Hiftoire et Anecdotes de la Révolution Frangoife depxüs 1'avénement de Louis XVI. au tröne jusqu' a 1'époque de fa mort Tome Cinquiéme. contenant les faits qui ont eu lieu depuis le commeri- cement de 1'afl'emblée Législative jusqu'ü la declaration de guerre au Roi de Hongrie et de Bohème. i 7 9 i. Amfterdam, 1796»   Hiftoire et Anecdotes de la Révolution Frangoife depuis 1'avénement de Louis XVI. autröne jusqu'a 1'époque de fa mort. Tome V. Seftion première, Contenant les faits, qui out eu lieu depuis le premier Oétobre .1791. jusqu'au mois de Mai 1792.   Avant- Propos. La Suite de 1'ouvrage, que je préfente au Leéteur , développe de plus en plus le cara&ere de la Révolution, et répand un nouveau jour fur les projecls formés depuis long-temps par les fadieux, qui avoient réfolu dënfevelir le bonheur de la France fous les ruines de la Monarchie. On verra comment cette conftitution, 1'idole de la nation Frangoife, fut violée presqu'auffitöt A ji quë-  Avant-Propos. quetablie, paree qu'aucune autorité ne pouvpit aiïurer le maintien des nouvelles Jois. Cëft avec douleur qu on peindra laSituation cruelle dunMonarque vertueux, luttant envain contre les fcélérats , qui tyrannifoient la Francè, abandonné par fa Familie, par fes amis, fes ferviteurs, perdant par fon excés de droiture et de probité la confiance dun peuple féduit et corrompu. On verra avec étonnement le changement de caraclére moral et phifique d'une nation perfécutant la vertu, récompenfant les crimes les plus atroc^s > les maffacres d'Avignon, les forfaits des Marfeillois, laRébelHon des Soldats de Chateauvieux, par des fètes et des triomphes. Enfin on reconnoitre lëffet du Siftême des nova- teurs  Amant-Propos. teurs dans la dévaftation totale de la Colonie la plus floriflante de lunivers. Dun autre cöté, pendant que les Jacobins déchiroient le fein de la niere patrie, on verra les émigrés fondant leurs efpoirs fur des promelfes incertaines, fe préparant a punir les ennemis du bien public, en croyant pouvoir rétablir 1'autorité monarchique fur fes anciennes bafes. Tel eft le tableau fuccind des évenements rapportés dans la première Sedion. La feconde contient un appercu politique des diipofitions des principales puiffances de 1'Europe, et des négociations, qui devoient détourner de 1^ France le fléau cruel de la guerre, on placera en oppofition les manoeuvres des JaA jü cobins,  Avant-Propos. cobins, pour attirer cette nouvelle I calamité fur leur patrie, la mort de I 1'Empereur Léopold, 1'aflaffinat du Roi de Suéde trouveront auffi une 1 place intéïelfante dans la feconde : partie de eet ouvrage. Enfin les | correfpondances diplomatiques, qui j ont précédé la déclaration de guer- I re a 1'archiduc Francois, termine- L ront ce volume, qui méritera, jë- ■ fpere, le fuflrage des amis de la vérité et de fimpartialité, qui doit regner dans FHiftoire. Som-  Sommaire de la Première Section. Jvant-Propos. Introduttion. Réunion ^2 de Uffemblée. Debats rélatifs a Fau(bet. Inftallation de ïaffemblée. Serment prété par les députês. Debats rélatifs au térèmonial a obferver pour S. M. Deeret. Mécontmtement, quü occafionne. Difcours du Roi a ïaffemblée. Réponfe duPrf dent. Différentes fattions dans tafjemblêe. Jrrivée du Comte de Romanzow a CoblentzRajfemblements dEmigrès Francois a Coblentz. Progrés de rémigration. Lettre du Roi aux Commandants des Portes. Lettre mix Officiers généraux des Troupes de terre. Proclamation rélative a ïemigration ' Lettre du Roi h fes freres. Réfiexions. Reponfe des princes. Réflexions. Lettre du M s- de la Qiieille h S. M- Reglement rélatif aux èmigrés dans les Pays* A iv bas.  Sommaire. hïï-'r irPlainUs du gouvernement gênêral. Difcujftons a 1'aJJemblée rélatives a Pémigration. Quejüons propofées par Leauinio. Opimon de Brijfot. Decret contre les Emgres. Réflexions. S. M. refufe de fanttionner le Decret Proclamation du Roi pour rappeller ks Enngrés. Lettre du Roi aMonfteur. Lettre de S. M. a M. Is ComteJArtois. Réflexions. Promulgation des Sentiments des Princes. Calomnies rü panduës contre les Princes. Promulgation de lewrs fentiments. Lettre de Monfieur a Z Lettre de M le Comte cFArtois a M. Difpofition des Puijfances, rélatives a la Conftitution. La Rufie. Le Dan* nemark. La Suéde. UEmpereur. La rrujje. VEfpagne. Le Portugal. UAngleterre. La Hollande. Le Roi de Sardaigne. La Rologne. Naples. Républi. quesd Italië. La Suiffe. Le Corps GerMtmque. Lettre des Princes emigrés & lEmpereur. L'eleSteur de Tréves. L'eleaeur de Mayence. L'evéque de Bamberg. LeleUeur de Cologne. L'eleüeur Palatin. • LeleSteur de Saxe. Le Pape. Redama- tion  Sommaire. tion du St. Pen. Compte rendu par M. de Montmorin. Difcujfion rélative aux prétres non-fermentês. Troubles dans la Vendée. Et a Caén. Opinions des différens députés. Decret. Réflexions: Pétition du Directoire du Département de Paris a. S. M. Le Roi appofe Jon Véto au decret. Vexations, qu'éprouve M. du Portail. R donne fa démiflion. M- de Narbonne le remplace. Nouvelle organifation de la garde Nationale. Lettre de M- de la Fayette. Honneurs , qui lui font rendus. Bailly quitte la place de maire. Pétbion lui fuccéde- Election des autres adminiftrateurs. Suüe de Taffaire SAvignon. Excés commis par les brigands. Maffacre de Lefcuyer. Kengeance des bandits. Us précipitent les prifonniers dans la glaciére. Impoflure de la municipalitê. Arrivée des Commiffaires. M. de Choify fait attaquer les • brigands On en arréte un grand nombre. Etabliffement d'un tribunal criminel a Avignon. Difcuffions a ïaffemblée. Elle actorde une Amniflie aux brigands. Jourdan eji délivré. Repréfentations des ComA v mif-  Sommaire. miffaires et des département!. Entrée triomphante de fourdan a Avignon. Horreurs quil y fait commettre. Plaintes porties a ïaffemblée. Difcufwns. Rapport de M. de Montesquiou. Suite des troubles h St. Dominque. Lettre de ïaffemblée générale è celle de la Jamaïque. Plaintes portées a S. M. commencement de ïinfurreetion des Négres. Ils confpirent le 16 Aouji 1791. atrocités commifes par les négres. La révolte êcldte dans le quartier Galiffet. Cruautés des noirs. Ils mettent le feu aux plantations. Les rebelles fe raffemblent en force. Précautions prifes par M. de Blancbelande Humanité de M. Touzard. Nouvelles atrocités des négres. M. de Blancbelande réclame des fecours des différentes puijfances. Les rebelles fapprochent du Cap. Ils font repouffés. Secours envoyés par le congrés et le Gouverneur de la Jamaïque. Barbarie des Négres dans le cours de leur expédition. Les muldtres libres fe joigent aux blancs. Proclamation de M. de Blancbelande. Réponfe du Gouverneur efpagnol. Les négres marrons fe joignent aux rebelles.  Sommaire. les Dêfaite totale des rebelles. Concordat conclu a la croix aux bouquets. Difficulte m'ü faü naitre. Rixes fanglantes entre les Uancs et les muldtres. Les muldtres Je retirent du Port au prime après y avoir mis le feu. Arrivée des commiffaires avüs a St Domingue. Suite des dévajlations commifes par les muldtres. L'ajfemblée nationale en eji inftruite Difcuffions. L'affemblee refufe d'accorder les fecours demandes par le miniftre. Lettre de S. M. al affemblée. Decret. Réclamations des villes de Commerce Adreffe de la Ville de Nantes. Députation de l'ajfemblée de St Domingue. Dèputation de. St. Mak. Arrefiation de M. de la Jaille a Breji. Compte rend^par le Minijlre de la marine. Decret. Nouvelles délibérations de ïaffemblée. Opimons de différents députés. Vecret defmitif fur les Colonies. Affaire avec le Dey d'Alger. L'ajfemblée refufe fes fecours demandés par le Miniftre, Lettre du Roi a l'ajfemblée. Le Dey d'Alger accueille ïambaffade de Trance. Accufations contre M Ofertrand 11 donne fa démijfwn. Lettre du Roi au Mini-  Sommaire. Miniftre et h Vaffemblée. Affaire des Galenens du Régiment de Chateauvieux. Difcuffions. L'affemblée accorde une amniftie aux galeriens de Chateauvieux. Honneurs qui leur font rendus. Ils fe préfentent a la Barre de l'affemblée. Ils défiknt en triomphe dans la Salie des Séances. Les Jacobins leur donnent une fête pullique. Affaire du Régiment d'Ernfl. Son origine Ce Régiment fort de Marfeille et arrivé a Aix. Les Marfeillois partent pour le faire fortir d'Aix. Les Marfeillois entrent a Aix. Les Suiffes font confignés dans leurs cazernes. Les Marfeillois les attaquent. Conférences. Conduite fufpette de M. de Barbantane. Prudence du Major de Watteville. II ordonne aux Suiffes de quitterla ville fans armes. Le Régiment d'Ernfl quitte la France. Lettre du confeil de Berrie a S. M. Sa démarche obtient le fuffrage de tous les Cantons. Formation de la maifon militaire de S. M. Lettre du Mini. Jtre aux differens départements. Lettre au Département de Paris. Banque de Potier de Vauxvineux. Difcuffions au fujet de l'é- tiquette.  Sommaire. tiquette a obferver pour les Députations. Lettre du Roi a l'ajfemblée. Difcuffions. Complots extérieurs formés par les Jacobins. Ils répandent le bruit du départ du RoiLettre de M. Cayer a la municipalité. Lettre de S. M. Arreftation de M de BuffetoU Affaire de M. de Jaucourt a Coblentz. Mort du Cbevalier Briffon. Infolence des folliculaires. Brival écrit au Roi pour lui dernanderfa cara». Réflexious fur les plans des Jacobins. Origine du Club des Jacobins. Les Jacobins contraignent les feuillants a fermer leur Club. La lifte civile eft foumife a la retenu'é de ïimpót. _ Ufurpation des differents pouvoirs par l'affemblée. Ufurpation fur le pouvoirs executif. Sur lepouvoir judiciaire. Affaire de M. Fernier. Arreftation de M- Delatre. Projet de contre- Révolution a Perpignan Le Roi obferve a ïaffemblée qu'elle viole la Conftitution. L'affemblée veut priver le Roi du droit de Véto. Affaire du Soi difant Bourbon Montmorency. L'affemblée accueille différents Bandits. Troubles a Montpellier. Mes eft en état de Contrerévo- lution.  Sommaire. lution. Jttroupement prés Compiégnes. Simonneau maire d'Etampes eft maffacré. Decret contre les émigrés. Obfervations. Decret contre les princes et les Chefs des émigrés. L'affemblée déclare que Monfieur eft déchu de la Régence. Decret concernant les paffe-pons. L'ajfemblée met les Mens des émigrés fous la main de la nation. Réflexions. Etat des fnances. Réflexions. Changement dans le Corps diplomatique. Expofé de la Situation du Royaume Par M. Cayer. Fatigués  Fatiqués par de longues et lV cruelles agitations les ^ "* Franqois foupiroient tous aprés un repos devenu néceflaire. La Conftitution, Jont les vices ne s'étoient pas encore décelés par l'experience, paroifioit aux yeux d'un peuple ignorant et crédule 1'égide et la Sauve-Garde des perfonnes et des propriétés. A 1'abri des nouvelles loix le cultivateur fe félicitoit de voir accroitre fon aifance par la fupprelHon des dixmes et des entraves, qui génoient la libre circulation des grains: le négotiant voyoit renaitre fes fpéculations étendues; les manufactures fe rétablir, la vie et 1'adtivité fe répandre; dans tous les atteliers; 1'artifte croyoit pouvoir déployer fes talens avec plus de fuccès: le pauvre efpéroit que la mifére difparoitroit 4 jamais du fol de la France.  l6 HISTOIRE ET ANECDOTES France. Tous les intriguans voyoient une carrière ouverte a leur ambition, puisque le peuple pouvoit a fon gré conférer les places les plus importantes.: Indépendamment de la perfpedtive de bonheur illufoire, qui fe préfentoit a toutes ces claffes, un intérèt majeur attachoit une foule de citoyens a la conftitution. Les acquéreurs des biens nationaux , après avoir éprouvé quelques inquiétudes, fe croyoient affures de jouïr en paix de leurs nou velles propriétés, ils ne craignoient plus les menaces impuiiTantes des mécontents expatriés, qui fans armes et fans moyens prétendoient fubjuguer la France , et les dépouüler d'un bien, dont la conftitution leur affuroit la poifeffion. II n'eft pas douteux, que, fi le maintien des loix eüt été confié a des citoyens amis de 1'ordre et de la paix, le Royaume auroit peutêtre jouï d'une tranquillité momentanée, duë k fon état d'épuifement et a la difpofition des efprits. Mais le choix des nouveaux législateurs s'oppofoit & ce but défi-  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. I? défirable, les Jacobins, qui avoient doI miné les éle&ions dans la capitale et les | départements, avoient egaré le peuple fur fes vrais intéréts. Au lieu d'en re: mettre le dépot a des citoyens vertueux, | jouïfTant de 1'éftime et de la confidération générale, on vit paroitre a la nou[ veile aifemblée des étres bas et vils, a qui 1'exaltation, la groffiereté et 1'éffron: terie tenoient lieu de connoiflances et de talents. Si dans le nombre des dé[ putés il fe trouvoit quelques citoyens ï honnètes, ou dont les opinions étoient i modérées, leur nombre étoit fi peu conI fidérable , que leur parti ne pouvoit avoir la moindre influence, ni réfifter a l la fadion républicaine , qui, des les ; premières féances, ne put düfimuler fes plans et fes projets. Des folliculaires, des hommes de loi décriés, des auteurs obfcurs, des intriguants fubalternes, des apoftats transformés en législateurs fe coaliferent dès le principe pour détruire et avilir toutes les autorités conftitüées et faire renaitre le désordre et 1'Anarchie. T.V.SeÜ.L B On  ïS HISTOIRE ET ANECDOTES On diftinguoit dans le nombre des députés quelques hommes de lettres célébres, MM. de Condorcet, Cérutti, Franqois de Neufchateau, de la Cépede, qui fans adopter ouvertement la mëme marche ne fecondoient pas moins avec adrefle les efforts des faclieux , qui vouloient abbatre le tröne chancelant du Souve-. rain conftitutionnel, détruire entiéreinent la Religion et effacer jusqu'au nom de Roi des annales de la Monarchie. Telle étoit la compofition de la nouvelle aifemblée, qui devoit difpofer arbitrairement du Sort de la France: de vils fadieux fans propriété, fans moeurs, fans Religion, le rebut et la lie de la Nation forti des antres infecs des Clubs, réunis a de prétendus philofophes fe diIpofoient a partager a leur gré les dépo uilles d'un état jadis fi floriifant, et a plonger un pleuple entier dans la mifére et dans Fopprobre. La fortune, tfhonneur, la vie des citoyens étoient entre les mains de eet alfemblage de brigands  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. iqr brigands emprefles de déployer le pouvoir, dont ils étoient inveftis. Cette perfpeöive n'étoit nullement raflurante. Les regnicoles et les étrangers attendoient avec un empreflement mêlé de crainte le debit de leurs travaux, nous allons en fuivre rapidement les détails. Le premier Oclobre la „, . nouvelle ailemblee le reunit i'Ajfimblêe. dans la Salie des féances. M. Camus archivifte procéda a 1'appel nominal des députés fous la préfidence du doyen d'age. On convint promptement de la forme de la vérification des pouvoirs. L'éleclion de Fauchet évêque du Calvados donna lieu a quelques débats. II étoit décrété d'ajournement perfonnel par le tribunal du diftrict de Caën, comme ayant été un des auteurs des troub. les de cette ville, et d'aprés le texte de la loi, qui porte "fèront exclus des „droits de citoyen adif tous ceux, qui feront en état d'accufation, fa nomination étoit certainement nulle. Quel* ques membres propoferent de 1'exclurre B ji de  20 HISTOIRE ET ANECDOTES de 1'aflemblée, mais il trouva aféSt" de zélés defenfeurs- M- GachtU ran de Coulon foutint que la procédure faite contre 1'Abbé Fauchet étant fecrette, et que le decret n'ayant point été fignifié officiellement a l'affemblée éledorale, elle ne pouvoit le priver de 1'éxercice de fes droits. L'éxjéfuite Cérutti prétendit, par une fubtilitc digne de fon ancienne Société, diftinguer Fexercice des droits de citoyen aclif, de 1'éligibilité purement paflive, que d'aprês la loi M. Fauchet devoit être privé du droit d'élire, mais non pas de celui d'être élu. Ainfi, dit-il, vous conciliez le refpect dü a la loi et 1'attachement que vous vouez aux vertus et aux talents de 1'abbé Fauchet. Ce pitoyable fophisme fut accueilli par les admirateurs des vertus de 1'evèque de Calvados: la majorité de l'afTemblée confirma fa nomination: ainfi fon premier ade d'autorité fut une infradion a la loi. A deux  DE LA REV0LUT10N FRANCOISE. 21 A deux heures et demie les pouvoirs de 394 membres jWWJ^ fe trouvant vérifiés et ce nom- itó> bre étant fuffifant pour former des délibérations, le Préfident prononqa que les députés fe conftituoient en affemblée nationale législative. Ce decret fut applaudi avec transport. On proceda enfuite au choix du Préfident et M. Paftoret ancien Procureur général findic du département de Paris, horarae de lettres inftruit et éclairé réünit la majorité des fuifrages. Le 5. Odlobre tous les membres de 1'aifemblée pro- Sermtnt priteparles noncerent collectivement au ié{utés, nom du peuple Francois le ferment de vivre libres ou mourir. Ils prêterent enfuite individuellement le ferment prefcrit par la conftitution conqu en ces termes. „ Je jure de maintenir de tout mon „pouvoir la Conftitution du Royaume dé„crétée par 1'aflemblée nationale confti„tuanteaux années 1789, l79Q> et 1791B jii 5>de  22 HISTOIRE ET ANECDOTES „de ne rien propofer, ni confentir dans „le cours de la législature, qui puiffe „y porter atteinte, et d'être en tout „fidéle a la Nation, a la Loi et au Roi. A peine ce Serment fut-il prononcé qu'on s'occupa d'y contrevenir d'une maniére formelle. L'affemblée avoit dé- 1 crété qu'une députation de foixante : membres fe rendroit chez le Roi, pour i lui annoncer qu'elle étoit conftituée. Le 5. Odlobre M. du Caftel inftruifit | l'affemblée de la maniére dont la dépu- j tation avoit été reque. II dit qu'aprés I avoir écrit au Miniftre de la juftice pour 1 favoir quand S. M. voudroit 1'admettre, éllè avoit fixé le lendemain a 9 heures du matin, mais que de 1'avis de fes col- I légues il avoit infifté pour être admis 1« même jour, qu'alors S. M. avoit con- f fenti a recevoir la députation a 9 heu- l res du foir: qu'aprés avoir annoncé k \ S. M. le but de ce meifage, elle avoit répondu avec beaucoup d'affabilité: ,,di» 5,tes a l'affemblée que je ne pourrai la ; „voir que vendredi 7. Odlobre,, il a- jouta n  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 23 jouta que le Roi lui avoit demandé avec bonté le nom de plufieurs des membres de la Députation. A peine ce récit fut-il ter- ^ * «niné qu'il s'éleva des cris de latifs „„ toute part: les plus infolents drémonid démocrates Bazire, Thuriot, ^"f^f, Vergniaud, Genfonné, Guadet, Chabot firent fucceffivement les motions les plus infultantes contre 1'autorité Royale. L'un prétendit que les députations devoient être admifes a tout jnftant chez le Roi, fans lui avoir fait demander fon heure: un autre que, les pouvoirs législatif et exécutif étant abfoïument égaux et indépendants, toute cfpêce d'étiquette devoit être fuprimée. Grangeneuve renchérit fur ces motions» il propofa de fupprimer le titre de Ma3efté et de ne donner dorénavant au chef du pouvoir exécutif que le Titre conftitutionel de Roi des Franqois. Coulon cenfura le decret de raflemfolée conftituante, qui ftatuoit que quant a 1'étiquette la conduite du Roi lui ferB iv viroit  24 HIST01RE ET ANECDOTES viroit de regie; que s'il fe couvroit l'affemblée fe couvriroit, s'il s'affeyoit les législateurs s'affeoiroient également: comme fi (dit-il) en préfence du premier fonctionaire du peuple, les repréfentans de la nation fe transformoient tout-acoup en automates: les déclamations les plus groffiéres et les plus infolentes accompagnerent cette critique. Ce vil démocrate propofa d'oter au Roi le fauteuil doré, qui lui étoit deftiné, de fupprimer le titre de Sire, qui dans le vieux ftile fignifioit Seigneur, de laiffer aux membres de 1'affemblée la faculté de s'affeoir et de fe couvrir dés que le Roi feroit arrivé au bureau. Ces diiférentes motions furent accueillies et applaudies , et on propofa fur le champ de rendre un decret fur 1'étiquette a obferver, lorsque le Roi viendroit a l'affemblée. On impofe filence aux membres, qui effayerent de faire quelques réclamations et qui s'étoient placés du cóté droit, enfin au milieu des cris, du tumulte et de la confu-  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 25 confufion occafionnée par ces fadieux la majorité de l'affemblée décréta les Articles fuivants. Art. I Au moment ou le Roi entrera dans l'affemblée, tous Decret. les membres fe tiendront debout et découverts. Art. n. Le Roi étant arrivé au bureau chacun des membres pourra s'affeoir et fe couvrir. Art. III. II y aura au bureau et fur la même ligne deux fauteuils femblables. Celui placé a la gauche du Préfident fera pour le Roi (*). Art. IV. Dans le cas, oü le Préfident, ou B v tout (*) Un decret du corps conftituant portoit , que le Gouvernement de la France feroit monarchique. C'étoit une finguliere Législation que celle qui rcuniflbit dans les principes et dans 1'application une cohé* rence fi admirable.  2 6 HISTOIRE ET ANECDOTES tout autre membre de l'affemblée auroit été chargé préalablement par 1'afTemblée d'adreüer la parole au Roi, ü ne lui donnera conformément a la conftitution d'autre titre que celui de Roi des Franpis , et il en fera de même dans les députations, qui pourront être envoyées au Roi. Article V. Lorsque le Roi fe retirera de l'affemblée , les membres feront, comme a fon arrivée, debout et découverts. Art. VI. La députation qui recevra et reconduira le Roi fera de douze membres. A peine ce decret fut-il TTÏÏu connu dans Ia CaP^> occafione. Y occafionna la plus vive fenfation; il eut même une influence marquée fur le change, et fur les négotiations: a la bourfe les aclions baiferent; un mecontement prèsque général fe manifefta dans toutes les claffes; plufieurs députés furent infultés par le peuple; l'affemblée craignant que le premier  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 27 I premier effay de fon autorité n'eüt des Jjfuites encore Iplus facheufes fe décida jle lendemain a retirer provifoirement ce | decret et a en anjourner indéfiniment jla discuffion. Le 7. Oétobre M. Bailly fe rendit I a 1'aifemblée a la tëte de la municipali1 té de Paris. II prononqa un difcours Jampoulé, mèlé de fades compliments et 1 d'adulations. "Que la confiance, (ditj „il), defcende de cette augufte affem„blée, et du tröne, pour remonter a ce „tróne et 2 vous, par un cercle qui fera ,,celui des profpérités. M. de la Rochefoucauld a la tète du département de Paris fe préfenta enfuite. II paria aux législateurs de leurs devoirs, de leurs obligations, de ce qui leur reftoit a. faire pour aifurer la révolution et la tranquillité publique. Mais pour une pareille affemblée ces fages confeils pouvoient s'appeller avec vérités verba et voces pratereaque nihil. Le  28 HISTOIRE ET ANECDOTES Le même jour a üflj Difcaun de i in- . _ Roi A taf. heure le Ro1 Parut a 1'aflem UA>. blée accompagné de fes Mini ftres. II fe plaqa devant for fauteuil, et étant debout et découvert ii prononqa le difcours fuivant. Meffieurs! Réunis en vertu de la Conftitution pour exercer les pouvoirs qu'elle vous délégue , vous mettrez fans doute au rang de vos premiers devoirs de faciüter la marche du gouvernement, d'affermir le crédit public, d'ajouter, s'il eft j poffible, ala fureté des engagements de la nation, d'aifurer a la fois la liberté et la paix, enfin d'attacher le peuple |. k fes nouvelles loix par le Sentiment I de fon bonheur. Témoins dans vos dé- ( partements des premiers eftets du nouvel ordre, qui vient de s'établir, vous' avez été a portée de juger ce qui peut : être néceifaire pour le perfedionner, et ; il vous fera facile de reconnoitre les I moyens les plus propres a donner a I 1'admi- I  DE LA REVOLUTION FRANQOISE. 29 l'adminiftration la force et l'acuvité, dont elle a befoin. Pour moi appellé par la conftitution a examiner, comme repréfentant du peuple et pour fon intérët, les loix préfentées a ma fanélion, chargé de les faire exécuter, je dois encore vous propofer les objets, que je crois devoir être pris en confidération pendant le cours de votre Seifion. Vous penferez, Meflieurs, qu'il convenient d'abord de fixer votre attention fur la fituation des finances, pour en fuivir 1'enfemble et en connoitre les détails et les rapports; vous fentirez 1'im: portance d'aifurer un équilibre conftant i entre les recettes et les dépenfes, d'établir un ordre invariable dans toutes les parties de cette vafte adminiftration ! et de préparer ainfi la liberation de I 1'état et le bien du peuple. Les loix civiles paroiifent auffi devoir vous occuper eifentiellement: vous aurez a fimplifier la procédure , et a rendre ainfi plus faciles et plus prompts les moins d'obte-  3° HISTOIRE ET ANECDOTES d'obtenir juftice. Vous reconnoitrés lal neceffité de donner par une éducationj nationale des bafes folides a 1'efprit pu-I Mie. Vous encouragerez le cómmerce etl 1'induftrie, dont les progrés ont tant d'inJ fluence fur 1'agriculture et fur la richef-I fe de ce Royaume. Vous vous occu-l perez de faire des difpofitions perma-I nentes, pour aifurer du travail et des fe-| cours k Pindigence. Je manifefterai ai 1'armée ma volonte ferme que 1'ordrel et la difcipline s'y rétabliifent; je ne l négligerai aucuns moyens de faire renai-l tre la conflance entre tous ceux, qui | la compofent, et de la mettre en état I d'affurer la defence du Royaume. Si I les loix a eet égard font infuffifantes, je I vous ferai connoitre les mefures, qui I me paroitront convenables, et fur lesquelles vous aurez a ftatuer. Je donnerai également mes foins a la marine,, cette partie importante de la force publique deftinée a protéger notre commerce et nos Colonies. J'efpére que nous ne ferons troublés par aucune aggreffion du dehors  DE LA REVOLUTION FRANCOEE. 31 dehors; j'ai pris depuis que j'ai accepté la Conftitution et je continue de prendre les mefures, qui m'ont paru les plus propres a fixer Fopinion des puiffances étrangéres a notre égard, et a entretenir avec elles Fintelligence et la bonne harmonie, qui doivent nous affurer la paix : j'en attends les meilleurs effets; mais cette efpérance ne me difpenfera pas de fuivre avec a&ivité les mefures de précaution que la prudence a du prefcrire. Pour que vos importans travaux, Meflieurs, pour que votre zêle produifent tout le bien qu'on doit en attendre, il faut qu'entre le corps législatif et le Roi il regne une conftante harmonie , et une confiance inaltérable. Les ennemis de notre repos ne chercheront que trop a nous défunir; mais que Famour de la patrie nous rallie et que Fintérêt public nous rende inféparables. Ainfi la puiffance publique fe déployera fans obftacles, Fadminiftration ne fera pas tourmentée par de vaines terreursi les  32 HISTOIRE ET ANECDOTES les propriétés et la croyance de chacun feront également protégées, et il ne reftera plus a perfonne de prétexte, pour vivre éloigné d'un pays , oü les loix feront en vigueur et oü tous les droits feront refpe&es. C'eft a ce grand intérêt de 1'ordre que tient la ftabilité de la conftitution, le fuccés de vos travaux, la fureté de l'empire, le retour de tous les genres de profperité. C'eft a ce but, Met fieurs, que doivent en ce moment fe raporter toutes nos penfées; c'eft 1'objet que je recommande le plus fortement a votre zêle et a votre amour pour la patrie. Le Préfident répondit a fa Majejlé. Sire! Votre préfence au milieu *%LtiU dS "°US eft Un enSagement ' ' nouveau, que vous prenez envers la patrie. Les droits du peuple étoient oubliés, les pouvoirs con- fon-  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 33 Pondus, une Conftitution eft née et avec elie la liberté Franqoife. Vous devez la chérir comme citoyenj comme Roi vous devez la maintenir et la deffendre. Loin d'ébranler votre puiflance, elle 1'a affermiej elle vous a donné des amis dans tous ceux, qu'on n'appelloit autrefois que des fujets. Vous avez le befoin d'ètre aimé des Franqois, difiez-vous, Sire, il y a quelques jours dans ce temple de la patrie, et nous auffi nous avons befoin de vous aimer. La Conftitution vous a fait le premier monarque du monde; votre amour pour elle placera votre Majefté au rang des Rois les plus chéris, et le bonheur de la nation vous rendra le plus heureux. ïorts de notre réunion mutuelle, nous en fentirons bientót 1'influence falutaire épurer la, législation, ranimer le crédit public, achever de comprimer 1'Anarchie. Tel eft notre devoir, tels font nos voeux; tels font les votres, Sire, telles font nos efpérances. Les benedidtions des Franqois en feront le prix. ' XV. Se£t.ï. C S. M,  34 HISTOIRE ET ANECDOTES S. M. fut reque a l'affemblée et re-j conduite aux tuileries au milieu des apJ plaudiffements et des expreffions les plusf touchantes de Paffection du peuple; lesi Jacobins et leurs adhérants témoignérentj hautement leur improbation de ces fuf-j frages volontaires accordés par les Fran-l cjois, dont ils parvinvent bientót a chan-l ger 1'efprit. Les membres de 1'affem-l jKffermtu y^e fe aiviferent en troisl faclions dans , .. _. _ . , .1 Vajfemblée. partis diftinös iuivant les prmJ cipes qu'ils avoient adoptésJ Environ 150. membres fe firent infcriJ re fur le champ au Club des Jacobins.1 Une autre partie plus nombreufe formal une nouvelle fociété a 1'ancien hotel del Richelieu, ou elle annonqa ne point vou-J loir établir un foyer de délibérationsi tumultueufes, mais une affemblée den citoyens paifibles, qui cherchoient a s'éclairer mutuellement. Les Jacobins| leur donnerent le nom de miniftériels | enfin plufieurs députés parurent décidéa a maintenir la plus parfaite impartiaUtl  DE LA REVOLUTION FRANCHISE. 3$ >t a ne fréquenter aucun Club. Ces xois partis fe déteftoient et cherchoient réciproquement a dominer 1'aifemblée. Les Jacobins feuls par leurs intrigues ;t leur perfévérance parvirent a leur but. C'eft a cette époque que le peuple 3e Paris commenca a apliquer aux députés la dénomination de fans culotte, a raifon de la mifere, de la groffiéreté et de 1'ignorance de plufieurs d'entre eux. Depuis que la nation Franqoife s'eft dépouillée de toute pudeur, cette qualification eft devenuë un titre glorieux et la fauve-garde des citoyens. <*) C ij Pen- (*) Une perfonne de ma connoiflance qui a eu le bonheur de s'échapper de France au mois d'Avril 1793' m'a niontré un brevet de Sansculotisme qui lui férvoit de pafleport et de Sauvegarde a Paris. Cette piece originale dans fon genre lui avoit couté dix écus et un diner aux citoyens Commiflaires. Elle étoit concuë en ces termes. "Nous Préfident et Commiflaires de „la Seftion de 179a certifions a „qu'il  36 HISTOIRK ET ANECDOTES Pendant que ces événeArrivêe du rnents fe paifoient dans la Ca- & I)ltale les Prlnces expatnes, Coblentz. qui n'avoient pu déterminer S. M. a refufer fon acceptation a 1'ade conftitutionel , au lieu de fe réunir auprés du tróne et d'en foutenir les débris chancelans, fe donnoient de nou-, veaus mouvements pour engager les nobles et particulierement les militaires a quitter leur patrie , oü leur préfence fous tous les afpeds eüt été fi utile. Une circonftance contribua a faire renaitre leurs efpérances et a leur donner même „qu'il appartiendra que le citoyen N... „a donné dans tous les temps des „preuves du civisme et du Sanscu„lotisme le plus pur, en foi de „quoi nous lui avons délivré le „prefent pour lui fervir ce que de „raifon. Fait et délivré, è Paris „le 6 Mars 1'an IV. de la liberté et „le premier de la république une et „indivifible, falut et fraternité. Ca „va et ca ira. Vive la République.  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 37 Le un certain degré de confidération. L'impératrice de Ruffie reconnut leur exiftence politique et accrédita le Comte de Ro manzo w auprès d'eux. Ce Miniftre arriva a Coblentz a la fin de Septembre, le Maréchal de Broglie a la tête de la Noblefle émigrée lui adrefla le difcours fuivant: „Votre augufte fouveraine avoit de„puis longtemps les droits les plus méI „rités au refped ec a 1'admiration des „gentils.hommes Francois: elle en ac„quiert aujourd'hui a leur reconnoiflance | „et a leur amour. Chargé par eux en J „qualité d'un de leurs Chefs de 1'honoI „rable fondion d'en ofFrir 1'hommage a I „cette illuftre impératrice, j'ai prié M. I „le Comte de Romanzow de le lui faiI „re parvenir. Recevez - vous - même, L,Monfieur, les fincères remerciments, „que doit toute cette Noblefle aux „fentiments que vous avez manifeftés s,pour elle. C iij Le  38 HISTOIRE ET ANECDOTES Le Comte de Romanzow répondit en ces termes: Monfieur Ie Maréchal et vous, Meffieurs! „Tous les Souverains puisquils „veillent k la profpérité de leurs fu„jets, toutes les Nations jaloufes de „leur bonheut, n'ont apparemment que „la même opinion fur les affaires de la „France; mais il étoit de la deftinée d'un j,regne marqué par-tant de gloire, que „l'impératrice fut la première a mériter, „a obtenir le tribut de votre hommage. j,Les limites des empires tombent, lors„que le coup d'oeil d'un grand monar«que confidére les vertus et les talents: „l'impératrice ceffe de vous être étran„gére: elle contemple avec fatisfadion „la nobleffe Franqoife montrant ce que les „vertus hérédifaires donnent d'élévation, „ce que la löyauté, 1'attachement pour „fes maitres infpirent d'intérèt." „II fembloit, Meffieurs, que rien aJne manquoit a Ja gloire de 1'impératri- „ce:  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 39 „ce: cependant votre démarche y ajou,'te, et moi plein de vénération pour T,vous, Meffieurs, et pour 1'illuftre guer„rier qui eft a votre tête; je regarde ce ,',jour comme le plus beau de ma vie." Indépendament de ces compliments et de ces prote- ment sémU ftations d'attachement de la erés Franpart de fa Souveraine, on a gj* Co' affuré que le Comte de Romanzow étoit chargé de remettre aux princes une fomme de deux milhons, argent de France, dont il avoient alors grand befoin, foit pour foutenir 1'éclat de leur maifon, ou pour ftipendier une foule d'Officiers, qui arrivoient de toute part. C'eft a cette époque qu'on commenca a donner a divers corps une organifation militaire, les gardes du corps licenciés, les anciens mousquetaires et chevaux-légers réformés, le corps de la gendarmerie, et un grand nombre d'individus de différents Régiments fe réunirent k Coblentz ou dans les environs. Les princes facrifierent des fomC iv mes  40 HISTOIRE ET ANECDOTES mes confidérables pour Tarmement et 1'équipement de ces corps et plufieurs Officiers furent envoyés dans diverfes parties de 1'allemagne pour y faire des remontes. II s'étoit formé a Worms, a Ath, a Neuwied, a Limbourg plufieurs compagnies compofées en grande partie d'anciens Officiers, les Princes pour fubvenir a leur dépenfe firent payer pendant quelques temps 47 Livres a chaque individu clafle dans 1'infanterie, et 7f. Livres a ceux, qui fervoient dans les compagnies a chéval. On ne doit pas oublier de citer un trait de noblefle et de générofité du Princede Natfau - Siegen. L'impératrice de Ruffie pour reconnoitre fes fervices lui avoit donné une terre trés étendue avec les payfans, qui Phabitoient: il lui demanda la permiffion de 1'engager et emprunta des fommes confidérables fur les biens de la Princefle fon époufe fitués en Pologne. II parvint par ce moyen a ralfembler 1,400,000 Livres, qu'il s'emprefla d'offrir a M. le Comte  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 41 iComte d'Artois pour 1'employer a 1'enrtretien des gentilshommes, qui fe réuInhToient fous fes étendarts. L'émieration au lieu de üceffer a 1'epoque de laccepta- rEnfigra_ ition de la Conftitution ne fit tion. Iqu'augmenter d'une maniére effrayante; la nobleife de plufieurs provinces, des families entiéres compofées tde vieillards, de femmes et d'enfants, lentrainées par 1'exemple, par un préi jugé ou par ce qu'elles croyoient être jiun fentiment d'honneur s'empreiferent 1 de fortir du Royaume. Une grande f quantité d'Officiers de troupes de terre I et de la Marine quitterent leurs emplois I et abandonnerent fans regret leur forl! tune et leur exiftence. Si les puüfan! ces étrangéres avoient fqu profiter de ce moment pour rendre a la France un f Gouvernement ftable également conve1 nable a leurs intéréts et a leur fitua1 tion politique, elles euifent fans doute éprouvé peu d'obftacles : 1'armée entiére étant dans un état de confufion et Cv de  4 3 HISTOIRE ET ANECDOTES de désordre, les gardes - nationales point aguerris, les places mal approvifionnées: la majorité des citoyens n'ayant ni chefs, ni point de ralliment étoit pénétrée de craintes et de terreur et prète a fubir la loi, qu'on voudroit lui impofer. Mais au lieu de s'occuper d'un objet fi eifentiel, un temps prétieux fe paffa en combinaifons, en négotiations, et pendant eet intervalle les Soldats prenoient de la confiance en leurs nouveaux chefs : les dangers dont ont les menaqoit, la crainte même de perdie une partie des avantages qu'ils devoient aux decrets de l'affemblée conftituante les engagea a fe rallier et h rentrer dans les bornes de 1'obéiffance et du devoir. Les citoyens, qu'on avoit effrayé depuis longtemps par de prétendus projets d'invafion de la part des puiflances étrangéres, n'apercevant aucunes difpofitions hoftiles, commencerent a reprendre courage, et a croire que la pofition de la France, le nombre de fes fortereffes et de fes deffenfeurs la rendoit in-  PE LA REVOLUTION FRANCOISE. 43 inattaquable. Les Princes efpéroient trouver beaucoup de partifans dans 1'intérieur du Royaume, trompés par les relations de leurs émüfaires et des émigrés, ils croyoient avoir des intelligences dans toutes les places et des régiments entiers a leur difpofition, tandis que le nombre de leurs adhérents fe bornoient a quelques Officiers ou citoyens , qui étant devenus fufpeds aux Jacobins, qui éclairoient toutes leurs démarches , furent obligés de s'expatrier fans avoir pü leur rendre le moindre fervice. Je rendrai compte dans le temps de quelques tentatives infrudueufes, qui furent la fuite des promeffes et des rapports exagérés de ceux, qui étoient dévouès a Ja caufe des Princes. Le peuple fut trés allarmé des progrés 3e 1'émigration, fes plaintes parvinrent jusqu'au tröne, le Roi déclara j a fes Miniftres qu'il étoit réfolu de main| tenir la Conftitution par tous les möyens, qui étoient en fon pouvoir et Ü écrivit lui même aux Commandants de u  44 HISTOIRE ET ANECDOTES la Marine et des Troupes de terre les Lettres fuivantes. Lettre du Roi aux Commandans des Ports du 14. Oclob. 1791. Je fuis informé , MonfiLettredu eurj que ies Emigrations fe Hoi ttuxCom- 1 ■ 1 ■ , >»aniantsdeS multiplient tous les Jours dans Bons. le corps de la Marine, et je ne puis pas diiférer plus longtemps de vous faire connoitre combien Ven fuis vivement affedé. Comment fe peut-il que des Officiers d'un corps, dont la gloire m'a été fi chére, et qui m'ont donné dans tous les temps les preuves les plus fignalées de leur attachement et de leur zéle pour le fervicé de 1'Etat, fe foient laifles égarer au point de perdre de vuë ce qu'ils doivent a la patrie, ce qu'ils doivent a leur affedion pour ma perfonne et ce qu'ils fe doivent a eux mëmes? Ce parti extréme eut paru moins étonnant il y a quelques mois, quand 1'Anarchie fembloit être a fon comble, et  DE LA REVOLUTION FRANqOlSE. 45 et qu'on n'en appercevoit pas le terme: ;mais aujourd'hui que la majeure et la plus faine partie de la nation veut le ; retour de 1'ordre et de la foumiffion iaux loix, feroit-il poffible que de gé| néreux et ficleles marins fongeaflent a Ife féparer de leur Roi? Dites a ces braves Officiers; que j'aime et qui l'ont f fi bien mérité, que 1'honneur et la patrie 1 iles appellent. Aifurez les, que leur re; tour, que je désire pardeflus tout, et auquel je reconnoitrai tous les bons 1 Franqois, leur rendra pour jamais toute li ma bienveillance. On ne peut plus fe diffimuler que 11'éxécution exade et paifible de la Con! ftitution eft aujourd'hui le moyen le « plus fur d'apprécier fes avantages, et de j connoitre ce qui peut manquer a fa perfedion. Quel eft donc votre devoir a tous? De refter fidelement a votre ppfte; de coopérer avec moi, avec fran: chife et loyauté, a aifurer 1'éxécution I des loix , que la nation penfe devoir ; faire fon bonheur; de donner fans celfe de  46 HISTOIRE ET ANECDOTES de nouvelles preuves de votre amour pour la patrie et de votre dévouement k fon fervice. C'eft ainfi que fe font illuftrés vos pères, et que vous vous ctes diftingués vous-mêmes. Voila les exemples, que vous devez lamer a vos enfants, et les fouvenirs inéifaqables, qui conftitueront votre véritable gloire. C'eft votre Roi qui vous demande de refter inviolablement attachés a des devoirs, que vous avez toujours fi bien remplis. Vous auriez regardé comme un crime de réfifter a fes ordres, vous ne vous refuferez pas a fes inftances. Je ne vous parlerai pas des dangers, des fuitez facheufes, qu'une autre conduite pourroit avoir, je ne croirai jamais qu'aucun de vous put oublier qu'il eft Franqois. Je vous charge, Monfieur, d'adreffer de ma part un exemplaire de cette Lettre a tous les Officiers attachés a votre département, et particuliérement k ceux, qui font en congé. Signé (Louis) et plus bas (Bemand.) La  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 47 La feconde piéce eft écrite dans le même efprit et de la teneur fuivante. Lettre du Roi aux Officiers généraux ü et Commandans des Trouppes de Tem en datte du 14. Oftob. 1791. ; • En acceptant, Monfieur, ^ ^ la Conftitution, j'ai promis de officiers g(. la maintenir au dedans et de niraux des la deffendre contre les enne- %°»P" i* imis du dehors. Cet acte fotlemnel de ma part doit bannir des efprits .toute incertitude: il détermine en même itemps, de la maniére la plus précife et jla plus claire, la regie de vos devoirs iet les motifs de votre fidélité. Mon initention eft que vous annonciez aux Troupes, qui font fous vos ordres, que ma flétermination, que je crois eifentielle au (bonheur des Franqois, eft invariabk, comme mon amour pour eux. La Loi :et le Roi désormais confondus, 1'énnemi de la Loi devient celui du Roi. De quelque prétexte maintenant, dont on itreuille colorer la désobeïfiance et 1'in- difci-  48 HISTOIRE ET ANECDOTES difcipline, j'annonce que je regarderai comme un délit contre le Nation et contre Moi, tout attentat, toute infraclion a la Loi. II a pu être un temps, oü les Officiers attachés a ma perfonne, et dans le doute de mes véritables fentiments ont cru devoir héfiter fur des obligations, qui leur fembloient en oppofition avec leurs premiers engagements; mais après tout ce que j'ai fait, cette erreur ne doit plus fubfifter. Je ne puis regarder, comme m'étant , fincérement dévoués, ceux qui abandonnent leur patrie, au moment oü elle réclame fortement leurs fervices. Ceux la feuls me font fincérement attachés, qui fuivent les mëmes voyes que moi: qui reftent fermes a leurs pofte; qui loin de défefpérer du falut public fe conféderent avec moi pour 1'opérer, et font réfolus de s'attacher inféparablement a la deftinée de 1'empire. Dites donc a tous ceux , qui font fous vos ordres, Officiers et Soldats que le bonheur de leur pays dépend de leur union, de leur \  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 49 leur confiance réciproque, de leur foumiilion aux loix et de leur zèle pour les faire exécuter. La patrie exige cette harmonie , qui fait fa force et fa puififance. Les désordres paifés, et les cirjconftances, oü nous fommes, donnant a ces vertus du guerrier , pendant la paix, une valeur fans prix, c'eft a elles jque feront duè's, les diftindions, les réicompenfes, et tous les témoignages de ■ia reconnoiifance publique. Signê (Louis) et plus bas (Duportail.) Le même jour le Roi fit p„c/awa. 'iparoitre une proclamation pour tio» rtiatu Erévehir 1'émigration. Elle (jétoit conque en ces termes, Le Roi inftruit qu'un grand nombre de Franqois quittent leur patrie et fe retirent fur les terres étrangéres, n'a ipu voir fans en être vivement affedé, ;une émigration auffi confidérable : car quoique la loi permette a tous les FranJ.F.SettJ. D c,ois  50 HISTOIRE ET ANECDOTES cois lalibre fortie du Royaume, le Roi dont la tendrefle paternelle veille fans cefie fur 1'intérèt général, et pour tous les intéréts particuliers , doit éclairer ceux, qui s'éloignent de leur patrie, fur leurs véritables devoirs , et fur les regrets, qu'ils fe préparent. S'il en étoit parmi eux, qui fuffent féduits par 1'idée, qu'ils donnent peut être au Roi une preu' ve de leur attachement, qu'ils foient détrompés et qu'ils fachent que le Roi regardera, comme fes vrais, fes feuls amis, ceux qui fe réunilfent a lui pour maintenir et faire refpecler les loix, pour étabiir Pordre et la paix dans le Royaume, et pour y fixer tous les genres de profpérités, aux quelles la nature femble 1'avoir deftiné. Lorsque le Roi a accepté la Conftitution, il a voulu faire ceifer les difcordes civiles, rétablir 1'autorité des loix, et afïïirer avec elles tous les droits de la liberté et de la propriété: il devoit fe flatter que tous les Francois feconderoient fes deffeins: cependant c'eft a cette  1 DE LA REVOLUTION FRANqOISE. SI cette mêrne époque que les émigrations ont femblé fe multiplier: une foule de citoyens abandonnent leur pays et leur Roi, et vont porter chez les nations ■ voifines des richeifes, que follicitent les befoins de leurs concitoyens. Ainfi lorsque le Roi cherche a rappeller la paix et le bonheur , qui la fuit, c'eft alors qu'on croit pouvoir 1'abandonner et lui : refufer les fecours qu'il a droit d'atten» i dre de tous. Le Roi n'ignore pas que plufieurs citoyens , des propriétaires de furtout n'ont quitté leur pays, que paree qu'ils i n'ont pas trouvé dans 1'autorité des loix la prote&ion, qui leur étoit duë. Son :i coeur a gémi de ces désordres; mais ne doit-on rien pas donner aux circonftances ? Le Roi lui - même n'a - t - il pas eu fes chagrins ? Et lors qu'il les i oublie pour ne s'occuper que du bon- i heur commun, n'a-t-il pas droit d'attendre qu'on fuivra fon exemple? Comment 1'empire des loix s'établira t-il, li tous les citoyens ne fe réunilfent pas D 2 au  52 HISTOIRE ET ANECDOTES au chef de 1'état? Comment un ordre ftable et permanent peut-il s'établir et le calme renaitre, fi par un raprochement fincère, chacun ne contribue pas a faire ceffer 1'inquietude générale ? Comment enfin 1'interêt commun prendra-t-il la place des intéréts particuliers, fi au lieu d'étouffer 1'éfprit de parti, chacun tient a fa propre opinion, et préfére de s'éxiier a céder a 1'opinion commune? Quel fentiment vertueux, quel hu térèt bien entendu peut donc motiver ces émigrations? L'efprit de parti, qui a caufé tous nos malheurs, n'eft propre qu'a les prolonger. Franqois, quiavez abandonné votre patrie, revenez dans fon feinï c'eft la qu'eft le pofte d'honneur, paree qu'il n'y a de véritable honneur qu'a fervir fon pays et a deifendre les loix. Venez leur donner 1'appui que tous les bons citoyens leur doivent. Elle vous rendront a leur tour ce calme et ce bonheur, que vous chercheriez envain fur une terre étrangere. Revenez Jonc et  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 53 et que le coeur du Roi cefle d'ètre dcchiré entre ces fentiments; qui font les mèmes pour tous, et les devoirs de la iRoyauté, qui 1'attachent principalement a ceux, qui fuivent la loi. Tous doivent le feconder , lorsqu'il travaille pour le bonheur du peuple. Le Roi demande cette réunion pour foutenir fes efforts, pour être fa confolation la plus chere, il la demande pour le bonheur de tous. Penfez au chagrin qu'une conduite oppofce cauferoit a votre Roi. Mettez quelque prix a les lui épargner. Ils feroient pour lui les plus pénibles de itous. Fait au confeil d'etat le 14. Odo, bre 1791. Signé (Louis) et plus bas (de Leflart.) Pour copie conforme a Poriginal écrit de la main du Roi. (de Leflart.) D iij S. M.  54 HISTOIRE £T ANECDOTES S. M. non contente de Jfc&aVÏ faire Parafe cette proclamaFreres. t,on» qui étoit 1'exprefïioii véritable de fes fentiments écrivitle 16. Odob. 1791. la Lettre fuivante aux Princes fes Freres: "J'aurois cru que mes démarches aupres de vous, et 1'acceptation que j'ai donnée a la Conftitution fuffiroient fans un ade ulterieur de ma part, pour vous déterminer a rentrer dans le Royaume, ou du moins a abandonner les projets, dont vous paroilfez ètre occupés. Votre conduite depuis ce temps devant me faire croire que mes intentions réelles ne vous font pas bien connuës, j'ai cru devoir a vous et a moi de vous en donner 1'affurance de ma propre main. Lorsque j'ai accepté fans aucune modification la nouvelle Conftitution du Royaume, le voeu du peuple et le défir de la paix m'ont principalement déterminé. J'ai cru qu'il étoit temps que les  SE LA REVOLUTION FRANqOISE. 55 iles troubles de la France euflent un ter> ine: et voyant qu'il étoit en mon pouvoir d'y concourir par mon acceptation, : je n'ai pas balancé a la donner librement Et volontairement. Ma réfolution eft ji invariable. Si les nouvelles loix exigent 1 des changement- , j'attendrai que le Items et la reflexion les follicitent; je Mas déterminé a n'en provoquer et è. 1 n'en fourfrir aucun par des moyens conl traires a la tranquillité publique, et a ii la loi que j'ai acceptée. Je crois que les motifs, qui m'ont : déterminé doivent avoir le même emj pire fur vous. Je vous invite donc a fuivre mon exemple. Si, comme je n'en doute pas, le bonheur et la tranquillité de la France vous font chers, ] vous n'héfiterez pas par votre conduite i a les faire renaitre, en faifant ceffer les inquiétudes, qui agitentles efprits, vous aflurerez 1'avantage aux opinions-fages et modérées, et vous ferviroz efficacement lebien, que votre éloiguement et D iv les  56 HISTOIRE ET ANECDOTES les projets qu'on vous fuppofe, ne peu^ vent que contrarier. Je donnerai mes foins i ce que tous les Francois, qui pourront entrer dans le Royaume, y jouïnent paifiblement des droits, que la loi leur reconnoit et leur aflure. Ceux qui voudront me prouver leur attachement ne balanceront pas. Je regarderai 1'attention férieufe, que vous donnerez a ce que je vous marqué, comme une grande preuve d'attachement envers votre frere et de fidélite envers votre Roi, et je vous faurai gré toute ma vie de m'avoir épargné la néceffité d'agir en oppofition avec vous, par la réfolution inviolable, oü je fuis de maintenir ce que j'ai annoncé. Signé (Louis.) MijltxioHt. Cette Proclamation et les Lettres qu'on vient de rapporter avoient été finon rédigées au moins approuvees et même corrigées par S. M M. Bemand de Mollevüle dont le té- moi-  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 5? moignage eft irrépfochable Pa confirms folemnellement dans la lettre, qu'il a écrite au Préfident de la Convention, lors du jugement du procés de Louis XVI. mais un Bandeau fatal couvroit les :yeux des ennemis de Ia Conftitution; ;fans caleuler les fuites d'une démarche ;auffi eflentielle, on abandonnoit fon Souiverain, fon état, fa familie, fa fortune, fa patrie pour errer fans confidération idans les pays étrangers et courir aprés 1'éfpoir incertain de récupérer des droits Ktigieux , profcrits dans Popinion de tous les peuples et des diftindlions chii mériques, dont un homme fenfé doit connoitre la futilité. Le ehemin de !Coblentz étoit appellé le ehemin de 1'honneur. Quel nom méritoit dont le i| pofte dangereux, qu'occupoit le Souve; rain et ceux, qui par refped pour fes i ordres, par attachement pour fa perfoni ne s'étoient voués a fuivre fon fort et celui de la Monarchie? Quelques perfounes prudentes et qui étoient inftruites des véritables in. D v ten-  58 HISTOIRE ET ANECDOTES tentions de S. M. prirent Ja liberté de confeiller aux princes de déférer a Fin* vitation, qui Jeur étoit faite de la part de leur frere. Cette conduite auroit pu avoir les plus heureux fuccès, Ja grande majorité des Franqois Peut accueillie ' avec entlioufiasme; Ie parti Royalifte fortifié par un grand nombre de Conrtitutionels, dont les principes étoient encore vacillans, auroit acquis Ia prépondérance Ia plus décidée, la fadion républicaine eut été anéantie , et peut être au bout de tres peu de temps le monarque auroit recouvré fucceflivement les branches de fon autorité , dont les nou vel. les loix avoient paralifé 1'exercice. Ceux, qui environnoient les Princes, leur repréfenterent Jeur rentrée dans le Royaume a cette époque, comme une démarche indigne de Jeur rang et de leur caradère. L'éfpoir d'être foutenus par les puiifances étrangéres et de trouver dans la France beaucoup de partifans, des places point approvifïonnées, une ar- i mée désorganifée les engagea a renon- cer <  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 59 eer a des vuës modérées et pacifiques, qui leur euffent concilie a jamais 1'affeöion du peuple Franqois. Ils continuerent a s'occuper de Porganifation de leur ,armée et des préparatifs hoftiles, qui deivoient fuivant leur opinion leur faire irecouvrer avec éclat leur rang, leurs i droits et 1'ancienne fplendeur de leur maifon. Les Princes répondirent „ » , T j' Rêponfe des en confequence a la Lettre de Frriucefm S. M. Sire! Nous avons requ la Lettreque V. M. a eu la bonté de nous écrire: nous n'éxaminerons point, fi en effet V. M. a acepté librement la Conftitution, qui lui a été préfentée; 1'Europe entiére fait a quoi s'en tenir. Nous ne difcuterons point cette Conftitution, dont les principes font auffi erronès qu'impolitiques , et nous nous contenterons de penfer qu'elle eft Pouvrage des fadieux, qui n'avoient ni  60 HISTOIRE ET ANECDOTES m miffion, ni droit de la faire. Nous demandons encore a V. M. la permiffion de lui faire obferver, qu'dle n'eft quufufrumere de fon Empire, qu'eJJe en doit compte a fes Succe/feurs, efc quelle eft tenue de la leur transmettre tel qu'elle Pa recu des Rois nos ancetres. D'aprés ces réflexions, Sire. qui certamement font aprouvées par tout bon Franqois, nous ne pouvons vous diffimuler la détermination, ou nous lommes, d'employer tous les moyens qui f0„t en notre pouvoir, p0ur ré! tablir votre tróne, que des féditieux ont ebranle jusques dans fes fonde. wents, et pour lui rendre fa confï. fience et fa fplendeur, afin que S M et fes defcendants en jouïffent, comme en ont joui les Rois vos prédéeefreurs. Nous finirons, Sire, par protefter k V. M. qu'elle n'a pas de fujets plus fideles que nous, et que «otre venération pour fa perfonne fa. eree eft égale a 1'attachement fans bor- nes,  i DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 6l ïes, que nous lui avons voué> et que nous lui conferverons jusqu'a notre dertiier foupir. Signè (Louis-Stanislas-Xavier.) (Charles Philippe,; f Coblentz ce 16. Nov. 1791- Peu aprés la cloture de jpaftemblée eonftituante envi- R(flt*ms, ton trois cent députés firent paroitre et circuler dans les pais étrangers une proteftatio-n volumineufe contre Padie conftitutionel et en général contre tous les decrets de PaiTemblée nationale. Les bornes de eet ouvrage ne permettent !|pas de raporter cette producuon, mais. Jon croit devoir citer la lettre du Marjquis de la Queuille a S. M. qui contient 1'expreffion générale des fentimens de la (noblefle émigrée, dont il étoit un des chefs. Le Marquis de la Queuille député i de la Noblefle d'Auvergne et f un des plus zélés deffenfeurs des droits de fon ordre  62 HIST01RE ET ANECDOTES ordre, fcrupuleux obfervateur de fes mandats et fidéle a fes commettans avoit quitté l'affemblée en Juillet 1789. lors de la réunion des chambres, ainfi que je Pai déja obfervé précédemment. Depuis cette époque fa conduite avoit toujours cté conféquente a fes principes, et s'il eut eu beaucoup d'imitateurs, la noblefle Francoife, fans avoir peut être affez d'influence pour changer la face des affaires , auroit au moins mainteuu fon vrai caradére et obtenu la confidération, qui lui auroit été duë. La légéreté, Pinfouciance, la crainte, 1'intérêt et les manoeuvres des novateurs femerent bientöt la divifion parmi tous les gentils-hommes du Royaume. Chaque individu fuivit une impulfion différente et le corps de la Nobleffe au lieu de préfenter une réfiftence paffïve qui Pauroit couverte de gloire, fe divifa en partis, en fadions, préfentant a chaque inftant des opmions vacillantes, qu'on croyoit couvnr ou pouvoir faire oublier par des proteftations. C'eft ainfi que les députés  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 63 ;és de la Noblefle Francoife qui pouivoient au moins oppofer au torrent la forqe d'inertie, en fe retirant d'un commun accord dès 1'inftant, oü on projet;toit la réunion des ordres , qui faifoifc perdre a la convocation le caradtére id'états généraux , négligerent Ia plus :belle occafion de frapper de nullité les opérations de l'affemblée nationale , et de mériter aux yeux de toutes les natious de 1'Europe des titres a 1'immorItalité. La Lettre du Marquis de Lettrt itt , „ .„ / . Marquis dt la Qiieuüle etoit conque en ces la oueviile termes. « 3". M. Sire! Vos fideles fujets n'ont abandonné leur patrie que pour épargner de nouveaux crimes a une nation égarée. 'Votre Noblefle perfécutée fans cefle a vü fes propriétés dévaftées, fes chateaux incendiés, plufieurs d'entre eux ont été : inaifacrés, et tous ont plus ou moins éprouvé  <©4 HISTOIRE ET ANECDOTES éprouvé la fureur d'un peuple trompè par les faélieux, qui vous ont ravi votre autorité. Que vouliez-vous que fit votre Noblefle? Se deffendre? Non fans doute, vous aviez donné un exemple contraire, et dans tous les temps la nobleffe s'eft modelée fur fes Rois: elle s'étoit raifemblée autour du Tróne le 2g. Fevrier: vous 1'avez vue cédant a vos ordres, dépofer en vos mains des armes, qu'elle n'avoient prifes que pour votre derfenfe. Son devoir étoit de vous entourer dans ces funeftes moments, qui depuis le 4. Oclob. ont fait de la capitale de la France la prifon du meilleur des Rois. Mais vous avez paru défirer qu'elle s'éloignat pour votre fureté, vou- \ lant oter jusqu'au moindre prétexte k tous les fcélérats, qui vous tenoient captif. Non, Sire, vous ne pouvez regarder comme vos vrais amis ceux, qui obéiroient a une proclamation, que vos géoliers vous ont forcé de figner, comme ils vous ont forcé d'accepter leurs cri- j mes et leurs erreurs, qu'ils ont apellés Con-  DE LA REV0LUT10N FRANCOISE. 65 Conftitution. Nous refpe&ons trop votre ■Wajefté pour 11e pas attefter qu'elle désiprouve autant que nous cette prétentuë Conftitution, qui attaque en même temps votre Religion et votre puiflance. aotre Roi pourroit - il jamais avoir ac;epté d'ètre le chef du fchisme et de par:ager le ridicule délire de ceux, qui ont :ru abolir la noblefle. 11 n'a jamais perdu de vuë le ferment de fon facre, et fon voëu eft configné dans la déclaration du 23. Juin; quelles loix V. M. veutelle que nous lui aidions a foutenir? Rien de ce qui eft émané de cette affemblée illegale ne peut porter ce nom augufte. Qu'on nous rende nos anciennes loix, nos Magiftrats, qui en ;|étoient les dépofitaires; notre Roi, qui jen étoit le chef; et votre Noblefle vous jayant a fa tête rentrera dans fa patrie, ipour y rétablir 1'empire de ces loix, qui lont fait le bonheur des Franqois peni dant 1400. Ans. Le bonheur n'eft ni dans notre paitrie, ni dans le pays, que nous habiT.V.Sett.1. E tons'  66 HISTOIRE ET ANECDOTES tons; nos coeurs fans ceffe occupés de notre Roi et de la France, les contemplant avec douleur entre la banqueroute et la famine, perfécutés par une troupe de fadieux que nous voulions punir ou diffiper. Ah! Sire, nous connoiflbns vos chagnns et voudrions les faire ceifermais nous fommes fürs de les accroitre' ii nous obéüTons a une invitation, qui ne peut être émanée de vous. On faifira nos biehs, on les dévaftera: n'importe, par notre conduite ferme et foutenue nous fauverons votre honneur et le notre. Le temps fans doute n'eft pas éloigné, oü votre nobleffe rentrera fous la conduite de vos auguftes freres; chaque chofe fera remife a fa place, ec fon plus beau moment fera celui, oü,après vous avoir rendu votre tróne, elle pourra vous donner des preuves de fon obéïlfance, de foji refped et de fon amour. Alors votre nobleife oubliera fes malheurs, mais noubliera jamais les votres. Signé (Le Marquis de la Queuille.} Ce 27. Oéioh. 1791. J Le  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 67 Le féjour des Franqois , émigrés dans les pays-bas, ; 1'appareil militaire, quüs émigrés dans i choient k déployer dans plu- UsPays-bas. fieurs villes, oü ils s'étoient : réunis, donnerent lieu a quelques me: fures de précaution de la part du gou1 vernement. L'empereur Leopold avoit j jugé a propos dans les circonftances de> voir adopter la plus exaéte neutralité, •i fans favorifer en aucune maniére les 1 plans et les efpérances des princes ex1 patriés. C'eft en confequence de ces , principes que le Miniftre plenipotentiai{ re de S. M. G. répondit a M. de Laqueuille rélativement a quelques queftions, qu'il lui avoit faites de la maniére fuivante. En réponfe aux deux nottes de M. le Marquis de la Queuille renfermant 1'une quatre, 1'autre cinq demandes j'ai 1'honneur de le prévenir. io. Qye le gouvernement ne peut condefcendre k 1'établiifement d'un recruteur Franqois ni a Henry - qhapelle, E ij ni  68 HISTOIRE ET ANECDOTES ni dans un autre point de la domination de Pempereur aux Pays-bas, paree que cela croiferoit la recruë, qui fe fait pour les Régiments nationaux au fervice de S. M. qui depuis les troubles font encore loin du complet. a'o- que tout Franqois muni de paffeport peut traverfer les pays-bas fans difficulté, pour aller ou bon lui femble; mais que des transports répétés de if hommes pourroient donner lieu a plus d'un inconvenient: que furtout il feroit impoffible de permettre qu'ils paffaifent armés, et fous la forme ou la dénomination de transports pour des Régiments, qui n'ont pas d'éxiftence légalement reconnue dans le Royaume de France. 50< Tout Officier Franqois peut fe rendre dans la province de Luxembourg, et y féjourner pour telle affaire particuüére que ce puilfe être, pourvü qu'il fe légitime par les formalités ordinaires, et qu'il ne donne pas a fes rélations Pair d'une miffion, ou commiffion quelconque. 40.  de la revolution francoise. 6q 40. On a déja eu l'honneur de prévenir M. le Mis- de la Queuille que les Franqois raverfant les états de 1'empereur aux Pays - bas fans palfeports feroient a confiderer comme déferteurs, et rendus comme tels, s'ils étoit réclamés jégalement en vertu d'un cartel: c'ft un principe, dont on ne peut pas dévier. 50. J'ai déja fait connoitre a M. le Mis- de la Queuille qu'il ne feroit pas au pouvoir de L. A. Royales de confentir a aucun ralfemblement de Franqois gemils- hommes, Officiers ou autres. Je le requiers inftamment d'éviter foi~ gneufement tout ce qui pourroit donner eet air-la au féjour deMM.Jes Franqois réfugiés, afin que le gouvernement ne fe trouve pas dans le cas d'ètre interpellé, ou forcé par fes propres relations, a s'opofer formellement a une chofe, qu'il ne peut pas tolérer, et qui fort entiérement des lois de 1'Hofpitalité et de 1'azile, qu'il eft jaloux d'obferver et de faiire obferver. E iij Note  7 O HISTOIRE ET ANECDOTES Note a M le Duc cïUzez. Le Gouvernement général étant informé que M. M. les Officiers Franqois continuent a fe réfugier en trés grand nombre dans les Pays - bas, qu'ils s'y raffemblent dans des villes et bourgs de la frontiére, qu'ils y font des corporations nouvelles diftingués par des uniformes nouveaux, et qu'ils font des exercices et évolutions militaires, qui, bien qu'elles ne foient pas armées, ne laiflent pas que de produire une fenfation trop forte pour 1'état de fermentation, oü les troubles de ces provinces ont laiifé beaucoup de têtes, le Miniftre pléni-potentiaire croit devoir prévenir MM. les Franqois réfugiés par la voye de M. le Duc d'Uzez, a qui il a 1'honneur d'adreffès la préfente notte: Qu'on ne peut pas tolérer que. MM. les Franqois fe raffemblent au bourg d'Antoin, ni qu'ils fe réuniffent en trop grand nombre dans un même endroit furtout a Ja Frontiére. Qu'on ne peut pas tolérer qu'ils s'exercent en corps, même fans armes, a  DE LA REVOLUTION FRANcOISE. 71 1 des évolurions militaires, et encore moins qu'ils retiennent, quelque part que ce foit, fur le territoire de L. M. des Soldats Déferteurs des Troupes Francoifes, et qu'on chargera les Officiers Commendants les Troupes de 1'Empereur de veiller h ces objets, ainfi que xlans tout ce qui pourroit, dans la conduite de MM. les Officiers Franqois, s'étendre au de la de 1'Hofpitalité, qu'ils ont réclamée. On a lieu de fe perfuader qu'ils ne voudront pas s'écarter de ce qu'ils doivent a l'azile, qui leur a êté accordé. Les Villes et Bourgs du Roeux, de Leur, de Chiévres, de Soignies, de Braine le Comte, d'Enghien, de Leflines en Hainaut, de Nivelles, de Wilvorde et autres en Brabant, nombre de Bourgs et Villes dans la Flandre fpurniffent a MM. les Officiers réfugiés des habitations commodes, et toutes fortes de facilité a fe procurer a bon marché les i vivres, uftencils et meubles néceffaires a leur féjour pafTager. E iv Quoi-  7 2 HISTOIRE ET ANECDOTES Qiioique les émigrés Plaintes du Franqois jouïflants de quelque ment Gêné- conhderation fuflent préfentés, et requs avec diftinétion par L. A. R. et dans les autres cercles a Bruxelles, ces démonftrations de fimple politeue ne devoient en aucune maniére faire conclure que la cour de Vienne füt difpofée a favorifer les raifemblements et les projets hoftiles des émigrés. Un fait qui arriva au mois d'Octobre donna lieu a une nouvelle notte de la part du Gouvernement des Pays-bas, oü les intentions du fouverain a leur égard fe manifeftoient clairement. Cette notte du Miniftre étoit conque en ces termes: Je ne puis cacher a M. le Marquis de la Queuille le mécontentement extréme des Séréniflïmes Gouverneurs généraux fur un fait; qui vient d'être porti a leur connoiffance : deux Officiers du Régiment de Berwick font arrêtés a Oftende pour avoir enrölé (des fujets de Pempereur: une démarche auffi in- jurieufe  DE LA REVOLUTION FRANCHISE. 73 jurieufe a 1'autorité de S. M. et aux droits de toutes les puüTances, en contravention au cartel, eft furtout fingu! liérement déplacée , aprés les principes manifeftés par le Gouvernement fur les i bomes dans lesquelles on entendoit cir; confcrire 1'Hofpitalité, dont MM. les ré. fugiés Franqois jouïffent: auifi L. A. R. f ont - elles ordonné de pourfuivre les icoupables fuivant toute la rigueur des i ordonnances , et c'eft a regret que je I rne vois obligé de prévenir M. le Mariquis de la Queuille, que ce fait venant a 1'appui des rapports, qui ont été fait i précédemment au Gouvernement géneral fur des compofitions de corps, fur les armements et les deffeins des Offi| ciers Franqois réfugiés, déterminera né; ceifairement a une furveillance plus ri: goureufe; a cette occafion je ne puis que i répéter ce que j'ai déja eu 1'honneur de i notifier plus d'une fois a M. le Marquis de la Queuille: le Gouvernement généi ral ne peut ni fouffrir , ni diflimuler, ; que le territoire de 1'Empereur aux PaysE v bas*  74 HISTOIRE ET ANECDOTES bas ferve de point de ralliement pour une invafion quelconque, ou pour des mouvement* hoftües contre aucun état voifin: les généraux de S. Al. ne pourroient fe difpenfer de fuivre les loix gé nerales pour s'y oppofer, et ceux, qui entreprendroient quelque tentative ou trame de ce genre, devroient s'en prendre a eux mêmes des mefures facheuies, qu'ils auroient provoquées , en s'écartant des regies prefcrites comme condition première a 1'Article, qui a été accordé a MM. les Franqois réfugiés. Difcujpomè . t Pendant que le Miniftére VAfcmbUi impérial prenoit ces mefures tSSJ Prudentes Pour éviter tout fution. ïet de mpture ou de mésintel- ligence avec le Gouvernement Franqois, l'affemblée nationale après avoir formé fes différens bureaux et comités s'occupa fur le champ de porter une loi contre 1'émigration. Cette affaire importante occafionna de grandes difcuffions: plus de 60. membres s'étant fait mlcrire pour ayoir Ja parole. M.le  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 75 M. le Quinio, qui paria le premier divifa fon difcours propofées en quatre Queftions: !«• doiton arrêter les Emigrations? 2 o. doit-on punk lesEmigrans? 3°- de quelle maniére doit-on les punir? 4°y a-t-il quelques précautions a prendre contre les tentatives des Émigrés? Quant a la première queftion M. le Quinio prouva qu'il étoit contraire aux principes de 1'alfemblée d'arrèter les émigrations, et que cela étoit më„ me oppofé a fon intérêt. H prétendit et avec fondement que ceux, qui s'expatrioient étoient véritablement des en. nemis de la Conftitution, que des loix févéres ne pourroient faire changer leurs principes, qu'il étoit en conféquence plus avantageux de les voir hors du Royaume , que de les y retenir pour y fomenter des troubles et la divifion. • A 1'égard de la feconde queftion il diftingua plufieurs claifes d'Emigrés. La première compofée des gens foibles entrainés par la crainte, 1'éxemple, la fé- dudtion  76 HISTOIRE ET ANECDOTES dudion ne pouvoit encourir aucune pu- ! «mon, puisqu'ils ne faifoient qu'ufer du droit de liberté générale: la feconde clafle compofée de ceux, qui étoient revetusdemplois, qui rompoient illégalement des engagements facrés, de ces parjures,^ qui quittoient les drapeaux de la liberte pour aller fe ranger fous les etendards du defpotisme et expofoient I armee au trouble et au désordre. La peme qu'il propofa pour ceux, qui forfflojent cette feconde daflè fut de les declarer incapables de toutes fondions Pubbques, et de les priver de tous les droits de citoyen: enfin il cita une troi. lieme clafle d'émigrés compofée de ceux, qui oferoient entrer a main armée dans leur patrie. II ajouta que, quoiqu'il fut connu que plufieurs d>entre eux avoiem ce projet, les intentions ne pouvoient être punies comme le fait; mais qU'a fuppofer qu'ils 1'éxécutaiTent, le premier coup tire contre la France feroit le jufte %nal de Ja confifcation de leur biens. Qyant a Ia quatriéme queftion réJative aux  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. H aux précautions a prendre contre les émigrés, 1'orateur crut que le meilleur moyen pour déjouer leurs entreprifes étoit que l'affemblée remplit avec fageffe et fermeté la miffion, qui lui étoit confiée, fans fe laiffer entrainer par les terreurs de la multitude, ou rallentir fon zéle par les fuggeftions des agents du pouvoir exécutif. II invita en même temps l'affemblée è faire hater les remplacements dans 1'armée et a nommer des commiifaires pour vifiter les frontiéres, : en confrater 1'état et calmer les inquiétudes du public. M. de Monteze paria dans le même i fens et confeilla d'adopter des mefures i modérées. Le projet de decret qu'il ( propofa confiftoit a ajourner la délibéra:; tion fur le fait de 1'émigration , et a charger le comité militaire de préfenter 1 une loi pénale contre les Officiers Dé1 ferteurs. MM. Cretin et Briffot de I Warville furent d'un avis con- BrijfoU traire. Le premier prétendit que  78 HISTOIRE ET ANECDOTES que la liberté, dont on invoquoit les principes, ne donnoit pas le droit de faire ce qui peut nuire a autrui, que quoique les émigrés n'euffent encore rien tenté, leurs projets hoftiles n'en étoient pas moins connus. II proposa d'accorder une récompenfe aux citoyens, qui découvriroient des complots extérieurs ou intérieurs contre la fureté du Royaume, et de renouveller les difpofitions du decret du premier Aouft, qui tendoit k faire fupporter aux émigrés une partie de la furcharge, qu'occafionnoit aux autres citoyens la défenfe et la garde de leurs proprietés. Le difcours de Rriffot fit encore plus d'impreifion ; il fe permit les déclamations les plus hardies contre les Princes et les Chefs des émigrés, il foutint que c'étoit eux qu'il falloit punir fans qu'aucune confidération de familie ou d'état dut arrêter la vengeance nationale, que fi 1'aifemblée déclaroit crime de leze-nation tout payement, qui leur feroit fait et ordonnoit la confifca- tion  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 79 tion de leurs biens, ils feroient bientöt abandonnés par leurs courtifans. II cita Fexemple des Anglois, qui dans diverfes circonftances avoient forcé les puiifances étrangéres de chaifer les Princes Anglois de leurs états. II crut que la :France pouvoit employer le même raoyen, fans que les agents du pouvoir exéicutif puffent aporter aucun retard a 1'éixécution des loix, car le Roi d'un peu.ple libre, dit BrüTot, n'a point de familie, ou plutöt fa première famiJle eft le peuple, qui lui a confié fes intéréts. Dans la feconde partie de fon difcours Briifot examina les difpofitions et les moyens des différentes puiffances de 1'Europe, et d'aprés eet aperqu il conclut que la France n'avoit rien a redouter de leur efforts particuliers, mais qu'elle deivoit prévoir et prevenir leur concert et leur accord pour attenter k fa liberté. Le projet de decret, qui terminoit fon difcours portoit en abrégé: qu'on feroit arevivre les loix propofées par Palfemblée «onftituante contre les émigrés; qu'a 1'égard  8 O HISTOIRE ET ANECDOTES 1'égard des Princes ils feroient déclarés déchus de tout traitement, fi dans léfpace d'un mois ils ne rentroient pas en France; que tout payement, qui leur feroit fait; feroit déclaré crime contre la patrie, et que, s'ils foulevoient contre Pétat les puiflances étrangéres , ils fe. roient déclarés coupables et jugés par la haute cour nationale. A 1'égard des puiflances du dehors Briflbt propofa que 1'aifemblée devoit fe réferver de prendre des mefures de fureté générale d'aprés le rapport du comité diplomatique. M. Ramond (traducleur des Lettres de Coxe fur la Suiife) paria en faveur de la tolérance et releva plufieurs inconféquences et erreurs hiftoriques du difcours de Briflbt. M. Dumas s'éleva contre tout decret contre 1'émigration en propofant feulement qu'on punk les Officiers déferteurs. Les députés des deux Départements du Rhin firent un rapport peu erfrayant de Pétat et de la fituation des rafiemblements des émigrés. Ils affirmerent que toutes  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 8l itoutes leurs forces confiftoient en 4 i 500 hommes raifemblés prés du Cardinal de Rohan et 6 a 700 prés de M. le Prin:ce de Condé et de M. le Comte d'Artois la plupart mal vétus et fans armes. Plufieurs membres parierent pour |ct contre le projet de decret de Brufot; le point de la difficulté parouToit de concilier la liberté indirfiduelle accordée patik conftitution, avec les mefures qu'exi! geoit le falut de Pétat. Dans le nom! bre des orateurs, qui fe firent entenI dre, on diftingua MM. de Condorcet et Paftoret. Le pre- Avis de M. 1 de Condormier paria pour les voyes de cet et Fam rigueur: "Si vous montrez, floret. , „dit-il, de Pindulgence et de | „la foibleife, lorsqu'il ne faut montrer , „qu'une févére juftice, fi vous accordez I „un pardon, qu'on ne vous demande „point, vous ferez croire que vous êtes „plus occupés de Pintérêt de quelques „families que du falut du peuple.,, J Le projet de decret propofé par M. de Condorcet étoit de forcer tous les émi- XV. Sett.L F Sré*  %2 HISTOIRE ET ANECDOTES gres i prèter le ferment civiqtie dans un délai prefcrit, de les faire expliquer pofitivement fur leurs intentions, et de fequeftrer leurs biens, s'ils fe montroient réfradaires. Les conclufions de M. Paftoret furent a peu prés les mëmes. M. Vergniaud envifagea la queftion fous* tous fes afpeds. En parlant des Chefs des Emigrès, il y a, dit-il, dans la Conftitution une difpofition, qui concerne particuliérement le Prince Louis-Sta. nislas - Xavier cy - devant Monfieur. L'ordre de fa naiflance 1'appelle a la Régence, fi le Roi venoit a mourir. Vous devez exécuter ce que la Conftitution vous prefcrit, a eet égard. On parle de la douleur profonde, dont fera pénétré le Roi. Brutus immola fes enfans traitres a la patrie. Le cceur de Louis XVI ne fera pas mis a une fi rude épreuve, mais il eft digne du Roi d'un peuple hbre d'acquerir la gloire de Brutus. L'affemblée ordonna 1'impreffion des différens difcours et ajourna la difcuffion de cetté affaire a la féance du 28 Odob. Le temps  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 83 itemps fe perdant en vaines difcuffions, M. Girardin fe borna a demander 1'éxécution de la loi, qui porte que le patent du Roi appellé a la régence fera :tenu de réfider dans le Royaume, fous. ipeine de la déchéance de fon droit. ! Cette propofition fut adoptée fauf réI dadlion. En conféquence le comité de , législation préfenta la proclamation fui, yante d'aprés le texte du decret rendu i le 28. Odtob. qui portoit qu'elle feroit , publiée et afflichée a Paris fous l'éfpace de trois jours. Louis - Stanislas - Xavier | Prince Franqois. L'affemblée nationale vous requiert en vertu ve alt R>„ de la conllitution Franqoife ti- gent. treIII.chap.il. Sedt.HI. Art. 2. de rentrer dans le Royaume dans le délai de deux mois a compter de ce jour, faute de quoi et a 1'expiration du d. délai , vous ferez cenfé avoir abdiqué votre droit éventuel a la régence.^ Cette proclamation ayant été adoptée, la difcuffion s'ouvrit fur les Articles F ij du  84 HISTOIRE ET ANECDOTES du decret qu'on devoit rendre contre les autres émigrans et après de vifs dé bats, le comité de législation eut ordre de prefenter un projet, qui fut ad é k la feance du $. Novemb. malgré les reclamations de plufieurs membres, qui cnerent a la vexation. a Ja tyrannk Le decret etoit coneu en ces termes. ■Decreten. rA> L'aflemblée n«ionaIe contreiesEmi- 1]dera"t q»e la tranquillité et grés. la fureté du Royaume lui com- mandent de prendre des mefures promptes et efficaces contre les irancois , qui malgré 1'amniftie ne cefient de tramer contre la Conftitution hors du Royaume, et qu'il eft temps enfin de reprimer févérément ceux, que lindulgence n'a pu ramener aux devoirs et aux fentiments de citoyens libres a declare qu'il y a urgence, et le decret d urgence (*) préalablement rendu a decreté ce qui fuit: f * \ t • «• Art. < ) Laffetnblée ufoit trés frequement du ™yen du decret d'urgence pour éviter les trois lectures du decret et les delais prefcrit» par la Conftitution.  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 85 Art. I. Les Franqois raflemblés au de la des frontiéres du Royaume font dès ce moment déclarés fufpeds de conjuration contre la France. Art. II. Si au premier Janvier prochain ils font encore en état de raffemblement, iils feront déclarés coupables de conjuration: ils feront pourfuivis comme tels et punis de mort. Art. IIL Quant aux Princes Franqois et aux fonclionnaires publics, civils, et militaires, qui 1'étoient a 1'époque de leur fortie du Royaume, leur abfence a 1'épo- j que cy-deifus citée du premier Janvier 1792. les conftituera coupables du mème crime de conjuration contre la patrie; i.ils feront punis de la peine portie dans i le précédent Article. Art. IV. Dans les quinze premiers jours du i mème mois de Janvier la haute cour nationale fera convoquée s'ils y a lieu. F iij Art.  86 HISTOIRE ET ANECDOTES Article V. Les revenus des conjurés condam. nés par contumace feront pendant leur vie perqus au profit de la nation, fans préjudice des droits des femmes enfans et créanciers légitimes. Art. VI. Dés a préfent tous les revenus des Princes Franqois abfents du Royaume feront féqueftré. Nul traite m en t, penfion ou révenu quelconque ne pourra être fait direclernent, ni indireöement auxd. Princes, leurs mandataires ou délégués, jusqu'a ce qu'il en ait été autrement ordonné par 1'aifemblée nationale, fous peine de refponfabilité, et de deux années de chaine contre les ordonnateurs et payeurs. Aucuns payements de leurs traitements et penfions ne pourront pareillement, et fous les peines cy-deifus portées être faits aux fonöionnaires publiés, civils et militaires et penfionnaires de Pétat émigrés, fans préjudice de 1'éxécution des decrets du 4e. Janvier 1791. Les  DE LA REVOLUTION FR.ANC.OISE. 8? Les Art. VIL VIII. IX. et X. contiennent quelques difpofitions de détail. Art. XI. Tout Officier militaire, de quelque grade qu'il fint, qui abandonnera fes fondions fans congé ou démiffion, i acceptée, fera réputé coupable de défer. tion, et puni comme le Soldat défer• teür. Les Miniftres feront tenus de donder a 1'aifemblée Nationale, tous les mois la lifte des congés qu'ils auront ex' pédiés. Quant aux Officiers généraux, > Officiers, fous Officiers et Soldats foit i de ligne, foit de gardes nationales, en : Garnifon ou fur les frontiéres , ils ne i pourront les dépaffer , même momentanément, fous quelque prétextexte que ce puufe être, fans encourir la peine portée par le préfent Article. Art. XII. Inutile a raporter. Art. XIII. Tout Franqois, qui hors du Royaume ambauchera et enrolera des individus, pour qu'ils fe rendent aux raifemF iv ble-  88 HISTOIRE ET ANECDOTES blements énoncés dans les Art. i. et 2 du préfent decret, fera puni de mort conformement a la loi du La mê¬ me peine aura lieu contre toute perfonne, qui commettra le même crime en france. Art. XIV. L'aifemblée nationale charge fon comité diplomatique de lui propofer les mefures, que le Roi fera prié de prendre au nom de Ia Nation, è 1'égard des puiflances etrangeres Iimitrophes, qui iouftrent fur leur territoire les raflemblements des Franqois fugitifs , et le rap Port du comité en fera fait dans trois jours. Art. XV. L'aflemblée Nationale déroge ex preflement aux loix contraires au préfent decret. Art. XVI. > Le préfent decret fera porté dans ie jour a la fanclion du Roi. L'inju-  DE LA REVOLUTION FRANcOISE. 89 L'injuftice de ce decret fe manifefte au premier afpedt et Réfléxhns. prouve quel étoit 1'efprit, qui. dominoit dans raiTemblée. Conformément iaux nouvelles loix on ne pouyoit décréiter aucune peine contre les émigrés, a moins qu'ils ne füflent fufpedtés de tramer des complots contre la patrie. ^ La. connoiflance de ce fait appartenoit a la haute cour nationale, et l'aflemblée 11e pouvoit légalement accufer et juger, ainfi qu'elle s'en arrogeoit le droit. Cette ufurpation de pouvoir allarmoit les vrais amis de la liberté. Ce decret étoit d'ail; leurs en oppofition manitefte avec la proclamation , qui accordoit deux mois a , Monfieur frere du Roi, pour rentree \ dans le Royaume , ou renoncer a fon ! droit éventuel a la régence. i S. M. frappée de ces inconfé; quences et de la barbane de Üioner le :! cette loi y refufa fa fandtion, decret. 5 elle efpéroit calmer les efprits i et les ramener par des moyens plus doux. Le Miniftre de la juftice parut a f v 1'aflem-  90 HISTOIRE ET ANECDOTES l'affemblée le 12. Novemb. et après s'êtrej fervi de la formule prefcrite pour le refus de la Sancuon; (fa Majefté examinera) il ajouta que f] fon aprobation eüt ete divifible, elle auroit volontiers ad. mis quelques difpofitions de la loi. Cette déclaration irrita la fadtion républicai. ne , qui prétendit que déclarer les mom du refus feroit ufurper 1'initiative fur la décifion des législatures fuivantes. Les debats continuerent, le Miniftre les termina en déclarant que S. M. 1'avoit chargé d'inftruire l'affemblée des mefures, qu'elle avoit prifes , qui pourroient a- 1 voir le même effet que le decret fans avoir une exécution aufli rigoureufe Cette ouverture ne fut point accueilliel ne portant pas le caradére d'un meffage ügné du Roi et contrefigné par le Miniftre. L'affemblée lui refufa la parole. On ignoroit donc quelle étoient les mefures indiquées, lorsque le lendemain i3. Novemb. ou vit paroitie une proclamation qui mérite d'être recueillie, paree qu'elle prouve évidemment la bonne foi du  ( DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 01 lu Roi, fon amour pour la juftice, la liberté et la tranquillité publique. Cet:e piéce interreffante étoit conque en bes termes. proclamation du Roi de 12. 9bre 1791- Le Roi n'a point attendu jjusqu'a ce jour pour mande- tion du Roi , fter fon improbation fur le mou- p our rappel- • • „ ntii Ier les émt- ivement, qui entraine et qui ^ retient hors du Royaume un grand nombre de citoyens Franqois. ! Mais après avoit pris les mefures conve, nables pour maintenir la France dans un >: état de paix et de bienveillance réciproque avec les puiffances étrangéres, et pour mettre les frontiéres du Royaume a 1'abn de toute invafion, S. M. avoit cru que les moyens de la perfuafion et de la douceur feroient les plus propres a ramener dans leur patrie des hommes, que les divifions politiques, et les querelles d'opinion en ont principalement écartés. Quoi-  92 HISTOIRE ET ANECDOTES Quoique le plus grand nombre des Franqois émigrés n'eut point paru changer de réfolution depuis les proclamations et les démarches du Roi, elles n'avoient cependant pas été entierement fans effet; non feulement 1'émigration s'etoit ralentie, mais déja quelques-uns des. Franqois expatriés étoient rentrés dans le Royaume, et le Roi fe flattoit de les voir chaque jour revenir en plus grand nombre. Le Roi placant encore Ion efpérance dans les mêmes mefures vient de refufer fa fandion a un decret' de l'affemblée nationale, dont plufieurs Articles rigoureux lui ont paru contraner le but que la loi doit fe propofer et que reclamoit 1'intérêt du peuple, et ne pouvoit compatir avec les moeurs de la Nation et les principes d'une Conftitution libre. Mais S. M. fe doit a ellemême et a ceux, que eet ade de la prérogative royale pourroit tromper fur fes intentions, d'en renouveller 1'expreflion pofitive, et de remplir, autant qu'il eft en elle, 1'objet important de la loi, dont  : DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 93 dont elle n'a pas cru devoir adopter les jmoyens. Le Roi déclare donc a tous ceux, 'qu'un erprit d'oppofition pourroit entrai■ner, raflembler ou retenir hors des liimites du Royaume, " qu'il voit non feui„lement avec douleur, mais avec un proCfond mécontentement, une conduite qui „trouble la tranquillité publique, objet „conftant de fes efforts, et qui paroit „avoir pour but d'attaquer les loix, qu'il i!„a confacrées par une acceptation fon „lemnelle.,, Ceux-la feroient étrangement tromI pés, qui fuppoferoient au Roi une auI tre volonté que celle qu'il a publiqueI ment manifeftée, et qui feroient d'une I telle erreur le principe de leur conduite I et la bafe de leur efpoir. De quelque r. motif qu'ils ayent pu la couvrir a leurs ] propres yeux, il n'en exifte plus aujourdI hui. Le Roi leur donne, en exerqant 1 fa prérogative fur des mefures de ri! gueur dirigées contre eux, une preuve ' de fa liberté, qu'il ne leur eft permis ni  94 HISTOIRE ET ANECDOTES ni de méconnoitre, ni de contredire;; et douter de la fincérité de fes réfolul tions, lorsqu'ils font convaincus de fai liberté, ce feroit lui faire une injure. \ Le Roi n'a point diffimulé la dou-J leur, que lui ont fait èprouver les dés-, ordres, qui ont eu lieu dans le Royau-. me, et il a longtemps cherché a croirejl que 1'éfTroi, qu'ils infpiroient, pouvoit ; feul retenir hors de leurs foyers un fi I grand nombre de citoyens; mais on n'a.]! plus le droit d'accufer les troubles de L fa patrie, lorsque par une abfence concertée et des raffemblements fufpeds ! on travaille a entretenir dans fon fein Ir 1'inquietude et 1'agitation. II n'eft plus a permis de gémir fur 1'inexecution des loix C et fur la foibleüe du gouvernement, I lors qu'on donne foi mème 1'exemple f de la désobeiflance, et qu'on ne veut I pas reconnoitre pour obligatoire les vo- I lontes réunies de la nation et de fon I Roi. Aucun gouvernement ne peut exi- M fter, fi chacun ne reconnoit 1'obligation | de I  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 95 de foumettre fa volonte particuliere a la volonte publique. Cette condition eft la bafe de tout ordre focial et la gairentie de tous les droits; et foit qu'on jveuille confulter fes devoirs, ou fes initerèts, peut-il en exifter de plus réels pour des hommes, qui ont une patrie, et qui y laiflent dans fon fein leur faimille et leur propriéte que d'en refpeicler la paix, d'en partager les deftinées et de prêter fon fecours aux loix, qui sveillent a fa fureté ? La Conftitution, qui a fupprimé les diftindions et les titres n'a point exclu ceux, qui les pofledoient des nouveaux nioyens d'influence et des nouveaux honneurs, qu'elle a créés; et fi, loin id'inquiéter le peuple par leur abfence et par leurs démarches, ils s'empreifoient ide concourir au bonheur commun, foit ipar la confommation de leurs revenus :au fein de la patrie, qui les produit, foit en confacrant a 1'étude des intéréts ipublics 1'heureufe indépendance des befoins, que leur alfure leur fortune, ne feroient  96 HISTOIRE ET ANECDOTES feroient-ils pas appelles a tous les avantages, que peuvent départir 1'éftime publique et la confiance de leurs concitoyens ? Qu'ils abandonnent donc des projets, que réprouvent la raifon, le devoir, le bien général et leur avantage perionnel. Francois, qui n'avez ceifé I de publier votre attachement pour vo-I tre Roi, c'eft lui qui vous rapelle dans I Votre patrie; il vous promet la fureté I et la tranquillité au nom de la loi, dont l 1'éxécution fuprêmë lui apartient: il vous I les garantit au nom de la nation, avec I laquelle il eft inféparablement uni, et I dont il a recu des preuves touchantes de L confiance et d'amour. Revenez c'eft le I; voeu de chacun de vos concitoyens, j c'eft la volonte de votre Roi. Mais ce j Roi, qui vous parle en pére, et qui re- j gardera votre retour comme une preuve d'attachement et de fidelité, vous déclare „qu'il eft réfolu de déffendre par „tous les moyens, que les circonftances „pourroient exiger, et la fureté de 1'ém- pire,  « DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 97 ipire,qui lui eft confié, et le maintien :fdes loix, aux quelles fl s'eft attaché Lfans retour. II a notifié fes intentions aux prints fes freres; ü en a donné connoiflance aux puiflances , fur le territoire desquelles fe font formé des raffemblements Se Franqois émigrés; il efpere que fes Eftances auront auprés de vous le foclés qu'il a droit d'en attendre. Mais, El étoit poiïble, qu'elles fuflent vaines, ifachez qu'il n'eft aucune réquifition, quil Irfadrefle aux puiflances étrangéres, quil „'eft aucune loi jufte, mais vigoureufe, • atfil ne foit réfolu d'adopter, plutöt que. de vous voir facrifier plus longtemps a l unc coupable obftination le bonheur de Ros concitoyens, le votre, et la tranj ,quillité de votre pais. Fait a Paris le ia.Novemb. 179*(Sigwé) LOUIS. ( ,lntentlons dans Jeur patrie. Francois du r , ^a Premiere Lettre adreftoisaiuon. jee «Monfieurétoitconcue en /f»r. ces termf»« r ^ . termes. Lettre du Roi è r-,„isFrtr^t!as"XavterPriMe; Tatis le ii. N„v4„. ,7J11 Tuis étniW ventaWes fentiments. Te ^X,q;eei:^ren'aitP-P- employé tousTes „ 0 ifsV° T' «n prétexte pour tL I ï^06 eft »»e f0tte d'éxcufeT malveilJans> oexcuie p0ur tous les Franqois  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 99 fcois trompés, qui croyent me fervir en tenant la France entiére dans une inquiétude et une agitation, qui font le tourment de ma vie. La Révolution eft ifinie, la Conftitution eft achevée, la France la veut, je la maintiendrai; c'eft ide fon affermiïfement que dépend aujourd'hui le falut de la Monarchie. La iConftitution vous a donné des droits j lelie y a mis une condition, que vous i devez vous hater de remplir. Croyezmoi, mon Frere, repouifez les doutes, qu'on voudroit vous donner fur ma li; berté. Je vais prouver par un aéte bien folemnel et dans une circonftance, qui I vous intereife que je puis agir librement. Prouvez-moi que vous êtes mon Frere i et Franqois, en cédant a mes inftances; 1 votre véritable place eft auprès de moi: i votre intérêt, vos fentiments vous conIfeillent également de venir la reprenidre; je vous y invite et, s'il le faut, i je vous 1'ordonne. (Sig»0 Louis. Gij La  100 HISTOIRE ET ANECDOTES Latte ie s. n La Lettre du Roi z M. Ie M. i m. Lomte d'Artois étoit adreifée AArt°«- «ois frere du Roi et de la teneur fuivante. Paris le ii. Novemb. i79i. Vous avez furement connoif&nce du decret que Paifemblée Nationale a en du relativement aux Frangois éloignés de leur patrie. Je ne crois pas d/v" ;onner raoncoilfenteraent) ' , me Perfuader, que les „ovens de dou : ceur rempliront plus efficacement le but ^ qu onfe propofeetque réclame Pint y de Pétat. Les diverfes démarches Ven/" 31ïeS/UprèS de VOUs' - Pei vent vous laffer aucun doute fur mes mtenttons et fur mes voeux. La trT lont mtereflès a votre retour. Vous ne Poumez prolonger une conduite, qü in manquer a vos devoirs les plus eflen. tiels. epargne2.moileregretdecon_ x cou-  i DE LA REVOLUTION FRANCOÏSE. IOI iöurir a des mefures févéres contre vousi confultez votre véritable intérêt; laiffezvous guider par 1'attachement, que vous devez a votre pays, et cédez enfin au ivoeu des Franqois et a celui de votre Roi. -Cette démarche de votre part fera i|une preuve de vos fentiments pour moi et vous aifurera la continuation de ceux, que j'ai toujours eu pour vous. (Szgné) Louis. Lorsque ces Lettres par- vinrent aux Princes Franqois Rêjiixions. tleur détermination étoit piïfe. Rentrer en France fans avoir rétabli les lanciennes loix et les bafes de la Monarchie leur parut une démarche honteufe. . Les facrifices de 1'amour propre font les ! plus couteux , furtout pour des Fran. Itois: et quand mème les Princes auroient été décidés a fe rendre aux défirs de leur Frere, Pidée d'avoir fait perdre leur état et leurs emplois a un grand nombre d'Officiers, qui n'avoient quitté G iij leurs  102 HIStOIRE Et anecdotes leurs drapeaux qu'avec 1'éTpérance pofi. tivé detre employés fous leurs ordres, auroientformé, feule un obftacle infurmontable a toute autre détermination que celle de vaincre ou périr. Une piéce émanée de la Chancellerie de Scheenbornsluft en datte du 30. Odob. prouve quelles étoient alors leurs intentions et1 combien ils étoient éloignés de toute mefure conciliatoire. Cette produdion importante étoit concue en ces termes: Promulgation des Sentiments des Princes Freres du Roi. Indignés des calomnies, Promulga. Par lesquelles on s'éiforce de tSX rendre fufpedt notre am-< Princes. Pour un Frere, et notre foumiffion pour un Roi, que fes malheurs ne nous rendent que plus cher et plus refpedable, nous croyons qu'il ne fuffit pas de livrer ces calomniateurs au mépris qu'ils méritent, mais que nop-e honneur nous engage a publier hau.  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 103 hautement une profefïion de foi, qui fut et fera toujours la notre: "Rétablir le „refped du a la religion catholique et a „les Miniftres: rendre au Roi fa liberté et i„fon autorité légitime; aux différents orl„dres de 1'état leurs droits véritabl es, fon;,,dés fur les loix de la Monarchie, a cha:„que citoyen fes propriétés; au Royaume Lfon antique et immuable conftitution; i „a tous les Franqois et particuliérement i„aux habitans des campagnes la fureté, „la tranquillité et 1'adminiftration de la „juftice, dont on les a privés;,, c'eft 1'unique but, que nous nous propofons et 1 pour lequel nous fommes prêts a veri fer, s'il le faut, jusqu'a la derniére ] goute de notre fang. Jamais aucune ) ambition perfonnelle ne fouilla des vuës 6 aufll pures. Nous 1'atteftons ici fur 1 notre foi de gentils-hommes, et nous j donnons en même temps le démenti le plus formel a toute allégation contraire. (Signè) Louis-Scanislas-Xavier. Charles Philippe. G iv Lee  104 HISTOIRE ET ANECDOTES Les calomnies répanduës 5£S COntre les P"nces dans divers contre us J°»™aüx et écrits publics, et Princes. dont ils fe plaignoient a jufte titre, étoient qu'au moment de leur rentree en France ils s'empareroient de toute 1'autorité royale, en faifant déclarer leur frere incapable de regner; que Monfieur feroit nommé Régent, M *e Comte d'Artois Lieutenant - Général du Royaume ; M. le Prince de Condé Generaliffime et chargé de la diredion de toutes les forces militairesj M de Ca omie premier Miniftre et Chef du ConfeA des fina™«- Quoique la bafe de ce projet hypothétique fut abfurde, il avoit cependant trouvé quelque crédit en France et hors du Royaume.' La Keine, qui avant la Révolution jouiffoit dun credit illimité et difpofoit de beaucoup demplois, fans être convaincuë de la realite de ces bruits, ne put cependant fuporter Pidée de fe trouver réduite a ,ouer un rolle fecondaire, et k Partager 1'autorité, qu'elle avoit eue, avec les  ; DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 10$ iles Princes fes beaux freres, qui en cas de fuccés aurbient été regardés comme les libérateurs de la France. La Conjftitution affuroit au Roi la nomination a un grand nombre de places importantes; la lifte civile confidérable, qui lui étoit alfignée, préfentoit les moyens de fe faire beaucoup de créatures, et peut être même de recouvrer avec le temps fes anciennes prérogatives. La Reine engagea donc le monarque a fe montrer : ouvertement le plus zélé deffenfeur des nouvelles loix et a recouvrer 1'affeöion du peuple par une conduite franche et loyale. 11 eft trés certain qu'a cette époque les projets du Roi et des Princes, au lieu d'ètre concertés, étoient abfolument oppofés. Ceux, qui ont cherché a accréditer le contraire, en répanI dant qu'il exiftoit entre eux des cor' refpondances fecretes, n'ont fait que repeter les calomnies inventées par les ; Chefs de la fadtion républicaine. G v Pour  106 HISTOIRE ET ANECDOTES Promuk*. . P°Ur donner encore plus j tion de kun rte Pubncite a la promulgation fentiments. de leurs fentiments, les Princes 1'envoyerent dans les difterents cantonnements avec un réde ment pour Porganifation des gentilshommes et volontaires, qui fe raflembloient fous leurs étendards. La Lettre circulaire, qu'ils écrivirent aux Com> «andante des Corps et Compagnies, etoit concue en ces termes. 4 Schcenbronsluft ]e 3o. Oftob. l79U Nous vous envoyons, Monfieur, un fecond reglement rélatif a 1'organifa- ' jon des gentils-hommes et volontaires de tous les etats, qui fe ranemblent autour de nous. Vous verre* que nous nous fommes occupés de tout ce qui doit a/furer le bon ordre dans leur fervxce, ainfi que de la tranquillité des habjtans des lieux, ou üs féJOUrneront. Nous profitons de cette occafion pour vous charger de faire connoitre, a tout ce qui compofe votre cantonnement Ia décla-  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 107 Lclaratioft, que nous croyons devoir faire de nos fentiments, pour detrmre 1'impreflion des fauifetés abominables, , qu'on a affeöé, et qu'on affe6te encore ..de répandre fur nos intentions jusqua lofer nous imputer de vouloir profiter , des malheurs et de la captivité du Rol, notre frere, pour nous approprier fon autorité et la conferver. Une fuppofition ;,auffi incompatible avec les fentiments i que toute la France nous connoit, et i avec la conduite, que nous avons toujours tenue, ne mériteroit de notre part . aucune attention , fi les atteliers de menfonge ftipendiés par tous les ennemis de 1'état, et qui font en poifeffion de : tromper le peuple par une diifémination ! de faulfes nouvelles, ne s'éfforqoient pas : d'accréditer ce bruit odieux, non feulei ment par des Articles inférés dans pluI: fieurs gazettes et papiers publics, mais : mème par la citation de prétendus proI pos, qu'ils attribuent a des perfonnages : incapables par leur rang, et fort éloignés par leur efprit de juftice d'adopter des  108 HISTOIRE ET ANECDOTES des idees auffi oppofées a la connoiflance, qu'ils ont de nos principes. Nous avons lieu de croire que 1'éfpêce de pro. mulgation fignée de nous, que vous trouverez a la fuite de cette lettre, fuffira pour détruire 1'éffet de ces exécrables manoeuvres, et nous-vous prions de lui donner autant de publicité, qu'il fera poffible. Nous fommes avec tous les fentiments d'éftime et d'amitiè vos bons amis. (Signé) Louis - Stanislas - Xavier. Charles-Philippe. Les princes ayant recu la feconde Lettre du Roi en datte du '12. Novemb. y firent la réponfe fuivante. ml^t, \ Le«re de Monfieur frere s. ju. du Ro1 a S. M. Coblentz 3. Decemb. Sire, mon Frere et Seigneur. Le Comte de Vergennes m'a remis de la part de votre Majefté une Lettre, dont  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. IOQ dont 1'adreife malgré mes noms de Baptême qui s'y trouvent, eft fi peu la mienne, que j'ai penfé la lui rendre fans 1'ouvrir. Cependant fur fon affertion pofitive qu'elle étoit pour moi, je 1'ai ouverte et le nom de mon frere, que j'y ai trouvé ne m'ayant plus lailfé de doute, je 1'ai luë avec le refpecl que je dois a 1'écriture et au feing de V. M. L'ordre, qu'elle contient de me rendre auprès de la perfonne de V. M. n'eft point 1'expreffion libre de fa volonté ; et mon honneur, mon devoir, ma tendreife même me deffendent également d'y obéïr. Si V. M. veut conoitre tous ces motifs plus en détail, je la fupplie de fe rapeller ma Lettre du 10. Septemb. dernier; je la fupplie auffi de recevoir avec bonté 1'hommage des fentiments auffi tendres que refpedtueux avec lesquels je fuis . Sire mon Frere et Seigneur de V. M. le trés bumble, trés obéijjant et trés fidel fujet et Frere Louis ■ Stanislas - Xavier. Lettre  IIO HISTOIRE ET ANECDOTES Lettre ieM. Lettre de M> je Comte leCte. i'Ar- ,, . . ~ . V, _ toishS.M. d Art01s au Roi ion Frere. Sire! Le Comte de Vergennes m'a remis hyer une Lettre, qu'il m'a afluré m'avoir été adreflee par V. M. La fufcription, qui me donne un titre, que je ne puis admettre, m'a fait croire qu'elle ne m'étoit pas déftinée. Cependant ayant reconnu le cachet de V. M. je 1'ai ouverte. J'ai refpe&é 1'écriture et la fignature de mon Roi; mais l'omiflion totale du nom de frere et plus que tout les décifions rappellées dans cette Lettre, m'ont donné une Nouvelle preuve de la captivité mo. rale et phifique, oü nos ennemis ofent retenir V. M. D'aprés eet expofé V. M. trouvera fimple que fidele a mon devoir et aux loix de 1'honneur je n'obéïife pas a des ordres évidemment arrachés par la violence. Au furplus la Lettre, que j'ai en 1'honneur d'adreflèr a V. M. conjointément avec Monfieur le 10 Sept. dernier, contient les fentiments, les prin-  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. III ïprincipes et les Réfolutions, dont je ne jm'écarterai jamais. Je m'y référe abfojlument, elle fera la bafe de ma conjdnite et j'en renouvelle ici le ferment, jje fupplie V. M. &c. (Signé) Charles - Philippe. Les émigrés Franqois répondirent a la proclamation de S. M. par une LetItre datté de Coblentz le i. Decembre. fCette piéce volumineufe, qu'il eft imIpoflible de raporter dans eet ouvrage, i détailloit tous les vices des loix conftii tutionelles, et énonqoit d'ailleurs les mêijmes fentiments que la Lettre des Prinïces du 10. Decemb. C'eft ainfi que fe atermina la correfpondance rélative a Pénmigration. Le peu de fuccés des dénmarches de S. M. 1'engagea a avoir reIcours a d'autre mefures, dont je rendrai i compte par la fuite. Pour fuivre avec plus d'in- Difpofitiont Itérêt les progrés de la Révolu- ^es re"lfivêt ifion, il paroit a propos de ren- & /« CenftiIdre compte de 1'élfet, que pro- '«"'''»• dui-  112 HISTOIRE ET ANECDOTES duifit 1'acceptation de la Conftitution fur la conduite et la politique des dineren- J tes puiifances de l'Europe. Dès que S. M. eut accepté la Conftitution , elle s'empreifa d'inftruire les puiifances étrangéres de eet événement, en les aifurant que le changement produit dans le gouvernement Franqois n'en apporteroit aucun aux liens de 1'amitié et de 1'attachement, qui les uniifoient, J et qu'il défiroit reiferrer plus que jamais. La lettre du Roi des Franqois fut accueillie de différentes maniéres par les diverfes puiifances. Nous allons commencer par celles du Nord. L'impératrice de Rufïïe La Rujfie. ^ ja première, qui témoigna fon mécontentement des procédés de la j nation Franqoife envers fon Roi. Dés qu'elle eut appris 1'arreftation de ce Souverain aprés fon voyage de Varennes, elle ordonna au grand chancelier comte d'Oftremann de fignifier a M. Genet chargé des affaires de France de ne plus paroitre a la cour. M. Genet  DE LA REVOLUTION FRANCHISE. 113 M. Genet remit le 31 Aouft une proteftation , oü il infiftoit particulierement fur 1'indivifibilité de la dignité et de 1'honneur de la Nation et du 'Roi, qui n'étoit que fon repréfentant héréditaire. II expofoit dans eet écrit que les mefures provifoires prifes par l'aflemblée n'attaquoient en rien les prérogatives du Souverain , et qu'en conféquence il demandoit a remplir comme cy-devant les fondions de fa place. Cette proteftation ne produifit aucun effet. Le chargé d'affaires ne put déployer aucun caradére public, il fut traité comme un fimple particulier. Pendant que l'impératrice manifeftoit ainfi fon opinion a Petersbourg, fon Miniftre a Paris fut chargé de remet* tre aux ambaifadeurs et envoyés des autres puiifances une déclaration, qui portoit en fubftance: „Que l'impératrice „de Ruflie confidéroit la caufe du Roi „de France 'comme la fienne propre et ],défiroit qu'il fut remis en pleine liberté avec fe familie et qu'il lui fut laiffé * XV. Seü.L . H „celle  114 HISTOIRE ET ANECDOTES „celle de fe rendre dans tel endroit, „qu'il chohnroit; qu'elle demandoit pour „ces perfonnes royales 1'inviolabilité et „le refped, qui leur apartenoient de la „part de leurs fujets,. par le droit de la „nature et des gens; qu'elle fe réuniroit „efficacement avec les autres fouverains, 5,qm s'intéreifoient au fort de fa Majefté „trés chrétienne, pour venger tous at. „tentats ultérieurs, qu'on fe permettroit „contre la fureté et 1'honneur des perbonnes royales, et qu'elle ne reconnoi„troit comme Conftitution légitime, que „les loix auxquelles le Roi auroit con„fenti en pleine liberté; que dans Je „cas contraire eJJe employeroit toutes „les forces, qu'elle avoit entre les mains, „pour mettre un terme a 1'Abus d'un „pouvoir illégal, et d'une Anarchie, qui „portoit tous les caradéres d'une révol„te ouverte.,, L'acceptation de Ia Conftitution et la Lettre motivée de Louis XVI. ne produifit aucun changement dans Jes dispofitions de J'impératrice : elle perfifta  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. I f 5 k confidérer le Roi comme privé de fa liberté et ne fit aucune réponfe a fa Lettre. J'ai rendu compte précédemment de la miiïïon de M, le Comte de Romanzow prés des Princes expatriés. U continua a prolonger fon féjour a Coblentz après Pacceptation de la Conftitution, et l'impératrice ajouta a cette démarche celle d'écrire au Marechal de Broglie et a la Nobleife émigrèe une Lettre également flatteufe et honorable dattée de Petersbourg le 29. O&ob. 1791. Non contente de manifefter fon opinion d'une maniére auffi prononcée contre la Conftitution Francoife. l'impératrice cherchoit a lui fufciter des ennemis parmi les puiifances, prés desquelles elle croyoit avoir le plus d'influence. Le 13. Septemb. le Miniftre deRuffie a Copenhague remit a la Cour de Dannemarck la déclaration de fa Souveraine raportée cy - deifus , en ajoutant que S. M. impériale ne doutoit pas que S. M. Dauoife. n'employat tous fes efc H ij forts  *I6 HISTOIRE ET ANECDOTES forts pour délivrer le Roi de France | concourir avec elle au rétabliiTement de] la Monarchie et au fuccès d'une auffi) jufte caufe. Ze Ban„e. , Le Comte de Bernftorf mark. repondit a cette déclaration que S. M. Danoife comme : membre du corps germanique attendoitii la déclaration de 1'empereur, et qu'aprés,! 1'avoir recue elle prendroit fa Réfolution i avec les autres Princes de 1'empire. Le I Roi de Dannemarck répondit le u.Nov. I d'une maniére trés amicable a la Lettre de S. M. trés chrétienne , par la queüe I elle lui notifioit 1'acceptation de la Conftitution. la Sueie. , Ul1 des ennemis les plus décidés de la Révolution et de 1'Anarchie, qui regnoit en France, étoit fans contredit le Roi de Suéde. La polït-ion critique oü s'étoit trouvé ce Souverain en i7?2; pofition dont il ne s'étoit tiré que par un courage et une préfence d'éfprit, qui lui donnent des droits a 1'Admiration de la Poftérité, lui  DE LA REVOLUTION FRANCjOISE. 117 lui avoit donné une averfion décidée pour tous les changements de gouvernement et les entreprifes des fujets contre 1'autorité royale. II avoit manifefté a eet égard fon opinion a Aix la chapelle, ainfi que je 1'ai rapporté dans le volume précédent. A fon retour a Stockholm le Baron d'Efcars envoyé des Princes fut requ avec diftindion et traité fur le même pied que les Miniftres des puiifances étrangéres, tandis qu'il fut fignifié a M. Goffin chargé des affaires de France de ne point paroitre a la Cour. Lorsqu'il voulut remettre la Lettre de S. M. trés chrétienne, qui fignifioit fon acceptation de la Conftitution, on lui répondit , que le Roi ne jouiffant pas d'une liberté convenable n'avoit pu fandionner la Conftitution, ni écrire en conféquence la Lettre, qu'il étoit chargé de préfenter , qu'on lui renvoya fans 1'avoir décachetée. Bientót aprés le Comte de Stack! helberg cy-devant ambaffadeur de S. M. l'impératrice de Ruflie a Varfovie et Pun H iij des  *I8 HlSTOIRE ET ANECDOTES I des plus habiles négotiateurs de 1'Euro-i] pe, et le Comte d'Armfeld de la part de S. M. Suédoife fignerent a Stockholm i le 19. Odob. un traité d'alliance et une I Convention, dont les principaux Articles | rélatifs aux Officiers de France portoient que les deux puiflances d'un commun l accord employeroient tous leurs efforts pour la protedtion des Princes Prancois et de Ja Noblefle émigrée , leur rétablifTement dans tous leurs droits et prérogati- f ves &c. par un Article fecret il étoit convenu que le Roi de Suéde comman. deroit en perfonne les troupes deftinées L a cette expédition. Le Comte d'Oxenftiern envoyé de l Suéde a la diéte de Ratisbonne recut 01M dre de fe rendre a Coblentz prés des I Pnnces expatriés, il leur remit fes Lettres de créance, et fut recu avec enthoufiasme pour la Noblefle émigrée qui lui fit adreüer 1'expreffion de fa reoonnoiirance par 1'organe du Maréchal de Broghe: la réponfe, que fit le Comte d'Oxenftiern a ce difcours équivaloit a .  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 119 ja une déclaration de guerre contre la France. La conduite du fage Léo- Vmintur. :pold avoit un tout autre caraictére. Ce monarque accoutumé depuis ilongtemps a n'agir qu'avec la plus gran!ide circonfpeétion efpéroit que les noui velles difpoiitions de S. M. trés chretienine rétabliroient 1'ordre en France; calirneroient les diflenfions et parviendroilent a maintenir une forme de gouver: nement aflez ftable^ pour 1'empècher d'è< tre obligé de prendre part a des affaires 1 d'une nature auffi délicate et auffi compliquée, que celle de la balance réciprojque des droits d'un Souverain et de'fes i fujets. Dés le 26 Aouft le gouvernement avoit fait publier une ordonnance dans 11'Autriche antérieure , qui enjoignoit a j tous les Magiftrats et Officiers de polii ce "de veiller particulierement fur la „conduite des émigrans Francois réfugiés „dans cette province; d'empêcher de „leur part tout excés, toute entreprife H iv dan-  120 HISTOIRE ET ANECDOTES „dangereufe, particuliérement les enró„lements de fujets autrichiens , et en „tenant fur leurs procédés un ceil atten„tif fans interruption, de faire fortir du „pays tous ceux d'entre eux, qui fe .„rendroient le moins du monde fufpeds eet égard; de les faifir même fui„vant les circonftances et de les faire „examiner; d'avoir furtout rigoureüfe„ment foin que des fujets autrichiens „ne fifïent aueunes fournitures aux dits „réfugiés Franc.ois, OU a Jeurs gens et „ne fabnquaffent ni ne préparaffent pour „eux rien de ce qui pourroit fervir a ,.leur equ.pement. Comme il feroit pof„fible d'ailleurs, dans le cas qu'on irri„tat des gens du peuple Franqois par „des procédés durs, peu amicaux ou „horhles , que de fon cóté il fe laiff£t «aller a des démarches, qui n'auroient „pas eu heu fans une pareille provoca- * S5tion , ü étoit enjoint a tous Magi„Itrats et fupérieurs autrichiens, nota#mnt: dans le Brisgaw et 1'Ortenau, „d avoir particuliérement attention, que de  , DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 121 ;„de ce cöté 1'on prévint fcrupuleuferuent i„par une conduite modérée, fage et di- „fcrette envers 1'Alface voiflne, 1'occa!„fion même la plus éloignée des demêl,,lés, qui pourroient avoir les fuites les : „plus graves et qu'en général on entreLtint une bonne intelligence avec 1'Al>„face, comme avec tous les autres pays „voifins. J'ai rendu compte précsdemment i des ordres, qui avoient été donnés dans la Flandre et le Brabant pour prévenir les enrólements, et les raflemblements i armés des Franqois émigrés. On doit lajouter a ces détails que le 12. Octob. TEmpereur donna ordre de reconnoitre I dans tous les ports de fa domination j le pavillon Franqois aux couleurs Natio- nales, et qu'a-,1a même époque il s'opé; ra une réforme confidérable parmi fes Troupes. Le 16. Oclob. le Marquis de'Noail. les ambaifadeur de France reparut pour ; la première fois a la cour depuis 1'arreftation du Roi, et y eut une audience H v par-  122 HISTÖIRE ET ANECDOTES particuliere. Cette circonftance devoit détruire les efpérances, qu'avoient données aux ennemis de Ia conftitution les conférences et la convention de Pilnitz, mais ce qui étoit fait pour diffiper en* tiérement 1'illufion, fut la maniére, dont 1'Empereur recut le iq. Oclob. la fignification ofEcielle de 1'acceptation de la ' Conftitution, et Ja réponfe, qu'il y fit lui-même, réponfe qui, quoique conforme a la dignité du Chef de 1'Empire, ; n'annonc.oit certainement aucunes difpofitions^ hoftiles; fa Lettre traduite du I latin étoit conque en ces termes: Trés Séréniifime et trés puiiTant Prince, notre cher Frere, coufin et I allié. L'ambaiTadeur de V. M. nous a remis les Lettres, par lesquelles elle nous notifie fon acceptation de la nouvelle Conftitution, qui lui a été préfentée. Plus nous fommes étroitement unis par les liens du Sang, de 1'amitie, de PaJliance et du voifinage, plus nous avons a  DE LA REVOLÜTION FRANqOISE. 12 3 a coeur la Confervation de votre majenfté et de fa familie royale, de même que la dignité de fa couronne et la fai-lut de la Monarchie Francoife. Ainfi nous défirons avec une affeétion fincére, jjque le parti, que V. M. a cru devoir . prendre dans 1'état adtuel des chofes, püt fuccés, qu'elle en attend; qu'il réponde a fes voeux pour la félicite : publique, et en même tems que les cau- fes, qui font communes aux Rois et aux Princes, (regibus et principibus) et qui, , par ce qui s'eft paffé derniérement ont ! donné lieu a de finiftres augures, cef]| fent pour 1'avenir, et que Pon prévienj ne la néceffrté de prendre des précauti- ons férieufes contre leur retour. Pour expliquer ce qui eft rélatif at la fin de cette Lettre, il eft a propos i de rapeller que 1'Empereur ayant apprés a Padoue Parreftation de S. M. trés chré1 tienne, crut devoir écrire le 6. Juillet j une Lettre circulaire aux principales puif, fances de PEurope pour les inviter a prendre en confidération les événements, qui  1^4 HISTOIRE ET ANECDOTES qui fe paifoient en France, et a fe réunir pour obtenir foit par la voye des négotiations, foit par les armes le rétabliffement de la Monarchie et la liberté dn Souverain. S. M. impériale ayant recu 1'acceptation de la Conftitution jugea qu'il étoit convenable de faire déclarer aux mêmes puiifances, qu'il regardoit S. M. trés chretienne comme libre et qu'en conféquence la Sandion, qu'il avoit donnée a 1'ade conftitutionnel et toutes les opérations, qui en avoient été la fuite devoient être regardées comme valides. Que S. M. impériale efpéroit que la démarche du Roi de France rétabliroit 1'ordre dans le Royaume et y feroit triompher le parti des citoyens modérés, mais que fi contre toute attente fes efpérances étoient decues et qu'on renouvellatles atrocités, qui s'étoient commifes, et fi on fe permettoit d'attenter a la perfonne, ou aux prérogatives de S. M. trés chrétienne, S. M. impériale invitoit les puiifances, auxquelles elle s'étoit  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 125 O sétoit adreflee , de ne point renoncer aux conventions ftipulées précédemment et de faire fignifier a Paris par leurs Miniftres refpeétifs que Paccord le plus parfait regnoit entre elles, pour maintenir la dignité et les droits du Roi et ceux de la Monarchie Francoife. C'eft en vain que l'impératrice de iRuflle employa tous fes efForts, pour engager 1'Empereur a renoncer a fes projets pacifiques, et lui rappella la teneur de la convention de Pilnitz. Le Prince de Gallitzin, en remettant a la cour de Vienne une copie du traité conclu entre fa Souveraine et le Roi de Suéde de 19. Odtob. articula, 'que 1'acceptation d'une Conftitution, qui anéantiifoit les Ibafes facrées et imprefcriptibles de la I Monarchie Franqoife, devoit être regardée comme une preuve évidente du défaut de liberté, et de la contrainte fous laquelle gémiiToit Louis XVI. 1'Empereur fit répondre qu'il ne pouvoit coopérer aux projets de S. M. 1'Impêratrice de Ruffie et du Roi de Suéde, et qu'il efpé- sétoit adreilee , de ne point renoncer  12 6 HISTOIRE ET ANECDOTES \ efpéroit que le pouvoir monarchique s'affermiroit en France, et que la tranquil, lité publique s'y rétabliroit par des moyens plus doux et plus pacifiques. Le 30. Novemb. le Baron de Noleken Miniftre de Suéde remit a M. le Prince de Kaunitz la notte fuivante. "Le Soufligné envoyé extraordinai- I „re a 1'honneur de déclarer officielle„ment, au nom du Roi fon maitre au „Miniftre Impérial, que S. M. partage „avec S. M. l'impératrice de Ruffie et S. „M. catholique les mèmes fentiments 1 „pour le rétabliifement de la Monarchie j „Francoife; que, comme elles, le Roi „envifage S. M. trés chétienne, comme „en état de captivité, malgré 1'accepta„tion qu'elle a faite, qu'a 1'uniifon des „principes et de la conduite de S. M. „1'impératice de Ruffie S. M. a envoyé »,le Baron d'Oxenftiern auprès des Prin- I „ces Franqois, et qu'elle eft réfoluë, de „concert avec les cours de St. Peters„bourg et de Madrid, de tenir une con.„duite, qui répondra en tout a Pexi- „gen.ee  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 127 ,gence du cas, oü fe trouvent la maiLfon royale et le Royaume de France." Cette nouvelle démarche fut égalenent infru&ueufe. L'empereur perfifta dans fon plan de Conduite: (*) Le Roi de Pruffe avoit bvité jusqu'alors de s'expliquer La Pru^'' d'une maniére précife fur les affaires de France. Cependant la convention de Pilnitz et furtout un traité fecret, qu'on prétendoit qui en étoit la fuite, avoit donné des inquiétudes a plufieurs états de 1'allemagne, qui craignoient qu'il ne js'opérat dans 1'empire certains échanges a la convenance réciproque des deux Souverains. Pour détruire ces alarmes le Baron de Jacobi remit au Prince de Kau- (*) On a cité dans le temps un mot de 1'Archiduc Francois, qui fait infiniment d'honneur è la lagefle prématuré de ce Prince: une perfonne de la cour, lui dit que le public fe flattoit que l'Empe« reur vengeroic les outrages faits a foeur. "l'Etat (rcpondit 1'Archiduc) n'a „point de foeur, et ne venge point des. „offenfes individueUes. „  128 HISTOIRE ET ANECDOTES Kaunitz une note, par laquelle S. M. Prufienne propofoit que les deux cours s'engageaffent mutuellement a prendre la garantie de la Conftitution germanique et des droits de 1'empire pour une des bafes de leur future alliance. Les deux cours convinrent en conféquence d'informer de ces fentiments toutes les autres puiifances de PEurope, pour faire tomber des bruits, d'aprés lesquels on auroit pu s'allarmer pour la liberté de Pallemagne. Le Miniftre Pruffièn s'empreifa furtout de désabufer 1'Electeur de Baviére, en faifant déclarer formellement a Munich: ''que S. M. Prufienne „avoit appris avec un fenfible déplaifir „que le bruit d'un nouveau projet d'é„changer la Baviére, comme le réfultat „de la convention conclue a Pilnitz en„tre 1'Empereur et le Roi de Pruffe, com„menqoit a fe répandre dans 1'empire, 5,et a y trouver de la croyance. Que „S. M. devoit faire contredire ce bruifc „malicieufement inventé, puisqu'elle ne „fe départiroit jamais des engagements „de  DE LA REVOLUTION- FR ANQOISE. 12 0 i,de la paix de Tefchen, ni de la ligue Lgermanique, enfin qu'elle étoit convainLcue, que ce bruit et d'autres faufletés ^de la même efpéce tomberoient d'elles i„mêmes, auflitót que le public auroit Lappris que les liaifons, au fujet desLquelles on avoit fi mal a propos conqu Ldes allarmes, avoient précifément pour Lobjet et pour condition le maintien de Lla Conftitution germanique et le foin „pour le bien être de chaque membre L,de 1'empire." A 1'égard de 1'opinion de S. M. Pruffienne rélativement a 1'acceptation de la Conftitution et de la conduite, qui devoit en être la fuite, il paroit qu'elle partageoit alors les fentiments modérés et pacifiques de 1'Empereur. Dans fa réponfe a la Lettre du Roi de France le monarque Pruffien difoit entre autres chofes "que la part, quil prenoit 1 „a 1'acceptation de la Conftitution , ré„pondoit de Ci fenfibilité aux fentiments, „dont le Roi lui renouvelloit 1'aifurance J „prétieufe." XT. V. Sett.I. 1 11  130 HISTOIRE ET ANECDOTES remde a la cour de Vienne par le Baron de Noleken, qu'il regnoit un accord parfait entre les Cabinets de Petersbourg, de Stockholm et de Madrid rélativement aux affaires de France. La conduite apparente de cette cour n'étoit cependant pas trés prononcée. Le premier juillet la cour d'Efpagne avoit fait paroitre une déclaration datée d'Aranjuez, par laquelle eïle invitoit les Francois è revenir lur leurs procédés envers leur monarque, a refpedter fa perfonne et fes immunités, déclarant que les mefures conciliatoires et amiables épargneroient a S. M. catholique la douloureufe néceffité de réprimer les perturbateurs et les ennemis de ce fyft.ème pacifique. Lorsque M. d'Urtubize chargé des affaires de France remit a M. le Comte de Florida-Blanca premier Miniftre de S. M. catholique la Lettre du Roi, qui manifeftoit 1'acceptation de % Conftitution, M. de Florida répondit: »>Le  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 131 „Le Roi étoit inftruit d'avance que Lees Lettres lui feroient adreffées et de Lleur objet. S. M. m'a ordonné de vous l„dire, Monfleur, qu'elle ne peut point Lfe perfuader, que ces Lettres du Roi Ltrés chrétien foient écrites avec une liLberté parfaite phifique et morale de Lpenfer et d'agir, et jusqu'a ce que S. LM. foit perfuadée que le Roi, fon Lcoufin, jouit d'une vrai liberté, elle L,ne donnera point de réponfe a ces Let|„tres, ni a rien , oü le nom du Roi («trés chrétien fera employé.,, Le Roi fe décida a écrire une feIconde Lettre au Roi d'Efpagne et M. d'UrItubize fut chargé de la remettre. Au jlbout de quinze jours il obtint utie réIponfe verbale conque en ces termes le lal Novemb. 1791. "Le Roi d'Efpagne |„n'a pas encore fait une aifez longue Jlexpérience de 1'effet de la nouvelle conaftitution fur les procédés de la Nation ï Francoife envers leur Roi, et la Nation ilEfpagnolle, pour qu'il puiife donner une iltréponfe cathégorique, en atténdant il I ij desi^  *$9 HISTOIRE ET ANECDOTES desire maintenir les rapports d'iffiancö et d'amitié, qui fubfiftent entre les deux Nations. Cette réponfe mefurée fait préfu«jer que la cour d'Efpagne ne partageoit plus a cette époque les projets de celles de Pétersbourg et de Suéde, et qu'elle n'avoit d'autres vuës que celle de temporifer. Cependant le duc d'Havré envoyé des Princes fut recu a Madrid, mais fans pouvoir déployer aucun caraclére public; le chevalier Douis Miniftre d'Efpagne a Dresde recut ordre de fe rendre a Coblentz, fans cependant qu'il put donner aucune pubiicité a cette miffion. II pa roit même trés probable que la cour d Efpagne fit fouruir des fommes confidérables aux Princes expatriés, mais fa conduite apparente tendoit a garder des raenagements .avec le parti conftitutionnel et celui des émigrés. iitomgal . La cour de P°»ugal n'avoit pas afTez d'influence pour soppofer «uvertement a Pétablifleraent de  1 DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 133 : de la Conftitution Franqoife , ! elle fe jborna k prendre des mefures di&ées j par la prudence, pour empêcher que les ] principes de la Révolution ne fe répandiifent dans fes états. L'introdudtion des papiers Franqois fut févérement deffenduëj tous les étrangers furent aftreints la la preftation d'un ferment de fidelité, ! les affemblées et les difcours rélatifs aux; I affaires politiques furent févérement pro! hibés. Les voyageurs Franqois ne pu1 rent s'arrêter en Portugal qu'avec la per1 miffion particuüére du gouvernement. La cour d'Efpagne et celle de Rufi fie fe donnerent en vain beaucoup de ! mouvement pour engager le cabinet de , Lisbonne a contrader avec elle un trai| té fédératif rélativement aux affaires de I France. La reine de Portugal fit réponI dre k ces propofitions que fa pofition ! ne lui permettoit pas de prendre desI engagements pofitifs, avant qu'elle ne j connüt les difpofitions des autres cours I avec lesquelles elle étoit alliée, et nq* I iij tat»::  134 HISTOIRE ET ANECDOTES 0 tamment avec la cour impériale, don& elle attendoit la Réfolution. ïanguierre. L'angleterre, qui avoie fomenté fourdement les troubles de France, et qui efpéroit voir proIperer fon commerce a raifon du déclin de celui de fa rivale parut voir avec fatisfaclion 1'établiflement d'une Conftitution , oü la balance des pouvoirs étoit li mal calculée. Le Roi d'Angleterre répondit d'une maniére polie et amicale a la Lettre du Roi, en affurant qu'il apprenoit avec plaifir que par fon acceptation il eut mis fin aux troubles, qui agitoient la France, et il ne paroit pas que la cour de Londres eüt aucune connexion avec les puiflances, qui défiroient le rétabliifement de l'ancien gouyernement. laHoiimde. . Les Etats des P™ vinces: unies partageoient la même opmion, la Revolution Franqoife avoit même de nombreux partifans parmi les Anti-Stadthoudériens, dont les bayoaiettes Prufiennes n'avoient point alfou-  DE LA REVOLUTION FRANqOÏSE. 13S pi 1'éfprit d'infurreaion. Leurs haute» puiflances répondirent d'une maniére trés détaillée , amicale et refpeétueufe a la Lettre de S. M. trés chrétienne et ne prirent aucunes mefures pour attaquer une Conftitution, qui leur paroiflbit avoir beaucoup d'analogie avec celle, que leurs ancêtres avoient achetée par un fiécle de courage et de réfiftence contre une des principales puiflances de 1'Europe. Le Roi de Sardaigne, foit ^ Rg. ^ par 1'intérêt commun a tous les smialgnt. Souverains, foit par celui, que les liens du fang 1'engageoit a prendre au fort des Princes expatriés, ne pouvoit voir d'un oeil indifférent 1'établiflement de la Conftitution Francoife. Mais la pofition délabrée de fes finances, celle de fon armée, fon age, peut être même les difpofitions équivoques d'un grand nombre de fes fujets, toutes ces confldérations réunies lui faifoient une loi d'obferver la plus exacle neutralité. II répondit au Roi de France le 9. Novembre: """" I iv Mon-  *36 HISTOIRE ET ANECDOTEf Mm/ieur, mon Frere et Coujïn! J'ai recu la Lettre, qu'il a plü è V. M. de m'écrire le 25. du mc-is de Septemb. Lajuftice, qu'elle rend a mes fentiments, en ne dourant pas de 1'intérêt, que je prend conftamment a tout ce qui la concerne perfonnellement, ainfi qu'au bonheur de fa maifon et de fes fujets, me fera toujours de la plus grande fatisfadtion. Je prie V. M. d'être également perfuadée de ma fenfibüité aux nouvelles affurances, qu'elle veut bien me donner de la Continuation de fon amitié. Celle, que je lui ai vouée ne fauroit jamais fe démentir, ni s'altérer, et rien ne pourra diminuer mon empreffement a 1'en convaincre. l*Pohgne. L? Pöi^nce de la Polo- gne n'etoit plus d'aucun poidsdans la balance des affaires de 1'Europe, et fon Souverain n'e'toit plus qu'un fantóme revétu des attributs de la Royauté. Son opinion rélativement a la Conftitution paroit donc affez indifférente. II fuffit  DE LA REVOLUTION FRANCOI5E. I 37 fuffit de dire qu'il répondit d'une maniére polie et affeécueufe a la Lettre de S. M. trés chrétienne et que l'ambaffad'eur de France donna des fètes publiques a Varfovie et fit illuminer fon palais a 1'occafion de 1'acceptation de la Conftitution. Le Roi de Naples dirigé par 1'influence de 1'Efpagne s'expliqua d'une maniére ambigue dans la Lettre, qu'il écrivit au Roi le 11. Novemb. Elle ne contenoit d'ailleurs que des compliments et des voeux pour la profpérité du monarque. Celle du grand Duc de Tofcane étoit k peu prés dans le mème genre. Les Républiques d'Itdie particuliérement celle deGenes ^Jtalie, avoient placé des fonds confidérables dans les emprunts perpetuels et viagers, qu'on avoit ouvert en France, depuis leRegne de Louis XVI. L'acceptation de la Conftitution leur garentiifoit leur dette et le payement exacl de leurs intéréts. Elles redoutoient a jufte 1 v  138 HISTOIRE ET ANECDOTES titre toutes les entreprifes, qu'on pour-" roit former contre le Gouvernement Franqois, qui ne pouvoient qu'être préjudiciales a leurs intéréts. Venife et Génes répondirent donc avec déférence et fatisfadion a la Lettre de S. M. La Suif, r. ]es Princes euf- lent articule dans leur Lettre du 10. Septemb. a S. M. que les SuüTes bons et fidels alliés de la France ne manqueroient pas de fe joindre a la coalition des puiifances, qui défiroient le rétabliifement de 1'ancien Gouvernement, ü eft conftant que cette prefomption étoit abfolument dépoutvuë de fondement: 1'éfprit de liberté et d'indépendance, qui regue dans la plupart des Cantons, avoit fait voir avec. plaifir la Révolution Franqoife, et le changement de Gouvernement adopté dans le Royaume. D'ailleurs ces innovations au lieu de diminuer 1'aöivité du commerce entre les deux naüons y avoit donné un nouvel eifort par la fuppreffion des droits et des entraves, qui génoient le paffage des mar- chan-  PE LA REVOLUTION FRANcOISE. 139 chandifes réciproques. L'intérët des Suiffes exigeoit encore que les aifignats deivenus monnoye Nationale continuaifent a. être en circulation. lis trouvoient dans leurs négotiations le doublé avantage de faire payer aux émigrés le chanüge en numéraire a un taux confidérable, et d'échanger enfuite leur papier contre :ides producuons Francoifes avec beaulicoup moins de perte. Le corps helvétijque avoit d'ailleurs obtenu 1'objet de ,fes demandes a l'affemblée nationale', ;non feulement on 1'avoit traité avec égards et ménagement, mais on avoit aciicordé aux régiments fuiffes 1'avantage 'jd'ètre payés en argent, comme par le ijpaffé. La paix, qui fait la profpérité des Cantons réunie a ces diverfes confidérations, faifoit defirer a la.fuifTe que ! le Gouvernement conftitutionnel put s'établir d'une maniére ftable. Le Corps helvétique répondit a S. M. de la maniére la plus fatisfaifante, en paroiffant défirer que les anciens traités d'alliance et d'amitié, qui exiftoient entre  14° HISTOIRE ET ANECDOTES entre les deux nations en dmentaflênt: a jamais 1'union. Les^ Républiques de Genêve et du Valais répondirent dans le mème fens, ainfi que les Grifons et alliés de la fume.' ZeCorpaer- . La Conftit"tion Francoife manique. avoit beaucoup d'admirateurs l et de partifans en Allemagne: aöuellement encore que 1'expérience a prouve que la balance des pouvoirs de ce Gouvernement chimérique n'avoit pu fe maintenir pendant fix mois, on entend des gens fenfés regretter que la conftitution n'ait pas fervi de modele k toutes les nations. Ces Efprits inquiets regrettent fans doute que dans leur patrie la plus grande partie des propriétés foit entre les mains des Souverains, de la Nobleffe et d'un clergé nombreux, de voir fubfifter des droits féodaux cent fois plus onéreux, qu'ils ne 1'étoient en France, la juftice moins bien adminiftrée, le commerce dans un état ftagnant. Mais quoique la claife des détracteurs* de la Conftitution germanique foit trés nom-  JDE LA REVOLUTION FRANCOISE. 141 jnombreufe, le caraöére phlegmatique des jallemands, leur infouciance et leur apaithie, le peu d'accord, qui regne entre les habitans des différentes fouverainejtés, une population peu nombreufe rélativement a 1'étendue de fon territoire, un refpeét apparent pour la Religion et lies bonnes moeurs, le peu d'inftruétion de la majorité des citoyens doivent faire efpérer que la Révolution ne penetrera pas fitot dans 1'Empire, ou que 11 elle s'y répandoit elle y feroit et moins j vive et moins cruelle qu'en France. Les différents membres du Corps Germanique éclairés par 1'expérience peuvent en procurant quelques adouciffements au fort de leurs fujets affermir leur puiiiance, ! et rendre leur autorité fupportable a un 1 peuple naturellement bon et patiënt, j La plus grande partie des membres : du corps germanique répondirent d'une ; maniére polie et refpedueufe a la Lettre I de Louis XVI. et ne parolfoient pas difpofés individuellement a prendre le parti des Princes poffelfionnés en Alface , en Lor-  14» HISTOIRE ET ANECDOTES Lorraine et en Franche-Comté, quiavoi.' m ete dépouillés de leurs droits féodaux f par les decrets de l'aflemblée Nationale. ' lis avoient a la vérité donné leurs voix i au Conclufum de la Diété rélativeraent aux griefs des Princes de 1'Empire, et 1'Empereur y avoit enfin ajouté fon decret de ratification. Mais ce Conclufum, après une énumération des procédés injuftes de la France envers quelques membres du Corps Germanique, ne portoit autre chofe.'finoa qu'il feroit fait de nouvelles repréfentations a S. M. trés chretienne pour lui rappeller la teneur des traités, qui devoient afliirer imperturbablement leurs droits et leurs propriétés. L'Empereur mème, pour évi, ter, s'il étoit poffible, tout prétexte de rompre avec Ia France, avant d'avoir épuilé toutes les mefures conciliatoires, avoit ajouté dans fon decret de ratification «que les nouvelles repréfentations „è faire a cette puiflance, devoient être „appuyées', avec les plus fortes inftances, „par les garants de la paix de \Veftpha-  DE LA REVOLUTION FRANCOISE, 143 Llie, ainfi que par tous les membres du Lcorps germanique, qui tenoient des Mii,,niftres a la cour de France." Le 3-De[cemb. il écrivit une Lettre a S. M. trés xhrétienne pour lui faire part de 1'adhéjGon, qu'il avoit donnée au Conclufum, :de la diéte, en exhortant S. M. a avoir ; égard aux repréfentations des Princes de :i 1'empire, et a remettre a leur égard touïtes chofes dans le même état, oü elles 5 étoient avant le mois d'Aouft 1789- ea Hes indemnifant des pertes, qu'ils avoient fuportées depuis cette époque. Cette Lettre écrite d'une maniére trés fage et imodérée contraftoit finguliérement avec la vivacité des plaintes, que les Princes 3 freres du Roi lui avoient adreifée le 1 >\ Novemb. Cette Lettre intereifante mérite > d'ètre connue. En voici la teneur. Sérénijfane, notre Frere et Coufinl Le filence abfolu de vo- L(ttre its ) tre Majeflé, et la conduite Princes imi* ü qu'elle a cru devoir tenir de- g£JJfm* i puis facie, qu'elle a figné aPüV , nitz,  J44 HISTOIRE ET ANECDOTES nitz, fembloient exiger de nous une réferve et une difcrétion abfolue: mais malgré toutes les apparences et les pro. pos les plus affligeants, que les Mini» lires de V. M. dans les Pays-bas ne eet fent de tenir contre les Francois fideles au devoir et a 1'honneur, nous nous rappellerons toujours avec confiance les paredes facrées, que votre Majefté a dépofées a plufieurs reprifes entre les mams du Comte d'Artois, et nous avons la ferme aiTurance que Léopold fidele a fes engagements, guidé par les fentiments de Ion cceur, et éclairé par fes propres intéréts veut et voudra toujours fecourir fon allié, délivrer fa foeur et garantir fes états, en détruifant le germe de la contagion. Une grande occafioii fe préfente, jamais il ne s'offrit un moment plus favorable. Notre devoir eft de foumettre a V. M. ce qu'elle peut faire en faveur de la France j c'eft a elle a prononcer. Nous ne rappellerons pas ici la pofition adtuelle de toute 1'Europe. LeNord et  I DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 14S :iet le midi ont publié leurs intentions. s, La Prufle ne fait qu'une avec V. M. Nous Lous empreflerons de parler de 1'interi. eur du Royaume. La nouvelle aifemj blée eft tombée dans le mépris; le dés. ordre affreux des finances annonce une banqueroute prochaine; il n'exifte plus |i aucun ordre, aucun pouvoir dans Pétat; 1 nos ennemis connoiflent leur danger; ils voyent leur perte inévitable: mais il leur refte 1'audace du crime, et nous le devons dire a un Souverain, qui aime la vérité, la conduite extérieure de V. M. i foutient leurs efpérances, et les enhar| dit dans leurs projets fanguinaires. Le decret, qu'ils viennent de reni dre contre Monfieur, et contre les émij grans, dévoile fuffifamment leurs del| jfeins: ils favent que les freres de 1'ini fortuné Louis XVI. mépriferont leurs me!; naces, ils favent que la Noblefle Francoife n'eft attachée qu'a 1'honneur: mais . dirigés maintenant par le Duc d'Orleans, ! et par le parti des républicains, ils veu' knt profiter du.filence de PEurope, et 2. V. Seft. I. K cher"  146 H1ST0IRE ET ANECDOTES chercher leurs dans 1'excés du cri me; Pour ré«ffir dans leurs defleins, il etoit neceflaire qu'ils fiffent une démarche audaaeufe pour nous priver tous les deux du droit, que leurs propres decrets nous donnent a la régence; ils fe font laifles aifez de temps pour juger de 1'ef. *et, que leur nouveau crime produira panw les Souverains et notamment fur votre majefté; mais ils peuvent crone f dellnddference, ou a nn fiftème de ienteur egaiement dangereux, ils fe ha teront de confommer leurs deilèins, ih feront difparoitre le fantome de Roi, qnds laident fubfufer, ils attenteron aux jours de la Reine, et ils fe donne. Nous n'avancons rien, dont nous m foyons certains: et V. M. peut être «m-e, que nous fommes loiii de lui rien exagerer Mai; Sire>parunftuI fa fernL , ^ Prouve™ , fermete de Vos Réfolutions, non f>u Wnt V. M. déconcerterok tous Tel pro-  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 14? projets de nos ennemis, mais le changement des opinions eft tel, et le dffcredit de l'affemblée eft fi abfolu, que dans le mème inftant il fe teroit une explofion dans toutes les parties du Royaume, et furtout au fein de la Capitale, oü 1'on n'eft plus retenu que par 1'audace des rebelles. . Voici maintenant ce que nous demandons aV.M. C'eftqu'elleveuillebien faire une déclaration publique, pour alfurer de fa protedion les Princes et les Franqois, que leur zéle et la purete de leurs principes ont engages a iorur du Royaume: il n'éntre rien de perfonnel dans notre démarche: nous nagilfons que pour 1'honneur, qui feul feranotre récompenfe : rien ne peut nous en priver mais c'eft a V. M. a calculer, fi elle veut garantir les jours du Roi, eeux de la reine, et produire le plus grand effet par une démarche, qui ne lacompromet en rien, ou fi elle prefére de livrer les intéréts les plus chers et les plus précieux au hazard des eveK ij ns"  148 HISTOIRE ET ANECDOTES «emens, et a 1'audace du crime. Nous! fommes &c. Cette lettre, qui portoit en de parüe fur des fuppofitions et des éfpé rances, ne changea rien aux difpofinons dufage leopold. II étoit fans doute auffi bien mftruit que les Princes de Péfprit om regnoit en France, et ne crut pas devoir compromettre fa parole et fon au tonte dans des circonftances auffi peu fa vorables. Quelque tems après les Prin-" ces Franqois envoyérent un nouveau me«oire a SI. M. impériale, oü ils infiftoient fpecalement fur 1'éxécution des en gagements contenus dans les déclarations de Padoue et de Pilnitz. S. M. ]eur ra. pella les referves, qui rendoient ces engagements abfolument hypothétiques, en leur faxfant obferver «qu'ü ne pouvoit „leur accorder les fecours, qU'üs réch. "m0,ef> e* fout autre cas des démonftrations ho- „ftiles  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 149 „ftiles ne pourroient qu'avoir des effets „désavantageux." (*) K üj (*•) Ouoique les difpofitions de 1'Empereur ^ füffent trés connues , qu'il tut meme operé une rdforme conf.dérable dans fon armée, et qu'il n'y eüt aucun ordre don„é pour former des magazins et raffembler des approvifionnements néceiTaires en cas de guerre, les journaliftes Fontemi, Royou, et autres anticonftitunonels avoient 1'imprudence de faire une énumération des troupes impériales et pruTfiennes, qui étoient cn mouvement, dont le nombre montoit a plus de 300 mille hommes, qui devoient pénétrer en France avec les émigrés, avant la fin de 1 année X79I. pour rétablir le Roi fur fon tr6ne,leclergé et la Noblefle dans leurs propriétés et leurs droits, anéantir la Seéte Jacobite &c. Ces menfonges officieux , qui entretenoient 1'illufion d un parti et la fureur de 1'autre , ont plus „ui au fuccés de la bonne caufe et a Fintérêt des Royalifto, que les d.cla„ations outrageantes et les injures des folliculaires Marat, Desmoulins, Gorias. M. Mallet du Pan obferva au commencement  150 HISTOIRE ET ANECDOTES La conduite de deux Souverains de 1'Empire mérite une mention particulié*e, parceque quelques perfonnes ont pa- i ru la confidérer, comme une des caufes I u Ia guerre, qui défole aduellement l 1'univers. VEÜétZ , L'Élecleur de Tréves on4» Tréves. cle de Monfieur et de M. le Comte d'Artois paroiuoit en cette qualité ne pouvoir leur refufer un azile, mais aulieu de tolérer des raflemblements nombreux dans fes états, de fouffrir que des Miniftres étrangers en- [ voyés prés des Princes déployaffent publi- I quement leur caraclére dans fa réfidence, et qu'elle devint pour ainfi dire un foyer de Contrerévolution, il eft permis de penfer furtout d'aprés les événements, qu'il eüt du imiter la conduite prudente de 1'empereur, ce qui auroit I évité cement de 1'anne'e 179a que le nombre des troupes Impériales , Pruffiennes, Ruf- i! fes et autres, que 1'abbé Fontenai avoit ! fait marcher contre la France montoit a l un Million trois cent et quelques mille.  !CELAMVOWTIONF*AW>1SE. tS\ L Ua Nation de plaids contte to, « to ^ ri n* Piment eu aUeruagne h°ftarEleaeut de Tréves répondit i L'archevêque de May en- rBeAlHP ,„ non content d'avoir prè- ^««b ^°TdV: t, rSe,DeDts daus h rolt «utti «es . f it at fts états (UW* e^pren ^ ^ «f-rf a «Sntrerévoteion. U plus active a « . nt ete • f-, réoonfe au Kol ayau^ copie de la reP° au Miiuftre des adrefféeiuivant u&ge dit affaires toang«« ^^ quHl qu'elle contenoit des pro^ ^  152 HIST0IRE ET ANECDOTES faifoit fans doute en fa qualite d'archi chanceher de 1'empire. Cette affaire fu debattue au confeil de fa Majefté tl révêque ie L'évèque de Bamberg et Bamèerg. Wurrzbourg frere de Pélecleur de AJayence adopta une con pa dobferver la plus exade impartia«e, mais il deffendit même 7 ut emtgre Francois, de quelque qualite et condltIon qu'il fut, de s'Lter p s de vmgt quatreheures dans fes états On «mème affuré qu'il avoit pouffé la Ï f,' dont1la fanté étoit trés altérée, Pa. g ement de féjourner trois jours a W berg, et a un Officier Franqois de la "rMir;beaU M Ue«^ T l q"dqUes i°urs che* ft niéce eft ftns do"te des mefures de Prudence et de fureté générale, dont les Souverains ne doivent r ' nt es uoivent pas fe départir, mais  DE LA REVOLUTION FRANqOlSE. 153 mais la févérité de ce reglement ne paroit pas fe concilier avec les préceptes de la Religion catholique, dont un eccléfiaftique auffi vertueux et auffi inftruit que ce prélat devroit être péne- «é (*). T,M K v L'ele- (*) La cruelle lecon, que recoivent aduelletnent les émigrés Francois, doit éclairer ceux, qui fe trouveroicnt a 1'avemr dans une femblable pofition, et prouve qu'il eüt mieux valu périr en combattant chez foi pro aris et focis, que de trainer dans les pays étrangers une chétive et malheureure exiftence. La plus grande partie des émigrés, vilmes d'un préjugé honorable et de leur attachement a mt Roi, n'éprouvent pour récompenfe de leurfidélité quMnjuftice et mauvais traitements. Bannis de presque tous les Etats, fuivant les caprices, ou le degre de terreur des Souverains, ils errent periblement fur la futface du globe , fans trouver un azile affuré contre 1'injuftice du fort. Tous les peuples autrefois fi jaloux de la profpérité et de la grandeur de la Nation Francoife fe vengent aftuel- lement  154 HISTOIRE ET ANECDOTES ZVleélear de r Leiecteur de Cologne Cologne. irere 1'Empereur imita fa rr .. COnduite5 il ne toléra aucun ralTemblement d'èmigrés dans fes états, deffendn févérement qu'on fit des achat darmes, chevaux ou munitions deftinées pour les Pnnces Francois, et parut de. Z'EUtTew ,. Parmi Ies Pnnces fécuPahtin. fiers 1'Eledeur Bavaro-Palatin * j i C,ft Un de ceux' «ïui eut foin de garder les plus grands ménagements avec la tanent en affeétant u„ air de ^m de fupénorité fur des individus, devroient accueiüir avec fraternité 2 les éimgrft obtiennent un fcmiment de compaffion, ü „ffmhle a cette piti. jn_ Mttnte, qui outrage 1'homme pénétré ^ 1» digmté de fon exiftence. Je parIe fon des émigrés en géneral, /l en eft 'Me rs qui ont trouv. fecour confolanons chez des ames fenfibles: les Anglois furtout fe font diftingués envera IZuT **** n°bks et £é'  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 155 U France, quoiqu'il eüt accordé un azile dans fes états a plufieurs émigrés, il deffendit expreffément toute apparence de raifemblement, tout achat d'armes et de munitions; il refufa aux Princes Franqois de faire fondre quelques pieces de canons a .Manheim, mème fous le prétexte qu'elles étoient deftinées a quelques princes de 1'Empire. Le Landgrave de Heffe-Darmftadt, qui avoit obtenul'agrément de faire fondre fix piéces de canons a Manheim, refufa également de prèter fon nom aux Princes Franqois, il éluda auffi la propofition, qui lui avoit été feite de leur part de prendre une partie de fes troupes a leur folde, pour les employer a leur projet d'invafion en France fous prétexte qu'elles étoient néceffaires pour la deffenfe de fes états. L'Éledeur de Saxe ne parut point avoir adhere au de Saxe. projet de coalition des puiifances; quoiqu'il futuni par les Hens du fang avec le monarque Franqois, il reb pon-  156 HISTOIRE ET ANECDOTES poudit qu'il apprenoit avec fatisfacu'on qu'il eüt accepté la Conftitution, 'en lui fouhaitant ainfi qu'a fon Royaume un long cours de profpérités. ' Aucun Souverin n'avoit apt' de plus jufte fujet de fe plaindre de la Révolution Francoife que le Pape. L'aiTemblée Nationale non contente d'attaquer fa Jurisdidion fpirituelle et de lui faire perdre le produit des bulles et des autres graces, qu'on impétroit en cour de Rome (*), avoit envahi de la maniére la plus inique Avignon et le Comtat-Venaiffin, et avoit fouifert qu'on infultat publiquement le Chef de l'églüTé en brulant fon effigie au palais Royal. Le St. Pere fe décida enfin a raifembler les foudres du Vatican, la première étincelle frappa le Cardinal (*) Le produit des bulles et autres graces, qui s'obtenoient en cour de Rome ne formoit aucun revenu perfonnel pour le Pape: ces fornmes étoient employées a 1'entretien des Miffions étrangéres, ou a d'autres oeuvres pies.  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 157 dinal de Loménie : Ie 2,8- Septemb. fa ■ Saintété tint un confiftoire" Secret, oiï apres avoir accepté la rénonciation de eet apoftat k la pourpre romaine elle le déclara déchu de tous les honneurs et privileges attachés a la dignité, qu'il I poffédoit, fe réiérvant de prononcer 1 d'autres peines contre lui, s'il periiftoit |i dans fon égarement. C'eft la feule démarche, que le Pape fe permit contre , les membres du nouveau Clergé de France. Le fentiment de fa foibleife il lui infpiroit une réticence nécelfaire. II t\ efpéra cependant qu'une réclamation au; thentique contre 1'ufurpation du Comtat produiroit plus d'éffet; en conféquence le Cardinal Zélada Secretaire d'état remit au commencement de Novembre aux . miniftres des différentes puiifances la piéce diplomatique fuivante, qui mérite d'être connuë: Réclamation du trés Saint pere le Pape Pie VI. en date :i du 36. Shjre. 1791. adreifée a teutes  158 KISTOIRE ET ANECDOTES toutes les puiflances de 1'Europe contre le Decret de l'aflemblée nationale qui incorpore Avignon et le Comtat a la France. Le Decret en date du 14. ?bre dernier par lequel l'aflemblée nationale a prétendu incorporer a la Monarchie francoife la ville dAvignon et le Comtat Venaiflïn, et en depouiller le Saint pere, qui en eft le feul Souverain légitime, en accumulant les-injufticesvet les fauffetés pour en impofer au public, manifefte en même temps la mauvaife foi et les trames infidieufes et perfides de ceux , qui aprés avoir publié et réitéré a toutes les Cours de 1'Europe les proteftations les plus formelles et les plus exagérées d'avoir renoncé a toute aggreffion et a toute conquète, ofent im, pudement autorifer et ordonner la plus violente et la plus criminelle ufurpation. Dans le court efpace de dix huit mois on a quatre fois tenté fous différente  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 159 rente prétexte de réalifer le projet d'in. > corporer a la France ces provinces, qui appartiennent un Saint Siége. Tantót on a elfayé de revoquer en doute la folidité et la validité des titres, tantót on a 'fup'pofé de prétendues réclamations des Avignonois et des Comtadins , qui demandoient d'être déclarés franqois, tantot enfin 011 a examiné fi véritablement ces provinces ne pourvoient pas être revendiquéas comme parties intêgrantes de la France , et 1'on n'a pas eu honte de recourir a toute forte de Sopliismes et d'impostures, pour étayer des motions toutes également tendanter a raccompliiTement de eet inique pro jet. Malgré la fermentation des esprits excités par ces démarches infidieufés, et malgré toute l'adivité d'un parti uniquement dirigé par la haine, la malignité et fur tout par un deifein formé de faire un outrage au Saint Siége , 1'évidence de fes droits prévalut, 1'atrocité de  IÓO HISTOIRE ET ANECDOTES de ]a violence , qu'on ofoit propofer, excita 1' indignation univerfelle , enfin la juftice triompha , et 1'aiTemblée prononca le 24. Mai un decret folemnel conforme a un autre antérieur ,| qui rejettoit formellement toute propofition rélative a cette prétenduë iucorporation. Toutes les trames de Ia cabale, qui méditoit denlever cette Souveraineté au Pape, paroilTbient entiérement déconcertees par ce decret; et d'après les proteftations tant de fois réitérees par 1'affemblée de s'abftenir de toute voye de fait, on devoit efpérer n'avoir plus rien a craindre a eet égard, en confèquence le nouveau decret rendu le 14. 7bre dut néceffairement confondre toutes les idéés , en effet comment les concilier avec les fusdites proteftations et avec les délibérations de lad. alfemblée, qui avoit totalement et formellement rejetté Pincorporation projetée ? On  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. IÓI On auroit de la peine a croire aux nouvelles prétentions imaginées par 1'affemblée fur la ville d'Avignon et le Comtat Venaiffin depuis le decret du 24.Mai dernier, par lequel elle rejetta folemnellement 1' incorporation de ces provinces a la France, fi ces mèmes prétentions n'étoient,avec auffi peu de prudence que de pudeur, annoncées dans ce dernier decret du 14. 7^e. On y voit avec étonnement, que 1'on ofe fonder eet attentat fur 1'énoncé le plus vague des prétendus droits de la France fur lesd. provinces, et fur le voeu libre de la plus grande partie des communautes et des citoyens en faveur des lad. incorpo- . ration. . A 1'égard des prétendus droits attribues par l'affemblée a la France fur Avignon et le Comtat Venaiffin ü eft évident qu'ils font deftitués de tout fondement , et que la datte en eft tres récente , puisqu'en i789> °u lls turent discutés pour la première fois, et plaides T. V. Setl.l L aVCC  Ï6a HISTOIRE ET ANECDOTES avec la plus grande force > fl I unamnernent réjettés. Cette circonftancej eft dautantplus remarquable, que J Saint Siege s'eft bien gardé de charter perfounede deffendre devaut un tribJ nal auffi incompétent la Souveraineté ] qm lm appartient fur lesd. Etats; Sou'"' verainete, qui ne dépend qUe deDieu"" egalement fondée fur les titres les pij facres e, fur la poMofl dg cmq Siecles, reconnuë par tous les Sou- . veins de PEurope et notam.nent ho™loguees dans tous les trioanaux de France, conftamment refpedtée et prote geeparles auguftes prédecefïèurs de S M. tres chretienne. Si Louis XIV. et Louis XV en semparant a différentes époques dW T Ctdu Com^, n'ont jamais f0Jl Wntrevendiqué les droits de la du — ,et n'ont jamais entrepris d"n corporer ces états a la Francef et fi «r Siege, üs fe font abftenus de toute pr0- tefta-  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 163 leftation ou réferve préjudicables aux droits du Saint Siége, il eft certainement :aifé d'apprétier d'aprés ces faits les préitenfions avancées dans le decret, dont [il s'agit. Au refte ces prétenfions bien loin Wétte juftificés aux yeux du public imipartial , ne pourront jamais foutenir le ; parallelle avec les monuments auffi ani ciens que lumineux , qui atteftent 1'abifolue et indépendante Souveraineté du f St. Siége fur lesd. provinces. C'eft a regret que 1'on ne peut fe I diffimuler que ces prétendus titres, qui [fervent de Baze au decret du 14. 7bre : ne font autre chofe que les aótes de féI; duótion et de defpotisme , que depuis ï deux ans l'affemblée nationale s'arroge ; et exerce avec fuccés fur la ville d A1 vignon et le Comtat Venaifin au moyen de fes emiffaires et de fes fatellites fou: doyés. II eft notoire que pour parvenir I a fes fins , l'affemblée n'a pas craint de ' violer ouvertement le droit public des L ij nations,  164 HISTOIRE ET ANECDOTES nations, en envoyant des troupes dans ces états fans le confentement du Souverain, et que . eet attentat, contre lequel fa fainteté a réclamé plufieurs fois inutilement, n'a fervi que de moyen pour commettre des crimes encore plus atroces , en excitant des infurrecTions et des révoltes, en ufurpant et enlevant les propriétés , et en autorifant et favorifant mème au mépris de toutes les loix divines et humaines les vols les brigandages , les incendies et tous les forfaits les plus énormes et les plus barbares. Tels font en effet, et toute 1'Europe en eft témoin, les droits que l'affemblée s'arroge et qu'elle ne celfe d'éxercer fur la Ville d'Avignon et fur le Comtat, et tels font les véritables fondements dc 1'inique decuet d'incorporation. Ou fe croit indifpenfablement obligé de les dénoncer a tous les Souverains , dont 1'autorité et 1'éxiftence même feroit toujours incertaine et précaire  | DELAREVOLUTlONFRANqOISE. 165 Lire fi ?™ ™e blamable indifférenc* L diffimuloit plus long temps , et fi Lu détriment du St. Siége apoftolique Ln pouvoit tolérer un attentat, qui ferLiroit d'exemple et de fignal aux plus déteftables perfidies , et aux vols les I plus infames. Un tel devoir eft d'autant plus preifant aujourd'hui,et il eft d'autant moms permis de différer de le remplir , quon l des preuves trop évidentes de la hardiefle et des efforts combinés, avec lesouels on féme par tout les mêmes prmcipes.Perfonnen'ignore les trames ourdies pour les propager avec une rapidite incroyable, enfotte qu'a peine peut-en feperfuader, qu'il y * ment un état en Europe a 1'abn de pareiUes atrocités et oü notre fainte religion, 1'autorité et la tranquilhte publique ne foient également compromues. Le prétendu voeu libre du plus grand nombre des communautés et des citoyens d'Avignon et du Comtat, qui  166 HISTOIRE ET ANECDOTES fervi de prétexte au decret du 14. 7bre ne fauroit être juftement apprécié, fi I Pon n'eft préalablement inftruit que la I populace d'Avignon excitée par quelques émilTaires de l'aflemblée ayant dés le mois de Juin 1790. arboré létendart de 1 la révolte, la noblefle et la plus faine 1 partie des citoyens fe voyant outragée et expofee aux plus cruelles perfécutions ftit obligée de s'enfuir d'une ville abandonnée aux meurtres , au carnage, et aux facrüéges , 1'émigration augmènta encore confidérablement après que l'affemblée, fous prétexte de rétablir 1'ordre et la paix, mais en effet par une manifefte violation de territoire eut fait en- ' trer dans Avignon la milice francoife. Cette troupe en effct , qui n'avoic été envoyée que pour favorifer la révolte, remplit trés bien fon objet, et loin de calmer les désordres, les multiplia a finfini,et mit le comble aux malheurs de cette ville défolée. Enfin  I DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 167 Enfin Avignon fut presque entièreLnt défert au retour de cette troupe id'aflaflïns et de voleurs incendaires, qui Is'honoroient du nom d'armée de Vaty. clufe,et qui après avoir volé et detruit plufieurs villages du Comtat, et avoit été I plufieurs fois honteufement repouffer des murs de Carpentras , fe trouvant || difperfée et réduite aux plus cruelles extrémités auroit été enfin forcée de s'enfuir fi les commifTaires envoyes par 1'atTemblée fous le titre fpecieux de paci' ficateurs n'euffent forcé la ville a la reÉ cevoir , dans le deifein de s'en fervir pour opérer 1'incorporation , qui etoit ie voeu chéri de 1'alfemblèe. Par ces moyens c'eft a dire par la fraude, par la force armee, par 1'emprifonnement de plufieurs fujets fidels, par les plus cruelles vexations la plus grande partie des citoyens ou s étant enfuis, 011 ayant été mis hors d'état de voter.onfe hata d'éxplorer la volonté des habitans d'Avignon, ceux qui avoient été aiTez L iv keu-  168 HISTOIRE ET ANECDOTES heureux pour fe fauver ayant été rem. placés par une horde de brigands, de bandits et d'aflaffins, et le refte de la commune étant formé par la plus vile populace excitée et même foudoyée par les émiiTaires de l'aflemblée, bien fondée a ne pas héfiter d'adopter ces moyens par Pheureufe expérience qu'elle en avoit faite ailleurs. Tel eft donc le voeu libre et fblemnel de la ville d'Avignon, par le quel l'aflemblée prétend fe juftifier d'avoir enfin décrété 1'incorporation, après en avoir trois fois rejetté la pétitioa, comme mille, illegale et direöement contraire a la juftice. Au refte ce qu'on appelle le voeu libre et folemnel des autres communautés du Comtat eft le produit des mêmes moyens. La ville de Carpentras a efluyé quatre Siège : Cavaillon a été livré au carnage , farriaus brule, Pisle de Sérignan pillée, et les «ulices ont ravagé pillé le Bas-Comtat. Enfuite les garnifons diftribuées par les com-  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 169 ■comraiiTaires de l'aflemblée dans les lieux oü ils les ont jugé les plus néceflaires ont imprimé la terreur k toute la province. Ainfi 1'on voit afiez quelle a pu être la liberté de voter, on plutót il eft évident, que l'aflemblée toujours fidéle * fes principes s'eft lérvi par tout des mëmes moyens de fédudtion ct de violence. Mais la convidKon et les remords des malheureux habitans fi cruellement trompés n'ont pas tardé a faire paroitre de toute part des réclamations. Les émigrans Avignonois, qui par leur naiffance, leur nombre et 1'étendue de leurs propriétés , formoient la plus grande portion de ce peuple , fe font fait un devoir de faire parvenir è lenvi au Pape 1'hommage de leur fidélité et de leur conftante foumiffion , en lui envoyant de leur plein grè , du fond des retraites qu'ils avoient été forcés de choifir, les déclarations et les proteftations les plus folemnelles de vouloir vivre et mourir fideles fujets du S.Siége L v »P°-  170 HISTOIRE ET ANECDOTES apoftolique, et les communautés du Comtat ne fe font pas moins fignalées par leur attachement, zéle et fidélité, ayant toutes, a 1'éxception de celles, qui gémüTcnt fous la puiifance des rebelles, fait paffer a fi fainteté des déclarations de la plus grande authenticité. On croit avoir aflez évidemment démontré la fauiTeté des prétextes employés pour colorer 1'injuftice, ou plutöt 1'infamie du vol décrété fous le titre de la prétendue incorporation ; mais il eft effentiel de ne pas laifler ignorer, que 1'on n'y eft parvenu, qu'aprés avoir de longue- main fomenté la fédition, protégé le crime, maifacré les gens de bien, et affuré la révolte par 1'impunité: il eft elfentiel que les puiflances foient éclairées fur 1'uniformité de la marche, que 1'on fuit conftamment pour bouleverfer 1'univers entier. L'aflemblée nationale, pour fe lavetdu reproche d'être en contradidtion avec elle-même, a calomnié la fidélité des fujets  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 171 fujets de fa Saintete; et fous fapparence de leur voeu libre pour 1'union de cette province a la France, a eifayé de juftifier la violence et 1'injuftice de cette ufurpation. Mais 1'ambiguité de quelques phrafes miftérieufes ne lauroit en ïmpofer, et les cours de 1'Europe font trop éclairées, elles ont trop d'mtérêt a 1'étre, pour fe fier k des proteftations illufoires, et diffimuler un attentat fi énorme et d'un exemple fi dangereux: attentat que la plus faine partie de l'affemblée méme détefte, ayant été en leur abfence frauduleufement furpris et extorque un decret fi exorbitant. Cette vérité eft fi fenfible que 1 at femblée a jugé devoir ajouter au decret, qui dépouille le Souverain pontife de fes états, une claufe par laquelle elle a prétendu en rendre 1'injuftice moins criante, en décrétant que le Roi ne fe refuferoit pas k traiter avec la cour de Rome pour 1'indemnité et les compenfations, qui lui feroient duës. A eet égard on eft intimément perfuadé que  172 HISTOIRE ET ANECDOTES S. M. trés chrétienne pénétrée des fentiments de Religion et d'équité, qui Pont toujours animé, et imitant la piéte et la jufiice de fes glorieux ancêtres temoignera fon horreur pour une violation fi manifefte du droit public. D'ailleurs fa fainteté déclare a toute 1'Europe qu'elle n'écoutera aucune propofition dmdemnité, compenfation ou échange, «on feulement paree qu'elle en a contradé 1'obligation par fon ferment prèté a fon exaltation a la tiare, et par fon amour paternel envers fes états d'Avignon et du Comtat Venaiffin, qu'elle regardera toujours comme un appanage tres précieux du St. Siége, mais paree que les droits de la Souveraineté font mapréciables et n'admettent point de Compenfation. , L'extrème confidération et les egards, dont le St. Pere fait profeffion envers tous les Souverains de 1'Europe, et la profonde idéé, qu'il a de leur droil ture inaltérable, et de leur exade juftice, le mettent dans la néceffité de ne pas  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 173 L différer de leur donner part d'un loutrage fi grave, et de reclamer formellement et folemnellement leur affiftance Ces mëmes fentiments lui infpirent la'plus ferme confiance, que juftement indignés d'un tel attentat, ils employe,ront tout leur crédit, et voudront égai lement prèter leur puiflant appui, pour ,faire annuller un decret, lequel, en en' vahiffant une fouveraineté appartenante ! au faint fiége, offenfe les droits les plus si facrés , et compromet ouvertement les propriétés territoriales de tous les Sou(l verains de 1'Europe." Cette déclaration du St. Pere ne pa. ■ rut pas produire un grand effet parmis | les differentes puiifances, elles 1'oublie, rent dans la pouffiere de leurs Archives , diplomatiques, fans s'occuper des moyens k de lui faire recouvrer fes pofleffions. M de Montmorin rendit compte 4 l'affemblée le 30. ! Oétob. des difpofitions des Ae Mont. principales puiffances de PEu- «** rope et de la réponfe qu'elles avoient  174 HISTOIRE ET ANECDOTES avoient faite k la Lettre de S. M. II annonca en même temps que, la tranqöülite de 1'Europe paroiffant aiTurée, il avoit pné le Roi d'accepter la démiffion de fon emploi de Miniftres des affaires étrangéres. Cette place, fut offerte k M. de Ségur Ambaffadeur a Rome: fur fon refus le Roi y nomma M. de Leffart et la charge de Miniftre de lïnténeur, qu'il occupoit fut confiée a M. Cahier de Gerville homme d'un caradtére modéré, quoique zélé partifan de la Conftitution. Après s'être occupée de SSL VEm^n, l'affemblée mit pretresnon- en deliberation un objet égafermctés. lement important et qui donna lieu aux plus vives difcuffions. La Conftitution affuroit la liberté de tous les cultes et ne mettoit d'autre différence entre les prètres, qui avoient prété le ferment et ceux, qu'on avoit furnommé réfractaires, qu'en ce que les premiers étoient falariés par 1'état, et que les autres n'éxercant pas de fondions publiques étoient obligés de fe con-  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. I75 contenter de la modique penfion, qu'on avoit bien voulu leur laifler en les privant de leurs bénéfices. Suivant les loix de la tolérance que la Conftitution avoit paru vouloir adopter il devoit être libre a tout particulier de choifir le Miniftre de fon culte, et, tant qu'il ne troubloit pas 1'ordre public, il avoit droit a la protection duë a tout citoyen paifible. En conféquence le Departement de Paris avoit ordonné qu'on ouvrit toutes les églifes et enjoint a la municipalité de prendre les mefures néceifaires, pour que la liberté du culte fut parfaitement aifurée. Ces difpofitions prudentes des adminiftrateurs ne furent nullement fecondées. Les vrais fidèles loin de jouir de cette tranquillité et de 1'éffet de cette douce fraternité , qui devroit unir tous les chrétiens pénétrés des vrais principes de la Religion, virent renouveller les fcénes fcandaleufes, qui avoient eu lieu pendant la quinzaine de paques en 1791. A Paris les prëtres non- con-  Ijb HISTOIRE ET ANECDOTES conformiftes furent perfécutés, le peuple fe porta en foule dans les chapelles ou églifes, oü ils' célébroient leur culte, les perfonnes pieufes attachées a leurs anciens pafteurs furent griévement infukés, et ce qui paroitra extraordinaire, c'eft que les Jacobins, qui dirigeoient a leur gré les caprices du peuple, accuferent les prètres réfradaires de troubler 1'ordre public et d'ètre les ennemis de la Société, tandis que leur fermeté dans leurs principes, leur confiance et la patience avec laquelle ils fuportoient les outra. ges les rendoient réellement refpedables aux yeux de tous les citoyens modérés, et leur créoient une foule de profélites, qui dans d'autres circonftances ne fe feroient nullement inquiétés de leur fort. Pendant qu'on s'occupoit Aansiav™. de la d"cuifion de cette affaidées. re, l'affemblée requt des rap- ports allarmants des départements de Mayenne et Loire et de la Vendée. Le fanatisme excité et guidé par la haine politique y avoit formé des  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. If£ ■ des raflemblements de trois a quatre mille hommes armés conduits en grande partie, difoit-on, par des prètres aft. ticonftitutionels : les pélerinages, les proceffions noclurries et d'autres moyens, qui exaltent 1'imagination, av01ent ete i employés pour échaufer les efpnts, les ■ portes des églifes avoient été enfoncees i et les cures conftitutionels chaffes de f leurs presbitéres. On a prétendu, peut ; être mème avec quelque apparence de , réalité, que ces excés étoient encore une ! fuite des manoeuvres des Jacobins, pour provoquer les mefures les plus feveres contre les éccléfiaftiques réfradtaires, et que ceux, qui étoient k la tête de ces raffemblements n'étoient point des pretres, mais de leurs émiflaires degmles, «ui avoient ordre de foulever le peuple. 11 éclata auffi au mois de Novembre des troubles dans le département de Calvados, dont la Reügion étoit auffi le prétexte, mais qui avoient quelques rapports avec des proiets deContre-Révolution. Une grande 3 T.V.S&.L M V**  178 HISTOIRE ET ANECDOTES quantité de Nobles et de cy-devant privilégiés fe réunirent dans une églife a Caën, pour y affifter a un te Deum, qui devoit être chanté par M. Bunel curé deftitué. La municipalité voulut fai. re diffiper cette efpèce d'attroupement, il y eut quelques voyes de fait de part et d'autre, et cette nouvelle tentative de la part des mécontents fe termina a leur désavantage. MM. du Rofel, d'Hericy, et environ 8^ Nobles furent arrêtés. On s'émpara de leurs papiers. L'information et les procés-verbaux envoyés a l'affemblée par la municipalité et le direcloire du diftrict de Caën conftaterent qu'on y avoit trouvé un plan détaillé en 16. Articles pour s'emparer de la ville: Cette découverte engagea fans doute l'affemblée a prendre les mefures les plus févéres contre les prëtres réfracftaires. La difcuffion rélative k cet "bjet s'ouvrit dés le2x. ééfutis. Oclob. MM. d'Avigneau et Monneron parierent en faveur de  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. I7 de la tolérance et propoférent de punit les perturbateurs de 1'ordre public, en les diftinguant des prètres non-conbrmiftes, qui exerqoient paifiblement leur i culte Mais aucun difcours ne produifit plus de fenfation que celui de M. Tomé evèque du .Cantal en faveur de la tolérance, le texte étoit: le Lêgislateur laffe a Dieu le foin de vengerfa propre gloire. II pataphrafa ce texte fous tous les afpeds, répandit dans fon difcours cette morale douce et perfuafive, qui fait la bize de la Religion chrétien- ne et obtint les applaudiifements les 'J plus mérités. M.Ramondpouifa les principes de tolérance encore plus lom, il propofa de faire falarier par i'état tous j les prètres indiftindement, afin de ne, tablir entre eux aucune différence. La fadion dirigée par les Jacobins fit paroitre de fon coté les orateurs. dont les opinions étoient les plus exaltées M. le Jofue, 1'évêque Fauchet, M. Ifnard député de Marfeille déclamerent avec la plus grande véhémence contre M ij les  ISO HISTOIRE ET ANECDOTES les prètres non-conformiftes, ils profiterent des troubles , qui avoient éclaté dans plufieurs départements pour les peindre, comme des incendiaires, des affaffins prèts a déchirer le fein de la mere patrie: "Voila! (s'écria M. Isnard en parmant des nouveaux troubles) voila oü „conduit 1'impunité, les fiftêmes de tolérance, qu'on nous a propofés feroient „bons dans des temps de calme; mais „quelle tolérance doit-on a ceux, qui „ne veulent tolérer ni la Conftitution, „ni les loix? Quelle indulgence doit„on a ceux, qui la torche a la main, ' „incendient le Royaume? Il eft temps 5,que tout foit enfin forcé de fe fou„mettre a la volonté générale; il eft „temps que les Tiares , les diadèmes, „les encenfoirs le cédent au fceptre des „loix. „ C'eft en vain que quelques membres chercherent a ramener l'affemblée a des idéés plus modérées, la faclion républicaine connoiffant fon afcendant étoit füre  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 181 Lre de faire adopter tous fes plans. Le Zl. Novemb. elle fit rendre le decret fuivant, auquel elle ajouta par la fuite quelques Articles. Ce decret etoit fconqu en ces ter mes: L'affemblée nationale aprés I avoir entendu le rapport des commiffaires civils envoyés dans le departement de la Vendée, les pétitioiis d'un grand nombre de citoyens, et le rapport du comité de législation civile et criminelle, fur les troubles excites dans plufieurs départements du RoyauJme par les ennemis du bien public, fous prétexte de Religion: confidérant que le contrat focial doit lier, comme il doit protéger également tous les memI bres de 1'état; qu'ü importe de definir 1 fans équivoque les termes de eet engagement, afin qu'une coufufion dans les mots n'en puiffe opérer une dans les idéés ; que le ferment purement civiJ que eft la caution, que tout citoyen doit donner de fa fidélité a la loi, et de fon attachement a la Société, et que M üj la  183 HISTOIRE ET ANECDOTES la différence des opinions religieufes ne peut être un empêchement de prèter ce ferment, puisque la Conftitution affure a tout citoyen la liberté entiére de fes opinions en matiére de Religion, pourvu que leur manifeftation ne trouble pas 1'ordre, ou ne porte pas a des ades nuifibles a la fureté publique. Confidérant que le Miniftre d'un Culte, en refufant de reconnoitre 1'ade conftitutionel, qui 1'autorife a profeffer fes opinions religieufes, fans lui impofer d'autre obligation que le refped pour 1'ordre établi par la loi, et pour la fureté publique , annonceroit par ce refus-la même, ou que fes opinions font contraires a 1'ordre et a la fureté, ou que fon intention n'eft pas de les relpederj qu'en ne voulant pas reconnoitre la loi, il abdiqueroit volontairement les avantages, que cette loi peut feule lui garantir; que la Religion n'eft qu'un prétexte, dont abufent les ennemis de la Conftitution, et un inftrument, dont ils ofent fe fervir pour troubler la terre au  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 18 3 au nom du cieh que leurs délits miftérieux échapent aifément aux mefures ordinaires, qui n'ont pas de pnfe fur les cérémoniés clandeftines, dans lesquelles leurs trames font enveloppées, et par lesquelles ils exercent fur les confciences un empire infenfiblei qu'ü eft temps enfin de percer ces ténébres, afin qu on puilfe difcerner le citoyen paiGble et de bonue foi du prètre turbulent, machinateur, qui regrette les anciens abus et ne peut pardonner a la Révolution de les avoir détruits; que 1'obligation meme d'aifurer la liberté des opinions religieufes garantie par 1'acle conftitutionel exige impérieufement, que le corps legislatif premie de grandes mefures politiques pour réprimer les faftieux, qui couvrent leurs complots d'un voile ia, cré; qu'il faut a eet égard fixer precüement le fens et 1'éxécution des loix an~„ fi plles font infuffifantes térieures, ou, ü elies ïom en préparer de nouvelles; enfin que eelt furtoutaux progrés de la j^**** . et a 1'opinion publique bien dmgee, qu ü jv eit  184 HISTOIRE ET ANECDOTES eft réfervé d'achever le triomphe de la Joi, douvrir les yeux des bons habitans: des campagnes fur la perfidie ini terelTee de ceux, qui veulent leur faire accroire, que les législateurs conftituans ont touché è la Religion de leurs péres, et de prevenir pour 1'honneur des Francois dans ce Siècle de lumiere le renouvelkment des fcénes horribles, dont la fuperftnion n'a méchamment que trop fouillel'hiftoire, dans les fiédes oü l'l gnorance des peuples étoit un des reflorts du gouvernement. , , ^flèmblée nationale ayant décrété prealablement 1'urgence decréte definiti. vement ce qui fuit. Art. I. Dans la huitaine a compter de Ia pubhcation du préfent decret, tous les ecclefiaftiques autres que ceux, qui fe lont conformès au decret du 27. Novemb I790. feront tenus de fe préfenter devant ia muilfefpaKté dy ]igu de ^ ^ nucile d'y prêter le ferment civique dans les termes de 1'Art. V. Tit. II. de la  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 185 la Conftitution et de figner le procés verbal, qui en fera dreffé fans frais.. Art. IL A 1'expiration du délai cy-deflus, chaque municipalité fera parvenir au directoire du département, par la voye du diftriét, un tableau des eccléfiaftiques domiciliés dans fon territoir©, en diftinguant ceux , qui auront prêté le ferment civique, et ceux, qui 1'auront relufé. Ces tableau* ferviront a former les liftes, dont il fera parlé cy-après. Art. III. Ceux des Miniftres du culte catholique, qui ont donné 1'éxemple de la foumiffion aux loix et de 1'attachement a leur patrie en prëtant le ferment de fidélité prefcrit par le decret du 2,7. Novemb. et qui ne 1'ont pas rêtradé font difpenlés de toute formalité nouvelle ; ils font invariablement maintenus dans tous les droit, qui leur avoient été attribués par les précédents decrets. M v Art.  Ï86 HISTOIRE ET ANECDOTES Art. IV. Quant aux autres eccléfiaftiques, , aucun d'eux ne pourra désormais tou- i cher, réclamer, ni obtenir de penfion ou traitement fur le tréfor public, qu'en repréfentant la preuve de fa preftation de ferment civique conformément a 1'Art. I. cy-deffus. Les tréforiers, receveurs ou payeurs, qui auront fait des payements contre la teneur du pré- I fent decret, feront condamnés a reftituer le montant et privés de leur état (*). Art. V. Outre la déchéance de tout traitement, ou penfion les eccléfiaftiques, qui au- (*) Conformément ï 1'adte conftitutionel Chap. V. Art. 2. le modique traitement accordé aux eccléfiaftiques devoit faire partie de la dette nationale, et ne pouvoit dans aucun cas leur être refufé, ni retenu. Comment concilier le texte de Ia loi avec celui du decret rendu par les nouveaux législateurs, qui cependant avoient juré folemnellement de ne rien clianger a la Conftitution?  DE LA REVOLUTION PRANCOISE. 187 auront refufé de prèter le ferment civique, ou qui le rétraderont aprés 1'avoir prèté, feront par ce refus même, ou par cette rétradation réputés fufpeds de ré: volte contre la loi et de mauvaifes intentions contre la patrie, et comme tels ' plus particuliérement foumis et recommandés a la furveillance de toutes les autorités conftituées. Art. VI. En conféquence tout eccléfiaftique ayant refufé de prêter le ferment, ou 1'ayant retradé aprés 1'avoir prèté qui fe : trouvera dans une commune, oü il furviendra des troubles, dont les opinions : religieufes feront la caufe ou le prétexte, pourra être éloigné provifoirement du lieu, oü les troubles feront furvenus, en vertu d'un arrète du diredoire du département, fur 1'avis de celui du diftrid, fans préjudice de la dénonciation aux tribunaux fuivant la gravité des circonftances. Art.  188 HISTOIRE ET ANECDOTES Art. VII. En cas de désobéiflance a 1'arrëté du directoire du département, les contrevenants feront pourfuivis dans les tribunaux, et punis d'une détention, dont le terme ne pourra être de plus d'une année dans le chef-lieu du département. Art. VIII. Tout eccléfiaftique, qui fera convaincu d'avoir troublé 1'ordre public par fes difcours, fes adfions ou fes écrits, fera puni de deux années de détention. Art. IX. Si k 1 'occafion des troubles religieux il s'éléve dans une commune des féditions, qui néceffitent le déployement de la force armée, les frais avancés par le tréfor public pour eet objet feront fupportés par les citoyens domiciliés dans cette commune, fauf le recours de cette derniére contre les chefs, les inftigateurs et les complices des émeutes. Art.-  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. I 89 Art. X. Le directoire de chaque département fera former deux liftes. L'une contiendra le nom et le domicile des prètres de la Religion catholique, qui auront prèté le ferment, et qui n'ayant pas encore été placés, ont le projet de fe rendre utiles k Pétat. L'autre lift© contiendra les noms et domiciles de ceux, qui auront refufé de le prèter avec un extrait des procés verbaux ou dépofitions, qui auront été faites contre, eux. Ces deux liftes doivent être formées le plus promptement poflible, pour qu'elles puhTent être remifes aux adminiftrateürs des départements avant la cloture de leur féance a&uelle. Art. XL Lorsque ces liftes auront été remifes, le procureur général findic de chaque département rendra compte des diligences, qu'il aura faites dans fon arrondiifement, pour faire exécuter les decrets de l'affemblée nationale des 12. et 24.  190 HISTOIRE ET ANECDOTES 34. Juillet, ainfi que de celui du 24. Novemb. 1790. concernant 1'exercice du culte catholique falarié par la Nation. Son rapport informera en même temps des obftacles, qui fe font oppofés a 1'exécution de la loi et les noms de ceux, qui y auroient mis de nouveaux obftacles depuis 1'amniftie accordée par l'affemblée, ou qui par méchanceté ou négligence en auroient favorifés la nonexécution. Art. XII. Le diredloire de chaque département formera a eet égard un arrèté motivé, qui fera envoyé fur le champ a l'affemblée nationale. 11 joindra a chaque lifte des eccléfiaftiques, qui auront prèté on refufé le ferment, des obfervations fur leur conduite individuelle, fur les liaifons fufpedtes, qui pourroient exifter entre eux, ou les rapports qu'ils pourroient avoir avec les Franqois expatriès ou fugitifs. Art.  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. IQI Art. XIII. Si quelques corps ou particuliers jouiflant de 1'attribut des fonctions publiques refufent d'employer les moyens prefcrits par la loi pour prévenir ou calmer la fédition, ils en feront refponfables , et feront citée devant les tribunaux pour être jugés et punis conformément a la loi du 3. aouft 1791. Art. XIV. Désque les procés verbaux , les liftes et les arrètés des départements feront parvenus a raifemblée, ces différentes piéces feront remifes au comité de législation qui en fera fon rapport, afin que raifemblée nationale prenne les mefures néceifaires pour arrèter 1'efprit d'infurreétion, qui fe déguife fous le voile des opinions religieufes Le comité remettra en même temps un étaê des départements qui auront obei a le teneur du préfent decret, et propofera les mefures didés par la prudence, qu'il conviendra- de  IQ2 HISTOIRE ET ANECDOTES de prendre contre les adminiftrations, qui auront düféré de le mettre a exécution. Art. XV. II fera formé tous les ans une maffe de penfions, qui feront retenuës aux eccléfiaftiques , qui auront refufé de préter le ferment conformément a 1'Art. IV. Cette maffe fera divifée entre les quatre vingt trois départements en proportion de la contribution fonciére et mobüiaire, pour être employee foit a des atteliers de charité, foit au foulagement des pauvres hors d'état de travailler. Art. XVI. Comme il eft de la plus grande importance d'éclairer le peuple fur les piéges, qu'on lui tend fans ceffe , fous prétexte d'opinions religieufes , raffemblée recommande a tous les gens inftruits de renouveller leurs efforts pour repandre leurs principes et étouffer le fanatisme. Elle déclare qu'elle regardera comme  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 193 comme un bienfait public tous les écrits, qui lui feront envoyés a ce fujet a portée de 1' intelligence des habitans des campagnes , et d'apres le rapport, qui lui en fera fait elle en décretér» 1'impreifion et la diftribution aux frais de 1'état et accordera des récompenfes aux auteurs. Art. XVII. Les églifes et oratoires deftinés au culte falarié par 1'état ne pourront être employé a aucun autre culte. Les autres églifes et chapelles, qui appartiennent a la Nation pourront être achetées ou louées par des citoyens profeiTant une autre Religion, pour qu'ils y puiffent exercer leur culte fous 1'infpeaion de la municipalité et de 1'adminiftration du département; et néansmoins cette permiffion ne pourra être accordée aux eccléfiaftiques, qui auront refufé de prèter le ferment civique prefcrit 1'Art. rf> du préfent decret, ni a ceux, qui conformément a 1'Art. V. pourroient être T. V. Sett.I. N fu.  149 HISTOIRE ET ANECDOTES fufpeclés d'ètre rebelles a la loi, ou mal- intpntinnps mnfrp la natrip „ „ . iLii inanc acrenuvement hef.exions. . . les Articles de ce decret, et en fuivant les procédés de l'aflemblée conftituante envers les eccléfiaftiques, on ne peut fe diffimuler que le Clergé de France n'ait été traité d'une maniére vexatoireettyranmque. L'aflemblée nationale , aprés 1'avoir dépouillé de fes biens, et avoir établi une nouvelle conftitution civile contraire aux dogmes de 1'églife, exigea impérieufement des eccléfiaftiques qu'ils prétaflent le ferment de la maintenir, fous peine d'ètre privés de leurs benéfices \ c'eft en vain que plufieurs d'entre eux propoferent des reftridions, qui devoient mettre leur confcience a 1'abri de tout reproche, ou qu'ils demanderent que ce qui regardoit Fétabliifement du nouveau clergé ne fit point partie de la Conftitution, en déclarant qu'ils prêteroient alors le ferment civique. Mais ces modifieatiuns furent rejettées. On ne conqoit pas comment des législateurs, qui  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 19 5 Jqui avoient la prétention d'ètre juftes, Jexigeoient des eccléfiaftiques qu'ils mainIttnflent une Conftitution, qui attaquoient J leurs principes religieux; ce qu'on pousdvoit leur demander, c'eft qu'ils obéifilfent a la loi: mais le mot maintenir emportoit une toute autre idee; car alors j ils étoient obligés d'arfurer le fuccés des d nouvelles loix par une fuite d'adions et d'efforts tendant a les propager: or cette claufe étoit incompatible avec le i cd de leur confcience. Les athées, les iincrédules, les prétendus philofopbes, et lies Jacobins, qui dominoient 1'aflëmblée, avoient réfolu PaneantuTement total de 1'ancien clergé, dont ils redoutoient 1'empire , et dont la conduite exemplaire j dans cette circonftance lui avoit concilie beaucoup de partifans. Les novateurs pour colorer leur injuftice mendierent des pétitions, qui follicitoient les peines les plus rigoureufes contre les eccléfiaftiques réfradtaires; mais les citoyens éclairés ne furent point la dupe de ces i artifices grofliers, qui ne pouvoient eii N ij impc-  19^ HIST01RE ET ANECDOTES impofer qu'a un peuple ignorant, lis gémilfoient en filence de voir attaquer ouvertement les principes de la Conftitution, dés Pinftant même, oü elle venoit d'ètre établie; et ce qui augmen. toit leur inquiétude étoit le peu de moyens laifles au pouvoir exécutif pour arrèter les entreprifes réitérées de la faclion républicaine. Pnuioniu Les admil^ateurs du DireXoinau departement de Paris, dont la Département plupart étoient les fondateurs de Paru i dg ]a Q,^^ MM Des_ meuniers, Anfou, Tallegrand Périgrod ancien evêque d'Autun, le Duc de la Roche-Foucauld et plufieurs autres propoferent de rédiger une pétition, pour fupplier S. M. au nom du Département d'appofer fon Véto a un decret vexatoire, qui attaquoit auffi évidemment la Conftitution. Le langage, qu'ils tin. rent dans cette circonftance, étoit bien différent de celui du Duc de la RocheFoucauld , qui a la tête de la même Adminiftration en Avrü 1791, avoit exigé que  DE LA REVOLTJTION FRANfOISE. 19? que le Roi renvoyat les eccléfiaftiques attachés a. la chapelle. La demande du Département a cette époque étoit toute auffi injufte et attentatoire a ia liberté individuelle, que le decret du corps législatif au mois de Novemb. de la mème année. Mais les opinions de la plupart des hommes varient fuivant les circonftances et furtout celles des hommes fans principes, qui avoient fait la Rcvolution. La Pétition du département de Paris ayant eu beaucoup d'influence fur la décifion de S. M. elle mérite d'ètre rapportée. L'ancien évèque d'Autun en étoit le rédacteur. Cette piéce interreffante et qui mérite k tous égards Pattention du ledteur étoit concue en ces termes. Sire! Nous avons vu les Adminiftrateurs du Département de Paris venir vous demander il y a huk mois d'éloigner les perfides confeils, qui cherchoient k détourner de vous 1'amour du peuple FranN iij cjois.  198 HISTOIRE ET ANECDOTES c,ois. Ils brayerent pour vous faire entendre la vérité, jusqu'aux tourments de votre coeur ; c'étoit le feul effort, qui put couter a des Franqois devenus libres. Nous, citoyens pétitionnaires, venons aujourd'hui, non pas avec la puiffance d'opinion, qui appartient a un corps impofant, mais forts de notre conviclion individuelle , vous adreifer un langage parfaitement femblable dans fon principe, quoique dilférent fous plufieurs rapports: nous venons vous dire que les difpofitions des efprits dans la Capitale font auffi bonnes, auffi raifurantes que V.M. peut le défirer; que le peuple y veut avec ardeur la Conftitution, la paix, le retour de 1'ordre et le bonheur du Roi; qu'il manifefte ce dernier fentiment avec la plus touchante fenfibilité, au milieu même de fes propres peines. Mais nous vous dirons en même temps, Sire, que ceux la vous tromperoient bien cruellement, qui oferoient tenter de vous perfuader, que fon amour pour la Révolu- tion  DE LA REV "LUTION FRANC.OISE. 199 tion s'eft affoibli; qu'il verrok avec joye le fuccès de nos implacables ennemis, et que fa confiance dans fes repréfentans n'eft plus la mème. Défiez-vous, Sire, de ceux qui vous tiennent ce langage: il eft faux, il eft perfide dans tous fes points. Le peuple eft calme , paree qu'il fe fie i votre probité , a la Religion de votre ferment; paree que le befoin du travail raméne toujours les hommes vers la paix. Mais croyez, et croyez bien qu'au moindre Signal de danger pour la Conftku. tion, il fe fouleveroit tout entier avec une force incalculable. Croyez auffi qu'un grand nombre de ceux, qui fe font montres moins attachés a la Révolution, fentiroient tout a coup 1'indifpenfable néceffité de la deffendre contre des ennemis, qui, fans pouvoir guérir leurs maux adtuels, les précipkeroient dans les plus horribles malheurs, et que par conféquent il exiftera toujours, pour le maintien du nouvel ordre de chofes, la majorité la plus impofante et la plus jj iv formi-  2 0O HISTOIRE ET ANECDOTES formidable; croyez que, quelque puifle fetre Popinion publique fur tel ou tel decret du corps législatif, qui aura été furpris a fon zéle, c'eft toujours prés des repréfentans du peuple élus par lui que retournera, que repofera néceffairement fa confiance, Vous avez attaché, Sire, votre bonheur a la Conftitution; nous ajoutons qu'il eft la tout entier, et qu'il ne peut plus désormais être que la: que cela eft inconteftable dans toutes les fuppofitions poffibles; que vos ennemis, vos feuls ennemis font ceux, qui méditent le renverfement de Porde aduel, en vous livrant a tous les perils; que leurs démonftrations de dévouement pour votre perfonne font fauffes, leurs applaudiifements hypocrites; qu'ils ne vous pardon neront jamais, non jamais, ce que vous avez fait en faveur de la Révolution, et particuliérement eet ade courageux de liberté, par lequel, ufant du pouvoir, qui vous eft délégué, vous avez cru néceifaire pour détruire fure- ment  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 201 ment leurs efpérances, de les fauver eux mêmes de la rigueur des decrets, dont ils étoient menacés. Nous en concluons, Sire, que tout moyen de conciliation doit vous paroitre maintenant impraticable ; que trop longtemps ils ont infultés a votre bonté, a votre patience; qu'il eft urgent, infiniment urgent que, par une conduite ferme et vigoureufe, vous mettiez k Pabri de tout danger la chofe publique, et vous, qui en êtes devenu inféparable, que vous vous montriez enfin tel que votre devoir et votre intérèt vous obligent d'ètre, 1'ami imperturbable de la liberté, le deffenfeur de la Conftitution, et le vengeur du peuple Franqois, qu'on outrage. Nous avons fenti le befoin, Sire, de vous faire entendre ces vérités: elles n'ont rien, qui ne foit d'accord avec les fentimens, que vous avez manifeftés. Un autre motif nous conduit auffi auprés de vous. La Conftitution vous a remis un immenfe pouvoir, quand elle N v vous  XO% HISTOIRE ET ANECDOTES vous a délégué le droit de fufpendre les decrets du corps législatif. II eut été défirable fans doute qu'une telle puiffance repofat longtemps, fans qu'on fut obligé d'y recourir; et protégeat la liberté par fa feule exiftence, fans étonner 1'empire par fon aclion réitérée. Mais, quand le falut public le commande, cette arme redoutable ne peut pas demeurer oifive dans vos mains; la Conftitution vous ordonne de la déployer, et cette même Conftitution appelle tous les citoyens a éclairer votre Religion fur ce que la patrie attend de vous dans des circonftances. difficiles. Nous venons donc, avec un fentiment pénible, il eft vrai, mais pourtant avec une forte confiance, vous dire que le dernier decret fur les troubles religieux nous a paru provoquer impérieufement 1'éxercice du Véto. Nous ne craignons pas que la malveillance ofe fe fervir de notre franchife, pour accufer nos intentions. On perfuaderoit düficilement que des hommes,  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 203 mes, qui par la perrévérance de leurs principes, pendant le cours de la Revolution, ont merité des haines, dont ils s'honorent; qui les méritent chaque jour, d'autant plus qu'ils fe montrent les arms infatigables de 1'ordre, et combattent fans relache tous les genres d'excés, dont ; fe nourrit avec complaifance 1'éfpoir des Contrerévolutionnaires; que des hommes, qui favent que plufieurs d'entre eux font a la tëte des liftes de pro: fcription tracées par la fureur de nos ennemis, veuillent fervir nos criminels deffeins. Nous abhorrons le fanatisme, 1'hypocrifie, les difcordes civiles exci:l tées au nom du ciel. Nous fommes dévoués plus que jamais par nos affe! dions les plus intimes, plus encore, s'il ; eft poflible, que par nos ferments, a la caufe de la liberté, de 1'égalité, a la deffenfe de la Conftitution, et c'eft dans ces fentiments mèmes que nous trouvons tout le courage nécelfaire pour vous demander ce grand ade de raifon et de juftice. Sire,  204 HISTOIRE ET ANECDOTES Sire, l'aflemblée a certainement voulu le bien, et ne cefle de le vouloir: nous aimons a lui rendre eet homage, et a la venger ici de fes coupables dé' tradeurs: elle a voulu extirper les maux innombrables, dont en ce moment furtout les querelles religieufes font la eau. fe ou le prétexte. Mais nous croyons qu'un fi louable deflein 1'a pouflee vers des mefures, que la Conftitution, que la juftice, que la prudence ne fauroient admettre. Elle fait dépendre pour les eccléfiaftiques non fondionnaires le payement de leurs penfions de la preftation du ferment civique, tandis que la Conftitution a mis expreflement et litteralement ces penfions au rang des dettes nationales: or le refus de prêter un ferment quelconque, de prèter le ferment même le plus légitime peut-il détruire le titre d'une créance , qu'on a reconnuë? et peut-il fuffire, dans aucun cas, a un débiteur d'impofer une condition pour fe fouftraire a 1'obligation de pa. yer une dette antérieure? L'aflemblée natio-  ; DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 205 nationale conftituante a fait au fujet des prètres non-aifermentés ce quelle pouvoit faire; ils ont refufé le ferment prefcrit, elle les a privés de leurs fonnfttons, et en les dépoffédant elle les a réduits a une penfion. Voila la peine, ivoila le jugement. Or peut-on prononcer une nouvelle peine fur un point déja jugé toutes les fois qu'aucun délit individuel ne change pas 1'état de la queftion? L'aifemblée nationale, aprés que les prètres non - aifermentés auront été dé:pouillés, veut encore qu'on les déclare fufpeds de révolte contre la loi, s'ils ine prètent pas un ferment qu'on n'éxige d'aucun autre citoyen non-fondionnaire: or comment une loi peut-elle déclarer des hommes fufpeds de révolte contre da loi? A-t-on le droit de préfumer ainfi Je crime? Le decret de l'aifemblée nationale veut "que les eccléfiaftiques, „qui n'ont point prêté le ferment, ou qui „1'ont rétradé, puiffent, dans tous les „troubles religieux, être éloignés provi-  206 HISTOIRE ET ANECDOTES ,,foirement et emprifonnés, s'ils n'obeif„fent a 1'ordre, qui leur fera intimé.,, Or, n'eft ce pas renouveller le fiftème des ordres arbitraires : puis qu'il ferok permis de punir de 1'éxil, et bientót après de la prifon celui, qui ne feroit pas encore convaincu d'ètre réfraclaire a la loi. Le decret ordonne "que les dire„éloires de département drefient des li„ftes des prètres non - alfermentés , et „qu'ils les falfent parvenir au corps légis*. „latif, avec des obfervations fur la con„duite individuelle de chacun d'eux;" comme s'il étoit au pouvoir des diredtoi- l res de ciaffer des hommes, qui n'étant plus fondtionnaires publics font confondus dans la claife générale des citoyens: comme fi des adminifirateurs pouvoient fe réfoudre k former et k publier des liftes, qui dans des jours d'etfervefcence pourroient devenir des liftes fiinglantes de profcriptionj. corrnne enfin s'ils étoient capable.s de remplir un Miniftére inqui- fito-  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 2 07 fitorial, que néceffiteroit 1'execution littérale de ce. decret. Sire, k la ledure de ces difpofiitions, tous les individus, qui vous préirentent cette pétition, fe font demandé, Is'ils fe fentiroient ce genre de dévoue,ment; tous ont gardé le plus profond filence, Eh quoi! il faudroit donc qu'ils tintent ce langage a chacun de leurs iconcitoyens: "dites, quel eft votre cul;„te '< rendez compte de vos opinions rei„ligieufes : aprenez-nous quelle profef„fion vous avez exercée, et nous ver„rons alors, fi vous avez droit a la pro„tedion de la loi. Nous faurons s'il „'eft permis de vous donner la paix. :„Si vous avez été eccléfiaftiaques, trem:!„blez: nous nous attacherons a vos pas ; l„nous épierons toutes vos adions pri„vées; nous rechercherons vos rélations !„les plus intimes; quelque réguliére que I„puiffe être votre conduite, a la pre„miére émeute, qui furviendra dans cet„te ville immenfe, et oü le mot Reliis,gion aura été prononcé, nous viendrons ?,YOU*  208 HISTOIRE ET ANECDOTES „vous arracher a votre retraite, et mal„gré votre innocence, nous pourrons im„punément vous bannir des foyers, que ! „vous vous êtes choifis." Si la France, I Sire, fi la France libre étoit réduite k j entendre ce langage, oü eft l'homme, I qui pourroitfe réfoudre a en être 1'organe? L'afTemblée nationale refufe a tous ceux, qui ne prêteroient pas le ferment civique, la libre profeffion de leur culte. Or, cette liberté ne peut être ravie a perfonne; aucune puiflance n'a pu la donner, aucune puhTance ne peut la reti- * rer; c'eft la première, c'eft la plus inviolable de toutes les propriétés. Ëlle I eft confacrée dans la déclaration des 1 droits, dans les Articles fondamentaux de la Conftitution; elle eft donc hors de toutes les atteintes. L/aifemblée nationale conftituante ne s'eft jamais montrée plus grande, plus impofante peut-être aux yeux des nations, que lorsque au milieu des orages mème du fanatisme, elle a rendu un hommage éclatant a ce principe. II étoit perdu dans les fiécles d'igno-  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 2O0 d'ignorance et de fuperftition, il devoit fe retrouver airx premiers jours de La liberté. Mais il ne faut pas que fur ce point, comme fur tout autre la liberté puiife rétrograder. Vainemerit on dira que le prêtre ,non aifermenté eft fufpecl, et fous le regne de Louis XIV, les protettans nétoient-ils pas fufpects aux yeux du Gouvernement, lors qu'ils ne vouloient pas fe foumettrre a la Religion dominante? Et les premiers chrétiens n'étoient-ils pas auffi fufpecls aux Empereurs romains? Et les catholiques n'ont-ils pas été longtemps lufpeds en Angleterre &c ? Sur un tel prétexte il n'eft aucune perféicution religieufe , qu'on ne puiife juftiifier. Un fiécle entier de philofophie fn'auroit-il donc fervi qu'a ramener 1'inItolérance du feiziéme fiécle, par les routes mème de la liberté? que 1'on fur•veilleles prètres non-arfermentés, qu'on :les frappe fans pitié au nom de la loi, i s'ils Penfreignent, s'ils ofent furtout exciter le peuple a lui désobéirj rien de l.V.Sett.L O plus  2IO HISTOIRE ET ANECDOTES plus jufte, rien de plus nécelTaire. Mais que jusqu'a ce moment on refpe&e leur culte, comme tout autre culte, et qu'on ne les tourmente point dans leurs opinions. Puis qu'aucune Religion n'eft une loi, qu'aucune Religion ne foit un crime. Sire, nous avons vu le département de Paris s'honorer d'avoir profeifé conftamment ces principes. Nous fommes convaincus qu'il leur doit en partie la tranquillité religieufe , dont il jouit en ce moment. Ce n'eft pas que nous ignorions qu'il eft des hommes turbulents par fiftême , qui s'agiteront longtemps encore, et qu'on efpéreroit vainement de ramener a des fentiments patriotiques: mais il nous eft prouve par la raifon et par 1'expérience de tous les iïécles, que le vrai moyen de les réprimer eft de fe montrer parfaitement jufte envers eux, et que 1'intolerance et la perfécution, loin d'étotiffer le fanatisme, ne font qu'accroire fes fureurs. Par tous ces motifs, et au nom facré de  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 211 de la liberté, de la Conftitution et du bien public, nous vous prions, Sire, de refufer votre fan&ion au decret des 29. Novemb. et jours précédents fur les troubles religieux. Mais en même temps 1 nous vous conjurons de feconder de tout i votre pouvoir le voeu, que l'aifemblée ; nationale vient de vous exprimer avec j tant de force et de raifon contre les rebelles, qui confpirent fur les frontiéres du Royaume (*). Nous vous conjurons de prendre, fans perdre un feul inftant, des mefures fermes, énergiques, et entiérement décifives contre ces infenfés, i qui ofent menacer le peuple Franqois i avec tant d'audace. C'eft alors, mais alors i feulement, que confondant les mal-veillants, et raifurant a la fois les bons citoyens vous pourrez faire fans obftacle O ij tout (*) La fin de la pétition eft rélative au mefl"age de l'affemblée nationale du 29. Novemb. 1791. par lequel elle invitoit le Roi a prendre les mefures les plus férieufes et les plus décifives pour faire ceffer et difperfer les raifemblements d'Emigrés. J'en rendrai compte cy- après.  312 HISTOIRE ET ANECDOTES tout le bien, qui eft dans votre coeur, tout celui, que la France attend de vous. Nous vous fupplions donc, Sire, d'acquiefcer a cette demande, et de ne pas les féparerTune de 1'autre." Les Jacobins furent extrêmement mécontents de la publicité de la pétition du département de Paris. Leurs adhérents intriguerent dans les dirTérentes Sedlions pour obtenir des adreffes, qui dénoncoient cetécrit, comme provoquant le trouble et la rébellion contre les autorités conftituées. Les membres du département de Paris y étoient traités de Miniftériels, de Contre-Révolutionnaires. Le il. Decemb. le folliculaire Camille Desmoulins a la tête de trois cents habitans de la capitale préfenta une pétition a l'aflemblée Nationale, qui fut luë par 1'évêque Fauchet. "11 y a lieu „a accufation, (difoit cetécrit,) contre „les membres du directoire du département de Paris. i°- paree que les auteurs de tout écrit provoquant a def„fein 1'avililTement des pouvoirs confti- ,,tués  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 313 „tués et la réfiftence a leurs adtes doi,,vent être pourfuivis. z°>- paree que les ,,petitions collectives font interdites par „la Conftitution et que celle des mem„bres du directoire eft dans ce cas. &jo. enfin paree que demander le Veto, ,,füt-ce mème par une pétition indivi„duelle, ce'ft demander la guerre civile, |„ou le renverfement de la conftitution, „en détruifant le Gouvernement repréfenLtatif, qu'elle a établi. Dédaignès, pe,,res de la patrie les mifér)ibles fophis„mes des membres du Département; leur „forfaiture eft évidente: mais ne levez „plus le bras pour écrafer des infectes, „des Varnier, des Detatre (*). Étoit-ce ji„aux efclaves des Cattrégus, des Cati!„lina que les Caton, les Ciceron faifoi|„ent le procés? Ce font les Chefs qu'il „faut pourfuivre. Frappés a la tète; fer„vez-vous de la foudre contre les Prin„ces confpirateurs , de la verge contre O iii „un, (*) Deux prétendus Contre - Révolutionnaires arrêtés par ordre de Taffemblée, dont je parlerai cv ■ aprés.  2 14 HISTOÏRE ET ANECDOTES „un diredoire infolent, et exorciféz le „démon du fanatisme par le jeune." La Sedion des Cordeliers fit préfenter une adrefle toute auffi infolente et defpedueufe pour 1'autorité Royale, elle fut luë par un boucher nommé Legendre. Elle invitoit l'aflemblée a faire ■ exécuter le decret contre les émigrés k datter du ier- Janvier, comme s'il eüt été fandionné. Ces différentes adrefles furent non feulement applaudies, mais 1'aflemblée décréta qu'il en feroit fait mention honorable dans le procés verbal. La Sedion de Grenelle ayant qualifié de Loi le decret contre les prètres non fermentés, M. Chéron s'éleva contre cette qualification, et la traita d'Anti-Conftitutionnelle, puis que le mot Loi ne pouvoit s'adapter qu'a un decret fandionné par leRoi. Ceux, qui avoient réfolu d'avilir 1'autorité Royale, et d'attaquer fes pré. rogatives répondirent que la Loi étoit complette, des que le corps législatif Favoit faite, puis que lui feul étoit convoqué pour la faire, que le Roi n'avoit que le  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 2 I 5 le droit d'en fufpendre 1'éxécution par fon Veto, et non de concourir a fa formation. C'eft ainfi que la faétion républicaine en difcutant les queftions les plus délicates, que pouvoit préfenter 1'interprétation de la Conftitution, cherchoit a faire adopter fes principes et a dépouiller le pouvoir exécutif du peu d'autorité, qui lui étoit accordé. Le Roi aprés avoir mürement réfflechi fur les mconve- fofe fm Vé. nients attachés a l'éxécution du to audecret. decret contre les prètres non fermentés y refufa fa fandlion. Cet acte, qui prouvoit évidemment et fon efprit de juftice et la liberté, dont il jouiffoit, excita la colére des Jacobins et fon effet fe dirigea fur les Miniftres et ceux, qui formoient le confeil de fa Majefté. Le Miniftre de la guerre fut le premier, qui éprouva réffet des delations et des de- M iu Poï, nonciations des nombreux ad- tail. hérents de cette Secte. M. du Portail avoit acquis de Pexpérience pen-' O iv dant  2l6 HISTOIRE ET ANECDOTES dant la durée de fon Miniftére, \\ étoit trés partifan de la Conftitution, mais en même temps ami de 1'ordre et de la tranquillité publique ; il avoit employé tous les moyens poifibles pour rétablir la difcipline dans 1'armée, faire approvilionner les places et pourvoir a la deffenfe du Royaume. Ses foins s'étoient particuliérement dirigés fur la nomination des Officiers au choix du Roi. L'age, 1'expérience, la bonne conduite, la ferme Réfolution de maintenb: la Conftitution étoient des titres pour être préférés. Les Jacobins, qui défiroient que tous les emplois füffent confiés exclufivement a leurs créatures, furent trés mécontents de la conduite du Miniftre, qui réfifta a leurs follicitations, et méprifa leurs menaces. Des les premières féances de la nouvelle alfemblée, il parut un mémoire contre lui. On 1'accufoit d'avoir négligé de pourvoir a la deffenfe des places, de,n'a voir point organifé la Gendarmerie Nationale, et pourvu au remplacement fuccefif des emplois va- cans  ■ DE LA REVOLUTION FRANfOISE. 217 cans dans les troupes de ligne, d'avoir fait désarmer les citoyens dans 1'intérieur du Royaume, et d'avoir fait donner de ;mauvaifes armes aux gardes - nationales deftinés a marcher w la frontiére. Le 11. Oclob. M. du Portail parut k Paffemblée, et lut un mémoire détaillé fur la fituation et la force de 1'armée, ; Pétat des places et des frontiéres. II iréfuta avec autant de modération que de clarté les délations abfurdes, qu'on avoit faites contre lui. Sa juftification parut 11 fatisfaifante , que l'aifemblée ne put is'empêcher de décréter J'imprelfion de fon mémoire. Les Jacobins ayant échoué dans cette première entreprife n'abandonnerent pas leur projet, ils employerent leurs armes ordinaires le menfonge et la cailomnie pour fatiguer la patience du Miniftre et le forcer a donner fa demiffion. Un aventurier nommé Belleredon, qui Iprétendoit arriver de Coblentz et s'être infinué dans la confiance intime des'. Princes , préfenta un mémoire a 1'aifemO v blée,  2 18 HI3T0IRE ET ANECDOTES blée, oü après avoir exagéré les dangers , imaginaires, qu'il avoit couru pour fer- i vir la caufe publique, il détailla le plan d'attaque des Émigrés, qui devoit fe diriger par la chauifée des romains derrière 1'abbaye d'Orval fituée dans le Duché I de Luxembourg et fe porter fur Dun et Stenai. Suivant eet importeur le Miniftre de la guerre avoit fait diftnbuer de mauvaifes cartouches et des balles de noncalibre aux gardes nationales dans cette partie de la frontiére. Pour donner encore plus de poids a cette délation, il préfenta un prétendu fragment de Lettre de M. le Comte d'Artois a M. Dezo- ; teux Adjudant-Général de 1'Armée, oü I il s'exprimoit ainfi: "On parle beaucoup „d'un cantonnement, qui doit fe faire „entre Montmedy et Longwy, mais je „compte fur le fidel du Portail et j'ai „trop de confiance en fa probite." Ici ; Belleredon prétendit avoir été interrompu et obligé de fe fauver. Quelque | abfurde que füt celle délation fait par J un inconnu fans cara&ére public, 1'affem- „ blée  f i)E. LA REVOLUTION FRANqOISE. 219 blée en accueillit 1'auteur, lui accorda les honneurs de la féance, et renvoya 1'examen du mémoire au comité milir itaire. Quelque temps aprés Paffemblée fit fubir au Miniftre dtmiftg„. une efpèce d'interrogatoire pour répondre a des inculpations tout auffi hazardées. Les nouveaux législateurs fans éducation le traiterent avec une telle indécence, qu'il répondit avec humeur, qu'il voyoit clairement que 1'intrigue et la méchanceté plutót que le patriotisme dirigeoit la conduite de ibeaucoup de membres de l'aifemblée. M. du Portail fentit qu'une plus longue 'réfiftence feroit inutile et qüHl compro< mettroit fa dignité et fon caraétére en s'expofant plus longtemps aux infultes réitérées des Jacobins: il donna la dèmiifion de fon emploi le i. Decemb. et fut remplacé par M. de Narbonne. Ce nouveau Miniftre a- M.ieNarvoit éprouvé dés fa plus tendre jeuneffe Peffet des bontés de  2 20 HISTOIRE ET ANECDOTES de Madame AdéJaïde,( Tante du Roi, qui I avoit pour lui une arfeétion particuliere. | Cette Princefle 1'avoit fait nommer fon ! Chevalier d'honneur , et jusqu'a 1'épo- I que de la Révolution on ne lui avoit rien refufé de ce qui pouvoit fatisfaire fes gouts et fes fantaifies. Avec de tel. les reifources et fes difpofitions naturelles, il étoit devenu dans toute 1'étenduë du terme un aimable roué. Dés 1789. il fe rangea dans la claife des novateurs et le lia avec les fauteurs de la Révo- I lution. On le vit fucceifivement affilié aux Clubs, Commandant de Ja Garde Nationale de Befancon , Maréchal de Camp ConftitutionneJ. Ces diverfes qualités étoient un acheminement a la fortune. Quoiqu'il eüt de 1'éfprit, ayant toujours mené une vie trés diffipée, on n'auroit jamais cru qu'il afpirat au Mini. fiére. Avecbeaucoup d'adreffe, d'adivita et une aifeöation de patriotisme, il . captiva pendant quelques mois la confiance de raifemblée, qui mit des fommes confidérables a fa dirPofition, lui permit de  I DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 221 ■de conclure des marchés confidérables pour différentes fournitures néceiTaires a jl'armée fans en rendre aucuns comptes; aprés avoir été dénoncé par ceux, qui jenvioient fa fortune, 1'évèque Fauchet fe chargea d'ètre fon défenfeur et il ob||tint un decret par lequel raifemblée déjclara qu'il emportoit les regrets et 1'eftime de la Nation. Ce qui eft beaucoup [plus vrai femblable, c'eft qu'il emporta ifon argent. Ceux, qui ont connu partiIculiérement 1'état de fes affaires, prétenjdent qu'il devoit plus de ifoo. mille ;Livres a fon avénement au Miniftére et Iqu'il le quitta au mois de Mars 1792. 'ayant au moins la même fomme dans |fon porte feuille. ! MM, Bertrand et de Leifart éproujyerent auffi des vexations et inculpations iiréitérées de la part de raifemblée, dont je rendrai compte a leur époque déteriminée. II eft temps d'inftruire le ledeur des affaires de la Capitale. Le 14. Odob. le confeil général de la commune de Paris fe détermina a ané- antir  2 22 HISTOIRE ET ANECDOTES antir le comité des recherches en prenant la délibération fuivante. "Le confeil général de la commu„ne confidétant, que la Révolution eft „terminée ^ que le regne de la loi eft „établi, et que la furveillance et 1'adion „ne doivent plus réfider que la, oü la „Conftitution les a placées, arrête ce qui „luit: io. a compter de ce jour le co„mité des recherches cerTera toutes fon„ctions. 2°- les papiers, qui s'y troufcvent, feront inventoriés et dépofés au „département de police &c. A la mème époque la NouvelleOr- Garde Nationale Parifienne ganifation de r la Garde commenca fa nouvelle organiNationaie. fation, elle fut compofée de 60. Légions aulieu de 60. Bataillons: on avoit propofé de les réduire a 48 en attachant une légion a chaque Secdon, mais on craignit la rivalité et 1'empire des differentes Sections, qui ayant des corps militaires a leur difpoiition pourroient comprotnettre ia tranquillité de la Capitale. M. de  DE LA REVOLUTION FRANfOISE. 223 M. de la Fayette fe trouvant privé de fon commande- ^tweitM. r . ii-i ie l« Fayet- ment luivant la loi du 23. ^ Septemb. 1791. le remit a M. de Charton le plus ancien Chef des fix divilions, qui de mois en mois devoient exercer eet emploi. II annonca fa démiffion au confeil général de la commune let partit pour fes terres fituées en Auvergne, aprés avoir écrit la Lettre fuivante a fes anciens compagnons d'armes. Lettre de M. de la Fayette. Meffieurs! Au moment oü raifemblée nationale conftituante vient de dépofer fes pouvoirs, oü les fonclions de fes membres ont ceifé, j'atteins également le terme des engagements que j'ai contraclés, lorsque placé par fe voeu du peuple a la tête des citoyens, qui les premiers fe dévouerent a la conquête et au maintien de la liberté. Je promis a la Capitale, qui en donnoit 1'heureux fignal, d'y teinir élevé 1'étendart facré de la Révo- lution,  224 HISTOIRE ET ANECDOTES lution, que la confiance publique m'avoit re mis. Aujourd'hui, Meffieurs, la Conftitution a été terminée par ceux, qui avoient droit de la faire, et aprés avoir été jurée par tous les citoyens, par toutes les Seclions de 1'empire, elle vient d'ètre legalement adoptée par fe peuple tout entier, et folemnellement reconnue par la première aifemblée législative de fes repréfentants, comme elle 1'avoit été avec autant de réflexion que de loyauté par le repréfentant héréditaire, qu'elle a chargé de 1'éxécution des loix. Les jours de la Révolution font place a ceux d'une organifation réguliére, a ceux de la liberté, de la profpérité qu'elle garantit: ainfi lorsque tout concourt a la pacification des troubles intérieurs, les menaces des ennemis de la patrie devront, a la vuë du bonheur public, leur paroitre a eux-mèmes d'autant plus infenfées , que, quelques combinaifons qu'on parvint jamais a former contre les droits du peuple ,. il n'eft aucune ame  DE LA REVOLUTION FRANC.OISE. 22$ ame libre, qui put concevoir la lache penfée de tranfiger fur aucun de ces droits, et que la liberté et légalité une fois établies dans les deux hemifphéres, ne rétrograderont pas. Vous fervir jusqu'a ce jour, Meffieurs, fut le devoir, que m'impoferent et les fentiments, qui ont animé ina vie entiére, et le jufte retour du dévouement, qu'exigeoit votre confiance: remettre actuellement fans réferve a ma patrie tout ce qu'elle m'avoit donné de force et d'influence pour la deffendre .pendant les convulfions, qui Tont agitée, voila ce que je dois a mes réfolutions connuës et ce qui fatisfait au feul genre d'ambition dont je fois poffédé. Aprés cette expofition de ma conduite et de mes motifs, je ferai, Meffieurs, quelques réflexions fur la fituation nouvelle, oü nous place 1'ordre conftitutionnel, qui va commencer. La liberté naifföit entourée des fignes de paix, lorsque fes ennemis provoquant les deffenfeurs du peuple néceffiterent la naifXKSeÜ.I. - P fance  226 'HISTOIRE ET ANECDOTES fance inattenduë des gardes nationales;, leur organifation fpontanée, leur allian-. ce univerfelle, enfin ce développementl de forces civiques, qui rappelloit 1'ufage: des armes a fa véritable deftination, et; juftifioit cette vérité, qu'il m'eft doux: de répéter aujourd'hui: "que pour: „qu'u-e nation foit libre, il fuffit qu'elle: „le veuille." Mais il efi temps de don-. ner d'autres exemples, et ceux la feront .encore plus impofants , ce font ceux d'une force irréfiftible, qui ne s'exerce que pour le maintien des loix. J'aime a rappeller ici, Meffieurs, comment au milieu de tant de complots hoftiles, d'intrigues ambitieufes, d'égarements licencieux vous avez oppofé a toutes les combinaifons perverfes une infatigable fermeté, aux fureurs des partis, aux fédudions de tout genre le pur amour de la patrie; comment enfin au milieu des orages de vingt fept mois de Révolution, vous n'avez calculé les dangers que pour multiplier votre vigilance et leur importance qu'autant qu'ils pou-  1 DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 227 pouvoient compromettre ou fervir la lifberté. Sans doute nous avons eu trop 1de désordres a déplorer, et vous favez jquelle impreffion douloureufe et profonjde ils ont fait fur moi: fans doute nous jmêmes avons eft des erreurs a réparer; imais quel eft celui, qui en fe rappeljlant les grandes époques de la Révolujtion, oü la chofe publique vous doit ttant, mais encore ce dévouement de 3 tous les inftants, ces facrifices fans borInes d'une portion de citoyens pour la i liberté, 'le falut, la propriété et le repos l de tous; en réfléchiffant fur tout a eet Jétat provifoire, qui ne fait que ceflèr ipour vous, et oü la confiance devoit jfans celfe fuppléer a la loi; quel eft, 1 dis-je, parmi ceux mèmes, qui vous J provoquoient et que vous protégiez, ceJ lui qui oferoit blamer les hommages, que \ vous doit aujourd'hui un ami fincère, 1 un général jufte et reconnoiifant ? Gardez-vous cependant de croire, I Meffieurs, que tous les genres de defpoJ tisme foient détruits, et que la liberté, P ij Par  22 8 HISTOIRE ET ANECDOTES par ce qu'elle eft conftituée et chérie parmi nous, y foit déja fuffifamment établie: elle ne le feroit point, fi, d'unl bout de 1'Empire a 1'autre, tout ce que: la loi ne deffend pas, n'étoit pas perJ mis; fi la circulation des perfonnes, des] fubfiftences, du numéraire éprouvoitj quelque réfiftence ; fi ceux , qui font appellés en jugement, pouvoient être protégés contre la loi; fi le peuple né-l gligeant fon plus précieux devoir et fa dette la plus facrée n'étoit ni empreifé 1 de concourir aux éledions, ni exacl al payer les contributions publiques; fi des \ oppofitions arbitraires , fruit des désordres ou de la méfiance, paralyfoient 1'aclion légale des autorités légitimes; fi \ des opinions politiques, ou des fentiments perfonnels, fi furtout 1'ufage facré de la liberté de la prelfe pouvoient jamais fervir de prétexte a des violences ; fi 1'intolérance des opinions religieufes, fe couvrant du manteau de je \ ne fais quel patriotisme, ofoit admettre 1'idée d'un culte dominant ou d'un cul¬ te  i DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 220 te profcrit. Si le domicile de chaque citoyen ne devenoit pas pour lui un azile plus inviolable, que la plus inexputjgnable forterefle; fi enfin tous les Franjjcois ne fe croyoient pas folidaires pour lle maintien de leur liberté civile comIme de leur liberté politique, et pour ijla religieufe exécution de la loi; et s'il n'y avoit pas dans la voix du Magiftrat, jqui parle en fon nom, une force toujjours fupérieure a celle des millions de bras armés pour la deffendre. Puiffent tous les cara&éres, tous jles bienfaits de la liberté, en confoli] dant de plus en plus le bonheur de noj tre patrie , récompenfer dignement le Izéle de toutes les gardes nationales de j 1'empire, armées pour la mème caufe, 1 réunier par un mème fentiment, et qu'il I me foit permis de leur exprimer ici une 1 reconnoiffance, un dévouement fans borI nes, comme le furent pendant cette 1 Révolution les témoignages de confiance f et d'amitié, dont elles m'ont fait jouir. P iij Mef-  2 30 HISTOIRE ET ANECDOTES Meffieurs, en ceifant de vous coramander, a eet inftant pénible de notre; féparalion, mon coeur pénétré de la plus profonde fenfibilité reconnoit plus que jamais les immenfes obligations, qui 1'attachent a vous. Recevez les voeux de 1'ami le plus tendre pour la profpérité commune, pour le bonheur parti* qulier de chacun de vous, et que fon fouvenir fouvent préfent a votre penfée. fe mèle furtout au ferment, qui nousj unit tous, de vivre libre ou mourir. (Signe) la Fayette. Immédiatement aprés lel Honneurs qui ^ dg M dg ^ p tut font ren- r ■ J ■' te,. chaque compagnie des foixan-j te légions envoya un députél k 1'Hótel de ville pour fe concerter avec i le corps municipal fur la réponfe, qu'il! convenoit de faire a fa Lettre, et furi les témoignages de reconnoiifance, qui lui étoient dus. 11 fut arrêté fur le I champ dans cette aifemblée i°. qu'il fe-. roit fait une réponfe, dans laquelle Pari] mée >  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 23I- mée témoigneroit au général fon affeöion et fes regrets. 2°. qu'en reconnoiffance de fon bon et loyal commandement depuis la révolution , on lui feroit préfent d'une épëe a garde d'or, fur la quelle feroit gravée cette ia» fcription : a la Fayette , farmée Panfienne reconnoiffantel'an.III. de la hberté. .30 qu'il feroit fait une pétition a l'affemblée nationale, pour la fupplier de prendre en confidération les facrifices de tout genre fait pour M. de la Fayette et de lui accorder en confcquence une indemnité. 40. fa roit établi a Avignon un tribu- tribunaicrinal crimfnel compofé de cinq ™™„lg^ juges, d'un accufateur public, d!un commilfaire du Roi et d'un greffiier pour continuer fans délai les informations et procédures contre les fa&eurs et complices des attentats commis a Avignon (*) Le ledleur fera peut-être fatisfait de trouver le portrait de Jourdan --tracé par 1'abbé Mulot même. "Jourdan n'eft „pas le coupe-tête malheureufement trop „fameux dans notre Revolution, ainfi que „1'a prouve M. le ScJne de Maifon , „mon collégue: mais en vain il a tenté „de le déffinir. C'eft un être lans cara„fti^re: il paroit naturellement fenfible, „et d'une groffe bonhommie; mais quand „on 1'excite, il eft féroce et dés qu'il a „vu Ie fang, c'eft un bourreau, c'eft „un tigre.  2 $6 HISTOIRE ET ANECDOTES gnon et dans le Comtat Venaiffin depuis le 26. Septemb. et prononcer tout jugement ncceifaire. 2°- Qjje ie r0£ feroit prié de nommer le commilfaire de ce tribunal. 30. que ce tribunal entreroit en fon&ion au plus tard le 10. Decemb. Conformément a ce decret le tribunal s'aflembla le o.Decemb. Les dépofitions des témoins contenoient des détails fi cruels et fi révoltans, que les juges furent fréquemment obligé de les interrompre pour refpirer quelques in, ftans, et pouvoir écouter fans frémiiTement la fuite de ces horreurs. Les Jacobins de Paris fu- DifcuJ/ïons a ^ , rajfemblêe. rent exceiiivement mecontents de la févérité et de Pexaditude de ces informations. Ils prirent hautement le parti de Jourdan et de fes infames fatellites, et fe donnerent toutes les peines imaginables pour leur procurer la liberté. Briiffot fut le premier, qui les deffendit publiquement dans fon journal intitulé : le patriote Franpis, et qui donna même des éjoges a leurs vertus  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 257 itus civiques. II ofa aflurer effrontement ique les citoyens, qui avoient été pillés, l,mutilés, maiTacrés ou enterrés vivants j;étoient des odieux ariftocrates, qui ne jméritoient aucune pitié. Les brigands Eau contraire fuivant lui étoient de brajives patriotes, qui avoient tout au plus jjquelques legers reproches a fe faire, :ipour ne s'ètre pas contentés de maffaicrer les coupables, mais avoir pillé, inIjurié et maltraité quelques autres citoyens. Le 16. Mars 1792. M. Couturier propofa a 1'aiTemblée d'accorder une pleime et entiére amniftie a Jourdan et a fes jcompagnons pour tous les exces et attenjtats, qu'ils avoient commis a Avignon iet dans le Comtat Venaiffin. M. Fraiifenel s'y oppofa de tout fon pouvoir. II repréfenta qu'une amniftie pour les crimes horribles, qui s'étoient commis a Avignon, bleffoit les loix de la nature, et qu'il avoit cru jusqu'alors qu'on calomnioit les intentions de 1'affemblée, en la fuppofant fufceptible d'acl.V.Seü.I. R cueil.  258 HISTOIRE ET ANECDOTES cueillir une pareille propofition. Sans doute, dit-ü, au commencement d'une Révolution, lorsqu'un peuple opprimé commence a connoitre la force, il eft des attejitats, qu'on peut excufer: mais prononcer le mot d'amniftie pour des fcélérats, qui au moment, oü le peuple devoit jouir des bienfaits de la Conftitution, maifacrent un fondionnaire public fur les marches d'un autel, que d'autres brigands forcent un azile facré, égorgent et enfouiifent impunéinent les morts et les vivants, ce font des forfaits, que raifemblée ne peut excufer fms fe couvrir de honte et d'opprobre. M. Baifal curé de Verfailles paria en faveur des brigands. II prétendit qu'ils n'avoient pourfuivi que les fauteurs du defpotisme, que jamais ils n'aVoient tramé aucun complot, et qu'excepté quelques vidimes, qu'ils avoient facrifiés pour venger la mort de 1'Ecu. yer, leurs mains ne s'étoient jamais trempées dans le fang, que fur le champ de bataille, lorsqu'ils combattoient les enne-  PE LA REVOLUTION FRANqOISE. 259 ennemis de la patrie. Quoi, dit-il, les ariftocrates jouïroient impunément du fruit de leurs crimes, et on puniroit de zélés patriotes. Couvrés tous les forfaits d'un mème voile et accordés une amniftie générale. Bazire appuya eet avis et paria en faveur des brigands. M. Dumas foutint que l'aifemblée s'arrogeoit un droit, qui n'appartenoit qu'a la nation entiére, en prétendant pouvoir faire grace et accorder des amnifties: c'eft en vain, dit-il, que je cherche ce principe dans la Conftitution, il n'en eft fait aucune mention. IL conclut contre 1'amniftie. Les débats pour et contre cette propofition continuerent encore longtempsj Le 19. Mars M. Delentre d'Avignon (qui avoit été un des électeurs de Paris en 1789.) expofa a 1'aiTemblée: qu'en accordant une amniftie et la liberté aux aiTaffins, qui avoient été arrêtés, on expofoit ce malheureux pays a la fureur et a la vengeance de ces fgélérats: croR ij yez-  260 HISTOIRE ET ANECDOTES yez-vous, dit-il, législateurs, que les habitants d'Avignon jouïront de la liberté individuelle, et de la protection, qu'ils réclament, tant qu'ils verront au milieu d'eux les meurtriers de leurs péres, de leurs femmes, de leurs enfants? M. La Source Miniftre proteftant paria en faveur des alfaffins. M. de Vaublanc réclama en vain la juftice de l'aflemblée contre des fcélérats coupables des crimes les plus atroces. Enfin aprés de longs et EUe accorie vifs débats une grande majoaux bri- r,te de 1 aflemblee decreta qu'elgands. le accordoit une pleine et entiére amniftie pour tous les excés et voyes de fait, qui s'étoient commis dans la ville d'Avignon et le Comtat Venaiffin jusqu'au 8. Novemb. 1791. inclus. Le f. Avril Jourdan et JeHvr™. cin9.uante hiiit de fes complices, parmi lesquels il y avoit fept alTaffins, furent mis en liberté par quel-  DE LA REVOLUTION FRANfOISE. 261 ilquelques gardes Nationales de -Nismes et de Montpelliers, qui s'étoient introduits a Avignon, et qui fans attendre la notification du decret d'amniftie förcerent les prifons du Palais. Ils s'emibarquerent fur le Rhóne et defcendirent a Arles accompagnés d'un grand nombre jde baiidits, pour fe réunir aux Marfeillois, qui, aprés avoir désarmé le Régiment d'Ernft a Aix, s'étoient emparé jde cette ville. Ils furent; requs avec la iplus grande fatisfadion et au milieu des acclamations de ces brigands. L'amniftie accordée par l'affemblée aux meutners dA- tions dn vignon répandit la plus gran- Commifai-^ de confternation dans cette vil- "^„Lts' le. Les Commiffaires civils, iqui y avoient été envoyés, réunis aux diredoires des Départements du Gard, ide la Drome, et de 1'Hérault, écrivirent au Préfident de 1'affemblé une Lettre touchante, qui fut luë le 27. Mars. Cette ipiéce intéreffante mérite d'ètre connuë: lelie étoit conque en ces termes. R iij Avi.  2Ó2 HISTOIRE ET ANECDOTES Avignon 23. Mars 1'An. 4e- de la lt-.j berté (*). Monfieur le Préfident! Dans notre Lettre du 21, Mars nous : vous difions, loin de nous 1'idée que tant d'atrocités n'ayent été commifes a i Avignon que pour effrayer le monde par leur impunité. Ah! combien alors i nous étions éloignés de croire, que fous i peu de jours 1'honneur, le devoir, 1'a- • mour de la Conftitution nous forceroient p de dire a l'aifemblée nationale que 1'on r a égaré fa fenfibilité aux dépens de fa juftice, de la gloire de 1'empire et de c la paix des Départements méridionaux. [ Une grande intrigue s'étoit ourdie, ie ï projet le plus allarmant pour la Conftitution avoit été porté presque jusqu'a fa [ maturité: les commiffaires civils et ceux | des I (*) L'aflemblée avoit décrété précédemment | que, quoique la liberté n'eut été con-'J quéte que Ie 14. Juillet I789- on dat- I teroit les aftes publics depuis le premier I Janvier 179a. de 1'an 4e. de la liberté. |  DE LA REVOLUTION FRANqOISE. 263 des quatre Départements environnants 1'avoient fuivi, 1'avoient denoncé, avoient enfin fini par le déconcerter. Arles réduit avoit requ dans fes murs des forces, qui altéroient toutes les éfpérances des malveillans. L'appareil coupable d'une guerre parricide fe préparoit: par nos foins les principes, les Soldats de la Conftitution triomphoient dans les murs d'Arles, d'Avignon et de Carpentras. La paix alloit fe rétablir dans le Département du midi; et déja les plus mal intentionnés, forcés a robéiifance a la loi, commenqoient a fentir et leur folie et la néceffité d'adopter la maxime de la faine raifon. Par quelle fatalité ennemie, des fuccés de la plus belle Révolution ont-ils été une pomme de difcorde? 1'amniftie furprife a l'affemblée par une intrique bien digne des crimes, qu'elle protégé veut-elle entraver tous nos fuccés, éveiller toutes les paffions, et néceffiter une guerre civile, dont nos foins venoient d'éteindre fi heureufement le fiambeau? R iv Péres  264 HISTOIRE ET ANECDOTES Péres de la patrie, vous a qui les deftins de la France ont été confiés, croyez-en des faits atteftés par 1'honneur; croyez - en des fonclionnaires publics, qui veulent la conftitution ou la mort, qui n'ont d'autre intérêt que le falut public, d'autre but que la gloire de 1'empire, que vous repréfentez. Ce font les départements du Gard, de la Drome et de PHérault; ce font les commiifaires civils, non pas de fimples agents du pouvoir exécutif, mais des fonctionnaires publics, choifis eux - mèmes par le peuple et revétus de fon eftime, qui vous difent: „arrètez ou creufez 1'abime fous „vos pas et fous 1'édifice de la Confti„tution ; on ne vous a pas bien in„ftruits des faits, qui fe font paffes a „ifo. lieuës de vous; écoutés 1'impe„rieufe vérité, et fi 1'on vous a trom„pés, revenez, revenez d'une erreur fu„nefte, qui compromet le Salut de Pem„pire : un intérêt coupable a confondu „fous vos yeux tous les faits, tous les „crimes, tout ce qui s'eft paffe dans la „mal-  DE LA REVOLUTION FRANCOISE. 265 9,malheureufe cité d'Avignon ; on vous ,,a caché les dépêches les plus importants des commiflaires civils; on vous a s,fait regarder comme involontaires et „irréfléchies des fcélérateffes combinées, 9,des crimes privés , des combinaifons „atroces, qui comprennent le meurtre, „le vol, le viol, tout ce que la nature „dépravée peut oifrir de plus révoltant." Les crimes du 16. Odob. 1791. peuvent-ils être regardés comme des faits dépendants de la Révolution? Mais la Révolution dans ces contrées n'a-t-elle pas été terminée a 1'inltant, oü la France fe portant pour médiatrice a dicté la loi du 4. Juillet, oü les armées ont été licenciées, oü l'aifemblée nationale s'eft portée pour garante de la fureté des perfonnes et des propriétès, oü le V03U du pays pour fe réunir a la France a été exprimé par cent communes au milieu de la paix et de la plus grande tranquillité. Eh bien! au milieu de cette paix garantie par la loyauté Franqoife, une R v horde  2 66 HIST01RE ET ANECDOTES horde de brigands, accoutumés au fang et au pillage, avides des propriétés public ques et privées, s'empare du pouvoir, jette dans les fers les meilleurs citoyens; et fix femaines aprés par le mème abus de pouvoir ils entaifent de nouveaux patriotes fur les patriotes déja fi indignement incarcérés; ils projettent un maffacre horrible, qui a duré 72. heures; des vieillards, des enfans, des femmes enceintes et leurs fruits fanglants arrachés de leurs flancs font déchirés par des tigres et précipités encore tout palpitans dans un gouffre, dont la mémoire ne s'éffacera jamais pour effrayer les races a venir; et des crimes fi affreux refteroient impunis! et foixante families, qui dévorent leur douleur dans Péfpoir que la loi les vengera , feroient renvoyées par une amniftie aux moyens funeftes de la vengeance perfonnelle! Non, 1'afTemblée nationale n'a pas été exaétement inftruite des détails de tant d'horreurs, On a employé toutes for- tes  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 267 tes d'intngues, pour lui faire prendre pour des erreurs de parti ce qui n'offroit que des fcélerateffes réfléchies et privées; on lui a caché que les maiheureufes viftimes de tant d'horreurs étoient de bons citoyens, des partifans zélés de la Révolution. Si vous en doutez, prenez le procés verbal de la réunion d'Avignon et vous y trouverez les noms de ces infortunées viclimes; vous les y trouverez comme les plus ardents apötres de la Révolution, et les plus chauds partifans de la réunion a la France. Devoient-ils s'attendre qu'un aifaffinat barbare feroit la récompenfe de leur civisme, que Pimpunité de leurs affaifins infulteroit a leur fang? M. le Préfident, vous ne devez point le cacher a 1'afTemblée nationale; la nouvelle trés incomplette de 1'amniftie a jetté 1'épouvante dans Avignon ,4le Comtat et les Départements voifins. Déja la clameur publique fait craindre les iüites les plus funeftes; déja trois cents te-  268 HISTOIRE ET ANECDOTES tcmoins appelles k la notification de la vérité par la Jni du 27 Novembre 1791. furent trompés par cette loi, devenuë pour eux- un titre de profcription. L'éxpériénce leur a appris a craindre les tigres, que PaiTemblée va lacher dans la fociété. Déja dix mille families font prés d'émigrer nous ne devons pas le taire , ce feroit pour nous un crime... nous avons cru, M. le Préfident devoir ces vérités a 1'arfemblée nationale. II eft digne d'elle de revenir fur une mefure furprife a fa Religion. Pour nous entiérement dévoués k fes décifions nous aurons rempli notre tache pénible, en lui difant la vérité." La lecture de cette Lettre ne produifit que peu d'impreffion fur Paflerfl, blée, un membre ofa même alfurer qu elle avoit été fabriquée a Paris par M. de I»eutre. Cette calomnie fut repouffée, mais on ne prit aucune mefure pour préferver les habitans d'Avignon et du Comtat des malheurs, dont ils étoient menacés. La  DE LA RÉVOLUTION FRANf OISE. 2 6 9 La fuite des événements prouva cependant d'une ma- ^bJui\ niére évidente que leur terreur Jourdan a n'étoit pas vaine. Le 29, Aril Avi^0HJourdan , Mainville , Duprat et leurs adhérants accompagnés des Marfeillois entrent en triomphe dans la ville d'Avignon. Jourdan revétu d'un uniforme d'O-fficier Général ayant une couronne de lauriers fur la tète ouvroit la marche. 11 étoit fuivi d'un char trainé par vingt deux anes (*), qui cóntenoit les principaux chefs des brigands auffi couronnés de lauriers et portant des |cocardes nationales. 1 Leurs femmes en habit d'amazones et montées fur des chevaux efcortoient le char. L'armée des Marfeillois fermoit la marche. Au (*) La rareté des fourages fait qu'on fe fert d'anes aulieu de chevaux dans les provinces méridionales de la France. Plufieurs poftes font delTervies par ces animaux, qui ont une vigueur et une légdreté inconnuë dans d'autres climats.  270 HISTOIRE ET ANECDOTES Au moment de 1'entrée triomphante de ces barbares dans la ville d'Avignon, tous les habitans paifibles et honnêtes prirent la fuite. Les juges du tribunal eriminel s'éloignerent promptement, et les témoins, qui avoient été entendus dans le cours de la procédure fe cacherent, ou chercherent un azile plus affuré dans les départements voifins. Dés le lendemain de fon ffomursqu'il arrIvée Jourdan s'occupa de mettre. pouriuivre les malheureux témoins , qui avoient dépofé contre lui. Tous ceux, qu'on découvrit, furent maiTacrés et leurs maifons livrées au pillage. Jonrdan et fes fatellites regnoient defpotiquement dans la ville. Jourdan efcorté de fes gardes du corps parcouroit.les ruës de la ville en criant: Pour cette fois la glaciére fera remplie. Le 30. Avril Jourdan fe rendit au Club des Jacobins d'Avignon. II y fut recu au milieu des applaudiffements et des plus  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 2 71 plus vives acclamations, que n'ai-je pas fouffert, s'écria-t-il, Camarades, a quels dangers n'ai-je pas été expofc pour exécuter mes projets? Un de fes aides de camp nommé Raphel prit enfuite la pajrole et propofa de jetter dans la gla| ciére les parents de ceux, qui avoient été maffacrés le 16. O&ob. et les té|moins, qui avoient dépofc dans le cours de la procédure. Jourdan forma enfuite un corps mumicipal compofé de fes fatellites, et fon iami Raphel en fut nommeé fecretaire. La première opération de cette nouvelle Imunicipalité fut 1'impo'fition d'une taxe fur tous les habitans pour la folde et 1'entretien des brigands. Les malheureux habitans Plaintes 'd'Avisrnon firent encore une fZté" * a VufembUe. tentative pour tacher d'engager l'aiTemblée a avoir pitié de leur fort. |lls députerent a Paris M. dë Leutre et plufieurs des nobles citoyens de la ville. 11 prononca le 7. Mai 1793. a la barre de  272 HISTOIRE ET ANECDOTES de raflemblée un difcours auffi énergique que touchant, oü il peignit la fituation déplorable de la ville d'Avignon. A peine M. de Leutre Difcufions. eut_ü fini &n difcours que M. Gafparin prit la parole, et fontint qu'il avoit appris par différentes lettres d'Avignon, qu'il y regnoit la plus parfaite tranquillité. On le fomma de produire ces Lettres, et il parut qu'il n'en avoit reqü, ni vü aucune. M. de Vaublanc fe leva et paria d'une maniére fenfible et touchante. On fe tromperoit, dit-il, fi on croyoit que l'affaire, dont on vient d'entretenir raifemblée ne concerne que les provinces méridionales. Elle a un contacb immédiat avec la liberté, que les Franqois chériifent plus que la vie: pour affermir les bafes de la Conftitution, ne perdons jamais de Vuë les principes didés par la morale et la vertu; principes, qui infpirent mème un refpedt involontaire aux hommes les plus cor- rum-  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 273 rumpus, et fans lesquels rien ne peut être aiTuré fur la terre. Le 8. Mai on fut a Paf- Rapfgrt de' femblée une Lettre du Lieu- M.deMontenant - Général Montesquiou t"^"""e' iadreflèe dès le 27. Avril au Miniftre de la guerre: il informoit qu'il avoit retiaè les troupes de la ville d'Avignon. II terminoit fa Lettre de la maniére fuirvante: "Ces différentes difpofitions me ' „font efpérer que nous n'entendrons plus : „parler d'Avignon. II eft probable ce1 „pendant que le parti, qui a été fi long„temps opprimé et qui triomphe aduel„lement commettra quelques excés dans „ce malheureux pays, je crois que c'eft „la 1'unique but de 1'arrivée des MarfeilI „lois, dont on a fait un tableau fi „effrayant. On ne peut remédier a ces „maux que par des moyens trés doux Aprés Ja ledure de cette Lettre, M. de Vaublanc accufa publiquement M. de Montesquiou: "Comment, dit-il, „un général, un fondionnaire public T. V. Se&.L S „ofe-  2 74 HISTOIRE ET ANECDOTES „ofe-t-il parler avec tant d'indifférence „de crimes, qui doivent fe commettre, „et otue fa préfence et fon autorité de„vroient réprimer?,, M. Montant interrompit M. de Vaublanc , et 1'appella un lache calomniateur. M. Francois (de Nantes) paria d'une maniére trés ferme et energique pour déterminer raifemblée a mettre un terme aux atrocités, qui fe commettoient a Avignon et dans le Comtat. Grangeneuve, 1'excapucin Ghabot, Merlin, la Source et Vergniaud prirent le parti des brigands, et l'aifemblée ne prit aucune mefure pour réprimer les excés, qu'ils continuerent a commettre avec impunité. On peut juger d'aprés eet exemple de la maniére fcandaleufe, dont elle étoit dominéé par les faciieux et les Jacobins. Suite da Non feulement 1'interieur troubles uSt. de fi j Uomir.gue, Colonies continuoient a être le  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 275 le théatre des plus cruelles atrocités, fuiites \óe 1'Anarchie qui regnoit dans la jmere patrie. Plufieurs membres de 1'alTemblée 1 conftituante et les députes des colonies /avoient prédit que le decret du 15. Mai f1791. feroit couler des flots de fang. !Ce facheux horofcope fe vérifia d'une jjmaniére auffi finiftre que cruelle. La Rébellion des Négers et des Mulatres leclata a St. Domingue de la maniére la plus effrayante. Les premières nouvelles en parvinrent a Paris le 27. Novemb. Qiioique ce premier rapport parut «trés exacf et bien circonftancié, les amis ides noirs et les Jacobins répandirent le ibruit que c'étoit une fauifeté et une man ;iuvre des ariftocrates. Le 27. Oclob. Briflbt dit a l'aifemblée que toutes les :nouvelles des colonies lui paronToient ifüfpe&es, paree qu'ellés ne venoient que ides créoles, ou des agents du pouvoir lexecutif: qu'il falloit attendre celles, qui S ij vien-  276 HISTOIRE ET ANECDOTES viendroient de la part des mulatres et des négres, qui fuivant lui méritoient beaucoup plus de confiance. II ofa dire: férieufement que la révolte, qui avoit; éclaté au mois d'Aouft a St. Domingue, étoit une fuite du decret, que l'aifemblée avoit rendu le 24. Decemb. pour retirér celui du 15. Mai. Pendant eet intervalle la frégatte Angloife la Daphné arriva en Angleterre, et y apporta les nouvelles les plus désaftreufes des colonies Francoifes. Cette Fregatte dtoit partie de le Jamaïque le 10. Septemb. avoit relaché le 24, au \ Cap Francois a St. Domingue et étoit arrivée le 25 Octob. a la rade de Spithead. I Elle apportoit au Miniftére Anglois un détail circonftancié de la Révolte des Négres a St. Domingue, ainfi que la co- | pie d'une Lettre écrite par 1'afTemblée f Générale de cette isle aux bonorables f: membres de 1'afTemblée générale de la jamaïque. Cette  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 277 Cette Lettre étoit conque' en ces termes. Lettre aux honorables Lettre de membres de l'aflemblée géné- gf™™\ rale de la Jamaïque. atüe de ia Jamaïque, Meffieurs. La ruine de St. Domingue paroit inévitable: dans peu ce beau pays ne fera plus qu'un monceau de cendres: déja les planteurs ont trempé de leur fang la terre, qui avoit été renduq fertile par la fueur de leur front. En ce moment les flammes dévorent ces produdtions, qui contribuent a la fplendeur de 1'empire Franqois. Les dévaftateurs de nos j bieïis ont répandu autour de nous le feu de la guerre: nos efclaves font armés pour notre deftruélion: la philofophie, qui procure de la confolation aux hommes , s'eft changée en défefpoir : fans fecours et reduit a la calamité la plus { extréme, St. Domingue cherche des amis J et des prote&eurs parmi les états, qui S iij 1'en-  2 78 H1ST0IRE ET ANECDOTES 1'environnent. Nous ne difons rien de votre intérêt particulier, mis en danger, comme U lelt, par le même efprit de" philantropie illufoire, qui répugnant également a votre fiftème d'adminiitration, comme au nötre, peut caufer parmt vous les mèmes calamités que parmt nous, fi 1'on fouffre que ce mal monte k fon plus haut excès. Nous nous contentons d'en appeller uniquement a cette générofité, qui caractérife votre Nation. Nous demandons votre affiftance librement et avec confiance. Animée de ces fentiments, l'aflemblée générale de la partie Francoife de St. Dominguea député M. de Ruguet 1'un de fes membres, pour vous expofer notre fituation. II vous communiquera en premier lieu Ia chartre de notre Conftitution, qui établit notre qualité comme repréfen-' tans légitimes du peuple de St. Domingue en fecond lieu fa commiffion; troifiémement une proclamation pour folliciter du fecours des puiflances voi~ fines. J'ai 1'honneur d'ètre avec 1'atta- che-  DE LA RÉVOLUTION FRANqOlSE. 279 chement le plus cordial et le plus fraternel, Meffieurs, (Signé) P. D. Cadush Préfident de l'aflemblée générale de la partie Francoife de St. Domingue. Ces dépêches importantes furent envoyées le ïf. Oclob. a S. M. qui étoit alors a Vindfor. Le Gouvernement s'emprefla de les communiquer au Miniftre de la Marine de France, qui rendit compte a l'aflemblée le 30. Odto'b. de 1'état affreux des Colonies. Briflbt prit fur le champ la parole et eflaya de faire fufpecter 1'authenticité de ces nouvelles. II prétendk qu'elles étoient douteufes, exagérées, contradicloires et même invraifemblables. II répcta que les Ariftocrates et les Royalides avoient inventé les faits, qui venoient d'ètre communiquér a l'aflemblée. Les législateurs au lieu d'ètre aifectés de ces nouveaux désaftres ordorinerent que le difcours de Brillbt feroit imprimé. Cette infouciance affeda Plaintes por- vivement ceux, qui avoient (,cs ^SMm des propriétés a St. Domingue. S iv lis  2 8 O HISTOIRE ET ANECDOTES Us fe raflèmblerent a 1'Hotel de Maffiac, redigerent une adrelfe a S. M. et la préfenterent le 2. Novembre. M. Cornier porta la parole au nom des Colons et peignit d'une maniére énergique et touchante la pofition affreufe de St. Domingue, pofition qui étoit duë aux manoeuvres de prétendus philantropes fe difant amis des noirs, mais véritablement ennemis de toute propriété. II réclama de la bonté des S. M. les fecours les plus prompts et les plus efficaces pour préferver la Colonie d'une ruine inévitable. Le Rot répondit qu'il s'occuperoit avec le plus vif intérêt de la pofition d'une partie auffi importante de 1'empire Franqois, et qu'il donneroit des ordres pour qu'on préparat fur le champ les armements néceifaires. M. de Cornier remit en même tems a fa Majefté une adreife, qui contenoit des détails fur 1'origine des troubles de St. Domingue et fur les moyens de  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 281 de réprimer la Rébellion des mulatres et des négres. On requt peu aprés les nouvelles officielles envoyées par M. de Blanchelande Gouverneur de St. Domingue, dont la conduite pendant le cours des troubles mérite les plus grands éloges. Les rapports de eet Officier général étoient accompagnés de piéces probantes et juftificatives. A peine l'affemblée avoitelle eu rendu le 15. Mai le Commenctdecret auffi in jufte qu'inconfé- 'Hent dei'in- J V furrection quent concernant 1'etat des des négres. gens de Couleur, que les amis des noirs a Paris s'étoient empreffés de prendre les mefures néceffaires pour faire exécuter par la force et la terreur ce decret, qui affuroit la perte des Colonies. 11 partit fecrétement plufieurs vaiffeaux chargés d'armes deftinées pour les mulatres et un grand nombre d'émiffaires, qui devoient exciter Pinfurreétion des gens de couleur et des negres conS v tre  22,2 HISTOIRE ET ANECDOTES tre les créoles et les engager a malfacrer tous les blancs. Les membres de 1'aiTemblée générale de la partie Franqoife de St. Domingue s'étant réunis a Léogane réfolurent de tenir dorénavant leurs féances au Cap. Us fe rendirent enfuite féparément dans cette ville. Le 16. Aouft quelques uns Ils confpi- j, . , . rent k 16. e e aux arrlverent au Limdouft 1791. be a 6. Lieuës du Cap, et peu aprés ils virent un négre de 1'habitation de M. Chabaud, qui avoit un fabre a la main et étoit occupé a mettre le feu a un Magazin a fucre. M. Chabaud fortit de fa maifon dans le moment oü la flamme commencoit a fe développer; il pourfuivit le négre et 1'arrèta. Ce fcélerat chercha a fe deffendre, mais fon maitre le terralfa aprés 1'avoir blelfé, et il le fit metcre aux fers. On demanda au négre ce qui avoit pu 1'engager a commettre un crime auffi répréhenfible : il avoua que les négres employés aux ufages domeftiques et en géné-  UK LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 283 général ceux, a qui on accordoit le plus de confiance dans les habitations voifines, avoient fait un complot pour égorger tous les blancs et enfuite mettre le feu a leurs habitations. II nomma les chefs de ce complot, dont quatre appartenoient k M. de Flaviïle et le cinquiéme nommé Paul étoit fur 1'habitation Blin. Aprés avoir dreffé procés-verbal de cette dépofition , et avoir recu le ferment du négre qu'elle contenoit vérité, on prévint 1'économe de l'habitation flaville, qu'il fe trouvoit quelques conjurés parmi fes efclaves. On les nomma en 1'engageant a les faire arrèter. Cet homme, trés doux et compathTant craignit de commettre une injuftice, fe croyant fur de la fidélité de fes négres. Au lieu dont de fuivre le confeil, qu'on lui avoit dormé, il les raifembla, leur communiqua 1'avis, qu'il venoit de recevoir, en leur difant qu'il ne les croyoit pas capables d'avoir formé un auifi abominable projet contre lui, et les con-  2 84 HISTOIRE ET ANECDOTES conjurant de 1'exécuter fur le champ, fi tel avoit été véritablement leur deffein. Les efclaves parurent touchés de ce trait de courage et de inagnanimité. Ils affurerent que le rapport de 1'éfclave arrèté étoit une atroce calomnie, et jurerent a 1'économe une fidélité et une obéufance a toute épreuve. II crut donc que 1'habitation étoit parfaitement en fureté. Le négre Paul ayant été interrogé foutint qu'il étoit innocent; il ajouta qu'étant comblé de marqués de bonté de fon maitre, il étoit trop reconnoifsant pour tremper jamais dans aucun complot contre la perfonne des blancs ou contre leurs propriétés. Son maitre ayant d'ailleurs certifié que ce negre méritoit Ja plus entiére confiance, on lui rendit la liberté. Tout parut être tranquille jusqu'au 21. Aoufl. Ce même jour 1'efcave Paul et les autres conjurés firent leurs difpofitions pour exécuter le complot atroce, qu'ils tramoient depuis Iongtemps. La  DE LA RÉVOLUTION FRANcDISE. 285 La nuit du 22. au 23. Aouft douze négres fe rendi- AtrociUs , ,,, , . . VT .. . commifespar rent a 1'habitation Noe, qui t„ Ne%res. étoit une des plus belles fucreries du quartier d'Acul, ils fe faifircnt d'un jeune créole, le trainerent hors de fa chambre et le maifacrerent a coups de poignard. Le commandeur éveillé par les cris de ce malheureux fe leva et fortit de fa maifon. Dans l'inftant oü il parut on lui tira plufieurs coups de fufil et il périt également. Les conjurés pénétrerent enfuite dans les batiments, qu'habitoient les blancs, tuerent le raffineur, qui étoit encore dans fon lit, donnerent plufieurs coups de fabre a un vieillard malade, qui étoit a cóté de lui, en un mot ils maifacrerent fucceffivement toutes les perfonnes, qu'ils trouverent, a 1'éxception d'un chirurgien, qu'ils forcerent de marcher avec eux. Presque dans toutes les habitations ceux, qui profeflbient eet art obtinrent grace aux yeux des Negres, qui crurent fans doute avoir befoin de leur fecours dans le cours de leur expédition. Le  38Ó HISTOIRE ET ANECDOTES Le malade bleffé, que les fcélérats avoient cru mort avoit eu la force de fe lever j il fe traina jusqu'a une maifon voifine et raconta ce qui lui étoit arrivé. Pendant eet intervalle les fcélérats avoient égorgé tous les blancs, qu'ils avoient rencontré. A la pointe du jour un grand nombre d'éfclaves fe réunit a eux. Ils parcoururent tout le quartier maifacrant et pillant dans toutes les habitations et mettant le feu a toutes les plantations de cannes a fucre. D'aprés le plan convenu Zo révolte entre ies conjurés ia révolte éclatte dans , , / . , le quartier ecJata egalement dans le mèGaiiffet. me inftant dans le quartier Gahifet. Les Négres d'une des habitations pénétrerent dans la chambre du raffineur, qui a la faveur de 1'obfcurité trouva moyen de fe fauver n'ayant requ qu'une légére bleilure. II réveilla les blancs, qui fe ranemblerent autour de lui pour fe deifendre. M. Odeluc partit fur le champ pour le Cap pour y faire part de rinfurrection des Negres. On  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 287 On lui donna un detachement pour 1'efcorter et a 1'aide des Soldats il fe faifit de plufieurs chefs du complot, qu'il amena prifonniers au Cap. H revint bientót aprés pour tacher de s'emparer des autres. Mais leur nombre s'étoit augmenté confidérablement. Us marcherent a lui en maffe portant a leur tète un enfant blanc au bout d'une lance en guife de I^rapeau. Les negres 1'attaquerent, il reconnut parmi eux fon cocher. "Malheureux, s'eria-t-il, je „ne t'ai jamais fait que du bien, pour,,quoi veux-tu me maffacrer?" U eft vrai que vous ne m'avez jamais fait que du bien, répondit le négre, mais j'ai promis de vous égorger. Dans Pinftant même les Negres envelopperent le detachement et affaffinerent impitoyablement tous ceux, qui le compofoient. Les Négres de 1'habitajtion Flaville, qui avoient iuié CraaaU lUs lattachement et fidélité a leur l maitre fe mirent auffi en infurredion. Paul ce même négre, dont 011 avoit cru pou-  288 HISTOIRE ET ANECDOTES pouvoir répondre, aifaffina lui feul cinq blancs. La femme de 1'économe tomba aux genoux des conjurés pour demander grace pour fon mari. Mais les negres furent inexorables; ils le maifacrerent et s'emparerent enfuite de fa femme et de fes trois filles en ne leur diffimulant pas qu'elles étoient deffinnées a aifouvir leur brutalité. Ils s'emparerent enfuite d'un nommé Robert charpentier de 1'habitation, le placerent entre deux planches et lui partagerent le corps avec une fcie. Un feul blanc agé de feize ans trouva le moyen d'échaper a la rage des conjurés et raconta ces atrocités, dont il avoit été témoin. Aprés le maifacre des Ils metteut Wancs Qn mit 1g feu aux can_ le feu aux , plantations. nes a fucre et aux batiments. Tel étoit le fignal convenu entre les Négres: dés qu'ils apperqurent le progrés des fiammes, la révolte éclatta dans toutes les habitations voifinesj tous les blancs, qui ne trouverent pas moyen de  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 289 de fe fauver au Cap furent égorgés: hommes, femmes, vieillard, enfans périrent tous également fans fcdiftinction d'age ou de fexe. Un créole généralement eftimé et connu par fa douceur et fa bonté envers fes efclavqs fubit le même fort que les autres, et aprés avoir fait fubir k fa femme des outrages infames fur le corps palpitant de fon époux ils lui plongerent un poignard dans le coeur. Ces monftres parcoururent ainfi toute la plaine du Cap, violant, pillaut, maffacrant, partout la dévaftation et la mort les précédoient, et la lueur des habitations incendiées éclairoit leur marche. Les cris, les gémüTements des mourants fe faifoient entendre de toute part, la plus belle récolte, des magazins immenfes et de fuperbes habitations étoient devenuës la proye des flammes dans tous les quartiers, oü cette horde barbare avoit pénétré. T.V.S&.I. T Le  2QO HISTOIRE ET ANECDOTES Le 23. Aouft a la pointe fe" ZjfeZ ^ j°ur k nombre des révolblent enforct. tes étoit' de plus de 3000. plus de 600. avoient des armes a feu. Ils trainoient mème a leur fuite deux canons, dont ils ne pouvoient néansmoins faire ufige faute de munitions. Les blancs, qui s'étoient réfugiés au Cap répandirent la terreur dans la ville. Plufieurs d'entre eux n'avoient pas eu le temps de prendre des vétements, d'autres arriverent couverts du fang de ceux, qui avoient été maffacrés a leurs cótès. Ces malheureux raconterent les horribles détails, dont ils avoient été témoins. La familie entiére d'un créole avoit été enfermée dans une caze a negres , a laquelle on avoit enfuite mis le feu. Un enfant de dix ans avoit été jetté a un buil-dog, qui le mit en piéces, pendant que ces monftres fe réjouirfoient de ce fpetfacle barbare. De jeunes créoles éprouverent les plus fcandaleux outrages. D'autres femmes aprés avoir affouvi la paffion des Négres furent  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 2 0/1 rent attachées a des chariots pour fubir de nouveaux fupplices. Ces nouvelles affreufes engagerent les habitans du Cap a fe raifembler. II n'y avoit alors dans la ville qu'un feul régiment de troupes de ligne, 8000 Négres qui étoient trés fufpects et environ ifooo Mulatres. On ne pouvoit accorder aucune confiance a ces derniers. Une partie étoit parents ou alliés des Négres, les autres étoient employés par le Club des amis des noirs pour exciter les efclaves a l'infurre&ion, en répandant parmi eux les principes dangereux de liberté et d'égalité. M. de Blanchelande Gouverneur de la Colonie crut Prkautions 1 -i r 11 • 1 prifes par quavant tout il ialloit soccu- jn.it BUm. per de la fureté de la ville. ckelanie. 11 ordonna aux compagnies de grenadiers et de chalfeurs d'occuper la citadelle. Les troupes] détachées eurent ordre de rentrer. Quelques compagnies de Mulatres libres furent poffées fur les hauteurs et étoient foutenues par un T ij déta»  292 HISTOIRE ET ANECDOTES detachement de 150. hommes, qui fe placa a environ une lieuè* de la ville du cóté, oü on attendoit les rebelles. Une autre partie des volontaires et de 1'Infanterie marcha contre eux. On leur tira quelques coups de fufil, et ils parurent fe difperfer. Mais bientót après ils fe raifemblerent en plus grand nombre, et les troupes réglées craignant d'ètre accablées par leur fupériorité prirent le parti de fe retirer pour attendre des renforts. Ces fecours n'arriverent que la nuit et le commandement de cette petite armee fut confié a M de Touzard. Cette troupe marcha con- Huntanitéde ■> , .„ JU.Touzard. tre les rebelles, qui pouvoient être alors au nombre d'environ trois a quatre mille. On fit avancer des canons et dans le moment oü on alloit y mettre le feu, les rebelles parurent demander grace. M. Touzard s'avanca feul: ils lui crierent qu'ils fe repentoient de la démarche, qu'ils avoient faite, et qu'ils alloient regagner leurs atteliers. M. Touzard fe fia a cette pro- medé.  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 293 meffe. L'humanité d'une part, la grande chéreté des négres d'une autre 1'engagea a ménager leur vie, il fe retira avec fes troupes. Les rebelles fe difperferent en effet, mais ce fut pour engager les Négres des habitations voifines a fe joindre a eux. M. Touzard étoit rentré dans la ville , et ils profiterent de eet inftant pour commettre de nouvelles horreurs. On croit devoir en rapporter encore quelques traits. M. Potïer habitant du port Margot avoit affranchi un Négre, lui avoit fait appren- Négres. dre a lire et a écrire et lui avcJrt fait préfent de 10,000 Livres. II (avoit donné un terrein a la mere de ce Négre et elle y cultivoit du caffé. | Ce Négre engagea tous les efclaves de fon maitre a fe révolter, fe mit a leur tète et brula les batiments et la récolte, qui lui appartenoient, ainfi que lea habitations de fes parents. C| trait d'ingratitude lui valut le titre de général. T fij Un  294 HISTOIRE ET ANECDOTES Un créole nommé Cardineau avoit afFranchi deux enfants males, qu'il avoit eu d'une négreffe, aprés les avoir fait élever avec le plus-grand foin. Ces deux monftres vinrent 1'attaquer, lui mirent le piftolet fur la gorge et le forcerent de déclarer oü il avoit mis fon argent. Ils le maifacrerent aprés s'en être emparé. M. Chauvet du Breuil membre de 1'ailemblée générale fut tué par un enfant de feize ans, qu'il avoit eu d'une mulatreifë. M. et Mad. Baillon, leur fille et leur gendre refterent .paifiblement dans leur habitation, paree que leurs efclaves les aifurerent qtfils n'avoient %en a craindre, et qu'ils fe chargeoient même de les deffendre en cas d'événement. Mais s'étant apperqus que leurs négres s'étoient joints aux révoltés et qu'ils pilloient et maffacroient avec eux, ils crurent qu'il étoit temps de fe mettre en fureté. LJne négreife nourrice de la fille de Mad. Baillon avoua mème a fa MaitreiTe, qu'il n'y avoit pas un inftant k per-  DE LA RÉVOLUTION FRAN£OISE. 195 perdre et lui offrit de 1'accompagner. Un vieux efclave fe chargea de diriger leur marche, mais il chercha au contraire a les égarer. Cette familie in* fortunée arriva cependant au Cap par des chemins détournés, après avoir couru les plus grands dangers. On obferva généralement dans toute la Colonie que les efclaves, qui avoient été les mieux traités par leurs Maitres étoient précifement ceux qui prenoient le plus de part a la révolté. Cette -remarque doit éclairer les Européens fur le caradére des Africains et en général fur celui de tous les hommes fans éducation et fans principes, ils naiffent presque tous avec un penchant a Pingraditude j le prix d'un bienfait ne peut être fenti que par une ame fenfible et généreufe. A cette Epoque prés de 100,000 Négres étoient en infurredion. Dans *la plus grande partie de la province du nord tous les magazins, les batiments, les fucreries étoient devenus la proye X iv des  296 HISTOIRE ET ANECDOTES des flammes. La fuperbe plaine du Cap, qui réunit k une fituation délicieufe la plus grande fertilité, étoit arrofée de lang et changée en un monceau de oendres. Lesi créoles efFrayés ne favoient plus oü fe cacher. Les uns cherchoiënt un azile dans les bois, oü ils étoient bientót découverts et maffacrés. D'autres fe fiant a la promeffe de leurs efclaves reftoient dans leurs habitations, oü ils devenoient vidtimes de leur confiance. L'épouvante et la terreur avoient failï tous les blancs; ils fentoient la néceffité de pourvoir a leur fureté, mais ils en cherchoient en vain les moyens. Plufieurs d'entre eux fe réunirent, fe deffendirent avec courage et ne fuccomberent qu'aprés avoir vendu chérement leur vie. , „ M. de Blanchelande pré-* cheiandcre- Vlt limpoffibilite d'arrêter de dame des fe- progrés d'une infurreclion auffi cours,desdif. COnfidérable avec le peu de ferentes futf- . , r Mees. troupes, qui étoient a fa Difpofition. 11 prit le parti d'écrire  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 297 crire le 24. Aouft a MM. Nunés et Peipin commandants dans la partie Efpaignolle de St. Domingue, pour réclamer des fecours. 11 demandoit qu'ils firfent ;jnarcher des troupes jusqu'a la frontiére, jet de leur donner ordre de fe réunir laux troupes Franqoifes, fi le cas 1'exiigeoit. M. de Blanchelande écrivit en ijnême temps au Gouverneur de la Jamaïque, et au Préfident du Congrès Américain pour le mème objet. La Rébellion ne faifoit iqu'augmenter pendant eet in- L" rehf's ^ ö , , sapprochent jtervalle, plus 1'armee des Ne- ju c„p. jgres.fe fortifioit, plus 011 vo- yoit croitre leur audace et leur cruauté. L'inquiétude et la défolation étoient pouf- Jfées au plus haut point dans la ville du Cap, oü on venoit de recevoir la nouvelle que les Négres faifoient des difpo- jfitions pour 1'attaquer la nuit. M. de Blanchelande envoya un pofte de 200. Hommes a la petite anfe, avec ordre k deux frégattes, qui étoient a la rade de I les protéger en cas de befoin. II fit T v met-  2 98 HISTOIRE ET ANECDOTES mettre en même temps un embargo fur tous les batiments, qui étoient au port, pour qu'ils püffent fervir de retraite aux femmes, aux vieillards, et aux enfants. Toutes les avenues de la ville furent garnies de troupes et de canons : les habitans eurent ordre d'illuminer la facade de leurs maifons: on leur deftribua des armes avec ordre de furveiller attentivement la conduite des Négers. Ces précautions garanti- Jls font rt' t , -ni i, foufis. r vl^e "e lattaiue projettée. Mais la rébellion ne fit qu'augmenter dans la plaine, paree qu'on n'avoit aucun plan fixe pour la réprimer. Plufieurs rebelles s'approcherent de la ville et furent repouffés avec perte. Ils renoncerent alors au projet d'attaque et fe répandirent dans la campagne. Ils la parcoururent pendant plufieurs jours, brulant, pillant, ravageant toutes les habitations, maffacrant les propriétaires et forqant les Négres de fe joindre a eux. Le  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 2QQ Le premier fecours, qui . r> t-x . . Secours e«- arnva a St. Domingue, vint VByét par u du continent de 1'Amerique. congés et le Cent cinquante voluntaires mu- Gouverneur . ,, , . . de la Ja¬ ms d armes et de mumtion pa- mi£ique. rurent le premier Septembre a la rade du Cap. Bientöt on recut auffi quelque affiftance des isles voifines, et le lord Effingham Gouverneur de la Jamaïque envoya plufieurs batimens chargés de 6000. Fufils et de munitions de guerre de toute efpêce. Les vaifleaux Anglois , qui fe trouverent au Cap et au port au Prince arborerent leur paviJIon pour en impofer aux conjurés. Mais ces menaces, qui ne furent fuivies d'aucunes difpofitions férieufes, ne purent intimider une armée de prés de 600,000. Hommes. Les rébelles enleverent plufieurs camps volants et égorgérent les Soldats, qui s'y trouverent réunis. Les Efpagnols fe conduifirent d'une maniére trés extraordinaire. Aulieu de fecourir leurs alliés, ils refuferent mème un azile aux blancs, qui étoient venus fe réfugiés  300 HISTOIRE ET ANECDOTES fugier fur leur territoire: de maniére que ces malheureux tomberent entre les mains des Négres révoltés, qui les maifacrerent. On a même prétendu, (mais peut être fans aucun fondement) que les Efpagnols avoient fourni aux rébelles des fufils, des fabres et jusqu'a des canons en échange de 1'argent, qu'ils avoient volé dans les diftérentes habitations (*). II eft conftaté qu'au bout de peu de jours, 1'armée des rébelles fut abon- dam- (*) II eft certain que plufieurs papiers publics Anglois ont accufé les Efpagnols et les Hollandois d'avoir fourni des armes et des munitions aux rébelles de St. Domingue par 1'entremife de quelques blancs, qui étoient de leur parti. II eft douloureux de penfer que dans un ficcle éclairé la cupidité mercantile ou une affreufe politique ait eu aflez d'empire, pour engager des Nations ou des particuliers a renoncer aux principes et aux devoirs de 1'humanité. Ces triftes exetnples fe renouvellent cependant tous les jours.  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 301 damment pourvue de tous les objets néceffaires, et qu'elle avoit même une certaine apparence d'organifation ils avoient créés des officiers fuperieurs et particuliers, ils obfervoient une0 exacte difcipline, fufilloient les négres, qui cherchoient a déferter, ou qui refufoient d'obéir aux ordres de leurs chefs. Les négres avoient parmi eux quelques blancs, qui leur indiquoient les manoeuvres néceflaires pour attaquer ou fe deffendre avec intelligence. Dés que les fecours envoyés par les Etats unis et le gouverneur de la Jamaïque furent arrivés, on forma un corps d'armée confidérable com mandé par M. de Rouvrai pour marcher contre les rebelles. Ce corps attaqua fucceffivement plufieurs de leurs camps et s' en empara. On y trouva un grand nombre de femmes, que ces barbares y avoient raffemblées pour fervir a leurs infömes plaifirs. %Les  302 HISTOIRE ET ANECDOTES Les efclaves, qui furentfi Barbariedes r ■ .n . ^ ,., L mgres dans falt pnl°nniers affurerent qu'ils! le cours de regnoit la plus grande défunion* let"Jnexpii' parmi les che% des rebelles,! que fion feulement il n'y avoit I aucun accord parmi les différents corps, \ mais qu'ils étoient mème déchirés par des I diffenfions inteftines, que les comman»! dants fe conduifoient en vrais defpotes etl traitoient avec rigueurs ceux, qui leurs I étoient fubordonnés, que le moindre dé-1 lit étoit puni de mort, et quil périffoiel de cette maniére beaucoup plus de négres I que dans les combats. Lorsque les rébel- I les trouvoient dans quelques habitations des négres, qui vouloient refter fidels a leurs maitres, ils les arrachoient de force a leurs atteliers, et les placoient en avant avec leurs femmes et leurs enfants pour qu'ils effuyaffent le premier feu de 1'ennemi. Aprés le combat ils raffembloient les bleffés dans une cafe et y mettoient le feu. Ceft avec cette cruauté inouïe que les négres fe conduifoient même avec leurs femblables. Un  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 303 Un fecond fléau non moins dangereux que la rébellion fe fZTfejl" fit fentir alors dans la colonie. &nmt «»* Cette nouvelle calamité fut la * famine et un défaut abfolu de tous les objet's de première néceifité. La ville du Cap fut celle, qui fouffrit le plus. Cette place n'étoit pas fuffifamment approvifionnée. L'infurrection des négres, et la dévaftation de la plaine, qui en avoit été- la iuite, otoient toute efpérance de rece- voir des provifions du coté de la terre. D'un autre le nombre confidérable de planteurs, qui y avoient cherché un azile augmentoit la confommation habituelle. Les mulatres libres, qui habitoient la ville, s'appeTrcevant de la mcfiance peut être fondée, que leur témojgnent les blancs, réfolurent de prendre la défenfe de la pa:rie conjointément avec eux. II deman- lerent des armes et des munitions, et biirent leurs femmes et leurs enfants en btage, pour caution de leur bonne foi. •ette propofition fut acceptée avec joye et les  304 HISTOIRE ET ANECDOTES les mulatres de concert avec les troupes ! de ligne remporterent plufieurs avantages contre les rebelles. M. de Blanchelande pro-; Proclatnatkn p0fa a l'aflemblée générale de BlanfhdandeJ^ Par°itre Ulle P-OcW tion, pour engager les féditieux a rentrer dans le devoir. Les membres de cette aflemblée, qui connoiflbient; j mieux que le gouverneur le caradère des négres, lui firent fentir le danger attaché i a cette démarche et refuferent d'y confen-; tir. Mr. de Blanchelande renouvella fa| propofition huit jours aprés, et recut lal mème réponfe. II infifta encore et fit pa-j roitre une proclamation en fon nom pour j inviter les négres a rentrer enfin dansj 1'ordre. U chargea un détachement del douze hommes de leur porter eet écrit.j L'iflué de eet envoi fut tel que raflembléej générale 1'avoit prêdit, fept dragons fu4 rent maflacrés, les cinq autres revinrentl aprés avoir couru les plus grands dangersl Li  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 305 Le Gouverneur de la partie Efpagnolle de St. Domingue *W» <** 0 Gouverneur a qui M. de Blanchelande avoit s/fagnoi. demandé des fecours répondit: „Vous demandez des fecours au nom du „Roi, et ce Roi eft un captif, que vous „avez arraché de fon thróne. Vous ré„clamez affiftance au nom de la religion, „et vous Pavez anéantie, vous en avez „banni les miniftres. Au nom du paéte „de familie, il n'en exifte plus, votre na„tion 1'a rompu." Le gouverneur ajouta: „je ralfemblerai mes troupes que ni vous, „ni vos négres ne pénétriez dans les états „du Roi mon maitre." Un nouvel obftacle, qu'éprouvoit M. de Blanchelande pour foumettre les rebelles, étoit 1'extrème indifcipline, qui regnoit parmi les troupes de ligne et particulièrement celle des feconds bataillons des Régiments d'Artois et de Normandie depuis leur arrivée dans la colonie, il avoit été impoffible d'y rétablir 1'ordre. Auffi écrivit-il au miniftre de T.V. Sea.I. U la  30Ó HISTOIRE ET ANECDOTES la guerre le i47bre. Je vous avouerai franchement qu'il étoit plus facile autrefois de commander ioo,coo hommes, que d'en avoir acluellement 2000 fous fes ordres. 7 Le nombre des rebelles Jjts negres marrons fe augmentoit tous les jours, et joignentaux üs étendoient leurs ravages. rebelles. ° Dans le courant du mois de Septembre ils avoient déja gagné les montagnes, qui leur procuroient des retraites aifurées et des poites importants, oü il étoit trés difficile de les attacjuer. Les négres marrons, qui habitoient depuis longtemps ces repaires fe joignerent è eux. Cette efpêce de fauvages les rendit encore plus cruels, qu'ils ne lavoient été jusqu' alors. Les atrocités qu' ils commirent font frémir. Heureux ceux, qui étoient maffacrés fur le champ, en tombant entre leurs mams; ils évitoient au moins les fupplices affreux, ; qu'ils réferverent a nombre des créoles. Ils penuiicnt M. Pirot par les pieds, al*' lume-  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 307 lumerent enfuite une barrique de goudron et le firent griller a petit feu. Les vieillards et les enfants étoient ordinairement jettés dans un brafier ardent. Ils violoient fans pitié les femmes et les filles. Melle Bayon, jeune perfonne de 18- ans, fe plongea un poignard dans le coeur pour éviter eet outrage. Ils fracaflbient le crane des enfants a la raammelle, ils ouvroient le ventre des femmes groifes, et leur arrachoient les feins. Plufieurs furent jettées dans des chaudiéres de fucre bouillant, d'autres furent mutilées de la maniére la plus cruelle. Les rebelles fe conduifirent avec beaucoup de lacheté Béfa,te *«' J 1 1- TT • tClle d" *'• pendant le combat. Un petit if//„, corps de blancs battit toute leur armée au quartier Galiffet et leur prit fept piéces de canons. A peine eüt011 tiré quelques coups de fufil, que leur armée fut dans le plus grand défordre et empêcha qu'on ne put placer et ferU ij vir  2Q2 HISTOIRE ET ANECDOTES vir les canons, lis fe précipiterent pêlemële les uns fur les autres et finirent par fe tuer réciproquement. En général ils épargnoient auffi peu leur efpêce que la race des blancs. On trouva au quartier de la grande anfe foixante un mulatres et négres, qu'ils avoient pendus a des arbres. Les blancs et les Créoles pour témoigner leur reconnoiifance aux mulatres, qui avoient contribué fi efficacement a la deffenfe du Cap et a la df. fperfion des rebelles, crurent qu'il étoit a propos de leur accorder les droits de citoyen adif. La transadion, qui fut faite entre les blancs et les gens de couleur, mérite d'ètre confervée comme une piéce effentielle a 1'hiftoire. Ce concordat fit difparoitre les diftindions humiliantes, qui exiftoient entre ces deux claifes, et rétablirent les opprimés dans les droits, qui devroient appartenu a tout homme libre: mais cette transadion étoit due a la nécefliré, et n'étoit point accor-  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 309 accordée par un effen, de fages et de mures réflexions, ou par un efprit de juftice et d'équité. (*) Cette piéce étoit conque en ces termes : Conccrdat conclu h la Croix aux Bouquets entre les blancs et les muldtres de St. Domingue. L'an 1701. le 11 7bre _ . ' , . Ccncorial les commiflaires des citoyens conciu & /„ blancs du Port au Prince d'une Croix aux . . , Bouquets. part, et ceux des citoyens de couleur de 1'autre, iceux fondés de pouvoir par arrêté du mème jour et du 9. 7bre préfent mois, affemblés fur la place d' armes du bourg de la Croix des Bouquets, a 1'éffet de délibérer fur les moyens les plus capables d'opérer la réuU iij nion (*) On a pu voir dans les volumes précedents les raifons morales et politiques, qui dans le régime des Colonies s'oppofent, a ce que les blincs et les mulatres foient traités fur le pied d'une égalité parfaite.  3IO HISTOIRE ET ANECDOTES nion des citoyens de toutes les claffes, , et d' arrèter les progrés d' une infurreclion, qui menace egalement toutes les parties dê la colonie; l'aflemblée ainfi compofée s' étant transportée dans 1' églife paroüïiale dud. bourg, pour éviter 1' ardeur du foleil, il a été procédé de fuite a la nomination d' un préfident et d' un fecrétaire, aprés quoi il a été dit de la part des citoyens de couleur: Que la loi faite en leur faveur en 1685 avoit été méprifce et violée par les progrés des privileges, et par 1'ufage abulif et le defpotisme miniftériel de l'an7 cien régime, qu'ils n'ont jamais joui que trés imparfaitement du bénéfice de cette loi; qu'au moment, oü ils ont vü l'affemblée des repréfentans de la nation fe former, ils ont repréfenté, que les principes, qui ont diété la loi'conftitutionnelle de P état, entraineroient néceffairement la reconnoiflance de leurs droits, qui, pour avoir été longtemps méconnus, n'en étoient pas moins fa- crés;  DE LA RÉVOLUTION FRANCDISE. 311 crés; que cette reconnoüfance de leurs droits étoient confacrée par les decrets et inftru&ions des 8- et 28- mars 1790. et par plufieurs autres rendus depuis, mais qu'ils ont vü avec la plus grande douleur, que les citoyens blancs des colonies leur refufoient avec obitinatiou l'éxécution de ce decret, pour ce qui les concerne, par 1'interprétation injufte, qu'ils en ont faite ; qu'outre la privation du bénéfice desd. decrets, lorsqu'ils ont voulu les réclamer, on les a facrifié a 1'idole du préjugé, en exercant contre eux un abus incroyable des loix et de 1'autorité du gouvernement, au point de les forcer d'abandonner leurs foyers; qu' enfin ne pouvant plus fupporter leur exiftence malheureufe, et étant réfolus de s'expofer a tous les dangers, pour fe procurer 1'exercice des droits, qu'ils tiennent de la nature, et qui font confacrés , par les loix civiles et politiques, ils fe font réunis fur la montagne de la charbonniére, ou ils ont pris les armes le U iv 31.  312 HISTOIRE ET ANECDOTES 31. aouft dernier, pour fe mettre dans le cas d'une jufte deffenfe; que 1'énvie d'opérer la réunion de tous les citoyens indiftinélement leur fait accueillir la députation de Mrs les commiifaires blancs du Port au Prince; qu'ils voyent avec une fatisfadtion difficile a exprimer le retour des citoyens blancs aux - vrais principes de la raifon, de la juftice et de la faine politique; qu'ayant tout lieu de croire a la fincérité de ce retour, ils fe réuniront de coeur, d'efprit et d'intention avec les citoyens blancs, pourvü que la précieufe et fainte égalité foit la bafe de toutes les opérations; qu' il n' y ait entre eux et les citoyens blancs d'autre différence, que celle du mérite et de la vertu, et que la fincérité et la fraternité cimentent a jamais les noeuds, qui doivent les attacher réciproquement, et en conféquence ils ont demandé 1'exéeution des articles fuivants: Art. I.  DE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. 313 Art. L Les citoyens blancs feront caufe commune avec les citoyens de couleur, et contribueront de toutes leurs forces et de tous leurs moyens a 1'exécütion littérale de tous les points des decrets et inftrudions de l'aifemblée nationale fandionnés par le Roi; et ce fans reftridion et fans fe permettre aucune interprétation, conformément a ce qui eft prefcrit par l'affemblée nationale, qui deffend d'interpréter fes decrets. —• Accepté. Art. II. Les citoyens blancs promettent et s'obligent de ne jamais s'oppofer diredement, ni indiredement a 1'exécution du decret du 15. mai dernier, qui, diton, n'eft pas encore parvenu officiellement dans cette colonie,"de protefter mème contre toutes réclamations contraires aux difpofitions du fusd. decret, ainfi que contre toute adrelfe a 1' alfemblée nationale, au Roi, aux 83 départeU v ments,  314 HISTOIRE ET ANECDOTES ments, et aux différentes chambres de commerce en France, pour obtenir la ré- j vocation de ce decret bienfaifant. —< Accepté. Art. III. Ont demandé les citoyens de couleur la convocation prochaine et 1'ouverture des affemblées primaires et coloniales, pour tous les citoyens actifs, aux termes de 1'art. IV. des inftrudtions de l'affemblée nationale du 28. mars 1790. — Accepté. Art. IV. De députer direétement a l'affemblée coloniale et de nommer des députés choifis parmi les citoyens de couleur, qui auront, comme ceux des citoyens blancs, voix confultative et délibérative. — Accepté. Art. V. Déclarent tous les citoyens blancs et dè couleur protefter contre toutes municipalités provifoires ou non, contre toute affemblce provinciale ou coloniale, comme  ! DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 315 comme n'étant pas formés d'après les jdecrets et inftrudtions des 8- et 28. mars '1790. — Accepté. Art. VI. Demandent les citoyens de couleur jjgu' il foit reconnu par les citoyens blancs, Jque leur organifation préfente, leurs ppérations récentes et leur prife d' armes n'ont eu pour but que leur fureté ftndividuelle, 1'exécution des decrets de jl' aifemblée nationale, la réclamation de jleurs droits méconnus et violés, et le Jdefir de parvenir par ce moyen a la kranquillité publique, qu'en conféquence Ils foient non inculpables pour les évé, nements, qui ont eu lieu etc. — Accepté. Art. VII. Demandent les citoyens de couleur ique, conformément a la loi du 11. fevrier dernier, et pour ne laiifer aucun jdoute fur la fincérité de la réunion prête a s'opérer, toutes profcriptions ceifent iet foient révoquées dés ce moment etc. i Accepté. Art. VUL  3I& HISTOIRE ET ANECDOTES Art. VIII. Que le Secret des lettres et des correfpondances foit facré et inviolable, conformément aux decrets nationaux. — Adopté. Art. IX. Liberté de la prelfe, fauf la refponfabilité dans les cas déterminés par la loi. — Adopté. Art. X. Demandent les citoyens de couleur, qu'en attendant Pexécution ponctuelle et littérale des decrets de raifemblée nationale, et jusqu' au moment, oü ils pourront fe retirer dans leurs. foyers, les citoyens blancs de la garde nationale du Port au Prince foient tenus de contribuer a 1'approvifionnement de 1'armée des citoyens de couleur, tant que d urera fon adtivité cbntre les ennemis communs, et de favorifer la circulation des vivres dans les différents quartiers de la partie de 1'oueft. — Adopté. Art. XI.  DE LA RÉVOLUTION FRANCHISE. 317 Art. XI. Déclarent enfin les citoyens de couleur, qu'ils verroient avec beaucoup de peine la réunion prète a s'opérer au jPort - au - Prince fouffrir des difficultés dans les autres endroits de la Colonie, et affirment que dans ce cas, rien ne :pourroit les empêcher de fe réunir a ceux des leurs, qui, par une fuite des lanciens afaus du régime colonial éprouveroient des obftacles a la reconnoiifance de leurs droits .... adopté. Le préfent concordat arrèté et accepté en fon entier fera publié par la voye de 1'irhpreffion, des copies collationnées d'icelui feront envoyées a l'affemblée nationale, au Roi, aux 83. déi^artements, a toutes les chambres de commerce de France, a M. le LieutenantGénéral et a tous ceux qu'il apartiendra. Arrèté que le 14. du préfent mois il fera chanté un Te Deum dans 1'églife paroifliale de la croix des bouquets en aétions de graces de Pheureufe réunion; et  318 H1ST0IRE ET ANECDOTES et que les bataillons de Normandie, Artois et de 1'Artillerie feront invités a s'y faire repréfenter par députation. Une triple minute du préfent concordat fera faite pour être dépofée 1'une aux archives de la municipalité future, une autre entre les mains de chefs de 1'armée des citoyens de couleur, et la troifiéme dans les archives de la garde nationale du Port-au-Prince.,, Indépendamment de ce concordat Iès créoles donnerent la liberté a un grand nombre de Négres, qui avoient combattu pour eux, ce qui augmenta leur armée. Les Etats unis fournirent des vivres aux villes du Cap et du Portau-Prince, qui furent bientöt abondamment pourvuës, tandis que les rebelles commenqoient a en manquer. La difette les forqa de fe difperfer; plufieurs d'entre eux gagnerent la parti e Efpagnole, d'autres retournerent a leurs atteliers. L'aifemblée générale du Cap envoya de fon cóté une députation de fix mem-  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 319 membres pour expofer 1'état affreux de la Colonie, et demander les fecours les plus prompts a la mere-patrie. Le concordat conclu entre les blancs et les mulatres mfficultés donna bientot lieu a de gran- naitre. des difficultés entre ces deux elaifes de citoyens. Une grande partie des blancs furent exceilivement mécontents des conditions , qui avoient été accordées, et refuferent d'y adhérer. Les mulatres exigeoient au contraire leur entier accomplhTement. Les parties intéreifées convinrent enfin de nommer des commiffaires pour rédiger les Articles d'un nouveau traité. Dés que l'affemblée provinciale de la partie du nord de St. Domingue eut connoiffance du concordat, elle s'empreffa de le caffer, les mulatres regarderenc eet acte comme une déclaration de guerre, et le commencement des hoftiles. Ils fe raffemblerent a la croix des bouquets au nombre de trois ou quatre mille, armerent une certaine quantité d'é- fcla-  32O HISTOIRE ET ANECDOTES fclaves, qui leur étoient affidés, et d'éclarent qu'ils alloient attaquer la ville du Port-au Prince. Les habitans prévoyant qu'ils ne pourroient leur réfifter, leur propoferent de capituler. Quatorze paroifles nommerent des commiflaires, les mulatres en défignerent de leur cöté. Ces commiflaires rédigerent de concert plufieurs Articles de pacification en prenant le concordat pour bafe de ce nouveau traité. Les mulatres envoyerent mille hommes armés au Port-auPrince pour deffendre_ la ville conjointément avec les blancs, aprés que eet arrangement amiable eut été conclu. II eft certain que fans le fecours des mulatres les blans, accoutumés a mener une vie oifive et n'étant point en état de fupporter la fatigue, n'auroient jamais mis fin a la. Rébeilion. Ils furent donc obliges d'accorder toutes les demandes des gens de couleur, paree qu'ils ne pouvoient fe pafler de leurs fervices. Mais on peut reprochér a jufte titre aux blancs d'avoir cherché a retra-  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 321 retrader leurs engagements, dés qu'ils crurent que le danger étoit pafTé. Cette preuve de mauvaife foi dut néceffairement bannir toute confiance de 1'éfprit des mulatres, et donner un nouveau degré a la fureur qui les animoit. Les chofes étoient dans eet état, lorsque le decret de 1'afTembJée nationale du 34. Septemb. qui révoquoit celui du ij-. Mai précédent, parviut a St. Domingue. Les blancs changerent alors abfolument de langage. Ils prétendirent fe prévaioir de ce decret, pour rompre le traité conclu avec les mulatres. L'affemblée générale prit de fon cóté un arrèté abfolument contraire aux prétentions des gens de couleur. Les mulatres introduifïrent alors plufieurs détache- ftJL 'eT ments dans la ville du Port- treiesbUncs au-Princes. Ils n'attendoient e[ l" """ qu'une occafion favorable pour venger 1'injuftice, qu'on leur avoit faite. Les habitans avoient convoqué le.21. Novemb. des affemblées primaires pour . L V.SeÜj. X 1'éledion  32 2 HISTOIRE ET ANECDOTES 1'élection des Magiftrats. Un Négre libre, qui fervoit de tambour a un détachement de mulatres, fondit fur un canonies blanc, avec lequel il avoit eu précedemment une querelle, lui arracha fon fabre et le mit en piéces. Le Négre fut arrèté, conduit en prifon et condamné prévotalement a être pendu fur le champ. Les mulatres prirent fait et caufe pour le Négre, prétendirent qu'il étoit libre et demanderent qu'on difFerat 1'éxécution de la fentence pour éviter toute difcuifion. La municipalité confentit a adopter cette propofition, jusqu'a un plus amplement informé. Mais la fermentation devint extréme parmi tous les citoyens, on arracha le Négre de la prifon et on le pendit. Les mulatres vengerent bientót la ) mort de ce Négre en tuant deux canoniers, qui paifoient devant leur corps de garde. Rien ne put arrèter alors la colere des habitans, ils fe raflemblerent, firent fonner le tocfin, formerent des compagnies et marcherent contre les mula- 1  DE LA RÉVOLUTION FRANfOISE. 323 mulatres. La municipalité, qui prévojyoit les fuites funeftes , que pourroit 1 avoir ce combat, avoit envoyé des com[ mirTaires pour engager les mulatres a livrer les aflaffins. Leurs chefs répondi:rent, que les meurtriers leur etant injiconnus ils ne pouvoient les défigner, ils itemoignerent en mème temps leurs reigrets des fachaux évenements, qui étoiient arrivés. Cette réponfe loin de fa- tisfaire les blancs augmenta leur fureur. 1 Les repréfentations de la municipalité, liet d'autres perfonnes d'un caraclére paci1 fique ne purent les arrèter, ils marcheiirent contre les mulatres pour les atta- quer et les forcer a fortir de la ville. Les mulatres prévenus de ce deifein fe retrancherent L" mulA~ L . . ,. TI tres Je rett- ïidans la citadelle. lis y trou- renti„port 'verent des piéces d'un gros «« Prince, icalibre et des munitions en aPhyaf" , . mts le feu. iabondance et 011 previt que leur réfiftence feroit opiniatre. La municipalité n'ayant pu arrèter 1'entreprife ides citoyens de la ville crut devoir la X ij fon-  324 HISTOIRE ET ANECDOTES foutenir. Elle fit ordonner aux troupes de ligne de fe réunir aux bourgeois. On marcha de concert contre les mulatres' et ils furent repoulfés et chaffés.^ Une partie d'entre eux fe fauva par des iffuës détournées, les autres fe cacherent dans la ville. Le défefpoir et la rage des mulatres contre les blancs devint extréme, d'autant plus qu'on avoit abufé de leur bonne foi pour contrevenir aux traités. Ils mirent le feu a la ville et en fe retirant ils tirerent fur ceux, qui cherchoient a arrèter les progrés de 1'incendie. Pour comble de malheur il s'éleva un vent trés violent, qui éteudit les Hammes, et en moins de vingt quatre heures la belle ville du Port-au-Prince fut convertie en un monceau de ruines et fes riches habitans réduits a la j tnendicité. La municipalité envoya pendant Pincendie des commiffaires a 1'armée des mulatres, qui s'étoit réunie a la croix *les bouquets, pour leur propofer la paix  ■ DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 325 paix et conclure un nouveau traité. :Les mulatres prefcrivirent plufieurs coniditions préliminaires, avant d'entendre iparler d'accomodement. On leur accorida fur'le champ leurs demandes. Comime ils étoient les plus forts dans cette ipartie de 1'isle, ils traiterent les blancs avec beaucoup de fupériorité et de hauteur. Le 28. Novemb. MM. de . Mirbeck, Broufle et St. Léger clZi/ai" commiflaires du Roi arriverent rts civils & ■ a St. Domingue fur la frégatte St- D<"»inila Galathée. Auffitót M. de K"e' Blanchelande fit publier une proclamaItion pour annoncer eet événement, et i ordonner aux corps adminiftratifs et mui nicipaux de reconnoitre les commiffaires j et de les feconder dans 1'exercice de : leurs fondions. Le Gouverneur exhorj.toit en mème temps tous les citoyens ja fufpendre toute hoftilité et a rentrer dans 1'ordre. Xiij Pen-  326 HISTOIRE ET ANECDOTES Pendant eet intervalle Suite des ie- ]es mulatres réunis a un grand vajïations , , , , r . commifes pat no^re de blancs fans propnlesmulatres. été dévafterent de plus en plus 1'isle de St. Domingue. ' Dans toute la partie du nord il ne reftoit que les villes du Cap et Ie fort Dauphin, toutes les autres étoient ou incendiées ou détruites. Ces deux villes craignoient même d'éprouver Je mème fort, fe trouvant abfolument fans moyens de deffënfe. Car les Jacobins avoient retardé le départ de 1'efcadre, que Je Roi vouloit faire partir pour fecourir cette malheureufe colonie (ainfi que je Je rapporterai cy-aprés.) Les créoles écrivirent envain les lettres les plus urgentes au Roi et a 1'afTemblée nationale; on ne leur envoya ni troupes, ni munitions de guerre. Les cruautés , que les mulatres exercerent contre les blancs, furpaflerent tout ce qu'on peut imaginer de plus barbare. Ils portoient les oreilles des blancs en guife de cocardes, ils ouvroient le ven-  ■ ; DE LA RÉVOLUTION FRANTCOISE. 327 : ventre des femmes enceintes, en arra: choient le fruit, qu'ils jettoient aux pour. ; ceaux; ils forcereut mème un malheu: reux pére de manger la chair de fon . fils Ces monftres difoient haute- 1 ment que la guerre dureroit, jusqu'a ce : qu'une des deux races fut entiérement 1 anéantie. Au mois de Fevrier 1792. le nomi bre des mulatres et négres révoltés étoit -de 180,000. Ils étoient les maitres abfolus de la Colonie, a 1'exception des , deux villes, dont j'ai parlé. La majorité de l'aflemblée nationale fe conduifit d'u- L'afemUA . , r 1 ! r 1 natio-.ale ne maniére icandaleuie, lors- en ^ ^ qu'elle requt ces triftes nou- flmitt. velles de St. Domingue. Les législateurs parurent apprendre avec indifférence le maifacre des blancs dans cette Colonie. Bien loin d'y prendre intérêt, leurs débats et leurs decrets portoient 1'empreinte de la faveur et de la partialité pour les noirs. X iv Dès  328 HISTOIRE ET ANECDOTES Dès que le Roi eut requ des nou- J velles officielies de St. Domingue il or- J donna au Miniftre de la marine de faire les plus promptes dilpofitions pour elfayer d'y rétablir 1'ordre. Le Miniftre expolk a raifemblée dans la féance du g. Novemb. qu'il étoit néceifaire qu'elle ordonnat 1'avance d'une fomme de 10,370,912,. Livres pour les frais de 1'armement et les fecours néceifaires pour la Colonie: il remit en mème temps fur le bureau les dépêches que S. M. avoit reques, par lesquelles on reclamoit la proteclion du Gouvernement. Difcvjfions. M' le Rembous prit la parole et aprés avoir attribué les troubles des Colonies a de faux principes d'humanité, qui tendoient k rendre les gens de couleur et les Négres les égaux de leurs maitres, il fut d'avis d'accorder provifoirement au Miniftre la fomme de cinq millions et le refte lorsqu'on auroit requ des nouvelles de l'aifemblée générale. M.  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 329 M. Merlin ofa dire que cette affaire n'étoit point urgente et propofa un délais de trois femaines pour y ftatuer definitivement. Tel fut auffi 1'avis de Briifot. II promit de réfuter les accufations intentées contre les amis des noirs et de prouver évideminent qu'ils n'avoient eu aucune part a 1'infurreétion des Négres contre'leurs maitres. II n'ofa cependant pas affirmer que fes écrits prétendus philantropiques n'euifent pénétré dans les colonies. L'aifemblée infenfible a la ^ 0/ malheureufe pofition de St. Do- refuj-e lV'ac_ mingue ne s'occupa que d'une conUr Usf» difcuffion contentieufe concer- j maniés par nant la forme de la demande isfflï„ïftreï} du Miniftre de la marine. Les Jacobins, qui craignoient fon afcendant fur 1'efprit du Roi, cherchoient tous les moyens de le mortifier, pour le forcer a quitter fon emploi, ils prétendirent que fa propofition n'étant point fignée par le Roi, il n'y avoit pas lieu a délibérer, et ce decret, qui laiifoit la CoX v lonier  330 HISTOIRE ET ANECDOTES lonie en proye a la dévaftation fut rendu par la majorité de l'aflemblée le \z. Novembre. Le Miniftre de la marine méprifant les efforts de fes ennemis détermina S. M. a écrire a l'aflemblée la Lettre fuivante en datte du 14. Novembre 1791. Cette Lettre en rappellant au M^l %f corPs législatif les P«»cipes confemblée. ftitutionnels répondoit aux objedtions propofées par les ennemis du bien public, qui avoient provoqué le decret du 12. Novembre. Paris 14. Novemb. 1791. Je fuis informé, Monfieur Ie Préfident, que fur la demandt, que le Miniftre de la marine a faite par mes ordres, et fous fa refponfabilité d'une fomme de 10,370,912. Livres pour faire face a la dépenfe d'un armement extraordinaire, qu'exige la fituation désaftreufe, oü fe trouve réduite la Colonie de St. Domingue, l'aflemblée a decreté qu'il n'y a pas lieu a délibérer, attendu la forme  ■ DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 331 forme inconftitutionelle, dont elle eft inftruite de eet armement. Je ne vois iaucun article dans la Conftitution, qui prefcrive une forme différente de celle, qui a été fuivie dans cette circonftance par le Miniftre de la marine, et que l'aflemblée conftituante a confacrée en idécrétant, avant et depuis 1'acceptation 1 de la conftitution, toutes les demandes 1 de la même nature, préfentées par une Lettre du Miniftre adreffée par mon ordre au Préfident. L'affemblée legislatieve a fuivi elle-mème eet exemple, en accordant le 8- de ce mois, un fond i de 500 mille Livres en faveur des invalides, fur la feule demande du Minili ftre de la guerre. Je ne puis pas diffimuler combien ? je ferois affe&é de voir que dans un 1 moment oü le falut de 1'empire eft en danger, oü le meurtre et Pincendie ravagent la plus précieufe de nos colonies, 1! menacent d'une ruine totale les manui factures, le commerce et 1'agriculture, l'affemblée püt fe fonder fur une pareil- le  332 HISTOIRE ET ANECDOTES ]e difficulté, pour furfoir a délibérer fur un objet d'une fi haute importance: les voeux et les inquiétudes des principales villes du Royaume manifeftées par leurs adreifes, n'annoncent que trop, combien il eft preffant de porter les remédes les plus efficaces a un mal auffi grave, dont les fuites compromettroient eifentieliement la fubfiftence du peuple, qui fera toujours 1'objet de ma vigilance et de ma plus vive follicitude. J'efpére qu'une confidération auffi majeure déterminera l'affemblée a ne pas différer plus longtems de décréter les fonds extraordinaires, dont j'ai chargé le Miniftre de la marine de lui faire la demande. (Signe) Louis. par le Roi Bertrand. La difcuffion s'établit fur la demande contenuë dans cette Lettre, et aprés beaucoup de déclamations contre les Miniftres, contre les agents du pouvoir exé-  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 333 ■ exécutif dans les Colonies, M. Merlin : propofa de faire fupporter le remplacement de la fomme demandée par le Mi: 'niftre par les gens de commerce, par iiles hommes riches des Colonies, fans y jiconfacrer 1'impot levé fur les pauvres, jj qui ne prennent ni fucre, ni caffé. Cette obfervation conforme aux principes I des Jacobins fut refutée par quelques déiputés, qui objeclerent, que le commerce des Colonies faifoit fubfifter plus de fix millions de citoyens indigents. Lé parti de la raifon 1'emporta enfin dans cette féance, et la majorité de l'aflemblée en manifeftant une efpêce de méfiance i contre le Miniftre de la marine rendit le decret fuivant: L'aifemblée Nationale ac- Decri^ corde la fomme de 10,370,912 Livres demandées par le Roi, pour les fecours a accorder a St. Domingue, et pour 1'expédition, qu'il a ordonné pour y rétablir 1'ordre; de laquelle fomme, i qui fera fuportée par les fonds deftinés i a la dépenfe de 1'extraordinaire, il fera 1 . • mis  334 H1ST0IRE ET ANECDOTES mis fans délai a la difpofition du Miniftre celle de 3,45-6,470. Livres et le furplus au commencement de chaque mois, a raifon d'un douziéme a partir du premier Décembre prochain, de 1'emploi desquelles fommes le Miniftre rendra compte a l'aifemblée. La plus grande partie des dn villes de vllles de commerce avoient tommerce. pris le parti d'écrire au Roi ou a raffemblée nationale pour démander des fecours pour les Colonies: dans une adreffe de la ville du Havre, qui fut luë a raffemblée le 3. Noveinb. on difoit: "La ruine de la France eft „accomplie: les prétendus amis des noirs, „qui ne font autre chofe que les enne„mis inéconciliables des blancs, peu„vent fe réjouir de 1'éifet de leurs ma„nceuvres: c'eft eux, qui ont occafion„né 1'infurrection des Colonies, car les „Négres avoient des blancs pour chefs. Les villes de Bordeaux et de Nantes firent auffi entendre leurs plaintes: elles étoient dirigées contre les amis, des noirs.  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 335 noirs. Mais parmi les nombreufes adrefi les, qui furent préfentées a S. M. celle de la ville de Nantes, fignée par plus de quatre cent négotians ou chefs de manufadures, mérite une mention pariticuliére, paree qu'elle eft courte, énergique et qu'elle contient des vérités, qui auroient du éclairer tous les fouverains de 1'Europe fur les manoeuvres et le pouvoir des Jacobins. Cette adreffe étoit conque en ces termes. Sire! Toutes les claifes de citoyens d'une des plus grandes jf*"^ ft villes du Royaume viennent zfantes. ichercher auprés de vous des confolations aux malheurs affreux, qui les accablent: ils viennent verfer dans votre fein paternel leurs allarmes fur le fort de leurs freres, de leurs amis. II ïn'ett plus poffible, Sire, de douter des excés horribles, qui ont dévafté la plus fleriifante Colonie de 1'univers: déja la partie du nord eft détruite; les négres ar- ' més  336 HISTOIRE ET ANECDOTES més de poignards, par une fede prétendue philantropie, ont égorgé leurs mai.tres, ont incendiés leurs propriétés; ennardis par leur nombre , par leurs fuccés, ils menacent les villes et les deux autres parties de la Colonie: peut être. au moment oir nous verfons des larmes fur les manes des malheureufes vicümes le refte des colons errant fur une terre dévaftée y périt de faim et de mifére. Nous venons, Sire, exprimer k votre Majefté tous les fentiments, qui nous agitent dans une pareille calamité; nous venons implorer vos fecours et votre protedion pour des hommes réduits au I défefpoir: nous vous demandons fexpédition la plus prompte de Soldats, d'ar- I mes et de vivres. Comme pére de vos \ peuples, ne nous refufez pas; commeI chef fuprême de la Nation, vous pou-' vez, vous devez 1'ordonner. Des monftres, que la France recéle 1 dans fon fein, ont médité et fait exécuter de fang froid ces affreux attentats, »leurs écrits ont porté le fer et le feu j dansrl  i DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 337 dans un pays, dont les richefles auroient fuffi pour rendre a 1'empire fon ani cienne fplendeur. Nous appellons, Sire, anathême et vengeance fur leurs tètes. 1 Le tiers de la nation réduit. a la mendifcitè par 1'éxécution de leur infernal complot ne les laüTera pas impunis. 11 eft temps, Sire, de faire ufage de 1'autorijté, que la nation a dépofée en vos mains, pour la purger de ces monflres fangui, naires , pour faire celTer les meurtres et ie carnage. Cette invocation, que nous arrache le fentiment de notre douleur, idépiaira, nous le favons, a cette fecle i de factieux, qui dans fes principes aboliminables a médité le renverfement de la conftitution, le bouleverfement de 1'univers: mais nous parions a notre Roi, a notre pére; c'eft dans fon fein ique nous épanchons nos douieurs , et ■ notre amour ne peut nous tromper fur il'accueil, qu'il fera a nos inftances. Dans notre detreffe, Sire, et quoique menacés d'une ruine totale, le falut du refte de nos freres 1'a emporté T. V. Se£t.I, Y %  338 HISTOIRE ET ANECDOTES fur tout autre fentiment. Nous leur expédions par trois navires prèts k faire voile de notre port , tout ce que nous pouvons nous procurer dans notre ville de fufils d'épreuve, de balles et autres munitions, de tentes, de toile, de munitions et de vivres: le payement de tous ces objets fera fait par le produit d'une foufcription, qui a été auffitót remplie qu'ouverte. Chaque citoyen fans confulter fes facultés n'a vu que les fecours dont fes freres avoient befoin. Votre Majefté, Sire, éprouve bien des chagrins fur le fort des Colonies: tous les bons Francois y ont pris part; vous ne les abandonnerés pas a leur désefpoir et vous faurez compartir a leurs malheurs. Six députés de l'affemblée Députation générale, qui étoient partis du de Vafemblée ^ . ., , de St. Do- ^aP Parurent le ?o. Novemb. mingue. a la barre de l'aifemblée. Ils répondirent au nom de la Colonie de fon attachement a la métropole, et firent un tableau touchant de l'o- rigine  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 33? rigine et du progrés des troubles. Ils eftimerent la perte fuportées par les propriétaires a 600. Millions. Les Négres avoient perdu environ 1 f,000 hommes et il avoit péri plus de 10,000 blancs; lors de leur départ la fédition n'étoit pas encore appaifée. Ils prouverent évidement que la fociété des amis des noirs en France, et principalement MM. Petton, Gregoire, Brilfot, Clavicre et Roberspierre avoient provoqué ce malheur aifreux par les écrits et les émiilaires, qu'ils avoient envoyés dans les Colonies, ils finirent par demander les fecours les plus prompts. Des députés de St. Malo parurent le premier Décembre P^"*"*"" l 1 U , yi ., deSt.Mala, a la barre de laflemblee, ils accuierent hautement les amis des noirs d'avoir réduit la Colonie de St. Domingue a Pétat le plus déplorable. Toute la France, dit Porateur, connoit les monftres, , qui, fous le masqué de la bienfaifance et de 1'humanité u'pandent des principes deftruclifs de tous les liens de la Ibciété, Yij Le  340 HISTOIRE ET ANECDOTES Le commerce des Colonies fait fubfifter ; fix millions de Franqois; fi on abandon- | ne les isles a leur malheureux fort, com-|| me on a ofé le propofer a la tribune de i l'aifemblée, vous occafionnéz également I la ruine de tous ces individus. Brilfot prit alors la parole et répandit dans un difcours trés étendu fes menfonges et fes fophismes ordinaires. II ofa mème articuler que c'etoient les ] blancs, qui avoient provoqué les troub-a les des Colonies: que les malheureufes :1 vidlimes de la fureur des Négres avoientjl elles-mèmes excité l'infurreétion : (c'eft ainfi que les Jacobins en France répan-J doient que les nobles avoient armé les payfans, les avoient engagés a bruler leurs chateaux et a égorger leurs famil- ' les pour en faire rejaillir le blame fur les amis de la Conftitution. Brilfot dé- ■ clama hautement contra M. de Blanchelande et les autres prépofés de la Colo- i nie, et indiqua qu'aulieu de fecourir les blancs, il falloit alfifter les Négres op- | primés, la perte de la Colonie dut-elle ( mème  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 341 mème s'en - fuivre: telle etoit 1'audace avec laquelle ce barbare folliculaire ofoit fe jouer publiquement d'une calamité 1 générale. Le Roi avoit donné les :ordres les plus précis pour Arreftatio» , , ap J '1 • D de M. de l* iqu on preparat lans delai lar- jaüU ^ 1 mement nécetfaire pour mettre Breft. iun frein aux troubles des Coi lonies. Les Jacobins, qui défiroient que des Négres triomphaifent et que les ri! ches propriétaires fuflent entiérement facrificés, chercherent a mettre toutes fortes d'obftacles a 1'éxécution des intentiions du Monarque. M. de la Jaille Capitaine de vaiifeau généralement eftimé ijpar fa bravoure et fon expérience avoit iiobtenu le commandement d'un des Vaiffeaux deflinés pour St. Domingue. 11 paritit pour Breft. A peine fut-il arrivé que les Jacobins prevénus par ceux de la Capitale ameutérent le peuple contre lui. Leurs émiifaires parcoururent les différens quartiers de la ville en difant qu'il étoit affreux qu'on eüt confié le Y iij com-  342 HISTOIRE ET ANECDOTES commandement d'un vaiilèau a un fcclérat, qui n'étoit occupé qu'a favorifer la contre Révolution dans les Colonies; que, fi on ne fe débarraffoit pas irrévo- | cablement de eet ennemi dangereux, on n'avoit aucune juftice a efpérer des autorités conftituées. Le peuple s'ameuta fur le champ, arrêta M. de la Jaille,! le maltraita cruellement et 1'auroit pro- | bablement maflacré fans le fecours d'un boucher nommé Claude Lanverjat, qui f fe jetta fur lui, le couvrit de fon corps et le conduifit en prifon au milieu des cris et des huées de la multitude, qui demandoit fa tète. Le Roi récompenfa ce trait de bravoure en envoyant une '<■ médaille d'or a ce courageux citoyen. L'aifemblée fut inftruite de ces excés le 5. Decemb. mais il ne fe trouva aucun de fes membre, qui voulut élever fa voix contre de pareilles atrocités. M. de Blanchelande avoit envoyé en France le concordat conclu entre les blancs et les mulatres, l'aifemblée recut eet ade avec la plus grande Satisfadion. On  ■ DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 343 On s'occupa mème de faire fandionner i cet accord pour lui donner force de loi. iMais les députés de l'aifemblée générale ;des Colonies écrivirent le 5. Decemb. i:aux législateurs que la fandion du conicordat feroit en contradidion manifefte i avec le decret du 24. Septemb. Ils re; préfenterent cotnbi^nt il feroit dan geteux de convaincre les Négres que leur :rébellion avoit pu faire changer les loix ifondamentales des Colonies. Ils décla•rerent que raifemblée coloniale s'occupoit particuliérement de 1'adouciifement jde 1'état et du fort des mulatres. I Les députés de St. Domingue juftement offeniés des inculpations et des menfonges, que BriiTot avoit débité dans fes difcours des premier et trois DéUembre, écrivirent au Préfident de l'affemblée le f. du mème mois pour fe iplaindre amérement des difcours de ce idéputé, Le même jour le Miniftre Ae la marine inftruifit 1'aifem- de la Iblée qu'on avoit embarqué marine. Y iv 6300  344 HISTOIRE ET ANECDOTES 6200 Hommes, 60. mille Piaftres, des armes, des munitions de guerre et des vivres deftinés pour les Colonies. Plufieurs Jacobins furent trés mécontents de ce rapport. M de la Croix prétendit que 1'envoi des troupes de ligne dans les Colonies feroit beaucoup plus nuifible qu'utile , et qu'elles étoient deftinées a faire exécuter le decret du 24 Septemb. On propofa en confequence la queftion: "Si malgré la pofition critique des Colonies, il ne feroit pas k propos de prier le Roi de fufpendre encore queique temps Penvoi des fecours, qui leur étoient deftinés. C'étoit demander en d'autres termes, s'il ne conviendroit pas de facrifier tous les blancs k la fureur des Négres. Brirfot fut de eet avis. M. du Caftel lui répondit d'une maniére viétorieufe en lui prouvant combien fes raifonnements étoient abfurdes et inconféquents. Brivat et Blanchon s'oppoférent au départ des troupes. MM. Ducos et Guadet opinerent pour Penvoi des fecours. La difference des opinions oc- cafionna  ■ DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 345 cafionna un tumulte extreme. Le Préfident fut obligé de fe couvrir, et pendant qu'on s'égorgeoit a St. Domingue, et que chaque inftant de retard coutoit la vie a de nouvelles vidimes, on renivoyoit au lendemain la folution d'une queftion, d'oü dépendoit le falut des 1 Colonies. Le 6. Decemb. après les jyecret. plus grandes agitations on déeréta que les troupes, qu'on devoit enivoyer a St. Domingue pourroient être i employees a arrèter la rébellion des inoirs, mais qu'il leur feroit interdit de prendre aucune part dans les conteftations, qui exiftoient entre les blancs et les noirs. Mais les Jacobins de Breft a 1'inftigation de ceux de Paris empècherent le départ des troupes en faifant arrèter M. de la Jaille et d'autre Officiers de marine. Des députés de la ville du Havre parurent le 8- Decemb. a la barre de l'affemblée et expoferent le tort irrépai rable, que la durée des troubles de St. Y v Do-  340 HISÏOIRE ET ANECDOTES Domingue occafionnoit k leur commerce. "Nous vous fupplions, dit 1'orateur de vous départir de la riguer de vos prinji cipes pour fauver les Colonies. „ Le 18. Decemb. M. Dubut de Longchamp propriétaire de St. Domingue préfenta une pétition a l'aifemblée , oü il prouva que la fociété des amis des noirs avoit provoqué tous les troubles des Colonies, il conclut par demander un decret d'accufation contre les membres de cette fociété. Le io. Decemb. M. Bertrand de Molleville Jut un mémoire fur Ja pofition des Colonies. II en expofa 1'origine, les caufes, et developa les moyens, qui pouvoient les préferver d'un anéantiiïement total. Le 24. Decemb. M. de Leffard lut a s'aifemblée une Lettre du Comte de Florida Blanca Miniftre des affaires étrangéres de S. M. catholique, oü il I'informoit que le Roi d'Efpagne avoit donné les ordres les plus précis au Gouverneur de St. Domingue d'obferver une exaóle neutralité pendant la du- rée  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 347 rée des troubles de cette Colonie, mais de prendre en mème temps la précaution de former un cordon fur la frontiére pour prévenir les incurfions des Négres et des brigands. L'aifemblée différa jusqu'au 22. Fevrier fa délibera- M™*? " & . dêhberations tion rélativement aux aitaires de fa^m.des Colonies. M. Tarbé pa- blée. rut enfin! a la tribune, et fit un rapport rélatif a la pofition affreufe de 1'isle de St. Domingue. II le termina en faifant fentir la néceffité d'y envoyer des fecours. M. Guadet fuccéda au rapporteur et lut un difcours de M. Garran Coulon en faveur des amis des noirs et contre le decret de raifemblée conftituante du 24. Septemb. II répéta qu'il valoit mieux facrifier les Colonies que de fe départir des principes philantropiques répandus par la fociété. Briffot appuya ce difcours et débita fes maximes et fes fophismes ufités.. Pen.  348 HISTOIRE ET ANECDOTES Pendant eet intervalle les désaftresl de Pisle St. Domingue continuoient d'une maniére effrayante. 20,000 noirs et; 4000 blancs avoient été facrifiés a PaniJ mofité reciproque des deux partis. Lesi Lettres les plus urgentes arrivoient jour-j nellement de cette malheureufe Colonie,,} et réclamoient fecours et aififtance. Des : adrelfes multipliées des difterentes villes [ de commerce tendoient au même but. I Les Jacobins, qui croyoient avoir rem- ( pli leur objet, qui étoit la ruine et la dévaftation totale des Colonies, commencerent alors a délibérer de quelle maniére on pourroit fecourir Pisle de St. Domingue. Les premières nouvelles de la rébellion de Négres étoient arri- | vées a la fin d'Otfobre 1791. Le Roi avoit voulu y envoyer fur le champ une efcadre, les Jacobins en avoient arrèté le départ, et lors qu'ils crurent que toutes les plus belles propiétés de cette isle étoient reduites en cendre, il commencerent a. s'occuper le 22. Mars 1792. de la pofition et du fort des Colonies. Brilfot  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 349 Briflbt monta a la tribuLe le même jour. 11 elt tra- MgerlntUi. fpoflible de retracer fans hor- putSs. beur le langage barbare, qu'il tint. 11 deifendit les mulatres et les [ftégres, et accufa les créoles de tous les [malheurs, qui avoient accablé la Colojnie. Ce folliculaire atroce ofa dire que lla confervation des droits politiques des Igens de couleur étoit beaucoup plus Iprécieufe que les biens et mème la vie Ides créoles. II les peignit comme iölf I bus d'anciens préjugés, et dit qu'ils n'aIvoient fait que fupporter la peine, que I méritoient leur vanité et leur ariftocratie. I 11 propofa mème de faire arrèter entendre et condamner ceux, qui avoient échappé au bras vengeur des Négres, comme ayant provoque tous les malheurs de la Colonie: enfin il chercha a rendre plus que fufpectes les intentions des ceux, qui avoient réclamé des fecours du Gouverneur de la Jamaïque, et prétendit que le projet des créoles avoient été de fe rendre indépendant de la mére patrie.  35 O HIST01RE ET ANECDOTES M. Tarbé répondit a ce difcours d'une maniére énergique et touchante, il rapella les horreurs commifes par les noirs et demanda a Brilfot comment d'aprés ces exemples ils avoit eu 1'audace d'imputer aux blancs les malheurs de la Colonie. Ma confcience m'oblige, dit-il, de déclarer que l'aflemblée ne peut fans encourir une effrayante refponfabilité différer plus longtemps l'envoi des fecours k St. Domingue; chaque inftant de délai doit être regardé comme un crime. M. Dumas demanda qu'on maintint le decret du 24. Septemb. Dorisfy et Genfonné s'y oppoferent. Dubayet foutint que le départ des troupes étoit auffi urgent que néceifaire. M. Gaudet répondit en exhalant des déclamations con- • tre le decret du 24 Septemb. et des injures contre Barnave, qui en étoit 1'auteur. M. de Vauxblancs réfuta les fophismes de Briflbt et lui prouva qu'en 1789. ü avoit écrit le contraire de ce qu'il débitoit a l'aflemblée en 1792. mais les difcours de Guadet et de Gefonné fe-  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 351 fecondés par 1'influence des Jacobins engagerent l'aflemblée a réformer le decret du 24. Septemb. en faifimt pencher la balance en faveur des gens de couleur. Les nouvelles défaftreufes, qu'on avoit recues de la Martinique, de la Guadelouppe et de S«- Lucie engagerent auffi l'aflemblée a comprendre ces Colonies dans le decret fuivant rendu le 21. Mars 1792. Decret deffinitif fur les Colonies. L'aflemblée nationale confidérant que 1'une des pnnci- nitif fJkt pales caufes des troubles, qui Colonies. regnent dansles Colonies, elf le refus qu'ont éprouvé les hommes de couleur libres, lorsqu'ils ont demandé a jouïr de 1'égalité des droits politiques ; égalité, que la juftice, 1'intérêt général, des promefles folemnelles et renouvellées a 1'époque des derniers troubles doivent leur aflurer: que les ennemis de la'chofe publique ont profité de ce genre de difcorde pour livrer les Colonies aux dan-  352 HISTOIRE ET ANECDOTES dangers d'une fubverfion totale en foulevant les atteliers, en désorganifant la force publique, et en divifant les citoyens, dont les efforts réunis pouvoient feuls préfèrver leurs propriétés des horreurs du pillage et de 1'incendie: que eet odieux complot paroit lié aux projets de confpiration, qu'on a formé contre la nation Francoife et qui devoient éclater a la fois dans les deux hémisphéres: confidérant enfin qu'elle a lieu d'éfpérer de 1'amour de tous les colons pour leur patrie qu'ouhliant les caufes de leur désunion, et les forts refpedifs, qui en ont été la fuite, ils le livreront fans réferve a la douceur d'une réunion franche et iincére, qui peut feule prévenir les troubles, dont ils ont été tous également les vidimes, et les faire jouïr des avantages d'une paix folide et durable: aprés avoir décrété 1'urgence, elle déclaré «que les perfonnes de couleur et négres libres devant joüir, ainfi „que les colons blancs de 1'égalité des „droits pohtiques, elle décrète ce qui Art. I.  D2 LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 35* Art. L Immédiatement aprés la publicatiort du préfent decret, il fera procédé dans chacune des Colonies Franqoifes des isles du vent et fous le vent a la rééle&ion des aifemblées coloniales et des municipalités, dans les formes prefcrites par le decret du 8. Mars 1790. et 1'inftrudtion de raifemblée nationale du 28. du même mois. Art. II. Les perfonnes de couleur, mulatres et négres libres jouïront ainfi que les colons blancs de 1'égalité des droits politiques; ils feront admis k voter dans toutes les aifemblées primaires et électorales, et feront éligibles a toutes les places , lorsqu'ils réuniront d'ailleurs les conditions prefcrites par 1'Art. IV. de 1'inftrudion du 28. Mars. Art. ffi. II fera nommé des commiifaires civils au nombre de trois pour la Colonie de St. Domingue, et de quatre pour les X V. Se£t. L Z Is-  354 HISTOIRE ET ANECDOTES Isles de la Martinique, de la Guadeloupe, de S". Lucie et de Tabago. Art. IV. Les commiflaires feront autorifés a prononcer 1'anéantiflement des aflemblées coloniales aduellemeut exiftantes, a prendre toutes les meflures néceflaires pour accélérer la convocation des aflemblées primaires et éledtorales, et y entretenir ï'union, 1'ordre et la paixj comme auffi a prononcer provifoirement fauf le recours a aflemblée nationale, fur toutes les queftions, qui pourront s'élever fur la régularité des convocations, le terme des aflemblées, la forme des éleclions et 1'éligibilité des citoyens. Art. V. Ils font également autorifés a prendre toutes les informations, qu'ils pourront fe procurer fur les auteurs des troub. les de St. Domingue et leur continuation, fi elle avoit lieu ; a s'aifurer de la perfonne des coupables, a les mettre en état d'arreffation s et a les faire traduire en France, pour y être mis en état d'ac-  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 355 d'accufation, en vertu d'un decret du corps législatif, s'il y a lieu. Art. VI. Les commiflaires civils feront temus a eet effet d'adrefler a l'aflemblée {nationale une expédition en forme des jprocés verbaux, qu'ils auront drefles et Ides déclarations, qu'ils auront reques jconcernant lesd. prévenus. Art. VII. L'aflemblée nationale autorife les jcommiflaires civils a requérir la force | publique, toutes les fois qu'ils le jugeIront convenable, foit pour leur propre f fureté, foit pour 1'exécution des ordres, I qu'ils auront donnés en vertu des préScédents articles. Art. VIII. Le pouvoir exécutif eft chargé de I faire pafler dans les Colonies une force 1 armée* fuffifante, et compofée en grande partie des garues Nationales. Art. IX. Immédiatement aprés leur formation et leur inftallation les aflemblées Z ij colo-  V 356 H1ST0IRE ET ANECDOTES coloniales émettront, an nom de chaquel Colonie, leur voeu particulier fur la Con~j ititution, la Législation et 1'Adminiftra-. tion, qui conviennent a la profpérité etl au bonheur de fes habitans, a la charge j: de fe conformer aux principes généraux, qui lient les Colonies a la métropole, [ et qui aifurent la confervation de leurs intéréts refpeclifs , conformément a ce j qui eft prefcrit par le decret du 8» Mars: et a l'inftru&ion du ag. du même mois. Art. X. Les aifemblées coloniales nomme-i xont des repréfentans pour porter leun voeux et fe réunir au corps legislatif, fuivant le nombre proportionnel pour chaque Colonie, qui fera inceifammentt déterminé par l'aifemblée nationale d'a-| prés les bafes que fon comité colonial ell chargé de lui préfenter. Art. XI. Les décrets antérieurs concernantl les Colonies feront exécutés en tout ce: qui n'eft pas contraire aux difpofitions i du préfent decret. Bien  ■ DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 35 "f Bien loin d'appaifer les troubles des Colonies ce decret y occafionna la plus grande fermentation. Des commiflaires Abfolument dévoués a la faclion domiLante furent envoyés a St. Domingue. foantonnax et Polverel deux de ces émifHaires commirent des exces épouvantaIblcs, et firent couler des flots de fang. Ces atrocités engagerent les habitans a recourir a la proteclion des Anglois, qui en 1793. et en 1794. fe font emparés de toutes les Colonies Franqoifes fans léprouver beaucoup de réfilfence. L'aflemblée profita d'une nouvelle demande du lUiniftre f%£%jl |de la marine pour lui refufer &er. |jégalement les fecours, quil de- mandoit fous prétexte d'un défaut de forlime. Cette lutte fcandaleufe des législajiteurs avec les agents du pouvoir exécu- tif afHigeoit fenfiblement les vrais amis ■;| de la Conftitution, et faifoit préfager dés flors jusqu'oü pouvoit s'étendre les vues Z üj et  358 HISTOIRE ET ANECDOTES et 1 autorité des Jacobins. On croit de- I voir rendre compte de cette affaire. Le Dey d'Alger avoit conclu récem- f ment avec la France un traité de paix, 1 qui devoit durer cent ans, fa conduite..! annonqoit cependant des intcntions abfo- I lument contraires a la bonne inteliigen- ll ce, qui devoit regner entre cette. puif- | fance et ce chef de pirates. C'eft envain qu'on avoit eherché a fe 1'attacher i par des bienfaits en lui reftituant ou payant avantageufement toutes les prifés, qui avoient été faites par les batiments Francois. Le Roi même lui avoit fait préfent d'un petit vaiffeau de guerre parfaitement équipé, qui avoit été conftruit a Toulon et avoit couté prés d'un million. Ces différents traits de générofité avoient été promptement oubliés. Le Dey demanda au mois de mai 1791. un batiment Frrancois pour transporter fon ambaffadeur a Conftantinople. Le Roi lüi accorda cette faveur et donna des ordres pour 1'équipement d'un vaiffeau. j Pen-  DE LA RÉVOLUTION FRANqÖlSE. 359 Pendant eet intervalle le Dey changea jd'avis et s'adreffa au Roi d'Efpagne pour jle mème objet. Le conful de France Jui repréfenta que fa conduit; étoit inïurieufe et offenfante pour la nationi jpour toute réponfe on le menaqa de le jcharger de fers. Les Franqois, ajouta le Dey, ne font plus ce qu'ils étoient Éautrefois, ils n'ont plus de Roi, ce font Ides coquins et des frippons, qui ne méfritent aucuns égards. Le Roi écrivit alors au Dey pour jjfengager a adopter des fentiments plus fpacifiques et pour donner encore plus j de poids a ce confeil on fit équiper en jmème temps une efcadre légere compoIfée de plufieurs frégattes et corvettes d'aIprès la demande de la chambre de comjmune de Marfeille. Le Miniftre de la marine . / / L'ttffèmblée ijrendit compte de ces evene- rt,fufelesfe. (jments "e 31/Oclob. et le 4. coun ieman. (Novemb. et motiva la dépen- deJIin^rrJ' ife, que devoit occafionner 1'é- Z iv qui-  $60 HISTOIRE ET ANECDOTES quipement de 1'éfbadre deftinée a proté- • ger le commerce du Levant. L'aflem- ■ blée renvoya fa Lettre au comité diplo- ■ matique. Le 15. Novemb. Brilfot fit un rapport a ce fujet et conclut par dire, que l'aifemblée ne pouvoit prendre aucune délibération a eet égard, la Lettre du Miniftre n'étant point écrite dans les formes reglées par la Conftitution. Le Roi. écrivit alors è 1'alfemblée la Lettre fuivante pour lui rappeller fes devoirs, et les principes de la Conftitution , dont elle cherchoit déja a s'écarter. Paris 24. Novemb. 1791. Lettni r ■ ^6 ^Uis in^0rm^' Monfieur iVAJfembiZ le Préfident, que l'aifemblée nationale aprés avoir entendu le rapport de fon comité diplomatique fur la propofition contenuë dans la Lettre du Miniftre de la marine en datte du 31. Oclob. dernier, concernant les demandes du Dey d'AIger, et les fommes a voter pour 1'armement ordonné a Tou- lon,  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 36 I Ion, a décreté le 15. de ce mois qu'il n'y avoit pas lieu a délibérer quant-i préfent, attendu qu'elle n'eft pas dans la forme conftitutionnelle. Je vous ai déja marqué rélativement aux fonds extraordinaires deftinés a la dépenfe, qu'exigent les armements, qui doivent porter du fecours a St. Domingue, que la Conftitution ne prefcrivoit pas une forme différente de celle, que le Miniftre de la marine avoit fuivie, en faifant par mes ordres la demande de ces fonds fous fa refponfabilité. Mais puisque la même difficulté fe renouvelle aujourd'hui, a f occafion de 1'armement de prévoyance follicité par le commerce de Marfeille, 1'obligation, que j'ai contracfée d'employer le pouvoir, qui m'eft confrié a maintenir la Conftitution, m'impofe le devoir d'en rappeller ici les principes." En déterminant de la maniére la plus précife les différentes relations du Roi avec le corps législatif, la ConftituZ v tion  I 30 2 JHISTOIRE ET ANECDOTES tion a elTentiellement attaché a la préro-» gative royale le droit de propofer des* loix fur certains objets, et celui d'inviter le corps législatif a en prendre d'autres en confidération. L'ade par lequel le Roi juge a propos d'exercer 1'un et 1'autre de ces droits étant toujours un ade purement royal, de la même nature que la fandion, n'exige comme elle la fignature d'un Miniftre, que pour attefter celle du Roi, et n'emporte aucune refponfabilitéj aulieu que les demandes des fonds ordinaires ou extraordinaires du Gouvernement étant évidemment des ades du pouvoir exécutif doivent toujours émaner des Miniftres du Roi, pour avoir la garantie de leur refponfabilité. Tel eft 1'éfprit de la Conftitution. Les difpofitions fuivantes en ont pofé les bafes: Le Rei peut feulemem inviter le corps 'législatif &c. j'uferai de cette facuL, ' té toutes les fois que la gloire, le bonheur, ou les intéréts de la nation 1'éxigeront, Le  DE LA RÉVOLUTION FRANCDISE. 363 Le Paragraplie VIII. du mème Article délegue au pouvoir législatif la faculté de Jiatuer annuellement, après la propofition du Roi, fur le nombre d'bommes et de vaijfeaux, dont les armées de terre**t de mer feront compofées &c. je me conformerai a eet article dans les états généraux, que j'adrefferai au commencement de chaque année au corps législatif, et dans les propofitions particuliéres, que des circonffances de même nature exigeront dans le cours de 1'année. La guerre peut être déclarée &c. Chap. III. Secl. I. Art. II. J'efpere que je ne ferai jamais dans le cas d'adrefTer une femblable propofition au corps législatif: la paix eft trop néceflaire au bonheur de la France, pour que je n'employe pas a la maintenir tous les moyens, qui j pourront fe concilier avec 1'honneur de la nation. La difpofition fuivante du même article porte que, dans le cas d'boftilüès le Roi en donnera avis fans aucun délai au corps  I 364 HiSTOIRE ET ANECDOTES .corps législatif, et en fera connoitre les mo-j tifs. Je me conformerai toujours a cet-I te difpofition avec l'extrême circonfpe-. cnon, qu'exige Pintérêt de 1'état. Ce: feroit s'eu écarter d'une maniére bien. étrange rjue de notifier au corps législatif comme hoftilés imminentes de fimples doutes fur les difpofitions des puiifances étrangéres. Cette notification ineonfidéree feroit bien plus propre a déterminer une rupture qu'a la prévenir. II fuffit alors de prendre les mefures de prévoyance, qu'exige la fureté extérieure du Royaume; et c'eft au Roi, que Ia Conftitution a exclufivement délégué ce foin important. Je m'en fuis toujours occupe et je m'en occuperai toujours avec la vigilance la plus aclive. Les fonds extraordinaires, qu'ont exigé jusqu'a ce moment les différens armements et les mouvements des troupes, que j'ai jugé neceffaires, ont toujours été ordonné fur la fimple demande des Miniftres de la guerre et de la marine faite par mes or- f dres»  ■ 1 DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 365 dres, paree qu'aux termes de la Conftitution' Ch. II. St&. IV. Art. VII. c'eft fur 1'apperqu des dépenfes a faire dans leurs départements refpeétifs que le corps législatif doit en ordonner les fonds. Cet article ne fait mention que des dépenfes ordinaires; mais il eft impoffible de ne pas fappliquer aux dépenfes extraordinaires de la même nature; la Conftitution en ne prefcrivant pas une forme différente, rélativement a ces dépenfes, les a néceffairement rangées dans la mème clalfe, en leur 'aifurant la même refponfabilité que par 1'article V. de la mème Seétion; ce qui ne pourroit pas être, fi elles émanoient direclement du Roi, au lieu d'ètre faites par les Miniftres, qui font les agens, que la Conftitution a donnés pour les actes purement exécutifs. L'att. IX. Sect IV. Ch. V. porte que tous les aéles de la correfpondance du Roi avec le corps législatif doivent être contrefignés par un Miniftre. Mais ee  366 HISTOIRE ET ANECDOTES ce feroit donner a la Conftitution Viffl terprétation Ja plus contraire aux principes, qui en font la bafe, que de conclure de eet Article, qu'aucune des fondions eifentielles confiées au pouvoir exécutif, doive être néceifairement 1'objet de la correfpondance perfonnelle du Roi avec le corps législatif, paree qu'il en réfulteroit évidemment pour toutes les fondions, qui feroient rangées dans cette claife, un defaut entier de refponfabffitè et une inadion abfoluë dans la marche de 1'admiuiftration , toutes Jes fois qu'il pJairoit au Roi de garder Je filence, Ja Conftitution, fans déterminer aucun cas oü Ia correfpondance perfonnelle du Roi avec le corps législatif feroit néceffaire, a voulu feu lement que tous les ades fulfent contrefignés par un Miniftre. Elle n'a pas été plus loin. Je dois m'arrêter avec elle, paree qu'elle a interdit formellement a tous les pouvoirs conftitués le drpit de la chan- ger  ■ ] DE LA RÉVOLUTION PRANCOISË. 367 jger dans fon enfemble ou dans fes jparties. (Signé) Louis. et plus bas Bertrand. Le 28- Novemb. le Mijniftre de la marine rendit Ze Dey d'Al. Lompte a l'affemblée que 1'am- f/rZ7"fa'. fcaifade de M. de Miffielfy- de de France. Iquies et du Capitaine Domerjgues prés le Dey d'Alger avoient eu le {plus heureux fuccés. Le Dey avoit fait jaffoir M. de Miffielfy a fes cötés en lui jdifant: écrivez au Roi que je vous ai jfait placer a mes cótés, comme un de «nes amis, honneur que je n'accorde a jaucun envoyé. Je prie le Roi d'accepter. jtrois chevaux, que je vous ferai donner. iMandez-lui que j'ai pris la plus grande Ipart aux troubles, qui ont agité la FranIce, et que fi mon fecours avoit été neijcelfaire pour les calmer, j'aurois emplo|yé tout mon pouvoir pour prouver mon lattacheraent a la Nation Franc,oife et par-  36g HISTOIRE ET ANECDOTES particuliérement a la perfonne de ' fa Majefté. Le Miniftre rendit également com- 1 pte des pn'cautions prifes par le grand- | maitre de 1'ordre de Malte, qui, dés i qu'il avoit appris qu'il regnoit de la mésintelligence entre la France et la régence i •d'Alger, avoit donné ordre aux batiments de la Religion de protéger et convoyer les batiments marchands appartenants aux armateurs Franqois. M. Bertrand, qui étoit: Accufations , , . , , , , contre ai. itreprochable a tous egards, Bertrand. avoit cependant ufé d'une grande connivence envers les of. ficiers de marine abfents de leur Département. Au lieu de les rappeller ou de les remplacer, comme 1'aflémblée lel défiroit, il continua a accorder un grandf. nombre de congés. La municipalité de|l Breft dénonqa le Miniftre a l'affemblée etf les Jacobins proiiterent de cette circomi ftance pour rendre fon prétendu attache-| ment a la Conftitution plus que fufpedÜ M. BerJ  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 369 M. Bertrand efpéroit peut être que la proclamation du Roi et des repréfentations douces et perfuafives engageroient les Officiers a revenir a leur pofte; fans être obligé d'employer des voyes de riguer. Pour répondre aux inculpations dirigées contre lui il aifura le 14. Novemb. qu'aucun Officier de la marine n'avoit quitté fon pofté. Leur abfence étant bien vérifié il interpréta cette déclaration a la féance du if. Decemb. en difant que les Officiers de marine „n'avoient pas quitté leur pofte, mais „que la loi leur permettant de s'abfen„ter de leur département, lorsqu'ils n'é„toient pas employés fur les vaiffeaux „ou dans les arfenaux, plufieurs fe trou,,voient éloignés de Breft fans avoir quit„té leur emploi. La dénonciation fon„dée en preuve (ajouta le Miniftre) eft „un devoir. La calomnie eft un crime „furtout lorsqu'elle eft dirigée contre les „foncUonnaires publics." Malgré 1'affertion pofitive de M. Bertrand il étoit connu que plufieurs chefs de la marine enJ.V.Seü.L Aa tre  37° HISTOIRE ET ANECDOTES tre autres MM. de Vaudrevil, d'Hedor, de Soulages étoient a Coblentz et continoient a être payés de leurs appointéments, qu'un grand nombre d'Officiers particuliers s'occupoient de la formation de plufieurs compagnies a pied et a cheval dans les pays de Liége et de Malmedy. Le 8- Decemb. M. Cavelier au nom du comité de la marine fit un rapport fur la fituation du département de Breft et il fut vérifié que fur 804. Officiers affedés a ce département 378 étoient abfents, dont 271. fans congé. Les ennemis de M. Bertrand profiterent de cette, circonftance pour rendre fa ju.ftification plus que fufpede et il lui fut ordonné de remettre au plus tard le premier Fevrier une lifte des Officiers abfents pour procéder fur le champ a leur remplacement. M. Hérault de Séchelles avoit lu quelques jours auparavant un projet de decret concernant Ja refponfabilité des Miniftres, refponfabilité, qu'ils trouvoient toujours le moyen d'éluder- par des fubterfuges et des pro-  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 37 I proteftations de patriotisme. II dit que les délits négatifs des Miniftres étoient beaucoup plus a craindre que leurs délits pofitifs. II propofa en conféquence de foumettre leur conduite a 1'infpedtion la plus févére de l'aflemblée. Quoique le projet de M. de Séchelles ne fut point décreté, les dénonciations contre les Miniftres continuerent avec plus d'aclivité. Le 29. Decemb. le rapporteur du comité de marine dit a 1'aflemblé "que le „Miniftre en avoit impofé rélativement ,,a la plainte portée contre les Officiers „abfents de leur pofte et qu'il étoit évi„dent par les piéces mèmes remifes par „M. Bertrand, qu'il avoit voulu tromper „la nation, le Roi et toute la France." (il propofa en conféquence au nom du comité de décreter) "qu'il feroit déclaré „au Roi par raffemblée que fon Mini„ftre de la marine .avoit perdu la con,,fiance de la nation." Le premier Fevrier 1792. M. Cavelier rapella les différents griefs, qui paroiflbient inculper le Miniftre de la Aa ij mari-  371 HISTOIRE ET ANECDOTES marine et adopta les mêmes conclufi-. ons. M. Grange neuve porta fon animo-, fité contre M. Bertrand encore plus loin, il demanda formellement un decret d'ac-. cufation contre lui. M. Ducos évéque: de Rennes paria avec plus de modéra-. tion , il expofa les fautes du Miniftre! avec une clarté et une précifion vrai-. ment redoutable pour lui, cependant ill fortit triomphant de cette lutte. Car d'après 1'appel nominal 208. membres; contre 193 furent d'avis de rejetter la; déclaration du comité. Mais dés le lenJ demain 2. Fevrier la minorité de 1'aflemblée reproduifit cette affaire et la con-, duite du Miniftre fut 1'objet de nouvelles cenfures. Ce fut en vain que le parti des modérés chercha a les écarter: il fut décrété "qu'il feroit fait au Roi „des obfervations motivées fur la conduite du Miniftre de la marine , ren„voyant aux comités de législation et „de la marine la rédaclion de ces obfervations. „ Le  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 373 Le 6. Février il fut décreté que les (Officiers de la marine paiferoient une revuë en préfence des Officiers municipaux le 15. Mars 1792. et qu'on procéderoit fur le champ au remplacement des abfents , ainfi que de ceux, qui ne prouiveroient pas authentiquement qu'ils réIfidoient dans le Royaume depuis le 15. iNovemb. 1791. Au commencement de Mars 1792. M. de Narbonne, dont les intentions imalgré fon zéle et fon a&ivité commencpient a ètre fufpeöes a l'aifemblée, donma la démiffion de fon emploi de Miniftre de la guerre, et dans une Lettre ioftenfible adreifée a M. de la Fayette (jet qu'il eut foin de faire publier, il indiqua que le motif de fa retraite étoit le peu d'accord, qui regnoit entre lui et un de fes collégues (M. Bertrand) lidont il n'approuvoit pas la conduite ïminiftérielle. Le 8. Mars M. Hérault de Séchelilles lut a raifemblée les obfervations des 1 comités, qui devoient être préfentées Aa iij au  374 HISTOIRE ET ANECDOTES au Roi réiativement a la conduite du Miniftre de la marine. Ces obfervations, dont 1'alTemblée approuva la rédaclion, portoient fur trois griefs principaux. i°- d'avoir laifle ignorer a la na. tion et a ces repréfentans 1'état de crife et d'abandon oü fe trouvoit le port de Breft par la défeétion des Oificiers de la marine; défedion dont 1'aiTëmblée n'auroit eu aucune connoiffance fans la vigilance des corps adminiftratifs de Breft. 20- d'avoir publié le 14. Novembre dernier qu'aucun officier de mer n'avoit quitté fon pofte, tandis qu'il étoit notoire qu'a cette époque le nombre des Officiers paffes a 1'étranger étoit déja confidérable. 3°- d'avoir accordé un nombre excefif de congés fans caufe légitime, dans un temps d'émigration et a la veille d'une nouvelle formation. Ces obfervations envoyées dans le jour même a S. M. finiffoient ainfi: «Sire,  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 375 ,',Sire, il ne peut exifter pour vous „de grandeur véritable que dans la dé„termination invariable et folemnelle de „feconder le voeu du peuple par tous „les moyens de puüTance, qu'il a mis „entre vos mains. Le repos mème, dont „vous avez plus d'une fois éprouvé et „exprimé le befoin, vous n'en jouïrez „que le jour oü les Miniftres entreront „dans vos fentiments, et oü rejettant „enfin loin d'eux ces réferves, ces fub„terfuges, fources éternelles d'une dé„fiance, qui entrave tous les relforts de „1'adminiftration, ils feront en quelque „forte la conquête de la nation.,, M. Bertrand fentit qu'il t, ., 1 / 1 • 1, • II ionne fit etoit temps de ceder a 1 orage ièmW!onqonjuré contre lui, il écrivit le ■lendemain 9. Mars la Lettre fuivante a S. M. Sire! Je viens d'apprendre que V. M. avoit nommé un fuccelfëur k M. de 'Narbonne. Après y avoir bien réfléchi, Aa iv j'ai  376 HISTOIRE ET ANECDOTES j'ai penfé que je devois vous donner ma démiffion. V. M. faura aifément appercevoir les motifs, qui me déterminent. Elle connoit mes fentiments et ma conduite: elle ne peut douter ni de mon courage, ni de ma confiance en fa juftice: elle ne fera point étonnée de cette nouvelle preuve de mon dévouement. Vous favez, Sire, dans quelles circonftances je quitte le Miniftére: je laiife a V. M. le foin de mon honneur. (5igMé) Bertrand. Le Roi repondit au Miniftre d'une maniére flatteufe et honorable: Je vois avec peine, MonZettm du Ciew, la réfolution, que vous Rot au Mi- , , ftijlre et & mannoncez, de quitter le Mii'aftmble'e. niftére: fatisfait dans tous les temps de votre zéle et de vos fervices, j'aurois fouhaité que vous eufliez cru devoir les continuer. Je vais examiner les obfervations, qui m'ont été envoyées par l'aifemblée nationale, et le mémoire, que vous m'avez remis.' Comptés  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 377 Comptés fur ma juftice. J'exige de votre attachement pour la chofe publique et pour moi, que vous conferviez 1'éxercice de vos foncïions, jusqu'a ce que j'aye pu vous donner un fucceifeur. Le 10. Mars le Roi répondit aux obfervations de l'aifemblée de la maniére fuivante. Meffieurs. J'ai examiné avec attention les obfervations, que vous ont dicté votre zéle et votre follicitude fur la conduite du Miniftre de la marine. Je recevrai toujours avec plaifir les Communications, que l'aifemblée croira utile de me donner. Les obfervations, dont il s'agiifoit, m'ont paru abfolument conformes aux dénonciations fur lesquelles l'aifemblée a décreté, qu'il n'y avoit pas lieu a délibérer. J'ai porté fur ces dénonciations le mème jugement que raifemblée. Depuis, je n'ai requ aucune plainte contre ce Miniftre, et tout ce qui m'eft venu du commerce et des gens de mer, Aa v m'af-  378 HISTOIRE ET ANECDOTES rn'afiure de fon zéle et de Putilité de fes fervices. J'ai donc penfé qu'il n'y avoit pas de juftice a lui retirer ma confiance. Au refte les Miniftres favent que le feul moyen de la mériter et de la conferver, c'eft de faire exécuter fcrupuleufement et avec énergie tous les decrets de l'aifemblée nationale. C'eft ainfi que fe termina Paffaire de M. Bertrand, qui profita d'une circonftance favorable pour quitter le pofte périlleux, qu'il avoit occupé pendant quelques mois: plus heureux, que fon collégue M. de Lelfard, qui a la même époque fut mis en état d'accufation. II prit le parti de fe retirer en Angleterre pour fe mettre k 1'abri de la vengeance des Jacobins, qui n'avoient celfé de le perfécuter pendant toute la durée de fon Miniftére. Affaire des .La maJorité de l'aifemblée Gaieriensdu paroilfoit avoir adopté pour Régiment de principe de prendre fous fon vieux"!" ^Slde les Plus grands fcéiérats et de leur affurer proteöion et  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 379 et impunité. Elle s'interreffa eu conféquence 'au fort de quarante un Soldats du Régiment de Chateauvieux, qui avoient été condamnés aux galéres per. pétuelles rélativement a 1'infurrecucn de la Garnifon de Nancy en 1790. Les Jacobins prétendoient qu'ils devoient être ,compris dans 1'amniftie générale accordée par raifemblée conftituante. M. Goupilleau paria de cette affaire le I. Novemb. '11 accufa M. de Montmorin de n'avoir entamé aucune négotiajtion avec les cantons fuiffes, pour obtenir la grace des coupables. M. Andronin appuya eet avis. Un autre membre prétendit que, quoique le Miniftre eüt donné fa démiffion , ü n'en étoit pas moins refponfable d'avoir négligé cette négotiation, ainfi que de tous les autres 1 objets rélatifs a fon adminiftration. M. de Montmorin fe difculpa le 5. Novemb. II prouva qu'il avoit écrit au chargé d'affaires de France prés les cantons fuiffes pour obtenir la grace des I Soldats du Régiment de Chateauvieux; mais  380 HISTOIRE ET ANECDOTES mais qu'il en avoit recu Ia réponfe, que le corps helvétique regardoit la difcipli. ne févére parmi fes Régiments, comme un objet trop elfentiel, pour qu'il fe difpofat a faire grace a des Soldats rébelles, qui avoient désobeï a leurs Officiers, les avoient maltraités, et avoient même cherché a les faire maffacrer. M. de Leifart hit a l'aflemblée le 24. Decemb. une Lettre du direcloire du Canton de Zurich, oü il déclaroit, qu'il ne pourroit confentir a accorder la liberté aux Soldats du Régiment de Chateauvieux, qui avoient violé d'une maniére fi eflentielle les loix de la difcipline militaire: que cette faveur auroit les conféquences les plus facheufes, et que jamais fous aucun prétexte les rebelles ne pourroient être requs dans leurs anciennes compagnies: que cette fédition fans exemple, qui blelfoit la fidélité et la réputation de la nation fuilfe, avoit exigé leur jugement et leur condamnation. Le  DE LA RÉVOLUTION FRANfjOISE. 381 Le même foir M. Maille au nom du comité diplimati- Bifcujfim,, que lut un rapport rempli d'affertion menfongéres, de déclamations contre les anciens et fidels alliès de la France, d'injures contre les Officiers de cette nation et d'éloges des Soldats rebelles. Le rapporteur foutint que les Soldats révoltés du Régiment de Chateauvieux avoient donné un exemple eftimable de la réfiftence, qu'on doit oppofer aux ordres émanés de defpotismej que le chevalier de Malfeigne étoit 1'unique caufe de Finfurredion de la garnifon de Nancy: que le traitre Bouillé ne méritoit qu'opprobre et mépris : que les Soldats roués, pendus et condamnés aux galéres devoient être non feulement réhabilités, mais qu'ils méritoient même des éloges pour leurs vertus civiques: que les Officiers fuifles compofant le Confeil de guerre avoient agi avec beaucoup trop de précipitation et avoient prononcé un jugement inique: que la Sentence étoit injufte quoiqu'elle ait obtenu 1'ap-  382 HISTOIRE ET ANECDOTES 1'approbation du corps helvétique: il conclut a cé que le Roi fut prié d'engager les Officiers dés Régiments Suiffes de Caftella et Vigia a confentir a 1'amniftie des Soldats condamnés. A la féance du foir du 51. Decemb. M. Garran Coulon parut a la tribune pour plaider la caufe des Soldats rebelles de Chateauvieux. II foutint qu'ils étoient parfaitement innocents et qu'on devoit fe hater de brifer leurs fers: qu'a la viriel la Suifïe conformément a fes capitulations avec la France s'étoit réfervé le droit de juger fes fujets au fervice de cette puiffance: mais qu'une amniftie étoit un acle du pouvoir législatif et non point du pouvoir judiciaire: qu'en conféquence les claufes du traité d'alliance avec les fuiffes ne s'étendoient point a ce cas: il demanda que 1'amniftie générale du 14. Septemb. s'étendit aux Soldats de Chateauvieux. M. le Montey foutint au contraire que le droit de juftice fur les Régiments fuiffes appartenoit fans diftinclion au corps  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 383 corps Helvétique; que parconféquent l'affemblée n'avoit pas le droit d'infirmer la fentence prononcée, mais qu'on pouvoit appliquer fans inconvénient la loi de 1'amniftie aux Soldats condamnés: l'orateur reconnut la valité du jugement prononcé par les Officiers fuiffes, mais il ne penfa pas que le Gouvernement Franqois fut obligé de la faire exécuter. L'affemblée, dit-il, doit néceffairement faire délivrer les Soldats fuiffes, mais il faut agir avec beaucoup de précautions pour ne point offenfer le corps helvétique. Car ajouta-t-il, il eft connu que 1'Efpagne employé toutes les mancevres poffibles pour priver la France de fes plus anciens et plus fidels alliés: que l'affemblée pouvoit décréter que le Miniftre de France entameroit des négotiations a eet égard avec la fuiffe, mais qu'il croyoit dangereux de décider fur le champ cette queftion, ce qui pourroit occafionner beaucoup de mécontentement parmi cette nation. M. Gua-  384 HISTOIRE ET ANECDOTES M. Guadet vota contre tout délairji il infita fortement pour que les Soldatsi profitaifent de 1'amniftie, et fuflent misli fur le champ en liberté. „, ,-■ L'aifemblée décreta "quei: acorde une »les quarante un Soldats du. I amniftie aux „Regiment de Chateauvieuxü Gaieriemde „étoient compris dans 1'amni- i Cbateauvi- , tltXm „me du 14. Septemb. 1791. et j „qu'ils feroient délivrés fur le champ. „ Ce decret auffi inconféquent qu'in-i jufte en lui même termina les opéra- : tions de l'aifemblée pour 1'année 1791. Le Roi refufa longtemps d'y appofer fa fanclion, il fe décida enfin a 1'accorder le 12. Fevrier 1792. Les Jacobins ayant at- UuT'TonT* teint leur but s'empreiferent rendus. de prouver a quel degré leurs afcendant s'étendoit dans toute la France. Ils ordonnerent a leurs fo- 1 ciétés de faire rendre les plus grands honneurs aux galériens du Régiment de t Chateauvieux. Leurs ordres furent exé- cutés;  ■ f DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 385 cutés; non feulement ils furent accomipagnés dans presque toutes les villes par des détachements de la garde natiotoale, «ais on les couronna de lauriers, ;on leur donna des repas fplendides, et ileur marche eut plutót Pair d'un triomiphe continuel, que celle d'un cortége :de criminels, qu'un hazard heureux avoit itiré des fers. Le 9. Avril jour ou les 40. Soldats jdu Régiment de Chateauvieux devoient • arriver a Paris, ils obtinrent la permifjfion de paroitre a la barre accompagnés ides députés extraordinaires de la ville jde Breft et de Collot d'Herbois cy-de; vant comédien Franqois au théatre de la f Haye leur deffenfeur. Un précis de cette Iféance ne peut qu'intérefTer le leéteur. M. de Jaucourt , qui prévoyoit, ( qu'indépendamment de radmiffion des ; galériens a Ja barre de 1'afTemblée, on I leur accorderoit les honneurs de la féI ance repréfenta , que l'aflemblée receI vroit fans doute avec fatisfadion les in1 fortunés, dont elle avoit brifé les fers, T. V. SeSt.J. Bb mais  336 HISTOIRE KT ANECDOTES mais que 1'intérêt, qu'infpireroit leur préfence, ne pouvoit, ni ne devoit faire oublier Péfprit du decret, qui avoit prononcé leur liberté. "Une amniP#ie, dit„il, n'eft pas un triomphe, fi les bon„neurs, qu'on veut obtenir pour eux „étoient juftes, il faudroit recréer le Regiment de Chateauvieux , il faudroit „deshonnorer la mémoire du génereux „Desisles. „ Des cris et des huées 1'obligerent de quitter la tribune. M. de Gouvion ancien Major - Général de la garde nationale de Paris, dont le frere Commandant de celle de Toul avoit péri a Naucy fuccéda a M. Jaucourt. "J'a„vois un frere, dit-il, bonpatriote, qui „par 1'eftime de ces concitoyens avoit „été fucceffivement commandant de la „garde nationale et membre de fon département. Toujours prêt a fe facrifier „pour la loi, c'eft au nom de la loi, „qu'il a été requis de marcher a Nancy: „il y eft tombé percé de cinq coups de „fufil. Verrai-je les alfaifins de mon ,,frere ? „ — Eh bien! fortez s'écria un mem-  I DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 387 membre, qui eut Paudace de fe nömuner: il s'apelloit Chaudien. M. de Gounvion ne put continuer fon difcours, et i'd'après le réfultat de 1'appel nominal il fut décreté, que les Soldats de Chateauvieux obtiendroient les honneurs de la féance. Un inftant après ils parurent a la barre. Collot d'Herbois prononqa un i difcours tel, qu'on pouvoit 1'attendre du i deffenfeur d'une pareille caufe. Les Sol: dats de Chateauvieux, dont le patriotisme confiftoit a avoir JJ; • pillé la caiife du Régiment et harre ie voulu aifaifiner leur Officiers, raffemblée. étoient innocents: "Pour répon„dre a leurs ennemis, dit-il, (car ces „malheureux ont de cruels ennemis jus„ques dans votre fein) de cette mème \t tribune, d'oü furent lancès avec la ra\ "pidité de la foudre le defefpoir, la ter„reur et la mort, font partis avec moins ',de promptitude, il eft vrai, 1'efpoir, „la juftice, et la confolation. Puiffent „leurs fers, que vous avez brifés, être „les derniers, dont le defpotisme ait enBb ij ,,chai-  388 HIST01RE ET ANECDOTES „chainé les plus ardents defenfeurs de „la caufe de la liberté!,, Le Préfident M. d'Orizy obligé de fe conformer au voeu de l'aifemblée répondit aux Galériens: "L'aifemblée a ,,prononcé en votre faveur une amniftiej „elle a ajouté k ce premier bienfait Ia ,,permiffion de paroitre a la barre pour „recevoir les témoignages de votre re„connoiifance; elle s'eft empreifée de „brifer vos fers: jouüfez de fa bienfai„fance, et qu'elle foit pour vous un mo„tif puiliant d'-amour pour vos devoirs „et d'obéüfimcf aux loix.,, L'aifemblée décreta 1'impredion du difcours de Collet d'Herbois, mais nou pas celle de la réponfe du Préfident, qui n'avoit pas eu le bonheur de lui plaire. Immédiatement aprés cetlls Aéfihnt te réponfe les quarante GaAms hMt lerlens f"ivts de nombreux dédes,fhnm. tachements de la garde Nationale de Veifailles, qui les avoient accompagnês et d'un cortége de peuple immenfe raifemblé fur la terraife des  J5E LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 389 des feuillants traverferent la falie au fon d'une mufique nombreufe et des applaudifferaents des galeries. Les habitans du. Fauxbourg St. Antoine armes de piqués, dont 1'une étoit furmontée du bonnet rouge terminerent cette marche. Non contents d'avoir ob- Les jaca_ tenu ce triomphe les Jacobins Hm leur 1 „ • 1 1 * i„ ™,. Aonnent mie de Paris demanderent a la mu- ^^.^ nicipalitc la permiffion de donner une fète publique aux quarante Soldats de Chateauvieux. Les fonds furent, fournis par le produit d'une fufcription. Le but de cette fète, dont on redoutoit les fuites, indigna tous les citoyens honnètes. Ils préfenterent des pétitions au département, pour qu'il deffendit ce raffemblement, mais ce corps adminiftratif étoit trop foible pour réfifter aux volontés de la municipalité, qui cependant d'aprés la conftitution devoit lui foumettre fes démarches. Les Jacobins obtinrent ce qu'ils defiroient. La fète fut fi-' xée au if. Avril et eut lieu dans le champ de la fédération. Elle n'étoit compofée Bb iij que  39° HISTOIRE ET ANECDOTES que de la plus vile populace, qui n'é-| prouvant aucun obftacle fe livra a tousl les exces de la débauche et de 1'ivrc-j gnerie. Mais les précautions prifes par: le département et la municipalité, en: interdifant le port d'armes et 1'ufage des: voitures, prévinrent les meurtres et les: fuites facheufes, que pouvoit entraineri un pareil attroupement. Le Corps helvétique dutl Affaire du èüe encQre ^ offenfé j Kigiment ., * r d'Emft. maniére infultante avec laquelle on traita le Régiment d'Ernft. Ce Régiment appartenoit en entier au canton de Berne, et étoit fans contredit un des plus beaux et des mieux difciplinés de ceux, qui étoient au lervice de France. Le récit des outrages, qu'il fut obligé d'eifuyer mérite quelque détail. Sott origine. , L* ville de Marfeille avoit été conftamment agitée d'une -maniére plus ou moins violente depuis le commencement de la Révolution. La majorité des citoyens s'étoient diftingués par  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 39 I par leur mépris pour la loi. La licence la plus effrénée avoit pris le nom de liber|té: les vexations les plus atroces étoient tolerées fous le nom de patriotisme: 1'ordre et la tranquillité publique recefvoient journellement des atteintes: la f populace nombreufe et effrénée dirigée fpar les Jacobins infultoit publiquement fles négotiants et les citoyens opulents, I et leur avoit donné ainfi qu'a Lyon l'o( dieufe qualification d'Ariftocrates. Mar1 feille fonnoit une efpéce de république f anarchique, oü regnoit defpotiquement I le Club des Jacobins et la municipalité, I qui étoit abfolument dans fa dépendance. 1 Le Régiment d'Ernft fe trouvoit en I garnifon dans cette ville. La préfence 1 d'une troupe bien difciplinée et incorI ruptible étoit trés désagréable aux fauI teurs des troubles et du désordre. Ils I employerent tous les moyens poffibles pour féduire ce Régiment. Les délations, les plaintes, les injures, les meI naces, les promeffes furent tour k tour employées. Les Suiffes fe conduiflreiu au Bb iv mi-  39 2 HISTOIRE ET ANECDOTES milieu de tous ces piéges avec une pru-. deuce fans égale, ils ne donnerent lieu i a aucune plainte fondée, fe maintinrent; dans les regies du devoir et de 1'obéiffance envers leurs chefs et protégerent 1'ordre et la tranquillité publique. Les Jacobins n'ayant pu parvenir a féduire les Soldats de ce Régiment leur vouerent une haine déclarée. Les Suiffes refpedoient leurs Officiers, ne «fré- : quentoient ni les Clubs, ni les autres lieux publics, ils fervoient avec exaditude fans s'immifcer dans les affaires politiques, ils étoient parconfcquent ennemis des Jacobins, qui les comprirent dans la claffe des Ariftocrates. Ces fa- I dieux réunis k une partie de la garde nationale et de la municipalité demanderentque ce Régiment fut obligé de quitter'Ja ville. Le motif apparent de cette j patition étoit 1'Ariftocratie des Officiers et des Soldats, et particuliérement celle de M. Olivier Lieutenant Colonel. Ces plai.-.tes furent portées a raffemblée ha- ■ tionale,  ■ j DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 39$ tionale , qui décreta que ce Régiment Luitteroit Marfeille et fe rendroit a Aix. L'animolité des Jacobins contre les Suiffes étoit telle, [qu'ils demandoient qu'ils par- Marfeille. jtiffent clandettinement et penjdant la nuit. Mais les Suiffes foutinrent leurs droits. Ils pamrent le matin tambours battans et drapeaux déployés, et liquoique les Jacobins euffent menacé d'aImeuter le peuple contre eux, et de les ifaire pourfuivre a coups de pierre, ils fn'éffuyerent pas la moindre infulte. Le 1 Régiment fortit de Marfeille dans le plus 1 grand ordre et avec cette contenance cal|me et impofante, qui diftingue les trouiipes Suiffes. Cette circonftance augmenta la rai;ge des Jacobins. Ils jurerent qu'ils tiI teroient vengeance des Suiffes, et la proI ximité de la ville d'Aix leur fournit une I occafion favorable d'éxécuter leur projet. Peu aprés 1'arrivée des Et arrivé u t Suiffes k Aix quelques - uns Aix_ l! des principuux brigands de la Bb v horde  394 HISTOIRE ET ANECDOTES horde de Jourdan , qui avoient trouvé ld moyen de s'échapper des mains de la juftice d'Avignon, s'étoient réfugiés kï Marfeille, et avoient été requs avec la1 plus grande fatisfadion, et au milieu desi acclamations des Jacobins. Ces bandits; chercherent a engager les Marfeillois a partir pour Avignon, pour y délivrer 1 leurs compagnons, qui étoient reftés en. prifon. Les Jacobins approuverent ce projet et fe mirent promptement en me-1 fure de 1'éxécuter. En attendant ils chercherent a convairtcre leurs compatriotes de la juftice de cette démarche. Elle fe trouvoit effedivement juftifiée par les journaux et les j folliculaires, qui répétoient les déclama- I tions de Brilfot et les principes de Condorcet Cette doctrine étoit que dans 1'état de Révolution les plus foibles avo- j ient toujours tort, que le parti dominant ne pouvoit jamais commettre de crime, et qu'aucune de fes adions ne pouvoit mériter cette qualification: que le patriotisme de Jourdan 1'élevoit au rang  ■ DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 395 rang des plus grands héros; que tous les meurtres étoient permis fous les fpécieux prétexte de maintenir la liberté, et pourvü que Paffaflin fut couvert du bonnet de la liberté! en un. mot que le ibut légitimoit tous les moyens. Les Marfeillois voulurent effedtive;ment mettre ces maximes en exécution, en délivrant les meurtriers des habitans d'Avignon. • On répandit le bruit, et on écrivit mème a Paris, que la ville d'Aivignon étoit un foyer de contre Révolution, un repaire d'Ariftocrates et de ! Papiftes : qu'il étoit temps d'y faire regner la liberté et le patriotisme; mais que le Régiment d'Ernft, qui fe trouvoit placé dans un point intermédiaire empèchoit Péxécution de ce projet falutaire et qu'il étoit parconféquent néceffaire de Péloigner. La nuit du 24.^ au 25. tn Mar. Fevrier on battit la générale a fiöhi, parMarfeille. Environ deux mille *J?.&Ï* Marfeillois fe raffemblerent f^x °r 'J fans aucune réquifition de la part  396 HISTOIRE ET ANECDOTES j part de la municipalité et partirent fur le champ pour Aix amenant fix piéces de canons. Plufieurs détachements de Gardes-Nationales des endroits circonvoifins fe réunirent k cette troupe, et cette efpêce d'armée arriva le 26. Fevrier k peu de diftance d'Aix, oü on n'avoit encore requ aucune nouvelle de fa marche. Un inconnu arriva k PHotel de ville et y apporta la nouvelle de 1'arrivée des Marfeillois avec fix piéces de canons. Le corps municipal parut douter de ce fait, paree qu'il n'y avoit aucuns renfeignements fur la marche d'un corps auffi confidérable. Cependant il prit fe parti de requérir que M. de Barbantane Commandant de la ville fe rendit a la maifon commune, et qu'il donnat ordre aux troupes de ligne de fe tenir prêtes a marcher. Quelque temps aprés le corps municipal fut informé que la nouvelle étoit trés fondée, que les Marfeillois n'étoient plus qu'a un quart de lieuë de la ville: auffitót  Üli LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 397 auffitót il fit ordonner qu'on battit la générale et que les portes füflent fermées. Les Jacobins, qui avoient des intelligences avec les Marfeillois, et le peuple, qui leur étoit dévoué, — s'oppoferent a 1'éxécution de cette mefure: on fertna plufieurs portes de la ville, mais les fansculottes, qui y étoient en grand nombre, exigerent impérieufement que celle du cöté de Marfeille reftat ouverte. Les Marfeillois entrerent donc librement dans la ville, j.JUois fe mirent en bataille fur la pla- tnntaAix. ce d'armes et braquerent leurs canons contre 1'avantgarde du Régiment d'Ernft, qui débouchoit par 1'avenuë St. Jean, qui eft elle des cazernes. II paroit d'aprés ces différentes circonftances que le corps municipal d'Aix étoit d'accord avec les Marfeillois. Car toutes les mefures, qu'il prit pour prévenir leur entree dans la ville, étoient trop tardives, pour qu'on put les exécuter. Peu  398 HISTOIRE ET ANECDOTES Peu de temps après Parrivée des Marfeillois, quelques gens de la lie dut peuple, qui fe qualifierent d'Officiers daj la Garde Nationale de Marfeille, fe rendirent a 1'Hotel de ville et demanderent au corps municipal, qu'on leur fit délivrer fur le champ des vivres et qu'on indiquat des logements pour leur troupe. Les Officiers municipaux délibérerenti quelque temps fur les moyens de fatis-. faire cette demande. Les Marfeillois exigérent enfuite que le corps municipal donnat ordre au Regiment d'Ernft de rentrer dans fes cazernes. Un detachement de ce corps, qui alloit chercher les drapeaux fut arrèté par les Marfeillois, et ce ne fut qu'avec peine que les Officiers municipaux et le Commandant de la place obtinrent qu'on les lailferoit en liberté. Les Marfeillois déclarerent alors qu'ils étoient venus a Aix pour en faire fortir le Régiment d'Ernft : qu'il falloit qu'il partit fur le champ , ou qu'ils étoient décidés a 1'attaquer. Le corps municipal,  DE LA RÉVOLUTION FRANC.01SE. 399 pal, qui accordoit toutes les demandes des Marfeillois (foit paree qu'il étoit d'intelligence avec eux ou par des motifs de craïnte) fit donner ordre au Régiment de rentrer dans fes cazernes. Cette démarche parut fatisfaire momentanément les Marfeillois. Ils fe difperferent pour prendre quelque nourriture, et fe repofer des fatigues du voyage. On apprit a quatre heures qu'il arrivoit encore 400. hommes de la ville d'Aubail, qui venoient fe réunir aux Marfeillois, et que différents autres détachements des endroits voifins étoient également en marche pour fe rendre a Aix. Pendant que le corps mu- Les Suifts nicipal et Commandant de la font confiplace s'applaudhToient récipro- znis dan' quement de la fagelfe des me- z„„tSn fures , qu'ils avoient prifes pour prévenir toute effufion de fang; les Suiifes renfermés dans leurs cazernes témoignoient hautement leur mécontement du röle honteux, qu'on les avoit forcé de jouer en fe retirant devant les Mar-  400 HISTOIRE ET ANECDOTES Marfeillois et les complices des crimes: de Jourdan. Ils cenfuroient hautement; la conduite pufillanime du Commandant et de la municipalité, qui par une modération déplacée engageoit le peuple a commettre toute forte d'éxcès, a méprifer les loix, le droit des gens et les traités avec le corps helvétique. Indépendamment du corps municipal le directoire du département des bouches du Rhóne étoit également affemblé" dans le lieu de fes féances: ces administrateurs u'avoient aucune liaifon avec les Jacobins, et furent parconféquent expofés aux menaces des Marfeillois. Ils défirerent être protégés par un détachemeut du Régiment d'Ernft, et envoyerent en conléquence une réquifition au Commandant de ce corps, pour qu'il fit marcher un Bataillon pour deffendre les approches du lieu de leur féances. Le Bataillon fortit fur le champ, mais il reent ordre du corps municipal de rentrer. Conformément a la Conftitution la réquifition du direcloire du departement, qui j  OE LA RÉVOLUTION FRANCHISE. 401 qui a une autorité fupérieure a celle des municipalités, devoit ètre exécutée: mais M. de Barbantane jugea a propos d'accéder a celle de la municipalité. II fe mit a la tète des Suhfes et les ramena lui - mème dans leurs cazernes. Les membres du département prirent alors le parti de fe féparer et de fe cacher le plus promptement poflible, puisqu'ils fe trouvoient fans prote&ion contre la fureur des Marfeillois. La nuit, qui étoit furvenée, favorifa leur évafion. Le corps municipal au contraire ne leva point fes féances. Une partie de la nuit fut alfez tranquille. Mais a z. heures du matin le Lundi 27. un particulier fe difant capitaine d'une compagnie de gardes nationales de Marfeille, quoi, que fans uniforme, vint déclarer au corps municipal, que fes volontaires vouloient faire dans ce moment 1'attaque des cazernes, et qu'ils alloient en conféquence faire battre la générale, foit que le corps municipal le permit, foit qu'il ne le permit pas. 11 etoit fuivi de pluT, V, Seiï.I. Cs Ceurs  4°* HISTOIRE KT ANECDOTES fieürs perfonnes, qui dirent toutes la móme chofe {*). La municipalité eflaya de les faire renoncer a leur projet. Mais voyant que toutes repréfentations étoient inueiies , elle fe décida a donner 1'ordre de battre la générale. Le» Marfeillois fe raifemMsUsat- blerent Hir le champ , ainfi taquent. que les détachements, qui étoient venus les joindre. Cette troupe armée précédée de huit canons fe rendit aux cazernes du Régiment fuiffè, et aprés en avoir cerné les avenues, le fomma de fe rendre. Le Commandant de la place, qui s'étoit retiré dans les cazernes, et le corps municipal ne prirent aucunes mefures pour réprimer eet attentat. Les féditieux s'emparerent de quelques maifons élevées, qui dominoient les cazernes, et y placerent des Soldats. Ils dirigerent enfuite leurs canons contre les différentes portes et ilfuè's de ce batiment. Aprés avoir pris ces precau- tions, (*) Procés verbal de la municipalité d'/Jix.  D£ LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 403 pions, ils fommerent le Régiment de parItir fur le champ fans armes. Le corps jmunicipal conr.im.oifc fes féances, foit par int nlotif.de crainte, foit par une ifuite des intelligences, qu'on pouvoit lui fuppoier avec les rebelles: 11 ne prit laucune meiure pour prévenir leurs proifjets, et n'envoya pas même une dépuJtation pour les engager k ne pas troubler fl'ordre public. Les Suitfes obligés de reifter dans leurs cazernes par ordre du jCommandant de la place, et d'aprés les liiréquifitions de la municipalité furent Ubandonnés a leur malheureux fort. Pour y ajoutèr mème un nouveau désagrément^ ton leur envoya un decret de l'aifemblée mationaie", du mois de Juillet 1791. ,:qui permet aux Soldats de fe deffendre, (lorsqu'ils font attaqués. M. de Baibantaiiö effaya iicependant d'engager les fadi- Conférences. pux a renoncer a leur projet. llMais pour toute réponfe ils réïtérerent lleur fommation. Les Suiifes refuferent ihautement de fortir désarmés. Mais le Cc ij gêné-  4C4 HlSTOIRE ET ANECDOTES général chercha a les y déterminer, en leur repréfentant qu'ils ne faifoient que •céder a une force fupérieure. Au bout d'un quart d'heure les affaillants demanderenc a entrer en conférence avec les bas-Officiers et les Soldats. Les Suiffes députerent dix fergents, dix caporaux et dix Soldats. Les Marfeillois eflayerent de les féduire: ils employerent tour è tour les priéres, les promeffes et ks menaces: ils oferent même leur propofer d'égorger leurs Officiers, Ils leur promettoient pour ce fervice les emplois de leurs cheFs et le partage de dargent, qui devoient fe trouver dans la cailfe militaire. Cette propofition révoltante ne pouvoit être faite que par des fcélérats accoutumés a commettre tous les crimes, et qui n'avoient aucune idéé de la fidélité et de la loyauté de la nation Suiffe. Les braves députés témoignerent leur indignatïon de la maniére la plus éuergique et particuliérement un fergent nommé Hofmann, a qui les rebelles avoient offert 1'emploi de Colonel. Les députés  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 405 putés revinrent aux cazernes et rapporterent le rófültat de la conférence. Tout le Régiment d'un commun accord fut d'avis de ne point mettre bas les armes. Pendant eet intervalle les forces des affaillants augmen- fcfu*tth'J j . fufpeite de toient. Leurs menaces devin- M-it Bar. rent plus véhémentes et plus bantane. fortes, et firiirent par des cris et des hurleme.nts épouvantables. M. de Barbantane renouvella lés réprefenta* tions. Cette démarche de fa part ne fit, qu'augmenter Paudace et 1'infolence des feditieux. Ils mirent le feu a un canon, tuerent un fentinelle et renouvellerent leur fommation pour que le,Régiment fortit fans armes. Le, général confeilla aux Suiffes de fe faumettre a cette condition. D'après leur refus M. de Barbantane fit une démarche trés extraordinaire, qui prouve ou fa pufilla' nimité ou fes intelligences avec les Marfeillois. II fe dépouilla du caraclére et des fonctions de Commandant et en confia 1'exercice a M. de Watteville Cc iij Ma-  406 HISTOIRE ET ANECDOTES Major du Régiment Suilfe et Co nmasi-". dant en P/abfence de M. Olivier, en i lui enjoignaiu de faire fous fa propre refponhbihté ce qu'il jugeroit convenable. Les factieux demanderent qu'on leur envoyat une feconde députation. Ils firent aux députés les mèmes pronofitionsJ que la première fois. Leur indignation s'étant manifeftée d'une maniére violente, ils fe jt-tterent fur eux, leur arracherent leurs fabres, et leur tirereat plufieurs coups de fufil, pendant qu'ils regagnoient les cazernes. M. de Watteville confer- Pruitnce du ..„ i r ■ rr • Jtlajor IVat- V3 d3"S Ulle Pofi«011 auffi COf uviUt. tique une préfence d'éfprit, un calme et un fang-froid rares. Ni les outrages, qu'avoit effuyés la troupe qu'il commandoit, ni le defir de la vengeance, qui animoit tous les efprits ; ne purent 1'engager a faire une démarche téméraire et hazardée. " Votre fide„lité m'étant conuë depuis longtemps, „(dit-il en s'adreifant aux Soldats) j'ai tout I  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 407 „tout lieu de compter fur votre obéïtTan„ce, tenez-vous prêts a exécuter ce que „je vous ordonnerai, je réponds au Can„ton de votre conduite et de la mien„ne. Vous ëtes au fervice de France „pour combattre fes ennemis et non pas vpour maffacrer fes citoyens. J'efpere I ,,donc que par égard pour moi vous vous „déterminerés a dépofer vos armes: don„nez moi ce nouvel exemple de votre i „dévouement, et de 1'exaéte difcipline, „que vons avez toujours obfervée. „ Cette courte barangue n nigmit j prononcée d'un ton de voix aux fuiffes ferme et calme produifit 1'éf- vtlle fans fet, qu'on devott en attendre fur des Soldats accoutumés a. I réfpeéler les ordres de leurs chefs. Les Soldats dépoferent fans murmurer les armes, qui quelques inftans auparavant devoient être employés a fe venger de 1'infulte faite par les Marfeillois. Ils quitterent les cazernes et fortirent de la ville. Les citoyens paifibles et honnètes, qui fe trouvoient fans appui et fans Cc iv pro-  4°8 HISTOIRE ET ANECDOTES protedeurs, les fuivirent en gémiffant fur leur trifte deftinée. Les féditieux fe précipiterent en . foule dans les cazernes, dès qu'elles furent évacuées, ils s'emparerent non feuletheftt des armes des fuüTes, mais ils volerent tous les effets appartenants au Régiment et fe paftagerent les fonds de la caiiïe militaire. Aprés cette expédition les Marfeillois pour mettre le comble a leurs exploits patriotiques, pillerent plufieurs maifons de Ia ville, attacherent une jeune bouquetiére a la lanterne et commiient plufieurs autres horreurs. , „ . Le Régiment d'Ernft diri- Lt Regiment <• , „ d'ErHji««it. &ea Ja marche vers Toulon, uiaFrance. mais les Jacobins de cette ville, qui étoient d'accord avec ceux dé Marfeille refuferent de 1'y recevoir; celle troupe fe vit contrainte de refter è OUioules, et fuivit enfuite la route de Romans pour fe rendre en SuüTe. La  DE LH RÉVOLUTION FRANCOISE. 40 9 La nouvelle de Ia maniére outrageante, dont ce Régiment avoit été traité occafionna le plus grand mécontentement dans toute la Suiife. Le confeil de la ville de Bcrne fit partir fur le champ un banquier muni de Lettres de crédit pour procurer aux Officiers et aux Soldats tous les fecours, dont ils pourroient avoir befoin. On dépëcha en mème temps un courier a Turin pour prier S. M. le Roi de Sardaigne de permettre que des individus ou même des détachements de ce Régiment, qui feroient dans le cas de gagner la frontiére, puifent traverfer fes états fans obftacle. Le 16. Mars le confeil fouverain de la république de Berne décida a Ja pluralité de 124. voix contre 6. que le Régiment d'Ernft feroit rappellé du fervice de France. II écrivit en mème temps au Roi la Lettre fuivante: Cc v Lettre  410 HISTOIRE ET ANECDOTES Lettre du confeil fouverain de la République de Berne. Berne le 16. Mars 1792.' Sire! Le Régiment d'Ernft avo«é Littre AuCon- 1 , feiideBeme Par notre etat, le plus ancien » S. M. Régiment Suiffe de ligne au fervice de la couronne de France, qu'il a fervi depuis plus d'un fiécle avec fidélité, et dont la conduite a été fans reproche; ce Régiment a eu le 26. Fevrier a Aix le sort le plus mortificant et le moins mérité. Affailli par une troupe infiniment fupérieure en nombre, lié par une loi, dont il avoit juré 1'obfervation, qui le mettoit dans Pimpoffi, bilité de fe deffendre, trahi peut-ètre par ceux, qui devoient lui donner leur appui, il s'eft vu forcé de pofer les armes. En guerre ouverte contre les ennemis déclarés de V. M. il n'auroit quitté fes armes qu'avec la vie. Nous ne chercherons pas a émouvoir Ia fenfibi- lité  ; DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 411 Jité de V. M. par le récit des fcénes de trahifon et de fédition., qui ont accompagné ce malheureux événement; nous n'eiTayerons pas de retracer la profonde et douloureufe impreffion,, qu'il nous a fait éprouver de même qu'a tout notre ilpays. Dans ces circonftances il ne nous Kefte qu'a retirer notre Régiment, fes ferIvices ne pouvant plus être utiles è V. M. |Son honneur ne lui. permet plus de proJonger fon fcjour dans un pays, oü ni 1'alliance, ni fa capkulation ne lui pro: cureroit plus la fureté néceffaire. Nous i avons déja fait part de cette détermina| tion a notre Régiment d'Ernft. Nous I attendons en conféquence de 1'amour < pour la juftice , qui caradtérife V. M. qu'elle voudra bien donner fes ordres, afin qu'on lui rende fes armes, qui font fa propnété, et dont il a été privé d'une maniére trés illegale et violente. V. M. | ainfi que fes trés auguftes prédéceffeurs ; ont donné dans tous les temps aux trou: pes Suiifes en général, et a notre Régi' ment en particulier des preuves fi con- vain-  41 a HISTOIRE ET ANECDOTES vaincanr.es de leur haute confiance et i bienveillance royale, que nous ne dou- ! tons pas que V. M. aceueillera favorablement notre demande, et qu'elle dai- i gnera par conféquent ordonner incenamment, qu'on lui aecorde une retraite fü- \ re et honorable, et qu'on lui affigne la i route la plus commode pour fe rendre i dans fa patrie. Toujours animés des> iriêmés fentiments envers V. M. nous formons les voeux les plus ardents pour fa confervation et la profpérité de la Monarchie, &c. (Signé) Avoyer, grand et petit: confeil de la ville et ré- I publique de Berne. s* démarche Tous les autres Cantons ehtient le Suiffes approuverent la démar- I fuffrage de che de la république de Berne tous lesCan- . ,4 z. tons. et le ^tlIe de fa Lettre au Roi. Le grand Confeil de la ville de Zurich prit le 20. Mars un arrèté pour approuver la Réfolution de M. Hirzel de St, Gratiën Lieutenant-Colonel du Régiment  DE LA RÉVOLUTION FRANcOISK. 413 ment de Steiner et de tous les Officiers üde ce Régiment en garnifon a Lyon, iqui avoient juré fur leur honneur qu'ils ine fouffriroient jamais que le Régiment ifüt désarmé, ni qu'il fe portat dans le£ 1: provinces méridionales avant d'avoir rejqu les ordres du Canton. La républii que de Zurich fe détermina auffi a écri;!re a S. M. le Roi de France pour le fupplier de ne point envoyer le Régiment de Steiner dans les Provinces méiridionales, et de faire donner des orjdres pour que les deux bataillons ne i' fülfent point féparés conformément aux ; capitulations. Le Miniftre des affaires étrangéres écrivit a la république de Berne pour Pengager a prendre une délibération plus 1 modérée et a retirer 1'ordre de rappel, a. II s'efl élevé, Meffieurs, une difficulté fur la maniére, dont les commilfaires, que V aifemblée nationale charge de m'apporter fes decrets, doivent être recus chez moi. Jl ai fait obferver jusqu'a préfent 1'ufage, qui avoit été conftamment fuivi dans mes rapports avec f-aifemblée conftituante; et j'ai penfé qu'il étoit convenable de marquer par une difttnction les occafions, oü le corps législatif juge lui-mème devoir Dd v mettre  426 H1ST01RE ET ANECDOTES mettre plus de fulemnité par le nombre des députés, qu'il m'envoye. En conféquence j' ai fait ouvrir les deux battams aux députations de foixante, et j'ai ordonné, qu'on les ouvrit également aux députations de vingt quatre, lorsque 1'aC femblée nationale jugera a propos de m'en envoyer. Les commilfaires, qui font venus le 3. Fevrier pour me pre!. fenter les decrets, ont demandé que les deux battans fülfent ouverts; mais ces commiflaires n'ayant point infifté fur cette prétention, d' aprés les obfervations, qui leur ont été faites, je n'y avois donné aucune attention. J'ai feu qu'ils en avoient rendu compte a l'affemblée nationale, et qu'elle avoit renvoyé eet objet a fes comités. N'attachant aucune importance a une chofe de cette nature, j'étois réfolu d'attendre que l'aflemblée me préfentat fon voeu» fi elle croyoit devoir s' en occuper, mais j'ai été furpris qu'avant qu'elle 1'eut manifelté, les commiflaires, qui font  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 427 font venus hier pour préfenter les decrets a ma fanétion, ayent renouvellé cette prétention, et fe foient retirés: parceque, jusqu'a m que ï affemblée fe foit expliquée, j'ai cru devoir maintenir 1'ufage invariablement obfervé. L'affemblée jugera fans doute, qu' il eft important, que les rapports néceflaires entre elle et moi ne foient jamais interrompus, et elle fe preifera firrement de fe concerter avec moi a eet égard. (Signe) Louis. Cette lettre du Roi occa- Difct^„„s, fionna de vits débats. Plufieurs membres fe plaignirent d'avoir été ■ expofés dans des antichambres aux farcasmes des valets de la cour. Le rapporteur du comité de législatión termina la difcuffion en propofant de rappeller au Roi que toutes les députations du corps étant revetuës du mème caraöére, V atfemblée chargeoit fon préfident de lui écrire que le voeu du corps lé- gis-  428 HISTOIRS ET ANECD0TE8 gislatif étoit que la loi du 17. Juin 1791. fut executie et qu'en toute occafion les membres de l'aflemblée, qui fe préfen, teroient, feroient requs fans aucune différence. M. de Condorcet préfident de 1' afi femblée, qui avoit été toute fa vie 1q plus fade adulateur des fouverains et des grands feigneurs, demanda quelle formule il devoit fuivre en écrivant au Roi. On décreta qu'on adopteroit cellei dont fe fervoit s. M. En conféquence le* mot Sire, qu'on avoit placé jusqu' alors 3 la tcte des lettres, fut infére dans le corps de la lettre et la lettre elle mème terminée fans compliment. Ainfi „ pair une fuite des circonftances, qu' ou ne pouvoit prévoir, celui qui avoit été Ie plus puiflant monarque de 1' univers es M. de Condorcet fe trouverent rangés fur la même ligne. Le letfeur croira peut être que ces puériles et ridicules débats devoient être terminés, mais on éleva la queftion, comment  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 429 ment on feroit parvenir au Roi 4a lettre du préfident? Soit par la voye des commüTaires, ou d'un huiffier dé l'affemblée. Une plaifanterie termina cette platte difcuffion. Envoyez la, dit un membre, par la petite pofte. Le 7. Fevrier les commiffaires revinrent comblés de joye et annoncerent qu'on leur avoit ouvert les deux bati;aux de 1'appartement de S. M. On ne fauroit donner trop d'éloges a la modération et a la condefcendance du Souverain dans cétte eirconftance. „Veuib „lez bien dire, Meffieurs, a l'affemblée „nationale (répondit le monarque aux „commiffaires) que des intéréts trop ma„jeurs m'ont empèché de m'occuper du „cérémonial, et que je renvoye a un au„tre temps a me concerter avec elle fur „les cas, qui n'ont pas été prévus par ,,la conftitution." Pendant que les faétieux attaquoient la prérogative Royale, ils ne neglig^jicnt pas les moyens de tramer a 1'ex- teri-  43Ö HISTOIRE £T ANECDOTES terieur les plus abominables complots. Je vais rendre compte de quelques unes de leurs manoevres. Les Jacobins réunis a la Complot,ex. faclion d'Orleans avoient fait terieursfor- , , , mts par les precedemment une tentative Jacobins. pour s'emparer de la perfonne des princes franqois et précipiter en mème temps le Roi de fon tróne. Ce complot abominable fut heureufement découvert au moment de 1'éxécution. Des lettres fuppofées de S. M. de Madame Elizabette et du Comte de Metternich miniftre impérial a Bruxelles (dont on avoit parfaitement contrefait la fignature) arriverent a Coblenz et an; noncerent que S. M. et toute fa familie avoit eu le bonheur de s'échapper la nuit du 20. au 21. Qbre et qu'elle étoit arrivée dans les Pays-bas. Un fecond courrier. annonqa que Condé et Valenciennes avoient ouvert leurs portes aux troupes autrichiennes. Monjieur, et M. te Comte d'Artois dans le premier moment  DE LA RÉVOLUTION FRANcOISE. 431 merït d' enthoufiasme étoient, k ce qu'on aflure, fur le point de partir pour aller joindre S. M. fi M. de Calonne ne leur eut pas fait obferver qu'il feroit a propos d' attendre la confirmation de cette importante nouvelle. Ce confeil prudent préferva les princes du piège, que leur avoient tendu les Jacobins. Des détachements de troupes légéres avoient ordre de les attendre fur la frontiére, et de s'emparer de leurs perfonnes, en violant mème, s'il étoit néceifaire, le territoire autrichien. On avoit attaché les plus fortes récompenfes au fuccés de cette entreprife. Pendant eet iiuervalle on avoit expédié des couriers dans les différents cantonnements des francois émigrés pour leur annoncer le départ du Roi. M. le Prince de Condé et M. le Duc de Bourbon, qui avoient quitté Worms pour fe rendre a Coblentz, y firent répandre cette nouvelle par le prince Louis de Rohan. Les braves aliemands eurent encore une feconde re- préfèn-  -43- HISTOIRE ET ANECDOTES préfentation de la vivacité du caractère I des francpfe. Dans toutes les nies de Worms on fe preffoit, on s'embralfoit, j des larmes de joye couloient de tous les f yeux, les cris de Vive le Roi fe firent entendre pendant plufieurs heures. Mais bientót un morne chagrin fuccéda a ces moments d'allégreffe. Les princes con- I vinrent le même jour qu' ils avoient ' été induits en erreur. Ils renouvellerent I en même temps en préfence des cheva- I liers francois le ferment de vaincre ou | de mourir pour la deffenfe du Roi et de | la monarchie. Pendant que les Jacobins | ihnpandent entretenoient V illufion des I le brutt du , dfpartduRoi. émigrés, ils cherchoient a 1 tromper et a foulever le peu* | ple de la capitale. Des billets affiches dans les places publiques annoncoient I 1'entree des princes franqais a la tète | d'une armée de 4c. mille hommes, ou on avertiifoit les citoyens du projet de fi départ du Roi pour fe réunir a cette armee,  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 433 mée, et on leur difoit de fe tenir fur leurs gardes, pour n'ètre point la vidime des Contre - Révolutionnaires nombreux répandus dans Paris. Un Caporal de la garde nationale avoit mème eu Paudace de changer la contigue de la garde du chateau,, fous prétexte qu'il étoit certaiti que le Roi devoit partir dans la nuit. Les Jacobins avoient efpéré que ces nouvelles engageroient le peuple a fe raffembler, et qu'a Paide de leurs émirfaires ils parviendroient a le porter au chateau , et a attenter a la perfonne du Roi. Mais leurs efpérances furent dequës, le peuple convaincu de la loyauté de S. M. refta tranquille. Le Roi juftement offenfé des bruits allarmants qu'on faifoit circuler dans la Capitale, ordonne a M. Cayer de Gerville Miniftre de Pintérieur d'écrire au maire de Paris la lettre fuivante. T.V.Sett.L Ee Paris  434 H1ST0IRE ET ANECDOTES Paris, 30. Novemb. 1791. muiiM, p Le Roi vient d'ètre in- Cayer h la t0XmQ > Monfieur , qu'oil ré". municipalité. pand et qu'on s'éfforce d'accréditer des' bruits propres 3 allarmer tous les citoyens, et a troubler la tranquilHté publique. On a dit au Roi que dès demain peut être des couriers fuppofés doivent entrer dans Paris de plufieurs cotés, et y publier que les émigrans font entrés en France les armes a Ia main. On doit annoncer en même temps que le Roi a quitté Paris. Cet avis donné par des perfonnes graves mérite d'autant plus d'attention, que d'autres faits antécédents manifeftent une intention trés caraclérifée d'exciter a Paris un grand mouvement. Vous n'ignorez pas Monfieur, qu'un fous-Officier de garde' chez le Roi donna, il y a une qilinzai, ne de jours, une faulfe configne, fous prétexte d'un prétendu projet de départ de S. M. On a depuis employé le même prétexte pour inquiéter la réferve de PHó- tel  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 435 tel de ville. Hier on faifoit crier dans les Fauxbourgs que le Roi n'étoit plus a Paris. Enfin certaines feuilles recueillent ét pïopagent ces nouvelles avec une affedtation remarquable. Le Roi, Monfieur, me charge de vous prévenir de ces coupables manoeuvres, et ne doute pas que vous ne preniez les mefures convenables pour préferver la Capitak des désordres, qui pourroient en être la fuite. (Signé) Cahier de Gerville. Quelque temps aprés les Jacobins toujours ennemis du bien et de la trans, quillité publique renouvellerent les mêmes bruits. Le Roi fe détermina alors a écrire a la municipalité une lettre auffi ferme qu'énergique, qui mérite d'ètre connue'. Paris 13. Fevrier. 1792. J'ai déja parlé , Meffieurs, a plufieurs d'entre ƒ -g * vous des bruits, qu'on cherche a répandre fur mon prétendu E e ij • 'départ  436 HISTOIRE ET ANECDOTES départ de Paris; je croyois que ce que j'avois dit, fuffifoit pour les faire tomben ^ Mais comme les gens mal intentionnés continuent de les propager pour allarmer les habitans de Paris, et calommer mes intentions, je veux m'expliquer clairement fur ma faqon de penfer. Je connois les devoirs, que mïmPofe la conftitution, je les rempJirai toujours; mais je connois auffi les droits, qu'elle me donne, et je ne m'interdirai' jamais le pouvoir d'en ufer. Rien ne me retient 'Jonc k Paris que ma volonte d'y être. Mais j'y crois ma préfence neceifairé et je déclaré "que je veux y refter, et que quand j'aurai des raifons pour en fortir, je ne m'en cacherai pas.,, j'ajoure qu'a moins d'ètre totalement dépourvu de fens , ou profondément pervers on ne peut élever de doute fur mon inviolable dévouement au bonheur de la nation et fur mon attachement pour les habitans de Paris. (Signé) Louis. Les  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 437 Les Tacobins ne bornerent ; pas Peffet de leur fcelerateüe de M de a faire circuler des bruits ca- Buffelot. lomnieux contre le Roi et k tendre des piéges aux émigrés. On a prétendu et probablement avec quelque fondement qu'ils avoient envoyé a Worms un Chevalier de Malte nommé Buffelot et quelques autres perfonnes chargées d'affaffmer M. le Prince de Condé. Qiielque périlleufe que fut 1'éxécution de ce crime au milieu de la Nobleife guerriére, qui environnoit fon chef, on affure que 1'aveu de M. Buffelot a confirmé ce foupqon. Le fait eft que M. de Buffelot fut arrèté, et que M. le Prince de Condé eut la générofité de demander qu'on le mit en liberté. L'hommage, qu'on doit a la vérité et a 1'honneur d'une familie refpeclable empèche qu'on ne convertiffe en certitude ce qui peut-étre n'eft qiVune probabilité, aucune information authentique et publique n'ayant prouvé la complicité de M. de Buffelot avec les Jacobins. E e iij On  438 KISTOIRE ET ANECDOTES On doit obferver en général qu'une fuite de la légereté du caradére des Franqois et des militaires furtout les engage a créer des réputations peu méritées dans 1'un ou 1'autre genre. L'émigration a prouvé plus que jamais cette vérité. Combien de gens intads et d'une probité rare ont été fupqonnés de propenfion pour les principes des Jacobins, tandis que des fripons avérés, qui n'avoint eu leur faveur que de 1'éffronterie, une grande volubilité de langue et de vigoureux poumons paffoient pour être de zélés royaliffes, tout en trahiffant la caufe, qu'ils paroiifoient fervir. Je crois devoir citer deux exemples de cette aifertion. M. le marquis de Jauf7rJ' court Lieucenant-Général des court k armees du Roi et Ch evalier Cohkntz. de fes ordres étoit admis dans le confeil in time des princes a. Coblentz, un aventurier corfe nommé Cardo 1'accufa en 1791. de trahir leurs fecrets. Des calomnies hazardées fans  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 439 fans aucuues preuves étoient les feules inculpations, qu'on put oppofer a M. de Jaucourt. On nomma cependant un confeil de guerre pour juger fa ^conduite. Pendant eet intervalie le dénonciateur prétendant qu'il alloit chercher des témoins et des Lettres s'évada. Aux yeux des militaires éclairés la réputation de M. de Jaucourt et la délicatelfe étoit audeifus de tout foupqon. MM. les orateurs des caffés et des tavernes et leurs nombreux admirateurs profiterent de cette circonftance pour répandre des nuages fur les mceurs et la vie d'un homme irréprochable a tous égards. Le fecond exemple, que je vais rapporter eut une iffuë encore plus funefte: Le chevalier Briffon Offi- . Mort du cier d'Artillerie, jeune homme ChcvMer trés inftruit et du plus rare mé- Brijfon. rite, avoit cru que 1'honneur 1'obligeoit de quitter la "France. U fe rendit k Coblentz a la fin de 1791. Fatigué du désceuvrement, qui regnoit Ee iv dans  440 HISTOIRE ET ANECDOTES dans cette ville, du ton et du langage de la plus grande partie des émigrés, ff prit le parti de mener une vie retirée et de s'occuper d'études rélatives a fon état. II n'en fallut pas d'avantage pour éveiller les foupcons et la médifance. On répandit dans la fociété que fa conduite et fes principes étoient fufpects De jeunes Francoifes, qui en général parient, jugent et agiffent fans réflexion adopterent cette idée. «C'eft un Offi. „cier d'Artillerie, dirent - elles, donc „c'eft un démocrate. La première fois qu'il parut dans une affemblée nombreufe, il éprouva le plus froid accueil; des gens, dont la facon de penfer étoit eertamement et moins pure et moins délicate que la fienne lui tournerent le dos. Ce malheureux jeune homme, qui n'avoit point affez de caradére pour mépnfer les effets d'une lache calomnie, rentre chez lui, fon ame ulcéré ne put refter a 1'idée de fe voir entaché du plus leger föupcon. II configne dans «n eent les motifs, qui Pengagent a quit-  DE LA RÉVOLUTION FRAN£OISE. 441 quitter la vie et fe brule la cervelle. O jeune homme infortuné, dont la mémoire me fera toujours préfente, tu aspéri vidime de médifance et de la jaloufie de ceux, qui n'étoient pas dignes d'apprécier tes eflimables qualités; recpis eet hommage de ma fenfibilité et de mes regrets et que la poftérité les partage. (*). Ee v Les (♦) Quel eft rhomme, quelque honnéte et vertneux qu'il foit, qui puiiïe fe vanter d'ètre a 1'abri de la médifance et de la calomnie? Je pourrois me plaindre aufii d'avoir été 1'objet de la colc're d'un grand nombre d'émigrés, que je n'ai certainement point offenfés. Sans connoitre ni mon nom, ni mon état, ni mon rang, ni mon cara&ére, et presque toujours mèmi fans avoir lu mon ouvrage ils m'ont appellé tour a tour conftitutionnel, feuillant, démocrate, Jacobin, régicide: que fuis-je? .... et quel eft mon crime? celui d'avoir pari; avec un peu trop de franchife des caufes de la Révolution.  442 HISTOIRE ET ANECDOTES Les journaliftes et les folmftncfies liculaires youés k k fadion folliculaire!. des Jacobins ne ceflbient de calomnier le Roi et les Miniftres. Carra rédadeur du Journal intitulé: annales patriotiques, parut le 6. Fevrier au Club des Jacobins et raconta, qu'un émiflaire • du cbateau des tuileries lui avoit demandé des obfervations fur la conduite des Miniftres et les lui avoit enfuite renvoyées avec un aifignat de cent piftoles, en lui promettant de lui en remettre autant tous les mois, s'il vouloit vendre fa plume au parti miniftériel. II dépofa en même temps fur le bureau 1'aflignat, qu'il prétendoit lui avoir été envoyé. Cette impofture groffiére eut le plus heureux fuccés et fut répanduë dans toute la France. Manuel fe permit les déclamations les plus qutrées contre le Roi et la Familie de Bourbon : et les journaux répétoient ces horreurs, qui étoient accueillies avidement par le peuple. Un  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 443 Un député nommé Brivat . , . D . Brivat de- eut 1'impudence d eenre au K01 futé écrit une lettre remplie de groffie- au Roi pour reté et d'impudence pour lui demander une canne, qu'une „f. Sentinelle de la garde co«ftitutionelle lui avoit fait dépofer a la porte du jardin des tuileries, et le Roi eut la bonté de lui faire répondre par M. le Duc de Briffac qu'il avoit donné ordre a 1'intendant de la lifte civile de lui faire acheter une canne femblable a la iienne. Ces marqués de condefcendances réïtérées de la part du monarque ne firent qu'augmenter 1'infolence des Jacobins. Dans presque toutes leurs féances ils invectivoient le Roi et les Miniftres. Manuel compara le pouvoir exécutif au cheval de bronze, qui avoit toujours le pied levé fans changer de place. II alla plus loin a la féance du Club du 12. Fevrier, il prétendit qu'il étoit temps d'immoler un homme pour le bien de la nation: que, tous les Mini-  444 HISTOIRE ET ANECDOTES Miniftres étant coupables on pouvoit tirer au fort et en conduire un a l'échaffaud: "qu'on les y méne tous," crierent les fpedateurs. Les Jacobins répandus Refiixions dans tQUte ja France ne for>i jur les flans des Jacobins. moient, co mme je 1'ai obfervé, qu'une faction depuis qu'ils s'étoient réunis, ils pourfuivoient leur but, celui de précipiter le Royaum. dans la plus affreufe Anarchie, leurs démarches étoient bien calculées, leurs plans bien combinés; tandis que leurs antagoniftes ne leur oppofoient aucune réfiftence, ou cabaloient fourdement. Jamais 1'empire des Jacobins ne s'affermit d'une maniére plus ftable : jamais leur influence dans 1'état ne fut plus grande que lorsqu'ils furent menacés de leur deftrudion. Aprés 1'événement du champ de mars, aprés 1'aeceptation de la Conftitution, et le decret, que raffemblée conftituante avoit lancé contre eux, ils reparurent avec de nouvelles forces et une nouvelle audace. Us  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 445 Ils fuivurent conftamment leur fiftéme et ne négligerent aucuns moyens de d'atteindre leur but. Ils avoient réfolu de s'emparer de tous les pouvoirs, d'apéantir les propriétés, en plongeant la France dans 1'anarchie. Sans mbrale et fans pudeur ils employoient tous les moyens, qui pouvoient alfurer le fuccés de leurs vuës: les promelfes, les récompenfes, les menaces, le meurtre leur fervoient tour a tour pour fe créer des adherents ou anéantir leurs ennemis. Ils flattoient le peuple par la perfpedtive de pouvoir piller et partager impunément les propriétés des riches: les ambitieus par 1'éfpérance d'obtenir des places lucratives ou honorifiques. Tout ce qui ne fléchiiToit pas devant eux, étoit 1'objet de leur vengeance. Mirabeau avoit perdu fon credit peu avant fa mort pour les avoir abandonnés. Les Lameth, Barnave, Duport perdirent leur influence fur 1'éfèrit du peuple, dés qu'ils eurent quitté cette fociété. Les  446 HISTOIRE ET ANECDOTES Les Clubs, que les Jacobins avoient; créés jusques dans les plus petites villes,, leur aiïuroient un empire abiolu dans 1 tout le royaume. Les ordres du comi- 1 té central de Paris étoient exécutés presque auffi tót qu'ils étoient rendus; c'eft de eet antre infernal, d'oü partoit Pincendie, le meurtre, le carnage, qu'on a vus désoler fucceffivement les différents départements. Les Jacobins feuls et leurs adherents étoient au deifus de la loi et commettoient impunément tous les crimes. Les gentilshommes, le clergé, les militaires, une grande partie des plus riches propriétaires , en un mot tous ceux, qui auroient pu arrèter les entrepriies des Clubs, étoient fortis du Royaume. LeRoi feul, privé de tout appui, fe vit obligé de céder a 1'influence des Jacobins, ou de facrifier fa vie et celle des perfonnes, qui lui étoient chéres. Que ceux, qui auroient du environner le tröne et deffendre le monarque, ne blament donc point fa condefcendance. Toute  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 447 te réfiftence étoit inutile et n'auroit fait qu'accélérer les malheurs de la France. Si les expatriés, au lieu de vivre dans l'aifance et de fe repaitre de chimères, avoient facrifié z cette époque une partie de leur fortune et expofé leur perfonne pour réfifter a la fadion dominante, ils auroient fauvé le Royaume ou péri avec honneur, mais les Franqois que le desasuvrement des raffemblements de Coblentz et de Worms avoient rendu publiciites, s'occupoient a difputer fur la forme de gouvernement futur et celle des états généraux, fur 1'établiffement de deux ou trois chambres, fur les capitulaires de Chariemagne ou la pragmatique fanétion , plutót que de fuivre un projet auffi consequent. Accoutumés au luxe et a lïnfouciance ils confommoient en un mois ce qui auroit pu les faire vivre une année, et fe mocquoient de la fimplicité des moeurs et des habitudes des 'germains, qui tout enriant de leur fotife profitoient trés adroitement de leur gout pour le falie et les dépenfes fuperflues. Les  448 HISTOIRE ET ANECDOTES Les Jacobins dorfnerent une nouvel. | le preuve de leur puiflance et de leur] defpotisme en anéantirfant la fociété des-j feuillants, qui, comme je 1'ai obfervé,j avoient fait une Sciffion abfolue avecj leur Club, aprés 1'événement rlu champj de mars en Juillet 1791. quoique j'ayej déja parlé plufieurs fois de ces fociécés j et de leurs principes, je crois devoir enl retracer fuccindement 1'origine. Les membres de l'afTem- j Ong<»c du con{tituant:e ? qUj forme-1 Jacobins. ïent Par I'1 fmte ^e Club des j Jacobins commencerent a fe | raffembler fecretement è Verfailles en I 1789 , et donnerent a leur fociété le I nom de Club de Bretagne, par ce que j les députés de cette province, domi-1 noient. Mirabeau, Barnave, les dépu-| tés de Provence, de Dauphiné et ceux j du tiers-état de plufieurs autres pro-1 vinces, ainfi que les partifans du Duel d'Orléans s'y réunirent, et cette fociété | commenqa dés lors a prendre de la con- j fiffcence et a entretenir des correfpondan- | ces s  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 449 ces dans toutes les parties de la France. Son but étoit de détruire la Monarchie le plus promptement poffible. Mais une partie des Membres du Club vouloit porter le Duc d'Orléans a la régence, d'autres vouloient -un gouvernement républicain , ou pour mieux dire 1'Anarchie la plus complette. Lorsque l'aflemblée conftituante fut transférée a Paris, les novateurs établirent leur Club dans le couvent des Jacobins et en prirent le nom. La fadion républicaine ayant bientót acquis une grande prépondérance, le parti d'Orléans et quelques conftitutionnels, qui n'adoptoient pas les meines principes, fe féparerent et formerenfc le Club de 1789. qui s'établit au palais Royal. Les coriphées de cette nouvelle fociété étoient MM. de la Fayette, Condorcet, Bailly, 1'évêque d'Autun, 1'Abbé Syeyes et Mirabeau. L'emplacement, ou ils fe raflembloient, étoit meiiblé fomptueufement. Les difcuffions y étoient calmes et modérées et contormes au ton de la bonne compagnie. T.V.S&J. Ff Us  45O HISTOIRE ET ANECDOTES Les Jacobins au contraire rafiem-i blés dans une falie éclairée par quel-j ques lampes admettoient indiftinctemend a leurs féances tous les gens de la lie duj peuple, et on n'y entendoit que des difcours didtés par la grdffiéreté et 1'ef-. fronterie. Le Club de 1739. conferva une certaine influence pendant la durée de l'aflemblée conftituante, et la féparation des feuilJans et des Jacobins lui donna un nouveau degré de force. Les membres de ce Club furent les fondateurs dé la Conftitution, mais au lieu de redoubler d'efforts pour la maintenir contre fes ennemis, les feuillants ne s'occuperent que de leur intérêt perfonnel et fe firent nonimer a toutes les places lucratives et importarftes dans les départemérifs. Les Jacobins profiterent de cette faute et ne s'occuperent que d'avoir la prépondérance dans la feconde allemblée et dans la Capitale. La fadion d'Orléans, qui avoit manqué fon but, fe réunit a eux a la fin de 1'af- fem-  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 451 femblée conftituante et ils n'eurent pas de peine a remplir la municipalité de Paris de leurs créatures. Ils étoient fürs par ce moyen et par Pinfluence de leur faction dans le corps législatif d'enlever fucceffivement a leurs adverfaires les places, qu'ils avoient obtenues malgré eux. Dés le commencement de la fejspnde aifemblée les Jacobins et les feuillants fe déclarerent une guerre ouvertej ils fe piodiguerent réciproquement les injures, les menaces. Chacune de ces faclions prenoit exclufivement la qualité de Vrais amis de la Conftitution. La fociété des feuillants étoit compofée ie. de citoyens paifibles et modérés, qui défiroient le maintien de la Conftitution, non qu'ils n'en connuifent les vices, mais plutót par égoisme, ou parcequ'elle leur aifuroit ia jouiffance paifible de leur fortune. 2°- d'une foule d'admirateurs de la Conftitution , qui la vouloient toute entiére et fans favoir pourquoi. 3°- de ceux, qui en connoifloient Ff ij les  452 HISTOIRE ET ANECDOTES les défauts , mais qui penfoient qu'il etoit néceiTaire de la mamtenir, paree-, qu'il falloit k la France un gouverne-, ment quelconque, qui la mit a Pabri des entreprifes de la faftion républicainej et qu'une grande nation ne pouvoit pas être continuellement en aprentiffage de Conftitution. 40. enfin mu<; ies tieux, les intriguans, les démocrates, qui défiroient obtenir des emplois a la Cour, a Parmée ou dans les déparffe ments s'étoient auffi reunis aux feuillants. ., LéWquïerGénevoisCla«ontraigmnt Vlere» encourage par PexemUsfmiüants ple de M. Neker, portoit dei£rr,bmr longtemps fes vuës jus- qu'au Minütére. 11 favoit que pour atteindre plus furement a ce but, il falloit avoir Papparance d'un zèlé Jacobin. II propofa au Club d'admettre des fpeclateurs a fes féances, pour augmenter fon influence fur Pefprit du peuple; cette motion fut adoptée; on s'empreifa de conftruire des galleries et elles furent bientót auifi remplies que celles de  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISB. 455 de l'aflemblée nationale. Les feuillants voulurent imiter eet exemple et anno* cerent que leurs féances feroient publiques k cornpter dn ig. Decemb. 1791. Ce premier eflai ne fut pas heureux. Les jacobins avoient rempli les galleries. Les orateurs accoutumés a ne recevoir que des applaudiflements, MM. Barnave , d'André, et Chapelier furent hués et infultés en fortant du Club. Des plaintes furent portées a l'aifemblée nationale le 26. Decemb. et le parti des. Jacobins, qui y dominoit, fit décreter que la fociété dite des feuillants ne pourroit plus s'aflembler dans le couvent, qui portoit ce nom, attendu la proximité du lieu, ou le corps législatif tenoit fes féances (*). Les feuillants prirent alorsle parti d'aller cacher leur honte et leurs épaules- (**) dans un appartement Ff ii> ' de (*) Le Cloitre des feuillans étoit adjacent au manége des tuileries, ou raffemblée nationale tenoit fes féances. (* *) Ils s'étoient plaints d'avoir étL! maltraités, c'eft a dire en bon Francois d'avoi recu des coups de baton.  454 HISTOIRE ET ANECDOTES de 1'Hotel de Richelieu, et leurs ad ver-, faires triomphants continuerent a regner dans la capitale. 7„ T-n . L'aflemblée trouva bien- X/« Lijie ct- vih eft [ou- tót un nouveau prétexte de mife & la re- mortifier S. M. en la privaat tenue ile j, , l-impot. dune7 Partle du revenu, qui lui étoit accordé. Le n. Mars 1792. quelques citoyens pétitionnaires fe préfenterent a la barre de l'affemblée „et demanderent que les domaines pofledés par S. M. et les fonds de la Lifte civile fuflent foumis a la contribution fonciére et a la retenue de 1'Impot mobilier. M. Mailhi obferva que 1 aflemblée ne devoit point mettre eet objet en délibération, puis que cette queflion étoit décidée par la loi, qui portoit que les appointements, traitements et penfions de tous les fonclionnaires publics feroient fujets k une retenue fixée pour 1'impot mobilier, et qu'il ne devoit y avoir aucune exception I pourle Roi, qui n'étoit lui-même qu'un fonétionnaire public. L'aflemblée pafla en con- j  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 455 conféquence k 1'ord^r'du jour fur la demande des pétitionnaires, et le Roi perdit quelques millions de fon revenu. L'affemblée ne fe contenta pas de chercher a atta- Ufurpathn r . , / des differents quer les droits du pouvoir exe- fouvnirsfar cutif et k mettre des entraves Vafembiée. a fon autorité, au mépris du texte de la Conftitution: elle s'arrogea une partie de cette autorité tant pour des fondions militaires et adminiftratives que judiciaires. II fut décrété le 7. Novemb. 1791. que les trois Régiments formés des bataillons du centre de la garde nationale de Paris et les chaffeurs foldés refteroient provifoirement dans la capitale et ne pourroient s'en. éloigner, que d'après un decret du corps législatif. Cependant le Roi fuivant la Conftitution étoit le chef fuprême de 1'armée, et devoit diriger et employer a fon gré les forces foldées par la nation. Mais les Jacobins favoient que ces Régiments compofés en grande parties des anciens gardes-Franqoifes, qui avoient trahi leur FFiv fou-  456 HISTÖIRE ET ANECDOTES fouverain et leur ferment étoient a leur dévotion, et ils réfervoient cette troupe fidéle pour exécuter les projets, qu'ils méditoient depuis longtemps contre le Roi et la Monarchie. ■Trr * Le 6. Fevrier 1702. Ba- fur U pou- 2're i ) demanda que les difvoir éxécu- férents comités fulfent autoritif' fés a entrer en correfpondan¬ ce (*) Le Iefteur fera peut être curieux de favoir qui étoit Bazire, qui a tout inftant faifoit les motions les plus ex.travagantes, ou les plus defpecïueufes pour, 1'autorité Royale. II étoit avant la Révolution commis au bureau des vingtiimes des états de Ia province de Bourgogne' a 1500 Liv. d'appointements, lorsque le peuple fe mit en infurreétion «n 1789. et il y contribua en fonnant lui-même le Tocfin. Il devint un des membres d'un comité militaire, qu'on «Stablit i Dijon et paroifioit a la tête de tous les attroupements. Pour donner un nouveau degré d'aflivité a fon fang déja tres inflammatoire il prenoit dix a douze tafies de Caffé par jour, et avec une  DE LA RÉVOLUTION FRAN£ölSE. 457 ce directe avec les directoires de départements. Malgré les repréfentations de plufieurs députés fur 1'illégalité de cette proprofition, on décreta que les différents comités pourroient correfpondre direétement avec les directoires de département, fans cependant s'arroger le droit de donner aucune décifion. On fent parfaitement que cette reftriclion étoit illufoire. Car les comités, au lieu de référer les demandes des directoires a ïaffemblée, y faifoient toujours des réponfes, qui décidoient les queftions. Ce decret étoit abfolument contraire k Péfprit et au texte de la Conftitution, qui avoit décidé que le Roi étoit le Chef fuprëme de Padminiftration du Royaume, et que les membres des départements deFf v voient une foible ftru&ure il avoit contraété 1'attitude d'une forcené. Sa femme a confi: a quelques perfonnes qu'en 1789. il fe rJveilloit fréquemment en furfaut en criant (\Ah! mon dieu on va me pen. dre) il ne s'en trompé que fur le genre du fupplice, il a été guillotiné en avril ï794-  458 HISTOIRE ET ANECDOTES voient ètre foumis a fon infpe&ion et a fa furveillance. L'affemblée attribua donc aux comités une partie du pouvoir exécutif, en convertiffant les membres des directoires de départements en autant d'éfpions de la conduite du Roi et des Miniftres, et les comités en cenfeurs des ordres qu'il devoit transmettre. L'affemblée non contente Sur le pou- i r voir juii- de cette uiurpation s'empara auffi du pouvoir judiciaire. Le li. Novemb. Bazire lut k l'affemblée une Lettre d'un receveur général des finances nommé Varnier a M. Tardi 1'un de fes amis demeurant a Bijon, oü il 1'exhortoit a continuer a enroler des commis de la ferme et a les envoyer a Coblentz pour favorifer la Contre-Révolution. L'affemblé fans s'occuper de la maniére, dont Bazire s'étoit procuré cette Lettre, ni avoir vérifié fon authenticité, ordonna fur le champ qu'on arrêtat M. Varnier, et qu'on le transférat a la barre de raffemblée. Le Préfident lui fit fubir un long interrogatoire,' con-  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 459 confronta fon écriture avec cel- , , , , Aftuire de le de la Lettre et malgré des M_ ,v_ moyens de deffenfe affés fatis- nier. faifans pour tout autre que des Jacobins , elle fit conduire M. Varnier dans les prifons de 1'abbaye et ordonna qu'on mit le fcellé fur fes papiers. Huit jours aprés fon arreftation M. Vernier écrivit au Préfident de l'aflemblée, qu'il avoit cru que la loi prefcrivoit qu'un accufé fut interrogé dans 1'efpace de 24. heures, qu'il s'étoit probablement trompé, puisqu'il y avoit huit jours qu'il étoit oublié dans les prifons, oü on lui refufoit même la permiifion d'écrire a fa mere, il concluoit par fupplier l'affemblée de lui nommer des Le 23.Novemb. un pnlonmer nom. mé Poupart de Beaubourg détenu a 1'abbaye St. Germain pour fabrication de faux affignats écrivit au Préfident que M. Varnier étoit innocent et que c'étoit lxü, qui avoit contrefait 1'écriture et la Ggnature de la lettre, qu'on lui attribuoit. Bazire  460 HISTOIRE ET ANECDOTES Bazire ayant été interpellé de dédarérf d'oü il tenoit cette Lettre repondit qu'un | garcou Serrurier, travaillant dans la I maifon de M. Noirot a Auxonne, avoit i profité de fes liaifons avec une fervante pour pénétrer dans fon appartement, et I ouvnr fon fecretaire, oü parmi beau, coup de papiers il avoit trouvé cette Lettre, qu'il avoit remis a fon maitre nommé Voulon, qui la lui avoit fait paffer. Le Serrurier Voulon inftruit de eette calomnie fe préfenta devant la municipalité d'Auxonne pour nierle fait avancé par Bazire. Non content de cette démarche il écrivit le 25. Novemb. a Bazire pour lui donner un démenti formel. Cette Lettre fut produite et- luë a- raffemblée , mais au lieu de faire déhvrer M. Varnier, elle ordonna 1'arreftation des Freres Noirot et de MM. Tardy citoyens irréprochables a tous égards. (*). Bien- (*) lis ont eu Ie bonheur d'ètre mis en liberté par jugement de la hante cour nation-'e  DE LA RÉVOLUTION FRANC.OISE. 461 Bientót après l'aflemblée s'érigeant en tribunal judiciai- A^efl^on re rendit une fentence tout Delatre. auffi injufte contre M. Delatre ancien profefleur en droit, homme univerfellement eftimé. Une Lettre trouvée dans un bateau et apportée a la municipalité de Thionville étoit le titre, qu'on lui oppofoit. M. de Latre écrivoit a M. de Calonne pour lui recommander fon fils le priant de vouloir bien rémployer. M. de Latre reconnut cette Lettre, mais il protefta avec le ton et le langage d'un homme innocent qu'il ne favoit pas oü étoit M. de Calonne, et qu'il étoit impoffible qu'on lui prouvat, qu'il eüt jamais cherché a favorifer la Contrerévolution. Plufieurs membres de l'aflemblée frappés du ton de candeur et de vérité, avec lequel il réfutoit fon accufation, chercherent en vain a le faire mettre en liberté. D'aprés le rapport de M. Merlin M. de Latre Fut tionale quelques jours avant le maflacre des prifonniers arrivé le 7. Sept. 179a.  462 HISTOIRE ET ANECDOTES fut conduit a 1'abbaye et les fcellés po- j fés fur fes papiers. L'aifemblée eut même la barbarie. de refufer a la mere de eet accufé, qui étoit agée de quatre vingt quatorze ans, la confolation de voir • fon fils. La vigilante des Jacobins trouva encore de nouvelles viclimes dans un autre département. M. de Silly ancien Officier au Régiment de Bourbonnors, M. de Loyauté ancien Officier d'Artillerie, et urï tailleur nommé Mayer furent arrètés k Strasbourg, comme étant complices de projets de Contre. Révolution. ^ On ne doit pas diffimuler qu'a cette époque les princes expatriés chercboient k avoir des intelligences dans les places frontiéres, et il paroit que ces accufés étoient foupconnés d'ètre leurs agents. Le Général Luckner les avoit fait avertir d'ètre plus circonfpeds: leur conduite ayant fans doute donné des foupcons au maire Diétrich et aux nombreux partifans des Jacobins, on crut devoir s'afïïirer de leurs perfonnes  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 463 nes et ils furent par la fuite transférés a Orléans. On croit remarquer en Général que toutes les tentatives des adhèrants des princes eurent une iifue funefte, et cela ne paroit point étonnant , quand on penfe que les Jacobins dominoient a cette époque dans presque toutes les villes, et qu'ils avoient tous les moyens poffibles de faire échouer leurs projets. Un événement arrivé a Perpignan confirrae la vérité de cette obfervation. Les Officiers du Régiment *Pyojet de cy-devant la Fére (*) et ceux Contrereva. d'un bataillon de chaffeurs réu- hlUons * . , . , . Ferpgnan. nis a quelques citoyens de la ville avoient formé le projet de s'emparer de la citadelle de- Perpignan, pour la livrer a ce qu'on prétend aux Efpagnols. Soit que ce deffein fut réel ou fuppofé, il eft certain que la nuit du 6. au 7. Decemb. on voulut faire partir de la citadelle (*) Quelques papiers publics ont dit que c'étoient des Officiers du Régiment de Cambrefis.  464 HIST01RE ET ANECDOTES delle un Bataillon du Régiment, qui y étoit, pour le remplacer par les chaffeurs j ie département s'oppofa a ce changement. M. de Choffet Lieutenant - Général-Commandant la divifion des troupes en figna 1'ordre. Une partie des Soldats étoit au moment d'obéir: mais quelques gardes nationales leur ayant repréfenté qu'on les trompoit, ils re vinrent a la Citadelle et s'en emparerent. Plufieurs Officiers de leur cöté s'y étoient retranchés et avoient refufé de laiffer rentrer les Soldats malgré les réquifitions réïtérées du département et de la municipalité. Cette affaire faillit a avoir les fuites les plus facheufes : les canons étoient braqués contre la ville et tout annonqoit une fcéne fanglante. Pour la prévenir le Régiment eut ordre de fe rendre a Collioure. Ce dépard ayant fait manquer 1'entreprife projettée, plufieurs Officiers de ce Régiment prirent le parti de fe retirer en Efpagne, ainfi que M, du Saillant Commandant du BataiPon des Chaffeurs, qui étoit foupqonné d'ètre un  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 465 un des Chefs de la confpiration. L'aflemblée d'après le rapport, qui lui fut fait de ce événement lanqa un decret d'accufation contre M. de Chottet Commandant a Perpignan, contre 28- Officiers d'infanterie et fept citoyens, comme prévenus de confpiration contre Pétat. La plus grande partie d'entre eux furent arrêtés et conduits a Orléans pour être jugés par la haute cour nationale. Le nombre des accufés du crime de léze-nation augmentant tous les jours, l'aflemblée nationale rendit le 2. Janvier 1792. un decret concernant la formation, les fondions et le coftume des membres de la haute cour nationale, ainfi que fur la compofition du haut juré. On a prétendu que les Officiers du Régiment de Soiflonnois avoient formé a la mème époque le projet de s'emparer du Fort - Barraux fitué fur la frontiére de la Savoye. Le fait eft que la plus grande partie de ces Officiers en Garnifon au Fgrt-Barraux et a Grenoble prirent le parti de s'éxpatrier pour préveT. V. SeU.I. ■ Gg nir  466 HISTOIRE ET ANECDOTES nir les fuites des foupqons des Adminiftrateurs du département de 1'Ifére. Pendant que l'aflemblée commettoit des infradions réïtérées contre la Conftitution, qu'elle avoit juré de maintenir, le Roi étoit trés attentif a ne pas s'écarter du texte de la loi, et il trouva de fréquentes occafions d'en rappeller les principes. L'aflemblée avoit rendu •feRci ob. le 15. Novemb. i79I. Un de- ferve e l uj- » y fewbléenweüe ctet/ d «gence pour accélérer vioiehCon. la répartition et Ja levée de la Jlitution. Contribution fonciére et mobiliaire et Pavoit fait préfenter a la fandion. Le Roi renvoya ce decret a l'aflemblée le 19. Novemb. en lui obfervant qu'il ne pouvoit le faire fceller, ni le promulguer, fans violer les regies prefcrites par la Conftitution: que ce decret étoit divifé en deux parties, 1'une concernant la quotité et la répartition de 1'impót, qui n'étoit point fujette a Ia Sandion, la feconde prononqant des peittes afflidives contre ceux, (pi retarde- roient  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 467 roient la perception des impofitions, objet qui devoit être foumis a la Sanction: que quant a la première partie, la Conftitution avoit prononcé que tous les decrets concernant la prorogation ou la levée des impots devoient être foumis a di verfes formalkés, entre autres a celle de trois leétures et délibérations fucceflives, a la diftance de huit jours: que l'aifemblée en rendant un decret d'urgence s'étoit écartée des regies prefcrites par la Conftitution , dont il lui rappelloit les principes. Le Roi ajoutoit qu'il avoit pris des mefures, pour que ce retard ne nuifit point a la rentrée des impots. L'affemblée fut trés mécontente de ces obfervations. . veut priver Une des prerogatives du pou- k Roi du voir exécutif, qui choquoit le iroititVéto. plus, étoit 1'éxercice du Véto. Différentes pétitions parvinrent a l'affemblée pour anéantir ce droit, ou en limiter 1'ufage. Enfin le parti des Jacobins ofa mettre en délibération, fi le bien de G g ij 1'état  4Ó8 HISTOIRE ET ANECDOTES 1'etat n'exigeoit pas qu'on aneantit cette prérogative royale, fous prétexte qu'elle paralyfoit toutes les opérations de l'affemblée. Un nommé Delcher député de la haute Loire s'exprima ainfi a la féance du 20. Decemb. "Nous fommes „les repréfentans du peuple Franqois, c'eft: „a nous qu'il a confié 1'exercice de fa „fouveraineté. Nous devons remplir la „tache importante, dont il nous a hono„rès. II s'agit de favoir quels font les „actes, qui ont befoin de Sanétion, et fi „le Roi peut refufer de fanctionner les „decrets provoqués par les dangers du „moment. D'après la Conftitution le Roi „a le droit de fufpendre les decrets du „corps législatif, mais non pas de les „détruire; or les decrets d'urgence et de „circonftance, tels que ceux rélatifs aux „émigrés et aux prètres, fe trouvent non „feulement fufpendus, mais pleinement „détruitsj donc la Conftitution eft vio„léej donc il eft impoffible que la Con„ttitution ait voulu ;>ccorder Je Véto au „Roi fur de tels decrets, puisqu'eJle feroit  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 469 „roit en contradidion avec elle même. „Je demande en conféquence que la nation entiére foit confultée, et qu'il foit „fait une adrelfe au peuple Franqois, „qui décidera alors en fouverain." La délibération fur eet objet fut ajournée, mais on voit quel eft Péfprit, qui dominoit l'aflemblée, et ce que le pouvoir exécutif et les amis de la Conftitution avoient a efperer de pareils legislateurs. Les défenfeurs de la Conftitution obferverent a cette époque une nouvelle infraction d'un decret de raffemblée conftituante. Elle avoit interdit toutes les pétitions colledi.ves, fujettes aux plus grands inconvénients. Les nouveaux législateurs méprifant cette loi accueillirent avec fatisfacnon les pétitions des Sedions, des Clubs, des bataillons de la ©arde Nationale et d'autres affociations, pourvü qu'elles contónffent des invedives contre le Roi et les Miniftres. Non feulement les pétitions colledives avoient des fuccés , mais des Gg üj aven-  470 HISTOIRE ET ANECDOTES aventuriers méprifés de tout 1'univers étoient fürs d'éprouver 1'accueil le plus flatteur de la part des législateurs. On en vit paroitre fuccefllvement , qui obtinrent des éloges et des fecours pécuniaires indépendamment des honneurs de la féance. Le Brun cy-devant rédacteur de la gazette de Liége parut a raffemblée le 20. Decemb. a la tête de quelques patriotes liégeois et y tint les difcours les plus infolens contre les fouverains. Affaire du , Un déte^ble fujet échapfei difant pé des prifons de Stettin, qui Bourbon. fe quaHfi0jt Bourbon - Mont- Jilontmo- ., . , rcncy, morency ou Alexandre Créqui parut auffi fur la fcéne et débita des contes abfurdes fur fon origine et fes aventures. Suivant hn Louis XV. avoit époufé fecrétement fa mere et il étoit né en 1737. Sa mere, dit-il, s'étoit mariée a tUlphonfe de Créqui, lorsque Louis XV avoit époufé la fille de Stanislas Roi de Pologne. II étoit cependant de notoriété publique, que ce ma- riage  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 471 riage s'étoit célébré en 174 JT. mais perfonne ne releva eet anachronisme. Bourbon - Montmorency avoua qu'il avoit pafle fa vie dans les prifons et notamment dans celle de Stettin, d'oü il avoit été délivré par un effet des decrets de l'aflemblée. H demanda des dédommagements, comme ayant été une des victimes du defpotïsme. Les fecours, que l'aflemblée lui avoit fait efpérer, n'arrivant pas affez promptement, il raffembla le Ier- Fevrier environ cent Bandits, qui 1'éfcorterent jusques fur la ter* rafle des feuillants. II interpella plufieurs députés de décider promptement fon affaire, en menaqant de faire pendre réellement, ou tout au moins en effigie, ceux qui oferoient s'oppofer a fes demandes. Anacharfis Cloots vint auffi débiter un tiflu de folies et d'abfurdités et écrivit le zo. Janvier a l'aflemblée une Lettre comraenqant par ces mots: Gg iv LV«-  4? 2 HISTOIRE ET ANECDOTES Uorateur du genre humain aux lêgislateurs du genre humain falut. Un nommé Caffé SavoZtt% ^ard c°ndamné aux galéres accueille dif- , „ . . ■ ferents ban- u«ns ia patrie obtint auffi un dits. accueii trés favorable en fe pei- gnant comme une viétime de la caufe de 1'égalité et de la liberté. L'énumération de tous les efcrocs et des bandits, qui parurent fucceifiverhent a l'affemblée, feroit trop longue et faftidieufe. Les Jacobins en aviliffant le corps législatif aux yeux des citoyens éclairés remplilfoient leur btit, celui d'attacber le peuple a leur caufe, en le rendant un aveugle inftrument de leurs volontés. II eft certain qu'a cette époque le Royaume étoit dans un état d'Anarchie duë a 1'inertie ou a la fufpenfion de tous les pouvoirs. On croit devoir en citer plufieurs exemples. r,, ., . Dés le commencement Montfeüitr. d ü«0bre il y eut a Montpellier une émeute confidérable. Quel-  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 47 3 O Quelques perfonnes profitant du decret concernant la liberté du culte fe réuniffoient dans réglife de St. Ruf et y faifoient célébrer la meife par des prètres non fermentés. Les Jacobins réfolurent d'y mettre obftacle. Le 9. Oétob. quatre d'entre eux arracherent le prëtre de Pautel „et chaiferent les catboliques de Péglife. Les olfenfés fe réunirent, pourfuivirent les Jacobins et les maltraitetent. La municipalité ayant requis le fecours des troupes de tigne PattroGpement fut bientöt diffipé. Les Jacobins réfolurent*de fe venger. Le dimanche 13. Octob. ils parcoururent les rues au nombre de deux cents j mais bientót toute la populace fe yoignit a eux. Ils fe livrerent alors a tous les excès. M. d'Artis vieillard de 74. ans un de leurs antagoniftes les plus décidés ïut maffacré chez lui, et les barbares jetterent fes mèmbres épars dans la ruë: en criant: Voilé pour les chiens. Plufieurs autres citoyens également recommandables furent égorgés ou maltraités, et Gg v leurs  474 HISTOIRE ET ANECDOTES O leurs maifons livrées au pillage. Les. prètres non fermentés furent chaffés de la ville et les gens riches prirent la fuite. Les Jacobins et leurs fatellites établirent enfuite un camp hors de la ville. La municipalité ne prit d'autres mefures pour arrèter ce desordre que cellede faire arborer le drapeau rouge. Les troupes de lignes refterent également inaélives. Au bout de quelques jours M. de Montesquiou Lieutenant- Général - Commandant la divifion effaya de mettre un terme aux atrocités commifes par les Jaeobins. II crut devoir employer des voyes conciliatoires et comptant fur fon éloquence, il harangua la populace, la réponfe des bandits fut un coup de fufil, qui engagea M. de Montesquiou a fe retirer promptement et a partir pour Paris pour rendre compte de eet événement. Les troubles éclaterent d'une ma: niére encore plus funefte a Arles, cac ils dégénérerent en guerre civile. L'au- teur  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 475 teur de ces troubles étoit le maire Antonelle devenu membre du corps législatif. II étoit non feulement 1'ami et le confident de Jourdan, et lui avoit fait fournir des armes et des munidons, mais il avoit même fait une partie de la campagne avec lui, et avoit affifté au fiége de Carpentras. Antonelle étoit Préfident du Club des Jacobins a Arles. Le Club de Paris lui déféra cette place au mois de Janvier 1792. La populace de la ville d'Arles ainfi que celle d'une ***** 1 -11 T» etl,t ^Cn~ grande partie des villes du Ro- trere'voi„. yaume étoit vouée au parti des tion. Jacobins. Ils firent en confe. quence nommer leurs adhérents aux places admimftratives et municipales.. La ville d'Arles fe divife alors en deux faclions: les gens honnètes et aifés furent nommés Chiffoniftes, les Jacobins et leurs adhérents prirent le titre de Monadiers. L'animofité des deux partis étoit extréme et il y eut entre eux plufieurs rixes fanglantes» oü le parti des Chiffoniftes  47° HISTOIRE ET ANECDOTES niftes eut i'avantage. Les Adminiftrateurs du département des bouches du Rhóne leur ordonnerent de mettre bas les armes , mais comme Antonelle les avoit menacés de faire marcher contre eux la horde de brigands commandée par Jourdan , ils prirent le parti de chercher è fe deffendre. Ils réparerent les bréches des murs de la ville et y ajouterent plufieurs retranchements extérieurs. Peu aprés ils s'emparerent de quelques bateaux chargés d'armes, de canons et de munitions deftinées pour la ville de Marfeille. L'afTemblée dé clara alors que la ville d'Arles étoit en état de Contrerévolution, et pria le Roi d'y envoyer des troupes de ligne pour y rétablir 1'ordre. M. du May Lieutenant-Général s'y rendit effeétivement avec plufieurs détachements, et tout paroiflbit être tranquille, lorsque les Marfeillois, qui avoient désarmé le Régiment d'Ernft et qui srrivoient pour délivrer Jourdan et fes complices, fe préfenterent aux portes de la  DE L.A RÉVOLUTION FRANqOISE. 477 la ville; ils exigerent que les troupes de ligne en fortiifent: le Commandant obéit a cette requifition. Tous les citoyens aifés prirent alors la fuite. Les Marfeillois aulieu d'entrer par les portes de la ville fe diftinguerent par un exploit. Ils tirerent quelques coups de canon contre les murailles, en abbattirent une partie et entrerent par la brêche. Leur arrivée fut fignalée par le pillage de la plupart des maifons des Chiffoniffes. Bientót après les brigands d'Avignon vinrent fe réunir aux Marfeillois et Jourdan fit fon entree trioniphante a Arles. Ces deux hordes reünies y commirent des excès, qui durerent plufieurs jours. M. de Graves Miniftre' de la guerre en rendant compte de ces événements a 1'afTemblée prétendit qu'il feroit plus prudent de confier a des gardes nationales le foin de rétablir 1'ordre a Arles, que d'y faire rentrer les troupes de ligne, et les Marfeillois continuerent a y prolonger leur féjour. II  478 HISTOIRE ET ANECDOTES Attroupe. 11 fe. f°rma 3U coffl»«»" mem prés cement de 179 a. un attroupeCompügne. ment de prés de 20 mille hommes auprès de Compiegne pour arrèter les bateaux de bied fur la riviére d'Oife. M. Goui d'Arcy maréchal de camp envoyé pour le diffiper crut qu'il étoit prudent de fe retirer pour 'demander de nouvelles inftructions, et le désordre ne ceifa qu'a 1'arrivée du LieutenantGénéral WittinghofF a la tête de quelques détachements de troupes de ligne, ainfi que je 1'ai rapporté dans le pre. mier Vol. de eet ouvrage. Au mois de Fevrier 1792. le peuple de Paris pilla beaucoup de boutiques et de magazins d'épiceries. Ce pillage fe faifoit avec une efpêce d'ordre: des femmes établies dans les boutiques diftribuoient le fucre a 20S. la livre, tandis que les^marchands 1'avoient payé /pos- La municipalité requife par le département ne prit aucune mefure pour réprimer le désordre, elle fe fervit du foible moyen d'une proclamation, lorsque Pémeute fut diffipée. Le  i)K LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 479 Le 2. Mars des payfans armes fe rendirent a Etampes et Simonneau s'emparerent du marché au """re r ■ r tampes eft bied, apres avoir repouffé la garde nationale et un detachement de Cavalerie. Le maire nommé Simonneau ayant voulu réprimer le desordre fut maflacré et les autres Officiers municipaux obligés de prendre la fuite: on fonna le tocfin dans les environs, et tous les grains expofés fur le marché furent livrés au pillage: des commiffaires de l'aifemblée, qui efpéroient en impofer, regagnerent promptement Paris aprés avoir été maltraités. L'affemblée pour récompenfer le dévouement héroïque de Simonneau lui décerna les honneurs du Panthéon. A St. Omer les troupes de ligne furent obligées de faire feu fur le peuple, qui vouloit piller des voitures chargées de bied j plufieurs perfonnes perdirent la vie dans cette émeute. Un désordre plus confidérable eut lieu a Dunkerque; le magazin de la marine,  480 HISTOIRE ET ANECDOTES rine, plufieurs batteaux chargés de bied et des hangards appartenants a de riches négotians furent livrès a la difcrétion du peuple , car les troupes de ligne et la garde nationale ne prirent pas même les armes pour diffiper Pattroupement: des bateliers et des propriétaires, qui voulurent derfendre leurs biens furent maffacrès. Dans plufieurs départements les prêtes non fermentés furent cruellement pourfuivis , en un mot presqu'aucune partie de la France ne fut a Pabri des troubles , fuite de 1'Anarchie la plus complette. Les Jacobins, qui avoient appris au peuple a connoitre fes forces, Pautorifoient a commettre impunément tous les exces. Les citoyens amis de 1'ordre et de la paix étoient perfécutés et pourfuivis fous le nom d'Ariftocrates, comme 1'avoient été précédemment les nobles: ceux, qui cherchoient un azile dans les pays étrangers, étoient traités d'une maniére tout auffi cruelle, comme on le verra par la fune, Quel étoit donc  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 48 I donc alors Péfpoir d'un honnête homme? Celui de périr victime de la barbarie d'une populace effrénée, ou de s'expofer a errer hors du Royaume fans coniidération et fans moyens de fubliièence: a moins qu'il n'eut eu la fage précaution de vendre fes poffellïons et de dénaturer fes capitaux, ce qui ne pouvoit fe faire qu'avec une perte confidérable et beaucoup de dangers. L'affemblée mit bientót les plus cruelles entraves a cette faculté de difpofer de fa propriété. Elle attaqua mème la liberté individuelle. Le Véto que le Roi avoit appofé au decret concernant les émigrés ayant mis obftacle aux projets des Jacobins, ils chercherent d'autres moyens de fatisfaire leur animofité. Le 12. Decemb. le maire Pétion fe préfenta a la barre de l'affemblée, et demanda 1'interprétation du decret du 24. Juin 1791. qui portoit „qu'il ne feroit fait aucun payement au „tréfor public, fi les créanciers ne fe pré„lentoient en perfonne." 11 repréfenta que 1'efprit de la loi étoit éludé par la T.V.SeÜ.I. Hh plus  482 HISTOIRE ET ANECDOTES plus grande partie des émigrés, qui faifoient une apparition a Paris, pour toucher leurs rentes ou leurs penfions, les; convertiflbient en numéraire et repartoient enfuite pour la rive droite duRhin., L'affemblée, qui ne cher- Decret con' t .. , , . „, . tre les émi- choit ^u un Pretexte de feviri grés. contre les émigrés, rendit le if. Decemb. un decret, qui portoit en fubftance. " Que tout Franqois ayant un traitement, penfion ou créance, de quelque nature qu'elle fut, ne pourroit en obtenir le payement des caiffes nationales, foit en perfonne , foit par procuration, qu'en produifant un certificat, qui atteftat, que la perfonne, qui fe préfentoit, ou qui avoit donné fa procuration, non feulement réfidoit fur le territoire de 1'empire Franqois, mais qu'elle y étoit domicïliée depuis fix mois.,, Ces certificats devoient être délivrés par la municipalité du lieu de la réfidence, et revêtus de quelques autres formalités. ] Les ;  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 483 Les négotiants feuls étoient exceptés de la loi, en prouvant leur profeffion. Les fondionnaires publics pour toucher leur traitement étoient aftreints a prouver qu'ils n'avoient pas quitté leur pofte depuis fix mois. L'aflemblée annulloit en même temps toute vente, tout mandat, qui ne feroit pas revétu des formalités prefcrites pour prouver la réfidence. C'eft de cette maniére inique et barbare que raflemblée tiou\erv"' priva de leurs propriétés un grand nombre de citoyens Franqois, dont le plus grand nombre n'avoit autre tort, que de s'ètre mis a 1'abri de la licence du peuple et de 1'anarchie, qui regnoit dans leur patrie. Au moyen des amnifties accordées aux plus grands fcélérats, de 1'inadivité des tribunaux et de Firn* punité de tous les crimes, un particulier des clafles cy-devant privilégiées, ou un homme ailé, dont les brigands convoitoient la fortune, n'avoit d'autre alternative, que celle d'ètre a chaque Hh ij in-  484 HISTOIRE ET ANECDOTES inftant infulté, maltraité, quelque foi; mème égorgé par le peuple, ou de lui abandonner fa propriété en fe refugiant fouvent au peril de fa vie, fur une ter. re étrangére. Cependant cette conftitution, dont 1'obfervation avoit été jurée par tous les Francois, difoit formellement: Art. V. des droits de 1'homme: "la loi n'a la „droit de deffendre que les aclions nui„fibles a la fociété. Tout ce qui n'eft „pas deffendu par la loi, ne peut ètre „empéché. Art. VIII. "Nul ne peut être „puni qu'en vertu d'une loi établie et „promulguée antérieurement au délit, et „légalement appliquée." La Conftitution accordoit auffi le droit de voyager librement hors du Royaume, d'y rentrer et d'en fortir.. Mais des législateurs fans pudeur et fans propriété fe jouoient impunément de tous les droits des citoyens pour fatisfaire. leurs pailions, ils donnoient mème un effet rétroactif a leur jugement barbare,, car on ne peut donner le nom de loi,  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 485 a un acte arbitraire, qui privoit un particulier de fon bien , paree qu'il étoit forti du Royaume, il y a fix mois: 1'Art. qui aftreignoit les fon&ionnaires publics a la réfidence étoit jufte, mais le refte du decret n'étoit certainement qu'un abu» defpotique d'un pouvoir iliégal. L'aifemblée ne borna pas Decret eoHm a ce decret 1'effet de fon ani- trehsPrin* mofité contre les émigrés, elle c" 'J [" T Chefs des ftatua le 2. Janvier apres un émigrés. long préambule: „Qu'il y avoit lieu a accufation contre Louis-Stanislas-Xavier, CharlesPhilippe, et Louis -Jofeph (cy-devant Condé) Princes Franqois: MM. Calonne cy-devant Controlleur-Général, la Queuille 1'ainé cy-devant député a raifemblée conftituante, Riquetti cadet, comme prévenus d'attentat et de confpiration contre la fureté générale de 1'état: et ordonne que dans le délai de trois jours les comités diplomatique et de législation réunis lui préfenteroient un projet d'acte d'accufation contre eux: Hh iij qui  486 HISTOIRE ET ANECDOTES que le Miniftre des affaires étrangéres feroit tenu fous fa refponfabilité de remettre dans le même délai au comité diplomatique toutes les notes et éclairciifements rélatifs a 1'éxiftence et a la pourfuite desd. Complots; que les agens de la nation auprès des puiifances étrangéres avoient du lui faire parvenir; comme auffi de dénoncer a raifemblée nationale ceux d'entre eux , qui fe feroient rendus coupables de connivence avec les révoltés, foit en les favorifant ouvertement, foit en gardant le filence fur les démarches criminelles, qu'ils fe feroient permifes fous leurs yeux, a peine d'en demeurer perfonnellement refponfables. Les Jacobins fans doute avoient feuls le privilége exclufif de confpirer contre 1'état et de détruire la Conftitution, fans éprouver d'obftacles. A peine le délai fixé pour la rentrée de Monfieur Frére du Roi dans le Royaume fut-il expiré, que l'aifemblée ordonna a fon comité de législation de lui pré- fen-  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 487 fenter un projet de decret, pour le déclarer déchu de la régence: et le 18. Janvier 179a. elle décreta fa déchéance en ces termes. L'aflemblée nationale confidérant que Louis - Stanislas- déc[c,re que Xavier Prince Franqois, pre- JBwfanrtf 11 / < i / , n. dechu de la mier appelle a la regence, n elt pas rentré dans le Royaume fur la réquifition, qui lui en a été faite pur le corps législatif, le 7. Novemb. 1791. et que le délai de deux mois eft expiré, elle déclaré en vertu de la Conftitution, qu'il eft cenfé avoir abdiqué fon droit a la régence, et qu'en conféquence il en eft déchu. Le pouvoir exécutif donnera les ordres neceflaires pour la publication du préfent aéte du corps législatif, et rendra compte k l'affemblée nationale dans les trois jours, qui fuivront la préfentation, qui lui en fera faite, des mefures qu'il aura prifes pour 1'exécution. Hh iv Ainfi  488 HISTOIRE ET ANECDOTES Ainfi l'aifemblée, qui vio-' Decret con- . • , , . _ cemant les l01t a chaque mifant la Confti, P-afeparts. f.ution, invoquoit cette loi, lorsqu'elle trouvoit une occafion de prononcer une peine contre un des chefs des émigrés. Mais cette loi comminatoire ne fatisfit pas fa paffion, elle trouva le moyen de violer ouvertement la liberté individuelle affurée par la Conftitution, en rendant Ie decret fuivant concernant les Paifeports Ie ièr. Feyrier. Ce decret évidemmeut dirigé contre les émigrés ou ceux, qui avoient le projet de les joindre mérite d'ètre rapporté en entier. En voici Ia teneur. Art. i. toute perfonne, qui voudra voyager dans le Royaume, fera tenue, jusqu'a ce qu'il en ait été autrement ordonné, de fe munir d'un parïèport. Art. 2. Les paifeports contiendront le nom des perfonnes, a qu'ils feront donnés, leur age, leur profeffion, leur fignalement, le lieu de leur domicile et leur qualité de Franqois ou étranger. Le  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 489 Le pafleport fera toujours individuel et conforme au modéle annexé au préfent decret. Art. 3. Les pafTeports feront fignés par le maire ou autre Officier municipal, par le fecretaire greffier et par celui, qui les aura obtenus, et en cas qu'il déclaré ne favoir figner, il en fera fait mention fur le palfeport et fur le régiftre de la municipalité. Art. 4. Les Francais, qui voudront fortir du Royaume, feront tenus de le déclarer, et leur déclaration fera meutionnée dans le paffeport. Art. 5. Les perfonnes, qui voudront entrer dans le Royaume, prendront a la première municipalité un paffeport. Art. 6. Les pafTeports ne pourront ètre délivrés que fur papier timbré, les voyageurs, qui les obtiendront, feront feulement tenus de payer le papier et le timbre. Art. 7. Les gendarmes nationaux, les gardes nationales et les militaires des Hh v trou-  490 histoire et anecdotes troupes de ligne de fervice exigeront des voyageurs la repréfentation de leurs paffeports. Art. 8- L'ordre figné par un Commandant militaire tiendra lieu de paifeport entre les mains de tout agent militaire employé dans 1'étenduë du commandement de 1'Officier, qui aura figné le dit ordre. Art. q. Les voyageurs, qui n'en préfenteront pas, et qui n'auront pas pour répondant un citoyen domicilé, feront conduits devant le juge de paix, ou devant un Officier municipal pour y être interrogé. Art. 10. Les juges de paix ou les Officiers municipaux, fuivant les réponfes du voyageur, ou les renfeignements, qu'ils en recevront, feront autorifés a lui lailfer continuer fa route ou a donner le mandat d'arrèt. Art. ii. Le temps de 1'arrêt ne ppurra excéder un mois, a moins qu'il ne furvienne quelque charge contre le voya-  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 491 voyageur arrèté. Pourra néansmoins le voyageur arrèté conferver la ville pour arrët, en fourniiTant caution pécuniaire. Art. 12. Si un voyageur déja arrèté s'écarte de la route, qui lui aura été tracée, il fera arrèté de nouveau et conduit devant les Officiers municipaux. Art. 13. Les Officiers municipaux, aprés 1'avoir interrogé, pourront lui donner un nouveau paffeport, ou le faire conduire dans une maifon d'arrèt. Art. 14. II fera dreffé une formule de paifeports pour tout le Royaume. Art. 15. Tout Franqois, qui prendra un nom fuppofé dans fes paifeports, fera renvoyé & la police correctionnelle, qui pourra le condamner a une détention, qui ne fera pas moindre de trois mois, ni plus longue que le terme d'une année. L'aifemblée rendit auffi plufieurs decrets pour deffendre 1'exportation du numéraire et même de la Vaifelle d'or ou d'ar-  49* HISTOIRE ET ANECDOTES d'argent, ainfi que celle de toutes armes a feu on munitions. Le Roi fandionna ou donna fon confentement a la promulgation de tous ces decrets, même a celui d'accufation contre fes Freres. LafeMée Bientót aPrés l'aflemblée met les biens rendit un decret follicité de Zs'itl FUÏS l0n^ts P» les Jaco- de la nation. blns et ^ préfeiltüit Uil appas bien attrayant k la cupidité des non - propriétaires Elle décréta que tous les biens des émigrés étoient fous la main de la nation et qu'ils feroient adminïftres par les directoires des diftrids fous 1'infpedion des départements, c'eft a dire en d'autres termes qu'elle confisqua leurs biens. Elle ftatua qu'on préleveroit préalablement une triple Contribution fonciére et mobiliaire fur leurs revenus pour indemnifer la nation du fervice perfonnel, dont leur abfence du Royaume chargeoit les autres citoyens. Ce  DE LA RÉVOLUTION FRANCÖJSE. 493 Ce decret mit le comble ReJicxions. a. 1'iniquité des procédés de l'affemblée contre les émigrés. L'émigration-étoit elle un crime? Alors c'étoit aux tribunaux a prononcer la peine. Mais l'affemblée , fans connoitre aucun frein et cumulant tous les pouvoirs, accufoit et jugeoit. Ainfi les malheureux expatriés d'Avignon échappé a la fureur des fatellites de Jourdan; ceux, que des perfécutions réitérées avoient forcés de fortir du Royaume, des gens foibles et timides, des femmes, des veillards, des enfants furent traités comme des criminels, et le commencement de lan 4^ de la liberté fut fignalé par une loi, quiobligeoit a ne pas voyager hors de fa patrie , ou a perdre fon bien. Si le monarque le plus defpote de Funivers avoit fait une pareille loi, on eüt crié a 1'injuftice, a la tyrannie; mais les législateurs des fans culottes avoient parlé, et leurs arrèts étoient généralement applaudis par leurs nombreux adhérents. C'eft  494 HISTOIRE ET ANECDOTES C'eft en vain que quelques députés d une opimon modérée chercherent a ramener 1'afTemblée a des principes de juftice en propofant de fixer aux émigrés un délai d'un mois pour rentrer dans le Royaume, avant que de féqueftrer leurs biens, d'autres furent d'avis de leur ac corder une amniftie. , Le Coimre de Verfailles aprés avoir debité un torrent d'injures contre les émigrés, ajouta «il faut les bannir a jamais, s'ils obtenoient la faculté de rentrer dans leur patrie, ce feroit pour ven„dre leurs biens et les porter a nos ennemis." Cette idéé obtint les plus grands fuffrages. , Bazire confeilla de faire arrèter tous les émigrés, qui rentreroient dans le Royaume. Thuriot propofa de les exclurre pendant dix ans de toutes fondions publiques: ces motions furent accueillies et renvoyées a une plus ample difcuffion. Mais la loi du féqueftre des biens des émigrés fut décretée, fandionnée et exécutée a la grande fatisfadion des nonpro-  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 495 propriétaires , qui bruloient d'envie de partager leurs dépouilles. L'état des finances mérite ,., Etat des ji- une attention particuliere et nanceu prouve évidemment que, quelques Ment les abus fous l'ancien régime, la déprédation, dont ou fe plaignoit, étoit moins confidérable fous le Gouvernement monarchique , que lorsque 1'adminiftration de la fortune publique fut entre les maius d'agents auffi ignorants qu'infideles, qui s'étoient d'ailleurs difpenfés de la loi de la refponfabilité. On a calculé qu'avant la convocation des états généraux le déficit annuel étoit d'envfron 56. millioris : celui de 1'année 1791. excédoit 400. millions. Cependant un grand nombre de particuliers avoient été privés de leurs penfions ou traitements, et l'aifemblée avoit ordonné.des rédudtions de dépenfes confidérables fur plufieurs objets. L'aifëmblée conftituante avoit décreté la fabrication de 1800. millions d'affignats, dés le I«? Novemb. 1791. le corps  496 HISTOIRE ET ANECDOTES corps législatif décréta une nouvelle étniC llon de 300. millions d'affignats et il pórta de 13. a 1400. millions la fomme des affignats en circulation. Le 8. Decemb. raifemblée ajouta ico. Millions a cette première émiffion et fixa a 1600. millions la maffe des affignats en circulation. La Somme des affignats brulés montant au ier. NOVemb. a 313. millions. L'aifemblée décréta auffi le 8. Decemb. que la caiife de f extraordinaire verferoit celle de 300. millions au tréfor public pour réparer le déficit, qu'occafionnoient les af. fignats brulés. Ainfi la maffe des affignats fabriqués ou a fabriquer au mois de Decemb. 1791. montoit a 2,300. juiliions. Le 4. Janvier l'affemblée décréta une nouvelle émiffion de 200. millions, ce qui en porta la maffe a 2,600. millions. Elle ajouta qu'on fabriqueroit des affignats au deffous de cent fois pour remplacer les biilets de confiance. Soivant un mémoire lu a l'affemblée par M. du Fresne de St. Léon Directeur Général  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 497 Général de la liquidation au mois de Decemb. 1791. la valeur des biens nationaux étojt eftimée environ deux milliards trois a quatre cent millions, 4 quoi il falloit ajouter la valeur des biens domaniaux et des forèts d'environ 6. a 800 millions. U conclut que Phypothéque des affignats étoit parfaitement aflurée, en décrétant mème quelques nouvelles émiffions, que les befoins de 1'état rendoient indifpenfables. Suivant M. du Fresne les liquidations ordonnées par les decrets montoient a 723,787^74? Livres, dont il avoit déja payé 472. millions: reftoit donc a acquiter environ 250. Millions. Ön verra avec ëtonnement 1'accroiffement prodigieux du déficit de chaque mois: Celui du mois d'O&obre 179 U Livres. montoit a - - - 29,750,187 Celui du mois de Novemb. a 31,700,000 Celui du mois de Décemb. a ? f ,9^7,141 Celui du mois de Janvier a - 42,2,0f>611 T. V. Seft.J. ü  498 HISTOIRE ET ANECDOTES Celui du mois de Fevrier a - 40,402,8-7 Celui du mois de Mars a . 47,270^45 enfin celui du mois d'Avril étoitde ; - 47,207,401 Kéjiexions. Un des principaux objets de la Convocation des Etats généraux étoit de mettre de 1'ordre dans les finances et de faire quadrer la recetl te publique avec la dépenfe. On voit comment les iégislateurs du peuple Franqois avoient abufé de la confiance, puisqu'en moins de quatre ans ils avoient confommé la fommé énorme de 2. milliards fix cents millions, et qu'ils avoient privé 1'état de fa feule relfource en vendam les propriétés du clergé et les po£ feffions domaniales de S. AL Tous les anciens imnots étant détruits et le peuple, qui connoilïoit fa force ne voulant plus payer de contribution, la fource de la fortune publique étbit tarie. II ne recloit d'autres moyens aux Iégislateurs aduels, pour continuer leurs déprédations, que celui d'une banqueroute, ou I'ufurpation des biens des émigrés et enfuite celle  DE LA RÉVOLUTION FRANCHISE. 499 celle des propriétés privées. Ces mefures devenues néceifaires ne tarderent pas a fe confommer, ec les non-propriétaires Franqois, aprés avoir ruiné et dévafté leur patrie, furent obligés d'aller exercer leurs rapines et leurs brigandages chez les peuples voifins, eri leur annonqant, qu'ils venoient les délivrer du joug de la tyrannie et partager avec eux les bienfaits de la Révolution. Non feulement la maffe immenfe des affignats préfentoit de grands moyens de déprédation aux nombreux agents de la nation: la fabrication des efpèces fut fujette aux mêmes abus, quoique plufieurs hotels des monnoyes fuifent en pleine aclivité et qu'on eut frappé ert 1791. beaucoup d'écus et des piéces de 30. et de ifs» de nouvelles création, le numéraire étoit d'une rareté extréme et difparoiffoit tous les jours. L'émigration contribua fans doute a faire fortir 1'argent du Royaume, mais la vraye caufe de la rareté des efpèces étoient les manoeuvres des agioteurs, qui avant la fin Ji ij de  50O HISTOIRE ET ANECDOTES de 1791. avoient fait monter le change du papier contre du numéraire de 40 a 50 pour -5.. On ne voyoit plus dans tout le Royaume pour les affaires de détail que des fois d'un poids énorme fabriqués avec le métal des cloches des églifes fupprimées, ou des billets de confiance fans hypothéque, qu'on pouvoit contrefaire avec la plus grande facilité. Jamais ni les directeurs des monnoyes, ni les comités de l'affemblée, ni les Miniftres ne rendirent aucun compte ou appercu détaillé de 1'emploi de 1'argent nouvellement fabriqué, ou de la quantité du numéraire répandu dans le Royaume. Le 20. Fevrier le Miniftre des contributions publiques annonqa que la totalité des efpèces fabriquées avec le métal des cloches montoit a 5,662,623 Livres et celles des piéces de 30, et de ifs. a 12,014,99f Livres, mais il oublia d'ajouter dans quelles mains eet argent avoit paflé. Le tréfor public femblable au tonneau des Danaides pouypit a peine fatis- faire  DE LA RÉVOLUTION FRANqOISE. 501 faire la rapacité de tous les fripoits, qui fous le masqué du patriotisme voloient impunément la nation. La populace de la Capitale couverte de haillons fe difputoit quelques piéces de cuivre et des billets de parchemin; livrée a 1'oifiveté, a la débauche, a la licence elle oublioit fa mifére par Pappas du pillage, qu'on lui permettoit impunément. Des aventuriers inconnus jusqu'alors, aprés avoir fait fortune en quelques femaines, remplaqoient les ducs et les marquis, et avoient hérité de leurs voitures, de leurs petites maifons et de leurs maitrelfes. L'artifan revetu d'un uniforme national fe croyoit un perfonnage important, il ne rentroit qu'a regret dans fa boutique et voyoit fans pitié fa malheureufe familie périfant d'inanition. Les intriguans fe difputoient les places lucratives et importantes, ils achetoient les fuffrages, fe promettant bien de récupérer leurs avances. Le vertige de la prétenduë liberté avoit tourné toutes les têtes, Pétat étoit ruiné, les fortunes détruites, le ïi ii| com-  502 HISTOIRE ET ANECDOTES commerce anéanti, mais 1'égoïsme et Ia legerete du Francois le rendoit indifférent a toutes ces pertes publiques et particuheres, fans penfer a 1'avenir il voyoit d'un oeil indifférent Ie bouleverlement général , qui menacoit fa patrie du fort le plus malheureux. Le Banquier Claviére, qu'on peut regarder comme le createur des affignats Puisque c'eft lui, qui avoit communiqué a Mirabeau et a la faclion dominante en 1789. fes plans et fes projets a eet egard, parut è l'affemblée le f. Novemb. 11 Jut un mémoire fur 1'état des finances et propofa a l'affemblée de fufpendre le payement des dettes de 1'état. L'aifemblée, qui ne faifoit que dé. buter dans la carrière des injuflices, fe contenta de décreter que ceux, qui n'auroient pas préfenté leurs titres avant le 15- Mars 1792. feroient déchus de leurs créances et ne pourroient former aucune reelamationj elle étendit enfuite ce delai jusqu'au ier. Mai pour dernier terme. Les  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 503 Les ambafladeurs ou Miniftres prés des cours étrangé- Changement 1 -r dans le Corps res étant presque tous partitans iiflomatU déclarés de Tanden régime, S. que. M. pour donner une nouvelle preuve de fon attachement a la confti' tution, crut devoir faire un changement dans le corps diplomatique et choifir des agents, qui partageaifent fa facon de penfer. MM. de Montezan Miniftre prés 1'éledeur Bavaro - palatin; de Vergennes Miniftre prés 1'éledeur de Tréves et Bérenger Miniftre prés la diéte de 1'empire furent rappellés par S. M. MM. de Talleyrand Ambafladeur a Naples, d'Osmond Miniftre plénipotentiaire prés l'impératrice de Ruffie, et Okelli Miniftre prés 1'éledeur de Tréves donnerent leur démiffion. M. de la Houfe Miniftre en Dannemarck obtint fon rappel va le mauvais état de fa fanté. M. de la Luzerne ambafladeur a Londres étant mort , et M. de Vérac Ambafladeur en SuilTe ayant donné fa démiffion, le Roi fit le 5. Deli iv cemb.  504 HISTOIRE ET ANECDOTES * cemb. i79u la prometion fuivame ^ le Corps dtplomatique. M. de ChoifeulGouffier Ambafladeur a Conftantinople *ut nomme a Pambaffade d'Angleterre «t M. Dumomier Miniftre en Prufle fut «ornine a 1'amhaflade de Conftantinople. Ba"helemy Miniftre a Londres pafla en Suifle en qualité d'Ambafladeur M de Ségur Ambafladeur a Rome fut chargé de fe rendre en Prufle pour y fuivre les «ftaires de France. L'abbé Louis fut nomme Miniftre plénipotentiare en Dannemarck. M. Bigot de Ste. croix fut envoyé en la mème qualité prés Péleéleur de Treves, ainfi que MM. d'Affigny et lerner de Monciel prés les éleéteurs Bavaro-Palatin et de Mayence. M. de Marbols fut envoyé a la diéte de Ratisbonne, M. de Mackau pafla de Stutgard a Florence a la place de M. de Durfort, qui avoit donne fa démiffion, et M. Maifonneuve tut nommé Miniftre plénipotentiaire prèsle Duc de Würtemberg et le cercle de Souabe. &p»ft dt Le 18. Fevrier M. Cahier dC GerVÜle Miniftre °e Pintéfr m. ca. rieur préfenta a l'aflemblée un m' tableau  DE LA RÉVOLUTION FRANCOISE. 505 tableau de la Situation du Royaume. II af. iligna quatre caufes de 1'agitation, de linquiétude et des troubles, qui regnoient dans presque tous les départemens. i°« la rareté du numéraire. 2°- la chereté et la rareté des fubfiftances. 30. la différence des opinions religieufes. 4°- enfin celle des opinions politiques. 11 crut devoir citer des exemples des atrocités et des vexations commifes dans plufieurs départements. Des enfans avoient été arrachés de chez leurs parents, fous prétexte qu'ils n'avoient pas été baptifés par un prètre conftitutionnel; on avoit eu la barbarie d'éxhumer des morts fous le mème pré. texte. L'intolérance et le fanatisme, dit le Miniftre, regnent dans tout le Royaume, il fit entendre qu'il étoit néceffaire d'accorder a tous les cultes une liberté illimitée, reconnuë par 1'ade conftitutionnel , et follicitée par la raifon. Le Miniftre crut devoir terminer fon rapport, en préfentant la vérité a raifemblée, comme il 1'avoit préfentée au Roi. II dit donc qu'une loi qui détruiroit tous les Clubs li v ramé-  506 HlSTOIRE ET ANECDOTES raméneroitla tranquillité,'parce que ces fociétés oubliant le but de leur inftitution fomentoient les troubles, et arrètoient la marche de toutes les autorités. Tout vrai patriote, dit-il, eft étonné du Stile des adreifes préfentées au corps législatif, oü on ofe appeller la Conftitution une oeuvre abominable et déteftable de l'aifemblée conftituante. Pourroit- on tènir un autre langageaCoblenz. Cette dénonciation contre les Clubs irrita les Jacobins. II réunirent tous leurs efforts pour éloigner le Miniftre conftitutionnel. Les entraves et les dégouts, qu'ils lui firentéprou ver dans 1'exercice de fes fondions, le forcerent bientót a donner fa démiffion avec plufieurs de fes collégues, qui partageoient fes opinions. Le Roi lui même n'ayant plus aucun moyen de réfifter a la fadion dominante fut obligo de confier 1'exercice du pouvoir exécutif a fes plus cruels ennemis, ainfi que je le rapporterai dans la fuite. Fin de la première SeÜion. Hifloire