U A M 1 DES ENFANS HOLLAND OIS, OU LES SOIREES PATRIOTIQUES.   L' A M I DES Ë-NFANS HOILLANJDOIS, O ü LES SOIREES PATRIOTIQUÈS» AVE Q FIGU RE S. SN JÏOLZ.AN&S, s 7 I "7* Et fe trouve a Bruxellcs Chez Dujardin, Libraire Je la Cour.   1NTROBUCTION* Sjjn a reproché fouvent, ayec raifon, aux Peres de familie & aux Inftituteurs, d'enfeigner ■ 4 km Enfans, ,u a leurs Elèves, FHifioire Anciennes & de leur Imjjhr ignorer celle de leur Patrie.. Cefl fmm dans . les Républiques que cette négligencepeut produire les plus dangereux efets. Si tout Caoyen d?un Etat Libre ne peut prétendre au Gouvernement, il a du moins h droit de bldmer ou dPapprouver la conduite des Chefs de la Nation; il efi donc indifpenfabh qü"U connoiffe fes Prérogatives, fes Privileges, &> la Confiitution du Pays, afin de pouvoir juger fainement des motifs qui font agirdes Régens, auxquels fes intéréts font confiés. Lignorance dans toiis les tems fonda la grandeur des Ambitieux; c'eft elk qui feconda leurs projets, en couvrant ds fleurs le précipice, au tomherent les Peuples, féduits par de bril lantes promeffes d'un ét at plus heureux; mais le Citoyen infiruit ne fe laijfe point éblouir par les * 3 >.  ( ff ) fophismes de Pimpofiure. Sfi/ fait que dans fa Patrie il exifte une Cabale- , qui de tont tems a fappé , tantót fourdement, tantót a force ouverte , les fdndemens de la Coriftitution —— s^il connoit les rejforts feer ets & les moyens favoris , qu'elle a mis en ceuvrepour s'emparer exclufivement de rAutorité, fous le prétexte ordinaire, du bien public ■!■*->' fi dès fön enfance on lui d préfentè le tableau de ces révolutions1, & du fort fatal, qu'ont éprouvé les Dèfenfeurs de la Uberté. — Enfin, ft la vérité s'eft montrée tt lui dans tont fon jour, quel que foit le rang oit le Ciel ait placé ce Citoyen , jamais il ne fera le tri/ie jouet de la fèduStion, ni le vil inftrumtnt de la Tyrannie, a moins que Pintérét perfonnel n'éteigne én lui tout fentjment d'honneur & de vertil. Tels font les motifs, qui nóus ont dé ter mini d préfenter a la 'jfeuneffe de la République des Sept Provinces Unies , la peinture fidelle dcf malheurs des convulfioris violentes, que leur Patrie a fouffert, paf PAmbition cPune Famil~ le, qui abufa de fes fervices, & de la reconnoifiance, qiiils infpiroient; mus avons pri£ pour guide dans eet Ouvrage, PEcrivain eftimable, qui a transmis a la Poflèritè PHiftoiré de fa. Patrie, avec eet amour de la vérité, ■ ce  < 7 ) f' ftyie fimph 5 mh mble qui réunifent tous les Juf rages. Pour éviter jufqu'au foupfon (Pavoir altéré ou exagérè les faits, nous avons diftingué par des Guillemets, tous les extraits de eet Hiftorien, qtPott pourra canfulter, fi Pon refufe de croire a noire parale. Naus avons donné a cette Production le titre, d'Ami des Enfan s Hollandois, fans diftinStion de parti, perfuade's que Pignorance, plusque toute autre caufe, entretient Paveuglement d'une part ie de la Nat ion, & qiPU Ju ff/ra de lui mantrer la vérité, pour la guérir de Jon erreur. Quant aux rèflexions, dont eet Quvrage eji femè, ceux qui les trouveront trop fort es, ne font pas du nómbre des per Jonnes, qui cherchent dé bonne foi d s'injïruire, ou a injlruire les autres; ce rfft pas pour eux que nous avons écriu Si Pafafmat juridique cPOklenbarneveld, fik ^aff'acre des Fr er es de Witt, fi tant de violences , exercécs contre les plus vertueux Citoyens peuvent ètre jufiifiées, ou ttinfpirentpas des rèflexions encore phis fortes que les notres, nous avouons que nous ne connoifons nul attent'at, qui nefoit excufable, qu'tV faut renen eer d toute notion de morale, de jujlice & de fens coinmun. Loin de nous une idéé fi défavantageufe de la Jeunefe, d laquellê nous deftinons le  < t ) Ie fruit de ms veilles. Nous crayons que lei Perès de familie & les Inftituteurs, nous fauront gré de leur avoir fourni le moyen de donHer aux en fans me inftruclion, qui les pnfervera cTembraffer un Parti fatal a leur Pays, qui les mettra en étatt de faire pa ff ér jufqu'a leurs derniers neveux, tine connoijfance exacte, de ce qu'il leur fera le plus important a [avoir. Sans doute les Ouvriers d'iniquité , qui ne peuvent travailler qu'il la faveur des tencbres de fignorance, sVndigneront conire la nrnin , qui leve le voile, dont leur trame eft couvert e, mais nous leur répondrons que ce n'eft pas la faute d'un Ecrivain, j'»7 Je trouve des Ambitieux & des Lrpofteurs, & que tout Ouvrage, dans iequel la Vérité, les Loix, la Religion g? rAutorité des Souveraim font refpeêtées , ne doit infpirer a fon Auteur, ni trainte, ni repentir. L'AMI  V A M j D E S? »* ENFANS HÖIXANDOIS, OU LES SOIREES FATRIOTIQUES. PREMIÈRE SOIREE. Mr. Herman, Theodore, Hbnri. Mr. Herman. Eh bien, mon cher Henri, ton Coufin a dons cté plus habile que toi aujourd'hui ? Henri. Oui, mon Oncle; mais il avoit k travailier flii nne matiere fi agréable pour un Républicain que fa diligence ne me furprend pas. Theodore. Ah! mon cher Pere, mon Coufin a raifon : c'efl: nn beau trait de 1'Hjftoire Ancienne, qne mon A prts.  c » y Précepteur m'a donné a traduire. Je vais voiïï le lire, fi vous voulez. Mr. Herman, Xu me feras plaifir. T h e o i? o r e. „ Les habitans de Mithylene, Capitale de 1'Ifle „ de Lesbos, vivoient fous le Gouvernement Fipublicain, mais il étoient fans ceffe troublés par des faëtions, que quelques Ambitieux ex„ citoient, pour s'emparer de 1'Autorité. Dans j, cette confufion les plus vèrtueux Citoyens, connoiffant la modération & 1'efprit conciliateur de leur Compatriote Pittecus, un des „ fept Sages de la Grece, le prierent d'accepter „ la Souveraineté. Ce grand homme y confen„ tit, & gouverna pendant dix ans fes Concitoyens ; il les rendit heureux, en les rendant „ meilleurs , & les éclairant fur leurs véritables „ intéréts. Enfuite voulant qu'ils fufTent libres, „ 4e qu'i fon exemple ils vécuffent fans ambi„ tion, il abdiqua le pouvoir abfolu. Pour re„ connoitre un fi' grand fervice, les Mithyléniens „ oflrirent a Pittacns mille arpens de terre, mais „ il n'en voulut acceptcr que cent; afin, dit il, „ de ne point paroitre mcprifer le tribut de la „ gratïtude de ces Concitoyens, & de ne point „ exciter 1'envie par un trop riche Domaine. „ Pit-  ( 3 > Pittacus recut Ie titïe de Pere & de Libêrateu* „ de fa Patrie, & donna au monde un exemplc de défintérefTement qui n-aura pas beaucouj» „ d'imitateurs. Mr. Herman. Je fuis fort content de toi, mon fils; je connois cc trait d'Hiftoire, & tu 1'as très'bien rendu. Plutarque, qui nous 1'a transmis, dans fon Banquet des fept Sages, remarque avec raifon', que, de tels exemples font rarcmenc imités, Henri, Mon Oncle, je lifoïs , il y a quelques jours, que Gênes a trouvé dans André Dorla, un Citoyen , au moins aufii généreux que Pittacus le fut a 1'égard des Mithyléniens. Ce brave Républicain, après avoir cömbattu pour fauver fon Pays de 1'efclavage, loin d'abufer des fervices qu'il avoit rendus, fit rentrcr le Sénat & le Peuple dans leurs anciens droits i ne voulant pour toute lécompenfe que la gloire d'avoir afluré la Liber{é de fa Patrie. $At. Hermak. Tit as raifon ,• mon ami, de penfer que la módération dn Héros Gènois 1'emporte fur celle dü Sage de la Grece : le Libérateur de Gènes avoit les armes a la main, & rien n'eft malheüreüfemenr. A i pl*s  ( 4 ) plus commun dans les Républiques, que de Volt ceux qui «ommandent les armées, afpirer a la Puifiance Souveraine. Theodore. Ah! mon Pere, ils ne fe refTemblent pas tous, & le Général ffafhingten . . . Mr. Herman. Tu me prcviens, mon Fils, j'allois parler de ce grand Homme , plus célebre par fon Patricfcisme, que par fes victoires. A peine 1'indépendanee de fon Pays a t'elle ëté reconnue qu'il a remis de fon propre mouvement entre les mains ■du Congres, le Commandement des Forces de 1'Etat; au fein d'une pailible retraite il fe dérobe aux honneurs, aux éloges & aux récompenfes qu'il a fi bien mérités; fa Itatue élevée par fes Compatriotes, l'admiration de fon fiecle &; de la Poltérité, voila le prix de fes Vertus. H e b 1 i. Et voila, mon cher Oncle, les feuls guerriers qui me paroifTènt dignes de louange , & non pas ce Céfar qui fut le premier Tyran de fa Patrie.- Mr. Herman. Confervez toujours 1'un & 1'autre, mes Enfans, ces feminiens que je vous infpirai des F3ge le plus  < 5 ) plus tendre. Si mon efpoir n'eft pas trompa", vous ferez dignes d'ctre un jour les foutiens de notre Liberté, que laTyrannie s'apprète i détruire» Theodore. Que dites - vous, mon Pere ? Mr. Herman. Ce que je viens d'apprende , a l'inftant. Lei droits du Citoyen font méprifés* depuis longtems; ils vont ètre attaqués a force ouverte; les ordres fanguinaires font donnés, & bientót les infortunés Citoyens cTE/burg & de Hattem tornberont fous les coups d'une Soldatesque Barbare, ou feront contraints d'abandonner leurs murs. H e n r i. Et pourquoi , mon Oncle, tous les Citoyens bisn intentionnés de la République ne prennent ils pas les armes pour s'oppofer a cette violence, & protéger leurs Freres? dans un Etat Libre tous les membres devroient ètre fi bien unis, que 1'injure faite a 1'un d'eux fut vengée par ceux qui nc 1'ont pas recue. Mr. Herman. Embrafle - moi, mon Ami; c'efl: le véritable Patriotisme qui parle par ta bouche-. Oui, tels- font les droits & les devoirs des vrais Républicains, A 3 maij  i ö ) mais 1'ambition, la.flatterie, & 1'intérêt perfannel, les onttrop fouvent méconnus, furtout dans notre malheureufe Patrie. La Maifon d'Orange a fait un cruel abus de fon pouvoir & de 1'excès de notre recormoifi'ance. Philippe II. avoit au■moins un pretexte a fes fureurs, il nous regardok comme des Sujets révoltés contre une autorité Icgitime ; mais les Princes d'Orange, dont nous fommes les Bienfaiteurs & les Maitres, fe font rendus coupables envers nous de la plus odieufe de toutes les Tyrannies. Theodore. II y a longtems, mon Pere, que nous avons envie, mon Coufin & moi, de vous prier d'eotrer avec nous, dans quelques détails, fur la conduite des Princes d'Orange; mais nous avons craint d'abufer de vos bontés. Mr. Herman. Cette crainte eft mal fondée, mes chers Enfans, c'eft mon devoir de vous inftruire, &. je ne 1'ai jamais négligé. Mais c'eft dans 1'Hiftoire de notre Patrie, que vous devez puifer les lumieres que vous me demandez. Je me charge d'être votre guide & de vous tracer le plan de votre travail. L'efprit de parti déguife les défauts ou les exageïc,, fupprime les faits qui lui font contraires, transforme les vices en vertus; mais 1'Hiftorien fide- t  I ? * fidele a ïa vérité, nous apprend a juger les hommes d'aprcs leurs actions. Ainfi pour prendre une connoiffance exaóte , & fuivie des procédés Tyranniques de nos Princes d'Orange , vous ferez des extraits de'l'excellent Ouvrage de Wagenaar, & vous ne vous attacherez qu'aux traits qui ca» raétériferont la Tyrannie. Theodore. Mon Pere, vous nous avez fouvent parlé du Grand Oldenbarneveld & de fa mort tragique ; Vous nous avez dit en mème tems que le Prince Maurice le fit condamner injuftement; il n'y n qu'un Tyran qui puiffe fe porter a de tels excès. Mr. Herman. Tu as raifon, mon Fils; il eft peu de Tyrans qui fe foient montrés plus cruels que ïe fut Maurice en cette occafion. C'eft aufli par Pafcaffinat juridique d'Oldenbarneveld, que vous commencerez votre travail; venez avec moi, mesAmis, je vous donnerai les 8,9 & iome Volumes de Wagenaar; vous en extrairez tout ce qui vous paroitra mériter votre attention, ■& pouvoir vous mettre en état de porter un jugement certain fur cette affreufe cataftrophe. Nous nous raflemblerons demain au foir, felon notre couturne., vous me commnniquerez le réfultat de vos recherches , les réflexions que vqus aurez fakes, j'y joindrai les A 4 aaien-  ( f) mïertnes, & nous continuerons ces converfations auffi long-tems qu'elles fcront néceffaires a votre inftrudtion. Y&^j&fö.f-* f * * \ * $ * 'f * * * iDEUXIEME SOIREE. Mr. Herman, Theodore Henri. Mr. Herman. Venez vous affeoir aupr-ès de moi (bus ce berceau , mes Enfans. Avez - Vous un peu travaillé? Henri, (t'irant de fa pochc un Cahier.) Oui, mog Oncle ; voila oe que j'ai extrait depuis hier. Theodore, (faifain la même clwfe.) Et moi, mon Pere, j'ai travaillc autant que mon CoufiH. Mr. Herman. Je parie que vous avez pafle une partie de la nuit, n'eft ce pas ? vous ne répondez rien ; c'-efta-dire que j'ai deviné jufte. Je vous défends a Pavenir eet exces de zèlê; le travail nofturne a votre age , eft dangereux pour te fan té. D'ailleurs trop  c 9 y trop de précipkation empèche de faifir le fil des événemens, & de faire des rcflexions judicieufes, feuls fruks que nous puitfions recueillir de 1'Etude de- 1'Hiftoire. C'eft a toi , mon cher Henri, que j'adrefle principalement cette petite remontrance; tu mets toujours trop de feu dans ce que tu fais, & dans ce que tu dis.. Allons, commence a nous lire quelque chofo. H EN R l, ( Ut. ) „ Jean Oldenbarneveld-, natif d'Amersfoort, „ étant Penfionnaire de la Yille de Rotterdam, „ fut Député avec plufieurs autres Regens, en » 1585. en Angl.eterre, auprès de.la Reine Elifa„ beth, pour follicker les fecours de cette Pna„ céiTe. Ayant découvert qu'Elle avoit deffein „ de s'emparer de 1'autorké dans les Provinces „ Unies, Oldenbarneveld en avertit les Etats, ,, & leur propofa de nonimer le Princc Maurice „ Stadhouder, Capita^ne & Amiral Général de „ Hollande & de Zélaode, pour contrebalancer „ 1'autorité du Comte de Leitejler, General des „ troupes Anglaifes, & Gouverneur des Provinces Unies ". „ L'année fuivante 'Oldenbarneveld fut choifi „ par les Etats de Hollande, pour occuper 1'im„ portante place d'Avocat de cette Province. „ Après quelques difficultés , il 1'accepta, mais ' „ a condkion, qu'il la quitteroit fi jamais on A 5 „ par-  „ parloit de fe remetrre fous lejoug- de 1'Efpagne". „ En 1589. après le départ de Leicefter, Olden„ bameveld employa le credit que lui donnoient „ fes talens & fon Eloquence, pour engager les „ Etats Généraux a augmenter 1'autoritc, du Prin„ ct. Maurwe, qui fut nommé Stadhouder, Capi„ taine, & Amiral Général des Provinces d'U„ trecht, de Gueldrf, & d'Overyflel ". Voila, mon cher Oncle , ce que nous avons cru devoir extraire du gme Volume; en êtes vous content ? Mr. Herman. Trés content: mais quelle raifon avez vous eue d'extraire ces particularités? Henri. Nous avons penfé que pour bien juger de 1'ingratitude, de la Tyrannie du Princc, & de 1'innocence d'Oldenbarnevcld , il falloit d'abord connoitre les fentimens de 1'un & de 1'autre, en étudiant leurs actïons. Vous nous dites hier que que c'étoit la feule maniere de bien apprécier les liommes, & nous nous en fommes fouvenus. Mr. Herman. Fort bien, mes Enfans: n'oublicz donc pas qu'Oldenbarneveld fut la première caufe de la . For-  ( tl ) Fortune & du pouvoir de Maurice. Fais nous part a préfent, mon rils, de tes recherches. Theodore, ( Ut.) ,, Dès 1'An 1600. les Courtifans de Maurice fe„ moient la mésintelligence entre lui & les prin„ cipaux Membres des Etats, & Oldenbarneveld concut queiques foupcons contre le Scadhouder, „ dont la conduite annoncpit les deffeins ambitieux. ,, En 1Ó07. il fut .queftion d'une Trêve propo- „ fée par les Archiducs Albert & Ifabelte. , „ Maurice & fes Partifans vouloient la guerre ; „ Oldenbarneveld & les gens fages penchoient „ pour une Trcvc, qui donneroit le tems d'ac„ quiter les dettes énormes que 1'Etat contraftoit. „ LePrir.ce engagea la Frife, la Gueldre, & la „ Zélaade, a refufer la Trcve, & les Miniftres de „ la Réligion repréfenterent les partifans de la „ Trève, comme des traitres vendus a 1'Efpagne. ,, Cette diffërence de fentimens dans les deux plus „ importans Perfonnages de la République, pro„ duifit entre eux une animofité qui s'augmen„ toit de jour en jour, & que Maurice porta fi „ loin qu'une fois il dqnna un démenti a Olden„ barneveld, & Ieva la main pour le frapper. „ Ce fait fe trouve dans les Mémoires d'Aubery „ page 293. " „ O11 accufa Oldenbarneveld en 1Ó08. d'avoir accepté de Henri IV. un préfent de 20,000 flo- ,, rins,  ( i2 y „ rins , pour lui faire donner la Souwaineté. 4u „ Pays. Mais il déclara lui meme que ce préfent „ lui avoit été promis dès 1598. pour de-; fervices „ rendus au Roi de France, mais qu'il n'avoit „ jamais été qucftion de lui faire donner aucune „ autorité dans le Pays. „ Les Ambaffadeurs des Princes Etrangers pro„ poferent aux Etats une Trêve de plufleurs an„ nées avec 1'Ifpagne, a condition que Philip„ pe II. & les Archiducs reconnoitroient la Li- ' „ bené des Etats, & déclareroient n'y rien pré„ tendre. Dès que cette propofition fut publique ,, les Cabales du Prince reeommencerent; la Zé„ lande dont il difpofoit comme premier Noble & „ Mitrquis de F/eJfiHgue & de ter rere, refufa de „ confentir a laTrcve. On publia mi-me en Kran„ ce , au nom du Prince , qu'Öldenbarneveld, ,, Ie Greffier AarlTcns, & fon Frere couroient ris„ que de perdre la vie, ou du moins leurs Emplois, „ pour s'ètre déclarés partifans de la Trève. Sous „ le fpécieux prétexte d'attachement a la Patrie „ & a la Réligion, Maurice cachoit fes vérita„ bles motifs d'oppofition a cette Trève. II perdoit, fi elle étoit conchie, fes appointe„ mens de Capitaine & d'Amiral Général • le „ dixieme des prifes faites fur Mer, fa part dans „ les contributions, & dans les fommes- que don,, noient pour fe racheter du piJlage les Villes con„ quifes. II devenoit d'ailleurs moins nécefTaire,  ( is )' 0i & moins abfolu n'ayant plus lc commandement „ d'tme nombreufe Armée „ Les Regens du Pirti d'Oldenbarneveld fe fon. „ doient fur 1'état des Finances; la Hollande fe „ trouvant endettée de Neuf Millions & les autres „ Provinces enfemble du doublé de cette fomme. „ Cependant ils ne vouloient confentir a la Trè- „ ve , qu'.i condition que la Liberté dc3 Etats ,, feroit reconnue fimpleïüent éc pour toujours ". j, On trouva un jour quelques écrits anony- „ mes, qui furent portés a 1'Afiemblée des Etats. „ Oldenbarneveld ctoit repréfenté dans ces Tibel„ les cornrne traitre a la Patrie, & digne de fu„ bir une mort igaominieufe. Ce grand homme „ indigné des raoyens qu'on employoit pour le „ perdre, pria les ïtats de Hollande d'accepcer „ fa dtmiflion, & fortit de 1'Aflefliblée. Mais on ,, lui envoya plufieurs Députés, pour le prier de „ ne point abandonner dans des circonftances fi „ critiques le foin de 1'Etat, qu'il avoit fi lorg„ tems, & -fi fidélement feryi ". „ Oldenbarneveld reprit fes fbnctions, * Mau„ rice étoit tellement prévenu contre la Trève, „ qu'il fe difpofoit a exciter des émeutes dans „ les Villes, en foulevant les Soldats & la Po„ pulacé. Jeannin, AmbafTadeur de Henri IV, „ & Oldenbarneveld craignant les funeftes effets „ de 1'obftination du Prince, réufiirent a le faire „ changer de fentiment; mais a condition qu'il „ y  ( u ) „ y auroit pendant la Trève unsArmée de 30,0»» „ hommes fur pied "„ Henri. Mais, mon Oncle , pourquoi donc charger 1'Etatd'unedépenfe inutile, pour plaire a ce Maurice ? ne pouvoit on pas fe palier de fon confentement & de celui de la Zélande ? Mr. Herman. Quand on auroit pu le faire, la prudence demandoit ce Sacrifice plutöt que d'exciter des troubles, csont, TEfpagne auroit pronte. Theodore. Je cc tres bkn cela, mon Pere, mais je trouve qu'on porta la, coinplaifance trop loin; car notre Hiftorien ajoute que Jcannin Jc Oldenbarneveld accorderent au Prince tout ce qu'il demanda pour Lui £c pour fa Familie. J& e n < r U Oui, mon Oncle, on acheta trop cher le' confentement du Prince. La Trève ne fut fignée que le 9. Avril 1609. & dès le mois de Mars les Etats avoient décidc de conferver a Maurice fes appointemens de 80,000 florins, & 80,000 antresj pour le dédotnmager de ce qu'il perdroit par la fignature de la Trève. On décida que le Prince Frédéric Henri jouiroit d'un revenu annuel Je 30,000  30,000 florins, & que lui ou fes Enfans fuccéderoient aux charges de Maurice , fi ce Prince mouroit fans poftérité. Le vComte Guillaume Frédéric eut encore une Penfion de 50,000 florins, Sc les Etats obtinrent des Archiducs une fómme de 300,000 florins, pour les héritiers de Guillaume I. en récompenfe de quelques revenus dont jouifloit autrefois ce Prince én Flandre & en Brabant. Theodore. Vous oubliez encore, mon Coufin, une penfion de 25000 florins qui fut accordée au Prince s'il fe marioit, & dont on décida qu'il jouiroit fans cette condition. Je crois que la Maifon de NaflTau fut bien dédommagée de tout ce qu'elle avoit perdu en abandonnant le parti de 1'Efpagne. Mr. Herman. Sans doute, & ce fut au feul Oldenbarneveld qu'elle eut obligation de ce dédommagament. Maurice'alors ne regarda plusla Trèye comme fatale au bonheur de 1'Etat, & au maintien de la Religion; il impofa filence auxMinïftres, aux Soldats, a la Populace, & la Zélande ne penfa plus a fe féparer de 1'Union. Vous le verrez bientöt, mes enfans, oublief tant de bienfaits, & perfécuter ouvertement le grand hotnme qui lui avoit toujours tenu lieu de Pere. Vous le verrez joignant 1'hypocrifie a la cruauté... Mais j'en dis trop, & 1'ou-  ( H ) j'oublie que c'eft J vous de trouver dans «Bifefc, les reflbrts que fon ambition, & fa vengeance Jtcnt mouvoir pour conduire fur 1'échaffaud le plus digne & le pius zèW défenfeur de mtye LihenL Theodore. Mon Pere, avant de continuer la ledure de nos extraus, nous avons une explication a vou< demander. Nous voyons qu'après la fignature de la Ireve ü ü'éleva une difpute entre deux Profefleuri en Théologie de 1'Univerfité de Leyde, & que eette difpute troubla la République, mais nous ne comprenons rien au fujet de la querelle. Mr. Herman. Jele crois, mes Enfans; cette madere eft auöelus de votre age, & la discufflon en feroit de Placée ici. d'Ailleurj le Synode de Dort a condamné le fentiment d'Arminius, & cette decifiou doit etre adoptée comme une regie de foi dans 1 Eglife Réformée. Si vous méritez un jour que le' cho1X de vos concitoyens vous appeiie 4 Ia Ré gence, confervez la Rdigion dans toute fa pUrete, mais gardez vous de haïr ou de perfécuter ceux qui perfiftentdans des opinions condamnées Pambition & la vengeance ont fait fervir tron fouvent le nom de Dieu de prétexte i leurs desfeins & i leurs fureurs. Vous en verrez la preuve dans la conduite de- Maurice, qui fe déclara pour - le  ( 17 ? •Je parti qu'Oldenbarneveld ne favorlfoit pas ; 'Cette feule raifon décida fa croyance. Henri. C'eft ce qu'il eft aifé de voir dans notre Hiftorien, quoiqu'il ne le dife pas précifément. Voici ce que nous y trouvons a eet égard fous la date de 1ó12. ,, Maurice n'avoit pas encore „ pris grande part aux difputes de Religion, mais „ les Rjmonllrans penfoient qu'il ne leur étoit „ pas favorable, paree qu'Oldenbarneveld, auquel „ ils étoient attachés, confeilloit 1'union mutuel„ le. D'ailleurs le Comte Guillaume - Louis de „ Nafiau, Stadhouder de Fr'.fe & de Groningue, „ avoit engagé'le Prince s s'oppofer aux Rémon- ftrans & aux Régens qui les favorifoient. Ce „ fut 1'année fuivante que le Célebre Hugues de „ Groot, Penfionnaire de Rotterdam, fe fit con- noitre paf plufieurs écrits, en faveur du fenti„ ment d'Arminius. Pour donner la paix a 1'E„ glife, & prévenir les fuites de i'animofité, qui „ s'augmentoit de plus en plus entre les Citoyens , j, les Etats de Hollande ordonnerent ,que les di„ fputes de Relig:on ne fcroient pas rendues pu„ bliques, & que les Eccléfiaftiques vivroient en „ bonne intelligence. Oldenbarneveld, le prin., cipal auteur d'une fi fage réfoluüon, fut accufé ,, de vouloir livrer le Pays a 1'lfpagne , & de ü chercher i changer le Réligion pour y parve1 „ nir,  ( 18 ) „ nir. On 1'accufoit d'avoir recu de 1'argent pouï „ prix de fa trahifon. Ces bru'ts injurieux aug- mentoient le nombre des partifans du Pnnce, qui s'annoncoit publiquement pour le Défenfeur „ de la vraie Religion. La Populace en étoit li „ perfuadée que les Matelots de la Brielle avoient „ mis dans le Pavillon de leurs Navires, qu'il valoit mieux aller a la Guerre avec Orange, que ., cPêtre plus long - tems mo'.eflés par les Arminiens''''. II me paroit, mon Oncle, que c'eft une aneienne habitude chez nos Princes d'Orange, de fe fervir de la canalle, pour troubler 1'Etat, & s'émparer de 1'Autorité. Theodore. J'ai peine a comprendre comment ces Princes, fi fiers de leur naiffance, ne rougiffent pas d'ètre 1'idole de la dernierë clafle du Peuple. Je ne voudrois pas d'une couronne , s'il falloit Pacheter a un aufli vil prix. Mr. Herman. C'eft que tu ne fais pas encore que les ambitieux ne font pas délicats furie choix des moyens. L'étude de notre Hiftoire te convaincra qu'il n'eft arrivé aucim criangement favorable a la Maifon d'Orange,■ que par ces moyens fi méprifables. Mais contkraens,- T h e «-  T H K è D O M. „ Oldenbarneveld, & les Régens bien Jntentïofr» nés pour la Patrie, voyant qtfe dans les Vili, les qui n'avoient pas droit de lufTrage ,' on „ cliangeoit la Magiftrature, & que les places ,, étoient toujours remplies par les partifans du, j, Prince, foupconnerent que la Réligion n'étoit ;, que le prétexte de ces changemens. Ils craigni„ rent que le deflein ne fut formé d'opéref la mê,, me révolution dans les grandes Villes', & d'é- lever Maurice a la dignité de Comte de Hollan„ de , ou de Chef des Provinces Unies. Les Cour- tifans de ce Prince lui avoient perfüadé que les ,, Rémonftrans cherchoient a diminuer fon Auto- rité, mais que leurs adverfaires, lui étoient dé„ voués. Auffi difoit il publiquement, qu'il nt „ reconnoijfoit pour vrais Réformés, que eeux qui ,', avoient voulu èléver fon Pere fur le Tróne, ,, Les Etats cherchcrent les moyens de confef- ver le repos dans les Villes, & de prévenir la „ perte de leur Autorité, mais ils ne pouvoicnt „ fe confier aux Troupes, dont le Prince difpofoit; „ qu'il avoit déja refufé d'employer, & auxquel„ les il avoit donné ordre de ne point obéir auix „ Magiftratsdans les chofes qui regardoient la „ Réligion.' La Garnifon de Schoonhoven avoit /, mème recu des Munitiohs de Guerre, a rinfcu. „■ de la Régence. Oldenbarneveld cönfeifla de B a ,\ fou-  ( =0 ) 't, foudoyer une Mïlice nationale extraordinaire, „ & de la mettre en Garnifon dans les Villes de „ la Hollande , od le dar.ger paroiffoit le plus „ prelTant. Ce Gonfeil fut fuivi par la Majörité „ des Etats; fix Villes y formerent oppofition, „ fous pretexte , que ces nouvelles levées angmen„ toient inutilement les dépenfes de 1'F.tat, qui „ pouvoit a peine payer les Troupes réglées ". Mais, mon Pere, puisque le Prince refufoit d'obéir aux Etats, & de faire marcher des Troupes, quand on le lui ordonnoit, le parti qu'on devoit prendre étoit de lui retirer .fa paye, & fa place de Capitaine Général. Mr. Herman. Sans doute les Souveraïns ont le droit de retirer leur confiance a tout fujet fufpeft & désobéisfant, mais la prudence ne permettoit pas d'em•■ ployer contre Maurice ce mcyeh, quoique légitime. L'indépendance de la République n'étok pas encore reconnue ; 1'Efpagne confervoit dans notre Pays des partifans, & des intrigues, les quetelles de Réligion divifoient les Citoyens; les fervices de Guillaume I., les exploits de fon Fils enchainoient presque tous les efprits aux intéréts de la Maifon d'Orange ; il falloit donc difïïanuler. 1'outrage plutot que de perdre la Patrie, en pu> niffant un coupable trop puilfant. H e n-  t 21 ) Henri. Malgré la modération, que les Itats mJrent dans les pr.'cautions qu'ils fe crurent obligés de prendre, Maurice penfa qu'ils avoient réfolu de diminuer fon Autorité, furtout après le voyage d'01denbarneveld a Utrecht. Voici ce que Wagenaar nous apprend a ce fujet: „ Oldenbarneveld en fortant de Vianen, fe ren„ dit a Utrecht; il y tomba malade, & pendant „ fon féjour dans cette Ville, on y réfolut de „ prendre 600 hommes de Milice Bourgeoife. „ On leur fit jurer de fervir contre tous ceux qui „ troubleroienties Etats ou la Ville , dans les af„ faires civiles ou religieafes, & généralement „ contre tous les ennemis de 1'Etat. j,' La Rtgence de la Brielle, craignant une féjdi„ tion, avoit fait jurer a la Garnifon d'ètre fi„ delle aux Etats de Hollande, a la Magiftrature, „ & de défendre les Eglifes. Maurice inflruit de „ cette précaution, part de la Haye pendant la „ ntüt, Sc fe rend a la Brielle , accompagné de „ fon Frere Frédéric Henri; il fait entrer dans la „ Ville deux Compagnies d'lnfanterie ; on lui de„ mande de diflerer cette augmentation, ou de „ permettre que ces Troupes s'engagent a défendre „ le Magiftrat, mais il. refufe d'y confentir. „ Après cette entreprife on eut foin de répandre s, dans le Public que fans la vigilance du Prince, B 3 „ les  { 22 ) „ les Efpagnols fe feroient emparés de la Brielle , „ qu'Oldenbarneveld leur avoit vendu, & queFles,, fingue couroit le rnéme danger. Ces calomnies „ ne trouverent de crédit que chez la Populace, „ & les gens honnctes n'y ajomerent aucune foi. „ Oldenbarneveld las d'effuyer tant de désagré„ mens, & prévoyant peut-être fon malheur, „ demanda encore une fois aux Etats de Hollande, le J. Dpcembre 1Ó17, la démifiion de fa „ place, fous prétexte de fon grand age. L'As„ femblée le pria de continuer fes fervices dans „ les circonftances critiques ou fe trouvoit la Pa„ trie, & le grand Homme y confentit. „ Les Etats Généraux avoient ordonné que pour „ fiuir les difputes de Réligion il feroit tenu a a, Dort un Synode. Oldenbarneveld & les Régens „ de fon parti croyoient que ce Synode étoit j, contraire aux Droits, que chaque Province pos„ fede de régler les affaires Eccléfiafdques. Le „ Prince fachant d'avance que 1'opinion des Ré„ monftrans feroit condamnée, & que les Régens „ de leur parti feroient dépofés, fit plufieurs „ voyages en Hollande , en Gueldre & dans „ OveryfTel, pour engager les Régences, & les s> Affemblées provinciales, a confentir a la tenue „ du Synode. Ces démarches de Maurice cau,f foient de vives inquiétudes aux Régens de la „ plupart des Villes de la Hollande, Sc a Ja Proi, vincc d'Utreclit ". Je  i 2* ) Je voudrois bien favoir, mon Oncle, fi Oldenbarneveld avoit raifon de s'oppofer a ce Synode; il me femble que s'il y avoit confenti le Prince n'auroit eu aucun prétexte de le perlécuter. Mr. Herman. Mon Ami, le véritable Patriote doit mcprifer fa vie quand il s'agit de défendre les droits de fon Pays, & la dignité du Souverain, qui lui a donné fa confiance. Oldenbarneveld ne pouvoit confentir a la tenue du Synode, fans trahir les interets des Habitans, qu'il avoit fait ferment de protéger; il devoit donc s'oppofer aux entreprifes du Prince, au hazard de tout ce qui pourroit lui en arriver. Et pour vous prouver, mes Enfans , que ce grand Homme n'agifföit ni par jaloufie, ni par obfHnation , écoutez le ignie Article de 1'Union d'Utrecht: ,, Et a 1'égard de la Réligion , les Etats de Hol„ lande & de Zélande fe comporteront fuivant la „ volonté de leurs Membres, & les autres Provin„ ces fuivront ce qui eft contenu dans la Pacifica- tion de Gand, ou fe régleront comme ils le trou„ veront utile, pour le repos, la profpérité des „ Provinces, des Villes, des Habitans, & pour „ la confervation des droits fpirituels & tempo„ reis de chacun en général & en particulier. Et „ Cela fans qu'il puilfe ctre apporté d'obftacle ni „ d'empèclienient par aucune Province, a condi- B 4 » «oh  „ tion que chacan reftera libre dans fa Réligion, „ & que perfonne ne pourra êtfe pourfuivi, ni „ recherché pour caufe de Réligion ". Je fuis bien aife d'avoir eu fur moi 1'Union d'Utrecht, pour fatisfa're \ votre demande, & pouvoir .vous inflruire. Vous ètes en état de juger entre la conduite de Maurice, & celle d'Oldenbarneveld, & vous voyez que les Itats de Hollande & de Zélande font feuls autorifés a fe conduire, relativement a la Réligion, felon leur propre volonté. Theodore. Que d'obligations nous vous avons, mon Pere, & qu'il feroit heureux pour la Patrie , que tous les enfans de nosConcitoyens fu/Tent inftruits comnie nous le fommes! Mr. Herman. Je vous ai déja dit que je remplinbis le premier de mes devoirs en vous inflruifant, mais tous les Parens ne connoiffent pas afTez 1'Hiftoire de leur Pays, pour la mettre fous les yeux de leurs Enfans. D'ailleurs, les Profefleurs, les Maitres, les Minitlres de la Réligion, font la plupart retenus par leur intérêt perfonnel, & n'ofent ou ne veuient pas dire la Vérité , dans la crainte de déplaire a cette Maifon d'Orange, qui difpofe de toutes les places, & dont la colere eit fouvent plus re- dou-  «ïoatable,' que fa proteftion n'eft utile. Nouster- minerons aujourd'hui riotre converfation; j'ai quelques afi'aires importantes, qui ne me permettens pas de refter plus long - tems avec vous. T h e Ü d o r e. Permettez que je vous fa(Te encore une queftion avant de nous féparer. Pourquoi Maurice attaquoit il ainli les droits de la Province de Hollande? Eft ce que les Stadhouders ne jurent pas d'otK ferver les Articles de 1'Union d'Utrecht? Mr. Herman. Oui, fans doute, ils le jurent, & mêmed'employer leur autorité i les faire obferver, mais nous avons malheureufement des Princes pour Serviteurs, & nous éprouvons la vérité du Proverbe qui dit: que les lo'tx font des talles drAraignêe, qui retiennent les Moucherons, mais qui font brifées par les Guepes. M $ TROI-  ( 25 > TROISIEME SOIREE, Mr. Herman, Sop h ie, Theodore, Henri. Mr. Herman. Vous vous êtes afiez promenée aujourd'hui, ma ehere Sophie, allez tenir compagnie a votre Maman. S o p h i e. Oh! mon cher Papa, j'ai permiflïon de reter «vee vous, aufli loug-tems qu'il vous plaira. Mr. Herman. II faut que j'aie avec ton Frere & ton Coufin une converfation un peu longue, & qui t'ennuieroit certainernent. S o p h i *., Pourquoi donc, Papa ? vous m'avez quelquefois permis d'aTifter a ces converfations, & je ne •jn'y fuis jamais ennuyée. Mr. Herman. Je le crois, mon Enfant; nous ne parlions que ie PHi&oire anciennc ou de la Fable, ic ces entre-.  tretiens étoient amufans pour toi; mais depuis deux jours nous fommes devenus Politiques, & tu vois bien que les affaires d'Etat ne font pas fort intéreffantes pour un Enfant de douze ans. s o p h i e. Eh! mais, Papa, mon Frere n'en a que quinze, & mon Coufin tout au plus quatorze; la dür férence n'eft pas fi grande. Mr. Herman. D'accord: mais ils occuperont des places inte»dites a ton Sexe, & d'ailleurs ils pBt plus de raifon que les Enfans de leur age. Sophie. Fortbien, Papa, j'entends; & moi j'en aimoin* Mr. Herman. Non, ma Fille, je fuis trés content de ton intelligence, & pour ne pas humilier ton amoui propre, je confentirois volontiers a te permettre de refter avec nous, mais pour te mettre au fait il faudroit recommencer ce que nous avons déji dit. Sophie. Non, mon papa, je fuis au courant, mon ïre* re m'a prêté fon cahier d'extraits. Mi,  ■ .-Mr. Herman. Ahl puisque tu as réponfe a tout, refte dönc: a condition que tu nous feras part de tes réflexions, je ne veuX pas te priver du plaifir de nous les communiquer. Allons , mes Enfans, commencons. Henri. „ Les Imputations caLomnieufes, & les Libel„ les difTamatoires recommencerent contre Olden„ barneveld. La PrincefTe Douairière de Guillau>, me I: dit a quelqu'un qu'on avoit écrit de s, Bruxelles au Prince Maurice , qu'Oldenbarne„ veld avoit recu de 1'Efpagne des fommes confi„ dérables, & que le Prince n'en doutoit pas. „ Un certain Jean' Dankerts, autrefois Notaire a la Haye, demeurant alors a Amfterdam , & qui „ dans le tems de la Trève avoit obtenu fon par„ don, pour avoir compofé un Libelle, en pu,,'blift un autre qu'il figna, & dans lequel Olden■„ barneveld écoit menacé d'une procédure crimi„ nelle. On y lilbit qu'on étoit en état de prou„ ver. qu'il avoit recu 120,000 Ducats, & Uiten„, bogaart 80,000 florins en or, qu'on avoit vus „ dans fon coffre. „ L'Auteur de eet ecrit avoit pris la ftiite, dans if la craintc des pourfuifes du Fifcal de la Cour, m le recherchoit pour d'autrcs caufes. Olden,, barneveld cé:ïara en pleine Alfemblée , que •• i Of '* „ Dan-  '„ Dankerts étoit a Amfïerdam, & qu'il- falloit lg „ faire venir a la May?, pour donner les preuves. „ de fes accufations , puisqu'il s'étoit vanté de „ le pouvoir faire. II ajouta qu'Uitenbogaard. &; „ lui ctoit prèts de fe juüifier. On écrivk a la „ Régence d'Amfterdam., qui fit mettre 1'Ecrivain ,, aux arrêts, mais fans vouloir 1'envoyer a la „ Haye, fous prétexte, que les 'délits commis dans la Ville eevoient y ètre jugés par les ,, Echevins. On envoya donc a Amftcrdam le „ Fifcal Kinfchut avec le Libelle, pour interroger Dankerts, mais on ne jugea pas a propos de ,, le laiffer s'acquiter de fa miffion, comme il „ pcnfoit en avoir le droit. Dankerts refta aux ,, arrcts , jufqu'a 1'emprifonnement d'Oldenbarne,, veld. Enfuite il fut mis en liberté, & mème ., récompenfé, pour ce qu'il avoit fait, ou foufj, fert , quoiqu'on n'ait jamais chargé juridique„ ment Oldenbarneveld d'aucune des accufations, „ dont eet h'omme 1'avoit noirci. „ Ces ciloinnies trouvant du crédit dans le „ Peuple, Oldenbarneveld, par le Confeil de la „ PrincefTe Douairière écrivit, le 24. Avril iöi_8, „ une Lettre au Prince Maurice, dans* laquelle „ juftifiant fa conduite, il proteftoit de fon dé',, vouement aux intéréts de la Maifon de NaiTau. ,, II remit, en mème tems, un Mémoire aux i, Etats de Hollande. II y repréfentoit fes fervi- » cès  1, ces & fa conduite, depuis le moment, oü IJ „ étoit entré au fervice de 1'Etat, jufqu'a celui i, auquel il fe trouvoit. II prouvoit combien il „ avoit travailló pour entretenir la bóhne harmoh me entre le Prince & les Etats; il en appelloit ,, aux lettres qu'il avoit en main, pour marqué „ des fervices qu'il avoit rendus a la Maifon de „ NafTau. II déclaroit que jamais il n'avoit défi,, ré , ni recherché des préfens, mais qu'il en „ avoit recus pour récompenfe de fes fervices. ,, Tous fes biens, difoit-il, étoient légitimei, ment acquis, il offroit d'en laifier faire la re.„ cherche, fi les Etats le fouhaitoient. A 1'égard j, des accufations contenues dans les Libelles, il „ déclaroit que e'étoient des calomnies, dont la „ plupart des Membres de 1'AiTemblée connois„ foient la faufieté. Ce Mémoire fut imprimé, maïs en même „ tems fuivi d'un Libelle auonyme, qui fut jugé" „ fi calomnieux, que les Etats le défendirent, „ promettant cinq-cents florins de récompenfe a „ celui qui découvriroit 1'Auteur ou PImprimeur „ de eet ccrit. Ils déclarerent, en meme tems, „ qu'ils prenoient Oldenbarneveld fous leur fauve„ garde & proteaion fpéciale, pOur fes longs & fideles fervices. Cette Publication ne fut pas „ afïïchée dans Amfterdam, ni dans les Villes du j» même parti, ce qui encouragea les Ecrivains' „ Ano-  „ Anonymes. On fit même conrïr ie brult qufc „ Maurice avoit dit , qu'il réduiroii en pottdrt „ Oldenbarneveld & fes partifans ", S o p h i tt. Papa, qu'eft ce qu'un Libelle ? } Mr. Herman, C'eft un écrit qui attaque la réputatïon de quelqu'un, par des accufations calomnieufes. Ces infames productions font ordinairement 1'ouvrage de quelques miférables, qui vendent leur plume a qui veut les payer. De tout tems nos Princes. d'Orange ont employé ces honteux moyens, pour noircir aux yeux de la Nation les Citoyens vertueux, qu'ils vouloient perdre. Tu viens de voïr que Dankerts fut récompenfé pour avoir fervi la Vengeance de Maurice, & la fuite de notre Hiftoire te fournira plufieurs fois de pareils exemplesu S o p h i b. Mais, Papa, comment peut-on croire coupable une perfonne accufée fans preuves, ou qui offre, comme Oldenbarneveld, des preuves contre les accufations ? Mr. Herman. Tu ne fais pas, ma chere Enfant, que le Petrple ne raifonne presque jamais jufte; qu'il y a dan»  dans le ctóur humain un funefte penehant, qui iious porte a croire le mal de préférence au bieu. Tu ignores qu'un grand mérite excite totxjours la jaloufie, & que la perfécution eft tres fouvent le récompenfe des fuccès. 'D'ailleurs quiconqtie s'oppofe aux defieins ambitieux de la Maifon d'Orange, devient odieux a la partie ignorante, & la plus nombrenfe de notre Nation. Autrefois on i'accufoit d'ctre vendu a 1'Efpagne , ou de vouloir détruire la Réligion; aujourd'hui c'eft a la France, qu'on 1'accufe de vouloir livrer les intéréts de la Patrie; & ceux qui protégent les Ecrivains qui repasdent ces calomnies, vouloient • nous facrifier a 1'Angleterre, & nous uter jufqu'a .l'ompre de la Liberté. S .0 p ii i e. . Papa, je vous remercie de votre complaifance : j'ai interrompu la leclure, mais vous m'en avez donae la permiflion. •Mr. Herman. Oui, mon Enfant: a ton age on ne doit nédiger aucune occaflon de s'inftruire. Continuons. Henri. „ Les changemens opérés dans les Rég^nccs ^, des petites Villes donnoient lieu de craincfre, „ que le Prince n'eu't defiein d'en faire autant a „ Utrecht,  C 33 \ v Utrecht., ou il devoit bientót Venir. Le Secré-x traire L?denberg propofa de lui refufcr lentréé i, de la Ville, mais on n'ofa pas fuivre ce con„ feil, & le Prince y fut recu. II fe contents ,, cette fois d'avoir des conférentes fecrettes avec „ fes partifans, qui lui dohnoiené avis de tout ,. ce qui fe paffbit. Quelque tems après ïes Etats „ Généraux réfolurent d'envoyer a Utrecht une ,, Députation, dont Maurice feroit le Chef, pour „ déterminef les Etats a licencier les Milices i, Bourgcóifes, dont la levée paroiflbit au Prince' une rebel/ion ". Si je ne me trompe, mon Oncle, la rébellioni eft une révolte des fujets, contre les ordres ou' ï'autorité du Souverain. C'étoit donc a Maurice que le nom de rcbclle convenoit, puisqu'il refufoit d'obéir aux Etats de Hollande, & qu'il employoit même la force ouvefte, pour détruire 1'ef-' iet de leurs délibérations. Mr. Hekman.' Ta remarque eft fort jufte; mais nos Princes d'Orange ont toujours regardé comme un attentat la moindre oppofition a leurs voïontés : c'eft uu' mal de familie. Henri. „ Les Etats de Hollande nommerènt auffi des' /, Députés, au nombre desquels étoient Hógêr-  r $4 1 'p_S'eets & de óroot, fe ordonnerent au Coloneïdei „ Milices Bourgeoifes , en Garnifon a Utrecht , I de n'obéir qu'aux Etats de cette Pfovince , êc „ aux Députés qu'ils envoyoient. A peine ces „ Députés étoient arrivés, qu'ils furent fuivis „ de ceux des Etats Généraux, & du Prince, dont le but étoit d'obliger la Province d'Utrecht , a ücencier les Milices Bourgeoifes, & a confentir au Synode. De Groot & fes Collegues v allerent faluer Maurice, & lui dirent qu'ils „ étoient venus pour fe concilier avec les Etats1 3, d'Utrecht. Maurice leur répondit: On défendrd „ bien les Magijirats, mais il faut favoir auparaj, vant eomtnent ils fe cyiduirórtt. 11 y a des Gens » qui veulent introduire des nouveautés daus la Rej, ligion, tnepriver du Stadhoudérat & me chajftf „ du Pars 3 mais ?y faurai ritettre ordre. fai pour }, moi cinq Provincis & quelques Villes de Hollan» de qui tne foutiendront. Les Députés lui répon„ dirent, qu'ils ne connoiflbient perfonne qui eut „ formé le moindre defiein contraire a fes Digni„ tés; qu'on ctoit difpofé a reconnoitre fes fervi„ ces, autant qu'il feroit poflible; qu'a 1'égard des „ difficultés relatives a la Réligion, elles difpa„ roitroient bientót, en les terminant a 1'amiable ,, fans les foumettre a unjugement, ce qui fem- bloit trés aifé. . „ Maurice prétendit que la tenue du Synode 5» étoit iadifpenfable, & qu'il falloit abfolument  /, licencïef les Milices Bourgeoifes, p!üs dangerett. ,', fes, dit - il, que les Citadelles Efpagnoles. ïl j, ajouta qu'Oldenbarneveld étoit caüfe de tous „ les troubles, mais de Groot lui répenditque „ fi la mort enlevoit Oldenbarneveld, les autres i, Membres des Etats de Hollande n'en feroient S, pas moins leur devoir , & foütiendroient les „ Droits du Pays; que d'aillenfs les autres Pro„ vinces méprifoient celle de Hollande, & vouj, loient lui faire laïoi. Non , répliqua Maurice, „ c'eft Oldenbarneveld qui veut au contraire éga,, Ier la Hollande aux Etats Généraux. Aprèsf „ cette converfation les Députés de la Höllarfde, „ & une partie des Membres des Etats d'Utrecht, i, quitterent la Ville; Maurice auffitöt licencia les Milices Bourgeoifes, changea la Régence , i, 1'AfTemblée Provinciale, & priva de fon emploi „ le Secrétaire Ledenberg. Enfin , pour plaire au i, Prince, & faire évanouir tout foupcon dVpinia„ treté,' les Etats de Hollande confentirene wna„ nimémerit a licencier les Milices Bourge&ïfes,» „ & a la tenue du Synode , fous condition; qu<,, les diffcrends y feroient terminés a 1'amiable, „ & que les actes de ce Synode n'auroient de for- ce, qu'après 1'approbaticn de PAlfeinblée S*" •' veraine ", T h e « d o r k, Maurice fe plaignoit toujours, que les Etats ét e ?. Hol-  < 3< f Hollande Vouloient le priver de fes charges, <* le chaffer du Pays, & je ne vois pas, qu'on eut pris contre lui la moindre réfolution , quoique fa conduite le méritat bien. Wagenaar, au contraire, affure pofitivement que fes foupcons è eet égard étoient mal fondés. Qu'auroit-il donc fait s'ils avoient eu quelque apparence ? Mr. H e r m a n. II auroit fait comme notre Stadhouder aómel , qui prétend que les Etats de Hollande n'ont pas le droit de lui retirer le Commandement de la Haye & qui protefte contre la volonté de fes Maitres, les accufant de le priver fans caufe d'un droit inhérent a fa charge de Capitaine Général. Theodore. J'ai entendu, mon Pere, des perfonnes, qui pafient pour être au fait de la Confdtution de notre Pays, & qui foutiennent qu'efTectivement le Prince a le droit partout ou il fe trouve, de commander le Militaire. Mr. Herman. Ces perfonnes la, mon Ami, ne connoifTent ni notre Conftitution, ni les Droits de la Souveraineté. Tous les actes d'autorité appartiennent ex-' clufivement au Chef d'un Etat, dans le lieu de fa réüdence, c'eft uneregl« qui ne fouffre point d'ex- , C?P"  { sr } ception, & les ïtats de Hollande n'y ontjamai* formcllement dérogé. Si, par un excès de coraplaifance, ils ont accordé des prérogatives trop étendues a" nos Stadhouders, ils font Maitres de les en priver, quand elles font, ou qu'elles peuVent devenir dangereufes pour la fureté du Souverain, & les Droits de la Nation. Vouloir foutenir le contraire, c'eft fe refufer a 1'évidencc d'un principe fi fimple & fi clair, que je fuis perfuadc que ta Sceur en fent toute la force. Sophie. Oui, mon Papa, je comprends trés bien, que quelqu'un chargé de faire exécuter les ordres d'un Maitre , ne doit avoir aucnne autorité dans la maifon, ni dans la préfence de ce Maitre. Mr. Herman. Voila pourtant ce dont nos Princes n'ont jamais voulu convenir, & ce fut la jaloufie, qui arma Maurice contre Oldenbarneveld. T h e o d © r e. Oui, mon Pere, & Wagenaar en fait la remarque: „Maurice, dit-il, ne pouvoit pardonner i „ Oldenbarneveld d'avoir fait conclure la Trève „ malgré lui. Mème un jour il lui dit publique,. ment, Monfieur Sarneveld, je fuis aujft jalous „ de mon honnsur , que vous du vólre. Les difpu~ C 3 » t»s  „ tes de .Réligion lui parurent favorables, poua „ augmenter fon pouvoir, & d'ailleurs il foup„ connoit qu'on avoit le deffein de délicr les „ Troupes du ferment, qu'elles lui avoient prè„ té, comme Capitaïne Général ". Pourquoi donc , mon Pere, prcter un ferment particulier au Prince? je crois que les Troupes ne doivent prcter de ferment qu'aux Souvexains, qui les payent, & non pas ii 1'Officier, qui les commande, & qui lui - mème eft obligé d'obéir. Mr. Herman. Tu as raifon , mon Ami: mais c'eft encore un abus de notre Gouvernement; j'efpere qu'on ic, réformera. Continue. Theodore. „ La Députation des Etats de Hollande a U„ trecht augmenta la haine du Prince contre 01,, denbarneveld , & comme, de Groot Sc Hoger„ beets avoient été les Chefs de cette Députation,. „ il réfolut de les envelopper dans la mème pro„ fcription. Avant fon voyage a Utrecht, de „ Grooi avoit entendu murmurer, que Maurice M voulpit fe faifir de quelques Membres des Etats „ de Hollande, & les traduire en juftice. Mai.s „ O.ldenbaraeveld, a qui de Groot le comuuni« qua, ne put croire que Maurice perfiftat dans ce deffein, puisque les Etats de Hollande avoient „ li-  C S9 \ „ licencié les Milices Bourgeoifes, & confentf p k la tenue du Synode ". En effet Maurice devoit être content, on avoit fait ce qu'il vouloit: que lui fallok-il de plus? Mr. Herman. La mort'd'Oldenbarneveld, & le nom deTyran. C'en eft affez pour aujourd'hui, mes Enfans; il eft tems que Sophie aille retrouver fa Mere; da* main nous raiTemblerons. Sophie. Me permettejz-vous d'en être, Papa? Mr, Herman. Je le veux bien, ma Fille, mais tu pleurera» je t'en préviens. -4* $« ^ 4* 4* 4* 4* 41, 4* 41, 4- 4* 4* 4* 4* 4* 4MS* •^■^■^ QUATRIEME SOIREE. Mr. Hkrman, Sophie, Theodore Henri. Theodore. iMous vou» avons prié, mon Pere, de commencer aujowcTlnri notxe converfation. plutót qu'J C 4 Pos-  rordinaire, pour contenter ma Sceur qui voudroit bien favoir touf. ce qui a rapport a la trifte fin d'Oldenbarneveld. Mr. Herman. Je fuis bien aife de voir 1'intcrët qu'elle prend au fort de ce grand Hemme, & la complaifance que vous avez pour elie: ne la faites pas languir plus long-tems. Henri. „ Oldenbarneveld fut arrétc le 20. Aout 1618. „ Ia veille on vint 1'avertir 'du dariger qu'il cou,, roit; il fe contenta de remercier, & de dire: 3, ce font de mêchantes Qens. Le matin a 7 heu„ res Uitenbogaard vint le voir, & le trouvant ,, plus trifte qu'a 1'ordinaire, s'efforca de le confoler par 1'exemple de tant de grands Hommes, „ mal récompenfés des fervices qu'ils avoient ren„ dus a leur Patrie. Une demie heure après 01„ deubarneveld monta en Carqffe, pour aller a la , „ Cour ; a peine y entroit - il , qu'un Valet de „ Chambre du Prince vint lui dire que S. A. vou„ loit lui parler. II fe rendit a 1'appartement, „ qui fervoit ordinairement a leurs entretiens, „ mais on le conduifit dans un autre , ou Nythof, „ Lieutenant des Gardes du Corps du Prince, 1'ar„ rcta, par ordre des Etats Généraux, fans vou- ' „ loir lui permettre de parler a Maurice. De „ Grooc  14t i jj' Croot & Hogerbeets furent arrêtés 1'un aprïj „ 1'autre il devolt ayertir la Province de Hollande de ceO te réfolution, & même s'y oppofer. Mr. Herman. Sans doute, 1'Union d'Utrecht lui prefcrivoit cette conduite ; mais nos Princes n'y font jamais fideles, que pour leurs intéréts. Maurice la fit valoir, quand il fat queftion de la Trêve avec 1'Efpagne, mais il viola cette Union, pour perdre un homme qu'il ha'nToit. L'autorité des Stadhouders eft un des grands vices de notre Gouvernement. Voici, mes Enfans, ce qu'en penfe le célebre Abbé Raynal: ,, Le Stadhouder, dit-il dans fon feptieme Vo„ lume de 1'Hiftoire Philofophique & Politique, n'eft pas un Médiateur légal pour rétablir 1'U„ nion entre les Provinces. Chargé de terminer „ les querelles religieufes, ce Magiftrat a des lors „ une influence dangereufe ,' paree qu'il peut inv „ pliquer toutes les affaires de Réligion dans cel„ les d'Etat, & toutes les affaires d'Etat, dans „ celles de Réligion. Autorifé a décider fur les „ articles du Traité d'Union , quand il y a fcis„ fion ou partage, le pouvoir de finir la difcor„ de, lui donne la facilité de la fomentcr. Quel„ le carrière ouverte a fon ambition " ! Ce peu de mots fuffit pour indiquer la fource de nos malheurs , & la néceffité de borner 1'autorité des Stadhouders. Reprenonsi preftnt notre lecture. Hsv  I 43 1 Henri. „ Le mème jour les Etats Généraux envoyerent f> des Députés a. ceux de Hollandé, pour leur an„ noncer que 1'intérét de la Patrie les avoit obli„ gés de s'afiurer d'Oldenbarneveld & des deux „ aurres, comme de trois perfonnes dangereufes, ,, cui étoient les Chefs d'une Cabale dont le but „ étot d'introduire des changemens dans la Reli„ gion, & dans le Gouvernement; qu'on en dé„ couvriroit encore d'avantage, dans rinfiruclion „ de leur procés, & que les Etats de Hollande „ étoient priés de donner leur approbation a ce ., qui étoit fait. L'Ordre Equeftre & la Majorité ,, des Villes répondirent, que cette cntreprife étoit un attentat contre la Souveraineté, les „ Droits & la Liberté de la Province, & qu'il fal„ loit relacher a 1'inftant les Prifonniers. On fit „ favoir le meme chofe au Prince; en le priant „ de rendre juftice a la Hollande, comme fa pla,, ce de Stadhouder 1'y obligeoit. Maurice ré- pondit que les Prifonniers n'avoient point été ,, arrctés par fon ordre, mais par celui des Etats „ Généraux, qui fans-doute avoient eu des rai„ rons légitimes; qu'il ne vouloit point attaquer „ les Droits de la Hollande, & que c'étok a elle „ d'arranger ce différend. avec les États Généraux. „ Sur cette rtponfe on réfolut d'attendre la proj, chaine Affemblée, pour dsfendre les Droits dti „ Pays,  t 44 t „ Pays, & de demander qu'en attendant les Prl» „ fonniers fuffent bien traités. „ A la nouvelle de 1'emprifonnement d'Olden„ barneveld, fon Epoufe & fes Enfans furent plon„ gés dans la plus profonde trifteffe; Van der „ Myle & Veenhuizjen, fes Gendres, Membres de 1'Ordre Equeftre, & Groeneveld fon Fils ainé, „ prierent le Prince , de permett're que leur Pere , „ par égard pour fon grand age, reftat aux arréts „ dans fa maifon. Maurice leur répondit: cela „ re garde les Etats Généraux: il narrivera pas „ plus de mal & votre Pere , qu*& moi - même". Sophie. C'étoit un grand fourbe que ce Maurice : il favoit Srès bien ce qui arriveroit a ce Vieillard. Mr. Herman. Oui, mais avant de lever le masqué, il avoit encore une opération a faire, & dans ce moment il cherchoit a ratïurer les Enfans d'Oldenbarneveld dans la crainte qu'ils n'entrepriffent de délivrer leur Pere. Theodore. II avoit raifon de le craindre , car deux Membres de 1'Ordre Equeftee, van Schagen & van Asperen , pénétrerent jufqu' a la chambre, oii ce grand Homme étoit gard<é, & idemanderent qu'on le  t 45 ) ie déiivrSt. Le Prince fortit au brult, & ordonnÉ que les Gentilshomnws fuffent désarmés, & détenus jufqu'a ce que les Etats Généraux euffent décidé de la punition, que cette entreprife mérltoit. Henri. ,, Après la détention des trois Prifonniers, on „ fit paroitre une Publication, qui contenoit des „ accufations graves, rnais fans aucune preuvej „ cette Publication même, quoique débitée ehez „ PImprimeur des Etats Généraux , n'étoit munie „ d'aucune fignature. Elle fut fuivie de Libel„ les, de Vers & de Chanfons, oü les Prifonniers „ étoient accufés de trahifon, & de connivence avec 1'Efpagne ". Sophie. je ne fuis qu'un Enfant de douze ans, mais Q Pon accufoit quelqu'un devant moi, je demanderois des preuves , avant de le croire coupable. Mr. Herman. Tü fauras un jour, ma chere Fille, que la Populace n'eft pas capable de raifonner, & qu'elle croit toujours les importeurs, qui abufent de fon ignorance pour leurs intéréts. On peignoit alors le Prince comme le Défenfeur de la Réligion, & le Confervateur de la Liberté, on accufoit les Prifonniers de vouloir détruire Tuae & 1'autre, il r.'en  < 46 ) it'en falloit pas davantage, pour fafc'ïner les yeu* du gros de Ia Narion. On emploie encore aujourd'hui ces odieus moyens, pour noircir les Patri'otes, & des Miniftres gagés fonnent le toefin de la révolte , & crient en chaire : La Réligion ejl en danger, courez aux armes , & combattéz pour les intéréts. Henri. Ah! quelle horreur! il faut enfermer ces féditïeux dans une maifon de force, pour le refte de leurs jours. Mr. Herman. ils le mériteróient d'autant mieux , que les fourbes ne croient pas un mot de qu'ils difent, & que leur enthoufiasme mercénaire peut faire verfer des fiots de fang. Mais reprerrons le cours de notre récit. T h e ó d 0 r Ei t, Les Prifonniers refcerent pendant quelques fc femaines, fans être interrogcs. Le Prince dans eet intervalle fe fit autorifer par les Etats Gé,, néraux a changer la Régence , hors du tems i, ordinaire, dans plufieurs Villes de Ia Hollande. „ On s'attendoit d'autant moins a ce changement > i, que Maurice avoit- fujet d'ètre Content de la m complaifancc de ces Villes, qui avoient enfin con- „ fen--  t 47 I * „ fenti a liceneier les Milices, & 3 la tenue du », Synode. Cette réfolution fut prife' dans la „ crainte que la Majorité de la Province de Hol„ land n'obtint ce qu'elle demandoit au fujet des „ Prifonniers : elle vouloit qu'ils fuffent interro„ gés par 1'Affemblée Provinciale, & en préfence „ des Ambaffadeurs Etrangers, & que s'il étoit „ clairement prouvé qu'ils euffent traité avec „ 1'Efpagne, on leur fit fubir alors le fupplice , „ que méritent les traitres a la Patrie. Pour pré„ venir 1'effet d'une demande auffi juftc, les fix „ Villes du parti du Prince convinrent avec lui „ de changer extraordinairement la Régence ", S o p h i e. Combien y a t'il de Villes dans Ia Hollande, qui ont le droit d'envoyer des Députés a 1'AfTemblée Provinciale? Theodore, Dixhuit, & 1'Ordre des Nobles, ce qui com-i pofe dix neuf voix , qui décident, a la Pluralité, toutes les affaires de la Province, Sophie, Ainfi les fix Villes du Parti de Maurice ne pouvoientpas prendre une réfolution, ccntrela volonté des douze autres, & Ie Prince, en obéiffant a cette réfolution ,■ manqueit s foa deveir, a ce qu'il me' femble. MrV  C 4* #■ Mr. H e r m a N. ( Sans doute : mais pourquoi nous as- tu faié cette queftion! S 0 p h ï É. Papa, c'eft que je me fouviens d'avoir lil dans une Gazette, que le Stadhouder actuel prétend que les Etats n'ont pas eu le droit de le priver du Commendernent de la Haye, paree que cetté réfolution a été prife , a la Majorité d'nne feul'ë Voix. Mr. Herman. Eh bien, qu'en penfes-tu? Sophie. Que nos Princes n'ont jamais regardé comme légitimc, que ce qui leur étoit favorable. Mr. Herman. Tu as bien raifon, mori Enfant: continue, Théodore. Theodore. „ Maurice partit au commencement de Sep„ tembre pour faire ces changemens, & dans les „ petites Villes, il ne fe fit accompagncr que de „ fes Gardes-du- Corps, dont on avoit augme'ni, té le nombre depuis quelque tems, a caufe d'un' ,, bruit qui s'étoit réparidu, qu'on eh vouloit a „ fa vie ". J-'ar  ( 49 ) J'ai toujours cru, mon Pere, qu'il n'apparténoit qu'aux Souverains d'avoir des Gardes- du-Corps:■ pourquoi nos Stadhouders en ont ils ? Mr. Herman. Par une fuite de nos imprudentes complaifances pour eux. Theodore. „ Après cette opératio» Maurice re.vint a la ,, Haye, & les Etats de Hollande, presque entie„ rement compofés des Régens d'e fa facon, le ;, remercierent de la peine qu'il avoit prife, fc ,-, le prierent d'achever fon ouvrage. II repartic „ auffitót , & les Régences' furent changees dans „ toutes les Villes. On remarqua que les Ma„ gifcrats démis, étoient les plus zélés Défenfeurs ,-, de la Patrie , & du nombre de ceux qui avoient „ le plus fouffert dans les Sieges'de Haerlem, de,-, Leide & d'Alkmaar. Les Etats de Hollande eu„ rent encore la haffelle de remercier folemnelle„ ment le Prince, & de déclarer perturbateurs du ,, repos public, ceux qui refuferoient d'obéir aux ,, nouvealix-Magiftrats, donnant toute permilRon „ au Prince de prendre telles mefures , qu'il croi„ roit eonvenables pour le repos de 1'Etat ''. Henri. Je me ïouviens, mon Oracle, d'avoir lil dans D 1'His-  ( 5° > rHiftoire d'Angleterre, les moyens dont fe fervit Cromwel, pour faire conduire Charles I. fur l'Echaffand, & s'emparer enfuite de 1'autoritL. II me femble que ce Tyran imita en touc la conduite de Maurice. II affecla le plus grand zèle pour la Réligion; il fe fervit des troupes, dont il avoit le commandement en chef, pour faire réuslir fes projets ambitieux , & remplit le Parlement de fes créatures, pour faire condamner a mort fon Souverain. Mr. Herman. Je fuis bien aife de voir que tu profites de tes leétures, & la comparaifon que tu fais de Maurice & de Cromwel eli trés jufte. Theodoré. Je crois cependant, mon Pere, qu'il y a quelque différence, en ce que Cromwel fit comdamner fon Roi, & qu'Oldenbarneveld n'étoit pas le Souverain de Maurice. Mr. Herman. II ne 1'étoit pas perfonnellement; mais il étoit Membre de la Souveraineté, dont Maurice avoit juré d'exécuter les ordres: ni lui, ni les Etats Généraux ne pouvoient faire arrêter Oldenbarneveld, fans y ètre autorifés par les Etats de Hollande, fes feuls Juges légitimes. Que la Souve- rai-  ( 5i > MÏnetè rélide dans une feule perfonne,. ou dans plufleurs, les droits font les mêmes, & Maurice fut par conféquent auffi coupable que Cromwel. Fais nous part a préfent de tes recherches. Theodore. „ Enfin le 27. Septembre les interrogatoirës„ commencerent par celui de Hogerbeets , qui ré„ clama d'abórd fes Privileges de Hollandois & de „ Bourgeois de Leide , declarant ne vouloir- pas „ y déroger par fes réponfes. ■ Dans le mème „ tems Ledenberg.fut auffi interrogé'; il 1'avoit „ été auparavant a Utrecht, mais fes réponfes n'ayant pas alors paru fuffifantes, pour rendre Oldenbarneveld auffi criminel qu'on le délï„ roit, il fut appliqué a la queftion. On prétend „ que pour lui en faire avouer davantage a la „ Haye, il fut encore mis a la torture. Après „ que les Fifcaux van Leeuwen & Sylla furent „ fortis de'fa Chambre , Ledenberg fe mit en „ priere ; enfuite il donna a fon Fils une Lettre, „ écriteen Francois, avec ordre denel'ouvrir, que „ quand 'il entendroit quelque bruit pendant la ,, nuit. II n'arriva rien jufqu'au lendemain, 28. „ que le jeune homme entendant fon Pere pouffer' „ dans la nuit un cri percant fe leva, & demanda „ de lalumiere a la garde. On trouv.a le malheu„ reux Lédenberg nageant dans fon fang, & dé•) ja mort. II s'écoit coupé le cou avec un cou* D ai teau,  C 5* ) „ teau , après s'en ctre donné deux coups dans le „ ventre ". Sophie. Ah ! Papa, quel fpeètacle pour un Fils !' vous aviez raifon de me dire, que pleurerois. C'eft une chofe abominable de donner le torture i des Citoyens libres, pour leur faire avouer des. chofe s qu'ils n'ont pas faites ,• & les condamner enfuite. C'étoit fans doute 1'intention de ces Juges vendus a Maurice. Mr. Herman. II y entroit auffi de la vengeance perfonnelle: van Leeuwen croyoit avoir été démis de fa Place a Utrecht, par le confeil de Lédenberg. Ta réflexion n'en eft pas moins jufte , & la fuite de PHiftoire te le prouvera. Theodore. „ Les Amis de Lédenberg demanderent fon „ corps, pour lui rendre les derniers honneurs, „ mais le Prince étant abfent, on ne crut pas „ devoir y confentir ". S o p h 1 E. Mon Frere, vous nous avez dit que Ledenberg donna une Lettre ccrite en Francois, mais vous avez oublié fans doute de la placer dans votre ex- trait,  ( 5S ) trait, car vous n'en parlez pas. Je ferois bien curieufe de la connokre. Theodore. Je ne 1'ai pas lue paree qu'elle eft éerke dans le Francois de ce tems la, mais la voici : .'" i'X :>"•• l'i.'i'.lination eft de ftatuer en ma .. p.-rfnnnc i'cxemplc , me confronter avecq mes „ nïeilleurs «ruis . me torturer, après me con,. vaincre de comrariétez, & de faufietez, com1 (l 1 ct , ge arrès fur des poinfts & poin' • B 1« fentence ignominieufe, car • • Ünfi H feil* ?our juftifier la faififTement, „ & eisiprjfonnemcr.t. Pouréchaper tout cela, je „ ou u.v rcoi re j Dieu par plus court chemin i i i irt ne tombe fentence de con„ fiscation des biens." Sophie. Je vous remercie de votre Complaifance, mon Frere, vous excufez fans doute la Curiofité dans une fille. Theodorï. „ Après qu'Hogerbeets eut cté encore interro„ gé, de Groot le fut pour la première fois, le „ 3 Novembre ; le q les Etats de Hollande nom„ merent des Commiffaires, pour examiner les pri„ fonniers , &le 15 on interrogea pour la premieD 3 „te  ( *4 ) „ fe fois Oldenbarneveld , qui décïara que ce qu'il „ diroit ferviroit a foutenir les droits de fes Mai„ tres les Etats de Hollande & de Weftfrife; „ & que les Etats Généraux n'avoient pas celui ,, de le faire arrèter. Cet interrogatoii^ dura 20 „ jours , & fouvent il y eut deux Séances par jour; „ mais on ne trouve nullc part aucun eclaircifle„ ment fur les queftions faites a Oldenbarneveld, „ ni fur fes réponfes." Henri. Je penfe , mon Oncle, que les Etats Généraux ayant accufé les prifonniers de trahifon envers la Patrie , auroient du publier leurs interrogatoires, pour prouver qu'on les avoit foupconnés avec raifon, ou pour faire connoitre leur innocence. Mr. Herman. Sans doute c'étoit le devoir des Etats G:néraux; c'étoit celui de Maurice de le demander , en fa qualité de Stadhouder, qui 1'oblige de veiller a la confervation des Privileges de tous les habitans de la République, mais tu fais bien qu'il avoit d'avance tout concerté avec fes partifans, pour perdre les Prifonniers, & furtout Oldenbarneveld. Theodore. „ Après que ce grand homme eut été interrogé „ pour la première fois, ou lui öta tous fes pa- „ piers,  ( 55 ) i, piers , dont on lui rendit feulement enfuite une „ partie. Hogerbeets fubit le même fort, paroe ,, qu'on découvrit qu'il avoit fait paffer quelques „ avis au dehors. Trois des CommifTaires vinrent „ le trcuver, & lui demanderent quelles lettres U „ avoit écrites a Anvers, au mois de Mai de cet„ te année, & * qui ces lettres étoient adreffées? ,, il répondit qu'il n'avoit jamais écrit, ni envoyé „ aucune lettre en pays ennemi, a Anvers, ni ,, ailleurs: il fut encore interrogé , ainfl que de „ Groot, mais toutes les queftions, qu'on leur ,, faifoit n'avoient presque rapport qu'au Prince, „ & non pas aux intéréts du Pays." Sophie. Je ne m'.'tonne plus que mon Coufin ni vous n'ayez jamais rapporté aucune particularité de ces interrogatoires; j'avois envie de vous en demander la raifon , car j'aime a tout favoir. Theodore. Nous tacherons, ma Soeur, de vous contenter, en nous fatisfaifant nous - mêmes, car nous nous intéreffons.autant que vous au fort de ces illuftres prifonniers. Wagenaar nous dit que Louis XIII, Roi de France, fit demander aux Etats Généraux qu'il leur plüt de juger en peu de tems les prifonniers & furtout d'avoir égard au grand age , au mérite , & aux longs fervices d'Oldenbarneveld, D 4 la  ( 56 ) !a Réponfe des Etats Généraux fit connoitre qu'ils 'n'étöient pas difpofés a 1'indulgcnce. Le Synode fe tint a Dort, & la Doctrine que le prince n'aimoitpas fut condamnée : cette condaranation rendit Oldenbarneveld plus odieux au Peuple , & fit juger i Maurice , qu'il pouvoit fatisfaire fa vengeance. J'ai paffe legérenjent, ma Soeur, fur tout ce qui n'a pas un rapport direö avec nos prifonniers; nous voici maintenant a l'inftrucL'on du procés par les Juges, que les Etats G-néraux nommerent , & nous n'oublierons rien d'effentiel: je prierai mon Coufin devouloir bien me relaycf un peu. Henri. „ Le Prince après avoir changé les Régences fit „ dans 1'ordre Equeflre une augmentation de cinq „ membres, & dans le mois de Janvier 1619, on „ convint de nommer, pour 1'inftruction du pro„ cès des prifonniers , une Commiffion compofée de 24 Juges, dont 12 de la Province de Hollan„ dc, & 2 de chacune des autres Provinces. Les „ Itats Généraux dont ces Juges tenoient leur pou„ voir, exigerent d'eux le ferment de ne rien ré„ veler de ce qui fe pafferoit dans leur Tribunal, & promirent de les garantir de tout dommage „ ou reproche qu'ils pourroient effuyer, pourcau- fe de cette Commiffion." v Voila deux conditions qui devoknt empechcr tout  ( 57 ) tout honnète homme d'accepter une place parmi ces Juges. Theodore Notre Hiftorien remarque auffi que Maurice en changeant les Régences, ne mit en place que fes partifans, ou ceux que fes partifans lui indiquoient. D'ailleurs leTribunal^qui jugea les prifonniers etoit presque entierement compofé de leurs ennemis, & parconféquent les Juges n'étoient pas les plus honnètes gens de la Nation. Henri. „ Ljl Commiffion donnée a ces Juges les autorï„ foit a informer non feulement contre les trois ,, prifonniers, mais contre Moersbergen qu'on a„ voit arreté dans 1'Evêché de Munfter, &r con,, duit a la Haye. On devoit auffi faire le procés ,, au Corps de Ledenberg". Sophie. Comment, faire le procés a un mort! Eft ce que cela fe peut, Papa ? Mr. Herman. II y a des occafions ou la juftice fait exécuter une f;ntence contre le Corps d'un coupable déja jsondamne, ou conyaincu de crimes énormes. ©5 S o-  < 58 )' Sophie. Eh bien, Papa, Lédenberg ne me paroit pas avoir commis aucun crime de cette espece. Mr. Herman. Tu ne te fouviens donc pas qu'il avoit confeille de fermer a Maurice les portes d'Utrecht ? le Prince regardoit apparemment ce confeil comme un crime de Leze - Majefté. Henri. „ Hogerbeets comparut pour la première fois „ devant ce nouveau tribunal, a la fin de Février, „ & enfuite dans les premiers jours de Mars, & ne ,, fut interrogé que relativement, a la levée a 1'en„ treden des Milices , On avoit confeillé a de Groot „ de folliciter fon pardon, mais il s'y refufa coura„ geufement, & fut interrogé le 5 Mars. Avant „ de répondre il fit plufieurs remarques fur la „ compétence de ce tribunal, & prétendit que „ plufieurs Juges avoient un intéret particulier „ dans 1'affaire foumife a leur décifion, puisqu'ils „ avoient déja réfolu, contre la volonté des Etats ,, d'Utrecht, qu'il falloit licencier les Milices. II ajouta que quelques nns d'entre eux 1'avoient f, menacé plufieurs fois ainfi que les autres Pri„ fonniers". Mr.  ( *9 ) Mr. Herman. MesEnfans, les deuxremarques de de Groot fuffifent pour vous prouver que ce Tribunal ne fut érigé que pour fauver les apparences, & que les Prifonniers étoient condamnés avant d'avoir été etendus. Aucun Juge ne doit prononcer dans une caufe dont il a déja fait connoitre fon fentiment; & quand il eft ennemi déclaré des accuf''S, il eft obligé de fe récufer, c'cft-a-dire de ne point être du nombre des Juges. Et commentrépondit-onacesremarques. Henri. . Fort mal, a ce que je crois, mon Oncle : un des Juges dit a de Groot, qu'cn parlant ainfi c'étoi vouloir rendre fufpeéts plufieurs membres du Tribunal , & que d'ailleurs les menaces qu'on avoit pu lui faire n'étoient pas d'une fi dangereufe conféquence que la levée des Milices. Notre Auteur continue ainfi: „ Voici les principaux points de 1'interroga„ toire de de Groot: on lui demanda fi Oldenbar„ neveld ne lui avoit pas dit que le Prince, afpi„ roit a la Souveraineté, & qu'il falloit 1'en em„ pccher; fi lui même n'avoit jamais dit la même „ chofe du Prince? de Groot répondit a ces deux ,, queftions , „ aux Juges par 1'Epoufe & les Enfans d'Olden» „ barneveld , quoiquils les juftifiafTent fur les prin„ cipaux Chefs d'accufation. Oldenbarneveld, „ ayant comparu le premier mai devant le Tri„ bunal demanda la permiflion' d'êt're enfendu de „ nouveau' fur quelques points, nrais on la lui „ refufa. On le fit avertir fecrettement que fa „ Sèntence étoit déja portée, & que bientót elle ». fer°it pronohcée. En même tems le Comte „ Guillaume & le Fifeal Duik s'empl'oyerent au„ prés de Maurice pour fauver la vie a Oldenbar„ neveld; le Prince y confentit, mais a condition que les Parens de ce grand homme demandem roient grace pour lui," Henri. Maurice par cette réponfe tomboit en contradiftion avec lui'-même: il avoit toujours dit queles Prifonniers avoient été arrêtés par ordre des' Etats Généraux , il ne pouvóit dónc pas faire grace de fa propre autorité, ou c'étoit avouer qu'il étoit le véritable auteur de leur disgrace. Mr. H e r m a n'. Le feul büt de Maurice étoit de faire regarder les Prifonniers comme véritablement coupables, & un pardon demandé fiippofe toujours un crime E com-  ( 65 ); commis maïs nous allons voir qu'il fut trompé dans fon attente. Theodore. „ La Princefiè Douairière fit confeiller, fous „ main, aux Pareus d'Oldenbarneveld de deman„ der fa grace, mais il déclarerent qu'ils ne fe,, roient pas la moindre démarche a ce fujet,. „ quand mème Oldenbarneveld feroit condamné „ a perdre la tète. Le 12. Mai, au foir, les „ Fifcaux van Leeuwen & Sylla entrerent dans la „ Charnbre de ce refpeètable Vieillard & lui an,, noncerent, de la part des Etats Généraux & „ des Juges, que le lendemain il recevroit fa Sen„ tence de mort." „ A ces mots ce grand Homme s'écria: ma „ Sentence de mort! ma Sentence dc mort ? je ne „ liïy attendois pas; je croyois qu'on nfinterogcroit encore. Eafuite il demanda la permiffion d'écri„ re pour la derniere fois a fa femme; on la lui accorda. Le Minifixe Walams qu'on avoit fait ., venir de Dort pour aflifter Oldenbarneveld dans „ fes derniers momens, entra dans la Charnbre, ,, & s'entretint avec lui. Sur les dix heures du ,, foir Oldenbarveld pria le Miniftre d'aller trou„ ver Maurice de fa part & de lui dire : qi/il lui „ dèmandoit pardon s,il avoit commis quelque faute „ envers lui, & qu'il leprioit de protéger fes enfans. „ Walrus lui demanda fi par ce moe de pardon „ il  S entendoit Ia commutation de?Ia pclne dc „ mort: Après avoir réflechi quelques inftans, „ il rcpondit que fa priere au Prince he s'eten„ doit pas plus loin. Le Miniftre s'acquita de U „ Commiffion, & le Prince après l'avoir entendu „ lui répondit, les larmes aux yeux. Sophie. Les larmes aux ycux.' ah'. 1'hypocrke! Theodore, „ Le malheur d'Oldenbarneveld me touche fenfi. „ blement, je i>ai. toujours etbné ; Jouvent je l'ai „ averti de fe tonduire autrement, mais voyant „ qu'il cherchoit h introduire une nouvelle forme dg » Gouvernement, qui feroit funefle d PEglife & £ „ VEtat,j'ai été ob li gé da m'oppofer d fes projets. ,-, Mais je lui pardonne de bon cceur ce qu'il « fail „ contre moi, quoiqu'il ait voulu délier let Trou„ pes du ferment qu'elles me doivmt comme a leur Chef. U m>a caufi /e plus grand déplaijir ex ,, difant que fafpirois a la Souveraineté, & en m'ex„ pofant au danger que j'ai couru. a Utrecht. Je „ laiffe d votre prudence de lui faire connoitre, ou de „ lui taireceque je vieus de vous dire, car je veudrois » pouvoir lefauver: j'ai même demandé h fes Ju„ ges de ne point lui faire un crime de fes tntre„ prifes contre moi. A> l'égard de fes enfans, jg „ les pretégerai s'Us le niéritent." E 3 ?, Mau-  Mauricé rappella le Miniftre qui fortoit êe lut „ dit: ne demande -fil point fa gr ace? Walarus ré-. \ s, pondit qu'il n'avoit point compris que ce fut „ 1'intention d'Oldenbarveld, & revint rendre la „ réponfe du Prince au vieillard, qui dit qu'il ne „ fouhaitoit pas autre chofe pour fes enfans ; q.ue ,, Maurice fe trompoit en penfant qu'il derhan„ dat pardon pour lui mème; que depuis 1600. „ il avoit craint que le Prince n'afpirat a la Sóu„ verainetc, mais que dans 1'affaire d'Utrecht il „ n'avoit eu d'autre deffein que de prévcnir une „ fédition." Sophie. Je vous demande excufe , mon [Frere , de vous' avoir interrompu tout - a - 1'heure , mais je n'ai pu retenir mon premier movement. Mr. Herman. 11 eft bien pardonnable de n'être point familiarifé 5 ton age avec 1'hypocrifie, mais 1'expérience t'apprendra que c'eft le vice favori des Grands: la fuite de cette hiftoire t'en fournira plus d'un exemple. Henri, c'eft a toi de nous lire la trifte cataftrophe de cette fcène d'iniquité. Henri. „ Oldenbarneveld plus allarmé pour fes amis que pour lui - même, demanda fi de Groot „ & HogerbeeU étoient auffi condamnés a mort, ,3 on  ■■ „ on lui répondit qu'on n'en favolt rien. yeR „ ferois au dêfefpoir, dit is, ils font encore jeunts, is & peuvent être uiiles h leur Patrie. Les Juges „ affemblésdès cinq heures du matin, envoyerent „ chercher les Miniftres Wateus & Beyerus, & Oir jj denbarneveld fe leva tranquillement après avoir „ fait couper le haut de fa chemife par fon Do„ meftique. Son Epoufe & fes enfans qui avoient „ recu la veille les triftes adieux du malheureux „ vieillard, s'adreflerent aux Juges pour en obter „ nïr la permiflion de le voir pour la derniere fois. ,, Les Juges avoient fait demander a Oldenbarne„ veld s'il défuroit de voir fon époufe, fes enfans, & „ fes petits-enfans; il le refufa, ne fachant pas „ qu'ils en avoient follicité la permiffion, & les' „ Juges s'autoriferent de fa réponfe pour rejetter „ la prïere de fes Parens. La Princefle Douairière, „ apprenant la Sentence d'Oldenbarneveld tenta „ de le fauver, mais tout accès lui fut interdir. „ auprès de Maurice. 1'Ambaffadeur de France ne „ fut pas plus ccoutc des Etats Généraux, qui „ lui refuferent audience, & qui même ne firent „ aucune réponfe a une lettre qu'il leur écrivit „ pour obtenir que la Sentence de mort fut chan„ gée en un banniffement. Oldenbarneveld écrï„ vit encore a fa femme & a fes enfans, pour laus „ recommander Jean Franken fon Domeftique, w & les avertir de ce qu'il avoit écrit a Maurice. E 3 So«  t 7-a J r *". h Sro p ■ i e. ' Je vous remercie, mon coufin , d'avoir bus danÓ Votre extrait le nom de ce fidele Domeftique ; il mérite bien une place dans l'hifioire.. Pardonnez fi j'interromps toujours vos leémres. Mr. Herman. Ce n'eft point interrompre que de faire des réflexions auffi juftes. J'aime a voir que tu fais déja donner ton eftime a la vertu, fans te laiffer éblouir par Tcclat des titres. Oui, le valet d'Oldenbarneveld eft plus refpectable aux yeux de 1'honnête homme, que le perfecuteur de ce digne Patriote. Henri. „ Dès la pointe du jour la Cour ïntérieure , & s, 1'extérieure furent occupées par des Soldats ; i quatre heures on conftrufit Péchaffiut devant les fenêtres de la Grande Salie de la Cour in„ tcrieure. Avant huit heures le Mlniftre Wa,, laeus avertit Oldenbarneveld de fe préparer , „ mais comme il fe difpofoit h fe rendre devant „, fes Juges, on vint lui dire qu'il étoit trop tót; il retourna dans fa Ckanirbe, & lut encore en„, viron une demiheure dans fon Pfeautier Franje cais ? on le conduifit entre huit & neuf heures P, devant les vingt quatre juges, les trois Fifcaux, „ & le Grefiier qui lui lut fa Sentence. Elle étoit motivée fur fes aveux, & fur ce que les Juges h avoient  i 7i 3 4, avoient découvert de plus. . Voici les crimes qu'on lui imputoit." „ D'avoir fuggéré que chaque Province, fans le „ concours des autres, avoit le droit de régler ce „ qui regarde la Réligion, & d'avoir propofé,fans „ y ètre autorifé, le protèft des trois Provinces „ contre la tenue du Synode ; d'avoir demandé „ & obtenu des Lettres du Roi d'Angleterre , & ,, d'en avoir écrit au Roi de France , au nom des „ Etats Généraux ; d'avoir donné des chaires i ,, des Profeffeurs non-conformiftes." Que veut dire ce mot, mon Oncle? Mr. Herman. * 11 fert b défigner ceux qui font, d'un fentiment Oppofé a quelques points de la croyance adoptée par leur Eglife. Henri. „ La fentence condamnoit Oldenbarneveld pour „ avoir convoquc des affemblées particnlieres; „ pour ne s'être pas oppofé aux Edits rigoureus „ contre des vrais Réfbrmés, qu'il avoit nommé des Etrangers, des Puritains, des Seótaires Fla„ mahds ; on lui imputoit d'avoir tramé une li,, güe entre huit Villes de la Hollande, & d'ètre „ 1'Auteur de la Réfolution violente du 4 A01.lt „ 1617, qui avoit été caufe de la ievée des Mili„ ces; d'avoir envoyé des députés a la Brielle pour E 4 „ faire  < 72 ) fa/re préter un nouveau Serment a la Garnifog, „ On mettoit au nombre des crimes d'Oldenbar„ nevetf Ie confeil de lever des Milices dans la „ Ville d'Utrecht, 1'approbation d'un nouvelle „ patente pour cette troupe, qui 1'obligeoit a fer„ vir contre qui que ce fut; la connoifTance qu'il „ avoit eu d'une lettre envoyée a Utrecht pour „ demander au Prince de ne point entrer dans la Ville , & 1'avis qu'il avoit donné a Ledenberg „ dans un billet qu'il lui avoit recommandé de,, bruler, de veiller aux portes d'Utrecht, & fur „ les Troupes qui pouvoient venir de dehors. II ï, étoit encore accufé d'avoir travailler par le fe„ cours de Moersbergen & de van de Poll, a enj, trainer la Ville d'Utrecht dans la ligue des huit,, „ Villes de la Hollande; d'avoir confeillé de ne s, point donner Commiffion au Prince de li.cencier », les Milices a Utrecht; d'avoir feu & approuvé », ce qui s'étoit paffé dans les Maifons de Trefel j, & d'Uitenbogaard; d'avoir confenti que la Ville „ de Schoonhoven employat les deniers de Ia Province a la folde des Milices , & que d'autres „ Villes ayent donné leur approbation fous des „ conditions inufitées. De plus ou reprochoit a „ Oldenbarneveld d'avoir calomnié le Prince en „ difant qu'il afpiroit h la Souveraineté; d'avoir „ averci la Régence de Leyde du voyage que Mau„ rice avoit deffein d'y faire; de s'ètre montrc „ nïécontent de la conduite de ce Prince k la Brie-  ( 7J > m te, d'en avoir donné avis au confeil comité, & d'avoir confeillé aux autres Villes de fe tenir en „ garde contre de pareilles entreprifes". „ On lui reprochoit encore d'être 1'Auteur de „ 1'ordre que les troupes avoient recu de n'obéir qu'aux Etats qui les payoient, ou a ceux des „ Provincespu elles fe trouvoient en Garnifon, & de fervir contre les Etats Généraux & contre le „ Prince , d'avoir fait décider la Députation des „ Etats de Hollande auprès de ceux d'Utrecht ,, quand le Prince fe ren dit en cette Ville pour „ licencier les Milices, & d'avoir foutenu que cette démarche de Maurice étoit un acte de vio„ lence qu'on pouvoit repoufTer par la force". „ Enfin, pour derniers crimes, on 1'accufoit ,, d'avoir révélé les fecrets de 1'Etat; d'avoir di„ minué par fa propre autorité 1'union qui fert de „ fondement a 1'Etat, & d'avoir recu des préfens „ confidérables de quelques Puiflances Etrangeres, „ Princes & Affemblées, fans en avoir donné con„ noiffance, comme il y étoit obligé. Pour répa„ ration de tous ces crimes Oldenbarneveld fut ,, condamné d'avoir la téte tranchée, & tous fes „ biens furent confisqués". J'ai cru devoir transcrire en entier cette Sentence, qui me paroit, autant que j'en puis juger, ïie rien contenir qui mérite la mort. - . S S Mr.  < 74 > Mr. Herman. Voyons, mes enfans, quelles reflexlons Voüs avez faites fur cette Sentence, H e n r i, Je remarque d'abord, mon Oncle, qu'OldénbarneVeld n'avoit point été interrogé fur la plüpart des Chefs d'accufation énoncés dans la Sentence , & je crois qu'on ne peut condamner un accufé que fur fes aveux, ou fur dés preuves, quand il refufe d'avouer; & qu'il faut toujours lui donner connoiffance des crimes qu'on lui impute. Theodore. te penfe comme vous, mon Coufin, mais nous fte fomrnes pas d'un age a pouvoir prononcer fur une matiere fi difficile: je prierai donc mon Pere de nous apprendre comment on peut convaincre quelqu'un qui refufe d'avouer fes crimes. Mr. Herman. II faut les lui prouver par fes propres écrits, tra par le temoignage de plufieurs perfonnes irréprochables, c'eft - a-dke qui n'ayent aucun intérêt a le faire condamner. Après avoir recu les dépofitions de ces témoins , il faut les lire a 1'accufé, faire paroitre devant lui les témoins, afin qu'il puire les récufer, s'ils font connus pour être fes ennemit, paree qu'alorsleurtémoianage eft nul. Theo-  < w I Ï?obs n'avons point trouvé dans Wagenaar qn\m ait repréfenté a Oldenbarneveld aucun écrit, ni que des témoms aient été entenuas contre lui: il fut accufé d'avoir révélé les fecrets de 1'Etat, mais ön ne dit point quels étoient ces fecrets, ni i quelles perfonnes il les revela. On lui fit encore tin crime d'avoir recu des préfens de q-ielquesPuisfances étrangeres; <5c nous n'avons lu dans ftotre Hiftorien que les 20,000 florins donnés par Henri Quatre, & qu'Oldenbarneveld avoit avoués depuis longtems. Mr. Herman. Pour rendre ce grand Homme plus odieux au Peuple & diminuer 1'intérét. que fes fervices, fon grand age & fen fupplipe pouvoient infpirer, on eut foin de ne mettre f'nns la Sentence que ces termes vagues de PuiJJiwces Étrangeres, afin de fa-re croire qu'il avoit recu des préfens de 1'Efpagne pour livrer le Pays a Philippe. Sophie. S'il' m'eft permis de dire auffi mon fentiment, je crois qu'Oldenbarneveld fut eondamné s mort, pour avoir excité la jaloüfie des autres Frovinces en prenant les intéréts de celle de Hollande , & pour s'ctre oppofé avec un courage Patriotique aux entreprifes de Maurice , car je ne t-roave gueres que cela dans cette longue fentenee. Henri,  i 7« ï H e n r I. Votre remarque eft bien jufte, ma Coufine, mais rfcoutons notre Hiftorien: „ Oldenbarneveld pendant la lecture de la fen» tence fit paroitre plufieurs fois 1'envie de par„ Ier, mais il fut obligé d'attendre la fin de cet„ te lecture : alors il fe plaignk qu'on lui avoit „ imputé plus de chofes qu'il n'étoit poflible d'en „ recueillir de fes aveux ; il voulut auffi réclamer „ contre la confiscation de fes biens ; mais de „ Voogd un des Juges , lui dit; Votre fentence ejl „ lue; marchez, marchez." Mr. Herman, a Sophie qui fait un mouvement. Qu'as-tu donc, mafille?- Sophie. Je n'ai pfl. m'empêcher de frémir d'une fi grande cruauté. Quel étoit ce de Voogd ? Henri. Bourguemaitre d'Arnhem. Sophie. Ah ! je tremble pour nos amis de Hattem, fi tous les Régens de la Gueldre reffembleat a ce méchant homme. Continuez, s'il vous plait, mon Coufin. Henri,  Henri. s, Le digne Vieillard, s'appuyant fur facanne, „ marcha vers 1'échauffaut, & quand il y fut arri„ vé, levales yeux au ciel en difant: 6 mon Dieu, ,, qu'eji ce que P homme! il fe mit a genoux, & „ le. Miniflre Lamotius fit la priere qui dura prés „ d'un quart- d'heure , Oldenbarneveld parut en„ fuite reprendre fa fermeté, ota fes habits avec „ le fecours de fon domeftique, & dit aux Spe- ct,atcurs : Amis , ne croyez pas que j'ai trahi „ PEtat, pai vecu en homme (Phonneur , en bort Patriote , & je mourrai tel. II demanda fon „ bonnet de nuit, s'en couvrit les yeux, fe mit „ a gencux après avoir fait fa priere, & s'adres„ fant au Boureau lui dit: dépêche - tot, dépêche' t, toi. Enfin il joignit les mains, comme pour prier, & les approcha fi prés du fon col que le „ Bourreau en lui tranchant la tête lui coupa „ quelques morceaux des doigts. Plufieurs per„ fonnes trempefent leurs móucholrs dans le fang, „ qui jaillit de fon corps avec force ; d'autres em„ porterent du fable imbibé de fang, & le ven„ dirent; on coupa des morceaux de planch.es „ teintes de ce fang , pour les garder ou les ven„ dre ; les uns par amitié pour le refpeélable vieil„ lard, & d'autres par haine, ou par vengeance. „ De Groot écrivit & publia quelques années ,, après, que 1'ennemi d'Oldenbarneveld, c'eft-a- „ dire  ('78 y „ dire Maurice , avoit été préfent a fa mort. Le' „ corps fut enterré fecrettement la nuit fuivante. „ Ce grand homme étoit aeé de 71 ans, 7 m»is „ & 18 jours, quand il fubit cette rigoureufe fentence." Mr. H E R M A N. Vous pleurez tous , mes chers enfans, & j'ai peine a m'en défendre. Le fort de ce refpeftable vieillard, viétime de la vengeance'd'un Prince ambitieux & cruel doit pénétrer^ d'horreur & de pitié tous les vrais amis de la Patrie. Finiiïbns eet entreden, demainnous ferons plus en état de nos» occuper des fuites de cette fanglante exécution. C I N-  c 79 y CINQUIEME SOIREE. Mr. Herman, Sophie, Theodore, Henri. Mr. Herman. Je me reproxie, ma chere rille, la complaifance. que j'ai cue de vous permettre d'affifter a notre converfation d'liier; depuis vous n'avez cefTé de foupirer & vos yeux fe rempliffent de larmes & chaque inftant, je ne blame pas votre fenfibilité , mais il faut apprendre a la renfermer dans de juftes bornes. Sophie. J'ai fait mon pofïible, Papa, pour retenir mes larmes, mais je n'en ai pas été la maitrefie. Je me repréfente toujours ce digne vieillard perdant la vie fur un échaffait, pour avoir défendu les droits de fon Pays contre les entreprifes d'un Prince ambitieux, qui fut affez cruel pour être témoia d'un fupplice qu'il avoit fait ordonner. Theodore. Quoique nous n'ayons pas autant pleuré que vous, ma Soeur, nous n'oublierons jamais 1'imprefïïon que la un déplorable de ce grand homme a  < 8cr > a fake fur nous, je vais a préfent reprendre le cours de nos extraits. „ Les Etats Généraux envoyerent a chaque Pro„ vincc Ia Sentence d'Oldenbarneveld; ils' la firent „ auffi parvenir au Roi de France avec une lettre „ dans laquelle ils imputoient a ce vieillard' des „ crimes impardonnables , dont il n'étoit pas par„ lé dans la Sentence. Après le fupplice d'Olden„ barneveld 1'échaffaut refta dreffé pendant quel„ ques jours, & les Parens de De Groot & de Ho-' „ gerbeet's furent follicités fecrettement de de„ mander grace pour eux. Trois Juges allerent „ trouver le dernier & lui confeillerent de deman„ der grace lui-même, ou de la faire demander „ par fes Parens, mais il refufa courageufement „ 1'un & 1'autre. En fortant les Juges lui dirent r „ Ek bien il vous en arrivera autant qu'a Barne„, veld; Péchaffaut eft encare dreffé. 1'EpOufe de „ De Groot fut engagée de la part d'une perfonne „ du plus haut rang de demander la grace de fon „ Mari, mais elle rejetta brusquement ce Confeil „ en difant: je n'eii ferai rien; til le mérite qifon lui tranche la téte." Sophie. VoilA une belle réponfe ; mais je ne fais pas fi j'auróis autant de courage en pareille occafion. Mr. H e r-  ( 81 ) Mr. Herman. J'efpere que tu ne te trouveras jamais dans une fi cruelle fituation; mais, a tout événement, fouviens - toi de ce beau vers d'un Poëte francais : Le crime fait la honte, & non pas Péchaffaut. Theodore. „ Avant de décider du fort de ces deux prifon„ niers on fit le procés au corps de Ledenberg, „ qui fut trainé fur la claie, pendu hors des pór- tes , <5c fes biens furent confifqués." Je m'attendois bien qu'on ne lui pardonneroic pas, mcme après fa mort, d'avoir confeillé de refufer a Maurice 1'entrée d'Utrecht. Henri. Pourquoi donc, mon Oncle, toutes ces Sent^ices ordonnent-elles la confifcation des biens? ' Mr. Herman. Maurice ne pouvant faire condamner auffi les Parens, vouloit au moins les ruiner. Theodore. „ De Groot avoit entendu, de fa charnbre, lire „ cette Sentence & celle d'Oldenbarneveld; Ho„ gerbeets en avoit auffi connoiffance & tous deux „ s'attendoient a une Sentence de mort. Enfin le „ ii. Mai, ils furent conduits devant les Juges, f ,; sc  '( "82;) & condamrlés a un banniffcment perpétuel, & . „ a la confifcation de leurs biens. On leurper„ mit de recevoir les vifites de leurs Parens, & „ ils furent conduits a Loeveftein , qui depuis a „ fervi plufieurs fois de Prifon d'Etat.' Moersbergen, „ effrayé par la Vue de Péchaffaut qui refla dres„ fé pendant dix jours, & vaincu par les Sollici„ tations de fa Femme & de fes Parens demanda „ fa grace : elïe lui fut accordce mais fous la con„ dition fecrette de fortir du Pays, jnsqu'a ce „ qu'il eut pcrmiffidh d'y revenir. De Haan, an„ cien Penfionnaire de Haerlem, & Uitenbogaard „ qui avoient pris la fuite, furent condamncs' au „ banniffement, Pun pour 15. ans , avec cofi„ fifcation de la moitié de fes biens; & 1'autre a „ perpetuité, maas fes biens furent entierement „ confifqués, quoiqu'il ne fut accufé d'aucun -cri- me dans la Sentence. Trefel dont la Maifon „ avoit fervi a des conférences fufpeftes au Prin„ ce, fut banni pour deux ans, & condamne a „ une amende de 2000. florins, fans lui avoir im„ putr. aucun crime dans la Sentence. „ C'eft ainfi que ce fameux Tribunal finit fes „ Opdrations, qui couterent a 1'Etat plus de 70,000. „ florins, chaque Juge recut 2400. florins de la „ caifïe des Etats Généraux, & 150. de la caiut „ particuliere de chaque Province. Les Fifcaux. „ le Greffier Pots, Nythof, Lieutenant des Gar» des du Prince, le Provoft Charles Nys, & tous „ ceux  ,( ?3 ) ceux qui avoient été employés dans ce Procés", it furent recompenfés, & obtinrent des places lu„ cratives. Quinzc jours après la mort d'Olden„ barneveld on accorda 40,000. florins au Comte „ Erneft Cafimir de NafTaü, pour de certains Ser„ v.ces qu'il a/oit rendus, vraifemblablement a ,, roeeaiion des changemens falts d«ns la Régen,, ce d'Utrecht." Henri. Je ne m'ctonne pais qu'il fe trouve toujours des perfonnes difpofécs a fervir les pailions des Princes; on leur donne des récompenfes, & les foutiéns de la Patrie font punis de leur zèle. II faut avoir 1'ame bien noble pour réfifter a 1'envie de s'enrichir fi facilement, & pour b'exppfer au dangcr de perdre la vic en defendant les dio.ts de fon Pays. Mr. Herman. Tu as raifon > mon Ami, mais la mémoire du Patriote perfécuté, banni, chargé de chajnes, &t trainé fur un échaflaut, obtient le refpect. & 1'amour de la Poftérité ; au lieu que le hom d'un' Traitre PuifTant ou riche, eft en horreur aux races' futures. Q-iel hónncte homme pourroit héfiter' fur le choix ? Sophie. Voulez-vous bien , mon Frerè', nous apprenÉre corumcnt. Maurice fe conduifit envers les enF 2 f*u*  t B4 5 fans d'Oldenbarneveld j je me fouviens qu'il proOüt de les protéger, s'ils le méritoient, mais je crains qu'il n'ait pas tenu fa parole. Theodore. Voici ce que Wagenaar en dit: „ Après qu'on eut chaffé de leurs places les Mi,, niftres & les Profeffieurs qui avoient- embraffé „ les opinions d'Arminius, & qu'on en eut banni „ un grand nombre j 1'Ordre Equeftre de la Hol„ lande réfolut, a la pluralité des voix, de ne „ plus reconnoitre pour membres Veenhuizen & „ van der.Myle, Gendres d'Oldenbarneveld. Ge „ dernier qui, après avoir paffé quelques mois en „ Franee, étoit revenu a la Haye , fut banni pour „ avoir écrit quelques lettres dans lesquelles on „ prétendoit qu'il avoit mal parlé du' Gouverne„ ment aauel .& du Prince. Le Confeil comité „ propofa a Maurice s'il n'étoit pas a propos de „ priver Renier d'Oldenbarneveld, Seigneur de Groe„ neveld , fils ainé du Defunt , de fa place de „ Lieutenant-Foreftier, mais le Prince n'y con„■ fentit- que 1'Eté fuivant, quand Grbeneveld fut „ auffi privé de fa charge d'Infpecteur des digues .., du Pays de Delft. Son Frere Guillaume, Seig„ neur de Stoutenburg , perdit auffi le Gouver„ nement de Bergcn-op-Zoom."' «So-  S o r h i ï, Avois-je tort de me défier de Ia bonne foi de Maurice ? mais en perfécutant ainfi les enfans d'Oldenbarneveld , fans qu'ils 1'euuent mérité, je crois qu'il s'expofoit a leur Vengeance. H E n r la Sans un coup du hazard il auroit été la victime d'une confpiration tramée contre lui par les deux Freres, quatre ans après la mort de leur Pere; je vais en rapporter, de mémoire, les principa-les circonftances. Stoutenburg concut le projet de venger fon Pere & fa familie, il détermina fon Frere a partager ce reffentiment, & tous deux trouverent des complices qu'ils corrompirent, les uns.par des promefles, les autres par argent. Déja le jour étoit pris pour affaffiner le Prince; on avoit apporté dans un coffre des armes, pour les diftribuer. aux conjurés, lorsque quatre Matelots allerent a Ryswyk demander audience a Maurice & lui donnerent avis qu'ils avoient recu de 1'argent pour fervir dans une entreprife qu'on leur avoit dit devoir ètre utile a 1'Etat & lui demanderent' s'il en étoit informé. Maurice leur ayant répondu qu'il 1'ignoroit, ils lui dirent en quelles Auberges de la Haye on pouvoit trouver ceux qui avoient-le fecret du complot, presque tous furent arrètés, en F 3 dif-  l8ifFefens endro't?; Riantenburg', apr' Mr. Herman. Oui, rnön Enfant, a 1'exemple de Mkhridate je me familiarife avec les poifons, pour n'en pas craindre 1'effet. Henri. i „ Maurice ne vécut pas longtems aprcs le fup „ plice d'Oldenbarneveld, une Maladie 1'emporta „ en 1625. & Wagenaar remarque que fa cruaut-c „ envers ce refpeftable Vieillard , ternk aux yeux „ de Us Contemporains , & de la Pofterité , 1'é.clat „ de fes grands Exploits Militaires ". Sophie. .Vous m'avez permis, Papa, d'aflifter a vos entretiens, tc d'y mêler mes remarques; mais. j'ai encore une grace a vous demander. Mr. H e r m a n. Quelle eft cette grace? Sophie. Mon Coufm & mon Frere ne fe font occupés qut de leur Sexe, & n'ont dit que peu de chofe de 1'Epoufe de de Groot: il me fcinble que la maniere dont elle délivra fon Mari, merite bien un extrait, & je 1'ai fait. Voulez Vous me permettre de le lire? Mr.  ( pi >: Mr. Herman, yolontiers. Sophie. . „ La Femme de de Groot & de Hcgerbeets „avoient obtenu la permiirion de s'enfermer h „Loeveftein avec leurs Maris, mais on leur lais„ foit la liberté de fortir, pour acheter ce qui „ étoit nécefTaire pour leur nourriture. Eües al,, loient fouvent a Gorcum chez Abraham Daatfe„ laar, Marchand de Toile. La Femme ce ITo„ gerbeets mourut au mois d'Ocrobrc 1620. & ,, Marce Reigersbergen, Epoufe de de Groot, en„ tretint 1'amitié de ce Marchand. C'étoit chez „ lui qu'on dépofoit tout ce que de Grcot rece„ voit de la Hollande, & tout ce qu'il y envoyoit. „ Quelques amis lui avoient fouvent prcté des. li„ vres enfermés, dans un grand coffre, que le „ Commandant du Chateau fit dans les commen,, cemens yifiter avec beaucoup de foin; miis ,, voyant que ce coffre ne contenoit que des li,, vv".s , il le Jaifipit fortir & rcntrer fans le vifiter. ,, La femme de de Groot concut le projet de fai,, re fauver fon mari dans ce coffre; elle le fit ap„ porter dans le cabinet oii il écrivoit, k il effaya ,, plufieurs fois 'sil pourroit s'y renfermer, & com ,, bien de tems il y pourroit refter. On choifit un „ jour que le Commandant étoit allé a Heusden: ,, la  f 92 ) „ ïa Femme de de Groot demanda la permisfion " df rewoy"le coffre, rempli de livres Armi„ mens, qu'on avoit prètis s fon Mari. Dès le „ pomt du jour, après une priere fervente de „ Groot fe mit dans le coffre ; les Soldats .qui le » portoientfe plaigriirent de fa pcfanteur , de„ mandant s'il y avoit un Arminien dedans : la „ Femme de de Groot leur répondit, que c'étoient „ des livres Arminiens. coffre fut porté au ,, biteau, & la Servante dé de Groot, EUzabeth van Houwening, qui étoit dans le fecret, eut „ foin du coffre, pendant le voyage , & le fit'por„ ter dans la maifon de Daatfelaar. De Groot déguifé en Macon, fortit de Gorcum, & i0Ua " une voiture, qui le conduifit a Anvers. Le „ Commandant de Loeveftein, revenu de Heus„ den, & ne voyant point de Iwmiere dans Ia charnbre de de Groot, concut quelque foupcon, „ k découvrit la maniere dont fon Prifonnier „ s'étoit échappé; il courut 1 Gorcum, fit per„ quifition dans la maifon du Marchand, mais il „ ne trouva que le coffre. La femme de de Groot „ refta quelque tems a Loeveftein , mais on lui „ rendit fa libertc; elle fut, au mois de Septem„ bre 1621. rejoindre a Paris fon Epoux ". Etes-vous contente de ce que j'ai lu, Papa? ne vous ai-je point ennuyé? Ui  ( 9S 3 Mr. Herman. Non , mon enfant; je fuis au contraire charmé de voir que^tu diftingues les actións qui méritent de reRer dans la mémoire. Quand tu trouveras quelque trait qui te paroitra intéreffant, je t'invite a nous en faire part. Nous te laifferons aujourd'hui 1'honneur de finir la féance, elle ne peut étre mieux terinmée que par le récit d'une aaion auiïï courageufe, & qui fait fi bien 1'éloge de toi» Sexe. S I X I E M E SOIREE. Mr. Herman, Sophie , Theodore, Henri. Theodore, Wous n'avous pas cru, mon Pere, devoir nous occupcr du Prince Fréderk Henri, Suceefleur de Maurice , & le Second Stadhouder des Etats. Ce Prince ne véeut pas cependant toujours en bonne' intelligénce avec la Province de Hollande, qui fupportaut les plus fortes dépenfes de la République demandoit une diminution dans les Troupes,' pen-  ( 94 ) pendant que Frédéric vouloit ou les conferver fur le mème pied , ou mème les augmenter. Nous avons donc paffé fur ces querelles qui n'eurent pas de fuites facheufes, & nous en fommes venus aux entreprifes de Guillaume II, qui nous orit paru violentes & tyranniques. Mr. Herman. Vous avez tr-s bien fait, mes enfans, de ne po:nt vous -carter du plan que je vous ai tracé, il fuflira pour votre infiruction , Sc pour vous convaincre du Syftcme d'opprefiion conftamment fuivi jusqu'a préfent par nos Princes d'Orange. Thewdore. . j, Le jeune Stadhouder n'ignoröit pas la réfi„ ftance que les Etats de Hollande, & furtout la „ Ville d'Amfterdam avoient oppofée aux volon„ tés de fon Pere, au fujet de 1'entretien des Trou,, pes , & réfolut de tout mettra en ufage pour „ qu'on n'en diminudt pas le nombre , fans le ,, confentement des Etats Généraux , dont il étoit afiuré de pouvoir difpofer. Henri. J'ai déja eu, mon Oncle, plufieurs fois envie de vous demander pourquoi les Etats Généraux font presque toujours d'un avis contraire a celui de la Hollande. Voudriez-vcus bien nous en dire la raifon. Mr.  < 95 ): Mr.' Herman. Cette oppofition vïent de la jaloufie que les ri*heffes de la Hollande infpirent aux autres Provinces, Sc nos Stadhouders entretiennent ce fen timent fi favorable a leurs intéréts ; ils ne ceflent de dire, ou de faire dire par leurs créatures, que la Hollande veut impofer des Loix aux Confédérés, & détruire , par fa prépondérance, 1'égalité qui doit ètre le fondement de 1'Union. B j k t li Je crois pourtant que la Hollande, fans détruire 1'égalité, doit avoir le droit fe s'oppofer a des dépenfes inutiles, pu's qu'elle feule paye plus de la moitié des charges d'iïtat. , Mr. Herman. Sans doute, mais dans cette occafion les autres Proyinces furent d'un avis contraire au lien, Sc nommereut une députation , pour aller avec le Prince dans les Villes de la Hollande, afin de les engager a ne pas confentir i licencier les Troupes a la Solde de la Province. Théodore va nous apprendre quel fuccès & cuelles fuites eut cette députation. Theodore. ' „ Elle fe rendit d'abord a Dort, Sc ne réufiïtpas ,, a faire changer de fentiment * la Régence de „ eet-  ( 9* ) „ cette Ville. Celle d'Amfterdam envoya deux de „ fes Bourguemaitres en députation au Prince, „ qu'ils trouverent a Gorcum , & qu'ils prierent' „ de s'épargner la peine de venir dans leur Vil„ le , par ce qu'on avoit réfolu de ne pas 1'y re„ cevoir, s'il étoit accompagné des Députés des „ Etats Généraux: le Prince continua cependant „ fa route; dans quelques Villes on écouta la pro„ pofitioil de ces députés, fans y répondre favo„ rablement , dans d'autres on refufa mème de „ les entendre. Le confeil d'Amfterdam voyant „ que la députation s'approchoit de la Ville, ré_,, folut d'envoyer au devant du Prince un ancien „ Bourguemaitre,le Préfident du College desEche„ vins, & un Secrétaire. Ils trouverent Guillau„ me a Edam, & lui dirent que s'il vouloit entrer „ dans Amfterdam , comme Stadhouder de Hol,, lande, il y feroit recu avec tous les égards qui „ lui étoient dus; il répondit qu'il yviendroitavec „ la Députation, & revètu de toutes fes qualités. „ II entra donc dans la Ville, & demanda fur le t» chamP, ainfi que les autres Députés d'ètre ad„ mis dans le Confeil-de-Ville , mais les Bour„ g'uemaitres refuferent de le convoquer. Le Prin„ cc alors demanda qu'on 1'entendit en fa qualité „ de Stadhouder, mais ayant en mème tems dé,, claré, qu'il vouloit aufii paroitre dans le Conè feil comme Député des Etats Généraux, on rc„ fufa fa demande." 7e  ( 97 > Je crois , mon Pere , que la conduite que tint Ainfterdam dans cette circonftance, devroit fervir de modele a toutes les Villes de notre République, quand les Stadhouders veulent nous obliger a fuivre leurs volontés. Mr. Herman. Oui , mon Ami < un refus courageux eft fans doute le meilleur moyen, mais il faudroit un accord unanime , & malheureufement 1'intcrêt perfonnel fait trop fouvent pencher la balance en faveur de celui qui nomme aux places lucratives, tant que eet abus fubfiftera chez nous, 1'influence des Stadhouders y fera toujorus fatale a la Libert?. Theodore. La Députation revint a la Haye, & le Prince „ trois jours après parut dars - 1'AfTemblée des „ Etats de Hollande. II fe plaignit de la Régence „ d'Amfterdam qui lui avoit refufé 1'entrée de la „ Ville , & même de 1'entendre en qualité de „ Stadhouder de la Province, & demanda que le „ Confeil de cette Ville lui fit une réparation pro- portionnée a 1'offenfe qu'il en avoit recue." „ La Régence d'Amfterdam , juftement irritée „ que le Prince eut fait imprimcr 3t diftribuer cet„ te plainte , témoigna combien elle étoit fur- prife Zc mécontente qu'on eüt permis la publi.., cation d'unc chofe qui devoit refter fecrete, Sc Q „ que  C 9& ) que le Prince ne fe plaignit qnë d'Amfterdam, „ puis qu'il avoit déclaré dans 1'afTemblée des „ Etats Généraux que plufieurs autres Villes avoient „ réfufé d'entendre les Députés. Cette Régence repréfentoit encore que le Prince étoit entré ,, dans leur Ville avec une Députation, envoyée ,, par les Etats Généraux, contre le fentiment „ des Députés de la Hollande, & deftinée a s'oppofer aux réfolutions' des Etats, Souverains de cette Province; que le refus d'écouter le Prince „ ne portoit aucune atteinte au refpeét qui lui „ étoit du, mais qu'on n'avoit pas pu le recon„ noitre comme Député des Etats Généraux, „ fans la permiffton de ceux de Hollande ; & que „ d'ailleurs on ne pouvoit pas approuver que le Stadhouder prit la liberté d'aller de Ville en „ Ville, fans y cttre autorifi par les Etats, dont „ il tenoit fon pouvoir, menacer les Régences, „ & vouloir les contraindre d'annuller des réfolu„ tions prifes dans 1'Affemblée Souveraine. La „ Régence finiffoit en difant que dans tous les „ cas une femblable Députation doit être envoyée „ aux Bourgueniaitres qui jugent alors s'il faut „ convoquer le Confeil ; que c'étoit ainfi que „ s'étoient conduits en 1639. les Régens d'Am„ fterdam, & qu'ils avoient été approuvés par v, les Etats de Hollande ". Hs x-  C 99 ) Henri. Voila le vrai langage des Régens d'un Peuple. libre ; je crois être préfent a quelque déliberation du Sénat Romain. Mr. Hermak. Tu les aimes beaucoup ces Sénateurs Romains , mais ils devinrent efclaves quand 1'amour des richefTes les eut corrompus. La Liberté n'habite point dans des ames vénales& nos Princes n'ont, jamais négligi d'employcr tous les moyens de féduction, pour fe faire des partifans. Theodore. „ La juftification-de la Régence d'Amfterdam. fut appouvée des Etats de Hollande, qui firent „ imprimer auffi la réfutation de ce que les „' Députés' des Etats Généraux avoient avancé „ dans leur propofition, en difant que la.Reli„ gion étoh'en danger, fi le projet de la Eollan„ de réuffifloit-Zcomme fi la réforme des troupes „ avoit rapport avec le eulte. Cependant quel ■ „ ques Miniftres fe déclarerent publiquement con„ tre laconduite des Etats de Hollande: un certain „ Jacques Stermon ofa fe plandre en cbaire a la „ Haye , de ceux qui payoient d'ingratitude le cou„ rage d'un Héros. Cette infolence fut punie „ par ordre des Etats ". G 2 S o-  ( lö« ) Sophie. Je fuis toujours révoltée de voir les Minifires de la Réligion excicer le peuple a la révolte contre le Souverain, & cela pour ibutenir les rrétentions des Stadhouders. Mr. Herman. Je t'en ai deja dit les raifons, mon Knfmt; fouviens-roi que la profeffion la plus refpectable ne met pas ceax qui 1'exercent a 1'abri de la cupidité. Le feul moyen d'impofer -filence a ces Minjftres féditieux, c'eft de les punir avec la plus grande févérité, quand ils abufent de la crédulité du Peuple : deux ou trois exemples fuffiroient pour les retenir dans le devoir. Theodore. „ Les Etats de Hollande envoyerent une lettre circulaire aux autres Provinces, relativement a „ leur projet de réforme dans les Troupes a leur „ Solde. Pendant qu'on attendoit une réponfe a cette letrre, & avant qu'on put favoir quel „ effet elle produiroit, Guillaume , excité par „ quelques uns de fes partifans, prit une réfolu„ tion, qui pouvoit entrainer la perte de 1'Etat. „ II entreprit de faire arrèter fix Membres des „ Etats de Hollande, pendant la Séance de 1'As,, femblée, & de s'emparer d'Amfterdam par fur„ prife, fans avoir I'aveu des Etats ". Je  ( 101 ) Je remarque que 1'audace de nos Stadhouders va toujours en augmentant: Maurice fe fervit au moins du nom des Etats Généraux. Mr. Herman. Si Maurice avoit été puni , Guillaume fe fut montré moins téméfaire; mais on a toujours remercié nos Princes du mal qu'ils nous ont fait. Theodore. „ Le Samedi 13. Juillet 175°- ? huit heures du ffiatin, le Prince fit avertir Jacquet, de Win, Ancien Bourgemaitre de Dort, & Membre du „ Confeil-Comité, de venir lui parler avant de, „ fe , rendre a 1'Afiemblée. C'étoit 1'ufage que „ les Stadhouders propofaffent avant la tenue de . 1'Aflembl e ce qu'ils fouhaitoient qu'on y dé:i„ dat felon leur intention, & de Witt ne prit au„ cun fouqcon de ce meffage de Guillaume. La „ même invitation fut faite a Jean de Waal, & „ a Jibert Rtiis , 1'un Bourguemaitxe , 1'autre Penfionnaire de Haerlem; a Jean Duist van "„ Voorhout, Bourguemaitre de Delft, & Membre „ du Confeil-Comité; a Nanning Keizer , Pert„ fionnaire de Hoorn, & ï Nicolas Stellingwerf, Penfionnaire de Médenblik. Entre huit & neuf heures ils fe rendirent 1'un ;, aprés 1'autre dans 1'Antichambre du Prince, & G 3 » fu"  ( I°2 ) „ furent eonduits dans des appartemeus de la „ Princefle Royale. Kalk van Meteren, Lieute„ nant Colonel des Gardes-du-Corps du Prince, „ les conduifit, par ordre de fon Maitre, dans ., des Chambres féparées au fecond étage, & les y conftitua Prifonniers , fous la garde de trois Soldats ". Sophie. Ah ! je crains bien pour eux le même fort des Patriotes pwfécutés par Maurice; Guillaume, 'quoique jeune, me paroit encore plus méchant. 1 Henri. Ma chere Coufine, attendez lafuite, avant de vous affliger: je vais me hater de vous délivrer de votre inquiétude. Sophie. Dites moi, je vous prie auparavant quel fujet de, mécontentement Guillaume avoit contre ces Prifonniers. Henri. Hs s'étoient presque tous oppofés a la Députa- ' tion des Etats Généraux; 1'un d'eux avoit confeille de ne pas recevoir le Prioce a Medenblik, & un  ttn autre avoit au fujet de la réforme des Troupes , employé dans 1'Affemblée des Etats quelques expreffions hardies, qui avoient choqué les oreilles du Stadhouder : voila quels étoient leurs crimes ; & voici ce que fit Guillaume pour jultifier fon attentat: „ II envoya chercher le Grand - Penfionnaire „ Kats, & le chargea de dire aux Etats de Hol„ lande, que ne pouvant plus fouffrir la conduite „ de quelques Membres de leur Affemblée ,' qui „ femoient la divifion entre ïes Villes & les Pro„ vinces, il avoit fait arrèter fix des principaux „ Anteurs de ces troubles; qu'il avoit augmenté „ la Garde de la Cour, & fait venir cinq Com„ pagnies, pour renforcer la Garnifon. II ajouta „ que le Comte Guillaume, Stadhouder de Frife , „ étoit allé, par fon ordre, s'emparer d'Amfterdam , avec un Corps de Cavalerie & d'Infante„ rie ; & qu'il ne doutoit pas, que ces Troupes „ ne fuffent déja dans la Ville. „ Guillaume fit donner avis de ces deux en„ treprifes aux Etats Généraux, ajoutant qu'il y „ avoit été déterminé par des raifons importantes „ qu'il leur communiqueroit, parécrit. „ Les Prifonniers furent conduits le lendemain „ par un détaehement de Cavalerie & d'lnfante„ rie, a Loeveftein, & y furent gardés féparé--" „ ment ". Sans la prudente réfolution de privé: notre Stad- G 4 >0a-  ( i«4 > houder aétuel du Coramandement de la Have,- les dignes foutiens de notre Liberté auro'.ent' éprouvé le même fort. Theodore. Je craindrai toujours pour eux, auffi longtems ?ue les Etats de Hollande n'auront pas repris le droit qui leur appartient de difpofer des Troupes 3 leur Solde. Mr. Herman. Si notre Prince ne révoque pas les ordres donnés contre Elburg & Hattem , Ia Hollande ne lui laiffera certainement pas le pouvoir d'abufer une autre fois de fa charge de Capitaine Général. Henri. „ Quelques femaines avant 1'entreprife de Guil„ laume , plufieurs négocians de Haerlem Si d'Am„ fterdam avoient recu des lettres de Londrcs, de „ Dantzig, Sc d'autres Villes, qui leur donnoient „ avis du Siege d'Amfterdam, comme d'une cho„ ft certaine. Le Prince avoit deiTeirj de furpren„ dre cette Ville, avant qu'on en eut le moindre „ foupcon; il avoit donné ordre a Genülht, Ma„ jor d'un Régiment Francais , de raffembler cin„ quante hommes, armcs feulement de piftolets  ( ioj ) „ Sc d'Epécs. Cet officier devoit s'emparer d'une „ porte le 30 Juillet dès le matin , & ne com„ mettre, s'il étoit poffible, aucune hoftilité. P!u„ ficurs Compagnies de Cavalerie , en Garnifon ,, a Nyinegue , a Arnhem , & ailleurs , avoient „ recu fecrettement ordre du Prince, de fe rendre le même jour, de bonne heure, devant Amfter„ dam, mais fan? favoir la caufe de cette marche. „ La Garnifon d'Utrecht fortit le 29 au foir de la „ Ville, fous prétexte de recevoir la Princeffe Roya„ le , elle eut ordre de fe joindre a la Cavalerie, „ devant la Porie dont Gentillot devoit s'empa,, rer , & d'pccuper 1'Hotel-de-Ville , le Dam, & „ les principaux endroits, pendant que la Cavale,, rie fe répandant par toute la Ville empêcheroit ,, les attroupemens. Guillaume , peu de tems „ après devoit entrer dans Amfterdam, y chan„ ger la Régence . & 1'obliger ainfi de fe confor„ mer au fentiujent des autres Villes. Les Trou„ pes avoient ordre de ne commettre aucune ho„ Itilité , mais d'affurer en entrant qu'elles venoient „ comme amies, & de ne point t'rer a moins que ,., la Bourgeoifie ne commencat a faire feu." Theodore II me femble que cette conduite de Guillaume eft celle d'un Général , qui veut s'emparer d'une Ville en pays ennemi, avec cette difference que G 5 cc-  ( io5 ) celui-ci fert fon Souveraïn, & que Guillaume fe révoltoit contre le fien. Sophie. Papa nous a dit que la révolte contre fon SouVerain eft un crime de Lèze-Majefté.; Guillaume s'en rendit donc coupable ? Mr. Herman. Oui, puisqu'il n'étoit autorite par aucun ordre, A: qu'il difpofoit des forces de 1'Etat pour fes propres intéréts, Sophie. Guillaume avoit cependant ordonné que les Troupes ne fiflent aucun Afte d'hoftilité, a moins qu'elles ne fuffent attaquées; c'eft une preuve qu'il ne Vouloit pas faire répandre le fang des Bourgeois. Henri. Ma Chere Coufine, je crois que ce fut plutiit un effet de fa politique; il favoit trés bien qu'il étoit impoffible que dans une Ville auffi peuplée qu'Amfterdam, la Bourgeosfie ne fit aucun mouvement, ainfi cette modération apparente n'étoit , felon moi, qu'une cruauté déguifée: d'ailieurs il con- „ «on-  connoiffait le caradtere du Soldat, qui ne demande qu'un pretexte pour fe permettre le meurtre ou le pillage , nous allons voir cependant qu'il ne réuffit pas entierement dans fon projet. „ Le Comte Guillaume Fréderic, Stadhouder de „ Frife , qui commandoit les troupes deflinées a „ cette attaque, partit de la Haye le 29 après „ midi, pour fe joindre a la Cavalerie que con„ duifoient les Colonels van Jarfens & van Dona „ 1'un 'Coufin germain de Guillaume , & 1'autre fon ihtime ami. Quatre compagnies fe trouve„ rent a Minuit au rendez-vous indiqué, mais la ,, Cavalerie d'Arnhem & de Nymégue s'étant éga„ rée n'arriva qu'aujour. Le Courier de la Pofte „ de Hambourg avoit rencontré au point du jour ,, cette Cavalerie égarée, & favoit qu'elle venoit „ a Amfterdam ; le Commandant n'ayant point „ d'ordre d'arrètcr perfonne, & ne fachant pas que „ la Ville devoit ètre attaquée , laiffa paffer le ,, Courier, qui avertit le Bourguemaitre Corneiile „ Bikker de ce qu'il avoit vu. On penfa d'abord „ que ces Soldats étoient quelques Lorrains qui „ avoient commis des excès fur les frontieres, & „ qui venoient a Amfterdam, dans le deifein de „ la piller; mais perfonne n'avoit le moindre „ foupcon fur le Prince, ni fur les troupes de „ 1'Etat." T H E  ( io8 ) Theodore. Je le crois aifément, puisque ces tronpes memes ne favoient pas ce qu'elles devoient faire , & qu'il n'y avoit que les principaux chefs qui fUsfent djns la confidence. Henri. Mais je penfois que le.Militaire ne peut fe mettre en marche que par ordre du Souverain , & que le Capitaine Général eft obligé de faire mention de eet ordre dans. la Patente qu'il envoie ; fans quoi les Troupes peuvent & doivent refufer de marcher. Mr. Her.-  Mr. Herman. C'eft auffi ce qui devroit être , mais nos Princes Violent cette regie quand elle leur déplait, 3c les Troupes n'obéïront qu'a eux,jusqu'a ce que leSouverain leur ait retiré ce pouvoir abufif de donner des Patentes. Revenons a 1'attaque d'Amfterdam. Henri. ,, Les autres Bourguemaitres étantabfens, B.'k„ ker fe trouva feul chargé de la défenfe de la „ Ville, & par les confeils & le fecours de 1'Eche„ vin Jean Huïiekoper, il fit lever les Ponts, ,, fermer les Portes , conduire du canon fur les „ remparts & mettre fous les armes la Bourgeoi„ (ie, & les Soldats. -On fit aulfi battre la caiffe ,, pour enréler ceux qui voudroient fervir comme „ matelots, ou comme Soldats, & dans 1'efpace „ de quelques heures on avoit déja formé plu„ fieurs compagnies , on équipa huit Vaiffeaux „ de guene pour dé.'endre le Port, & les habitans ,, qui ne prirent pas les armes s'offrirent volon,, tairement pour travaillet aux fortifications." „ Le Comte Guillaume, ayant rafTemblé la Ca„ valerie, arriva devant Amfterdam'avant midi, „ mais trouvant les panes fermées , & tout „ préparé pour la defenfe, il ne jugea pas a pro„ pos de tenter une attaque. II fe contenta d'en„ voyer dans la Ville une lettre du Prince, quoi„ qu'il fut chargé de la reodre lui-mêine; Guillau- ,, me  C no ) „ me mandoit.a la Régence, qu'ayant été fi mal „ recu dans Amfterdam a fon dernier voyage, il „ y envoyoit le Com'te, a la tète de quelques „ Troupes,' pour rétablir le bon ordre, afin de „ n'ètre plus expofé aux obftacles, que des gens „ mal intentionnés pourroient apporter aux propofitions qu'il avoit a faire pour le fervice du „ Pays ". i Theodore. Après avoir fait emprifonner, de fa propre autorité, fix Membres d'une Afï'emblée Souveraine,' & s'ètre fervi, fans aucun ordre, des Troupes de 1'Etat, pour s'emparer d'une Ville de la République, comment Gullaume pouvoit il fe plaindre des gens mal - intentionnés ? Perfonne ne 1'ctoit plus que lui. Les Régens d'Amfterdam auroient du répondre a fa lettre avec du Canon : voyons ce qu'ils firent après 1'avoir lue. Henri. „ La Rp'gence envoya les Echevins I-Tuidekooper „ 3c van der Does en Députation au Comte Guil,, laume , pour lui annoncer de la part des Bour„ guemaitres ,'qu'ils auroient fouhaité que le ,, Prince n'eut pas fait accompagner fa lettre de „ tant de monde; que cependant ils 1'avoient „ communiquée au Confeil, & cnvo)réc a leurs „ Députés, & aux Etats de la Province., pour ., de-  „ demander leur avis, fans lequel ils ne pou„ voient répondre a cette Lettre ; qu'au refte ils ,, prioient Son Excellence de s'éloigner de la Vil,, le, finon , qu'ils feroient obligés' de fe fervit „ des Armes, que Dieu & la Nature leur avoient „ accordées, pour fe défendre. Le Comte, trou„ blé par cette harangue,.ne lépondit rien , êc ,, Huidekooper, qui avoit porté'la psrole,. ajou„ ta qu'il avoit parlé jufqu'a préfent au nom des ,, Bourguemaitres, mais qu'il croyoit devoir don,, ner a Son Excellence le confeil amical de fe „ ratirer, fans quoi le Peuple obligéroit peut-être „ les Bourguemaitres d'employer des moyens „ extrêmes. „ En efiet on avoit propofé dans le Confeil de „ rompre la Digue de la Porte St. Antoine, & il „ ne s'en fallut que de deux voix fur trente-fix, ,, qu'on n'en prit la réfolution. Cependant, „ pour contenter le Peuple, on fit ouvrir deux „ éclufes, qui répandirent affez d'eau dans les „ environs, pour faire comprendre aux Troupes; „ que le deffein étoit pris dans la Ville , de les „ noyer, fi elles ne fe retiroient pas ". Sophie. Les Soldats étoient obligés d'obéir, mais les Chefs, & furtout ce Stadhouder de Frife, auroient bien mérité .d'ètre noyés , pour avoir fecondé la Tyrannie de Guillanne. Mr. Her-  Mr. Herman. Ta Pitié pour les Soldats eft fort bien placée mon enfant, mais 1'inondation auroit fait perir ou ruiné beaucoup d'habitans de la Campagne dans la Hollande, & dans la Province Utrecht • ce fut fans doute cette raifon, qui empêcha d'employer le moyeri extreme qu'on avoit propofé. Henri. „ Le Comte répondit a la courageufe harangue „ de Huidckooper qu'il n'avoit agi que par les or>„ dres du Prince, & qu'il lui rendroit comptè de „ tout. Guillaume étant k diner rccut la nouvel„ le que 1'entreprife fur Amfterdam étoit man„ quée; il en fut ft affeaé qu'il fortit de table & „ s'enferma dans fon Cabinet; les Députés d'Am„ fterdam ne favoient pas encore cequi s'étoit pas„ fé dans cette Ville, ils en furent infiruits par „ une perfonne qui les fit prier a onze heures du „ foir de venir a la Cour parler a quelqu'un,, dont „ on ne leur dit pas le nom : ils penferent que ce „ meffage venolt du Prince qui vouloit les faire ,, arrcter, comme 1'avoient été les lix prifonniers „ de Loeveftein. Cepcndant Kok un des députés „ fe réfolut a fortir, & rencpntra auprès de Pfeótel ,, du Stadhouder un homme qu'il ne pütreconnoi„ tre, & qui lui ayant demandé excufe de 1'avoir „ fait fortir fi tard , lui apprit que l'attaque d'Amfterdam étoit manquée, & que le Prince en 1'ap-, ... pre-  < m ) f, prenant avoit donné les marqués de la plui „ grande colere, & s'étoit retiré dans foa appai*. ,, tément ,■ fans vouloir parler a peffonne.71 ,, Le lëndemain Guillaume paftit pour Am-i „ fterdam, mais auparavant i! énvoya unè lettre „ aux Etats des Six Provinces, en leur déclarant „ que felon la réfolution des Etats Généraux, du ,j 5 Juin , il avoit fait con'duire en prifon fix Dé„■ putés de la Province de Hollande, & envoyé „ des Troupes dans Amfterdam: on lui répondit, „ en approuvant toutce qu'il avoit fait, & en le i, priant de faire tout ce qu'il trouveroit néces* „ faire." Sophie. Je ne mé fouviens pas, mon Coufin, que vous ayiez parlé de cette réfolution du 5 Juin. Eft ce' que les Etats Généraux avoient donné ordre au Prince de prendre dès mefures ft violentes? Theodore. C'eft moi, ma Soeur, qui n'en ai rieri dit; ne croyant pas que cette réfolution füt de conféquenee , mais puisque vous êtes curieufe de la connoitré, voicï cé qu'elle contenoit, relativeraent a la députation pour les Villes dé Hollande. „ Que le Prince feroit le chef de cetté dépüta„ tion & qu'en mème tems il étoit prié & autoft rifé de donneï tous les ordres nécélTaires' pour H ,', con-  O -conferver le bon ordre & la paix, fc maintenit partic.ulierement 1'Union." 11 fatft remarquer, ma Soeur, que les Provinces de Gueldre, de Hollande & d'Utrecht ne VQulu» rent point confentir a cette réfolution, quoique Guillaume eut changé par force la Régence de Nymegue , pour s'affurer de la voix de la Gueldre, la réfolution du 5 Juin ne fut donc prife qu'a la. pluralité des voix, & d'ailleurs elle n'avoir rapport qu'a la députation, qui étoit finie depuis plus d'un mois , & le Prince ne pouvoit agir que de -concert avec les autres Députés. Sophie. Je vous remercie, mon Frere , de cette explica-" tion; je n'approuve pas plus que vouS la tyrannie de Guillaume, mais vous aviez dit qu'il avoit agi fans ordre, & je voyois enfuite qu'il fe fondojt fur une réfolution des Etats Généraux; cela me paroifToit une contradiótion dans 1'hiftorien, ou un oubli de votre part; je vous demande excufe de Vous avoir interrompu. Mr. Herman. Tu as trés bien fait, ma Fille : il ne faut jamais rien croire fans preuves, & furtout ne point condamner , même fes ennemis avant d'avoir examiné s'ils font vraiment coupables, ta remarque fait l'ciogs de la juftefTe de ton efprit & de la bon-  ( H5 > bonte de ton coeur : tu vois a préfent que Guütamme, ne fachant comment excufer fon entrepri* fe, fe rabattit fur le pouvoir qui lui avoit été donné', mais ^ui devoit avoir fini avec la députation; tu vois auffi par la réponfe des Etats Généraux, que la majorité de cette affemblée étoit vendue aux intéréts du Prince. Continuons maintenant a nous occuper des fuites de eet événement. Henri. „ Muni de cette réponfe le Prince partit de la „ Haye, & arriva le même foir a Amftelveen, ou „ le Comte Guillaume s'étoit retiré. Louis de Nas„ fau, Seigneur do Beverweerd, lui repréfenta le • danger ou fe troüveroient les Troupes » fi les „ habitans d'Amfterdam rompoient entierement „ la Digue de la Porte St. Antoine. Le Prince fut "„ fi troublé de cette nouvelle qu'il eavoya dam „ 1'inftant Lours de Naffau, \ la Haye pour en„ gager les' Etats Généraux a le prier dé retirer „ fes troupes. Les Députés de la Hollande ƒ ayant appris que Guillaume s'autorifoit de la réfolu■ tion du 5 Juin, demanderent aux Etats Géné„ raux que eet ordre fut révoqué , & qu'on dé,j fendit de s'en fervir pour^ caufer de nouveaux / malheurs. Cette demande fut rejettée d'abord , „ mais le lendemain,, après 1'arrivée de Bever., weerd, on r.folut d'envoyer une députation au Prince , pour le prier de revenu a la Haye , de . Ha 0,  ( "6 ) j, faire ceffer les hoftilités contre Amfïerdam , & „ de ne point troubler le Commerce de cette Vil„ le. On ne décida rien au fujet de la marche des Troupes, par ce que 1'afTemblée vouloit fe réferver la liberté de louer ou de blamer Ia con„ duite du Prince, quand elle auroit appr'is le fuc., cès du Siege, le principal motif de la députa„ tion étoit de plaire a Guillaume , te de lui mé„ nager lemoyen de revenir avec honneura la Haye. Theobsre. Je trouve le mot cfhonneur bien mal placé dans eet endroit, & je penfe que le véritable honneur confifle a fervir fon pays, & non pas a le troubler, pour fon propre interct. La conduite des Etats Généraux dans cette occafion reffemble a celle du Senat Romain, quand il fut devenu Pesclave des Empereiirs.- Henri, „ Pendant eet intervalle le Prince écrivit a la „ Régence d'Amfterdam qu'il fouliaitoit venir dans „ la Ville ; on lui envoya des Députés auxquels il „ déclara qu'il vouloit entrer dans la Ville avec „ des Troupes, & les y laiffer en garnifon, mais v on lui répondit que la Régence fouhaitoit au ,, contraire que les troupes fe retiraffent. II ne „ s'éloigna pas de cette propofition , mais pour„ vil qu'on voulut convenir auparavant de quel,• ques coaditious. Cette réppafe fut communi- „ quée  Sophie. Vous aviez raifon, mon Coufin, eet articl'e me déplaitbeaucoup, &, fij'ofe ie dire, je n'y trouve pas mème 1'ombre du bon fens. Mr. Hermak. C'eft une preuve du tien , ma Fille, d'avoir faifi 1'abfurdité de declarer deux Magiftrats incapables de pofféder aucune place, & de faire en mème tems 1'éloge de leur conduite. Voila le funefte effet de l'influence d'un feul homme, qui n'avoit jamais rendu le moindre fervice a la Patrie, & qui abufoit contre elle des forecs qu'elle lui confiois poux la défendre. Henri. „ Après que cette affaire eut été terminée , on „ s'occupa du fort des prifonniers, qui n'obtin„ rent la liberté qu'a condition qu'ils n'auroient „ plas aucune part dans la Régence de leurs Vil„ les^maisque leur honneur n'en fouffriroit point. „ Le Prince quelques jours auparavant avoit écrit „ aux Etats Généraux k a ceux de Hollande pour rendre raifon de fa conduite, & leur expofoit „ la néceffité od il s'etoit trouvé de faire arrêter „ les chefs * d'une faction qui vouloit détruire 1'U„ nion , la Réligion , & 1'autorité des Etats Génés, raux , & d'obliger Amfterdam a faire fortir de „ fa Régence ceux qui avoient empêché qu'on „ lui  h lui donnataudience; il ajoutoit qu'il avoit errw ployé ces moyens violens a 1'exemple de ceux „ qui abattent quelques maifons , lorsqu'un in„ cendie menace d'embrafer une xue ou une Vü„ le, & qu'on ne peutlafauver autrement." Theodore. La comparaifon que faifoit Guillaume me paroit fort jufte, mais c'étoit contre lui qu'il en falloit faire 1'application , en le privant d'un pouvoir dont il abufoit pour mettre la République en feu. ït comment recut on cette Lettre ? Henri. „ Les Etats Généraux & ceux de Hollande ne „ jugerent pas apropos d'en faire lecture, pour „ ne point r'ouvrir une plaie qui faignoit encore „ „ mais la plupart des Provinces répondirent a la „ lettre que le Prince avoit écrite avant fon dé„ part pour Amfterdam. Les Etats de Zélande approuverent entierement la conduite de Guil- laume, 1'en remercierent, le priant de montret „ a 1'avenir le même zèle pour le bien de 1'Etat; „ ceux de Gueldre le remercierent auffi, mais fans „ approuver ni blamer fa conduite : Ceux de Fn„ fe approuverent tout ce qu'il avoit fait: Ceux „ d'Overyffel lui rendirent graces de la peine qu'il „ avoit prifes, ne doutant point qu'il n'ait eu des raifons iraportantes d'entreprendïe ce qu'il H 4 „ avoiti  % ï20 J Tui ö tï 'b' k s, „ La Princeffe Royale, Veuve de Guillaume 11^ „ accoucha le 14. Novembre 1650. d'un Prince, ,, nommé Guillaume Fréderic. „ Les Etats Généraux, après s'être occupcs, en ,, 1651. de régler les affaires domeftiques, penfe„ rent » effacer les traces de ce qui s'étoit paffée „ 1'année d'avant. On déclara que 1'entreprife de Guillaume contre Amfterdam , & 1'emprifon„ nement des fix Membres des Etats de Hollande, „ étoient un attentat contre la L'iberté, la Souve,, rainetè de cette Province , fes Loix, fes Droits & „ fes Privileges. La conduite des fix Députés fut „ approuvée , tc les raifons que Guillaume avoit ,, alléguée pour juftifier fa conduite, furent refu„ tées dans un écrit, imprimé au nom, & par ,, ordre des Etats. On publia enfuite une Am,, niftie générale, pour tout ce qui avoit été fait, „ declarant que les réfolutionsdu 5.Juin de 1'année „ d'avant, & tout ce qui en avoit été la fuite, fe„ roient regardées comme nulles, & feroient effa„ cées des Regiftres publics. Les Etats de Hollan- de dédommagerent Amfterdam des fraïs extraor„ dinaires, qu'elle avoit faits pour fa défenfe, & „ la remercierent du zèle qu'elle avoit témoigne ,, pour le fervice de 1'Etat. Cette dépenfe fe mon„ ta a 55045 florins. On annulla auffi une Or„ donnance de 15068 florins, pour les frais de la Dé-  „ Députation de 1650. comme ayant été accor* „ dée pat le Confeil d'Etat, au pront des Con„ feillers de Guillaume, fans la participation des Etats Généraux ". Mr. Herman. Mes Enfans, n'oubliez jamais ce que Théodore vient de lire; c'eft la meilleure réponfe qu'on puiffe faire aux Partifans de la Maifon d'Orange , qui vantent avec tant d'emphafe les fervices qu'elle nous a rendus , & qui fe gardent bien de rappeller la mémoire des maux qu'elle nous a faits. Nous avons récompenfé ces fervices , nous les payons encore aujourd'hui, mais quand ils feroient plus grands , nous ne leur de*sns pas le facrifice de notre Liberté: la reconnoiffance a des bornes, qu'un Républicain ne peut franchir, fans être indigne de ce nom. Je ne fuis pas injufte , Sc j'avoue avec plaifir que Guillaume I. & Maurice étoient d'habiles & de vaillans Généraux, qui nous ont bien fervis. Le premier périt par le main d'un traitre; fon Fils expofa fouvent fes jours, dans les Combats. Mais de Hoorn, & d'Egmont porterent leur tête fur Péchaffaut, pour avoir défendu la liberté de notre Pays; mais les Habitans de Haerlem & de Leide ont fouffert la famine , & répandu leur fang pour la Patrie ; tant d'autres braves Citoyens ont imité leur exemple. Pourquoi les oublie-t'on aujosrd'hui, pour ne par-  C "5 ") parler que d'uiie feule Maifon, & vouloir 1'élevor au deffus des Repréfentans de 1'Autorité Souveraine d'un Peuple libre ? Que les Defcendans de Guillaume I. foient grands, puiffans même , mais jamais dangereux; qu'ils poffedent les charges les plus éminentes de 1'Etat, mais qu'ils foient fideles a leur ferment, & qu'ils obéiffent au lieu de vouloir commander; enfin qu'ils foient Citoyens, & non pas Chefs ; alors ils feront chéris& refpeftés.mais quand ils ne fonderont leur autorité, que furies émeutes populaires, fur 1'oppreffion des Citoyens' & la violation de tous les Privileges, fous prétexte de fervir 1'Etat, les Gens honnêtes & inftruits ne verront en eux que les ennemis du bonheur & de la Liberté de la Nation. Tels furent Maurice & Guillaume II. & vous verrez, mes Enfans,. que le Fils de ce dernier perfécuta les Amis de la Patrie, avec autant d'acharnement, que fes prédécelfeurs. Theodore. „ Guillaume III. avoit a peine deux ans que la Populace de Zélande, excitée par quelques ,, Miniftres, prit les couleurs Orange, & la Rè„ gence de Middelbourg propofa de nommer le „ jeune Prince Capitaine & Amiral Général de la „ Province. Celle de Hollande envoya dans cette ,, Ville quelques Députés, du nombre desquels j,, étoit Jean de PF'itt, ©enfionaire de Dort & fils „ de  C 125 ) „ de Jacob de Wiet, qui avoit été conduit ja Loe„ veftein, par ordre de Guillaume. Ils avoient „ ordre de détourner les Etats de Zélande, de fai- re cette propofition dans l'affemblée des Etats „ Généraux. La Populace s'attroupa devant 1'en„ droit ou fe tenoit 1'ailëmblée Provinciale, & „ menac/a de tuer les Députés de la Hollande, j„ quelques uns craignant pour leur vie vouloient fe retirer après avoir donné leur propofition par „ ccrit; mais de Witt déclara qu'il falloit exécu,, ter 1'ordre dont ils étoient charges, au hazard „ de tout ce qui pourroit arriver. Ce genereux „ Patriote étoit eftime de tous les Membres des „ Etats de Hollande, & quand le Grand Penfion„ naire Pauw mourut on le choifit unanimêment „ pour lui fuecéder, en 1653. „ II j eut encore en plufieurs endroits des émeu„, tes poupulaires en faveur de la Maifon d'Oran„ ge, 5c les Provinces qui lui étoient favorables, fur,, tout la Zélande & la Frife, firent courir le bruit „ que la Hollande avoit vendu 1'Etat a 1'Angleter„ re, pour pouvoir dominer fur les autres Pro„ vinces. Ces bruits calomnieux ne trouvoient „ aucun crédit auprès des honnetes Gens, qui „ voyoient que ces rumeurs & les féüitions n'a,, voient d'autre but que de faire nommcr capi„ taine & Amiral Général un enfant, & de con„ tinuer la guerre avec 1'Angleterrè, S c~  C "7 ) Sophie. J'ai toujours entendu dire que les Princes d'Orange étoient attachés a 1'Anglecerre; & je crois que Guillaume II. avoit époufe une Princene de la Maifon de cette nation, pourquoi donc les partifans du Prince vouloient ils s'oppofer i la Paix avec 1'Angleterre ? Mr. Herman. Ton coufin qui nous a déja parlé de Cromwel pourra t'en dire la raifon, c'eft a lui que je laisfe cc foin. Henri. Je vais vous obéir, mon Oncle, & rapporter en peu de mots le fujet de la guerre dont il eft queftion a préfent, & qui me femble avoir beaucoup de rapport avec les malheurs des Freres de Witt. Cromwel, Général des Troupes Anglaifes s'étant rendu maitre des déliberations de la Charnbre des Communes, fit ériger un tribunal qui accufa le Roi Charles I., beaupere de Guillaume II., de haute trahifon: le Prince de Galles, alors a la Haye, pria les Etats Généraux d'envoyer des Ambaffadeurs extraordinaires a Londres, pcuryprendre les intéréts de fon Pere. On lui accorda cette demande, & les Ambaffadeurs eurent audience la veille d'exécution de la Sentence de mort prononcée contre 1'infortunc Monarque. Malgré leurs .elforts auprès des deux Chambres. Charles I. fut pu-  X tas •) publiquementdécapité,par la main du Bourreau,le 30 Janvier 1649. La Charnbre des Communes s'empara de 1'autorité, prit le nom de Parlement, abolit la Royauté, comme inutile & dangereufe , & mit en vigueur le Gouvernement Républicain, Sophie. Je ne m'étonne plus que la Maifon d'Orange fut alors ennemie de 1'Angleterre, & fa haine me par'oit trés jufte. Mr. Herman. Elle 1'étoit, fans doute; mais il ne falloit pas pour la fatisfaire prétendre obliger la République a continuer une guerre ruineufe, dont cette haine étoit la feule caufe. Les interets particuliers doivent toujours être facrifiés au bien général, Henri. Les Etats Généraux , & ceux de Hollande en particulier , reconnurent le Prince de Galles comme Roi d'Angleterre, fous le nom de Charles II., mais ce Prince ne refta pas longtems a la Haye. La nouvelle République envoya a la notre , en qualité de Réfident, Ifaac Doreslaar, qui trois' jours après fon arrivée a la Haye, fut affaffiné par cinq ou fix perfonnes. Toutes les Puiffances de 1'Europe rechercherent bientót 1'amitié de la Nouvelle République, mais la nótre fut quelque temsv a s'y  ï s'y déterminer. Strikland, Réfident de la-pari du Parlement, fut même obligé de retourner i Londres, fans avoir pu obtenir audience des Etats Généraux, quoique ceux de Hollande euffent déclaré que les autres Provinces feroient reponfablea des malheurs qui pourroient réfulter du refus da donner audience au Réfident de la nouvelle République ; la Zélande gagnée par le Prince fe déclara contre la Hollande, & ce refus indifpofa 1'Angleterre contre les Provinces Unies en général, quoique Strikland écrivit pour.juftifier la Hollande. En_i657, le Parlement envoya deux Ambaffadeurs a la Haye qui furent recus en grande Cérémonie, par les Etats Généraux, mais infultés par quelques Gens du Peuple, escités par un Page dela Princeffe Royale. Le Prince Edouard, fils du, Comte Palatin Frcdérik, avec quelques ons de fes Domefticues, les accabla d'injures; ils fe pla^gnirent aux Etats de Hollande, qui firent citer au. fon de la cloche le Prince Edouard, abfent de la Haye, & condamnerent au fouet un de fes Domeitiques, Sc bannirent les autres. Ces Ambaffadeurs furent rappellés'au mois de juin par le Par-' lement, & le compte qu'ils rendirent des infultes qu'ils avoient fouffertes a la Haye, fit prendre la rcfplution de déclarer la gucrre aux Provinces Unies. Peu de tems après deux Vaifièaux de Gw rre Anglais, attaquerent les navires de HqïTande è> de Zélande; les Etats envoyerent des'Ambaffa& , d. urs  C 130 ) «eurs en Angleterre pour travailler » rctablir r* bonne intelligence entre les deux Nations, ma1S_ jt ne fut pas poffible d'y parvenir, & la Guerre fat déclarée. Voili ma Coufine, ce qui donna nuance au mécontentement des Anglais . fc vous voyez pourquoi WMaifon d'Orange fouhaitto.tlacontinuation de la guerre, quoique 1'Etat en recut de grands dommages. Ie vous ai rapporto les prmcipales circonftances de eet événement, telles que je les ai trouvées dans Wagenaar. Sophie. Te Vons ïcmercïe de votre complaifance & je Js que les Princes d'Orange fe font montres anscette occafion plus affeaionnés aux interets de leur familie, qu'au bonheur de 1'Etat. Mr. H e r m a n. Ta as fort bien fait, ma fille , d'interrompre lalecmre de ton frere , tu connoitras mieux lon«ine de la haine de Guillaume contre Jean de Witt, %,% accufoit d'avoit voulu trahir fa Maifon. Theodore. Vous nous avïèz recommandé, mon Pere, de ne nousattacher qu'aux aaiofls tyranmques de nos Princes, c'eft pourcuoi j'avo,s n«U£ tt«traite ce que ma teur a voulu favoir. Mr.  C 131 ) Mr. Herman. Ce n'eft pas un reproche que je te fais, mais puisque Sophie aflïfte a nos converfations, il faut avoir pour elle 1'attention de ne rien dire qu'elle n'en puifTe connoitre la raifon, & favoir la vérité. Vous contraQerez töus par cette méthode Phabitude de ne rien croire, ou avancer fan* en demander, ou en donner la preuve. C'eft 4 toi, naon fils , a continuer ton récit. T h e cd oré. „ Les émeutes éclaterent dans presque toutes les „ Villes de la Hollande, en faveur de la Maifon „ d'Orange , & pöur empècher les Etats de la Pro- „ vince de faire la paix. La Populace de la Haye „ cafTa les vitres du Fifcal Êots, attaqua les Mai- „ fons de Dort & d'Amfterdam, & accabla d'in-' „ jures le grand Penfionnaire, 1'appellant Coquin, „ Sc traitre envers le Prince. Jacob de Witt fut „, attaqué le foir du 24. Juin par un Allemand; „ qui lui demanda s'il étoit du parti du Roi, ou,' „ du Parlement: le Bourguemaitre lui répondit ,/qu'il n'avoit point de compte a lui rendre • „ mais eet homme le menaca de lui apprendre i „ mal parler du Prince, & 011 lc trouva depuis „ dans la Maifon de Dort, tenant un couteau, „ dont il avoit voulu frapper de Witt • une fédi- A'tlon &b* danaereufe encore s'éleva dans Enlck ' 1 J ï ., hui-  „ huizen , ou la populace arbora le Drapeau „ Orange, & refufa de recevoir les Députés de la „ Hollande, leur déclarant qu'elle étoit feule Mais, treffe de la Ville. Goes fe porta aux rhëmés' „ excès & la. Province de Zélande propofa de „ nommer le jeune Prince Capitaine & Amiral „ Général.-Celle de Hollande combattit cette pro„ pofition dans ün écrit, dont on crut que le „ Grand-Penfionnaire de Witt étoit 1'auteur , & qui fut appröuvé dans 1'afiemblée Provinciale," Henri. Nous Voyons toujours les Princes d'Orange accufcr de mauvais deffeins contre l'£tat ou laRelegion, ceux qui fe montrent partifans de la liberté ■ cependant toutes les révoltes contre le Souverain & la conftitution fe font au nom & pour les intéréts de ces Princes, qui loin de s'y oppofer, les autorifént, &en récompenfent les Auteurs. II n'eft pas difficile de juger par cette conduite que leur véritable but eft de fe rendre les Maitres abfolus de PEtat. Sophie. Sans doute , car s'ils étoient vraiment bien-ifitentionnés, ils demanderoient la punition de ceux qui fe fervent de- leur nom , pour infulter leurs concitoyens,, les tuer ou piller leurs Maifons. Ces violenees me paroifiënt capables de nuire mème aux intéréts de ces Princes , & d'obliger les Etats a les  t 'S3 ) JM priver' de toutes les dignités, pour rétablir le repos de la République. Theodore. Je vals juftifier votre remarque, ma fceur, en rapportant ce que firent a ce fujet les Etats de Hollande pour mettre fin a la Guerre. „ Cromwel demanda que les Etats Généraux v & ceux de chaque Province s'engageafTent a „ ne jamais donner au jeune Prince Guiilau„ me, ni a aucun de fa familie les charges de „ Stadhouder Capitaine & Amiral Général. Les v Etats Généraux confentirent a toutes les con;, ditions propofées par 1'Angleterre , pourvil „ qu'on fit un changement a ce qui regardoit „ le Prince d'Orange & fa familie , & qu'il fut feu„ lement ftipulé que tout Stadhouder, Capitaine, „ ou Amiral Général feroit obligé de jurer 1'exe„ cution du Traité de Paix dans tous fes points. „ Mais Cromwel inflfta fur Pexclufion de la Mai„ fon d'Orange , & déclara que la Paix ou la Guer„ re dépendoient de cette condition. Le Grand„ Penfionnaire de Witt fit part aux Etats de Hol„ lande, fous le fecret, de la demande de Crom„ wel; 1'ordre Equeftre, & la Majorité des Villes „ confentirent a Pexclufion, dont 1'aéte fut rédi„ gé par de Witt, d'après le confentement &: les „ ordres de FAffemblée. Les ïtats de Hollande „ &. de Weft-Frife déclaroient que pour fatisfaire I 3 „ le  C 134 ) ti Ie Proteéteur, ils ne choifiroient jamais le Prince d'Orange, ni aucun de fa Familie, pour „ Stadhouder, ou Amiral de leur Province , & „ qu'ils ne donneroient point leur voix pour qu'il „, fut nommé Capitaine General de la République. „ On envoya cette Réfolution aux Ambaffadeurs, „ mais en leur recommandant de ne Ia délivrer „ qu'après avoir fait tous leurs efforts pour que „, Cromwel fe contentat de ce qui avoit été décidé s, par les Etats Généraux au fujet des futurs Stadij houders & Capitaines Généraux. Quatre Villes v, protefterent contre eet acte, le regardant comme contraire a la .Souveraineté de la Province "* Sophie. Je n'ai pas de lumieres fur les affaires d'Etat, mais il me femble que la Hollande fe laiffa trop facilement faire la Loi par 1'Angleterre , & qu'elle auroit du par fierté préférerla Guerre, a ce Traité. Mr. Herman. Ma chere Enfant, la conduite des Souverains ■ne doit pas être jugée d'aprèsles mémes principes, ^ue celle d'un particulier ; ils font fouvent forcés de confentir a des conditions de Paix, qui paroisïent humiliantes, mais qui font indifpenfables "pour épargner le fang des Peuples , & 1'épuifement «lu Tréfor publie. La Hollande voyoit fon Com*ierse ruiné par unepuejre, dout elle fupportoit pres-  presque feule tous les frais; elle ne crnt pas êtfê ebligée de la continuer plus longtems pour les intéréts de la Poftérité de Guillaume I. Elle étoit reconnoiflante des fervices de ce Prince, mais fes Defccndans 1'avoient trop perfécutée, pour qu'elle fe mink pour eux. Cet acte d'exclufion excita contre elle les plaintes des autres Provinces, & comme il fut la fource de la taine du Peuple, contre le Penfionnaire de Witt, Henri nous dira demain ce que la Hollande publia pour fa juftification. Le Maffacre des Freres de Witt eft une époque malheureufement trop célebre dans notre Hiftoire, pour oublier aucun des faits elfentiels, qui peuvent y avoir rapport. HUITIÈME SOIREE. Mr. Hek.mXn, Sof hu, T h e p d o*re, Henri. Henri, aéte d'exclufion ne put être tenu fi fecret, ,, que le bruit ne s'en répandit dans le Publie, „ & les Etats de Hollande délibérerent, s'il con,, venoit d'en donner connoiffance aux Etats Gé„ néraux, mais la Majorité décida que la ProI 4 » vin'  ), Vince n'ayant de compte a rendre de fa con-» „ duite a perfonne, il n'étoit pas néceffaire de „ faire part de fes Réfolutions aux Etats Géné„ raux ". Je croyois, mon Oncle , que les Sept Provinces étant unies enfeinble, devoient donner connoiffance de leurs Réfolutions aux Etats Généraux. Mr. Herman. Oui, dans tout ce qui a rapport aux intéréts communs, mais non pas aux afTaires domeftiques. Chaque province eft Souveraine, & ne manque point aux Articles de 1'Union, en réglant fans la partioipation des Confcdérés, tout ce qui concerne fon Gouvernement particulier. La Hollande en confentant a Pexclufion de la Maifon d'Orange , n'avoit porté aucune atteinte a la Souveraineté des autres Provinces, qui avoient la liberté/ de fuivre fon exemple, ou de s'y refufer. Theodore. J'ai entendu, mon Pere, plufieurs perfonnes prétendre le contraire, furtout a 1'égard du Prince. Mr. H e R* m a n. Ces perfonnes font mal inftruites de notre Conititution , ou font de mauvaife foi : je veux vous donner un exemple , qui vous convaincra du droit que poffede chacune de nos Provinces de chan- ger,  ( 137 } ger, ïl fa volonté, ce qu'elle trouvc dangereux ou nuifible dans fon Gouvernement. Suppofez plufieurs Négocians aflbciés pour faire a frats communs les expéditions, les achats & le* paiemens, relatifs a leur fociété, n'ont-ils p.is le droit, chacun dans leur maifon, de garder, ou de renvoyer leurs Commis, felcn qu'ils ea font fatisfaits ou mécontens? T H K O D O n a, Oui, mon Pere. Mr. Herman. Eh bien, mon Infant, nos Princes font les Commis de chaque Province, Sc quand ils négligent ou trahiffent leur devoir, ce'le qui a fujet de s'en plaindre, peut les 'priver de leurs charges, fans en faire part aux Confédérés. La Hollande avoit éprouvé la Tyrannie de Maurice, & de Guillaume II. elle voyoit éclater de toutes parts la révolte en faveur du jeune Prince , & cette expérience lajuftilie d'avoir préféré fes intéréts a ceux de la Maifon d'Orange. Revenons a préfent aux plaintes des Partifans du Prince. Henri. ,, La Maifon' d'Orange informéc de 1'acte d'exclu,,'fion donna un Mémoire aux Etats de Hollande Sz les piïa de ne point exécuter leur réfolution. 15 „ On  X 13§ ) „ On chargea les AmbafTadeurs de ne donner 1'acte „ qu'après avoir employé tous leurs efïbrts pour „ s'ea difpenfer, mais on répondit en même tems „ au Mémoire de la familie du Prince que ce „ n'étoit point par haine pour elle, mais pour le ,? be'foin preifant & pour le fervice de 1'Etat qu'on „ avoit pris cette réfolution. Les AmbafTadeurs ta,, cherent d'engager Cromwel a ne point exiger „ 1'acte d'exclufion , ou du moins a ratifier, par „ provifion, le Traité de Paix comme il avoit été „ rédigé pur les Etats Généraux. Le Protecteur confentit avec peine a cette derniere propofition, ,, mais fous la promeffe formelle que 1'acte d'exclu„ fion lai feroit donné, fous peu de jours. Les ,, Provinces demanderent copie de eet aéle , & les „ Etats de Hollande écrivirent aux AmbafTadeurs ,, de le donner a Cromwel, puis qu'on ne pou,, voit s'en difpenfer, & d'en envoyer une copie aux Etats Généraux. " „ La Paix fut publiée le 27-Mai 1654. & les Parti„ fans du Prince ne donnerent aucun ligne de joie. Les Provinces de Frife & de Zélande condamnerent la conduite de la Hollande, comme contraire aux , „ loix de PUnion. On fit auffi courir Je bruit que ,, Cromwel n'avoit pas propofé d'abord 1'aéte d'ex,, clulion, mais que c'étoit 1'ouvrage du Penfion„ naire de Witt, ic des autres ennemis de la Mai„ fon d'Oiange, auxquels le Protecteur avoit voulu „ plaire, pour les engager a le fervir dans la fuite. La  ( 139 ) „ La Province de Frife déclara dans 1'affemblce „ des Etats Généraux que tous les membres de la „ Hollande n'avoient pas eu connoiffance de et aéte, dont la propofition, avoit été fuggérce t •; ,, Ambasfadeurs par des Régens pafiionnés, fous „ prctcxtc d'une nécefiité qui n'exiftoit pas; qws „ c'étoit manquer de reconnoiffance pour la M „ fon d'Orange ,& que le jeune Prince étoit i „ pris dans 1'Union d'Utrecht jurée par fon I „ fafeul. Enfin que les cendres de ce grai „ me demanderoient vengeance de eet affront .ur ,, ceux qui en étoient les Auteurs." Mr. Herman. Remarquez , mes enfans , que les Etats Généraux remercierent Maurice & Guillaume II. qui avoient manqué a leurs fermens, & quils font les plaintes les plus ameres contre la Hollande , pour avoir donné Pexclufion a la Maifon d'Orange, la feule caufe de cette guerre malheureufe ; exalufion qui n'obligeoit pas les autres Provinces ü'imiter celle de Hollande. Henri. ,, Les Etats de Frife accufoient de Witt d'ctre „ 1'Auteur de eet acte, & demandoient que les „ deux AmbafTadeurs Beverningk & Kieuwpoort ,, fuffent rappellés & punis; mais ceux de Hollan„ de déclarerent que de Witt n'avoit rien fait que par  „ par leurs ordres & qne les AmbafTadeurs avoient ,, été obligés de fe conformer a la volonté de leurs „ Maitres. La Zélande pro.tefta contre 1'acte d'ex„ clufion dans des termes auffi forts que .la Frife, „ ét propofa denommer dès a préfent le jeune „ Prince , [Capitaine & Amiral - Général. Cette „ mésintelligence entre les Provinces obligea celle „ de Hollande a publier fa juftification , & cette „ piece importante, attribuée a de Witt, fut? tra,, duite en plufieurs langues. " . „ La Hollande rendoit compte de la néceffité „ ou elle s'étoit trouvée d'accorder a Cromwel eet „ acte fans lequel la Paix ne pouvoit ètre con„ clue. Elle foutenoit qu'étant Souveraine elle „ pouvoit avoir un Stadhouder, ou s'en pafler, „ donner fa voix ou la refufer pour la nomina„ tion d'un Capitaine Général; que chaque Pro„ vince, en vertu de ce droit, avoit exclus Phi„ lippe II. en 1581. & le Duc d'Anjou, en 1583, „ fan; qu'on ait alors prétendu que cette con„ duite étoit contraire a 1'Union. La Hollande rap„ portoit une foule d'exemples qui prouvoient que „ les Provinces avoient fouvent conclu des traités „ particuliers, fans' la participation 1'nne de 1'au„, tre ; elle foutenoit que dansunEtatlibreperfonne „ ne doit.avoir, par fa naijfance , le droit de pos,, fede'r aucune dignité, mais que les emplois dei„ vent toujours itre donnés au mérite. Elle recon„ noiffoit la grandeur des Services rendus par les „ Stad-  < i4ï ï Stadhouders, mais elle prouvoit qu'ils avoientjöui „ d'une trés grande autorite, de beaucoup d'honneurs „ & de biens , puisqu'on pouvoit évaluer i plus de „ ao,oo®,ooo florins lés fommes que la Province „ avoit donriées aux Princes Maurices Frédéric „ Henri, & Guillaume II; qu'a la vérité Guil„ laume I. avoit facrifié fes biens & fa vie pour „ la Patrie, fans qu'on ait pu le récompenfer „ comme il le méritoit. C'étoit après la mort ,, de ce Héros qu'il faïlólt témoigner a fon Fils la „ reconnoiffance due au Pere; cependant la Fri„ fe alors élut pour Stadhouder le Comte Guil„ lanine Louis de Naflau, au préjudice du jeune „ Manrieej & cette même Province ofe a préfent „ dire que les manes de ce Héros incomparable „ demandent vengeance de 1'ingratitude de la „ Hollande envers fon arriere petit-fils. Si la Frife a pu fans ingratitude exclure Maurice déja „ dans la fleur de fa jeuneffe, pourquoi la Hol„ lande ne pourroit elle pas exclure Guillaume „ encore enfant? La Province de Groningue n'a „ t'elle pasrécemment fait tort a ce mème enfant, „ fils defon dernier Stadhouder, pour élire le Comte ,, Guillaume Frédéric ? D'alleurs les Provinces qui „ parient tant de reconnoiffance , devroient fur„ tout ne point oublierles fervices de la Hollande. „ Elles devroient fe fouvenir que cette Province „ & cette de Zélande, fous la conduite de Guil,> laume Ei, ont foutenu pendant plufieurs années  t 142 > „ la guerre contre 1'Efpagne ; que la Hollande „ avoit empêché que le Pays ne fut foumis au „ Duc d'Anjou, qu'elle s'étoit oppofée aux des„ feins ambitieux dü Comte de Leicefter; qu'elle avoit feule fupporté les frais de la guerre contre 1'Efpagne, & ptêté plufieurs millions aux au, tres Provinces, & qu'enfin 'la Hollande avoit ,, encore fait la mème chofe dans cette derniere „ guerre aVcc 1'Angleterre." Vous voyez , mon Oncle , que je n'ai rapporté qu'une trés petite partie de cette juftification, j'ai cru feulement devoir m'attacher aux preuves du droit de cette Province, comme Souveraine , & aux grands fervices qu'elle a toujours rendus' a la République. Mr. Herman. Tu as trés bien fait: les circonftances oü cette province fe trouve , rendent eet éclaircifïement nécefi'aire a votre infiruétion. II eft bon que vous fachiez que les Etats Généraux, après avoir, fans la participation de la Hollande, donné pouvoir a Maurice de faire arrêrer Oldenbarneveld, & fes autres Compagnons de fon infortune, fe plaigncnt que cette Province prend , fans eux, les mefures quelle croit utiles pour fon bonheur, & celui de la République , dont elle eft le principal fouti*n. C'eft lorsque Guillaume II. fut dans les Villes de la Hollande, a la tète d'une Députation. ' > in?  < 143 ) ïnconftitutionelle, & qu'il envoya des Troupes contre Amfterdam, qu'il falloit reprocher a ce Prince & a fes Partifans, qu'ils transgreffoient les Loix de 1'Union. Mais la Hollande a toujours excité la jaloufie des autres Provinces, & la haine de nos Stadhouders. S o p h I e. J'ai rcmarqué, mon pere, que dans fa défenfe la Hollande pretend que perfonne ne doit, par fa naiffance feule, pofféder aucune dignité dans un Etat libre.v Pourquoi donc notre Prince aétuel eft il héréditaire ? fi j'entends bien ce mot, il fignifie que Gu:Ilaume V. a fuccedé aux Charges de fcn Pere, & que fes Enfans fuccéderont aux Hennes, par le feul droit de leur naiffance. Cependant nous fommes dans un Etat libre. Mr. Herman.' Oui, mon Enfant, notre Pays porte encore la npm de République, mais c'eft a peu prés tout ce qül lui refte d'une Conftitntion, qui a couté tant de fang a nos Ancétres.- La Tyrannie & les Séditions ne nous ont laiffe que 1'ombre de la Liberté, qu'on cherche encore a nous êter. Mais «coutons ce que Henri peut avoir a nous dire. Henri»  Henri. „ Les Provinces óppofées a 1'Acte d'exclufion, ,, avoient avancé dans 1'Affemblée des Etats Géné„ raux, que eet Aéle étoit 1'ouvragè des ennemis „ de la Maifon d'Orange,~ & que Cromwel avoit ,, été excité par eux a 1'exiger. Mais Beverning , „ un des AmbafTadeurs, affura fous ferment, dans „ PAfiemblée des Etats de Hollande, que ni lui, „ ni perfonne> a fa connoiffance n'avoit fuggéré a „ Cromwel d'exiger eet Acte d'exclufion, comme ,, un Préliminaire de la Paixainfi que plufieurs „ perfonnes paroiffoient le croire , & que les Dé„ putés de la Frife 1'avoient donné a entendre. „ Cet Ambaffadeur renouvella quelques années „ plus tard la meme déclaration, qui fut faite „ auffi par fon Collegue Nieuwp'oort. Ces décla„ rations n'empèchoient pas les Partifans de la „ Maifon d'Orange, de'cherclier tous les moyens „ de perdre de Witt. Jean van MeJJen , Premier ,, Secrétaire'du Grand - Penfionnaire, tranferivoit „ depuis quelque tems les Lettres, les Pieces, 3c ,, les Réfolutions les plus fecrettes, 3c les livroit „ a un certain Theodore van Ruiven, qui prenoit „ foin a la Haye des affaires du Prince Guillaume „ de Naffau, & qui lui remettoit en main, ce ,, qu'il avoit recu de van Meffen: ce fut ainfi. „ qu'on découvrit la Correfpondance avec Crom- wel. Ces deux Scéjérats ne fe contenterent pas  „ de découvrir des fecrets réels, ils accuferent de „ Witt de plufieurs chofes, qui 1'auroient reridu „ digne du dernier fupplice, fi elles eufient été „ véritables. Us lui imputoient d'avoir tfché par „ le moyen des AmbafTadeurs Eeverning & Nieuw„ poort, d'enga?er Cromwel a envoyer une Flot;, te fur les cótes de Ia Zélande , pour obliger „ cette Province a confentir l PAéte d'exclufion , „ & pour portêr enfuite des troupes dans la Hol„ lande fous le commandement d'un Général An„ glais. Ces deux traitres avoient tacb/é d'inter„ cepter les lettres du Grand Penfionnaire, & „ d'enlever de fa Maifon un coffre dans lequet „ étoient fes papiers les plus fecrets : ils avolen* eu méme connoifTance d'un defTein formé con„ tre fa vie. La Sentence de la Cour' de Hollan,-, de prononcéc contre eux le 27. ©öóbre 1655, „ faifoit mention de toutes ces chofes & de plu-.' „ fieurs autres. Van Meflen fut déclaré infame' „ pour toujours, Sc van Ruiven banni feulemenr „ pourdix aris des Provinces de Hollandé, Weft„ frife, Zélande & Utrecht. De Witt & beaucoufp „ d'auti'es trouverent cette Sentence trop douee; „ furtout a 1'cgard du Secrétaire." Voila tout ce que j'ai trouvé de plus important 1 1'égard de 1'Ade d'exclufion , qui rendit de Witt fi odieux a la maifon d'Orange , & a fes partifans. Mon Coufin voudra bien a préfent' füivre pour quelques inllans le ceurs des événemans , qui ont rap« por:  port avec ce grand homme, & avec fon frere qui fut enveloppé dans la mème disgrace. Theodore. Avant de lire mon extrait je vais rapporter quelques circonftances qui m'ont paru néceffaires a favoir pour comprendre la fuite des événemens. Après la mort de Cromwel les Partifans du Roi changerent la forme du Gouvernement en Angleterre , Sc rappellerent Charles II. Ce Prince vint de Breda a la Haye, & fe rendit avant fon départ ia 1'affemblée des Etats Généraux , & de ceux de Hollande ; ü leur recommanda fa Soeur & le Prince d'Orange fon neve'u, les priant d'avoir égard a ce qu'il pourroit leur demander , pour lui mème, ou pour le jeune Prince. De Witt lui répondit, au nom des Etats, qu'on ne négligeroit rien pour répondre .a 1'attente de fa Majefté , autant par re fpeèt pour fa perfonne, que par reconnoiffance des fervices que les Ancctres du jeune Prince avoient rendus a la République. La Mcre de Guillaume 111. propofa aux Etats Généraux & a ceux de Hollande d'élever fon fils aux dignités de Stadhouder & de Capitaine Général ; la Zélande appuya cette demande, mais les Provinces de Gueldre de Fr'fe & de Hollande répondirent qu'on ne pouvoit élever le Prince a ces importantes charges avant qu'il eüt atteint i'lge de i S ans. La Hollande s'occupa du foin de fon éducation , afin de le rendre ca- pa-  * M7 ■pablc de poflcdcr les dignités de fes PrédéceTTeurs* & le 29 Septembre 1660. Pafte d'exclufion fut aboli. Sophie. Ceux qui avoient accufe de Witt de chereher ta mine de la Maifon d'Orange n'eurent plus ce reproche a lui faire, & durent ètre perfuadés qu'on u'avo;t donlic cét afte a Cromwel que par néceflitc. Theodore. Les Partifans du Prince ne furent pas encore fatisfaits, ils vouloient que eet enfant pofTcdat le. premières charges de la République, afin d'avoir fous fon nom toute 1'autorité. Le Roi d'Angleterre fe plaignit de de Witt Paccufant de ne pas temr la parole qu'il lui avoit donnée. En 1663 ïes Etats de Hollande donnerent a tous les Membres de leur affembiée un aöe d'indemnité, pour tous les dommages qu'ils pourroient fouffrir dan* leurs biens, leurhonneur, leurs charges, ou leurs perfonnes, pourcaufe des propofitions, confeils ou réfolutions qu'ils auroient pü prendre, Faire on* donner, en maintenant le Gouvernement aöuel # la Liberté. Chaque Membre recut une copie' de eet Afte, conforme k la réfolution , & de Whz fut continué pour cinq ans dans fa place de GrandPenfionnaire, qu'il occupoit depuis dix. . En l66s' Charles II. après avoir fait attaquer les ' Vaiireaux de la République, déciara la Guerre, K- V - «1  il fe donna une Bataille navale, que nous perdfmes, & les Officiers qui n'avoient pas fait leur devoir furent punis, les uns de mort, les autres . j, par le banniffement, après avoir été déclarcs infames, & incapables de fervir 1'Etat. Henri. Ponrquoi donc, mon Oncle, n'a t'on pas encore puni ceux qui ont fait manquer 1'Expédïtion de Brest? Mr. Herman. Paree que nous avons un Amiral Général qui eft Prinue. Theodore. Pendant que 1'Angleterre attaquoit la République, pour les intéréts de la Maifon d'Orange, Ia Populace fe fouleva dans plufieurs Villes. A Leide on jetta dans Peau un Tambour, qui battoit la caiffe pour recruter, & le Peuple cria qu'il falleit lever des Troupes pour Je Prince, & non pour les Etats, qui étoient des Traitres. L'Equipage du Vaiffeau de Tromp ne voulut point lever 1'ancre de devant le Texel, qu'au nom du Prince. Quelques Villes propoferent de lui. donner les dignités de fes Ancêtres, mais de Witt les raffura & fe rendit au Texel > pour y appaifer les Troubles. Les  * Les Etats ordonnerent un Jour de Prieres, mais plufieurs Miniftres eurent la hardiefle de fe 'plaindre en chaire de Pingratitude qu'on témoignoit a la Maifon d'Orange. Afin d'arrèter leur zèlc féditieux les Etats de Hollande défendirent a tous les Miniftres de parler dans leurs Sermons d'aucune matiere Politique, fous peine d'ètre prives de leurs places pour toujours. Mr. Herman. .Ceftje plus doux chltiment qu'on puiffe inniger k ces impofteurs, qui pour un vil intérêt excitent le peuple a la révolte, & qui mème quelque fois fe mèlent publ'quement avec lui, comme il eft arrivé a Rotterdam il y a 3 ans. Theodore. On propofa la Paix avec 1'Angleterre, & cinq Provinces furent d'avis, que pour y parvenir plus aifément, il falloit nommer le Prince Capitaine ' Général; mais la Hollande déclara qu'elle ne confentiroit a aucun Traité, fi c'étoit la une des conditions. Les Amis de la Maifon d'Orange repandoient le bruit que de Witt étoit la feule caufe de la Guerre, pour avoir la gloire de commander la Flotte de 1'Etat, & le peignoient comme un Traitre. Cependant d'Eftrades, Ambaffadeur du, Roi^ de France, écrivoit dans ce tems la qu'il y avoit en Hollande quatre perfonnes iucorruptibles, K 3 le  ( i5° 3 3e Grapd-Penfionnaire de Witt, fon Frere C&riieille, Beverningk & van Beuningen. La Cour d'Angleterre envoya un Jéfuite, pour affalïiner de Witt, & on chercha. les moyens de s'affurer de eet Homme, qui étoit déja en Hollande, pour faire fon coup. Dans un grand Combat naval, qui fe donna en 1666. le Vice Amiral Tromp ne feconda pas de Ruiter, & fur la propofition de de Witt les Etats de Hollande priverent de fa place eet Officier, dont 1'attachement pour la Maifon d'Orange étoit connu. Henri." Je crois, mon Oncle , que cette rigueur étoit néceffaire, & je voudrois bien que le Comte de Byland ne portat plus 1'Uniforme de 1'Etat; il eft bien plus coupable que Tromp ne le fut. II y *, je penfe , une grande différence entre ne pas faire tout ce qu'on doit , & refufer abfolument d'obéir. 11 faut efpérer qu'enfin cette désobéiffianCe fera punïe. Mr. H e r m a- n. J'en doute beaucoup , mon Ami; fi le coupable *e peut fe fouftraire a la punicion, il fe démettra de tous fes Emplois, & quittera le Pays; voila «oute la fatisfaclion que nous pouvons efpérer. The*-  ( i5i 3 THEeneRE. Un certain Buat, Officier an fervice de la République , & qui avoit été Page du Prince d'Orange, fat décapité a la Haye, pour avoir entretenu correfpondance avec le Sécrétaire d'Etat de Charles li. au fujet d'une confpiration en faveur du Prince. En 1667. les Etats Généraux mirent une Flotte en mer, & Corneille de Witt, Ruwaard de Putten, Frere du Grand - penfionnaire, fut nommé Député des Etats a bord de cette Flotte, qui fit voile vers 1'Angleterre , & qui brula plufieurs Vaiffcaux de Guerre aux Ennemis, dans le Port de Ghatam. Les Etats recompenferent Corneille de Witt, le Général de Ruiter, & le Vice.-Airüral van Gend; le premier recut même une penfin de 30,goo florins des Etats de Hollande, pour les grands fervices qu'il avoit 'rendus a 1'attaque de Chatam. La Paix fe fit cette même année, & Charles II. demanda que Kievit, un des complices de Buat, condamné pour crime de Leze - Majefté, fut rétabli dans tous fes biens & emplois. Ón refufa cette demande, &■ Kievit refta en faveur a la Cour de Londres, jufqu'a ce qu'il revint en Hollande quelques années plus tard. Après la couclufion de la Paix les Etats de Hollande s occuperent du Gouvernement 4e leur ProK 4 vin-  ( 152 ) Vince, & prirent la fameufe Réfolution, connue fur le nom cfEdït Perpétuel, De Witt fut regardé comme 1'Auteur de cette Piece importante, & devint encore plus odieux a la Maifon d'Orange , & a fes Partifans, puisque le Stadhoudérat fut non feulement féparé des charges de Capitaine & d'Amiral Général, mais totalemcnt aboli, relativement a la Province. L'ordre Equefiïe, les Régences des Villes, les Membres de 1'Affemblée Souveraine, & Ie Grand-Penfionnaire, jurerent tous Pexécutipn de eet Edit; & celui qui feroit élu pour Capitaine & Amiral Général devoit s'engager, par ferment, a ne jamais demander la dignité de Stadhouder. Cette Réfolution fut prife 2 1'unanimité, pour le waintien de la Liberté, de F Union, (jf it la tranquMHté générale, Sophie. Puisqu'il eft queftion de Stadhouder, je vous prierai, mon Pere, de vouloir bien me dire quel «■ft ce titre , & s'il eft abfolument néceffaire , comme bien des perfonnes le prétendent, qu'il y ait un Stadhouder dans notre République. Mr. Herman. Les Anciens Souveraïns des Pays-Bas avoient nommé des Officiers, appelles Stadhouders, pour préfider, en leur abfence, ou en celle des Gouverneurs généraux, aux Affaires Civiles, pour confirmer les no-  C *53 ) nominations des Magiftrats, & juger les diffl'rends qui pourroient s'élever dans les Provinces , confiées a leurs foins. Guillaume L fut le dernier de ces Stadhouders nommés par les Souverains, & lorsque nos Ancêtres eurent fecoué le joug de 1'Efpagne , les Etats Généraux, Sc ceux des Provinces conférerent le titre de Stadhouders & des Princes de la Maifon d'Oranses, avec les mèmes fonótions, & prérogatives , que fous 1'Ancien Gouvernement. L'Union d'Utrecht les inftitue cbnfervateurs des Privileges , Droits & Franchifes des Provinces , Villes & Membres de la Confe'de'ration, Sc leu» confirme 1'arbitrage pour appaifer ou terminer les querelles, qui pourroient furvenir entre les Confédérés. Mais le Stadhoudérat, dans la conftitution aftuelle, eft non feulement iautile, mais même dangereux pour 1'Autorité Souveraine. Je vais m'expliquer a eet égard: Les Députés réunis des Villes qui ont voix dans 1'Affemblée Provinciale forment la Souveraineté, Sc dans leur abfence font repréfentés par 1« Confeil Comité; donc le Souverain eft toujours préfent, & c'eft a lui qu'appartient inconteftablement le droit de confirmer l'Ele&ion des Magiftrats , & non pas au Stadhouder, qui ne peut le faire, fans un abus fenfible, qu'en 1'abfence du Souverain. Ce n'eft pas affez que la prérogative de confirmer les Eleftions accordée au Stadhouder foit inutile , elle détruit 1'Autorité Souveraine, en remplilfant K 5 les  t J54 J les Regences particuliercs, & conféquemment les Affemblées Provinciales de perfonnes qui tenant leurs places du Stadhouder, n'auront d'autre fentiment que Ie fien. Et quand les charges de Capitaine & d'Amiral Général fe trouvent poffed.es par le Stadhouder, PArmée, la Marine, & le Gouvernement dépendent abfolument de fa feule vclonté; la Souveraineté n'eft qu'un vain nom & 1'tfclavage remplace la Liberté. Les Etats de Hollande firent donc trés fagement , en 1667. d'abolir le Stadhoudérat, & d'oraonner qu'aucun Capitaine ou Amiral Général ne pilt même demander d'en ètre revètu. Les mafTacres & les émeutes, moyens favoris de nos Princes , ont fait anr nulier eet Edit, qui auroit du, pour nctre bonheur, être perpétuel. Ta queflion, ma chere Sophie, m'a conduit plus loin que je ne penfois; ton Frere va flair notre converfation d'aujourd'hui, par quelques remarques détachées, qui ferviront ajetter du jour fur la déplorable fin des Freres de Witt. Theodore. Le Grand - Penfionnaire fit conclure, en iööS. la Triple Alliance entre I'Angleterre , la République , & la Suede, pour s'oppofer au deffein de Louis XIV. qui vouloit s'emparer des PaysBas Efpagnols; & les Etats de Hollande le continuerent pour cine ans dans fa place. Ils lui ac-  corderent quelque tems aprés, en teconnoiffance de fes fervices extraordinaircs, une gratification de 45000 florins, & 1'Ordre Equeftre joigi eij particulier, 15000 florins a ce préfent. En 1670. les Provinces feréunirent avec la Hollande ,»pour féparer la dignité de Capitaine Gci,._ral de celle de Stadhouder, & lc Prince d'Orange prit féance au Confeil d'Etat. Er.fuite il fit un voyage en Angleterre, pour favoir quels ef.brts, fon Oncle voudroit tenter en fa faveur auprès des Etats Généraux, au fujet des Dignités, dont fes Ancètres avoient épé revètus dans les Provinces Unies, On réfolut en 1671. de nommer le, Prince Capitaine Général, a condition qu'il ne pourroit ètre Stadhouder d'aucune Province, ai inliaüer aucun Magilirat, ou donner aucun emploi; qu'il ne délivreroit aucune Patente pour la marche des Troupes; qu'il ne fe mèleroit, ni de la Réligion, ni du Gouvernement, ni de la Fihancë, ni d'aucun dlfférènd entre les Provinces, mème o'il en étoit requis. II y eut partage dans les feminiens, au fujet du tems que le Prince feroit Capitaine Général : quelque Membres de 1'AfTemblee voulant qu'il le füt a vie, & d'autres feulement pour une Campagne: cette óiverfité ^Sopinions empccha de prendre une Réfolution a eet égard. L'annce fuivante le Prince fut nommé Capitaine Général, mais feulement pour une Campagne, felon le fen-  t 15* ) fentiment de la Hollande. On lui délivra deux Commiffions, une pour la place de Capitaine Général, mais felon lesquelles il ne pouvoit prendre le Commandement des Forces de Terre ou de Mer, que par un nouvel ordre des Etats. On réfolut de ne faire aucun changement aux Inftruct ;ons données au Prince, fans le confentement général de tous les Confédérés, & Guillaume prêta ferment, felon ces inftructions. Voila ce que j'ai trouvé de plus important jusqu'au commencement de 1672, & je n'en ai pas fait un extrait fuivi, quoique j'aye employé presque toujours les paroles de notre Hiitorien, «lans le compte que je vous ai rendu. Mr. Herman. C'en eft affez pour aujourd'hui, mes infans; les événemens que vous avez a rapporter demain, vous prouveront que Guillaume trouva les moyens de violer les fermens qu'il avoit prctés, & de s'emparer de toute 1'Autorité. N E U-  C' '5? ) NEUVIEME SOIREE, Mr. Herman, Sophie , Theodore, s H £ n r i. Henri. n A.u mois d'Avril de cette même année 1672. •„ les Rois de France & d'Angleterre déclarerent la „ Guerre a la République. Le premier étoit ir„ rité que la Triplc Alliance 1'eüt forcé de re„ noncer a fes projets de conquète ; mais Char„ les II. Oncle du Prince d'Orange , n'avoit d'au„ trebut, que d'abattre le parti oppofé aux in„ térèts de fon Neveu, comme il s'en expliqua „ lui-mème dans une Lettre, en ces termes: „ L''Alliance que fai conclue avec fa Majeftè Trés „ Chrétienne rta pour objet que de ruiner Vinfup„ portable arrogance de la faciion de Loeveftein, „ qui dcpuis quelque tems s'eft emparèe de toute ,. I''Autorité dans les Provinces Unies ". Theodore. Les intentions de Charles II. étoient fürement connues de de Witt, *: je m'étonne qu'il ait confenti a la nomination du Prince d'Orange, en quaÜté de Capitaine & d'Amiral Général, » Mr.  ( w y Mr. Herman. - Ge Prince avoit 'trop de Partifans, pour qu'on a;t pu prenJre \e parti Ie plus prudent, mais en lui accordant le titre de Chef, on eut dumoins la précaution d'cmpccher qu'il n'en abufit contre les intéréts du Pays; c'eft tout ce que les circonftances permettóient alors. Henri. „ 'La flotte de 1'Etat mit en mer fous le com„ mandement du Vice-Admiral de Ruiter & Cor„ ncillc de Witt fut encore nom mé Député des ,, Etats ;i bord de cette flotte , & manqua d'ètre „ tué d'un boulet de Canon , dans le Combat qui „ fe donna le 7. de Juin, & qui dura depuis huit heures du matih, jüsqu'ü la nuit, avec une ,, perte'presque égale des deux cötés, quoique la „ flotte combinée des ennemis fut forte de 130 „ Voiles, & la notre de 91 feulement." Mr. II e r m a n. Si notre Marine avoit été auffi mal dirigée dans ce tems l.i qu'elle 1'a été dans la derniere guerre, la République n'exifteroit plus: c'eft aux Freres de Witt que nous devons fa confervation, nel'oubliez pas, mes , enfans. Henri. „ Pendant que Louis XIV. étoit aux portés de  ( *59 ) * la Hollande, le Prince d'Orange traitoit en fe„ cret avec fon Oncle le Roi d'Ariglëterre& A lui avoit fait propofer pour conditions de Paix: ,, La reconnoiffance du droit de Pavillon fur tou„ fes les Mers; cent mille florins par an pour la * lAerccab Ia Pêche; Surinam enpropriété ; quatre " ln-l!ions de florins, payables i difiérentes épo„ ques ; la Ville de 1'Eclufe en ötage , & Ia Sou» veraineté des Provinces-Unies pour le Prince. „ En cas que la Roi d'Acgletcrre acceptit cescon„ ditions, il ne devoit donner aucune affiftance a „ Lpuis XIV. & lui déciarer qu'il ne vouloit plus „ continuer la Guerre s'il impofoit aux Etats Gé„ néraux des loix trop dures. Le Prince alors au„ rolt eu foin qu'on envoyit en Angleterre d'au„ tres AmbafTadeurs entierement devoués a fes in„ tcrèts, & auxquels il pilt s'abandonner. Guïl„ laume prioit fon Oncle de lui faire connoitre fes „ ifltention*, & lui promettoit ü'y faire confentir o les Etats Généraux , en dépit du Grand Penfion* nan'e& dc'fa faftion,pourvil que les conditions " du trake ne fufrent: Pas d:reacment contraires A aux Loix fondamentales de 1'Etat." Theodore. *On avoit accufé Oldenbarneveld, on accufoit enccre de Witt de traiiir le Pays & de le vendre a Pennemi; cependant ils n'avoicnt jamais propofé de pareilJes conditions: s'ils eufient cté capables ils  ( i6o ) ils auroient mérité leur fort. Guillaume, fans aucun ordre & même a 1'infcu des Etats, propofe des conditions honteufes pour fa Patrie, & offre de remettre entre les mains de 1'Angleterre une de's plus importantes places de République, comment après cela pouvoit il parler de fon Zèle pour 1'Etat ? Henri. Ce qui me furprend c'eft que Guillaume a Page de vingt deux ans, & n'ayant presque aucune autorité fit en fon pröprè nom de pareine* propofitions, & qu'il promit de les faire afccepter, malgré le crédit de de Witt, & le fentiment de la Province de Hollande. Mr. Herman. Le Prince étoit conduit & foutenu paf une cabale qui trava'lloit depuis' longtemps a fon élévation ; le Peuple étoit féduit par les Miniftres qui lui perfuadoient que la Maifon d'Orange pouvoit feule fauver 1'Etat & la Réligion, & que les Régens du parti des Etats avoient vendu le Pays <ï la France. Voila ce qui engendra les malheurs de ce tems la , ceux qui fout arrivés depuis, & ceuxqui neus menacent encore : les mêmes caufes produifent toujours les mêmes eifets. Voyons comment les Etats fe conduifirent dans la circonftauce facheufe oii fe trouvoit la République. Hénri.  H ê n r. r. On envoyajeande Gend, Guillaume de Nas- '„ fau & Pierre de Groot en députation au Roi de „ France , qui leur fit déclarer qu'il ne vouloit „ traiter qu'avec des Plénipotentiaires, & qu'il „ vouloit favoir qü'elles offres les Etats lui fe„ roient. Be Groot revint a la Haye pour pren„ dre de nouveaux ordres ,-& déclara dans 1'Affem„ blée des Etats de Hollande qu'il n'y avoit que „ deux partis a pTendre, celui de la defenfe, ou „ celui de traiter avec la France, aux meilleures „ conditions poffibles , qu'il n'y avoit point de „ tems a perdre, que le Roi feroit dans deux „ jours a Utrecht , & qu'il prendroit enfuite le „ chemin de Gouda & d'Amfterdam. Après de „ longs débats on prit la réfolution de donner un „ plein pouvoir aux Députéi, & les Etats Géné„ raux y confentirent a la pluralité des Voix. Les i, députés d'Amfterdam & de quatre autres Villes „ qui n'avoient pas été préfens a la Délibération „ amverent peu de tems après, & ceux d'Am/, fterdam furteut s'oppoferent au plein pouvoir „ & dirent que la Ville, quoi qu'il pflt arriverv » aeit refolue a défendre le Pays ; cependant on „ ne changea a rien a la réfolution." /, Les malheurs de 1'Etat furent impittcs aax ft Régens, qu'on accufa d'avoir vendu le Pays a la i, France; les amis de la Maifon d'Orange , qui cherP „ choienr  (; 162 ) „ choient depuis longtems 1'occafion'd'élever le „ Prince aux dignités de fes ancétres, fortifioient „ les founcons du peiiplc, & 1'animoient contre „ les Souverains. La Nouvelle de la Négociation „ avec la France fit éclater la révolte : On pilla „ les Maifons de deux Bourguemaitres, a Haer„ lern, & a Hoorn; plufieurs Miniftres accufoient „ en chaire les Régens de trahir le Pays, & per„ fuadoient au Peuple que le mauvais état des affaires ne venoit que du peu d'Autorité, qu'on „ laiffait au Prince. Dans le nombre de ces Mi„ niftres féditieux, Landman, Simon Simonides t a la Haye, Borjiius & Urfinus, a Rotterdam, „ fignaloient leur zèle pour la Maifon d'Orange. „ Gruterus de Haerlem , accufa plufieurs Régens „ de trabifoH, & répondit a ceux qui lui deman„ derent de qui'il prétendoit parler, qüe fes pa„ roles défignoient 1'AmbalTadeur de Groot, qu'il appella un ceuf pourri couve a Loeveftein. Quelit ques Membres des Etats de Hollande, craignant „ les fuites de ces revoltes, & de cesfoupcons, „ propoferent de donner au Prince le droit de „ Patentes, mais il fe paffa quelques jours avant „ que la Réfolution en fut prife ". Sophie. Vous direz peutêtre, Papa, que je répete fouvent la mème chofe, mais je ne puis m'empêcher de rémarquer que les Membres des Etats de, Hol- lan-  C ) lande changent trop fouvent de Réfolution, éC que le Parti de la Maifon d'Orange prend le 'des* lus quand les révoltes augmentent. Puisque 1'intérct de la Liberté demande que cette Maifon ne foit pas trop pui/Tante, il faut s'oppofer a fon ambition avec fermeté dans tous les tems, & ne point fe laiffer intimider par les cris de la'popu- lace. Je fuis d'un fexe foible & timide, mais fi j'avois pris un parti jufte, rien ne pourroit, je crois, me le faire abandonner. Mr. Herman. Ta réflexion eft trés bien placée, mais 1'intérét perfonnel détruit presque toujours les fentimens Patriotiques; on tremble pour fa fortune, pour fes jours, on les conferve en cédant au torrent. II eft peu de ces ames fublimes , qui fe devouent«pour le falut de leur Pays, & qui veulent imker 1'exemple de ces trois cents Lacédémoniens, qui périrent tous en défendant le détroit .des Thermopyles contre 1'Armee innombrable du Roi de Perfe.' Un petit nombre. d'liommes, biens «nis, & pénétrés du véritable efprit Républicain, vaincront f toujours deS Soldats mercénaires, qui vendent leur fang au premier Tyran qui veut les payer. II ne faut pourtant pas aeeufer de lachete tous les R.;.gens qui vivoient i 1'époque, qui nous occupe aétuellement. La République étoit attaquée par deux Ennemis redoutables , dont L 2 1'un  1'un aVoit conquïs trois de nos Provinces, & rrrenagoit les autres d'une invafion presque inévitable ; la confternation étoit générale, la Cabale de nos Princes 1'augméntoit encore, & le déteftable afTaffinat des Freres de Witt acheva de mettre notre Patrie dans les fers de Guillaume. La révolution de 1748. fut operée en tems de Guerre ; mais nous n'avons point d'excufe a préfent, & fi nous négligeons de recouvrer nos droits naturels & légitimes, nous méritons de les perdre pour toujours. Tu trouveras la preuve de ce que je viens de dire dans le récit de ton Coufin Henri. „ Les murmures du Peuple contre les Régens „ s'augmentoient tous les jours, & de Witt ayant ,, depuis plufieurs années la conduite des affaires, „ & s'étaat oppofé plus qu'aucun autre a 1'élé„ vation du Prince, étoit en butte a la haine des ,, Partifans de la Maifon d'Orange, Son Frere , „ & fes amis partageoient cette haine, qui fut „ pouffée a un tel excès, que plufieurs perfonnes ,, entreprirent d'afTaffiner les deux Freres. Le „ 21. Juin 1672. le Grand - Penfionnaire fortit a „ prés de minuit de 1'Affemblée des Etats de Hol„ lande, n'étant accompagné que d'un Domefti„ que qui portojt un flambeau devant lui. Qua„ tre hommes 1'attaquerent, & après avoir éteint „ le fiambeau, le blefferent au col, aux épaules &  C 1*5 ) „ & aux cotes, & croyant 1'avoir tué prirent la « fuite. On découvrit bientóf que les Affaflins „ etoicnt les deux Füs du Confeiller van der " °raaf' B°rrebagh & de Bruin, mais on ne put „ fe faifir que de Jacques van der Graaf, qui fut „ auffitdt traduit devant la Cour de Hollande. II „ avoua qu'en fortant de la Maifon du Confeiller „ ou ils avoient foupé tous quatre, ayant remarqué » qu'il y avoit encore de la lumiere dans 1'As„ femblée des Etats de Hollande, & jugeant que „ Ie Grand-Penfionnaire y étoit encore, ils avoient „ refoludeluiöterlavie, parce.qn'ils le croyoient „ traitre a la Patrie, II ajouta que de Bruin avoit „ porte le premier coup, & que lui avoit bleflc „ de Witt entre les cpaules avec un couteau. „ Huit jours après eet afiaffin, eut la tète tran„ chée, & les amis de la Maifon d'Orange le „ traiterent de Martyr ". Theodore, On donne auffi cette épithete au Perruquier Mourrand, malgré la clémence de Meflieurs de Gyfelaer & Gevaerts. II femble que les crimes commis pour la caufe de nos Princes foient des actes de vertu, Henri. „ On eut même 1'audace de publier que 1'at„ tentat de van der Graaf étoit une action pieuL i „ fe;  c i6"°" y „ fe; fes complices reparurent quand Guillauma „ eut changé la face du Gouvernement, & Borre„ bagh, qui ctoit Directeur de la Pofte, conferva ,, fon emploi. Les bleffures du Grand-Peniion„ natre ne fe trouverent pas dangereufes, & fu„ rent bientót guéries. Son Frere étant tombé „ malade a Bord de la Flotte , obtint des Etats ,, la permiffion de venir a Dort. 11 trouva toute „ la VMle enrumeur, & la Populace animée con„ tre lui; le tableau de fon expédition de Cha„ tam , avoit été depuis quelques femaines arra- ché de 1'Hötèl-de-Ville , déchiré , les mor„ ceaux étoient épars auprès de Ia grand-garde, „ & on avoit attaché a la potence la tète de fon „ Portrait. Quelques jouts- après fon arrivée, „ quatre perfonnes inconnues vinrent frapper & fa „ porte, a onze heures du foir, fous prétexte de „ lui vouloir parler, on leur répondit qu'il étoit „ malade, mais ces Aflaffins voulurent enfoncer „ la porte, & fans doute ils y auroient réuffi fans „ un Domeftique, qui fortit par une porte de „ derrière, & courut au Corps - de - Garde de„ mander du fecours. Les deux Freres échap- perent au danger qui les menagoit, mais ce ne „ fut pas pour longtems. „ La Ville de Veere en Zélande fut l£f première „ qui proclama Stadhouder Guillaume III. & Dortne tarda pas a imitex fon exemple". S o-  C 1*7 > Sophie. Le Frere du Grand- Penfionnaire y étoit il encore ? Henri. Oui, ma Coufine, & même il fut obligé de figner fur 1'Aéte qui afiuroit au Prince la place de Stadhouder, & comme je fais que vous aimez a connoire tout ce qui regarde ces deux grands Hommes, je fuis entré dans quelque détail, au fujet de la fédition de Dort. „ La Populace, excitée par urie perfonne d'un „ rang plus élevé, cria dans les rues: Vive le „ Prince d'Orange! Elle vomit en mème tems des „ injures contre les Freres de Witt; les Bourgeois „ de Garde imiterent eet exemple; on fit fortir „ les Magiftrats de leurs maifons, on les obligea „ de convoquer le Confeil, & de promettre qu'ils „ éleveroient le Prince a la dignité de Stadhou,, der. Le Bourguemaitre Halling voulut fortir „ de 1'Hótel-de-Ville, par la porte de derrière, „ mais on le menaca de le tuer a coups de hache , ,, s'il refufoit de fe conformer au vcbu des Citoyens. „ On le contraignit ainfi que d'autres Régens „ & quelques Capitaines de la Bourgeoifie , d'aller „ trouver le Prince & de 1'amener a Dort. Guil„ laume fit d'abord quelque difficulté de quitter „ PArmée, mais il confentit enfin, & arriva dans „ la Ville, le ap. Juin, même jour de 1'exécution L 4 „de  ( 1*8 ) „ de 1'airaflin du Grand - Penfionnaire , a" la Haye ". T h e o i) o R E. C'étoit a la tète des Troupes, & en combattant I'Ennemi, qu'il devoit fe montrer digne des éminentesCharges, que fes Ancëtres avoient poffédées, & non pas abandonner la défenfe de 1'Etat, dans une circonftance fi dangereufe, pour venir autorifer la revolte par fa préfencc. Corneille de Witt, qu'on ofo t nommer Tra'tre , avo;t bravé la mort pour le fervice de fa Patrie. II falloit que le Peuple fut bien aveugle, pour ne pas voir la différcnce qu'il y avpit entre ces deux Perfonnes. Mr. Herman. Le Peuple, mes Enfans, reffemble en tout Pays aux Idoles, dont parle 1'Ecriture Sainte; ii a des yeux & ne voit pas, des oreiües & n'en* tend pas. Mais écoutons Henri. Henri. „ Le Prince a fon arrivée a Dort fut recu par „ une Députation de la Régence, & entra dans „ la Ville au milieu de la Bourgeoifie armée, qui „ bordoit la haie; il fut conduit a 1'Hötel de Vil„ le, aux acclamations de la Populace , & le „ Drapeau Orange flottoit fur la Tour. On le „ pria de vifiter les Magazins & les fortifica„ tions de la Vilje, fans lui dire un piot du „ Stad-  ,, Stadhoudérat. On le reconduifit après le re„ pas, mais le Peuple, qui s'attendoit a autre „ chofe , murmura de ce qu'on trompoit la Prin,, ce & les Citoyens. Auiïitot quelques Bour„ geois entourerent fa Voiture, & lui demande„ rent s'il étoit Stadhouder; il affura qu'il ètcit „ trés content. Nous ne le fommes pas, lui ré,, pondit-on, d moins de voir Votre stltefte Stad,, houder. Un Miniftre , ncmmc Henri üibbets, un Marchand de Vin , & dix ou douze autres „ perfonnes promirent avvC ferment de ne point „ laiffer fortir le Prince de Ia VUe, fan-, que la ,, Régence lui eut donné fatisfaction. Quelques „ uns d'entre eux appuyerent leurs fufils chargés „ fur la po trine du Bourguemaitre Halling, aflis „ a cótc du Prince, en lui demandant s'il avoit „ contenté Son AltefTe : Guillaume leur dit: Mes „ Amis , cela ira bien. On le pria de retourner „ dans 1'Auberge ou il avoit diné; dès qu'il y „ fut entré avec les Régens, les mèmes faèteux ,, & une vaingtaine d'autres, animés par le Mi„ mftreDibbets, firentun nouveau ferment, qu'au- cun Régent ne fortiroit en vie, a moins qu'il ,, ne confentit, & qu'il ne fignat Pélévation du „ Prince. Lss Régens troublés par ces mena„ ces, réfolureut d'abolir 1'Edit perpétuel, & de ,, déclarer le Prince Stadhouder de Hollande, „ dans un acte, concu en ces termes: Nous, Magiftrats & Bons-hommes de la Ville L 5 „de  ( i7° > „ de Dort, dèclarons par eet Acte renoncer ct „ l'Edit perpétuel, reconnoiffant, au nom de la „ dite Ville, Son AUeffie le Prince d'Orange, „ pour Stadhouder , & lui conférant le pouvoir, les „ dignités, & 1'autorité dont fes Ancêtres de Glo„ rieufe Mémoire ont été revêtus. Enfin nous dé„ lions le Prince du ferment qu'il a prétê dc ne' „ point accepter le Stadhoudérat. Fait a Dert, le „ 29. Juin 1672. - ,„ Le Prince voyant la tyrannie des Bourgeois, „ fe retourna du cöté des Magiftrats & leur dit „ Mesfieurs, je vous plains. Cependant il accepta „ le Stadhoudérat, comme lui ayant été offert „ par la Ville, après avoir été relevé du ferment „ dont il étoit parlé dans Pafte , qui fut figné par toute la Régence, & même par quelques Mini„ ftres, mais Corneille de Witt auquel on le „ porta dans fon lit, refufa de le figner. On lui „ reprefenta que le Peuple entouroit fa maifon, „ & mena^oit de le tuer s'il perfiftoit dans fon re„ fus. Ce grand homme répondit: j'ai vu dans le „ dernier cembat naval un fi grand nombre de bou„ Iets de canon voler autour de moi , que je ne „ crains pas la mort; j'aimerois mieux la recevoir „ que de figner eet Acte. Son époufe lui préfen- tant fes enfans, fe fupplia les larmes aux yeux , „ de céder a la néceffité, dumoins par pitié pour „ elle & pour Page tendre de leurs enfans. II fe „ laiffa vaincre, mais après fon nom, il ajouta „ ces  „ ces lettres V. C. initiales de deux mots latins, „ qui fignifient contrahit par violence. La Popu„ lace inftruite par un Miniftre du fens de ces deux ,, lettres, ne put être appaifée qu'en les voyant „ effacées. " Sophie. Pourquoi Corneille de Witt ajouta-c'il ces lettres ? rendoient elles fon confentement mil ? Mr. Herman. Oui, ma fille ; un acte ne peut avoir de valeur que quand il eft 1'effet d'une volonté libre, & toute perfonne qui reclame contre la violence, anéantit 1'engagement qu'il a été contraint de prendre. Si des voleurs me forcoient, le piftolet fur la gorge, de leur figner une obligation de 10,000 florins, crois-tu que je fuffe tenu de la payer? Sophie. Non, certainement: mais comment feriez-vous pour vous en difpenfer? Mr. Herman. J'irois chez un Notaire protefter de violence, & mon obligation n'auroit plus de fórce. Corneille de Witt figna 1'acte dont il eft queftion, par pitié pour fa familie en larmes, mais il démentit ce confentement, &l'annulla en même tems par ces deux  ( 172 7 deux letttes, pour fe juftifier aux yeux de la Poftérité. Theodore. Guillaume III, témoin de la violence faite aux Régens en fa faveur, devoit s'y oppofer & déclarer qu'il n'accepteroit la dignité de Stadhouder, que par le confentement unanime & volontaire du Souverain , il me femble qu'une telle conduite convenoit a un Prince, que le fuffrage de la lie du Peuple devoit humilier. Mr. Herman. Si nos Princes d'Orange avoient mieux connu la veritable fierté qu'inspire une illuftre origine, ils auroient été plus grands, plus chéris, & nous ferioiss plus 1'bres; ma's leut ambition les a tellement aveuglés , qu'ils fe trouvent flattés d'être 1'idole de la plus vilc partie de la Nation, dont ils autorifcnt la révolte & les excès. Henri. „ Les mêmes moyens employés a Dort furent „ mis en ufage a Rotterdam, Gouda, Haerlem , „ Delft, Leide, Amfterdam, & les Magiftrats de „ ces villes furent obligés pour fauver leurs jours „ de la fureur du Peuple, de promettre & de fig„ ner qu''Is reconnoiffoient le Prince en qualité „ de Stadhouder. La propofition fut faite dans 1'Aflem-  t, 1'Affemblée des ïtats de Hollande, d'abolir „ FEdit perpétuel.' & le 4 Juillet Guillaume fut >, déclaré Stadhouder, Capitaine & Amiral Général „ de la Province; on lui envoya une députation i, pour lui porter cette nouvelle & le délier de fon „ ferment; il promit de défendre le Pays, de ré„ tablir le calme dans les Villes, & de remplir „ tous les devoirs de fes charges. La joie fut „ univerfelle ; le Drapeau Orange flotta fur les „ Tours, on but a la fanté du Prince, tout le „ monde porta fes couleurs, & le Grand Penfion„ naire de Witt, retenu chez lui par fes blefTures „ fe conduifit comme s'il eut partagé 1'allégreffe ,-, publique. On propofa quelques jours après au „ Prince de donner, en fon nom,- un Edit contre „ les féditions des Bourgeois ; mais il n'y voulut „ pas confentir, fous prétexte que les émeutes i, avoient été caufées par les principaux citoyens „ qu'on ne devoit pas contraindre par desEdits." Sophie. Guillaume avoit pourtant promis de rétablir le repos dans les Villes, rnais il paroit qu'il vouloit laifler a fes partifans le moyen de recommencer les émeutes, quand il en auroit befoin. Je voudrois bien favoir ce qu'il fit pour la défenfe de 1'Etat qui fe trouvoit dans une fituation bien dangereufe. Tbko-  f 174 ) Theodore. Je vais vous fatisfaire, ma freur, en vous rendant compte des principaux événemens relatifs aux conquètes des Francais, & aux Négociations pour la Paix avec les deux Rois. Pendant que les émeutes troubloient le Ré„ publique & que Guillaume en profitoit pour ob- tenir toute 1'autorité, les Francais s'emparoient „ des placcs de plufieurs Provinces, & pénétroient „ jusques dans celle de Hollande. On ne fe croyoit „ pas 'mème en füreté a la Haye , & quelques ,, membres des Etats propoferent d'en fortir." „ Les Miniftres du Roi de France firent, au nom de leur maitre, des propofitions qu'il n'étoit „ pas poflible d'accepter, telles que la ceffion de „ toutes les places qui n'étoient pas dans les fept „ Provinces; 1'éxercice public de la Réligion Ro„ maine, & 1'entrée dans les Magiftratures & les ,, charges pour les Catholiques; une AmbafTade „ extraordinaire, tous les ans, pour remercier le „ Roi d'avoir ren du le Pays aux Etats, & lui offrir ,, une Médaille frappée pour convenir de cet'évé,< nement, & de la reconnoiffance de la Répu„ blique." „ De Groot revint a la Haye & rendit comp„ te de fa miffion aux Etats Généraux & a „ ceux de Hollande; les Provinces & les Villes „ fureat étonnccs de la rigueur de ces propofi- „ tions;  C ) „ tions; Amfterdam furtout déclara qu'on ne pou„ voit les accepter fans fe deshonorer, & qu'il „ falloit rompre toute Négociation. Le Prince „ fut du même fentiment, & les Etats de Hollan„ de réfolurent que de Groot retourneroit auprès „ de Louis XIV., pour lui repréfenter qu'on ne „ pouvoit foufcrire a des conditions auffi dures, „ & lui déclarer que s'il y perfiftoit on étoit dé„ cidé a rompre les conférences. " Henri. Cette réponfe étoit digne des Repréfentans d'un Peuple libre; il valoit mieux s'enfevelir fous les ruines de 1'Etat que de fe foumettre a des conditions fi humiliantes. Louis XIV. portoit trop loin la vengeance & 1'orgueil. Theodore. Vous avez raifon, mon Coufin, maïs les prcw pofitions de Charles II. me paroiffent encore plus étranges; vous en allez juger. „ Les AmbafTadeurs Anglais exigerent de la „ part de leur Maitre : la ReconnoifTance de fa „ Souveraineté fur la Mer, & que Pon baiffat par„ tout le Pavillon de Ia République devant le „ fien; cent mille livres Sterling pour la liberté „ de la Pêche; cinq-cent mille livres Sterling >, pour les frais de la guerre; Fleffingue, la Briele ,t & 1'Eclufe en ötage perpétuel, & les dignités  „ Jc atadfcouder, Capitaine & Amiral Général da' „ la République, pour le Prince d'Orange, héré,, ditaires pour fa poftcrité mafculine, a condi„ tion qu'en cas de minorité la tuteHe .feroit don,, née a la Grande Bretagne & aux Etats Géné,, raux. " Henri. La Natron devoit fe récrier contre ces propofïtions, & les rejetter avec autant de hauteur que celles de la France, qui pouvoit prétendre a garderune partie de fes conquètes , & qui, du moins, n'exigeöit pas qu'on lui livrat les Clefs de la République. Voyons ceque répóndirent les Etats. Theodore. „ Ils réfolurent, fous le ferment du fecret, d'au„ torifer le Prince d'Orange, van Beuningen, Be„ verning & Gokkinga , a entrer en Négation avec ,, les AmbafTadeurs Anglais. On étoit dispofé a „ conclure une Alliance offenfive & défenfive avec ,, la Grande Bretagne , mais fans payer aucun „ droit pour la Pêche , ni livrer aucune Ville ou ,, place forte. On réfolut auffi de faire des pré,, fens aux Seigneurs & aux Miniftres Anglais qui ,, rendroient fervice aux Etats auprès du Prince „ & du Roi. Dans les conférences tenues avec ,, les AmbafTadeurs d'Angleterre qui infiltoient fur „ les Places de fdreté, on leur repréfenta qu'elles „ étoient inutiles, & que les dignités dont le Prince  < 177 ) „ Prince d'Orange étoit revêtu , valoient mieux „ pour la Grande Bretagne que douze Villes de ,, fdreté. Les AmbafTadeurs répóndirent que peut„ ètre Charles II. n'auroit jamais déclaré la guerre „ a la République, fi le Prince avoit été Stad,, houder, & qu'a leur arrivée le Peuple avoit crié : ,. Vive le Roi d'Angleterrc & le Prince d'Orange-! Henri. La différence de cette conduite des Etats Généraux prouve que de Witt avoit r.endu a 1'Etau un grand fervice, en éloignant le Prince de la dignité de^.Stadhouder. Ce grand Homme favoit certainement les projets du Roi d'Angleterre, & les difpofitions des Partifans de la Maifon d'Orange en faveur de ce Monarque. J'ai lu dans PHiftoire Ancienne, que les Troyens avoient une ftatue de Minerve, appellée Palladium, i laquclle le falut de leur Ville étoit attaché. L'Edit perpt • tuel étoit le Palladium de la République, & fans doute la Cabale du Prince n'auroit pu 1'enlever, fi le Grand-Penfionnaire avoit été en état d'occuper fa place fans 1'Affemblée des Etats de Hollande. Mr. Herman'. Tu fais toujours, mon cher Henri, un trés bon ufage de tes leftures, & la juftefie de tes remarques me fait concevoir, de toi les plus grandes efpérances. La fu'te des événemens prouvera XI que  ( 178 ) que tu ne t'es point trompé; nous verrons toujours nos Princes facrifier les intéréts de leur Patrie , ü ceux de 1'Angleterre, & la plus grande partie de nos Concitoy.ns adopter leur fillênie. Theodore. ,, On agita dans 1'Affemblée des Etats de Hol„ lande, fi la Négociation, eommencée par de „ Groot avee la France , feroit continuée ou rom- pue. L'Ordre Equefte & quelques Villes opi,, nerent pour laifler a de Groot le foin de cette „ Négociation, mais Amfterdam foutint qu'il fal„ loit donner pouvoir au Prince d'Orange de trai„ ter, avec la France, de concert avec les Am,, baffaéeurs Anglais; que Son Alteffe étant Stad„ houder, & trés agréable au Roi d'Angleterre, 4, lui feul pouvoit retidre les plus grands fervices „ a 1'Etat; que c'étoit d'ailleurs le feul moyen de ;,'Tétablir la tranquillité dans les Provinces, & ,, furtout en Zélande; que de Groot étoit fufpect ,, au Peuple, que les Provinces s'étoient oppo„ fées è fon retour auprès du Roi de France, „ & qu'il convenoit d'abtmdcnner la Négociation ,, au Prince, en Ie remerciant d'avoir déja con„ duit les chofes li loin. Le fentiment d'Am„ fterdam fut fuivi , & les Etats - Généraux s'y „ conformerent auffi. Le changement qui s'etoit fait dans le Gouvernement, devoit influer fur „ les délibéxatioiis ". S  ( 179 ) Sophie. C'eft- a- dire que la République fe conduifit alors comme les moutons de la fable, qui renvoyerent les Chiens, pour fe mettre fous la garde des Loups. Theodore. „ On donna ordre i de Ruiter, qui comman„ doit la Flotte de 1'Etat, d'eviter autant qu'il fe„ roit poflible , de combattre celle d'Angleterre. „ Quelques Seigneurs Anglais vinrent trouver le „ Prince a 1'Armée , & lui dirent que les deux „ Rois étoient fi bien unis, que perfonne ne pour„ roit les divifer; enfin que les Francais étoient „ d'honnêtes gens, & qu'il falloit traiter avec eux. „ Les prétentions des deux Rois étoient a peu ,-, pres les mêmes; celui d'Angleterre demandoit „ la ceffion de la Ville & Citadelle de l'Eclufe, „ & des Ifies de Walcheren, de Kadfant, de Goe„ rée & de Voorne. On n'accordoit aux Etats „ Généraux qu'un délai de dix jours, pour ac„ cepter ou refufer ces conditions. Le Prince „ les envoya aux Etats, en déclarant qu'il va„ loit mieux périr que de les accepter. On le „ pria de dire fon fentiment fur ces conditions , „ mais il exlgea que de Groot fortit de 1'Affem„ blée, alléguant que eet Ambafladeur avoit pas„ fé fes pouvoirs, On s'appergut aifément que le M i „Prin-  ( i8o > „ Prince s'apprêtoit a lui faire un mauvais par• ti- & dès qu'il eut connoiflance de ce qui fc „ paffoit, il jugea devoir fe mettre a couvert du „ péril qui le menacoit, & partit pour Anvers, „ d'oil il écriyit deux Lettres, 1'une aux Etats „ de Hollande, & 1'autre a la Régence de Rotter„ dam , pour leur rendre compte des raifons de t, fon départ ". Sophie. 11 fit prudemment d'éviter le reffentiment du Prince, & de ne pas s'expofer au fort de fon Pere. Je crois que les Defcendans de ces deux Hommes ne doivent pas ctre grands Amis de la Maifon d'Orange. Mr. Herman. Tu te trompes, mon Enfant; ils le font présque tous, & portent même cette amitié jufqu'au fanatisme. Sophie. Voil* ce que je n'aurois jamais cru. Mr. Herman. C'eS: que tu ne fais pas jufqu'a quel point Pintérêt & 1'ambition peuvent faire dégénérer les hommes. Theo-  ( i8i ) „ Le Prince fut d'avis qu'on devoit répondre „ a la France, que fes propofitions n'étoient pas „ de nature i pouvoir ctre acceptées; & qu'£ * Pégard de 1'Angleterre 41 falloit pouffer vivement „ la Négociation. Les Ambaffadeurs de cette „ Puiffance déclarerent qu'ils ne pouvoient rien „ clianger a leurs propofitions, fans le confente„ ment de la France ". Notre Auteur, avant de palier au récit des fuites & de la fin de cette Guerre, s'occupe de la fanglante Cataftrophe, qui termina les jours glarieux des Freres de Witt. Mr. H e r m a n. Rcfervons la pour notre converfation de demain, file mérite bien de. nous occuper feule, clJc vous fournira matiere a bien des réllexions, mes Enfans. 4- 4- 4- * *§- $ * f 4- ^ f $ 4- 4- f 4- i- f * $ $ $ DIXIEME SOIREE. Mr. Herman, Sophie, Theodore, Henri. Mr. Herman. Je n'ai pu gagner fur vous, ma Fille, de ne point venir a nqtre entretien , mais je me reproM 3 chï  cliê 'ma Complaifance. Je me fouviens de 1'impreffion que la mort d'Oldenbarneveld a faite fur votre fenfibilité , le récit que vous allez- entendre, peut vous affecter affez pour nuire a votre fanté. Ce n'efl point ici le fupplice d'un moment, c'eft le mafTacre le plus affreus, dont l'Hiftoire ait confervé le fouvenir. Poürras - tu foutenir cette image , fans danger pour toi ? Sophie. Ne craig'nez rien , Papa; j'ai dé-ja vu quelques gravures, qui m'ont donné une idéé de ce Masftcre, & je fuis en état d'en entendre le récit, fans qu'il m'arrivé aucun accident! Henri. „ Les Négociations commencées & interromj, pues avec la France & 1'Angleterre, 1'élévation „ du Prince d'Orange aux charges de Stadhouder, „ Capitaine & Amiral Général, & les autres ré„ folutions importantes,. prifes dans PAfTemblée „ des Etats de Hollande, n'avoient pas étédirigées „ par de Witt, que fes bleffures empêahoient de „ fortir. Les Membres de cette AfTemblée privés „ de fes confeils, & entrainés par les circonftan„ ces avoient cédé au torrent, & 1'infiucnce du „ Prince combattoit 1'autorité dont Je Grand„ Penfionnaire avoit joui fi longtems. Des li„ belles paroiffoient tous les jours contre lui, „ mais  „ mais quoiqu'il eut toujours méprifé ces écrits „ calomnieux, il fut affedtó d'un qui fe diftribua ,, pendant qu'il étoit malade de fes bleffures > & „ dans lequel il étoit accufé d'avoir fait un mau„ vais ufage de quelques fommes, que les Etats „ lui accordoient pour des opérations fecrettes. ,, II fe jufliüa de cette accufation , & les Con,, feillers Députés confirmerent fa juftification. ., Mais elle ne produilit pas grand effet; la haine „ générale augmentoit chaque jour contre lui, Sc ,, contre fa Familie, Sc la détention de fon Frere „ en fut une preuve incontefiable. ,, Un certain Guillaume Tichelaar, Chirurgien „ de Piershil, accufa devant la Cour de Hollande „ Corneille de Witt, d'un complot contre la vie „ du Prince,, Sur fa dépofiton Jean Huisch, Fi„ fcal de la Cour, fut envoyé- a Dort, pour fe ,, faifir de 1'Accufé. II arriva devant la Ville avec „ un Jacht, & fans prévenir aucun Magiftrat, il ,, fe rendit a la' maifon de de Witt, le lit monter „ en Carofle , le conduifit au Mole , oü le Jacht „ avoit abordé, & partit auflïtót pour la Haye, „ avec fon Prifonnier. De Witt fut mené d'abord „ a la Conciergerie de la Cour de Hollande, oii „ des Confeillers 1'interrqgerent; Tichelaar étoit ,, auffi en arrêt civil, mais avec la liberté d'aller „ en Ville; fur la demande de la Régence de „ Dort 1'Accufateur Sc PAccufé furent conduits en „ piifon, &c gardés étroitement. Cette Régence M 4 „avoit  < i84 J avoit porté fes plaintes a FAfTemblée des Etats ,, de Hollande, de ce qu'on avoit violé les Privi„ leges de la Ville, en venant enlever un Ci,, toyen, pour le traduire derant une Jurisdictiou ,, étfangere. A 1'égard de 1'accufation inténtée contre de Witt, la Régence de Dort foutenoit „ qu'elle n'avoit aucune apparenee, & qu'au furplus elle n'étoit pas de la compétence de la „ Cour de .Hollande; que Tichelaar, fur Paccu„ fation de calomnie inténtée contre lui par le „ Bailli de Picrshil, avoit été condamné a deman„ der pardon a la Juftice; que eet homme avoit fait violence la nuit a une jeune Rille; Enfin „ cette Régence demandoit que Tichelaar fut con„ ftitué Prifonnier, & que de Witt fut renvo3'é devant fes Juges naturels. Ün accerda la pre„ miere partie de cette demande, mais non pas „ la feconde ". Theodore. Si le deffein de perdre les deux Freres n'avoit pas été formé, 1'accufation d'un homme condamné pour caufe de calomnie, auroit, jecrois, été regardée comme nulle, a moins qu'elle n'eut été appuyée par le témoignage de perfonnes irïéprochables. Mr. Herman. C'eft la conduite que les Loix prefcrivent aux Ju-  ( i8j ) Juges dans tous les Pays civilifés; un Calomniar teur déclaré ne peut pas même fervi r de témoin. Mais on traita les Freres de Witt avec une cruauté, dont les fauvages les plus barbares auroient rougi de fe rendre coupables. H « N R I. „ Tichelaar dépofa qu'ayant été, le ó.Juillct, „ chez de Witt, pour lui parler d'un Proces, „ qu'il avoit avec le Seigneur de Piershil, il avoit „ été obiigé de revenir le lendemain ; qu'alors „ de Witt lui avoit promis fa proteclion, pourvd „ qu'il vouUit lui rendre un fervice ; que 1'ayant „ promis, de Witt lui avoit dit que le Prince „ étant Stadhouder, feroit bientót Souverain, & . ,, que venant a fe marier avec la Fiïlë de quelque „ Monarque , le Pays feroit foumis a une PuifTan* „ ce étrangere; enfin que le bonheur de Ia Répu,, blique ne pouvoit être affuré que par la mort „ du Prince. Ce Calomniateur ajouta que de „ Witt lui avoit affuré que plus de trente perfon„ nes de diftinciion entroient dans ce Complot, n mais qu'il lui en réfervoit 1'exécution, foic „ par le poifon , le fer, ou les armes i feu; „ qu'une promeffe de 30,000 florins, & la char„ ge de Bailli de Beyerland l'avoit déterminé a „ s'engager par ferment a ce crime, & qu'alors „ de Witt lui avoit donné fix ducatons d'Argent". M 5 S 0-  C lts ) Sophie, Si les Juges avoient ét? d'honnêtes gens, ilj auroient rcjetté cette accüfnt;on. Corneille de Witt étoit fans doute connu pour un Homme d'efprit, & trop prudent pour confier tin deflein de cette importance a quelqu'nn qu'il voyoit peutêtre pour la première fois; & d'ailleurs pouvpit on penfcr qu'ayant promis 30, 000 florins, il n'auroit donné que '18 florins 18 fois pour giW èê fa parole; il ne faut pas être bien habile, pour découvrir une abfurdité qui ne m'a pas echappée. Henri. „ Tjchclaar déclara que Imit jours apres cette „ confidence le remord qu'il éfrouvcrit de s'ctre „ engagé dans un forfait fi détellable , 1'avoit „ poulTé 3 tout déclarer; & qu'jl avoit été a 1'Ar„ mée dccouvrir le Complot au Maitre d'Hótel „ du Prince, qui 1'avoit conduit a la Haye, pour „ en faire part a S. A. qui 1'avoit communiqué a „ la Cour de Hollande ". Mr. H e R m a n. Ciuillaume faifit ou fit naitre cette occafion, de fe venger des deux Lettres,. que de Witt avoit ajoutées a fa fignature ; la fuite vous fera voir» mes Enfans, que fa ctuauté ne fui. affouvie que par  ( i87 ) par la morÉ des deux Freres, & qu'il récornpenfa ceux qui 1'avoient fervi. Henri. Corneille de Witt allégua pour fa juftificat'on une partie de ce que ma Coufine a remarqué; il y ajouta des circpnftances qui prouvoient 1'abfurdité de 1'accufation. „ Tichelaar n'avoit eu avec lui qu'une conver„ fation d'un quart d'heure., il avoit .d'abord „ parlé des circonftances critiques du tems pré„ fent, ajoutant qu'il voudroit bien lui confier „ quelque Chbfe, pourvu qu'il lui gardat le fecret. „ De Witt lui avoit répondu, que fi fon deffein „ étoit bon, il lui rendroit fervice , mais que „ s'il étoit mauvais, il feroit bien de le taire, ,, s'il ne vouloit pas qu'il fut publié. „ Tichelaar avoit irififté fur le fecret, mais „ ayant toujours regu la mème réponfe, il étoit „ parti en difant: Puisque vous ne voulez rien fa„ voir, Monfieur, je me tairai; je vous foühaite le „ bon jour. La porte de la Charnbre de de Witt „ n'étoit pas même fermée,'& fon fils & fon Do„ meflique avoient entendu la converfation; lui „ même eraignant qu'elle ne put fournir matiere „ a quelque calomnie contre lui , en avoit fait „ part aulütct au Secrétaire Muis, le priant d'en „ rendre compte au Bourguemaitre, afin qu'il „ prit garde a Tichelaar. Le  t f«8 ) . „ Le 'Secrétaire déclara que rie Witt lui avoit „ dit qu'un certain homme, étoit venu Ie trou„ ver, & 1'avoit averti que le Prince épouferoit „ peut-ètre une Pille de quelque Monarque étran„ ger, & qu'il falloit Pen empècher: qu'il lui „ avoit ordonné de fe t?.:re, paree qu'il ne vou„ loit pas en favoir davantaee, &i que méme il „ ne connoiiïbit pas eet homme , mais qu'il avoit ,, appris de fes Domeftiques, que c'étoit 1c Ear„ bier de Piershil". Sophie. La fcule déclaration du Secrétaire devoit fuffire, pour juirificr de Witt; mais je ne comprends pas pourquoi ce Tichelaar avoit été chez lui, n'en étant pas feulcmenr connu. Mr. H e p. m a x. Sa vilïte étoit concertce avec la Cabale , qui vouloit perdre les Freres de Wkt; il falloit que Corneille fiit convaincu d'avoir parlé a cct homme en particulier, que le nom du Prince fut mélé dans la converfation, & que la haine du Peuple eut un prétexte pour fe porter aux derniers exces. Henri. „ Malgre le peu d'apparence qu'il y avo't de „ croire de Witt coupable , la Cour de Hollande s, ne voulut pas le mettre en liberté. On fit mème ,, cou-  ( iS9') „ Conrir le brult, ou1)! n'avoit pas quitté la Flotte „ par maladle, mais pour avoir été bUffé aubras „ par de Ruiter; qu'il n'avoit pas voulu qu'on „ attaquat les ennemis, furtout les Francois., Se ,, que le lendemain du combat devant Souhbay, „ il s'etoit oppofé a ce qu'on recommengat Pattaque. ,, Dans une lettre envoyée aux Etats de Hollan„ de, de Ruiter juftifia de Witt, 4c déclara qu'ils „ avoient toujours vécu dans la meiileure intelli„ gence ; que de Witt avoit toujours montré la ,, plus grande ardeur pour attaquer les ennemis, „ & que le vent feul avoit mis obftacle a la re„ prife du combat devant Soulsbay. " Theodore. D: Witt aimoit trop la glo;re de fon Pays pour s'oppofer a ce combat, & ce fut Guillaume qui fit donner ordre, comme neus 1'avons vu, de ne point attaquer la Flotte Angloife, mais on fe garda bien de lui en faire un reproche. Mr. Herman. Je le crois, les Partifans de fa maifon furent toujours les meilleurs amis de PAngleterre; nous en avous eu des preuves couvaincantes dans li derniere Guerre. Mais coiuinuons; le fatal denoueinent approclie. Henri,  C 190 ) H B N X I. „ Le Grand Penfionnaire guéri de fes blefïures, ,, alla rendre vifite au Prince, & le féliciter fur fes „ dignkés. Pénétré de fe voir 1'objet de la haine „ du Peuple, il réfolut de fe demettre de fa place „ qu'il avoit remplie fi dignement pendant 19ans, „ & de prendre féance dans le Haut Confeil, „ comme on le lui avoit accordé auparavant. II „ fe renditdonc, le 4. Aöut, dans 1'Aifemblée des ,, Etats de Hollande, & après avois rappellé fon „ zéle, fes malheurs aftuels, & la haine qu'on „ avoit concue contre lui, quoiqu'il ne fik que „ Miniftre, il pria 1'affemblée de lui accorder fa „ démiffion , & féance dans le Haut Confeil, dans „ le même rang qu'il avoit, en 1653, quand il ,, fut nommé Grand Penfionnaire. II fortit enfuite „ de 1'Affemblce, & les Etats délibérerent fur fa „ propofition : 1'Ordre Equeftre , Dort, Delft, ,, Rotterdam & la Briele declarerent qu'elles fou,, haitoient que de Witt continuat fes fervices, ,, mais les autres ' membres ne feconderent pas „ cette intention. On réfolut d'accorder, de la „ maniere la plus honorable, la démiffion que de „ Witt demandoit, tic fa place dans le Haut Con„ feil. Le Prince fut confulté fur la maniere „ dont cette démiffion feroit accordée, il demanda „ deux ou trois jours de reflexion , & fit un grand „ changement dans la réfolution que les Etats „ avoient  ( i9i ) „ avoient prife. On fe conforma entierement « „ fon avis , le Grand Penfionnaire fut remer„ cié firnplement, & obtint la place qu'il avoït jt demandée_ dans le Haut Confeil. " Sophie. Je fuis bien ètounéc de voir une Affemblée Souveraine, compofée de perfonnes d'un age mür chargées du foin de conduire une Province , confulter un jeune liomme de vingt-deux ans, fur la maniere de reconnoitre les fervices d'un Mimftre, & avoir encore la complaifance de fuivre fon fentiment. Mr. Herman. Le* hommes , ma chere Enfant, fe laiffent éblouir par les titres : ce jeune Prince fans expé. rience , incapable de conduire fes propres affaires, gouvernoit tout 1'Etat, parcequ'il portoit le nom d'Orange: s'il en eut porté un autre, peutètre ne lui^ auroit on pas conlié une Compagnie d'Infanterie. Nous avons fait bien pis dans la fuite, neus nous fommesfcmmis a recevoir laloi, mème de la poftérité feminine de cette maifon. H E M R I. „ Corneille de Witt fut confronté avec Tichelaar f, &. le convainquit de fauffeté, mais on ne vojtlut .... pas le cpnEronter une ficonde fois comme il Ie . „ de-  ( 192 ) „ demandoit, fes Parens publierent un Métrioire ,, dans lequel ils infiftoient fur Pinfamie connue „ de 1'accufateur*; ils ajoutoient qu'il n'y avoit aucune preuve de la molndre conjuration contre „ le Prince, ni que de Witt en fik coupable. La „ Cour de Hollande ne perfifta pas moins a le re,, tenir prifonnier , & réfolut mème de le faire ;> appliquer a la queftion. " Theodore. J'ai oublié , mon pere, de vous demander au fujet de Ledenberg, d'ou vient 1'ufage dedonner la que.liori aux criminels, Mr. Herman. C'eft un refte de la barbarie de nos anciennes Loix qui avoient ordonné d'employer la torture pour obtenir 1'aven d'un crime, quand les preuves juridiques n'étoient pas fuffifantes pour la conviétion. Si la queftion ne fe donnoit qu'aux cr.minels convaincus pour les forcer a révéler leurs complices, cette rigueur pourroit être de quelque utilité, mais on 1'emploie contre les accufés qui peuvent être, & qui font quelquefois innocens; on les oblige a fe déclarer coupablcs, s'ils n'ont pas la force de foutenir la torture, & s'ils peuvent la fupporter ils échappent au fupplice qu'ils ont Biérité. Theo-  t *93 3 Theodore. Comment, on condamne i mort un homme fur fa propre dépofition ? je penfbis que perfonne ns pouvoit ètre cru, quand il s'accufoit lui même. Mr. H e r m a n. Auffi lórsqu'on appliquë un accufé a la queftion & qu'il s'avoue coupable , on lui demande s'il perfifte dans fa déclaration ; & s'il répond qu'il eft innocent, & que les tourmens lui ont arraché fes aveux, on ne peut s'en prévaloir pour le condamner. Cette queftion qu'on appelle préparatoire, eft abolie en France. Theodore. Vous venez de dire, mon Pere, que la torture n'eft employée que quand les preuves ne font pas furfifantes; 'mais il n'y en avoit aucune contre de Witt, puisque fon accufateur étoit noté d'infamie, comme calomniateur, & que fon temoignage ne pouvoit être admis en juftice. La Cour de Hollande au lieu de le faire appliquer a la .queftion devoit le mettre en liberté, & punir Tichelaar. Mr. Herman. Oui, fi elle avoit voulu juger felon les Loiz & le bon fens , mais elle ctoit vendn.e a Guillaume, qui vouloit la mort des deux Freres. Henri.  i 194 ) Henri. ■ „ La nuit du 17 au 18 Aöut le bruit couxut „'dans la Haye .que Corneille de Witt vouloit „ förcer fa prifon; en conféquence on y mit une „ garde Bourgeoife. Le Lendemain on le condui„ fit dans la Charnbre de la Queftion, & le Bour- reau fe mit en devoir de commencer la torture. De Witt s'y oppofa paree que les juges n'étoient , pas arrivés, mais le Bourreau continua, difant ,, qu'il en avoit 1'ordre & confeilla mème au pri„ fonnier de tout avouer, s'il vouloit éviter la „ torture. De Witt répondit: Qjtepeut-on avouer „ quand on n'a rien fait? Les juges entrerent & „ 1'engagerent a confeffer la Verité. Faites-moi „ tnettre en pieces , leur dit-il, vous ne trfarra,, cherez aucun a»eu, puisque je if'ai rien fait. On t, redoubla la torture , & de Witt s'emporta con„ tre les Juges, les citant au Tribunal de Dieu, „ & leur ciifant : Fous favez trés bien que je fuis „ innocent. Enün on eut la cruauté de le tour„ menter en plufieurs manieres, mais il protefta „ toujours de fon innocence. Le Bourreau requt „ ordre de publier que le Prifonnier n'avoit pas „ eu la foree d'endurer la queftion, mais eet „ homme, quelques mois après, étant au lït de „ la niort, ecrivit a la Veuve de Corneille une ,, Lettre qu'on a confervée, & dans laquelle il „ demande pardon a cette Dame, d'avoir cruelle- ment tourmenté fon Mari ". S o-  Sophie. Dans Ie nombre de ceux qui ordonherent cette affreufe Procédure , & qui eurent 1'indignité de s'en charger, je ne vois d'honnête homme qHe Ie Bourreau. Mais, Papa, felon ce que vous avez dit tout-a-Pheure, il n'étoit pas poffible de condamner de Witt. H e n r r. Auffi Wagenaar dit, que n'ayant pu tirer de lu? aucun aveu , & réfolus cependantde le condamner, les Juges ne favoient quel crime lui imputer dans Ia Sentence. Le Greffier Adrien Pots leur dit, qu'il y avoit un exemple d'une Sentence rendue par la Cour, fans qu'il y fut fait mention de 1'aveu ni du crime de 1'Accufé. On réfolut de fuivre'eet exemple, & le lendemain la, Sentence fut prononcée. Mr. Herman". C'eft un monument d'iniquité , que tous nos Compatriotes devroient favoir par oeur • vous n'avez pas oublié fans doute de le placer dans yotre extrait ? Theodore, Non, mon Pere , je vais le lire, & je vo\is promets de m'en fouvenir toute ma vie. „ La Cour de Hollande, ayant vu~& exa,nmé N a „ lés  { '96 ) '„ les Pieces & les renfeignemens fournis par le Pro„ cureur Général de cette Cour, a la Charge de „ Mr. Corneille de Witt, Ancien Bourguemahre de „ la Ville de Dort, Ruward du Pays de Putten, „ aSiuellemeni Prifonnier ès p rifons de laditteCour, „ enfemble fes examens & confrontations, & ce que „ ledit Prifonnier a délivré ; la ditte Cour ayant „ refiéchi fur ce qu'il cenvenoit de faire , dèclare „ le fusdit Prifonnier déchu de toutes les charges _ & di%nitis qu'il a poffédées jusqu'a préfent , le „ bannit a perpétuité des Provinces de Hollande & „ de West-Frife , fans qu'ilypuiffe jamais rentrer, „ fous peine de mort, & le condamne aux frais de „ la Procedure, qui feront taxés & modérés par la „ ditte Cour. Ju gé par Meffieurs Pauw, Préjï„ dent, Nierop, Goes, van Lier, Baen & Gooi, „ Confeillers de la Cour de Hollande & de West- , Frife, & prononcé a la prifon de la ditte Cour , „ le 20. Jóut 1672. Adr. PofS Greffier". On avoit au moins fait mention de quelques crimes, vrais oufaux, dans la Sentence d'Oldenbarneveld, mais dans celle-ci on ne parle pas mème de 1'accufation. Si quelqu'un lifoit ce trait d'Hifloire, fans favoir dans quel Pays urne telle injuftice a été commife, il ne croiroit jamais que ce fut dans une République. Mr. Herman.' Non, certainement; il n'y a pas d'exemple d'un  1 1*7 ) d'un tel mépris des Loix, même dans les Monar ch.es es plusabfolues, les Defpotes de VmZ font euls eapab.es. On exile, on dépofe on £**e. fans donner d'autre raifon que £ ^ du Maifxa, maisle nom de Liberté n'eftpas connu dans les ma.heureufes Contrées derOrient. Et nous, Defcendans des Bataves, Vanqueurs de Philippe uous fouffrons qu'un Stadhouder difpofe de notre ionneur & de nos jours; il trouve des Juges afiez imques pour fervir fa vengeance, & nous ofons encore nous flatter du titre de Républicains ! c'eft Plutot celui d'efclaves, que nous méritons. Theodore. Notre Hiftorien n'a pas ofé faire toutes les *flexions que cette iniquité lui fourniflbit; il s'eft contenté de remarquer, que les Juges n'avoient pas trouvé de Witt coupable du crime dont il étoit accufé, puisqu'ils ne le condamnerent pas a mort. & que ce fut la PolHlaue qui les engagea de le priver de fes emplois, & de le bannir. Au refte, ajoute t'il, le Prifonnier quelques heures apres eut un fort plus cruel, que celui auquel fes Juges 1'avoient condamné; on feut même entrainer fon Frere dans le même malheur, & tous deux, avant la fin du jour, donnerent un fpeótacle, que la Poftérité la plus recuIée, ne pourril fe rappeller fans horreur. N 3 Mr.  Mr. H e r m a n, J'efpere, mes Enfans, que vous ne reffemblere» pas a nos laches Compatriotes, qui en ont perdu la mémoire, Theodore Si nous en étions capables, nous ne mérite* lions pas le nom d'hommes. Je vais fuivre V/agenaar, dans le recit de cette affreufe journée. „ Le Samedi, 20. Aoüt, entre huit «eneufheu„ res du matin, les Juges fe rendirent a la Pri„ fon, pour lire la Sentence a de Witt; il deman„ da qu'elle lui fut lue a ï'endroit oroinaire, mais „ on lui répondit qu'il couroit risque d'ètre infulté par le Peuple, s'il étoit conduit & la Cour. '„ Pendant la lefture de cette Sentence, un des , Juges envoya prevenir Tichelaar, par un Ser crétaire du Fifchal Ruisch, que de Witt feroit '„ banni, Si lui confeilla de fortir pour exciter „ le Peuple a tuer ce Scélérat, qui avoit voulu „ affaffiner le Prince. II devoit encore' ajouter, que s'il avoit accufé fauffement de Witt, ou „, ne 1'auroit pas mis en liberté, mais que le „ crime étoit réel, quoiqu'on eut voulu faire grace „ au Coupable. Tichelaar ne fuivit que trop bien „ ce confeil déteftable. En mème tems on afficha „ dans plufieurs endroits que de Witt, ennemi du .. Prince, & Traitre a la Patrie, fortixoit bientót u de  ( 199 ) „ de la Prifon, & qu'il falloit tui donner la rd„ compenfe de fes mauvaifes aétions. Le Do„ meftique du Grand-Penfionnaire venoit d'aver„ tir fon Maitre du bruit qui couroit, que Cor„ neille feroit banni, quand la Servante du Gec„ lier vint lqi dire , que fon Frere alloit ètre mis „ en liberté, & le prioit de venir a la Prifon. II „ étoit alors chez fon Beau-Frere van Zwyn„ drecht, ^. Le Comte de Tilly recut ordre par écrit „ de faire monter a chevai les deux Compagnies „ de fe porter fur la Place , & d'y attendre les „ dermers ordres du Confeil Comité. Les Etats „ de Hollande refolurenc, fur la propofition d'Am„ fterdam, de ne point quitter la Haye, pen„ dant cette emeute ". Sophie. Ces ordres auroient du préferver les deux Freres de toute infuLe , s'il euffent été bien executés. Mr. Herman. L'intention de ceux qui les avoient donnés étoit bonne, mais on feut la rendre nulle, & les Bourgeois qui devoient protéger les deux Freres, furent les Auteurs du MafTacre. Th*odo«.e. „ Jean de Witt avoit envoyé un de fes SecreN S „ tai-  t 202 ) „ taire chercher la Sentence, & ne le voyant poïnt „ revenir, il voulut fortir fans fon Frere , mais „ les Bourgeois Pen empècherent. Un d'eux, „ nommé van Os , lui dit : Perfonne ne peut for„ tir. Pourquoi cionc ? répondit-il, vous favez „ bien qui je fuis. Les autres Bourgeois crierent, ,, nous n'avons pas d?ordre pour cela. Quel ordre „ vous faut-il donc? demanda de Witt: celui de „notre Officier, lui répondit-on: alors quel„ qu'un cria feu, le Secrétaire de de Witt, le tira „ par derrière, & la porte fut fermée. Quelque ,, tems après un Librafre, nommé Amehng , En„ feigne de la Compagnie Orange, blanche & „ bleue , monta auprès des Freres, avec van Os, „ & fe chargea d'aller déliberef avec fon Capitai„ ne , fur les moyens de fauver le Penfionnaire, ,, mais les Bourgeois 1'empèclierent de revenir, „ Jean de Witt, allarmé du péril qui le mena„ coit, demanda s'il ne pouvoit pas s'échapper „ par quelque porte de derrière , le Geolier répondit, que cela n'étoit pas poffible ". Sophie. Je le erois bien; ce miférable étoit du Complot, puisqu'il avoit envoyé fa Servante chez le Penfionnaire, fans ordre de Corneille, pour 1'attirer dans le piege. Theo-  Theodore. „ .Les fix Compagnies Bourgeoifes avoient pris ,, les Armes, les unes de feur propte mouve,, ment, les autres par ordre du Mtegiftrat. Dans „ ces Compagnies, & furtout dans ta Bleue, com„ mandée par de Zwart, qui fut enfuite Confeil„ ler-de-Ville, avec deux autres Capitaines, il „ fe trouv'oit des Bourgeois' acharnés contre les „ deux Freres, principalement, le nommé Ver„ hoef, Orfevre, qui avoit juré avec plufieurs au„ tres, de fe venger des Freres de Witt; il fe „ vanta même d'avoir mis deux balles dans fon „ Fufil, & d'avoir prié Dieu, le matin, qu'il lui „ fit la grace de pouvoir tuer ces deux Scélérats, „ ou de périr lui-mème. Van Bankhem, Eche„ vin , & enfuite Bailli de la Haye, s'étoit en„ gagé par ferment, avec quelques Capitaines de „ la Bourgeoifie , d'dter la vie aux deux Freres ". Sophie. Les féditïéui, les Traitres a la Patrie, & les Aifaflins font toujours affurés de la protection & des récompenfes de nos Princes; je 1'avois entendu dire plufieurs fois, mais je penfois que c'étoit une calomnie. A prefent je n'en faurois donter, puisque j'en trouve è chaque moment Ia preuve dans 1'Hittoire, Mr;  Mr. H x r m a n. Tu as trés bien fait de n'ajouter foi, qu'a des preuves inconteftables : il ne faut jamais porter un jugement fur Ie fimple rapport de gens qui peuvent être mal inftruits, ou guidés par 1'efpiït de parti, furtout quand la réputation de quelqu'un eft attaquée. C'eft pourquoi j'ai voulu que vous fiffiez les Extraits de notre Hiftoire, afin de connoitre la vérité, d'après vos recherches, & le témoignage d'un Ecrivain, dont les lumieres & la probité font connues. Ce qui fe paffe fous nos yeux ajoute .encore a ce témoignage, & doit nous éclairer fur le danger, qui menace les Défenfeurs de notre Liberté, qui fubiroient le fort des Freres de Witt, fi la Cabale Orang'e les tenoit en fon pouvoir. Theodork. „ Ce Verhoef rencontra une Compagnie de Ca„ valerie, & cria: vive le Prince! & périjfent les „ de Witt! & que le tonnerre ècrafe ceux qui „ penfent autrement, la réponfe fut: nous pen/ons „ de même. Le Bourguemaitre Maas, Colonel „ de la Garde Bourgeoife, & le Magiftrat de la „ Haye, prierent tres honnêtement Verhoef de re„ noncer a fon deffein, mais il fortit de 1'Hótel„ de-Ville, après avoir répondu brusquement a „ la demande des Régens, & retourna vers la „ Prifon ". S o-  Sophie. Si le Magiftrat avoit eu vraiment 1'intëntion de déhvrer les deux Freres, il falloit qu'il fit mettre en Pnfon, ee furieux, qui ne cachoit pas fon projet. Mais il vouloit feulement fauver les apparences, & lailTer commettre le crime, fans paroitre 1'approuver trop ouvertement. Malgré mon peu d'expérience je démèle fort bien cette finelfe. Theodore. „■ Un peu avant midi le bniit courut que les „ Freres de Witt foient échappés; dix ou dou„ ze Bourgeois de la Compagnie Orange Manche " f blsu mont"ent a la Charnbre ou étoient les „ deux Freres, & revinrent appaifer la Populace, „ en affurant qu'ils n'étoient point fords. Il fal„ lut malgré cela laifTer entrer une vingtaine de „ Gens de la lie du Peuple, qui voulurent s'as„ furer de la vérité par leurs yeux. Un Macon, „ nommé Klaptas, monta fur le toit de la Prifon, & s'y placapour tirer fur les Freres, s'ils „ cherchoient a s'enfuir. 0n leur fervit a diner, „ & pendant le repas la Servante du Geolier vint dire i Corneille, qUe le tumulte augmentoit „ parmi les Bourgeois. Que veuhnt-ïh donc, " demanda-t'il? m veale„t vous tuer> répondk ' „ la Servante: Si cUjl leur intention , répliqua * C0rneilJe' /« monter, je fuh.icu Le Fi- „ fcal  , fcal Ruisch, vïnt avec quelques Officiers aver„ tir Corneille, fu'ils étoient dans 1'intention de '„ le garder, & Jean voulut fortir, mais les Bour,, geois lui dirent: Alte-la , Monfieur, ii faut „ refter. Ee Fifcal le pria de vouloir demeurer, „ pour contenter le Peuple; il fut obligé d'y „ confentir. „ Cependant le tumulte augmentoit, & les „ Bourgeois gênés par la préfence de la Cavalerie, „ demandoient qu'elle fe retirat, mais le Comte „ de Tilly n'y voulut pas confentir. Alors on fit „ courir le bruit, que des Payfans venoient atta„ quer la Haye; on envoya.. prier deux Confeil,," Iers Députés de donner ordre a la Cavalerie, ,, d'aller occuper les avenues; ils le firent, mais „ Tilly voulut un ordre par écrit, les deux Con„ feillers Députés , van Asperen & Boschveld 1'en,, voyerent, & le brave Tilly dit en le recevant: „ fobèirai, mats les Freres de Witt font des Gens „ morts ". Mr. Herman. Ah! le brave Homme ! ce n'étoit pas fans caufe , que les Afl'affins craignoient fa préfence. S'il lui eut été permis de refter, notre Nation n'auroit point a rougir de cette affreufe journée. Theodore. „ Peu de tems après le départ de la Cavalerie, „ Ver-  X 2o7 ■) „ Verhoef, JAtfigny, Graveur, van Paaien, fe „ Mars, Sculpteur, van Dorjfen, Marchand de „ Vin , & quelques autres , tirerent plufieurs „ coups de fufil dans la porte de la Prifon, fans „ pouvoir Pouvrir. Alors Verhoef, par le con„ feil d'un Cocher , alla chez le Maréchal du „ Prince, & fe faifit\ malgré lui, de quelques „ martëaux pinces & maffes, dont on fe fervit » pour enfoncer la porte, faifant en même tems » les plus affrcufes menaces de tuer tout dans la Prifon , fi rorr refufoit plus longtems de „ Pouvrir. Le Geolier effrayé fans doute, ou„ vrit la porte, & Verhoef, fuivi de quelques ,. autres Bourgeois courut.a la Charnbre, ou les „ deux Freres attendoient leur trifte deftinée ". Mr. Herman. Mes Énfans, les détails od vous avez été obligés d'entrer, & les réflexions que nous avons faites , nous ont condujt plus loin que je ne penfais. 'Remettons a demain, ce qui nous refte a favoir, fur le déteftable attentat de ces furieux , la honte de leur Patrie, & 1'exécration de la Poftérité. O N-  ONZIEME SOIREE. Mr. Herman, Sophie , Theodore, Henri. Sophie. "Vous avez interrompu hier notre converfation trés a propos, mon Papa; fi nous Pavions continuée , le fouper fe feroit reffenti de notre trifteffe, & vos amis n"auroient pas eu beaucoup de plaifir. Mr. H e r m a n. Ils auroient goüté celui des ames fenfiblcs, cn mèlant leurs larmes aux notres ; mais je fuis bien aife de ne les avoir pas affligés, par le fouvenir du cruel événement^ qui nous occupc, les malheurs qui menacent notre Patrie, ne rappelcront que trop ceux qu'elle a foufferts. Theodore. Vous nous aviez dit, mon Pere, qu'il y avoit quelque efpérance, que les ordres donnés contre E.'burg & Hattem pourroient être révoqiiés. Mi.  Mr. Hermak. On s'en flatte encore, mais je connois affez 1'efprit tyrannique de la Cabale , qui cherche notre perte , pour afl'urer que tou&fs les propofitions conciliatoires feront rejettées. En attendant l'.fiue des démarches, que vont temer auprès du Stadhouder quelques Régens zélés pour le maintien des Droits de leurs Compatriotes, achevez ce que j'ai cru nécefiaire pour votre inflructjon. Henri. „ Corneille de Witt après le diner avoit été' '* fe rcP°f" f«r fon lit, & fon Frere s'occupoit a „ lire dans la Bible. A peine les Bourgeois étoient „ entrés dans la Charnbre, <]ue Verhoef courant „ vers le lit, ouvrit les rideaux , St dit a Cor- ' „ neille: TraUre, U faut mourir, fah ta priere,„'& prépare -tot. Bi quoi fuis-je coupable mes „ amis, répondit de Witt ? Tu es un ylffaflin du „ Prince, un Traitre, un Scelérat, répliqua Vêr„ hoef, dépêche-toi. L'infortuné joig'nit les mains, „ Ik dans 1'inftant un Bourgeois lui Porta un coup „ de crofl-e de fufil, avec tant de violence, qu'il „ cafla les piliers du lit, fans toucher de Witt-, „ qu'on tira par les pieds, & qui recut une bleffure „ a la gorge. D'abord on ri'attaqua pas le Peir„ fionnaire qui demanda fil'on avoit auffi deffein de « lui oter la vie. Oui, mi répondit on , Traitre,  ( aio y '„ Scélèrat, tu feras traité conlme ton Frere. U w voulmt dire quelque chofe pour fa juftification, £ mais un Bourgeois lui donna un coup de cros„ fe de fïïfil fur la têtre, & le fang jaillit auffitót # de la bleffure. Alors fans fe troubler: ft vous n voulez m'öter la vie , tuez-moi dans Vinfant, n leur dit il. Verhoef s'y oppofa, criant que ce s, Coquin devoit mourir publiquement. Quelques „ Officiers qui étoient venus auparavant voulu„ rent excufer les deux Freres, mais on leur ré„ pondit qu'ils s'ttoient laiffé corrompre par eux: 2, ces hónnêtes gens furent obligés de fe taire, „ pour" ne pas s'expofer a la fureur des Affaffins. „ On tiraina bientót Corneille hors de la Prifon, „ après lui avoir lancé a la tète quelques plan9, ches du lit: fon Frere, conduit par Verhoef, „ fut obligé de le fuivre, il demanda a ce furieux „ d'un ton, qui 1'étonna, quel étoit fon deffein. Le Peuple les voyant parler enfemble, s'écria „ que Verhoef s'entendoit avec le Penfionnaire, 3, & qu'il lui avoit pris fa bourfe & fa montre. s, Verhoef, irrité de ce repróche, repouffa Jean s, de Witt, & dit : Prenez donc ce Coquin , & en„ veyez - le au diable. Son deffein & celui des au„, tres étoit de trainer les deux Freres jufqu'a 1'ens, droit ordinaire des exécutions, mais la rage s, du Peuple ne put fe contenir. Corneille fut „ affommé a coups de croffe du fufil, par plu„ fieurs ' Bourgeois; Uü nommé ifJjfigny , En- „ feigne  < 211 > „ feigne de la Compagnie du Dsapeau Men, hd „ donna plufieurs coups d'épée ". Des Officiers d'une Garde Bourgeoife ne peuvent pas toujours contenir leurs fubalternes, qui font Citoyens comme eux, & non des Soldats, mais leut donner 1'exemple de 1'affaffinat, c'est le comble d* la cruauté. T h E o d o * E. ^ J'ai oublié de remarquer, hier, qué deux Capitaines de la Bourgeoifie , van Leeuwen & van Reemen avoient promis au Comte de Tilly, de; protéger les deux Freres contre toute violence', & qu'étant retournés a leurs Compagnies, ils avoienS ammé les Bourgeois contre les de Witt. jeans Maas&z van der Hoeve, 1'un Beurguemaitre, 1'autre Penfionnaire de la Hayé, témoins des difpofitions meurtrieres du Peuple,.avoient été demander aux Confeils Députés 1'ordre pour renvoyec la Cavalerie. Une telle conduite affuroit aux fuïieux, qu'ils n'avoient aucun chatiment a craindre. Mr. Hermak. Si la Populace n'étoit pas certaine d'ëtre fouteftue, croyez vous qu'elle fe révoltat fi ouvertement? elle eft moins coupable, que ceux quil'excitent qui la protegent, & qui, loin cfe punir les féditieux, emploient les deniers publics, * foulager ou récompenfer ceux qu'ils devroient pumr comme nous en avons eu la preuve Ü Rotterdam, après 1'émeute du ï.Avril. O 3 JïlV,  t 212 ) Henri. „ Jean de Witt a peine forti de Ia Prifon, reeut J, dans le vifage un coup de piqué du Notaire „ van Soenen ; un peu plus loin, van Vaalen. „ Frere d'un Lieutenant de Marine , lui tira dans „ la nuque un coup de Piftolet, qui le fit tom„ ber fur les genoux. Alors il leva les yeux & „ les mains au ciel, & 1» Populace cria: tu penfes „ donc « Dieu préfentement? tu ne crois pas qu'il }> y ait un Dieu, il y a longtenis que tu le re- nies j par les crimes & tes trahifons ". Mr. Herman. Voila 1'effét des fermons de nos Miniftres féditieux & fanatiques , ils perfuadent au Peuple ignorant & crédule, que les foutiens de la Libeitc font des Athées,  ( ars } Henri. " En m&ne tem« un Aubergifte & un Eoucher „ acheverent a coups de crofle de fufil le malheu" reux dc wkt- On traina le corps de fon Fre» rc; auPrès du f,en» & les Bourgeois ayant for„ mé un demi-cercle autour, firent une déchar„ ge générale fur les deux corps, qui furent en•■> fuite train« au Üeu ordinaire des exécu., tions, ,& attachés au poteau par les pieds. Un „ Valet des Chariots de Poste , courant avec „ le manteau du Penfionnaire, rencontra 1'Ex„ Vice-Amiral Tromp, & lui cria: j\ü )e 'man„ teau de velours de ce traitre Jean. Tromp ré„ pondit: c'eft bon, mon ami, & fe xendit a la „ place des exécutions ". Sophie. Cette réponfe eit bien indigne d'un Guerrier, & me fait croire que Tromp avoit 1'ame viïe. II ne devoit pas aimcr de Witt, mais applaudir a" fes meurtriers, & fe mêler parmi eux, c'eft ponsfer trop loin la vengeance. Mr.. Herman. . Je fuis charmé de ta réflexion, elle fait 1'éloge de ton caractere, tu as fenti la baffefTe, d'infulter au malheur de fon ennemi; tu feras généreufe. O 3 Hen-  ( «4 ) Henri. s, On dépouillales corps de*'deux Freres, on les .,, mutila cruellement; on coupa d'abord au Pen„ fionnaire les deux doigts de la main droite, avee „ lesquels il avoit juré 1'F.dit perpétuel. Un fu- rieux coupa un morceau de chair du corps de ,, Corneille, & dit qu'il le feroit rötir le foir, peur ,, ie manger avec fon ami Tichelaar. Un des „ Bourreaux, voyant dans la foule des fpeélateurs „ le Miniftre Simon Simonides , lui demanda : Sont ils pendus ajfez haut? une voix répondit: psiis, dez ce grand Sce'le'rat un échellon plus haut. " C'étoit le Penfionnaire, qu'on vouloit défigner, paree qu'il étoit beaucoup plus grand que fon frere; Wagenaar ne dit qas que cette réponfe vint du Miniftre , mais elle eft mife fur fon compte , dans la vie du Penfionnaire, 3> Simonides ne refta pas plus longtems dans ,, eet endroit, & fut dans une Auberge auprès de s> ia Prifon; il y trouva toute la Régence de la s, Haye, qui regardoit ce fpeótale. Le lendemain s, ce même Miniftre, prêchant a l'Eglife Neuve, 9, nomma frengeance divine, l'alfaflïnat des deux s, Freres, & afiura que ceux qui 1'avoient comM mis, loin d'être punis, en feroient récomSj penfés ", Theo-  Henri. Mon Pere, ce maffacre horrible me rappelle celui de la St. Barthélemi, dont les Prêtres Romains firent 1'éloge en chaire , comme d'un facrifice agréable a Dieu. La Nation Francaife détefte la Mémoire du Roi qui 1'ordonna, & déplare 1'aveuglement de ceux qui 1'exécuterent, que n'imitons nous eet exemple ? Pourquoi confervonsnous encore tant d'attachement pour la Maifon d'Orange, après le fupplice injulte d'Oldenbarneveld, le maffacre des Freres de Witt, & toutes les féditions qui n'ont eu pour objet que les intéréts de cette Maifon? Mr. Herman. Je crois avoir eu dèja 1'occafion de t'indiquer 1'origine de eet attachement, dans 1'ignorance de la baffe claffe de nos Concitoyens, & dans 1'ambition des plus éclairés. On perfuade facilemeni aux premiers, qne les Princes d'Orange font les feuls foutiens de 1'Etat, les protecteurs de la Réligion, & que ceux qui ne font pas leurs partifans enthoufiaftes, ne croient pas en Dieu. A 1'égard des autres, jaloux de commander k leurs égaux, fartout d'obtenir les charges lucratives, & d'en réunir le plus qu'il leur eft poffible; ils font tien plus certains d'en être revêtus fous un Chef unique, qui les difpenfe a fon gré, que s'ils les O 4 te-  ( 216" ) tenoient du choix de leurs Concitoyens : qui né les accorderoient qu'au mérite, aux fervices, & a la vértu. Theodore. Si je ne me trompe, le Maffacre de la St. Barthélemi , & celui des Freres de Witt font eloignes d'un fiecle 1'un de 1'autre. Mr. Herman. II n'y a que quatre jours de difiereDce entre 1'Epoque féculaire de ces -déteftables journées, o.t le Fanatisme fignala fa fureur. Le faux zèle deReligion en France, chez nous un crirjaiaci ent thoufiasme pour la Maifon d'Orange, produifirent les mêmes effets , $c les Miniftres d'un Dieu de Paix chez les deux Peuples deshonorerent la Sainteté de leur profeffion, en donnant aux Afiaffins, dignes de plus grands fupplrces, le titre d'Exécuteurs des Vengeances céleftes.. H e n r r. „ Ces furieux exercerent leur rage pendant cinq „ heures furies corps des deux Freres, qu'ils ïni„ rent en pieces, & qu'ils vendireut ainfi que les „ morceaux des habits a tous ceux qui les vou„ lurent acheter : un doigt fepayoitun florin , une „ oreille trente fois. Les enfans du Penfionnaire „ furent mis en iïlreté dans une maifon cloignée, % "... '\ ' .' • * 4^,*:  ( 2I7 ) * & Ie Iendema!n °n 1" conduiüt i Amfterdam. „ Enfin les Compagnies Bourgeoifes fe retireren* ■ „ le foir, & crierent en paffant fous les fenctres „ du Confeiller van der Graaf; nouf avo„s vengé " h "Wrt * votre Fih- Verhoef pretendant avo"r v trouvé dans la poche du Penfionnaire une Let„ tre, qui dév.oiloit fa trahifon , alla fur ies dix „ heures du foir arracher les emirs des deux Fre- * res, & fe rendit auffitdt dans une Auberge ou '„ fe trouvoient plufieurs Partifans du Prince & les leur montra, difant que le plus gros étoit „ Ie. ccur du Penfionnaire. n dit que fon des,, fein etoit d'envoyer ces cccurs au Prince ou en „ Angleterre , mais il les confcrva dans de Phui * 1C dc * depuis les fit voir a pin „ .ficurs perfonnes ". S o p ii i i, Je me fouviens d'avoir ]u dans PHPloire des Voyages, que les Sauyages du Canada, tonrmen tent d'une maniere cruelle leurs Prifonniers de Guerre, & qrfü y a des Pe„pies dans PAmérique, m mangent les hommes. J'avois peine , le croire, mais je n'en doute plus a prefent, pu:s ' que les Nadons de rEurop£ fe fQnt M a la meme fureur. Mr. H E R M A ,\, Illes font pl„s barbares que les Sauvages dont 0 s.  ( 218 ) tu parles, qui n'ont point le frein des Loix & de la Réligion , pour réprimer leur cruauté. Le droit de la Guerre peutfervir d'excufe a cesPeuples, que des mceurs feroces excitent a la vengeance conpre des ennemis, qui leur auroient fait fouffrir le mème fupplice , s'ils avoient été vainqueurs. Mais la rage déteftable des Affaffins de ces deux illuftres Martirs de la Liberté, eft le plus coupable excès qui puiffe deshonorer 1'efpece humaine : voyons en les fuites. Henri. „ Les Etats de Hollande écrivirent üu le ciiamp p, au Prince, & 1'informerent du meurtre des deux Freres, 1'appellant une aclion déteftable a „, leurs yeux, & a ceux du monde entier. Ils, „ prierent Guillaume de venir a la Haye, pour „ empêcher par fa préfence de nouveaux mal», neurs; & ordonnerent qu'on enlevat les corps. „ Ce dernier fervice leur fut rendu par deux Dofi meftiques du Penfionnaire, deux de fon Beau- Frere van Zwyndrecht, & un du malheureux „ Jacques de Witt, Pere : ils furent affiftés par „ un Avocat, nommé Nar anus, & par un Save- tierj qui fignalerent ainfi leur tendre affection, „ pour les deux Freres ". Sophie. Je fuis bien fiché que PHiftoire n'ait pas conto-  fcrvé le nom de ce dernier, plus fa profeflion eft mcprifée, plus je trouve fon aftion belle. Cet h&aaête homme eft plus refpeftable, que ces indignes Magiftrats, ce Miniftre faétieux, & ces laches Capitaines de la Bourgeoifie. Henri. „ Les corps furent portés chez le P «re, & enterrcs la nuit du at. dans „ neuve , fous 1'efcorte de quelqnes Ca. „ mais fans être accompagnés d'aucuns I „ On porta fecrettement les armes des deux Fre- res dans Ia Maifon du Conciërge de 1'Eglife, „ pour les pouvoir expofer dans la fuite , quand' „ les circonftances le permettroient; mais la p0„ pulace 1'ayant appris, enfonca la porte de „ cette Maifon, fe faifit des armes, & les mit „ en pieces ". [Theodore. On devroit pour venger cet affront, faire placer les ftatues de ces deux grands hommes, dan, 1'endroit même ou leurs corps furent fi ilfdiènement mutilcs. * Mr. Her m. a n. Peut-être notre Nation, quand elle fera Libre ieur rendra la juftice qu'ils mentent, mais en' at-  ( 220 ) attendant cette heureufe époque, leurs noms fonC gravés dans tous les cceurs des vrais Citoyens. H E N R I. „ Le Prince revint a la Haye le lendemain du „ maffacre des deux Freres; les Etats de Hollan,, de lui députerent Monfieur de Maasdam , pour „ favoir quclle punition méritoient les Menrtriers, „ mais le Stadhouder répondit que cette aflion „ avoit été commife par des Bourgeois d'un rang „ diftingué , envers lesquels il feroit dangereux „ d'employer la rigueur. On ne fit aucune pour„ fuite contre les AfTalïïns :'. Cette réponfe prouve bien que tout s'étoit fait par ordre du Prince, ou dumoins avec fon approbation. Je ne crois pas qu'un Orfévre, un Boucher, un Marchand de Vin, & autres gens de cette efpece fuffent d'un rang plus diftingué que Corneille de Witt, qui avoit été mis a la torture, privé de fes charges & banni, fur une accufation, fans preuves d'avoir confpiré contre la vie du Prince. Son Frere qui, pendant dix neufans, avoit été Miniftre d'Etat, & dont les talens & la probité avoient mérité les éloges de toute 1'Europe, étoit un Citoyen diftingué, dont la vie ctoit auffi précieufe que ceile d'un Prince, fa mort devoit être vengée, & 1'auroit été dans tout autre Vays. Mr.  £ 321 ) Mr. Herma». Ta réflexion eft trés fenfée, mais la voix d'un feul homme fit taire les Loix les plus facrées, qui ordonnent que tout Meurtrier périffe par le* glaive de la juftice, ? Henri. La protecrion de Guillaume affura 1'impunité, aux Affaflins des deux Freres, mais ils n'échapperent pas a la vengeance de Dieu. Voici la remarqué de Wagenaar a ce fujet. „ L'Echevin Bank fut nommé par le Prince „ RailU de la Haye au mois de Septembre, & fe „ comporta fi mal dans cette place, que la Cour „de Hollande, én 1680. le condamna, pour „ plufieurs malverfations, a perdre la tète fur „ 1'échaffaut; il appella de cette fentence au Con,, feil fupérieur, & mourut en Prifon avant que „ fon Procés fut jugé. „ Verhoef ayant quitté la Haye , fe fit Auber„ gifte a Voorburg , & fut condamné pour plufieurs brigandages , a être fouetté publiquement, » & renfermé dans une Maifon de force. Ceux „ qui furent témoins de cette exécution, firent „. éclater leur joie,. jufqu'a placer des Muficiens, ,, qui jouoient du Violon auprès de Péchaffaut. „ Peu de tems après le meurtre dei Freres de »> Witt Tichelaar alla demander a van Heemfiede, » Mai-  ( 222 J Maitre des Cpmptes de la Hollande, 1'emploï „ qu'on lui avoit promis, pour le fervice qu'il „ avoit rendu a 1'Etat. II fut nommé Lieutenant „ de celui qui étoit Ruwaard de Putten, a la pla„ ce de Corneille de Witt. Mais Boreel, Lieute„ nant Colonel au fervice de 1'Etat, ayant eu „ cette dignité en 1681. déclara au Prince, qu'il „ ne vouloit rien avoir de commun avec. Tiche,, laar, & qu'il demandoit a S. A. la permiffion „ de le renvoyer; en effet il perdit fon emploi ,, quelque tems après. Guillaume étant devenu „ Roi d'Angleterre , fit une penfion a Tichelaar/ „ & cet homme en 1703. après la mort de Guil„ laume, vint trouver le Préfident des Etats Gé„ néraux, & lui dire, que Sa Majefté lui avoit y, accordé une penfion de huit cents florins, pour „ le fervice qu'il avoit rendu a 1'Etat en 1671. ,, quoique l'afte ne fit mention, que de quatre cents , Ie Roi ne voulant pas' qu'on fgut qu'il „ lui faifoit une fiforte penfion. II fupplia les Etats „ Généraux, comme Exécuteurs teftamentaires, de * S. M. de lui faire donner cette penfion, paree qu'il étoit vieux & pauvre. Selon toute appa- rence fa Requête fut rejettée, puisqu'il tomba „ dans la plus grande mifere; on le vit même „ a la Haye mendier fa vie, fans pouvoir exci„ ter la compaflion de cetfx qui le connoiffoient; j, il y mourut en 1714;" 5 il P  Sophie. Ces trois Scélérats méritoient bien un paml fort, mais je fuis öchée que Gnill tegea ou récompenfa tous les Auteurs du maff*. ere des Freres de Witt, foit devenu Roi. Mr. H e R M A ff. Les moyens qu>ü empIoya pouf ob£en Couronne d'Angleterre, font confignés dans toues les Hilfoires, tu verras ,ue Guinaume ne refpeeta pas plus les Droits de fon Beau - Pere qu'il n avoit refpeclé ceux de notre Liberté. Mais brifons fur ce fujet étranger a nos entretiens, & di- larme, au récit du meurtre des Freres de Witt qnozque lefupplice d'Oldenbarneveld vous en aic fait verfer en abondance? Henri. Mon Oncle, ie ne fa?* „ fa Svut ont eprouvé, mais je ne peux vous exP^uer quel fentiment a ^ ^ « me bTf"' J Uf0iS V°UlU PkUrer' »e befom,mais fans doute 1'horreur qtte cette cmauté m'infpiroit a retenu mes larmes! Sophie. Mon Coufin a raifon, M pllls fouffen qu,au ré-  X «4 ? récit du fupplice de Barneveld, mais fans pouvoir pleurer. ■ Mr. Herman. Ce que vous avez éprouVé, mes Enfans, eft uil effet naturel: la Pitié fait couler les larmes, mais' une aclion atroee les arrète; & ne nous infpire qu'un fremiftement univerfel, qui raffemble le fang autour du cceur : nous fommes indignés pluföt qu'attendris. Henri. fai penfé, mon Oncle, qu'il ne feroit pas inutile, pour faire diverfion aux triftes idéés, que le Meurtre des deux Freres nous a lailfées, de placer ici, d'après le témoignage de Wagenaar. 1'Eloge de Jean de Witt, dont je ne rapporterai quelcspnncipaux traits. „ Le Grand-Penfionnaire de Witt étoit doué „ d'un génie aétif, d'un bon fens exquis, d'une „ éloquence perfuafive, d'une prudence rare, & d'une expérience confommée dans les affaires' „ d'Etat les plus fecretes & les plus difliciles. Ces , qualités qui fe rencontrent diflïcilement dans la „ mème perfonne,' 1'avoient rendu l'Oracle des „ Etats Généraux. II dreffoit les inftruétions pour „ les Ambaffadeuis , il entrctenoit la correfpon„ dance avec ceux de la République, dans tout, tes les Cours, il traitoit avec ceux que les „ Puis-  ( *?5 ) .„ PuifTances Étrangeres. envoyoient auprès des >*, Etats Généraux. 11 avoit mis un tel ordre dans „ les Finances, que les. Etats le prierent , après „.qu'il eut réfigné fa place, de leur en donner le „ tableau. 11 fut toujours inviolablement fidele „ a la Patrie, & perfonne n'a jamais publié, 'fok „ de bouche, ou par ccrit, qu'il fe fok IaifTé „ corrompre par'aucun Prince étranger, ou qu'il „ ait. fornié le moindre projet au défavantage de „ 1'Etat. Guillaume même ne put fe 'difpenfer „ de lui rendre juftice, & de dire qüe c'étoit le „ plus grand homme de fon fiecie, & qu'il avoit „ toujours fervi fon Pays avec fidéïité. Après „ fa mort les Etats s'emparerent de fes Papiers „ & même de fes Lettres particulieres, fans qu'on „ ait rien découvert d'injurieux a fa mémoire „dans 1'examen. qu'on.en fit. .Un des Commis„ faires. nommés pour cet examen, ayant ets „ interrogé fur ce qu'il avoit trouvé dans les Pa„ piers du Grand-Penfionnaire, répondit: Que „ pourriom nom y avoir trouvé ,uj „efut honrJte„? Mr. Herman. Tu as tres bien fait, mon cher Henri", d'avoir termmé le récit de cette trifte cataftrophc, par PEloge d'un de.s plus grands Hommes, dont no- ' tre Patrie s'honore, & qui doit fervir de modele i{ tous ceux qui occupent des places importanfes dans la Régence. Combien de Monarques n'ont pas  pas mérité que 1'Hiftoire leur rëhdït un pareil té- ■ moignage ! Sophie a demandé quels fervices Guillaume avois rcndus a la Patrie , dans la fituatiort facheufe oü elle fe trouvoit, fatisfaites en peu de mots fa curiofité, avant de terminer notre converfation. Theodore. „ Fagel, nommé par les F.tats pour remplacer „ de Witt, ne fut pas plutót entré en fonaion , " qu'il fit entendre au Prince, qu'il n'auroit pas une autorité entiere , fi les Régences n'étoient ,', changées. H prit leprétexte des émeutes , pour "„ confeiller de donner au Stadhouder la permis" lion de faire ces changements; les Confeillers '„ Députés appuyerent cette propofition, & les „ Villes y donnerent leur confentement. On au„ torifa donc le Prince a changer les Régences „ des Villes, mème par force, s'il étoit nécefTai„ re, mais pour cette fois feulement, & fans '„ préjudice pour les Privileges & Franchifes des „ Villes. Guillaume comraenca par Rotterdam, „ & remplaca les Régens dépofés par ceux qui „ avoient excité les deruieres émeutes en fa fa" veur. H donna la place de Penfionnaire , occupée auparavant par de Groot, a 'jüevtf, que „ les Etats avoient condamné comme traitre a „ une peine capitale , & qui s'étoit réfugié en „ Angleterre. Les meines chapgemens fe frent „ dans  < 227 ) " tl 5 3UtreS ViIles de Ia & ie i, Stadhouder eut strand fnin «u i „ Partifans * ^ recompenfer fes " l m' & de ne Punir aucun féditieux II " fit meme P^er «ne Amniftie générale Z „ -uslesexcè,quipouvoient avoir etéTj^T s 0 p h i e, Mon Frere, je vous avois prié de me dire ce ^ue le P„nce avoit ^ pom ^ e ce F-ce & PAngleterre attaquoient , * vou 1P Parlez que de cha„Semens de Régence. Jhéodore te rend compte des Opérations de perfonne! , qu'a celui de rJitat: au lieu de mettre a la tête des Trounes ;i „i • affermir c™ • ArouPes> " armoit mieux: avZt f°n,aUt0ntó' Penda« ^e les Francais avoient penctre Jufques dans Ia Prince de Hol- Theodore. „Enfin on paria d'une fufpenfion d'Armes , qui » acceptée, & les conférences pour la Pair „ comrnencerent en le ^ dc la, * fi°n dArmes dtant expiré les homïités recom- * ™enceren^avec des fuccés balancés de part & » d autre. La rapidité des Conquêtes de Louis xiv. avolt mvm& les Puifrances de rEuro_ P 3  . pe & pafiëurs Princes d'Aüemagne , 1'Empe" rcUr & le RoL'd'Efpagne s'allierent avec les Buts' Généraux, & déclarerent la Guerre a la " France, dont' les Troupes abandonnerent pres" que toutes les Places qu'clles avoient cönquifes fur la République. Les Etats Généraux " chercherent a traiter de la Paix avec le Roi d'An" gfeèerïé: efle fut conclue Pannée fuivante , a " condition' Q*e tous les Vaiffeaux 8 Fldttes de " la Répumique baifferoient Paviilon devant tout " vahTeau'de Guerre Anglais, depuis le Cap de " Finifterre, jufqu'aux Cötes de Norwege, & que "„ les Etats paieroient au Roi deux Mülions de „•Florins. - . _ „ Après la-conclüfion de cette Paix, & 1 Alliance des Princes d'Allemagne avec les Etats 'l Généraux, la France évacua les Villes de la ^Gueldre, & les autres Places fur le Rhto. "„ Louis XIV. parut difpofé a écouter des propo" fitions, mais ce ne fut qu'en 1676. que les* [, conférences commencerenc a Nimegue. La ' Guerre continua cependant avec des fucces dif-^ '" férens , mais plus avantageux a la France qu'aux " Etats. Le Prince fit.en ,077. un voyage' en ? Angleterre , ou il épbufa la PrinceiTe Mane , " FJUe du Duc d'York, Frere du Roi. L'annce " d'enfuite au mois de Juin, on convint d'une ".fufpenfion d'Armes pour fix femaines. Api£S .'. beaucoup de difficultes on ftipula les condi" ,, tions  C ) tlon, du Traité de Paix. EntrWs . R01 de "F"nce «'cngageoit a remettre Guil- - ™ en po.Teffion de ia ^uté d'Orandes terres qui lui appartement dansles >, Pays, foumis a la ■domination de fa Majefté >\ Sophie. La Prineipauté d'Orange eft donc ftuiee en France? Mr. Herman. Oui, ma Fille, & Gmilaume III. en fut le dermer poffefreur: aprés fa mort Louis XIV acheta cette Prineipauté de tous ceux qui pouvoient 7 avo.r des prétenfions. j, ny a dolic pJus > prefent d'autre Prince d'Orange, que Ie Roi de France, & notre Stadhouder n'en porte le nom, que par la complaifance de ce Monarque, qui pourroit le lui interdire, & l'obliger i ne porter que celui de Naffau. Theodore. Les Autres articles du Traité regardoient le Commerce, & les droits que oevoienf payer les fujets de chaque Puilfance. II paroit que la République fut mieux traitée par la France, q„e parPAngle■t*rre, puifqu'elle ne paya point les frais de la Guerre, „ que lui, Prince d'Orange, avoit les intéréts de , 1'Etat autant a cceur qu'Amfterdam ; qu'il ne fe „ latfferoit point maitrifer par cette Ville ; & '„ moins encore par les caprices de van. Beunin„ gen"- H e n r i- Quoique je fois accoutumé au langage impérieux des Stadhouders, celui-ci me paroit un peu fort, il falloit que Guillaume fut bien certain de la faiblefle de tous les membres de 1'Aflemblcc pour parler avec tant d'arrogance afes maitres. Thbodorb. „ 1'Ordre Equeftre & les Députés des autres VUr „ les s'efforcerent de faire changer de fentiment a " ceux d'Amfterdam, qui répóndirent que le Con„ feil de leur Ville t'étoit décidé apres de mfires "„ rcflexions, & ne changeroit pas. On réfolut „ d'écrire une Lettre a la Régence d'Amfterdam "„ qui perfifta dans fa réfolution ; en conféquence "„ on décida d'envoyer une députation préfidée par " le Prince, en qualité de Stadhouder. Guillau"„ merefufa d'abord, mais il fit femblant de céder " aux follicitatïons. La Députation fut recue & '„ régalée en grande cérémonie, elle fut introduil te dans le confeil de Ville ; le Grand - Penfion'l naire Fagel expofa de Douche & laifla par „ écritla propofition des Etats, le Prince s'efforca " de faire confentir la Régence a fe conformer au „ fen-  ( 235 ) „ fentiment des autres membres, mais il ne put „ rien obtenir. Le Prince reprocha aux Regens „ qu'ils aroient traité fecrettement avec 1'Am„ batodeur-de France; les Bourguemaitres lui „ répóndirent qu'une Ville auffi importante cu'Am„ fterdam pouvoit traiter avec les Puiflances étran„ geres, qu'elle avoit toujours donné connailfance „ aux Etats de fes négociaticns, mais que lui, „Prince d'Orange, avoit entretenu 'correfpon„ dance avec plufieurs Cours, fans en faire part „ aux Etats & qa'on luj en demanderoit compte „ dans quelque tems. Un des Bourguemaitres „ ajouta que le confeil ne caangeroit pas de ré„ folution, ne fut ce que pour montrer « la Pofré„ rité que la préfence d'un Prince d'Orange n'avoit „ pas été capable de porter atteinte a la liberté „ de fes déliberations. Sophie, Ah ! j'entens enfin parler des Républkain, Sc non pas des flatteurs & des cfclaves. Mr.» H ,e V m a n, Amfterdam s'eft toujours iignalé par fon Patrio tisme, quand fes Régens n'ont pas été vendus au parti Stadhoudérien ; cette Ville puiffante eft le boulevard de notre Liberté, j'efpere qu'elle ne fe dementira par dans les circouitances difficiles ou fe trouve la République. ï kid-  ( tg* ) Theodore. ,, Le Prince partit d'Amfterdam fan-, prendtg „ congé de la Régence, & d'accord avec les autres „ députés cqnfeilla dans 1'Afï'emblée des Etats de „ décider la levée des Troupes, paree qu'il étoit „ plus naturel qu'un membre fe conform;!-, a la „ volonté de dix-huit, qu£ dix-huit Membres „ i celle d'un feul. Malgré cet avis 1'année fe „ paffa fans aucune réfolution définitive a cc fu„ jet; mais au commencement de 1684, malgré „ la proteftation d'Amfterdam & de Schiedam les Etats de Hollande déciderent la. levée des Trou„ pes. Le Prince irrté de cette refiftanec a fes „ volontés , remit a 1'Affemblée des Etats de Hol„ lande une Lettre de 1'Ambaffadeur de France qui „ contenoit plufieurs expreffions injurieufes pour „ lui & pour le Grand - Penfionnaire Fagel. II „ demanda que deux Députés d'Amfterdam , Hooft „ & Hco fortiffent de 1'AfTemblée pendant la ,, lefbare de cette Lettre, paree qu'ils avoient eu „ des conférences avec PAmbalfadeur. Après „ aroir refté une heure & demie dans un autre appartement on les rappella, & leurs nom<; ne „ fe trouvant pas dans la Lettre de 1'Ambaffadeur, „ il fut décidé qu'ils refteroient a la Délibération. „ On réfolut auffi de faire mettre ie Scellé fur „ tous les papiers de la Ville d'Amfterdam , & „ fur ceux du Penfionnaire Hop. Le confeil de _ cette  C ni ) V cetteV;ile voyant que fa juftification n'étoit pas „ écoutée& que les Etats perfiftoient a demander „ le Spellé , réfolut de ne plus envoyer de Dcpu„ tes i 1'Affemblée, & de ne point paycr fa part „ des de'peufes de la Province. Enfin au mois de * Ju:n ce différend fe tcruiina. a la fatisfaélion „ d'Amfterdam ; les papiers furent rendus a la „ Régence cle cette Ville, fans avoit été examinés.' Mr. Herman. Le crime d'Amfterdam aux yeux du Prince & de fes Partifans étoit de s'oppofer a la levée des Troupes & de s'enteridre avec la France pour obligerPEfpagne aconclurë une treve. Cette in tention s'accordolt avec les intéréts de la République, mais Guillaume qui ne fondoit fa grandeur que fur la Guerre , ne penfoit point au bonheur de fa Patrie , & you'olt corjtre les droits & les Privileges d'un Etat libre, foreer la plus puifTante Ville ce la Hollande a feconder fes defTeins ambi- • tlCWX; Rla;s lcs d'Amfterdam ne fe laiffe- 3? PW%mMèT' Ui 'cn-ompre, la tréve entre Efpagne & la France fat eenclue pour vingt ans, & la République n'aügmenta pas fes Troupes La conduite d'Amfterdam dans cette occafion prouve q«e cette Ville , quand fes Régms font animes du véritable cfpiit Patrioticue peut mettre un frem aux curci ufes d. nos Stadhouders. Henri.  C 233 ) Henri. Dans un Mémoire donné aux Etats de Hollande par la Ville d'Amfterdam au fujet d'un dinerend entre le Prince & la Régence de Dort pour la nomination des Bons Hommes , j'ai trouvé des expreffions qus j'ai cru devoir extraire paree qu'clles ont rapport avec les circonftances aétuelles. „ Depuis que les Etats ont ceffé de reconnaitre Philippe II , la Souveraineté du Pays appartient a 1'Ordre Equeftre & aux Villes , qui 1'avoient offerte a Guillaume I; mais après la mort de ce Prince les Etats ne donnerent pas une autorité fi étendue ;i fon fils Maurice, qui fut en i."3.". nommé Stadhouder, par commis-, „ fwn & infirucTiM des Etats de Hollande , qui „ s'étoïeni réfervé le droit de changer, d'augmen,, -ter eu de diminutsr cette infiriiction. Les Stad„ houders qui ont fuccédé a Maurice ont eu la ' „ mème autorité , mais feulement accordée par „ les Etats , qui font Souverains du Pays, comme „ Vétoient les anciens Comtes, qui avoient la fitpé,, riorite fur les Stadhouders, quoiqu'ils leur euffent „ accordée 1'exercice de plufieurs droits de Sou,, veraineté, mais en leur nom, & par leurs 3, ordres. Mr. Herman. Voila le véritable fondement de notre Conftitution, & ce que nos Stadhouders n'ont jamais voulu  \ 239 ) Voülu fe perfuader. fi eft 'tem, de ïeur faire connoure qu'ils ne peuvent marcher>, !a mime r avec le Souverain. ' ë Henri. Le Prince fit encore plufieurs adres d'autorité ^trwerf , Leide, ouilchoifit qM£ echevms qui n'étoient pas fur la nominati n du Conferl de Wie. Mais un delTein de p,us grande mport8.ce 1'occupa bientdt.fon BeaupL Jacques tlïZ dAf ayant vouI» introduire dans de la ï r ***** **** ***** ^ la Natron. Gmllaume profita de cette impru. dence pour s'emparer d'une couronne, & par™c -!a Briele, en 1688 , avec ^ flo te f 1 ^np;: rol;,edeia rcpum^- faitmettre dans fon Pavilion ces mots: pour !s ^'f. Le foible jacques fut traW erefugra en France, Guillaume & fon Epoufe furent couronnés;lLondres,&le yéA^uÏ er d Couronne, fils de jacques, fut déclaré par e Panementmcapable de fuccéder au* droits de f°n Pere comme étant un enfant fuppofé Le Pnnce d'Orange, devenu Roi n'en conferva pa WfS S^houderat de cinq Provinces &le Com mandement de toutes les forces de la République. S q.  Sophie. Ce Prince étant redevable de fon élévation a notre Pays lui temoigna fans doute fa reconnoiüance. H e n r i. Vous avez trop b'onriè opinion de lui, ma coufine, je vais vous détromper. Lorsque Guillaume fut affis fur le tróne d'Ancleterre, les Ambaffadeurs des Provinces Unies cliercherent a 1'engager de faire r^voquer „ Pafte de Navigation donné fous Cromwel, & „ qui portoit un fi grand préjudice au Commerce „ de la Hollande ; le Roi répondit qu'il n'ctoit pas „ encore tems d'y penfer , & fit connoitre qu'il n'avoit point envie de donner cette preuve „ d'amitié a la République. 11 rioit, dit un des „ AmbafTadeurs , quand on lui parloit de la ré„ vbcatiön de cet afte. Les Marchands Hollan„ dois fe plaignoient qu'ils n'avoient jamais été „ fi maltra'tcs en Argleterre; on refufa mème la „ demande d'importer librement la Porcelaine de „ Delft. Sophie. Je n'aiirois pas inaginé cet exces d'ingmitude pour un Pays qui Ui avoit donné de fi grandes preuves d'affeètion. Mr.  C *4 i ) Mr. H x r m a tf, Surtout après avoir épuifé fes finances pour U meure fur ie trdne, & s'ètre attiré ia guerre ave« Louis XIV, qui foutenoit fe Roi détróné. Henri. i Gui,taume *yant confervé fa place de Stad„ houder voulut, quoiqu'abfem, en conferveraufli „ -es prerogatives, & Ia ville d'Amfterdam après „ bien deS débats, fut obligée d'envoyer en An„ gleterre la Nomination de fes Echevins, pour „.être confirmce par ic RoI. Quclques ^ „ apres ,1 traita quelques Régens de Goes avec U fUS gtande TÏ^> au fujet d'une nomination „ faite a la pluralité des voix par mrdes Bourgue^ " ZT^1^ Echevi»s* «"« 1'avis du „ Grand - Officier, d'un Bourguemaitre & des au „ tres Echevins; le Grand - Officier „Vant pu „ reuffir, porta fes piaintes a Guillaume, qui fg » trouvoit alors au LoO; ce Prince nömma deu.' „ Députés pour prendre connoifTance du fait &„ des Privileges q*e le Bourguemaitre Weflerwylc' * Tm01t'' ^ mème tem5 il ord— que lê „ changement de Régence fut différé jusqu'a ce „ quil eut entendu le rapport des Dépmés Ou „re?utcettelettre,le24 jum, Jüur ^ „ Senee de Goes doit ètre renouvellée ; on fe " , POfOJ.C è fe co«former aux ordres du Stadhöu-' * maiS ie Peu?le **mnm devant PHÓtel de' 0* „ViPe  < ^2 > „ Ville '& forca les Magiftrats a fuivïe Pancïerï }, ufage. Pour prevenir tout défordre on fatisfit les citoyens, on leur lut les noms des Régens „ qu'on venoit d'élire & fe repos fut rétabli. „ Guillaume irrité de cette defobéiffance, donna „ fecrettement des ordres aux Troupes qui étoient „ en Garnifon a Fleflingue, a Veere, & au Sas„ de - Sand, de fe tenir prêtes a marcher au pre„ mier ordre pour s'emparer de Ooes. Theodore. Poutquoï Guillaume Vouloit il faire retarder le changement de Régence a Goes, lui qui dans d'autres occafions avoit changé ailleurs les Régences avant le tems, Mr. Herman. II craignoit que les nouveaux Régens ne fuffent pas dans fes intéréts, & de plus il vouloit pouvoir faire ce changement felon fa feule volonté, en dépofant les Magiftrats attachés aux Privileges de la Ville, & détruire ainfi les droits des habitans. Henri. „ Le 13 du mois d'Aoüt les barques qui por„ toient les Troupes s'approeherent de la Ville, & le Boarguemaitre Evtrsdyk en étant averti, „ fit fermer les portes & les chaines du Port, „ affembla le Confeil, & lui donna connoiftance >, d«  i A4S 3 " i£ Ce"e entrePrife- Les OfficiMS fe pronte; " enConrU,r f"ner IeU" PatentCS aa Ma^ " Z Timte fa"oit tenir dans une cir» onuance fi délicate, & Ie de la déu- £ZIT ^ IaR^. ™epén^e ob,V ! P°Ur SaMaieftc»"'^ etoitpas moins «obhgre de. foute* 1« PriviIeges de Jw " f„ /°UV01t reCCV0ir de Garnifon; que par \tf Patent" des ^ts de ia Pro " SvoL' e d0"ner0it c—^ance dece 5rf " !r"V01t 3UÏ ïtat* ^ Zélande, en les „riant de " m lnten,lr Ies de ta ville & d'empêcher lesfe„u ? 1Echevin v°* Dorth furent " u Z PP°ferent 3 «tte réfol«-n out " ir« °ffiCierS'en Ies Pfia" . & en leur °«ïant de, vivres, s'ifs c„ ' aV°1Cn. bef0in '«» Soldats. Le Officier" " ^rC17nt de orre. mais ils répontem la vme on /"Pm t0Ut P0W 18 dé?enfe dales V e's d" laT ^ ** dU f—ai, ,> 'erent de Goes ies n UP" ' ! U0CS'.les Députés arriverent peu de f " aP"S*' .Changerent * «égence, chalferen l ZZ*Tété nommés aux ^ p» ' WWylc' * en "ommerent d'autres en ver<3 * „ tn  t 244 ï £ tu des pouvoiïs que Guillaume leut aVoïff t, donnés. " Sophie. VoilS bien la preuve de ce que Papa nous difoit tout-a-1'h.eure, que Guillaume vouloit changer la Régence par fa feule autorité. H B N K I. „ Le Roi ne fe contenta pas de ce changement, 'il renvoya les mêmes Députés avec ordre de faire " le Procés aux anciens Régens , & nomma vah " Dorth pour exercer les fonétions de Bailli. Le Bourguemaitre & le Secretaire Weilerwyk , le " Bourguemaitre Eversdyk, Verkat & Beiffelaar, "„ Officiers de la Garde Bourgeoife furent mis en prifon. lis furent jugés par les Bourguemai' tres fc les Echevins ; Pancieii Bourguemaitre Wefterwyk fut condamné a être décapité, Evers" dyk & le Secrétaire van der fflïe a être bannis après avoir recu des coups de fabre fur la tête , " Verkat a être fouetté & banni & Beiffelaar au " banniffement; les biens des deux Bourguemai" tres & la moitié de ceux du Secrétaire furenï ,, confisqués. " Sophie. Guillaume favoit trés bien que la Sentenee feroit rigoureufe puisqu'il avoit choifi pour juges les plus grands ennemis des accufés; je ne vois pourtant pas qu'ils euffent commis d'autrtb crimes que  t 245 5 que d'avoir ibutenu les droits des Citoyens & les Privileges de la Ville. Mr. Herman. 11 n'en faut pas davantage pour être coupable aux yeux de nos Stadhouders, tous. II n'en put dire davantage, & le Major „ qui étoit un Allemand, le pou/Ta rudement „ vers la porte, & fa Femme 1'accompagnoit „ toujours , s'écriant qu'elle vouloit mourir aVec „ lui. Wefterwyk, & ies autres Prifonniei.s fa_ rent fuivis jufqu'a la porte par le Peuple qui „ montafurlesremparts, & qui crioit toujours, „ adieu, adieu; mais on le contraignit de de„ fcendre a coups de ba.ton ". Mr- H e r m a n. Quel indignetraitement pour les Habitans d'un Pays libre, & qUelle récompenfe d'avoir prpdigue leurs brens & leur fang , pour mettre „ne Couronne fur la tète de Guillaume ! le fort des Ne gres en Amérique n'eft pas plus affteux. Sophie. On doit fe relTouvenir encore a Goes de cette cruaute; fans doute la Maifon d'Orange n'y a pas beaucoup de Partifans. Mr. Herman. Cela devroit être , mais cette Ville au contraire eft une des plus dévouées au parti des Stadhouders. c'eft elle qui a donné 1'exemple des violences, qui occafionnerent 1'élévation de Guillaume IV. & je ne doute pas qu'elle ne fe fignale Q 5  < «5° ) encore pas de pareils exces, quand Poccafion s'eri préfentera. Henri. „ Wefterwyk étant forti, demanda au Major ce ,, qu'on vouloit lui faire; ce brutal lui répondit; „ On vous pendra , & avec vous tous les Hollan„ do'is, qui ofent rèfijier aux volontis du Roi. „ Avant que les Prifonniers entraffent dans les „ barques, on leur lut la Lettre de Guillaume; „ alors Wefterwyk dit adieu a Eversdyk, ajou„ tant qu'ils fe reverroient dans PEternitè, oü fans „ doute ils obtiendroient la juftice, qu'on leur avoit ,, refufée dans ee mende. Ceft aujourd'kui notre „ tour, s'écria t'il, ce fera demain le leur. Quel„ ques années après les Prifonniers eurent permis„ fion de revenir a Goes, £c quand Guillaume „ fut mort, ils rentrerent dans la Régence ". Sophie. C'eft-a-dire qu'on fe conduifit comme a Pordinaire, & que les Etats craignoient trop Guillaume , pour réparer de fon vivant fes injuftices. Ce Prince vécut il encore long - tems ? Theodore. Non, ma Soeur, mais affez pour engager la République dans une nouvelle Guerre /contre la France, Ayant eu une maladie affez grave en v 1701.  t 351 ) hoi. II foïlicita les Etats de 'Hollande d'élire pour fon Succefleur au Stadhoudérat de leur pr0 vince le jeune Prince Jean Guillaume Fr,y„ fon Coufin, Stadhouder Héréditaire de • niais voyant qu'on étoit peu difpofe J lal" r!aire ü n'infifta pas. Il mourut 1'année tkiruX* ' 19. Mars age de 5* ans. Je crois que ma' Sceur ne foa pas fachée de favoir ce que Wagenaar nous a laiffé fur le caraftere, les a&'ons de ce Prince & la maniere dont il gouverna l'Angleterre & no' tre Pays; je n'en rapporterai cependant que les pnncipaux traits. ,, Guillaume avoit .1» Phifionomie majeftueufe „ & grave ; il étoit toujours taciturne & férieux. la diffimulation, qui ne 1'avoit pas quitté depuis' „ fa première jeuneffe, le rendoit peu fufceptible „ de cette familiarité, fi nécc/faire pour fe conci „ Her Paffection du Peuple en Angleterre & dans „ notre Patrie. II affiftoit avec beaucoup d'afli ,, duité aux Offices divins. mais il ne me£Coic „ une grande importance aux pratiques extérieu „ res du culte; il fuivoit en Angleterre le Rit „ adopte dans ce Royaume, quoiqu'il eut fuivi „ d autres ufages dans notre Pays, & ^ con „ unuat de s'y conformer quand il y reyenoit. « „ eut la reputation d'un grand Homme de Guer „ re, quoiqu'il n'ait jamais gagné qu'une BataiL „ le, & pns qu'une feule Ville. „ Son Gouvernement déplut a beaucoup de >> Seig-  ( 252 ) „ Seigneurs Anglais, paree qu'il ne s'étoit pa$ „ contenté de 1'adminiftration du Royaume, mais „ qu'il n'avoit afpiré qu'a la Couronne. On di„ foit même affez publiquement, qu'on avoit ,', décapité un Roi, chafle 1'autre, qu'on fauroit „ bien fe débarafler du troifieme. On avoit dans " le» Pays Etrangers une fi foible idéé de fon pou"„ voir fur fes fujets, qu'on 1'appelloit Stadhouder „ cCAngleterre, & Roi de Hoïlande". Mr. Herman. C'eft une preuve que les hommes-fe lainent. toujours conduire par les mots: On déteftoit a Rome le titre Roi, les Tyrans ne prirent que celui d'Empereur; qui fe donnoit a tous les Généraux Vainqueurs, & cependant ils étoient Maitres abfolus de la vie & des biens d'un Peuple qui fe croyoit libre. De même nos .Stadhouders, par leur influence fur le Civil & le Militaire , font defpotes fous un nom modefte, & je ne comprends pas par quel aveuglement ils cherchent une augmentation de pouvoir. S'ils entendoient leurs véritables intéréts, il n'y auroit pas en Europe de Princes plus heureux & plus chéris, mais le nom de Sujets déplait a leur orgueil; ils veulent marcher fur la même ligne que leurs Souverains, & cette ambition peut enfin entrainer notre perte ou la leur. S  Sophie. Puïsque Guillaume mourut fans Enfans, on pouvoit alors fans rien craindre de la part du Peuple , abolir les dignités que ce Prince avoit poifédées. Henri. Ma Coufine a raifon, la poftérité de Guillaume I. fe trouvant éteinte , les Partifans de fa Maifon ne póuvoient plus faire valoir la reconrfoiffance des fervices , qu'elle avoit rendus, & c'étoit le moment de fecouer le joug du StadItoudérat. Mr. Herman, Ceft auffi ce que la Hollande & quelques autres Provinces voulurent faire, & ce qu'elles exécuteterent. Pendant plus de 40 ans elles furent Libres, mais les Defcendans d'un Frere de Guillaume I, au moyen des Cabales & des Séditions, parVmrent a fe faire donner une autorité plus abfolue que cëlle dont leurs Prédécefieurs avoient été revêtus. Cette révolution eft trop importan- , te, pour que vous ncgligiez d'en connoitre 1'origine & les progrès. Vous les trouverez dans notre Hiftorien , & vous jugerez enfuite fi les Partifans du Stadhouder font bien fondés adire, que fon pouvoir & fes dignités font eflentieltement partie de la Conftitution de la République. C'eft -•Pnfi qu'on abiife de la crédulité du Peuple, & qu'on  < 254 ) „u'on en impofe aux perfonnes peu inftruites, mais je veux, mes Enfans, vous préferver de. cette erreur, & vous faire connoitre que la violence loin de donner le moindre droit, eft capable de le détruire. RafTemblez tout ce que vous trouverez d'important fur cette matiere, & demain nous verrons enfemble le réfultat de vos recherches. TREIZIEME SOIREE. Mr. Herman, Sophie , ThsodorB, H e n R i. H K n R i. Kous avons, mon Coufin & moi fait I'extrak des principaux événemens qui ont rapport avec la forme de Gouvernement introduite après la mort de Guillaume HL & les entreprifes de la Maifon d'Orange pour s'emparer de toute l'autc*té en réuniffant les trois importantes Charges de Stadhouder Capitaine & Amiral Général de 1'Union. , Les Etats de Hollande furent les premiers qui prirent la réfolution de ne point élire de Stad' houder, ilsfe rendirent en corps i 1'AJfemblee " .'. des  X *Ss ) „de, Etats Généraux pour faire part de cette ré. * &1Utr' qU1 fttt ad°P'- Par les autres Provinces u q« n'avoient point de Stadhouder. Les Eta I " an^lTd & r d"°Ve™ « S „ anciens droits, abolis r>ar Ta , «uuiis par le nouveau Reglement * Guillaume m. Après » violente dans Amersfoort, la Province d'ütrecn » epnt auffi fes anciens Privileges en abo.Sn " 6 Tr-CntJe. l675- ^ d0Mok au S^hou" E n Z^ a'T f ^ 165 Magifcats -bitrairement. " f Zclande le fe plaignit que Guillaume ^voitvrol res Privileges, & qu'il avoit exer" * une autonte fans bornes ; on abolit la dign é „de premier Noble, &fa Bourgeoifie de Go es ;; ::T6/2n"place Ies Résens dépofés & ban- En i7.4. fix Provinces nommerent Ie jeune - Pnnce deNaITau, 0rö/^ ^ ^ * S^^'* ^ Place de Général de Plnfan. - tene a condition qu'ilne commanderoit, & n'aun roitd aPPointemen« qu'a Page de20.ans, & que » jusqu a cet age il a(rlfteroit au conftU de q *»7donner fa Voix; ia ^ §> " °PP°[a' dlfant 9«'on avoit befoin d'un Général „expénmenté; que les moindres officiers n'au* I01em aucun refpeapourun Prince, qui n'avoit „ encore fait aucun Service Militaire , &qUe d'ail» eurs le bon ordre de 1'Etat exigeoit que le Stad» houder d'une Province ne fa pas en méme „ tems  \i tems Géneral dans 1'Armée: Mais ces repréfe»; „ tations furent inutiles." Mr. Herman. Elles étoient pourtant bien fenfées; il feroit a fouhaiter que les Etats de la même Province eusfent toujous penfé de même, notre Patrie n'auroit pas fouffert tant de maux. Henri. ,, Les Régens de la Gueldre qui te'noient leurs pla„ ces de Guillaume ne fouffrirent pas tranquille„ ment que le rétabliflement des anciens Privi,, leges les privat de leur autorité; ils exciterent ,, des émeutes, & leurs partifans prirent les ar„ mes. Ce défordre durajusqu'en 1707; alors on ,, publia une amniftie générale; dans quelques „ Villes les nouveaux Régens refterent en pla„ ce, dans d'autres les anciens furent rétablis & „ ailleurs les Régences furent compofées des nou,■, vcaux & des anciens Magiftrats." Mr. Herman. J'amais ces malheureufes querelles n'euffent armé les Citoyens les uns contre les autres fans la funefte ambition de Guillaume III, qui profita des circonftances de la guerre de 1672. pour s'emparer de toute 1'autorité dans les Provinces que les Frangais avoient conquifes. Hen-  t 357 ) Henri. „ Le Prince d'Orange, Stadhouder de Frife $ „ de Groningue, Général de 1'Infanterie de 1'Etat eut le malheur de fe noyer, & fón Epoufe' „ Pnnceffe de HelTe- Caffel, accoucha d'un Prinl „ ce nommé Guillaume - Charies - Henri - Frif0 „ qui a été Stadhouder de toute, les Provinces „ Umes. La PrincefTe fa Mere écrivit aux Etats „ de Zélande a cette occafion, recommandant fon „ Kils Heurprotection; ils la féncitererit,'* lui rf„ Pondirent ^ils foukaitoient que le jeune Prince „ dans la fuite du tems rendic de grands Jèrvices 13 au Pays." Mr. Herman. Vous verrez bientót, mes Enfans, fi ce fouhaft a éte accompli. Henri. „ Les Etats de Hollande accorderent au jeune „ Prince une Penfion de 2500. Florins, & les Etats " Generau* me de 4000. Quelques années après „ quand la Paix avec la France eut été publiée, „ il fallut fonger a liquider les dettes de PEtat & „ i licericier les Troupes inutiles. Ces deux ob» iets, & furtout le premier, flrent naitre des „ differends entre les Provinces." Alors les Parti„ fans de la Maifon d'Orange propoferent d'élire " Un houder, qui, difoicnt ils, étoit feul  t 25S ) en état de "pacifier les troubles, & de faire *' obéir les Membres & les Officiers des Amirau* tés; mais les Régens de la plupart des Provin" ces'ne voulurent point entendre parler du rc" tabliffement du Stadhoudérat. Les Etats de " Groningue élurent pour leur Stadhouder le Jeu" ne Prince d'Orange, qui avoit tout au plus fept " ans; cette éleftion étoit méditée depuis trois ** ans', par plufieurs Régens, qui s'étoient engab ges par écrit a la faire réuffir ". 1*1 Sophie. Comment, un enfant de fept ans devenir Stadhouder ! cela me paroit bien ridicule , i moins que les Princes de la Maifon d'Orange ne viennent au monde avec plus d'efprk que les autres hommes ; ce que je ne crois pourtant pas. Mr.' Herman. Et ce que tu as raifon de ne pas croire; mais je t'ai dit plufieurs fois, que chez nous, comme ailleuxs, le nom fait tout. Henri. Quatre ans apres le Jeune Prince fut nommé , Stadhouder & Capitaine Général du Pays de Drenthe; fes Partifans travailloient en meme " tem, i lui faite obtenir cette dignité, /dans la Province de Qu.eld.re; Ü» avoient mis les cho- fes  < 259 ) " „ fes en fi bon train, que la propofition devoit „ en être faite, ) la prochaine Affemblée des „ Etats. Ceux de Hollande, de Zélande, d'U„ trecht & d'Overyfiel, qui depuis quelques an„ nées avoient jugé néceffaire de tnaintenir la „ forma aétuelle de Gouvernement, réfolurent de „ tout mettre en ufage, pour empêcher la Guel„ dre, de fe donner un Stadhouder, ^es Etats „ de Hollande écrivirent a ceux de Gueldre, que " fans vouloir s'immifcer dans leurs affaires do" meftiW - croyoient pouvoir leur faire en„ vrfager le péril de changer la forme du Gou„ vernement; qu'il pourroit en réfulter des trou„ bles k des divifions; que quelques autres Pro„ vinces voudroient peut-être fuivrc cet exem„ Ple, & que d'autres s'y refuferoient, ce qui „ pouvoit occafionner la défunion, & ia ruine de „ 1'Etat. Ils ajoutoient que la dignité Stadhou„ dérienne ne pouvoit être d'aucune utilité, puis„ que 1'erpérience avoit prouvé que les différends, „ qui s'étoient élevés entre les Proyinces, n'a„ voient pas été mieux appaifés par les Stadhoii„ ders, que fans eux ". Mr. H b r m K n. On auroit pu même dire que. les Stadhouder' loin de pacifier les troubles, avoient toujours cherché a les fom-ater., R 2 Hen.  t 460 ) ', Les Etats d'Utrecht, invités par ceux de HoV „lande ü faire la même tentative, répóndirent " qu'ils la jugeoient inutile, paree que le deffein '„ étoit pris en Gueldre d'élire un Stadhouder; la " Zélande & 1'Overysfel firent la mème réponfe. " Celle des Etats de Gueldre faifoit le plus pom1 peux Eloge de tous les Princes de la Maifon " d'Orange, de leur Courage , & de leurs Services. " Cette Province regardoit le Jeune Prince, com" me le feul Citoyen de 1'Etat, qui fut digne de " la dignité de Stadhouder; le deffein qu'elle " avoit de la lui donner, ne pouvoit caufer au" cun préjudice ï 1'Etat. & la crainte de la Hol' lande i cet égard, étoit mal fondée. Elle ne " comprenoit pas quel tort fon choix pouvoit faire " aux Confériéres, puisque les Stadhouders, com' me les Magiftrats. étoient obligés de promet" tre, par ferment, de garder & de maintemr " tous les articles de PUnion d'Utrecht. Cette " Lettre faifoit connoitre que les efforts des aa' tres Provinces. étoient inut:les ; effeftivement le " Prince fut nommé Stadhouder : on dreffa pour " 1'exercice de cette dignité une intauétion, dont " il devoit i.rer 1'obfervation, quand il auroit " 1'age de 18 ans. Ainfi le Jeuue Prince d'Oran" ge fut nommé Stadhouder & Capjtaine Géne" ral de la Gueldre, fous des conditions qui re" ftreigno'ent fon Autorité; mais les amis & les H confeiüers de fa Maifon crurent qu'il devoit les  K 2Ói > * TeZTi' & qU'°n tt°UVeroitb-« "O?™ d'aug" 7 f°n P°UV0lr- H- fe flattoient d'ailleurs „ P e de la Gueldre, q„andelleS verroienc q" »^uto„td du Stadhouder étoit contenue da s « *• hornes étroite, Cependant ces qua re p" i:;;;*™ d-póintcha^la^ tuel e" G°UVernement' & de fe feconder mu* tuellement pour fouten* cette réfolution. „En ,734. Le Prince d'Orange époufa la in" Cfffe AMe> Fl»e ainée de Geonte II Rni "d'Angleterre, qui donna connoin£e de ce %uÏalrTS G™éM— 1- arurant Sent fon R refl"errer liMS «*- " °lent. fon Rovaume * la République • qu'il avoit " eU P»»°P-«nent en vue ravant^ d ^ „ gion Réformée & an'fi ,.r„' • 5CU-la«eUtes Puifl-.n P °" qUe leurs Hau- e ^ r^0"11* ^ FillC d'UDe —ie" ' répond™ »« fentimens qu'il avoit " ou'°urs eu pour la ^me. Lt IZ ' lm ^--S-rent leur fatisfadion , de ce qu' " a;°" Ch0ifi un Prince qui i u " Tl T R é£r°kement' * hono" en " T , P°Ur mérite P'";c^er, que PIZ les fervices de fes Ancêtres p • V . . ^1Jcetres. Puisqae Votre Ma- ,^e aJout L.H.P.,^^r ' lafatl^n, q„i peut Recorder avec la Co,,K 5 » Jl  i zót y Uttuth* aSiuelle de notre Gouvernement, que * nous avons a c poflible, pour vous fatisfaire, en nous mftruifant Lus mêmes: Voici ce que notre Hmonen nous appread a cc fujet:  „ Le 24; Avr.il r747. il y eut i Middelbon. „ une cmeute, cauféö par une perfonne qui étant „ entree dans une Aub°rge , demanda du vin , & „ ayant ouvert une fenctre , but i la fanté du Stad„ houdei , ie Prince d'Orange ; la Populace s'as„ fembla devant les maifons de quelques Magi. „ firats, & celle du Bourguemaitre JeanCocquelle „ fut pillée La nuit fuivante la Garde Bourgeoife de Veere s'affembla devant la maifon du „ Bourguemaitre Verijl, dont les femimens pour „ la Maifon d'Orange étoient bien connns; on le „ pria de propofer, de la part de la Ville, Son „ Alteffe le Prince d'Orange pour Stadhouder de „ la Zélande. Ce Bourguemaitre fit affembler fes „ Cqllegnes a cinq heures du matin, & l'nnd'Eux, „ nommé HuyJJi/t, qui avoit recu chez lui plu„ (ieurs Bourgeois de la Garde, pendant la nuit, „ propofa au Confeil de fatisfalre les Citoyens! „ II fat donc unanimement féfolu que le danger, „ danslequel fe trouvoit la Ville, & la Province „ exigeoit qu'on déclarat Stadhouder Capitaine „ Sc Amiral - Général de la Zélande, S. A. le „ Prince Guillaume - Charles - Henri - Frifo , avec „ telle Puiffance, Autorité, Privileges & Préro„ gatives , que les Etats de la Province jugeroient „ néceffaires de conférer au dit Prince, pour fa „ propre fatisfaétion, pour les intéréts de la Pa„ trie, tc particulierement de la Zélande. On „ envoya des Députés porter cette Réfolution a „ P'As-  ( 268 ) „ 1'Affemblée des Etats a Middelbourg; on en fit „ part au Peuple, affemblé devant i'Hètel de „ Ville, & dans Pinftant le Drapeau Oranje fut „ déployé, &toutfe monde porta des rubans de „ cette couleur au chapeau. A Middelbourg les „ Charpenticrs de Navires, ayant a leur tète un „ Maitre de Catéchisme , allerent a ia Cour , oil " les Etats étoient affemblés, & demanderent le "„ Prince d'Orange Stadhouder, au moins de la " part de la Ville. La délibération durant trop au „ gré de 1'impatience de cette Populace, elle „ forca la Porte & déja deux ou trois de ces fu„ rieux tiroient leurs couteaux, lorsque deux „ membres de 1'AfTemblée, voyant que la Majo" rité penchoit en faveur du Prince, déclarerent au Peuple que S. A. étoit nommée Stadhou„ der de la part de la Ville. La joie fut „ générale a cette nouvelle & les drapeaux & „ les Cocardes Orange parurent de tous cotés." Sophie. Je remanme, Papa, que toutes les fois que les Princes d'Orange obtiennent nne augmentation de pouvoir, on porte les couleurs de leur Maifon, en figne de réjouiffance & d'attachement a leurs intéréts. Cette décoration me femble hamiliante, c'eft vouloir reffemblcr a des valets qui portent la livrée de lemr Maitre. Mr.  Mr. Herman. Tes réfléxions font toujours trés juftes : Ceux qui fe parent de ces couleurs , infultent leurs Souverains, oublient qu'ils font Membres d'un Etat libre & fe déclarent de véritables Efclaves. La Populace ne doit infpirer que de la pitié i 1'homme raifonnable, mais ceux qui la font mouvoir méritenr Pirrdighation & le mépris de tous les bons citoyens. Theodore. •„ Les même* moyens furent employés dans les „ autres Villes de la Zélande en faveur du Prince, ma:s les émeutes furent pius violentes i „ Zierikzée & a Thoolen. Le 2& du même mois „ le Prince fut déclaré Stadhouder Capitaine & „• Amiral Général j Middelbourg, par 1'Affemblée „ des Etats, qui lui envoya une "Députation a „ Leeuwarden. Son Alteffe qui avoit off-rt fes „■fervices aux Etats le même jour, od il avoit été „ proclame dans plufieurs Villes de la Zélande, „ accepta les dignités qu'on lui offroit, & promit „ de fe concerter avec les Députés de la Provin„ ce, fur cequ'il pourroit faire dans les circonftan„■ ces préfentes. Henri.. Cette offre de fervice faite par le Prince dans 1 une lettre écrite en Frife , le même jour ou Ia Zé-  ( 270 > Zélande fe déclaroit pour lui, eft une preuve bien claire qu'il étoit informé des mefures que fes partifans devoient prendre pour faire foulever le Peuple en fa faveur. Mr. Herman. C'eft la conduite ordinaire de nos Princes; ils paroifftnt toujours tranquiües, mais leurs émisfaires travaillent tantöt fourdement, tantót a force ouverte, felon les circonftances, & la Populace guidée par eux fe fouleve a leur Commandement, fc f-mble les contraindre k faire ce qu'ils ont déja réfolu. Auffi devroit on punir févérement les in-, ftigateurs des révoltes , quelque rang qu'ils occupent leur chatiment rendroit les autres plus réfervés , & le Peuple n'ayant plus 1'efpérance ff tut foutenu, feroit heureux & Jibre, malgré lui. Theodore. Auffitót que la nouvelle de ce qui s'étoit paffé en Zélande fut parvenue è la Haye, on Vit le " lendemain des femmes & des enfans counr les ■„ rues avec des cocardes & des couronnes de pa" pier Orange. Pour exciter encore plus ce Peu" ple a fe foulever en faveur du Prince, on fit ' courir le bruit que les Régens avoient conclu un traité de Neutralité avec la France , & Üvré ' les Villes de la Flandre en Ötage au Roi; le " Grand-Penfionnaire &ücs fut même accuie  < 27i ) „ d'avoirtravaillé ice traité, mais ü fe ,uftjft, „de cette importure , & les Etats Générzvx „ayant approQVé fa conduite, prierent ceux £ „ Hollande de faire i„former contre les * „ deces brurts^de les pourfuivre en juftm „ On * reta pour ce fujet un nommé ^ ■ » * fouPS0nné d'avoir écrit en Angleterre „ c qul S'et01t pafl-é a Breda relativement a la „Keutnthté li &c détenu en arfét „ concrergene de la Cour a la Have, jusquÏ »U™ du Prince, alors on le mit en li "Zt*8' ^ ^ -féra quelque tems après ,, Hiftonographe. J „ Ce ne fut pas feulement a la Haye, que la „ -volutton de Zclande excita le Peuple \ l fou „ lever ; quelques Ouvriers a Rotterdam prf, „ rent les couleurs Crange & demanderent aux " ^ le ^nce fdt déclaré Stadhouder- „ il. furent favorablement accueillis, mais avant tenTr aUCUne réM- égard on „ «"end t k enucr Maij .our ^ „ de Régence dans cette Ville. Alors on réfolut „ de la Provmce pour annoncer, de la part de „ 1* Ville que k rrince étok mmm, „ da a Delft ia P0pulace fit jes m,mes _ " ou i' &/"rf-1CSMagiftratS quiavoient d^»dé » q«Hue delar de rentrer * Phétel-de-Ville pour „ dé-  ( «-2 5 ■ délibérer. Au même inftant il arriva des habir " tans de Maafluys, & de Vlaardingue, armés de 'I batons & de fourches, qui fe pofterent devant " 1'Hotel- de -Ville, k k 7 beures de foir le Dra" peau Orange fut arboré & le Prince déclaré Stad" houder. La même réfolution fut prife dans les " autres Villes de la Hollande , avec un plus ou " un peu moins de violence de la part du Peu" ple Cependant la Populace de la Haye étoit " impatiente de voir 1'effet de fes demandes; les " Marchandcs d'Herbes planterent dans le grand "„ Marché trois Drapeaux de Papier Orange avec '„ ces mots : W. C H. Friso Prince d'Orange "„ Stadhouder , Capitaine & Amiral Général. Le 29 Avril les Députés de Rotterdam, portant des " Cocardes Orange a leurs Chapeaux, arrivereut a „ 1'Affemblée des Etats." S o f h i e. Comment, les Régens s'abaiffoient auffi jusqu'a porter la livrée du Prince 1 Mr. H e r m a n. Oui, ma Alle; ils ne rougiffent pas de s'affimilèr avec la canaille, & de lui faire fa Cour, afinde conferver leur autorité par ces indignes moyens. Nous avous vu k Rotterdam en 1783. des Magiftrats porter fur eux des rubans Orange, & en offrir a leurs Collegues, qui n'avoient pas cru devoir prendre ces marqués de fédition. ^ ^ ^  T H K O D 9 R E.' A 4 La vue de ces Députés le Peuple s'amettta; * des injures contre les Pcgens * par' „ ticuheremenc contre le Grand - Penfionnaire ■ » chaque membre de 1'AKcmblee lut entouré eri „ fortant ■ on lui demandoit li le Prince ctoic » ""^der, & fi Pacte étoit figné ; la populace " " men^k, & plufieurs furent mime en daa-: „ £er de perdre la vie, entr'autres van Halet^ «Penfionnaire.de Dort, qu'un iabitant de la „ Haye, trés connu, prit a la gorge, tirant un " C°Uteau pour Ven fi,aPPer ; iï fut fauvé de ce „ penl par le Sécrétaire' 'ÊTderidè & quelques au„ tres perfonnes. Cent cfnquante Hommes de V , ' qui na™leFp?i ordre de s'oppofer f „ la fédition, regardoient ce tumulce fans faire " f molnare mouvement. Enfin, malgré les „ foins de Mr. de PFasfenaar, Grand -Barlli de " % ^ ' qui promit au peuple qu'il aarc-k latisfaaion aans trois ou quatre Jours', il fallut " P?f calmerla tureur des Mutins, arborer le' " ZT {°k' le UrapeaU 0range fe l'Hdtel'de' „ Ville , Sc dans plufieurs autres endtoits Ees émeutes ne furent cependant pa, appaifées, & * kS Payfeci de ^hevening, vinrent a te Haye ' ;amb°Ur Battant' & ^P«* déployéy deman- /[ d'?S armes au Ba^, Pour s'oppofer a U■ aeftecte des Frajjcoi* 0n avoit.faircourir ce * „ faux-  < *74 ) faux bruit pour kriter le Peuple k forcer le» " Etats a précipiter leur Réfolution. Cet artifice réuffit & les Etats de Hollande déclarerent le " Prince Stadhouder, Capitaine 3c Amiral GénéT rai de leur Province. Le Drapeau Orange fut " déployé dans tous les Logemens des Députés "„ de chaque Ville, & les Membres de 1'AffemC blée Souveraine fe rendirent a la Cour avec des „ Rubans Orange. Mr. H E X m a n. Ils furent bien forcés de paroitre en public avec cette Couleur; la fédition étoit exaltée a un tel point qu'ils auroient été maffacrés s'ils euffenl négligé de donner cette marqué exterieure d'attachement pour 1'idole du Peuple. Vous voyez , mes Enfans, quels furent les moyens mis en ufage pour procurer les premières dignités de la République l un Prince, qui n'avoit jamais rien fait pour Elle , qui ne defcendoit de Guillaume I. qu'en ligne Collaterale, & qui n'avoit enfin pour tout mérite que le nom d'Orange. Theodore. „ Buys, Secretaire des Etats vint lire au Peu„ ple : Qjte les Etats de Hollande & de lVcfi„ Frife, ayant conjidèré la malheureufe ftuation M éts affaires, & pour parvenir, avec la bené-  < 2?5 ) „diSticnde piVf k rem.d.!er auxtr}Jles eoHj " d'l,re & d° "ommer en aualité de Sta4. " T ' CapUa'lne & Am''ral <*"*ral 4 l« * Pr°Vi"Ce> Sm Gmaume-Ckartes.Her.. „ rt-Frifo, Pri,^ d'Orange & 4e Naffau « Cette réfolution fut envoyée i 1'Hötel- de - yil. " L'n&,Ia,J°Urnée fe termina par ^«dcaonflr^ » "ons d« lajoie laplus vive". Mr. Herman. Les Etats de Hollande eurent grand foin ^ Lr r "?iution ** * 2 ~ afin qu'aucun Membre de leur AfTembl* Be fut foupeonné de s> être oppofé. Les Parri! zf: ïmaifon d'°ranse- ***** tots de la maniere, dont cette révolution s'eft operee , font fonner bien haut -roluuon.quifutprire^, Mais la vio en ce comme Je vous Pal déja dit, rend nuüe toute réfolution, dont elle eft la caufe,* ie f -entle lusfacréne poin£ cdu ; ;^ t'M P'ftoIet N la poitrine; Tl peut €n£-c -omsobligerceux qili fuccedent dans le ■ nement b de ^ « ^le eft det -n- N'0UWieZ C"te ma*-e, ene eft de la pius grande vérité, & fcrt de bafe «x g«freuX elforts des dignes Régens, q ^ ^tdeüvrer la Patrie d'un joug auüi pe^ 5 ss Sie 1'avo't été Maurice, qui, malgré fa Tyrannie Ik. fes cruautés , futun habile Sc vaillant Guerrier, èc dont les exploits, autant que ceux de fon Pere, furent lesfondemens de notre Liberté. Henri. „ Pendant que les Régences déliberoient fur la „ propofition de 1'Ordre Equeftre , on répandit „ dans le public plufieurs écrits , pour prouver „ qu'il étoit trés néceffaire de donner au Prince „ une autorité plus grande, & de rendre fes „ Dignitfs Héréditaires dans la ligne mafculine, „ Sc dans la féminine. On alla mème jufqu'a fou„ tenir' qu'il falloit nommer le Prince Comte rie „ Hollande, mais on prétend qu'il n'afpiroit pas „ a ce titre ?'. Theodore. H me paroit cependant qu'il a toujours été 1'objet de 1'ambition de nos Princes , mème quand on n'avoit nulle envie de le leur offrir. Mr. Herman. Guillaume IV. Pauroit accepté s'ij eut qfé le faire, mais il aima mieux en exercer toute 1'autorité, fans en avoir le non». Henri. „ On ne fe contenta pas de ces écrits; le Peu- ., Ple  X ?si ) „ ple fe fonlsva dans plufieur» Villes, deman„ dant que le Prince mt déclaré Hered.taare , & „ que les Rmplois fuffent » fa nomination , mais „ la révolte d'Amlbrdan 1'emporta furies autres, „ au fujet dü revenu des Poites, que le Peuple „ vouloit qui fat cede au Prince ou a 1'Etat. Les „ Mutins commirent plufieurs dcfordres dansl'Hd„ tel-de-Ville, & ne furent contenus que par la „ Bourgeoifie armée , qui parvint a les chaffer. „ Un Charpentier, qui s'étoit fignale par fes ex„ ces, ayant été pris, auroit certainement cté „ punide mort, mais le prince ie fit compren„ dre dans PAmniftie qu> fut publiée quelque „ tems après. Quoiqu'Amfterdam n'eut pas vou„ lu confentir i céder le revenu des Poftes , elle „ concourut a la réfolution des Etats, pour dé„ clarer le Prince Stadhouder Capitaine & AmiT „ ral Général Héréditaire de la Province de Hol,f lande. .Cette réfolution, prife le 16. Novem„ bre 1747. tut imitée par Ia plupart des Provin„ ces, & enfin par les Etats Généraux, confor„ mément a la propofition de 1'Ordre Equefire de „ la Hollande. On prit feulement la précaution „ d\Hférer dans 1'Acte, que les trois dignités pe ,. pourroient ètre poffedées par aucun Prince de „ la poflérité de Guillaume IV, qui deviendroit ,, Ilecteur ou Roi '*. S 5 Th se.  ( 282 ) T h e 9 d o r e. Cette claufe prouve qu"on fe reffouvenoit des maux que Guillaume III. avoit caufés ,i ja Patrie , par fon gouvernement defpotique, & qu'on vouloit s'en garantir. Mr. Herman. Malgré cette claufe foyez trés perfuadés, mes ïnfans , que fi quelque Succeffeur de Guillaume IV. parvenoit a la Couronne ou a PElectorat , il n'en conferveroit pas moins le Stadhoudérat & les autres Dignités. La Populace n'eft elle pas toujours aux ordres de cette Maifon? On diroit qu'il faut écouter la voix du Peuple, felon Paneren proverbe, qui dit qu'elle eft la voix de Dieu. Sop h i e. J'ai fouvent entendu répéter cette maxime en faveur du Prince, paree que la multitude fe déclaré pour lui. Mr. H s r m a k.. Je fais bien que c'eft 1'argument favori de fes Partifans, mais les honnctes gens favent, que sette voix, pour être appallée Divine, doit être d'accord avec la leur, & n'ètre pas fufcitée par la Cabale. La révolte, le meurfrre, la féduétion flt le pillage n'ont jamais été des titres légitimes  C 283 ) St tont pouvoir ufurpé par de teïs moyens doit être aboli, chez une Nation iibre. Sophie. Le Prince ayant obtenu plus qam ae pm,voit efpérer témoigna fans doute fa reconnoiffauce aux Etats ? H e n r i. „ II s'acquita de ce dcvoir, & prêti ferment'„ au mois de Mai de 1'année fuivante if^föt'fle „ la Haye pour fe rendre i PArmée. Le Peuple' „ s'attendoit a une Bataille, pour faire lever aux" „ Frangais le Siege de Maftricht, mais les gens" mieüx informés regardeïent Ie départ du Prin„ ce, comme Ia marqué d'une Pa?x prochaine „Ils ne fe tromperent pas; Guillaume ayant „ appris a Bréda que les Préliminaires de la Paix' ,, étoient fignés. il reVint a la j & , icvjut.a ia Haye peu de joun „ apres fon départ Theodore. Si les Etats avoient réfiité quelques mois feulement i la cabale & aux émeutes les Projets du Pnnce étoient manqués. Mr. H e r m A .v. Ses partifans ^voient bien & ne periirent pasun moment pour exciter la Populace, &met-~ tKi profit les conquetes rapide» des FMncois.'- Leur  ( *84 ) Leur deffein étoit fi connu que Louis Xy., deman» dantunjour 1 uu Se.gneur ctranger qui revenoit de Hollande, ce qu'on penfoit de lui dans ce Pays la; en reent cette réponfe: On penfi , Sire, que Votre Majefti, en attaquant les Places de la Repshl'fque ne peut pas travailler plus ejficacement a faire un Stadhouder. Henri. ,, Avant que les Préliminaires fuffent fignés, „ & pendant qu'on faifoit les préparatifs de la „ Campagne, la Princeffe Royale Epoufe de Guil„ laume, accoucha le 8. Mars, d'un Prince, qui „ fut nommé Guillaume, Comte de Buuren. Les „ F.tats Généraux, ceux de Hollande, de Zélan„ de & de Frife, les Villes de Nymegu*, Dort, „ Haerlem, Delft, Leide, Amfterdam, Gouda, „ Rotterdam, & Schiedam, s'étant ofFert a être „ Parrains du jeune Prince, furent repréfentés a la „ cérémonie du Baptème par leurs Députés. Quel„ ques jours après les préfens de Baptème,confi„ ftant en rentes viageres, furent offerts au Prin- ce & a la Princeffe. Tous ces préfens réunis „ ferment une fomme de 35,800 florins, les cpn,. trats de Rente étoient enfermés dans des boetes „ d'or ou d'argent. Les Etats Généraux firent „ encore a la Princeffe un préfent de 400 du„ cats, & ceux de Hollande un de 300; la Ville M de Nymegue y ajouta 50 ducats pour tenirlieu » de  ( *85 ) „ de la boJte de Vermeil qui n'avoit pas pu fé trouver prète pour rerifermer le contrat de Rente". S o- r h i e. Des marqués fi éclatante» d'attachement &. de géné-rofité devoient infpirer a Guilaume IV. une reconnoiffance proportionnée aux preuves de Zèle que les Regens lui donnoient, & ne plus laiffe* cie pretextes a la haine qu'on avoit infpirée au Peuple contre leurs feminiens. Mr. Herman. Tu verras bientót de quelle maniere ils furent réeompenfés. Un grand homme a dit que 1'amitié, ni la reconnoiffance n'etoient pas des Vertusa l'ufage des Princes ; les notres ont dans tous les tems confinné la verité de cette maxime. La naifl'ance de Guillaume V. qui donnoit une nouvelle force au Gouvernement Stadh.oud.nen fut Pépoque fatale d'un changement de Régence dans toutes les Provinces * les Villes de la République. Ton Frere nous rendra compte demain des principaux deta.ls de cette révolution, qui chaffa de leurs places le petit nombre des part'fans de la Libene, pour y mettre ceux du Prince. QUA-  C 285 ) QUATORZIEME SOIREE. Mi. Herman, S o p h ie , Theod ore, Henri. Theodore. Pour répondre , mon Pere, au defir de ma Sceur,' & nous inftruire de tout ce qui concerne le changement arrivé dans les Régences, en 1748. nous n'avons négligé, mon Coufin & moi, aucune circonitance importante de cet événement. „ On employa plufieurs moyens pour exciter „ le Peuple a fe foulever, & ces mouvemens „ furent fuivis de changemens dans les Régences. „ Peu de tems apres 1'élévation du Prince au „ Stadhoudérat, le Public crut que fon Alteffe abo„ liroit les impóts fur la confommadon, ic les „ remplaceroit par une capitation. Les fermiers „ des impóts & leurs commis avoient été inful,, t.s dans la Nord - Hollande mais des Publications & quelque Cavalerie avoient appaifé ces „ Émeutes, qui fe renoüvellerent avec plus defor„ ce a la première dccafion.' La Frife fut le pre„ mier théatre de la révolte , dont les impóts furent „ le prétexte, mais dont la véritable caufe étoit d'obli-  < 2'87 ) „ d'obliger les Etats de la Province de déclarer „ le Stadhoudérat héréditaire dans la poftérité fé„ minine du Prince, comme ils Pavoient déclaré „ dans la mafculine. Plufieurs Maifons furent „ pillées, & la populace exigea que les impóts „ fuffent abolis, les anciennes loix rétablies & „ que le Stadhoudérat fut declaré héréditaire co'm„ me elle le demandoit. On menaea mime i y, Leeuwaarde les DéputésdesEtats, qu'aucun d'eux „ ne fortiroit en vie, s'ils ne donnoient fatisfa,, $m au peuple; üiallut doncle contenterdans „ tous les points, d'autant plus que la féddtioa „ fe repandoit des Villes dans le plat-paySj & „ le Pnnce aprouva tout ce qui avoit étéréfol'u." Sophie. Je le crois fans peine, on avoit travaillé pour fes intéréts, & peut étre par fes ordres, car je commence a n'etre plus la dupe des fineffes de nos Princes. Theo dore. „ Le bruit des troubles de la Frife s'étoit ré„ pan du dans la Province de Groningue, & le „ Peuple s'y fouleva , fur tout depuis la nais. „ fance du jeune Prince. Quelques matelots - co™™ dans les rues de Groningue chan... tant la fameufe chanfon Guulaume de Nas„ fau; ils allcrent dans les maifons des principaux „ Ci-  ( 288 ) i, Citoyens demander de 1'argent pour boire, Ss ne furent pas recus chez le Bourguemaitre Geert,, fetna, comme ils croyoient devoir 1'ètre , foitque „ cette mauvaife récept-on allumat la haine du „ Peuple, ou qu'elle fut excitée par quelque cau„ fe fecrette, la maifon du Bourguemaitre fut pil„ lée ; on jetta fou caroffe dans Peau, & la fu„ reur.alia ijusqu'A arracher les habits de deffus ,, le corps d>. fon Epoufe> qui n'avoit pas voulu „ prendre la fuite. Cette fédition , dont quelques „ Chefe furent punis, n'avoit d'autre objetquede „ faire déclarer le Stadhoudérat héréditaire dans la ,-, Poftéfite mafeuline & féminine du Prince; & /, les Etats de la Province n'ayantpas encore pris„ de Réfolution décilive ace fujet, on fit fortir par „ force les Régens leurs maifons, ils furent con,v traints de s'affembler, & de aontenterle Peuple , non feulement pour 1'hérédité du Stadhoudérat , ,ï mais encore de donner au Prince toutes les pré„ rogatives , & la puillance que lui avoient accordc ,-, les Etats de Hollande. II n'y eut pas jusqu'aux „ Ecoliers qui s'ameutcrent, & qui contraignirent lés Etats de nommer le Prince Rsdisur trés tuagnifique de 1'Univerlïté de la Province." Henri. II ne manquóit plus que d'en faire un Dieu, & de lui ériger des temples, a Pimitation des Romains, qui divinifoicnt leurs Empéreurs. The»-  ÏHEODOHjf, „ Les mouvemens féditieux troublerent auffi ljj „ Pays de Drenthe, 1'OveryfTe}, la Gueldre & lj „ Province d'Utrecht, au fujet des impóts, qu'on „ fut obligé d'abolir. Le Prince envoya des trou„ pes en Zélande pour protéger les fermiers con„ tre la fureur du Peuple, mais ce fut en Hollan„ de que les émeutes éclaterent ayeCj plus de „ violence. Ellescommencerent a Haerlem, oule „ peuple, inftruit que les impóts avoient été abo4, lis dans la Frife , pilla les maifons .de quelques „ fermiers, & les Magiftrats réfolurent de fufpen„ dre, par provifion, la levée des impóts. Les „ mèmes exces obligerent la Régence de Leide * j, d'imiter 1'exemple de celle de Haerlem. L on  ( 29° ) ' on ne s'y attendok pas, mais on s'y confor' ma, fans faire la moindre difficulté, quoique ces impóts euffent été en ufage depuis plus de f, deux cents ans. Mr. Herman. Dès qu'un Stadhouder parle, il eft obèi, les plus anciennes coutumes font abolies; & quand les citoyens réclament leurs privileges, onrcpondque U laps de tems les a fait perdre, & qu'il ne faut pas confentir a des innovations. II fe trouve mèmè des Régens affez téméraires pour menacer le.Söu* verain, de s'oppofer de toutes leurs forces a fes ordres, s'ils font favorables a ceux qui demandent le rétabliffement de leurs anciens, droits ; par ce que ce rétabliffement pourroit nuire aux interets du Stadhouder. Theodore. „ A peine la paix étoit elle fignéc que les tro'u„ bles recommencerent pour donner lieu aux chan"„ gemens dans les Régences. Geile d'Amfterdam ne voulut pas confentir a verfer dans la caiffe „ de 1'Etat le produit des Postes, qu'elle emplo„ yoit au foulagement des Pauvres, a 1'entretien „ & au rétabliffement des Hopitaux, des Eglifcs „ & dcsEdifices publies. Cette réfolution futren„ due publique , afin d'animcr le Peuple contre les „ Régens & de lui fake croke qu'ils vouloient s'em-  „ parcr öe cet argcnt pour leur avantage particu„ lier. Affitotil parut des libelles, & furtout un „ dans lequel on accufoit les Régens d'avoir tra3, bi 1'Etat dans la derniere guerre, on deman„ doit qu'ils fuffent punis, ou du moins privésde „ leurs places pour toujours. Cet écrit étoit dé„ dié i tous les vrais Fatriotes, ayant féance dans „ les Etats généraux." Mr. Herman. Depuis la derniere guerre avec les Anglois nous demandons auffi la punition de ceux qui ont Lvré nos vaiffeau.v a 1'ennemi, caufé la ruine de notre commerce, & cmpèché notre Efcadrc de fe rendre a Erest, mais nous ne pouvons obtenir julrice, & nous n'ofons pas nous la faire. 'Theodore. „ La Régence d'Amfterdam étoit la plus calom„ niée dar.s ces libelles , les Bourgeois de cette „ Ville préfenterentau Maglftratune Requête pour „ demander que le revenu des Poftes fut remis en„ tre les mains du Prince; qu'on ne donnat au„ cun emploi qu'a des Bourgeois natifs de la Vil„ le ou naturalifés, & que la Bourgeoilie eut le j, droit de nommcr fes Colonels & Capitaines, 3, qui ne pourroient jamais être en mème tems membres de la Régenee. Cette Requête fut 3, aufli préfentée au Prince qui recut trés bien les T a „dé-  K w ) „ députés, approuva la juflice de lturs demande, „ mais leur recommanda d'être tranquilles & fou„ misa leurs Chefs. LeMagiftrat après avoir repon,, du auxtrois art'iclcs d'une maniere qui ne fatisrit „ paslaBourgeoifie, & ceux qui avoient préfenté la „ Requête, envoyerent deux diputés au Prince pour „ le prier de venir rétablir la bonne intelligcnce : ., a leur retour ils publierent que dans pen de „ jours S. A. viendroit dans la Ville. Les Bourge„ maitres & les Confeillers rfatisfirent entierement 3, aux defirs des Bourgeois, & fachant qu'on n'a„ voit d'autre deffein que de changer la Régence", „ ils réfolurent d'abdiquer volontairement leurs pla„ ces. Cette réfolution caufa un véritable chagrin „ aplufieurs citoyens bien intentionnés, quis*em> „ prefferent de figner une Requête pour affurer la e„ Magiftrat qu'ils étoient dispofés a maintenirla „ Régence actuelle, & qu'ils n'avoient aucune part „ a tout ce qui s'étoit fait. Mais ce deffein ne ,, put réuflir par les menaces & la violence qu'or» „ employa pour le faire avorter. Enfin le 2 de ,, Septembre le Prince entra dans la Ville; la „ garde Bourgeoife étoit fous les armes , fes caros„ fes étoient précédés de 3 ou 4000. Charpentiers de navires, devant les quels on portoit un Dra„ peau Orange avec cette infeription : Pour Oran„ ge & la Liberté." „ Le Changement de Régence ne tarda pas a. „ fe- faire; les quatre Bourguemaitres furent dé* „ mis ■  ( 292 ) „ mis de leurs places fans y ètre rétablis; destren„ te fix confeillers dix neuf furent confervés, & „ les autres remplacés par des perfonnes qui n'a- voicnt jamais été dans le Magiftrat. Aprés cet„ te opération le Prince écrivit au Grand- Officier „ qu'après avoir fait tous fes eflbrts pour diffiper ,, la déliance & le mécontentement des Bourgeois „ il avoit jugé a propos, felon le pouvoir que „ lui avoient donné les Etats Généraux, & d'après „ 1'abdication volontaire des Magiftrats, de lesdé„ mettre de leurs places, fans faire aucun tort a leur honneur, & qu'il les protégeroit en tout „ tems eux & leurs families." „ L'ancien Confeil & le Confeil de Guerre fu,, rent changés par le Prince, qui fut complimen„ té a fon départ, dans les termes les plus exa,, gérés, on pouffa même 1'adulation jusqu'a le nommer Guillaume le Grand." Henri. Ce furnom n'a jamais été donné qu'aux conquérans, & je ne vois pas que le Prince eut fait quelque exploit guerrier , a moins que ce n'en foit un d'avoir été joindre 1'armée quand la Paix étoit faite, Theodore. ,, Les mêmes cliangemens de Régence s'opére„ rent dans toutes les Villes de la Hollande, ex„ ceptè i Dort, fans doute paree que fes dépu7 3 ,» tê»  „ tés avoient été les premiers a propofer d'autori„ fer le Prince a changer les Régences partout ot'ï „ il le trouveroit néceffaire. & Gorcum le Con,, feil de Ville, qui n'étoit compofé que de dix „ fept membres, fut porté a vingt quatre, & ce„ lui de Schiedam qui n'étoit que de vingt, fut „ augmerïté de quatre. La Régence él'Alkmaar „ fut changée, fans qu'il y eut de mésintelligen- ce entre le Magiftrat & les Bourgeois , maispar„ ceque le deifein du Prince étoit de mettre un „ tel ordre dans les Villes, qu'elles fuffent trariquil„ les a 1'avenir ; le 'changement qui fe fit ï Hoorn , „ n'eut d'autre raifon que la néceftlté de fuivre „ 1'exemple des autres Villes, & de confentir aux arrangemens que lc Stadhouder avoit pris." Sophie. Tous ces changemens firent fans doute voyager le Prince, comme avoient fait Maurice & Guillaume III ? Henri. Non, ma Coufine, il refta tranquillement a la Haye , & fit portar fes ordres par deux députés qu'il cnvoya. Sophie. C'eft a dire que ces deux Mefiieurs étoient les 7>éputé3 du Député ces Etats Généraux. car le Prin*  ( =95 > Prince n'avoit pas d'autre titre qui lui donna lp pouvoir de changer les Regences. Mr. Herman. II fut encore plus honnête que Guillaume III, qui partant pour 1'Angleterre laiffoit toujours aun Scrgent les mots d'ordre pour la garnifon de la Haye. Henri. J'airemarqué , mon Oncle, que dans deux Villes les envoyés du Prince avoient augmenté le nombre des confeillers; j'ai cru que ce nombre étoit fixé par lés Privileges & ne pouvoit être changé qu'a la demande, & par le confentement des citoyens. Mr. Herman. Cela devroit être fans doute; mais la volonté de nos Stadhouders a toujours détruit les loix , qui leur étoient contraires. Si quelque ville vouloit pour le maintien de fa liberté, rappeller fes anciens privileges, & demander en confequence une augmentation dans fon Confeil, nous verrions alors les partifans du. Stadhoudérat fe réerier contre cette demande, la taxer d'innovation, prefenter des req,uêtcs, corrompre des Miniftres pour ameuter la populace, & fmir par menacer d'employer la' force ouverte pour s'oppofer aux volontés du Souverain. Ces gens li craignent de perdrê leur imf 4 flueu-  ( 49« > fturnee, & les places lucratives dont ils ont trotw vé le moyen de s'emparer en trahiffant leur Patrie; ils ont pourtant toujours dans la bouche les noms facrés de Réligion & de Liberté, mais ce font des Hypocrites & des imposteurs qui foulent aux pieds Tune & 1'autre. Sophie. Vous dites, Papd, que oes Ambitieux ont des places lucratives, eft ce qu'ils en ont cliacun plus d'une? Mr. Herman. Oui, mon enfant; il y a tel Régent qui poffede h lui feul 10 a 12. emplois, incompatibles 1'un avec 1'autre, dont il teuche les émolumens, fans en remplir les devoirs. Cet abus te furprend & te yévóité, mais il fubfiftera parmi nous auffi longtems que tèutes les places feront a la difpofition ,, duit en 1674 & 1675. en Zélande les change„ mens ne furent pas fi confidérables, un feul ,, Membre de la Régence de Middelbourg donna „ volontairement, en apparence , la démiffion de ,, fa place, mais le gouverneuient de la Frife fu,, bit une réforme h 1'avantage du Prince, qui nomma la Régence de Leeuvvarde & de Frane„ ker , les deux' feules Villes de la Frife, qui eus„ fent jufqu'alors confervé 1'ancien droit d'élire „ leurs Magiftrats. La mème révolution eut lieu ,, dans 1'Overyffel & les Ommelandes, od les „ Payfans prirent les couleurs Orange, & s'arme,, sent de batons & de maffues, pour obliger les „ Etats de la Province a confentir au changement „ de Régence, & a donner au Prince la nomina,, tion de tous les emplois; ce qui fut fait après „ que le Stadhouder eut envoyé des Commisfai„ res, & qu'il fut venu mettre en vigueur le nou„ veau Réglement, & donner une Amniftie géné„ rale pour tous les défordres qu'on avoit commis Sophie. J'ai remarqué qu'après tous ces changemens faits par les Stadhouders , ils ont publié des Amnifties. Mr. Heiman. C'eft bien la moindre chofe qu'ils aient pu faire en faveur de leurs Partifans qui les avoient fi 'f 5 bien  ( 208 ) bien fervis; mais ces Amniftics ne fe font jamais étendus fur les Patriotes, qu'on a privés de leurs places, & qu'on n'a pas dédommagé du pillage de leurs maifons. Les pardons accordés aux feditieux fervoient a leur affurer 1'impunité dans tous les tems. Theodore. Au mdyens de ces changemens & de ces nouveaux Régiemens le Stadhouder jcuiffoit dans la République de toute 1'autorité, dont un Roi eft revêtu, dans les Monarchies les plus abfolues. Henri. Wagenaar dit auffi qu'il eut un pcuv.oir plus étendu qu'aucun de fes Prédéccffeurs, & que pour 1'accroitre encore, la Compagnie des Indes Orientales le choifit pour Chef, lui donnant le droit de nommer a toutes les places. Cet Hiftorien rapporte un fait, qui confirme ce que mon Oncle vient de nous dire, au fujet des Amniftics: „ II s'étoit élevé un différend a Steenwyit dans „ POveryfTel, entre la Régence & la Bourgeoifie, „ au fujet de la nomination d'un Miniftre ; plu„ fieurs Habitans avoient préfenté une Requête au „ Stadhouder pour lui demander le changement „ de Régence, & avoient formé, fans la permis„ fion du Magiftrat, une Compagnie, qui portoit „ le nom de Libre Compagnie Orange. Un nom- me  ( =99 ) „ mé Fledderus, en étoit Major, & fe diftingua „ par des excès, que les Régens ne purent fouf„ frir; il fut mis en Prifon, & condamné a ctre „ pendu. Ses Complices prirent la fuite, & „ s'adreffercnt au Prince , qui enyoya des Com„ miifaires a Steenwyk, pour y changer la Ré„ gence, & rétablir les fugitifs dans tous leurs „ droits. La Mémoire de Fledderus fut réhabili,, tée, & fa Veuve eut la permifiïon de faire en,, terrer le corps de fon Mari, qui fut accompagné ,, par toute la nouvelle Magifirature, par les „ Miniftres, & par une foule de Peuple, tous „ décorés de Rubans-Orange ". Mr. Herman. Je fupprlmc les réflexions que cet incident me fuggere, perfuadé qu'elies fe préfentent naturellement a vous, par le rapport qu'elles ont avec ces Corps-Orange formés depuis peu, & que fans doute le Souverain ne laiiTera pas fubfifterlongtems. ' Henri. Kous fommes arrivés, mon cher Oncle, a la fin de 1'Hiftoire de Wagenaar, qu'il termine a la mort de Guillaume IV. Ce Prince, dit il, fentant fes forces diminuer, propofa aux Etats Généraux d':'lever le Duc Louis de Brunswyk Wolfenbuttel, Parent de fon Epoufe, a- la dignité de FeldMaréchal des Troupes de la Réjrubl ique, avec 40000  ( 3C° ) 40000 florins d'appointemens; & quelque tem$ après il le fit déclarer Général en Chef de toute 1'Armée, pour la commander, pendant la minorité de fon Fils, avec une augmentation de 40000 florins par an. II ne furvécm pas longtems a cet arrangement, & la Princeffe fon Epoufe fut nommée Gouvernante. Elle prèta ferment en cette qualité, entre les mains des Députés des Etats Généraux, .& de ceux de Hollande, le même jour de la mort de fon Epaux, fans en donner avis aux Régences des Provinces. Theodore. C'eft-a-dire que la révolution de 1747. achangé notre Gouvernement Républicain, & qu'elle en a fait un Monarchique , de maniere que le plus proche parent d'un Stadhouder eft affuré de 1'ètre après la mort de fon Prédéceffeur, comme un Dauphin eft certain d'ètre Roi de France. Mr. Herman. Oui, monAmi; mais ce droit d'hérédité n'auroit rien de dangereux fi les Prérogatives de nos Princes n'étoient pas portées trop loin, & fi leur autorité étoit contenue dans de juftes bornes. Voila le feul but des Régens bien intentionnés pour la Patrie ; ils ne font point ennemis de la Maifon d'Orange , ils ne veulent la priver d'aucun de fes droits légitimes, ni faire aucun changement nuifibie a 1'Etat ou i la Réligion , comme  ( soi ) me on cherche a le perfuader au Peuple. Au contraire ü leur projet falutaire réuffit, les Princes d'Orange , ne pouvant faire que le bien, jouiront de 1'affeCtion générale, Ie Peuple reprendra la jufte influence qu'il doit avoir dans lïn Etat Libre, & les Repréfentans de la Souveraineté, en exerceront les auguftes fonctions, par" le chöix, &. pour le bonhcur de leurs Concitoyens. Sophie. J'ai oublié de vous demander', Papa, quel étoü ce Duc de Brunswyic, que le Prince fit nommer Général de toutes les Troupes de la' République, il avoit dónc rendu de grands fervices a PEtat? Mr. Hekman. Pas le moïndre ; il avoit été au fervice de PEmpereur , dans la derniere Guerre, & Guillaume IV. le fit venir auprès de lui, pour préfider i 1'éducation du jeune Prince fon Fils, & pour faire , pendant fa minorité, les fonctions de Capitaine & d'Amiral Général. Henri. Mais les Etats n'auroient pas du confentir a ce choix, ni fouffrir qu'un Etranger, qui n'avoit jamais eu aucun grade dans leur Armée, en devint le Chef, & commandat les Officiers de la Nation. Mr,  ( ) Mr. II e r m a Ni Par lc réunion de tous les pouvoirs accordés il Guillaume IV. "on s'étoit mis dans 1'impofïïbilité de contredire fes volontés, & le Duc de Brunswyk gouverna la République fous le nom de la Princeffe & du jeune Stadhouder, dont il dirigea 1'éducation. Theodore. Autant que j'en puis juger, je crois qu'il étoit trés imprudent de confier cette éducation a un Etranger, qui, ne connoiffant pas la Conftitution du Pays, n'étoit pas en état d'infpirer au jeune Prince les feminiens qui devoient régler fa conduite, dans 1'exercice de fes importantes charges , pour le bonheur de 1'Etat. Mr. Herman. Nous recueillons aujourd'hui les triftes fruits de cette imprudence , que tu remarqües trés judicieufement. Le Duc de Brunswyk ne fongea qu'i fes propres intéréts , lies a ceux de 1'Angleterre; il fortifia dans fon Pupille les idéés de Defpotifme qu'une haute naiffance infpire, & qui font incompatibles avec le Gouvernement Républicain; il lui peignit comme des gens dangercux, & ennemis de fa Maifon , le petit nombre de Régens qui ofoient encore parler de Liberté, il eut foin de ne 1'entourer que de flatteurs qui lui perfuade- rent qu'un Stadhouda; eft maitre d'enfraindre les loix,  C 303 ) loix, quand elles s'oppofent a fes intéréts ou 4 fes volontés. Sophie. On négligea fans doute auflï d'inüruire le jeune Prince de 1'Hiftoire de fa Patrie , dans la crainté de lui faire connoitre nos Privileges, & la manVaife conduite de fes Ancctres. Mr. Herman. Ne pouvant fe difpenfer de lui parler de notre Hiftoire , on eut grand foin de lui rappeller les exploits de fes Aïeux, de lui répéter que nous devions avoir une reconnoiffance fans bornes pour leurs fervice: , & de lui perfuader que les attentats des Stadhouders avoient été des coups d'Autorité légitimes, qu'il devoit imker quand 1'occafion s'en préfenteroit. On ne manqua pas de lui infpirer la plus grande averfion pour la France, & 1'amitie la plus vive pour 1'Angleterre; lui repréfentant 1'une comme notre ennemie, & 1'autre comme notre Alliée naturelle. Voila, mes Enfans, en peu de mots, les principes de 1'éducation de notre Stadhouder aftuel, & la caufe -de fes démarches, pendant notre derniere Guerre avec les Anglais. C'eft ainfi que le Duc de Brunswyk en donnant a fon Eleve de faufi'es notions, lui a ravi 1'affeétion des vrais Amis de la Patrie, & Pa livrc cn proie a la foule iiitéresfée des Courtifans. Je pourrois ajouter beaucoup de  C 3de fa Liberté. Plaignez, fans les haïr, vos aveugles Concitoyens; ne les attaquez pas, mais s'ils vous y forccnt, répandez jufqu'a la derniere goutte de votre fang plutót que de fubir le joug de 1'efclavage. Je fais les vceux les plus' finceres pour que ma Patrie ne foit jamais expofée ;i 1'horreur d'une Guerre civile, mais je crains que le fignal n'en foit bientót donné par ceux,qui veulent anéantir notre Conftitution, pour élever fur fes débris 1'Ariftocratie & le Defpotisme. (Ici un Domeflique v'ient avertIr Mr. Herman, que fon Epoufe le prie de venir la trouver fans délai, paree qu'il eJ2, arrivé des Lettres de la Gueldre,) Mes  ( 3°5 ) Mes Enfans, ce font fans doute de triftes nourelles que nous allons recevoir, & mes prcffentimens feront malheureufement vérifiés. QUINZIEME et DERNIERE SOIREE. (La familie eft rajfemblée dans la Salie de Compagnie, pour recevoir quelques amis fugitifs de Hattem.) Mr. Herman, Mme. Herman, Sophie, Theodore, Henri; enfuite Mr. Adolphe, fa Femme & fes Enfans, Mr. Herman, a fa Femme, Avez - vous eu foin , ma cliere amie, que rien ne manque dans 1'appartemenc deftiné a nos malheureux Compatriotes , que la Tyrannie rontraint a quitter leurs foyers ? Mme. Herman. Je n'ai rie'n oublie pour qu'ils pu'flent retrouver chez nous ce qu'ils ont perdu, &. pour juftifier la préférence qu'ils nous ont accordée en choififfant, notre maifon pour azile. Vous, mes V ER-  ( 306 ) Enfans, traitez les leurs comrne vos freres, & mettez tour en ufage pour adoucir le chagrin qu'ils doivent éprouver, en fe voyant éloignés du lieu de leur naiffance. Sophie, Je vous prie, Maman, de céder ma charnbre a la jeune Demoifelle , & de lui témóigner toujours plus d'amitié qu'a moi; je n'en ftrai pas jaloufe, je vous le promets. Theodore. Nous avons demandé, mon coufin & moi, la mème grace a mon pere pour les fils de vos amis; vous partagez avec eux vos biens & votre maifon, c'eft a nous d'imiter, autant que nous le pouvonsj votre générofité. Mr. Herman. Tu te trompes, mon fils, il n'y a aucune générofité dans notre procédé ; c'eft un devoir que nous rempliflons. Si la feule humanité nous fait a tous une Ioi de foulager nos femblables dans leur infortune; nous devons nous facrifier, fans réferve, pour des Coropatriotes perfécutés , & victimes de la plus cruelle de- toutes les injuitices. Mme.  ( 20? ) Mme. Herman. j'ai fait mettre les chevaux au CarrofTe, 9r je vais au Port pour recevoir nos Amis, & les conduire ici. Henri. Nous ne fommes pas bien inftruits, mon Oncle , du diiferend qui s'eft élcvé entre les Etats de Gueldre & les Villes de Hattem & d'Elburg, voudriez-vous bien nous en dire la caufe? Mr. Herman. J'attends d'un inftant a 1'autre nos amis de Hattem, & je ne pourrai pas entrer dans un grand detail, mais il fuSira des principales circonftances pour vous faire comprendre toute Pindignité du traitement qu'on fait effuyer i des citoyen? , qui n'ont d'autre tort que de foutenir par des moyens légitimes & modérés, les droits qu'ils tiennent de Dieu, & de la nature de leur Conlütution Républicaine. Les extraits que vous avez faits de notre Hiftoire vous ont appris que Guillaume III, après Pinvafion des Francois, avoit introduit dans la Gueldre & dans quelques autres Provinces un Reglement de Régence, qui lui donnoit un pouvoir abfolu. Vous avez vu qu'en 174$. ce mèihe Réglement remis en vigueur, avoit donné a Guillaume IV. la mème autorité. Vous favez auffi V 2 par  par quels moyens nor, Stadhouders ont obtenu ce pouvoir illimitc , contre lequel on peut réclamer en tout tems, puisqu'ileft le fruit de la violence. les nombreux partifans du Prince formant la Majorité dans 1'Affemblée des Eeats de Gueldre, & cette Majorité , pour étouffer les juftes plaintes de la faine partie des citoyens, fit publier au mois de Mai dernier un Edit rigoureux , que les Magi-' ftrats d'Elburg refuferent d'approuver & de faira afficher dans leur Ville, qui fait partie de la Souveraineté de la Province, puisqu'elle a voix aux Etats. Cette généreufe réfolution de ne point concourir a 1'oppreflion d'un Peuple libre panit un attentat aux yeux des partifans du Stadhouder, & de nouveaux ordres furent donnés au Magiflrat & a la Commune jurée d'Elburg d'obéir » Ia volonté de 1'Affemblée Souveraine. Theodore. II me femble que des affociés doivent ctre égaux & qu'il ne convient pas de leur prefcrire des loix comme a des fujets, & de les traiter en rebelles; les repréfentations ne font point une révolte. Mr. Herman. Voila pourtant tout le crime des habitans d'Elburg , & le prétexte de la Majorité des Etais de Gueldre pour employer la force militaire contre leurs concitoyens. Le Stadhouder loin de fe  < 3°9 ) ferv'r du droit que fa Cornrnisfion lui donne 3'ctre Médiateur dans les diffërends, qui s'élevent entre les membres de la confedération , a délivré fans aucun delai les Patentes pour la marehe des Troupes, & les ordres pour tirer des Arfenaux les munitions de guerre pour le ,Siege de la Ville. Henri. Comment, le Siege , on vouloit doac détruire les VJies comme en Pays ennemi? Mr. Herman. II n'eft pas poffible de douter que ce ne fut le projet; le Stadhouder même n'en a pas fait mi-» ftere. A la nouvelle des ordres donnés pour la marehe des Troupes, trois Bourguemaitres de POveryffel ont couru au Leo , pour obtenir du Prince la révocation de ces ordres cruels, ou du moins un delai, pour chercher des moyens éa conciliation , felon les termes de 1'Unien d'Utrecht. Ces trois dignes Patriotes afirès avoir été mal recus ont eu pour derniere réponfe , de la boucie du Stadhouder; qu'il devoit fuivre les ordres des 'ktats, & que fi lef Villes refu/bie/it de recermr gannfon , elies feroient dètrui tes. Theodore. Nous n'avon» pas encore trouvé dans Pliiftoire de actre Pays aucun Stadhouder qui ait tenu un V 3 pa-  < 3i° ) pareil langage. Je ne vois pourtant pas que les habitans d'Elburg méritent de telles menaees pour avoir refïïié de fouscrire, a des réfolutions qui corabattent leurs privileges, je ne fais pa; fi ceux de Hattem font plus coupables, les papiers publics ne parient que du refus qu'ils font d'admettre dans leur Magiftraturc un fujet propofé par le Prince. Mr. Herman. II n'y a pas d'autre motif de plainte contre eux; ils ne fe font oppofés a aucune réfolution des Etats; ils perfiftent feulement a ne pas vouloir accepter pour Régent un homme, qui n'eft pas leur concitoyen, qui ne poffedé aucun bien dans leur Ville, 3c qui n'a d'autre qualité que celle de Gardedu-Corps du Prince. Ainfi les ordres 'donnés pour les attaquer ne peuvent être excufés fous le prétexte de. la moindre dé3obéiifance aux volontés du Souverain; la querelle ne fubfifte qu'entre eux & le Stadhouder, qui ne veut pas avoir le démenti de fa nomination j & qui s'efl; fait un point tPkonmut de la foutenir par la force des srmes. II a trouvé la majorité des Etats de Gueldre difpofée a le fervir, & il en a recu des ordres qu'il' fe presfe d'éxécuter. Telles font les fuites de ce Réglement de 1674., renouvellé fous Guillaume IV. en 1748. II faut recevoir aveuglément les loix qu'il plait au Prince de dicter aux Etats, fc prendre de fa maia tous les Régens qu'il lui plait  ( 3" ) plait de nommer, fous peine de voir le Ier & le feu employés contre les térnéraires qui ofent fe montrer dignes du titre d'hommes libres. N'étoit ce pas afl'ez que dans la derniere guerre notre eommerce ait été privé de toute protection, & que notre Marine ait langui dans une honteufc inaftion malgré les ordres des Souverains, fans voir aujourd'hui le flambéau de la guerre civile allumc pour fouteair les intéréts de 1'Ambition ? Sophie. II y a pourtant apparence que les citoyens ont eu.le tems d'echapper » la fureur des Soldats puisque vos amis vous ont écrit quils arriveroient aujourd'hui. Mr. Herman. je n'en ai recu que deux mots fans aucun détail; ils me mandent feulement qu'ils font, ainfi que leurs eoncitoyens , les plus malheureufcs perfonnes.du monde & qu'ils acceptent 1'azile que je leur avois offert, au premier bruit, qui s-'eft vepandu des ordres fanguinaires donnés contre eux. As moins qu'il ne leur foit arrivé' quelque accident imprévu, votre mere ne tardeta pas a nous les amener; ils nous apprendront fans- doute les particularites des ce trifte événement. V 4 S e-  ( 312 > S o p h i x. Papa, on fonne; les voüa furement. Ils fe levent tous, fortent ds l''appartement, & un infant après ils y rentrent acenmpae,nès de leurs Amis. Mr. Herman dunne la main a Mme Adolphe, Sophie conduit la jeune Demoifelle,Theodore & Henri fuiven! avec les enfans de leur fexe, tous prennent place, & Mr. Herman s"adrefjant a la Familie jugitive dit : Mes chers Amis, regardez - Vous ici comme chez vous, tout y eft a vos ordres. Je vous remercie d'avoir préfére ma Maifon a d'autres, od vous auriez fans doute trouvé plus d'agrémens , mais non pas des coeurs plus fmceres, & plus dispofés i tout mettre en ufage pour vous faire pe,rdre, s'il eft poflible, le fouvenir de vos malieurs. Mr. Adolphe. Ce n'eft pas d'aujourd'hui que vos frntimens & ceux de votre chere Epoufe nous font connus, & nous n'avons pas héfité d'aecepter votre offre généreufe. Nos cruels perfccuteurs ont attaqué notre Liberté, nos jours ; leurs fatellités ont dévafté nos demeures, mais ils n'ont pu nous priver des fecours d'un ami tel que Vous. _ II eft afiïeux de fe Voir forcé par la tyrannie d'abandonlier les mms  C 313 ) murs qui nous ont vu naltre, 6c les tombeaux oi repofe la cendre de nos percs, mais cette extrémité eft préfcrable , pour de vrais Répnblicains, a 1'horreur de 1'efclavage qu'on nous prcparoit. Kous n'aurions pas fléclii fous le joug, quand nous aurions été certains de nous voir réduits a iroplojer la Compafiion publiquc : jugez fi votre accueil nous laifTe quelque chofe 2 regretter. J'efpere [ qu'un jour le ciel nous donnera les moyens de vous tcmoigncr la reconnoirfance . . . Mr. Herman. Vous ne rn'en devez point, mon amï; fi j'avo's été perfécuté j'aurois choifi votre Maifon pour mon azile; vous 1'ètes, vous venez chez moi, tont eft égal entre nous. Ma5s'~vcus avez fans doute befoin de repos , venez dans les appartemens qui vous font deftinés. Mr. Adolphe. Nos fatigues font oubliées en vous voyant, ne nous enviez pas le plaifir de jouir de vctre converfation, elle verfe fur nos maux un baume capable de les guérir. Mr. H x r m a n. Puisque Vous voulez bien nous facrifier vctre repos, permettez que je vous préfente ma Fille, saón Neveu & mon Fils, que'v vos aimabler, Pn■■ V 5 &»as  C 314 ) f fans" peuvent regarder comme des Freres, dont la tendrelfe & les foins ne fe démentiront jamais. Mr. Adolphe. Etant formés par vous je fuis perfuadé qu'ils poffedent toutes les qualités du cccur & de I'efprit; je les remercie des difpoiitions favorables qu'ils' ont pour mes Enfans, & je les prie de les affocier a leurs travaux comme i leurs plaiflrs. Mr. H e r m a n. Hs fe feront un devoir de fe rendre a vos défirs. Dès 1'enfanceje leur ai fait eontraaer I'habitude de me rendre compte de leurs leètares ; iis me communiquent leurs réflexions, que je reètifie quand elles ne font pas kiftes. Depuis quin«e jours nos converfations ont eu pour objet des recherches fur 1'Hiftoire de notre Patrie, relativement aux abus que les Stadhouders ont fait de leur autorité, j'ai cru que la jeunelfe devoit avoir une Notion exacte de ces malheureux événemens, furtout dans nos troubles aétuels. Wagenaar nous a fervi de guide, & nous nous fommes entretenus aujourd'hu'i en vous attendant des caufes de la perfécution que vous éprouvez. Mr. Adolphe. Si tous les Peres de familie avoient pris, comme  ( 3i5 > me Vous, Ie foin d'inftruire leurs enfans, il ne ' fe trouveroit pas tant de Citoyens ignorans, quï croient fans examen ce que leur débitent les ambitieux , & les importeurs vendus aux ennemis de la véritable Conftitution de la Patrie. Puisque notre arrivée'a fufpendu vos occupations ordinaires, il n'eft pas jufte que nous les intcrrompions, & je me chargerai, fi vous le voules bien, de terminer votre converfation, par le récit de la violence, qu'on vient d'employer contre nous , & dont il n'y a pas d'exemple dans notre Hütoire. Theodore. Monfieur , nous n'ofious pas vous en prier, mais 1'intérêt que nons prenons a vos malheurs, nous faifoit fouhaiter d'entendre de votre bouche le détail oü vous avez ïa complaifance de vouloir entrer. Mr. Adolphe. Airnables Enfans, votre fenfibilité fait 1'éloge de Votre c(Éur, mais réfervez la pour les compagnons de mon infortune, qui n'ont de refiburce que dans la pitié de leurs Compatriotes. Ma Familie trouvé ici plus quelle n'a perdu, elle n'eft point a plaindre, Quoiqué 1'étude de notre Hiitoire vous ait accoutumé aux injuftices, aux ViÖlënöés, ic aux coups d'autorité arbitraire, vous trcuverez en- ] core dans mon récit des fujets d'étonnement. Les'  C srf ) Les juftes & légales réclamations des Citoyens d'Elburg , & notre refus d'accepter pour Régent un Soldat du Stadhouder, ont paru des aftes de rébellion a la Majorité des Etats de notre Province, & nous voyions fe former 1'orage qui vient de fondre fur nous. Menacés d'une. expédition Militaire, nous avons employé pour notre défenfe les moyens, que Dieu & la Nature ont accordés a 3?tous les hommes libres , dont on viole les droits; des Compatriotes généreux ont volé a notre fecours , & font venus partager nos périls. Au mépris de PUnion d'Utrecht toute médiation a été rejettée, & ceux qui ontjnré de foutenir les droits du Citoyen, ont donné contre nous des ordres fanguinaires, dont 1'exécution n'a pas fouffert le moindre délai. Les canons, les mortiers ont éts tirés des Arfenaux, & les' Troupes fe font mifes en marehe, avec cet appareil de carnage. La Gueldre n'ayant pas affez de Soldats pour cette expéditieu, les canoniers de la Prorince d'Overyflel, & Ie Régiment de Plettenberg, a la Solde de la Frife, ont recu ordre de rnarcher. Henri. Permetfez - moi, Monfieur, de remarquex que ces deux Provinces ne devoient pas prendre part è la querelle de deux Villes de la Gueldre' avec leurs Etats , & qu'clles ne devoient pas permettre a leurs Soldats de fe joindre a ceux qui vous atiaquoient, Mr  ( 3J7 ) Mr. Adolphe.. Loin d'y confentir, elles ignoroient même ce* ordr.s, & le Stadhouder, fans leur en demander la permiffion, avoit délivré les Patentes. Henri. Mais, Monfieur , les Troupes auroient dd refufer de marcher; le Stadhouder n'eft pas leur maitre, & ne peut les commandcr qu'au nom des Etats, dont elles recpivent leur Soldó. Mr. Adolphe. II ne le doit pas, mais il le fait; certain d'êtrc obéi par les Officiers, dont la fortune eft dans fes mains, puisqu'il a le droit de nommer aux emplois. T H E OP R B. Vous aviez bien raifon, Monfieur, de dire que vous nous furprendriez. Les autres Stadhouders s'ctoient fait autorifer par les Etats Généraux, ou da moins par la Majorité des Provinces, & quoique leur conduite füt oppcfée aux droits de la Nation, les apparecces étoient mieux fauvées. Mr. Adolphe, a Mr. Herman. Mon ami, vous devez vous applaudir des foins que vous avez pris de 1'Education de ces deux jeunes gens, leurs réflexions font au-deflus de leur ige. Le  C ) Le fignal de la Guerre Civïle ttant donné, les premiers aèfces d'Hoftilité furent décidés contre Élburg , & les Troupes parurent devant la Ville, ne refpirant que le meurtre & le pillage. Elles n'eurent pas cette cruelle fatisfaétion: Meffieurs Capallen de Marsch, Palland & Nyvefd, avoient écrit aux Bourgeois, & leur avoient confeillé le parti de la retraite, étant impofïible qu'ils foutïnffcnt un licge, n'ayant pour défenfe que de foïbles rriuraïlles, dépourvues de toute fortification. On fit d'abord difficulté de fe rendre a ce fage confeil, mais les canonniers ayant affuré qu'ils ne pourroient paj tenir plus de deux heures contre 1'Artillerie des Troupes, d'un calibre doublé de la leur, on fe décida pour la retraite: Elle fe fit 2 la faveur de la nuit. Une partie des femmes &: des enfans s'embarqua pour Amfterdam , 1'autre fuivit le fort des fugitifs, & tous emporterent ce qu'ils avoient de plus précieux, après avoir pris la précaution d'enclouer leur Artillerie. Henri. Pourquoi, Monfieur, prendre cette précautien, puisqne 1'ennemi n'étoit pas encore devant la Ville! Mr. Adolphe. Tous les Citoyens n'étoient pas du même fentiment; il s'en trouvoit quelques uns indignes du nom de Républicains, & qui coururent aux rem- parts,  C 319 ) parts, pour tirer fur leurs Freres. Vous gavez peine a concevoir cet exces de barbarie, rnais des efelaves font ils capables de connoitre les fentimens de 1'humanité , leur ame avilie les rabaiife au defibus des bètes féroces, qui ne devorent pas du moins celles de leur efpece. Vous voyez que la prccaution des fugitifs n'étoit pas inutile ; ils furent recus a Campen , ou les fecours de toute efpece leur font prodigués. Les Soldats de nos perfécuteurs ayant pris posfeffion d'jilburg, fe mirent en marehe pour nous attaquer ; nos murs étoient en état de défenfe; ils étoient gardés par tous les Citoyens , qui pouvoient porter les armes, par un nombreufe troupe d'Auxiliaires, Sc les braves Canonniers de Zwolle étoient déterminés a faire repentir les asfaillans de leur cruelle entreprife. Le • Général Spengler enveya un Officier, pour naus fonamer, au nom des Etats, de recevoir Garnifon, nous menacant de toutes les horreurs d'un Siege, li nous refufions d'obéir. Cette propofition fut unanimement rejettée , & 1'Officier, après nous avoir donné trois heures pour nous décider, fe retira les larmes aux yeux. Sophie. Monfieur, favez vous le nom de cet honnête homme, quï s'eft montré fenfible a votre fort, Sc qui ne partageoit pas la cruautéde vosPerfécuteurs? Mr.  ( 323 ) Mr. A D O L P H E, S'il m'étoit connu, Mademoifelle, je ne vous 1'anrois pas laiffé ignorer, mais la vertu refte fouvent dans 1'oubli, pendant que la renommee pufclie le nom des heureux criminels. L'impatience de verfer du fang, ne permit pas fans doute au Commandant des Troupes , d'attendre que les trois heures fuffent expirées; on fit feu conrre nos murs , & les Canonniers du Corps Franc de Zwolle, fervirent leur Artillerie avec tant de fuccès, que plufieurs Soldats furent emportés par les premières volées. Cette perte irrita lé Général, qui, craignant d'ètre réduit a fe retirer, fit lancer des Bombes, pour nous forcer i nou» rendre, & ne nous épargner aucune des üorreurs de la Guerre. —•. . ■ Hen-  H k n r i. Comment, Monfieur, des Bombes ! j'ai lu quelques relations de Sieges, & mon Oncle nous x fait la defeription de ces machines, qu'on lance pour détruire & bruler les édifices des Villes ennemies, mais on ne s'en fert qu'a la derniere extrémité. II faut être bien barbare pour les employer contre des Compatriotes-, qui ne font eoupables d'aucune fante. Sophie, a Mme. Adolphe. Ah, Madame, que vous avez dii ètre effrayée en voyant ces horribles machines.' Mme. Adolphe. Oui, Mademoifelle, je 1'ai été fans deute, mais non pas pour moi; j'ai tremblé pour les jours de mes enfans; j'ai regretté de les avoir mis au monde dans des tems fi malheureux, & de les voir expofés a la mort ou a 1'efclavage, Mr. Adolphe. Repréfentez-vous, s'il eft pofiible, mes amis, notre indignation, Peffroi de nos Eemmes, & les cris lamentables de nos Enfans: nous réfolumes alors de dérober ces objets de notre tendrefie., au danger qui les menacoit, & de- nous défendre jufqu'au dernier foupir, mais les dignes Patriotes, qui avoient confeillé aux Citoyens d'Elburg, d'abandonner leur Ville, nous écrivirent dans les termes les plus preflants d'imiter cet exemple, & de ne pas nous dévouer a une mort certaine» Ds nous conjuroient, au nom de- la. Patrie, de X nous  ( 3" ) nous réferver pour la fervir, & de ne pas donnef i nos Ennemis la barbare joie de fe baigner dans notre fang. Nous nous décidames avec peine a la retraite; nos br&ves Auxiliaires, & les Canonniers de Zwolle fe chargerent de la protéger; ils s'étoient engagés par ferment a ne point abandonner leur Artillerie, ils ont rempli leur promefTe, & 1'Ennemi contenu par un feu toujours fervi avec la mème vivacité, n'a ofé tenter de nous attaquer ; tous nos .Concitoyens & nos Détofeurs ont échappé aux coups du Soldat, neus lui avons abandonné nos demeures, nos biens, & nouï nous fommes réfugiés dans des lieux, oii 1'on peut être libre impunément. Nous avons fait ferment, de ne rentrer dans nos jnurs, qu'après avoir obtenu réparation des outrages qu'on nous a faits, & de la perte que nous endurons. Mr. Herman. Mon ami, ceux qui ont la force en main, commettent aifément des injuftices, mais la réparation eft lente, rarement même on 1'obtienf. Y en a t'il d'ailleurs une qui puilfe entrer en compenfation avec 1'injurieux & cruel traitement, que vous avez enduré ? Mme. Herman. 11 ne faut pas douter, Monfieur, que le Sofdat ne pouvant affouvir fa fureur fur vous, ne fe foit livré au pillage. Mr. A D o l p h m. Madame, on n'a jamais commis plus d'excès dans  ( 3*3 > eans une Ville ennemie eraportée d'affaut. Quelques uns de nos Concitoyens, qui n'avoient pas voulu quitter leurs demeures, quoiqu'ils aimasfent autanc que nous la Liberté, ont été. les témoins & les victimes de ces violences; craignant pour leur vie, & ruinés fans reffource, ils ont pris le parti de venir nous rejoindre, & c'eft: d'eux que nous avons appris le détail de la dévaftation, de nos dem eures & de nos biens. Je ne vous en rapporterai que les principales circonftances, elles fuffiront pour vous faire juger de ce que je ne dirai pas. Après notre retraite les Portes de la Ville furent ouvertes , & les Soldats y entrerent 1'Epée haute, comme dans une place ennemie; leur premier exploit fut de caffer les vitres des maifons, qui fe trouvoient fur leur palfage , en faifant retentir Pair du fameux cri : Orange audejfus de tout. Enfuite ils enfonccrent les portes, briferent dans les appartemens, mcubles, porcelaines, miroirs, tableaux , & firent un horrible dégat des marchandifes , qui n'étoient pas a leur ufage, ou qu'ils ne pouvoient confommer. On voyoit éparfes dans la rue les obligations, les quittances en}evées des armoires & des bureaux, que le Soldat avoit brifées. Les maifons des Citoyens fugitifs ont été changées en Corps-de-Garde ; une auberge a ét» mife au pillage, par la feule raifon qu'elle avoit pour enfeigne la Liberté. 1 Theodoxe. Sans doute, Monfieur, ces excès n'étoient pas X 3 au-  t 524 ) aatorifés par les Chefs, & ne doivent être mitf que fur le compte de la Soldatesque. Mr. Adolphe. Dn ne m'a pas dit que les Officiers aïent donné ordre de coinmettre ces violences, mais il eft au moins certain, qu'ils les toléroient, qu'ils ne les puniflbient pas, quand elles s'exercoient fous leurs yeux, & cette impunité équivaut a des ordres formels. La bonne opinion que vous avez de ces Officiers, ne m'étonne pas; vous ètes dans un age ou 1'on joge des autres d'après fon carur ; mais vous auriez penfé différemment , fi vous aviez feu que le Commandant de ces Troupes avoit brigué Phomieur de nous attaquer. H e n r r. Cet honneur la, fi je ne 'me trompe, reffemble a celui d'unTurc, qui étrangle fon Compatriote, ou lui coupe la tête, par ordre du Grand-Seigneur, fi j'en crois ce que j'-ai ln; mais je n'aurois jamais penfé, qu'ün Républicain s'avilifi'e au point d'ambitionner une fi odieufe commiffion. Mr. Herman. Mon Ami, je vous prie d'excufer ces jeunes fens, s'ils interrompent votre récit, mais c'eft une habitude qu'ils ont contraaée dans nos converfations. Mr. Adolphe. Non feulement j'excufe cette interruption , mais je les en remercie ^ toutes leurs rérléxions prouvent la jufleffe de leur efprit, & la bonté de leur cceur. S'ils ont étérévoltés du pilla- ré-  ( 3^5 ) £e de nos biens, que penferont ils de ce qui me refte a dire ? La Veuve de "Jaan de liaan fut attaquée par quatre Cavaliers, 'qui mettant le fabre a la main la meurtrirent de coups, lui pr'rent fon argent, & la menacerent de lui couper la tète; un de ce* barbares lui porta mème le fabre a la gorge. plufieurs femmes, qui ont pris la fuite comme elle, ont attefté avoir vu fur fon corps, les meurtrisfures des coups de- plat de fabre. Le foir mème du jour, oü les Troupes s'emparerent de la Ville , plufieurs Soldats cafferent les vitres, & enfoncerent la porte du vieux Goudjleen^ figé de 72 ans, le tirerent hors de fon lit, 1'appellant mau. it Patriote , lui prirent fon linge, fes habits , briferent fes armoires, & lui volerent fon argens. Evert Koning , Ancien de notre liglife , voyant cafTer les vitres de la maifon de Madame Daendels, demanda a un Officier, qui étoit préfent, s'il étoit ordonné decommettre ces excès, il recut un Out pour réponfe. Le mème fut attaqué fur le Marché par deux Soldats, qui lui mettant la bayonette fur la poitrine, voulurent le forcer de crier Vise Orange.' un Officier qui palïöit, refufa d'interpofer fon Autorité en fa faveur. Sophie. Vous voyez , mon Frere, que vous vous étiez bien trompé dans votre bonne opinion, a 1'e-gard des Officiers. Les Soldats n'auroient pas ofé comraettre tant de défordres, s'ils avoient craiut d'-é&e X 3 pu..  ptinis. Ne favez-vous pas qu'on dit ordinaire* ment: tel Maitre, tel F~alet? Mr. A d o l p h x. Vous avez raifon , Mademoifelle , & vous en ferez encore perfuadée davantage, en apprenant que votre Sexe même n'a pas été refpe&c par ces furieux : je n'en citerai que deux exemples. Une Fille , nommée Eifelink, fut rencontrée par un Soldat, qui lui appuyant fa bayonette fur la poitrine, lui demanda fi elle étoit Patriote , ou du parti du Prince. Vous voulez donc me tuer? s'écria cette Fille. Oui, lui répondit le Soldat, & tous les Patriotes feront tués. Heureufement elle fut délivrée des mains de ce brutal, par un de fes Camarades , moins fanatique. On a choifi pour faire un Corps-de-Garde la maifon d'une de nos Concitoyennes, qui n'attendoit que le moment d'accoucher ; cette infortunée, demandant avec inftance, le repos & la liberté, dont elle avoit bcfoin dans fa fituation, recut pour toute réponfe de la bouche d'un Officier, qu'elle pouvoit choifir ou de fortir de fa maifon, ou de faire fes couches auprès des Soldats. Mme. Herman. Si j'entendois, Monfieur, ce récit de tout autre que vous, je le foupconnerois au moins d'exagération. Comment un Officier peut il porter la barbarie jufqu'a cet excès ? Mr. Adolphe. Ce que j'ai eu 1'honneur de vous dire, Madame ,  ( sa? y me, n'eft que trop vrai, je le tiens de perfonne* dignes de foi r & qui font prêtes a 1'arBrmer par ferment. Oui, notre malheureufe Ville a été le Théatre des atrocités de tout genre ; le Temple du Seigneur a été fouillé par les fatellites de nos Perfécufeurs , qui ofent fe dire les foutiens de la Réligion. Leurs Soldats ont fait une taverne du Lieu Saint ; les chaifes, les bancs ont été mis en morceaux a coups de fabre ; & les voütes qui tant de fois ont retenti du chant des Cantiques facrés, ne répétoient alors que des imprecations, ou les cris de vive le Prince d'Orange! Les Patriotes en bas 1 Sans doute tant de cruautés refteront impunies ; & le Commandant de cette Soldatesque effrénée recevra des éloges & des recompenfes, comme pour 1'exploit le plus glorieux, tandis que nous ferons traités de rebelles, & que pour tout dédommafement on nous offrira, peut-être, uneAmniftie,  C 328 f Henri. Vous ne Paccepterez pas , Monfieur? Mr. Adolphe. Je ne crois pas qu'aucun de mes ConcitoyensÉ foit affez lache , pour fe deshonorer aux yeux de la Nation : le pardon n'eft fait que pour les coupables , & nous ne le fommes pas. Je n'ajouterai a mon récit aucunes reflexions, elles feroient trop amcres, & vous les ferez bien fans moi. Mr. Herman. Nous vous remercions, mon ami, de votre complaifance, & j'admire, en mon particulier, votre modération; je finirai cet entretien par la maxime de Pittacus, un de fept Sages de la Grece : nos malheurs paffes,' les votres & ceux dont nous fommes menacés me la rappellent. Ce grand homme difoit orcünairement, que parmi les bêtes. fe'roces il n'y en a pas de plus cruelle, que le Tyf an, & parmi les animaux domefiiques de plus dangereux , que le Flatteur. F I N.-