L' I N T RI G U E DU CABINET, SOUS HENRI IV ET LOUIS XIII, TERMINÉE P AR LA FRONDE. TOME SECOND.   L'INTRIGUE DU CABINET, SOUS HENRI IV ET LOUIS XIII , TERM1NÊE PAR LA FRONDE. Par M. AtrQ_VE TIL, Chanoine Régulier de U Congrégaüon de France , Correfpondant de l'Académie Royale des Infcriptions & Belles - Lettres , Prieurde Chdteau-Renard, & Auteur de 1'Efpnt de la Ligue. TOME SECOND, A MAESTRICHT, Cbez Jean-Edme Dufour & PhiiRoux, Imprimeurs-Libraires, aiïociés. 3L DCC. L XXXIL   V SOMMAIRES DU TOME S ECO ND. LIVRE TR0IS1EME. L e Prince de Condé rompt avec la Cour. — Le Roi va au-devant de fon époufe. — Son mariage.—Commencement de Luynes. — Caratlere de Mar ie de Médicis. — Négociativn pour la paix. — Elle fe conclut. — Changement de Miniftere.— Motifs fecretsde la paix. — Triomphe de Condé. — Chagrins de Concini. — Hauteurdu Prince de Condé. — efl arrété. — Raifons de Vemprifonntment. — Grand crédit du Maréchal d'Ancre. — Ses allarmes. — II efl décrié auprès du Roi. — Les Mécontentsy ont accès. — Concini stempare de touteT autorité. — Mécontentement du Roi. — La Reine fait ajjiéger Soiffons. — Le Maréchal dAncre efl tué, & fa femme prifonniere. —Haine générale contre eux. — Les Mécontents de Soiffons fe rendent. — Surprife & Tornt II. a 1616, 1617.  i6iS. VJ SOMMAIRES. chagrins de la Reine-Mere , qui efl exilée a Blois. —Richelieu expulfé.— Onfait le procés a la mémoire du Maréchal & a fa femme. — Cara&ere du Maréchal.—Cara&ere de fa femme. — Accufation contre elle.— Ses réponfes. — Elle e/t condamnée a mort. — Exécutée— Sort de fon fis. — Ju- gementfurcette cataflrophe Et at du Miniftere. — Fortune de Luynes. — Affemblée des Notables. — La Cour partagée entre la Reine-Mere & le Prince d% Condé. — IHaintes de la Reine. — Ouverture des claffes des JéfuU tes. — Luynes favorife le Clergé. — Rendfafortune folide. — Heft jaloufé.  Som m aires. vij LIVRE QUATRIEME. N oüveau mécontentement de la Reine-Mere. — Ruccelai travaille a fa libertê. — Le Duc de Bouillon lui confeille d'engager Epernon. — Ruccelai réujjit. Epernon fe prépare a délivrer la Reine. — Aventure de Delorme.— La Reine fe fauve de Blois. — Luynes vent lapourfuivre. —Ilejï forcéde traiter. — Réclamation en faveur de la Reine. — Elle tient bon. — Rappel de Richelieu. — Sa négociation & celle de Béthunes. — Embarras cl'Epernon. — Forcé de fléchir. — Accommodement de la Reine. — Son entrevue avec le Roi. — Délivrance du Prince de Condé. — Changement dans la Maifon de la Reine. — Richelieu y devient le mattre. — Commencement du Pere Jofeph. — Grande cabale. — La Reine fappuie.—Trouble ziguerre dAngers. — Accommodement du Pont de Cé.— La paix. — Entrevue du Roi & de la Reine. —Expédition de Béarn.—Le Roi revient a Paris. — Faux raccommodemem. — Richelieu mal récompen- a ij 1619. 1620.  1622. 3623. 1624. 162;. .1626. Vlij S O M M A I R E S. — SonadrefJ'e. —Conduite de Luynes a F égard de Bajjompierre. — Affaire delaValteline. — Guerre contre les Huguenots. — Luynes, Connétable & Garde des-Sceaux. — Meurt. _ Lefdiguieres, Connétable.— La paix fe fait. — Richelieu rentre au Confeil. — La Vieuvilley domine.—Education de Gaflon. — Ornano ,fon Gouverneur, arrêté. — La Vieuville odieux. — Jaloufïe de Richelieu. — Le Cardinal goütéduRoi. — Difgrace de La Vieuville.—Lefyflême de la Cour change. — Guerre dans la Valteline. — Fermeté de Richelieu, — Tableau de la Cour de Louis XIII. ■— Mariale de Madame. — On fonge a marierGafton. — Afaire de Chalais. — Difficullés pour le mariage de Ga/ion. — Or- . nano arrêté une feconde fois. — Déireffe de Richelieu. — II court rifque d'être affaffmé. — Forte ligue contre lui. — II parle de fe retirer, — Les Vendomes arrétés. — Voyage de Nantes. — Monfteur confent a fe marier. — Chalais arrêté. — Vifité par Richelieu.—Mariage de Monfteur.— Supplice de Chalais. — Difperfion des complices. — Fortune &difgrace de Baradas. — Difgrace d'Aligre, & de beau-  SOMMAIRES. IX coup d'autres. — Ajfemblée des Notables. — Monfteur devient veuf; on veut le remarier. — Dejjeins contre la Rochelle. —Négociations de Richelieu. —■ Et contre lui. — Bouckingham devant VIjle de Rhé. — Prife de la Roebelle. — Premiers froids entre la Reine-Mere & le Cardinal. 1627. 1628.  5E SOMMAIRES. 1619. 1630. i6ji. 1631. LIVRE CINQUIEME. A f f ai re de Mantoue. —- Mé fint elligence entre la Reine-Mere & le Cardinal. — La Princeffe Mar ie arrétée, — Der nier e guerre des Calvinifles.— La méftntelligence augmente entre la Reine-Mere 65? le Cardinal. — Inconft tance de Gaflon. — Complot pour faire échouer le Cardinal. — Les Mar Mac. — Le Roi malade a Lyon. — Promet la difgrace de Richelieu. — Journés des Dupes. — Richelieu triomphe. —■ Mauvais parti que prend la ReineMere. — Bravade ridicule de Gaflon. — Son motif. — La Reine-Mere s"obftine. — Grand Confeil a ce fujet. La Reine laijfée a Compiegne.1— Monfteur fe fauve en Lorraine. — La ReineMere en Flandres. — Difgraces exils. — Monfteur fe remarie en Lorraine. — II fe retire a Bruxelles. —■ Procés de Mar Mac. —11 efl exécuté. — Projets de Bruxelles.— Ga/Ion ar- me Montmorency fe joint a lui. — Marche de Ga/ion. — Combat de Caftelnaudari. ■— Montmorency ejl prïs*  S O M M A I R E S. xj — Traité de Gaflon. — Montmorency exécuté. — Punition des complices. — Ga/Ion quitte le Royaume. — Chdteauneuf & le Commandeur de Jars. — Urbain Gr andier. — La Reine-Mere veut revenir. — Dernieres brouilleries de Bruxelles. — Gaflon revient en Frame. — // arrivé a la Cour.—PuyLaurent arrêté. —Le Duc d''Epernon humilié. — Etabliffement de l''Académie Frangoife.—Commerce, Marine, Compagnie des Indes. — Invafion en France. — Conjuration contre la vie de Richelieu. — Elle manque. — II triomphe de fes ennemis. 1633. 1634. 163;. 1636.   LINTRIGUE DU CABINET, SOUS HENRI IV ET LOUIS XIII, TERMINÉE PAR LA FRONDE. LI V RE TROISIEME. pF=:.-^ri E fut une grande prudence iPf/^'Hau Par^ement de s'arrêter jlï^Lpf j malgré toutes les perfonnes GiSsSiJ qui s'efFor^oient de le faire avancer : quelques pas de plus, il lui auroit peut-être été impoffible de retourner en-arriere. Le Prince de Condé Tome 11. A Louis XIII. 1615. Le Prince Je Condd rompt ivec la Cour,  Louis xiu. 1615. 2 L'Intrigue étudioit fes démarches. U étoit déterminé k :>:ire la guerre, & il attendoit que le Parlement frappat le premier coup : mais trop perfuadé que cette Compagnie ne pourroit jamais fe concilier avec la Cour, il laiffa ralentir la chaleur des efprits; & 1'accommodement étoit fait, quand il en vint a une rupture ouverte. La vraie raifon de la rupture, qui étoit le defir de gouverner, fut cachée fous un prétexte que Condé s'étoit toujours ménagé. II revint k fes anciennes objeétions contre lè mariage de Louis avec 1'Infante, & il s'oppofa, en plein Confeil, au voyage que le Roi devoit faire vers la frontiere, pour y aller recevoir fon époufe. La Reine n'eut aucun égard a cette oppofition, & fit au contraire hater les préparatifs du voyage. Sur cette conduite a laquelle il s'attendoit, Condé quitte la Cour avec fes adhérents; il fe retire k Clermont en Beauvoihs; Bouillon fe rend k Sedan, Mayenne a SoilTons, Longueville a Amiens , &c les autres chacun dans les endroits oii ils croyoient avoir le plus de crédit. Auffi-töt les écrits volent k Paris &  du Cabine t. 3 par-tout le Royaume. On emploie, d'une part, les reproches contre les Miniftres, les fatyres contre le Maréchal d'Ancre , les obfervations malignes fur les impöts , & tout ce qui fert a. foulever les peuples. De 1'autre , on récrimine par des plaintes de Pingratitude des Princes ; on promet aux peuples; on fait des ofFrc-s aux Chefs; &c, ce qui efl; plus efficace que les paroles, des deux cötés on leve des foldats. La Reine entama une négociation avec les mécontents, qui pour cela s'étoient réunis k Concini. Villeroy &c Jeannin, députés de la Cour, mirent plufieurs fois les chofes au point de conclure un accommodêment;'mais, ou ils n'avoient pas le fecret de Marie, ou ils entrerent adroitement dans fes vues, qui étoient de gagner feulement du temps. Marie avoit le cceur profondément ulcéré de deux chofes: 1 °. de ce que les Confédérés , dans leur manifelfe, dénoncoient, pour ainfi dire , k la Nation , fes Miniftres favoris , le Maréchal d'Ancre , le Chancelier de Sillery & le Chevalier fon frere, Dolé & Bullion , créatures du Maréchal, A ij Louis XIII.  I- O V I XIII. 1615. Mcrc. t. 4 f. 19. 4 L'Intrigue "sfur lefquels ces manifeftes rejettoient tous les tróubles de 1'Etat, & par contre-coup fur elle-même : 20. de ce qu'ils affcftoient de dire, d'écrire &c de répéter, qu'on n'avoit pas recherché les complices de la mort du feu Roi ; reproche outrageant pour une époufe , & qui 1'expoioit aux plus odieux foupcons : aulli la Reine ne put-elle fe réfoudre a leur pardonner cette injure , & elle aima mieux les avoir pour ennemis déclarés, & les pouller a bout, que d'agréer des ménagements qui auroient pu faire dire qu'elle achetoit leur filence. Elle laifTa donc trainer les négociations tont le temps qui lui étoit néceffaire pour prer.dre fes mefures ; & quand les troupes furent en état, elle envoya aux mécontents ordre de fe préparer a fuivre le Roi dans fon voyage de Guyenne. Ce commandement fut pris pour une déclaration de guerre. Les Princes appellerent aupres d'eux tous leurs partifans, qui formerent une armée, maïs bien inférieure , par le nombre & la difcipline, a celle du Roi. Ils envoyerent en même-temps une jufti-  du Cabine t. 5 fication de leur conduite aux Cours fouveraines , a 1'aflemblée des Calviniftes , qui fe tenoit a Grenoble, & a tous les Corps, excepté k 1'affemblée du Clergé, fachant, dit le. Mercure , qu ils ètoient réfolus a une entiere foumijjion envtrs Sa Majejié. S'ils préfumerent plus d'aide du cöté d;s Parlements , ils fe tromperent. Ces Compagnies renvoyoient leurs paquets cachetés au Roi. Ce concert, unanime d'obéilTance tranquillifa la Reine : cependant, comme il j avoit dans le Parlement de Paris beaucoup de Membres attachés aux Princes, on jugea k propos de les priver des confeils de leur Chef, qui étoit le Préfident Le Jay, principal auteur des remontrances. Le Roi le fit enlever le jour même qu'il fortit de Paris. Le Parlement envoya le redemander. Le Roi répondit qu'il 1'emmenoit pour fe fervir de lui pendant fon voyage : mais celui du Préfident ne fut pas long ; car on le lailTa prifonnier dans le chateau d'Amboife. Louis XIII partit le 17 Aoüt. La marche du jeune Roi a travers fon Royaume , pour aller recevoir Ion A üj Louis XIII. 1615- Le Roi va m-devant le fon jpoufe»  loon XIII. 1615. Mercure 4, p. 207. Mem. Ree. *• 3 , p. -140. Cramoni , 1.1, p. 93. 6 L'Intrigue époufe , n'auroit dü être accompagnée que de plaifïrs : maïs la bizarrerie des circonftances forca de joindre aux divertiffements Tappareil de la guerre , & la pompe des fêtes en tiroit quelquefois ua nouvel éclat. Le Monarque avancoit au milieu d'une Cour lefie & brillante. Derrière lui marehoit prefque pas a pas fon armee, commandée par le Maréchal de BoisDauphin. Après venoit 1'armée des mécontents, fousles ordres du Prince de Condé , dirigé par le Duc de Bouillon. Quand celui-ci approchoit y Bois-Dauphin préfentoit le front, & Bouillon moins fort s'arrêtoit, 011 cherchoit des détours. On a blamé les deux Généraux d'avoir laiffé échapper 1'occafion de battre chacun fon adverfaire : mais leur but n'étoit pas de fe mefurer, ni de hafarder en une fois les relfources de leur parti. BoisDauphin ne vouloit qu'arTurer la marche du Roi; Bouillon ne vouloit que 1'inquiéter, & pénétrer dans les parties du Royaume 011 il comptoit fe recruter avantageufement. Ils réuffirent 1'un & 1'autre. Bois-Dauphin conduifit tranquillement la Cour a Bor-  e,u Cabine t. 7 deaux, oü elle arriva le 7 Oöobre ,' & Condé s'établit dans le Poitou, oü plulieurs Gentilshommes vinrent groffir le nombre de fes Volontaires. Excepté les défordres inféparables de la marche des armées, on ne vit. dans ces troubles ni 1'animoiité, ni. les horreurs qui accompagnent ordinairement les guerres civiles. Les peuples y prirent un intérêt fort léger, Ce n'étoit qu'un penchant fans pafTion 5 qui les déterminoit ou pour la Cour, ou pour le Prince. Dans les endroits on la prévention en faveur des Confédérés prévaloit, le Roi étoit obéi ; & ou les Royaliftes 1'emportoient en nombre , les partifans des Princes n'étoient pas maltraités. On ne peut douter que tout Paris & le Parlement n'inclinaffent pour les Mécontents: cependant cette Compagnie enregiftra un Edit qui déclaroit le Prince de Condé & fes adhérents criminels de lefe-Majefté. Ils oppoferent a eet Edit des écrits aigres & mordants, danslefquels ils avoient foin de répéter, que le but de leur confédération étoit d'obtenir la recherche & la punition de tous ceux qui avoient participé a la A 1Y Lown xiü. 161;.  loui XIII. »6ij. l S L'Intrigue smort du Roi. Les Calviniftes, en corps d'affemblée , fe joignirent au Prince, & leverent des troupes pour lui, appuyant fur les mêmes motifs. Le Duc de Vendöme, Gouverneur de Bretagne, & nis d'Henri IV, a qui ce prétexte convenoit mieux qu'a tout autre, n'eut garde de le négliger: mais comme il leur coiïtoit a tous d'avouer qu'ils prenoient les armes direftement contre le Roi, ils publierent que ce Pnnce étoit prifonnier entre les mains des Miniltres; fubterfuge ufé qui ne trompoit perfonne. Cependant, comme on pouvoit appréhender que les Mécontents n'eulTent dans les Provinces des partifans qui fe déclareroient quand la Cour feroit éloignée, la Reine envoya dans les places fufpeftes des Commandants affidés, avec des troupes, qui réprimerent foigneufement les moindres mouvements; de forte que la joie des noces ne fut troublee par aucune nouvelle de foulévement. Le Duc de Guife, a la tête 1'un détachement de la grande armée, alla conduire jufqu'a la frontiere la 3rinceffe Elifabeth, deltinée k 1'Infant 1'Efpagne, & en ramena la jeune Rei-  du Cabine t. 9 ne k Bordeaux, oü le mariage fut ratifïé le 22 Novembre. Anne d'Autriche avoit quinze ans quand elle époufa Louis XIII, qui étoit du même age, a cinq jours prés. Malgré cette convenance, leur mariage ne fut pas heureux. Les deux époux fe plurent au premier coup d'ceil; mais leur union fut traverfée par les perfonnes qui afpiroient k la confïance exclufive du Roi, & qui appréhendoient que fon amour pour la jeune Reine ne diminuat leur crédit. On infpira k Louis des ombrages fur 1'attachement qu'Anne d'Autriche confervoit pour fa familie; on infinua k la Reine que fon époux ne 1'aimoit pas. Ainfi ils vécurent comme dans un divorce continuel, qui ne fut interrompu que par quelques réunions palfageres, dues plutöt aux circorütances qua la tendrelTe. Le premier interprete de leurs fentiments fut Albert de Luynes (a), (arti étoit plus conforme au goüt de 4arie; & ü elle ne le prit pas, c'eft u'elle fut obligée de facrifier fon de^  Du Cabine t. 13 fir a des confidérations très-puiffantes. Le Roi ne goütoit pas cette guerre : ceux qui 1'environnoient lui difoient en fecret que fon mariage n'en avoit été que le prétexte , & que la véritable raifon étoit le foulevement des Grands contre un infolent Favori dont la Reine étoit follement infatuée; qu'elle pourroit d'un mot finir tous ces troubles, & que , fi elle ne le faifoit pas , ce feroitfigne qu'elle préféroitle Maréchal d'Ancre a la tranquilliré du Royaume , & a la fatisfaftion de fon fik. La jeune Retne defiroit auffi avec ardeur Ia fin des troubles, pour fe rendre a Paris , oü elle étoit attendue par des fêtes, dontl'idée enlaidiffoit encore la guerre a fes yeux. Toute la jeuneffe de la Cour penfoit comme elle. Les gens les plus mürs fouhaitoient la ceffation des hofiilités , finon pour profiter des plaifirs-, du moins pour n ette par expofés aux incommodites des campements & des voyages dans une faifon rude & ficheufe. Enfin, comme malgré 1'état de guerre dans lequel on vivoit , il y avoit toujoun des relations de parente cidinterêtj Louis XIII. 1616.  lom XIII. 161Ó. Elle fe conclut. Utrt, t. 4. P- 45- 14 L'Intrigue . on s'écriyoit, quoique dans de» partis oppofés; on fe communiquoit fes idees, & on s'accordoit communément a conclure qu'il falloit faire la paix. Ce vceu étoit fi général, que Ia Reine craignoit de voir tomber fur elle tout 1'odieux de la guerre , 11 elle ne fe prêtoit pas a une négociation. Elle y donna donc les mains, mais fimal-adroitement, qu'elle en eut tout le défavantage pour la forme & pour le fond. Pour la forme , en ce qu'elle fouffrit que la paix fut traitée dans une efpece de congrès, qui fe tint d'abord a Fontenay-le-Comte en Poitou , enfuite a Loudun, deux endroits choilis pour la commodité des mécontents ; en ce qu'elle permit, qu outre les perfonnes nécelfaires, tels que les Miniftres du Roi & les Chefs des Confédérés, il y eüt a la Conférence des députés des Calviniftes, des Repréfentants des principales maifons du Royaume, & même querAmbafTadetir d'Angleterre y affiftat, non a la vérité en qualité d'arbitre, comme les Princcs le defiroient, mais en qualité de garant, fous le titre de témoin,  DU C A B I N E T. IJ Pour le fond , la Reine ne pouvoit guere être réduite a accepter des conditions plus mortifiantes que celles de ce Traité figné a Loudun Ie 6 Mai. Les deux premiers articles font concus en ces termes. On fera une recherche bien exacte de tous ceux qui ont participé au déteflable parricide commis en la perfonnt du feu Roi : & attendu. quau préjudice des volontis & comman • dements exprès du Roi & de la Reine fa mcre, quelques Officiers font réputés avoir mis de la nonchalance a la recherche dts auteurs dudit parricide, U plaife a Sa Majcflé de faire expédier a. eet effit une commijjion adreffante au Parlement de Paris. Enfuite viennent la plupart des demandes faites pai les Etats, qui font accordées. On dc« mande auffi. avec affeöation, article 13 , que les charges & dignités, tanl laïques qu'eccléfialtiques, ne puiffem jamais être données aux étrangers, & le Roi le permet : réfervant cependan Sa Majejié de donner ce qu il conviendra au mérite , fervices & qualités de. perfonnes. Du refte, il n'y a que de: ttipulations générales pour 1'intérê des peuples, leur foulagement & 1 diminution des impöts, Louis XIII. 1616. C i  Louis XIII. lèió. j 1 1 1 I ( (a) Quinze cents mille livres au fsul Prince de Condé. Voy. Merc. tome IV . Pa2e "34- 16 L'Intrigpe Quant au Prince & a fes adherents, non-feulement on les réhabilita, on les déclara innocents & bons ferviteurs du Roi , mais il leur fut alloué des fommes confidérables pour payerleurs dettes, & les dédommager (a). Les Réformés obtinrent feulement ce qu'il falloit pour leur faire croire qü'ils n'avoient pas été entiérement oubliés; favoir, Ie rétabliffement de 1'exercice de'leur Religion en quelques lieux. Le Parlement de Paris obtint auffi des marqués de fourenir de la part des Confédérés, qui avoient intérêt k le ménager. On effaya de lui faire obtenir quelque fatisfaöion fur le droit de convoquer es Pairs, qui avoit été un des obers & la caufe des fameufes remonrances : mais eet article fut couché en ermesfi ambigus, qu'en enrégillrant, e 13 Juin , 1'édit du Roi, confirmaif du Traité de Loudun , la Com•agnie arrêta de nouvelles remontranes k ce fujet.  du Cabine t. 17 Pendant que ce Traité fe négocioit,, le Roi revint a Paris , ou il fit fon entrée avec la Reine fon époufe, le 18 Mai. Peu de temps après , on vit des événements qui avoient été promis dans des articles fecrets, joints au Traité, au nombre de quinze. Le Miniftere fut totalement changé. On retira les Sceaux au Chancelier Brulard de Sillery, & on les donna au Préfident Du Vair. Le premier voulut les reporter au Roi lui-même, & il eut une audience particuliere, dont ce jeune Prince fortit les yeux gros Sc humides. Les Finances qu'avoit le Préfident Jeannin, furent confiées k Barbin, homme nouveau. Richelieu, Evêque de Luoon, fut appellé au Confeil, & ce fut la première fois qu'il parut fur la fcene politique («). Prefque toutes les per- ( *• I, P- ii &fiiiv. (a) Alors parut le véritable manifefle fur U mort de Henri-U-Grand, par la Dlle, igf iS L'Intrigue (onnes attachées aux anciens Minn» tres eurent des marqués de dilgraces. Le Duc d'Epernon & plufieurs autres Seigneurs qui s'étoient montrés partifans zélés de la Reine , furent abandonnés au reffentiment des mécontents, qui répandirent avec affeaation des écrits, dans lefquels ils étoient décriés (a). Le Maréchal d'An-  du Cabine t. 19 ere lui-même parut perdre de fon crédit, puifqu'il céda a fes compétiteurs des charges & des établiffements qu'ils lui envioient. Tant d'événements linguliers donnent lieu de foup^onner qu'il y eut dans cette paix un fecret arrangement, fur lequel on ne peut avoir que des conjeöures. Le Duc de Bouillon & le Maréchal d'Ancre, qui avoient été antagoniftes fi acharnés , parurent, auffi-töt après la conclufion du Traité, extrêmement amis-. Le Prince de Condé changea auffi , pour ainfi dire 5 du jour au lendemain; il prit hautement la protection du Maréchal contre Pétourderie des jeunes Seigneurs „ coman , femme décriée pour fes moeurs. Elle prétendoit avoir entendu le Duc d'Epernoti & la Marquife de Verneuil comploter la rr.ort d'Henri IV. Cette femme fut condamnée par le Parlement a une prifon perpétuelle. Sa dépofition , ainfi qne celle d'un Pierre D& Jardin , Capitaine de la Garde, font deftituées de toute efpece de preuve. Celui-ci difoit avoir connu en 1608, a Naples, Ravaillac , qui n'y alla jamais. Ces deux libelles calomnieux furent répandus avec afk&tfion, pour mortifier la Reine, Louisxiu.1616. Motifs fecrets de la paix. Mém. Ree» t. 3,p. 448.  Louis XIII. 1616. ) ] I 20 L'Intrigue & la mauvaife volonté des vieux. II n'y eut que ces deux chefs des Confédérés qui parurent contents. Les autres, Calvrnifïes &c Parlementaires, fe plaignirent également qu'on ne leur avoit pas ménagé des conditions affez avantageufes; preuve certaine que leur confentement a la paix fut tiré par adreffe, & qu'il y eut quelque connivence clandertine, dont le plus grand nombre fut la dupe. A juger par ce qu'il arriva enfuite , le Prince de Condé & le Duc de Bouillon, fur la promeffe qu'on leur aura faite de les affocier au Gouvernement, fe feront contentés d'obtenir pour leurs adhérentsquelques avantages plus apparents que réels; & la Reine-Mere n'aura pas héfité de facrifier des Mini (bres auxquels elle n'étoit pas fort attachée, dans 1'efpérance de faire ce qu'elle roudroit fous le nom du Prince, ou de le réduire lui-même a rimpuiffance de nuire , en le privant des fecours ie fes partifans. C'elt fans doute a :e plan de politique qu'on doit rapjorter le mot de Villeroy , confervé ?ar Siri. En délibérant dans le ConVü fur la demande que faifoit le Priu-  du Cabine t. 11 ce de figner les ordonnances : » On » peut, dit Villeroy, mettre Ia plu» me a la main de celui dont on >> tient le bras ". Le deffein de Marie eft encore mieux développé dans une converfation que Barbin eut avec le Marquis de Coeuvres a 1'occafion des prétentions de Condé. II faut, lui dit-il, que le Prince fe détermine a être bon ferviteur du Roi ; aiwement qu'il fache qu'il n'y a ni qualité, ni condit'wn, ni crédit, capables d'affurer quelqiiun quand il efl dans le Louvre, le centre de la juflice & de la force du Roi Mais le fucccs éblouit Condé & Ie perdit; fon retour a Paris , rprès la paix, fut une efpece de triomphe, Tout le monde le regarda comme devant être déformais le maitre des graces , & il fe -le perfuada lui-même ; les Courtifans s'emprelTerent autoui de lui ; il fe vit plus recherché qu< le Roi. Dans 1'ivrelTe de cette profpé rité , le Prince ne ménagea ni fes ac tions, ni fes difcours; il décidoit fou yerainenient au Confeil , tranchoi clans les affaires, & diflribuoit les em piois & les charges. S'il obligea quel Louis XUI. 1616. Triomphe de Condé. t  Loui XIII. 1616. Chagrin de Toncini.Grtmond !.l,p. Mém. Ree. t.4,p. h Mém. fEflrécs, f. ÏIJ. 11 L'Intrigve ; ques-uns, il fit auffi beaucoup de mécontents. Outre cela, il ulcéra de nou» veau la Reine contre lui, par la conduite qu'il tint avec le Maréchal d'Ancre. > Ce colofTe de faveur étoit toujours en bute a la haine des grands & des petits, tk il menacoit ruine; par la raifon „ dit Siri, qu'il faut qu'd la fin tout boisfoit rongé par les vers , tets B y Louis XIII. 1616. (70, & fes Qbfirr.fit Dupleix , '• 197. Brienne, f.  Louis XIII. 1616. 1617. Ses allarmes. Baffomp. 1. 1, p. 4S1. Mcrcure , <■ 4 & 5Gramand , p. 130. 54 L'Intrigue que Villeroy , qui s'étoient encore maintenus a la Cour dans les dernieres révolutions, fe retirerent. Les louveaux eurent ordre de travailler feus le Maréchal; dès-lors fa puifrance n'eut plus de hornes. La ReineVlere fe repofa fur lui du foin de :out le Royaume , & trouva bon qu'il fe mêlat de la conduite du Roi dont il eut la mal-adreffe de contrarier les goüts & de vouloir borner les plaifirs. Cependant fa fortune ne 1'aveugloit pas : on en a la preuve dans une converfation qu'il eut versce même temps avec BalTompierre. Je regrette véntablement ma fille, lui dit-il, & /'« la regretterai tant que je vivrai; cependant je fupporterois cette ajjüction, fi elle ne m'annongoit pas , en quelque facon , la ruïne de moi, de ma femme , de mon fils & de toute ma maifon, que l'opimdtretê de ma femme rend inévitable. Je connols le monde, la fortune, fes élévations & fes dicadences, & qu'- fhomme, arnvè a un certaine point, Je pricipite, a proportïon que la montêe qu'il a faite a été haute & roide. Comme vous m'avei connu lenfance, je n'ai rien de caché pour vous, Vous m'avei vu a  du Cabine t. 35 Florence débauché, quelquefois en prlfon, banni , fans argent , & incejfamment dans le difordre & la mauvaife vie. Je fuis ni Gentilhomme. Je riavois pas un fol quand je fuis venu en France. Je me fuis avancé & enrichi a l'aide de mon mariage. J'ai enfin poujfé ma fortune jufqu'ou elle a pu aller, tant qu'elle m'a été favorable : mais reconnoiffant qu'elle fe laffoit, qu'elle me donnoit des avertiffements , j'ai voulu plufieurs fois faire retraite , & aller jouir dans ma patrie des grands biens que la Reine nous a donnés. Chaque coup de fouet que la mauvaife fortune nous donne, je pnffe, je conjure ma femme , mais inutilement. Je perds mes amis , qui meurent. On me chajfe de mon Gouvernement d'Amiens. La populace me détejle & m'infultc. Mes gens font pendus. Je fuis obligé de fuir & de m'exiler en Normandie. On a faccagé & p 'dlé ma maifon. Ma fille , qui pouvoit me fournir un foutien en fe mariant , meurt; & ma femme réftjïe toujours. J'ai de quoi faire le Souverain. J'ai offert au Pape (ix cents mille écus pour Cufufruit au Duch.é de Ferrare. Je la'fferai encore plus de deux millions d mon fils. Enfin , j'ai conjuréma femme, B vj Louis XIII. 1617.  Louis XIII. 1617. ) J I tft décrié auprès du ( Roi. Baffomp. ' t. i,p.21. 36 L'Intrigue je me fuis jetté a fes genoux ; mais elk me reprocke ma lacheté & mon ingratitude de vouloir quitter la Reine : juge^ de mon embarras. Concini éprouva en cette occafion , qu'un ami trop zélé efl: fouvent plus a craindre qu'un ennemi. La ReineMere voyoit toute la nation révoltée contre les préférences qu'elle accordoit au Maréchal d'Ancre & a fa femme; & plus elle favoit 1'averfion générale déclarée contre fon choix, plus elle s'oblHnoit a montrer un attachement exclufif. Les mécontents y qui auroient volontiers fouffert fon autorité , s'ils 1'avoient partagée , la voyant toute entiere entre les mains d'un étranger, crioient a 1'abus, Sc i'appliquoient a rendre publiques les narques de fon entêtement, pour lui rttirer des ridicules ou du mépris; nais ils nuifirent moinsa Marie qu'un lourtifan, qui,fousfesyeux, s'empaoit adroitement du Roi, & enlevoit 1 la mere la confiance de fon fils, ju'elle ne recouvra jamais. Ce Courtifan, orné de routes les jualités avantageufes & aimables que 'uppofe ce nom, pris dans le meilleux  du Cabine t. 37 fens, eft d'Albert de Luynes, dont nous avons déja rapporté Fentrée & les progrès a la Cour. II ne s'y fentit pas plutót affermi, qu'il appella auprès de lui Brant &c Cadenet , fes deux freres, très-capables de feconder leur ainé. Ils fe firent un cortege de la jeunelTe , qui, malgré le férieux du Roi, rendoit fa Cour vive & gaie. Devant la Reine-Mere, on ne parloit jamais que de plaifirs; de ibrte qu'elle ne foupconnoit pas que cette troupe folatre put s'occuper d'autre chofe. Mais dans le particulier , on apprenoit au Roi les affaires de fon Royaume, dont Marie ne 1'entretenoit jamais que briévement, & comme malgré elle. D'après cette maniere d'agir, il étoit aifé de perfuader au jeune Prince, que fa mere vouloit le tenir dans 1'ignorance, afin de gouverner feule. II paroit qu'a ces infinuations on en joignit d'autres, auffi facheufes pour la Reine. BafTompierre raconte qu'il entendit un jour dire è Louis , parlant de Charles IX : Le fonner du cor ne le fit pas mourir , mais c'efl quil fe mit mal avec la Reine Catherine, fa rnere, d Monceaux, & qu'il Louis XIII. 1 1617.  Louis XIII. 1617. ' Les mécontentsy ont acces. 38 'L'IXTRIGUE la qultta , & s'en vint d Meaux : maïs (i, par la perfuajion du Maréchal de Kets, il ne fut pas revenu a Monceaux, il ne feroit pas mort. Soit fiiggeltion , foit qu'il eut pris fes préventions dans fon caracfere ombrageux, Louis XIII croyoit que fa mere aimoit mieux Galton fon frere, & qu'elle auroit voulu le voir monter fur le tröne , afin de régner plus long-temps ellemême fous fon nom. Ces foupcons donnoient aux mécontents beaucoup J'avantage auprès du jeune Monarque : il leur étoit aifé de lui faire croire qu'en attaquant Pautorité de fa mere , ils travailloient réellement a lui faire rendre la fienne. Les émiffaires qu'ils avoient a la Cour, contribuoient k infpirer ces idéés au Roi, 5c il s'y confirma lui-même, quand il vit que le Maréchal d'Ancre , après avoir éloigné ceux qui pouvoient le contredire, difpofoit de tout arbitrairement, le traitoit en enfant, & ne tui difoit des affaires que ce qu'il ne pouvoit abfolument lui cacher. Pendant que la conduite de la ReineMere étoit fi impérieufe , celle de fes ennemis étoit fouple 6c pleine d'é-  du Cabine t. 39 gards pour fon fils. Après 1'efpece de paix ou d'amnifKe qu'ils avoient acceptée a SoilTons, ils étoient reflés dans cette ville , & de-la ils faifoient dire au Roi qu'ils étoient difpofés a fe foumettre a routes fes volontésv & qu'il ne falloit qu'un mot de fa bouche pour les amener a fes pieds. Ainfi il s'établiffoit une correfpondance fecrete entre le Roi & ceux qu'on appelloit des révoltés. A Pextérieur, au contraire, tout annoncoit la haine contre eux, & Ie deffein de les foumettre entiérement : la Reine les fit fommer de revenir a la Cour , ou du moins de fe féparer, & elle leva des troupes pour les y contraindre. II parut alors des manifeftes fanglants. Comme c'étoit, pour ainfi dire , une querelle de familie a familie; comme les femmes y prenoient autant d'intérêt que les hommes, il n'y avoit point d anecdotes qu'on ne rendit publiques, point de reproches qu'on ne fe fit avec d'autant plus d'aigreur, qu'on s'étoit plus connu & plus aimé. On jugeoit non-feulement lesactions,mais les intentions; &c les mêmes paroks qui étoient applaudies d'un cóté, com- Louis XIII. 1617. Mere. 1.4, >. 154. Dtageant, >. 41.  Louis XIII. 1617. Concini s'empare «le toute l'autorité, 40 L'Intrigue me dignes des plus grands éloges , étoient blamées , de Pautre, comme les expreffions d'une infolence puniffable. Lefdiguieres, follicité par la Reine d'envoyer a fon fecours les troupes qu'il ramenoit yiöorieufes du Piémont, répondit : /' ai ete faire la paix en Italië , & je viendrai la faire en France; & cette réponfe, plus hautaine qu'héroïque d'un fujet a fon maitre , fut exaltée avec Penthoufiafme de 1'admiration, par les mécontents que Lefdiguieres favorifoit. D'Ancre, au contraire , écrivit a la Reine : Fai levé en Allemagne, pour Votre Majejïé, fix mille hommes de pieds & huit cents chevaux, qui font fur la frontiere, & je les amenerai d fon fervice , J'ans que je préttnde récompenfe de la dépenfe que j'y fais. II envoya fa lettre, & il s'éleva contre lui un cri d'indignation : on le traita de fangfue publique , de voleur, de tyran, fans lui faire la moindre grace en faveur du motif qui Ie portoit a facrifJer fes tréfors a la défenfe de fa bienfaitrice. II paroit qu'après la converfation avec BaiTompierre, que nous avons rapportée, Concini, déterminé a tous  du Cabine t. 41 les événements, prit le parti de ne plus ménager perfonne, ni grands, ni petits, ni Miniftres , ni peuple; d'établir, en un mot, fa puiflance fur des fondements inébranlables , ou de périr a la peine. Outre Quilleboeuf, il fortifia le Pont-de-l'Arche & plufieurs autres Villes en Picardie & en Normandie, par le moven defquelles il efpéroit tenir Paris en bride. II mit , des Chefs a fa difpofition dans les places les plus importantes du Royaume. Les garnifons qu'il ne put pas gagner entiérement, il y fit gliffer des gens a lui. II fupprima des penfions, en créa de nouvelles , rendit toutes les charges, tous les emplois dépendants de lui, pendant que fa femme recevoit publiquement le prix des monopoles & des concuffions. II fe compofa une Garde de 40 Gentilshommes , dont le plus grand nombre 1'accompagnoit par-tout, même chez le Roi. Les Confeils ne fe tenoient plus que pour la forme; encore n'y laiffoit-on propofer que des affaires peu importantes : & fi-töt que le j eune Monarque montroit envie d'en prendre conrjoiffance, fous prétexte de lui épar* Louis XIII. 1617. Nitol. Pcfjuicr, let. ó du liv. 6, r. l,p. 1274. Legrain „ 381. Bcrnard 3 ?■ 71Grainond > 0,130.  Louis XIII. 1617. Mécontentemcntdu Roi. 1 1 ] i i I ( 42 L'Intrigue gner de la peine, le Maréchal fe chargeert de la décifion & de 1'exécution. Ces procédés déplaifoient fouverainement a Louis, qui commencoit h fe montrer jaloux, non-feulement d'être le maitre, mais encore de le paroitre. Plufieurs fois il avoit infinué a fa mere, que toutes ces brouilleries duroient trop; qu'il y avoit un moyen de les finir, en retranchant les préférences , & en employant les Grands au gouvernement, chacun felon fa naiffance , fa dignité & fes talents. Comme l'établiffement de cette nouvelle forme auroit por té un coup mortel a 1'autorité exclufive, dont Marie ^de Médicis jouifToit fous le nom Ie fes Miniftres, elle faifoit la fourde areille, Cependant elle crut devoir ïntretenir une négociation ouverte ivec les mécontents, afin de ne point ittirer fur elle 1'odieux de la guerre. Les pourparlers étoient entremêlés Pa&es de févérité & de clémence. La leine n'étoit-elle pas contente de la locilité des confédérés ? elle les faibit déclarer criminels de lefe-majefté. 'rêtoient-ils 1'oreille aux offres de la ^OUr ? on les reconnoiffoit innocents,  du Cabine t. 43 pour faciliter un accord , qui ne fe fit pas, quoique les Evêques, les Confeffeurs , les Cardinaux & le Nonce s'en mêlaffent. Enfin, la Reine remit les troupes du Roi entre les mains du Comte d'Auvergne & du Duc de Guife , qui eurent ordre de prendre routes les petites places que les mécontents occupoient autour de Soiffons , & de les refferrer dans cette Ville, dont le fiege fut réfolu le 22 Mars, dans un Conrfeil fecret, compofé de la Reine , du Maréchal d'Ancre , du Garde-desSceaux, de 1'Evêque de Lucon, & de Barbin. Le Duc de Mayenne, le Cardinal de Guife , & plufieurs autres , étoient enfermés dans cette place, bien fürs de n'y pas effuyer d'attaques meurtrieres, puifqu'un des Commandante du fiege étoit le propre frere de 1'un d'entre eux, D'ailleurs , le Duc de Bouillon accourut a leur fecours, k la tête de douze mille hommes; enfin, il fe préparoit k la Cour un événe^ ment dont le fuccès fit la paix en un inftant. Sous un Roi qui auroit connu fes forces, la révolution du Gouverne- Louis XIII. 1617. La Reine fait affiéger Soiffons. Mottevih le, t. I , Le Maré* chal d'An ere eft  Louis XIII. 1617. tué , & fa femme emprifonnée.Shlly , t. a, p, 277- Mem. Ree. '■4,p. jo. /.£ Grain , />. 5S6. Dcageam , p. 41. Briennt, r. J ■ /• 71. 1 44 L'Intrigue ment pouvoit n'être que I'ouvrage d'une difgrace. Le Maréchal d'Ancre auroit été exilé ou empriibnné, & la Reine-Mere fe feroit trouvée privée, fans éclat, de la connoilfance des affaires. Mais Louis & fes confidents étoient timides, & la crainte des inconvénients, qui ne feroient peut-être pas arrivés , leur fit prendre un parti violent. Concini revenoit de Normandie, oü il faifoit de temps en temps desvoyages, & revenoit, dit le Roi dans la Déclaration qu'il donna contre la mémoire, pour éloigner de fa per"onne ce qui lui reftoit de fideles ferfiteurs, & le réduire fous une dure tutelle. II avoit été facile de perfuatët ces deiTeins outrés a un jeune 3rince qu'on épouvantoit, en faifant :rouver fous fa main, en différents mdroits de fon palais, des poignards, les poifons, & des billets qui 1'averiffoient de fe tenir fur fes gardes. Les nquiétudes qu'ils lui cauïerent, dé■angerent fa fanté. II fe rrouvoit fort -mbarraffé entre une mere , dont il :royoit n'être pas aimé, & des roerontents que cette mere lui repréfenoit comme des révoltés, mais qui lui  DU C A B I N E T. 45 faifoient parvenir fecretement les proteftations d'une foumiffion entiere; enfin, foit laffitude du joug maternel, foit efpérance de pacifier fon Royaume en un inftant, il fe laiffa arracher 1'ordre fatal. Le Lundi 24 Avril, le Maréchal d'Ancre entrant au Louvre pour le Confeil, Vitri 1'aboide, & lui demande fon épée. Concini fait un mouvement; on ne fait fi ce fut pour la rendre ou pour fe défendre : mais, dans 1'inftant, il recoit trois coups de pistolet , tombe, &c expire. La foule des clients qui 1'environnoient, fe difïipe : le Roi paroït fur fon balcon, pour autorifer cette action par fa préfence. Chacun s'emprefTe autour de lui, comme dans une réjouiflance publique : il recoit les félicitations de tout le monde ; & , pendant cette efpece de triomphe, on défarme les Gardes de fa mere, & on lui donne ceux de fon fils; on mure les portes qui communiquoient avec 1'appartement du Roi; & Léonore Galigaye, femme du Maréchal , efl arrêtée prefque fous les yeux de fa Maitreffe. Le refie de ce jour, les Courtifans Louis XIII. " 1617. Haine géïérale  Louis XIII. 1617. contre eux. U Grain , p. 1S2. Les mécontents«ie Soiflons fe rendent. 46 L lNTRlGUE 1'employerent a trouver des ridicules, des vices, des crimes a celui qu'ils adoroient la veille. Le lendemain, la populace donna un fpeclacle analogue k fon caraftere turbulent & féroce. Le corps du Maréchal avoit été jetté dans les latrines de la porte : il fut enterré le foir fecretement dans 1'Eglife de St. Germain-l'Auxerrois. Quelques perfonnes que la curiofité conduifoit, découvrirent le lieu de la fépulture. Le peuple s'y attroupe, exhume le cadavre, le traine dans les rues & dans les places publiques, le pend dans Tune, le démembre dans 1'autre. Quelques-uns pouffent la barbarie julqu'a le déchirer k belles dents, & mettre a 1'enchere des morceaux fanglants, qui trouverent des acheteurs. On lailfa ia multitude contenter une rage aveu"de, qui ne déplaifoit par aux auteurs de la catalbrophe, paree que ces excès perfuaderent au Roi qu'on avoit eu raifon de 1'engager a facrifier un homme fi dételïé. II en fut encore plus convaincu, quand il fut ce qui arriva a Soiffons, a la nouvelle de cette mort. Les conFédérés étoient avertis qu'il fe paffoit  DU C A B I N E T. 47 quelque chofe a la Cour: on prétend même que Louis leur avoit fait dire, que, fi ce qu'il méditoitne réuffiffoit pas, il fe retireroit a Compiegne, oü il les appelleroit auprès de lui. En effet, tous les équipages du Roi furent toute une matinée prêts a partir, & ceux qui étoient enfermés dans Soiffons , eurent, avant les affiégeants , nouvelle de ce qui fe paffoit au Louvre. Le foir du 24, ils en firent part a 1'armée du Comte d'Auvergne. Auffi-töt, fans pourparlers & fans conditions, toute apparence d'hoftilité cefla. Les chefs fe virent & fe traiterent. Les mécontents fe rendirent auprès du Roi, fans demander pardon ni fureté. Les anciens Miniftres, Sillery, Villeroy, Jeannin , Du Vair, revinrent auffi. Des nouveaux qui avoient été mis par le Maréchal d'Ancre , Barbin feul fut arrêté. Les autres fe retirerent d'eux - mêmes, excepté Richelieu, qui parut déterminé a partager Pinfortune de la Reine - Mere. On le foupconna dans la fuite d'avoir cherché , dans cette apparence de fidélité plutöt fes Louis XIII. 1617. Mém. ree. t.4,p. 6o. Mém. d'Eflrées , p. 236.  Louis XUl. 1617. Surprife Scchagrin de la Reine-Mere , qui eft exilée a Blois. (u- PPajfim. Avrigny , II, p. 222. Mémolrt A'Aubery , 1.1, jj.19. Mém. ree. t.4, p. 50. Caraftere du Maréchal. Mém. de Jiajfomp. & de la Régenct. 50 L'Intrigue Reine rentra dans fon appartement, fondant en larmes , fe jetta la tête enveloppée dans le fond de fon carrolTe, &partit. Le Roi la fuivit des yeux, avec 1'air fatisfait d'un enfant délivré de la férule d'un pédagogue importun, & donna le reiïe de la journée au plaifir. Ce ne fut pas la le dernier a£le da la tragédie. Eléonore Galigaye devoit k 1'univers 1'exemple d'une Favorite punie , pour s'être laiiTée entrainer au torrent de la fortune. Ni elle , ni fon mari, ne furent coupables de ces grands crimes , dont les ambitieux fe fervent quelquefois pour forcer les événements. Ils fe trouverent fur la voie des richelfes & des grandeurs; voie que leur ouvroit 1'amitié d'une Reine puilfante : ils y entrerent avec intrépidité , y marcherent avec confiance , & rencontrerent au bout la mort & 1'ignominie. II feroit injulie de croire le Maréchal d'Ancre tel que Font dépeint les Hiftoriens du temps. La plupart vendus au nouveau Gouvernement, ou emportés par les préjugés qu'on a toujours contre les malheureux , le pei-  du Cabine t. 51 gnent comme un caradtere noir, ca-' pable des plus grandes fcélératelfes : mais des hommes qui avoient vécu avec lui, le jugeant long-temps après fa mort, nous en donnent une idee toute autre ; idee qu'aucun fait notoire ne dement. BafTompierre & le Maréchal d'EItrées difent que Concini étoit un galant homme, d'un bon jugement, un cceur généreux, libéral jufqu'a la profulion, de bonne compagnie Sc d'un accès facile. Avant les troubles, il étoit aimé du peuple, auquel il donnoit des fpeöacles, des fêtes, des tournois, des carroufels , des courfes de bague , dans lefquelles il brilloit, paree qu'il étoit beau cavalier Sc adroit a tous les exercices. II jouoit beaucoup, mais noblement Sc fans paffion. II avoit 1'efprit folide Sc enjoué , & d'une tournure agréable (a). Sa converfation étoit pleine (ü) Le Marquis de Bonnivet, Flarnand »" étant prifonnier de guerre dans la Citadelle d'Amiens , dont Concini étoit Gouverneur, irnagina de paroitre malade , pour faire enfuite le mort, être emporté hors de la Citadelle , &fe fauver.. Concini, inftruit de ce C ij Louis XIII. 1617.  Louis XIII. 1617. Cava&ere rle la femme. deffein , va le voir. Le prifonnier prend le ton plaintif d'un homme accabfé par !a maladie, dit au Gouverneur qu'il fe fent attaqué mortellement , & que fans doute il le voit pour la demiere fois. Le Gouverneur entre dans fa peine , 1'interroge fur la nature de fa maladie: & n'en tirant Hen de fatisfaifant : » II feioit facheux, dit— il h Bonnivet, que vous mourufliez fous ma garde ; car, comme on fait pafier les Italiens en France pour de grands empoifonneurs , je ferois obligé de vous faire ouvrir". Cette plaifanterie, dit Siri, fut un excellent élixir pour le malade qui ne tarda p as a guérir. Voy. Mém. Ree. t. IV , p. 61. (V) H fe répandit alors un écrit, fans 52 L'Intrigue de faillies : naturellement bienfaifant, jamais il ne défobligea perfonne; de forte, dit Balfompierre, qu'en examinant Les circonjiances de fa mort, on ne peut Cattrïbuer qua, un mauvais dejlln. On ne fait pas le même éloge de fa femme : au contraire , amis & ennemis s'accordent a dire qu'elle étoit hautaine , infolente dans la profpérité , Sc fur-tout d'une avidité infatiable. Excepté cette foif de Tor, plus bruiante dans la Maréchale que dans fon mari (a) , Sc dont les effets ne  du Cabine t. 53 font k la Cour un crime que pour leï malheureux, on ne voit pas que ce doute dirigé contre le gouvernement de la Reine- m re & de Galigaye fa favorite , dans lequ*l on prétendoit montrer que les femmes font plus concuffionnaires que les hommes \ qu'en conféquence elles ne doivent pas être admifes au maniement des affaires. L'Auteur apportoit en preuve un fait qui fe lit dans Tacite. Annal. liv. 3 , chap. 33 & 34. 11 s'eleva , dit eet Hiftorien, une cor.teftjtion dans le Sénat fur cette queftion : «,'il falloit permettre que les Gouverneurs & Généraux menaffent leurs femmes arec eux. » Outre le luxe qui les rend avi3) des 3 dit Cecinna Severus , ce fexe n'eft j> pas feulemsnt délicat & timide , il eft s> crue!, ambitieux, dominant dès qu'il le j> peut. Si quelqu'un eft accufé de péculat, 3) fa femme eft toujours plus chargée que 3> lui. Sitot qu'elles mettent le pied dans >3 une Province, tout ce qu'il y a d'intri3> gants s'attache a elle. Elles entreprennent 33 des affaires, & les font réuffir. La Province 33 a deux Magiftrats pour un : il faut qu'elle s» entretienne doublé cortege , doublé Tri33 bunal; mais les volontés de la Gouver3» nante lont plus tyranniques & plus opinia133 tres que celle du Gouverneur ". Valerius Meflalinus parlant pour les femmes, ne nia aucune de ces conféquences ; il dit feulernsnt que c'étoit au mari a réprimer fon épouC iij Louis XIII. 1617.  Louis XIII. 1617. _ Accufation conne la Mare chale. Mém. Ree, t. Up. JC 64 L' I N T R I G U E naturelle d'Henri-le-Grand. Selon d*aittres, il fe refufa de lui-même a ce mariage , que Louis XIII defiroit, & préféra Mademoifelle de Rohan-Montbazon, qu'il aimoit. II trouva de grands avantages dans cette alliance : 1'appui d'une familie nombreufe, puilTante & intéreffée a le foutenir; larelTource d'un beau-pere politique & guerrier, aufTï propre au confeil qu'a 1'exécution; enfin, le concours d'une époufe adroite , quoique jeune , & qui , décorée du titre de Sur-Intendante de la Maifon de la Reine , prit aurant d'afcendant fur le mari que fur la femme. Pour Luynes, on ne peut avoir plus d'empire qu'il en acquit fur Ie foible Louis XIII, deftiné , dès ce moment, a être plutöt afiervi que gouverné par fes Minifires. Cet afferviffement étoit fi .vifible , qu'on en fit des railleries publiques (a). Aux railieries fuccéderent les murmures, La  DU C A B I N E T. 6<$ nation parut inquiete de fe voir fous la domination d'un jeune homme qui commencoit a concentrer en lui toute Fautorité; & ce fut autant pour calmerces inquiétudes, que pour décrier le gouvernement de la Reine-Mere, que Fon convoqua , avec grand appareil, une affemblée des Notables a Rouen pour la fin de 1'année. Elle fut compofée de tous les Ordres de FEtat, Princes, Eveques, Cardinaux, Maréchaux de France, Gentilshommes , Confeillers & Secretaires d'Etat, Préfidents, Procureurs-Généraux & Confeillers des Parlements, des Cours des Aydes & des Chambres des Comptes , Chanoines , Dodteurs de Sorbonne, préfidés par Monfieur, Frere du Roi, encore enfant, & par quatre Sous-Préfidents, les Cardinaux Du Perron & de la Rochefoucault, le Duc de Montbazon & le Maréchal de Brilfac. Tous ces Députés étoient choifis par la Cour, qui traga auffi a 1'affemblée Fordre des délibérations , & qui fixa pareillement les décifions, On préfenta un cahier de queftions, fur lefquelles, difoit-on, le Roi demandoit 1'avis des Notables. La pre« Louis XIU. 1617. AiTern» hlée des Notables. Mere. t. J p. 200.  l O U I ! xiii. 1617. 66 L'Intrigue miere étoit: Comment le Roi doit-il compofer fon Confeil ? On répondit unanimement: U Affemllèe croit ne pouvoir donner au Roi un meilleur avis, que de continuer Cordre du maniement de fes affaires fecretes, en la forme qu'il fait a prefent, & par l'avis & confeil des mêmesperfonnes quiy font employees. Ce point réglé, il femble qu'il étoit inutile d'en propofer d'autres , paree que le Confeil du Roi étant reconnu capable & fuffifant, il convenoit de s'en rapporter en tout a fa prudence. Cependant, foit pour la forme , foit pour autorifer le Miniftere, on fit encore d'autres quefHons : Quelles affaires doit-on attribuer au Confeil du Roi, & quelle forme doit-on fuivre en les traitant ? Faut-il diminuer les dépenfes de la Maifon du Roi, réduire les penfions, rendre plus rares les grarifications, les exemptions de taille, les ennobliflements ? Sur toutes ces quefHons, on décida pour 1'affirmative. Le Roi fut enfuite prié de ne plus rendre les Charges de fa Maifon, ni les Gouvernements; de n'accorder fur :es objets ni réferves, ni furvivances; ie ne nommer aux Abbayes & Prieti-  du Cabine t. 6j rés que des Réguliers ; de fournir les arfenaux, entretenir les fortifications, payer exaöement les troupes, protéger le commerce , ne point fouffrir que fes fujets ayent des correfpondances chez 1'étranger & en tirent des penfions, relfreindre le droit de Commitdmus, révoquer la Paulette, & óter la vénalité des Charges de Magiftrature. Tout cela fut propofé, difcuté & conclu en vingt-deux jours. L'Alfemblée fe fépara aiüïï-töt; &tout ce qui en réfulta, fut la liberté au Confeil du Roi, de gouverner fouverainement fous 1'autorifation de quelques Réglements équivoques, qu'il lui fut déformais permis d'interpréter felon fes befoins. II faut néanmoins avouer, a 1'honneur du Duc de Luynes , qu'il n'étoit pas homme a abufer de cette liberté. Le peuple auroit été tranquille & heureux fous fon miniftere , fi on avoit pu le fauver du contre-coup des cabales qui s'entrechoquoient a la Cour. Un prifonnier &c une exilée donnerent lieu aux premières divifions qui éclaterent. La Reine-Mere n'avoit pas plutöt été difgraciée, que les parti- Louis XIII. 1617. La Cour partagé entre la ReineMere 8c le Prince de Condé.  Louis XIII. 1618. Mém. ree, *■ 4 > p. 414. 68 L'Intrigue fans de Condé s'imaginerent qu'il alloit fortir de la Baftille plus puiffant que jamais, & il s'en flatta lui-même. C'étoit auffi tout ce qu'appréhendoit Marie de Médicis. Elle fit entendre au Confeil, que , fi on relachoit Condé , elle regarderoit cette indulgcnce précipitée , comme une improbation publiquedefon miniflere, & par conféquent comme le plus grand affront qu'on put lui faire: mais elle avoit encore un motif, peut-être plus puiffant, de redouter la liberté du Prince ; c'efr qu'elle trembloit qu'en le tirant de prifon, on n'eüt deffein de lui oppofer un ennemi intéreffé, par vengeance ou par crainte, a la tenir toujours éloignée. Le Duc de Luynes fe fervit quelque temps des efpérances & des craintes réciproques de Marie & de Condé, pour contenir 1'un par 1'autre. La Reine-Mere témoignoitelle s'ennuyer de fon exil, montroitelle trop grand defir de revenir a la Cour, & menagoit-elle de contraindre le Favori a la rappeller ? auffi-tót le Roi envoyoit vifiter le Prince de Condé, lui accordoit des adouciffements, & lui marquoit des égards,  du Cabine t. 69 qui faifoient croire qu'il alloit rentrer en grace. Si les partifans de celui-ci, a leur tour , exprimoient trop librement Pimpstience & le dépit qu'ils avoient de voir leurs efpérances fruftrées , on leur montroit Marie prête a reparoitre k la Cour ; & c'étoit annoncer au Prince une captiyité dont on ne pouvoit prévoir la fin : mais ce manege ne put pas tromper long-temps des courtilans exercés k démêler les rufes de la politique. II fut même propofé par quelques-uns d'entr'eux, indignés de voir la Reine & le Prince ainfi joués, de réconcilier Marie avec Condé, & de les faire agir de concert , pour forcer Louis XIII k éloigner fon Favori. Luynes , qui favoit ce qu'il avoit É craindre de la Reine, tenoit les yeux ouverts fur fa conduite , & prenoit routes les précautions poffibles , afin qu'elle ne lui échappat point , ou qu'elle ne put méditer une entreprife fans qu'il en fut aver• ti. Pour cela, il ne fouffroit auprès d'elle que des perfonnes gagnées, ou fufceptibles de 1'être. Marie s'en appercevoit, & les chaflbit honteufe- Louis XIII. Iólï. Plaintes de la Reine-Mere,  Louis XIII. 1618. 70 L'Intrigue ment. On en fubftituoit d'autres éga« lement corrompues , ou corruptibles , que la Reine congédioit encore ; mais il y avoit toujours quelqu'un de ces efpions qui fe déroboit k fa vigilance: de forte que la Cour étoit informée du détail le plus minucieux de fa vie, de fes pro jets, & des moyens qu'elle fe propofoit d'employer pour 1'exécution. En conféquence, plaintes de ,1a part du Roi, de ce que fa mere, qui pouvoit vivre tranquille avec des revenus, des honneurs & une puiffance convenables k fa dignité , entretenoit des liaifons fufpeftes, & s'occupoit de deffeins capables de troubler la tranquillité du Royaume. Réponfe de la mere, qui dénoncoit k toute la France la dure captivité dans laquelle elle étoit retenue, inveftie de troupes , entourée de domeftiques qu'on rendoit infideles, fans aucun pouvoir dans la Province qu'elle habiroit, & privée de la confolation de voir, du moins une feule fois, fon fils, k qui cependant elle vouloit communiquer des fecrets importants, qu'elle ne pouvoit faire paffer par le canal du Favori. Cette derniere confidération d'une me-  du Cabine t. 71 re qu'on tenoit captive , qu'on écartoit de fon fils, auquel elle avoit peutêtre des avis a donner, fit impreffion a la Cour & a la Ville. On difoit affez publiquement, qu'en effet le Roi étoit véritablement prifonnier, puifque le Duc de Luynes & fes freres 1'affiégeoient perpétuellement, & ne fouffroient pas que perfonne 1'approchat qu'eux ou leurs amis. Pour arrêter ce mécontentement dans fon principe , le Duc de Luynes tacha d'appaifer la Reine, ou dumoins de fufpendre fes plaintes. Si elle avoit voulu confent ir a fe retirer k Florence ; fi elle eut été femme a fe contenter de vivre dans quelque endroit du Royaume k fon choix, fans prétention au gouvernement, les richeffes, la puiffance, les honneurs, les égards de toute efpece lui auroient été prodigués: mais elle vouloit voir fon fils; elle vouloit le voir au plutöt, fans borner le temps du féjour qu'elle comptoit faire auprès de lui. On fentoit bien que eet empreffement n'étoit infpiré que par 1'efpérance de reprendre , dans une entrevue , 1'empire qu'elle avoit eu fur le jeune Monar- Louis Xïlf. »6iS. On 1'ap- paife. Mém. Brunntt t. l,p. 92. Mém. dt Dca^ant, 10.  Louis XIII. löiS. Faveur qu'il lui auroit procurée. (a) On voit ici le germe de la conduite de Richelieu a 1 égard de la Reine-Mere. II en avoit peut^être puife les principes dans les Mémoires de Deageant: celui-ci les compola k la Baftille par ordre de Richelieu, qui 72 L'lNTRIGUE que; de chafler d'auprès de lui les perfonnes qui pouvoient balancer fon crédit , & de gouverner plus fouverainement que jamais. II faut que 1'on connüt a Marie un caraclere bien opiniatre & bien vindicatif, pour que le Duc de Luynes, qui étoit doux & accommodant, n'ait olé la mettre a portée d'abufer contre lui de la faveur qu'il lui auroit procurée. Deageant, eonfident du Favori, lui confeilloit de ne la pas ménager; & puifqu'on ne pouvoit févir contre elle-même, de punir du moins exemplairement ceux de fes domeliiques & de fes partifans qui lui infpiroient des projets, & qui s'engageoient a 1'aider. II difoit que ce feroit le moyen de la fubjuguer elle-même par la crainte , & de lui öter, finon le defir, du moins le pou~ voir de mal faire, fimte de perfonnes qui la fecondalTent (a). Mais Luynes préféra  DU C A B I N E T. 73 préféra les voies de conciliation, & il en chargea le Duc de Montbazon, fon beau-pere, négociateur habile , qui échoua. Cadenet, fon frere, efprit fouple & infinuant, n'eut pas un meilïeur fuccès : c'eft qu'ils ne pouvoient employer auprès d'elle que des rai* fons politiques, contre lefquelles elle s'armoit de raifons pareilles, & fon opiniatreté la rendoit victorieufe. Enfin , on mit en campagne des Jéfuites &C des Oratoriens; fon Confefiéur & celui du Roi s'aboucherent. Ils prirent un renfort de Dofleurs & d'Evéques, &Z tous réunis , ils lui repréfenterent fi pathétiquement les malheurs que fon trop grand attachement a fa volonté alloit caufer a la France, malheurs dont elle feroit refponfable devant Dieu, qu'ils la firent confentir, non fans peine, a fe relacher de fes demandes. Le Roi écrivit donc a fa mere une qui lui avoit fait cbmander pour fon inflruction , 1'hiftoire des chofes dont il avoit eu connoiffance pendant qu'il étoit attaché au Duc de Luynes. Voyez Préface &. Mémoires de Deageant. Tome II, D Louis XIIL l6l3.  Louis XIII. 1618. Ouvertu re des clafles de; Jéfuites. Mere. t. 5 Mém. ree t.4, Ma thieu fils f. 92» 74 L'Intrigue lettre fort tendre, par laquelle il lui promettoit d'allcr la voir fi-töt que fes affaires le lui permettroient; ce qui né tarderoit pas : &c comme elle avoit témoigné quelque defir d'aller en pélerinage a Notre-Dame des Ardiliers prés Saumur , il 1'exhortoit k faire tel voyage que fa fanté ou fa dévotion exigeroient, lui declarant qu'elle étoit libre d'aller dans tous les endroits de fon Royaume. Elle répondit du même ffyle k fon fils, & lui dit qu'elle attendroit avec patience les effets de fa bonne volonté. Elle fit auffi affurer le Duc de Luynes de fon amitié. On régla piufieurs articles concernant fa maifon, fes revenus, fon autorité, tous a fa fatisfaction. Piufieurs Seigneurs eurent permiflion d'aller la faluer, & il s'établit entre les deux Cours une correfpondance qui avoit toutes les apparences de la liberté. Le concert des Oratoriens & des Jéfuites dans cette affaire, montra qu'il n'y avoit pas encore entre ces deux fociétés la divifion qui éclata depuis. ILes derniers étoient engagés dans i un combat contre 1'Univerfité de Pa-  du Cabine t. 75 fis, qui s'oppofoit a 1'ouverture de ïeurs Colleges. Le Parlement favorifoit PUniverfité; mais la Cour entiere étoit pour les Jéfuites; & malgré le nombre & le crédit de leurs adverfaires, ils recommencerent cette année a enfeigner publiquement. Leurs fuccès, qui firent alors & qui ont fait depuis tant de jaloux, ont peut-être contribué plus qu'on ne penl'e k entretenir dans PU* niverfité Pémulation, qui tourne toujours au profit des Sciences, quand elle ne dégénéré pas en cabales Le Duc de Luynes les fervit puiffamment en cette occafion. (a) A 1'ouverture du College de Clermont, il y eut pendant trois jours des Theles de Philofophie, foutenues en langue Grecque , & Mathieu fils fut le premier af» faillant. 11 fait a cette occafion la réflexion fuivante : N'en dèplaife a VUniverfui de Pafis , cette cèlebre Jouree de la Doclrine , fi je dis que le rètablijjcment des lecons au College des Jéfuites a fait naitre une fi noble émulation , que les plus endormis fe font èveillés s ~& les plus Idches fe font animés a cette courfe. Les nobles chevaux redoublent le galop quand ils en voyent d'autres qui les précédent ou qui lesfu'nent, Voyez Mathieu fils, p. 91. D ij Louis XIII. 161*.  Louis XIII. 1618. Luynes favorife le Clergé. il rend fa fortune folide. Mem. ree t. 4ip. 416. 76 L' Intrigue II appuya auffi le Clergé pour la reltitution des biens eccléliaftiques en Béarn. Quand la Religion Catholique fut détruite dans cette Province, on mit les biens que l Eglife poffédoit en féqueftre : ils y étoient reftés; &c lesEtats, le Parlement, les Communautés des Villes difpofoient des re» venus, tant pour le payement des Miniftres & des ProfefTeurs, que pour des réparations ou des embellilfements publics. Le Clergé demanda k rentrer dans les fonds dont il n'avoit jamais perdu la propriété. Louis XIII 1'accorda: il y eut dans la Province une réclamation prefque générale, rendue dangereufe par la réfiftance des Etats & du Parlement de Pau. Les Commiffaires que le Roi envoya, furent infultés , & ces mouvements eurentdes fuites funeftes k la tranquillité du Boyaume. Mais ces bruits trop éloignés ne retentiffoient que foiblement k la Cour : on s'y occupoit moins de craintes que de plaifirs. La jeune Reine danfoit; le Roi, ardent pour la chalfe, y donnoit tout le temps qu'il pouvoit déroher k la repréfentation , ou au peu  du Cabine t. 77 tl'afFaires dont il prenoit connoiffance. Toutrouloit fur le Duc de Luynes , qui s'appliquoit avec affiduité au gouvernement. Le Roi le payoit de fes travaux par des dignités aulfi honorables que lucratives. Déja le Favori avoit été gratifié de la connTcation des biens du Maréchal & de la Maréchale d'Ancre. Cette libéralité n'éprouva pas de contradiction en France; mais les Banques & les Montsde-Piéfé de Genes, de Venife, des Pays-Bas, d'Allemagne, de Florence & de Rome, fur lefquels les profcrits avoient placé plus de neuf cents mille écus, refuferent de fe defTaifir de leurs fonds. Les Souverains de ces Banques prirent leur défenfe , & foutinrent que la confifcation prononcée en France ne pouvoit donner aucun droit fur les biens fitués hors de ce Royaume; & que, puifqu'il ne fe préfentoit pas d'héritiers , ces biens appartenoient aux pauvres, au profit defquels ces Banques & ces Montsde-Piété avoient été établis. Les prétentions furent foutenues de part & d'autre , avec toutes les raifons , les fubterfuges & les détours de chicane t D Uj Louis XIII. 161S.  Louis XIII. 1618. II eft jaoufé. 78 L'Intrigue qu'un fi grand intérêt pouvoit fournir. Plufieurs fois on mit 1'affaire en arbitrage; on paria d'établir un Tribunal, qui prononceroit définitivement. Enfin , les parties s'accommoderent, comme il arrivé ordinaire ment quand on difpute furie bien d'autrui, avec envie Sc pouvoir de fe 1'approprier; c'eft-a-dire qu'elles le partagerent. Les différentes Banques rendirent plus ou moins , felon le plus ou moins d'égards qu'eurent leurs Souverains pour les follicitations & les menaces de la France, que le Duc de Luynes employoit. Pour lui, tirant de chaque cöté, il eut la plus forte part, qui lui fervit a acheter des terres , & a former, pour fa familie , de grands établiffements dans le Royaume.. Cette affaire dura plufieurs années; Sc comme elle intéreffoit des Souperains, elle fit, dans tout le monde, un éclat qui ne fut pas avanta^elix au Duc de Luynes. On dit Sc 3n écrivit que la condamnation du Vlaréchal d'Ancre n'avoit été pourfuifie avec tant de chaleur , que pour mtorifer la eonfifcation de fes biens.,  du Cabine t. 79 dont le Favori vouloit s'emparer. Quelques faifeurs de libelles furent punis trés - févérement ; mais leurs malignes infinuations ne furent pas détruites par les fupplices (• 3 . r 216. 84 L'Intrigue " étoit découvert, a porter fa tête fur un échafaud. II commence par quitter fecretement fon Abbaye, & fe rend auprès de Blois. II ctudie li bien les lieux& tesmoments, qu'il fe fait remarquer par la Reine, & vient k bout d'établir une correfpondance connue d'elle feule. Alors il lui fait parvenir un plan d'opcrations , qu'elle approuve. Sitöt qu'il a Ie confentement de la Reine , le négociateur affronte les neiges & les frimats de Décembre, & a travers les efpions femés fur fa route, tantöt a cheval, tantöt k pied , fouvent feul, prefque toujours de nuit, il fe rend de Blois a fon Abbaye , prend a peine le temps de s'y repofer, & repart pour Sedan. : Le Duc de Bouillon y vivoit dans ' une tranquillité apparente, éloigné de la Cour , qu'il fembloit dédaigner, fans liaifons avec la Reine-Mere, dont il n'avoit pas été content pendant qu'elle gouvernoit. C'eff pourquoi il marqua de 1'étonnement, quand Ruccelai lui propofa de fe mettre k la tête du parti qu'il formoit pour Marie. Au fond cependant Bouillon n'étoit pas faehé qu'on lui fournit l'occafïon de  du Cabine t, 85 fortir d'un repos qui lui pefbit, & qu'on le mit aux prifes avec la Cour, dont il n'affectoit de méprifer les fa- * veurs , que paree qu'il défefpéroit de les obtenir. II recut donc les ouvertures de 1'agent de la Reine , avec un malin plaifir; & la preuve qu'il fut flatté de la confianee, c'eft que , hors d'état, par fes propres forces, d'opérer un plein fuccès, il indiqua a Ruccelai celui qui pouvoit le procurer. II faut 1'entendre lui-même , pour favoir ce qu'étoient alors les grands Seigneurs. » Le feul, lui dit-il, ca» pable d'entreprendre ce que vous » defirez, elf le Duc d'Epernon. II » a cinq grands Gouvernements, trois » dans 1'intérieur du Royaume, la » Xaintonge , 1'Angoumois & le Li» moufin , Provinces oü il fe trouve » une multitude de Gentilshommes » aguerris, dévoués a leur Gouver» neur. Les deux autres grands Gou» vernements font les Trois-Evêchés » & le Boulonnois, fitués fur la frouj> tiere. Le premier le met a portee » de tirer des fecours d'Allemagne , » & le fecond, d'entreterir des liai» fons avec 1'Ar.gleterre. II eft auiH Louis XIII. 1618.  Louis xm. 161S. §"6 L' I K T R I G U E » Commandant ou Gouverneur da » plufieurs Villes particulieres; mais » entre les autres , celle qui peut être » confidérée comme la plus utile a » votre projet, elf la ville de Loches:: » elle tient a la Touraine, ert peu » éloignée du Bléfois ; voifinage qui » feroit très-commode pour facihter » 1'évafion de la Reine. Le Duc d'Er » pernon, a cette grande puilfance r » joint des revenus confidérables, des » richelfes acquifes, qui forment un » gros tréfcu?, & la Charge de Colo» nel-Général de 1'Infanterie Fran» ?oife, qui met habituellement fous » fes ordres fept k huit mille hom» mes les mieux difciplinés du Royau» me; enfin, il a plufieurs enfants jeu» nes & vigoureux , très-capables de » le feconder, & il jouit d'une ré» putation de prudence, de fermeté » & de prévoyance fi bien établie , » qu'auffi-töt qu'il aura levé 1'étendard, » une foule de mécontents de tous » états viendront groffir fon partü » Sous Hmri-k-Grand , il avoit trouvi y> fonmaitrcy ck un maitre qu'il efti» moit; de forte qu'après quelques » tentatives inutiles pour fe donner  B V C A B I N E T. t paffe-droits & des affronts. II n'aiv me pas non plus le Roi; il a ofé » braver le Favori, en reftant k la » Cour prefque malgré lui, & en fe » retirant , quand les ordres lui ont » été donnés, avec un appareil qui » tenoit de 1'infulte. Peu s'en eft fallu » que le jeune Monarqvie piqué ne » Lait fait arrêter; & 1'orgueilleux » vieillard en conferve un relfentiment » qui le rend capable de tout. Partez » donc pour Metz , oii il a fixé. » fa réfidence. Si vous favez flatter » fon amour-propre , entrer dans fes » idéés, ne point contrarier fon ca» ractere opiniatre , & fur - tout fi. » vous lui plaifez, il n'y a rien que LouisXIII.161S.  Louis XIII. 1618. 1 ] < i (a) Le Marqüis de Rouülac , neveu d'Epernon, avoit fait donncr des coups de baton a 1'Abbé , pour une raifon qn'ori ignore , mais que Siri fuppofe une galanterie. L'Abbé avoit voulu s'en venger, & avoit réuflï a faire quelque peine a Epernon. Par-la il s etoit attiré la haine du Djc & de toute fa Limille. Vay. Mém. ree. torn. V, g. ^65, L' I N T R I G V E » vous ne puifïlez vous en promet» tre ". Lui plaire , c'étoit précifément ce dont Ruccelai ne pouvoit pas fe flatter. II avoit eu lui-même un différend très-vif avec Epernon (a); & quoiqu'il fut le maltraité, il appréhendoit que ce Seigneur n'en eut confervé un reffentiment qui rendroit peut-être fes avances inutiles. Cependant il fe détermina k tenter Paventure, feulement ïyëc la précaution de fe faire précéier par un nommé Vincent Louis, mïreföis Secretaire du Maréchal d'An:re, qu'il avoit recu dans fon Abbaye le Signy, en fortant de prifon. Arri/é k Metz, Vincent, fans fe montrer, ait appelier k fon auberge Pleflis, ju'il connoiffoit pour un des princi>aiix confidents du Gouverneur. Ce-  DU C A B I N E T. 89 lui-ci, crainte de furprife, mene avec lui Cadillac, autre confident; ils écoutent attentivement 1'émiflaire de Ruccelai, & rapportent au Duc le fiijet de la converfation. Celui-ci en confere avec les deux fils qu'il avoit auprès de lui, le Marquis de la Valette & 1'Archevêque de Touloufe. I!s concluent,dans leur confeil, d'examiner plus mürement les propofitions de Vincent. Epernon 1'entend lui-même dans 1'Abbaye de St. Vincent de Metz, 0*1 il lui avoit donné rendez-vous. Le plan n'étoit pas bien digéré; mais on entrevoyoit dans ce chaos affez de moyens pour rendre Pentreprife fufceptible d'exécution. Epernon chargea Vincent de lui rapporter des éclairciffements fur le nombre & la qualité des partifans que la Reine fe prometmettoit, fur les fommes qu'elle tenoit prêtes , & fur les autres expédients qu'elle comptoit employer. Ruccelai voyant 1'affaire a ce point, foit qu'il ne voulüt pas laiffer 1'honneur de la conclufion k un négociateur fubalterne, foit qu'il y eut de difficultés qui ne pouvoient être applanies que par lui-même, fe déter Louis XIII. 1618. 1619. Rucceü réullit.  Louis XIII. 1619. : < J j I 1 t f v c tl f< Epernon fe prépare 00 L'Intrigue mine a affronter la haine d'Epernon, & k traiter directement avec lui. II part pour Metz, s'arrête a Pont-a-Moulins, village prés de la ville, & fe fait annoncer. L'emportement du Gouverneur fut extreme, quand il apprit que fon fecret étoit entre les mains d'un Italien offenfé. II voulut, dans le premier mouvement, 1'envoyer arrêter, s'en défaire, ou du moins le retenir en prifon , jufqu'a ce qu'il n'eüt plus rien a craindre de fon indifcrétion ou ie fa vengeance. Ruccelai, fans fe dé~ :oncerter, repréfente que ce feroit k 'ui, qui avoit été infulté, k avoir du reifentiment;que cependant il fe faxifie au fuccès d'un projet utile pour a France, & honorable peur Eperïon; & que, plein de confiance en fa [énérofite, il n'a pas héfité k venir fe iyrer k lui, fans conditions ni füreés. Cette derniere raifon fait imprefon fur le Duc, dont elle flattoit la anité. II recoit Ruccelai avec dou;ur, & le fait cacher dans un appar:ment écarté , oü le Gouverneur & ■s enfants alloient plufieurs heures par >ur conférer avec lui.. On ignore ce qui fe paffa dans ce  DU C A B I N E T. 9Ï Comité fecret, Sans doute Ruccelai fuivit k la lettre les confeils de Bouillon ; il fafcina , par fes flatteries, les yeux du fier Epernon, & 1'étourdit fur le danger, ou lui fit envifager comme reflburces, des conjedtures fort incertaines. La Reine promettoit 1'intervention des Montmorenci, de la Maifon de Lorraine, du Grand-Ecuyer, du Duc de Bouillon, & de plufieurs autres mécontents. Mais cette promeffe n'étoit appuyée que fur des démonftrations d'attachement bien vagues &c bien incertaines. Cependant le Duc s'en contenta; & comme s'il eut été aifuré de leur réfolution a partager le péril, il leur marqua la diverfion qu'ils devoient faire pour embarraflér la Cour, quand il auroit joint la Reine, Puis, fans autres précautions, il fe prépara k foulever la France , au ha» fard d'attirer fur lui tout le poids de la puiflance Royale, èk d'en être écrafé. Pendantquinze jours, il fortit tous les matins de Metz, tantöt par une porte, tantöt par une autre , quelquefois avec une partie de fa garnifoji % plus fouveut avec fa maifon Louis XIII. 1619. a délivrer la Reine» Aubcry. Mém. t.1 > v- 135; Mere. t. J 6- 6; Artigni, t. I f. 25° » Gramond 3 p. 216, II fe met en route„  Louis XIII. 1619. 91 L'Intrigue des bagages. II accoutuma ainfi les habitants a voir des chofes extraordinaires, fans s'en émouvoir. S'il y avoit dans la ville des efpions de la Couril leur donnoit le change par fes allées & venues; &c toujours en fulpens , ils n'ofoient envoyer des nouvelles allarmantes. Epernon mettoit aufii par-la fes gens & fes chevaux en haleine. Pendant ce temps, on vifitoitles chemins, on fondoit les més, &c on diftribuoit des relais fur la route. Le iyFévrier, ilécrivitau Roi pour lui demander permiffion d'aller dans fes Gouvernements de Xaintonge & d'Angoulême, ou il difoit fa préfence néceflaire. II fuppofoit qu'on croiroit a la Coiir, qu'il ne quitteroit pas Metz fans attendre la réponfe, & que cette perfuafion retarderoit les mefures qu'on pourroit prendre pour 1'arrêter. Le 18, 1'Archevêque de Tóuloufe dit publiquement, que les penfions de fon pere étant diminuées, il avoit befoin de rivre avec économie; qu'il alloit la pratiquer dans les terres de fa familie; Sc il partit enfin le 21 au foir. Les ^ortes de la ville étant fermées. Le  DU C A B I N E T. 93 Gouverneur aflémble fon monde, ik. '• donne 1'ordre pour le départ, le lendemain de trés-grand matin. II diftribue a quinze Gentilshommes de fes plus affidés une groffe fomme en or , avec ordre de ne le jamais quitter. On placa fur la croupe d'un cheval vigoureux , monté par un valct, la caïfette des bijoux; quinze muiets por» toient le bagage; & la troupe, compofée en tout de cent cavaliers armés de piftolets & de carabines , tous bien montés Sc bien réfolus, fe mit en marche. Le Marquis de la Valette fut laifTé a Metz, dont le Gouvernement de-* mandoit un homme actif & vigilant. II ferma les portes derrière fon pere, & les tint clofes pendant trois jours, II redoubla les gardes fur les remparts , & fit des rondes fréquentes, pour empêcher qui que ce foit de s'é chapper , & de donner des nouvelle: au-dehors, & envoya fur le chemir de Paris des patrouilles, avec ordn d'arrêter tous les voyageurs qid al loient de ce cöté. A 1'aide de ces pré cautions , le Duc d'Epernon prit hai diment fon chemin par les routes le Louis XIU. 1Ó19» l S  Louis XIII. 1619. Aventure •ie De Lorme. Mém. ree. *• 4, p. 577. 94 L'Intrigue plus ordinaires de la Champagne , de la Bourgogne , du Nivernois , du Berry, qu'il traverfa fans obltacles» II faifoit par jour dix lieues d'une traite, quoique ce fut la faifon la plus rigoureufe de 1'année : le temps fe trouva très-beau; & comme 1'au* tomne avoit été fee , les rivieres étoient balTes, & les gués faciles. On n'eut que quelques lcgeres allarmes, ■occafionnées par des rencontres fortuites de commercants, ou d'autres perfonnes qui voyageoient en troupe pour leurs propres affaires. Cependant Epernon ne ceffa de craindre que quand il fe vit a Confolant, ville limitrophe du Poitou, oü fon fils 1'Archevêque de Touloufe vint le recevoir a la tête de 300 Gentilshommes. II comptoit trouver des nouvelles de la Reine , & il en auroit regu en effet, fans un accident qui auroit dü le perdre , mais qui, par le plus heureux hafard , n'eut aucune fuite. Ruccelai ne fut pas plutöt fur des arrangements, qu'il les écrivit a la Reine , 5c chargea de fes lettres un nommé De Lorme, dont il s'étoit fervi dans I'autres affaires. De Lorme étoit jeu-  du Casïnèt. 95 fte , & vouloit faire fortune. Aux promeffes que lui fit Ruccelai d'une bonne récompenfe, il jugea que les paquets qu'on lui confioit étoient importants , & il fe flatta de tirer meilleur parti de la Cour. Dans cette efpérance , il gagne Paris, & demande a être prélènté au Duc de Luynes ; mais on le prend pour un intrigant, qui vient excroquer quelque argent, & on le laiffe trois jours fe morfondre dans les anti-chambres. Un Confeiller au Parlement, nommé Du Buiffon, très-attaché a la Reine-Mere tk au Duc d'Epernon , eft averti par un laquais, que De Lorme eft a Paris. Surpris qu'il ne foit pas venu le voir, felon fa coutume, il le fait chercher, & découvre qu'il fréquente 1'hötel de Luynes. Du Buiffon fe douta alors de quelque trahifon; il apofte une perfonne qui fe dit envöyée par le Duc de Luynes, pour 1'entendre, lui compte joo ecus, & s'empare des dépêches, dont Luynes, mieux fervi , auroit pu tirer des lumieres pour diriger fa conduite dans cette affaire, & peutêtre des moyens pour 1'arrêter dans fon principe. Louis XM. i'ji.;.  touis XIII. 1619. La Rein fe fauve dc Blois 96 L' Intrigue II h'eft donc pas étonnant que la Reine ne donnat aucun figne de confentement. Epernon, qui ignoroit la raifon de Ion lilence , fe crut trahi. II auroit bien voulu pouvoir retourner fur fes pas; mais il s'étoit ferme le chemin, par une lettre qu'il avoit écrite au Roi, le 7 Février, du Pont de Vichy, après avoir paffe la Loire. Elle fervoit de réponfe aplufieurs autres que le Minifffe lui avoit écrites dans lefquelles il recommandoit au Duc de ne point quitter Metz, oü il étoit néceffaire pour la correfpondance d'Aüemagne. Epernon mandoit au jeune Monarque, qu'il ne pouvoit croire que Sa Majefté ne voulüt employer un vieux ferviteur comme lui, qu'a recevoir ou a lui faire paffer des dépêches ; qu'il pouvoit lui être beaucoup plus utile dans fes GouVernements de 1'intérieur du Royaume , oü il favoit qu'il y avoit beaucoup de mécontents prêts i éclater contre la mauvaife adminiffration, & qu'il alloit les contenir s'il pouvoit. II finiffoit par la formule ordinaire de proteftation de fidélité. : Cette lettre fut une des premières nouv elles  du Cabine t. 97 nouvelles qu'eut la Cour de 1'entreprife du Duc d'Epernon. On auroit encore pu la faire échouer, fi on fe fut conduit d'après ce principe , qu'il vaut mieux prendre des mefures tardives, que de n'en pas prendre du tout : mais on fuppofa qu'il feroit inutile de donner des ordres, paree que fans doute la Reine étoit déja echappée. A Angoulême, au contraire , oü Epernon s'étoit retiré, on préfumoit que la Cour n'avoit eu garde de refter dans l'inaction, & que certainement elle avoit renforcé la garde de la Reine; de forte qu'il paroif foit auffi difficile que périlleux de chercher a favoir ce qui fe paffoit a Blois. Cependant Cadillac, confident du Duc, fe chargea de la commiffion. Comme la Reine n'étoit pas prévenue, il eut de la peine a lui faire favoir fon arrivée : mais fitöt qu'elle en fut informée , elle 1'admit k fon audience , & prit fur le champ la réfolution d'aller joindre ceux qui s'expofoient pour elle. Le Comte de Brienne , fon premier Ecuyer, mis auprès d'elle de la part tenu les paroles qu'on lui avoit dony> nées; &, quand on les auroit te» mies, quand elle auroit tort, il » eit plus qu'indécent a un fils de » pourfuivre fa mere a main armée. » Une pareille guerre ne peut être que » malheureufe; la nature y répugne , „ la religion la réprouve , & les fol* » dats ne s'y prêteront qu'avec la plus » grande répugnance ". Ces propos fe tenoient publiquement a la Ville & a la Cour. Les Prédicateurs , dans les chaires, triomphoient fur les charmes de la paix dans les families, & fur les avantages de 1'union dans la maifon Royale. Quelque entouré que fut le jeune Monarque , & pour ainfi dire , gardé a vue par les Luynes , on trouvoit moyen de lui faire parvenir ces difE iij Louis XUI. 1619.  Louis XIII. 1619. Elle tient bon. Stdly, t. 2, p. 2S1. 102 L'Intrïgue cours, & il montroit un grand defir que cette brouillerie fe terminat fans violence. Le Favori trouvoit auffi des oblfacles k fes pro jets de vengeance, dans les intéréts des Courtifans. Ceux même qui n'aimoient pas Epernon, ne vouloient pas fa ruine , qui auroit augmenté la puiffance de Luynes. Les uns ne faifoient que lentement les levées dont ils étoient chargés , les autres s'y oppofoient fourdemenr. II arriva même que le Roi étant prêt de s'emparer de Metz, par une fecrete intelligence, la Valette, qui y commandoit pour fon pere, en fut averti par quelqu'un du Confeil même, & 1'entreprife échoua. On fit auffi remuer la faöion de Condé, qui alternativement pria & menaca ; enfin , toute la Cour fe remplit de cabales. Inflruit, par fon expérience , de 1'embarras que la diverfité d'intérêts mettoit dans les affaires , Luynes employa ce même moyen contre fes adverfaires. II fema ou fomenta des divifions dans la Cour de la Reine. Avec de 1'argent, des promeffes, des marqués flatteufes de confiance, il fut aifé -  B U C A B I N E T. 103 de gagner les principaux domeftiques de cette Princeffe , qui 1'avoient fuivie. Par leur canal, on fit pafler jufqu'a elle les fentiments qu'on vouloit lui infpirer. Le Miniflre fut un moment a fe flatter de lui faire abandonner d'Epernon : elle en étoit vivement preffée par Ruccelai , qui, foit déférence aux infinuations de la Cour, foit retour de 1'ancienne antipathie, s'étoit de nouveau brouillé avec le Duc. II confeilla nettement a la Reine de le ficrifier, 6c lui fit voir les plus grands avantages , fi elle avoit cette complaifance. Si au contraire elle fe montroit trop opiniatre, les mefures, lui dit-il , étoient prifes pour la reléguer a Florence le refle de fes jours: on tireroit Condé de prifon, 6c ce feroit lui qui deviendroit 1'exécuteur des ordres rigoureux qui feroient donnés contre elle. Ces menaces n'ébranlerent pas Marie; elle répondit conftamment qu'elle attendroit les dernieres extrémités : mais au moment que tout paroiffoit défefpéré, la préfence d'un feul homme ramena la paix, qu'on croyoit fi éloignée. E iv Louis XIIL 1619.  Loui XIII. 1619. Rappe: de Richelieu. Mém. ree, 4, p. J93. Mém. dt Dea- geant, p. 103 & 114. Aubcry. W° p. 17. (a) On dit que Richelieu , nommé a I'Evêché de Lucon , n'ayant pas 1'age pour être facié , & craignant apparemment de ne pouVoir obtenir une difpenfe , préfenta 1'extrait baptiiraire d'un de fes freres plus agé que lui , qui étoit mort. II fut facré fur ce faux expofé , & la rufe fe découvrit trop tard. Mém. d'Auhcry , t, 1, depuis la page 37 juf* 57° 104 L'Intrigue '. Richelieu languiiToit a Avignon 7. oii le Pape Paul V ne le fouffroit qu'a regret. Ce Pontife 1'avoit vu a Rome : on dit qu'il en avoit été trompé (a), & qu'il le regardoit comme un intrigant dangereux. L'embarras ou 1'Evêque de Lucon favoit qu'étoit la Cour, lui donna Keu de conjecfurer que fes fervices pourroienl n'être pas rejettés. II les fit offrir par le Marquis de Pont-Courlai, fon coufin; on les accepta, & il reent permilHon de fe rendre auprès de la Reine. Avant que le Prélat arrivat a Angoulême , ce myitere de Cour fut ébruité par 1'indifcrétion du Roi. II demanda publiquement au Marquis de Villeroy, fi le Seigneur dAlincour, fonpere > Gouverneur du Lyonnois,  du Cabine t. 105 étoit aflèz bien fervi dans fon Gouvernement , pour être fur d'y découvrir & arrêter 1'Evêque de Lucon, qui devoit y paffer incognito. Villeroy écrivit fur le champ a fon pere : celui-ci mit tant d'efpions en campagne', qu'il furprit Richelieu; & quoique le Prélat eut un paffe-port en bonne forme , il le retint a Lyon, mais avec toute forte d'égards. Le Roi, qui n'avoit voulu que plaifanter, &c qui avoit cru que 1'Evêque feroit paffé , quand d'Alincour en auroit la nouvelle , ne fut pas plutöt fa détention, qu'il envoya ordre de lui buffer continuer fa route. Cette aventure devoila la collufion de Richelieu avec la Cour. Son déhut auprès de la Reine fut trés-prudent. II ne fe préfenta pas en important, qui, fier de la confiance des deux partis , prétend fe rendre le centre des affaires, 1'organe des moyens, & le conciliateur exclufif. II écouta tout le monde , ne parut defirer au~ cun avantage, aucune prééminence fur les habitants de cette Cour, tant anciens que nouveaux. II fe fit introduire auprès de la Reine par le Duc E v Lom; XIII. 1619,  Louis XIII. 1619. Sa négociation & celle de Béthunes. Mém. Ree. '■ 4 , p. 593- 106 L'Intrigue d'Epernon lui-même , affecta de rechercher fon eftime & fon amitié, & dit qu'il ne vouloit devoir qu'a lui Ia bienveillance de la Princelte. Cette déférence gagna tous les cceurs k Richelieu , & difpofa les efprits a la perfuafion. II avoit été précédé, dans ce miniftere de paix, par le Marquis de Béthunes , dont la négociation , telle qu'on la voit dans Siri, eft un chefd'ceuvre de circonfpedlion, de refpedt, de prudence, reünies k la plus grande probitê. En arrivant auprès de Marie , il la trouva aigrie contre fon fils, déchainée contre le Favori, outrée contre les Miniftres, menacant de faire publier des manifeftes, & de faire retentir fes plaintes par toute la France. Béthunes calma ces premiers tranfports , en remontrant a. la Reine , que , dans la circonftance de fon évafion de Blois, le Roi n'avoit pas pu agir avec plus d'égards & plus de ménagements pour elle , puifqu'a une lettre dure & menacante de fa mere, il s'étoit contenté de répondre , qu'apparemment elle avoit été enlevée malgré elle, que fans doute  du Cabine t. 107 elle n'étoit pas libre, & qu'il puniroit les auteurs de cette violence; que , fi on avoit autorifé les troupes a ufer des droits de la guerre contre la ville d'Uzerche, c'étoit moins pour la chagriner, que pour contenir par la crainte ceux qui voudroient remuer. Peut-être, lui diioit-il , ave^-vous de jujlts fujets de mèconuntenient; mais, en bonnepoütique ,vous deve^ oublierle paffe', ou ne rappeller les torts quon a pu avoir avec vous , que pour vous procurer un iraitement conforme a vos dejïrs. Pendant qu'il adoucilToit ainfi d'un cöté, Béthunes modéroit de 1'autre les réfolutions de la Cour, oü il favoit que le dépit fuggéreroit des projets violents. S'il ne fut pas écouté en tout, du moins peut-on préfumer que fes exhortations pacifiques arrêterent de plus grands excès. Siri lui fuppofe encore le mérite rare dans un négociateur, de n'avoir pas répugné de partager avec un autre 1'honneur de la réulfite, & d'avoir lui-même demandé un fecond ; ce qui détermina la Cour r accepter les offres de Richelieu. Ces deux hommes réunis abattirent le Duc d'Epernon, que fon intrépiE vj Louis XIII. 1619. Emban-HS i'Epcr- ïon  Louis XIII. 1619. 1 j I 108 L'Intrigue lité foutenoit contre le clanger de fa pofition, quoiqu'il en connüt tout le rifque.. Afin de 1'attirer dans cette entreprife, on lui avoit promis que les peuples mécontents éclateroient; que les Parlements interviendroient par les remontrances; que les Huguenots prendroient les armes; que lesfactions de la Cour, les partifans de Condé, :eux de la Reine, fe réuniroient pour létruire le Favori dans 1'efprit du Roi % k. embarraffer le Miniftere. On lui ivoit fait routes ces promeffes, & au:une ne fe réalifoit. Perfonne ne renuoit: il trouvoit affez de confeillers,, l'entremetteurs, d'efpions même, qui ui donnoient avis des delTeins de la Üour, mais aucun aide, aucun fecours, meun allié affez fidelle, affez géné■eux pour diminuer fon péril en le jartageant. II luttoit donc contre tou:es les forces du Royaume, avec le éul appui de la Reine; appui qui pouvoit d'un moment k 1'autre lui mannier, foit par défaut de fermeté dans a Princeffe, foit par fon impuiffance» Dans eet état, il n'étoit pas queftion le prétendre impofer Ia loi; il devoit i'eftimer heureux de fubir la moins  D U C A B r N E T. 109 dure qu'il feroit poffible. C'elt ce que ■ lui firent entendre les deux conciiiateurs: ils lui confeillerent de ne pas fuivre les avis imprudents ou perfides de ceux qui lui difoient qu'il falloit brufquer la Cour, & inftruire tout le Royaume de fes griefs; qu'il devoit, au contraire r mettre la plus grande modération dans fes difcours, fur-tout ne point paroitre adopter les idees de la Reine-Mere contre le Gouvernement; enfin, dire feulement qu'il n'avoit eu d'autre intention que de mettre la mere en liberté de s'expliquer avec fon fils, & qu'il feroit fatisfait fi-töt qu'elle feroit contente, Ces préliminaires établis, les négociateurs s'occuperent des prétentions de Marie , qu'ils tacherent de faire cadrer avec celles de la Cour; puis ils revinrent au Duc d'Epernon, dont 1'accommodement faifoit partie effentielle de celui de la Reine, Le Miniftere auroit bien voulu en faire un exemple. On ne parloit pas moins que de le livrer a la Juftice, & de le faire punir comme criminel de lefe-Majefté; ce qui auroit entrainé, finon la perte de la vie, du Louis XIIL 1619. II eftforcé de fléchir.  Loui XIII. 1619. 110 L'Intrigue * moins celle des charges, & la confiication des biens. Les négociateurs remontrerent, que, puifque 1'on faifoit tant que de donner les mains a un traité, il ne devoit plus être queftion de punitions ruineufes ou flétriffantes. Ils propoferent, a 1'égard du Duc, un oubli total de ce qui s'étoit paiTé, fous la réferve que de quelque temps il ne paroïtroit pas devant le Roi, qu'il avoit bravé. Mais Epernon ne s'accommoda pas d'un filence , qui 1'auroit perpétuellement Iaiffé fous la main de la Loi. Comme il y avoit eu des Déclarations, des Lettres &c autres aéles publics émanés du Tröne, dans lefquels il étoit noté, il en vouloit un dérivé de la même puilfance , & auffi authentique, qui le déchargeat de toute accufation , & le mit en füreté pour toujours. Le Roi offrit des Lettres d'abolition ; le mot feul révolta le Duc : mais le Monarque le familiarifa avec la chofe même, en venant jufqu'a Orléans avec un fort détachement, qu'il faifoit fuivre de prés par d'autres troupes. Epernon comprit alors qu'il n'étoit pas de la dignité d'un Roi de France,  du Cabine t. in de louer, a la face de fon Royaume, une adtion qu'on favoit lui avoir déplu , &c de préconifer, comme fon plus fidele fuj et, celui qui s'étoit porté k eet excès de témérité: c'étoit affez qu'on ménageat fi bien les termes, que la faute du Duc parut diminuée par 1'intention. Cela s'exécuta dans des Lettres-Parentes, portant abolition , qui furent données en Juin, & enfuite enregiftrées au Parlement. Ainfi Epernon eut le chagrin de fe voir taché d'un pardon, qui fuppofoit une faute. Cette entreprife le fit beaucoup décheoir dans 1'opinion du public , de fon ancienne réputation de fagacité & de prudence. II y perdit plus de deux cents mille écus (M- 114 L'Intrigue Lorfqu'il y fut arrivé, on s'occupa du foin de terminer l'affaire de Condé. Depuis trois ans , ce Prince , dont les fautes n'étoient pas claires pour tout le monde , languiiToit en prifon. Les Grands commencoient a murmurer de cette longue captivité : Ie Miniftere favoit auffi qu'il y avoit eu récemment des intrigues pour lier le prifonnier avec la Reine - Mere, & obtenir par elle fon élargiffement. Enfin, on lui avoit promis de fonger a lui, quand les embarras fufcités par cette Princeffe feroient finis. On fe détermina donc a le relacher, & la Cour ne crut pas devoir faire la grace a demi. Outre les bonnes manieres qui précéderent fon élargiffement , comme la permiffion de voir fes amis, & des vifites de la part du Roi, Luynes alla lui-même le tirer de Vincennes, le zo Novembre; & le 16 , il parut une déclaration du Roi, la plus avantageufe que ce Prince put ieïirer. Après un préambule, dans lequel 3n remuoit encore les cendres du Maréchal d'Ancre & de fa femme, fous Ie nom de mauvais Minijlres, qui  du Cabine t. 115 vouloient tout perdre; outre les maux qu'ils ont faits a la France, un des plus grands , dit le Monarque , a été l'arrêt & la dit ention de notre très-cher amé coufin le Prince de Condé. II ajoutoit que la chofe lui ayant paru affez importante pour 1'examiner par luimême , il n'avoit rien trouvé dans les accufations formées contre lui, finon les artifices & mauvais dejfeins de ceux qui vouloient joindre a la tuine de fon Etat celie de fondit coufin. Cette déclaration fi honorable au Prince, fut un fujet de mécontentement pour la Reine-Mere, qui crut y voir une improbation marquée de fon gouvernement. Elle s'en plaignit hautement, ainfi que des manques d'égards, des graces refulées k ceux qu'elle aimoit. ou accordées a ceux qui ne 1'aimoienl pas, expres, difoit-elle, pour la mortifier. Le chagrin le plus fenfible qu'elle eut en ce genre , fut 1'accueil favora ble que trouverent k la Cour de for fils plufieurs de fes anciens partifans dont elle croyoit avoir fujet de f< plaindre. On fait les fervices que lu avoit rendus 1'Abbé de Ruccelai, fet Louis XUI. 1619. 1 Changement dans ' la Maifo» 1 de la Reine.> Mém. Ree» ■ '■ 4, p. [634.  Louis XIII. 1619. j i I < i 1 1 £ t t a r ï 116 L'Intrigue vices effentiels, par lefquels il avoit hafardé fa fortune & fa vie. Peut-être en prétendit-il une récompenfe trop confidérable; peut-être auffi que, üer d'avoir été néceffaire, il voulut eontinuer de 1'être, & entrer dansle fecret des affaires : enfin , que ce fut fa faute ou celle de la Reine , a qui la reconnoiffancepouvoit pefer, chofe qui n'elf pas extraordinaire dhez les Grands, il commenea a dépfaii-e, & s'en apperfut. Ce revers arriva dans le temps qu'il avoit le plus grand befoin de proteclion. La Cour ayant ;té forcée de facrifier au bien de Ia jaixfon reffentiment contre les grandsj nédkoit de 1'appefantir fur les petits jui s'étoient mêlés de 1'intrigue. Ruc:elai parut propre a fervir d'exemple.. 3n porte plainte a Rome de fes liaions avec le Duc de Bouillon & d'aures Huguenots. Le deffein étoit de m faire fon procés, &c de parvenir ■11 moins a le priver de fon Abbaye ■e Signy, &des Prieurés qu'il pofféoit. Le Nonce du Pape en France ppuyoitl'accufation, flatté del'efpéance d'obtenir quelque dépouille, :uccelai fentit que , s'Ü laiffoitcom-  du Cabine t. 117 meneer les procédures , le moins qui put lui arriver, feroit d'avoir beaucoup de peines & de chagrins , &c peut-être de lailTer quelques-uns de fes bénéfices dans un accommodement forcé. II prit la réfolution la plus fage ; favoir de s'accommoder avec le plus fort. Le Marquis de Moni, Ecuyer de la Reine-Mere, parti mécontent d'auprès d'elle , & bien recu a la Cour, y ménagea le retour de Ruccelai, qui fut bien recu auffi , au grand étonnement de Marie, qui croyoit que jamais on ne lui pardonneroit ce qu'il avoit fait pour elle. Mais elle ignoroit que le Confeil de fon fils avoit plus de part qu'elle-même k tout ce qui fe paffoit dans fa Cour. On a vu que Richelieu n'étoit retourné auprès d'elle qu'avec 1'agrément du Roi, Sc fans doute fous la condition de faire entrer fa maitreffe dans les vues de fon fils. II repréfenta qu'il ne pouvoit remplir fes engagements, qu'autant qu'il ne refteroit perfonne auprès d'elle , capable de contredire fes avis. C'efr pour cela qu'on eut foin de faire paffer routes les propofitions agréables par le canal Louis XIII. 1Ó19. Richelieu y devient le maitrc.  Louis XIII. 1619. CommencementduPere Jofeph. 118 L'Intrigue de 1'Evêque. On fit naïtre k Marie des foupcons contre ceux de fes ferviteurs qui auroient pu partager fa confiance avec le Prélat. On leur fufcita des dégoüts de la part de la Reine ; & quand ils vouloient fe retirer d'auprès d'elle, on leur faifoit un pont d'or k la Cour. Le Pere Jofeph du Tremblay, Capucin, devenu depuis fi fameux, commenca k paroitre dans cette occafion. Sous prétexte de mifiions, de réformes, d'affaires de fón ordre, oü il étoit déja Supérieur , quoique jeune , il fit plufieurs voyages a Angers. II étoit 1'agent du commerce fecret que 1'Evêque de Lucon entretenoit avec le Duc de Luynes, le Chancelier, le Nonce duPape , le P. Bérulle, Général des Oratoriens , le P. Arnoulx, Jéfuite , Confefieur du Roi, le Cardinal de Gondi, & d'autres perfonnes , eccléfiaftiques & laïques, puiffantes a la Cour de Louis XIII. Si Richelieu étoit bien-aife d'avoir des liaisons déja utiles, & qui pouvoient lè devenir davantage, avec les Miniftres & les courtifans du Roi, ceux-ci n'étoient pas fachés d'être en relation  du Cabine t. nc avec le Chancelier de Marie , fon feu Confeil, le Sur-Intendant de fa Maifon , & le Chef de routes fes affaires, Ils prévoyoient que tot ou tard le fils & la mere fe réuniroient: or, comme on ne favoit pas fi, dans cette réunion , la Reine ne reprendroit pas une autorité égale a celle qu'elle avoif eue, il étoit prudent de fe ménager un accès auprès d'elle, par celui qui avoit Je plus grand empire fur fon efprit. L'état de la Cour autorifoit une pareille prévoyance. Le Duc de Luynes accumuloit fur lui. fes freres & fes alliés, les biens, les honneurs, les dignités. II jouiffoit de 1'autorité la plus étendue , par conféquent il étoit en bute a la jaloufie la plus générale &c la plus envenimée. Pendant quelque temps, a force de graces, habilement ménagées, il put bien fufpendre la mauvaife volonté des envieux de fa fortune , les plus puiffants : maistrop de gens prêts a remuer, s'étoient trouvés forcés au repos par 1'accommodement d'Angoulême; il leur tardoitde donner de nouveaux embarras au Favori , & ils ne croyoient pas pouvoir i Louis XIII. 1619. 162a. Grande cabale. Bajj'cmp, t. z,p. 30. Gramond 9 p. 264. Mere. t. 6 , Mém. Ree, t- 5, p. 100.  SLoui: XIII. 1620. La Reine ï'appuie. 120 L'ÏNTRïGUfi ' choifir un meilleur moment. Quand les derniers mouvements commencerent, Marie de Médicis étoit prilonniere, & il falloit employer les premiers efforts k la délivrer : au-lieu qu'actuellement elle étoit libre , elle avoit même des places de fureté & des troupes : on pouvoit donc fe promettre plus de fuccès d'entreprifes formées dans des circonlfances li favorables. Quand on connoït 1'afcendant de Richelieu fur cette Princeffe, il elf permis de croire , comme les Ecrivains les plus modérés le difent, que s'il ne 1'exhorta pas k appeller les mécontents , du moins il ne fut pas faché de les voir accourir auprès d'elle, dans 1'efpérance que la fin de ces troubles feroit la réunion volontaire ou forcée de la mere & du fils, & feroit auffi , par une conféquence nécelfaire, un moyen pour lui de rentrer dans le Miniftere. Soit infpiré par le Prélat, foit forcé par les circonftances, le Duc de Luynes propofa alors k la Reine de revenir k la Cour , & lui infinua qu'elle occuperoit auprès de fon fils la place qu'elle y tenoit autrefois»  » u Cabine t. nr autrefois. II fe perfuada que les mécontents n'ayant plus de point d'appui , la cabale fe diffiperoit d'ellemême ; mais les offres les plus avantageufes , les follicitations les plus prelTantes, ne purent obtenir de la Reine ce qu'elle auroit accepté comme une grace quelques mois atrparavant. Les mécontents, qui ne pouvoient rien fans elle , lui infpirerent une frayeur infurmontable du crédit que le Prince de Condé avoit dans ie Confeil du Roi. Ils lui perfuaderent que les inftances qu'on employoit pour la faire revenir k Ja Cour, étoient des pieges, qui cachoient le parti pris de la relferrer dans la même prifon, dont le Prince avoit étc tiré. Un Apoïogilte de la Reine-Mere donne une raifon finguliere de fon emprelTement k réunir auprès d'elle1 tous les ennemis du Gouvernement., Elk appréhcndoit, dit-il, qu'en fe ré-1 pandant dans les Provinces, n'ayant pas' de centre commun, ils ne travaiilafene chacun pour eux-mémes , & n'éèranlaffent le Tróne; au-lieu que les tenant «utaur d'elle, & fe rendant ainfi mal- Tome II, p Louis XIII. i6i». Elle df. fienttiesmifiantc.Lumieret QUrl'Htjl. le Frtin* P-SiJ.  Louis xiii. l6zo. (tf) Un Evêque envoyé au grand Commandeur pour 1'engager a refter auprès du Roi, le trouva occupé de fon départ, & n'en tira que cette réponfe : Vous , de ce cóté, en montrant le Louvre , & moi de eet autre , en montrant le chemin d'Angers. Roquelaure , enrichi des bienfaits d'Henri IV, répondit gaillardement aux reproches de fon fils : Je ne fuis point le Duc de Mayenne , mais je cours après mon argent que je lui 122 L'Intrigue trejfe de leurs opérations, elle étoit füre de conferver la Couronne a fon fils. Luynes n'étoit pas bien perfuadé de 1'obligation que le Roi avoit a fa mere, & ne voyoit qn'avec un extréme regret fa Cour groffir aux dépens de celle de fon fils : mais il eut beau employer les prieres & les menaces, fitöt que la défeclion fut commencée, elle devint en peu de jours prefque générale. Ce fut comme une épidémie qui fe communiqua, une fureur de mode qui tournoit toutes les têtes. Ce n'étoit pas a la dérobée qu'on s'échappoit de la Cour : on fe communiquoit les projets de départ, on en faifoit publiquement les préparatifs ; c'étoit la matiere des converfations & des plaifanteries (a). Au milieu des tour-  au Cabine t. 123 billons occaflonnés par ce vertige, le Miniftere étoit fort embarraffé. Chaque jour voyoit éclore des nouvelles plus facheufes; & quand tous les mécontents fe furent rendus ou a la Cour de la Reine-Mere , ou dans leurs Gouvernements, il fe trouva qu'ils occupoient toutesles cötes, depuisDieppe jufqu'a Bayonne, beaucoup de places intérieures, les forts des Huguenots leurs partifans fecrets; ce quiT faifoit prés de la moitié du Royaume (a). ai prêté , & j'aurois un bien mauvais créancier fi je ne le ferrois de prés. Foyer Gramond, p. 281, (■ 5, j».  lOBI XIII. i I Efcarmouche , du Pont 4e Cé. i IlS V I N T R I G V E , a-dire, qu'on ne perfuadft au Roi que pour avoir la paix, il ne falloit qu'abandonner fon Favori; & que ce Prince, jaloux & peu fidele a fes atrachements, ne le facrifiat a fa tranquilli*e, comme il avoit facrifïé le Maréchal d'Ancre: du fombre Louis tout «oit a craindre. Ceft pour cela que Luynes aimoit mieux applanir les difncultes, que tenter de les vaincre: en Normandie, il avoit acheté la foumiffion de Matignon , par un brevet de Maréchal de France; il paya par des prefents & des penfions, celle de Beauveau , de Montgomery, & de beaucoup d'autres qu'il n'avoit pu réduire è force ouverte. Enfin, i! prévint d'offres & de promeffes les principaux mécontents, afin de les défunir. Ceux* tri, de leur cöfé, n'oferent fe mettre a trop hautprix, de peur d'être prévenus les uns par les autres. Ainfi depuisque le Roi fut entré dans 1'Anfou ^ il s'entama une infinité de petit* raités particuliers; mais Condé ne ïonna pas le temps de les finir. Ce Prince, qui, en foutenant le fils, -ouloit peut-être fe venger de la mee, avanca le camp du Roi Ie 6 d'Aout,  du Cabine t. uj^ & deux lieues d'Angers : on conjeaure aifément le trouble & la frayeur de cette Cour, prefque toute compofee de femmes & d'Eccléfiauiques, de ieunes Officiers peu expérimentés, de quelques Chefs plus aguerris, mais qui n'avoient a commander que de nouvelles levées fans difcipline & fans munitions. Le chemin de la ville au camp fut bientöt couvert de négociateurs, qui alloient & revenoient fans ceiTe. Le traité ne tenoitqu'a un point; mais ce point étoit elfentiel: on convenoit d'accorder a la Reine, pour fa perfonne,tout ce qu'elle vouloit: retour a la Cour, féance dans les Confeils, augmentation de revenus, d'ho»neurs & de prérogatives. A 1'égard des partifans, le Roi déclara qu'il ne vouloit pas qu'ils riffent des conditions avec lui; il permettoit feulementque la Reine les recommandat a fon indulgence, & il promettoit de les traiter avec bonté. L'affaire étoit dans cette cnfe, lorfque le Prince de Condé, foit pour hater la conclufion, foit pour empecher toutaccord, fit attaquerle Pont de Cé, place de la Reine a demi-lieue F v RUIS xiii.  L o v i : xiir. lóiO. Xa paix. Artigny , ,.r,p. i i ] I 1 1 130 L'Intrigue d'Angers. A 1'approche des troupes du Roi, celles de Marie fortirent de leurs tours, & fe répandirent dans la prairie, ayant a leur tête une rnujtitude d'Officiers chargés de plumes & de rubans , tous montés fur de beaux chevaux, qui faifoient des évolutions brillantes. Mais au premier coup de fuiil, les foldats fe mirent en défordre : en vain les Officiers voulurent les retenir, ils furent entraïnés eux-mêmes par les fuyards. II y en eut peu de tués, mais beaucoup de prifonniers, & ceux qui échapperent allerent augmenter Ia terreur dont Ia Cour de la Reine étoit déja faifïe. Cette brufque expédition ne fut pas approuvée de tout le monde ; des Miniftres même du Roi la blamerent, & remontrerent au Duc de Luynes qu'on auroit bien pu fe difpenfer de répandre du fang, pendant qu'il n'y ivoit peut-être qu'une heure a attenire pour conclure la paix. Sans laiffer e temps au Favori de prendre la pa•ole, Condé répondit brufquement: ?e nejl pas au Roi d attendre. Si on 'en eut cru auffi, les conditions du raité auroient été plus dures pour ls  du Cabine t. 131 Reine même, comme pour les autres;" 6c lans doute elle auroit été obligée de les fubir: mais le Duc de Luynes, toujours par la raiibn de finir promptement, ne voulut pas uier rigoureufement du droit du plus fort. On convint, le 9 Aoüt, qu'en faveur de la Reine, les prifonniers auroient leur grace, ainfi que tous ceux qui rentreroient dans leur devoir fous huitaine ; mais que les charges des rebelles, dont le Roi avoit difpofé, ne leur feroient pas rendues. Pour tout le relle, on fe référa au traité d'Angoulême , qui fut confirmé de nouveau avec quelques articles fecrets, dont un des principaux étoit un chapeau de Cardinal pour Richelieu. Les agents de cette paix furent les Miniflres du Roi d'un cöté, 1'Evêque de Lucon de 1'autre, & les enmetteurs, le P. de Berulle, 1'Archevêque de Sens, le Cardinal de Rets, le Cardinal de Sourdis, Sc le Nonce du Pape. Les Eccléfialïiques fe trouvant en force dans Ie Confeil, firent réfoudre que le Roi profiteroit des troupes qu'il avoit fur pied, pour foumettre les Calviniltes de Béanij F vj XIII. 162.0.  Louis xi il Entrerue «b Roi & d: Ia Reine. i 1 < 1 < < 131 L'lNTRIGVt qui refufoient toujours de rendre au Clergé fes biens. Le Prince de Condé appuya fortement ce projet de guerre , paree qu'il efpéroit s'y rendre titile &c gagner la confiance du Roi. Le Duc de Luynes, au contraire, ne s'y prêta qua regret, dans la crainte que le jeune Louis, prenant plaifir aux ^expéditions militaires, ne s'attachat au Prince qui lui en auroit infpiré le gout. L'entrevue de Ia mere & du fils fe fit Ie 13 Aoüt au chateau de Briffac; elle fut plus cordiale que celle de Tours. Le Roi, en 1'embrarfant, lui dit : Je vous tiens, & vous ne m'ichapperei Plus' EHe répondit .* Vous n aure{ pas de peine a me retenir, paree que je fuis perfuadie que je ferai toujours traite'e en mere par un fils tel que vous. Hs s'arrangerent enfnite pour faire ïnfemble le voyage de Poitou & de Suienne, & pacifier ces Provinces le concert. Dans la crainte que la n-éfence de la Reine n'autorifat les Srands a demander plus qu'on n'au* oit voulu leur accorder, on fe hata Ie les contenter de Ioin & d'avance. ^uant aux petits , abandonnés par  DU C A B I N E T. Ij} ks Seigneurs, pour lefquels ils s'étoient facrifiés, ils furent contraints de plier; & quand ils fe montrerent au Roi, ils eiTuyerent des froideurs & des défagréments qu'on n'ofoit pas faire éprouver aux chefs. La Reine-Mere revint au commencement de 1'automne a Paris, oü elle réunit fa Cour a celle de fa bellefille. Le Roi palfa dans le Béarn, qu'il fubjugua en fix femaines. II fit rendre au Clergé les biens dont les Calvinilfes s'étoient emparés, rétablit dans toutes les villes 1'exercice de la Religion Catholique, & y mit de fortes garnifons. Le Prince de Condé n'accompagna pas le jeune Monarque dans cette expédition, paree que le Favori lui fit agréer, fous un motif de confiance, d'aller plutöt a Paris, oü il difoit avoir befoin de lui, pour 1'oppofer a Marie de Médicis, fi elle faiïbit quelque entreprilé pendant 1'é» loignement du Roi; &c le plaifir de contrarier la mere lui fit facrifier celui de gagner le cceur du fils. Le retour de Louis XIII a Paris mérite d'être remarqué, paree que ce fut peut-être la feiüe fois que ce Prin- L o v 1 $ XIII. Expédiion dc BéarOb Le R» •evient i ?iris.  Louis XIII. 134 L'IN'TRIGUE ce montra un peu de galanterie. II arriva le 7 Novembre de grand matin, accompagné de 54 jeunes Seigneurs courant a bride abattue, précédés de quatre maitres de poites qui donnoient du cors; il tra veria ainfi la Ville, oii il n'avoit pas été annoncé. Le bruit que faifoit cette troupe lelie Scgaillarde, tira les bourgeois de leurs lits; les fenêtres le remplirent de curieux ; fitöt qu'ils reconnurent Louis, ce jeune guerrier qui revenoit vainqueur de la rébellion, ils firent retentir 1'air des cris de Vïvt U Rol. Le peuple 1'accompagna en foule juiqu'au Louvre. La garde voyant venir cette troupe mêlée de cavaliers & de fantaflins, qui pouffoient des cris confus , s'étoit mife en défenfe. A la vue du Roi, les barrières s'ouvrent, les gardes joignent leurs acclamations a celles du peuple. II traverfe rapidement les appartements, va embrafler fa mere; il paffe de-la chez la jeune Reine k laquelle il caufe la même furprife & le même plaifir. La ville partagea les tranfports de la Cour. Le peu de boutiques qui étoient ouvertes, • furent fermées, les travaux cefferent 3 il y  du Cabine t. 13$ eut des danfes, des repas, des feux de joie , & ce jour fut peut-être, pour Louis XIII, le plus agréable de fon regne. Les plaiïïrs réunirent pendant 1'automne & 1'hyver, ceux que la difcorde avoit féparés, ou plutöt Ia dif corde particuliere régna toujours fous 1'extérieur des plaifirs publics. II y eut des felïins , des fpecfacles, de< fêtes de toute efpece. La jeune Rei ne danfa des ballets, & le Roi toul grave qu'il étoit, eut la complaifance de fe rendre acteur dans ces divertiffements. Les Seigneurs de Ia Cour, tant ceux qui avoient été dn même parti, que ceux du parti contraire. fe traiterent réciproquement. Ils fe vi rent, fe fréquenterent ?vec toutes lei apparences de cordialité, & n'en fu rent pas amis plus finceres. Entre les traits de Courtifans, c'efta-dire les mauvaifes offices cachés fous des dehors obligeants , il fam mettre ce qui arriva a 1'Evêque de Lucon , a 1'occafion du chapeau de Cardinal qu'on lui avoit promis. I] eft certain que dans 1'arfaire d'Anger; il rendit des fervices eflentiels au Dus Louis XIII. 1620» Faux rac- coir.mo- dements» Richelitu mal récompenfé. Lumieres pour PHiJt, He France a p . so5. Vialart, p. iu  L o v r i XIII. 1629. Ï36 L'Intrigue de Luynes Sc au Roi. Au-lieu de reconnoitre cette' vérité, des ennemis Sc des envieux Paccuferent d'avoir bien plutöt fongé a fes intéréts qu'a ceux du Royaume, & de n'avoir pas même héfité a facrifier fa maitreffe pour obtenir le chapeau: mais, quel- 3u'ait été le motif fecret de fa conuite , motif fur lequel on ne pourra jamais prononcer fürement, on peut alfurer que fa conduite elle-même fut fage, conforme aux principes d'une faine politique, & avantageufe en même-temps k la France qu'elle tranquillifa, Sc k Marie de Médicis qu'elle fa» tisfït. Tout ce quexette Princeffe pouvoit defirer, c'étoit de revenir auprès de fon fils avec les mêmes honneurs Sc la même autorité dont elle avoit joui autrefois; d'y revenir non comme forcée & fuppliante , mais triomphante &c priée. Les mécontents tachoient de lui perfuader que, pour parvenir a ce but, il falloit fe faire craindre; ils lui offrirent leurs forces, Sc tacherent de fattacher fi étroitement a eux, par des traités ou des démarches extrênies, 'qu'elle ne put plus s'en dégager quand elle voudroit. Richelieu,  cu Cabine t. 137 au contraire, vouloit que Marie ie fervit de 1'appui de ces Seigneurs, & üe 1'oflentation de leur puiifance, non pour lutter contre fon fils, mais pour s'en faire rechercher. II y réuffit, peut-être contre le gout de la Reine, qui, étant fiere & vindicative, auroit mieux aimé 1'emporter de force. Si donc il öta a cette Princeife lesmoyens de fe rendre redoutable, en 1'engageant de refter a Angers ; fi même il la mit hors d'état de fe défendre dans cette ville , ou il n'avoit diton, ramaffé aucunes provifions, quoiqu'il en fut expreffément chargé : du moins il lui procura les avantages qu'elle fouhaitoit, & termina en un inftant une guerre civile, qui pouvoit devenir dangereufe; fervice effentiel rendu a la mere, au fils, au Favori, &c a toute la France. Auffi en parut-on fort reconnoiffant; Ie Duc de Luynes rechercha 1'alliance du futur Cardinal, & le mariage d'un de fes parents avec la niece de Richelieu en fut le fceau. On prit auffi a tache de perfuader que le Roi avoit extrêmement a coeur la promotion du Prélat au Cardinalat, L? Louis xui. 1620. Son sdreffe.  Louis XIII. 1620. 138 L'Intrigue Miniftere dépêcha courier fur courier , & écrivit les lettres les plus preftantes , dont on donnoit a 1'Evêque communication. Le Marquis de Cceuvres, Ambaffadeur de France a Rome, eut ordre de faire de vives inftances auprès du Pape, & il s'y porta avec zele. Le Souverain Pontife diffimula quelque temps ; mais a la fin, fatigué des importunités de TAmbaffadeur, il lui déclara qu'on le jouoit, & il lui montra des lettres du Roi lui-même , qui lui marquoit de n'avoir aucun égard aux démarches publiques qu'on feroit en faveur de 1'Evêque de Lucon; de forte que cette promotion paffa fans que Richelieu y eut part. II fut ceiix qui 1'avoient deffervi; ce n'étoit pas moins que tous les Miniftres , qui craignoient le crédit que lui donneroit fa nouvelle dignité, fur-tout Puifieux & le Pere Arnoulx, Confefleur du Roi, & le Duc de Luynes lui-même. Tout autre que 1'Evêque de Lucon, affuré, cómme il étoit, de la protection de Ia Reine, auroit pris les chofes avec hauteur, & auroit forcé ces faux amis de lever les obftacles que leur jalou-  du Cabine t. 139 fïe mettoit k fon avancement; mais ' inftruit du manege de la Cour, il tint une conduite plus politique. II ne murmura, ni ne fe plaignit. II affeéfa de dire que fon malheur étoit une fuite de la mauvaife volonté du1 Pape & des envieux qu'il avoit a Rome , dont la malice avoit prévalu fur les bons offices de fes amis de France. II en remercia ceux-ci affectueufement, 6c continua de vivre avec eux comme s'il avoit k s'en louer. Par-la il leur óta la penfée de lui nuire , pratique ordinaire dans les Cours, oü il eft rare qu'on haïffe a demi, 6c qu'on ne s'efforce pas de perdre entiérement ceux qu'on a une fois offenfés. II paroit que le caractere du Duc de Luynes n'étoit pas de maltraiter, ceux qui étoient dans le cas de lui1 nuire; mais plutöt de prévenir les' torts qu'ils pouvoient avoir è fon: égard. Baffompierre en eut un , involontaire a la vérité , mais qui pouvoit porter un coup dangereux a la puiffance du Favori, c'étoit de plaireau Roi. Luynes, qui jufqu'alors avoit regardé ce jeune Cowrtifan de bon Louis XIII. 1620, 1611. Conduitfc le Luyïes a 1'é» ;ard de Jaffom)ierre.BaJfompa • *,p. 05. Mém. ree. ,Uf. Artigny s • I. f.  Louis XIII. 162.1. 1 140 L'Intrigue ceil, fe met tout-a-coup a le traiter froidement. Baffompierre s'en appercoit; mais fa confcience ne lui reprochant rien a 1'égard du Favori, il prend ce changement pour un trair d'humeur, & continue a amufer & i plaire. Comme on vit que eet avertiffement indirect ne faifoit pas fur le jeune homme Pimpreffion qu'on defiroit, 1'Abbé Ruccelai, le Comte de Schomberg & le Cardinal de Rets, confldents de Luynes, parierent ouvertement a Baffompierre. Ils lui dirent que le Favori trouvoit mauvais que quelqu'un méprifat fon amitié, &c parut prétendre fe foutenir parfoimême auprès du Roi. La favtur du Prince, lui dirent-ils , ne fouffre pas de pariage: dès que vous ave{ donné de Combrage au Favori, vous ne pouve^ plus rejler a la Cour. Ainfi choififfe^ , vourvu que vous foye^ èloignê, AmbafQide , Commandement, Gouvernement, \l n'y a rien a quoi vous ne puifpe{ élever vos vceux. Cette propofition éton".a Baffompierre, & il la traita d'ax>rd de ridicule, Mais s'étant conrulté avec quelques perfonnes au fait in manege de la Cour , après quet=  DU C A B I N E T. 141 ques jours de délibération, il fe détermina pour PAmbaiTade. Luynes alors le prévint de politeffe, le remercia de fa complaifance, lui avoua fon foible en des termes qui dürent plaire a Balfompierre, &lui infpirér pour le Favori plus de co'mpaflion que de haine ( U C A B I N E T. 163 qui, dégoutés fouvent par le contrafle ■ de leur caracf ere , & prêts a fe quitter , furent toujours ramenés Pun k Pautre, par la néceffité de s'aider dans Pexécution des plans qu'ils avoient formés. Si la France ne s'élevoit pas au rang fiipérieur qu'elle auroit dü tenir entre les autres Nations, c'étoit, felon Richelieu, paree qu'elle fouffroit plufieurs Religions dans fon fein, paree qu'elle laiffoit prendre trop d'afcendant aux Efpagnols dans fon Confeil; qu'elle n'avoit pas foin d'entretenir un corps de troupes nationales toujours prêtes k marcher, ni de garder en réferve un fonds pour les occafions preifées. Le Cardinal fait entendre dans fon teftament politique, que ce fut le Roi qui reconnut de lui-même , qu'il feroit impoffible de rémedier k ces maux tant que La Vieuville refteroit k la tête des affai= res, qu'il traitoit trop brufquementj par routine & fans fyftême ; outre qu'il étoit extrêmement haï, & qu'il faifoit une grande diffipation des finances, dont il avoit procuré Padminiftration k fon beau-pere : ces mo- Louis, XIII. i6-4' Difgrace de La Vieuville. Tefi. polii*. P- 97«  Ij OU I ! XIU. 1624. Le fy.têsne «ie la Cour change. Auhcry. Mém. p. 164 L'Intrigue tifs réunis déterminerent le Roi a lui faire dire de fe retirer. Frappé comme d'un coup de foudre, La Vieuville, au-lieu d'obéir, veut parler a Louis pour fe juffifier; il va le trouver a Saint-Germain-en-Laye, en eft écouté favorablement , & au moment qu'il fe croit réintégré dans la faveur, & vainqueur de fes ennemis, il eft arrêté & conduit au chateau d'Amboife. Le changement qu'il avoit fait dans le Confeil, en éloignant le Chancelier & Puifieux, établit tout d'un coup les chofes comme le Cardinal pouvoit le defirer; il fe trouva le feul en état de prendre le gouvernail; il le faifit, & le tint d'une main ferme jufqu'a la fin de fa vie (a). Le fecret alors commenca a fe gar- (a) Un Ectïvain du temps , raifonnant fur la difgrace de La Vieuville & la fortune de Richelieu , emploie une comparaifon affez ingénieufe. Quand le Cardinal fut entrè dans le Confeil, dit-il, La Vieuville y fut conime le vif-argent dans les dorures ; il étoit néceffaire d eet ouvrage , mais il fallut l'óter, ou tien il auroit tout gdté. Voy. La Haye, p. 5 3.  du C a B I n e T. 165; der dans le Confeil, dont les Efpagnols favoient anparavant toutes les réfolutions , tant par les Miniltres qui leur étoient attachés, que par les émiifaires qu'ils entretenoient auprès des autres. Le fyftême politique changea entiérement. Au-lieu des rufes, des finelfes, des délais affecfés que les Ambafladeurs de France , dans les autres Cours , avoient coutume d'employer, ils eurent ordre de parler & d'agir avec fermeté. Celui de Rome voyant un Minirïre nouveau , lorfque le Cardinal fe rendit maïtre du Confeil, s'imagina lui rendre fcrvice en lui écrivant une longue lettre, par laquelle il indiquoit le circuit des détours qu'il falloit prendre dans les négociations de cette Cour. A ces documents , Richelieu répondit en deux mots : Le Roi ne veut plus être amufé; vous dire^ au Pupe quon enverra une armee dans la Valteïine. La menace fut fuivie de 1'effet ; & de crainte que I'Ambaffadeur, homme qui pouvoit avoir des prétentions au Cardinalat, ne fut expofé a la féduction, Richelieu mit a fa place le Comte de Béthunes, qui étoit Cal- Louis xiu. 1614.  t66 V Intriguë Louis XIII. 1624. Guerre 'aans la Valteline. .Mere. torn. SC, Pajfim. vinilte. En même-temps, il envoya chez les Grifons , Souverains de la Valteline, le Marquis de Cceuvres, avec la qualité de Miniltre Plénipotentiaire , & permiffion de quitter ce caraöere , & de prendre celui de Général, fitöt qu'il auroit déterminé les Grifons a réduire les Valtelins leurs fujets , qui vouloient fe fouftraire a leur obéilfance & fe foumettre au Pape, La politique des Efpagnols avoit jetté la difcorde entre ces peuples auparavant les plus heureux des hommes. Quand les nouvelles Religions s'introduifirent chez les Suilfes , les Grifons leurs voifins quitterent la Romaine , & les Valtelins , valfaux des Grifons, la conferverent. La diverfité de foi & de culte ne caufa aucun différend entre les Seigneurs &c leurs valfaux. Pour lors, les Valtelins laiffoient palfer indifféremment, par leur pays tous ceux qui le demandoient. Mais le Comte de Fuentes, ce fameux Gouverneur de Milan dont on a tant parlé, comptant pour rien la liberté du palfage, s'il n'en devenoit le maitre , excita entre les Val-  DU C A B I N E T, l6j ïelins quelques difputes de Religion, dont il les engagea k ne point déférer la connoiflance aux Tribunaux des Grifons, par la r aifon qu'ils n'en pouvoient juger , étant hérétiques. Ceux-ci ne voulant pas lailfer perdre leur droit de jurifdidf ion, armerent pour le foutenir. Fuentes, fous prétexte de fecourir les Catholiques, jetta des troupes dans la vallée, &c batit, dans 1'endroit le plus étroit, une place forte, qu'il appella de fon nom , le fort de Fuentes. A 1'aide de cette fortereffe , il entretint une divihon perpétuelle entre les Valtelins & les Grifons; & quand ceux-ci, après quelque accord , fe retiroient, Fuentes les fuivoit, batiffoit de nouVeaux forts fur la cime des montagnes, pour éloigner, difoit-il, de Ia vallée , les ennemis des Catholiques, Par cette conduite adroite de Fuentes & de fes fucceffeurs, s'étoit accomplie la prédicfion d'Henri IV, qui, voyant ce manege, difoit du Gouverneur de Milan : // veut du même noeud ferrer la gorge a l''Italië , & les pieds aux Grifons. Quand ce Prince mou> rut, il étoit prêt a réprimer ces in- Louis Xül. 1624,  ï68 V Intrigue Louis XIII. 1624. vaiions. La langueur du Gouvernement pendant la régence de fa veuve , ne permit pas de fuivre ce pro jet. Cependant la Cour de France ne négligea pas abfolument les intéréts, tant des Grifons , dont la fouveraineté étoit attaquée , que des Valtelins, qui ne s'appercevoient pas que, fous prétexte de les protéger, on vouloit les opprimer. On obtint la delfruction , tantöt d'un fort, tantöt d'un autre ; mais ce n'étoit rien faire , tant qu'il en relïeroit un feul entre les mains des Efpagnols. La France le fentit, & menaca. Les Efpagnols, preffés , imaginerent un biais, qui paroiffoit fuggéré par 1'amour de la paix & de la Religion ; ce fut de remettre les forts en dépot entre les mains du Pape. Mais ce n'étoit que ce qu'on appelle vulgairement un cchappatoire. II étoit aifé de prévoir qu'au premier moment commode les Efpagno's ou rentreroient de gré h gré dans leurs forts , ou en chafTcroient aifément des troupes mercenaires & peu belliqueufes. Richelieu, devenu maitre du Confeil, demanda donc, non un limple dépot, mais un  du Cabine t. 169 un délfaifilfement abfolu des forts, & il Ecccrnpagna fa demande d'une armee, qui entra brufquement dans la Valteline , poulfa un corps de troupes que le Pape y avoit, fous le commandement du Marquis de Bagni, & s'empara de prefque toutes les places, avec tant de rapidité, qu'on fe perfuada alfez généralement, qu'il y avoit collufion entre le Souverain Pontife & les Francois. Mais ce qui fe palfa a la Cour de France dut détromper les fpéculateurs. Le Nonce du Pape s'y plaignoit amérement de cette brufque expédition d'un Prince Catholique, confeillée par un Cardinal, contre le Pape lui-même, en faveur des Grifons, peuple Hérétique : Fous deve^ , difoit-il k Richelieu, être bien embarraffé dans le Confeil, quand il s'agit de délibérer fur la guerre. Point du tout , répondit le Cardinal; quand /'ai été fait Secretaire d'Etat, le Pape m'a donné un bref qui me permet de dire & de faire en fiireti de confcience tout ce qui efl utile a VEtat. Mais s'il s'agijfoit d'aider les Hé-> rêtiques > difoit le Nonce. Je penfe, répartittranquillement Richelieu, que Tome II, H Louis XIII. 1624. Fermeté de Richelieu. Mém. ree. t. 5, P. S6 j.  L ooi XIII. 1624. 170 L'Intrigue ' le bref s'étend jufque-la. Les Efpagnols ' tacherent d'embarraffer le Cardinal, en rallumant la guerre civile en France. Eux qui crioient li haut contre le fecours qu'elle donnoit aux Grifons , ne faifoient pas difficulté d'en promettre aux Rochelois, qui fe monrroient difpofés a prévenir les coups dont le Miniftere les menacoit. Ils voyoient qifon élevoit autour de leur ville des forts pour la tenir en bride; qu'on affe&oit de ne refpeécer aucun de leurs privileges , de gêner leur commerce , d'inquiéter leur navigation , enfin d'affoiblir leur marine. Ils armerent puiffamment; mais les Efpagnols leur manquerent de parole. La flotte Rocheloife , commandée par Soubife, fut battue par la flotte Royale, fous les ordres du Duc de Montmorency. Les Rochelois perdirent enfuite 1'ifle de Rhé, qui faifoit la füreté de leur port, & ils continuerent de voir leurs remparts menacés par le canon du Fort-Louis, dont on leur avoit promis la démolition, & dont 1'exiftence les avertiffoit des deffeins formés pour leur mine, Mais, difoit Richelieu , il faut  DU C A B I N E T. 171 que je fcandalife encore une fois le monde auparavant : il entendoit, par cette efpece d'énigme, Ia paix qu'il méditoit avec les Calvinifies de France, Sc qu'il leur accorda malgré les vives inftances du Nonce du Pape. II entendoit encore la guerre qu*l continua en faveur des Grifons, contre les troupes du Souverain Pontife, unies aux Efpagnols : il pouvoit aulfi appeller fcandale , le traité de ligue offenfive Sc défenfive qu'il ménageoit avec les Anglois , a 1'occafion du mariage de la foeur du Roi. On déroba , pour ainfi dire, celuiei k la Maifon d'Autriche, ordinairement fi heureufe en alliances (a). La confidération dont elle jouiflbit dans 1'Europe, étoit fi grande, que Jacques Ier. envoya le Duc d'Yorck fon fils rechercher lui - même 1'Infante , Sc foumit dans Madrid 1'or- (  D U C A B I N E T. 175 fet , non-feulement Buckingham fe j préfenta en homme qui veut plaire, nais il paria & accompagna fa déclaration des imprudences ordinaires a la paffion. Soupirs, diftraaions, empreffements inconfidérés, langueur affeaée, joie fubite, départ précipité, retour imprévu ; tout le monde, le Roi lui-même s'en appercut; il en concut des foup^ons contre fa jeune époufe : cependant les langues les plus malignes n'ont pu lui reprocher, que de n'avoir pas repouffé avec affez de hauteur les galanteries d'un homme dont elle voyoit peut-être 1'amour avec une fecrete complaifance; mais fans autre retour de fa part, que le penchant ordinaire des plus honnêtes femmes, a ne pas défobliger ceux qui les aiment Pour complaire a fon Maitre &C (a) Au commencement de la Régenee, Voiture préfenta a la Reine ces vers , qu'elle lut & relut avec plaifir , & qu'elle garda long-temps dans fon cabinet. Je penfois que la deftinée, Après tant d'injuftes malheurs , Vous a juflement couronnée Deeloire. d'éclat Sc d'honneurs ; H iv L. O V 1 s XIII. i6n.  toui XIII. JÓ2J. Mais que vous étiez plus heureufe Lorfque vous étiez autrefois , Je ne veux pas dire amoureufe, La nme le veut toutefois ! Je penfois, car nous autres Poëtes Nous penfons extravaguemcnt, Ce que dans 1'humeur oü vous êtes Vous fenez , fi, dans ce moment, Vous avifiez en cette place Venir le Duc de Buckingham Et Iequel feroit en difs;race De lui ou du Pere Vincent ? Voy. Mém. de Motteville , torn. I,p. 236. Voy. aujji Mém. de Rets , torn. II, Uv. 3 > P- 384. (v) II alloit la voir les foirs clandeftinement. Rochefort dit que ces entrevues cachoient des mjfterss politiques; mais tout L'Intrigue ; auffi pour fe fatisfaire, Richelieu doana des mortihcations a 1'Ambaffadeu:. Celui-ci, par fes plaintes, fouleva con*a6 le Cardinal toute cette jeuneffe fachée d'être rraverfée dans fes amu fements: on publia que le Prélat n'étoit fi délicat fur I'honneur des Dames , que paree qu'il étoit lui-même amoureux, les uns difoient de la Reine , les autres de la veuve du Connétable de Luynes, devenue Ducheffe de Chevreufe (a). On le regarda com-  du Cabine t. 177 me le tyran des fociétés , le pemirbateur des plaifirs; deux titres peut-être les plus odieux qu'on puilfe donner entre j eunes courtifans. La haine qui en rélulta ne s'exhala pas en vains difcours, elle refla dans les cceurs, &c donna plus d'acfivité a 1'exécution des projets que Pambition forma contre la fortune du Cardinal. La première occafion dans laquelle éclaterent ces palfions de haine & d'ambition reünies, fut encore un mariage. On doit fe rappeller la jaloufie du Roi contre fon frere. Ornano, comme on 1'a vu, 1'augmenta encore en excitant Monfieur a demander 1'entrée au Confeil, dans 1'efpérance d'y avoir place lui-même. L'ambition du Colonel fut fufpendue -par la prifon, mais non pas réprimée. Le Cardinal le monde n' rant fans difcrétion , elle lui occafionna une fauiTe couche , que 1'on cacha au Roi. Vey, Mém. de Motteville, torn. 1, p. 50. Louis XIII. 1616.  Louis XIII. i6i6. Le Maréchal d'Ornano ar- 181 L'Intrigue 1'intention de faire manqiier ce mariage. Elle eut foin de faire a eet égard la lecon a toutes les fubalternes de fa dépendance , qui ne parloient d'autre chofe a la Reine jour & nuit: il y en eut même qui eurent la hardieffe de lui dire qu'elle avoit intérêt a faire refter Monfieur libre , paree que fi le Roi, dont la fanté étoit trèsfoible, venoit a mourir fans enfants , elle pourroit époufer fon beau-frere. Enfin, Ornano & quelques perfonnes honnêtes de la Cour de Galton, defiroient que fes mceurs fulfent garanties par le mariage ; mais le Maréchal ne fouhaitoit pas que ce fut avec Mademoifelle de Montpenfier. II auroit mieux aimé une PrincelTe étrangere, dont 1'alliance eut pu faire efpérer des fecours de troupes & d'argent en cas de befoin. A ces obliaclesfe joignoient la prétention de la ComtelTe de Soif(bns , qui vouloit Mademoifelle de Montpenfier pour fon fils, & bien des dépits fecrets, des jaloulies de familie qui rendoient les plus indifférents attentifs a 1'iffue de cette affaire. Tel étoit 1'état de la Cour, lorf511e le Maréchal d'Ornano fut arrêté  du Cabine t: 183 une feconde fois a Fontainebleau le 4 Mai. Son crime, comme la première, étoit de fuggérer toujours a Monfieur de nouvelles demandes, pour qu'a la! fin on lui accordat 1'entrée au Confeil : on 1'accufa auffi d'infpirer au Prince de l'éloignement pour fon mariage avec Mademoifelle de Montpenfier. Ce coup d'autorité excita une prodigieufe fermentation dans les efprits déja échauffés. Gaflon pleura, fit de grandes menaces, alla porter fes plaintes a fon frere, qui Pécouta tranquillement, le carefla, & calma, par des promefTes , fon premier emportement : les courtifans parurent prendre beaucoup plus a cceur que lui 1'affront faital'héritier de la Couronne. Comme on craignoit 1'afcendant de la Maréchale d'Ornano fur le Prince, & qu'elle ne le foutint dans fon reflentiment, en arréiant fon mari, on 1'avoit exilée a trente lieues de Paris. L'éloignement n'y fit rien ; elle eut 1'attention de laifier en partant^ auprès de Galton , un Gentilhomme que Siri nomme Delphini, chargé de la fuppléer. On fit promettre au Prince de ne rien agréer de ce que la Louis XIII. 1626. êté une 'econde bis. Monglat,'  loui XIII. 1626. Détrefl de Richs lieu. Mém, re t. 6, p, 147. 184 L'Intrigue ~ Cour pourroit propofer relativement au prifonnier, fans le confentement de cette efpece de furveillant; & la première réfolution que prirent les amis du Maréchal, fut de travailler k perdre Richelieu, comme 1'auteur du malheur d'Ornano, & le feul intérelfé a le perpétuer. e Quant au Cardinal, pendant que - fa fortune & fon crédit excitoient tant d'envie , il éprouvoit les plus vi- " ves allarmes pour 1'une & pour 1'autre, & même pour fa vie. A 1'égard de fa fortune , il fe plaignoit amérement au Nonce Spada, qui parort être entré bien avant dans fa confiance , qu'il avoit affaire a. un Prince peu généreux; que la récompenfe de fes travaux n'avoit étéjufqu'alors qu'une petite Abbaye , tk. qu'accablé de dettes, s'il venoit k quitter le Miniftere en eet état, il feroit obligé de fe cacher pour fe fouflraire a la pourfuite de fes créanciers. » Mon crédit, difoit» il, n'eft pas mieux établi : placé » entre la Reine - Mere & fon fils , » tous deux diamétralement oppofés » fur l'article du mariage de Mon» fieur, j'ai toutes les peines imagi-  DU C A B I N E T. 185 » nables k diminuer la répugnance de » 1'un, & k modérer 1'empreffement » de 1'autre. II s'en efl peu fallu que, » dans eet embarras, je n'aye perdu » les bonnes graces de tous les deux Le Roi fur-tout, au moindre penchant qu'il appercevoit dans le Prélat pour les fentiments de fa mere, s'imaginoit qu'elle avoit la préférence dans fon efprit. II en concevoit de 1'ombrage; & dans un de fes moments de foupcons, confeillé par quelques jeunes Favoris , il fut pret a reléguer le Cardinal a Rome. A 1'égard du danger de la vie, il efl certain qu'il en courut alors un très-prelfant. On avoit perfuadé a Monfieur, que c'étoit Richelieu qui 1'empêchoit d'avoir un libre accès auprès de fon frere , &c d'en obtenir les graces qu'il defiroit; que li le Cardinal n'y étoit plus, Gaflon deviendroit toutpuilfant, par 1'afcendant qu'il prendroit fur le Roi; qu'il falloit donc s'en défaire , & que Louis, fatigué de la tyrannie du Prélat, ne feroit pas fÉché qu'on 1'en eut débarralfé, & s'appaiferoit aifément. Dans cette fuppofition, une troupe de jeunes gens Louis XIII. 1626» II courfe 'ifque d'ê:re affaf» üné.  Louis XIII. 1626. 186 L'Intrigue forme le complot d'aller affaffiner le Cardinal a Limours, maifon de campagne peu éloignée de Fontainebleau, oü il fe retiroit quelquefois. Chalais devoit porter le premier coup, & fuir en Hollande jufqu'a ce qu'on eut obtenu du Roi fon pardon. PrefTé peut-être de quelques remords , il dit fon fecret au Commandeur de Valencé. Celui-ci lui en fit honte, & lui rendit le fervice d'en avertir Ie Cardinal , comme de la part de Chalais. Sous prétexte de vouloir diner a Limours , dit-il au Prélat, Monfieur enverra fes Officiers , qui s'empareront de la maifon; quand il fera arrivé luimême , on élevera une querelle, dont on profitera pour confommer 1'entreprife. Richelieu eut peine a croire ce projet; mais il n'en douta plus quand il vit arriver dés le matin 1'efpece de garnifon annoncée. Auffi-tot le Cardinal monte en carroffe , court a Fontainebleau oü étoit Gaflon, pénetre jufqu'a lui , fe préfente hardiment, & lui dit que , dans le deffein oü étoit Son Alteffe Royale, de prendre un divertiflement dans fa maifon, il auroit été flatté qu'elle lui eut ac-  DU C A B I N E T. ï§7 cordé la fatisfaüion d'en faire les honneurs ; mais que , puifqu'elle veut y être libfe, il la lui cede. Ce peu de paroles prononcées, le Cardinal n'attend pas la réponfe, falue, fe retire, & lailfe Monfieur &c fes complices bien confus. Effrayé d'une fi noire entreprife, Richelieu tacha d'en approfondir les motifs. II interrogea plufieurs perfonnes, intérefTa la familie de Chalais, avec laquelle il entretenoit des liaifons d'amitié, & le queflionna luimême. II obtint plus d'excufes que d'aveux; affez cependant de ceux-ci, pour arracher du coupable des paroles de repentir, & être en droit 'de lui prédire un fort funefte , s'il fe mêloit d'intrigues davantage: vaines menaces pour un jeune homme également enthoufiafte d'amour & d'amitié. On a des preuves qu'il aimoit Madame de Chevreufe; que celle-ci détefloit le Cardinal, qui, par jaloufie , dit-on, 1'avoit gênée dans fon commerce amoureux avec Buckingham qu'elle idolatroit (a). II n'efr pas («) D'autres difent cju'elle aimoit le Comte Louis XUI. 1626, Forte ligue con» Ere lui.  Looi! XIII. 1616. de Hollant, intime ami de Buckingham, & qui étoit venu en France avec lui. Voy. Mém. de Motteville, torn. I, p. 18. 18S L'Intrigue ' fur qu'elle payat Chalais d'un fincere retour; mais elle montra a ce jeune homme affez de complaifan'ce pour lui infpirer fa haine, & 1'engager dans fa vengeance contre fon tyran. Chalais fe portoit aufïï pour ami fans réferve du Chevalier de Vendöme, Grand-Prieur de France. Celui-ci 1'avoit gagné en s'offrant a lui pour fecond dans une querelle. Or, le GrandPrieur profeffoit une inimitié publique contre Richelieu, qu'il accufoit de détourner les graces que le Roi vouloit verfer fur fa Maifon. II avoit engage dans fon mécontentement le Duc de Vendöme fon frere, Gouverneur de Bretagne, fils, comme lui, d'Henri IV, & il foufïloit fa haine k tout ce qui 1'approchoit. Ce fut, en effet, la paflion feule qui enfanta la confpiration dont il s'agit. On y voit, k la vérité , paroitre un agent d'Angleterre, un Abbé Scaglia , Ambaffadeur de Savoie : mais il faut les re-  DU C A B I N E T. 189 garder moins comme des repréfentants politiques, que comme des Miniftres de haine ; le premier, inftrument de 1'animofité de Buckingham; le fecond , caracïere altier, ennemi perfonnel de Richelieu, & qui fe vantoit eTéire le feul Mardochée qui ne fléchijfoit pas le genouil devant ce fuperbe Aman. Voyant une ligue fi formidable, a Ia tête de laquelle étoit le frere du Roi, & une partie de la Familie Royale , le Cardinal prit, ou fit femblant de prendre le dégout des affaires: il fe retira k Limours, & de-la il envoya fupplier le Roi de le décharger du Miniftere. Richelieu avoit eu foin auparavant, d'apprendre k la mere Sc au fils ce qu'il favoit de cette affaire , & il fe doutoit qu'ils fe trouveroient bien embarraffés k débrouiller feuls ce chaos: auffi lui ordonnerentils de revenir; & fans doute il profita du befoin qu'on avoit de fon fecours pour faire fes conditions, Sc régler la conduite a tenir dans la fuite. En conféquence, le Roi annonce Ie deffein d'aller paffer 1'été k Blois. •Sous ombre de confiance, mais en Louis XIII. 1626. II paria de fe re tirer. Les Venlome arêtés.  Louis XIII. 1626. J Voyage de Nantes. 190 L'Intrigue ;ffet, pour éloigner le Comte de Soif!bns des complices, il le crée Chef lu Confeil qui devoit refter k Paris. Le Grand-Prieur fuit la Cour, flatté Ie 1'efpérance qu'on lui donne, qu'ajrès quelques arrangements il aura 1'A-nirauté qu'il defiroit. Tout fin qu'il ïtoit, il fe laiffe fi bien perfuader, qu'il confeille au Duc fon frere de quitter la Bretagne, & de venir k Blois DU le Roi defiroit le voir. Cependant, comme le Duc montroit quelque défiance, Louis répond au Grand-Prieur, qui lui faifoit part des craintes de fon frere : Je vous donne ma parole qu'il peut me venir trouver, & qu'il naura non plus de mal que vous. Sur cette parole, le Duc arrivé, & en effet, le fort des deux freres devint égal; car ils furent arrêtés tous deux le premier Juin, & conduits au Chateau d'Amboife. Après quelques jours employés k chercher auprès des prifonniers des lumieres qu'ils ne donnerent pas, le Roi partit pour la Bretagne, fous prétexte que la captivité du Gouverneur pouvoit y caufer des mouvements, mais c'étoit plutot dans le deffein d'éloi-  du Cabine t. 191 gner de la Capitale Monfieur & fes adherents , afin qu'étant a 1'extrémité du Royaume, invefti de troupes, fans facilité pour fes relations, il fut contrahit de fe plier a ce qu'on exigeroit de lui: mais fans violence, Richelieu en vint a bout par la perfiiafion. Au commencement de la prifon d'Ornano , Galton montra beaucoup d'ardeur pour fa liberté. II fe chargea lui-même des démarches & des inftances. Ce zele fe ralentit infenfiblement; & quand le Cardinal s'appe reut que le Prince commenooit a prendre cette affaire moins a coeur, il lui fit infinuer qu'il devoits'en décharger fur quelque perfonne de confiance avec qui on traiteroit. Cet expédient, qu'on ne favoit pas infpiré par Richelieu, plut a la Maréchale d'Ornano, qui étoit toujours confultée dans fon exil; elle fe flatta de trouver plus d'activité &c de diligence, dans un homme accoutumé au travail du cabinet, que dans un jeune Prince captivé par les plailirs. On indiqua donc le Préfident Le Coigneux, a qui Galton remit la conduite de cette négociation. A peine fut-il choifi, que des gens apoftés Louis XIII. . 1620. Monfieur confent a fe niarkr.  Louis XIII. 1626. 191 L'Intrigüe lui firent entendre qu'il pouvoit rendre un grand fervice a PEtat, en infpirant a Monüeur plus de foumilfion aux volontés de fon frere; que fi Gafton montroit toujours la même obftination a protéger une perfonne difgraciée & a refufer Mademoifelle de Montpenfier, peut être rendroit-on le négociateur refponfable de cette opiniatreté , comme fi elle étoit le fruit de fes confeils; au-lieu que le Roi ne pouvoit que lui favoir gré du parti plus fage, auquel fon frere fe détermineroit. Par ce moyen, d'un homme établi pour foutenir les intéréts d'Ornano que Monfieur lui remettoit en main, le Cardinal en fit un inftigateur de fes propres réfolutions: & cette efpece de trahifon, que Gallon découvrit, dont il fe plaignit toujours, fut cependant toujours, dans la fuite, employee contre lui avec fuccès. Dans les conférences que le Miniftre eut avec le Préfident, il infifla principaIement fur la docilité de Monfieur, 8c lui laiffa entrevoir qu'elle difpoferoit le Roi en faveur du prifonnier. Le Coigneux fit paffer a Gallon ces promeffes, avec les infinuations capables  DU C A B I N E T. 193 pables de leur donner du poids; de forte que Richelieu étoit a-peu-près fur de fes opérations, quand la Cour arriva a Nantes, les premiers jours de Juillet. On y vit avec étonnement joindre les fêtes de 1'hymen, au lugubre appareil d'un jugement criminel. II faudroit avoir des mémoires plus détaillés que ceux qui nous reftent, pour favoir quel étoit un grand Seigneur, qui, de retour a la Cour , après plufieurs années d'abfence, trouva fa maitreffe attachée a un Gentilhomme, nommé Louvigni, confïdent de Chalais. Celui-ci, pour gagner eet homme important, voulut forcer Louvigni de renoncer k cette femme qu'on dit auffi de haute qualité. Louvigni refufa, & fut forcé de fe battre contre le Comte de Candale, qui étoit peut-être 1'amant fupplanté : 1'amant favorifé fe vit, k 1'occafion de cette querelle , menacé de mauvais traitements , par des perfonnes puiffantes; & il s'imaginan'avoir d'autre moyen, pour s'y fouftraire, que de fe mettre fous la protecfion du Cardinal, auquel il raconta tout ce qu'il favoit Tome II. I Louis XIII. 1616. Chalais arrêté. Monglat, t.i, p.}6. MotterilU,t. l,p. Ohfcrv. de Baffomp. fur Dupleix.P- 452-  l o v i s XIII. 1616. 194 L'Intrigu e des projets vrais ou faux du Ma'itre de la garde-robe. Louvigni impliqua dans fa dépofition beaucoup de perfonnes des premières de la Cour; mais le feul Chalais fut arrêté le 8 Juillet. Louis XIII, de la plus grande amitié pour ce Favori , étoit paffe, comme il lui arriva plufieurs fois dans fa vie, a la plus forte haine. On lui avoit perï'uadé que Chalais le détefloit; que , dans 1'exercice de fa charge , il ne pouvoit s'empêcher de laiffer échapper des gefles méprifants; qu'il de\'oit, quand routes fes batteries feroient prêtes , arrêter le R.oi; qu'après cela on le feroit déclarer inhabile au mariage, Sc qu'on donneroit fon tröne & fa femme a Monfieur. II fe trouva dans fes lettres a Madame de Chevreufe, qui furent faifies, des chofes peu refpeéhieufes pour Louis, que ces amants railloient fur & froideur & fur fes autres défauts naturels. Enfin , outre beaucoup de légéreté qu'on peut lui reprocher dans fes propos , beaucoup de témérité :lans fes deffeins, Richelieu affuroit m Nonce Spada, que Chalais avoit  DU C A B I N E T. Ipy tenté d'engager Galton a" des éclats qui auroient pu devenir très-préjudiciables a ia paix du Royaume, comme de quitter la Cour, de fe retirer a la Rochelle, Sc de foulever les Huguenots; d'avoir auffi tramé une intrigue pour procurer a Galton une retraite a Metz, une autre pour lui faire livrer la Baftille; d'avoir confeillé au Duc de Montmorency de fe lailfer battre par les Rochelois; enfin, de s'être appliqué fans relache a lui nuire , Sc d'avoir armé contre lui une cabale de vingt-cinq perfonnes des plus diftinguées de la Cour. Le Miniftre employa, dans cette affaire , le mauvais procédé dont il ne fat pas 1'inventeur, mais dont il fe fervit plus qu'aucun autre , de faire inltruire le procés de Chalais par une commiffion. Elle fut compofée de Cönfeillers d'Etat, de Maitres des requêtes, de Confeillers au Parlement de Bretagne , prélidés par Michel de Marillac , Garde-des-Sceaux. Les amis du Cardinal répondirent qu'il avoit pris ce biais pour ménager 1'honneur des families, Sc afin que les noms des accufés ne relialfent pas notés dans Louis XIII. 1626.  Louis XIII. 1626. Vifité par Richelieu. 196 L'Intrigue les Greffes d'un Tribunal ordinaire s mais le public crut qu'il n'avoit pris cette voie, que pour être vengé plus promptement & plus fïïrement. Les procédures furent précédées par une démarche bien finguliere de la part du Cardinal. II alla dans la prifon , & interrogea lui - même le Comte de Chalais. On ne fait ce qui fe palfa dans cette entrevue. Les écrits publics , en faveur du prifonnier, portent que Richelieu hu promit fa grare, s'il convenoit des griefs dont on 1'accufoit, & que , dans cette efpérance, il avoua des chofes fauffes, qu'il rétrada fur 1'échafaud. Les partifans du Cardinal difent , au contraire , que ce fut par pitié , qu'il fe chargea de tirer la vérité de ce jeune homme qu'il aimoit; qu'il auroit obtenu fa grace , fi fes aveux avoient été fans réferve , & qu'il ne fut pufö, que paree qu'il diflimula dans cette efpece de confefïion, des faits dont ©n trouva des preuves. Si cette vifité, qui auroit dü être de bon a.ugure, donna de 1'efpérance au prifonnier , cette efpérance ne dura pas audéla du temps dont on avoit befoin  du Cabine t. 197 pour calmer les frayeurs de Galton. A la première nouvelle de 1'emprifonnement de Chalais , Monfieur avoit voulu fuir. Le Coigneux, infpiré par le Miniftre, Ie retint. Le jeune Prince alla folliciter la grace du prifonnier avec toute 1'ardeur de fon age. II pria, conjura, menaca. Avec trois conferves, dit le Miniftre au Nonce Spada, & deux prunes de Gênes,je chaffai toute Üamertume de fon cceur. Richelieu étoit éloquent, moins inlinuant peut - être que fort &c convaincant. On conooit quelle imprellion devoit faire fur un adolefcent le difcours d'un homme grave , qui , armé de 1'autorité, lui repréfentoit fes devoirs les plus facrés : l'éloignement du libertinage, la pureté des mceurs dont il devoit 1'exemple , 1'attachement a fa mere , a fon frere , a fon Roi; qui lui remontroit ce qu'il avoit rifqué en s'alfociant a des rebelles, en fe rendant leur protecteur& leur chef; ce que le Roi étoit en droit de faire , qu'il pouvoit le priver de fes bonnes graces , lui retirer fes biens , le réduire a 1'état de particulier, 1'enfermer même, s'il ne confultoit pas I iij Louis XIII. 1626. Manage de Monfieur.  Louis XIII. ióz6. Supp'ice ie CliaJais. Mém. itAubcry. I, n. 39$. 198 L'Intrigue plus fonamitié que fa juffice. Au-Ikp de ce traitem ent , trop mérité, on lui offroit une époufe jeune & belle, avec trois cents mille écus de rente, un apanage de plus d'un million (a), & tous les honneurs dus a fa naiffance. II n'en falloit pas tant : après quelques combats, dans Ufquels, difoit Gaflon , je me fuis dlfcndu comme un Uon, il fuccomba ; les protégés^ furent abandonnés , & le 5 Aoüt il époufa Mademoifelle de Montpenfier. Ornano k Vincennes , Chalais è Nantes, apprirent ce mariage par le bruit du canon , qui retentit fur leur (a) Les Duchés d'Orléans & de Chartres, le Ccmté de Blois , la Seigneurie de Mon» targis , les droits régaliens de fon apanage , d'autres biens évalués deux cents mille livres de rente & une penlion de fix cents mille. Mademoifelle de Montpenfier apportoit la Souveraineté de Dombes , la Principauté de la Roche-fur-Yon y les Duchés de Montpenfier & de Chatelleraut, la Terre de SaintFargeau , & beaucoup d'autres Comtés , Vicomtés, Baronnies , & de grofles fommes portant rentes, dans les Monts - de-Piétéi Vey. Mere. de France, 4 l'année 16x6.  V V C A B I N E T. 199 tête. Le Maréchal s'écria douloureu- ' fement: O Cardinal, que tu as de pouvcirl Chalais ne dit mot, & attendoit triftement le fort que eet événement lui annoncoit; il y étoit déja préparé , par le traitement qu'il éprouvoit depuis le premier du mois. On 1'avoit mis au cachot. C'eft de-la qu'il fut amené ,1e 11, devant les Commilfaires. On ne fait ce qu'ils lui demanderent, s'il y eut des témoins, s'ils furent confrontés; enfin , il ne refte aucun détail de eet étrange procés , dont les pieces ont été enlevées & fouflraites a la connoilfance du public. Ony verroit peut-être des chofes qui le rendroient moins coupable. Ses défenfeurs difent qu'on fe fervit des plaintes & des regrets qui lui échapperent pendant facaptivité, qui furent recueillis par fes gardes, dont on admit le témoignage contre lui (a). II paroit qu'il ne fut pas ap- 0)LeMardi, 18 Aotit, fur la fellette, il perfifta a dire qu'il avoit été 13 jours de la faftion ; mais il dit qu'il n'y étoit refté que par le commandement du Roi & de M. le Cardinal, pour y fervir le Roi. Voy, Mint. d'Auiery , t. I, p. 285. I iv ,OJlS XUl. 1625.  L o v i < XIII. 1626. (v) Sa mere étoit une femme fo.te, qui demanda fa grace fans s'abaiffer. Elle fut tout Je jour de 1'exécution h YEelifc ; fon fils lui ecnvit : elle lui fit dire , qu'elle étoit trèscontente de l'afurance qu'il lui donnoit de mounr en Dieu. II eut un coup d'épée & 200 L'Intrxgue pliqué a la queition. Les uns difent qu'il prononca fur 1'échafaud ces paroles : Ce neft pas-la ce qu'on m avoit promis : maudit Cardinal, tu m'as trompet D'autres affurent qu'il dit expreflement : Ce n'eft pas fur l'efpérance qu on^ m'a donnée de ma grace que j'ai avouê ; mais paree que la conviclion étoit^ entiere. Dans ce chaos de contradiftions, tout ce qu'on peut apperceyoir de certain, c'elf que fi Chalais fut condamné juitement , il le fut très-iilégalement. Sa fentence rendue le ïq, fut exécutée le même jour. Les efforts de fes amis pour différer fa mort, dans 1'efpérance d'obtenir fa grace, ne firent que prolonger fon iupplice : ils avoient fait cacher 1'exécuteur; mais on prit un criminel inexpert dans ce métier, qui donna trentecinq coups, avant que de pouvoir ieparer la tête du corps (a).  du Cabine t. 201 Des complices, les uns quitterent la Cour, les autres furent exilés en différents endroits. Le Comte de Soifforis' qui s'étoit déja fauvé fur la frontiere , oii il attendoit 1'événement, obtint permiflion de voyager hors du Royaume : Madame de Chevreufe eut ordre de fe retirer dans fa maifon de Dampierre, en Lorraine; & on remarqua , dans la peine que le Cardinal lui fit infliger , 1'indulgence de quelqu'un qui punit ce qu'il aime. La jeune Reine, feulement pour avoir été impliquée dans les délations, effuya une mortification fenfible. Louis XIII la fit comparoitre en plein Confeil , & lui reprocha, avec un fourire amer, qu'elle avoit voulu avoir un autre mari. Je naurois pas affe^ gagnê au change, répondit-elle dédaigneufement. Elle pleura abondamment,&conferva une forte rancune contre le Cardinal , qu'elle fuppofa lui avoir attiré cette fcene défagréable. trente-quatre d'une doloire de tonnelier , & il ccia jufqu'au vingtieme. Voy, Aubery, /bid. I V Louis xin. 1626. Difperfion des complir ces.  201 L'Intrigue Louis XIII. 1626. Quant aux prifonniers, le Maréchal d'Ornano mourut a Vincennes en Septembre , prefque fubitement : on foupconna du poifon; mais le rapport des Médecins conftata le contraire. 11 proteiïa, en recevant les Sr.» erements, que jamais il n'avoit rien tenté contre la perfonne du Roi, ni le bien de 1'Etat; mais que voyant Ie Cardinal s'emparer de 1'autorité , il avoit taché d'en tirer une petite part pour Monfieur» Le Duc de Vendöme fit tous les aveux qu'on lui prefcrivit, & fortit de prifon; mais. dépouillé de fes Gouvernements, & avec une modique penfion , qui ne lui laiffoit que le moyen de voyager obfcurément. Le Grand-Prieur fon frere , mourut dans les fers, n'ayant jamais voulu rien avouer de ce qu'on exigeoit; protefiant, au contraire, devant le Saint-Sacrement, qu'il n'étoit aucunement coupable , a moins que ce ne fut un crime d'avoir travaillé k dillüader Monfieur d'époufer Mademoifelle de Montpenfier. On porta aux Cours d'Angleterre & de Savoie 9 des plaintes contre les Ambiffadeurs, qui s'étoient mêlés de cette affaire :  uu Cabine t. 203 la première n'en fit pas grand cas, & peut-être cette négligence affecïée attira-t-elle a ce Royaume les troubles que Richelieu eft ioupconné d'y avoir fomentés. La Cour de Turin, après avoir inutilement tenté de défendre 1'Abbé Scaglia , eut la complaifance de le rappeller. On compte, entre les difgraciés, le Duc de la Valette i le Prince de Mariillac, le Commandeur De Jars, beaucoup de Seigneurs. & jufqu'a Baradas le Favori du Roi. 11 étoit Gentilhomme de quelque canton de Bourgogne , & il fut recii Page de la petite écurie , préfenté pai le Comte de Saint-Geri. On ne fail comment Baradas vint a bout de plaire a Louis XIII; mais il y réuffit li bien . que ce Prince ne pouvoit fe paffer de fa compagnie : il étoit même jaloux des politelfes qu'on pouvoit faire £ fon Favori, &c vouloit qu'il n'acceptat rien d'autre perfonne que de lu: (a). En fix mois, il le fit premie) {a) Le Roi lui demanda un jour oh i avoit diné. Baradas répondit qu'il avoit pri fon repas a 1'auberge. Baffompierre, pré l vj Louis XIII. l(>2  du Cabine t. 211 tèrëts différents de ceux du Roi & de 1'Etat. Plus ces imputations de nóirceur fontgraves, plus elles demanderoient de preuves pour être crues, &c Siri s'en adminiftre aucunes. II paroit qu'il a ramaffé les bruits épars que la jaloufie enfante fouvent contre les perfonnes en place ; qu'il leur a donné une liaifon & en a formé un corps, qu'on doit regarder comme un roman :car, paree que des événements font favorables a un Miniftre y il ne faut pas toujours croire qu'il les a provoqués. Sans charger Richelieu de ces horreurs, c'eft bien affez contre fa gloire qu'on foit obligé d'avouer, que fans doute il n'a pas affez travaillé i guérir Louis XIII de fa jaloufie; que peut-être y trouvant fon avantage , il a laiffé fortifier cette trifte paffion, en n'écartant pas les aliments dont elle fe repaiffoit: d'ailleurs, il eft certain que Louis XIII & fon Miniftre ont expofé leur réputation en fubflituant desjuges choifis arbitrairement, & des procédures ténébreufes , aux Tribunaux ordinaires & aux formes recues, qu'un Souverain fage ne chan? Louis XIII. 1616.  L o u i < XIII. 1627. Affemblée des Notables. Mere. t. 13- Mém. d^Aubery , t. I, p, aS8. I I 3 1 1 I 212 f I n tri g v e gera jamais, a moins que ce ne foit pour faire grace. A cette fcene tragique, Richelieu ft fuccéder un grand ïpeflacle, favoir, 1'afiemblée des Notables, compofée des Députés du Clergé, de la Noblefie & du Parlement, préfidés par Galton: elle fe tint au Palais des Tuileries, & eut trente-cinq féances. Le Cardinal y parut deux fois, & harangua avec une netteté & une force qui furent admirées. S'il ne voulut que favoir ce qui pouvoit être utile aux peuples , il n'avoit pas befoin de tout eet appareil. II n'y a point de Miniltre qui ne trouve fans éclat des lumieres & des confeils-, quand il le defire fincérement. Mais on crut que Richelieu n'avok d'autre intention que de Faire connoïtre les vices du gouvernement , afin qu'on lui eut enfuite >lus d'obligation des avantages que fon niniltere procureroit: aulïi n'y eut1 partie d'adminiltration, dont 1'afèmblée ne prït connoifiance ; pro:ection des Eglifes, maintien des Edits fur la Religion, police des mceurs, ■écompenfes pour la Noblefie , Etat nilitaire, Jufiice , commerce, finan-  du Cabine t. 213 ces: elle difcuta tous ces objets felon le defir du Cardinal, excepté un article, fur lequel on jugea qu'il ne feroit pas faché d'être contredit. Richelieu propofa de modérer les peines établies contre les criminels d'Etat, &C de les réduire a la feule privation de leurs charges, après la feconde défobéilfance : mais 1'alfemblée , fans égard aux remontrances du Miniftre, pria le Roi de tenir en rigueur les anciennes Ordonnances. On penfe que dans cette oftentation d'indulgence , le Prélat eut deux chofes en vue : la première, de faire croire que c'étoit malgré lui qu'il avoit lailTé périr Chalais , victime de la rigueur des loix: la feconde , d'épouvanter ceux qui voudroient courir les mêmses rifques, en leur montrant le glaive de la juftice toujours levé fur leurs têtes; mais cette derniere confidération ne fut pas capable de détruire 1'efprit d'intrigue qu'une vieille habitude & de nouvelles circonftances entretenoient a la Cour. Le mariage de Monfieur avoit donné nailfance a une cabale ; fon veuvage en produifit une autre, & Louis XIII. 1617. Monfieitt devient veuf; on vent le  Louis XIII. 1627. Vialart, P- 212. Aubery , V- 137Mém. Ree. t. 6 , p, 268. 214 L' I N T R I G V E fut la première caufe des malheurs de la Reine-Mere. Après neuf mois paffes dans les douceurs d'un hymen tranquille, neuf mois qui furent les plus heureux de fa vie, Galton perdit fa femme: elle mourut en donnant le jour k une Princelfe , qui fut Mademoifelle de Montpenfier. A peine eutelle les yeux fermés, que Louis fignifia a fon Miniltre qu'il ne vouloit plus entendre parler de mariage pour fon frere, & qu'il fauroit gré au Cardinal des mefures qu'il prendroit pour en éloigner les propofitions. La ReineMere , au contraire, voyant le Roi d'un tempérament foible & fans enfants, promene auffi-tot fes regards fur les Cours de 1'Europe, y cherche une époufe capable de rixer la légéreté de fon fils, & de donner des héritiers au Tröne, & s'arrête avec complaifance fur celle de Florence , fa patrie, ou fe trouvoient deux Princelfes attachées k Marie par les liens du fang, & dont 1'alliance lui faifoit efpérer de retenir toujours fon pouvoir fur 1'efprit de Galton. Mais trop ardent pour fe contenter d'objets éloignés, le Duc d'Orléans  DU CABINET. 2ïc prend du goüt pour Marianne de Gonfague, fille du Duc de Nevers, qui deyint dans ce temps , par héritage , Souveraine de Mantoue & du Montferrat. La jeune Reine veut, ou que fon beau-frere ne fe marie pas ( rinages. Un jour qu'elle en revenoit, Monfieur la rencontra , & lui dit : Madame , vous venei de folliciter vos juges contre mot ; ;e confens que vous gagnie^ votre procés , fi le Roi a afei de crédit pour cela. Voy. Monglat. tom. I, p. 94, Louis XIII. 1617.  n6 L'Intrigue Louis XIII. 1627. Deffeins sontre la Rochelle. (a) Les Dames recoivent, en naiffant, des oualités contraires d la bonne conduite d'un Royaume.. .. au jugement de Dïeu même , parlant par la bouche dlfaie, le gouvernement des femmes efl une des malèdiclions dont le Ciel afjlige quelquefois les peuples. Voyez Vialart , Réflexions Polit. p. 212. l'Evêque d'Avranche étoit ami & confident de Richelieu : on pourroit croire que la prévention contre les femmes , qu'il a confignée dans fes écrits, il 1'a puifée dans fes entretiens avec le Cardinal, qui avoit dioit de s'en plaindre. cette occalion Vialart, Evêque d'Avranche , qu'au fo'eil du primemps , capabli d'attirer les vapeurs dans lés airs , mais non de les rcfoudre. Uardair & le mouvement de leurs paffions reffemble aux efforts d'un torrent impétueux qui dèracine les arbres (a). Elles éleverent, en effet, des tempêtes terribles contre Richelieu; mais il foutint leur choc avec fermeté : & les infortunés qui s'embarquerent fous leur garantie , vinrent fe brifer contre les écueils que fa prudence leur oppofa. L'amour ou la galanterie joua encore fon röle dans le parti qui fe forma, pour faire échouer les projets belliqueux  du Cabinet. 117 belliqueux de 1'Evêque de Lucon. Après avoir fcandalifé les Catholiques, comme il le difoit lui-même , par la paix qu'il procura aux Calvmiltes, il étoit enfin prêt a porter le coup qu'il méditoit depuis long-temps, & a les chaflèr de la Rochelle, leur dernier boulevard. Malgré fa diffimulation, fon delTein ne leur avoit pas tout-a-fait échappé. Une forterelTe établie a leur porte , entretenue , augmentée, munie de troupes plus nombreufes , contre I'alTurance des traités, leur commerce gêné , leur marine affoiblie par des vexations fourdes &c des dénis de juftice, plus que par des combats; les Provinces voifines remplies de foldats; des négociations foutenues avec 1'Efpagne & 1'Angleterre, beaucoup d'égards pour ces Puiffances, afin de leur öter jufqu'au moindre prétexte de fecourir les Religionnaires : tout cela leur annoncoit une attaque réfléchie, a laquelle il leur feroit bien difiicile de réfilfer; aufli n'omettoient-ils rien pour lacher de détourner 1'orage, ou de Ie rendre moins dangereux. Outre une petite guerre qu'ils enTome II. K Louis XIII. 162.7. Négociation de Richelieu. ;  Louis xiii. 1627. Et contre lui. Brienne, 1. l,p. 274- Mém. Ree. 1. 6, p. 2J4. n8 L'Intriguk tretenoient toujours dans le Languedoc , la Guyenne , le Poitou & les Cévennes, ils avoient des émiffaires dans toutes les Cours, émiffaires pleins d'ardeur, qui follicitoient des fecours, avec le zele qu'infpire une Religion a fauver. Ils. échouerent en Efpagne, oü [e Cardinal fut perfuader que, fi Phi[ippe IV fe refufoit a leurs inftances, la France le laifferoit jouir tranquillement des conditions d'un traité, qui lui donnoit de grands avantages dans la Valteline. Richelieu fit même fi bien valoir la caufe du Catholicifme, qu'il obtint des vaiffeaux Efpagnols contre les Rochelois. Ceux-ci ne réuffirent pas mieux a obtenir une diverfion de la part de 1'Allemagne, qui étoit défolée par la guerre entre PEmpereur, les Rois de Pologne, de Suede ckde Danemarck; guerre qu'on attribue aux menées fourdes du Cardinal, qui vouloit öter aux Huguenots la reffource des troupes de ce pays. Enfin, ils trouverent plus de faveur en Angleterre. Le Duc de Buckingham , toujours ou réellement épris des charmes d'Anne d'Autriche , ou emporté par la vanité de faire croire  DU CABINET. 2I( qu'il plaifoit, n'omettoit rien pour f faire rappeller en France. II offroi d'y venir, comme ami, négocier un< paix durable ; mais la jaloufie dt Louis XIII lui ferma toujours les portes de fon Royaume. Buckinghan crut que le Miniftre avoit encore plu; de part que 1'épouxa fon exclufion: il jurade s'en venger, & de venir li bien accompagné , qu'on ne pourroil lui refufer 1'entrée de la France. La Duchelfe de Chevreufe, reléguée a Dampierre, demeure bien trifte pour une intrigante , joignit fon reflèntiment a celui du Favori Anglois. On a vu qu'elle 1'aimoit, qu'elle haïffoit le Cardinal, comme fon perfécuteur. Si-töt qu'il eflqueftion de lui nuire, toute bienféance elf oubliée. Elle recoit chez elle Mylord Monraigu, confident de Buckingham. Elle affect e en public de le traiter en amant, afin de cacher les deffeins politiques qui le retenoient auprès d'elle. Dans fes converfations, elle fe rappelle ce qu'elle a pu favoir , pendant le miniftere de Luynes fon premier mari, de Vétat de la France , des intéréts des principaux Seigneurs, de leurs amitiés, K ij ) . L o u i s c XUI. ! 1627. . Mere. t. I?- P- ?7o. Viniard,  Louis XIII. 1627. Exécution de Bouteville. Mere. 1 13 »p- 399 110 L'Intrigue de leurs haines; & après Pavoir bien inftruit, elle le lance, pour ainfi dire, a travers les mécontents. II parcourt la France, s'annonce chez les uns , furprend les autres, en réunit plufieurs, entame des traités , donne des efpérances aux Calvinilfes, voie enSavoie, s'abouche avec 1'Abbé Scaglia, forme avec lui le projet d'une diverfion; & lorfqu'il revenoit en Lorraine, trèsperfuadé du fuccès de fes peines, il eft arrêté fur la frontiere. Le Cardinal qui le faifoit fuivre, lui avoit lailfé tranquillement établir fes correfpondances , afin de les découvrir toutes a la fois. On faifit fes papiers, qui étoient tout ce qu'on vouloit, & on le relacha ; mais le Marquis de Rouillac , le Marquis d'O, & plufieurs autres, furent mis a la Baftille. Madame de Chevreufe fe fauva en Angleterre. Les Grands , que la mort de Chalais n'avoit pas affez intimidés, apprirent alors a trembler , en voyant •conduire fur 1'échafaud Francois de ' Montmorency , Duc de Bouteville , & Francois de Rofmadec, Comte de Chapelles. Tous deux avoient bravé 1'autorité; & malgré les défenfes, ne  du Cabine t. m tenant aucun compte du ferment que le Roi avoit fait a fon Sacre, de ne point pardonner aux Duellilfes , ils étoient venus fe battre dans la place Royale. En vain toute la Cour follicita pour eux ; ils furent condamnés, &C eurent la tête tranchée. On donna a leur fupplice le plus grand appareil: exemple prefque unique en France , de grands Seigneurs punis publiquement fans crime d'Etat, & pour avoir manqué, non au Prince, mais aux loix (a): (a) Ce chatiment ne ralentit pas, même (bus le gouvernement de Richelieu , la fureur des duels, qui fut portée a un exces ridicule. Voyee dans les mémoires de Buffy-Rabutin , pag. 15 , année 1638, la relation d'un duel de cinq contre cinq. II eft fondé fur ce qu'on peut appelier une quereüe d'Allemand. Ceux qui fe battent, n'en favent pas le fujet. L'un apprenant qu'il |y a querelle, vient offrir fes fervices a Bulfy, fk fe voyant refufé , paree que Bufl'y a fon nombre de combattants , il va les offrir a. fon ennemi. Un Moufquetaire eft rencontré fur le Pont-Neuf, on lui propofe de venir faire le cinquieme. II accepte, & remercie très-fincérement de ce qu'on lui pro.cura 1'occafion de fe couper la gorge a^ec K iij Louis xiil 1627.  Louis XIII. 1627. Buckingham devant 1'lfle de Ré. Brienne , t- I , p. 274. Mém. Dupl rok pas héfité de confeiller fa défenfe, dans un temps oü fon fils fe voyoit une armée aguerrie , prête k fe porter par-tout oü on voudroit : mais le Cardinal de Bérule, confident de Marie, & qu'on favoit n'agir que par la volonté de la Reine , paria fortement dans le Confeil contre cette expédition. II dit que 1'armée du Roi, qu'on vantoit tant, étoit affoiblie & harraffée ; qu'il faudroit commencer la guerre par emporter le paffage des Alpes, pendant que les rigueurs d'un printemps froid & pluvieux ajeuteroient encore aux difficultés naturelles ; que cette feule entreprife pourroit détruire en une campagne les principales forces du Royaume ; qu'il étoit k craindre qu'alors la Maifon d'Autriche ne s'ébranlat & ne vïnt heurter de tout fon poids la France, rendue incapable de foutenir le choc. Richelieu, qui faifoit profeffion de ne pas craindre ce colofle, réfutahautement ces raifons, & conclut k la guerre. II traca au Roi un plan d'opérations aufli folide que brillant, & promit au Monarque, que, vainqucur de la Savoie , il le ramenercit la ü O V I s XIII.  Louis XIII. Méfintelligenceentre la ReineMere & Ie Cardinal. Mém. ric. t. 6, p. 429 & 591- Teflam. Polit.t. 1, p. 12. Mém. de Mr.p. lij. Aubery , H;J1. torn. I, p. 137. 4 130 L'Intrigue même année triompher du relte des Huguenots dans les Cévennes. Pour réuffir dans ces projets, il falloit que le Prélat ne put être croifé ni contrarié. Louis, dans cette intention , lui conféra toute fon autorité , en le créant Miniftre. Richelieu alla frayer au Roi le chemin de la victoire. II partit comblé des diltinctions les plus flatteufes, mais déja intérieurement difgracié de la Reine-Mere. Elle n'avoit pu s'empêcher de lui marquer par fes manieres & des propos indirecïs , qu'elle nourrilfoit au fond de fon cceur du relfentiment contre lui: de fon cöté, il faifoit fentir k Ia Princelfe qu'il s'appercevoit de fon refroidiflèment ; mais refpedfueufement il en rejettoit Ia caufe fur les infinuations de fes ennemis. On s'expliqua ; le Roi intervint : mais il y eut bientót une brouillerie plus importante , puifque la Reine voulut öter au Cardinal la Sur - Intendance de fa Maifon. Louis s'en mêla encore. Ce fut dans les converfations qu'il eut a :e fujet avec fa mere , qu'elle lui rvoua qu'elle avoit toujours reconnu lans le Cardinal des talents propres  B U C A B I N E T. 231' a 1'adminiftration du Royaume; mais qu'elle n'en vouloit pas pour le gouvernement de fa Maifon : témoignage précieux de la part d'une femme mécontente. II s'en falloit bien que Richelieu put en rendre d'elle un pareil. Ses démarches, loin d'être une lüite de fon affection pour 1'Etat, n'étoient fubordonnées qu'a fapafllon. Quelques troupes de Francois , envoyées d'avance en Italië pour tenir les Efpagnols en échec, ayant été battues , elle en triompha ouvertement, & dit avec complaifance, que jamais le Duc de Nevers ne réuffiroit. Au-lieu de Ia douceur, qui gagne & perfuade, elle employa le ton abfolu & la violence , pour rompre tout commerce entre Galton fon fils & Marie de Gonzague. II arriva de-la que les femmes & les jeunes gens s'emprefferent de fournir aux Amants les occafions de fe voir &c de fe parler : on les abouchoit dans des fêtes publiques, des parties de chaffes, des rendez-vous auxquels on donnoit un air fortuit, des viiites , & jufqu'è des rencontres dans les Eglifes, fous Louis XIII. 1629. La Prin« cefie Marie arrêtée. Baffomf, <• %, p. '73.  Louis XIII. 1629. Derniere guerre contre les Calviniftes. Mere. torn. 15. 232 L'Intrigue prétexte de dévotion. La Reine fe crur jouée; fon caractere emporté s'enflamma. Elle fit commander a fon fils, de la part du Roi, de celTer fes affiduités auprès de Marie; & voyant que ce moyen ne fuffifoit pas, elle donna brufquement Fordre d'arrêter la Princeffe : de forte qu'au commencement d'une nuit noire, cette jeune perfonne fe vit environnée par une efcorte effrayante , féparée de fes femmes, & tranfportée avec une feule qu'on lui laifla, dans une chambre grillée du chateau de Vincennes, qu'on n'avoit pas eu le temps de meubler. Elle n'y trouva ni lit, ni feu , ni vivres, & le premier coup d'ceil lui préfenta toute 1'horreur d'une affreufe prifon. Pendant que cela fe paffoit, Louis forcoit le Pas de Sufe, & fon Miniftre apportoit toute fon attention a ne pas fe laiffer fuprendre par les propofitions infidieufes du Duc de Savoie. Le Roi & le Cardinal vainquirent chacun dans leur genre. Le Duc fut obligé de lailfer palTer les Francois par fes Etats : ils firent lever le fiege de Cazal , Capitaie du  du Cabine t. 233 Montferrat, Sc lailTerent au Duc de Mantoue affez de forces pour défendre fon patrimoine. Après cette expédition , qui fut brufque Sc courte, Louis, felon la prédiction de fon Miniftre , revint dans les Provinces oü les Huguenots confervoient des retraites. II y tomba comme un foudre, faccagea, brüla , détruifit, les forca de demanteler leurs places, Sc de fe laiffer enchainer par les loix que Ie Cardinal leur difta. De ce moment, ils ne formerent plus de corps dans 1'Etat; leurs chefs ne furent plus que des particuliers fans autorifation légale , leurs Miniflres , des gens de lettres fans privileges. Le Gouvernement ne fe lia point avec eux par des traités : il ne conferva, a leur égard, que des engagements de bonté; 8c les réglements faits a leur fujet furent des ordres abfolus, émanés de 1'autorité fouveraine, Sc non des conditions ftipulées, comme auparavant, pour ainfi dire, d'égal a égal. Ce fut, remarquent les Hiftoriens , le plus beau moment du miniftere de Richelieu , paree que la France triomphoit au-dehors Sc au-dedans; que les en- l o v 1 s XIII. 1649.  Louis XIII. 1629. La méfin- telügence' augmente entre la ReineMere & le Cardinal. 1 < « i • i 1 < i < < < 234 L'Intrigue nemis extérieurs publioient eux-mêmes la fapériorité des lumieres du Cardinal; & que les Calviniltes, en foupirant fur les débris de leurs forterelfes renverfées , ne pouvoient s'empêcher de reconnoïtre fon affabilité, fa facilité a adopter tous les expédients de douceur , & fa fidélité k exécuter fes promelfes. Enarrivant k Paris, Richelieu trouva que les premières froideurs de la Reine-Mere étoient devenues de la iiaine. Elle avoit eu le chagrin de voir que fa dureté k 1'égard de la PrincelTe vlarie n'étoit pas approuvée du Roi : ïlle auroit voulu que fon fils applaulit publiquement k fa conduite; & iu contraire il lui envoya de 1'armée, les remontrances, k la vérité fecretes k. refpedfueufes , mais très-fenfibles, ur 1'éclat imprudent qu'elle s'étoit )ermis. Tout ce qu'on crut pouvoir lonner a fa dignité, ce fut dê lui laifér, a 1'extérieur, 1'honneur de rac:ommoder ce qu'elle avoit gaté. Ainfi, >n convint que Gaflon iroit faire des •xcufes & des promelfes k fa mere, k lui demander la liberté de la Prin:effe: elle 1'accorda, mais de mauvaife  DU C A B I N E T. 235; grace; & elle demeura li courroucée contre le Cardinal, qu'elle ne put s'en taire. II auroit dü, difoit-elle, la foutenir dans cette affaire, & déterminer en fa faveur 1'efprit du Roi, qu'il tournoit a fa volonté. Sur ce principe, elle s'en prit k lui du chagrin que lui caufoit la mortification qu'elle avoit effuyée; Sc quand il parut a la Cour , elle le recut très-mal. Cette fois les négociations n'y firent rien; Sc 1'aigreur en vint au point, que le Prélat commanda a la Marquife de Combalet, dupuis Ducheffe d'Aiguillon , fa niece, & k tous les parents Sc amis qu'il avoit placés dans la maifon de la Reine, de fe tenir prêts k en fortir, paree qu'il en alloit quitter la Sur-Inteadance. Louis fut obligé de fe meier de cette brouillerie : partie par infinuation, partie par autorité, il modéra la colere de fa mere, qui crut accorder beaucoup , que de fouffrir que Richelieu eut la liberté de fe préfenter devant elle. Le Duc de Savoie ne fut pas fidele1 au traité de Suze; il ouvrit de nou- J véati fes Etats aux renforts Efpagnols. Le Duc de Mantoue fe trouva preffé \ Louis XIII. 1619, nconftan» :e de Gaf* on. Mém. VOrléans ^ 101,  Louis XIII. 1619. Mém. Ree. 7, p. 4- (a) On voit dans les Mémoires de Rochefort, que Galton fréquentoit les tavernes, infultoit les Bourgeois le foir dans les mes, voloit les manteaux fur Ie Pont-Neuf, Sec. De ces récits, fans doute les un* font faux ea tout, les autres exagérés : mais la mémoire s'en eft perpétuée jufqu'a nous ; & c'eft un 2verthTement aux Piinces de ne rien fe permettre, qui puiffe fonder des imputations fi, aviliflantes. 2.36 L'Intrigue dans fa Capitale, & il fallut recommencer une guerre qu'on croyoit n*nie. Ce qui enhardiffoit Charles-Emmanuel, c'elt qu'il favoit Ia méfintelligence de la Cour de France. Marie de Médicis ne celToit de dire qu'il étoit honteux de rifquer de mettre fEurope en feu, pour un petit Prince d'Italie. D'ailleurs, la conduite de Monfieur étoit très-propre a faire tirer des^ conjedtures peu avantageufes aux intéréts des Gonzagues. En jeune homme trop maitre de fes volontés, Cjui p.2 connoit ni frein de bienféance, ni bornes a la dépenfe , il donna dans les parties de plaifirs de toute efpece, 6c même de débauche crapideufe (a) : 8c quand le Roi revint,  DU C A B I N E T. 237 foit honte de fa vie licencieufe, foit crainte des reproches, Gallon évita la préfence de fon frere, & le mit a\ errer fans trop favoir oü il iroit. Son incertitude le mena fur Ia frontiere de Lorraine. Le Duc 1'invita a fa Cour: il y alla, & y trouva de jeunes Princelfes belles & enjouées , auprès defquelles il déploya librement tous les agréments de la galanterie Francoife. Les jeunes gens qui accompagnoient Monfieur, imiterent fon exemple. Puy-Laurent, fon Favori, y fit la conquête de la Princelfe , mariée au Comte de Phalsbourg : elle étoit fceur ainée de la Princelfe Marguerite, qui gagna le cceur du Prince. On vivoit fans gêne dans cette Cour; & ce ne fut qu'a regret que le Duc d'Orléans céda aux ordres du Roi, qui le rappelloit, & aux remontrances du Duc, que le Monarque menacoit, fi fon frere ne revenoit pas. On envoya, pour opérer ce retour, des négociateurs, qui convinrent avec Monfieur d'une fomme pour payer fes dettes, & d'une augmentation d'apanage. Ils accorderent auffi a fes confidents des gratifications, des dignités, des pen- Louis XIH. 1629.  Louis xiii. 1629. Motteyil, le, rem, I, 238 L'Intrigue fions: mais on mit aux graces du Roi, cette condition exprefle, qu'ils ne donneroient a leur Maitre que de bons confeils, & qu'ils répondroient de fes démarches. II ne fut pas queftion , dans ce traité , de la Princelfe Marie de Gonzague; elle étoit déja oubliée. On dit que Galton en fit le facrifice a fa mere, dont il regagna ainfi les bonnes graces. Pendant le cours de cette amourette, le Duc de Nevers écrivoit de Mantoue, k fa fille & a fon Réfident, de fe conformer en tout aux volontés de la Reine-Mere; mais il n'auroit, fans doute, pas été faché que quelque heureux événement lui eut procuré, même contre le gré de Marie, 1'alliance du fils de France , qu'il auroit regardée comme le gage d'un fecours affuré : k ce défaut, il trouva une reffource non moins certaine dans la politique de Richelieu. Ce Miniftre jugea qu'au moment oii la France commengoit k fe relever du difcrédit dans lequel elle étoit tombée en Europe, il lui feroit très-préjudiciable de fe laiffer manquer par le Duc de Savoie. II détermina donc le Roi k pouffer cette guerre avec  du Cabine t. 239 vlgueur; & afin que rien ne retardat les opérations, foit lenteur des recrues, ou défaut d'approvifionnements ou de finances, il fut réfolu que le Monarque commanderoit en perfonne, & quele Miniftre 1'accompagneroit, afin de pourvoir a ce que rien ne manquat. On defiroit que la Reine-Mere reftat a Paris en qualité de Régente, comme elle avoit fait pendant la première expédition; mais elle refufa, pour faire voir ■ qu'elle n'approuvoit pas celle-ci. Elle voulut même fuivre fon fils , dont la fanté , difoit-elle , pouvoit être confidérablement altérée par les fatigues de la guerre, & la chaleur du climat oii elle fe feroit. A ces inquiétudes, dignes d'une mere , fe "joignoit le defïein de contrarier le Cardinal: il confeilloit au Roi d'aller a la guerre, afin, difoit la Reine-Mere, de le pofféder feul & tout entier; & Marie s'obfiinoit a 1'accompagner, afin que le Minifire n'eut pas eet avantage. La jeune Reine avoit une raifon auffi bonne de s'attacher aux pas de fon mari; c'efr que, depuis quelque temps, le froid, f indifférent Louis montroit un goüt vif pour la compagnie d« Louis XIII. 1629.  X o u i s XIII. 1619. (a) Elle étoit petite-fille de Madame de Ja Flotte, Gouvernante des filles de la Reine-Mere, L'inclination du Roife fortifia pendant le voyage de Lyon ; & elle devint fi publique, que Ia jeune Reine s'en défefpé" Toit, & menaca la Favorite de lui faire cou» per le nez. Les attentions & les déférences de Mademoifelle d'Haute-Foft calmerent la Reine, & elles devinrent bonnes amies. Voy. Mém, de Monglat, torn. 1, p. 63. 240 L'Intrïgue Mademoifelle de Haute-Fort (a). Cet empreffement, qui avoit tous les dehors d'une inclination de cceur, allarmoit Anne d'Autriche; elle craignoit, fi elle perdoit le Roi de vue , qu'il ne lui échappat. Sans blamer 1 envie qu'elle faifoit paroïtre de ne point quitter fon époux, Madame Du Fargis, fa Dame d'atours, lui confeilla da ne pas le fatiguer par des démonftrations de jaloufie : S'il tfl capabk £aimer, lui dit-elle, cejl a vous feule qu'il ejï capable de le marquer; diftinction qui explique affez bien la galanterie de Louis XIII. II auroit peut-être été dangereux, pendant que le Roi fortoit du Royaume , de laiffer au centre les deux Reines  du Cabine t. 141 Reines mécontentes ; c'eft pourquoi Louis ne fit pas grande difhculte de leur permettre de 1'accompagner jufqu'a la frontiere. Quant a Monfieur, comme on étoit fur de lui, par les engagements pris avec fes confidents, payés pour lui donner des confeils concertés, on le laiffa maitre de fes démarches. La France n'avoit a craindre que du cöté de la Flandre, ou les Efpagnols, preffés en Italië , pouvoient faire une diverlion puiffante. On leur oppofa le Maréchal de Marillac, qui fut chargé de fortifier les places de Picardie & de Champagne, & de couvrir, avec une armée d'obfervation, ces pays qui avoifinent le centre du Royaume. Ces précautions prifes, Ie Cardinal partit, le 29 Décembre, revêtu de l'autorité Ia plus étendue que Miniftre eut jamais eue, accompagné du Cardinal de la Valette & de trois Maréchaux de France a fes ordres. Le Roi ne fe mit en marche que ïrois mois après. Ce délai penfa être ' funefte au Cardinal: la rapidité de fes ei opérations militaires, fa fermeté a ne 'ne fe point laiffer retarder par les offres ] Tome II. L Louis xiti, 1029. 163». Complot 'iir faire houer Cardi1. ourn.  Louis XUL : 1630. Rch. t. I, P. So. Lum. pour THift. de france , p> S49. Les Marillac. Vialart , p. 238 &■ 437- ■ Mém. Ree, t. 7, P- 7 142 L' Intriguë rompeuies du Dvic de Savoie, effraye-ent ce Prince. Emmanuel connoiflbit t'a tendrelTe que Marie de Médicis avoit pour Chriltine fa fille, belle-fllle du Duc. II fit écrire par cette Princelfe, a fa mere, des lettres remplies de plaintes ameres contre le Miniftre: elle difoit qu'il rejettoit les propofitions les plus raifonnables, & qu'on pouvoit juger que fon intention étoit de réduire fon beau-pere au défefpoir, afin de 1'obliger de fe commettre avec le Roi, au hafard de perdre fes Etats. La répugnance que Marie avoit pour cette guerre, & fes autres préventions, lui rendirent ces imputations croyables. Elle jura la perte du Cardinal, & affocia a fa haine tous ceux que différents intéréts réuniffoient contre le Prélat. Les principaux furent les deux freres Marillac , 1'un Maréchal de France , 1'autre Garde-des-Sceaux & SurIntendant des Finances. Ils avoient tous deux été élevés aux emplois par le Cardinal, k la recommandation de la Reine-Mere. Malheureufement pour eux, ils préférerent la faveur de leur proteclrice k celle du Miniftre, & fe  DU C A B I N E T. 243 laifTerent aller a la tentation de le fupplanter. Le Garde-des-Sceaux étoit grand travailleur, & hardi k imaginer; fon frere ne voyoit que par lui, &c étoit toujours prêt k exécuter ce que 1'autre projettoit. Aidée de ces deux hommes, la Reine entreprit une guerre ouverte contre le Cardinal: elle prit pour troupes auxiliaires tous les hommes & les femmes de la Cour qui voulurent s'engager k elle ; des Médecins , des Officiers domefliques, qu'elle chargea de la dangereufe commiffion de fouffler fans celfe aux oreilles du Roi des plaintes de fon Miniftre. Le Cardinal de Gondi lui remontra, que peut-être fe feroit-elle tort par une attaque fi directe; que fi elle avoit k fe plaindre de fon ancien protégé , on trouveroit des moyens plus doux pour la fatisfaire & les réconcilier. Marie répondit: Ces expédiens fcroient bons avec tout autre ; mais avec un caraclere comme celui du Cardinal, ingrat, malin, ombrageux, vindicatif & ambitieux outre me/ure, il n'y a pas de tempérament a prendre. Je viendrai enfin d bout, dit-elle, de dètromper le Roi, paree que je fuis Jüre de fa tendrefft, L ij Louis XIII. 1630,  Lovi XIII. 1630. 244 L'Intrigue s qui tót ou tard privaudra. II auroit, en effet, été bien difficile que ce Prince échappat a la féduction, fur-tout le Cardinal n'étant pas a portée de fe défendre , fi fes ennemis , pour le perdre plus fürement, n'eulfent entrepris de lui óter ce qui étoit auprès de Louis fon plus ferme appui, favoir, la réuflite dans fes entreprifes. Richelieu fut prefque toujours en état de prouver a fon maïtre , que pendant qu'il ne travailloit que pour 1'honneur de la France, fes ennemis employoient contre lui des moyens odieux , plus nuifibles au Royaume qu'a lui-même. Cette différence indique la caufe de fes fuccès & de leurs revers. Par exemple, dans cette circonfiance, il eft plus que probable que les Marillac & leur cabale eurent deffein de faire échouer le Miniftre dans la guerre d'Italie , qui étoit fon ouvrage, pour lui enlever la confiance du Roi; & que s'ils avoi ent été fürs de lui attirer quelque défavantage éclatant, ils n'auroient pas héfité d'y facrifier la vie des foldats & Thonneur de la Natiom En cffet, en ne peut guere attribuer qu'a ce  DU C A. B I N £ T. 245 projet criminel Pétat oü fe trouva réduite 1'armée que commandoit le Miniüre, privée dargent que le Garde des-Sceaux s'étoit engage de fournir, privée de recrues qui devoient partir de 1'armée de Marillac; de forte que, fi le Roi n'eut volé a fon fecours, 1'Italie devenoit le tombeau des Francois & de la fortune du Cardinal. Ce Prince s'arracha aux plaifirs de laCapitale, qu'on tachoit de lui rendre agréable : il furmonta la crainte qu'on s'efforcoit de lui infpirer des fatigues & des périls de cette guerre. II partit en Mars. Son arrivée fur la frontiere, ne remédia pas tout d'un coup au mal. Le premier Miniftre fut obligé de demander, comme en fuppliant, au Sur-Intendant ,les fonds que celui ci vouloit appliquer a un autre objet; & pour avoir les troupes de Marillac, qui devoient renforcer Par niée d'Italie, il fallut y appeller le Maréchal lui-même, & lui offrir de partager Phonneur de la vidfoire (a). (a) Un témoin oculalre , dont 1'ouvrage cependant tient autant du Roman que de l*HifL iij Louis XIII. 163e. Le Rei malade «t Lyon. Mém. d*Aubcry , e. 1,^.783. Mém. d'Orlêans s t.l,p. 106. Journ. de. Rich.p.So* Vialart. »4. Brienne, t. ■ > P- 9- Mere. t.16. Mém. ree. ■,7,p-181.  Louis XIII. 1630. toire , rapporte que le Cardinal marchoit au milieu de 1'armée en bataille, que ks Officiers étoient a pied autour de fon carroffe ; que quelquefois il montoit a cheval , armé d'une cuirafTe , vêtu d'un habit galonné, & des Pages portoient devant lui fon cafque & fes gantelets. Voy. Por.tis, toni. U, p. 2& 4. 246 L'Intrigue ' Avec ces fecours, le Roi eut bientót conquis la Savoie; & les autres Etats du Duc alloient devenir la proie du vainqueur, loriqu'une maladie aiguë le furprit a Lyon, oii il étoit revenu pour quelques jours fe délalfer de fes travaux. Le danger fut extréme, & donna lieu k bien des craintes & des efpérances. Couché fur fon lit de douleur, le Monarque ne fut pas plus exempt que les autres hommes, des fatigues d'efprit qu'on n'épargne pas affez aux mourants. Chacun vouloit fixer fon attention & Fintéreffer a tout, lui a qui tout alloit échapper. Le Cardinal ayant le plus a craindre d'une femme irritée ,qui alloit devenir toute puiffante, fupplia Louis de pourvoir k fa füreté. Le moribond fit venir le Duc de Montmorency : Promette^-  du Cabine t. 247 moi, lui dit-il, donne^-moi votre parole d'honneur, qu'a la première demande de M. le Cardinal, vous prendre^ une bonne efcorte, & le conduire^ vous-même a Brouage. Montmorency donna fa parole. Le Prélat, du confentement du Roi, entretenoit dans cette ville une forte garnifon : il comptoit s'y dérober au premier coup de la vengeance , & fe retirer de la, par mer, a Rome , s'il ne voyoit pas lieu de vivre fürement dans fon Diocefe , ou même de rentrer dans les affaires dont il avoit feul la clef. La convalefcence de Louis rendit ces précautions inutiles; mais elle ex- j pofa de nouveau ce Prince aux per- < fécutions de toute la Cour liguée con-' tre le Prélat. Qu'on fe repréfente une. mere, une époufe, joignant des plaintes, accompagnées de larmes & de follicitations prefïantes, aux attentionstendres dont un malade fent fi bien tout le prix, & onne fera pas furpris que le Roi ait promis de congédier le Cardinal. Moinsétonnéfera-t-on encore, que, réfléchiffant fur la multitude & 1'importance des affaires dans lefquelles il fe trouvoit engagé, il ait réfolu en lui -mêL iv Louis XUI. 1630. Pro me* a difgra:e de Riihelieu.Ouplcix, • J9?« 3ricnne, t. '. , p. Ma  1 O UI xni. 1630. i -1 i \ 3 c i c ^48 L'Intrigue " me de tout tenter pour conferver fon ' Miniftre. II efpéra de trouver le moyen de concilier les égards qu'il devoit k fa mere avec fes befoins, & il fe flatta qu'elle n'exigeroitpas rigoureufement l'éloignement d'un homme fi néceffaire. Ce plan étoit bien concu : mais il falloit beaucoup de prudence pour en ménager 1'exécution, & malheureufement Louis en manqua dans un point effentiel; il eut la foiblelfe d'avotier au Cardinal, dans un moment de conhance, les tentatives faites contre lui, de circonftancier les faits, & de nommer les perfonnes. II arriva dela , que Richelieu concut & conferva une haine implacable contre fes détracfeurs, 8c qu'eux, appréhendant la /engeance d'un homme fi habile, erarent qu'il n'y avoit pour eux de faut que dans fa perte , & qu'ils y trafaillerent fans relache. Si la réconcilhtion avoit pu fe faie , elle fe feroit conclue pendant le rovage de Lyon a Paris. Richelieu ' epuifa tout 1'art &c toute 1'adreffe [ui 1'avoit autrefois fait eftimer 8c imer de Marie. II fe mit üirja Saöne, a«s le même bateau avec elle : il fut  du Cabtnet. 149 enjoué, prévenant, attentif, complaifant, & n'oublia rien de ce qui pouvoit Ia guérir de les préventions &c 1'engager a lui rendre fes bonnes gra ■ ces. La Reine parut fe rendre a fes defirs ; elle lui fit bon vifage : les confidents & confidentes de Marie, les perfonnes attachées au Cardinal, fe traiterent en amis. Le voyage fut très-gai : mais a peine la Reine futelle arrivée auprès de fon fils , qu'elle le fomma d'exécuter fa promeffe & de renvoyer Richelieu; & non-feulement Richelieu , mais la Dame de Combalet fa niece bien aimée , & tous fes ferviteurs, parents & protégés, qu'elle vouloit qu'on fit difparoitre de fa préfence. Le Roi embarraffé, effaye encore de fléchir fa mere; il la prie, la conjure de recevoir les excufes de la niece, d'agréer les prieres &c les promelfes de Tonele, dont il fera lui-même garant. II engage le Prélat a accorder quelque chofe au reffentiment d'une femme, a prefcrire des foumiffions a fa niece , & il obtient enfin qu'a ces conditions Marie les recevra tous les deux en grace. Le 11 Novembre, fête de Saint L v Louis XUi. 16313. ■ourn.dta 3upes.  Louis XHL 1630. Mém. ree. t. 7, p. 2S5. Bajfomp. t- 3. P3M- Lum.pour VHifi. de France , p. Brienne 1 t.2, p. 30, Mém. tTOriéans, p. 107. Journ. de Richelieu , prem. part. p. 13. 250 L'Intrigue Martin, jour fameux dans les faftes de 1'Hiltoire, & qu'on a nommé la journée des Dupes, eft fixé pour cette explication , qui devoit tout raccommoder , & qui brouilla tout. Madame de Combalet eft admife, en préfence du Roi, a 1'audience de la Reine , qui demeuroit au Luxembourg: elle fe jette a fes pieds, & lui demande pardon de lui avoir déplu. Marie la recoit froidement; & bientöt, laffe de fe retenir, elle fe laiffe aller a toute la fongue de fon caractere, 1'accable de reproches & d'injures, la traite d'ambitieufe, d'ingrate, de fourbe, de femme débordée, avec tant de pétulance, que le Monarque ne peut la contenir, & eft obligé de faire figne a cette Dame de fe retirer. II tache de calmer fa mere, la eonjure de fe modérer; & croyant avoir trouvé un moment favorable, il appelle le Cardinal. Celui-ci, qui avoit vu fortir fa niece toute en larmes, entre en tremblant. Cette fcene commence & finit comme 1'autre. La Reine, plus irritée qu'adoucie par les excufes de Richelieu, qu'elle traite de foumiffion hypocrite, p'.eure, fanglote, s'écrie que  du Cabine t. 251 le Cardinal elf un perfide, un fcélérat, 1'homme le plus méchant & le plus déteflable du Royaume. Vous ignore^ fes projets, dit-elle a fon fils; il nattend que le moment ou le Comte de Soiffons aura époufefa niece, pour lui mettre votre Couronne fur fa tête. Mais, Madame , lui difoit le Roi, attrifté & ému, Madame, que dites-vous la ? A quel exces vous tranfporte votre colere? Cejï un homme de bien & dfhonneur; il ma toujours fervi fidélement; je fuis irbs-faiisfait de lui ; vous me dèfoblige^, vous me mette[ d la gêne; faurai de la peine d revenir du chagrin que vous me faites. Peu touchée de 1'état violent oü elle mettoit fon fils, dont peu de chofe altéroit la fanté, elle perfévere dans fon emportement : il efl obligé de faire fortir le Cardinal; il fort luimême profondément bleffé de la doublé offenfe de fa mere, qui lui manquoit fi ouvertement de parole & d'égards. Si-tot qu'il a quitté le cabinet de la Reine, fes femmes entrent, fes confidents, fes Officiers, fes domefiiques s'empreffent, tout le monde efl bien venu. Elle leur raconte d'un air de L vj Louis XIII. 1630.  L cv i X?TÏ. 163a. 25:1 L'Intrigue ; triomphe ce qu'elle a dit, ce qu'elle a fait, comme elle a humilié Ie Cardinal , comme il étoit confterné; que fi fon fils ne lui a pas donné gain "de caufe devant le Miniftre, c'eft par une condefcendance qui ne durera pas: tous ceux qui Pentendent, applaudiffentafa fermeté. Les Courtifans voyant que le Roi s'eft retiré fans rien dire; que tout eft en défordre & en confufion chez le Cardinal; qu'il brille fes papiers, fait emballer fes meubles, & fe difpofe a un prompt départ; les Courtifans, cette nation mobile, qui tourne fans cefte au vent de ia faveur, courent enfoule chez Ia Reine, & rempliffent fes appartements. Elle fe montre, parle, écoute, carefte, remercie, & refpire avec volupté 1'encens que fes flatteurs lui prodiguent. Mais Richelieu , tout déconcerté qu'il paroifToit, n'étoit pas fans efpérance. Saint-Simon trouva moyen de lui faire dire d'avoir bon courage: Saint-Simon, Favori du Roi, qui avoit tout vu, tout entendu, & qui rendit en cette occafion le plus grand fervice au Miniftre; c'eft a lui que nous levons la connoiffance des perplexi-  du Cabine r. i?^ tés de Louis XIII. Eh bien, lui dit le Roi en quittant fa mere, que ditesvous de cela ? En ve'rité, répondit le Favori , je crois être dans une autre monde : mais enfin, Sire , vous êtes le maüre. O ui, je le fuis, repliqua le Roi, & je le ferai fentir. Mais il lui en coütoit pour exécuter cette réfolution : il lui échappoit des paroles entrecoupées, qui faifoient voir qu'il n'avoit pas grande idee de fa mere en fait de gouvernement , ni des perfonnes qu'elle vouloit lui faire fubftituer a fon Miniftre, Gensfans talents, difoit-il ,plus attachésd leurs prêjugés qua. la raifon , & préférant leur intérêt particulier a celui duRoyaume. Cependant il héfitoit a heurter de front 1'obftination de fa mere, L'incertitude dont fon efprit étoit agité, fe peignoit dans fes mouvements; il fe promenoit a grands pas, fe jettoit fur fon lit , fe relevoit précipitamment, buvoit, cherchoit a la fenêtre Ia fraïcheurde Pair, ouvroit fes habits comme un homme qu'un feu intérieur auroit dévoré. Dans eet état, un mot de Saint-Simon fut comme un trait de lumiere qui le décida. Je fuis perfuadé} dit-il au Roi, que pour Louis XIII. i6jo»  L o ui XIII. 1630. Richelieu triomphe. h 2.54 L'Intrigue %Vintérêt de fon fervicey Votre Majefié protégera le Cardinal contre une cabale de gens fans mérite , qui en veulent plus au minijlere qu'au Minijlre. Sans attaquer direclement la Reine-mere, Votre Majefié peut fe contenter cUéloigner ceux qui lui infpirent des idéés contralres a votre volontê, & tout ira bien enfuite. Cet expediënt plut k Louis : afin d'être plus libre de le fuivre, il réfolut de quitter Paris. Entre les Courtifans , qui étoient en très-petit nombre dans 1'antichambre, fe trouvoit le Cardinal de la Valette , qui avoit empêché Richelieu de fuir en fortant du cabinet de la Reine , & d'abandonner le champ de bataille a fes ennemis. 11 venoit voir ce qu'il y avoit a craindre ou k efpérer, afin d'avertir fon ami. Le Roi le fait appeller. Vous ave^fans doute été bien furpris ? lui dit-il. Plus qu'on ne peut imaginer, répond la Valette. Monfieur le Cardinal, reprend le Monarque, a un bon maüre ; allerlui faire mes compliments, & dites-lui que fans délai il fe rende d Verfailles. Après les premiers remerciments, Richelieu pria le Roi de lui permet-  du Cabine t. 25^ tre de quitter le Miniftere : le Prince j refufa; le Prélat infifta. On prétend qu'il ne faifoit pas cette demande de bonne foi; cependant il eft poffible qu'il eut peut-être mieux aimé faire retraite, que de fe trouver par la fuite expofé k de pareils affauts. II paroït que le Roi le tranquillifa k cet égard. II prirent, dans le plus grand fecret, des mefures, dont l'exécutioa caufa bien de la furprife. Marillac „ Garde-des-Sceaux, fut mandé pour travailler avec le Roi : il accourut plein de 1'idée qu'il alloit déformais tenir le timon des affaires. Son illufion ne dura qu'une nuit. Au point du jour , il fut enlevé & enfermé dans une prifon; les Sceaux lui furent ötés , & donnés k Laubepine , Marquis de Chateauneuf. Son frere Ie Maréchal, Commandant en Italië, inflruit de l'intrigue, attendoit a chaque inftant un courier , qui devoit lui annoncer la difgrace du Cardinal, & la promotion de fon frere au Miniftere. Le courier arriva, mais adreffé au Maréchal de Schomberg, avec ordre de fe faifir de fon collegue, & de i'er.voyer, fous bonne garde, dans . O V 1 s xtn; 1630.  L o u i i XIII. 1650. (a) Ces deux Reines , parknt un jour enfemble de leur commune difgrace , tiroient des motifs de conlblation des Pfeaumes, dont elles citoient des paffages lalins. Nogent oyant tant de ver/ets, dit d la Reine-Mere , en fa facon ordinaire de mauvais bouffbn : Madame , que vous étes doSe ! pour moi je ne fais qu'un verfet : Nolite confidere in Principibus. Voy. Journ. de Rich. 1. Part. p. 41. 256 L' Intïiigue une citadelle de France ; ce qui fur exécuté. En même-temps que ces changements fe faifoient , Brienne , Secretaire d'Etat, partit de Verfailles & alla les annoncer a la Reine-Mere y de la part du Roi. On ne toucha point k fa maifon : mais on ne garda pasles mêmes ménagements pour la jeune Reine, qui s'étoit jointe k fa beïlemere, contre Ie Cardinal; fon époux lui öta plufieurs femmes qu'elle aimoit , & qui s'étoient entremêlées de cette union (a). L'AmbafTadeur d'Efpagne, qui 1'avoit confeillée, fut prié de ne point paroitre fi fouvent k la Cour , fur - tout auprès d'Anne d'Autriche. Enfin, il n'y eut d'épargné au milieu de ce tourbillon général , que le Duc d'Orléans, ék les per-  DU C A B I N E T. 257 fonnes de fa Cour. Loin de les changer , le Cardinal les confirma dans leurs emplois. II augmenta même leur état: au Préfident Le Coigneux, il promit un chapeau de Cardinal, une Duché - Pairie a Puy-Laurent, des gratifications & des dignités a fes autres confidents, mais toujours a condition qu'ils entretiendroient leur maitre dans des difpofitions favorables au Miniftre , & qu'ils répondroient de fa conduite. Ainfi tenant en main la crainte & 1'efpérance , comme deux rênes qu'il tiroit ou lachoit a volonté, il fe feroit procuré quelque tranquillité, fi la fougue des intrigants pouvoit être domptée. La Reine - Mere, après un pareil éclat, auroit dü fentir que tout afcendant fur 1'efprit de fon fils étoit perdu , & qu'elle n'avoit d'autre parti a prendre que de quitter totalement les affaires. Plus prudente , ou mieux confeillée, elle feroit reflée k la Cour jouiffant tranquillement des prérogatives de mere du Roi, ou fe feioit retirée dans quelque Province, oii on ne lui auroit certainement refufé aucun des avantages qu'elle pouvoit de- Louis XIII. 1630. 1631. Mauvais parti qua prend ia ReineMere.  L o u i : XIII. 1631. 25.8 L'Intrigue firer, pouryu qu'ils euffent été fans 'prétentions au gouvernement : mais Marie, quoique battue par une fi furieufe tempête, dédaigna le port qui fe préfentoit; elle fe rembarqua, au contraire , avec une nouvelle intrépidité, fur la mer orageufe des intrigues, & fe flatta que fon habileté la préferveroit du naufrage. II feroit inutile de raconter les moyens employés par la Reine & le Cardinal pour fe fupplanter. On préfume alfez ce que peuvent une femme opiniatre, qui, malgré les déboires de toute efpece, ne perd jamais 1'efpérance de 1'emporter, & un homme impérieux , qui ne veut pas même être foupconné de fouffrir des bornes k fa puiffance. Marie prétendoit gouverner fa Maifon a fa volonté, donner ou retirer fa confiance , admettre a fon fervice telle perfonne ou 1'en éloigner , fans qu'on eut droit d'y regarder. Le Cardinal, au contraire , Kant fon intérêt k celui de 1'Etat, perfuadoit au Roi qu'il importoit au fuccès des affaires, que de la conduite de fa mere dans fon domeliique même, &c de celle de fes fervi-  D U C A B I N E T. 259 teurs, on ne put pas induire qu'il fat polfible a quelqu'un de fe rendre, fans rifque , indépendant du Miniftre. En conféquence de ce principe , il retint fiérement la Sur-Intendance de la Maifon de la Reine, &c y foutint fes créatures. La Princeffe, pour ne pas paroitre plier entiérement fous fon autorité, le contraria en tout, principalement dans le Confeil, oii elle affeéfoit de combattre toujours fon opinion, & fouvent en termes peu mefurés. Ses partifans, dans les converfations, décrioient fans ceffe le Miniftere, triomphoient du moindre défavantage, & fembloient épier les moyens de faire échouer les projets. Tout cela ne pouvoit s'exécuter lans qu'on violat le fecret, fans qu'il y eut des connivences fufpecfes, que le Prélat avoit grand foin de faire remarquer au Roi. Ces obfervations confirmoient Louis dans la perfuafion que fa mere étoit capable de facrifier , non-feulement le bonheur du Royaume , mais fon fils même au defir effréné de fe venger. II s'en attachoit davantage a un Miniftre dont il eftimoit les lumieres. Louis XIII. 16311  160 L'Intrigue L O u I ! XIII. 1651. Bravadc ridicule de Gafton. Mém. d'OrUans, p. 115. I ] ] < ( s t 1 Le Duc cl'Orléans fit alors une action qui n'auroit été que ridicule de la part d'un particulier, Sc qui étoit de conféquence de la part d'un Prince. Le blame en retomba fur la Reine , Sc les préventions du Roi contre elle augmenterent. On doit fe rappeller qu'elle s'étoit brouillée avec Gaflon , au fujet de la Princelfe de Gonzagues. La mere Sc le fils fe raccommoderent & fe rebrouillerent encore , paree que Marie trouva mauvais, qu'après la fcene de Luxembourg, fon fils n'eut pas pris affez ouvertement fon parti: elle fit enfuite des démarches pour regagner Gaflon , dont elle avoit befoin. Malheureufement il y eut alors quelque lenteur dans 1'exé:ution des promeffes faites aupararant par le Miniflre, a Puy-Laurent k. k Le Coigneux; Sc il devint parh plusaifé aux émiffaires de la Reinevlere, de perfuader au Prince un éclat :ontre Richelieu. En conféquence, le ;o Janvier, il va chez le Cardinal, ntre avec fracas, Sc le regardant d'un ir fier Sc menacant, il lui dit qu'il effe d'être fon ami, a caufe des mauais traitements qu'il fait a fa mere  OU C A B I N Ë T. l6ï Après ce peu de mots, fans vouloir entendre ni excufes, ni explications, il monte dans fon carroffe, & part avec fes principaux Officiers pour Orléans. Le Roi, très-faché de cette évafion, va trouver fa mere, & lui laiffe entrevoir qu'il la foupoonne : elle fait l'cronnce, & nie d'y avoir aucune part; mais on découvrit que , quelques jours auparavant, elle avoit rendu au Duc d'Orléans les bijoux de feue fa femme, qu'elle s'étoit chargée de garder; & on ne douta plus de la connivence. Cette équipée, ainfi 1'appelloit Louis XIII, ne s'étoit point faite fans motifs & fans mefures; car il ne faut pas croire que les confidents de Monfieur, \ d'après lefquels il penfoit &c agiffoit, n'euffent deffein que de venger fa mere. Comme la confcience leur reprochoit bien des atteintes portées a ia promeffe qu'ils avoient faite de ne plus cabaler, ils craignoient la prifon, & la faifoient craindre a leur Maïtre. Ils lui perfuaderent que le Roi étant d'une fanté très-foible, depuis fa maladie de Lyon, ne pouvoit vivre longtemps; qu'il n'étoit quefiion que de ' _...*""'üüü? Louis Xltl. 1631. Son moif. Mém. "Orleans, 1. 120.  Lc ui XIII. lé3i. Li Rei se-Mere s'obftine, (a) Habert , Montmort , & Choifi de Caen. Voy. Mém, d'Orléans ,/><*#. 137» 262 L'Intrigue * demeurer quelques mois k Orléans; ' &c que fi on étoit obligé d'en fortir, le pis-aller feroit d'aller attendre hors du Royaume. Pour être en füreté a Orléans, Monfieur faifoit lever des troupes en Quercy & en Limofin, oü Puy-Laurent avoit des habitudes. II raffembloit autour de lui les jeunes Seigneurs curieux de nouveautés, dont les principaux étoient le Comte de Moret, fils d'Henri IV & de Jacqueline de Beuil, & le Duc de Roannès. Enfin , il n'étoit parti de Paris que la main bien garnie, par les foins du Préfident Le Coigneux, qui avoit fait des fonds confidérables, fous le nom de trois Financiers très-accrédités (a). Louis entama une négociation avec fon frere : on lui fit les offres les plus flatteufes pour 1'engager k revenir a la Cour. Le Roi alla jufqu'a vaincre fa répugnance pour le mariage de Gafton, & propofa de lui donner la Princeffe Marie; mais Monfieur répondit  DU C A B I N E T. 263 ©piniatrément, qu'il vouloit refter a Orléans. Louis menaca d'aller 1'en ti-1 rer. La chofe n'étoit pas difficile , ft le Monarque n'eut cru devoir commencer par s'affurer de fa mere, dont la réconciliation avec le Cardinal pouvoit terminer tous les différends, pour le préfent & 1'avenir. Mais il auroit fallu qu'elle eut été fincere. Or, Richelieu ne comptoit pas beaucoup fur cette fincérité (a). II vouloit mettre pour bafe du traité , que la Reine abandonneroit a la juftice du Roi fes mauvais confeillers. C'étoit une condition bien dure, fi on prétendoit la forcer de leur laifler fubir une peine aftlictive : mais ce n'étoit pas trop exiger, fi on entendoit par-la qu'elle les éloigneroit de fa perfonne. Le refus qu'elle en fit, perfuada a fon fils qu'el- (d) L'Ambafladeur d'Efpagne , parlant un jour de la Reine-Mere au Cardinal, lui dit: 11 ne faut pas efpirer de changement quand une femme efl affermie dans fa colere & paCfion. 11 n'y a ni art, ni autorité, ni raifon qui Ven peuvent tirer ; mais les feuls miracles le peuvent. "Voy. Mém. de Rich. I. part, pag. 78. , o u 1 s XUt. 1631,  Louis xm. 1631. Grand Confdl : ce fujet. JMém. ree *• 7 , p. §02. 264 L'Intriguê le vouloit toujours fe réferver des moyens pour troubler fon Royaume; & il fongea férieufement a prendre des mefures, qui puffent enfin lui procurer de la tranquillité. II fut tenu, a ce fujet, un grand Confeil. Le Cardinal , comme trop intéreffé, ne vouloit pas y parler ; mais vaincu par le defir du Roi, & par les prieres des autres Confeillers d'Etat, il prit la parole. On remarque dans fon difcours une adreffe finguliere k préfenter les objets comme il veut qu'ils foient vus. C'efl une juftification anticipée de la conduite qu'il a tenue k 1'égard de la Reine-Mere. II s'applique fur-tout k perfuader au Roi, qu'il ne fe recherche pas luimême dans les confeils qu'il lui donne ; qu'il parle , au contraire , contre fon inclination , & qu'il facrifie fa reconnoiffance des anciennes bontés de la Reine, au falut de 1'Etat. Voici comme il traite ces matieres délicates. Richelieu peint d'abord 1'Empire, 1'Efpagne , 1'Angleterre, la Lorraine, la Savoie , humiliées des fuccès de Louis, jaloufes de fa gloire , & cher» chant  » u Cabine t. 265 ehant dans les cabales de la Cour, les moyens d'interrompre fes profpérités. II repréfente enfuite 1'union des deux Reines, & du Duc d'Orléans, comme une conjuration toujours fubfiftante , que les Parlements, les Calvinilïes, les PuhTances étrangeres trouvent, au moindre mécontentement, prête k les feconder. Fous avei vu, Sire, ily a quelques annies, une fimple intrigue de femmes liées avec des jeunes Anglois , vous caufer les plus vives allarmes, & vous foreer de faire couler du fang. A prifent que n'ave^-vous pas d craindre d'une faclion qui voie a fa tête les premières perfonnes de l'Etat, qui fe vante que l'Efpagne & l'Angleterre ne la laifferont pas manquer d'argent, ni l'Allemagne d'kommes ; d'une faclion qui a eu l'audace, lorfque vous ave^ fait arrêt er le Maréchal de Marillac, etcxeiter le Gouverneur de Ferdun, placé par ce criminel, a défendre la place contre vos troupes ; qui enfin a enhardi le Préfident Lt Coigneux, Chancelier de Monfieur, d cajfer, par un Arrêt de fon Confeil, un Arrêt du votre? Si ces attentats reflent impunis, c'en efi fait de votre autorité. Tome II. M Louis XIII. 16 31.  Lcvis xm. 1631. 266 L'Intrigue Le Cardinal fait voir enfuite que ces défordres font 1'ouvrage de la pailion de la Reine-Mere ; qu'elle a juré de le perdre; qu'elle 1'a déclaré a Bullion & a mille autres, & qu'il ne faut pas compter qu'elle guériife jamais de cette maladie. Or, ajoute-t-il, tant que le Duc d'Orléans pourra efpêrer de la voir réujjir, il fe tiendra joint d elle; & pendant que Votre Majefié fera occupée de ces objets , commera pourra-t-elle pourvoir aux affaires du dehors, & au bejoin de l'Etat ? Chaque jour il parol' tra de nouveaux mécontents ; ceux qui vous refleront attachés, deviendront imporiuns, a force de prétentions & de demandes : il faudra les enchainer par des bienfaits continuels ; & il pourroit fe rencontrer telle circonjlance, dans laquelle il feroit impoffble a"arrêter le mal qu'on auroit laiffé crottre. Après avoir ainfi allarmé le Roi fur Ion autorité, Richelieu préfente a ce laractere ombrageux , d'autres craintes pour fa füreté. Dans une maladie , dit-il, ces ennemis couverts que fous ave^ tolérés, peuvent Je rendre maitres de votre perfonne , fans que vos plus fideles frviteurs puiffent vous fe-  du Cabine t. 267 courlr , fans qu'ils puiffent eux-mémes fauver leur vie ou leur liberté; parce qualors tout le monde tourne du cóté du fofeil levant. Même chofe peut arriver a l occajion d'une défaite, d'un mauvais fuccès que les mal - intentionnês auront eux-mémes provoqués , afin d'en rejetter la faute fur vos fideles Minifires. Alors vos meilleurs ferviteurs refieront d la difcrêtïon de Courtifans envieux , de femmes aigries, dont le penchant pour la vengeance efi connu. De cet expofé, le Prélat conclut que ces maux mena^cants ne peuvent être prévenus que par des remedes extrêmes. Car les remedes foibles , appliqués aux grands maux , ne font que les augmenter. Les remedes forts tuent ou guérijfent; & dans la circonfiance ou nous fommes, il faut ou ne pas toucher la plaie , ou l'ouvrir entiérement. Le Cardinal difcute enfuite les moyens propres k éloigner les incon» vénients qu'il vient d'expofer. II en trouve cinq : le premier, de faire une paix folide avec la Maifon d'Autriche, afin que, n'ayant plus de guerre fur les bras , le Roi ait moins a redouter les cabales domeltiques; mais en proM ij Lom,< Xlll. 1631,  Louis XIII. 163J. 268 L' I N T K 1 G V E pofant ce moyen, Richelieu le détruit. Tant que les étrangers , dit—il, croiront pouvoir tirer parti du mécontentement de la Cour, ou ils ne foufcriront point a la paix, ou ils ne l'accorderont qu'a des conditions honteufes; condilions qui feront d jamais les femences de nouvelles guerres. Le fecond moyen, dit le Cardinal, feroit de gagner les Confeillers de Monfieur. Maiheureufement, ajoute-t-il, une trifie expérience doit nous convaincre que les plus grands bienfaits y feront inutilement employés : ils portent fi impatiemment le jaug du Roi, qu'ils ne Jeront jamais contents. Le Miniftre cite a ce fujet plufieurs mauvais confeils donnés k Gaflon, dont les fuites avoient été préjudiciables k la tranquillité du Roi, au fuccès de fes armes, & au bien duRoyau me. Nous avons , continue-t-il, un troifieme moyen ; ce feroit d'appaifer la Reine-Mere : moyen le plus defirable, d la vérité, mais auffi le plus difficile, varce que, outre que les femmes font trésvindicatives de leur nature , la Reine efl d'un pays & d'une Maifon ou. on ne vardonne jamais. Les fervices que j'ai eu le bonheur de lui rendre, ceux que  DU C A B I N E T. 269 j'ai rcndus d votre Royaume , Cont-ils empêcké de fe porter contre mol aux dernitres extrêmites ? Qu'ont produit vos prieres, Sire, & vos fupplications, dans un temps ou ia mauvaife fantc de Votre Majeflé demandoit les plus grands egards, & lorfque la Reine devoit voir elle-même que fes contradi&ions ne pouvoient quaugmenter vos douleurs & le danger ? Après cette épreuve , après les paroles données devant fon Confejfeur, dtvant le Nonce du Pape, paroles violées auffi-tót, peut-on efpérer de la faire revenir d des feniiments plus doux ? Jamais elle ne fera contente, qu'elle ne fe voie maüreffe d'exterminer tout ce qu'elle hait ; & n'efl- il pas a craindre que la paffion de vengeance ne la porte d des aclions dont elle gêmiroit enfuite inutilement i Peut-être, ajoute Ie Cardinal, le quatrieme moyen , qui efl de m'éloigner des affaires, feroit-il avantageux : en ce cas , il faut l'employer fans héfiter , & je le defire paffionnément ; piut-être auffiferoit-il inutile. Ici Richelieu donne , contre cet expediënt, ces raifons plaufibles : Qu'il n'eft pas fur que fon éloignement appaife les efprits irriM ii] Louis XIII. 1631.  louis XIII. 1631. 170 L'Intriguï m " tes ; que d'ailleurs cette condefcendance, qui fera traitée de foiblelTe par Ia cabale , pourra Fenhardir a tout tenter , pour s'emparer du gouvernement. Néanmoins , ajoute-t-il, fi ce rtmede ejl bon, il faut Femployer fur le champ, 6* ne pas regarder d quelques inconvénients. Si, au contraire, les dangers font plus grands que les avanta— ges , il faut donc en venir au cinquieme moyen. Ce cinquieme moyen étoit l'éloignement de la Reine-Mere. L'adreffe que Richelieu met dans cette partie de fon difcours, oii il s'agit d'engager un fils a un divorce perpctuel avec fa mere, efl: remarquable. II rc> pete ce qu'il avoit déja affirmé, que la feule paflion de Marie contre lut entretenoit la divifion k la Cour; qu'il n'y a d'autre parti k prendre , que de la prier dé s'en éloigner pour un temps, & de chaffer d'auprès d'elle les factieux qui lui donnent de mauvais confeils : que d'ailleurs , dans 1'exécution de cette réfolution, il faut apporter tous les égards imaginables ; mais auffi, que, comme onpeut éprou» ver beaucoup de réfifiance de la part  du Cabinet. 271 de tant de perfonnes intérefiees a dé- J fendre la Reine , il faut prendre fi bien fes mefures, qu'on ne manque pas de réufiir. Car commencer fans finir, ce feroit fe perdre irrlvocablement. Le fens de cette phrafe, fous une expreffion adoucie , étoit que, fi la perfuafion ne fuffifoit pas , il faudroit employer la force : auffi le Cardinal, qui fentoit la dureté de ce confeil , employe-t-il toute fon éloquence a en juififier la néceffité. Je [ais , dit-il, que je vais être diffdmèpar ce violent caujlique ; que tous les maux dont f ai voulu par-ld garantir l'Etat, vont retomberfur moi: mais c'cjl un malheur inèvilable dont il ne faut pas plus s'embarrajfer, qu'un Chirurgien qui coupe un bras ne s'allarme du fang qu'il fait perdre. Si je ne conjidérois que moi^ jamais je ne donnerois un pareil confeil, paree qu'on peut croire que je ne le donne que par vengeance. On va dire que c'efl la créature qui attaque le créateur, & que je paye les bontls de la Reine de la plus noire ingratitude. Les fatyres, les pafquinades vont voler de toutes parts ; & pi je fuivois mon inclinaüon , j'aimerois mieux tomber fans rs=» M iv 1 ovis xiii. i6ji«  loei XIII. 1631. iyi L'Intrigue 's proche, que de m'affermir par ce moyen : mais comme je dois préférer la fureté de votre perfonne , celle de votre couronne d ma propre réputation, je ne crains pas de dire devant vous, Sire, & devant votre Confeil, que ce dernier avis ejl le mien. Mais s'il vous plan de le fuivre, ajoute Richelieu en homme qui fait fe facrifïer noblement, je fupplie Votre Majefié de me permettre de quitter le Minijlere, eu je ne ferai plus nèceffaire , paree que ce coup imprévu dijfipera la cabale, & les Minijlres que vous garderei, fuffiront. Lej'prit de la Reine-Mere guérira d'autant plutót, qu'elle fe troxtvera dans l'impojjibil té de mal faire , & qu'elle ne fera plus afjiégée par ceux qui la portent d la vengeance. Eux-mémes, privés de fon appui, chercheront d s'accommoder. Nos ennemis, ne comptant plus fur nos divifions, fe difpoferont d la paix , pour leur propre intérêt. En peu de temps , vous verre^ , Sire , votre Royaume foriffant y vos fujets foumis, & vous acquerre^ l'ejlime des peuples , qui ejl toujours mefurée fur les fuccès. Montrer au Roi la poffibilité de ces avantages, même fans le concours du Minilfre, c'étoit les montrer bien  du Cabine t. 273 plus certains encore, li le Miniftn continuoit a tenir le timon du gouvernement : auffi Louis n'héiita-t-i pas fur le parti qu'il avoit k prendre Les perfonnes appellées a ce Confei furent routes de 1'avis de Richelieu avec cette reftriction cependant, qu'i ne falloit pas lui lailTer quitter le Mi niftere; & la difgrace de la Reine fu décidée. Elle étoit k Compiegne oii elle avoii voulu fuivre le Roi; & on n'en avoil pas été faché, paree qu'au cas de réfolution vigoureufe , il étoit plus aifé de Pexécuter dans cette ville qu'a Paris. Le 23 Février, au point du jour, Louis fait éveiller fa femme. Les ordres avoient été donnés la veille, &c en moins d'une heure, le Roi, la Reine, les Seigneurs, les Miniftres, tout fut parti, a 1'exception de huit Compagnies des Gardes, cinquante Gens d'Armes, & cinquante ChevauxLégers , qui refterent pour garder la Reine-Mere, fous prétexte de lui faire honneur. Le Maréchal d'Etrées les commandoit: il eutordre de faire partir Ia Princelfe de Conti pour fon chateau d'Eu , fans lui permettre de parM v Louis ■ XIII. | 1631. i La Reine laiffee a Compiegne. Mere. t. 17. Aubery , Mém. t, I , p. 313. VUlart, p. 489. Brienne, f.l.p. 5°. Journ. de Rick. !. Part. p. 147. Bajfomp. 3.p. 334.  Louis XII!. 1631. i | i ] 274 L'Intrigue Ier a Ia Reine; ce qui fut exécuté. A fon réveil, Marie fe trouva clans unefolitude accablante. La plupart de fes femmes avoient été changées. Vautier, fon Médecin, étoit prifonnier; elle ignoroit le fort de fes autres confidents. Quand elle voulut s'en informer au Maréchal, qu'elle fit appelier auprès de fon lit, quand elle lui demanda ce qu'on exigeoit d'elle , il répondittrès-refpe&ueufement quele Roi lui feroit favoir inceffamment fa volonté» La journée fe paffa dans cette perplexité. Le lendemain, arriva le Sieur Brienne de la Ville aux Clercs, Confeiller d'Etat, chargé de propofer a Marie de fe retirer a Moulins. Ce fut [e commencement d'une négociation ï"i dura cinq mois. Chacun y employa les armes propres k {on carac:ere; la Reine, les plaintes, les hau:eurs, les prieres, les menaces, les jromeffes, les fubterfuges, les maadies feintes, quelquefois de vérita>Ies , occafionnées par le chagrin, Le Miniftre montra une fermeté touours uniforme , n'écoutant aucun )rojet, que robéiffance de Ia Reine fen fut Ia bafe, c'efl-a-dire, qu'el-  t> V C A B I N E T. 27e; Ie ne commencat par le confiner dans quelque endroit dont on conviendroit. II eli vrai qu'a la longue on modéra la dureté des premières propolitions; on lui offrit des chateaux plus logeables, avec le gouvernement de la Province oü elle demeureroit, de Papgent , des penlïons, avec toute 1'autorité qu'elle pouvoit defïrer : mais c'étoit toujours quitter la Cour Sc les affaires; facrifice auquel elle ne pouvoit fe réfoudre. Pendant les délais, la condition de fes partifans empiroit. Entre les Seigneurs de marqué , le feul Baffompierre fut arrêté; mais on öta k la Dame Du Fargis Sc aux autres affidées de la Reine-Mere, les charges qu'elles avoient y tant auprès d'elle qu'auprés de fa belle-rille. Plufieurs perfonnes diftinguées perdirent leurs emplois, Sc furent arrêtées ou éloignées ? trop heureufes celles qui purent fe choifir un afyle dans les pays étrangers» On commenfa k parler de faire le procés aux deux Marillac prilbnniers, Le P. Chanteloube {a), confident de (4) Avant que d'être Pere de 1'Oratoire A M vj Louis XIII. 16 3 u  Louis XIII. 1631. Monfieur fe fauve en Lorraine. Mém. d'Orléans, p. 143. Mém. réc. *■ 7. p. 3IJ. j ïl avoit porté les armes , s'étoit attaché a la Reine-Mere pendant la guerre d'Angers, étant lui-même alors Gouverneur de Chinon, Richelieu le connut dans ce temps. 276 L' Intrigue !a Reine-Mere, fut exilé; & k mefurfi qu'elle différoit d'obéir, on lui enlevoit tantöt un Secretaire, tantöt un Officier de fa Maifon, tantöt une femme qui lui plaifoit, fous prétexte que ces perfonnes lui donnoient de mau-> vais confeils. Au milieu de ces afflictions, la Reine avoit quelquefois des lueurs d'efpérance. Elle favoit, qu'a la vérité , tout plioit fous Richelieu; mais elle favoit auffi qu'il n'étoit pas aimé : les parents, les amis des fugitifs, ne fut:e que par pitié, époufoient leur refrentiment; de forte qu'en éloignant un ?nnemi, le Cardinal s'en faifoit une multinide d'autres. Gallon étoit touiours k Orléans. II avoit d'abord dit qu'il ne vouloit qu'y vivre tranquile, éloigné de la Cour, oü la puifrance du Miniftre lui faifoit ombrage; riais aux cris de fa mere , qui, du bnd de fa prifon, difoit-elle, récla-  du Cabine t. 177 moit fon fecours, il fembla fe réveiller de fon affoupiflement. II écrivit des lettres fuppliantes a fon frere , & menacantes au Miniftre. II déclara vouloir venger 1'infulte qu'on faifoit a fa mere. A ce fignal, les mécontents éloignés lui écrivirent; les voilins s'affemblerent autour de lui. II redoubla d'activité a faire des provifions d'armes &c d'argent, &c a envoyer des commiftions pour lever des troupes. Tout fut tenté de la part du Roi pour 1'appaifer. Aux offres déja faites de lid procurer un mariage avantageux & a fon goüt, on joignit des promeffes de penfions , d'argent comptant, d'augmentation d'apanage , de charges , & de dignités pour fes Favoris. Ces propofitions tenterent les Courtifans de Gafton; ils délibéroient, & pendant ce temps ils fe ralentiffoient fur les précautions. Louis, au contraire , a chaque offre, faifoit un nouveau pas vers Orléans, avec une efcorte qui pouvoit pafler pour une armée. Enfin les yeux s'ouvrirent; le Duc d'Orléans s'appercjit qu'on alloit 1'inveftir; il fut effrayé, tout fon monde prit lepouvante, & il fe fauva avec Louis XIU, 1631.  Louis XIII. 1631. Et Ia Reine-Mereen Flaadres. Mém, Rsc, t- 7, p. 33*. (a) Le Comte de Moret, frere du Roi, les Dtics d'EIbceuf, de Bellagarde & de Roannès; les Préfidents Le Cokneux 5c Payen, le Sieur Puy-Laurent, le P. Chanteloube , & Monfigot, Secretaire de Monfieur. II y eut, a ce fujet, une commiffion etabhe a rArfenal. Le Parlement fit des remontrances. II fut mandé en corps. II faut svouer, dit un Hiftorien rourtifan , quc cette venuc dn Parif ment en corps rmifit grandement d cette illufl'e Compagnie : car au-lieu que , lorfquelle envoyoit des Dépulés, on nevoyoit parmi eux que des vieillards ■ que l'expinence avoit rendus vénèrables ; il y avoit alors dans ce corps plufieurs jeunes hommes , qui , en apparence , fembloient faire ton d la gravué dun Sénat, quoiqu il faut avouer qu'il y en avoit parmi eux de très-capablcs. Voy. Bernard, II'. Part. pag. iói, 6t Mém. ree. tom. j, p. 358. 278 L'Intrigüe eux, le 13 Mars, a travers la Bourgogne , jufqu'en Lorrahe. Le Roi le foivit pas a pas; & quand il 1'eut pouffé hors des frontieres, il fit déclarer eriminels de Iefe-Majeflé tous ceux qui lui avoient donné aide ou fecours (aj, ^ Après que Ie fils eut fait cette fauffe démarche du cöté de la Lorraine, la mere en fit dn cöté de la Flandre une  bu Cabine t. 279 aufïi peu réfléchie. Comptantfur Iesintelligences de Monfieur, qu'elle croyoit capables, jointes aux fiennes, de foulever le Royaume , elle préfentoit des requêtes au Parlement, comme prifonniere, & follicitant les fideles fujets de fon fils a s'armer pour la mere, contre un Miniftre qui la tenoit en captivité : on répondoit k fes écrits & a fes plaintes, qu'elle étoit libre de fortir de Compiegne; que c'étoit même ce que le Roi defiroit, & qu'il ne lui demandoit que de fe fixer dans quelque chateau dontonconviendroit. Elle repliquoit que cette offre d'un autre féjour n'étoit qu'un leurre pour la tirer de ce chateau , Fenlever plus facilement dans les chemins, la tranfporter a Florence, &c la féparer pour jamais de fes enfants. Comme elle faifoit retentir tout le Royame du bruit de fa captivité, on fit éloigner les gardes , & on lui laiffa toute liberté. Quelques Hiftoriens difent que le Miniftre favoit qu'elle en abuferoit; qu'il étoit inftruit de fes projets d'évalion, & qu'il la facilita , afin de lui faire commettre une faute irréparable. D'autres affurent qu'il ne la fut qu'au mc- Louis XIII. 1631.  Louis XIII. 1631. i§o L' Intrigue ment de 1'exécution. Quoi qii'il en foit, il 1'apprit affez k temps pour tourner toutes les mefures de la Reine con* tre elle-même. Elle comptoit fe cantonner k la Capelle , petite ville de Picardie, frontiere de Flandres, d'oii elle efpéroit tirer du fecours, en cas de befoin. Elle fe promettoit auffi de recevoir dans cette place les mécontents de France , qui s'y feroient fortifiés , aidés des Efpagnols, pendant que Gaflon auroit occupé le Roi du cöté de la Lorraine. Le Marquis de Vardes étoit Gouverneur de cette petite ville, en furvivance de fon pere, & y réfidoit. Marie lia une intelligence avec lui, par le canal de la ComtefTe de Moret, ancienne maïtreffe d'Henri IV, qui avoit époufé ce jeune homme, & par 1'entremife de plufieurs autres femmes qui s'étoient réfugiées auprès d'elle. On flatta le Marquis d'une charge éminente k la Cour, quand la Reine y feroit rentree; & fur cette frivole efpérance , il convint de la recevoir dans la place. Pleine de confiance dans la jufleffe de fes mefures, Marie fort de Com-  DU C A B I N E T. iSl piegne, le 19 Juillet, de grand matin , & fe met en route pour la Capelle. Elle ne trouva fur fon chemin , ni gardes, ni. obftacles : mais Richelieu avoit dépêche a la Capelle le vieux Marquis de Vardes qui s'y rendit , è point nommé, quelques heures avant la Princelfe. II alfembla la garnifon, produit fes ordres, s'empara des portes, arrêta fon fils, Sc mit dehors toutes les femmes. Quand Marie arriva , elle les trouva dans le fauxbourg, très-embarraffées. On tint confeil. Retourner fur fes pas, c'étoit fe forger de nouveaux fers. Croire qu'a force de prieres Sc de larmes on pourroit fléchir le vieux Marquis, c'étoit une illufion. Entrer malgré lui, c'étoit une chofe impoffible. On prit donc la feule réfolution praticable ; favoir de gagner la Flandre Efpagnole : Sc le Gouverneur, du haut de fes remparts , vit partir cette troupe , qu'il auroit pu arrêter s'il n'avoit pas été plus avantageux au Cardinal de la laiffer éloigner. Le Miniftre, délivré de fes deux plus dangereux ennemis , travailla a purger la Cour, nen-feulemen* de Louis XIII. 1631, Difgraces- Mém. Rtc, ■ 7, P. |00»  Louis XIII. 1631. 2c?2 L'lNTRIGUË ceux qui lui étoient contraires, mais de ceux mêmes qui ne lui étoient pas favorables. Le Duc de Guife, n'ayant pas voulu céder de bonne grace 1'Amirauté, fut mandé de fon Gouvernement de Provence , pour venir s'expliquer fur quelques foupeons d'intelligence avec les Efpagnols. ïl ne crut pas qu'il fut prudent d'entreprendre de fe juftifier en perfonne , & il aima rnieux quitter Ie Royaume , fous prétexte d'un pélerinage k Lorette. Epernon, le fier Epernon , s'eftima heureux d'acheter fa tranquillité par des foumifiions. Les précautions de Richelieu ne fe bornerent pas k éloigner fes ennemis de France. II obtint du Duc de Savoie » que 1'Abbé Scaglia feroit relégué k Rome : & les autres Souverains , qui avoient befoin du Miniftre, tels que les Ducs de Florence & de Mantoue , furent obligés de chaffer de leurs Cours tous ceux qui entretenoient des liaifons avec la Reine-Mere & avec le Duc d'Orléans. II échappa k Le Coigneux une parole , qui peut faire juger que ces précautions n'étoient peut-être pas  d u Cabine t. 283 fans nécelfité. Un fils de France efl toujours afife^ fort , dit-il , quand il peut faire pitié. En effet , li Galton avoit fu infpirer de la confiance, il' auroit pu armer en fa faveur 1'Efpagne , 1'Angleterre, la Savoie, le Pape, une grande partie de l'Allemagne , contre un Miniftre dont toutes ces Cours étoient jaloufes Sc mécontentes. Mais le Duc d'Orléans Sc fes Favoris n'étoient propres qu'a fe jetter dans 1'embarras, fans prévoir comment ils en fortiroient.. Au-lieu de 1'activité Sc de 1'application nécelfaires a ceux qui fbrment des entre-» prifes hafardeufes , i!s ne porterent ên Lorraine que Pefprit de galanterie Sc le gout des amufements. II y avoit dans cette Cour plufieurs jeunes Princelfes , coufines & fceurs germaines de Charles, Duc régnant. L'ainée étoit mariée au Prince de Phalf»bourg, Allemand peu ombrageux,. qui cependant marqua quelque mécontentement des affiduités renouvellées du jeune Puy-Laurent auprès de fa femme. Les autres Francois rencontrerent, parmi les Lorrains attachées, i ces Princelfes, des perfonnes dif- Louis XIII. 16:1. Gaflon fe marie en Lorraine, Mém. f 'Orléans r ». 159.  Louis XIH. iöji. 184 L'Intrigue pofées a partager leur amour pour le plaifir , Sc ne les négligerent pas. Les anciennes inclinations fe réveillerent, Sc il s'en forma de nouvelles, dont on s'occupa beaucoup plus que des affaires. Monfieur n'avoit peut-être delfein que de s'amufer auprès de la Princeffe Marguerite, fceur du Duc; mais foit efiime , foit tendrefie, foit engagement de poiitique, foit toutes ces raifons enfemble , il 1'époufa. S'il crut fe procurer par-la un afyle fur contre la colere de fon frere; fi le Duc efpéra de tirer avantage de cette alliance , comme Gafton Pen avoit flatté, en exagérant les forces de fon parti en France, ils fe tromperent tous les deux. Louis vint, lorfqu'on s'y attendoit le moins, troubler la joie de ces noces clandeflines. II parut fur la frontiere, au milieu de 1'hyver, a la tête d'une forte armée. Charles, fans préparatifs Sc fans recrues, fe vit a la veille de perdre fes Etats. II fut obligé de facrifier une partie pour fauver 1'autre. Par un traité figné le 3 1 Décembre, il s'engagea a recevoir garnifon FranGöife dans fes meilleures fortereffes 5  DU C A B I N E T. 285 ♦lont la poftefïïon mit le Monarque en état d'entrer quand il voudroit en Lorraine , lans éprouver de réfiftance. Par un article ajouté a ce traité Ie 6 Janvier, il fuf ftipulé que Gafton fortiroit des Etats du Duc. Cette injoncïion étoit une fuite des foupcons qui parvinrent au Roi fur le mariage de fon frere. II fut un fe» cret pour le public : mais Louis & fon Miniftre eurent des doutes, qui les engageren! a exiger l'éloignement de Monfieur, finon pour punition d'un mariage fait, du moins pour em- | pêcher un mariage a faire. Le Duc d'Orléans fe prêta de bonne grace au 1 defir forcé de fon allié; il laiffa fon époufe en Lorraine , & alla joindre fa mere a Bruxelles. Prefque tous les difgraciés de la ^ Cour de Louis XIII s'y réunirent, non-feulement outrés de dépit, mais poffédés d'une efpece de rage contre Ie Cardinal. II a prétendu qu'il s'y formoit des complots contre fa vie; & en effet, il y eut en France des , gens punis du dernier fupplice, com- I me convaincus du crime médité &c Louis XUI. 1631. i6;i. '1 fe reti■e a Bruceües.  Louis xiii. 1631, yVocès de Marillac. Mere. t. 18. Vialart, p. 608. Journ. di Kich. II. Part. p. I , jufqu'a La Hcve ï- 78j. 2.8Ó L'Intrigue tenté d'affafïinat & de poifon. D'autres furent flétris , renfermés , condamnés aux galeres pour des libelles; & on comprit dans leurs condamnations des réfugiés de Bruxelles , comme confeillers ou complices de leurs attentats. Mais ceux-ci ne fe [ailferent pas prendre. Si la ReineMere ne fut pas notée dans ces arrêts, on n'épargna pas fes plus intimes confidents, dont la diffamation pouvoit rejaillir fur la Princelfe; & elle-même ne fut pas ménagée dans les écrits clandeffins, dont le Gouvernement autorifbit fourdement la diftribution : vengeance qu'on prétendoit colorer par cette raifon politique, qu'il étoit important de ne point lailfer fans réponfe des imputations capables de décréditer le Miniftere, Mais le Cardinal ne s'en tint pas a des écrits ; il fit voir par fes actions, que fi la Reine fe croyoit tout permis pour fatisfaire fon reflentiment, il ne craignoit pas , de fon cöté , de fe la rendre irréconciliable a jamais. Tous ceux qui balancerent entre elle & lui, furent contraints de quitter la Cour, d'abdiquer leurs char-  i>u Cabine t. 2j7 ges & leurs emplois, & non-feulement eux , mais ceux de leurs parents & de leurs alliés les plus attacles a ces difgraciés. Enfin, on vit p iroitrc fur la fcene un Maréchal de France, peut-être facriféau defir d'infpirer de 1 epouvante, & a Ia vengeance plutöt qu'a la juftice. En lifant fon procés , en examinant les formes inufitées , & les circonfiances | mortifiantes qui y furent jointes, on ne peut s'empêcher de reconnoïtre , que , fi Richelieu ne mit pas de paliion dans cette affaire, il ne s'embarraffa pas affez d'en fauver les ap,! parences. Louis de Marillac, arrêté après la [ journét des Dupes, au milieu de 1'armée de Piémont qu'il commandoit, fut d'abord enfermé dans le chateau j de Sainte-Ménéhould. On fut quelque : temps a lui laiffer ignorer le fujet de ! fa détention; on le transféra enfuite dans la citadelle de Verdun. Alors le public put juger quels étoient les griefs 1 qui feroient employés contre lui. Le Maréchal étant Gouverneur de la fronl tiere, avoit bati cette fortereffe. Plu: fieurs perfonnes, propriétaires de mai- tovis XIII. 1632. Saint-GcTmaïn t 476. Vérité dê' feniut. p. S6i.  Louis XIII. 1631. 2.88 L' I N T R I G U E fons, fourniiTeurs, entrepreneurs, ouvriers, s étoient plaints de quelques vexations, dans le temps de fa faveur; & on n'en avoit tenu compte : mais les chofes étant changées , on érigea pour les entendre, un tribunal k Verdun , compofé de deux Préfidents & douze Confeillers du Parlement de Bourgogne ; & on amena Marillac prifonni'er dans cette ville, 011 il avoit dominé avec trop de hauteur : humiliation qu'on auroit pu lui épargner. Les opérations de cette commilfion trainerent en longueur; elle fe rompit, pour ainfi dire, d'elle-méme, & fut remplacée par une autre , compofée de vingt-quatre Juges, en partie lesmêmes, en partie choifis entre les Jurifconfultes. Celle - ci tint fes féances k Ruelle, village prés de Paris , dans la maifon même du Cardinal, oü le prifonnier fut amené ; efpece de prifon qui parut très-étrange. Le Maréchal fe défendit bien; il commenca par récufer tout le tribunal , comme incompétent. Le Parlement de Paris, réclamé par 1'accufé, révendiqua 1'affaire, & donna des Arrêts, qui furent calTés par des Ar- rêtó  du C a b i n e t. 289 rêts du Confeil. L'autorité prévalut,, & la Commiiïion fut maintenue. Ma-J rillac récufa enfuite plufieurs des membres de la Commiftion ; les uns comme fes ennemis perfonnels, ou ennemis de fa familie; les autres, comme mal famés; d'autres comme s'étant trop ouvertement déclarés : mais le Confeil ayant retenu le jugement de ces motifsde rëcufation, les déclara mal fondés. On procéda a Pinftruction, &c on rangea les accufations fous fept titres ; Malverfation en la. fortification de la citadelle de Verdun, fur les deniers, fur la conduite, & furies pro- fits illicites. Mauvais gouvernement des armées , & malverfations d Cemploi des deniers du Roi, Abus & profits illicites fur les prix des munitions. Fauffetés des quittances avec les comptables. Divertif- fement de quatre cents mille livres fournies par le Roi , en payement des mai- fons prifis & démolies d Verdun pour la citadelle, Application d fon profil des nouveaux offices, des fortifications aux Trois-Evêchés, & des deniers de l'enchere jettéefur l'éltclion de Barfur-Aube.Enfin, vexation du peuple Verdunois & voifins. Quel eft 1'h.omme, difoit Ie MaTome ll% N jOUIS xüï. 1631.  1 O UI xiii, 1632. 290 L'Intrigue ' réchal, qui, apres une adminiftration longue & compliquée, forcé , beaucoup de temps après les chofes paffées, de répondrea deux cents foixante points d'interrogation & a cent trente témoins, ne fe trouveroit pas en défaut par quelque endroit ? Pour ces oublis, ces négligences, & autres fautes que 1'ivreffe de 1'autorité fait quelquefois commettre, il imploroit la miféricorde du Roi, & encore affoiblilfoit-il la preuve de ces délits en faifant des reproches graves aux témoins ; reproches que quelques-uns méritoient. II inlïnuoit dans fes défenfes, qu'il y avoit un autre crime ; le vrai crime dont on ne lui parloit feulement pas : c'étoit fon attachement k la Reine-Mere , dont fa femme avoit 1'honneur d'être parente. Quelques Hiftoriens rapportent que dans un Confeil tenu avant la journêe des Dupes , Marillac avoit été d'avis de faire porter au Cardinal fa tête fur un échafaud. Ils ajoutent que Richelieu fe plut k faire fubir k chacun de fes ennemis, la même peine dont ils 1'avoient menacé. Ainfi la Reine-Mere fut punie par 1'exil, Baffompierre par  du Cabine t. 291 ia prifon, &c Marillac par la mort. La Commiffion le condamna a avoir la tête tranchée en place de Grêve, comme atteint & convaincu des crimes de péculat, concuffions, levées de deniers, cxacJions, faujfetés & fuppofitions de quiuances, foule & opprejjion faits fur les fujets du Roi. La fentence fut executie le 9 Mai. Marillac mourut en Chrétien réfigné; fans impatience, quoique dans 1'exécution on n'omit rien de ce qui pouvoit la rendre dure & humiliante (a), On remarqua qu'en perfévérant jufqu'a la fin a fe dire innocent des crimes dont 1'arrêt le chargeoit, il avoua que fa confcience lui en reprochoit d'autres, qui méritoient que la juftice divine s'appefantit fur lui. Cet aveu réitéré avec amertume, fit croire que les remords dont cet infortuné étoit déchiré, venoient de la conduite qu'il ( o u i s XIII. 1632. 31a L'Inthiguë pas les mains liées en allant au fupplice : Un grand pécheur comme moi, dit-il, ne peut mourir avec ajfe^ d'ignominie. II fe dépouilla lui-même de fes habits fuperbes, qu'il lui étoit libre de garder. Oferois-je bien, dit-il, étant criminel comme je fuis, aller d la mort avec vanité, pendant que mon Sauveur innocent meurt tout nud fur la croix ? Toutes les actions de fa derniere jour» née furent ainfi marquées du fceau du Chriftianifme. II étoit fi plein de confiance, qu'il fembloit plus defirer la mort que la craindre : auffi ne lui échappa-t-il ni plainte ni murmure, fur une fin fi tragique. II s'avanca vers 1'échafaud avec fermeté, mit la tête fur le billot-, dit au Bourreau d'une Voix haute : Frappe hardiment, & re$ut le coup en recommandant fon ame a Dieu. II n'avoit que trente-huit ans» En lui finit la branche aïnée de la Maifon de Montmorency , fi féconde en Héros. Sa femme, encore jeune, alla s^enfermer, a Moulins, dans un Couvent de Religieufes, ou elle fit élever un magnifique maufolée a fon époux, dont elle avoit en grande partie caufé le malheur. Elle ne cefia de Ie pleu- rer  du Cabine t. 313 rer jufqu'a fa mort, qui ne vint que dans un age affez avancé terminer fes regrets. II femble que tout auroit du finir par la punition d'un Chef fi illuftre : mais le Confeil du Roi ne s'en tint pas la; il pourfuivit tous ceux qu'on foupconna d'avoir eu part a la rébellion. Ils étoient en grand nombre, de tous les états; Evêques, Guerriers, Magiffrats. Plufieurs porterent leur tête fur 1'échafaud. Entre ceux auxquels on laiffa la vie, les uns furent exilés ou renfermés; les autres , privés de leurs dignités & conhnés dans leurs maifons , y trainerent une vie obfcure. On ne fait fi cette févérité, étendue a tant de perfonnes, ne fit pas plus de mal que de bien. Si ces punition* n'ayoient perfuadé que le Cardinal étoit incapable d'indulgence, peutêtre quelques-uns fe feroient-ils efforeés d'effacer, par une meilleure conduite , le fouvenir de leur révolte. Mais croyant qu'on ne gagneroit rien h fe corriger, chacun s'entretint dans fa haine, & la garda pour des temps plus favorables. La rigueur de Richelieu aigrit les reifentiments, & elle Terne II. Q Louis XIII. 163Z. Punition des complices.  Louis XIII. 1632. Gafton quitte le Royaume. Moneréfor p. U 314 L'Intrigue fervit de prétexte a la nouvelle évallora du Duc d'Orléans. Quand il fut arrivé dans le lieu indiqué pour fa demeure, ceux qui n'avoient pas craint de le déshonorer, en fouffrant qu'il abandonnat le Duc de Montmorency, furent les premiers a le preffer de venger fa mort. II crue, dit le Préfident Hénault, céder au reffentiment qu'il en avoit, pendant qu'il ne cédoit quaux conjeiIs de Puy-Laurent. Ces confeils n'étoient pas diólés par le deur de rétablir 1'honneur de fon Maitre , mais par 1'intérêt particulier , tant de ce Favori que des autres. Ils ne purent voir la févérité dont on ufoit a 1'égard de leurs complices, fans appréhender pour eux-mémes; & ils ne trouverent pas de meilleure fauve-garde contre la punition, que l'éloignement. On dit qu'au fentiment de la crainte, fe joignit celui de 1'amour, qui les attira k Bruxelles ; cette Courétoitcompofée de trés-belles perfonnes , & les Francois y avoient trouvé des amufements qui les y rappellerent. Ils partirent le 6 Novembre. Leur évafion ne fit pas grande fenfation en France, Les efprits y étoient  du Cabine t. 31» comme en fufpens, h 1'occafion d'un! maladie très-dangereufe, dont le Cardinal fut attaqué. Le Garde-des-Sceaux Chateau-neuf , eut 1'imprudence d( laifler éclater le defir de le rempiaeer dans le xMiniftere, & la hardieffi d'y travailler. Ce projet fe forma entre des perfonnes que Richelieu . mourant, fe feroit imaginé être plus occupées a Ie regretter, qu'a partager fes dépouilles. C'étoit la compagnie ordinaire du Cardinal: une fociété de jeunes agréables, de femmes aimables avec lefquelles il alloit fouvent égayer Ie férieux du Miniftere. Ses affiduités dans un eerde ft peu aflbrti a fa gravité, ont fait foupconner qu'il y étoit attiré par un goüt vif pour Madame de Chevreufe. Cette Dame ne 1'aimoit pas; mais elle paroiffoit flattée de la préférence qu'il lui donnoit, & elle hu marquoit en public des égards, dont elle fe dédommageoit en particulier avec fes confidents. 11 étoit leur/ jouet fans le favoir. La jeune Reine, Hée a cette troupe badine, triomphoit \ de tout ce qui jettoit du ridicule fur le Prélat, qu'elle déteftoit. Ce fut elle O ij Louis ' XIII. , IÓJ2, Cliateauneuf & Is Commandeur di Jars. Mere. torn, iS. Bajfamp, t.2, p. 558. MotteyiU 'e, 1.1, p. La Porte p. 176. Journ. de H.ich. I. P. '• 59Mém. ree. • 7, p. 9h  Louis XUI. 1633. 1 1 316 L'Intrigue qui ménagea 1'agrément de Richelieu pour le retour de la Ducheffe , après fes aventures avec Buckingham & Montaigu. Le public malin remarqua que le Miniftre, inexorable pour tous les autres, ne s'étoit pas trop fait prier pour elle. On avoit obfervé auparavant, que dans les informations conIre Chalais, il s'étoit gliffé des queftions qui déceloient le rival piqué , & que cette Dame, coupable au moins. de confeils , n'avoit été punie que par une retraite , aifez douce, dans fes terres. Les mêmes obfervations eurent lieu fur ce qui fe paffa a la convalef:ence du Cardinal. Ce fut le réveil Ju lion. Trop inftruit de ce qui s'étoit fait pendant fa maladie, il bannit, emprifonna, profcrivit: Madame Je Chevreufe fe fauva en Efpagne ; Ghateau-neuf alla paffer de triftes jours Jans le chateau d'Angoulême , ou ce Miniftre le retint tant qu'il vécut: mais le plus maltraité ne fut pas 1'amaitieux, ce fut 1'homme aimable , Ie Chevalier de Jars, de la Maifon de Etochechouart,qui pouvoit être foupjonné de plaire a la Ducheffe , plus jue 1'homme de robe. II fut arrêté  du Cabine t. 317 en hiver, & renfermé dans les cachots de la Baftille, oü il refta onze mois, & oü fes habits pourrirent fut lui. il fut enfuite conduit a Troyes, On y créa une Chambre compofée du Préfidial de la Ville & de quelques Juges voifms, préfidés par le Sieur de La Feymas, Intendant de Champagne, Grand Gibecier de France. Si on en croit les Mémoires de La Porte, cet homme, qu'on appelloit le Bourreau du Cardinal, étoit un de ces efclaves de la fortune, qui ne connoilfent de droit que la volonté du Maïtre. Indifférent fur les moyens de remplir les intentions du Miniftre , il s'abaiffoit a tout pour le fervir. S'agiflbit-il d'arracher un aveu a un accufé, il employoit les promeffes, les menaces, les menfonges, les queftions captieufes. Si l'adreffe ne fuffifoit pas, le traitre en venoit aux larmes; il s'attendriffoit fur Ie fort de 1'infortuné , il 1'embraffoit affectueufement, le conjuroit de ne fe pas perdre par 1'obftination a fè taire. Puis reprenant Pair févere d'un Juge inexorable, il préfentoit les inftruments de la torture , les faifoit touO iij Louis XIII. 1633. La Parti i p. 176.  ï. O U I xm. 318 L'Intrigue scher au prifonnier, en expliquoit les ufages & les douloureux effets, & n'avoit pas honte d'invoquer le témoignage du Bourreau, dont il partageoit ainfi 1'odieux miniftere. Voila 1'homme auquel le Commandeur de Jars fut livré. II fubit quatrevingts interrogatoires, fanslaifTer rien cchapper dont on put tirer des charges contre lui ou fes amis. On auroit voulu trouver des correfpondances avec 1'Efpagne, ou avec les refugiés de Bruxelles. Les queftions roulerent principalement fur le commerce qus la jeune Reine pouvoit entretenir avec fa familie : fi elle avoit fait paffer des lettres a Madrid ou ailleurs, ce qu'elles contenoient, s'il n'y étoit pas parlé d'affaire d'Etat, du Roi, du Miniftre. On prétend que Richelieu defiroit fortement de la trouver en défaut a cet égard, afin de Ia rendre fufpefle, & qu'elle eut befoin de lui pour fe réconcilier avec fon mari. Etrange maniere de fe faire valoir auprès des perfonnes qu'on veut gagner! Mais toute 1'adrefie infidieufe de La Feymas, toute fa malheureufe habileté a faire des coupables, échoua  du Cabine t. 319 contre la fermeté & la préfence d'efprit du Commandeur. II bravoit fon Juge, lui reprochoit hardiment fes menfonges Sc fes duplicités artificieufes, qu'il nommoit lachetés. Le Préfident n'ayant pu fe refufer aux inflances du prifonnier, qui demandoit a entendre Ia meffe le jour de Ia Touffaint, le fit conduire, fous bonne efcorte, a 1'Eglife des Jacobins de Troyes, 011 il fe trouva lui-même. Le Commandeur, qui avoit fon deffein, épie La Feymas, prend le temps oü il revenoit de la fainte Table, les yeux baiflés Sc l'air contrit, s'élance a travers fes gardes, prend 1'Intendant a la gorge, Sc le fecouant fortement: Voici, s'écrie-t-il, fcèlêrat! voici le moment de confejfer la. vérité. Puifque tu as ton Dieu fur les levres, reconnois mon innocence, & ayoue ton injufice d me perfécuter. Puifque tu fais mine ctêtre Chrètien , il faut ici en faire Faclion ,finon je te renonce comme Juge, & je prends tous les afjijlants d témoins que je te renonce comme tel. L'Eglife étoit pleine; chacun fe précipite auprès de Pantel, pour être tcmoin de cette f;ene violente; en vaia O iv Louis XIII. 1633.  Louis XIII. 1633. 1 1 j 1 l 1 / .$ I t d r a 320 L'Intri g ue les gardes veulent lesféparer. Le Commandeur tient ferme; & quoique LaFeymas fut très-redouté, les fpecïateurs n'étoient pas pour lui, & le faifoient connoitre par leurs murmures. Tout autre auroit cédé a la circonflance & fe feroit récufé; mais, fans fe déconcerter, il répond au Commandeur d'un ton doucereux: Monfieur, ne vous 'mquiètei pas ; je vous affure que M. le Cardinal vous aime, vous en fere^ quitte vour aller en Italië : mais vous voudre{ bien qu'on vous montre auparavam de vetites lettres écrites de votre main, qui vous feront voir que vous étes plus cow oable que vous ne dites. Pareille ininuation n'étoit pas capable de le rafürer. Richelieu, au' rapport de Me. ie Motteville, difoit, qu'avec deux ignes de l'écriture d'un homme, on pou>oit faire le procés au plus innocent; >arce qu'en y ajujlant les affaires, on 'faifoit trouver facilement ce qu'on vouoit. Auffi quand le Commandeur enïndit parler d'écriture, il fe crut peru : mais il s'arma d'un nouveau cou* ige. Après bien des tentatives inutilespour rracher de lui les aveux qu'on defiroity  du Cabine t. 321 les Juges le condamnerent a avoir la tête tranchée dans la place du marché de Troyes. On lui promit fa grace; on le préfenta a la queftion. Craintes & efpérances , rien ne fut capable de lui faire rompre le fdence. II fut conduit au lieu du fupplice, monta fur 1'échafaud, futlivré a 1'exécuteur, qui lui lia les mains, lui banda les yeux. Lorfqu'il n'attendoit plus que le coup, on lui apportafa grace. LaFeymas voulut profiter de ce moment pour le faire parler. II lui dit d'un ton affecfueux : Maintenant que vous éprouvei la bonté du Roi, confefft\ ce que vous fave^ des intrigues de Chdteau-neuf. Vous voule^, répondit le Commandeur, profiter de mon étonnement, pour me faire parler contre mes amis; mais ce que la crainte n'a pu faire , fache^ que toutes vos carejfes ne tobdendront pas. II fut reconduit en prifon, oh il refla quelques années, & il eut enfuite permiffion de voyager. II ne refta au Cardinal que la fionte d'une manoeuvre indigne de la majefié du Tröne, & qu'on peutregarder comme un véritable abus d'autorité. La conduite des Juges fut très-inique 6c trèsO v liOOIS XIII. iü3j.  Louis XUI. 1633. Urbain Grsndier. Hifloite des Dia bles de Loudun, Mere. t. 20. 322 L'Intrigue t répréhenfible; car , quoiqu'on dife l pour fauver leur honneur , que LaFeymas leur montra, avant le jugement, la grace de Paccufé , ils rifquoient toujours en expofant a la mort un innocent, fur une garantie qui pouvoit être révoquée. Auffi le Commandeur difoit-il qu'il n'avoit obligation de la vie qu'a la juftice du Cardinal ; &c que s'il 1'avoit exigé, les laches fauroient fait mourir, Celf fans doute un défaut a reprocher k Richelieu, vindicatif comme il devoit fe connoitre, de ne s'être pas tenu affez en garde contre le danger d'abufer de la puiffance fouveraine , &c d'avoir fouvent enhardi Ia complaifance intéreffée des fubalternes , a des excès qu'il ne fe feroit peut-être pas permis lui-même. On croit appercevoir cette conduite dans 1'affaire dts pofledées de Loudun : événement monfirueux , dont le Cardinal , dit-on, encouragea les auteurs, foit pour punir un fatyrique infolent, foit pour jetter dans 1'ame du Roi des terreurs, qui le rendroient plus facile a gouverner. Cette derniere opinion efl: celle des perfonnes qui  du Cabine t. 313 cherchent toujours de grands motifs dans les grands hommes. Marie de Médicis étoit très-fuperftitieufe ; elle croyoit aux devins, aux prédictions, aux horofcopes. Louis XIII, qui avoit de fa mere, dit Richelieu , une certaïne fécherejfe de caraöere, tenoit auffi d'elle le penchant a la crédulité. La Cour de Bruxelles, qui connoiffoit le foible du Roi , inondoit la France de révélations faites k des béates , qui prédifoient toutes fortes de malheurs au Royaume, en punition des mauvais traitements qu'une grande Princelfe éprouvoit de la part de fon fils. Ces prophéties étoient appuyées de prétendus miracles, auxquels on donnoit la plus grande célébrité, afin qu'ils parvinffent aux oreilles du Roi, Sc" qu'ils ébranlaffentfa fermeté. Richelieu, connoiflant la puiflance de ces moyens fur fefprit de fon maitre , y avoit aulfi recours. II combattoit les infpirées de la Reine-Mere par d'autres, auxquelles on prêtoit auffi des extafes & des mouvements furnaturels. On ne manquoit pas non plus de les faire parler, &c de répandre leurs O vj Louis XIII. 163-.. Journ. de Rich. I. part.p. 56,  Louis XIII. 1633. 324 L' I N T R I G ü E difcours. Ils étoient obfcurs & paraboliques, remplis d'emblêmes &d'exemples tirés de 1'Ecriture - Sainte , qui inlinuoient qu'un Roi, fous peine d'être livré aux flammes de 1'enfer , eft obligé de tout facrifïer au bien de fon Royaume, plus précieux pour lui que mere, frere &c époufe. II fe paflbit alors a Loudun des chofes trèsextraordinaires, dans lefquelles la Religion étoit mêlée. On dit que le Cardinal voulut elfayer d'en tirer parti, & qu'il envoya le P. Jofeph, fon confident, examiner par lui - même ces preftiges ; mais que le Capucin n'y vit que des fourberies mal-adroites, qu'il feroit trop difficile d'employer aux vues politiques du Prélat. II eft donc vraifemblable qu'elle ne fervirent qu'a fa vengeance. Comme 1'Hiftoire n'eft pas bornée a l'inftruction des Princes, cet événement, quoique arrivé dans une petite ville & entre particuliers, mérite d'être racontédans un certain détail; tant pour faire voir iufqu'oii va quelquefois la méchan:eté humaine , que pour apprendre que la préfomption & la conhance sn foi-même eft capable de précipi-  Oir Cabine t. 327 ter un homme dans les derniers malheurs. Urbain Grandier, Ie héros infortuné de cette aventure, étoit Curé de Saint-Pierre & Chanoine de SainteCroix de Loudun. II avoit de 1'efprit, de 1'érudition , le talent de la parole, des manieres polies & engageantes; qualités qui auroient dü faire fon bonheur, &c qui ne le garantirent pas de la plus effrayante cataftrophe, paree qu'il y joignoit de Ia morgue, de la hauteur; un air de mépris infultant pour ceux qu'il n'aimoit pas. Sans diftinction d'état ni de fexe, il fe fit des ennemis entre les Prêtres & les Religieux par fes railleries; entre les femmes, les unes jaloufes , les autres indignées de fes plaifanteries; entre les hommes , Magiffrats, Bourgeois, gens infbruits ou ignorants , tous également révoltés de fa fuffifance. Comme ils étoient prefque tous parents, ils épouferent les querelles les uns des autres. Les picoteries engendrerent des procés, dans lefquels les mceurs de Grandier furent attaquées; il en fortit plus blanchi peut-être qu'innocent. Mais au-lieu Louis XIII. 1633,  Louis XIII. 1633.. i 326 L'Intrigue d'être difpofé k la paix par les inquiétudes qu'il avoit éprouvées, malgré le fuccès, & par les peines qu'il avoit effuyées en différentes prifons, il n'en devint que plus turbulent. Non content de braver fes adverfaires, il intenta contre eux une adtion de calomnie : cette attaque les réunit tous, lis jurerent de le faire périr, ou de le chaifer de leur ville. Dans ce temps de fermentation, arriva a Loudun le fameux Laubardemont, Confeiller d'Etat. Le Cardinal lui avoit donné la commiffion de faire détruire les fortifications des petites villes que les Calviniftes occupoientavant leurs défaites; Loudun étoit une des principales. Le Commiffaire s'y arrêta quelque temps. S'il reftoit des couleurs noires après celles que nous avons employées au portrait de La-Feymas il faudroit es épuifer pour peindre Laubardenont : homme fans pitié , toujours ii/pofé a trouver des crimes, cruel ivec réflexion, comptant pour rien a mort d'un coupable , s'il ne la ■endoit plus affreufe par les tortures, -espremiersdela ville s'emprelferent  bu Cabine t. 327 «e recevoir un Confeiller d'Efat, envoyé par Ie Miniftre. Ils 1'mviterent a manger : on paria dans ces repas de la nouvelle courante, qui étoit l'afïaire du Curé de St. Pierre. L'animofité qui fe plaït a rappeller les faits prefque oubliés, apprit alors au flatteurde Richelieu , une chofe qui fit peutêtre Ie plus grand crime de Grandier.. Le premier bénéfice du Cardinal fut le Prieuré de Courfai . peu diftant de Loudun. Au titre du Prieur étoient attachés quelques titres honorifiques dans la Collégiale de SainteCroix , que le jeune bénéhcier voulut faire valoir. Grandier les lui difputa. Cette altercation donna un fond de prévention au Chanoine contre le Prieur, & le difpofa a écouter volontiers les anecdotes malignes, auxquelles un homme en place, comme fut enfuite 1'Evêque de Lucon, ne peut manquer d'être expofé. Malheureufement il fe trouva a Loudun une femme du commun, nommée la Mammon , de ces femmes intrigantes, qui, ü 1'aide de beaucoup de hardieffe & d'une tournure d'efprit plaifante, fe mêlent entre les bas-Officiers des i, O U I $ XIII. 163J»  Louis XIII. 1633. 32,8 L'lNTRIGUE Cours , & quelquefois parviennent jufqu'aux mairres. Elle avoit été foufferte, pendant Ia guerre d'Angers, dans les cuifines de la Reine-Mere , qui daigna lui parler elle-même. Cette efpece de faveur lui donna un air d'importance , & fit recevoir avidement les particularités vraies ou fauffes qu'elle débita a fon retour aux curieux de Loudun. Grandier ne fut pas des derniers a prendre part a ce plaifir des défceuvrés de la ville; & comme il étoit cauffique, il ajoutoit aux narrations de la Hammon des réflexions piquantes, qui amufoient le cercle. II parut dans le temps des démêlés de Richelieu avec la ReineMere , ifn écrit fatyrique intitulé : La Cordonniere de Loudun : on crut reconnoitre Ie fiyle épigrammatique de Grandier, qui affaifonnoit les faits de Ia Hammon ; & Richelieu fe voyant l'objet principal des farcafmes, en fut vivement piqué. II eft vraifemblable que Laxibardemont réveilla fa colere , & crut gagner fes bonnes graces en lui préfentant, dans 1'événement bien étrange qui fe paffoit a Lou» lun, le moyen de fe venger.  D U C A B I N E T. 329 II y avoit un Convent d'UrfliIines: excepté les petits démêlés ordinaires dans les Cloïtres, jamais il n'y étoit rien arrivé qui eut troublé la paix. Tout d'un coup on entend dire qu'il s'y fait des chofes extraordinaires. On parle de fantömes, de cris Iugubres, de bruits fourds qui fe font entendre dans le filence de la nuit, de chaifes trainées , de meubles déplacés avec fracas, fans qu'on voye ni qu'on fente Ia main qui agit. Ces nouvelles répandues dans la ville font diverfement expliquées. Les uns croient que ce font des tours de jeunes filles, qui fe jouent de Pépouvante des vieilles; d'autres y foupconnent quelque galanterie qu'on veut cacher en détournant Pattention fur de prétendus preftiges : mais la plupart des Religieuies s'eifrayent réellement; elles voyent dans ce qui arrivé Pceuvre du Démon, dont elles croient relfentir, en ellesmêmes la puiffance. Elles fe fatiguent de prieres , font des neuvaines, envoyent a tous les pélerinages. Les Directeurs adoptent ou feignent d'adopter les idéés de leurs pénitentes. Des prieres on vient aux exorcifmes. Louis XIII. 163 j.  Louis xill 1633. 330 L'Intrigue Ces fcenes fe jouoient pendant le fort des contelfations de Grandier avec les Religieufes, les Prêtres, les Magiffrats, les principaux bourgeois, tous parents, alliés ou amis des polfédées. Quand elles n'auroient pas été inllruites pour leur röle , il ne feroit pas étonnant que leur imagination échauffée leur eut repréfenté Grandier, qu'on peignoit fi noir, fi méchant, par conféquent ami du Démon, comme auteur de leur malheur. Quelques-unes feulement le crurent : mais toutes le dirent, & s'accorderent dans les réponfes aux exorcifmes; a charger Grandier de les avoir enforcelées. C'étoit Ie Diable qui parloit par leur bouche. On interrogeoit Alïaroth, Afmodée , Belzébuth; on le conjuroit en préfence du Saint-Sacrement , avec des imprécations horribles, de dire li quelqu'un 1'avoit introduit dans le corps de telle ou telle énergumene. A ces queftions 1'exorcifée tomboit dans des convullions effrayantes , pendant lefquelles la pudeur n'étoit pas fort ménagée. Elle affirmoit que c'étoit Grandier qui lui avoit jetté un fort. Ce fort, elle en indiquoit des preuves  du Cabine t. 331 arbitraires, comme des marqués fur la peau , des paquets d'os & de cheveux cachés dans des trous, & d'autres fignes qu'il étoit aifé de faire trouvercorrefpondantsal'indication. Grandier rit d'abord de cette farce : mais il commenca k s'inquiéter, lorfqu'il fut qu'un des exorciftes, fon ennemi, avoit dit que cette affaire reffembloit a celle du Prêtre Gaufredi, brülé quelque temps auparavant, enProvence, comme forcier. II auroit du céder a 1'orage , & fuir; mais comme il étoit déja forti vainqueur d'autres dangers, il crut pouvoir fe tirer encore de celui-ci, & il fe laiffa conduire dans les prifons de l'Officialité. II fut condamné k quelques peines canoniques; mais , fur 1'appel, au-lieu d'être traduit devant les Tribunaux ordinaires, il fe trouva entre les mains d'une Commiffion établie par Arrêt du Confeil, & préfidée par Laubardemont. Pour donner de la force aux dépofitions des prétendues poffédées , Ie Préfident, avec fes Cafuiftes, érigea en principe cette propofition : Le Diable duement exorcifé eji contraint de dire la vêrité. Quand il ar-riyoit a ces fik Louis XIII. 163*1  Louis XIII. 1634. 332 L'Intrigue les , ou mal interrogées , ou mal inftruites, de répondre des abfurdités trop groffieres, ou des menfonges trop rifibles, on difoit que le Démon mentoit, pour Iors , en vertu d'un pacte particulier de menfonge, contraire au principe général, ou bien qu'il auroit dü être exorcifé par un tel, aulieu d'un tel ; & on recommencoit 1'exorcifme jufqu'a ce qu'on eut fait cadrer les dernieres réponfes avec les autres. II fe trouva des gens fages & délintéreffés , qui releverent les inconféquences & les abfurdités de ce qui fe parlbit. Un Médecin habile fe mit en devoir de prouver que les extafes, les mouvements convullifs de ces Alles n'excédoient pas les forces ordinaires, & pouvoient venir d'un principe qui n'étoit que trop naturel; II fe moqua auffi de ce que ces poffédées, qu'on donnoit pour entendre le Grec & le Latin, & même le parler fans l'avoir appris, répondoient fans juftelfe aux interrogations qu'on leur faifoit, & prononcoient trés-mal a propos les mots de ces deux langues , dont on avoit chargé leur mé* rnoire. Mais Laubardemont fit dire fe«  D U C A BI NET. 33? cretement , tant au Médecin qu'auj autres, qu'ils euffent k ceffer leurs re marqués & leurs plaifanteries; Sc pcnu donner plus de poids a cet avis, or commenca k débiter dans lescercles, que les perfonnes qui tenoient ces difcours ne pouvoient être que des complices du criminel, ou des hérétiques ians foi aux exorcifmes, & ennemis de 1'Eglife. Ces infinuations donnerent fallarme. Les obfervateurs fe turent ou s'enfuirent. Les parents de Grandier tenterent de porter fa caufe au Parlement; mais il eut défenfe de conrioïtre de cette affaire, & le malheureux fut abandonné k fes bourreaux. Quinze Juges des environs , tels qu'on en trouve aifément dans les pe-' tits fieges de Provinces, tous intimi-' dés, gagnés, prévenus ou ignorants, compoferent le tribunal devant lequel fut amené le Curé de Loudun. Les polfédées fournirent la matiere des interrogatoires; les exorcifles donnerent les preuves Sc les conclufions. Des Chirurgiens cruels, nommés par les Juges, lui errfoncoient des aiguilles dans la chair, pour chercher des endroits dont 1'infenfibilité étoit, difoit-on, 'Louis • XIII. ' 1634. Mtnagïsr ia, f.4, J. 3.7.  Louis XIII. 1634. (iz) Un de ces Chirurgiens avoit unefonde a reffort : en preflant un bouton , il faifo'16 rentrer la pointe dans le manche; quoiqu'il parütpiquer alors, ilne faifoit pas de mal ,& Grandier ne laiffoit échapper aucun figne de douleur. Enfuite il laiffoit agir la pointe, & le malheureux pöuffoit des cris aigus. Les Exor» ciftes concluoient de cette différence , qu'il avoit des parties infenfibles , rendues telles par des paétes avec le Démon. Le P. Laftance, un des Exorciftes , avoit fait chaufferun Crucifix de fer ; il 1'appliquoit prefque rouge fur les levres de Grandier, pour le lui faire baifer. Celui - ci fe retiroit , & Laftance prenoit les affiftants a témoins, que le Curé avoit en horreur le figne de notre Rédemption. Voy. l'Hifl. des Diables de Loudun. Ort y trouve une multitude de faits affreux, & «tui malheureufement paroiffent trop vrais. 334 L' Intrigue des fignes de fes pactes avec le Démon (a). On propofa même de lui arracher les ongles, pour voir li ces fignes ne feroient pas cachés deflbus. Tant d'horreurs firent ouvrir les yeux a quelques-uns même de fes ennemis, qui ne croyoient pas d'abord qu'on poufferoit les chofes fi loin. Ils voulurent rétracler ou adoucir leur première dépofition; mais Laubardemont les menaca de les pourfuivre comme  nu Cabine t. 335 coupables de faux témoignage : il fit enlever &c enfermer les plus repentants, qui n'auroient peut-être pu s'empêcher de montrer leurs regrets; & en même-temps on afficha une défenfe, fous peine de mille livres d'amende & de punition corporelle , de parler mal des Juges, de la procédure, des Exorciftes & des poffédées. Enfin , on fit de la condamnation de Grandier un fpeöacle public : hommes & femmes, grands &c petits, tous ceux qui voulurent, furent admis dans la falie d'audience , le virent fur la fellette, & purent jouir de fa confufion. Malgré les prieres & les menaces de Laubardemont, malgré les douleurs de la queftion qu'on lui donna de la maniere la plus cruelle, il refufa de s'avouer coupable de forcellerie (a) , & ne fe démentit pas fur (a) On trouva dans fes papiers un traité contre le célibat des Prêtres : mais il ne? Favoit pas rendu public, & on ne peut du, moins lui reprocher 1'indecence familiere a quelques Membres du Clergé, qui mettent effrontément leur nom au bas de leur portrait, en hsbit eccléfiaftique, a la tête des Louis XIII. 1634.  L o v l; XIII. hardiefles téméraires ou licencieufes qu'ilsr imprimeat. (. 422. la Haie, 7. S18. Jugement Otr la Pré" cace , p„ '37.  Louis xau. 3634. 338 L'Intriguë précaire oü elle vivoir, cette PrincefTe rit des inftances pour être recue en France. Elle ne demandoit plus, comme autrefois, fon rang a la Cour, &c une part dans le gouvernement. Marie fe contentoit d'habiter quelque chateau dans la Province qui lui ferok indiquée; d'une fomme pour payer fes dettes; d'un revenu tel qu'on voudroit le fixer; &c ces graces, elle confentoit de les recevoir de la main du Miniftre , &c de lui en avoir obligation. Mais Richelieu qui connoiifoit la Reine , ne fe lailfa pas prendre a ces offres. Ce n'étoit pas a lui qu'on pouvoit perfuader que cette PrincefTe fe contiendroit dans 'les bornes qu'elle fe feroit elle-même prefcrites, & qu'elle ne tacheroit pas de regagner le Roi, pour fe venger du Miniftre. II ne voyoit de füreté pour lui que dans fon éloignement; & par le canal de Gondi, agent du Grand-Duc, il mit tout en oeuvre afin de la déterminer a fe retirer a Florence. Le Cardinal avoit lui-même befoin de finir ces brouilleries, pour n'être pas diftrait dans les grandes entrepriïes qui Toccupoient alors, II travail-  du Cabine t. 339 Ioit fortement a exécuter le plan de politique qu'il s'étoit formé, tendant a 1'abaifiement de la Maifon d'Autriche. Du fond du Nord, il avoit appellé contre cette Puiflance le grand Guitave, Roi de Suede, qui fubjugua prefque toute 1'AUemagne, & fit trem.bler 1'Empereur fur fon trone. II fut -enfeveli fous fes lauriers dans les champs de Lutzen ; mais les fuccès de fes arm es ne finirent pas avec lui. Le brave Bernard Weimar, Duc de Saxe, & fes autres Lieutenants foudoyés par la France, continuerent d'inquiéter la branche d'Autriche Allemande, pendant que la guerre contre la Hollande , entretenue par les foins du Cardinal , épuifoit les forces & les finan■ces de la branche Efpagnole. II öta a Marie de Médicis la reffburce de 1'Angleterre, oh il jetta adroitement, & fit éclore le germe des troubles, qui empêcherent Charles Pr. d'ouvrir un afyle fixe a fa belle-mere; troubles qui devinrent enfuite fi funefies a ce Monarque. Enfin , quand Louis XIII fut certain que le Duc de Lorraine avoit donné fa fceur en mariage k -Gaflon t il fe jetta fur fes Etats, & P ij Louis XIII.  Louis XllL i634. Dernieres brouillerles de Bruxelles, 340 L'Intrigue s'en empara. II fe mit en füreté du cóté la Savoie , par un traité de ligue offenfive & défenfive avec Victor-Amédée fon beau-frere. Ainfi Richelieu entoura, pour ainfi dire , la France de fortifications étrangeres , avant que de provoquer ouvertement les efforts de la Maifon d'Autriche, qui, laffe de ces attaques fourdes, déclara la guerre cette année. Elle efpéroit tirer avantage du féjour de la Reine-Mere , & du Duc d'Orléans, dans fes Etats; c'étoit auffi la crainte du Cardinal : mais il defiroit beaur coup plus rappeller en France Gallon, héritier préfomptif de la Couronne , que Marie, qui, reffée feule, ne pouvoit lui donner beaucoup d'inquiétude. Auffi, s'il prêta 1'oreille aux propofitions de la Reine, ce fut moins dans 1'intention de la fatisfaire, que pour exciter de la jaloufie entre fes partifans &c ceux de Gafion, & amener le Prince a traiter féparément, fans parler de fa mere. La difcorde entre les ennemis du Prélat lui facilita 1'exécution de ce projet. Lorfque le Duc d'Orléans fe fut évadé de France, après avoir facri-  D U C A B I N E T. 341 fié Montmorency, la Reine le recut comme un fils qui venoit partager fes malheurs , & qui pouvoit lui fervir de confolation & d'appui : elle vit qu'il fouhaitoit que fon mariage avec la PrincefTe Marguerite fut reconnu, & elle fe prêta a fes defirs. Cette jeune époufe s'étoit échappée de Nancy , malgré les troupes Francoifes dont elle étoit environnée. Marie de Mé-* dicis la ree, ut auprès d'elle, la traita comme fa fille, approuva le mariage de fon fils; & 1'Archevêque de Malines , appuyé d'une confultation de TUniverfité de Louvain , le ratifia , pendant que le Parlement de Paris, autorifé par une décifion du Clergé de France, le déclaroit nul. On foupgonne que la Reine-Mere fe porta a cet éclat, moins encore pour obliger fon fils , que pour faire dépit au Cardinal , en lui ötant 1'efpérance de maner Madame dé Combalet, fa niece , au Duc d'Orléans , honneur auquel Tonele ne ceffa d'afpirer. Mais fi la Reine reffentit une fatisfaction intérieure de faire de la peine a fon ennemi, elle en fut bien punie par les obflacles que cet ennemi opP iij Louis XIII. 1634J Mere. t. 20.' Monglat, t.i, p. 73- Mem. d'Orléans, p. 189. Montréfor, t.ï,p. JO.  Louis XIII. 1034. 342 L'Intrigue pofa k fon retour en France, qu'elle defiroit. Lou is XIII fut p erfonnelle m ent piqué de la hauteur avec laquelle fa mere bravoit fon mécontentement, & approuvoit avec affectation un mariage qu'elle favoit lui déplaire. Cette difpofition Pempêcha de trouver trop cluresles conditions que fon Confeil, dirigé par le Cardinal, propofa pour le rappel de la Reine, On lui demandoit d'éloigner d'elle & de ne pas ramener en France, Fabroni, le faifeur d'horofcopes; I'Abbé de Saint-Germain, Auteur d'une multitude de liBelles ; le P. Chanteloube, ennemi déclaré de Richelieu; enfin, la Dame du Fargis, qu'on regardoit comme 1'aïne de toutes les intrigues. La Reine répondit que fon honneur ne lui per» mettoit pas d'abandonner des ferviteurs lïdeles, qui s'étoient facrihes pour fon fervice; que, retirés avec elle dans quelque coin de Province, ils ne feroient capables ni de trou» bier l'Etat, ni de donner de 1'ombrage, & qu'elle s'engageoit a les retenir dans les hornes de 1'obéiifance & Js la foumifïïon. Le Confeil de France  du Cabine t. 343 ne fe contenta pas de ces promelfes, ] & déclara, que, fans ce point, iln'y avoit point d'accommodement a efpérer. Sans doute le Miniftre fe flattoit que la Reine ne palferoit jamais fur cette difHculté; mais on trouva un biais pour 1'éluder : les perfonnes notées déclarerent que, pour afturer la tranquillité de leur maïtrefle , elles étoient prêtes a fe retirer d'ellesmêmes, & a aller vivre dans les pays étrangers. A cette propolition, grande joie du Cardinal, grande fatisfaélion de ce qu'il peut efpérer que la bonne intelligence entre la mere & le fils va enfin fe rétablir. Mais, dit-il, il ne faut pas faire les chofes a demi: ces perfonnes s'étant rendues coupables de calomnies atroces, de com-, plicité dans des projets d'affaftinats, de faux horofcopes, de prédiétions qui ont mortifié le Roi, la Reine ne montreroit pas a fon fils un vrai retour de tendreffe, ce ne feroit pas donner au Royaume & k 1'univers, 1'exempled'un défaveu nécelfaire, que de ne pas permettre que ces criminels, qui ont abufé de fa confiance , foient punis, & elle ne peut fe difP iv XIU.  Louis XIII. -634. 344 L' I N T R I G V E penfer de les abandonner a la juftice du Roi. Marie fe récrie contre une condition fi revoltante; Richelieu s'étonne qu'elle la trouve extraordinaire. II tient ferme contre elle, & en mêmetemps pour féparer Galton de fa mere , il accompagne les propolitions qu'il fait faire a Monfieur de tous les adoucilfements qui peuvent les rendre acceptables. Richelieu favoit que ce Prince ne fe conduifoit que par 1'infpiration de fes favoris; c'étoit toujours Puy-Laurent qui tenoit le premier rang auprès de lui : le Miniftre le recherche, le flatte, lui fait offrir une de les coulines en mariage, un Duché, & d'autres avantages. Puy-Laurent fe laiffe enchanter par les proraeffes féduifantes du Cardinal; il renonce a époufer la Princelfe de Phalsbourg, qui, devenue libre par la mort de fon mari, s'étoit auffi fauvée de Nancy k travers les armées Francoifes, & lui offroit fa main. Tout dévoué a 1'adroit Miniftre , il perfuade k fon Maïtre d'accepter les offres qu'on lui fait; que fi fa mere veut fe perdre ?n refufartt d'abandonner fes gens, il  du Cabine t. 345; n'eft pas obligé, par complaifance pour fon obftination, de renoncer aux graces de toute efpece que la faveur de fon frere lui prépare en France. Les Efpagnols, qui fe doutoient que le Duc d'Orléans alloit leur échapper, imaginerent de le lier a eux par un traité. Gallon y confentit, afin de • ne pas laiffer appercevoir fes démarches (a) ; mais il en avertit le Roi. Puy-Laurent ne réufïït pas aufïi-bien a cacher aux refugiés de la Cour de la Reine, fon commerce avec le Miniftre. II y eut des explications, des froideurs, des picoteries; on s'inful£a , on s'envoya des cartels, on fe battit. La mere prit un ton d'autorité fur le fils ; le fils ne voulut pas fe laiffer gouverner : il fe paffa entre ces fjd) II n'eut pas la même difcrétion a 1'égard de tout le monde. Prêt a conclure fon accord, il envoya en France un de fes Gardes qu'il chargea d'en aller porter la nouvelle a quelques perfonnes de la Cour qui s'y intéreffoient. Richelieu fait arrêter & pendre ce malheureux, pour mettre en défaut, dit Siri, la curiofité des Efpagnols. Voy, Mém, ree, torn 8, pag. 76. P v Louis XIII. 1634.  Louis XIII. 1634. Gafton revient en France. Mém. 'd'Orléans, F- -44- 346 L'Intrigue deux perfonnes des fcenes vives. Enfin, peu s'en fallut que, victime de ta jaloufie ou de la politique, PuyLaurent ne finit fes jours d'une maniere tragique a Bruxelles. Comme il montoit le grand efcalier du palais , un coup de carabine part, bleffe deux perfonnes a fes cötés, une balie 1'effleure lui-même a la joue ; 1'affaffin fe fauve, & laiffe fa cafaque , qui étoit de la livrée du Duc d'Elbceuf. En conféquence, les premiers foupcons tombentfur le Duc, qu'on favoit être ennemi perfonnel de Puy-Laurent. Mais bientót on trouva de 1'affeöation dans 1'oubli de cette cafaque, & lesconjecruresfe tournerent fur différerites perfonnes, fur la PrincefTe de Phalsbourg, qui avoit a menger fon amour dédaigné, fur le P. Chanteloube, le plus déclaré entre les confidents de la Reine-Mere , :ontre 1'accommodement particulier du Duc d'Orléans. Ce fut a lui que Monfieur s'arrêta; & quand il paroit de cette aventure, il ne 1'appelloit jamais que la Chantdoupade. Ri:helieu eut auffi fa part des foupcons. On dit quïl avoit fait commettre ce  d-tj Cabine t. 347 crime pour donner de la frayeur a Puy-Laurent, & le preffer de conclure le traité avec la France. Mais il paroit par les mefures prifes pour confommer le crime, que ceux qui le firent ou le confeillerent n'eurent pas deffein de fe borner a infpirer de la crainte : or, loin d'avoir intérêt a fe défaire de Puy-Laurent, le Cardinal devoit defirer de le conferver, puif* que ce n'étoit que de lui qu'il efpéroit le fuccès de fes démarches auprès de Gaflon. Elles réuflirent k fon gré. La ReineMere , toujours fixe dans la réfolution de ne point livrer fes confïdenrs a une mort certaine, privée d'ailleurs de 1'appui de fon fils, qui lui auroit donné des efpérances tant qu'ils auroientfait caufe commune, fe trouva dénuée de tout efpoir d'accommodement. Gaflon fe fauva furtivement de Bruxelles; il craignoit les Efpagnols, qui, fans violer le droit d'hofpitalité, auroient pu 1'arrêter, comme infracteur du traité qu'il venoit de conclure avec eux. II ne paria pas de fa fuite a fa femme , qu'il recommanda par lettre a la Reine fa mere; & en dev* P vj Louis XIII. 1634. [I arrivé a :a Cour. Mém. réc. '■■ 7,p580, & t. 3, p. 105»  L o u i XIII. ï634. j ] 34°* L'Intrigue " jours il arriva a la Cour, oii Ie Rot le recut comme s'il venoit de faire un voyage de plaifir. Le Cardinal, charmé d'avoir enlevé aux ennemis de la France, 1 héritier préfomptif de la Couronne, lui donna des fêtes magnifiques. On remarqua que le Prélat , attentif è fes intéréts, profita de la confiance qu'infpirele plaifir, pour tirer de Gallon fes fecrets. II commenca enfuite a le harceler fur fon mariage. On le mit aux prifes avec Boutiher, Secretaire d'Etat, deux Docteurs de Sorbonne, trois Jéfuites, le Général de 1'Oratoire , le P. Jofeph & Mazarin, Nonce du Pape. Ils vou' lurent lui perfuader que fon mariage étoit nul; mais il en foutint Ia vahdité avec une fermeté qui ne lui étoit pas ordinaire. Cette réfillance ionna de 1'humeur a Richelieu , qui iifféra quelque temps 1'exécution des promelfes faites a Puy-Laurent, peruadé que c'étoit lui qui infpiroit cette ngueur è fon maitrè ; mais enfin, le Vimilire crut devoir combler le favo•1, pour voir s'il viendroit a bout Ie Ie gagner. Le prix du Duché pronis fut compté, 1'achat s'en fit? le ma-  D U C A B I N E T. 349 riage fe conclut avec la Demoifelle de Pont-Chateau, coufine du Cardinal , & Puy-Laurent fe trouva touta-coup poffeffeur de lix cents mille écus de rente , Duc & Pair, & proche parent de Richelieu (a). Cet état floriffant dura a peine deux mois, &c fut fuivi du revers le plus accablant. Monfieur s'étoit retiré a Blois, oii il menoit une vie privée, concentré entre quelques confidents intimes, qui ne laiffoient rien tranfpirer de fes occupations, ni de fes amufements. Cette efpece de myflere inquiéta Richelieu; il fit tous fes efforts pour engager Puy-Laurent a 1'infiruire fecretement de ce qui fe paffoit, jufqu'a lui offrir des Gouvernements, le Baton de Maréchal de France & le kommandement des armées. II 1'avertit auffi, & le pria d'éloigner de lui Coudrai-Montpenfier & quelques au- ( F. 371.  lo UI XIII. i6J5. 3 50 V l N T R r G V E strcs Gentilshommes qui paffoient pour gens d'exécution , & dont le fcjour auprès du Duc d'Orléans ne plaifoit pas au Cardinal. Enfin, il revint a Ia charge pour obtenir du favori qu'il arrachat a fon Maitre un confentement a la difiölution de fon mariage.. Puy-Laurent tiroit en longueur; &c pendant qu'il efpéroit gagner du temps, 2 paffa par Blois des Efpagnols qu'il avoit connus a Bruxelles, & qui furent recus en amis. Richelieu profita de cette circonfiance pour rendre fufpecfes au Roi les difpofitions de'fon frere, en lui faifant entendre que ces liaifons, dont Puy-Laurent ferroit les nceuds, pouvoient être de la plus grande conféquence au moment de la guerre qui s'allumoit. Ces obfervaftons parurent jufies, & la p^rte de Puy-Laurent fut réfolue. H s'agiflbit de le tirer de Blois, d'oii on favoit qu'il ne fortiroit pas fans fon Maïtre. On fit a la Cour, a 1'occafion du Carnaval, de grands préparatifs de fêtes auxquels le Roi les mvita. Puy-Laurent fur-tout, bien fait & bon danfeur, devoit y jouer un sÜM premiers róles.. Arrivant au Lou-  DU C A B I N E T. 3 y I ■vre le i Février après midi, pour répéter un ballet, il fut arrêté & conduita Vincennes; plufieurs de fes amis éprouverent en même-tempsle même fort, & on les conduifit en différentes prifons. Le Duc d'Orléans fut atterré de ce coup. II ne montra pas d'abord tout fon reffentimeht, paree qu'il craignoit pour lui-même; il fe contenta de dire au Roi, qu'il ne demandoit pas de grace pour fon favori s'il étoit coupable ; mais qu'il le conjuroit de ne pas fe laiffer prévenir & après avoir recommandc le prifonnier aux bontés de fon frere , il reprit triftement le chemin de Blois. Puy-Laurent ne furvécut pas longtemps a fa difgrace. II mourut dans le mois de Juillet, d'une maladie caufée par 1'ennui de fa prifon. Gaflon le regretta fmcérement. Tant qu'il vécut, le Prince nevoulutpas entendre a recevoir un autre favori de la main du Cardinal; encore moins a recevoir le Cardinal lui-même, qui tachoit par routes fortes de foiipleffes, de s'inlinuer clans la confiance de Monfieur, afin de gouverner le cadet comme il gouvernoit Painé. Au défaut de ce Louis XIII. 1635.  l oui XIII. 1635. te Duc d'Epernon humilié. Mere, t. 20. : 3 5 2- L'Intrigue , moyen de conduire le Prince, Richelieu en employa un , dont Galton ne fe trouva pas mieux : ce fut de lui compofer une maifon , Chancelier , Secretaire, Gentilshommes, tous devoties au Miniftre; de forte que le Duc d'Orléans fe trouvoit comme prifonnier aii milieu de fon monde. Ainfi, fêtes , plaifirs, alliances, tout fervoit au Cardinal pour attirer ceux dont il vouloit s'alfurer. Si 'ce n'étoient pas des pieges, c'étoient du moins des. hens, qu'il rendoit des chaïnes pefantes, quand fes obligés vouloient en delferrer les nceuds. Le Duc de la Valette époufa aufti une Demoifelle de Pont-chateau; &c celle-ci, comme fa fceur, eut a pleurer par la faite les malheurs de fon époux, forcé de fuir dans les pays étrangers. On remarque que les obligations qu'avoit le Miniftre au Cardinal de la Valette, fon ami fincere,. ne 1'empêcherent pas de s'étudier a mortirier le Duc d Epernon fon pere, cet ancien favori fi peu accoutumé k fléchir. II étoit Gouverneur de Guienie; & Sourdis, Prélat guerrier, étoit Irchevêque de Bordeaux. Ce choix3.  I> U C A B I N E T. 353 difoit-on , avoit été fait pour chagriner le Gouverneur. Des prétentions éleverent entre lui & 1'Archevêque une querelle, qui aboutit a des voies de fait. Epernon, vieillard impatient & colere, en faifant de la canne un gelfe de mépris , fit tomber la mïtre de 1'Archevêque dans une proceffion. Celui-ci prétendit avoir été frappé. II excommunia le Gouverneur. Le Gouverneur employa tous fes amis au Confeil , oii 1'affaire fut portée. Le Roi inclinoit pour lui contre le Prélat, dont les manieres trop militaires déplaifoient au Monarque. Mais le Miniftre fit valoir avec chaleur, en faveur de 1'Archevêque, les canons & les loix de 1'Eglife. Epernon perdit fa caufe: il eut ordre de fortir pour quelque temps de fon Gouvernement, de fe foumettre aux cenfures, &c il n'obtint la levée de 1'éxcommunication qu'en accompliffant la pénitence qui lui fut infligée. Ainfi les plus grands s'accoutumoient a plier fous 1'autorité des loix ; ce qu'ils n'auroient pas fait du temps de la Ligue, & pendant le foible gouvernement de Marie de Médicis. II eft vrai qu'en puniffant le Louis XIII. i6ih  Louis XÏIt 1635. E>aMiffement de 1'Académie FranSoife. j ] 1 1 (*! On dit que Richelieu auroit voulu que Corneille lui cédat le Cid, pour le faire paroitre fous fon nom. II paroft que, malgré fa rivalité, il fit du bien a ce Poëte. Témoin ces Vers. Se plaigne (jui voudra de ce grand Cardinal, Ma Profe ni mes Vers n'en diront jamais rien. II m'a fait trop de bien pour en dire du mal, « m'a fait trop de mal pour en dire du bien. 3 54 L'Intrigue Gouverneur de fa violence , Ie Roi lui donna quelque confolation, par la défenfe qu'il envoya k 1'Archevêque de fe préfenfer devant lui. Cette difgrace déplut k Richelieu, paree qu'exigeant de fes protégés le facrifice de leur volonté, il aimoit k les dédommager par Fapprobation la plus éclatante de leurs acf ions. Un Corps entier, celui qui fe dit le plus libre de tous, le Corps des Gens de Lettres éprouva cette contrainte qu'impofoit 1'impérieux Carlinal. Ilprocura 1'établiffement de VA:adémie Fran^oife , & y attacha des ■evenus & des prérogatives qui ont tffuré fa durée; mais il exigea d'elle a critique du Cid, Tragédie de CorJeille, Auteur trop peu courtifan, qui ie lui plaifoit pas («). Richelieu efl  du Cabine t. 355 foupconné d'avoir compofé lui-même des pieces de théatre, ou du moins d'avoir eu beaucoup de part a la tragicomédie de Mirame , qui parut fous le nom de Defmarets. Elle fut mal recue du public ; & lorfque le malheureux Poëte fe préfenta au Cardinal après la chüte de fa piece, ce Prélat lui dit en homme piqué, qui prenoit k la chofe le plus vif intérêt: Eh bien , les Frangois nauranl donc jamais ie gozit ? 11 n'ont pas été charmés de Mirame ! Mais ce defir de primer en tout, blamable a quelques égards, eft peut- (a) La première repréfentation coüta cent mille écus. Defmarets voyant le dépit du Cardinal, qui étoit allé fe cacher a Ruel très-mortifié, s'avifa de lui dire que c'étoit la faute des Comédiens, & que fi Son Éminence vouloit permettre de recornmencer , i! étoit fur du fuccès. Le Cardinal y confentit , & Defmarets fe remua fi bien , gagna tant de fuffrages, que la piece fut applaudie depuis le commencement jufqu'a la fin. M. le D. de L. V*** ,. auteur de cette anecdote , remarque que Richelieu aimoit fort les pieces d'intrigues. Voy. Bi-* bliotheque du Théatre Francais , depuis fort origine, torn. II, p. 560. Louis XIII. 163,. 1655. Commerce. Marine. Compagniedes Inde'*  Louis xiii. 1636. 1 1 ( c I 556 L'Intrigue être auffi la caufe des entreprifes unies qui illuftrerent la France fous Ie Miniftere de Richelieu. Ceff fansdoute a fon ardeur pour tous les genres de gloire , qu'on doit les premiers encouragements donnés au commerce maritime. Ce n'eft pas que les Francois euffent jufqu'alors manqué du courage & des talents nécefTaires pour les voyages de long cours. II eft même è remarquer qu'ils ont devancé les autres nations Européennes dans Ia carrière des découvertes. Ils fonderent des colonies au-de!a des Canaries fur les cótes d'Afrique, dès le regne de Charles VI, en 1417. La démence de ce Prince, les guerres de Charles VII contre les Anglois, celles de Louis XI contre fes vaffaux & fes voifins, les mvafions de Charles VIII & de Louis £11 en Italië, les malheurs de Francois E, les fureurs de la Ligue; tous les léaux qui affligerent la France fans inerruption pendant deux fiecles, em>echerent Je Gouvernement de fecon!er les efforts des particuliers. Les déouvertes s'oubüerent, les établiffenents fe détruifirent, & il n'en reftoit lus que de foibles veftiges, quand  n u Cabine t. 357 Richelieu prit le fceptre des mers avec la qualité de Sur-Intendantdu commerct & de la navigadon. Alors Fémulation feréveilla. Lescommercants, fürs d'être protégés par la marine Royale, que le C ardinal fondoit, firent des entreprifes qui réufïirent. Des riches négociants compoferent des compagnies, dans lefquelles des perfonnes opulentes, & le Miniftre lui-même , s'intérefferent. Enfin, prêt a mourir, le Cardinal réunit ces fociétés, & en forma la Compagnie des lndes , qui, après des alternatives de fuccès & de revers, vient de fe réfoudre en affociations particulieres comme elle avoit commencé (a) : exemple remarquable [d) Le berceau de la Compagnie des Indes fut la ville de Surate , lituée dans le golfe de Cambaye. Elle a une excellente rade , & une communication facile, par terre, avec la Perfe & 1'intérieur de 1'Inde. Sans ceffe elle efl fréquentée par les négociants Arabes, Gentils, Maures, Turcs, Guebres, Perfans , Mogols, Syriens , Arméniens 9' Juifs & Européens , qui en font une ville très-peuplée & très-opulente. L'avantage de cette fituation 1'a fait choifir par le Sieur Anquetil du Perro.n , mon frere, de 1'Aea- Louis XIII. 1636,  Louis XIII. 1636. Invafion «n France. Mtrc. t. Ar. Auhery, Mém. t.i, p. 580. Mém. réc. «. 8, p. 338. démie Royale des Infcriptions & Belles-Lettres, _ comme le lieu le plus propre a recueillir les ouvrages de Zoroaftre, qu'il a donnés au public , avec la relation de fon voyage , en 3 vol. in 4°. chez Tilliard, en 1771. Le Miniftere de France ne voulant pas non plus laiffer perdre les avantages que la Compagnie des Indes , pendant fon exiftence , tiroit de Surate, y a nommé Conful , en 1774, ]e Sieur Anquetil de Bnancourt , mon autre fiere , qui étoit Chef du Comptoir Francois de cette ville depuis quinze ans, 358 L'Intrigue de la viciffitude des chofes humaines; dont les plus beaux établilfements ne peuvent a la longue fe fauver. Peu s'en fallut que le Cardinal, qui fembloit tenir dans fa main les événements, n'éprouvat lui-même cette année rinftabilité de la fortune. Sa puiffance chancela; mais les fecourfes que fes ennemis lui donnerent, ne fervxrent qu'a l'affermir. On peut dater Je cette époque 1'efpece de tyrannie que le Miniftre exerca le refte de fa vie fur le Monarque, le gouvernant avec la hauteur d'un ferviteur qui fe fent néceffaire, & qui défie pour ainfi dire 1'indignation de fon maitre. C'eft  üü KABINET. 359 auffi alors qu'on commence a lui voir employer plus ouvertement les frratagêmes d'une noire politique qui 1'engageoit a divifer, a brouiller, a pouffier au défefpoir, par des vexations fourdes, ceux qu'il craignoit ou haïffoit, & a les forcer, pour ainfi dire , de commettre des fautes qui les perdoient. Richelieu croyoit avoir affez bien pris fes mefures pour éloigner la guerre du centre de la France , par les armées qu'il entretenoit chez les voifins limitrophes, en Savoie, en Navarre, en Lorraine, en Alface. II fe flattoit auffi, par des divifions habilement ménagées en Allemagne, d'occuper loin de lui les forces de la Maifon d'Autriche, & de la ruiner en détaif. Le Cardinal Infant, Gouverneur des Pays-Bas, laiffe le Cardinal Francois fe bercer de ces efpérances. II trompe fa vigilance, raffemble une armée puiffante, furtout en cavalerie, & fond avec im.pétuofité fur la Picardie. Plufieurs villes mal défendues ou mal pourvues, fe rendent prefque fans fe défendre. La cavalerie Efpagnole fe répand en Louis XIU. 163Ó,  Louis XIII. 1636. (aj II avoit la barbe rouffe. Se promenant un jour avec le Roi, il lui fit remarquer malignement un Jardinier , qu'on difoit eunuque , & qui n'avoit point de barbe. Le Roi, pour samufer, s'approche de cet homme, qui avoit appercu la malice de SoilTons, & lui demande pourquoi il n'a pas de barbe. Sire, dit-il, j'étois occupê pendant que le bon Dieu faifoit la diflribution des barbes : je vins trop tard, 6- n'en trouvant plus que des rouffes , j'ai mieux aimè m'en poffer, que d'en prendre de cette couleur, Voy. Ménagiana, t. II, p. 74. 360 L' Intrigtje Picardie & en Champagne comme une inondation, & porte la défolation dans ces Provinces. On n'avoit pour oppofer a ce torrent, qui menacoit déja la Capitale, qu'un corps de troupes, reffemblant plutöt k un détachement qu'a. une armée, commandé par le Comte de SoilTons : Soiffons , Prince altier , que le Cardinal eftimoit, qui dédaigna fonamitié, & qui fut victime de fa vengeance (a), Comme il y auroit trop d'affecTation k laiffer Ie feul Prince guerrier qui fut en France fans commandement, pendant que Ie Roi mettoit cinq armées fur pied, le Miniftre Tavoit relégué,  du Cabine t. 361 ïégué , pour ainfi dire , avec un pe' tit corps d'armée, dans la Province su-dela de 1'Oife & de 1'Aine , oh il ne croyoit pas que les ennemis puf reufe imiption " aange" a Ia première nouvelle dè cette invafion, Richelieu fit paffer au Prince les premiers renforts qu'il trouva fous fa main, & les envoya par le Maréchal de Brezé, fon beau-ffere, que SoilTons n'aimoit pas. Le Prince regarda cet alfocié comme un homme defhné k Ie faire échouer ou è partager avec lui le fuccès, pour lui en ravir Ia gloire. Ces premiers fecours nempêcherent pas les ennemis davancer ; ils mirent le fiege devant Corbie, la derniere place de défenfe, & la prirent. La conlfernation devint extreme k Paris; nombre de bourgeois prirent Ia fuite , & emmenerent au-dela de Ia Loire, leurs femmes leurs enfants & leurs meubles les plus precieux. On y murmuroit generalement contre le Cardinal. On iaccufoit d'avoir manqué de prévoyance. C'étoit lui, difoit-on, qui attiroitla colere du Ciel fur le RoyauTome II, q j m Louis XIII. 1636.  Louis XIII. 1636. 362 L' Intrigue me, par les fentiments dénaturés qu'il excitoit dans le cceur des £ls contre la mere. Le Roi lui-même ne fut pas a 1'abri des frayeurs enfantées par les remords, ni exempt de foupcons fur la capacité de fon Miniftre; & il y eut un moment 011 celui-ci, déconcerté & abattu, fongea a abandonner le timon des affaires. On dit que ce fut le P. Jofeph qui le raffura. Par le confeil du Capucin , il ofa fe promener fans gardes dans les rues de Paris. II flatta le peuple, plaifanta des craintes, fe montra en homme certain des reffources & des fuccès. Cette affurance apparente en donna aux Pariliensun véritable. Le courage reparut, les jeunes gens s'enrölerent, les corps fe taxerent, & en peu de jours il fortit de la Capitale une armée de foldats, médiocres k la vérité du cöté de 1'expérience, mais dont le nombre pou« voit en impofer. Heureufement pour Richelieu, les ennemis ne furent pas tirer parti de leurs premiers avantages. Après laprife de Corbie, ils s'amuferent k ravager la campagne, au-lieu d'aller droit a la Capitale. Ils pouvoient efpérer ou  du Cabine t. 363 de la ranconner, ou de faire une paix avantageufe fous fes murs; ce qui auroit perdu le Cardinal. Pour lui, il mit bien a profft leur inaétion. Ses ordres envoyés de tous cötés, attirerent auprès de Louis une foule de Noblelfe, qui, fe joignant aux milices & aux autres corps de troupes réglées , détachées des armées plus voifines, formerent en peu de temps une armée très-nombreufe, bien fournie d'artillerie & de provifions de toute efpece. Les Efpagnols eurent peur a leur tour ; ils reculerent vers la frontiere, èc laifferent Corbie , leur principale conquête , expofée aux efforts des Francois, qui 1'afliégerent. Le Comte de Soiffons, au moment de 1'irruption du Cardinal Infant, avoit fait tout ce qui étoit moralement poflible avec le peu de troupes qu'il commandoit: on ne pourroit affurer qu'il conferva la même bonne volonté, & que , voyant le difcrédit que donnoient au Miniftre fon défaut de prévoyance , & les malheurs qui en étoient la fuite , il ne fut peut-être pas faché des fuccès des ennemis. Mais rien ne prouve qu'il y ait contribué Q u Louis XIII. 1636. Conjura:ion contre Ia vie ie Richelieu. Montréror, t. i.j '• 77. Mém. Ree. r. 1, p. m- Menglat 3 .l,p. 65. Aubery , Mém. c. i > .580.  1 O U I XIII. 1636, 364 L' I N T R I G U E , Par négligence ou mauvaifes manoeuvres. Cependant il eut la douleurd'apprendre que le Roile foupconnoitd e*re en grande partie caufe de ces défaftres. Ces impreflïons défavorables, le Monarque, au jugement de SoilTons, ne pouvoit les avoirrecues que de fon Miniftre, qui y trouvoit le doublé avantage, de rejetter Ta faute fur un autre , & fur un autre qu'il haïflbit. Furieux de la calomnie, le Comte prend la réfolution de fe venger par un coup de main, & aflbcie k fon pro jet leDuc d'Orléans. Ce Prince gémiftbit toujours fous Satyrannie du Prélat, invefti d'efpions fous le nom de domeftiques , contrarié dans fes goüts qu'il fallut foumettre a TinfpecTion du Miniftre , ne pouvant donner fans fon attaché, ni ia confiance, ni fa faveur, forcé enfin de retenir fa femme reléguée loin de lui, & privé même, depuis la guerre , de la confolation de fournir k fes befoins; devoir qui lui fut interdit, fous prétexte que ce feroit faire paf'.er de Pargent aux ennemis de TEtar. Lors de Tinvafion des Efpagnols, Gaf:on fuivit fon frere a Tarmée. II y  DU C A B I N E T. 365 refta pendant le fiege de Corbie. Le Roi demeura au camp avec le Duc d'Orléans & le Comte de Soifibns, chacun dans leur quartier; & le Cardinal s'établit a Amiens , oii on tint le Confeil. C'elt fur cette difpofition que le forma le plan de 1'entreprife. Montréfor & Saint-Ibal, deux Gentilshommes attachés au Comte, gens de confeil & d'exécution, vont trouver le Duc d'Orléans: ils lui remontrent 1'efpece de hontedont il fe couvre par 1'efclavage dans lequel il languit; que la Reine fa mere, perfécutée par un ingrat domeftique, beaucoup d'illultres profcrits qui errent avec elle dans les pays étrangers, & plufieurs Grands du Royaume renfermés dans les prifons, attendent de lui leur liberté ; que le Roi même ne fera pas faché d'être délivré d'un ferviteur qui Ie maitrife & lui devient odieux. Sur ces remontrances, Gallon promet d'autorifer de fon nom ce qu'on fera contre le Cardinal. Les conjurés voyant qu'il feroit difficile d'arrêter le Prélat, encore plus de le gard er, concluent de s'en défaire , & de ne pas remettre l'acfion plus loin qu'au premier Q «j Louis XIII. 16 }6. Elle maflque.  L ou i XIII. 1636. II triomphe de fes ennemis. 366 L' Intrigue " jour de Confeil qui fe tiendra a A-> miens. Ce parti pris, ils en avertif. fent le Duc d'Orléans. En conféquence, les deux Princes allant a Amiens, fe font efcorter de quatre ou cinq cents Gentilshommes, lis entrent chez Richelieu. Montréfor s'approche de Monfieur, & lui demande s'il eft toujours dans la même réfolution. Oui, répond Gafton d'un ton décidé : fur cette parole, les ordres déja donnés font confïrmés. Le Confeil finit. Les Princes & Ie Miniftre reconduifent Ie Roi a fa voiture. II part. Saint-Ibal fe tenoit derrière Richelieu, prêt è frapper; d'autres conjurés environnoient le Cardinal ; Montréfor regarde Monfieur, & cherche fon confentement dans fes yeux. II ne falloit qu'un figne , &c c'en étoit fait du Miniftre : mais Gafton détourne la tête, & fe retire précipitamment, comme un homme troublé. Le Prélat voit partir les Princes , & rentre chez lui tranquillement , ayant échappé, fans le favoir, au plus grand danger qu'il eut couru de fa vie. Les Princes ne montrerent pas grand  du Cabine t. 367 chagrin de ce que le projet n'avoit pas été exécuté. Ils comprirent fans do ute, qu'un affaffinat, quel qu'en foit le motif, elf toujours une acf ion baffe Sc odieufe, Mais en abandonnant" ce moyen, ils perféverent dans la réfolution d'employer tous les relforts de la politique pour détruire le Car-' dinal. Ils conviennent d'unir invariablement leurs intéréts, de n'écouter aucune parole d'accommodement 1'un fans 1'autre, & de ne fe jamais trouver enfemble a la Cour , afin que li 1'un étoit arrêté, 1'autre put prendre fa défenfe. Ces chofes réglées, on fongea k mettre en mouvement les Sei-, gneurs Francois, qui pouvoient aider la caufe commune. Montréfor alla engager le Duc d'Epernon Sc La Valette fon fils , a foulever la Guienne, On fe flattoit que cet exemple entraïneroit le Languedoc Sc tout le midi du Royaume :en même^remps, les Efpagnols devoient y pénétrer par la Navarre Sc la Franche-Comté, rentrer en Picardie, & aider le Duc de Lorraine k reconquérir fes Etats. Les Princes fe promettoient que le fiege de Corbie dureroit ajTez pour donner Louis XIII. 1636. Montrtror, t. I, K 77' Mém. VAubcry , ,2,p,12,  looi xnr. 1636. 368 L'Intrigue . lieu a ces invafions; qu'alors Ie Roi, embarralfé de tous cötés, prêteroit 1'oreille aux difcours qu'on lui tiendroit contre fon Miniftre: 1'un fe chargeoit de décrier fon gouvernement intérieur, de dire qu'il étoit détefté des Francois, & que tous les malheurs étoient caufés par la haine que le peuple & les Grands lui portoient; 1'autre, de faire voir qu'il n'entendoit rien a la guerre , ni a fes préparatifs, quoiqu'il s'obftinat a 1'allumer & a embrafer 1'Europe pour fe rendre néceffaire; & que fi Louis vouloit le congédier, les armes tomberoient auftïtöt des mains des étrangers & des mécontents. Ce projet contre le Cardinal, fondé fur les fuccès futurs des Efpagnols, échoua par leurs revers. Par-tout oii ils fe préfenterentpour entrer en France , ils furent repouffés. Le Comte de SoilTons lui-même fe trouva forcé de reprendre Corbie, dont il vouloit tirer le fiege en longueur. Louis, qui avoit chancelé dans fon eftime pour fon Miniftre tant que le danger dura, la lui rendit toute entiere quand il fut pafte 3 &c le Cardinal devintplus puif-  nu C A B I N E T. 369 fant que jamais. Dans ces circonftances, iln'auroit pas été prudent au Duc d'Epernon d'exciter quelques mouvements. En vain La Valette, fon fils, très-échauffé contre Richelieu, vouloit entraïner fon pere. Le vieillard plus prudent, ne lui répondit que par les exemples de Marillac & de Montmorency : de forte que Montréfor, au-lieu de la nouvelle d'une diverfion de la part d'Epernon , ne rapporta aux Princes qu'une exhortation de fe mettre en fiïreté. Le Comte de Soiffons profita de 1'avis, & fe retira k Sedan. Le Duc d'Orléans s'en alla a Blois, faifant parade d'un mécontentement qui ne demandoit qu'a être appaifé. Fin du Tome fecond. Louis Xlll. 1636,