2 38 HISTOIRE ET ANECDOTES Citoyens, qui caufe vos allarmes? on reproche au Roi des complaifances pour tous ceux qui font les ennemis de la conftitution; on lui prête encore le deffein coupable de vouloir s'éloigner dela nation, et de trahir ainfi fa parole royale. Citoyens, pouvez-vous oublier fa probité? Mais ajoute-t-on, il encourage les prêtres réfractaires a la loi. Avez-vous oublié qu'il a juré de maintenir la confti. tution ? S'il étoit poflible qu'égaré par des amis perfides, le roi eut eu en effet des torts fi graves, les citoyens n'ont- ils donc pas dans la Conftitution mème, le droit de faire entendre leurs juftes réclamations? lavoie des adreifes, des pétitions, des députations, ne leur eft - elle pas ouverte ? En nous chargeant de veiller a 1'exécution des loix, citoyens, vous nous avez promis de vous y foumettre, chacun de vous nous a juré de nous préter fa force pour  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 239 pour contraindre celui qui voudroit leur réfifter. A cette condition, nous avons pü vous proraettre, a notre tour, demaintenir 1'ordre public, et de foutenir la conftitution. Cet engagement réciproque, s'il etoit bien rempli, défendroit feul & aifureroit pour toujours la félicité nationale. Mais au contraire a quelles calamités ne vous expofez-vous pas, fi vous ne mettez enfin un terme a ces agitations violentes qui, n'ayant pas une caufe bien déterminée, effrayent toutes les imaginations, vont allarmer 1'europe et la france incertaine, et qui repouifent 1'étranger, chaifent de vos murs 1'homme paifible, retardent le retour de ceux qui, par leurs dilfipations et leur luxe, alimentoient la fource de vos richeifes. Nous que vous avez appelles au foin de votre adminiftration, qui connoiifons et 1'immenfité de vos befoins, et 1'immenfité des pertes que vous avez faites; nous qui connoiifons auffi toutes les relfources réfer-  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 243 pour affurer k la Fraitce le prix de fes généreux efforts, par 1'afFermilfement de la conftitution, tout nous en faifoit un rigoureux devoir. Le mème jour on imprima une adreife de la Municipalité ^uJic'fidité a fa Majefté, elle etoit concue au Rei. en fes termes. Les officiers municipaux de la capitale, chargés d'y maintenir 1'ordre et la paix publique, doivent compte a votre Majefté des caufes qui les y ont troublés. Dépofitaires des intéréts du peuple, honorés de fa confiance immédiate, ils doivent faire connoitre a votre Majefté les allarmes qui Font agité. C'eft pour remplir ce doublé devoir que nous venons dire k votre Majefté, que le peuple voit avec éffroi le tróne environné de ces hommes, qui fe font declarés fes ennemis, et dont les confeils ne font peut - être que des calculs perfides. Q_ij Si  244 HISTOIRE ET ANECDÜTES Si ces hommes? Sire, étoient les amis 1 de votre perfonne, ils vous feroient connoitre les voeux du peuple, s'ils étoient ] vraiement religieux, ils .ne le calomnieïoient point auprès de vous, mais, Sire, I nous devons vous le dire, et nous avons pour nous les leqons de 1'expérience: ces hommes aimoient leRoiqu ils trompoient, le pouvoir dont ils abufoient, et la religion dont les tréfors alimentoient leur oifiveté. Sire, nous vous en prions, éloignez de votre palais ceux qui, .voilant les re-» grets de leur orgueil fous des craintes hypocrites, portent letrouble dans votre ame loyale et franche, et provoquent la jufte défiance d'un peuple jaloux du coeur et de la confiance de fon Roi. Vous vous ètes déclaré, Sire, le Roi» de la Conftitution, -le reftaurateur et le gardien de la libertéfranqaife, que ces titfés; qui.vous couvrent d'une gloire immortelle, foient annoncés, proclamés parmi les nations: alors le peuple francais ne  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 245 ne fera reténtir au tour de vous que les expreffions de fon bonheur; et fes raagiftrats viendront avec allégreife vous apporter les témoignages de fa reconnoiC fance. Ces témoignages, Sire, nous vous les apportons pour la démarche éclatante que vous avez faite hier a f aifemblée nationale; les fentimens que vous y avez exprimés font pour tous les francais une nouvelle preuve de votre amour, et un nouveau gage de votre attachement aux loix conftitutionelles de 1'état. La proclamation du département fembloit annoncer des principes abfolument oppofés a ceux qui étoient inférés dans 1'adreife remife a fa Majefté. Son but étoit rempli, puisque ce fouverain avoit cédé fans réfiftence. Tout ce qui rappell oitl'or- LesjacM„, dre et la tranquilité eftrayoit marcbent è leur but. les Jacobins, qui avoient d autres vues et d'autres plans: ils firent en conféquence paroitre et afficher des obfervations fur les adreifes et proclamations CLiij dü  246 HISTOIRE ET ANECDOTES du département. Leurs principes étoient diamètralement oppofés et inconftitutionels: mais on n'ofa févir contre leurs auteurs, et les citoyens étoient égarés au milieu de ce conflit d'écrits et d'opinions diverfes. Le Département; après avoir obtenu de fa Majefté le renvoi des eccléfiaftiques nonfermentés, crut, qu il obtiendroit aufli facilement lafeconde partie de fon adreife, il engagea en conféquence le corps municipal a faire alfembler les fedions pour déhberer, fi ]a commune invitera le Roi a annoncer aux nations étrangeres, qu'il s'eft fait une glorieufe révolution en France, qu il 1'aadoptée, qu'il eft maintenant leRoi d'un peuple libre, et acharger de cette inftrudion d'un nouveau genre des miniftres qui ne foient pas indignes d'une li augufte fond ion. Mr.de Lef. , Pendant que les ledions fard ïcrit délibéroieiit fur cet objet, Mr SffiS. deLeffard' miniftre de Finté-' neur, adreiTa aux corps admi«iftratifs la lettre fuivante. parmi  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 247 Parmi les différents objets, Meffieurs, que vous avez, préfentés a la confidération du Roi, et fur une partie desquels f. M. avoit déja prévenu le voeu, que vous lui exprimez, elle a particuliérernent fixé fon attention fur le défir, qu'a témoigné le département, „ qu'elle fit connoitre aux nations étrangères fes fentimens pour la conftitution" le Roi n'a ceifé de les manifefter en toute occafion par la voie des Ambaifadeurs; et c'eft fans doute aux aifurances, qui ont été données de fa part aux différentes cours de 1'Europe, qu'eft duë la tranquillité, dont nous avons joui jusqu a préfent: maifi, S. M., qui écoutera toujours 1'opinion publique, et qui n'héfitera jamais, lorsqu'il fera queftion d'écarter des doutes fur les fentimens, va donner ordre aux ambaifadeurs et miniftres de france dans les cours étrangères de s'expliquer en fon nom de la mème manière, qu'elle fa fait elle mème a 1'aifemblée-nationaleVous reconnoitrez, Meffieurs, dans cette Q_iv' démar-  248 HISTOIRE ET ANECDOTES démarche I'empreffernent, avec Jequel le Roi adopte tout ce qui peut contribuer a tranquillifer les efprits, et a éloigner la méfiance et les inquiétudes. D'après 1'intention fuppofée de S. M;, énoncée dans cette lettre, M. de Montmorin, iMiniftre des affaires étrangeres, adreifa a raffemblée, le 23 Avril, celle qu'il avoit écrite le mème jour, au nom de S. M., a tous les ambaifadeurs et Miniftres prés les cours étrangères et dont voici la teneur: Le Roi me charge, Mon- ï:%:iTrrr> de.vous ™nde rin aux Mi- ion intention la plus formelle niftres de eft , que vous manifeftiez fes UiZïr fentil"ens fur la révolution et Étrangères. fur la conftitution Francaife, a la cour oü vous réfidez. Les Ambaifadeurs et Miniftres de France, prés toutes les cours de 1'Europe reqoivent les mëmes ordres, afin qu'il ne puiife refter aucun doute, ni fur les intentions de fa Majefté, ni fur 1'acceptation libre, qu'elle a donnée a la nouvelle  DE LA REVOLUTION FRANfOISE. 249 veile forme de gouvernement, ni fur fon ferment irrévocable de la maintenir. Sa Majefté avoit convoqué les états généraux du royaume, et déterminé dans fon Confeil, que les communes y auroient un nombre de députés égal a celui des deux autres ordres, qui exiftoient alors. Cet ade de legislation provifoire, que les obftacles du moment ne permettoient pas de rendre plus favorable, annoncoit aifez le défir de fa Majefté de rétablir la nation dans tous fes droits. Les Etats Généraux furent affemblés, et prirent le titre d'affemblée nationale : bientót une Conftitution propre a faire le bonheur de la France et du Monarque, remplaqa 1'ancien ordre des chofes, oü la force apparente de la Royauté ne cachoit que la force réelle des quelques corps ariftocratiques. L'arfemblée-nationale adopta la forme du Gouvernement repréfentatif joint a la Royauté héréditaire: le corps législatif fut déclaré permanent; 1'éledion des Miniftres du culte, des adminiftrateurs et des Q_v juges  25° HISTOIRE ET ANECDOTES jyges fut rendue au peuple; on conféra le pouvoir exécutif au Roi, la formation de la loi au corps législatif, et fa iancfion au Monarque. La force publique , foit intérieure , foit extérieure,, fut organifée fur les mëmes principes et d'après la Bafe fondamentale de la diftinclion des pouvoirs: telle eft la nouvelle Conftitution du Royaume. Ce qu'on appelle la Révolution n'eft que 1'anéantirfements d'une foule d'abus , accumulés depuis des fiecles, par 1'erreur du peuple, ou le pouvoir des Miniftres, qui n'a jamais été le pouvoir des Rois. Ces abus n'étoient pas moins funeftes a la nation qu'au monarque; ces abus, l'autorité, fous des regnes heureux, n'avoit ceifé de les attaquer, fans pouvoir les détruire, ils n'éxiftent plus : la nation fouveraine n'a plus que des citoyens égaux en droits, plus de defpote que la loi, plus d'organes que des fon&ionaires publics; et le j Roi eft le premier de ces fonctionnaires. Telle eft la Révolution Francaife. Elle  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 251 Elle devoit avoir pour ennemis tous ceux qui, dans un premier moment d'erreur, ont regretté, pour des avantages perfonnels, les abus de 1'ancien Gouvernement. De la 1'apparente divifion, qui s'eft manifeftée dans le Royaume, et qui s'affoiblit chaque jour, de la peut-ètre 1 aufli, quelques loix févères et de circonftance, que le tems corrigera: mais le i Roi dont la véritable force eft indivifible de celle de la nation, qui n'a d'autre ambition que le bonheur du peuple, ni | d'autre pouvoir réel que celui qui lui j eft délégué; le Roi a dü adopter, fans héfiter, une heureufe Conftitution, qui régénéroit tout-a-la-fois fon aurorité, la Nation et la Monarchie. On lui a confervé toute fa puiifance, hors le pouvoir redoutable de faire des loix; il eft refté chargé des négociations avec les puüTances étrangères, du foin de défendre le royaume et d'en repouffer les ennemis ; mais la nation Franqaife n'en aura plus désormais au-dehors que fes ag; grelfeurs: elle n'a plus d'ennemis intérieurs  2 52 HISTOIRE ET ANECDOTES rieurs que ceux qui, fe nourriifant encore de folies efpérances, croiroient que la volonté de vingt quatre millions d'hommes, rentrés dans leurs droits naturels, après avoir organifé le Royaume de ma. niére qu'il n'exifte plus que des fouvenirs des anciennes formes et des anciens abus, n'eft pas une immuable, une irrévocable Conftitution. - Les plus dangereux de ces ennemis font ceux qui ont affecté de répandre des doutes fur les intentions du monarque: ces hommes font bien coupables ou bien aveugles; ils fe croyent les amis du Roi ; ce font les feuls ennemis de la Royauté; ils auroient privé la monarque de 1'amour et de la confiance d'une grande nation, fi fes principes et*fa probité euffent été rhoins connus. Eh! que n'a pas fait le Roi, pour montrer qu'il comptoit auffi la révolution et la conftitution Franqaife parmi fes titres a la gloire? après avoir accepté et fan&ionné toutes les loix, il n'a négligé aucun moyen de les faire éxécuter. Dès le mois rend a ÏAffemblée. Réponfe équivoque de Cbabroud. La Municipalité vient remercier le Roi. Nouvelle infulte du departement de Paris. Difcours du Duc de la Rochefoucault. Proclamation du  du Département ,• fa fauffetê révoltante. Réponfe des SeÜions. Le Roi communie des mains Sun Curé conftüutionel. Adrejfe de la Municipalité au Rol Les Jacobins marcbent a leur hut. Mr. de Lejfard écrit au Corps adminiftratif. Lettre de Mr. de Montmorin aux Miniftres de France dans les cours étrangeres. Joie des faüieux. La Fayette fe démet de fon emploi, il fe rend h t Hotel de Ville, 55- Bataillons le redemandent, il céde a leur repentir et en efi ïinterpréte aupres du Roi. Touchante Ré' ponfe de S. M. Grenadiers caffés. Fureur des Jacobins. Le Braffeur Santerre. Second Bref du Pape. Mr. de Montmorin en rend compte a l'AJfemblée. Les Novateurs font paroitre une réponfe, diverfes Caricatures, et brüler fejfigie du Saint Pére. Difcours de VEmque dAutun, Dèclamar tion du Curé Couturier. A iv Avant  8 Avant Propos. Les Evénemens, qui Te pafferent dans le cours de 1'année 1791 concururent tous a affermir les bafes et les principes de la Révolution. L'aflemblée, aflurée du fuffrage du peuple éxécuta ce qu'elle n'avoit fait que décreter précédemment: le clergé réfra&aire fut promptement remplaeé, et les éle&eurs, jaloux d'éxercer leur nouvelle prérogative , virent avec une apparence de fatisfacf ion des Miniftres du culte, qui leur devoient leur exiftence. Les Jacobins oppoferent tous les obftacles polfibles au Départ de Mesdames; elles éprouverent des contrariétés et des outrages , dont leur age, leurs vertus, et leur rang devoient les garantir. Ceux, qui s'étoient précédemment enrichis aux dépens de 1'État furent impitoyablement dépouillés ; non feulement, l'aflemblée cafla et annulla les nouvelles donations, aliénations ou échan-  échanges, mais mème, celles qui paroiffoient avoir acquis la confi'lance d'une propriété légitime, par le laps de temps et les formalités qu'on avoit eu foin de. remplir, pour en aifurer la poifeffion. Le départ du Roi, opération auffi peu pohtique que mal concertée, acheva de lui faire per.ire, parmi toutes les clalfes, le peu de confideration qui lui reftoit, et aliéna irrévocablement la confiance et l'atfeclion de fes fujets. Les mouvemens intérieurs, provoqués par les ennemis de la Révolution, la Divifion de 1'armée, 1'émigration, ne firent que reiferer les Hens qui uniifoient les Francais, et donner un nouveau degré de Confidération a 1'Aflèmblée, qu'ils regardoient comme leur feul poinfc d'appui. Enfin, Pacceptation de la Conftitution, qui affuroit la forme du Gouvernement, et paroilfoit devoir mettre un terme a toutes les agitations, en alfiirant la liberté et la tranquilité publique et A v parti-  io ^ o ^ particuliere, fut le terme des travaux de la première Afiemblée. Mais, eet ouvrage incoherent, dont les vices fe déceloient a chaque inftant, qui n'avoit fixé les limites des dirférens pouvoirs, que pour leur donner le défir et les moyens de les enfreindre, fut attaquée, dans le principe, par ceux mêmes, , qui étoient chargés d'en garantir 1'éxiftence. On put prévoir dès lors les malheurs qui menaqoient la France; mais on étoit loin de croire, qu'ils püflent être pouffés jusqu'a eet exces , dont on ne peut calculer ni la mefure ni la durée. Je chercherai a répandre, dans le cours de la narration de ces événements, ce degré d'intéret, qui attaché le lecfeur fans fatiguer fon attention. Heureux, fi mes efforts peuvent lui plaire, et me concilier fon eftime et fon fuffrage. La  Laplus grande partie des mem- Projetdetra. bres de 1'Aifemblée fou- *$&r4ft femblee. piroient depuis longtems après la fin de leurs travaux; les uns, fatigués des difcuffions oü ils étoient fürs de luccomber, défiroient obtenir quelques momens de repos, et paifer le rette de leurs jours dans la retraite; d'autres étoient emprèifés de jouir des nouvelles places aux quelles la faveur du peuple les avoit élevés (*). Enfin, les agio- (*) J'ai obfervé que l'aflemblée, en décretant que fes membres ne pourroient accepter , pendant un certain laps de temps, des emplois a Ia nomination du Roi, n'avoient montré qu'un définterefleinent fimulé, puisque les places les plus imponantes et les plus lucratives étoient a la difpofition du peuple; ainfi, tous les affiliés des Jacobins obtinrent des évêchés , des places d'adminiftrateurs de départemens, ou de juges dans les différents tribunaux. II n'y eut aucun des membres prépondérants de l'aflemblée, qui n'eüt eu foin de fe préparer une retraite agréable et utile. Les Royaliftes et les impartiaux furent  12 HISTOIRE ET ANECDOTES agioteurs défiroient aflurer le fruit de leurs fpéculations et de leurs intrigues; leurs voeux concouroient donc tous au même but. Dès les premières féances de 1'année 1791, 1'Aflemblée fe fit rendre compte, par les différents Comités, des objets dont ils devoient faire leur rapport: on fut furpris de voir, qu'il reftoit un travail immenfe a achever. Pour le reftreindre a de juftes bornes, rAffemblée décreta , qu'elle s'occuperoit, fans interruption, pendant les féances du matin , des queftions et affaires conftitutionelles fuivantes: des jurés, des impofitions, de la haute cour nationale, des changements dans le Code pénal, de la refponfabilité, des gardes nationales et auxiliaires, de 1'organifation de la Marine , de la Loi, qui détermine les rapports de 1'autorité civile et militaire, du complément de 1'organifation des muni- cipa- les feuls qui deux ans après la clöture de la Sefiion, fe trouverent exclus de toute prétention, puisque le fouverain ne pouvoit leur accorder des emplois a fa nomination.  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 13 cipalités et corps adminiftratifs, du com* plément de 1'organifatiou du pouvoir législatif et exécutif, de 1'organifation du Miniftère, du tréfor national, de la Comptabilité, de la Regence, des Bafes de 1'Éducation nationale , d'un Rapport conftitutionel fur la Mendicité , de la Démarcation de la Jurisdiction civile. Et que , lorsqu'elle auroit terminé ces différents travaux, la législature prochaine feroit convoquée. A 1'égard des féances dufoir, 1'Affemblée les deftina a entendre tous les autres rapports dans 1'ordre fixé par le comité central, et fur tout, ceux, concernant les aliénations, acquifitions, donations et échanges. L'aflemblée s'occupa enfuite de 1'exécution du décret, Sermeni ilt eccléfiafti- du 27 Novembre 1790, con- queSm cernant le ferment éxigé des eccléfiaftiques foncfionaires publics; elle ordonna , que les membres de l'aflemblée, paroitroient fucceffivement a la tribune , pour préter ou refufer ce Ser- ment  14 HISTOIRE ET ANECDOTES ment(*). Plufieurs eccléfiaftiques, entr'au. tres O Lex Articles III et IV du décret du 27 Novembre, préfcrivoient la mahiéré dont le ferment devoit être prêté, ils étoient concus en ces termes. Art. III. Le ferment fera prêté un jour de dimanche, a 1'iffue de la mefTe, favoir par les évêques , les cy-devant archevêques, leurs vicaires , les fupérieurs et direcïeurs des féminaires, et tous autres eccléfiaftiques foncïionaires publiés, dans 1'églife de leurs paroifTes, et en préfence du confeil général de la commune et des fidelles, a eet efFêt, ils feront par éent au moins deux jours d'avance, leurs déclarations au greffe de la municipalité de leur intention de prêter le ferment, et fe concerteront avec le maire pour arrêter le jour. Art. IV. Ceux des dits évêques cy-devant archévêques, curés et autres eccléfiaftiques fondhonaires publics qui font membres de raffemblée nationale, et qui y exerceront afhiellcment les fondions de dépmés, prêteront le ferment qui les Con.' cerne  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 15 tres Mr. 1'évèque de Clermont propoferent d'y ajouter quelques reftrictions, et furtout celle que l'aflemblée, en décretant la preftation du Serment civique, n'avoit point voulu s'arroger une autorité cerne refpeclivement a raflemblée nationale, dans la huitaine du jour auquel. la fan&ion du prélent dicret y aura été énoncée, et dans la huitaine fuivante, 2 ils enverront un extrait de la preftation de leur ferment a leur municipalité. L'interprétation de 1'Art. VIII. de ce même décret donna lieu aux perfecutions et vexations multipliées qu'efïuyerent les malheureux eccléfiaftiques réfraclaires, dont la plupart n'oppofuïent aux décrets que la force d'inertie. Cet article portoit: Seront pourfuivis comme perturbateurs de 1'ordre public, et punis fuivant la rigueur des loix, toutes perfonnes eccléfiaftiques 011 laïques qui fe coaliferoient pour combiner un refus d'obéir aux décrets de raffemblée Nationale acceptés ou fanftionnés par le Roi, ou pour former, ou pour exciter des oppo-. fitions a leur exécution.  16 HISTOIRE ET ANECDOTES rité fpirituelle. Les réferves et les proteftations furent rejettées, et on éxigea que chaque eccléfiaftique parut a la tribune, et qu'après la leclure du ferment, il proférat ces paroles, je le jure. Cette efpèce de tyrannie révolta le Cóté droit; mais fes réclamations furent inutiles. Tous les eccléfiaftiques qui refuferent de prèter le ferment furent privés de leurs bénéfices et remplacés par la fuite. Tous les membres du haut.clergé (excepté les évêques d'Autun et de Lydda) et beaucoup d'eccléfiaftiques qui fe trouvoient a raflemblée, eurent le courage de préférer la misère , a la honte de trahir leurs devoirs. Cet exemple eut beaucoup d'imitateurs dans les pro vinces; un grand nombre de curés , d'inftituteurs publics, de Supérieurs de- Séminaires, quitterent leurs fondions, plutót que de fouiller leur confcience par la preftation d'un ferment extorqué par des impies: ils furent en butte a toute la fureur du peuple, et efluyerent des injures et des perfécutions, qui peuvent, en quelque forte,  DE LA REVOLUTIÖN FRANqOISE. 17 fotte, les Faire comparer aux martirs, de la primitive églife. La conduite de la majorité du Clergé, dans cette circonftance, éfface les reproches qu'on pouvoit faire a plufieurs de fes membres, dont les fautes et les erreurs réjaillifoient fur le corps entier. J'ai annoncé précédemment, que je donnerois 3e dé- Divr, propriétés fonciéres , a raifon de leur revenu net,,, XIII. Sect.I. B „Le  18 HISTOIRE ET ANECDOTES „Le Revenu net d'une terre, eft ce qui rerte a fon propriétaire , déduöion faite, fur le produit brut, des frais de culture, femences, récolte et entretien. „ „Le Revenu impofable, eft le Revenu net Moyen, calculé fur un nombre d'années déterminé. „ La fomme de la Contribution deVoit être fixée annuellement par chaque legislature et toujours perquë en argent. Pour parvenir a Pafliette de cette contribution, il étoit ordonné a chaque municipalité, de procéder a un cadaftre exaét de toutes les propriétés fituées dans fon arrondiflèment, en divifant les poffellions en dirférentes feclions, fuivant leurs qualités, pour fixer enfuite Peftimation de leur produit. Cette opération compliquée et difficile demandoit la plus grande intelligence: elle fe fit auffi d'une maniére tres imparfaite, et telle qu'on pouvoit i'attendre de payfans ignorants et bornés. Le  DE LA REVOLUTION FRANQOISE. iq Le nom feul de Cadaftre auroit autrefois révolté tous les efprits, on avoit propofé cette mefure fous le regne de Louis XV", pour connoitre 1'étendue des propriétés et parvenir a une jufte répartition de 1'impöt; mais il s'éleva de toute part des réclamations et des obftacles. M. de Calonne, qui avoit propofé de percevoir 1'impöt en nature, éprouva aufli la plus grande réfiftance de la part des notables, pour 1'éxécution de ce projet: mais rafTemblée, accoutumée a trouver une obéiflance paffive parmi la majorité des citoyens, parvint fans peine a obtenir un Cadaftre général de toutes les polfeflions du royaume; et quoique dans le premier moment, il put préfenter des erreurs , il étoit facile de les re&ifier par la fuite, et de pouffer a fon point de perfeclion eet ouvrage immenfe. La quotité de ia contribution fonciére fut d'abord fixée a une fomme de 500. Millions pour 1'année 1791 elle fut enfuite réduite a 260 Millions. Cette fomme, fut divifée par Départements, B ij et  2 O HISTOIRE ET ANECDüTES et fubdivifée par diftrids , et municipalités, qui en faifoient la répartition individuelle. Le Mode des difFérentes réclamations, que pouvoient faire les départements, diftrids, munidpalités ou particuliers, étoit fixé par les décrets; mais perfonne ne pouvoit être impofé a une plus forte fomme, que le cinquiéme du produit net de fa poifeffion. r . ., t. La contribution mobüiai- Contribution , . mobiliaire. re etolt un impót établi fur les falaires publics et privés des particuliers, fur leurs revenus d'induftrie et de fonds mobiliers, d'après le prix des loyers de leurs maifons ou appartements, ou une eftimation équivalente , lorsqu'ils occupoient leurs propres domiciles. Cet impót étoit defliné a atteindre la fortune des capitaliftes et ne rempliffoit que tres imparfaitement ce but. Car la valeur et le prix des loyers font plutót fubordonnés aux caprices, aux fantaifies, ou au luxe des citoyens, qu'a leur fortune réelle. Un  de la revolution franc.oise. 21 Un Capitalifte qui a 50,000 Livres de rente, occupoit fouvent un appartement de 500 Livres de Loyer; et tel autre, qui n'avoit que 10,000 Livres de rente, en occupoit un de 2000 Livres, par an. Ainfi 1'évaluation de la fortune d'après cette Bafè étoit certainement erronée. Le Tarif du revenu préfumé, étoit fixé, par PArticle VIII. dudécret, de la maniere fuivante. Les loyers de 12,000 Livres etaudefïus, étoient préfum'és du douzieme et demi, momaire. du revenu: Livres Livres Ceux de 11,000 a 12,000 du ne f ceux de 10,000 a 11,000 du ne ceux de 9,000 a 10,000 du ioe § ceux de %,ooo a 9,000 du ioe ceux de 7,000 a 8,000 du 9e § ceux de 6,000 a 7,000 du 9e ceux de f,000 a 6,000 du 8e t ceux de 4,000 a 5,000 du 8e ceux de 3,5-00 a 4,000 du 7e I B iij ceux  22 HISTOIRE ET ANECDOTES Livres Livres ceux de 3,000 k 3,ü perd 50 mUJe Livres, il fe trouve privé de la moitié de fa proprieté, et fa rüine eft inévitable; si gagne la même fomme, il n'acquiert qu un tiers de richelTe fuperHue. Indé pendament de ce calcul, qu'on balance avec attention la différence du néceiTaire au fuperflu, et la plus infatiable cupidite cedera peut-être aux principes de la iame raifon (*), C) Le vol, le fuicide, les aflaffinats étZ ïent éxceffivement multipliés dans la capitale depuis 1'époque de la Révolutionla l.cence et 1'impunité pouvoient peutetre en augmenter le nombre. Mais il falloit  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 45 Les Princes Franqais exDatriés, étoient fixés depuis L" Pri"r r ... ces Francais longtemps a Tunn; ils avo- s\ip!,roc),ent ient, fans doute , efpéré que du Rbin. les projets des mécontents fa- cilite- falloit en chercher la vraie caufe dans la fureur du jeu er de 1'agiotage qui augmentoit tous les jours. Les gages de la plus grande partie des domeftiques de Paris, étoient employés a acheter des billets de Lotterie, et fouvent après avoir été dupes de ce jeu trés inégal, de fidelles ferviteurs devenoient des fi'rpons. La première atteinte portee a la probité ouvre la porte a tous les crimes. Au commencement de 179°» on vola, a Lucienne, le? diamants et les bijoux de Madame du Barri, éilimés deux millions quatre cent mille Livres; elle fit circuler un avis, a eet egard, dans les papiers publics, par une circonftance trés heureufe , le voleur fut arrêté a Londres avec cette riche dépouille , dont il n'avoit vendu qu'un diamant de 3000Livres. Ces mèmes diamants ont été volés par la convention, qui a fait éxécuter Mad. du Barri pour s'approprier fa fortune.  46 HISTOIRE ET ANECDOTES ciliteroient leur retour dans le royaumepar les provinces raéridionales, et il pa roit qu'ils avoient dirigé ou approuvé le raffemblement qui s'etoit fait a Lyon L'arreftation de ceux qui paroifJ loient avoir eu part a ce Complot les engagea a former d'autres projets ' M le Comte d'Artois et M. le Prince deCon' f de partirent deTurin au commencement i de lannee et fe rendirent a Venife. Le Roi de Sardaigne avoit accueilli I avec infiniment de bonté et de cordialité M. le Comte d'Artois fon gendre; mais I en mème tems, il avoit exigé qu'il fe conformat a 1'étiquette de fa cour et a fe fa rnantere de vivre, bien différente de I celle qui exiftoit en France. Pour donner lexemple de 1'union conjugale, ce Pnnce fut obligé d'occuper le même appartement que Madame la Comteffe d'Artois: il pouvoit rarement fe livrer a fon : goüt pour les femmes et la diffipation On pretend que le Roi de Sardaigne' avoit desaprouvé hautement le féjour de Madame de Polaftron a Turin, et les mar-  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 47 marqués d'intérèt et d'attachement que lui donnoit M. le Comte d'Artois. L'ennui et la contrainte inféparables de cette , pofition , le déciderent a s'éloigner de > ce féjour, et a chercher ailleurs la li«iberté et la jouiflance paifible des plaifirs I auxquels il étoit accoutumé. Le Départ ji de Mr. le Prince de Condé parut déterj miné par les efpérances, que lui donnoit le Cardinal de Rohan; qu'en fe ; rapprochant de PAlface, il engageroit les mécontents de cette province a fe réunir, dès qu'ils pourroient compter fur 1'appui et la protedtion d'un Chef tel que lui. Pour fuivre cette . | idéé, M. le Prince de Conde de Conié désira s'établir dans les états desire fe fi, du Duc de Würtemberg, et ^A*»*{ lui fit demander la permiiiion d'occuper fon chateau de Louisbourg. Voici la réponce que lui fit ce Prince, elle peint fon ame et fon caraclère et n'a befoin d'aucun commentaire. 27 Janvier 1791. Mon-  48 HISTOIRE ET ANECDOTES Lettre iuDuc Monfi™r, j'ai recu la let. de Würtem. tre' dont \ otre Altelfe avoii terg. diargé M. de Ch Je ma fouviendrai toujours avec plai-i fir des moments agréables, que ja'i paffe avec elle et M. M. fes fils et petitfils, lors du court fejour qu'elle fit dans mes états, il y a dix-fept mois; et ce fouvenir ne s'éffacera pas fitót de ma mémoiré. Suivant ce fentiment, vous voudrez bien, Monfieur, être perfuadé de la fatisfodion , que je relfentirois de pouvoir vous offrir mon chateau de Louisbourg, pour un certain temps, fi je n'en avois pas difpofé. Indépendament de eet engagement , la Franchife, que V. A. me connoit, et qui fait la Bdfe de mon Caracïere, ne me permet pas de lui dif, limuler la pofition, oü je me trouve aduellement par rapport a ma principauté fouveraine de Montbeillard et les feigneuries , qui en dépendent, fituées fur les terres de france: elle eft fi délicate et fi épineufe, que dans le moment préfent, je ne faurois aifez ufer de ména- gement  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 49 cement et de précautions, tant vis - a - vis 3u Roi, que vis-è-vis de la Nation. Si vous voulez, Monfieur, pefer tant foit peu ces raifons, je puis me promettre d'avance de vos lumieres, que vous ne leur refuferes point votre aflentiment, kt que vous me permettres de me borlier cette fois-ci, aux voeux fincères que |e forme pour votre contentement, ainfi Lu'aux affurances d'eftime et d'amitié fevec lesquels je ne ceflerai d etre &c. M. le Prince de Conde, ayant éfluyé ce Refus de la part du Duc deWürtemberq (*), fit des démarches auprès i de ] (*) M. le Duc de Würtemberg pour éviter de fe ttouver dans fes états, lorsque M. le Piince de Condé y pafferoit, partit inopinément pour la Hollande, mais a peine fut il arrivé & Utrecht, qu'il changea de route et fe rendit è Paris, ou il éfperoit terminer lui même les négociations entamées par M, de Rieger fon Miniftre, pour les indemnités qua la Nation faifoit efpérer aux Princes de 1'empire , qu'elle avoit dépouilleis de leurs T.III. Seü.I. D droit*  5 O HISTOIRE ET ANECDOTES de 1'eletfeur de Mayence pour obtenir; la jouiflance du Chateau épifcopal dé| Worms: ce fouverain s'empreifa de lui accorder cette habitation, et donna des'; ordres pour qu'on lui en rendit le féjourj auffi agréable que fa pofition le per. mettoit. Troubles en . , La Pre^tion du Sermenr= Alfact. exige des eccléfiaftiques fon. dionaires publics,» occafionna quelques fermentations dans dirférentes provinces. L'Aifemblée redoutoit fur tout la Difpofition des efprits dans 1'Ai face: le«Cardinal de Rohan avoit fait pa. roitre unetriettre paftorale , pour exhorter les curés de fon diocêfe k fuivre fon : exemple, en refufant la preftation du Serment: les agens des Princes de Pempire, qui avoient des poifeffions dans eette province, et quelques particuliers, qui droits féodaux. Après avoir féjourné quelque temps dans la Capitale, il revint tres mécontent du peu d'égards qu'on. lui avoit téinoignC, et de Vinw ' tilité de fon voyage.  I, DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 5 I qui regrettoient, a jufte titre la perte des privileges et le bonheur dont elle jouiffoit; commenqoient a fe réunir pour oppofer des obftacles a 1'éxécution des décrets. L'aifemblée, qui craignoit 1'inJuence, qu'ils pouvoient avoir fttï les èfprits, réfolut de 1'anéantir en y envo:;yant des commiffaires; fon choix tomba :fur M. Dumas, Colonel d'infanterie, qui ravoit fervi en Amérique, fur M. Hérault j de Séchelles , ancien avocat du Roi du Chatelet et juge d'un des nouveaux tnbunaux de Paris, et fur M. Foirfet Préi fident du tribunal du diftriét de Nancy, [tous les trois connus par leur attaché-' ment aux principes de la Conftitution. ; Ces Commiifaires éprouverent beaucoup I d'obftacles dans Péxecution de leur mif! fion. A Colmar, il fe forma un attrou; pement confidérable devant la maifon I qu'ils habitoiënt, et fans le fecours d'un Officier municipal, nomme Stockmeyer, qui raifembla quelques gardes Nationales, ils auroient couru les plus grands : dangers. lls 'partirent pour Strasbourg D ij oü  52 HISTOIRE ET ANECDOTES oü la protedion des troupes les fervit parlement; ils firent paroitre 1 proclamation, et, foit par un effêt de lal cramte ou de 1'argent qu'ils répandi-, rent, ils paryinrent a faire éxécuter les decrets dont 1'effèt étoit refté fufpendu con. ner .Va&mhlée> Pour don* cernant le 13 meme Wipulfion dans remplacement tout le royaume, rendi* le zr ^s ecciefia. Janvier le décret fuivant con. cernant le remplacement des eccléfiaftiques. Article Ier. Auffitót après Pexpiration du delai 'prefcrit par le décret du 2? Novembre dermer dfera procédé au remplacement des eccléfiaftiques fondionaires publics qui n'auront pas prêté le ferment. Art. II. Dans les départemens, oü il v a aduellement des évêques et des curés qui nont pas prêté le ferment, les AC femb ees eledorales s'occuperont d'abord de 1 eledmn de PEvêque; après quoi elles fe retireront dans le Chef-lieu de leurs  ; DE LA REVOLUTION FRANCHISE. 53 j leurs diftridtts refpedtifs, pour y faire Téle&ion des curés. Art. III.. Dans les Départemens, oü les délais accordés a 1'évèque ne font pas expirés, les Affemblées éleétorales de chaque diftridl procéderont fur le champ a 1'élecfion des curés. Art. IV. Les évêques, qui ont été élus jusjj qu'a ce jour, et ceux qui le feront dans le courant de la préfente année, ne pourront s'adreffer a leur métropolitain ou a tout autre évêque de leur arondufement, qu'autant que ceux-ci auront prêté le ferment prefcrit par le décret du 27. Novembre; et dansle cas oü aucun des evê; ques n'auroit prêté le ferment, ils s'adrefj: feront au direétoire de leur Département, I pour leur être indiqué un des Évêques de I France, qui aura prêté le ferment, lequel j pourra procéder a la confirmation canol nique et a la confécration, fans être tenu ' & demander la permilfion a 1'Evêque du Département. D üj L'at  54 HISTOIRE ET ANECDOTES Injlruaion L'aflemblée crut devoir fubiieê pttr aJouter a ce décret une inftru VAfemWe. étion, qui devoit produire le" t plus grand effèt fur les efprits; elle etoit concue en ces termes. L'aflemblée a décreté une inftru&on fur la conftitution civile du clergé: elle avouludiffiper les calomnies: ceux qui les repandent font ennemis du bien pubhc; et ils nefelivrentalacalomnie avec hardieflè, que parceque les peuples, parmilesquels ils la fement, font a une grande diftance des déliberations de 1'Affemblee. Ces détraéteurs téméraires, fceaucoup moins amis de la Religion qumtereflè» a perpétuer Jes. ^ pretendent, que 1'Aflemblée nationale, confondant tous les pouvoirs, les droits du facerdoce et de 1'empire, veut établir lurdes bafes jadis inconnues une Relden nouvelle; et que tyrannifant les confaences, elle veut obliger les hommes paifibl* * par un ferment cnminel a des vérités antiques qu'ils ré veroient, pour embraJTer des nouveau. tés  C DE LA REVOLUTION FRANqOISE- 55 Lês qu'ils ont en horreur. L'aflemblée doit aux peuples, particuliérement aux Lrfonnes féduites et trompées, 1'expofi|pn franche et loyale de fes intentions, de fes principes et des motifs de fes déLrets. S'il n'eft pas en fon pouvoir de Lévenir la calomnie, il lui fera facile au moins de réduire les calomniateurs a rimpuiifance d'égarer plus longtems les peuples , en abufant de leur fimplicite let de leur bonne foi. Les repréfentans kies Francois, fortement attachés a ,la Re, ligion de leurs pères, a 1'éghfe Cathoh]aue, dont le pape eft le Chef vifible fur la terre, ont placé au premier rang des dépenfes de 1'état celle de fes" miniftres et de fon culte: ils ont refpedé fes dogI mes; ils ont aifuré la perpetuité de fon j; enfeignement. Convaincus, que la do'! arine et la foi catholique avoient leurs 1 fondemens dans une autorité fupérieure I a celle des hommes, ils fqavoient qu'il n'étoit pas en leur pouvoir d'y porter la main, ni d'attenter a cette autorité toute fpirituelle: ils fqavoient, que Dieu même D iv 1'avoit  56 HISTOIRE ET ANECDOTES 1'avoit établie, et qtfü Pavoit aux pafteurs pour conduire les ames leur procurer les fecours que la Relij Pon aüure aux hommes, perpétuer Ia chame de fes Mmiftres, éclaire T*Ï ger les confciences. / Mais, en même tems qUe l'AflèmJlee nationale étoit pénétrée de ces grandes vemes auxquelles elle a rendu un hommage folemnel toutes les fois ou'el les ont ete énoncées dans fon feinj la mandee exigeo* la promulgation de loïx nouyelles fur Vorganifation civile du clergé- 1 ordre p0lltlqiie de p,^ n ^ poffible dans une conftitution, qui avoit pour bafes fégalité, la juffice et le bien generah Pegahté, qui appelle aux emploia pubhes tout homme, qu'un mérite reconnu rend digne du choix libre de fes concuoyens; la juftice, qui, pour exclure tout arbitraire, n'autorife que des dehberations prifes en communie bien general, qui repouiTe tout établif- fement  I DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 57 fement parafite il étoit impoffible, dans une telle conftitution, de ne pas fupprimer une multitude d'établiflemens deve.nus inutiles, de ne pas rétablir les éle•clions libres des pafteurs, et de ne pas -éxiger dans tous les adres de la police ceccléfiaftique des délibérations commu3 nes, feules garantes aux yeux du peuJ ple de la fagefle des réfolutions, auxquel. les ils doivent être foumis. La nouvelle Diftribution civile du royaume rendoit néceiTaire une nouvelle diftribution des diocèfes. Comment auroit-on laiffé fubfifter des diocèfes de 1400 paroiffes, et des diocèfes de Vingt paronTes? L'impoffibilité de furveiller un troupeau fi nombreux contraftoit i d'une maniere trop frappante avec 1'ini utilité des titres, qui n'impofoient pres1 que point de devoirs a remplir. Ces changemens étoient utilesj on i le reconnoit; mais 1'autorité fpirituelle I devoit, dit-on, y concourir. Qu'y a-t-il 1 donc de fpirituel dans une diftribution < de Territoirs? Jefus Chrift a dit a fes D v apötres:  58 HISTOIRE ET ANECDOTES apötres: dlez et prêchez par toute la terre. II ne Jeur a pas dit: Vous ferez les marnes de circonfcrire les lieux oü vous enfeignerez. La démarcation des diocèfes eft louvrage des hommes. Le droit ne peut en appartenir qu'aux peuples, parceque c'eft k ceux qui ont des befoins, a juger du nombre de ceux qui doivent y pourvoir. D'ailleurs, fi 1'autorité fpi_ ntuelle devoit ici concourir avec la puiffance temporelle, pourquoi les Évêques ne s emprelfent-ils pas de contribuer eux memes k 1'achèvement de eet ouvrage? Pourquoi ne remettent-ils pas volontairement, entre les mains de leurs colléfes' les dro"s exclufifs qu'ils prétendoient avoir? Pourquoi enfin, chacun deux ne fe fait-il pas a Jui.même h loi dont tous reconnoilfent, et dont aucun ne peut désavouer la Sageffe et les avantages ? A iJ/\T ké l6S motifs du décet de lAifemblee nationale fur Porganifa tion civile du clergé: üs ont été didlés par la raifon fi prépondérante du bien public,  i DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 59 ,ublic. Telles ont été fes vues: leur )Ureté eft évidente; elle fe montre avec Kat aux yeux de tous les amis de Por. ire et de la loi. Imputer a raflemblée favoir méconnu les droits de 1'églife, et de s'ëtre emparée d'une autorité qu'elile déclare ne pas lui appartenir, c'eft la icalomnier fans pudeur. Reprocher a un .individu d'avoir fait ce qu'il déclare n'aEoir ni fait, ni voulu, ni pu faire, ce feroit fuppofer en lui 1'excés de la corruption, dont 1'hypocrifie eft le comble. C'eft la cependant ce qu'on n'a pas honte d'imputer aux repréfentans des Franqois. On ne craint pas de les charger du reproche d'avoir envahi, 1'autorité fpirituelle, tandis qu'ils 1'ont toujours refpeöée, qu'ils ont toujours dit et déclaré, que, loin d'y avoir porté atteinte, I ils tenteroient en vain de s'en faifir, t par ce que les objets, fur les quels cette autorité agit, et la maniere dont elle s'exerce font abfolument hors de la •: fphère de la puiifance civile. L'aflèm-  60 HISTOIRE ET ANECDOTES L'alTemblée nationale, après avoir, porte un decret fur V organifation civile dm clerge, apres que ce décret a été accepté^ par le Roi comme conftitutionel, a pro.. nonce un fecond décret, par lequel elle a aflujetti les eccléfiaftiques fondionnaires publics a jurer, qu'ils maintiendro«nt la conftitution de 1'état. Les motifs de ce fecond décret n'ont été ni moins purs ni moins conformes a la raifon, que ceux qui avoient déterminé le premier. ^ II étoit arrivé d'un grand nombre de departements une multitude de denonciations d'aétes, tendant par di vers moyens, tous coupables, a empêcher execution de la Conftitution civile du Clerge. L'alTemblée pouvoit faire re chercher les auteurs des troubles et les faire punir. Mais elle pouvoit auflï ietter un voile fur de premières fautes, avertir ceux qui s'étoient écartés de leur devoir, et ne punir que ceux qui fe montreroient obftinément réfracfaires a ialoi Elle a pris ce dernier parti. Elle na donné aucune fuite aux dénoncia- tions,  DE LA REVOLUTION FRANfOISE. 6l tions, qui lui avoient été adreffées; mais elle a ordonné, pour Pavenir, une déclaration formelle a faire par tous les eccléfiaftiques fondionnaires publics, femblable a celle qu'elle avoit exigée des laies chargés des fondions publiques, qn'ils executeroient et maintiendroient la loi de Ptat. Toujours éloignée du deifein de do/miner les opinions; plus éloignée encore du projet de tyrannifer les confciences, non feulement PAifemblée a laiifé a chacun fa maniere de penfer; elle a declaré, que les perfonnes, dont elle étoit en droit d'interroger Popinion, comme fondionaires publics, pourroient fe difpenfer de répondre; elle a feulement prononcé, qu'alors ils feroient remplaI cés , ils ne pourroient plus exercer de ij fondions publiques, parcequ'en effèt ce I font deux chofes évidemment inconcii liables, d'ètre fondionnaire public dans un état, et de refufer de maintenir la loi de 1'état, Tel  63 HISTOIRE ET ANECDOTES Tel a été 1'unique but du ferment; ordonnepar la loi du 26 Decembre der | nier, deprévenir ou de rendre injuftel les odieufes recherches, qui portent fur, les opinions individuelles, une déclara! tion autentique du fonffionaire public, raiTure la nation fur tous les doutes J qu on éleveroit contre lui. Le refns dè la declaration n'a d'autre eifêt que d'a vertir que celui qui a refufé , ne peut' plus parler au nom de la loi, parceqU'il n a pas jure de maintenir Ja J0i ! Quelesennemis de la Conftitution Francoife cherchent a faire naitre des dif ficultés fur la légitimité de ce Serment I en lui donnant une étendue qu'il n'a pas 1 quils s'etudient a diiféquer minutieufe' \ ment chaque expreffion employée dans la conftitution Civile du clergé, pour faire -! naitre des doutes dans les efprits foibles ou mdeterminés; leur conduite manifefte des intentions et des artifices con. pables; mais les vues de 1'Affemblée font droites: etce n'eft point par des fubtilites quil faut attaquer fes décrets. Si  DE LA REVOLUTION FRAN5OISE. 63 Si des pafteurs ont quitté leurs églifes au moment oü on leur demandoit de prëter leur Serment; fi d'autres les avoient d'eja abandonnées ayant qu'on le leur demandat , c'eft peut-être par 1'effet de 1'erreur qui s'étoit gliflee dans 1'intitulé de la loi, erreur réparée auflïtöt qu'on Pa reconnue: ils craignoient, difent-ils, d'ëtre pourfums comme perturbateurs du repos public s'üs ne prêtoient pas leur ferment. L'aflemblée prévoyant a regret le refus, que pourroient faire quelques eccléfiaftiques, avoit du annoncer les mennes, qu'elle prendroit pour les faire remplacer. Le remplacement étant confommé, 'elle avoit dü néceflairement regarder comme perturbateurs du repos public ceux qui, élevant autel contre autel, ne cederoient pas leurs fondions a leurs fucceifeurs: c'eft cette derniere réfiftance que la loi a qualifiée de criminelle. Jusqu'au remplacement, 1'exercice des fondions eft cenfé avoir dü être continué. Seroit-  66 HISTOIRE ET ANECDOTES rent auflï des évéchés, pour prix de leur apoftafie, entr'autres; les curés, Gouttes ; Gegoire, etThibault: le premier fut pla.' ce a Autun; le fecond, * Blois, et le = troifieme, a St. Flour. Haute cour . Le n°mbre des prifonj Nationale. mers, prévenus du crime de lèze-nation, augmentant tous ¥ junsdifton du Chatelet, elle fe dé ternuna, a décreter la formation de Ja" ^ haute-cour-nationale. Ce tribunal de : vojtetre compofé, d'un haut pré lot Pofe de vmgt quatre jurés , et de fix membres additioneJs. L'inftrudion des W et 1'appfication de la loi devo , etre dingee par quatre grand-juges La I W.cour nationale ne devolt'connol! 1 tre, que des crimes et déJits, dont Je corps legislatifjugeroit néceiTaire de fe ' rendre 1'accufateur; nuüe autre affaire ^ ZTiïl ètre/onée- L"I i taa la refidence de ce tribunal , a Or Jeans: et déri-Af-a i 1 du Roi i ' qUe Ie com»"flaire roitj  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 67 roit, auprès Je la haute cour nationale, les fon&ions, attribuées auparavant aux avocats et procureurs généraux. La fermentation, qu'ex- Projet de j citoit dans la capitale, et dans départ de düférentes parties du royau- JJ'4* me, le ferment exigé des ec■ cléfiaftiques, et les atteintes qu'on por;toit joumellement a la Religion, enga\ gerent un grand nombre de perfonnes a s'éloigner de la France: les femmes, I fur tout, dont la confcience eft plus timorée, ne pouvoient voir, fans indignation 1'adminiftration des facremens confiée aux nouveaux Miniftres du culte. Mesdames Adélaide et Vidoire, Tantes du Roi, qui vivoient depuis longtemps ! dans la retraite a Bellevue, prévoyoient J fans doute les malheurs, dont la France étoit menacée: elles défirerent s'éloigner d'un pays , oü 1'on ne parloit que de liberté, et oü la plus grande partie des citoyens gémiifoient fous le joug 1 de la plus affreufe tyrannie. Le Cardinal deBernis, ambaifadeur a Rome, qui E 2 avoit  68 HISTOIRE ET ANECBOTES avoit été autrefois honoré de leurs bontes et de leur confiance; Jes engagea elleffere;leféj°Ur d£ Ce"e « elleSfedeterminerent4partir pour lita- iie. EllesecnvirentlejijanvieraM.de Montmorin pour lui demander un palTe Pon, en luidifant, qUe Ie but d/£ voyageetantconnu, elles ne prévoyo- lem r ?US IeUr déiir P«t fouffiir la moindre düHculté. Dimarcbe, Ce voiage, qui n'avoit jp** aucun rapport avec les affaires . de Pétat, fervit de prétexte aux agitateurs du peuple de la Capitale Ondech ainalesfolliculaires, les brigands foudoyes fortirent de leurs antres , et les Jacobins écrivirent a leurs afflliés dans tout le royaume, que la patrie étoit eu danger. On imagina des confpiratums et des complots , et on répandit dans toutes les ames de terreurs chimé nques. Mesdames, informées de la fen lation qu'avoit produit leur première demarche, écrivirent a M. Bailly, poUr 1U1 demander W pafleport de la munici. palité •  DE LA REVOLUTION FRAN?OISE. 69 ipalité au lieu de fe prêter a leur défir, le maire fe rendit chez le Roi, et lui repréfenta les fuites facheufes, que pouvoit avoir le projet de Mesdames; les troubles et le désordre , qui pouvoient In être la fuite: il fupplia, fa Majefté, de les prévenir en les engageant a re, noncer k ce voyage. S. M. lui répondit, que les loix de 1'état permettant a i toute perfomie de fortir du royaume et i fes Tantes devant être confidérées, com• me de fimples citoyennes, il ne pouvoit mettre d'obftacle a leur départ, quelque affligeant qu'il fut pour fon coëur. Mr. de Leifard, qui venoit d'ètre noraraé miniftre de 1'intérieur , écrivit, le 9 Fevrier, aux différents directoires de ; Départements, par oü Mesdames devoient diriger leur route , la lettre circulaire fuivante. Mesdames Tantes du Roi, _ r 1 1 Lettre ie M. ayant, Meffieurs, forme le pro- de u^ jet de voyager en Italië, et ayant infifté auprès du Roi pour éxécuter ce projet. S. M- m'a chargé de E iij vous  70 HISTOIHE ET ANECDOTES • < -rr »* • M.Matbieu. &f d «primer a Votre Majefté les inquiétudes qui agitent, depuis quelques jours, cette grande ville. Si Mesdames euflent fimplement annoncé le projet de quitter la Capitale, foit pour voyager dans le royaume, foit pour fixer, pendant un tems, leur séjour dant quelqu'une des contrées de ce vafte empire, les citoyens de Paris, en regrettant le bonheur de les pofféder, ^ulfent pü garder le filence. Mais, dans un tems oü les puüfances voifines développent un grand appareil de forces; oü quelques nuages orageux fe forment et s'élèvent a quelques points de 1'horizon de la France; oü des bruits de difcordes civiles fe répandent, de ces difcordes, les plus terribles de toutes, celles qui peuvent  DE LA REVOLUTION FRANC.01SE. 79 peuvent entrainer tous les malheurs et tous les crimes; oü les ennemis de la Conftitution femblent, pour la renverfer, redoubler d'efforts , en raifon de leur puiifance; dans un tems oü le fy-, ftême d'émigrations combinées paroit un des moyens mis par eux en ufage pour contrarier ou rallentir la marche du commerce, appauvrir le pays qui les nourrit, punir et les bras qui cultivent leurs terres, et ceux qui font armés pour la garde et la défenfe de leurs propriétés; dans un tems oü des manoeuvres multipliées, fans arfoiblir 1'incalculable reffource de notre courage, ofent cependant troubler le repos des Franqois, eftil un feul citoyen, Sire, qui puhTe voir fans inquiétude renverfer tout ce royaume, pour en fortir des perfonnes, qui, par leurs vertus, appartiennent a nos refpe&s; qui, par leur fang augufte, appartiennent au tróne et a la tranquilité publique. Non, Sire, nous en fommes perfuadés, votre Majefté ne verroit pas fans peine,  80 HISTOIRE ET ANECDOTES peine, que Mesdames confacraflent en quelque forte, par Pafcendant de leur exemple, et peut-être augmentaifent ces émigrations hoftiles; dont les effets font connus, et dont le motif ne peut être que la haine toujours adive d'une conftitution , dont vous avez folemnellement promis et juré d'ètre le defenfeur et 1'appui, comme elle eft elle: mème la plus folide bafe et le plus ferme Soutien de votre tróne. Vous ne verriez pas fans peine, Sire, que Mesdames allaffent au loin difperfer les rayons de la Majefté royale, pour en vivifier des contrées étrangères ou ennemies. II feroit bien plus digne de leurs vertus, de leur amour pour votre perfonne et pour la Nation , de rappeller auprès du tróne, par des invitations preifantes, les membres de votre augufte1 familie, qui fe font eux-mèmes exilés de la France. Ce Miniftère de paix eut été plus conforme aux loix d'une véritable pi été , a leur caraclère connu de douceur et de Bonté, et fur tout a Phonneur de votre maifon.  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 81 rnaifon, compromis par des bruits, qui fe répandent et s'accréditent, des préparatifs d'un grand mouvement contre la Nation. II n'y a, Sire, et nous ne devons ni ne voulons vous le cacher, il n'y a que les ennemis de la France et de votre perfonne , qui puiifent fouhaiter la difperfion des membres de la familie, qui occupe le tróne; il n'y a qu'eux qui puiifent s'en réjouir. Nous nous faifons un devoir de préfenter cette vérité a un Roi, que nous chérhTons, et que la droiture de fon efprit et de fon coeur a toujours bien confeillé : le départ de Mesdames excite une inquietude générale. On n'affigne ni le motif, ni le terme, ni la mefure de cette retraite d'une portion de la familie royalle hors du royaume. Vous en preflentez fans doute actuellement, Sire, tous les inconvenients et tous les dangers. Si, comme nous le penfons, vous defirez, que Mesdames reftent auprès de votre Majefté, ce defir fera leur loi , et un bienfait T. III. Stik. I. F peur  $2 HISTOIRE ET ANECDOTES pour 1'empire. Tel eft le Voeu de la Capitale, qui vous parle elle-mème par notre organe; tel eft, nous ne eraignons pas d'ètre désavoués, le voeu de tous les Franqois. Vous 1'écouterez, Sire, ce voeu avec ces difpofitions touchantes, . avec ces fentiments de confiance et d'affecfion qui guiderent , a une époque toute récente encore dans nos coeurs, vos pas dans PAffemblée nationale, au milieu des acclamations de la Franqe entiére. „ Sa Majefté parut émuë du tableau touchant, qu'on venoit de mettre fous fes yeux , et des fuites facheufes que pouvoit avoir le départ de fes Tantes. Elle ne crut pas cependant devoir fe préter au voeu de la commune, pour témoigner a Mesdames des dejïrs, qu'eiles regarderoient comme des ordres II repondit a la Députation: "Je fuis fen„fible a la démarche de la Commune: „j'ai déja repondu a la Municipalité, „que mes Tantes, etant maitreifes de „leurs perfonnes, avoient le droit d'al- ler  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 83 „Ier par-tout oü bon leur fernbloit. Je „connois trop leurs coeurs, pour croire „qu'on puifle concevoir des inquiétudes. „fur les motifs de leur voyage. „ Mesdames , prévoyant qu'un plus long féjour pourroit les expo- r \ r • • 3 1 Départ de fer a fe voir pnver de leur m\iUmeu liberté, et même a des outrages, dont leur age, leur rang et leur fexe devoient les mettre a 1'abri, prirent le fage parti de quitter Bellevuë le 19 Fevrier a 10 heures du foir (*). M. le Comte Louis de Narbonne, Mr. et Madame de Chatelux et quelques perfonnes attachées a leur fervice formoient leur Cortège. F ij Une (*) Quelques jours avant leur départ, Mesdames demanderent au Marquis de Digoine, qui étoit venu prendre congé, combien il falloit de temps pour aller de Paris a la frontiére; peut-être quinze mots! (repondit le Marquis) en fuppofant, qu'on arrête Mesdames, que trots jours dans chaque rnunicipalhê. II 11 e croyoit pas alors , que cette plaifanterie fe verifieroit en partje.  84 HISTOIRE ET ANECDOTES Une heure après le Départ de Mes- , dames une troupe de Brigands et de ternmes armées, fe rendit a Bellevuë pour les arrèter. Le projet de cette ville populace ayant échoué, elle commit toute forte de désordres, et les meubles du chateau furent livrés au pillage. Evtnmm a . A Mesdames parvinrent fans Mcret. obftacle jusqu'a Moret. Pendant qu'on atteloit des chevaux a leur Voiture, la Municipalité ordonna a Ia Garde Nationale de fermer les portesj et elle délibéra. que Mesdames refteroient en arreftation, comme n'ayant pas de pafleport de la Municipalité de Pa ns. Dans le moment oü on alloit exécuter eet ordre, un detachement de cinquaiite chaffeurs a Cheval du Régiment de Hainault, qui avoit efcorté Mesda mes, depuis Fontainebleau, fondit le fabre a la main fur la Garde Nationale : cette troupe effrayée disparutj les Officiers municipaux fe cacherent, les portes furent ouvertes, et Mesdames conti, nuerent leur route. Arri-  ; DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 85 Arrivées a Arnay-le-Duc, petite ville du departement de fitttionAAr. la cöte d'or ^dépendant cy-de- „„y-U-Duc. fvant de la province de Bourgogne), la Commune Aflemblée, compofée de 138 perfonnes, délibéra malgré Evis du diredoire du diftrid et de la municipalité; qu'en égard k la pétition i de la municipalité de Paris , fur la quel;le il n'avoit pas encore été ftatué, Mesdames feroient retenues jusqu'a^ ce que le corps législatif eüt été confulté. L'af: femblée, conformément a la pétition qui , lui avoit été préfentée par la majonté } des fedions de Paris, avoit chargé fon ! Comité de conftitution de lui préfenter 1 un projet de décret, concernant les ob; ligations particulieres des membres ^ de [ la Familie royale: mais ce travail n'étoit point achevé lorsque Mesdames quitterent Bellevuë. Le Roi inftruit de leur départ écrivit \ k PAifemblée, le 20 Fevrier, le billet fuivant. ' Fiij Mef- •  86 HISTÖÏRE ET ANECD0TE5 i*M du Meffieurs, ayant apprij que lAifemblée nationale, a. mite de Conftnution une queftion, qui "ft elevee a l'occafion du départ dl tTn ou'! r ' ^ CS *"4 tm, quelles étoient parties hier foir k \ o"enTreS- Comme je fuis Pe^oé, ! Sïel ? PeUVent être Pnvées de ^ berte qm appartient a chacun d'aller oü veut: ]ai cru ne devoir ni ne pou- votrmettreaucunobttaclea leur départ- WronJed"eVOyeqU,aVeC R^et leleparation d'avec moi. k P;,^rM'uratl^US, Pr°P0fa fur le «laflèmb ee de décreter, qu'0„ retien! ^^laMeCwileladlpenfed rnauon de Mesdames, pendant tout le temps de leur abfence. Mr. Martineau fit fèntir, que cette propofitron n'étoit conforme, ni a Ja di rini;]aj1iCedePA^e, puiJ que le decret du mois de 7bre l7«0. coucernant la lifte civile, favoit fixf dé.* fini-  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 87 Initfvement pour tout le regne de Louis XVI*La propofition de M. Camus fut en ihféquence rejettée a une grande plu- .ralité de voix. /■ Le 25 Fevrier, la municipalité de lMoret, rendit compte a 1'Affemblée de la violence exercée fur fon territoire jpar les chaffeurs de Hainault. L'aifem|.blée décrette que le Miniftre rendroit ! Compte de ce fait, et que s'il avoit don- ■ né des ordres a cette troupe de faciliter ■ le palfage de Mesdames a mam armee, ; il feroit pourfuivi comme coupable dü 1; crime de Leze-Nation. M. Duportail, , oui avoit déja eifuyé quelques désagre|! ments inféparables de la place qu'il occupoit, s'empreifa de fe juftifier II fut vérifié, que le Commandant du detachement, en quartier a Fontainebleau, m| ftvuit du paifage de Mesdames , avoit, I de fon propre mouvement, cru, devoir les faire efcorter, et s'oppofer a ce qu'on les arrêtat illégalement a Moret. Cet I incident , qui paroiifoif être d'une tres F iv gran-  &8 HISTOIRE ET ANECDOTES grande iraportance, aux d n>eut cependan"aucunls ftJ **. rf, étatdNesdresretrouvante«i M^mes et fjat a arreftation, a Arnay-le * ^. * Duc prirent ]e parti j, M^ let le C°«ne Louis de N °. ™ décret o'TIaPan'S' P°« ^ter I mmerent mème, i écrire ,„ D 'r , I * nwi, pour rSje" Prd3JeM Mr. de Leifird. rum,,te de (*) M. le vicomte de wm„ conformément anv • ' q icnc aux anciennes ordnnnan ces qui nVfnion. ■ wuonnan-  I DE LA REVOLUTION FRANqOISE- 89 Le Roi m'ordonne de vous informer que Mesdames fes Tantes font retenues a Arnai-le-Duc, et de vous envoyer le proces verbal qui a été dreifé dans cette ville, je vous fais paifer en mème items une lettre adreifée par Mesdames a M. le Préfident de 1'Affemblée natioinale. Le Roi regarde les obftacles que j'Mesdameséprouvent, comme une atteinite a la liberté des citoyens. Sa Majefté 1 devant protéger également la liberté de [tous, défire que PAlfemblée nationale 1 leve les doutes d'après lesquels la comImune d'Arnai-le-Duc s'eft déterminée. . II communiqua auffi a PAflembléela Lettre , que Mesdames avoient jugé a propos de lui écrire pour reclamer leur liberté. Cette lettre étoit conque en ces : termes. Parties de Bellevue avec 'un paifeport du Roi et une déliberation de la Municipalité de Paris, qui conftate le 1 droit qu'a tout citoyen de traverfer le royaume, nous avons été arrêtées a Arnai-le-Duc, malgrè le diftrict et la muF v nici-  9O HISTOIRE ET ANECDOTES nicipalité. Nous avons pas pris de palfeport de 1'Aifemblée nationale; mais elle a declaré par un décret qu'elle ne donneroit de paiTeport qu'a fes membres ... nous ne voulons être et nous ne fommes d'après la Loi, que des citoyennes ... nous fommes avec refpecf M. le Préfident, vos trés humbles et trés obeiffantes fervantes Tracés verbal ' Le ProCeS Verl>al & 1'Af- de la Com- femblée de la Commune d'Armune d'Ar. nai. ie. Duc, mérite d'être con- nay-le-Duc. . . , nu. Ln voici la teneur. En Exécution d'un arrêté du jour d'hier, la fentinelle a arrêté un étranger qui s'eft dit Officier de Mesdames, qui a déclaré que fon nom étoit Louis Narbonne, Chevalier d'honneur de Madame Adélaïde, et qui a préfenté un paffeport donné par le Roi, et un extrait des dclibérations de la municipalité de Paris, fous datte furchargée. Lecfure faite de ces piéces ainfi que d'une lettre des admimftrateurs du département, en datte du 19, la municipalité a déclaré que Mes-i dames  DE LA REVOLUTION FRANfOISE. 91 dames et les perfonnes qui les accompagnement, pouvoient continuer leur route. Mais les habitans aflemblés devant la maifon Commune, ont demandé fi les paffeports étoient autentiques. La Municipalité a repondu qu'elle ne pouvoit pas confrater Pauthenticité de ces paifeports. Alors la commune a déclaré qu'elle vouloit en prendre connoilfance. On s'eft afTemblé. La matiêre mife en délibération, M. Louis Narbonne a requis que la délibération de la municipalité de Paris, portant une datte furchargée, fut cottée et paraphée, afin qu'on put parvenir a favoir par qui cette furcharge a été faite. La Commune confidérant qu'il a été préfenté par les fedtions de Paris une pétition a l'aflemblée nationale; que cette AiTemblée a décrété qu'elle la prendroit en confidération , et que rien n'ayant encore été prononcé fur cette queftion de droit public, Mesdames, dont le projet connu avoit excité des inquietudes, ne devoient pas s'emprefTer a en- trepren-  92 H1ST0IRE ET ANECDOTEg treprendre un voyage propre * exci J des allarmes (on entend quelques apu plaudiffmens); confidérant que le paffe, port du Roi eft antérieur au 14 Fevrier datte dela pétition de la Commune de" ■Tans, et que i'intention du direcloireJ de departement, exprimée par fa lettre dU !?' etant la Marche de Mesda. mes foitarrêtée, fi elles ne préfentent ; pas un paifeport légal, et qu'ü ne foit ! mis aucun obftacle a leur voyage, fi la 1 legalite du paifeport ne peut être conté, «ee a deliberé d'en référer au direétoi. xe du departement, et a arrêté cependant quü ne feroit point donné de Che- I vaux de pofte a Mesdames; que JVL Narbonne a la liberté d'aller partout oü il voudra avec les chevaux qui lui feront ^ «eceifaires. Qu'ü fera domé > mes une garde pour leur fureté et tranquifite, et que 1'extrait de la préfente leur fera remis par M. vm ühau ., APrès la ]eflure de ces dan, tAf. pieces, il s'éleva les plus vifs ftmblée. , debats ,.'7 u^acie a leur voyage, fi la I lepra t-^ r1„ „„/r„ J 5 ' " 1A I  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 03 ébats dans l'aflemblée. L'opinion presue générale fut cependant, que la LomLe d'Arnai-le-Duc avoit agi mconftiutionellement, fur tout en s'oppofant L intentions des Corps admimftratifs. "Abbé Mauri fit beaucoup valoir les noyens de cette Anarchie, qui mettoit rous les pouvoirs publics quelconques ktre.les mains du peuple, et fon difcours turnt tous les furfrages. Cependant la difcuflion fur le mode d'improbation, que méritöit la conduite de la Commune d'Arnai-le-Duc fe prolongeoit. M. iAe Menou la fit ceifer en ^ ^ icbfervant «que 1'Europe en- Mmou qui : tiere feroit étonnée en appre- jM termine. lant, que 1'Affemblée natio„nale, avoit paifé quatre heures a difcuter fi deux Dames auroient la liberté d'entendre la mefle a Rome,,. M. de Mirabeau, propofa en confequence, et 1'Aifemblée adopta la Rédaduon du décret fuivant. L'Aifemblée nationale coniiderant, qu'il n'exifte aucune loi du Royaume,  94 HISTOIRE ET ANECDOTES qui s'oppofe au libre voyage de Mesdames Tantes du Roi, déclare qu'il n'y a lieu a délibérer fur le proces verbal de la Commune et de la municipalité d'Arnay-le-Duc; et renvoye 1'affaire au' pouvoir éxécutif. Ce décret conforme a la riguer des principes adoptés par PAifemblée, tendoit vifiblement a rejetter fur le Roi l'embarras et 1'odieux de' 1'alternative, foit de laiifer partir Mesdames, foit de les faire revenir. M. Chapelier ne craignrt Sage refie- j j • " xiondeCha- P3S de <".re »que ce«e propo- feiier. ,,iition étoit faite, pour allu„mer la guerre civile dans le „Royaume; puisqu'en refufant a Mesda„mes la permiffion de voyager plus loin; „le Roi fe compromettoit avec fa famil- * „le, et que s'il 1'accordoit, on foulevoit „le peuple contre fa perfonne. Cette Remarque de M. Chapelier fe vérifia fur le Champ. Les Dames de la Halle, accompagnées d'une affluence de peuple, fe rendirent, le même foir, au Chateau  DE LA REVOLUTION FRANcOISE. 95 Chateau des Tuilleries, pour demander au Roi le retour de fes Tantes. Les portes furent forcées, et le peuple alloit fe répandre dans les appartemens, lorsque de nombreux détachements de Suiifes et de gardes nationales, parvinrent a 1'arrèter. On permit aux dames de la Halle, d'envoyer une députation de douze d'entr'elles a fa Majefté , et pendant eet in, tervalle, on repouifa le peuple jusqu'au dela des portes du jardin, qu'on ferma fur le Champ. Le 22 Fevrier, il y avoit 1, v La populace eu un attroupement, d apres fe ^ aa les bruits répandus parmi le Luxembourg. peuple, que Monfieur, devoit fuivre fes tantes. La multitude fe rendit au palais du Luxembourg, Monfieur, qui s'en vit envirouné, la raifura avec bonté, et promit de ne point quitter Paris. Le peuple exigea, qu'il fe rendit aux Tuilleries, pour y réïtérer cette promeife, en préfence de fa Majefté; et la foule, s'étant accruë pendant le trajet, fe difpofoit a forcer les barrières et les grilles  QÓ HISTOIRE ET ANECDOTES grilles du Chateau, pour y pénétrer en même tems, que la voiture de Monfieur, lorsque des détachements de la Garde nationale, accompagnés de plufieurs piéces de canon; parvinrent a diifiper 1'attroupement et a rétablir la tranquilité. Le Comte de Narbonne étoit parti fur le Champ , avec le décret de PAffemblée nationale; il efpéroit qu'a fon arrivée a Arnai-le-Duc, il procureroit a Mesdames la liberté dont elles étoient privées depuis plufieurs jours. Mais la Commune qui vit que PAifemblée n'avoit point improuvè fa conduite, fe refufa a Péxécution du décret, et décida qu'elle enverroit des députés a Paris, pour connoitre plus particulierement les intentions du Corps législatif a eet égard. Mesdames avoient éts mZJ/s exP°fées' Pendant leur Séjour i Amay le a Arnay - le - Duc a tous les Duc. désagréments poflibles : non feulement, elles ne recurent aucune marqué d'intéret, de Déférence ou de Refpecf j mais au contraire, toutes  DE LA REVOLUTION FRAN9OISË. 97 tes les mortifications imaginables ; des payfans groffiers, rempliflans les fondions de Gardes nationales, s'établirent jusques dans leur chambre, fous prétexte qu'ils répondoient de leurs perfonnes. Un Serrurier d'Autun, eut 1'infolence d'entrer chèz elles, fuivi de fon chien, il s'affit en leur préfence, mit fon Chapeau , et leur reprocha d'une maniere indecente leur conduite dans les circonftances aduelles. Des gentilshommes qui étoient accourus, pour leur orfrir leurs hommages et leurs fervices, ne purent parvenir a leur parler. Les perfonnes qui leur étoient attachées en furent féparées, et elles n'éprouverent que des duretés et les procédés les plus malhonnëtes. Dans cette malheureufe pofition, elles eurent recours au procureur Sindic du département, M. Guyton, deMorveau (*), qui, ^Lu. a ce (*) M. Guyton de Morveau, avoit été, pendant quelque tems , avocat gdnéral au parlement de Bourgogne ; il avoit des T.IU. Sett.I. G con-  98 HISTOIRE ET ANECDOTES a ce qu'on fuppofoit, avoit contribué a les faire arrêter: elles réclamerent 1'exécution de la loi, qui leur permettoit de continuer leur voyage. M. Guyton, arnva presque en mème tems que les députés envoyés a Paris, qui apportoient de nouveaux ordres de PAifemblée de ne point mettre d'obftacles a leur départ. Enfin, connoiflances en Chimie, et s'étoit livré entiércment a cette etude. II étoit bas, rampant, faux et diffitnulé en 1784. La Nobleffe de la province lui accorda une indemnité de 24,000 Livres pour des expériences aèroftatiques, qu'il avoit faites a Dijon, et qui avoient dérangé fa fortune pour témoigner fa reconnoiffance, il devint le plus hardi frondeur de 1'adminiftration des états et du gouverne.ment. Sa conduite, lui valut le fuffrage du peuple, pour la place de procureur général findic du département: il fut enfuite nomtné membre de la première législature et de la Convention. II a voté pour la mort du Roi. Guyton eft un vil fcélérat, fans cara&ère ni énergi, qui •ne maintient fa réputation de patriotisme que par des bafleffes et des intrigues.  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 99 Enfin, après quatorze jours d'arreftation, Mesdames obtinrent la faculté de conti- nuer leur voyage et arriverent heureu- fement a Chamberri. Le 28 Fevrier 1'agitation , Le peuple et le trouble devinrent extre- vtut Aem^ mes dans la Capitale; les co- ih u Don- hortes foudoyées par les Jaco- *L*W* bins fe raifemblerent de bon- ne heure, on ignoroit quel étoit leur but, lorsqu'on apprit, qu'elles dirigeoient leur marche fur Vincennes. Ce chateau étoit deftiné autrefois, a fervir de prifon d'état, le nombre des citoyens , qu'on arrètoit tous les jours, devenant trés confide- rable, et les prifons de Paris ne pou- vant plus les contenir; le Département avoit donné ordre qu'on fit quelques réparations'au Donjon, pour y transfq- rer des criminels. Le peuple, dont les inquietudes étoient augmentées par les déclamations des folliculaires, vit, dans cette mefure de Sureté générale, un nouveau Complot contre la liberté. Un grand nombre d'ouvriers de toute efpè- G ij ep"ètain champagne et la principauté '"WI v de la Deputation du Parlement revient triomphante a Bordeaux. La Remife des droits d'entrée accordée aux membres de cette cour Souveraine formoit un objet de plus de 1,800. mille livres par an.  138 HISTOIRS ET ANECDOTES de Sedan, il faifoit partie du patrimoiiie des Ducs de Lorraine, qui en jouuToient fous la mouvance des Rois de France. Le Cardinal de Richelieu, avoit concu le projet de réunir cette petite province a 1'empire franqais; ilentama quelques négociations en 1652. avec Charles IV., Duc de Lorraine, mais elles n'eurent de fuccès qu'en 1641. Ce Prince , pour recouvrer fes autres poifeflions, qui avoient été conquifes, fe determina a abandonner le Clermontois, et les places et prévotés de Dun Jamez et Stenai, qui demeureront a Favenir pour jamais unies a la couronne, (ce font les termes du traité). Mais on doit obferver, que le Duc de Lorraine et la Princeife Nicole fon époufe, a qui cette propriété appartenoit, réclamerent contre 1'éxécution de ce traité, extorqué par "Pautorité d'un Souverain puiifant contre un foible vaffal. Un nouvel accord , figné a Guémines, le 24. Juin 1644. portoit, entr'autres ftipulations, que le Clermontois refteroit en dépot entre les mains de S. M. le  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 139 le Roi de France, jusqu'a la fin de la guerre, qui exiftoit entre ce Monarque et le Roi d'Efpagne. Le grand Condé, qui avoit fervi la France d'une maniere aufli utile que glorieufe dans le cours de cette guerre j obtint pour recompenfe des Vicfoires raémorables de Roccoy , de Fribourg, de Nordlingue, la propriété du Clermontois. La Donation eft du mois de Décembre 1648. le Parlement de Paris refufa d'enregiftrer eet acle, et la DuchefTe de Lorraine fornia oppofition a fon éxécution, et fon oppofition fut requë par cette cour Souveraine , non obftant ce défaut de formalité, le Prince de Condé fe mit en poffeifion des objets concédés. Mais des mécontentements réïtérés, la hauteur et Pinfolence de Mazarin, qui avoit ufurpé Pautorité royale fous le nom de la régente, peut-ètre aufli la prétention exceflive, qu'il attachoit a fes fervices, Pengagerent a changer de parti. Profcrit et fugitif, il fut obligé de chercher un azile chèz les Efpagnols qu'il avoit  I40 HISTOIRE ET ANECDOTES avoit vaincus. Fabert fit en 16^4. la conquête du Clermontois fur les Officiers du Prince, et cette province refta a la France jusqu'a 1'époque du traité des pyrénées, conclu le 7 Novembre léf 9. Ce traité rétablit le grand Condé dans tous fes biens, honneurs et prérogatives, et notament dans la poifeffion du Clermontois et pays adjacents comme il les avoit avant fa fortie de France. (*) Le Duc de Lorraine, par un traité conclu en 1661 avec la couronne de France, renonca formellement a toutes fes prétentions fur le Clermontois; et le Par- Ce fut un grand avantage pour les Efpagnols que la défeöion du grand Condé; le credit et les talents de ce fameux géneral, les mirent en état de prolonger la guerre avec fuccès. Louis XIV, éxaminant un jour une carte des pays-bas, en préfence de ce Prince, lui dit; mon coufin, fans vous, i'aurois toutes ces villes. Sire, répondit Condé, vous m'aviez promis de ne m'en plus parler, il ne pouvoit témoigner fes regrèts d'une rnaniére plus franche et plus noble.  DE LA REVO^UTION FRANC,QISE. 141 Parlement de Paris enrégiftra la donation en faveur de Mr. le Prince de Condé. Tels fon les titres, qu'avoient fes defcendants a la poifeilion de cette province. L'acfe primordial réfervoit forniellement les droits régaliens a la France: la maifon de Condé fe les*fót adjuger fucceffivement , par des fimples arrèts du Confeil, qui établiifoient dans le Clermontois les mëmes impofitions, qu'il plaifoit au Souverain de créer dans les autres parties du royaume. Les droits qu'elle avoit acquis par ce moyen furent confirmés par une déclaration du Roi du 15 Aouft 1769. A peiné M. de Calonne eut-il entre les mains 1'admi- Echa»se* propoje et niftration des finances du ro- cenfommé. yaume, qu'il s'empreifa d'engager S. M. a conclure avec M. le Prince de Condé un traité projetté depuis quelque temps, pour la celfion d'une partie des droits et des impofitions qui fe percevoient a fon profit dans le Clerinontois. Le prétexte de eet échange étoiti  142 HISTOIRE ET AN1CDOTES étoit, que la diverfité dans le mode et la quotité des impofitions réfultante des intéréts oppofés des finances Franqaifes et de celles du prince , multiplioit les agens et les frais, et montroit dans Pavenir un obftacle perpétuel, pour Fïntroduclion d'un meilleur régime. En conféquence, un arrêt du Confeil du 1 f Fevrier 1784, rendu fur le rapport de M. de Calonne, détailla les objets cédés a S. M. et ceux réfervés au Prince. Les premiérs confiftoient dans les droits de grande gabelle, de vente exclufive du tabac, de haut conduit, de timbre, controle &c. Les dits droits arfermés a Jean Loriot. Ceux réfervés au Prince indépendamment de tous les biens fonciérs et territoriaux, et de quelques domaines incorporels, étoient détaillés dans 17 Articles, qui lui afluroient de grands avantages. Une omiffion bien effentielle dans Parrêt du Confeil étoit la Stipulation de la valeur des objets affermés a Jean Loriot , pour lesquels on aifura au Prince et a fes fuccelfeurs une rente perpé-  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 143 perpétuelle de 600,000 Livres. Independamment de cette claui'e, onlui compta une fomme de 7,sOO,O0O Livres, dont il ne fut également fait aucune mention dans le traité d échange. D'après des recherches exacfes, il parut que les droits cédés par M. le Prince dg Condé pouvoient produire au plus 350 mille Livres, et mème que les fermiérs généraux ne s'étoient cléterminés a donner une fomme aufli confiderable, que pour prêvenir la Contrebande, qui pouvoit s'introduire au centre du royaume par le Clermontois: cependant le Roi avoit donné a M. le Prince de Condé, en échange de cette fomme, un revenu annuel de 925 mille Livres. II paroit en conféquence démontré, que eet échange préfentoit une léfion manifefte. Mais comme 1'arrèt du Confeil de 1784 avoit ét&.enrégiftré dans toutes les cours Souveraines, d'oii relfortiifoit le Clermontois, conforrnèment aux anciennes loix du royaume, et quoique les Rois fuifent  144 HISTOIRE ET ANECDOTES fuflènt toujours réputés mineurs, il ne paroit pas, qu'on put revenir contre un, traité fynallagmatique, revètu de ces formalités. La queftion de la proprié- Bébats. . . _? , ,• te du Clermontois donna lieu a de vives difcuflions parmi les difFérens membres de 1'Aflemblée. Ceux qui étoient de 1'avis du, rapporteur foutenoient d'après les principes du droit Francais, que le Roi n'a jamais été conüdéré , que comme ufufruitier et fimple adminiftrateur des biens du domaine; qu'en conféquence il ne peut en aucune maniére aliéner ce qui appartient et eft réuni a la Couronne. L'ordonnance de Moulins de 1566. et nombre d'autres déclarations confirment éffecfivement ce Principe, d'après lequel le Souverain peut rentrer dans tous les biens concédés ou aliéneés, a quelque titre que ce foit, avec faculté de retour a la Couronne, et mème dans ceux aliénés depuis 1566, quand mème la Claufe de retour n'y feroit pas  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 145 pas ftipulée. II reftoit a prouver fi le traité de Paris conclu en 1641. entre le Roi de France et le Duc Charles de Lorraine avoit opéré la réunion du Clermontois au domaine de la couronne; telle étoit Popinion du rapporteur et de ceux qui avoient adopté fes idéés. Ils prétendoient, que le traité de 1644. qui ftipuloit, que cette province refteroit en depót entre les mains du Roi, ne devoit être confidéré que comme un projet, puisque le Duc de Lorraine, dont le caraöère étoit aufli bizarre que verfatile, avoit rompu fes nouveaux engagements , presqu'en même tems qu'il les fignoit. Ceux qui défiroient dépouiller le Prince de Condé, concluoient que la donation de 1748. étoit nulle, et que la claufe du traité des Pyrénées qui itipuloit, que le Clermontois feroit rendu comme le grand Condé le poffédoit avantfa fortie de France, n'avoit pü changer fon titre d'après lequel il n'étoit qu'un fimple conceflionaire ou engagifte d'un domaine de la couronne. T.IIL SeÜ.1 K Les  146 HISTOIRE ET ANECDOTES Les membres de l'aflemblée, qui . foutenoient la validité de la pofleffion du Clermontois, en faveur de M. le Prince de Condé, prétendoient, que le traité de 1641. n'avoit point opéré la réunion de cette province a la couronne, parceque ce traité, extorqué par la force a un vaflal dépouillè de fes états, devoit être regardé comme nul; ce qui etoit fufïïfamment vérifié par le traité de 1644, et par les réclamations réiterées du Duc de Lorraine et de la Princeife Nicole; et qu'en conféquence jusqu'a Pépoque du traité des pyrénnées, le Clermontois et les terres adjacentes avoient été un dépot ou un bien extra domanial, dont la ceilion a la France ne s'étoit jamais opérée légalement, qu'en 1661 , lorsque les ancètres de M. le Prince de Condé en étoient en pofleffion; que le traité des Pyrénnées conclu avec PEfpagne et fous fa garantie en ce qui regardoit le grand Condé, formoit un titre autentique et refpedable, confirmé par tous les traités pofté- rieurs  DE LA REVOLUTION FRANf OISE. 147 rieurs entre les différentes puilTances de 1'Europe; qu'ainfi la poiTeflion de M. le Priirce de Condé étoit fous la fauve Garde du droit public, et qu'il n'y auroit pas plus de prétexte de 1'attaquer légalement, que celle de la Flandre autrichienne et du Brabant, provinces, qui avoient été tour-a-tour envahies et rétrocédées par la France, en vertu des traités, de Riswik (*) d'Utrecht et d'Aix Ja Chapelle. K ij Cet (*) On ne concoit pas corament Louis XIV. fe détermina a rendre aufli facilement toutes fes conquêtes; a moins que la mort du Roi d'Efpagne qu'on prévoyoit alors, n'ait influé fur cette dccifion. M. M. de Harlay, Cailléres et Crecy, plénipotentiaires du traité de Riswik, faillirent a être lapidés par le peuple, a leur retour dans la Capitale. On fit fur leur Compte le couplet fuivant. Harlay, Cailléres et Crécy, Sont des miniftres fort habiles, Harlay, Cailléres et Crécy Ont parfaitement bien réuffi: Ils ont rendu trente trois villes, Mais ils ont gardé Paris.  14& HISTOIRE ET ANECDOTES Cet apercu met a portée d'apprécier les droits de Mr. le Prince de Condé, a la pofleflion du Clermontois f et les raifons alléguées , pour Pen dépouiller, et réunir cette province au domaine-National; quoiqu'il en foit, les novateurs , qui étoiont toujours allures d'une grande majorité dans 1'Aifemhlée, lorsqu'il s'agiifoit de fruftrer un cy-devant privilégié des avantages dont il jouiffoit fous Panden* régime, firent décreter les Articles fuivans. Article I«. Beorct qui LeS d°nS et CeffionS faitS réunit leder- ^n Décembre 1648 a Louis de montou au Bourbon, Prince de Condé, Aomaine Na- j t / . tionai. des Comtes, terres et Seigneuries de Stenay, Dun, Jametz, Clermont en argonne, et des domaines et prévótés de Varennes et des montignons, leurs appartenances et dépendances, compofant ce qu'on appelle aujourd'hui le Clermontois, font et demeurent révóqués , ainfi que tous brévets, arrêts du Confeil, lettres patentes, por- tant  BE LA REVOLUTION FRANqOISE. 149 tant au profit du dit Louis de Bourbon ou de fes fuccerfeurs, garantie, confirmation, ou ampliation des dits dons et Ceffions. Art. IL Le Contrat d'échange paffe au nom du Roi entre les Commiffaires, et LouisJofeph de Bourbon Condé,. le 15 Fevrier 1784, eft déclaré nul et comme^non avenu. En conféquence la rente de fix cents mille Livres conftituée en faveur dudit Louis - Joleph Bourbon - Condé, par le dit contrat d'échange, demeure fupprimée et éteinte, a compter du jour de la publication du décret du 22 Novembre dernier, fur la législation domaniale. Art. m. Défenfes font faites aux agens et prépofés de Louis -Jofeph Bourbon-Condé de s'immifcer a 1'avenir dans la jouiffance des biens et droits dépendants du Clermontois, et feront les dits biens et droits , conformément a 1'Article X. du 22. Novembre dernier, adminiftrés, régis, et perqus, fuivant leur nature, par K fij les  150 HISTOIRE ET ANECDOTES les commis, agens et prépofés du fifc, chacun en ce qui les concerne. Art. IV". L'AiTemblée nationale, prenant en confideration les fervices rendus a 1'état, par Louis de Bourbon, furnoramé le grand Condé, decrete: I°- que la Som me de lept millions cinq cents mille Livres, comptée a LouisJofeph de Bourbon-Condé, lors de 1'échange ci-deiTus annulée, lui demeurera en mémoire des dits fervices. II0- que les finances des offices crées par Louis-Bourbon, donataire primitif, ou par fes fucceifeurs dans le Clermontois; et dont le prix a été retiré par eux, feront rembourfées par le tréfor public, dans la mème forme, et au taux décreté pour les offices de mème nature, étant a la charge de 1'état. Camuifait ^ CamUS > 0rdinai- valoir une rement/ne paroiifoit a la tribuprétention ne, que pour dénoncer des DuTd'Or" abus' ProPoier la fuppreffion liam. des places abufives, ou de pen- fions  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. IJl fions fur 1'état, fe chargea de fairervaloir une prétention fort extraordinaire de M. le Duc d'Orléans. Le 7. Novembre 1721, il avoit été paifé un contrat de mariage, entre le Prince des Afturiés, fils ainé du Roi d'Efpagne, et Louife ÉHfabeth, fille du Duc d'Orleans alors Régent du Royaume, entr'autres avantages , que le Roi mineur lui accordoit fur le champ; il fut ftipulé que 1'état lui payeroit une dot de 5 00,000 Ecus d'or; a condition qu'elle renonceroit a tous droits paternels et maternels, en faveur du Duc de Chartres. Cette dot fut évaluée par la chambre des Comptes, a la fomme de 4,1 f8,850 Livres, cette Princeife qui avoit été un inftant Reine d'Efpagne, et avoit perdu fon mari, le Jl Aouft 1724. revint en France; et on lui paya exacfement les intéréts de cette fomme. En 1742, elle fit transport de la propriété de fa dot, dont aucune partie n'avoit été acquitée , a Mr. le Duc d'Orléans; a condition qu'il renonceroit aux K iv fuc-  152 HISTOIRE ET ANECDOTES fucoeffions de fes père et mère, qu'il avoit déja recueillies ; cette claufe ne fut point exécutée: il garda les fucceffions; et les intéréts de la. dot continuerent a être payés a la maifon d'Orléans jusqu'en 1789. M. le Duc d'Orléans réclamoit le Capital de cette dot comme éxigible, dans le moment adtuel. Mais on pouvoit lui répondre, que, Louife Elifabeth d'Orléans, ayant été dottée par le roi, la réverfion de fa dot devoit être alfurée de droit a la couronne, quoique la claufe n'en fut pas ftipulée. C'étoit mème en confidération de cette dot, qu'elle avoit renoncé aux fucceflions de fes pere et mere, que la maifon d'Orléans avoit recueillies entièrement. L'Article d'un décret du 3. Aouft 1790. supprimoit avec les penfions et les dons , toutes les aiïurances eueiUie. de dots et aouaires; ainfi une loi faite par 1'Alfemblée détruifoit les prétentions de M. le Duc d'Orléans. Lorsqu'elles furent produites pour la  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 15 3 la première fois , elles ne parurent pas obtenir beaucoup de faveur; les intrigues, les promefles, la féduétion furent employees et d'après un avis des comités des finances et de liquidation, il fut décrèté, que le tréfor public feroit chargé de faire payer a M. le Duc d'Orléans la fomme de 4,1 f 8,8 fo Livres. C'eft ainfi que 1'Aifemblée, après avoir dépo uillé impitoyablementles Princes dela familie royalle de leurs apanages, qui leur étoient aifurés par les loix de la Monarchie, et avoir privé M. le Prince de Condé de la propriété du Clermontois , qui lui étoit confirmée et garantie par un traité de paix; accueillit, fur le plus frivole éxpofé, la prétention d'un fcélerat, pour lui fournir des moyens de commettre de nouveaux crimes. (*) K v L'Em- (*} Ce décret fut payé par M. Ie Duc d'Orléans. La maniére d'obtenir les fuffrages de la majorité de 1'afiemblée n'étoit pas un myftere. Les membres du Cóté gauche vendoient leurs voix: Ce tarif étoit  154 HISTOIRE ET ANECDOTES itopoiiri. , . L'EmPereur Léopold, avoit dame les ccnt au Ro1' pour fe plaindre droits des des décrets de 1'Affemblée qui tmSrt attacluoient les poifeffons et les droits des Princes de PEmpire, qui avoient des titres et des fiefs en Alface et en Lorraine. Le Miniftre des affaires étrangeres en fit part a PAffemblée par la lettre fuivante en envoyant celle que 1'Empereur avoit écrite au Roi. Le Roi m'a ordonné de ^MontZl' communiquer a PAffembléerin. Nationale la lettre, que fa Ma¬ jefté a recué' de PEmpereur, réla- étoit depuis douze livres jusqu'a cinq Louis ; et il n'en coutoit que la peine de s'afleoir ou de fe lever. Le préfident propofoit la queftion, et difoit enfuite, que ceux qui font d'avis de 1'adopter fe levent; que ceux qui veulent la rejetter fe levent. Lorsque la Majorité étoit payée; il n'y avoit pas de doute fur la quantité des membres qui avoient voté. Et le préfident prononcoit le décret.  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 155 rélativement aux réclamations des Princes et des différens. membres de Pempire Germanique', qui ont des poffeftions en Alface. J'ai Phonneur de vous envoyer ci-jointe une traducfion fidéle de cette lettre, dont 1'original eft en latin. Sa Majefté avoit d'abord penfé qu'il fuffifoit que j'en donnaife connoifTance au Comité diplomatique de 1'Aifemblée nationale; ce que je fis alors: mais les différentes verfions de cette lettre, qui fe font répanduës dans le public, et les allarmes qu'elles paroiifent y avoir caufées, ont fait juger a fa, Majefté, qu'il étoit néceiTaire que j'en donnaife a 1'Affemblée nationale une communication publique et autentique. Le Roi m'a en mème temps ordonné d'informer 1'Aifemblée, que cette démarche ofHcielle et prévuë depuis longtems du Chef de PEmpire, avoit été précédée et fuivie des explications les plus amicales et les plus fatisfaifantes de Leopold II. je dois également faire connoitre a 1'Affemblée, que les difpofitions des autres principale»  156 HISTOIRE ET ANECDOTES pales cours de 1'Europe, loin de préfenter des vues hoftiles a notre égard, ne nous annoncent au contraire que le défir de maintenir avec nous 1'harmonie et la bonne intelligence. Le Roi, en ra'ordonnant de donner a rAifemblée nationale ces notions générales et tranquillifantes, eft bien eloigné de vouloir la détourner des mefures de prudence et de précaution, qu'elle pourra dans fa fageife déterminer de lui propofer. II eft trop important d'écarter des premiers moments de la formation . de notre conftitution jusqu'a Tapparence des troubles extérieurs, pour que des précautions peu néceifaires dans d'autres circonftances ne foient pas convenables dans uii moment ou des bruits répandus et accrédités, dans des intentions peut-être fort difterentes , n'en concourent cependant pas avec moins d'éfficacité a allarmer les efprits et a troubler la tranquilité publique. Le Département, qui m'eft confié, me permet trop rarement des commu- nica-  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 157 nications avec 1'Affemblée nationale, pour que je ne faifiife pas avec empreifement cette occafion de la fupplier d'ètre bien perfuadée, que je ne ceirerai d'avoir devant les yeux les devoirs, que m'impofent les marqués de Bienveillance et d'eftime dont elle m'a honoré. Ces fentimens de fa part me font d'autant plus précieux et d'autant plus néceifaires, que la nature des affaires, que je fuis obligé de fuivre, prëte a tous les genres d'inculpations, qui préfentées par les perfonnes mème les plus étrangeres a la marche des affaires politiquesij peuvent ne pas paroitre dépourvuës de vraifemblance. Les juftifications feroient cependant toujours difficiles, fouvent impoflibles , et quelque fois criminelles. Je dis criminelles, parceque je regarderois comme telles toutes publications, qui n'ayant pour objet que de difculper le Miniftre, pourroient compromettre la chofe publique. Telle feroit la pofition , dans laquelle fe trouveroit fouvent le Miniftre des affaires étrangeres, s'il  158 HISTOIRE ET ANECDOTES s'il n'étoit afiuré de la confiance des repréfentans de la nation. Honoré déja des preuves de cette confiance, j'ofe en demander la continuation, bien certain de la mériter toujours par la droiture et la pureté de mes intentions, ainfi que par mon attachement a la conftitution. toPfort de „ „ Qyf1(lues Pms après que .Mirabecmfur PAflemblee eut obtenu coml'Etat poiiti- munication de ces pieces; M. que del Eu- Aq ]y/üraoeau gt un rapp0rt fur la fituation politique des états de 1'Europe , il démontra que leur pofition et leur intéret éxigeoient qu'ils maintinflent la paix avec la France, qu'a 1'égard de la réclamation de 1'Empereur, on devoit la confiderer comme une piéce diplomatique peu importante; il obferva que , 1'Aüemblée ayant décreté, qu'on accorderoit des indemnités aux Princes de 1'empire poireflionés en France, et plufieurs d'entr'eux ayant entamé des négociations a eet egard, on n'avoit a redouter de leur part aucune aggrefiion.  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 159 j aggreffion. Cependant le Comité diploI matique crut devoir prendre une mefuI re de Sureté générale en fuppliant le I Roi de faire porter au Complet de guerI re 30 Régimens d'Infanterie , a raifon I de 7) o hommes par bataillon et 20 RéI giments de troupes a Cheval, a raifon I de 170 hommes par Efcadron, pour ètre diftribués dans les départements limitrophes des pays étrangers. Le Rapport qu'avoit fait M. de Mirabeau fut confirmé par une lettre de M. de Montmorin au Préfident de 1'Aifemblée, oü il rendoit Compte de la Situatiën politique de la France et du progrés des Négociations avec les Princes poifeffionés en Alface. Cette lettre étoit concuë en ces termes. Monfieur le Préfident. J'ai recü la lettre , que vous m'avez fait 1'honneur de J;ettre de Mr. de m'écrire le 7 de ce mois, par Montmorin. la quelle vous me priez de vous mettre a portée de rendre compte a  IÓO HISTOIRË ET ANECDOTES a 1'Affemblée nationale des mefures, qui ont été prifes par le département dont je fuis chargé en exécution de fes décrets, rélativement a la Sureté publique, tant a 1'extérieur qu'a 1'intérieur. Les mefures qui dépendent du département qui m'eft confié , ne peuvent confifter que dans une furveillance exade et vigilante fur tous les points, qui pourroient nous inquiéter. Le Roi m'a donné a eet égard les ordres les plus précis; et je les ai transmis a ceux de fes Miniftres, qui font fur nos frontieres. Les comptes , qu'ils m'ont rendus, ne préfentent jusqu'a prèfent aucun fait, qui foit de nature a vous donner des allarmes. Cependant, comme on en a concu , d'après des rapports que je ne faurois apprécier, je viens de renouveller encore, de la part de fa Majefté; Pordre de redoubler de Vigilance; et indépendamment de ces mefures générales, et qui font dans 1'ordre ordinaire, j'en ai pris d'autres plus particulieres, et dont le réfultat fera de me tenir in for- mé  DE LA REVOLUTION FRANf OISE. 161 mé avec la plus grande précifion de ce qui fe paifera dans les lieux oü nous n'avons pas de Miniftre, et qui pourroit intéreifer la fureté de nos frontieres. Je faurai inceifament de la maniere la plus pofitive, fi les bruits, qui fe font répandus, ont quelque réalité, et jusqu'a quel point ils peuvent être fondés. Je me ferai un devoir d'en informer le commité diplomatique, et fur tout le département de la guerre; car mon devoir eft de 1'avertir a tems des dangers, dont nous pouvons être menacés; et le fien eft de fe mettre en mefure de les repouifer. Je comprendrai également dans les mefures, propres a maintenir la tranquilité a 1'extérieur et a 1'interieur, les négociations qui fe fuivent avec les Princes de 1'empire, pofleifionés en France. Le décret par lequel le Roi eft prié de fuivre ces négociations , m'a été envoyé par M. le Garde-des-Sceaux le Ier- Décembre 1790 ; et le 6 du mème mois j'envoyai par ordre de fa Majefté toutes les inftrucfions néceifaires aux Miniftres T.IILSett.L L que  IÓ2 HISTOIRE ET ANECDOTES que nous avons auprès de ces Princes. Quatre d'entr'eux ont confenti a entrer en négociation; fcavoir, M. le Duc de Deux Ponts, M. le Prince Maximilien fon frere, M. le Duc de Würtemberg, et M. le Prince de Linange. La Négociation avec le Miniftre plénipotentiaire de M. le Duc de Würtemberg eft en pleine aclivité: celle avec la maifon Palatine de deux Ponts y feroit également, lï les Officiers du Duc des Deux Ponts et du Prince Maximilien n'avoient rencontré des difficultés dans les différentes reconnoiifances, qu'ils ont été obligés de faire pour 1'évaluation des pertes, que ces Princes ont éprouvées: les papiers, que leur agent attendoit, font arrivés , ou arrivent cette femaine , et cette Négociation va être fuivie avec toute 1'adivité , dont elle eft fufceptible. II en fera de mème de M. le Prince de Linange, que je preife de donner fuite au confentement qu'il a donné d'entrer en négociation. M 1'évêque de Basle n'attend que le moment oü le Calme fera  DE LA REVOLUTIÓN FRANCOISE. 163 fera rétabli chez lui, pour envoyer ici quelqu'un chargé de fes intéréts a eet égard. Les autres Princes s'éfforcent de faire intervenir en leur faveur PEmpereur et PEmpire ; et leurs réclamations occafionnent une aifez grande fermentation a Ratisbonne. II y a du tems, que j'ai cru devoir prendre des mefures pour éclairer la cour de Vienne, tant fur nos principes, que fur les prétentions des princes. J'ai également chargé le Miniftre du Roi en Pruife d'en faire autant a Berlin. Les difpofitions de ces deux cours n'annoncent rien que de pacifique a notre égard; et je dois croire, que la force des raifons et de la Sageffe prévaudra fur 1'efprit des princes , qui ont un intéret diredl dans cette affaire: mais il me feroit impoflible de donnet aucune certitude a eet égard; et je penfe, que nos mefures intérieures doivent contribuer eifentiellement a notre tranquilité extérieure, comme au fuccès de nos négociations, L ii t*  164 HISTOIRE ET ANECDOTES La fuppreffion de la jurisdicfion diocéfaine et métropolitaine n'eft fufceptible d'aucune négociation, parcequ'il ne peut exifter aucune compenfation pour les Princes intérelfés, et c'eft eet objet, auquel on paroit mettre le plus de chaleur et d'importance. On ne peut, a eet égard, que montrer une rélolution ferme et pofitive , et attendre que le tems et la raifon aient fait ceifer des réclamations , auxquelles notre nouvelle conftitution ne permet pas d'avoir égard. Je crois devoir vous prévenir auffi, Meflieurs , que nos arrangemens militaires avec les fuiifes font dans le meilleur train, et qu'on peut les regarder comme a peu-prés terminés a notre entière fatisfacfion. Notre ambaifadeur en Suiife a les ordres' les plus précis de fuivre eet objet avec la plus grande acfivité. Je crois enfin, quoique eet objet , n'intérelfe pas direcfement la tranquilité publique., devoir vous parler auffi de ce qui s'eft paffe rélativement aux amballadeurs et Miniftres, auxquels j'ai'; par  DE LA REVOLUTION FRANqOlSE. 165 par ordre de fa Majefté, demandé le ferment exigé par la conftitution. J'ai fait fucceffivement paifer a l'aflemblée le ferment de tous ceux qui me l'ont envoyés. M. Bombelles, ambaffadeur a Venife, m'a envoyé fa démiffion, avant que j'eulfe pü recevoir fa réponfe a 1'ordre, que je lui avois fait parvemr, de m'adreüer fon ferment: il a requ immédiatement fes lettres de rappel. La place de Genève, occupée par M. Caftelnau, a été fupprimée, avant qu'il fut queftion du Serment éxigé. L'aflemblée nationale m'a renvoyé le ferment de M. le Cardinal de Bernis. J'ai informé ce Miniftre qu'il devoit m'en adreifer un fimple et fans reftricfion, ou m'envoyer fa démiifion. Par la réponfe, que j'ai recuë de M. le Cardinal de Bernis, avanthier, je vois qu'il ne pouvoit pas prêter un autre ferment que celui qu'il m'avoit précédemment envoyé ; et je n'attends que le moment oü la Santé de fa Majefté permettra que je prenne fes ordres, pour lui envoyer fes lettres de rappel L iij et  ï66 HISTOIRE ET ANECDOTES et lui donner un Succeffeur, ainfi qu'a M. Bombelles. Voila, je crois, tous les objets fur lesquels vous pouve2 defirer des éclaircilfemens: s'il en exiftoit quelques autres, je vous prierois de me les indiquer ; et je m'empreiferois de vous donner tous ceux qui font en mon pouvoi* Peu de jours après que M. de Montmorin eut écrit cette lettre a 1'alfemblée, il 1'informa des changemens opérés dans .le corps diplomatique. L'ambaifade de Rome, Changemens 0 ée ar M le Cardinal de dans le corps \ r Diplomatique. Bernis, fut confiée a M. de Ségur 1'ainé. M. d'Osmont remplaqa M. de Ségur a Petersbourg. M. de Gouvernet fils de M. De la tour-dupin ancien Miniftre de la guerre paifa a la Haye. M. de Vibraie quitta la place de Miniftre plenipotentiaire a Dresde, pour paifer en Suede , et fut remplacé en Saxe par M. de Montesquiou , fils de celui, qui étoit deputé a 1'aifemblée nationale. M. de Durfort paifa de Florence  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 167 rence a Venife, dont M. de Bombelles (*) avoit quitté 1'Ambaifade. M. de Ternant Colonel, Commandant de Royal liégeois fut enyoyé prés du congrès Américain, et Bonne - Carrere , homme de la plus baife éxtra&ion et du Caracfère le plus vil , fut nommé Miniftre plenipo. tentiaire a Liege. II dut cette faveur extraordinaire a 1'emploi de Secrétaire du Club des Jacobins, qu'il occupoit alors. M. de Montmorin qui ne négligeoit aucuns moyens de faire fa cour a 1'alfemblée, mème par les plus laches complaifances, lui donna une nouvelle preuve de fon dévouement en choiifant un agent du corps diplomatique parmi les plus L iv zèlés (*) Mr. de Bombelles n'avoit d'autre fortune que fon emploi, il le quitta noblement, fans aucune apparence de Regret, pour ne point préter le Serraent, exigé des fonaionaires publics, qui auroit apparemment bleffé fa ddicateffe, la Reine de Naples inftruite de fa pofition , et d'après les recommandations de la Reine de France, dont il étoit protégé; lui ac* corda ia mille livres de penfion.  IÓ8 HISTOIRE ET ANECDOTES zèlés démocrates. M"e- Théroigne, dont le talent pour fomenter les révolutions étoit éprouvé, avoit été envoyée a Liege par les Jacobins, pour travailler de concert avec Bonne-Carrère, a foulever ce malheureux peuple. L'Empereur la fit arrèter prés d'Aix la chapelle, elle fut transferée a Vienne, oü on examina avec attention fes papiers, efpérant qu'ils fourniroient quelques lumieres importantes: au bout de quelques mois de détention, on lui rendit fa libejrté. II paroit etonriant que le Confeil de 1'Empereur ne fait pas engagé a féqueftrer de la fociété une femme auffi dangéreufe, dont la conduite dans les journées des 5 et 6 Otfobre méritoit la punition la plus éxemplaire. L'Aifemblée, qui auroit voulu que tous les emplois fuffent occupés exclufivement pas fes adhérants, ne fut pas fatisfaite de voir dans cette promotion des nobles et des partifans de 1'ancien régime. M. de Menou, fe plaignit amêrement de M. de Montmorin et propofa de  DE LA REVOLUTION FRANC.OÏSE. 169 de décreter que les Miniftres avoient perdu la confiance de la nation. Cette propofition n'eut alors aucune fuite. Mirabeau avoit enfin atteint 1'objet de fes défirs, après Mirah<™ ■ 3 . r tombe ma- plufieurs tentatives infructueu- i„de. fes, il avoit obtenu la préfidence de 1'Alfemblée. Quelque tems aupai avant, rAifemblée electorale de Paris Pavoit nommé merabre du Département. Ces emplois exigeoient de fa partun lur croit; de travail et d'afliduité, et quoiqu'il füt exceffivement occupé, il fe livroit avec ardeur a tous les plaifirs qu'on pourroit a peine fe permettre dans 1'érfervefcence de la jeuneife, II avoit une table Techerchée et vivoit des méts les plus delicats et les plus échauffans: il ufoit avec abondance des vins les plus exquis: fa paffion pour les femmes , au lieu de diminuer avec Page, n'avoit fait que s'accroitre par la facilité qu'il trouvoit a fatisfaire fes goüts. Indépendamment de Madame Lejay fa maitrelfe en titre qu'il courtifoit affidüement, L v ü  170 HISTOIRE ET ANECDOTES il achetoit les faveurs des.plus jolies actrices des differens fpedacles. Quoique la nature feut doué d'une conftitution trés robufte, élle ne put tenir a une vie aufli déréglée, il travailloit le jour avec une ardeur inconcevable, et confacroit les foirées et les nuits aux plaifirs de la table et de 1'amour, au commencement de 1'année 1791 il fentit plufieurs incommodités, fuite de fes débauches : des douleurs rhumatismales, des éréfipelles; des inflammations. Paffagères 1'avertirent, que fa fanté ne pouvoit tenir a de pareilles épreuves. On lui confeilla de faire de 1'exercice; mais fa conftru&ion , et fes penchants naturels le difpofoient a mener une vie fédentaire: il auroit pü difliper fes maux, en obfervant un régime exacf, mais bien loin de vivre d'une maniére réglée, il continua, plus que jamais, a fe livrer a tous les excès , a la fin de mars, il fut attaqué d'une fiévre bilieufe, a laquelle fe joignit üne légere inflammation d'entrailles, les fimptömes devinrent bien- tót  PE LA REVOLUTION FRANCOISE. 171 tót plus éffrayants. M. de Cabanis fon Medecin et fon ami, crut qu'il étoit prudent de lui appliquer les Veficatoires: ils le foulagerent; mais le mal avoit deja fait de trop grands progrès: il jugea que fa maladie étoit mortelle. Cependant pour n'avoir rien a fe reprocher, il fit appelier le Dodeur Petit. Jusqu'a cette époque le malade avoit toujours confervé de Pefpérance; et il paroiifoit attacher -beaucoup de prix a la vie: il voulut abfolument connoitre ce que penfoit M. Petit. Ce célébre praticien lui répondit avec fa franchife ordinaire, "j'e„fpére, que nous vous fauverons, je n'en „répondrois cependant pas. „ Mirabeau comprit parfaitement ce langage , et recueillit toutes fes forces pour tacher de mourir avec courage. Les medecins lui donnerent du kinkina pour prévenir les progrès de la gangrène qui étoit déja déclarée: pendant qu'il faifoit ufage de ce remède, il eut des moments lucides, et paroiifoit avoir encore toute fa tête et fa préfence d'efprit: envi-  17a HISTOIRE ET ANECDÜTES environné de trois ou quatre amis parmi lesquels étoit M. de la-Mark, qu'il nomma fon executeur teftamentaire, il ne eet fa de les confoler et de leur donner des marqués touchantes d'amitié et de fenfi» bilité. Jamais la maladie d'aucun Souverain n'avoit infpiré plus d'in- Interet qu'il , ,, \ , infpre. teret me célebre. tres eftervefcente et diliolue; il n'avoit jamais fu maitrifer fes paflions, et étoit un homme immoral dans toute 1'étendue du terme. Mais au milieu de tous fes vices, la nature Favoit doué des qualités rares et précieufes qui commandent 1'admiration des hommes. Cette aifertion fe vénfia a 1'époque de fa mort. Les deux partis qui di- I vifoient raflemblée nationale , fe réunirent pour déplorer fa perte. Perfonne en éifèt dans le cours de la révolution Fran- ! c;oife n'avoit montré une réunion plus écla-  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 179 \ éclatante de la force de 1'ame et des lu1 mieres de 1'efprit: perfonne n'avoit exercé une plus grande autorité dans ralfem< blée nationale, par fon éloquence et la ; jufteife de fon difcernement, c'étoient la les deux principales parties de fon talent. Ceux qui avoient fuivi avec impartialité tous les mouvements de raflemblée nationale, étoient obligés de convenir 1 que fa préfence d'efprit, quelque fois la juftefle de fes raifons et furtout la facilité avec laquelle il faifliflbit la vérité au milieu des conteftations les plus complijj quées, lui avoient obtenu dans plufieurs circonftances une confiance générale. Mirabeau avoit un grand avantage fur les autres orateurs, celui dl n'ètre ji jamais interrompu , et de voir fes opiI nions et fes difcours accompagnés d'apI plaudiflements. Sur d'obtenir les fuffrages de fon parti et du peuple qui occuI poit les galeries, il pouvoit a fon gré réI duire au filence ceux qui auroient voulu I réfuter fes opinions. Après avoir acquis I la plus grande popularité , par 1'ardeur M ij avec  180 H1ST0IRE ET ANECDOTES avec laquelle il avoit propagé la révolution, on Pavoit vü tout-a-coup changer de parti; il avoit attaqué, au commencement de raflemblée, avec véhémence, les prérogatives du fouverain et 1'autorité royale: quelque tems après, foit qu'il edt été gagné par des promelfes et des préfents , ou qu'il redoutat 1'afcendant et la fuite des projets défaftreux des Jacobins, il changea tout-a-coup de langage, on 1'entendit parler avec chaleur et éloquence , pour accorder au Roi Ie veto fufpenfif illimité. Lors de la difcuffion fur le droit de la paix et de la guerre, fes opinions décelerent qu'il avoit abfolument adopté d'autres idéés et fes difcour*s fe trouvoierrt en contradiction avec le langage qu'il avoit tenu au commencement de l'aflemblée. Les folliculaires fe déchainerent contre lui et le jour oü cette queftion fut décidée , on vendoit a la porte de l'aflemblée, et on crioit dans tous les carrefours de la Capital e. La Grande et infame Trabifon découverte du Comte de Mirabeau. H dé- nonca  DE LA REVOLUTION FRANqOlSE. 181 nonqa a cette époque, avec un courage qu'on ne lui foupqon- fjjjj* noit pas, ces plattes horreurs t„puiairt. et les fadtieux, qu'il connoiffoit bien, qui les répandoient parmi le peuple. En parlant de la faveur qu'il avoit obtenue: „je n'ai jamais oublié, (di„foit-il, qu'il n'y a qu'un pas du capitok „a la Roche Tarpéïenne.,, Ses principes, peu avant fa mort, parurent diamétralement contraires a ceux qu'il avoit adopté au commencement de la révolution. II paroiifoit foutenir le pouvoir éxécutif contre les attaques réitérées des démocrates, et au lieu de foutenir 1'infurrecïion et la révolte, on ne 1'entendoit parler qu'en faveur de 1'ordre et de la juftice. La derniere fois qu'il parut a la tribune, il prononca avec force, qu'il avoit confacré fa vie a combattre la tyrannie; mais quil pourfuivroit également fans relache les factieux dans quelque porti qu'ils fe trouvdjjent Ces paroles firent une terrible impreffion fur le petit nombre d'individus qu'elles concernoient, et elles donèM iij rent  182 H1ST0IRE ET ANECDOTES rent de grandes efpérances aux citoyens également ennemis du defpotisme et de la licence. M. de Mirabeau, a fa mort, paroiifoit être perfuadé, et il avoit exprimé plufieurs fois, qu'on ne pouvoit fans mettre la liberté en péril , faire la conftitution par les moyens, qui avoient fervi a opérer la Révolution. II répétoit fouvent: „que Je mouvement avoit été „indifpenfable pour renverfer, mais qu'il „falloit du repos, de la confiance et de a,la pais pour élever. „ C'eft d'après ces principes qu'il rédigea la proclamation du département de Paris pour faire ceifer les troubles qui agitoient la Capitale. Les royaliftes, et les amis de 1'ordre fans eftimer fa perfonne , ni fon caracf ère, efpéroient, que fon intéret 1'engageroit a deployer fes talents et fon afcendant fur les efprits pour écrafer les vils facfieux, qui cherrhoient a perpétuer 1'Anarchie, a eet égard jamais la perte d'aucun citoyen ne dut être plus fenfible, et les regrets qu'on n'a pu lui refufer alors, deyinvent encore plus vifs par la fuite des événements. Mira-  DE LA REVOLUTION FR4NC.OISE. 183 Mirabeau écrivoit et parloit avec beaucoup de facilité, Jjfgg mais en général fes producfi- quencu ons étoient peu foignées , et mème il n'étoit pas 1'auteur de plufieurs de celles qui ont paru fous fon nom. II avoit le talent de s'approprier le travan* d'autrui; fes ouvrages fur les finances avoient été compofés par les banquiers Panchand et Claviere. Son hiftoire de la Monarchie prufienne étoit traduit en grande partie d'un ouvrage du Lieutenant Colonel Mauvillon. Lorsqu'il paroiifoit a la Tribune, il déclamoit avec une lenteur et un ton de voix pédantesque, fon genre d'éloquence paroiffoit plutót ëtre 1'ouvrage de Part que celui de la nature; fa réputation entrainoit les furfrages, bien plus que ce fentiment irréfiftible dont 1'ame eft pénétrée lorsqu'on entend un orateur diftingué. Si les dermeres paroles d'un mourant peuvent être regardées comme des prophéties, on doit avouer que celles de Mirabeau fe font cruellement vérifiées. M iv „J'em-  184 HISTOIRE ET ANECDOTES „J'emporte. avec moi la Mo- ZouT'm narchie' des fa*eux s'en partageront les debris. (*) Lors- (*) Ces paroles de Mirabeau éxciterent quelques membres a imiter fon exemple, mais ils n'avoient ni fes talens ni fes moyens. Ils vouloient rétablir 1'ordre et la tranquilité. Le feul moyen pour y parvenir ■ étoit de donner du reflbrt et de 1'aétivité au pouvoir exécutif; bien loin de concourir a ce but falutaire, l'aflemblée jaloufe du peu d'autorité, qui lui reftoit, attaquoit tous les jours fes foibles prérogatives. A la féancè du 6 Avril on discutoit 1'Art. ie. de 1'organifation du Miniftère: con9u en ces termes: au Roi feul, appartient le choix et Ia révocation des Miniftres: deux chefs du parti des Jacobins s'y oppoferent, comme 1'on pouvoit s'y attendre. Roberspierre demanda i'ajoumement de 1'Article L'autre Charles Lameth penfoit qu'avant tout, il falloit ftatuer fur la refponfabilité. "Si 1'Arché„vèque de Bordeaux, ajouta t-il étoir „refté en place, 1'état auroit efluyé les „plus grands malheurs de la part des „ariftocrates." La liberté, répondit Chapelier,  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 185 Lorsque Mirabeau parut a 1'affemblée il n'avoit que des ^fZZ dettes , il avoit toujours été /-„ fortune. diffipateur et prodigue, et après avoir recueilli la fucceflion de fon père, il lui manquoit encore 150,000 Livres pour fatisfaire fes créanciers On ne peut douter qu'il n'ait recu des fommes confidérables, foit des Chefs du parti populaire , foit des royaliftes , peut-ëtre mème alternativement de toutes les factions. En trés peu de tems il acheta une terre de 40 mille Livres de rente, prés Paris; PHótel magmfique du Préfident le Pelletier; la Bibliotéque de feu M. de Burfon, qui valoit plus de 200,000 Livres indépendamment de fes acquifitions, il faifoit une dépenfe confidérable, fa table étoit toujours magniiiquement fervie , et trés nombreufe, fa , maifon étoit meublée avec goüt et recherche: dans plufieurs circonftances, il donna des M v fëtes pelier, ne tient plus ni aux ariflocrates ni aux fatlienx. Cet horoicope ne s'eft pas vérifié depuis.  186 HISTOIRE ET ANECDOTES fêtes magnifiques : dans le tems de la fédération, il dépenfa plus de 200,000 Livres et un repas donné peu avant fa mort aux citoyens du diftriét qu'il habitoit couta plus de mille Louis. II n'épargnoit rien pour fatisfaire fon penchant pour les femmes. II entretenoit a la fois plufieurs maitreifes qu'il avoit foin d'environner de tout 1'appareil de Populence et du luxe. La fource de cette fortune ne pouvoit venir de la vente de fes journaux et de fes oeuvres, qui cependant avoient un débit extraordinaire. On doit la trouver naturellement dans les préfens qu'il recevoit, et dans 1'agiotage. On allure avec vraifemblance, qu'il requt un million d'une Société, pour faire palfer le decret concernant la nouvelle émilfion d'affignats. Le folliculaire Desmoulins 1'accufa publiquement de recevoir douze mille Livres par mois fur les fonds de la lifte civile : cette afiërtion qu'on regardoit alors comme une calomnie , paroit actuellement probable et donne 1'interprétation claire  DE LA REVOLUTION FRANfOISE. 187 claire et précife de la verfatilité de fa conduite et de fes opinions. Son Teftament étoit ainfi Soa Tefta- ment. conqu: A un enfant qui m'eft cher 24,000 Livr. a mon Secrétaire. - - 24,000 a mon Medecin. - - 24,000 a Mesdemoifelles du Saillant mes niéces. - - 2,800 de rente ~ viagere. a chacune de mes autres nieces. 600 a Mon ami Mr. de la Mark, ma bi- blioteque. a Madame Lejay, tout ce qu'elle peut me devoir. Pour le Surplus de mes biens, j'inftitue M. du Saillant mon héritier univerfel. La Nation fe chargea des fraix de fon convoi funébre, eet objet couta plus de 100,000 Livr. On auroit eu de la peine a fe perfuader alors, que Mirabeau qui avoit été un des premiers moteurs de la révolution , que Mirabeau, le défenfeur des droits  188 HISTOIRE ET ANECDOTES droits du peuple et devenu depuis ion idole, que eet homme extraordinaire a qui 1'adulation avoit prodigué les noms célébres des grands hommes de 1'antiquité, deviendroit peu apres fa mort 1'objet de 1'éxécration de presque tous les citoyens du royaume! Cet événement fe vérifie cependant fous nos yeux: foit que la convention ait acquis des preuves réelles de la maniére dont il vendoit fes fuffrages et trahiifoit fes commettans ou qu'elle ait fabriqué des pieces pour accréditer ces bruits, d'autant plus faciles a croire , qu'ils préfentent une grande apparence de vérité. II eft certain , que les mots de fcélérat, de monftre, de traitre, ont été fubftitués, dans la bouche du peuple, a ces epithetes flateufes, dont on encenfoit fa vanité; qu'on a éffacé de toutes les Ruës et autres lieux publics le nom de Mirabeau, pour ne plus rappeller un objet d'horreur et de mépris ; qü% fes buftes placés a 1'aifemblée nationale et a la maifon Commune ont été brifés; qu'enfin fes cendres  DE LA REVOLUTION FRAN?OISE. 189 dres tirées du pantheon font devenuës la proie des vents , et ont été remplacées par celles du vil et Sanguinaire Marat. Quel eft le mottel, qui d'après eet exemple peut compter fur la gloire qui dépeiid de la faveur du peuple? Qu'il renonce a d'autres moyens d'en acquérir, que par cette fuite d'actions vertueufes, qui commandent 1'eftime générale, et mème le refpecf des fcélérats. Ce Mirabeau fi vanté par les patriotes Franqois et leurs nombreux adhérants répandus dans les pays étrangers, ne pailèra plus aux yeux de la poftérké, que pour un intriguant trés adroit, fans moeurs, fans Religion, fans principes et fans pudeur. Le .Cardinal de Rohan, retiré dans fa petite principau- Manoeuvre . , du Cardinal te, employoit tous les moyens de Roha„, polfibles pour recouvrer fes pof feiïions et fon autorité en Alface. Ses moyens étoient proportionnés a 1'étendue de fon génie. Les lettres paftorales, les  19° HISTOIRE ET ANECDOTES les mandemens , les intelligences qu'il prétendoit avoir dans cette province devoient préfenter une conquête aflurée a M. le Prince de Condé et a M. le Vicomte de Mirabeau, qui, a cette époque, formoient déja des raflemblements.' Un Confeil compofé de quelques gentilshommes Alfaciens et de plufieurs prêtres entretenoit les efpérances du Cardinal, quelques déferteurs ou Soldats chaifés de leur corps compofoient fon armée. L'aifemblée au lieu de méprifer, comme elle le devoit, ces intrigues et ces tentatives, rendit contre ce prélat un décret, trop févére. Ces différens Articles réunis portoient en fubftance. ,, Qu'il y avoit lieu a accufation ,,contre le Cardinal de Rohan, comme „prévenu d'avoir excité des infurrecfions, „et contre fes conforts , fauteurs de „troubles et 'de féditions , auteurs et „colporteurs d'ouvrages incendiaires, „qu'ils feroient traduits comme tels, de„vant la haute cour nationale provifoi„re, fiégeant a Orléans, et que le Roi feroit  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 191 „feroit prié de donner des ordres, pour ,,faire arrèter les accufés, et les faire „conduire dans les prifons d'Orléans dans ,,la féance du 7 Avril, M.M. Martineau „et Dionis - du - Séjour, dévoilerent les „abus et les malverfations, qui s'étoient „introduites dans 1'Adminiff.ra„tion de 1'Flopital des quinze- 0» ïncuipe „vingt, dont le Cardinal de VM'»ini- • / 1 1 Jtration des ,,Rohan, en qualite de Grand- quinze-vingt. „Aumonier, avoit la direction. ,,11 fut prouvé qu'il avoit abufé des ré„venus de cette maifon, bien loin d'en „être l'économe. „ L'aifemblée, convaincue de cette vérité , rendit un décret, pour obliger 1'Adminiftration de rendre Compte de fes opérations; et pour que, fans s'arrêter aux divers arrêts du Confeil obtenus dans le cours des affaires, qui intéreifoient THopital et les acquéreurs de fon ancien emplacement, il fut permis aux parties léfées , de fe pourvoir par devant les tribunaux. Si le Cardinal de Rohan eut laifTé de la fortune en France, il auroit pu être  102 HISTOIRE ET ANECDOTES être affedé de ce décret, qui 1'attaquoit d'une maniere direde; mais comme il avoit en foin de contrader des det.tes immenfes; il n'y a que fon honneur et fa délicateife qui pouvoient en fouifrir. Je laiife au public qui a connu fa conduite a juger s'il a dü être fenfible a ce nouvel affront qu'il s'étoit attiré. Le Pape pour prévenir les fuiplfc. dU tes du fCnisme qui s'étoit introduit dans 1'églife gallicane fit paroitre un Bref, pour rappeller dans le fein de 1'églife, les chrétiens égarés, et pour maintenir les vrais fideles dans les principes de la Religion et Pobéifi fance duë au St. Siege. Cet écrit volumineux fut traduit en Francais; mais au lieu d'y reconnaitre cette éloquence douce et perfuafive, dont on eut pu trouver les traces dans les maximes de 1'évangile, et les ouvrages des apötresj on .étoit arrêté a chaque inftant par des citations pédantesques, des phrafes ampoulées , ou mêlées d'un jargon théo- logique  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 19 3 logique inintelligible pour la plus grande partie des mortels. II paroit mème que 1'autew de ce bref, qui étoit fans doute quelque prélat ItaHen, n'avoit pas faifi ni connu 1'efprit de la révolution Franqaife, et n'infiftoit pas fur les points principaux, qui devoient démontrer aux yeux des vrais fideles, comment l'aflemblée avoit envahi le pouvoir fpirituel, en paroiifant ne s'occuper que de régler les affaires temporelies de 1'églife. (*) Ce (*) Cet ecrit étoit intitulé: Bref du pape Pie VI a Mr. le Cardinal de la Rochefoucault, a M. 1'Archévêque d'Aix , et aux autres Archéveques et Évêques de 1'Aflembl e nationale de France. La traduélion francoife de ce bref contenoit 94. pages d'impreffion. Le fouverain pontife y dit, entr'autres chofes, " qu'il „n'ignore pas, que Ie refus qu'il a fait, „d'approuver la conftitution civile du „clergé, avoit pafté pour le deflein de .„favorifer une contrerévolution ; mais „qu'il fe flatte que le tems fera taire la „calomnie et convaincra tout le monde, „que, s'il n'a pas approuvé la conftitu- T.III. Sea.I. N tion  194 HISTOIRE ET ANECDOTES Ce bref ne produifit donc d'autre éffêt que d'allumer la colére des Jacobins, et de leur donner de nouveaux motifs pour perfécuter ceux qui étoient attachés a leur ancienne Religion. , „ Les nouveaux évêques Injtuence des / . , 1 Jacobimfur etolent presque tous membres les EieéUons ou arbhés des clubs , ils vin- Ecclefiafti. rent fe prollemer devant ceux a qui ils devoient leur exaltation: „tion civile du clergé, c'eft qu'elle eft „totalement contraire a la diicipline de „1'églife. „ On s'attendoit a en voir développer la raifon; mais, a eet égard, ]e St. pere garde le plus profond filence. II paroit que le pape diifirait, que toutes les déterminations dans cette affaire füffent 1'ouvrage des Évêques , et qu'il craignoit de compromettre fon autorité, en employant les voies de rigueur, qu'il jugea inutiles. Les vrais fideles euflent fouhaité, que cette produdion, deftinéeè avoir la plus grande publicité, eut été écrite avec clarté, méthode, et fcience; mais on n'y trouve aucune de ces qualités, pas mème des veftiges de 1'adrefle et de la politique Italiennes.  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 19 5 tion: c'eft dans ces antres impurs, qu'on avoit difpofé de tous les bénéfices, et mème de tous les emplois, qui étoient a la nomination du peuple, qui ne fe dirigeoit que par 1'impulfion des Jacobins. L'abbé Fauchet, 1'un de leur plus zèlés adhérents avoit fait paroitre une brochure, oü il propofoit la loi agraire; fa récompenfe fut 1'évèché du Calvados. Le Cardinal de Loménie, avoit confervé fa place, en pré- Lt CaYdinal , n . , , r de Loménie tant le ferment exige des fon- itmanit u cfionaires publics, il crut de- fermijjion voir excufer fa conduite hon- de ^acrtr , _ , les nouveaux teuie, aux yeux du cnel de l e- Évêques. glife, en lui écrivant, que fa boucbe avoit proféré le Serment, mais que fon coë'ur n'y avoit point participé: il demandoit au St. Pere, la permiffion de facrer les nouveaux évêques, en lui difant, que la nouvelle divifion de la Franqe, exigeant la fuppreflion de quelques fiéges, il ne croyoit pas que les opérations temporelies dirigées par Paft N ij fem-  196 HISTOIRE ET ANECDÜTES femblée, euffent aucun rapport a ]a doörine de 1'églife. p . „ . Le Pape répondit a cette Réponfe févè- ■, ,, . rtieVieVI. lettre d une maniere également digne et févére; après avoir réfuté tous les raifonnements du nouvel apoftat, il le menaqoit des cenfures de 1'églife et de 1'exclufion du facré collége, fi, par un prompt repentir, il ne reconnoiifoit fon erreur et fa faute. Le Cardinal de Loménie, Le Cardinal piqué des reproches du St. Pe, IZpZrÏ re' et,de la Publi"té qu'il avoit maine. donnée a ce Bref, lui écrivit la letttre fuivante, en lui annonqant qu'il fe dépouilloit de la pourpre romaine. Trés faint Pere. J'ai prié M. le Nonce de faire parvenir a Votre Sainteté mes premières repréfentations fur le bref qu'il m'a adref. fé, et fur fon étonnante publicité; mais je dois a mon honneur ma derniere réponfe.  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 197 ponfe, et je m'en acquite, en remettant a votre fainteté la dignité, qu'elle avoit bien voulu me conférer. L,es Hens de la reconnoilfance ne font plus fupportables pour 1'honnète-homme injuftement outragé. Qand votre Sainteté a daigné m'admettre dans le facré collége, Trés Saint Pere, je ne prévoyois pas que, pour conferver eet honneur, il fallüt être infidele aux loix de mon pays, et a ce que je crois devoir a 1'autorité fouveraine; placé entre ces deux extrémités, de manquer a cettte autorité, ou de renoncer a la dignité de Cardinal, je ne balance pas un moment; et j'efpere, que votre Sainteté jugera par cette conduite , mieux que par d'inutiles explications, que je fuis loin de ce prétendu fubterfuge d'un Serment éxtérieur; que mon coeur n'a jamais désavoué ce que ma bouche prononqoit, et que,.fi j'ai pu ne pas approuver tous les Articles de la conftitution civile du Clergé, je n'en ai pas moins toujours été dans N iij la  198 HISTOIRE ET ANECDOTES la ferme intention de remplir 1'engagement, que j'avois contracfé d'y être foumis, ne voyant rien, dans ce qu'elle m'ordonne, de contraire a la foi, ou qui répugne a ma confcience. Je devrois peut-être, trés Saint Pere, répondre aux autres reproches con, tenus dans le bref de Votre Sainteté; car, li je ne lui appartierïs plus comme Cardinal, je ne ceiTe pas, comme Evèque, de tenir au chef de 1'églife et au Père commun des fidèles, et, fous ce rapport, je ferai toujours prêt a Jui rendre raifon de ma conduite: mais le délai de fa réponfe, les exprelfions dans lesquelles elle eft concuë, fur tout 1'étrange abus de confiance que fon Miniftre s'eft permis, m'impofent filence. Qu'il me foit feulement loifible de répéter a Votre Sainteté, qu'on la trompe fur 1'état de la Religion dans ce royaume; que les voies de condefcendance, auxquelles je tachois de 1'amener, font impérieufement commandées par les circonftances; que fon long filence a peut-être amené les  DE LA REVOLUTION FRAN$OISE. IQ9 les affaires au dernier point de Crife, et que les moyens rigoureux, auxquels elle paroit déterminée, ne peuvent que produire un érfèt contraire a fes intentions. Je la fupplie de recevoir ces dernières réflexions, comme 1'hommage bien fincere du refpecf et du dévouement &c. Sens le 26 Mars 1791. (Signé) De Loménie. Le directoire du Département de Paris, avoit fait paroitre, le 11 Avril, un arrêté concernant la maniére dont le culte devoit être exercé dans les églifes paroiffiales, les chapelles et autres édifices de la ville de Paris. L'abbé Syeyes auteur de la déclaration des droits de' Phomme avoit été chargé de rédiger eet écrit. Les principes philofophiques qu'il contient auroient pu produire quelque éffët lur un peuple éclairé, tolérant, et policé; mais dans les circonftances acfuelles, et au milieu de PAnar- Amt, Ju chie qui regnoit en France, ce departement fut une pomme de difcorde, deParisretaN iv jet- J  200 HISTOIRE ET ANECDOTES jettée au milieu des facfieux, et le fignal de nouvelles perfécutions contre les vrais fidèles. Voici, eet arrêté trés intérrèflant par les fuites qu'il produifit. Le diredoire, pénétré de 1'obligation oü il eft de concourir de toutes fes forces a 1'écablirfement de la conftitution, de prendre toutes les mefures adminiftratives, qui doivent aifurer la pleine exécution de loix, et en particulier preifé par les circonftances d'employer des moyens prompts et éfficaces, pour maintenir 1'ordre public dans tout ce qui concerne le fervice du culte Catholique: Vu fon précédent arrété du 8 de ce mois, par lequel , „ en confirmant les mefures «provifoires prifes par la municipalité, „il requeroit, qu'il lui fut rendu compte „de 1'état des églifes paroifliales de Paris, »,et de leur fufEfance ou infuffifance pour „le fervice public du culte catholique:,, Vu le Compte préfenté par la municipal lite' a la Séance de ce jour, et après avoir  DE LA REVOLUTION FRAN£OISE. 201 I avoir entendu le procureur Sindic: le Dire&oire, confidérant que la Nation, en fe chargeant des frais du culte catholique, n'entend pas y confacrer plus d'édifices qu'il n'eft néceiTaire pour l'entier et complet exercice de cette Religion: que le tréfor national doit profiter de la vente de toutes les propriétés nationales devenuës inutües a 1'établiifement public: que la liberté du citoyen, dans fes opinions religieufes, et dans tout ce qui ne bleife pas 1'ordre public, doit lui être garantie contre toute efpèce d'atteinte: vou,lant en mème tems réprimer éfficacement les désordres publics , journellement fufcités par de mauvais citoyens, fous prétexte de diverfité d'opinions; arrêté ce qui fuit. Article I". La municipalité nommera, pour chaque églife paroiffiale, un Officier public, fous le nom de prépofé laïc, lequel aura la garde de 1'édifice, celle de la facriftie, le dépot des ornemens &c. et le foin de la police intérieure. N v Art.  20i HISTOJRE ET ANECDOTES Art. TL Le prépofé de chaque paroifle aura fous fes ordres le nombre d'employés qui fera jugé fuffifant pour le fervice laïc de 1'églife. Art. III. Tout prépofé laïc et les employés fous fes ordres feront tehus, fous peine de deifitution, d'empêcher, qu'aucune foncfion eccléfiaftique ne foit exercée dans leur églife, facriftie ou batiments en dépendants, par d'autres que par les fondionnaires publics éccléfiaftiques, falaries par la nation, nominativement attachés a la ditte églife paroifliale, et infcrits fur un tableau attaché a eet éifèt a la porte de la facriftie. Art. IV". II ne pourra ètre fait d'éxception a 1'Article précédent qu'en faveur des prétres ou eccléfiaftiques, qui feront munis d'une licence particuliére, accordée par 1'évèque du département, vifée et confentie par le curé de la paroüTe; la- quelle  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 203 quelle permiflion aura befoin d'ètre renouvellée tous les trois mois. Art. V. Toute autre églife ou chapelle, appartenante a la nation, dans la ville de Paris, fera fermée dans les vingt quatre heures , fi elle n'eft du nombre de celles qui font expreifément exceptées par PA'ïticle fuivant. Art. VI. Sont exceptées les chapelles des hopitaux et autres maifons de charité, des prifons et autres maifons de détention, les chapelles des Couvents des religieufes cloitrées, qui n'ont pas été fuprimées» celles des colléges de Paris en plein exercice; celles enfin des féminaires, en attendant qu'ils foient tous réunis en un feul, aux termes des décrets. Toutes ces exceptions ne font que provifoires, et en attendant ce que 1'alfemblée nationale décretera touchant 1'mftruétion publique, les maifons de fecours et celles de détention. Art;  204 HISTOIRE ET ANECDOTES Art. VII. • Les éxceptions , portées en PArticle précédent, n'auront lieu qu'aux conditions fuivantes, „que ces chapelles, ne devant fervir qu'a 1'ufage particulier de la maiion, ne feront en aucun cas ouvertes au public ; qu'aucune fondion eccléfiaftique ne pourra y être exercée que par ceux qui auront a eet eifèt une miilion particuliére de PEvêque de Paris, vifée par le curé de la parouTej laquelle milfion n'aura pu être accordée que fur la demande des fupérieurs de ces maifons. Art. VIII. II fera préfenté inceifament une Requètë9 offlcielle a Paifemblée nationale, pour demander que la loi prononce, en cas de contravention, la peine de deftitution pour les fupérieurs, et mème de fuppreffion des chapelles fuivant les cas. Art. IX. Les religieufes cloitrées , qui ne voudroient pas profiter de la faveur, qui leur  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 205 Jeur eft accordée par 1'Article VI, font libres d'en faire la déclaration a la municipalité. A cette condition, elles regleront feules ce qu'elles jugeront conve-' nable a 1'exercice de leur culte, en fe fervant des chapelles intérieures de leur couvent. S'il n'y a pas de chapelle intérieure dans leur Couvent, elles s'adreC feront a la municipalité, qui pourra, aprés la vifite des lieux, leur accorder la difpofition de la chapelle extérieure, ou feulement d'une partie de cette chapelle, fi elle fe trouve plus grande qu'il n'eft néceiTaire pour leur ufage particulier, mais dans ce cas, toute communication extérieure fera fermée , et les religieufes cloitrées feront difpenfées de la feconde condition exigée par 1'Article VII ci-deifus. Art. X. Les églifes et les chapelles, qui auront été fermées en vertu de 1'Article V, feront, aux termes des décrets, mifes en vente au profit de la nation, oü refervées a toute autre deftination, qui pour-  20Ó HISTOJRE ET ANECDOTES pourroit être déterminée par raflemblée nationale. Les acquéreurs de ces édiftces refteront libres d'en faire tel ufage qu'ils jugeront a propos. Art. XI. Tout édifice ou partie d'édifice, que des particuliers voudront deftiner a réunir un grand nombre d'individus pour fexercice d'un culte religieux quelconque, portera, fur la principale porte extérieure , une infcription pour "indiquer fon ufage, et le diftinguer des églifes publiques appartenantes a la nation, et dont le fervice eft payé par elle. Art. XII. Cette infcription ne pourra, pen. dant le cours de cette année 1791, être placée qu'après avoir été vuë et autorifée par le direcloire du département. Art. XIII. Seront exempts de Pinfcription les maitres des maifons, qui ont déja ou auront des chapelles, pour 1'ufage feulement intérieur de leurs maifons. Art.  DE LA REVOLUTION FRANfOISE. 20? Art. XIV. II eft expreifément défendu de meier, aux exercices de quelque culte que ce foit, des provocations contre la conftitution, contre les loix, ou contre les autorités etablies. A ce figne, la police doit diftinguer de ceux, qui fe réunüTent paifiblement pour leur Religion, ceux qui, fous ce prétexte, s'aifembleroient dans des vues criminelles, et pour temer des coalitions facfieufes contre 1'établiffement de la conftitution. Art. XV. Toute contravention aux Articles XI et XIV, fera réprimée, la première fois par les moyens et les peines ordinaires de la police, et la feconde fois par telle autre peine plus févère pronon. cée par la loi; le direcfoire du département fe réfervant de s'adreifer a 1'aiTemblée nationale pour avoir a eet égard une loi pénale. Art. XVI. Le Direcfoire ordonne expreffement a la municipalité d'émployer tous fes  .208 HISTOJRE ET ANECDOTES fes moyens, pour réprimer éfficacement les coupables effèts de Todieufe intolérance, qui s'eft récemment manifeftée, et pour prévenir les mêmes délits, fous quelque forme qu'ils fe produifent con. tre la pleine liberté religieufe reconnue et garantie par la nouvelle conftitution. Art. XVII. Le préfent arrêté fera envoyé a la Municipalité de Paris, pour qu'elle ait a veiller a fon exécution; &c. En conféquence de la promulgation de eet arrêté; une Société de perfonnes pieufes parmi lesquelles on comptoit le Maréchal de Mouchy et Mde. De la tElT d Fayette fa niéce' avoient fait Théa'L efl racquifition de 1'églife desThéfrofané. atins pour y entendre la meife célébrée par un prètre non fermenté. L'ancien curé de St. Sulpice devoit remplir cette foncfion, fans aucune oftentation ni appareil. Les Jacobins dont 1'empire s'étendoit jusques fur les confeiences, et qui ne vouloient tolérer d'autre Religion que celle des apoftats, firent  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 209 firent inveftir 1'églife par le peuple: le prêtre fut arraché de 1'autei, et obligé de fe fauver: la fociété djlfoute, les femmes menacées de recevoir le fouët, chatiment qu'on infligeoit a celles qui donnoient quelque figne extérieur de pieté et de dévotion , ailleurs que dans les églifes deifervies par des prétres conffitutionels. La municipalité, ayant été requiie de faire celfer cette perfécution, fe contenta.de s'en référer a 1'arrêté du département, fans prendre aucune meiure pour le faire exécuter. Des eccléfiaftiques, qu'on défignoit fous le nom de Réfracfaires, continuoient a célébrer le fervice divin dans les chapelles des couvents de religieufes, et particuliérement chez les dames Miramiones, conformément a 1'arrècé du département. Beaucoup de femmes s'y étoient renduës dans le temps de Pasques , efpérant pouvoir s'y livrer avec recueillement aux exercices de piété, prefcrits par 1'églife. Des femmes de la TUL Sett.I. O Haile  210 HISTOIRZ ET ANECDOTES Halle et des hommes déguifés, armés de Rtligieufes ver§es et de f°uëts, fe permi- et autres rent de pénétrer jusques dans femmes in- 1'intérieur des dirférents coufuitées. yents; les religieufes, et un grand nombre de femmes refpecfables, furent traitées de la maniére la plus indecente, et après avoir fervi de rifée a la populace, fubirent les plus humiliantes flagellations. Ces fcandaleux excès ne furent ni réprimés, ni punis. Le direcfoire du département de Paris et la municipalité, ne trouvérent pas d'autre moyen pour calmer 1'éffervèfcence du peuple, que de défendre provifoirement, a tous les prêtres non fermentés, d'éxercer aucune foncfion eccléfiaftique pendant la quinzaine de pasques. Les vrais fidèles furent donc obligés de renoncer a Pufage des facrements, ou de commettre un facrilège, telle étoit la liberté et la tolèrance, dont jouiffoient les citoyens, qui avoient encore des moeurs et des principes de Religion. 11 s'étoit formé, au commencement de 1791, plufieurs  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 211 plufieurs nouveaus clubs, qui profeffoienc les mêmes principes que les Jacobins, et qui. dans plufieurs circonftances les furpaffoient en fcélérateife et en atrocité. L'un de ces Clubs, avoit pris le nom de Cordeliers, du lieu de fes féances. Les motions les plus in- ^ub. , r Cordehers. cendiaires, les arrêtes les plus defpectueux pour 1'autorité royalle, partoient de eet infame repaire , fréquente par les Marat, Desmoulins et autres folliculaires. La fecfion des Cordeliers, pourque fes arrêtés ne fuifent pas confondus avec les productions émanées de ce repaire de Brigands, fit fignifier aux autres fecfions de Paris, qu'elle porteroit par la fuite le nom de Secfion de Pobfervance. Les membres du Club des Cordeliers firent circuler dans le public, que le Roi n'ét.oit environné que de prêtres réfracfaires, que le chaceau des tuileries étoit rempli d'évêques deftitués, qui entretenoient la haine du Roi contre les eccléfiaftiques conftitutionels, qu'en con» O ij féquence,  212 HISTOIRE ET ANECDOTES féquence, au lieu de fe préfenter au tribunal de la pénitence devant fon confelfeur ordinaire le curé de St. Euftache: il avoit choifi 1'abbé 1'Enfant (*; pour remplir ce Aliniftére. Ces déclamations étoient d'autant mieux accueillies, qu'aucun de ceux qui compofoient la chapelle du Roi n'avoient prêté le ferment. y i Le 17. Avril jour du di- La garde na. i_ 1 n tionaierefufe manche des Rameaux, le Roi ie fervice è devoit fe rendre a fa chapelle, aïZ!l:dU P°ur entendre la meife, célébrée par le Cardinal de Montmorency, Grand aumonier, comme il fe difpofoit a s'y rendre, le bataillon de la Garde nationale, de fervice au cha\ teau, refufa de border la Haye et de fe placer dans la chapelle, fous prétexte que le Roi contrevenoit a la loi, en entendam. la mede d'un eccléfiaftique réfradaire. Ce ne fut qu'avec beaucoup de pei- nes, (*) L'abbé 1'Enfant étoit un ex-jefuite, célébre Prédicateur, il a été mafTacré en J792. en fortanc des prifons de 1'Abbaye,  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 2 13 ïies, que M. de la Fayette parvint a calmer les efprits et a engager les Soldats a reprendre les armes et leurs poftes. Quelques Grenadiers fe retirérent, et refuférent d'obéir au Commandant général. La fermentation devint extreme dans la Soirée; on fe Ferme"*a' tion, propos, fervit de tous les moyens con- piacaris m* nus pour échauffer les efprits, eendiahei r . r r r. 1 • • contre le et faire iulpecter les intentions Roit du Roi. Depuis plufieurs jours, il avoit annoncé qu'il fe rendroit a St. Cloud , pour y paifer la quinzaine de Pasques, et y remplir les obligations, que la Religion prefcrit alors aux Catholiques. Ce voïage fut peint fous les plus affreufes couleurs, on répandit le bruit que le Roi devoit s'échapper et gagner la frontiére par la forêt de Compiégne. D'autres facfieux difoient au peuple, que le Roi abhorroit la confti-, tution, au lieu de chercher a la dèfendre, puisque , loin de fe réunir a fes concitoyens pour communier dans 1'églife paroifliale, il vouloit fe faire adminiO iij ftrer  214 histoire et anecdotes ftrer les facremens par des prêtres réfraclaires. Ces propos irritérent les efprits au point qu'on parloit hautement de le dêtröner, de 1'obliger a paroitre a la paroiife de St. Germain 1'Auxerrois, pour y faire fes Pasques : ces propos étoient accompagnés des injures les plus humiliantes contre fa perfonne et fon au. torité. (*) Le Lendemain ï8 Avril, on lifoit dans toutes les Ruës de Paris, un arrêté imprimé du Club des Cordeliers, qui avoit été affiché pendant la nuit. On trai- (*) Un témoin oculaire, qui a détaillé les événements du 18. Avril raconte ces faits de la maniére fuivante : " on parloit de „détróner le Roi: d'autres difoient, qu'un „Roi eft un perfonnage inutile, un Ogre, „qui dévoroit trente millions par an, „qu'il falloit s'en débarraffer. On difoit „tout haut, dans d'autres groupes: il „faut trainer le Roi a fa paroifle, il faut «qu'il y communie, s'il a mangé un „bon dieu chèz lui, il en mangera bien J „deux, il eft gourmand, cela ne peut ] „lui faire de peine.  DE LA REVOLUTION FRAN£OISE. SI5 traitoit le Roi, dans cette infame producfion, de traitre, de parjure, de fauteur de troubles, et de désunion parmi tous les citoyens, on Paccufoit de chercher a allumer la guerre civile. Le Club concluoit, a ce que le Roi fut accufé dévant les repréfentans de la nation, mème devant la nation entiére, comme ayant violé fon ferment, et encourageant par fon exemple les féditieux et les rebelles. Le Maire, et le Commandant général de la Garde «' la , > , Fayette font nationale, etotent egalement ,-8CB/pj(. inculpés dans eet arrêté: on leur reprochoit d'être complices de tous les Complots tramés par le Roi, contre la Souveraineté et la liberté du peuple, et on exhortoit tous les bons citoyens a leur refufer obéiifance et foumiffion. Enfin le Club applaudiffoit a la conduite ferme et courageufe des Grenadiers, qui avoient refufé de faire le fervice au chateau. O iv Cet  2IÓ HISTOIRE ET ANECDOTES . > Cet ihfème ™té> qui attaquoit egalement la perfonne du Roi et les autontes conftituées , fut lü et aceueilli avec avidité par le peuple, pour ui letat dinfurreclion étoit devenu un beioin. Ses difpofitions habituelles furent encore envenimées par la feuille intituiee, l'amt du peuple, par Marat, tout ce que la licence la plus effrénée peut fe permettre de plus atroce, etoit didillé dans cet infame écrit. Le Roi étoit compare a Tarquinj on exhortoit le peuple k s'emparer de fes chateaux, de la lifte civile, et a rnettre fa tête a prix. Fais approcher les Porfenna, difoit Patroce folliculaire, les fcévola fbntprêts. Telle étoit la Suite de la foibleife du Roi et d'une démarche inconfiderée, en iandionnant la conftitution civile du clerge ce malheureux monarque avoit bgne d avance fon arrèt de mort, et livré la France a toutes les calamités qu'entrainent la guerre inteftine et extérieure. Le Roi, défiroit partir a onze heures dü matin, pour St. Cloud. Les voitu- res  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. S17 res étoient dans la cour du chateau des Tuileries, et M. s , parttr pour de la Fayette parut a la tete Saint cloud% d'un detachement de la Garde nationale pour les efcorter. Pendant cet interyalle le peuple fe raifembloit mais fans tumulte. Le Roi defcendit du chateau et monta dans le premier carroife avec la Reine, le Dauphin, Madame et Madame Ehfabeth. Dans le mème inifant, toute la populace fe mit en mouvement, pouifant des hurlements affreux, et la voiture fe trouva environnée par une foule immenfe. Le Monarque comptoit fur 1'attachement et la fidelité de la Garde nationale, il ne parut nullement effrayé, et efpéroit qu'elle diffiperoit 1'attroupement: mais les Grenadiers qui étoient les plus prés de fa perfonne, tournérent leurs armes contre lui, et lui fignifiérent qu'il ne partiroit pas. Pendant cet intervalle le tocfin fe faifoit entendre et 1'affluence du peuple augmentoit. Plus de cent perfonnes O v avoient  318 HISTOIRE ET ANECDOTES avoient faifi les rènes des chevaux, et on crioit hautement fur la place du'caroufel, que le Roi ne partiroit pas. II ordonna a la Garde nationale de difperfer lafoule, mais les Grenadiers refuférent de lui obéir. Plein d'impatience le monarque s'adrefle a M. de la FayetLa Fayetu te> lui ordonne de rappeller fa et B. uiy ha- troupe a fon devoir. Le Com- ranguent l, mandant emp]oye tQUS Jeg mo_ yens poifibles, perfuafion, prieres, menaces; il cite le texte de la loi, qui permet au Roi de voyager jusqu'a' vingt lieuës de la Capitale; tous fes efforts font inutiles; cette troupe perfifte dans fon refus obftiné. M. Bailly, pa. roit un initant, il fupplie, il conjure le peuple de fe difperfer, fes larmes. hypocrites n'excitent que mépris et pitié; il elf infulté, il s'approche en tremblant de la voiture du Roi et lui repréfente Pimpoffibilité de fe faire obéir „eh „quoi! lui dit le Souverain avec hu,,meur) ferois-je donc le feul captif, „au milieu d'un peuple a qui j'ai donné „la liberté!,, 2VI.  DE LA REVDLUTION FRANqOISE. 210 M. de la Fayette, qui attachoit avec raifon une importance infinie a cet ade de désobéirfance , de la part de la garde nationale, fe rend au diredoire du département, pour demander la procla- mation de la loi martiale. On la lui re- fufe. II donne fa démüTiott. Danton, lui répond avec ironie, qu'il n'y a q*u'un lache qui puüTe quitter fon pofte dans un moment de danger, et que puisqu'il tient fes pouvoirs des quarante huit Se- dions de Paris , c'eft a elles a recevoir fa démiflion, et non au département. • Le peuple s'approchoit de plus en plus de la voiture du ' Outmges Roi, lesinjures, les menaces, *uRo- etii les farcasmes les plus humili- la Reine. ants furent prodïgués au Monarque, a la Reine, a la vertueufe Madame Elifabeth: des femmes armées de Verges propoférent de les faire defcendre de voiture, et de les livrer publiquement a ce qu'elles appelloient la corredion civique, une circonftance arrê- ta  220 HISTOIRE ET ANECDOTES ta cet infame projet. La Reine (*) qu'on • avoit vu braver avec un courage héroique les dangers et la crainte de la mort dans les tournees des 5 et 6 Odlobre ne' put réfifter au mépris et a 1'humiliatión dont on 1'accabloit, elle verfa des larraes ameres, qui augmentérent encore la fa, tisfacfion et 1'infolence de la populace. Le Cardinal de Montmo*« de leur 1 Eveque de SenJis pre- fuite. mier aumónier, et quelques eccléfiaftiques attachés a la cha- " pelle fe trouvoient#dans une voiture de fuite; ils furent menacés, infultés, et obligés de fe retirer pour n'être pas' expofés a de nouveaux outrages: le mar- quis CO On apprit, que k Reine étoit dans un moment critique, lorsque M de Ia Fa yette paria de faire pruclamer la loi martiale: plufieurs femmes s'approcherent de la voiture, en criant: «C'eft ,vj vous, Madame, a „ous montrer le „drapeau rouge.,, Les épithètes de cochon, de goinfre, furent appliquées au *oi, qui fut pbligé de fouffrir fans murmurer cet excès d'aviliffement.  DE LA REVOLUTION FRANfOISE. 221 quis de Duras, premier gentilhomrae de la chambre, et quelques autres Courtifans, qui étoient de fervice aux tuileries, s'étoient approchés de la voiture du Roi pour prendre fes ordres, ils en furent arrachés avec violence, on les trainoit dans la foule, et leur vie paroiffoit en danger. Le Roi fut obligé de demander leur grace et ne fobtint qu'avec peine. Un maitre d'Hötel de la Reine fut cruellement maltraité, et obligé de fe cacher fous la voiture de fa majefté pour fe fouftraire a la fureur des Soldats. A la fin, un Grenadier fortit des rangs, et s'adreffant au Roi: „Vous êtes, (lui „dit-il arrogamment,) rébelle a la loi; ,puisque vous receléz dans le chateau „des tuileries des prètres réfractaires, et „que vous fouffréz qu'ils célébrent la "meife dans votre chapelle. Malheureux! „s'écria le Roi avec indignation, qui vous „a établi juge de ma confcience! M. de la Fayette, n'a- La Fayetu yant pu réuflir a obtenir la pro- teute envain clamation de la loi martiale, ré- < *ernier folut M  2 22 HISTOIRE ET ANECDOTES folut de faire une derniére tentative- il comptoit encore fur 1'afcendant qu'il pouvoit avoir fur la Garde nationale, et efperoit la rappeller a fon devoir: il s'ap procha de la voiture du Roi, et le pria de lui donner fes ordres. S. M. qui avoit été infultée depuis plus 'de deux heures, ordonna qu'on fit place pour faciliter fon départ. M. de la Fayette fe mit a la tête d'un piquet de Cavalerie, commanda de mettre le Sabre a la mainmais cette troupe n'obéit point. Dans le moment la Rebellion éclatte d'une ma. mére plus violente encore: la Fayette en fureur fe jette au milieu de la foule pour éifayer de Ia difperfer , on 1'arrête, et plufieurs perfonnes fe jettent a la Bnde de fon cheval; un de fes aides de camp veut le délivrer, on le désarme: la Fayette commande de porter les armes, de les charger, fa voix n'eft point ecoutée, la troupe refte immobile: il parle de la loi martiale; on luirépond, qu'il en fera la première vidime: il menace de donner fa démiffion, tant mieux: s'écrient  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 22 3 s'écrient tous les Soldats. Indigné et le défefpoir dans Pame; il répete, „il faut „que le Roi parte, ou que je meure:,, eh bien ! vous périrez! répondent les Soldats. Le Général s'approche 'de la voiture de S. M., et lui fait ff. *? * fentir 1'impolfibilite d executer rentrer. fes ordres: „le Roi répond on „ne veut donc pas que je parte, il n'eft „donc pas poifible que je voyage: a la „bonne heure, je refte, puisqu'on m'y „eontraint?,, Le monarque defcend de voiture, rentre dans le chateau , et la foule fe diflipe. Le Lendemain 19 Avril le Roi fe rendit inopinément a Paflem- . ,, , ., ■,, . 11 fe rend k blee nationale , il avoit Pair Apmbléu profondément affligé , et prononqa a voix baife et entrecoupée le difcours fuivant. Je viens au milieu de vous avec la confiance , que je vous ai toujours témoignée. Vous ëtes inftruits de la réfiftance qu'on a apportée a mon départ pour  524 HISTOIRE ET ANECDOTES pour St. Cloud: je n'ai pas voulu la faire ceffer par la force, car j'ai craint de provoquer desades de vigueur contre une multitude trompée, et qui croit agir en faveur des loix, lorsqu'elle les enfreint; mais ü importe a la nation de prouver, quejefuis libre. Rien n'eft fi effentiel pour fautorité des fandions et acceptations de vos décrets. Je perfifte donc, par ce prelfant motif, dans mon projet de voyage a St. Cloud; et 1'uifemblée nationale en fentira la nécelfité. II femble, que pour foulever un peuple fidéle , et dont j'ai mérité 1'amour par tout ce que j'ai fait pour lui, on cherche a lui infpirer des doutes fur mes fentiments pour la Conftitution. J'ai aCcepté et juré de maintenir cette conftitution, dont la conftitution civile du Clergé fut partie; et j'en mainttendrai 1'éxécution de tout mon pouvoir. Je ne fais que renouveller ici 1'expreifion des fentimens, que j'ai fouvent manifeftes a 1'affemblée nationale: elle fait, que mes intentions et mes voeux n'ont d'objet que le  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 225 le bonheur du peuple; et ce bonheur ne peut réfulter que de Pobfervation des loix et de robéilTance a toutes les autorités légitimes et conftitutionelles. M. Chabroud qui étoit Prêfident répondit. Sire! Si le fentiment profond, dont raflemblée nationale eft pene- Réf0"fe (; , ... qmvoque de tree, etoit compatible avec chabroud. quelques plus douces impreflions, elle les recevroit de votre préfence. Puifle votre Majefté elle - mème trouver parmi nous, dans les témoignages d'amoür qui 1'environnent, quelques dédommagemensdefespeines! une pénible inquiétude eft inféparable des progrès de la liberté. Au milieu des érïbrts, que font les bons citoyens pour calmer le peuple, on fe ,plait a femer des allarmes, des circonftances menaqantes fe réuniflent de toute part, et la défiance renait, Sire, vous, le peuple, la liberté, la conftitution, ce n'eft qu'un feul intérèt: les laXIILSeÜ.L P ches  226 H1ST0IRE ET ANECDOTES ches ennemis de la liberté, de la conftitution, font aufli les vötres. Tous les coeurs, Sire, font a vous; et, comme vous voulez le bonheur du peuple, le peuple demande le bonheur de fon Roi. Evitons, qu'une fadion trop connuë par fes projets, fes efforts, fes mtrigues ne fe mette entre le tróne et la nation; et tous les voeux feront remplis. Quand vous ferrez les noeuds, qui vous attachent a la révolution, vous donnez des forces aux amis de la paix et des loix, qui diront au peuple, que votre coeur riefi pas changé; et toute défiance, toute inquiétude difparoitra. Nos communs ennemis feront encore une fois confondus; et la patrie aura remporté une nouvelle vidoire. Le Difcours du Roi fut fuivi des applaudilfemens de 1'aifemblée et du peuple , qui occupoit les galleries, il fut même interrompu plufieurs fois, par les cris répétés, de Vive le Roi Ainfi le mème peuple , qui 1'avoit outragé la j veüle d'une maniére aufli cruelle , paroiifoit I  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 2 27 roilfoit revenu de fon égarement, et lui jtémoignoit des égards et du refpecl, ce jqui prouve, que quand il n'étoit pas diIrigé par des impulfions étrangéres, il | confervoit encore cet attachement pour Ifon Souverain, qui diftmguoit autrefois : la nation francaife. L'aifemblée ne prit aucune délibéjration rélativement a 1'attentat commis | contre le Chef de la nation, elle parut I ainfi approuver taciteraent la conduite 1 du peuple. Les vrais amis de Pordre u mmicU I et de la fureté publique efpé- pdité vimt roient, que les autorités con- ¥ 1 ftituées prendroient quelques mefures, pour procurer a fa Majefté la j liberté, dont elle devoit jpuirj mais au I lieu de févir contre ceux, qui avoient i attenté a fa perfonne, le corps mumci1 pal , s'emprefla de fe préfenter chèz fa J Majefté, pour la remercier au nom de la j commune de Paris, dela démarche qu'el5 le venoit de faire prés des reprefentans , de la Nation, fans parler de 1'infulte qui P ij  228 HISTOIRE ET ANECDOTES lui avoit été feite. Le Roi répondit au. difcours du maire , qu'il étoit fenfiblement affeété des inquiétudes , que le: peuple raontroit fur fon attachement 1 la Conftitution: il ajouta d'un ton ferme,, „qu'il la maintiendroit toujours et que: „fa démarche a raifemblée nationale j „n'étoit qu'une manifeftaiion d'un fenti-1 „ment, qui n'avoit jamais ceifé d'ètre „dans fon coeur„. Ces paroles furent; dites par S. M , avec un accent et une énergie dont toute la députation fut frappée. C'étoit le ton d'un hom me également affligé et indigné qu'on put fufpeder fa foi. „C'eft a vous, Meffieurs, „ajouta -t-il, a faire connoitre a vos „concitoyens, au peuple qui vous a élus, „et dont je fuis le meilleur ami, mes „fentimens, que rien au monde ne fera „changer.'* Le maire répondit, que la municipalité étoit 1'organe des inquiétudes de ce peuple. „C'eft a vous, (répliqua le „Roi,) a 1'éclairer, a le tranquillifer fur „mes fentimens," Le  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 22 9 Le Département de Paris fit une démarche encore plus jextraordinaire, et qui etoit une partement nouvelle injure a ce malheu- de Paris. reux monarque: Sous prétex- ^ te, que la tranquillité publique étoit troubl'ée par le féjour des eccléfiaftiques fuifpeds prés de Ta perfonne, et qu'on ne [pouvoit croire a 1'attachement de fa Majjefté ala conftitution, tant qu'il les toléjreroit, ce corps adminiftratif fe décida a [demander leur renvoi, et, que fa Ma| iefté fit connoitre fes fentimens z toutes lies cours étrangeres. Le Duc de la Rochefou- Difcours du cault a la tête du Département Duc de l» fut chargé de manifefter ce * voeu a S.M. il s'exprima amfi. Sire! | Le direöoire du Département de Paris \ a rendu Compte a une aifemblée extraordinaire de tous les membres du Déparj tement de Pétat acfuel de la Capitale. P iij Le  230 HISTOIRE ET ANECDOTES Le Département n'en a point été effrayé, par ce qu'il connoit 1'attachement du peuple a la perfonne du Roi, et qu'il fqait, que le Roi a juré fidélité a la conftitution. Mais, Sire, la confiance que le peuple a dans votre perfonne, peutelle réfifter longtems aux impreflïons que des hommes, preifés de jouir de la liberté, recoivent de tout ce qui eft auprès de vous? Les ennemis de la liberté ont craint votre patriotisme, et ils fe font dit: Nous allarmerons fa confcience. Cachant fous un voile faint leur orgueil humilié, ils wrfent fur la Religion des larmes hypocrites. Ce font la, Sire, les hommes, dont vous êtes entouré. On vat avec peine, que vous favorifez les réfracfaires, que vous n'êtes fervi prèsque que par des ennemis de la Conftitu- ■ tion; et 1'on craint que ces préférences trop manifettes n'indiquent les véritables difpofitions de votre coeur. Sire, les circonftances font fortes: J une faüfle politique doit répugner a vo4sre Caradére et ne feroit bonne a rien. Sire, .  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 2 31 |Sire, par une démarche franche, éloi| gnez de vous les ennemis de la conftitution; annoncez aux nations étrangeres, qu'il s'eft fait une glorieufe révolution ",en France; que vous 1'avez adoptee, que vous ètes maintenant le Roi d un ' 'peuple libre ; et chargez de cette in: ftrucfion d'un nouveau genre des Mini, ; 'ftres qui ne foient pas indignes d une 'Vi augufte tondtion." Que la Nation apprenne, que fon Roi s'eft choifl, pour ! environner fa perfonne, les plus ferme. I appuis de la liberté; car aujourdhm il | n'eft pas d'autres véritables et utiles arms du Roi. Sire, ne repouifez pas la demarche, que fait auprès de vous le De: partement de Paris. Le Confeü, qui! vous otfre , vous feroit donne par les quatre-vingt-trois département, du Royaume, fi tous étoient a portee de le faire entendre auffi promptement que nous. f Le directoire du Departe- pwUm*ment de Paris, ajouta a cette adrelfe faite a fa Majefté, une P iv ^ de'  2 32 HISTOIRE ET ANECDOTES démarche encore plus inconftitutionelle, elleadrelTa une proclamation aux citoyens des quafante huit foef ions, dont elle ordonna la convocation, par 1'organe de la municipalité, pour les inviter a délibérer lur les queftions fuivantes. Le Roi fera-t-il prié d'éffocfuer fon voyage ? Oü doit-on leremercier d'avoir cédé" au voeu du peuple, en reftant aux tuillenes ? , Les outraSe* faits au fouverain, étoient expofés de la maniére fuivante, dans la proclamation aux quarante huit fedions. On peut juger d'après ce paflage de 1'efprit qui dirigeoit le département de Paris. /« fruffeté " Le Roi avoitprojetté d altevoitante. "'er a St. Cloud, plufieurs citoyens, craignant que les ré„fraclaires ne profitaflènt de ce départ, «pour mettre en exécution leurs projets «mconftitutionels, fe font transportés «aux Tuillenes pour prier leRoi de ne „pas  DE LA REVOLUTION FRAN?OISE. 233 „ pas partir. Sa Majefté, a cédé aux in„ Iranees de la municipalité pour ne pas „ compromettre le peuple et la garde nationale." Etoit-il pbflible de mentir avec plus d'impudence? et d'abufer du droit de parler au public. La majorité des Sections, ' , . Réponfe ies fit a cette proclamation, et aux ^aionSt queftions qui y étoient propofées, une réponfe trés fage elle étoit conquë en ces termes. Les Sedions aifemblées, le 19, ont arrêté a la pluralité: que 1' adreife du département au Roi manifeftoit fuffifamment le vrai fentiment du peuple, et que la démarche de S. M. a 1' alfemblée nationale dansfaféance du mème jour raifuroit complettement les citoyens fur les intentions du Roi: qu'ainfi il n'y avoit pas lieu a délibérer fur les deux queftions propofées par la municipalité. Le Roi, ne pouvant obtenir la liberté, dont il devoit jouir, ni par 1'autorité de raflemblée, ni par le diredoire du p v dépar-  3 34 HISTOIRE ET ANECDOTES département, dont 1'adrelfe étoit une nouvelle infulte, fe décida a céder au voeu exprimé dans cet écrit. II engagea le Cardinal de Montmorenci, 1'éveque de Senlis, et tous ceux qui étoient attachés a la chapelle, a donner leurs démilfions. II fit infinuer a M. de Villequier et de Duras, qui étoient devenus fufpeds, par 1'attachement qu'ils lui avoient témoigné, de s'éloigner pour quelque tems. Ce malheureux Souverain fe décida, peu après, a communier en public, des mains h Hoi com. du °Uré de St Germain fauxer- munie des rois< Je 1'ai vü, trainé comme t»ai»s d'un un malheureux captif, la Darare eonfti- . „ . r ra tutionei. Jeur lur leviiage etlesremords dans 1'ame, commettre aux yeux de tout fon peuple cet ade facrilége. (*) Le ( ) Avant de fe décider a cette demarche effentielle, le Roi avoit confulté les plus fameux Cafuiftes; 1'evêque de Clermont, et plufieurs autres prélats lui avoient formellement défendu de recevoir les facremens  DE LA REVOLUTION FRAN?OISE. 2 35 Le Département de Paris, voyant que le Roi s'étoit non feulement décidé a renoncer a fon voyage de St. Cloud, mais mème a renvoyer fes plus fideles ferviteurs, crut qu'il etoit tems d'ufer de 1'au- torité crements adminiftrès par un prétre conftitutionnel, fous peine d'encourir les cenfures de 1'églife, et d'être regardé comme le chef des fchismatiques. II confulta enfuite deux Doéteurs de Sorbonne , dont la morale fut plus indulgente. II eft certain, que le Roi s'eft repenti toute fa vie, d'avoir cédé au défir des faclieux, malgré le cri de fa confcience. S'il étoit permis de croire, que des événements naturels, peuvent être quelque fois des avis du ciel, je citerois que dans le moment oü il alloit recevoir 1'Euchariftie, il tomba une forte grêle qui cafla plufieurs vitraux, et qu'un, grain d'une groffeur extraordinaire vint le frapper a la tête, au point de le faire chanceler fur fon prié dieu. J'ctois du nombre des fpeaateurs, et je n'ai jamais oublié cet événement, qui paroitroit fans doute indifférent, dans d'autres circonftances.  336 HISTOIRE ET ANECDOTES torité qui lui étoit confiée, pour faire cet fer la fermentation qui regnoit dans la capitale, ettacher, par ce moyen, de recouvrer la confidération, dont il devoit jouir. Ce corps adminiftratif adrelfa, en conféquence, aux citoyens de Paris la proclamation fuivante. Citoyens, le confeil général du département, inftruit des motifs de la fermentation publique & des foupqons jettés fur les defleins fecrets et la conduite extérieure du Roi, après s'étre adreffé au monarque pour lui faire connoitre les inquiétudes du peuple, et 1'engager a les faire ceifer en éloignant de fa perfonne tout ce qui peut répandre des doutes fur la droiture de fes intentions; le département croit devoir s'adreifer au peuple lui même, pour ca'mer fes allarmes, et lui expofer les conféquences de toute démarche irréguliere dans une fociété légalement conff ituée. Chargés fpécialement du maintien de 1'ordre et de 1'exécution des loix, les manda-  DE LA REVOLUTION FRAN?OISE. 237 mandataires du peuple ne peuvent accomplir ce grand devoir, fi le concours des volontés, qui conftitue éffentiellement la force publique, étoit un feul inftant fufpendu; c'eft pour rallier ces forces égarées par la diverfité des opinions, par des fuggeftions ennemies, par des craintes éxagerées ou menfongéres, que le confeil du département a jugé convenable de raifembler toutes les fecfions, et de rapeller ainfi les citoyens è leurs devoirs par 1'exercice-mème de leurs droits. Le département voit avec douleur fe reproduire, au terme du grand ouvrage de la conftitution, les mouvemens défordonnés au milieu desquels les conquérans de la liberté, fans eu ëtre étonnés, poférent fes prémiers fondemens. Depuis que les loix font devenues 1'eifence de cette liberté, c'eft déchirer de fes mains fon propre ouvrage, que de vouloir défendre la conftitution avec d' autres armes que celles dont elle a pris foin d' armer fes enfans. Cito-  240 HISTOIPE ET ANECDOTES réfervées a votre induftrie, et tous ces biens qui n'attendent pour renaitre au milieu de vous que le retour a 1'ordre. et cette harmonie de volontés qui peut feule confolider la puiifance protedrice des loix, pouvons-nous diilimuler les maux que vous vous faites, que ces mouvemens brusques et irréguliers, dont vous venez de donner un nouvel exemple, ne reculent le butmême ou vous paroiifez tendre, qu;ils ne foient fouvent excités par les plus artificieux ennemis de la conftitution et de votre bonheur. Oui, nous devons vous le dire, ne croyez pas que ce foient ici des ménagements timides de froids amis de la li. berté: vous apprendrez par les mefures que nous avons prifes, et que nous rendrons publiques, dequels yeux nous voyons les divers objets de vos allarmes; mais c'eft avec la réferve convenable a la dignité de celui que la nation a placé par-tout le premier, que nous lui faifons voir la vérité; en 1'exprimant fans dégui- fement  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. S4I fement au monarque, nous vous la devons, nous vous la dirons avec le mème courage. Les citoyens de Paris ne formant qu'une fedion du peuple francais, ne peuvent agir en cette qualité que par des adreifes et des pétitioAs: ils ont encore des magiftrats municipaux, des adminiftrateurs, des réprefentans: tout ade fpontané de leur force individuelle, efi: donc une violence, une atteinte portee aux principes conftitutionels, qui, fi elle n'étoit reprimée, renverferoit bientöt jusqu'en fes fondemens 1'édifice de nos loix nouvdles. L'alTemblée nationale et le Roi, comme parties intégrantes de la puiifance de la nation repréfentée, appartiennent a tout 1'empire, et la conftitution exifte éminemment en eux. Leur indépendance eft donc éifentielle a la légalité de leurs ades, et les mouvements convulfifs de la portion du peuple qui les environne, en jettant des doutes fur cette indépendance, T. Seft. /. Q. devien-  242 HISTOIRE ET ANECDOTES deviennent par cela feul un délit national. Ces hautes confidérations peuvent échapper au plus grand nombre: confiant et tranquille dans la pureté de fes inteittions, il s'abandonne fans frein a fes élans patriotiques: cependanc il déchire fa patrie, il 1'expofe au plus grand des malheurs. Citoyens de la ville de Paris, craignez d'ajouter a tant de pertes 1'éloignement des repréfentans de le nation et du ehef du pouvoir exécutif fuprême, dont les acïions ne peuvent être fubordonnées qu'au loix, qu'il a librement confenties. Citoyens, nous n'avons pu vous diflimuler ces eifrayantes vérités: votre intérèt nous les arrache. La néceffité de vous rapeller au refpecf et a 1'obéüTance dué aux loix, Pinftant critique oü nous fommes, cette époque ii déiirée oü nous touchons, et dans laquelle le concours de toutes les volontés devient indifpenfable pour  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 253 de Fevrier de 1'année derniére, il avoit, dans le fein de l'aflemblée nationale, promis de les maintenir: il en a fait le Serment au milieu de la fédération univerfelle du Royaume:" honoré du titre de Reftaurateur de la liberté Franqaife, il transmettra plus qu'une couronne a fon fils; il lui transmettra une royauté conftitutionelle. Les ennemis ne ceffent de répéter, que le Roi n'eft pas beur eux, comme s'il pouvoit exiifer pour un Roi d'autre bonheur que celui du peuple ! ils difent que fon autorité eft avilie; comme li 1'autorité, fondée fur la force, n'étoit pas moins puiiiante et plus incertaine que 1'autorité de la loi ! enfin, que le Roi n'eft pas libre : calomnie atroce, fi 1'on fuppofe, que fa volonté a pu être forcée, abfurde, fi 1'on prend pour défaut de liberté le confentement que fa Majefté a exprimé plufieurs fois de refter au milieu des citoyens de Paris, confentement qu'il devoit accorder a leur patriotisme, mème a leur crainte, et furtout a leur amour. Ces-  254 HISTOIRK ET ANECDOTES Ces calomnies cependant ont pénétré jusques dans les cours étrangères: elles y ont été répétées par des Francais, qui fe font volontairement éxilés de leur patrie, au lieu d'en partager la gloire, et qui, s'ils n'en font pas les ennemis, ont au moins abandonné leur pofte de citoyen. Le Roi vous charge, Monfieur, de déjouer leurs intrigues et leurs projets. Ces mêmes calomnies, en répandant les idéés les plus faufles fur la révolution Francaife, ont fait fufpeöer chez plufieurs nations voifines les intentions des voyageurs Francais; et le Roi vous commande exprelfément de les protéger et de les défendre. Donnez, Monfieur, de la Conftitution Franqaife, 1'idée que le Roi s'en forme lui mème; ne laüfez aucun doute fur 1'intention de S. M. de la maintenir de tout fon pouvoir. En aifurant la liberté et 1'égalité des citoyens, cette Conftitution fonde la profpérité nationale fur les bafes les plus inébranlables; elle affermit Pautorité royale par les loix; elle prévient, par une Révo-  2 58 HISTOIRE ET ANECDOTES ji'y verroit que des fentimens propres a juftifier la confiance de la nation: toute défiance feroit bannie d'entre nous, et nous en ferions tous plus heureux. Au retour de la députation, on décréta rimpreflion de cette lettre, qu'elle feroit envoyée a toutes les municipale tés du Royaume et dans les Colonies, et qu'on en feroit lecfure a l'ilfue du próne dans les paroilfes. Les faclieux triomphoient, après avoir humilié et avili le Roi aux yeux de tout le peuple, ils le contraignoient encore de témoigner fa fatisfacfion et fon attachement a une Conftitution qui le rendoit le plus malheureux de tous les hommes, en le privant des moyens de faire éxécuter les Loix. M. de la Fayette, jufteZ« Fayette ment indigné de la maniére, fe demet <•*,, , fon emploi. dont la garde nationale avoit outragé le Roi et fi\ familie, le 18 Avril, et du refus d'obéiifance qu'il avoit eprouvé , fe décida a donner fa démiffion leai. Les Jacohins, lesFacfieux, et  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 259 et particuiiérement Charles Lameth, qui défiroient le remplacer, cherchoient, depuis longtems a le rendre fufpecl au peuple: 1'argent, les intrigues, les cabales étoient tour-a-tour mis en ufage, pour le forcer a quitter fon emploi (*) ils croyoient y avoir réufli, mais ils furent encore décus de leurs efpérances. A peine la détermination de M. de la Fayette fut elle connue, que la plus grande partie des bataillons de la Garde nationale fe réunirent et lui envoyérent des députés, pour lui témoigner leur repentir, et 1'engager a reprendre fon emploi. La municipalité de Paris fe rendit en corps chèz lui pour éifayer de le fléchir: mais il refta inébranlable, il quitta fon uniforme de Commandant, et prit un habit de Grenadier, congédia la Garde qui étoit a fa porte, et fit enlever la guèrite deftinée aux fentinelles, R ij Le (*) On avoit affiché des avis, ainfi concus. „Parifiens, fi vous voulez être tranquil„les, faites d'Orléans régent du royau* ,,me, et Lameth Commandant-GénéraL „  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 261 me déterminer. Je ne penfe point, que la Garde nationale, dont la grande majorité fut toujurs inacceffible aux féduclions de 1'efprit de licence et de parti, ait vu avec indirférence ce qui a caufé mon découragement: les autorités conftitutionelles méconnues, les ordres méprifés, la force publique oppofée a 1'exécution de la loi, dont la protecfion lui elt confiée. . . . S011 difcours fut fréquemment interrompu par les huées des facfieux foudoyés par les partiians de Lameth, qui avoient eu 1'audace de pénétrer jusques dans la falie du Confeil. II éprouva un faifilfement extraordinaire, et ne put achever fon difcours qui devoit être concu en ces termes. Nous fommes citoyens, Meffieurs; nous fommes libres: mais, fans obéiffance a la loi, il n'y a plus que confufion, anarchie, defpotisme, et, ii cette Capitale, le berceau de la révolution, au lieu d'éntourer de fes lumieres et de fon refpecf les dépoiitaires des pouvoirs R üj de  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 265 nale, pour témoigner a fa Majefté les regrets, qu'éprouvoit cette troupe pour la conduite répréhenfible de quelques individus. II s'éxprima ainfi. Sire, la Garde nationale Et m ^ Parifiénne vient féliciter le Roi tinttrfrü» de Péclatante et patiiotique dé- aufrès d,i marche, parlaquelle, en proclamant par toute la terre la Souveraineté du peuple Franqais, les principes de liberté et d'égalité fur lesquels la conftitution eft fondée, en faifant connoitre les bafes de notre organifation populaire et reprèfentative, ainfi que--les foncfions et les bornes de Pautorité Royale, vous avez annoncé a toutes les nations, quels font leurs droits et leurs devoirs, quelle eft la Majefté d'un peuple libre; et a tous les Gouvernemens, comment la Royauté peut furvivre aux révolutions, comment 'les Rois peuvent fubftituer aux ufurpations et aux fauffes jouiffances du defpotisme un pouvoir fondé fur Putilité commune, un bonheur compofé du bonheur de tous, R v une  266 HISTOIRE ET ANECDOTES une gloire d'autant plus pure, qu'elle s'appuie fur la vertu, et qu'elle ne craint plus d'ètre fouillée par la flatterie. Sire, nous fentons plus que jamais le befoin de dépofer dans le fein d'un père tendre et indulgent, de préfenter au chef fuprème de la force publique, le ferment que nous avons tous renouvellé de remplir nos devoirs avec une conftance infatigable, avec une inébranlable fermeté: recevez, Sire, cet hommage de notre obéiffance a la loi, de notre zèle pour le maintien de 1'ordre conftitutionel, de notre horreur pour 1'intolérance, le désordre et 1'Anarchie; il fera pour vous le gage le plus fur et le témoignage le plus précieux de notre reconnoiffance et de notre amour. Le Roi répondit. „ , "je recois avec fenfibilité les Touckante jp réponfe de fa allurances d'attachement et Majefté. de zèle, que vous me donnez au nom de la Garde nationale de Paris: j'aimerai toujours a compter  2yo HISTOIRE ET ANECDOTES 1'animadverfion des Jacobins, ou du Commandant-Général, ne prononcêrent aucun jugement. Le Pape, ayant apris le peu SecondBref , * , . r V du Pape. d erlet qu avoit produit Ion pre, mier Bref, puisque les nouvelles éleétions s'etoient faites fans aucune oppofition, fe décida a faire paroitre un fecond bref écrit d'une maniére beaucoup plus claite et plus laconique. Ce bref étoit adreifé aux Cardinaux, archéveques, évêques, au clergé et au peuple Franqais. Après avoir donné les plus grands éloges aux évêques, qui avoient refufé de prèter le Serment, le? Saint père cenfure, avec force, ceux qui avoient eu la baifeife de facrer les Évêques intrus. II entre enfuite dans le détail de fa correfpondance avec le Roi rélativement au Serment; et le fouverain pontife allure, que S. M. n'auroit point fanctionné la conftitution civile du Clergé ; li elle n'y eut été forcée pac Paffemblée nationale» ainfi que les lettres  DE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. 2JI tres du Roi du 2,8 Juillet, 6 Septembre et 6 Decembre 1790. le térnoignent. Le réfultat du bref eft de ftatuer: "que „tous les évèqués, qui ne rétraderont „pas leur ferment dans Fefpace de qua„rante jours, a compter de la datte du „Bref, feront fufpendus de leurs ordres, „et fujets a Firrégularité, s'ils exercent „les fondions de 1'épifcopat ; que les „nouvelles éledions doivent être regar„dées comme illégales et facrilèges; que „la fufpenfion eft encouruë par ces évê„ques, et qu'ils doivent s'abftenir de „toute fondion épifcopale , fous peine od'anathême, avec défenfe a eux de „prendre aucuns titres, et de s'immifcer „a faire des ordinations, qui feront nul„les." Enfin le Pape déclare, "qu'a „1'expiration du terme prefcrit a la fou„miffion des évêques intrus , ils ne fe„ront plus éxemptés des peines canoni„ques, qu'ils ont encouruës, et qu'après „le délai prefcrit ils feront anathémati,,fés, dénoncés a 1'églife catholique, com„me fchismatiques et féparés de la com,,munion univerfelle." Inde-  276 HISTOIRE ET ANECDOTES leur but avoit été de tranquillifer les confciences qu'on voulóit mal-a-propos allarmer, que leur tache étoit finie, et qu'ils ne répondroient-8 a perfonne. Cet écrit rempli de maximes philofophiques, préfentées avec adreife, étoit féduifant pour ceux qui n'étoient pas profondément pénétrés des dogmes de 1'églife catholique et de la pureté de fa morale. Les novateurs fentirent DwerfesCa- qU'illtJépendament des écrits ricatures. 1 / qui n'étoient pas a la portée du peuple, il falloit lui préfenter quelque fcêne extraordinaire qui verfat du ridicule et du mépris fur le bref du Pape et fur les Miniftres du vrai culte: outre les placards injurieux , on fit paroitre plufieurs caricatures, 1'une de ces gravures repr-éfentoit le fouverain pontiie en habits pontificaux, ayant a fes pieds un bénitier rempli d'eau de Savon; une halumeau a la Bouche il fouf■floit des bulles d'air, que Mesdames Tantes du Roi, avec leurs éventails, et des Cardinaux, avee leurs chapeaux, pouf- feient  2 8 O HISTOIRE ET ANECDOTES r5)conques, de s'établir dans nos églifes ,,fupprimées, en faifant connoitre leur geuite par une infcription. Nous n'a„vons plus cette fauffe tolérance, qui, 9,d'un cóté toléroit une Religion, et de ,,1'autre en défendoit 1'exercice public. 5,L'homme étoit libre de penfer, mais „il ne pouvoit exprimer librement fa „penfée. C'eft la Religion véritable, „que nous avons laiifée dans toute fa for„qe, en montrant qu'elle n'a rien a crain3,dre de la concurrence." Le paifage fuivant, qui avoit rapport aux circonftances oü fe trouvoit la France avec la cour de Rome, préfente auffi quelque intérét. L'orateur la peignoit ainfi : " Vainement voudroit - on ,,accufer la nation Franqaife de préparer „un fchisme: une nation n'eft point fchis„matique, quand elle déclare qu'elle ne „veut point 1'ètre. Si le Pape égaré „par les préjugés ultramontains, féduit „par des hommes perfides qui affiégent „la vieilleife, fe permet de frapper d'a,,nathème la Conftitution Franqaife, et „les  3 82 HISTOFE ET ANECDOTES dit-il, la liberté ne feroit plus qu'un dépot factice entre les mains des législateurs , dont ils ne lailferoient échaper que quelques fracf ions partielles. Si c'étoit la la liberté , elle ne vaudroit pas la Révolution. Les vrais fidèles efpéro- Déclamation ■ , , d'un curé 1 ' ^u eveques op- pofants prendroit laparole pour réfuter ces fophismes , et cet abus de éloquence et de la philofophie, mais ils garderent tous le plus profond filence y un Curé de Campagne, parut a la tribune et d'une voix d'énergumène, s'écria: "Voila donc le moment de 1'aboraination de la défolation : nos églifes vont être converties en mosquées, en pagodes. La maifon du vrai Dieu, efi: devenue la maifon de Baal; fuyez filles de Sion, fur les montagnes de Judée. (^*) Des (*) La difcuffion de toute affaire de Religion m'eft abfolument arangere: je, crois cependant que fi 1'on avoit voulu prendre la peine de réfuter le difcours de M.  DE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. 283 Des éclats de rire et des hués ter| minerent cette harangue déplacée et 1'affemblée rendit le décret fuivant. Arti- M. 1'évêque d'Autun; le curé au lieu de débiter fa capucinade myftique auroit raifonné plus conféquemment s'il eut répondu. Que, dans tous les états, chèz tous les peuples, mème les plus policés, il y a toujours eu deux autorités, 1'une civile, 1'autrc religieufe; fuivant la Religion, fuivant le gouvernement de ces peuples, elles ont toujours été fubordonnces 1'une a 1'autre. La conftitution, confondant en elle les deux pouvoirs, et ne permettant ni tribunaux, ni aflemblées eccléfiaftiques, a donc évidemment erapiété fur le pouvoir fpirituel. La Religion Catholique révélée, ne peut, en matière de dogme, dépendre de 1'autorité civile, elle ne reconnoit que celle de 1'églife. Cette églife a dans le fucceffeur des apötres un chef vifible, dont elle ne peut jamais fe fcparer; c'eft a lui que remonte la Hiërarchie eccléfiaftique: cette Hiérarchie eft détruite par la conftitution. La France n'a donc pu devenif  384 HISTOIRE ET ANECDOTES Article Ier. L'affemblée Nationale , après avoir entend u le rapport de fon comité de Con- ftitu- devenir conftitutionnelle fans fe rendre fchismatique. La tolérance des cultes doit faire partie des bafes fondamentales d'un bon gouvernement, mais cette tolérance ne doit jamais s'étendre a leur exercice public, et. fur tout en déprimant et en aviliffant la Religion dominante. L'affemblée, par la fuppreffion des monaftères, par 1'envahiffement des biens du clergé, avoit placé les cenobites et les prêtres feculiers entre la misère, la perfecution, ou Pinfamie, fans autre but que celui de s'emparer de leurs proprietés, de détruire tout principe de religion , et le reipeét dü aux miniftres du vrai culte. Le peuple qui les confideroit autre fois, n'a plus vü en eux que des meroïnaires inutiles , falariés par 1'état, dont il s'eft débarraflë bientöt, comme on éloigne des cenfeurs incommodes et inutiles. Telle a été i'application des maximes des novateurs , et des opérations de 1'Affemblée en matipre de Religion.  2Q2 HISTOIRE ET ANECDOTES J'ai rendu Compte préce^y'comm"1 demment des premières expéunt. ditions de 1'armée des brigands fortis d'Avignon et du pillage de la ville de Cavaillon ; il feroit trop douloureux de retracer toutes les horreurs qui s'y commirent, Le malfacre et le viol ne furent que des événements naturels; 1'ame fe révolte, quand on penfe que des Soldats furpaiferent 1'atrocité des cannibales, en s'abbreuvant du fang de M. de Róstang, et qu'a une de leurs orgies, ils firent fervir, parmi d'autres méts , la tête d'un eccléfiaftique refpecTable par fon age et fes moeurs, qu'ils avoient eu la barbarie de maffacrer quelques moments auparavant. L'armée d'Avignon étoit Arméc ie r' i Brigands. comPoiee en grande partie d'emiffaires des Jacobins de Paris, de déferteurs du Régiment de Soisfonnois, et de Penthiévre Dragons, qui s'étoient réunis a tous les malfaiteurs et a la plus vile populace du Comtat. C'èft en vain qu'on avoit engagé M. Duportail, k ré-  2()6 HISTOIRE KT ANECDOTES reau, femme infirme et impotente, agée He plus de quatre vingts ans, fut arrachée de fon lit, les fcélerats après 1'avoir percée de coups mirent le feu a la maifon , et la laiflerent luttant entre la vie, et la mort; ils s'emparerent enfuite de fon fils pour lui faire fubir de plus cruels fupplices. p , . Le général de cette horde barbare ie nommoif Patrix, il fut maifacré, quelques jours après, par les Soldats qu'il commandoit, parceque M. de Tourreau avoit eu le Bonheur de s'échapper, et qu'on fuppofa qu'il étoit d'intelligence avec lui. Cette Armée qui avoit pris le nom de Patriote, choifit alors un nouveau général digne de Jourda,,. commander. Ce monftre étoit le fameux Jourdan (*) qui dans (*) II ne faut pas confondre Jourdan coupe-tête; avec Jourdan, général des troupes conventionelles , quoique cc-foit deux fcélérats è peu prés de la même trempe. Le premier, eft originaire du puy-en-vélay, après avoir été, dans fa jeu- ;  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 297 dans lesjournées des5 et0 8bre 1789. avoit eoupé les tètes des gardes du corps maffacrés a Verfailles. Le premier ade de commandement de ce bourreau féroce, fut de fe jetter fur le corps de Patrix, de lui couper les doigts, et de les macher en parcourant les rangs de fon armee; il fit T v enfuite jeuneflTe, maréchal ferrant, il devint chef d'une troupe de contrebandiers, fut arrêté fur les confins de la Savoye, et traduit a* Valence, oü la commiflion le condamna a être roué vif, il 's'échappa des prifons, vint è Paris, oü il fe diftingua dans toutes les e'meutes populaires; c'eft lui, qui aida è étrangler les malheureux Berthier ét Foulon. Les Jacobins, qui avoient reconnu fes talents pour exécuter tous les crimes, 1'envoyerent a Avignon avec des fommes confidérables; il acquit bientót la confiance du peuple, et devint le chef des brigands, foi -difants Patriotes. Le général conventionnel eft né a Lyon, il a été longtems cavalier de maréchauftée, c'eft un être atroce et barbare, mais il a quelques talens militaires, et fur tout une grande activité.  298 HISTOIRE ET ANECDOTES enfuite placer la tête de Patrix au bout d'une piqué et Penvoya a Avignon. Après avoir pillé et incendié la ville de Sarian, les brigands raarcherent contre le camp de S*e Cécile: les confédérés furent obligés de le lever et de fe retirer précipitamment fur Carpentras. Le 23 avril, les patriotes fe préfentefentlas^""' rent Levant cette ville pour en former le fiége; ils furent vigoureufement repouifés par les habitans. lis fe repandirent enfuite dans la Campagne, brulerent toutes les habitations, et égorgérent les payfans qui n' avoient pu prendre la fuite. Le 25 Avril, ils attaquerent de nouveau Carpentras, y jetterent des bombes et des boulets rouges. 11 fe trouvoit dans la ville quelques officiers braves et intelligens, entr' autres 2VI. Efcoffier, qui fut nommé commandant, et M. de Bayet officier d'artillerie. Ils ranimerent le courage des habitans, et les engagerent a fe défendre jusqu'a la derniere éxtrêmité, plutót que de livrer leur  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 299 leur ville a la dévaftation. Plufieurs femmes, oubliant la foibleife de leur fexe, partagerent les fatigues et les dangers inféparables de cette pofition. Mde de Champrond femme intrépide dont le nom mérite „ Mie d' 1 Cbamprond. de paifer a la poftérité, fe montra toujours au pofte le plus périlleux, a la tête de differentes forties; elles eurent un fuccès fi heureux, que les aflaillans leverent le fiége après avoir perdu plus de fix cents hommes. Pour fe venger de ces contre-tems, les brigands fe répandirent de nouveau dans les campagnes et y porterent la dévaftation et le carnage: les malheureux habitans furent obligés de fuir, et d'abandonner leurs propriétés a la main deftructrice de ces fcélérats. Leur armée s'étoit iaugmencée par Tappas du pillage, on y comptoit plus de 6000 hommes: lenom des chefs, qui commandoient fous Jourdan, étoit Chabran, et les abbés Font- 1 vielle etOlive de la Rouvere. Cette armée  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 3(0.7. II étoit certain d'ailleurs, qu'une poifeffion paifible et non interrompue pendant plufieurs fiécles, devoit former un titre fuffifant en faveur du St. Siege. Car fi on recherchoit, dit- il, tous les titres de propriété des fouverains, il fe. trouveroit peu de poifeflions légitimes. Paifant aux motifs de convenance ou d'utilité, qui devoient déterminer la France a la réunion, 1'abbé Maury dit que M. le rapporteur raifonnoit, a-peu - prés comme pierre Mandrin. (*) Enfin, après avoir réfuté vicforieufement la plupart des motifs ailégués par M. de Menou, en faveur de la réunion, il conclut a ce qu'on rejettat le projet de décpet propofé par les comités. U ij Mr, (*) Fameux chef de Brigands, qui parcourut plufieurs provinces du Royaume, et pilloit furtout les maifons des financiers ou les caiiTes publiques. II fut arrêté fur le territpire de Savoye, oü ilv s'étoit réfugié, et exécuté a Valence en 1755."  308 HISTOIRE ET ANECDOTES Mr. de Clermont-Tonnerre, JUr.dtCkr. v-a. mom. Ton- aPres etre convenu du principe »ern, Caza- de droit naturel, décrete préhuetï Ml" cédemment par l'aflemblée, qu'un peuple, ou une nation dégagée, par 1'exercice libre de fa propre volonté, des liens qui 1'afliijettiflbient aux loix d'un prince, peut fe donner oü s'incorporer a une autre nation; s'attacha particulièrement a rechercher, fi le voeu des comtadins avoit été formellement exprimé en faveur de la réunion a la France. II parcourut fucceflivement tous les procés verbaux de chaque commune du comtat, et démontra que la majorité étoit'bien loin'de s'y trouver pour la réunion; que, d'ailleurs, la terreur avoit néceflairement préfidé aux délibérations, dont plufieurs avoient étéarrachées au milieu du carnage, le fer, et la flamme a la main. II déclara en conféquence, que le voeu, qu'on avoit préfenté a l'aflemblée nationale, n'étoit ni libre ni légal, et qu'elle manqueroit a fes principes les plus facrés, en adoptant une  DE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. 309 une réunion fous des aufpices auffi peu légitimes. Le difcours de M. de Clermonts-Tonnerre fit beaucoup d'impreffion, et lui attira 1'animadverfion des Jacobins, qui avoient fait cerner raflemblée par les grouppes du peuple, il fut infulté, pourfuivi jusques dans fa maifon, dontla porte futenfoncée: un détachement de la garde nationale diffipa 1'attroupement. M. M. de Cazalès et Malouet, parlerent enfuite, et ils alléguerent, que la réunion du comtat, dans les circonftances acf uelles, attaqueroit évidemment un des principes de la conftitution, par lequel, l'aflemblée avoit déclaré Le frojet de aux yeux de toute 1'Europe: décret eft re. que le peuple francais renoncoit }etti' a toute conquête. Après de longues difcuf-( (ïons, et malgrc les cris d'un peuple fou-v doyé par les Jacobins, qui cherchoient a forcer les opinions par la terreur, 1'affemblée décreta, après 1'appel nominal, U iij aune  '3*0 HISTOIRE ET ANECDOTES a une pluralité de 487 voix contre 316, (*) qu' Avignon et le comtat vénaiflïn ne faifoient point partie de 1'empire franqais. La maniére dont 1' affemblée avoit i décidé la queftion, ne detruifit point les efpérances de ceux qui'défiroient Ia réunion du comtat. M. Pétion annonqa le: Tendemain que f affemblée, avoit a la vérité décreté, qu'Avignon et le comtat ne: faifoient pas partie de 1'empire franqais, , rnais non pas, qu'ils n'en feroient pas par' tie, lorsque le voeu des habitans feroit unanimement prononcé. M. Bouche alla plus loin, il annonqa que la réunion auroit lieu, et comme c'eft lui et fes adherents, qui dirigeoient è leur gré le meurtre et le carnage qui dévaftoit ce malheureux pays; ils s'arrogeoient a plus jufte :, titre le droit d'en difpofer. Leurs éfforts furent cependant inutiles, pour faire ajouter un nouvel article, ou quelque amendement au décret qui avoit été rendu: ils employérent alors un autre moyen. Sous pré- (*) Soixante fept membres n'opinèrent point.  DE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. 31J prétexte de rétablir la paix dans le comtat, et de prévenir les troubles, qui pouvoient agiter les dèpartements vqifins, ils firent rendre au mois de juin le décret fuivant. L'aifemblée- nationale charge fon préfident de fe retirer par devers le Roi pour le prier. jo. d'employer les forces, qui font en fon pouvoir, affin d'empècher que les troupes, qui fe font la guerre dans le comtat vénaiifin, ne faifent aucune irru'ption fur le territoire de France. 20. de réclamer tous les franqais, qui ont pris parti dans 1'une oü Pautre des deux armées, et de publier, a cet effêt, une proclamation, qui fixe un Délai et accorde une amniftie aux militaires franqais, qui rentreront dans le délai préfcrit, et qui déclare déferteurs a 1'étranger, tous ceux qui ne rentreroient pas. 30. de faire pourfuivre et punir comme embaucheur, tout homme, qui feroit en France des recrués, foit pour un parti, foit pour 1'autre. U it 40. d'en-  312 HISTOIRE ET ANECDüTES 40- d'envoyer, fuivant le voeu connu de toutes les parties intereifées, des médiateurs, qui interpofent les bons offices de la france entre les Avignonois et les Comtadins, afin de les amener a la ceifation de toute hoftilité, comme un provifoire néceifaire, avant de prendre aucun parti ultérieur rélativement aux droits de la France fur ce pays. E«vi de Une Portie de ce décret eommifaires auroit été trés jufte, fi les com- eonMiateurs. • rr ■ -i- miliaires conciliateurs avoient rempli leurs fondions avec honnêteté et impartialité; les Jacobins, qui difpofoient de tous les emplois, firent tomber le choix du Roi fur trois de leurs affidés, M. M. Verninac-de St. Maur, les Scène des Maifons, et 1'abbé Mulot. Ils partirent, le 11 Juin, avec des inftrudions fecrette's de la fadion dominante. Je rendrai compte de leurs opérations & de leur conduite, jufqu'a 1'époque oü raffemblée prononca la réunion d'Avignon et du comtat a 1'empire francais. Les  m LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 313 Les Miniftres de la guerre et de la marine s'occupe- Situatha . de laMartu rent , au commencement de • ntijue* 1'année, des préparatifs néceffaires pour 1'armement deftiné a rétablir 1'ordre dans les Colonies. M. de Béhague, Maréchal de Camp, partit de Breft, au commencement de Fevrier pour aller a la Martinique: il avoit fous fes ordres, environ 6000 hommes, de troupes de ligne, efcortés par quatre vaiffeaux de 74 et dix frégates : a fon arrivée a la Martinique, la garnifon et les habitans du fort royal , et du fort Bourbon fe foumirent aux décrèts de 1'aifemblée nationale; et 1'ordre et la tranquillité fe rétablirent pendant quelque tems dans la Colonie. A la mème époque, le Commandeur de Villages partit, pour St. Dominque, avec deux vaif- ® At. St' feaux de ligne et deux frégates , qui transporterent les feconds bataillons des Régiments d'Artois et de Normandie : Ces deux corps avoient été penU v dant  -314 HISTOIRË ET ANECDOTES . dant longtems dans un état d'infurredionj la plus complette. Leurs facheufes disJ pofitions furent encouragées , par des émiifaires des Clubs de Breit, qui leur infinuerent. qu'ils devoient fe méfier dei| leurs Officiers, qui ne cherchoient qu'a les trahir. A la fin du mois de fevrier,| 1'efcadre commandée par M. de Villa-i ges, arriva a la rade du port au Princes M. de Blanchelande, qui craignoit que ces troupes ne communiquaifent leurs! •fentiments au Régiment colonial , qui; jusqu'alors avoit obfervé la plus exacte difcipline, ordonna qu'on les débarquat au möle St. Nicolas. .Les Soldats réu-j nis aux matelots fe révoltérent et refu-: férent d'obeir : ils demanderent d'ètre: débarqués au port au Prince, et voulurent favoir, pourquoi M. de Blanchelan-: de changeoit leur deftination. Ce Gé-| néral eut laCondefcendance de leur com- t rnuniquer les depêches du Miniftre, etj les décrets de 1'aifemblée nationale quil Temettoient 1'emploi des forces militai-t res abfolument a fa difppfition. Lesï  DE LA REVOLUTIOIS? FRANfÖISE. 315 Les Rebelles demanderent vin délai de trois jours, avant de fe dëterminer; dans cet intervalle , ils defcendirent a terre , chercherent a feduire les Soldats du Régiments du Port-au-Prince, et a leur perfuader que les décrets dê 1'aifemblée nationale et les ordres du Miniftre avoient été fuppofés par leurs Chefs. Ils affurerent que Paffemblée nationale étoit trés mécontente de la conduite de M. de Mauduit, et chercherent a engagér les Soldats a 1'arrêter. Cet Officier témoin des moyens honteux , qu'employoient les rébëllés pour corrompre les Soldats, et de la réfiftance, qu'ils oppofoient, s'écria, "qu'on eft heureux de commander d'auffi braves gens!,, Leurs bonnes difpofitions ne furent que de courte durée, au bout de trés peu de tems, ils furent féduits par des promeffes et par de 1'argent, et prirent part a 1'infurrecfion; ils demanderent qu'on leur livrat des cartouches et les clefs de Parfenal i le général fut obligé  3l6 H1ST0IRE ET ANECDOTES gé de leur accorder 1'une et 1'autre demande. Fitmtu bi. Le 9uatre Mars> un Mu- ToïquedeMr. latre attaché aM.de Mauduit, teMauiuit. i'aVertit qu>on cherchoit a le maflacrer, et qu'il ne lui reftoit pas un inftant a perdre pour fe fauver. II lui répondit qu'il refteroit a fon pofte, et y périroit avec honneur, fi cela étoit néceiTaire. A neuf heures du matin, une grande quantité de féditieux pénétrérent chez lui, et exigèrent qu'il vint au Gouvernement pour rendre Compte de fa conduite: il y confentitj mais dans le moment oü il alloit fortir de fon appartement, une foule de matelots, de Soldats ivres, et de peuple pénétra dans fa maifon, brifa tous les meubles et fe partagea Ion argent et fa Vaiflelle. On Tarrèta enfuite avec deux Officiers, qui fe trouvoient avec lui, et on les transporta aux Cafernes. M. de Mauduit apperqut, pendant ce trajet, un Grenadier qui verfoit des larmes; il lui en deman«a la caufe, "Helas! mon Colonel, repon-  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 317 ] pondit le Grenadier, je pleure fur la deftinée qui vous attend, ... "Brave „Camarade, répondit M. de Mauduit, la „vie d'un Officier qui a fervi avec hon„neur pendant plufieurs années, eft „acfuellement a la merci des aifaffinsi „mais les larmes d'un honnête homme „tel que vous, me confolent." Pendant qu'on transféroit M. de Mauduit aux Cafernes, les féditieux ouvrirent les portes des prifons, les fcélerats qui y étoient renfermés fe joignirent a eux, et ils délibérerent fur ce qu'ils feroient aux Officiers qu'ils avoient arrêtés. Un Soldat s'adreifant a M. de IVIauduit, lui dit, „ne croyez pas que nous „ayons le projet de vous óter la vie?" S'il ne faut que ma tête pour rétablir 1'ordre , (répondit ce brave Officier), "di„tes au peuple, qui je la facrifie aveo „plaifir?,, Aprés avoir délibèré quelque temps, les fadtieux trai- 'ƒ ""^ nérent M. de Manduit 2 la porte du Club, qu'il avoit forcé de fe diifoa-  318 HISTOIRE ET ANECDOTES diifoudre, le 29 Juillet 1790. on 1'accabla d'injures et de coups, parcequ'il re- iuia conltament de faire des excules aux féditieux, on lui arracha enfuite fes épaulettes , et un Grenadier tira fon fabre pour lui couper la tête; fon coup mal dirigé, frappa un Soldat qui étoit a fes cótés, et 1'étendit mort a fes pieds. Quelques Officiers profitérent de cet inftant pour Parracher des mains des meurtriers, en le conduifant dans une maifon voifine: mais le propriétaire en ferma la porte, dans le moment oü ils alloient y entrer: 'les aifaffins le pourfuivent et 1'atteignent, un Grenadier lui fend la tête, un autre lui plonge fon labre dans le corps, il tombe et dans le moment tout le peuple fe jette fur lui, et partage fes membres en mille piéces: une femme eut la barbarie de lui trancher la tête et de la porter au bout d'une piqué dans toute la ville. Ces monftres furieux retournent dans fa maifon pour maffacrer fes domeftiques, ils avoient heureufement pris la fuitej ils fe jette- rent  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE* 319 I rent fur fes chevaux qu'ils tuérent avec I un plaifir barbare. Après avoir commis i ces atrocités, le peuple fe répandit dans lés différents quartiers , pourfuivit et marfacra plus de cinquante particulier Ü ! fufpecfés d'ariftocratie. La terreur et la défolation regnoient dans toute la ville, i des families entières prirent la fuite, pour éviter le fort funefte qu'on leur1 préparoit. Chaque nouveau forfait augmentoit 1'audace et la fureur du peuple, qui pouffoit des cris de joie en enten-' dant les gémiifements des vicfimes, qu'il immoloit a fa rage. Les malheureux fugitifs furent accueillis, avec hümanité, dans le quartier du nord; tandis qu'on chantoit un te Deum, au-port-au-prince, pour célébrer la deftrucfion des ariftocrates. Le (Gouverneur M. de Blanchelande fut obligé de fe déguifer et de fe fauver dans les bois, M. de Villeneuve, Lieutenant Colonel du Régiment d'Artois, qui n'aJvoit pu réprimer la fédition de fes folI dats mourut peu de jéur-s après de dou» ifleur et de chagrin. Le  DELA RÉVOLUTION FRANf OISE. 32 I a fa mémoire Phommage, que lui doit toute ame fenfible et vertueufe. Lorsque ces nouvelles Mamtuvres désaftreufes parvinrent a Paf de i« Société femblée, elle s'occupoit, de- Aesamïtdes puis longtems d'une queftion importante rélative a 1'état des gens de couleur dans les Colonies. La Société des amis des noirs, employoit tous les moyens poffibles pour procurer FafFranchiifement des nègres, et pour alfurer aux mulatres les droits civils et politiques, dont jouiflbient les blancs. *Une prétenduë députation des gens de couleur avoit demandé a être admife a la barre, pour faire vaioir leurs droits. Les députés des Colonies s'y oppoférent, prouvérent qu'ils n'avoient aucuns pouvoirs légitimes, et dévoilérent ainfi les manoeuvres de la Société philantropique. Fruftrée de fes efpérances dans cette circonftance, elle fe fervit de I'organe de Linguet, qui devoit parler a Paifemblée en faveur des membres de 1'ancienne affemblée de St. Mare, pour déclamer T.III. Sett.IL X con-  3*2 HISTOIRE KT ANECDOTES contre la tyrannie des blancs, et 1'oppreffion fous laquelle gémufoient les gens de couleur. Les plus zèlés Jacobins plaidoient leur caufe avec véhemence, en la fondant fur la déclaration des droits de l'homme. L'abbé Grégoire, nouvel évêque de Blois, dit que la poftérité auroit droit de s'étonner que ceux, qui avoient fondé la conftitution, euflènt permis qu'on agitat devant eux: fi des hommes libres, propriétaires, cultivateurs et contribuables devoient ëtre mis au nombre des citoyens acfifs d'un état, dont ils fupportent les charges ? On fut fort furpris de voir, a cette époque, M. Barnave fe féparer du cóté Earnave ks , r . . „ vombat. gauche, pour ioutenir la caufe des blancs, il démontra d'une maniére auffi éloquente que fenfible, que 1'intérêt du commerce , celui des colonies, riuimanité mème, qui devoit s'étendre indiftincfement fur toutes les claffes, ne devoit point faire conférer indiftincfement une puiifance civile a des homtnes de couleur, dont la plupart avoient  OE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 323 1 avoient encore des parens dans 1'efcla1 vage et qui fe trouvoient dans une telJ le proportion que bientót ils domine1 roient toutes les aifemblées (*-), et les i délibérations au détriment des blancs, ij de qui elles avoient dépendu jusqu'alors. J II conclut, a ce qu'on accordat 1'initiaI tive aux aflemblées coloniales acTuelles, I fur toutes les queftions et loix rélatives | aux efclaves et aux gens de couleur. L'aiTemblée recevoit de toute part 1 des pétitions des villes de commerce, I des aifemblées coloniales, et des gens I de couleur; elle renvoya cette affaire I importante a fes comités de matine, d'aI griculture, de corrlmerce et des coloij nies réunis. M. de Latre fut chargé de i ce rapport. A la féance du 7 Mai, i après avoir détaillé les raifons qui devoi ient faire accorder aux aifemblées colo| niales 1'initiative fur toutes les loix conI cernant les gens de couleur; après avoir X ij analifé (*) D'après un récenfement fait a St. Domingue il y exiftoit 30 mille gens de couleur propriétaires.  324 HISTOIRK £T ANECDOTES analifé les différentes pétitions pour ou contre les réclamations des gens de couleur et pefé leur importance: il propofa a raflemblée un projet de décret, dont les trois premiers articles mé- Prnjet ie jt„. / Decut. ntent d'ètre rapportes paree» qu'ils donnérent lieu aux plus vives difcuffion s. Article Ie>". L'aflemblée nationale décrete comme article conftitutionel, qu'aucune loi fur 1'état des perfonnes ne pourra être faite par le corps législatif, que fur la demande précife et formelle des aifemblées coloniales. Art. II. Attendu qu'il importe a 1'intérêt général des colonies, .qu'elles énoncent leur voeu d'une maniére commune et uniforme, fur ce qut concerne les hommes de couleur et négres libres, dans le moment oü leurs aifemblées font fpécialement chargées du travail de la Conftitution coloniale , afin que tout étant régie dans cette Conftitution, la tran- quil-  338 HISTOIRE ET ANECDOTES trouvons des hommes de couleur : ces hommes de couleur font tous les defcen, dans des efclaves et des blancs: ces hommes de couleur doivent leur liberté a ces mêmes hommes blancs ausquels on nous propofé de les affimiler brusque-1 ment: il me femble que le décret qui établiroit aujourd'hui cette égalité entre les hommes blancs et les hommes de; couleur, feroit du plus grand danger.' Ce danger eft focile a découvrir, quand ön le cherche fans prévention et de bonne foi. II feroit dangéreux d'établir fur: le mème niveau politique les hommes de couleur et les hommes blancs, parceque la plupart de ces hommes affranchis ont encore leurs freres, leurs neveux, leurs oncles, leurs peres peutétre dans des atteliers peuplés d'efclaves, car une familie n'eft pas affxanchie touta-la fois. Je demande que 1'aiTemblée fe pénétre qu'il ne s'agit pas, dans cette tribune , de faire de grandes déclamations en faveur de 1'humanité. Toutes les fois  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 339 fois qu'il n'exifte manifeftement aucune plainte d'oppréflion, a quoi cela pourroit-il aboutir? Perfonne ne veut opprimer les gens de couleur. Quel efi; notre but? Voir s'il ne feroit pas funefte de les appeller tous a l'exercice des droits politiques qui finiroient par mettre la Colonie entre leurs mains. Car on a difputé dans cette aifemblée fur le nombre refpecfif des hommes de couleur et des hommes blancs, et il me femble que Pon n'eft pas d'accord fur Péquilibre qui exifte entre ces deux claffes d'hommes. Eh bien! je choifis le parti le moins favorable a la caufe que je défends. Je fuppofe que les hommes de couleur font inférieurs en nombre, et je dis que ces hommes de couleur attachent un grand prix au défir de dominer; que fi. la fantaifie du gouvernement eft devenue le luxe de leur amour pour la liberté, ces hommes la feront inceffament les plus nombreux, et qu'alors ils fe1 ront lés maitres des Colonies. II n'eft Y ij aucun  34° HISTOIRE ET ANECDOTES aucun homme de couleur qui n'ait Ja faculté d'aifrancbir fon parent qui eftl encore efclave; il 1'appellera donc dans1 fix mois dans les aifemblées primairesj dansles aifemblées élecforales, dans les; aifemblées coloniales. Les blancs ne; pourront jamais fe recruter fuffifammenti pour s'oppofer aux prétentions des hom-, mes de couleur: ceux-ci deviendronti les rois des Colonies, le jour qu'ils en-, treront dans les aifemblées Coloniales.. Je ne vois pas que cette conféquencei puiife être douteufe pour aucun boni efprit, s'il eft vrai furtout, comme om ne ceife de le répéter dans cette aifem-. blée, que les hommes de couleur attachent le plus grand prix a l'exercice de ■ leurs droits politiques. Ces droits politiques ne leur font pas dus a la première , a la feconde et peut-être a laj troifième génération. Des efclaves font affranchis quand ils ont leur liberté; j mais un affranchi ne s'eft pas encore aifez amalgamé a la maifon a laquelle il appartient pour avoir droit d'influer fur p  DE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. 343 I une clarfe d'hommes noirs qui les habi>i tera; ce feront des hommes qui mourI ront peut-être de faim, livres a TimI péritie, a 1'imprévoyance, a la parefle > de leur Caradtère: mais foit que ces ê heureufes contrées périflent de mifére, | foit qu'une puiifance voifine s'en empa| re, il eft clair qu'il ne faut voir ni dans I ces menaces, ni dans ces prédicf ions fïniI ftres, le fort des Colonies; il faut le voir I dans notre propre decret, par ce que i leur confervation ou leur perte éternelI le eft la conféquence néceiTaire du décret I que vous allez rendre. Que les hommes de couleur devienI neut après un certain tems, après un 1 certain nombre de générations, citoyens 1 acTifs; je le conqois, je le désire; per!| fonne ne s'y oppofera. Mais que ce foit : le bien fait général d'une loi nouvelle; I que des hommes, qui ont a peine brifé I les fers de 1'efclavage,' fe trouvent ar-. £ més de toute la puiiTance politique fur I leurs concitoyens, fur leurs anciens maii tres , fur des hommes dont ils font les, Y iv ri-  344 HISTOIRE ET ANECDOTES rivaux, fur des hommes qu'ils peuvent a chaque inftant exterminer en fe mettant a la tète d'une armée de 600 mille de leurs compatriotes. 'Jofe le dire, ce n'eft pas la une mefure que des législateurs Franqais puiifent jamais prendre. Malgré les orages que cette difcuffion a paru exciter dans cette aifemblée, je n'ai jamais défefpéré du fort de la France. Imaginons nous tenir en main une Balance: dans 1'un des baffins fe trouvent 5"o mille blancs, dans 1'autre 700 mille noirs ou hommes de couleur. Si vous ne vous hatez de mettre du cóté des blancs la protecTion de la loi, la protecTion de la force publique, il n'y a plus d'équilibre j les Colonies ne feront que changer d'oppreifeurs. Ce ne fera pas vous que 1'on pourra accufer d'avoir méconnu les droits de 1'humanité, lorsque, vous fouvenant que le gouvernement d\m grand empiré vous eft confié, vous direz aux Colons, vous direz a 1'univers: non, je n'appelle pas indiftincfement tous les hommes de couleur dans les tri-  DE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. 345 tribunaux , mais je leur allure a tous dans les tribunaux une égale juftice; je ne les appelle pas tous aux commandemens militaires , mais je leur allure a tous la protecfion de la force publique. Je ne les appelle pas tous aux Confeils municipaux; je ne leur donne pas a tous les mêmes droits politiques, mais j'impofe a tous les hommes auxquels fera délégué 1'éxercice de cette puiifance 1'obligation de les protéger. Votre dette, a ces conditions, eft fuffifamment acquittée, et permettezmoi, fans heurter dans cette affemblée aucune prévention particuliere, fans rappeller d'anciens fouvenirs qui pourroient troubler 1'heureufe harmonie des fentimens que je vois regner en ce moment au tour de moi; permettez-moi, dis-je, de vous demander par quelle imprudence on a ofé affimiler le fort des Colonies au fort du royaume de France, en vous rappellant la Révolution que la France vient d'éprouver, eft-ce une Révolution que 1'on veut dans les ColoY v nies?  346 HISTOIRK ET ANECDOTES nies? Mais, une Révolution dans les Colonies en feroit 1'anéantiifement. On peut faire une Révolution dans un grand état, quand on met la raifon et la juftice a la place des abus, vous mettriez a la place d'une claife de citoyens qui connoirfent vos loix, qui les ont etudiées, qüi ne font point féparés de la métropole, qui ne vont dans nos Colonies que pour eu cultiver le fol, que pour s'enrichir, que pour enrichir la France a leur tour, qui ne croient point émigrer en allant travailler a la prolpérité de votre patrie a une fi grande diftance , vous mettriez a leur place des hommes qui ont été étrangers a la nation , qui ne vous font unis par aucun Noeud politique : des hommes que 1'éblouiifement de ce nouveau bienfait rendroit trop dangereux , pourque vous le leur accordafliez prématurément. Qu'on Jes appelle donc a l'exercice des droits politiques fur le voeu des aifemblées primaires qui font légales , puisque vous les avez reconnuës. Connoiifons jus- qu'ou  DE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. 347 qu'oü ira Phumanité, la générofité et la prudence de nos Colons blancs, fachons a quelle conditions ils veulent établir leur égalité politique avec les hommes de couleur: ils ne réferveront que ce qu'ils ne pourroient abandonner, fans comproraettre leur intéret, 1'intéret national et leur vie. Mais nous qui fommes places a une fi grande diftance, n'allons pas faire les parts fans avoir entendu les parties intéreifées, il faut faire des facrifices, le tems eft venu oü toutes les claifes de citoyens doivent en faire. Eh bien vos Colons de 1'Amérique en feront auffi. Mais ne défefpérez pas légérement de leur patriotisme; ne les mettez pas a la merci d'une claife nombreufe qui peut les dominer , les aifervir, les égorger a fon gré. Ce n'eft pas dans des jours d'infurreétion qu'il convient d'établir un nouvel ordre de chofes. Ce peuple eft-il mur pour la liberté, pour l'exercice des droits de Cité? Eft ce dans un moment • oü un général Franqais , au quel vous avez  348 HISTOIRE ET ANECBOTES avez voté des remercimens pour avoir confervé a la France fes Colonies, vient d'ètre maifacré par fes propres Soldats? Eft-ce dans un moment oü le commandant de vos forces maritimes eft mort de douleur au milieu de Pinfurrecfion générale dont il étoit environné? Oü le Gouverneur a été obligé de fuir pour épargner a ces malheureux un Crime de plus? Oü le Lieutenant Colonel du Régiment d'Artois s'eft tué de défefpoir? Oü le Lieutenant Colonel du Régiment de Normandie eft devenu fou de chagrin? Oü les Officiers du Régiment du port-au-Prince ont été obligés d'abandonner leurs drapeaux, ne pouvant plus contenir cette foldatesque -effrénée qui ne parloit que d'incendies et de maffacres? Eft-ce dans un pareil moment qu'il faut favorifer cette puiifance incalculable de 1'imagination, livrer de nouveaux citoyens a toutes les efpérances téméraires d'une imagination trompée, les appeller aux droits de citoyens, ce qui eft pour eux un droit de repréfail- les,  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 349 les, un droit de fe venger des hommes auxquels ils confervent de longs et de li profonds reflentimens? Non, ce n'eft: pas dans une pareille circonftance qu'un Corps de législateurs peut prendre une telle détermination. Ce qu'il faut faire, c'eft d'aifurer proteclion, mais protedtion a tous, a ceux qui font le moins nombreux, a ceux qui font les plus foibles, a ceux dont vous interrogez le pattiotisme, et qui répondront a ce grand témoignage de confiance, a ce grand adte de juftice nationale, que je ne peux pas appelier un bienfait, en vous indiquant de nouveaux moyens de profpérité pour les Colomes. Ce difcours de 1'Abbé Maury produifit le plus grand effet. L'alTemblée en ordonna Timpreflion. II Te préfenta enfuite dans le cours des difcuflions plufieurs queftions incidentes rélativement a 1'état des négres efclaves, ce qui pouvoit donner lieu a des débats infinis, raflemblée crut fatisfaire tous les partis en déclarant a la féance du 12 Mai 1'Article fuivant. L'afiem-  3SO HISTOIRE ET ANECDOTES L'aflemblée nationale dé- «!lLlf crete comme Article conftitutionel, "qu'aucune loi fur 1'é„tat des perfonnes non libres „ne pourra être faite par le Corps légis„latif pour les Colonies, que fur la de„maftde précife et fpontanée des aflem„blées Coloniales." Cet Article ne ftatuoit rien fur 1'état politique des gens de couleur, le lendemain les débats recommencérent avec plus de vivacité; le peuple fe porta en foule aux Tuilleries: les députés defignés comme n'étant pas partifans de la prétention des gens de couleur, furent infultés et attaqués, on ffTL*fit paroitre *la ?arre un muM- Barre. tre» nommé Rémond, envoyé par fes freres de St. Domingue, pour reclamer en leur faveur l'exercice des droits accordés a des hommes libres: il peignit d'une maniére exagérée 1'oppreffion fous laquelle ils gémiflbient, et les vexations auxquelles ils étoient expofés de la part de la Clafle des créo- les  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 353 avec énergie les intéréts de leurs commettans écrivirent le lendemain au Prélïdent la lettre fuivante. Paris, 16 Mai iy0i. Monfieur le Préfident. Nous allons adreffer a nos r commettans le décret que Paf. femblée nationale a rendu hier rf<"»««»*/e«r matin concernant les gens de iimiJIlon' couleur , et négres libres. Dans 1'état aduel des chofes, nous croyons devoir nous abftenir des féances de Pa/Temblée, nous vous prions de lui en faire part] . Signi.'lLes députés des Colonies. Mr. de Fleurieu qui avoit demandé envain qu'on féparat le département des Colonies, de celui de la marine, et qui fentoit que la place qu'il occupoit ne pouvoit lui attirer que des désagréments, fans recueillirle moindre honneur, don' na fa démüTion. L'aifemblée avoit fixé le nombre des commis de fes bureaux le Miniftre avoit négligé de faire fur le T.IILSea.11. Z champ  354 HISTOIRE ET ANECDOTES champ la réforme décretée, et raflemblée 1'avoit condamrie a payer aux commis ce qui leur étoit dü fur fes appointemens. Cette mortification, les troubles des Colonies, le peu d'influence du Roi fur les opérations de fon département, le déciderent a fe retirer d'une place, qui ne pouvoit convenir qu'a des intrigans. Mr. de Keriainc, un des plus zélés Jacobins, avoit efpéré obtenir cette place avant lui, fes prétentions et fes intrigues fe renouvellerent, a cette époque, mais il fut encore trompé. Le Roi offrit le Miniftère a M. de Bougainville qui eut la prudence de le refufer. Son choix fe fixa fur Nouveaux M_ Thevenard Chef d'£{cadre Jutnijlres: JHrs.Theve- et Commandant a Breft, qui nard tt s'empreifa d'offrir fes hommages a raflemblée, fans faire aucune mention du Roi, a qui il devoit fon emploi. Sa lettre étoit terminée de la maniére fuivante. Si mes éfforts peuvent obtenir quelque fuccés, fi 1'aif. nat. daigne rendre juftice a la pureté de mes inten-  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 355 intentions, et m'accorder fa bienveillance; j'oublierai les peines attachées a 1'état que je vais embraifer et les témoignages de fa fatisfacfion deviendront la plus douce récompenfe de mes travaux. Sa foumiifion envers l'aflemblée et 1'adulation qu'il avoit en*ployée ne lui procurerent pas une grande fiweur, il eifuya les mêmes désagréments que fes prédéceifeurs et fut obligé de fe retirer au bout de quelques mois. A peu-prés k la mème époque le Roi nomma M. Tarbé, premier commis du contróle général, a la place de Miniftre des contributions publiques, qui étoit une branche féparée du Miniftère des finances. M. Tarbé aimoit le travail et jouiflbit de 1'eftime publique, ce choix fut généralement approuvé. Peu de jours après la mort de Mirabeau, M. Dandré propofa de fixer un terme aux travaux du corps conftituant. L'aflemblée fans déterminer précifement Pépoque de fa diflblution, décréta, qu'on s'occuperoit fans délai dans tous les déZ ij parte-  356 HISTOIRK ET ANECDOTES partements, du récenfement des citoyens qui devoient avoir voix déliberative, et de toutes les opérations préalables aux élecfions. J'ai obfervé précédemnient, que PafTemblée avoit ftatué, qu'il falloit payer une contribution égale a la valeur d'un mare crargent, pour donner fon fuffrage, et être fufceptible d'ètre membre de la législature. Les citoyeris acfifs avoient a la vérité le droit de choilir les élecfeurs. qui avoient cette qualité requife, mais plus des trois quarts des Franqais fe trouvoient, d'après cette loi, exclus du droit de repréfenter la nation. Suivant les régiftres de la municipalité en 1789» on vérifia que plus de 500,000. citoyens avoient donné leur fuffrage; et d'après le nouveau travail qu'elle venoit de faire, il ne fe trouvoit que 77,571. particuliers qui euffent les qualités requifes pour être élecfeurs. Cette comparaifon donna lieu aux plus vives réclamations: Les Pré- Reclamations r , „ _ ., , contre le dé- noens de diveries iocietes rracret du Mare ternelles de la Capitale fe réu- * nirent I  358 HISTOIRE ET ANECDOTES rier les législateurs. Us trouverent queJ les Prélïdents des fociétés fraternellesl avoient formellement enfreint la loi,1 qui accordoit le droit de pétition a toutl individu, fans qu'il puhTe jamais ètrej délégué ni exercé par aucune fociétéJ Le décret du Mare d'Argent avoit été rendu après les plus müres délibérations,: Paifemblée avoit. fenti, quelle confufion réfulteroit de l'exercice d'un droit auffij délicat, que celui de fuffrage accordé a la multitude. L'expérience prouvoit d'ailleurs que des moyens de féducfion avoient été employés dans toutes les affemblées primaires de la Capitale. La plupart des citoyens actifs, plonunfma'"' dms un etat d'ivreife, n'y, paroiffoient que pour donner leur fuffrage a ceux qui avoient payé: leurs débauches, ou qui affecfoient une faulfe popularité. Le décret fut maintenu fans égard aux différentes pétitions. Dans le nombre des queftions qui fe préfenterent pour la formation du Corps législatif, il en eft une qui occa- flonna  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 359 fionna de grands débats, et qui mérite d'ètre developpée. Cette queftion étoit, li , , 1 , 1 / • 1 Importante les membres de la legislature quefiio„ de acfuelle pourroient ètre réélus h r(étigik la fuivante? bilité- M. Thouret rapporteur, préfenta quelques raifons fpécieufes en faveur de la réélecTion. Si nous gènons, dit-il, le choix de nos commettans, nous nous chargeons d'une érfrayante refponfabilité. Le plus grand danger a craindre dans les élecfions eft Terreur, qui fait faire de mauvais choix; et comment le peuple pourra-t-il s'en préferver, en choifiifant des hommes qu'il ne connoit pas? Ceux qui étoient éligibles il y a deux ans, ne le feroient-ils plus, parcequ'ils ont mérité la confiance de leurs concitoyens? La réélecfion doit ètre la récompenfe, qu'attend le législateur qui a bien fervi fa patrie. La plus grande partie des membres du cóté droit dirigés par un mouvement de dignité, ou par la certitude de n'avoir Z iv plus  360 HISTOIRS ET ANECDOTES plus aucune part aut choix du peuple, n'eurent pas de peiue a combattre ces raiifonnemens, On fut étrangement furpris de voir MM. Pethion et Roberspierre fe ranger de leur parti. Le difcours de ce dernier fit la plus grande impreffion fur Paifemblée. II s'attacha a démontrer, que la conftitution n'étoit point Pouvrage des législateurs acluels, mais le réfultat de Popinion générale de tous les Franqais. II fit fentir que les nouveaux législateurs, éclairés par les travaux des premiers, auroient au moins la mème aptitude et le mème pouvoir pour maintenir les loix qu'ils avoient faites. En parlant de 1'influence des orateurs diftingués, qui dans les grandes aifemblées parviennent a maitrifer les délibérations, il cita ce mot de Thémiftocle tenant fon fils fur fes Mot de Thé- , tt • • 1 . mijteü. bras- »Voici celui qui gouverne Ja grèce ; cet enfant „gouverne fa mere, fa mere me gou-' „verne, je gouverne les athéniens; et „les atheniens gouvernent la grece.ct Ainfi  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 361 Ainfi une nation de vingt cinq millions d'hommes feroit gouvernée par une affemblée, et celle-cy par un petit nombre d'orateur. La verité, la raifon feules doivent regner, il ne faut pas que des gens habiles puiifent, en dominant 1'alfemblée, perpétuer des coalitions de parti, qui feroient le fléau de la liberté publique. Tous les peuples libres (a 1'exception de 1'Angleterre) ont adopté ces maximes, et profcrit la rééiecfion pour les Magiftratures importantes. On fut furpris d'entendre un des plus ardents Jacobins conclurre fon difcours, d'une maniére abfolument contraire aux principes propagés par fa fecfe. "Ne donnons pas lieu, dit - il, a nos concitoyens, et a 1'Europe qui nous regarde, de dire, que ce n'étoit pas la peine de tant preifer la fin de notre mifiion, pour 1'éternifer en quelque forte fous une forme nouvelle. S'il eft une aifemblée au monde, a qui il convienne de donner un grand exemple, et de réfigner fon immenfe pouZ v voir,  .362 HISTOIRE ET ANECDOTES voir-, c'eft furtout a celle -ci, dont les travaux pendant deux années entieres, ont furpaifé, pour ainfi dire, les forces humaines. Athletes vigoureux, mais fatigués, laiflbns la place a des TuccefTeurs plus frais, qui auront au derlus de nous Pavantage de ne tenir a aucune brigue, a aucun parti, bornons nous maintenant a aller propager dans tout le royaume Pefprit public, 1'amour de la paix, de 1'ordre et de la liberté. C'eft en vain que les ïavhieRo. ambitieux oppoferent leurs éf_ Femporte. forts pour détruire les raifons alléguées par M. Robespierre Pafiemblée nationale décréta a une grande majorité : Ou'aucun de fes membres eiïuels, ne pourroit être réélu qiïaprés l'intervalle d'une législature. L'alTemblée s'occupoit avec inquiétude de Teftet, que devoit produire fur les puiifances étrangeres les progrès de la Révolution ; elle leur fuppofoit des projets qu'elles étoient bien loin d'avoir conqus. Des mefures de fureté générale  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. S6S rale étoient repréfentées comme des moyens d'attaquer la conftitution , et de foutenir les ennemis dans 1'intérieur. Le Roi d'efpagne , qui avoit un intéret majeur a ce que les principes de la Révolution Franqaife ne circulaifent pas dans fes états, avoit cru devoir prendre des précautions, pour que des émilfaires envoyés par les novateurs, n'en propagealfent pas la doctrine. H avoit donné ordre de former un cordon fur la frontiére, et d'arrèter tous les gens fufpecTs. Ces mefures prudeutes occafionnerent les plus vives réclamations; on calomnia les intentions de Pefpagne, et le Miniftre des affaires étrangères fut chargé de rendre Compte des motifs de la conduite de cette cour. Le . Comte de Fernand Nugnès am- p baffadeur de fa Majefté Catho- deur d'Efpa. lique, pour détruire les im- ^ ■ r _ Montmorin. preflions facheules, qu on pouvoit concevoir contre la conduite de 1'Efpagne , écrivit a M. de Montmorin la lettre fuivante, en lui adreifant un ex- trait  364 HISTOIRE ET ANECDOTES trait des dépêches qu'il avoit reques de fa cour. Monfieur ! J'ai 1'honneur de vous adrelfer, ci joint, une copie de la dépêche , que je viens de recevoir de ma cour, au fujet des mefures, que fa Majefté Catholique croit devoir prendre, pour affurer la tranquillité des provinces Efpagnoles limitrophes de la France. Le Roi mon maitre juge, que le moyen, qu'il prend, eft le plus convenable pour éviter, que des gens maf intentionnés et des vagabonds puiifent troubler, par des vuës particuliéres, 1'amitié et 1'union, qui fubfiftent fi heureufement entre les deux nations pour leur bonheur réciproque, et a laquelle fa Majefté attaché un fi grand prix: elle ne doute pas, que fa Majefté trés ' chrétienne et fon Miniftère, animés par les mèmes intéréts , ne prennent de leur cóté toutes les mefures, que les circonftances acfuelles pourront leur permettre, afin de contribuer a la réuflite d'un objet, qui intéreife également les deux nations. Dans  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 365 Dans 1'impartialité , avec laquelle le Roi s'eft condüit jusqu'a préfent par rapport aux affaires intérieures de la. France, en dépit des fauiTetés et des impoftures, au rnoyen desquelles on a voulu féduire contre nous les habitans Franqais par des gens mal-intention- ■ nés, fa Majefté a donné les preuves les plus pofitives de fon amour pour la paix," et de fon défir de conferver les liens d'amitié , qui 1'uniiTent avec Je fouverain et les fujets Franqais. Afin de ne pas donner le plus petit motif de plainte et de foupqon, après le désarmement, que fa Majefté finit de faire dans fa marine, elle a fufpendu d'augmenter fes troupes, quoique 1'état de fon armée le néceflite, et s'eft abftenue de les placer dans des parages qui inquiétatTent les habitans des frontiéres: 1 mais, non-obftant cette conduite pru- uente, 011 commence a enronver. 011e I les désordres de quelques provinces im| médiates a 1'Efpagne cherchent a fe comI muniquer aux habitans de cette dernié- re,  I DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 369 n'avoit pas alors pris cette confiftance qui Pa rendue depuis li rédoutable. Les Potentats attendoient peut-être, que le temps détruisit un ouvrage auffi incoherent, mais dont la bafe étoit foutenue par tous les fcélérats répandus dans Punivers. Au lieu d'attendre, il falloit agir et chaque inftant ajoutoit un nouveau degré de force a la maife impofante de leurs ennemis. L'intérêt le plus facré des puiifances ne devoit - il pas être d'étoufter cette conftitution , qui confacroit tous les principes de révolte en les appellant droits naturels ? Pouvoient-elles fe diffimuler que ces principes de liberté, d'Egalité, de toute puiifance du peuple, étoient des poifons univerfels pour toutes les nations? com. ment pouvoient - elles , par leur ina» cfion, favorifer une Conftitution, qui,par une feule fecouife, avoit renverfé une Monarchie plus puiifante qu'aucune autre, et décrété la fouveraineté des peuples, c'eft a dire, la déchéance des •Rois? T.IILSettJL Aa Tel-  370 HISTOIRE ET ANECDOTES Telles étoient les queL'Autriche. ftions qu'on pouvoit faire auxi fouverains. Voyons quelle: étoit leur conduite. L'empereur Léopold défiroit ardemment la paix; fes états: épuifés d'hommes et d'argent, par la guerre de fon prédéceifeur contre la Turquie» ne paroilfoient pas fusceptibles de le: mettre a portée de faire un nouvel effort contre la France. L'agitation qui continuoit de regner parmi les Brabancons, et qui demandoit une furveiuance acfive, confirmoit encore fes difpolL tions. II fe borna donc a accueillir les réclamations des princes de 1'empire, poffefïionés en Alface, et a faire préfenter cette aifaire a la diette de Ratisbonne. Ceux qui connoiifent 1'incohérence du Corps Germanique et la lenteur de fes délibérations, devoient penfer que cette affaire entraineroit de longues: et d'inutiles difcuffions, dés que le Chef de 1'empire ne paroifToit pas décidé af en accélérer le mouvement. Le  DELA RÉVOLUTION FRAN?OISE. 371 Le Roi d'Efpagne, qui I plus que tout autre devoit at- L'E/pagnt. ] tacher de Pimportance a la poI fition des affaires de France , par les 1 liens du fang , qui 1'uniifoient au MoI narque, et 1'efpérance, quoique lointaiI ne, de voir fa branche placée fur ce tröI ne, venoit de manifefter fes intentions 1 pacifiques. Lés Etats d'Italie, étoient 1 dirigés par Pinflueryce des cours f Italië, I Impériale et Efpagnole, et fui1 voient la conduite dicfée par ces fouve| rains. Le pape, employoit les armes S inutiles des brefs, et les foudres de 11'églife. Les républiques voyoient un I accroiifement de profpérité dans la déca'j dence du commerce de la France. Les Etats du Roi de Pruf| fe, n'ayant aucun contadl im- Z« Pruft. | médiat avec la France, paroif1 foient être a '1'abri de toute efpèce de I Révolution. Le gouvernement militai1 re, qui y eft introduit, confirmoit cette ! opinion. Le Roi de Pruffe, difigeoit touAa ij te  372 HISTOIRE ET ANECBOTES te fon attention du Cóté duNord; et de^ voit voir avec fatisfadion PanéantiiTe.: ment de la plus puilfante Monarchie de 1'univers, dont 1'union avec la maifon d'Autriche pouvoit lui être fatale. L'immortelle Catherine, La Rujïe. bien aifurée que la Révolution Franqaife , ne pouvoit avoin aucune influence fur fes fujets répandus< dans un territoire immenfe, et dont le: genie même ne fe .prèteroit pas a dei femblables innovations, fe contentoit de: traiter avec magnificence les Franqais ex-, patriés , d'envoyer quelques fecours ai leurs Chefs, en leur faifant beaucoupi de promeifes. L'Angleterre avoit fomen-. L'Augietem. té les troubles de la France,, pour fe venger de ce que cet- ■ te puiifance avoit favorifé précédemment: 1'infurredion de fes fujets: elle jouiifoit; avec fatisfadion du fruit de fes intrigues, et voyoit un accroiifement de puiifance et de fplendeur dans la perte des Colonies Franqaifes. Son intérét momentané l'enga-  DE LA RÉVOLUTION FRANfJOISE. 373 1'engageoit donc a feconder les progrès de la Révolution bien loin de chercher a y mettre un frein. La puiifance chancelante et mal affermie du Stathouder LuHoüanit. ne lui permettoit pas de prendre aucune part aux affaires de France, et fon influence fur les états de Hollande étoit plus que douteufe; il avoit a lutter contre la facfion patriotique, qui propageoit les mêmes principes, que ceux qu'on avoit adoptés en France. Les Hollandois occupés de leurs fpéculations mercantiles, ne prévoyoient pas, que, leurs richeifes tenteroient un jour, des brigands, qui, fans avoir décrèté pofitivement la loi du plus fort, paroiffoient difpofés a la mettre a éxécution. Ils comptoient phlegmatiquement leur or, fans s'occuper des difcuflions de leurs voifins. L'influence du Dannemarck étoit presque nulle, on f^cf"""" étoit accoutumé a regarder depuis longtems cet état comme une puifAa iij fance  376 HISTOIRE ET ANECDOTES lance de 1'Europe , et ne prenoit par conféquent que peu d'intérèt aux affaires de France. T r Le Congrès Américain Les Etats . .r ° , unit. av01t maiiuefte depuis long- tems, la fatisfadion, qu'éprouvoient les états unis des changements, que la Révolution avoit opérés dans le gouvernement Franqais,- on en acquit une nouvelle preuve a cette époque. M. Jefferfon, Miniftre de cette puiffance a Ia cour de France, envoya a 1'affemblée nationale 1'arrèté du congrès Américain qui portoit, que le Préfident des états unis feroit requis de faire communiquer a 1'affemblée nationale de France la fenfibilité particuliere du Congrès au tribut, payé a la mémoire de Benjamin Franklin, par les repréfentans éclairés et libres d'une grande nation, dans leur décrét du 11 Juin 1790. La lettre de M. Jerferfon étoit conqueë en ces termes. (*) Mon- (*) Le Congrès des états-unis n'ayant pas fait un éloge pompeux de la législation Fran-  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 377 Monfieur ! Je fins chargé par le Préfident des états- Le*trfieJiIr> 0 r r Jejjerfoti., unis de PAmérique de communiquer a 1'aiTemblée nationale Pexpreffion de la fenfibilité du Congrès, pour Phommage que les repréfentans libres et éclairés d'une grande nation ont rendu a la mémoire de Benjamin Frankiin, par leur décrèt du 11 Juillet 1790. il étoit naturel, que la perte d'un tel citoyen excitat de vifs regrets parmi Jes citoyens, au milieu desquels il vivoit, qu'il avoit fi longtems. et fi éminem, ment fervis, et qui fentent que fa naiffance, fa vie et fes travaux avoient été Aa v entie- Francaife, et ne s'étant pas «irectement adrelTé a raflemblée, puisque le reraerciment, qu'elle avoit voté, devoit être fait par 1'organe de fon Préfident, il fut décidé qu'on ne lui répondroit pas.' Mais on chargea M. Bureau de puzi, qui préfidoit alors, d'écrire a 1'état de Penfylvanie. Sa lettre ne contenant, que des chofes ufitées, et rien de piquant ni de remarquable. Je n*ai pa» cru devoir la rapporter.  378 HISTOIRE ET ANECDOTES entierement liés aux progrès et a la gloire de leur patrie: mais il appartient a raflemblée nationale de France de donner le premier exemple d'un hommage, publiquement rendu par le Corps repréfentatif d'un grand peuple, au fimple citoyen d'une autre nation, et, en éffaqant ainfi des fignes arbitraires de démarcation', de réunir par les liens d'une grande fraternité tous les hommes , quelqu'ait été le lieu de leur naiflance et de leur éducation. Puiifent ces démarcations dilparoitre entre nous dans-tous les tems, dans toutes les cir-« conftances? Et puifle 1'union des fentimens, qui confond aujourd'hui nos regrèts, continuer a cimenter les liens de 1'amitié et de Pintéret, qui uniflent nos deux nations! Tel eft le voeu conftant de nos coeurs; et perfonne ne le forme avec plus d'ardeur et de fincérité que celui qui, en rempliflant 1'honorable devoir de transmettre Pexpreflion d'un fentiment public, fe félicite de pouvoir en mème tems ofFrir Fhommage du profond  DE LA RÉVOLUTION FRANfOlSE. 379 fond refped et de la Vénération, aves lesquels il a 1'honneur d'ètre. Signé Henri Jefferfon. L'état de Penfilvanie, qui eft diftingué des autres états X^mfrf , r ., . fentans de unis, par la forme democrati- j>enfyhanie que de fon gouvernement, k Vajf. nat. compofé d'une feule chambre, ne féntint pas a cette fimple déclaration. Ses repréfentans écrivirent a 1'affemblée nationale la lettre fuivante. Meffieurs! Les repréfentans du peuple de Penfylvanie ont unanimement manifefté le défir d'exprimer a 1'affemblée nationale de France les fentimens de fimpathie , qui les attachent a fes généreux travaux dans la caufe de la liberté: ils lui adreifent leurs félicitations bien fincères fur fes fuccês, dont ils ont fuivi les progrès avec la plus tendre follicitude et la plus vive fatisfadion. ( Une  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 381 öion , le glorieux triomphe que vous avez aifuré a la raifon fur les préjugés, a la liberté et a la loi fur 1'efclavage et fur le defpotisme. Vous avez noblement brifé les fers, qui vous attachoient a votre ancien gouvernement, et entrepris, aux yeux de 1'Europe étonnée, une Révolution fondée fur cet axiome pur et élémentaire, "que le principe de tout „pouvoir réfide naturellement dans le „peuple, qu'il en eft la fourqe, et que „toute autorité doit émaher de lui." Cette fainte maxime, fur laquelle repofent et dont fe glorifient nos conftitutions Américaines, ne pouvoit plus être inconnue ou négligée au milieu du foyer du .patriotisme et de la philofophie, qui depuis longtems éclairoit la France. Nous nous félicitons de ce que votre Gouvernement, quoique différemment organifé , offre une telle homogénéité de principes avec le nötre, qu'il ne peut manquer de cimenter 1'amitié, qui nous unit par des liens encore plus étroits, puis qu'ils feront plus fraternels. Pour  382 HISTOIRE ET ANECDOTES Pour preuve de cette difpofition, nous pouvons vous aifurer, que les fuffrages et les fentimens de nos concitoyens fe réunhTent unanimement dans la plus vive prédiledion pour votre caufe et pour votre pays. Nous prévoyons avec joye le bonheur et la gloire, qui vous attendent, lorsque les rerfources, dont vous êtes entourés , ces richeifes que la nature a répanduës fur vous d'une main fi libérale, auront aquis toute Fadivité , que doit leur donner un Gouvernement libre. Nous nous plaifons aefpérer, qu'aucune circonftance pénible ou malheureufe n'interrompra votre glorieufe carrière, jusqu'a ce que vous ayez complettement rendu au bonheur d'une egale liberté civile et religieufe tant de millions de nos frères; jusqu'a ce que vous ayez complettement détruit les odieufes et arrogantes diftindions entre Phomme et Phomme; jusqu'a ce qu'enfin vous ayez fait germer dans 1'efprit du peuple Penthoufiaite et généreufe paflion de la patrie, au lieu de ces fentimens  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 383 mens fervilement romanesques, qui concentrent toutes les affe&ions d'une nation dans la perfonne d'un monarque. Mais tandis que nous confidérons avec refpecf et admiration les principes que vous avez établis, et que nous uniC fons nos voeux, pour qu'ils puiifent a jamais braver les attaques du tems, da la tyrannie ou de la perfidie, nous ne pouvons que nous réjouir de ce que, dans les progrès de votre Révolution, vous n'ayez éprouvé qu'un petit nombre de ces crifes convulfives, qui fe font fi fouvent et li fortement renouvellées dans le cours de la Révolution Américain e. Si notre vif intéret pour vos fuccès pouvoit s'accroitre par quelques motifs étrangers, il fuffiroit, fans doute, pour le porter a fon comble, de la réfiexion fatisfaifante et philanthropique, que, par 1'influence de votre éxemple, les autres nations de 1'Europe apprendront a apprécier et a rétablir les droits de l'homme, et que 1'on verra devenir de plus en plus générales ces infti- tutions  386 HISTOIRE ET ANECDOTES res : le Roi de Sardaigne a fait paffen les alpes a plufieurs régimens. De grandes puiffances ont fur pied des armées nombreufes et bien difciplinées, que la paix probable du nord peut mettre a la difpofition de nos ennemis, et que des fpéculateurs inquiets craignent devoir fondre fur la France, en haine de la liberté qu'elle s'eft donnée. Des marqués de réfroidiifement fe montrent chèz plufieurs de nos alliés; et des précautions offenfantes fe prennent presque partout contre les Franqais. Telle eft notre pofition au dehors. Quant a 1'intérieur, le mal eft encore plus réel. Des ecrits dont la hardielfe et le fanatisme devroient faire rougir ceux mêmes qui les publient, font répandus par les agens des princes d'allemagne dans les départemens du Rhin; la difcorde y eft ouvertement prèchée par les Miniftres d'un dieu de paix; des émigrans de tous états fe font réunis a peu de diftance de nos frontiéres; des bruits finjftres d'invalion prochaine ont fait fuir-j un J  DE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. 387 un nombre immenfe de citoyens, dont les richeifes portoient 1'aifance dans les départemens. Dans cette Capitale furtout on remarque une foule de vagabonds. Des mains invifibles foldent et protégent des brigands, dont le pillage eft le feul efpoir. Des émiifaires parcourent les dirférentes parties du royaume pour y exciter des troubles; il éxifte a Paris des agens du dehors, c!e ces mêmes fuppöts d'intrigue, qui ont foulevé 1'année derniére le pays de liége eü le Brabant. On craint les conventicules de ces hommes déteftables: on connoit les aveux indilcrets échappés a quelques - uns fur leur influence dans les excès, qui ont fouvent troublé vos travaux: ils cherchent a faire confoudre au peuple PAnarchie avec la liberté, la tyrannie avec la foumiffion aux loix. Rappellez-vous Pachat trop certain de plufieurs hommes employés dans les régimens pour les foulever, pour les exciter a piller les caiifes, a cluuTer leurs Officiers. Rappellez-vous les désordres Bb ij exci-  388 HISTOIRE ET ANECDOTES excités dans la marine militaire; le projet formé de transporter , s'il étoit poffible, des corps de troupes a Paris fous le prétexte de vous préfenter des pétitions. Rapellez-vous les calomnies répanduës contre les Chefs, pour exciter Pinfubordination des foldats. La plupart de ces faits , fur lesquels d'abord on élevoit des doutes, fontdevenus certains; ils font revêtus de toutes les preuves que Pon peut déiirer, pour diffiper toute incertitude. (*) Ce Rapport fut fuivi d'un Décret con- - t . ,, ,, treiePrin- ProJet de decret relativement ce de Condé. a la défenfe du royaume. Quelques Articles étoient dirigés contre M. le Prince de Condé, et les émigrés mal-intentionnés. L'alTemblée Padopta en ces termes. Arti- (*) M. Fréteau parpit indiquer que les fauteurs de ces désordres étoient les émigrés et les mécontents de 1'intérieur. Tandis qu'il étoit demontré que tous ces excès étoient un effet des manoeuvres des Jacobins.  DE LA RÉVOLUTION FRANCHISE. 389 Article I«. L'aflemblée-nationale décréte, que le Roi fera prié de faire porter fur-lechamp au pié de guerre tous les Régiments deftinés a garnir les frontiéres du royaume , et d'approvifionner les arfenaux des munitions néceifaires pour en fournir les gardes - nationales, en proportion de leurs befoins. Art. II. II fera fait inceflament dans chaque département une confcription libre des gardes-nationales de bönne volonté, dans la proportion de un fur vingt, a 1'éffêt de quoi le directoire de chaque diftricf infcrira tous ceux qui fe prefenteront j ils en enverront les differents états, avec leurs obfervations, au directoire du département, qui, en cas de concurrence, fera un choix parmi ceux qui fe feront infcrire. Art. III. Les volontaires ne pourront fe raffembler ni nommer leurs Officiers que Bb iij lors-  390 HISTOIRE ET ANECDOTE3 lorsque le befoin de 1'état 1'exigera, et d'après les ordres du Roi envoyés au dire&oire de département, fur un décret du corps législatif. Les volontaires feront payés par 1'état , lorsqu'ils feront employés au fervice de la patrie. • Art. IV. L'alTemblée nationale décréte, que fon Préfident fe retirera dans le jour par devers le Roi, pour le prier de faire notifiér, dans le plus court délai poffible, a Louis Jofeph de Bourbon Condé, "que fa réfidence prés des frontiéres, entouré de perfonnes dont les intentions font notoirement fufpecles, annonce des projets coupables. Art. V. Qu'a compter de cette déclaration, a lui notifiée-, Louis-Jofeph de BourbonCondé fera tenu de rentrer dans le royaume dans le délai de quinze jours, ou de s'éloigner des frontiéres, en déclarant dans ce dernier cas, " qu'il n'entreprendra jamais rien contre la Conftitution dé- cretée  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 391 cretée par l'aflemblée nationale, ni contre la tranquillité de 1'état. Art. VI. Et a défaut par Louis-Jofeph de Bourbon-Condé de rentrer dans le royaume, ou de s'éloigner des frontiéres, quinze jours après la notification du prélènt décret, l'aflemblée-nationale le déclare rébelle, décbu de tout droit a la couronne; le rend refponfable de tous les mouvemens hoftiles, qui pourroient avoir lieu: fes biens feront féqueftrés; toute correipondance et communication avec lui, complices et adhérents, feront défendues; et il fera pourfuivi et puni comme traitre a la patrie, et, dans le cas oü il fe préfeuteroit en arm es furies terres de la France, enjoint a tout citoyen de lui courir-fus, et de fe faifir de fa perfonne, ainfi que de tous fes complices et adhérens. Art. VH. L'aflemblée - nationale ordonne a tous les directoires, municipalités et corps adminiftratifs., de veiller d'une maniére Bb iv fpé-  392 HISTOIRE ET ANECDOTES fpéciale aux propriétés de Louis-Jofeph Bourbon-Condé. Art. vin. L'alTemblée charge les départemens, les diitrids, les municipalités et les tribunaux, de faire informer contre tous embaucheurs, émirfaires ou autres, qui cherchent a enróler ou faire déferter tout Soldat Franqais. Après s'ètre occupée de ces mefures de fureté générale, l'aflemblée porta fon attention fur 1'état de Tarmée. Mirabeau 1'ainé avoit Articulé peu avant Ta mort, qu'on ne devoit efpérer aucune tranquillité dans Tintérieur tant qu'on n'auroit pas licencié Tarmée pour la recréer fur de nouvelles bafes. La méfiance et les mécontentemens exiftoient dans toutes les clafles. £S«T Les Chefs de CorPs foient la i'armée. plupart partifans de 1'ancien régime: foit habitude, foit caradère, ils avoient confervé leur ancienne hauteur. Ils ne pouvoient fe perfuader que le changement de circon- ftances  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 393 ftances dut en apporter dans leur conduite. Une autre partie des Officiers voyoit dans les décrets de raffemblée une perfpe&ive d'avancement. Sans ofer fe déclarer ouvertement, en faveur de la Révolution, ils attendoient avec impatience le moment de recueillir les dépouilles de ceux qui ne pouvoient fe plier au nouvel ordre de chofes. Les, Officiers de fortune, qui formoient une claife féparée, qui avoit été privée pendant longtems de tout efpoir de s'élever aux grades étoient les ennemis déclarés des Officiers tirés du Corps de la nobleife : profitant de 1'afcendant qu'ils avoient fur les Soldats, ils cherchoient a leur infpirer de la méfiance envers leurs Chefs, pour obtenir plus promptement leurs emplois. Les Soldats adoptoient facilement ces idéés et les préventions contre la claffe d'Officiers, qui n'avoit jamais eu de rapport immédiat avec eux. Au lieu de cette obéilfance paiiive, qu'on devoit en exiger, les folliculaires, les émiffaires des Jacobins Bb v leur  394 HISTOIRE ET ANECDOTES leur avoient appris a calculer 1'étendue de leurs devoirs. Sous prétexte de fuivre la loi, ils en créoient a leur gré , et fe permettoient les exces lès plus repréhenfibles. Dans plufieurs régiments, des Officiers imprudents et indifcrets déclamoient ouvertement contre les nouveaux regléments, ils cherchoient a féduire les Soldats par des promeifes ou par de 1'Argent, pour les attacher a leur parti: ils croyoient par ces moyens s'aifurer de leur fidélité, et les préparoient au contraire, a céder a tous les genres de corruption, que leurs antagoniftes pouvoient employer avec plus de fuccès. Le dégout, le mécontentement, 1'ambition, la difcorde, en un mot toutes les pafiTons oppofées fermentoient parmi le militaire Franqais. Mais on ne doit pas fe le diflimuler; la plus grande partie des Soldats étoient partifans de la Révolution. Les Officiers feuls donnoient de 1'inquiétude a 1'affemblée; il falloit ou les licencier indiftincfement, ou trouver un moyen de les  DE LA RÉVOLUTION FRANQOISE. 395 les attacher a leurs devoirs par un fentiment d'honneur et de délicateffè, qui a tant d'empire fur le coeur des Franqais. L'alTemblée recevoit de toute pare des pétitions, des réclamations a cet egard: les fociétés populaires dénonqoient les Officiers, qui entretenoient des correfpondances avec les Princes expatriés; le danger paroiifoit preffant. M» Bureau de Puzi , rapporteur du comité militaire parut a la tribune, et après avoir feit fentir les inconvéniens du licenciement total des Officiers dans les circonftances ; il propofa *a 1'affemblée d'attreindre les Officies a la preftation d'un Serment qui les attacheroit invariablement a leur devoir et a la conftitution, et dont la formule préfenteroie des claufes, qui ne puifent laiffer aucun doute fur la fincérité de leurs intentions. On fut fort furpris de trouver le mot d'infamie dans un ferment pro-, pofé a des Officiers Franqais. Le Ier. Article rélatif a ce ferment étoit conqu en ces termes. L'affem-  39Ö HISTÖIRE ET ANECDOTES Sermmtpn. L'aflemblée nationale dé- fcrit a tous , -n ■ r ■ / t u* Officiers. crete> Jiï<»* , , . / / 1 600 millions leur emploi, et exagere la va- d^^natSt leur des biens nationaux qu'il porta a 2,400,000,000 Livres fans y comprendre la valeur des bois, fit décréter, le 19 Juin, une nouvelle émiffion de 600, millions d'Aifignats. La licence et 1'Anarchie, qui regnoient en Franqe , 1'impunité de tous les crimes, tolérés ou encouragés par l'aiTemblée , ne pouvoient que révolter les hommes accoutumés a penfer, dont Cciij les  40Ó HISTOIRE ET ANECDOTES les difcours ou les écrits avoient préparé la Révolution. Connoiflant le coeur humain, par expérience , ou par des exemples tirés de 1'hiftoire, ils ne pouvoient que blamer la conduite de l'aflemblée , dont les décrets tendoient a cumuler tous les pouvoirs dans la main du peuple. L'abbé Raynal, qui avoit été obligé de fe réfugier en Prufle , après avoir fait paroitre fon hiftoire philofophique et politique des établiflements des Européens dans les deux Indes, étoit revenu en France peu avant ia convocation des Etats généraux. II efpéroit y jouir, a la fin de fa carrière, de la liberté phifique et morale, qui avoit toujours été fa chimère favorite. II s'apperqut bientót, que les chaines du defpotisme étoient cent fois préférables, a 1'Anarchie populaire propagée par la conduite de raflemblée : il efpéroit, que des avis falutaires pourroient apporter quelques modifications a des décrets attentatoires a la liberté politique et religieufe, aux droits de propriété et a des princi-  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 407 principes, que plufieurs fiécles de troubles et de guerre n'avoient pü détruire. II fe détermina a écrire a 1'affemblée-nationale la lettre fuivante, cette critique aufli fage qu'éclairée de fes opérations, les confeils qu'il lui donne, les malheurs dont il menace la France, fi les législateurs perfiifent a fuivre les mêmes errements, méritent que la producfion de cet auteur célébre paffe a la poftérité. Je crois devoir la rapporter, ec le lecteur éprouvera fans doute de la Satisfacfion a la retrouver dans cet ouvrage. Meffieurs. En arrivant dans cette Capitale après une longue abfen- Lettre ie r r . VAbbéRay- ce, mon coeur et mes regards mL fe font tournés vers vous. Vous ni'auriez vu auprès de votre augufte affemblée, fi mon age et mes infirmités me permettoient de vous parler fans une trop vive émotion des grandes chofes, que vous avez faites, et de tout Cc iv cequ'il  408 HISTOIRE ET ANECDOTES ce qu'il faut faire pour fixer fur cette terre agitée la paix, la liberté, le bonheur, qu'il eft dans votre intention de nous procurer. Ne croyez pas, Meffieurs, que tous ceux qui connoiiTent le zèle infatigable, les talens, les lumiéres et le courage, que vous avez montrés dans vos immenfes travaux, n'en foient pénétrés de reconnaifTance: mais aifez d'autres vous en ont entretenus; aifez d'autres vous rappellent les titres , que vous avez a 1'eftime de la nation. Pour moi, foit que vous me confidériez comme un citoyen ufant du droit de pétition , foit que, laiifant un libre elfor a ma recoiv nailïance , vous permettiez a un vieil ami de la liberté de vous rendre ce qu'il vous doit pour la protedion dont vous 1'avez honoré, je vous fupplie de ne point repouifer des vérités utiles. J'ofe depuis longtems parler aux rois de leurs devoirs: fouifrez, qu'aujourd'hui je parle au peuple de fes erreurs, et aux repréfentans, des dangers qui nous menaeent tous. je  DE LA RÉVOLUTION FRANf OISE. 409 Je fuis, je vous 1'avouë, profondément attrifté des crimes, qui couvrent de deuil cet impire. Seroit-il donc vrai, qu'il fallüt me rappeller avec effroi, que je fuis un de ceux qui, en éprouvant une indignation généreufe contre le pouvoir arbitraire, ai peut-être donné des armes a la licence ? La Religion, les loix, 1'autorité royale, 1'ordre public redemandent-ils donc a la Philofophie, a la Raifon, les liens, qui les uniflbient a cette grande focieté de la nation Franqaife, comme fi, en pourfuivant les abus, en rappellant les droits des peuples et les devoirs des princes, nos efforts criminels avoient rompu ces liens? Mais non. Jamais les conceptions hardies de la plilofophie n'ont été préfentées par nous comme la mefure rigoureufe des acfes de légisJation. Vous ne pouvez donc nous attribuer fans erreur ce qui n'a pu refulter que d'une fauife interprétation de nos principes. Et cependant prêt a defcendre dans la nuit du tombeau, prêt a quitter cette familie Cc v im-  410 HISTOIRE ET ANECDOTES immenfe dont j'ai ardemment désiré le bonheur, que vois-je autour de moi! des troubles religieux , des difcuffions civiles, la confternation des uns, la tyrannie etl'audace des autres, un gouvernement efclave de la tyrannie populaire, le fanduaire des loix environné d'hommes éffrénés, qui veulent alternativement ou les diéier, ou les braver; des Soldats fans difcipline, des Chefs fans autorité, des Miniftres fans moyens, un Roi, le premier ami de fon peuple, plongé dans 1'amertume, outragé, menacé, dépouillé de toute autorité, et la puiifance publique n'exiftant plus que dans les Clubs, oü des hommes ignorans et groffiers ofent prononcer fur toutes les queftions politiques. Telle eft, Meflieurs, n'en doutez pas, telle eft la véritable lituation de la France: un autre que moi n'oferoit peutétre vous le dire: mais je 1'ofe; parceque je le dois; par ce que je touche a ma quatre-vingtiéme année; par ce qu'on ne fauroit m'accufer de regretter Tanden régime;  DE LA RÉVOLUTION FRANCÓISE. 411 régime; par ce qu'en gémiifant fur 1'état de défolation, oü eft 1'églife de France» on ne m'accufera pas d'ètre un prêtre fanatique; par ce qu'en regardant, comme le feul moyen de falut, le rétablif. fement de 1'autorité légitime, on ne m'accufera pas d'ètre le partifan du defpotisme et d'en attendre des faveurs; par ce qu'en attaquant devant vous les écrivains qui ont incendié le royaume, qui en ont perverti 1'efprit, on ne m'accufera point de ne pas connoitre la liberté de la preife. Helas ! j'etois plein d'efpérance et de joie, lorsque je vous ai vu pofer les fondements de la félicité publique, pourfuivre tous les abus , proclamer tous les droits , loumettre aux mêmes loix, a un régime uniforme, les diverfes parties de cet empire. Mes yeux fe font remplis de larmes, quand j'ai vu les plus vils, les plus méchans des hommes employés comme inftruments d'une utile Révolution ; quand j'ai vu le faint amour du patriotisme proftitué a la fcé-  412 HISTOIRE ET ANECDÜTES fcélérateflè , et la licence maroher en triomphe fous les enfeignes de la liberté. L'effroi s'eft mèlé a ma jufte douleur, quand j'ai vu brifer tous les reiforts du gouvernement, et fubftituer d'impuiffantes barrières a la néceilité d'une force acfive et réprimante. Par tout j'ai cherché les veftiges de cette autorité centrale, qu'une grande nation dépofe dans les mains du monarque pour fa propre lureté, je ne les ai plus retrouvés nulle part: j'ai cherché les principes confervateurs des propriétés; et je les ai vu attaqués: j'ai cherché, fur quel appui repofe la fécurité, la liberté individuelles; et j'ai vu Paudace toujours croiifante de la multitude, attendant, invoquant le fignal de la deftrucfion, que font prêts a donner les facfieux, et les novateurs aufli dangereux que les facfieux. J'ai entendu ces voix infidieufes, qui nous environnent de faufles terreurs, pour détourner vos regards des véritables dmgers, qui vous infpirent de funeftes défiances, pour vous faire abbatre; fuc- celfi-  DE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. 413 ceffivement tous les appuis du gouvernement monarchique. J'ai frémi furtout, lorsqu'obfervant dans fa nouvelle vie ce peuple, qui veut ètre libre, je 1'ai vu non feulement méconnoitre les vertus fociales, 1'humanité, la juftice, les f ...es bafes d'une liberté véritable, mais encore recevoir avec avidité de nouveaux germes de corruption, et fe laiffer entourer de nouvelles caufes d'eiclavage. Ah! Meffieurs, combien je fouffre, lorsqu'au milieu de la Capitale, et dans le foyer des lumieres, je vois ce peuple féduit accueillir, avec une joye féroce, les propofitions les plus coupables, fourire aux récits des aifaffinats, chanter fes crimes comme des conquètes, appelIer ftupidement des ennemis a la Révolution , la fouiller avec complaifance, fermer les yeux a tous les maux dont il s'accable; car il ne fcait pas, ce malheureux peuple, que dans un feul crime repofe le germe d'une infinité de calamités. Je le vois rire et danfer fur les  414 HISTOIRE ET ANECDOTES les ruines de fa propre moralité, fur les bords mème de 1'abime, qui peut engloutir fes efpérances. Ce fpedacle de joie eft ce qui m'a plus profondément ému. Votre indifférence fur cette déviation aifreufe de ïefprit public eft la première et peut-etre la feule caufe du changement, qui s'eft fait a votre égard, de ce changement, par lequel des adulations corruptrices ou des murmures, étouffés par la crainte, ont remplacé les hommages purs, que recevoient vos premiers travaux. Mais, quelque courage que m'infpire fapproche de ma dernière heure, quelque devoir que m'impofe 1'amour mème de la liberté que j'ai proffeifée avant que vous fufliez, j'éprouve cependant, en vous parlant, le refpecl et la forte de crainte, dont aucun homme ne peut fe défendre lors qu'il fe place par la penfée dans un rapport immédiat avec les repréfentans d'un grand peuple. Dois-je m'arrêter ici, ou continuer a vous parler comme la poftérité? Oui, Mef-  DE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. 415 Meffieurs, je vous crois dignes d'entendre ce langage. J'ai médité toute ma vie les idees, que vous venez d'appliquer a la régénération du royaume: je les méditois dans un tems oü, repouflees par toutes les inftitutions fociales, par tous les intéréts, par tous les préjugés, elles ne préfentoient que la féduction d'un rêve confolant: alors aucun motif ne m'appelloit a pefer les difficulté(s d'application et les inconvéniens terribles, attachés aux abftracfions, lorsqu'on les inveftit de la force, qui commande aux hommes et aux chofes , lorsque la réfiftance des chofes et les paffions des hommes font des élémens néceifaires a combiner. Ce que je n'ai dü, ni pu prévoir dans le tems et les circonftances oü j'écrivois, les circonftances et les tems, oü vous aghTez, vous ordonnoient d'en tenir Compte, et je crois devoir vous dire que vous ne 1'avez pas aifez fait. .''•ar cette faute unique, mais continue , vous avez vicié votre ouvrage: vous  416 HISTOIRE ET ANECDOTES vous vous êtes mis dans une fituation telle que vous ne pouvez peut-être le préferver d'une ruine, totale, qu'en revenant fur vos pas, ou en indiquant cette marche rétrogarde a vos fucceffeurs. Craindriez vous d'emporter feuls toutes les haines, qui aiTaillent 1'autel de la liberté ? Croyez, Meffieurs, que ce facrifice héro'ique ne fera pas le moins confolant des fouvenirs, qu'il vos fera permis de garder. Quels hommes que ceux qui, lailfant a leur patrie tout le bien qu'ils ont fqu faire, acceptent et réclament pour eux feuls les reproches qu'ont pu mériter des maux graves, mais dont ils pourroient auffi n'accufer que les circonftances! Je vous crois, Meffieurs, dignes d'une fi haute deftinée, et cette idéé m'invite a retracer fans ménagement ce que vous avez attaché de défectueux k la conftitution Francaife. Appellés a régénérer la France, vous deviez confidérer d'abord ce que vous pouviez utilement conferver de 1'ordre ancien, et de plus ce que vous ne pouviez  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 417 viez pas en abandonner. La France étoit une Monarchie : fon étendue , fes befoins, fes moeurs, Fefprit national, s'oppofent invinciblement a ce que jamais des formes républicaines puiifent y être admifes, fans y opérer une diifolution totale. Le pouvoir Monarchique étoit vicié par deux caufes; les bafes en étoient entourées de préjugés, et les limites n'en étoient marquées que par des. réiiftances partielles; épurer les principes, en aifeyant le tróne fur fa véritable bafe, la fouveraineté de la nation; pofer fes limites, en les plaqant dans la repréfentation nationale, étoit ce que vous aviez a faire, et vous croyez 1'avoir fait. Mais, en organifant ces deux pouvoirs, la force et le fuccès de la conftitution dépendoient de leur équilibre, et vous aviez a vous défendre contre la pente acfuelle des idéés. Vous deviez voir, que dans 1'opinion le pouvoir des Rois décline, et que les droits des peuples s'accroiflent: ainfi, en arfoibliifant fans T.IIL Sett.II. Dd me-  41 8 HISTOIRE ET ANECDOTES mefure ce qui eend naturellement a décliner et en augmentant ce qui tend k s'accroitre, vous arriviez forcément a ce trifte réfultat, un Roi] fans aucune autorité, un peuple fans aucun frein. C'eft en vous livrant aux écarts de 1'opinion que vous avez favorifé 1'influence de la multitude, et multiplié a 1'infini les élecfions populaires. N'auriez-vous pas oublié, que i'éledion fans .cerfe renouvellée , et le peu de durée des pouvoirs, font une lource de relachement dans les reiforts politiques? N'auriez - vous pas oublié, que la force du gouvernement doit ètre en raifon du nombre de ceux qu'il doit contenir et qu'il doit protéger? Vous avez confervé le nom de Roi, mais dans votre conftitution il n'eft plus utile, et il eft encore dangéreux. Vous avez réduit fon influence a celle que la corruption peut ufurper ; vous 1'avez, pour ainfi dire, invité a combattre une Conftitution, qui lui montre fans ceife ce qu'il n'eft pas, et ce qu'il pourroit être.  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 419 ètre. Voila, Meffieurs, un vice inhérent a votre conftitution, un vice qui la détruira, fi vous et vos fucceffeurs ne vous hatez de 1'extirper. Je ne vous parlerai point de toutes les fautes , qui peuvent ètre attrihuées aux circonftances; vous les apprenez vous-mèmes: mais le mal que vous pouvez détruire, comment le laiifez-vous fubfifter? Comment fouftfez- vous, après avoir déclaré le dogme de la liberté des opinions religieufes , que les prêtres foient accablés de perfecutions et d'outrages, parcequ'ils n'obéiffent pas a votre opinion religieufe ? Comment fouffrez-vous après avoir confacré les principes de la liberté individuelle, qu'il exifte dans votre fein une inquifition, qui fert de modèle et de prétexte a toutes les inquifitions fubalternes, qu'une inqutétude facfieufe a femées dans toutes les parties de 1'empire? Comment n'étes vous pas épouvantés de 1'audace et du fuccès des écrivains, qui profanent le nom de patriotes? Plus D d ij puif-  420 HISTOIRE ET ANECDOTES puiifans que vos décrèts, ils détruifent tous les jours ce que vous édifiez. "Vous voulez un gouvernement Monarchique; et ils s'éfforcent de le rendre odieux: vous voulez la liberté du peuple; et ils veulent faire du peuple le plus féroce des tyrans : vous voulez régénérer les moeurs; et ils commandent le triomphe du vice, 1'impunité du crime. Je ne vous parlerai pas , Meffieurs, de vos opérations de finance; a dieu ne plaife, que je veuille augmenter les inquiétudes ou diminuer les efpérances! la fortune publique eft encore entiére dans vos mains; mais croyez bien, qu'il n'y a ni impót, ni crédit, ni recette, ni depenfe aifurée, la oü le gouvernement n'eft ni puiifant ni refpecf é. Et quelle forme de gouvernement pourroit refifter a cette domination nouvelle des Clubs? Vous avez détruit toutes les corporations; et la plus coloffale, la plus formidable des aggrégations eft fur vos têtes ; elle diifout tous les pouvoirs. La France entiére préfente deux  DE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. 42 T deux tribus tres prononcées : celle des gens de bien, des efprits modérés, eft éparfe, muette, confternée, tandis que les hommes violens fe preifent, s'élecfrifent, et forment ces volcans redoutables, qui vomiiTent tant de laves enflammees. Vous avez fait une Dêclaration des droits; et cette dêclaration eft parfaite, fi vous la dégagez des abftractions métaphifiques, qui ne tendent qu'a répandre dans 1'empire franqais des germes de désorganifufon et de désordre. Sans ceife héfitant entre les principes qu'on vous empëche de modifier, et les circonftances qui vous arrachent des exceptions, vous faites toujours trop peu pour 1'utilité publique, et trop pour votre doctrine. Vous êtes fouvent inconftans et impolitiques, au moment oü vous voulez n'ètre ni 1'un ni 1'autre. Vous voyez, qu'aucune de ces obfervations n'échappe aux amis de la liberté: ils vous redemandent le dépot de 1'opinion publique, dont vous n'ètes que les organes: Dd iij 1'Eu.  422 HISTOIRE ET ANECDOTES 1'Europe étonnée vous regarde; 1'Europe , qui peut ètre ébranlée jusques dans fes fondemens par la propagation de vos principes, s'indigne de leur éxagération. Le filence des princes eft peut être celui de 1'éffroi. Eh! n'afpirez pas au funefte bonheur de vous rendre redoutables par des innovations immodérées, aufli dangéreufes pour vous mèmes que pour vos voifins ! encore une -fois ouvrez les annales du monde ; appellez a votre aide la fagefle des fiecles! voyez combien d'empires ont péri par 1'Anarchie! II eft tems de faire cefler celle qui nous désole, d'arrèter les vengeances', les féditions et les émeutes , de nous rendre enfin la paix et la confiance. Pour arriver a ce but falutaire, vous n'avez qu'un moyen; et ce moyen feroit, en revifant vos décrets, de réunir et de renforcer des pouvoirs affaiblis par leur difperfion, de confier au Roi toute la force néceflaire pour aflurer la puit fance des loix, de veiller fur tout a la liberté  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 423 liberté des aifemblées primaires, dont les facfieux ont éloigné tous les citoyens vertueux et fages. Croyez-vous que le rétabliifement du pouvoir exécutif puiife être 1'ouvrage de vos fucceifeurs? non, ils arriveront avec moins de force que vous n'en avez; ils auront a conquérir cette opinion populaire, dont vous avez difpofé. Vous pouvez - feuls recréer ceque vous avez détruit ou laüTé détruire. Vous avez pofé les bafes de cette conftitution raifonnable, en aifurant au peuple le droit de faire des loix et de ftatuer fur 1'impöt. L'anarchie anéantira ces droits eux-mêmes, fi vousme les mettez fous la garde d'un Gouvernement acfif et vigoureux; et le defpotisme vous attend , fi vous ne le prévenez par la protecfion tutélaire de 1'autorité royale. J'ai recueilli mes forces, pour vous parler le langage de la vérité j pardonnez a mon zèle et a mon amour pour la patrie ce que mes remontrances peuvent avoir de trop libre, et croyez k Dd iv mes  4*4 HISTOIRE ET ANECDOTES mes voeux ardens pour votre gloire, autant qu'a mon profond refpecf. (Signe.) Guillaume Thomas Raynal. C'eft a la féance du 51 Mai, que cette lettre fut luë a raifemblée: les démocrates blamerent hautement M. Bureau de Puzi, qui étoit alors préfident, de lui avoir donné de la publicité, en éffêt, cette cenfure douce et perfuafive devoit produire beaucoup plus d'érfèt fur Pefprit du public, que les déclamations véhémentes de M. Burke qui Réftxions. a la mème époque, venoit de faire paroitre fes opinions, fur la révolution Franqaife, dans on ouvrage intitulé, lettre a ün membre de Vaffemblée nationale. La colère des novateurs menaca 1'Abbé Raynal. On rechercha dans fon ouvrage des paffages, ou il avoifr' provoqué Pintolérance la plus fanguinaire, et déclamé contre les religieux,, pour lesquels il réclamoit acfuellement fureté et protecfion. On citoit, entr'autres, ces deux paifages de fon hiftoire,  DE LA RÉVOLUTION FRAN£OISE. 425 "fi cette Religion, (la catholique romai,jne) exiftoit, n'en faudroit-il pas étouf„fer les miniftres fur les débris des au„tels?,, et un autre endroit oü il dit. "S'il y avoit dans un recoin d'une con,,trée foixante mille citoyens enchainés „par des voeux de pauvreté, d'obéiflance „et de chafteté, qu'auroit-a faire de „mieux le fouverain, que de s'y trans„porter avec un nombre fuffifant de fa„tellites et de leur dire. Sortez canail„ie fainèante, fortez. Aux champs, a „1'agriculture, -aux atteliers, a la mili„ce." On ne fe contenta pas de relever les inconféquences et les contradicfions de cet auteur. On Paccufa mème de n'ètre que 1'éditeur de fon ouvrage, dont il avoit puifé les renfeignements dans les bureaux de M. Beudet premier commis de la marine, et dans des écrits qui lui avoient été fournis par MM. Diderot, Condorcet, Thomas et autres auteurs célébres. Les folliculaires, foudoyés par l'aflemblée, le pourfuivirent avec acharnement; et ce vieilDdv lard.  426 HISTOIRE ET ANECDOTES lard au lieu de trouver le repos et la tranquillité , dont il avoit éfpêré jouir dans fa patrie, n'éprouva que vexations , désagréinents et ingratitude. Les maximes philofophiques, qu'il avoit rêpanduës, fes déclamations outrées contre le defpotisme et les miniftres de la Religion, avoient certainement contribué a accélérer 1'époque de la révolution: il éprouva 1'éffèt du poilbn qu'il avoit diftribué : rongé de chagrins et de remords , il traina encore quelque tems les reftes d'une vie inquiète et malheureufe, et n'emporta au tombeau 1'eftime d'aucun parti. (*) (*) Je n'ai point parlé dans le cours de cet ouvrage d'un prctendu camp de Jalès, parceque jamais un raiTemblement de payfans ne peut mériter ce nom. Les partis oppofts ont fait retentir tous les coins de la France de 1'exiftence imaginaire de cette réunion. II parut même un manifefte des fédérés catholiques réunis au camp de Jalés: mais cette brochure avoit été compofée a Paris pour maintenir 1'illufion des Royaliftes. Le parti oppofé parut  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 437 parut auffi y attacher de 1'importance pour augmenter la défiance du peuple, et fon animofité contre les partifans de 1'ancien régime, tantot on faifoit monter le nombre des fédérés a 20,000 hommes, tantót a 40,000, et on fuppofoit que les plus habiles officiers généraux en avoient pris le commandement. Jalés eft un vieux chateau ruiné fitué dans la partie la plus fauvage du Viverais. Lors de la fédération en 1790. on prétend que deux ou trois mille payfans feréunirent, probablement a 1'inftigation des feigneurs des environs, qu'ils arborérent la cccarde blanche en demandant hautement le rétabliflement de la Religion, de la Monarchie et de la Nobleffe dans tous fes droits et prérogatives. L'aflemblée nationale décréta la difperlion de ce camp et defendit a tous citoyens de fe réunir dorénavant a de pareilles aggrégations. Le raflemblement fut diflipé au bout de peu de jours, fans qu'on füt obligé de faire marcher des troupes, ou d'employer aucune violence. Depuis cette époque on a parlé plufieurs fois de ce mème camp de Jalés, mais il paroit qu'il n'a jamais eü aucune fo- lide  428 HISTOIRE ET ANECDOTES Sec. lide exülence , et que ceux, qui avoient excité ou dirigé cette branche de Contrerévolution n'avoient aucun plan ou projet fixe. Peut êtte auffi leurs opó-ations devoient être liées avec diverfes autres entrepnfes infruftueufes, qui eurent lieu dans différentes parties du Royaume, et échouérent toutes par la vigilance et 1'activité des Jacobins et des Conftitutionels. Fin de la Seconde Seclion et du Tome III. Errata  Errata du troijiéme Tome. fe§e %»* lifez 9 15 reflerer Reflerer 2 2. 10 moitie moitié 29 15 furtot furtout 61 6 laies kiës 84 4 ville vile 85 8 qu'en qu'eu 94 7 riguer rigueur 101 1 Parut dans parut, dans 106 14 combination combinaifon I08 ao dezele de zéle 111 al n'eu freunt n'enfreint 127 ai les fes nottei33 3 dominages dommages 139 8 Roccoy Rocroy 141 16 apeiné a peine 151 6 afturiés Afturies 170 12 infiamniations.paf-inflmmationpaf fageres fagêres 173 25 1'aine i'ajne- 177 as corps, le Corps, le 182 ia pais paix 18Q 4 mottel mortel 192 3 en eü 25a iS la le *7 6 2 a balumeau chalumeau 28 a 11 éloquence 1'éloquence 379 9 s'entint s'en tint