Hiftoire et Anecdotes de la , Révolution Fran§oife depuis l'avénement de Louis XVI. au tröne jusqu' a 1'époque de fa mort. Tome Quatriéme. contenant les faits depuis le départ du Roi pour Va* rennes, jusqu'ala Cloture des féances de 1'alTemblée Conftituante. I 7 9 1 • Amfterdam, 1794.   Hiftoire et Anecüotes de Ia Ré volution Frangoife depuis ravénement de Louis XVI. au tröne jusqu'a lepoque de fa mort. Tome lfc Seciion première. Contcnant les Faits rélatifs au départ du Roi et a fon arreftation jusqu'au raflemblementdu champ de mars inclufivement.   Avant- Propos. Les événements rapportés dans Ia partie de mon ouvrage, que je pr'éfente au public, lui offriront, je penfe, un nouveau degré d'intéret. Les préparatifs du départ du Roi, et fon arreftacion y font narrés d'une maniére fidele, et principalement d'aprés le récit de témoins oculaires. On verra comment le Sort des Souverains et le deftin des empires tiennedt fouvent a des caufes, qu'on pourroit regarder comme indifférentes. Un relai placé avec intelligence eut probablement tiré le moiiarque de la captivité, oü des fujets Ie retenoient depuis prés de deux ans, et fauvé la France d'une Suite d'adverfités, dont on ne peut calculer ni la mefure, ni l'étenduë. Le ciel dans fa colére réfervoit fans doute cette jufte punition a fes habitans, pour fervir d'exemple aux autres naA ij tions  Avant-Propos. tions, et les préferver de la manie des révolutions. La funefte iffuë des projets de Louis XVI. lui aliéna 1'efprit de fon peuple et fervit a fonder 1'empire des novateurs. On vit des lors éclorre les projets de la faétion républicaine, qui provoqua le raflemblement du champ de mars. Si cette infurreétion fut arrétée dans Ie principe, le germe en fubfiftoit, et il fe développa par la fuite avec plus de véhémence. On trouvera dans le cours de eet ouvrage des détails fur les progrés de 1'émigration, et lesfaffemblements formés par les princts, et quelques anecdotes qui y font rélatives. On y développera les difpofitions des puiiTances étrangéres, et riffuë de la Conférence de Pilnitz. Enfin 1'acceptation de la Conflitution, lesTroubles d'Avignon, 1'ufurpation du Comtat, Ia Cloture des féances de i'aiTemblée conftituante termineront ce volume que j'ai taché de rendre digne du fufirage des letteurs. Seclion  Section primiére. Sommaire. T*\ecret qui accorde a Voltaire les honneurs du Panthéon. Lettre de S. M. aM. le prince de Condé. Projet et préparatifsK du départ du Roi. Pajfeport demandé par la Baronne de Korff. Difpofitions préliminair es du départ. Son execution, arrivée de la familie Royale a St. Menehould. Drouet et Guülaume. La Familie Royale ejl arrétée a Varennes. Difpofition des Huffards pour la délivrer- Réfiftence de Sauffe procureur de la commune. Arrejiation de plufieurs Officiers. M. de Bouillé tente de délivrer le Roi. II arrivé prés de Varennes. Le Roi eft contraint de retourmr a Paris. Maffacre de M. de Dampierre. Départ de Monfieur frere du Roi. II arrivé a Mms. L'ajfemblée nationale apprend le départ du Roi. Mefures prifes par VafA iij fem-  Sommaire. femblée. M. M. de la Fayette et Gouvion y paroijjent. Bruits abfurdes répandus dans la Capitale. Réunion des différents clubs a celui des Jacobins Manoeuvres des faÜieux. Les Miniftres paroiffent a ïafjemhlée. Déclaratien du Roi remife par M. de la Porte. Proclamation de ïaffemblée nationale. Biverfes mefures prifes par l'ajfemblée. Serment exigé des Officiers. Beaucoup de militaires et de députés le prètent. Vérification des diamants de la Couronne. Arrété du Club des Cordeliers. Manoeuvres et délation des Jacobins. Ils inculpent MM. de la Fayette et Bailly. L'ajfemblée apprend Varreftation du Roi. Commijfaires qui doivent affurerfon retour. Grand nombre d'adreffes des Départements et Difiricts. Sufpenfton des afjémblées élettorales. Décret rélatifa la maniére dont le Roi doit- étre traité. Arrivée du Roi a Paris. . L'ajfemblée licencie les gardes du corps. Déclaration du Roi en préfence des commijfaires. Déclaration de la Reine. Manoeuvres des partifans du Duc d'Orléans. Note quil fait inférer dans les Joumaux, Réflexions fur  Sommaire. Jhr le départ du Roi. Senfation que produit le départ du Roi parmi les emigrès. MonJieur et M. le Comte d'Artois Je réunijfent. Confeil des Primes. Comité établi a Etenbeim. Levêe de la légion de Mirabeau, et des Dragons de la couronne. Lettre de M. de Bouillé a l'ajfemblée. M. de la Fayette protefie de fon attachement a Vaffemblée. Réflexions rélatives a la lettre de M. de Bouillé- Lettre des Officiers émigrés h leur camarades. Emigration d'une portie du Régiment de Berwick. Réflexion fur Hémigration. Mijfion de M. du Veyrier. II ejl arrété a Luxembourg. Terreur du département des bajfes Pirénnêes. Lettre des Miniftres d'Efpagne. Note de la cour d'Efpagne. Conduite de cette cour. Régiement févére. Nombre de Francais quittent ÏEfpagne. Conduite du Roi de Suéde. Arrété de la Diéte Helvétique. Lettre du Mr. de Vérac. Conduite de l'Empereur. Conclufum de la Diéte Germanique. Rapport fait a l'ajfemblée de la fitnation desPuiffances. Apothéqfe de Voltaire. Détails de cette féte. Les Partifans de la RèvoA iv lution  Sommaire. lution Francoife éprouvent des désagrements en Angleterre. Troubles a Birmingham. La maifon du docteur Priefiley eji dévaJlée. Suites de la fureur du peuple. Lettre du docteur Priefiley a fes concitoyens. Impudence des folliculair es. Ouvrage de Condor eet. VerfatilUé de fes opinions. Le docteur Payne. Rapport des différents comités fur le fort du Roi. Opinion des comités rélativement a l'inviolabilité du Roi. Projet de dscret. Grands Débats. Motions infolentes de plufieurs députés. Projet de Decret de M de Salles. II eft adopté. Protejïation de 2 8q. membres de Vaffemblée. Dureté de la captivité du Roi. Conduite des Ambaffadeurs. ■ Fureur de la fatiion républicaine. Raffetnblement au champ de mars. Proclamation de la loi martiale. La garde nationale tire fur le peuple. La municipalité de Paris dénonce les libelliftes. Decret rendu contre eux. Murat et plufieurs autres difparoiffent. Arreftation de quelques Etrangers. Club des ■ feuillants. Adreffe de ce Club aux différentes Sociétés. Parmi  Parmi les Auteurs célébres, dont les Ecrits avoient préparé la Révolution, Voltaire tenoit fans doute le premier rang. Ses décla- Bicn! qf mations perpetuelles contre les Voltaire let Moines et les Prêtres, le ridi- honneurs Au cule, qu'il s'etoit erforcé de Fmthéon' verfer a pleines mains fur la Religion, avoient préparé les efprits a méconnoitre ce frein fi nécefTaire pour le peuple, cette lource de confolations pour les malheureux, ce tréfor de graces pour les ames fenfibles et vertueufes. II étoit naturel que des impies, que des Athées, qui fe décoroient du titre pompeux de Philofophes, rendhTent des honneurs a ce Coryphée de leur parti. L'affemblée décreta en conféquence le jo. May qu'Arrouet de Voltaire avoit mérité les honneurs réfervés aux grands hommes et que fon corps feroit transporté de 1'abA v baye  IO HISTOIRE ET ANECDOTES baye de Scellieres, ou il avoit été inhumé, a 1'Eglife de Ste- Géneviéve de Paris, deftinée a fervir de Panthéon. Le Roi fe détermina le if. Juin a fan&ionner leDécret que 1'aflemblée avoit rendu le n. contre Mr. le Prince de Condé. 11 chargea Mr. du Veyrier de le lui notifier de la part et de lui remettre la lettre cy jointe. Mon coufin, une irnLettrtdeS. menfe Révolution s'eft faite M. a M le dans yotre patrie. cette Ré_ Frmce ie Condé. volution n'eft autre chofe que ranéantiffement d'une foule d'abus amoncelès depuis des fiécles par 1'ignorance du Peuple, le pouvoir du Clergé, le defpotisme des Miniftres et par Terreur de tous. Aujourd'hui tout eft changé; ces abus n'exiftent plus; et fiir leurs ruines s'eft élevée une Conftitution, qui a pour bafes 1'Egalité et la Liberté , et qui régénére tout a la Foi» la Nation, la Monarchie et mon Autorité. La Nation fouveraine n'a plus que des Citoyens égaux en Droits, plus de De- fpotes  DE LA REVOLUTTON FRANqOISE. 11 fpotes que la Loi, plus d'Organes que des Fon&ionaires publics; et je fuis le premier de ces Fonctionnaires. Voila 1'abrégé de la -Révolution — Ce nouvel ordre de chofes a du nécenairement déplaire a ceux qui, dans un premier inftant d'erreur, ont regretté leurs avantages perfonnels, liés a 1'ancien gouvernement. Plufieurs mème ayant manifefté, dès 1'ouverture des Etats généraux, des fentiments entiérement oppofès au Régime a&uel , ont cru devoir fortir du Royaume au moment de l'explofio*. Le mouvement et le désordre, inféparables des commencemens d'une Révolution, ont pu rendre alors leur conduite excufable. II eut été fans doute plus noble et plus grand, au lieu de s'exiler ainfi de fa Patrie, d'en partager la gloire et les périls, et de garder au moins le pofte de Citoyen. Mais quelques motifs qu'on ait eus, quelque fondées qu'ayent pu paroitre les craintes, il ne doit plus en exifter aujourd'hui: il n'eft plus de prétexte. La France eft orga-  li HISTOIRE ET ANECDOTES organifée, 1'ordre renait, les Loix s'exécutent , et tous les Citoyens font mis fous leur fuive-garde. Tous les Francais indiftindement doivent donc rentrer dans le Royaume. Qu'ils prennent de la Conftitution Franqaife 1'idée que j'en ai prife moi mème; qu'ils cedent d'avoir des doutes injurieux et criminels fur mes intentions. — J'ai adopte la Conftitution et je la maintiendrai de tout mon pouvoir. Eh! pourquoi ne 1'aurois je pas adoptie? Elle prévient les malheurs njévitables , que tót ou tard auroient amené les abus de Tanden Régime. Elle fait le bonheur du Peuple, elle fait le mien. Qu'ils reviennent donc dans leurs foyers, ces Exilès volontaires; et c'eft a vous, mon Coufin, a leur donner le premier Texemple. C'eft a vous furtout, que la calomnie fans doute a peint comme un Ennemi de TEtat, comme un Rebelle prêt a porter dans fon Pays le fer et la flamme, a faire oublier vos erreurs par un ade éclatant de foumiffion a la volonté générale, a la Loi. Ren-  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. I 3 Rentrez donc dans le fein d'une Patrie, qui vous tend les bras; venez y jouir de tout le bonheur qu'elle vous promet. Revenez, au lieu d'Ennemis vous ne trouverez que des Freres. Je vous 1'ordonne au nom de la Nation et au mien: je vous en conjure par le lien qui nous unit et le fang qui coule dans nos veines. La Loi a parlè; obéïlfez ou craignez les fuites d'une imprucfente illufion. Sur ce, je prie Dieu, mon Coufin, qu'il vous ait en fa fainte et digne garde. (Signê) Louis. Dans le moment oü le Roi manifeftoit d'une maniére Projet et nr , r 1 > préparatifs eclatante ion attachement a iu de'part la Conftitution, il faifoit des du Roi. préparatifs fecrets pour fon départ de la Capitale. Ce projet avoit été conqu par le Baron de Breteuil, qui 1'avoit communiqué a ce Monarque. II réfifta longtems par une fuite de fon irléfolution ordinaire. Mais les inftances de  14 HISTOIRE ET ANECDOTES de la Reine, les nouveaux outrages qu'il avoit effuyés, le desordre, qui continuoit a regner dans le Royaume, le déterminerent enfin a céder. Le Vte. de Vérac, fils de 1'Ambaifadeur en Suifle, avoit fait plufieurs voyages a Paris, pour. prendre les ordres de fa Majefté. II porta au Baron de Breteuil la réponfe pofitive du Souverain, et en conféquence on prit toutes les mefures nécenaires pour favorifer fa fuite. Mr. de Bouillé fut admis dans la confidence et chargé des détails d'éxécution fur la frontiére. L'adivité de ce Général, fa bravoure, la confiance des troupes qu'il avoit fqu ménager jusqu'alors, et fur tout le bonheur, qui avoit accompagné toutes fes entreprifes, paromoient répondre d'avance du fuccés. L'empereur avoit fait marcher quelques troupes dans le Duché de Luxembourg: il profita de cette circondance, pour infinuer que les frontiéres etoient menacées, et fous ce prétexte il donna des ordres pour y former un cordon et raf- fembler  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 15 fembler un camp a Montmedy. II difpofa divers détachements de troupes acheval a Chalons , au pont de Sommevelle, a Ste- Menehould, a Clermontj a Varenne fous prétexte d'efcorter un tréfor, qui devait arriver de Chalons le. 20. ou le 21 Juin. Quelques uns de ces détachements, au lieu d'ètre commandés par des Capitaines, avoient des Colonels a leur tète, entr'autres Mr. le Duc de Choifeul, Colonel du Régiment Royal - Dragons et le Cte- Charles de Damas, Commandant celui de Monjieur. Cette circonftance feule, indépendamment de la force des détachements, qui etoient de 100 maitres, pouvoit faire naitre des foupqons. Mr. de Valcourj CommifTaire des guerres a Thionville, s'etoit rendu a Montmedy, pour y préparer des quartiers et raiTembler des fourrages pour une Armée de 6,000 hommes. Plufieurs Régiments avoient or-? dre de fe rendre dans cette ville du 20 au 25. entr'autres les Régiments de Saxe et de Bercheny, hulfaids et celui de Ca- ftella,  l6 HISTOIRE ET ANECDOTES ftella, qui devoient y étre conduits par Mr. Heymann, Maréchal de Camp. Les Commandants des divers Détachements etoient inftruits du projet du Roi; ils devoient efcorter fa voiture et fe réunir .enfuite a Montmedy. Mr. de Bouillé avoit eu foin d'envoyer a Varennes, des relais qui devoient conduire le Roi jusqu'a Stenay: mais au lieu de choifir pour une miC llon fi importante des Officiers, qui pouvoient mériter de la confiance par leur age et par leur expérience, il en chargea deux jeunes gens, Mrs. de Bouillé fon fils cadet, et de Raigecour. C'eft probablement ce choix et les mauvaifes difpofitions qui en furent la fuite, qui contribuerent a Parreftation du Roi. Mr. de Bouillé doit fe reprocher toute fa vie d'avoir cédé a 1'impuliion de 1'amour paternel, et aux follicitadons d'une femme (*), a laquelle on prétend qu'il etoit (*) On a debité dans le temps que Mad. de Jobal jeuue et jolie femme qui de- meu-  DE LA REVOLUTIQN FRANqOISE. 17 etoit attaché, pour expofer auffi légerement la perfonne du Monarque le fort de la France, peut ètre celui de 1'Europe entiére. On dit qu'étant arrivés a Varennes, ils ne penferent qu'a leurs plaifirs; ils firent leur toilette, allerent chez quelques femmes, et au lieu de difpofer leur relais fur une hauteur en avant de Varennes fur la route de Clermont, ou d'y laüTer quelqu'un pour indiquer a la voiture du Roi Téndroit ou ils avoient placé les chevaux, ils les en- voye- meuroit a Metz, avoit déterminé M. de Bouillé , a confier a M. de Raigecourt la miflion importante de placer les relais deftinés a la voiture de S. M. Quelques perfonnes pour excufer fa négligence et celle de M. de Bouillé, fils, ont prétendu que S. M. devoit arriver vingt quatre heures plutöt, et qu'on avoit pris alors touttes les précautions nécéflaires pour fon départ. Quoiqu'il en foit il eft conftant qu'a fon arrivée i Varennes le Roi ne trouva ni les relais, ni ceiut qui en etoient chargés. xiv. Sta. 1. b  18 HISTOIRE ET ANECDOTES voyerent de 1'autre cóté du Pont de Va. rennes fur Ja route qui, conduifoit a Sivry-fur-meufe et Stenay. On a dit que le Roi avoit fait remettre un million en numéraire a Mr. de Bouillé, pour les difpafitions nécelfaires a fon voyage (*). H avoit auffi en, voyé quatre millions a Luxembourg et lui deftinoit le baton de Maréchal de France, fi fon projet eut rèuili. Telles etoient les difpofitions exté* rieures , qui devoient faciliter Pévafion de fa Majefté. Dans le même tems on faifoit a Paris quelques arrangements préliminaire s. Pafefortde. ,. \*. Mf' de Sim°" mamié, par la hn ' Mimftre Plenipotentiaire Baronne Ae de 1'Impératrice de Ruffie, fit demander a Mr. de Montmorin un (*) On a dit qu'après l'arreftatian du Roi, M. de Bouillé dont la délicateffe eft connue, avoit offert de remettre aux freres de S. M. ee qui lui reftoit de la Somme deftinée aux préparatifs de fon départ. Mais que L. A. R. avoient refufé cette propofition.  DE LA REVOLUTIQN FRANC.OISE. 19 un paffeport pour une Dame RuflTe, notnméa la Baronne de Korff, qui avoit été chargée de quelques négociations, rélativement aux indemnités dues aux Princes poifeffionnés en Alface, et qui défiroit aller a Francfort. Ce paffeport, figné du Roi et du Miniftre, etoit conqu en ces termes. De par le Roi. A tous Officiers Militaires, Municipaux et autres chargés de veiller a POrdre public, Salut. Nous vous mandons et ordonnons de lailfer paffer la Baronne de Korrf, allant a Francfort, avec deux enfants, un Valet de chambre, trois domeftiques et une femme de chambre : le préfent paifeport valable pour un mois feulement. Fait a Paris le f Juin Wh T . (Signè) Louis. et plus bas Montmorin. B ij Cniel-  2 O HISTOIRE ET ANECDOTES Quelques jours après Mde. de KorfF ecrivit a Mr. de $imolin, qu'au moment ou elle faifoit des difpofitions pour fon départ, en brulant des papiers inutiles, elle avoit lailfé tomber dans le feu le paffeport, qui lui avoit été délivré, qu'elle le prioit en conféquence de lui en obtenir un Duplicata. D'après la demande du Miniftre de Ruffie, Mr. de Montmorin le fit expedier. Le ii Juin le Roi et la W&tau Reine fe rendirent chez Mada- friliimnmres , _ , du départ. me de Rochereuil, Dame attachée a 1'éducation des Enfants de France, qui occupoit aux Tuilleries un appartement, qui donnoit d'un cóté dans la chambre de la Reine, et communiquoit de 1'autre a un Efcalier commun avec le Logement de Mr. de Villequier. La Reine examina avec Soin toutes les iflues, et dit a Mde. de Rochereuil , qu'elle auroit peut ëtre befoin de fon appartement, pour loger une de fes femmes de chambre. Le Roi parcouroit pendant eet intervalle le logement  DE LA REVOLTJTION FRANqOISE. 21 ment de Mr. de Villequier, qui avoit une porte de dégagement dans la Cour des Princes. Le Roi demanda la clef de cette porte: Mde- de Rochereuil répondit, que depuis le départ de Mr. de Villequier, cette porte reftoit ouverte, et qu'elle fe contentoit de fermer celle qui communiquoit de fon appartement a 1'éfcalier. Le 15 Juin le Roi fit faire une clef pour cette Porte. Le 17 le Roi ordonna a Mr. du Moutier, un de fes Gardes du Corps, de fe procurer une vefte de Courrier en drap jaune. II lui dit aulfi de communiquer le mème ordre a Mrs. de Valory et Maldent, fes camarades. Le 20 Juin Mr. de Valory fe rendit a Bondy, pour y commandéi: des chevaux de pofte et attendre fa Majefté. Mr. du Moutier fut envoyé a la porte St. Martin, oti il trouva une voiture a quatre places attelée de quatre chevaux. Cette berline avoit été faite a Paris par ordre du Comte de Ferfen, Gentilhomme SueB iij doiss  22 HISTOIRE ET ANECDOTES dois, qui jouiflbit depuis longtems de la faveur de la Reine. II s'étoit chargé auffi de faire préparer une diligence, attelée de deux chevaux, qui fe rendit a onze heures du foir dans la Cour des Princes: une autre voiture a deux places attendoit k la defcente du Pont Royal. A dix heures Mr. de Maldent etoit dans Ia Cour des Princes: quelques minutes après un inconnu vint le chercher et le fit entrer dans un Cabinet, ou il refta jusqu'a minuit. Toutes ces difpofitions étant faites, le Roi donna 1'ordre pour le lendemain fe retira dans fon appartement et fe mit au lit. Avant fon départ la Reine écrivit un billet a Madame d'Oflun, fa Dame d'Atours , qui fe trouvoit alors a Verfailles, pour lui confeiller de s'éloigner, en lui difant cependant qu'elle efperoit bientót la revoir et l'embralfer. Son , , A onze heures et demie, tion. ' e^le defcendit dans 1'appartement de Madame, fa fille, et ordonna  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 13 ordonna a Mde- Brunier, 1'une des femmes de chambre de cette Princeffe, de 1'habiller et de la mener enfuite chez Mr. le Dauphin. Madame de Tourzei, Gouvernante des Enfants de France, d'après les ordres de la Reine, entra a la mème heure dans la chambre de Mr. le Dauphin, ef dit a Mde- de Neuville de 1'habiller. Des que fa toilette fut finie, ce jeune Prince, Madame fa foeur, Mdes- de Tourzei, Neuville et Brunier fe rendü rent dans un Cabinet contigu a Pappartement de la Bteine, ou elles trouverent le Roi, la Reine, M^. Elifabeth, et deux hommes qui leur étoient inconnus. L'un d'eux fut chargé d'accompagner Mde- de Neuville et Brunier jusqu'a la voiture , qui attendoit a la defcente du Pont Royal: après les y avoir placées, il ordonna au Cocher de partir pour Claie. L'autre inconnu conduifit Mr. le Dauphin, Madame et Mde- de Tourzei B iv dans  '14 HISTOIRE ET ANECDOTES dans la Cour des Princes par 1'efcalier de dégagement, qui communiquoit a Pappartement de Mde. de Rochereuil, eü les fit entrer dans le carone. Le Cocher partit et s'arrêta a rextrémité de la place du Caroufel. La Reine et Madame Elifabeth fortirènt feules et joignirent la voiture;' Le Cocher leur en tmvrit la portiére. Un inftant après le Roi arriva, donnant le bras a Mr. de Maldent: il monta dans le carrolfe. Mr. de Maldent fe plaqa derrière, et le Cocher partit pour la Porte St. Martin. La familie Royale defcendit et entra dans Ia Berline, qfui y avoit été conduite par Mr. du Moutier, et arriva ainfi jusqu'a Bondy, oü on trouva les chevaux de pofte , commandés par Mr. de Valory. La voiture, oü etoient les femmes de chambre, joignit celle du Roi a Claye, et elles continuerent heureufement leur route par Montmirail et Chalons. Le Roi paroiffoit tres content; il defcendit plufieurs fois et s'entretint familiérement avec diverfes perfonnes qu'il rencontra. La  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 35 La familie Royale arriva fans aucun retard ni obftacle Arrivée te a S«- Menehould le 21. II l" Royale üSte, etoit alors lept. heures et de- MenehonU. mie du Soir. Le Maitre de Pofte Drouet etoit fur fa porte; il crut reconnoitre la Reine et fut frappé de la relfemblance du Roi avec l'effigie imprimée fur un aflignat, qu'il tenoit a la main. Ses foupqons fe confirmerent, lorsqu'il vit arriver peu de moraents après les voitures un Detachement de dragons, qui paroiflbit les avoir efcortées. II fe rappella que Mr. de Choileul, qui etoit a Ste« Menehould avec un Détachement, avoit commandé les chevaux a midi et cette circonftance augmenta fa méfiance. II fit cependant atteler et les voitures partirent. Mais un inftant après les Dragons ayant voulu monter a cheval pour les fuivre, il ne douta plus qu'elles ne continifent la Familie Royale. II fe rendit promptement au Corps de Garde, fit aflemblei: Ja Garde Nationale; on fonna le tocB v Gn  26 HISTOIRE ET ANECDOTES fin et on empécha le départ des Dragons. Drouet engagea un de GumLl fes amis' nommé Guillaume, a monter a cheval avec lui et a fuivre les voitures. A peu de diftance de' Clermont, ils rencontrereht les Poftillons, qui les avoient conduites, et qui leur apprirent, qu'au lieu de fuivre la route de Verdun, elles avoient pris celle de Varennes. Alors par des chemins détournés, ils s'eiForcerent de les y devancer, jnais elles etoient déja dans cette ville. Mr. de Valory, qui fervoit de Courrier, avoit envain fait les fignaux convenus fur la hauteur, oü les relais devoient ètre placés: perfonne ne répondit. La Reine defcendit de voiture, et prit fon bras, pour aller chercher les chevaux dans les differentes auberges de Varennes. II fe perdit ainfi un tems précieux. Mrs. de Bouillé et de Raige* cour, qui avoient attendu le Roi jusqu'a dix heures, ne parurent point, ils avoient envoyé les relais de 1'autre cóté du  DE LA REVOLUTION FRAN£OISE. 27 du Pont, ainfi que je 1'ai deja obfervé. La Reine, ayant cherché inutilement les. chevaux, et perfonne ne paroiifant pour' lui indiquer oü ils étoient, fe determina a remonter en voiture, et ordonna aux Poltillons de partir pour Stenay. Ceux cy refuferent d'obéïr, avant d'avoir fait rafraichir leurs chevaux. Pendant ce long intervalle, Drouet et' Guillaume arriverent a Varennes ; ils rencontrerent deux jeunes gens, Gardes Nationales, nommés le Blanc et Jofeph Poncin. Après s'ètre alfurés de leur patriotisme, ils leur firent part de leurs foupqons, gt les engagerent a raifembler le plus promptement poflible tous les Gardes Nationales et les Citoyens, pour mettre obftacle au départ des voitures. Drouet et Guillaume fe rendirent enfuite prés duPont; ils rencontrerent par hazard a peu de diftance une charrette, chargée de meubles, qu'ils placerent en travers du Pont, et revinrent enfuite fur la Place. Le Blanc , Poncin , et quelques autres Gardes Nationales s'ap- procherent  2 8 HISTOIRE ET ANECDOTES procherent rle la voiture dans le moment, oü les Poftillons s'etoient' déterminés a partir. Ils les arrèterent et demanderent au Roi a voir fon paffeport. Mde. de Tourzei le remit: on le porta dans un cabaret voifin, oü il fut exaLa Familie miné avec foin. Plufieurs par- Koyalle eft .. . ... r arrètêekVa- tlculiers trouvoient qu'il etoit renne:. en regie, mais Drouet obferva qu'il n'étoit figné que du Roi et duMiniftre, et qu'il devoit 1'ètre du Préfident de 1'Affemblée Nationale. Tuis s'adreffant a Mde. de Tourzei, il lui repréfehta qu'il étoit étonnant, qu'étant étrangere, elle eut affez d'influence dans le Royaume, pour fe faire efcorter par cent Dragons. MJe- de Tourzei ne répondant rien, le Blanc s'approcha de la voiture, et pria le Roi de defcendre. La Reine fit de nouvelles inllances pour partir fur le champ: mais les Gardes Nationales, qui étoient dé ja raffemblés en affez grand nombre, ayant jnenacé de tirer, fi les Poftillons avanc,oient, le Roi defcendit, et entra k PAuberge  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 2 9 1'Auberge du Bras d'or. II fut recounu par un Chirurgien, npmmé Mangin, qui s'emprelfa d'aller en inftruire la Municj» palité, qui venoit de s'aifembler. Siiuffe, fabriquant de chandelles, et Procureur de la Commune, fe rendifc auffitót a 1'Auberge, et engagea le Roi a venir dans fa maifon, oü il feroit plus oom» modément. Cependant la municipalité dépêchoit des Expres dans tous les endroits voifins, pour raifembler les Gardes Nationales et les Payfans. Dans 1'intervalle un Detachement de Huffards de Lauzun avoit mon- Wpofitions té a cheval et narroilfoit difpo- ^^"f"^ fé a protéger le départ du Roi. livrtr. Mr. de Goguelas, Adjudant-Général, demanda a parler a fa Majeftéi II fut introduit dans la chambre, oü Elle étoit avec fa familie. Mais Saülfe déclara "que la vie du Roi feroit com,,promife, fi on faifoit quelques tentati„ves pour 1'enlever de chez lui.,, II n'y avoit pas un inftant a perdre. Si le Roi eut manifefté la volonté déterminée de  £0 HISTOIRE ET ANECDOTES de partir, qu'il eut méprifé les menaces i impuiffantes de quelques Gardes Natio- , nales; dont les arraes n'étoient pas chargées, il n'eft pas douteux que les Gardes du Corps, qui 1'accompagnoient, et les Huüards n'euflent protégé fon départ. II eut trouvé les relais de 1'autre cóté du Pont et rien n'eut arrêté fa marche. Sou indécifion le perdit. Mr. de Goguelas n'ayant pu obtenir de réponfe politive de fa Majefté , remonta a cheval, et voulut partir avec le Détachement. La Garde Nationale s'y oppofa et pointa deux canons fur cette troupe. Dans ce moment Mr. de Goguelas efpérant fans doute que les huifards le fuivroient, fondit le fabre a la main fur le Major de la Garde Nationale; mais celui cy le prévint, et lui tira un coup de piftolet, qui le blelfa a 1'épaule. Peu après les Huffards defcendirent de cheval et prirent le parti des Citoyens. Le Roi, fe voyant reconSaufeprocu- nu' employa toutes les mftanreur de la ces pollibles, pour déterminer Commune. ]e  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 31 le Procureur de la Commune a le laiflex partir. II lui fit les promeffes les plus brillantes, il chercha a 1'émouvoir par le tableau de fa captivité, de la fituatiou de la Capitale, et des malheurs qui menaqoient la France. La Reine, fondant en larmes, lui préfenta le Dauphin, en le conjurant de la fauver avec eet enfant précieux. Rien ne put émouvoic le civisme de Sauife. Ilrépondit au Roi, " qu'il avoit deux chofes a conferver, ^fon honneur et fa vie; qu'il lui feroit „avec plaifir le facrifice de fa vie; mais „qu'ayant juré d'être fidele a la Nation, „a la Loi, et au Roi, il croiroit man„quer a fon ferment et trahir le monar„que même, s'il fe prétoit a fa de„mande. „ Pendant que les huifards de Lau* zun fe réuniifoient ainfi aux patriotes de Varennes, une fcéne femblable fe paffoit k Clermont, ou Anefiatim le Cte. Charles de Damas fe J£f "rr trouvoit avec un Efcadron du Regiment de Monfieur, Dragons, dont> il  32 H1ST0IRE ET ANECDOTËS il etoit Colonel. L'arrivée inattendue cPun Detachement fi nombreux, un air de myftére qu'on crüt remarquer parmis les Officiers, des pour parler avec les Dragons avoient excité des foupqons, Le maitre de pofte les accrut, en venant déclarer a la municipalité, qu'un inconnu, qui avoit commandé onze chevaux, en lui donnant trois louis, s'étoit entretenu longtems avec Mr. de Damas. Dèsque que la voiture du Roi fut partie, eet Officier ordonna au Detachement de monter a cheval. Alors le maire et deux officiers municipaux lui demanderent a voijr fes ordres; il refufa de les motftrer et fit de nouveau fonner a cheval. Les Dragons ne fe preffoient pas d'obéir, lorsque le maire les fomma de rentrer, au nom de la nation. A ce nom fi cher au peuple Franqais, les Dragons repondent par des cris de, Vive la Nation. Mr. de Damas voyant fes efforts impuilfants, fon autorité méconnue et fa vie en danger, fe fauva par une rue détournée. II fut fuivi par un Capitaine, Mr.  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 33 Mr. de Floirac et un Maréchal des logis. Tous trois arriverent a Varennes, ou ils furent arrëtés peu après. Mr. de Noirville, refté a Clermont, Commandant d'une troupe en infurredion, y éprouva ainfi que les autres .Officiers, tous les genres de véxation. Mr. le Duc de Choifeul fut aufli arrèté fur la route de Verdun. Mr. de Bridge, premier Ecuyer de la grande ecurie, eut le même fort a Chalons. Mr. de Bouillé apprit a trois heures du matin a Stenay ce qui fe paflbit a Varennes. Son fils, qui avoit eu le bonheur de s'échapper, lui apporta cette. facheufe nouvelle. Auffitót ce Général fit aifembler le Régi- M. it Beu, ment de Royal Allemand, et jj^jj, lorsque cette troupe fut dans u Roi. la pjaine, il harangua les Cavaliers,. leur apprit que le Roi, ayant le projet de fe rendre a Montmedy, avoit été arrèté a Varennes; que 1'intention de fa Majefté étoit de reconnoitre la iidélité du Regiment, en le prenant pour fa T.IV.SeÜ.L C garde:  34 HISTOIRE ET ANECDOTES garde : il. demanda aux cavaliers, s'ils etoient décidés a délivrer leur Souverain. Ils répondirent par des cris répétés de Vive le Roi. Mr. de Bouillé leur diftribua deux eens Louis et partit pour Varennes. Après avoir fait fix lieues avec la plus grande célérité, il apprit qu'une prodigieufe quantité de Gardes Nationales et de payfans ramenoit fa Majefté a Paris. II vit en effet dans 1'Eloignement cette troupe compofée alors de prés de dix a douze mille hommes. II lui reftoit encore une lieue a faire pour 1'atteindrej la Cavalerie etoit trés fatiguée; il crut appercevoir^ que les difpofitions des Cavaliers etoient changées. Cette circonftance, peut ètre la crainte de compromettre les jours du Roi 1'engagerent a renoncer a fon projet. Sa pofition fe trouvoit trés critique; il fe décida a quitter le Royaume avec fon fils et plufieurs autres Officiers et gagna le pays de Luxembourg. Mrs Heymanrf, d'Hoffelize et de Klinglin, /haréchaux de Camp employés fous fes ordres,  DE LA REVOLUTION FRANCO .'SE. 35 ordres, prirent également la fuite. Le Régiment Royal AUemand retourna 2 Stenay. Pendant que Mr. de Bouillé faiflbit ainfi tous fes erforts ^"2'™*. pour fauver le Roi, il fe raf- r£BBM. fembloit a Varennes une immenfe quantité de Gardes Nationales et de payfans armés de fufils, de haches, de fourches et de faulx. Leur nombre augmentoit a chaque inftant. Le Roi fit de nouvelles inftances pour être conduit a Montmedy; il aifura qu'il n'avoit jamais voulu quitter laFrance, et qu'on ne pouvoit le priver du droit de voyager dans tout le Royaume. Saulfe lui préfenta le Décret, qui lui défendoit de s'éloigner de plus de vingt lieue de 1'endroit, oü le Corps législatif tenoit fes féances. „Non, dit le Roi en fe frappant la tëte, je n'ai jamais pu fandionner un pareil Decret.,, A fix heures du matin, un aide de Camp de Mr. de la Fayette arriva a Varennes, apportant un Decret de 1'aifemblée Nationale,C ij qui  36 HISTOIRE ET ANECDüTES qui ordonnoit a toutes les municipalités du Royaume, d'arrêter ce Souverain. II expofa au Roi, que fon départ avoit plongé les habitants de la Capitale dans la plus profonde afflidion, que la Frauce pouvoit étre expofée a la guerre civile, s'il perfiftoit dans le projet de fe rendre fur la frontiére, et il le fupplia au nom de la Patrie et du Peuple, qui lui avoit toujours été fi cher, de revenir a Paris. Mr. Charles de Damas, et quelques autres perfonnes chercherent en vain a engager le Roi a perfifter dans ion projet d'aller a Montmedy, en Pat furant, que le falut de la Franqe et de la Familie Royalle étoit attaché a cette réfolution. Le moment favorable étoit palfé. La foule des Citoyens, leRoi, eff raflèmblésaVarennes» deman- eontvatnt de j ■ , retournero dolt 3 g^ds cris, queleRoi faris. retournat a Paris; et certainement s'il n'eut pas cédé, elle auroit employé la force pour 1'y ccunraindre. Ce malheureux monarque, deftiné a eifuyer encore plus d'une fois les  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 37 les horreurs de la plus humiliaute captivké, remonta triftement en voiture, et fe mit en marche pour Paris. „Voi„la la feconde fois, dit-il, que Mr. de „la Fayette me fait arrëter, pour établir „fa Rcpublique: partons, puisqu'il le „veut." A peu de diftance de Varennes, Mr. de Dampierre, M«facn _ , , _. . de M. ie Gentilnomme de la Province Dampierre. de Champagne, vint a la tête de la Garde Nationale de la terre qu'il habitoit. II en étoit Commandant, et étoit généralement aimé et confidéré, Quand il fut a portee de la voiture du Roi, il chercha a s'approcher de la portiére, foit par un motif de curiolité, foit pour lui préfenter fes hommages. Dans 1'inftant plufieurs coups de fufil partirent, et le malheureux Dampierre fut auaffiné fous les yeux du monarque. 1 La foule augmentoit a chaque inftant; et les Citoyens n'obfervant aucun ordre, .ce qui retardoit la marche des voitures, il.fut réfolu qu'on force, , C iij roit  38 HISTOIRE ET ANECDOTES roit les Officiers, qui fe trouvoient fur la route ou dans les villes, a fe mettre a la tête du Cortége, et a faire les difpofitions convenables pour la fuite du voyaye. Pluiieurs d'entr'eux furent obligés de fe charger de cette trifte et pénible fondtion, fous peine d'ètre maffacrés. Pendant que Ie Roi s'é*. mart de loignoit de la Capitale, MonFrere du lieur et Madame etoient égaRoi. lement en marche pour lor- tir du Royaume par la route des Pays - Bas. Ces illuftres perfonnages arriverent fans aucun accident jusqu'a Maubeuge, dans le moment ou Pon venoit de fermer les portes de cette ville. Ils risquoient d'ètre reconnus s'ils avoient demandé au Commandant de les faire ouvrir; et un féjoür de quelques heures pouvoit les expofer k «tre arrêtés. La préfence d'efprit de Mr. d'Avaray, qui étoit-a leur fuite, les fauva de ce danger. II entra dans la «hambre du Maitre de Pofte, et lui dit avec  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 39 avec 1'accent et le ton de la douleur, qu'une de fes foeurs , Chanoineife de Mons, étoit a toute extrémité ; qu'il donneroit toute fa fortune, pour la voir un inftant, et recueillir fes derniers foupirs. II le conjura enfin de le faire conduire a Mons par des chemins de traverte , en lui promettant une forte récorapenfe. Le maitre de Pofte, ému par fes inftances et fes larmes, confentit a lui donner des chevaux, en Pavertiffant qu'il y avoit a la vérité un chemin autour des glacis, mais qu'il étoit trés étroit et mème dangereux. Les voitures pafferent heureufement et arriverent a la porte de mons le 21. a minuit. Monfieur, qui étoit peu accoutumé k faire des courfes aufïï précipitées, fe décida a écrire le billet fuivant au Colonel des Jardins, Commandant de la Place. „Je fuis depuis une heure, Monfieur, dans les Faux- Monu „Bourgs de Mons a chercher „un gite, que je ne puis trouver. Je C iv „fuis  4O HISTOIRE ET ANECDOTES „fuis excédé de fatigue et de faim, et je „me détermine a commetre une indis„cretion, que vous voudrez bien excuseer, en vous priant de me faire ouvrir „les portes de la ville." (Signé.) Louis Stanislas Xavier de Frame, FrereduRoi. Le Commandant fe prèta aux défirs de Monfieur, qui s'applaudiffoit de 1'heureux fuccés de fon voyage, efpérant que les précautions, qu'on avoit prifes pour celui du Roi, le mettroient a 1'abri de tout accident. (*) Tandis (*) L'excés de précautions contribua i 1'arreftation du Roi. S'il fut forti de Paris fans aucune fuite, et qu'on n'eut pas difpofé fur fa route des Détachements nombreux fans aucun motif fondé, il y a apparence, qu'il feroit arrivé * fa deftination fans accident. Mr. de Bouillé fe fervit du prétexte de 1'efcorte d'un tréfor, pour placer des Troupes en divers endroits. Mais ces Efcortes étoient ordinairement de 16. i 24. Mai- tres, 1  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 41 Tandis que ces évènements fe paffoient au dehors, voyons quelle étoit la conduite de 1'aifemblée. Le 21 Tuin a heuf heu- . . J L'afembUt res du matin, au moment ou Natiomlt la féance alloit commencer, le appreni u Préfident lut un billet de Mr. dêJ*rt du , . . Rot. Bailly, qui lui apprenoit que le Roi et la Familie Royale avoient été enlevés la nuit précedente par les enne- mis du bien public. Le plus profond filence regna un inftant dans 1'aifemblée. Mr. Regnaud de St. Jean d'Angely prit le premier la parole , et propofa le Décret fuivant, qui fut unanimement adopté. C v L'aiïèm- tres, et il y en avoit cent dans plufieurs Stations. Ces détachements au lieu d'ètre commandés par des Capitainés 1'étoient par des Colonels. Les Dragons avoient 20. par jour indépendamment de leur folde. Toutes ces circonllances devoient néceflairement éveiller les foup9ons du peuple, même dans des tems plus calmes, que ceux de la Révolution.  43 HISTOIRE ET ANECDOTES L'affemblée Nationale ordonne, que le Miniftre de 1'intérieur expédiera a 1'inftant des Couriers dans tous festeer- \es DePartements, avec ordre fembiéi. a tous les Fondionnaires publiés et Gardes Nationales ou troupes de ligne de 1'Empire, d'arrêter ou faire arréter toute perfonne quelconque fortant du Royaume, comme auflï d'empècher toute fortie d'effets, armes, munitions, ou efpeces d'or et d'argent, chevaux et voitures: et dans le cas ou les Couriers joindroient le Roi, quelques individus de la Familie Royale, et ceux qui auroient pu concourir a leur enlevement, les dits fondionnaires publics, ou Gardes Nationales et Troupes de ligne feront tenus de prendre les mefures néceifaires, pour arrêter ledit enlevement, les empêcher de continuer leur route , et rendre compte enfuite au Corps legislatif. Mr. Camüs propofa k Palfemblée de mander fur le champ les Miniftres, pour qu'ils vinifent prendre fes ordres, de faire  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 43 faire venir également le maire de Paris et le Commandant de la Garde Nationale, et de leur ordonner de redoubler de précautions pour la fureté du Corps législatif, et celle du Chateau des Tuilleries. Cette motion fut adoptée. Quelque membres chercherent en vain a faire fufpecter les intentions de Mr. de la Fayette: Mr. Barnave fit fentir, combien il étoit effentiel de 1'inveftir, dans les circonftances acluelles, de toute la confiance publique, pour qu'il put faire executer avec activité et fureté tous les Décrets de raifemblée. Mr. Muguet propofa d'ordonner a Mr. d'Affry , Colonel des Gardes Suiffes, de prendre de concert avec le Commandant de la Garde Nationale toutes les mefures néceifaires pour fa maintien de 1'ordre public dans la Capitale. L'alTemblée ftatua que le Garde du Sceau de 1'Etat feroit autorifé a 1'appofer a tous les' Décrets non fanctionnés, et a les envoyer dans les Départements, oü ils auroient force de Loi. On  44 HISTOIRE ET ANECDOTES On apprit alors que le Peuple avoit arrèté plufieurs Députés, entr'autres Mrs. de Cafalés et Clermont-Tonnerre, et qu'il environnoit 1'Hótel de Mr. de Montmorin. Mais cette première émotion fut bientót calmée, et il n'arriva aucun accident. Mr. de la Fayette, ac MM de la compagné de Mr. de Gouvion, Gouviony MaJor-General de la Garde taroijfent. Nationale Parifienne, fe préfenta a 1'Aifemblée. Aprés ayoir renouvellé les proteftations de fon dévouement a la chofe publique, il engagea 1'affemblée a vouloir bien écouter le redt, qu'alloit lui faire Mr. de Gouvion, qui étoit chargé fpécialement de la Garde du Chateau des Tuilleries. Alofs eet Officier rendit un compte fud cincl des précautions qu'il avoit prifes, pour prévenir 1'évafion du Roi, dont il avoit eu quelques foupqons. II avoit fait tripler les Sentinelles de tous les Poftes: le paifage feul de la Cour des Princes n'avoit pas été gardé, par ce qu'on  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 45 j qu'on n'y connoiifoit pas d'iflue. L'affemblée parut fatisfaite de ce rapport." Mr. d'Arfry, et plufieurs Officiers de fon Etat Major parurent a la Barre. Le Général affura le Corps Legislatif, ■ que le Régiment des Gardes Suifles n'obéiroit qu'a fes ordres; que tous les Ofi ficiers et lui ne fe regardoient plus comI me étrangers, mais comme Franqais et qu'ils étoient prèts a verfer leur fang I pour la Patrie. L'affemblée fe déclara alors permai nente, et décreta qu'elle cotitinueroifc fes féances fans interruption, jour et nuit. Lorsque le bruit du départ du Roi, fe repandit dans Brwfc ab. ilaCapitale, une terreur géné- ^/an) i rale s'émpara des efprits: elle ia Capitalt. : étoit entretenue par les nou1 velles les plus abfurdes. On aifuroife iqu'une armée de Contre-révolutionaires 1 étoit dans le fein de Paris; qu'elle n'ati tendoit pour agir que 1'arrivée du Roi a la frontiére, oü il alloit joindre fes freres et Mr. le Prince de Condé, qui devoit  46 HISTOIRE ET ANECDOTES devoit entrer en France avec des forces confidérables; que le manifefte étoit déja rédigé par Mr. de Calonne et que tous les bons Citoyens devoient être égorgés; Ces récits abfurdes répandoient une méfiance univerfelle; le tocfin fut fonné, on tira le canon d'allarme, tout le monde prit les armes: les barrières, les boutiques , les fpedacles furent fermés, et perfonne ne put fortir de la ville. La municipalité prit la précaution de faire appofer les fcellés au Chateau des Tuilleries, et d'y retenir en état d'arreftation toutes les perfonnes attachées au fervice de la Familie Royale. Reiende, Les circonftances dange- differents reufes, oü fe trouvoit Petat, Clubs a ce- et la terreur , qui avoit faifl co'bin"Ja' tous les Oprits, produifirent alors les réconciliations les plus extraordinaires. Plufieurs membres de 1'alfemblée, partifans de la Révolution, mais amis de 1'ordre et de la paix, conVaincus par une fatale expérience que \ Ma  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 47 la doctrine des Jacobins étoit eflentiellement ennemie des Loix, et ne tendoit qu'a propager la licence et PAnarchie, avoient rompu avec eux et formé un nouveau Club appellé de 1789. D'autres, connus fous le nom de Conftitutionels, travailloient depuis quelque tems a fonder une autre Société, qui prit enfuite le titre de Feuillants. Ces différentes Sectes fe deteftoient: mais dans la crife a&uelle elles fe réunirenfc toutes aux Jacobins; et leur Club devint alors le rendez vous commun des i Republicains , des Patriotes, des ConIftitutionnels et des Monarchiens. On vit des enne mis irréconciliables, Mrs. iide la Fayette et de Lameth, s'embraffer tendrement, Le premier, dans un imoment d'éffervefcence, qualifia la conduite du Roi d'infame. L'abbé Sieyes :let plufieurs autres, qui avoient manifefté le plus fouverain mépris pour les Jacobins, fe firent affiiier a cette Société; et le'Duc d'Orléans voulut être comptc parmi fes Membres. • Les  4R HISTOIRE ET ANECDOTES Les faétieux profiterentl desfaólieux. de cette circonftance , pourl achever de déprimer et d'a-| vilir 1'autorité Royale. On difoit haute-1; ment dans les groupes, que la Républi- li que étoit le feul Gouvernement qui con- L vint a la France, qu'il étoit fort inutile b de donnet 2 f millions par an a un trai- I tre. Ces maximes incendiaires étoient I répétées dans tous les journaux de leur I parti, placardées fur tous les murs de b la Capitale. On y prodiguoit.au Roi l les dénominations les plus injurieufes. ,; La populace exitée par les Agitateurs ordinaires, fe mit en mouvement, arra? cha, brifa ou brula toutes les enfeignes, , oü fe trouvoient Peffigie ou les noms ', de Roi, Reine, Royal. Les Couronnes ( et les Sceptres fubirent le même fort: les infcriptions furent effacées: enfin tout ; ce qui portoit les Emblèmes de laRoyau- » té fut en proie a la fureur populaire. , A ces dèsordres prés, la Capitale fut t tranquille: il ne s'y commit ni meurtres, [. ni aifaffinats. 4On eut la précaution d'or- | donner f  DE LA REVOLUTION FRANqOISË. 49 Idonner une illumination générale dans la nuit du xti au 22. et de nombreufes patrouilles raflurerent les Citoyens effrayés. Les Miniftres s'étoient reni.dus fucceilivement a Paflem- Les Mini. Iblée, et y avoient protefté de f**™?: J r Jent a l af. leur attachement a la Conftitu- fembUe. 'tion, ainfi que de leur dévouement aux ordres des Repréfentants de la Nation, qui exerqoient adtuellement la Souveraineté. II fut décrété, qu'on déleguoit provifoirement a chacun d'eux la partie exécutive de ce pouvoir, qui concernoit fon Département. Mr. de la Porte, intendant de la iLifte Civile, fe préfenta aulli a 1'aifemIblée le 21. matin. II apportoit un mé|moiré de la main du Roi, qui lui avoit été remis le jour mème par un valet de pied. L'aifemblée ordonna qu'on lui en fit fur le champ la ledure. II étoit conqu en ces termes. - XIV. Sett.I. D Lors  50 HIST0IRE ET ANECDOTES Lorsque le Roi a pu efpeLMaration rer Voir renaitre 1'ordre et le du Roi remi- , , . _ feparM.de oonheur du Royaume par les la Porte. moyens employés par 1'aflemblée nationale, et par fa réfidence auprès de cette aifemblée dans laCapitale du Royaume, aucun facrifice perfonnel ne lui a couté: il n'auroit pas méme argué de la nullité, dont le défaut abfolu de liberté entache toutes les démarches, qu'il a faites depuis le mois d'Oclobre 1789. fi eet efpoir eut été rempli: mais aujourd'huy que la feule récompenfe de tant de facrifices eft de voir la deftruclion de la Royauté, de voir tous les pouvoirs mécohnus, les propriétés violées, la fureté des per jn, nes mife par tout en danger, les crimes reftés impunis, une Anarchie complette s'établir au deifus des Loix, fans que 1'apparence d'autorité, que lui donne la" nouvelle Conftitution, foit fuffi- j fante pour réparer un feul des maux qui défolent le Royaume: le Roi, après avoir {blemnellement protefté contre tous les l  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 51 les actes émanès de lui pendant fa captijvité, croit de voir mettre fous les yeux Bes Francais et de tout 1'Univers le tableau de fa conduite et celui du.Gouivernement, qui s'eft établi dans le (Royaume. On a eu au mois de Juillet 1789» pour écarter tout fujet de ■défiance.» le j[bin de renvoyer les Troupes, qu'U h'avoit appellées auprès de fa Perfonne qu'après les étincelles de révolte , qui fc'étoient déja manifeftées dans Paris et idans le Régiment de fes Gardes. Le jRoi , fort de fa confcience , n'a pas traint de venir feul parmi tous les Citolyens armés de la Capitale au mois d'Octobre de la mème année. Le Roi, prévenu depuis longtems des mouve7 rnients, que les Fadtieux cherchoient k lexciter dans la journée du ,f, fut averti iaffez a tems pour pouvoir fe retirer, s'il Peut voulu; mais il craignit, qu'on |ne fe fervit de cette démarche pour alJumer la guerre civile, et il aima mieux fe facrifier perfonnellement, et, ce qui D ij étoit  52 HISTOIRE ET ANECDOTES étoit le plus déchirant pour fon coeurj mettre en danger la vie des Perfon-I nes, qui lui font les plus cheres. Toutl le monde fait les évenements de la nuitfl du 6. Oétobre, et 1'impunité, qui les al fuivis-depuis deux ans. Dieu feul a l empèché 1'éxecution des plus grands Cri- i mes , et a garanti la Nation Francaife § d'une tache, qui auroit été ineffaqable. Le Roi, cédant au voeu manifefté | de 1'armée des Parifiens, vint s'établir au Chateau des Tuileries. II y avoit plus de cent ans que les Rois n'y avoient fait de réfidence habituelle, excepté pendant Ia minorité de Louis quinze. Rien n'étoit prêt pour recevoir le Roi, et la difpofition des appartements k étoit bien loin de procurer au Roi les [ commodités, auxquelles fa Majefté étoit ( accoutumée dans les autres Maifons Ro- [ yales, et dont un Particulier, qui a de C Paifance, peut jouir. Mais, malgré les L incommodités de tout genre, qui fui- j voient le changement de féjour du Roi, L fidéle au fyftême de facrifice , que fa Ma-  ■ t DE LA REVOLUTION FRANCHISE. 53 majefté s'étoit fait pour procurer la trannuillité publique, elle crut, dès le lenjdemain de fon arrivée a Paris, devoir ïraifurer les Pro vinces fur fon féjour dans 'la Capitale: mais un facrifice plus pétiible étoit refervé au coeur de fa Maje;[té. U fallut, qu'elle éloignat d'elle fes (Gardes du Corps, de la fidélité desquels felle venoit d'avoir une preuve éclatante. iDans la funefte matinee du 6, deux avoient péri victimes de leur attachement pour le Roi et pour fa Familie (*); et jplufieurs avoient été bleffés griévement fen éxécutant ihrictement les ordres du jkoi, qui leur avoit défendu de tirer fur une multitude égarée. L'art des Factie ux a été bien grand, pour faire envifager fous des couleurs 5 noires une Troupe aufli fidéle, et jjui venoit de mettre le comble k la (bonne conduite , qu'elle avoit toujours tenue. Mais ce n'étoit pas tant contre es Gardes du Corps, que leurs intenions étoient dirigées, que contre le Roi D iij lui (*) M. M. de Varicourt et des huttes.  54 HISTOIRE ET ANECDOTES lui même. On vouloit 1'ifoler entiére-' ment , en le privant de fes Gardes dut Corps, dont on n'avoit pu égarer les; efprits, comme on avoit réuffi auprès de: ceux du Régiment des Gardes-Francaifes,, qui peu de tems auparavant étoient les modéle de 1'armée. C'eft aux Soldatsl de ce Régiment, devenus Troupes fol-jj dées par la Ville de Paris, et aux Gar-\i des Nationaux Volontaires de cette Vil- k le, que la Garde du Roi a été confiée.h Ces Troupes font entiérement fous lesi ordres de la municipalité, dont le Com- r mandant-Général reléve. Le Roi, gar- i dé ainfi, s'eft vu par la Prifonnier dans i les propres états; car comment peut on n appeller autretnent 1'etat d'un Roi, qui l iie commande que pour les chofes de | parade a fa Garde , qui ne nomme k E aucune des Places, et qui eft obligé de I fe voir entouré de plufieurs Perfon- | nes, dont il connoit les mauvaifes in- I tentions pour lui et pour fa Familie? Ce n'eft pas pour inculper la Garde Nationale Parifienne et les Troupes | du k  DE LA REVOLUTION FRANqOISË. 55 du Centre, que le Roi reléve ces faits; ic'eft pour faire connoitre 1'exade vérité: ] et en la faifant connoitre , il aime k i rendre jüfticë au zèle pour le bon ordre iet a 1'attachement pour fa Perfonne, qu'en Général cette Troupe lui a montré, lorsque les efprits ont été abandonnés a eux-mèmes et n'ont plus été éga) rés par les clameurs et les menfonges des Fadieux. Mais plus le Roi a fait I de facrifices pour le bonheur de fes , Peuples, plus les Fadieux ont travaillé les efprits et ont préfenté la Royauté i fous les couleurs les plus fauffes et les I plus odieufes. r / La convocation des états géneraux; , le doublement demandé pour 1'ordre du Tiers-etat; les peines, que le Roi^ a I prifes pour applanir toutes les difficultés, i qui pouvoient retarder 1'aifemblée des , états généraux; tous les retranchements, l que le Roi avoit faits pour fa dépenfe , perfonnelle; tous les facrifices, qu'il , avoit fait a fes Peuples dans la féance du 23. Juin; enfin la réunion des Ordres D iv opé-  56 HISTöIRE ET ANECDOTES opéré"e par la manifeftation des voeux du Roi même, mefures que fa Majefté jugea alors indifpenfables pour 1'adivité des etats généraux; tous fes foins, toutes fes peines, toute fa générofité, tout fon dévouëment pour le Peuple ont été méconnus; tout ,a été dénaturé. Lorsque les états généraux, s'étant donné le nom d'affembtée nationale, ont penfé a s'occuper de la Conftitution du Royaume, on fe rappelle les mémoires, que les Fadieux ont eu Padreffe de faire venir de plufieurs Provinces, et les mouvements de Paris , pour faire manquer les Députés, avec mépris, aux principales Claufes portées dans leurs Cahiers , qui portoient que la confedion des Loix fe feroit de concert avec Ie Roi.. Au mépris de cette claufe, Paffem-' blée Nationale a mis le Roi tout-a-fait hors de la Conftitution, en lui refufant le droit d'accorder ou de refufer fa Sanöion aux Articles, qu'elle regarde comme Conftitutionels, en fe réfervant le droit de ranger dans cette ClafTe ceux qu'elle  DE LA REVOLUTION FRAN£OISE. 57 qu'elle juge a-propos, et en reftreignant i fur ceux purement Législatifs la Préroi gative Royale a un droit de fufpenfion i jusqu'a la troifiéme législature; droit, purement illufoire, comme tant d'exemples ne le prouvent que trop. Le refped du Roi n'eft autre chofe que le vain fimulacre de la Royauté. On lui a donné 25 Millions pour la dépenfe de fa Lifte Civile, mais la fplendeur de fa 1 maifon, qu'il doit entretenir pour faire : honneur a la dignité de la Couronne i de Franqe, et les charges qu'on a rejetI tées detfus , depuis 1'époque mëme ou 1 ce Fonds a été réglé, doivent en abforber la totalité. On lui a laiffé 1'ufufruit ' de quelques domaines de la Couronne, > avec plufieurs formes génantes pour la 1 jouiifance. Ces Domaines ne font qu'uJne foible partie de ceux, que tous les 3 Rois ont poifedé de toute ancienneté, et du Patrimoine des Ancètres de fa Ma; jefté, qu'ils ont réunis a la Couronne. I On ne craint pas d'avancer, que, ii tous : ces Objets étoient réunis, ils depaffeD v roient  58 HISTOIRE ET ANECDOTES roient de beaucoup les fommes allouées pour 1'entretien du Roi et de fa Familie, et qu'alors il ne couteroit rien au Peuple. Une remarque fur cette partie, qui coüte a faire au Roi, eft 1'attention qu'on a euë de féparer, dans les arrangements fur la Finance et toutes les autres parties, les fervices rendus au Roi perfonnellement ou a 1'etat; comme li ces objets n'étoient pas vraiment inféparables , et que les fervices rendus k la perfonne du Roi ne 1'étoient pas auili a 1'etat. Qu'on examine enfuite les diverfes partie^ du Gouvernement; La Juftice Le Roi n'a aucune partticipation a la confedion des Loix: il ale fimple droit d'arrèter jusqu'a la troifiéme législature des objets, qui ne font point réputés Conftitutionnels, et celui de prier 1'aifemblée nationale de s'occuper de tel ou tel objet, fans avoir le droit d'en faire la propofition formelle. La juftice fe rend au nom du Ról; les proviïions de Juge font expé-  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 59 expédiées par lui: mais ce n'eft qu'une affaire de forme et le Roi a feulement la nomination des Commiffaires du Roi, places nouvellement créées , qui n'ont qu'une partié des fonétions des anciens Procureurs généraux, et font feulement deftinées a faire maintenir 1'Execution des formes. La Partie publique eft dévolue a un autre Officier de Juftice. Ces places de Commiffaires font a vie, et non révocables, pendant que 1'exercice de celles de juge ne doft durer qüe fix années. Un des derniers Décrets de Paffemblée vient de priver le Roi d'une des plus belles Prérogatives attachées partout a la Royauté, celle de faire grace et de commuer les peines. Quelque parfaites que foient les Loix, il eft impoffible qu'elles prévoient tous les Cas, et ce fera alors les jurés, qui auront véritablement le droit de faire grace, en expliquant, fuivant leur volonté, le fens de la Loi, quoique les apparences fuffent contre elle. De combien une pareille difpofition ne diminuè-t-elle pas la  6 O HISTOIRE ET ANECDOTES la Majefté Royale aux yeux du Peuple, lui qui étoit accoutumé depuis longtems a recourir a lui dans fes befoins et dans fes peines et a voir en lui un Pere commun, qui pouvoit foulager fes afflidtions? Ladminiftration intérieure: elle eft toute entiére dans les mains des Départements, des Diftridls et des municipalités, relforts trop multipliés, qui nuifent au mouvement de la machine et fouvent peuvent fe croifer. Tous ces Corps font élus par le Peuple et ne reifortiffent du gouvernement, d'après les Décrets, que pour leur exécution ou pour ceux des ordres particuliers, qui en font la fuite: ils n'ont d'un cöté aucune grace a attendre du Gouvernement, et de 1'autre, les maniéres de punir ou de réprimer leurs fautes , comme elles font établies dans les Décrets, ont des formes fi compliquées , qu'il faudroit des cas bien extraordinaires, pour pouvoir s'en fervir; ce qui réduit a bien peu de chofe la furveillance, que les Miniftres doivent avoir fur eux. Ces Corps ont  DE LA REVOLUTION FRANfOISE. 61 i ont d'ailleurs acquis peu de force et de : confidóration. Les Sociétés des Amis de la Conftitution , (dont on pariera cy : après,) qui ne font pas refponfables, fe trouvent bien plus fortes qu'eux, et par I la 1'adtion du Gouvernement devient nulle. Depuis leur établiifement, on a vu plufieurs exemples, que, quelque i bonne volonté qu'ils eulfent pour maini tenir le bon ordre, ils n'ont pas ofé fe fervir des moyens que la Loi leur doni noit, par la crainte du Peuple poulfé : par d'autres inftigations. Les Corps Electoraux, quoiqu'ils n'aient aucune aclion par eux-mêmes, i et foient reftreints aux élections , ont I une force réelle par leur malfe, par leur durée biënnale et par la crainte naturelle aux hommes, et furtout a ceux qui i n'ont pas d'état fixe, de déplaire a ceux | qui peuvent fervir ou nuire. La difpofition des Forces militaires ; eft, par les Décrets, dans la main du !Roi: il a été déclaré Chef fuprême de 1 1'Armée et de la marine, mais tout le tra-  6a H1ST0IRE ET ANECDOTES travail de la formation de ces deux Armes a été fait par les Comités de 1'affemblée, fans la participation du Roi: tout, jusqu'au moindre Reglement de difcipline, a été fait par eux: ec, s'il refte au Roi le tiers ou le quart des nominations fuivant les occafions, ce droit devient a peu prés illufoire par les obftacles et les contrariétés fans nombre, que chacun fe permet contre le choix du Roi. On 1'a vu encore obligé de refaire tout le travail des Officiers généraux de 1'Armée, par ce que ces choix déplaifoient aux Clubs. En cédant ainfi, fa Majefté n'a pas voulu expofer d'honnêtes etbraves militaires aux violences, qui auroient furement été exércées contre eux, comme on n'en a vu que trop de facheux exemples. Les Clubs et les Corps adminiftratifs fe mèlent des details intérieurs des Troupes, qui doivent leur être abfolument etrangers, mème a ces derniers, qui n'ont que le droit de réquérir la force publique, lorsqu'ils penfent qu'il y a lieu a 1'em- ployer: ■  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 63 ployer : ils fe font fervis de ce droit, quelquefois mème pour contrarier les tdifpofitions du gouvernement fur la diftribution des Troupes; de maniére qu'il eft arrivé plufieurs fois qu'elles ne fe (trouvoient pas oü elles devoient ètre, «Ce n'eft qu'aux Clubs que 1'on doit atT tribuer 1'efprit de Révolte contre les Of;ficiers et la difcipline militaire, qui fe répand dans beaucoup de Régiments, et qui,. fi on n'y met ordre efficacement, ifera la deftruction de 1'armée. Que dejyient une Armée, quand elle n'a plus ni Chefs, ni difcipline? Au. lieu d'ètre la fauvegarde d'un Etat, elle en devient alors la terreur et le fléau. Combien des Soldats Francais, quand ils auront les eüvent être rompus par d'autres que fer ceux avec qui elle contrade; et alors ious les Pouvoirs fe concentfent dans lette aflemblée. D'ailleurs, quelque T.IV.StÜ.L E fran- ■  66 HISTOIRE ET ANECDOTES franchife qu'on mette dans les négocia-fl tions, eft il poilible d'en confier le feoret a une alfemblée , dont les délibéra- |i tions font néceifaitement publiques? Finances. Le Roi avoit déclaré, bien n avant la convocation des Etats généraux, qu'il reconnouToit dans les affemblées de p la Nation le droit d'aceorder les Subfi- i des, et qu'il ne vouloit plus impofer les s Peuples fans leur confentement. Tous :i les Cahiers des Députés aux etats géné- il! taux s'étoient accordés a mettre le re- I tabliflement des Finances au premier || rang des objets dont cette affemblée de- | volt s'occuper. Quelques - uns y avoient ]| rnis des reftriélions pour des Articles a | faire décider préalablement. Le Roi a I levé les difficultés, que ces reitridlions I auroient pu occafionner, en allant au'I devant lui mème, et accordant, dans la I féance du 25. Juin, tout ce qui avoit été § défiré. Le 4. Fevrier 1790, le Roi a fe prié lui mème 1'aifemblée de s'occuper 3 efficacement d'un objet fi important. | Elle ne s'en eft occupce que tard et .VI d'une I  DE LA REV0LUT10N FRAN9OISE. 67 bune maniére, qui peut paroitre imparïaite. li n'y a point encore de Tableau exacfement fait des Recettes et des Dépenfes, et des relfources qui peuvent combler le Déficit. On s'eft laifle aller a des calculs hypotbétiques. L'aifem. blée s'eft preffée d'abolir des impóts, dont la lourdeur , a la vérité, pefoit beaucoup fur les Peuples, mais qui donmoient des relfources affurées; elle les a remplacés par un impót présque unique, dont la levée exa&e fera peut-être trés difficile. Les Contnbutions ordinaires font a préfent trés arriérées, et la reffource extraordinaire des douze eens premiers millions d'Affignats eft présque confommée. Les dépenfes des Départements de la guerre et de la marine, au lieu d'ètre diminuées, font augmentées, fans y comprendre les dépeniès, que des armements néceifaires ont occafionvnées dans le cours de la derniere année ::pour 1'adminiftration de ce Département: Xes rouages en ont été fort multipliés, en confiant les Recettes aux AdminiftraE ij tions ■  68 HISTOIRE ET ANECDOTES tions de Diftricls* Le Roi, qui le prei mier n'avoit pas craint de rendre publics les Comptes de fon Adminiftration desk Finances, et qui avoit montré la Volonté, que les Comptes publics füffent éta-L blis comme une regie de gouvernement Ai a été rendu, li cela eft poffible, encorejii plus étranger a ce Département qu'auxi autres; et les préventions, les jaloufies : et les recriminations contre le gouver- | uement ont été encore plus répandues I fur eet objet. Le reglement des Fonds, f le recourrement des impofitions, la ré- | partition enrre les Départements, les ré- j compenfes pour les fervices rendus, tout j a été óté a Tinfpection du Roi. 11 ne lui refte que quelques ftériles nominations et pas même la diflribution de quelques gratificatioils, pour fecourir les indigens. Le Roi connoit les difficulïés de cette Adminiftration; et s'il étoit , poffible que la Machine du Gouvernement put aller fans fa furveillance di- i recle fur la gettion des Finances, fa Ma- I jefté ne regretteroit que de ne pouvoir |i plus  11 DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 6 O plus concourir par elle mème a ctablir un ordre ftable , qui put faire parvenir ia la diminution des impofitions, (objet, qu'on fcait bien que fa Majefté a toujourx ivivement defiré, et qu'elle eut pu eflbtóuer fans les dépenfes de la guerre d'A, jmérique) et de n'avoir plus la diftri«Jiition des fecours pour le foulagement ies malheureux. Enfin, par les Décrets, le Roi a etc lléclaré Chef fuprême de l'Adminütration du Royaume. D'autres Décrets fubjéquents ont réglé 1'organifation du Mu liftère, de maniére que le Roi, que cela loit regarder plus diredement, ne peut §our tant y rien changer fdiis de nou, relles décifions de 1'aifemblée. Le Sy:ême des Chefs du parti dominant a été bien fuivi , de jetter une telle défaBur fur tous les Agens du Gouverne. Èeiit, qu'il deviant presqu' impoflible ïjourd'huy de rgmplir les Places de sdminiftratipn. Tout Gouvernement ; peut marcher ni fubfifter fans une mfiance réciproque entte les admjniftra, E üj teurs I  7© HISTOIRE ET ANECDOTES teurs et les Adminiftrès, et les derniers Réglements , propofés a 1'alTemblée nationale fur les peines a infligér aux Miniftres prévaricateurs , et aux Agens du Pouvoir exécutif, qui feroient jugés avoir dépaifé les limites de leur puifTance, doivent faire naitre toutes fortes d'inquiétudes. Ces difpofitions pénales s'étendent mème jusqu'aux fubaltemes; ce qui détruit toute fubordination, les inférieurs ne devant jamais juger les ordres des fupérieurs, qui font refponfables de ce qu'ils commandent. Ces Réglementsr par la multiplicité des précautions et des genres de Dèlit, qui y font indiqués, ne tendent qu'a infpirer de la méfiance, au lieu de la confiance, qui feroit fi* néceifaire. Cette forme de Gouvernement, Ci vicieufe en elle mème, le devient encore plus par les caufes: io. raffembléei par le moyen de fes Comités, excéde a tout moment les bornes, qu'elle s'eft prefcrites: elle s'occupe d'affaires , qui tiennent uniquement a 1'Adminiftration inté-  BE LA REVOLUTION FRANC.OISE. % i i'intérieure du Royaume, et a celle de la ! juftice, et eumule ainfi tous les Pouvoirs, I elle exerce mème par fon Comité des j Recherches un yéritable Defpotisme, i: plus barbare et plus inlupportable qu'auI cun de ceux, dont Phiftoire ait jamais fait mention. 2°< II s'eft établi dans I présque toutes les Villes , et mème dans 5 plufieurs Bourgs et Villages du Royaui me, des Affociations connues fous le nom ! des Amis de la Conftitution: Contre la teneur des Décrets, elles n'en fouffrent aucune autre, qui ne foit pas affiliée jj avec elles: Ce qui forme une immenfe 1 Corporation, plus dangereufe qu'aucune de celles qui exiftoient auparavant. Sans i y ètre autorifées, mème au mépris de il tous les Décrets , elles déliberent fur ;| toutes les parties du Gouvernement, correfpondent entre elles fur tous les objets, font et recoivent des dénoncia- tions, affichent des Arrètés, et ont pris une telle prépondérance, que les Corps i: adminiftratifs et judiciaires , fans en ex- cepter 1'aifemblée Nationale elle mème, E iv bbéïf-  7* HISTOIRE ET ANECDÜTES obéïflent présque toujours a leurs ordres. Le Roi ne penfe pas qu'il foit poffible de gouverner un Royaume d'une fi grande étendue, et d'une fi grande importance que la France, par les moyens établis par l'alfemblée Nationale, tels qu'ils exiftent a préfent. Sa Majefté, en accordant a tous les Décrets indiftindtement une Sandlion, qu'elle fcayoit bien ne pas pouvoir re^fer,'' y « été déterminée par le défir d'éviter toute difcuflion, que 1'expérience lui avoit appris être au moins inutile: Elle craignoit de plus, qu'on ne penfat, qu'elle voulöt ret'arder ou faire manquer les travaux de 1'affemblée Nationale, a Ia réuffite desquels la Nation prenoit un fi grand intérêt: Elle mettoit fa confiance dans les gens fages de cette aifemblée, qui reconnoilfoient qu'il eft plus aifé de détruire un Gouvernement, que d'en reconftruire un fur des bafes toutes différentes. Ils avoient plufieurs fois fenti la nécefïité, lors de la révifion an- noncée  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 73 ; noncée des Décrets, de donner une force d'adlion et de réaction néceflaire a ! tout Gouvernement, ils reconnoiflbient auffi 1'utiHté d'infpirer pour le Gouverne■ ment et pour les Loix, qui doivent af. furer la propriété et 1'etat de chacun, I une confiance, telle qu'elle ramenat dans i le Royaume tous les Citoyens, que le 1 mécontentement dans quelques uns, et dans la pluspart la crainte pour leur vie, i ou pour leurs propriétés, ont forcès de s'expatrier. Mais plus 011 voit 1'aflemblée s'approcher du terme de fes travaux, plus |; on voit les gens fages perdre leur cré1 dit, plus les difpofitions qui ne peuvent mettre que de la difEculté, et mème de rimpoffibilité dans la conduite du Gou1 vernement, et infpirer pour lui de la iiméfiance et de la fureur, augmentent I tout les jours. Les autres Réglements, i au lieu de jetter un baume falutaire fur I les plaies, qui faignent encore dans plufieurs Provinces, ne font qu'accroitre les jnquiétudes, et aigrir les mécontenteE v ments.  74 HISTOIRE ET ANECDOTES ments. L'efpri); des Clubs domine, et' envahit tout: les mille journaux et Pamphlets calomniateurs, incendiaires, qui fe répandcnt journellement , ne font que leurs Echos et préparent les efprits de la manicre, dont ils veulent les conduire. Jamais 1'aifemblée nationale n'a ofé rémedier a cette licence, bien éloignée de la veritable liberté; elle a perdu fon credit et mème la force dont elle auroit befoin, pour revenir fur fes pas, et changer ce qui lui paroitroit bon a être corrigé. On voit par 1'éfprit, qui regne dans les Clubs, et la maniérc dont ils 's'emparent des nouvelles aifemblées primaires, ce qu'on doit attendre d'eux; et, s'ils lailfent appercevoir quelques difpofitions a revenir fur quelque choie, c'eft pour détruire les reftes de la Royauté, et établir un Gouvernement Métaphifique et Philofophique, impoifible dans fon exécution. Fratujais, eft ce la ce que vous attendiez en envoyant des Repréfentans aux Etats Généraux? Péfiriez vous que PAnar-  DE LA REVOLUTION FRANqOISË. 7 5 1'Anarchie et le Defpotisme des Clubs remplaqalfent le G^ou ver mement Monarchique, fous lequel la Nation a profpéré pendant quatotze eens ans? Défiriez vous voir votre Roi comblé d'outrages3 et privé de fa Liberté, pendant qu'il ne s'occupoit que d'établir la votre? L'amour pour fes Rois eft une des vertus des Franqais; et fa Majefté en a requ perfonnellement des marqués trop touchantes , pour pouvoir jamais les oublier. Les Fadtieux fentoient bien, que, tant que eet amour fubfifteroit, leur ouvrage ne pourroit jamais s'achever ; ils fentirent également que, pour l'affoiblir, il Falloit, s'il étoit poflible, anéantir le refped, qui 1'a toujours aqcompagné, et c'eft la fource des outrages, que le Roi a foufterts depuis deux ans. Sa Majefté n'en retraceroit pas ici 1'affligeant tableau, fi elle ne vouloit faire connoitre a fes fideles fujets 1'éfprit de ces Fadieux, qui déchirent le fein de leur Patrie, en feignant de vouloir la régénérer. Ils profiterent d'abord de Pefpece  76 HISTOIRE ET ANECDOTES 1'efpece d'enthoufiasme, oü 1'on étoit pour Mr. Necker, ppur lui procurer, ' foirs les yeux mèmes du Roi, un triomphe d'autant plus éclatant, que dans Ie mème inftant les gens, qu'ils avoient foudoyés pour cela, affeéterent de ne faire aucune attentioh a la préfence du Roi. Enhafdis par ce premier elfai,. ils oferent, dés le lendemain, a Verfaüi les, faire infulter Mr. 1'archevèque de Paris, Je pourfuivre a coups de pierre, et mettre fa vie dans Je plus grand danger. Lorsque 1'Infurreéhon éclata dans Paris, un Courrier, que le Roi avoit envoyé fut arrèté publiquement, fouillé, et les lettres du Roi mème furent ouvertes. Pendant ce tems, 1'aifemblée Na. tiönale fembloit infulter a la douleur de Ik Majefté, en ne s'occupant qu'a com. bier de marqués d'éftime ces mèmes Miniftres, dont le renvoi a fervi de prétexte al'infurreclion, et que depuis elle n'a pas mieux traités pour eela. Le Roi s'étant déterminé de lui mème a aller porter des paroles de pak dans la Capitale,  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 77 tale, des gens apoftés fur toute la route : eurent grand foin d'empêcher ces cris de Vive le Roi , fi naturels aux Fran; qaisj et les harangues, qu'on lui fit, ; loin de porter 1'expreffion de la recon■ noilfance, ne furent rempJies que d'une ironie amére, Cependant fon accoutumoit de plus en plus le Peuple au mépris de la Ro' yauté et des Loix. Celui de Verfailles . eifayoit de pendre deux huilards a la grille du Chateau, arrachoit un Parrici1, de au fupplice, s'oppofoit a 1'envoi d'un Détachement de Chafleurs, deftiné a maintenir le bon ordre; tandis qu'un energumene faifoit publiquement, au 1 Palais Royal, la motion de venir enleI ver le Roi et fon Fils, de les gatder a I Paris et d'enfermer la Reine dans un JCouvent, et que Gette motion, au iieu I d'ètre rejettée avec Pindignation qu'elle nauroit du exciter, etoit applaudie. L'af- femblée, de fon cóté, nou contente de ïdégrader la Royauté par fes Décrets, af:fe<£toit mème du mépris pour la Perfonne da  78 HISTOIRE ET ANECDDTES du Roi, et recevoit, d'une maniére impollible de qualifier convenablement, les Obfervations du Roi fur les Décrets de la nuit de 4. et f. Aouft. Enfin arriverent les journées de 5. et 6. Ociobre. Le récit en feroit fuperfiu, et fa Majefté 1'épargne a fes fidèles fujets, mais elle ne peut pas s'empécher de faire remarquer la conduite de 1'aifemblée pendant ces horribles fcènes. Loin de fonger a les prévenir, ou du moins a les arrèter, elle refta tranquille, et fe contenta de répondre a la motion de fe transporter en Corps chez le Roi, que cela n'étoit pas de fa dignité. Depuis ce moment, présque tous les jours ont été marqués par de nouvelles fcènes plus affligeantes les unes que les autres pour le Roi, ou par de nouvelles infultes qui lui ont été faites. A peine le Roi étoit-il aux Tuileries, qu'un innocent fut maffacrè, et fa téte promenée dans Paris présque fous les yeux du Roi. Dans plufieurs Provinces , ceux qui paroiifoient attachés au Roi  DE LA REVOLUTION FRANCO:SE. 79 , Roi oü k fa perfonne, ont été perfécu! tés: Plufieurs même ont perdu la vier I fans qu'il ait été poifible aü Roi defaire punir les affaiïins, ou raéme d'en i témoigner fi fenfibilité. Dans le Jardin I même des ïuileries, tous les Députés» I qui ont parlé contre la Royauté ou conI tre la Religion, (car les Faclieux, dans I leur rage, n'ont pas plus refpe&é 1'Aui tel que le Tróne,) ont requ les honneurs du Triomphe, pendant que ceux, I qui penfent dirféremment, y font a tout moment infultés, et leur vie mème continuellement menacée. A la Fédération du 14. Juilleti7gOj Paffemblée, en nommant le Roi, par un Décret fpécial, pour en être le Chef, I s'eft montrée par la penfer, qu'elle auroit pu en nommer un autre. A cette même Cérémonie, malgré la demande du Roi, la Familie Royale a été placée dans un endroit différent de celui qu'il occupoit; chqfe inouie jusqu'a préfent. i (C'eft pendant cette Fédération, que le I Roi a paffé les momsnts les plus doux de  ZO HISTOIRE ET ANECDOTES de fon féjour a Paris: il s'arréte aveiigion de fes Peres, pour animer les ïfprits contre lui; et, dès le Dimanche m foir, le Club des Cordeliers fe perinit de faire afficher un arrèté, dans leijuel le Roi lui mème eft dénoncé com~ ne Réfradaire a la Loi. Le lendemain a Majefté monte en voiture pour par:ir; mais, arrivée a la porte des Tuilerries, une foule de peuple parut vouloir i'oppofer a fon paffage; et c'eft avec )ien de la peine qu'on doit dire ici, \ue la Garde Nationale, loin de répriner les féditieux, fe joignit a eux et Jirrêta elle-mème les Chevaux. En F ij vain  84 HISTOIRE ET ANECDOTES vaiu Mr. de la Fayette fit - il tout c qu'il put, pour faire comprendre a cett, garde 1'horreur de la conduite qu'ell tenoit, rieii ne put réuffir: les difcoui les plus irifolents, les motions les plu abominables retentiflbient aux oreille de fa Majefté. Les Perfonnes de f maifoli, qui fe trouvoient la, s'emprel ferent de lui faire au moins un rempar de leurs corps, li les intentions, qu'oi ne manifeftoit que trop, venoient a s'e xécuter; mais il falloit que le. Roi bü le calice jusqu'a la lie. Ses fideles Ser< viteurs lui furent encore arrachés avet violence. Enfin après avoir enduré pen dant une heure trois quarts tous ce! outrages la Majefté fut contrainte de refter et de rentrer dans fa Prifon: Car j après cela, on ne f<;auroit appeller autrement fon Palais. Son premier foini fut d'envoyer ehercher le Directoire du Département, chargé par étac de veiller a la tranquillité et a la fureté public que, et de 1'inftruire de ce qui venoit de fe palfer. Le lendemain, elle fel ren-  DE LA REVOLUTION FRANcOISE. 8 5 irendit elle mème a 1'aifemblée Nationale , pour lui faire fentir combien eet événement étoit contraire mème a la nouvelle Conftitution: de nouvelles infultes. furent tout le fruit, que le Roi retira de ces deux démarches. • H fut obligé de confentir a 1'éloignement de fa Cha, pelle, et de la pluspart de f:;s GrandsOfficiers, et d'apprauver la lettre, que. fon Miniftre a écritce, en fon nom, aux Cours etrangéres; enfin d'aififter, le jour dePaques, a la meife du nouveau Curé de Saint Germainrl'Auxerrois. D'après tous ces motifs, et Pimpofpbilité oii fe trouve le Roi d'ppére-r le bien et d'empècher le mal qui fe oomliet, eft-il étonhant que le Roi att chercbé a recouvrer fa liberté et a fe nietje en fureté avec fa Familie? Franqais, et vous furtout Parifiens, vous habitans d'une ville, que les Anpétres de fa Majefté fe plaifoient a appeL Jer leur bonne ville de Paris, tnéfiez vous des fuggeftions et des menfonges de vos faux amis! jrevenez a votre Roi; F üj Ö  86 HISTOIRE ET ANECDOTES il lèra toujours votre Pere et votre meilleur ami. Quel plaiilr n'aura-t-il pas k oublier toutes fes injures perfonnelles, et a fe revoir au milieu de vous, lorsqu'une Conftitution, qu'il aura acceptée librement, fera, que notre fainte Religion fera refpedée , que le Gouvernement fera rétabli fur un pied ftable, et que, par fon adion, les biens et Pétat de chacun ne feront plus troublés, que les Loix ne feront plus enfreintes impunément, et qu'enfin la Liberté fera pofée fur des bafes fermes et inébranlables! A Paris le 20. Juin 1791. (Signé) Loilis. Le Roi défend a fes Mimftres de figner aucun ordre en fon nom, jusqu'a ce qu'ils aient requ fes ordres ultérieurs; il enjoint au Garde du Sceau de Pétat de le lui renvoyer, d'abord qu'il fera requis de fa part. A Paris le zo. Juin 1791. (Signé) Louis. Pour  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 8? Pour détruire 1'efet que pouvoit produire ce mémoire de fa Majefté, 1'afifemblée jugea k propos de faire afBcher dans la Capitale et répandre dans toute la Franqe la proplamation fuivante. Elle Lvoit été rédigée par Mr. Desmeuniers, Vajjemblêe Nationale aux Francais. f'Un grand attentat vient de fe commettre. L'aifemblée Prod**fi . . i r it i Al\tm- i Nationale etoit au terme de ies m ^ ijlongs travaux; la Conftitutioti nait. , alloit ètre finie, les orages de la Révolution alloient ceifer; et les en- , nemis du bien public ont voulu , pav un feul forfait, immoler la Nation entiére a leurs vengeances. Le Roi et h Familie Royale ont été enlevcs le 21. de ce mois. Mais vos Repréfaitans tri-, ompberont de tous les. obftacles, lis niefurent avec calme 1'étendue des devoirs,, qui leur font impofés. La Liberté publrque fera maintenue ; les confpbateurs et les efclaves apprendront a connoitre l'mtrépidité de la nation Francaife; et F iv nous  88 HISTOIRE ET ANECDOTES «ous prenons, au nom de la Nation, i'engagenient folemnel de venger la Loi ou de mourir. La France veut être libre et elle Fera libre. On veut faire rétrograder la Revolution, et la Révolution ne rétrógradera pas: elle eft 1'effet de votre volonté, rien n'arrètera fa marche. II conyenoit d'abord d'accommoder la Loi * 1'état momentané, oü fe trouve le Royaume. Le Roi, dans la Conftitution, exerce le pouvoir de la Sandion Royale fur tous les Décrets du Corps Législatif; il eft le Chef du pouvoir executif, et en cette qualité il fait executer les Loix par fon Miniftre. S'il quitte fon pofte, quoiqu'il foit enlevé malgré lui, les Repréfentans de la Nation ont le droit de le fuppléer. L'affemblée Nationale a en conféquence décrété que le Sceau de 1'état et la fignature du Mini«re de la Juftice feroient appofés a fes Décrets, pour leur donner le caradére üe Loi. Aucun ordre du Roi ne pouvant être exécuté, fans être contrefigné par  I ; DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 89 ; par le Miniftre refponfidile , il a fallu lune fimple délégation de 1'aifemblée coniftituante, pour 1'autorifer a figner les ordres et les feuls ordres qui lui ferolient donnés par l'aifeniblée nationale. ' On a fuivi dans cette circonftance la Loi Conftitutionelle fur la Régence, quiau1 torife les Miniftres a exercer les fondions du pouvoir exécutif jusqu'a la nomination du Régent. Par ces difpofitions, vos Reprefentans ont affuré 1'ordre dans 1'intérieur du Royaume; pour repouifer les attaques - des ennemis du dehors, ils viennent de donner a 1'armée un renfort de 300,000. : Gardes Nationales. Tout olfre donc aux. Citoyens des motifs de fécurité. Que : les efprits ne fe laiffent pas frapper d'é; tonnement: raffemblée conftituante eft: a fon p«fte; tous les Pouvoirs conftitués > font en adivité. Les Citoyens de Paris, fes Gardes Nationales, dont le zêle et le patriotisme font au deifus de tout éloge, veillent autour de vos Repréfen: tans; les Citoyens adifs de tout le RoF v yaume  9® HISTOIRE ET ANECDOTES yaume font armés, et la Frauce peut attendre fes eunemis. Faut-il craindre les fuites d'un écrit arraché, avant fou départ, a un Roi féduit, que nous ne croirons inexcufable qu'au dernier moment? On concoit a peine Pignorance et 1'aveuglement qui 1'ont dicfté. Cet écrit méritera d'ètre difcuté par Ia fuite avec plus d'etendue: vos Repréfentans fe contenteront d'en examiuer en ce moment quelques idéés. L'affemblée nationale a fait une proclamation folemnelle des vérités p0litiques et des droits, dont la recounoiffance fera un jour le bonheur du genre humain; et pour 1'engager a renoncer a fa Déclaration des Droits, on lui préfente la Théorie même de 1'efclavage. Francais, on ne craint pas de vous rappeller le jour fameux du z?. Juin 1789 > ce jour oü le Chef du Pouvoir exécutif, le premier fondionnaire public dans la Nation, ofa dief er fes volontés ;>bfolues a vos Repréfentans, chargés par vos  DE LA REVOLUTIOV FRANqOÏSE. 91 vos ordres de vous faire une Conftitution. L'aifemblée Nationale a gémi des désordres commis le y. Oclobre; elle a ordonné une pourfuite criminelle contre les coupables, et par ce qu'il a été difficile de découvrir quelques brigands au milieu de tout un peuple, on dit qu'elle a approuvé tous ces crimes. La Nation eft plus jufte : elle n'a pas reproché a Louis feize les violences exercées fous fon regne et fous celui de fes Ayeux. On ofe rappeller la Fédération du 14. Juillet, et fur eet adte augufte, quelles ïbnt les reflexions de ceux qui ont diété la lettre du Roi? C'eft que le pre* mier Fon&ionaire public a été obligé de fe 'mettre a la tète des Repréfentans de la Nation au milieu des députés de tout le Royaume: il y a prëté le ferment folemnel de maintenir la Conftitution. Si le Roi ne déclaroit pas un jour que des féditieux ont furpris fa bonne foi, on auroit donc dénoncé fon parjure au monde entier. Eft-il befoin de nous fatiguer a répondre a tous les articles de cette Lettre? On  9* HISTOIRE ET ANECDOTE3 On dit que le Roi a éprouvé de»' desagremens dans fon habitation a Paris « qu'il n'y trouvoit pas les mèmes phL hts qu'auparavant: c'eft a dire, fans doute, qu'une „ation doit fe régénérer lans aucune agitation, fans troubler un leul inftant les plaifirs et les aifances des Cours. Des adreifes de félicitation et dadhefion a vos Décrets! c'eft, dit. on, 1'ouvrage des fadieux: om' f3n9 doute de vingt Rx milJions de fadieux, II falloit reconftituer tous les pou, yoirs, par ce que tous les pouvoirs et0!ent corrompus, par ce que des det, tes eifrayantes, accumulées par Pimpéri, tie et les désordres du Gouvernement, aüoient précipiter la Nation dans 1'aby. ne, et on nous reproche de n'avoir pas aflez ecouté les ref'us dn Roi. Mais la Royaute n'exifte-t-elle pas pour k Peu, f7 et fi une g^nde Nation s'obliae S k mai«enir, n'eft-ce pas unique, ment, par ce qu'elle la croit utile a fon amour La Conftitution a laifle au Roi cette bolle prérogative, et 3 affermi la' feule  DE LA REVOLUTION FRANfOISE. 93 feule autorité qu'il puifle deilrer d'exercer„ Vos Repréfentans ne feroient-ils pas bien coupables, s'ils avoient facrifié vingt fix millions de leurs concitoyens a 1'interèt d'un feul homme? Le travail des citoyens alimente le tréfor public; la maxime du pouvoir abfolu eft de ne voir dans les contributions, qu'une dette payée au Defpotisme. L'anemblée Nationale a réglé les dépenfes avec une ftricïe juftice; elle a cru •devoir, au nom de la Nation, agir avec -munificence ; lorsqu'il s'eft agi d'appliquer une partie des contributions publiques aux dépenfes du premier Fondtionnaire public de la Nation, et plus de 30. Millions, accordés a la Familie Royale font repréfentés comme une fomme trop modique. Les Décrets fur la Guer■re et la Paix ont óté au Roi et a fes Miniftres le droit de facrifier les Peuples aux caprices des Cours ; la ratification définitive des Traités a été refervée aux Repréfentans de la Nation. On fe plaint d'avoir perdu une prérogative: quelle préro.»  94 HISTOIRE ET ANECDOTES prérogative que celle de n'être pas foumis k confulter la volonté nationale, pour facrifier le fang et les fortunes des Citoyens? Qui mieux que le Cosps Législatif peut connoitre le voeu et les in, terêts de la Nation? On veut pouvoir faire la guerre impunément. Eh quoi! n'avons nous pas fait fous Tanden Gouvernement -une alfez longue expérience des fuites terribles de 1'ambition des Miniftres? On nousaccufe d'avoir dépouillé le Roi en organifant 1'Ordre judiciaire, comme fi Ja Roi d'une grande Nation devoit fe montrer dans 1'adminiftration de la Juftice, autrement que pour faire obférver la Loi et exécuter les jugements. On veut qu'il ait le droit de faire grace, de commuer les peines; et toutle monde ne fqait-il pas comment ce droit étoit exercè, et fur qui tomboit une pareille faveur. L'on fqait que le Roi ne pouvoit pas 1'exercer par lui mème, et c'eft ainlï qu'après avoir revendiqué le Despotisme Royal, il étoit bien naturel de revendiquer auifi le Defpotisme miniftériel. La  DE LA REVOLUTION FRANcOISE. 95 La néceflïté des circonftances a quelquefois déterminé l'aflèmblée Nationale . a fe méler» malgré elle, des affaires d'admimftration. Ne devoit-elle pas agir, lorsque le Gouvernement reftoit dans une coupable inertie? Faut-il le dire, i le Roi ni les Miniftres n'avoient alors la confiance de la Nation. L'aflèmblée Nationale a-1- elle du conferver de la défiance? Vous devez en juger d'après le départ du Roi. Les Sociétés des amis de la Conftitution ont foutenu la Révolution. Elles font plus néceifaires que jamais, et 1'on ofe dire qüelles gouvernent les Corps adminittratifs et l'Empire, comme fi c'étoit des Corps délibérans. Francais, tous les pouvoirs font organifés , tous les Corps adminiftratifs font a leur pofte. L'aflèmblée Nationale veille au falut de 1'état; que votre contenance foit ferme et tranquille. Un feul danger eft imminent; vous avez a vous défendre de la fufpenfion des travaux, du retard du payement des impofitions, des mouvements exagérés, qui com«-  96 HISTOIRE ET ANECDOTES commenceroient par amener 1'Anarchie et finiroient par la guerre Civile. C'eft fur ces dangers que 1'aifemblée Nationale appelle la follicitude de tous les bons Citoyens. Dans ce moment de crife, les interets particuliers, toutes les haines doivent difparoitre. Le peuple, qui veut conferver la Liberté, doit montrer cette fermeté tranquille, qui fait palir les Tyrans. Que les Fadieux, qui efpéroient tout bouleverfer, voient 1'ordre fe maintenir, la Conftitution s'affermir et être plus chére aux Francais, a mefure qu'elle fera plus attaquée. La Capitale peut fervir de modéle au refte de la France. Le départ du Roi n'y a excitè aucuns désordres, et, ce qui fait le défelpoir des malveillans , elle jouit d'une tranquillité parfaite, Pour mettre fous le joug le territoke de eet empire, il faudroit anéantir la Nation enticre. Le Defpotisme formera, s'il veut, une pareille eutreprife, il fera vaincu, uu a la fuite de fes triomphes, il ne trouvera que des ruines." Après  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 97 Après s'être occupée des précautions a prendre pour maintenir la tranquillité dans 1'inté- Bivirfet rieur du Royaume, 1'alTem. J^jg blée penfa a 1'effet que pouf- fimbUi. roit produire fur les Puiffances etrangéres la nouvelle du départ du Roi, et aux moyens de déterminer la forme des relations qu'il etoit eifentiel d'entretenir avec elles. Elle décreta en conféquence, i°« que les Ambaffadeurs a&uellement en France feroient avertis qu'ils pouvoient eontinuer de correfpondre avec le Miniftre des affaires étrangéres: flo. que les Ambaffadeurs et Miniftres de France prés les Cours étrangéres recevroient ordre de eontinuer leurs négociations, et d'entretenir leurs relations habituelles, comme par le paffé. L'affemblée enjoignit au Miniftre de la guerre de prendre les mefures néceffaires pour la fureté des frontiéres, et décreta qu'il feroit armer une partie des Gardes Nationales, pour être employee d'une maniére acf ive s la défenfe de 1'état. ■ ■ XIV. Seü.I. C Mft  98 HISTOIRE ET ANECDOTES Mr. de Cernon, au nom du Comité des Finances, rendit compte de lal lituation du Tréfoi: public, oü il fe trouvoit 31,136,000, Livr. dont huit Millions en ntfméraire. L'aflèmblée, s'autorifant AMW. des circonftances, pour éten-, ficisrs. dre l°n pouvoir , changea la i formule du ferment décreté* \ pour les Officiers et leur en prefcrivit \ une nouvelle, conque en ces termes. "Je jure d'employer les armes, re„mifes dans mes mains , a la défenfe \ „de laPatrie, et a maintenir contre tous j 5,les énnemis du dedans et du dehors „la Conftitution décrétée par l'aflèmblée „Nationale, de mourir plustót que de „fouffrir 1'invafion du territoire Franqais „par des Troupes étrangéres , et de „n'obéïr qu'aux ordres, qui me feront „donnés en confequence des Décrets de „l'aflèmblée Nationale. „ L'aflèmblée décreta, que des Commiflaires, pris dans fon fein, feroient envoyés dans les Départements frontié- res,  DE LA REVOLUTION FRANfOISE. 9 ^ reflatiandu deux Couriers fucceffifs, que Rot- le Roi étoit arrèté: elle s'ocu- pa fur le champ des précautions néceflaires, pour aifurer fon retour dans la Capitale. Elle décreta, que les mefures les plus puhlantes et les plus aélives feroient prifes, pour protéger la perfonne du Roi, celle de Pheritier préfomptif de la Couronne, et les autres individus de la Familie Royale, et les ramener furement a Paris. Elle chargea Mr.  DE LA REVOLUTION FRANCHISE. 107 Mr. Barnave, Pétion et la Tour - Maubourg de Pexécu- Commijfaition de ces dilpoütions, et or- vent afurer donna que Mr. Dumas , Ad- fon retour. judant Général de 1'armee, les accompagneroit, pour faire exécuter leurs ordres. Ces CommiiTaires apprirent en route que le Roi étoit déja rendu a Chalons: ils haterent leur voyaye pour join- Arp fn Maieff r. »" "~~J Le 23. l'aflèmblée recut _ . J * Grand nom- : des adreiies ians nomore aes hre d'adreP- : municipalités, des Diftri&s, et des Dt~ ':, des Départements voifins de la r^iifiriatt '. Capitale, qui atteftoient que 1 partout le peuple étoit calme et avoit appris avec indignation la contradi&ion 2 marquée entre la conduite du Roi et fes ï déclarations précédentes. Toutes conte1 noient Pexpreflion de la confiance illi1 mitée, que les Citoyens accordoient ; aux Repréfentans de la Nation. Ces témoignages authentiques prouvoient 1'attachement du peuple a la Conftitution, 1 et devoient détruire les efpérances de eeux  IÖ8 HISTOIRE ET ANECDOTES ceux qui prétendoint qu'il déteftoit le nouveau régime: rien ne lui eut été plus facile, a cette époque, que de manifefter fon voeu, et dans tout le Royaume, aucune aggrégation de Citoyens ne parut approuver la démarche du Roi. Le même jour, 1'affemblée acquit une nouvelle preuve de fon autorité et de fon afcendant fur les efprits. Après la proceffion de la Féte-Dieu, qui fe fit avec beaucoup d'ordre, Mr. de la Fayette parut a la tète d'une Députation nombreufe de tous les tiataillons de la Garde Nationale : il prêta le ferment prefcrit pour les militaires, et obtint Ia permilfiou de faire défiler cette Troupe dans 1'enceinte de l'alfemblée. Tous les habitans du Fauxbourg Saint-Antoine, armés de piqués, haches et hallebardes fuivirent cet exemple. On compta plus de 40,000 hommes tant de la Capitale que des environs, qui traverferent la Salie au milieu des cris réïtérés de Vive la Nation, vivelaLoi, vivel'Jf. femblée. Ils juroient tous de verfer leur fang  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. IO9 fang pur la défenfe de la Patrie et le maintien des Décrets; et 1'expreflion de ce ferment n'étoit certainement pas équivoque. Lorsqu'on apprit que le Roi étoie muni d'un paffeport obtenu au Bureau des affaires étrangéres , plufieurs mem. , bres chercherent a inculper Mr. de Montimorin. Des Commiffaires verifierent, que le paffeport avoit été expédié lur la demande de Mr. de Simolin , dont on avoit confervé la note dans les Bureaux, et tous les foupc,ons furent diflipés. Mr. Chapelier fit obferi ver, que dans les conjounclures Sufpenjlon «préfentes il étoit a craindre, A£j£ ique les Affemblées éledorales, nchargées de nommer des Déiputés a la prochaine législature, ne s'00 ijcupaffent de regler la forme du gouvernement : ce qui pourroit occafionner des Itroubles et des divifions dans le Royaume. L'affemblée, pénétrée de la jufleffé de cette réflexion, décréta: „que les ,,Affemblées éledorales pour nommer «detf  €IO H1ST0IRE ET ANECDOTES „des Députés a la prochaine législature „feroient fufpendues jusqu'a un , nouveau Decret du Corps Législatif." L'aflèmblée s'occupa en- De'cret rela- p ■ , . . tifulama- lulte d un 0Djet plus ïmporviére Atmt le tant, qui étoit de ftatuer de Rot Aoit Ure qUeue maniére on traiteroit le Roi a fon retour dans la Capitale. Mr. Thouret propofa un projet de Décret , qui fut combattu par Mr. Malouet et plufieurs autres membres, comme contraire aux principes de la Conftiturion rélativement a 1'inviolabilité du monarque, dont la liberté étoit néceflaire pour la Sanótion des Décrets. On répondit a ces obfervations, que la nature du pouvoir conftituant étoit de faire ceffer tous les pouvoirs; et qu'on n'avoit pas befoin de Sandion, jusqu'a ce que la Conftitution fut achevée ; que 1'Affemblée avoit reconnu et décreté, que le Gouvernement Monarchique étoit le feul qui convint a la Franc,e, que le Corps Législatif, bien loin de vouloir cumuler tous les pouvoirs, avoit laifle aux  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 111 ;aux Miniftres et autres agens nommés par le Roi 1'exercice du pouvoir exéjicutif. Le Décret propofé par Mr. Thou:ret fut en conféquence adopté en ces ! termes. 1. Auflitöt que le Roi fera arrivé au Cbateau des Tuileries, il lui fera donné une Garde, qui, fous les ordres du Commandant Général de la Garde Nationale Parifienne, veillera a fafureté et repondra de fa Perfonne. 2. II fera provifoirement donné a Phéritier préfomptif de la Couronne une Garde particuliére, de mème fous les ordres du Commandant-Général; et il lui fera nommé un Gouverneur par PAifemblée Nationale. . 5. Tous ceux qui ont accompagné la Familie Royale feront mis en état d'arreftation et interrogés. Le Roi et la Reine feront entendus dans leurs Déclarations , le tout fans délai, pour Être pris enfuite, par PAifemblée Na- tiona-  11& HISTOIRE ET ANECDOTES tionale, les réfolutions, qui feront jugées néceifaires. 4. II fera provifoirement donné une garde particuliere a la Reine. f. Jusqu'a ce qu'il en ait été autrement ordonné, le Decret, rendu le 21. de ce mois, qui enjoint au Miniftre de la juftice d'appofer le fceau de 1'état aux Décrets de rAffemblée Nationale, fans qu'il foit befoin de la Sanction ou de 1'acceptation du Roi, continuera a être exécuté dans toutes fes difpofitions. 6. Les Miniftres, les Commiflaires de la Caiffe de i'extraordinaire, le Directeur du Tréfor "public, jusqu'a ce que les Commiffaires de la Tréforerie Nationale foient en activité, et la Direclion de Liquidation font de même autorifés, provifoirement, a eontinuer de faire, chacun dans fon Département et fous fa réfponfabilité, les fonctions du Pouvoir Exécutif. 7. Le Miniftre fera, dans le jour, imprimer, afficher et publier a fon de trom-  DE LA REVOLUTION FRAN£OISE. 113 trompe, le préfent Decret dans les rues de Paris. L'aflèmblée ajouta a ce Décret, que le Tribunal du DiftricT: des Tuileries nommeroit des Commilfaires, pour informer et entendre fur le champ les témoins fur les évenements arrivés les 20. et 21. Juin, ainfi que fur les faits antérieurs et poftérieurs. Le Corps Législatif nomma en même tems trois Commilfaires, pris dans fon fein , pour recevoir les Déclarations du Roi et de la Reine: le choix de 1'aifemblée tomba fur Duport et d'André. Pendant qu'on faifoit ces difpofitions dans la Capitale, Arüvh Am les Commilfaires nommes pour riSt aller au devant du Roi continuoient leur route. Ils rencontrerent le 24, k peu de diftance d'Efpernay, les voitures qui conduifoient la Familie Royale. Mr. Barnave lut a fa Majefté le Décret de 1'Aflemblée Nationale, qui conftatoit fes pouvoirs et fa miflion; il fe plaqa enfuite avec Mr. de la TourT.IV.Sett.L H Mau,  114 HISTOIRE ET ANECDOTES Maubourg dans la voiture du Roi, et Mr. Pétion entra dans celle de Mde. de Tourzel. Malgré toute la bonne volon- | té des Commiffaires pour accélérer leur marche, elle étoit retardée a chaque inftant par la foule immenfe des fpe&a- j teurs et de Gardes Nationales, qui arrivoient de toutes parts. Un bruit, qui fe répandit parmi le peuple, que Mr. de Bouillé accouroit avec de nombreux ! Détachements de troupes de ligne, pour j délivrer le Roi, feconda leur projet. II fut décidé que toute Pinfanterie refteroit en arriére des caroffes et qu'ils fe- roient efcortés par la Cavalerie. Ces précautions firent qu'on put arriver a Meaux le 24. Soir. Le lendemain le cortége fe mit en marche a fix heures j du matin. D'après les ordres de la Mu. 1 nicipaüté de Paris, la Garde Nationale avoit pris les armes et étoit poftée depuis la barrière faint - Martin jusqu'aux Tuileries en fuivant le Boulevard et la Place de Louis XV. On avoit défendu, fous des peines févères, a tous les Citoyens ]  : DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 115 toyens d'óter leurs chapeaux lors du paflage des voitures,.et de donner le moin;dre figne d'approbation ou d'improbation. Cependant, lorsque la Familie Royale arriva a la barrière, elle fut expofée a quelques infultes : mais depuis fon enjtrée dans la ville jusqu'aux Tuileries, le peuple fe contint dans les bornes de da modération et du refpect, et, ce qu'on auroit peine a croire, il obferva'le plus profond lilence. A fept heures du foir, i le cortége arriva au Chateau par le Ponttournant. Les trois Gardes du Corps, j qui avoient fuivi fi Majefté, étoient attachés fur le fiége de la voiture. Le ' peuple en fureur les menacoit depuis \ longtems: déja ils étoient entre fes mains et prêts a être malfacrès, lorsque Mr. !: Pétion et quelques autres Députés, qui étoient fortis de PAffemblée, parierent li au nom de la Loi et parvinrent a le calmer. Ils furent transférés a 1'Abbaye. Dès que les Commiffaires eurent conduit les membres de la Familie Royale j; dans leurs appartements, on yplaqa des H ij kn-  Ïl6 HISTOIRE ET ANECDOTES fentinelles : toutes les portes, grilles • et avenues du Chateau furent fermées, et le jardin des Tuileries fut; transformé en un camp, occupé par la Garde Nationale. Une troifiéme voiture fuivoit celles de la Familie Royale; elle contenoit les principaux perfonnages, qui avoient contribué a fon arreftation. Ils furent conduits en triomphe a 1'Auemblée Nationale, au milieu des acclamations du Peuple. L'apparition des trois garL'afembUe Jes enchainés, la fidélité, qu'on Licentie les p r . ..... Gardes du iuPPololt 9"^ tOUS les ïndlVl- Corp. dus de ce Corps avoient vouée . au Monarque, donnerent lieu a une motion, que les circonftances firent accueillir avec transport. Les Républicains avoient juré la perte des Gardes du Corps depuis les journées des 5. et 6. Oélobre. L'exécution de ce projet avoit été différée: dans la féance du xf. Juin elle fut irrévocablement confom.. mée. L'affemblée décreta leur fupprek ' fion, fauf a ajouter un reglement pour ] le )  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 117 a le traitement qu'il conviendroit d'accor1 der aux differents individus. C'eft en j vain que Mr. de Bonnay plaida la caufe de fes camarades avec autant d'éloquen- ce que de fenfibilité. Le zele, qu'il mit I a faire leur apologie, et quelques exclaj mations chevaleresques ne fervirent I qu'a augmenter 1'acharnement de leurs ; ennemis et la difcuffion fut promptei ment terminée. Les Franqais expatriés éprouverent l auffi 1'animadverfion de 1'Affemblée. II iifut décreté, qu'il ne feroit fait aucun i jpayement de penfions ou traitement quel- conques lur le Tréfor public ou la Caifife de 1'extraordinaire a tous ceux, qui iine prouveroient pas, d'une maniére auïjtentique, leur réfidence dans le Ro- yaume. Les Commiffaires, nommés par 1'afifemblée pour recevoir les déclarations du Roi et de la Reine, fe préfenterent . chez leurs Majeftés le 26. Ces deux Ipieces méritent d'ètre rapportées. • H üj Ce,  11 8 HISTOIRE ET ANECDOTES Cejourd'huy Dimanche| 4uRof7» a6,Juin» nousFrancois Denisj p-é/eZ Z Tronchet, Adrien Jean Fran-I Commiffaires. qoisDuport, et Antoine Baltha-I far Jofeph d'Andrè, CommifJl faires nommés par 1'aifemblée Nationale!] pour 1'exécution de fon Décret de ce jour, le dit Decret portant * portée de M. Girtanner, quand on puife en grande partie les matériaux d'un ouvrage dans les journaux, il n'eft pas étonnant qu'on penfe, et qu'on écrive comme lui. Je fuis moins difpofé que qui que ce foit k être 1'apologifte des ridicules des jeunes francois, et j'ai fouvent été étonné de la bizarrerie du coftume des élégans musqués, qui arrivoient-de la capitale en frac anglois, en longues culottes nouées avec des rubans, des demies bottes, une coëlFure i 1'enfant furmontée d'un chapeau rond d'un pied de haut, une énorme cravatte et un fouet ala  140 HISTOIRE ET ANECDOTES dans le Maconnois, commenca a former le Corps des Chevaliers - Dragons dJ h la main pour operer la contre-révolution et qui afiuroient gravement qu'elle fe feroit auffi facilement qu'une cour- i fe au bois de Boulogne. Heureufement ces Meffieurs ne formoient qu'une trés petite claffe des Francois, qui s'étoient réunis prés des princes pour deffendre la Religion, la Monarchie et prévenir 1'ufurpation totale des propriétés. Leurs éfforts ont été fans doute auffi mal combinés qu'impuifians, mais leur conduite apparente, leur fidelité envers leur fouverain méritent plutót des éloges qu'une I critique amére et fardonique. Je fais que beaucoup de Francois ont été déterminés a 1'émigration par orgueil, par vanité, par ambition, par dérangement dans leurs affaires, par déffaut de caraclére , quelques - uns même par un ] motjf de crainte. II m'eft également j connu qu'un grand nombre d'entre eux I n'ont point calculé les fuites d'une démarche auffi conféquente et qu'elle s'eft faite avec autant de legéreté que d'ir- I refflexion. Mais qand une action eft louable  1 DE LA RÉVOLUTION FRANcOISE. 141 de la Couronne. Les premiers fonds ; néceifaires pour leur armement et équipement furent fournis, a ce qu'on prétend, par Madame la Comtelfe d'Artois, qui vendit fes diamans a Turin pour cet . objet. Ce Corps, qui dans le principe ; étoit compofé de 80 ou 100. individus, : qui fe rendirent a Worms, parvint dans ! la fuite a acquérir plus de confiftence. M. de Bouillé étant arrivé T ■ . , lettre de a Luxembourg s'emprefla d e- m. de Boucrire a 1'aifemblée la lettre fui- HU a l'Af. femblée. i vante. a Luxembourg le 26. Juin. Le Roi vient de faire un elfore ■ pour brifer les fers, dans lesquels vous j le retenez depuis longtems, ainfi que fi lonable en elle même, pourquoi fcruter o les replis du coeur humain pour en connoitre les motifs? Le but étoit bon et honnête, le fuccés n'a pas répondu aux efpérances, il faut plaindre ces malheureufes viétimes d'un préjugé ou d'une erreur excufable, et non les blamer ott déprimer le mérite de leurs actions.  142 HISTOIRE ET ANECDÜTES fa familie infortunée , la providence, dont les décrets font impénétrables , a laquelle les empires font foumis, et contre laquelle la prudence des hommes ne peut rien, en a décidé autrement: il eft encore votre captif; et fes jours, ainfi que ceux de la reine, font, et j'en frémis, a la difpofition d'un peuple, que vous avez rendu féroce et fanguinaire, et qui eft devenu 1'objet du mépris de 1'univers. II eft intéreifant pour vous, Meffieurs, pour ce que vous appellez la Nation, pour moi, enfin pour le Roi luimême, que les caufes, qui ont produit cet événement, que les circonftances qui 1'ont accompagné, que le grand objet, qui devoit en être le réfultat, et qui avoit infpiré au Roi ce deffein noble et courageux, foient connus des Franqois; qu'ils le foient de 1'Europe entiére; et que Pon fache , qu'en défertant deofa prifon , en voulant chercher un azile fur la frontiére prés de moi et parmi fes troupes, il a eu moins en vuë fon falut, que celui d'un peuple ingrat et cruel:  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 143 ifcruel: les dangers, qu'il pouvoit courir, ceux auxquels il expofoit fa familie, rien n'a pu 1'arrêter: il n'a écouté ique la générofité et la bonté de fon coeur. Dégagé dans ce moment de tous les liens, qui m'attachoient a vous, n'étant plus retenu par aucune confidération, libre enfin , je vais vous parler le lanIgage de la vérité, que vous n'êtes peut lêtre plus. en état d'entendre, et que i^ous n'écouterez fans doute pas: mais j'aurai rempli tout ce que je dois a ma ipatrie, tout ce que je dois a mon Roi, tout ce que je me dois a moi-même. Je ne vous rappe] lerai pas Mef[fieurs, ce que vous avez fait depuis deux ibis; je ne retracerai pas le tableau du désordre affreux, dans lequel vous avee olongé le Royaume: mais Je Roi étoit pevenu Je Prifonnier de fon peuple; lui et fon augufte Familie étoient en bute :aux plus fanglans outrages. Attaché k chimérique. II n'eft plus tems de vous \\ abufer: il ne 1'eft peut être plus de i! déffiller les yeux du peuple, que vous i avez  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 151 Hvez criminellement trompé, et dont «vous ferez jufteraent et févérement puinis. Votre chatiment fervira d'exem, ple mémorable a la poftérité, qui vous Breprochera éternellement d'avoir aflaffifné votre patrie, dont vous pouviez projilonger la durée pendant des fiécles, idont vous pouviez aflurer et embellir, lila deftinée. j C'eft ainfi que doit vous parler utl I homme, qui n'a rien a attendre de vous, j auquel vous avez infpiré d'abord la pitié, 1 et qui n'a plus pour vous, et pour le I peuple antropophage que vous avez enj yvré de crimes, que du mépris, de 1'ini dignation et de 1'horreur. Au furplus, n'accufez perionne du E complot et de la confpiration prétendue : contre ce que vous appellez la Nation I et votre infernale conftitution. J'ai tout i arrangé, tout réglé, tout ordonné. Le I Roi lui-mème n'a pas fait les ordres: s c'eft moi feul. Ceux, qui ont dü les I exécuter, n'ont été inftruits qu'au moi ment; et ils ne pouvoient y désobéïr. Kiv C'eft  15* HISTOIRE ET ANECDOTES C'eft contre moi feul que doit être dirigée votre fureur fanguinaire, que vous devez aiguifer vos poignards et préparer vos prifons. J'ai voulu fauver ma patne: j'ai voulu fauver le Roi, fa familiej voila mon crime. Vous répondrez de leurs jours, je ne dis pas a moi, mais a tous les Rois; et je vous annonce que, fi on leur óte un cheveu de la téte, avant peu, il ne reftera pas pierre fur pterre a Paris. Je connois les chemms; j'y guiderailes armées étrangéreset vous-mèmes en ferez refponfables lur vos têtes. Cette lettre n'eft que Pa- \ vant - coureur du Manifefte des fouverains de PEurope, qui vous inftruiront avec des caradéres plus prononcés de ce que vous avez 4 faire, ou de ce ^ que vous avez a craindre. Adieu, Meffieurs, je finis fans complimens, mes lentimens vous font alTez connus. M. de Buillé, indépendamment de cette lettre adrelfée au Préfident de Paf- ' lemblée, en avoit envoyé plufieurs coPies a des députés, entr'autres a M. de ia ;  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 153 la Fayette, qui en fit part a raflemblee en ces termes: „Je Fayettefro. i„reqois de Luxembourg fous le tefte de fon L,,cachet de M. de Bouillé deux «"<"***• „exemplaires imprimes de ia We-(_ |„lettre a 1'aifemblée. Si les j,,projets, qu'il annonce, fe réalifoient, il i,,me conviendroit mieux fans doute de („le combattre que de répondre^ a des per5„fonnalités. Ce n'eft pas pour M. de j„Bouillé, qui me calomnie; ce n'eft pas Lmême pour vous, Meflieurs, qui m'ho„norés de votre confiance, c'eft pour „ceux, que fon alfertion pourroit trom|,,per, que je dois la relever ici. On s„m'y dénonce, comme ennemi de la Lforme de Gouvernement, que vous i„avez établie, je ne renouvelle pas mon „ferment', mais je fuis prêt a verfer mon :is,fang pour le maintenir. Cette déclaration fut reque avec napplaudiifement. La leöure de la lettre de M. de Bouillé ne produifit pas fur Téfprit de 1'aifemblée 1'effet, qu'il en atK v tendoit;  154 HISTOIRE ET ANECDOTE3 tendoit; elle fe contenta de palfer a 1'or-f dre du jour. II eft difficile de péné4 Kêflixiens trer les motifs, qui ont pu dé*} u£l*t terminer M. de Bouillé-è écri| de Bouiiu. re cette lettre. Si fon projet\ étoit d'intimider Taffemblée pari fes menaces chevaleresques, il manqua» abfolument fon but. Les puiffancesf étrangéres, dont il n'étoit certainementl pas le mandataire, furent trés méconten-* tes de la véhémence et de la chaleur qui L regnoient dans cet écrit. II leur fuppo-f foit des vues, qui n'éxiftoient pas, etl ne pouvoit produire d'autre effet que ce- \ lui d'accélérer les préparatifs de déffenfe I de la part de la France. Le feul motif I plaufible qu'on puiffe fuppofer a cette | lettre étoit peut être d'empècher les fa-1 dieux d'attenter a la vie du Roi, et 1 d'engager 1'alfemblée a le traiter avec I les égards et le refpeél, qui lui étoient il düsj mais bien loin de remplir ce but, j) cette produdion augmenta 1'audace des 15 ennemis de la Monarchie, redoubla leur \ vigi- J]  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 155 :ivigilance et leur aélivité et ne fervit iqu'a rendre la captivité du Roi plus du,re. Elle eüt un efFet bien plus facheux. iTJn grand nombre d'Officier, féduits par la Réputation de M. de Bouillé s'imagijnerent que la France étoit déja cernée j par les armées étrangéres. Jaloux de i partager la gloire de rétablir le Roi fur fon tróne, ils s'emprelferent de quitter i leurs emplois et de fe rallier auprés des ] Princes. Leur départ priva la MonarI cbie de fes plus fideles déffenfeurs, livra a la difpofition de fes ennemis 1'arImée entiére, dont on auroit pü tirer i; quelque parti en invoquant 1'honneur, I qui avoit encore quelque empire fur le I coeur des Franqois, et lailfa les biens I et les perfonnes des citoyens paifibles i et tranquilles k la merci des brigands. L'effet produit par la lettre de M. ;i de Bouillé fut encore augmenté par une autre lettre circulaire envoyée rfw ; a tous les Régiments par les officiers émi- Officiers émigrés de 1'armée de srés » Uurs , r -1 n / • CamaraAes. ce general, elle etoit conque 1 en ces termes. Fran*  156 HISTOIRE ET ANECDOTES Francois, parens, amis de tout état, de tout fexe, de tout age, fachez que depuis deux ans nous fommes occupés a foumettre nos démarches a celles de notre général, et a feconder par notre conduite les efforts, que M. le Marquis de Bouillé faifoit pour fauver la Familie Royalle, et brifer les fers du mealleur, mais du plus malheureux. des Rois. Lesaffronts, que nous avons endurés, font inexprimables. Notre courage nops a fait fuporter taut avec patience , paree que nous nous flattions de 1'efpoir, qu'un jour notre modération, notre fagelfe feroient récompenfées par 1'effet qu'elles auroient produit; un mot, une démarche hazardé pouvoit rompre les projets; détruire tous les calculs, qui devoient conduire au moment le plus heureux, celui de pofféder notre Roi libre, au milieu de ceux de fes fujets, qui lui. font reftés fideles. Rien n'a rallenti notre zele: notre attachement pour le Roi fut toujours audeffus des. infultes, des outrages, des perfécutions. L'in- ftant  ij' DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 157- I ftant fi défiré , calculé , combine avec jtant de fageffe eft enfin arrivé; mais il ij eft devenu le plus funefte pour tous les 1 vrais Franqois. Tout fut anéanti. Un I quart d'heure a fuffi pour détuire no- II tre plus douce efpérance: nos coeurs |fe font remplis d'amertume, et 1'efpoir I en feroit pour jamais effacé, fi nous n'afl vions la noble perfuafion, que nos freares d'armes, que les Franqois acfuelleï\ ment en france, et qui font alfez malIheureux pour n'avoir pu fuivre, comame nous, les pas de M. le marquis de 3 Bouillé, adopteront notre profeifion de n foi, que nous adrelfoiis a tous les corps, aqui compofent encore les reftes expi- II rans de 1'une des plus braves armées 1 de 1'univers. La maniére outrageante, infultante, 1 et barbare #avec laquelle le peuple Frand qois devenu féroce, obfervoit les pas è de la plus infortunée des Princelfes. Le I départ du Roi, fon arreftation a Varen1 nes, fon retour forcé, tout prouve a 11'univers et le crime des facfieux, et la capti- m  158 HISTOIRE ET ANECDOTES captivité de notre maitre. Or donc, nous confidérons comme nul tout ce: qu'a fait et pourra faire fafTemblée dite = nationale. Nous déclarons ne vouloirtli obéïr que fous un Gouvernement Mo-, narchique. Nous voulons un Roi libre,.. et furtout nous voulons le notre. Ill eft de la noblelfe du militaire Francois,,: naguéres fi loyal, de fauver fon Roi, de le retirer de fa captivité , d'employer nos forces, nos inftans, notre vie pour ce malheureux monarque, de pourfuivre jusqu'au dernier foupir les monftres, qui lui ont arraché le fceptre, pour le remettre en des mains delfechées par le crime ; les monftres, qui ont outragé dans la plus tendre des mères le fang le plus illuftre de 1'univers. Nous vou-i lons vivre et mourir dans la Religion de nos pères. Nous jurons donc, et voici le fer-I ment qu'il faut faire et auquel tout I: 1'univers applaudira : nous jurons de-I transmettre a nos enfans, a nos voifins, I a nos amis la haine la plus implacable | contre jl:  ■ DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 159 jcontre les fadieux, qui fe nourrilfent de jmeurtres et de rapines: oui, il faut jque tout ce qui fe dit fidéle a fon Roi, la la Monarchie Francoife , que tous jceux, qui veulent le bonheur des petities, purgent la terre des monftres qui jdélblent et détruifent le plus beau de iitous les Royaumes, outragent le meil|eur des Princes, enyvrent et aveuglent Itin peuple jadis fenfible et généreux. pfficiers Francois, écoutez notre ferjment et répétez-le avec nous. Nous jurons fur Phonneur (le feul Ipien qui nous refte) de mourir pour pélivrer nötre Roi, d'élever nos enfans Wans ce principe, et de pourfuivre, tant §me nous exifterons, les Chefs des fadieux, qui ont outragé notre Monarque, jpu qui attenteroient a la perfonne de -lleurs Majeftés j et nous regardons comaaie infame tout militaire, qui refufeIroit ce ferment. Le fer, le feu , la ilamme, le poifon, nos parents, nos femnes, nos infans marfacrés, rien ne peut ious faire oublier le premier ferment, que  lbo HISTOIRE ET ANECDOTES que nous avons fait a notre Roi: voilaji le feul, voila le véritable; c'eft avec csh lui-la qu'il nous faut mourir. Habitans de la terre, Franqois dei! tout état, de tout fexe, de tout age,! vous louerez notre courage. Vous direzt a vos enfans: le malheur les a pour-A fuivis; vidimes des fadieux, ils n'ontt pas tout perdu, ils ont fauvé l'honneur.i Telle eft la profeffion de foi de tous lesib Offiders reftés fidéles a leur Roi; tellenl eft celle qne tous les Franqois doiventlf adopter. Dans le courant du moisiti Emigration de Juillet le Régiment Irlan- is d'une partie ^ dg Berwick qui ^oit en !( du Kégiment x de Berwick. baife Alface, requt ordre de ! changer de garnifon. Danslejl moment du départ une partie des Offi-ffi ciers et des Soldats, quitterent leurs n drapeaux, paiferent le Rhin et fe rendi- h rent a Etenheim. Cet événement occa-l lionna la plus grande joye parmi les f Princes et leurs adhérans. Ils efpére- jf rent que bientót une partie de 1'Armée jt Fran. I  [ DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. l6l Franqoife imiteroit cet exemple. Monfieur et M. le Comte d'Artois écrivirent la lettre la plus flatteufe a ce Corps. II avoit pafle autrefois en France avec le i. Roi jacques en 1691. et après un laps \, de cent ans fe trouvoit alors dans le scas de donner une nouvelle preuve de tfidélité. Ces deux dattes furent marrj quées fur les drapeaux que les Princes 1 envoyerent a ce Régiment avec la devi- 2 fe: Semper, ubique fidelis. Cependant 11'Armée des princes ne fe trouva aug|-mentée que d'environ 100. Soldats et 19. P Officiers. Le refte du Régiment avoit [ fuivi fa deftination en France et plufieurs I individus avoient quitté les Officiers émigrés pour aller chercher du fervice li chez les puiffances étrangéres. Ce feroit fans doute un tableau intéreffant pour PHi£ ftoire de la Révolution que gratio„. 1 de préfenter la plus grande partie de la Nobleffe Franqaife réunie fous I les ordres des Princes pour foutenir la plus belle caufe, le rétablifTement de la J T.IV.SeÜ.L L Reü-  IÖ2 HISTOIRE ET ANECDOTES Religion et de la Monarchie. L'homme vertueux, franc et loyal efpéroit trou, ver a Coblentz, a Worms et dans les autres ralfemblements cette douce fraten nité, qui devoit rapprocher des hommes qu'un zèle et qu'un malheur commun réuniffoient. Mais bien loin de cét afpect flatteurs il ne voyoit autour de lui que brigues, que cabales, qu'intrigues, et il auroit pü croire que 1'ancienne cour de Verfailles s'étoit transportée fur les bords du Rhin. Un grand nombre d'ambitieux, que leurs calculs dirigeoient bien plus que leur zèle, fe difputoient des rangs, des grades ou des avantages perfonnels.: Toute opinion modérée étoit profcrite et coupable aux yeux de gens, qui nsavo-i ient d'ailleurs d'opinion que leur intérêt. On y parloit de combats, de vicloiresj mais plufieurs joignoient a ces idéés tant défpérances de fureurs ët del vengeances , que 1'obfervateur fage et] impartial étoit plus que jamais pénétré l de cette vérité : qu'il eft une foule de >| chofes i  DE LA RÉVOLUTION FRAN£OISE. 163 ehofes qu'une perfpe&ive éloignée embellit, mais dont un coup d'oeil raprocbé fait difparoitre 1'illufion. M. du Veyrier étoit parti de Paris le 17. Juin pour rem- 1 , Mm du Vey- plir la Miffion, dont il etoit rieu chargé auprès de M. le Prince de Condé. M. Bouchard ancien Garde du Corps et fon parent 1'accompagnoit. ïls avoient 1'un et Pautre les paffe-ports et autres papiers néceifaires a leur miffion. L'affemblée étoit inquiéte de cet envoyé, lorsqu'il reparut et rendit compte des événements extraordinaires qu'il avoit éprouvés. Arrivé a Worms le 21. Soir il s'étoit rendu fur le champ chez M. le Prince de Condé. Le Prince 1 lui avoit dit qu'il vouloit confulter M. ! le Comte d'Artois avant de donner fa (réponfe étant convenu avec lui de ne li faire aucune démarche importante fans è fa participation; qu'il alloit en conféquenice fe rendre a Coblentz, oü il invitoit !IM. du Veyrier de le fuivre. Le 22. ,iM. du Veyrier s'étant rendu au palais L ij éle-  164 histoire et anecdotes éledoral il avoit attendu quelque temps dans une antichambre oü plufieurs jeu-i nes Franqois lui avoient tenu les pro-| pos les plus outrageants. Un inftantI après le Miniftre de Pélecleur lui étoit j venu fignifier que les Princes et S. A.| Electorale défiroient qu'il quittat fur lel champ Coblentz, et fe rendit a Ander- I nach, oü on lui feroit paffer dès le len- | demain la réponfe qu'il attendoit. Le I Miniftre avoit ajouté que cette mefure | étoit néceffaire, par ce qu'il étoit diffici- I le de contenir 1'éffervefcence de la Nob- I leffe Franqoife. M. du Veyrier avoit obéi.' I Le 24. plufieurs Couriers ayant paffé a I Andernach et annoncé que le Roi étoit I forti du Royaume, il avoit appris que [ M. le Comte d'Artois venoit de partir I pour Aix-la-Chapelle et M. le Prince de Condé pour Worms. Ne recevant I pas la réponfe qu'il attendoit, et préve- [ nu que plufieurs Officiers, qui Pavoient outragé a Coblentz, devoient venir lui I fignifier qu'il n'en auroit aucune, il s'é- | toit déterminé a rentrer en France par le  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OÏSE. 165 le chemin le plus court. II falloit abfolument paffer par Luxembourg. Aux portes de la Ville on lui avoit demandé fon nom et celui de M. Bouchard. Ils 1'avoient donné fans déguifement. Ils s'étoient enfuite transportés chez le major de place , qui devoit figner 1'ordre de leur fournir des chevaux de porte. Mais aulieu de 1'obtenir on les avoit conduits a la grande garde, et on leur avoit pris leurs paffe-ports et papiers pour les exhiber au commandant: pendant qu'on en faifoit 1'examen, plufieurs Officiers Franqois de 1'Armée de M. de Houillé étoient venus les infulter et s'étoient permis d'autres excès auffi répréhenfibles (*); que le Commandant de la place avoit cependant désaprouvé et blamé publiqueL iij ment. (*) II y avoit alors & Paris un avocat Verrière, qui rédigeoit avec Marat le feuille intitulée: 1'ami du peuple. La conformité de ce nom avec celui de Duveyrier lui attira, a ce qu'on fuppofe, les injures dont 1'accablerent les Fran?ois émigrés.  166 histoire et anecdotes ment. Après les avoir fait attendre; Il e/l ' que*9ues neures on avoit con-i èluxZ1' duit Ies deux voyageurs mi how%. chateau, oü on les avoit interrogé avec des formes effrayantes, en les accufant d'avoir cachéï leurs noms a Treves, et d'avoir cherché a débaucher les troupes de 1'Empereur. Enfin après yingt-deux jours de détention, pendant lesquels on avoit probablement rendu compte de leur arreftatiom a Bruxelles, peut ètre même a S. M. Impériale , ils avoient été mis en liberté. On leur avoit donné une efcorte, qui aulieu de les conduire fur la route de Thionville, les avoit fait paffer par des chemins détournés jusqu'a un village entre Arlon et Longwy. En les quittant le Commandant du détachement leur avoit remis la notte fuivante: "par or5,dre de 1. a. Royalles les Gouverneurs „généraux des Pays-bas, il eft déclaré I „aux Srs. du ^Veyrier et Bouchard qu'ils B „ont été traites par arrêt io. parcequ'ils i\ „n'avoient pas de paffe-ports. 20. par- I „ceque ü  DE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. 167 „ceque des Officiers autrichiens ayant „des paffe-ports ont éprouvé des mau„vais traitements dans les villes fron„tiéres de France.,, L'affemblée ayant entendu ce récit du voyage de M. du Veyrier décreta qu'il réïtéreroit fa déclaration au Comité diplomatique, qui rendroit compte des mefures a prendre a cet égard. Peu de jours après le retour du Roi une nouvelle g*f*» inattenduë fervit a mquieter des bajfes Paffemblée. Le Département pyr,nnées, des baffes Pyrenées trompé par de faux rapports envoya un courier pour 1'informer que les Efpagnols venoient de pénétrer en France par trois colonnes. Le Comité diplomatique fut chargé de vérifier ce fait et d'en faire fon rapport. M. de Montmorin écrivit h 1'Ambaffadeur d'Efpagne, qui lui fit la réponfe fuivante: L iv Mon-  IÓS HISTOIRE ET ANECDOTES Paris le 3. Juillet 1791. Monfieur. lettres des Je viens de recevoir une let.. Minifires tre de votre excellence, dans d'Efpagne. laquelle elle m'apprend que le directoire du département des baffes-Pyrénées, réuni au direcloire du Diftricl et a la municipalité de Pau viennent d'annoncer 1'éntrée des troupes Efpagnoles en france par trois différentes gorges de montagnes. Cette nouveile ne peut être que 1'effet de quelque méprife exagérée. Vous favez, M. leComte, que dans nos frontiéres, ainfi que dans celles qui nous féparent du Royaume de Portugal, il y a fouvent des ancurfions réciproques, qui occafionnent des coups de fufil entre les Contrebandiers des deux Royaumes. C'eft fans doute un événement de cette efpéce, qui, dans les circonftances aöuelles, aura donné lieu a un pareil bruit, ne Pe trouvant fur la frontiére que les troupes abfolument néceifaires pour le cordon,  I DE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. 169 don , dont j'ai eu Phonneur de vous faire part. Votre Èxcellence , qui connoit le caradtére perfonnel du Roi d'Efpagne,pourroit - elle le croire capable d'une pareille conduite ? Cette conduite feroit] elle digne de la probité -du Roi, et conforme a la dignité de la couronne? Si la poffibilité, du changement de fes prinicipes exiftoit, feroit-ce avec la France :fon amie et fon alliée , qu'il commeniceroit a s'en écarter? Non, M. le Comité, je crois que le Roi mon maitre ne :me tiendroit pas ici, pour que fes in1 tentions vous fuffent connuës par des letütres .des municipalités de la frontiére. Je me flatte que les premières, que vous 1 recevrez, vous feront connoitre la faut i feté des nouvelles, dont vous voulez 1 bien me faire part. J'ai l'honneur d'ètre lavec un parfait attachement etc. Signé i le Comte de Fernand-Nunnez. Quelques jours après le Comte de I Fernand. Nunnez communiqua a M. de iMontmorin les dépêches, qu'il avoit reL v quës  170 HISTOIRE ET ANECDOTES cuës de fa cour accompagnées d'une note officielle rélativement a 1'arreftation du Roi. Sa lettre et les piéces, qui 1'accompagnoient étoient conquës en ces termes. Ce 8- Juillet 1791. Monfieur! J'ai 1'honneur d'envoyer a V. Excellence une copie exacte de la depêche, que je viens de recevoir de ma cour, et de la note, qui y eft jointe, pour que vous la failiez connoitre a ralfemblée nationale: elle y trouvera la confirmation des mèmes fentimens, que j'ai eu 1'honneur de vous expofer dans ma lettre du 3. de ce mois. Le bonheur du Roi et de la Nation Francoife, fa tranquillité intérieure et fa profpérité; voila, M. le Comte, le feul ohjet de toutes les démarches d'une alliée , telle que 1'Efpagne, qui employera tous les moyens, qu'elle croira convenables pour 1'accomplir. J'ai 1'honneur d'ètre etc. Signé le Comte de Fernand-Nunnez. Tra-  PE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. 171 Traduétion littérale d'une dépêche de M. de Florida-Blanca a M. PAmbalfadeur d'Efpagne. J'ai requ ce matin la lettre du 21. Juin, par laquelle v. Exc. m'informe que le Roi trés chrétien et la familie Royalle fe font abfentés de Paris. Je rendis compte immédiatement de cet événement au Roi; et fa Majefté m'ordonna d'expedier a v. Exc. ce courier avec la déclaration cy-jointe, que vous deviez remettre au Gouvernement. A une heure après midy eft arrivé le courier que vous m'avez expédié avec deux lettres du 22. et du 23. par lesquelles vous m'annoncez que le Souverain a été arrèté dans fon voyage. 11 apportoit également 1'office , que 1'alfemblée \ nationale avoit ordonné a M. de Montmorin de vous envoyer. La même dé: claration ou note, dont je viens de vous parler, étoit déja préparée; et le Roi a penfé que, telle qu'elle étoit, c'étoit I la meilleure réponfe, qu'il put vous charger de faire a M. de Mont-morin, pour  172 HISTOIRE ET ANECDÜTES pour qu'il la comuniquat a 1'affemblée Nationale, et que cette affemblée put connoitre , quelles ont été et quelles font les intentions de fa Majefté, rélarivement aux affaires du Royaume de France et particuliérement dans le cas préfent. Ainli je ne retarde point cet extraordinaire; et je le réexpédie fur le champ a v. Exc. en fortant de mon travail avec fa Majefté. Aranjuez ce r. Juillet 1791. (Signé.) Le Comte de Florida Blanca. Notte de la Cour de Madrid dont il eft parté dans les deux lettres précédentes. La retraite de Paris, en- 'colr iVE1" trePrife Par le Roi très chrètien fpngne. avec ^a familie, et fes deffeins, quoiqu'ignorés encore par fa Majefté catholique, ne peuvent avoir ,eu, et ne fauroient avoir pour caufe et pour objet, que la néceflité de fe délivrer des infultes, que l'afTemblée aduel- le  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 173 le et la municipalité n'ont pas eu le pouvoir d'arréter, et de fe procurer un lieu de Sureté, oü le Souverain et les repréfentans vrais et légitimes de la Nation ;euifent pour leurs déliberations la liberté, jtdont ils ont été privés jusqu'a ce jourj jiprivation , dont on a des preuves et :des proteftations inconteftables. C'eit iidans ce fens, dans celui de 1'allié le [plus intime de la France, de proche pairent, d'ami de fon Roi, et de Voifin le plus immédiat de fon territoire, que S. M. prend le plus grand intérét a la félicité et a la tranquillité intérieure de la Nation Franqoife, et que bien loin de penfer a la troubler, elle a pris la Rétfolution déxhorter les Franqois , et elle les conjure de réflécbir tranquillement fur le parti, que leur Souverain a étë forcé de prendre, et de revenir fur les procédés outrés , qui peuveht y avoir donné caule; de refpeder la haute diignité de fa perfonne facrée, fa liberté net fon imraunité, et celle de toute la familie Royale, et de fe perfuader; que toutes  174 MISTOIRE ET ANECDOTES toutes les fois que la Nation Franqoife 1 remplira fes devoirs, comme le Roi i 1'efpére, el)e trouvera dans fes procédés les mêmes fentimens d'amitié et de conciliation, qu'il lui a conftamment témoignés, et qui fous tous les rapports conviennent mieux a fa fituation que toutes autres mefures quelconques. A Aranjues ce i. Juillet 1791. La ledture de ces piéces produifit difïérentes fenfations dans 1'aifemblée. Quelques membres propoférent de paifer a 1'ordre du jour. Rabaud de St. Etienne fut d'avis qu'il convenoit d'autorifer le Miniftre de répondre a la cour d'Efpagne ; "Que la nation Franqoife ne fe „mèlant pas des affaires de 1'Efpagne, „elle n'éntendoit pas non plus que les' „puiifances étrangéres fe mèlaifent de ,,fon Gouvernement: une mefure plus „fage et plus politique prévalut.,, On repréfenta que la Conftitution n'étant point achevée, on ne devoit point provoquer le relfentiment des. puiifances étran- é  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. X75 étrangéres par des réponfes hautaines et Idéplacées ; et on renvoya cette affaire au comité diplomatique. En mème temps que le Gouvernement Efpagnol mani- ^"^CoJ! feftoit avec dignité fon opinion fur la nouvelle arreftation du Roi de France, il prenoit les mefures les plus fages et les plus févéres pour que les principes de la Révolution Franqoife ne pénétraffent dans les Etats de S. M. catholique. Le Comte de Cifuentes Miniftre des affaires étrangéres envoya aux Gouverneurs et Commandants des provinces limitrophes de la France 1'ordonnance fuivante. Le Roi étant rempli d'une jufte défiance de ce que les Francois, enyvrés Id'une liberté licencieufe, introduifent en font circuler leurs déteftables maximes én Efpagne, par le moyen des ehaudronniers, remouleurs et autres exerqant des profefïions vagabondes, qui roIdent dans toute 1'Efpagne, en nombre ijqui s'eft prodigieufement accru, fans que  I76 HISTOIRE ET ANECDOTES que les précautions antérieurement pri- i fes foient fuffifantes pour les contenir; il eft de fa volonté royale, pour réprimer ce mal, que toutes les juftices du Royaume furveillent et falfent enrégiftrer, fans cependant ufer de violence, tous les étrangers exerqants les profeflions fusdites et autres femblables de Vagabondage , en conftituant prifonnier ceux qu'on trouveroit munis de papiers de 1'éfpèce indiquée, foit imprimés, foit manufcrits> foit même qu'on puiife prouver qu'ils en ayent répandu de bouche les principes. En conféquence je préviens votre feigneurie, pour que 1'ordre du Roi foit exécuté dans toute fa teneur , tant dans votre ville que dans tous les villages , qui en reifortilfent: vous ferez connoitre a toutes les juftices fubalternes les ordres que je vous envoye; et vous faifant rendre un compte exad de leur exécution, vous m'en écrirez direclement le réfultat, et vous m'informerez de tout ce qui pourroit furvenir de particulier, pour que S. M. puilTe pren-  I DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 177 prendre dans fa Sagelfe les mefures, qui lui paroitront les plus convenables dieu conferve V. S. beaucoup d'années. Madrid Ze 18- Juin 1791. (Signé.) Le Comte de Cifuentes. Le Gouvernement Efpagnol ne fe borna pas a ces Reglement ., , . févire. premières précautions; craignant a jufte titre que le mal politique, qui regnoit en France ne s'étendit promptement en Efpagne, oü il s'étoit établi beaucoup de Franqois, il fit paroitre le 19. Juillet un fecond decret rélatif aux etrangers domicilies dans ce Royaume. Ce Reglement portoit en Subftance: "qu'il eft ordonné de faire un récenfemeht général (hacer matriculas) de tous les Etrangers dans le Royaume, en diftinguant les domiciliés de ceux qui n'y feroient que paifagers : qu'il eft prefcrit i tous les juges et Magiftrats de faire pren; dre aux premiers, fous Serment folemjinel, les engagements fuivans; i°. de XIV. Stft.I. M pro-  J78 HISTOIRE ET ANECDOTES profelfer la Religion catholique - romainej 20' d'ètre fideles a cette Religion et au Souverain: 30» de renoncer a tout privilege d'étranger (fuero de Extrangeria) ainfi qu'a toute rélation, union, ou dépendance du pays, oü ils font nés, promettant de ne jamais ufer de fa protedlion ni de celle de fes Ambaifadeurs, Miniftres ou Confuls; le tout fous peinè envers les contrevenans des galéres ou préfides, ou d'expulfion abfoluë de 1'Efpagne avec confifcation de tous les biens, qu'ils y polféderoient. Les étrangers, qui feroient fimplement de palfage, ne pourront refter qu'avec permiflion exprefle, qu'ils auront demandée et obtenuë a la Secretairerie d'Etat: ces etrangers palfagers ne pourront exercer aucun art, Métier, ni profeffion quelconque, a moins de s'ètre domiciliés avec une nouvelle permiffion préalable, et d'avoir fait le ferment prefcrit, fous les peines mentionnées. On ne laiifera plus entrer d'etrangers dans le Royaume, excepté dans les ports et villes de Com-  i DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 179 Commerce, a moins d'en avoir obtenu permiffion exprefle de la Cour. Quant a ceux qui voudront y entrer par la raifon de fe réfugier en Efpagne, d'y chercher un azyle, et d'y jouir des droits de 1'Hofpitalité , ils feront tenus de faire confter de ces motifs; moyennant quoi il leur fera indiqué une route et un endroit dans 1'intérieur, oü ils pourront attendre la permiffion oulerefus de la Cour. Ce reglement fut mis a exécution pour les franqois. Nomhre ie Sur environ 90 mille, qui éto- ^J^*" ient alors en Efpagne, il y en pE/pagné. ; eut plus de 30 mille qui par une Suite de 1'enthoufiasme National retournèrent dans leur patrie. Mais le. Gouvernement fe relacha de Ja Sévérité }| de ce decret a J'égard des autres Nations et principalement_de Ja Nation AngJoife 1 pour laquelle ii étoit obiigé d'avoir des !i Egards et des ménagements. Le Roi de Suéde apprit a ConMte iu ,\ Aix la chapelle 1'arreftation du Roi ie 1 Roi de France. II écrivit fur Suéde' M ij le  18^ HISTOIRE ET ANECDOTES le champ le 27. Juin au Baron de Staël fon Ambaffadeur a Paris pour lui manifefter fa douleur de cet événement., qui remettoit ce malheureux monarque dans la dépendance de fes fujets révoltés. II deffendit en même temps a fon Ambaffadeur d'avoir aucun rapport ou communication avec ceux, qui ne tiendroient pas dire&ement leurs emplois du Roi. II lui enjoignit expreffément de s'abftenir de toutes confé' rences avec le foi-difant Miniftre des affaires étrangéres, Pexhortant k fuivre la conduite des autres ambaffadeurs ou Envoyés , qui prendroient le plus ouvertement le parti de S. M. trés chrétienne. La Diéte fuiffe affemblée 1 AlyLie ^ ^rauen^e^ crut auu^ devoir Helvétique. s'occuper de la fituation acluelle de la france et des rapport, du corps Helvétique avec la Nation. On doit bien penfer que le mobile de cette démarche fut 1'intérêt. Auffi le premier objet de Parrêté étoit rélatif a Pargent. /  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 18 r 1'argent. Cet arrèté qui contient trois lArticles portoit: i°- que conformément 1 a la teneur expreffe des traités la Diéte i entend que les Régiments iuiffes foient } payés en efpèces et non en affignats. 2,0. que, vu la fidélité conftante | et connuë de la Nation fuiife a fes en| gagements, elle entend que les Régi| ments ne foient pas fatigués de nouI veaux ferments: que notamment elle I leur deffend de préter le nouveau Ser1 ment ordonné par 1'aifemblée Nationa1 le, et que fi quelque Régiment le prëI te la1 Diéte le déclare comme nul et non avenu. (A 1'époque oü cet arrèté i fut connu présque tous les Régiments I avoient prèté le nouveau ferment.) 3 o. qu'enfin elle déffend a tous | les militaires de s'affilier aux Clubs dits 1 patriotiques et de les fréquenter en aui cune maniére. Cet arrèté fut remis a M. de Vé| rac Ambaffadeur en Suiffe et envoyé a É M. d'Affry comme premier Officier-GéI néral des Troupes Suilfes en Frailce, vü M iij 1'ab-  I8S HISTOIRE ET ANECDOTES 1'abfence de M. le Comte d'Artois Colonel- Général des SuifTes et Grifons. Ce ne fut qu'avec peine qu'on obtint cet arrèté de la Diéte, et il ne fut pris qu'a la pluralité de huit voix contre cinq. Les Cantons de Zurich et ; de Basle, dont les inftruclions étoient trés démocratiques protefterent mème contre ces difpofitions. Les manoeuvres du Baron de Breteuil , qui étoit alors a Soleurre et 1'influence de M. de Vé- ' rac fur les Cantons Catholiques provoquérent cette décifion. Immediatement après avoir obtenu ce fuccès, M. de Vérac envoya fa démiflïon a M. de Mont-Morin et 1'accompagna de la lettre fuivante, qui mérite d'ètre connuë', ! tant par le ton de dignité et de Noblet fe qui y regne, que par 1'expreffion des fentiments de fidélité, que tout bon Franqois de voit a fon Roi. Soleurre le 6. Juillet 1791. Luti Tant qu'il m'a été pot JUi'ÏÏZ Vé- ®^e> Monfieur, de croiré que ' w. le  ; DE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. l8S le Roi avoit fanélionné librement les iDecrets de 1'alfemblce Nationale; tant Lue 1'expreffion mème des ordres, que [vous me transmettiez au nom de fa Mafjefté, ne m'a pas permis de douter (fans ime rendre coupable) qu'ils fürfent librement «manés d'elle, je m'y fuis conforftné avec la plus grande foumiffion. Auijourd'hui, Monfieur, qu'une déclaration folemnelle du Roi, connuë de la France et de 1'Europe eutiére, ne lailfe pas Jle moindre prétexte a ceux-mèmes qui pourroient défirer de fe faire illufion; laujourd'hui que le départ de fa Majefté j et fon retour forcé dans la capitale ont jfait connoitre également et les véritables jfentimens du Roi, et la violence qui jpeut dorénavant l'empèclier de les manijl fefter, il me devient impolfible d'être ill'interpréte de ceux qu'on pourroit lui ifuppofer. Je ne tiens ma place que I des bontés et de la confiance de fa MaIjjefté; et c'eft entre fes mains feules que i je dois la remettre , du moment oü je ine puis ni parler, ni agir en fon nom, M iv m  184 «ISTÓÏRE ET ANECÖOTES *u* même être eerde recevoir fes ordresj Ma confeience, mon honneur, monde-' voir me prefcrivent impérieufement ce' facrifice. J'en fens, Monfieur, touteramertume, toute 1'étenduë; mais les: motifs facrés, qui m'y déterminent, ne me lailfent ou'un ff»n1 rar,rat. ji * — —^ ,v6in, i/ciui ue ne plus donner au Roi des preuves de mr\n J 1 —* u^iis ia piace, qu'il m'avoit ^"llcc- ™ ^ajeite a recu mes Sermens, et la mort feule peut m'en dégager. J'ofe vous prier, Monfieur , de mettre aux pieds du Roi la démiflion, que jai 1'honneur de vos adrelfer cijointe de ma place d'Ambalfadeur prés le Corps Helvétiaue. TVfni^ „„„ o "'"'ignera me donner une nouvelle mairiiin J„ r 1 ■/ "riuy "c oontes en 1'acceptant, comme la fenl«? r-~"»»- jcs circortftances me permettent de lui donner —o ^ mumenc ae mon zèle, de mon profond refpecl, et de mon inviolable «delite. Copie 8  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 185 Copie de la dêmijjion. Je remets entre les mains de fa Majefté la place d'Ambalfadeur du Roi prés le Corps Helvétique, que je ne tiens que des bontés et de la confiance, dont fa Majefté a daigné m'honorer. Soleurre ee 6. Juillet 1791. L'Empereur Léopold fe trouvoit enTofcane, lorsqu'il ^ lEmpereur. apprit les nouveaux événements arrivés en France. II envoya plufieurs Courriers aux différentes cours de 1'Europe pour leur propofer de fe réunir et d'agir de concert pour le rétablüfement de la Monarchie Franqoife. II paroit que toutes ces négotiations refterent fans effet. Le Colonel Bifchofs"werder, qui jouilfoit de la confiance du Roi de Prulfe, fut envoyé k 1'Empereur è cette époque. Les deux Souverains convinrent fans doute de quelques arrangements préliminaires au cas que les affaires de France ne prilfent pas une tournure pacifique, mais leurs troupes M v ne  ■ 186 HISTOIRE ET ANECDOTES3 ne firent alors aucun mouvement, qui indiquat qu'ils euflent des projets hoftües. Les réclamations des Prin. Conclufum ces poffeflïonnés en Alface et! de la Diéte , . , ,, , , Germaniaue. en Lorrame, les demarches de PEmpereur en jleur faveur, et les réponfes de Ja Cour de France furent! communiquées a la Diéte de Ratisbonne. II fut enfin décidé que cette affaire in* terreffoit tout le Corps Germanique. La i Diéte prit un Conclufum compofé de plufieurs articles, dont le réfumé étoit que les Décrets de l'Affemblée - Nationale concernant les droits des Princes poifeffionnés en Alface et en Lorraine étoient de véritables ufurpations et contraires aux traités, qui fubfiftoient entre la France et le Corps Germanique: que PEmpereur feroit remercié de fes foins et prié de les eontinuer pour obtenir le redreffement de tous les griefs: qu'il feroit fupplié en même temps du prendre toutes les mefures néceffaires pour prévenir la circulations des écrits tenr dants !  DE LA RÉVOLUTION FRANC.01SE. 187 dants a troubler 1'ordre et a provoquer jiune Révolution dans 1'Empire. 1 Comment le Corps Germanique pou|voit-il efpérer qu'une pareille Réfolution Jproduiroit quelqu'effet, et qu'il obtiendroit Ipar des négotiations ce que peut être on jlui auroit refufé, s'il 1'avoit exigé a forjce armée, et par le ferme concours d'une Ivolonté générale ? Un conftit d'intérëts joppofés , 1'égoïsme qui exifte parmi les ISouverains, comme parmi les particujliers, et principalement dans le Corps 1 Germanique compofé de tant de parties [hétérogénes fit échaper le moment favoIrable d'entreprendre une guerre jufte et I qui eut réuni alors 1'afTentiment de tous a les états de 1'Europe. L'afTemblée-Nationale étoit U cette époque trés bien inIftruite des difpofitions des ^ jar u J principales puiiTances, dont la Jmtuu des I france pouvoit redouter les ef- t"'^a"cesI forts. M. de Lametb dans un rapport i| circonftancié prouva qu'il n'éxiltoit point J de Coalition générale, et que, quand même  188 HISTOIRE ET ANECD0TE5 même elle auroit lieu, les puiifances ne; pouvoient agir offenfivement qu'au printemps fuivant. II repréfenta les Poten-, tats de PEurope attentifs a la Révolution Francoife , et defirant feulement £ qu'elle fe terminat fans fecoulfes. Dé-, puis 1'événement du 21. Juin (dit-il)| elles ont pu fe convaincre, qu'au lieut de faétions il exiftoit des autorités lé-. gitimes; au lieu de Pagitation d'un pe. tit nombre d'hommes, elles ont vü une volonté générale et invariablement atta- . chée a maintenir une conftitution libre. Une autre fuppofition fe préfentoit. C'eft que les émigrés foutenus par quelques Princes d'allemagne filfent une attaque partielle. En prouvant 1'invraifemblance d'une pareille entreprife il fit fentir la néceflité de prendre toutes les melfurei de prudence et de fureté générale, il infifta furtout fur le rétabliffement de 1'ordre et de la Subordination dans les troupes, fans lesquels on n'a que des ralfemblements d'hommes et non des armées. II propofa en confé- quen-  DE LA RÉVOLUTION FRANQOISE. I8Q (iqüence et 1'aifemblée décreta 10. qu'on ■mettroit en activité 97. mille Gardes■Nationales partagés en 15. divifions et Irépartis fur les frontiéres, reférvant 15 1 mille hommes pour les placer entre Comèpiégne, Senlis et Soilfons. 2°« d'étendre ;le commandement de M. de Rocham» Ibeau de la Flandre jusqu'en Alface. 3°«e nommer une commiflion d'Officiers lid'Artillerie et du Génie pour vifiter les Iplaces frontiéres. 4°- de nommer des Icommirfaires pris dans le fein de 1'aifeniIblée pour furveiller 1'éxécution de ces Imefures, prelfer le recouvrement des jimpots, et diriger le patriotisme des apeuples vers le falut de 1'empire. Un moyen de s'alfurer le ifuifrage du peuple étoit de AP°thW< t . ,r 1 , dePoltairh Ilui prelenter de tems a autre 1de ces fpedacles pompeux, qui en frapIpant fon imagination et fatisfaifant moimentanément fes gouts, puffent lui fai|re oublier fa miiére et 1'abime qui fe Icreufoit fous fes pas. L'alfemblée profi^ta du Decret, qui ordonnoit que les cen- dres  I Q O HISTOIRE ET ANECDOTES dres de Voltaire feroient transférées ai Paris, pour fixer les préparatifs de cet apothéofe a 1'époque de la Fédération, et préfenter ainfi un nouveau genre d'admiration et de plaifir, aux citoyens de; la capitale et des Départements voifins. Rien ne fut épargné pour rendre cette; fète auffi brillante que pompéufe. Le io. Juillet un détacefte'Fête. cnement de la Garde Nationale de Paris partit pour 1'abbaye de Selliéres, oü Voltaire avoit été inhumé. Les talents et le gout s'étoient difputés 1'avantage de décorer le diar et le Sarcophage, qui devoient fervir a ce transport. Le corps paifa la nuit fur le terrein de la Baftille, qu'on avoit nivellé et orné de Feuillages, de Guirlandes et de Fleurs. On avoit conftruit un are de triomphe d'après les plus belles proportions; des inferiptions artiltement choifies pour infpirer de 1'horreur contre le defpotisme environnoient ce monument. Le lendemain toute la Garde Nationale, une Députa- tion  E DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. IQI jtion de 1'aflèmblée Nationale, les Mijniftres, les corps adminiftratifs et muniIcipaux, les membres des différents Clubs jprécédés d'une mufique nombreufe fe rendirent fur le terrein de la Baffille. Un nouveau char de triomphe, dans le genre de ceux des romains, attellé de chevaux équipés de la même maniére, efcorté de nombreux détachements de troupes vètus a la romaine, étoit deftiné a transporter le corps a Ste. Geneviéve. Les buftes de Voltaire, de Rouffeau, deFranklin, de Mirabeau, de Defilles étoient portés par des Gardes-Suiffes et fuivis de la Statue de Voltaire faite par Houdon. Les Eléves des Ecoles de peinture et fculpture accompaIgnoient ces Chefs - d'oeuvre de Tart. iAudeffous du Sarcophage s'élevoit une lefpêce de lit de parade manifiquement iomé , oü on voyoit la figure de Vollitaire en cire couronnée par la renomImée. Sur le devant du char étoient jides muficiens et adrices de 1'opéra, qui ijl«hantoient des -ftymnes a fa louange. Des  1QZ HISTOIRE ET ANECDOTES Des jeunes filles de la plus charmante figure bruloient des parphums dans deS vafes de forme antique. Le char étoit orné de plufieurs infcriptions. On diftinguoit particuliérement celle-ci : il vengeaCalas, Sirven et Monbailly: poëte, philofophe, hiftorien, il a fait prendre un grand eflbr a 1'efprit humain, et nous a préparés a devenir libres." Le char s'arrêta trois fois, en premier lieu devant 1'opéra, enfuite a la porte de la comédie Italienne et enfin devant 1'Hotel du Marquis de Villette, a qui Voltaire avoit légué fon coeur. La faqade de Motel étoit ornée avec gout. On y lifoit 1'infcription : „ Son efprit eft partout, fon coeur eft ici.„ De jeunes et jolies femmes tenant a la main des branches de chêne étoient placées fur une eftrade. On diftinguoit parmi elle Mad. de Villette, qui avoit été élevée chez Voltaire. Les filles de Calas étoient a fes cótés. Le cortége fe rnit enfuite en mouvement pour 1'eglife de St. Geneviéve, oü on plaqa les reltes de  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 193 de Voltaire a cöté du Corps de MiraIbeau. Le ciel ne feconda pas les apIprêts de cette fête. II plut abondamIment toute la journée. Les Parifiens lenyvrés de joye oubliérent ce contreItemps et fe trouvérent heureux d'avoir Irendu des honneurs a un des principauX Jmoteurs de la Révolution. Les gens fenIfés gémirfoient de voir divinifer Papótre Ide 1'incrédulité et facrifier tles fommes limmenfes póur ce ridicule apothéofe. L'anniverfaire de la prife de la BaIftille fe célébra a Paris, fans qu'il arriIvat aucun événement finiltre. II n'en •fut pas de mème dans beaucoup de déipartements. Plufieurs particuliers, qu'on Ifuppofoit partifans du Roi et de Panelen Irégime , furent infultés, pourfuivis oü imalfacrés par les Gardes - Nationales: Iqueiques chateaux furent pillés et inIcendiés et ces exces, fuivant Pufage, Ireftérent impunis. En Angleterre Pépoque de la FédéIration attira des désagrements encore plus Ifacheux aux partifans de la Révolution XIV. Sett.I. N Fran-  194 HISTOIRE ET ANECDOTES Lis farti- Franqoife. On auroit de la fans de la peine a fe perfuader que, Révolution , -vt . • i i • i Francoife chez une Natlon eclairee, qui éprouvent jouit d'une des plus heureu- des desagre- fes conftitUÜOIlS , Ü fe füt ments en , . „ . Acutere. trouve des eipnts aflez ïnquiets et turbulents pour témoigner hautement leur fatisfaélion des fuccés de la Révolution Franqoife. II étoit encore plus étonnant qu'on put compter parmi ces fannatiques des gens inftruits et éclairés, tels que MM. Fox, Schéridan, Taylor et le docteur Prieftley. Comment pouvoient-ils approuver les progrés d'une Révolution, dont tous les pas étoient marqués par des traces de fang, et qui, au lieu de faire jouir les peuples de la douceur d'un bon Gouvernement fondé fur des principes de juftice et de liberté, n'avoit appris aux hommes a connoitre leurs forces que pour les rendre femblables a des bètes féroces, qui dévorent indiftinctement et celui qui les enchaine, et les ètres timides, qui cherchent a échaper a leur dent  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. IQ5 dent cruelle? Ces propagandiftes approuvoient donc le malfacre des nobles, la captivité du Souverain, le vol, la rapine et les incendies, qui fe corrïmettoient en france avec impumté. On eft porté a le croire, puisqu'a Londres une Société nombreufe des amis de la conftitution frrancoife fe réunit le 14. Juillet pour célébrer 1'anniverfaire de la conquête de la liberté. Les premiers toafts qui furent portés étoient les droits del'homme, la Nation, Ia loi, etleRoi, la Révolution de France , et puilfe la liberté ne périr jamais. Après le repas une foule de peuple fe raffembla devant la Taverne, de 1'ancre et de la couronne. On crioit hautement : Vive la' Conftitution Franqoife. Les particuliers, qui avoient des maifons dans le voilinage, furent obligés d'en illuminer la faqade, et on caffa les fenêtres de ceux , qui n'obéiflbient pas alfez | promptement ace commandement. Mais j pendant qu'une partie du peuple commettoit ces excés, des amis de la ConN ij ftitu-  Jö6 HISTOIRE ET ANECDOTES ftitution Angloife fe raffemblérent d'un autre cóté, diflipérent 1'attroupement, forcérent les portes de la taverne , en arrachérent les partifans de la Révolution Franqoife, qui n'avoient pas eu la prudence de s'enfuir et les renvoyérent chez eux emportant des ftigmates de cette fublime liberté, dont ils étoient les apötres. A Bermingham ville du Troubks a Comté de Warwick renommée Bermwg- ^ ^ manufadures, la fureur du peuple fe déchaina d'une maniére encore plus violente contre les amis de la Révolution Franqoife. Sa haine contre ces novateurs fut encore envenincée par la différence de Reli- , gion, la plupart d'entre eux fe trou- . vant être des non-conformiifes. De riches négotians de cette ville de la fede « presbytérienne s'étoient réunis le 14. Juillet avec quelques Savans parmi lesquels on diftinguoit le dodeur Priefiley Miniftre de cette Religion, et un des I plus célébres chimiftes et naturaliftes de 1'Eu-  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 197 TEurope. Dans le moment oü les convives fe livroient a la joye et célébrojient par des toafts réitérés le bonheur et la profpérité de la Nation Franqoife, un amas de peuple et d'ouvriers fe porta a la taverne de Temple-Row oü ils étoient affemblés. En un inftant les portes et les fenêtres furent enfoncées et Ibrilees, les meubles jettés dans la ruë. Le peuple fe porta enfuite a 1'eglife neuve des presbitériens. Tout ce qu'elle contenoit fut brifé et réduit en poudre, le feu mis a la cbarpente et la maqonnerie démolie en moins d'une heure, la vieille églife des presbytenens fubit le mème fort pendant la nuit. Le peuple attaqua enfuite avec le même acharnement les maifons des principaux difliidens. Celle de M. Prieftley a Fairhill fut rafée de fond La maifon en comble. Ses Livres, fes £.^'JJ Manufcrits, fes Inftruments de dtvajlée. Iphifique, fon apparat de Chy|mie furent détruits en un inftant. L'haJbitation fuperbe de M. Ryland, oü étoit N iij cy  198 HISTOIRE ET ANECDOTES cy devant la célébre imprimerie de il Baskerville fubit le mème fort que celle Ij de M. Priefiley, et pour en accélérer la ruine on y mit le feu. Au milieu i du pillage ceux qui étoient les plus atStifs ; s'étoient enyvrés dans les caves , au point que n'apercevant pas le danger, oü ils s'expofoient dans leur rage , les uns furent brul és avec les débris du batiment , les autres furent écrafés fous les ruines. Ce fut en vain que M. furm/du Hutton et le ricne banquier feupk. Taylor offrirent une ranqon pour fauver leurs propriétés, elle fut acceptée, mais leurs maifons n'en furent pas moins détruites. Ces exploits fe faifoient aux cris réitérés de: ! Dieufauve le Roi, vive Vêglife et le Roiy h bas les presbytériens, a bas tous les fauteurs de la Révolution Francoife, point ds faux droits de l'Homme, vive la Conftitu-* tion, point d'Olivier Cronvwel. Ces pré-i tendus deffenfeurs de la Conftitution ne fe bornérent pas a détruire les proprié- , tés  DE LA RÉVOLUTION FRANcOISE. 19 9 tés des presbytériens, le chateau de Mofely-hall apartenant a la Comtelfe Douairière de Carthampton, qui étoit de la Religion Anglicane et ne pouvoit être foupconnée de partialité pour la Révolution Francoife, fut pillé et détruit, ainfi que plufieurs autres maifos de plaifance dans le Comté de 'Warwick. Le dommage caufé par ces incendiaires fut ! eftimé 400,000. Livres Sterling. Au bout de quelques jours eet attroupement fut dilfipé par de nombreux détachements de troupes de ligne, et par les Soins et exhortations du Comte d'Aylésford Gouverneur ,Lieutenant. Les incendies et dévaftations comi mifes par le peuple Anglois étoient fans doute trés répréhenfibles , et tout arhi de 1'humanité doit plaindre ceux qui en I furent les victimes. On ne peut cepenj dant fe diflimuler que la plus grande partie de ceux, dont les poffeffions fui rent attaquées, ne füifent de zélés par: tifans de la Révolution Franqoife, et que, puisqu'ils n'avoient pas été révoltés des N iv hor-  HOO HISTOIRE ET ANECDOTES horreurs qu'elle avoit entrainées , ils ne méritoient pas pour eux-mèmes un trés grand intérèt. _ Le Doéteur Priefiley crut Lettre du , . , . , J Doéhur devoir eenre quelques jours Friefthy a après a fes concitoyens la let- fetjoucito, tre fuivante5 ou ü paroi(. in_ diquer que les désaftres, dont il fe plaint, avoient été autorifés ou tolérés par le parti miniftériel. Cette conjecture n'étoit peut ètre pas dépourvuë de fondement. Voici le texte de fa lettre. Mes cydevant concitoyens de la même ville et voifins, après avoir vécu onze ans avec vous , durant lesquels vous avez eu une experience uniforme de ma -conduite pacifique dans mon application aux études tranquilles de ma profeffion et a celles de la philofophie, j'étois loin de m'attendre aux torts perfonnels, que moi et mes amis nous avons récemment efTuyés' de votre part. Mais vous avez été féduits par les forties, que vous avez continuellement enten-  DE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. 201 entenduës contre les non-conformiftes, particuliérement contre les non-conformiftes unitaires, comme ennemis du Gouvernement aétuel dans 1'églife et dans 1'état. L'on vous a porté a confidérer tout le tort, que vous nous feriez, comme une chofe méritoire; et, n'ayant pas été mieux informés, l'on s'eft peu arrèté a la nature des moyens. Dés que la fin étoit bonne, vous avez cru que les moyens ne pouvoient être mauvais. Par les difcours des vos docleurs, et les déclamations de vos fupérieurs, en général, qui buvoient a notre perte et a notre damnation (ce qu'on eft trés bien informè avoir été leur coutume fréquente) votre fanatisme a été excité au plus haut point; et, rien n'ayant été dit pour modérer vos paftions, mais au contraire tout pour les enflammer, dela , fans aucune confidération de votre part ou de celle de vos do&eurs, qui auroient du être mieux jnftruits eux mèmes et vous avoir mieux enfeigné, vous avez été préparés a comN v met-  202 HISTOIRE ET ANECDOTES mettre toute forte d'outrages, dans dée oü vous étiez, que tout ce que vous pourriez faire pour nous infulter et nous endommager, tout. cela étoit utile pour maintenir le Gouvernement et particuliérement 1'églife. En nous ruinant l'on vous a engagés a penfer, que vous ren-. diez le fervice le plus eifentiel a dieu et a votre patrie. Heureufement, que le coeur d'un Anglois a le meurtre en horreur, et pour cette raifon, j'efpére, vous n'y avez pas penfé, quoique par les clameurs avec lesquelles on m'a demandé a 1'Hótel, il eft probable, que dans ce moment vous aviez deifein de faire quelque mauvais traitements a ma perfonne même. Mais quel eft le prix de la vie, lorsque tout a été fait pour la rendre malheureufe? Quoiqu'en bien des cas il y auroit plus de miféricorde a maffacrer les citoyens tout de bon, qu'a bruler leur maifon , je préfére néantmoins la fenfation , qu'ont faite fur moi le pillage •t la deftru&ion de tous mes biens, aux  DE LA RÉVOLUTION FRAN$OISE. 203 aux difpofitions de ceux, qui vous ont féduit. Vous avez détruit 1'apparat le plus vraiment précieux et utile d'inftrumens philofophiques , qu'aucun individu peut être dans ce pays, ou dans tout autre, ait jamais eu en fa poffeffion , et a Pufage duquel j'ai dépenfé annuellement de grolfes fommes, faus aucune vuë pécuniaire quelconque, faus aucun avantage, finon uniquement pour Pavancement des fciences, pour le bien de ma patrie et de 1'humanité. Vous avez détruit une bibliothéque adaptée et proportionnée a cet apparat, qu'aucun argent ne fauroit m'acheter de nouveau, finon dans un long efpace de tems: mais, ce que je reffens bien davantage, c'eft que vous avez detruit les manufcrits, qui avoient été le réfultat d'une étude laborieufe pendant une longue fuite d'années, et que jamais je ne ferai plus en état de compofer de nouveau; et cela s'eft fait a un homme, qui ne vous a jamais fait ni penfé a vous faire le moindre mal au monde. Je  204 HISTOIRE ET ANECDOTES Je n'ai pas eu plus de connoiffance que vous du billet d'avertirfement, qui vous a mis en fi grande fureur; je n'en fais pas plus qu'aucun de vous; et je le désaprouve autant que vous; quoique q'ait été le reffort oftenfible pour faire infiniment plus de mal qu'aucune chofe de cette nature ne pouvoit naturellement en caufer. A la célébration de la Révolution Franqoife, a laquelle je n'ai pas affifté, la Compagnie s'affembla uniquement pour cette occafion ; elle ne s'occupa que d'exprimer fa joye de fémancipation d'une Nation voifine, qui s'eft délivrée de la tyrannie, lans faire paroitre le defir de rien de plus que d'apporter a notre propre Conftitution telle améiioration, que tous les citoyens intelligens, quelle que foit leur croyance, ont longtemps fouhaitée. Et, quoiqu'en réponfe aux calomnies groffiéres et non provoquées de M. Madan et d'autres, j'aye publiquement deffendu mes principes comme non-conformifte, ce n'a été uniquement qu'a vee des  DE LA RÉVOLUTION FRANQOISE. 305 I des argumens fimples et modérés, et parI faitement fans aigreur. Nous fommes [trop bien inftruit de 1'éfprit de douceur I et de patience, qui caractérife le chriftiaI nisme , pour que nous ayons jamais I penfé a avoir recours a la violence; et I croyez-vous que des procédés'de la na-' Iture de ceux, que vous venez de tenir envers nous, foient une efpèce de recommandation pour préférer vos principes aux notres ? Vous vous trompez encore plus fort, fi vous imaginez que cette conduite de votre part tende en aucune facon a fervir votre caufe ou a faire tort a la notre. II n'y a que la raifon et le raifonnement, qui puiffent jamais appouyer aucun fyftéme de Religion. Répondez a nos argumens, c'eft ce que vous devez faire: mais d'avoir recours a la violence , c'eft feulement une preuve , que vous n'avez rien de mieux a produire. Quand même vous m'auriez détruit moi-même, comme vous avez détruit ma maifon , ma bibliothéque et mon apparat, dix autres perfon- nes  306 HISTOIRE ET ANECDOTES nes d'un courage, d'une habileté égale ou fupérieure a la mienne, fe feroient; élevées dans 1'inftant. Si ces dix encore étoient détruits, il en auroit paru une centaine; et croyez moi, 1'Eglife Anglicane , dont vous penfez a préfent avoir été les deffenfeurs, a recu par cette conduite de votre part un coup plus fenfible, que moi ou mes amis nous ayons jamais voulu lui en porter. D'ailleurs, de maltraiter ceux, qui n'ont aucun pouvoir pour réfifter, c'eft une adion aufli lache que brutale, indigne furtout d'Anglois, pour ne pas dire de chrétiens, puisque la Religion chrétienne nous apprend a faire a autrui ce que nous voudrions qui nous fut fait a nous-mèmes. Dans cette affaire nous fommes les agneaux , vous les loups. Nous conferverons notre caradére; nous efpérons que vous changerez le votre. En tout cas nous vous rendons bénédidions pour malédidions; et nous fai-j fons des priéres, pour que vous retourniez bientöt a ces occupations induftriéu- fes,  DE LA RÉVOLUTION FRAN£OISE. 207 fes, a ce genre de vie raifonnabJe, qui ont ci-devant diftingué les habitans de Birmigham. Je fuis celui qui fais pour vous les voeux les plus fincéres. Londresle 19. Juillkt 1791. (Signé) J. Priefiley. L'impudence des folliculaires et des jdurnaliftes fou- /j^"/^ doyés par le parti républicain /„;,-«. let la faétion d'Orléans devint extréme a 1'époquè de l'arreftation du iRoi. Les feuilles de Marat, de Martel, celles d'Hébert connu fous lè nom de Peré Duchésne provoquoient hautement |au meurtre et au carnage. Non feulement ils vomuToient les horreurs les plus latroces contre le monarque et fa familie, mais auffi contre une grande partie jides députés. Les noms de la Fayette liet de Bailly étoient accompagnés des ||Epithétes de traitre, de parjure, de fcéilérat; ceux qui avoient été regardés jus■iqu'alors corume les deffenleurs les plus zélés  20S HISTOIRE ET ANECDOTES zélés des droits du peuple MM. Barnave Lameth, Duport étoient indiqués comme des hypocrites vendus au parti de la Cour. Les motions les plus incendiaires étoient accueillies aux Clubs des Cordeliers et des Jacobins, et fe renouvelloient dans les promenades publiques pour connoitre 1'opinion du peuple. On .parloit hautement de 1'abolition de la Royauté, comme de la feule mefure qui put fauver la France. On doit obferver cependant que cette propofition n'étoit étayée que par quelques fadieux dans le fein de la Capitale. Les adrelfes innombrables qui arrivoient de tous les départements n'en faifoient aucune mention, ce qui prouve que la trés grande majorité des Franqois défiroit maintenir le Gouvernement monarchique. On fut furpris de voir Ouvrage ie r , r , . Coni-rcet. Paroltre iur la icene quelques écrivains célébres, qui jusqu'alors avoient été ftipendiés par les fouverains et devoient être regardés comme  PE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 200 me partifans du defpotisme vu les avan-, tages dont ils jouilfoient précédemment. Le marquis de Condorcet qui avoit obtenu des penfions eonfidérables, qui étoit membre de 1'Académie Franqoife et Secretaire perpétuel de celle des fciences fit paroitre un écrit intitulé: de la république, ou un Roi eft-il néceffaire a la confervation de la liberté II effayoit (*) Le M;s- de Condorcet eft un gentilhomme du Comtat Venaiffin, fon nom «ft Caritat. Né fans aucune fortune il chercha a s'en procurer par toutes fortes de moyens. Son caraftére impaffible lui donnoit la facilité de ne s'occuper que de ce feul objet. II n'avoit d'autre paflion qu'une ambition démefurée et il y facrifioit toutes les autres jouiffances. Le Mis. de Condorcet eft le plus froid Lgoïfte qui exifte et fes produ&ions fe reuentent de la trempe de fon caradére. II écrit purement et avec gra- . ce. Mais on ne trouve ni cette fenfibilité, ni cette chaleur, que d'autres auteurs favent répandre dans leurs ouvrages. Devenu membre de la convention na- T.W. Sttt.l O tiona-  210 HISTOIRE ET ANECDOTES effayoit de prouver dans cette brochure que la france pouvoit fe paifer de la perfonne du Roi, et que la vraye forme de Gouvernement, qui convint a fes intéréts et a fa pofition, étoit le Gouvernement républicain. Le mème Condorcet dans Verjatüité facorrefpondance avec le grand de fes Ofi- _ , ,. , , 5 nions. rrederic avoit enonce une opi- nion abfblument différente: il avoit écrit en faveur du fiftême d'adminiftration des finances par M. de Calonne: il avoit baifement adulé et encenfé les Briénne pendant leur miniftére, et le Baron de Breteuil lorsqu'il fut requ a 1'Académie Franqoife: il avoit déclamé contre la liberté de la prelfe et les Jacobins : mais un motif d'orgueil et d'ambition dirigeoit fa plume vénale. L'alfemblée nationale avoit décrété que tionale le Mis- de Condorcet a fini par être mis hor3 la loi. On 1'a accufé, d'avoir fait maiTacrer le Duc de la *Rochefoucauld fon bienfaitenr pour fe dabaraffer du poids de la reconnoiflauce.  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 2 11 que le Dauphin feroit féparé du Roi et elle devoit lui choifir un Gouverneur. Le nom de Condorcet fe trouvoit dans la lifte des 92. Candidats qui avoient •été propofés et il eipéroit en ménageant tous !es partis par fes intrigues et fes barfefles éliminer les prétentions de les nombreux concurrents. Le doéteur Payne, dont , -, , Le Dot-leur les ecnts avoient quelque re- Payn^ putation, mais dont le caractére infpiroit le plus fouverain mépris par la facilité avec laquelle il vendoit fa plume a tous les partis , arriva a cette époque a Paris. II fit afficher peu aprés ■un écrit, qui contenoit diverfes queftions rélativement au départ du Roi et k la forme de Gouvernement, qui conve-noit a la France. Rien ne fut épargné dans ce libelle pour avilir la perfonne du Roi, et faire fentir la néceflité de Pabolition de la Monarchie. Le Do&eur Payne, qui comme tous les gens de fon efpèce étoit lache et timide, n'ofa cependant pas figner cette affiche. II era. O ij prun-  2 12 HISTOIRE ET ANECDOTES prunta le nom d'Achilles du Chatelet Colonel d'un Régiment de chafleurs, qui partagea avec lui la honte de cette méprifable production. Jusqu'a 1'époque du 13. Rapport des JujUet l'aflèmblée nationale n'a- diff'erents co- . n / r , müês fur le volt encore nen uatue lur le fort du Roi. fort du Roi. La france entiére attendoit avec inquiétude la décifion qu'elle devoit prononcer, et les efprits étoient trop agités pour qu'on pilt la différer. M. Muguet de Nanthoux au nom des comités diplomatique, militaire, de Conftitution, de Révifion, de Jurisprudence criminelle, des rapports et des recherches commenca fon rapport le 13. Juillet a midi. Après avoir détaillé les événements rélatifs au départ et a . 1'arreftation du Roi, le rapporteur entreprit 1'examen des différentes queftions,, que ces événements pouvoient faire naitre. Avant d'éxaminer, dit-il, quels délits ont été commis et d'en rechercher les coupables, il faut s'occuper d'une grande  ; DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 213 1 grande queftion: le Roi peut-il ètre mis len caufe pour le fait de fon évafion? 1 En vous rémirfuit pour donner une Con[ftitutioh a 1'empire, vous avez examiné i quel étoit le Gouvernement, qui convenoit davantage au Royaume, et vous i avez adopté le Gouvernement monarchiique comme le plus propre a aifurer le ibonheur du peuple et la profpérité de j l'état. C'eft pour la Nation et non pour le Roi, que vous avez décrété le Goui vernement monarchique et 1'hérédité du jjTröne. Ce n'eft pas pour le monar«ique ni par une idolatrie politique que 1'inviolabilité eft devenuë, non le privilege de la perfonne du Roi, mais Fattribut néceifaire du pouvoir. Les fonöions du Roi font inféparables de fa perfonne; il n'eft pas un citoyen, mais il eft a lui feul un pouvoir. Si ce pouvoir n'etoit pas indépéndant, il feroit bien. I tót détruit par celui de qui il dépendroit. Cette inviolabilité de la perfonne eft imodérée, dans fes effets, par la refponfabilité des agens; fi le Roi agit perO üj  114 HISTOIRE ET ANECDOTES fonnellement, la loi fuppofe qu'il a recu des confeils, et c'eft non contre la perfonne, mais contre les confeillers, qu'il faut diriger 1'accufation. La crainte de 1'exercice de cette refponfabilité contre les perfonnes tjui entourent le Roi, lui óte les moyens de faire le mal, et lui allure celui de faire le bien. Sans 1'inviolabilité le Roi pourroit être traduit par-devant les tribunaux pour desadions, qui ne feroient pas des délits; la vérité ne fe reconnoit que par la procédure; et la dignité du pouvoir exécutif fe trouveroit ainfi fans celfe évidemment altérée. II feroit poffible cependant que le Roi fe portat a des ades coupables; alors la loi le fuppoferoit en démence, et on lui donneroit un Régent. Mais 1'évafion du Roi eft-elle un délit? Cette queftion fe réfout encore par vos décrets. L'art. III. du Decret du 2 8. Mars 1791. porte: le Roi, premier fondionnaire public , doit avoir fa réfïdence a zo. lieuè's au plus de 1'arfemblée Nationale, lorsqu'elle eft réunie. L'art. IV. eft \  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 2 I 5 I eft ainfi conqu: Si le Roi fo.rI toit du Royaume , et fi, après opinun des avoir été invité par une Pro- co,niti{ 1 „ / • , • r tdttfs a I tn- I clamation du Corps legislatu, ^mmm I il ne rentroit pas en France., du Rai, I il feroit cenfé avoir abdiqué I la Royautéj or, fi le Roi fïit arrivé k I Montmédy , et qu'il y fut refté, vous J deviez lui repréfenter qu'il étoit a plus t de 20 lieuè's de 1'aiTemblée Nationale; | s'il avoit pail'é la frontiére, vous deviez I faire la proclamation , que porte 1'Art. I IV. la Conftitution fans doute n'a pas | pu prévoir encore tous les cas de déI fhéance ; mais vous ne pouvez établir | de jugement que fur les loix exiftentes. I Vous en aurez de nouvelles a porter; I mais elles ne font pas faites. Le Roi I fans doute ne devoit pas fe féparer de j vous; 1'affemblée s'étoit déclarée infépa| rable du Roi; cette confiance devoit exi citer la fienne ; et il eut du vous pré| venir de fes projets: mais a-t-il pour 1 cela commis un délit ? C'eft ce qu'il I faut examiner. Ce n'eft pas au nom O iT de  Sl6 HISTOÏRE ET ANECDOTES de la loi, mais fimplement au nom de 1'intérèt du peuple, que les Corps adminiftratifs ont p'rié le Roi le 18. Avril dernier de ne pas s'éloigner de la Capitale: le Roi étoit libre: vous 1'avez reconnu mille fois. Quant a fa déclaration laiffée au moment de fon départ a 1'intendant de fa lifte-civile, je n'examinerai pas, fi elle vous étoit deftinée; et fi, n'etant pas contre fignée, elle peut devenir 1'objet de votre déliberation: mais, par la difculfion que le Roi y fait de la Conftitution, il ne renonce pas k 1'autorité qu'elle lui deftine. D'ailleurs la Conftitution n'étoit pas achevée. Ces acceptations partielles, contre lesquelles il protefte, n'étoient pas néceifaires au corps conftituant. Lorsque 1'adte conftitutionnel parfait fera préfenté au Roi, e'eft alors que, libre de refufer la Conftitution, s'il 1'accepte, elle le liera d'une manière invariable, falfemblée a reconnu cette Théorie, en déclarant le ai. Juin, que la Sanélion n'étoit pas néeeifaire a 1'exécution des Décrets. Ainfi il  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 217 il n'y a pas de délit; et, quand mème il y en auroit, 1'inviolabilité ne permet-s troit pas que le Roi fut mis en caufe. Après avoir ainfi expoië 1'opinion des Comités fur ce Détails rel». qui concernoit la perfonne du jfejg^ Roi, le raporteur entra dans ltt fuite du les détails de la confpiration Roi. ourdie par M. de Kouillé. Tous les faits prouvent, dit-il, que, fi 1'intention du Roi étoit en effet de refter a Montmédy, le Général Bouillé et fes complices préparoient 1'éxécution de projets coupables, en abufant de la confiance du Roi, comme ce Général avoit abufé de celle de la Nation. Maitre de la perfonne du Roi, croyant avoir en fa difpofition une grande partie de 1'armée Franqoife , voulant ranimer les efpérances du ci - devant Clergè et de la ci - devant Nobleffe , il efpéroit rak fembler un aifez grand nombre de traitres , pour opprimer la liberté de fon pays. Tel étoit le plan conqu avec tant d'audace et de moyens, et exécuté avec O v tant  213 HISTOIRE ET ANECDOTES faut de foibleffe. C'eft donc contre M. de Bouillé et fes complices, que 1'accufation doit fe diriger. Son crime eft certain , il 1'avoue, il le caractérife. II a voulu renverfer la Conftitution et foülever contre la France les puiifances étrangéres. C'eft donc a la haute-courNationale provifoire qu'il doit être traduit ; et c'eft vous , vengeurs de la Nation outragée, qui devez le traduire a ce tribunal. II avoit fait ferment a la Nation, mais en le prononqant il juroit déja d'y manquer : il a exécuté des ordres non - contre - fignés par les Miniftres: ne pouvant féduire un Régiment il a elfayé de le corrompre par de 1'argent. A peine retiré fur les terres étrangéres, il a calomnié les princes qui 1'environnoient, et par de faut fes efpérances il a provoqué les Soldats a la défertion. Un tel projet doit avoir des complices. II- paroit que ceux du Général Bouillé font MM. Klinglin, Heymann, d'Offelife, Desoteux et Gaugelas. Les comités penfent qu'ils doivent  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 219 vent être également accufes et traduits devant la haute-cour-nationale, Après avoir parlé en détail de la eomplicité de ces cinq Officiers, dont les trois premiers commandoient fous M. de Bouillé, et les deux derniers étoient fes aides-de Camp, M. Muguet de Nantoux s'étendit fur les perfonnes, contre lesquelles s'élévoient des foupqons fondés , et qui en conféquence devoient être tenues en état d'arreftation, ainll qu'elles y etoient déja pour la plupart. C'étoit MM. de Damas, choifeul-Stainville, Valcourt, d'Andouins et Bouillé Fils: ce dernier étoit en fuite. Dans le mème cas d'arreftation devoient ètre également trois Officiers du Régiment Royal- allemand MM, Mandei, Maraffin et Talon, ainfi que MM. Floriac, Remi, Lacour et Joinville auffi Officiers de divers gradeS, et enfin M. de Briges Ecuyer du Roi, arrèté a Chalons et allant, difoit-il, a Metz. Quand a M. de Ferfen.Colonel du Régiment Royal-Suédois, reprit le rapporteur, et aux au-  220 HISTOIRE ET AtfECDOTES tres perlbnnes, qui ont accompagné le Roi, plufieurs déclarations alTurent que ledit Colonel a fait faire la voiture, dans laquelle s'eft effectué le voyage de fa Majefté, et qu'on a pris chezlui le cabriolet, qui a fervi aux deux femmes de chambre : fon départ fubit, fon déménagement fait a Valenciennes, oü fon Régiment étoit en garnifon; fes efforts pour engager fes Soldats a la défertionj les indices tirès de fes lettres, oü il annonce , qu'il eft occupé d'une grande entreprife, ont fait penfer qu'il devoit *tre compris, avec M. de Bouillé et les autres complices , dans 1'accufation, qui fera portée a la haute - cour-natioriale. Sans doute, d'après le decret du 26. Juin, par lequel vous avez donné une Garde au Roi pour la Sureté de ft perfonne, ceux qui favoriferoient maintenant fon départ feroient coupables, ear ils contribueroient a empêcher 1'effet de vos Décrets: mais avant ce moment le Roi étoit libre , il pouvoit partir. MM. Maldent, Valory et Dumontier n'avo-  I)E LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 2,21 n'avoient jamais parlé au Roi; donc ils avoient été indiqués par les chefs de 1'entreprife, par le Général Bouillé: leur complicité n'eft pas prouvée, mais de terribles foupcons les inveftilfent, et les comités penferrt, qu'il y a lieu a porter aGcufation contre eux, et a les traduire a la haute-cour-nationale. Quant a Madame de ïourzel, refponfable au Roi et a la Nation, elle n'a pas dü expofer le fort du Dauphin au hazard d'un voyage , dont elle nauroit pas connu le but. Le Serment, qu'elle a prêté au Roi, I'a été comme au repréfentant de la Nation, a laquelle cet enfant apartient. Dépofitaire de ce gage précieux pouvoit-elle compromettre ainfi 1'intérét de 1'etat? Mais celui qui a demandé cet enfant étoit un père, c'étoit le Roi; elle ne recevoit d'ordre que de lui} vous n'aviez encore rien décrété fur 1'héritier préfomptif du Tröne; elle avoit juré de ne pas s'en féparer ; elle ne favoit rien du projet qu'on avoit forméj Yoila fa déffenfe. Les comités peufent. qu'elle,  222 HISTOIRS ET ANECDOTES qu'elle n'eft point exempte defoupqons, et qu'elle doit refter en état d'arreftattori, jusqu'a ce que le tribunal d'ar- : rondiffement chargé de 1'information ait j terminé fa procédure. A 1'égard des Da» I mes Brunier et Neuville, femmes de Chambre , leur état de domefticité ne leur permettoit pas d'avoir une volontéj elles doivent ètre remifes en liberté. Vos comités ont donc penfé, que la fuite du Roi n'eft pas un délit conftitutionriel; que d'ailleurs 1'inviolabilité ne permet pas de le mettre en caufe 5 mais que M. de Bouillé et fes complices doiveilt ètre envoyés comme coupables de haute trahifon a la haute-cour-nationale provifoire , en confequence de ces . conclufions M. le rapporteur lut le projet de Decret fuivant. L'aifemblée nationale, aProjet ie Ng avojr oui fes comités etc. Décret. , décréte, qu'attendu qu'il refulte du rapport, qui lui a été fait, que j Louis - Franqois-amour Bouillé a conqu le pro jet de renverfer la Conftitution * qu'a  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISË. 223 qu'a cet effet ü a formé un parti dans le Royaume; qu'il a exécuté des or- ! dres non contre-fignés; qu'il a follicité l les puiifances voifines a prendre les arr 1 mes contre la france etc. io. Qu'il y a lieu a accufatlon con- I tre ledit Bouillé, fes fauteurs, compii, ces et adhérens, que le procés leur fera jfait et parfait, et a cet effet les piéces, jointes au rapport, adreifées au juge faifant les fondions d'accufiteur .public prés la haute-cour-nationale provifoite. 20« qu'attendu qu'il réfulte également du rapport que MM. Heimann, Klinglin, d'Olfelife, Desoteux, Gaugelas, Damas, Choifeul-Stainville, d'Andouins , Valcourt, Mandel, Marallin, Talon, Bouillé Fils, Ferfen, Maldent, Valory et Dumontier font foupconnès d'avoir eu connoiffance du Complot, et d'avoir eu en vuë de le favorifer, lo I procés leur fera fait' et parfait. ?°' que les perfonnes ci-deffus démommées, qui font ou feront arrêtées, feront  2 2 Of HISTOIRK ET ANECDOTES feront conduites dans les prifons de la ville d'Orléans. 4«« que MM. Floriac, Remi, la Cour, Joinville, Bridge et Madame de j Tourzei refteront en arreftation pour ètre, après les informations, ftatué ce j qu'il appartiendra. 5 o- que les Dames Brunier et Neuville , femmes de chambre du Dauphin et de la fille du Roi, feront mifes en liberté. Ce projet de Decret or> Gr™is cafionna des difcuflions qui fe débats. v ^ prolongèrent pendant deux jours. La fadion républicaine employa tous les moyens polfibles pour forcer les opinions. Les galleries étoient remplies de leur adhérents et les Thuileries de peuple , qui cernoit 1'arfemblée et me* naqoit ceux dont on connoilfoit 1'attache,ment a la perfonne du Souverain ou le defir de maintenir la Monarchie. La Municipalité fut obligée d'ordonner que j l'aflèmblée auroit une doublé Garde, et on fit même avancer du canon pour 1 écarter  I DE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. 225 écarter la foule indifcrète. Ces précautions firent que les délibérations ne furent troublées que par les fpe&ateurs qui occupoient les tribunes. MM. Roberspierre et Péthion prononcérent de trés longs difcours pour prouver que la perfonne du Roi n'étoit point inviolable et qu'il devoit être mis en caufe et jugé. MM. Prieur et Vadier furpaflerent encore Pinfolence Motiomin. r , . folentes d% des deux premiers orateurs: flafuurt Le dernier fe permit d'appel- défutés. Ier Louis XVI. un brigand couronne et conclut par dire qu'il falloit nommer une convention nationale pour wrononcer fur la décbéance que Louis XVI. lavoit encourue' (*). Les membres les plus diftingués du cóté gauche, dont les opinions étoient (*) On voit que dés cette époque la faction républicaine efpéroit faire anéantir jusqu'au nom de Roi et que le projet de Convocation d'une Convention Nationale exécuté en 1792^. exiftoit déja en 1791. T.IV.Seü.L P  326 HISTOIRE ET ANECDOTES ient modérées et qui fentoient qu'un Gouvernement démocratique ne pouvoit convenir a un grand Etat comme la Fran- j ce, parurent a la tribune. On diüMn-I gua les difcours de MM. Barnave, d'André, Alexandre Lnmeth et de Liancourt, qui tendoient tous a maintenir 1'inviolafcilité de la perfonne du Roi et la fo'rme du Gouvernement monarchique. Ils furent fréquemment interrompus par les ; huées des tribunes , mais ils maintinrent leurs opinions avec autant de dignité que de formeté. ' M. Barnave en apoftrophant les galleries prononqa ces paroles remarquables: "ne nous laifTons \ pas influencer par les fpeclateurs et par les menées de quelques écrivains peut être ftipendiés, la loi n'a qu'a placer fon 1 lignal et on verra tous les' bons citoyens s'y rallier.,, Les principales objections des adverfaires du projet de de- I cret propofé par le rapporteurs des comités portoient fur les dangers qu'on pouvoit redouter de la part d'un Roi, qui avoit perdu la confiance de la Na- * tion.  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 237 tion. M. Salles dans un difcours, qui parut réunir tous. * les fufïrages, leva cette diffi- M.Salks, culté, et propofa trois articles qui furent décrétés et qui portoient en fubftance. 1 °- qu'un Roi, qui fe met a la tète d'une force armee pour la tourner contre la Nation , fera cenfé avoir abdiquè, 2°« qu'un Roi, qui, après avoir prêté le ferment a la Conftitution, le révoqueroit, feroit cenfé avoir abdiquè la couronne. 3°- qu'un Roi, qui aura abdiquè, fera égal a un fimple citoyen, et reflera refponfable, comme tel, de tous les ades qu'il aura commis après fon abdication. La difficulté, qui fubliftoit rélativement a la conduite ultérieure a tenir avec le Roi, fut également. levée par M, Desmeunier, qui propofa i°' que le decret rendu dans la Séance du 21. Juin, qui fufpend 1'éxercice du pouvois exécutif, fubfilteroit tant que lade conftitutionnel n'auroit pas été préfenté et accepté purement et fimplement par le Roi. a°- que dans le P ij cas  22 8 HISTOIRE £T ANECDOTES cas oü le Roi actuél ou tout gpt/" ai~ autte n'accepteroit pas purement et fimplement cet acte, il feroit cenfé avoir renonce a la couronne et 1'alfemblée le déclareroit déchu duTróne, enfin après de longs débats 1'affemblée adopta le 15. Juillet a une trés grande majorité le projet de decret propofé par les fept comités, et décréta les Articies additionnels propofés par MM. Salles et Desmeuniers. Plufieurs députés firent paroitre a cette époque des proteftations ifolées contre la fufpenfion des pouPrvteflation voirs attribués au Roi' par la tT^T'f. Cén'ftfcuüwi, On diftinguoit ftmbUe. entr'autres celle de M. de Clermont-tonnerre, qui revenu des erreurs oü 1'avoient entrainé fon ambition, fon intérèt ou un zèle exagéré étoit devenu un des plus ardents deffenfeurs de la Monarchie. Mais ces réclamations partielles ne produifirent pas autant d'effet fur 1'éfprit du public, qu'un écrit figné par PAbbé Maury et 289.  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 22 9 289. membres du cóté droit, qui étoit conqu en ces termes: Nous députés foufïignès: trois mois fe font a peine éoulés depuis 1'époque, oü nous aw)iis fait connoitre a nos commettans nos réclarnations fur un decret, qui attaquoit 1'inviolabilitè de la perfonne du Roi. Le zèle, avec lequel il fut déffendu par plufieurs de nous a 1'époque du 28. Mars, la perfuafion, oü nous étions qu'il étoit impoifible de porter impunément atteinte a ce principe effentiel a toute Monarchie, ne font que trop juftifiés par les événements, qui fe paffent fous nos yeux, et par le fpedacle affligeant, dont nous avons la douleur d'ètre les témoins. Le Roi et la familie royale conduits prifonniers par 1'autorité des décrets de 1'aifemblée nationale ; le monarque gardé dans fon palais par des Soldats, qui ne font point a fes ordres; la familie Royale confiée a une Garde, fur laquelle le Roi n'a aucun pouvoir ; le droit de préfider a 1'éducation de 1'héritier préfomptif du P iij Trö-  Ï30 HISTOIRE ET ANECDOTES Tróne enlevê k celui qui, en qualité de pére et de Roi, avoit le droit le plus certain et 1'obligation la plus étroite de la diriger; enfin, le monarque, dont finviolabilité étoit prononcée, mê- I ine par la nouvelle conftitution, fufpendu par un decret de 1'exercice de fon autorité; voila le fpeöacle déchirant, fur lequel nous gémiifons avec tous les bons franqois; et voila les trop facileS et trop funeftes conféquences d'une première atteinte, portée a ce principe fondamental et facré. Et nous devons le dire, puisque rlous fommes réduits a rappeller le de- I cret même, contre lequel nous avons réclamé, et contre lequel nous récla- \ mons encore plus aujourd'hui, il n'eft aucune de ces mefures, qui ne fut profcrite d'avance par la Conftitution , au nom de laquelle elles font prifes. La perfonne facrée du Roi étoit déclarée inviolable : un feul cas avoit été prévu, oü, contre tous les principes eifentiels I a la Monarchie, on croyoit pouvoir faire ceifer  m DE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. 2 31 celfer cette inviolabilité. Ce cas mème n'elt pas arrivé ; et cependant le Rol eft trainé comme un criminel dans fa, capitale; on le conftituë prifonnier dans fon palais; on le dépouille de fa prérogative; ainfi, après avoir porté atteinté a 1'inviolabilité du Roi par les décrets, on les annulle pour achever de la détruire. Au milieu de ces outrages faits au monarque, a fon augufte familie , et dans leur perfonne a la Nation entiére, qu'eft devenuë la Monarchie ï Les décrets de 1'aifemblée Nationale ont réuni en elle le pouvoir royal tout entier. Le fceau de 1'état a été dépofé fur fon bureau: fes décrets font rendus exécutoires fans avoir befoin de Sancfion: elle donne des ordres directs a tous les agens du pouvoir executif; elle fait prèter en fon nom des ferments, dans lesquels les Franqois ne retrouvent plus même le nom de Roi; des commiffaires, qui ont requ leur miflion d'elle feule, parcourent les provinces, pour p iv rece-  33* HISTOIRE ET ANECDOTES recevoir le ferment qu'elle exige, et don- J «er des ordres a 1'armée. Ainfi, du moment oü 1'inviolabilité de la perfonne i du monarque a été anéantie , la Monarchie a été détruite; 1'apparence mê- \ me de la Royauté n'exifte plus; un intérim républicain lui eft fubftitué. Loin de tous ceux , qui connoiffent les regies de notre conduite (et nous ofons croire , qu'il eft bien peu dé franqois qui ne les apprécient) 1'idée que nous ayons pu concourir a ces décrets; ils contriftent nos ames, autant I qu'ils s'éloignent de nos principes. Jamais nous n'avons fenti avec plus de douleur la rigueur de nos devoirs; jamais nóus n'avons gémi davantage fur les fa- ' tales conféquences, que l'on tire de Ja miffion dont nous fommes chargés, que lorsqu'il nous a fallu refter les témoins d'aétes , qui n'étoiertt a nos yeux que des attentats coupables; que lorsque ceux de nous, qui font le plus fouvent notre organe , devenus timides pour la première fois, ont été forcés de fe con- damner  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 233 damner au filence , pour ne pas faire partager a une caufe facrée la défaveur, dont on a bien feu nous inveftir. Sans doute fi nous ne confultions que les régies communes; fi nous cédions a 1'horreur, que nous infpire ïik dée de laiffer croire , que nous approuvons par notre préience des décrets, auxquels nous fommes fi oppofés, nous fuirions fms retour ; nous nous féparerions fans héfiter d'une alfemblée , qui a pu rompre elle même avec les principes, qu'elle avoit été forcée de conferver : mais , dans des circonftances auifi étrangéres, ce ne font ni les regies communes, ni nos propres fentimens, que nous pouvons prendre pour bafe de notre conduite. Quand nos principes, quand notre honneur, peutêtre dans 1'opinion d'un grand nombre, nous font la loi de nous éloigner, des motifs plus impérieux encore nous prefcrivent un facrifke pénible , celui de refter a une place, oü nous confervons. 1'éfpérance d'empècher de plus grands. maux. P v Avant  234 HISTOIRE ET ANECDOTES Avant 1'époque désaftreufe oü nous fommes arrivés, nous pouvions dumoins embralfer le fantóme de la Monarchie; nous combattions fur fes débris; 1'efpoir de la conferver juftifioit notre conduite: aujourd'hui le dernier coup a été porté a la Monarchie: mais, au défaut de ce grand motif, des devoirs d'un autre ordre fe préfentent. Le monarque exifte; il eft captif; c'eft a 1'interrêt du Roi que nous devons nous rallier; c'eft pour lui, c'eft pour fa familie, c'eft pour le fang chéri des Bourbons, que nous devons refter au pofte, d'oü nous pouvons veil, Ier fur un dépot auffi précieux : nous la remplirons donc encore cette obligation facrée, qui feule doit être notre excufe; et nous prouverons par la, que dans nos coeurs le monarque et la Monarchie ne peuvent jamais être féparés 1'un de 1'autre. Mais, lorsque nous obéïrfons a ce prenant de voir, que nos commettans ne s'attendent plus a entendre notre voix fur un objet, qui y foit étranger. Lors-  DE LA RÉVOLUTION PRANCOïSË. 135 Lorsqu'un feul intérêt peut,nous forcer a Siéger auprès de ceux» qui ont élevé une république informe fur les débrits de la Monarchie, c'eft a ce feul intérêt que nous vous dénouons tout-entiers. Enfin, que nos commettans, dans les circonftances oü nous fommes, détournent leur regard de nous: Si, jusqu'au i moment oü nous fommes arrivés, nous i nous fommes fait une gloire de mar: cher les premiers dans la route que 1'honneur indiquoit , et pour eux et pour nous, notre pofltion nous impofe ! aujourd'hui des devoits, qui ne font que I pour nous feuls, Pour nous, il n'en eft plus d'autre que de faire triompher I la caufe facrée , qui nous eft confiéej i mais qu'ils apprennertt d'avance, que, quoiqu'il puilfe arriver, a quelques extrémités que nous puiftions être réduits» jamais rien n'efïacera de nos coeurs le : ferment inaltérable , qui nous lie irréi vocablement au monarque et a la monarchie. tVaprèg  536 HÏSTOIRE ET ANECDOTES D'après les confidérations cy-deffus, qui nous paroilfent appuyées fur l'intérèt vrai de la Nation , et fur 1'avantage éternel des peuples, effentiellement dépendant de la Monarchie, nous déclarons a tous les franqois: Qu'après nous être conftamment oppofés jusqu'a préfent a tous les décrets qui , en attaquant la royauté ou dans fon elfence , ou dans fes droits , ont préparé les peuples a recevoir ,• fans indignation, comme fans examen, les principes anti-monarchiques , que ces jours d'Anarchie ont vu éclorre: qu'après avoir deffendu jusqu'a ces derniers moments la Monarchie minée dans fes fondements , qu'après avoir vu confommer fon anéantilfement par les délibérations de 1'affemblée nationale: (car attaquer la perfonne du monarque, c'eft anéantir la Monarchie ; fufpendre la Monarchie, c'eft la détruire;) rien ne peut plus nous autorifer a prendre part a des délibérations, qui deviennent a nos yeux 9oupables d'un crime que nous ne voulons  I DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 237 lons point partager: mais que la Monarchie exiftant toujours dans la perfonne du monarque dont elle eft inféparable; que fes malheurs et ceux de fon Augufte Familie nous impofant une obligation plus étroite que jamais de nous raliier autour de fa perfonne, et de la defendre de 1'application des principes, que nous réprouvons ; nous plaqons notre unique honneur, notre devoir le plus facré, a derfendre de toutes nos forces, de tous notre amour pour le fang des Bourbons, de tout notre attachement aux principes, que nos commettans nous ont transmis, les intéréts du Roi et de la familie royale, et leurs droits imprefcriptibles: Qu'en conféquence nous continuerons, par le feul motif de ne point abandonner les intéréts de la perfonne du Roi et de la familie royale, d'affifter aux délibérations de 1'alfemblée Nationale ; mais que, ne pouvant ni avouer fes principes, ni reconnoitre la légalité de fes décrets, nous ne prendrons do- réna-  2 38 HISTOIRE ET ANECDOTES rénavant aucune part aux délibérations, qui n'auront pas pour objet les feuls intéréts , qui nous reftent a deffendre, Signé par 289. députés. La publicité de cette déclaration donna lien a un decret de 1'aifemblée par lequel elle ftatua , que tout député qui protefteroit individuellement ou colledivement contre fes décrets feroit déchu de fes fondions. La captivité du Roi depuis Dunté de £on retour dans la capitale h captivi- , , , , . ... té du Roi. av01t ete tres dure jusqu'a 1'epoque du decret qui le concernoit. Non feulement on 1'avoit fépa. ré de fa familie, non feulement on ne lui permettoit de voir et d'entretenir qui que ce fut, mais les Gardes - Nationales pouffoient la rigueur de leur Miniftére, jusqu'a fe placer dans fon appartement et au chevet de fon lit. Le 28. Juin les Ambalfa- Conduite des , t -rr > / Ambafadeurs. deurs ,des puiifances etrangeres s'étant préfentés fuivant 1'ufage pour faire leur Cour a S. M. on leur  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 339, leur refufa 1'éntrée du chateau des Thuileries. Ils écrivirent alors a M. de Montmorin que , jusqu'a ce qu'ils euflent requ de nouveaux ordres de leurs cours refpectives, ils fe difpenferoient de toutes Communications avec le département des affaires étrangéres, puisqu'ils étoient accrédités auprès de S. M. et non auprès de la Nation. Dans les premiers jours de fa nouvelle captivité le Roi manifefta plufieurs mouvements de colére, lorsqu'on refufoit d'obéïr a fes ordres. II devint bientöt plus calme et s'entretint fouvent familiérement avec les Gardes-Nationales. Apres le decret du 15. juillet on lui permit de voir fii familie et de fe promener dans le jardin des Tuileries. II parut alors avoir oublié fes malheurs et ne fe plaignit plus de fa triffe pofition. Les efpérances de la faCüon républicaine ayant été Fureur it anéanties par le decret rendu "(p^'"n le 15. Juillet, fa fureur devint cuine. extréme et d'autant plus dan- gereufe,  2.10 HISTOIRE ET ANECDOTES gereufe, que le peuple de la capitale égaré par les fuggeftions des ennemis de 1'ordre lui étoit abfolument dévoué. Les déclamations, les libelles, les affiches incendiaires, 1'argent, rien en un mot ne fut épargné pour attifer le feu de la difcorde et de 1'Anarchie. On avoit préfenté les pétitions les plus infenfées a raifemblée Nationale pendant la difcuifion fur 1'inviolabilité du monarque, et de nombreux attroupements, qui les foutenoient, avoient été diffipés a cette époque par la vigilance et les foins de la municipalité et de la Garde Nationale. Le 16. et le 17. Juillet ils fe renouvellerent avec des ilmptómes plus elfrayants. Le 17. une foule trés confidérable fe ralfembla au Rafembk- champ de mars, ayant a fa te™bamptt'de te plufieurs Chefs des Clubs, Mars. des Jacobins et des Cordeliers, dont la rage s'exha'oit en motions fanguinaires contre le Roi et contre raifemblée. Ils propoferent enfuite a tous ceux qui fe préfentoient de fi- gner  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 241 gner une pétition pour declarer que le Roi feroit déchu et raifemblée Nationale obligée de retirer fon décret, en at-' tendant que les 8>- départements euffent émis leur voeu. Pendant que ces orateurs cherchoient a exciter le peuple, on découvrit deux particuliers , que la terreur avoit engagés a fe cacher fous Pautel de la patrie. L'un étoit un invalide ayant une jambe de bois, 1'autre un perruquier. Ces malheureux devinrent la victime de la fureur populaire. On les accufa d'avoir voulu faire fauter Pautel, d'autres prétendirent qu'ils étoient des efpions ftipendiés par les ennemis des bons citoyens. On les traine au tribunal de la fection des invalides. Leurs réponfes n'ayant pas paru fatisfaifantes a un peuple auffi ignorant que féroce, on les arracha des mains des juges, on les conduifit fous la lanterne, la corde trop foible calfa, ils furent maffacrés a coups de fabre et leurs têtes portées en triomphe au champ de mars, aux cris réitérés de Point de Roi, T.IV. Sett.I. CL point  ±$2 HlSTOIRE ET ANECDOTE3 point iaffemblée Nationale, périjfent les iraitres. ' , La municipalité avant été te la ia avertle de cette execution barMartiale. bare, que la Garde Nationale n'a voit pu empêcher, fe rendit au champ de mars précédée du drapeau rouge. De nombfetix détachements de Cavalerie et du Canon 1'accompagnérent. La loi martiale fut proclamée a trois reprilès. Mais les féditieux Iqin de fe diffiper accueillirent les Officiers municipaux et M. de la Fayette a coups de pierres et plufieurs citoyens furent griévement blefTes. Le CommandantGénéral ordonna de faire feu fur les rebelles, et défirant éviter toute effufion de fang on n'avoit tiré qu'a poudre. L'audace du peuple ne fit que redoubler par i'impunité: un particulier s'approcha de M. de la Fayette et lui tira un coup de piftolet, qui ne 1'atteignit pas. Le général 1'arrêta et lui fit grace. Ce trait de générofité ne produifit aucun erfet. Des hurlements affreus contre le maire et  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 343 et le Commandant-Général furent accompagnés de plufieurs coups de fufil, qui tuérent deux Soldats de 1'armée Parifienne. Alors la Garde - Nationale fit un feu général, qui La Garie r . Nationale tua environ quarente perion- tire fuT [t ne et en blelfa le mème nom- peuple. bre. Dans un inftant 1'attroupement compofé de plus de douze mille perfonnes fe dilfipa. Les fuyards s^échapèrent par les différentes ifTuë's du champ de mars et rentrerent dans la Capitale pourfuivis par la Garde Nationale a Cheval, qui en arrêta plufieurs. En moins d'une heure la tranquillité fut rétablie et le plus grand calme regna dans la ville. C'eft ainfi qu'en déployant a propos 1'appareil de la force militaire on prévint les projets des fadieux, qui auroient pu aVoir les conféquences les plus funeftes pour la liberté et la fureté publique. Désefpérés d'avoir échoué, ils allérent cacher dans leurs infames repaires leur honte et leurs reQ_ij greis  244 HISTOIRE ET ANECDOTES grets et renoncérent pour quelque temps a troubler 1'ordre focial. Une députation de la talitéiePa. mumcipahte de Paris fe préris dénonce fenta a la Barre de Palfemblée hsjibelli. Nationale le ig. Juillet, pour rendre compte des événemens de la veille. Elle déclara que les moteurs des désordres, qui avoient agité • la capitale, et notamment ceux du raf femblement tumultueux du champ de Mars étoient les auteurs d'une multitude d'écrits fmguinaires et féditieux, dont il étoit temps de réprimer Paudace. L'alfemblée s'occupa fur le champ de cette déliberation importante et malgré les nouveaux efforts du parti républicain elle décréta "que toutes les perronnes, ,,qui auroient provoqué le Decret ren- ,' ' ... du contre »meun™ > ^ pillage OU PlH- e«Ar. „cendie et conieillé formelle- „ment la désobéïlfance a la „loi, foit par des placards ou affiches, „foit par des écrits publiés ou colpor«tes , foit par des difcours prononcés „dans  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 245 „dans des raffemblements publics fero„ient regardés comme féditieux, pertur,,bateurs de la paix publique, et que „les Officiers de police feroient tenus „de les faire arrêter fur le champ et de „les remettre aux tribunaux pour les „faire punir fuivant la loi.,, Ce decret que la municipalité eut foin de faire afficher le lendemain fut un coup de foudre pour tous les foiliculaires de Pun et de 1'autre parti. L'accufateur public du fixième arrondiffement rendit fur le champ plainte contre quatre perfonnages occupés depuis trés longtemps a calomnier les loix et les législateurs. Ces journaliftes étoient Marat auteur de 1'ami du peuple, Martel et Fréron rédacteur de forateur du peuple et 1'Abbé Royou auteur de 1'ami du Roi. Leurs preffes furent faifies et leurs feuilles fufpendués. Marat feul eut 1'impudence de faire reparoi- Marat et , r ,1 plufieurs au. tre la lienne au bout de peu rtres ^ de jours et de refter dans la roitfent. Capitale en cherchant un azile Q_iij dan*  HISffOIRE ET ANECDOTES dans les caves de fes nombreux partifans. Le Comité des recher- Arrcftahon , c fes difcours et fon exemple. Danton Chef du Club des Cordeliers, craignant de fubir le même fort, difparut et cette affemblée .de fadieux privce de cet appui fe fépara pendant quelque temps. Club ieS Ce fut k cette époque que ftuiüanu. s'°pera la fciffion a une partie des membres du Club des Jacobins, qui formérent une nouvelle af- fern-  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 247 femblée fous le nom de Club des feuillans. Les membres de 1'aifemblée Nationale, qui avoient parlé en faveur de 1'inviolabilité du Roi fe trouvant déplacés dans une Société, dont tous les efforts avoient été réunis pour faire prónoncer fa déhéance , et oü on attaquoit ouvertement tous les décrets, declarérent qu'ils n'affifteroient plus a fes féarices. Le Club des Jacobins pour prevenir 1'éfFet que pouvoit produire cette féparation fur 1'efprit des Sociétés, qui lui étoient affiliées dans les différens départements, fit paroitre une adrelfe, qui expliquoit fes principes et fa conduite. Les diffidens y répondirent par la production fuivante, qu'ils firent circuler dans le Royaume. Fr erts et Amis \ Une circonftance importante , dont nous avons jugé Mrcjfi de néceifaire de vous informer fur ^j^J"* le champ, nous a obligés de Sociétés. prendre 1'arrëté dont vous trou- Qjv vere«  *48 HISTOIRE ET ANECDOTES verez ci-joint copie. Son objet principal eft de ramener la fociété des amis de la Conftitution de Paris « fa formation originaire et primitive; de conferver a cette inftitution la deftination utile de préparer les travaux de 1'aifemblée Nationale; de s'y borner a difcuter les queftions, fans rien arrêter par les furfrages; de propager les lumiéres; de fervir de cencre commun aux opinions conftitutionelles; enfin de donner dans la Capitale 1'exemple , fi glorieufement imité depuis dans toutes les parties de 1'empire, de la plus entiére liberté d'opinion lors de la difcuffion des projets de loi, mais du plus profond, du plus inaltérable refpecl pour les loix faites. Ces principes ont été religieufement obfervés par la Société féante aux Jacobins , jusqu'au moment oü , étant devenuè' extrèmement nombreufe par 1'admiffion de perfonnes étrangéres mème k 1'empire; cédant k des influences exagérées, elle a combattu ouvertement les principes conftitutionnels , s'eft por- tée  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 249 tée a des adles en oppofition direde ave» des décrets rendus, et s'eft par-la entiérement écartée de 1'efprit de fon inftitution. Dans ces circonftances pénibles fans doute, les députés k raifemblée-Nationale , fondateurs de cette Société , n'écoutant que leur devoir, et fidels au titre d'amis de la Conftitution , n'ont cru avoir d'autre parti a prendre que de fe réunir aux feuillans , auprès de 1'affemblée Nationale , et de s'y ralfembler fous la préfidence du même député, qui avoit obtenu les fuffrages dans la Société des amis de la Conftitution, féante aux Jacobins: ils ont confervé pour Secretaires et pour membres du Comité de Correfpondance ceux de leurs Collégues, qui 1'étoient auffi dans la Société des Jacobins, et les ont chargés de eontinuer, avec les fociétés d'amis de la Conftitution affiliées, les Rélations fraterneiles et intimes, qui ont exifté jusqu'a ce moment, et dont 1'interruption, ne fut-elle que momentanée, feroit, Q,v dans  2$0 HISTOIRE ET ANECDOTES &c. dans les circonftances actuelles, tout-a la fois contraire aux voeux des vrais amis de la Conftitution, et nuillble a la ehofe publique. Nous efpérons, freres et amis, que eette communication franche de nos démarches, de nos fentimens, que cette déclaration authentique de notre dévouement inaltérable pour une Conftitution, que vous avez li utilement fervie,' établira entre nous des Relations plus intimes que jamais, que nous nous ferons un devoir cPentretenir, et qui nous aflureront de nouveaux droits a Votre eftime. Signé, Souche, Préfident; Salie; Francois • Paul - Nicolas Anioiney Secrétaires. Fin Se la première Section. Hijloire