CONSIDERATIONS POLITIQUES S U.R la Popion tctuette des Pafs-fa, O u E T T R £ *Mr. l'Abbé S*** dc C** £ ^ ConfciUer du Confeil Royd du Gou-vernemen de Bruxeües. V « « ceux gUi gouvernent. ^ MAST RICHT «teCAVEUER, Libnure ^ r p   AVERTISSEMENT. &ily a qnclquechofedetrop hardi dans laLettreque nous publions, ce n\fipoint d celui qui la écrite quon dott s'en prendre tl ne la deflinoit pas au Public. II en eüt fans doute fait difparoitre eertains traits qui honoréntfa véracité, mats quin'honoreroient point fa prudence, sil eüt cru qu'on la livreroit au grand j»ur deïimprefion. Ses Objervationsfont néanmoins ft intèrefdntes,qu'elles ne peuvent lui faire de tort qu'auprès des ennemis de la raijon & du bon ordre, & cejt ce qui nousperfuade qwil voudra bien nous pardonner la liberté que nous prennons de réndre fa Lettre publique. Aous devons ajouter que oejl au ft fans l'awu du Magijlrat a qui elle a été adreffée. M. l'Ahbé ne pet(t reproe her d fon Corref pondant dautre tort, ft een ejt un, que  d'en avoir laifé prendre des copies. Ünc de ces copies étant tombée entre nos mams , nous avons été fi frappés de la Jagejfe des principes & de ïutilité des obfervations qu'on y trouve, que nous croyons donner une preuvc de zèle pour lebienpublic, en la faifant bnprimer. Les Minifires des Princes&les Princes cuxmêmesy trouveront des idéés & même des lecons capables de les rendre plus attentifs d ce qui peut contribuer au bonheur des Peuples- La franchife avec laqueUe k Auteur s'exprime fur certains Perfonnages qui ont occupé des places dom ils riétoient pas dignes, pour ra fervir d corriger ou du moins d rendre plus honnêtes ctux qui feroient tentés de marcher fur leurstraces: Intercft Reipublicx cognolci malos. Au refte, il fcfiglijé plufieurs fautes dimpreffion qui nous obligent de prier le LcSeur de eonjulter / errata placé d la fin de cett'c Lettre.  LetTRE ie M. l'Abbé S*** de C* * d mjz Confcittcr du Confeil Royal du Gouvernement des Pays-bas Autriehzens. Aix-la-Chapelle 24. Juillet 1790. Je fuis faché, Monfieur, dc ne pas penfer commc vous fur la manierc dont Léopold dok traiter les Infurgcns des Pays-bas; mais les Obfervations que vous oppofez a mon opinion ne la dctruifcnt point. Quand il feroit vrai qu'on a cü tort de porter atteintc a la JOYEUSE EnTRE'é, s'enfuivrok-il qu'il faillc rcmcttre les chofes fur le pied oü ellcs étoicnt avant les Reglemens dc feu Empcreur > On aurok plus dc tort cncorc. Ces Reglemens font, pour la plupart, fagcs 6c avantageux. L'AlTcmblée nationale dc France les a prefque tous-adoptcs, cc A  ( 2 ) qui pourtant ne prouveroit pas en leur' faveur, fi les bons Efprits de toutes les Nations ne s'accordoient a les juger utiles au bien public. Léopold doit donc pro*fiter de la défaite inévitable & prochaine des Beiges, pour remettre ces Loix en vigueur, anéanfir la jOYlüiE Entre'e, cette pomme étcrncllc dc dilcorde,* & lui fubftituer unc Conftitution, tclic qu'il convient a un Roi généreux de la donner X un Pcuplc ingrat & rebelle. Les voyes de douceur feroient txès-impolitiqdes , après tout ce qui s'eiï pafle. II faut extirper le mal dans fa racine. Un accommodcmcnt laifieroit des germes de divifion. Quelque iéduit, quelque abufé que fiat le Peupie Belgique, on ne peut nier qu'il ne foit efclave de fes Prêtres* 5c que fes Prêtres, ainli qu'unc grande partie de Ja Nobleüc, n'aient aujourd'hui la Maifon d'Autrkhe en dèteftation. Or des. Prétïcs ingrats cc tyranniques , des Nobies ambiticux, fans caracrère & fans prévoyance, des Ptébeïens inquicts & entêtés, en un mot des füjets quin'ent vou-  ( 3 ) lu entendrc a aucune efpècc d'accommodement doivent être traites avec féverfté. La jufticc cft cn cela d'accord avec la polkique. D'ailleurs, pouvez - vous ignorer que , malgré la diminution journalierc de leurs forces & Faugmentation de celles de 1' Armee autrichienne, ils font eucore aujourd'hui dans la refolution de fë defendrc jufqu'a la derniére extremité- ? J'en ai fourni des preuves irréfragabies au Cabinet de Vienne , 6c j'ai fait paOer ces preuves lous les ycux de M. le Cte. de M,***, parccqu'on m'a dit qiie ce Miniftrc étoit chargé des affaires des Pays-bas. II fcroit donc auffi inutiie qu'impolitiquc.de ménager les Beiges ,outre que les ménagemens. qu'on a deja cus,,d'après les ordres de leurs Altcffes Royales, adkcJr fés au brave & vertucux Bender , n'ont fervi qua défólcr lesSujetsreftésfidèles, 6c a décourager les Trouppcs de sa Majeste', témoin-la pl aki te des uns 6c des avspres coniignée dans quelques papiers pub]ics. N'cn dcplaifc, -Monficur, a. vos dodee A 2  ( 4 ) obfervations, je vous avoue que je ferois très-faché,par 1'attachement que je pprtc alaMaifon d'Autrkhe Sc a 1'Autorité monarchique cn général, qu'on projettat» conformc'mcnt a vos dcfirs , de rétablir dans les Provinces Belgiques les chofei fur lc pied cü el!es étoient du tems de Marie-1'hérefe. Outre qu'on rellüfciteroit par la des abus funeftes a l'ordre public, ce fcroit encourager 1'efprit de rebellion, meconnoitre les inte'rêts du tróne & trahir la caufe dc tous les Rois. L'Autorité fouverainc & vidorieufe ne doit, dans aucun cas, paroitre céder a la révolte ; & fi les Rebelles obtenoient de Léopold la fupprefllon des Rcglemens faits par fon Prédeceffeur , c'en fcroit alfez pour les foulever, toutes les fois qu'ils croiroient avoir a fe plaindre du Gouvernement. Je conviendrai, Monfieur , tant qu'il vous plaira, que je n'ai -vu les Beiges quen vo/ageur ; mais fi je ne connois pas leur cara&ère particulier, je conncis  ( 5 ou du nioins /'ai beacoup étudié 1'cfprit du Peuple qui eft partout le même. Cctte connoiffance fuffit pour m'autorifer a dire que, fi le Cabinct de Viennc ne fc hatc dc rcconquerir impitoyablev ment les Pays-bas ; d'ériger, après cetre conquête, un Tribunal pour juger & punir, fdon la rigueur des Loix, quelqucs uns des plus illuftrcs Coupablcs ; & de donner des loix léveres , mais juftcs a tout le pays , on vcrra en peu dc tems la Mailön d'Autrkhe perdre fucceffivcment fes plus belles Pofleflions, Sc prefque tous les Etats de TEuropc cprouver des troublcs Sc mêmc des Re, volutions. Les Monarques ont recu imc grand© lecon dans la perfonnc du Roi de Francc j tant Pis pour eux ■. $>ils fom fi ^ ^ en profiter. Tant pis pour la Royautc, les Princes de 1'Empire ont montré tant de mollefiè & de méfmtelligence, lorfqu'ils e'toient li inteVénes a donner fiw les ;oues des Iufurgcns de Liége des  C 6 ) föufflets a tous les Sujets tentés de fe révolter. Tant pis pour la Prune elle-même, fi ceft aux intrigues de fes Miniftres qu'on doit attribucr 1'inaftion fcandaleufe des Trouppes executrices. Tant pis enfin pour les peuples mêmes, fi les Princes , oubliant leurs rivalités, & leurs jaloufies réciproques, ne fe hatont point de fornier une Liguc générale contre 1'efprit contagieux d'infurrcdion, qui n'enfante que des malheurs & ne fert qu'a rendre les chaines des peuples plus dures & plus pcfantcs. Léopold s'abufe étrangement, s'il croit s'affodionner fes Sujets & travaillcr a leur bonhenr, par des atles particuliersde bonté, d'humanité, de générofité. La bienfaifance des Rois eft une juftice févere j leur humanité eft de rendre leurs peuples tranquilles Sc heureux. Ce qui ctoit vertil dans le Grand-Duc de Tofcine. devient -foiblefte. dans. le Roi de Hongrie. On doit changer de fyfteme» en changeant de pofition. Cclle des Rois  ( 7 ) eft aujourd'hui tout differente de cc qu'elle étoit il y a un an ; maïs dans tous les tems , il eft - dangercux de lacher Ja bridc au peuple. Le Peuple ccffe d'obei'r,en ceiïant dc craindre. Le Peuple que les Rois confultent commence par des pricres & fïnit par des volontcs* Si Philippc II cut laiüe faire le Duc d'Albe, au lieu de le rappeller, la Maifon d'Autrichc jouïroit encorc paifible, ment des Pays-bas & n'auroit pas perdu les Provinces vohines. jamais CharlesStuart n'eut donné au monde le fpectacle affreux d'un Roi condamné a moürir fur un e'chafaud par fes propres fujets, s'il n'eut eu la foibleffe d'accorder a des féditieux la condamnation du ViccRoi d'Iriande , fort favori. Louis XVI poffedcroit encore la plenitude dc Kuitorité monarchique & fe (croit épargné 1'obligation honteufedefanttionnerdes Ioixcom traires a la Royau'té, fi en montaht furie Tróne, il n'eut, par dc miferables confidéïations dc familie , revoqué les éciits de fon Prédeceffeur fur 1c Magülrature,  ( 8 ) La Politiquc n'eft pxs un art dc fenriment, mais une fcicncc dc calculs & d'intércts. Tclle eft 1'cfpecc humainc, qu'elle cefte de refpe&cr cc qu'elle ccffc dc redoutcr; & quand lc Peuple entre cn luttc avec fes Chefs, vous fentcz que ccux-ci ne fauroient êtrc les plus forts. On peut, cc me femblc , infércr dc ces obfervations que la fermeté eft, après Ia jufticc, la vertu la plus néceffairc aux Princes. Quelque féveres qu'ils foient, s'ils font juftes , le Pouple nc fe plaindra jamais dc leur Gouvernement. Cc n'eft que lc défaut d'impartiaüté ou dc jufticc qui excite 1'indignation & la haino des Citoyens. De cc que je regardc Ia févcritc comme indilpcnfable a 1'égard des Beiges, il nc s'enfuit pas, comme vous paroiifez lc croire, quil faille leur óter les préjugés qui les aveuglcnt & les rendent Ci prodigucs dc leur fang. L'art du Gouyerncment confifte a favoir fc plier aux circonftanccs; i Cervix les paffions & mêmc  { 9 > s mêmc les vices des Particuliers, au bieü .général; en un mot, a prendre les hommes tels qu'ils font, en attendant qu'on puiftè les rendre tels qu'ils doivcnt être. La Fv.cligioa eft refpe&able jufqnes dans les abus. Oeft la chaine , pour me Tervir de 1'cxprcffion éBamere , qui lic la tcrre avcc lc ciel. i la fupcrftition eft la rouïllc inféparable dc cette chaine facrée. Un Prince habile laiflera aux Napolitains la dévotion qu'ils ont au lang dc St. Janvier <5c aux Brabaucons cellc qu'ils montrent pour lc St. Sacrement de fniracle; mais il empéchera les Prêrres de s>emparer «Sc «fconploycr contrc lui les fupcrftitieiis populaires. Oeft cc que n'a pas obferve feu l\Empereur, & c'cft principalement a cette fcure qu'on, doit imputer les contradiöions que fes loix ont éprouvées.Il ne faut jamais heurter de front les idéés des peuples, pas tnêmc celles des gens d'efprit, quand on ,ut leur en faire prendre dc nouvelle* Amolhr la circ eft un prcalablc indifpe^ ftbie pour lui donner la formc d*. u  ( to ) fitcr.. On cut adoptc prcfquc tótts les Édits de Jofeph II, fans difliculté, s'il eüt eu foin de préparcr les Efprits a rccevoir les imprellions qu'il vouloit leur communiquer. II falloit opérer la rcformc des abus, par les mains des perfoanes qui les protcgfoient ; il falloit difpofer les Evêqucs a demander ou a faire cuxmêmes, dans lc Clergc, les changemens & les fuppreflïons qu'il jugeoit convenablcs a fes vues. Au lieu dc braver 1'opinion, il auroit dü s»en faifir, la changer, la diriger, &, avec ellc, il fcroit venu a bout de tont ce qu'il méditoit pour lc bien dc fes Peuples. L'opinion publique eft cn cffet un torrent que rien n'arrête & dont 1'impetuofité fait entrer dans fon cours les obftacles mêmes qu'on lui oppofe. II faut ou fe rendre le maitre de cetrc puiffance impcrieufe ou, la refpecter. N'eft ce pas par elle que les Prêtres font parvenus a porter le Peuple Eelgique a fecouer le joug de 1'Autorité légitimc & a lui faire adopter une Ariftocratie mille fois plus dure & plus pefante ?  ( ÏI ) La pen fee eft l'aliment cie 1'opinion & finif.rimeric eft fon artillerie. Cette artillerie n'eft pas moins puifTantc , que cclle des mortiers & des canons. C'eft cc que Tanden Gouvernement dc Bruxelles a paru ignorer, & ce que le Cabinet dc Vienne (cftible ignorer encore. Et véritablemcnt, Monüeur , je pourrois vous défier de citer un feul Ecrivain, pas même un feul JournaJifte écrivant en Francois, qui, depuis la Révolution deFrance, ait ofc élevcr fa voix en faveur de la Maifon ÜAutriche contre les enncmis de 1'Autorité Royale. Je fuis le feul, oui le feul» qui ait écrit pour la dcfenle de cette Autorité cgalcmcnt combattue par les Vonckijles & par les Vandernotzftes. Et cependant, quoiqu'on ait publié que j'étois aux gages de la Cour de Vienne, cette Cour n'a feulement pas daigné me donncr la moindi-e marqué de fatf-fadt-ion. Croit-elle qu'on puilfe rctablir 1'ordre & lc calme dans les Pays-bas , par la feule force des Armes ? Ce feroit une errcur qui n honoreroit point fes lumicres. On nc B 2  ( 12 ) tïre point de coups de fufil aux idees ? ce n'eft pas a coups dc fabrc qu'on détruit les prévcntions , & vous n'ignorez fans doute pas combien les prévcntions publiqucs ont d'influcnce fur les opérations du Gouvernement 5c fur lc fort des" Etats. Si, de notre tems7 les Princes, ou plutot leurs Miniftres, avoien.t connu la puiffance de 1'opinion, ils fe feroient plus occupés, qu'ils ne 1'ont fait,a mettre les bons Ecrivains, qui en font les Hérauts., dans les intéréts de leur politique. A,u lieu de favorifer 1'efprit philofophique, ennemi de la Rcligion & dc toute cfpcce dc frein ; au lieu dc protégcr ? d'hono • rcr, dc récompenfer les Propagateurs de cct efprit deftrudeur , & d'écarter des Academies, des penfions, des bénéfices les Ecrivains anti-philofophes, le Gouvernement Francois n'auroit-il pas du tenir une conduite töut oppofée? Mais,comme 1'a dit un Ancien, quand Juf her a refolu la ruinc dun Etat, il commencc par  ( 13 ) tïveugler ceux qui le gouverncnt. Vous avez pu voir, dans !a onziemc Lettre de la Valife découfm, que j'avois annoncé a la Cour de Francc & la prochaine ar-» rivée des Etats-Généraur & une partic des malheurs qu'ils ont enfantés ; mais, plutot que de prendre des mefurcs pour detounrer ces orages, nos Mini ftres ont ri de mes prédidtiojis, co mme IesTroyens rioient ée celles de la belle Cajandre, malgré que le Soft fe plüt toujours k en demontrer Ia juftcffe : Tune etiim fatis aperit CalFandra futuris Ora, Dei juffuj non unquatn credita Teucris. Le Gouvernement de Bruxelles a t'if été plus fage ? N'a t'on pas au contraire plus de reproches k lui faire i La divifion ne regnoit-elle pas entre les Gouverneurs-Généraux & le Miniftre plenipotentiaire ? N'eft-ce pas au principal Membre du Confeil, a celui qui avoit, Sc qui par fa place devoir avoir , Ia confiancc du Miniftre, qu'on doit imputer  ( 14 ) les contradittions que les Réglemcns falu-( taires de S. M. ont éprouvées ? Perfonnc n'ignore aujourd'hui les menécs fourdcs & traitrcfiës de 1'Autcu* des Notcs conftdenticlles, pour procurer a LeURS AltesSIS la plenitudc du Gouvernement, dans 1'efpoir de gouvcrner luimême fous leur nom. Pouvez vous nier que le renvoi dc Thabile & bien aimé Mr. Coma ne foit 1'effet de la jaloufic dc eet Homme aftucieux ? Depuis 1'arrivée dc S. E. le Comte de Xrautmansdorff aux Pays-Bas, le Perfonnage dom il s'agit n'a pas ceflc de tendre des piéges a la droi ture dc ce Mini(tre de contrarier les mcfures du Gcnéral-Commandant des armes; d'ècarter du Confeil tous les Magiftrats capables, par leurs lumieres, dc de pénétrer fes defleins ambiticux , & incapablcs , par leur caraclère, de fe préter a les vues. Qiielque opinion que vous ayez de fa conduite, vous conviendrez, fi vous êtes fincère, que fes liailons avec M. 1'Evêque d'Anvers, un dc plus acharnés Oppofans aux Edits de  ( is ) 1'Empereur, & avcc M. Edouard Walteers, celui des Citoyens qui, le premier, a oFé Te déclarcr contre lc Gouvernement, vous conviendrcz, dis-je., que ces intimités,, qui n'ont pas ccff- durant les troublcs, ne font rien moins que Ces preuves du zèle & de fidèlité.... Fautil êtrc furpris, après eeïa, fi fo FagciFe, ld vigilance, radivité & les cfForts du Miniftre plinipotentiaire ont etc impuifians, pour empêchcr Finlurrection? Quelque habile que Fok le Capitaine d'un VaiïTeau, il ne iaurok éviter le naufrage, lorFque, durant la tempête, le Pilote dirigé Fa marchc versjes écueilsj lorFque les Matehts font d'intelligence avcc 1'ennemi 5 car tout lc monde Fait. que les Factieux, connus Fous le nom de Patriotes, étoient avertis de toutcs les rélblutions du Gouvernement civil, par les Commis mêmes du Gouvernement. Aulfi le célébre Princc de Kaunitz, qui connoiflök l'elprk & les talcns vraicment miniftcriels du Ctc. dc ïraut-  < 16 ) Wansdorff, & a qui unc longue expé* fience avoit appris, qu'il ne faut pas toujours jugcr du mérite des gens en place, par les événemsas, s'emprefia-t-il de lui dire, a fon retour a Vienne, que la Révolution Bclgique ne 1'avoit pas fait changcr d'opinion fur fön comptc, parecqu-ü étoit iuiïruit de la manicre dont les chofes s'étoieat paifées; Sc 1'ayant retcnu , cc jourmeme, adiner, il ne celTa dc lui donner des marqués d'amitié. Je vous avoue , Monueur, que rien. n'honorc plus a mes yeux le Nejlor Autrichicn, que cette conduite, auifi noble > qu'cquitablc, cnvers un Miniftre a qui il favoit que 1'envie avoit fufcité des ennemis, jufques fiir les marches latérales du Trónc. L'Ambition n'a pü pardonner a M. le Cte. TrauUnamdorff 1'eftimc. particuliere que feu 1'Empercur faiioit de lui, Sc encore moins la confiancc qui cn a été la fuite. De-la ces jaloufies fecrétcs, ces rivalités deguifées, ces mécontentemens haineux» qui ont femé la  ( 17 ) ik o'rVihon, fufcitc les traublcs, forhentc Ia difcorde & amcné la Eivolurion. Mais fes enncmis n'cn ont pas ete plus avancés; Ja Révolution a été tout differente de cc qu'ils avoient efperc. La Cabalc qui, dans lc principe, n'avoit cn vue que d'élyiüncr lc Miniftrc 5c lc Générai-Commandant a énfantc d'autres Cabales, cn raniinant contre 1'Empereur la haine du Clerg», le rdffehti'rhent des Gcns dc chicane, 5c bambition dc queiques Noblcs qui n'avoicnt pas non plus a fe louer des loix économiques de S. M. , ni des coups d'autorité provequés par les circonftauccs. A travers cc conflit d'intérêts particuliers , on a vu lc parti des Pretres prendre le delfos fur les autres partis , dont Ie plus puiflant 5c le plus a craindrepour I'Autorité Royale 5c pour le Peuple rriêétoit celui qui fé propofoit d-intro«iuire dons Ia Bclgiquc le régime infenfé de 1'Aflèmblée nationale de Francc. Si ce dernicr parti cut prévalu, c'cn étoit frit dc la Réiigion, des mceurs 5c del'Au- c  ( i8 ) tori té Monarchique, dans la Maifon d'Aïfr trkhe, & pcut-êtrc dans lc refte dc 1'Europe; car les autres Etats n'euüent pas manqué de fuivre 1'excmple des Provinces Belgiques, C'eft une obligation que Léo1pold Sclcsautres Princcs onta Van-Eupen-, ec Prêtrc dévot, fi decrié par les uns, fi honoré par les autres, & dont les efprits obfervateurs <5c fans palfion font^ forcés d'admirer ie caradcre male & foutcnu, C'eft dans les erifes que les hommes montrent leur énergie & leur habileté. Les mouvemens des guerres civiles développent les ames & font brillcr los talens, en ceia comparables aux parfums qui j par 1'agitation ou lc froiflèmcnt, rendent une odeur plus agréable & plus fortc. De tous Jes partis, vous le favez, celui des Rojalifies s'eft trouvé le plus foible & le plus opprimé. La raifon en eft fimple,- les Arijlocratcs & les Démocrd1cs ont eü, parmi leurs Dcfcnfcurs, les Ecriv ains <5c les Journaliftes, dont .les déclaniations infiuent, plus qu'on nc croity  C *9 ) for multitude; car, cn fcmant Terreur, k mpnföngc & la calomnic, ils cgavent les cfprks, corrompent le jugement, cxcitent les paffions, allumcnt Tentltoufiafmc & invefüiïcnt dc la puiflance de bopinion les ennemis dc TAutorité légitimc. On a lieu d'ctrc étonné dc ce que les Gouvernemcns ont fi longtems négligé de inettrc les bms Ecrivains & les Folliculaires dans les intéréts dc leurs opérations ou dans Timpuillancc de les contrarier. L'Elpéce huniainc eft fi cnclinc a croire lc mal, fi avide de tout qui flat c Tamour propre, de tout ce qui tend a humilier toute fortc dc fupériprité, que, quelquc méprifabks que foient les Libelles, au Tribunal dc THonnctcté, ils nc laiflent pas dc rüiner les reputations les mieux ctablies & dc nuirc, pour lc moment , a la vertil racme. Combien les vcnins dc la calomnic repandus fur la vic de la Reine de France , kont-fis pas contribué a lui aliéner l'affè&ion publique & a lui attirer les nifamcs pcriecutions qui C a,  ( ao ) nous ont fait connohrc la forcc dc fa raifö^ & la grandeur de fon caraftèrc ! Conv' bicn les déclamations de 1'enthouiiafte Abbé dc n'ont-cllcs pas fervi a fecon"der & a nourrir la hainc iaccrdotale & le fanatifme des Beiges contre leur Icgüime Souverain? Cc feroit donc fermer les yeux aux confidcrations les plus indifpenfablcs de la politiquc, quedencpasregardcr 1'imprimerie comme un des objets les plus digncs de 1'attention de toutc bonne policc. Les produdions dc 1'efprit ont toujours eü unc influence marque'e fur les mceurs des Nations, fur kur genie, fur les réVolutions qn>elks ont e'prouve'es, & font même le plus fouvent la fource de ces révokitions. Quand on ne regardcroit Vart de propager les idees, que comme une fource de plaifir & de gloirc,. c'en fcroit atibz pour engager les Dcpofitancs de 1'autorité a mettre en oeuvre tous ks moyens capablcs d'cn prévenir ou den guérir ks abus. Car, en matiere dc littérature, comme cn matiere de mceurs 1'oubli dqs regies, 1'amour des fyftêmes,  ( 31 ) te mépris des bienféances, Je renverfê. ment des principes reens, font autant dc, fymptómes dc corruption, & la corruption du goüt accompagnc ou entraine toujours celie des mceurs. Quel que fok donc Je régime que lc Cabinet de Vienne fe propofe detablir dansles PaysBas, on nc viendra jamais a bout d'y ramener 1'ordre & d'y maintenir lc calme, fi la Police nc furveille, de prés Jcs Imprimeurs & les Libraires* &X nc foumet tous les Ecrits, même les Gazcttes & les Journaux étraagers, aunc Cenfure rigide. C'eft dans leur principe qu'un bon Gouvernement attaque les défordres. Pour que le Gouvernement puiffè opérer fans contradiclion, il fau£ qu'il foit toujours invefti de 1'opinion puhlique, & il fuffit qnelqucfois d'un Paraphlet pour égarer 1'opinion. Puifque ma plume eft en train de cou, rir & que mes Lettres nc vous paroiffent jamais trop longucs, je nc terminerai  ( 2>Z ) ccllc-ci, fans.vous faire obfcrver que fi, comme vous lc prétendcz, Léopold devient le Reftaurateur de Etats héréditaires, ce nc fera pas du moins, en cédant aux infpirations dc fon cceur débonnairc Sc pacifique. La révolution qui s'eft faitc dans 1'cfprit des Peuples a changé les devoirs des Princcs. Les Rois font les Peres de leurs Sujets; Sc quand les enfans fe croient les maitres Sc cherchent a brifcr tous les liens dc la fubordination, cc n'eft point par des atles de condefcendance , que lc Chef dc la Familie' rétabüra 1'or-, drc Sc la tranquiilité. II y parviendra cncore moins, s'il facrifie les prérogarivcs de la Couronne & les interets des Citoyens qui lui font demcures fidèles, aux iüggcftions perfides de quelqucs cfprits impatiens dc rentrer dans leurs emplois ou dans leurs jouiffances. La foibleüè nc. produit jamais de bons effets, chez les particulicrs; Sc dans les Rois, elle eft un fiéau qui porte fes ravages jufques fur les générations futures. La Maifon <&>Autrichc a dcj.a éprouvé de facheux effecs  ; ( 23 ) & fe rcfïèntira longrems dc Iz'décïarxtiön inconfidérée &inexculablc, envoyée, de Boon, aux Etats de Brabant , (*) dc la part & fous Icnom dc Léopold, Jamais, cn cffct, aucun Roi, même dans ks fers, ne donna une De'claration fi impolitiquc, fi indecente & fi contraire a 1'authorité & aux principes monarebiques. II faut que ie Cabinet dc Vienne foit tombé en enfancc, pour n'avoir pas engagé Léopold a la dé&vouer, s'il cfi vrai qu'elle ait cti envoyée dc (on confentcment. II faut aufll que le Confeil de leurs Altejfes Royales , les Gouvcrneurs-Généraux des Pays-Bas, foit bien pauvre d>c£prit, bicn dénué de raifon, & même de mémoire, pour avoir engagé ces illuftres Gouverneurs dans des demarches aufll pen réflechies, que contradi&oires. En voici un exempk. Dans leur Dépêche au brave &vcrtueux (*) Le 2 Mafs de cette annee , c'erc-Ji-dire » dans le tems mtme oü 1'on venoit de recevoir la Jaouvelle de la mort de l'i:.mpereur.  ( 24 ) Baron dé Bender , datée dc Bonn 2$ Mai , leurs Altejfes Royales rccommandcnt aux Officiers & a tout le Militaire de ménager les Rebelles , dc les traiter comme des Concitdye?is égarés & malheureux, leur défcndcntmême2  ( 23 ) dc faifir les öccafions de les cclairer üit les dcfördrcs qu'il eft en leur puiffance de prévenir ou de réparer. Et comme je fais que vous étes dans les cas detrc confuité par lc Cahinet de Vienne-, j'ai cru devoir donner une certaine étendue a mes obfervations, «Sc appuyer fur des principes les moüfs qui me font regardcr , rélativement, aux Pays-Bas, les moyens de féverité comme pre'férables aux voics d'acconimodcmcnt «Sc de douceur. La pofïtion des Rois, jc Je rcpètc, eft aujourd'hci tout différente dccelie qn'elle étoit, avant les difcuffions dc fAflëmblée Nationale de France. Leurs droits font fans doute les mêmcs , mais on n'en a pas la meme •opinkm. ÏI faut faire lc bien des Peuples , comme on fait celui des enfans, maïgrc eux-mêmes. Le plus fik hioyen, eft de ks fubjuguer, deJcs mettre dans rimpoülbilité de lc nuirc , dc rclfcrrer les liens dc Ja fubordination, d'imprimcr a fr>piniön un mouvement • uniforme «Sc gencrai, dc rcrenir par la  \ 29 ) cramrc chaque individu a Ia place qui lui eft affignce pour 1'inrérct public, & dc punir, lans égard pour lc rang ni pour l'érat,tout Ckoycnconvaincu d'infradion a la loi. Quclquc dur , quelque févèrc que fok un Gouvernement, il .ne fera jamais oppreftlf, jamais tyrannique, s'il exifte un droit, un titre commun a tous ks Citoycns, celui d'ètrc égakment libres, c'eft-a-dkc, égakment foumis a Ia loi êc aux punkions qu'elle innige aux infraoreurs, Les défordres nc viennent que dci'impunké. Les loix civiks doivent, comme les ioix Chrétienncs, ne faire aucune acception de perfonncs. Mais pour les faire obfervcr , il eft ncccilake dc donner la plus grande vigucur au pouvoir exécutif. II eft certain que ks fujets ceffent d'êtr-e hcureux dans la même proportion, que k pouvoir exécutif fe divifc ou s'aftbiblk, paree qu'auflS-tót que k Princc ou k pouvoir exécutif ne peut contenir tous & un chacun dans l'obéüïancc, lc dcfordre eft inévitablc.  ( 3° ) II ri'y a donc qu'un Gouvernement ■abfolu & févèrc qui puiffe rétablir lc calme & maintcnir la tranquillité, dans un Etat cn proye aux diviiions & a Tanarchie. On a beau déclamer & s'élevcrcontre la trop grande autorité des Princcs, lc pouvoir abfolu eft li utile, que la Rcpubiique Romainc y avoit recours , en créant des Diclateurs, pour remedier aux abus de la liberté. Et véritablement, lc defpotilme lèroit fans contredit le mcil-, leur des Gouvernemcns, s'il n'ctoit exerce que par des Titus , des "ïrajari ■> t des Menri IF. Si Léopold veut vérirablement rendre fes Peuples heureux, qu'il fe hatc dc reconquérir les Beiges, de reprimer 1'inquictudc étcrnellc des Hongrois, d'étouffer les germes de divifton lèmés dans la Bohème & dans fes autres Etats 5 qu'il plie füus le joug de 1'autorité MonarCbb que les têtes les plus altieres ; qu'il rctranchc impitoyablcment celles qui ot«*ront lui refsfter, & il nc tardcra pas dc voir la paix & le contentcment renattre dans fes Etats. Après avoir foumis fes  { 3i 3 Peuples par la force des armes, ü pourra ïes reconquerir encore par fes bienfaits, cn donnant a chacnn une conftitution convcnable, &enl'établifiant fur des bafes ft folides, fur des principes fi fages, que tui ni fes fucccflëurs ne puiflent abufer dc la force publique contrc les véjitables intéréts de la Nation. Ne me ditcs pas que lc Peuple eft; Souvcrain, & que cc fcroit aller contrc fes droits, que de commenccr par lui donner des fers pour lc rendre heureux. Je fais que toute puifiance émane du Peuple; mais je n'ignore pas non plus, que le Peuple ne peut, par lai-mêmc,cxcrccr aucunc autorité: & eft-on Souvcrain, larf qu'on ne peut exercer la Souvcraincté ? Ne me cités pas non plus ks droits dc Miomme : Ta feience de ces droits ïva pas encore été aftèz approfondic, pour qu'elle punTe fournir des principes inconteftabks, au tour defqucls la raifon puiüe fe rallicr dans la difjmte. J'ai prouvé dans la 29e.  ( 3* ) Icttrc dc la Valijey que la Sö^vcrairtctc uc réfidc pas eiTentielkmcnt dans lc Peuple; & que cc droit, s'il 1'avoit, nc leroit pas inaliénable. L'ordre foei al eft en cffet lc premier de tous les droits, celui duquel tous les au tres découlent; & dans tous ks pays , même dtns les Rcpnbliques, eet ordre n'a jamais été qu'unc confpiration plus ou moins heurcufc du petit nombrc contrc la foule. Cet ordrc eft fondc fur des conventions. Si lors de 1 etabliflèment d'une Soeiété ou dc la formation civile d'un Peuple, k Peuple s'eft rcfervé la Souyerainncté, elk lui appartient; & ne pouvam 1'cxcrcer lui menie, il a le droit dc la faire exercer par fes Repréfentans j mais fi k Peuple, ne s'cft pas réfervé ce droit, il ne faurort lui appartenir , quoiqu'cn aient dit ks Oracles de notre Afiemblée Nationale. Or, 1'hiftoire nous apprend que les premières Sociétés ont été formées & conftituécs par des Conquérans ; & prefque dans toutcs, ks conventions fe font trourécs & fc trouvent encore a 1'avantagc des  ( 33 ) des fucceffèurs dc ces Conquérans. Il y a, par cxemplc, de 1'abfurdité a prétendrc que la Souvcraincté du petit Etat dc Liégc, dont borigine eft recente cc connue, appartient au Peuple. Pcrfonne n'ignore que ce Peuple doit X St. Hubert Sc a la générofitc des mcccüeurs de cc Prince-Evêque les prérogativcs dont il jouit, depuis qu'il a cefie d»êtrc ferfs Sc ileftauffictonnant, que vifible, qu'un des Miniftresdu plus abfolu des Monarqucsde rEuropcvcuillc nous perfuader le contraire, cn s»appuyant fur les droits de 1'Hommc, droits qu'il appclle f rimitifs & hnfrefcriptibles Sc qui, felon lui, éoivent feuls vdoir d bavenir (*); dc fortc que d'après ce Pubticiftc dc nouvelle dodtrine, lc Roi dc Pruffe fcroit obligé dc defcendre dc fon Trönc, a la première requifuion dc fon Peuple. Qiiand on voit les Agens & les Confcillcrs des Rois mêmes adopter Sc (*) Voyez 1'expofe de la Revolution de Lie'ge, on 1789; par M. de Dohm, §. II. pag. jg, E  ( 34 > propagcr des maximes fi faufles Sc fi oppotces a la monocratic, n'cft-on pas tente de croirc, que le Ciel a réfolu! 1'anéantjflèment de laRoyauté? Faut-il êtrc furpris, fi, avcc des Miniftres variables dans leurs principes, lc Roi de Prufiè, d'ailleurs bon & honnêtc homme , fe montrc verfatil Sc en contradiclion avcc luimêmc, dans le Cabinet ? Monarquc ablolu chez lui, on ba vu protégcr, cn Hollandc, 1'autorité ou les prétentions du Sthathouder contre les rcclamations des Patriotes; foutenir, a Liége, les rcclamations des Patriotes contrc les droits du Prince; & favorifcr, en Brabant, 1'AriP tocratic contre les Démocratcs <5eles Roya. liftes. Mais a propos dc Liége, trouvés bon que je m'arrêtc un moment, pour déplorer le fort de ce beau Pays , vidtime innocente de cette politique arbitraire Sc incohféquente, Jignore quelles font les vues du Cabinct de Berlin ; mais il eft inculpé, au Tribunal des autres Cabinets, Sc acculc  ( 35 ) par 1'opinion publique , plus rcdourablc que ce Tribunal, d'avoir fourdement fufcité 1'infurrcction des Liégeois, & de 1'avoir ouvertcment protegée , lorfqu'il y a envoyé des Troupes, pour Ja faire ceffer. S'il a cru fe laver de cette conduite par l'Expqfé qu'en a publié celui qui y a eu peut-être le plus de part, il s'eft ctrangement mépris. L'ouvrage de Mr. de Dohm ne fauroit cn impofêr qu'aux efprits legers & indifférens aux injufticcs dont ils ne reffentent pas immédiatement les cffets. Les efprits obfervateurs & fcnfibles aux malheurs de bhumanité favent que, depuis que les hommes vivent cn fociétés réparées, il ny cut jamais d'Infurrcdion moins mótivcc; ils favent qu'on nc peut reprocher au PrinceJEvêquc dc Liége aucun grief, aucunc infraclion aux loix conftitutives, aucune opprcffion a 1'égard de fes fujets , ni aucun tort envers fes voifins ; 6c ccpendant, depuis un an, ce Princc fc voit dans la né'cefïké dc vivrc féparé de fon Peuple, cloigné du Troupcau qui 1'a choifi peur Pafteur , & dont E2  ( 35 ) ils'eftmontré moins lc Chef, que k Perc3 Il eft auffi générakment reconnu que les Liégeois , a 1'époque dc leur infurredtion, étoient la Nation la -plus tranquilk , la moins chargee d'impots, la plus librc dans fon commerce, celle dont les voifins , les aliiés êc ks Princes fes Protecteurs avoit le plus a fe louer ; & ccpendant fes voifins , fes alliés & toutes Jcs Puiilances protect-iïces la laifl'ent en proye aux intrigues, aux divifions , aux piilagcs , aux devaftations, & la regardent paifiblement (c morfonde , dépérir & donner a la Populaoe des autres Nations 1'exemple le plus dangercux pour clks & pour ceux qui gouvernent!... Mais que dito/ous dc l'inacftion inepte & traitrefle de 1'Armée exécutrice r II faut avouer qu'elle n'agiroit pas différemment, fi elk lè conduifoit d'après ks fuggeftions des enncmis du Prince qu'elle eft chai géc de venger. N'eft cc pas fe mocdu monde , ou plutót, vouloir que lc monde fe mocque de nous , que de prcteudre faire cmendre au public que dix  ( 37 ) mille Tiommes de Troupes difciplinées & munies d'une immenic Artileric, ne font pas cn état dc réduire les Liégeois, tandis que perfonne n'ignore que trois mille bicn commandés fuffiroient ? Ccpendant , ou je fcrai bicn trompé, ou , a moins dj êtrc forcées par un défi cn face , les Troupes combinées n'attaqueront point les Liégeois, avant la cloture du Congres de Reichenbach, & c'eft vous dirc que je luis perfuadé, que la Cour Palatine & cclle de Maycncc nc font pas en méfintclligence avcc la Cour de Prune. Le tems nous apprendra s'il y a de la vcrité dans ma conjedture ! Mais on peut prédire , lans craindrc dc le trompcr > que fi, comme la Pruflc paroit lc défi£er, 1'affairc de Liége fe termine par voic de négociation ou d'accommodcmcnt, tous les Etats d'Allcmagne ne tarderont pas detrc bouleverfés; & on doitl'avoucr, ils Tauront bicn mérité. Il faut des exemples de févérité , de juftice rigoureufe, dabord, pour empêcher l'inlurre&ion dc fe rcaouvclkr parmi ies Liégeois, & ea  ( 33 ) fuitc , pour effrayer les efprits fédirieux qui feroicnt tentés, chcz dautrcs Peuples, d'exciter des troublcs parmi lears Compatriotes. Saus ces exemples , plus dc repos ui de Royauté. Qud Citoycn cn effet feroit aflèz ennemi de fa fortunc &de lui-mêmc, pour fcdéclarcr, dans les tems de divifion, cn faveur de 1'Aut orité légitimc, lorfque 1'hiftoirc de la Révolution Belgique Sc Liégeoife de 1789, lui auroit appris, que les Sujets reftés fidèles a leur Princc ont été en bütte au pillagc, aux iaccagemens, aux tyrannics & a la cruauté des Rebelles, tandis que les Rebelles Sc leurs inftigatcurs, coupables de tant de crimes, font reftés impunis ? Les exemples de punition, je lc repéte, font indifpenfables ; Sc fi , comme on a lieu de 1'efpercr, lc Roi des Francais redevient Roi de France, Sc qu'il reprenne fon autorité, il eft de toutc néceffité, pour ne pas expofer le Tróne a dc nouveaux c'branlemcns Sc la Noblcflc a dc nouveaux maifacres, de livrer au glaivc de la jufticc les Oratcurs, Ecrivains, Journaiiftes,  ( 39 ) Démagagucs, Démocratcs forcencs, qui ont notoircment & librcment contribuc au renvcrfcmcnt de la Monarchie. Les veritablcs Hommes d'Etaf travailleut pour 1'avcnir Sc s'en occupent plus que du préfcnt; mais ils n'ont jamais recours a des moyens que 1'honneur ne puific avouer. Les rules ne font pcrmifes qu'en gaerre. La bonnc politique eft droite 5c adroitt, jamais injufte ni faufie. Elle furprcnd fes rivaux par plus dc vigüancc, les furpafïc en aclivité, voit mieux &plus loin qu'eux; mais clle rougiroit dc fufciter des troubles chez un Voifin tranquillc dont clle n'a point a fe plaindrc, 5c cela , dans 1'unique vue d etre plus a portee de nuirc a un Rival qui lui porte ombrage 5c qu'elle n'ofc attaqucr a force ouverte. La bonnc politique évitc les fautes , cn laitlc faire a fes cnnemis, 5c elle en profitc 5 mais elle fe rcfufc aux trahifons, aux pcrfidics 5c a ces tüfus de noirccurs qu'un machiavelifme dcmcfnré peut feul  ( 4* ) tramcr, dans les cxcès monftrucux dont il eft capable. Les Princcs Machiaveliftcs fe ruinent pourTavenir, cn perdant toutc confiancc. Leurs fuccès nc font que pafiagers, & n'effaccnt jamais la hontc des moyens qu'ils ont employés. La confciencc publique eft un Tribunal oü on les juge avcc févérité, & ceux qui y font condamnés lc font cn dernier reftört. Ce Tribunal redoutable a deja Prononce' contre les Auteurs, Complices, Fauteurs & Protecteurs de la Re'volution Lie'geoife. Des iutriguans fans mceurs, comme fans biens; des Folliculaires fans principes, voue's par fyftême & par argent au menfonge & t la trahifon ; d'indignes Tre'fon ciers, la honte de leur corps & 1'exe'cration des gens d'honneur, peuvent bien e'garer momentane'ment la multitude, faire naitre un enthoufiafjne paflager, exciter des paffions violentes, forcer les milleurs Citoyens a s'exiler ou h plier fous le joug d'un faux Patriotifmc : ils peuvent bien en impoferi la cre'dulite' pareiïeufe des Sots, & fuppofer une approbation populaire, qui n'eft que la reunion des ide'cs de ceux qu'ils ont corrompus ou e'gare's; mais ils ne fauroient e'viter les arrêts & les anathemes de cette puiflance inde'pendante de toutes les autres & que routes les autres redoutent, 1'opinion publique. lis y • font  ( 42 ) {ont deji profciits, au Tribunal de cette PuifTance Suprème, les promoteurs & les principaux agens de l'infurreftion. Je fuis fache', pour 1'honneur de la Nobiefle Francoife, qu'au nombrede ces Hommes fle'tris par 1'opinion , fs trouve un Prélat d'une des plus illulrres families de France. L'Arche... de C,.. n'eft venu k Lie'ge, que pour y intriguer de la manie're la plus ignoble & la plus abfurde contre le Prince-Evéque. On lui avoit mis dans la tête qu'il pourroit parvenir a le faire de'pofer & a fe faire nommer a fa place. D'après cette idee, appuie'e fur 1'exemple du deplacemcnt ille'gal de 1'ancienne Re'gence , il n'eft point de genre de bafi'eile qu'il n'ait e'puife', pour re'uffir. De'chu enfin. de eet efpoir, il a cherche', par des moyens tout auffi bas & tout auffi ridicules,a fe faire cre'er Mambourg, par les Infurgens ; mais il n'a pas e'te' pluj heureux, ni plus honteux. II faut avouer que les Roh... de notre tems ont fait tout ce qu'il, falloit pour affranchir le Public du tribut de confide'ration qu'on fe plaifoit autrefois a payer a leur nom. II eft certain , que ce nom, dont la gloire a longtems blefleles regards de 1'envie, n'excite plus aujourd'hui que 1'indignation de la probite', de l'e'conomie&deia vertu. ÏSt ce qui eft remarquable, c'eft que ce reflet de deshonneur eft principalement 1'ouvrage de deux Pontifes de la Re'Iigion ! Le vice eft fi naturel h certains, Hommes qu"il echappe k leur propre reflexion, &leurcorruption eftfi profonde,qu'ils n'ont pas méme le defir de lutter contre le me', pns public. C'eft-la un des fruits de la moderne Plulofophie. F  ( 43 ) Les autreg Amis & Soutiens de la Re'volution Liégeoife ne font pas plus eftimables. La plupart paflent pour de mauvais fujets, même a cute' du Prélat dont je viens de parler. Si vous les con» noiiüez, leurs mceurs vous rappelleroient ces Vers de Corneille, Uu tas d'Hommis perdus de dettes & de crimes, Qua preffuient de nos loix les ordres le"gitimes, Et qui, de'fefptr»nt de les plus e"viter , Si tout n'eft renverfe", ne fauroient fubfifter. Et ve'ritablement, pour de'gouter le Peuple de fe foulever, il fuffiroit d« lui faire .connoltre la vie de ceux qui 1'excitent a la re'volte, fi toutefois le Peuple ctoit fufceptible de raifon. Mais, dans tous les Pays, ce qu'on appelle le Peuple, & qui n'eft ordinairement que la Populace, c'eft-a-dire , la He du Peuple,eft incap3bledefentir,depre'voir ce qui doit lui-nuire. Penfant agir pour fa liberte' & ion bonheur, il ne fert, par fes foulevemens & fes re'voltes , qu'a de'terminer de quels Facticux ïl fera I'efclave & la victime. Les Francois, les Beiges, & même les Lie'geois, quoiquc plus mode're's, font plus travaille's de leur pre'tendue liberte', qu'ils ne pourroient 1'étre fous le joug d'un Prince defpote & tyran. La liberte' n'eft donc qu'un vain nom , ou plutót elle eft une pefte re'elle, quand elle ne fait que relacher les liens fociaux, de'chainer-les paffions, e'largir les confciences, enbardir la me'chancete', favorifer tous les de'fordres & rendre les Citoyeus plus malheureux. La vraie liberte' eft plus dans la foumiffion, que  ( 44 ) dans 1'inde'pendance. On n'eft vraiment libre, que lorfqu'on n'a pas k craindre d'être infiilte', pille', calomnie', aflaffine'. Les grandes Sociéte's, & encore moins les Socie'te's corrompues par les Arts & le luxe, ne font pas faites pour fe gouverner elles-mêmes. L'humanite' a be'foin 4c fers pour fe tenir tranquille. C'eft une rellexion bien trifte, & ce qu'il y a de plus trifte, c'eft qu'elle eft trés' vraie. Póint d'animal plus a craindre & plus fe'roce,^qne 1'bomme livre' a fon naturel. II n'y a peut-etre pas d'Enfant qui n'eut tué fa Nourrice, point d'Ecolier fon Prcfeil'eur, point de Pavfan fon Seigneur, point de Soldat fon Capjftaine , peut-étre point de jeune Femme fon vieux Mari, fi ' pour s'en de'faire, il eut fuffi de la volonté. L'inf' ticnt des bites eft plus doux & meilleur, que la raifon de 1'homme. Les Tigres ne fe tu£nt point entre eux; ils ne font la Guerre qu'aux animaux d'une autre efpe'ce que la leur. II n'y a rJ i'£Hr trecaftaux ni de Linguets parmi-eux. Le plus grand ennemi de 1'Homme, c'elli'Homme. Le premier ne', felon la ffible. fat jaloux & aflaffin de fon frere. Ce début neft pas favorable a 1'opinion de ia bonte de 1'efpèce Humaine. Ceux qui cherchent k brifer fes fers, ou ne la connoifient pas ou font des pervers. Faifons donc des vceux pour que les Princcs re prennentleurancienne autorite', pour que cette autorite' s'accroiffe au lieu de s'aflbiblir; car plus le pouvoir exécutif eft concentre', plus il ade force& plus il eft fort, & mienx va le corps politique' Mais faifons. en auffi , & de plus ardens, pour F 2  ( 45 ) que les Prlnces foient inexorablement juftes, & qu'ils choififlent des Miniftres e'elaire's & honnötes-hommes. C'eft de l'impunite' principalement que de'coulent tous les vices des Gouvernemens; elle encourage le crime & decourage la vertu. II ne fuffit pas que la loi de'clare tous les Hommes e'gaux devant elle, c'eft-a-dire , e'galement foumis a fon E rnpire; il faut que le Gouvernement 1'execute; il faut qu'il affure au plus foible , comme au plus pauvre des fujets , les moyens d'obtenir juftice & proteftion, tout auffi facileiaent que le plus puiffant & le plus riche. Oblige' de finir, parceque ma main comttience a fe fatiguer , je re'fume, & je dis que fi Léopold veut conferver les Pays-Bas & les conferver calmes & tranquilles, il doit fe bater d'y rentrer, & n'y rentrer que par la force ou par une foumilïion a difcre'tion de la part des Beiges, afin de pouvoir livrer les plus coupables au glaive vengeur des loix , & confifquer une partie de leurs biens au profit de ceux qui, pour caufe de fidèlite', ont fouffcrt dans leur fortune. Des punitions e'clatantes empécheront de nouveiles infurreclions & lui e'pargneront, ainfi qu'a fes fuccef. feurs, les pertes d'hommes & d'argent qu'elles entrainent. La bonne Politique agit encore plus fur 1'intention, que fur les aétions, & a toujours 1'avenir & le bien gene'ral en vue. Une demi douzaine de Têtes coupables, tranche'es k propos, peuvent en conferver des milliers, & ce n'eft pas être bon & cie'ment, mais foible & inhumain,  ( 46 ) que de faire grace. On ne mene les hommes que par inte'rêt; il faut leur faire trouver leur interSt dans leur devoir. L'inquie'tude naturelle aux Beiges , la haine qui divife les Habitans d'une Province de ceux d'une autre, vient duvice du Gouvernement , & le Gouvernement n'eft vicieux , que parceque les loix font de'fechueufes & contraires k la fe'licite' Nationale. C'eft un tas de Privileges abfurdes , un vrai monument d'ignorance, un vrai Caos rudis , indigejlaque moles. Pour faire fentir le ridicule de ces loix k ceux qui ne les connoiffent pas, il fufiiroit de leur obferver qu'elles ont e'te' faites par les Comtes de Namur, de Hainaut, de Flandres, par les Ducs de Luxembourg, de Brabant & de Limbourg, lorfque ces petits Souverains exiftoient encore & avoient chacun des interets differens ; de forte que les pre'tendus droits ou privileges, mentionne's dans joyeufe entree de Brabant,fe trouvent en oppofition avec ceux de la Flandre, & de-la fans doute la haine ou la jaloufie qui regne depuis fi long-tems entre les Brabancons & les Flamans. Quelque anciens que foient des Privileges pre'judiciables au bien ge'ne'ral d'un Etat, ils font nuls par eux-mêmes & doivent être abolis. On ne preferit jamais contre la raifon, contre 1'e'quite' naturelle. 11 n'eft jamais permis k un Roi d'enfreindre les loix exiftantes; mais il eft de fon devoir & de 1'interét de la Nation qu'il gouverne de les abroger, quand elles font contrair res k la faine politique. Les droits de la Nation, fontimprefcriptibies, &le Souvcrain qui repre'feute  C 47 ) Ia Nation, qui eft la perfonne de 1'Etat ou plutót 1'Etat perfonnifie', eft dans 1'obligation de faire valoir ces droits ; & s'il a eu tort de s'engager par ferment de maintenir des privileges contralres a ces droits, il auroit plus de tort encore de tenir fon ferment. Un Pere qui, par un intérët momentanée, auroit jure'lc malheur de fes enfans, feroit un mauvais Pere, s'il rempliffoit un engagement fi te'meraire. Avouez donc, Monfieur, que 1'Empereur, en fa qualite' de Roi ou de Pere de fes fujets, avoit le droit , malgre' le ferment de fon inauguration, de faire des loix plus ou moins de'rogatoires aux anciens privileges Belgiques. Et réritablernent, comme je 1'aiobferve'ailleurs, files Beiges e'toient encore courbés fous le joug de ia féodalité, & que §ofeph //eutjuréde les y maintenir; fi, comme lepere de Thèfee, il eut juré d'envoyer, tous lesans, dans une nouvelle Crète, 1'élite de la Jeunefl'e Braban9onne, pour être de'voree par un Minotaure , auroit - il été obligé d etre fidele a fon ferment ? Les loix font mobiles, comme les mceurs, comme les ^intéréts politiques : il n'y a de frables & de facrees , que celles qui tiennent a 1'effence du Gouvernement, celles lans lefquelles le Gouvernement perdroit fa foftne & fa nature. L'Empereur avoit le droit, en fa qualité de Souverain , de changer, de reformer , de fupprimer toutes les autres loix pour 1'avantage de fes Peuples. II étoit de fon devoir de. dc't#ire les reftes d'un édifice bnrbare & gothiqtie qui empéche les Belees de profperer. C'eïl ce qu'il avoit entrepris,  ( 48 ) d'après les Requêtes du Peuple Belgique luïmême & ce qu'il eutacheve', fans les Cabales des Noblesék du Clerge',.qu'un Prince moins hatifauauroit pre'venues & empêchées. Mais fon Succeffeur a une belle occaiion de tout reparer, & s'il la laifie e'chapper, s'il n'en profite pas, je vous le dis avec franchife, comme j'aurois le courage de le dire publiquemeot, il ne merite pas de regner fur une Nation qui fe montre fi courageufe, fi. intrepide & fi eftimable, dans fon e'garement. J'ai Thonneur detre, &c. ERRATA. Pag. i ligne 16 de feu Empereur, li fez de feu 1'Empereur. Pag. 7 lig. dern. fur le, tifez fur la. Pag. 8 ligne dern. a fervir lifez a faire fervir. Pag. 9 lig. 23 ut, lifez, veut. Pag. 10 lig. 20 ou,la refpefter. ótez la virgnle. Pag. 15 lig. 7 du zele, lifez, de zele. Pag. 19 lig. 13. de tout qui ilate, lifez, de tout ce qui ilate. Pag. ai lig. dern. terminera, ajouté, point. Pag. 22 lig.'3 de Etats, lifez, des Etats. Pag. 23 lig. 3 de Boon , lifez, de Bonn.