HISTOIRE D E CICERO N, T 1 R Ê E DE SES ÉCRITS * E T DES MONUMENS DE SON SIÈCLE: Avec les Preuves & des EclairciJJemens: Traduite de 1'Anglois, par 1'Abbé P k è v o s t. TOME SECOND. A AMSTERDAM, Et Je trouve a Paris, ïtUE ET HOTEL SERPENT E. M. DCC. L X X X V.   H I S T O I R E DE LA V I E D E C I C É R O N. L1VRE Q UA TR IÈ ME. T JLiA qualicé de confulaire, a laquelle Cicéron fe trouvoit réduit, étóif regardée comme Je premier titre de Rome après les grands magiftrats, & formoit 1'ordre de citoyens le plus diftingué. Us avoient au fénat un banc qui leur étoit propre. lis portoient leur avis les premiers, & c etoit ordinairement leur opinion qui décidoit de toutès les autres. Comme ils avoient paiïë par tous les offices de letat, & qu'ils connoiflbient toutes les branches de radminiftration, leur expérience ne Tome Tl, A An. de R. 69i. Cicer. 45. Coss. n. Junius FlLANUS. L.LlCINIUS MURENA,  An. de R. Cicet. 45Coss. D. JUNIUS ÏILANUS. L.LICINIUS MUREN A. z HlSTOIRE DE LA VlE pouvoit manquet de leur donner beaucoupautorité; fans compter que n'ayant nen de p us te véa fepropoferpour leur fortune tls etount eldés/non-feulennent comme les phs habdes Siscncore comme les plus défintéreiTes de tous 1es fénateurs. Cetternuadonconvenoitparfaitementaucara- tère SC aux défits de Cicéron. II n'afpiroit pomt u lvemement des provinces ni au commandeIntdesarmées. Le centre de étoic le fénat & le forum, pour y vedler comme 2 patties vitales de la république , & pour dmZ outesles délibéradons aleu* ^ ^^ Lit le bien général de 1'état II fi confid«« dans ces deux endroits comme la fentmele£pire les yeux toujours ouverts pour obferver nuaVes & les ternes, la voix prête donner SI, «c a marquer par quelles voies dres maux pouvoient être (a) prevenus «C e ou t our me'fervir de fes termes , la feule gloue ,J laquelle il prétendoit, la feule confolan„qui flattoitfes défirs; & * «mfcgeoit quel„qUecbofeau-dela,U confelfe que c etoK um„quement la douceur dune heureufe v.eülelfe , (as Uótco In hac cuftodia & tanquam in fpecula col(«) ldcirco in populum roman, locati fumus, ut vacuüm omm metu p P nofira vigilia & perfpkientia redderemus. PW. 7, 7-  de Cicéron, L i v, IV. j ïj dans laquelle il efpéroit de recueillir pour fruic » de fes fervices, 1'amour & la confidération de 3> fes citoyens Mais il fe trompoit dans toutes fes efpérances. S'il avoit commencé a fentir les atteintes de 1'envie en quittant le confulat, il fut bientöt expofé plus ouvertement a la haine de tous les fa&ieux, a qui il avoit déclaré une guerre perpétuelle; & leur fureur ne fe rallentit point qu'ils ne 1'eulfent chalTé de cette même ville qu'il venoit de fauver fi glorieufement. L'attaque recommenca par Metellus. Sa nailTance & 1'autorité de Ion emploi le rendoient propre a fe faire le chef de cette entreprife. Ayant a tous momens 1'occafion de haranguer le peuple, il n'en perdit pas une d'outrager & d'avilir Cicéron pour avoir öté la vie a des citoyens fans aucune forme de procés ; & dans fes inveclives il fut toujours foutenu par Jules-Céfar , qui le poulToit en mêmetems a publier plufieurs loix pernicieufes, dont le fénat ne fut pas moins embarrailé. Cicéron n'avoit point de penchant a fe mettre en lice avec le tribun. II prit des mefures au contraire pour terminer cette querelle par un accommodement. Outre les bons offices de leurs amis communs, il employa ceux de Claudia, belle-fceur de Metellus, & ceux de Mucia fa fceur, femme de Pompée. Mais la réponfe du tribun fut qu'étant engagé fi loin , il A i; An. de r. ffji. Cicer. 4y. Coss. n. junius FilANUS. ' L.Licinius murena.  An. ie R. ( 91 Cicer. 45. Coss. D. junius Fiia us. j..LIC1NIUS MüRENA. 4 HlSTOIRE DE LA VlS ne dépendoit (a)plus de lui d'arreter fes pourfuites-, de forte qu'il ne refta plus d'autte parti a Ctceron que d'employer toute fa vigueur & toute fon éloquence a lepoufTer les infultes de ce pétulantma- Dun autre cóté Céfar n'attaquoit pas Catulus avec moins de violence. En prenant poffeflion de la préture , il avoit commencé 1'exercice de fon emploi par lui demander compte des fommes publiques qu'il avoit employées a rebatir le capitole-, Sc 1'accufant d'en avoir détourné une partie a Ion ufaae, il vouloit que fon nom fut effacé du frontifpice , &c que le refte des réparations fut confie £ Pompée. Mais le fénat prit parti pour Catulus, avec tant de chaleur, que (4) le préteur fe vit forcé d'abandonner fon entreprife. Lié comme il étoit avec Metellus, ils concurent tous deux par cette expérience, qu'il leur feroit impoffible de réfifter if autorité du fénat fans le fecours de Pompée • & prenant la réfolution de le gagner par tout'es fortes d'artifices, Metellus porta une loi par laquelle « il le rapeloit a Rome avec fon ar»mée , (c) pour rëtablir 1'ordre dans létat, & Quibusille tefpondit, fibi non ede integmm. Epift. fam. ;»*• (*)Sueton.J.C*C ij'. Die liv. 57, P- 49(c) Dio. lbid. Plutarq. Vie de Cicéron.  de Cicéron, L i v. IV. ƒ » remédier aux défordres caufés par 1'imprudence " de Cicéron ». Ils fe flattoient qu'en faifant tomber tont le pouvoir entre fes mains, ils ne manqueroient point de le partager avec lui, ou du moins que les jaloufies qu'ils feroient naitre entre lui & le fénat cauferoient infailliblement des troubles dont ils auroient toujours quelque avantage a retirer. Mais leur loi parut fi dangereufe, que le fénat pour en marquer fa douleur, changea de xobes comme dans les tems de calamité publique, & réfolut, avec le fecours de Caton & de quelques autres tribuns, de s'y oppofer de tout fon pouvoir. Metellus s'en effraya Ci peu , qu'il entreprit de lire lui-même la loi au peuple, mais Caton lui arracha le papier -y & lorfque s'enflammant de plus en plus, il voulut la prononcer par coeur, Minucius, autre tribun du peuple, lui ferma Ja bouche de fa main. Cette difpute jeta 1'affemblée dans une telle confufion, & le tumulte devint fi grand dans la ville , que le fénat appuyé de tout ce qu'il y avoit d'honnêtes gens dans les différens ordres de Rome, prit la vigoureufe (a) réfolution de fufpendre Céfar & Metellus de 1'exercice de leurs emplois. Le relfentiment de cette injure auroit porté Céfat {a) Donec ambo adminitlratione reip. decreto patrum fummoverentur. Sueton, j. Ccef, 16. A ü; An. Je R; 691. Cicer. 4?.' Coss. D. JUNIUS FlLANUS. L.LlCINIUS MURENA,  An. de R. 691. Cicer. 45. Co ss. D. Junius FlLANUS. L.LlCINIUS Muren a. (a) Ut comperit paratos qui vi ac per arma prohiberent, dimiffis lidoribus, abjedaque praetexta, domum clam refugit, pro conditione temporum quieturus Quod cum prarter opinionem eveniffet, fenatus accitum in curiam & ampliflïmis verbis collaudatum, in integrum reftituit, trtdufto priore decreto. Sueton. ibid. ( b ) Plutarq. Vit de Cicéron. (c) Inillam orationem Metellinam addidi qussdam ï liber tibi mittetur. Ad Ju. 1,1$. C HlSTOIKE DE LAViE a toutes fortes d'excès \ mais s'appercevant qu'on n'en étoit pas venu a cette extrêmité fans avoir pris de juftes précautions , il crut (a) que fa propre süreté 1'obligeoit de fe retirer. S'étant renfermé pendant quelque tems dans fa maifon , il fe conduifit avec tant de foumiffion & de prudence, qu'il obtint du fénat la révocation du décret. Cependant il n'entretenoit pas moins d'intelligence avec Metellus; & ce fut fans doute de concert avec lui, que ce tribun fe retira (4) vers Pompée fon beau-frère, dans 1'efpérance qu'en lui faifant des récitsinfidellesde ce qui fe paffoit a Rome, Sc lui ofFrant la faveur affurée du peuple, il lui feroit prendre la réfolution de modérer le pouvoir de Cicéron & du fénat, & de fe déclarer peutêtre ouvertement pour le parti oppofé. Dans Ie même tems, Cicéron publia contre Metellus une harangue fort véhémente, dont il (c) parle dans fes lettres fous le titre de Metelima. II 1'avoit  de Cicéron, L i v. IV. j prononcée au fénat, pour répondre a celle que Metellus avoit faite au peuple, & Quintilien la cite fouvent comme une (a) pièce qui exiftoit encore dans fon fiècle. L'autorité du fénat 1'ayant emporté fur Céfar & Metellus, en formant 1'un a la foumiffion & 1'autre a la fuite, Q. Metellus Celer, qui commandoit dans la Gaule Cifalpine, écrivit a Cicéron dans des termes fort amers, pour fe plaindre de la rigueur avec laquelle il avoit traité fon frère. Cicéron lui répondit avec cette liberté que donne le témoignage d'une confcience fans reproche, mais avec un mélange auffi de douceur Sc de politeiTe, tel que famitié la plus fincère eft capable de 1'infpirer. Sa réponfe peut entrer ici d'autant plus naturellement, qu'elle renferme plufieurs traits qui ne font point étrangers a cette hiftoire. M. T. Cicéron a Q. Metellus Celer, Proconful. Vous m'écrivez qu'en jugeant de ma conduite par notre amitié mutuelle Sc par notre réconcilia^ tion récente, vous ne vous feriez jamais imaginé que je fulfe capable de vous prendre pour le fujet de mes railleries publiques , & de cherchei (a) QuintiL p, }, Aul. Geil. 18,7. A vr An. de R; 691. Cicer. 45. Coss. D. JüNIUS FlLANUS. L.L1CINIW5 MURENA,  'An. de R. 651. Cicer. 45. Coss. E. JUKIUS TlLANUS. L.LlCiNlUS Muren a. 8 HistciredelaVie a vous tourner en ridicule. J'ignore en vérité quel eft ie fens de ce reproche; mais je m'imagine qüon n'aura pas manqué de vous rapporter, qu'en parlant i'autre jour au fénat du bonheur que j'ai eu de fauver la république , je dis qu'un de vos proches parens, a qui vous ne pouvez rien refuier, vous avoit fait fupprimer ce que vous vous étiez propofé de dite a ma louange. j'ajoutai que dans 1'entreprife de fauver 1'état, j'avois tellement partagé le fardeau avec vous, que je m'étois chargé de&garantir la ville de fes dangers intérieurs, Si vous , de défendre Tltalie contre les armes & les complots fecrets de nos ennemis , mais que cette olorieufe affociation avoit été rompuepar vosamis, qui appréhendoient quelque retour de votre reconnoilTance pour les fervices & les honneurs que vous aviez recus de moi. Ayant repréfenté dans ls même difcours 1'efpérance que javois concue du votre, & combien j'avois été trompé dans mon attente , 1'aflêmbléc trouva la chofe ptaifante, Sc ne put s'empêcher de rire avec modération , mais moins de vous que de mon erreur, & de m entendre confeflèr ingénument que j'avois défiré vos louanges. II meVemble , & vous en conviendrez vous-même, que je ne pouvois rien faire cie plus honorable pour vous, que d'avouer avec tant de candeur, que dans la plus brillante & la plus illuftre circonftance de ma vie, il manquoit en-  de Cicéron, Li r. IK 9 Core a ma gloire votre témoignage & vos éloges. Vous me parlez de notre mutuelle afFedion : je ne fais ce que vous appelez mutuel dans Tamme; mais 1'amitié eft mutuelle a mon avis, lorfqu'on s'efforce de rendre les bons offices qu'on a recns. Si je vous difois que j'ai renonce i mon gouvernement pour 1'amour de vous, vous auriez raifon de croire ma fincérité fufpede. Mes inclinations naturelles & les circonftances m'ont emporté a m'en défaire, & je m'en applaudis tous les jours de plus en plus. Mais je puis vous afïurer avec vérité que je ne 1'eus pas plutöt réfigné dans une aflemblée du peuple, que je commencai a chercher les moyens de le faire tomber entre vos mains. Je ne parle point de la manière dont les lots furent tirés; mais je vous prie de croire que mon collégue ne fit rien fans ma participation. Souvenez-vous de tout ce qui fuivit; avec quelle diligence j'alfemblai le fénat après le fcrutin , avec quelle effufion de fentimens je parlai en votre faveur, jufqu a vous faire avouer vous-même que mon difcours n'étoit pas feulement honorable pour vous, mais injurieux pour mes collégues. Et le décret qui fut palfé le même jour au fénat, eft concu dans des termes qui publieront auffi long-tems qu'il fubfiftera, les bons offices que je vous ai rendus. Tachez auffi de vous rappeler ce que je fis p'oui vous au fénat après votre départ, ce que je dis au An. de R. 69l. Cicer. 45. Coss. D. JUNIUS FlLANUS. L.L1C1N1US Muren a.  An. de R, «$«» Cicer. 4^. Coss. D. JUNIUS Fiianus. L. LlCINIUS MüRENA. IO HïSTOIRE DE LA Vil peuple, ce que je vous écrivis; & je vous laiiïe a juger fi dans votre dernier voyage a Rome vous m'avez marqué le retour auquel je devois m'attendre. Vous me parlez de notre réconciliation : quel peut être le fens de ce terme lorfque 1'amitié n'a jamais été interrompue ? A 1'égard de votre frère que vous m'accufez d'avoir traité avec trop de rigueur : premièrement je vous demande en grace d'être bien perfuadé, que je loue cette tendreffe fraternelle qui vous fait prendre fes intéréts avec tant de chaleur : en fecond lieu, je vous fais des excufes fincères, fii'intérêt de la république, qui m'eft a la vérité plus cher qua perfonne , m'a fait agir contre votre frère. Mais fuppofé auffi que je n'aie fait que me défendre contre fes cruelles attaques, ne conviendrez-vous pas que c'eft en avoir fort bien ufé avec vous, que de ne vous avoir pas même porté mes plaintes contre lui: Auffitot que je le vis difpofé a tournet a ma deftruction toutes les forces de fon tribunat, je m'adreffai a Claudia, votre époufe, & a votre fceur Mucia, dont j'ai fouvent relfenti les bons offices, en faveur de 1'amitié qui me lie avec Pompée , pour le détourner du deffein de me faire outrage : cependant il eft impoffible que vous ignoriez qu'a la fin de mon confulat , Ie dernier jour de cette heureufe année oü j'ai fauvé 1'état, il m'a fait 1'affront le plus fenfible qu'aic  de Cicéron, I/r. Jf. *i jamais effiiyé un magiftrat mal intentionné pour la république, en m'ötant la liberté de haranguer le peuple fuivant 1'ufage. A la vérité cette infulte tourna hautement a ma gloire; car lorfqu'il ne voulut m'accorder que la liberté de prononcer le ferment, je fis a haute voix le plus véritable & le plus noble de tous les fermens, tandis que le peuple juroit lui-même avec toutes fortes d'acclamations, que j'avois juré la vérité. Après une injure fi éclatante, je ne laiflai pas de lui envoyer le même jour quelques-uns de nos amis communs, pour le prefier d'abandonner fes pourfuites; il répondit que ce qu'on lui demandoit n etoit plus en fon pouvoir, paree qu'il avoit dit au peuple quelques jours auparavant, « que celui qui avoit puni le< 33 autres de mort fans leur avoir permis de parler. 33 ne méritoit pas de parler pour lui-même 33. L'excellent citoyen ! 1'amateur zélé de fa patrie ! qu enveloppe dans une même fentence le libérateui du fénat, de Rome, de 1'Italie, & ceux que h fénat & tous les honnêtes gens ont juftement con damnés, pour le plus horrible de tous les attentats. J'ai donc pris le parti de réfifter en face ; votre frère ; & le premier jour de janvier, a 1'oc cafion d'un débat fur les affaires publiques, je 1'a traité d'une manière a lui faire connoïtre qu'il avoi a faire a. un homme de jugement & de courage Deux jours après, ayant recommencé fesharangues An. de R. Cicer. 4f. Coss. d JUNIUS FlLANUS. L.LlCINIUS MURENA. I t i 1  An. de R. 691. Cicer. 45. Coss. D. JUNIUS FlIAKUS. L.L1CINIUS MURENA. 12 HlSTÖÏRE DE LAVlB il ne prononca pas trois mots fans me nommeE Sc fans accompagner mon nom de menaces. Rieti ne paroiffoit 1'intéreifer tant que ma ruine , Sc ne s'arrêtant plus aux voies ordinaires de la juftice , il ne penfoit qua la violence. Si ma réfiftance avoit été moins ferme Sc moins conftante , qui n'auroit pas cru que toute la vigueur que j'ai fait éclater dans mon confulat étoit plutot 1'effet du hafard que celui de la vertu ? Comptez, fi vous avez ignoté toutes ces circonftances, que votre frère vous en a impofé par des déguifemens : ou s'il vous a fidellement informé, vous devez des louanges a rnon caraclère Sc a ma patience, qui ne m'ont pas permis de vous en faire des plaintes. A préfent que vous devez être perfuadé qu'il n'étoit pas queftion, comme vous lecrivez, de quelques paroles entre votre frère Sc moi, mais d'un defiein furieux de me perdre, rendez juftice a ma douceur , fi je puis donner ce nom , après un tel outrage , a ce qui mérite mieux peut-être celui de mollefle Sc de foiblefle d'efprir. Je n'ai jamais rien propofé contre votre frère, lorfqu'il a été queftion de lui au fénatSc je me fuis toujours levé, pour foutenir de mon fuffrage ceux qui lui ont été les plus favorables. J'ajouterai même , que malgré les raifons que j'avois de n y pas prendre un intérêt fort vif, non-feulement je n'ai pas reflenti de peine lorfqu'on a parlé de révoquer le premier  de Cicéron; Liv. IV. ij 'décret, mais j'ai contribué peut-être au rétabliffement de mon ennemi, paree qu'il eft votre frère. II eft donc vrai que je ne 1'ai point attaqué, & que je n'ai penfé qua me défendre; il eft vrai que mon amitié pour vous n'a point fouftert les altéxations dont vous vous plaignez, & qu'elle a toujours été fi ferme & fi conftante qu'elle réfifte encore au mépris que vous en faites. Et dans le tems que votre lettre s'emporte jufqu'aux menaces, je vous réponds que non - feulement je vous pardonne , mais que j'applaudis a votre chagrin , car j'éprouve moi-même la force de 1'amitié fraternelle. Jugez - moi donc avec la même équité; & fi j'ai été cruellement attaqué par vos amis fans aucune ombre de raifon , avouez que loin de céder fans réfiftance, j'étois en droit d'attendre contr'eux votre propre fecours & celui de votre armée. J'ai défiré conftamment votre amitié, & je me fuis toujours efforcé de vous prouver la fincé rité de la mienne. Mes feminiens ne font poini capables de changer •, & je ceflerai plutöt de haï: votre frère , que de donner la moindre atteinn a la liaifon que je veux conferver avec vous (a). Cicéron n'avoit pas négligé , en quittant h confulat, d'envoyer a Pompée le récit particulie: .de fon adminiftration, autant pour prévenir le: ( a ) Epift. fam. f , i. An. de R, 691. Cicer. 4;. COSS. D. JUNIUS FlIANUS. L.LICINIUS MURENA.  An. de R. 631. Cicer. 45. Coss. P. JUN1US FlLANUS. L.L1CINIUS MURENA. 14 HlSTOIRE Dï LA VlE mauvaifes imprefiïons qu'il craignoit de la malignité de fes ennemis, que pour tirer de lui quelque déclaration publique a 1'honneur de fa conduite. Mais Pompée qui avoit déja recu des informations peu avantageufes, de la main de Metellus & de Céfar, lui fit une réponfe fort froide , fans y mêler un feul mot qui eüt rapport a 1'affaire de Catilina. Cicéron lui en marqua fon reflentiment par la lettre fuivante , dans des termes néanmoins qui font aflez connoltre combien il craignoit d'irriter un homme , fi confidéré dans la république, que tous les partis s'empreflbient a lui faire leur cour. M. T. Cicéron a Cn. Pompée le Grand, Empereur (a). J'ai regu une fatisfaétion incroyable, mais qui ( a ) Le mot d''imperator n'a fignifie dans fon origine que le chef ou le général d'une armée ; ( Cicer. de Orat. 1, 48.) & dans ce fens il appartenoit également a tous ceux qui avoient le commandement fiiprême dans quelque partie de 1'empire. Mais après une viftoire confidérable, les földats avoient coutume de faluer leur général fous le nom ó'Imperator, pour marquer qu'ils attribuoient a Ia conduite & a fes aufpices tout le mérite de 1'aftion ; eet ufage rendit les généraux fiers de ce titre , comme d'un effèt de la viftoire & d'un fiiccès qui n'étoit du qu'a leur valeur. Auffi devint-il comme un degré néceflaire pour parvenïr au triomphe. Alors on prenoit conflamment ce titre, qui  de Cicéron, L i r. IV. 15 m'a été commune avec toute la ville, de la lettre que vous avez adtelTée au public , dans laquelle vous nous donnez des alTurances de cette paix que la confiance que j'ai dans vous feul m'a toujours fait annoncer. Mais je ne dois point vous diffimuler que vos anciens ennemis, qui afpirent aujourd'hui a votre amitié, en ont été choqués Sc déconcertés. A 1'égard de la lettre particuliere que vous m'écrivez, quoique je n'y aie trouvé que de fort légères marqués de votre amitié, elle n'a pas lailfé de me caufer beaucoup de plaifir, car rien ne m'en caufe tant que de voir mes amis bien informés de mes fervices, Sc fi je n'en recueille pas toujours les fruits que je crois mériter, je ne fuis pas faché que la balance du compte foit en ma faveur. Cependant je me flatte que fi le zèle particulier dont j'ai toujours fait profeflion pour vos intéréts ne m'a pas fait auprès de vous tout le mérite que j'aurois fouhaité , 1'intérêt public aura du moins la force de nous unir étroitement. Et pour ne pas vous déguifer ce que je m'attendois a trouver dans votre lettre, je vous avouerai avec toute la franchife qui convient a mon carac* tére Sc a notre amitié, que j'attendois de vous, étoitmême confirmé par les aftes publics, maisilne duroit pas plus qne la cérémonie , ou la commifiion de général, & 1'on rentroit eniiiite dans fon rang ordinaire, An. de R, 691. Cicer. 45. Coss. D. JUN1US BlLANUS. L.LlCINIUS MURENA»  An. de R. S91. Cicer. 45. Coss. d. ju mus FlIANUS. L.UCINIUS murena. (a) Cura implorato Ciceronis teftimonio quxdam fe de conjurationeultro detulifie docuhTet, ne Curio prwnia darentur effecit. Vettium.... pro roftris In concione poene dift cerptum, in carcerem conjecit. Ecdem Novium qusflorem , quod compellari apud fe majorem poteftatem paffus effct. Suet. J. Ccef. 17. . tg HlSTOUE DE LA VlE par confidération pour la république autant qus pour norre liaifon, quelque compliment 011 quelque féiicitation fut les évènemens de mon confulat. Je m'imagine que votre fiience n'eft venu que de la crainte d'offenfer certaines perfonnes: mais je ferois faché que vous ignoraffiez que ce que j'ai fait pour le falut de ma patrie a mérité ies applaudilfemens de toute la terre. Vous reviendrez a Rome , & vous trouverez que je me fuis conduit avec tant de prudence & de grandeur d'ame, que vous, qui êtes fort fupérieur a Scipion , vous ne ferez pas difficulté de m'admettre , moi qui ne fuis pas trop inférieur a Lxlius , l vos confeils publics & a la familiarité particuliere de votre amitié. (a) Quelque tems après la défaite de Catilina, on entreprit a Rome de nouvelles recherches contre fes complices, a loccafion des demandes de L. Vettius, qui ayant accufé J. Céfar devant le quefteur Novius Niger , comme Q. Curius 1'avoit fait enfuite au fénat, prétendoit a la récompenfe qui avoit été affignée publiquement pour celui  de Cicéron, L i r. IV. 17 qui découvriroit le premier la confpiration. II proteftoit qu'il avoit fu de Catilina même tout ce qu'il avoit dépofé contre Céfar , & s'offroit même a produire une lettre de fa main, écrire a Catilina. Céfar n'eut pas peu d'embarras a repouf fer une accufation fi hardie. II fut forcé d'implorer le fecours de Cicéron , pour rendre témoignage qu'il avoit fervi des premiers a découvrir le complot. Mais fa fermeté & fon crédit lui firent obtenir une pleine vengeance contre fes accufateurs. 11 fit perdre a Curius la récompenfe qu'il avoit méritée. Vettius fut chargé de chaïnes, après avoir été maltraité & prefque tué par la populace, &c le quefteur Novius fut condamné auffi a la prifon pour avoir recu a fon tribunal des accufations contre un magiflra't fupérieur. Quantité d'autres citoyens, & d'un rang confidérable, furent convaincus par leurs accufateurs & bannis rigoursufement, les uns par contumace, d'autres après un jugement formel, tels que M. Portius Lecca , C. Cornelius , L. Vargunteius, Servius Sylla, P. Autronius, &c. Celui-ci, qui avoit perdu le confulat, quatre ans auparavant, après avoir été convaincu de brigue , avoit été le compagnon d'école de Cicéron & fon collégue dans la quefture. II Ie fupplia d'enrreprendre fa défenfe, en s'eftbrcant de 1'attendrir par fes larmes. Mais Cicéron, qui Ie connoifibit coupable, Torna II. v B An. de R. Cicer. 4f. Coss. D. Junius FlLANUS. L.LlClNIUS murena.  An.de R. Cicer. 4$. Coss. D. JUMUS FlIANUS. L. LICINIUS ÜUKENA. (a) Veniebat ad me , & fiepe veniebat Autronius multïs cum lacrymis , fupplex ut Ce defenderem : fe meura condifcipulum in pueritia, familiarem in adoletcentia, collegam in qu*ftura commemorabat fuiffe. Pro Syll. 6,30. 18 HlSTOIRE DE LA VlE fut fi éloigné de le défendre , qu'il (a) fervit au contraire de témoin contre lui. P. Sylla, qui avoit été accufé de brigue avec Autronius Sc condamné comme lui , fe trouvoit encore chargé d'avoir participé deux fois aux confpirations de Catilina , a 1'une qui avoit avorté, Sc depuis a celle du confulat de Cicéron. II fut défendu dans la première accufation par Hortenfius, Sc dans la feconde par Cicéron. L'aggiefleur étoit Torquatus, fils de fon premier accufateur, jeune romain plein de feu & de qualités brillantes, qui fe piquant de triompher d'un ennemi, & craignant que Cicéron ne 1'arrachat de fes mains, tourna fes railleries contre 1'orateur au lieu d'attaquer 1'accufé. II traita Cicéron avec une liberté qui approchoit de 1'infolencc ; Sc cherchant a le rendre odieux, il lui donna le titre de roiy qui s'attribuoit le pouvoir de perdre Sc de fauver. II prétendit qu'il étoit le troiiième roi étranger, qui eüt regné a Rome après Nu ma & Tarquin, Sc que Sylla, loin de s'expofer a la fentence des juges, auroit pris le parti de quitter la ville, fi tout autre orateur eüt entrepris de le dérendre.  de Cicéron, Liv. IV. 19 « En pariant de la confpiration & de fes dangers, *> il affeda une voix fi foible & fi bafle que per» fonne ne pouvoit 1'entendre ; mais en rappelant » le fupplice des conjurés, il poufla des cris fi » lamentables qu'il en fit retentir le forum Cicéron fe vit dans la nécefilté de penfer a la défenfe autant qu'a. celle de fon cliënt. * Au titre » d'étranger que Sylla lui donnoit, il répond qu'il » eft né erfeótivement dans une des villes alfo33 ciées , mais c'eft de cette viHe, ajoute-t-il, qu'eft » forti deux fois le falut de la république. Au 33 refte, il n'étoit pas fort affligeant pour lui que 33 le feul reproche qu'on eüt a lui faire , tombat 3» de même fur les plus grands hommes de la ré~ 33 publique , fur un Curius, un Coruncanius, un 33 Caton, un Marius, &c. Mais puifque fon ad33 verfaire cherchoit a briller par i'efprit, & qu'il 33 vouloit abfolument faire de lui un étranger , » pourquoi ne pas joindre plutot cette qualité a 33 celle de conful qu'a celle de roi ? La penfée 33 eüt été plus merveilleufe, car on avoit vu des 33 étrangers règner a Rome , mais 011 n'en avoit « jamais vu de confuls. J'avoue, reprend-il, que 3» je fuis un roi, fi vous le voulez ; mais fi 1'in33 folence de mon pouvoir , fi 1'orgueil de ma 33 tyrannie vous irrite , pourquoi ne pas tourner (a) Ibid. Bij An. de R. 691. Cicer. ^j. Coss. D- Jünius FliANUS. MüRENA.  An. de R. 6$'t. Cicer. 45. Coss. D. JUNIUS ElLANUS. 1.LICIN1US (a) CxC. Comment. de Bel. Civ. 20 HlSTOIRE DE LAVïE 33 plutór vos accufations de ce cóté-la, que fur un 33 nom que vous m'attribuez fans fondement Sc 33 qui n'eft au fond qu'une calomnie ; En tout cas, 33 ajoute-t-il, mon royaume eft d'un genre fi pé33 nible, qu'il n'y a perfonne a Rome qui voulüt 30 accepter ma couronne au même prix. II lui » déclare qu'en faveur de fa jeunefle Sc du mérite 33 de fon père, il veut bien lui palier fes mauvai33 fes plaifanteries , quoique jufqu'alors perfonne 33 n'eüt attaqué impunément fa conduite ; mais 33 que tout éloigné qu'il eft de tomber fur un en33 nemi fi facile a. vaincre, Sc dont lage, les forss ces Sc 1'expérience ne pouvoient lui offrir qu'un 33 combat fort inégal, il ne lui confeille pas moins 30 de ne pas abufer plus long-tems de fa patience, 33 de peur qu'il ne foit obligé de lui faire fentir • 33 1 aiguillon de fon éloquence ». A 1'égard du fond de la caufe , Cicéron le traira avec 1'habileté dont }e public même s'étoit fait une habitude. Sylla fut déchargé de i'accufation. Mais fon avocat neut pas lieu dans la fuite de s'applaudir d'un triomphe qui conferva un (a) lieutenant-général a Céfar pour la bataille de Pharfale , Sc même un miniftre abfolu de fon pouvoir dans la confifcation Sc la vente des biens d'une partie des citoyens.  de Cicéron, L i v. IV. zi Vers le tems de ce procés , Cicéron acheta la maifon de Craflus fur le mont Palatin, aflez prés de celle qu'il avoit habitée avec fon père , & qu'il céda vraifemblablement a Quintus fon frère. Cette maifon lui couta environ quatre eens mille livres, &r femble avoir été une des plus belles de Rome. Elle avoit été batie trente ans auparavant par le fameux tribun M. Livius Drufus. On rapporte que 1'architecle ayant offert de la batir avec tant d'art qu'on n'y pourroit être vu du voifinage, Drufus répondit: Fakes plutot que tout le monde (a) puifFe voir ce que j'y ferai. Elle étoit fituée dans la partie la plus élevée de la ville, prés du centre de toutes les affaires , avec la vue fort libre fur le forum & fur la tribune aux harangues. Mais ce qui en faifoit le principa] agrément & qui en augmentoit auffi la magnificence, étoit de toucher au portique ou a la colonade qui portoit le nom de Catulus, paree qu'i 1'avoit fait batir des dépouilles des cimbres, dan le lieu oü étoit auparavant la maifon de Flaccus que le fénat avoit fait démolir pour le punir {b (a) Cum promitteret ei archite&us ita fe adificaturun ut libera a confpeflu, immunis ab omnibus arbitris effet ta vero, inquit , fi quid in te artis eft , ita compone do mum meam ut quidquid agam ab omnibus perfpici polfil Veil. Patere, i. I. Epifi. famil. f, 6. {b) M. Flaccus, quia cum Graccho contra reip. falu B iij An. de R. «51. Cicer. 45. Coss. D. JUNIUS FllANUS. L.LICINIUS MURENA. I ) I ?  An. de R. 691. Cicer. 45. Coss. D. JUN1US FlLANUS. L.LlCINIUS MURENA. tem fecerat , & fênatüs fëmentia eft interfectus, & domus ejus everfa eft; in qua porticum , poft aliquanto , Q. Catulus de manubiis cimbricis fecit. Pro Dom. 38. () Ais enim , ut ego difceflerim , omnia omnium dicta , in his etiam feftiana , in me conferri. Quid ? tu id pateris? nonne defendis ? Epifi. fom. 7, ?*■ (c) Sic audio Ofarem.. . fi quid afFeratur ad eum pro meo , quod meum non efl, rejicere folere. Ibid. 9. (d) Quod ad me pridem fcripferas , veile te bene evenire quod de Craflo domum emeram; emieam ipfam domum H. S. XXXV. aliquanto poft tuam gratulationem . Ep- fam. 5 , 6. B iv An. de R. 69u Cicer. 4?. Coss. D. JUNIUS FlLANUS. L.L1C1N1US MURENA. [ I  An. de r. 691. Cicer. 45, Coss. D. JUNIUS FllANUS. E.LlClNIUS Muren a. 1 « i t 3 ?-4 HistoiredelaViE obligé d'entrer dans quelque confpiration pour trouverle rnoyen de s'acquitter; mais il craignoit, ajoute-t-il, que les (a) conjurés ne prifient point aife'ment confiance a lui. Sa vanité fut expofée a quelque cenfure, pour 1'avoir engagé dans une dépenfe fi exceffive avec 1'argent d'autrui; mais le conful MeiTala lui fournit quelque tems après 1'occafion de fe juftifier, en achetant beaucoup plus cher, & d'une fomme empruntée comme lui, la maifon d'Autronius. « On commence a fe per» fuader , dit-il, que j'ai fait un bon marché, & ) ». Cette année finit par un événement plus renarquable , qui non-feulement précipita Cicéron ilans un malheur imprévu, mais qui femble avoit •té la première fource de la ruine de la répu)lique. Ce fut la profanation des myftcres de la >onne déelTe par P. Clodius, quefteur aeiuel, & >ar conféquent membre du fénat. II étoit def- (a) Itaque fcito me nunc tantum habere asris alisni, !t cupiam conjurare fi quifquam recipiat. Sed partim ma ■xcludent, &c. Ibid. (b) Ea emptione & nos bene emhTe judicati fumus, & omines intelligere cccperunt licere amicorum facultatius in emendo ad dignitatem aliquam pervenire. Ad An.  de Cicéron, Liv. IV. 25 cendu de Ia plus noble familie de la république. Son age étoit la fleur de la jeunelTe. Sa iigure , for» efprit, fon éloquence 1'élevoient au-delfus de tous ceux qui étoient entrés avec lui dans la carrière des honneurs. Mais avec tous ces avantages naturels, il avoit fame infecTrée de toutes fortes de vices. Sa fierté alloit jufqu'a 1'infolence. II étoit leger, audacieux , méchant par principes 5 & fans refpecl, comme fans goüt pour les gens de bien. Les loix civiles, celles même de la nature, n'étoient pas un frein capable de 1'arrêter. La difficulté des entreprifes fembloit irriter fes paffions, & ce qu'il défiroit le plus ardemment étoit toujours ce que les autres avoient défefpéré d'obtenir. Aulli dédaignoit-il les honneurs publics fous leur forme commune, & ne comptoit-il pour des plailïrs que 1'impiété (a), 1'adultère & 1'incelte. II (a) Exorta efl illa, reip. facris religionibus , auctoritati veftrs;, judiciis publicis, funefta qusftura ; in qua idem iüe deos, hominefque , pudorem , pudieïtiarn , lënatus auftoritatem, jus, fas, leges, judicia vielavit. De Ha' rufp. Refp. io. Qui ïta judicia poenamque contemferat, ut eum nihil deleftaret quod aut per naturam fas effet aut per leges liceret. Pro Milon. 16. P. Clodius, homo nobilis , dilêrtus , audax , qui neque dicendi neque faciendi uüum, nili quem vellet, noflet modum, malorum propofitorum executor 2cerrimus , infamis etiam fororis ftupro, &c. Veil. Patere. 1, 4J. An. de R.- «■91. Cicer. 45. Coss. D. JUNIUS Fjlanus. L.LlCINIUS MURENA.  An, de R. «jt. Cicer. 45. Coss. D. JUNIUS FlLANUS. L.Licinius murena. (a) Ubi velari pi&ura jubetur Quarcumque alterius fexus imitata figuram eft. Juven. 6,339. Quod quidem facrificium nemo ante P. Clodium in omnï memoria violavit Quod fit pet virgines veftales, fit pro pop. rom. fit in ea domo qua; eft in imperio , fit incredibili ceremonia , fit ei dea» cujus ne nomen quidem viros fcire fas eft. De Harufp. Refp. 17. (b) P. Clodium, Appii filium , credo te audiiflè cum vefle muliebri deprenfum domi Caii Ca:faris , cum pro populo fieret, eumque per manus (ervulx fervatum & eauc-s turn ; rem eiïè infigni tnfamia. Ad Au. 1,11. Xé HlSTOIRE DE IA VlE étoit en intrigue avec Pompeia, femme de Céfar , qui célébroit cette année dans fa maifon les myftères refpectables de la bonne déefle. Le fcrupule alloit fi loin pour en écarter les hommes, que s'il s'en trouvoir un portrait dans le lieu de ralTemblée, on le couvroit(a) avec foin pendant la cérémonie. Cette fcène parut propre a Clodius pour fatisfaire fes inclinations difiolues. II réfolut de s'ouvrir 1'accès pres de fa maitrelTe jufqu'au milieu des faints myftères, &c s'étant déguifé en femme, il efpéra qu'a la faveur de fa figure & par le fecours d'une efclave de ce fexe , qu'il avoit mife dans fon fecret ( b) , il pourroit s'introduire fans être reconnu. Mais il arriva quelque erreur entre lui & fon guide. II prit un chemin pour 1'autre en entrant dans la maifon , & tom-  de Cxcéeon, Lir. IF. XJ bant mal d propos au milieu de plufieurs autres efclaves, il eut befoin de leur faire quelques demandes qui le trahirent au fon de fa voix. Ces femmes pouflerent auni-töt des cris qui alarmèrent toute 1'aflemblée , & les matrones effrayées d une fi horrible impiété , jetèrent un voile fur les facrés myftères. Clodius eut néanmoins le bonheur d'échapper a leur vengeance, & fe fauva a la faveur du défordre. Une aventure fi fcandaleufe répandit 1'étonnement & 1'horreur dans toute la ville. Le peuple éïoit confterné de la profanation des plus faints myftères de la république. Ceux , dont les vues étoient plus relevées, déploroient la eorruption de la difcipline & des bonnes mceurs. Céfar répudia fa femme •, & les honnêtes gens de tous les ordres demandèrent que le coupable füt puni fans ménagement, moins peut-être pour venger la bonne déeffe que pour fe délivrer d'un ciroyen, qui par cette entreprife & par quantité d'autres adions de la même {a) nature, fembloit annoncer tous les maux qu'il étoit capable de caufer a 1'état. Cetoit une opinion conllamment établie ( a ) Videbam illud fcelus tam importunum , audaciam tam immanem adolefcentis , furentis, nobilis, vulneratï, non pofie arceri otii finibus: empturum aliquando illud malum, fi impunitum iuhTet, ad perniciem civitatis. Dt Harufp. Refp. j. An. de R. ifl. Cicer. 45. Coss. D. JUNIUS FlLANUS. L.LlCINIUS MURENA.  An. de R. 69l. Cicer. 45. Coss. D. JUNIUS FlLANUS. L.LlCINIUS MURENA. 1% HlSTOIRE DE EaViÉ parmi Ie peuple, que le téméraire qui oferoic approfondir ces redoutables myltères perdroit la vue au même moment, cc II étoit impoflïble , dit » Cicéron, qu'on en fut la vérité avant Clodius, * puifque jamais perfonne n'avoit été capable de 33 eet attentat: mais 1'opinion du peuple fut véri33 flée par fon exemple , avec cette feule différence " que 1'aveuglement du corps fut changé dans « celui de 1'ame (a)«. L'affaire ayant été rapportée au fénat, les pères conferits effrayés eux-mêmes de la grandeur & de la nouveauté du crime , en renvoyèrent la connoilfance au college des pontifes , qui déclarèrent que c'étoit une impiété abominable. Sur quoi les confuls furent chargés par un décret de citer Clodius au tribunal (b) du peuple. Mais Q. Fufïus Calenus, 1'un des tribuns, foutenu par (a) Aut quod oculos,ut opinio illius religionis eft, non perdidifti. Quis enim ante te facra lila vir fciens viderat, ut quifquam poenam qua: (êqueretur illud fcelus fcire poffet ? Ibid. 18. Pcena omnis oculorum ad excitatem memis converfa eft. Pro Dom. 40. ( b) ld facrificium cum virgines inftauraiïent, mentionem a Q. Cornificio in fenatu factam ; poft rem ex S. C. ad pontifices relatam, idque ab eis nefas eiïe decretum : deinde ex S. C. confules rogationem promulgafïë ; uxort Caefarem nuncium remiflïfte. In hac caufa Pilo , amicitia Publii Clodü duöus, operam dat ut ea rogatio antiquetur, &c. Ai Act. 1,13.  di Cicéron, Liv. IV. 19 toute la faótion Clodienne, s'oppofa hautement a cette réfolution. Le tumulte devint fort grand dans la ville. Le fénat infiftoit fur fon premier décret; Pifon, 1'un des confuls, s'efforcoit de faire changer d'avis aux fénateurs; & Clodius fe jefant humblement a leurs pieds, les conjuroit 1'un après 1'autre de ne pas le perdre. Cependant, dans une feconde alTemblée du fénat, il n'eut pas plus de quinze voix en fa faveur, & toutes les autres, au nombre de quatre eens, furent pour 1'exécution du premier décret. On en porta même un nouveau , par lequel il fut ordonné aux confuls de recommander le premier au peuple avec toute leur autorité, & de n'entreprendre aucune affaire avant que celle-ci fut terminée. Le défordre n'ayant fait qu'augmenter, Hortenfius propofa un expédient qui fut accepté de toutes les parties: ce fut d'établir une commiffion particuliere, qui auroit le préteur pour préfident. Ainlï la différence confiftoit a faire juger Clodius par le peuple ou par des juges particuliers ; mais elle étoit elfentielle. Hortenfius craignoit qu'a la faveur d'une partie de la populace, que la fadfion Clodienne ne manqueroit pas de gagner par fes corruptions (a), le coupable n'échappat aux formes ( a) Senatus vocatur : cum decerneretur frequenti lènatu, contra pugnante Pifone, ad pedes omnium figillatim accidente Clodio , ut confules populum cohortarentur ad roga-. An. de R. 691. Cicer. 45. CoiS. D. JUNIUS FlLANUS. L. LIC1NIUS MURENA.  An. de R. 63 [. Cicer. 4?- Coss. D. JUNIUS FlLANUS. L.LICIN1US MURENA. 30 HlSTOIRI DE LAViE de la juftice , cc étant perfuadée d'ailleurs qu'il » n'y avoit point de juges qui pulTent 1'abfoudre: « Sc, fuivant les termes de Cicéron , il ne falloit jj qu'une épée de plomb pour en délivrer 1'état *>. Mais le tribun appréhendoit de fon cöté que dans une commiffion particuliere il ne fut encore plus facile de corrompre les juges, ou que 1'artifice n'influat même dans le choix des commiffaires (a). Cicéron avoit les mêmes craintes; ce qui lui fit prendre la réfolution de ne fe ranger d'aucun parti, & d'abandonner le coupable a la haine que tout le monde devoit avoir pour fon caractère. Toute la défenfe de Clodius fe réduifit a pré- tionem accipiendam : homines ad xv. Curioni, nullum S. C. facienti, alïenferunt; ex altera parte facile cccc. fue- runt. Senatus decernebat, ut antequam rogatio lata elfet , ne quid ageretur. Ibid. 14. (a) Poftca vero quara Horterulus excogitavit ut legem de religione fulïus tribunus pieb. ferret, in qua nihil aliud a confulari rogatione differebat, nifi judicum genus, ( in eo autem erant omnia ) pugnavitque ut ita fieret; quod & fibi & aliis perluaferat nullis illum judicibus effugere poffe ; contraxi vela , perfpiciens inopiam judicum Hortenfius non vidit illud , fatius effe illum in infamia & fordibus relinqui, quam infirmo judicio committi. Sed du&us odio properavit rem deducere in judicium, cum illum plumbeo gladio jugulatum iri tarnen diceret A me tarnen ab initio confilium Hortenfii repEehendebatur. Ad Au. 1, 16.  be Cicéron, L i r. IV. j1 tendre qu'il étoit abfent dans le tems du cfime. II produilit des témoins qui affirmèrent avec ferment qu'd étoit alors a Interamnas, c'eft-a dire(a), a deux ou trois journées de Rome. Mais Cicéron , qui fut appelé en témoignage, dépofa que le même jour, Clodius lui avoit rendu une vifite a fa maifon. A 1'afpect de Cicéron, la populaca gagnée par les Clodiens , s'agita beaucoup , dans 1'efpérance de 1'efFrayer; mais les fénateurs fe levèrent pour le recevoir (l>) avec tant de refpeót, que les plus factieux n'eurent point Ia hardielfe de 1'infulter. Céfar, qui paroifToit le plus intérene dans cette affaire, ayant été interrogé a fon tour, répondit qu'il n'en avoit aucune connoiffance; quoiqu'il eüt été informé de toutes les circonflauces du fait par Aurelia, fa mère , & par fa foeur Julia. Lorfqu'on lui demanda ce qui 1'avoit potté a répudier fa femme , il répondit, que tout ce qui (c) apparrenoit a fa maifon de- (a) Plutarq. Vie de Cice'ron. Vat. Max. 8, f. (b) Me vero tefte produdo , credo te audifTe qua» con» furreftio judicum fafta fit, ut me circurnfïeterint, &c. Ad Au. ibid. (c) Negavit fe quidquam comperifTe, quamvis & mater Aurelia, & fbror Julia apud eofdem judices omnia ex fide retuliflent: interrogatufque cur igitur repudiaflet uxorem ? Quoniam , inquit, meos , tam fiiipicione quam crïraine judico sarere opportere. Sueton. J. C e Cicéron, L i v. IV. 33 gvavité. Ils accordèrent aux accufateurs toutes les facilités qu'ils demandèrent •, & poulfant l'affecïation encore plus loin , ils repréfentèrent au fénat que pour la tranquillité de leurs féances ils avoient befoin d'une garde, qui leur fut envoyée auffi-töt, avec de grands éloges de leur conduite. Mais il arriva néanraoins que de cinquante - fix qu'ils étoient, trente & un fe déclarèrent pour le coupabie. On prétendit que Cralfus avoit fervi plus que tout autre a les corrompre; & qu'a 1'égard de ceux fur qui 1'argent n'étoit pas capable de faire impreffion, il avoit employé des offres plus féduifantes •, de jolies femmes, de jeunes garcons de qualité pour leurs plaifirs. Cicéron qui rend témoignage lui-même de ce fcandale, allure que jamais on n'avoit vu d'aflemblée plus infame que celles des commilfaires, tous fénateurs déshonorés, ou chevaliers dans la dernière indigence, avec un petit nombre d'honnêtes gens que Clodius n'avoit pu faire exclure, qui rougilfant de fe trouver en fi mauvaife Compagnie, tenoient les yeux bailfés, &c marquoient par la triftefie de leui vifage, la crainte qu'ils avoient d'être infecbés de la contagion. Catulus, en ayant rencontré un 3 lui demanda quel befoin ils avoient eu d'une garde, & s'ils avoient (a) eu peur qu'on ne leui ia) Nofti Calvüm biduo per unum ïêrvum, & eum ex Tome II. q An. de R. eft le troifième qu'une alfemblée de juges a 33 laché fur la république. Mais, Clodius, con33 tinua-t-il en s'adrelTant a lui-même, tu te trom33 pes : tes juges ne t'ont pas confervé pour la ville, 33 mais pour une prifon. Ils fe font trompés eux33 mêmes s'ils ont cru te rendre fervice en te laif33 fant a Rome j ils t'ont ravi 1'exil, qui ne pou33 voit être qu'un bienfait pour tol. Reprenez donc 33 courage, pères confcrits, Sec. Clodius, qui tout éloquent qu'il étoit , ne cherchoit point a lutter contre Cicéron par des harangues, eut recours a la raillerie, & s'eftbrca de tourner cette attaque en ridicule. « Je ne fuis 33 pas furpris, lui dit-il, du ton que vous prenez 33 avec moi. Vous êtes un homme du bei air; on 33 vous a vu aux eaux de Baies. Cela eft moins as glorieux, répondit Cicéron , que d'avoir été C ij An. de R. Cicer. 4S. Coss. M. PUPPIUSPISON. M. ValeRIUS MES*. saia.  An. de R. Cicer. 4$. Coss. M. FUPPIUSPISON. M. Vale- KIUS MESSAIA. ( a ) Cette raillerie a rapport a Clodia fa fceur , farneuie par fes intrigues, & qui avoit entrepris de rendre Cicéron amoureux d'elle Clodius qui reprochoit a Cicéron d'avoir acheté une maifon fort cher , en acheta une qui lui coüta deux mïllions. Pl'm. Hifi. 36, 15. (b) Nam c-ttera non poffunt habere neque vim neque venufiatern, remoto illo ftudio contentionis. Ad Ju. 1,16. 3(5" HlSTOIKE DE LA Vlfi 33 pris aux myftcres de Ia bonne déelTe. Mais qu'al3» loic chercher aux eaux, reprit Clodius, un payfan 33 d'Arpinum ? II faut le demander, répliqua Ci33 céron', a cette perfonne de vos amies qui n'a (a) 33 pas toujours été indifférente pour le payfan d'Ar33 pinum. Vous avez acheté une maifon, recomx menca Clodius. Que ne dites-vous, des juges , 33 répondit Cicéron ? Ces juges-Fa , continua Clo33 dius, ne s'en rapporteroient pas a votre ferment^ 33 Mais, répliqua Cicéron, vingt-cinq de ces juges* os la ont allez bien établi mon crédit; tandis que 3» les autres vous en ont fait li peu, que vous 30 avez été obligé de les payer d avance 33. Les éclats de rire déclarèrent fi fort pour Cicéron , que Clodius demeura confus, & neut point d'autre parti a prendre que de s'alfeoir fur fon banc. Mais cette difpute étant devenue comme une déclaration de guerre , ils ne fe revirent plus fans fe piquer avec une vivacité, qui feroit, comme 1'obferve Cicéron , fans chaleur & fans grace dans un fimple récit(£), paree que Fagrément de ces  DE Cicéron, Ijk. JF. 37 chofes-la confilte dans les circonifances qui les accompagnent. Les confuls de 1'année étoient M. Puppius Pifon & M. Valerius Meflala , dont le premier caufa une légere mortification a Cicéron, en prenant poffeffion de fon office. Quoique les derniers confuls eulTent toujours commencé par lui a demander les opinions , Pifon ne 1'interrogea que le fecond j mais il y fut d'autant moins fenfible qu'il en étoit plus libre a porter fon avis, & qu'il fe trouvoit difpenfé d'avoir la moindre complaifance pour un homme qu'il méprifoit. Si ce conful avoit embralfé les intéréts de Clodius, c'étoit moins par amitié , que par le penchant qui de deux partis (a) lui faifoit toujours choilïr le pire ; car, fuivant le portrait que Cicéron nous a laille de fon cara£tcre, il avoit dans 1'efprit autant de méchanceté que de foiblelTe. « C'étoit d'ailleurs 33 un mauvais plaifant, qui cherchoit fans celle a 33 briller par fes bons mets , mais fans fel & fans (a) Neque id magis amicitia Clodii duiSus quam ftudio perditarum rerum atque partium. Ibid. 14. Conful autem ipie , parvo animo & pravo , tantum cavillator genere illo morofo quod etiam fine dicacitate ridetur , facie magis quam facetiis ridiculus, nihil agens cum repub. (ejunctus ab optimatibus; a quo nihil (peres boni , quia non vult, nihil metuas maliquia non audet. Ibid. 13. Uno viti» minus vitïpfus., quod iners, quod fomni plenus. Ibid. 14^ C iij An. Je R; 6 $1. Cicer. 4S. Coss. M. Pup-; PIUSPISON M. VAIERIUS ME&SAIA.  'An. Je R. (■r- Cicer. 46. Coss. M, Pup?ius Pison ■ M. Valejuus Mes- sala. (a) Confulem nulla in re confiftere unquam fum paiïiis -% defponfam homini jam Syriam ademi. Ibid. 16. (k) MeiTala conful eft egregius , fortis, conftans, 491» gens : noftri laudator, amatpr, imitator. Ibid. 14. 38 HlSTOIRE DE LA VlE 33 efprit, & qui faifoit moins rire par fes penfêes 3° que par fes regards & par fes grimaces. II n'é33 toit ni pour le parti populaire , ni pour 1'arif3> rocratique •, homme dont il n'y avoit point de 33 bien a efpérer, paree que fon inclination ne 331'y portoit pas, ni de mal a craindre, paree 33 qu'il n avoit point ia hardieife d'en faire ; & qui 33 auroit été plus vicieux , en un mot , s'il avoit 33 eu un vice de moins, celui de 1'indolence & 33 de la parelfe 33. Cicéron ufa de la liberté qu'il lui accordoit de s'expliquer fans ménagement & lepargna fi peu lui-même, fur tout ce qu'il avoit fait en faveur de Clodius, qu'il empêcha le fénat de lui décerner le gouvernement de Syrië () Prideaux Conneft. part. ^ , p. 343. 42 HlSTOIRE DE LA VlE même, n'eüt tiré avantage du fabbat des juifs , pendant lequel ils pouübient le fcrupule jufqu'a négliger de fe défendre. Le général romain traita le peuple avec beaucoup d'humanité. II ne toucha point au (a) tréfor facré ni aux vafes dor du temple, qui étoient d'une valeur immenfe. Mais fa curiollté 1'engagea dans une profanation qui caufa plus de chagrin a toute la nation juive, qu'elle n'en avoit relfenti des calamités de la guerre. En vilïrant 1'édifice, il entra non-feulement dans 1'intérieur du temple , mais jufques dans le fanctuaire, dont 1'entrée n'étoit permife par la loi qu'au grandprêtre. Ce facrilège attira fur lui , fuivant la pieufe rb) remarque de M. Prideaux, la malédiction du ciel , & toutes les difgraces qui troublèrent le refte de fa vie. II fit conduire a Rome Ariftobule & fes enfans , pour fervir de luftre a fon triomphe. Hircan, qui avoit gagné fa faveur, obtint le gouvernement & la dignité de ce grandprêtre, en payant un tribut. Le premier foin de Pompée, après fon retour, fut d'obtenir du fénat la confirmation de tous fes acles. La faction populaire ayant entrepris de le gagner par les offres les plus féduifantes, tourna  de Cicéron, L i v. IV. 43 particuliérement fes efforts a 1'empêcher de s unir trop étroitement avec Cicéron Sc le fénat, & peutêtre avoit-elle déja fait fur lui beaucoup d'impreffion; mais fes obfervations lui firent découvrir quelle n'avoit chercbé qua le furprendre. II voyoit le crédit de Cicéron bien établi, Sc 1'autorité du fénat refpectée. Cependant la crainte d'offenfer 1'un ou 1'autre parti , lui fit employer tant de ménagemens, qu'il ne fe rendit agréable a 1'un ni a 1'autre. Cicéron rendant compte a Atticus de fon premier difcours, dit « qu'il ne fut goüté ni ro des riches ni des pauvres, Sc que s'il ne répona dit point a 1'attente des faftieux, il ne (a) fa» tisfit pas non plus les honnêtes gens ». Comme il étoit arrivé dans la plus grande chaleur du procés de Clodius, les deuxpartis s'étoient empreffés de le faire entrer dans leurs intéréts. « Fufius, m tribun fort turbulent, lui demanda devant 1« =» peuple, ce qu'il penfoit du jugement de Clo w dius , qui avoit été renvoyé au préteur & a de: * commilTaires ? II répondit que dans toutes fortes de cas 1'autorité du fénat lui avoit toujour: » paru la plus refpectable. Et lorfque le confu p Melfala lui demanda dans 1'alfemblée des féna (4) Prima concio Pompeii non jucunda mifens, Snanis improbis, beatis non grata, bonis non gravis. Itague frigebat. Jd Ju, 1, 14. An. de R. 6sz. Cicer. ifi- Coss. m. Pup- PJUSPISON. m- Vale- R1US MESSALA. l  An. de R. 692. Cicet. 46. Coss. M. PuppiusPison. M. ValeJuus MESsa!;!. (a) Mihique, ut affèdit, dixit fe putare fatis ab fe etiam de iftis rebus efTe refponfum. Ibid. 44 HlSTOIRE DE LA VlE 33 teurs ce qu'il penfoit de la profanation de Clo» dius & du décret du fénat, il évita de toucher » au fond du fujet, & fa réponfe fut qu'il applau» diffoit en général a. tout ce que le fénat avoit » fait. Enfuite fe tournant vers Cicéron, qui étoit y> aflis prés de lui , il me femble, lui dit-il, que » c'en eft alfez (a) fur cette matière. Craffus obfervant toutes ces affectations de réferve , réfolut de le mettre dans la néceffité de s'expliquer plus ouvertement, ou de prendre occafïon de fon lïlence pour fe rétablit a fes dépens dans i'eftime du fénat. II fe jeta fur les louanges du confulat de Cicéron , « en déclarant avec » beaucoup de feu qu'il devoit a ce grand conful 30 le bonheur qu'il avoit d etre encore fénateur & 33 citoyen; qu'il lui devoit la liberté , la vie , & =0 que chaque fois qu'il jetoit les yeux fur fa fem33 me, fur fa familie , & fur fon pays, il fentoit 33 les obligations qu'il avoit a Cicéron 33. Ce difcours déconcerta Pompée , dans le doute ou il étoit du motif qui faifoit parler Craffus , & li c'étoit pour faifir une occafion qu'il avoit manquée lui-même, de gagner 1'amitié & la confiance de Cicéron, ou paree que le confulat de Cicéron étoit effedivement dans une haute eftime & fes  be Cicéron, L i y. IV. 45 kmanges forc agréables au fénat. II en fut d'autant plus piqué que eet éloge lui paroilToit venir d'oü il devoit le moins 1'attendre , d'un homme que Cicéron, par confidération pour lui , avoit toujours traité avec un mépris extraordinaire. Cicéron a qui (a) rien n'échappoit, crut 1'occafïon favorable pour donner carrière a fon éloquence & faire briller tous fes talens a la vue de Pompée , fon nouvel auditeur. Sa harangue roula fur la dignité & la conftance du fénat, fur fon union avec 1'ordre équeftre, fur 1'accord de toute 1'Italie a fe conformer a fes vues falutaires, fur les foibles reftes de la confpiration , fur la paix & 1'abondance qui avoient fuccédé. II traira ces grands fujets avec toute la force dont il étoit capable, pour faire connoïtre a. Pompée 1'afcendant qu'il confervoit encore fur cette alfemblée, & combien fes nouveaux amis lui en avoient impofé. L'effet répondit a fes efpérances. Pompée chansea de ton & de manière avec lui. II affecta. dans toutes fortes d'occafions, de lui marquer tanl (a) Proxime Pompeium fedebam : intellexi hominem moven', utrum Craflum inire eam gratiam quam iple prxtermififTet... Ego autem dii bonil quomodo ai^if^tfm^afimi rovo auditori Pompeio ? Haec erat va&tc-i; de gravitate ordinis , de equeftri concordia , de confenfione Italïae, de immortuis reliquiis copjurationis, de vilitate , de otio. Ad Att. 1,14. An. de R. 691. Cicer. 45. Coss. M. Pup- PIUSPISON. M. Vale- rius messala.  Au. de R. Cicer. \S. Coss. M. PUPPIUSPlSON. M. Vale- R1US MESiALA. (a) Uique eo , ut noffri illi commiflatofes conjurationïs, batbatuli juvenes , illum in lermonibus , Cna;um Ciceronem appellent. Itaque & ludis & gladiatoribus mirandas sw/Tn^acriat, fine ulla paftoricia fifiula auferebamus. Ibid. 16. (b) Nos, utoflendk, admodum diligit, aperte laudatj ccculte, fed ita ut perfpicuum fit, invidet : nihil corae , nihil fimplex , nihil honeflum, nihil illuftre, nihil forte , nihil liberum. Ibid. 13. (c) In eo neque auctontate , neque gratia pugnat; fed quibus Philippus omnia caftella expugnari poffè dicebat, \6 HlSTOIRE DE LA VlE de confidération & d'amitié , cc que la faétioii » oppofée lui donna le lurnom de Cna?us Cicé» ron, &c cette liaifon fut li agréable a toute la » ville, que lorfau'ils paroilToient enfemble aux » fbectacles (a), ils recevoient des applaudilTemens 50 fans exception. Cependant Cicéron ne fut pas 33 long-tems a découvrir que toutes ces apparen» ces d'admiration & d'amitié n'étoient qu'une » feinte; que Pompée étoit rongé de jaloufie , 53 & qu'il n'y avoit dans fes fentimens ni candeur, » ni fincérité, ni force , ni même d'honnêteté &C 33 de grandeur (b ) 33. II entreprit, cette année, contre 1'inclination de toute la ville , de faire élire au confulat L. Afranius, une de fes créatures. II n'employa point, dit Cicéron , fon crédit ni fon autorité, mais la méthode de (c) Philippe de Macédoine, qui fe  be Cicéron, Li v. IV. 47 vantoit d'emporter toutes les forterelTes oü il pourroit faire entrer un ane chargé dor. Plutarque rapporte qu'il diftribua lui-même ouverrement des fommes dargent dans fes propres jardins ; mais Cicéron parle d'un bruit (a) qui attribuoit ce foin au conful Pifon ; ce qui donna naiflance a deux loix nouvelles, portées par Caton, & fon beau-frère Domitius itnobarbus; 1'une qui permettoit de chercher jufques dans les maifons des magiftrats des preuves de leurs brigues ; 1'autre qui déclaroit ennemis de 1'état ceux chez qui Ion furprendroit de ces diftributeurs dargent. Pompée n'en réuflit pas moins a faire fon Afranius conful , mais il excita les plaintes de tous les honnêtes gens (3). II avoit employé tout 1'été aux préparatifs de fon triomphe, & 1'ayant remis au 30 de feptembre, qui étoit ie jour de fa nailfance , il avoit fait, fuivant 1'ufage , [fa demeure dans un faubourg de Rome. Par confidération pour lui le in qua modo afellus onuftus auro pofTet afcendere. Ibid. 16. (a) Conful autem ille fufcepiue negotium dicitur & domi divifores habere : fed S. C. duo jam fafla funt odiofa , quod in confulem fafta putantur, Catone & Domitio poftulante. Ibid. ié. {b) Conful efl impofitus nobis, quem nemo, prater nos philofophos, afpicere fine fufpiratu poiTit. Ibid. 18. An. de R. €32. Cicer. 46. Coss. M. Pup- PlUSPlSON. M. Vaierius Mes- SAiA.  An. de R. 691. Cicer. 4.6. CoSS. M. PuppiusPison, M. VALE' rius MESSALA. (a) Hift. Natur. 7, Cicéron 48 HistoiredelAVie fénat & le peuple avoient tenu leurs affemblées hors des muis. Son triomphe dura deux jours, & fut célébré avec plus de magnificence qu'on n'en avoit jamais vu a Rome. II batit un temple a Minerve des dépouilles qu'il avoit remportées fur les ennemis de la république, avec une infcription qui (a) contenoit le détail de fes victoires, & que Pline nous a confervée. Quintus Cicéron , qui foutenu par le crédit de fon frère, marchoit a grands pas derrière lui dans la carrière des honneurs, obtint cette année le gouvernement de 1'Afie, après avoir été préteur de Rome 1'année précédente. Avant que de fe rendre a fon emploi, il prelfa vivement Atticus, dont il avoit époufé la fceur, d'accepter auprès de lui la qualité de fon lieutenant ; & n'ayant pu 1'y faire confentir, il fut fi piqué de ce refus, que Cicéron eut beaucoup de peine a les réconcilier. Entre les lettres a Atticus, nous en avons une excellente fur ce fujet, qui mérite d'autant plus de trouver place ici, qu'avec le caracbère de ces trois célèbres romains , elle contient celui de plufieurs grands hommes du même tems, & quelques traits qui repréfentent fort bien 1'état préfent de la république.  t>E Cicéron, L i jr, ly, 4> Cicéron a Pomponius Atticus. Je vois & par votre lettre & par la copie que vous rrj'avez envoyée de celle de mon frère, qu'il i y a une grande altération dans les fentimens & ' dans les difpofitions oü il étoit a votre égard. ' Jen fuis auffi affligé que le demande ma &tendrelTe pour 1'un & pour 1'autre, & je ne concois pas ce qui a pu aigrir mon frère jufqu'a caufer en lui un fi grand changement. J'avois bien remarqué, & vous vous étiez appercu auffi avant votre ^départ, qu'on 1 avoit prévenu contre vous, 8c qu'on avoit rempli fon efprit de foupcons facheux. Lorfque j'ai travaillé a 1'en guérir , avant qu'il fut nommé gouverneur d'Afie , & fur-tout depuis, il ne m'a pas paru auffi aigri que vous me le marquez dans votre lettre , quoiqu'i la vérité je n'aie pu obtenir de lui tout ce que j'aurois fouhaité. Je me confolois par 1'efpérance qu'il vous verroit a Dyrrachium, ou quelqu'autre part dans vos quartiers; & je me promettois, ou plutót je ne doutois point que cette entrevue ne fuff it pour raccommoder tout, même avant que vous entraffiez dans aucun éclairciiTemenr. Car vous favez auffi-bien que moi que mon frère eft en effet d'un excellent caracbère , & que s'il fe brouille aifément, il fe raccommode de même. Le malheur eft qUe vous ne vous êtes point vus a Tome II, jj An. de R. 6$ i. Cicer. 4S. Coss. M. Pup- 'lUsPlSON. M. Valeius Mes- ala.  An. de R. «92. Cicer. 46. Coss. M. PupPlUSPlSON. M. VaLe- rius MESsala. 50 HlSTOI RE DE LAVlE & c'eft la feule caufe que les artifices de quelques mauvais efprits ont prévalu fut ce qu'il devoit a la liaifon , a 1'alliance , Sc i 1'ancienne amitié qui eft entre vous. II m'eft plus aifé de deviner a qui en eft la faute, que de vous le dire. Je craindrois de ne pas épargner vos proches en défendant les miens. Je fuis perfuadé que fi 1'on n'a pas contribué dans fa familie a 1'aigrir, on n'a pas du moins travaillé a 1'adoucir comme on 1'auroit pu. Mais je vous expliquerai mieux, quand nous nous reverrons, d'oü vient tout le mal-, ce qui s'étend plus loin qu'il ne femble. Je ne concois pas ce qui a pu potter mon frère a vous écrire de Theffalonique, comme il a fait, & a parler i,ci a vos amis, & fur la route, de la manière quon vous 1'a rapporté. Quoi qu'il en foit, je n'efpère d'être délivié de ce chagrin que par la confiance que j'ai dans votre honnêteté. Si vous confidérez que les meilleurs gens font touiours ceux qui fe fachent le plus aifément & qui reviennent de même, & que cette légèreté , ou , pour parler ainfi, cette flexibilité de fentimens eft ordinairement une marqué de bon naturel, 5c fur-tout fi vous fa.tes réflexion quentre amis on doit fe pardonner, non-feulement les foiblelfes Sc les défauts, mais même les torts réciproques , j'efpère que tout cela . fe calmera aifément, Sc je vous le demande en grace 5 car vous aimant autant que je fais, il n elt  de Cicéron, L i v. IV. 51 pas indifférent pour moi que tous mes proches vous aiment & foient aimés de vous. Rien n'étoit moins néceffaire que 1'endroit de votre lettre oü vous faites un détail de tous les emplois qu'il n'a tenu qu'a vous d'obtenir , foit dans les provinces, foit a Rome pendant mon confulat & dans d'autres tems. Je connois la nobleffe & la droiture de votre cceur. J'ai toujours compté qu'il n'y avoit point d'autre différence entre vous & moi, que celle du différent choix de vie; en ce qu'une forte d'ambition m'a porté a rechercher les honneurs, au lieu que d'autres motifs, que je ne prétens point blamer , vous ont fait prendre le parti d'une honnête oifïveté. Mais quant a cette gloire véritable , qui vient de Ia probité, de l'exacbitude, de la régularité dans le commerce, je ne mets au-deflus de vous , ni moi, ni perfonne du monde \ & pour ce qui me regarde en particulier , après mon frère & ma familie , je fuis perfuadé que perfonne ne m'aime autant que vous m'aimez. J'ai connu par des marqués fenfibles & votre joie & votre inquiétude dans les différentes fïtuations oü je me fuis trouvé. Dans mes fuccès , votre joie a augmeuté la mienne •, & lorfque j'ai été expofé a quelque dan7 ger, 1'intérêt que vous y avez pris m'a confolé. Votre abfence me fait fentir fort fouvent corabien j'aurois befoin, non-feulement de vos con- Dij An. de r. 691. Cicer. 4s. Coss. M. Pup- 'IUSPlSON. M. Vale. (IUS M£S,f ;ala.  An. de R. 69 1. Cicer. 46. CQSS. M. PUPPlUsPlSOK. M. VaieSlUS MES5ALA. 52 HlSTOIRE DE LA VlE feils, en quoi perfonne ne peut vous remplacer, mais encore de la douceur & de 1'agrément de votre converfation. Je fouhaite votre préfencc,8c pour les affaires publiques qu'il ne m'eft pas permis de négliger, & pour mes fonctions du barreau, que 1'ambition me fit autrefois entreprendre, mais que je continue par la néceffité de me conferver un peu de confidération , & pour mes affaires domeftiques oü je m'appercois encore plus que vous me manquez, depuis le départ de mon frère. Enfin ni dans le travail ni dans le repos, ni dans mes occupations ni dans mon loifir, ni dans mes affaires domeftiques ni dans celles du barreau, ni dans les particulières, ni dans les publiques, js ne puis plus me palfer de la refiource & de 1'agrément que je trouve dans les confeils & dans 1'entretien d'un ami tel que vous. Nous avions eu jufqua préfent 1'un & 1'autre quelque honte d'entrer dans un pareil détail, mais je n'ai pu m'en difpenfer , pour répondre a eet endroit de votre lettre , oü vous vous juftifiez fur le genre de vie que vous avez choifi. Pour revenir a mon frère, il fe trouve heureufement dans votre querelle , que vous avez déclaré formellement a tous vos amis auffi-bien qua moi, la réfolution oü vous étiez de n'accepter aucun emploi dans la province; de forte qu'il patoïtra que c'eft par cette raifon que vous ne 1'avez point accompa-  be Cicéron, Ijk. JF. 53 gne, fans qu'on puilTe en conclure que vous êtes mal enfemble. Ainiï 1'on pourra iéparer cette brêche qui s'eft faite a votre liaifon, & la notre demeurera toujours inviolable. Les affaires de la république font dans une trifte fïtuation. Vous aurez appris fans doute que nos chevaliers fe font ptefque détachés du fénat. Ils avoient déja fupporté impatiemment qu'on eüt fait un décret pour informer contre les juges qui ont recu de 1'argent de Clodius. Jetois abfent quand on prit cette réfolution : mais ayant reconnu depuis que tout 1'ordre des chevaliers en étoit irrité quoiqu'ils n'ofalTent point le témoigner ouvertement, je me déclaraLdans le fénat avec beaucoup de force contre ce décret; je parlai avec affez de poids, & bien au long pour un fujet ii odieux. Mais voici une autre prétention des chevaliers qui n'eft guère fupportable, Sc que je me fuis efforcé néanmoins de foutenir. Ceux a qui les cenfeurs avoient affermé les domaines d'Afie, ont repréfenté au fénat qu'ils avoient pouffé cette ferme trop haut, en demandant que le marché fut rompu. Je fuis des premiers a les appuyer, mais je ne fuis pourtant que le fecond, car c'eft Craffus qui leur a infpiré la hardielfe de préfenter cette requête. La demande eft odieufe; elle leur fait d'autant moins d'honneur que c'eft un aveu public de leur imprudence. Mais Diij An. de R.' Cicer. 45. Coss. M. PuppiüsPison.M. Valb- RIUS MBSSALA,  An. de R. 691. Cicer. 46. Coss. ,M. Pup piys Pison M. Vale mus Mes la. 54 HlSTOIRE DE LA VlE il étoit a craindre qu'ils ne s'aliénalTent entièremjn.t du fénat, fi elle étoit abfolument rejetée; c'eft moi principalement quï at ménagé cette affaire. Les ' deux premiers jours de décembre, oü elle devoit i êtrè agitée, j'ai fait en forte que le fénat s'eft trouvé°fort nombreux , & les fuffrages ont été favorables. Je m'étendis beaucoup fur la dignité des deux ordres, & fur 1'union qui devoit fubfifter entr'eux. La cbofe n'eft pas encore conclue , mais le fénat paroït bien difpofé •, car Metellus, conful défigné, eft le feul qui leur ait été contraire , & c'étoit a Caton , notre héros , a opiner quand la féance a fini avec le jour. C'eft ainfi que fuivant toujours mes principes, j'entretiens autant qu'il m'eft poffible cette union des deux ordres que j'ai cimentée pendant^ mon confulat. Mais comme il y a peu de fond a faire la-deffus, je me fers pour conferver mon crédit, d'un moyen que je crois plus infaillible. Quoique je ne puilfe pas vous 1'expliquer dans une lettre, en voici quelque efquiiTe. Je fuis dans une intime liaifonavec Pompée. Je vous entends d'ici: allez, je ne ferai rien imprud.emment, & je vous en dirai une autre fois davantage fur mes projets politiques. Vous faurez que Lucius penfe a demander le confulat dès 1'année prochaine •, car on affure qu'il n'y aura que deux prétendans , Céfar gc Bibulus. Céfar penfe a joindre fes intéréts avec  p e Cicéron, L i v. 1 V. 55 Lucius, par rentremife d'Arriusj& Bibulus s'imagine que par le moyen de Pifon il pourra s'entendre avec Céfar. Vous riez : je vous allure qu'il n'y a pas la de quoi rire. Que me relte-t-il a vous marquer ? bien des chofes; mais ce fera pour un autre tems. Si vous comptez revenir bientöt, ne manquez pas de m'en inlïruire. Quoique je le fouhaire paiTionnément, je n'ofe pas vous prelfer autant que je le fouhaite. Le cinquième de dé~ cembre. A 1'égard de la demande des chevaliers, dont Cicéron parle dans cette lettre , Caton , fur lequel il avoit beaucoup compté, s'y oppofa li fortement qu'il la fit rejeter. Cicéron 1'accufe d'avoir blefle par cette conduite toutes les bonnes regies de la politique , 8c fe plaint fouvent dans fes lettres (a) que malgré fa probité 8c fon affection pour 1'état, il nuifoit quelquefois au bien public par la dureté de fes maximes, 8c faute même d'efprit 8c de prudence. En confidérant tout ce qui s'étoit pafie depuis fon confulat, & le tour que les affaires prenoient infenlïblement , Cicéron femble prédire a la fin (a) Unus eft qui curet conftantla magis & integritate quam , ut mihi videt ur , confilio & ingenio Cato r qui miferos publicanos, quos habuit amantifllmos fui, tertium jam menfem vexat , neque eis a fenatu refponium daii patitur. Ad Au, 1, »8» li. z% il Div An. de R. 6$2. Cicer. 4.S. Coss M. PUP-' PlUsPlSON. M. VaIBR1US MESSAIA.  'An. de R. «9SCicer. 47. Coss. Q. C*ciiius Metellus Ce- LER. l. afranius. ( a ) Nam ut ea breviter, qux poft difceiïurn tuum aéta fünt, colligam , jam exclames necefle eft res romanas diu Hare non poiïè. Sic ille annus duo firmamenta reip. per me unum conftituta, evertit; nam & lenatus auctoritatem abjecit, & ordinum concordiam disjunxit. Ad. Att. 1,18. (5) Metellus eft conful egregius, & nos amat, &c. Ibid. (c) Dio. liv. 37, p. ji. f6 HlSTÖÏRÉ Dl LA V I E de cette année, que la le'publique ne fe foutiendroit plus long-tems, puifque fes deux plus fermes appuis , 1'autorité du fénat & fon union avec les chevaliers, qu'il croyoit avoir établis fur de fi bons fondemens, avoient (a) été ruinés dans un elpace fi court. Q. Ca»cilius Metellus, premier conful de la nouvelle année , avoit été préteur pendant le confulat de Cicéron. II avoit eu le commandement d'une armée contre Catilina; &C ne polfédant (b) pas moins les qualités d'un excellent citoyen que celles d'un grand magiftrat, il portoit une haine ouverte a tout ce qui avoit Fair de faótion. II étoit ( c ) 1'ennemi déclaré de Pompée , qui après avoir époufé Mucia, fa faeur, lui avoit fait 1'affront de la répudier. Mais Afranius , fon collègue, avoit embralfé ardemment les intéréts de ce général; non qu'il fut capable de le fervir par fon travail ou par fon crédit, mais paree qu'il trouvoit dans le fafte de Pompée de  de Cicéron, L i v. IV. 57 quoi fatisfaire fon goüt pour les bals & les autres plailirs. Cicéron 1'appelle un conful que perfonne, a moins que ciêtre phïlojophe, ne peut regardzr fans pouffer ( d) un foupir j un foldat fans courage , un objet propre pour les railleries de Palicanus, qui le tournoit tous les jours en ridicule j* un homme fi flupide , quayant acheté le confulat, il ne favoit pas même ce que valoit la place qu'il avoit achetée. Avec le fecours de ce conful & de quelques tribuns, Pompée s'imagina qu'il obtiendroit fans difficulté la confirmation de fes actes, & qu'il lui feroit aifé de faire agréer une nouvelle (b) loi pour la diftribution des rerres entre fes foldats > ( a) Quem nemo , prater nos phüoföphos, afpicere fine lufpiratu poffit Auli autem filius, 6 dii immortalesi quam ignavus & fine animo miles! quam dignus qui Palïcano, ficut facit, os ad male audiendum quotidie pra^beat... Ille alter ita nihil eft, ut plane quid emerit nefciat Auli filius vero ita Ce gerit, ut ejus conlulatus non confulatus fit , fed magni noftri vxatsm. Ad Att. ibid. Dio. ibid. (b) Agraria autem promulgata eft a Flavio, lane levis, &c. Ad Att. i, 18. Agraria lex a Flavio tribuno pleb. vehementer agitabatur , auflore Pompeio. Nihil populare Jhabebat prater auctorem. Huic toti rationi agraria5 lenatus adverfabatur, fufpirans Pompeio novam quandam potentiam quari. Ibid. i$. An. de r. «S3Cicer. 47. Coss. Q. C*ci- iius metellus Celer.L. Afra- n1us.  An. de R< «93. Cicer. 47. Coss. Q. cjeci- iiüs Metellus Celer. L. Aera- k1us. (a) Dio. liv. 37, (b) Ex hac ego lege, fecunda concionis voluntate ; omnia tollebam qua: ad privatorum incommodum pertine* bant, &c. Ad Att. 1, 19. jS HlSTOIRE DE LAViE mais il fut furpris de fe voir arrêté par les oppofitions du conful Metellus & de la plus grande partie du fénat. Lucullus déclara qu'on ne pouvoir lui accorder en gros la ratification de tous ces acres , comme fi ion eüt pris la loi dun maitre a qui ion ne pouvoit fe difpenfer dobéir (a), mais qu'il falloit ratifier feulement ceux qui paroitroient raifonnables. Cependant le tribun Flavius qui avoit propofé la loi, & qui fe fentant appuyé du pouvoir de Pompée, fouffroit impatiemment une réfiftance qu'il n'avoit pas prévue, eut la hardielfe d'arrêrer Metellus ; & voyant tous les fénateurs marcher a la fuite du conful pour 1'accompagner en prifon, il plar^a fa chaife devant la porte de la prifon pour leur fermer le pafiage. Une fi érrange violence répandit 1'épouvante & le fcandale dans toute la ville. Pompée fe hata de faire retirer le tribun & de rendre la liberté au conful; tandis que Cicéron, pour appaifer ces mouvemens, offrit de mettre a la loi des modifications (b) qui calmèrent enfin tous les partis. Mais le progrès de cette affaire fut fufpendtl  d e Cicéron, Liv. IV. 59 par Ie bruit d'une nouvelle guerre qui venoit de s'élever ( tellus, dit Cicéron , eft un excellent conful. Je 30 le blame feulement de la crainte oü il eft que 33 la paix ne fe fafle trop tót dans les Gaules. II 33 foupire après le triomphe. Je voudrois le voii 33 auffi modéré fur eet article qu'il eft excellent » dans tout le refte (a) 33. Cicéron avoit compofé en grec, dans le ftyle 8C fuivant la méthode d'Ifocrate , le Commentaire ou les Mémoires de fon confulat. II mit cette année la dernière main a fon ouvrage, pour 1'envoyer a Atticus, en le priant, s'il en étoit fatiffait, de le publier a Athènes & dans les autres villes de la Grèce. Atticus lui envoya, dans le même tems, un ouvrage fur la même matière,  de Cicéron, Lik. IV. ti auquel il ne trouva point (a) d'autre mérite que beaucoup de limplicité. II communiqua auffi le iïen a Poffidonius de Rhodes, avec une exhortation a traiter plus élégamment le même fujet. cc Mais Poffidonius lui répondit que loin d etre " encouragé a cette entreprife par la lecture de fa 53 pièce, il n'y trouvoit qu'un motif de crainte qui » ne lui permettoit pas d'y penfer. Cicéron ajoute >3 la-delfus fort agréablement, qu'il avoit décon33 certé toute la nation grecque, & qu'il s'étoit 33 délivré de la perfécution d'une infinité de petits 33efprits, qui le preifoient depuis long-tems de » les charger d'écrire fon hiftoire 33. Comme on pouvoit 1'accufer de quelque vanité pour a/oir pris lui -même ce foin, il donne pour excufe, que ce n'étoit point un panégyrique, mais une limple relation des faits ; ce qui doit nous faire regretter encore plus amèremenr la perte d'une pièce qui ne nous auroit laiffé rien a defirer pour la connoif- ( a) Tua illa,.. horridula atque incompta vila funt: led tarnen erant ornata hoe iplo quod ornamenta neglexerant, &, ut muiier es, ideo' bene olere quia nihil olebant, videbantur... Ad me reicriplit jam Rhodo Poffidonius, Ie noltrum illud vat^n/Mi cum legeret, non modo non excitatum ad lcribendum , fed etiam plane perterritum efTe... Conturbavi gra»cam nationem : ita vulgo qui inflabant, ut darem li quod ornarent, jam exhibere mihi moleftiam deftiterunt. Ad Att. z, r. An. de R. Cicer. 47. Coss. Q. Cjeci. lius Metellus Celer.L. Afra- tUUS.  An. de R. 3 de (a) ménagemens-, mais il craignoit plutöt 3> Ie chagrin de ceux dont il n'avoit pas fait alTez "d'éloge, paree qu'il auroit été trop long d'en« trer dans ces détails ». II ne nous refte de eet ouvrage qu'un petit nombre de fragmens, répandus dans les aurres écrits. Les trois livres étoient dédiés a trois mufes; & Quintus fon frere , qui faifoit beaucoup de cas de ce poëme , le fit fouvenir, dans quelque occafion , du difcours de Jupiter (b) a Uranie , qui étoit a la fin du livre de ce nom. C'étoit apparemment quelque lec^on de morale , dans le goüt de celle de Calliope au troifième livre : Interea curfus quos prirna a parte juventa» Quolque adeo conlul virtute animoque petiftï, Hos retine, atque auge fainam laudefque bonorum. Cicéron publia vers le même tems un r< ri eil des principales oraifons qu'il avoit prononcées («) Scripfi etiam verfibus tres libros de temporibus meis, quae jampridem ad te mififTem fi elT; edendos pu- taiTem led quia verebar , non eos qui fe helos ar- bitrarentur , etenim id feci paree & molliter ; fed eos , quos erat infinitum de me bene meritos omnes nominare. Ep. fam. t , p. {b) Quod me admones de noftra Urania, fijadefque ut memïnerim Jovis orationem, qua» eft ir. extremo illo libro, ego vero memini, & illa omnia mihi magis fcripfi quam ca»teris. Ep. ad Quint. frat. i, p. Ad Att. 1,3. De Divin. 1,11, An. de R. 693. Cicer. 47, Coss. q. CJEcII1US metellus celer. L. Afra- n1us.  An. de R. 69j. Cicer. 47. Coss. q. CiECIiius Metellus Ceier. l. Afranius. (a) Fuitenim mihi commodum, quod in eis orationi-i de '*4 HistoiredelaVie pendant fon confulat, fous le titre de Harangues confulaires. II prit le parti d'en faire un volume féparé, comme Démofthenes avoit fait de fes Philippiques , pour donner des exemples de fes talens civils Sc politiques. En effet, <* ces oraifons, » comme il le remarque lui-même, font dans un 33 ftyle moins fee que celui du barreau , Sc font jj connoitre tout a-la-fois, ajoute-t-il, Sc fon lan33 gage & fon aótion 33. Les deux premières étoient contre la loi Agraria de Rullus, 1'une prononcée au fénat, 1'autre devant le peuple. La troifième regardoit le tumulte qui s'étoit élevé a leledion d'Othon. La quatrième étoit la défenfe de Rabirius. La cinquième avoit été prononcée pour les enfans des profcrits; la fixième, a 1'occafion de la rélignation qu'il avoit faite du gouvernement de la^Gaule. Les quatre fuivantes regardoient 1'affaire de Catilina, Sc le volume finilfoit par deux pièces fort courtes au fujet de la loi Agraria. Mais de ces douze harangues, la troifième, la cinquième, la fixième Sc les deux dernières font enrièrement perdues, Sc quelques-unes des autres font venues jufqua nous fort imparfaites. II publia aulfi dans le même tems une traduction en vers latins des Prognoftics d'Aratus, qu'il promet a Atticus de lui envoyer (a) avec le volume  de Cicéron, L i r. IV. 6$ de fes harangues confulaires. II ne nous refte que deux ou trois petits fragmens de eet ouvrao-e. Mais ü étoit appelé par les conjondures \ des occupations plus tumultueufes. Clodius, dont la haine cherchoit depuis long-tems I fe fatisfaire par une vengeance fignalée, commencoit a faire eclater le fyftême qu'il avoit médité. Son projet «oit de parvenir au tribunat, & d'employer tous fes efforts dans eet office pour chalfer Cicéron de Kome, a 1'aide de quelque loi qu'il {a) ef éroit de fa.re goüter au peuple. Mais comme 1'anci-n ufage excluoit les patriciens du tribunat, fa première démarche fut de fe réduire au rang des plébéiens, en fe faifant adopter par une maifon pJébéienne.Cette affaire appartenoitau peuple. C'étoit un cas fans exemple , & contraire a toutes les formesétablies; un cas qui renfermoit des contra- bus, qu* Plnhppic^ominantur, enituerat civis «Je tuus DemoOenes, e> quod fe ab hoe refractariolo judiciali dicend. genereabjunxerat, ut Tttij „AlTIK-T vide. retur, curare ut mes quoque effent orariones qua: confulares nominarentur. Hoe totum ™^ curabo ut habeas . & quomam te, cürn fcripta, tum res mea> delectant iifdem üb„s perfpicies & qu, gef[etlm , & qU£e dixerim.'^ 121° ,nP^noRkamea' cu<* oratiunculis prope-diem («) mi autem „on fimulat, fed plane tribunus plebis nen cupit. Ad Att. %, i. Tome IL _ E An. de R, 653. Cicer, 47. Coss. Q. C/ECItlus MerEiLus Celer. i~ Afra-  An. de R. 69?. Cicer. 47Coss.Q. C*CII1US METELLUS CEIER. l. Afra- MUS. g6 Hisioiki de laVie dito fur chaque article, & qui ne conduifok l aucune des fins qu'on devoit fe ptopofer dans les adoptions régulières. Auffi parut-ü | extravagant dès la première propofmon , quil ne fut point écouté férieufement, & qui Lieté avec mépris, s'il n'eüt été fecretement foutenu par des perfonnes d'un autre poids que Clodius. Céfar s'étoit chargé du fucc s. Pompee même avoit part a 1'intrigue ; non qu d fouhauat la ruine de Cicéron, mais il chetchoit a le mettre dans fa dépendance; & s'il ny pouvoit parvenir5ouleforcerdu moins a demeurer tranlnüe ,il étoit bien-aife de fe fervir de Cloebus pour le fatigue, Le tribun Herennius homme d'une naiffance obfcure ,mais d'un caractoe hard,, futle premier qui ouvrit cette propofmon dans 1'alfemblée du fénat & dans celle du peuple. II y trouva fi peu d'encouragement, que,1e comul Metellus(.),quoiquebeau-frèredeClodms sy oppofa de toute fa force , & protefta meme dans l^préfence des fénateurs, . qu'il le ***** , mo!n mie (b) de fouffnr jamais » de fa propre mam , que w i {a) Verum prsclare Metellus impedit & impediet. % ) Qui conful incipientem furere atque conantern fuaVe rnanu interfedurum audiente fenatu tont. Pro Ceel. 14.  de Cicéron, Lik, Iym g? »> qu'il apportat cette tache dans fa familie ». Cependant Herennius ne fe relacha point, & fes follicitations durèrent tout le refte de 1'année. Cicéron affecta de traiter cette entreprife avec toutle mépris quelle méritoit, raillant quelquefois Clodius avec beaucoup de finelfe & d'agrément, &c lui donnant quelquefois fes avis avec autant de gravité. II lui dit un jour en plein fénat que fes delfeins lui caufoient peu d'inquiétude, & que la qualité de plébéien ne lui donneroit pas plus de facilité pour renverfer la république, que les patriciens de fa forte n'en avoient trouvé (a) pendant fon confulat. Mais quoiqu'il affectat cette apparence de tranquillité, il relfentit alfez d'inquiétude pour fe croire obligé de s'unir plus étroitement que jamais avec Pompée, & de s'en faire un appui dans les nouvelles agitations dont il fe voyoit menacé. Son bonheur voulut que, dans le même tems, Pompée qui n'étoit pas non plus fans alarmes du cöté du fénat, eut le même emprelfement pour s'unir avec lui, & ne le crüt pas moins nécelfaire a fes intéréts. Cependant, Cicéron fe figurant qu'aux yeux de quantité de (a) Sed neque magnopere dixi elTe nobis laborandum, quod nihilt. magis elTet ei liciturum plebeio remp. perdere, quam fimilibus ejus, me conful-e, patriciis eflet liciturn. Ad Att. E ij An. de R. . 693. Cicer. 47. Coss. Q. C^crrius Metellus Celer.P Afra- nius.  An. de R. e9i. Cicer. 47. Coss. Q. CffiCI1IUS metellus Celer.L. Afra- NIUS, la) Cum hoe me tanta familiaritate conjunxi, ut uterque noftrum in fua ratione munitior & in rep. ferahac coniunftione effe poffit Et fi iis novis amtc.ms.m- pKcati fumus , «t crebro mihi vafer Ule fieulus tnfufurret Epicharmus cantüenam illam fuam ^ , &c. M Att. I , 19- (£) Ibid. 1, 10. Histöire de laVië perfonnes dont il vouloit ménager l'eftirne, cette démarche pourroit palier pour une défertion de fes anciens principes, prit toutes les occafion» d'expliquer fes motifs a fon cher Atticus. II lui déclare dans une de fes lettres (a), que depms 1'abfolution de Clodius, & 1'aliénation des chevaliers, depuis quecesgensheureux, qui aimoient tant leurs étangs & leurs carpes, faifoient paroïtre ouvertement l'envie qu'ils lui portoient, il avoit cru devoir chercher de nouvelles relfources & un plus ferme appui ; que dans fes nouvelles liaifons , il n'oublieroit pas ce refrein du rufé ficilien Epicharmus, qui venoit fouvent lui dire a 1'oreille : Veille^ & fouvene^-vous de ne pas croire facilement; cefl en quoi confijle la prudence.V&ns une autre (i>) occafion il obferve, que fon union avec Pompée , quoique fort utile pour lui-même, 1'eft encore plus pour la république j qu'en fixant en fa faveur les fentimens irréfolus d'un homme dont le crédit & le pouvoir  t> ê Cicéron, L i y. IV. 6$ étoient fi grands, il croyoit parer autant les coups qui menacoient 1 'état que ceux qu'on vouloit lui porter; que s'il n'eüt pu former cette liaifon fans marquer de la légèreté , il n'y avoit point d'avan- ; tage qu'il eut voulu acheter fi cher; mais qu'il s'y étoit pris fi bien, que loin de s'être fait tort en s'attachant a Pompée, Pompée s'étoit fait honneur en fe déclarant pour lui.... que depuis la mort de Catulus, il étoit refté feul dans le bon parti, fans appui, fans fecond; car, fuivant le proverbe de Rhinton, les uns, dit-il, ne font bons d rien i & les autres ne fe foucïent de rien; que rien n'étoit capable néanmoins de ie détacher des intéréts du fénat, non-feulement paree qu'il y trouvoit celui de la juftice & le fien , mais encore paree qu'il étoit content des marqués de confidération qu'il en recevoit. fa) Dans une troifième lettre, il lui dit: Vous me reprochez doucement ma liaifon avec Pompée ; mais ne croyez pas que j'aie recherché fon amitié , paree que j'avois befoin de lui pour me foutenir ; c'eft que les affaires étoient au point, que s'il y avoit eu entre lui & moi la moindre diifention, il en feroit arrivé de trèsgrandes dans Ia république. Pour les prévenir, je me fuis conduit avec tant de ménagement, que fans me démentir en rien , j'ai rendu Pompée O) Ibid, E iij An. de Ri Cicer. 47. Coss. Q. CfcCl- -1us Mb- rEixus Celer. L. Afra•aus. /  An. de R. «95. Cicer.- 47. Coss. Q. Cracilius Metellus Celen. L. Afranius. (a) Quetn de meis rebus, in quas multi eum ïncitaTant, multo fcifo gloriofius quam de fuis prsdicare; fibi enim bene geftse, mihi confervats reip. dat teftimonium. Ibid. ïi. 70 HlSTÓIRE D E LA VlE meilleur, 8c moins dévoué aux caprices du peuple. II parle a préfent de mes actions, contre lefquelles tant (a) de gens s étoient efforcés de le prévenir, avec plus d'éloge que des Hennes ; jufqu'a me rendre ce témoignage, que s'il a bien fervi 1'état, je 1'ai fauvé. Je ne fais quel avantage j'en -dois efpérer moi-même •, mais je fais bien que c'en eft un grand pour la république ; & fi je pouvois réuflir de même auprès de Céfar, qui a le vent aujourd'hui fi fort en poupe, rendrois-je un mauvais office au public? Je dis plus, continue-t-il, quand je ferois a couvert de 1'envie, quand tout le monde s'accorderoit a me rendre juftice, ne vaudroit-il pas mieux guérir les parties malades de la république , que de fe mettre dans la néceffité de les couper ? A préfent donc que nos chevaliers , qui pendant mon confulat & fous votre conduite s'étoient déclarés fi hautement pour Ie fénat, ont pris le parti de s'en détacher , a préfent que nos grands mettent tout leur bonheur 8c toute leur gloire a voir dans leurs étangs de vieux barbots qui viennent manger a la main , 8C ne s'embarraflent de rien moins que des affaires  de Cicéron, Li v. IV. 71 de 1'état, croyez-vous qu'on m'ait de médiocres obligations, li j'ötel'envie de nuire a ceux qui en auroient le pouvoir? Pour ce qui eft de Caton, ajoute-t-il, fi vous 1'aimez, je ne 1'aime pas moins. Mais je remarque qu'avec les meilleures intentions du monde, & malgré tout fon zèle , il gare fouvent les affaires; (a) car il opine devant la canaille de Rome comme on feroit dans la république de Platon. Quoi de plus jufte que de faire le procés a des juges qui fe font taillés corrompre ? Caton le propofa , &c le fénat y confentit. Cependant les chevaliers en ont pris occafion de fe déclarer auffitöt contre cette compagnie, Sc non pas contre moi, qui n'avois pas été de eet avis. Quoi de plus impudent que la demande des fermiers de la république qui vouloient être déchargés de leur bail ? cependant il falloit elfuyer cette perte plutöt que d'aliéner 1'ordre équeftre. Caton s'y eft oppofé. II 1'a emporté a la fin. Auffi lorfqu'on a mené en prifon le conful Metellus, Sc dans (b) toutes les f a ) Nam Catonem noftrum non tu amas plus quam ego. Sed tarnen ille optimo animo utens & fumma fide, nocet interdum reip. dicit enim tanquam in Platonis politeia , non tam quam in Romuli foece fententiam. Ad Att. 1, i. (b) Reftitit & pervicit Cato. Itaque nunc, confule in carcere inclufo , fa?pe item feditione commota, afpiravit nemo eorum, quorum ego concurfu , itemque conlules qut poft me fuerunt, remp. defendere folebant. Ad Att. i, 1» E iv An. ie R. 695. Cicer. 47. Coss. Q. C/ecilius me- iellusCeler. L. Afranius.  An. de R Cicer. 47, Coss. Q. Cmc L1US Ml TELLUS O LER. L. AFR/ N1US. (a) Jura ipforum permuTu flatuerit, inveteratam quandam barbariem ex gaditanorum moribus & difciplina dalerit. Pro Balb. 19. Pacataque provincia pari feftinatione non expeftato iucceiïbre , ad triumphum fimul confulatumque deoeflit. Sueton. J. Cmf. 18. Dio. liv. 37 , p. 54- 72 Hisï di'Sï dé CA V11 émotions populaires qui font arrivées depuis, aucun chevalier n'a remué; au lieu que pendant mon confulat & fous mes fucceffeurs, on s'en étoit ; fervi utilement pour les oppofer aux féditieux. Faut-il donc les payer, direz-vous, pour les engager a faire leur devoir ? II le faut bien, fi 1'on ne peut les gagner autrement. Aimeriez-vous mieux que nous nous millions a la merci des affranchis, ou même de nos efclaves ? Au milieu de ces agitations , Jules-Céfar revint de fon gouvernement d'Efpagne, qu'il avoit obtenu en quittant la préture. Sa conduite politique & fes talens militaires lui avoient fait une égale réputation. S'il avoit (a) conquis des nations barbares par la force des armes, il les avoit civilifées par fes loix ; & fatisfait d'avoir étendu 1'empire romain jufqu'a l'Océan, il revenoit a Rome , fans avoir eu ïa patience d'attendre un fuccelTeur, pour folliciter le doublé honneur du triomphe & du confulat.' Mais ces deux prétentions étoient incompatibles, car 1'une rendoit fa préfence nécelfaire dans la  de Cicéron, Lik. IV. 73' ville, & 1'autre 1'obligeoit d'en être dehors. S'étant bien appercu que le fénat n'étoit pas difpofé a violer la loi en la faveur, il préféra (a) le folide au brillant, par le patti qu'il prit de facrifier le triomphe au confulat. II fouhaitoit que L. Luncius put devenir fon collégue , & la feule condition dont il fit dépendre 1'offre qu'il lui fit de fon crédit, fut qu'étant fort riche, il fourniroit les fommes néceffaires pour gagner les centuries. Mais le fénat, qui redoutoit toujours fes deffeins, & qui prévoyoit qu'avec un collégue fi dévoué a fes ordres fon pouvoir deviendroit encore plus dano-ereux , fe déclara pour Bibulus, autre candidat, & contribua même en commun a le mettre en état d'acheter les fuffrages (b) auffi cher que fes compétiteurs. Suétone afiure que Caton même ne s'oppofa point a cette conduite. Elle réuffit, par 1'élection de Bibulus, homme d'un zcle ferme, &c ( a) Dio. ibid. (b) PacTus ut is, quoniam inferior gratia eiïèt, pecuriaque polleret, nummos de fuo , comm::ni nomine , per centurias pronunciaret Qua cognita re optimates, quos metus ceperat nihil non aufurum eura in fummo niagiflratu , concordi & confentiente collega , auétores Bibulo fuerunt tantumdem pollicendi: ac plerique pecunias contulerunt, ne Catone quidem abnuente eam larg;tïonem è rep. fieri. Sueton. ibid. 19. An. de R. «95Cicer. 47. Coss. Q. Cjeci- lius me- rELLus Celer.l. Aera- NIUS.  'An. de R. £93. Cicer. 47. Coss. Q. Cjecii.ius Metellus Ce- 1EK. Afra- nius. («) Plutarq. Vie de Céf. App. de Bell. civ. 2 , pi 431. Suecon. 16, 28. 74 HlSTOI KI DE LA VlE capable d'arrêter tous les ambitieux projets de fon collégue. En partant pour 1'Efpagne, Céfar, importune par fes créanciers, avoit engagé Cralfus a fe rendre fa caution pour la fomme de deux millions, qui lui manquoient, difoit-il agréablement, pour n'avoir pas (a) un fou de bien. L'efpérance de Cralfus en acquérant ainfi fon amitié, avoit été de fe mettre en état de faire tête a Pompée dans 1'adminiftration publique. Mais Céfar , qui faifoit depuis long-tems fa cour a Pompée, & qui travailloit a le détacher de Cicéron & du parti ariltocratique, pénétra aifément que dans les conjonctures fon union avec Craffus ne le feroit pas parvenir d fon but, s'il n'engageoit Pompée a fe lier avec eux. Ainfi, fous prétexte d'accorder Pompée & Craffus qui avoient été conftamment snnemis, il forma Ie proiet d'une triple ligue, par laquelle ils s'obligeroient tous trois a foutenir réciproquement leurs intéréts, & a ne rien entreprendre que de concert. Les 'refus & les mortifications que Pompée avoit nouvellement effuyés de la part du fénat, 1'y firent aifément confentir. Voila ce qu'on appelle communément le pre-  de Cicéron, Lik. IV 75 mier triumvirat, & ce qui n'étoit effeétivement qu'une pernicieufe confpiration des trois plus puitfans citoyens de Rome , pour arracher par la violence ce que les loix ne leur permettoient pas d'obtenir. Le principal motif de Pompée étoit de faire confïrmer fes aótes pendant le confulat de Céfar : celui de Céfar, de travailler pour fa propre gloire en contribuant a celle de Pompée ; Sc celui de Cralfus, de prendre enfin par le fecours de Pompée Sc de Céfar, eet afcendant auquel il ne (a) pouvoit parvenir par fes propres forces. Mais Céfar. qui étoit 1'auteur du fyftême , prévit aflëz clairement qu'il en recueilleroit feul tout 1'avantage, E favoit que fous les plus belles apparences de réconciliation il refteroit toujours entre les dem autres une jaloufie fecrète, effet nécefiaire de leu ancienne inimitié; Sc comme il étoit für qu'avei leur affiftance commune il s'élèveroit au-delfus d tous les auttes romains, (b) il efpéroit aufiï qu'ei (a) Hocconfilium Pompems habuerat ut tandem afta ;n tranfinarinis provinciis per Caffarem confirmarentur confulem: Csfar autem quod anhnadvertebat fe cedendo Pompeii gloria aufturum fuam , & invidia communis potende in illum relegata confirmaturum vires fuas; Craffus, ut quem princJpatum folus affequi non poterat, audoritate Pompeii , viribus teneret Csfaris. Veil. Pat. 1, ( b ) Sciebat enim fe alios facile omnes ipforum auxi- An. de R. Cicer. 47Coss.q. Cmci- iius metellus Celer.L. Afra- n1us. I  An. de ft. 69i. Cicer. 47. Coss. Q. C/eciiius me- TEILUS CEXEr. C AfraMUS. I ] ] 1 i 1 < r c ï ho, deinde ipfos etiam, unum per alterum, haud multo poffea fuperaturum eflè. (a) Inter eum & Cn. Pompeïum & M. Craiïum intta potentia: focietas, qua> urbi orbique terrarum, nee minus , diverfo quoque tempore, etiam ipfis exitiabilis fuit. Ibid*. ■ • • • Tu caufa malorum Facta tribus dominis communis Roma. Lucan. r, 8f<, 76" HlSTOIRE DE LAViE les excitant adroitement 1'un contre 1'autre, il fe rendroit enfin fupérieur a tous les deux. Ce fut pour fortifier cette union par des nceuds encore plus étroits, qu'il donna Julia fa fille en mariage a Pompée, & tous les écrivains de Rome font regarder (a) eet événement comme 1'origine de toutes les guerres civiles, qui ne fe terminèrent que par le renverfement de la république. II n'y avoit point de conditions auxquelles les rriumvirs ne fe fuffent foumis pour faire entrer licéron dans leur ligue. II leur manquoit un ïomme de ce caraótère, dont 1'autorité étoit ca)able de foutenir leurs intéréts & de ménager eurs affaires a Rome, tandis qu'ils feroient enga;és dans les gouvernemens des provinces , ou dans e commandement des armées. Céfar qui fentit Ie quelle importance il étoit de 1'attacher a fon arti, ou plutót de fe 1'attacher a lui-même par uelque traité particulier, ne fut pas plutót en offeffion du confulat, qu'il lui fit offrir par Bal-  de Cicékon, L i r. IV. 77 bus leur ami commun, de ne fe gouverner que par fes confeils & par ceux de Pompée , (a) auxquels il s'efforceroit auffi de porter Cralfus a join- dre les hens; mais Cicéron etoit aulli eloigne de TE11US CE nrêrer 1'nreille aux oroDofitions narticulières de 1E?" «_„. Céfar, dont les intentions lui avoient toujours N1US' été fufpecbes, que d'entrer dans une ligue qu'il déteftoit. Pompée lui paroilfant des trois le meilleur citoyen, & celui dont non-feulement les vues étoient les moins dangereufes, mais dont le caractère étoit le plus doux & le plus traitable, il fe figura qu'une liaifon féparée avec lui fuffiroit pour le mettre a couvert de la malignité de fes ennemis. Cependant il y trouvoit des difficultés : car en s'oppofant au triumvirat, il ne pouvoit efpérer de bien vivre avec Pompée ; & s'il entreprenoit de fervir tout a-la-fois le fénat & les triumvirs, il voyoit non-feulement la perte de fon crédit, mais fa ruine prefqu'infaillible. Entre deux extrêmités li dangereufes il prit enfin le feul parti qui ( a) Czfar ille egit conful eas res, quarum me participem elfe voluit. Me in tribus conjunöiflimis confularibus efTe voluit. De Prov. Conful. 17. Nam fuit apud me Cornelius , hunc dico Balbum Ca>faris familiarem. Isaffirmabat eum omnibus in rebus meo & Pompeii confilio ulïirum, daturumque operam ut cum Pompeio Craflurn conjungeret. Hic funt ha>c. Conjunetio mihi fumma cum Pompeio 5 fi placet, etiam cum Csfare. Ad Att. 1,3. An. de R. Cicer. 47. Coss. q. C^CI  An. de R. 69j. Cicer. 47. Coss. Q. Oecinus Metellus Celer.l. Afra- N1US. 7S HlSTOtRE PE LA VlE convient au fage, cc de garder un tel tempéra33 ment que fans (a) manquer a la république, il ï) fït encore plus d'attention a fes intéréts parti33culiers; & cela, dit-il, paree qu'il connoilToic 33 la foiblelfe des bons, 1'injuftice de ceux qui lui 33 portoient envie, & la haine qu'avoient pour lui 33 les méchans 33. Tel fut le fyftême de politique auquel il déploroit fouvent que la nécelfité des conjonctures feut forcé. Papirius Pcetus, un de fes intimes amis, lui fit préfent vers ce tems-la d'une collection de livres, qui lui étoient venus par ia mort de fon frère, Servius Claudius, favant diftingué dans un fiècle fi éclairé (b). Ces livres étoient a Athènes, oü vraifemblablement Servius étoit mort, & les termes dans lefquels Cicéron marqué fes intentions a Atticus, font connoitre 1'opinion qu'il avoit de ce préfent. cc Un honnête homme de mes amis, nommé 33 Papirius Pcetus , (c) m'a offert les livres que (a) Ibid 1, 19. (b) Servius frater tuus , quem litteratifTimum fuifle judico , facile diceret , hic verfus Plauti non efl. Epijl. famil. 9,16. (c) Papirius Poetus eft ce galant homme a qui Cicéron écrivit depuis plufieurs lettres qui font dans le neuvième livre des Familières, oü Ton voit qu'il entendoit a merveille la fine plaifanterie.  de Cicéron, L ik. IV. 7? * Servius Claudius lui a lailfés. Votre ami Cin» cius m'ayant alfuré que la loi qui porte fon 33 nom ne défendoit (a) pas de recevoir un pré» fent de cette nature, j'ai fait réponfe que je 331'acceptois avec plailir. Je vous prie donc, li 33 vous m'aimez & li vous comptez que je vous =3aime, d'employer vos amis, vos cliens, vos 33 hötes, vos affranchis 8c vos efclaves, pour em33 pêcher qu'il ne s'en perde un feuillet. J'ai extrê33 mement befoin des livres grecs que j'efpère y 33 trouver, 8c des latins que je fais qui y font. Je 33 me donne tous les jours de plus en plus a ces 33 fortes d etudes, qui me délalfent du barreau. 30 Vous me ferez un fenfible plailir d'apporter a 33 cette commiflion tout le foin que vous avez cou33 tume de donner aux affaires qui m'intérelfent 33 le plus 33. Pendant que Cicéron paflbit la fin de cette année a la campagne, Cyrus fon architedte achevoit quelques batimens qu'il avoit fait ajouter a fa maifon du mont Palatin. Atticus qui arrivoit (d) C'eft une plailanterie qui roule lur ce que Cincius étoit également le nom de Pagent d'Atticus & celui du tribun qui avoit fait pafter une loi par laquelle les donations faites a d'autres qu'a des proclies, étoient limitées a une certaine valeur. Cicéron fe fert donc, en plaifantant, de 1'autorité de Cincius, comme s'il devoit mieux entree qu'un autre dans l'efprit d'une loi qui portoit fon nom. An. de R. 69). Cicer. 47. Coss. Q. Oeci- lius me- teiix's Ce ler. L., Aera-, n1us.  An. de R. Cicer. 47. Coss. Q. Cjeci- L1US METELLUS CEIER. L. Afra- NHJS. ( a) On voit que c'eft encore ici un jeu de mots. ( b) II y a dans le te;ae viridariorum £la^amu &c. C'eft ainfi du moins que Lambin, Bofïus & Gra:vius lifent aptès les meilleurs manufcrits. Quelques éditions portent radiorum , & cette lecon a pu venir de ce que les copiftes ou les éditeurs n'ont pas compris le fens de 1'autre lecon ; car il n'eft que trop ordinaire aux critiques de le trop prefler de changer le texte au lieu de s'attacher a 1'entendre. Viridariorum £ia.tfa.-rii; fignifie la repréfentation des objets extérieurs au travers des fenêtres qui donnent fur les jardins ou fur la campagne : car Vitruve obferve qu'on tournoït les maifons ce marière que les principaux appartemens eufTsnt la vue fur les jardins. 33 VOUS 80 HlSTOIRE DE LA VlE alors d'Arhènes, biama beaucoup 1'ouvrage, parcé qu'il trouvoit les fenêtres trop petites; fur quoi Cicéron lui fit une réponfe badine, qui étoit une raillerie agréable de 1'objection d'Atticus &c des raifonnemens ordinaires des architectes: cc Sachez, 33 lui dit-il, qu'en trouvantmes fenêtres trop étroi33 tes, vous vous faites une affaire avec (a) Cyrus; 33 heureufement ce n'eft qu'avec l'architec~te. Je 33 lui ai déclaré que j'étois du même avis que vous, 3» mais il m'a fait voir que des fenêtres larges ne 33 faifoient pas un li agréable effet (b) pour la vue. 33 Effectivement, qu'A foit 1'ceil qui voit, B Sc C 331'objet qu'il voit, D Sc E les rayons qui vont 33 de 1'objet a 1'ceil, vous comprenez bien le refte. 33II eft vrai que li la vilïon fe faifoit, comme.  de Cicéron, L i v. IV. 81 »» vous autres épicuriens le prétendez, par les fimu* 33 lacres qui fe détachent des objets, ces fimula33 cres (a) feroient fort preilés en paffanr par des 33 fenêtres étroites, au lieu que cette émifïion des 33 rayons vifuels fe fait aifément. Si vous trouvez 33 quelqu'autte chofe a critiquer dans mes bati33 mens , j'aurai toujours d'auffi bonnes raifons a 33 vous donner, a moins que je ne puilfe y remé30 dier a peu de frais 33. Rien n'étoit fi oppofé que les principes & les inclinations des deux nouveaux confuls. Mais quelque efpérance que le fénat eut concue de Bibulus , 1'expérience lui fit'bientöt connoitre que la balance n'étoit point égale, & que le pouvoir des triumvirs alloit renverfer infailliblement la conliitution de la république. Céfar parut tout d'un coup trop puilfant pour être arrêté par les oppofirions ordinaires & par 1'autorité des loix. II avcïït gagné fept des tribuns; Vatinius étoit le chef de ces mercenaires, & leur commiffion étoit (a) C'étoit le lêntiment d'Epicure, dont étoit Atticus» Ils croyoient que ces fimulacres étoient compofés de petits atomes qui fe détachoient des objets. L'autre lêntiment étoit celui des ftoiciens. II n'eft pas queftion ici de faire un commentaire phyfique , car on voit aifément que Cicéron ne prétend pas faire un railonnement férieux, & qu'il n'achève pas même celui qu'il n'a commencé qua pour badiner. Tome II, F An. de r. . »>*> Cicer. 48. Coss. C. juuus Cksar. M. Cal- PURNlUS Bibulus.  An. Je R. Cicer. 48. Coss. C. jul1us CJER. M. CAI- PURNIUS Bibulus. 8z HistoiREüelaVib de fe rendre maïtres des mes, de s'alfurer patriculièrement de toutes les avenues du forum, & dc s'y conferver toujours une fupériorité de forces fur toutes les factions oppofées. Clodius ne s'étoit pas refroidi dans eet intervalle fur le projet de fonadoption, & n'ayant pas manqué de faire dreifer une loi conforme a fes vues, il follicitoit continuellement le peuple de la revêtir de fon. autorité. Les triumvirs avoient fait entendre que leur delfein étoit de s'y oppofer ou du moins de demeurer neutres : mais ils obfervoient les mouvemens de Cicéron, pour régler leurs mefuresfur fa conduite, qu'ils ne trouvoient point auffi favorable a leurs deffeins qu'ils 1'avoient efpéré. II atriva que C. Antonius, collégue de Cicéron, qui avoit polfédé depuis fon confulat le gouvernement de la Macédoine , fut accufé de plufieurs fautes dans 1'adminiitrationde fa province, & qu'ayant été jugé coupable, il fut condamné a 1'exil perpétuel. Cicéron fut fon avocat : dans la chaleur de fes plaidoyers, il fit avec fa liberté ordinaire des plaintes fort vives du malheur des tems, & de 1'oppreffion de la république. Ce lanaaae convenoit trop a la conduite de ceux qui gouvemoientl'état, pour en faire trouver 1'appbcation fort obfeure. Céfar en fut informé auffi-tot, & les couleurs avec lefquelles on lui peignit ce«e offenfe,lui infpirèrent tant de rsffentiment quii  ce Cicéron, I/r, IV. 83 fte penfa qu'a la vengeance, L'afFaire de Clodius lui en ofFrit une occafion préfente. II alTembla immédiatement le peuple , & foutenii de Pompée en qualité d'augure, il fit palier i'acte d'adoption dans toutes les formes, trois heures après le plaidoyer (a) de Cicéron. En vain Bibulus, qui étoit revêtu auffi de la dignité d'augure, fit avertir Pompée qu'il étoit a obferver le ciel & a prendre les aufpices, fonótion pendant laquelle lesloix ne permettoient de traiter (b) aucune affaire devant ie peuple. Au lieu de faire attention a eet avis, il fe hata de donner a 1'acle toute la force qu'il pouvoit recevoir, en y préfidant. Auffi palfa-t-il fans oppofition ; &c ce fut ainfi, que 1'arc , comme Cicéron 1'appelle, qui étoit (c) bandé contre la (a) Hora fortaffe fexta diei quefius turn in judicio, cum C. Antonium defenderem, qusdam de rep. qux mihi viia funt ad caufam miferi illius pertinere. Ha;c homir.es improbi ad quofquam viros fortes longe aliter atque a me dicta erant detulerunt. Hora nona, illo ïpfo die, tu es adoptatus. Pro Dom. 16. Sueton. J. Ccef. zo. (£) Negaret fas eiïe agi cum populo , cum coelum £ërvatum fit. Quo die de te lex curiata lata efl~e dicatur, audes negare de ccelo eflè fervatum ? Adeft prxlèns vir fingulari virtute M. Bibulus : hunc confulem illo ïpfo die contendo ïèrvaffe de ccelo. Pro Dom. 1$. (c) Fuerat ille annus, tanquam intentus arcus in me unum , ficut vulgo rerum ignari loquebantur, re quidem F ij An. de Rt «54. Cicer. 48, Coss. C. juiius CJESAR. M. Cal- purn1us bibulus.  An. de R. 694. Cicer. 48. Coss. C. JULIUS C.KSAR. M. CALPURNIUSBlBUIUS. 84 HlSTOIRE DE LAVïE république beaucoup plus que contre lui, fut enfin, laché par les artifices d'un furieux. II ne lui refta plus le moindre doute des malheurs qui alloient fondre fur 1'état & fur lui; car la porte du tribunat étant ouverte a Clodius, il s'attendit a lui voir garder peu de ménagement dès fes premiers coups. Les titres d'adoption avoient la forme fuivante, & ne demandoient que le confentement du peuple pour acquérir la force & la qualité de loi: cc Citoyens, vous êtes fuppliés de vouloir que P. » Clodius foit déclaré, dans 1'intention & pour 30 toutes les fins de ia loi, auffi réellement le fils 3o de Fonteius que s'il étoit forti de fon corps 30 dans un mariage légitime •, & que Fonteius ait 30 fur lui le pouvoir de vie & de mort, comme 03 un père fa fur fon propre fils. C'eft, citoyens, 33 ce que vous êtes priés de confirmer, fuivant le 93 défir du fuppliant (a) ». II y avoit trois conditions nécelfaires pour ren- vera in univerfam rempub. traductione ad plebem furibundi hominis. Pro Sext. 7. (a) Les jurifconfultes & tous les écrivains modernes fondés (iir Aulu-Gelle, appelent cette efpèce d'adoption qui étoit confirmée par une loi du peuple, une adrogation. Mais il ne paroit pas que cette diftinftion fut connue du tems de Cicéron, qui en parlant de 1'acte de Clodius, ne le nomme jamais qu'un acte d'adoption.  DE ClCÉEON, L I V. IV. 85 dre ces actes réguliers. La première , que celui qui adoptoit fut plus agé que le fils d'adoption, 8c que non-feulement il eüt pafie lage d'avoir des enfans} mais qu'il n'en eüt point eu dans le cours ordinaire de la nature; en fecond lieu, que la leligion 8c la dignité des deux families n'en reculfent aucune altération ; enfin qu'il n'y eüt ni fraude, ni collufion , 8c qu'on ne fe propofat point d'autre but que les effets naturels d'une véritable adoption. La difcuffion de ces trois articles appartenoit au collége des prêtres : ils approuvoient la demande après une jufte délibération, elle étoit propofée aux citoyens qui faifoient leur féjour a Rome, & le fuccès dépendoit de leurs fuffrages. Mais on ne pouvoit porter aucune affaire a ce tribunal pendant qu'un augure étoit occupé des obfervations de fon emploi. II fe trouvoit dans 1'affaire de Clodius qu'aucune de ces conditions n'avoit été obfervée. On n'avoit pas même confulté le collége des prêtres. Fonteius, qui adoptoit, étoit un homme marié, qui avoit encore fi femme & des enfans, qui étoit d'une nailfanci obfcure, & dont lage ne paflbit pas vingt ans tandis que Clodius en avoit trente-cinq, & tenoi un des premiers rangs de Rome par la qualité d fénateur & par la noblefle de fa nailfance. D'ail leurs il ne paroilfoit point d'autre but que d'élu der la loi, qui regardoit les tribuns \ 8c Clodii F üj An. rleR. «94Cicer. 48. , Coss. C. JUL1US C.ESAR. M. CALPURN1USBIBULUS. ; ► t  'An. de R. . «s4Cicer. 48. Coss. C. julius Cxsar. M. CalruRNiusBlBUIUS, (a) Quod jus eft adoptionis, pontifices ? Nempe ut :s adoptet qui neque procreare jam liberos pofiït, & cum po-, iuerit, fit expertus. Qux denique caufa cuique adoptionis, quas ratio generum ac dignitatis, qua: facrorum , quxri a pontificum collegio folet. Quid eft horum in ifta adoptione qua:fitum ? Adoptat annos viginti natus , etiam mw nor , fenatorem. Liberorum ne caufa ? at procreare poteft, Habet uxorem ; fufcepït etiam liberos ; qux omnis ratio, pontificum, cum adoptavere , elfe debuit, 6\C, Pro Domad Pontïf. ij. 8 ff HlSTOIRE DE LA VlE en effet n'eut pas plutót remporté les fufFrages da peuple, qu'il fut émancipé, c'eft-a-dire, délivré par le père qu'il venoit (a) de fe donner, de toutes les obligations qu'il avoit contractées. Mais ces obltacles n'étoient pas capables d'arrêter Céfar, qui prenoit toujours la plus courte voie pour arriver a fon terme, & qui comptoit pour rien les formalités & les loix lorfqu'il fe croyoit alfez fort pour les méprifer. Un autre elfai de forces, qui exerca les deux confuls, regardoit la publicafion d'une loi agraire, « que Céfar avoit préparée pour faire diftri» buer les terres de la Campanie a vingt mille » pauvres citoyens, dont chacun n'avoit pas moins =• de trois enfans». Bibulus recueillit toute fa vigueur pour s'y oppofer, & parut au forum accom-pagné de trois tribuns & de tout le corps du fénat. Autant de fois que Céfar entreprit de recomman-  „e Cicéron, Lir. /r. 87 der fa loi, il infifta fur les raifons de la rejeter, en declarant quelle ne palferoit point fous fon confulat. De la chaleur des paroles on en vint aux coups i Bibulus fut indignement traite, les faifceaux furent brifés, on le couvrit d'ordures, fes trois tribuns furent blelfés, & tout fon parti abandonna le forum , chaifé (a) par Vatinius, qui fervit de chef a la faction de Céfar. Le tumulte eommencant a s'appaifer, Céfar engagea Pompée & Cralfus a fe montrer fur la tribune aux harangues, pour déclarer au peuple ce qu'ils penfoient de la loi. Pompée , après en avoir fait un Ion* éloge, protelfa pour conclufion que fi quelquur avoit la hardieffe de s'y oppofer avec 1'épée 1 fauroit la défendre avec fon bouclier. Crafiu ayant applaudi a ce difcours , prefik le peuple d la recevoir par de nouvelles inftances. Elle pafl ainfi (b) fans autre oppofition. Cicéron étoit at fent de la ville , mais il parle de eet incident ave la dernière indignation dans une lettre a Atticus & la conduite de Pompée qui avoit foutenu C< (a) Idemque tu, nomine Czfaris , clementiffirm atque optimiviri.fcelere vero atque audacia tua, M. Bibulumforo, curia, templis, locis publicis omnibus expublfes, inclufum domi contineres. In Vatin. 9- Dio. 38. Sueton. I' Ccef. *o. Plutarq. Vie de Pompée. (Jt) Db. ibid. 38, 61. F iv An. de R. Cicer. 48. Coss. C. JUL1US C^SAR. M. CaL- PURN1US BIBULUS. i 1 C 'y  An. de R. «34. Cicer. 48. Coss. C. JUL1US CAESAR. M. CaiPURNIUSBlEUIUS. ] 3 1 i 1 i 1 1 1 (a) CnKus quidem nofter, jam plane , quid cogitet, nefcit. Ad Att. 1,16, (b) Dio. ibid. (c) Ac poftero die in fenatu conqueflum, nee quoquarn reperto qui lïiper tali conflernatione referre aut cenfere alïquid auderet, in eam coegit deiperationem ut quoad poteflate abiret, domo abditus nihil aliud quam per ediöa. obiiunciaret. Sueton. J. Ccef. zo. 88 HlSTOIRE DE LA VlE far(cz) dans une fi odieufe entreprife, lui parolc inexplicable. Le fénat & tous les magiftrats s'obligèrent a 1'obfervation de cette loi par une claufe (péciale; & Caton même, après avoir déclaré publiquement (b) qu'on ne 1'y feroit jamais confentir, fut forcé de fe rendre. Le jour fuivant, Bibulus fit fes plaintes au fénat de la violence qu'il avoit efluyée ; mais :rouvant 1'affemblée fi froide & fi confternée , que jerfonne n'eut la hardiefle de lui répondre , il pric e parti ( croïtre fon pouvoir fans jaloufie, avoient trouve ce moyen de 1'éloigner avec honneur •, mais dans lëtat préfent de la république, Clodius fentoit trop bien fa propre importance pour facrifier a de fi légers avantafres les vues qu'il avoit dans le fein de Rome; & piqué au contraire que Céfar ne l'eut pas nommé entre les vingt commiffaires qu'il avoit chargés de la divifion des terres de Campanie, il étoit réfolu de ne pas quitter la ville fans avoir tiré quelque fruit de fon tribunat. Cicéron parlant de cette affaire a Atticus, lui marqué qu'il en a recu la nouvelle avec beaucoup de joie, &C le prie dën approfondir tous les reilorts. « Man» dez-moi, lui dit-il, tout ce que vous en pour» rez apprendre ou deviner, fur-tout (a) fi Clo» dius acceptera cette ambaflade. Avant que jëulfe zAu votre lettre, je le fouhaitois. Ce n'eft pas » afiurément que je craigne dën venir aux mains » avec lui. Comptez que j'y fuis tout préparé ; » mais il me paroiflbit que s'il s'eft fait un mé« rite auprès du peuple en fe rendant plébéien , il ( a) Ad Att. z , 7.  ?4 HlSTOIRE DÉ LAViË An. de R. '3 ne manqueroit point de le perdre par ia. Quoi Gcer.%8. 30 donc: lui aurai-je dit, vous êtes-vous fait plébéien c.Cjui.njs " Pour a^er &luez Tigraneï Eif-ce que les rois d'Ar- cemarCal- " m^me ne rendent pas le falut aux patriciens? Que purnius 3, vous dirai-ie f je m'étois bien préparé a tournet Bibulus. l 33 cette ambaflade en ridicule. Mais s'il la refufe, &c 33 -li fon refus offenfe comme vous me 1'écrivez, 33 ceux qui ont eu le plus de part a 1'acte de fon 33 adoption , eet incident nous prépare une belle 33 fcène. A parler fincèrement, on le maltraité un 33 peu trop. Premièrement, eft-il jufte qu'ayant 33 été feul d'homme dans la maifon de Céfar} il » n'ait pu fe faire mettre au nombre des vingt 33 que Céfar lui-même a choifis, Enfuite on lui 33 promet une ambaflade , & on lui en donne une 33 autre. Peut-être réferve-t-on pour Drufus le pi- 33 faurien , ou pour Vatinius le beau mangeur , 33 celle qui eft lucrative , pendant qu'on en donne 33 une oü il n'y a rien a gagner , & qui eft dans 33 le fond un honnete exil pour un homme tel 33 que Clodius, dont le tribunat devoit être pour 3> eux d'une fi grande refiburce. Aigriflez-le , je 33 vous prie , le plus qu'il vous fera polfible. On 33 ne peut fauv.er la république qu'en mettant la 33 divifion entre ces gens-ia, & le récit de Cu- 33 rio m'en donne quelqu'efpérance 33. Mais les évènemens firent bientót reconnoitre que cette apparence de querelle n'avoit été qu'un artifice;  DB'ClCÉB.ON,!**'. IF. 95 OU que s'il étoit arrivé entr'eux quelqu'altération, An. & R. elle n'avoit point été plus loin qu'il ne falloit pour ci£48. autorifer des bruits qui en trompant Cicéron & c> }VL\V3 tous ceux qui étoient fans défiance, pouvoient les m. Cal- engager dans une déclaration trop précipitée de ™» leurs°fentimens; fans compter qu'elle fervit a diminuer quantité d'obftacles que Clodius devoit appréhender pour fon éledion. Cicéron retourna a Rome au mois de mai, après sëtre procuré une entrevue avec Atticus, qui partit dans le même tems pour aller vifiter les terres qu'il avoit en Epire. Dans le rang oü étoit Cicéron , fi la bienféance ne lui permettoit pas de renoncer abfolument aux affaires publiques, il prit du moins la réfolution de n'y donner que les foins dont il ne pouvoit fe difpenfer, & de renouveler toute fon ardeur pour les exercices du barreau. Cette occupation étoit plus populaire, & lui faifoit beaucoup d'amis , fans 1'expofer a lënvie ni a la haine. II eut la fatisfadion de voir fa maifon auffi fréquentée que jamais, fon cortège auffi nombreux lorfqu'il paroilfoit en public & de maintenir fa dignité, finon avec 1'éclat qui convenoit a fes adions précédentes, du moins avec affez de (a) grandeur pour un tems d'oppreffion. Me tarnen ut oppreffis omnibus , non demifie ; ut tantis rebus geftis, parum fortiter. Ai Au. z, 18.  f)S HlSTOIRE DE LA V I É Atnde R. Entre les caufes qu'il plaida eet été, il défendie Cicer. 4g. deux fois A. Thermus, & une fois L. Flaccus , Coss. c juuus qui turent tous deux abfous. II nëft 'échappé au C?esar. tr M. Cal- ravage du tems que le dernier de ces trois plai- PURN1US i \ 1 i . . , BiEULus. ooyers, ou les chagnns qu il s etoit attires nouvell'ement par la liberté de fon ftyle, ne lëmpê-* chèrent point de mêler plulieurs réflexions hardies fur le miférable état de la république. L. Valerius Flaccus avoit été préteur pendant le confulat de Cicéron , & recut alors les remereïmens du fénat pour le zèle & la vigueur avec laquelle il avoit arrêté les complices de Catilina. II étoit accufé par Ladius, de vol & de rapine dans le gouvernement d'Afie, qu'il avoit obtenu en quittant la préture. Quintus Cicéron , qui lui avoit fuccédé dans cette ptovince,la polfédoit depuis deux ans, lorfqu'il recut de fon frère une lettre qui contenoit des avis admirables pour fon adminiftration. Les maximes de modération & d'humanité wies régies d'équité & de prudence, enfin tout ce-q^f peut fervir a la conduite d'un miniftre de 1'autorité fouveraine, y eft expofé d'une manière fi propre a faire le bonheur du genre humain, qu'elle mérite une place dans le cabinet de tous ceux qui gouvernent, fpécialement de ceux qui commandent dans les provincés éloignées de la cour, & qui a cette  de Cicéron, Liv. IK 57 cette diftance du fouverain , font plus fouvent ten- An de R, tés d'abufer de leur pouvoir. *s4. . . clcer- 4s- Enfin les triumvirs commencoient a fe faire Co.ss. • 1 o 1 - n 1 c- -Junius craindre & detelter ouvertement de tout le monde, c.esar. &c Pompée qui étoit le chef (a) de la ligue , purnius*1" fembloit avoir en proportion plus de part qu'un BlBULUS' autre a la haine publique. « Ainfi ces favoris du «peuple, dit Cicéron, ont (b) apptis aux gens » les plus modeltes a les fiffler ». Bibulus ne fe laf- foit point de les harceler par fes édits, qui étoient autant d'invectives contrëux & de proteftations contre leurs actes. Ces édits étoient recus avide- ment de la ville. Chacun en prenoit des (c) co- pies , & dans tous les lieux oü ils étoient affichés, la foule étoit fi grande qu'elle bouchoit le che- min. On élevoit Bibulus jufqu'au ciel, quoique («) Quifremitus hominum ! Qui iratï animi! Quanto in odio nofter amicus magnus! Ibid. 1,13. Scito nihil unquam fuifle tam infame , tam turpe , tam perxque omnibus generibus, ordinibus, a:tatibus ofFenfum quam hunc flatum qui nunc eft : magis me hercule quam vellem , non modo quam putarem. (b) Populares ifti jam etiam modeftos homïnes fïbilare docuerunt. Ibid. i*- fon ; a moins , dit-il, qu'on ne lui fit Fhonneur Cicer. 48. ' * . . .,, coss. Je penfer qu'a 1'exemple de Fabius il fauvoit leC. Junus r ^ 1 . Cjesar. tat par fon inaction ; car toute fa grandeur d ame wmM1" fe réduifoit a de puts fentimens, qui n'étoient d'auBibuius. cung uti,icé pour le bien pUbüc. Cependant fes édits causèrent tant de chagrin a Céfar, qu'il sëfforc* d'exciter la populace a 1'infulter dans fa maifon, & Vatinius (b) y donna 1'alfaut, quoique fans fuccès. Mais tandis que le public condamnoit& déploroit hautement tous ces attentats, fur-tout le jeune Curio a la tête de la jeune nobleife, il ne fe trouvoit perfonne qui entrepnc d'y apporter le moindre remède, dans la perfua-. Con oü 1'on étoit que la réfiftance auroit entrainé un (c) malfacre mutuel de tous les partis. (a) Bibulus in coelo eft, nee quare fcio. Sed ita laudatur quafi unus homo nobis cunctando reftituit rem. Ibid. 19. Bibuli autem ifta magnitudo animi in comitiorum dilatione , quid habet nifi ipfïus judicium , fine uila commenr datione reip. Ibid. 13. (3) Putarat C*far oratione ma pofte impelli concionem ut iret ad Bibulüm. Multa cum feditiofiffime diceret, vocem exprimere non potuit. Ad Att. 1, 11. Qui confulem morti objeceris , inclufum obfederis, extrahere ex fuis teftis conatus fis. In Vatin. 9. (c) Nunc quidem novo quodam morbo civitas montur \ Ut cum omnes ea qua: funt ada improbent, querantur,  de Cicéron, Lir. IV. L'inclination du peuple fe manifefta particulièrement aux théatres & aux autres fpectacles publiés , oü Céfar n'étoit plus recu qu'avec des applaudilfemens mornes, tandis que le jeune Curio n'y paroilfoit pas fans être auffi applaudi que Pompée 1'avoit été dans tout 1'éclat de fa gloire. Aux j'eux Apollinaires, le comédien Diphilus ayant dans fon röle quelques vers qui paroilfoient convenir au (a) caracfère de Pompée, on le forca de les répéter mille fois; & les cris, les mouvemens de faffemblée, redoubloient fi vivement doleant, varietas in re ulla fit, aperteque loquantur & jam clare gemant; tarnen medicina nulla afferatur ; neque enim refifti fine internecione polfe arbitramur. Ad Att. 2, 20. (a) Diphilus tragoedus in noftrum Pompeium petulanter inveétus eft : Nojlra miferia tu es magnus , coactus eft millies dicere : Tandem virtutem ifiam veniet tem' pus cum graviter gemes , totius theatri clamore dixit, itemque ccetera. Nam & ejufmodi funt ii verfüs ut in tempus ab inimico Pompeii fcripti eflë videantur. Si neque leges neque mores cogunt, & coetera magno cum clamore & fremitu dióta lunt. Ibid. 19. Valere Maxime, qui rapporte la même hiftoire, prétend que Diphile en prononc,ant ces paflages, étendoit les mains vers Pompée pour en faire remarquer 1'application ; mais il paroit par cette lettre de Cicéron , que Pompée étoit alors a Capoue, oü Céfar lui envoya un exprès pour 1'avertir de ce qui Ce paflbit a Rome. Valer. Max. 6, 2. Gij An. de R. 105 » créraire de Bibulus, lui avoit apporté un poi» gnard de la part même de ce conful ». On trouva fort ridicule, qu'un homme du caracbère de Vettius fit intervenirle conful, pour lui prêter un poi- ' gnard. Le jeune Curio ayant été appelé pour : répondre a la dépofition, le confondit tout d'un coup en lui prouvant qu'elle renfermoit des impoffibilités Sc des contradictions. II avoit déclaré que les jeunes nobles devoient attaquer Pompée fur le forum, le jour que Gabinius avoit donné un combat de gladiateurs , Sc que Paulus devoit être le chef de l'attaque; mais il fe trouvoit que dans ce tems-la Paulus étoit en Macédoine. Le fénat fit charger Vettius de chaines, par un décret qui défendoit de folliciter fa liberté fous peine d'être déclaré 1'ennemi public. Mais Céfar n'étoit pas de caraót-re a fe rebuter des premières difficulrés. Le lendemain il produifit Vettius au peuple, fur la tribune, pendant que 1'autre conful n'ofa s'y montrer. Ld, eet impudent laifia échapper tout ce qui lui vint a 1'efprit fur les affaires d'état. II retrancha Brutus de fa dénonciation, quoique dans le fénat il leut chargé très-fortement. II accufa d'autres perfonnes dont il n'avoit pas donné le moindre foupcon le jour précédent, comme Lucullus, avec qui il prétendit avoir entretenu des intelligences par 1'entremife de Fannius. II accufa auffi L. Domitius , An. Je R. 61,4. Cicer. 48. Coss. C JULITJS M. CM>URN1US31BULU!..  An. de K. 634. Cicer. 48. Coss. C. JULIUS CAESAR. M. CaLPURNlUS Bibulus. lOfT HlSTOIBE DE LA VlE ajoutant que c'e'toit de fa maifon qu'on devoit fortir pour fe jeter fur Pompée. II ne nomma pas Cicéron; mais ii aflura qu'un fénateur d'une grande éloquence & du rang confulaire, lui avoit dit qu'on auroit befoin d'un Servilius Ahala , ou d'un Brutus. Enfin ayant été rappelé par Vatinius, quoique le peuple füt déja congédié, il ajouta qu'il avoit oui dire a Curio que Pifon, gendre de Cicéron, & M. (e) Laterenfis étoient auffi du complot. Tous ces artifices nëurent pas néanmoins d'autre effet qu'une infinité dëntreprifes du même genre , qu'on voit échouer par un exces d'ardeur dans ceux qui les poufient. Le ridicule affemblage d'un trop grand nombre de circonftances impoffibles, fit juger a tout le monde que les accufations de Vettius fe détruifoient d'elles-mêmes Sc qu'elles n'avoient pas befoin d'autre réfutation. Céfar ne pouvant douter que fi 1'on faifoit le procés a ce miférable , toute 1'intrigue (b) ne füt bientot découverte , le fit étrangler dans la prifon. (cz) Ad Att.z,z4- In Vatin. n. Sueton. J. Ctef. zo. (3) Fregerifne in carcere cervices ipfi illi Vettio , ne quod indicium corrupti judicis extaret. In Vatin. 11. Ca> far defperans tam praecipitis confilii eventum , intercepifTe veneno indicem creditur. Sueton. J. Caf. zo. Plutarq. Vie de Lucullus.  de Cicéron, I/r. JT. 107 Le fénat tenoit comme en réferve un moyen de le mortifier. C'étoit de lui faire tomber a 1'expiration de fon confulat quelquëmploi de peu d'importance, tel que la furintendance des bois & des chemins, ou tout (a) autre office qui ne lui donneroit pas le pouvoir de nuire. La diltribution des provinces appartenant aux fénateurs par un ancien ufage & par une loi expreffe, le peuple n'avoit jamais donné d'atteinte a cette prérogative, &c la vengeance du fénat fembloit ainli fort alfurée. Mais Céfar, qui comptoit pour rien les droits & les ufages lorfqu'ils ne s'accordoient point avec fes intéréts, s'embarraffa peu de nuire a un corps dont (b) il étoit membre, & s'adreffant au peuple par 1'organe du tribun Vatinius , il fit palier une loi fans exemple , qui lui accordoit pour cinq ans la Gaule Cifalpine, avec 1'addition de 1'Illyrique. Ce fut une crueile atteinte au pouvoir du fénat. Le peuple, fans y penfer , fe trouva ainlï en polfeffion d'un droit qu'il n'avoit (a) Eandem ob caufam opera optimatibus data eft ut provincia: futuris confultbus minimi negotii, id eft, fylva; collefque decernerentur. Sueton. 19. {b) Tu provincias confulares quas C. Gracchus quj unus maxime popularis fuit, non modo non abftulit a Cemm , fed etiam ut neceffe effet quotannis conftitui, per fenatum decreta lege fanxit. Pro Dom. 9. An. de r. «94 Cicer. 48. Coss. C. Junus Cjesar. M. CAl- purnius bibulus.  An. de R. Cicer. 48. Coss. C. JULIUS Cbsar. m. CaL- PURNIUS BiBULUS. (a) Eripueras fenatui provincia; decerner.ds poteffatem , imperatoris deligendi judicium , acrarii difpenfationem , qua; numquam fibi pop. romanus appetivit, nunquam haec a fummi concilii gubernatione auferre conatus eft. In Vatïn. i<- (£) Initio quidem Galliam Cifalpinam, adjunfto llïyrico , lege Vatinia accepit : mox per lenatum , comatani quoque , veritis patribus ne fi ipfi negaiïent, populus êc hanc daret. Sueton. 11. 168 HlSTOIRE DE LA VlE jamais exercé , & (a) auquel même il n'avoit jamais prétendu. Les ienateurs s'appercevant que toutes leurs oppofitionsieroient déformais inutiles , ne firent pas difficulté (b) de joindre encore la Gaule Tranfalpine au gouvernement que Céfar s'étoit procuré malgré eux, & comme il leur avoit fait lui-même cette demande, ils fe hatèrent de la lui accorder par un décret, de peur que recourant encore au peuple, il n'établit trop bien une méthode fi contraire a leur autorité. Cicéron fut bientot expofé a des frayeurs plus perfonnelles de la part de Clodius, qui venoit d'être élu tribun fans oppofition. L'abfence d'Atticus étoit un autre fujet de chagrin qui les augmentoit, paree qu'ayant des liaifons particuliere? avec les Clodiens, il auroit pu rendre fervice a fon ami, foit en détournant Clodius de fes deffeins, foit du moins en trouvant le moyen de les appro-  de Cicéron, Lik. IV. ioj fondir. Cicéron le preflbit avec les dernières (a) inflances de fe rendre promptement a Rome. « Si «vous m'aimez, lui écrivit-il, aurant que vous i» m'aimez en effet, tenez-vous ptêt a partir au » premier figne \ mais je fais & je continuerai de » faire tout ce qui dépendra de moi pour vous 33 en épargner la peine Mes défirs {b) &C 3, mes affaires demandentégalement votre préfence. » Je ne manquerai ni de confeil ni de courage , 03 & je me croirai très-fort , pourvu que vous 33 arriviez a tems. Je fuis content de Varron. Pom- 33 pée parle divinement Que nëtes- 33 vous demeuré {c) a Rome, lui difoit-il dans 3» une autre lettre ? Vous y feriez demeuré fans 3» doute fi nous avions prévu tout ce que je vois. » Nous gouvernerions facilement Clodius , ou du 33 moins nous pourrions favoir quels font !es def33 feins. Pour le préfent, il s'agite , il sëmporte, 93 il ne fait ce qu'il veut; il menace bien des gens , 33 & ne frappera apparemment que ce qui fe trou- ( pas, je mën reiïèntirois de manière a faire con*» noitre a tout le monde que rien ne m'eft plus » cher que votre amitié. Clodius m'a fait bien « des difficultés ; mais a la fin il s'eft rendu , & « m'a promis de ne rien entreprendre contre mes « inclinations Cicéron rendant compte a Atticus de tous ces détails, lui difoit avec cette noble fimplicité de cosur qui s'accorde fort bien avec la prudence ; cc Pompée (a) m'aime & me ché« rit: Vous le croyez, me direz-vous! oui, je 53 le crois ; il me la entièrement perfuadé. Mais « puifque les politiques 8c les poëtes mêmes nous » avertifient qu'il faut fe tenir fur fes gardes, 8c » ne pas croire légèrement, je fais bien me pré» cautionner, car cela dépend de moi; mais il (a) Pompeius omnia pollicetur & Cefar : quibus ego credo ut nihil de mea comparatione diminuam. Ad Quint, Frat. r , z. Pompeius amatnos, carofque habet. Credfs! inquies: Credo ; prorfus mihi periuadet. Sed quia, ut video , pragmatici homines omnibus hiftoricis praceptis, verfibus denique , cavere jubent & vetant credere s alterum facio, ut caveam ; alterum, ut non eredam, facere non poflum. Clodius adhuc mihi denunciat periculum. Pompeius aflirmat non efle periculum, adjurat, addit etiam te prius occifum iri ab eo quam me violatum iri. Ad Att. z , zo. Fidem recepifle fibi & Clodium & Appium de me : hanc fi ille non fervaret, ita laturum , ut omnes intelligerent nihil fibi antiquius amicitia noflra fuifle, &c. Ibid. zz. Tome II. H An. de R. «94Cicer. 48. Coss. C. julius C/esar. m. Cal- purnius bibulus.  An. de R. «94. Cicer. 48. Coss. C. julius C.ksar. m. calpurnius. Bibulus. 114 HlSTOIRE DE LA VlE » ne dépend pas de moi de ne pas croire. Que » voulez-vous ? ajoute-t-il. II m'alTure fans cefle que » je n'ai rien I craindre , il me conjure d'étre » fans inquiétude , il ajoute même qu'il fe fera » plutöt tuer par Clodius que de fouffrir qu'il x entreprenne rien contre moi ». xMais quelque jugement qu'il fallüt porter alors de ce qui s'étoit paflé entre Pompée & Clodius, Cicéron s appercevant que Clodius tenoit aux autres un langage fort différent , & qu'il ne le menacoit que de guerre & de ruine , commenca enfin a prendre une jufte défiance de Pompée , & a préparer pour fa défenfe fes véritables forces, cëft-a-dire , le fénat, 1'ordre des chevaliers • 8c les honnêtes gens de toutes fortes de conditions, qui (a) étoient prêts a fe réunir pour fa défenfe , de toutes les parties de ïïtahë; Les affaires étoient dans cette fituation lorfque Clodius prit polfeffion du tribunat , oü fa première démarche fut de faire au conful Bibulus le même affront que Cicéron avoit (a) Clodius eft inimicus nobis. Pompeius confirmat eum nihil fafturum effe contra me. Mihi periculofum eft credere : ad refiftendum me paro. Studia fpero me fumma habiturum omnium ordinum. Bid. tt. Si diem Clodius dixerit, tota Italia concurret; fin autem vi agere conabitur, omnes fe & fuos liberos, & amicos, clientes, libertos , fervos, pecunias denique fuas pollicemur. Ad Q. Fr at. 1,1.  de Cicéron, l j r. iv. recu dans les mêmes circonflances, en ne lai permettant de parler au peuple que pour prononcer le ferment. Q. Metellus Celer, qui avoit obtenu après 1 fon confulat le gouvernement de la Gaule Cifalpine, auquel Céfar alloit fuccéder, mourut eet été a Rome, dans la fleur de fon age & de fes forces, & d'une mort fi fubite qu'elle fut foupconnée de violence. On ne fit pas difficulté de charger fa femme de ce crime. C'étoit Clodia; & livrée , comme on la connoiflbit, aux intri°ues & a la débauche, on fe perfuadoit aflez naturellement qu'elle avoit été capable d'empoifonner fon mari, autant pour venger fon frère de toutes les oppofidons qu'il avoit efluyées de la part de Metellus, que pour fe procurer plus de liberté dans fes commerces d'amour. Cicéron même 1'en accufa ouvertement dans fon plaidoyer. pour Ccelius, oü il fait une peinture fort touchante de la mort de fon mari, a qui il avoit rendu {a) une vilite dans fes derniers momens. (a) Cum ille tertio die , poflquam in curia , quam in roftris, quam in repub. floruiflet, integerrima state , optimo habitu , maKimis viribus, eriperetur bonis omnibus atque univerf» civitatl ; cum me intuens flentem , fignificabat interruptis atque morientibus vocibus quanta impenderet procella urbi , quanta tempeftas civitati, ut non tam fe emori quam lpoliarifuo prxfidio cum patriam, Hij An. de R, f9 4. Giceri 4S. Coss. C. Junuf M. CAI- >URNIUS J1BUIUS.  An. de R. 694. Cicer. 48. Coss. C. Junus C.KSAR. M. Cal- purkius Bibulus. tum etiam me, doleret.... Ex hac igitur domo progreffa illa muiier de veneni celeritate dicere audebit l Pro Ceel. 14. (a) Etnumquid novi omnino ? Cuïnam auguratus deferatur ; quo quidem uno ego ab iftis capi poflum. Vide levitatem meam! led quid ego hxc , qua: cupio deponere, & toto animo atque omni cura fc^os-ocpsiv ? fic , inquam , in animo eft. Vellem ab initio. Ai Att. z, f. L'auteur de 1'Exil de Cicéron lui prête ici une foiblefle & prend droit d'en faire des réflexions qui n'ont pas trop de fondement dans ce récit, p. 3Z. IIcT HlSTOÏRE DE LAViE Metellus, dont la voix étoit déja fans force, lui avoit annoncé 1'orage qui étoit pret a fondre & fur lui & fur la république ; & fon feul regret , en expirant, avoit été que fon ami & fa patrie fulfent privés par fa mort, du fecours qu'il auroit •pu leur donner dans une fi funefte conjoncture. La mort de eet excellent citoyen lailfant une place vacante dans le college des augures, Cicéron , tout éloigné qu'il étoit de briguer les faveurs du (^2) triumvirat, auroit accepté volontiers celle-ei fi 1'on eüt confulté fon penchant. Ecrivant de fa maifon de campagne a Atticus, qui étoit alors a Rome: « Marquez-moi, lui dit53 il, a qui 1'on deftine la place d'augure ? C'eft ao le feul endroit par lequel ceux qui gouvernent 33 pourroient me tenter. Je vous avoue ma foi33 bleflè. Mais après tout, pourquoi chercherois-  de Cicéron, Lxr. IV. 117 » je de nouveaux honneurs, moi qui veux renon» eer a toute ambition, & ne plus penfer qu'a la » philofophie ? j'y penfe tout de bon 5 & je vou» drois y avoir penfé plutót Cependant il parut enfuite que ce défir d'être augure n'avoit été qu'un premier mouvement , qu'il avoit comme jeté dans le fein d'un ami O) , avec lequel- il. s'entretenoit auffi librement qu'avec lui-même ,, mais qu'il rétracta auffi-töt: ear on ne fauroit douter que s'il eüt demandé cette place , il ne feut obtenue facilement; & dans une lettre a Caton , qui ne pouvoit ignorer la vérité du fait, il déclaré qu'il n'y a point penfé : ce qui femble d'autant plus fincère, que n'étant qua vingt milles de Rome, il ne quitta pas un moment fa £blitude pour aller faire les follicitations dont il n'auroit pu fe difpenfer, s'il 1'eüt défirée férieufement (b). Sa fortune paroilToit fort chancellante. Ses ennemis avoient gagné tant de terrein autour de lui: (a) Ego tecum tanquam rnecum loquor. Ad Attic 8,14. (b) Sacerdotium denique , cum quemadmodum te exif timare arbitror non difficillime confequi poflem, non ap petivi. Idem poft mjuriam acceptam ftudui quam ornatif iimè fenatus populique romani de me judicia intercedere Itaque & augur poftea fieri volui, quod antea neglexeram Eplft. fam. 15 , 4» H iij An. de R. Cicer. 48Co ss. C. JULIUS CJESAR. m. cal- PURMUS BIBULUS,  An. «Je R. «95Cicer. 49. Coss. L. CaJ-Pub- KIUsPlSON. A. Gaëi- *uus. («) Audieram ex fapien'iffimo homine Q. Catulo, non frepe unum confulem improbum, duos vero nunquam pofi Romam conditam , excepto illo Cinnano tempore „ fuilTe. Quare meam caufam fore nrmifTimarn dicere folebat, dum vel unus in repub. conful effet. Poft. red. in Senat. 4. (b) Confules fe optimè oftendunt. Ad Quint. fiat. ï, i. Tu mifericors me affinem tuum, quem tuis comitïis prarogative primum cuftodem prafeceras, quem kalendis januariis tertio loco fententiam rogaras, conftrictum inimicis reipublicK tradidifti. Poft red. in Senat. 7. In Pifo/i. $,». Cet acte d'autoriré , dont il n'y avoit point encore eu dëxemple, fut fuivi immédiatement d'un édit des deux confuls , qui défendoit aux fénateurs 1'exécution de leur dernier décret, & qui leur ordonnoit de reprendre l'habit ordinaire. Mais dans quelle hifloire trouvera-t-on un plus illuftre & plus glorieux témoignage de lëftime (a) (a) Quid enim quitquam peteft ex omni memoria fumere illuftrius , quam pro uno cive & bonos omnes privato confenfu , & univerfum fenatum publico confilio mutaffe veftem ? Ep. fam. 12. publique ,  de Cicéron, Lxv^IF. xi$ publique , que celui dont le fénat venoit d'honorer Cicéron ? Cependant la réfolution qu'il avoit prife de changer de robe avoit été imprudente ou du moins trop précipitée. Auffi contribua-t-elle beaucoup a fa perte. N'ayant point été nommé , ni perfonnellement attaqué dans la loi, il devoit confïdérer qu'elle n'étoit point injufte dans la généralité des termes , puifqu'elle avoit pour objet ceux qui avoient fait mourir un citoyen contre les loix. II n'y avoit rien a conclure de-la contre lui, du moins avant que d'avoir examiné s'il étoit dans le cas, & c'étoit la matière d'un proces. Ainfi par fa précipitation a fe reconnoïtre accufé, il épargnoit de 1'embarras a fes adverfaires, il ötoit ie courage a fes amis, & fa fituation devenoit beaucoup plus difficile ; au lieu qu'en affectant d'abord de regarder la loi comme une chofe qui n'avoit point de rapport a lui, & fe défendant avec fermeté lorfqu'on auroit entrepris de lui en faire 1'application , il pouvoit efpérer d'échapper a. la malignité de fes perfécuteurs. S'il reconnut fon erreur, ce fut malheureufément trop tard; &c dans (a) les plaintes qu'il fit a Atticus, il lui re- (a) Nam prior lex nos nihil lardebat; quam , ut eft promulgata , laudare voluiffem , aut, ut erat negligenda , negligere, nocere omnino nobis non potuifTet. Hic mihi primum meum confilium non defuit, fed etiam obfuit, Tome II. i An. deR. Cicer. 4j, Coss. l. Caipüb- musp(iON. A. Gabinius.  An. de R. Cicer. 49. Coss. L Caipur- niuspison. a. Gabinius. Goed, coeci, inquam , fuimus In veftitu mutando, in populo rogando; quod nifi nominatim mecum agi cceptum elTet, perniciofumfuit. Me, meos, meis tradidi inimicis, infpectante & tacente te , qui fi non plus ingenio valebas quam ego, certe timebas minus. Ad Attic. 3, xj. 130 HlSTÖIRE DE LAViË procha cc qu'ayant lëfprit plus libre de crainte , » il ne 1'eüt point empêché de commettre des « fautes fi groffières ». Comme le conful Pifon ne s'étoit point encore déclaré ouvertement contre lui , il fe fit accompagner de fon gendre , qui étoit proche parent de ce premier magiftrat, pour lui rendre une vifite. Son efpérance étoit encore de sën faire un défenfeur. Ils fe rendirent chez lui vers onze heures du matin •, & fuivant la defcription que Cicéron en fit au fénat, ils le trouvèrent fortant d'un petit cabinet fort mal-propre , avec la fraïcheur qui convenoit a la débauche dans laquelle il avoit paffe toute la nuit , fes mules aux pieds , la tête enveloppée , & 1'haleine fi puante de vin qu'il étoit impoffible dën fupporter 1'odeur. II leur fit des excufes de fon habillement, & de cette odeur de vin qu'il rejeta fur le mauvais état de fa fanté, qui 1'obligeoit a prendre des médecines vineufes-, mais il ne les retint pas moins dans ce lieu infecbé, jufqua la fin de leur vifite. Auffï-töt que Cicéron lui eut fait 1'ouverture de  t>E Cicéron, L i v. IV. 131 fes efpérances, ce vertueux conful répondit naturellement, que Gabinius étant fi pauvre qu'il n'ofoit fe montrer , il falloit qu'il demeurat ruiné fans refiburce s'il ne parvenoit point a. fe procu- 1 rer quelque riche province; qu'il en elpéroit une i de Clodius , & qu'il n'avoit rien a fe promettre du fénat: que pour ce qui le regardoit lui-même, il étoit obligé d'aider fon collégue , comme Cicéron avoit aidé Ie fien pendant fon confulat, & qu'il ne voyoit point au refte quelle raifon il avoit (a) d'implorer le fecours des confuls, puifque chacun étoit obligé de prendre foin de fes propres affaires. lis ne purent tirer de lui d'autre réponfe. Pendant ce tems-la Clodius ne demeuroit pas oifif. II pouffoit fa loi avec toute la vigueur dont fon caractire le rendoit capable, & convoquant l'affemblée du peuple au cirque flaminien , il y fit appeler auffi la jeune noblefie & les chevaliers qui avoient pris fi vivement les intéréts de Cicéron , pour rendre compte de leur conduite a 1'alfemblée. Mais au moment qu'ils parurent, (a) Egere Gabinium , fine provincia flare non poiTe; fpemhabere 2 tribuno plebis, 3 fenatu quidem defperafTe: hujus te cupiditati obfequi, (leut ego feciflem in collega meo: nihil efle quod prafidium confiilum implorarem j fibi quemque confulere opportere, (Sec. In Pifon, C. lij An. de R» Cicer. 49. Coss. .. CaipUB. (IusPison. A. Gabiaus.  An. de R. Cicer. 49. Coss. I. Calpur- miuspison. A. Gabinius. (a)Qui adeffe nobHiüïmos adolefcentes , honeftiffimos equites romanos deprecatores falutis me* jufferit; eofque operarum fuarum gladÜs & lapidibus objecerit. Pro Sext, ix. Vidi hunc ipfum Hortenfium, lumen & ornamentu.n reip. poene interfici fervorum manu; qua in turba Vibienus.fer.ator , vir optimus cum hoe quod effet una, ita efl mulftatus , ut vitam amiferit. Pro Milon. 14. lb ) Preffa voce & temulenta, quod in cives indemna. £os effet animadverfum, id fibi dixit gravis auctor vehementimme difplicere. Poft redit. in Sen. 6. Cum effes interrogatus quid fentires de confulatu meo , refpondes crudelitatem tibi non placere. In Pif. 6. Te fèmper trufericordem fuiffe. Poft red. in Sen. 7. lil HïSTOIRE DE LA Vlf il donna ordre a fes efclaves & a fes mercenaires defondre fur eux, les uns 1'épée a la main, les autres a coups de pierres. L'exécution fut fi brufque (a) qu'Hortenfius fut prefque tué , & que Vibienus , autre fénateur , mourut peu de tems après des bleiTures qu'il recut. Alors Clodius produifit les deux confuls, pour déclarer au peuple leur fentiment fur le confulat de Cicéron. Gabinius prononca avec beaueoup de gravité qu'il condamnoit fans exception tous ceux qui avoient mis un citoyen a mort fans lui avoir fait fon procés. Pifon dit feulement qu'il avoit toujours (£) été du parti de 1'indulgence , & qu'il avoit beaueoup d'averfion pour la cruauté. L'affemblée avoit été convoquée au cirque flaminien , qui étoit hors  de Cicéron, Lik. IV. i^s des murs de Rome , pour donner a Céfar la liberté d'y affifter. Le commandement militaire dont il étoit revêtu, ne lui permettoit point dëntrer dans la ville; mais ayant été prié d'expliquer fon avis fur la même queftion après les confuls, il déclara « que la forme des procédures contre » Lentulus & fes complices avoit été irréguliere » & contraire aux loix; ce qui nëmpêchoit point » qu'il ne condamnat le delfein de rappeler quel» qu'un au chatiment pour une fi vieilie offenfe ; » que perfonne n'ignoroit ce qu'il en avoit penfé, » puifqu'il s'étoit déclaré hautement pour la vie » des conjurés; mais qu'il n'approuvoit (a) point « qu'après un efpace de plufieurs années on fit „ une loi fur cette affaire ». II y avoit beaucoup dart dans cette réponfe , & rien ne pouvoit mieux convenir au röle que Céfar faifoit alors. Elle obligeoit Clodius, en confirmant le fondement de fa loi; 8c Cicéron pouvoit croire auffi qu'il y étoit traité avec modération : ou fuivant lëxpreffion d'un ingénieux écrivain , elle mettoit^d'un cóté (3) les apparences de fervice , & de 1'autrc la réalité. Dans la même aiTemblée , Clodius fit recevoir une autre loi qui mit beaucoup de changemeni (a) Dio. 38 , 69. tb) Exil de Ciséron, p. 133-. ï U) An. de Ri «95. Cicer. 49. Coss. L. calpur- siusPisonu A. GABI' n1us.  An. rle R. 695. Cicer. J9. Coss. t. Caipur- NIUSPlSON. A. Gabi- KIUS. (a) Iifdem confularibus fedentibus atque infpeetantibus, lata lex eft , ne aufpicia valerent, ne quis obnunciaret 5 ne quis legi intercederet; ut omnibus faltis diebus legem ferre liceret , ut lex jElia, lex Fufia ne valeret. Qua una rogatione quis non intelligat univerfam rempub. efla deletam Pro Sext. i) piquoir pas detre un con- ( a ) Nonne ad te L. Lentulus, L. Torquatus, M. Lucullus venit? Qui omnes ad eum , multique mortales oratum in Albanum obfecratumque venerant, ne meas fortu- nas defereret cum reip. fortunb conjunftas Se contra armatum tribunum pleb. fine confilio publico decertare nolle. Confulibus ex fenatus connjlto remp. defendentw bus , Ce arma fumpturum. In Pifon. 31. (b) Quid infelix , refponderis ? Te non efïè tam fortem, quam ipfe Torquatus in confulatu fuiïïèt, aut ego . nihil opus effe armis, nihil contentione : me poflè iterum An de r. Cicer. 49. Coss. ,. Calpuh- IUSPlSON. A. Gabi- I1US.  An. de R. 69$. Cicer. 49. Coss. !. CaipurNIUsPlSON. a. Gabinius. remp. fervare fi celTiuem j infinitam cx&em fore, fi reftïtiiTem. Deinde ad extremum , neque fe , neque generum, neque collegam fuum tribuno pleb. defuturum. Ibid. («) Is qui nos fibi quondam ad pedes proftratos ne 138 HlSTOIRE DE IA VlS » ful auffi ferme que 1'avoient été Torquatus Sc Ci» céron : qu'il ne voyoit pas d'ailleurs de quelle jj nécefilté il étoit d'en venir aux armes; qu'il dé» pendoit de Cicéron de fauver une feconde. fois =0 la république, en prenant le parti de s'éloigner; » que s'il s'obftinoit a demeurer a Rome , il y' 33 auroit vraifemblablement bien du fang de résspandu; mais qu'en un mot, ni lui, ni fon col33 lègue , ni Céfar fon gendre, n'abandonneroient 33 point les intéréts du tribun 33. Après tous ces refus, Cicéron efpérant plus d'effet de fes propres follicitations que de celles de fes amis, prit 1'humiliante réfolution d'aller faire lui-même un dernier effort fur 1'efprit Sc fur le cceur de Pompée. Plutarque raconte que Pompée fe déroba par une porte fecrcte de fa maifon, pour éviter de le voir. Mais il eft certain par le témoignage même de Cicéron, qu'il obtint la liberté de lui parler , & qu'ayant commencé a le prelfer de la manière la plus humble Sc la plus touchante, Pompée lui refufa nettement fon fecours, alléguant pour excufe la néceflité oü il étoit de ne rien faire contre 1'intention (a) de Céfar. Une fi trifte ex-    de Cicéron, L z r. IV. 139 périence convainquit Cicéron qu'il avoit a faire a des ennemis plus puilfans qu'il ne fe 1'éroit imaginéi II alfembla auffi-töt fes meilleurs amis dans le delfein de prendre une dernière réfolution par leurs confeils. La queftion fut réduite a ces deux points; s'il falloit demeurer a Rome & faire fervir les forces de fes amis a fa défenfe, ou prévenir l'effufion du fang , en fe retirant jufqua la fin de 1'orage. Lucullus fut du premier avis; mais Caton & Hortenfius fe déclarèrent abfolument pour 1'autre, & Pomponius Atticus en étant comme eux, cefut enfin celui qui prévalut, Cicéron abandonnale champ a fes ennemis, & fe dévoua volontairement a 1'exil. Avant fon départ, il prit une petite ftatue de Minerve qui étoit révérée depuis long-tems dans fa familie comme une efpèce de divinité tutélaire, &, 1'ayant portée au capitole, il la placa dans le temple de Jupiter, fous le titre de Minerve, proteürice de Rome (a). Ce fut pour marquer fans doute , qu'après avoir employé pour le foutien de fublevabat quidem, qui ie nihil contra hujus voluntatem facere poffe aiebat. Ad Att. 10,4. (a) Nos qui illam cuftodem urbis , omnibus ereptis roftris rebus ac perditis violari ab impiis paffi non fumus , eamque ex nogra domo in ipfïus patris domum detulimus. De Leg. 1,17, An. de r. 695. C>cer. 49. Coss. L. Calfur- NIUsPlSON. A. Gabi- nius.  An. de E. Cicet. 4J. Coss. L. CaLPURniusPison. A. Gabinius. T40 HlSTOIKE DE tï VlË la république toutes les forces de la prudence humaine, il étoit contrahit d'abandonner cette chère patrie a la protedion des dieux. II fortit de Rome après eet ade de religion , efcorté d'un grand nombre d'amis, qui, 1'ayant accompagné pendant deux jours, lui laifsèrent continuer fon chemin vers la Sicile. C'étoit le lieu qu'il avoit choifi pour fa retraite , & oü il efpéroit que fes anciens fervices lui procureroient un afile auifi sür qu'agréable.  de Cicéron, L i r. V. 141 LIVRE CINQ UIÈME. L A malheureufe alternative a laquelle Cice'ron s'étoit vu réduit, de perdre la vie ou de ruiner fa patrie, fuffit pour réfuter toutes les accufations ,de légéreté & de vanité qu'on a voulu fonder fur quelques palfages mal-entendus de fes écrits; car il paroït évidemment qu'en marquant plus de complaifance pour les triumvirs, &c en prêtant fon autorité pour le foutien de leur pouvoir, il auroit pu non-feulement prévenir le naufrage de fa fortune, mais fe procurer tous les honneurs qui auroient flatté fon ambition ; &C que Céfar n'eut point d'autre motif pour attirer fur lui cette tempête , que le relfentiment de lui avoir ( a) vu méprifer fes offres de fervice & fon amitié. C'eft ce que Cicéron déclara lui-même au fénat, qui n'en pouvoit ignorer la vérité. « Céfar , difoit-il dans 33 la fuite , avoit employé toutes fortes de moyens » pour lui faire prendre part aux actes de fon con«fulat; il lui avoit offert des commifïlons, des 3> lieutenances, de toutes fortes d'efpèces, avec ( a ) Hunc fibi contraxiffe videbatur Cicero quod inter XX viros dividendo agro campano efle nolujiTet. Vdl. Pat, %, lï^dd Ja. i, 9- An. de R. Cicer. 49. Coss. l. Caipur> niuspison, A. GABlt n1us.  An. de R. Cicer. 49. Coss. 1. CalpurNIUSPlSON. a. Gabinius. ( toribus de fuperioris anni a&is referentibus , cognicionem fenatui detulit; nee illo fufcipiente , triduoque per initas altercationes abfumpto , in provinciam abüt. Ad lecurita, tem igitur pofleri temporis in magno negotio habuit obligare femper annuos magittratus, & è petitoribus non alios adjuvare aut ad honorem pati pervenire , quam qui fibi recepiiïènt propugnaturos abfentiam tuam. Sueton. T. Ccef. »3- (b) Illi autem aliquo turn timore perterriti, quod acta ük atque omnes res anni fuperioris labefactari a prsetoribus, infirmari a fenatu, atque principibus civitatis putabant. An. ie R, 655. Cicer. 49, Coss. L. CalpvrNIUsPison,A. Gabxmius.  An. de R, «55. Cicer. 4j. Coss. I.. CaipurmusPison.A. Gabi- MXJS. tribunum popularem a ie alienare nolebant, fuaque fibi propiorapericulaeiTe quam mea loquebantur. Pro Sext. 18. (a) Non denique fuffragi; latorem in illa turn profcriptione quemquam , nifi furem ac ficarium reperire potuifli. Pro Dom. j 8. (b) Pro Dom. 18, 19, 10. Poft. red. in Senat. is der 144 HlSTOIRE DE la VI E Mais la haine de ce violent magiftrat n'étoiê pas fatisfaite de 1'exil volontaire de Cicéron. II manquoit a fa vengeance d'y joindre toutes les marqués d'ignominie qu'il croyoit capables defouiller la gloire d'un fi grand homme. Auflï-töt qu'il fut informé de fon départ, il convoqua au forum le peuple romain, car il affèctoit de donner ce nom a fes aflemblées, qui n'étoient compofées néanmoins que de miférables (a), parmi lefquels il n'auroit pu nommer un honnête citoyen. II leur fit recevoir une nouvelle loi, qui étoit concue dans ces termes s autant du moins qu'on en a pu recueillir les fragmens. cc Comme (b) il eft notoire que M. T. Cicét> ron a mis a mort des citoyens romains fans qu'ils » eulfent été entendus ni jugés, & qu'abufant dans 33 cette vue de 1'autorité du fénat, il a forgé un 3»décret, vous êtes fuppliés d'ordonner qiuil ait 33 interdit de 1'eau & du feu , que fous peine 3» de mort perfonne n'ofe le recevoir & lui accor-  De Cicéron, L;r. V. 145 k» der un afile, & que tous ceux qui propoferont 30 fon rappel, ouqui parleront, qui donneront leur sjfuffrage, enfin qui feront pour cela quelqu'autre 33 démarche, foient traités comme des ennemis 33 publics; a moins qu'ils n'aient commencé par 33 rendre la vie aux citoyens que Cicéron a faic 33 mourir injuitement 33. Cette loi 'a) avoit été dreiTée par Sept. Clodius, proche parent & premier miniftre du tribun, quoique Vatinius s'attribuat 1'honneur d'y avoir auffi mis la main , & qu'il füt le feul de 1'ordre des fénateursqui 1'eüt ouvertement approuvée. Du cóté de la matière ou de la forme , elle blelfoit égaiement toutes fortes de regies. i°. On lui donnoit mal-a-propos le nom de k>i. C'étoit uniquemenc ce qu'on devoit appeler a Rome privilegium ( b ), ou un acte contre un citoyen particulier 5 ce que les loix des douze tables défendoient expreflement, a moins que eet acte n'eüt été précédé de 1'inf- (a) Hanc tibi legem Sextus Clodius Icripnt Homini egentiflimo ac facinorofinimo S. Clodio, focio tui fanguinis Hoe tu fcriptore , hoe confiliario , hocmi- niftro remp. perdidifli. Pro Dom. 1, io, 18. Ille unus ordinis noflri, difceffu meo palam exultavit. Pro Sext. é4. (b) Vetant leges facrats, vetant XII tabula;, leges privatis hominibus irrogari: id efl enim privilegium, Pra Dom. 17. Tome II, K An. deR. 695. Cicer. 49. Coss. L. Calpur- NIUSPlSON. A. Gabi, nius.  An. de R. iSjj. Cieer. 49. Coss. L. Caipur- NIUsPlSON. A. Gabinius. (a) Non tullt ut interdicatur , fed ut interdictum fit.,. Sexte nofter, bona venia , quoniam dialecticus es ; quod faftum non eft ut fit factum, ferri ad populum aut verbis ullis fanciri, aut fuffragiis confirmari poteft ; 16 , 18. Quid fi i:s verbis fcripta eft ifta profcriptio, ut le ipfa diffolvat ? 16, 19. Ce paflage mérite 1'attention des grammairiens, qui ne mettent point de difFérence entre interdictum fit & inierdicatur, (b) Eft enim quod M. Tullius falfum fenatufconfultum retulerit. Si igitur retulit falfum fenatufconfultum , turn eft rogatio : fi non retulit, nulla eft. Pro Dom, 19, (c) Tulifti de me ne reciperer , non ut exirem paena eft qui receperit, quam omnes neglexerunt: eje&io rulla eft. Ibid. 10. 14 lui-même, puifqu'il n'y a point d'autorité fur »la terre, qui puilTe faire qu'une chofe qui n'a » point été exécutée, fait néanmoins été réelle» ment ». 30. La claufe pénale étant fondée fur une fuppofition manifeflement faulfe , qui étoit ( b ) que Cicéron eüt forgé quelque décret du fénat, il étoit clair qu'elle devoit tomber d'elle-même. 40. Quoique cette loi défendit de recevoir le coupable , elle n'ordonnoit point a ceux qui 1'auroient (c) re$u, de le chaffer, ni a lui-même de quitter la ville de Rome. C'étoit 1'ufage dans tou-  de Cicéron, Lip-, V. 147 tes les loix qui étoient portées par les tribuns, d'y (a) inférer le nom de la première tribu dont on avoit demandé ks fuffrages & Ie nom du premier citoyen qui avoit donné lbn approbation a la loi. Cet honneur étoit tombé ici fur un certain Sedulius, homme fans aveu & fans demeuré fixe, qui déclara dans la fuite, qu'il n'étoit point alors a Rome, & qu'il avoit même ignoré ce qui s'y palToit; ce qui donna lieu a Cicéron d'obferver dans les (b) reproches qu'il fit a Clodius; «■ que Sedulius pouvoit fort bien avoir donné ia » voix le premier, puifque, faute de maifon, il » palfoit ordinairement la nuit fur le forum • mais s> qu'il étoit étrange que dans la néceiiïté de trouver 53 quelqu'un qui ouvrït la fcène, il n'eüt pas fait torn» ber fon choix fur un acteur moins méprifable ». Outre cette loi, qui regardoit uniquement Ci- (a) Tribus Sergia principium fuit : pro tribu Sextus L. F. Varro primus fcivit. ( Telle étoit apparemment Ia forme de cet ufage. ) Vid. Front, de Aqusd. Fragment. Legis Thorise apud Rei Agrar. fcriptores. L, 9. 38. (<$) Sedulio principe, qui fe illo die confirmat Romx non fuifle. Quod fi non fuit, quid te audacius, qui in eius nomen incideris ? Quid deiperatius, qui ne ementiendo quidem potueris auctorem adumbrare meliorem ? fin autem is primus fcivit, quod facile potuit, propter inopiam tecti in foro pernoflans. Pro Dom. 30 Quam Sedulius fe negat fciviiTe. Bid. 31. K ij An. de R. Cicer. 4p. Coss. L. Caipur* NIUsPjSON. A. Gaei» nius.  An- Je R. SS5. Cicer. 49. Coss. I_. Calpur- NIUsPlSON. A. Gabinius. (a) Ut provïncias acciperent, quas ipfi vellent, exercitum & pecuniam quantam vellent. Pro Sext. 10. In Pif. 16. Illo ipfo die mihi teiquepublicx pernicies, Ga- binio & Pifoni provincia rogata eft. Pro Sext. 14. (h) Uno eodemque tempore domus mea diripiebatur, ardebat: bona ad vicinum confulem de palatio : de Tufculano ad item alterum vicinum confulem deferebantur. Poft red. in Senat. 7. Cum domus in palatio, villa in Tufculano , altera ad alterum confulem transferebatur , columns marmores ex sdibus meis, infpectante pop. rom. ad focerum confulis , portabantur : in fundum autem vicini confulis, non inftrumentum aut ornamenta Y.illa:, fed etiam arbores transferebantur. Pro Dom. 14. 148 HlSTOIRE DE LA VlË céron , Clodius en fit recevoir une autre, qui , fuivant fon traité avec les confuls , étoit (). Ce prince étoit frère du roi d'Egypte , & le droit héréditaire étoit établi dans fes états. II n'étoit point en guerre avec Rome, la paix n'avoit jamais été fi profonde, & perfonne ne 1'avoit accufé de pratiques ni de projets fufpeóts contre la gloire ou la füreté de la république. Son feul crime étoit d'être riche & (c) O) Poflred. in Sen. 13, 14. Pro Sext. 16, 18, 15». (3) Qui cum lege nefaria Ptoiemxum, regem Cypri, fratrem regis alexandrini, eodem jure regnantem, caula incognita publicaffes, populumque roman, fcelere oblïgalTes ; cum in ejus regnum, bona , fortunas, latrocinium hujusimperii immi/iiTes; cujuscum patre, avo, majoribus, focietas nobis & amicitia fuiiTet. Pro Dom. 8. Rex amicus , nullainjuria communicata, nullis repetitis rebus, cum bonis omnibus publicaretur. Pro Sext. 16. De quo nulla un-, quam fufpicio durior. Bid. 27. (tf)Dio. 38, p. 38. Appian, liv. 2, 441..  de CiciRON, Ijk. F. rj? avare. La loi qui le dépouilloit n'étoit par conféquent qu'une affreufe injuftice , 8c ce que Cicéron ne fit pas difficulté de nommer dans un difcours public , un vol manifefte. Mais^ Clodius nourriObit contre lui un ancien reflentiment , depuis qu'il avoit refufé de le racheter des mains des pirates qui 1'avoient fait prifonnier , & qu'il n'avoit pu fe réfoudre a lui envoyer plus de deux talens. « Que penferont les rois,, (a) s'écrie Ci3} céron, de leur puilfance 8c de leur couronne, 33 lorfqu'ils les voyent dépendre du caprice d'uu 33 tribun 8c de fix eens mercenaires 33 ? Cependant, la loi fut recue fans oppofition ; 8c pour la fanótifier en quelque forte, ou lui donner du moins une couleur de juftice, Caton fut chargé de 1'exécuter ; doublé plaifir pour Clodius , qui chargeoit d'une commiffion fi honteufe 1'homme Ie plus grave de la république. Une autre partie de la même loi, 8c par conféquent de la commiffion de Caton, regardoit Bizance, ou ie tribun jugeoit a propos de rétablir quelques exilés, qui avoient été bannis de cette ville (a) En ? cur cseteri reges flabilem elle fortunamfuam arbitrentur , cum videant per tribunum aliquem & lexcentas operas fe fortunis lpoliari, & regno omni polfe nudari I Pro Sext. 17. An. de R. Ctcer. 4s. Coss. L. CalpurniusPison. A. Gabinius.  An. Je R. 69 5. Cicer. 49. Coss. L. CalpurniusPison. A. Gabinius. ( a) Hujus pecunia; deportanda;, & fi quis fuum jus defenderet, bello gerendo Catonem prarfecifti. Pro Dom. 8. At etiam eo negotio M. Catonis fplendorem maculare voluerunt. Pro Sext. 28. Tu una lege tulifti, ut Cyprius rex, cum bonis omnibus lub pra?cone fubjiceretur , & exules Bizantium reducerentur. Eidem , inquit, utraque de re negotium dedi. Pro Dom. 20. (b) Sub honorificentiffimo miniöerii titulo M. Catonem a rep. relegavit. Veil. Patere, 2 , 4?. Non illi ornandum M. Catonem, fed relegandum putaverunt: qui in concïone palam dixerint linguam fe evelluTe Catoni, quae temper contra extraordinarias poteftates libera fuiiTet...^ Quod fi ille repudiaffet, dubitatis quin ei vis eflet allata , cum omnia acta illius anni per illum unum labefactari viderentur? Pro Sext. 28, 29. Gratula-ri tibi quod idem in pofterum M. Catonem tribunatu ïuo removiiTes. Pro Dom. 9. acbes, l6e> HlSTOIRE DE LA ViE pour en avoir troublé le repos (a). C'étoit le chef-d'ceuvre de Clodius d'engager Caton dans une fi miférable entreprife. II fe délivroit par-la d'un adverfaire incommode pendant le refte de fa magiftrature. En fecond lieu , il jetoit une tache fur Caton; &z dans fes vieux principes il faifoit voir que ces rigides partifans de la vertu étoient quelquefois capables de foiblelfe. II fe flattoit encore de lui fermer la bouche a 1'avenir, lorfqu'il feroit queftion d'établir des commiffions extraordinaires (£). Enfin , il le mettok dans la nécefiité de reconnoitre la validité de fes  de Cicéron, Liv. V. \èi acres , en y participant. II eut ainfi la fatisfaction d'avoir pris le grave Caton comm? aux filets; & Céfar ne manqua pas de 1'en féliciter par une lettre familière, que Clodius aifecta de lire en public (a), comme une preuve de 1'intime liaifon qu'il entretenoit avec lui. Dans cet intervaile, le roi Ptolemée, qui fut bientót informé d'une loi fi cruelle, & qui apprit en même tems que Caton (b) s'approchoit de fes états pour Texécuter, finit fa vie par le poifon. Le général ftoïcien s'acquitta fidellement de fa commiffion. 11 retourna 1'année fuivante a Rome dans une efpèce de triomphe, chargé de toutes les richefles du roi, qu'il avoit converties en argent jufqu'a la fomme de plufieurs millions, & qu'il remit promptement au tréfor public. Cicéron ne put s'empêcher de blamer publiquement cette conduite, (e) quoique fon eftime pour le caractère de Caton lui fit garder quelque ménagement dans fes termes. II s'efforca même de le défendre contre les foupcons qui pouvoient attaquer fa bonne-foi. « Cette commiffion, (a) Litteras in concione recitafli, quas tibi a C. Cxfare müTas effe diceres. Cczfar. Pulchro. Cum etiam es argumentatus, amoris elTe hoe ngnum, cum nominibus tantum uteretur. Ibid, (b) Plutarq. Vie de Caton. Flor. 3,9. (c) Pro Sext. 18, zp, Tome IL L An. de Rt Cicer. 49 i Coss. L. Caipur- NIUSPISON. A. GABlj N1US.  An: de R. Cicer. 49. Coss. t, Calpur- MIUSPISON A. GabI' NlUi. (a) Plutarq. Fie de Caton. Dio. 38, 300. Itfi HlSTÓlRE DE LA VlS" » dit-il, étoit moins imaginée pour faire honneut »a Caton, que pour le bannir de Rome. Elle „ne lui avoit point été offerte; il en avoit ete „ charaé. Pourquoi obéilfoit-il 3 par le même pnn- „cipeV le Poïtoic 1 Ia foumiffion P°Ur qUan" » tité d'autres loix, quoiqu'il en connut 1'in juftice; „ c'eft-a-dire, pour ne pas s'expofer a la fureur de fes „ ennemis, & ne pas priver inutilement la republi„ que d'un citoyen tel que lui. En refufant d'obeir, „Ü nauroit pu empêcher que la loi neut fon * exécution. La république en auroit fouffert. II „n'auroit pu fe garantir lui-même de quelque „violence , paree que fon exemple auroit nui „peut-être a la validité de toutes les loix de la »' même année. Ne pouvant réprimer le fcan„dale, il confidéra que perfonne n'étoit plus * propre que lui a tirer Ie bien du mal, & a „rendre un bon fervice a fa patrie dans une » mauvaife caufe ». Mais tout le fard de 1'éloquence ne fauroit juftifier la conduite de (a) Ct ton, d'autant plus qu'il prétendit fe faire honneut de fon expédition, & que fe croyant engage l foutenir 1'autorité i" laquelle il s'étoit foum.s , il prit le parti du tribunat de Clodius contre Cicéron même. Une loi de Clodius, alTez fpécieufe en appa-  DE CiCÉRON, L I V. P. 16*5 rence , quoiqu'elle ne füt pas moins odieufe dans fes intentions, fut celle qu'il fit recevoir au peuple, en faveur des bourgeois particuliere des villes allbciées, contre les infultes de leur communauté. II ne fe propofoit que de mettre a couvert Merula , bourgeois d'Anagnie, (a~) une de fes créa. tures, qui avoit été honteufement chalfé de fa patrie pour divers crimes. La reconnoilfance de ce milerable fe fignala par 1'érection d'une ftatue a 1'honneur de Ion patron , dans cette partie du mont Palatin, oü la maifon de Cicéron avoit exifté. L'inlcription étoit, A VAuteur des plus excellentes Loix. Mais Cicéron lui fit fentir dans un de fes difcours, que le lieu même oü Ia itatue étoit élevée, réfütoit également 1'excellence de la loi & la vérité de 1'infcription. II eft tems de^ fuivre dans fa fuite cet illuftre exilé. Etant parti de Rome vers Ia fin de mars, on trouve par fes lettres qu'il étoit Ie 8 d'avril a Vibo , ville des plus méridionales d'Italie, oü il s'arrêta quelques jours chez un de fes amis (a) Legem de injuriis publicis tulifli, anagnino nefcio cui Merula: per gratiam , qui tibi ob eam legem ftatuam in meis ardibus pofuit, ut locus ipfe in tua tanta injuria legem & defcriptionem flatus: refelleret. Qua* res anagninis multo majori dolori fuit, quam qux idem ille gladiator fcelera Anagny: fecerat. Pro Dom. 30. L ij An. de R, ; 55>5Geer. 49. Coss. Cai.puk. NIUSPlSON. A. Gabi* nius.  ■ Ab. de r. «SMCicer. 49. Coss. L. Calpur- niüspison. A. Gam- »ius. (a) Allata eft nobis rogatio de pernicie mea , in qua quod correctum eft, audieramus efle ejufmodi , ut mihi ultra quadringenta miliia liceret efle. Statim iter Brundufium verfus contuli, ne & Ska apud quem eram periret. 44 Au. 3,4- ... (b) Plutarq. Vie ie Cicéron. Siciliam peuvi animo, qua; & ipfa erat mihi, neut domus una , conjuncta, & . obtinebatur a Virgilio : quocum me uno vel maxime turn vetufta amicitia, turn mei fratris collegia , turn refp. 10ciatat. Vide nunc caüginem iftocum temporum. Cum ipfa 1*4 HistoirebeLaViè qui fe nommoit Sica. Ce fut-la qu'il recut une copie de la loi qui portoit fa condamnation , & qui ayant été altérée ou corrigée dans quelques endroits, (a) fixoit fon exil a la diftance de quatre eens milles. Jufqu'alors fes projets s'étoient tournés vers la Sicile j mais en arrivant ï la vue de cette ?le , Ü recut du préteur Virgilius, une défenfe abfolue d'y mettre le pied. Nouveau furcroït de douleur, & comme le premier elfai des mifères qu'alloit entrainer fa difgrace. II fut fi touché de fe voir refufer un afile par un homme qui avoit toujours été fon ami, qui lui avoit des obligations importantes, & qui . avoit été jufqu'alors dans le même parti & dans les mêmes principes , que 1'impreffion de cette perfidie fubfiftant encore dans un tems ou fa fortune étoit changée, il fe la rappeloit avec beaucoup d'amertume (b): « Voyez , difoit-il, quelle  d £ C ic és on, tiv. V. te devoit être 1'horreur d'une conjondure, oü pen- An je r. * dant que toute la Sicile s'empreffoit de venir Ci„r.^. » au-devant de moi , un préteur, qui avoit fou- L c°f;uR_ „ vent éprouvé les fureurs du même tribun , Sc * pour le foutien de la même caufc, me refufa mus. * la liberté d'aborder dans fa province. Dois-je „croire qu'un citoyen tel que C. Virgilius, un „ami, un honnête homme, eüt perdu pour moi „tout fentiment d'amitié, tout fouvenir de nos „ fouffrances communes, tout principe d'huma„nité, de fidélité Sc de compaffion 2 Non, je „ ne me le perfuaclerai jamais. La frayeur 1'avoit „ faifij i\ craignoit d'attirer fur fa tête, Sc de ne „ pouvoir foutenir feul, le poids de cet orage , „ auquel toutes nos forces réunies n'avoient pu „ réfilter ». Un refus dont il s'étoit fi peu défié, 1'obligea de changer de route. 11 retourna vers Brindes dans le delfein de gagner la Grèce; Sc lailfant derrière lui Vibo, oü fon retour chez Sica pouvoit expofer ce fidelle ami a quelque danger, 11 ne penfa qua s'éloigner au-dela même des hornes qu'on lui avoit prefciites. Mais U fut trompé pcene infcla mihi fefe obviam ferre vellet, prxtor iile ejufdem tribuni plebis concionibus propter eandem reip. caufam lspe vexatus, nihil amplius dico , nifi me in Sixir Ham venire noluit, &c. Pro Cn. Planc, 4°« Liij  Ifftf HtSTOIRE DE LA V I E dans 1'efpérance qu'il avoit d'avancer fott promp- CCo;s4S- rmem' T°UteS 1CS VilleS ^ fe «ouvèrent ft» E. Caipür. fön pa%e , le recurent avec les marqués du plus Nir<Ö: Pr°fond refF<*> ^uvitèrent a fe repofer pendant quelques jours, lui donnèrent une garde fur leur territoire. U évita d'entrer dans Brindes, quoi- que cette ville lui fut fi dévouée qu'elle lui off-ic de s'expofer a toutes f» fortes de hafards pour fa défenfe. II prefToir, pendant ce tems-la, par les lettres les plus touchantes, Atticus de le venir joindre dans fa route; & lorfqu'il &t parti de Vibo , ii lui marquoit chaque jour le iïeö oü il devoit pafier Ia nuit, avec une efpèce de certitude qu'il fe portercit de lui-même a lui (b) donner ce té- ( a) Cum omnia ilh municipia \ü& funt a Vibone Bnmdufium, in fide mea effent, iter mihi tutum, multis «nimtanribus, magrfo cum mem fuo prefliterunt. Erundufïum veni, vel potius ad mcenia acceffi. Urbem unam mihi *m,c?ffimam declinavi, quce fe vel potius exfcindi quam e fuo complexu ut eriperer, facile pateretur. Ibid. 41. (b) Sed te oro, ut ad me Vibonem flatim venias. Si ld non feceris mirabor , fed confido te effe fafturum. Ad Att. 3 , 1. Nunc, ut ad te antea fcripfi, fi ad nos venens, confilium totius rei capiemus. Ibid. ». I£er Brundufium verfus contuli. Nunc tu propera , ut nos confequare, fi modo recipiemur. Adhuc invitamur benigne. Ibid. 3 Nihil mihi optatius cadere poiTe, quam ut tu me quam pnmum confequare. Ibid. 4.  de Ci cé ron, Lir. V. 167 moignage d'attachement. Mais il ne patoit pas An. de K. qu'Atticus lui ait fait réponfe fur cet article, U Ci«r. 4* qu'il pensat réellement a quitter Rome. II eto.t ygg. perfuadé fans doute que tous ks fervices quil A. CiABl. pouvoit rendre a Cicéron dans le cours d'un »«>» voyage, fe réduiroient i lui fournir des motifs de coriblation ; au lieu que demeurant a Rome, il pouvoit fe rendre utile, non-feulement a faire adoucir fa difgrace, mais a 1'en déüvrer même & peut-être a ptocurer fon rétabliiTement. A moins qu'on ne veuille penfer que du caraétere dont il étoit, quoiqu'il eüt plus d'amitié pour Cicéron que pour perfonne , il ne fe festoit pas difpofé a s'envelopper inutikment dans les ruines d'un ami, ni a troubler la tranquillité de fa vie pour prendre part a des infortunes qu'il ne pouvoit diminuer en les partageant. Peut-être encore que connoilfant les bornes de fa force & la nature de fes principes, il craignoit de s'engager dans les peines que fa pbilofophie n'étoit pas capable de fupporter. Mais de quelque facon qu'on en juae , cette apparence de froideur fut une mortification fort fenfibk pour (a) Cicéron. ( a) Non fuerat mihi dubium quin te Tatenti aut Brundufii vifurus eiTem : idque ad multa pertinuit; m eis & 0t in Epiro confitteremus, & de reliquis rebus confiho uteremur. Quoniam id non contigit , erit hic quoque in magno numero noftrorum malorum. Ibid. 6. L iv  ,1*8 HlSTOIRE De la Vi g C°mPtois' Iui écrivit-il, fur la fatisfacrion CCoss^' "°e.V°US V0ir a Ta^nre ou a Brindes. Je le ™>?Toï " de'UOiS C°mme une chofe fo« utile a ma fituakiusGABI- ""^ fuM°Ut P°Ur le deffein q« j'avois de " Pa"er quelque tems avec vous dans 1'Epire, & » de régler toutes mes mefures par vos avis ; «mais puifque 1'événement n'a pas répondu a » rnes défirs, je joindrai cette peine a toutes les » affliffions dont je fuis accablé >, II attendoit alors fon ami dans la maifon de campagne de M. Lenms Flaccus, qui étoit a peu de di/tance de Brindes. II y étoit arrivé Ie dix-fept d'avril; & lö. dernier jour du même mois il s'embarqua pour Dyrraöhium. En rendant compte a fa femme des circonfrances de fon voyage : cc J>ai pa(pé, «lui dit-d, rreize jours dans la maifon de Flac- - cus , qui n'a pas fait difficulté de rifquer fa for- - tune & fa vie pour me recevofn Toutes ]es «peines portées par la loi n'ont pu 1'empêcher » de me- rendre avec une bonté extréme, les de» voirs de 1'amitié & de J'hofpitalité. Quand ferai- - je alfez heureux pour lui marquer la reconnoif» fance dont mon cceur elf rempli ? Je me aar«derai bien du moins d'en perdre jamais" Ie *> fentiment (a). («) In hortos; M. Lenii Flacci me contuli, cui a,m omn;s metus, publicatio bonorum , exiJium , mors propo.  DE Cl CBR ON, LlV. V. 10 Dans le féjour qu'il fit chez Flaccus, il délibéra An. de R. avec beaucoup d'incertitude fur le lieu qu'il de- Cice* «voit choifir hors de 1'Italie pour y fixer fa réfi- l. Caipur- .r ,.. . NIUSPISON. dence ; Atticus lui offroit la mailon qun avoit A. gabidans 1'Epire. C'étoit un chateau fortifié, qui pou- N1US' voit lui faire une retraite tranquille. Mais piqué de ce qu'il n'étoit pas venu pour 1'y conduire luimême, il tourna (a) fes vues du cöté d'Athènes. Cependant, on lui fit faire attention qu'il ne feroit pas fans danger dans un canton de la Grèce oü tout ce qui s'étoit fauvé du parti de Catilina, &C particulicrement Autronius, avoient cherché leur afile. Qui pouvoit i'affiirer qu'ils ne joindroienc neretur , hxc perpeti , fi acciderent , maluit, quam cuftodiam mei capitis dimktere. Pro Plancio , 41. Nos Erundufii apud M. Lenium Flaccum dies XIII fuimus, virum optimum , qui periculum fortunarum & capitis fui prx mea falute neglexit : neque legis improbiffims; pcena deductus eft , quominus hofpitii & amicitis jus officiumque prarftaret. Huic utinam gratiam aliquando referre poffimus : habebimus quidem Temper. Ep. fanu 14 , 4- {a) Quod me rogas & hortaris, ut apud te in Epiro firn , voluntas tua mihi valde grata eft. Sed itineris caufa ut diverterem primum eft devium j deinde ab Autromo & csteris quatridui; deinde fine te. Nam caftellum munitum habitanti mihi prodeffèt, tranfeunti non eft neceffarium. Quod fi auderem , Athenas peterem : fane ita cadebat ut vellem. Nunc & noftri hoftes ibi funt, & te non liabemus. Ad Att. 3 , 7.  170 HlSTOIRE DE EAVlE An. de R. pas au plailir de Ie voir auffi mifétable qu'eux, Cictr?49. cemi de quelque vengeance cruelle donc ils ne Coss. trouveroient que trop aifément 1'occafion ? L. Caipur. 1 r kiusPisom, Plutarque raconte qu'au moment qu'il fit voile A. Gabi- 1 m kius. de Biindes, le vent, qui étoit favorable, changea tout d'un coup , Sc le forca de regagner le rivage. Lorfqu'il fe fut remis en mer, il fe fit un tremblement de terre, qui fut fuivi d'un violent orage: d'oü les devins conclurent que fon exil ne feroit pas long. Mais il eft étrange qu'un écrivain fi porté a raconter les prodiges dont on ne trouve ailleurs aucune (a) tracé, ait oublié 1'hiftoire du fonge de Cicéron, qui appartenoit beaucoup plus a fon fujet, Sc dont Cicéron nous a lailfé lui-même la relation. « II rapporte en effet qu'étant logé fur » fa route dans la maifon de campagne d'un ami, » oü fes chagrins 1'occupèrent pendant la plus * grande partie de la nuit, il tomba vers la peinte » du jour dans un profond fommeil, & que s'étant » éveillé fur les huit heures du matin, il raconta 33 le fonge qu'il avoit eu, a ceux qui fe trouvèrent 30 autour de lui. II s'étoit vu dans un lieu fort foli33 taire, errant, abandonné Sc fans aucune confo33 lation. C. Marius, avec fes faifceaux entrelacés 33 de lauriers, s'étoit préfenté a lui, & lui avoit 33 demandé le fujet de fa triftefle. Aulfi-tót qu'il ( gloire , de quels honneurs je fuis privé, de quels »biens, de quels enfans, de quel frère \ d'un * frère que j'aime & que j'ai toujours aimé plus „que moi-même, & dont il a fallu néanmoins „ par un nouveau genre de fupplice, éviter 1'en»trevue, de peur d'augmenter mon affliction par „ 1'image de la fienne, & plus encore pour ne me j» pas montrer a lui, dans un état fi déplorable » & fi différent de celui ou il m'avoit lailfé. J'ajou„ terois mille circonftances auffi accablantes ; mais 3. j'ai peine a retenir mes larmes. Jugez mainte« nant lequel des deux eft le moins excufable, ou  de Cicéron, Liv. V. 179 » de donner quelques plaintes a de tels malheurs, » ou de me les être attirés par ma faute , en laif33 fant perdre des biens que je ne devois me voir 33 enlevec qu'avec la vie, 8c que j'aurois pu même 33 conferver facilement, fi des amis infidelles n'a33 voient pas confpiré contre moi dans ma propre 33 maifon 33. Dans une autre lettre : « Epargnez33 vous, dit-il, la peine de me confoler , mais 33 épargnez-moi auffi des reproches qui m'affligent. 33 Que je reconnois peu dans ceux que vous me 33 faites , un ami fenfible 8c compatilfant ! Vous » que je crois néanmoins inconfolable de ma dif33 grace ( a ) 33. II faut auffi reconnokre, a 1'honneur de Cicéron , qu'il étoit attaqué par fon foible , par le feul endroit peut-être que la fortune pouvoit choifir pour le blelfer. II y auroit eu trop de grandeur dans fon caracbère s'il s'étoit foutenu dans 1'affliction tel qu'il avoit été dans les plus heureux jours de fa vie, & cette perreöiorï furpafle la condition d'un homme mortel. D'ailleurs, fa foiblefle même venoit d'une fource qui ne le (a) Tu me, ut facis, opera, confilio, gratia juva. Confolari jam define; objurare vero nolt: quod cum facis, ego tuum amorem & dolorem defidero , quem ita affectum mea jerumna elTe arbitror, ut te ipfum nemo con-. folari poifit. Ad Att. j-'j i»', «. M ij An. ie R, 69 S. Cicer. 49. Coss. L. Calpur- NlUSPlSON. A. G.*Bla n1us.  An. de R. ■695. Cicer. 49. Coss. t. CAtPURMIUSPlSON. A. GAEI3* 1US. (a) Unus bis remp. lervavi, femel gloria, iterum serumna mea. Neque enim in hoe me hominem effe inficiabor unquam , ut me optimo fratre , cariffimis liberis , fideliiTima conjuge , veflro confpectu , patria , hoe honoris gradu fine dolore caruhTe glorier. Quod fi feciffem , quod a me beneficium haberetis, cum pro vobis ea, qus mihi effent vitia, reliquiflèm ?Pro Sext. i*. 180 HlSTOIRE DE EA VlE rendoit que plus aimable dans toutes les autres parties de fa vie ; car cette même tendreffe de cceur qui 1'attachoit avec plus de paffion que tous les autres hommes, a fes amis, a fes enfans, a fa patrie, étoit auffi ce qui lui en faifoit regretter plus douloureufement la perte. cc J ai » fauvé deux fois la république, dit-il dans une » de fes harangues; une fois avec gloire, &c 1'au„ tre avec douleur : car je ne défavouerai jamais » que je fuis homme , & je ne me vanterai pas 35 d'être capable de fupporter fans douleur la 33 perte d un frère , celle de mes enfans, de ma 33 femme & de ma patrie. Quel mérite me fessrois-je fait en quittant ce que je n'aurois pas 33 beaucoup aimé; Je reconnois que mes pei33 nes ont paffé toute mefure, & je ne prétends 33 point a cette fageffe qu'attendoient de moi 33 ceux qui m'ont reproché trop (a) de foiblefTe 33 dans mon affliction •, car 1'infenfibilité d'efprit 33 & de corps qui va jufqu'a faire braver toutes  de Cicéron, L x v. V. 181 33 fortes de peines, me paroit une ftupidité plu- 33 tót qu'une vertu Je ne fuis pas du nom- =» bre de ces infenfibles k qui tout eft indifte33 rent. Je m'aime moi-même, j'aime ma familie 33 & mes amis comme 1'humanité le demande, 33 & j'ai pour principe, que celui qui marqué (a) 33 le plus de zèle pour fa patrie , eft celui qui 33 facrifie a fes intéréts ce qu'il a de plus cher 3,. Ses chagrins augmentoient encore d'avoir a fe les reprocher a lui-même, par la facilité qu'il avoit donnée de le tromper a des amis jaloux & perfides. Combien de fois 8c dans quels termes, ne revient-il pas a cette fource d'affliction? « Quoique (*) ma douleur foit incroya- (a) Accepi magnum atque incredibilem dolorem ; non nego : neque iftam mihi afcifco fapientiam quam nonnulli in me requirebant, qui me animo nimis frado & afflicto efle loquebantur. Eamque animi duritiem , ficut corporis quod cum uritur non fentit, (iuporem potïus quam virtutem putarem Non tam fapiens quam ii qui nihil curant , fed tam amans tuorum ac tui quam communis humanitas poflulat qui autem ea relinquit reip. caufa, a quibus fummo cum dolore divellitur, et patria cara efl. Pro Dom. 36, 37- (5) Etfi incredibili calamitate afflidus fum , tarnen non tam ex miferia , quam ex culpx nofl« recordatione : quarecum me afflidum & confedum ludu audies, exiftimato me ftutötk mex pcenamferre gravius quam even» ; M üj An. de R. «95. Cicer. 49- Coss. ,.. Calpur-iiuspison.A. Gabi- siius.  An. Ae R. ,655Cicer. 49. Coss. L. Calpur- NlUsPlSCN. A. Gabinius. quod ei crediderim quem nefarium efle non putarim. Ad Att. % , 8. Vul. 9 , 14 , iy , ip. &c. O) Nam quod purgas eos quos ego mihi fcripfi invïdifle , & in eis Catonem ; ego vero tantum illum puto a fcelere ifto abfuifle, ut maxime doleam plus apud me fi-mulationem aliorum quam iftius fidem valuiflê. Cceteri , quos purgas, debent mihi purgati efle, li tibi fimt. Ibid. 1 5! IcTl HlSTOIRE DE EAVlE » ble, dit-il, je ne fuis pas fi accablé du fen» timent de ma difgrace que du fouvenir de mes m fautes. Ainfi , quand vous entendez parler de »1'excès de ma trifteffe , imaginez-vous que ce r> n'eft pas 1'événement que je déplore, mais cette w confiance infenfée que j'ai eue dans un bom33 me que je ne prenois pas pour un fcélérat „. On concoit en effet, que pour un caracbère tel que le fien, paffionné pour la gloire, & délicat fur la réputation , rien ne pouvoit être plus cruel que la néceffité d'imputer fa misère a fes propres imprudences, & de fe reconnoitre la dupe de plufieurs perfonnes qui ne 1'égaloient point en lumières. Mais, après tout, il n'en eft pas moins incertain fi la vérité avoit autant de part que la douleur a toutes ces plaintes. Atticus n'auroit pas voulu convenir que les foupcons qui le regardoient, fuflent juftes; & (a) nous apprenons, par les réponfes de Cicéron a fes lettres , qu'il s'efforcoit même de juftifier Hortenfius, fur qui  DE ClCKRON, LlV. V. I8j les plus graves accufations fembloient tomber. A„.&R. Quelques écrivains ont entrepris de défendre Ct- cicer. * céron contre fon propre témoignage, en tachant ^ de nous perfuader que cet air d'abattement & de A, GABI. défefpoir (a) qu'il affecroit de faire éclater, n'étoit qu'une feinte, pour exciter la compaflion publique en fa faveur, & pour engager plus vtvement fes amis a folliciter fon rétablilfement. Mais c eft poulfer trop loin le zèle pour fa gloire ; & je ne fais même fi cette diffimulation feroit autant d'honneur a fon caraftère, que 1'honnête franchife qui paroït dans les expreffions de fa douleur. II ne s'étoit guère paffe plus de deux mois depuis fon abfence , lorfque le tribun Ninn.us, dont 1'attacbement ne s'étoit pas refroidi, eut le courage de propofer fon rappel dans une affemblée du fénat, & de demander que la loi de Clodius füt examinée.Tous les fénateurs applaudirent a cette propofuion. Elle fut recue avec la même joie par huit tribuns: mais ^lius Ligus, 1'un des deux autres, y forma fon oppofition , qui n'empêcha pas néannloins que par la réfo- (a) Abfens potius fe dolere fimulavit, ut fuos, quod diximus, magis commoveret : & pr*fens item fe doluifie fimulavit, ut vir pmdentiffimus fcen*, quod aiunt, terviret. Corrali Qucefi.f. M iv  1S4 HlSTOIRE DE LA Vie An^deR. IatioQ unanime de toute 1'alfemblée, toutes les Ccor;s!S' affaires ne fu^nt (a) fufpendues jufqu'a ce que £io£w ks Confuls euffent raPPO«é celle de Cicéron. kius.gabi" vm h même tems> Q^ntus fon frère étant arrivé a Rome, (b) y fut recu avec des témoignages éclatans d'eftime & de refpect. Cicéron n'avoit pas été fans inquiétude fur fon fort. II avoit tremblé qu'a 1'aide des accufations que la faétion Clodienne avoit préparées contre lui , elle ne füt capable de le faire auffi chalTer de Rome, fur-tout (c) dans un tems oü le jugement de ces affaires dépendoit du préteur Appius, frère de Clodius. Mais Clodius même commencoit a perdie fon crédit. Ses derniers fucccs avoient fait monter fon infoience au comble. II étoit devenu infupportable a fes meilleurs amis. (a) Decrevit fenatus frequens de meo reditu kal. jun. diflèntiente nullo, referente L. Ninnio : interceflit Ligus ifte nefcio qui, additamentum inimicorum meorum Omnia fenatus rejiciebat, nifi de me primum confulesretulÜTent. Pro Sext. 3 1. Non multo poft: difcefTum meum, me univerfi revocaviflis, referente L. Ninnio. Pojl red. in Sen. 1. (b) Hujc ad urbem venienti tota obviam civitas cum lacrymis gemituque procefferat. Pro Sext. 31. (c) Mihi etiam unum de maüs in metu eft, fratris miferi negotium. Ad Att. 4 , 8. De Quinto fratre nuncii no- bls tnfles fane fum in meo infinito moerore follici- tus, & eo magis quod Appii qusftjo eft, Ibid.. 17.  de Cicéron, Liv. V. 185 Après avoir banni Cicéron, Sc s'être délivré d'un homme auffi incommode que Caton , il s'étoit cru capable d'aller de pair avec Pompée, au fecours , ou du moins a la faveur duquel il devoit tout fon pouvoir. II 1'avoit bravé ouvertement, jufqu'a fe failir du roi Tigranes, que Pompée avoit amené avec lui de 1'Orient, Sc qu'il faifoic garder a. Rome fous les ordres du préteur Flavius; Sc lorfque Pompée 1'avoit preffe de le rendre, il avoit entrepris de mettre ce prince en liberté, Sc de le renvoyer dans fon pays pour une grofle fomme d'argent qu'il fe flattoit d'en recevoir. (a) Ce différend néanmoins ne s'étoit pas terminé fans violence. Flavius étoit forti de (S. Cicer. 49. Coss. Calpur- «USPISON, A. GABI; (UUS.  An.de R. Cicer. 49. Coss. L. Caipür- NIUsPlSON. A. Gabi- mus. ( tour 53. Cependant Metellus s'étant appercu que les inclinations de Pompée 5c de Céfar étoient changées, laifia voir auffi que fa haine ne feroit point inflexible, & s'engagea même a favorifer le rétabliffement de fon ennemi. Pour Lentulus,  DE ClCÉBON, I/r. V. 191 a peine fon élection fut-elle terminée, qu'il réveiila la propofition de Ninnius; Sc fe voyant interrompu par Clodius, qui récita cette partie de fa loi, par laquelle ceux qui parleroient du rappel de Cicéron , étoient déclarés criminels, il lui foutint qu'un acte de cette nature (a) étoit moins une loi qu'une prolcription. Clodius, furpris de fe voir en tête un adverfaire iï ferme , eut recours a toutes fortes d'artifices pour maintenir fa loi. II jura de ruiner Sc de perdre ceux qui entreprendroient de s'y oppofer; Sc pour imprimer plus de crainte , il afficha fur la porte du fénat, la claufe qui défendoit de propofer le rappel, fous peine d'étre traité en ennemi de 1'état. Cicéron, a qui 1'on ne lailfoit rien ignoTer, fentit plus que jamais la force d'un obftacle qui pouvoit décourager fes amis, & fournir un prétexte aux indolens pour refter dans 1'inaction. II inlïnue a Atticus (£) ce qu'il devoit répon- (ur- NlUsPlSON. A. Gabinius.  An. de R. «9 5. Cicer. 49. Coss. L. Calpur- NIUSPISON. A. Gabinius. gari poflet : léd cum lex abrogatur, illud ipfiim abro-5 gatur , quo non eam abrogari opporteat. Ibid. 23. ( lère , pour répondre a ce qu'il avoit écrit contre »moi •, mais je 1'avois fupprimé avec tant de » foin, que je comptois qu'il ne verroit jamais 33 le jour. Je ne comprends pas comment il a pu 3> fortir de mes mains. Au refte , comme je n'ai »jamais eu en public la moindre difpute avec la » perfonne dont il s'agit, & que le ftyle de cette 33 harangue eft beaucoup plus négligé que celui de » mes autres pièces, on peut faire croire aifément 33 qu'elle n'eft pas de moi. Je vous recommande 33 fort cette affaire, fi vous voyez encore quel33 que jour a mon rappel; mais fi je fuis perdu fans 33 reffource, je m'en embarraffe moins 33. Ses principaux folliciteurs a Rome, étoient fon frère Quintus, Terentia fa femme , Pifon fon gendre, Atticus & Sextius. Mais Quintus & Terentia ayant tous deux 1'humeur fort difficile, il femble que leurs démêlés continuels & les plaintes qu'ils faifoient 1'un de 1'autre, étoient Tome II. N An. de R. 695. Cicer. 49. Coss. L. CalpurniusPjson. A. GABtf n1us.  An. de R. «95Cicer. 49. Coss. L. CalpurNJusPison.A. Ga^bi- (a) De Quinto fratte nihil ego te accufavi, fed vos, cum prafertim tam pauci eüis, volui efle conjunaiffimos. Ep. fam. 14 , 1. 194 HlSTOIRE DE LA VlË fouvent un furcroit de chagrin pour lui. II leur repréfentoit dans fes lettres , avec beaucoup (a) de douceur, que leurs amis étant en fi petit nombre , ils devoient vivre entr'eux avec plus d'union. Terentia néanmoins s'agitoit fort ardemment pour les intéréts de fon mari, & loin d'être abattue par fa difgrace & par la ruine de leur fortune, fon courage augmentoit tous les jours pour réfifter aux ennemis de Cicéron ; il lui écrivoit fouvent. On prendra, dans la lettre fuivante, une idéé de fon caracbère & des vues qui la faifoient agir. Cicéron a Terentia. Ne vous imaginez pas que j'écrive a quelqu'un plus au long qu'a vous, excepté peut-être, lorfque, recevant des lettres fort longues, je me trouve obligé de répondre a tous les articles. Qu'écrirois-je aux autres > Je vous afiure que dans la trifte fituation oü je fuis, rien ne m'eft fi infupportable que la néceflité d'écrire; & quand je vous écris a vous-même ou a ma chère Tulliola , je fens qu'il m'échappe des larmes. Ne vous voisje pas la plus malheureufe de toutes les femmes,  DE ClCÉROU, L I V. V. 195 Vous que j'ai fouhairé d'en voir la plus heureufe, qui éciez faite pour 1'être , & qui le feriez effèctivement li je n'avois pas manqué de courage ? Je fuis extrêmement fenfible aux fervices de Pifon. Je 1'en ai remercié, & je 1'ai exhorté a ne pas fe relacher. II me femble que votre efpérance eft dans les nouveaux tribuns. J'en efpère bien comme vous, fi Pompée les feconde-, mais je ne fuis pas encore fans crainte du cöté de Cralfus. Je vois que vous vous employez pour moi avec autant de courage que d'affeclion, & je n'en fuis point étonné; mais je déplore notre malheur, qui eft tel, que vous ne pouvez adoucir ma mifère fans qu'il vous en coüte de nouvelles peines; car P. Valerius, notre fidelle ami, m'a écrit, ce que jè n'ai pu lire fans verfer un torrent de larmes, avec quelle indignité 1'on vous a trainée du temple de Vefta au tribunal public de la juftice. Hélas! ma chère femme , eft-il poftible qu'on vous ait infultée fi cruellement, & qu'on ait eu la barbarie de vous accabler de douleur & d'infortune, vous, chère Terentia, a qui tout le monde s'adrelfoit autrefois pour obtenir de 1'afliftance 3 Eft-il pofiïble que je fois la caufe de notre ruine, moi a qui tant d'autres ont eu fobligation de leur falut; égard de ce que vous m'écrivez touchant notre maifon, c'eft-a-dire, touchant le terrein, je periferai a ce que vous me dites, lorfqu'il nous fera N i; An. de f?. «95. Cicer. 4.9. C ss. CaipurnusPisON. A. Gabiuus.  An. de R. 69 sCicer. 49. Coss. I. Calpuk- NlUSPlSON. a. Gabinius. 136 HlSTOIRE DE LA VlE reftitué; mais ces chofes-la ne font point en notre pouvoir. Ce qui me touche le plus, c'eft que toute cette dépenfe tombe fur vous, qui êtes déja miférablement dépouillée. Si nous vivons affez long-tems pour voir la fin de tous ces troubles, nous aurons foin de réparer le refte. Mais fi nous nous relevons jamais de 1'accablement oü nous fommes, voulez-vous vous priver de ce qui vous refte pour votre fubfiftance ? Au nom des dieux, ma chère vie, laiflez faire ces avances d'argent a ceux qui en ont le pouvoir & la volonté ; &, fi vous m'aimez , ne faites rien qui puifle altérer votre fanté. Vous m'êtes fans celle préfente a 1'efptit, la nuit comme le jour. Vous ne vous ménagez pas, je le vois bien-, mais comment réfifterez-vous a tant de fatigues ? Songez que tout le fuccès de nos affaires dépend de vous. Que vos premiers foins foient par conféquent pour votre fanté, fi vous voulez arriver au terme de vos défïrs, & recueillir le fruit de toutes vos peines Je n'irai point chercher une retraite plus loin , puifque ce n'eft pas votre fentiment; mais écrivez-moi le plus fouvent qu'il vous eft poffible, fur-rout fi vous voyez quelque fondement a nos efpérances. Adieu, mon cher amour, adieu. A Theffalonique le 5 a"oclobre. Terentia jouifloit de quelques biens particuliers qui n'étoient pas foumis a la loi de Clodius, & qu'elle penfoit a vendre pour remédier aux nécef-  t»e Cicéron, Liv. V. 197 fiiés préfentes. C'eft fur quoi Cicéron la prefle de ne pas fe défa«-e des reftes de leur fortune; & redoublant fes inftances dans une autre lettre , il j lui repréfente que, fi fes amis font leur devoir, 1 elle ne peut fe trouver dans le befoin; « & que, 1 » s'ils y manquoient, la fomme qu'elle tireroit de 33 cette vente mettnit peu de changement dans 33 leur fituation. II la conjure ( C'ALPUR. jura Atticus de repréfenter au tribun la néceffité «J^ggS d'y faire des corrections. Les tribuns de 1'année qui approchöit de fa fin , entre lefquels Cicéron pouvoit compter huitamis, réfolurent de faire encore un effort avant que de quitter leur office, pour obtenir une loi en fa faveur. Ils la préfentèrent au peuple le 28 d'octobre, mais elle fut encore moins agréable a Cicéron que celle de Sextius. Elle étoit compofée de trois articles. Par le premier , il étoit rétabli dans fon rang, mais il nel'étoit pas dans fes biens. Le fecond n'avoit point de rapport a lui ; & le troifième portoit que, s'il fe trouvoit dans cette loi quelque chofe de condamné par une loi plus ancienne , particulièrement par celle de Clodius, ou quelque chofe qui en foumït 1'auteur a quelque punition légale, tous ces défauts feroient réparés par 1'autorité publique. Cicéron fut furpris que fes amis euffent été capables de drefïer un acte qui fembloit être contre lui, & qui confirmoit affez clairement la claufe de la loi Clodia, par laquelle on ne pouvoit rien propofer. en fa faveur fans devenir coupable. Mais on trouvera plus de plaifir a lire fes propres plaintes : « Des trois articles, écrit-ii I  IflU HlSTOIRE Ï5E LA VlE A%f.R' " -Att'Ct», qui font compris dans la loi des tribuns %%'ss?' "de cefte année' Ie premier, qui regarde mon NiusPiso^ " retOUr' n'eft Pas affez circoHftancié. On fe conkjus GAS1' m tenre ^e me raPPeler & de me rendre mon rang. 33 C'eft quelque chofe par rapport a 1'état déplo33 rable oü je fuis ; mais vous favez bien ce qu'il y 33 falloit ajouter, & dans quels termes cela devoit 33 être concu. Le fecond article ne contient que la 33 claufe ordinaire d'impunité, en cas qu'il y ait 33 dans cette loi quelque chofe de contraire aux 33 anciennes. Mais pour le troifième article, tachez 33 de découvrir, mon cher Atticus, par qui (a) 33 & dans quel delfein il a été inféré. Vous favez 33 que, dans la loi de Clodius , il yaun article qui 33 porte qu'elle ne pourra être infirmée ni par le fé33 nat, ni par le peuple ; mais vous favez auffi qu'on 33 n'a jamais d'égard a ces fortes de défenfes; fans 33 cela on ne pourroit prefque abroger aucune loi, 33 car elles font toutes munies de pareilles claufes, (a) Quo major eft fufpicio malitis: alicujus, cum id quod ad ipfos nihil pertinebat, erat autem contra me ,' fcripferunt. Ut novi tribuni plebis, fi effent timidiores , muito magis fibi eo capite utendum putarent. Neque id a Clodio pr^termiffum eft; dixit enim in concione ad III. non. novemb. hoe capite defignatis tribunis plebis prsfcriptum effe quid lieeret. Ut Ninnium & carteros fugerit inveftiges velim, & quis attulerit, &c. Ibid. 23.  de Cicéron, Iir. F. 3.03 » qui fe trouvent nécelfairement abrogées avec la Am de r. 33 loi dont elles font partie. Ce principe eit incon- cice^ 49. 33 teftable. Pourquoi donc s'eft-on fervi de ces ter- L. caipur- , . . .1 O- KlUSPlSON. 33 mes dans la loi de nos huit tribuns? Si cette A_ Gak1, 33 loi contient quelque chofe que les loix ou les N1US' 33 plebifcites , ceft-a-dire la loi Clodia , défendent *fous peine de punition de propofer, fi elle eft » contraire d quelque autre loi, fi elle Vabroge 33 en tout ou en partie , quoique cela foit défendu 33fous les mêmes peines , on ne prétend point 3» quelle ait d" effet d cet égard. 33 La punition ne peut tomber fur ces tribuns, 33 puifque la loi de Clodius n'a point été propo33 fée du confentement de tous fes collégues. J'ap33 préhende donc que cette précaution , qui leur 33 étoit auffi inutile qu'elle m'eft contraire, ne foit 3» un panneau dans lequel on veuille faire donner 33 les nouveaux tribuns, qui, s'ils étoient capables 33 de fe lailfer intimider , auroient plus de raifon 33 d'inférer cette claufe dans leur loi. Auffi Clo33 dius n'a-t-il pas manqué de s'en prévaloir 5 & 33 le troifième de novembre il dit que cette claufe 33 devoit fervir de règle & de modèle aux tribuns 33 défignés. Vous favez cependant qu'on ne trouve 33 rien de femblable dans aucune abrogation, & c'eft 33 une marqué certaine qu'elle eft abfolument inu33 tile. Tachez donc de découvrir qui eft 1'auteur «de celle-ci, & comment Ninnius & fes collè-  204 HtSTOIRE DE EAViE An. de R. » gues n'en ont pas prévu les inconvéniens Je Cicer.?45i. " ferois bien faché que les tribuns de 1'année pro-* i-Caipur- " chaineinféraffent cette claufe dans leur loi : mais ma? gabi- " ^e «l^k115 manière qu'elle foit concue , je ferai SUÖS' »trop heureux qu'on la propofe & qu'elle puilfe » palfer La conclufion de cette lettre femble jeter quelque jour fur la conduite des amis de Cicéron, & fur fes propres efpérances. II n'étoit pas incertain que la loi de Clodius n'eüt été reconnue par Caton 8C par quelques- uns ( Gap;,_ ,, . mvs. quil put approuver. Pendant qu'on s'occupoit de fes affaires a Rome, les troupes que le conful Pifon avoit demandées pour fon gouvernement de Macédoine, commencèrent a sWembler aux environs deThelTalonique. Ses alarmes furent fi vives (a) , qu'il prit auffitot la réfolution de quitter cette ville, & mille raifons lui ötant le défir de pénétrer plus loin, il fe fentit porté au contraire i retourner vers 1'ItaÜe & a s'avancer vers Dyrracbium. Si c'étoit rentrer dans 1'efpace dont il étoit exclus par la loi, il fe flatta que, dans une ville qui lui étoit dévouée & qui avoit toujours été particulièrement (*) fous (a) Me adhuc Plancius retinet Sed jam cum ad- ventare milites dicerentur, faciendum nobis erit ut ab eo difcedamus. Ibid. ü« ( b ) Dyrrachium veni, quod & libera civitas eft & in me officiofa. Ep. fam. 14/, i- Nam ego eo nominefum Dyrrachii, ut quam celerrime quid agatur audiam, & fum tuto. Civitas enim hxc femper a me defenfa eft. Ibid. 3. Quod mei ftudiofos habeo dyrrachinos , ad eos perrexi, cum illa fuperiora Thelfalonicz fcripfiffem. Ad Att. 3 , ti, Famil. 14 ,1.  loé HlSTOIRE DE LA VlE An. de R. fa proteclion , il n'avoit a craindre aucun dano-er. 695. r & cicer. 49. II s'y rendit le z < de novembre ; & par les coss. . ' , r , v r. calpur- lettres cjui portent la meme date, commencees a " a. Gabi- Theffalonique, & finics a Dyrrachium, il informa fes amis du changement de fa demeuré. Cette précipitation dans fa route marqué qu'il ne la fit pas fans alarme. Mais en arrivant dans fa nouvelle retraite , il re^ut d'autres nouvelles qui étoient capables de le chagriner. Atticus lui écrivoit que de 1'aveu 8c par. le miniftère même de ceux qui gouvernoient les affaires a Rome , les provinces des confuls défignés avoient été fournies de troupes & dargent. Mais on jugera mieux par fa réponfe de 1'intérêt qu'il y devoit prendre. cc Quand vous m'écrivltes que c'étoit de votre » confentement qu'on avoit réglé 1'état des pro» vinces des confuls défignés, quoique j'appréhen» daffè que cela n'eüt dc mauvaifes fuites, je crus 3> néanmoins que vous aviez eu des raifons 8c des vues 33 dans lefquelles je ne pouvois pénétrer. Mais depuis 33 qu'on m'a dit & qu'on m'a mandé que tout Ie 33 monde vous condamne, je fuis inconfolable 33 d'avoir perdu par cette faute la foible efpérance 33 qui me reftoit. Car enfin , quelle reffburce au33 rai-je encore fi les tribuns du peuple font cho33 qués contre nous? Et n'ont-ils pas fujet de 1'êtreï 33 On ne les a pas même confultés, eux , qui fe  de Cicero n, Liv. V". igj 53 font déclarés pour moi fi ouvertement : Sc nous 33 avons fouffert qu'on leur örat toute la part qu'ils 33 devoient naturellement avoir a cette affaire. Ils , 33 difent de plus que, s'ils ont fouhaité que les con33 fuis euffent befoin deux, c'étoit afin de les met53 tre dans mes intéréts en les fervant ; que les 33 confuls n'ayant plus perfonne a ménager , pour33 ront prendre parti contre moi fans rien mettre ssauhafard, &que, s'ils font bien intentionnés, 33 ils ne peuvent rien póur moi que de concert 33 avec les tribuns. Nous aurions, dites-vous, refufé 33 en vain notre confentemenr, ils fe feroient adref»j fes au peuple , & ils auroient obtenu ce qu'ils 33 demandoient : mais que pouvoient-ils obtenir 33 malgré ces mêmes tribuns ? J'appréhende donc 33 que la bonne volonté de ces derniers ne foit re33 froidie, Sc quand elle ne le feroit pas, nous leur 33 avons óté le moyen le plus infaillible pour s'af33 furer des confuls. 33 Un autre inconvénient qui n'eft guère moins s> confidérable, c'eft que cette déciaration fi impor33 tante que le fénat avoit faite, qu'il ne délibéreroit 33 fur aucune affaire qu'aprcs que la mienne auroit 33 paffe , perd toute fa force depuis qu'on en a 33 réglé une qui non-feulement n'étoit pas nécef33 faire , mais qui étoit même fans exemple ; car 33 je ne crois pas qu'on ait jamais réglé 1'état des 33 provinces des confuls défignés. A préfent qu'on An. de R. «95. Cicer. 49. Coss. .. Calpur•jiuspisjn. A. GA£I entrevoir que mon malheur ne durera pas moins m que ma vie. Et pour vous parler avec une fraa» chife dont je me flatte que vous ne vous offen33 ferez pas, je fuis perfuadé que m'aimant comme 33 vous faites , vous n'auriez pas quitté Rome dans 33 cette conjoncture, s'il vous étoit refté quelque 33 efpérance de mon retour. Mais je n'en dirai pas » davantage , pour n'être point accufé d'ingratiJ3tude, & de vouloir que tout le monde fe fa>3 crifïe avec moi. Je vous demande feulement de 33 vous fouvenir de la parole que vous m'avez don» nee de revenir me voir avant le premier de jan3>> vier, dans quelque lieu que je puilfe être alorssj. Pendant qu'il étoit laproie de tant de craintes& de foupcons, fes affaires alloient plus heureufement a Rome qu'il ne fe 1'imaginoit, & bientöt elles furent dans un état a faire juger que rien n'étoit plus capable d'en retarder le fuccès. Tous les magiftrats étoient fes amis, a 1'exception du préteuf Appius. Le plus redoutable de fes ennemis, Clodius, devoit réfigner inceffamment un office d'oü lui venoit la plus grande partie de fon pouvoir. D'ailleurs il étoit fi mal avec Pompée, avec Céfar , & depuis peu avec Gabinius, que dans le chagrin de fe voir abandonné d'eux , & par Je feul Tome II, O An. db &j Cicer, 49. Coss. L. Caipur- NlUSPlSON. A. Gabinius.  An. de R. «95Cicer. 49. Coss. i. Calpur- NIUSPlSON. A. Gabinius. ( a ) Tu tuo precipitante jam & debilitato tribunatu , aufpiciorum patronus fubito extitifti. Tu Marcum Bibulum in concione , tu augures produxifti. Te interrogante augures refponderunt, cum de ccelo fervatum fit, cum populo agi non pofle. .. . tua denique omnis actio pofterioribus menfibus fuit omnia qui C. Catfar egifTet, qua? contra aufpicia elfent afta , per fenatum refcindi opportere. Quod fi fieret, dicebas te tuis humeris me cuflodem urbis in urbem relaturum. Pro Dom. i (I) Ibid. iio HlSTOIRE DE LA VlË défir de fe venger, il auroit confenti le premier au rappel de Cicéron, s'il eut pu perfuader a fes amis 6c au fénat (a), de s'unir avec lui contre les triumvirs. « Au milieu de ces agitations,ayant 33 produit un jour devant une aiTemblée du peuple 33 Bibulus 8c les autres augures, illeur demanda s'il 33 n'étoit pas défendu de vaquer aux affaires publi33 ques, tandis qu'ils étoient occupés a prendre les 33 aufpices. Ilsrépondirentaffirmativement. N'avez33 vous pas obfervé le ciel 8c pris les aufpices, leur 33 demanda encore Clodius ,chaque fois que les loix 33 de Céfar ont été propofées au peuple 33 ? Bibulus dit encore oui a cette queftion , mais (b) il prit foin d'ajouter que , dans le tems que 1'acbe d'adoption de Clodius avoit été confirmé par le peuple, il avoit pris auffi les aufpices. Clodius, qui n'étoit occupé que de fa vengeance préfente, confidéra peu s'il alloit fe nuire a lui-même. II infifta a pré-  d e Cicéron, L i v. V. 211 tendre que les actes de Céfar devoient être annullés par le fénat, comme oppofés a la religion des aufpices 5 & , fous cette condition , il déclara publtquement qu'il étoit dilpofé a rapporter a Rome , fur fes propres épaules, Cicéron, qu'il nomma le gardien de la république. Dans 1'accès de la même fureur, il tomba fur le conful Gabinius. Ayant convoqué expres 1'alfemblée du peuple (a), il fit drelfer un petit autel, fur lequel il alluma du feu, &c la tête voilée, il confacra tout le bien de ce conful. C'étoit une ancienne pratique, qui avoit été quelquefois exercée contre des citoyens convaincus de trahifon , & qui étant exécutée avec les formalités légales, pouvoit avoir feffet d'une confifcation. Mais dans les circonftances préfentes , elle fut regardée comme un trait de folie , & le tribun Ninnius, pour la tourner en ridicule , confacra auiii-töt, de la même manière , tous les biens de Clodius , en ajoutant que fa confécration devoit avoir fans doute la même vertu que celle de fon collégue. ( a ) Tu , tu , inquam, capite velato, concïone advocata foculo pofito , bona tui Gabinii conlêcrafli quid ? exemplo tuo bona tua nonne Ninnius conlecravit? Quod li , quia ad te pertinet , ratum eiïe negas opportere : ea jura conöituifti in prxclaro tribunatu tuo , quibus in te converfis recufares, alios everteres. Pro Dom. 47, 48. O ij An. de R. 69?. Cicer. 49. Coss. L. Calpur- n1uspison. A. Gabinius.  An. de R. 6J5Cicer. 49. Coss. t. Calpur- NlUSPlSON. A. Gabinius. 212 HlSTOIRE DE LA VlS Enfin 1'heure d'expirer étoit venue pour ce déteftable tribunat. Du commencement jufqu'a la fin il s'étoit foutenu avec une parfaite unitormité, c'eft-a-dire, plus infame & plus corrompu qu'il n'y en avoit (  de Cicéron, Liv, V. zi$ beaucoup de candeur (a) , que malgré quelques An. deR. apparences de haine que la différence des inté- Ck«f',0. rêts politiques avoit fait éclater entre Cicéron & p £°^£U lui, il faifoit volontiers le facrifice de fes anciens j«g™£ lelfentimens a 1'autorité du fénat & au bien pu- Q. C*q« blic. Sur quoi L. Cotta , ayant été invité le tellus Ne; premier a dire fon opinion, déclara que dans tout ce qui s'étoit fait contre Cicéron , il ne reconnoiffoit rien de conforme au droit public , aux loix & aux anciens ufages de 1'état ; qu'un citoyen ne pouvoit être cbaffé de la ville fans avoir été jugé ; que le droit de condamner ou même de recevoir une accufation capitale, n'appartenoit au peuple que dans l'affemblée générale de toutes les centuries ; que tout ce qu'on avoit vu arriver n'avoit été que 1'effet de la violence , dans un tems de défordre & d'oppreffion, qu'au milieu d'une confufïon fi étrange , Cicéron s'étoit retiré , pour affurer fa tranquillité a la veille de 1'orage •, & que fon abfence n'ayant pas été moins falutaire a la république, que fa préfence 1'avoit été dans d'autres tems, il devoit être non-feulement rétabli , mais diflingué par de nouveaux ( a ) Quse etiam collega: ejus moderatio de me ? Qui cum inimicitias fibi mecum ex reip. diflenfione fufceptas efle dixiffet, eas fe patribus confcriptis dixit & temporibus reip. permüXurum, Pro Sext. 31. OW  An. de R. 6$6. Cicer. fo. Coss. P. CORNEI. Lentulus Spinther. q. Cbci'nus Metellus Nepos. (12) Turn princeps rogatus fententiam L. Cotta dixit.... nihil de ine aflum efle jure, nihil more majorum , nihil legibus , &c. Quare me , qui nulla lege abeflèm non reftïtui lege, led lenatus autoritate opportere.. . . Pofl eum rogatus fententiam Cn. Pompeius, approbata laudataque Cotta; lententia , dixit, fele otii mei caufa, ut omni populari concertatione defungerer , cenfêre ; ut ad lenatus auftoritatem , popuü quoque romani beneficium adjungeretur. Cum omnes certatim , aliufque alio gravius de mea falute dixiflët, fieretque fine ulla varietate difceflio , lurrexit Atilius . nee aufus eft, cumeflet emptus, intercedere ; noctem fibi ad deliberandum poftulavit. Clamor fenatus , querelx , preces, iocer ad pedes abjectus. Ille le affirmare poftero die moram nullam efle facturum. Creditum eft : difceiïum eft : illi interea deliberatori merces , inter. pofita nocte , duplicata eft. Pro Sext. 34. Deliberatio non in reddenda , quemadmodum nonnulli arbitrabantur fed , ut patefadum eft, in augenda mercede contumta eft. Poft red. ad Quir. j. llé HlSTOIRE DE EaViB honneurs : que ce qui avoit été publié contre lui par un infenfé étoit fi abliirde dans le fens & dans les tërmes, qu'on n'auroit pas pu 1'appeler dn nom de loi quand il n'y auroit rien manqué pour la forme ; & que Cicéron par conféquent n'ayant été banni par aucune loi, il falloit pour le rappeler, non une loi, mais le fimple fuffrage de l'aiïeniblée. Pompée (a), qui paria enfuite , ayant applaudi a ce lêntiment, ajouta que pour afiiirer a. 1'ave-  de Cicéron, L i v. r. 217 nir la tranquillité de Cicéron, Sc pour prévenir tous les troubles qui pouvoient naïtre de la même fource, il étoit d'avis que le peuple devoit avoir part a la grace de fon rétabliifement, Sc joindre au moins fon confentement a 1'autorité du fénat. 'Après d'autres difcours, oü tout le monde fit éclater beaucoup de zèle pour Cicéron , toutes les opinions fe réunirent a celle de Pompée , Sc 1'on alloit former un décret pour 1'exécution , lorfque le tribun Serranus déclara qu'il s'y oppofoit; non qu'il eüt la hardieffe de prendre abfolument parti contre 1'unanimité du fénat , mais il demanda qu'on prït du tems pour délibérer, Sc que 1'exécution du décret füt différée d'une nuit. Cette ïnterruption a laquelle perfonne ne s'étoit attendu, remplit d'indignation toute l'alfemblée. Les uns 1'accablèrentdereproches, d'autres s'efforcèrent de le fléchir par des prières,& fon beau-père Oppius fe jeta a fes pieds pour lui faire abandonner fon entreprife: mais tout ce qu'on obtint d< lui fut une promeiTe de ne pas s'oppofer au décret le jour fuivant. Elle n'étoit pas fincère. cc L «tribun, dit Cicéron, employa toute la nuit » non a rendre 1'argent qu'il avoit recu, comm » plufieurs fe 1'imaginèrent, mais a faire un mar 33 ché plus avantageux en exigeant le doublé d 53 prix ; Sc fa hardielfe n'ayant fait qu'augmente »le lendemain, il s'oppofa fans ménagement c An. ie R. Cicer. 50. Coss. p. Cornhi. lentulus Sl-lNTHHli. q. CMCl' lius me- tellusNepos. t 1 t c  An. de R. 69S. Cicer. $o. Coss. P. CoRNEI. LENTULUS SPINTHER. Q. CjECIiius Me- tpllus Ne- pos. 2lS HlSTOIRE DE LA VlE « fans reltnótion au décret du fénat ». Cetté conduite caufa d'autant plus de furprife a tout le monde, qu'outre la perfidie dont Serranus fe rendoit coupable en violant fa promelfe , il tomboit dans une ingratitude encore plus odieufe contre Cicéron, qui (a) 1'avoit comblé de biens pendant fon confulat. Cependant le fénat étoit trop uni & trop bien appuyé pour fe lailfer facilement ébranler par les efforts & les artifices d'une faction. Quoique cet obftacle eüt fait fufpendre le décret, falfemblée réfolut que fans aucun délai, on propoferoit une loi au peuple pour le rétablilfement de Cicéron , & la publication fut fixée au vingt-deux du même mois. Ce jour étant venu, Fabricius, un des tribuns de Cicéron, fe rendit a la tribune avant le lever du foleil , pour s'en faifir avec une forte garde. Mais la diligence de Clodius avoit encore furpalfé la fienne; il s'étoit déja faifi de tous les poftes & de toutes les avenues du forum, préparé d'ailleurs a recevoir vigoureufement ceux qui entreprendroient de 1'en déloger. Son efcorte étoit compofée de gladiateurs , qu'il avoit ralfemblés pour les jeux de fon édilité, car il comptoit d'obtenir cet emploi. II en avoit emprunté une autre (a) Is tribunus plebis, quem ego maximis beneficüs queflorem conful ornaveram. Ibid.  de Cicéron, L i r. V. 219 troupe d'Appius fon frère , & les ayant bien armés , avec tous fes efclaves & tous fes cliens , il attaqua Fabricius, lui tua une partie de fa fuite , en bleifa un plus grand nombre , & le chaifa du forum. Cifpius , autre tribun, qui vint au fecours de fon collégue avec quelques gens armés, fut repoulfé d'une manière encore plus fanglante. Les gladiateurs, affamés de carnage, s'ouvrirent mille chemins pour chercher Quintus Cicéron. Ils le trouvèrent enfin , & fa vie n'auroit pas été épargnée , fi dans la confufion de cette affreufe mêlee, il ne s'étoit dérobé a la faveur des ténèbres. Encore ne fut-il redevable de fon falut qu'a 1'adreife qu'il eut de fe cacher fous un tas d'efclaves & d'affranchis, qui avoient été tués autour de lui, & de demeurer dans cette fituation jufqu'a la fin du tumulte. Le tribun Sextius fut beaucoup plus maltraité. Ayant été dévoué a la mort par les factieux, & pourfuivi avec la dernière fureur , il recut une bleflure fi dangereufe qu'il fut laiffé comme mort fur le champ de bataille, & qu'il ne dut la vie qu'a cette opinion. Mais tandis qu'il étoit dans cet état, Clodius faifant réfiexion que le meurtre d'un tribun dont la perfonne étoit facrée allumeroit une flamme qui cauferoit fa propre ruine, prit tout d'un coup la réfolution de tuei un de fes propres tribuns, pour jeter cette actior fur fes adverfaires & rendre ainfi le crime égal An. rle R. 696. Cicec. «o. Coss. P. Cornel. Lentulus spinther. Q. CHCILIUS METELLUS NEPOS.  ■An. de R, 696. Citer. 50. Coss. P. CORNEI. lentui.us Spjnther. q- OeciHus me1 euus Nepos. (>) Princeps rogationis vir mihi amicilïimus Q. Fa- bricius templum aliquanto ante lucem occupavit Cum forum , comitium , curiam , multa de nofte armatis hominibus ac fervis occupaviffent, impetum faciunt irt Fabricium , manus afFerunt, occidunt nonnullos, vulnerant muitos: venientem in forum virum optimum M. Cifpium vi depeliunt; caidem in foro maximam faciunt. Univerfi diflrictis gladiis in omnibus fori partibus fratrem meum oculis quxrebant, voce pofcebant. Pulfus è roftris in comitio jacuit, feque fervorum & libertorum corporibus obtex!tMultis vulneribus acceptis ac debiiitato corpore contrucidato , Sextius fë abjecit exanimatus, neque alïa ulla re ab fe mortem nili mortis opinione depulit. . .. 220 HlSTOIRE DE LA VlE entre les deux partis. Ia victime dont il fit choix fut Numérius Quinctius , homme obfcur , quï s'étoit élevé par le caprice de la multitude, &C qui avoit pris le furnom de Gracchus pour fe rendre plus populaire. « Mais ce rufé payfan , raconte » Cicéron , setant défié du defiein qui fe formoit * contre fa vie, fe déguifa fous 1'habit d'un muy lener , le même dans lequel il étoit venu Ia » première fois a Rome , & fortit heureufement » de la ville avec un panier fur la tête ». Le péril ne cefia néanmoins pour lui qu'après la certitude qu'on eut de la vie de Sextius. Si 1'on en croit les relations qu'on nous a laiflees de ce maffacre , Ie Tibre & les égoüts publics furent remplisde cadavres; on elfuya le (a) fang qui ruilfe-  DE ClC ÉRQN, LlV. V. 221 ïoit fur le forum , avec des éponges, &t Rome vit, en un mot , ce qui eft fans autre exemple que les profcriptions de Cinna & d'Octave. Clodius enflé de fa victoire , mit le feu de fes propres mains (a) au temple des nymphes, ou 1'on confervoit les röles des cenfeurs & les regiftres publics. Tout fut confumé par les Hammes. Enfuite, le flambeau d'une main & Tepée de 1'autre , il atta- vero illi ipfi parricidre adeo vim facinoris fui perhorruerant, ut fi paulo longior opinio mortis Sextii fuiiïet, Gracchum illum fuum, transferendi in nos criminis caufa ^ occidere cogitavetint. Sentit rufticulus non incautus. Mulionicam penulam arripuit , cum qua primum Romam adcomitia venerit ; meiïbria fe corbe contexit, cumquaererent alii Numetium, alii Quinftium , gemini nominis errore %vatus eft; atque hoe fcitis omnes; ufque adeo hominem in periculo fuifle, quoad fcitum fit Sextium vivere. Quod nifi eiïèt patefadum paulo citius, quem vellem , &c. Meminiflis turn , judices , corporibus civiurn Tiberim compleri, cloacas referciri, è foro fpongiis effingi fanguinem. Lapidationes perfiepe vidimus; non ita fxpe , fed nimium tarnen fiepe gladios : csdem vero tantam , tantos acervos corporum extruftos, nifi forte illo Cinnano atque Oöaviano die, quis unquamin foro vidit? Pro Sext. it, 36, 37, 38- (a) Eum qui ardem nympharum incendi , ut memorïam publicam recenfionis , tabulis publicis imprelfa extingueret. Pro Milon. 17, Parad. 4- De Harufp. refp. *7- An. ie R. 69 6. Cicer. 10. Coss. P. Cornet. Lentulus Spinther. Q. Cecilius Metellus Nepos.  An.de R. 696. Cicer. ) que ceux qui aimoient le bien publi (a) Sed honori fummo Miloni noftro nuper fuit, quod gladiatoribus emptis reip. caufa, qua: falute noftra continebatur, omnes P. Clodii conatus furorefque comprelTit. De Offic. 1,17- (b) Itaquepoftea nihil vos civibus, nihil focüs, nihil regibus refpondiflis. Poft red. in Sen. 3. Quid mihi prsclarius accidere potuit , quam quod illo referente vos decreviftis ut cundi qui ex omni Italia qui remp. falvam vellent, ad meunum rellituendum &defendendumvenirent? Ibid. 9, In una mea caufa fadum eft ut literis confu- An. de R. 69 6. Cicer. 50. Coss. P. CORNEL. Lentulus Spinther. Q. CKlIl1us metellus Nepos.  An. de R. Cicer. 50, Coss. p. cornel. lENTULUS Spinther. Q. Oecinus Metellus Nepos. Iaribus ex S. C. cunfta ex Italia omnes qui remp. falvam vellent, invocarentur. Pro Sext. 60. (a) Quiincolonia nuper conflituta, cum ipte gereret magiftratum , vim & credulitatem privilegü , auftorilate honefliffimorum hominum & publicis literas confignavit.. . . princepfque Italia; totius prasfidium ad meam ialutem implorandum putavit. Poft red. in Sen. 11. Hic municipia coloniafque adüt, hic Italia; totius auxilium imploravit. Pro Dom. n. & 224 HlSTOIRE DE LAVlE étoient exhortés a venir au fecours de Cicéron. Une déclaration de cette nature rendit le courage a tous les honnêtes citoyens , & ralfembla bientot a Rome une multitude de gens de toutes les parties de 1'Italie, oü 1'on ne compta point une ville qui ne témoignat par quelqu'acbe public, ou par quelque monument fa vénération particuliere pour Cicéron. Pompée, qui étoit alors a Capoue, & qui y étoit confidéré comme le premier magiftrat de fa nouvelle colonie , voulut prélider (a) a 1'alfemblée oü 1'on forma un décret a 1'honneur de Cicéron. II fe chargea aulïï de villier toutes les villes & les autres colonies Ju même canton , pour fixer lui-même le jour i'un rendez-vous général a Rome, oü devoient fe rendre tous ceux qui voudroient aflifter a la jublication de la loi. Lentulus donnoit pendant ce tems-la des jeux  be Cicéron, L i r. V. zz$ & des fpectacies , pour ramufement des érrangers que lintérct public avoir atcirés dans Ja ville. II avoit choi/ï pour ces repréfentations ie théatre de Pompée, & le fénat qui n'en vouloit pas être éloigné, s'alfembloit dans un temple voifin qui étoit dédié a 1'honneur & a la vertu, & qui portoit le nom de Monument de Marius ; paree que ce général 1'avoit fait batir des dépouilles des cimbres. Ce fut dans ce lieu , par une heureufe conformité avec le fonge de Cicéron , que le décret fut paiïë dans toutes les formes pour ordonner fon rappel & fon rétablilTement. K(a) Ce » fut, dit-il lui-même, dans le temple de ces » deux divinités qu'on rendit enfin a Ja vertu Vhon*neur qu'elle méritoit; & le monument de Ma» rius , qui avoit confervé 1'empire , devint la - fource du falut & de la füreté de fon com» patriore , qui avoit fauvé Rome & la république ». ^ Ia nouvelle de ce décret ne fe fut pas plutöt répandue jufqu'au théatre de Pompée , que toute 1'afiemblée en fit éclater fa joie par des applaüdilTemens extraordinaires. Ils redoublèrent l Par" rivée de chaque fénateur; & lorfque le conful (a) Cum in templo honoris & virtutl's honos habitus effet virtuti; Caiique Marü, confervatoris hujus imperii monumentum, municipi ejus & reip. defenfqri fedem ad falutem prxbuïiTet. Pro Sext. 54, 5ó. Tomé II, p An. de R,- Cicer. 50. Coss. p. CORNEt. -ENTULUS iPINTHER. Q. Oeci- LIUS MBrELLUS Nb- ?os.  lig HlSTOIEE DE LA V I E An. de R. Lentulus vint prendre fa place, tous les fpectateurs Gi/er.%0. fe levèrent avec des möuvemens & des acclamaP Cornsu tïons dont il ny avoit jamais eu d'exemple. Mais SP^JS Clodius ayant eu Ia hardieffe de fe montrer , a uQsCXm- Peine le PellPle Put_ii fe contellir P°ur ne.p3S tellus ne- pe pürter a la violence. On accabla ce furieux de menaces & d'imprécations. Au combat des gladiateurs, qui étoit un plailir dont il n'avoit pas la force de fe priver , il n ofa prendre la route ordinaire peur fe rendre a fa place. ll.palTa fous lpsbancs, parun endroit obfeur, qui en confer- vale nom de la voie JPPla{a); & lorfqu'on (a) Audito S. C. ore ipfi atque abfenti fenatui plaufus eft ab univerfis datus : deinde fenatoribus fingulis fpeo tatum è fenatu redeuntibus. Cum vero ipfe, qui ludos faciebat , conful affedit, ftantes , & manibus pafTis gratias agentes, & lacrymames gaudio, mam erga me benevolentiam ac mifericordiam declararur.t. At cum ille funbundus venilTet, vix fe'populus romanus tenuit. Pro Sext. V. Is cum quotidie gladiatores fpedaret, numquam eft confpeöus cum veniret ; emergebat fubito , cum lub tabulas fubrepferat. Itaque illa via latebrofa, qua ille fpectatum veniebat , Appia jam vocabatur. Qui tarnen, quo tempore confpeftus erat, non modo gladiatores, fed equt jpfi gladiatotum repentinis fibilis extimefceb.ant Videtis-ne irftur quantum inter populum romanum & concionem interfit? dominos concionum omni odio populi notan? Qu.bus autem confiftere in operarum concionibus non liceat, eos emni populi romani fignificaüone decorari > Ihd. ^.  ce Cicéron, Liv.V. 227 ï'eut appercu , il s'éleva un fiflement fi érrange , An. de r. que les gladiateurs & leurs chevaux mêmes en c.c«'\ó. furent effrayés. Cette lecon devoit lui apprendre, n 9ossremarque Cicéron , a mettre une jufte différence Lrntulus I ' • I , ■ 1 ri Spinther. entre les ventables citoyens de Rome , & cette Q- Cjecimiférable populace au milieu de laquelle il domi- tellus nenoir. II devoit comprendre que ceux qui fervoient °S' de chefs a des afiemblées telles que les fiennes , étoient des obiets d'horreur pour la ville ; au lieu que ceux qui auroient eu honte de s'y montrer, recevoienr toutes fortes d'honneurs dans les véritables afiemblées du peuple romain. Le jour que le fénat porta Ion décret, Elope, ce fameux comédien , a qui Cicéron rend le témoignage qu'il joüoit fon röle dans 1'état aufiibien que fur le théatre, repréfentoit Telamon, banni de fon pays dans une tragédie d'Accius. AveC un peu d'emphafe qu'il mit dans fa voix , & pat le changement d'un mot ou deux dans quelques vers, il eut 1'adrelfe de faire tornber la penfée des fpectateurs fur Cicéron. « Lui ! ce brave citoyen qui 5» a défendu fi conltamment la république, qui dans » un tems dangereux a prodigué fa vie & fa for<» tune ? . .. . Quel ami ! que de mérite & de » talens! O! père de la patrie ! J'ai vu y> tous fes biens confumés par les Hammes... Grecs «ingrats, peuple i neon (fan t, fans mémoire pour »les bienfaits Le voir banni , chaffe , le PU  An. de R. 6g Lentuius decret, Clodius eut encore limpudence K la- spjnther. drefle d'empêcher qu'il ne prit 1'autorité de loi. £,^C^|£ II faifit toutes les occalions de le combattre en p^_LusNE" public , & voyant le forum rempli de fes mercenaires, il leur demanda a haute voix, contre 1'ufage , s'ils fouhaitoient, ou non , que Cicéron fut rétabli (a). Ses émilTaires n'ayant pas manqué de faire une réponfe conforme a fes ordres, il affecta de la recevoir comme la voix du peuple romain, & fa déclararion fut que par conféquent le décret devoit être rejeté. Mais le fénat indigné de fe voir fi peu refpeclé d'une vile cabale, tandis qu'il étoit applaudi de tous les honnêtes o-ens , réfolut enfin de prendre des mefures plus infaillibles pour le foutien de fon autorité. Lentulus convoqua l'alTemblée au capitole le 21 de mai. Pompée 1'ouvrit par la propofition du rappel ; & dans un difcours fort travaillé, qu'il avoit apporté par écrit, & qu'il ne fit que (a) Ille tribunus plebis, qui de me, non majorum fuorum , fed grxculorum inllituto, concionem interrogare folebat vellet ne me redire ? Et cum erat reclamatum lêmivivismercenariorum vocibus, populum romanum negare dicebat. Ibid. <,?. P iij  An. At R. 6$ 6. Cicer 50. Coss. P. CORNEI. LENTU1US Spinther. Q. CsciIIUS JiEteilus NePOS. (a": Idem iile conful , cum illa incredibilis multitudo Romam & pcene Italia ipfa veniffet, vos frequentiflimos in cap;-c'!um invccavit. Poft red. in Sen. ro. Cum v:r is qui iripartitas orbis terrarum oras atque regiones tribus ttiumphis huic imperio adjunftas notavit, defcripto lementia dida , mihi uui tellimonium patrLe confervata: dedit. Pro Sext. 6\. (b) Q. Metellus & inimicus & frater inimïci, perfpedta veilra voluntate , omnia privata odia depofuit : quem P. Serviüus & aufloritatis & orationis fu.e divina quadam gr?.vi:?.te ad lui generis communifque fanguim's fadta virtutetque revocavit, ut haberet in confilio & fratrem ab inferis, & cmnes Metellos pr-eftantiflimos cives... Itr.que extitit ron modo falutis defenfor , verum etiam adlcriptor dignitatis rr.eï. Quo quidem die, cum vos 417. ex fer.atu effetis , magiilratus autem hi omnes ade£ fent, dijlèr.nt unus. Pofl red. in Sen. 10. Collacrymavit vir egregius ac vere Metellus, totumque fe P. Servi- 230 HïSTOIRE DE LA VlE lire a haute voix , il déféra nettement a Cicéron i'honneur d'avoir fauvé la patrie (a). Tous les chefs du fénat s'expliquèrent après lui dans les mèmes termes. Le feul Metellus , malgré toutes fes promelfes . fembloit encore balancer ; 8i n'ayant pas celfé jufqu'alors de jouer le doublé , il étoit arrêté fans doute par le regret de manquer enfin a Clodius : lorfque Serviüus, romain du premier rang, confulaire, cenfeur, honoré du triomphe, fe leva pour lui faire honte de fon irréfolution Ils étoient proches parens.(b;I1 attelfa  be Cicéron, L i v. V. 231 tous les morts de 1'illuftre fang de Metellus. II lui remit devant les yeux la gloite de tant d'honorables ancêtres. II lui rappela la conduite & le malheureux fort de fon frère : enfin il attaqua fon cceur par des motifs fi puiffans, que le conful fc rendant a la force du difcours autant qu'a 1'autorité de l'orateur, voua, les larmes aux yeux , & pour le refte de fa vie, fon eftime & fes fervices a Cicéron. Cette proteftation fut fi fincère, qu'al'inftant il fe joignit a fon collégue pour mettre la demière mam au rappel; de forte que dans une aflemblée de quatre eens dix-fept fénateurs, oü tous les magiftrats étoient auffi préfens, le décret fut confirmé par tous les fuffrages ; a 1'exception , comme on doit fe 1'imaginer , de celui de Clodius. Cicéron écrivit a Metellus une lettre de remerciment, comme il avoit déja fait lorfque ce conful avoit commencé a fe déclarer pour lui On pourroit s'étonner que les deux tribuns , dont la haine contre Cicéron ne s'étoit pas rallentie , euffent perdu tout d'un coup 1'envie de s'oppofer au décret, puifque la négative d'un feul lio dicenti etiam turn tradidit. Nee illam divinam gravitatem , plenam antiquitatis, diutius potuit fuftinere. Pm Sext. 6z. (a) Ep. fam. 5 , 4. P iv An. de r. 6$6. Cicer. 50. Coss. P. Cornel. Lentulus Spinther. q. ceciiius metellus NE. pos.  An. de R. 696. Cicer. 50. Coss. P. cornel. Lentulus Spint h er. Q. Cscrnus metellus Nepos. ] i ( 231 HlSTOIRE DE LA VlÉ tribun arrêtoit infailliblement toutes fortes d'actes & de loix. Mais lorfque cette oppolïtion étoit arbitraire & facrieufe, manifeftement contraire a 1'intérêt public & au penchant des citoyens, fi le tribun ne fe lailfoit point engager par des voies douces a la révoquer, 1'ufage du fénat étoit d'entrer en délibération fur fa conduite, Sc de prendre quelque réfolucion extraordinaire , comme de le déclarer ennemi de la patrie, & refponfable de tous les maux qui pouvoient arriver-, ou d'ordonner que les confuls prilfent foin que la république ne recut aucun dommage. Ces mefures juftifioient les méthodes les plus violentes, & les auteurs du trouble perfiftoient rarement a s'expofer aux fureurs d'une ville animée, & a mettre leur vie en danger pour foutenir leur entreprife. Tel étoit le cas préfent; fans compter que tant de fidelies citoyens qui étoient venus des colonies Sc des villes aflbciées, rendant le parti de Cicéron fort fupérieur, il ne pouvoit plus refter d'efpérance aux factieux. Le lénat continua de s'alTembler le jour fuirant, pour achever de prendre des mefures qui euffent écarter toutes fortes de nouveaux obftaclës, k faire palier promptement le décret en loi. Mais ivant 1'ouverture de 1'alfemblée le conful Lentulus è rendit a la tribune avec quelques-uns des prin:ipaux fénateurs. Chacun d'eux répéta fucceffive-  de Cicéron , L i v. V. 233 ment au peuple les préparatifs qui s'étoient faits la veille pour la publication d'une. loi. Pompée fe diftingua par les éloges qu'il fit du mérite de Cicéron : « II déclara que la république lui devoit » fa confervation , & que leur süreté commune » étoit renfermée dans la fienne. II les exhorta a » foutenir le décret du fénat, le repos de la ville, 30 & la fortune d'un citoyen a qui elle avoit tant 33 d'obligations. C'étoit, leur dit-il, la voix de 33 tous les fénateurs qui leur parloit par la fienne, 33 c'étoit celle de tous les chevaliers, celle de 33 I'ltalie entière. Enfin il y joignoit non-feulement 33 fes propres prières (a), mais fes plus ardentes 33 fupplications 33. Dans 1'affemblée du fénat, on pafla quelques nouveaux décrets pour faciliter le fuccès de la loi. Le premier, qu'aucun magiftrat n'eüt la hardiefie de prendre des aufpices pendant que la caule de Cicéron feroit devant le peuple , & que celui (a) Quorum princeps ad rogandos & ad cohortandos vos fuit Cn. Pompeius Primum vos docuit meis con- filiis remp. eiTe fervatam , caufamque meam cum falute communi conjunxit ; hortatufque eft ut auctoritatem fenatus, ftatum civitatis, fortunas civis bene meriti defenderetis ; turn in perorando pofuit, vos rogari a fenatu , rogari ab equitibus , rogari ab Italia cuncta ; denique ipfe ad extremum pro mea vos falute non rogavitfolum , verum etiam obfecravit. Paft red, ad Quir. 7. An. de R. 6gS. Cicer. 50. Coss. P. CoRNEI. Lentulus Spinther. q. Ctecilius Metellus Nepos.  An. de R. 696. Cicer. 50. Coss. P. CorneL. i.entulus. Spinther. q. Csctiius Metellus Nepos. (a) Quod efl poflridie decretum in curia r.e quis de ccelo fcrvaret, ne quis moram ullam afferret ; fi quis aliter feciiïèt , eum plane everforem reip. fo- re Addidit, fi diebus quinque , qu!bus agi de me potuiiTet, non efTet zdum , redirem in patriam, omni audo- ritate recuperata Ut ik, qui ex tota Italia, falutis mex caufa , convenerant, agerentur grati*, atque iidem 234 HlSTOIRE DE LA VlE qui oferoit 1'entreprendre füt traité comme 1'en- nemi public. 20. Que fi par quelque nouvelle violence ou par d'injuftes oppofitions la loi n'étoit pas recue dans 1'efpace de cinq jours , Cicéron auroit la liberté de revenir a Rome fans le fecours d'aucune autre autorité. 3°. Qu'on feroit des remercïmens publics a tous les citoyens des colonies qui s'étoient rendus a Rome pour la défenfe de Cicéron, & qu'ils feroient priés d'y revenir le jour qu'on devoit prendre les fuffrages du peuple. 40. Qu'on rendroit graces auffi a tous les états Sc a toutes les villes qui avoient regu ou traité favorablement Cicéron; qu'on recommanderoit le foin de fa perfonne a toutes les nations alliées de la république 5 & qu'on enverroit ordre aux généraux romains qui commandoient dans les pays étrangers, de prendre fa vie & fa süreté fous leur protection (a).  de Cicéron, L i v. V. 235 II n'y a perfonne qui ne fente ici toute la grandeur Sc la dignité du caractère de Cicéron. Qui pourra contenir fon admiration , en voyant un grand empire fi vivement intérefie .1 1'hojineur Sc au falut d'un fimple fénateur, que toutes les affaires font fufpendues, &c les intéréts publics oubliés pendant plufieurs mois ? Cependant pour exciter tant de mouvemens Sc de zèle en fa faveur, Cicéron n'avoit que la force de fes vertus perfonnelles &c le mérite de fes fervices. Ne femble-t-il pas que la république ne pouvoit fe foutenir fans lui, Sc qu'en étant regardé comme la plus ferme colonne, on s'attendoit a la voir périr fi ce foutien venoit a lui manquer ? Pendant ce tems-la, les plus grands monarques de la terre, qui avoient des affaires a régler avec le peuple romain , attendoient 1'évènement de celle qui intérefloit uniquement la ville , fans pouvoir obtenir de décifion ni de réponfe. Ptolemée, roi d'Egypte , qui avoit été .chaffé de fes états, Sc qui étoit venu ad res redeuntes, ut venïrent rogarentur... . Quem enim unquam fenatus civem , nifi me , nationibus exteris commendavit ? cujus unquam propter falutem , nifi meam, lenatus publicè focüs populi rom. gratias egit > de me uno P. C. decreverunt, ut qui provincias cum imperio obtircrent, qui qusitores legatique elfent, falutem & vitain jfièam cuflodirent. Pro Sext. 60 , 61. An. de R. Cicer. 50. Coss. P. CoRNEI. [ ExTULTJS SP1N1HER. q. l.MCIl1us me- 1'ei.lus Nepos.  An. de R. 696. Cicer. 50. Coss. P. cornel. Lentulus Spinther. Q. Cjecilius Metellus Nepos. (a) Nihil vos civibus, nihil (ociis, nihil regibus refpondim's. Nihil judices fententiis , nihil populus fuffragiis , nihil hic ordo auetoritate declaravit. Mutum forum , elinguem curiam , tacitam & fraftam eivitatem videbatis. Poft red. in Sen. 3. (b) Pro Sext. 60, cum notis manut. ad Cl. (c) Mihi in animo eö legum lationem expeöare ; Sr li obtrectabitur, utar auetoritate fenatus, & potius vita quam patria carebo. Ad Att. 3 , 16. 236" HlSTÖIRE t)E LA Vie demander du fecours a Rome contre fes fujets rebelles, fe trouvoit actuellement dans cette efpèce d'humiliation. Quoiqu'il füt logé chez Pompée , il lui fut impofïible de fe procurer une feule audience du fénat, jufqu'a ce que les affaires de Cicéron fuffent terminées (a). La loi qu'on préparoit pour fon rétabiifTement devoit être approuvée par les fuffrages des centuries, car 1'approbation du peuple jointe a 1'autorité d'un décret du fénat, étoit la voie la plus folennelle & la plus honorable pour conclure folidement une affaire (b). Cicéron étoit réfolu d'attendre le fuccès de la fienne par cette voie •, mais fi les artifices des facbieux prévaloient encore fur toutes les mefures de fes amis, il n'étoit pas moins déterminé a partir fur la feule autorité (c) du fénat, & a rifquer plutbt fa vie que de la palier plus long-tems dans 1'éloignement de fa patrie. Heureufernent la vigueur du fénat dans ces der-  de Cicéron, Iir. V. 237 nières alTemblées avoit tellement découragé les chefs de la faétion , qu'ils avoient abandonné Clodius a fes fureurs. Metellus avoit rompu avec lui; Appius, fon frère, ne délïroit plus que le repos , & les deux tribuns paroilfoient effrayés. Cependant il fe palfa encore deux mois depuis le dernier décret, avant que les amis de Cicéron pulfent compter fur le fuccès de tous leurs foins; & 1'affemblée du peuple romain fe trouva reculée jufqu'au quatrièmè jour du mois d'aoüt (a). On n'en avoit jamais vu de plus nombreufe & de plus lolennelle. Toute 1'Italie s'y trouvoit réunie. Chacun auroit regardé comme un crime d'en être abfent (b). L'age , 1'infirmité , ne furent pas des excufes fuffifantes pour fe difpenfer de (a) Redii cum maxima dignitate , fratre tuo altero Conlule reducente, altero pnrtore petente. Pro Dom. 33. (i>) Quo die quis civis fuit qui non nefas elfe putaret, quacumque aut a;tate aut valetudine effet, non fe de falute mea lèntentiam ferre ? Poft red. in Sen. 11. Nemo fibi nee valetudinis excufationem, nee fenectutis, fatis juflam putayit. Pro Sext. 51 De me cum omnes magiilratus promulgaffent , prxter unum pra;torem a quo non erat poftulandum , fratrem inimici mei , prster- que dr.os de lapide emptos tribunos plebis Nullis comitiis unquam multitudinem hominum tantam , neque fplendidiorem fuifle. . . . vos rogatores, vos diüributores, vos cufiodes fuiffe tabularum. In Pifon. 1;. An. de R. 696. Cicer. 50, Coss. P. CoRNEt. Lentulus Spinther. q. Ckci. lius metellus Nepos.  An. de R. 696. Cicer. 50. Coss. P. CoRNEL. lentulus spinthfr. q. cscilius Metellus Nepos. 238 HlSTOIRE de la VrS prêter la main au rétabltlfement de Cicéron. Tous les magiftrats s'empretlèrenr a 1'envi de recommanderla loi au peuple, a 1'exception d'Appius, & des deux tribuns, qui n'eurent pas néanmoins la hardielTe de parler d'oppoiïtion. L'aiTemblée fe tint au champ de Mars, qui étoit plu; propre qu'un aurre lieu a contenir cette étrange multitude. Les fénateurs partagèrent entr'eux le foin de préfider a chaque centurie, & de faire recueillir fidellement les futfrages. Le réfultat fut enfin , que Cicéron étoit rappelé par ies défirs unanimes de toutes les centuries , a la joie extréme de toute la ville. Clodius, avec une hardiefle qui ne convenoit qu'a fon caraclère, fe préfenta dans 1'alTembiée, Sc rifqua même quelques invectives contre la loi; mais il ne put s'attirer ni un regard ni un moment d'attention. Ce fut dans cette occafion qu'il dut fentir la différence que 1'on a déja fair remarquer entre une affemblée libre du peuple romain , & ces troupes de bourgeois mercenaires , foutenues par des efclaves &: des gladiateurs, qui ne connoilfoient point d'autre méthode que la violence. k Oü font maintenant, difoit Cicéron , ces » tyrans du forum, ces orateurs de la populace, v ces diftributeurs de royaumes »? En effet cet acfte eft un des derniers monumens de la liberté de Rome , un de fes derniers eflorts pour le fou-  de Cicéron, L i v. V. 239 tien de 1'ancienne conltitution, a 1'honneur d'un citoyen qu'elle avoit nommé fon père, & qu'elle ne celfoit pas de regarder comme fon défenfeur. L'union des triumvirs avoit déja porté a la république une blelfure dangereufe , & leurs dilfentions, qui ne furent pas long-tems a fuivre, achevèrent entièrement fa ruine. S'il fe mêla quelqu'amertume a la joie d'un jour 11 glorieux, elle fut caufée par la mort de Pilbn , gendre de Cicéron, qui étoit arrivée peu de jours auparavant, fans qu'il eüt pu recueillir le fruit de fon attachement, & partager avec toute fa familie le plailir & 1'utilité du retour de fon beau-père. Ses louanges feront du moins immortelles, comme les écrits du héros de cette hiftoire (a). Cicéron s'étoit déterminé a revenir a Rome (a) Pifo ille gener meus , cui pietatis Cax fructum, neque ex me, neque a populo romano ferre licuit. Pro Sext. 31. Studio autem neminem nee induftria majore cognovi : quanquam ne ingenio quidem qui prxttiierit , facile dixerim , C. Pilbni genero meo. Nullum illi tempus vacabat, aut a forenfi diöione , aut a commentatione domeftica, aut a fcribendo aut a cogitando. Itaque tar.tos proceflus faciebat, ut evolare non excurrere videatur , &c. Alia de ullo majora dici poflunt. Nam nee continentia, nee pietate, nee illo genere virtutis, quemquam ejufdem setatis cum illo conferendurn puto. Brut.pag. 397, 393. An. de R. £9 ff. Cicer. (O. Coss. P. coknel, lentulus spinther. q. oeci- Lius Metellus Nepos.  An. de R. 696. Cicer. 50. Coss. P. Cornel. Lentulus Spinther. q. Cecilius Metellus Nepos. / 240 HlSTOlRE DE LA VlE fur le feul décret du fénat, fi la publicatiön de la loi eüt trouvé quelqu'obltacle: mais apprenant par les lettres de tous fes amis qu'ils étoient sürs du fuccès, il s'emharqua pour 1'Italie le 4 d'aoüt, c'eft-a-dire, le jour même que la loi fe publioit a Rome; & le jour fuivant il prit terre a Brindes, oü il trouva fa fille , qui s'y étoit déja rendue pour le recevoir. Par un effet du hafard, il fe trouva que le jour de fon arrivée étoit la fête annuelle de la fondation de la ville , celle de la dédicace du temple de la Süreté a Rome, & celle de la naiiTance de Tullia; comme fi la fortune eüt pris plaifir a ralfembler toutes ces circonlfances, pour lui infpirer de la confiance a fes faveurs, & pour augmenter la joie qu'il apportoit par fon retour {a). (a) Pridie non. fextil. Dyrrachio fum profedus; illo ïpfo die lex eft lata de nohis. Brundilium veni nonis. Ibi mihi Tulliola mea prafio fuit, natali fuo ipfo die qui cafu idem natalis erat brundiunx colonü:, & tua: vicm.-e falutis. Qua: res animadverfa a multitudine , fumma brundifinorum gratulatlone celebratata eft. Ante diem VI. id. fext. cognovi literis Quinti fratris, mirifico fiudio omnium aetatum atque ordinum, incredibili concurfu Italia; , legem comiuis centuriatis effe perlatam. Ad Att. 4, 1. Cumque me domus eadem optimorum & doCtiifimorum virorum, Lenü Flacci, & patris & fratris ejus tetiffima accepilfet, qux proximo anno mcerens receperat, & fuo periculo prcefidioqv:e defenderat. Pro Sext. 63.  »e Cicéron, Lip-. V, 241 li fe logea, comme il avoit fait a fon paiTaoe, An , w chez Lenius Flaccus, fon ami conftant dansV. * dilgrace , & fort conudéré pour fon favoir & fa Cos/.°' politelTe. Mais dans 1'efpace de quatre jours il ISÏÏSÏ 7 recut de Rome 1'heureufe nouvelle de la pu- 'TSblication de la loi, avec toutes les explications Sjg£ qui pouvoient lui rendre le bienfait plus cher POs" Kien ne devant plus modérer fon empreiTement, ü quitta Brindes, comblé des témoignages oublies & particuliers de laffeciion de cette ville mefL!%<3^ avanca vers Rome, le bruit de fon amvee attira fur fon paffage une foule de peuple pour le féliciter du changement de fa fortune, «Tout Ie chemin bordé de fpectateurs , depuis * Brindes jufqu'a Rome , reffembloit a une rue -connnuelle. C'étoit une multitude d'hommes "defemmes, d'enfans (a) ; il „> cu£ int de • "Canton, de ville, de eolonie , qui ne lui dé- cernat des honneurs publiés, & qui ne lui f?(. » bure des complimens fur fon retour par une («) Meus quidem reditus is fuit, Ut a Brundi/Io ufque Komam agmen perpetuum totius Itali* viderem. ^ enim regto fuit ulla, neque pr.fedura, neque municiPium aut colon.a , ex qua non publice ad me venerint gratulatum. Quid dicam adven£us ^ ^ ^ nes hommum ex oppidis! Quid concurfum ex agris patrum-famdias, cum conjugibus ac liberis! In Pifon. „. -lome II q  An. is R. «96. Cicer. io. Coss. ï>. Cornel. Lentulus SPJNTHïR q. Cfficinus Metellus NE- ROS, 242 HistoiredelaVie au députation de fes principaux membres («)■* Cicéron nexagère point, dit Plutarque , quand d aiïure que toute 1'Italie le rapporta fur fes epaules Ce jour, dit-il lui-même, valut pour mot VimmórtaM."« Én apptochant de la ville il vit „le fénat, fuivi de tout le corps des citoyens, „qui venoit au-devant de lui; comme fi Rome „fe füt arrachée de fes fondemens pour venir „ embraffer fon confervateur (*). A 1'entrée des „ murs , il vit les temples, les portiques & juf, qu'aux toits des maifons couverts de gens q.u „ le faluèrent avec des acclamations univerfelles; , & fa marche fut accompagnée des mêmes hon. neurs jufqu'au capitole , oü il trouva d'autres » eflaims de citoyens qui attendoient fon arnvee. » Mais au milieu de fa joie il ne put fe défendre „d'un fentiment de trifteffe, en faifant réflexion , qu'une ville fi fenfible a la reconnoilfance querie „ croyoit devoir a fon défenfeur, avoit été mife- (a) Italia cunfta poene fuis humeris reportavit. Poft red in Sen. 15. Idnere toto, urbes Itali* feftos dies agere adventus mei videbantur. Vis multitudine legatorum undique mifforum celebrabantur. Pro Sext. «3. _ (*) Unus ille dies mihi quidem inftar immortalitaüs fuit . Cum fenatum egreffum vidi, populumque romanum univerfum, cum mihi ipfaRoma, prope convulfa fedibusfuis, ad compieftendum confervatorem fuum procedere vifa eu. In Pif. *»•  de Cicéron, L i v. V. 24$ »3 rablement opprimée pendant fon abfence (d) *>. Le capitole étoit proprement le centre, &c comme le tröne de la majefté de 1'empire. C 'étoitla qu'on voyoit s'élever jufqu'aux nues ce magnifique temple de Jupiter, ou de ce dieu que les romains appeloient le meilleur & le plus grand (b). L'ufage, pour ceux qui entroient dans la ville en triomphe, ou qui faifoient quelqu'autre entree publique, étoit d'aller rendre leurs premiers devoirs a fes autels. Cicéron fe crut obligé , avant que de faluer fa femme & fa familie , de rendre fes -premiers hommages a la religion. Les égards dont il ne pouvoit fe difpenfer pour Ja fuperftition populaire lui firent adrelfer auffi fes actions de graces a la petite ffatue de Minerve qu'il avoit placée au temple de fon père en fortant de Rome. De la, précédé & fuivi du même cortège, il fe rendit a la maifon de fon frère, avec une fplendeur & un air de triomphe, qui lui fit dire dans la fuite, qu'il pouvoit craindre avec raifon qu'on (a) Iter a porta, in capitolium afcenfus, domum reditus erat ejufmodi, ut fumma in lstitia illud dolerem , civitatem tam gratam , tam miferam atque opprelTam fuiffe. Pro Sext. 63. (b) Quo circa, te , Capitoline , quem propter beneficia populus romanus optimum , propter vim maximum nominavit. Pro Dom. 57. Qij An. de R, 696. Cicer. . Cornel-. Lentulus SPIN'l her. q. Ctecttius Metellus Ne(?os. i44 Histoire de iï Vie ne le foupconnat d'avoir fouhaité fa difgrace , pour obtenir un rétabliffement fi glorieux (a). (a) Ut tuamihi confcelerata illa vis non modo non propulfanda, fed emenda fuüfe videatur. P/x> Dom. 18.  be Ciceroif, Liv. VI. 24? LIVRE SIXIEME. XiE retour de Cicéron devint pour lui comme 1'origine d'une (a) nouvelle vie. C'eft: le nom qu'il lui donne lui-même, paree qu'elle devoit être 1 gouvernée par de nouvelles régies, & fondée fur J de nouveaux principes de politique. Cependant comme il n'étoit pas capable de renoncer a fon " ancien caractère, c'étoient deux objets qu'il falloit accorder. L'expérience ne lui avoit que trop appris dans quelles mains rélïdoit le poids de 1'autorité , & combien il y avoit peu de fond a faire fur les partifans de fariftocratie. Pompée 1'avoit fervi de bonne foi ; & Céfar même ayant contribué a fon rétablilfement, il fe voyoit obligé par le doublé motif de la gratitude & de la prudence, a leur marquer plus de confiance & d'amitié. D'un autre cöté, le fénat, les magiftrats & les honnêtes gens de tous les ordres s'étoient déclarés pour lui avec un zète extraordinaire ; & le conful Lentulus avoit porté le fïen jufqu'a faire (b) ( a) Alterius vits quoddaminitium ordimur. Ad Ait. 4 t. Dans un autre endroit il appelle Ion rétablilfement, na.\tyyiiiTia.\. Ibid. 6 , 6. (b) Hoe fpecimen virtutts, hoe indicium animi,. hoe q üj An. de r. 696. Cicer. 50. Coss. '. CORNEL. .en1 ulus pinther. q. Cmci. ws Me'euus Neos.  An. He R. 696. Cicer. 50. Coss. P. cornel. lentulus Spinther. q c.eci11us JlE- tellus Nepos. lumen confulatus fui fore putavit, 15 me mihi, fi meis, fi reipublica; reddidiiïèt. Poft red. in Senat. 4. (a) Sed quia fspe concurrit, propter aliquorum de me meritorum inter ipfos contentiones , ut eodem tempore in omnes verear ne vix poflim gratus videri. Sed ego hoe meis ponderibus examinabo , non folum quid cuique debeam, fed etiam quid cujufque interfit, & quid a me cujufque tempus pofcat. Pro Planc, }i. 24eJ HlSTOIRE DE LA VlE juger qu'il s'étoit propofé fon rappel comme Ie but & la o-loire de fon adminiftration. Cet ad- ö mirable accord des partis oppofés , cette ardeur commune a s'employer pout fa caufe , lui impofoit une variété (a) d'obligations qui devoient fe choquer infailliblement, & donner quelquefois de 1'exercice a fon habileté pour les concilier. Sa süreté , fon honneur, fes devoirs privés & publics n'y devoient rien trouver a combattre. Telie étoit la perfpeebive que fes grandes lumières lui faifoient embraffer d'un coup d'ceil. Tels devoient être les motifs & les reflbrts de fa vie nouvelle ; & la néceffité de mareber ferme au travers de tant d'écueils, n'étoit pas un embarras léger. Le cinq de feptembre , jour d'après fon arrivée, les confuls convoquèrent l'aiTemblée du fénat, pour lui fournir 1'occafion d'y faire éclater publiquement fa reconnoilfance. Après avoir exprimé en général les fentimens qu'il devoit a toute 1'af-  de Cicéron, Liv. VI. 247 femblée, il fit des reniercïmens particLÜiers a chaque magiftrat, en les défignant par leurs noms; aux deux confuls, aux tribuns , aux préteurs. II s'adrelTa aux tribuns, avant que de nommer Les préteurs, paree qu'ayant plus de part a la publication des loix, quoiqu'inférieurs en dignité , il leur avoit plus d'obligation pour celle de fon rétabiifTement. Le nombre (a) de fes amis particuliers étoit trop grand pour lui permettre un détail plus étendu; mais il excepta Pompée, qui dans le rang même de fimple fénateur étoit aflez diftingué par 1'éminence de fon caractère pour mériter un compliment perfonnel. Lentulus, qui étoit le premier conful & qui 1'avoit fervi avec tant d'affection , eut la principale part a fes louanges, & dans 1'effufion de fon cceur il 1'appela le père & le dieu de fa vie & de fa fortune. Le jour fuivant il monta fur la tribune , pour faire auffi fes reniercïmens au peuple. Sa harangue embraffa les mêmes fujets qu'il avoit touchés au fénat, c'eft-a-dire, les fentimens de fon cceur avec ( a) Cum perpaucis nominatim gratias egiffem , quod omnes enumerari nuilo modo poffent , fcelus autem eifet quemquam prarteriri. Ibid. 3 o. Hodierno autem die , nominatim a me magiftratibus. flatui gratias effe agendas, & de privatis uni, qui pro falute mea , munlcipia coloniafque adiiïèt. Poft red. in Sen, 12.. Q iv An. de R, ffjt?. Cicer. 50. Coss. P. CoRNEL. lentu1.uï Spin ihfr. q.C«ci- 11US METELLUS Ne7 POS»  An. He R. 696. Cicer. 50. Coss. p. cornei. Lentulus Spinther. Q. Cjeci. Iius Me'j tllus nepos. (a) Cn. Pompeius, vir , omnium qui fimt, fuerunt, erunt, princeps virtute, fapjentia ac gloria Huic ego homini, Quirires, tantum debeo quantum hominem homini debere vix fas eft. Poft red. ad Quir. 7,. 248 HlSTÓfRE DE LA VrE 1 eloge du mérite & des fervices de fes amis. Mais s'étant étendu particulièrement fur Pompée, cc il » 1'appela le plus grand homme qui eüt été , » qui füt (a) , & qui put être , autant par fa " fagelfe & fa vertu que par fa gloire ; & re« connoilfant tout ce qu'il lui devoit, il préten" dit qu'un homme ne pouvoit avoir plus d'obli« gation a un autre homme 33. Ces deux difcours exillent encore. L'heureufe conclufion d'une affaire fi importante , rendit au fénat la liberté de vaquer aux affaires publiques. II s'en préfenta une qui demandoit toute fon attention par fa nature , & qui étoit fi preffante qu'on n'en pouvoit différer le remède. Le blé & les autres provifions de la ville ayant fouffert beaucoup de diminution par la multitude d'étrangers que 1'intérêt de Cicéron avoit attirés de toute 1'Italie, la cherté devint exceffive ; & les plaintes , qui avoient été comme étouffées par le rappel & par 1'efpérance qu'on en avoit concue, commencèrent a fe faire entendie avec violence lorfqu'on n'en vit pas fur le champ tout 1'effet qu'on s'en étoit promis. Clodius ne  © E C I C É R O N , L I V. VI 1+9 laifTa point échapper une fi belle occafion d'exciter de nouveaux troubles, ui celle de. chagriner Cicéron en lui attribuant la misère publique. II employa un nombre de jeunes garcons (a)a courir dans les rues pendant toute la nuit, en demandant du pain avec des cris lamentables , Sc nommant Cicéron, qu'ils conjuroient de les délivrer de la famine qu'il aveit caufée dans la ville, comme s'ils lui euffent fuppofé quelque magafin de blé, réfervé en fecret pour fon propre ufage. Clodius fit paroïtre auffi fes fuppöts au théatre ou le préteur Ca:cilius, intime ami de Cicéron , faifoit repréfenter (b) les jeux apollinaires; & (a) Qui facultate oblata, ad imperitorum animos incitandos, renovaturum te funefta illa latrocinia ob annonce caufam putavilli. Pro Dom. f. Quid puerorum illa concurfatio nodurna? Num a te ipfo inflituti frumentum a me vefligabant? Quafi vero ego aut rei frumentari« pra:fuiiïem , aut compreüum aliquod frumentum tenerem. Ibid. 6. (l>) Cum homines ad theatrum primo , deinde ad fenatum concurriffent impulfu Clodii. Ad Att.*,, i. Concurfus eft ad templum concordia; fzdus, fenatum illuc vocante Metello.... qui funt homines a Q. Metello in fenatu palam nominati, a quibus ille fe lapidibus appetitum, etiam percuffum elïe dixif. Quis eft ifie Lollius? Qui, te tribuno plebis, Cn. Pompeium interficiendum depopofcit. Quis eft Sergius ? ;Armiger Catilina;, flipator tui cotporis, fignifer An. de R. 696. Cicer. 50. Coss. P. Cornel. lentulus spinther. q. cscil1us metellus Nepos.  An. de R. e9s. Cicer. so. Coss. P. Cornel. Lentulus Spinther. q. Cecinus Metellus Ne- PuS. feditionis His atque hujufmodi ducibus cum tu In annonx caritate in confules , in lenatum repentinos impetus comparares. Pro Dom. 3. 2fo HlSTOIRE DE LAVxE le bruit qu'ils causèrent y répandit tant d'effros que toute rafTemblée prit le parti de fe retirer. Dela, ils fe rendirent avec le même tumulte au temple de la Concorde, ou le conful Metellus avoit convoqué le fénat ; mais ayant rencontré Metellus en chemin , ils 1'attaquèrent fi furieufement a coups de pierres, qu'il en recut une bleffure, & qu'il n'eut pas d'autre reflburce que de fe retirer au capitole avec ralfemblée des fénateurs. Cette troupe de mutins n'avoit d'abord que fes chefs ordinaires , M. Lollius & M. Sergius r deux fcélérats , dont le premier avoit entrepris de tuer Pompée fous le tribunat de Clodius, 8c 1'autre avoit été 1'écuyer de Catilina. Mais Clodius , excité par ce premier fuccès , ne balanca point a fe mettre lui-même a la rête des féditieux , & pourfuivit le fénat jufques dans le capitole, pour troubler 1'alfemblée & lui öter le pouvoir de remédier au mal préfent. II fe propofoit encore plus d'exciter la populace a faire quelque infulte a Cicéron : mais il s'appercut bientöt que l'affeclion qu'on avoit pour lui avoit jeté des racines trop profondes dans le cceur des romains. Ces braves citoyens s'étant défiés qu'on en vouloit a leur dé-  sb Cicêköiï, LiTT. t% 2S1 fenfeur,prirent auflïtótles armes contre Clodius, & le forcèrent de tourner le dos avec fes mercenaires. Enfuite apprenant que Cicéron n'étoit point au fénat, ils 1'appelèrent d'une feule voix , & ne redevinrent tranquilles qu'en le voyant capitole pour délibérer fur la fituation de la ville, & chercher quelque remède l la misère publique. II avoit (a) pris le parti, ce jour la, de ne quitter fa maifon qu'après avoir vu le tumulte appaife : mais lorfqu'on feut alTuré que le peuple mêmt avoit repoulfé Clodius, & que les confuls, le fe nat, tous les citoyens, demandoient qu'il fe ren (a) Ego vero domi me tenui, quandiu turbulentum tempus fuit: cum fervos tuos ad rapinam , ad bonorum c*dem paratos , armatos etiam in capholium tecum venüTe conftabat Seio me domi mar.fifle pofiea quam mihi mmciatum eft populum romanum in capitohum convenilfe, miniftros autem fcelerum tuorum perterntos , parfim amiflis gladiis, partim ereptis diffugiffe , vem, non folum fine ullis copiis ac manu , verum etiam cum pauCh amicis. Bid. Ego denique , a populo romano univerfo, qui turn in capholium convenerat, cum illo.die minus valerem, nominatim in fenatum vocabar. Ven, expeftatus; multis jam fententiam diftis, rogatus fum fententiam : dixi reip. faluberrimam, mihi necelFanam. Bid. 7. Fadum eft S. C. in meam fententiam , ut cum Pompeio ageretur , ut eam rem fufciperet, lexque ferretur. Ad. Att. 4, i. An. de R. 6g6. Cicer. 50. Coss. p. Cornel. Lentulus Spinther. Q. C.ecil1us metellus NEpos.  *52 HlSTOIRE BE LA VïE !*£h. dft a 1'afTemblée, il y parut tranquille au milieu CGoss.5°- de*0US leS débats' & ^ opinion, qu'on Ie IENCS' P, auffi-tÓC d'expliquer , fuc qUe Pompée fe s q"cmÏ Cbar^e" du foin de rétablir 1'abondance a Rome , ïSio & P°Ur 16 me"re e" état d'exécurer promppos. SNE" "ment cette commiffion , il füt revêtu d'un pouvoir illimiré fur tous les magafins publics de 1 empire. Cette propofition fut acceptée fur le champ , & 1 aflèmblée ordonna par un décret, qu'on dreffat une loi qui feroit préfentée inceffamment au peuple. Tous les fénateurs confulaites, a 1'exception de Melfala & d'Afranius, s'abfentèrent pendant cette délibération, fous prétexte qu'ils apprébendoient encore les féditieux (a) ; mais en effet pour ne pas contribuer a Ia commiffion dont on chargeoit Pompée. Les confuls portèrent le décret a la tribune, & le lurent publiquement. Au nom de Cicéron, qui cn étoit 1'auteur, il s'éleva des applaudilfemens dont les magiftrats prirent occafion de 1'engager a faire un difcours au peuple. II leur repréfenta les raifons & la néceffité du décret, en les ex- O) Cum abeflent confulares , quod ttito fe negarent poiïe fententiam dicere, prester Meffalam Sc Afranium. Ibid. Quo S. C. recitato , cum continuo , more hoe infulfo Sc novo , plaufum meo nomine recitando dedifTet, habui concionem. Ibid.  de Cicéron, L i v. VI. 253 hortan t a tout efpérer de la vigilance & de 1'autorité de Pompée. Cependant 1'abfence des fénateurs confulaires donna lieu a quelques réflexions, qui firent douter fi cet acte n'avoit point été extorqué par la crainte, & s'il ne manquoit pas quelque chofe a fa validité, lorfqu'il avoit été porté fans 1'intervention des principaux membres du fénat. Dès le lendemain , dans une aflemblée beaucoup plus nombreufe, oü tous les confulaires (ü) étoient préfens, on propofa de fupprimer le décret, & cette propofition fut rejetée tout d'une voix. Ainfi les confuls drefsèrent une loi conforme a cette nouvelle délibération, par laquelle toute 1'adminiftration du blé & des autres provifions publiques, étoit abandonnée a Pompée pour fix ans, avec le pouvoir de choifir quinze lieutenans pour l'auilter. C'étoit donner a Clodius un nouveau fujet de maltraiter Cicéron. II 1'accufa d'ingratitude , & d'avoir trahi les intéréts du fénat qui avoit été fi ferme dans les fiens, pour faire fa cour a un homme qui 1'avoit trahi. II lui reprocha même de man- (a) At enim liberum fenatus judicium, proptermetum non fuit. Pro Dom. 4. Poflridie fenatus frequens & omnes confulares nihil Pompeio pofiulanti negarunt. Ad Att. 4, 1. Cum omnes adeffent, cceptum eft referri de fubducendo S. C. ab univerfo fenatu reclamatum eft. Pro Dom. 4. An. de R. 696. Cicer. 50. Coss. p. cornhl. Leniulus SPlsTHER. Q. CiECl- nus Metellus Nepos.  An. de R. (gS. Cicer. 50. Coss. P. Cornel. Lentulus Spinther. Q. Cscinus Metellus Nepos. (rt) Tune ille es, inquit, quo lenatus carere non potuit ? Quo reflituto, fenatus auftoritatem reftitutam putaba-< mus , quam primum adveniens, prodidifli. Ibid. 2. Nefcit quantum auetoritate valeat, quas res geflerit, qua dignitate fit reftitutus. Cur ornat eum a quo defèrtus e&llbid. 11, ( b) Definant homines iifdem machinis fperare me reftitutum pofle labefaétari , quibus antea ftantem perculerunt. Data merces eft errorïs mei magna , ut me non fb-. lum pigeat ftultitia; mei, fed etiam pudeat. Ibid. 11. Cn. Pompeio maxima terra marïque bella extra ordinem efle commifla, quarum rerum fi quem poeniteat , eum Victoria; populi rom. necefle eft pcenitere. Ibid, 8. 254 HlSTOIRE BE tA VlE quer de bon fens, puifqu'il ne connoillbit pas fon propre crédit, & qu'il croyoit avoir befoin dn fecours de Pompée pour foutenir le fien. Mais Cicéron répondit pour fa défenfe , qu'il ne falloit pas s'attendre a le jouer après fon rétabiifTement, comme (a) on ne 1'avoit fait que trop habilement pour fa ruine , en fufcitant entre Pompée & lui des jaloulïes & des foupcons ; que 1'exemple du palTé étoit une lecon qu'il n'avoit point oubliée ; qu'en décernant a Pompée la commiffion des blés, il avoit fatisfait tout a la fois a ce qu'il devoit au public & a fon ami; que ceux qui regrettoient le pouvoir extraordinaire qu'on venoic d'accorder a Pompée, devoient (b) regretter auffi les victoires & les conquêtes dont Ia république  de Cicéron, Iir. TI. 255 étoit redevable a des faveurs de la même nature, Sc que les anciens fuccès fembloient répondre de ceux qu'on devoit en attendre a 1'avenir. Mais quelque autorité que Pompée re$üt de cette loi, fes amis ne crurent pas qu'elle düf borner fon ambition. Meffius, un des tribuns du peuple , propofa de lui confier un pouvoir de la même érendue pour lever des fommes d'argent, les flottes Sc les armées qu'il jugeroit [a] néceffaires au bien public , avec une fupériorité de commandement dans toutes les provinces fur les propres gouverneurs. La loi de Cicéron étoit modefte quand on la comparoit a celle de Mefïïus. Aulfi Pompée parut-il fe contenter de la première. Ses amis n'en furent pas moins ardens pour faire palfer 1'autre , Sc leur efpérance étoit que Cicéron les foutiendroit de fon crédit: mais i' voii pris la réfolution de garder le filence. L'état d( (a) Legem conlules confcripferunt, alteram Meffius, qua omnis pecunia; dat poteflatem , & adjungit claflem & exercitum & majus imperium in provinciis , quam fit eorum qui eas obtinent. Illa noltra lex confularis nunc modefla videtur ; haec Meffii non ferenda. Pompeius illam veile fe dicit, famiüares hanc. Confulares, duce Flavonio, fremunt; nos tacemus , &c. Magis quod de domo nofira nihil adhuc pontifices refponderunt.... Me legatos quindecim cum poftularet, me principem nominavit > & ad omnia me alterum fe fore dixit. Ad Atu 4> An. de R. 696. Cicer. 50. Coss. p. cornel. lentulus Spinther. Q. Caxi- i1us metellus Nepos.  An. de R. 69 e. Cicer. 50. Coss. p. cornel. Lentulus SlMNTHER. Q. C«ci- lius iME- tellus Nepos. (a) Ego me a Pompeio legari ita turn paflus, ut nulla re impedirer , quod ne fi yellem , effet integrum. Ibid. z. délibératiön, 256" HlSTOIRE DE LA VlÊ fes affaires demandoit des précautions; 8c s'il devoit beaucoup a Pompée , il ne fentoit pas moins les obligations qu'il avoit au fénat & a la patrie. Enfin fa loi ayant été confirmée par le peuple , Pompée le cheifit pour le premier de fes lieutenans, cc en déclarant qu'il le regarderoit comme » un autre lui-même, 8c qu'il ne fe conduiroit 3} que par fes confeils ^. Cicéron accepta cet emploi, mais a condition (a) qu'il feroit libre de s'en défaire ou de le réfigner , fuivant 1'utilité de fes affaires. En effet, il 1'abandonna bientöt a Quintus, fon frère, pour éviter la néceffité de s'éloigner de Rome; & dans un efpace fort court il eut la fatisfaction de voir feffet de fa loi répondre a fes efpérances par la diminution du prix des vivres, que les foins Sc le crédit de Pompée flrent apporter en abondance. II ne manquoit rien au rétabiifTement de Cicéron du cóté des honneurs 8c de la dignité, mais fes affaires domeftiques étoient toujours dans le même défordre, & 1'on n'avoit pas réparé la ruine de fes maifons 8c de fes biens. L'exécution du décret qui portoit la reftitution de tout ce qu'il avoit perdu , avoit été remife après fon retour ; & lorfque le fénat reprit cette affaire en  de Cicéron, L i v. VI. 257 délibération, pour la régler & la confirmer par 1'autorité publique, il y trouva beaucoup de difficultés. La plus importante regardoit la maifon du mont Palatin, que Cicéron eftimoit plus que tout le refte , & que Clodius par cette raifon même s'étoit efforcé d'aliéner fans retour. Nonfeulement il avoit démoli 1'édifice ; mais il avoit bati au même lieu un temple a. la Liberté , il avoit confacré la plus grande partie du terrein , il avoit employé le refte a divers batimens & a d'autres ufages; &c mêlant ainfi les droits de la religion avec ceux du public &c les fiens, il avoit fait naitre des embarras d'autant plus ïnvincibles, qu'une confécration faite avec les formalités légales ne permettoit plus qu'un bien, de quelque nature qu'il put être, rentrat jamais dans les mains d'un particulier. La malignité de fes précautions avoit été jufqu'a faire rebatir le portique de Catulus fur un autre modèle, non-feulement pour la régularité de la perfpecbive, mais paree que ce portique ayant été élevé fnr les ruines de la maifon de Fulvius Flaccus, qui avóit été abattue par un décret public , il efpéroit qu'en mettant quelque rapport d'architecture entte tous les nouveaux batimens, il les feroit regarder du même oeil, c'eft-a-dire (cz), comme le monument d'une (a) Ut domus M. T. Ciceronis, cum domo Fulvii Tomé IL R An. de R,i 69r„ Cicer. 50; Coss. P. Cornel. Lentuius Spinther. q. C;eciiius metellus Nb« pos.  Ad. de R. 696. Cicer. 50. Coss. P. Coknel. Lentulus Spinthek. o. C;ecixius metellus Nepos. Flacci ad memoriam poense publics conflituts , conjunda ede yideatur. Pro Dom. 38. (a) Qui fi fuftulerint religionem , aream prsclaram habebimus : fuperficiem confules ex S. C. «flimabunt. Ad Au. 4, *• (h) Nego unquam poft facra conftituta, quorum eadem eft antiquitas qua: ipfius urbis, ulla de re nifi de capite quidem virginum veftalium , tam frequens collegium judicafle. De Harufp. Refp. 6, 7. 258 HlSTOIRE DE LA VlE jufte punition contre deux citoyens également coupables. C'étoit au collége des pontifes qu'appartenoit la connoiffance de cette affaire, comme aux juges naturels de tout ce qui avoit rapport a la religion. L'autorité du fénat fe bornoit ici a ordon. ner par un décret , * que fi les pontifes déchar„ geoient le terrein du fervice de ia religion (a), » les confuls feroient eftimer le dommage , Sc re3, batit tous les édifïces aux frais publics , pour i les reftituer a Cicéron dans 1'état oü il les avoit «laiffés». Ainfi les prêtres de tous les ordres furent convoqués pour la difcuilion de cette caufe, que Cicéron fe chargea lui-même de plaider. Depuis la fondation de Rome il ne (b) s'en étoit jamais ralfemblé un fi grand nombre. Ils étoient tous de la première dignité, Sc des families les plus diftinguées de la république. Cicéron en nomme dix-neuf dont la plupart étoient du rang  de Cicéron, Lik. VI. 159 confulaire. Avant que de toucher a 1'elfence de la queftion, il s'efforca de diffiper les préjugés que fes ennemis avoient fait naïtre fur fa conduite, a 1'occafion du fervice qu'il venoit de rendre a Pompée. II expliqua fes motifs & fes intentions, il fit voir la néceifité du décret qu'il avoit propofé au fénat; & tart de fon difcours confifta principalement a faire tourner la haine fur la faction oppofée, en rappelant Thiftoire du tribunat de Clodius, &c en faifant une vive (a) peinturè de toutes fes violences. Enfuite réduifant toute la queftion a la validité de cette confécration prétendue , qui engageoit fon terrein au fervice de la religion, il entreprit de la détruire par le fondement, & de prouver que le tribunat de Clodius devant palfer pour nul, paree qu'il fuppofoit fauffement la validité de fon adoption , tout ce qüi portoit fur ce principe tomboit de foi-même & n'avoit aucune force légale. Les preuves qu'i en apporta occuperoient ici trop d'efpace : mail palfant enfuite a des raifonnemens qui conviennent mieux a cette hiftoire , « il fit fentir a 1'af„ femblée , que tout 1'effet de fon rétabliffemeni » dépendoit du fuccès de fes prétentions que 1 „ fa maifon ne lui étoit pas reftituée , fi elle de » meuroit pour monument de fon infortune & (a) Pro Dom. 13, 14, &c. Rij An. de R. 696. Cicer. io. Coss. P. Cornel. Lentulus Spint her. q. C*CIl1us MÉtellus Nepos. i  An. de R. 696. Cicer. 50. Coss. V. Cornel» Lentulus spinther. q. Casce iius Metellus Nepos. lëo HlSTOIRE DE LA VlE » du triomphe de fes ennemis, il devoit moins »regarder fon rappel comme une faveur que 33 comme une prolongation de fa difgrace. La 11» tuation de fa maifon 1'expofoit continuellement 33 a la vue des citoyens. Pouvoit-il demeurer dans 33 une ville oü il avoit fans cefle devant les yeux 30 des trophées érigés contre lui & contre la répu33 blique ? La maifon de Sp. Melius, qui afpiroit 33 a la tyrannie , avoit été rafée ; & par le nom 33 d'dïquimelium que le peuple avoit donné au 30 terrein, il avoit confirmé la juftice de ce cha33 timent. Celle de Sp. Calfius avoit été démolie 30 pour le même crime , Sc 1'on y avoit élevé un » temple a Tellus. Celle de M. Vaccus avoit 3t> eu le même fort, Sc le lieu portoit encore le 33 nom de Vaccïpratum. M. Manlius, après avoir 33 repoufle les gaulois du capitole , fut accufé d'en 33 vouloir a la liberté publique, Sc fur le terrein de 33 fa maifon, qui fut abattue, on avoit planté deux 30 bofquets facrés qui fubfiftoient encore. Etoit-il 33 jufte de faire fubir a Cicéron un chatiment que 3> leurs ancêtres avoient jugé le plus terrible, puif33 qu'ils 1'avoient impofé pour les plus grands crimes, 30 Sc de le faire palfer aux yeux de toute la pof30 térité , finon pour 1'opprelfeur de fa patrie, du 33 moins pour un chef de confpiration 33; En parlant du temple que Clodius avoit élevé fur fon terrein , il obferve que la déelfe Liberté,  de Cicéron, Lik. VI. 2*1 \ qui il étoit dédié, n'étoit que la ftatue d'une célèbre courtifane , qu'Appius avoit apportée de la Grèce pour 1'ornement de fon édilité, & qu'il avoit donnée enfuite a fon frère pour la tranfformer en déelle : que les cérémonies avoient ete célébrées fans la participation & fans 1'aveu du collége des pontifes , par le miniftère d'un novice, beau-frère de Clodius, qui avoit été élevé a cette dignité peu de jours auparavant, &z qui en ignoroit les fonótions •, de forte que rien ne s'étant accompli dans les formes, 1'entreprife étoit nulle , par la loi de Papirius , qui avoit toujours été fort refpectée. Cicéron apporte quantité d'exemples du refpeét qu'on avoit eu conftamment pour cette loi ; enfin , toutes les parties de fon plaidoyer furent traitées avec tant de force , qu'en étant lui-même extrêmement fatisfait, il le rendit auffitót public; & dans (a) une lettre a Atticus, il prétend , que s'il a jamais eu quel que talent, il 1'a fait éclater dans cette occafion ou la grandeur de fa caufe, & la vivacité de fi douleur avoient ajouté quelque chofe a fa foro ordinaire. O) Afla res eft accurate a nobis; & fi unquam in di cendo fuimus aliquid , aut etiam unquam alias fuimus turn profeéto dolor 8t magnitudo vim quamdam dicen. dedit. Itaque oratio illa juventuti noftr* debeti non potei An. de R. 636. Cicer. s°. Coss. p. Cornel. LKNlULUS SPINTHER. Q. C^;cilius Metellus nepos. 1 • l I li  An. He U. 6,6. Cicer. 50. Coss. P. Cornel. Lentulus Spinther. q. Oecilius Metellus Nepos. (a) Cum pontifices decreiïènt, Ita, fi neque populi juffu, neque plebifcito , is qui (e dedicaffe diceret, nominatim ei rei prxfectus effet; neque populi juffu, neque plebifcito id facere juffus effet, videri pofïè fine religione eam partem ares mihi refiitui. Mihi facta ftatim efl gratulatio; nemo iSl HlSTOIRE DE LA VlE Les pontifes prirent la loi Papiria pour règle de leur fentence. Ils décidèrent que fi celui qui avoit exécuté les cérémonies de la confécration n'avoit pas été fpécialement autorifé par le peuple & nommé perfonnellement pour cet office, Ie terrein de Cicéron pouvoit lui être reftitué fans porter aucune atteinte aux droits de la religion. Ce jugement, quoiqu'un peu équivoque, parut fuffire a Cicéron, & fes amis 1'enfélicitèrent comme d'une victoire. Mais Clodius feignit d'être perfuadé qu'il devoit être expliqué en fa faveur. II fe fit produire h la tribune par fon frère Appius. II déclara au peuple que la fentence des pontifes lui avoit été favorabie ; & faifant un crime a Cicéron de vouloir rentrer en poffeffion de fon bien par la force , il exhorta les citoyens a s'unir avec Appius & lui , pour Ia défenfe de leurs libertés. Mais fon difcours fit peu d'impreffion fur 1'afi femblée. Les uns admirèrent fon impudence, d'autres rirent de fa folie ; & Cicéron, pour épargner de nouveaux mouvemens au peuple & a lui-même, réfolut d'attendre (a) que les confuls fuffentchar-  gés par un décret du fénat de rétablir fes édmces & le portique de Catulus. Toss!0' L'affemblée ayant été convoquée le lende, n , Marcellinus, 1'un des confuls defigne . s adrefia nontifes & leur demanda 1'exphcanon de £ de lateligion, mais que les fenateurs 1 etoienr de a loi-, que leur office avoit été par confequent de décidcrle point qui regardoit la f^f^ avoient lailféajuger au fénat sd refrott du core de la loi quelquobftacle aux demandes de Cice ron. Les autres pontifes ayant parle fucceffivelnt,fedéclarèrent tous pour laM Mats Clodius obtint la liberté de parler a fon to • sWagea dans un détail fi embarraffe de figu.es L de raifonnemens,quefon difcours ayant de,, duré trois heures5ra coient a lui fouhaiter moins de bien , & peut* être a lui porter fecrètement envie «. Comme il n'avoit jamais connu 1'avarice , cette affaire le chagrina peu , quoique tant de pertes & de dépenfes fucceffives 1'eulTent mis dans une fituation fi étroite , qu'il forma le defiein de vendre fa terre de Tufculum (a). Mais cette penfée s'étant évanouie , il y rebatit au contraire une maiion beaucoup plus magnifique que la première; &c Ia beauté de la fituation ayant autant d'agrément pour lui que le voifinage de la ville , il y prit plus de «roür, pendant tout le refte de fa vie, que pour Toutes fes autres maifons. II fut fenfible , vers le même tems , a des peines d'une autre nature, & qui durent toucher vivement fon cceur, puifque fa confiance pour Atticus n'alla point jufqu'a les lui communiquer ; a moins qu'il ne fit difticulté feulement de les expofer aux périls dont une lettre eft toujours menacée. II y a beaucoup d'apparence qu'elles venoient de 1'humeur difficile de fa femme, qui avoit déja commencé a lui donner divers fujets de chagrin , & qui par une infinité de dégouts, qui ne firent que fe multiplier dans la fuite , le  de Cicéron, L i v. VI. zdj mit enfin dans la néceflité d'en venir au divorceAprès avoir obtenu la reftitution de fa dignité & de fa fortune, il lui refloit encore a détruire les monumens pubiics de fa difgrace. La loi de fon exil &les autres acres du tribunat de Clodius étoient fufpendus au capitole, gravés, fuivant 1'ufage, fur des tables de cuivre. II prit le tems de fabfence de Clodius, pour s'y rendre avec une efcorte de fes meiileurs amis, &c fe faifilfant des tables, il ne fit pas difficulté de les emporter a fa maifon. Cette entreprife lui fit naïtre au fénat une difpute fort vive avec Clodius fur la validité des actes; &c Caton , qui s'y trouvoit intéreffé par la commiffion qu'il avoit exercée dans file de Cypre, fe crut obligé de prendre parti contre Cicéron. Mais (<;. Cicer. 50. Coss. P. Cornel. lentulus Spinther. q. C*cilius Metellus Nepos. t  An. de R. 636. Cicer. 50. Coss. P. Cornel, lENTULUS 'spinther. q. Cjeciiius Metellus Nepos. (<2) Egregius Marcellinus , omnes acres. Metellus calumnia dicendi tempus exemir. .. . Conciones turbulent» Metelli, temerariz Appii, furiofiiTimx Clodii. Hare tarnen fumma , nifi Milo in campum obnunciafiet. . .. Comitia futura... comitia fore non arbitror; reum Publium , Cicéron 272 HlSTOIRE DE LA VlE toutes les oppofitions : mais la vigilance & Ui efforts de Milon rendirent tous fes foinsinutiles. On n'entendoit pendant ce tems-la que des harangues féditieufes de la part des faétieux, qui s'efforcoient d'enflammer le peuple contre ceux qui inrerrompoient les aifemblées, & qui lui ötoient la liberté de faire 1'éiection. cc Celles de Metellus étoient tur» bulentes , celles d'Appius téméraires , & celles 33 de Clodius furieufes r>. Cicéron qui rendoit compte a Atticus de tous ces troubles , étoit perfuadé que l'éle&ion ne fe feroit point, & que Clodius feroit forcé de répondre en juftice s'il n'étoit pas mé auparavant par Milon. « C'eft le 30 fort de ce furieux, écrivoit-il a fon ami; Milon S3 ne le déguife pas, & n'eft point effrayé de mon 33 exemple , paree qu'il n'a point autour de lui de 33 confeillers jaloux & perfides, ni de nobles in30 dolens qui foient capables de le décourager. On 33prétend, ajoute Cicéron, qu'il ne fe conduit 33 que par mes confeils; mais c'eft qu'on ignore 33 combien il y a de courage & de prudence dans >3 ce héros {cï) 33.  be Cicéron, Lir. VI. i-z Cicéron fut atteint dans le même tems, d'une maladie fort dangereufe , dont la caufe prouve auez bien qu'il n'étoit pas ennemi des plaifirs de la table. Le jeune Lentulus, fils du conful, ayant été recu cette année dans le collége des augures, cette faveur pour laquelle il «wit (a) obtenu difpenfe dage , a la confidération de fon père , fut célébrée par un grand fefiin , qui devint prefque mortel pour Cicéron. II explique fa maladie dans une lettre a Gallus, oü 1'on trouve quelques détails curieux du goüt des romains pour la bonne chère. Cicéron a Gallus. Après avoir fouffert pendant dix jours un cruel ' défordre dans mes inteftins, fans avoir pu perfuader a ceux qui ont befoin de mes fervices au barreau, que j'étois malade , paree qu'ils me Voyoient fans fièvre (b) , je me fuis fauvé dans nifi ante occifus erit, fore $ Milone puto. Si fe ïnter viam obtulerit, occifum iri a Milone video. Non dubitat facere,pra2 fe fert, cafum illum noftrum non extimefcit, &c. . .. Meo confiüo omnia illi fieri querebantur , ignari quantum in illo heroe effet animi, quantum etiam confilii. Ad Att. 4,3. (a) Cui fuperior annus idem & virilem patris & pra> textam populi judicio togam dederit. Pro Sext. 63. Dio, l> 39, p. 99- (b) Pline prétend que le colum, par lequel on fupTome II. 5 An. rle R. e96. Cicer. 50." Coss. P. Cor nel» lentulus spinther. Q Cm.itius Mei'ellus Nepos.  An. ie R- 696. Cicer. 50. Coss. p. Cornel. Lentulus spinther. q. csciiius metellus NE- jpos. pofe qu'il entend la colique, n'étoit pas connu a Rome jufqu'au tems de Tibère , mais il y a beaucoup d'apparence que les douleurs de Cicéron n'étoient qu'une colique violente. VU PK" ™fl- nat' L 16 > U f*** ' Hifi. de la Medec. i.p. I. 4- 274 Hl ST01 RE DE LAVlE ma maifon de Tufculum. J'ai palTé deux jours entiers fans rien prendre, pas même de 1'cau ; & plus affoibli que je ne le puis dire par la maladie & par le jeune , je pouvois délïrer plutöt de vous voir, que m'imaginer que vous attendilfiez de moi une vifite. Je ne dilfimule pas que toutes les maladies mepouvantent, mais fur-touc celles que les ftoïciens teprochent a votre Epicure-, 1'une qui eft le fruit de la gourmandife, &C 1'autre d'une forte d'intempérance encore plus fcandaleufe. J'appréhendois que la mienne ne tournat en dylfenterie; mais je commence a me trouver beaucoup mieux , foit que j'aye cette obhgation au changement d'air, ou a 1'interruption de mon travail, ou a la qualité même du mal qui ne devoit pas être plus violent. II ne faut pas que je vous lailTe ignorer ce qui ma jeté dans cet état. Je m'en prends a ia loi fomptuaire, qui fembloit devoir introduire plus de fimplicité fur nos tables. Depuis que nos gens de croüt ont la paffion de fe faire fervir toutes les productions de la terre qui font exceptées  de Cicéron, Lir. VI. 275 par la loi, ils ont trouvé une manière de préparer les moufferons & les autres végétaux, qui en fait un mets délicieUx. Je fuis tombé malheureufement fur un de ces plats au fouper de Lentulus, &c j'ai mangé avec tant d'excès, qu'ayant été faifi d'une violente diarrhée, je ne commence que d'aujourd'hui a fentir un peu de foulagement. Ainfi, moi qui lais manger avec modération des huitres & des lamproies, je n'ai pu réfifter a mon goüt pour des légumes. Comptez que je profiterai de cette lecon. Pour vous qui devez avoir fu ma maladie d'Anicius, car il m'a vu dans les convulfions d'un grand vomilïèment, je m'étonne non-feulement de n'avoir vu perfonne de votre part, mais de ne vous avoir pas vu ici vous - même. Je n'en partirai point fans être entiérement rétabli; car j'ai perdu tout-a-la^ fois mes forces & mon embonpoint; mais lorfque je ferai tout-a-fait délivré de ma maladie, je compte que le refte reviendra facilement. Cicéron fut rappelé a Rome par i'occafion de rendre fervice au conful Lentulus, avec qui fes liaifons étoient toujours fort étroites. Ptolemée, roi d'Egypte, venoit de quitter Rome , après y avoir diftribué des fommes immenfes enne les grands, pour engager la république a le rétablir fur le tröne. Ses peuples ayant envoyé des députés au fénat pour y plaider auifi leur caufe , & ren- S ij An. de R. 6c,6. Cicer. s0a Coss. P. Cornejt. 1 ENTi/l-US Spinther. Q c«ci- l1us mé- teilus Nepos.  An. de R. 696. Cicer. 5°Coss.P. Cornel. Lentulus Spinther. Q. C.-jcii.1us hetellus nepos. (a) Ut Cato , adolefcens nullius confilii, vix vivus effugeret. Quod cum Gablnium de ambitu vellet poftulare, neque ptatores diebus aliquot adiri pofient, vel poteftatem fui facerent, in concionem afcendit, & Pompeium privatus dictatorem appeilavit. Propius nihil eft factum quam ut occideretur. Ad Qu'mt. frat. 1 , *« l-jG HlSTOIRE DÊ tA Vlï dre compre des raifons qui les avoient portés \ chalfer leur roi, ce prince les avoit fait alTaffiner en chemin 5 Sc cette violence , jointe a la méthode qu'il avoit employée ouvertement pour corrompre tous les magiftrats, 1'avoit rendu ll odieux au peuple de Rome , qu'il s'étoit vu obligé de quitter la ville , & d'abandonner a fes amis le foin de fes intéréts. Lentulus, qui avoit obtenu le gouvernement de la Cilicie Sc de file de Chypre , fouhaitoit avec aideur d'être chargé de fon rétablilfement. La fituation des provinces qu'il alloit gouverner, fembloit autorifer cette prétention. Tl en avoit déja marqué fes défirs au fénat, SC le fecours de Cicéron lui parut néceffaire pour dét«minct les fulfrages en fa faveur. Les adatres étoient dans cette fituation lorfqueles nouveaux tribuns prirent polTeflion de leurs office*. Cueius Caton («), paient de Marcus , t?n étoit un. Sou humeur impetueufe Sc turbulente écoit dt,a connuc : homme d'ailleurs d'une capacité médiocre , mais qui avoit quelque ta-  be Cicéron, Liv. VI, 277 lent pour parler en public. Avant que d'avoir pofledé aucun office, il avoit accuie Gabinius de brigue & de corruption ; & n'ayant pu fe faire écouter des préteurs, il avoit eu la hardieffede monter fur la tribune, quoique cette liberté füt interdite aux particuliers,& dans un difcoursau peuple, il avoit déclaré Pompée dictateur. Sa préfomption avoit été punie par les mépris & les infultes de 1'affemblée. Mais elle étoit fi peu diminuée, que pour ouvrir fa magiftrature , il fe déclara hautement contre le roi Ptolemée & contre tous fes partifans, fut-tout contre Lentulus, a qui il fuppofoit des engagemens particuliers avec ce prince, Lupus, un de fes collegues, étoit auffi d'ur caradère qui fit attendre de lui quelque propo fidon extraordinaire. En effet, il demanda, pou faire 1'elfai de fes forces , que le fameux ade di confulat de Céfar , qui regardoit la divifion de terres de Campanie , fut revu & annullé. Sa ba rangue fut longue , & fe fit écouter avec atter tion. II donna des louanges diftinguées a Cice ron , il fit des réflexions défobligeantes pour Ct far, & des plaintes de Pompée , qui étoit aloi a exécuter fa dernière commiffion. Enfin, il d: au fénat, pour conclufion , qu'il ne demando pas 1'avis particulier de chaque fénateur, pare qu'il ne vouloit les expofer au relfentiment c perfonne , mais qu'il concluoit du mauvais accue S üj An. de R. 636. Cicer. 50. Coss. P. Cornel. J.enïulus Spinther. q. c/ecilius metellus Nepos. I s S t t e e il  Aa. de R. 696. Cicer. ;o. Coss. P. Cornel. Lentulus Spinther. q. Oeciiius metellus nepos. i 1 i 278 HlSTOIRE DE IA VlE qu'on avoit fait autrefois a cet aéfe, & de l*ïn~ dulgence avec laquelle on avoit écouté fon difcours , que toute 1'alfemblée n'étoit pas d'un autre fentiment que lui. Marcellinus lui répondit qu'il n'y avoit aucune conclufion a tirer du filence de J'afTemblée, & qu'il pouvoit 1'alfurer non-feulement pour lui-même, mais fans doute auffi pour tout le refte des fénateurs • que la feule raifon qui 1'obligeoit a fe faire étoit 1'abfence de Pompée , pendant laquelle il ne jugeoit point que l'affaire de Campanie dut être réveillée. Un autre tribun , qui fe nommoit Racilius , renouvela les anciens débats fur le procés de Clodius , & preffa Marcellinus, conful déligné, den expliquer fon fentiment. Ce nouveau magiftrat ne fit pas difficulté de répondre , mais ce fut pour s'emporter contre les violences de Clodius; déclarant librement fon opinion , il propofa le commencer par choifïr des juges pour entrejrendre Ie procés, après quoi Pon pourroit pro:éder a 1'élection des édiles ; 8c s'il fe trouvoit pelqu'un qui voulüt arrêter 1'inftruction du pro:ès, il demanda qu'il fut traité comme 1'ennemi public. Philippus, fecond conful défï^né, emiraffa le même avis; mais les tribuns Caton 8c Cafïïus s'y opposèrent3 en demandant que 1'élecion paflat avant le procés. Cicéron étant invité 1 parler, s'étendit beaucoup fur toutes les fu-  de Cicéron, Lir. VI 17 9 reUrs de Clodius. Ü fut fecondé pat le tribun An. deR. Antiftius, qui déclara qu'on n'entreprendroit au- cicero, cune afTaire avant le procés. Enfin, lorfque toute gggg. 1'affemblée alloit fe déclarer pour cette opinion, B„._ Clodius commenca une harangue qu'd avoit del- „ fein de faire durer tout le refte du jour («)■ • mais fes fatellites, qui occupoient les avenues & les degrés du fénat, firent tant de bruit pour outrager quelques amis de Milon, que tous les tenateurs fe retirèrent avec crainte , & fe pla'g»1" «nt de cette nouvelle infulte. Le refte du mois de décembre fat employé a des fêtes publiques. Lentulus & Metellus, dont le confulat expiroit avec 1'année, fe rendirent dans leur gouvernement; le premier, après avoir confié le foin de toutes fes affaires a Cicéron; & 1'autre, qui alloit gouverner 1'Efpagne , après avoir réparé par fes politelfes quelques nouveaux fujets de plamte quil lui avoit donnés depuis fon rétablilfement. Cicéron entreprit au commcnccment de la nou- An. de R. veile année, de faire confirmer en faveur de Len- cfa*s« tulus la commiffion de rétablir Ptolemée fur le ^.Co, tuiusmar- . ■ ~ cell1n. L. Mar- (a) Turn Clodius rcgatus diem dicendo eximere cceptt.... ciusMi, Deinde ejus oper* repente a grscoftafi & gradibus cla„-oremfaus magnum fuftulerunt, opïnor in Q. Sextilium & amices Milonis incitata-; eo mem injefto repente maena querimonia omnium difcefllmus. Ad Quint.fr. b S iv  *So HlSTOIRE DE LA VlE A».deR. tröne d'Egypte. Le tribun Caton s'oppofoit ab- CCoss51' r°lument 3 Cette entreprife • & fon avis étoit foii- KErN' ler' tgnu • k p!u3 §rande par"e du fénar- 11 éroit Ïul'usMar- arrivé quelques prodiges qui lui donnèrent 1'oc- CT"m*. Cafi°n de confuI-« les livres des fibylles, & le [K£& f*** le fit tomber fur un palTage qui avertiflbic le peuple romain de fe bien garder d'employer une armée pour replacer fur le tróne un roi d'Egypte exilé. II étoit clair qu'un avis fi conforme aux circonftances avoit été forgé par Ie tribun; mais il fit paroïtre a la tribune^es dépofitaires des livres facies, pour rendre témoigna-e que le palfage en étoit extrait fidellement. & pour en donner 1'explication au peuple (a). II fit k même chofe au fénat, qui recut avidement ce prétexte; car perfonne n'en avoit une autre idee. Après une délibération fort grave, qui prit la couleur d'une affaire de religion, il fut réfolu par un ^décret, cc que 1'entreprife de rétablir le roi » d'Egypte avec une armée , feroit abandonnée (p) ' (a) Senatus religionïs calumniam , non religione fed malevolentia & ÜJÏus regi* larg;t;on;s ;nv;d;a comproba£> Ep.fam. r , t. De rege Alexandrino factum eft S C. cum mukmidine eum reduci periculofum reip. videri Ad Quint. fr. i, i. (t) Hare tarnen opinio eft populi rom. a tuis Invidi atque ebtreclatoribus „omen induclum fiche religionis, non  de Cicéron, L i r. VI. 281 y> comme dangereufe a la république. » Cicéron , écrivant a Lentulus, lui marquoit que 1'avis de la fibylle n'étoit fans doute qu'une fiction; mais que le véritable but du fénat avoit été de n'accorder ■ a 1'ambition de perfonne, le pouvoir d'entrer dans un auffi riche pays que 1'Egypte a la tête d'une armée. 11 falloit chercher, après cette décifion, quelqu'autre moyen de rétablir Ptolemée (a). Les opinions furent partagées. Cralfus propofa de fairs partir pour cette commiffion trois ambalfadeurs,' qui fulfent choifis entre ceux qui étoient char- tam ut te impedirent, quam ut ne quis, propter exercïtus cupiditatem , Alexandriam ire vellet. Ep. f,Urn. i , 4. (ils nouj en fa.r prendr^ CCoSs!?" n'étoit foncIée fur des faits IneonteftabJes. Mais muL^'- "? PCU de réflexion fur fon caractcre & fur le tems tolusmau- ou il a vécu , peut apporter quelque éclairciffe- l. mar. ment a cette difficnlté. En premier lieu, la fplencius Phi- j j /• r -ii .1 1 lippus. deur de la familie, qui, depuis la fondation de la république, avoit toujours eu la principale part a fes triomphes, fervoit beaucoup a faire fupporter des extravagances qui auroient paru plus odieufes dans un autre. Ceux qui ont quelque connoiffance de 1'ancienne Rome, ne douteront pas de 1'impreiïion que le feul mérite d'une fi haute naiffance devoit faire nécelTairement fur le peuple. Cicéron appelle les nobles de ce rang, des préteurs & des confuls nés ou élus dès le berceau par une efpèce de droit héréditaire , des hommes dont le nom fuffifoir pour les avancer aux premiers (a) poftes de 1'état. Secondement, les qualités perfonnelles de Clodius étoient propres a le faire aimer de la populace de Rome. II avoit dans 1'efprit de la vivaciré & de la hardiefle. II parloit facilement en public. II faifoit une dépenfe extraordinaire ;8c, ce qui étoit peut-être encore plus (a) Non idem mihi iicet quod iis qui nobili genere nati funt, quibus omnia populi romani beneficia dormientibus deferuntur. In Verr. 5 , 70. Erat nobilitate ipfa , blanda conciliatricula , commendatus. Omnes femper boni nobiiitati faveinus, &c. Pro Sext. 9.  de Cicéron, Liv. VI. 287 puilfant fur 1'efprit du peuple, il étoit le premier de fa familie, qui füt entré dans 1'intérêt populaire, contre les maximes de fes ancêtres, qui avoient été les défenfeurs conff ans du pouvoir ariftocratique. 30. Le contraire même des factions oppofées , dont chacune trouvoit quelque utilité a le foutenir, contribua long-tems a fa süreté. En tolérant fes violences, &c fouvent même en les excitant en fecret, les triumvirs rendoient leur pouvoir non-feulement moins odieux, mais nécelfaire en apparence, pour fervir de frein aux fureurs de cet incendiaire : & s'il arrivoit quelquefois qu'elles tournalfent contre eux - mêmes , ils prenoient le parti d'en fouffrir quelque chofe , plutot que de perdre un homme qui travailloit au fond pour eux , & qui , en répandant le trouble dans la république , la forgoit en quelque forte de fe jeter entre leurs mains. D'un autre cóté, le fénat, pour lequel il n'y avoit rien de firedoutable que les triumvirs, étoit perfuadé que les témérités de Clodius pouvoient lui être de quelque utilité pour troubler leurs mefures, ou pour fufciter contr'eux le peuple dans les occafions qui demandoient ce fecours. C'étoit du moins un fpectacle qui flattoit leur chagrin, de le voir quelquefois infulter (a) Pompée en face. Enfin tous ceux qui (a) Vicieus igitur hominem per fe ipfum jam pridem afflictumac jacentem , perniciofis optimatium difcordns exct An. de r. 697. Cicer. 51, Coss. Cn. Cor- S!el. lenl'uiusmar- :eilin. l. Mar:ius PmLiin'us.  'An. de R. 697. Cicer. 51. Coss. Cn. Cornel. LentultjsMar- cellin. l. marcius phiilI'pus. tarl. ... Ne a reip. penis amoveretur reftiterunt : etiam ne caufarn diceret; etiam ne privatus effet 3 etiam ne in finu atque in deliciis quidem optimi viri viperam illam venenatam ac peftiferam habere potuerunt ? Quo tandem decepti munere ? volo , inquiunt , effé qui in concione detrahat Pompeio. De Harufp, Refp. 24. faifoient 2S8 HlSfOIRE DE LA VlE portoient envie a Cicéron, & qui- fouhaitoienl la diminution de fon autorité, chérhToient fecrètement un ennemi qui avoit employé toutes fes forces a le chafler de 1'adminiftration. L'union de toutes ces circonltances, de la part de Clodius & de celle du tems, fervit fans doute a faire fupporter des excès qu'on n'auroit pas foufferts dans un autre citoyen , ni dans une lituation plus tranquille & mieux réglée. La qualité d'édiie lui donnoit une extreme fupériorité fur Milon. Leur haine étoit fans doute égale; mais 1'un fe trouvoit armé de 1'autorité d'un magiltrat, & 1'autre n'étoit 'qu'un citoyen privé. L'un fe voyoit délivré de Ia crainte des juges, & 1'autre étoit expofé a tous les dangers qu'il pouvoit craindre d'un ennemi puilfant : car Clodius n'étoit point accoutumé a négliger fes avantages. Auffi commenca-t-il par accufer Milon du même crime, dont Milon 1'avoit accufé. II le chargea de violence publique, & d'infraction des loix, en maintenant une bande de gladiateurs qui  de Cicéron, L i v. VI 289 Faifoient la terreur de la ville. Milon fe préfenta devant les juges le fecond jour de février, accompagné de Pompée , de Cralfus 3c de Cicéron (a) : & M. Marcellus , quoiqu'Edile avec Clodius, fe laiila engager par Cicéron a parler pour fa défenfe. Ce jour fut affez tranquille. La feconde au- (a) Ad diem III. non. feb. Milo affuit. Ei Pompeius advocatus venit. Dixit Marcellus a me rogatus. Honefte difceffimus. Productus eft dies in IV. id feb. Ad IV. id. Milo affuit. Dixit Pompeius, five voluit. Nam ut furrexit, opera: Clodiana; clamorem fuftulerunt; idque ei perpetua oratione contigit, non modo ut acclamatione, fed ut convitio & malediftis impediretur. Qui ut peroravit, nam in eo fane fortis fuit , non eft deterritus, dixit omnia, atque interdum etiam fiïentio cum auetoritate peregerat : fed ut peroravit, furrexit Clodius : ei tantus clamor a noflris , placuit enim referre gratiam , ut neque mente, neque lingua , neque ore confifteret; cum omnia maledicta , verfus etiam oblceniffimj in Clodium & Clodiam dicerentur. Ille furens & exfanguis' interrogabat fuos in clamore ipfo, quis effet qui plebemfame necaret ? Refpondebant opera;, Pompeius. Quis Alexandriam ire cuperet? Refpondebant, Pompeius. Quem ïre vellent ? refpondebant, Craffum. Is aderat turn Miloni animo non amico Hora fere nona , quafi figno dato, Clodiani noftros confputare coeperunt. ExarfTt dolor ; urgere illi ut nos loco moverent : fadus eft a noflris impetus fuga operarum. Ejecïus de roftn's Clodius. Ac nos quoque turn fugimus , ne quid in turba.. . . Senatus vocatus in curiam, Pompeius domum. Ad Quint. fr. z 2, Tome IL T An. de r. 637. Cicer. jt. Coss. Cn. Cornel. LenïulusMar- celll r.. mar- cius PHllippus.  An. de R. e97. Cicer. 51. Coss. Cn. Cornel. Lentulus Marcellin. L. Marcius Phi- lipfus. 290 HlSTOIRE DE LA VlE dience ayant été remife au vingt, Pompée entreprit de plaider la caufe de Milon •, mais a peine eut-il ouvert la bouche, que la populace de Clodius poulTant des cris 8c s'emportant en invectives , s'efforca de 1'interrompre ou d'empêcher qu'il ne füt entendu. Pompée étoit trop ferme pour fe déconcerter 11 paria pendant trois heures, avec une préfence & une liberté d'efprit qui forga fouvent fes ennemis mêmes au lilence. Clodius s'étant levé pour lui répondre, le parti de Milon fit tant de bruit a fon tour, qu'il demeura troublé 8c confondu, fans pouvoir retrouver un mot de fon difcours ; tandis qu'on diltribuoit ou qu'on jetoit dans falfemblée des épigrammes 8c des couplets fur lui , fur fa fceur , & qu'on les récitoit publiquement avec des railleries qui le rendirent furieux. II fe remit néanmoins, & perdant 1'efpérance de pouvoir continuer fon difcours, cc il de33 manda d'une voix haute a la populace; qui 30 avoit entrepris de les faire mourir de faiml lis » s'écrièrent auflitot que c'étoit Pompée. II leur 33 demanda encore, qui avoit extrêmement fou33 haité d'être envoyé en Egypte ? Ils répondirent 33 tout d'une voix, Pompée. Mais leur ayant de33 mandé enfuite , qui ils avoient fouhaité qu'on 33 y envoyat ? Iis répondirent, Cralfus 33. Cette demande étoit maligne. L'ancienne jaloufie avoit commencé a renaicre entre Craffus 8c Pompée ;  de Cicéron, L i v. VI. 191 & quoique Ie premier eütparu du coté de Milon, Cicéron allure qu'il n'étoit pas bien difpofé pour lui. Cette chaleur des chefs fe communiqua fi vivement a toute leur fuite, qu'on en vint aux coups avec la dernière fureur. Les Clodiens commencèrent 1'attaque, mais ils furent repoulfés vigoureufement par les gens de Pompée, & Clodius luimême fut chaffé de la tribune. Cicéron qui vit 1'action férieufement engagée, prit le parti de regagner fa maifon. Cependant le défordre n'eut pas toutes les fuites qu'on en pouvoit craindre. Pompée ayant achevé d'éclaircir le forum, donna ordre a fes gens de fe retirer. (cz) Le fénat s'étant aifemblé fur le champ pour (a) Neque ego in fenatum , ne aut de tantis rebus tacerem, aut in Pompeio defendendo , nam is carpebatur a Bibulo , Curione , Favonio , Servilio filio , animos bonorum offenderem. Res in polterum diem dilata efl. Eo die nihil perfectum Ad diem II. id. Cato eS vehe- menter in Pompeium invectus, & eum oratione perpetua tamquam reum accufavit. De me multa , me invito , cum mea fiimma laude dixit. Camillius in me perfidiam increpavit, auditus elï magno lilentio malevolorum. Refpondit ei vehememer Pompeius, Craflumque defcripfit, dixitque aperte le ad cuflodiendam viram luam fore munitiorem quam Africanus fuiflet, quem C. Carbo interemilfet. Itaque magnse mihi res moveri videbantur. Nam T ij An. de R. 637. Cicer. 51. Coss. Cn. Cornel. Len- ruLUS.VlARCELLIN. L. mar- cius Pm- LIPPUS,  An. de R. fff. Cicer. cl. Coss. Cn. Cornel. LentulusMar- cellin. L. Marcius PhiUPPÜS. 2?2 HlSTOIRE BE LA VlE chercher quelque remède a de fi étranges défordres, Pompée qui avoit irritél'envie par la conduite qu'il avoit tenue dans 1'afFaire d'Egypte, fut traité fort févèrement par Bibulus, Curio, Favonius, 8c par plufieurs autres fénateurs. Cicéron s'étoit abfenté volontairement, paree qu'il ne voyoit point de tempérament a choifir entre le danger d'offenfer Pompée , s'il manquoit a prendre parti pour lui, 8c la nécelfité de déplaire aux honnêtes gens, s'il entreprenoït de le défendre. Les mérnes débats durèrenc plufieurs jours, pendant lefquels Pompée ne fut pas plus ménagé par le tribun Caton, qui s'emporta même en reproches contre la perfidie dont il avoit ufé a 1'égard de Cicéron. Pompée répondit avec une véhémence qui ne lui étoit pas ordinaire ; 8c rejetant fur Cralfus tous les affronts qu'il recevoit, il protefta qu'il garderoit fa vie avec plus de 'foin que Scipion n'avoit Pompeius hsc intelligit, mecumque communicat inndias vita? (ux fieri; C. Catonem a Craflo fuftentari; Clodio pecuniam fuppeditari ; utrumqüe & ab eo & a Curione, Bibulo, cauerilque fuis obtreftatoribus confirmari : vehementer efle providendum ne opprimatur, concionario illo populo a fe prope alienato , nobilitate inimica , juventute improba ; itaque fe comparat, homines ex agris arceflir. Operas autem fuas Clodius confirmat. Manus ad quirinalia paratur. In eo fumus multo fuperiores, &c. Ad Quint.fr. 1,3.  de Cicéron, t / r. 293 <*ardé la fiennne, lorfqu'il avoit été affalÏÏné par Carbon. Des expreffions fi vives fembloient devoir conduire a de terribles événemens. Pompée tint confeil avec Cicéron fur les moyens d'établir fa füreté. II lui communiqua le foupcon qu'il avoit d'une entreprife contre fa vie; que Caton étoit foutenu fecrettement par Cralfus, & que Clodius tiroit de 1'argent de la même fource-, qu'ils étoient encouragés tous deux par Curion, Bibulus, & fes autres envieux ; qu'il étoit tems pour lui de penfer a fes intéréts, puifque 1'on ne voyoit plus que de 1'aliénation dans le peuple , de la froideur dans le fénat, & de la corruption dans la jeunelfe. Cicéron ne fe fitpas prelïer pour joindre fes forces avec celles de Pompée. Ils convinrent d'appeler leurs amis & leurs cliens de toutes les parties de 1'Italie : car tout éloigné que Cicéron étoit de vouloir prendre le fénat pour cbamp de bataille, il étoit réfolu néanmoins de fe défendre de la violence, fur-tout de celle de Craflus, pour lequel il n'avoit jamais eu d'inclination. II convint encore avec Pompée d'unir toutes leurs forces pour repoulfer les entreprifes de Caton & de Clodius contre Lentulus & Milon. Clodius ne s'occupoit pas moins a ralfembler fes amis pour lau dience fuivante. Mais fes forces étant fort inférieu res a celles de fon ennemi, il efpéroit moins d'ob tenir fa condamnation , qu'il ne fe propofoit d T üj An. de r. 697Cicer. 51. Coss, Cn. Cornel. LentulusMar- cellin. L. MARcius Phl- L1PPUS.  An. de R. . 697Cicer. Ju Coss. Cn. Cornel. LentulusMar- cellin. L. Mar cius phi- L1PFUS. (a) Conful efl egregius Lentulus , non impediente collega , fic, inquam, bonus , ut meliorem non viderim. Dies comitiales exemit omnes. Sic legibus perniciofiffimis obfiftitur, maxime Catonis. Nunc igitur Catonem Lentulus a legibus removit & eos qui de Casfare monflra promulgarunt. Marcellinus autem hoe non mihi minus fatisfacit, quod cum nimis afpere tractatus quanquam id l<)\ HlSTOIRE DE LA VlE lui caufer de 1'embarras & du chagrin; car, après deux autres audiences 1'afFaire futrenvoyée au commencement de mai, & 1'on n'en trouve plus dans la fuite aucune tracé. Le conful Marcellinus, qui avoit eu 1'art de faire entrer Philippus, fon collégue, dans tous fes fentimens, étoit auffi oppofé aux triumvirs, qu'a toutes les violences des magiftrats. Après avoir médité long-tems fur les moyens de rétablir 1'ordre & la juftice dans la république, il jugea qu'il falloit commencer par la fuppreffion des afiemblées du peuple, a 1'exception feulement de celles qui étoient nécelfaires pour les élecbions annuelles. Outre 1'utilité générale, il efpéroit encore de prévenir par ce changement la loi de Caton pour Ie rappel de Lentulus, & toutes les entreprifes monfrrueufes ( c'eft le nom que Cicéron leur donne), que diverfes perfonnes avoient formées en faveur de Céfar. Cicéron donne a ce conful le caractère d'un des^plus excellens f» magiftrats qui euffent  EE Cicéron, Liv. VI. 29J jamais gouverné la république. U ne blame dans An.deR. fa conduite que le ton dur qu'il preno.t trop fou- e^.t«. vent a 1'égard de Pompée, & qui obligeoit Cice- conron de s'abfenter ordinairement du fénat pour évi- "arter 1'embarrasdefedéterminerentrelesdeuxpartis. Ainfi n'ayant plus que la voie du barreau pour fou- cwsjnh . tenir fa dignité & fon crédit dans la ville, ü fe rendit a fon ancien goüt pour les plaidoyers, exercice honorable & populaire , dans lequel il ne craignoit pas de manquer jamais d'occupation. Sa première (a) caufe fut la défenfe de L. Befba, qui, après avoir été rejeté de la préture dans la dernière élection , fut encore accufé de brigue, & ne put éviter le bannilfement malgré 1'éloquence & 1'autorité de fon défenfeur. C'étoit d'ailleurs un féditieux, dont les mceurs étoit auffi déréglées que fes principes; qui avoit toujours été 1'ennemt de Cicéron, & qui avoit été même engagé fort avant dans la conjuration de Catilina. Cicéron fe fenatu non invito facit ; quod ego me libentius a cuna fcabomni parte reip. fubttraho. Ad Quint. *6. (a) Ad III. id. dixi pro Beftia de ambitu apud pretorem Cn. Domitium , in medio foro, maximo conventu. Ad Quint. *, J. Cogor nonnunquam homines de me r.on optime meritos defendere , rogatu eorum qui bene meriti funt. Ep. fam. 7 , li P^ip. n , 3- SaÜufl' 17' 43. Plutarq. Vie de Cicéron. Tbr  iPtf HlSTOIRE DE LA Vlfi An.de r. plaignoit d'être quelquefois obligé contre fon %£" J^B' de défend^ certaines perfonnes qui Cn. Cor- meritoient peu ce fervice • maii i „„; j' nel. iem- rj, r iciV1ce , maisa qui dautres MAR-f0 '°nS nC lui Permett0^nc pas de le re- L Map. fufer- l&f^ L'^lie retentilToit du bruit des conquêtes de <-elar, dont Ia fortune avoit toujours favorifé les armes dans les Gaules, lorfqu'on recut de lui une «quete par laquelle il faifoit trois demandes au fénat-.; lune, qu'on lui envoyat de 1'argent pour le pa.ement de fon armée; la feconde, qu'on lui accordatle pouvoir de créer dix lieutenans pour la conduite de la guerre, & pour le gouvernement des provincesconquifes; la troifième enfin : que le commandement lui fut prolongé 1'efpace de cmq ans. Ces prérentions parurent exceffives. On nit furpns qii'après avoir fait fonner fi haur fesvic-toires, il „e füt point en état de foutenir fon armee fan, le fecours de Rome, dans un tems oü le trefor public étoit épuifé; & le renouvellement d une commiffion qu'il avoit arrachée, contre 1'incbnation &1 autorité du fénat, futregardée comme une pröpofirion infupportable. Cependant le parti de Céfar 1'emporta, & Cicéron s'employa luimême a faire palfer le décret. Mais ce ne fut pas fans chagrin pour les partifans des anciennes maximes, qui ne cefioient jamais d'être oppofés a toures les faveurs extraordinaires. Cicéron allégua les  de Cicéron, L i v. VI. 297 importans fervices de Céfar. II précendit que, dans le cours d'une profpérité qui fervoit fi glorieufement a reculer les bornes de 1'empire par la conquête de plufieurs nations dont le nom même avoit été inconnu jufqu'alors aux romains, il ne falloit pas lui refufer quelques fecours qui étoient néceffaires a la fituation : & quand les dépouilles de 1'ennemi auroient fuffi pour 1'entretien de fon armée, il foutint que, fans injuftice, Céfar pouvoit les réferver pour Ton (a) triomphe, & qu'il n'étoit pas jufte de lui öter cette efpérance après tant de fervices. La prudence ne permettoitpas fans doute d'interrompre le fuccès de fes armes, & de laifierla guerre imparfaite; mais il femble néanmoins que Cicéron avoit moins égard au mérite de fa caufe qu'aux conjonctures du tems, &a fa propre fituation. Ilavoue, dans fes lettres, « que 1'envie & la malignité 33 des chefs du parti (1>) ariftocratique lui faifoient (a) Illum enim arbitrabar, etiam fine hoe fubfidio pecunia:, retinere exercitum prxda ante parta & bellum conficere pofle ; £êd decus illud & ornaraentum triumphi minuendum noflra parcimonia non putavi. ... Et quas regiones quafque gentes nullas nobis antea litera:, nulla vox , nulla fama notas fecerat, has nofler imperator nofterque exercitus & populi romani arma peragrarunt. De Provinc. Conful. tl, 13. (b) Quorum maleyolentiffimis obtrectationibus nosfeito An. de R; Cicer. 51. Coss. Cn. Cor- NEi. l.EN- tulusMar- CEIIIN l. Mar- CIUS PH1LIPPUS.  An. de R. «97. Cicer. 51. Coss. Cn. Corkel. LentulusMar- CEItlN. l. marcitjs Phi11ppus. devetere illa noftra diuturnaque fer.tentia prope jameffè de> pulfos,nonnosquidem ut noütx dignitatis fimus obliti, fed ut habeamusrationem aliquando etiam falutis. Poterat utrumque prasclare fi elïèt fides , fi gravitas in hominibus confularibus... Nam qui plus opibus , armis, potentia valent, profecifle tantum mihi videntur fiultitia & ineonflantia adverfariorum , ut etiam auetoritate jam plus valefent, &c. Ep.fam. 1, 7. (a) Tantum enim animi inductio & me hercule amor in Pompeium apud me valet, ut, quae illi utilia funt & qua: ille vult, ea mihi omnia jam & recta & vera vi- 298 HlSTOIRE DE EA VlE 33 prefqu'abandonrier fes anciens principes; & que, se» fi cela n'alloit point jufqu'a lui faire oublier fa 33 dignité, il jugeoit auffi que 1'intérêtde fa füreté 33 le difpenfoit de bien des devoirs, qui auroient pu 33 s'accorder néanmoins avec ceux qu'une jufte pru33 dence lui impofoit pour lui-même, s'il y avoit 33 eu plus de droiture 8c de véritable zèie dans 33 les fenateurs-confulaires 33, &c. Dans une autre lettre , il aflure que 1'état & la forme du gouvernement font entièrement changés; 8c que cette dignité, cette liberté d'agir & de parler , qu'il s'étoit toujours propofées comme la fin de fes travaux, s'étoient évanouies fans reflburce ; qu'il étoit réfolu par conféquent d'abandonner ces anciennes idéés auxquclles il avoit rapportéinutilement toute fa conduite , & de fe conformer abfolument aux intentions de Pompée : que 1'eftime extraordinaire (a ) qu'il avoit pour lui commencoit a lui faire  de Cicéron, Li r. VI. 199 croire qu'il n'y avoit de juftice ck de fincérité que dans fes vues, & que la reconnoiffance qu'il lui devoit d'ailleurs ferviroit toujours a juftifier fon attachement : qu'au refte il fe fentoit encore plus de penchant pour un autre choix, fi fon amitié pour Pompée lui permettoit de s'y fixer ; c'étoit celui d'une retraite paifible, oü il put fatisfaire fon goüt pour 1'étude. Mais il fe trouvoit engagé dans une caufe a. laquelle il crut devoir apporter toute la chaleur du plus vif intérêt. C'étoit la défenfe de P. Sextius, un des derniers tribuns , contre lequel Clodius, qui (a) ne lailfoit pas aux amis de Cicéron le tems de refpirer, & qui s'étoit chargé luimême d'attaquer Milon , avoit détaché M. TulÜus Albinovanus, pour 1'accufer de violence pu- deantur Me quidem illa res confolatur, quod ego is fum cui vel maxime concedant omnes , ut vel ea defendam qua; Pompeius velit, vel 'taceam , vel etiam , id quod mihi maxime lubet , ad noftra me ftudia referam literarum; quod profecto faciam, fi mihi per ejufdem ami- citiam licebit Qua: enim propofita fuerant nobis, cum & honoribus ampliflimis & laboribus maximis perfuncti eflemus , 'dignitas in fententiis dicendis , libertas in capeflenda republica , ea fublata tota; fed nee mihi magis quam omnibus. Ibid. 8. O) Qui cum omnibus falutis mea: defenforibus helium fibi elfe gerendum judicaverunt. Pro Sext, i. An. de R. 69T. Cicer. fi. Coss. Cn. Cornel. LentulusMar- CEIL1N. L. Mar- cius ph1l1ppus.  An. de R. Cicer. 51. Coss. Cn. Cornel. I_entl'lusmar- cellin. L. Mar- cius phi- iippus. O) Is erat xget : domum , ut debuimus, ad eum ftatim venimus, eique nos totos tradidimus; eique fecimus prïter hominum opinionem , qui nos ei jure fuccenfère putabant, ut humaniffimi gratiflimique & ipfi & omnibus videremur. Itaque faciemus. Ad Quint. 1,3. {h) P. Sextius eft reus, non fuo , fed meo nomine, &c. Pro Sext. 13. 300 HlSTOIRE DE LA VlE blique pendant le cours de fon tribunat. Sextius avoit été un des plus ardens amis de Cicéron dans fa difgrace, & n'avoit pas peu contribué a fon rétablilTement; mais comme on eft quelquefois difficile fur la reconnoiüance, après avoir rendu d'importans fervices , il n'avoit pas été fatisfait de celle de Cicéron , & fon amitié s'étoit refroidie jufqu'a lenégligerdepuis fon retour. Ce changement ayant fait peu d'imprelïïon fur un coeur véritablement fenfible aux bienfaits , Cicéron qui apprit qu'il étoit Ca) indifpofé , fe rendit a fa maifon , & lui offrit d'entreprendre fa défenfe. Les adverfaires de Sextius en furent d'autant plus alarmés, qu'ayant fait fond fur un refroidilfement qu'ils avoient cru réciproque, ils s'éroient perfuadés que Cicéron demeureroit immobile. II entra néanmoins (b) dans.cette caufe avec toute 1'ardeur qu'il auroit eue pour fes propres intéréts; & fon plaidoyer, qui eft venu jufqu'a nous, fait autant d'honneur h la générofité de fes fentimens, qu'a 1'innocence  de Cicéron, Liv. VI. 301 de Sextius (»,°qui fut abfous par 1'unanimité des fuffrages. Pompée aififtoit a 1'audience en qualité d'ami de Sextius, tandis que Vatinius, ami de Céfar , y parut, non-feulement pour accompagner fon adverfaire , mais pour faire contre lui diverfes dépofitions. Cicéron en prit occafion de le piquer par quelques railleries qui réjouirent beaucoup 1'afiemblée. Au lieu de 1'interroger , fuivant 1'ufage, fur les faits qu'il avoit dépofés, il lui fit une infinité de (b) queftions qui rappelèrent tous les défordres de fon tribunat, Sc les circonftances les (a) Sextius nofter abfolutus eft ad II. id. mart. & quod vehementer interfuit reipub. nullam videri in ejufmod; caufa diffentionem efle, omnibus fententüs abfolutus eft. Scito nos in eo judicio confecutos efle ut omnium gratirfim; judicaremur. Nam in defendendo homine morofo cumulatifllme fatisfecimus. Ad Quint. z , 4. (b) Vatinium , a quo palam oppugnabatur arbitratu noftro concidimus, diis hominibufque pkudentibus. Quid qusris? homo petulans & audax Vatinius valde perturbatus debilitatufque difcelTtt. Ibid. Ego, fedente Pompeio , cum ut laudaret Sextium, introiiflet in urbem , dixifletque teftis Vatinius, me fortuna & felicitate Cxfaris commotum :lli amicum efle coepifle ; dixi me eam Bibuli fortunam, quam ille afflictam putaret, omnium triumphis viftoriifque anteferre. Tota vero interrogatio mea nihil habuit, nifi reprehenfionem illius tribunatus : in quo omnia dicta funt libere , animoque maximo. Ep. fam. 1, 9- An. de R. Cicer. jr. Coss. Cn. Cornel. LentulusMar- cellin. L. Marcius Phi- lippus.  An. de R. 637. Cicer. humeur dans 1'alfemblée. Cicéron , dont Tanden ^usMar"- courage avoit paru ranimé par le fuccès de la CE£IN^AJl. caufe de Sextius, prit cette occafion pour faire cwte une ouverture qui parut furprenante a tout le monde. II propofa que dans 1'état préfent du tréfor, qui ne permettoit pas d'acheter les rerres de Campa- nie dont 1'acbe de Céfar avoit établi qu'on feroit la diftribution au peuple, cet acte füt rappelé au jugement de ralfemblée , & le jour fixé pour cette délibération. La joie fut générale , & fe déclara par des acclamations tumultueufes. En effet, rien ne pouvoit être plus agréable aux ennemis du triumvirar, qui fe flattèrent auffitot de voir naïtre la divilion entre Cicéron & Pompée : mais cet incident ne fervit , comme Cicéron 1'obferve , qu'a faire voir combien il eft difficile de renon- eer a fes principes, en matière de politique, quand on les croit juftes & raifonnables. Pompée qui étoit d'un caradtère fort réfervé, témoicrna fi peu de chagrin de la conduite de Cicéron , qu'ils ne changèrent rien a 1'habitude oü ils étoient de fouper fort fouvent enfemble. II partit bientöt pour aller preffer les provifions de blé du cóté de 1'Afrique , & fon deffein étant de paffer par la Sardaigne, il s'embarqua a Pife  304 HlSTOIRÈ DE la Vïë An. de R. ou a Livourne , pour fe procurer une entrevue Cicer.7 51. avec Céfar , qui étoit alors a Luques, c'eft a-dire, Cn°SCor- a 1'extrêmité de fon gouvernement. II le trouva ïulusMar" ^ort mit^ contre Cicéron , par les récits de Crafce|ll'mar ^us ^ avo't d^)a vu Céfar a Ravenne(a), & cius PHi- qui lui avoit peint des plus noires couleurs, tout LIPPUS. ^ r t r ce qui s'étoit paffé au fénat. Pompée touché de fes plaintes , lui promit d'employer tous fes efforts pour le fatisfaire; & dépêchant aulfitöt un courier a Rome , il conjura effeitivement Cicéron de fufpendre jufqu'a fon retour les pourfuites qu'il avoit commencées contre les intéréts de (cz) Hoe S. C. in fententiam meam facto , Pompeius cum mihi nihil offendiflët le elfe offenfum , in Sardiniam & Africam profeótus eft, eoque itinere Lucam ad Czfarem venit. Ibi multa de mea fèntentia queftus eft Casfar, quippe qui etiam Ravenna: Craflum ante vidiffèt, ab eoque in me elTet incenfus, Sane molefte Pompeium id ferre conftabat; quod ego cum audhTem ex aliis , maxime ex fratre meo cognovi ; quem cum in Sardinia, paucis poft diebus quam Luca difceflerat, conveniflêt : te, inquit, iplïim cupio ; nihil opportunius potuit accidere , nifi cum Marco fratre diligenter egeris, dependendum tibi eft quod mihi pro illo Ipopondifli Quid multa ? Queftus eft graviter, fua merita commemoravit, quid egilfet fepiflime de a&is Csfaris cum meo fratre, quidque fibi is de me recepilfet in memoriam redegit: fèque , qua: de mea falute egilfet, voluntate Cxlaris egiffe, ipfum meum fratrem teftatus eft. Ibid. Céfar.  be Cicéron, Lip-, VI. 305 Céfar. Erant paffe en Sardaigne , il trouva Q. An. deR Cicéron fon lieutenant, a qui il fit des plaintes cgj- ' fort vives de la conduite de fon frère. II rap- SSfc1' pela les fervices qu'il lui avoit rendus a la follicitation même de Céfar , avec d'autres cir- S* conftances dont Quintus avoit été témoin, & cius dans lefquelles il étoit lui-même entré comme garant. Enfin il le conjura d'engager fon frère a foutenir les intéréts & la dignité de Céfar, ou du moins a ne rien entreprendre qui lui füt oppofé. Ces inftances de Pompée , fortifiées par celles de Quintus, ébranlèrent la réfoiution de Cicéron. Après bien des incertitudes, après avoir lemis long-tems dans la balance les intéréts du public & les fiens, il prit enfin le parti d'abandonner une entreprife qui alloit réveiller contre lui 1'animofité de Pompée & de Céfar. Voici 1'apologie qu'il fait de fa conduite a Lentulus : « Ceux, *> dit-il, qui faifoient profeffion des mêmes prin» cipes , & qui étoient engagés avec lui dans la « même caufe , ne perdoient pas une occafion de *> le chagriner. Leur jaloufie fe trahiflbit fans cefle, » & Pon voyoit clairement qu'ils étoient plus ir» rités de la fplendeur de fa vie , que fatisfaits des » fervices qu'il avoit rendus au public. Eeur uniquc «plaifir, celui qu'ils n'avoient pu lui déguifer » tandis qu'il agifibit de concert avec eux , étoit » de lui voir caufer quelque mortification a PomTome II. y  jotf HlSTOlRE DE LA VlS An. de R. » pée, & s'attirer 1'inirhitié de Céfar ; tandis que de Cicef" i" 33 leur cóté ' & danS k feule VU£ de 1C mortifier ' „ils accabloient a fes yeux Clodius de carelfes. nii.' 'en' „Si le gouvernement étoit tombé dans, les mains cpiunMAR' * de quelques fcélérats, il n'y auroit eu ni efpé- cm PhÏ - iance ni crainte , ni même de jufte fentiment ,•iPPÜS• » de reconnoilTance qui eut été capable de 1'atta- • cher a eux ; mais quand il voyoit au gouvernail „ ^ homme tel que Pompée , qui avoit acquis „ cette diftincbion par fon mérite , pour qui il » avoit toujours eu de 1'attachement, a qui il avoit » d'immortelles obligations, & qui faifoit actuel= lement profefllon de regarderfes ennemis comme » les fiens; il ne devoit pas craindre qu'on 1'ac„ cusat d'inconftance , fi dans quelques occafions « il s'étoit un peu relaché au fénat en faveur d'un * tel ami. Son union avec Pompée renfermoit né«celfairement Céfar, avec lequel d'ailleurs fon D3 frère & lui avoient été liés anciennement d'une » étroite amitié, & qui les avoit invités volontai» rement a renouer, par toutes fortes de politeffes in & de bons offices. Céfar, après tant d'exploits », & de vicboires, étoit devenu un homme fi im» portant pour la république , qu'elle devoit fe » tenir elle-même offenfée par ceux qui vivroïent » mal avec lui. Enfin lorfqu'il avoit eu befoin du M fecours de Pompée & de Céfar , Quintus Ion » frère 1'avoit engagé de parole a Pompée, &  de Cicéron, L i v. VI. 307 » Pompée 1'avoit engagé a Céfar; il devoit de »Ja fidélité a fes engagemens (0) ». Tel étoit devenu fon fyftême de politique; & fur les mémoires qui nous reftent de tous les partis, on eft forcé de reconnoïtre qu'il jugeoit beaucoup mieux &c des hommes & des chofes que Bibulus , Marcellinus , Caton , Favonius , & les autres chefs de 1'ariftocratie, dont 1'obftination avoit miné leur caufe, & les avoit réduits a la dépendance oü ils étoient, en aliénant du fénat Pompée & 1'ordre des chevaliers. Ils prenoient les ménagemens que Cicéron croyoit nécelfaires (a) Qui cum illa lentirent in rep, qua; ego agebam , femperque fentiiïènt, me tarnen non fatisfacere Pompeio, Caïfaremque inimiciffimum mihi futurum gaudere le aiebant: hoe mihi dolendum , led illud multo magis , quod inimicura meum fic amplexabantur, fic me prsfënte olculabantur. Ego li ab improbis & perditis civibus remp. teneri videbam non modo prxmiis led ne periculis quidem ullis compulfus ad eorum caufam me ad- jungerem , ne (i fumma quidem eorum merita in me conftarent. Cum autem in rep. Cn. Pompeius princeps eiTet, meumque inimicum unum in civïtate haberet inimicum, non putavi famam inconftantia; mihi pertimelcendam , li quibufdam in fententiis paulum me immutalTem, meamque voluntatern ad fummi viri de meque optime meriti aggregaflem, &c. Graviffime autem me inhanc mentem impulit & Pompeii fides quam de me Cxfari dederat, & fratris mei quam Pompeio. Ep. fam. z , g. V ij An. de R. 697. Cicer, (i. Coss. Cn. Cornel. LentulusMar- cellin. l. marcius Phi- LIPPUS.  308 HlSTOIRE DE LA VlE An. de R. a 1'égaïd du triumvirat , pour une foumiffion „.É9?' baffe & criminelle a un pouvoir qui bleflbit les Cicer. 51. li Coss. i0jx §r qU'ils affecboient mal-a-propos d'irriter : Cn. Cor- ' t ' . nel. len- au Heu que dans un tems ou les forces étoient tulusmak- . ... w . 1 cellin. ii inegales . Cicéron croyoit quil netoit plus l. Mar- „. ö . . ' 1 , f cius Pm- queftion de combattre , & que plus on marque- iippus. ro.t (je patjence pous ]a domination de ces (. Mais après bien des obfervations , Lentulus jugea que pour un homme de fa dignité & de fa fortune, il y avoit trop a rifquer. Gabinius, dont le caractère étoit plus emporré, fe chargea de Tentreprife, & s'y ruina. La ville de Rome trouvoit quelquefois des occafions de fe réjouir au milieu de tant d'affaires férieufes. Le tribun Caton, qui s'emportoit depuis fï long-tems contre ceux qui entretenoient des gladiateurs a leurs gages, & qui leur donnoit le nom d'armées entretenues pour la terreur publique, en avoit acheté une troupe qu'il ne fe trouva point en état d'entretenir, & dont il fut obligé de fe défaire. Milon. employa fecrètement pour les acheter une perfonne avec laquelle on ne lui connoilfoit pas de liaifon; & le (a) tribun Racilius qui étoit d'intelligence avec lui, feignant que c'étoit de fa part qu'on les avoit achetés, fit publier dans la ville que les gladiateurs de Caton étoient a vendre au dernier enchériffeur. (a) Ille vendex gladiatorum & beftiariorum, emerat befliarios Hos alere non poterat : itaque vix tenebat. Senfit Milo; dedit cuidam non familiari negotium, qui fine fufpicione emeret eam familiam a Catone : qua: fimul atque abductaefl, Racilius rem patefecit, eofque homines fibi emptos efle dixit & tabularn profcripfit, fe familiam Catonianam venditurum. In eam tabularn magni sifus confequebantur. Ad Quint. i, 6, An. de R; 697Cicer. 51. Coss. Cn. Cornel. LentulusMar- cellin. L. mar- cius Phi- LIPPÜS.  An. de R. f97. Cicer. 5 !• Coss. Cn. Cornel. LentulusMarcellin. L. marcios Phi- 11ppus. 314 HlSTÓIRE DE LAVlE Cicéron profita d'un intervalle de repos pour vifiter fes raaifons de campagne. Après avoir palTé trois jours a Arpinium, il fe rendit a fes maifons de Pompeium Sc de Cumes, d'oü il revint par celle d'Antium, avec le deffein de s'y arrêter plus long-tems. II 1'avoit rebatie depuis peu , &C Tyrannion s'y occupoit par fes ordres a ranger la bibliothèque , dont les reftes , dit-il, étoient plus confidérables qu'il n'avoit ofé 1'efpérer après les malheurs qu'elle avoit elfuyés. Atticus lui préta deux de fes bibliothécaires , pour aider (a) le fien: c'eft-a-dire, pour faire le catalogue de fes livres, & pour les placer méthodiquement, ce qu'il appelle donner de 1'ame a fa maifon. Pendant fon voyage , Gabinius , fon ancien adverfaire , qui étoit alors proconful de Syrië, avoit remporté quelques avantages en Judée contre Ariftobule, a qui les difpofitions de Pompée n'avoient point oté 1'efpérance de fupplanter Hircan fon rival, & dans 1'ivrelfe d'un fi frivole triomphe il avoit ( $oient a la ville ce qu'elle avoit a craindre de 30 la difcorde des premiers ordres de 1'état; qu'elle 33 n'étoit menacée de rien moins que de fa ruine, >3 & que fi la colère du ciel n'étoit appaifée par 33 de juftes expiations, les provinces tomberoient >3 bientót entre les mains d'un feul, les armées. 33 de la république feroient battues, & les malst» heurs deviendroient irréparables 3,. Cette réponfe re laifie aucun doute que les devins n'eulfent rec.u 1'influence de ceux qui vouloient faire fervir la religion a corriger les défordres de 1'état. Elle fut interprêtée différemment, fuivant les vues de chaque parti. Clodius en prit droit de fe livrer  r>E Cicéron, Lïv.VI, 317 a de noliveaux emportemens contre Cicéron. Ii convoqua le peuple, pour lui repréfenter que c'étoit Cicéron feul qui étoit défigné viliblement par la voix du ciel; que Tarnde des lieux faints ne pouvoit regarder que le terrein de fa maifon, qu'il s'étoit fait rendre après une confécration folennelle, pour Tappliquer a des ufages profanes, & prétendant qu'il n'afpiroit qu'a Toppreffion des libertés publiques & a la tyrannie (a), il le chargea de la colère des dieux & de tous les maux dont Rome étoit menacée. Cicéron répondit a Clodius dès le jour fuivant, dans une alfemblée du fénat. Après une invecTive générale contre fes crimes, il Tabandonnoit, lui dit-il, comme une victime dévouée a JVHlon, qui paroilfoit aufli heureufement choili par le ciel pour délivrer Rome d'un tel monftre , que Scipion Tavoit été pour la deftruction de Carthage. II confelfa que les prodiges étoient des plus extraordinaires qui fuffent jamais arrivés; mais riant de 1'abfurdité qu'il y avoit a lui en appliquer la moindre partie , il fit voir qu'au jugement des pontifes, du fénat, & de tous les ordres de la ville, fa maifon (£) étoit de toutes celles de Rome la plus clairement exempte des engagemens Ca) Dio. ibid. Cb) De Harufp. Refp. 6, & feq. An. de R. 6S7. Cicer. 51. Coss. Cn. Cornel. JLen'julusMar- celun. L. Marcius Pm- L1PPUS.  An. de R. «97Cicer. ji. Coss. Cn. CORnel. len- tuiusMar- céll1n. l. Mar- c1us PH1l1ppus. 318 HlSTOIRE DE EA VlE de religion. Enfuite reprenant toutes les impiétés, les profanations & les violences de Clodius, il prouva par un détail fenfible que les dieux qu'on fuppofoit juftement irrités , n'avoient point en effet d'ennemi plus furieux que lui. A 1'égard des dangers qui pouvoient naitre de la divifion des grands , il fit obferver encore que Clodius ayant foufflé de toutes parts le poifon de la difcorde , en fe déclarant tantöt pour 1'un, tantöt pour 1'autre ; aujourd'hui pour le parti populaire , le lendemain pour 1'ariftocratie; favori des triumvirs dans un tems , & faifant enfuite fa cour au fénat, c'étoit a lui que le courroux des dieux devoit remonter , comme a la fource de toutes les faftions & de toutes les haines. Les exhortations qu'il fit a ralfemblée roulèrent fur ce fondement , & confondirent autant fon ennemi , qu'elles firent éclater fa religion & fon zcle. Vers le milieu de 1'été , c'eft-a-dire, a 1'approche de la nouvelle élecrion des confuls, qui fe faifoit ordinairement au mois d'aoüt, les déiibérations commencèrent au fénat fur la diftribution des provinces. II étoit queftion feulement des deux Gaules que Céfar occupoit, de la Macédoine, oü commandoit Pifon, & de la Syrië qui étoit actuellement a Gabinius. Tous ceux qui par« lèrent avant Cicéron , excepté Servilius, demandèrent que 1'une ou 1'autre des deux Gaules, ou  de Cicéron, Li r. VI. 319 même toutes les deux fuffent ötées a Céfar ; & c'étoit le défir comme général du fénat. Mais Cicéron s'expliquant a fon tour, prit cette occafion de fatisfaire fes juftes reflentimens contre Pifon & Gabinius. II employa toute la force de fon éloquence & de fon autorité pour les faire rappeler avec quelque marqué de difgrace, & pour faire donner leurs emplois aux confuls fuivans. A 1'égard des Gaules , il demanda que ce gouvernement fut laifle a Céfar jufqu'a la fin d'une guerre qu'il foutenoit fi glorieufement. L'affemblée parut peu fatisfaite de fon difcours , & le mécontentement du conful Philippus alla juf qu'a 1'interrompre , pour le faire fouvenir qu'il devoit plus de haine a Céfar qu'a Gabinius , puifqu'après tout c'étoit Céfar qui avoit formé 1'orage dont fa fortune & fa dignité s'étoient fi cruellement relfenties. Mais Cicéron répondit qu'il (a) facrifioit volontiers le reffentiment de (a) Itaque ego idem qui nunc conliilibus iis qui defignati erunt, Syriam Macedoniamque decerno.. . . Quod li effent illi optimi viri, tamen ego mea (êntentia C. Cs;fari nondum fuccedendum inflarem. Qua de re dicam , P. C. quod lentio , atque illam interpellationem familiariffimi mei, qua paulo ante interrupta eft oratio mea , non pertimefcam. Negat me vir optimus inimiciorem debere eiïè Gabinio quam Ca?fari; omnem enim illam tempeftatem , cui cefferim , Cïlare impulfore atque adjutore An, de R. 697. Cicer. 51. Coss, Cn. Cornel. LentulusMar- cellin. L. MarCIUS PHILIPPUS.  An. de R. 697. Cicer. 51. Coss. Cn. cornel. LentulusMar ceilin. L. Marcius phiilPPÜS. efle excitatam. Cui fi primum fic refpondeam , me communis utilitatis habere rationem, non doloris mei. .. Hic me meus in remp. animus priftinus ac perennis cum C, Caefare reducit , reconciliat , reflituit in gratiam. Quod volent denique homines exiftiment; nemini ego poflum efle bene de repub. merend non amicus. De Provinc. Conful. 8 , 9. M. 32a HlSTOIRE DE LA VlE cette offenfe au bien public : que ne pouvant être 1'ennemi d'un citoyen qui rendoit a fa patrie de fi glorieux fervices, ce feul motif avoit fuffi pour le réconcilier avec Céfar ; que la guerre des Gaules ne demandoit plus qu'un an ou deux, après quoi toutes ces provinces feroient tranquilles, & les conquêtes de Céfar affermies: qu'il falloit mettre une différence extreme entre 1'adminiftration d'un homme tel que Céfar, qui étoit utile & glorieufe a la république , & celle d'un Pifon & d'un Gabinius, dont la conduite fcandaleufe faifoit le malheur de leurs provinces & 1'opprobre de 1'empire romain. Enfin, foit qu'il dut fon triomphe a la force de fon éloquence , ou z celle de la vérité , le fénat revint a fon fentiment , & porta un décret par lequel Pifon &t Gabinius furent rappelés. Cicéron fut rappelé au barreau par deux caufes confidérables dont il entreprit la défenfe; 1'une en faveur de Cornelius Balbus, 1'autre pour  de Cicéron, L i v. VI. 3 21 M. Cadius. Balbus étoit natif de Gades en Efpagne , & d'une familie diftinguée, non-feulement par fa nobleffe, mais par les fervices qu'elle avoit rendus a la république dans la guerre de Sertorius. Elle avoit été récompenfée du droit de bourgeoifïe romaine. Mais Pompée lui ayant accordé cette faveur en vertu d'une loi qui lui donnoit ce pouvoir, on révoquoit en doute la vertu de cette loi pour Balbus 8c fa familie , paree que la ville de Gades n'étoit pas dans les bornes de 1'alliance de Rome , oü elle devoit être , pour rendre ces citoyens capables de ce privilége. II avoit choifi Pompée & Cralfus pour fes avocats: mais a leur prière Cicéron fe joignit a eux , 8c prit le troifième rang (a) , qui étoit le plus honorable, paree qu'il rendoit un orateur maitre de la caufe , en lui laiffant le foin d'y mettre comme la dernière main. C'étoit moins a Balbus que les aggrelfeurs vouloient nuire , qu'a Pompée & a Céfar, dont la faveur lui avoit fait acquérir beaucoup de biens & de crédit. II étoit alors général de 1'artillerie de Céfar, & le principal intendant de toutes fes affaires; ce qui ne lui fut pas néan- (a) Quo mihi diflicilior eft hic extremus perorandilocus.... Sed mos gerendus eft non modo Cornelio, cujus ego voluntatï in ejus periculis nullo modo deelfe pofTum , fed etiam Cn. Pompeio. Pro Balb. 1, 1. Tomé II, •£ An. de R; Cicer. 51. Coss. Cn. Cor- \'El. LENtULUsMAR- :elhn. l. Mar:ius phi- LIPPUS.  An. de R. e97. Cicer. $i. Coss. Cn Cornel. Lentulus Mar. cellin. L. Marcius PhiUpPus. (a) Fuit & jBalbus Cornelius major, conful, primus externorum atque etiam in Oceano genitorum, ufus illo honore. Hifi. nat. 7 , 43. Garama caput Garamantum: omnia armis romanis luperata, & a Cornelio Balbo triumphata , uno. omnium externo curru & quiritium jure donato : quippe Gadibus nato civitas romana cum Balbo majorepatruo donata eft. Ibid, < , J. S 2 Z HlSTOIRE DE LA VlE moins. 11 utile que 1'éloquence de Cicéron, pour lui faire confirmer fon droit de bourgeoilie. La fentence des juges lui fut favorable , & ce fut fur ce fondement que la fortune 1'éieva enfuite jufqu'au confulat. Le jeune Balbus, fon neveu, qui participa au même avantage , obtint auffi dans la fuite les honneurs du triomphe pour avoir vaincu les garamantes, & Pline (a) les donne pour le feul exemple d'étrangers ou de citoyens adoptés , qui ayent obtenu Tune ou 1'autre de ces deux diftinciions. Ccelius étoit un jeune homme auffi relevé par fon mérite, que par fa naiffance , qui avoit été élevé fous les yeux de Cicéron, aux foins duquel fon père 1'avoit confié particulièrement, lorfqu'il avoit paru au barreau pour la première fois. Avant 1'aoe oü 1'on pouvoit prétendre aux magiftratures, il s'étoit déja fait connoitre par deux caufes célèbres, 1'une contre C. Antonius, accufé de confpiration, 1'autre contre L. Atratinus, chargé de corruption &c de brigue. C'étoit maintenant le  ï)E Cicéron, L i v. VI. 323 Hls d'Atratinus, qui , pour venger fon père, 1'accufoit a fon tour de violence publique, & d'avoir tenté d'empoifonner Clodia , foeur du fameux Clodius. Ccelius avoit éré 1'amant de Cladia , & toute la querelle n'avoit point d'autre caufe que le reffentiment de cette dame, pour le mépris qu'il avoit bientöt fait de fes faveurs. Cicéron traire cet article dans fon plaidoyer avec tant de vivacité & d'enjouement , qu'il peut palfer pour un de fes plus agréables ouvrages. II paroit qu'au fond Ccelius étoit un jeune liberdn , qui Vivoit au mont Palatin dans une (a) maifon qu'il avoit louée de Clodius ; & panni les objections qu'on faifoit contre fa conduite , on lui reprochoit qua fon age , & n'ayant encore aucun emploi, il occupoit une autre maifon que celle de fon père, & du prix annuel d'environ mille écus. Cicéron répondit que Clodius' penfoit apparemment a vendre fa mailbn lorfqu'il faifoit monter fi haut le loyer d'une petite partie de 1'édifice-, qui ne valoit pas au fond plus de cent pilloles par an. Ccelius ayant éré abfous, fit profefiïon pendant toute fa vie d'un parfait attachement pour (a) Sumptus unius generis objectus eft, habitariom's i triginta millibus dixiftis eum habitare. Nunc demum intelhgo P. Clodii infulam elfe venalem, cujus hic in xdicuhs habitet, dscem, ut opinor, millibus. Pro Cael. 7, Xij An. de R. _ «S7Cicer. 51. Coss. Cn. CoR- sel i.enr.UiUSMARZELL1H. 1 . MARnus Pm» -il'PÜS.  314 HlSTOIRE DE LA VlE An.de R. Cicéron, & lia avec lui un commerce de lettres Cü2?rt- qui fera rapPeler fon nom PluS d'Une f°iS danS coss. i fuite ^ cette hiftoire. Cn. CoR- v ., . \ \ • nel. len- £n tirant quelques lumieres d une lettre a Atti- TULL'SMaR- . v 1t cellin. cus, on croic pouvoir rapporter a ce tems ia cius MpAHt compofition d'un petit (a) poëme a 1'honneur de lippus. Céfar ^ Cicéron s'excufe de n'avoir pas communiqué plutöt a fon ami. « Quoi donc 5 lui dit»:ilf», croyez-vous qu'il y ait perfonne au » monde a qui j'aime mieux faire voir mes ou» vrages qu'a vous 2 Si vous n'êtes pas le premier * a qui j'ai communiqué celui-ci , c'eft que je * n'en avois qu'une copie, & que je n'ai pu la » refufer aux emprelfemens de la perfonne a qui „ je 1'ai envoyée. De plus ( car il faut vous faire * 1'aveu de ci que je cherche inutilement a me » déguifer a moi-même ) , j'ai eu quelque honte „ de changer fi fubitement de langage. Mais tous » ces grands fentimens , ces maximes rigides, » cette^probité auftère ne font plus de faifon. Vous v ne fauriez croire combien on trouve peu de » süreté avec ces gens qui fe difent les chefe du » bon parti, & qui mériteroient en effet de 1'être * s'il leur reftoit quelque droiture. Je les con- O) Ad Att. 4, Scribis poema ab eo noftrum ora-r bari. Ai Quint. fa. i, if. 3 cois que cela caufe a mes jaloux autant de mor33 tification que je le fouhaite.... C'eft trop fouf33 frir : puifqu'ils ne veulent point de nous, cher33 chons ailleurs des amitiés plus folides , & des 33 protecbions plus puiflantes. II falloit s'y pren33 dre plutót, me direz - vous. Je 1'aurois fait fi 33 j'avois fuivi vos confeils. Mais il eft tems enfin 33 que je travaille pour moi, puifque ceux a qui 33 j'avois facrifié mes intéréts m'ont fi mal fervi 33. C'eft dans le cours de la même année que X iij  An. rle R. 657. Cicer 51, Coss. Cn. CorNEi. L entui. usMar- CELLIn L. MaRcius Pmlir-pus. (a) Epifïolam Lucceio quam min , fac ut ab eo fumas : Vi'lde bella en ; eumque ut adproperet adhorteris, & quod mihi fe ita facturum refcripfit, agas gratias. Ad Au. 4 , 6. Tu Lucceio librum noflrum dabis. Ibid. 11. Cicéron avoit déja écrit fon hifioire en grec & en latin , en vers & en profe. Atticus & plufieurs autres gens de lettres y avoient auffi travaülé dans Tune & 1'autre langue. $16 HlSTOlRË DE LA VlE Cicéron écrivit a Lucceius cette lettre (a) célèbre, ou il le prelTe d'entreprendre l'hiftoire de fes acïions. Lucceius étoit un écrivain d'un mérite rare , qui venoit de finir 1'hiftoire de la guerre italique , & des guerres civiles de Marius , avec le delfein de la continuer jufqu'a fon tems , t>c d'y faire entrer une relarion particuliere du confulat de Cicéron. Mais Cicéron fe fentoit tant de goüt pour fon ftyle & pour fa méthode , qu'il vouloit 1'engager par fa lettre a palfer fur une longue fuite d'évènemens, pour en venir tout d'un coup a ceux qui ie regardoient. On cite cette lettre comme une' preuve conftante de la vanité de Cicéron, & de fa paffion exceffive pour les louanges. S'ü étoit queftion de le juflifier , on pourroit dire qu'il 1'écrivit moins en philofophe, qu'en homme d'état, qui fentant le mérite de fes actions, & le cruel traitenrlent dont elles avoient été payées, fuuhaitoit d'en laifïer d'affez bons monumens pour ne rien craindre de 1'injuf-  ïje Cicéron, L i v. VI. 317 tice de la poftérité, & peut-être de jouir pendant fa vie d'une partie de cette gloire qu'il vouloit s'alTurer après fa mort. Mais quelque jugement qu'on porte de fes difpofitions morales , fa lettre eft fi belle par 1'élégance du ftyle, par la nobleffe des fentimens, & par le choix des exemples hiftoriques, qu'elle doit palier pour une des plus précieufes pièces qui nous reftent de 1'antiquité dans le genre épiftolaire. II 1'avoit écrite avec tant de complaifance , que la louant lui-même a fon cher Atticus, il 1'exhorte a s'en procurer une copie ds Lucceius, leur ami commun. L'hiftoire qu'il défiroit fut entreprife ; & vraifemblablement Lucceius s'en occupa long-tems, puifqu'on trouve plufieurs témoignages de la continuation de leur amitié. Mais il ne nous refte rien ni de cet ouvrage, ni des mémoires que Cicéron avoit envoyés a fon hiftorien. Les regards & 1'inclination du peuple romain commengoient a fe tourner vers Céfar , qui par 1'éclat de fes conquêtes fembloit égaler la réputation de Pompée , & le furpaflbit peut-être déja dans les affaires, par rétablilfement d'un crédit dont il n'étoit pas moins redevable a fa générofité, qua fon adreffe. II pafla 1'hiver a Luques, oü il recut (a) la vifite d'une partie de la no- (a) Sed cum L. Domitius confulatus candidatus palam X iv An. de R. s97. Cicer. 51. Coss. Cn. Cornel Lentulus Mar- CELL1N. l. Marcius Pui" lippus.  An. deR. «57. Cicer. 51. Coss. Cn. Cornei. LentulusMar- CEIL1N. L. Marc1us PhiIlPPUS. minaretur confulem fe efFefturum, quod prrctor nequiflèt adempturumque ei exercitus : Cralïïim Pompeiumque in urbem provinck fua; Lucam extractos compulit, ut detrudendi Domitii caufa alterum confulatum peterent. Suet. in C), tandis que vous le » pouvez encore: car vous n'en aurez pas long33 tems le pouvoir 33. Cneius Pifon, jeune noble, qui avoit accufé Manilius Crifpus de divers cri- ( a) Quid enim hoe miferius quam eum qui tot annos quot habet, defignatus confiil fuerit, confulem fieri non poiïè » &c. Ai Att. 4,8, Dio. p. 103. ( b ) Acclamate , inquit, quirites , acclamate dum licet: jam enim impune vobis non facere licebit. Val. Max. 6 , 1. An. de R. «97. Cicer. 51. Coss. Cn.Cornel. LentuiusMar- celi1n. L. MARCIUS PHlL1PPUS.  An. de R. *9». Cicer. ft. Coss. Cn. PomPEiys MaG(.Ui II. M. r.ici- KJl'S CllASÜUS II. (a ) Da , inquit , prajdes Reip. te , fi poflulatus fueris, civile bellum non excitaturum ; etiam de tuo prius quam de Maniiii capite in concüium judices mittam. Ibid- ( b) Ad Att. 4. L'hiftoire de Philoxene eft rapportée par Diodore de Siciie , liv. 3 31 - 330 HlSTOIRE DE LA VlE mes dont il étoit effecftivement coupable , le voyant foutenu par la protection de Pompée , tourna fes reproches contre Pompée même , qu'il chargea de plufieurs entreprifes contre le bien public. Pompée lui demanda pourquoi il ne le citoit pas devant la juftice (a) , au lieu du criminel: « Garantilfez-moi, répondit Pifon , que 33 vous foutiendrez le procés fans exciter une 33 guerre civile , Sc je vais vous citer devant les 33 jUgeS 33. Pendant ce tumulte Cicéron s'étoit retiré a la maifon de campagne , oü il palïa les premiers jours du mois de mai, auffi dégoüté du public, qu'irrité contre lui-même. Atticus ne fe lalfoit pas de lui répéter que fon unique relfource étoit de s'attacher aux plus puilfans, Sc ceux-ci 1'invitoient continuellement a s'unir avec eux : mais dans fes réponfes a Atticus il obferve , que leurs fituations étoient bien difFérentes (b). « Vous 30 n'avez pas pris d'engagement, lui difoit-il, Sc 33 ie joug que vous portez vous eft commun avec >3 tous les citoyens. Mais moi dont le zèle pour  de Cicéron, Liv. VI. 331 m le bien de 1'état elf regardé comme une folie , 3, les moindres ménagemens comme une honteufe 33 fervirude, Sc le filence même comme une la3. cheté & une trahifon , que n'ai-je point a fouf33 frir ? Je fouffre d'autant plus que je n'ofe me 33 plaindre, dans la crainte de pafier pour ingrat. 3, Encore fi je pouvois me retirer & chercher hors 33 du tumulte des affaires un port & un afde 1 » Mais je n'en fuis pas le maïtre. II faut au con» traire m'embarquer malgré moi & palfer dans 33 le camp ennemi. Je ferai donc lubalteme , moi 33 qui ai pu autrefois commander en chef. Je m'y sodétermine, puifque c'eft votre confeil. Et plüt 33 aux dieux que je 1'euffe toujours fuivi! II eft 33 aifé de dire qu'il faut fe conformer aux tems. » Mais que j'aurai de peine a faire cet effort fur 33 moi ! Je pardonne a Philoxene d'avoir mieux 33 aimé retoumer en ,prifon , que de trahit fes 33 feminiens. Je travaille ici néanmoins a me faire 33 d'autres maximes , & vous acheverez de me 33 convertir quand nous nous reverrons 33. II ne pouvoit calmer fes agitations, toutes fes lettres en portoient les marqués. La maifon de campagne qu'il avoit choifie pour fa retraite étoit fituée fur Ie délicieux rivage de Baïes, qui étoit le rendez-vous de tout ce qu'il y avoit de gens riches & heureux. Pompée étant (a) venu dans (a) Pompeius in Cumanurn Parilibus vënjt : mifit ad An. d„ efclave dans fon origine , mais affranchi par At- sus ll' ticus, Sc chargé enfuite de 1'inftruófion des deux jeunesf» Cicéron, le fils & le neveu. Ce compagnon d'étude lui fuffifoit avec fes livres. II en faifoit fa nourriture , il les dévoroit. Ses chagrins ne lui laiflbient plus d'autre confolation. « J'ai33 merois mieux, écrivoit-il a Atticus, étre aflis » avec vous fur le petit banc qui eft au-deflbus 33 de votre buflx d'Ariftote , que fur la chaire 33 curule de nos grands hommes; ou me prome33 ner dans vos jardins avec vous, qu'avec celui 33 auquel je ne prévois que trop que je ferai forcé 33 de tenir compagnie dans fes promenades 33. On ne prend point fur ces termes une fort bonne idéé desfentimens de Cicéron pour Pompée ; mais Pompée ne faifoit pas plus de fond fur les fiens, & de part & d'autre toutes ces aflecbations d'amitié Sc de zèle étoient apparemment concertées par la politique. Cicéron parle dans la même lettre du bruit qui s'étoit répandu a Pouzzoles, que (a) Nos hic voramus literas, cum homine mirifico , ita me hercule fentio , Dionifio. Ibid. lt.  An. cte R. «98. Cicr. fi. Coss. Cn. Pompeius Mag- nus II. m. Licinius Crassus II. (a) Dio. Üv. 39. p. 116. (b) Ex qua aliquot prsetorio imperio , confulari quidem nemo rediit , qui incolumi^ fuerit, qui non triumpharit. In Pifon. 16. Ut ex ea provincia qua; fuit ex omnibus una maxime triumphalis, nullas fit ad (enatum li- teras mittere aufus Nuncius ad fenatum miflus eft nullus. Ibid. 19. Mitto de amiffa maxima parte exer- citus 10. Dyrrachium ut venit decedens , obfelTus eft ab ipfis illis militibus , quibus cum juratus affirmaffet le qui deberentur poftero die perfoluturum, domum le abdidit; inde noöe intempefta , crepidatus, vefte fervili navem confcendit. Ibid. 38. 334 HlSTOIRE DE LA V I E le roi Ptolemée éroit rérabli fur fon rróne , & demande a fon ami, fi 1'on en etoit informé a Rome. Cette nouvelle fut (a) bientöt confirmée, Gabinius, tenté par les richelfes de 1'Egypte, &C follicité même par Pompée , avoit entrepris de fervir le roi avec fon armée de Syrië, & fans égard pour 1'autorité du fénat, ni pour les avis de la fibylle , il avoit réulfi par la force des armes a le replacer fur le tiöne de fes pères. Cette hardiefie irrita exrrêmement le peuple romain,& 1'on réfolut d'avance que Gabinius en porteroit la peine a fon retour. Pifon fon collégue revint a Rome avant lui. II fortoit chargé d'opprobre , d'un gouvernement d'ou les fénateurs confulaires (b) n'étoient retournés jufqu'alors que pour obtenir les honneurs du  t>E Cicéron, Lik. VI. 35$ triomphe. II n'avoit pas laifle , fur quelques légers avantages , de fe faire faluer du nom d'empereur par fon armée : mais 1'occalion en avoit été Ci méprifable , qu'il n'avoit ofé la communi. quer au fénat. Après avoir opprimé les peuples de fa province, pillé les alliés, & perdu la meilleure partie de fes troupes dans une guerre contre les barbares voilins, ^fravoit été forcé, dans une fédition , de fe lauver fous les habits d'un efclave, 8z pour fe venger du mépris de fes foidats, il les avoit congédiés fans les payer. Audi n'eut-il pas 1'audace de faire une entrée publique a Rome. En arrivant a la porte Efquiline, il dépouilla fes faifceaux de leurs lauriers (a) , & n'ofant prendre d'autre cortège que fes propres domeftiques, ilgagna fecrètement fa maifon poury cacher fa honte. Cependant 1'autorité d'un gendre tel que Céfar , enfla bientót fa hardieffe & fes efpérances. Dès la première fois qu'il parut en public, il attaqua Cicéron par des plaintes amères qu'il porta contre lui a ralfemblée du fénat. Mais ayant eu ia baffeife de lui reprocher (b) fou exil , il fut inter- (a) Sic itle Macedonicus imperator in urbem fè intulit, ut nullius negotiatoris obfeuriflimi reditus unquam fuerit deferrior. Ibid. 13. Cum tu detraétam c cruentis fafcibus lauream ad portam Efquilinam abjecifti. Ibid. 30. (b) Tune aufus es meum difcelfum illum maledicti & An. de R. 6VS. Cicer. ^2. Coss. Cn. Pompeius Macnus II. M. Licr- nius Crassus II.  'An. de R. «98. Cicer. «i, Coss. Cn. Fompeius mag- nus II. M. LiClnius Cr assus II. contumelia: loco ponere ? Quo quidem tempore cepi, P. C. fructum immortalem vefiri in me amoris , qui non admurmuratione , fed voce & clamore , abjecti hominis petulantiam fregiftis. 14. (a) Cedant arma toga;, concedat laurea lingua:...^ Non ulla tibi-, inquit, invidia nocuit, fed verfus tui. Hajc res tibi fluétus illos excitavit. Tua: dicis , inquit , toga; fummum imperatorem efle cefliirum.. .Paulo ante dixiöi, me cum iis confligere quos defpicerem ; non attingere eos qui plus poflent, quibus iratus efle deberem. Ibid. > 30,31. le J 3 6 HlSTOIRE DE LA V I E rompu par le cri de toute 1'affemblée. II prétendoit que c'étoit moins 1'envie de fes acbions , qu'une jufte hakie contre fa vanité qui 1'avoit fait exiler, & que fa difgrace (a) n'étoit venue que d'un vers de fa compofition, qui avoit indigne Pompée jufqu'a vouloir lui apprendre quelle différence il y avoit réellement entre le pouvoir d'un général & d'un orateur. II lui reprochoit encore de n'avoir jamais tourné fes rellentimens que fur des objets méprifables , 8c de s'être bien gardé , malgré les jufles raifons qu'il en avoit, d'attaquer ceux dont il redoutoit la puiffance. Que ces accufations fuffent bien ou mal fondées , il auroit été plus avantageux pour Pifon de les étouffer. Cicéron, piqué d'une infulte a laquelle il ne s'attendoit pas, lui fit fur le champ une réplique 11 vive , qu'elle rendra la conduite , les mceurs &c  de Cicéron, L i v. VI. 337 caractère de Pifon auffi long-tems odieux & méprifables que les écrits de Porateur romain fubfifteront. A 1 egard du vers que fon ennemi avoit cité , il töurne ce reproche en badinage : « M lui dit que c'eft inventer un chatiment bien » étrange pour les poëtes, que de vouloir qu'ils » foient bannis pour chaque mauvais vers qui leur - échappe; qu'il étoit un critique d'une efpèce » fort nouvelle (a) , non un Ariftarque, mais un » Phalaris littéraire , qui au lieu d'effacer les mau» vais vers, vouloit qu'on en détruisït 1'auteur: que » le iien d'ailleurs n'avoit rien d'offenfant pour (a) Quoniam te non Ariftarchum , fed grammaticum Phalarim habemus , qui non notam apponas ad malum verfilm , fed poetam armis profequare Quid nunc te, aline , literas doceam ? Non dixi hanc togam qua fum' amiaus, nee arma , fcutum & gladium unius imperatoris; fed quod pacis eft inngne & orii toga ; contra autem arma , tumultus ac belli , m0re poetarum iocutus , hoe intelligi volui bellum actumultum paci atque otio conceiïurum.... In altero harerem, nifi tu expediffes. Nam cum tu detratfam a cruentis fafcibus lauream ad portam Efquilinam abjecifli, indicafti non modo amplilW , fed etiam minima: laudi lauream concefliffe Vis Pompeium ifto verfu inimicum mihi ede faftum? Primo nonne compenfabit cum uno verficulo tot mea volumina laudum fuarum? Veffr* fraudes, veftr* criminationes in- fïdiarum mearum effecerunt ut ego excluderer, &c. In Pifon. 30, 31. Tome II, y An. de R. egZ. Cicer. 51. Coss. Cn. Pom'eius Mag>jus II M. Lici•ilUS Cras>US II.  ?38 HlSTOIRE DE LAViE An de R. » P«fonne : qu'il falloit ignorer jufqu'aux premiers "^8- ' »élémens des lettres pour s'imaginer que par le C'coss!1' „mot de toga il entendït fa propre robe, ou pk rus mIg" , par le mot Karma les armes particulières de n m"l ci- - quelque général, & pour ne pas fentir que c'és»Tn*AS' - toient des expreflïons poëtiques : que 1'une étant * 1'emblême de la paix comme 1'autre 1'étoit de » la guerre , elles fignifioient feulement que le » tumulte & les dangers dont la ville avoit été » menacée, alloient faire place au repos & a la » sÜreté publique i que la feconde partie du vers » auroit peut être été plus difficile a expliquer fi „Pifon n'en eut levé lui-même 1'obfcurité; mais , qu'en mettant fes lauriers en pièces a la porte » de Rome, il avoit déclaré combien il les croyoit , inférieurs a toute autre forte de diftinctions: » qu'a 1'égard de Pompée il y avoit de 1'abfur„ dité a penfer qu'après avoir compofé des vo» lumes entiers a fa louange , un vers eüt ete «capable de lui en faire un ennemi : quau „fond, leur divifion n'avoit jamais été jufqu'a „ la ha'ine , & que s'il avoit para entr'eux quel» que refroidilfement, on en connoiffoit la caufe, „ qui n'avoit jamais été que les artifices, les ca, lomnies, enfin la malignité de Pifon & de ceux » qui lui reflembloient Ce fut vers ce tems que le théatre de Pompée fut ouvert &c dédié avec beaucoup de folen-  de Cicéron, L i v. VI. 339 nité. La grandeur & la magnificence de cet édifice ont été fort célébrées par les anciens. Pompée 1'avoit fait confbruire a fes propres frais , pour 1'ufage & 1'orncment de la ville. II étoit bati fur le plan du théatre de Mitylène , mais avec une augmentation d'étendue qui le rendoit affez vafie pour contenir quarante mille fpecbateurs. Pompée 1'avoit fait environner d'un périftile , oü 1'on pouvoit fe mettre a couvert du mauvais tems. II y avoit annexé une falie d'alfemblée pour le fénat, & une autre falie pour les jugemens & les affaires publiques. Toutes les parties de ce bel ouvrage étoient (a) ornées de ftatues & de peintures des meilleurs maïtres. Atticus s'étoit chargé de la diflribution de ces ornemens, & 1'on trouve dans une lettre (3) de Cicéron les remercimens qu'il en recut de Pompée. Pour mettre le comble a la magnificence de cette entreprife , on avoit élevé a 1'extrémité du parterre un temple a Venus la ( a ) Pompeius magnus in ornamentis theatri mirabiles fama poluit imagines, ob id diligentius magnorum artificum ingeniis elaboratas; inter quas legitur Eutyce a viginti liberis rogo illata, enixa triginta partus : Alcippe , elephantum. Plin. Hifi. 7 , 3. (b) Tibi etiam gratias agebat quod ligna componenda fufcepiffes. Ad Att. 4 , 9. Y ij An. de r. 69S. Cicer. 51. Coss. Cn. Pompeius Magnus II. M Licin1us Crassus II.  Au. de R. «98. Cicer. 5Z. Coss. Cn. Pompeius MA mïfericordiam vulgi inenarrabilihabituquerentesfupplicavere, quadam fefe lamentatione complorantes , tanto populi dolore , ut oblitus imperatoris flens univerfus confurgeret, dirafque Pompeio, quas iile mox luit, pcenas imprecaretur. ?lin. 8 , 7. Dio. 39 , 17. Plut. Vie de Pompe'e. (a) In his infinitis fumptibus nihil nos magnopere mirati, cum nee neceffitati fubveniatur , nee dignitas augeatur: ipfaque illa deleétatio multitudinis fit ad breve exiguumque tempus , in quo tarnen ipfo , una cum fatietate a memoria quoque moriatur voluptatis. De Offic. i , 16. An. de R." 638. Cicer. 51. Coss. Cn. Pompeius mag" nus ii, M. Lictnius Crassus II.  342 HlSTOIRE DE LA VlE An. de R. a Pompée. II en écrivit fon fentiment d M. MaCi«r!'s2. rius, un de fes meilleurs amis, qui avoit préféré Cn.Pom- Ia folitude de fa campagne, & la compagnie de peiusMag- pes ][vres 4 toutes les fêtes ( a ) qu'on célébroit a nus ii. v / k m. lici. Rome. a Les vieux acteurs , lui dit-il, qui avoient nius Gras- 1 c . ivs H. » abandonné le théatre , y ont reparu pour raire 33 honneur a Pompée : mais ilsauroient mieux fait, 33 pour le leur, de demeurer chez eux. Notre ami 3) Efope n'eft plus que 1'ombre de ce que nous 331'avons vu. II obtiendra facilement du peuple la apermiftion de fe tenir en repos. En voulant éle- 33 ver la voix pour prortoncer un ferment, elle •33 lui a manqué tout-a-fait Dans une autre pièce, 33 la multitude des machines a caufé de 1'admira- 33 tion au peuple, mais elle a fait tort a la repré- » fentation. Figurez - vous ce que c'étoit que fix 33 eens muiets, une quantité infinie dequipages, 33 & des troupes d'hommes a pied & a cheval qui 33 combattoient fur le théatre II n'y a rien a 33 dire contre la magnificence des chalfes : mais .33 quel plaifir peut trouver un homme de bon goüt 33 a voir déchirer un pauvre malheureux par une 33 béte féroce , ou un bel animal tomber mort d'un 33 coup d'épieu? Le fpecbacle des éléphans qu'on '33 avoit réfervé au dernier jour, a caufé moins de 33 plaifir que d'horreur & de pitié par 1'opinion (a) Ep. fam. 7, 1.  de Cicéron, Liv. VI. 343 *> qu'on a de quelque relTemblance entre 1'homme An. Ac*. » & cette efpèce d'animaux. Mais de peur que vous Ckec.",-.. »ne me croyez trop heureux au milieu de tous Cn,p'om. „ ces plaifirs, je me fuis tue , une partie du tems, Nus u »i la défenfe de votre ami Gallus Caninius; & » fi la ville vouloit avoir autant d'indulgence pour sus il. » moi que pour Efope, je vous alfure que je quit» terois volontiers le théatre , pour vivre dans une „ fituation plus douce avec vous & ceux qui vous » ïelfemblent». Une partie de 1'été fe palfa fans élecbions. Elles avoient été différées 1'année précédente , & les confuls s'efforcoient encore de les reculer, pour fe donner le tems d'arranger leurs projets & de faire tomber les fuffrages fur leurs créatures. Ils y réuffirent, a 1'exception de deux tribuns qui fe glifsèrent dans cet emploi contre leur intention. Mais le refus le plus éclatant fut celui qu'elfuya M. Caton , qui afpiroit a la' préture. Vatinius l'emporta fur lui, c'eft a-dire , le plus mauvais citoyen fur le meilleur. Caton avoit recu les complimens du fénat a fon retour de Chypre , avec 1'offre de lui alfurer , pour récompenfe de fes fervices (a) , (a) Cujus minifterii gratia fenatus relafionem interponi jubebat , ut pratoriis comitiis extra ordinem ratio ejus haberetur. Sed ipfe id fieri paffus non eft. Val. Max. 4,1. Plutarci. Vie de Caton. y iv  344 Histoire de eaVie An. de r. la préture pour 1'année fuivante. II avoit refufé C'cer.'52. cette faveur, par le feul mouvement de fon cacN?póM- rac*è*e, qui lui faifoit fouhaiter de ne rien obtepeiusMag- nir que dans fa forme ordinaire de 1>ufage & des cRS: loix- Mais Ie j°ur de 1 elecfion , oü perfonne ne sus li. doutoit qu'il ne 1'emportat fur fes concurrens , Pompée trouva quelque prétexte dans les aufpices (a) pour rompre 1'afTemblée, & fit déclarer Vatinius préteur, quoique 1'année d'auparavant on Peut refufé pour édile. L'argent fut 1'unique reifort de cette intrigue; & Pompée fe propofoit apparemment d'arrêter les accufations dont Vatinius étoit menacé. Auffi fit-il paffer un déeret, malgré la répugnance du fénat, par lequel les préteurs ne pouvoient être accufés de brigue après 1'élection; & la feule reftricbion que le fénat eut Ie pouvoir d'y apporter, fe réduifit a foixante jours, pendant lefquels ils devoient encore être confidérés comme des particuliers. On repréfenta, pour juftifier ce décret, que 1'année étant déja fort avancée, on couroit rifque den pafier le refte fans préteurs fi 1'on accordoit la liberté'de leur fufciter(A) des affaires. cC C'étoit exclure vifible- (a) Proxima dementia; fufFragia..... quonlam quem honorem Catoni negaverunt, Vatinio dare conati funt, Val. Max. 7,1. Plutarq. Vie de Pompée. {b) Ad III. id. maii, S. C. factum efl de ambitu in  de Cicéron, Lip: VI. 345 » ment Caton. Mais ceux qui étoient les maitres An. da r. » abfolus , dit Cicéron , vouloient que tout le cicerTji. 53 monde connüt déformais leur pouvoir 33. cTv'ox- Enfin 1'on avoit achevé de rebatir le portique ^^ii^^'' de Catulus, & la maifon du mont Palatin. Ci- M- ïrict- n1us Cras- ceron & Quintus fon frère étant (a) les curateurs sus H. du temple de Tellus, qu'ils avoient fait auffi réparer, ils penfoient a mettre fur tous ces édifices quelqu'infcription qui rendït un témoignage honorabie a des évènemens oü leur gloire étoit fi intérelfée. Mais ces monumens ayant befoin d'être autorifés par un décret public, ils appréhendoient encore les oppofitions de Clodius. Cicéron fit 1'ouverture de fes craintes a Pompée , qui lui promit fon fecours, mais qui lui confeilla de s'aflurer auffi de celui de Cralfus. Comme il ne connoilfoit rien qui parut devoir 1'en empêcher, il prit, pour s'expliquer (£), un jour qu'ils reve- Afranii fententiam led rnagno cum gemitu fenatus. Confules non funt perlêcuti eorum fententias : qui Afranio cum effent affenfï, addiderunt ut prartores ita crearentur, ut dies LX. privati effent. Eo die Catonem plane repudiarunt. Quid multa ? Tenent omnia , idque ita omnes intelligere volunt. Ad. Quint. 2, 9. ( c'eft un intérêt purement pécuniaire, écrivit-il » a fon frère, je ne troublerai point Clodius dans » fes prétentions, quelque fuccès qu'ayent les mien» nes «. II femble qu'il obtint ce qu'il défiroit, car outre les infcriptions, il parle auffi d'une ftatue de Quintus qu'il (cz) avoit fait placer au temple de Tellus. veile , mihique ut idem facerem fuafit. Crafium confulem ex fenatu domum reduxi; fufcepit rem , dixitque efle quod Clodius hoe tempore cuperet fe & per Pompeium confequi. Putare Ce, fi ego eum non impedirem , pofle me adipifci fine contentione quod vellem , &c. Ad Quint. Reddita eft mihi petvetus epiftola,in qua de atde  de Cicéron, Liv. VI. 347 Trebonius, un des tribuns attachés au triumvirat, entreprit de faire recevoir une loi qui alfignoit aux confuls , pour i'efpace de cinq ans les provinces qui flattoient le plus leurs inclinations ; a Pompée O) 1'Efpagne & 1'Afrique ; & la Syrië a Craffus avec le commandement de la guerre contre les parthes, Sc le pouvoir de lever le nombre de troupes qu'il jugeroit nécelfaires a cette expédition. La même loi portoit une prolongation de cinq ans pour Céfar, dans fon gouvernement (£) des Gaules. Elle trouva une oppofition générale au fénat; mais la force prévalut, Sc les confuls foutenus des tribuns ne pouvoient manquer de 1'emporter. Cralfus au comble de fes vceux ne différa pas un moment fes préparatifs, Sc la gloire d'une expédition contre les parthes 1'excitoit fi vivement, qu'il partit de Rome deux mois avant 1'expiration de fon confulat. Cependant cette ardeur a précipiter 1'état dans une guerre redoutable, pour laquelle on manquoit même de prétexte , le fit détefter de toute la ville. Le tribun Ateius dé- Telluris & de porticu Catuli me admones. Fit utrumque diligenter. Ad Telluris etiam tuam fiatuam collocavi, Ibid. 3,1. (a) Dio. liv. 39. p. 109. Plut. Vie de Craffus. (t>) M. Craffö quid acciderit videmus, dirarum obnuntiatione negleeta. De Divin. i , \6. An. de R. 69S. Cicer. 51. Coss. Cn. Pompeius Magsus II. M. Lici- nius crassus II.  34S HlSTOiRE DE LA Vlï An'«S.R* dara rentrePrire imPie > condamnée par les aufCCoss51' *"CeS' & Prononca même des irnprécations con^. Cn. pom- tre le fuccès. Ne voyant pas cm'eiles euffent reKtöii. rroidi Cralius, d lattendit a la porte de la ville, nius' gras- le jour de *°n départ, pres d'un autel qu'il avoit susn- fait dreffer; & la, celebrant lui-même les cérémonies fuivant 1'ufage , il le dévoua a fa defiruction. Ateius fut enfuite exclus du fénat par le cenfeur Appius, pour avoir contrefait un des plus faints myftères de la religion. Mars le miférable fort de Cralfus donna du crédit a fes aufpices, & fervit a confirmer 1'opinion vulgaire fur la force de ces anciens rites pour attirer la vengeance du ciel fur ceux qui les méprifoient (a). Appius étoit du nombre des augures, & le feul de ce collége qui füt perfuadé de la réalité de leur art. Auffi fut-il expofé a la raillerie de tous les autres, qui lui firent même remarquer de la contradiction dans fon raifonnement : car fi les aufpices d'Ateius O) Solus enim multorum annorum memorïa , non decantandi augurii, fed divinandi tenuit difciplinam : quem ïrridebant collega; tui, eumque tum Pifidam, tum Soranum augurem effe dicebant. Quibus nulla videbatur m auguriis aut aufpiciis praafentb. Ibid. 47. In quo Appius, bonus augur, non fatis fcienter Civem egregiura' Ateium, cenfor notavit, quod ementitum aufpicia mbfcripferit. Qua; fi falfa fuifTent, nullam adferre potuifïet caufam calamitatis. Ibid, 16.  de Cicéron, L i v. VI. 349 'étoient faux, lui difoient-ils, comment les regat- An. de R. dez-vous comme la caufe du malheur public? Cker.'51. Quoiqu'on ne puilfe avoir le moindre doute qu'ils Cn. p'om. n'euffent été forgés, il paroït auffi certain qu'ils contribuèrent a la ruine de Craffus par ia terreur J£ ffi* qu'ils répandirent dans fon armée. 5USIU Avant fon départ, il voulut fe réconcirier parfaitement avec Cicéron. Ils avoient prefque toujours fuivi des partis fort oppofés, & dans les tems mêmes ou 1'on crut que leurs fentimens pouvoient fe rapprocher , leur liaifon n'avoit guère été plus loin que les apparences. Les premiers engagemens de Cicéron avec Pompée les avoient d'abord éloignés d'inclination. Quelques circonftances de Ia conjuration de Catilina avoient enfuite augmenté pour fe faire des occupations beaucoup plus „ douces. II avoit écrit, en forme de dialogues, „ trois livres fur 1'orateur, fuivant la méthode (a) Ego affuifTe me in altercationibus quas in fenatu fadas audio, fero non molefte : nam aut defend'iffem quod non placeret, aut defuilfem cui non oporteret. Ad Att. ( b) Scripn etiam (nam ab orationibus dtsjungo me tere, referoque ad manfuetiores mufas ) fcripfï igitur Ariftoteleo more , quemadmodum quidem volui, tres libros in difputatione & dialogo de oratore , quos arbitror Lentulo tuo non fore inutiles. Abhorrent enim a communibus prxceptis , ac omnem antiquorum , & Ariftoteleiam & Ifocraticam rationem oratoriam complectuntur. Ep. fam. i, An. de r.. s98. Cicer. 51. Coss. Cn. Pompeius mao nus II. M. licinius CR assus II.  552 HlSTOIRE DE LA VlS An. de R. » d'Ariftore. La voie qu'il avoit prife ne relTém- CicelW »bJoit point a celle de 1'école. Elle comprenoit Coss. , . , . r Cn. pom- 53 toute Ja doctrine d Ariftote & d'Ifocrate; 8c fon peiusmag- - ï-i > kjs H. " ouvrage, s il n en jugeoit pas trop favorablement m Lici 1 • a aius Cras- " Pour il"-rrieme, pouvoit etre utile aux progrès sus li, „ Ju jeune T,enmiusB> Ces trois livres contiennent, dans autant de dialogues, 1'idée 8c le caractère du parfait orateur. Les interlocuteurs font P. CralTus & M. Anronius, deux romains de la première dignité, 8c les plus grands maïtres que Rome eut produits dans 1'art de 1'éloquence. Us étoient plus agés que (a) Cicéron d'environ quarante ans. Leur goüt naturel les ayant portés a 1'étude de leut, ïangue, ils 1'avoient élevée a une perfecbion qui ne pouvoit plus recevoir beaucoup d'accroilTement, & Rome avoit commencé fous eux a difputer le O) Cralfus quatuor & triginta turn habebat annos, to- tidemque annis mihi xtate prajftabat Triennio ipfa minor quam Antonius, quod idcirco pofui, ut dicendi latine prima maturitas, qua: jetate extitiffet, polfet notari & intelligeretur jam ad fummum poene eife perduftam, ut eo nihil ferme quifquam addere polfet, nifi qui a phïlofophia , a jure civili, ab hhtoria fuiflet inflrudior. Brut. a , 75". Nunc ad Antonium, CrafTumque pervenimus. Nam ego fic exiftimo, hos oratores fuiffe maximos , & in hts priraum cum gracorum gloria latine dicendi copiam squatam. Bid, ijo. prix  dé Cicéron, Lik. VL prix de feloquence a la Grèce. La difpute, qui An.de R; fait le fond des trois dialogues, elt entreprife a aJ*'su la prière de jeunes orateurs d'une grande efné- ,?os*' „ ö r Cn. Pom- rance, C Cotta & P. Sulpicius, qui commen- PEIUsM4G- coient a fe diftinguer au barreau. Cicéron ne s'y ' m- lïcjfuppofe pas préfent; mais étant informé par Cotta susfll. des principaux argumens de cette feinte converfation, il y ajoute le fupplément qu'il juge nécelfaire, en affeclant de fuivre le ftyle (a) & la méthode de ces deux grands hommes, & pour faire honneur a leur mémoire , fur - tout a celle de Cralfus, qui avoit été le directeur de fes premières études. Atticus prit un plaifir extréme a la lecbure de cet ouvrage, & 1'éleva jufqu'au ciel par fes éloges: mais il fit a Cicéron une objection fort fimple: pourquoi Sca?vola difparoit-il, après avoir été introduit dans le (b) premier dialogue ? « Q'cé- (a) Nos enim, qui ipfi fermoni non interfuifTemus, & quibus C. Cotta tantummodo locos ac fententias hujufmodi difputationis tradidilTet, quo in genereorationis utrumque oratorem cognoveramus, id ipfum fummo in eorum fermone adumbrare conati. De Oratore 3 , 4. (b) Quod in iis librisquoslaudas, perfonamdelideras Scsvolre, non eam temere dimovi, fed feci idem quod in Politeia deus ille nofler Plato. Cum in Pireum Socrates veniiïèt ad Cephalum, locupletem & feflivum fenem, quoad primus ille fermo haberetur , adeft in difputando £ênex , &c. Ad Att. 4, É. Torna II. 2  An. de R. Cicer. fi. Coss Cn. Pompeius Mag- NUS II. VI. UCINIUS Cr.iSSUS II. 554 HlSTOIRE DE LA VlE » ron fe défendit par 1'exemple de PJaton, leur » dïeu, comme il 1'appelle , qui dans fon livre 33 du Gouvernement fait ouvrir la fcène dans la 33 maifon du vieiilard qu'il nomme Cephalu^. Ce 33 bon homme, après avoir pris quelque part a la 33 converfation, fe difpenfe d'y être plus long-tems » fous prétexte qu'il doit aller a la prière , & ne 33 reparoit pas dans le refte de 1'ouvrage. Platon 33 n'avoit pas jugé qu'un homme de cet age füt 33 capable de foutenir un entretien d'alfez longue 33 durée ; & Cicéron fe croyoit encore mieux fondé 33 a faire difparoitre ^ca?vola, homme d'une di33 gnité, d'un age , & d'une fanté qui ne lui per33 mettoient pas avec décence de fe rendre plu33 fieurs jours de fuite dans la maifon d'autrui; 33 fans compter que (ï le premier dialogue avoit 33 un rapport direct a fa profefïïon, les deux au33 tres ne contenoient que des régies & des pré33 ceptes , dans lefquels Scjevola ne pouvoit être 33 mêlé , même en qualité d'auditeur 33. Cet admirable ouvrage eft veW tout entier jufqu'a nous. C'eft un monument immorrel des talens & du profond favoir de Cicéron. En expofant 1'idée du parfait orareur, & les routes par lefquelles Cicéron s'étoit formé ce caracbère, il nous apprend pourquoi i! ne s'eft trouvé jufqu'a préfent perfonne qui fait égalé , & pourquoi il faut peut-être défefpérer qu'on legale jamais: c'eft qu'il eft trop dif-  6e Cicéron, Lik. Vï. 355 ficile au même homme de réunir dans un fi haut degré les mêmes difpofitions du cöté de la narure & les mêmes efForts du cóté de 1'art & du travail. Cicéron fut rappelé (a) a Rome vers le milieu du mois de novembre, pour alfilfer au mariage de Milon , qui époufoit Fauffa , fille du dicbateur Sylla. Quelques écrivains ont rapporté que Sallufte , 1'hiftorien, étant couché peu de tems aorès avec elle, Milon les furprit, & ne laiffa fortir Sallufte qu'après 1'avoir fouetté cruellement. Mais ia nouvelle année alloit amener des évènemens plus férieux. Les confuls Pompée & Cralfus ayant tiré de leur confulat tout Ie fruit qu'ils s'étoient propofé, en s'affurant les provinces dont ils avoient défilé le gouvernement, s'intérefsèrent peu au choix de leurs fuccelfeurs. Ce fut L. Domitius jfïnobarbus qui prit leur place, fans paroïtre embarrafle de fe voir donner pour collégue Appius Claudius Pulcher leur ami. A peine les confuls étoient entrés dans leurs foncbions, que Cralfus fut attaqué fans ménagement au fénat. Ses ennemis vouloient que fa commiffion füt révoquée , ou du moins que le pou- l voir de faire la guerre aux parthes füt limité. Mais Cicéron prit fes intéréts avec tant de chaleur, c (a) Ibid. 4, 13 , y, 8. Z ij An. de R. 69%. Cicer. fi, Coss. Cn. Pompeius Mag» nus II. M. Lici- n1us CRASsus II. An. de R. 639. -icer. sj. Coss. L. Domi:us jEnoi.rbus.A. Ciau- US PUlIER.  An. de R. 699. Cicer. 53. Coss L dom[Tius £nobarbus. . a clau dius pulcher. (a) Has litteras velim exiftimes fcederis habituras efle vim , non epiftola: , meque ea qua: tibi promitto ac recipio , fanSiflime efle obfervaturum. Ep. fam. y , 8. (b) Ep. fam. ij , 1 , 3 , 4- 35S HlSTOIRE DE LA VlE qu'après un débat fort animé avec plufieurs confulaires & même avec les confuls, il fit tournet pour lui la faveur du fénat. Rendant compte a Cralfus de ce différend, il lui dit cc qu'aux yeux » de toute la ville, il vient de lui donner un 33 témoignage de réconciliation qui n'eft point 33 équivoque. II 1'alfure de la réfolution oü il eft 33 de le fervir conftamment; & fa lettre , ajoute33 t-il, eft un traité (a) d'union qu'il promet d'ob30 ferver religieufement 33. L'ufage étant d'employer' le mois de février a donner audience aux princes & z leurs ambaffadeurs, Antiochus, roi de Comagène , préfenta fa demande au fénat, pour obtenir quelques honneurs ou quelques priviléges qu'on accordoit ordinairement aux alliés de la république. Malheureufement pour ce prince , 1'humeur de Cicéron fe trouva fi portée a la raillerie , qu'ayant tourné fa demande en ridicule , non-feulement il la fit rejeter par l'auemblée (b), mais il fit retrancher de fes états Zeugme, une de fes plus importantes villes, paree qu'elle avoit un beau pont fur 1'Euphrate. Le roi de Comagène avoit obtenu de Céfar,  be Cicéron, Lik. VI. 357 pendant fon confulat, le droit de porter (a) Ia robe prétexte , & ces faveurs déplaifoient toujours a la nobleffe roniaine, qui n'aimoit point a voir élever des princes au même rang qu'elle. Si les railleries de Cicéron humilièrent Antiochus, elles ne furent pas moins chagrinantes pour les confu s, qui recevoient dans ces occafions de riches préfens. Appius, qui s'étoit réconcilié depuis peu avec Cicéron, le prelfa beaucoup, & le fit fiipplier par Atticus de lailfer palfer les demandes de cette nature, &c de ne pas ruiner la moilfon fur laquelle il avoit compté au mois de février. Le printems étoit comme un fignal qui rappeloit Cicéron a fes délicieufes campagnes, lorfqu'il pouvoit fe dérober avec bienféance aux occupations (a) De Comageno rege , quod rem totam difculTeram , mihi & per Ie & per Pomponium blanditur Appius. Videt enim li hoe genere dicendi utar in ca=teris , februarium flerilem futurum. Eumque lufi jocofe fatis , neque folum illud extorfi oppidum, quod erat pofitum in Euphrate Zeugma; fed prarterea togam ejus prxtextam, quam erat adeptus Ca-fare confule , magno höminum rifu cavillatus. Vos autem homines nobiles, qui Boflrerium prxtextatum non ferebatis , Comagenum feretis ? .... Multa dixi in ignobilem regem, quibus totus eft explolus. Quo genere commotus Appius, totum me amplexatur. Ad Quint. z , 12. Z iij An. de R. 693. Cicer. 53. Coss. l. Domitius jÏNObarbus. A. Clau- dius PU1,cher.  An. de R. «ssCicer. 53. Coss. L. Domi- TIUS *KOBAhBUS. A. Clau- D1US puiCHER. (a) Scribebam illa quas dixeram , n.Ai*«*, fpilfum larie opus & operofum : fed fi ex fententia fuccefferit, bene erit opera pofita ; fin minus, in illud ipfum mare dejiciemus , quod fcribentes fpectamus. Aggrediemur alia , quoniam quiefcere nonpoffumus. Ibid. 14- Hanc ego quam inlUtui, de rep. difputationem, in Africani perfonam & Phiii & Lalii & Manilii contuli, &c. Rem , quod te non fugit, magnam complexus fum & gravem, & plurimi otu , quod ego maxime egeo. Ad Att. 4s lé* 358 HlSTOIRE DE LA VlE de la ville ; & les plaiilrs qu'il y cherchoit dans le fein du repos, étoient toujours ceux de 1'étude. Ayant fait choix cette année de fa maifon de Cumes, il y commenga un traité politique fur le meilleur état d'un gouvernement & fur les devoirs du ciroyen (a). II appelle cet ouvrage une grande & laborieufe entreprife, mais digne de tous fes foins, s'il pouvoit 1'achever avec fuccès: <* Sinon, » dit-il , je le jetrerai dans la mer que j'ai pour a, perfpeébive en le compofant, 8c je formerai 33 quelqu'autre projet, car je ne puis demeurer 33 Oifif 33. Ce traité devoit être comme celui de 1'Orateur, en forme de dialogue , & la fcène devoit fe palfer entre les principaux perfonnages de 1'ancienne république. II devoit contenir neuf livres, & chaque livre la difpute d'un jour. Lorfque Cicéron eut compofé les deux premiers, il en fit la lecbure a  de Cicéron, Lik. VI. 35? quelques-uns de fes amis dans fa maifon (a) de Tufculum. Sallufte, qui étoit de cette affemblée, lui confeilla d'en changer le plan , & de fuivre la méthode d'Ariftote, qui avoit traité ces fortes de fujets dans fa propre perfonne. II apportoit pour raifon que 1'introduction de ces anciens perfonnages donnoit a lipuvrage un air fabuleux; &c que n'étant point queftion des petits raifonnemens d'un fophifte, ni des fpéculations d'un contemplatif, mais de tout ce que la prudence dans un fénateur confulaire, & 1'expérience des grandes affaires dans un homme d'état, avoient pu recueillir d'obferva- (a) Sermo autem in novem & dies & libros difiribu-i tus, de optimo ftatu civitatis & de optimo cive. .. . Hi libri, cum in Tufculano mihi legerentur , audiente Salluitio , admnnitus fum ab illo multo majore auetoritate illis de rebus dici pclfe, fi iple loquerer de repub. prasfertim cum elfem non Heraclides ponticus, fed confularis, & is qui in maximis veriatus in repub. rebus elfem : qua: tam antiquis hominibus attrlbuerem & vifum iri ficta elfe Ccmmovit me & eo magis, quod maximos motus noffra: civitatis attingere non poteram, quod erant inferiores quam illorum aetas qui loquebantur. Ego autem id ipfum tum eram fecutus, ne in nofira tempora incurrens cftenderem quempiam. Ad Quint. 3 , 5;. Ce patfage fert a expliquer les vartations qui Ce trouvent dans Cicéron même , lorfqu'il parle de ce traité. Ad Att. 4, 16. Ad Quint. 3 , j/. Z iv An. de r. «99Cicet. 53. Coss. l. tomi- TIUS AiNOBARBUS. A. Claüv dius L'UIfl CHER.  An. de R. Cicer. 53. Coss. L. DomiT1US yENOÏARBUS. A. ClAUDIUS PULCHEK. I "i 3«t. Cfcer. n. Coss. L. Domi- TIÜS /EnoBARkUs.A Cl au- nius Pul. ChER. (a) De Pompeio aiïèntior tibi , vel tu potius mihi ; nam , ut fcis, jam pridem iflum canto Ca:farem. Ad Quint. % , jj. (b) Ille fcriplit ad Balbum fafciculum illum literaru m, in quo fuerat & mea & Balbi, totum fibi aqua madidum efle; ut ne illud quidem fciat, meam fuifle aliquarr» epiflolam. Sed ex Balbi epiflola pauca verba intellexerat ad qua? refcriplït his verbis : de Cicerone video te quiddam fcripfifle , quod ego non intellexi : quantum autem conjectura confequebar, id erat hujufmodi ut magis optandum quam fperandum putarem. Ad Quint. t,». 362 HlSTÓIRE DE LA VlE donner un témoignage plus conforme a fes défirs qu'en prelfant fon frère de s'unir étroitement avec lui. Cicéron convenoit, avec Quintus, que Pompée , a qui il avoit voué tant d'attachement, n'étoit ni fi généreux en amitié , ni peut-être de fi bonnefoi que Céfar. La force de fes promefles Sc celle d'une ancienne inclination 1'arrêroient encore. Cependant il fe rendit (a) dans quelque mefure aux inftances de fon frère. Balbus en avertit Céfar, Sc lui envoya même une lettre de Cicéron renfermée dans la fienne; mais le paquer étant tombé dans 1'eau par quelqu'accident, tous les cara&ères en furent effacés a la réferve (b) de quelques lignes de Balbus, auxquelles Céfar fe hata de répondre, « qu'il y avoit diftingué quelque chofe => qui regardoir Cicéron , fans avoir pu nettement = s'en afiurer ; & qu'il fe fiartoit feuiement que  d-e Cic.érok , li r. Fï. 33 ne gelfere & publicam, patria procul : multi, qui do» mi anatem agerent, propterea funt improbati ». Quo in numero tu certe fuiffes, nifi te extrufilfemus. Et quando Medzam agere ccepi, illud lèmper memento , « qui iple »fibi fapiens prodelfe nequit, nequicquam fapit. Ep. fam. 7, 6. billet 3 S HlSTOIRE DE LA VlE coup avec la familiarité qu'il efpéroit, ni lui accorder fur-le-champ les emplois auxquels il s'étoit attendu, 1'impatience le prit, & tous les défirs de fon cceur fe tournèrent vers Rome. Nous avons plufieurs lettres de Cicéron , qui 1'exhortoit dans  £>e Cicéron, Lik. VI. 3e9 billet payabJe au porreur dont il s'eft chargé pour Céfar (a), & s'il a cru qu'il n'avoit que de 1'aro-ent a recevoir pour retourner a Rome? II devok du moins fefouvenir, ajoute-t-il, que ceux qui avoient fait Ie voyage d'Alexandrie avec des biliets du roi Ptolemée , n'en avoient rien touché.... « Vous m'écrivez, lui dit-il encore, que Céfar * vous confulte : j'apprendrois plus volontiers (b) » que c'efl votre intérk qu'il confulte. Mais que »je meure fi vous n'êtes alTez vain pour aimet »mieux être (c) confulté qu'enrichi ». Ses avis continuels, animés par la raillerie, rendirertTrebatius honteux de fa mollefie : il prit le parti de demeurer prés de Céfar, & Jes preUves qu'il recut de fa générofité le guérirent a la fin de fes impatiences. II jeta dans les Gaules le fondement d'une fortune qui devint encore plus florifiante a la cour (d) d'Augufte. (a) Subimprudens videbare : tanquam enim fyngrapham adimperatorem.non epiftolam attuliffes ■ fic pecunia ablata domum redire properabas. Nee tibi in rnentem jemebat, eos ipfos qui cum fyngraphis veniflent Alexandnam, nummum adhuc nullum auferre potuifie. Ibid. (b) Confuli quidem te a Cajfare fcribis, fed ego tibi ab illo confuli vellem. Bid. it. (c) Moriar nifi, qux tua gloria eft, puto te malle 3 C-efare confuli quam inaurari. Ibid. 13. (d) Nifi quid tu docte Trebati. Horat. Sat. z , 1 79 Tome IL A 3 An. de K; 699. Cicer , 3. Coss. L. Dontr- TIUS .ÏNOBARBUS. A. Clau- DIUS PTJL-3 CHER.  An. de R. Cicer. 5 j. Coss. L. DomiTius jEno- barbus. A. CtAUDIUS PULCHER. (a) Ex Quinti fratris literis diiïèntis.... Sulpicor jam eum elfe in Britannia : fufpenfo animo expefto quid agat. Ad Att. 4 , ij. (b) O jucundas mihi tuas de Britannia literas : timebam Oceanum, timebam littus infuke, reliqua non equidem contemno. Ad Quint. i, 16. De britannicis rebus cognovi ex tuis literis nihil effe , quod timeamus, nee quod gaudeamus, Ibid. 3, i. Britannici belli exitus expeftatur. Conftat enim aditus infula: munitos efle mirificis molibus. Etiam illud jam cognitura eft neque argenti fctupulum eflë 370 HlSTOIRE DE LA VlE Céfar avoit entrepris fa feconde expédition contre la Bretagne , & Rome étoit dans i'attente du fuccès. Cicéron n'étoit pas fans inquiétude pour fon frère, que fa qualité de lieutenant de Céfar engageoit dans les plus grands périls de cette entreprife. Mais les premières informations qu'on en regut, calmèrent toutes ces alarmes. On apprit qu'il n'y avoit aucun fujet d'efpérance ni de crainte dans 1'expédition de Célar, & qu'il y avoit auffi peu de danger a courir que de richelfes a prétendre. Dans une lettre (a) a Atticus, Cicéron explique 1'opinion des romains & la fienne : ce La 33 guerre de Bretagne nous tienr en fulpens : il clt 33 certain que 1'accès de 1'ïle elf très-bien défendu, » & nous favons qu'il n'y a pas un grain d'argent 3> a prétendre. On aflure qu'on en peut tirer un » grand nombre d'efclaves. Mais je doute qu'il s'en » trouve beaucoup (b) qui fachent la mufique &C  de Cicéron, L i v. VI. 371 » les lettres. Nous apprenono, écrit-il | Treba«tius, qu'il n'y a ni or ni argent dans cette ïle. "Je vous confeille de prendre un de leurs chas» riots, &de revenir promptement a Rome». Un anglois , qui s'abandonneroit a fes réflexions fur 1'idée que Cicéron avoit de fon pays, admireroit fans doute les révolutions qui changent continuellementlaface du monde. Rome, diroit-il, qui étoit alors la maïtrelfe du monde, le centre de la gloire , & le fiége des arts & des fciences, eft abfmée aujourd'hui (a) dans 1'ignorance & la pauvreré, tandis que cette ïle, qui paroilfoit li méprifable aux romains, eft devenue riche &z floriffante. Mais par le même deftin, il arrivera fans doute que de 1'induftrie & de 1 abondance qui font a préfent fon partage , elle palfera au luxe, du luxe a la corruption, & de-la , par cfautres degrés, qui nefont ni difnciles ni éloignés, a toute la barbarie de fon origine. Cicéron ne doutant pas que Trebatius n'eüt ullum in illa infula, neque ullam fpem pra?da; nifi ex mancipüs; ex quibus nullos puto te literis aut mu/icis eruditos expeftare. Ad Att. 4) 16. In Britannia nihil efle audio neque auri neque argenti. Id li ita eft, elfedum aliquod fuadeo capias, tV ad nos quamprimum recurras. Ep. fam. 7 , 7. (a) Ce trait de fatire eft faux. Je n'ai pas lame de 1'adoucir beaucoup par le tour que je lui ai donné. Aa ij An. da r. Cicer. ,5. Coss. L. omi- rius JEno- barbüs. A. Cl.au- dius Pui- cher.  An. de R. Cicer. 53. Coss. L. DomiTius iNObarbus. A.Ciaumus pui- cher. ( a ) Mira enim perlona induci poteft britannici jurifconfulti. Ep. fam. 7 , 11. Tu qui csteris cavere didicilti , in Britannia ne ab efledariis declpiaris caveto, Ihid. 6. (b) Eft quod gaudeas te in ifla loca venifle , ubi aliquid fapere viderere ; quod fi in Britanniam profectus eflês, profetto nemo in illa tanta inlula te peri- iior fuiffèt Sed tu in re militari multo eis cau- £or quam in advocationibus; qui neque in Oceano na-tare voluifti, homo ftudiofiftimus natandi , &c. Ibid. 10. In Britanniam te profeftum non efle gaudeo , quod & labore caruifti, & ego te de iftis rebus non audiam. Ibid. 17. Ce paflage jette du jour fur le vers huitième de ïa feconde fatire du premier livre d'Horace. 37i HlSTOIRE DE LA VlE fuivi Céfar dans la Bretagne, badine avec lui fur cc la figure qu'un jurifconfulte (a)breton, ne man» queroit pas de faire a Rome , & 1'exhorte a fe » bien garder des chariots bretons, lui dont la pro. 33 felfion étoit de garder les autres 33. Mais il paroït que Trebatius n'avoit pas befoin des avis de Cicéron pour veiller a fa füreté. Lorfque Céfar pafla dans la Bretagne, il prit le parti de demeurer dans la Gaule. Ce fut une nouvelle matière de raillerie pour Cicéron, qui le félicita de vivre dans un pays oü 1'on pouvoit foupconner du moins qu'il favoit quelque chofe (3),au lieu que, dans la Bretagne , il n'auroit alfurément trouvé perfonne dont les lumières l'emportalfent fur les lïen-  ï)E Cicéron, L i v. VI. 373' nes. cc H s'appercoit, dit-il, que Trebatius entend » bien] mieux les rufes militaires que celles du » barreau, Sc fachant le plaifir qu'il prenoit a nager, » ils'étonne qu'il eüt pu réfifter a 1'envie de nager 33 dans 1'Océan, Sec. Au refte, il fe réjouit pour » foi-même de ce que Trebatius n'a pas fuivi Cé33 lar, paree qu'il nel'ennuiera point de fa relation 33 bretonne 33} &c. Quintus, qui avoit quelques talens pour Ia poéfie, forma Ie plan d'un poëme fur 1'expédition de Bretagne, Sc pria fon frère de 1'aider de fes confeils. Ce defiein fut approuvé de Cicéron, quiconvint que la nature ( pecunia omnium dignitatem exa:quat. Ad Att. 4, ij. 378 HlSTÖIRE BE LA VlE un dictateur, mais qu'il n'y voyoit pas plus dé certitude : que le forum étoit tranquille; que , fi la ville paroiffoit 1'être auffi, c'étoit moins par la concorde que par 1'effet d'une efpèce de laffitude : que fa conduite au fénat plaifoit aux autres plus qu'a lui-même ; que jamais la brigue n'avoit été pouffée fi loin, ni plus ouvertement; que Memmius, Domitius , Mefïala , & Scaurus étoient les prétendans au confulat, mais qu'on ne penfoit plus a, diflinguerle mérite, paree que 1'argent égaloit tout le monde ; qu'on avoit promis jufqu'a deux millrons a la première tribu, & que ces profufions rendoient 1'argent fi rare , que 1'intérêt pour cent étoit monté de quatre a huit. Memmius & Cn. Domitius, qui s'étoient unis pour agir de concert, avoient fait avec les confuls un marché fort étrange, & 1'avoient non-feulement figné de leurs noms, mais revêtu du témoignage d'un grand  tje Cicéron, Lik. FI. 37? nombre (5 , '7. An. de R. 699. Cicer. 53. Coss. L. Domitius /Eno- BARBUS. A. ClAUDIUS PULCUER.  An. ie R. 6-99. Cicer. 5;. Coss. L. Domitius £nobarbus.a. Clau- bius Pul.cher, (a) U£ qui jam intelligebamus enunciationem illam valde Cxfari dllplicere. Ad Au. 4,16. (b) Hic Appius erat idem ; nihil fane jacturs. Corruerat alter, & plane , inquam , jacebat. Memmius autem.. plane refrixerat, & eo magis nunc cogitare dióhturam , tum favere juititia: & omnium rerum lïcentias. Ibid. 18. jSfl HlSTOIRE DE EAViE par le confeil de Pompée, il en avertit le fénat. Pompée faifilfoit avec joie foccafion de mortifierle conful Domitius ^Enobarbus, & de fe venger d'Appius qui n'étoit pas entré auffi ardemment dans fes intéréts qu'il s'y étoit attendu. Mais (a) Céfar fut extrêmement irrité de cette démarche, paree qu'en faifant éclater le fcandale , elle fortifioit ie parti de ceux qui vouloient réprimer cette infame corruprion, fur laquelle néanmoins il avoit établi toutes fes efpérances. Appius, n'ayant point alfez de réputation (b) pour appréhender de la perdre , ne parut pas troublé de cette découverte : mais 1/Enobarbus, qui affecboit le cara&ère d'un amateur de la patrie , en fut rout-a-fait déconcertéj 5c Memmius ne gardant plus de mefures, prit la réfolution d'augmenter le défordre en propofant la création d'un dicbateur. Quintus écrivit de la Gaule a fon frère, qu'on y faifoit courir le bruit qu'il avoit affifté au contrat des confuls; mais Cicéron fe hata de 1'alfurer  de Cicéron, Lip". VI. 3 § i que c'étoit une calomnie, & que (a) la nature «le cette pièce, telle que Memmius 1'avoit fait connoïtre au fénat, en avoit du éloigner tous les honnêtes gens. En effet les fénateurs en furent li indignés, que pour réprimer 1'infolence de ceux qui y étoient intéreifés, ils ordonnèrent par un i décret que cette affaire feroit jugée tacitement; ceft-a-dire, que le jugement ne feroit déclaré qu'après 1'élection, mais de forte néanmoins qu'il rendroit 1'élection nulle, fi elle tomboit fur les coupables. Cette réfolution fembloit devoir être exécutée avec tant de rigueur, qu'on parloit déja de tirer les juges au fort: mais quelques-uns des tribuns fe laifsèrent perfuader d'y former leur oppofuion, fous prétexte d'arrêter les établilfemens trop févères (b) qui n'étoient point autorifés par le peuple. ( a) Quod fcribiste audilfe in candidatorum confularium coitione me interfuilfe, id falfum eft; ejufmodi enira paetiones in iffa coitione fafla: funt, quas poftea Memmius patefecit, ut nemo bonus intereiTe debuerit. Ad Quint. 3, ff (b) At lenatus decrevit ut tacitum judicium, ante comma fieret. Magnus timor candidatorum. Sed quidam judices tribunos plebis appellarunt , ne injuffu populi judicarent. Res cedit; comitia dilata ex S. C. dum lex de tacito judicio ferretur. Venit legi dies. Terentius inffrceflit. Ad Att, 4j 16. An. de R; «53. Cicer. 5 j. Coss. L. DOMtriüs /Eno- ÏARBUS. A. Clau5ius Pui-: :her.  An. de R. 699' Cicer. 53. Coss. L. Domitius jï.nobarbus. A. ClAUdius PULCHER, (a) De ambitu poftulati funt omnes qui contulatum petunt. Magno res in motu efl. Fropterea quod aut hominum aut legum interitus oltendïtur. Ad Quint. 3 , i» Sed omnes abfolventur, nee pofthac quifquam damnabitur, nifi qui hominem occiderit. Ad Att. 4, 16. (b) Comitiorum quotidie finguli dies tolluntur obnunciationibus , magna -voluntate bonorura. Ad Quint. 3,3. Obnunciaponibus pet Scajvolarn interpofitis fingulis diebus. Ad Att. 4, 16. 38'z HlSTOIRE DE LA VlE Cependant, pour ne pas laifTer fans punition tous ces candidats corrompus, divérs citoyens les citèrent au tribunal de la juftice. Ce fut le fujet d'une nouvelle fermentation dans la ville. « II faut » ici néceffairement, difoit Cicéron , que les cou33 pables ou les loix périffent. Mais vous verrez 33 qu'on trouvera le moyen de fauver les coupa33 bles aux dépens des loix, car la corruption a tel3» lement prévalu dans les procés (a) , qu'il n'y a 33 plus de condamnation a préfent que pour le rneur3» tre 33. Q. Sca?vola, un des tribuns, prit une voie plus süre pour les bumiiier : il arrêta 1'élecbion des confuls pendant le cours de fa magiftrature; &, ne s'étant pas relaché un moment de cette entreprife, il fut (b) rompre toutes les alfemblées du peuple qui furent convoquées pour 1'élecbion. Les prétendans au tribunat donnèrent cette année un rare exemple de modeftie. Ils firent enfemble un traité, qu'ils confirmèrentavec ferment, par lequel  be Cicéron, Lik. VI. 3b»5 ils foumettoient leur conduite au jugement de Caton, après avoir dépofé entre fes mains ia fomme denviron joooo liv. qui devoit être perdue pour celui qui feroit convaincu de quelque pratique condamnée par la loi. Si 1'élection s'achève légitimement, difoit Cicéron (a) , comme on commence a fe le perfuader, Caton aura plus fait feul qUe toutes les loix & tous les juges. Cette année le barreaun'eut prefque pas un moment de relache. Suffenas & C. Caton, qui étoient fortis du tribunat depuis deux ans (b), furent accufés au commencement de juillet, d'avoir violé la pa1X publique pendant leur magiftrature, & furent abfous tous deux. Mais Procilius, un de leurs collègues, fut condamné pour avoir tué un citoyen dans fa propre maifon. Cicéron obfervoit la-def- (a) Trit>unitii candidati jurarum fe arbitrio Catonis petituros: apud eum H. S. quingena depofuerunt, ut qui a Catone damnatus eiTet, id perderet & competito- nbustnbueretur Si comitia , ét putantur, gratuita ^"«,pus„nus Catopotuerit quam omnes quidem jud.ces. Ibtd. ij. Ad Quint. z, t<. ; f» III. non.qumt. Suffenas & Cato abfoluti • Pro. cilius eondemnatus. Ex quo intelledum eff judices illos amb.tum, comitia, interregnum , majeffatem , totam demquerempub. flocci non facere. Debemus patrem familfe, domi fU£E occidere nolle, neque tarnen id ipfum abunde j mm abfolverunt zz, condemnarunt i8. Ad Att. 4, rj. ■An. de R; .699. Cicer. fj. Coss. I-. DoMrt1us /ENObarbus. A. Ciau- d1us pulcher.  An. de R. 697. Cicer. ?i. Coss. L. Domitius A£no- barbus. A. CiAUdius PUXcher, (a) Is tarnen & mecum & cum Milone in gratiam rediit. Ibid. \6. (b) Sic enim habeto , nunquam me a caufis & judiciis diftrictiorem fuifle atque id anni tempore graviflimo & caloribus maximis. Ad Quint. z , 16. Diem fcito efle nullum, quo non dico pro reo. Ibid. 3,3. confeils; 384 FflSTOIRE DE LA VlE fus, que la brigue , la corruption, les attentats contre la république ne faifoient plus d'impreflion fur les juges, & que c'étoit afïez déformais de ne pas tuer un homme dans la maifon; quoiqu'a la rigueur, ajoutoit-il, le meurtre même ne füt pas trop exclus, puifque, de cinquante voix, il y en avoit eu vingt - deux de favorables au meurtrier. Clodius avoit été 1'accufateur dans ces trois caufes •, ce qui avoit porté C. Caton , auffi-tót qu'il s'étoit vu abfous, a rechercher 1'amitié de Cicéron & de (a) Milon. L'un &C 1'autre n'étoient pas capables de rejeter un ami qui pouvoit leur être utile. Cicéron fentoit quels fervices il pouvoit tirer d'un fénateur fi acbif & fi populaire, & Milon avoit befoin de fon fecours dans fes prétentions au prochain confulat. Mais quoique Cicéron n'eüt point été mêlé dans ces trois derniers proces, il n'avoit pas eu moins d'occupations pendant 1'été (b). Outre fes cliens de Rome, il avoit fous fa protection quantité de villes &c de colonies, qui avoient continuellement recours a fon alfiftance ou a fes  t)E C I C É R O N , L ï V. FI. 3 Confeils; c'eft ainfi que les habitans de Réate s'adreffèrent a lui (a) pour défendre leur caufe devant Appius & dix commiffaires, contre leurs voi/ïns d'Interramrtas, qui vouloient joindre lelacde Vellin a la rivière de Naf, au préjudice extréme du terroir de Réate. II termina cette caufe pendant les , jeuxapollinaires; &, pour fe délalfer, il alia diïecWnr au théatre , oü il fut recu avec des applaudiilèmens üniverfels. c« Mais pourquoi vous » entretenir de ces petites circonftances, écrit-il l » Atticus, en lui rendant compte de fes occupa» tions? Je me reproche de vous en parler ». II entreprit aufti ia défenfe de Meffius, un des lieutenans de Céfar ( b ), qui étoit venu exprès de ia Gaulea Rome pour répondrea fes accufateurs. II défendit enfuite Drufus, accuféd'avoir trahi une caufe dont il s'étoit chargé; Vatinius, préteur de 1'année préfa) Reatini me ad fua.... duxerunt, ut agerem caufam contra interamnates Redii Romam. Veni in fpeda- culum , pnmum magffo & aquabili plaufu. Sed hoe ne curans. Ego ineptus qui fcripferim. Ad Att. 4 Iy (*) Meffius defendebatura nobis, è legatio'ne revocatus. Deinde me expedii ad Drufum, deinde ad Scaurum. Ihd Drufus erat de prsvaricatione abfolutus, in fumma quatuor fententus. Eodem die poll meridiem Vatinium aderam defenfurus. Ea res faeilis. Seauri judieium flatim exercebnur, cui nos non deerimus. Ad Quint. z,r6. Scaurum beneficio defenlionis valde obligari. Ibid. 5 t Tornt II. B b ' An. de Ra- «99. Cicer. 5j. Coss. I.. DOMI- rlus /Enq. sarbus. a. clau)ius pul- :her.  An. de R. 699. Cicer. 53. Coss. I_. Domitius JEuo- barbus. a. Cl.audius pulcher. (a) Negas iribunatum Plancii quicquam attulifle dignitatï mea:, atque hoe loco , quod veriffime facete potes , L. Racilii diYina in me merita commemoras, &c. Pro Plane. zi. 3 gé- HlSTOIRE £>E LA VlK cédente; ./Emilius Scaurus, un des prétendans au confulat, qu'on accufoit d'avoir pillé la province de Sardaigne; enfin , fon ancien ami, Cn. Plancius, qui 1'avoit recu fi généreufement dans fon exil, & qui, étant parvenu a 1'édilité , étoit accufé de brigue & de corruption par M. Laterenfis, fon compétiteur. Ils furent tous acquittés; mais il ne nous refte de ces plaidoyers que celui de Plancius , qui eft un monument perpétuel de la reconnoiffance de Cicéron. Ce tribun n'avoit obtenu fon emploi du peuple qu'a titre de fon ami , & comme une récompenfe des fervices qu'il lui avoit rendus; mais loin de marquer pour lui le même attachement dans ce pofte , il avoit affecbé de le négliger (a), tandis que plufieurs de fes collègues, particulièrement Ratilius, employoient tout leur pouvoir pour la défenfe de fa perfonne & le foutien de fa dignité. Cependant la feule force d'une an cienne reconnoiflance fit embraffer fa caufe a Cicéron, & lui fit même relever le mérite de fes fervices avec autant de chaleur que s'il eüt toujours été fatisfait de fon amitié. Le procés de Drufus fut plaidé le matin , & Cicéron étant retourné  ï)e Cicéron, Lir. VI. 3s7 chez lui pour écrire plufieurs lettres , revint plaider 1'après-midi celui de Vatinius. On jugera par cet exemple, dans quel accablement d'occuparions il pafioit fa vie , & combien il lui reftoit peu de loifir pour fes affaires domeftiques & pour fes études. II avoit entrepris néanmoins-piufieurs ouyrages confidérables , cc & le feul tems qu'il donnoit »ala (a) compofition , étoit celui qu'il pafioit » dans fes jardins, pour s'exercer le corps & fe «raffraïchir la voix Vatinius avoit été un.de fes plus ardens ennemis, & rien n'étoit fi oppofé que leurs principes politiques ; de forte qu'il ne put entreprendre fa défenfe fans s'expofer a quelques rcproche's : mais fes engagemens avec Pompée & 1'étroite liaifon qu'il avoit conrractée depuis peu avec Céfar, lui faifoient une loi de prendre les intéréts de leurs amis, entre lefquels ils lui avoient recommandé particulièremerit Vatinius. Gabinius ayant été rappelé de fon gouvernement, revint a Rome vers la fin de feptembre, & , dans la route , il s'étoit vanté de toutes parts qu'il alloit demander 1'honneur du triomphe. II setoit (b) même arrêté quelques jours hors de (et) Ita quicquid conficio aut cogito , in ambulationïs fere tempus confero. Ad Quint. 3,3. (b) Ad urbem acceffit ad XX. kal. ottob. nihil turpius, nee defertius. Ad Quint. frat. 3 , 1. Cum Gabinius qua- Bb ij An. de ft. 69). Cicer. 5 3. Coss. L. Domitius JEnó- BARBUS. A. Cl.AUDiUS PutCHER.  An. de R. é9i. Cicer. ;j. Coss. l. Domitius JE.no- barbus a. Clau- D1US PUt«HER, cumque veniebat trïumphum te poilulare dixiffèt, tubitoque bonus imperator , noftu in urbem hoflium plane more , invalïtTet. Ibid. z. (a) Gabinium tres adhuc factiones poflulant, &c. Ibid. 2. Cum hac fcribebam ante lucem, apud Catonem erat divinatio in Gabinium futura inter Memmium & T. Neronem, &c. & L. Antonios. Ibid, 388 Histoïre r> e laVie Rome pour foutenir cette comédie. Mais s'appercevant qu'il n'avoit a recueillir que de la haine 6c du mépris, il prit le parti d'entrer dans la ville fecrètement & pendant la nuit, pour éviter 1'afFront d'être infulté paria populace. II y trouva trois accufations préparées contre lui; 1'une de trahifon contre 1'état; 1'autre de concullion dans fa province ; la troilième de brigue & de corruption : &c ceux qui prétendirent a la qualité d'accufateurs , étoient en fi grand nombre (a), que les préteurs eurent de 1'embarras a régler leurs prétentions. Le premier rang fut déféré a L. Lentulus, qui 1'accufa, le lendemain de fon arrivée, cc d'avoir entrepris, sa malgré le décret du fénat & les loix de la reli33 gion , de rétablir le roi d'Egypte avec une arsjmée, laiffant fa province ouverte a 1'incurfion 33 des ennemis qui y avoient fait de grands rava» ges 33. Cicéron , qui avoit recu de Gabinius les plus fenfibles mortifications qu'on puilfe efiuyer dans la vie, eut la fatisfaction de voir a fes pieds  BE ClCEEON, L I V. VI. 38?' cet infolent ennemi , & fe difpofoit a lui faire faccueil dont il le croyoit digne : mais la crainte le retint caché pendant dix jours , jufqu'au moment ou il ne put fè difpenfer de paroitre au fénat, pour y rendre compte., fuivant 1'ufage, de 1'état de fa province & des troupes qu'il y avoit laifie'es. Après avoir fini fon difcours, il voulut fe retirer t mais il fut arrêté par les confuls, pour répondre aux plaintes des fermiers généraux du revenu public, qui attendoient leur audience a la porte. II s eleva la-deffus un débat, dans lequel Gabinius fut fi peu ménagé de tous cötés, que , tremblant de (a) rage, & ne pouvant plus fe contenir, il traita Cicéron d'homme exilé. cc Ja30 mais, dit Cicéron dans une lettre a fon frere, 30 o dieux ! jamais il n'y eut de jour plus glorieux 33 pour moi. Tous les fénateurs fe levèrent en pouf33 fant un cri, & s'approchèrent de lui comme (o, Histoire de la Vie » pour le dévifager. Les fermiers généraux fe pré» cipitèrenr fur lui avec la même chaleur. Vous » n'auriez pas été plus animé pour ma défenfe », Cicéron avoit délibéré , s'il ne fe mettroit pas lui-même au rang des accufateurs de Gabinius; mais par confidération pour Pompée, il fe contenta (a) de paroitre au nombre des témoinsv & voici la relation qu'il fit de cette affaire a fon frère après la conclufion du procés, cc Gabinius eft » abfous. On n'a rien vu de fi puérile que Len» tulus fon accufateur, & rien de fi méprifable *> que fes juges. Cependant fi Pompée ne s'étoit 33 pas donné des peines incroyables, & fi le bruit 3> de la dicïature n'avoit pas infpiré bien des crain» tes , il n'auroit pas échappé même a Lentulus, » puifqu'avec un tel accufateur 8c de tels jüges, « trente-deux voix ont été contre lui fur foixante» douze. La fentence eft fi infame qu'elle ne fer» vira qu'a rendre fa condamnation plus füre dans » les autres procés, fur-tout dans celui de con33 cuffion & de pillage. Mais il n'y a plus parmi 33 nous de république, de fénat, de juftice ni de 33 dignité. Que dirai-je de plus des juges ? II n'y 3» en avoit que deux du rang prétorien, Domi-  de Cicéron, Lik. VI. 39* „ tius Calvinus, qui s'eft déclaré pour lui fi froi- ArWe r. 33 dement, que tous les fpectateurs lont remar- Cicer.jj. 33 qué \ Sc Caton, qui n'a pas plutot vu les voix A ns0'Ml. 33 déclarées, qu'il s'eft haté de quitter fa place pour «™ fNO" 33 en porter officieufement la première nouvelle a D^c[*£ 33 Pompée. Quantité de perfonnes, fur-tout Sal- cher. 33 lufte , font d'avis que je devois 1'accufer : mais 33 étoit-il prudent de rifquer mon crédit devant 33 de tels juges 2 Quelle figure aurois-je fait, s'il 3» m'étoit échappé 2 Ce n'étoient pas la mes feules 33 craintes. Pompée n'auroit pas confidéré cette dé33 marche par le rapport qu'elle auroit eu a Ga33 binius, mais du cóté qui pouvoit le blelfer lui33 même. Elle auroit été la ruine de notre liaifon. 33 Nous en ferions venus aux mains comme deux 33 gladiateurs. Figurez-vous Pacidianus Sc iEfer,3ninus le famnite. II m'auroit vraifemblable3, ment arraché 1'oreille, ou peut-être fe feroit-il 33 enfin reconcilié avec Clodius. Puis - je oublier «. que, dans un tems oü je 1'avois bien fervi, oü 33 il me devoit tout, Sc oü je ne lui devois rien, 3, il ne put pas fupporter, pour ne rien dire de 33 plus , de me voir d'un autre fentiment que lui 33 dans les affaires publiques; Sc quoique bien in33 férieur a ce qu'il eft aujourd'hui, il me fit reflen33 tir fon pouvoir dans ma fituation la plus florif33 fimte. A préfent que j'ai perdu jufqu'au défir 33 d'être quelque chofe ; a préfent que la républi- Bbiv  35>2 Histoike de fA Vie *%t R' 33 <]ue n'eft nen ; a préfent que Pompée eft tout ■ 0,co\t " irai-/e choifir Pompée pour me faire une quexivsK: "rdIe? Car voila fécifément le cas. Je nepuis *TVcU. " r°ire V°US m,eu/IIeZ d°nné ce cenfeil- Sald,üs Püi. » lufte prétend cju'iJ n'y avoit pas de milieu; qu'il » faüoit attaquer Gabinius ou le défendre, pour -obfiger Pompée qui m'en a prié effectivemenc - avec beaucoup d'inftances. L'admirable ami que » ce Sallufte ! C'eft-a -dire , qu'il falloit, ou m at- » tirer une haine dangereufe , ou me précipiter » dans une perpétuelle infamie! J'ai préféré le » parti d'un fage tempérament; & j'ai eu la fa- * tisfaction, après avoir donné fidellement & reli- * gieufement mon témoignage , d'entendre djre » a Gabinius, que, s'il lui étoit permis de demeu33 [ei dans Ia vilJe> ü fe condamneroit lui-même » a me faire des fatisfacbions », &c. Dans fes lettres a d'autres amis Cicéron tient conftammenc le meme langage. Lentulus s'étoit conduit fi mal quon 1'accufoit ouvertement de prévaricarion ; &c laccufé ne devoit fon faJut qu'au fecours de PomPee & a la corruption des juges. II arriva, dans Ie tems de cette caufe, une terrible inondation, (a) Quomodo ergo abfolutus» . . . Accufatorum incredibtlfe infarnia, fd eft L. Lennjl;, quem fremunt ^ nes pwvancatum. Deinde Pompeii mira con£em;0 ^ cum fordes. Ad Au. 4, ié. '  de Cicéron, Liv. VI. 393 qui fit monter les eaux du Tibre plus haut qu'on An. de R; ne les avoit jamais vues, & qui caufa de grands cicer? 53. défordres a Rome. Quantiré de maifons (a) & l?°domide boutiques furent emportées, & les beaux jar- 5^^°" dins de Cralfipes , gendre de Cicéron , furent A- Clav- ' 1 » 5 DIUS PUL- démolis. On ne manqua point d'attribuer ces ra- cher. vages au courroux du ciel, qui puniflbit Rome d'avoir abfous Gabinius après le mépris qu'il avoit fait de Ia religion & du livre des fibylles. Cicéron appliquoit a cet événement un endroit de filiatie, qui le peint effectivement dans fa caufe &C dans toutes fes circonftances. Mais Gabinius n'étoit pas a la fin du danger.' II étoit accufé de conculfion dans fa province. L'accufateur étoit C, Memmius un des tribuns; & fon juge , M. Caton , de qui il ne falloit rien efpérer par la faveur. Pompée pria Cicéron de le défendre (i>) , & la conduite de Gabinius n'avoit v été fi loumife dans fon dernier procés que pour (a) Romx Sc maxime appia ad Martis mira proluvies. Craffipedis ambu'ïatio ablata , horti, taberrx plurïmx. Magna vis aqux ufqne ad pifcinam publicam. Viget illud Homeri. •( lliad. \6, 466.) .. . . Cadit enim ia abfolutionem Gabinii. Ad Quint. 3 , 7. (b) Pompeius i me valde comendit dereditu in gratiam, fed adhuc nihil profecit : nee fi ullam partem libertatis tenebo, proficiet. Ad Quint. 3, 1. De Gabinio nihil fuit faciendum iftorum, &c.  394 HlSTOIRE DB LA VlK An. de R. ouvrir les voies • aux follicitations de Pompée, Cicerss5}. Elles furent extrêmement preflantes : c • > r A. clau- „ fait d'impreflion fur moi, & s'il me refte le moindius Pul- r cher. x, dre fentiment de liberté, il n'en fera pas davan33 tage 33. Cependant les prières de Céfar étant venues fe joindre a ces importunités, il fe rendit a la fin contre fon propre goüt, contre fa réfolution , & fans doute contre fa dignité : encore eut-il la mortification de ne pas réulfir mieux que Lentulus. Caton jugea Gabinius coupable, & le condamna au bannilfement perpétuel. II y a beaucoup d'apparence que le plaidoyer de Cicéron ne fut pas publié : mais comme fon ufage étoit de conferver les minutes ou les premiers traits de toutes ces pièces (a) dans ce qu'il appeloit fes commentalres, & que ce recueil fubfifta plufieurs fiècles après lui, S. Jérome nous en a confervé un peut fragment, qui paroit avoir fait partie de 1'apologie qu'il crut fe devoir a lui-même, en commencant (b) celle de Gabinius. <* II y obferve 33 qu'étant reconcilié une fois avec Gabinius, par x 1'entremife de Pompée, il ne pouvoit plus fe (a) Quod feciïïè M. Tullium commentarsis ipfius apparet. Ad Quint. 10,7. (£) Vid. Fragment. Orationum.  de Cicéron, Lik. VI. 395 » difpenfer de prendre fa défenfe. Je fuis perfua» dé, dit-il, que 1'amitié doit être entretenue avec » une religieufe exactitude, fur-tout celle qu'on 30 a rerrou/elée après une querellè ; car lorf33 qu'elle n'a pas fouffert d'interrupfion , une faute 33 fe pardonne aifément, & prend au plus le nom » de négligence : mais s'échapper après une récon3.3 ciliation , c'eft perfidie 33. Le proconful Lentulus, qui gouvernoit encore la Cilicie, ne put ignorer que Cicéron avoit changé de conduite , jufqu'a s'être chargé de la défenfe de Vatinius. II lui écrivit pour s'en plaindre, ou du moins pour en apprendre les raifons: « Ayant été informé, lui dit-il, de fa réconcilia33 tion avec Céfar & Appius, il s'étoit bien gardé 33 de 1'en blamer; mais il avoit plus de peine a 33 expliquer le renouvellement de fes liaifons avec 33 Craffus , & fur-tout a deviner les motifs qui 3» 1'avoient porté a défendre Vatinius 33. Cicéron lui répondit par une lettre fort longue & forc travaillée , qu'il faut fuppofer écrite avant 1'affaire de Gabinius, fans quoi la juftification (a) auroit encore été plus difficile. II y expofe les motifs & tout le cours de fa conduite depuis le tems de fon exil; & croyant 1'innocence de fes intentions (a) Ep. famil, \, 9. An. de R. 6'J9Cicer. cj. Coss. L. Dov.lTius JE o- BAKBUS M ClAVVIVS PU1> CHER.  An. de r. 699Cicer. 5 j. Coss. L. Domitius Mno- barbu:. A. Cl.AUUIUS PULCHER. 1 ( i 1 1 3 9tT Histotre DE LA- yTg bien établie par ce détail, il ne fait pas difficultéde dire a Lentulus, qu avec autant d'affecbion qu'il lui en connoitpour lui, avec autant de noblelTe & de générofité qu'il en a dans le cceur, il ne lui auroit pasconfeillé de tenir une autre conduite, s'ils "étoit trouvé a Rome pour lalder de fes confeils. La condamnation de Gabinius produifit un autre proces qui en devoit être néceffairement la fuite. On avoit prouvé par un des articles de 1'accufation , qu'il avoit touché deux millions pour le rétablilfement de Ptolemée : cependant tout le bien qu'on put lui trouver ne fuffifoit pas pour les dommages auxquels il avoit été condamné. II ne put même donner de sureté pour le refte j & dans un cas de cette nature, 1'ufage étoit de recourir a :eux dans les mains de qui la foname avoit paf£, & qui devoient naturellement avoir eu pare iu butin. C'étoit Rabirius qui avoit été chargé de :ette commiffion. II avoit infpiré d Gabinius le jrojet du rétablilfement , il 1'avoit accompagné lans fon expédition, il étoit demeuré a AiexanIrie pour follicitér le paiement de la fomme, k le roi 1'ayant pris a fon fervice en qualité de eceveur public de fes impóts, il avoit porté le mllium ou 1'habit du pays. Cicéron obligé par fes engagemens \ prendre a défenfe de Rabirius, foutint avec force, cc qu'ii  de Cicéron, Lxv. VI. 397 '3 n'avoit aucune part aux conventions de Gabi¬nius (a) ; mais que tout fon crime, ou plu33 tót Ia folie , avoit été de prêter de grandes fom*> mes au roi, pour le foutien de ce prince dans « le féjour qu'il avoit fait a Rome : que fa confiance 33 avoit eu pour fondement 1'opinion publique , » c'eft - a - dire , la perfuafion oü tout le monde » étoit que Ptolemée feroit rétabli par 1'autorité » du peuple romain ; que la nécelïïté oü il s'étoit 33 mis de faire le voyage d'Egypte pour le recou» vrement de fes avances, avoit été la fource de =» tout fon malheur; qu'il avoit été forcé d'accep<» ter les compolitions qu'il avoit plu au roi de »3 lui propofer, avec le chagrin de ne pouvoir 33 réfifter aux volontés d'un monarque abfolu; & 3» qu'on ne pouvoit s'imaginer raifonnablement 33 qu'un chevalier romain, un citoyen de la plus 3» noble & de la plus libre de toutes les villes , 33 füt allé par choix fe mettre au rang des efclaJ3 ves d'Alexandrie : enfin que loin d'y avoir au33 gmenté fa fortune , il en avoit achevé la ruine: 3» qu'il avoit été maltraité, emprifonné, menacé de 33 la mort par le roi d'Egypte ; qu'il n'avoit fauvé 3» que fa vie du naufrage de tous fes biens, & que 33 s'il paroiffoit en état de foutenir fa qualité dc (£no- barbus. a. Cl.au. dius pulcher.  Ab. de R. 69 . Cicer. 5J. Cos^. L Domitius ALko BARBUS. A. ClAU DIUS PVLCHER. (a) Alt eriam meus familiaris eandem caufam alexandrinis fuiiTe cur laudarent Gabinium, qua: mihi fuit cut euradem defenderem. Mihi, C. Mcmmi, caufa defendendi Gabinii fuit, reconciliatio grati*. Neque vero me pcenitet mortales inimicitias, fempiternas amicitias habere. Nam fi me invitum putas, ne Cn. Pompeii animum ofFenderem, defendifTe caufam , & illum & me vehementer ignoras. Neque enim Pompeius me fua caufa quicquam fscere voluilTet invitum , neque ego , cui omnium civium libertas cariffima fuilfet, meam projecifTem. Pro C. Rab. is, 3]?8 HlSTOIRE DE EAViE » chevalier, il n'en avoit obligation qua 1'amitié *> & a la générofité de Céfar ». Le procés de Gabinius avoit tant de rapport avec celui-ci, que les accufateurs ne perdirent point une occafion fi naturelle de raiiler Cicéron fur le röle qu'il avoit fait dans ces deux caufes. cc Memmius (a) fit obferver'que les députés d'A» lexandrie avoient eu ia même raifon pour follici» ter en faveur de Gabinius , que Cicéron pour o le défendre , c'eft-a-dire , 1'ordre d'un maitre. • Cicéron répondit: non, Memmius, je n'ai point 0 eu d'autre raifon pour le défendre que ma té* • conciliation avec lui, car je n'ai pas honte de • déclarer que mes haines font palfagères, & mes > amitiés immortelles. Et fi vous vous imaginez t que ce foit la crainte qui m'ait fait entrepren» dre cette caufe, vous ne connoifiez ni Pompée  de Cicéron, Lik. VI. 399 » ni moi : car Pompée n'exigeroit rien de moi » contre mes défirs; & moi qui ai confervé la » liberté de mes concitoyens, je ne renoncerois 33 jamais a la mienne 33. Valere Maxime met la défenfe de Vatinius & de Gabinius (a) par Cicéron , entre les plus grands exemples de générofité dont 1'hiftoire falfe honneur aux romains. « On fent, dit-il, combien 33 il eft plus noble de répondre aux injures par des » bienfaits , que par des retours du même genre. 33 & par les fentimens d'une haine obftinée 33. Cette manière d'en juger convient au plan d'un «crivain qui s'attachoit moins dans fon recueil d'hiftoires , a repréfenter naturellement les faits qu'a les orner , pour en tirer quelques maximes de morale : car avec quelque adrefïè que Cicéron ait déguifé fes véritables fentimens dans un ouvrage d'éloquence , il eft certain qu'il regarda comme une indignité extréme & comme une tache a fa gloire, de fe voir forcé a cette entreprife par le malheur des conjoncbures & par les engagemens ou il éfoit entré avec Pompée & Céfar. 11 en déplore vivement la néceflité dans fes lettres, cc Que je fuis affligé, mon cher frère, que (a) Sed hujus-ce generis humariitas etiam in M. T. Cicerone precipua apparuit, &c. Val. Max. 4, z. An. de R. «99. Cicer. s !• Coss. l. Domi- TIÜS aïnoBARBUS. a. Ci.au- D1US PUlCUER.  An. de R. 6S9. Cicer tj. Coss. L. Domitius M\uearpus. A. Claunius Pui- cher. ( a) Angor , mi fanctiflime frater , angor nullam eflê rempublicam , nulla judicia , noftrumque hoe tempus xtatïs quod in illa fenatoria auftoritate florere debebat , aut forenfi labore jactari, aut domellicis Ltteris fuflentari; illud vero quod a puero adamaram-.. ,\ totum occidilTe : inimicos a me partim non oppugnatos, partim etiam efle defenfos, meum non modo animum , fed ne odium quidem liberum. Ad Quint. 3,5. (b), Cum medium jam ex invidia potentia» male cohasrentis , inter Cneium Pompeium & C. Ca:farem , concordiï pignus, Julia uxor magni deceflit.... Filius quo, Pompé« , 400 HlSTOIRE DE LA VlE «je (a) fouffre, écrit-il a Quintus, de m'apper-* » cevoir tous les jours qu'il n'y a plus de répu33 blique; que la juftice eft bannie de nos tribu» naux; que ce tems de ma vie oü je devois pa~ 33 roïtre avec éclat dans mon caracbère de féna33 teur eft employé aux misères du barreau, ou y n'a pour fe foutenirque mes études domeftiques; x que cette lecon que j'aimois dès 1'enfance , fois 33 le premier & le meilleur dans toutes les occa33 ftons de gloire & de vertu , m'eft devenue ab33 folument inutile ; que je ne puis artaquer mes 33 ennemis; que je fuis même obligé de les défen33 dre ; enfin que je ne fuis libre ni dans mon >3 amitié ni dans ma haine 33 l Pendant que Céfar étoit engagé dans fon expédition de Bretagne (£) , Julia fa fille , & femme de  r> e Cicéron, l i r. vi. 401 Pompée, mourut a Rome , en mettant au monde un fils qui mourut auffi peu de tems après elle. V Sa perte ne fut pas plus fenfible a fon père & a fon mari, qui 1'aimoient tous deux fort tendrement, qua leurs amis communs & a tous les partifans du bien public, qui regardèrent cette mort comme une fource de nouveaux troubles dans 1 "état, par 1'ambition Sc les différens intéréts de deux chefs que les nceuds d'une fi étroite alliance avoient eu la force de réunir. Senèque rapporte que la conflance de Céfar, après avoir recu une fi trifte nouvelle, alla jufqu'a ne lui faire mettre qu'une interruption de trois jours a fes fbnctions de général (a). Sa fille avoit affez vécu pour lui donner le tems de tirer de cette alliance toute 1'utilité qu'il y avoit cherchée. Tandis que Pompée perdoitle fien a Rome dans les careffes d'une ,eune femme & dans les délices de 1'Italie , ou qu'il ne 1'employoit qua faire décerner de nouveaux honneurs a fon beau-père, & a lui procurer de 1'argent & des troupes , Céfar fuivoit la route qui que parvus, Julia nams, intra breve fpatium obiit. Veil. Patere, z , 47. Val. Max 4 , 6. (a) Caefar.... cum audivit deceffine filiam, inter terdum diem imperacoria obiit munera. Senee. Confol. ad Helv. p. w6. Torne ii. qc An. cfe R. 699. Cicer. 53. Coss. L. Dominus JEtto- barbus. a. Cl.au31us Pulïher.  An. de R. 699. Cicer. jj. Coss. l. Domitius JEko- barbus. a. Ciau- dius pulcüek. 402 HlSTOIRE DE £A VlE devoit le conduire au pouvoir fuprême, formoit fes légions a la difcipline &c aux fatigues militaires, fe montroit fans celfe a leur tête, les attachoit a lui par fes bienfaits autant qu'il les animoit par fon courage ; & du fond d'une grande & riche province, oü il ne manquoit ni de forces pour vaincre ni dargent pour féduire , il fembloit que pour voler a fexécution de fes delfeins, il n'attendït que 1'occafion de rompre avec Pompée. Tout ce qu'il y avoit de gens fenfés a Rome , prévirent qu'aprcs la mort de Julia les prétextes ne lui manqueroient pas long-tems. Quoique le pouvoir du triumvirat eüt déja porté une dangereufe atteinte d la liberté de Rome, les jaloulies & les divers intéréts des chefs les ayant forcés de le ménager avec quelque décence, il ne s'étoit point encore trop étendu au-dela des bornes de la conftitution : mais on ne doutoit pas qu'a la première altération de cette ligue , qui les avoit déja rendus trop puilfans pour de fimples fujets , la difpute ne füt pour 1'autorité fans partage &c pour 1'empire abfolu. Le fecond jour de novembre C. Pontinius triompha des allobroges. II avoit été préteur fous le confulat de Cicéron •, 8c dans le partage des provinces, il avoit obtenu le gouvernement de cette partie des Gaules, qui après avoir balancé dans la conjuratioa de Catalina, prit enfuite  de Cicéron, 1/r. VI. 403 ouvertement le parti de la révolte. Poritinius 1'ayant réduite a la foumiffion avec beaucoup de vigueur, demanda les honneurs du triomphe (a). II y trouva des oppoiïtions prefqu'infurmontables, que fa perfévérance néanmoins lui fit vaincre. Cinq ans qu'il paila dans les fauxbourgs de Rome, a folliciter fuivant 1'ufage, & les fervices conftans de Cicéron 8c ceux du conful Appius femporrèrent enfin fur tous les efforts de Caton , qui avoit protefté que tant qu'il feroit au monde , Pontinius ne triompheroit point. Mais cette menace ne fut pas abfolument fans effet. Le triomphateur étant entré dans la ville fur fon char, fut troublé dans fa marche par des gens apoflés 5 & les infultes devinrent fi vives, qu'ayant été forcé de s'ouvrir un parage avec 1'épée, il encoüta la vie a plufieurs de fes adverfaires. A la fin de 1'année Cicéron accepta la lieutenance de Pompée dans le gouvernement d'Efpagne. II commencoit a fe perfuader que les conjoncbures (a) Ea re non longius quam vellem quod Pominio ad triumphum volebam adeffe : etenim erit nefcio quid negotioli, &c. Ad Quint. 3 , ƒ. Pontinius vult ad IV. non. novemb. triumphare. Huic obviam Cato & Serviüus pra;- lores aperte, & Q. Mutius tribunus Sed erit cum Pontinio Appius conful. Cato tamen affirmat, fe vivo illum non triumphare; id ego puto , ut multa ejufdem, ad nihil recafurum. Ad Att. 4, 16. It. Dio. I. 79,p. i zo. Cc ij An. de R. _ «99Cicer, 55. Coss. L. Domitius iENObai bus. a. Claudius pulchek.  An. de R. Cicer. ?j. Coss. L. Pomitius JEkobakeus. A. claudius PutClHER. (a) Sed heus tu, fcrïpferam-ne tibi me efle legatum Pompeio, & extra urbem quidem fore ex id. jan.» vilum eft hoe mihi ad multa quadrare. Ad Att. 4, 18. ( b ) Quod mihi tempus, Roma: praslertim , ut ifte me rogat, manenti, vacuüm oftenditur. Ad Quint. 2., 1 (c) Ego vero nullos habere poflum in Csefaris rebus Videor id judicio facere. Jam enim debeo : fed tamen amore ïïira incenlus. Ad Quint. 3,1. 404 HlSTOIRE DE LA VlE lui rendroient bientót cette précaution néceiTaire , & fa réfülution étoit déja de partir vers le milieu de janvier (tz). Mais Céfar en concut tant d'ombrage , qu'il employa auffitöt Quintus fon frère pour le détacher infenfiblement de Pompée. Dans la même vue il le conjura lui-même par fes lettres de ne pas s'éloigner de Rome, oü il lui confelfoit (b ) que fes affaires avoient befoin d'un ami tel que lui; & ce fut fans doute fur fes inftances que Cicéron changea de penfée & rendit a Pompée fa lieutenance. II affuroit Quintus a cette occafion (c) , cc qu'il n'étoit pas capable d'oublier fes « engagemens avec Céfar , & que fi c'étoit fa 3> raifon qui les lui avoit fait former, fon incli» nation lui fuffifoit déformais pour les fourenir ». En effet, étant demeuré a Rome, il apporta tous fes foins avec Oppius, a drefler le plan d'un magnifique & fomptueux ouvrage que Céfar vouloit entreprendre aux dépens des Gaules, c'ell-a-  t»e Cicéron, Liv. VI. 405 dire, des dépoudles qu'il avoit remportées dans fes guerres. C'étoit un nouveau forum, environné de fuperbes édifices (a). Le prix du feul terrein montoit a plus de cinquante mille livres. Cicéron ; appelle cette entreprife un ouvrage glorieux(b). II en explique le delfm. Les portiques du champ de Mars pour 1'alTemblée des tribus devoient être de marbre •, les voütes en devoient être auffi, &c toute 1'enceinte devoit être comprife dans un vafle periftile de la même matière, dont le circuit devoit être d'un mille. A ce grand amas de batimens on devoit joindre une vafte falie pour d'autres ufages publics. Tandis qu'on faifoit les préparatifs de cet édifice, L. ^Emilius Paulus (c ) en faifoit conftruire (a) Forum de manubiis inchoavit : cujus area fuper H. S. millies confiitit. Suet. I. Ca:f. z6.. (b) Itaque Crfaris amici, (me dico & Oppitim , dt-' rumparis licet , ) in monuinentum illud quod tu tollere laudibus folebas , ut forum' laxaremus , & ulque ad Lïbertatis atrium explicaremus, conlumfimus H. S. fexcenties : cum privatis non poterat tranfigi minore pecunia. Efficiemus rem glorioliffimam. Nam in campo Martib lepta tributis comitiis marmorea funvus & tefta facturi, eaque cingemus excelfa porticu, ut mille palTuum conficiatur. Simul adjungetur huic operi aula etiam publica« Ad Att. 4, i6, (c) Paulus in medio foro bafilicam-jam fere texuit, iifdem antiquis columnis : illam autem quam locavit j Cc iij An. de R.' «99Cicer. s u Coss. L. DOMI- nus AiNO- IARBUS. A. Clau- )IUS PULi :her.  4o£ HlSTOIRE DE LA VlE d'autres de la même magnificence. Après avoir fait réparer Ja falie de 1'ancien forum, il en élevoit auffi une nouvelle, qui porta fon nom dans la fuite. Elle étoit foutenue par des colonnes de marbre phrygien,& tous les hiftoriens la repréfentent comme un des plus beaux monumens de 1'ancienne Rome. An. de R. Les nouveaux tribuns ne s'écartoient point des VHeS de leU" Prédéceireu«>& n'ayant point fouffert cne. qu'on fït 1'élection des confuls, la république fe trouva fans chefs au commencement de la nouvelle année. Dans ce cas, qui n'étoit pas fans exemple, le gouvernement tomboit entre les mains d'un interrex, c'eft-a-dire f», d'un magiftrat provifionnel,qui devoit être nécefiairement un patricien, & qui étoit choifi par ce premier ordre de citoyens. Son pouvoir n'étoit pas de longue durée, car tous les cinq jours on en élifoit un autre jufqu'a 1'élecbion régulière des confuls. Mais les tribuns , dont le pouvoir étoit abfolu dans ces intervalles d'anarchie, continuèrent de la reculer, & quelques-uns propofèrent même de faire revivre 1'ancienne dignité des tribuns militaires.Ce fyftême n'étoit point alTez conforme au goüt du peuple facit magnificentiflirnam : nihil gratius illo mor.umento, nihil gloriofius. Bid. (a) Vid. Afcon. argum. m Milon.  de Cicéron, L i v. VI. 4°7 pout trouver beaucoup de partifans: mais c'étoit dans une autre vue qu'on en avoit rifqué 1'ouverture. Qn vouloit préparer le peuple a recevoir un , dicbateur , & la hardiefle augmentant par degrés, on déclara enfin qu'il falloit en accorder le titre 8c le pouvoir a Pompée. Le tems de Sylla n'étoit pas fi éloigné, que le nom de dicbateur put être entendu fans alarme. Toute la ville 8c les chefs du fénat s'oppofèrent a cette propofition. Caton fe diftingua par fa réfiftance , 8c Pompée voyant les apparences fi peu favorables, prit le parti de fe retirer a la campagne pour éviter le foupcon que ce projet (a) vïnt de lui. * Le bruit qui nous => menace d'un dicbateur , écrivoit Cicéron , =» choque tous les honnêtes gens: mais il s'étoit » répandu d'autres bruits qui me choquoient encore » plus. Cependant je vois que tous ces grands (a) Rumor dictatoris injucundus bonis : mihi etiam magis qua? loquuntur ; fed tota res & timetur & refrigefcit. Pompeius plane fe negat veile. Antea ipfe mihi non negabat. Hirrus auctor fore videtur. O dii quam ineptus ! & quam fe amans fine rivali 1 CralTum Junianum hominem mihi deditum per me deterruit. Velit, nolit, fcire difficile eft. Hirro tamen agente , nolle fe non probabit. Ad Quint. 3 , 8. De didatore tamen aftum nihil eft. Pompeius abeft : Appius mifcet. Hirrus parat : multi interceffores numerantur. Populus non curat : principes nolunti ego quielco. Ibid. 9. Cciv An. de R. 700. Cicer. 54. INTERRESNE.  An. de R. 700. Cicer. 54, Inïerre<5ne. 408 HlSTOIRE DE EA ViE » deffeins fe refroidilTent. Pompée déclaré nette» ment qu'il n'afpire a rien , quoiqu'il ne m'ait pas » toujours tenu le même langage. C'eft le tribun » Hirrus qui fe chargera fans doute de propofer » la dictature. Jufte ciel, quel tribun ! II s'aime en "Vérité fans rival. A la prière de Pompée, j'ai - detourné Craffus Junianus, qui a de la confidé> rarion pour moi, de fe méler de cette affaire. II - n'eft pas aifé de pénétrer quels font les véritables » fentimens de Pompée: mais, ft le tribun Hirrus - infifte , il nous perfuadera difficilement qu'il n'en » fouhaite pas le fuccès ». Milon n'étoit pas moins embarraffé fur le parti qu'il devoit prendre. II prétendoit au confulat; & s'oppofer néanmoins i la dictature de Pompée, c'étoit fe faire un ennemi terrible. II prévoyoit d'un autre cöté que s'il ne fe foignoit point aux adverfai'res de Pompée, fes partifansl'emporreroient par la force. Dans toutes les fuppofitions (a)Ü ne voyoit que des difgraces ï redouter. Son penchant lui fit prendre le^parti appofé a la dictature ; mais avec la réfolution i'éviter tout ce qui reffembleroit a Ia violence. L'audace des tribuns augmentoit de jour'en U) Hoe horret Milo , & fi flle dictator faftus fit, poene diftdit. InterceiTorem dietaturs fi juver;£ manu & pra;. fid,o fuo, Pompeium metuit inimicum, fi non juyerit , timet ne per vim perferatur. Bid. 8,  de Cicéron, L i v. VI. 4°9 jour j & 1'on s'appercevoit fenfiblement qu'ils ne A*£* penfoient qua fe mettre en poffeffion de toute Cfcer^ 1'autorité publique. Cependant le fénat prenant Gtiz. tout d'un coup une réfolution vigoureufe , fit arrêter Q. Pompeius Rufus, petit-fils de Sylla, & le plus zélé partifan de la dictature. Pompée voyant lui-même , après fon retour a Rome, que le grand nombre des citoyens étoit oppofé a fes efpérances, confentit enfin que Cn. Domitius Calvinus ( a) &i M. Meffala fuflent déclarés confuls. L'interrègne avoit duré fix mois. Cette nouvelle caufa beaucoup de joie a Céfar. Cicéron lui avoit recommandé particulièrement M. Meffala ; & dans une lettre qu'il (b) écrivoit a fon frère: cc Votre avis, dit-il, » s'accorde avec le nótre, lorfque vous paroiffez » perfuadé que nousn'aurons point d'autres confuls o que Meffala & Calvinus. Je réponds de Meffala •30 a Céfar ». Malgré cette différence de fentimens & d'incli- An. Je R. nations fur la dictature , il femble que loin de la cicer. h. craindre, le défordre des affaires publiques devoit cn.domit. la faire fouhaiter. L'état avoit befoin de 1'autorité Ca^ vna\se'. d'un dicbateur pour remédier a tous fes befoins. «£* •"ES- ( a) Dio. 1. 40 , p. 141. (b) MelTalam quod certum confulem cum Domitio numeratis, nihil a noltra opinione diffentitis, Ego MefTalam Casfari prxflabo. Ad Quint. 3,8.  An. de R. 700. Cicer. 54. Coss. Cn. Domit. Calvinus. M. Valekius Mes- SA1.A. : I j 410 HlSTOIRE DE EAVlE On pouvoit attendre ce fervice de Pompée, fans appréhender des effets trop dangereux de fon pouvoir; paree qu'avec un furveillant tel que Céfar, qui fous prétexte de garantir la liberté publique, auroit pris droit des moindres excès pour s'oppofer a fes entreprifes, & n'auroit pas manqué d'être foutenu par le fénat & par tous les honnêtes gens, il n'auroit ofé paffer les bornes de la modération & de la juftice. Cicéron penfoit donc fort jufte lorfqu'il écrivoit a fon frère que dans les conjonctures préfentes il y avoit mille chofes plus redoutables qu'une dictature. Depuis 1'expulfion des rois, Rome n'avoit pas vu de fi long interregne. II avoit fait fufpendre toutes les affaires publiques, & particuliérement celles du barreau; ce qui fit le fujet d'une lettre badine de Cicéron a Trebatius. cc Si vous n'étiez *> pas abfent de Rome , lui dit-il (a), vous ne » manqueriez pas d'en fortir a préfent. Qu'y feroit » un jurifconfulte pendant tous ces interregnes ? d L'avis que je donnerai a mes cliens lorfqu'ils feront o attaqués en juftice, fera d'en demander qui durent (a) Nifi ante Roma profectus effes , nunc eam certe •elinqueres. Quis enim tot interregnis jurifconfultum defilerat ? Ego omnibus, unde petitur , hoe confilii dedeim , ut a fingulis interregibus binas advocationes pofulent. Satis ne tibi videor abs te jus civile didiciffe ? Epijt* cam. 7,11,  DE CiCÉRON, L I V. VI. 411 39 le doublé. Ne vous appercevez-vous pas que tout » ce que j'ai appris de vous m'eft a préfent fort » utile 35 ? Ce fut dans le même tems qu'il commenca un commerce de lettres avec Curion, jeune fénateur d'un mérite auffi éclatant que fa naiiTance, & qui ayant été confié a fes foins en entrant dans le monde, étoit devenu queffeur d'Afie. II jouilfoit d'un revenu immenfe depuis la mort de fon père. Cicéron qui lui connoiifoit affez d'élévation d'efprit Si d'ambition , pour faire beaucoup de bien ou de mal a fa patrie, cherchoit a 1'engager de bonne heure dans les intéréts de la république , & a lui infpirer du gout pour la véritable gloire. Curion avoit envoyé a Rome quelques agens, pour annoncer un fpeclacle de gladiateurs qu'il vouloit donner a 1'honneur de fon (a) père. Mais Cicéron 1'engagea pendant quelque tems a le fufpendre, dans Ia vue de le détourner tout-a-fait d'une fi inutile dépenfe. II favoit que rien ne contribueroit plus ïnfailliblement a la ruine de fa vertu, que celle de fa fortune , & que la prodigalité ne manquoit jamais de faire de mauvais citoyens. L'événement (3) Rups fludium non defuit declarandorum munerum tuo nomine : fed nee mihi placuit, nee cuiquam tuorum , quidquam te abfente fieri, quod tibi , cum veni-fles, non effet integrum, &c Ep, fam. z, 3. An. de R. 700. Cicer. S4Coss. jN. DOMIT. -ALVIMUS. M. V'AIE^ÏUS MES>ALA.  4ü Hl ST 0 1 RE DE LA VlE An. de R. juftifia fes craintes: Curion, qui étoit natureliement CCoMH' Prod'guc' donna Ie fpeétacle des gladiateurs -, Cn^dom,t. & s'étant fait par fes profufions une réputation M.vaie. d'homme populaire qui dura pendant quelques saia. ' annees, il fe reduifit enfin a la néceflité de fe vendre a Céfar. Cicéron mèloit peu de polhïque dans toutes fes lettres, a la réferve de quelques plaintes vagues fur 1'état défefpéré de la république. « Badinerai-je » avec vous, lui écrivojt-ü un jour ? Hélas! dans x le tems oü nous fommes, un citoyen peut-il -s'oublier jufqu'a rire? Vous écrirai-je (a) d'un » ton férieux? Mais Cicéron peut-il écrire férieu» fement a Curion fur d'autres affaires que celles > de la république ï Et mon malheur eft que fur » cette matière je ne puis écrire ce que je ne » penfe point-.... Dans une autre lettre , après lui avoir repréfenté 1'opinion extraordinaire qu'on s'étoit formée de lui 4 Rome : cc Je ne crainsf» (a) Jocerne tecum per literas ? Civem me hercule nonputo eiTe, qui temporibus bis ridere poflit. An gravin aliquid fcribam ? Quid eft quod poflit graviter a Cicerone fcribi ad Curionem , nifi derepublica? Atqua in boe genere h*c caufa mea eft, ut neque ea qux non fentio , velim fcribere. Bid. 4. (b) Non quoverear ne tua virtus opinïoni hominum non refpondeat : fed me hercule, ne cum veneris, non  de Cicéron, Lik. VI. 413 >»pas, lui dit-il, que votre vertu réponde mal a An. deR. » 1'attente du public; je tremble feulement qu'a Cjc7e°0's4< =0 votre retour vous ne trouviez rien ici qui mérite _ ^oss. • 1 Cn. Ljomit. » vos moindres foins. Tout eft changé,tout eft Calvinus. D M. VALE- » ruiné. II y a peut-être de 1'imprudence a vous rius Mes- =» parler fi librement.... Mais vous ne devez pas » moins vous eftorcer d'acquérir toutes les qualités » qui peuvent mettre un citoyen, dans ce tems de 35 licence & de confufion, en état de rappeler la 3> république a fes anciens principes , & de la » rétablir dans toute fa dignité ». La première nouvelle qu'on recut a Rome, après 1'inauguration des confuls, fut celle de la mort déplorable de Cralfus & de Publius fon fils avec Ia relation de 1'entière défaite de 1'armée romaine par les parthes. Rome avoit recu peu de coups aulfi fanglans dans les guerres étrangères, & toutes fes penfées fe tournèrent dans la fuite a la vengeance. Les hiftoriens romains ont imputé lans excepdon le malheur de Cralfus au mépris qu'il avoit (a ) fait des aufpices. Quelques écrivains chrétiens font attribué (b) a la profanation du tem- habeas jam quod cures ; ita lunt omnia debilitata jam prope & extincta, &c. Ibid. 3. (a) M. Craffo quid acciderit videmus, dirarum obnunciatione negledta. De Divin. 1,16. (b) Le dodeur Prideaux allure pieufèment que depuis  414 HlSTOIRE DE LA VlE An. de E. ple de Jérufalem, d'oü 1'on prétend qu'il avoïC cic7er°'S4. emporté plus de deux millions. Mais de part & Cn.cdsmit. d'autre > on ne reconnoït que le langage de la fuC M^Vaie- Perftition > puifque c'eft toujours bieder la provisala MES" dence *iue de vouloir pénétrer dans la profondeur infinie de fes confeils. Le peuple romain ne coniïdéra dans cette difgrace que la perte d'une armée confidérable, & le danger qui menagoit les fronrières de 1'empire. Avec plus d'attention fur fes véritables intéréts, il auroit regardé comme une plus grande infortune la mort de Cralfus, quï lui caufa néanmoins beaucoup plus de joie que de douleur : car, depuis la mort de Julia, il ne reftoit que lui pour modérer le pouvoir de Pompée & 1'ambition de Céfar. Son inclination le portoit toujours autant que fon intérêt a foutenir le plus foible contre les ufurpations du plus fort, & d les contenir tous deux dans une certaine décence dont ils ne s'étoient point encore écartés a 1'égard des loix. Mais cette règle d'équilibre venant a manquer, & le pouvoir fe trouvant abandonné comme une efpèce de prix a celui des deux qui pourroit 1'emporter , leur émulation fe le facrilège qu'il avoit commis a Jérufalem , on ne vit plus que de Pimprudence & de la folie dans tous les confeils. Connecl. Part. i, 362.  de Cicéron, Liv. VI. 415 ianima bientöt pour en obtenir la meilleure part, An- ie R- 8c cette difpute devoit aboutir néceffairement a la cicer. 54. , Coss. ruine de la république. Cn. domii\ _ ... « i . , . r v j Calvinus. Publius Craflus, qui pent avec Ion pere dans m. vale- , ,, , . . 1 mus Mes- cette fatale expedition , etoit un jeune homme SAlA. du plus aimable caracbère. 11 n'avoit rien manqué afon éducation. Ses qualités naturelles s'étant perfectionnées par la plus heureufe culture , il paroiffoit propre a fervir glorieufement la république dans toutes fortes d'emplois. C'étoit la feule force de fon difcernement qui 1'avoit attaché a Cicéron, & qui lui infpiroit pour ce grand citoyen tout le refpecb & toute la tendreffe dont la nature lui faifoit un devoir pour fon père. Cicéron n'avoit pas concu moins d'affecbion pour lui, & découvrant dans fon cceur cette foif de gloire qui annonce les plus glorieufes deftinées, il n'avoit pas ceffé de 1'exhorter a fuivre des mouvemens fi fublimes , &c a les tourner comme fes ancêtres a 1'honneur & au bien de fa patrie. Mais Publius avoit fait quelques campagnes dans les Gaules , fous le commandement de Céfar. S'étant imaginé qu'il y avoit découvert une voie plus courte &c plus süre que celle de Cicéron , pour s'élever a la gloire 8c a 1'autorité , il s'étoit laffe trop tót de la qualité de foldat, 8C fes infhances lui avoient fait obtenir de Céfar un corps de mille chevaux pour aller grof fir 1'armée de fon père. Le feu de ia jeuneffe 8c  4-1 € HlSTOIRE DE LA VlE An. de e. 1'ardeur naturelle de fon courage 1'emportèrent Cicer. 14. trop loin a la pourfuite d'un ennemi dont toute Cn.üomit. la force confiftoit a fe défendre en fuyant. Prelfé mJvaie- de routes parts, mortellement blelfé & dédaignant sala. MES' de chercher fon falut dans la fuite, il fe fit donner volontairement la mort par 1'épée de fon écuyer. Ainfi, pour employer les termes de Cicéron , cc en afpirant a la gloire des Cyrus 8c des *> Alexandre () Quomodo Hirrum putas auguratus tui competitorem... Ep. fam. 8,3. {b) Atque hoe idem de cseteris facerdotiis Cn. DbrmV tius tribunus plebis tulit, &c. De Leg. Agr. i, 7. Tomé II, rjj  An. de R. 700. Cicec. S4. Coss. Cn.Domit. Calvinus. M. Valerius Mes- 3ala. (a) Quo enïm tempore me augurem a toto collegio expetitum Cn. Pompeius & Q. Hortenfius nominavefunt; neque enim ücebat a pluribus nominari. Philip. 2 , 1. Cooptatum me ab eo in collegium recordabar , in quo juratus judicium dignitatis mea: fecerat; & inaugutatum ab eodem : ex quo , augurum inftitutis, in parentis eum loco colere debebam. Brut. init. (I) Plutarq. Vie de Caton. (c) Occurrebat ei mancam ac debilem prseturam tU2m uturam confule Milone. Pro Mil. 9. 418 HlSTOIRE DE LA VlE capacité par un ferment folennel. Ce fut Pompée & Hortenfius (a) qui rendirent ce fervice a Cicéron , & les cérémonies qui fuivoient 1 election furent célébrées par Hortenfius. II arriva cette année , comme la précédente, que les factions de la ville reculèrent 1'élection des confuls. Les candidats, T. Annius Milon , Q. Metellus Scipion , & P. Plautius Hypfieus poufsèrent leurs intéréts avec une violence &c une brigue aulfi ouvertes, que fi le confulat eüt été Ie prix (b) de 1'audace ou des plus grolfes fommes. Clodius s'efforcok d'un autre cöté de parvenir a la préture, & n'épargnoit rien pour écarter du confulat Milon , fon mortel ennemi, dont il appréhendoit (c) les hauteurs dans un emploi fort inférieur au fien. Pompée n'étoit pas plus favorable a Milon , qui, loin de lui faire fa cour, avoit toujours affecbé une forte d'indépendance, tandis  öb Cicéron, Lik. Vl. 415» «que fes deux concurrens n'avoient rougi d'aucune efpèce de fQumiflion. Hypfeus avoit été quefteur de Pompée & palfoit ouvertement pour fa créature. Scipion lui étoit encore plus dévoué , & Cornelia fa fille , veuve de Cralfus, étoit deltinée a remplacer Julia. Cicéron n'en fut pas moins ardent a prendre les intéréts de Milon. II lui devoit tant de reconnoillance pour fon attachement &c fes fervices, qu'il réfolut de s'en acquitter a toutes fortes de rifques. L'entreprife n'étoit pas fans difficultés. Outre celles de 1'oppofitiön, les immenfes libéralités de ce prodigue ami avoient fort dérangé fa fortune. II écrit (a) a fon frère, qui étoit encore avec Cé- (a) Itaque ex repub. quoniam nihil jam voluptatis capi poteft, cur ftomacher nefcio. Liters me & fludia noftra & otium , viltaque deleftant , maximeque pueri noftri. Angit unus Milo. Sed velim finem afferat confulatus, in quo enitar non minus quam fum enifus in noflro, tuque iftinc , quod facis , adjuvabis. De quo cartera , nifi plane vis eripuerit, refte funt : de re familiari timeo. .. Qui Iudos H. S. ccc. comparet ; cujus in hoe uno inconfiderantiam & ego fuftinebo ut potero. Ad Quint. 3 9. Cicéron avoit raifon de craindre , car Milon s'étoit déja ruiné tro's fois en donnant des fpectacles & des jeux au peuple, & lorfqu'il partit pour 1'exil, il devoit encore un million de notre monnoie. PUn. Hi/l. 36 , 1 ï.Afcon. argum. in Milon. Dd ij An. de R. 700. Cicer. 54. Coss. Cn. Uomit, Calvinus. M. Vale. rius Mes« sala.  An. de R. 700. Cicer. 54. Coss. Cn. Domit. Calvinus. M. Vai erius Messala. An. de R. _ 701. Cicer. 55. Interregne. 420 HlSTOIRE DE LA VlB far : « Je ne connois rien de fi méchant crue tous 55 ces gens-la. Mais puifqu'il n'y a plus de plaifir. 33 a efpérer de la république, pourquoi m'aban33 donnerai-je au chagrin ; Des livres, de 1'étude, 33 du repos, mes maifons de campagne, & fur33 tout mes enfans, feront la confolation de ma 33 vie. Milon en eft a prélent le trouble. Je fou33 haite que fon confulat me rende tranquilie, &C 33 j'aiderai s'il fe peut, a le rendre tel que le mien. 33 Vous nous prêterez auffi votre fecours. Ses ef33 pérances fe fout'ennent. Je n'appréhende que la 33 violence. Mais je tremble auffi qu'il ne voye 33 trop tót la fin de fon argent : car fa magnifi33 cence va jufqu'a la folie dans fes jeux. II n'y 33 veut pas mettre moins de cent mille écus. Je >3 ferai mes efforts pour arrêter ce prodigue 33. Dans Ja chaleur de cette compétition, le bruit s'étant répandu que Curion revenoit d'Afie , & tout le monde fe faifant déja une haute idéé de fon crédit, Cicéron lui députa un expres fur fa route pour lui remettre a fon débarquement une lettre fort prelfante en faveur de Milon. M. T. Cicéron, a C. Curion. Sans favoir fi vous êtes arrivé en Italië, & fur la feule fuppofition qu'étant en chemin depuis long-tems, vous n'en devez pas être tloigné, j'en  »e Cicéron, Lik. VI. 42r voie S. Villius au-devant de vous avec cette let- An. livroit a fes foupcons que pour afTurer la tran» quillité publique. On a parlé auffi d'une attaque « nocturne qui s'eft faite & la maifon de Céfar. 30 A la vérité, quoique le lieu foit fort public , 33 les voifins n'en ont rien entendu : mais on n'a 33 pas lailfé d'en faire des informations fort fé33 rieufes. Je me garderai bien de foupconner le 33 courage d'un homme tel que Pompée , & je 33 crois au contraire que celui qui eft chargé du 33 foin de la république, ne peut porter trop loin » la défiance & les précautions. Un fénateur alfu33 roit dernièrement au capitole , dans la pleine 33 alfemblée du fénat, que Milon , qui y étoit 33 comme nous, portoit un poignard fous fa robe. 33 Que fit Milon ï Piqué de ce que fon caracrire 33 & fa conduite ne le mettoient point a couvert 33 de ces foupcons, il fe dépouilia de fes habits » au milieu du plus faint de tous les temples j 33 & 1'accufation fut reconnue fur le champ pour 33 une calomnie. Mais après tout, fi Milon doit 33 être redouté, ce n'eft pas pour 1'affaire de Clo-  de Cicéron, Liv. VI. 437 » dius. J'ofe le dire, Pompée, ce font vos craintes » qui le font paroïtre redoutable •, oui, vos craintes, 33 je le repète afin qu'il n'y refte rien d'équivoque. 33 Si vos foupcons font li conftans que rien ne 33 foit capable de les détruire , fi 1'on ne doit 33 pas celfer de faire des levées dans 1'Italie &c de 33 tenir Rome fous les armes aufli long-tems que 33 Milon fubfiftera, il ne balancera pas, car tels 3» font fes principes, a quitter Rome & a s'im33 pofer un exil volontaire. Mais en difant adieu 33 a fa patrie , il fe tournera vers vous, grand 33 Pompée ! il vous exhortera , comme il fait au33 jourd'hui, a coniïdérer combien il y a d'incer33 titude & de variété dans les évcnemens de la 33 vie , combien d'inconftance dans tout ce qui 33 dépend de la fortune, combien d'infidélité dans 33 les amitiés, combien de diffimulations, de la33 chetés, de trahifons dans ceux dont 1'attachement 33 nous paroït le mieux éprouvé. Le tems viendra , 33 vous dira-t-il, le jour arrivera infailliblement, 33 oü fans diminution pour votre füreté , comme 33 je le demande au ciel, mais par quelqu'un de 33 ces changemens dont la condition humaine eft 33 fans celfe menacée , vous pourrez avoir befoin 33 du plus fidelle de tous les amis , du plus hon33 néte de tous les caracbères , & du plus brave 33 de tous les hommes 33. De cinquante-une voix qui devoient prononcet Ee iij An. de. r. 701. Cicer. ans Collégue.  An. He R, 70!. Cicer. 55, Conful Cn.Pompée ie Grand sans Col- iegue. i (a) M. Cato palam lata abfolvit fententia , quam fi maturiustuliffet, non defuiffent qui fequerentur exemplum, probarentque eum civem occifum quo nerno perniciofior reip. neque bonts inimicitior vixerat. Veil. Pat. 47. (*) Confilium meum hoe fuerat, primum ut in poteftate nollra res effet, ne illum malus emptor & alienus mancipus , qu* per multa fecum habet, fpoliaret : deinde ut Faufe, cui cautum ille voluiffet, ratum effet Erat etiam ulud , ut ipfinos, fi quid fervari poffet, quam facillime fervaremus. Nunc rem totam perfpicias velim. Siille queritur... 438 HlSTOIRE DE LA VlE fur le fort de Milon, il n'en eut que treize de favorables. L'ufage étoit de les donner fa) par le fcrutin ; mais Caton qui fe déclara pour 1'accufé, donna la fienne ouvertement. « S'il leut donnée ■plutöt, dit Velleius, il auroit entrainé la plu» part des autres ; car on étoit convaincu , &C » 1'on auroit aifément prouvé , que la république » n'avoit jamais eu de perte plus fatale , ni les » honnêtes gens dc plus mortel ennemi que Clo» dius »< Milon partit quelques jours après fa condamnarion pour Marfeille qui étoit le lieu de fon exil. Ses dettes étoient en fi grand nombre qu'il tiara volontairement fon depart pour fe délivrer Je 1'importunité de fes créanciers. Us exigèrent que fon bien füt vendu pubiiquement. Mais Ci:éron ne fe relachanr point dans fon zèle, charta Philotimus, un de fes affranchis, d'affifter a a vente (b) , pouracheter une partie des effets a  r>E Cicéron, Lik. VI. 43? 1'avantage de Milon & de Faulta fon époufe. Ce fervice leur fut moins agréable qu'il ne s'y étoit attendu.Philotimus fut foupconné d'avoir manqué de bonne foi & d'avoir écarté mille cbofes a fon pront; ce qui caufa tant de chagrin a Cicéron , qu'il prelfa inftamment Atticus & Ccelius d'approfondir cette affaire, & de ne pas fouffrir que fa réputation füt commife par 1'infidélité d'un domeftique. Pendant tout le cours du proces, Pompée , fans s'offenfer de 1'ardeur qu'il marquoit pour fervir fon ami, lui témoigna conftammentf/i) qu'il cherchoit lui-même a paroïtre le fien. II lui donna une gafde a 1'audience du fénat, & a celle du peuple; & fon déhVéreffement, lincère ou affecté , alla jufqu'a 1 aider de fon autorité & de fes confeils. M. Saufeius, confident de Milon, fut jugé au même tribunal , fi idem Faulta vult, Philotimus, ut ego ei coram dixeram , mihique ille receperat, ne fit invito Milone in bonk Ad Att. < , 8 & 6, 8. Quod adPhilotimi liberti officium & bona Miloni's attinet, ded'.mus operam ut & Philotimus quamhoneftiffime Miloni abfénti, éjufque neceflarils fatisfaceret, & fecundum ejusfidem & fedulitatem exiflimatio tua confervaretur. Ep. fam. 8,3. (a) Qua humanitate uilit contetuionem meam pre Milone, adverfante interdum aaionibus fuis? Quo Audio prövidit, ne qua? me illius temporis invidia attinge. ret ? Cum me confilio , tum auetoritate , tum armis de nique texit fuis. Ibid. 3 , 10. _ E e IV An. de r. 701. Cicer. 15. Conful le Grand ïans Collégue.  44® HlSTOTRE DE LA VlE pour avoir fervi de chef aux meurtriers de Ciod.us. Gcéron prit auffi fa ciéfenfe> & ne ^ devabie du fuccès qua la plura]iré d>une ffiu!e voix : mais dans une autre accufation qu'il eut LTrr&COnrreJaC3l,eIle Ci-on fut encore fon defenfeur,ilfut abfous avec fc davantage. Sexrinc rM^J- i r , ' * , r- ö 3eXC1US Cioc!,us» chef du parti opPole, fut traite moins favorablemenr (I) par Ja qui Je condauma au banniffement f pour -er brule la falle du fënat & commis P violences. An. de R. Pompée neut pas plutót publié fa nouvelle loi C,«r.s!, contre Ja brigue, qu'elle fervit a faire intenter Cn.pompée deux accufations conrrp ]«,<-j ■ ■■, « Qu»ri. c ^ns contre les derniers candidats con- \cMC, ^ Tp &HyP&aS- Ilsé-ent tous deux SiïnJS: fr & ^ ^ P- ^ P^nt PIOM. eviter eur condamnation. Mais Pompée ayant affembJe Jes juges , Jeur demanda comme une faveur , que d'un grand nombre de criminels d'état 'is 1« remhTent Scipion. Après 1'avoir déiivré de « danger , il époufa Cornelia, fa fille, & Je dé. clara fon collégue au confulat, pour les cinq mois qu. lui reltoienr. Hypfaeus demeuroit expofé a Ja ngueurde la loi. II s'ouvrit Paccès chez Pompée; & Ie trouvant i Ja fortie du bain , il fe je„ j fes pieds pour implorer fa protection. Ayant été (a) Afcon. argum. pro Milon.  de Cicéron, Lir. VI. 441 fon quefteur, & n'ayant jamais manqué de foumiffion pour fes volontés, il ne doutoit pas que, dans une occafïon (a) fi preffante, le mérite de fes fervices ne füt récompenfé. Cependant Pompée fayant lailfé quelques momens a genoux, lui dit , avec unefroideur, que Valere Maxime traite d'infolence, que tout ce qu'il gagnoit par fes prières, étoit qu'en 1'arrêrant il retardoit fon fouper. Avant Ja fin de 1'année, Cicéron recut quelque fatisfaction pour la perte de fon ami , par lebanniffement de deux tribuns qui n'étoient pas moins fes ennemis que ceux de Milon; Q. Pompeius Rufus, & T. Munatius Plancus Burfa. On puniffoit mille violences qu'ils avoient exercées pendant leur office , & la part qu'ils avoient eue a 1'incendie du fénat. Ccelius accufa le premier au moment qu'il fortoit de fon emploi; & Cicéron , qui n'avoit jamais pris la qualité d accufateur qua 1 egard de Verrès, fe fit celui de Burfa. Cet infolent tribun (a) Cn. autem PomDeius quam infolenter? Qui balneo egrelfus ante pedes fuos oroftratum Hypfseum ambitus reum & nobilem virum & fibi amicum jacentem reliquit, contumeliofa voce proculcatum. Nihil enim eum aliud agere, quam ut conviviurn fuum moraretur , refpondit.... Ille vero P. Scipionem focerum fuum legibus noxium quas ïpfe tulerat , in maxima quidem reorum & illuftrium. ruina , muneris loco a judicibus depofcere, Val. Max, 9, s\ Plutarq. Vie de Pompée. An. ie r. yoi. Cicer. 55. Coss. Cn.Pompée ie Grand III. Q. Oecinus Metellus SCI- PlON.  An. de R. 701. Cicer. 55. Coss. Cn.Pompée ie Grand ar. Q. Oeciuus Me. TEiLUSSCIPiON. remier rang celles qui appartiennent a la religion ic au culte des dieux. Les autres regardent 1'au- (a) Hanc igitur video fapientinimorum fuilfe lentenlam , legem neque hominum ingeniis excogitatam , nee citum aliquod elfe populorum , léd «ternum quiddam ;uod univerfum mundum regeret , imperandi prohibendiue fapientia. Ita principem legem illam & ultïmam men;m elfe dicebant, omnia ratione aut cogentis aut vetan- is dei. Quamobrem lex vera atque prinoeps ratio fl recta fummi Jovis. Ibid. 1 , 4. (b) Nos autem quoniam qua? de optima rep. lentismus in fex libris ante diximus , accommodabimus hoe ;mpore leges ad illum , quem probamus, civitatis ftaiim. Ibid. 3 , z.  De Cicéron, L i v. VI. 44S torité & les devoirs des magiftrats, d'oü les différentes formes de gouvernement prennent leurs noms. Elles font tirées prefque toutes (a) de la conftitution & des ufages de 1'ancienne Rome {b), avec quelques légères variations ou quelques tempéramens , par lefquels Cicéron croyoit pouvoir remédier aux défordres qui s'étoient glilfés dans la république romaine , & donner a fa république idéale une pente plus fenlible vers 1'ariftocratie. Dans les livres qui fe font(c) perdus, il traitoit des droits 6c des privileges particuliers du peuple romain. Pompée préparoit une infcription pour le frontifpice du nouveau temple qu'il avoit élevé , prè: de fon théatre, a Vénus la conquérante , &c tou: les titres de fa gloire n'y étoient point oubliés mais en la drellant luivant la forme romaine, i s'éleva une queftion de grammaire fur le termi par lequel on vouloit exprimer fon troifièrm confulat. Les uns vouloient que ce füt confiii tertium, d'autres, conful tertio. Cette queftion fu (a) Et fi qua; forte a me hodie rogabuntur , qua? non fint in noftra rep. nee fuerint, tamen erunt fere in more majorum , qui tum ut lex , valebat. Ibid. 2,10. (b) Nihil habui, fane non multum quod putarem , novandum in legibus, Ibid. 3,5» (c) Ibid. 3 , z. An. de R. 701. Cicer. 55. Coss. Cn.Pompée le Grand IH. Q. Ceci- lius me- tellusSci- pion, [ t  An. de R. 701. Cicer. „. Coss Cn.Pompée XE GRnND ïii. Q. C*ciuus Me- TEIiUSiCIJPI0N. I ! 1 i ] i 1 r r f F n (a) On trouve ce trait dans une lettre de Tiron , affranchi de Cicéron, qui nousa été confervée par Aulu^ Geile. Liv. io , r. (b) Dio. p, i4i. 44^ Histoire de u Vie déférée aux principaux Ca) cririques de Rome, qui ne s'accordèrent point dans leur décifion. Cicéron , a qui Pompée déclara qu'il vouloit s'en rapporter, refufade prononcer entre tant d'habiles gens. Enfin , Varron fit agréer fon fentiment , paree qu'il éludoit la difficulré. II confeilla d'a^ bréger le mot & de mettre feulement ten. dans l'infcription. Cet exemple fait juger combien la langue romaine devoit être pure & élégante dans a bouche de ceux qui étoient capables de ces crupules. Entre les acres du troifième confulat de Pompée , il y eut une loi contre la brigue , dont on fpéra d'autant plus d'effet pour réprimer ce débrdre , qu'elle attaquoit le mal dans fa principale caufe. Ce qui infpiroit tant d'ardeur pour elever aux dignités , étoit bien moins 1'éclat & a diftindion du rang, que (b) 1'efpérance d'obsnir quelqu'une de ces riches provinces, d'oü 1'on e revenoit pas fans avoir alfuré pour long-tems 1 fortune. Pompée établit que les confuls & les réteurs ne pourroient pofleder aucun gouverneient que cinq ans après 1'expiration de leurs ma-  de Cicéron, Lik. VI. 447 giftratures. Un intervalle de tant d'années fembloit capable de refroidir la paffion des grands pour des avantages fi éloignés : mais avant que de publier cette loi, Pompée eut foin de s en faire excepter , en obtenant la continuation de fon gouvernement d'Efpagne pour cinq ans : & dans la vue d'obliger Céfar par une faveur extraordinaire , il drefla une autre loi qui le difpenfoit pendant fon abfence des formalités nécelfaires pour ceux qui afpiroient au confulat. C'étoit le flatter d'autant plus qu'il défiroit ardemmentde reparoitre a Rome avec cette dignité. Ccelius fe chargea de propofer cette lol au public, foliicité par Cicéron , (tz) qui 1'étoit lui-même par les inftances de Pompée & de Céfar. Elle pafla de iaveu de tous les tribuns, mais avec quelque .difficulré de la part du fénat. Cette diftinction, remarque Suéi"one, loin de fatisfaire Fambition de Céfar (b) , ne fic qu'irriter fes défirs & qu'augm enter fes efpérances. Par la première de ces deux loix on é'abliffoit auffi que pour fuppléer aux gouvernemens , ( a) Rogatus ab iplo , Ravenna; , de Ccelio tribuno plebis: ab ipfo autem ? etiam a Cna;o noftro. Ad Att. 7 > 1. [b) Egit cum tribunis plebis ut abfenti fibi petitio fecundi confulatus daretur Quod ut adeptus eft , altiora jam meditans & fpei plenus , nullum largitionis aut officiorum in quemquam genus publice privatimque omifit. Suet. Jul. Ccef. i6. An de R. 701. Cicer. Coss. Cn.PomhKE le Grand III. Q. Cjeci- lil's MEtellus SCfe pion.  An. de R. 701. Cicer. 55. Coss. Cn.Pompee Xe Grand iii. Q. CeciXius Ml. teilusscx. pion. (a) Ad Att. 5- , i j. (b) Cum & contra voluntatem meam & prauer opinionem accidiflet ut mihi cum imperio in provinciam pro-: ficifci necefle elfet. Ep. fam. 3,1. depuis 44S HlSTOIRE DE LA Vie pendant les cinq ans d'exclufion , les provinces vacantes feroient diftribuées entre les fénateurs , confulaires & prétoriens, qui n'avoient jamais eu de commandement étranger. Cette diftribution devoit dépendre du fort. Ainfi dans le tems que Cicéron y penfoit le moins , il fe trouva mêlé dans ce partage, & le hafard lui fit obtenir Ia province de Cilicie , qui étoit alors occupée par Appius, un des derniers confuls. Outre la Cilicie cette province comprenoit la Pifidie & la Pamphilie, trois cantons de 1'Afie qui n'avoient pas d'autre nom , & 111e de Cypre. On affigna au gouverneur , pour la garde ordinaire du pays , douze mille hommes de pied, & deux (a) mille fix eens hommes de cavalerie. Cette nouvelle difpofition fut rggardée de Cicéron comme un événement fi extraordinaire , qu'il prit le parti de s'y foumettre. On s'efforcoit d'écarter du gouvernement des provinces (b) ceux qui les défiroient avec une paffion déréglée ; & lui qui les avoit refufées conftamment, s'y trouvoit rappelé contre fon attente & prefque malgré lui. Le féjour de Rome, a la vérité, lui offroit  DE C I C Ê R O N, L I V. VI. 44? 'depuis long-tems des objets aflez défagréables pour lui en fairefupporterleloignementfansimpatience. Ses dégoüts n'avoient fait qu'augmenter depuis la mort de Julia & de Cralfus, par les craintes & les jaloulïes mutuelles qu'on commencoit a découvrir de jour en jour entre Pompée & Céfar. Le fénat ne celfoit point de favorifer Pompée ; & ne pouvant perdre la confiance qu'il avoit au nom & a 1'autorité d'un li grand homme, il fe propofoit de le faire fervir a rabailfer 1'orgueil & 1'ambition de Céfar. Mais un projet fi important demandoit d'être entrepris avec plus de diligence & prelfé avec plus de vigueur. Céfar , qui n'ignoroit pas qu'on penfoit a le rappeller de fon gouvernement, étoit réfolu de s'y conferver malgré fes adveriaires. II fe repofoit fur la valeur & fur 1'attachement de fes foldats. Une partie de fes troupes étoit déja dans la Gaule Cifalpine , piêtes a foutenir toutes les prétentions d'un général qui les avoit accoutumées a vainere fous fes ordres; & 1'Italie commencoit a n'avoir plus pour perfpecbive que les triibes approches d'une guerre civile. Telle étoit la fituation des affaires publiques lorfque Cicéron fe rendit dans fa province. Fin du Tome fecond. Torne IL Ff An. de R. _ 7°L Cicer. 55. Coss. Cn.Pompee le Grand III. q. Cmcx- L1US METELLUS5CI'!PION.