price du peuple: 1'Abbé Mau-|j ri, Cazalès, Clermont-Tonnerre, d'Efpré-1 ménil, le Vicomte de Mirabeau et quel-{< ques autres membres du Coté droit (*)[! défignés comme ariftocrates, étoient fré-| quement pourfuivis et infultés par des| bandits apoftés, qui les attendoient a lal fortie des féances; ils furent obligés» de porter des piftolets dans leurs poches ,1 pour repouffer la force par la force: TAb-i bé Mauri le trouvant un foir ferré del trés prés dans la rüe du Dauphin, et en-I tendant de toute part crier a la lanter-1 ne, (*) Les membres de l'affemblée du partl royalifte occupoient les bancs a la droitJ duPréfident; ceux du parti démocratiquei la gauche, et les impartiaux fe placoieni ordinairement fur les gradins du bureai| des fecrétaires, ou autour de la tribun» C'eft cette démarcation qui avoit donn| lieu i la dénomination de membre dW - - Coté droit , et membre du Coté gauche.  DE LA RÉVOLUTION FRANcOISE. 171 t ne , fe retourna avec fang froid le piftolet a la main et dit au peuple „MefI iieurs, quand je ferai a la lanterne, y < verrez vous plus clair? Cette plaifanterie eut le plus grand fuccès, et lui valut quelques femaines de tranquilité. Les boutiques des Librai- .T 'lt j n 1 • 1 / . „ Affemblées .! res du Palais royal étoient auf- cbez les i li fréquemment le théatre des Uirahts. difcuffions les plus opiniatres entre les ;■ differents partis : le rendez-vous des (iDémocrates etoit ordinairement chez le libraire de Senne, ou fe vendoit la feu1 ille villageoife rédigée par 1'exjéfuite Cédrutti. Cette feuille deftinée a inftruire ille peuple des campagnes, contenoit les v, principes les plus dangereux, puisqu'elle lui apprenoit a méprifer toutes les autorités : le libraire Gattey vendoit tous des journaux et pamphlets ariftocratiques, lientr'autres , la feuille intitulée , ASta ïides Apótres, qui contenoit fouvent des Iplaifanteries contres les Opérationsj de ;l'affemblée, fa boutique étoit fréquemiment aifaillie par le peuple et un foir il  172 HISTOIRE ET ANECDOTES il enléva tous les journaux antirévolu-j tionaires et les brula dans les jardinsi du palais royal. Ces événemens qui paroiffent dej peu d'importance , peignent cependant: le Caractère de la Révolution, dont les: principes fe propageoient plus par la for- i ce et la tyrannie que par la perfuafion. A la fin du mois de Mail f'ZT"" les Troubles et ^s émentes fe' • renouvellerent a Paris d'unel maniere éffrayante. Le parti du Duel d'Orléans provoquoit la fédition et cher-| choit a inculper le tribunal du chateletJ foit pour intiraider les juges et les enga-I ger a renoncer a leurs fonclions, foitl pour tacher de fe les rendre favorables: par un elfet de la crainte, et de PaJ fcendant que pouvoit avoir le peuple :| Ce tribunal recherchoit avec adlivité les | ■auteurs et complices des forfaits qui s'é-l toient commis les f. et 6. Odtobre.i On répandit le bruit qu'il négligeoit tou-1 tes les autres affaires, que les crimes 1: reftoient impunis, et que la plupart des s Coiuü  DE LA RÉVOLUTION FRANcOISE. 173 Coupables fortoient triomphants des pri1 fons, et qu'on leur accordoit même fréi quemment des récompenfes pécuniaires. I Ces abfurdes délations faifoient d'autant < plus d'imprelfion fur le peuple que de( puis longtemps on n'avoit vü d'éxecution en vertu de jugement du Chatelet. Le 24. Mai trois filoux dinerent chez un Reftaurateur du palais royal; après le repas, ils volerent des couverts Id'argent et y fubftituerent des couverts de métal; ils fe fauverent promptement et ayant pris un bateau, ils étoient au moment de fe cacher a la rapée, lorsqu'ils furent arrêtés par le peuple qui avoit été averti de cette efcrocquerie : 011 les mena fur le champ chez le Commiifaire de pohce du faux-bourg St. Antoine, qui ordonna qu'on les traduiiit dans les prifons du Chatêlet; pendant qu'on les y conduifoit, on répandit le bruit qu'un des filoux avoit dit „puisque on nous „mene au chatelet, nous fortirons bien»,tót de prifon, et on nous donnera en„core de 1'argent,,. Le%euple en fu- reur  174 HISTOIRE ET ANECDOTES reur ne fe donna pas la peine de Vérifier fi le fait étoit vrai, il fe jetta furn ces malheureux, deux furent pendus,, et la corde, ayant caifé, a la derniere: éxécution, le troifieme fut affommé s| coups de pierres et de batons. Le Lendemain le peuple fe difpofoitl; a continuer a éxercer fon empire ; un! particulier accufé d'avoir volé un fac de: froment fut attaché a la potence, malgré les érforts de la Garde Nationale qui cherchoit a le fauver; Mr. de: Fermeté de ]a fayette accourut fur le; Mr. de la , J ^ . , , Fayette. champ, et ordonna a un del fes aides de camp de couperl: la corde, ce qui fut éxécuté; le peuple! fe jetta fur fa victime et un particulier; ayant crié „pendez, pendez toujours... Mr. de la Fayette le faifit, le conduifitl dans les prifons du chatelet, éxhorta le peuple a porter obeiifance et refpeél a la loi. Ce trait de fermeté et de courage calma 1'éffervefcence de ces ètres féroces qui 1'accompagnerent pendant longtemps1 en criant," Vivt notre Général, vive la Fayette. Pour  DE LA RÉVOLUTION FRANf OISE. 175 j Pour détruire les injuftes foupqons l qu'on avoit cherché a répandre contre I les juges du chatelet, ce tribunal fe dé) termina a envoyer une Dépu■i tation a l'affemblée pour y ex- du chateku \ pofer fa conduite. L'Orateur ; paria avec beaucoup de précifion et de clarté. Après avoir temoigné fa fenfibilité fur les malheureux événemens qui s'étoient paffes, il expofa 1'abfurdité des calomnies répandües contre les juges; tous les jours, dit-il, le nombre des prifonniers s'augmente, il eft aétuellement de prés de 800: les prifons du chatelet peuvent en contenir au plus 400; on a donc été obligé de les divifer et d'en envoyer récemment 260. a 1'hotel de la forqe. Beaucoup d'entreux auroient pü être jugés autrefois par le tribunal de police, et condamnés a être enfermés quelque temps a Bicètre ou dans quelque autre maifon de force; mais les prifons d'état n'éxiftant plus, et les formes i juridiques préfcrites par vos Décrets éxiij geaut que les audiences criminelles foient publir  176 HISTOIRE ET ANECDOTES publiques, et rinftitution des jurés n'a-i yant pas encore lieu, il eft impoilible aur tribunal d'expédier plus de deux affaires' par chaque féance, „tel eft 1'efFet falutai-. re de vos loix, ajouta-t-il, les procédu-ji res criminelles font lentes et obligent lef juge de ne prononcer qu'avec matunté et réfléxion : mais la facilité , qu'a le coupable de fe choifir un défenfeur, let dérobe fouvent a la peine qu'il mérite; il nie conftament fon crime; les témoins,; qui pourroient le convaincre , accoutu-i més a dépofer autre fois en fecret, foitt par un effêt de la crainte d'ètre enten-i dus en public , foit par un mouvementi de pitié, le chargent rarement. Qu'ilï. me foit permis , dit - il, en concluant,ii de citer un exemple de la perplexité ou; fe trouvent les juges: un voleur eft arrèté, et on trouve fur lui 1'effêt, qu'ilï a dérobé; il nie le fait et affure qu'on a gliffé eet objet dans fa poche, ou qu'un inconnu le lui a donné a garder, on ne peut lui oppofer que le témoignage de fon dénonciateur. C'et homme eft fans doutei.  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 177 i doute coupable aux yeux du juge, mais I la loi le déclare innocent, et il eft s abfous. Ce n'eft pas le feul vice qu'on reI connoit dans la* nouvelle procédure iu» I diciaire. ün homme a-t-il commis un n m^Ant o»,0^ fo cilité  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. Igl | cilité et avec grace étoient faites pour entrainer les furfrages, il étoit du comité militaire, et a fait plufieurs rapports jnterelfans pour cette partie. Alexandre Lameth fervoit dans 1'état Major de 1'armée de Mr. de la Fayette, lorsque ce Général, s'appercevant qu'il avoit perdu la confiance de fes Soldats, fe détermina a quitter fon commandement: il fut arrèté en mème temps que Jui, fur le territoire de Liége, par 1'ordre de 1'empereur, avec dix fept Officiers de tout grade, dont la plupart ont été mis en liberté. Ceux qu'on régardoit comme des Chefs de parti, tels que Mr. de la Fayette, de Lameth, la TourMaubourg , et Bureau-de-pufi ont été transférés a la fortreife d'Egra en Bohème. Telle eft la punition que fubiffent actuellement ces révolutionaires, qui ont plongé la france dans 1'abyme de malheurs ouvert par la coupable do- Ictrine qu'ils ont répandue parmi le peuple. Müj n  182 HISTOIRE ET ANECDOTES II éxiftoit un autre frere yfc^0«Z«. appeuéThéodore Lameth, Colonel du Régiment Royal étranger, qui, après avoir été Préiident du Département du Jura a été nommé député a la première législature; il etoit encore plus intriguant que fes freres: en I77Q. il avoit pafte en Amérique avec Mr. D'Eftaing; étant tombé malade pendant la traverfée il fut obligé de refter a bord du vailfeau et ne put fuivre ce Général, lorsqu'il s'empara de la Grenade; quelques jours après Mr. d'Éftaing ayant livré un combat a 1'Amiral Biron on le mit fur 1'état des bleifés, quoique plufieurs Officiers de marine ayent affuré que ce fait étoit abfolument faux: Théodore Lameth profita de cette circonftance pour folliciter des graees avec une apparence de railbn ; fon aclivité a eet égard , étoit extréme, il parcouroit les cercles, les Bureaux, les Antichambres, gémnTant fur fes malheurs imaginaires et fur fa pofition, ce qui le fit furnommer le Capitaine plaintif: la Reine protecirice de  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 18 3 i de fa familie le fit nommer Colonel en I fecond longtemps avant qu'il n'eut at» teint 1'age préfcrit par les réglements, I et y fit ajouter une penfion de 5000. I Livres, on croit qu'il s'eft auffi réfugié I en Angleterre. I Dés que 1'Article du livre rouge t qui concernoit Féducation de M. M. de I Lameth fut divulgué, ils s'emprefférent, ( de monter a la tribune et de s'engager 1 a verfer dans le ttéfor public la fomme | que leur familie avoit reqüe: cette ap{parence de générofité ne féduifit pas 1 mème leurs adhérents, et n'éffaca pas 1 1'ingratitude, dont ils s'etoient rendus I coupables , vice inhérent au CaraétèI re des Courtifans. Quoiqu'on eut fait frapper beauI coup d'argent dans les différents Hotels ; des monnoies fur tout a Pa- f , . . ,.P • rr* • Rarete au I ris, le numeraire dilparoüioit, Numéraire. i et deja les affignats s'échanj geoient avec perte; ce papier n'infpiroit l aucune confiance , les riches cachoient > leur or, les négocians reftreignoient leurs M iv fpécu-  184 HISTOIRE ET ANECDOTES fpéculations, et la misère fe faifoit fentir de plus en plus. Le peuple au lieu d'en découvrir la caufe dans les abfurdes opérations de l'affemblée, par une fuite des plus perfides fuggeftions, 1'attribuoit aux manoeuvres et aux intrigues de ceux qu'il appelloit Arijiocrates; et fa Haine contre les ordres cy devant privilegies augmentoit tous les jours. %i . . Mr. Necker qui s'apper- Memoire de ^ rr Mr.Neckey. " les catholiques; les proteftans avoient intérelfé le Régiment de Guienne au fuccès de leur caufe , ils infultèrent plufieurs fois les catholiques; le 13. Juin les uns et les autres prirent les armes , et s'attaquerent réciproquement dans les rües, oü il y eut plufieurs combats fanglants. Les proteftants contraignirent la municipalité a proclamer la loi martiale et a déployer le drapeau rouge; les catholiques, pendant cet inT.ILSeÜ.I. P ter-  2 2Ó HISTOIRE ET ANECDÜTES tervalle , s'etoient retranchés dans une tour adjacente aux murs de la ville; on vint les lommer de fe rendre, mais ils firent un feu bien dirigé et une fortie heureufe, tuerent plufieurs de leurs adverfaires et des Soldats du Régiment de Guienne , enleverent le Drapeau rouge et les forcèrent a la retraite. Le 1'endemain 1'attaque de la tour recommenqa avec plus d'acharnement, et comme on avoit amené du Canon, les catholiques furent obligés de céder et peu d'entr'eux échapérent a la rage des proteftants; on les pourfuivit de rüe et rüe, de maifon en maifon; un grand nombre d'entr'eux s'étoit réfugiés dans le couvent des capucins hors de la ville, d'ou ils tirerent fur la Garde Nationale , cette troupe en fureur, enfonqa les portes, maifacra les catholiques armés et mème tous les religieux; c'eft en vain que ces malheureux chercherent un azile au pied des autels, ils furent égorgés fans pitié dans le Sanctuaire , qui fut profaiié et couvert du fang des Miniftres du culte: on croit que dans  DE LA RÉVOLUTION FRANqOlSE. 227 dans 1'enceinte du couvent feul , il pe* rit plus de 270. perfonnes. Telle fut l'issüe de cette guerre civile, produite par les principes de la révolution, et envenimée par la différence des opinions religieufes. L'éfprit de liberté et d'indépendance que les principes diétés par 1'aiiemblée avoient répandu dans toutes les claf- I fes , s'introduifit promptement dans le Imilitaire; bientót les liens de la difcipline et de la fubordi- r ttiile Jran- I nation fe relacherent, les Of- goife. jficiers qui ne peuvent avoir jd'empire fur le Soldats que par la confi-* Idération qu'ils lui infpirent, fe trouveIrent fans force et fans moyens, pour le I faire rentrer dans le devoir. Le dangeireux axiome de i'égalité de tous les homI mes fe préfentoit fans ceffe a 1'efprit desIfubordonnés ; fatigués de l'obéilfance, I ils voulurent commander a leur tour. |La force et les moyens d'éxécution fe Itrouvoient entre leurs mains, et ils en luferent fans ménagement. Des Chefs P ij de  22 8 HISTOIRE ET ANECDOTES de corps furent affaffinés, chaffés ou arrëtés par leurs inferieurs ; les membres du Confeil d'Adminiftration de plufieurs Régiments, menacés de perdre la vie, furent obligés de livrer aux Soldats les fonds, appartenants au corps; cette condefcendance ne les fatisfit pas ; bientót ils réglerent eux mèmes les jours d'exercice qui leur convenoient et les heures des appels, ils s'emparerent des drapeaux, des étendarts, de la caiife militaire et en confiérent la garde a ceux qui approuvoient ou favorifoient leur infurredion. Tel eft le tableau fuccinct de 1'état de 1'armée francoife au commencement de 1790. Le Miniftre de la guerre en fit part a 1'aifemblée en y joignant quelques Réfledtions ; Mr. De la tour-du-pin étoit un citoyen vertueux pénétré des meilleures intentions, mais il manquoit de cette énergie nécéffaire pour réprimer dans le principe une indifcipline auffi dangéreufe. 11 vouloit ramener les efprits par Pempire de la raifon, lorsqu'il falloit les frapper par la  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 229 la terreur, et jamais il n eut le courage d'ordonner qu'on fit des exemples qui puffent réprimer la fédition. D'ailleurs tous fes plans et toutes fes mefures étoient contrariées par 1'aifemblée qui avoit intérèt a s'attacher 1'armée, et a faire expulfer de fon fein tous les Officiers qui n'adoptoient pas ouvertement les maximes de la Révolution (*), P iij Cepen- Pour qu'une Armée foit bien organifée et fufceptible d'éxécuter de grandes entreprifes, il eft nécélTaire que le Soldat foit un être paffif, et que fon obéiffance et fa confiance envers fes Chefs foit fans bornes. Mais quand, pour défendre un empire on aura, (ce qui éxifte acluellement en france) un aflemblage de bavards et de raifoneurs, dont le ~ dernier individu croit être 1'égal de celui qui le commande, et penfe avoir plus de talens que fon Général, on peut prédire que cet état militaire tend a fa diffolution, que tous fes projets échoueront, auflitöt qu'ils feront co neus, et que le malheur et les Revers 1'accompagneront par tout.  C30 HISTOIRE ET ANECDOTES Cependant le Miniftre engagea S. M. a nommer des infpecteurs jnfpühurs extra0rdinaires chargés d'enten««im. dre les réclamations des Soldats et les plaintes qu'ils pouvoient former rélativement a 1'adminiftration et a la difcipline; ils étoient autorifés a leur faire rendre juftice fur le champ , a recfifier les abus s'il en éxiftoit, et a vérifier tout ce qui avoit rapport a la comptabilité des dirferens Régiments. Les tournées que ftrent ces Officiers ne fatisfirent point les Soldats qui croyoient toujours qu'on les trompoit, lorsqu'on ne leur accordoit pas d'une maniére illimitée toute 1'étendue de leurs prétentions. On croit devoir citer deux exemples de 1'excès d'indifcipline et d'infubordination qui regnoit alors dans farmée franqoife. Les Dragons du Régiment Dragons d'Aneoulème en Quartier aEpinal, fe préfenterent a la porte de la Salie du Confeil d'admimftra- tion,  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 231 tion , remirent a leurs Chefs un mémoire contenant vingt fix objets de plaintes ou Réclamations, et éxigerent fur le champ qu'ils y repondiffent; les membres du Confeil , s'y étant refufés, ils les retinrent aux arrèts, s'emparerent de la caiffe et des régiftres et députerent quatre Dragons pour porter leur mémoire et faire part de leur conduite a Mr. de Noue Commandant alors a Nancy et en Lorraine. Cet Officier Général fit désarmer ces rébelles et les fit conduire en prifon. Mais ayant appris que tout le Régiment fe préparoit a marcher pour les délivrer , et les difpofitions de la Garnifon de Nancy étant a cette époque deja trés équivoques, il les fit mettre en liberté. A leur retour les Dragons fe partagerent la plus grande partie des fonds de la caiffe qu'ils prétendoient leur appartenir, réglerent a leur gré les heures des appels et du fervice: ils envoyerent enfuite Copie de leur mémoire a tous les Régiments des troupes a Cheval en les exhortant a imiter leur exem-* P iv ple.  2 33 HISTOIRE ET ANECDOTES ple. (On ne doit cependant pas difilmuler que parmi les vingt fix Chefs de plainte qu'ils formoient, il y avoit quelques réclamations fondées) mais la maniere de fe rendre juftice , étoit jusqu'alors inconnue parmi le Militaire franqois. A Aix, les Régiments de h^Aix^""* R°yal- la Marine et de Vexia ayant eu quelques querelles rélatives a la diiférence d'opinion, fe déterminerent a prendre les armes et a marcher 1'un contre 1'autre ; ils étoient rangés en Bataille et prèts a faire feu, lorsque le Maire parut; fes Confeils, fes prieres furent d'abord inutiles; voyant enfin que la fureur des Soldats étoit prète a éclater, il fe jetta au milieu des combattans et découvrant fa poitrine, "Bar„bares, dit-il, puisque vous n'écoutés „pas la voix de la raifon, que je fois vo,,tre première viclime, je n'aurai pas la „douleur d'ètre témoin des foriaits aux „quels vous aftés vous livrer." Ce trait de bravoure et de fenfibilité désarma les Sol-  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 233 Soldats, il quitterent leur rangs, s'embraflerent réciproquement et ratnenerent le Maire en triomphe a 1'hotel de ville. La municipalité délibéra qu'on perpétueroit le fouvenir de cet ade d'héroisme, en lui élevant un monument, dans la Salie oü fe tenoient fes Séances. Les partifans de Panden Régime, dont la fortune ou les jouiffances fe trouvoient attaquées par les décrets de l'affemblée , cher- n„„Bn„i, » occajtones a choient, par toute forte de Ferpgnan moyens, a entraver fes opéra- far le , , . coatte de tions, et a operer ce qu ils ap- jijirabeau. pelloient la Contre-Révolution, qu'ils régardoient dèja comme affurée. Leur aveuglement, a cet égard etoit extréme, ils prétendoient diriger a leur gré (et pour leur intérèt) 1'opinion et les bras de dix ou douze millions de citoyens. Leur indifcretion n'étoit pas moindre que leur confiance , les Officiers généraux et les Colonels, annonqoient hautement que 1'armée leur étoit dévouée, les évèques que les diocèfes P v entiers  2 34 HISTOIRE ET ANECDOTES entiers fe leveroient a leurs voix, ou k la leclure d'un mandement ou d'une lettre paftorale. Les fermiers généraux comptoient ouvertement le nombre des commis de barrières et des aides, des gardes de fel et de tabac fupprimés, qui devoient avoir en horreur la liberté du commerce. L'ancienne magiftrature faifoit le dénombrement des avocats, des procureurs, des greffiers et des huiffiers qui formoient autre fois fon cortège. Tous ces mécontents devoient fe réunir au premier Signal, égorger ou arrêter les patriotes, rétablir le defpotisme et chacun de ces fpéculateurs chimériques calculoit déja, le dégré d'élevation ou il voudroit fe placer. Quoique plufieurs tentatives partielles euffent deja échoué , il etoit impoffible de leur défiller les yeux. Le vicomte de Mirabeau député a 1'alfemblée Nationale fournit , a cette époque, un nouvel exemple de la démence de ceux qu'on défignoit fous le nom d'Ariftocrates. Le Régiment de Tourraine dont il étoit colonel  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 235 lonel fe trouvoit a Perpignan; il crut pouvoir profiter de cette circonftance pour s'emparer de la ville et en appellant les efpagnols a fon fecours, y commencer la Contrerévolution. II fut loger a fon arrivée chez le marquis D'aguilar ancien militaire et Maire de la ville qui certainement n'avoit aucune connoiifance de ce projet extravaguant. Le vicomte de Mirabeau fit aifembler fon Régiment, harangua les Soldats et fur tout les Grenadiers fur lesquels il comptoit particuliérement, et en fit arrèter deux, dont les fentiments patriotiques s'etoient ouvertement manifeftés ; il fit auffi affembler les Officiers dont plufiers n'avoient aucune confidération pour lui, il apperqut infiniment de tiédeur et de méfiance dans toutes les claffes. Les citoyens murmuroient hautement contre lui, et 1'accufoient de chercher a femer le trouble dans une ville ou regnoit auparavant la meilleure intelligence. On paria mème de 1'arrêter. Pour prévenir ce projet,  2 3Ó HISTOIRE ET ANECDOTES projet, qui auroit été probablement éxécuté , il partit emportant les cravattes des drapeaux de fon Régiment. Les Grenadiers inftruits de fon départ vinrent reprendre les drapeaux ; les ayant trouvé dépouillés de Cravattes (*) la fiireur des Soldats devint extréme et fe porta fur le Marquis d'Aguilar, qu'ils fuppofoient complice de leur Colonel; ce vieillard refpeclable fut arraché de chez lui, trainé en prifon , maltraité et au moment de perdre la vie. C'eft. en vain que la municipalité réclama contre cet attentat : elle envoya promptement un Courier a l'affemblée pour 1'inftruire de cet événement, et un autre Courier dépêché fur la route du Vicomte de Mirabeau le fit arrèter le 13. Juin a vingt lieues de Perpignan. Sa qualité de (*) On appelle Cravattes, un morceau de taffetas blanc , qui flotte au tour de la lance des drapeaux ou des étendarts. Les colonels fe chargeoient ordinairement de renouveller cette étoffe. Les drapeaux et étendarts étoient fournis par le Roi.  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 237 de député le rendoit inviolable , il ne pouvoit être arrèté légalement, fans un décret de l'affemblée; elle ordonna en conféquence qu'il feroit mis en liberté et viendroit rendre compte de fa conduite : elle prononca auffi que Mr. D'Aguilar fortiroit fur le champ de prifon. Le Vicomte de Mirabeau qui dans le fait n'étoit convaincu que d'avoir tenu des propos inconfidérés, prétendit qu'il avoit le droit d'enlever les Cravattes des drapeaux de fon Régiment , puisqu'elles font fournies par le Colonel. C'eft ainfi que fe termina cette affaire qui fit beaucoup de fenfation dans le royaume, quoi. qu'elle n'eut eü aucunes fuites facheufes. Elle donna au peuple une nouvelle preuve de 1'attachement de la majorité des citoyens a 1'efprit de la Révolution, et de 1'inconféquence et de la foibleffe des projets et des reffources de fes antagoniftes. La Majorité de l'affemblée Députation , du Comité defiroit depuis longtemps la d(s Etrun_ deftrudion de la Nobleffe hé- gen. rédi-  238 HISTOIRE ET ANECDOTES réditaire ; pour parvenir plus furement a fon but, elle eut recours a une de ces fcènes pompeufes, qui en avilüfant fes délibérations aux yeux des obfervateurs éclairés faifoient une grande impreflion fur 1'efprit du peuple par le prettige et 1'illufion qui les accompagnoient. Un avanturier né dans le Duché de Cleves et qui fe défignoit fous le nom de Cloots(*). Du Val de grace, Baron pruflien, parut a la Barre de 1'aifemblée a la féance du foir iq. Juin, il y prononqa un difcours en qualité de Député du Comité des étrangers ; il étoit accompagné par des envoyés de toutes les Nations, des Arabes, des Caldéens , des Pruiliens, des Polonois, des Anglois, des Ruifes, des Allemands , des Suédois, des Hollandois , des Italiens , des Efpagnols, des Américains, des Indiens, des Turcs, des Syriens , des Brabanqons, des Lié- geois, (*) Ce mème Cloots eft aéhiellement député a la Convention, il a pris le Surnom d'Anacharfis, au lieu du Sobriquet de Baron qu'il portoit précédemment.  DE LA RÉVOLUTION FRANCHISE. 239 geois , des Avignonois , des Genevois, des Sardes , des Grifons, des Siciliens; tous ces prétendus étrangers dans le coitume de leur pays, formoient fon Cortège. Mais la plupart d'entr'eux étoient des gens de la lie du peuple qu'on avoit loué pour jouer cette ridicule comedie et ils avoient pris leur nom, leur qualité et leurs vétements dans les Magafins de 1'opera (*). Cel! a la tête de cette (*) Mr. le Duc deLiancourt, premier chambellan du Roi et qui avoit été comblé de marqués de faveurs de ce Souverain, 1'avoit abandonné lachement pour fe mettre a la tête du parti démocratique; il étoit un de ceux , qui avoient ordonné et dirigé les apprêts de la députation conduite par Cloots; le lendemain, un porte faix- trompé par la reffemblance du nom fe fit annoncer chez M. le Comte de Biencourt Député a 1'aflemblée, et lui demanda 36 Livres qu'il lui avoit promis. M. de Biencourt, trés furpris, lui demanda 1'origine de cette dette. „Vous le favez bien , Monfieur, (répondit le porte faix,)" c'eft moi qui ai  240 H1ST0IRE ET ANECDOTES cette députation que Cloots prononqa le difcours fuivant. , Meffieurs. Difcours du Le faifceau impofant de Baron cloots lgs drapeaux de 1'empire du Val de . r , , Grace. iranqois, qui vont le deployer le 14. Juillet dans le champ de Mars, dans ces mëmes lieux oü Julien foula tous les préjugés, ou CharlesMagne s'environna de toutes les vertus; cette folemnité civique ne fera pas feulement la fète des franqois , mais encore la fète du genre humain. La trompette qui fonna la réfurrecfion du grand peuple , a retenti aux quatre coins du monde, et les chants d'allegreife d'un choeur ai fait le Turc, a la féance d'hier. „Mr. de Biencourt lui fit quelques autres queftions qui lui dévoilerent tous les détails de la fcène honteufe qu'on avoit jouée la veille, et lui en fit connoitre les auteurs. II les démasqua publiquement a 1'aflemblée, mais leur impudeur étoit extréme , ils fe glorifierent de ce dont ils auroient du rougir.  DE LA RÉVOLUTION FRANcOISE. 241 choeur de 2f ,000,000 d'hommes libres, ont réveille des peuples enfevelis dans un long efclavage. La fageffe de vos décrets, Meffieurs, 1'union des enfans de la france, ce tableau raviflant donne des foucis amers aux defpotes, et de juftes efpérances aux Nations aflervies. A nous auffi, il eft venu une grande penfée, et oferions nous dire qu'elle féra le complément de la grande journée Nationale. Une foule d'étrangers de toute les contrées de la terre demandent a fe ranger au milieu du champ de Mars , et le bonnet de la liberté qu'ils éléveront avec transport, fera le gage de la délivrance de leurs malheureux concitoyens. Les triomphateurs de Rome fe plaifoient a trainer les peuples vaincus a leurs chars , et vous, Meffieurs, par le plus honorable des Contraftes, vous verrès dans votre Cortége des hommes libres, dont la patrie eft dans les fers, dont la patrie fera libre un jour par 1'influence de votre courage inébran- lable et de vos loix philofophiques. Nos T. JI, Sta, I. O. voeux  542 HISTOIRE ET ANECDOTES voeux et nos hommages feront des Hens, qui nous attacheront a vos chars de triomphe. Jamais ambaifade ne fut plus facrée; nos lettres de Créance ne font pas tracées fur le parchemin , mais notre miffion eft gravée en chiffres inéffacables dans le coeur de tous les hommes , et, grace aux auteurs de la Déclaration des droits, ces chiffres ne feront plus inintelligibles aux tyrans. Vous avez reconnu, authentiquement, Meffieurs , que la Souveraineté réfide dans le peuple, et le peuple eft partout fous le joug de dicfateurs qui fe difent Souverains, en dépit de vos principes. On ufurpe la diclature, mais la Souveraineté eft inviolable, et les ambalfadeurs des tyranns ne pourroient trouver votre fète augufte, comme la plupart d'entre nous dont la miifion eft avouée tacitement par nos compatriotes, par des fouverains opprimés. Quelle leqon pour les Defpotes? Quelle confolation pour les peuples in-  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 243 fortunés, quand nous leur apprendront que la première Nation de l'Europe, en raffemblant fes bannieres, nous a donné le fignal du bonlieur de la france et des deux mondes! Nous attendons , Meffieurs, dans un refpectueux filence , le Réfultat de vos délibérations fur la pétition que nous diéte l'enthoufiasme de la liberté univerfelle. Ce difcours prononcé par M. Cloots du Val de grace étoit figné de 35 Commiffaires , de M. M. du Comité des étrangers de toutes les Nations. Réponfe du Préfdent. Meffieurs. «Vous venez prouver aujourd- R(fonfi 4a hni a 1'univers entier que les Prcfiient. progrès que fait Une Nation dans la philofophie et dans la connoiffance des droits de l'homme, appartiennent également a toutes les autres Nations. II eft dans les faftes du monde Q_ij des  244 HISTOIRE ET ANECDOTES des époques qui influent fur le bonheur ou le malheur de toutes les parties du globe, et la france ofe aujourdhui fe fiatter que Pexemple qu'elle vient de donner, fera fuivi par les peuples, qui, fachant apprécier la liberté, apprendront aux monarques que leur véritable grandeur confitte a commander a des homnies libres, et a faire éxécuter les loix, et qu'ils ne peuvent être heureux qu'en faifant le bonheur de ceux qui les ont choifis pour les gouverner. Oui Meffieurs, la france s'honnorera en vous admettant a la fète civique dont l'affemblée Nationale vient d'ordonner les préparatifs; mais pour prix de ce bienfait, elle fe croit en droit d'éxiger de vous un témoignage éclatant de reconuoiffanee. Après 1'auguffe cérémonie, retour- nez dans les lieux qui vous ont vu nai- tre: dites a vos Monarques, dites a vos adminiftrateurs, quelque noms qu'ils puiffent porter, que s'ils font jaloux de faire paffer leur mémoire a la pofterité la  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 245 la plus reculée, dites leurs, qu'ils n'ont qu'a fuivre 1'éxemple de Louis XVI. le réftaurateur de la liberté franqoife. La Nation vous invite d'affifter a la féance. Un Arabe , de la fuite de Cloots, prononqa enfuite un difcours , oü il éxprimoit Fadmiration de fes Compatriotes, pour les fublimes travaux de 1'alfemblée, ,et leur attacheraent a la nouvelle Conftitution. Le Préfident répondit: „L'Arabie a donné autrefois k L'Europe des leqons de philofophje, 1'Arabie a confèrvé le dépot des fciences abftraites, et a communiqué a 1'univers les premiers élémens des mathématiques , la france voulant acquiter la dette de 1'Europe , lui donne aétuellement des leqons de liberté , elle vous invite a les ré* pandre dans votre patrie.,, Le difcours de Cloots et lat réponfe du Préfident contenoierK; un appel Q.iij a tou*  246 HÏSTOIRE ET ANECDOTES a toutes les Nations pour fe fouftraire k 1'autorité de leurs fouverains ; on pouvoit mème regarder ces productions comme une déclaration de guerre, puis qu'ils invitoient les peuples a fe fouftraire a toute domination ou autorité légitiment établie. La pétition des étrangers fut accordée. et accompagnée des plus vifs applaudüfemens des membres de 1'auemblée et des fpe&ateurs. Bientöt après un vertige . général s'empara de toutes les tëtes. On propofa d'abord d'abbatre les efclaves enchainés et d'enlever les bas reliëfs qui environnoient la Statue de Louis XIV. a la place des Vidtoires, pour qu'un peuple libre ne put entrevoir aucunes traces de la fervitude. Cette propofition fut decretée (*). Alexandre Lameth y ajouta (*) La Statue de la place des Vi&oires avoit été érigée aux dépens du fecond Maréchal de la Feuillade; 1'éreéüon de ce monument, et les embelljffemens de 0 la  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 247 ajouta qu'il falloit abbatre la Statue de ce Monarque qui avoit ofé traiter le genre humain avec opprobre, et la remplaeer par celle de Louis XVI. reftaurateur de la liberté. L'avocat Lambel (*) propofa de fupQ_ iv primer la place lui avoient couté deux millions. Mr. d'Aubuffon defcendant de cette maifon écrivit a l'affemblée pour réclamer les efclaves et les bas reliëfs comme fa propriété: cette demande tres jufte ne fut point accordée. Les bas reliëfs furent transportés a 1'Hötel de ville de Paris et les Statues reprefcntant les efclaves furent brifées. (*) Lambel avoit été Généalogifte, et fon nom eft un figne héraldique, que la branche d'Orléans portoit dans fon écuffon, pour être diftinguée de la familie royale * qui portoit 1'écu de france en plein. II parut plaifant que Lambel jadis Généalogifte propofa la dc'ftruétion de la Nobleffe, cette circon- ^ ^ ftance fournit matieré è des fa quolibets de la part des Nob- ^gure da les; c'eft la feule vengeance LamUU qu'ils éxercérent contre l'avocat Lambel.  248 HISTOIRE ET ANECDOTES primer non feulement toutes les infcripJ tions et tous les attributs allégoriques, ou héraldiques, qui environnöient les ftatues et autres monuments, mais encore la Noblefle héréditaire , et tous les titres diftinctifs de quelque nature qu'ils fuffènt. M. M. de la Fayette, Charles Lameth et autres membres du parti démocratique appuyerent cette motion , en ajoutant quelle étoit une conféquence des principes de la conftitution et que quiconque oferoit s'y oppofer devroit en ëtre reconnu comme 1'ennemi le plus déclaré. C'eft en vain que quelques membres du coté droit chercherent a fufpendre la déftrudtion de la Noblefle en s'étayant d'un décret qui défendoit de traiter aucune queftion conftitutionelle dans les féances du foir: d'autres voyant que 1'effervefcence des elprits étoit portée a fon comble propoferent d'ajourner la queftion, tous leurs eftorts furent inutiles. Cette  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 249 Cette Séance avoit beaucoup de rapport avec celle du 4. Aóut, chaque membre de 1'aflemblée cherchoit a étendre les idéés du préopinant en propofant de nouveaux facrifices , a la difference presque le 4. Aóut on faifoit des facrifices réels, et que ceux du 19. Juillet pouvoient ètre regardés comme chimériques. Mr. de St. Fargeau fit la motion de ne porter dorénavant d'autre nom que celui de fa familie, en ajoutant qu'il figneroit fur le champ fur le procés verbal, Louis Michel Le Pelletieri(*). Le vicomte de Noailles iflu Q_v d'une (*) Le Pelletier de St. Fargeau étoit d'une ancienne familie de robe, il avoit été Avocat du Roi au chatelet, et quoique tres jeune avoit obtenu enfuite 1'agrément d'excercer 1'emploi de Préfident a mortier, au Parlement de Paris, que pofiedoit fon pere: on le regardoit comme un bon Magiftrat, il avoit de 1'efprit et une figure douce et intérelfante; il jouiffoit d'une immenfe fortune , le défir de la conferver ou de 1'augmenter en achetant des biens nationaux, 1'engagea fans doute  2 50 HIStOIRE ET ANECDOTES d'une familie généralement connüe par fa hauteur et fa vanité, fit la motion de fupprimer tous les titres d'Altelfe, Excellence, de Comte, de Marquis; cette motion fut appuiée par Lanjuinais. Mr. de Sillery demanda qu'on fupprimat la dévife infolente qui fe trouvoit fur les canons. Ultima Ratio Regum (*). Enfin après doute a être du parti démocratique; il fit nommé membre de la Convention Nationale en 1792. et opina pour la mort du Roi en 1793. Quelques jours après il fut afiafliné au Palais royal par un ancien Garde du Corps nommé Paris. (*) Mr. de Sillery, en faifant cette propofition, prouva qu'il avoit aufii peu de connoilfances de ce qui concernoit 1'Artillerie, qu'il en avoit montré en évolutions navales , a 1'affaire d'Ouefiant, ou il étoit le Confeil du Duc de Chartres. Depuis 1763. époque oiiMonfieur de Gribeauval fit adopter la refonte de toutes les anciennes pieces d'Artillerie, il n'éxifte aucune infcription , devife ou attributs héraldiques fur les pieces: on grave feulement au burin autour du bour-  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 251 après avoir réuni les fuffrages des de- ftructeurs bourlet de la culafle, le nom du Coinmiffaire des fontes et la datte de la fonte, le chiffre du Roi autour de la lumiere , et le poids de la piéce et fon numero font marqués fur les tourillons. 11 étoit donc inutile de propofer la fuppreiïïon d'une devife, qu'on ne trouvoit plus que fur quelques anciennes pieces, dans les places de 1'interieur, et qui n'étoient que peu expofées a la vüe du public. Mais pour fe créer une réputation populaire; il falloit infulter lesRois, et dctruire tout ce qui pouvoit repréfenter leur empire. Je crois devoir obferver pour 1'inftruélion des étrangers qui font trompés journellement par les rapports infideles des hiftoriens ou des gazetiers, que les fenls calibres, adoptés en france pour les piéces d'artillerie de terre depuis 1763. font de a 4, de 16, de 12, de 8 , et de 4. Livres. Toutes ces piéces font coulces avec la plus grande uniformité et dans les mêmes proportions, fans aucune diftinetion de piéces longues, ou de piéces courtes, comme le préfcrivoit 1'ordonnance de 1732. Les  2 52 HISTOIRE ET ANECDOTES ftrudteurs de Ia Noblefle, Faffemblée décréta au milieu des applaudiflemens et des cris de joye des galleries. „ Que la Noblefle héréditaiBécret. re etl pour toujours abolie, qu'en conféquence , les titres de Prince, de Duc, de Comte, de Marquis, Vicomte, Vidame, Baron, Chevalier, MefTire, écuyer, Noble et tous les autres titres femblables, ne feront ni pris Les diamètres des mortiers dont on fe fert en france font de onze pouces trois lignes et de huit pouces trois lignes, les obuziers ont fix pouces trois lignes de diametre, je ne parlc pas des pierriers dont on fait peu d'ufage. Tous les affuts et accéffbires de ces piéces fe travaillent dans tous les arfenaux de conftruélion fur un mème modele et d'après les raêmes principes, 1'éxaétitude des proportions eft admirable, et fait honneur aux foins et a 1'inftmction des Officiers d'Artillerie qui dirigent ces travaux. Dans le moment aéluel, c'eft PArtillerie „ qui eft le plus puilfant appui des Armées francoifes et la terreur de fes ennemis.  DE LA RÉVOLUTION FRANcOlSE. 253 pris par qui que ce foit, ni donnés a perfonne. „Qu'aucun citoyen franqois ne pourra prendre que le vrai nom de fa "familie. „Qu'il ne pourra non plus porter, ni faire porter des livrées, ni avoir d'armoiries. „Que 1'encens ne fera offert qu'a la divinité dans les temples, et ne pourra être éxigé par qui que ce foit. Que les titres de Monfeigneur et de Meffigneurs ne feront donnés a aucun corps ou individu ainfi que les titres d'Excellence, d'Alteffe , d'Eminence, de Grandeur etc. Saus que fous prétexte du préfent décret aucun citoyen puiffe fe permettre d'attenter aux monumens placés dans les temples, aux chartres titres et autres renfeignements intéreffans les families et les proprietés, ni aux décorations d'aucuns lieux publics ou particuliers, et fans que 1'éxécution des difpofitïons rélatives aux livrées et aux armes placées fur les voitures puiffe être fuivie ni  2 54 HISTOIRE ET ANECDOTES ni exigée par qui que ce foit avant le 14. Juilet pour les citoyens vivant a Paris, et avant trois mois pour ceux qui habitent les provinces." C'eft ainfi qu'on facrifia en un inftant, fans réfléxion ni difcuflion préalable, et fans aucun motif fondé le Corps de la Nobleffe franqoife, qui fubfiftoit depuis la création de la Monarchie, et qui dans plufieurs circonftances avoit fauvé 1'état des périls les plus imminents. Dés cet inttant, on put prévoir la déftrudion totale de 1'empire. Quelque dégénérée que fut la Nobleffe de fon ancienne origine , 1'idée d'obtenir cet honneur éxaltoit Pame des citoyens, les engageoit a fe diftinguer dans toutes les dalles; l'ordre de la Nobleffe dans un Royaume auffi vafte que la france étoit un intermédiaire nécéffaire entre le peuple et le tröne, et en le ramenant a fon inftitution primitive, en fupprimant toute diftindion pécuniaire , et n'en accordant que d'honorifiques, «'étoit peut être la plus puiffante barrière  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 255. re a oppofer au defpotisme; d'un autre coté, cet ordre protégeoit également le tröne contre les atteintes de la démocratie. Ceux qui défiroient un bon gouvernement auroient du s'oppofer avec énergie aux projets deftructeurs de la fadtion républicaine, car on pouvoit facilement préfumer que le pouvoir législatif et le pouvoir éxécutif, dont les intéréts et les prétentions étoient diametralement oppofés, ne pourroient jamais fe concilier, fans 1'intervention d'une troifieme puiffance médiatrice qui put garantir la Conftitution des ufurpations réciproques des deux autres pouvoirs. Mais la terreur ou 1'infouciance paroiffoient s'etre emparée de tous les efprits. Quelques Nobles firent des foibles répréfentations , et voulurent faire inférer leurs proteftations contre ce décret» dans le procés verbal de l'affemblée: Cette demande leur ayant été refufée, ils allerent clandéftinement dépofer leurs réclamations dans 1'étude de quelque Notaire, prétendant, par ce moyen, ju- ftifier  256 HISTOIRE ET ANECDOTES ftifier leur conduite pufillanime aux yeux de leürs commettans. On avoit efperé que le Roi ufant de fon droit de Veto, ne fanctionneroit pas ce décret, et on prétend mème que la fadion républicaine le défiroit pour prouver qu'il avoit fanctionné librement tous les autres décrets. On n'a pü découvrir quel a été le motif de la conduite du Monarque, mais il approuva, fans réclamation la déftrudtion de la Nobleffe. Dans la mème Séance du 19. Juin, 1'affemblée s'occupa de quelAdmifiiflra- ques regiemens rélatifs a 1'ad- des miniflration des Poftes. Elle luppnma entre autres le bureau du fecret et les emplois de vifiteurs des poftes. Le Chef de PAdminiftraRigoiey tjon des pofl-es etojt jy/r# Rigo- i 0%ny. ° ley d'Ogny (*) qui avoit été dabord (*) Mr. le Baron d'Ogny vivoit avec une Hollandoife qu'on appelloit la Baronne de Beurmann. On pre'tend que la plus grande  DE LA RÉVOLUTION FRANcOISE. 25 j dabord Confeiller au parlement de Bourgogne et avoit enfuite exerqé la place de tréforier des états de cette province pendant la minorité de Mr. de Montigny fon neveu; le gouvernement avoit fréquemment recours au crédit de la province pour faire des emprunts, et moyennant quelques milions payés comptant, on prorogeoit les abonnemens de la taille, des vingtièmes, et des autres impots fur randen pied. Le prix des denrées, et par confequent la valeur des biens territoriaux ayant augmenté, il fe trouvoit que les poffeifeurs de fond dans le Duché de Bourgogne payoient beaucoup moins d'impots que ceux des provinces circonvoifines. Les avances que le gouvernement défiroit, ne pouvoient être grande partie des emplois des poftes n'etoient donnés qu'a fa recommendation. Le Comte d'Ogny fils du Baron avoit obtenu la furvivance de la place d'intendant des poftes. Cet emploi trés lucratif a été fupprimê en 1791. ainfi que plufieurs places d'adminiftrateurs. T.U. Sttt.I. K  258 HIST01RE ET ANECDOTES être accordées qu'a la tenüe des étas triennaux. Dans un moment d'éxtrème pénurie; fous le Miniftère de 1'Abbé Terray, Mr, d'Ogny fit trouver dans 1'inItant au Gouvernement une fomme de fix milions qu'il emprunta fur Ion propre crédit, en attendant la Convocatiort des états. On luiaccorda, pour récompenfe de ce fervice la furvivance de la place d'intendant des poftes qu'occupoit alors Mr. jannel. Bientöt après, il* devint titulaire , et il avoit 1'honneur de travailler avec le Roi, en préfence de Mr. le Duc de Choifeul, Surintendant des poftes; lors de la disgrace de ce Miniftre cet emploi fut fupprimé, et Mr. d'Ogny devint le Chef de cette adminiftration importante; II avoit le talent d'amufer Louis XV. en lui Kfant quelques lettres galantes, en lui découvrant quelques intrigues, ou des anecdotes qu'il receuilloit dans le bureau du fecret. Cet établilfement étoit, fans doute, une des inventions du défpotisme; fous prétexte de veiller a la fureté du Royaume et au Salut  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 259 Salut du peuple, on interceptoit beaucoup de correfpondances, non feulement dans le bureau de Paris, mais même dans ceux du Royaume , toutes les lettres qu'on croyoit fufpedes étoient envoyées au bureau du fecret ou on les décachetoit et recachetoit avec une adrefle merveilleufe et on les faifoit enfuite parvenir a leur adrefle: quelques fois cependant, fur tout en temps de guerre, on découvroit des projets et des complots dont il étoit eflentiel que le gouvernement eut connoilfance; mais pour ce feul but utile, le fecret des penfées des particuliers, leur bien le plus facré et le plus précieux ne devoit pas ètre livré a la curiofité du Roi ou des Miniftres. La fuppreffion de ce Bureau qui coutoit plus de cent mille écus par an étoit demandée par tous les cayers. L'affemblée avoit décreté le principe „que le Sceau des lettres étoit inviolable; et on ne pourroit qu'approuver cette opération, fi dans le mème moment et dans toute 1'étendue du Royaume , on n'avoit violé la loi R ij nou-  2Ó0 HISTOIRE ET ANECDOTES nouvellement établie , fous prétexte de? découvrir des crimes de léze Nation, des complots, des trahifons, chaque municipalité fe permettoit de décacheter les lettres , et les envoyoit au comité des recherches (*) dont 1'établiifement eft bien plus contraire a la liberté, que celui du bureau du fecret. Ce Comité autorifoit fouvent des vifites domiciliaires, on violoit 1'azile des particuliers, on fcrutoit leurs correfpondances et leurs papiers, un motéquivoquetrouvé dans une lettre, ou proféré imprudemment en public, fuftlfoit pour faire arrêter un particulier et le priver de fa liberté pendant plufieurs mois; heureux encore s'il échapoit aux injuftes foupqons du peuple qui le maftacroit quelquefois impitoiable- ment. (*) Les Clubs des Jacobins éxercoient dansi les provinces le même empire que le Comité des recherches a Paris. A leur première réquifition , les direöeurs des poftes leur livroient les lettres et let correfpondances qu'ils croyoient fufpectes.  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 2ÖI ment. II fe trouvera plufieurs occafions de citer des exemples de ce pouvoir inquifitorial bien plus redoutable pour le citoyen paifible que tous ceux qui auroient pü être crées par le défpotisme le plus abfolu. Le fervice des poftes fe faifoit en france avec infiniment de fureté et de célérité, et malgré la multiplicité des prépofés, des agens et des commis qu'exigeoit une Adminiftration aufti compliquée, la Ferme des poftes rendoit a 1'état environ 12 Milions par an. Cette branche de revenu fe trouva diminuée de plus de 1,200,000. Livres la première année de la Révolution a raifon de 1'abus que les députés a 1'arfémblée Nationale faifoient de leur contre-feing, tandis, que la dépenfe fe trouvoit confiderablement augmentée. La ferme demanda des indemnités , on fit quelques reglement» pour reftreindre le contre feing a 1'ufage perfonnel des députés, mais ils ne furent pas fuivis, et 1'établiifement des poftes, qui faifoit 1'admiR iij ration  2 6 2 HISTOIRE ET ANECDOTES ration des étrangers, éprouva des changemens peu favorables a 1'utilité de 1'état et a la liberté et fureté du commerce et des correfpondances particuliéres. Fin de la première Seftion du Tome Jecond.  Errata du fecond Volume. Sommaire de la première Seclion. Page ligne hfe* 4 a ligne linge 10 9 Déret Décret 10 23 leur leurs 11 2 Bravour bravoure 14 24 noveau nouveau 16 9 le populace la populace 19 17 J'ai i'ai 20 16 et la et i la 27 19 au milieu de plus au milieu des plus 36 9 préfére préféré 37 8 leurs leur 38 18 afujetti aiTujetti 41 2 pas entier pas en entier 44 6 courroieut courroit 4.5 7 défiries défiriez 47 5 pas 55 21 1'inchoérence 1'incohérence 57 6 rachatables rachetables 6 a 20 fon 1'Egide fous 1'Egide 63 9 voués confacrés voués, eonfacrés. 80 3 et de plus grand et des plus grands id. 7 le plus grands les plus grands 81 9 les d'enrées les denrées X 83  Errata. Pag e ligne lifez 83 9 et 10 s'accroifoit s'accroiflbit 87 1 dependroient dependoient id,s 4 fur toul four tout 90 19 le fuffrages les fuffrages id. 20 éclaires eclairés 93 6 exite exifte id. 25 qu'ils qu'elles 95 a leur voeux leur voeu ïoi 2a. que faifoient que faifoit Ioa 22 franchife fraicheur I05 18 par des pareils par de pareils loö 13 1'avoit 1'avoient 107 15 loursque lorsque 308 *4 de villes des villes. 111 17 fe plaignerent fe plaignirent iia 5 qu'il lui céda qu'il lui cedat 117 21 ont devoit on devoit id. 23 reclus rcélus 124 20 a reinettre de remettre 127 4 toujour toujours 127 7 beaucoup des Beaucoup de 148 19 regnoit regnoient 152 18 vidtieme viflime 153 le garnifon, la garnifon id. 23 affemblée affeniblé *54 9 hereufement heureufement *57 25 appertenant appartenant 164 15 etats Etats i?3  Errata. Page ligne We" 173 21 puisque on puisqu'on 302 23 croix bordée croix brodée 209 1 biens deTempliers biens desTempliers 216 8 foit affurés foient affurés 227 15 le Soldats le Soldat 235 17 plufiers plufieurs 242 19 tyranns tyrans 246 6 legitiment ldgitimement 249 6 presque pres que 253 12 melfigneurs melfeigneurs 255 18 des de 269 11 Erauete Emente Seconde Setlion. Page ligne HfeZ 274 5 en eu 278 1 1'infamie tout 1'infamle. tou» 300 24 foens foins 311 a reffererent reflerrerent 315 22 fuite fuite 321 5 denrés denrées 329 5 failite faillite 329 24 inquifitions impofitions 345 20 caifs caiiTe 346 5 indéfinis indéfinie 361 7 agréament agrément 363 aa prendre pendre "  Errata. Page ligne lifez 396 5 préfence préféance 410 22 en foncerent enfoncerent 437 7 paré pare 454 23 traire traitre 583 rote ï pur par 621 2 o mnoter monter 634 6 quelquel quelque