Hiftoire et Anecdotes de Ia RévolutionFrangoife depuig 1'avénement de Louis XVI. autröne jusqu'è lepoque de ft mort. Tome lP. Seciim feconde. depuis 1'événement du Charnp de Mars, jusqu'a la cloture des Séances de 1'affemblée Conftituante.   Sec'tion Seconde. Sommaire. ÏJrogrés des travaux de FaJJemblée. Rap. * port fur la donation du Comté de Fer~ rette. Decret ci ce Sujet. Rapport fur Véchange du Comté de Sancerre. Decret. Supprejfon de ÏHótel des invalides. Légéreté des Francois. Difcujfwn fnr la Su~ preffion des ordres de Cbevalerie. Decret. Progrés de Vemigration. Projet de Decret. Mésintelligence parmi les Emigrés. Lecture de Facie Conftüuiionnel. La Conjïitution Franpife précédée des droit de l'homme. Diverfes quejlionsfubjéquentes. Com* poftion de la Garde du Roi. Droits des princes Francois. Dénonciation de M. d Orléans. Sarcasme de M. d'André. Difcuf fwn. Decret. Difcujfwn fur la liberté de la prejfe. Decret. Révifton de la Con* JliMion. Decret. Audace des Jacobins. Dénon-  Sommaire. Dénonciation de violences comtnifes par les Clubs, a Alby, a Caè'n, a Orlêans. Manoeuvres dn Jacobins dans le pays de vaud. Récompenfis accordées a ceux qui ent arréié le Roi. Deftination de la Garde Soldée de Paris. Camp ajjemblé a Gonejfe. Changement du caractêre des Francois. Mijfion prés l'évêque 4e Basle. Son fuccés. Le Roi envoye tabbé Louis et le Cbev de Coigny aux princes émigrès. Seconde lecture de l'acle Conftitutionnel. Difcujfwn fur la préfintation de eet acte. Decret. Objets importans négligés par faffemblée Préfentation de l'acte conftitutionnel. On délivre le Roi de fa captivité. Différents partis que pouvoit prendre fa Majefté. Premier Parti. Second Parti. Troifihne Parti. Autre détermination du Roi. Lettre du Roi a Yaffemblée. Amniftie générale décrétée par l'ajfemblée. Abolition des pajfeports. Supprejjïm totale des marqués diftiniïives de Vordre du St. Efprit. Députation a fa M. Difcours de M. Chapelier. Réfponfe du Roi. Expreffon des Sentiments de la Reine. Reglement  Sommaire. glement concernant le cérèmonial de taccepta* tion de la Conftitution. Serment de S. M, Bi/cours de M. Thouret Préfdent de l'af femblée. L'affeniblée en Corps reconduit le Roi. Differents decrets rendus pour l'ac* ceptation de la Conftitution. Suite de Faf* faire d''Avignon. Conduite des Commiffaires. Préliminair es de paix fignés a Orange. Le Général Ferriéres. ^fourdan et fes complices forcent les fuffrages des habüans d'Avignon. Vexatiuns et attrocités commifes par les Brigands. Retour de deux Commiffaires a Paris. Réflexions fur la Conduite des Commiffaires. Le Miniftre de Fintirieur désire que Fa (femblée prononce fur le fort d'Avignon. Prétendus députês du Comtat. Les Commiffaires paroiffent a F affemblée- Dénonciation de ïAbbé Maury contre' les Commiffaires. Réponfe artificieufe des Commiffaires. Rapport de M de Menou. Decret qui rèunit Avignon et le Comtat a la Franse. Rapport de M- de JSoailles fur la Jituation des puiffances étrangéres. Decret. Affaires des Colonies. Troublis  Sommalre. Troubles h St. Domingue rélativement au Decret du 15. Mai. Pétitions de plufteurs villes de commerce. Difcours de Barmve. Oppcftiion des amis des noirs. Decret qui révoque celui du 15. Mai. Bertrand de Molleville Miniftre de la Marine. Congrês de Szistoive. Voyage de M. le Comte d'Artois a Vienne. Conférence a Pilnitz. Convention fignée a Pilnitz par ■ t'Empereur et le Roi de Prujfe. Retour de M. le Comte $Anois h, Coblenz. Lettre de Monfteur et de M. le Comte d'Artois d. S. M. Lettre des Princes de la Branche de Bourbon a S M. Promotion faite par le Miniftre du Portail. Gradation de l'emigration. Réftexions. Anecdote. Proclamation de la Conftitution. Fétes publiques. Témoignages d'affection donnés d S. M. Bienfaifance du Roi. Sa lettre a la munïcipalité. L'ajfemblèe fixe le terme de fes féances. Serment préfcrit aux militaires. Réftexions. Prétendu Compte de M. de Montesquiou fur ïétat des finances. Rèclamations du Cott ireit. Couplets. Etat des fonticres don- rU  Sommairê. nê par le Miniftre de la guerre. Decret contre les Clubs. Decret contre les Nobles qui s1 arrogeoient des qualités fupprimées. Les juifs font déclarés citoyens aüifs. Etat du tréfor public. Cérémonial préfcrit pour la réception de S. M. Proclamation de la Conftitution de la part de S. M. Difcours du Roi pour la cloture de Vaffemblèe. Reponfe de M. Tbouret Préfident. Cloture de Vaffemblèe. Réftexions et Conclufion. T.IV.Sett.IL R Le  Le Triomphe momentané, que 1'affemblée avoit obtenu fur Jes fadliFrogrés des eux> ne *»t pas de longue dutravaux de rée. L empire des jacobins étoit i ajjemblée. . . . , , ,. trop bien etabli pour qu'ils euflent rien a redouter de eet échec paffager. Leur force confiftoit dans ia réunion d'opinion, de coeur et d'éfprit de tous les fcélérats de 1'univers, des enneniis de tout gouvernement, de route fubordination et en général de tous les non propriétaires. Aufi aprés avoir fait quelques démarches pour fe raprocher des feuillants, n'ayant obtenu aucun fuccès, ils jurerent a ces apoftats une haine et une inimitié éternelle. La France fe trouvoit a cette époque dans la fituation la plus déplorable, déchirée par plufieurs fadions qui fe difputoient les lambeaux de la Monarchie, fans  DE LA REVOLUTION FRANCHISE. ^59 fans Souverain, fans loix, fans alliés, fans crédit, fans armée elle pouvoit être Ta proye d'un voifin puiffant, qui auroit eu affez d'audace pour en entreprendre la conquête. Le Ciel en difpofa autrement. II réfervoit de plus longues et plus affreufes calamitès a fes malheureux habitans, et vouloit la faire fervir d' exemple a toutes les nations de 1'univers. L' alfemblée penfa fans doute que le moyen de calrner les düTentions, de faire renaitre le crédit public et de donner de l'activité aux loix étoit d' achever la conftitution. Elle f'occupa de ce travail avec une précipitation fans égale et qui peut feule juftifier fott incohé,rence. Au milieu des queftions importantes, qui fe préfentoient a chaque inftant, elle crut avant fa féparation devoir anéantir deux de ees dons ou éclianges que la rapacité des courtifans avoit extorqué de la foibleife des Souyerains. R ij Le  S60 HISTOÏRE ET ANECDOTES Rapport fale ' Le Cardinal Mazarin abuAomtion du fant: de 1'empire abfolu qu'il Comté de „, •„ , . Fenttte. avolt' pendant les premières années du regne de Louis XIV". avoit obtenu de ce Souverain en 1659. immédiatementaprês lafignature du traité des Pyrénées, la donation du Comté de Ferrette et des Seigneuries de Belfort, Thann, Altkirch et plufieuts autres terres fitués dans la haute Alface. Ce Comté et ces Seigneuries avoient été réunis a la Couronne en 1648. lors de la fignature du traité de Weftphalie. Avant la conquête ces terres formoientjen grande partie le pays appellé le Sundgau, affedté a titre d'appanage aujg Archiducs d'Inspruck. Ces princes ifen renonqant avec 1' empereur et 1'empire a leur propriété réclamerent une indemnité, qui fut fixée a trois millions de livres tournois, Somme qui leur fut payée exadlement. Ainfi dès cette époque ces terres formoient une partie importante du domaine de la Couronne. Les  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 2 61 Les fervices rendus a 1'état par le Cardinal Mazarin, dont il eut foin de faire une énumération circonftanciée dans le préambule de 1'aéte de donation, ne pouvoit changer la nature de ces biens. Ce Miniftre Aftutieux le fentoit fans doute, lorsque quelques mois avant fa mort il donna tous fes biens au Roi pour effacer le vice radical des bienfaits immenfes qu'il f' étoit fait. accorder. Le monarque refufa cette oifre et lui permit d" en ditpofer. Son immenfe heritage et les gouvernements et offices vacants dont il étoit pourvu furent diftribués entre fes nombreux parents avec 1'agrément du Roi, qui approuva fon teftament. Avant et après la mort de ce Miniftre les terres d'Alface furent grevées d' une fubftitution indéfinie qui embraffoit tous les fexes et toutes les branches, jusqu' a ï extinclion totale de la familie Mazarin. C'eft par une Suite de ces difpofitions qu' elles avoient pafle a M. le Duc Valentinois du Chef R iij de  2 62 HISTOIRE ET ANECDOTES de fon époufe fille unique d'Elizabeth de Duras et du Duc d' Aumont. Après avoir démontré la nullité de la donation M. Geoffroi rapporteur de cette affaire invoqua les loix fondamentales du Royaume, et les principes ad, optés par 1'aflemblée, et propofa le projet fuivant, qui fut décrété a une gran, d^ majorité. Deern a ce V aflèmblée nationale, oui le Rapport de fon comité des domaines, annulle et révoque la donation faite au Cardinal Mazarin des cydevant Comté de Ferrette et Seigneuries de Betfort, Delle, Thann, Altkirch et Ifenheim par lettres patentes du mois de Décembre 1650. les quelles demeurent auffi révoquées, comme tout ce qui f' en eft enfuivi. En conféquence Décréte que les domaines corporels et incorporels, droits et objets quelconques dépendants des cy- devant Comté et Seigneuries fufmentionnés, feront en conformité de 1'art.  DE LA REVOLUTION FRANqÖISE. 263 X. du Decret du 22 Novembre dernier fur la législation domaniale régis, adminiïtrés et perqus fuivant leur nature par les prépofés des regies, et adminiftrations nationales. Le Second objet qui fixa J 1 . Rapport fur 1 attention de 1'aflemblee, com- pEchangeiu me préfentant une léziori é- Comtè de ,, . , v„_ Sancerre, norme au detriment de 1 Etat, fut 1'échange du Comté de Sancerre. M. de la Fayette avoit dénoncé a la première aifemblée des notables ce marché fcandaleux, qui avoit été conclu lous les aufpices de M. de Calonne. II étoit réfervé a ralfemblée nationale d'en prononcer la nullité. Je crois devoir indiquer les motifs, qui 1'engagérent a rendre ce decret. Le Gouvernement avoit acquis en 1766. la principauté de JBois - belle et d'Henrichemont, fous la condition de céder en échange a M. de Bethune qui en étoit proprietaire des terres en Valeur de 60,000 Liv. de rente. Cet enR jv gage-  264 HISTOIRE ET ANECDOTES gageraent n'étoit pas encore rempli en * 1777. Le Comté de Sancerre étoit alors a Vendre et convenoit a M. de Bethune. On en exigeoit 1,400,000 Liv. M. d'Efpagnac (*) qui cherchoit alors a transporter en France la majeure partie de la fortune de fon beau pere (M. His Ban- (*) Le nom de M. d' Efpagnac eft Sahuguet. Son grand - pere étoit maitre de pofte 4 Brive - la Guillarde. Son pére avoit fervi dans 1'état- major de 1'armée fons les ordres de M. ]e Maréchal de Saxe, et étoit parvenu au grade d'officier Général. II obtint pour récompenfe de fes fervices le Cordon rouge et le Gouvernement des Invalides, eraploi trés lucratif. Son fils (celui qui avoit époufé Melle. His) étoit devenu exempt des Gardes du Corps dans Ie temps, oü on n'exigeoit pas les preuves des Caroffes pour obtenir cette place. Un de fes freres, qui avoit embraflë 1'érat eccléfiaftique étoit un des plus fameux agioteurs de Paris, et il a continué fes Spéculations fous le regne de la Convention, et a fini par être guillotiné.  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 265 Banquier a Hambourg) defiroit joindre a fa terre de Cormeré la fórèt de Rufll dependant du domaine de S. M. toutes ces convenances réciproques pouvoient être remplies en cédant la forèt de Ruffi a M. de Bethune, qui auroit eu la faculté de 1' échanger contre le Comté de Sancerre que M. d' Efpagnac pouvoit acquérir. ,M, d'Efpagnac f'écarta de ce plan 11 fimple pour propofer au Gouvernement un doublé échange, 1'un de la forèt de Ruili contre le Comté de Sancerre j le fecond de cette mème terre, qui feroit cédée a M. de Bethune en remplacement de la principauté d'Henrichemont. II acheta en conféquence le Comté de Sancerre. M. d' Efpagnac preffa fucceffivement MM. Taboureau et Neker de confommer 1'échange projetté, mais ils ne purent tomber d'accord fur la Valeur des objets cédés en remplacement. II efpéra trouver plus de facilité fous le Miniftére de M. de Calonne, R v et  2 66 HISTOIRE ET ANECDÜTES et il ne fe tompoit pas. Ce miniftre defiroit s'approprier le marquifat d'Hattonchatel voifin de fa terre d' Hannonville. 11 le fit comprendre dans le projet d'Échange, et au lieu de ne donner a M. d' Efpagnac que la forêt de Ruflï, dont on n'avoit pas même fixé la contenance, on lui céda quantité de terres et de forêts fituées dans diiférentes provinces, et même une foulte en argent. Je vais donner ici un détail de ces différents objets et de leur évaluation comparative avec le rapport du Comté de Sancerre, pour démontrer avec quelle coupable prodigalité Ie miniftre Galonne difpofoit du bien de 1'état. -Suivant le contrat d' Échange paifé le 30 Mars 1-.85. M. d' Efpagnac obtint la forêt de Ruflï contenant 18. mille arpents; dont 1'eftimation trés mode- liv. f. dL rée étoit de 1,221,040 celle des forèw de Hainaut 787/7H. 16. Hat-  DE LA RËVOLUTION FRAN£OISE. 267 Hattonchatel et Som- liv. f. dl. medieu en Lorraine 1/477/573 10 7 Domaine de Thionville 550,830 Les Etangs de Buiffon- court, Rainville et St. Paul 143/490 Plufieurs domaines en Normandie, Langue- doc et Dauphiné 192,000 Le domaine de Rhaling avec les forèts 194,903 % 6 (dont 1'echangifte n'étoit cependant pas encore mis en poffellion.) Enfin diverfes Sommes payées par le Tréfor public rélativement a eet échange pour foulte et frais d'éva- luation 1,160,733 4 Total 5,738,281. 12.1 M. d' Efpagnac avoit abandonnc pour ces objets le produit du Comté de San-  2 68 HISTOIRS ET ANECDOTES Sancerre, qui d' après une évaluation peut être mème exagérée ne rapportoit année commune que 71,918 liv. L'adminiftration des domaines pendant une Régie de cinq années n'en avoit mème tiré que 54,000 liv. par an. Decret. L'aflèmblée frappée de la lézion énorme que préfentoit eet échange fe dccida a 1' annuller et décréta mème que M. d'Efpagnac feroit pourfuivi pour la reftitution des fommes qu'il avoit reques. Supprejjionde La Suppreifion de 1' Hotel t Hotd des des invalides propofée par M. invalides. t\ ; ■ 1 r~ i Dubois de Crancey au nom des comités des fmancês et militaire fut enfin confommce malgré les repréfentations de 1'abbé Maury et de plufieurs autres membres. II s' étoit fans doute introduit de grands abus dans 1'adminiftration de eet établiifement, et il étoit facile d'y remédier: mais étoit-ce réellement améliorer le font du foldat que de lui donner, en remplacement de fon admif-  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 269 admiffion dans eet hofpice, une fomme annuelle de 227 liv. io f. ceux, qui ont connu la maniére dont ils y étoient traités et foignés, ne peuvent le penfer. D'ailleurs le foldat franqois eft un mauvais économe peu accoutumé a 1'ordre. On favoit par expérience que les invalides répartis dans les départements, qui recevoient un traitement, 1'employoient a toute autre chofe qu'a fatisfaire leurs befoins phifiques, et qu'aprés avoir paffe quelques jours dans la débauche ils étoient reduits a mendier leur fubfiftence. II paroit que 1' aifemblée fe laiifa guider par un autre efprit que celui de procurer le bien être du foldat. On vouloit anéantir tout ce qui pouvoit rappeller la grandeur et la munificence des Rois. II falloit donc fupprimer §bt établiffement, qu'on repréfenta comme exeeifivement difpendieux. Pour donner encore plus de poids a ce motif et en impofer au public ou fe fervit du moven ufité, celui de 1'infurreclion. On enyvra  HJO HISTOIRE ET ANECDOTES enyvra de malheureux eftropiés, qui fe répandirent dans la capitale et dans le jardindes tuieries, en criant: la penfion et la liberté. Ils apportérent en trébucbant des pétitions a 1'aflemblée nationale, (pétitions qu'ils n'avoient ni lues ïii fignées) oü on fe plagnoit en leur nom des tyrannies, des vexations, des retenuës injuftes qu ils éprouvoient de la part des officiers et adminiftrateurs. Dans 1'exade vérité ils n'auroient du que fe louer des attentions et des foins qu'on avoit a 1'hotel pour foulager leurs infirmités et fatisfaire leurs befoins. Le fpedacle honteux et affligeant de cette infurreclion dura plufi. eurs jours et fe termina par la fuppreffion de 1'hotel en accordant des traitements pécuniaires aux différens individus, qui y avoient été admis. Les partifans de 1'ancien Legerett des i • ,, , , francais. reglme» dechus de leurs efpérances par 1'arreftation du Roi, fe dédommagérent de ce contre- temps par  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 271 par des Sarcasmes et des plaifanteries. Dans le nombre de ces productions on croit devoir conferver le complet fuivant, qui cara&érife la gayeté et la légéreté du franqois mème au fein de 1' adverfité. Au piquet Dame Nation Joüe avec la noblefle: Celle - ci joüe avec guignon, L'autre tnche fans ceflè. Cependant malgrè fon malheur Pour elle je parie: II ne lui faut qu'un Roi de Coeur Pour gagner la partie. L'aifemblée-nationale par une luite des principes d'ega- iafuptreMoa lité, qu' elle avoit décrétés, d" Qtdres de brut devoir fupprimer tous CbtVttMtt< les ordres et toutes les diftindions fondées fur la naiflance ou des preuves de noblefle. M. Camus, qui avoit contribué plus que tout autre a faire dèpouiller les caftes privilégiées des döns, gra- tifi-  2*71 HISTOIRE ET ANECDOTES tincations, et penfions qu'elles avoient obtenu de la libéralité des fouverains, voulut encore leur enlever les hochets de la vanitè. Dans fon rapport fur la fuppreffion des ordres il invoqua les principes fondamentaux de la conftitution, ï1 ègalité et Vtinitè. Le premier principe, dit-il, etoit violé par des diftin&ions entre les citoyens, le fecond n' étoit pas plus refpecté par des corporations, qui tendoient a établir imperium in imperio. Dans la plupart des ordres de chevalerie on exige des titres de nobleffe, dans les autres on exige des voeux, des ferments particuliers, le célibat. Toutes ces conditions font contraires aux principes decrétés. Les décorations ' militaires peuvent refter et quant aux ordres étrangers nous ne pouvons les abolir: mais il s agit d'empëcber le citoyen franqois de s'affocier a une corporation, oü il ne peut eiitrer qu' en faifant preuve de ce qui n' exifte plus. II n'eft plus polfible qu'un francois  DE LA REVOLUTION FRANfOISE. 273 cois foit noble dans le fens de,s préjugés j une plus véritable noblefle lui eft acquife, celle que nous avons abolie n' étoit que le droit de devenir un valet de Cour. Ce langage infolent de M. Camus excita la colére de plufieurs membres du cöté droit, on chercha en vain a le rappeller a 1'ordre, il continua fort rapport. M. Malouet parut après lui a la tribune et après avoir obfervè avec juftefle que la queftion de la fuppreflion des ordres étoit un combat de la vanité d'une efpèce non moins tyrannique; il préfenta plufieurs confidérations politiques, qui devoient engager 1' affemblée a pafler a 1'ordre du jour rélativemenc a 1'ordre de Malte. 11 rappella les fervices que les Chevaliers avoient rendus a la france: il paria de la fituation avantageufe de 1'isle de Malte pour la protedion du commerce des franqois dans le Levant, et des fecours qu'avoient obtenu les vaifleaux dans toutes circonftances M. Malouet fit mème crainT.IV.SetfJI. S dre  274 HISTOIRE ET ANECDOTES dre qu'une puiifance étrangére rivale de la france ne payat chérement eet établilTement, fi 1'afiemblée fupprimoit eet ordre militaire et religieux. Cette conlidération et mieux encore 1' argent et les promefles que les agents de 1'ordre avoient répandu parmi les membres qui avoient le plus d'influence dans 1'aflemblée engagérent les législateurs k faire céder la rigueur de leurs principes en tolérant eet ordre, comme celui d'un prince étranger, et en, privant en mème temps celui qui en feroit décoré du droid de Citoyen franc,ois. Le projet de decret propofé par M. Camus rélativement aux autres ordres, Decnt a^ociations ou confréries après avoir fubi quelques amendements fut décrété en ces termes: Art. I. Tout ordre de cbevalerie ou autre, toute décoration, tout figne extérieur, qui fuppofent quelques diftirL cfions de naiflance, font abolis en france 5 et iln'en pourra être établi de femblables a 1'avenir, IL  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 275 II. La décoration militaire adtueüement exiftante étant une récompenfe purement hönorifique et individuelle, jon ne pourra exiger pour la recevoir Ique le ferment civique. III. Aucun francois ne pourra prenjdre aucune des qualités fupprimées, foit jpar le decret du 19 Juin 1790. foit par jle préfent decret par noms, avec les ex" Ipreftïons de ci-devant ou autres équi^valentes; et il eft defendu a tous officiers | pub lies de donner lesdites qualités dans lies ades. II eft pareillement deftendu ia tous officiers publics de faire aucun iacle tendant a la preuve desdites quallités fupprimées. Les comités de conIftitutions et de juris - prudence crimipielles font chargés de préfenter leurs I vues fur les peines k encourir par ceux, qui contreviendront au préfent décret. IV. L'affemblée nationale fe réferiiVe de prononcer fur la diftindlion uni«que et commune, qui fera accordée aux j vertus, aux talents et aux grands fer- S ij' vices  276 HISTOIRE ET ANECDOTES vices rendus a 1'état. Néantmoins 1'affemblée conferve aux militaires la faculté de porter la décoration adluelle, jusqu'au moment oü elle fe fera expliquèe a eet égard. V. Tout citoyen franqois, qui demanderoit, obtiendroit, ou conferveroit, dans un pays étranger, l'affiliation a un ordre quelconque, ou corporation fondée fur des diftinctions de naiifance et rang, perdra le qualité et les droits de citoyen francois, mais pourra être employé corarae étranger au fervice de france. L' emigration, qui au- Frogrés de . ., „ vEmigration. gmentoit d'une maniere ettrayante, donnoit des inquiétudes a raffemblée. Elle voyoit dans chacun des fugitifs autant d' ennemis acharnès de la conftitution, et d'enfans dè^ naturés prêts a déchirer le fein de la mére- patrie. Elle penfa qu'une loi févére pourroit les rappeller, empëcher ]es mécontents d' imiter leur exemple ou au  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 277 au moins les priver des moyens néceffaires a 1'exécution de leurs projets. (?) S iij M. (*) Quelque temps après 1' arrivée des princes a Coblentz, il étoit dcvenu du bon ton d' émigrer, on alloit de Paris a Coblentz, ou a Worrns, comme autrefois de Paris a Verfailles. Les femmes, qui, en france plus que dans tout autre pays de 1* univers, s' étoient arrogé le droit de dominer dans la fociéte, traitoient comme un lache et un poltron tout homme de bonne compagnie, fain et vigoureux, qui n'entreprenoit pas ce voyage. Elles pouflerent leurs cruelles plaifanteries jusqu' a envoyer des quenoüilles a ceux, qui avoient le bon fens de refter dans le Royaume pour veiller a 1'éducation de leur familie, et a la confervation de leur fortune, plu' tot que d' aller s' enroler dans une armée fans foldats, fans canons, dépourvüe d'argent et oü regnoit d'ailleurs 1'intrigue et la méfintelligence. J' aurai encore frèquemment occafion de parler d'une certaine claffe d'émigrés, qui fe faifoient remarquer par leur vanité, leurs prétentions et leurs ridicules. Mais je crois devoir configner ici le propos d'un officier fupérieur de cinq pieds.  HISTOIRE ET ANECDOTES M. Vernier homme d'un caraclére doux et modéré fut chargé de ce rapport, pieds un pouce, qui ne laiflbit en france que 92 mille livres de dettes, et qui au moment oü il alloit émigrer cherchoit a entrainer d' autres perfonnes a fuivre fon exemple. Lorsque j'aurai tiré mon épée (dit-il, d'une voix d'énergum^ne) elle ne rentrera plus dans le fourreau, je mettrai tout a feu et a fang dans mon ingrate patrie, et une autre véturie n'arrêtera pas mon bras. Le charitable officier dans le nombre des viétimes qu' il vouloit immoler, auroit fans doute donné la préférence a fes créanciers. L'impartialité dont un hiftorien doit faire profelfion m' oblige de dire que la jeune nobleffe francnife, dont la pétulence étoit c menüe par la prudence des chefs des différents corps, a pü fe livrer a quelques tcarts, lorsqu'elle s'eft trouvée fans ancun frein et abandonnée a fa propre impulfion dans les pays étrangers, mais la majorité des militaires fe font conduits avec infiniment de circonfpeaion et de délicateffe. On en rapportera par la fuite plufieurs traits qui font honneur au caractére de la nation.  DE LA REVOLUTION FRAN$OISE. 279 port, et on fut furpris de 1'entendrepropo* fer les mefures les plus violentes. Les jacobins, qui avoient probableraent di&é les termes du rapport, defiroient fans doute exafpérer les émigrés et les porter a quelque coup d'éclat, qui piïr leur donner un prétexte plaufible d' envahir leurs propriétés et de bannir a jamais tous ceux, que des liaifons de parente, d'amitié ou d'intérêt uniiföient aux claffes cy - devant privilégiées. Le proiet de M. Vernier . '. W - ■ , Projet ie tendoit a taire payer une tnple Decret. contribution fonciére et mobiliaire a tous les franqois expatriés de quelque qualité et condition qu'ils fuffent, s' ils ne rentroient dans leurs patrie dans 1'efpace d'un mois. Quelque temps après on ajouta quelques articles a ce decret pour déclarer les biens de M. le prince de Condé acquis et confifqués au profit de la nati011. Mais ces decrets ne furent point exécutès paree qu' a 1' époque de 1' acceptaS iv tion  2$0 HISTOIRE ET ANECDOTES tion de la conftitution 1'auemblée prononca une amniftie générale, et qu'on accorda alors momentanément a tous les citoyens franqois la faculté de fortir du Royaume et d'y rentrer, comme je le rapporterai par la fuite. Quelque fut la fermentation des efprits de 1'autre cóté du Rhin, elle n'étoit pas moindre dans le Royaume contre les émigrés, et l'affemblée cherchoit a 1'entretenir. Peu de jours après le départ du Roi; un certain nombre de families bretonnes ayant voulu gagner les isles de Jerfev et Guernefey, elles furent arrétés avec une rigueur extréme, et pendant eet intervalle leurs chateaux et leurs propriétés furent dévaftées, fans que les corps admiuiftratifs euffent pris aucuns moyenS pour réprimer ces exces. msintdli. Le déf'art du Roi' dt>nt gencc parmi on avoit fait un miftére a M. toémigré,. je Comté d,Arto.s k M> ^ prince de Condé, donna lieu dès le principe a de la mésintelligence parmi les chefs  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 2 81 chefs des émigrés. M. de Breteuil, qui avoit concu ce plan, fut repréfenté comme un ambitieux et ne fut point appellè au confeil des princes; M. de Calonne, qui dirigeoit toutes les opérations, avoit en foin d' éliminer ce concurrent, avec lequel il ne vouloit point partager la confiance de leurs AltefTes yoyalles. M. de Bouillé, lorsqu'il fe préfenta pour faire fa cour aux princes, éprouva un accueil tres froid. II ne put diffimuJer fon mécontentement, et fe retira a Aix - la chapelle. Le Roi de Suéde, qui y étoit alors, le dédommagea de ce défagrément, en lui promettant de Pemployer dans fon armée avec les membres de fa familie, qui voudroyent 1'accompagner. Les officiers, qui avoient fuivi M. de Bouillé partagérent Popinion de leur chef. Ils murmurérent hautement contre la conduite des princes, et la mésintelligence que 1'intérêt et 1'ambition avoient dèja répandüe parmi les S v émi-  2 8^ HISTOIRE ET ANECDOTES' émigrés ne fit que s'augmenter par ce nouveau motif. < Pendant que les chefs des Leüure de franqois expatriés faifoient des ftitutionel. Plans et des Projets , et qu'ils fe repaiffoienr, d'efpérances et de chimères, 1'affemblce nationale euvir ronnée de la confiance publique alloit droit a fon but. Le 5 aouft M. Thour ret au nom des comités des conftitution et de révifion fit la ledture de Pade conftitutionnel prècédé de la déclaration des droits de 1'homme. Cet adte fut imprimé fur le champ et difiribué avec abondance dans la Capitale, et la difcuflion •s' ouvrit fur les différens chapitres qu'il contenoit. Pendant que l' affemblée s'occupoit de ces obiets importants, elle avoit ordonné la convocation des alfemblées éleclorales, et on procédoit dans les provinces au choix des députés è la prochaine législature. Les amis de 1'ordre et de la paix auroient défiré qu'ils e.ulfent été mveftis de 1'éftime publi-  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 283 publique. Mais les liftes ne préfentoient que des noms de citoyens connus par leurs opinions exagérées, leurs déclamations contre la Monarchie et Panden gouvernement. Dans la plupart des départements ainfi que' dans la capitale les clubs des jacobins avoient fixé les fuffrages du peuple fur leurs plus zélés adhérents, et ils fe promettoient d' avance de diriger les opérations de la nouvelle aifemblée avec un empire abfolu. L'acte conftitutionnel, qui devoit être par la fuite la baze fondamentale du gouvernement établi en France, étoit conqu en ces termes. (*) DECLA- (*) Plufieurs auteurs fe font livré a une critique détail!ée de la conftitution francoife, j'ai cru qu'il étoit inutile de répéter ce qu'ils ont écrit, ou de préfenter au lecteur mes obi'ervations a eet égard. Elles fervient au moins inutiles, le gouvernement conftitutionnel étant abfolument anéanti et remplacé par un nouveau genre d'anarchie. C'eft ainfi qu'un architectenefaitpoinr la critiqued'un bat ment fondé fur le fable que fa mauvaife conftruction a détruit, et dont il ne paroit pas même le plus léger veftige. J'ai cru devoir inférer ici l'acte conftitutionnel tel qu'il a été prél'enté au Roi le 3 7bre.  DECLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN. Les Repréfentans du peuple francais, conftitués en Affemblêe Nationale, confidérant que 1'ignorance, 1'oubli ou le mépris des droits de 1'homme font les feules caufes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernemens, ont réfolu d'expofer, dans une déclaration foleninelle, les droits naturels, inaliénables et facre's de 1'homme, afin que cette déclaration, conftamment préfente & tous les membres du corps focial, leur rapello fans cefie leurs droits et leurs devoirs; afin que les aétes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être a chaque inftant comparés avec le but de toute inftitution politique, en foient plus refpeétés; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais fur des principes fimples et ïnconteftables, tournent toujours au maintien de la Conftitution et au bonheur de tous. En confequence, l'A(lemblée nationale reconnoit et déclare, en préfence et fous les aufpices de 1'Etre fuprême, les droits fuivans «Je 1'homme et du citoyen. Artkk  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 285 Articlc Premier. Les hommes naifient et demeurent libres et égaux en droits. Les diftinétions fociales ne peuvent être fondées que fur Putilité commune. II. Le but de toute aflbciation politique eft la confervation des droits naturels et imprefcriptibles de 1'homme. Ces droits font 1» liberté, la propriété, la füreté et la réfiitance a 1'opprefïion. III. Le principe de toute fouveraineté réfide eflentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité* qui n'en émane exprefiement. >IV. La liberté confifle k pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas a autrui: ainfi 1'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui afiurent aux autres membres de la fociété, la jouitïance de ces mèmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. V. La loi n'a le droit de défendre que les actions nuifibles a la fociété. Tout ce qui n'eft pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint a faire ce qu'elle n'ordoune pas. VI.  286 VI. La loi eft Pexprefllon de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir perfonnellement, ou par leurs repréfentans, è fa formation. Elle doit être la mème pour tous, foit qu'elle protégé, foit qu'elle puniiïe. Tous les citoyens étant égaux a fes yeux, font également admifllbles a toutes dignités, places et emplois publics, felon leur capacité, et fans autre diftinclion que celle de leurs vertus et de leurs talens. VII. Nul homme ne peut être accufé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et felon les formes qu'elle a prefcrites. Ceux qui follicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis: mais tout citoyen appellé ou faifi en vertu de la loi, doit obéir a 1'inftant; il fe tend coupable par la réfiftance. VIII. La loi ne doit établir que des peines ftriftement et évidemment néceffaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antcrieurement au délit, et légalement appliquée. IX. Tout homme étant préfumé innocent jusqu'a ce qu'il alt été dcclaré coupable, s'il eft jugé indifpenfable de 1'arrêter, toute rigueur qui ne feroit pas néceffaire pour s'affurer de fa perfonne, doit être féverement réprimée par la loi. X.  287 X. Nul ne doit être inquie'té pour fes | opinions, même religieufes, pourvu que leur | manifeftation ne trouble pas 1'ordre public tétabli par la loi. XI. La libre communication des penfées I et des opinions e(l un des droits les plus préI eieux de 1'homme: tout citoyen peut donc parfler, écrire, imprimer librement; fauf è répon1 dre de 1'abus de cette liberté dans les cas dé| terminés par la loi. XII. La garantie des droits de 1'homme I et du citoyen néceflite une force publique: I cette force ell donc inftituée pour 1'avantage iide tous, et non pour 1'utilité particuliere de Iceux auxquels elle ell confiée. XUI. Pour 1'entretien de la force publi» |que, et pour les dépenfes d'adminiftration, une contribution commune eft indifpenfable: lelie dok être également répartie entre tous lies citoyens, en raifon de leurs facultés. XIV. Tous les citoyens ont le droit de Iconftater par eux mèmes, ou par leurs repréJfentans, la néceffité de la contribution publijjque, de la confentir librement , d'en fuivre Pemploi, et d'en déterminer la quotité, PafIfiette, le recouvrement et la durée. XV- La fociété a le droit de demander coinpte a tout agent public, de fon adminiIftration. xvr.  2 88 HISTOIRE ET ANECDOTES XVI- Toute i iciété dans laquelle la garantie des droits n'eft pas aflurée, ni la féparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Conftitution. XVII. La propriété étant un droit inviolable et facré, nul ne peut en être privé, fi ce n'eft lorsque la néceffité publique, légalement conftatée, 1'exige évidemment, et fous la condition d'une jufte et préalable indemnité. L'affemblée nationale, voulant établir la Conftitution francaife fur les principes qu'elle vient de reconnoitre et de déclarer, abolit irrévocablement les inftitutions qui bleflbient la liberté et 1'égalité des droits. II n'y a plus ni noblefTe, ni pairie, ni diftinéïions héréditaires, ni diftinclion d'ordres, ni régime féodal, ni juftices patrimoniales, ni aucun des titres, dénominations et prérogatiVés qui en dérivoient, ni aucun ordre de chevalerie, ni aucune des corporations ou décorations pour Iesquelles on exigeoit des preuves de noblefTe, ou qui fuppofoient des diftinctions de naiffance, ni aucune autre fupériorité que celle des fondlionnaires publics dans 1'exercice de leurs foneïions. II n'y a plus ni vénalité, ni hérédité d'aucun office public. II  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 289 II n'y a plus, pour aucune partie de la nation, ni pour aucun individu, aucun privilege ni exception au droit commun de tous les Francais. II n'y a plus ni jurandes, ni corpora» tions de profefiions, arts et métiers. La loi ne reconnoit plus ni voeux religieux, ni aucun autre engagement qui feroit contraire aux droits naturels ou a la Conftitution, TITRE PREMIER. DISPOSITIONS FONDAMENTALES GARANTIES PAR LA CONSTITUTION. La Conftitution garantit, comme droits naturels et civils: i°- Que tous les citoyens font admiflïbles aux places et emplois, fans autre diftinclion que celle des vertus et des talens. ao. Que toutes les contributions feront réparties entre tous les citoyens, également, en proportion de leurs facultés. 3"- Que les mêmes délits feront punis des mêmes peines, fans aucune diftinctiou de» perfonnes. t.iv. Sea.n. t u  290 HISTOIRE ET ANECDOTES La Conftitution garantit pareillement, comme droits naturels et civils: La liberté è tout homme d'aller, de refter, de partir, fans pouvoir être arrêté, ni détenu, que felon les formes déterminées par ia comtitution; La liberté a tout homme de parler, d'écrire, d'imprimer et publier fes penfées, fans que les écrits puiflent être foumis è aucune cenfure ni infpeétion avant leur publication, et d'exercer le culte religieux auquel il eft attaché; La liberté aux citoyens de s'affembler paifiblemenr et fans armes, en fatisfaifant aux loix de police; La liberté d'adrefier aux autorités conftituées des pétitions (ignées individuellement. Le pouvoir législatif ne pourra faire aucunes loix qui portent atteinte et mettent obftacle è Pexercice des droits naturels et civils confignés dans le préfent titre, et garantis par la Conftitution ; mais comme la liberté ne confifte qu'è pouvoir faire tout ce qui ne nuit ni aux droits d'autrui, ni a la füreté publique, la loi peut établir des peines contre les aftes qui, attaquant ou la füreté publique, ou les droits d'autrui, feroient nuifibles a la fuciété. La Conftitution garantit 1'inviolabilité des propriétés, ou la jufte et préalable. indemnité dé  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 291 de celles dont la néceffité publique, légale; ment conftatée, exigeroit le facrifice. Les biens deftinés aux dépenfes du culte et è tous fervices d'utilité publique, appartiennent i la nation, et font, dans tous les 1 temps, a fa difpofition. La ConRitution garantit les aliénations qui ont été ou qui feront faites fuivant les formes établies par la loi. Les citoyens ont le droit d'élire ou choifir les miniftres de leurs cultes. II fera créé et organifé un établifiement général de fecours pnblics, pour élever les enfans abandonnés, fouiager les pauvres infirmes, et 1 fournir du travail aux. pauvres valides qui n'au» ;iroient pas pu s'en procurer. II fera créé et organifé une inflruciion publique, commune a tous les citoyens, gratuite 2 1'égard des parties d'enfeignement indifpenfaIbles pour tous les hommes, et dont les établififement feront diftribués graduellement dans un rapport combiné avec la divifion du royaume. II fera établi des fêtes nationales, pour icpnferver le fouvenir de la révolution franli^aile, entretenir la fraternité entre les citoyens, et les attacher & la Conftitution, a la tpatrie et aux lois. II fera fait un code de loix civiles combiunes a tout le royaume. T ij TITRE  29* HISTOIRE ET ANECDOTES TïTRE II. DE LA DIVISION DU ROYAUME ET DE L'ETAT DES CITOYENS. Artich Prevtisr. Le royaume eft un et indivifible: fon territoire eft diftrlbué en quatre-vingt-trois dépai> temens, cliaque département en diftriéts, chaque diftriél en cantons. • II. Sont citoyens francais: Ceux qui font nés en France, d'un pere francais. Oeux qui, nés en France, d'un pere étranger, ont fixé leur réfidence dans le royaume; Ceux qui, nes en pays étranger , d'un pere francais, font venus s'établir en France et ont prêté le ferment civique; Enfin ceux qui, nés en pays étranger, et defcendant , a quelque dégré que ce foit, d'un francais ou d'une francaife expartiés pour caufe de religion, viennent demeurer en France et prétent ]e ferment civique. lil. Ceux qui, nes hors du royaume, de parens étrangers, réfident en France, devien» nent citoyens francais après cinq ans de domicile continu dans le royaume, s'ils y ont en outre  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 2 93 outre acquis de? irmiieubles, 011 épiuiféune fran caife, ou formé un établiflement d'agriculture ou de commerce, et s'i-Is om prêté le ferment civique. IV. Le pouvoir législatif pourra, pour des confMérations importantes, donner a un étranger un afte de naturalifation, fans autres conditions que de fixer fon domieile en France, et d'y prêter le ferment civique. V. Le ferment civique eft: Je jure d'êtve fidele a la natiou, a la loi et au Roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la Cotifliiution du royaume, décrétée par ÏAjfemblêe nationale (onflituame aux annêes 1789, I790 et 1791. VI. La qualitc de citoyen francais fe perd, !°- Par la naturalifatiou en pays étranger * 2°- Par la condamnation aux peines qu* emportent la dégradation civique, tant que le condamné n'eft pas rchabilité; 3 P^r un jugement de contumace, tant que le jugement n'eft pas anéanti; 4°. Par 1'affiliation a tout ordre de chevalerie étranger, ou i toute Corporation étrangere qui fuppoferoit, foit des preuves de NoblefTe, foit des diftinctions de naiflance, ou qui ex'geroit des voeux religieux. VII. La loi ne confïdere le mariage que comme contrat civil. T iij Le  394 HISTOIRE ET ANECDOTES Le pouvoir législatif etablira, pour tous les habitans fans diftinction, le mode par lequel les naiflances , mariages et décès feront conftatds; et il défignera les officiers publics qui en recevront et conferveront les actes. VIII. Les citoyens francais , confidérés fous le rapport des relations locales qui naiffent de leur réunion dans les villes et dans de certains arrondiiTemens du territoire des campagnes, forment les communes, Le pouvoir législatif pourra fixer 1'étendue de 1'arrondiflement de chaque commune. IX. Les citoyens qui compofent chaque commune, ont le droit d'élire a temps, fuivant les formes déterminées par la loi, ceux d'entr'eux qui, fous le titre d'officiers municipaux, font chargés de gérer les affaires particuliéres de la commune. II pourra être délégué aux officiers municipaux, quelques fonctions relatives a 1'intérêt général de 1'état. X. Les regies que les officiers municipaux feront tenus de fuivre, dans Texercice, tant des fonctions municfpales, que de celles qui leur auront été dclégue'es pour 1'intcrêt général, feronf fixées par les loix. TITRE  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 205 TITRE III. DES POUVOIRS PUBLICS. ARTICLE PREMIER. La fouveraineté eft une, indivifible, inaliéI rable et imprefcriptible. Elle appartient a la i nation ; aucune fection du peuple, ni aucun I individu, ne peut stn attribuer 1'exercice. II. La nation, de qui feule émanent tous : les pouvoirs, ne peut les exercer que par dé! légation. La Conftitution francaife eft repréfentai tive: les reprdfentans font le corps législatif et le Roi. til. Le pouvoir législatif eft délégué & «ne AlTemblée nationale, corapofée de repréfen;; tans temporaires, librement élus par le peuple, i pour être exercé par elle, avec la fanftion du l! Roi , de la maniére qui fera ddterminde ci;l après. IV. Le gouvernement eft monarchiqiie. i| Le pouvoir exécutif eft délégué au roi, pour letre exercé, fous fon autorité, par des mini! lires et autres agens refponfables, de la mai niére qui fera déterminée ci-après. V. Le pouvoir judiciaire eft ddiégué a ders juges élus a temps par le peuple, T iv CHA-  39& HISTOIRE ET ANECDOTES CHAPITRE PREMIER. De PAffemhlèe nationale législative. ARTICLE PREMIER. L'aflembke nationale, formant le corps législatif, eft permanente , et n'eft compofée que d'une chambre. II. Elle fera formée, tous les deux ans, par de nouvelles élections. Chaque période de deux années formera une législature. ' III. Les difpofltions de Partiele précédent n'auront pas lieu a 1'égard du prochain corps fégislatif, dont les pouvoirs cefleront le dernier jour d'avril 1793. IV. Le renouvellement du corps législatif fe f«ra de plein droit. V. Le corps législatif ne pourra être diffous par le roi. SECTION PREMIÈRE. Komlre des repréfentans. Bafes de la repréfentation. ARTICLE PREMIER. Le nornbre des repréfentans au corps législatif eft de fept cent quarante- cinq, a raifon des quatre-vingt-trois départemens donc le  DE LA REVOLUTION FRANCOÏSE. 10? le royaume eft compofé, et indépendamment de ceux qui pourroient être aceordés aux colonies. II. Les repréfentans feront diftribuës entre les quatre-vingt-trois départemens, felon les trois proportions du territoire, de la population et de la contribution directe. III. Des fept cent quarante-cinq repréfentans , deux cent quarante - fept font attachés au territoire. Chaque département'en nommera trois, al'exception du département de Paris, qui n'en nommera qu'un. IV. Deux cent quarante-neuf repréfentans font attribués a la populatton. La maffe totale de la population aéh've du royaume, eft divifce en deux cent quaranteneuf parts, et chaque département nomme autant de députés qu'il a de parts de populatïon. V. Deux cent quarante-neuf repréfentans font attachés a la contribution direfte. La fomme totale de Ia contribution di-^ rede du royaume, eft de même divifée en deux cent quarante-neuf parts, et chaque département nomme autant de députés qu'il paie de parts de contribution. T V SECTrOM  3 98 HISTOIRE ET ANECDOTES SECTION II. Ajfemblêes primair*. Nomination des éktteurs. ARTICLE PREMIER. Pour former PAfiemblée nationale législative, les citoyens aftifs le réuniront, tous les deux ans, en auemblées primaires, dans les villes et dans les cantons. Les afïembldes primaires fe foraeront de plein droit le fecond dimanche de mars, fi elles n'ont pas été convoquées plutöt p'ar les foncïionnaires publics déterminés par la loi. II. Pour être citoyen aftif, il faut Etre né ou devenu francais; Etre agó de vingt-cinq ans accomplis; Etre domicilie dans Ia ville ou dans le panton depuis le temps déterminé par la loi; Payer, dans un lieu quelconque du royaume, une contribution direfte au moins égale a la valeur de trois journées de travail, et en reprcfenter la quittance; N'être pas dans un état de domefticité, c'eft è-dire, de ferviteur a gages; Etre infcrit dans la municipalité de fon domicile, au róle des gardes nationales; Avoir prêté le ferment civique. III. Tous les fix ans, le corps législatif fixera le minimum et le maximum de la valeur «ie la journée de travail, et les adminiftrateurs des départemens en feront la détermination locale pour ghacjue diltria. iv.  DE LA REVOLÜTION FRANqOISE. 299 IV. Nul ne pourra exercer les droits de citoyen actif dans plus 'd'un endroit, ni fe faire reprcfenter par un autre. V. Sont exclus de 1'exercice des droks de citoyen actif, Ceux qui font en état d'accufation; Ceux qui, après avoir été conftkués en état de faillite ou d'infolvabilité, prouvd par pieces authentiques, ne rapportent pas un acquit général de leurs civanciers. VI. Les afTemblées primaires nommeront des électeurs, en proportion du nombre des citoyens actifs domiciliés dans la ville ou le canton. II fera nommé un électeur è raifon de cent citoyens actifs, préfens ou non, a 1'aflemblée. II en fera nommé deux depuis cent cinquante-un jusqu'a deux cent cinquante; et ainfi de fuite. VII. Nul ne pourra etre nommé électeur, s'il ne re'unit aux conditions néceflaires pour être citoyen actif, favoir: dans les villes au deffus de fix mille ames, celle d'être propriétaire ou ufufruitier d'un bien évaluc, fur les röles de contribution, a un revenu égal a la valeur locale de deux cents journées de travail; ou d'être locataire d'une habitation évaluée,' fur les mêmes röles, a un revenu égal a la valeur de cent cinquante journées de travail. Dans  300 HISTOIRE ET ANECDOTEfJ Dans les villes au deflbus de fix mille ames, celle d'être propriétaire ou ufufruitier d' un bien évalué, fur ies róles de contribution, a un revenu égal a la valeur locale de cent cinquante journées de travail; ou d'être locataire d'une habitation évaluée, fur les mêmes róles, a un revenu- égal i la valeur de cent journées de travail. Et dans les campagnes , celle d' être propriétaire ou ufufruiter d' un bien évalué, fur les röles de contribution, a un revenu égal a la valeur locale de cent cinquante jourJides de travail; ou d'être fermier ou mér tayer de biens évalués, fur les mêmes róles, i la valeur de quatre cents journées de travail! A 1'égard de ceux qui feront en même temps propriétaires ou ufufruitiers d'une part, et locataires, fermiers ou métayers de 1'autre, leurs facultés a ces divers titres feront cumulées jusqu'au taux néceffaire pour étafclir leur éligibilité. SECTION nr. AJfemblées éleiloraks. Nomination des repréfentans. ARTICLE PREMIER. Les élefteurs nommés en chaque département ft reuniront pour élire le nombre des repré-  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 301 repréfentans dont la nominarion fera attribuée a leur département, et un nombre de fuppléans égal au tiers de celui des repréfentans. Les affemblées éleclorales fe formeront de plein droit le dernier dimanche de mars, fi elles n'ont pas cté convoquées pkitót par les fo»3ionaires publics déterminés par la loi. II. Les repréfentans et les fuppléans feront élus a la pluralité abfolue des fuffrages., i et ne pourront être choifis que parmi les citoyens actifs du département. III. Tous les citoyens aöifs, que! que foit leur état, profeflion ou contribution, pourront être êlus repréfentans de la nation. IV. Seront néanmoins obligés d'opter, les minitlres et les autres agens dti pouvoir : txécutif, révocables a volonté, les commilfaires de la tréforerie nationale, les percepteur* li et receveurs des contributions direetes, les (prépofés a la perception et aux régies de» ; contributions indireéles et des domaines nationaux, et ceux qui, fous quelque dénomi: nation que ce foit, fent attachés k des emI plois de la maifon militaire et civile du Roi. Seront également tenus d'opter les adi miniftrateurs, fous - administrateurs, officier» : municipaux, et commandans de gardes natio: nales. V. L'ex-  302 HISTOIRE ET ANECDOTES V. L'exercicc des fonctions judiciaires fera incompatible avec celles de rpreféntant de la nation, pendant toute la durée de la législature. Les juges feront remplace's par leurs fuppléaris, et ie roi pourvoira, par des brevets de commiflion, au remplacement de fes commiflaires auprès des tribunaux. VI. Les membres du corps législatif pourront être réélus a la législature fuivante, et ne pourront 1'être enfuite qu'après Pintervalle d'une législature. Les repréfentans nommés dans les départemens, ne feront pas repréfentans d'un département particulier, mais de la nation entiere, et il ne pourra leur être donné aucun mandat. SECTION IV. Tenue et régime des ajfemblées primaires et életlorales. ARTICLE PREMIER. Les fonctions des alfemblées primaires M éleftorales fe bornent a élire, elles fe féparetont auffitót après les éleftions faites, et ne pourront fe forraer de nouveau que. lorsr qu' elles  [ DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 303 qu'elles feront convoquées, fi ce n'eft aux cas de 1'article I de la fection II, et de Partiele I de la fection III cideffus. II. Nul citoyen actif ne peut entrer ni donner fon fuffrage dans une afiemblée, s'il eft armé. III. La force armée ne pourra être introduite dans 1'intérieur fans le vceu exprès de 1'aflemblée, fi ce n'eft qu'on y commit des violences; auquel cas, 1'ordre du préfident fuffira pour appeller la force publique. IV. Tous les deux ans il fera dreffé dans chaque diftrict, des liftes, par cantonsj ; des citoyens actifs, et la lifte de chaque canton y fera publiée et affichée deux mois avant 1'époque de 1'aflemblée primaire. Les réclamations qui pourront avoir li- ieu, foit pour contefter la qualité dee citoyens employés fur la lifte, foit de la part We ceux qui fe prétendront omis injuftement, feront portées aux tribunaux pour y être jugées fommairement. La lifte fervira de regie pour 1' admiffion, des citoyens dans prochaine afiemblée primaire , en tout ce qui n' aura pas été redilié par des iugemens rendus avanc la tenue de 1'afiemblée. V.  304 HISTOIRE ET ANECDOTES V. Les affemblées éleclorales ont le droit de vérifier la qualité et les pouvoirs de ceux qui s'y préfenteront, et leurs décifions feront executies pvovifoirement, fauf le jugement du corps législatif lors de la verification des pouvoirs des députés. VI. Dans aucun cas et fous aucun prétexte, le roi, ni aucun des agens nommés par lui, ne pourront prendre connoiffance des queftions relatives a la rigularité des convocations, a la tenue des affemblées, a la forme des éleclions, ni aux droits politiques des citoyens; fans préjudice des fonctions des commiffaires du Roi dans les cas déterminés par la loi, oü les queftions relatives aux droits polftiques des citoyens doivent être portées dans les tribunaux. SECTION V. Réunion des repréfentans en Ajfemblée nationale législattve. ARTICLE PREMIER. Les repréfentans fe réuniront, le premier lundi du mois de mai, au lieu des féances de la derniere législature, II. Ils fe formeront provifoirement en afTemblée fous la préfidence du doyen d'age, pour vérifier les pouvoirs des repréfentans préfens. III.  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 305 III. Dès qu'ils feront au nombre de trois cent foixante - treize membres vérifiés, ils fe conftitueront fous le titre d" Ajfemblée nationale lêgislative: elle nommera un préfident, un viceprélident et des fecrétaires, et commencera 1'exercice de fes fon&ions. IV. Pendant tout le cours de mois de mai, fi le nombre des repréfentans préfens teft au deffous de trois cent foixante treize, 'PAflemblée ne pourra faire aucun acte législatif. Elle pourra prendre un arrêté pour enjjoindre aux membres abfens de' fe rendre k ileurs fonétions dans le délai de quinzaine au iplus tard, è peine de 3000 liv. d'amende, 5'ils ne propofent pas une excufe qui foit U'ugée légitime par 1' AfTemblée. V. Au dernier jour de mai, quel que ifoit le nombre des membres préfens, ils fe 'conllitüéront en AfTemblée nationale lêgislative. VI. Les repréfentans prononceront tous enfembie, au nóhï du peuple francais, le feriment de vtvre libres ou mourir. Ils prêteront enfuite individuellement Ie iferment „de maintenir de toüt leur pouvoir „ la Conftitution du royaume décrétée par l„ 1'Afièmblée nationale conftituante, aüx ani(,,nées 1789, 1790 et 1791, de ne riett „ propofer ni confentir, dans le cours de la 7'. IV. St8. IL U „ lé-  306 HISTOIRE ET ANECDOTES | ^législature, qui puifle y porter atteinte, eï „ d' être en tout fideles a la nation, i la loi! et au roi. " VII. Les repréfentans de la nation font, Inviolables: ils ne pourront être recherchés, accufés ni jugés en aucun temps pour ce, q'u'ils auront dit, écrit, ou fait dans 1'exercice de leurs fonctions de repréfentans. VIII. Ils pourront, pour fait criminet] être faifis en flagrans délit, ou en vertu d'unpiandat d'arrêt; mais il en fera donné avis fans délai, au corps législatif; et la pourfuite'; ne pourra être continuée qu'aprés que lei t:orps législatif aura décidé qu'il y a lieu a accufation. CHAPITRE IL De la royautê, de la régence et des minijlres. SECTION PREMIÈRE. De la royautê et du Ri ment, oü fi, après 1'avoir prêté, il le réI traite, il fera cenfé avoir abdiqué la royautê. U ij VI.  308 HISTOIRE ET ANECDOTES VI. Si le roi fe met i la tête d'une armée et en dirige les forces contre la nation, ou s'il ne s'oppofe pas, par un acte formel, a une telle entreprife, qui s'exécuteroit en fon nom, il fera cenfé avoir abdiqué la royautê. Vil. Si le. roi, étant forti du royaume, n'y rentroit pas après 1'invitation qui lui en feroit faite par le corps législatif, et dans le délai qui fera fixé par la proclamation, lequel ne pourra ètre moindre de deux mois, il feVoit'cenfé avoir abdiqué la royautê. Le ,dólai commencera a courir du jour Oii la proclamation du corps législatif aura été pufciiéë dans le lieu de fes féances; et les miniftres feront tenus, fous leur refponfabilité , de faire tous les actes du pouvoir èxécutif, dont 1'exercice fera fufpendu dans la main du roi abfent. VIII. Après 1'abdication exprefle ou légale, le roi fera dans la clalfe des citoyens, et pourra être accufé et jugé comme eux pour les acles pofterieurs a fon abdication. IX. Les biens patticuliers que le roi pofféde a fon avénement au tröne, font réunis irrévocablemem nu domaine de la nation, il a la difpofition de ceux qu'il acquiert a titre fingulier; s'il n'en a pas difpofé, ils font - pareillement réunis a la fin du regne. X.  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 309 X. La nation pourvoit a" la fplendeur du iltróne par une lifte civile, dont le corps législatif déterminera la lbmme, a chaque chanÜgement de regne, pour toute la durée du iregne. XI. Le roi nommera un admimftrateur de la lifte civile, qui exercera les actions juidiciaires du roi, et contre lequel toutes les faftions a la charge du roi feront dirigées et les jugemens prononcés. Les condamnations ©btenues par les créanciers de la lifte civile, feront exécutoires contre 1'adminiftrateur perfonellement, et fur fes propres biens. XII. Le roi aura, indépendammënj de la jgarde d'honneur qui lui fera fburnie par les icitoyens gardes nationales du lieu de fa réfiidence, une garde payée fur les fonds de la ilifte civile: elle ne pourra excéder le nombre 1de douze cents hommes a pied, et de fix cent» :hommes a cheval. Les grades et les regies d' avancement y 'feront les mêmes que dans les trbupes de Hgne, maïs ceux qui compoferont la garde du ;roi, rouleront, pour tous les grades exclufivement, fur eux - mêmes, et ne pourront en obtenir aucun dans 1'armee de ligne.' Le roi ne pourra choifir les hommes de fa garde que parmi ceux qui font aêtuelletment en activité de fervice dans les troupes U üj de  310 HISTOIRE ET ANECDOTES de ligne, ou parmi les citoyens qui ont fait,,, depuis un an, le fervice de gardes nationa»' les, pourvu qu'ils foient réfidans dans le ro-yaume, et qu'ils aient précédemment prêté! le ferment civique. La garde du roi ne pourra être com" mandée ni requife pour aucun autre fervicei public. SECTION II. De la régence. ARTICLE PREMIER. Le roi eft mineur jusq'a Page de dixnuit ans accomplis:, et pendant fa minorité,, il y a un régent du royaume. II. La rcgence appartient au parent dut roi, le plus proche en dégré, fuivant 1'ordre de 1'hérédité au tróne, et agé de vingtcinq ans accomplis; pourvu qu'il foit Francais et regnicole, qu'il ne foit pas héritier préfomptif d'une autre couronne, et qu'il ait précédemment prêté le ferment civique. Les femmes font exclues de la régence.! III. Si un roi mineur n' avoit aucun pa'rent réunifiant les qualités ci - deffus expri- i méés, le régent du royaume fera élu ainfi) qu'il va étre dit aux articles fuivans. IV.  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 311 IV. Le corps législatif ne pourra élire le régent. V. Les éleéteurs de chaque diftrift fe réuniront au chef - lieu du diftrict, d'après une proclamation qui fera faite, dans la premjere femaine du nouveau regne, par le corps législatif, s'il eft réuni, et s'il étoit féparé, le miniftre de la juftice fera tenu de faire cette proclamation dans la même femaine. VI Les éle&eurs nommeront, en chaque diftrift, au fcrotin individuel, et a la pluralité abfolue des fufFrages, un citoyen éligible et domicilié dans le diftrift; auquel ils donneront, par le procés - verbal de 1'éleclion, un mandat fpécial, borné a la feule fouclion d'élire le citoyen qu'il jugera, en fon ame et confcience, le plus digne d'être jltégent du royaume. Vil. Les citoyens mandataires rlommés. rtidans les diftrids, feront tenus de fe raflemïbler dans la ville oü le corps législatif tienJldra fa féance, le quarantiéme jour au plus i tard, a partir de celui de 1'avênement du roi mineur au tröne-, et ils y formeront 1'aflemblée électorale, qui procédera i la nomination du régent. Vlll. L' élection du régent fera faite au fcrutin individuel, et i la pluralité abfolue I des fuftrage». U iv IX.  $12 HISTOIRE ET ANECDÜTES IX. L'aflemblée éle&orale ne pourra 8'occuper que de 1'éleétion, et fe féparera auffltót que 1'éleétion fera terminée; tout autre ade qu'elle entreprendroit de faire, eft déclaré inconftitutionnel et de nul effet. X. L'aflemblée éleétorale fera préfenter, par fon préfident, le procés - verbal de 1'éleétion au corps législatif, qui, après avoir vénfié la régularité de Péledion, la fera pubher dans tout le royaume par une proclamation. XI. Le régent exerce, jusqu'a la raajo. rité du roi, toutes les fonftions de la royautê, et n'eft pas perfonnellement refponfable des actes de fon adminiftration. XII. Le régent ne peut commencer 1'exercice de fes fonctions, qu'après avoir prêté, a la nation, en préfcnce du corps législatif, le ferment d' être „ fidele è la nation, „a la loi et au roi, et dont 1'exercice lui „eft confié pendant la minorité du roi, a „ maintenir la Conftitution décrétée par 1'AfTemblée nationale, conftituante, aux années « 1789, 1790 et 1791, et a faire exécuter „les loix." Si le corps législatif n'eft pas afTemblé, Ie régent fera publier une proclamation, dans laquelle feront exprimés ce ferment et la promefle de le réiterér auffitót que Ie corps législatif fera réuni. XIU  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 313 XIII. Tant que Ie régent n'eft pas en. tré en exercice de fes fonctions, la fanction ! des loix demeure fufpendue; les miniftres continuent de faire, fous leur refponfabilité, tous 1 les a#cs du pouvoir exécutif. XIV. Auffitót que le régent aura prêté i le ferment, le corps législatif dètermincra fon 'i traitement, lequel ne pourra être changé pen■ dant la durée de la régence. XV. Si, a raifon de la minoritè d'age 1 du parent appellé a la régence, elle a été dévolue a un parent plus eloignè, ou dèfèrée par élection, le régent qui fera entré en ! exercice, continuera fes fonctions jusqu'a la majorité du roi. XVI. La régence du royaume ne confére aucun droit fur la perfonne du roi mi» neur. XVII. La garde du roi mineur fera con- fiée a fa mere; et s'il n'a pas de mere, ou I fi elle eft remariée au temps de Pavénement 1! de fon fils au tróne, ou fi- elle fe remarie : pendant la minorité, Ia garde fera déférée par ! le corps législatif. Ne peuvent être élus pour la garde du roi mineur, ni le régent et fes defcendans, ni : jes femmes. XVIII. En cas de démence du roi, notoirement reconnue, légalement conftatée, et U Y dé-  314 HISTOIRE ET ANECDOTES déelarée par Ie corps législatif après trois délibérations fuccefövement prifes de mois en mois, il y a lieu a la régence, tant que la démence dure, SECTION III, jDe la familie du roi* ARTICLE PREMIER. L'héritier préfomptif portera le nom de frlnce royal. II ne peut fortir du royaume fans tin décret du corps législatif, et le confentement du roi. S* il en «ft forti, et li, étant parvenu a 1' 3ge de dix - huit ans, il ne rentre pas en France après avoir été requis par une proclamation du corps législatif, il eft cenfé avoir abdiqué le droit de fucceffion au tröne. II. Si P héritier préfomptif eft mineur j Ie parent majeur, premier appellé a la régence, eft tenu de réfider dans le royaume. Dans le cas ou il en feroit forti, et n'y rentreroit pas fur la rëquifition du corps législatif, il fera cenfé avoir abdiqué fon droit a la régence. III. La mere du roi mineur ayant fa garde, ou Ie gardien élu, s'ils fortent du royaume, lont déchus de la garde. * Si  DE LA REVOLUTION FRAN?OISS. 315 Si la mere de l'héritier préfomptif mineur fortoif du royaume, elle ne pourroit, même après fon retour, avoir la garde de fon fils mineur devenu roi, que par un décret du corps législatif. IV. II iera fait une loi pour régler P.éducation du roi mineur, et celle de l'héritier préfomptif mineur. V. Les membres de la familie du roi. appellés a la fuccefïïon éventuelle au tröne, jouiffent des droits de citoyen actif, mais ne font éligibles a aucune des places, emplois ou fonctions qui font a la nomination du peuple. A 1'exception des départemens du miniftere, ils font fufceptibles des places et emplois a la nomination du roi; néanmoins ils ne pourront commander en chef aucune armée de terre ou de mer, ni remplir les fonctions d'ambaiTadeur, qu'avec le confentement du corps législatif, accordé fur la propofition du roi, VI. Les membres de la familie du roi, appellés a la fuccefïïon éventuelle au trónë, ajouteront la dénomination de Prince Francais au nom qui leur«anra été donné dans l'acte civil conftatant leur naiffance; et ce nom ne pourra être ni patronimique, ni formé d'aucune des qualifications abolies paf la préfente Conftitution. La  316 HISTOIRE ET ANECDOTES La dénomination de Priuce ne poura être donnée 4 aucun autre individu, et n'emportera aucun privilege, ni aucune exception au droit commun de tous les Francais. VII. Les actes par lesquels feront légalement conftatés les naiffances, mariages et décès des Princes francais , feront préfentés au corps législatif, qui en ordonnera le dépot dans fes archives. VIII. II ne fera accordé" aux membres de la familie du Roi, aucun apanage réel. Les fils puinés du Roi recevront, a Page de vingt - cinq ans accomplis, ou lors de leur manage, une rente apanagére, Iaquelle fera fixée par le corps législatif, et finira a 1'extinjtion de leur poftérité mafculine. SECTION IV. Des Miniflres. ARTICLE PREMIER. Au Roi feul appartiennent lc choix et Ia révocation des Miniflres, II. Les membres de l'AfTemblée nationale actuelle et les législatures ÉRvantes, les membres du tribunal de cafl'atioo, et ceux qui ferviiont dans le haut-juré ; ne pourront être f roraus au miniftere , ni regevoir aucunes places,  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 3ÏJ> ces, dons, penfions, traitemens ou commiflioit du pouvoir exécutif ou de fes agens, pendant la durée de leurs fonctions, ni pendant deux ans après en avoir celfé 1'exercice. II. En fera de même de ceux qui feront feulement infcrits fur la lifte du haut-jurc', pendant tout le temps que durera leur infcription. III. Nul ne peut entrer en exercice d'aucun emploi, foit dans les bureaux du miniftere , foit. dans ceux des régies ou adminiftrations des revenus publics, ni en général d'aucun emploi a la nomination du pouvoir exécutif, fans prêter le ferment civique, ou fans juftifter qu'il 1'a prêté. IV. Aucun ordre du Roi ne peut êtrê exécuté, s'il n'eft figné par lui et contrefigné par le miniftre ou Pordonnateur du départémenr. V. Les miniftres font refponfables de tous les délits par eux commis contre la füreté nationale et la Conftitution; De tout attentat a la propriété et £ la liberté individuelle; De toute diffipation des deniers deftinés aux dépenfes de leur département. VI. En aucun cas, 1'ordre du Roi, verbal ou par écrit, ne peut fouftraire un mi*iftre a la refponfabilité. VII.  318 HISTOIRE ET ANECDOTES VII. Les miniftres font tenus de préfenter, chaque année, au corps législatif, è Pouverture de la feffion, l'apercu des dépenfes a faire dans leur département, de rendre compte de 1'emploi des fommes qui y étoient deftinées, et ,d indiquer les abus qui auroient pu s'introduire dans les différentes parties du gouvernement. ( VIII. Aucun miniftre en place, ou hors de place, ne peut être pourfuivi en matiere criminelle pour fait de fon adminiftration, fans un décret du corps législatif. CH A PIT RE III. De 1'exercice du pouvoir législatif. SECTION PREMIÈRE. Pouvoirs et fonüions de VAjfemblêe nationale lêgislative. ARTICLE PREMIER, La Conftitution délegue exclufivement au corps législatif, les pouvoirs et fonctions ciaprès. io- De propofer et décréter les loix: le roi peut feulement inviter le corps législatif i prendre un objet en confidération, a°. De fixer les dépenfes publiques.  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 31$ 30. D'dtablir les contributions publiques, id'en déterminer la nature, la quotité, la duirée et le mode de perception. 40. De faire la rdpartition de la contribuition direéte entre les départemens du royaume; j:de furveiller l'emploi de tous les revenus publiés, et de s'en faire rendre compte. 50. De décrétcr la création ou la fupreffion des offices pubiics. 60. De déterminer le titre, le poids, Tem» preinie et la dénomination des monnoies. 70. De permettre ou de defendre 1'introduction des troupes étrangéres fur le territoire francais, et des forces navales étrangéres dans les ports du royaume. 8°- De ftatuer annuellement, après la propofition du roi, fur le nombre d'hommes et de yaifleaux dont les armées de terre et de mer ïlferont compofées ; fur la folde et le nombre d'individus de chaque grade; fur les regies d'admiffion et d'avancement, les formes de 1'enróilement et du dégagement, la formation de» équipages de mer; fur Padmiffion des troupes bu des forces navales étrangéres au i'ervice de irrance, et fur le traitement des troupes en ca» de licenciement. 90. De ftatuer fur ï'adminiftration, et d'orlonner 1'aliénation des domaines nationaux. lao.  3SO HISTOIRE ET ANECDOTES lo"« De pourfuivre devant la haute-cour nationale la refponfabiHtc des miniflres, et des agens principaux du pouvoir exécutif. D'accufer et de pourfuivre , devant la "même cour, ceux qui feront prcvenus d'attentat et de complot, contre la füreté générale de 1'état, ou contre la Conftitution. II °- D'étabiir les loix d'après lesquelles les marqués d'honneur ou décorations pure» '■ ment perfonnelles, feront accordées a ceux qui •nt rendu des fervices a 1'état. 120. Le corps législatif a feul le dfoit ' de décreter les honneurs pubiics a la mémoire des grands hommes. IL La guerre ne peut être décidée que par un décret du corps législatif, rendu fur la propofition formelle et nécefTaire du Roi, et fan&ionné par lui. Dans, le cas d'hoftilités imminentes ou commencées, d'un allié a foutenir, ou d'un droit a conferver par la force des armes, le Roi en donnera, fans aucun délai, la notification au corps législatif, et en fera connoitre les motifs. Si le corps législatif eft en vacances, le Roi le convoquera auffitöt. Si le corps législatif dicide que la guerre ne doive pas être faite, le Roi prendra fur le ! champ les mefures pout faire cefTer ou préve- nir  ■ : DE LA REVOLUTION FRANCOISE. %% t nir toutes hoftilités; les miniflres demeurant jrefponfables des delais. Si le cftps législatif trouve que les hoftilités commencées foient une agreflion coupable; de la part des miniftres, ou de quelqu'autre :agent du pouvoir exécutif, 1'auteur de 1'agrefifion fera pourfuivi criminellement. Pendant tout le cours de la guerre, le jporps législatif peut requérir le Roi de négoIcier la paix, et le Roi eft tenu de déférer a xette réquifition. A 1'inftant oü la guerre ceflera, le corps législatif fixera le délai dans lequel les troupes /élevées au deffus du pied de paix, feront congédiées, et 1'armée réduite a fon état ordinaire. III. II appartient au corps législatif de ratifier les traités de paix, d'alliance et de ijcommerce; et aucun traité n'aura d'effet que par cette ratification. IV. Le corps législatif a le droit de déterLiner le lieu de fes féances, de les continuer jautant qu'il le jugera nécefiaire, et de s'a'ourjner: au commencement de chaque regne, s'il fi'eft pas réuni, il fera tenu de fe rafiembler, •Tans délai. 11 a le droit de police dans le lieu de fes féances, et dans l'enceinte extérieure qu'il aura déterminée. lhT.mSe8.Jl X n  322 HISTOIRE ET ANECDOTES II a le droit de difcipline fur fes membres; mais il ne peut prononcer de punition plus forte que la cenfure, les arrêts poMr huit jours, ou la prifon pour trois jours. II a le droit de difpofer, pour fa fureté et pour le maintien du refpect qui lui eft dü, des forces qui, de fon confentement, feront établies dans la ville oü il tiendra fes féances. V. Le pouvoir exécutif ne peut faire paffer ou féjourner auam corps de troupes de ligne, dans la diftance de trente mille toifes du corps législatif, fi ce n'eft fur fa réquifition ou avec fon autorifation. SECTION II. Tenue des féances, et forme de délibérer. ARTICLE PREMIER. - Les délibérations du corps législatif feront publiques, et les procés-verbaux de fes féances feront imprimés. II. Le corps législatif pourra cependant, en toute occafion, fe former en comité général. Cinquante membres auront le droit de 1'exiger. Pendant la durée du comité général, les afïiftans fe retireront, le fauteuil du préfident fera vacant, 1'ordre fera maintenu par le vicepréfident. III.  DE LA REVOLUTION FRANfOlSE. 323 III. Aucun acte législatif ne pourra être déjïibéré et décrété que dans la forme fuivante. IV. 11 fera fait trois leétures du projet de décret, a" deux intervalles, dont chacun ne pourra être moindre de huit jours. V. La difcuiïïon fera ouverte après chaque leéture; et néanmoins, après la première du feconde leéture, le corps législatif pourra idéclarer qu'il y a lieu a 1'ajournement, ou qu'il jn'y a pas lieu a délibérer: dans ce dernier cas, |le projet de décret pourra être repréfenté dans la même fefllon. Tout projet de décret fera imprimé et diftribué avant que la feconde leéture puiffe en Être faite. VI. Après la troifiéme leéture, Ie préfident fera tenu de mettre en délibération, et le corps législatif décidera s'il fe trouve en état de rendre un décret dénnitif, ou s'il veut renvoyer Ia d.cifion a un autre temps, pour recuellir de plus amples éclaircifiemens. VIL Le corps législatif ne peut délibérer, fi la féance n'eft compofée de deux eens memtres au moins, et aucun décret ne fera formé que par la pluralité abfolue des fuffrages. VIII. Tout projet de loi qui, foumis i la difcuiïïon, aura été rejetté après la troifiéme leéture, ne pourra être repréfenté dans la même feffiou. X ij IX.  324 HISTOIRE ET ANECDOTES IX. Le préambule de tout décret définitif dnoncera, io. les dates des féances auxquelles I les trois leétures du projet auront été faitcs; 2,0. le décret par lcquel il aura été arrêté, après la troifiéme lecture , de décidér défini- i tivement. X. Le Roi refufera fa fanétion aux décrets 1 dont le préambule n'atteftera pas l'obfervation ! des formes ci-deffus: fi quelqu'un de ces décrets étoit fanétionné, les miniftres ne pourront le fceller ni le promulguer, et leur refponfabilité, a eet égard, durera fix années. XI. Sont exceptés des difpofitions ci-def- | fus, les décrets reconnus et déclarés urgens par une délibération préalable du corps législatif; mais ils peuvent être modifiés ou révoqués dans le cours de la même feflion. Le décret par lequel la matiére aura été déclarée urgente, en énoncera les motifs, et il fera fait mention de ce décret préalable dans le préambule du décret définitif. S E C T I O N III. De la faniïion royale. ARTICLE PREMIER. Les décrets du corps législatif font pré» fentés au roi, qui peut leur refufer fon con- ! fentement. II.  DE LA REVOLUTION FRANQOISE. 325 II. Dans le cas oü le roi refufe fon confentement, ce refus n'eft que fufpenfif. Lorsque les deux législatures qui fuivront celle qui aura préfenté le décret, auront fucceflivement repréfenté le même décret dans les mêmes termes, le roi fera cenfé avoir :donné la fanction. III. Le confentement du Roi eft exprimé fur chaque décret, par cette formule fignée du iRoi: Le Roi covfcnt et fera exécuter. Le refus fufpenfif eft exprimé par cellefci: Le Roi examinera. IV. Le Roi eft tenu d'exprimer fon conCentement ou fon refus fur chaque décret, dans les deux mois de la préfentation. V. Tout décret auquel le Roi a refufé fon confentement, ne peut lui être repréfenté par la même législature. VI. Les décrets fanctionnés par lé Roi, et ceux qui lui auront été préfentés par trois législatures confécutives, ont force de loi, et portent le nom et 1'intitulé de loite. VII. Seront néanmoins exécutés comme iloix, fans être fujets a la fanction, les actes lldu corps législatif concernant fa Conftitution en aifemblée d.libérante; Sa police inférieure, et celle qu'il pourra exercer dans 1'enceinte extérieure qu'il aura déiljerminée; X üj La  326 HISTOIRE ET ANECDOTES La ve'rification des pouvoirs de fes membres prdfens; Les injonétions aux membres abfens; La convocation des aflemblées primaires en retard; L'exercice de la police conftirutionelle fur les adminiftrateurs et fur les Officiers muni-' cipaux; Les queftions, foit d'éligibilité, foit de validité des éleétions. Ne font pareillement fujets è la fanch'on les aftes relatifs è la refponfabilité des Miniflres, ni les décrets portant qu'il y a lieu i accufation. Vlll. Les décrets du corps législatif concernant 1'établiffement, la prorogation et la perception des contributions publiques, porteront le nom et 1'intitulé de loix. Ils feront promulgués et exécutés fans être fujets a" Ia fanction; fi ce n'eft pour les difpofitions qui établiroient des peines autres que des amendes et contraintes pécuniaires. Ces décrets ne pourront être rendus qu'apres 1'obfervation des formalités prefcrites par les Articles IV, V, VI, Vil, Vlll et IX de la feétion 11 du préfent chapitre; et le corps législatif ne pourra y inférer aucunes difpofitions étrangéres a leur objet. . SECTION  ; DE LA REVOLUTION FRAN£OISE. 327 S E C T I O N IV. Relations du Corps législatif avec le Roi. ARTICLE PREMIER. Lorsque le Corps législatif eft définitivement conftitué, il envoie au Roi une députation pour Ten inftruire. Le Roi peut chaque année faire 1'ouverture de la feflïon, et i propofer les objets qu'il croit devoir être pris en confidération pendant le cours de cette fefij'fion, fans néanmoins que cette formalité puiffe ij être confidérée comme néceftaire a 1'aétivité du Corps législatif. II. Lorsque le Corps législatif veut s'ajourner au-dela de quinzc jours, il eft tenu d'en prévenir le Roi par une députation, au inoins huit jours. III. Huitaine au moins avant la fin de chaque fefiion, le corps législatif envoie au Roi xine députation pour lui annoncer le jour oü il fe propofe de terminer fes féances: le Roi jpeut venir faire la clóture de la feiïïon. IV. Si le Roi trouve important au bien de 1'état que la feffion foit continuée, ou que 11'ajournement n'ait pas lieu, ou qu'il n'ait lieu i que pour un temps moins long, il peut a eet efret envoyer un meffage, fur lequel le Corps législatif eft tenu de délibérer. Xiv V.  328 HISTOIRE ET ANECDOTES V. Le Roi convoquera le Corps législatif, dans 1'intervaIIe de fes feflions, toutes les fois que 1'intérêt de 1'état lui paroïtra 1'exiger, ainfi que dans les cas qui auront été prévus et déterminés par le Corps législatif avant de s'ajourner. VI. Toutes les fois que Ie Roi fe rendra au lieu des féances du Corps législatif, il fera recu et reconduit par une députation; il ne pourra être accompagné, dans 1'intérieur de la falie, que par le Prince royal et, par les Miniflres. VII. Dans aucun cas, Ie Préfident ne pour-; ra faire partie d'une députation. VIII. Le Corps législatif ceffera d'êtr^ Corps délibérant, tant que Ie Roi fera préfent. IX. Les aftes de Ia correfpondance du Roi avec le Corps législatif, feront toujours contrefignés par un Miniftre. X- Les Miniflres du Roi auront entréej dans l'aflemblée nationale lêgislative; ils y auront une place marquée.' Ils feront entendus, toutes les fois qu'ils Ie demanderont, fur les objets relatifs a leur, adminiftration, ou lorsqu'ils feront requis de donner des éclairciflemens. Ils feront également entendus fur les objets c'trangers' è leur adminiftration, quand 1'Affemblée nationale leur accordera la parole. CHA-  DE LA REVOLUTION FRANqOISE, 329 CHAPITRE IV. De F exercice du pouvoir exécutif. ARTICLE PREMIER. Le pouvoir exécutif fuprême réfide ex'clufivement dans la main du roi. Le roi eft le chef fuprême de Padminiftration générale du royaume: le foin de veilJer au maintien de 1'ordre et de la tranquillité publique lui eft confié. Le roi eft le chef fuprême de Parmée de terre et de Parmée navale. Au roi eft délégué le foin de veiller i la füreté extérieure du royaume, d'en maintenir les droits et les pofTelïions. 11. Le roi nomme les ambafladeurs et Jes autres agens des négociations politiques. II confére le commandement des armées et des flottes, et les grades de maréchal de France et d'amiral. II nomme les deux tiers des contre - atniraux, la moitié des lieutenans - généraux, maréchaux - de - camp, capitaines de vaifleaux, et colonels de la gendarmerie nationale. II nomme le tiers des colonels et des lieutenans - colonels, et le fixiéme des lieutenans des vaifieaux. Le tout en fe conforraant aux loix furl'avancement. X v II  33© HISTOIRE ET ANECDOTES II nomme, dans 1'adminiftration civile de la marine, les ordonnateurs, les contróleurs, les tréforiers des arfenaux, les chefs des travaux, fous - chefs des batimens civils, la moitié des chefs d'adminiftration et des fous - chefs de conftruction. II nomme les commiffaires auprès des tribun aux. II nomme les prépofés en chef aux ré¬ gies des contnbutions indirectes, et a 1'adminiftration des domaines nationaux. II furveille la fabrication des monnoies, et nomme les officiers chargés d'exercer cette furveillance dans la commiffion générale, et dans les hotels des monnoies. L'effigie du roi eft empreinte fur toutes les monnoies du royaume. III. Le roi fait délivrer les lettres - parentes, brevets et commiffions aux fonftionnaires pubiics ou autres qui doivent en recevoir. IV. Le roi fait dreffer la lifte des penfions et gratifkations, pour être préfentée au corps législatif a chacune de fes feflions, et décrétée, s'il y a lieu. SECTION  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 331 SECTION PREMIÈRE. De la jiromnlgatioti des loix. ARTICLE PREMIER. Le pouvoir exécutif eft chargé de faire fceller les loix du fceau de 1'état, et de les faire promulguer. II 'eft chargé également de faire promulguer et exécuter les aétes du corps législatif qui n'ont pas befoin de la fanction du roi. II. II fera fait deux expéditions originales de chaque loi, toutes deux fignées du roi, contrefignées par le miniftre de la jufti- i ce, et fcellées du fceau de 1'état. L'une reftera dépofée aux archives du fceau, et 1'autre fera remife aux archives du corps législatif. III. La promulgation des loix fera ainfi concue: „N. (le nom du roi) par la grace de „Dieu, et par la loi conftitutionnelle de 1'état „roi des Francais; a tous préfens et £ venir, |-„falut. L'AfTembléé nationale a décrété, et - „nous voulons et ordonnons ce qui fuif." (La copie littérale du décret fera inférée fans aucun changement.) „Mandons et ordonnons a" tous les corps „ adminiftratifs et tribunaux, que les préfentes ilS  33* HISTOIRE ET ANECDOTES „ils fafleht configner dans leurs regiftres, li„re, publier et afficher dans leurs départe„mens et refibrts refpeétifs, et exécuter com„me loi du royaume: en fbi de quoi nous „avons fait appofer le fceau de 1'état." IV. Si le roi eft mineur, les loix, proclamations et autres actes émanc's de Pautórité royale pendant la régence, feront concues ainfi qu'il fuit: „N. (le nom du régent) régent du ro„yaume, au nom de N. (le nom du roi) pat „la grace de Dieu; et par la loi conftituti„onnelle de 1'état, roi des Francais, etc. „etc. etc." V. Le pouvoir exécutif eft tenu d'énvoyer les loix aux corps adminiftratifs et aux tribunaux, de fe faire certifier eet envoi et d'en juftifier au corps législatif. VI. Le pouvoir exécutif ne peut faire aucune loi, même provifoire; mais feulement des proclamations conformes aux loix, pour en ordonner ou en rappeller 1'exécution. S E C T I O N IL De l' adminiftration inrérieure. ARTICLE PREMIER. II y a, dans chaque département, une adminiftration fupérieure; et dans chaque diftrict, une adminiftration furbordonnée. n  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 333 II. Les adminiftrateurs n'ont aucun caractere de repréfentation. Ils font des agens élus a temps par le peuple, pour exercer, fous la furveillance et 1'autorité du roi, les fonctions adminiftratives. III. Ils ne peuvent ni s'immmifcer dans 1'exercice du pouvoir législatif, ou fufpendre Texécution des loix, ni rien entreprendre fur 1' ordre judiciaire, ni fur les difpofitions ou opérations militaires. IV. Les adminiftrateurs font effentielle: ment chargés de répartir les contributions dii reétes , et de furveiller les deniers pdvenant de toutes les contributions et reveuus pubiics dans leur territoire. II appartient au pouvoir législatif de déterminer les regies et le mode de leurs fonc- i tions, tant fur les objets ci - deflus exprimés, que fur toutes les autres parties ^e 1'admini- iftration intérieure. V. Le roi a le droit d'annuller les aci tes des adminiftrateurs du département, conl traires aux loix ou aux ordres qu'il leur aura ! addreffés. II peut, dans le cas d'une défobéiflancenperfévérante, ou s'ils compromettent par leure ilactes la füreté ou la tranquillité publique, les i fufpendre de leurs fonctions. VI.  334 HISTOIRE ET ANECDOTES VI. Les adminiftrateurs de départemens ont de même le droit d'annuller les aétes des fous - adminiftrateurs de diftricts, contraires aux loix ou aux arrètés des adminiftrateurs de départemens, ou aux ordres que ces derniers leur auront donnés ou transmis. Ils peuvent également, dans le cas d'une défobéiflance perfévérante des fous - adminiftrateurs, ou fi ces derniers compromettent par leurs actes la füreté ou la tranquillité publique, les fufpendre de leurs fondions, i la charge d'en inftruire le roi, qui pourra lever ouOconfirmer la fufpenfion. Vil. Le roi peut, lorsque les adminiftra¬ teurs de départemens n'auront pas ufé du pouvoir qui leur eft délégué dans 1'article cideflus, annuller, direétement les adres des fous-adminiftrateurs, et les fufpendre dans les mêmes cas.» Vlll. Toutes les fois que Ie roi aura prononcé ou confirmé la fufpenfion des ad¬ miniftrateurs ou fous - adminiftrateurs, il en inftruira le corps législatif. Celui-ci pourra, ou lever Ia fufpenfion, ou la confirmer, ou même diflbudre 1'adminiftration coupable; et s'il y a lieu, renvoyer tous les adminiftrateurs, ou quelques-uns d'eux, aux tribunaux criminels, ou porter contre eux le décret d'accufation. SEC-  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 335. S E C T I O N III. 9 De relations extirieures. ARTICLE PREMIER. Le roi feul peut entretenir des relations politiques au dehors, conduire les négociatiipns, faire des préparatifs de guerre proportiionnés a ceux des états voifins, diftribuer les iforces de terre et de mer ainfi qu'il le jugera convenable, et en régler la direétion en |cas de guerre. II. Toute déclaration de guerre fera faite en ces termes: De la part du roi des FratiKais j au nom de la nation, III- II appartient au roi d'arrêter et de ifigner avec toutes les puiflances étrangéres, |ous les traités de paix, d'alliance et de comtnerce, et autres conventions qu'il jugera néIceflaires au bien de 1'état; fauf la ratification. du corps législatif. CHAPITRE V. Du pouvoir juditiairc. ARTICLE PREMIER. Le pouvoir judiciaire ne peut, en au» cun cas, être exercé par le corps législatif, ikii par le roi. n.  336 HISTOIRE ET ANECDOTES IL La juftice fera renduc gratuitement par des juges élus d temps par le peuple, et inftitués par lettres - patentes du roi, qui ne pourra les refufer. Ils ne pourront être, ni deftitués que pour forfaiture duement jugée, ni fufpendus que par une accufation admife. L'accufateur public fera nommé par le peuple. III. Les tribunaux ne peuvent, ni s'immifcer dans 1'exercice du pouvoir législatif, ou fufpendre 1'exécution des loix, ni entreprendre fur les fonctions adminiftratives , ou citer devant eux les adminiftrateurs pour raifon de leurs fonctions. IV. Les citoyens ne peuvent être diftraits des iuges que la loi leur afligne, par aucune commifiïon, ni par d'autres attributions et évocations que celles qui font déterminées par les loix. V. Le droit des citoyens, de terminer définitivement leurs conteftations par la voie de 1'arbitrage, ne peut recevoir aucune atteinte par les actes du pouvoir législatif. VI. Les tribunaux ordinaires ne peuvent recevoir aucune a&ion au civil, fans qu'il leur foit juftifié que les parties ont comparu, ou  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 337 ou que le demandeur a cité fa partie adverfe devant des mëdiateurs, pour parvenir a une» conciliation. Vil. II y aura un oü plufieurs juges de> paix dans les cantons et dans les villes. Le nombre en fera déterminé par le pouvoir léi gislatif. VIII. II appartient au pouvoir législatif !de régler le nombre et les arrondifTemens des Stribunaux, et le nombre des juges dont chaque tribunal fera compofé. IX. En matiére criminelle, nul citoyen ne peut être jugé que fur une accufation recua ïpar des jurés, ou décrétée par le Corps légisilatif, dans les cas oü il lui appartient de pour. fuivre 1'accufation. Après 1'accufation admife, le fait fera re» connu et déclaré par des jurds. L'accufé aura la faculté d'en récufer jusqu'a vingt, fans donner de motifs. Les jurds qui declareront le fait, ne pourront être au defibus du nombre de douze. * L'application de la loi fera faite par des juges. L'inftruction fera publique, et Pon ne pourra refuferaux accufésle fecours d'un confeil. Tout homme acquitté par un jurd ldgal, 11e peut plus être repris ni accufé a raifon du jnême fait. TfIF. St3. II. % XV  338 HISTOIRE ET ANKCDOTES X. Nul homme ne peut être flffi que pour être conduit devant 1'Officier de police; et nul ne peut être mis en arreftation ou détenu qu'en vertu d'un mandat des Officiers de police, d'une ordonnance de prife de corps d'un tribunal, d'un décret d'aci.ration du corps législatif, dans le cas oü il lui appartient de ie prononccr, ou d'un jugement de condamnation a prifon ou détention correctionnelle. XI. Tout homme faifi et conduit devant -'Officier de police, fera examiné fur le champ, ou au plus tard dans les vingt-quatre heures.' S'il réfulte de 1'examen qu'il n'y a aucun fuiet d'inculpa'tion contre lui, il fera remis auffitót en liberté; ou s'il y a lieu. de ï'envoyer a la maifon d'arrêt, il y fera con- ; duit dans le plus bref délai, qui, en aucun cas, rre pourra excéder trois jours. XII. Nul homme arrêté ne peut être retenu s'il donne camion fuffifante, dans tous les cas oü la loi permet de refter libre fous fautionnement. Xlli. Nul homme, dans Ie cas oü fa detention eft autorifce par la loi, ne peut être conduit et décenu que dans les lieux légalement et publiquement désignés pour fervir de maifon d'arrêt, de maifon de juftice, ou de prifon^ XIV.  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 339 XIV. Nul'gardien ou geolier ne peut reii cevoir ni retenir aucun homme, qu'en vertu Id'un mandat, ordounance de prife de corps, : décret d'accufation, ou jugement mentionnés dans 1'Art. X. ci-deflus, et fans que la tranfcription en ait été faite fur fon regiftre. XV. Tout gardien ou geolier eft tenu, fans qu'aucun ordre puiffeTen difpenfer, de repréfenter la perfonne du détenu è 1'Offficier > civil ayant la police de la maifon de détention, toutes les fois qu'il en fera requis par lui. La repréfentation de la perfonne du détemu ne pourra de même être refufée a fes parens et amis, porteurs de 1'ordre de rOfficier civil, i qui fera toujours tenu de 1'accorder, a moins Ique le gardien ou geolier ne repréfenté une orjdonnance du juge, tranfcrite fur fon regiftre, ipour tenir Parrêté au fecret. XVI. Tout homme, quelle que foit fa iplace ou fon emploi, autre que ceux a qui la mi donne le droit d'arreftation, qui donnera, ijfignera, exécutera ou fera exécuter 1'ordre d'ariprêter un citoyen; ou quiconque, même dans les >cas d'arreftation autorifés par la loi, conIduira, recevra ou retiendra un citoyen dans |un lieu de détention non publiquement et lé'galement désigné; et tout gardien ou geolier jqui contreviendra aux djfpofitions des Arti- Y ij cle«  34° HISTOIRE ET ANECDOTES des XIV et XV ci deffiis, feront coupables du crime de détention arbitraire. XVII. Nul homme ne peut être recherché ni pourfuivi pour raifon des écrits qu'il aura fait imprimer ou publier fur quelque matiére que ce foit, fi ce n'eft qu'il ait provoqué a deffein la désobéifiance a la loi, 1'aviliiTemeut des pouvoirs conftitués, la réfiftance a leurs ades, ou quelques-unes des aétions déclarées crimes ou dclits par la loi. La cenfure fur les aélcs des pouvoirs conftitués, eft permife: mais les caloinnies volontaires contre la probité des fondionnaires pubiics et la droiture de leurs intentions dans 1'exercice de leurs fon&ions , pourront être pourfuivies par ceux qui en font 1'objet. Les calomnies et injures contre quelques perfonnes que ce foit, rélatives aux aétions de leur vie privée, feront punies fur leur pourfuite. XVIII. Nul ne peut être jugé, foit par Ia voie civile, foit par la voie criminelle, pour fait d'écrits imprimés ou publiés, fans qu'il ait été reconnu et déclaré par un juré, 10. s'il y a délit dans 1'écrit dénoncé ; 2». fi ia perfonne pourfuivie en eft coupable. XIX. II y aura, pour tout le royaume, un feul tribunal de cafiation, établi auprès du  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 341 du Corps législatif. II aura pour fonctions, de prononcer, Sur les demandes en caffation contre les jugemens rendus en dernier reffbrt par les tribunaux ; Sur les demandes en renvoi d'un tribunal a un autre, pour caufe de fufpicion légitime; Sur les régiemens de juges et les prifes a-partie contre un tribunal entier, XX. En matiére de caffation, le tribunal de caffation ne pourra jamais connoitre du fond des affaires; mais, après avoir caffé le jugement qui aura été rendu fur une procédure dans laquelle les formes auront été violées, on qui contiendra une contravention expreffe a la loi, il renverra le fond du procés au tribunal qui doit en connoitre. XXI. Lorsqu'après deux caffations, le jugement du troifiéme tribunal fera attaqué par les mêmes moyens que les deux premiers, la queftion ne pourra plus être agitée au tribunal de caffation, fans avoir été foumife au Corps législatif, qui portera un décret déclaratoire de la loi, auquel le tribunal de caffation fera tenu de fe conformer. XXII. Chaque année, le tribunal de caffation fera tenu d'envoyer a la barre du Corps législatif, une députation de huit de fes membres , qui lui préfenteront 1'état des jugemens Y iij rendus,  342 HISTOIRE ET ANECDOTES rendus, a cóté de chacun desquels feront la notice abrégée de 1'affaire, et le texte de la loi qui aura déterminé la décifion. XX11I. Une haute-cour nationale, forme'e de membres du tribunal de caffation et de hauts-jurés, connoitra des délits des miniflres et agents principaux du pouvoir exécutif, et des crimes qui attaqueront la füreté générale de 1'état, lorsque le Corps législatif aura rendu un décret d'accufation. Elle ne fe raffemblera que fur la proclamation du Corps législatif, et a une diftance de trente mille toifes au moins du lieu oü la législature tiendra fes féancences. XXIV. Les expédttions exêcutoires des jugemens des tribunaux feront concues ainfi qu'il fuit: N. (le nom du Roi) par la grace de dieu et par la loi conftitutionnelle de 1'état, Roi des Francais; a tous préfens et & venir, falut. Le tribunal de a rendu le jugement fuivant: (lei fera copié le jugement, dans lequel il fera fait mention du nom des juges.) Mandons et ordonnons & tous huifiiers fur ce requis , de mettre ledit jugement a exécution, è nos commiffaires auprès des tribunaux d'y tenir la main, et a tous commandans et Officiers de la force pulique , de prêter main - forte  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 343 forte lorsqu'ils en feront légalement requis: en foi de quoi le prdfent jugement a dté figné ipar le prdfident du tribunal et par le greffier. XXV. Les foïiétions des commiflaires du Roi auprès des tribunaux, feront de requérir il'obfervation des loix dans les jugemens è rendre, et de faire exécuter les jugemens rendus. Ils ne feront point accufateurs pubiics; jmais ils feront entendus fur toutes les accufations, et requerront, pendant le cours de 1'inrftruction, pour la régularité des formes, et avant ile jugement pour 1'application de la loi. }-— XXVI. Les commilTaires du Roi auprès jdes tribunaux dénonceront au directeur du ju- ijré, foit d'oftïce, foit d'après les ordres qui jleur- feront donnés par le Roi, Les attentats contre la liberté individuelle des citoyens, contre la libre circula- «ion des fubfiftances et autres objets de com- merce, et contre la perception des. contri- Jbutions; Les dJits par lesquels 1'exécution des ordres donnds par le Roi, dans 1'exercice des fonctions qui lui font délegudes, feroit troublée Ipu empêchéc; Les attentats contre le droit des gens; Et les rebellions a 1'exdcution des jugemens , et de tous les actes exécutoires dma-. nés des pouvoirs conftitués. Y iv XXVI».  344 HISTOIRE ET ANECDOTES XXV11. Le miniftre de la juftice dénoncera au tribunal de caflation, par la voie du commifiaire du roi, et fans préjudice du droit des parties intéreffées, les'aétes par lesquels les juges auroient excédé les bornes de leur pouvoir. Le tribunal les annullera, et s'ils donment lieu a la forfaiture, le fait fera dénoncé au corps législatif, qui rendra le decret d'accufation, s'il y a lieu, et renverra les prèvenus devant la haute cour nationale. TITRE IV. DE LA FORCE PUBLIQJJE, ARTICLE PREMIER. La force publique eft inftituée pour défendre 1'état contre les ennemis du dehors, et affurer_ au dédans le maintien de 1'ordre et 1'exécution des loix. II. Elle eft compofée, De Parmée de terre et de mer; De la troupe fpécialement deftinée au fervice intérieur; Eï,  I DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 345 Et, fubfidiairement, des citoyens actifs, et de leurs enfans en état de porter les armes, ünfcrits fur le róle de la garde nationale. III. Les gardes nationales ne forment ni un corps militaire, ni une inftitution dans il'état; ce font les citoyens eux-mêmes apipellés au fervice de la force publique. IV. Les citoyens ne pourront jamais fe ifbrmer ni agir comme gardes nationales, qu'en ivertu d'une réquifition ou d'une autorifation légale. V. Ils font foumis, en cette qualité, a iune organifation déterminée par la loi. Ils ne peuvent avoir, dans tout le royaume , qu'une mème difcipline et un même uniforme. Les diftinctions de grades et la fubordiiration ne fubfiftent que rélativement au ferivice et pendant fa durée. VI. Les officiers font êlus a temps, et ine peuvent être ré:lus qu'après un intervalle J de fervice comme foldats. Nul ne commandera la garde nationale de plus d'un diflrict. VII Toutes les parties de la force puIblique, employées pour la füreté de 1'état contre les ennemis du dehors, agiront fous les ordres du roi, Y v VIII.  346 HISTOIRE ET ANECDOTES VIII. Aucun corps ou détacliement de troupes de ligne ne peut agir dans 1'intérieur du royaume, fans une réquifition légale. IX. Aucun agent de la force publique ne peur entrer dans la maifon d'un citoyen, fi ce n'eft pour 1'exécution des mandemens de police et de juftice, ou dans les cas formellement prévus par Ia loi. X. La réquifition de la force publique dans 1'intérieur du royaume, appartient aux officiers civils, fuivant les regies déterminces par le pouvoir législatif. XI. Si des tjoubles agitent tout un département, le roi donnera, fous la refponfabilité de fes miniflres des ordres néceffaires pour 1'exécution des loix et le rétahliflement de 1'ordre; mais a la charge d'en informer le corps législatif, s'il eft aiTemblé, er de le eonvoquer s'il eft en vacance. XII. La force publique eft effentiellement ebéiflante: nul corps armé ne peut délibérer. XIII. L'armée de terrè et de mer, et la troupe deftinée a la füreté inférieure, font foumifes è des loix particuliéres, foit pour lê maintien de la difcipline, foit pour la forme ,. des jugemens et la nature des peines en matiére de délits militaires. TITRE  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 347 TITRE V. ©ES CONTRIBUTIONS PUBLIQUES. ARTICLE PREMIER. XES contributions publiques feront délibéiiées et fixées chaque année par le corps légisflatif, et ne pourront fubfifter au dela du deriinier jour de la feffion fuivante, fi elles n'ont ipas été expreiTéraent renouvellées. II. Sous aucun prétexte, les fonds nél'Cefiaires è 1'acquittement de la dette nationale let au paiement de la lifte civile, ne pourront ïêtre ni refufés, ni fufpendus. Le traitement des miniftres du culte caitholique, penfionnds, confervés, élus ou nom3 més en vertu des décrets de 1' AfTemblée nationale conftituanre, fait partie de la dette j: nationale. Le corps législatif ne pourra, en aucun Icas charger la nation du paiemant des dette* Id'aucun individu. III. Les comptes détaillés de la dépenfe iides départemens miniftériels, fignés et certifiés Jpar les miniftres ou ordonnateurs géinraux, ■feront rendus pubiics par la voie de 1'imprefafion, au commencement d»s feflions de charque législature. **  348 HISTOIRE ET ANECDOTES II en fera de même des états de recette,* des diverfes contributions, et de tous les rei vcnus pubiics. Les états de ces dépenfes et recettesJ feront diftingués fuivant leur nature, et expri-1 meront les fommes touchées et dépenfées j année par année, dans chaque diftrict. ' f Les dépenfes particuliéres k chaque département, et rélatives aux tribunaux, auxl corps adminiftratifs et autres établiHemens 1 feront également rendues publiques. IV. Les adminiftrateurs de départemens] et fous • adminiftrateurs ne pourront, ni' étab-1 lïr aucune contribution publique, ni faire auJ cune repartition au - delè du temps et des! fommes fixées par le corps législatif, ni dé-j libérer ou permettre, fans y être autorifésl par lui, aucun emprunt local è la charge des citoyens du département. V. Le pouvoir exécutif dirige et furveille.J la perception et le verfement des contributi-| ons, ct donne tous les ordres néceflaires è eet effet. T1TRE  I DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 349 TITRE VI. DES RAPPORTS DE LA NATION FR ANC, AISE, AVEC LES NATIONS E'TRANGERES. !mA nation francaiie renonce a entreprendre nucune guerre dans la vue de faire des conijuêtes, et n'emploiera jamais fes forces contre la liberté d'aucun peuple. La conftitution n'admet point de droit id'aubaine. Les étrangers, établis ou non en France, fuccedent a" leurs pareus étrangers ou francais. Ils peuvent contraéter, acquérir et receIvoir des biens fitués en France, et en düpoijfer, de même que tout citoyen francais , par tous les moyens autorifés par les loix. Les étrangers qui fe trouvent en France, font foumis aux mêmes loix criminelles et de police que les citoyens francais, fauf les conventions arrêtdes avec les puiilances étrangéres: leur perfonne, leurs biens', leur induftrie, leur culte font également protégés 1 par la loi. TITRE _  35° HISTOIRE ET ANECDOTES TITRE VII. DE LA RÉVISION DES DÉCRETS CONSTITUTIONNELS. ARTICLE PREMIER. J^JJfemblée nationale conftituante déclare que ia natiou a le droit irnprefcriptible de changer fa Conftitution; et néantmoins confidérant qu'il eft plus conforme a 1'intérêt national d'ufer feulement, par les moyens pris dans la Conftitution même, du droit d'en réformer les articles dont I'expérience auroit fait fentir les inconvéniens, décréte qu'il y fera procédé par une afiemblée de révifion, en la forme fuivante. II. Lorsque trois législatures confécutives auront émis un vceu uniforme pour le changement de quelqu'article conftitutionnel, il y aura lieu a la révifion demandée. III. La prochaine législature et la fuivante ne pourront propofer la réforme d'aucun article conftitutionnel. IV.  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 351 IV. Des trois législatures qui pourront par la fuite propofer quelques changemens, les deux premières ne s'occuperont de eet objet que dans les deux derniers mois de leur derniére fefïïon, et la troifiéme a la fin de fa premie're fefïïon anriuelle, ou au commencement de la feconde. Leurs délibérations fur cette matiére feront foumifes aux mêmes formes que les acres législatifs; mais les décrets par lesquels elles auront émis leur voeu, ne feront pas fujets & la fandtion du Roi. V. La quatriéme législature, augmentée de deux cent quarante ■ neuf membres élus en chaque département, par doublement du nombre ordinaire qu'il fournit pour fa population, formera 1'afremblée de révifion. Ces deux cent quarante-neuf membres feront élus après que Ia nomination des repréfentans au Corps législatif aura été terminée, et il en fera fait un procés-verbal féparé. L'aflemblée de révifion ne fera compofée q,ue d'une chambre. VI. Les membres de Ia troifiéme législature qui aura demandé le changement ne pourront être élus a l'aflemblée de révifion. VII. Les membres de l'aflemblée de révifion, après avoir prononcé Ie ferment .de vivre ïibres ou mourir , prêteront individuellement celui de „fe borner a ftatuer fur les objets qU{ „leur  35» HIST01RE ET ANECDOTES „leur auront été foumis par le voeu uniforme „des trois législatures précédentes; de main„tenir au furplus de tout leur pouvoir la Con„ftitution du royaume, décrétée par rAfiem„blde nationale conftituante aux années 1789, „J790 et 1791; et d'être en tout fidéles ï „la nation, a la loi et au Roi.,, VIII. L'afTemblée de révifion fera tenue de s'occuper enfuite, et fans délai, des objets qui auront été foumis a fon examen: auiïi-tót que fon travail fera terminé , les deux cent quarante-neuf membres nommés en augmentation, fe retireront fans pouvoir prendre part, en aucun cas, aux acïes législatifs. Les colonies et poffeffions francaifes dans 1'Afie, 1'Afrique et 1'Amérique, quoiqu'elles faflent partie de Tempire francais, ne font pas comprifes dans la prélénte Conftitution. Aucun des pouvoirs inftitués par la Conftitution, n'a le droit de la changer dans fon enfemble ni dans fes parties; fauf les réformes qui pourront y être faites par la voie de Ia révifion, conformément aux difpofitions du titre VII ci - deifus. L'Affemblée nationale conftituante en remet le dépót a la fidélité du Corps législatif, du  I DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 353 du Roi et des juges; a la vigilance des peres de familie, aux époufes et aux meres; a PaffeéHon des jeunes citoyens, au courage de tous les Francais. Les décrets rendus par 1'Affemblée nationale conftituante, qui ne font pas compris dans l'acte de conftitution, feront exécutés comme loix; et les loix antérieures auxquelles elle n'a pas dérogé, feront également obfervées, tant que les uns ou les autres n'auront pas été revoqués ou modifiés par le pouvoir législatif. Signé, VERNIER, Préfident; Pougeard, Couppë, Mailly - Chateaurenand, ChaiU lm, Aubry, évêque du département de la Meufe, Darcl/t, Secrétaires. IV.T .StSt.IL Z La  354 HISTOIRK ET ANECDOTES La difcuiïïon fur Fade conftitutionnel s'ouvritle 8. Aonft. Plufieurs députés attaquérent la déclaration des droits, quifuivant leur opinion ne préfentoit qu'une fource d'erreur pour le commun des hommes, qui ne doivent connoitre la \ fouveraineté que pour y obéïr. Les novateurs répondirent que cette déclara- ). tion contenoit les germes, d'oü dérivent ' toutes les conféquences utiles au bonheur de la fociété, qu'elle étoit d'ailleurs gravée dans le coeur de tous les fran- ] c,ois. II fut décidé qu'elle refteroit telle qu'elle avoit été luë. Les deux cent quatre vingt neuf députés, qui avoient figné la déclaration rélative a la fufpenfion des pouvoirs du Roi, renouvellérent leurs proteftations contre tout ce qui attaquoit 1'autorité royalle, et les principes de la Monarchie franqoife. D'autres réclamérent contre la fuppreffion de la Nobleife. „. , Après de longs débats il Viverfes . „. queftions Parut 9ue les queftions les plus fub/éautntts. importantes, qui reftoient a tcai-  ■ DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 35§ traiter, fe bornoient: i°- a la queftion du Mare d'Argent et a la contribution néceifaire pour devenir élecleur. 1'attribution du droit de grace a la perfonne du Roi. (Droit dont un decret 1'at voit privé) -j0- ce qui concernoit les 1 conventions nationales, 4°- la révifion 1 de la Conftitution. Deux autres objets occa: fionnérent les plus vifs débats j^taZ : et fixérent 1'attention du public. R„i. 1 Le premier étoit la compofition de la garde militaire que la Conftitution I devoit accorder au Roi. Les comités !; propoférent de la fixer a 1200. hommes a pied, et 600. Cavaliers. Après avoir 1 difcuté les inconvénients qui pourroient en réfulter M. Desmeunier concilia les i efprits par la rédaction fuivante. " Le Roi aura indépendamment de l|?,la garde d'honneur, qui lui fera fournie il3,par les citoyens gardes nationales de fa 1 „réfidance, une garde payée fur les fonds !,,de la lifte civile. Ceux qui compofe:„,ront cette garde rouleront exclufiveZ ij „ment  356 HISTOIRE ET ANECDÖTES „ment dans tous les grades fur eux mê„mes, fans pouvoir en être tirés pour „entrer dans Parmée de ligne. „ Le fecond article portoit: "la gar„de du Roi fera prife dans 1'armée de „ligne, et parmi les citoyens en aclivi„té de fervice depuis un an dans la garde nationale.,, ^ Une autre queftion éga- VrTtn" lement importante étoit celle Francais. qui concernoit 1'état des membres de la Familie royale. Les comités propoférent qu'ils fuifent exclus des droits de citoyens adifs , et qu'ils n'euifent d'autre droit politique que celui de la fucceifion éventuelle au tróne avec le titre de que 1'aifemblée de- voit déterminer. M. D'Or- tiZfeM. léans monta le Premier a Ja d'Qriéans. tribune pour combattre ce projet des comités. Son difcours mérite d'être confervé comme un monument hiftorique trés fingulier. Le voici. Je n'ai qu'un mot a dire, Mcilïeurs, fur Partiele qui voüs eft propofë : c'eit d'abord  ■ DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 357 j d'abord, que vous Favez rejetté diredeI ment il y a peu de jours: quant a la : qualité de citoyen adif, je demande il : c'eft, ou non, pour Pavantage des pa: rens du Roi, qu'on vous propofe de les i en priver? Si c'eft pour leur avantage, i un article de votre Conftitution s'y oppofe formellement, et le voici: il n'y a plus pour aucune partie de la Nation, ni pour aucun individu, aucun privilege , ni exception au droit commun de tous les Francais. Si ce n'eft pas pour , Pavantage des parens du Roi, qu'on ij vous propofe de les rayer de la lifte des 1 citoyens adifs , je foutiens, que vous j n'avez pas le droit de prononcer cette i radiation. Vous avez déclaré citoyens ! franqois tous ceux qui font nés en france d'un pére franqois: on c'eft en france i et de péres franqois, que forit nès les jndividus , dont il s'agit dans le projet de vos comités. Vous avez voulu, qu'au moyen de conditions faciles k remplir tout homme dans le monde put devenir citoyen franqois: on je demaiv Züj de,  358 HISTOIRE ET ANECDOTES de, fi les parens du Roi font des hommes? Vous avez dit, que la qualité de citoyen franqois ne pouvoit fe perdre, que par une rénonciation volontaire , ou par des condamnations qui fupofent un crime. Si donc ce n'eft pas un crime pour moi d'être né parent du monarque, je ne peux perdre.la qualité de citoyen franqois que par un acle libre de ma volonté et qu'on ne dife pas que je lerai citoyen franqois , mais que je ne pourrai être citoyen adif; car, avant demployer ce miférable fubterfuge, il faudroit expliquer comment celui-la peut être citoyen, qui dans aucun cas, ni * aucune condition ne peut en exercer les droits. II faudroit expliquer auffi par quelle Bisarrerie le fuppléant le plus éloigne du monarque ne pourroit pas être membre du corps législatif, tandis que le luppleant le plus immédiat d'un membre du corps législatif peut, fous le ti tte de Miniftre, exercer toute 1'autorité du monarque. Au furplus, je ne crois Pas, que vos comités entendent priver aucun  DE LA REVOLUTION FR VNqOISE. 359 . aucun parent du Roi de la faculté d'opter i entte la qualité de citoyen franqois et :Texpedative , foit prochaine , foit éloignée, du tróne. Je conclus donc a ce que vous rejetriez purement et fimpleiment 1'article de vos comités; mais, idans le cas oü vous 1'adopteriez, je dé! clare que je dépoferai fur le bureau ma < renonciation formelle aux droits de membre de la Dynaftie Régnante, pour m'en, i tenir a ceux de citoyen franqois. Ce difcours obtint les plus grands applaudiifements du cö- ^/Tl? i tégauche. M. Dupont les in- ir'L i terrompit pour dire que 1'af: femblée ayant décidé qu'elle nepréjugeoit i rien fur 1'éffet des renonciations dans la li race aduellement regnante, 1'ade de pai triotisme de M. d'Orléans ne devoit point :; influer fur la délibération. M. d'Orléans li lui répondit: une rénonciation perfonI nelle eft toujours bonne. M. d'Andrè termina ces débats inutiles par un farcasme aifez piquant. M. d'Orléans, dit|l, n'a pas le droit de reconcer au tróne Ziv »i  360 HISTOIRE ET ANECDOTES ni pour lui, ni pour fes defcendans, ni pour fes créanciers. La difcuiïïon fe prolongea Vifcutfon. et fut remife a une autre féaiice. Le 2$. Aouft M. Desmeunier prit la parole et préfenta au nom des comités les obfervations fuivantes: raifemblée ne doit pas perdre de vuë le fyftème de Royautê héréditaire, qu'elle a adopté dans la Conftitution de la france. Du moment oü Ton confent a accepter du hazard de la naiflance un Roi ou un Régent; du moment oü 1'on choifit une familie, pour exercer exclufivement et héréditairement ces importantes fonélions , il eft clair que 1'on doit environner cette familie d'un grand éclat; que la dignité du tróne doit rejaillir fur toute cette familie; et que fes membres ont des droits, que n'ont pas les autres citoyens. II eft clair, que leur naiiTance les range dans une claife diftinguée. Ce principe ne contrafte pas avec la déclaration des droits, puisqu'il eft dit imiquement, qu'aucune di- ftinclion  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 361 ftinclion ne peut ètre établie que pour 1'utilité commune. Or, c'eft pour Putimtè commune que vous avez un Roi héréditaire, et une familie dont tous les. membres font fucceffibles au tróne par 1 ordre de primogéniture le fyfté- me des comités peut être combattu par i deux claifes différentes; et on ne s'appet1 coit peut étré pas aifez de leurs motifs. ; Ceux qui regrettent des diftinclions ané:anties, voudroient voir ranger dans la i même claife qu'eux les membres de la 1 familie royale, a fin de fe referver par ! la quelques efpérances fans doute ima- ginaires. D'autres, qui tiennent au Syi ftéme républicain, peuvent chercher a : préparer d'avance des moyens de faire revivre leurs opinions. Enfin après une difiufi lïon prolongée pendant plus Décrtt. 1 dehuit heures et terminés par un appel nominal l'aflemblée décréta a une majorité de 87- voix deux Articles^ qui portoient en fubftance: Z v Que  $bt HISTOIRE ET ANECDOTES Que les membres de la familie royale joiiiront des droits de citoyens actifs; par conféquent qu'ils auront droit de fufFrage a 1'égal des autres citoyens; mais qu'ils ne feront point éligibles auX places et emplois a la nomination du I peuple; qu'en revanche ils le feront a toutes les charges et fonctions a la novl mination du Roi, a 1'exception feulement de quelque département du Miniftére; que cependant ils ne pourront être ern- I $Ioyés au commandement de 1'armée ou de la Flotte, ni k quelque ambaifade iinon fur la propofition du Roi avec le confentement du corps législatif: qu'au refte les membres de la familie royale ne porteront plus désormais les titres de leurs apanages, tels que ceux d'Artois, Orléans, Condé, mais flmplement leur nom de baptème avec 1'addition du titre de Prince franqois, fans que ce titre leur pjiiife donner aucune prérogative ou les exempter des loix générales. Les^'töiliculaires et les fur /«liberté écrivauis licelitieux 'réclamo- it la Prefe, xent  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 363 i ient depuis longtemps un Article conftitutionel qui garantit la liberté illimitée de la preife. Leurs partifans Péthiou et 1 Roberspierre reproduifirent cette demanS de. Enfin M. Thouret produifit plu1 fieurs Articles additionnels rélatifs a la garantie des droits individuels des citoyens contre les entreprifes du gouverj nement; ces Articles formoient 1'équivaI lent de la loi d'habeas corpus, qui fait I honneur a la conftitution Airgloife. Ils 1 furent adoptés fans beaucoup de difcuf) fion. A la fuite de ces Articles on s'ocI cupa de la punition des délits commis t par la voye de la preife, les débats fe \ prolongérent pendant une féance entié: re, et malgré foppofition des plus arI dents démocmes un Article eiTentiel | fut décrété en ces termes: "Nul homme ne peut être recherché , ni pourfuivi pour Decret. ; raifon des écrits qu'il aura fait I imprimer ou publier fur quelque matiére que ce doit, fi ce n'eft qu'il ait provoqué a deuein la désobéïifance a la loi, 1'avi,  •364 HISTOÏRE ET ANECDOTES ravi^iTement des pouvoirs conftitués etl la réfiftence a leurs actes, Ou quelques J unes des aétions déclarées crimes ou dé.i lits par la loi.,, RéviJlon d °n aVOit Pr°P°^ * uconsiit femblée différents plans pour] thn. la convocation des conventions nationales deftinées aux réviilons ou changements de la Conftitution. | Les opinions contraires occafionuérent 1 des difcuflions qui firent perdre inuti- ; lement plufieurs féances. Ceux qui dé- p firoient accélérer la fin des travaux de s raifemblée repréfentérent que le pouvoir 1 exécutif efpéroit tout des délais coupa- [ bles et des lenteurs de 1'aifemblée. Ils l infiftérent pour qu'on décidat enfin la I queftion de la révifion et de fon épo- | que, que plufieurs membres vouloit fixer 1 au bout de trente ans. Le decret fui- [ Van* propofe par les comités finit par réu- ( rrir tous les fuffrages. Dtnet. L'affemblée nationale dé- j clare que la nation a le droit jmprefcriptible de changer fa conftitution et  I DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 365 et néantmoins confidérant &c. Voyés cy ideflus le titre 7.de 1'acle conftitutionnel. A 1'égard du dtoit de faire grace résclamé par le Roi l'aflemblée ne fbtua Irien et lauTa a la législature ftüvante a i s'occuper de eet important objet. L'audace des Jacobins n'a- . / , , . , Audace des ivoit ete repnmee que momen- ja ^nu Itanément après 1'événement du j champ de mars. Le triomphe de leurs lennemis ne fut que de courte durée. j Péthion fit paroitre une apologie de fa . conduite et des principes de la Société i dans un écrit intitulé: lettre de J. Pé| thion a fes commettans fur les circon' ftances actuelles, et il devint préfident I du Club des Jacobins. Les cordeliers ; fe raflemblérent et firent afficher des placards incendiaires. Leurs émilfaires avertirent le peuple qu'on trahiflbit fes intéréts, que la liberté étoit en danger. Plus l'aflemblée s'éftorcoit d'établir 1'ordre et la confiance néceflaire pour achever la Conftitution plus ils s'éfforqoient I de contrebalancer fon influence. Ils fen-  ƒ66 HISTOIRK ET ANECDOTES fentoient que leur «mpire cefferoit dés j qu'on auroit réprimé rAtfiarchie et la>, litlence. Leurs manoeuvres adroites et hairdies eurent des fuccès fi\sureux que les Miniftres de la juftice et de 1'intérieur furent obligés de dénonDtnonda- eer le 21. Aouft non feulement des infradions a la loi, mais mi/es par des ades arbitraires et vexatoiits Clubs. res commis par des fociétés des prétendus amis de la Conftitu- ; tion. Le garde du fceau de 1'état s'a- \ dreifant a 1'aifemblée lui dit: hAlby. qu'a Alby des membres du I Club avoient enlevé a main ar- 1 mée une procédure pour fait d'aifafllnat ; commencée a la requête de 1'accufateur public, après avoir maltraité eet Officier et le greffier chargé du dépot. * Caén. O?'* Caën (*) des malfai- teurs ayant détruit la ftatue de Louis (*) Le nombre des viétimes facrifiées par une fuite de la révolution eft fi confidérable que j'ai oublié de rapportcr la mort  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 367 Louis XIV. placée fur la place royale. Le tribunal avoit ordonné k Paccufateur, iPublic d'informer de ce délit. Les Jacobins qui Pavoient confeillé e't encou- ragé mort de M. de Belzunce tnajor en fecond du Régiment de Bourbon Infanterie, qui fut maifacré i Caëen en Oétobre 1789. il avoit réprimé quelques emeutes populaires , et avoit alfuré la libre circulation des grains. Tout ami de 1'otdre devenoit ennemi du peuple. Sa perte . fut jurée, des alTaflins environiiérent fon logement et demandérent fa tête. Un detachement de grenadier vint le chercner et le conduifit aux cafernes. L'attroupement augmenta. Les Soldats étoient décidès è le défendre au péril de leur vie M. de Belfunce craignant que la fuxeur du peuple n'occafionndt quelque éffufion de fang fe rendit feul a PHotel de ville, efpérant être fous la Sauvegarde de la municipalité, mais au lieu de trouver proteétion dans eet azile, les Officiers municipaux le livrèrent au peuple, qui après 1'avoir maflacrè mutila fon cadavre de la maniére la plus barbare. Une femme lui arracha le coeur et le porti) en  368 HISTOIRE ET ANECDOTES ragé avoient obligé le tribunal de remettre la procédure, qui avoit été brulée : devant la potte du Club. Non contents de ces exces ils avoient ameuté le peuple et excité le pillage de la maifon de 1'accufateiir public. L'évêque Fauchet et 1'un de fes vicaires étoient a la tête de cette émeute populaire. Le Miniftre ajouta a plu- a Orleans. - ., . . _ iieurs autres denonciations auiïï graves que les Jacobins avoient exigé qu'on leur deftinat deux places dans la ialle des féances de la haute cour nationale d'Orléans , fous prétexte qu'ils i étoient obligés de furveiller ce tribunal. Le Miniftre de 1'intérieur Manotu- prit enfuite la parole et ajouta I vrei des Ja- mx fafa j venoie fc ' dv cebins dans , \ le pays de uenonces, que non feulement' Faud. les prétendus amis de la Conftitution cherchoient a femer la I trouble | en triomphe. D'autres furies trempe'rent I leurs monchoirs dans fon fang et s'en I abreuvérent. Je termine en friffounant eet | horrible récit.  DE LA REVOLUTION FRAN?OISE. 369 i'trouble et la divifion dans le royaume r rnais encore a étendre leur empire dans l les pays voifins. 11 fit ledure d'une i adrefle de félicitation de la fociété des ! amis de la Conftitution féante a Dijon, ( qui tendoit a femer le trouble et le [ désordre dans le pays de Vaud. Le [; Bailly de Laufanne avoit cru devoir y i répondre et dénoncer ces faits aux Mi1 niftres. Les manoeuvres des propagan|i diftes donnoient d'autant plus d'inquié- ii tude aux Magiftrats du Canton de Berrie qu'ils avoient appris que leur émit I faires étoient parfaitement accueillis dans I le pays de Vaud, et que, fans 1'appaI reil de la force militaire qu'on avoit dé| ployée fort a propos, les habitans étoient i trés difpofés a l'infurredtion. Quatre paS roiifes avoient mème eu 1'audace de reI mettre au Bailly de Laufanne une adref. fe trés infolente qui leur avoit été didlée ; par les ennemis du bien et de la trani quillitè publique. ' XIV, SeS.IT. Aa Le  37° HBTOIRE ET ANECDOTES Recomptn- Le I8. Aouft M. Variiil fes accoriées au nom du comité des rapports tJZr V°Pf*™ Fojet de decret; Je Roi. VU1 hxoit les récompenfes que '\i ' 1'aüemblée défiroit accorder aux 3 differens citoyens , qui avoient contri- L bue a 1'arreftation du Roi. Après avoir I fait un eloge pompeux des Corps admi- { luftratifs, et des Départements de la , Meufe dek Marne et des Ardennes, laflemblee ftatua qu'il feroit donné a la garde nationale de Varennes un drapeau aux trois couleurs portant la devife: J Patrie reconnoijfante aux citoyens de Varennes, et qu'il feroit remis un fufil et un fabre a chacun des Soldats nationaux de cette ville. f Les récompenfes pécuniaires furent 1 «xees de la manière fuivante: Au Sr- Drouet maitre de pofte Livr de Ste. Ménéhould. (*) . 30>00'o: Au ( *} Le fervice. Signalé que Drouet avoit «ndu a la fadion républicaine en contri-  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 371 Au Sr« Sauffe procureur de la commune de Varennes. - 20,000» \u Sr« Guillaume qui avoit ac1 compagné le maitre de potte Drouet - 20,000. Au Sr- Mangin cliirurgien, qui avoit reconnu le Roi - 10,000. et plufieurs autres gratifications de fommes moins confidérables a différents parheulïers jusqu'a la concurrence de celle de 200,000 Livr. Aa ij Ce tribuant a 1'arreftation du Roi lui valut une réputation peu méritée. On le crut un perfonnage important et il fut nomme membre de la convention. II jouiffoit tranquillement du fruit de fa fcélératefie lorsqu'il fut nommé commiffaire prés 1'armée duNord en Septembre 1793. Maubeuge alloit être invefti. II crut trouver un azile a Philippeville. Un detachement autrichien le furprit dans fa fuite, l'arrêta le 4- Oftob. et le conduifit chargé de chaines a Luxembourg, d'oü il a été transférè a Egra. On efpére qu'il expiera quelque jours publique* ment fes forfaits et les malheurs qui! a attite fur la france.  372 HISTOIRE ET ANECDOTES Ce fut en vain que le cöté droit reclama un appél nomina! M. Viftor Broglie qui préfidoit alors 1'aifemblée prononqa le decret malgré les clameurs de M. de Foucault, qui lui re- ] procha d'avoir rendu a lui feul un decret qui récompenfoit le plus grand des attentats. Les dettes immenfes que 13 municiPalité de avoit yo/6oo. hommes. Après quelques débats il fut décrété qu'ils feroient partie de 1'armée , et formeroient trois régiments de troupes de ligne et un bataillon de chaifeurs et que les différens mdividus qui les compofoient conferver oient leur haute paye. II  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 373 11 fe forma i cette épt* ,que un camp de deux mille m a Go_ ■volontaires Parifiens a Gonerfe. „efe. ■ Le proiet de ce raffemblement iétoit de les exercer, avant qiWs n'alUent défendre U frontiére. Mats au feu de s'accoutumer a la vie militaire, | la difcipline et a la Subordmation, ce camp devint le rendez-voüs de tontes les proftituées et de tous les efcrocs de Paris. Les volontaires vecurent dans la débauche et la crapule pendant |plufieurs femaines, et pillétent avant leur départ la caiflè militaire. La Révolution, qui avoit cbangéfubitementdepaifibles Jgj-J I citoyens en Soldats, produüit ies Fran. une influence marquée fur Ie caraöére de la nation. Les Franqois diftinguês autrefois par eur politeffe leur douceur, leur amenite re|Êent k ces qualités eftimablee; pour contrafter la rudeife, la groffierete et Slence des Soldats. Sans prmcmes et $ difcipline ils Parent dejue  374 HfSTOlRE ET ANECDOTES toute idee de retenuë et de bonnes1 moeurs et au bout de quelques mois un peuple police fe trouva transforméi en une horde de Brigands. M. Reubei avocat de Colmar avoit! propofe depuis longtems a l'aflemblée] d'ordonner au Miniftre des af-I pr,s i'Mqu, ia,res étrangéres d'envoyer unj 4* Basle. chargé d'affaires a 1'évèque de Bas'Je pour pénétrer fes intentions, qu'il repréfentoit comme fufpecles. II infiftoit même pour qu'on fit occuper fur le champ par des troupes les paflages importans qui communiquent de la france a la principauté de Porentrui. Ce projet de Reubei avoit été concerté au Club des Jacobins. On efpéroit que 1'évêque de Basle refuferoit de recevoir un chargi d'affaires, dont les pouvoirs n'émeneroient pas du Roi, qu'alors on enverroit des troupes franqoifes, qui au moyen des intelligences ménagées depuis longtems favoriferoïent Pinfurrecnon de fes fujets, et feroient choiiïr k fa place ; 1'évê-  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 375 1'évêque de Paris, qui avoit été fon fut tragant. M de Montmorin envo|ya M. Bacher fecreataire de Pambalfade fuiffe a Porentrui. L'évèque de Basle le requt avec infinimentd'égards et écrivit a M. de Mont,morin pour 1'affurer de fon attachement a la nation francoife. 11 lui expofa en ;mème temps que fon traite d'alhance portoit qu'en cas d'hoftilité immmente la france pourroit faire occuper par les troupes les paifages de fes états: mais ,que ce cas n'éxiftant pas il ne doutoit pas qu'on ne renonqat k cette mefure confeillée par des mal-intentionnes Sa ■ lettre étoit terminée par une ceniure ' févére de la conduite et de Fingratitude i de l'évèque de Lydda, qui devoit fon : exiftence et fa fortune a fes predecei, i feurs, qu'il avoit mème honore pendant I longtems de fa confiance, et qui avou, , eu 1'impudence de tromper 1'aflemblee, en lui faifant fufpefter fes intentions envers la nation franqoife. Cette let. Aa iv tre  376 HISTOIRE ET ANECDOTES tre diffipa les craintes de l'aflemblée, et fit echouer pour le moment les projets ïnfames des jacobins et de 1'évêque de Paris leur affilié. Pendant que les Princes émigrés cherchojent a fufciter des ennemis extérieurs a la france et a retarder la fuite Z*So;e„. fes Uavaux de l'aflemblée par •voyehchev. Ieurs intelligences dans le Ro tlïït?> y3Ume' lG Roi et la Rein« Zouis Jx Prev°yant que leurs efforts feZ>ri»ces êmi- roient inutiles et ne feroient qu'augmenter la méfiance de la nation et la durée de leur captivité fe déterminérent a les engag-r a rentrer da»s le Royaume et a renoncer a tous projets hoftües. Le Roi avoit charge M. le Chevalier de Coigny d'une lettre de fa main pour Monfieur et M le Comte d'Artois. Cette lettre contenoit les expreffions les plus preifantes pour quds revinfient en france, en leur declarant que fon intention étoit d'accepter la Conftitution, qui devoit lui etre prefentée folemnellement par les ré- pré-  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 377 Léfentans de la nation. Les princes tpriérent M. de Coigny de leur donner I quelque tems pour délibérer fur la ré: ponfe qu'ils devoient faire, et en atten1 dant M. de Coigny, fe rendit a Spa. A peu prés a la même époque la Reine , envoya M. 1'Abbé Louis chargé d'une ; lettre de fa part a M. le Comte de < Mercy-Argenteau miniftre plénipotenti■ aire de 1'empereur a Bruxelles, pour le prier d'employer tout fon crédit prés des 1 princes expatriés pour les engager a renj trer en France en les aifurant que le i Roi défiroit qu'ils ne müfent pas a exécution leurs projets défefpérés et inutiles d'une attaque contre la France, que le Roi s'étoit déterminé a accepter fincérement et remplir religieufement les devoirs de fouverain d'après la nouvelle conftitution, et qu'elle croyoit néceifaire de le notifier de fa main au miniftre de fon frere, de la mème maniére que la Roi en avoit inftruit fes freres par M. de Coigny. La Comté de MerA a v cy-  378 HISTOIRE ET ANECDÜTES cy- Argenteau répondit que l'empereutj fon maitre lui avoit fignifié fes intenJ tions de ne point communiquer avec:: les princes émigrés; que S. M. I. fen-.fiblement affedée de la fituatioa de lall familie royale de France étoit réfolüe 1 n'y intervenir d'aucune maniére qui pfJI compromettre la perfonne de fa foeur; : qu'ainfi comme miniftre de Pempereurv il n'avoit cucuns moyens de faire con-l noitre diredement aux princes franqois : les defirs de S. M. M. de Mercy obfer- ' va en mème temps a M. 1'Abbé Louis I que M. de Metternich ayant été nommé pour lui fuccéder dans le miniftère i des pays bas il lui étoit impoiïïble de i fe charger d'aucune correfpondance a eet égard. L'Abbé Louis revint a Paris le iq Aouft apportant cette réponfe [ et celle que les princes avoient faite è. M. de Coigny étoit aulfi peu fatisfai. fante. La  DE LA REVOLUTION FRANfOISE. 379 La plus grande partie des Seconde Uilure (articles additionnels a la con- defaBecon. , , ,/ / / Jlitutionnel. tftitution ayant ete decretes, 1'aifemblée s'occupa d'en faire une derjniére ledure le 2 f>K et dans le mo* inent oü elle fut terminée elle adopta lencore deux articles concus en ces terjimes: „il fera inftitué des fêtes nationales pour établir la fraternité entte les (citoyens et les attacher a la patrie et jjaux loix. 20. il fera fait .un code de iloix civiles communes a tout le royaume. L'aifemblée s'occupa enfuite de la préfentation de furiapréfen, 1'afte conftitutionnel au Roi. eet acte. i M. de Baumetz au nom du comité de conftitution parcourut fuccefi fivement les époques mémorables de la : révolution franqoife. La nation, dit-il, longtemps enfevelie dans 1'efclavage s'eft : réveillée en fouveraine; développant eni fuite la marche et les principes de la conftitution. ü s'arrêta a l'acte impofant que  380 HISTOIRE ET ANECDOTES que Louis XVI. alloit contrader avec la nation. U rappella les fervices que le Roi avoit rendu a la liberté en accordant la doublé repréfentation aux communes. Les fautes desRois, dit-il, appartiennent a leurs miniftres, a leurs courtifans. Les bonnes adions ont tant d'obftacles a vaincre qu'elles font doub. lement a eux. M. de Beaumetz finit par propofer trois articles qiü furent décrétés en ces termes: Art. i. II fera nommé Decret. 3, une députation pour préfenter 1'ade conftitutionnel a racceptation du Roi. 2. Le Roi iéra prié de donner tous les ordres, qu'il jugera convenables pour fa garde et pour la dignité de fa perfonne. 30. Si.Ie Roi fe rend aux voeux des franqois en adoptant 1'ade, conftitutionnel, il fera prié d'indiquer le jour et de régler les formes du céréinoniel, dans le-quel il prononcera en préfence de 1'aifemblée nationale 1'acceptation de la Royautê conftitutionnelle» et  DE LA REVOLUTION FRAN?OISE. 381 Fet Pengagement d'en remplir les fondiions. Le dernier article, qui accordoit au i Roi le droit de régler le cérémonial de I Pacceptation, fouffrit quelques difficultés, i mais la majonté de 1'aiTemblée fut d'avis i de donner au monarque une occafion fde manifefter qu'il concouroit d'une voilonté libre a Pacceptation de la conftitution. Trés peu de membres du coté ! droit prirent part a la délibération rélative a 1'ade conftitutionnel. L'aiTemblée laiiToit encore Objets impen- de grandes et importantes ma- tams négligé tiéres a difcuter a la prochaine'w/'fl^"M"w*I législature. M. de Perigord ancien ei'vêque d'Autun avoit rédigè un travail ilfur 1'éducation nationale, dont il ne put i faire ledure. Plufieurs membres réclanmoient aufii des loix pour le divorce, i j et le mariage des prêtres: mais elle refuiifa de s'occuper de ces objets qui pouivoient entrainer des débats infinis. ii  38* HISTOIRE ET ANECDOTES II fut décidé qu'une députation de foixante membres nommés par le préfident préfenteroit l'acte confiitutionnel au Roi, et que celui qui porteroit la parole annonceroit fimplement fa miflion fans prononcer aucun difcours. FréTcntation Le 3 ?bre a 9 heures du de v Acie foir M. Thouret a la tête de conflitutionü. ^ députation partit de fal]e de 1'aifemblée, et étant arrivé dans la falie du confeil, oü fa majefté 1'attendoit, il préfenta l'acte conftitutionnel au Roi en lui adreifant ces paroles: Sire! Les repréfentas de la nation viennenfe oftrir a 1'acceptation devotre majefté l'acte conftitutionnel, qui confacreles droits imprefcriptibles du peuple francais, qui maintient la vraye dignité du tróne, et qui xégénére le gouvernement de 1'empire. Le Roi ayant recu 1'aéte conftitutionnel répondit: Meffieurs, je vais examiner la conftitution, que Pauemblée nationale vous a  DE LA REVOLUTION FRANfOISE. 383 a chargés de me préfenter. Je lui ferai connoitre ma réfolution d'après le délai le plus court qu'exige 1'examen d'un objet fi important. Je me fuis décidé a refter a Paris et je vais donner au commandant de la garde nationale parifienne, les ordres que je croirai convenables pour le fervice de ma garde. Le lendemain 4 ?bre le „ jardin des tuilleries fut ouvert, Roi de ja comme avant le départ du Roi, oapiivité. et le Roi fe rendit a la meife a la chapelle du chateau. Une foule immenfe de peuple 1'y avoit précédé, et occupoit toutes les avenues. Des cris réiterés de vive la nation, vive la conftitution fe firent entendre. Le monarque ne put cacher fa fenfibilité. Dans finftant un enthoufiafme général s'empara de tous les efprits, les cris de vive le Roi, vive la liberté fuccédérent aux premières acclamations et le fouverain fut reconduit dans fon appartement comblé de joye et de fatisfactipn des nouvelles marqués  384 HISTOIRE ET ANECDOTES ques d'attachement qu'il venoit d'éprouver de Ja part du peuple. L'impatience naturelle des franqois étoit alors fixée fur le parti que prendroit fa majefté rélativement a la conftitution et ce n'étoit qu'avec peine qu'il voyoit fa réfolution differée de quelques jours. S. M. pouvoit choifir trois paftis'que Partis également convenables pouvoit pen- et juftifiés par les régies de Are S. M. ja rajfon_ premjer premierparsi. étoit de fe rendre fur le champ a faifemblée nationale et d'y déclarer que fon honneur et fa confcience ne lui permettoient pas d'accepter une conftitution, d'oü devoit réfulter le malheur de la France, conftitution qui dégradoit et aviiiifoit 1'autorité royale, en la privant de fes plus belles prérogatives pour la mettre dans la dépendance des caprices de la •multitude, et qui otoit au fouverain les moyens de faire exécuter les loix. Cette démarche éga-  ; DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 385 :êgalement digne, franche et loyale lui jauroit concilie 1'eftime de fes fidels fuj jets, le fecours et l appui des puiifances jétrangéres, et auroit éffacé aux yeux de 1 la poilérité fes fautes et fes erreurs pafIfées. La foibleife et la verfatilité de Jfon caradlére lui firent rejetter ce plan[Les conftitutionnels qui 1'entouroient lui 1 repréfentérent qu'il perdroit fa couronf ne, que fa liberté et fa vie même feroient |en danger et quoique le Roi fut peu lacceffible a la crainte pour ce , qui lui jétoit perlonnel ils eurent. foin d'étayer leurs confeils par des terreurs imaginaires. Pendant fon fommeil un garde-najtional qu'ils avoient apofté s'écria: la ii conftitution ou la mort. Le Roi dont Pimagination étoit dèja frappée écouta cette voix comme un oracle, et un in1 cident, auffi futile eut beaucoup d'influ-*. || ence fur fa détermination. La Reine contribua de fon cóté k empêcher le Roi de prendre le parti de T.lV.SeB.II. Bb refu-  386 HISTOIRE ET ANECDOTES refufer Pacceptation de la conftitution.^') On lui avoit fait entrevoir que les freres de S. M. qui avoient confeillé cette démarche, n'attendoient que ce moment pour pénétüer en france avec le fecours des punTances étrangéres, que Monfieur devoit être reconnü Régent, M. le Comte d'Artois lieutenant général du Royaume, et que s'ils parvenoient a rétablir la Royautê c'étoit pour en retenir tout ie pouvoir. La Reine qui avoit une ambition demefurée, qui jusqu'a 1'époque de Ja révolution avoit difpofé arbitrairement de tous les emplois et de toutes les graces, ne put fouffrir 1'idée de ce partage, efpéraut peut être que quelque circonftance heureufe, ou Pintonftance des francais les engageroit a détruire cette conftitution qui étoit actuellement leur idole, ponr rendre a la cou- (*) M. de Baumetz faifoir fa cour a M  390 HISTOIRE ET ANËCDOTES pofitiou du Roi dans cette circonftance étoit vraiment digne de pitié. Sans confeil,fans amis, environné d'efpions, de gens interefles k le tromper, affiégé par des délations et des fuggeftions perfides, tout autre que lui auroit erré d'incertitudes en incertitudes. II fit aflemblér las membres les plus accrédités de 1'affemblée et fes miniftres, il leur communiqua des obfervations trés fages qu'il avoit lui même rédigées, il les pria de les faire adopter a raifemblée. (*) Mais cette propofition fut rejettée k 1'unanimité. On lui dit qu'il n'avoit d'autr* parti k prendre que d'accepter la con- ftitu- (*) M. de Clermont-tonncrre fit paroitre i cette époque un ouvrage intitulé: Anafyfe de la conftitution francoife, dont il fit parvenir un exemplaire au Roi, qui fut frappé de la Sagefle et de la vérité de plufieurs rofiexions, qui démontroient les vices de la conftitution. II voulut faire ufage de ces remarques pour la faire rectifier mais la faélion domiuante y mit des obftacles.  DE LA REVOLUTION FRAN?OISE. 39-1 ftitution fans reftriclion. II défira encore quelque temps pour fe décider. Alors les conftitutionnels voyant que les clameurs du peuple et les menaces n'avoient produit aucun effet fe déterminérent a employer le moyen le plus efficace pour fléchir le coeur fenfible et paternel du Roi. MM. Touret, Duport, Bauraetz, et Emery, qui avoient des conférences fréquentes avec le monarque, lui repréfentérent que fon refus d'accepter la conftitution ou de nouveaux délais expoferoient le Royaume a toutes les horreurs de la guerre civile , que le Maifacre de fa familie et de fes partifans en feroit infailliblement la fuite. Ils priérent, ils conjurérent et firent envifager au Roi que la deftinée de 1'empire étoit entre fes mains, qu'en acceptant la conftitution il aifuroit le bonheur de la nation et fe donnoit des droits immortels a fon affeftion et k fa reconnoiifance. Enfin les conftitutionnels employérent un dernier motif, qui Bb iv tic-  39* HïSTOIRE ET ANECDOTES devoit avoir la plus grande influenceJi fur 1'efprit de S. M. Le monarque gémif-1 foit depuis longtemps fur le fort desl malheureufes vidtimes de leur attaché-1 ment a fa perfonne, et fur tout fur lal dure captivité de ceux qui étoient accu- | fés d'avoir favorifé fon voyage a Varennes. On 1'aifura qu'en acceptant la con- i ftitution 1'aifemblée leur accorderoit une 1 amniftie générale. Autredéter- Lconfotmément a fes defirs elle avoit décrété une Amniftie générale. M. Chapelier portant la parole prononqa le difcours M.Cbaptlier. fuivant. Cciij Sire  406 HISTOIRE ET ANECDOTES Sire , l'aflemblée nationale, en entendant la ledure du menage de votre Majefté, a fouvent interrompu cette leéture par des applaudiffements , qui expriment l'affedtiGn des francois pour leur Roi: elle a éprouvé le plus doux fentiment, en voyant votre Majefté exprimer fon voeu pour une Amniftie générale , qui puifle terminer toutes les difcordes et les diifenfions, elle s'eft empreifée de rendre un decret, qui fixe ie cerme ae ia Kevo ution. S. M. répondit. Je me ferai toujours un Mpoitfe du plaifir et un devoir de fuivre la volonté de la nation, quand elle me fera connuë. Je vois avec reconnoiflance que raflemblée nationale ait accédé a mon voeu. Je fouhaite que le decret, que vous me préfentez , mette fin aux difcordes ; qu'il reunifle tout le monde, et que nous ne loyons qu'un. Je fuis inftruit que 1'affemblée nationale a rendu ce matin un • decret  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 40? decret rélatif au cordon-bleu: je me ifuis déterminé a quitter cette décoration let je vous prie de faire part de ma Ré, {blution a 1'aiTemblée. Pendant le difcours du (Roi la Reine et fes deux en- fcprfo* , / des fentt- jfants fe trouvoient a 1 entree wfM if u i de la chambre du confeil. Le Reine. Roi s'adreiTant aux députés leur dit: "voila ma femme et mes enifans qui partagent mes fentiments. La Reine tenant le Dauphin et Madame iprononqa d'une voix gracieufe et touIjchante les mots fuivants: "nous accou: rons mes enfans et moi pour vous afi furer que nous fommes pénétrés des mê|j nies fentiments que le Roi.,, Le 14. Sept. avant que j| fa Majefté ne parut a 1'aflem- fj^'e c blée elle s'occupa du cérémo- ie cérémo- I nial a obferver pendant qu'elle "M * f«£ ' c . T ceptattoit de 1: accepteroit la Conltitution. Le fa Conilün. \ Préfident rappella a PaiTemblée tion. le decret, qui défendoit a tous II les membres de prendre la parole pen- C.r. iv dant  408 HISTOIRE ET ANECDOTES dant que S. M. feroit dans Ja falie. II ajouta qu'au moment oü le Roi pronon- ] ceroit fon ferment, les repréfentans de la ] nation devoient être affis et couverts. M. Malouet voulut réclamer contre eet I avis, mais il fut adopté, parcequ'on rap- ; pella qu'a 1'ouverture des états généraux j les députés s'étoient d'abord levés, enfuite affis et couverts. A midi S. M. fortit du chateau des I Tuilleries précédé de nombreux détachements de Ja garde nationale, de M. de la Fayette et des Officiers de 1'état ma- j jor et de ceux de fa maifon. Elle fe I rendit a 1'aifemblée par la ruë S. Honoré ] et la porte des feuillants. Elle ne portoit d'autre décoration que celle de grand.croix de 1'ordre de St. Louis. Le Roi étant entré dans la Salie fut fe placer a cóté et a la droite du Préfident, et parlant debout, 1'aifemblée également debout, il dit: ,JW de . Meffie"rs, je viens conS. M. iacrer ici folemnellement Pacceptation, que j'ai donnée hyer a  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 409 a Padie conftitutionnel: en conféquence, je jure (ici l'aflemblée s'eft affife) d'être fidele a la nation et a la loi; d'employer tout le pouvoir , qui m'eft délégué, a maintenir la Conftitution, et a faire exécuter les loix. Après ce Serment le Roi s'afllt dans le fauteuil préparé pour lui a cóté du Préfident: les applaudiflements retentirent de toutes les parties de la falie; ' et S. M. continua en ces termes: „puiffe cette grande et mémorable époque être celle du rétabliflement de la paix, de 1'union et devenir le gage du bonheur et de la profpérité de 1'empire. Ce difcours fut accueilli avec le plus grand transport. Le Miniftre de la juftice préfenta 1'adle conftitutionnel k S. M. qui y appofa fa fignature. M. Thouret Préfident prit enfuite la parole et pronouca le difcours fuivant. Delongsabus, qw.avo. rf( ient longtemps triomphé des m. Thouret bonnes intentions des meil- Pr/fiint d, leurs rois, et qui avoient bra- Cc v vé  4IO HISTOIRE ET ANECDOTES ' vé fans cefie 1'autorité du tróne, opprimoient le france. (Le Roi reftant affis, M. le Préfident, en prononcant ces mots, s'affit égalemement) dépofitaire du voeu, des droits et de la puifTance du peuple, PaiTemblée nationale a rétabli , par la deftrudion de tous les abus, les bafes folides de Ia profpérité publique. Sire, ce que cette aflemblée a décrété, 1'adhéfion nationale le ratifie. L'éxécution la plus complette dans toutes les parties de Pempire attefte Paflèntiment général: il déconcerte les projets impuiflans de ceux que le mécontentement aveugla trop longtemps fur leurs propres intéréts: il promet a votre majefté, qu'elle . ne voudra plus en vain le bonheur des Franqois. L'aflemblée nationale n'a plus rien a défirer en ce jour, a jamais mémorable, oü vous confommez dans fon fein, par le plus folemnel engagement, Pacceptation de la Royautê conftitutionnelle. C'eft 1'attachement des Franqois, c'eft leur confiance, qui vous déférent ce  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 4H ce titre refpeclable et pur a la plus belle couronne de 1'univers: et ce qui vous le garantit, Sire, c'eft PimpérirTable autorité d'une Conftitution librement dé. crétée; c'eft la force invincible d'un peuple, qui s'eft fenti digne de la liberté ; c'eft le befoin qu'une aufli grande nation aura toujours d'une Monarchie héréditaire. Quand votre Majefté attendant de 1'expérience les lumiéres, qu'elle va répandre fur les réfultats pratiques de la Conftitution, promet de la maintenir au dedans, et de la défendre contre les attaques du dehors; la Nation, fe repofant et fur la juftice de fes droits, fur le fentiment de fa force et de fon courage, et fur la loyauté de votre coopé1 ration, ne peut connoitre au dehors auI! cun fujet d'allarmes, et va concourir par fa tranquille confiance au prompt fuccés de fon gouvernement intérieur. Qu'elle doit être grande a nos yeux, Sire, et chére a nos coeurs, et qu'elle fera fublime dans notre hiftoire, 1'époque de cette  412 HISTOIRE ET ANECDOTES cette régénération; qui donne a la frajj qe des citoyens, aux franqois une patrie; a vous, comme Roi, un nouveau titre de grandeur et de gloire ; a vous encore comme homme, une nouvelle fource de jouiffances et de nouvelles fenfations de bonheur! Après ce difcours le Roi « ftjt fut. ronduit au chateau des\ conduit ie Tuilleries par raifemblée en Roi. corps au milieu des acclama- tions du peuple. Dans le mème moment le canon fe fit entendre et annonca aux citoyens de la capitale 1'ac- j ceptation de 1'ade conftitutionnel. Cette nouvelle y répandit la plus grande joye et fans qu'on eüt donné. aucun ordre a cet égard toute la ville fe trouva j illuminée le mème foir. Differents de. LWemblée étant de recrets rendus tour dans la Salie de fes féantw i'acce. ces décréta qu'une députation ttation de la r i ■ , „ • Conftitution. fe rend™it chez S. M. pour la fupplier de faire proclamer \ la Conftitution dans la Capitale le di- nianche  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 413 manche 18. Odlobr. et qu'il y eut en mème temps des réjouiflances folemnelles, tant dans la capitale, que dans les chefs-iieux des départements , lorsque cette importante nouvelle y feroit pöÉvenuë. M. Duport ajouta a cette propofition que, pour célébrer cet heureux événement, toutes perfonnes détenuës pour mois de nourrice füflent mifes en liberté et que le montant de leurs dettes fut acquité par le tréfor public, comme cela fe pratiquoit a toutes les grandes époques de profperité publique; cet acte de bienfaifance fut décrété et étendu a tous les départements. Avant que de rendre compte des fêtes et des réjouiifances publiques, qui furent la fuite de Pacceptation de la Conftitution , on doit rapporter les détails d'une affaire importante, qui occupa 1'aifemblée pendant que Pafte conftitutionnel étoit entre les rdains de fa Majefté. Les  414 HISTOIRE ET ANECDOTES Les commilTaires concifTeV£. liateurf' fe l'aflemblée avoit gnon. envoyes a Avignon et dans le comtat, arrivérent le ij. Juin k Orange. Ils convoquérent fur le champ les deux municipalités d'Avignon et de Carpentras. La municipalité d'Avignon obéit, celle de Carpentras demanda une efcorte, parceque 1'armée des brigands tenoit encore la campagne. Les malheureux habitans du Comtat efpéroient que 1'arrivée des commiflaires leur procureroit la paix. Ils Conduite des ■ ,., Commifai. cr°y°le"t W "s rempliroient res. leurs fondlions avec juftice et mtégrité, et que les auteurs des troubles feroient punis et arrètés. L'afpecl d'un pays, riche et fertile entiérement ruiné , des maifons incendiées, le fang encore fumant des malheureufes viclimes de Ja Révolution devoient exciter la pitié de toute ame fenfible. Mais des Jacobins devoient être inacceffibles a toute efpêce de fentiments d'humanité. lis approuvérent hautement les  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 415 les dévaftations qui avoient été commifes, quand on leur apprit qu'elles n'intereflbient que les .ariftocrates on les partifans du pape. Ces prétendus pacificateurs repoutTérent avec dureté les malheureux habitans ruinés et dépoüillés de leurs propriétés, et accueillirent avec diftindion les fcélérats , qui avoient provoqué le meurtre, 1'affaffinat et le carnage. Richard, Lescuyer, Tournal, Mainvielle, Duprat formoient leur fociété habituelle, et compofoit le tribu-, nal, qui devoit décider du fort de ce malheureux pays. Les deux partis oppofés fignérent a Orange les préliminaires d'une convention ious ^ a la médiation de ce confeil. omnge. Suivant ce projet 1'armée des brigands, fut licenciée. Quelques de. tachements de troupes franqoifes entrérent a Avignon et les Commiffaires y arriverent le 20. Juin. Les^ troupes étoient commandées par le Général Fer- riéres,  416 HISTOIRE ET ANECDOTES , 1. , , ïières (*)> qui étoit abfolument le General , / , _ . _ Ferriéres. devoue aux Commilfaires. L'abbé Mulot fut élu archevêque d'Avi- (*) Ferriéres étoit fiïs d'un avocat de Betfort, Bailly de Geromagny. Après avoir fervi quelque tems dans le Régiment de Buoillou, oü il eut une affaire parcequ'il fe faifoit appelier Marquis, il paifa dans la légion de Soubife. En 1770. M. de Vaux Chef du Bureau des plans le fit employer dans un Corps d'Etat-Major commandé par M. de Bourcet avec le grade de Major. Ce Corps fut bientot réformé et Ferriére refta fans activité. Comme il étoit trés intriguant, il engagea I'Abbé de Breteuil Chancelier de M. le Duc d'Orléans a 1'envoyer è Vienne pour folliciter la décifion d'un procés, que la maifon d'Orléans avoit au Confeil aulique pour des prétentions a la Succefïïon d'une princefle de Baden, le procés fut perdu, mais Ferriére n'en öbtint pas moins une penfion et 1'emploi de Lieutenant-Colonel d'un Régiment provincial. En 1779. fes importuójtés lui valurent le brevet de Colonel. M. Ducret ayant obtenu le Régiment  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 41 % d'Avignon par le Club des Jacobins. Bientöt après on renvoya les troupes de lignes et elles furent remplacées par cinq cent gardes nationales de Nismes. Dés que les troupes de ligne^eurent quitté tla ville, les brigands commencerent k re pa- giment oü fervoit Ferriére et la place de Chancelier de M. le Duc d'Orléans le fit attacher au fervice de ce prince en qualité de Secretaire des commandements. II n'occupa que pen de temps. cette place, pour laquelle il n'avoit nulle capacité. En 1788- il f«t fait Maréchal de Camp. Ferriére eft un homme fans talent, exceffivement bas, foiiple et rampant: né avec infiniment d'ambition tous les moyens, qui pouvoient le conduire 4 fon but, lui paroifioient bons. La Révolution lui préfenta une vafte. carrière , il en adopta les principes et la fcélérateffe pour accélérer fa fortune. II a commandé quelques divifions de 'l'armée, conventionnelle et ne s'eft pas difthigué. On ignore le fort de cet intriguant fubalterne. Jusqu'a prefent on ne 1'a pas encore jugè digne des honneurs de la guillotine. 1V.T .Sea.U. Dcl  418 HISTOIRE ET ANECDOTES teparoitre. ' Les commiffaires propoierent de convoquer une affemblée générale pour qu'on opinat pofitivement fur le projet de réunion a la France. L'ab. bé Mulot prononqa un difcours dans Jféglife des carmes , oü s'étoient réunis les habitans. Mais a peine fut-il forti Jourlan et qUe ^«cuteur Jourdan mon- fes complices, ta dans la chaire et déclara forcent le que tous ceux , qui n'opine- ïïïi fent Pas P°ur la réunion a vignon. 'a France, feroient précipités dans les caveaux de 1'églife. Cette menace étoit prète a fe réalifer, car il les avoit fait découvrir et les tornbeaux attendoient de nouvelles vidimes. Les mêmes atrocités fe commirent dans d'autres villes du Comtat. A pëine les troupes de ligne eurent-elles quitté Lille, que les partifans de la réunion a la france y firent entrer les Jbrigands, et attaquérent ceux qui étoient reftés fideles au pape. II y eut un combat fanglant oü plufieurs perfonnes perdirent la vie. L'abbé Mulot arriva avec un déta- che-  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 41$ chement de cinquante huiTards; mais au lieu de fe conduire avec impartialité, il fit désarmer les partifans du pape et les abandonna a 1'animofité de leurs adverfaires. Au milieu des combats et de cette fermentation générale , les commiffaires firent déclarer aux habitans qu'ils eulfent a déclarer librement s'il défiroient la réunion du Comtat a la franqe. Malgré les dangers qui les menaqoient, plufieurs communes eurent le courage de ne point violer leur ferment. La commune de Boulléne déclara formellement qu'elle profitoit de la liberté des fuffrages annoncée par MM. les commiifaires, pour renouveller 1'expreflion de fa fidélité au St. fiége et le défir de ne jamais changer de domination. Pendant cet intervalle Jourdan fit raffembler fa trou- et Atrocith pe de brigands a Avignon et commifes ■■ y commit tant d exces et de vexations que les commiifaires furent obligés de le menacer de faire reDd ij venif  42 O HISTOIRE ET ANECDOTES venir les troupes de ligne. Le 17.A0U1I; les Bandits s'approchérent de 1'arfenal et voulurent s'en emparer. La garde-nationale de Nismes s'y oppofa. Alors ils fe rendirent chez les commiifaires, et leur déclarérent qu'ils étoient décidés a s'oppofer a 1'entrée des troupes de ligne dans la ville, et qu'ils repouiferoient la force par la force. Après avoir fait cette déclaration ils parcoururent les ruës en criant : aux armes, citoyens, ceux qui ne fuivront pas nos drapeaux feront maffacrés. La terreur s'empara des commiifaires, ils donnérent ordre aux troupes de ligne de fe retirer, et laifférent la ville a la merci des Brigands. Presque tous les citoyens paifibles et honnêtes prirent la fuite. Quelques jours aprés M. Verninac de St. Maur fe dépouillant de fon caradére adopta ouvertement le parti de Jourdan. Le 20. Aouft, il fit enlever les fcellés qui avoient été' oppofés fur les portes de 1'arfenal par le général Ferriére, s'empara des armes, en tira des canons  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 421 nons qu'il fit charger a mitraille et les placa devant la porte de ce batiment. L'abbé Mulot et le fcéne de maifon s fe rendirent a 1'arfenal et le menacérent envaiu du courroux de la France. II leur répondit avec dureté et groffiéreté et les forca de fe retirer. Le 21. Aouft les brigands qui s'éto* ient emparés de toutes les portes fe rendirent a 1'Hotel de ville. Ils s'emparérent des archives, fonnérent le tocfin et raifemblérent une force confidérable fur la place. M. Verninac fe trouvoit parmi eux. Ils arrèterent quarente membres du confeil de la commune, en maffacrérent plufieurs et conduifirent les autres en prifon. Le maire et le procureur de la commune avoient prudemment pris la fuite en traverfant le Rhóne. Pendant la nuit les Brigands forcérent toutes les maifons , en enlevérent les citoyens qui leur étoient fufpedls et les enfermérent dans le couvent des carmes, oü il y avoit un pofte de deux cent huflards francois. Dd iij Le  422 HISTOIRE ET ANECDÜTES Le 22. ces fcélérats nommérent une nouvelle municipafité provifoire, et cette mefure fut approuvée par les commiifaires. La Garde-Nationale de Nismes révoltée de ces exces prit le parti de quitter la ville. Alors les Brigands ne trouvérent plus d'obltacles. U ne reftoit a Avignon que des huifards deftinés a protéger les commiifaires. Jourdan, Mainvielle, Duprat et leurs adhérents difpofoient arbitrairement de la vie et de la fortune des habitans. Sous prétexte de chercher des armes cachées ils firent piller les maifons, en enlevérent 1'argent et la vaiifelle et fe partagérent ces dépouilles. Jourdan qui regnoit en defpote fit paffer par les verges plufieurs de fes compagnons, qui n'avoient pas livré le butin qu'ils avoient fait. Les Commiffaires fe trouvant fans appui cherchérent a fe mettre a Retour de dU dmSer' MM.' de deux Com. Verninac et lefcéne de maifons. mifaires & aprés avoir contraété des dettanu tes confidérables retournérent a Paris  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 423 a Paris avec un nommé Forbaix qui leur jfervoit de Secretaire et quelques brü jigands, qui fe donnérent le titre de députés du Comtat. L'abbé Mulot parcourut encore [quelques villes du Comtat Venaiffin fous il'éfcorte des Huifards qui quittérent tous Sla ville d'Avignon après le départ des , Commiifaires. Jourdan fit arrëter arbii trairement et conduire dans les prifons I de la Citadelle plus de quatre vingt cictoyens. Tous trembloient devant ce I monftre et ceux qui n'adoptoient pas I fon parti étoit fürs d'éprouver Péifet de 1 fon courroux. Telle eft Panalyfe exadle de la conduite fcandaleufe des Commil\ faires Au lieu de jouer le röle de ■I pacificateurs, ils avoient livré Avignon ] et le Comtat a la merci des bngands: ils avoient fouffert patiemment qu'on il iniultat les troupes franqoifes et qu'on I brifat les fcellés appofés parle general. Le but des Jacobins étoit ^ ..^ 1 de forcer par le carnage et la fur la Co„. I dévaftation le voeu des mal- duteto Dd iv heu- Comn^m,.  424 HlSTOIRE ET ANECDOTES heureux habitans du Comtat en faveur de la réunion a la France. Ils ne pouvoient choifir de plus dignes co-opérateurs que les commiifaires pour le fuccés de ce projet. Sans pudeur et fans refped-humain on les vit renoncer a laSociété des honnêtes gens pour fe lier intimément avec les Brigands qu'ils admettoient fréquemment a leur table. Jourdan et fes aflbciés étoient leurs feuls" confidents, et ils ne dédaignérent pas d'entrer avec eux en triomphe a Avignon, autorifant ainfi par leur préfence toutes les atrocités qu'ils avoient commifes. Au lieu de voir arriver parmi eux des anges de paix, comme ils 1'avoient efpéré, les habitans du Comtat ne trouvérent dans ces Commiifaires que de vils incendiares, qui le fer et la flamme a la main achevérent la' dévaftation de leurs propriétes, la ruine et la défolation de leurs families. Leur conduite infame indigna toute 1'Europe, les Jacobins feuls y applaudirent en s'em! preiïknt de leur donner des marqués de leur  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 425 leur fatisfadtion pour la dextérité et la tfcélérateffe avec laquelle ils avoient fi bien rempli leur miflion. Le Miniftre de 1'intérieur ( inftruit de ces faits fe rendit a £g» 1'aifemblée au commencement rieur dejïre l: de Septembre pour la prier de mf Jf-^ i prononcer déffinitivement fur ^Jffjt I le fort d'Avignon et du Com- fort i'Avi[tat déchiré par des fadions, ; et en proye a. toutes les hor>: reurs de la guerre civile. II peignit !i d'une maniére énergique et touchante |: la fituation affreufe de ce malheureux ? pays, et la mifére de fes habitans. L'af\ femblée promit d'avoir égard k fa deI mande. Le 9. Septembre Duprat et Rovére, qui fe düoient de- da putés d'Avignon, fe préfente- comtat. rent a la barre de 1'aifemblée et demandérent la réunion du Comtat k la France. Ils attribuérent les horreurs, qui s'étoient commifes dans ce pays, aux manoeuvres prétendues du parti qu'ils Dd v défi-  426 HISTOIRE ET ANECDOTES défignoient fous le nom d'ariftocratique et a la haine que le defpotifme des Papes avoient infpirès aux vrais patriotes. Rovére avoit été major de 1'armée de Jourdan. Son difcours étoit rempli d'injures et dinveflives contre les têtes couronnées et les fouverains. Le préfident au lieu de lui impofer filence fouffrit au contraire que le peuple, qui occupoit les galeries lui prodiguat des applaudiifements. Un membre voulut lire une proteftation de 183. habitans d'Avignon contre les pouvoirs que s'étoient arrogès ces prétendus députés: il ne put fe faire entendre. Les tommf. . Le 10 7hte les deux Comfairesparoif. miifaires MM. Verninac et le Scène de Maifons parurent a PaiTemblée et expoférent fucceflivement tous les détails de leur miffion, mais d'une maniére auffi abfurde qu'infidele. Cette efpèce d'apologie contenoit entre autres un éloge du caraéléie et de la conduite de Jourdan et des rai-  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 427 raifons fpécieufes pour n'avoir pas fait defarmer la horde de bandits qu'il comraandoit. L'abbé Maury, originaire de Valréac petite ville du Comtat, qui avoit été inftruit par fes compatriotes de la conduite fcandaleufe des Commiifaires ne put écouter avec patience ce tiifu de menfonges. II s elanca a la tribune pour lire un aéle d'accufation et la difcuilion fur 1'affaire du Comtat fut renvoyée au 12 7i>re pendant ce court intervalle les jacobins employérent tous les moyens, qui étoient en leur puiifance pour faire reuffir le projet de réunion du Comtat. Hs captivérent les fuifrages par des motifs de crainte et de fédiiétion. AfTurès du fuccés ils laiiférent entamer la difcuffion le jour indiqué. L'abbé Maury lut fon acle d'accufation. II étoit conqu en ces termes. ! S  42 8 HISTOIRE ET ANECDOTES AM* . Jedénoilce * raflemblée «fe ïAbhé nationale les fieurs le Scène MaWycontre des maifons, Verninac et Mu- Z« Commif- , . , ƒ«»>«. Jot: le demande a les pourfuivre devant la cour provifoire féante a Orléans, comme s'étant rendus coupables de la partialité Ja plus fcandaleufe, des abus de confiance les plus grands, de la proteélion la plus bafle envers les brigands: d'avoir traitéavec eux comme partie contradantes; d'en avoir fait leur fociété et leurs convives. Je les accufe de n'avoir défarmé que les citoyens du Comtat, d'avoir laiifé les armes aux brigands, qui fe font emparès du palais d'Avignon, oü ils gouvernent en maitres: d'avoir dit que les armes étoient bien dans les communes du Comtat, qui s'étoient déclarées pour le Pape; d'avoir ordonné de payer des fommes confidérables aux foldats de Parmée de Jourdan; d'avoir établi de la méfintelligence entre les départemens voifins: (ceux du gard et des bouches du  I DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 429 du Rhöne fe font portés dénonciateurs de ces feite.) Je les accufe d'avoir repte de défarmer les brigands et de les favoir requ en triomphe dans la ville d'Avignon, ayant a leurs chapeaux un papier portant ces mots imprimès: Braves Brigands du département de VauIclufe. Je les accufe de les avoir complr imentés, d'avoir écrit que ces brigands méjritoient confidération et eftime. J'accufe le S. Verninac d'avoir préfidé le club d'Avignon, le jour oü 1'on fit la motion de bruler, les procédures commencées contre les chefs des brigands: de les avoir protégés et particuliérement le S. Tournalj d'avoir écrit en cette qualité 1'éloge des brigands: je les accufe» d'avoir dit aux émigrans, qu'ils ne feroient protégés, qu'a condition qu'ils ne voteroient pas pour le Pape: d'avoir parcouru le Comtat pour folliciter la réui| nion a la France: d'avoir annoncé des ; défaftres fi la réunion ne s'opéroit pas; d'avoir appellé publiquement le Pape un  430 HISTOIRE ET ANECDOTES un defpotè; d'avoir voulu faire admer^ tre au confeil général de la commune les Chefs des Brigands, qui demandoient 40. Sols par jour pour la Solde; d'avoir fait enfermer arbicrairement des citoyens^ d'avoir confirmé le Sr. Raifet, juge révoqué par la commune ; d'avoir reconnu la fouveraineté de 1'aifemblée éledorale; d'avoir été les fpeétateurs tranquilles de toutes les horreurs, qui fe font: paifées dans ce pays : enfin d'avoir fait des orgies continuelles avec les Chefs des brigands. Je me foumets a toutes les] peines de la calomnie, a tous dépens, dommages et intéréts fi les faits cy-def. fus ne font pas vrais. A Paris le 7. Septembre 1791. Signé Maury. Après cette dénonciation 1'Abbé Maury ajouta, que les procés-verbaux des délibérations des communes du Comtat et d'Avignon devant être la baze du rapport de cette affaire , PaiTemblée ne pouvoit afleoir fa décifion fur de pareilles piéces, puisqu'il avoit prouvé" qu'elles ne méritoient paj, fa confiance. L'adte  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 431 L'adte d'accufation fut remis aux CommüTaires médiateurs , qui y répondirent d'une maniére trés diffufe et peu fatisfaifante. Leurs moyens de défenfe confiftoient dans les faits fuivants. io. qu'ils avoient reconnu 1'aifemblée éle&orale, par Riponft , , . • ajlutieux des ce qu'elle etoit un des pouvoirs Commi^ les plus eftimés dü pays, et res. qui avoit le plus 'd'autorité; qu'il falloit bien que les médiateurs euffent communication avec les pouvoirs reconnus, fans quoi il leur auroit été impoifible de rien faire. 2,0. qu'ils avoient licencié 1'armée Avignonoife et celle du Comtat, mais qu'ils ne 1'avoient pas désarmée, parceque le désarmement auroit été difficile a exécuter et paree que les armes étoient utiles a ces perfonnes. 30. qu'ils avoient appellés les gardes nationales des départements voifins, parceque le Comtat et Avignon étoient dégarnis de troupes de ligne, et qu'ils avoient cru que des bourgeois étoient plus propres a rétablir la paix. 4°- que 1'é- vêque  43^ HISTOIRE ET ANECDOTES vêque de Vaifons avoit écrit aux Corru miifaires- Médiateurs que leur préfence étoit néceflaire pour rétablir le calme et faire ceiTer 1'Anarchie. 50. qUe 1'emprunt de 3600. Livr. qu'on reprochoit a 1'Abbé Mulot fefoit partie d'un emprunt plus confidérable de 7200 Livr. fait par les Commiifaires et fur leur refponfabilité, pour fubvenir au prêt des gardes nationales. 6°- que les médiateurs s'étoient entremis auprès de 1'armée des Brigands, pour -détruire les efTets de la haine, que la municipalité d'Avignon, et la gazette de Ville-neuve les Avignon avoit répanduë et fomentée dans l'efprit du peuple : que c'eft dans les mêmes vuës, que l'armée Avignonnoife porta, en entrant a Avignon, le nom de Braves Brigands, &c. M. de Verninac dit qu'il n'avoit accepté la préfidence du Club d'Avignon que comme le plus fur moyen de concilier les deux partis. L'aifemblée ayant entendu cette deffenfe rejetta 1'adle d'accufation propofé contre les Commiifaires. M. de  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 433 M de Menou dans le rapport qu'il fit fur cette affai- ^'J* re avoit eu foin d'écarter 1'exa- Mnmen de la queftion de droit fuivante: le peuple Avignonnois de fon propre Chef et fans fe fonder fur la violation du pade focial du cöté du Pape, peut-il renoncer au gouvernement du St. Siége? 11 réduifit la difcuflion a une queftion de fait: le voeu du peuple Avignonnois a-t-il été libre, folemnel et légal? Suivant le rapporteur il réuniffoit toutes ces qualités. Le ledeur impartial doit être pénétré d'avance de Pinexaditude de fon expofé. Suivant lui, après la fignature des préliminaires de conciliation, PaiTemblée éledorale féante a Bédaride avoit écrit aux 98. communes formant les états d'Avignon et du Comtat pour les inviter a émettre leur voeu. Sur ce nombre 52. avoient opiné pour la réunion a la France. 19. pour refter fous la dommatipn du Pape et les 27 autres n'avoient point émis de voeu. Entrant enfuite dans le détail de la poXIV' Sett.IL Ee puk-  434 HISTOIRE ET ANECDOTES " pulation de ces communes, il chercha a prouver que fur 15-2,919. habitans la France avoit eu une majorité de 70,37^. individus et mème de 120,000. en y comprenant les communes neutres, qui avoient émis leur voeu en faveur de la réunion dès le mois de mai. A Pégard de la liberté et de la fureté des aiïemblées le rapporteur préteftdit qu'elle avoit été parfaitement aflurée par la préfence des gardes-nationales francoifes. II examina enfuite le degré d'intérêt que les puiflances étrangéres pourroient prendre k cette réunion. II repréfenta que depuis deux ans elles avoient eu des prétextes d'attaquer la France, mais qu'elles n'avoient ofé fe compromettre avec une nation qui pouvoit déployer autant de puiffance et d'énergie. II affirma de plus que Pintérèt des Avignonnois exigeoit la réunion, puisqu'elle devoit préferver 150,000. ames des horreurs de la'guerre civile; il foutint encore que, quoique les Comtadins ne payaffent pas d'impöts au Pape, ils étoient cependant vexés  I : DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 435 Ivexés par les exa&ions de fes prépofés. (Enfin il conclut, en difant que quand jmême le Gouvernement du St. Siége leut été le plus doux pofïïble Tavantage jdu peuple exigeroit la réunion , parceIque s'il reftoit étranger a la France, lelie ne pourroit s'empêcher d'en faire le plus malheureux peuple de la terre. C'eft ainfi qu'en fe jouant, de tous les principes et des rapports politiques, en écartant les queftions de droit, en cumulant les fophismes ét les calculs erronés 1'aifemblée prétendoit colorer fes ufurpations et légitimer fes injuftices. L'abbé Maury découragé par le peu de fuccés de fon acte d'accufation ne répondit rien au rapport de M. de Menou. Les membres du cóté droit, qui depuis 1'arreftation du Roi ne prenoient part aux délibérations que quand il s'agiifoit des droits ou de la perfonne du monarque, gardérent également le filence, et les Jacobins n'éprouvant aucune réfiftence obtinrent 1'objet de leurs défirs par le décret qui terminoit le rapEe ij port  436 HISTOIRE ET ANECDOTES port de M. de Menon et que raflemblée adopta en ces termes. L'aflemblée nationale après Decret qui avoir entend u le rapport de réunitAvi- fes comités diplomatique et gtion et ie , r ^ Comtot a la d Avignon: conhderant, que, France. conformément aux préliminairs de paix arrêtés, et fignés a Orange le 19. Juin de cette année par les députés de l'aflemblée éledorale, des municipalités d'Avignon et de Carpentras et de 1'armée de Vauclufe, en prcfence et fous la garantie provifoire des médiateurs de la France, députés parle Roi, garantie que 1'aifemblée nationale a confirmée par fon decret du f. Juillet dernier; les Commiifaires des deux états réunis d'Avignon et du Comtat Venaiflm fe font réunis en aflemblées primaires, pour délibérer fur 1'état politique de leur pays: Confidérant que la majorité des communes des citoyens a émis librement et folemnellement fon voeu pour la réunion d'Avignon et du Comtat - Venailfin a 1'empire Francois: Conli-  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 43? Confidérant, que, par fon decret du af. Mai dernier, les droits de la France fur Avignon et la Comtat-Venaiffin ont été formellement réfervés. . L'aflemblée nationale déclare: qu'en vertu des droits de la France fur les états réunis d'Avignon et du ComtatVenaÜEn, et conformèment au voeu librement et folemnellement émis par la majorité des communes et des citoyens de ces deux pays pour être encorporès a la France, lesdits deux "états réunis d'Avignon et du ComtatVenaiffin font, dans ce moment, partie intégrante de 1'empire Franqois. Décréte l'aflemblée nationale que le Rol fera prié de nommer des Commiffaires, qui fe rendront inceflament a Avignon et dans le Comtat-Venaiflin pour examiner les moyens d'éxécuter 1'incorporation de ces deux pays a 1'empire Franqois: et que, fur le Compte qui en fera rendu, 1'aflemblée nationale décidera deffinitivement le mode de la réunion: que dès ce moment toutes voyes Ee iij de  438 HISTOIRE ET ANECDOTES de fait, tous adtes hoftiles, font interdits aux différens partis, qui peuvent exifter dans ces deux pays: les Commiifaires médiateurs veilleront a 1'éxécution la plus exacte des loix j ils pourront requérir, avec les formes accoutumées, les troupes de ligne et les gardes - nationales Francoifes , pour 1'éxécution des décrets et le maintien de la paix. Le pouvoir exécutif fera prié de faire ouvrir des négociations avec la cour de Rome pour les indemnités et dédommagements qui pourront lui être dus. L'aifemblée nationale charge fes comités de Conftitution, diplomatique et d'Avignon de lui préfenter inceifamment un projet de décret fur 1'établif. fement provifoire des autorités civiles et judiciaires, qui adminiftreront ces pays jusqu'a 1'organifation deffinitive. Quelques jours après 1'affemblée ayant été informée qu'il avoit éclaté des troubles dans la ville d'Arles, dont 1'aifemblée électorale avoit voulu fe déclarer permanente, improuva la conduite  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 439 te du département des boüches du Rhöne, qui avoit fait marcher - des gardesnationales pour foutenir cette prétention anti-conftitutionnelle. Elle décréta en mème tems que les Comtats d'Avignon et Venaiiïm ne formeroient pas un département féparé, mais feroient répartis entre les départements limitrophes. Pendant que les puiiian- ^ ces étrangéres ne faifoient le J^°!yoa' moindre appareil hoftile contre iUcs /ar u la France et paroiiToient mè- SituaHm , ■ j-er des puifatt- me contempler avec ïndirieren- m ^ ce les événements qui fe paf- m. 'foient dans ce Royaume, M. Louis de Noailles faiifoit a 1'aifemblée un rapport allarmant fur leurs intentions hottiles, fans avoir a eet égard aucuns renfeignements, et par le défir feul de produire une fenfation extraordinaire il mettoit leur troupes en mouvement, en faifoit la revuë et énumération pompeufe, il ouvroit 1'arfenal de Magdebourg d'un cöté, d'un autre » imbarquoit fur le Danube des trains d'Artil£e iv lerie  44° HISTOIRE ET ANECDOTES lerie confidérables. Ce jeune guerier qui croyoit avoir acquis une grande importance, pour avoir fait deux campagnes dans FAmérique Septentrionale, fuppofoit des projets d'attaque et propofoit dans fon rapport des moyens de deffenfe pour faire briller fes connoiffances militaires et fa haute ta&ique. II exageroit auffi les difpofitions des rnécontens de 1'intérieur et leurs liaifons avec les émigrés. Pour déconcerter leurs projets il propofa des armements confidérables. La vérité étoit qu'aucune des puilfances étrangéres ne penfoit a la guerre; qu'elles voyoient peut être avec une efpêce de SatisFaétion la France déchirée par des fadions, qui devoient lui faire perdre cette force impofante autrefois fi redoutable. Aifoupies par une fauffe fécurité les puiffances ne connoiffoient pas encore aifez Pafcendant de la fede des Jacobins et les dangers qui pouvoient réfulter des principes qu'ils avoient foin de répandre dans tous les ét»ts. Quoique leurs difpo-  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 441 difpofitions pacifiques düflent être bien connuës d'une grande parties des membres de raflemblée , le rapport de M. de Noailles infpira cependant une certaine terreur. On ne pouvoit fuppofer qu'il eüt ofé en impofer avec tant d'aflurance et l'aflemblée adopta un projet de decret qu'il avoit propofé et qui étoit concu en ces termes. L'aflemblée nationale décréte 1. que le Miniftre de la Décret. guerre fe réunira fur un point de la Frontiére avec M. de Rochambeau, M. de Luckner, les Chefs du Génie, de 1'Artillerie et deux Commiffaires, a 1'éffet d'arrèter un plan d'opérations pour la défenfe de toutes les parties de 1'empire. II. Décréte en autre que les Miniftres du Roi feront requis de préparer tous les mémoires et documens néceffaires, pour éclairer 1'Europe fur les prétentions des Princes poifeffionnés dans les cy-devant provinces de Lorraine et d'Alface * et qu'immédiatement après que la Conftitution aura été acceptée par le E e v R<4  443 HISTOIRE ET ANECDOTES Roi, les négociations s'entameront fur cet objet entre le Chef de 1'empire ger. manique et les parties interrefTëes. a!r . Une affaire bien plus im- iesCeionies. Portante occupa les dernieres féances du Corps législatif, a peine le decret que raflemblée nationale avoit rendu le ic/Mai concernant les Colonies y avoit il été connu, qu'il fe manifefta la plus grande fermentation. Tous les propriétaires mème les mulatres jurérent qu'ils perdroient plutót la vie que de fouffrir 1'exécution de cette loi. La cocarde nationale fut arrachée et remplacée par une cocarde Mandie et noire. TJn batiment de Bordeaux chargé de négres étant arrivé au CapFrancois, on refufa au Capitaine la permiilion de les débarquer. Le peuple lui cria depuis le port: " menez vos négres a l'aflemblée nationale, pour qu'elle en fafle des citoyens actifs et des repréfentans de la nation. „ Le Capitaine réïtéra fes inftances: on lui permit d'aborder, mais perfonne ne voulut ache- ter  DE LA RÉVOLUTION FRAN?OISI. 443 ter de fes négres, paree qu'ils venoient de Bordeaux. L'aifemblée provinciale du Troubles aSt. nord de 1'isle S. Domingue ex- Dominue pofa au corps législatif: que rehtivemeut 5 . • au decret iti le décret du 15 mai, qui ac- l%Mai. cordoit aux gens de couleur, nès de pére et de mére libres, le droit de repréfentation aux aifemblées coloniales et paroiffiales, effacoit la démarcation politique, qui féparoit les blancsr des mulatres, et déterminoit une claife intermédiaire, dontl'exiftence étoit néceifaire a la confervation des Colonies. 11 doit y avoir, difoit l'aifemblée, dans les Colonies une claife d'hommes, qui indique la différence des blancs et des noirs. 11 eft mème néceffaire que les noirs ne puiifent jamais avoir .1'efpérance de devenir les égaux des blancs, et que leur unique voeu fe borne a ètre afFranchis, leur fidélité les rend dignes de ce bienfait. II faut qu'ils foient pénétrés de ces idéés, qui font que 6o,QOO. blancs ont  444 HISTOIRE ET ANECDOTES ont 600,000. noirs dans leur dépendance. Au moven de Ia claife intermédiaire lesColonies font préfervées jusqu'a préfent de tout germe d'infurrection. Les loix et les réglements introduits dans les Colonies ne font point 1'eifet de la vanité ec de 1'orgueil, ni fondès fur des préjugés, comme le répandent de prétendus philofophes, qui fe décorent du titre pompeux de defenfeurs, de fhumanité. C'eft la néceffité, prefcrit cette différenqe, qui ne permet pas que des mulatres produits par des efclaves jouiifent des mêmes droit que les blancs et foient confondus dans la même claife: il faut connoitre le régime des Colonies pour fentir la néceffité de ce principe, et ne point entamer de difcuffions a cet égard. Les dcbatsles plus favants éclairent moins qu'un féjour de quelques mois dans les Colonies. L exécution du decret auroit les fuites les plus défaft'reules. Les efprits font irritès. La fermentation eft a fon comble, et peut produire une explofion, dont  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 445 dont les effets feroient terribles. Nous trouverions a cette exécution une réfiftence défefpérée, qui peut produire 1'anéantiflement de la Colonie. Citoyens éclairés, laiflez - vous toucher par nos repréfentations. Vous mériterez alors le titre de législateurs de 1'empire et de pères de la patrie. La mème aflemblée colomale ecnvit une lettre au Roi. tlufieurei vih Les villes duHavre, de Honf- lesAeComleur, de Rouen, de Rennes, **rw" de Nantes envoyérent des pétitions trés énergiques pour le mème objet. Les négociants de Bordeaux mêmes, revenus de leur erreur écrivirent a raflemblée pour la prier de retirer un decret qu'ils avoient follicité prccédemment. L'aflemblée décréta que 1'exécution du decret du 15 Mai feroit provifoirement fufpendüe. M. Barnave, qui avoit obtenu ce premier fuccès malgré tous Difcours At les efforts des amis des noirs B"nave. déGra aflurer d'une mamére^ plus ftable le  446 HISTOIRE ET ANECDOTES le fort des Colonies. II parut a la tri. "bune le 23 ybre et prononca un difcours trés éloquent, oü il s'attacha furtout a fauver 1'efpèce de contradidion, qui fe trouvoit entre les principes philantropiqués, d'après lesquels 1'aflemblée avoit rendu le decret du 15 Mai, et fon fiftème rélatif aux Colonies, qui devoit lengager a la retirer. Le régime des Colonies, dit-il, doit être confideré comme un édifice fadice, qui n'exifte pour ainfi dire que contre nature, et ne peut être foutenu que par des moyens d'opinion. A St. Domingue par exemple le petit nombre de blancs ne peut venir a bout de conduire une multitude d'hommes de couleur que par des préjugés et des moyens phifiques. II eft impoflible de prévoir tous les maux qui défoleroient les Colonies, fi on venoit a détruire fubitement ces moyens fadices. Ce régime éft barbare, mais il y auroit plus de barbarie a employer des moyens prompts et violents pour le faire ceflTer. Ce  DE LA RÉVOLUTION FRAN?OISE. 4.47 Ce fut envain que l'abbé Grégoire, Roberspierre, Pé- ^isls thion et les autres amis des noirs eiTayérent de détruire Fimpreffion qu'avoit produite le difcours de Barnave. Ils propoférent auili iniitilement d'ajourner le projet de décret préfenté par les comités. Le triomphe de Barnave fut complet et l'aifemblée décida k une grande majorité: que voulant, avant de tcrminer fes travaux, aifurer d'une maniére invariable la tranquiilité des Colonies, et les avantages que la France retire de ces importantes poflefFions, elle décréte, comme articles conftitutionnels, ce qui fuit. Art. I. L'aifemblée natioönale lêgislative ftatuera ex- Dtentvi 0 ' , . . revoque celui clufivement avec la fanclion du i^Mai. du Roi, fur le regime extérieur de Colonies: en conféquence ellè fera i». les loix qui réglent les relations commerciales des Colonies, celles qui en aifurent le main tien par letab- liifo-  448 HISTOIRE ET ANECDOTES liifement des moyens de Surveillance la pourfuite, le jugement et la punition des contraventions, et celles qui garantiiTent 1'éxécution des engagements entre le commerce et les habitans des Colonies. 20. Les loix qui concernent la défenfe des Colonies; les parties militaires et adminiftratives de la guerre et de la marine. II. Les aflemblées coloniales pourront faire, fur les meines objets, toutes demandes et repréfentations; mais elles ne feront confidérées que comme de fimples pétitions et ne pourront être converties dans les Colonies en régiemens provifoires, fauf néantmoins les exceptions extraordinaires et momentanées rélatives a l'introduction des fubilitances, lesquelles pourront avoir lieu a raifon d'un befoin preifant légalement conftaté et d'après un arrèté des aifemblées coloniales, approuvé par les gouverneurs. IIL  DE LA RÉVOLUTION FRAN?OISE. 449 III. Les loix concemant 1'état des perfonn.es non libres, et 1'état politique [des hommes de couleur et négres libres ainfi que les régiemens rélatifs a 1'exé:cution de ces mêmes loix, feront faites ipar les aifemblées coloniales, pendant il'efpace d'un an pour les colons -d'amérique, et de deux ans pour les Colonies afiatiques, et feront portées diredement a la fandion du Roi; fans qu'aucun décret antérieur puiifeporter atteinte au plein exercice du droit conféré par le préfent article aux aifemblées cojj loniales. IV. Qiiant aux formes a fuivre pour la confedion des loix du régime intérieur, qui ne concernent pas 1'état des perfonnes défignées dans 1'article cy defI fus, elles feront déterrninées par le pouvoir législatif, ainfi que le furplus de I 1'organifation des Colonies, après avoir 1 recu le voeu que les aifemblées coloniI ales ont été autorifées k exprimer fur Ileur conftitution. T.lV.Seiï.U. Ff U  450 HISTOIRE ET ANECDOTES Le miniftre de Ja Marine Théve-| nard convaincu par expérience que lei zéle ne fuffifoit pas pour remplir uni emploi important dans des circonftances J aufli délicates, fe décida a donner fa dé-| million a S. M. fous prétexte d'altération de fanté. Le Roi nomma a fa place M Bertrand de Molleville an-1 Bertrani de . ■ Molleville clen intendant de Bretagne. miniftre de Qe nouveau miniftre jouiiibit la Marme, ^ leftime et de la confidéJ ration publique. II avoit eu le talent de fe ménager des amis et des partifans dans une province, oü la réiiftence aux volontés du Roi étoit devenüe un titrej honorable. II avoit feu maintenir en même temps avec caraclére et dignité les prérogatives de fa place. II eüt été a défirer que le monarque eüt pu être toujours environné- de pareils confeils. Leur probité et leur expérience 1'euifent infailliblement garanté des pieges que lui tendoient fans ceife les jacobins, qui connoiflant la bonté de fon cöeur cher- choient  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 451 choient conftamment a furprendre fa bonne foi. Pendant que le monarque francais gémiifoit dans la plus dure captivité deux puiifances autrefois rivalles paroiifoient fe réunir pour s'occuper de fon fort et de la conduite qu'elles devoient tenir, ces difpofitions donnerent lieu a la conférence de Pilnitz dont je crois devoir rendre compte. L'empereur Léopold venoit enfin d'obtenir Pobjet de ^^it! fes défirs. Le congrès de Sziftowe avoit eu une iifüe heureufe, et la paix paroiifoit foJidement rétablie entre la maiifon d'Autriche et la porte Ottomane. Ce fut le 4 aouft que le trai, .té fut deffmitivement figné, fous la médiation de la Pruife, de PAngleterre et des provinces unies. Ce traité faifoit évanouïr Pidée de Jofeph II. celle de repouifer les Turcs au dela des Dardanelles. Les conquêtes qui avoieiit été F ï ij faite»  452 HISTOIRE ET ANECDOTES faites par les armes autrichiennes furent. abandonnées, 1'importante forterefTe de: Belgrade remife a fes anciens poifeffeurs, et en général toutes les chofes rétabliesji fur le pied, oü elles étoient avant laj! déclaration de guerre du 9 fevr. 1788*! Le fage Léopold crut devoir faire le fa-| crifice de fon amour propre au bonheurt de fes fujets, et il dut s'applaudir de! cette démarche qui lui laiifoït la faculté) de diriger fes forces fur un autre pointl et de jouer un róle convenable au chef| de 1'empire germanique. Après avoir aifuré la tranquillité de fes états, dn cóté de la Hongrie, il penfa a cimenter une alliance projettée depuis longtemps avec la Pruife, alliance que les affaires de France rendoient utiles aux deux puiffances. Pour éviter la longueur des négociations les deux fouverains convinrent qu'ils fe rencontreroient dans les états de 1'eledteur de Saxe, lorsque 1'empereur iroit fe faire couronner Roi de Bohème. Le lieu de la Conférence fut  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 453 fut indiquê a Pilnitz, chateau de plaifance a peu de diftance de Dresde. Les princes Franqois ne doutoient pas que les puifTan- J^J' ces de PEurope ne prinent u a. Artols une part adive aux affaires «VUnnt. ide France. Leurs défirs a cet égard les engageoit a convertir en cerLitude ce qui n'étoit qu'une probabilité. fcans Pefpoir d'accélérer les fecours qu'ils httendoient, le Comte d'Artois fe rendit E Vienne avec M. de Calonne. H y Uoit été précédé par MM. de Bouillé, IdeVandreuil, de Polignac et de FlachsEanden: Le Baron de Roll Capitaine We la Compagnie Générale du Régiment Ides Gardes-Suiffes et jouiifant de la cotlfiance de M. le Comte d'Artois avoit iété envoyé a Berlin : M. de St. Prieft [avoit fuivi S. M. le Roi de Suede a StockJholm, et M. de Bombelles s'étoit rendu la Petersbourg. Ces différents agents deIvoient chercher a émouvoir les puiifanIces et leur repréfenter le rétabliifement Ide la Monarchie Franqoife, comme un : pfüj objet  454 HISTOIRE ET ANECDOTES objet d'intérêt général, dont le fuccés étoit afluré par le nombre de partifans et les intelligences, que les Princes Franqois avoient eu ioin dè fe ménager dans le Royaume. Le Comte d'Artois fut requ, avec diftinéiion, a Vienne: mais il n'obtint que des promeifes vagues et conditionnelles. II follicita la è^Fiinltz permiffion de fuivre S. M. Impériale a Pilnitz efpérant avoir plus de Succés fi S. M. Pruflienne s'intéreifoit a fa caufe. Le zf. Aouft 1'Empereur accompagné de 1'Archiduc Franqois, de quelques courtifans et. du Baron de Spielmann fe rendit a Pilnitz. Peu après S. M. Pruflienne y arriva ayant a fa fuite le Prince de Hohenloè', le Comte de Bruhl et M. de Bifchofswerder. Le mème foir le Comte d'Artois fe réunit a cette entrevuë. II avoit été précédé par plufieurs feigneurs, qui fe trouvoient a Vienne. Le Prince de Naffau-Siegen, dont Pimagination Noble èt chevaleresque 1'engageoit a chercher de la gloire et des aventures dans 1'un et  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 455 et 1'autre monde étoit auffi du nombre des iliuitres perfonnages aflemblés a Pilnitz. Le mème foir leurs Majeftés impériale et PruiTienne eurent une conférence particuliere. Le lendemain M. le [Comte d'Artois et M. de Calonne furent admis a une feconde entrevuè". 'L'exrainiftre peignit, avec la légereté et la vivacité qui le cara&érifoit, la facilité d'une Contrerévolution. Suivant lui le plus léger appui de la part de Pempereur et du Roi de Pruffe devoit frayer aux Princes Franqois leur retour dans le Royaume, délivrer le Roi de fa captivité, rétablir 1'ordre et purger a jamais la France des félérats, qui la tyrannifoient. II exagéra le nombre et les difpofitions guerriéres de la Nobleffe émigréès, le mécontentement qui exiftoit dans le Royaume. Son génie fertile en inventions lui fit détailier un plan de Campagne, prendre des places.fortes, pourvoir a'ux moyens de fubfiftence, avec cette aifurance dont il avoit F f iv coii-  456 HISTOIRE ET ANECDOTES contracté 1'habitude pendant fon Mini- j ftére. En courtifan adroit il chercha a f. flatter 1'amour propre des deux fouve- i rains. II leur préfenta la gloire de cet- L te expédition facile, et les droits qu'ils t acquéreroient a la reconnonfance de I tous les franqois. Le prudent et fage : Spielmann , qui ne fe laiifoit point i éblouir par des déclamations et des fpé- \ culattons hazardées, analyfa les projets i du confident des Princes. II expofa k \ 1'émpereur la conféquence de la démarche, qui lui étoit propofée, il en calCtila les fuites et les incónvénients, et ! la conférence fe termina fans aucun ré- j fultat fatisfaifant pour le Comte d'Ar- I tois. II renouvella fes inftances le len«. demain. Les deux fouverains dont les I démarches étoient liées a un concours gé- • néral des puiifances , qu'ils efpéroient i peut être obtenir, ne crurent point com- i promettre leur dignité et leur parole j en remettant a M. le Comte d'Artois la ïiotte fuivante qu'ils accompagnérent de proteftations d'amitié et d'attachement.  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 451 "S. M. 1'Empereur et S. _ ,. , _ vt» Convention „M. le Roi de Pruife ayant en- fign(t iPili „tendu les defirs et les repré- nit% par "fentations de Monfieur et de &*«»*. , . r i» et ie Kot „M. le Comte d'Artois ie de- ie Ptu^ „clarent conjointément, qu'el„les regardent la fituation, oü fe trou„ve aauellement le Roi de France, SJcomme un objet d'un intérêt com„mun a tous les fouverains de 1'Europe: „elles efpérent que cet interêt ne peut „manquer d'être reconnu par les puif„fances, dont le fecours eft réclamé, et „qu'en conféquence elles ne refuleront „pas d'employer, conjointément avec „leurs dites Majeftés les moyens les „plus éfficaces, rélativement a leurs for„ces, pour mettre le Roi de France en „état d'affermir, dans la plus parfaite „liberté, les bafes d'un gouvernement „Monarchique, également convenable ,,aux droits des Souverains et au bien „être de la nation Franqoife. Alors „et dans ce cas, leurs dites Majeftés 1'Emi,pereur et le Roi de Pruife font réfolusr Ff v „da-  45 8 HISTOIRE ET ANECDÜTES „d'agir promptement, d'un mutuel ac„cord, avec les forces nécefTaires, pour ,,obtenir le • but propofe et commun. I „En attendant elles donneront a leurs „troupes les ordres convenables, pour ' „qu'elles foient a portee de fe mettre „en adivité. A Pilnitz le 27. Aouft „1791. Signés Léopold, Fredéric Guil„laume. „ Le Lendemain les Souverains, qui s'étoient probablement beaucoup plus occupés de leurs intéréts particuliers que des affaires de la France, fe féparérent. L'empereur fe rendit a Prague, le Roi de Pruife regagna fes états, et le Comte d'Artois enchanté du fuccés de fon voyaye revint a Coblentz apRnour de portant ja déclaration, qui lui M.U Comte r . , , .rr».. • « d'Artois a avoit ete remiie a Pilnitz. On Coblentz. auroic de la peine a fe peindre la joye et; 1'enthoufiasme des crédules Franqois a la ledure de cette piéce, dont le ftyle énigmatique et éventuel ne devoit cependant laiifer aucun doute fur les intentions des deux Souverains.  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 459 v'erains. Lè Comte d'Artois devint 1% dóle de la noblefle réunie, on le regarda comme le libérateur de le France. On calculoit déja le; nombre des troupes qui devoient être en mouvement, pour feconder 1'ardeur des jeunes guèrriers', qui Te promettoient de le dédommager a 1'opéra et dans les boudoirs des fatigues de la campagnes. Le jour de la rentree en France étoit fixé par un grand nombre d'entr'eux. Les ruës de Coblentz et de Worms retentiflbient de cris d'allégrefle. L'empereur et le Roi de Prujfe font nos alliés, difoient les jeunes Contrerévolutionnaires, qui environnoient les Princes: les femmes de la Capitale en accordant a leurs amants un congé pour aller cueillir des lauriers, fur les bords du rhin, répétoient d'un air miftérieux : 1'Empereur et le Roi de Pruife font nos alliés. Quique les Démocrates fidelement inftruits par leurs Emiflaires füflent trés raifurés fur 1'ifluë des projets des partifans de 1'ancien régime, ils profitérent de leur réunion  460 HISTOIRE ET ANECDOTES et de la publicité donnée a la Convenvention de Pilnitz pour les rendre encore plus odieux au peuple. Ils leur fuppoférent des projets d'animofité et de vengeance, qui n'exiftoient probablement que dans Pefprit de quelques têtes exaltées. La Conftitution n'étoit pas encore acceptée. Les princes étoient perfuadés que le Roi n'y appoferoit pas fa Sanétion. Ils efpérérent que la déclaration de Pilnitz accompagnée d'une lettre touchante 1'affermiroit dans cette Réfolution, et Pengageroit a faire a fa gloire le facrifice momentané d'une couronne ternie par la main des plus vils démocrates. Après avoir tenu un confeil oü. M. le Prince de Condé et M. le Duc de Bourbon s'étoient réunis, les fréres du Roi écrivirent a fa Majefté la lettre fuivante qu'on aifuroit avoir été rédigée par M. de Calonne. Sire  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 46* ' Sire, notre Frere et Seigneur! Lorsque raflemblée, qui ^ dt vous doit 1'exiftence, et qui ne Monfimr tt la fait fervir qu'a la deftrudion de votre pouvoir, ie croit m*fe M^ au moment de eonfommer fa coupable entreprife; lorsqu'a 1'indignite de vous tenir captif au milieu de votre Capitale, elle ajoute la perfidie de vouloir, que vous dégradiez votre Tröna de votre propre main ; lorsqu'elle ofe enfin vous préfenter 1'option, ou de foufcrire des décrets qui feroient le malheur de vos peuples, ou de cefler d'être Roi, nous nous empreflbns d'apprendre a votre Majefté, que les puiflances, dont nous avons réclamé pour elle les fecours, font déterminées a y employer leurs forces , et que 1'Empereur et le Roi de Pruife viennent d'en contraéter 1'engagement mutuel. Le fage Léopold, auffitöt après avoir afluré la tranquillita de fes états et amené celle de 1'Europe, a figné cet engagement a Pilnitz le 27. du  462 HISTOIRE ET ANECDOTES du mois dernier, conjointément avec le Succefieur du grand Frédéric: ils en ont remis 1'original entre nos mains : et, pour le faire parvenir a votre connoiffance, nous le ferons iniprimer a la fuite de cette lettre, la publicité étant aujourd'hui la feule voye de communication, dont vos cruels oppreffeurs n'ayent pu vous priver. Les autres cours font dans les mêmes difpofitions que celles de Vienne et d'e Berlin. Les Princes et Etats de PEmpire ont déja protefté dans des adtes authentiques, contre les léfions faites k des droits, qu'ils ont réfolus de foutenir avec vigueur. Vous ne fauriez douter, Sire, du vif intérèt, que les Rois Bourbons prennent a votre fituation; leurs Majeftés catholique et ficilienne en ont donné des temoignages nonéquivoques. Les généreux fentiments du Roi de Sardaigne, notre beau-pére, ne peuvent pas être incertains. Vous avez droit de compter fur ceux des Suiifes, les bons et anciens amis de la France.  DE LA RÉVOLUTION ERANC.OISE. 463 France. Jusques dans le fond du nord, un Roi magnanime veut auffi conttibuer a rétablir votre autorité; et 1'immortelle Catherine, a qui aucun genre de gloire n'eft étranger, ne laiflèra pas échapper celle de défendre la caufe de tous les Souverains. II n'eft point a craindre que la nation britannique, trop généreufe pour contrarier ce qu'elle trouve jufte, et trop éclairée pour ne pas défirer ce qui interrelfe fa propre tranquillité, veuille s'oppofer aux vues de cette noble et irréfiftible confédération. Ainfi, dans veis malheurs, Sire, vous avez la confolation de voir les puiifances confpirer a les faire ceder; et votre fermeté, dans le moment critique oü vous êtes, aura pour appui 1'Europe entiére. Ceux qui favent, qu'on uébranle vos réfolutions qu'en attaquant votre fenfibilité , voudront fans doute vous faire envifager 1'aide des puiifances étrangéres comme pouvant devenir funefte a vos fujets; ce qui n'eft qu'une  464 HISTOIRE ET ANECDOTES qu'une vuë auxiliaire, ils le travefti. ront en vuë hoftile et vous peindront Je Royaume inondé de lang et déchiré dans toutes fes parties, menacé de démembrements. C'eft ainfi qu'aprés avoir toujours employé les plus fauifes allarmes, pour caufer les maux les plus réels, il veulent fe fervir encore des mêmes moyens pour les perpétuer, c'eft ainfi qu'ils efpérent faire fuporter les fiéaux de leur odieufe tyrannie, en faifant croire, que tout ce qui la combat conduit au plus dur éfclavage. Mais, Sire, les intentions des Sou. verains, qui vous donneront des fecours, font auflidroites, auffi pures que Ie zèle qui nous les a fait folliciter : elles n'ont rien d'éffrayant ni pour- 1'état, ni pour vos peuples. Ce n'eft point les attaquer, c'eft leur rendre le plus fignalé de tous les fervices , que de les arracher au defpotisme des Démagogues et aux calamités de 1'Anarchie. Vous vouliez aifurer plus que jamais la liberté ie vos fujets, quand des féditieux vous ont  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 465 ont ravi la votre: ce que nous faifons jpour parvenir a vous la rendre, avec üa mefure d'autorité qui vous appartient hégitimement, ne peut être fufpecté de volonté oppreffive. C'eft au contraire venger la liberté, que de réprimer la Ui jcence; c'eft affranchir la nation que de Irétablir la force publique, lans la quellle elle ne peut être libre. Ces princiIpes, Sire, font les vótres; le même efprit de modération et de bienfaifance, qui caraclérife toutes vos aétions, fera toujours la régie de votre conduite; il eft 1'ame de toutes nos démarches auprès des cours étrangéres;. et, dépofitaires de témoignages pofitifs des vues auflï généreufes qu'équitables qui les animent, nous pouvons garantir, qiTelles n'ont d'autre défir que de vous remettre en poifeflion du gouvernementele vos états, -pour que vos peuples puüfent jouir en paix des bienfaits, que vous leur avez deftinés. - T.IV.SdhlL Gg Si  466 HISTOIRE ET ANECDOTES Si les rebelles oppofent a ce défir: une réfiftance opiniatre et aveugle, qui force les armées étrangéres de pénétreri dans le Royaume, eux feuls les y au-, ront attirées: fur eux feuls rejailliroitl le fang coupable qu'il feroit néceifaire; de répandre; la guerre feroit leur ouvrage: le but des puiifances conféderées n'eft que de foutenir la partie faine de la nation contre la partie délirante, et d'éteindre au fein du Royaume le Volcan de fanatifme, dont les éruptions propagées menacent tous les empires. D'ailleurs, Sire, il n'y a pas lieu de croire, que les franqois, quelque foin qu'on prenne d'enflammer leur bravoure } naturelle, en exaltant, en élecfrifant toutes les têtes par des preftiges de patriotifme et de liberté, veuillent longtemps facrifier leur repos, leurs biens et leur fang, pour foutenir une innovation extravagante, qui n'a fait que des malheureux. L'yvreffe n'a qu'un tems* les fuccês des crimes ont des bornes; et  ; DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 467 :et ou fe lalfe bientót des excès, quand on en eft foi-mème vidime. Bientój: jon fe demandera pourquoi 1'on fe bat; et 1'on verra que c'eft pour fervir 1'ambition d'une troupe de fadieux, qu'on méprife,contreunRoi, qui s'eft toujours montré jufte let humain; pourquoi 1'on fe ruine, et ll'on verra, que c'eft pour aifouvir la cupidité de ceux qui fe font emparés de toutes les richeifes de. 1'état, qui en font [le plus déteftable ufage, et qui, charJgés de reftaurer les finances publiques, les ont précipitées dans un abirae épou•vantable; pourquoi 1'on viole les droits les plus facrès, et 1'on verra que c'eft; pour devenir plus pauvres, plus fouffrans, plus vexès, plus impofés qu'on ne 1'avoit jamais été; pourquoi on bouleverfe Tanden gouvernement, et 1'on verra que c'eft dans le vain efpoir d'en introduire un, qui, s'il étoit praticable, feroit mille fois plus abuiif, mais dont 1'exécution eft abfolument impoflible; pourquoi 1'on perfécute les miniftres ds G g ij Dieu>  "468 HISTOIRE ET ANECDOTES Dieu, et 1'on verra que c'eft pour favorifer les defleins d'une fe&e orgueilleufe qui a réfolu de détruire toute réligion et parconféquent déchainer tous les crimes. Déja même toutes ces vérités font devenües fenfibles; déja le voile de Timpofture fe déchire de toutes parts, et les murmures contre l'aifemblée, qui a ufurpé tous les pouvoirs et anéanti tous les droits, s'étendent d'une extrémité du Royaume a 1'autre. Ne jugez pas, Sire, de la'difpofition du plus grand nombre par les mouvemens des plus turbulensj ne jugez pas le fentiment national d'après 1'inaction de la fidélité et fon apparente indirférence, lorsque vous f'utes arrêté a Varennes, et qu'une troupe de fatellites vous reconduifit a Paris. L'effroi glacoit alors tous les efprits et faifoit regner un'morne filence. Ce qu'on vous cache, et ce qui dénote bien mieux. le changement, qui fe fait de jour en jour dans 1'opinion, cc font les marqués de mé>»  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 469 mécontentements, qui éclattent dans toutes les provinces, et qui n'attendent qu'un appui pour éclater davantage; c'eft la demande que plufieurs départementsjviennent deformer, pour que raflemblée ait a rendre cotnpte des fommes immenfes, qu'elle a dilapidées depuis fa geftion, c'eft la frayeur, que fes chefs laiflent appercevoir, et leurs tentatives réitérées pour cntrer en accomodement; ce font les plaintes du commerce et 1'explofion récente du défefpoir de nos colonies; c'eft enfin la pénurie abfolue du numéraire, le refus des contribuables de payer les impóts, 1'attente d'une bancqueroute prochaine, la défe&ion des troupes, qui, viétimes de tous les genres de féduction commencent a s'en indigner; et la progrés toujours croiflant des émigrations. II eft impoflible de fe méprendre a de pareils fignes, et leur notoriété eft telle que 1'audace même des feducfeurs du peuple ne fauroit en contefter la vérité. Gg iij Ne  47© HISTOIRE ET ANECDOTES Ne croyez dont pas, Sire, aux exage'rations de dangers, par lesquelles on s'efForce de vous éffrayer. On fait que, peu fenfible a ceux qui ne menaceroient que votre perfonne, vous 1'ètes infinijnent a ceux pui tomberoient fur vos peuples, ou qui pourroient frapper des objets chers a votre coeur; et c'eft fur èux qu'on a la barbarie de vous faire frémir continuellement, en même tempS qu'on a 1'impudence de vanter votre liberté. Mais depuis trop longtemps oh abufe de cet artifice, et le moment eft venu de rejetter fur les fa&ieux, qui vous outragent 1'arme de la terreur, qui jusqu'ici a fait toute leur force. Les grands forfaits ne font point a craindre, lors qu'il n'y a aucun intéret a les commettre, ni aucun moyen d'éviter, en les commettant, une punition terrible. Tout Paris fqait, tout Paris doit favoir que, fi une fcélérateife fanatique ou foudoyée ofoit attenter k Vos jours ou a ceux de la Reine, des ar-  j DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 471 irmées puiflantes chalfant devant elles mne milice foible pat indifcipline, et Idécouragée par les remords, viendroient lauflïtót foudre fur la ville impie qui auroit attiré fur elle la vengeance du ciel et rindignation de 1'univers. Aucun des coupables ne pourroit alors échapper aux plus rigoureux fupplices; donc aucun d'eux ne voudra s'y expofer. Mais, fi la plus aveugle fureur armoit un bras parricide, vous verriez, Sire, n'en doutez pas, des milliers de citoyens fidéles fe précipiter autour de la familie royale, vous couvrir, s'il le falloit, de leur corps, et verfer tout leur fang pour défendre le votre. Eh! pourquoi cefleriez vous de compter fur 1'affedion d'un peuple dont vous n'avez pas ceifé un feul moment de vouloir le bonheur? Le franqois fe laiife facilement égarer, mais facilement auflï il rentte dans la route du devoir: fes moeurs font naturéllement trop douces, pour que fes adions foient longtemps féroces; et fon Gg iv amour  47a HISTOIRE ET ANECDOTES amour pour fes Rois eft trop enraciné dans fon coeur, pour qu'une illufion funefte ait pu 1'en arracher entiérement. Qui pourroit être plus porté que nous a concevoir des alarmes fur la fituation d'un frére tendrement chéri? mais, au dire même de vos plus téméraires oppreifeurs , ce refus du réfumé conftitutionnel, que nous apprenons vous avoir été préfenté par l'aifemblée le j. de ce mois , ne , vous expoferoit qu'au danger d'être deftitué par elle de la Royautê. Or ce danger n'en eft pas un. Qu'importe que vous ceffiez d'être Roi aux yeux des factieux, lorsque vous le feriez plus folidement, plus glorieufement que jamais, aux yeux de toute 1'Europe et dans le coeur de tous vos fujets fideles? Qu'importe que, par une entreprife infenfée, on ofat vous déclarer déchu du tróne de'vos ancètres, lorsque les forces combinées de toutes les puiifances font préparées pour vous y maintenir et punir les vils ufurpateurs, qui en auroient fouillé 1'éclat? Le  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 473 Le danger feroit bien plus grand, fi, en paroiifant confentir a la diifolution de la Monarchie, vous paroiffiez affoiblir vos droits perfonnels aux fecours de tous les monarques, et fi vous fembliez vous féparer de la caufe des Souverains, en confacrant une doctrine qu'il* font obligés de profcrire. Le péril augmenteroit en proportion de ce que vous tnontreriez moins de confiance dans les moyens Préfervateurs; il augmenteroit a mefure que 1'impreffion du caradtère augufte, qui fait trembler le crime aux pieds de la Majefté royale dignement foutenuë, perdroit de fa force; il augmenteroit, lorsque Papparence de Pabandon des intéréts de la Religion pourroit exciter la fermentation la plus re* doutable: il augmenteroit enfin, fi, vous réfignant a n'avoir plus que le vain titre d'un Roi fans pouvoir , vous paroiffiez, au jugment de Punivers, abdiquer la couronne, dont chacun fqait que la confervation exige celle des droits inaliénables, qui y font eifentiellement inhérents, Gg v. Le  474 HISTOIRE ET ANECDOTES Le plus facré des devoirs, Sire, ainfi que le plus vif attachement, nous portent a mettre fous vos yeux toutes ces conféquences dangereufes de la moindre apparence de foibleife , en même temps que nous vous préfentons la maffe des forces impofantes, qui doit être la fauve-garde de votre fermeté. Nous devons encore vous annoncer, et même nous jurons avospieds, que, fi des motifs , qu'il nous eft impolfible d'appercevoir, mais qui ne pourroient avoir pour principe que 1'excés de la violence et une contrainte, qui pur être déguifée n'en feroit que plus cruelle, forcoient votre main de foufcrire une acceptation que votre coeur rejette, que votre intérêt et celui de vos peuples repouifent, et que votre devoir de Roi vous interdit expreifément, nous protefterions, a la face de toute Ja terre, et de Ja maniére la plus folemnelle, contre cet acte illufoire et tout ce qui pourfoit en dépendre,, nous démontrerions, qu'il eft nul par lui-même, nul par le défaut  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 475 défaut de liberté, nul par le vice radical de toutes les operations de raflemblée ufurpatrice, qui, n'etant pas aflemblée d'états-généraux, n'eft rien. Nous fommés fondés fur les droits de la nation entiére a rejetter des décrets diamétralement contraire a fon voeu exprimé par 1'unanimité de fes cahiers; et nous désavouërions pour elle des mandataires infideles, qui en violant fes ordres et transgreflant la miflion qu'elle leur avoit donnée, ont cefle d'être fes repréfentans. Nous foutiendrions, ce qui eft évident, qu'ayant agi contre leur titre, ils ont agi fans pouvoir, et que ce qu'ils n'ont pu faire légalement ne peut être accepté validement. Notre proteftation fignée, avec nous, par tous les princes de votre fang qui nous font réunis, feroit commune a toute la maifon de Bourbon, a qui fes droits éventuels a la couronne impo» fent le devoir d'en défendre 1'augufte dépot. Nous protefterions pour vousjnême, Sire, en proteftant pour vos peuples,  476 HISTOIRE ET ANECDOTES peuples, pour la Religion, pour les mai ximes fondamentales de la Monarchie ,J et pour tous les ordres de 1'état. Nous j proteiterions pour vous et en votre nonnr contre ce qui n'en auroit qu'une fauifef empreinte. Votre voix étant étoufféejl par 1'oppreflion, nous en ferions les or-| ganes neceifaires; et nous exprimerions ;\ vos vrais fentiments, tels qu'ils font;| défignès au ferment de votre avéne-.j ment au Tróne, tels qu'ils font con-J ftatés par les adions de votre vie en- ! tiére, tels qu'ils fe font montrés dans la déclaration que vous avez faite au premier moment que vous vous êtes cru libre. Vous ne pouvez pas, vous ne devez pas en avoir d'autres, et votre volonté n'exifte que dans les ades oü elle refpire librement. Nous proteiterions pour vos peuples, qui, dans leur délire, ne peuvent appercevoir combien ce fantóme de Conilitution nouvelle, qu'on fait briller a leurs yeux, et aux pieds duquel on les a fait jurer vainement, leur deviendroit funefte.  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 477 funefte. Lorsque ces peuples, ne con- ^ ÉbiiTant plus ni leur chef légitime , ni [leurs intéréts les plus chers, fe laiflent rentrainer k leur pérte; lorsqu'aveuglés i pas de trompeufes promeifes, ils ne voyent pas qu'on les anime a détruire eux-. mêmes les gages de leur fureté, les foutiens de leur repos, les principes de leur fubfiftance et tous les liens de leur aifociation civile; ilfaut en réclamer pour eux le rétabliifement ; il faut les fauI ver de leur propre frénéfie. Nous protefterions pour la Religion de nos péres, qui eft attaquée dans I fes dogmes et dans fon culte comme dans fes Miniftres, et, fuppléant a Pitft1 puiifance oü vous feriez de remplirvous 1 même, en ce moment, vos devoirs de I fils ainé de 1'églife, nous prendrions en I votre nom la défeufe de fes droits; nous I nous oppoferions a des fpoliations, qui tenI dent a 1'avilir; nous nous éléverions avec I force contre des ades, qui. menacent le I Royaume des horreurs du fchisme ; et I nous profefferions hautement notre atta- chement  478 HISTOIRE ET ANECDOTES chement inaltérable aux régies eccléfia-fl ftiques admifes dans 1'état, desquellesJ vous avez juré de maintenir 1'obfer-1 vation. Nous protefterions pour les maxi- I mes fondamentales de la Monarchie, I dont il ne vous eft pas permis, Sire, de vous départir; que Ja nation elle mème a déclaré inviolables: et qui feroient totalement renverfées par les décrets, qu'on vous prélente; fpécialement par ceux qui, en excluant le Roi de tout exercice du pouvoir législatif, abolifient la Royautê mème; par ceux qui en détruifent tous les foutiens, en fupprimant tous les rangs intermédiaires; par ceux, qui en nivellant tous les Etats, anéantiifent jusqu'au principe de robeiifancej par ceux, qui enlévent au monarque les fonclions les plus eflentielles duGou- I vernement monarchique, ou qui le rendent fubordonné dans celles , qu'ils lui laiifent; par ceux enfin, qui ont armé le peuple, qui ont annullé la force publique, et qui, en confondant tous les pou-  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 479 pouvoirs ont introduit en France la tvrannie populaire. Nous protefterions pour tous les grdres de 1'état, paree qu'indépendamjnent de la fuppreflion intolérable et impoflible des deux premiers ordres, tous ontétéléfés, vexés, dépouillés; et nous aurions è. réclamer tout-a-la fois les droits du clergé, qui n'a voulu montrer nne ferme et généreufe réfiftance que pour les intéréts du ciel et les fondions du St. Miniftére; les droits de la Nobleffe, qui, plus fenfible aux outrages faits au Tróne, dont elle eft 1'appui, qu'a la perfécution qu'elle éprouve , facrifie tout pour manifefter par un zéle éclatant, qu'aucun obftacle ne peut empêcher un Chevalier Franqois de demeurer fidéle a fon Roi, a fa patrie, a fon honneur; les droits de la Magiftrature, qui regrette, beaucoup plus que la privation de fon état , de fe voir réduite è gémir en filence de 1'abandon de la juftice, de 1'impunité des crimes, et de la violation des loix, dont elle eft eiTen^ tielr  480 HISTOIRE ET ANECDOTES tiellement dépofitaire ; enfin les droits des poifeifeurs quelconques, puisqu'il n'eft point en France de propriété, qui ait été refpedée, point de citoyens honnêftes qui n'aient fouffert. Comment pourriez-vous, Sire, donner une approbation fincére et valide a, la prétendüë Conftitution, qui a produit tant de maux ? Dépofitaire ufufruitier du Tróne, que vous avez hérité de vos ayeux, vous ne pouvez ni en aliéner les droits primordiaux, ni détruire la bafe conftitutive, fur laquelle il eft affis. Défenfeur né de la Religion de vos etats, vous ne pouvez pas confentir a ce qui tend a fa ruine, ni abandonner fes Miniftres a 1'opprobre; débiteur de la juftice a vos fujets, vous ne pouvez pas renoncer a la fondion eifentiellement royale de la leur faire rendre par des tribunaux légalement conftitués, et d'en furveiller vous-même 1'Adminiftration; protedeur des droits de tous les ordres, et des poifeflions de tous les jparticuliers, vous ne pouvez pas les laiifer  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 48! laifler violer et anéantir par la plus arbitraire des oppreffions. Enfin pére de vos peuples, vous ne pouvez pas les livrer au desordre et a 1'Anarchie. Si le crime, qui vous obféde, et la violence qui vous lie les mains ne vous permettent pas de remplir ces devoirs fucrés, ils n'en font pas moins gravés dans votre coeur en ttaits inéffaqables, et nous accomplirions votre volonté réelle , en fuppléant, autant qu'il eft en nous, a rimpoilibilité oü vous feriez de Pexercer. Düffie2 ■ vous mème nous le defendre et fulfiez-vous forcé de vous dire libre en nous le défendant, ces défenfes évidemment contraires a vos fentiments , puisqu'elles le feroient aux premiers de vos devoirs; ces défenfes forties du fein de votre captivité, qui ne ceffera réellement que quand vos peuples feront rentrés dans le devoir , et vos troupes fous votre obéüfance ; ces défenfes , qui ne- pourroient avoir plus de valeur que tout ce que vous aviez fait XIV. Sect.II. fth »vant  482 HISTOIRE ET ANECDOTES avant votre fortte, et que vous avez désavoué enfuite; ces défenfes enfin, qui feroient imprégnées de la même nullité que 1'ade approbatif, contre lequel nous ferions obligés de protefter, ne pourroient certainement pas nous faire trahir notre devoir , facrifier vos intéréts et manquer a ce que la france auroit droit d'exiger de nous en pareilJe circonftance. Nous obéïrions, Sire, a vos véritables commandements , en réliftant a des défenfes extorquées, et nous ferions furs de votre approbation , en fuivant les loix de 1'honneur. Notre parfaite foumiffion vous eft trop connuë pour que jamais elle vous paroiife douteufe. Puiffions-nous être bientöt au moment heureux, ou, rétabli en liberté , vous nous verrez voler dans vos bras, y renouveller 1'hommage de notre obeïÏÏance et en donner 1'exemple a tous vos Sujets! Nous fommes, Sire, notre frére etfeigneur, deV. M les trés humbles et trés obénTans fréres, ferviteurs et. fujets. Louis Stanislas-Xavier, char- les-  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 48 J les-Philippe. Au chateau de Scliönbornsluft prés de Coblentz le ioSept. 1701. Les Princes de la branche de Condé crurent aufti devoir écrire une lettre particuliére a S. M. elle étoit concuë en ces termes. Sire! Vos auguftes fréres ayant , bien voulu nous communiquer Lat» des ... , ,t s Princes de la lettre qu'ils adrellent a vo- /a branche tre Majefté, nous permettent de Bourbon ; de lui attefter nous-mêmes, « s- M- j que nous adhérons de coeur 1 et d'éfprit a tout ce qu'elle renferme; que nous fommes pénétres des mêmes fentiments, animés des mêmes vuës, ! inébranlables dans les mêmes réfolutions. Le zéle, dont ils nous donnent 1'exemple, eft inféparable du fang, qui coule dans nos veines, de ce fang toujours i prêt k fe répandre pour le fervice de 1'état. Franqois et Bourbons jusqu'au fond'de 1'ame, quelle doit être notre indignation, lorsque nous voyons de Hh ij vils  484 HISTOIRE ET ANECDOTES vils factieux ne répondre a vos bienfaits: que par des attentats, ' infulter a la Ma~ jefté royale, fronder toutes les ibuve-, rainetés, fouler aux pieds les loix divines; et humaines, et prétendre aiièoir leur monftrueux fiftême fur les ruines de no4 tre antique conftitution ? Toutes nos; démarches, Sire, font guidées par des, Princes, dont la fageife égale la valeur et la fenfibilité. En fuivant leurs pas, nous fommes fürs de marcher avec fermeté dans le chemin de 1'honneur; et c'eft fous leurs nobles aufpices que nous renouvellons, entre vos mains, comme Princes de votre fang, et comme gentils-hommes Francois, le ferment de mourir fidéles a votre fervice. Nous périrons tous plutót que de fouffrir le triomphe du crime, 1'avilinement du Tróne, et le renverfement de la Monarchie. Nous fommes avec le plus profond refped, Sire &c. de V. M. les trés humbles, trés obéüTans et trés fidels ferviteurs et fujets. Louis. Jofeph de Bourbon, Louis-Henri-Jofeph de Bourbon, et Louis-  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 485 f 0 ■ ■ Louis - Antoine - Henri de Bourbon. A Worms ce 11. Septemb. 1791. Lorsque ces lettres parvinrent a S. M. fa réfolution étoit prife, et il ne lui reftoit plus qu'a porter le Joug que la Conftitution lui impofoit et a errer dans le dédale, dont elle avoit cerné fon autorité. L'aifemblée avoit décrété au mois de février 1791. que Promotion 1 ■ faite par le les Colonels, qui avoient dix Minifirt du ans de fervice dans ce grade, Portaii. et les Lieutenants Colonels qui en auroient douze obtiendroient, s'ils le défiroient, le grade de Maréchal de Camp pour retraite. Un grand nombre d'entr'eux profitérent de cette faveur: ce qui occafionna une lacune confiderable dans 1'armée. Le Miniftre Duportail, qui jouiflbit pendant 1'arreftation du Roi des ^rtributs du pouvoir exécutif, fit paroitre le 2f. Juillet une Promotion trés nombreufe de Colonels et de Lieutenants-Colonels. Ces Officiers eten général tous ceux qui avooient obHh iij tenu  486 HISTOIRE ET ANECDOTES * i tenu des grades ou décorations militaires depuis le f Odob. 1789. furent appelles Conftitutionneh. Aux yeux des tê~ tes exaltées, qui environnoient les Princes, ou des Officiers qui pofluloient les mêmes emplois, et dont Pambition n'avoit pas été fatisfaite, c'étoit une tache j indélébile que d'avoir obtenu un de ces brevets. Le Miniftre de la guerre, en ij faifant fa Promotion, avoit donné fuivant la loi les deux tiers des emplois a 1'ancienneté et Pautre tiers a fon choix. II fe trouva dans le nombre plufieurs Of- I ficiers, qui étoient expatriés. D'autres 1 attendirent que le Roi leur tracat leur l conduite en acceptant ou refufant la i Conftitution. Enfin il y en eüt quel- l ques uns qui firent approuver leur 110- 1 mination par les Princes, en les aflurant de leur dévouë'ment, et leur perfuadant qu'au premier Signal ils- fe rendroient k leurs ordres avec leurs Soldats, dont ils prétendoient avoir la confiance; ou qu'ils contribueroient a leur livrer les places frontiéres. • Les  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 487 Les Princes éblouis par ces promefles hazardées cro- GM°» , 1, de l Emigrar yoient ëtre allures d une par- ^ Rifitm tie de Parmée Francoife, mais weW. au bout de trés peu de temps Pindifcrétion de leurs adherents et la vigilance des Jacabins trompérent leur attente. Les Officiers qui confervérent des rélations avec eux , ou dont Pattachement au fiftème révolutionnaire n'étoit pas reconnu, furent chaifés par leurs inférieurs, ou obligés de s'éloigner, aprés avoir éifuyé tous les dégouts et toutes les mortifications poffibles. Les Soldats réftérent a la folde de la nation, les Officiers paiférent individuellement auprès des Princes. Ils efpéroient y éprouver quel%que agrément et être bien accueillis pour prix des facrifices qu'ils avoient fait. Mais les ambitieux, qui les avoient précédés, eurent foin de les peindre comme des gens incertains et irréfolus, et ils ne furent requs en grande partie qu'avec le plus froid accueil, quelque fois même avec des marqués de dédain, Hh iv en  488 HISTOIRE ET ANECDOTES en Général 1'ancienneté de 1'émigration donnoit un grand degré a 1'éftime, ceux, qui comptoient leurs fervices par le temps qu'ils avoient pafle dans les Antichambres, les Hötelleries ou dans les CafFés de Coblentz et de Worms, cenfuroient avec amertume la conduite et les principes de ceux, qui ne s'étoient pas ralliés fur le champ aux étendards des Princes. Le mérite de 1'émigration étoit calculé, comme les degrés du Thermometre. L'officier expatrié en 1790. traitoit avec hauteur celui qui étoit forti du Royaume en 1791. avant le départ du Roi. Ceux, qui avoient quitté leurs corps après cette époque, étoient moins eftimés: enfin les Conftitutionnels obtenoient a peine un regard. J'aurai oc, cafion de parler plus d'une fois de ces puériles diftindtions et du tort irréparable qu'elles firent a une caufe hoAnecdote. norable et aux projets des Princes (*). Parmi (*) , Je crois pouvoir citer par anticipation un trait de 1'efpêce d'inquintion, qui  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 489 Parmi la foule des décrets que 1'affemblée rendit pour le militaire, on Hh v doit qui régnoit a Coblentz, et de 1'importance qu'on attaclioit a 1'ancienneté de 1'émigration. Un Officier inftruit et eftimé, dont la facon de penfer rélativereent a la Révolution avoit toujours été trés prononcce, fe rendit a Coblentz le 14. Juin 1792- Plus de deux mois avant la Campagne que les Princes crurent devoir entreprendre. Un Officier Général, qui n'avoit laiffé que des dettes en france et avec lequel il avoit été lié autrefois, le recut avec beaucoup de hauteur et lui dit: " il eft bien " temps d'arriver, Monfieur, aprts le gain d'une bataille, deux batailles, trois batailles , quatre batailles.,, L'officier nouvellement émigré , qui n'avoit vü d'autre arraée que celle des aides de camp , et d'autre batailles que celles que les joueurs fe livroient quelquefois en fortant des maifons de jeu, lui répondit: " Mon General, oférois - je vous demander quelles font les batailles, que vous avez gagnées pendant mon abfence.„ Le Général lui fit 1'énumération pom-  4QO HISTOIRE ET ANECDOTES doit en citer un également jufte et fage. Ce décret déclaroit déchu de fon emploi tout Oificier, qui au bout de deux mois, a la datte de 1'échéance, n'auroit pas acquité les billets a ordre, lettres de change ou autres obligations, qu'il auroit contradé. Le dimanche 18. Septemb. fut le jour fixé pour la proclamation de la conftitution par le corps municipal. Cette cérémonie commenqa a huit heures du matin et dura une partie de la journée. Rien pompeufe des foibles avaritages que les autrichiens avoient obtenus auprès de Tournai, Mons, et Maubeuge aux mois d'Avril et de Mai 1792. 1'émigré exceffivement étonné de la folie et de la jaflance du Général lui répondit : "il eft facile de remporter des victoires a ioo Lieuès du Champ de Bataille. „ II fe retira gémiflant en filence du Vertige Général, qui regnoit, et prévoyant d'avance ï'iffuê funefte des projets des Princes. J'aurai encore occafion de revenir fur cet Article, et de préfenter au lefteur des anecdotes qui interrefleront fa curiofité.  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 491 Rien ne fut épargué pour la rendre pompeufe et impofante. Un Cortége nombreux, un concours immenfe de gardes nationales, des bandes de muficiens repartis dans les place, publiques, des odes, des chanfons patriotiques celebrerent la réunion du Souverain avec la Nation. La Proclamation étoit conque en ces termes. La Nation, la loi, leRoi. Citoyens, PaiTemblée nationale - conftituante aux annees Conjlitu1789, 1790. et I79T- ayant <*»«»• commencé le 17. Juin 17891'ouvrare de la Conftitution, Pa heureufement° terminé le J. Septembre 1791. PAdle conftitutionnel a été folemnellement accepté et figné par le Roi le 14. du même mois. L'aflemblée nationale conftituante en remet le dépot a la fidelité du Corps législatif, du Roi et des juges, a la vigilance des péres de families, aux époufes et aux méres, a Paffeéhon des jeunes citoyens et au courage de tous les franqois. ^  493 HISTOIRE ET ANECDOTES On auroit de la peine a rendre Penthoufiasme et la joye qui regnoient parmi le peuple. Au lieu des hurlements civiques, auxquels on étoit ac. coutumé, on entendit avec plaifir les cris répétés de Vive le Roi, jadis fi chers aux francois. ,,. Les réjouiiTances, qui eu. Fetcs pttbh- „ . t ,, , * ques. rent lleu laPres diner, furent encore plus brillantes que celles du matin. A cinq heures un aéroffat revétu d'etnblêmes analogues a la circonitance, foutenant une nacelle en forme de coq, oü étoient placés deux navigateurs, partit des champs Elüées. A neuf beures la ville fut illuminée. On remarqua avec plaifir la décoration du palais Rouïbon et du Luxembourg, quoiqu'étant le domicile des Princes expatriés. Mais parmi le coup-d'oeil varié qu'offroient les différens quartiers de la Capitale, il étoit impoffible de ne pas admirer 1'illumination du jardin des Tuilleries et des champs élifées. Les allées ferrées et couvertes de cette promenade, ornées  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 493 ornées de guirlandes et de lampions de dirïerentes couleurs paroiiroient être eu feu. De diftance en diftance on avoit placé des orcheftres de muficiens pour faire danfer le peuple, et des eftrades étoient remplies de comeftibles qu'on diftribuoit abondamment. A minuit on tira un feu d'artifice fuperbe , oü les plus habiles arüftes avoient déployé toutes les variétés et les reifources de la pyrotechnie. Le plus grand ordre régna pendant cette fête. T^°J^ Leurs Majeftés parcoururent la tion Aon_ capitale et éprouvérent la dou- «6 « L.M. ce fuisfadtion d'entendre leurs louanges et de jouïr des marqués de 1'af, fection du peuple, dont elles avoient été privées depuis fi longtemps. M. de la Fayette qui les fuivoit fut accueillis partout par de vifs applaudiifements et par des expreffions de reconnoiifance reïtérées. Le zo. Septemb. le Roi et la Reine fe rendirent a 1'opéra , oü 1'on jouoit Caftor et Pollux. Le public faifit diffé- rentes  494 HISTOIRE ET ANECDüTES rentes allufions pour en faire 1'application au monarque et a fa familie, et lui témoigner la joye et le plaifir qu'oc» cafionnoit fa préfence. La municipalité avoit défigné le 26. Septemb. pour donner de nouvelles fètes et réjouiifances publiques. Mais fur la repréfentation de plufieurs de fes membres, elle deftina au foulagement des pauvres les lommes que devoient couter les illuminations. S. M. crut dans cette circonftance devoir donner au peuple de la Capitale une marqué de fa fatisfaétion en fe chargeant de cette dépenfe projettée. En conféquence le Miniftre de 1'intérieur écrivit a M. Bailly la lettre fuivante. Le Roi Monfieur, tou^"/u^Roï ^es témoignages d'amour, que lui ont donnés les habitans de la Capitale, et voulant fournir a rallégreife publique une nouvelle occafion de fe manifefter, S. M. m'a chargé de vous prévenir qu'elle fera illuminer dimanche prochain 2f. de ce mois les Tuille-  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 495 Tuilleries et les champs Elifées. S. M. vous recommande les mefures néceifaires pour le maintien de 1'ordre et de la fureté. Cette fête fut encore plus brillante que la première. Les talents et le bon gout avoit préfidé par tout, et contribuérent a Pagrément des fpedtateurs. Le Roi voulut auili avoir le merite de partager les oeuvres de bienfaifance de la municipalité. 11 écrivit en conféquencee a M. Bailly la lettre fuivante le 26. Septembre. Pai voulu, Monfieur, mar- c„ Sa lettre a quer moi-meme par une tete u M1)ifJ. publique Pépoque de Pachéve- uté. ment de la Conftitution: mais la Reine et moi, nous nous fommes occupés en même temps de 1'intérèt des pauvres, qui ne ceifera jamais d'être préfent k notre coeur. Nous avons deftiné une fomme de 50. mille livres a leur foulagement; et j'ai cru devoir vous charger d'en faire la diftribution entre les dirférentes Sedions de Paris, conformé- ment  49° HISTOIRE ET ANECBOTES ment h leurs befoins. Je fuis perfuadé* que vous vous acquiterez de ce foin de la maniére la plus propre a remplir mes intentions. L'aflemblée , craignant 1-afembUe qU'0n ne 1'accufat de voiüoir 'dT/aféln- perpétuer fes fonétions , déces, créta que la Cloture de fes. féances auroit lieu le 30. Septembre pendant cet intervalle elle rendit quelques décrets importants, dont je rapporterai la teneur. Le 17. Septemb. M. EmeStMtre. propofa une nouvelle for- fcnt aux 1 i r 1 imlitaim. xxmle de ierment pour les Officiers et Soldats. Elle fut adoptée en ces termes. Pour les Officiers: je jure dêtre fidele a la Nation, a la Loi et au Roi: de maintenir de tout mon pouvoir la Conftitution, et de faire exécuter les loix et les réglements militaires. Pour les Soldats: Je jure d'être fidele a la Nation, a la Loi et au Roi, de défendre la Conftitution, de ne jamais aban-  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 407 abandonnes mes drapeaux, d'obéir a mes chefs et de me conformer en tout aux régies de la difcipline militaire. La multiplicité des ferments, dont l'aifemblée avoit Repxions. introduit 1'ufage, avoit fait perdre a ces aétes religieux et civiles le re. fpeét, qu'ils devoient infpirer. Autre. fois un ferment auroit été pour un franqois un engagement facré et il auroit plutót facrifié fa vie que de le trahir. Depuis la Révolution beaucoup de citoyens et même des militaires le jouoient avec une coupable facilité de leur parole. La véxation et la tyrannie arrachoit fans doute la pluspart des ferments, mais ü eut été plus glorieux d'oppofer de la réfiftence a 1'oppreffion, que de fléchir fous le deipotisme des novateurs. Une circonftance finguliére et qui prouveroit que la fcélératefle peut avoir quelquefois fes nuances de probité , c'eft que les , Jacobins, quoique fouvent divifés d'opinions et d'intérèt; plufieurs d'enfr'eux ayant mème abandonné la caufe commune, JUV.Seü.lL U w'oöp-  498 HISTOIRE ET ANECDOTES n'ont jamais divulgué les fecrets de la propagande, le nombre des affiliés, leurs reflbrts et leurs correfpondances; ni man. , qué a la foi réciproque, qu'ils s'étoient < juré lors de leur admülion. On peut cependant attribuer la difcretion des mecontents a la terreur qu'infpirent les ven- [ geances atroces de cette Secle et a la erainte de fuccomber fous les poignards acérés de ces infames fcélerats. D u . Le public efpéroit que Pretendu * , . , . ,r ^ ComptedeM. 1 allemblee nationale avant de de Montes. terminer fes féances rendroit tle^nl ™ C°mPte détaUlé de 13 ^ itSt tion des finances, qu'eJle avoit adminiftrée, et indiqueroit 1'emploi des fommes immenfes qu'elle avoit dépenfées. Un rapport a cet égard étoit promis depuis longtemps. M. de Montesquiou parut enfin a la tribune et lut un mémoire trés étendu fur la fituation des finances avant la convocation des états généraux, pendant l'aflemblée nationale et aprés la fin de fes travaux: eet ouvrage écrit avec art ne préfentoit aucun  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 499 aucun détail fatisfaifant, des déelamations, des hypothéfes, des fuppofitions en formoient la baze. Au lieu d'un tableau circouftancié de 1'aétif et du pat fif, d'une indication des caufes et de la nature des dirférentes dépenfes le rapporteur avoit foin de couvrir d'un voile miftérieux le Brigandage aifreux qui s'e. toit commis. On trouvoit a chaque inftant dans cet écrit des éloges pompeus des opérations de l'aifemblée, une critique amère de 1'ancienne Adminiftration des finances et un afpedt flatteur des relfources que laiifoit a la France et les impóts arriérés , et la valeur des biens nationaux, qui reftoient I vendre. L'aifemblée adopta ce pretendu Comp.e fans aucune difcuifion. Les membres du Cóté droit réclamérent avec vehemence contre cet adte de defpotisme de la Ma. jorité. Leurs reprélentations n'eurent. aucun fuccés. Le x%. Septemb. J^J, 1'Abbé Maury fit une nouvelle ons iu m tentative. II eifaya de prouver dr.it. to. que l'aifemblée devoit un . 1 H ü jj Compte.  500 HISTOIRE ET ANECDOTES Compte. zo. Que le Compte de M. de Mtontesquiou n'étoit qu'un roman rempli d'impoftures. MM. de Folleville, Foucault, Montlaufier et plufieurs autres infiftérent fur la reddition du Compte. Des huées et des cris de l'aifemblée et des galleries étouiférent leurs voix. Enfin M. d'André (*) obtint un moment de fi- lence. , (*) d'André étoit un exconfeiller au Parlement de Provence. II avoit une figure et une tournure ignoble : mais il parloit avec facilité, avoit de 1'éfprit et des connoiflances, dont il fit un mauvais ufage. II n'avoit probablement pas négligé les moyens de faire fortune pendant ladurée de 1'afTemblée, ainfi qu'un grand nombre de fes collégues. A la fin de 1791- ü voulut efiayer fi le commerce lui réuffiroit aufli bien que le métier de législateur. Il fbrma un Magazin confidérable d'épiceries dans la Capitale. A peine étoit-il établi que le peuple s'avifa de piller les boutiques des Epiciers. U pa(ra devant le Magazin du nouveau négotiant, et en vertu de la déclaration des droits de 1'homme, les huiles,  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 501 !, lence. II prétendit que les réclamations 1 du cóté droit étoient un moyen inventé jl par les mécontents défefpérés d'avoir vu échouer tous leurs projets, pour nuire ! a la chofe publique. II déclara que ces mouvements de leur part, n'intimideroient pas les amis de la liberté, a qui il ne reftoit plus que deux jours pour défendre les droits du peuple. II finit ; par demander a raflemblée de pafler a ! 1'ordre du jour. Le tumulte fe perpéj tuant, M. Lavie en s'adreflant aux membres du cóté droit leur dit: les nouveaux: | députés voyent un échantillon de la con! duite que vous tenez depuis deux ans, mais nous vous recommanderons dans les départements. Juftice, juftiee, s'écria le cóté droit. Les Epithétes d'infame, de fcélérat furent prodiguées a M. Lavie, dont le propos étoit aufïï déplaIi iij cé huiles, les favons, et le fucre de fon cher André fubirent une transmutation de propriété. On croit qu'apres cette Spéculation malheureufe M. d'André s'eft retiré en Angleterre.  502 HISTOIRE ET ANECDOTES cé que réprehenfible. Le calme ne fe rétablit que par 1'épuifement réciproque des forces et des poumons des députés. Ainfi fe vérifia cet horofcope indiqué depuis longtemps: qu'on fe fépareroit? comme on avoit vécu. Les habitans de la CapiCouputs. n'ayant pas 1'efpoir d'ob- tenir le compte de la geftion des finances, fe vengérent avec leur gayeté ordinaire par des chanfons, qu'on entendoit jusqu'a la porte de raifemblée. Dans le nombre de ces produclions éphéméres on doit diftinguer celle-ci, qui prouve avec quelle facilité le Fran-, §ois fe jouë des chofes les plus importantes et qui le touchent le plus. L. Adieu, trés chers Législateurs» Voici la fin de nos malheurs, Mais rendez-nous vos comptes. Vous avez épuifé 1'argent, Eh bien! dites, pourquoi ? comment? Et rendez-nous vos comptes, 2.  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 503 2. ' , La france eft fans delfus deifous, On ne voit que papiers et fous. Oh! rendez-nous vos comptes Chers repréfentans, pour adieux Ne donnez pas des comptes bleus. Nous voulons de bons comptes. 3- Le peuple eft citoyen a&if, Mais il devient exécutif, Quand il n'a pas fon compte. II peut, s'il croit qu'il n'eft pas clair, Vous faire rendre un compte en 1'air. Rendez-lui donc fon compte. Pour calmer 1'effet qu'avoit pro» duit le rapport de M. Louis de Noaillac, on engagea le miniftre de la guerre a donner un compte raifurant des moyens de défenfe et de 1'état des froutiéres. Le miniftre s'exprima ainfi. Toute la frontiére d'AHe- mat des magneeft en bon ordre; tou- Qf$$ tes les places font dans le miniftre d> meilleurs état, et bien gar- > Gwne' « .li iv mer  504 HISTOIRE ET ANECDOTES nies d' artillerie; partout on a formé des retranchemens, des paliffades et tout ce qui peut arrëter des armées dans leurs marche: on a aufli établi des éclufes, pour inonder les valléés, oü elle pourroient s'engager: tous les préparatifs font fait; s'il fe préfentoit des ennemis, avant de pouvoir livrer des batailles, ils auroient bien des fiéges a faire; et ces fiéges éxigeroient une réunion de moyens, qui ne font pas, entre les mains de ceux, que la voix publique déilgne comme nos ennemis. Les frontières de la Savoye et des Pyrenées vont dans 3. ou 4. femaines être couvertes de neige, qui, avec toutes les forces, qui y font établies, formeront un doublé rempart abfolument impénétrable. Sur les cótes maritimes on prend aurli des mefures, qui feroient même fuperflués, fi elles n'avoient 1'avantage d'infpirer une confiance fur abondante. Enfin les maga4ins de vivres et de fourages font ap- provi-  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 50$ provifionnés fur le pied de guerre. Les troupes de ligne, poftées fur la frontiére d'Allemagne, montent a go. mille hommes d'infanterie, 24. mille 600. de cavalerie, et 60. bataillons de gardes-nationaux. Ces forces font réparties et combinées dans leurs mouvements par MM. Lukuer et de Rochambeau. On » penfé qu'il feroit utile de former des camps: tout eft prèt pour leur formation, a 1'inftant oü on les jugera néceffaires et fans inconvénient. J'ai de plus de trés bonnes nouvelles a donner fur le rétabliifement de la difcipline dans 1'armée. A 1'éxception du Régiment de Dauphiné, qui perfifte dans fes défordres, le refte des troupes fe range et fe foumet a la difcipline; le foldat commence a fe fatiguer de lïndépendance; il rentre dans les bornes du devoir. MM. Lukner et de Rochambeau fe font donnés beaucoup de peine pour opérer cet heureux changement, je penfe, que 1'achévement de la conftitution et 1'acli v cepta-  506 HISTOIRE ET ANECDOTES ceptation du Roi, en confolidant la confiance, influëront éfficacement fur la bonne tenue de 1'armée. L'aifemblée trés fatisfaite tre les Clubs. ordonna 1 impreffion de cé difcours. La majorité, compofée a cette Epoque des conftitutionnels et des Royaliftes, défiroit depuis longtemps mettre un frein a f autorité exceflive des clubs, dont elle avoit plufieurs fois éprouvé le défpotisme. Les principes de ces fociétés étant déftructifs de toute loi, de tout gouvernement ne tendoient pas moins qu'a établir une démocratie univerfelle. Pour que la Conftitution put fubfifter il falloit reftreindre 1'empire qu'ils s'étoient arrógè, les empêcher de dominer les corps adminiftratifs, et judiciaires, et borner leur influence a celle.de Popinion. L'aifemblée avoit eu befoin de leürs fecours et elle en avoit profité pour établir la révolution: mais comment leur retirer un pouvoir qu'elle avoit elle-même .: . placé  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 5©? placé entre leurs mains? elle eifaya de parvenir a ce but. en adoptant un decret propofé par M. Chapelier. Les Jacobins fur de leur afcendant mepnferent les derniers éiforts de leurs ennemis: leur infolence ne fit que s'accrottre par la certitude de rimpunité. Le decret étoit conqu en ces termes. . Laifemblée nationale conliderant, qUenullSocieté, Club, ou aifociation de citoyens ne peut avoir fous aucune forme une exiftence politique, m exercer aucune influence ou infpeétion fur les aétes des pouvoirs conftitués et autorités légales; que fous aucun prétexte jls ne peuvent paroitre fous un nom colledif pour former des pétitions ou des députations, pour affifter a des cérémonies publiques, foit pour tóut autre objet, décréte ce qui fuit: Art. i. S'il arrivoit qu'une fociete, club, ou aifociation fe permit de mander quelques fondionnaires pubiics, ou de fimples citoyens, ou d'apporter ob, ftacle  $08 HISTOIRE ET ANECDOTES ftacle a 1 'éxécution d'un acle de quelque autorité légale; ceux qui auront préfidé aux délibérations, ou fait quelque acle 1 tendant a leur éxécution, feront, fur la pourfuite du procureur général fyndic du Département, condamnés par les tribunaux a ètre rayés pendant deux ans du tableau-civique, et déclarés inhabiles a exercer pendant ce tems aucune fonélion publique. II. En cas que lesd. fociétés, clubs ou aflbciations faffent quelques pétitions en nom colledif, quelques députatious au nom de la fociété, et généralement tous les acles oü elles paroitroient fous les formes de 1'exiftence politique, ceux qui auront préfidé aux délibérations, porté les pétitions, compofé ces députations, ou pris une part aclive a 1'exécution de ces acfes, feront condamnés par la mème voye a être rayés pendant fix mois du tableau-civique et fufpendus de toutes foncfions publiques, déclarés  DE LA RÉVOLUTION FRANCHISE. 509 clarés inhabiles a ètre élus a aucune -place pendant le même temps. III. A 1'égard des membres qui» n'étant point 'infcrits fur le tableau des citoyens adifs, commettront les delits mentionnés aux articles précédens, ils feront condamnés par corps a une amende de 1200. livres, s'ils font franqois, et de 3000. livr. s'ils font étran- gers- IV. L'aifemblée nationale décréte, que le rapport de fon ancien comité de conftitution fera imprimé et publié avec la préfente Loi. Le 27 7bre l'aifemblée rendit deux autres décrets, Pun concernant les nobles, 1'autre qui avoit rapport aux juifs, Malgré le decret de fuppreffion de la noblcife plufieurs membres de Decret cancet ordre prenoient des qualités profcrites, et dans quel- goient det oues parties du Royaume des qmlités/up. " r . frimees. notaires et autres ofhciers publies fe prètoient a cette efpéce de Su- perche-  SlO HISTOIRE ET ANECDOTES percherie. Quelques membres propofe* rent de punir cette condefcendance par la peine du carcan. Cette motion trop févére fut mitigée et le decret qui fut rendu a cet égard portoit en fubftance. Toutes quittances, obligations et tous ades, dans lesquels des francois auroient pris des qualifications fupprimées par la Conftitution, tels que les titres de duc, marquis, baron, chevalier, Ecuyer et autres, feront nuls, et ne pourroient être préfenté en juftice, lorsmème que ces titres feroient pris com» me anciens et antérieurs a la conftitution. Ceux qui contreviendront a la loi feront privés de la qualité de citoyen adif, et feront condamnés k une amende de fix fois la valeur de la contribution direde, dont le minimum fera de mille livres. La même peine fera prononcé contre ceux qui porteroient des marqués et diftindions des ordres fupprimés par la conftitution. Les juges feront tenus de requérir 1'exécution de  ; DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 511 de cette loi, fous peine de forfaiture, Lt les notaires ne pourront recevoir les dits ades, les receveurs des régiftres ne ipourront les enrégiftrer fous peine d interdidion. Ce decret, qui ramenoit tous les, i hommes aux principes d'égalité naturelle engagea M. Duport a profiter de } cette 'circonltance pour propofer a 1'afi femblée d'accorder aux juifs Lesfuifsfottt i tous les droits dont jouif- dêchrés ei\ foient les citoyens Irancois et I malgré les oppofitions de M. Reubel, 1 qui prouva que les principes de la naI tion juive la rendoient étrangére a tous I les Hens qui réuniifoient les autres ci1 toyens, le decret en faveur de ce peuI ple iut prononcé. Les juifs les plus opulents des prini cipales villes du Royaume enchantés de 1 la faveur qu'ils venoient d'obtenir s'em1 preiférent de repeupler les palais et les I hótels'abandonnés par les princes, les 1 evèques, les ducs et les marquis. Ces rapa-  513 HISTOIRE ET ANECDOTES rapaces ifraëlites enrichis de la fubftance du peuple eurent 1'audace d'étaler aux yeux des families qu'ils avoient plongées dans la mifére un fafte auili ridicule qu'infultant, et le public étonné, vit enfin paroitre le produit immenfe de 1'ufure et de fefcroquerie d'une nation travaillant avec afliduité par fiftème a la ruine des citoyens. Le .9. 7bre M. de Mon- Etat du tré- , , ,. „ for public teS(lul0U annonca a l'aifemblée qu'il reftoit environ cent millions au tréfor public , favoir 16,971,8191 livres enefpeces fonnantes, 8,990,620. livres en ailignats et le refte en lettres de change. M. Camus ajouta que fur les beo millions d'aflignats dont 1'aifemblée avoit décrété l emiilion, il n'y en avoit que 235. millions en émiflion; que le refte étoit par conféquent a la difpofition de la nation. II annonqa que les ailignats rentrés au tréfor public provenant de la vente des biens nationaux et qui avoient été bru- lés>  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 51$ i lés, montoient a 284- millions. Ainfi l,fe termina le . compte que les législa* i teurs devoit a la nation. L'aflemblée prévoyant:qiie : ie Roi fe rendroit dans la ialle fréfcyit iors. | de fes féances pour faire la ^J.M. ; cloture de la feffion decreta nMtaf. Ij le cérémoniel a obferver de fmbiét. la maniére fuivante: I. Lorsque le Roi fe rendra dafta |. le lieu des féances du corps législatif j 1'aifemblée le recevra debout; elle fera : affife et couverte, lorsque le Roi fe fe■ ra affis et couvert. II. Le Roi fera placé au milieu de Péftrade; il aura un fauteuil a fleurs de lys: les miniftres feront derrière lui. | Le préfident fera a fa droite, et gardera ! fon fauteuil ordinaire. UI. Perfonne ne pourra adreifer la i parole au Roi, fi ce n'eft en vertu d'un | decret exprès de PaiTemblée précédemment rendu. T. IV. Sec). IL Kk Un  514 HISTOIRE ET ANECDOTEg Un inftant après le préfident recut un billet de S. M. qui lui annonqoit qu'elle fe rendroit a raflemblée le lendemain a 3. heures. Le 30. 7tre le Roi d'ar- Froclama- , r tion de la mes de france, accompagné conftitution de quatre héraults d'armes fie de s. Tl au nom ^e ^" ia proclamation folemnelle de la conftitution dans les places publiques de la Capitale, et le mème jour on afficha cette proclamation, concuë en ces termes. Louis, par la grace de dieu, et par la loi conftitutionnelle de 1'état, Roi des francois: a tous les citoyens: Salut. J'ai acceptai la Conftitution,- j'employerai tous mes éfforts k la maintenir et a la faire exécuter. Le terme de la révolution eft arrivé: il eft tems que le rétabliflement de 1'ordre vienne donner a la conftitution 1'appui, qui lui eft maintenant le plus néceflaire. 11 eft temps de fixer 1'opinion de PEurope . fur  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 515 ; fur la deftinée de la france, et de mon. 1 trer, que les franqois font dignes d'être i libres. Mais ma vigilance et mes foins I doivent encore être fecondés par le coni: cours de tous les amis de la patrie et ji de la liberté. C'eft par la foumiffion , aux loix; c'eft en abjurant 1'efprit de I parti et toutes les paffions, qui 1'accompagnent; c'eft par une heureufe réunion ; de fentiments, de voeux et d'éfforts, , que la conftitution s'affermira, et que la nation pourra jouïr de tous les avantages qu'elle lui garantit. Que toute idéé d'intolérance foit donc écartée pour jamais! Que le défir irréfléchi de 1'indépendance ne foit plus confondu avec 1'amour de la liberté! Qye ces qualifications injurieufes, avec lesquels on cherche a agiter le peuple, foient irrévocablement bannies! Que les opinions religieufes ne foient plus une fource de perfécutiön et de haine! Que chacun en obfervant les loix, puiffe a fon gré pratiquer le culte auquel il eft atKk ij tachél  5*6 HISTOIRE ET ANECDOTE5 taché! Que de part et d'autre on n'ou. trage plus ceux qui, en fuivant des opinions difterentes, croyent obéïr a leur confcience! Mais il ne fuffit pas d'éviter les excés, dans lesquels 1'efprit d'éxagération pourroit vous entrainer; il faut encore remplir les obligations, que 1'intérêt public vous impofe: une des premières, ; une des plus elfentielles eft le paye- I ment des contributions, établies par vos repréfentans. C'eft pour le maintien des engagements, que 1'honneur national a rendus facrés, pour la tranquillité intérieure de 1'état, pour fa füreté au dehorsj c'eft pour la ftabilité même de la conftitution que je [vous rappelle ce devoir indifpenfable. Citoyens armés pour le maintien des loixj gardes-nationales, n'oubliez jamais que c'eft pour protéger la fureté des perfonnes et des propriétés, la perception des contributions publiques, la circulatiou des grains et des fubfiftan- ces,  DE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. 517 ces, que les armes, que vous portez, ont été remifes en vos mains. C'eft k , vous de fentir, que la juftice et 1'utilite réciproque demandent, qu'entre les ha■ titans d'un mème empire 1'abondance , vienne au fecours des befoins, et que , c'eft k la force publique k favorifer j 1'adion du commerce, comme le moyen i qui remédié a 1'intempérie des faifons, , qui répare 1'inégalité desrécoltes, qur He enfemble toutes les parties du Ro1 yaume, et qui leur rend communes les ' produélions variées de leur fol et de leur induftrie. Et vous, que le peuple a cnoiii pour veiller a fes intéréts; vous auflt a qui il a confié le pouvoir redoutable de prononcer fur les biens, 1'honneur et la vie des citoyens; vous encore, qu'il a inftitués pour concilier leurs différents, membres des divers corps adminiftratifs, juges des tribunaux, juges de paix, je vous recommande de vous pénétrer de 1'importance et de la digmK k üj te  518 HISTOIRE ET ANECDOTES té de vos fonctions. Remplmez - les avec zéle, avec courage, avec impartialité. Travaillez avec moi a ramener la paix et le regne des loix; et, en aft furant ainfi le bonheur de la nation, préparez le retour de ceux, dont 1'éloignement n'a eu pour motif que la crainte des défordres et des violences: et, vous tous, qui par divers motifs avez quitté votre patrie, votre Roi vous rapelle parmi vos concitoyens, et vous invite a céder au voeu public et a 1'intérèt national. Revenez avec confiance fous la garantie de la loi; et ce retour honorable, au moment oü la conftitution vient d'être deffinitivement arrêtée, rendra plus facile et plus prompt la rétabliifement de 1'ordre et de la tranquillité. Et, vous, peuple francois, nation célébre depuis tant de fiécles, montrez. vos magnanime, et généreufe, au moment oü votre liberté eft aifermie: reprenez votre heureux caradére: que votre  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 5*? , votre modération et votre fageffe faffe ; renaitre chez vous, la fécurité , que les i orages de la révolution en avoient bannie: et que votre Roi jouiffe désorl mais, fans inquietude et fans trouble, | de ces téraoignages d'araour et de fidej| Hté, qui peuvent feuls aifurer fon bon! heu'r. Fait a Paris le 28. Septerab. 1791. | Signé Louis et plus bas de Leifart. Le mème jour a trois heures S. M. ! fuivie de fes Miniftres et du menie corté' ge qui 1'avoit accompagnée a l'aifemblée, j lorsqu'elle avoit accepté la Conftitution fe rendit dans la falie des féances. Après de nombreux applaudnfements et des cris de Vive le Roi réïterés, S. M. | étant de bout et découverte prononqa le difcours luivant. Meffieurs! Après Pachévement de la r 1 / Di "cours At Conftitution, vous avez deter- Roi pour miné pour aujourd'hui la fin u cioturi de vos travaux. 11 eüt peut ètre été a défirer, q"e cette Kk iv feffion  520 HISTOIRE ET ANECDOTES feflion fe prolongeat encore quelque temps, pour que vous püffiez vousmêmes, pour ainfi dire, eifayer votre ouvrage et ajouter a Vos travaux ceux qui étoient déja preparés et n'avoient plus befoin que d'être perfedionnés, et tous ceux dont la néceilité fe feroit fentu a des législateurs éclairés par 1'expérience de prés de trois années ; mais vous avez furement penfé, qu'il importoit de mettre le moins d'intervalle poffible entre 1'achevement de la Conftitution et la fin des travaux du corps conftituant, afin de marquer avec plus de précifion, par ce rapprochement, la différence qui exifte entre les fonctions du corps conftituant et les devoirs des législatures. Après avoir accepté la Conftitution, que vous avez donnée au Royaume, j'employerai tout ce que j'ai requ par elle de force et de moyens, pour aifurer aux loix le refped et 1'obéïifance, qui leur font düs: j'ai notifié aux puiifances étrangéres mon acceptation de cette Con- ftitu-  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 521 ftitution; et je m'occupe et m'occuperai conftamment de toutes les meluws, qui peuvent garantit au dehors la furete et la tranquillité du Royaume: je ne mettrai pas moins de vigilance a faire executer la Conftitution au dédans et a empêcher qu'elle ne foit altérée. Pour vous, Meffieurs, qui dans une longue et pénible carrière avez montré un zèle infatigable dans vos travaux, il vous refte encore un devoir a remplir, lorsque vous ferez difperfés fur la furface de cet empire : c'eft d'éclairer vos concitoyens fur le véritable efprit des loix, que vous avez faites pour eux; dy rappeller ceux qui les méconnoiifent; d'epurer et de réunir toutes les opimons parl'exemple, que vous donnerez de Paniour de 1'ordre et de la Soumiffion aux loix, en retournant dans vos foyers, Meffieurs, je compte que vous ferez les interprétes de mes fentiments auprès de vos concitoyens. Dites leur bien a tous, «que le Roi fera toujours leur premier et leur plus fidel ami j qud a  522 HISTOIRE ET ANECDOTES befoin d'être aimé d'eux; qu'il ne peut être heureux qu'avec eux et pour eux.,, L'efpoir de contribuer a leur bonheur foutiendra mon courage , comme la fatisfadion d'y avoir réuiïï fera ma plus douce récompenfe. M. Thouret, Préfident de l'aifemblée étant aufll de bout fit a S. M. une réponfe, dont voici la teneur. Sire! L'aifemblée nationale, par- J.rLt' venuë au terme de & carrière, ret Préfi- jouït en ce moment du premier fruit de fes travaux. Convaincuë , que le Gouvernement, , qui convient le mieux a la France, eft celui qui concilie les prérogatives refpedables du Tróne avec les droits inaliénables du peuple, elle a don. né a 1'état une Conftitution, qui garantit é^alement et la Royautê et la liberté nationale. Les deftinées de la France font attachées au prompt afFermiiTement >" de  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 523 jdé cette Conftitution ; et tous les moyens, qui peuvent en aifurer le fuccès, fe réuniifent pour 1'accélérer. Bientót, iSire, le voè'u civique, que votre Majeifté vientde former, fera accompli; bien|tót rentrant dans nos foyers, nous aldons y montrer 1'exemple de 1'obéiifance i.aux loix, après les avoir faites, et ensfeigner comment il ne peut y avoir de ' liberté que par le refpedl des autorités I conftituées. Nos Succeifeurs, chargés du dépot 1 redoutable du falut de 1'empire, ne mé,| connoitront ni 1'objet de leur haute mif- fion, ni fes limites conftitutionnelles, ni 1 les moyens de la bien remplir: ils font dignes, Sire, et ils le feront toujours de 1 la confiance, qui a remis en leurs mains ! le fort de la Nation: et vous, Sire, déja I vous avez presque tout fait. Votre Ma: jefté a terminé le Révolution par fon acceptation fi loyale et fi franche de la Conftitution; vous avez porté le dé: couragement au dehors, ranimé la confiance  524 HISTOIRE ET ANECDOTES fiance au dedans, rétabli le principal nerf du gouvernement et préparé 1'utile a&ivité de 1'adminiftration. Votre coeur, Sire, en a déja recu le paix: votre Majefté a jouï du touchant fpeclacle de 1'allégreiTe publique: Votre fenfibilité a jouï des témoignages de la reconnoiiTance et de 1'amour du peuple. Les fentiments néceifaires a la félicité des bons Rois vous font düs, Sire; ils fe perpétueront pour vous, et leur énergie s'accroitra a mefure que la nation jouïra de vos conftans éfforts, pour aifurer le bonheur commun par le maintien de la Conftitution. Après avoir entendu ce difcours S. M. fortit de la falie et éprouva les marqués les moins équivoques de la fatisfaction du peuple. M. Target fecretaire lut enfuite le procés verbal de l'aifemblée qui fut adopté: et un inftant après k 4. heures du foir le Prfident, après avoir réclamé  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 525 clamé le plus grand Glence, prononc,a les paroles fuivantes: "L'aflemblée Nationale ^conftituante déclare qu'elle a „rempli fa miflion, et que tou„tes fes féances font terminées. A ces mots les législateurs de la France fe féparérent (*). Examinons fuccinöement ce qu'ils avoient fait pour le bonheur de la nation. Au moment du début de l'aflemblée, les législateurs méprifant leurs mandats et leurs fió„s, cahiers, fappérent les fondement» (*) A la fin de la féance les Jacobins donnérent une nouvelle preuvè de leur infolence et de leur mépris pour les Conftitutionneh. II furent reconduits au milieu des huées et des coups de fifflets. Les Démocrates Pethion et Roberspierre furent au contraire couronnés de laurier* et applaudis. Une foule immenfe les accompagna jusqu'a leur domicile.  52 6 HISTOIRE ET ANECDOTES ments de la Monarchie, avilirent 1'autorité royalle, envahirent les prérogatives.de deux premiers ordres de 1'état, s'arrogerent 1'exercice de la fouveraineté, et prétendirent la tenir de la main du peuple. Enhardis par le fuccés ils attaquérent les propriétés, détruifirent les impóts, créerent une monnoye factice, dont le crédit repofoit fur le produit du vol et de la rapine. Les charges de 1'état furent augmentées par la nouvelle organifation adminiftrative et judiciaire , et les anciennes branches de revenus detruites irrévocablement. Les novateurs après s'ètre emparés du temporel de Peglife ne fe bornerent pas a cette ufurpation. La religion ellemème devint 1'objet de leurs attaques réitérées, les anciens Miniftres de 1'évangile furent remplacés par de vils apoflats objets de honte et de mépris. Les anciens Magiftrats, dont 1'intégrité étoit redoutable fe virent remplacés par des juges mercenaires choifis par la peuple.  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 527 peuple. Les législateurs fupprimerent la noblefle, fans autre motif que celui de fatisfaire leur vanité, leurs décrets abfurdes et incohérents firent disparoitre a jamais du fol de la France les manufaéleures, le négoce et l'induftrie, un peuple de Soldats remplaca un peuple agricole et commercant: les armées de terre et de mer fe trouvérent bientot fans difcipline et fans énergie: les rélations utiles de la métropole avec les Colonies ceüérent presque entiéremeut par une fuite d'opérations mal dirigées : les denrées de première néceflité doublérent de prix: le nombre des vagabonds et des mendiants augmenta d'ne maniére effrayante : le Brigandage, le vol, raflaffinat furent nonfeulement autorifés mais méme publiquement applaudis et récompenfés: les principes de la liberté la plus étenduë avoient été folemnellement décrétés; et cependant il n'étoit permis a aucun citoyen de penfer, de parler ou d'écrire T. IV. Se3. II. L1 que  5*8 HISTOIRE ET ANECDOTE3 que dans le fens de la révolution ; jamais fous le defpotisme des Rois on ne vit plus d'arreftations arbitraires , et d'exécutions fans jugement : la vertu et 1'honneur difparurent a jamais du fol de la France pour y killer regner le crime et la fcélérateife : tous les Hens de la fociété furent diflbus, et remplacés par des chaines incohérentes , dont aucune claife ne pouvoit fuporter le poids. Enfin, a la cloture des feflions de raifemblée conftituante, la France déchirée par des factieux fe trouvoit fans Gouvernement déterminé, fans Religion, fans loix, fans argent, fans crédit; offrant aux nations étrangéres le trifte fpeöacle d'un Royaume florüfant tombé dans un état de barbarie , de mifére, et dépuifement, dont plufieurs fiécles de profpérité ne pourront faire oublier les traces. G'eft ainfi que les premiers législateurs avoient rempli leur miflion: ils lauférent a leurs fucceifeurs le foin et les moyens de confommer la ruine Aft  DE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. 529 de la Nation. Le tableau de cette gradation formera le fujet du volume fuivant que je m'efForcerai de rendre digne de 1'intérêt et de la bien veillance du le&eur. Fin de la Seconde Se&ion et du Tome IV. LI ij Errata