HISTOIRE D E CICÉRON, TIR É E DE SES ÉCRITS E T DES MONUMENS DE SON SIECLE< Avec les Preuves & des Eclairciffemens : Traduite de 1'Anglois, par 1'Abbé Pkévost. TOME TROISIÈME. ft AMSTERDAM, Etfe trouve a Paris, RUE ET HOTEL SERPENT E. M. DCC. LXXXV.   HISTOIRE DE LA VIE D E C I C É R O N. L1VRE SEP TIÈME. Cette année fait louverture d'uae nouvelle fcène dans la vie de Cicéron , & le préTente fous un cara&ère qui n etoit pas moins nouveau pour lui. Les dignirés éclarances de gouverneur de province & de général darmee j excitoient par deux raifons 1'ambition des citoyens de Rome : elles offroient, comme un fruit certain , les deux plus grands biens de la fortune ; c'eft-a-dire , les richeffes & le pouvoir. Quoique 1'autorité dun gouverneur fut dépendante du peuple romain ,°dle Tomé III. ^ An. de R. _ 702. Cicer. s S. Coss. Sfrv.Suipicius Ru- fus. M. ClAUdius Mar« CEiLUS.  An. de R. 701. Cicer. 5s. Coss. Serv. sul picius Ru- fus. M. Clau pius Mar CEU.US. 2 HlSTOIRE DE LA VlE étoit abfolue dans fa province. II y étaloit toute la pompe des plus puiflans monarques. Les princes voifins venoient compofer fa cour & prendre fes ordres. Si fon inclination le portoitala guerre, il ne manquoit jamais de prétexte pour la faire a fes peuples ou aux alliés de la république. Détruire une nation innocente, que 1'oppreffion avoit forcée de prendre les armes,c etoit s^élever a la gloire. II acquéroit le titre d'empereur au prix du fang de ces miférables ; & prétendant enfuite au triomphe, il retournoit a Rome pour y tecevoir un honneur (a) fans lequel on ne voyoit guère arriver de proconfuls des provinces éloianées. Les facilités qu'ils avoient pour amaffer de 1'argent étoient fans hornes. Ils n'avoient pas d'autre règle que leurs propres défiis; fans compter que les appointemens qu'ils recevoient du tréfor, pour leurs équipages, (*) pour leur vaiffelle, & ( fut obligé de coucher a caufe de la fête. Pour 33 moi j'allai coucher a Arpinum. Vous connoif3> fez cette maifon. Lorfque nous y fümes arriS3 vés , mon frère dit a votre fceur d'inviter les » dames a diner, & qu'il prieroit les hommes. II » me femble que ni la chofe en elle-même, ni »3 la manière dont mon frère lui paria n'avoient » rien qui dut la choquer. Elle répondit néan33 moins sèchement : Je ne fuis donc pas la maï»trelfe ici ? Et cela apparemment paree que J3 nous avions envoyé devant Statius, pour nous 33 faire préparer a diner. Voila , dit mon frère , 33 ce que j'ai a-efTuyer tous les jours. Ce n'eft pas 33 la une grande affaire, me direz-vous. Plus grande 33 qu'elle ne paroïr, & je fus moi-même indigné 33 de 1'aigreur & de la hauteur avec laquelle elle 3> lui paria. Quoique cela me fit beaucoup de peine, » je feignis de ne m'en être pas appercu. Quand >3 on eut fervi , elle ne voulut pas fe mettre a 33 table avec nous , & mon frère lui ayant envoyé 33 quelques mets, elle les renvoya. Enfin, jamais 30 mon frère n'eut plus d'honnêteté, & jamais elle  ï> E C I C É R O N, L I r. VIL 7 a> nen eut moins. Je paffe fur plufïeurs particula» rités qui me causèrent plus de chagrin qua lui33 même. J'ailai coucher a Aquinum. Mon frère, »qui me vint joindre le lendemain , me dit si que fa femme n'avoit pas voulu fe mettre 33 au lit avec lui, & qu'en la quittant elle avoit 33 eu les mêmes manières que je lui avois vues le 33 jour précédent. En un mot, vous pourrez dire 33 a votre fceur que pour cette fois je trouve que 3> le tort eft entièrement de fon cöté. Je vous ai 33 fait ce détail peut-être un peu trop long , pour as vous engager a lui donner des avis dont elle 33 a befoin aufïi-bien que mon frère ». La feule obfervation que la gravité de 1'hiftoire permette fur cette querelle domeftique, & qui eft confirmée par une infinité d'autres exemples, c'eft que la liberté du divorce, qui étoit prefque fans frein a Rome , n'apportoit rien d'avantageux a 1'état du mariage, & ne fervoit au contraire de la part de deux époux qu'a augmenter mutuellement leur dureté & leur obftination. Au moindre caprice & fur le premier fujet de dégout , 1'expédient de fe féparer étoit toujours celui qui fe préfentoit le premier. On fe flattoit d'un fuccès plus heureux dans un autre effai; car on paffoit d'un engagement a 1'autre avec une licence incroyable, & jamais 1'infidélité & le mépris du lien nuptial n'ont eu fi peu de retenue qu'ils en A iv An. Ac R. _ 701. Cicer. j6. Coss. Serv. Sulpicius Ru- fus. m. ciau. dius marceiius.  An. de R. 701. Cicer. f£. Coss. Serv. SUL- ncius Ru- FÜS. M. ClAUDIUS MARCELLUS. ( a ) In Cumano cum effem, venit ad me , quod mihi pergratum fuit, noiler Horten/nis; cui depofcenti mea mandata, cxtera univerfe mandavi, illud proprie , ne pateretur, quantiim effet in ipfo , prorogari nobis provïnciam. Habuimus in Cumano quafi pufiïlam Romam , tanta erat in his locis multitudo. Ibid. z. (6) Nos Tarenti quos cum Pompeïo dialogos de rep. habuerimus, ad te perfcribemus. Ibid. f. Tarentum veni ad XV. kalend, jun, quod Pontinium flatueram expedare, commodiffimum duxi dies eos cum Pompeio confumere; eoque magis, quod ei gratum eiïe id videbam , qui etiam a me petierit ut fecum & apud fe eflêm quotidie; quod concern1 libenter : muitos enim & prsclaros ejus de rep. fermones accipüm. Infiruar etiam conflliis idonels ad hoe noftrum negotium. Ibid. 6. Ego cum triduüm cum Pompeio & apud Pompeium fuiiïem, profkifcebar Brundufiun> Civem illum egregium relinquebam , & ad hxc qua; timentur propuifanda paratiffimum. Ibid. 8 HlSTOIEÏ DE LA VlE avoient alors a Rome, parmi les grands de 1'un & de 1'autre fexe. Cicéron s'arréta quelques jours a fa maifon de Cumes, dans le voifinage de Baies , ou il recut tant de vifïtes qu'il crut avoir une pet'ue Rome aurour de lui. Hortenfius, qui lui rendit aufli ce devoir (a) , lui ayant demand« quels ordres il avoit a lui donner pendant fon abfence ; un feul, répondit Cicéron , c'eil d'empêcher s'il elf pofllble, qu'on ne prolonge mon terme. En feize jours depuis fon départ (b) de Rome, il fe  de Cicéron, L i v. VII. 9 rendit a Tarenre pour voir Pompét, a qui il avoit promis cette vi/ïte. II le trouva dans une de fes maifons de campagne oü il prenoit 1'air de ce canton , dont il avoit befoin pour fa fanté. Ayant prefïe Cicéron d'y palier quelques jours avec lui, ils les employcrent a raifonner fur les affaires publiques, qui étoient 1'objet commun de tous leurs foins; & Cicéron , a qui fon nouvel emploi ne promertoit pas toujours des exercices tranquilles, tira d'un fi grand général quelques lecons fur l'art militaire. II promit 3. Atticus le détail de toutes ces conférences : mais jugeant enfuite que des affaires fi délicates ne devoient point entrer dans une lettre, il fe contenta de lui marquer qu'il avoit lailfé Pompée dans toutes les difpofïtions d'un excellent citoyen , & préparé conrre tous les évènemens qui pouvoient menacer le repos public. Après lui avoir donné trois jours, il partit pour JJrindes, oü il en pafTa douze , arrêré par une légere indifpofition & par la lenreur de fes principaux officiers qui avoient ordre de le joindre dans cette ville. II y attendoit partlculièrement Pontinius, un de fes lieurenans, déja célèbre par fon expérience dans les armes, & par 1'honneur qu'il avoit eu de triompher des allobroges. C'étoit fur fon habileté que Cicéron fe repofoit pour fes entreprifes militaires. Le quinze de juin il s'em- An. de R. _ 701. Cicer. 56. Coss. •sekv. sur.- pic1us Rufus. M..CLAU- dius Marcellus.  An. He R. 701. Cicer. 56. Coss. Sbkv Sul Picius Ru Fus. M.ClAU DIUS Mar CEILUS, ( a ) Ad Att. f,8,9. (M Valde me Athen* deleftarunt : urbs duntaxat & urbis ornamentum , & hominum amores in te & in nos quidam benevolentia; fed multum & philofophia....... &l quid eft in Ariftippo, aPud quem eram; nam Xenonem turn Quinto concefferam. Ad Att. 5 , ^P- fam- 1581 13, 1. IO HlSTOIRE DE EAViE barqua pour Attium avec tout fon cortège , & dela prenant fucceffivement (a) par mer & par terre, il arriva le 16 a Athènes. II fe logea dans : la m'aifon d'Ariftus , premier profeffeur de 1'aca■ démie , & fon frère dans celle de Xefton , célèbre ' philofophe de lëcole d'Epicure. Le féjour de cette ville leur procura des plaifirs qui les y arrêtèrent plus long-tems qu'ils ne fe 1'étoient propofé. Chez leurs hotes , ils s'occupoient de philofophie (*) : le refte du tems étoit accordé a lëmpreffement & aux careffes des honnetes gens d'Athenes , qui chérifToient dans Cicéron , & fon propre mérite & fe? fentimens pour Atticus , avec leqnel ils avoient quelque Üaifon. Les ornemens d'Athènes , fes édifices , fes antiquités , 1'entretien de plulieurs favans hommes grecs & xomains, tels que Gallus Caninius, & Patron furent un autre amufement dont Cicéron ne le ialToit point, & qu'il auroit préféré volontiers a fon o-ouvernement de Cdicie. AAènes avoit alors entte fes habitans, C. Mem-  DE ClCÉRO N,ijf. VIL li mius, qui avoit été banni de Rome après avoir été convaincu de brigue dans fa prétention au confulat. II étoit parti pour 'Mirylène un jour avant 1'arrivée de Cicéron. Le rang qu'il avoit tenu a Rome lui ayant procuré de la confidération parmi les athéniens , il avoir obtenu de 1'aréopage , pour fe faire batir une maifon , quelqu'efpace de terrein qui avoit été habité par Epicure , & oü 1'on voyoit encore les relres de fa demeure. Tout le corps des épicuriens n'avoit pu fupporter fans chagrin la ruine d'un monument fi refpeclable. Leur zèle pour la mémoire de leur maitre les avoit portés a folliciter Cicéron, avant qu'y eut quitté 1'Iralie , d ecrire a Memmius pour lui öter le deflein de leur faire eet outrage ; & le voyant dans Athcnes, Xenon 6V Patron renouvelèrent fi vivement leurs inftances, qu'ils 1'engagèrent a tenter fon crédit fur 1'efprit de Memmius. II lui écrivit dans les termes (a) les plus' prellans; mais fa lettre eft celle d'un homme qui ne fe livroit pas aux foiblelfes que fa bonté lui fai- (a) Vifum eft Xenoni, & poft , ipfi Patroni, me ad IWemmium fcribere , qui pridie quam ego Athenas veni, Mitylenas profeftus erat. Non enim dubitabat Xeno, quin ab areopagitis invito Memmio impetrari non pofTet. Memmius autem xdificandi confilium abjeciflet, fed erat Patroni iratus. Itaque ad eum fcripfi accurate. Ad Att. % , 11. An. de R. 701. Cicer. 5 ff. Coss. Serv. SOLpicius Ru- ïus. m Claüdius marcellus.  An.de R. 702. Cicer. 56. Coss. Serv. Sulpicius Ru- ius. M. Cl.au- p1us Marce1lus. M, T. Cicéron a Trebatius. Je commencois a m'étonner de ne plus recevoir de vos lettres, lorfque j'ai appris de Panfa que vous vous êtes fait épicurien. O la charmante nouvelle ! qu'auriez-vous donc fait fi je vous avois li HlSTOIRE DE LA Vlï foit fupporter. II badine avec Memmius du zèle frivole de tous ces philofophes pour quelques mafures de leur fondateur; & s'il le prie inftamment d'avoir pour eux 1'indulgence qu'ilsluidemandent, il ajoute, « que cëft un préjugé qui ne fait pas » beaucoup d'honneur a leur raifon. II aflure d'ail?3 leurs, quoiqu'il ne falTe point profeffion de « leur philofophie , que ce font d'honnêtesgens & » d'ao-réables amis, pour lefquels il fait gloire 33 d'avoir la plus haute eftime 33. On apprend par cette lettre que la difFérence des fentimens n'em-, pêchoit point alors les philofophes & les perfonnes diftinguées par 1'efprit de vivre dans une parfaite amitié. Cicéron étoit 1'ennemi déclaré de la doctrine d'Epicure ; il la regardoit comme la mine de la morale & de tous les biens de la fociété. Mais ce reproche ne tomboit pas fur les profeffeurs & ne regardoit que leurs principes. Nous avons une lettre badine a Trebatius, qui avoit embrafïe 1'épicurianifme, dans laquelle il confirme lui-même cette réflexion :  de Cicéron, Liv. VII. 13 envoyé a. Tarente au lieu de Samerobrive ! J'ai commencé a mal augurer de vous depuis que vous avez pris mon ami Seius pour modèle. Mais de quel front exercerez-vous déformais la profetïion d'avocat, lorfque votre principe eft de rapporter touc a votre intérêt & rien a celui de votre cliënt? & que deviendra pour vous eet ancien axiome de fidélité, que les hommes fincères doivent agir fincèrement 1'un avec 1'autre ? Quelle loi oferez-vous citer pour 1'établiiTement du droit commun, puifque rien ne peut être commun entre ceux qui n'ont point d'autre règle que leur propre plaifir ? Comment pourrez-vous jurer par Jupiter , puifque Jupiter, comme vous le favez bien, nëft pas capable de colère contre les hommes 2 Ec que ferez-vous de vos gens d'Ulubre, lorfque vous ne voulez point qu'un homme fage fe mêle de politique i Ma foi, li vous nous avez déferté , jën fuis faché ; mais fi cëft a Panfa qu'il en faut faire compliment, je vous le pardonne : a condition néanmoins que vous m'écrirez quelquefois ce que vous faites & ce que je puis faire ici pour vous. Cicéron mit a la voile pour 1'Afie, après avoir donné dix jours aux amufemens d'Athènes. En quitrant 1'ltalie il avoit chargé Coelius de lui mander les nouvelles de Rome, & ce commerce, qui fut entretenu fort régulièrement, nous a valu uo An. de R. 702. Cicer. 5 6. Coss. Serv. Sutpicius Ru- fus. M. ClAU- öius Mar- CHLLUS.  An. de R. 701. Cicer. Tous les décrets du féuat, les édits , les pièces de théatre, les évènemens &c les bruits publics. Si eet ellai ne vous plak pas, prenez la peine de me le marquer, paree qu'il feroit inutile de faire de la dépenle pour vous caufer de 1'ennui. Lorfqu'il fe trouvera quelque chofe qui furpaiTera la portee de ces écrivains de relai, je vous en ferai le récit moi-même, en joignant au fond de la chofe les fpéculations qu'elle aura fait naïtre, & les fuites qu'on enappréhende. A préfent je ne vois rien qui excite une grande attente. La nouvelle, qui faifoit tant de bruit a Cumes, d'une alTemblée des colonies au-dela du Pó , n'étoit pas même connue ici a mon arrivée. Marcellus n'ayant point encore propofé de fuccelleur pour les deux Gaules, & remettant, comme il me 1'a dit lui même, cette propofition au mois de juin , on en parle comme 1'on faifoit tandis que vous édez a Rome. Si vous avez vu Pompée dans votre voyage, comme c'étoit votre deffein en nous quittant, je vous prie de me faire favoir dans quelle difpofition vous 1'avez trouté, quelle forte d'entretien vous avez eu avec lui, 6c ce que vous avez jugé de fes inclinations j car il eft capable de dire une chofe & d'en penfer une autre , quoiqu'il n'ait point alTez dëfprit pour déguifer parfakement ce qu'il penfe. A 1'é- An. de R. 702. Cicer. 5 e, Co ss. Serv.Sulpicius Rv- fus. M, ClAübius Mar- cei1u5.  An. de R. 701. Cicer. 56. Coss. serv.sulpicius Rurus. M.Clau- dius marce1lus. \6 HlSTOIRE DE LA VlE gard de Céfar, il court de fort mauvais bruitS fur fon compte. On fe les communiqué encore a 1'oreille. Quelques-uns prétendent qu'il a perdu toute fa cavalerie, & je crois cette nouvelle aflez vraie; d'autres alTurent que les fept légions ont été taillées en pièces, & qu'il eft affiégé lui-méme par ceux de Beauvais, fans aucune communication avec le refte de fon armée. On n'ofe pariet de tout cela publiquement, paree qu'il n'y a point encore de certitude , & les perfonnes mêmes que vous favez fe le difent comme un fecret. Domitius nën parle jamais fans porter le doigt a la bouche. Le 21 de mai il fe répandit un bruit au forum , & puilTe-t-il retomber fur la tête de fes auteurs! que vous aviez été tué fur votre route par Q. Pompée. Mais moi qui le favois a Bauli, & dans un érat fi miférable qu'il a pris le parti de fe faire pilote pour s'alTurer du pain, je ne me luis pas fort ému de cette ridicule nouvelle , & j'ai fouhaité feulement que lï vous étiez menacé en effet de quelque danger , vous en fuffiez quitte pour eiTuyer ce menfonge. Votre ami Plancus Burfa eft a Ravenne, oü Céfar lui a fait un préfent confidérable, mais qui ne rend point encor.e fa fituation fort aifée. Votre ouvrage fur le gouvernement eft applaudi de tout le monde.  13 e Cicero n, L i r. VIL i? M. T. Cicéron, Proconful, a M. Calius. Eft-ce lh,sil vous plaït, ce que je vous avois demandé? Vous mënvoyez des hiftoires de gladiateurs, des ajournemens de caufes, des lettres nouvelles de Chreftus, &c mille chofes dont on n'ofe panier devant moi quand je fuis a Rome. Voyez 1'opinion que j'ai de vous. Et ce nëft pas fans raifon affurément, car je ne connois pas de meiüeure tête que la votre pour les affaires politiques. Je ne demande point que vous mëcri-. viez ce qui fe paffe tous les jours dans le public, de quelqu'importance qu'il foit, k moins qu'il n'ait quelque rapport a moi. J'ai d'autres perfonnes qui me rendront ce fervice, & Ja renommee feule fait paffer bien des chofes jufqu'ici. Jc n'atrens point de vous la relation du préfenr ni celle du paffe. Ne vous attachez'qu'au futur , comme un homme qui voit fort loin devant foi; afin qu'ayanc dans vos lettres le plan de la république, je puiffe juger quel fera lëdifice. Jufqua préfënt je n'ai pas fujet de m'en plaindre ; car il nëft rien arrivé que nous n'ayons pu prévoir comme vous; furtout moi, qui dans plufieurs jours que j'ai paffés avec Pompée , n'ai point eu d'autre entretien avec lui que fur les afFaires publiques. Ce nëft pas dans une lettre que je dois hafarder ces détails ; mais apprenez feulement de . moi que Pompée Tome III% jj An. de R, Citer. 56, C05S. Serv.sul- ?IC1DS RuM Clav- >IWS M,ÏR-  An. de R. 70*. Cicer. 5 ff. Coss. Serv. SulpiciUb Ru- eus. M. CLAUdius MARCELLUS, 18 HlSTOïRE DE LA V I E eft un excellent citoyen , dont la prudence Sc le courage font en garde contre toutes fortes dëvènemens. Ainfi ne faites pas difficulté fur ma parole, de vous livrer a lui. II vous recevra avec empr'efTement, car il fait diftinguer aujourdhui , comme nous, les bons Sc les mauvais citoyens. Après avoir paiTé dix jours a Athènes, oü j'ai vu contmuellement notre ami Gallus Caninius , jën fuis parti le € de juillet, & je fais partir cette lettre au même moment que moi. Je vous recommande inftamment toutes mes affaires, mais rien avec plus d'ardeur, que dëmpêcher la proloncation de mon gouvernement. Tous mes défn-s°fe réuniffent a ce point. Cëft a vous de trouver 1'occafion & les moyens de me rendre un fi important fervice. Adieu. Cicéron prit terre a Ephèfe le 22 de juillet , après quinze jours d'une navigation tranquille , mais fort lente, dont lënnui fut néanmoins fort modéré par le plaifir qu'il eut de toucher en chemin a plufieurs ües de la mer Egée. II fait a Atticus un journal de ce voyage. «Cëft une ter„ rible chofe que la mer, lui dit-il, & cela au „mois de juillet. En fix jours nous n'avons ,3 pu aller que d'Athènes a Delos. Le jour de » mon départ nous eümes le vent fi contraire , que nous n'allames que du Pirée a Zofterre, oü , nous fümes obligés de féjourner lejour d'après.  DE ClCÊKON, L t f. FII. i9 * Le huk nous gagnames Ceo par un forc beau » tems : de Ceo a Giare le vent fut très-fort, *> mais fans être contraire. IJ nous mena les deux * jours fuivans a Scyros & a Delos , un peu plus » vïte que nous ne 1'aurionsfouhaité. Vous favez ce » que c'eft que les vaiileaux plats de Rhodes, ils ne » font pas fürs dans tin gros tems. Ainfi je n'ai point » envie de me preffer , & je ne partirai de De» los qu'après avoir bien confulté toutes les gi" rouetes *>. En arrivant a Ephèfe il recut les députations de toutes les villes de 1'Afie , & les complimens d'une infinité de perfonnes qui étoient venues de fort loin au-devant de lui. Les Décumans de Ja république « lui firent, dit-il, autant «d'honneur (a) qlIe s'il eut été le gouverneur (a) On appeloit décumans les fermiers généraux de la république en Afie , paree qu'ils afFermoient Je dixième que les terres de ce pays devoient au peuple romain. Mais pour entendre eet endroit, Ü faut fe fouvenir que les fermes étoient tenues par les chevaliers romains. Cicéron avoit toujours foutenu qu'il étoit trés-important de ménager eet ordre, qui étoit devenu trés - puiiïant par fes grandes richeffes. II y avoit réuffi pendant fon confulat: mais il avoit vu enfuite avec chagrin que Céfar avcit profité des fauifes démarches de quelques fénateurs pour mettre les chevaliers dans fes intéréts, & il avoit condamné hautement la fermeté mal-entendue de ceux qui n'avoient point eud'égarda leurs demandes. 11 alloit fe trouver lui-mêrae B ij An. J? R. i 702. Cicer. 5 s, Coss. SERV.SUi- picius Rubus. M. Cx.aumus Mar.' celj.us.  An. de r. 701. Cicer. ^S. CüSS. Serv.Suipicius R.UFUS. M. ClAU mus Makcellus. dans un pareil embarras; car il étoit trés - difficüe a un gouverneur de province de favorifer les fermiers fans que les peuples en fouffriflent , ou de refidre iuüice aux peuples fans mécontenter les fermiers. Ad Att. f, tj. (a) Laodiceam veni prid. kal. fextiles. Ex hoe die clavum anr.i movebi";. Ibid. 20 HistoiredelaVie » de la province, & les gens du pays lui mar» quèrent autant d affeófcion qua leurs propresmaD giftrats ». II ajoure que le tems étoit donc venu de juftifier par fa conduite ce qu'il avoit foutenu depuis tant d'années. Ayant pris trois jours de repos a Ephèfe, il prit directement le chemin de la province, & le dernier de juillet il arriva a Laodicée (a), une des principales villes du gouvernement de Cilicie-, c'eft de ce jour qu'il date le' commencement de fon année, de peur qu'on ne le trompe, dir-il, en lui donnant plus d'étendue qu'il ne le délire. II s'étoit propofé dans fon. adminiitration de faire lëlfai de ces regies admirables qu'il avoit autrefois dreflées pour fon frère, & de tirer d'un office ennuyeux & défagréable une nouvelle gloire pour fon caradère , en lailTant 1'innocence de fa conduite & la juftice de fes aólions pour modèle a fes fucceffeurs. Cétoit un. ancien ufage entre les proconfuls, lorfqu'ils partoient pour fe rendre dans leur province, de marcher avec toute leur  de Cicéron, L i v. VIL n fuite aux frais des cantoris qui fe trouvoient fur leur paflage. Mais Cicéron nëut pas plutot mis le pied fur le terrein d'autrui qu'il ne voulut être a charge ni aux villes ni aux particuliers. II n'y prit pas même (a) ce qui étoit dü a fon rang par la loi Julia. II ne voulut rien recevoir de fes hótes ; & eet exemple , dont il fit une règle pour tout fon cortcge, caufa de 1'admiration (a) La !oi Juüa , qui étoit du confulat de Jules-Céfar, portoit que dans toutes les provinces les villes fourniroient aux gouverneurs & a tous ceux qui étoient envoyés par le fénat, du foin, du bois , du fel, quatre lits , 8tci Toutes les villes & les bourgs de chaque province contribuoient a cette dépenfé, avec celles qui étoient fur les grands paffages. Ego quotidie meditor , prarcipio meis, faciam denique ut fumma modeftia & fumma abftinentia munus hoe extraordinarium traducamu^. Ibid. 9. Adhuc fumptus nee in me aut publice, aut privatim, nee in. quemquam comitum. Nihil accipitur lege Julia , nihil ab hofpite ; perluafum eft omnibus meis ferviendum ellè famaj mix. Belle adhuc. Hoe aninvdverfum gracorum laude & multo fermone celebratur. Ibid. 10. Nos1 adhuc iter per Graxiam fumma cum admiratione fecimus. Jbid. 11. Levantur mifens civitates , quod nullus fit fumptus in nos , neque in legatos, neque in quxftorem , neque in quemquam. Sclto non modo nos foenum aut quod lege Julia dari folet non accipere , fed ne ligna quïdem , nee pYaner quatuor leclos & teétum quemquam accipere quidquam: multis locis re tectum quidem , & in tabernaculo manere pierumque. Ad Att. 5, 16. * B iij An. de R. 70 Cicer 5S. Coss. Serv. ">u1> picius Ru- fus. M. Cl.aud1us MARcellus.  An- jufqu'a le prier de deftiner pour Brutus 1'argent 3. qu'il m'offroit. Pendant quelques jours qu'il a 33 paffés avec moi il y a paru difpofé. Mais a peine » m'eut-il quitté qu'il fe vit afliégé par une foule 33 de gens d'affaires de Pompée, qui a plus de 33 pouvoir que perfonne fur 1'efprit de ce prince , 33 & qui en a d'autant plus dans ces dernières (4) Ad Att. 6, x. An. de R. 701. Cicer. %6. Coss. Serv.üulpicius Ru- fus. M.Clatjd;us NiARcellus.  An. de R. 701. Cicer. sS. CpiS. SE«\ . SVVP1C1US ' orincipal *>. Mais Brutus avoit reccmmandé a Cicéron une  de Cicéron, L i v. VIL 29 affaire de la même nature , qui lui caufa beaucoup plus dëmbarras. La ville de Salamine devoit a deux de fes amis , Scaptius , & Matinius, la fomme dënviron cinq eens mille francs, au plus liaut intérêt. II demandoit au proconful de Cilicie , dans le gouvernement d,uquel i'Jle de Cypre étoit comprife , de prendre fes amis fous fa proteclion. Appius , a qui Cicéron avoit fuccédé dans. cette province, étarit beau-pcre de Brutus, avoit aidé 'Scaptius de toute fon autorité. II lui avoit donné une préfe&ure , & le commandement d'une troupe de cavalerie , dont il avoit abufé pour tourrnenter les habirans de Salamine, & les fbrcer par la violence a le payer. Un jour ayant (a) enfermé tout leur fénat dans la falie qui fsrvoit a leurs afïemblées, il 1'y rerint fi iong-tems que cinq des fénateurs y moururent de faim. Brutus vouloit lui faire obtenir le même degré de faveur auprès du nouveau proconful. Mais Cicéron ayant été informé de fes violences par'une déourarion de la ville de Salamine, lui öta fa préfeclure & le commandement de fes troupes, fous prétexte qu'il s'étoit fait une loi de n'accorder aucun em- (a) Fuerat enim prafectus Appio , & quidem habuerat turmas equitum , quibus incltifjin in cum fenatum S damina; obfederat, ut fame fenatores quinque morerentur. Ibid. An. ie r; 7 Cicer s<. Coss. Smv. SULPiCiüs Ru- FUs'. M. CI.AUBIÜ> V.1RCElLUi.  An, de R. 702. Cicer. 56. Coss. SERV. SULïicius Rurus. m.claudius Marcellus. (a) It?.que ego quo die tetigi provinciam, cum mihi cyr-ri legati Ephefum obviam veniiïènt, literas min*, ut cquitesex infula flatim decederent. Ad Au. 6, 1. Con- feceram ut folverent centefimis at Scaptius quaternas poQulabat. Bid Homines non modo recufare, fed etiam dicere fe a me folvere. Quod enim prxtori dare confueflent, quoniam ego non acceperam, fe a me quodam modo dare : atque etiam minus effe aliquanto in Scapta nomine quam in vecrigali prastorio. Ibid. J , *i. 30 HlSTOIRE D £ LA VlE ploi de cette nature a ceux qui avoient quelqu'intérêt de commerce ou dargent dans la province. Cependant pour donner quelque fatisfaélion a Brutus, il ordonna aux habitans de Salamine de payer ce qu'ils devoient a Scaptius , fuivant la forme d'un édit qu'il avoit déja porté , par lequel il étoit défendu dans la province de faire monter l'intérêt de chaque mois au-deiTus d'un pour cent. Scaptius refufa d'accepter le payement dans ces termes, infiftant fur les conditions du contrat, qui portoient quatre pour cent, ce qui avoit déja fait monter les arrérages de l'intérêt au doublé du capital (a) ; tandis que les falaminiens proteftoient a Cicéron qu'ils n'auroient pas été même en état de payer le capital, s'il n'avoit eu la gé< nérofité de leur remettre la fomme qu'ils avoient coutume de donner aux gouverneurs, & qu'ils deftinoient ï s'acquitter avec Scaptius.  de Cicéron, Lip-. VIL 31 Une extorfion fi odieufe ennamma 1'indignation du proconful. II réfolat , malgré les inlfances d'Atticus & de Brutus , de la réprimer avec route la févérité de fa juftice • & 1'aveu que lëfpérance (a) de le toucher fit faire a Brutus, de s'être fervi du nom de Scaptius pour fe faire payer d'une dette qui le regardoit lui-même, nëut pas la force dëbranler fa réfolution. Cependant il fut doublement affligé , & de trouver Brutus capable d'une injuftice, & de ne pouvoir fuivre aux dépens de fon devoiri'inclination qu'il avoit a 1'oblio-er. II s en piamt amerement dans fes lettres a Atticus (Z>). aVoila, dit-il, le détail de 1'afFaire dont Brutus » fe croit en droit de faire des plaintes. S'il me » condarnne fur eet expofé, je ne veux point avoir 33 de tels amis, & je fuis bien für du moins que 33 Caton fon oncle ne me condamnera pas.... 33 Si Brutus prétend que contre mon propre édit, 33 & contre tous les autres jugemens que j'ai ren33 dus, (c) je doive faire payer Scaptius fur le (a) Atque hoe tempore ipfo impingie mihi epiffolam Scaptius Bruti , rem illam fuo pericuio ene; quod nee mihi unquam Brutus dixerat nee tïbï. Bid. Nunquam ex illo audivi illam pecuniam efle fuam. Bid. (*) Habes meam caufam : qua; fi Bruto non probatur, nefciocurillum amemus: fed avunculo ejus certe prob?.bitur. Bid. f,zit (••) Ibid, An. <3e R. _ yot. Cicer. 5 ff. Coss. Serv.SuiPICI. s RuFUs. M ClAUR1US MarCEJLX.US.  An. au premier 33 pour Lenius, qui d'ailleurs eft de vos amis, 8c 33 au fecond pour Sextus Statius, ne 1'ayent pas 33 trouvé mauvais; s'il eft choqué de ce que j'ai 33 fait fortir de file de Cypre cette cavalerie que 33 Scaptius commandoit, je fuis bien faché de ne 33 pouvoir pas lui plaire •, mais je le fuis bien daas vantage de le trouver fi différent de 1'idée que 33 je m'étois formée de lui. Je vous avois déja »3 écrit affez au long fur cette matière •, mais j'ai 33 été bien aife de vous faire voir que je n'ai 33 pas oublié ce que vous m'écriviez dernièrement, 33 que quand le pofte ou je fuis ne me vaudroit 33 que 1'occafïon de gagner 1'amitié de Brutus, ce 33 feroit toujours beaucoup. Je veux croire quëlle 33 me feroit fort avantageufe ; mais vous ne you3» driez pas fans doute que je la gagnaffe aux dé33 pens de la juftice. J'ai fait pour Scaptius tout 33 ce que mon édit me permettoit. Que pouvois33 je faire de plus ? je mën rapporte a vous, & je nën 3» appellerai point a Caton. Mais jugez-moi fuivant 33 les maximes & les régies que vous m'avez don33 nées vous-même, & qui font gravées profondé» ment dans mon efprit. Lorfque vous me quitta- tes  »e Cicéron, L i r. VIL 33 » tes les larmes aux yeux, vous me recomman» dates par-deflbs toutes chofes d'avoir foin de - ma réputation, & vous m'en faites fouvenir dans » toutes vos jettres. Si quelqu'un „'eft pas content - ^ moi, je m'en confolerai , pourvu que j'aie la -juftice de mon cöté, a préfent fur-tout que - jaipns de nouveaux engagemens avec elle, en - donnant mes fix livres de la république ». Enfin dans une autre lettre, car 1'attention ne fe lalTe point en lifant les fentimens d'une fi haute vertu • «Quoidonc, cher Atticus (a)l vous qui vantez' » mon inrégrité & ma verru , vous me priez de » donner des troupes l Scaprius pour extorouer > de 1 argent! cette prière , comme parle Ennius »a-t-elle pu forrir de votre bouche?Vous êtes » quelquefois fiché , me dites-vous, de nëtre pas * venu avec moi: fi vous y étiez , me laifferiez-vous - taire ce que vous me propofez dans 1'éJoiene»ment? Comment oferois je après cela regarder » ces hvres dont vous êtes fi content? En vérité (*') Ain' tandem, Attlce , laudator integritatis & eW » Scaptio ad cogendam pecuniam darem , me rogre? Aut tu fi mecum eiTes, qui fcribis morden te interdum q-d non fiurul fis , paterere me y facere fi ego audebo .egere unquam aut at.ingere eos Hbros quos tu laudas , fi tale quid fecero > Ad Att. 6 * ?W /ij. • * c An. de r. . 7°1. Cicer. 56. Coss. Sekv. Sulp1cius Rufus. M.CLAUDIUS MAR- ceeius.  An. de r- 701. Cker. 5«. Coss. SEFV.SUL- picius RUFUS. m. CI.au. mus MarCEiLUS. fa) Ad me etiam, cum rogat aliquid , contumaciter, arroganter, folet fcribere. Ibid. 6, l. Omnino, foh emm fumus, nullas unquam ad me literas mint Brutus, m qmbus non efietarrogans aliquid, in quo tarnen ille mih. nfcm magis quam flomachum movere folet: fed plane parum cbgkat quid fcribat aut ad quem. Ibid. 6,3. (b ) Bruti tua caufa, ut fepe fcripfi, feci omnia. Anobarzanes non in Pompeium prolixior per ipfum quam per me in Brutum. Pro ratione pecunia- liberius eft Brutus tractams quant Pompeius. Bruto curata hoe anno talenta circitet C. Pompeio in fex menfibus promifla cc. Ibid. 34. HistoireDELaVie vous avez dans cette occafion trep d'égard pour „ Brutus, & trop peu pour moi », ü lui dit même en confidence , que toutes les lettres de Brutus, lorfqu'il ne lui écrivoit que pour lui demander des faveurs, fontdures, fières,arrogantes («)} qu'il ne confidère ni ce qu'il demande ni a qui il écrit; que s',1 conferve cette humeur, Atticus péut i'aimer feul, aveccertitude de ne pas 1'avoir pour rival: mais qu'il efperenéanmoins que fon caraótère pourrasadoucir. Cependant ne changeant rien au défir fincère qu'il avoit de 1'obliger, il ne ceffa point de preffer Anobarzanes ( b), de qui il obtint enfin cent talens, qui étoient, fuivant toute apparence , le préfent que ce prince lui avoit deftiné a lui-même, &c qu'il fe bata de faire toucher a Brutus. Son camp étoit encore au pied du mont Tauïus, d'oü il obfervoit les mouvemens des parthes,  de Cicéron, l j r. Fii. 3 lorfqu'il apprit qu'ils sëroienc partagés en deux corps, qui avoient pris différentes routes. L'un sëtoit avancé dans la Syrië, jufqua Antioche , oü il tenoit Caffius bloqué. L'autre avoir pénétré dans la Cilicie; mais s'érant taillé furprenure par les troupes qui étoient a la garde du pays, il avoit été taillé en pièces. Sur ces nouvelles, Cicéron fe hara de lever fon camp , & prenant par le mont Taurus, il aüa fefaifir des paiTages de 1'Amanus, grande & forte montagne qui fépatoit la Syrië de la Cilicie & qui leur fervoit de iimites communes. Les parthes furpris & découragés par une marche fi prompte, abandonnèrent Antioche; & Caffius (a) tombant fur eux dans leur retraite, en tua une partie , & bleiTa mortellement Orfaces leur général. A 1'ouverture d'une guerre que la difgrace récente de Craffus avoit rendue terrible aux romains, les amis de Gcéron , qui n'avoient pas une haute idéé de fes talens militaires, n'étoient (a) Itaque confeftim 'ter in Ciliciam feci per Tauri pylas. Tarfum veni ad III. non. oü. inde ad Amanurn contendi, qui Syriam a C'ücia in aquarum divortio dividïf. Rumore adventus noftri, & Cafïio qui Antiochia tenebatur animus acceffit , & panhis timor injectus eft. Itaque eos cedentes ab opp'do Caffius infecutus rem bene geffit. Qua in fuga, magna autoritate Orfaces duxparthorum, vulnus accepit, eoque interiit paucis poft diebus. Ad Att. y, %o, Ci; An. de R. 702, Cicer ^fi, Coss Serv. Sülpicius Ru- fus. M. CtAUMAR- :eleus.  'An. dt R. 701. Cicer. 56-. Coss. SERV.SÜL- picius Rurus. M ClAUBlUS MARCELLVS. (a) Ibid. 5 , 18. HlSTOIRE DE LA VlE pas fans inquiétude pour la conduite & le fuccès de fes armes. Mais fe voyant engagé dans cette nouvelle carrière, il recueillit toutes les forces de fa prudence & de fon courage , & Ion ne trouve nulle part que 1'un ou 1'autre ait paru lui manquer. cc Je fuis plein de confiance (a), écrivit-il a Atti» cus, & comme j'ai pris de bonnes mefures, jëf» père que la fortune me fecondera. Nous fom» mes campés pres des frontières de la Cilicie, dans » un pofte fort avantageux,oü nousavons des vivres » en abondance , & oü nous fommes maitres des » paffages. Mon armée nëft pas nombreufe , mais » elle mëft affeclionnée , & elle fera bientöt dou» blée par celle de Dejotarus. Je fuis plus sur de » mes alliés, qu'aucun autre gouverneur 1'ait jamais * été , paree qu'ils font charmés de ma douceur » & de mon défintérelTement. Je fais prendre les » armes aux citoyens romains qui font dans cette „ province, jëtablis des magafins de blé dans les » places; enfin je fuis en état de combattre lënnemi » fi j'en trouve 1'occafion, ou de lëmpêcher du „ moins de me forcer. Ralfurez-vous donc , car „ je connois votre cceur & je vois d'ici les in« quiétudes que je vous caufe ». Mais le danger s'étant évanoui du cöté des parthes , du moins pour le refte de la faifon, il ne vou-  de Cicéron, L i v. VII. 37 lut point congédier fon armée fans lui avoir fait rirer quelque fruit de fes peines. Les habitans des montagnes voifines étoient une nation fiére & indépendante, qui,loin de fe foumettre au pouvoir lomain, avoient toujours paru ferme a la vue des armées de la république, &i fe fioit a fes forces &c a fes chateaux que leur firuation fembloit rendre imprenables. Cicéron fe perfuada qu'il étoit important de réduire des voifins fi fiers. II diflimula fon defiein , & penfant les furprendre , il rerira fes forces vers la Cilicie. Mais après une marche de deux jours, il fit rafraïchir fon armée, & retournant fur fes pas après avoir pourvu a la sureté de fon bagage qu'il laiiToit derrière lui, il regagna le mout Amanus, avec une diligence extréme, en réglant fa marche pour y arriver pendant la nuir; Le 13 d'oclobre, étant entré dans les montagnes avant la pointe du jour, il divifa fes troupes entre lui & fes quatre lieutenans, & fecondé de fon frère, il fondit fur un canton des plus peuplés, tandis que fes lieutenans attaquèrent aufll brufquement les autres. II ne leur fut pas difncile de tuer une partie des habitans , & de faire prifonniers tous ceux qui échappèrent a 1'épée. Ils prirent fix forts, ils en brülèrent un plus grand nombre , & la feule place qui fit quelque réfiftance , fut Erana , capitale du pays, qui fe défendit avec affez de vigueur depuis le matin jufqu'au milieu de C iij An. de R. _701. Cicer. 56". Coss. SSRV ui. PIC1US RuFUS. M. ClAUÜ1US MarCELLUS.  An. de Tl. _ 701. Cicer 56. Coss. Sekv.Sulpicius Ru- fus. m. ClAUd1us marCEilX's. ( Sc c'étoit dam cette confiance qu'ils avoient eu la hardiefie de s'engager fi loin dans le pays. Cicéron s'étant déterminé a ne rien épargner pour la réduire, commenca régulièrement le fiège 5 Sc quoiqu'ilne manquat point de machines, ni fes foldats de courage, il eut befoin de fix femaines pour la forcer de fe rendre a difcrétion. Les habitans furent vendus pour 1'efclavage , Sc lorfque Cicéron rendit compte de fa vidtoire au fénat, il avoit déja tiré plus de cinq eens mille livres de cette Civ  An. de R. 701. Cicer 55. Coss. serv. sul' picius Ru- fus. M.Claudius Marcellüs. ( a ) Qui, malum! ifli pindeniiïae ? qui funt, inquïes ? nomen audivi nunquam. Quid ergo faciam ? Potui Ciliciam» .ZEtoliam aut Macedoniam reddere ? Hoe fic habeto , nee hoe exercitu hic tanta negotia geri potuüTe, &c. Ad Att. y > zo. Mancipia varnibant faturnaiibus tertiis : cum ha;c Icribebam , res erat ad H. S. CXX. Ibid. (b) Hic erant finit mi , pari genere & audacia , tiburani: ab his, PindenifTo capto , oblïdes 2ccepi, exercitum in hiberna dirnifi, Quintum fratrem negotio propofui, ut in vicis aut captis, aut malo pacatis exercitus collocaretur. Ep. fam. iy, 4. 40 HlSTOIRE DE LaViE vente. Tout le rede du burin , a la réferve des chevaux , fut abandonné aux foldars. Dans une lettre a Atticus (a): cc La ville de PindenilTum , dit» il, sëft rendue a moi le 17 de décembre, après 33 quarante-fept jours de fiège. Quëiï-ce donc que 33 ce PindenilTum ? Je ne favois pas, direz-vous, 33 qu'il y eüt au monde une ville de ce nom. Et 33 cëft-la le mal qu'elle vous foit fi peu connue. 33 Que voulez-vous ? Je ne pouvois pas de la Ci33 Iicie faire une Etolie ou une Macédoine. D'ail33 leurs, avec une armée telle que la mienne je 33 ne pouvois rien entreprendre de plus confidé33 rable ». La terreur de ces deux conquêres porta les tiburaniens, autre nation voifine qui n'étoit pas moins ennemie ( b) de la foumiffion, a fe rendre volontairement aux armes romaines. Cicéron en exigea des ótages; & diftribuant enfuite fon armée  be Cicéron, L i v. VII. 41 dans les quartiers d'hiver, laiiTa le foin a Quintus de placer fes meilleures troupes dans les cantons dont il foupconnoit la fidélité. Pendant cette campagne , Papyrius Postus , homme d'efprit & dans les principes épicuriens, avec qui il entretenoit un commerce de lettres enjouées, lui envoya quelques inftruiftions mili— taires auxquelles Cicéron fit une réponfe fort badine. cc Votre lettre, lui difoit-il, a fait de moi 33 un général confommé. Je ne vous aurois pas 33 cru fi habiie dans Tart de la guerre. On voic 33 bien que vous avez lu Pyrrhus cV- Cyneas. Ne 33 doutez pas que je ne fuive vos préceptes. J'y 33 joindrai quelques vaifieaux , qui feront toujours as prêts fur la cöte ; car on afïure qu'il rfy a point 33 de meilleure défenfe contre la cavalerie des par33 thes. Mais, raillerie a part , vous ne favez pas 33 a quel général vous vous adreflez; apprenez que 33 j'ai reduit (a) en pratique toute 1'inftitufion de 33 Cyrus ». Ces exploirs répandirent la gloire de Cicéron dans la Syrië. Bibulus, qui étoit envoyé pour prendre le commandement militaire , y arriva dans ces circonlïances ; mais il trouva bon de fe tenir renfermé dans Antioche , & d'attendre que les parthes eulTent fait leur retraite. Ce- (a) Ep. fam. 9 , zy. An. de R. 701. Cicer. sff. Coss Serv. sor.P1CIUS RuFUS. M. Clav- DlüS MARCELIUS.  An. <3e R. 702. Cicer. \6. Coss. Serv. Sulpicius Ru- fus. 1 M.Ciau- b1us makceiius. (a) EratinSyria noftrum nomen in gratia. Venit interim Bibulus. Credo , voluit appellatior.e hac inani nobis eiTe par. In eodem Amano ccepit laureolam in muftaceo quarere. At il!e cohortem pr'mam totam perdidit: fane plagam odiofam acceperat, turn re, turn tempore. Ad Au. 5 , 2g. (/>) Nunc publiceliterasRomammittere parabam. Uberiores erunt quam fi ex Amano mififiem. Ibid. Deinde de triumpho , quem video , nifi reip. tempora impedient. Ad Au. 7, I. 4Z HlSTOIRE DE LAViE pendant la 'aloude qu'il eut des fuccès { a ) de Cicéron & du titre d'empereur que fes troupes lui avoient accordé, lui fit entreprendre de fe procurer le même honneur du cóté des montagnes qui regardoient la Syrië. II y fut repouffé , avec la perte entière de fa première cohorte & celle de plufieurs officiers de diftindion; ce que Cicéron appelle une plaie auffi odieufe en elle-même, que par les eftets qu'on en devoit craindre. Quoique 1'affaire de 1'Amanus fut de quelqu'importance & qu'elle eut mérité a Cicéron le titre d'empereur, qu'il continua de porter , il attendit le fuccès de celle de PindenilTum pour rendre compte de fes exploits au peuple romain par une lettre publique. II fe flattoit qu'on ne lui décerneroir pas moins que des adlions de graces, & fon ambition (3) lui faifoit déja efpérer les honneurs du triomphe. Sa lettre publique ne s'efl: pas  de Cicéron, Lip'. VIL 43 confervée , mais on en trouve les principaux articles dans une autre lettre qu'il écrivit a Caton. II s'adrefFoit a. lui pour lui demander fon fufFrage & fes follicitations. C'étoit lui marquer également ie cas qu'il faifoit de fon eftime Sc 1'opinion qu'il avoit de fon autorité. Cependant Caton qui avoit toujours eu de 1'éloignement pour ces fortes de décrers, & qui fe plaignoit fans celTe de ia facilité qu'on avoit a les accorder, ne fe rendit ni aux complimens ni aux motifs de 1'amitié 5 & lorfque' cette affaire fut mife en délibération au fénat, il s'étendit beaucoup a la vérité fur lc mérite extraordinaire de Cicéron , mais il fe déclara contre fa demande. Elle n'en fur pas moins approuvée du corps des fénateurs, a la réferve (a) de Favonius , qui afFecToir conftamment d'imiter Caton , & d'Hirrus, qui étoit 1'ennemi perfonnel du gouverneur de Cilicie. Caton même , 11'ofant rien oppofer a 1'unanimité des fuffrages, aida enfuite a dreffer le décret, & voulut que fon nom ( b ) y (a) Et porro non aiïenius eft unus , familiaris meus Favonius : aker iratus Hirrus. Cato autem & fcribendo affuit. Ibid. (b) Res ipfa declarat, tibi illum honorem fupplica1tionis jucundum fuiiïe , quod fcribendo afTuifti. Haec enim fenatufconfulta non ignoro ab amiciffimis ejus, cujus de honore agitur, fcribï folere. Ep. fam. ry , 6. An. de R. 701. Cicer. jtf. Coss. Serv. sujlpiciusRufus. M. Clau- DIUS m arCEitUS.  An. de R. 702. Cicer. (S. Coss. SERV.SUL- PiciusRurus. M. Ciaudius MARCEilUS. («) Ep. fam. 3f, 6. 44 HistoiredelaVie füt inféré. Mais la réponfe qu'il fit a Cicéron fera mieux connoïtre fon caracFère & fes principes. M. Caton a M. T. Cicéron , Empereur. Je croirois (a) manquer également a ce que je dois au public & a notre amitié particuliere , fi je ne voyois point avec une joie fenfïble que votre vertu, votre intégrité , &c votre diligence reconnue dans les plus grandes afFaires, éclatent de tous cötés avec la même diftinélion ; a Rome dans les offices de robe , au dehors dans le commandement desarmées. Je n'ai doncfuivi que mon inclination & mon propre jugement dansle difcours que j'ai fait au fénat, lorfque j'ai attribué a 1'excellence de votre conduite & de votre vertu ladéfenfe de votre province, la süreté d'Ariobarzanes, &c le retour des alliés a la foumifuon. Je me réjouis par conféquent du décret que le fénat a porté en votre faveur, fi dans un fuccès dont vous n'êres pas redevable au hafard, & qui n'eff 1'efFet que de votre modération & de votre prudence confommée , vous aimez mieux que nous en rapportions 1'honneur aux dieux qu'a vous-même : mais fi vous croyez qu'une fupplication vous ouvre le chemin au triomphe, tic que cette raifon vous faffe fouhaiter qu'on en attribué la louange a la  be Cicéron, L i r. VII. 45 fortune plutot qu'a votre conduite , ne trouvez pas mauvais fi je vous rappelle que le triomphe ne vient pas toujours ï la fuite d'une fupplication , & qu*il n'y a pas de triomphe aufli honorable qu'un décret par lequel le fénat déclare que la force des armes a moins eu de part a la confervation d'une province, que la douceur & 1'intégrité du gouverneur. Tel a été le fujet de mon difcours & Ie morif de mon fuffrage. Je n'ai pas coutume dëcrire de fi iongues lettres : mais je fuis bien aife de vous faire connoitre par ce détail , combien je fouhaiterois de vous voir perfuadé'qu'après avoir pris le parti que j'ai cru Ie plus utiie a votre gloire, je me réjouis néanmoins que la chofe ait tourné comme vous le fouhairez. Adieu : ne ceffez pas de m'aimer; & continuez , comme vous avez commencé , de fervir la république & fes alliés. Céfar n'apprit point fans plaifir que Caton s'étoit ob/ïiné dans fon refus; & fe flartant que les fentimens de Cicéron pourroient fe refroidir pour un ami fi peu complaifant, il ne manqua point dans une lettre de félicitation qu'il lui écrivir fur le fuccès de fes armes & fur la faveur qu'il avoit obtenuedu fénat (g), de relever J'ingraritude & (a) Itaque CxCzr , iis lïreris , quibus mihi gratulatur, omnia pollicetur : quomodo exultat Catonis in me ingratifümi injuria' Ad Au. 7, », An. de R. Cicer. ?S. Coss. Serv. sulpicius Ru- fus. m. claudius Marceelus.  An. de R. 701. Cicer. tS. Coss serv. sui pic1us Ru- rvs. M. Clauihus Mar- CEiLUS. ( a) Aveo fc'rre Cato quid aget; qui quidem m me turpker fuk malevolus: dedk inttjgrkatis , juflitis, dementi* , fidei teftimonium quod non qu^rebam, quod poftulabam negavit.... At hic idem Bibulo dierum vig'nti. Ignofce mihi; non poffum ha?c ferre. Ibid. (b) Epiö. fam. 15,0. (|f HlSTOIRE DE LAVlE la dureté de Caton. En effet cette vertu opiniatre ne laiffoit pas quelquefois de fe relacher, & cëtoient ces alternatives qui chagrinoient le proconful de Cilicie. Caton, paroiflant oublier fes principes, follicita, peu de tems après , une fupplication pour Bibulus, fon gendre , qui avoic fait (ci) beaucoup moins pour la mériter. cc N'efi30 ce pas une malice honteufe , écrivoit Cicéron > 33 II ma donné un caraclère d'intégrité , de juftice, „ de clémence , que je ne lui demandois pas, & 30 pour lequel je ne crois pas avoir befoin de fon ,3 fuffrage ; mais il m'a refufé ce que je lui de- 30 mandois Ce même homme a donné fon 33 fuffrage a Bibulus pour une fupplication de vingt 33 jours: en vérité je ne puis fupporter cette con3» duite 33. Cependant comme il eftimoit au fond fon caradère, & que ne renoncant point a 1'efpérance du triomphe (b), il avoit befoin de fon fecours au fénat, il prit le parti de diffimuler, &c de 3e remercier même de ce qu'il avoit fait pour lui.  de Cicéron, Liv. VIL 47 La campagne de Cicéron s'étoit termjnée comme Coelius l'avoit défïré dans une de fes lettres, cëft a-dire, avec afiez d'aétion (a), pour lui donner quelque droit a la gloire militaire , mais fans aucun rifque d'une bataille contre les parthes. Pendant ce tems d'agitation il avoit envoyé fon fils & fon neveu a la cour du roi Déjotarus, avec le fils de ce prince , qui étoit venu les prendre lui-mcme. On les affujettiffoit tous deux a leurs études & a leurs exercices , & leurs progrès fatisfaifoient leuts maïtres •, quoique L'ua, difoit Cicéron , eüt befoin (b) d'aiguil-, Ion & 1'autre de frein. Dyonifius leur précepteur, apportoit tous fes foins a leur éducation , mais ces jeunes élèves fe plaignoient quelquefois de fes emportemens. Dejotarus, auffi attaché a. Cicéron qua la république , s'étoit mis en état de le joindre avec (a) Ut optafli ita efï : velles enim , als , tantummodo ut haberem negotii quod eiïèt ad laureolam fatis. Parthos times, quia diffidis copiis nofiris. Ep. fam. z , 10; 8 , f. (b) Cice rones noflros Dejotarus filius, qui rex a Tenatu appellatus efl , fecum in regnum. Dum in aifliVis non efïèmus, illum pueris locum efte belliflimum duximus. Ad Att. 5 , 17. Cicerones pueri amant inter te, difcunt, exercentur, fed alter froenis eget, alter calcaribus. Dyonifius mihi quidem in amoribus efl. Pueri illum furenter irafci. Sed homo nee doftior, nee fanflior fieri potert. Ibid. 6,1. An. deRt _ 701. Cicer. jS. Coss. SERV.SUtpicius Rufus. m. Claudius mak- CEILUS.  An. de R. 702. Cicer. Coss Serv. SULPieius Ru Fus. m. Claudius Marcellus. (ö) Mihi tarnen cum Dejotaro convenit, ut ille in meïs caflris eflet cum omnibus fuis copiis; habet autem cohortes quadringenarias noftra armatura rriginta 3 equitum duo millia. Ibid. Dejotarum confeflim jam ad me vtnientem, cum magno & firmo equitatu & peditatu , & cum omnibus fuis copiis, certiorem feci non videri efTe caufam cur abeffet a regno. Ep. fam. 15, 4. (£) Dejotarus mihi narravit, &c. Ad Att. 6,1, y adminiftration ? 48 HlSTOIRE DE IA Vlï toures fes forces au premier bruit de 1'irruption des parthes. Ses forces confiftoient en trente cohortes (a) , chacune de quatre eens hommes, armés &c difciplinés a la manière romaine , avec deux mille hommes de cavalerie. Mais les parthes s'étant retirés, Cicéron le fit avertir dans fa route qu'il pouvoit s'épai-gner une marche inutile. Cependant il paroït que ce vieux monarque ne ménageant point fes peines pour fe procurer la vue & 1'entretien de fon ami, fe chargea lui-même de lui ramener les deux jeunes Cicéron, & profita (b) de cette occafion pour paffer quelque tems avec lui. Le refte du gouvernement de Cicéron fut employé aux affaires civiles de la province. II apporta principalement fon attention a foulager les villes & les autres communautés, des dettes exceffives que 1'avarice de fes prédéceffeurs leur avoit fait coijtucter. C'étoit une règle invariable de fon  "Dé Cicéron, Liy. VIL 4 fuï. Al. Clau- D1US MAR*  Xn. de R- 7oi. Cicer. <«• Coss. Sebv.Suipicius Ru- fus. m. Clau dius Marcellus. (a) Ita vivam ut maximos fumptus facio. Mirifice lector hoe inflituto. Ad Att. J , i J(£) Ibid. 6, i* 50 Histoire DE LA Vis du moins un autre fruit, qui pouvoit être celui des honneurs publics, il défendit qu'on fit aucune dépenfe en ftatues, en temples & en chevaux de bronze , fuivant 1'ufage des afiatiques , qui accordoient ces diftindions aux gouverneurs les plus durs & les plus corrompus. Tandis qu'il faifoit fa vifite dans les différentes parties de fa province , la famine s'y répandit par des accidens extraordinaires ; mais dans tous les lieux de fon pafrage , il obferva fa chère maxime , de n'accepter ni pour lui ni pour fes gens aucun fecours du biend'autrui : il prit au contraire des mefures avec les marchands pour faire diminuer la cherté des denrées nécelTaires •, & fa table fut toujours onverre , non-feulement aux officiers romains , mais(a) a toure la noblefTe de la province. II tracé tui-même, dans la lettre fuivante , un plan fuccineï de fon gouvernement. « (b) Je vois, dit-ila Atticus, que les récks » qu'on vous fait de ma modération & de mon dé» fintéreffement vous caufent beaucoup de plaifir. II „augmenteroit de jour en jour fi vous étiez „avec moi. Je viens de faire des chofes merveil»leufes a Laodicée , oü depuis le treize de fé-  t> E C I C É R O N , L i r. V 11, j t * Vrier Kq»»» premier de rriai, j'ai régie toutes »les afFaires de mes départemens, a la réferve » de celles de Cilicie. Les villes, qui étoient ac»cablées de dettes, ou Fe Font acquittées en«ttèrernent, ou Font fort foulagées. Je les laifTe ? iUSer enrr'eLlx Ictirs diffirends fuivant leur loi. "Cette condefceqdance leur a rendu Ja vie. * J'ai fourni aux vüles deux exceJlens Wen< pour » s'acquitter : le premier , en ne demandant rien - a la province pour ma fubfiftance ; quand je dis » Wen , je n'exagère point; il eft vrai a la lettre » qull ne leur en coürera point une obole. Vous » ne faurïez croire quel avantage ils en ont tiré. * En fecond Jieu>les magiftrats des villes s'étoient »engfaifTés aux dépens de leurs citoyens. J'ai »interrogé moi-même ceux qui ont poflédé ces * charSes dePuis dix a"s. Ils m'ont feit 1'aveu de * leurs concuffions; & fans efTuyer la honte d'une "fentence, ils ont rapporté volontairement 1'ar»gent qu'ils avoient pris. Avec ce fecours, les T \lIlgS °nt fans P«W ce quëlles devoient » de ce bail, dont les fermiers de la république » n avoient rien touché, & tous les arrérages du * precedent. Jugez dans quelle faveur je fuis au- - prés d'eux. Ce ne font pas des ingrats, me di- - rez-vous. Jen conviens, & j en ai Bat lëxpé» nence. Je m'acquitte de mes autres fondtions » avec le même fuccès, & je me fais admirer par, D ij An. r)e R, 7oï. Cicer. (ff. Coss. sekv. sui.« mcius Ru- ■Vb m. Ciau>iVs Mak.-  An. de R. 701. Cicer. $6. Coss. SERV. SUL- ncius Ru- ÏUS. M.ClAUmus Mar- ceuus. ( a ) Quid enim poteft efle tam diffimile quam illo imperante exhauftani efle provinciam , nobis eam obtinentibus, &c. Ibid. (b) Ego Appium , ut tecum fspe locutus fum, valde diligo , meque ab eo diligi fiatim cceptum efle ut fimulta- 52 HlSTOIRE DE LA VlE 33 ma douceur &c mes manières aifées. L'accès de „ma maifon nëft pas difficüë, comme chez les » autres gouverneurs. On n'a pas befoin de s'adreifer «a mes gens pour obtenir des audiences. Je me » promène chez moi, les porr.es ouvertes, comme » je faifois lorfque j'afpirois aux dignités publiques. ■=° On eft charmé de cette conduite, & Ton mën » tient grand compte , quoiquëlle me coüte peu , 3. paree que i'habitude mën eft reftée de ce sa tems-la 33. Cette méthode de gouvernement chagrina beaucoup Appius, qui la regardoit comme un reproche de la fienne. II écrivit plufieurs fois a Cicéron pour fe plaindre de ce qu'il avoit aboli quelquesuns de fes établiffemens. « II nëft pas furprenant, 33répondoit le proconful (a), que mon adminif33 tration lui déplaife, car elle relTemble fort peu 33 a la fienne. 5es amis lui perfuadent que je veux 33 me faire honneur aux dépens de fa réputation. 33 Ils fe trompent; je ne fuis que le penchant na33 turel de mon caradère 33. En elfet depuis fa réconciliation avec Appius, il (b) n'avoit cherché  be Cicéron, L i r. VII. ^ 3 qua bien vivre avec lui. Outre ia confidération qu'il croyoit devoir a la grandeur de fa naiflancê & de fa fortune, il refpe&oit fes alliances ; car Appius avoir marié une de fes filles au fils de Pompée, & 1'autre a Brutus. Ainfi, malgré la différence de leurs principes, il le ménageoit jufques dans les occafïons oü il ne pouvoit fe difpenfer d'abolir fes décrets. cc Un médecin, difoit-il (a), » a qui 1'on auroit óté un malade , trouveroit-Ü »mauvais que celui qu'on auroit appelé a fa » place ne fe fervït pas des mêmes remèdes 2 Ap» pius, qui ne |eft pas laiTé d'appliquer par-tout »le fer & le feu , qui n'a laiffé dans la province » que ce qu'il n'a pu emporter, & qui me 1'a re» mife dans un état déplorable , doit-il fe plain?» dre que je répare Je mal qu'il a fait » ? Auffi-töt que le gouvernement de Cilicie lui étoit tombé par le partage du fort, il en avoit informé Appius , & dans fa lettre il 1'avoit prié tendrement de lui remettre fa province dans 1'érat oü il devoit (b) s'attendre de la trouver en la tem depofuimus, fenfi. Jam me Pompeii totum efle fcis; Brutum a me amari intelligis. Quid eft caufe cur mihi non ih optatis eft compleöi hominem florentem state, opibus, honoribus , ingenio , liberis, propinquis, affinibus, armos? Ep. fam. z, 13. (a) Ad Att. 6, r. (*) Ep. fam. 3 , a, D ffij An. ris rt. _ 70:. Cicer. %6. Coss. Serv.Sulpicius Ru- fus. m. Cl.audius Marcex.lus.  An. ie R. Cicer. 56. COSS. Serv.stjipicius RUfUS. M, CLAUp1u5 MarCEUUS. (a) Me libenter ad eam partem provinciae primum efle veniurum quo te maxime veile arbitrarer ; &c. Ibid. f. Appius nofter, cum me adventare videt, profcftus eflTarfum ufque , Laodicea. Ad Au, 5 , 17» ( b ) Ep. fam. 3, 7. 54 HlSTOIRE DE LA VlE xecevant des mains d'un ami. Appius lui avoir marqué dans fa réponfe quelque défir de le voir, & Cicéron qui ne fouhaitoit rien avec plus d'ardeur, avoit nonfeulement accepté cette offre •, mais, entrant dans le détail des routes & de leur marche ( a), il 1'avoit preffé de choifir pour leur entrevue le lieu qu'il trouveroit le plus commode. Cependant Appius refroidi par les premiers édits de Cicéron, avoit évité dele rencontrer. II s'étoit retiré au fond de la province a mefure que Cicéron s'en approchoit, & puis prenant tout d'un coup le parti de le voir, il étoit venu fi fubitement que Cicéron n'avoit point eu le tems d'aller au-devant de lui. II s'en plaignit néanmoins comme d'une exceffiveafFedation d'orgueil.Cicéron lui écrivit de nouveau (3) pour lui faire un reproche de fes plaintes , & fa lettre étoit remplie d'une fermeté noble & refpeöueufe. Le troifiéme livre de fes Epitres famiiières eft compofé de lettres a Appius, qui ne contiennent ainfi que des plaintes ou des juftifications. Leur amitié avoit recu toutes ces atteintes, lorfqu'il arriva un incident a Rome, qui  T> E ClCERON, L I V. VIL 55 fembloit devoir la rompre entièrement. Tullia, (a) fille de Cicéron , s'étant féparée de Craffipes , fon fecond mari, s étoit remariée dans 1'abfence de fon père a P. Cornelius Dolabella. Elle avoit été recherchée par des partis plus avanrageux, fur-tout par T- CJaudius Néron, qui devint enfuite le mari de Livia. Néron s'étoit (£) adreffé dans la Cilicie a Cicéron même , qui 1'avoit renvoyé a fa femme & a fa fille. Mais avant qu'elles puffent être informées de cette négociation , 1'adreffe & les complaifances de Dolabella les avoient déterminées en fa faveur. II étoit de' race patricienne(c), & fon efprit n'étoit pas moins diftingué que fa naiffance. Cependant on lui con- (a) II paroit que cette féparation s'étoit fait par Ie diVorce, car Crafllpes vivoit dans ce tems-la. Ad Att. 7, l. fb) Ego , dam in provincia omnibus rebus Appium orno, fubito faftus fum accufatorïs ejus focer. Sed, crede mihi, nihil minus putaram, ego qui de T. Nerone , qui mecum egerat, cerros homines ad mulieres miferam , qui Romam venerunt fafitis fponfalibu?. Sed hoe fpero melius. Mulieres quidem valde intelligo deleftari obfequio & comitate adolefcentis. Ad Att. 6, 6. (c) Gener eft fuavis quamtumvis; vel ingenii vel humanitatis;{atis. Reliqua, quxnofti, ferenda. Ad Att. 7, 3. Dolabellam a te gaudeo primum laudari, deinde etiam amari. Nam ea qua: fperas Tulliar mece prudentia pofTe tempérari, fcio cui tux epiftola? relpondeant. Ep. fam, 1, 15 fc 8,13. D iv An. de R. _ 701. Cicer. 56. Coss. Serv.Sui[•icius Ru- pus. m. Clau- d1us marcellus.  An. de R, 702. Cicer. 56. Coss. Serv.Sulpicius Rufus. M Claubius Mar, (a) Illud mihi occurrit, quod inter poflulationem 8c ngminis deladonem. uxor a Dolabella difceiïit, Ibid. 8, 5 £ HlSTOtRE DE LA' V I É noiffoit un caradère violent , téméraire, ambitieux, un attachement excefllf pour'Céfar, avec un goüt pour le plaifir & pour la dépenfe, qui avoir déja mis fa fortune dans un grand défordre; 6 quoique la prudence de Tullia parüt propre a modérerfes inclinations, Cicéron n'apprir point ce manage fans quelque chagrin. Dolabella (a) s'étoit féparé aufli d'une autre femme. A peine fe trouva-r-il le gendre de Cicéron , qu'emporté par 1'ardeur de fon caradère, il accufa fans réflexion Appius Ciaudius de pratiques contre 1'état, dans Ion gouvernement de Cilicie, & de brigue dans la pourfuire du confulat. C'étoit jeter Cicéron dans f'embarras, 8c le faire foupeonner naturellement d'avoir infpiré le deffein de cette entreprife k fon gendre. II fe hata d'écrire k Appius pour fe juftifler, & s'il ufa peut-être de quelque diffimulation, en 1'afTurant qu'il avoit même ignoré jufqu'alors la témérité de Dolabella, il étoit fincère en proteftant que Cf jeune impétueux s'y étoit porté fans fa participation, Comme la qualité de fucceffeur d'Appius au gouvernement de Cilicie le mettoit plus en état que perfonne de ïui rendre feivice ou de lui nuire dans fon proces , on n'épargna rien pour lui faire prendre le  de Cicéron, L j r. VII. 57 parti de 1'accufé; & Pompée, qui vouloit fervir Appius (a), étoit déja réfolu dënvoyer fon fils jufquën Cilicie pour le folliciterpar les plusfortes inftances. Mais Cicéron leur épargna cette fatigue , en prenant de lui-mcme la réfolution de fe déclarer pour Appius & de lui promettre tous les fecours qu'il pourroit tirer de fa province. Son inclination ne l'y portoit pas plus que le défir de fe purger de toutes fortes de foupcons. Ainfi Appius, loin defe dérober a fon accufateur, preffa la conclufion du procés. Dans cette vue, abandonnant toutes les prétentions qu'il avoit au triomphe , il entra dans la ville, il s'offrit a fes juges avant que Dolabella eüt dreffé toutes fes batteries; & eet empreffement, qui fembloit répondre de fon innocence, fervit peut-être a le faire acquitter. Quelque tems après fon procés il fut élu cenfeur, avec Pifon, beau-père de Céfar. Ils furent (a) Pompeius dicitur valde pro Appio Iaborare , ut etiam putent alterutrum de filiis ad te miiïurum. Ibid. Po£l hoe negotium autem & temeritatem noftri Dolabella;, éeprecatorem me pro illius perïculo pra:beo. Ibid. 1,13. Tarnen hac mihi affinitate nunciata, non majore equidem fludïo , fed acrius , apertius, fignificantius dignitatem tuam defendsfiem nam ut yetus noflra (ïmultas antea flimu- labat me ut caverem ne cui ïufpicionern fifte reconciliata! gratis darem, fic affinitas novam curam affert cavendi. Ibid. 3, n. An. de R. _ 702. Cicer. 5S. Coss. Serv. SuLpiciusRu- fus. M. CEAU- dius Mar-. CEELUS.  Ac. Sf de fes inteftins qui ne font pas moins fales. y Ne viendrez-vous pas bientot pour rire avec 33 nous de toutes ces misères ? Drufus juge les 33 caufes d'adultère par la loi Scantinia ! Appius 33 fe mêle de réformer les peintures & les ftatues 33! Mais ces vains projets de réformation nëurent point d'autre effet que d'indifpofer le public contre Pompée , dont on fe perfuada qu'Appius étoit ici 1'inltrument. Pifon , fon collègue, qui prévit lëffet de ce zèle outré , prit Ie parti de demeurer tranquille, tandis qu'Appius maltraitoit indifféremment les fénateurs & les chevaliers (a), chaffoit du fénat Sallufte l'hiftorien , & menacoit Curion du même outrage •, ce qui ne fervoit qua. faire de nouveaux amis a Céfar. Le grand objet qui occupoit toute 1'attention du public , étoit la conduite de ce redoutable gouverneur des Gaules, & 1'attente de fa rupture avec Pompée , qu'on croyoit déformais inévitable. Déja les partis commencoient ouvertement a fe former , & chacun prenoit des engagemens fuivant fes intéréts ou fon inclination. Pompée avoit pour lui le plus grand nombre des fénateurs & des magiftrats, avec les plus honnêtes gens de tous le« ordres. Du coté de Céfar étoient tous les fadieux (a) Dio. 40, i 14. 'Sf> HlSTOIRE DE LA Vlï &tous Jes criminels, cëft-a-dire (a), ceiix qui avoient déja foufFert quelque punition ou qui s'en étoient rendus dignes ; la plus grande partie de la jeunefle , la populace de la ville , quelques tribuns, & particulièrement tous les citoyens, dans Rome &au-dehors, qui étoient chargés de dettes & qui fe croyoient dans 1'impuiüance de les payer. Cëft de Cicéron & de Coelius qu'on tire cette énumération : « Je vois, écrivoit Coelius, que " Pompée fera foutenu du fénat & de tous ceux » qui font a la tcte des afFaires , & que Céfar «aura ceux qui font dans la crainte, ou a qui il » ne refte plus d'autre refTource que de sattachei » a lui : mais je crois qu'il n'y aura point de cora-; » paraifsn a faire entre les deux armées Céfar avoit terminé glorieufement la guerre des Gaules, & réduit cette grande province fous le  DE ClCÉBON, L I V. VIL gj jong de la république. Mais quoique fa comrniffïon approchat beaucoup de fa fin , il ne paroiffoit pas difpofé a la quitter, pour aller reprendre la qualité de iimple citoyen de Rome. Son prétexte étoit que Pompée ayant obtenu une prolongation de cinq ans dans fon gouvernement d'Efpagne , il ne pouvoit abandonner le commandement de fes troupes (a) fans expofer fa fureté a divers dangers. Le fénat n'avoit pas laiffé, pour calmer fes alarmes , de confeniir qu'il prit le confulat, fans 1'avoir follicité dans les formes de 1'ufage. Mais cette faveur n'ayant point été capable de le fatistaire, le conful Marcellus, un de fes plus ardens ennemis , avoit propofé de lui örer fans ménagement le commandement des arméés, & de lui nommer un fucceffeur. 11 vouloit même qu'on retraélat la difpenfe qu'on lui avoit accordée pour le confulat, cëft-a-dire, qu'il füt obligé de venir faire a. Rome les follicitations ordinaires; & pour comble de dureté, il demanda que le droit de bourg'eoifie füt refufé aux colonies que Céfar avoit formées au-dela du Pö. Cette demande regardoit parriculièrement la colonie de Cóme. Toutes celles qui étoient en deed du (a) Cxfari autem perfuafum efl le falvum eiïe non pofle fi ab exercitu receflerit. Fert illam tarnen conditlonem, ut ambo exsrciius tradant. Ibid. An. Je R. 701. Cicer. ,6. Coss. Shkv. SutPlClUa Rtl- ru.s. M. Ci.au- DIUS MaKCELLUS.  An. dl R. 701. Cicer. 56. Coss. SEKV.SUt- picius Rurus. m. Clau- d1us marce1ius. Sl HlSTOIRE DE LAVlE Pö avoient obtenu de Pompée les droits du Latium, cëft-a-dire, la bourgeoifie de Rome pour leurs magiftrats annuels. Mais la haine que Marcellus portoit a Céfar lui faifoit (a) fouhaiter que fa colonie de Cöme füt exclue de ce privilege. II n'avoit point attendula décifion du fénat, puifqu'il avoit déja fait fouetter pubiiquement un magiftrat de Cöme qui n'avoit pas fait difnëulre de prendre d Rome la qualité de citoyen, indignité dont tous les citoyens étoient a couvert •, Sc pour joindre la raillerie a 1'outrage , il lui avoit recommandé de mon'trer fes playes (b) a Céfar, comme une atteftation de bourgeoifie. Cicéron traita cette aétion de violence Sc d'injuftice. cc Mar» cellus, dit-il, sëft couvert de honte, Sc eet 33 exces nëft pas moins offenfant pour Pom33 pée (ë) que pour Céfar 33. Servius Sulpicius, fon collègue , étoit d'un caraélère plus modéré. II sëfforcoit de prévenir tout ce qui pouvoit donner naiflance aux prétexres d'uns guerre civile; Sc lorfqu'il manquoit de force ou de crédit pour arrêter les entreprifes de Marcellus, il employoit le fecours de quelques tribuns a qui il connoiffoit les mêmes intentions. Pom- ( Ep.fam. 8, 8. An. &c- 7b.'«e ƒƒ/, g An. de R. _ 7cu. Cicer. fS. Coss. Serv. SUipicius Ru- FtJS. M.Ciaür>ius Mar- CEIiUS.  é€ Histoirb de ca Vie An deR. »& q"'un homme ^ ^ ^ ^ n7"- „ d'avidiré pour le bien d'autrui , devoit s'ob- Ccósf' „ ferver avec plus de précaution. A 1'égard des «S R0- , panthères, il lui déclaroit qu'il ne convenoit pas ÏUM. cLAu- » plus a fon caradère dïmpofer a fes peuples un farAR" »deau qui leur feroit fort incommode ». Ce refus ne lëmpêcha point dënvoyer des pantheres a Coelius , mais il fe les procura lui-meme a fes propres frais; Sc lui écrivant la-deffus, il lui dit fort plaifamment : « que les betes qu'il lui envoyok „ n'étoient pas fachées de quitter fa province , „ paree que depuis qu'il en étoit gouverneur (a), y, elles fe plaignoient detre les feules créatures a » qui l'on y dreflat des embüches»; Curion, autre ami du proconful , obtint auffi le tribunat dans le cceur de 1'été. II n'avoit recherché eet office (b) que pour fe procurer 1'occafion de mortifier Céfar, qu'il n'avoit jamais mépaaé 5 mais Cicéron qui les connoiifoit tous deux, #°qui prévoyoit la facilité qu'ils auroient a fe (a) De pantheris, per eos qui venari folent, agitur mandato meo diligenter : fed mira paucitas eft; & eas qua: funt, valde aiunt queri quod nihil cuiquara infid^rum m mea provincia nifi fibi fiat. Ep. fam. i, tu (b) Sed ut fpero & velo , & ut fe fert ipfe Curlo , bonos & fenatum malet. Totus4 ut nunc eft, hoe fcatunt Ibid. 8,4-  ^onciher,pritoccafion des complimens au'iUü devo. fur fa dignirépou, lui donner divers avis Apres quelques traits généraux de morale i lexhorte a foutenir conltamment ce qu'il a V garde jufqu'alors comme la juftice & fi vétité fansfe^ laiffer|ama;s cnn,fne . firM A J\Cetréflexio"^oicfa„sldouce fur Marc-Antome, le compagnon & lc defajeunelle Les lettres qU>ü recut bientot de Home confirmerent fi» foupcons. Ccelius lui écrivu que Curion avoit changé de parti ,& s'étoit declare pour Céfar. II repondit >a ^ ce changement (,,, & qa'ü n>en ^ ? Les nouveaux confuls étant amis de Cicéron , .1 lesfeirara par fes lettres fur leur életfion j leur demanda le foutien de leur autorité pour le décret de fi fupplication, & ce qui lè ^ -ore plus , il les conjura de ne pas foufFrir quon (O prolongeat fon office au-deü du ter me annuel. On s'attendoit que ces deux fouverains magiftrats n'étant pas moins ennemis de ( 4> ■X*) Earema pagella pupug;£ me tuo chirographo. Qui'd y Gefarem „unc defendit Curio ? Quis hoc * Prater me f nam ita vivam, putavi. Ibid. I}. (O Ep. fam. if, 7, io, ii,,», ij. E ij i i An, de R; v-icer. 5 7, Coss. Pauiius. C. Clau* mus Ms* lEUys,  An. de B. 70;. Cicer. 5 7- Coss. L./Emilius Vavllus. C. Clau- d1us MElEIIUS. (a) Sueton. J. CxC. 19. (3) Appian.liv. u,Pag- 443- , (O Sexcenties feftercium sris ajien.. VaUr. Maxim. ' \l'd) Qui nihil in cenfu tiabuetit, prater difcotdiam printbium. Plin. Hïft.üv. 36,15. è% HlSTOIKE DE LAVlE Céfar qu'ils étoient attachés a Pompée , on prendroit bientÖt quelque réfolution décifive fur laffaire des Gaules; mais les intrigues de Céfar firent avorter tous les efforts qu'on tenta pour lui donner un fuccefleur. Claudius Metellus en ayant renouvelé la propofition au fénat, on fut furpris d'y voir mettre une puiffante oppofïtion par iErmlius Paullus fon collègue , & par le tribun Cuxion , que les libéralités de Céfar avoient (a) déja corrompu. On ptétend qu'il avoit donne a Paullus environ fix eens mille livres, & beaucoup davantage a Curion. Le premier avoit befoin (b) de ce fecours pour fe remettre des trais immenfes qu'il avoit faits en édrfices pablicsi & 1'autre pour acquitter fes (O dettes qui montoient » plus d'un million , car toutes les craintes de Cicéron s'étoient tellement vérifiées fur fon fort , qu'en peu d'années il avoit diffipé un des plus riches patrimoines de la république, & qu'il ne lui reftoit ( d) , fuivant l'expreffion de Pline, pour  de Cicéron, L i v. VII unique fond de revenu , que 1'efpérance d'une guerre civile. Tous les écrivains de Rome (a) s'accordent fur ces fairs, cc Curion, dit Lucain , o-atrné » par les dépouilles des Gaules & par 1'or de Cé» far, changea tout d'un coup de parti; & Ser* vius prétend que cëft fa trahifon que Virgile » a voulu peindre dans ces vers » : Vendidit hic auro patriam Cicéron vivement touché des nouvelles qu'il recevoi t de Rome, attendoit la fin de fon année avec une impatience qui augmentoit tous les jours. Mais avant que de quitter fa province, il voulut (b) voir le compte général des fommes qui avoient paffé par fes mains ou par celles de fes officiers, & 1'ayant réduit a 1'ordre le plus exact, il en fit tirer trois copies, dont la première devoit être dépofée a la tréforerie de Rome, 8c les deux autres dans les deux principales villes de fon gouverne- ( confervent, nous devons être tranquilles. Mais » je plains Curion & Paullus, qui font tous deux jt> de mes amis. Si vous êtes a. Rome , ou des 33 que vous y ferez, ne manquez pas de mënvoyer 33 une defcription exacte de lëtat de la république, 33 afin que je puiiTe me former la-deffus, &c voir 33 quel efprit il faut porter dans les affaires pré33 fentes ; car il eft a fouhaiter , en arrivant, de 33 nëtre pas entièrement neuf & étranger 33. Sa confiance étoit extréme pour Pompée, paree qu'il voyoit bien que toutes les efpérances de paix avec Céfar, ou de fuccès contre fes entreprifes, dépendoient de Pompée prefqu'uniquement. Dans une autre lettre il marqué une vive inquiétude pour (a fanté. aNotre feule reffource, dit-il,ëft dans (a) 30 la confervation de ce grand homme, qui eft at33 taoué tous les ans d'une maladie dangereufe 33. Pompée étoit fujet a la fièvre. Elle lui revenoit totius reïpublica:, fi jam es Roma:, aut cum erls , veliin mïttas qua: obviam mihi veniat; ex qua me fingere poi^lum , &c. Ad Au. 6,3. (a) In unius hominis quotannïs perlculole argrotanas anima, pofitas omnes noflras fpes babemus. Ibid. 8,1.  ee Cicéron, L/r. VIL 73 régulièrement dans la même faifon , & chaque An. de R; acces faifoit trembler tout fon parti. Dans un C\l^\7 de ces retours, oü fa vie parut fort dansereufe- 9oss- 1 ° L.iï,MIllUÏ ment menacée, on ordonna des prières (a) pu- Paullus. bliques pour fon rétabliflement; honneur qui n'a- o:u's Me- , r 1 , , . ïellus. voit encore ete accorde qua lui. Cicéron, a fon retour de Cilicie, prit fon chemin par Rhodes en faveur , dit-il, des deux enfans. II vouloit procurer a fon fils & a fon neveu la vue de cette ïle floriflante , & leur faire prendre peut-être quelques lecons dans cette fameufe école d'éloquence oü il avoit tiré lui-même tant d'utilité de celles de Molon. II apprit dans cette ïle la mort d'Hortenfius, qui l'affligea beaucoup ( c) en lui rappelant le fouvenir d'une infinité de combats glorieux qu'il avoit foutenus contre lui au barreau. Hortenfius y régnoit fans rival lorfque Cicéron y avoit paru la première fois; & fi le charme d'une réputation fi bien établie avoit été 1'aiguillon le plus preflant du jeune Cicéron , («) Quo quidein tempore univerfa Italia vota pro falute ejus, primo omnium civium fufcepit. Veil. Pat. 2*, 48. Dio. 155. (b) Rhodum volo, puerorum cauia. Ad Att. 6, 7. (c) Cum è Cilicia decedens Rhodum venifiem, & eo mihi de Q. Hortenfii morte eflet allatum , opinione omnium majorem animo cepi do{prem,. Brut, ioft.  An. de R. 7=5. Cicer. Coss. 1./£miiitjs ïaulius. C. ClAU- b:us meieuus. (a) Nam is poft confulatum fummum illud fuum fludium remifit , quo a puero fuerat incenfus; atque in omnium rerum abundantia voluit beatius ut ipfe putabat vivere. Brut. p. 448. 74 HlSTÖIRE DE LA VlE les progrès brillans & rapides qu'il fit dans la même carrière n'avoient pas moins fervi a réveiller 1'ardeur d'Hortenfius, & a lui faire développer toutes les forces de fon génie pour foutenir fes avantages contre un rival fi dangereux. Une grande partie de leur vie fe paffa dans cette noble émulation. Mais Hortenfius, qui étoit d'un age beaucoup plus avancé j ayant atteint fucceffivement a tous les honneurs publics, & fentant enfin fon ambition raiTafiée (a) par le confulat, avoit commencé a perdre le gout du travail pour fe livrer a celui de la parefie & de la volupté qui lui étoit beaucoup plus naturel. II avoit laiffé prendre ainfi 1'afcendant a Cicéron , qui n'étoit pas capable de perdre de vue le point de Ia gloire , ni d'en étre un moment détourné par les amorces du plaifir. II publia diverfes haTangues, qui fubfiftèrent long-tems après fa mort, & cette perte mérite d'aurant plus nos regrets, qu'en nous privant des ouvrages d'un orateur fi célèbre , elle nous öte auffi la fatisfaclion de les comparer avec ceux de Cicéron, & de juger de la différence des talens dans deux fi grands hommes. S'il faut s'arrêter au jugement que d'anciens  de Cicéron, L i v. V11. 75 écrivains en ont porté , HortenlTus devoit une grande partie de fa gloire a fon aétion, oü il entroit même plus d'art que nën demande ( Coss. L./Emilius PAULLUS. C. Claü- C1US MEÏEIIUS. (a) Brundufium venimus VII. kal. decemb.... Tetentia vero , qua? quidem eo tenipore ad portam Brundiiïnam venit, quo ego in portum , mihique obvia in foro fuit. Ibid. Nunc incido in difcrimen iplum. Dabunt operam ut eliciant fèntentiam meam. Tu autem de noftro ftatu cogitabis, primum quo artificio tueamur benevolentiam C«laris. Ibid. i. 84 HlSTOIRE DE LA V I E ils sëmbrafsèrent (a) au milieu de Ia place publique. De Brindes il prit a petites journées le chemin de Rome , s'arrêtant fur la route , pour conférer avec fes amis , qui venoient de tous cötés a fa rencontre, fans diftindlion de parti. II pénétra bientót les difpofitions générales. C'étoient celles qu'il redoutoit le plus; un penchant pour Ia guerre déja déclaré dans tous les cceurs. Comme il en jugeoit avec moins d'intérêt , & par conféquent avec plus de modération, il s'attacha d'abord a" la réfolution d'employer tous fes foins & toute fon autorité a ménager la paix. II ne s'étoit encore déclaré pour aucun parti 5 non qu'il füt dans 1'irréfolution, car il étoit déterminé dans le cceur a fuivre Pompée 3 mais il prévoyoit de la difficulté a ménager fa conduite. II vouloit éviter de prendre part aux décrets qui fe préparoient contre Céfar , & fon deiïein étoit de garier pendant quelque tems les apparences de la  de Cicéron, Liv. VII. 85 neutralité, pour faire 1'office de médiateur avec plus de bienféance &c de fuccès. Dans cette difpoiïtion , il fe procura le dix de décembre une conférence avec Pompée, dont il rendit auffi-töt compte a Atticus. <* Nous avons » pafle, dit-il (a) , environ deux heures enfemble. 30II m'a paru charmé de mon retour. 11 m'a 33 exhorté a demander Ie triomphe, & m'a promis 3» de me foutenir de fon crédit. II m'a confeillé en 33 même-tems de ne me trouver au fénat qu'après 33 que je 1'aurai obtenu; de peur qu'en opinant je n'a33 lienaffe 1'efprit de quelque tribun : en un mot, 33 il ne pouvoit traiter Tarnde de mes intéréts 33 d'une manière plus obligeante. Quant aux af*> faires de la république , il m'a témoigné qu'il ne 3> doutoit point que nous n'euffions la guerre ; 33 qu'on ne devoit plus efpérer d'accommodement; 33 que depuis quelque tems il voyoit bien que Cé33 far ne vouloit plus le ménager , &c qu'il en 33 avoit eu depuis peu une nouvelle preuve j 33 qu'Hirtius, 1'ami particulier de Céfar , étoit ve33 nu de fa part a Rome fans venir chez lui; qu'il 33 étoit arrivé le fixième de décembre au foir, & 33 que Balbus comptant parler le lendemain de 33 grand matin a Scipion de l'afTaire qui 1'avoit 33 amené, il étoit parti la nuit même. Pompée re- (a) Ad Att. 7, 4. r lij An. de R." 703. Cicer. 57, Coss. L. iEnnnus Pauhus. C. Clau- dius metehus.  An. de R. 705. Cicer. 17. Coss. L.iEMILIUS Paullus. C. Claubius ME- tellus. (a) Mud tarnen non defïnam, dum adifle te putabo, de Cxfans nomine rogare ut confeftum relinquas. Ibid. 5 , 6. Mihi autem moleflifllmum eft quod folvendi funt nummi Csfari, & inftrumentum triumphi eo conferendum. Ibid. 7 , 8. $G HlSTOIRE DE LA VlE I garde cette conduite comme une marqué cer» taine que Céfar veut rompre avec lui. Enfin , »la feule efpérance qui me reffe , eft qu'un » homme , a qui fes ennemis mêmes offrent un y fecond confulat , & que la fortune a élevé « il haut, ne fera pas affez infenfé pour rifquer a> de perdre tant d'avantages : mais fi cela ne 3> peut 1'arrêter , combien vois-je de chofes a =0 craindre que je n'ofe vous écrire ? au refte, je » compte être aux portes de Rome le troifième *> de janvier ». Cicéron étoit troublé par un fcrupule , qui devenoit une peine importante dans fa lituation. II devoit une fomme dargent a Céfar (a). II ne pouvoit s'acquitter de cette dette fans fe priver d'une partie de 1'argenr qu'il avoit réfervé pour fon triomphe, & fa déiicateffe néanmoins lui faifoit regarder comme une chofe odieufe & indecente , de prendre parti contre un homme dont il étoit le débiteur. II eut recours a 1'amitié d'Atticus , qui le délivra fans doute de eet embarras, car il ne s'en trouve plus aucune tracé dans leurs  de Cicéron, Lip", VII, 87 lettres. On ne devine point dans quelles circonf- An.de R. tances il avoit contraire cette obligation envers ciceu'57. Céfar; a moins que ce n'eüt été après fon exil, L,^°s,iIUS lorfque la ruine de fes afFaires lui avoit fait cher- I>ACJ1C^,U. cher de 1'areent pour rétablir fes maifons. DIus me- o r _ TEILUS. Pompée lui trouvant tant d'inclination pour la paix , voulut fe procurer avec lui une feconde conférence avant qu'il füt arrivé a Rome , dans 1'efpoir de le guérir de fes craintes, & de lui faire perdre un vain défir d'accommodement qui n'étoit propre qu'a refroidir le zèle de fes amis & du fénat. II le joignit a Lavernium , &c 1'ayant accompagné jufqu'a Formies, ils y eurent enfemble une converfation qui dura la moitié du jour. a Vous me demandez , écrivoit Cicéron a » Atticus, s'il y a quelqu'efpérance d'accommo» dement; au tant que jën puis juger par tout ce 30 que m'a dit Pompée , qui eft entré avec moi 33 dansun grand détail, on n'en a pas même envie. 33II prétend que fi Céfar obtient le confulat, même 33 en remettant le commandement de fes troupes, 33 la république fera bientöt bouleverfée. II eft 33 d'ailleurs perfuadé que lorfque Céfar faura qu'on 33 fe prépare a prévenir fes deffeins, il ne penfera 33 plus a demander le confulat cette année , & 33 qu'il aimera mieux garder fon armée & fon 33 gouvernement: qu'au refte s'il fe portoit a queli» qu'extrémité, on devoit peu s'en alarmer; qua- F iv  An. de R. 7Oj. Cicer. 57. Coss. l. jïmilius Paullus. C. Claudius metellus. O) Derepub. quotidie magis timeo. Non énimboaï, ut vocant, confentiunt. Quos ego equites romanos, quos fenatores vidi, qui acerrime turn cartera , turn hoe iter Pompeii vituperarent. Pace opus efl : ex victoria cum multa mala , turn certe tyrannus exiilat. Ibid. 7, y. Ut viftus eris profcribare; fi vicens, tarnen fervias. Ibid. 7, 7. Ad pacem hortari non defino qua-, vel injuffa , minor eft quam juöiffimum bellum. Ibid. 7, 14. MaJIem tantas ei Vires non dedilTet, quam nunc tam valenti refiileret. Ibid. 7,3- Nififcrte hare ilü turn arma dedimus , ut nunc cum bene parato pugnaremus. Ibid. 7, 6. 88 HlSTOIRE DE la VlE » vee les troupes qu'il avoit a fa difpofition 8C m celles de la république 011 fauroit bien 1'arrêter : " Que voulez-vous que je vous dife ? quoique je »penfe fouvent combien les évènemens de la » guerre font incertains , je me fentois néanmoins 33 raffuré, en entendant raifonner un homme de » cette vaieur & de cette expérience fur le dan53 ger de s'en tenir a une fauffe paix 33. Cicéron ne laifla point de conferver des efpétances d'accommodement, & de s'en tenir au projet qu'il avoit formé d'y employer tous fes efforts. II fe confirma dans cette réfolurion a mefure qu'il obferva les difpofitions des deux partis. Les gens de bien , comme on les appeloit, étoient mal unis entr'eux (a). La plupart avoient quelques plaintes a faire de Pompée. D'ailleurs il entroit dans leurs fentimens trop  D E Cl C É R O N, L I V. VIL 89 d'emportement & de violence. Ils ne parloient que de perdre & d'anéantir leurs adverfaires. Cicéron croyoit voir clairement, & ne faifoit pas diffi cuité d'annoncer a fes amis, que de quelque cóté que la fortnne fe déclarat, il falloit s'attendre a la tyrannie. La feule différence qu'il prévoyoit dans les fuites de la vicloire , étoit qu'en fuppofant 1'ennemi vainqueur, on étoit menacé d'une profcription, & que le fuccès du bon parti nëxpofok Rome qu'a lëfclavage. Ainfi quelqu'horreur qu'il eut pour la caufe de Céfar , il penfoit toujours qu'il valoit mieux confentir a toutes fes demandes, que de remettre la décifion de cette querelle au fort des armes. Des conditions de paix injuftes lui paroiffoient préférables a la plus jufte guerre; & lorfque d«puis dix ans on n'avoit paru travailler qu'a fortifier Céfar, il trouvoit ridicule qu'on pensat a fe battre contre.un homme auquel on s'étoit mis volontairement dans 1'impuiffance de réfifter. II étoit rempli de ces réflexions & de fes vue« lorfqu'il fit fon entrée d Rome le 4 de janvier II y trouva les deux nouveaux coniuls dévoué: entièrement aux intéréts de Pompée. En approchant de la ville , il eut le plaifir auquel il avoii été tant de fois fenfible, de voir fortir une multitude de citoyens qui venoient le recevoi avec toutes forces d'honneurs. II avoit paffé li An. de R. 703. Cicer. 57- Coss. L.^Emilius Paullus. C Claudius MEtellus. An. de R. 704. Cicer. 58. Coss. 1 C Claudius Marcellus.. L. Cornel, Lemulus . Crus. I  An. de R. 704. Cicer. 58. Coss. C. Claudius Marceilus. I. CüRNEI. Lentüius Crus, (a) Ego ad tirhem accefll prid, non. jan. obvirm mihi Re eft proditum , ut nihil pofïk fieri ornatius. Sed incidi in ipfam flammam civilis difcordis > vel potius belli. Ep. fam. 16, 11. Ego in Tufculanum nihil hoe tempore. Deviurn eft, &c. 5<3 HlSTOIRE DE LAViE dernière nuit dans la maifon Albanne de Pompée, paree que Tufculum, qui étoit écarté de la grande route , ne lui auroit pas été fi commode pour une entrée publique. Mais la fatisfaétion qu'il reffenrit de fe voir mieux établi que jamais dans lëftime du peuple romain , fut mêlée d'un fentiment de triltefie auquel il ne s'étoit pas fitot attendu. Le jour même de fon arrivée ra) il tomba , dir-il , dans les flammes de la difcorde civile, ou pluröt dans celles de la guerre , car il Ia trouva prefqu'ouvertement déclarée. Le fénat venoit de porter un décret par lequel il étoit ordonné a Céfar de congédier fon armée dans un cerrain terme , fous peine d'être déclaré 1'ennemi public : deux tribuns, Marc-Antoine & Q. Caffius ayant entrepris de s'y oppofer , on étoit venu a cette réfolution terrible, qui étoit comme la dernière reffource du fénat dans 1'extrêmité du danger, 5' qui confilloit a ordonner que les confuls Sc tous les autres magiftrats priflent foin que la république ne recüt aucun dommage. C'étoit les armer d'un pouvoir fans bornes contre ceux  de Cicéron, Lip*. V11. 91 a qui Ion attribuoic la qualité d'ennemis. Auffi les deux (a) tribuns & Curion fe hatèrent-ils de fe rendre au camp de Céfar, fous prérexte qu'ils ne croyoient plus leur vie en füreté dans la ville, quoiqu'on ne pensat point encore a les ofFenfer. Marc-Antoine , qui commencoit a fe diftinguer dans les afFaires , étoit d'une très-noble & trèsancienne extraélion. Son grand-père, auffi célèbre par fon habileté que par fon éloquence , avoit perdu la vie dansles profcriptionsde Marius Sc deScylla, & fon père s'érant déshonoré au contraire par la conduite qu'il avoit tenue dans une des plus importantes comm'iffions de la république , étoit mort avec le caraéfire d'un bomme livré a toutes fortes de vices. C'étoit le dernier de ces deux exemples que le fils avoit choifi pour modèle. Des fa première jeunefFe il s'étoit jeté dans tous les excès de la débauche, Sc fes folies dépenfes avoient confumé fon patrimoine (2>) avant qu'il eut pris la robe virile. (a) Antonius quidem nofter & Q. Caffius nulla vi expulfï ad Cxfarem cum Curione profedi erant , poftea quam fenatus confulibus , prxtoribus , tribunis plebis , & nobis qui proconfules fumus, negotium dederat ut curaremus ne quid refpub. detrimenti caperet. Ep.fam. 16, ri. (3) Tenes-ne memorie pretextatum te decoxhTe ? Nemo unquam puer emptus libidinis caufa, tam fuit in domini poteflate quam tu in Curionis. Quoties te pater ejus è domo ejecit fua ! Scilhe me de rebus mihi notiffimis dicere i An. de r« 704.. Cicer. Coss. C. Clau- DJUS MAR' CFLLUS. L. CORNEt. i.entulus Crus.  An. 9» tans 9 cT HlSTOIRE DE LA VlE les fommes qu'il pouvoit recueiilir de fon emploi. II ne celfa point d'être prodigue & lorfqu'il revint a Rome, pour y folliciter le tribunat, il étoit auffi pauvre qu'a fon départ pour 1'Egypte. Ses embarras de fortune n'ayant fait qu'augmenter par les folies dépenfes qu'il fit dans eet office, il fe vit forcé, a 1'exemple de Curion, de fe vendre fans réferve a Céfar; & pour me fervir du langage de Cicéron , il fut la caufe de la guerre civile , comme Hélene 1'avoit été de celle de Troye. On ne fauroit douter du moins que fa fuite nën ait été (a) le prétexte , & Cicéron 1'avoit prédit: « Quand Céfar prendra les armes, avoit33 il écrit a Atticus , ce fera, ou fimplement paree m qu'on aura rejeté fes demandes, ou paree que » les tribuns de fa fadion qui auront voulu em»pêcher,le fénat d'agir, ou foulever le peuple, 33 auront été notés, interdits , dépofés , ou chaf33 fés, ou du moins, que fous prétexte d'avoir 33 appréhendé quelque violence, ils fe feront ré33 fugiés auprès de lui... 33 Dans la même lettre il établit en peu de mots la juftice du parti auquel il étoit réfolu de s'attacher : a- Vit-on jamais  ï> e Cicéron, Liv. VU, 9J -tant d'impudence? Vous avez gardé pendanr « dix ans un gouvernement dont vous avez ob» tenu Ja prolongation par des brigues & par des » entreprifes violentes. Nous fommes a Ja fin de » ce terme que votre ambition feuJe a réglé. Mais » quandvous n'auriez pris cue des voies perrnifes, " °n ordonne qu'on vous nommera un fucceiTeur' M & vous refufez de vous foumettre a ce décret " Vous vouIez <.«'<» vous conferve vos droïts • > mais vous, ne violez-vous pas les droirs les plus =* facrés, lorfque vous refufez d'obéir au fénat 8C »au peuple romain? Si vous ne Kitts ce que ,'« » veux, il faut vous réfoudre h Ia guerre. Eh bied «répond Pompée, que hazardöns-rious > de de«meurerr» vidorieux ou de mourir Lbres » En effet, il étoit clair pour ceux qui cherchoient le plus a s'aveugler, que Ja force de ^ far confiftoit plus dans le nombre & ]a vaIeilr de fes troupes que dans la bonté de fa caufe II en avoit raffemblé la plus grande partie fur les frontières de fltalie , d'oü elles étoient prêtes a marcher au premier figne. La fuite des tribuns U) Ibid. It. Ep. fam. lë i „, (*) Alterius ducis caufa melior videbatür, aherïüs erat «rmior. H,c omnia fpeciofa , ÜJic valemia. Pét&tom fe. na» audtoritas, Csfarem mUitum armayit fiducia. Pat. i, 45. ïö^C ƒ II Q Lieer. la foif de 1'empire & 1'ambition de devenir le „plus grand homme du monde, gloire a laquelle „il ne&pouvoit s'élever que par laruine de Pom- > pée ». II faifit le point oü la fortune 1'attendoit. Ayant paffé brufquement (b) le Rubicon, qui féparoit fa province de 1'Italie, il ne marchaplus que les armes a la main , & dans fa route il fe faifit fans réfiftance de plufieurs grandes villes qui ne penfoient point a fe défendre. Jufqu'alors les troubles dont la ville étoit agiteë n'avoient point empêché ( c ) Cicéron & fes amis  BE Cl CÉ RON, L I v. Vit ? de folliciter ie décret de fon triomphe. L'alTemblée du fénat y avoit cc-,end, & le conful Lentulus qui vouloit fe faire un mérite particulier de cette faveur, avoit demandé feulement quëlle füt différée de quelques jours, pour JaüTer Je tems aux affaires pubiiques de prendre une meilleure forme, en donnant fa parole qu'i! feroit le premier a rappeler les intéréts de Cicéron & le plus ardent a les foutenir. Mais la marche fubite de Céfar fit évanouir tout ce qui étoit moins preffant que la crainte de fes armes. Une terreur panique sëmpara de tous les fénateurs; & plus tremblans que s'ils eufient déja vu lënnemi aux portes de Rome , ils ne penfèrenc qu'a forrir de la ville pour fe retirer dans les parties méridionales de 1'Italie. Les principaux furent charo-és , dans 1'étendue d'un certain diftrid , de ralTembler des troupes & tout ce qui étoit néceifaire pour la défenfe commune. Cicéron eut Capoue pour partage (a) , avec 1'infpedion des cötes , (a) Ego negotio prafum non turbulento : vult enim me Pompeius elle quem tota & campana & maritima ora habeat «5.™*.,, ad quem deledus & fumma negotii referatur. Ad Att. 7,11. Ego adhuc orx maritima; prafum a Formiis. Nullum majus negotium fufcipere volui, quo plus apud illum mea: literae cohortationefque ad pacera valerent. Ep. fam: 16,11. Gij An. de R. 704. Cicer. 58. Coss. C. Claur>ius MaR- ceiius. L. CoRK'Etjf Le n rULÜS Crus.  An. de R. 704. Cicer. 58. Coss. c. Clau. bius Marcellus. L. corn'el. J-EnTL'LUS Cpus. 1 IOO HlSTOIRE DE LA VlE depuis Formies. Lëfpérance qu'il confervoit encore de fe rendre utile a la paix , lui fit refufer une commiifion plus étendue , qui 1'auroit trop éloigné de Rome ou qui auroit trop partagé fes ioins. Ayant même obfervé que fa province nëtoit pas capable de réfiftance, & que la ville de_ Capoue ne pouvoit être défendue fans une forte garnifon, il réfigna fon emploi , en prenant le parti (a) >d'attendre les évènemens. En effet Capoue ayant été depuis long-tems comme 1'école des gladiateurs, & le lieu oü les grands de Rome en faifoient élever des troupes pour les jeux qu'ils donnoient au public, Céfar y en avoit un grand nombre qu'il deftinoit depuis long-tems aux fêtes de fon triomphe. Ils étoient bien armés , & le moindre penchant a la fédition pouvoit les rendre redoutables dans un trouble fi prelTant. Pompée , qui en fentit le danger, prit le parti de les faire fortii du lieu de (b) leurs exercices com- (d) Nam certe neque tum peccavicum imparatam jam Capuatn, non folum ignavix deleftus, led etiam perfidia; fufpicionem fugiens, accipere nolui. Ad Att. 8, n. Quod tibi oftenderam, cum a me Capuam rejiciebam; quod feci, non vitandi oneris caufa ; led quod videbam tenerï illam urbem fine exercitu non pofïe. Epijl. Cicer. ad Pomp. Ad Att. 8 , 11. (b) Gladiatores Csfaris , qui Capuas funt, fane commode Pompeius difiiibuit binos fingulïs patribus familia-  ee Cicéron, Li v. VIL 101 tnuns, & de les diftribuer deux a deux dans les principales maifons de la ville. II faut fuppofer que dans une profellïon qu'ils n'exercoient pas tous volontairement, on les gardoit avec beau- ] coup de précautions. Tandis que les partifans de Pompée s'alarmoient de lui avoir vu quitter la ville a 1'approche de Céfar, ils recurent quelque confolation (a) par 1'arrivée de Labienus, un des principaux chefs de 1'armée ennemie, qui s'étoit dé» terminé tout d'un coup a quitter un parti dans lequel il ne croyoit plus que fon honneur put s'accorder avec fon devoir. Labienus s'étoit fait une réputa- rum. Scutorum in ludo 100 , eruptionem farfturi fuifle dicebantur. Sane rnultum in eo reipublics confultum eft. Ad Att. 7, 17. ( a ) Maximam autem plagam accepit quod is qui (ummam auftoritatem in illius exercitu habebat, T. Labienus focius fceleris efle noluit: reliquit illum & nobifcum eft, multique idem faóturi dicuntur. Ep. fam. 16, 12. Aliquantum animi videtur attulifle nobis Labienus. Ad Att. 7, 13. Labienum fecum habet Pompeius, non dubitantem de imbecillitate Cajfaris copiarum ; cujus adventu Cnasus nofter multi animi plus habet, Ibid. 7 ,16. Nam in Labieno parum eft dignitaris. Ibid. 8, z. Fortis in armis Crefareis Labienus erat, nunc transfuga vllis. Lucan. f, 345', G iij An. de r. 704. Cicer. 58. Coss. C. CLAU-. >ius Mar:elius. \.. CORNEI. -entuius -KUS,  'An. de R. 704. Cicer. 58. Coss. C. CiAU- dius Marcellus.1. Cornel. 1.entulus Crus, I02 HlSTOIRE DE LA VlE tion extraordinaire dans la guerre des Gaules. II n'y avoit pas acquis moins de richeffes , & Ton fe promit a Rome qu'un fi grand exemple feroit bientót fuivi d'une partie des amis de Céfar. Pompée ne fe flatta pas moins de tirer beaucoup d'utilité de fon fecours, foit pour connoitre les vues de fon ennemi , foit pour débaucher fon armée. Mais la fuite des évènemens s'accorda mal avec 1'idée que Labienus lui fit prendre de la fituafion de Céfar. II prétendit que fes troupes étoient foibles, mal difpofées : que les deux Gaules n'avoient pas plus d'affeétion pour lui, 3l que leur penchant les portoit au contraire a la révolte. Soit que Labienus fit le role ordinaire des déferteurs, qui eft de s'attacher moins a la vérité dans leurs récits, qu'a ce qu'ils croient capable de leur procurer un meilleur accueil, foit que les affaires de Céfar euffent changé réellement dans fon abfence , le jugement qu'il en avoit porté fut bientót démenti par 1'expérience; & comme il n'avoit point engagé dans fa défertion les troupes qu'il commandoit , elle n'eut point d'autre effet que de ruiner fa fortune, lans avoir procuré le moindre avantage a Pompée. Mais ce qui fit concevoir aux honnêtes gens des efpérances beaucoup mieux fondées, fut un plan de conciliation que Céfar envoya dans le même tems a Rome; car tandis qu'il pouffoit la  de Cicéron, L i r. VIL 103 giierre avec la dernière vigueur , il affe&oit de parler fans celle de paix & d'accommodement. II s'efforcoit particulièrement de perfuader a Cicéron qu'il n'avoit pas d'autre vue que de fe mettre a. couvert de (a) 1'infulte de fes ennemis, & qu'il étoit difpofé a céder a Pompée le premier rang de 1'état. Ses conditions portoient que Pompée te rendroit dans fon gouvernement d'Efpagne, que fes nouvelles levées feroient congédiées (b) , & les villes délivrées de leurs garnifons: de fon cöté il sëngageoit a réfigner fes deux provinces, 1'une a Domitius, 1'autre a Confidius , & a venir folliciter le confulat en perfonne, fans demander d'être difpenfé des loix. Ces articles furent acceptés aviaement, dans un grand confeil qui fe tint a Capoue , & le jeune L. Céfar qui les avoit (a) Balbus major ad me Icribit nihil malle Cxfarem, quarn principe Pompeio fine mem vivere. Tu puto hasc credis. Ad Att. 8 , s>. (£) Feruntur omnino conditiones ab illo, ut Penpeius eat in Hi'.'paniam : deledtus qui funt h:.bi>.i . & prafidia r.oftra dimittantur : fe ulteriorem Galüam Dornitio , citeriorem Confidio Noniaro traditurum. Ad conlulnfus petitinr.em fe venroturfl , neque fe jam veile , abfente fe, ra-ionem fui haberi. Ep. fam. \6, n. Ad Att. 7, 14Accepimus conditiones , fed ita ut removeat oraefidia ex iis lec's qusE occupavit, ut fine metu de iis ipfis conditiontbus Roma? fenatus haberi poiïiu Ibid. Giv An. de r. 704. Cicer. 58. Coss. C. Clau- dius makcellus.l. cornel. Lentulus Crus.  An. de R. _ 704. Cicer. 58. Coss. C. Ci.au- Dius Mar cei.eus. L. CORNFI. Lentulus Crus. 3 3 3 3 3: 3: (a) Ad Att. 7, iy. I04 HlSTOIRE DE LAVlE apportés, fut renvoyé avec une lettre de Pompe'e, qui n'y ajoutoit qu'un article préliminaire: il demandoit que Céfar retirat fes troupes des villes dont il s'étoit faifi , afin que le fénat put retourner fans crainte a Rome , & régler tout le refte avec plus d'honneur Sc de liberté. Cicéron qui afliftoit a ce confeil, en écrivit les circonftances a Atticus : cc J'arrivai hier, vingr-cinquième de jan» vier, a Capoue (a), oü j'ai vu les confuls Sc " un grand nombre de fénateurs. Ils fouhaitent >3 tous que Céfar retire fes troupes des places de 1 Italië, &c qu'il s'en tienne aux conditions qu'il o a propofées lui - même. Favonius feul prétend '3 qu'on ne doit point les recevoir de lui, mais 3 on ne 1'a pas même écouté. Caton préfere la 3 fervitude a une guerre civile. II a déclaré néan3 moins qu'il vouloit fe trouver au fénat lorfqu'on 3 y traitera de ce qu'on doit accorder a Céfar, 3 s'il fe détermine a retirer fes troupes. Ainfi il » n'ira point en Sicile oü fa préfence feroit fort > néceffaire, au lieu que dans le fénat elle pourra » nuire. La - deffus, Pofihumus qu'on a nommé ■ pou^ aller prendre au plutot en Sicile la place ■ de Tuffanus, a déclaré qu'il n'iroit point fans ■ Caton. II eft perfuadé qu'un homme de fon importance eft a préfent fort néceffaire au fénat.  be Cicero n, L i v. VU. 105 i> On sëft trouve obligé dënvoyer Fannius com» mander en Sicile. » Nous raifonnons ici fort diverfement. La plu33 part prétendent que Céfar ne s'en tiendra point 33 aux conditions qu'il a propofées , & qu'il ne 33 cherche qu'a nous amufer, pour empêcher que 33 nous ne nous mettions en état de lui réfifter. 33 Pour moi, je fuis perfuadé qu'il retirera fes 33 troupes. Pourvu qu'on le fade conful, il aura ce 33 qu'il prétendoit, fans qu'il lui en coüte des 33 crimes. II faut abfolument que nous en paffions 33 par-la , étant fi honteufement prïs au dépourvu. 33 Nous n'avons point de troupes, nous manquons 33 dargent. En abandonnant Rome, nous avons 33 livré a* notre ennemi, non-feulement celui des 33 particuliers, mais tout le tréfor public 33. Pendant que ce traité fe négocioit, Cicéron fe flatta que 1'animofité des deux partis commengoit a fe rallentir, & que la querelle n'étoit pas éloignée de fa fin. Si le fénat devoit ouvrir les yeux fur fa foiblefie, lorfqu'il fe trouvoit furpris fans préparation & prefque fans défenfe , Céfar avoit pu faire des réflexions fur fa témérité. Cependant il trouvoit le fujet d'une jufte défiance dans le, choix que le fénat (a) avoit fait d'un (a) Spero in praerentia pacem nos habere. Nam & illum fmoris, & hunc noftrarum copiarum pcenïtet. Ibid. Tarnen An. de R: 704. Cicer. ss. Ccrss. C. Claumus Mar-. cellus. L. CORNEL. Ientulus Crus.  An. de R. 704. Cice.-. 5s. Coss. C. Ceau- DIÜS MARCEIIUS.Ï-. CORNEL. LENTULUS Csus, 106 HlSTOIRE DE LA VlE minifire d'auflï peu de poids que le jeune Lucius Céfar, pour une fi importante cornmillïon. Cette députation fembloit (a) porter un air de mépris, ou peut-être avoit-il voulu fe ménager le pouvoir de la défavouer. D'ailleurs il étoit fürprénant qu'après avoir fait volontairement des propofitions , il ne fulpendït pas du moins la marche de fon armée (b) pour attendre la réponfe du fénat. Un intervalle de quelques jours fit connoïtre qu'il n'y avoit eu que de la juitice dans rous ces foupcons , & que fes propofitions de paix n'étoient qu'une comédie méditée. II ne fit aucuue attention a la réponfe de Pompée, &c les raifons qu'il donna de ce mépris furent fi frivoles , que c'étoit faire connoïrre encore mieux fes inrentions que d'apporter fi peu de foin a les déguifer. II avoit eu néanmoins deux raifons pour envoyer fes vereor ut his ipfis ( Ca:(ar ) contentus Cit. Nam cum ifla mandata dediiiët L. Ca:fari , debuit effe paullo quieiior , dum relponfa referentur. Ibid. 7,17. Carfarem quidem, L. Cxfzre cum mandatis de pace miflo , tarnen aiunt acerrima loca occupare. Ibid. 18. L. Casfarem vidi, ut id ipfuni mihiille videatur irridendi caula fecilTe, qui tantis de rebus huic mandata dederit, nifi forte non dedit, & hic fermone aliquo arrepto pro mandatis abufhs eft. Ibid. 13. ( a ) Accepi literas tuas , PhilottmJ, Furini, Curonis ad Furnium quibus irridet L. Cxfaris legationem. Ibid. 13. {b) CxC. Comment. de Bell. Civ. liv. 1.  e> e C i c é r o n, L i v. VI1. 107 articles au fénat: Tune étoit lëfpérance que Pompée , par la feule averfion qu'on lui connoiffoit pour fon traité , ne manqueroit pas de les rejeter, & que ce refus feroit tomber fur lui toute la haine de la guerre civile: 1'autre, que s'il les recevoit, le tems qu'il employeroit a fes délibérations, lui en feroit perdre beaucoup pour fes préparatifs, & lui feroit retarder fon départ d'ïtalie; tandis que Ia diligence incroyable avec 3aquelle (a) il faifoit marcher fon armée, pouvoit le faire arriver affez tót pour prévenir lëmbarquement de fon ennemi, & lui affurer peut-être le pouvoir de finir d'un feul coup une guerre dont il n'appréhendoit que les longueurs. «Je voss. » écrivoit Cicéron (b) , quoique tard affurément, » paree que j'ai pris trop de confiance aux rapports » de Balbus, qu'il n'en veut, & que dans 1'ori» gine il n'en a jamais voulu qua la vie de » Pompée ». Si 1'on confidère ce fameux paffage du Rubicon fans aucun rapport avec le fuccès , on h trouvera fi imprudent & fi téméraire , qu'on n< (a) O celeritatem incredibilem! Ad Att. 7, (b) Intelligo ferius equidem quam vellem, propter epiöolas fermonefque Balbi, fed video plane nihil aliud agi, nihil adum ab initio , quam ut hunc occideret. Ad Att. 9 , An. de R. 704. Cicer. 58. Coss. C. ClaUDius Mar- CELltJS. l. CORNEt. lentulus, Crus.  An. cle R. 704. Cicer. j8. Coss. C. Clau. ïhus Mar- CHl lus. 1. cornfl. ï.entulus Crus. 1 I 1 ( 1 ~ c 108 Histoire de ia Vie fera pas furpris que Pompée ne s'y füt point attendu, & que dans fopinion qu'il avoir de la prudence de Céfar, il ne 1'eüt pas cru capable d'une entreprife fi peu fenfée. S'il n'avoit été queftiöri que de la conquête de 1'Italie , il y auroit eu moins de folie dans fes efpérances. Son armée étoit fans doute la meilleure qu'il y eut au monde. Accoutumeë a vaincre, & dévouée a la gloire de fon général, il n'yavoit point de puiffance quëile dut redouter. Mais cette armée compofoit toute fa force. II n'avoit pas d'autre reffource. La perte i'une feule bataille entrainoit fa ruine. Et combien n'en devoit-il pas envifager avant que de parrenir a fon but ? Tout lëmpire alloit s'armer conrre lui: chaque province lui ofFroit de nouveaux :nnemis a combattre. Ajoutons que fes ennemis itoient maïtres de la mer, de forte qu'il ne pouvoit tranfporter fes forces hors de 1'Italie fans ëxpofer au hafard de rencontrer une flotte reloutable , ni tenir long-tems la campagne fans nanquer bientót de vivres & de munitions. Pom«e avoit fait tant de fond fur cette feule cironftance qu'il 1'avoit crue décifive en fa faeur (a). Auffi ne peut-on trop s'étonner qu'avec ( a ) Exiflimat Pompeius , qui mare .teneat, eum neeefie 2rum potin Jtaque navalis apparatus ei femperanti- '.iilfima cura fuit. Ibid. 10,8.  DE ClCÉEON, FII. 109 tant d'avantages un li grand général ait manqué de fortune; & cëft bien moins la conduite que le bonheur de Céfar, qui le fit arriver a. lëmpire a travers tant d'obfbcl es. Cicéron ne parle jamais de fon entreprife fans la traiter de folie (a); &c dans le tems même qu'il le voyoit marcher avec tant d'ardeur , il confervoit lëfpérance d'apprendre tout d'un coup qu'il auroit cbangé fa marche , & que cette impétuofité fe feroit refroidie. Pompée & le fénat n'avoient pas d'autre fondement de confiance lorfiqu'avec fi peu de préparations , ils paroiffoient fermes a 1'attendre & difpofés a lui réfifter. Céfac pouvoit s'imaginer de fon cöté que ces apparences de fermeté venoient de la fauffe opinion qu'ils avoient de leurs forces, & fe flatter quëlle iroit jufqua lui faire prendre le parti de les mefurer avec les fiënnes •, & dans la fuppofition d'une bataille , le fuccès ne pouvoit lui paroïtre incertain. Ainfi en prenant le change fur les vues i'un de 1'autre, les deux partis sëtoient peut-être engagés plus loin qu'ils ns fe 1'étoient propofé. Céfar avoit pu fe perfuader d'autant plus naturellement que le defiëin de fes ennemis étoit de le combattre en Italië, que dans leur parti même on ne s'oc- (a) Cum Csfar amentia quadarn raperetur. Ep, fam. 16, li. An. de R. 704. Cicer. 58. Coss. C. Claudius Mar^ CEI1US. L. CORNEt. Lentulus Crus,  'An. de R. _ 7°4Cicer. 58. Coss. C. Ciau- b1us MaRcel1us.1. CORNEI. ï.entulus Crus. ( a ) Pompeius ad me fcribit, paucis diebus fe firmum exercitum habiturum, fpemque afFert fi in Picenum agrum ipfe Yenent, nos Romam redlturos efle. Ibid. 7, \6. {b) Sufcepto autem behVaut tenenda fit urbs, aut ea relicta , ille commeatu & reliquis copiis intercludendus. Ad Att. 7,9. Sin autera ille fuis conditionibus tlare noluerit, bellum paratum efi : tantummodo ut eumintercludamus, ne ad urbem poflit accedere ; quod fperabamus fieri pofte : deledus enim magnos habebamus...... ex Hifpaniaque fex legiones & magna auxilia, Afranio & Petreio ducibus, habet a tergo. Videtur, fi infaniet , pofTe opprimi, non modo ut urbe falva. Ep.fam. 16 , iz. Summa autem fpes Afranium cum magnis copiis adventare. Ad Att. 8,3. iio HlSTOIKE DE LA VlE cupoit que de cette chimère , & que Pompée s'erfbrcoit de lui donner de la vraifemblance. Ce nëft pas qu'il n'eüt fenrj des le premier moment la nécelïïté de s'éloigner, mais il gardoit ce fecret pour lui-même , & dans le même tems il écrivoit a Cicéron qu'il comptoit de fe voir incelfamment a la tête d'une armée (a) avec laquelle il iroit au-devant de Céfar jufques dans Ie Picenum. II affecloit de publier fon plan , qui étoit de fe faifir des principaux paffages , de partager fes forces pour donner de tous cótés de 1'occupation & de l'inquiétude a lënnemi, de lui couper les vivres SC les fourages, enfin dëmpêcher qu'il nappro:hat de Rome, jufqu'a (b) larrivée d'Afranius, 3e Petreius & de Varron , qui devoient amener  de Cicéron, L i v. VIL 111 d'Efpagne une armée de veterans capable de finir bientót la guerre. Le fénat étoit fi rempli de ces idéés , que ne pouvant croiré Pompée difpofé a quitter 1'Italie avec un fi beau projet, il chargea Domitius de fe jeter dans Corfinium , place forte au pied du mont Apénnin \ dans lëfpérance qu'avec trois légions, dont il avoit la conduite, il feroit capable d'y arrêter quelque tems Céfar. A la vériré cette démarche déplut a Pompée , qui écrivit auffi-töt a Domitius de le venir joindre(a), en lui repréfentant qu'il ailoit s'engager dans un lieu d'oü il feroit aifé a Céfar de lui couper toute retraite. Mais Domitius perfuadé que 1'Italie devoit ctre le fiège de la guerre , & que Pompée ne 1'abandonneroit pas avec un corps de troupes qui étoit compofé de fes meilleurs amis, ne put confentir a quitter un pofte aüffi avantageux que Corfinium. II compta d'y être fecouru ; & lorfqu'il s'y vit aftiégé (.4)., il écrivit encore a Pompée 'd) Nos disieda manu pares adverfariis efle non pof-, fumus .... Quamobrem nolito commoveri, fi aüdieris me regredi, G forte Caefar ad me veniet, etiam atque etiam te hortor ut ;urn omni copia quamprimum ad me venias Vid Ep Pomp. ad Domit, Ad Au. 8, i z. (0) Domitius 3,1 Pompelum mittit, qui petant atque orentüt fibi fubvcnïat. Casfarem duobus exercitibus & locorum angufiiis interchidj pöfle , frumentoque prohiberi, &c, Ccvj'. Com, de Bilt. civih Ui. r. An. de R. ' 704. . Cicer. jS. Coss. C. Cl.AU- dius Mar- CELLUS. ! L. COKNEL. LEN1ULUS Crus,  An. de R. 704. Cicer. 58. Coss. C. Clau- BIUS marCEllUS.1. corkei. Lentuius Crus, 5 1 3 3 3 3 33 a 112 HlSTOIRE DE LA VlË que rien ne lui paroiffoit plus facile que d'enfer- iner Céfar entre deux armées. Cicéron commencoit a ouvrir les yeux fur mille circonftances qui étoient échappées jufqu'alors a fa pénétration. II n'avoit pu s'imaginer qu'on fe trouvat jamais dans ia néceffité de quitter 1'Italie : mais la conduite de Pompée n'étant que trop propre a lui faire pénétrer fes intentions. il ne fut plus le maïtre de déguifer fes inquiétudes. II écrivit a Atticus pour lui demander fes confeils fur fa propre conduite , & fa lettre eft d'un coeur extrêmement agité. «II eft queftion, lui difoit-il , de décider fi .3 je dois fuivre Pompée, dans la fuppofition qu'il • abandonne 1'Italie, car toutes les apparences me » portent a le croire. D'un cóté , lorfque je trouve » dans ce grand homme & mon Iibérateur & mon 3 ami, lorfque je confidère fur-tout que fa caufe 0 eft celle de la république, il me femble que je 3 ne puis prendre d'autre parti que le fien , ni fu£^ •> vre d'autre fortune. De plus, fi je demeure eQ 3 Italië, &c que je me fépare de tant de citoyens > diftingués par leur rang & par leur vertu, il 3 faut que je reconnoiffè un maïtre. II eft vrai > qu'il me traite avec beaucoup d'amitié, & que > j'ai eu foin, comme vous le favez, de le ména» ger de longue main , dans la 'crainte de 1'orage > qui eft prêt a tomber fur nous. II faut néanmoins examiner d'abord fi je puis me fier entièrement  =>a lui; & lorfque j'en ferois tout-a-fait sur, fi » un homme de cceur & un bon citoyen peut » demeurer foumis k un pouvoir arbitraire) dans " Une Vilie ou ü a re^i Jes premières di.rn.i- - tés, Ou il a fait des aétions éclatante*, & oü il » eft acruellement revêtu d'un emploi augufte & i - facré. D'ailleurs je rifquerois beaucoup^, & Ce M "e feroic Pas fans q»elque bónte , ft Pompée - venoit è rétablir les afFaires. Voitó les raifons - quon peut alléguer d'une part$ mais voici cel- - les qu'on peut leur oppofer. Pompée jufqu'a pré» Fent n a montré ni prudence ni réfolution: j'ajoute » qu'ü n'a eu aucun égard a tous mes avis Je » pourrois rappeler le pafte & faire voir que cëft ' » lui qui a donné k Céfar des forces & des ar* -mes contre la république; qu'il lui a infpiré » laudace d'employer les voies de fait, pour faire - paffer des loix fans avoir égard aux aufpices ; »ü qu'il a fait joindre au gouvernement de Céfar » celui de la Gaule Tranfalpine; qu'il a recher- Ché fon aüiance; qu'il fit les foncrions d'auaure » lorfque Clodius fut adopté par un plébéien • » que s'il a contribué k mon rappel, il ne s'étoit » point oppofé k mon exil; qu'il a fait continuer »a Cefar fon gouvernement, enfin qu'il 1'a Fervi =° dans touces fortes d'occafions. Et pendant fon - troifième confulat, lorfqu'il eut commencé k » foutenir les intéréts de la république , ii voulüt Tomé III n An. de R, 704. Cicer. j8. Coss. O Cl AU» 3ius Mak;ei.lus -. COKNEI,. -ENÏULUS  An. de K. 704. Cicer. 58. Coss. C. claud1us MARcellus.L. CORNEl. l.entulus Crus. 114 HlSTOIRE DE LA VlE „ abfolument que les dix tribuns propofaffent le » décret qui permettoit a Céfar de demander le » confulat fans venir a Rome, ce qu'il confirma » encore par une de fes loix. Ne s'eft-il pas op» pofé depuis a M. Marcellus , lorfqu'il voulut » faire nommer un gouverneur pour les Gaules > » Mais fans m'arrêter a tout cela, vit-on jamais » rien de plus indigne & de plus mal concerté „ que cette retraite, ou pour mieux dire cette fuite » hon.teufe > Quelles conditions ne devoit-on pas M accepter plutöt que d'abandonner la patrie > » Elles étoient fort mauvaifes, je 1'avoue , mais „ eft-il tien de pire que 1'érat oü nous fommes ? » Pompée, dira-t-on , pourra fe relever. Quand » & comment fe relevera-t-il ? Quelles mefutes » a-t-on prifes ? n'avons-nous pas perdu le Pice* num? Le chemin de Rome nëft-il pas ouvert » a notre ennemi ? Ne lui avons-nous pas livré » tout le bien des particuliers & tout 1'argent du „ tréfor public ? Enfin nous n'avons point de parti »fbrmé, nous manquons de troupes, nous n'oc=0 cupons aucun pofte oü ceux qui font bien in„ tentionnés puiffent fe ralTembler. On s'eft retiré » dans la Pouille, qui eft la province de toute » 1'Italie la plus foible & la plus reculée ; c'eft „ marquer qu'on a perdu toute efpérance, & qu'on » n'a penfé qua fe ménager une retraite en laif5> fant la mer derrière foi.  de Cicérou, Lip-, VIT. Il5 Dans une autre lettre.... «II ne manque plus » a Pompée, pourfe perdre entièrement de répu«• tation, que de ne pas aller au fecours de Domi- tius: au/U tout le monde croit qu'il ka, mais »je fuis perfuadé qu'il n'en fera rien. Quoi \ \\ * abandonnera un homme de cette confidération » & tant d'autres perfonnes de marqué, lui quj * 3 trente cohortes ? 11 ies abandonnera , ou je'ferai » fort trompé. La peut la entièrement faifi, il ne * Penfe Plus qu'a f"it. Je vöis bien que vous * "°^eZ 1ue l'e le fuivre. Pour moi je fais * bien avec qui je ne dois pas être, mais ttgrrórö » avec qui je dois aller. Lorfque je vous ai dit * que j aimois mieux être vaincu avec Pompée h 1ue de vaincre avec Céfar, vous m'avez répon» du que ce fentiment étoit noble, & qu';i me faj_ * foit beaucoup d'honneur. Je n'en ai point chan » gé ; mais je parlois de Pompée tel qu'il étoit » alors, ou tel que je me le figurois, & non pas "dun homme qui fuit fans favoir ni pourquoi ni "comment, qui a livré tous nos biens a notre * ennemi, qui a quitté Rome, & qui eft prés de * quitter 1'Italie. Mais enfin quand ff aurois été * refolu, c'eft une chofe faite, & nous fommes déja - vaincus » , &c. II s'étoit répandu dans 1'Italie un préjugé contre le caraétère de Céfar, qui en faifoit appréhender les plus terribles effets. On le repréfentoit vin- Hij An. de R, 704. Cicer. 58. Coss. C. Cr au°ius Mar- cei.ius. L. CoRNEt. Lentuius Crus.  An. de R. 704. Cicer. s8. Coss. C. Cl au dius Mar cellus." L. Corsel, 1.enïulus Crus. 116- HlSTOir,E DE LA VlË dicatif & cruei. Cicéron même étoit fi prévenu de cette opinion (a), qu'il parle de lui dans fes lettres comme d'un fecond Phalaris. C'étoit la coaclufion qu'il tirpit auffi naturellement de fa vie paffée que de fon entreprife préfente, & plus encore du caradère de fes amis & de fes partifans ,-qui n'étoient prefque tous que des gens décriés par leurs crimes ou par leurs vices. On affuioit auffi qu'il avoit déclaré ouvertement (4) , qu'il 'venoit venger la mort de Cn. Carbon, de U. Brutus, & de tous les autres chefs de lafaction de Marius, que Pompée , tandis qu'il recon'noiffoit Sylla pour fon chef, avoit fait périr diverfement. Toutes ces.craintes étoient fans fondement; car Céfar s'étoit fait des maximes tout-afait oppofées a la tyrannie. Les exemples hiftoriques Sc fes lumières naturelles lui avoient fait comprendre ( c) que la clémence.dans un vainqueur \a) Mum cuius »«a4^ times , omnia teterrime facturum puto. Ad Att. 7 , %. Incertum eft Phalarimne an Piftftratum fit irr.itaturus. Ibid. zo. Nam csdem video , fi vicerit, & regnum r.on modo romanö homini, fed ne perfse qui'dem tolerabile. Ibid. 10, 8. Qui-hic poteft fe gerere non perdit ? Vita , mores, ante fafta , ratio fufcepti negotii, focii. Ibid. 9, z. It. 9, *9- (b) Atque eum loqui quidam narrabant Cn. Carboms & M. Bruti fe poenas perfequi, SÏc. Ad Att. 9 , 14' (c) Tentemus hoe modo , fi poflumus , omnium voluntates recuperare & diuturna viftoria uti: quoniam reliqui  de Cicéron, L i v. VIL 117 eft le plus sur moyen d'alfurer les fruits de la victoire. Corfinium lui avoit déja fourni 1'occafion de faire éclater fes principes. Ayant forcé Domitius de fe rendre a difcrétion , il 1'avoit renvoyé libre, lui & tous les fénateurs qui étoient tombés entre fes mains, au nombre defquels étoit Lentulus Spinther, ami intime (a) de Cicéron. Cette crénérolité produifit un changement admirable en fa faveur. Le public revenant de fes alarmes , commenca bientót a fe perfuader qu'il ne cherchoit eff'eclivement, fuivant fes premières proteftations , que de la siireré pour fa perfonne & pour fa dignité. Pompée, au contraire , fe rendic plus méprifable de jour en jour , en fuyant a 1'approched'un ennemi qu'il avoit mis, difoit-on, dans la nécefïité de prendre les armes par fon orgueil &fon obftinarion. ft Dites-moi, écrivoir Cicéron; 30 n'eft-ce pas une chofe déplorable que Céfar avec » la plus mauvaife caufe du monde s'attire des apin plaudiffemens , pendant qu'avec la meilleure {b ) crudelitate odium effugere non pctuerunt, neque viftoriam diutius tenere, prster unum Syllam, quem imitaturus non fiim. Hxc nova fit ratio vincendi, ut milêricordia & Kberaliute nos muniamus. Ep. Cezf. del Att. 7. (a) Cxf. Comment. liv. 1. Pluta-q. Vie de Céfar. [b) Sed, o'ofecro, quid hoe miierius quam airerum plau'us in fcdiffima caufa quarrere, altenim offenfiones in optima ? alterum exiftimari coiifervatörém inimicorum j alterum defertorem arnicorum ; Et me hercule , quamYÏs Hiij An. de R. 704. Cicer. 58. Coss. C. Cjuumus Mar- CEIXUS. L. CORNEI. lentueus Crus,  An. ie R- 7°4r Cicer. 5 8. Coss. C. Cj.au- pius Marcellus. L. CoRNEL. Lentulus Crus. amemus Cnsum noilrum , ut & facimus & debemus , tarnen hoe, quod talibus virïs non fubvenit, laudare non polTum. Nam live timuit, quid ignavius ? iïvé ut quidam putant, meliorem faam caufam illcrum csrde fore putavü, quid injuftius ? Ad Au, 8 , 9. (ö) Ibid. 9,16, Ïl8 HlSTOIRE DE LA VlE » Pompée fe rend odieux ; que le premier pat33 donne a fes ennemis, pendant que 1'autre aban33 donne fes amis ? J'ai pour Pompée toute 1'amitié 33 que je lui dois; mais comment lëxcufer d'avoir 33 abandonné tant d'illulhes citoyens ? Si cëft par «crainte, quelle lacheté! & s'il a cru, comme 33 bien des gens fe 1'imaginent, que leur mort ren33 droit fa caufe meilleure, vit-on jamais une plus 33 cruelle politique33? Cicéron touché du fervice qu'il venoit de recevoir dans la perfonne de Lentulus, fe crut obligé dën remercier Céfar, & de lui faire un compliment fur fa générolité. II en recut cette réponfe. Céfar, Empereur, d Cicéron, Empereur (a). Vous jugez fort bien de moi. Auffi me connoiffez-vous depuis long-tems. Rien nëft plus éloigné de mon caraétère que ce qui relfent la cruauté. Cëft mon penchant naturel que j'ai fuivi , & je mën trouve bien récompenfé, puifque vous approuvez ma conduite. Je ne me repens donc pas de ce  DE ClCÉKON, I I V. VIL W) que j'ai fait, quoique j'apprenne que ceux a qui j'ai donné la vie & la liberté font allés rejoindre auffitöt nies ennemis. Comme je n'ai point envie de me démentir , je fuis charmé auffi qu'ils ne fe démentent point. Je me flatte qu'a ma prière vous voudrez bien vous rendre a Rome, afin que je puifie y recevoir vos avis & faire ufage de ce qui dépend de vous. Perfonne ne mëft plus cher que Dolabella votre gendre. Je compte de lui avoir cette obligation. II ne peut pas manquer de me fervir auprès de vous, lui qui eft fi obligeant, fi bon ami , & en particulier fi plein d'affe&ion pour moi. Adieu. La prife de Corfinium ayant obligé Pompée de fe retirer i Brindes (a), & de déclarer enfin que fa réfolution étoit de foutenir la guerre hors de 1'Italie , il fit beaucoup d'inftances a Cicéron pour 1'engager a. le fuivre. II lui écrivit confécutivement deux lettres a Formies, par lefquelles il lui propofoit de partir fur le champ. Mais toutes les réflexions dont on vienc de lire une partie, avoienl déja fort altéré les fentimens de Cicéron. De: lettres aufli courtes que celles de (b) Pompéf («) Qui amiflo Corfinio denique me certiorem confilü fui fecit. Ibid. 9 , 1. (b ) Epülolarum Pompeii duarum, quas ad me m,fit negligentiam , me2mque in fcribendo diligentiam , volu tibi notam eiTe : earum exempla ad te mifi. Ibid. 8, 11 H iv An. de R. 704. Cicer. <8r Coss. C Claup1us Marcelius.t. CORNEL. lenïulus Crus. 1 i  'An. de R. 704. Cicer. 58. Coss, C. Ci.au. DIUs ... CEI1US. L. CORNEI. LENTUiUS Crus. 1 Iio HlSTOIRE DE LA VlE dans une occafion fi importante, achevèrent de 1'irriter. La feconde , avec la réponfe dont elle fut immédiatement fuivie, fera connoitre le fond de leurs intéréts préfens & de leurs difpofitions. Cn. Pompée le Grand, Proconful, d M. T. Cicéron , Empereur. Si vous vous portez bien, je m'en réjouis. J'ai lu avec plaifir votre lettre, qui m'a fait voir que vous êtes toujours rempli du même zèle pour 1c fa.ut de la patrie. Les confuls font venus joindre les troupes que j'avois dans la Pouille. Je vous conjure par 1'attachement inviolable que vous avez toujours eu pour la république, de nous venir trouver, pour délibérer de concert fur les remèdes qui conviennent aux maux préfens. Je fuis d'avis que vous veniez en diligence a Brindes par le grand chemin d'Applus. M. Cicéron , Empereur, a Cn. Pompée le Grand, Proconful. Lorfque je vous écrtvis la lettre que vous avez recue a Canufium , je ne m'imaginois pas que nous fuffions réduits ?. paffer la mer. Je comptois que fans fortir de 1'Italie, nous pourrions ou ménager une paix folide, ce qui me parohToit Je meilleur parti . ou même foutenir la guerre avec  de Cicéron, Liv. VIL 121 avantage. Cependant, avant que vous euffiez recu ma lettre, je vis par les ordres que vous aviez donnés a D. Lcelius pour les confuls, quelle étoit votre réfolution ; & fans attendre votre réponfe , je partis auffitöt avec mon frère & nos enfans pour vous aller joindre dans la Pouille. Lorfque je fus arrivé a Theanum Sidicinum , C. Meilms votre ami & plulïeurs autres perfonnes m'affurèrent que Céfar s'avancoit du cöté de Capoue , &z que le même jour il coucheroit a Efernie. Cette nouvelle m'alarma beaucoup. Je voyois que fi elle fe trouvoit certaine, non-feulement, je n'aurois pas le pouvoir de vous joindre , mais que j'allois perdre même toute efpérance de communication avec vous. Je me rendis a Calés, pour y attendre des nouvelles d'Efernie. Pendant que j'y étois, on m'apporta une copie de votre lettre au conful Lentulus, a qui vous marquiez que vous en aviez recu une de L. Domitius, datée du dix-fept de février, dont la copie étoit au bas de la votre ; que le bien public vous obügeoit abfolument de raffembler toutes vos troupes , & que vous le cbargiez feulement de lawTer a Capoue une garnifon telle qu'il la jugeroit néceffaire. La-deffus je me perfuadai comme tout le monde, que vous marchiez a Corfinium avec toutes vos lorces. Céfar étant campé a \a vue de cette place , c'eüt été trop m'expofer que An. At r. 704. Cicer. ^8. COSS. C. Claudius Marcellus.L. Cornel. i.entulus Crus.  'An. de R. 704. Cicer. 58. Coss. C. Clau- bius marceelus. L Cornel. Lektulus Crus. 112 HlSTOIRE DE LA VlE d'aller de ce cóté-la. Tandis que nous attendions impatiemment le fuccès de cette affaire , nous apprïmes ce qui s'étoit paffé a Corfïnium, & que vous marchiez vers Brindes. Nous réfolümes auffitöt, mon frère & moi, de vous fuivre \ mais différentes perfonnes qui venoient du Samnium & de la Pouille , nous avertirent que nous pouvions être coupés •, que Céfar marchoit ""du même cóté que nous, & qu'il faifoit une fi grande diligence que nous ne pouvions jamais arriver avant lui. Cette nouvelle nous fit changer de delfein. II nous parut, & ce fut aufll 1'avis de tous nos amis, que pour 1'avantage de la république & pour le nötre, il ne falloit pas nous livrer entre les mains de 1'ennemi; perfuadés, fur-tout, comme nous 1'étions, qu'il étoit trop tard pour vous joindre quand le chemin auroit été plus libre. Cependant je recus votre lettre de Canufium dans laquelle vous me preffiez de me rendre a Brindes; mais comme je ne la recus que le vingt-fept, nous ne doutames point que vous n'y fuifiez déja arrivé. Nous favions que ce chemin nous étoit entièrement fermé, &c nous nous trouvames auffi a plaindre que ceux qui ont été pris dans Corlinium; car cëft 1'être véritablement que de fe voir environné de troupes ennemies 3 fans pouvoir s'échapper par aucune voie. J'aurois évité ce malheur fi je ne m'étois pas  de Cicéron, Li v. VII. 123 éloigné de vous comme je le fouhaitois, & comme jëus foin de vous en repréfenter 1'importance lorfque je me chargeai, avec fi peu d'inclination, de commander a Capoue; non que je cherchaffe a me difpenfer des embarras de cette commiffion, mais paree que je voyois la diffïculté de garder une fi grande ville fans avoir un corps d'armée de ce cóté-la. #e ne voulois pas mëxpofer a. ce qui vient d'arriver a Corfinium. Mais fi je n'ai pas été aifez heureux pour me trouver avec vous, j'aurois du moins fouhaité de favoir quels étoient vos deffeins. II m'étoit impoffible de les deviner, &c j'étois bien éloigné de croire que fous un chef tel que vous , Ton ne put fauver la république quën abandonnant 1'Italie. Ce nëft pas que je condamne le parti que vous prenez; mais je plains la république, & quoique je ne pénètre point les raifons de votre conduite , je me perfuade quëlles ont été juftes. Vous pouvez vous fouvenir que mon avis a toujours été d'acheter la paix a quelque prix que ce fut, & de ne point abandonner Rome. Je ne parle point de 1'Italie. Vous ne m'aviez pas marqué que votre deiTein füt dën fortir. Mais je n'ai point la préfomption de croire que mon avis dut lëmporter. Je me fuis fait un devoir de fuivre le votre, non par rapport a la république . dont le falut me paroit défefpéré, ou qui nën An. de R. 704. Cicer. 58. Coss. C. claumus Mari 2ellus. l. cornei. LENTUEUSi CRUS.  j\n. de R. 704. Cicer. ? 8. Coss. C. ClA-udils M arcei lus. L. CuRKEI I.entu1us Crus. 124 HlSTOIRE DE IA VlË a plus a efpérer que par un remècle auffi funefte que celui d'une guerre civiie ; c'éroir vous uhiquement qui me déterminiez, je ne voulois pas me féparer de vous, & je ne fuis pas moins difpofé a vous aller joindre auflitót que j'en trouverai 1'occafion. Je fais bien que ceux qui ne veulent point d'accommodement font peu fatisfaits de moi. Je me déclarai d'abord pour la paix, qucique leurs craintes ne fuffent pas plus fortes que les miennes; mais je la trouvois moins redoutable qu'une guerre civiie. Enfuite la guerre étant commencée , lorfque Céfar vous eut fait propofer un accommodement, 8c que je vous vis répondre a fes ofFres par des conditions fi avantageufes, non feulement je crus devoir penfer \ moi, mais les obligations que je vous ai me firent efpérer que vous entreriez dans mes vues. Je me fouvenois que pour avoir bien fervi la république, je m'ét'ois vu expofé aux traitemens les plus indignes & les plus cruels. Je confidérai que fi je ne ména°-eois pas un homme a. qui Ion ofFroit au'milieu des armes un fecond confulat & le triomphe , j'aurois a foutenir les mêmes épreuves ; car il femble que ma deftinée foit dctre en bute aux mauvais citoyens, 8c que bien des gèns s'en faffent un fpecFacle agréable. Ce ne font pas Ia de vains foupcons 8c de fauffes alarmes. Je ne vous dis rien dont on ne m'ait hautement menacé; &  de Cicéron, L i r. VIL 125 tjuoique jc me fentiiTe affez de courage pour foutenir ce que je ne pourrois éviter, j'ai cru qu'il éroit de iaprudence de mën garantit, pourvu que mon faonneur n'y füt point intérelfé. Voila les raifons que j'ai eues de me ménager pendant qu'on a parlé de paix. Depuis, il n'a pas dépendu de moi de fuivre mes inclinations. A ceux qui me condamnent, voici ce que j'ai a répondre : Je n'ai jamais été plus uni quëux avec, Céfar, & jamais ils n'ont été plus attachés que moi a la république. La feule différence qu'il y ait enttt nous, cëft qu'avec la qualité de bons citoyens , dont nous pouvons également nous flatter , nous avons marché vers le même but par des voies différentes ; eux par celle des armes, & moi par celle d'un accommodement, dont vous ne paroiihëz pas vous même éloigné. Mais puifque leur fentiment a prevalu , vous pouvez compter que je ne raanquerai point a ce que je dois a la république comme citoyen , ni a ce que je vous dois comme ami. La conduite équivoque de Pompée , qu'il lui reproche adroitement dans cette lettre, fut la feule raifon qui lëmpêcha de le joindre. II vouloi prendre plus de tems pour délibérer fur urn démarche fi délicate. Cëft 1'aveu qu'il fait l At ticus, apres lui avoir raconté toutes les circonl An. ie r. 704. Cicer. 58. Coss. C. Cl.au- mus Mak- CEtrus. l. COK^Eti lenïulus Crus.  An. ie R. 704. Cicer. 58. Coss. C. Cl-au- Dius Marcellus. L. CoRNEL. j-entulus Crus. (a) Nihil pratermifium eft quod non habeat fapientem excufationem... & plane quid rectum , & quid faciendum mihi eiTet, diutius cogitare raalui. Ibid. 8, n. (£) Ad Att. 8, 9, H6 HlSTOIRE DE IA VlE tances de fa (tz) conduite : « Je n'ai rien falf f = lui dit-il , ie n'ai rien omis fans raifon : mais » au fond jëtois bien aife de pouvoir confidérer 33 un peu plus long-tems de quel cöté étoit la 33 juftice, & ce qui convenoit auffi a mes intéréts »„ II ne regardoit point encore la paix comme impoffible ; Sc dans cette fuppofition , 1'amitié devant renaïtre entre Pompée Sc Céfat, il ne vouloit pas que Céfar eut fujet de fe plaindre de lui lorfqu'il feroit réconcilié avec Pompée. Tandis que les afFaires étoient dans cette fituation, Céfar fit partir le jeune Balbus pour marcher Fur les traces de Lentulus, Sc lui perfuader de retourner a Rome. Cicéron , chez qui Balbus pafFa le Foir, rendit (b) compte auffi tót de cette nouvelle a Atticus : cc II couroit, dit-il, avec >3 une diligence extréme, Sc par un chemin dé30 tourné. II porte a Lentulus une lettre de CéFar, » Sc fa commiffion principale eft de 1'engager a a> revenir a Rome. J'ai peine a croire qu'on en sspuifle rien obtenir fans une entrevue. Balbus » m'a dit encore que Céfar ne défire rien avec1  de Cicéron, Lip*. VIL 127 » tant d'ardeur que de joindre Pompée ; je me le » perfuade fans peine : Sc de fe réconcilier avec >j lui 5 cëft ce que je ne croirai pas aifément : Sc =0 je tremble qu'il n'ait épargné jufqu'a préfent le 33 fang de tant d'autres citoyens, que paree qu'il 33 en veut uniquement a celui de Pompée 33. Cicéron paroït perfuadé que dans une entrevue Lentulus pouvoit être engagé a changer de deffein. II avoit mauvaife opinion de la fermeté de ces confuls; Sc dans une autre occalïon, il dit de(cz) 1'un & de 1'autre, cc qu'une feuille ou une plume 33 n'avoit pas plus de facilité quëux a fe laifler 33 tourner par le vent 33. II recut bientót une autre lettre du vieux Balbus, dont il fe hata dënvoyer une copie a Atticus , pour exciter fa pitié, lui dit-il, en lui faifant voir comment on fe jouoit de lui. Balbus a Cicéron, Empereur. Je vous conjure , mon cher Cicéron, de travailler a rapprocher Céfar Sc Pompée , que Ia perfidie de certaines geus a éloignés 1'un de 1'autre, Lëntreprife eft digne de vous. Je vous réponds, que non-feulement vous ne trouverez point d'op- (<2 ) Nee me confules movent, qui ipfi pluma aut folio facilius moventur ut vicem meam doleres, cum me derideri videres. U>id.§, i\. An. de r. 704. Cicer. s8. Coss. C. CLAU- dius Marcel lus. L. CoRNEt Lentulus Crus.  An. cle R. 704. Cicer. f8. Coss. c Claubius Mar- ceilus. 1» cornel. lentulus Crus. 118 Histoie: de la Vie polition du cöté de Céfar, mais qu'il vous fera même fort obligé fi vous vous chargez de ce foin. Je voudrois que Pompée füt dans les mêmes difpofitions; mais je 1'efpère beaucoup moins que je ne le fouhaite. Quand il fe fixera dans quelque lieu, Sc qu'il fera revenu de fa terreur, on pourra fe promettre quelque chofe du pouvoir que vous avez fur fon efprit. Céfar vous fait bon gré d'avoir penfé que Lentulus ne devoit pas quitter 1'Italie , Sc je vous en ai moi-même toute 1'obligation poffible, car je ne fuis pas moins dévoué a ce conful qu'a. Céfar même. S'il avoit écouté mes confeils, comme il faifoit autrefois, Sc qu'il nëüt pas affeété de m'éviter, je n'aurois pas tant de chagrin. Je vous protefle que j'en refiens un mortel , de voir qu'un homme dont les intéréts me font plus chers que les miens , foutienne fi mal fa dignité , Sc n'ait que le nom de conful. S'il voiiloit vous écouter, Sc s'en rapporter a nous fur les intentions de Céfar, il demeureroit a Rome pendant le refte de fon confulat, Sc je ne défefpérerois point encore que par vos avis autant que par lëntremife du fénat, il ne réufsït peut-être a réconcilier Pompée avec Céfar. Si j'étois aflez heureux pour voir ce grand événement, je mourioïs fans regret.. Je ne doute point que vous n'approuviez tout ce que Céfar a fait a Coifinium. C'cft beaucoup qu'une  be Cicéron, Lip*, ru qu'une afFaire de cette nature fe foit paffee fans efFufion de fang. II mëft doux d'apprendre qUe ia vifite de mon neveu vous ait fait plaifir. Vous pouvez compter que ce qu'il vous a dit de la part de Céfar, & ce que Céfar vous a écrit lui-même eft très-fincère , & de quelque manière que les chofes tournent, il vous en donnera des preuves efFeclives. Entre mille foins, Céfar étoit fort occupé de celui d'engager Cicéron dans une efpèce de neutralité ; car ü n'ofoit fe promettre de le faire entrer dans fes intéréts (a). U lui écrivit plufieurs fois, il follicita fes meilleurs amis de lui écrire ; & ceux qui tentèrent cette entreprife , fe flattant d'avoir fait quelqu'impreffion fur lui, paree qu'il demeuroit éloigné de Pompée, renouvelèrentleurs efForts pour lui perfuader de retourner a Rome, & de fe trouver a 1'affem.blée du fénat que Céfar s'étoit déja propofé de convoquer après avoir donné Ia chaffe k Pompée. II 1'en preffa lui-même par, cette lettrer, dans 1'embarras de fa marche : Céfar, Empereur, d Cicéron, Empereur. Comme je marche en diligence pour joindre O) Quod qu.xris quid Ca-far ad me fcripm ; quod f*pe; gratiflimum fibi eiTe quod quierim ; oratqUe ut in eo perfeverem. Balbus minor harceadem mandata. Bid, 11. Tome LIL | An. de Si 704. Cicer. ;8» Coss. C. Clau^ 'ius Mar» 2ELLUJ. -■ CORNEI, Lentuius -rus.  An. de R. 704. Cicer. 58. Coss. C. ClaU- dius mar' CELLUS. L. cornel Lentulus Crus. 150 Hl ST OI RE DE LA VlE mon armée , a laquelle j'ai fait prendre les devants, je n'ai pu voir Furnius qu'a la hate, & je n'ai pas eu le tems de 1'entretenir. Mais tout prelfé que je fuis, j'ai pris quelques momens pour vous écrire , & j'envoie expres Furnius pour vous faire mes remerdmens. Ce nëft pas la première fois que je vous en ai fait , & la manière dont vous en ufez avec moi me fait efpérer que ce ne fera pas la dernière. Le plus grand plaifir cue vous puifïïëz me faire a préfent , cëft de vous rendre a Rome oü jëfpère être bientót. Vos confeils , votre crédit, votre rang & votre autorite ro'y feront d'un grand fecours. Ne vous offenfez pas de trouver ma lettre fi courte. Furnius y foppléera. Cicéron, Empereur, d Céfar, Empereur. En lifant la lettre que vous m'avez envoyéepar Furnius, pour mëngager a revenir a Rome je n'ai pas été furpris d'y trouver que vous vouliez vous fervirde mes confeils & de la confiaeratiorr que je puis avoir obtenue : mais je n'a. pas bien comptis ce que vous ajoutez, que vous avez auffi befoin de mon crédit & de tout ce qui depend de moi. Cependant comme je connois votre admirable prudence, je me fuis porté naturellement \ croire que vous vouliez rétablir la tranqudhte publique, & il m'a paru que cela convenoit afiëz  de Cicérön, L i y. Vit. 13 r a mon caractère. & a Ia iltuation oü je me trouve. S'il eft donc vrai que vous penfiez a vous réconcilier avec Pompée & ale rendre a la république, vous ne trouverez aflurément perfonne qui foit plus propre que moi a ménager cette entreprife; car je 1'ai toujours porté a ia paix , & dans toutes les occafions j'ai tenu le même langage au fénat. Depuis qu'on a pris les armes, j'ai gardé une exade neutralité , dans la perfuafion qu'on vous faifoit une injuftice, & que c'étoit par animofité & par jaloufie qu'on vouloit vous öter un privilege , que Je peuple romain vous avoit accordé. Mais comme je ne me fuis pas contenté de favorifer vos intentions, 8c que j'ai mis encore plufieurs perfonnes dans vos intéréts, il eft jufte aufti que j'aye quelques égards pour un homme du rang de Pompée ; car depuis quelques années je m'étois attaché a vous & k lui d'une manière fpéciale , & j'érois lié, comme je crois 1'êtrc encore, avec 1'un & 1'autre d'une amitié fort étroite. Je vous prie donc, ou plutot je vous conjure de prendre quelques momens fur vos grandes occupations , pour chercher comment vous pourrez me laifïer les moyens 8c la liberté de remplir ce qu'un honnête homme doit a un ami dont il a recu des fervices qu'il ne peut oublier fans crime. Quand il ne s'agiroit que de ma propre fatisfaétion , je me ftatte que vous voudrez bien lij An. de ït. 704. Cicer. 58. Coss. C. Ciaudius marcelius. L. Cornei; lentuius Crus.  An. ie R. 7C4Cicer. (8. Coss. C.Clau d1us marcellus.L. cornel. Le-ntulus Crus. (a) Epifiolam meam quod pervulgatam fcribis eiTe , non molefte fero. Quin etiam ipfe mulos dedi defcribendam Ea enim & acciderunt jam & impendent, ut teflatum efle velim de pace quid fenferim. Cum autem eum hortarer, eum prsfertim hominem, non videbarullo modo facilius motürus quam li id quod eum hortarer convenire ejus fapienti* dicerem. Eam fi admirabilem dixi, cum eum ad falutem patris hortarer , non fum ventus ne viderer aflentiri cui Calï in re lubenter me ad pedes abjeciffem, &c. Ibid. 8, s>. I 3 2 HlSTOtRE BE LA V I Ë avoir pour moi cetre complaifance. Mais il mé paroït que pour le bien même de la république, & pour faire conhoïtre que vous fouhaitez véritablem:nc la paix, vous devez me lailTer dans une fituation ou je puiiTe ménager un accommodement; ce qui convient i peu de perfonnes autant qu'a moi. Je vous ai déja remercié d'avoir bien voulu conferver la vie a Lentulus mon libérateur. Mais depuis qu'il m'a marqué lui-même avec combien d'honnêteté & de douceur vous 1'avez traité, j'y ai été auffi lenfible que fi j'avois recu de vous le même bienfait. Si vous approuvez ce fentiment de reconnoiifance , permetrez moi, je vous prie, de n'en avoir pas moins pour Pompée. Céfar n'ayant pas manqué de rendre cette lettre publique (a) , on trouva quelque fujet de cenfure dans le compliment que Cicéron lui faifoit fur  de Cicéron, L i y. V IJ. 133' fon admirable prudence , & dans ceux par lefiquels il fembloir reconnoïtre que les adverfaires' de Céfar lui avoient fait injuftice dans la guerre préfente : mais il répondit que loin d'être faché de la pubiicité de fa lettre , il en avoit donné lui-même plufieurs copies, qu'il prenoit plaifir a faire connoitre la paffion qu'il avoit pour la paix ; qu'en preffant Céfar de fauver fa patrie, il avoit cru devoir employer les expreilions les plus propres a faire naïtre la confiance , & qu'il ne craignoit point qu'on lui fit un reproche d'avoir ufé de quelque flatterie dans une occafion oü il n'auroit pas fait difficulté de fe jeter a fes pieds. II recut dans le même tems & fur le même fujet une lettre des deux principaux confidens de Céfar, Balbus & Oppius, qui lui écrivoient en commun. Balbus & Oppius, d M. Cicéron. La plupart des hommes jugent moins des confeils qu'on leur donne par 1'intention que par 1'évènement , même lorfqu'ils leur viennent des perfonnes du plus haut rang ; a plus forte raifon lorfqu'ils viennent de gens obfcurs tels que nous. Cependant comme nous vous connoiffons beaucoup d'équité , nous vous dirons naturellemenr notre avis fur raffaire dont vous nous avez écrir. Nous. pouvons nous tromper, mais nous n'aurons. liij An. de R. 704. Cicer. 58. Coss. C. ClAU- nitjs Mar- cellus. L. CüRNEL. Lentulus. CRuS.  An. de R. 704. Cicer. (8. Coss. C. Ciau- D1US MAR- celius. L. CORNEI. I-ENTUtUS Crus. 134 HlSTOIRE DE LA VlE pas du moins de reproche a nous faire du cöté de la fincérité & de la droirure. Si Céfar ne nous avoir pas affurés qu'auffi-töt qu'il feroit a Rome , il chercheroir des voies d'accommodement avec Pompée , comme nous fommes perfuadés qu'il ne peur s'en difpenfer, nous ne vous exhorterions pas a vous y rendre : mais nous concevons qu'étant ami de 1'un & de 1'autre, vous êtes plus propre que perfonne a cette médiation. Au contraire , fi nous pouvions nous imaginer que Céfar ne penfe point a la paix, nous ne vous confeillerions jamais de prendre les armes contre un homme qui vous a rendu de fi importans fervices, &c nous vous prierons feulement , comme nous 1'avons toujours fait , de ne pas vous déclarer contre Céfar. Mais ne pouvant répondre abfolument de ce qu'il fera , nous nous réduifons d vous dire que les engagemens que vous n'avez pas moins avec lui, qu'avec Pompée, & votre caraclère même qui eft d'être fidelle a 1'amitié, ne vous permettent point honnêtement de prendre parti ni contre 1'un ni contre 1'autre. Céfar eft trop raifonnable pour vous demander davantage. Si vous le fbuhaitez néanmoins , nous lui écrirons, pour favoir plus clairement quelles font fes intentions par rapport a la paix; & fur fa réponfe, nous vous marquerons notre fentiment. Vous pouvez compter que dans nos confeils nous aurons  de Cicéron, Liv. VIL 135 moins d'égard aux interets de Céfar qu'a votre dignité. II eft trop équitable ami pour s'en offenfer. Cette lettre fut fuivie immédiatement d'une autre, qui étoit feulement de Balbus. Balbus, a M. Cicéron. Depuis que nous vous avons écrit en commun , Oppius Sc moi, j'ai recu une lettre de Céfar dont je vous envoie la copie. Vous verrez combien d fouhaite de faire la paix Sc de s'accommoder avec Pompée, &c en général combien il a d'éloignement pour tout ce qui pourroit reffentir la cruauté. J'ai une joie infinie de le voir dans ces fentimens. Au refte , j'entre fort dans tout ce que vous me dites fur vos engagemens avec Pompée. Je concois que qi le devoir ni 1'honneur ne peuvent vous permettre de prendre les armes contre un homme a qui vous prétendez avoir de fi arandes obligations. Céfar eft trop raifonnable Sc trop honnête pour 1'exiger de vous, & je luis für qu'il fera très-fatisfait fi vous lui promettez de ne pas vous joindre a fes ennemis. Comment n'auroit-il pas eet égard pour un homme de votre rang Sc de votre mérite, puifque de lui-même il m'a dit qu'il n'exigeroit pas de moi que je fervifle conrre Pompée ni contre Lentulus , a qui j'ai les dernières obligations •, qu'il fe conten- I iv An. de R. 7 04. Cicer. 58. Coss. C. Clau- DIUS ma.RCEIJLUS.L. CORNEL Lesstuius Crus.  An. de R. , 704. Cicer. jg. Coss. C. C.LAVPIUS MARCELIUS.L. CORNEI. ï.entuius Crus, 1 ( ] ( c i tig Histoire de ia Vie tok que je prille foin a Rome des affaires dont il me chargeroit, & qu'il me iaifferoit la liberté de rendre a Lentulus & a Pompée les mêmes fervices. Je fais ici les affaires de Lentulus, 8c je conferve a 1'un & a 1'autre Ia reconnoiffance & la fidélité que je leur dois. Mais après tout il me femble qu'on ne doit pas défefpérer de la paix, puifque les difpofitions de Céfar font telles qu'on les peut fouhaiter. Ainfi je crois que vous ferez bien de lui écrire 8c de lui demander une garde comme vous en demandates une a Pompée dans 1'alfake de IVlilon. Je connois mal Céfar, s'il n'a plus d'égard a ce que 1'honneur demande de vous, qua fes propres intéréts. Je ne fais fi je m'avance trop ; mais je puis du moins vous affurer que je n'écoute ici que 1'amitié &c 1'attachement que j'ai pour vous, 8c je vous jure par le falut de Céfar, qu'il y a très-peu de perfonnes au monde qui me foient auffi chères que vous. Quand sous ferez déterminé, je me flatte que vous me :ommuniquerez votre réfolution. Mes défirs font ]ue vous puiffiez vous ménager également avec 'ompée & Céfar, & j'efpère que vous y réufirez. L'offre d'une garde, ou la propofition de la lemander , n'étoit qu'un artifice. Si c'étoit en aparence une marqué d'honneur 8c de refpeét poux  de Cicéron, Lip*. VIL 137 Cicéron, il voyoit clairement lui-même qu'on ne penfoit qu'a le rendre prifonnier de Céfar, 8c qu'a lui öter la liberté de quitter 1'Italie. Loin de confentir a fe rendre a Rome , il en feroit forti s'il s'y étoit trouvé, paree qu'il ne pouvoit affilrer au fénat, lorfque Pompée & les confuls n'y paroïtroient point fans fe déclarer ouvertement contr'eux. Mais ce qui lui caufoit encore plus d'inquiétude étoit 1'attente continuelle de la vifite de Céfar, qui en venant de Brindes, ne pouvoit manquer de paffer par Formies. II auroit fouhaité de pouvoir éviter cette entrevue. La bienféance lui faifant une loi de 1'attendre, il réfolut du moins de le recevoir avec toute la fermeté qui convenoit a fon rang &c a fon cara&ère. II rend compte de cette vilïte a Atticus: « J'ai 33 obfervé , lui dit-il, les deux chofes que vous 33 m'aviez redbmmandées. J'ai parlé a Céfar d'une 33 manière plus propre a m'en faire efiimer qu'a 33 m'attirer des remerclmens, & je lui ai refufé 33 conftamment d'aller a Rome. Mais j'avois eu 33 grand tort de croire qu'il recevroit bien mes 33 excufes •, il ne pouvoit les recevoir plus mal. 33 M'abfenter, m'a-t-il dit, c'eft le condamner 33 hautement, & donner lieu a plufieurs autres 33 perfonnes de fuivre mon exemple. Je lui ai ré33 pondu qu'ils n'avoient pas les mêmes raifons » que moi. Après bien des obje&ions & des An. de R. 704Cicer. 58.. Coss. C. ClaUdius marcelll's.L. cornel. lentulus. Crus..  An. de R. 704. Cicer. 58. Coss. C. Cl audi us Marcellus.L. Cornel iENTULUS Crus. 138 HlSTOIRE DE LAViE 33 répliques, il m'a propofé d'aller a Rome pour 33 travailler a un accommodemenr. Mais, lui ai-je » dit, pourrai-je parler avec liberté ï Croyez-vous » donc, m'a-t-il répondu, que je prétende vous • 30 dicter ce que vous aurez a dire ? Eh bien , ai-je 33 repris , je tacherai de perfuader au fénat qu'il 33 ne faut pas porter la guerre en Efpagne , ni 33 faire palier des troupes dans la Grèce, & j'ajou33 terai d'autres réflexions fur le trifte état oü eft 33réduit Pompée. Je ne veux point, m'a-t-d 33 dit , qu'on tienne ce langage. Je mën étois 33 défié , lui ai-je répondu, & cëft la raifon qui 33 mëmpêche d'aller a Rome i car je ne pourrois 33 pas me difpenfer de parler natuiellement, &c 33 d'ajouter d'autres explications qui ne vous plai33 roient pas davantage. Enfin , pour fe tirer de 33 eet embarras , il sëft réduit a me prier d'y pen33fer encore. Je me fuis engagé & lui donner 33 cette fatisfaclion, & nous nous fommes fépa33 rés. Je fuis perfuadé qu'il eft parti mécontenr. 33 Mais en récompenfe je fuis fort fatisfait de 33 moi; ce qui ne mëtoit pas arrivé depuis long33 tems. 33 Au refte, quel cortège! lëtrange aflemblage ! 33 On y voit entr'autres héros, 1'affranchi de Cé33 Ier. Que ne doit-on pas craindre de tant de 33mauvais citoyens réunis? Nëft-il pas indigne 33 qu'on voye dans ce nombre le fils de Servius  de Cicéron, L i v. V11. 139 » Sc celui de Titinius 2 Mais il y en avoir bien 33 d'autres au camp de Brindes ? On en cornptoit 33 fix légions. Figurez-vous d'aiileurs que rien n'é33 gale la vigilance Sc 1'aciivité de Céfar. Je n'ai 33 plus d'efpérance. 11 eft tems que vous me dé33 terminiez. Nous n'attendions que le fuccès de 30 mon entrevue avec Céfar •, mais voici fes der33 nières paroles, que j'ai penfé oublier, & qui 33 m'ont fait plus de peine que tout le rede : Si 33 vous ne voulez pas , m'a-t-il dit, que je me 33 ferve de vos confeils, je ferai obligé d'en pren33 dre d'autres, Sc d'en venir peut-être a de fa33 cheufes extrêmités 33. Après cette conférence , Cicéron fe rendit a Arpinum , oü il fit prendre la robe virile a fon dis, qui n'avoit encore que feize ans. ïl vouloit qu'il parut avec lui au camp de Pompée ; Sc ne pouvant faire cette cérémonie a Rome , il fe laiffa engager par les habitans d'Arpinum a la célébrer dans le lieu de fa naiffance. Pendant que Céfar marchoit vers Rome , Ie jeune Quintus, neveu de Cicéron, lui écrivit fecrèrement pour lui offrir fes fervices & quelques informations d'importance qui concernoient fon oncle. Une fi étrange promeffe 1'ayant fait appeler avec empreffement, il affura Céfar que fon oncle étoit mal difpofé pour lui, & qu'il penfoit a quitter 1'Italie pour fuivre Pompée. Outre An. <3e R. -04. Cicer. s 8. Coss. C.. laumus Marcei 1 us. l. cornel. I.pn'1 ulus Crus.  An. de R. -04. Cicer. (8. Coss. C. Cl»üruus Marcei.lus. I. cv. rn el. Ientulus Crus. 140 HlSTOIRE DE LAViE quelques chagrins domeftiques, ce jeune téméraire avoit pour motif lëfpérance d'obtenir un préfent confidérable de Céfar. Rien ne peut exprimer la douleur que Cicéron &c fon frère reffentirent de cette perfidie. Mais Céfar en prit occafion de renouveler fes inftances pour obtenir de Cicéron qu'il ne fe déclarat point contre lui; & cherchant a le guérir de toutes les craintes qui pouvoient lui refter pour le pafte , il lui prorefta par fes lettres « qu'il n'avoit aucun reffentiment » du refus qu'il lui avoit fait de fe rendre a Rome, 33 quoique Tullus & Servius fe plaigniffent de » n'avoir pas été traités avec la même indulgence : 33 Plaifans romains, dit Cicéron , qui font fcru33 pule de fe trouver au fénat, après avoir permis 33 a leurs enfans d'aftiéger Pompée dans Brindes 33. Cependant la conduite de Cicéron & le foin qu'il prenoit de ne pas s'éloigner des maifons de campagne qu'il avoit dans le voifinage de Ia mer, perfuadèrent a tout le monde qu'il n'attendoit qu'un vent favorable pour s'embarquer avec Pompée. Céfar lui écrivit encore, dans 1'efpérancs de 1'arrêter ; & rien n'étoit fi preflant que fes inftances: Céfar, Empereur, a Cicéron, Empereur.. Quoique je vous connoifle trop de prudence pour prendre un mauvais parti, j'ai cru que notrs  de Cicéron, Liv. VU. 141 amitié ne me permettoit pas de négliger le brult qui s'eft répandu. Je vous conjure de ne pas fuivre Tompée, aujourd'hui que fes affaires font en fi mauvais ordre , puifque vous n'avez pu vous y réfbudre lorfqu'elles paroiffoient encore bien étabiies. Les évènemens ayant tourné fi heureufement pour moi, vous agiriez également contre les devoirs de l'amirié & contre vos propres intéréts, fi vous ne cédiez pas a la fortune. II paroitroit d'ailleurs que ce ne feroit pas la bonne caufe qui vous auroit déterminé. Elle n'étoit pas moins bonne lorfque vous avez refufé d'entrei dans le parti qui mëft oppofé , & 1'on ne manqueroit pas de croire que j'ai fait, depuis, quelqu'acftion que vous voulez défavouer publiquement. Rien ne feroit plus injurieux pour moi, & je vous conjure par notre amitié de ne me pas faire eet affront. Après tout , quel meilleur parti pour un bon citoyen , que de garder une exacte neutraliré ? bien des gens 1'auroient pris s'ils 1'avoient cru fur. Vous qui connoiffez mon caractère & mes fentimens , vous pouvez le prendre avec auffi peu de danger pour votre füreté que pour votre honneur. Mare-Antoine , a qui Céfar avoit confié la garde de 1'Italie dans fon abfence, lui écrivit auffi , le même jour & dans les mêmes vues. An. deR. 704. Cicer. 58. Coss. CCj.au- dius mar- cejius. L. cornel. Lentulus. Crus.  An. de R. 704. Cicer.' 58. Coss. C. Cl.AUbius VlARCELLUS.L. CORNEI. 1ENTULUS Crus. 142 HlSTOlE E DE LA VlË Antoine , Tribun du peuple & Proprêteur; d Cicéron , Empereur. Si je ne m'intéreiTois pas a ce qui vous regarde , Sc beaucoup plus que vous ne vous i'imao'mez, j'aurois négligé le bruit qu'on fait courir fur votre conduite , d'autant plus que je le crois fans fondement. Mais les fentimens particuliers que j'ai pour vous, m'obligent de vous dire que ce bruit me chagrine , quelque faux que je le fuppofe. Je ne faurois me perfuader que vous ayez réfolu de fuivre Pompée. Vous avez trop d'affe&ion pour votre gendre Sc votre fille, qui elf. en effet une femme pleine de mérite ; Sc vous êtes trop aimé dans le parti de Céfar. Permettez que je vous le dife, vos intéréts nous font plus chers qua vousmême. Mais quoique ces bruits foient venus fans doute de quelques efprits mal intentionnés, j'ai cru que 1'amitié ne me permettoit pas de les négligé*, Sc que je devois même plus d'attention a vos intéréts, depuis nos anciens différens, qui étoient venus plutót de quelque jalouhe de ma part, que d'aucun mauvais procédé de la vatre. Vous pouvez compter qu'après Céfar, il ny a perfonne qui me foit plus cher que vous, Sc je puis auffi vous répondre que Céfar nous met au nombre de fes meilleurs amis. Ainfi je  de Cicéron, L i y. VIL 143 vous conjuie , mon cher Cicéron, de ne prendre aucun engagement. Vous ne devez pas vous livrer a un homme qui pour vous mettre dans fa dépendance, a commencé par vous nuire, & vous n'avez rien a craindre du cöté de Céfar. Quand il n'auroit pas pour vous une fincère amirié , ce qui nëft guère poftible , il ne laifferoit pas de vous confcrver tous les honneurs dont vous jouiffez. Je vous dépêche expres Calpurnius, mon intime ami , pour vous faire connoïtre combien } ai a cceur que vous ne preniez pas un mauvais parti. Coelius lui écrivit aufti fur le même fujet , & jugeant par fa réponfe qu'il penfoit réellement a. fuivre Pompée, il le preffa par une feconde lettre, 8c dans des termes fi touchans , qu'il fe fiatta du moins de lui caufer les incertitudes de la crainte. Ccelius a M. Cicéron. Vous ne méditez que des chofes terribles; cëft 1'aveu que vous me faites dans votre lettre, fans mëxpliquer nettement quels font vos defleins. Cën eft affez pour que je ne diffère pas un moment a vous écrire. Par votre fbrtune , mon cher Cicéron, par la tendreffe que vous portez a vos enfans, je vous conjure de ne prendre aucun parti qui foit contraire a votre- füreté. J'attefte les An. de R; 704. Cicer. 58. Coss. C. claudius Marcellus. L. CORNEI. Lentulus Crus.  An. de R. 704. Cicer. j8. Coss. C. Cl AU Blus MARCELLUS. L. Curnel. Lentulus Crus. Ï44 HlSTOIRE t) E LA V I Ê dieux , les hommes, Sc mon amitié., que les avis que je vous ai donnés ne venoient point de mes feules imaginations , & que je ne me fuis déterminé a vous les donner qu'après avoir appris de la bouche même de Céfar , la conduite qu'il étoit réfolu de tenir après fa viótoire. Si vous vous figurez qu'il confervera toujours les mêmes difpofi-^ tions , & qu'il fera toujours prêt a traiter fes ennemis avec la même indulgence , vous courez rifque de vous tromper. II fe lafiera de faire des offres inutiles , & je vous avertis qu'ayant été choqué de 1'oppofition qu'il a trouvée de la part du fénat , fon humeur eft déja changée •, il prend un ton févère , & je ne fais s'il fera difpofé long-tems a pardonner. Si vous avez donc quelqu'amour pour vous-même, pour votre maifon, pour un fils unique, & pour tous les reftes de vos efpérances : fi mes prières, fi celles d'un gendre qui doit vous être cher , font capables de faire fur vous quelqu'impreffion, ne ruinez pas notre fortune, ne nous mettez pas dans la néceflité de haïr Sc d'abandonner un parti dans lequel notre füreté confifte, ou de former des vceux impies contre le vötre. Enfin , confidérez qu'en demeurant incertain fi long-tems, vous avez déja donné de juftes fujets de plaintes a Pompée-, Sc que de vous déclarer aujourd'hui contre un vainqueur , que vous n'avez pas cru devoir offenfer quand fa caufe  53 E C I C É R O N , L I V. V IL 145 taufe étoit douteufe , fur-tout pour accompagner un homme qui fait, & que vous n'avez pas voulu fuivre lorfqu'il étoit en état de réfifter, ce feroit alTurément une extréme folie. Prenez o-arde ö quën voulant paroïtre trop bon citoyen, vous ne décidiez un peu trop légèrement en quoi conlifte aujourd'bui cette qualité. Mais ii je ne puis vous flechir entièrement, attendez du moins de quelle manière les affaires tourneront en Efpagne. Je fuis perfuadé que cette province eff a nous aufïi tot que Céfar paroitra ici. Quel efpoir leur refte-t-il apres avoir perdu 1'Efpagne ? Et quelles peuvent Être vos vues en embralfant une caufe défefpérée? En vériré je m'efforce en vain pour le comprendre. A 1'égard de ce que vous me faites entendre par votre filence, Céfar a recu des informations, & dès que je me fuis préfenté devant lui , il m'a dit qu'on avoit parlé de vous. Je lui ai pro» tefté que j'ignorois abfolument ce qu'on lui avoic rapporté, & je 1'ai prié de vous écrire dans les termes les plus propres a vous arrêter. Il m'engage z le fuivre en Efpagne ; fans quoi je n'aui-ois rien de plus preffant que de vous rejoindre dans quelque lieu que vous foyez, pour entrer la-defïïis en difpute avec vous, & vous forcer malgré vous-même de ne pas quitter 1'Italie. Confidérez plus d urte fois, moh chef Cicéron, gue vous allez perdre & vóus & tout ce qui vous Tome IIL ^ An, de R, . 704Cicer. fS. Coss. c. Claubius Mar-, celius. l. cohnel, Lentüew» CRUS,  An. dcR- 704. Cicer. ?S. Coss. C. ClAUD1US MaRCELtUS.L. CORNEE, lENTULUS Crus. i4ff Histoire de CA Vie appartient. Ne vous précipitez pas volontairement dans un aWme, d'oü vous ne trouverez peutctre aucun moyen de vous retirer. Si vous craignez les reproches de ceux a qui vous croyez devoit de la confidération , ou fi vous avez peine a fupporter 1'infolence de certaines gens, retirezvous dans quelquëndroit éloigné du bruit des armes, jufqu'i la fin de cette querelle , dont la décifion ne peut être fort éloignée. Je crois que vous n'avez point de parti plus fage a choifir , & j'ofe vous garantir que Céfar ne s'en ofFenfera point. Les confeils de Coelius étoient fondés fur une maxime qu'il avoit établie dans une de fes lettres a Cicéron; que dans toutes (a) les diffentions civiles le devoir d'un homme de bien étoit de s'attacher au parti le plus honnête , auffi longtems qu'on ne fortoit point des bornes de la modération; mais que fi 1'on en venoit une fois aux armes, la prudence ne connoiiïbit plus d'autre ïelTource que de s'attacher au plus fort. Ce principe ne s'accordoit guère avec ceux de Cicéron , fa) Mud te non arbitror fugere , quid hommes in diffenfione domeflica debeant: quamdiu civiliter fine armis certetur, honeftiorem fequi partem ; ubi ad bellum & caftra ventum fit, firmiorem; & id melius ftatuere quod tuuus fit. Ep.fam.S, 14.  tie CiCÉRöNj Ijt. VII. 147 «lont la rcglè, dans tous les cas & malgré tous les dangers , étoit de s'attacher conftamment a 1'honncteté & a la juftice. Curion lui rendit une vifite & palTa chez lui deux jours, en allant en Sicile , dont Céfar lui avoit confié le gouvernement. Leur converfation étant tombée fur le malheur des tems, & fur ïa néceffité inévitable de la guerre, Curion s'expliqua avec beaucoup d'ouverture : il exhorta Cicéron (a) a choifir quelque lieu neutre , oü il pouvoit s'afiurer que Céfar le laifferoit vivre en paix; il lui ofFrit fes fervices &c toutes fortes de füretés s'il prenoit fon chemin par la Sicile. II lui dit que Céfar feroit bientót maïtre de 1'Efpagne, qu'il marcheroit enfuite avec toutes fes forces contre Pompée, & qu'étant réfolu de s'en défaire, la guerre finiroit infailliblement par ce grand coup : qu'il ne falloit pas s'attendre a voir fubfifter plus long-tems la république : que Céfar s'étoit fort emporté contre Metellusj & qu'il avoit penfé le faire tuer; que cette mort auroit fans doute été fuivie de celle de beaucoup d'autres: que bien des gens vouloient le porter a la cruauté, & qu'il n'avoit pas pris le parti de la douceur par inclination , mais par politique , ' & pour fe conferver l'affeótion du peuple; que (a) Ad Au. 10, 4. Kij An. êe Tl, 704. Cicer. 58. Coss. C. ClAU- mus Mar-. cellus. E.. CORNEI. Lentulus Crus,  An. de R. 704. Cicer. s8. Coss. C. Ci.aumus marcellus.t_. cornel lentulus Crus. (a) Ibid. 7, iï, if. (3) Dio. pag. 161. (c) C. Caffius attulit mandata ad confules, ut Romam Venirent, pecuniam de fanctiote a:rario auferrent jonful refcriplit ut prius ipfe in Picenum. Ad Att. 7, 148 HlSTOIRE DE LA Vilt fi cette méthode neluiréufliffoitpas,ilne garderoif plus de ménagement: qu'il avoit été piqué de ce que la populace même s'étoit élevée contre lui lorfqu'il avoit forcé les portes du tréfor; & qu'il en avoit été fi déconcerté, que la hardieiTe lui avoit manqué pour haranguer Ie peuple avant fon départ, comme tout le monde favoit qu'il fe 1'étoit propofé. Cicéron ne (a) pardonnoit point a fes amis d'avoir laiiTé le tréfor en proie a Céfar; mais dans les diffentions civiles, if arrivé prefque toujours au parti des honnêtes gens de fe ruiner par des èxcès de modération. Le tréfor public étoit gardé dans le temple de Saturne, & les confuls fe contentoient d'en avoir la clé, dans la confiance qu'il étoit aflez défendu (£) par la fainteté du lieu. Pompée ouvrit les yeux trop tard fur cette erreur. II fit dire aux confuls de retourner a Rome & de fe faifir de 1'argent public : mais Céfat étoit déja fi proche qu'ils n'osèrent tenter cette entreprife , & le conful Lentulus répondit froidement a Pompée , que pour lui donner le pouvoir d'exécuter fes ordres, il falloit qu'il arrêtat I'armée ennemie dans le Picenum (c). Céfar qui ne  de Cicéron, L i v. VII. fe laiffoit pas troubler par de vains fcrupules, ne fut pas plutót arrivé a Rome, qu'il fit brifer les portes du temple , & qu'il s'empara de toutes les richefies qui y étoient renfermées. II s'en fallut peu que le tribun Metellus fïe perdït la vie en voulant s'y oppofer. Le butin fut immenfé, tant en argent monnoyé quën lingots, qui avoient été accumulés depuis la guerre punique, & qui étoient la dépouille d'une infinité de nations; car Pline afture que'la république (a) étoit plus riche alors qu'elle ne 1'avoit jamais été. L'impatience de partir commencoit a. prefler d'autant plus Cicéron , que fes lauriers, fes licteurs, & tout eet appareil d'un (£) empereur qui s'étoit cru deftiné au triomphe, 1'expofoientnon-feulement aux regards fatisfaits de fes envieux, mais même a des railleries qui lui étoient infuppor- (a) Nee fuit aliis temporibus refpublica locuplerjor. Plin. Hifi. ?3 , ?. (b) Accedit etiam molefta hasc pompa Jictorum meorum, nomenque imperii quo appellor. Sed currit ha;c noRra laurus non folum in oculos, fed jam etiam in voculas malevolorum. Ep. fam. z, 16. Cum ego fatpiflime fr.nnf,(Teni nihil me contra Csfaris rationes cogitare , raeminifle me generi mei; meminiïïè amicitis , potuilTe li ahter fentirem e.Te cum Pompeio; me autem quia cum licror-bus invitus curfarsm, abelTe veile. Ad Au. 10, 10, Kiij An. At k. 7=4. Cicer. 5S, Coss. C. CLAU- dius Marcellus.L. Cornel, LENTULUS CRUS.  An- de R. 704. Cicer. 58. Coss. C. Clau dius Mar CELIU^. l. coünel Iemuius 150 HisTOiRE de la Vie tables. II étoit enfin réfolu de paiTer la mer avec Pompée : mais n'ignorant point que toutes fes démarches étoient obfervées , fur-tout par Mare-Antoine qui étoit alors dans fon voilinage, tic qui avoit les yeux ouverts fur toute fa conduite , il sëfforcoit encore de diflïmuler fes intentions. II écrivit a Antoine qu'il n'avoit aucun deffein qui put offenfer Céfar; qu'il ne pouvoit oublier leur amitié ni ce qu'il devoit a Dolabella fon gendre; que s'il eut penfé-différemment, rien ne lui auroit été plus facile que de joindre Pompée, & que la principale raifon qu'il avoit de vivre dans la retraite , étoit 1'embarras de fes li&eurs , avec lefquels il n'aimoit plus a. paroitre en public. Marc-Antoine lui fit une réponfe fort sèche , qu'il appelle un ordre laconique, & dont il envoya la copie a Atticus , pour lui faire voir, dit-il, quel air de tyrannie 1'on prenoit déja : pas le maïtre. Je vous confeille de vous adref*> Ier direótement a Céfar , Sc je fuis perfuadé 3> qu'il ne vous refufera point, puifque vous pro» mettez de ne rien faire qui blefle notre amitié ». Depuis cette lettre Antoine fe difpenfa des vifites qu'il avoit coutume de rendre a Cicéron , Sc lui fit dire pour excufe, qu'il avoit lieu de le croire irrité contre lui: mais il lui fit entendre en mêmetems par Trebatius (3 peut demeurer dans fa patrie lorfquëlle eft » tombée fous la puiffance dën tyran ; fi toutes >3 fortes de moyens peuvent être employés pour o la délivrer de la tyrannie, au rifque de la rui- 0 ner entièrement; fi fon ne doit pas fe défieE 3 que celui quën oppofe au tyran ne sëlève lui- > même trop haut ; fi fon ne doit pas attendre 3 quelque circonftance favorable pour fervir fa > patrie, Sc tenter plutót des voies d accommo- > dement que la voie des armes; s'il eft permis 1 a un bon citoyen dans ces tems de trouble de ■ fe retirer a lëcart; fi pour recouvrer fa liberté, < on doit sëxpofer aux plus grands périls; fi ■ pour délivrer fon pays d'un tyran , on doit y allumer la guerre Sc venir même affiéger fa patrie ; fi ceux qui font d'un fentiment contraire, doivent néanmoins sëngager avec ceux du bon parti; fi dans les diflentions publiques on doit fuivre la fortune de fes amis Sc de fes bienfaic-  de Cicéron, L i v. VIL 155 s> tems, lorfqu'ils ont commis des fautes effen53 tielles 8c décifives ; fi un homme , qui pour 30 avoir rendu a fa patrie de grands fervices, s'efl: 30 vu expofé a la haine, a lënvie 8c aux traite33 mens les plus indignes, doit sëxpofer une fe33 conde fois a des maux qu'il peut éviter; ou fi après 3o avoir tant fait pour fa patrie , il ne peut pas 30 faire quelque chofe pour lui-même & pour fa 33 familie , & laiffer le foin des affaires a ceux qui 33 tiennent (a) le gouvernail. Voila, dit-il, ce 33 qui m'occupe. Je m'exerce en grec 8c en latin 33 fur ces queftions, & eet exercice m'aide a. 30 diffiper mon chagrin 33. Depuis qu'il eut quitté la ville , a lëxemple de Pompée 8c du fénat, il ne paffa point un feul jour fans écrire a Atticus, le feul de fes amis pour lequel il n'avoit rien de réfervé. II paroit par ces lettres que le fentiment (b) d'Atticus avoit toujours été, comme le fien, qu'il falloit fe joindre a Pompée s'il demeuroit ferme en Italië, 8c que ( a ) In his ego me confultatïonibus exercens , dilTcrens in utramque partem , turn gra:ce , turn latine , abduco parumper animum a moleftiis. Ad Att. 9, 4. {!>) Hujus autem epïfiolce non folum ea caufaeft, ut re quls a me dies intermittetur quin dem ad te literas. Ibid, 8, ti. Akeram tibi eodem die hanc epiftolam dictavi £c pridie dederam mea manu longiorem. Ibid. 10,3. An. de R, 704. Cicer. 58. Coss. C. Clau- D1US MATt- CELLUS. l. cornel. lentultjs Cru..  A-n. de R. Cicei. 58. Coss. O CiAU- Blus Mar- CBtlUS. 1-- CORNEl. Ï-EnTUIUS CjiUS. 1 ] 1 1 ] < t (a) Ego quïdem tibi non firn autor fi Pompsius Italiam relinquit, te quoque profugere , fummo enim periculo facies , nee reip. proderis; cui quidem poteris prodeiTe, fi manteris. Ibid. 9,10. (b) Ingrati animi crimen horreo. Ibid. 9,%, y , 7. Nee me hercule hoe facio reiP. caufa, quam funditus deietam puto , fed ne quls me putet ingratumin eum quimelevavit iis incommodis, quibus ipfe aftecerat. Ibid. 9, i9. Fortun* funt committend'a omnia. Sine fpe conamur uüa! Si melms quid acciderit; mirabimur. Ibid. 10, z. l'6 HiSTOIRE DE £ A VI è s'il s'éloignoit, il falioit (a) demeurer derrière lui pour attendre les évènemens. Cëtoit la conduite que Cicéron avoit tenue jufqu'alors; & s'il paroifïbit plus incerrain pour 1'avenir , le réfultac de toutes fes délibérarions n'étoit pas moins en faveur de Pompée. Son attachement particulier Jour lui, la préférence qu'il donnoit a fa caufe, les reproches qu'il commencoit a recevoir d'une inmité de gens qu'il eftimoit, le fouvenir des obli?ations (b) qu'il avoit l la plupart de fes parifans, lui firent prendre enfin la réfolution de néprifer tous les périls pour marcher fur fes races; & quoiqu'il ne 1'eüt jamais connu bon 'olitique, quoiqu'il s'appercöt déja qu'il n'étoit •as meilleur général, il ne put fupporterla penfée' Ie 1'abandonner, ni fe pardonner même d'avoir té fi Ion-tems a Ie fuivre. « Que vouiez-vous, • écrivit-il a Atticus ? Comme en amour les fem-  DE ClCÉïON, L 1 v. VIL 157 ismes (a) mal propres", fottes & de mauvaifes 33 grace, nous infpirent du clégoüt; ainfi Ja foi33 blefle de Pompée & toutes fes négligences 33 avoient changé mon cceur a fon égard, & je me 33 croyois difpenfé de le fuivre. Aujourd'hui 1'a33 mitié reprend le deiTus, Sc je ne puis plus vivre 33 féparé de lui 33. Rien n'eut tant de force pour lui faire différer fon départ, que les larmes de fa familie Sc les repréfentations de Tullia fa fille (a) , qui le prelloit d'attendre du moins le fuccès de la guerre d'Efpagne , Ss qui infiftoit d'autant plus fur ce confeil, que c'étoit encore celui d'Atticus. II aimoit pafiionément fa fille, Sc cette affeófion étoit jude , car il y avoit peu de dames a Rome qui réuniflent tant de perfeciions dans 1'efprit Sc dans le caraélère. Cicéron parlant d'elle a Atticus(c): cc Que j'admire, dit-il, fa vertu! Avec (ius mar- ceilus. 1. CORNEt. Ientuius Crus. 3 3 3 3 3 publicam cladem ? Quomodo domeflicas tricas ? Quantus autem animus in difcelTu noftro ? Nos recte facere & bene audire vult. Ibid. 10,8. (a) Si pelietur, quam gratus & quam honefius tum erit nofler ad Pompeium adventus, cum ipfum Curionem ad ipfum tranfitururn putem ? Si trahitur bellum, quid expedamr aut quamdiu ? Relinquitur ut li vincimur in Hifpania , quiefcamus. Id ego contra puto : ifium enim victorem relinquendum magis puto qusm victum. Ibid. 158 HlSTOiRE DE LA Vie » quelle force dëfprit elle foutient & fes malheurs 33 publiés & fes pecirs chagrins de familie : mais 33fur-rout avec quel courage elle me voit par33 tir! Quoiquëlle air pour moi une amitié fi vive 33 & fi rendre, elle ne confidère que la loi de .3 mon devoir & de mon honneur 33. A lëgard ie la guerre d'Efpagne , il répondoic que fi Céfar ftoit battu, il auroit mauvaife grace alors d'aler joindre Pompée. cc Quel gré mën faura-t-il, 3 puifque Curion, dans ce cas(a), en pourroit bien > faire autant ? Si la guerre traine en longueur, > quattendre &z jufqua quand ? Refte donc , fi > Céfar fe rend maïtre de 1'Efpagne, que je de>meure en Italië. Mais je raifonne tout autre3 ment : je crois devoir bien plutöt le quitter lorf- > qu'il fera viétorieux, ou que fes affaires feront > en bon état, que fi elles devenoient mauvaifes > & qu'il fut battu. Mes yeux fe feroient-ils jamais ■ aux fuites que j'appréhende de la vicloire 33 ?  de Cicéron, Lir. VU. 15? 'Avant fon départ, Servius Sulpicius lui écrivit de Rome qu'il déilroit paffionnément d'avoir une conférence avec lui, pour convenir enfemble de mille arrangemens qu'ils avoient a prendre en commun, Cicéron y confentit , dans 1'efpérance de lui trouver les mêmes fentimens que les fiens, & de partir avec lui pour fe rendre au camp de Pompée (a). II lui déclara meme dans fa réponfe: cc Qu'il étoit réfolu de quitter 1'Italie, & » que fi ce n'étoit pas le même motif qui 1'ame» noit, il pouvoit s'épargner la fatigue du voyage , » a moins qu'il n'eut des affaires bien importantes » a lui communiquer ». Ils fe virent: mais Cicéron le trouva fi foible & fi timide , fi troublé par fes fcrupules fur chaque propofition qu'il lui fit, qu'au lieu de le prefTer d'entrer dans fes vues , il fe crut obligé par la prudence de lui en cacher le fond. cc De tous les hommes que j'ai vus, dit- (a) Sin autem tibi homïni prudentiffimo videtur utile eiTe nos colloqui, quamquam longius etiam cogitabam ab urbe difcedere, cujus jam etiam nomen invitus aüdioj tarnen propius accedam. Ep. fam. \ , Reftat ut difcedendum putem ; in quo reliqua videtur efle deliberatio, quod confilium in difceflu, qua- loca fequamur Si habesjam fiatutum quid tibi agendum putes, in quo non fit conjunctum confilium tuum cum meo , fuperfedeas hoe labore itineris. Ibid. 4, i. An. de r. 704, Cicer. 58. Coss. C. CLAU3ius Mar-; ifllus. L. COKNEt. lentulus Crus.  rAn. <3e R. 704, Cicer. 58. Coss. C. ClAU' B1US MARCELIUS.L. CüRSEE lENTUIUS Crus. ISO H I S T O I E ï »E LA VlE 33 il , cëft le feul a qui j'aye trouvé plus (a) de 33 lacheté qu'a Marcellus, qui fe plaint d'être con33 ful, & qui prefle Antoine dëmpêcher mon 33 départ afin qu'il puifte demeurer avec plus de 33 bienféance 33. Caton , que Pompée avöit envoyé pour garder la Sicile, prit le parti d'abandonner fon pofte d 1'arrivée de Curion, qui venoit fe faifir de cette ïle au nom de Céfar, avec des forces fupérieures. Cstte conduite fut d'autant plus blamée , que la flotte de Pompée nëtant pas éloignée , Curion confelTa lui-même qu'il n'auroit pas entrepris de le forcer, s'il eut témoigné plus de réfolution , & qu'a la moindre envie qu'il eut marquée de fe défendre , tous les honnêtes gens n'auroienC pas manqué (£) de fe ralfembler autour de lui. (a) Servü confilio nihil expeditur. Omnes captiones in omni fententia occurrunt. Unum C. Marcello cognovi timidiorem, quem confulemftiifle poenitet qui etiam Antonium confirmaiTe dicitur, ut me impediret, quo ipf;, credo honeflius. Ad Att: 10, if. (h) Curio mecum vixit Sicilix dlffidens, fi Pom- peius navigare coepiiTet. Ibid. 10, 7. Curio Pompeii clafj fe foutenir en Sardaigne , comme on lëfpère » encore. Que la retraite de Caton paroitroit » honteufe «l Dans ces circonlrances, & lorfque fes prépatatifs étoient tellement avancés qu'il n'attendoit plus qu'un vent favorable , il fe retira dans fa maifon de ( a ) Pompeium au-dela de Naples , paree qu'étant moins commode pour fon embarquement, elle pouvoit fervir encore a diminuer le foupcon de fa retraite. II y recut un melfager des chefs de trois cohortes, qui étoient en garnifon dans la ville voifine , pour lui faire agréer que le jour fuivant ils allaffent remettre a la difpofition & leurs troupes & la (i>~) ville. Mais au lieu d'accepter cette offre, il fe déroba le lendemain avant le jour pour éviter de les (a) Ego ut minuerem fiifpicionem profedionis, profec-i tus fam in Pompeianum ad IV. id. ut ibi eflem dum qua; ad navigandum opus elTént pararentur. Ibid. (b) Cum ad villam veniiTem , ventum eft ad me, eenluriones ttium cohortium qua; Pompeiis lunt, me veile poftridie. Ha;c mecum Ninnius nofter, veile eos mihi fe & oppidum tradere. At ego tibi poftridie S villa ante lucem, ut me oninlno illi non viderent. Quid enim erat in tribus cohortibus ? Quid fi plures ? quo apparatu ? & fimul iïeri poterat ut tentaremur. Omnem igitur fufpicionem fulluli. Ibid. Tomé UI, r An. de R; 704. Cicer. jS, Coss. C. Cl.auJlUs Mar:ellus.L Cornel; lENTULUS 2RUS.  An. de R. 704. Cicer. <»• Coss. C. Clau. mus Marcellus.I.. Coknel J_.ENTUI.US JCR-VS. t6z HlSTOlSE DE LA VlE voir; non feulement paree qu'un fi petit corpS de troupes, ni même un corps plus confidérable, ne pouvoient être d'aucune utilité de ce cöté-la , mais encore plus, paree qu'il fe défioit de quelque piége. (cï) Enfin, s'étant confirmé dans fon deffein par de nouvelles réflexions, il mit a la voile Tonzième jour de juin , cc fe précipitant, dit-il, les (b) 33 yeux ouverts & volontairement dans fa ruine ; 33 ou du moins, fuivant, contre toutes les régies 53 de fon intérêt, le gros deshonnêtes gens, comme » dans un troupeau difperfé chaque béte fe joint 33 d celles de fon efpèce ». Loin de gêner Quintus fon frère dans fes inclinations, il lui repréfenta que les obligations qu'il avoit a Céfar , &le lien particulier qui les unifioit, lui faifoient () fouvent répéter d'un air fupérieur : Sylla I a fait, pourquoi ne le ferois-je point ? comme s'il eut déja pris la vi&oire de Sylla pour modèle. II fe voyoit effeótivement dans les mêmes circonftances oü Sylla s'étoit trouvé , foutenant la caufe du fénat par les armes , & traité d'ennemi public par ceux qui polfédoient 1'Italië. Comme il fe promettoit la même fortune , il méditoit auiii la même vengeance ; Sc Ia ruine , la profcription , étoient déja les chatimens dont il menacoit fes ennemis. Cicéron ne pouvoit penfer fans frayeur (a) Fratrem foeium liujus fortuna' efle non erat xquum: cui magis etiam Csfar irafcetur. Sed impetrare non poffumut maneat, Ibid. 9.1. Frater, quicquid placeret mihi, id rectum fe putare aiebat. 3id. 9, 6. (b) Quam crebro illud : Sylla potuit, ego non potero ? Ita fyllaturit animus ejus & prarfcripturit diu. Ad Att. 9 , 10. Cnsus notier Syllani regni fimilitudinem concupivit. Ibid. 7. Ut non nominatim , fed generatim, prof. criptio eflet, informat. Ibid, 11, 6. Lij An. de R; 704. Cicer. 5S. Coss. C. CIAUDius MarCELLUS.l. CORNEIfl lentui.us. Crus.  An. <3e R. 704. Cicer. ,8. Coss. C. Clau»ius Mar- ceilus. L. CornEL. Lentueus Crus. (a) Et fi egeo rebus omnibus, quod is quoque in anguftiis eft, quicum furaus, cui magnam dedimus pecuniam mutuam , opinantes nobis , conftitutis rebus, eam rem etiam honori fore. Ibid. 11 , 3. Si quas habuimus facultates, eas Pompeio turn, cum id videbamur lapienter fa.cere, detulimus. Ibid. 13, 1/5*4 HlSTOÏÏÊ DE LA VlE aux cruautés qu'il croyoit inévitables après Ia' victoire, dans la fuppofition même quëlle fe déclarat pour fes amis. Nous n'avons aucunes lumières fur les circonftances de fon voyage, ni fur la route qu'il fuivit jufqu'a Dyrrachium. Toutes fes correfpondances furent coupées après fon départ. Depuis le mois de juin qu'il mit a la voile , la fuite de fes lettres fe trouve interrompue pendant neuf mois, & pendant tout le refte de la guerre, nous n'en avons que quatre a Atticus. II arriva heureufement au camp de Pompée , avec fon fils, fon frère & fon neveu •, abandonnant ainfi fa fortune & celle de toute fa familie au fuccès de la même caufe. Et pour faire quelque réparation de fa lenteur, ou pour s'attirer plus de confidération dans fon parti, il fournit (a) d Pompée une fomme confidérable, qu'il avoit recueillie de fes propres revenus. Mais s'il avoit embralfé le parti de la guerre avec répugnance, il n'y trouva rien qui ne füt propre a  ï>ê Ci ceroit, Li v. VIL \6$ augmenter fon dégout; «les projets qu'on avoit 33 déja concus, ceux qu'on avoit mis en exécution , » lui déplurent (a) également. II ne fut fatisfait que 33 de la caufe 33. Dèsles premiers jours il s'appercut ' que les plus fidelles amis de Pompée fe perdöient, 1 eux & lui, par leurs confeils. La confiance qu'ils 1 avoient au mérite & i la réputation de leur chef, & celle qu'ils prenoient aux feccurs qui leur étoient venus des princes de 1'Orient, les rendoit déja fürs de la victoire. Ils ne parloient que de combattre , ils oublioient a quel ennemi ils avoient a répondre, & la difference de leurs troupes a. celles de Céfar. Cicéron entreprit de modérer cette préfomption , en leur repréfentant les hafards de la guerre, les forces & 1'habileté de leur. ennemi, & 1'apparence même qu'il y avoit d'en être battus fi 1'on prenoit légèrement Ie parti d'en venir aux mains : mais fes remontrances furent méprifées, jufqu'a le faire accufer de lacheté & de foibleffe. II commenca bientót a craitvdre de s'être engagé (b) imprudemment dans un (a) Quippe mihi nee qus accidunt, nee qua; aguntur, ullo modo probantur. Ibid. 11,4. Nihil boni prater caulam. Ep. fam. 7,3. Itaque ego , quem turn fortes illi viri, Domitii & Lentuli, timidum elTe dicebant, &c. Ibid. 6, zi. Quo quidem in bello , nihil adverii accidk, non pradicente me. Ibid. 6. (i) Cujus me mei facti pomituit, non tam propter l iij \n. Je R. 704. Cicer. s8. Coss. C. CL Atx. 'ius Mar:ellus. -. CoRNEL. -ENTULUS ^RUS.  An. de R. 704 Cicer. 58.' Coss C. ClAUD1US MAR- CErius. J— CoRNEL. Lentulus Crus. periculum meura , quam propte? vitia multa , qua: ibi offendi, quo veneram. Ibid. 7, 3,Plutarq. Vie de Cicéron. (a) Ipfe fugi adhuc omne munus, eo magis quod nihil poterat agi, ut mihi & meis rebus aptum efièt. Ad Att. 11, 4. Quod autem idem moeititiam meam reprehendit, idem jocum, magno argumento efl, me in utroque fuifie moderatum. Phil, r , 16'. On nous a confervé plu/ïeurs de ces railleries ou de ces bons mots de Cicéron. Pompée Payant fait fouvenir qu'il étoit venu bien tard: Je fuis venu trop léé HlSTÖIRE DE LA V &t parti fi téméraire. Caton même le condamna d'avoir quitté TJtalie, oü fa préfence pouvoit faci» liter un accommodement, & le reproche dun homme de ce cararftère fut pour lui une nouvelle fource de chagrin. Dans une lïruation fi défagréable il évita d'accepter des emplois , & voyant qu'on faifoit peu d'artention a fes confeils, il prit le parti de faire fentir par des railleries les fautes qu'il ne pouvoit empêcher par fon autorité. Antoine en pri» droit dans un difcours public, de cenfurer la légèreté de fa conduite au milieu des calarnités d'une guerre civiie, & de lui faire également un crime de fa gaieté & de fes craintes. Cicéron répondit qu'il étoit forcé de rire après avoir reconnu combien il étoit inutile de sëxpliquer plus férieufement , & que le mélange de triftefle & de gaieté qu'on lui (a) reprochoit, étoit du moins. un témoignage de fa modération.  DE Ci c ê ron, Liv. VIL isy Pompée avoit auffi dans fon camp le jeune M. Brutus, qui s'y (a) diftinguoit par 1'ardeur de fon zèle. Cicéron 1'admiroit d'autant plus qu'il lui connoilfoit une haine mortelle contre Pompée , qu'il regardoit comme le meurtrier de fon père. Mais ce jeune citoyen avoit moins d'égaid au chef qu'a la caufe , & ne confidérant dans Pompée que le général de la république & le défenfeur de la liberté commune , il facrifioit tous fes relfentimens au fervice de la patrie. Pendant tout le cours de cette guerre , Cicéron parle toujours de la conduite de Pompée tot, répondit-il, puifque je n'ai rien trouvé de pret. Une autre fois Pompée lui demandant avec un air d'ironie, oü étoit Dolabella fon gendre ? II eft , lui dit-il, avec votre beau-père. A quelqu'ün qui étant arrivé nouvellement d'Italie, difoit que le bruit couroit a Rome que Pompée étoit bloqué par Céfar. Vous êtes venu fans doute, dit Cicéron , pour voir la chofe de vos propres yeux. Apres la défaite même de fon parti, Nonnius les exhortant a prendre courage , paree qu'il reftoit encore fept aigles dans le camp de Pompée : Cela feroit excellent, lui dit Cicéron r fi nous devions combattre a coups de broche. Ces plaifante. ries irritèrent fi vivement Pompée, qu'il lui dit un jour : Je voudrois que vous fufliez dansle parti oppofé, afin que vous puiffiez commencer a nous craindre. Macrob. Sciturn. z , 3. Plutarq. Vie de Cicéron. (a) Brutus amicus in caufa verfatur acriter. Ad Att.. Si,4. Plutarq. Vies de Brutus & de Pompée. tiy An. de r. 704. Cicer. 58. Coss. C. CLAUD1US MARCELLUS.L. CORNEl. Lentulus. Crus.  An. de R. 704. Cicer. ?8. Coss. C. ClaUBlus jMar- CEIIUS. L. CoRNEI. lentulus Crus. ( a ) Quorum dux quam xTfcumyvrn , tu quoque animad.vertis, cui ne Picena quidem nota funt : quam autem fine confilio , res leftis. Ad Att. 7, 13. SijCe Italiam relinquet, faciet omnino male. Ibid. 9 , 10. (b) Ecquando tu hominem ineptiorem quam tuum Pompeium vidifli? qui tantas turbas , qui tam nugax eflet, commorit ? Ecquem autem Csfare noffro in rebus age3dis, eodem in vicToria temperatiorem aut legifli, aut aiiH diui? Ep.fam. 8, ij, pl£8 HlSTÖIRE DE LA VlË comme d'une fuite continuelle d'imprudences. Lé premier pas (a) qu'il avoit fait en quittant 1'Italie, avoit été condamné de tout le monde & particulièrement d'Atticus. Cependant a la diftance ou nous fommes de ces grands évènemens, il femble que non-feulement cette démarche avoit été prudente , mais quëlle étoit nécelfaire. On étoit choqué qu'il eut trahi par fa fuite Ia foiblelfe de fon parti , & qu après avoir affeclé fi longtems de la fécurité & de la confiance , il ne fe füt pas trouvé capable de tenir ferme un moment a 1'approche de Céfar. cc Avez-vous w jamais vu , écrivoit Ccelius a Cicéron , un 53 homme (b) plus miférable que votre Pom»pée? Etoit-ce la peine de faire tant de bruit » pour fe conduire fi mal ? Voyez notre Céfar , >3 8c dites-moi fi jamais 1'on a montré plus de 33 vigueur dans l'adion &, plus de modeftie dans 33 le fuccès 33.  b Ê C I C Ê R ö Sf, L I V. V II. 1&9 Pompée ayant quitté 1'Italie un an prefquëntier avant que Céfar eut jugé a propos de le pourfuivre, eut le tems'd'aflembler de tous les partis maritimes de 1'empire , une fïotte immenfe , dont il n'avoit aucun ufage a faire contre un ennemi qui n'avoit aucune force fur mer. II avoit fouffert neanmoins que la Sicile füt tombée entre les mains de Céfar , avec l'importante ville de Marfeille. Mais la plus grande de fes fautes avoit été d'abandonner 1'Efpagne , ou de ne pas fe montrer du moins a la tête de fes meilleures troupes, dans un pays qui lui étoit dévoué , & qui étoit commode pour toutes les opérations (a) de fon armée navale. Lorfque Céfar eut appris fa réfolurion, il la traita de monftrueufe; & dans le fond, fe repofer fur fes lieutenans du fuccès de la guerre d'Efpagne, contre le génie & 1'afcendant fupérieur de Céfar, c'étoit ruiner volontairement la meilleure de fes armées & toutes fes efpérances. Quelques hiftoriens fe font étonnés que Céfar au lieu de fuivre Pompée , après 1'avoir chalTt O) Omnis hsc claffis Alexandria , Coletris , Tyro, Sidono , Cypro , Pamphilo, Lycia , Rhodo , &c. ad intercludendos Ttalia: commeatus comparatur. Ad Att. 9 , 9Nunciat jEgyptum cogitare, Hifpaniam abjecilTe ; monftra narrant. Ad Att. 9, 11. An. de R. 704. Cicer. 18. Coss. C. claunius Makcei.ius. l. corkel. len'iueus. Crus.  An. de R. 704. Cicer. 58. Coss. C. Clatj dius Mar CEIiUS. E CORNEI Lentulus Crus, (a) Ire fe ad exercitum fine duce, & inde reverfurum ad ducem fine exercitu. Suet. Jul. Caf. $4. (b) Caef. Comment. liv. ï. iJO HlSTOlRE DE LA VlE d'Italie, Jui eut laifle le tems d'aflembler, pendant lëipace d'une année, des armées & des flottes , . 8c de fe fortifier de tous les fecours de 1'Orient. ■ Mais il ne prit pas ce parti fans raifon. La connoilfance qu'il avoit de fes propres troupes , le rendoit bien für que toutes celles que fon ennemi pouvoit tirer de ce cöté-la, ne feroient jamais qu'un parti fort inégal pour les Hennes. En le pourfuivant dans la Grèce, il 1'auroit forcé infailliblement de fe retirer en Efpagne ; 8c de toutes les provinces de lëmpire, cëtoit celle ou il fouhaitoit le moins de le renContrer , paree qu'il n'y en avoit point oü Pompée eüt plus de reifources, ni oü les troupes romaines, qui n'y étoient compofées que de vétérans , fuffent en meilleur ordre. II n'auroit pas compté fur le laccès de la guerre , s'il n'eut commencé par détruire une armée fi redoutable, & 1'éloignement de Pompée lui facilitoit cette entreprife. «II alloit ( a) combattre, 33 dit-il en partant pour 1'Efpagne , une armée 33 fans général, pour revenir enfuite contre un 33 général fans armée 33. L'évènement juftifia fa conduite , car dans 1'efpace de quaryite jours (b) s il fe rendit maïtre de cette belle province.  de Cicéron, Liv. FIT. 171 Après la réduótion de 1'Efpagne, il fut créé die- An. de R. tateur par M. Lepidus, qui étoit alors préteur de ctaM* Rome , & faifant ufage auffi-tot de l'autonte de w eet emploi, il fe nomma conful avec P. Servi- ^ Küs Ifauricus. Mais a peine fut-il revêtu de ces B1CUS> titres, qu'il alla sëmbarquer a Brindes , pour chercher enfin Pompée. Les marqués de la dignité fuprême qu'U portoit autour de fa perfonne , ne donnèrent pas peu de poids a fa caufe , en mettant toutes les villes & tous les états de lëmpire dans la néceffité de le refpecter, ou du moins cn leur fervant de prétexte pour ouvrir leurs portes O) au conful de Rome. Dans eet intervalle, Cicéron défefpérant du fuccès de la guerre , avoit fait tous fes efforrs pour difpofer fon paru a la paix. Mais Pompée défendit qu'on en parlat davantage au confeil, après « avoir déclaré qu'il n ne \b) vouloit ni de la vie ni de la liberté s'il f» iUi fe daturos negare , neque portas confuli pra> c'ufuros. C. fam. 9,9.  D E C I C É R O N, L I V. VII. 173 pas fuivre une ombre , un nom qui ne fignifioit plus rien; enfin que Céfar approuveroit fa conduite. Mais la guerre changea tout dun coup de face. Au lieu de forcer Pompée a quitter Dyrrachium , Céfar fe vit contraint par un revers imprévu de fe retirer le premier, &C de céder a Pompée 1'avanrage de le pourfuivre dans une efpèce de fuite jufquën Macédoine. Pendant que la guerre commencoit a s'échauffer, Ccelius , qui étoit préteur de Rome, prenant trop de confiance a fon pouvoir & au fuccès de fon parti, publia diverfes loix également odieufes &c violentes, fur-tout celle (a) qui aboliifoit fans exception toutes les dettes. La ville s'étant foulevée contre cette entreprife, il fut dépofé de fa magiflrature par 1'autorité réunie du conful Servilius & du fénat. Mais le reffentiment de eet outrage lui fit rappeler Milon de fon exil de Marfeille , quoique Céfar eut refufé de le rétablir ; & de concert avec lui, il entreprii d'exciter une fédition en faveur de Pompée. 1 communiqua fon deffein a Cicéron , par un< lettre (b) qui fut la dernière de fa vie : « Vou (a) Comment. Csefar. 3 , 600. (b) Vos dormitis, nee hsc adhuc mihi videmini intelÜgere , quam nos pateamus, & quam fimus imbecilli. Quid jftic facitis; prseljuni expeftatis, quod firiiliflinauin eflï An. de Ri 705. Cicer. 53. Coss. C. JULlTJS Cksar II. p. Serv. Vat. IsaU- R1CUS. I  174 HlSTOlRE ÖE LA ViE An. deR. ^dormez, lui difoit-il, & nous fommes ici fort Cicer.5'5s. " éveillés. Que faites-vous donc : Attendez-vous C. tvl'ivs 35 une bataille 3 dont le fuccès fera infailliblement CT sÉrV. " conrre vous ■ Je connois peu vos troupes ; Jucu'si AÜ" " ma'S leS n°treS r°nt accoutumées a fe bien 3> battre & a foutenir condamment le froid & la » faim 33. Ce nouveau trouble, qui avoit déja répandul'alarme dans toute l'Italie , fut bientót ter* miné par la mort de Milon & de Coelius. Iis furent tués par quelques foldats qu'ils sëfforcoient de dé^ baucher. Après s'être attachés tous deux de fort bonne heure aux intéréts de Cicéron, leur naiffance Sc leur mérite perfonnel les auroient élevés bien haut s'ils s'étoient conduits fidellement par fes confeiis: mais leurs paflions 1'ayant emporté fur leur prudence, ils fe précipitèrent dans des voies facrieufes Sc turbulentes qui les conduifirent a leut perte. Toutes les efpérances de paix s'étant évanouies jufques dans 1'efprit de Cicéron, il revint aux confeils qu'il avoit donnés a Pompée , de faire trainer la guerre en longueur Sc de ne pas sëxpofer aux hafards d'une bataiile. La force de fes raifons les fit goüter pendant quelque tems; mais le rayon de fortune que Pompée avoit eu Vefiras copias non novi. Noftri valde depugnare & facile algere & efurire confueverunt, Ep. fam. 8, 17.  de Cicéron, Lip*. VII. 17 ƒ a Dyrrachium lui avoit infpiré tant de confiance An. ds r< dans fes troupes & tant de mépris pour Céfar (a), ckeV.'w. que cette folie préfomption devint la caufe de (^jvsL\vs fa ruine. S'il eut fuivi conftamment 1'avis de Ci- C*PS_ARS"-Vt céron, celle de fon ennemi étoit prefqu'infail- Vat. isau. * r ^ RlCUSj lible. Sa flotte lui auroit öté toute efpérance de fecours du cöté de la mer, & la difficulté de fubfilïer n'auroit pas été moins preffante du cöté de la terre , lofqu'il auroit été continuellement fatigué par une armée beaucoup plus nombreufe que la fienne , & que fa marche auroit été d'autant plus pénible qu'après le malheur qu'il venoit d'efiuyer a Dyrrachium , il auroit trouvé peu de difpofition dans les peuples a le fecourir fur fon paflage. Auiii fut-ce 1'excès de lbn embarras qui fit trouver fa fituation trop méprifable. Tous les partifans de Pompée fe figuroient la victoire fi certaine, que 1'impatience de combattre devint une paflion aveugle qui gagna jufqu'a leur chef, & qui les conduifit enfin a la fatale journée de (a) Cum ab ea féntentia Pompeius valde abhorreret, fuadere inftitui ut bellum duceret: hoe interdum probabat, & in ea féntentia videbatur fore & fuiflet fortafle , nifi quadam ex pugna ccepiflët militibus luis confidere. Ex eo tempore vir ille fummus nullus imperator fuit : victus lurpiflimè, amiffis etiam caflris, folus fugit. Ep. fam. 7» 3-  IjS HlSTOIRE DE LA VI E An. de R. Pharfale. Cicéron nous apprend que Pompée ft? Cicer.'fj. laifla entrainer par un autre motif. Sa fuperltition g. Jvllvs "oit extrême pour les préfages & pour les avis cjepasekv. des ^evins. Ayant fait confulter de tous (a) cotés Vat. Isau- les aufpices, il recut des prédidions fi favorables. r1cus. , qu'il crut déformais fa fortune au-delfus de tous les revers. Après tout, il faut reconnoïtre en fa faveur qu'il avoit a foutenir un röle extrêmement difficile, & qu'il n'avoit pas, comme dans toutes fes autres guerres, la liberté de fe conduire par fes propres inclinations. II étoit environné dans fon camp de la plus grande partie des magiftrats & des fénateurs de Rome , gens qui ne lui étoient point inférieurs en dignité, qui avoient commandé comme lui des armées, qui avoient obtenu 1'honneur du triomphe, & qui demandoient non-feulement d'avoir part a tous les confeils, mais que dans un péril commun, il ne fe fit rien fans leur participation. Et n'ayant point avec lui d'autre engagement que celui de leur inclination , ils exigeoient d'autant plus de complaifance qu'au moindre dégout ils étoient libres de 1'abandon- ( e Cicéron, Lip*. V II. x^t fier. Ces mêmes citoyens s'ennuyoient de leur lïtuation j Sc fouhaitoient impariemment de fe retrouver k Rome , pour y jouir de leurs richefles & de leurs honneurs. Le nombre de leurs troupts , & 1'opinion qu'ils avoient de Pompée les faifant trop compter fur la vidoire, iis brüloient de voir une bataille décifive, & foupcdnnant leur chef de chercher des prolongations pour conferver plus long-tems fon autorité (a), ils 1'accufoient de prendre plaifir , comme Agamemnon, a voir fous fes ordres un fi grand nombre de généraux & de rois. Enfin 1'impatience d'être expofé plus long-tems a leurs plaintes & i leurs reproches le détermina, contre fes propres lumiéreS:', a faire 1'efiai de fa förrune dans une adion décifive. Céfar connoilfoit également le caradère 8c h fituation de Pompée. II étoit perfuadé qu'il m foutiendroit pas 1'idée humiliante que fes lenteurs puffent être attribuées a la crainte j & le défif qu'il avoit de 1'engager aU combat, fe nourrifiant de cette penfée, il sëxpofoit fouvent avec unef témérité qui blefloit fa prudence. Sans cette explication , le fiége qu'il avoit mis devant Dyr-* rachium, pendant que fon ennemi étoit mairré (a) Mih'tes otium, focii moram, principes ambkum' ducis increpabant. Flor. liv, 4, i.Dio.p. i8j. Plutarq P"ie de Pompe'e. Tomé IJl, j| An. ét fii . 7°!. Cicer. c 90 Coss. cjunü» C/IÏSAR ii. P. SERy, Vat. Isav-j RlCUSi  An. de TA. 705. Cicer. 53Coss. C. julius C.ksar II. P. servt Vat. Isau. RIC'-S. ( a) CxCir pro natura ferox & confkienda: rei cupidus, ©flentare aciem , provocare , laceflere nunc obfidione caftrorum qua: fedecim millium vallo obduxerat; fed quid his,obefiet obfidio, qui patente mari omnibus copiis abundarent, nunc expugnatlone Dyrrachü irrita, Sec. Flor. liv. l7S HlSTOIRE DE LA VlE de la mer , d'oü il pouvoit recevoir toutes fortes de fecours , & lëntreprife de bloquer une place fi étendue , avec une armée moins nombretife que celle qui éroit dans la ville, mériteroient le nom dëxtravagance. Auffi ne s'appercut-il pas plutot qu'il s'cfForcoit inutilement d'attirer (a) fon ennemi hors des murs, qu'il abandonna un projet qui 1'auroit ruiné infailliblement s'il s'étoit obftiné a le pourfuivre. II faut obferver encore qu'auffi long-tems que Pompée mit entre Céfar & lui des murs ou des retranchemens , ni la valeur de ces vieilles légions qui s'étoient endurcies dans la guerre des Gaules, ni la vigueur de leur chef, ne purent obtenir ie moindre avantage. Au fiége de Brindes, Céfar avanca peu fur Ia ville jufqu'au moment ou Pompée embarqua fes troupes. A Dyrrachium , la feule aétion dans laquelle il put engager lënnemi, ne tourna point en fa faveur. Ainfi Pompée s'étoit conduit du moins en grand capitaine , lorfqu'il s'étoit garanti d'une puiflance a laquelle il  ©e Cicéron, Liv. VIL tj9 n'auroit pu réfifter en pleine campagne ; car c'eft en quoi confifte particulièrement 1'habileté d'un général. Avec le fecours de fes retranchemens , il avoit rendu fes nouvelles levées capables de réfifter aux vétérans de Céfar; mais lorfqu'il prit le parti de combattre a découvert , 1'avantage fut contre lui, cc paree qu'il avoit abandonné , dit » Cicéron, fes propres armes, qui étoient la pru» dence & 1'autorité , Sc qu'il avoit confié ion =y deftin aux épées & aux forces du corps (a), *>ger«fe de combat dans lequel fes adverfaires » étoient fort fupérieurs a lui «. Cicéron ne fe trouva point a la journée de Pharfale. II étoit demeuré a Dyrrachium, auffi mal du corps que de lëiprit. Le chagrin de voir prendre un fi mauvais cours aux affaires de fon parti, Sc d'être fi rarement écouté dans les confeils , lui caufoit une foibleffe (p) habituelle qui lui O) Non iis rebus pugnabamus quibus valere poterarnus, confilio, auöorkate , caufa, qua; erantin nobis fuperiora, fed lacerris & viribus, quibus pares non fuimus. Ep.fam. 4, 7- Dolebamque pilis & gladiis , non confiliis neque auctoritatibus nofiris, de jure publico difceptari. Ep.fam. 6,1. O) Ipfe fugi adhuc omne munus, eo magis quod nihil ita poterat agi ut mihi & meis rebus aptum eflet.... Me conficit follicitudo, ex qua etiam fumma infirmitas corporis; qua levata , ero cum eo qui negotium gerit , efique in magna fpe. Ad Au. 11,4. M ij An. de R. \ 705. Cicer. 59. Coss. C. julius CiESAR II. P. SERV, Vat. Isaü- FUCUS.  An. de R. 70?. Cicer. Coss. C. jul1us Cjesar II. P. SERV. Vat. Isau- jucus. (a) Quo tamen in bsllo cum te Pompeius als alteri prxfecnTet, iwgnam laudem & a fummo viro & ab exercitu confequebare , equitando , jaculando , omni militari labore tolerando ; atque ea quidem tua laus pariter cum rep. cecidit. De Offic. i, 13. (/S) Multa de pace dixi, & in Ipfo bello; eademque ipfa cum capitis mei periculo fenfi. Pro Marcel. J. ISO HlSTOIRE DE LAViE avoit fait rejeter conftamment toutes fortes d'emplois publics. Mais il avoit promis a Pompée de le fuivre aufli-töt que fa fanté lui en laifferoit le pouvoir; & pour gage de fa iïncérité, il lui avoit abandonné fon fils , qui dans un age fort tendre fe diftingua beaucoup a la téte dun corps de cavalerie , dont Pompée lui avoit (a) confié la conduite. Caton étoit demeuré auffi au camp de Dyrrachium avec quinze cohortes qu'il commandoit, lorique Labienus y apporta la nouvelle de la défaite de Pompée. Dans le premier trouble d'un événement fi funefte , Caton ofFrit le commandement a Cicéron, comme une déférence qu'il devoit a la fupériorité de fon rang. Cicéron le refufa , & fi 1'on s'en rapporte au récit de Plutarque, le jeune Pompée fut fi indigné de fon refus, qu'ayant tiré fon épée, il 1'auroit tué fur le champ fi Caton n'eut arrêté fon bras. On ne trouve aucune tracé de ce fait dans les écrits de fb) Cicéron, a moins qu'on n'y veuille rappor-  be Cicéron, Liv. VIL 181 ter un endroit de 1'oraifon pour Marcellus , oü II dit que dans le feu même de la guerre il s etoit toujours déclaré pour la paix , fans être refroidi par les dangers qu'il avoit courus pour fa vie. La déroute de Pharfale jeta leur parti dans une fi étrange coniïernation , qu'ils ne pensèrent tous qu'a monter fur les premiers vaiiïeaux qui fe préfentcrent, pour fe difperfer fuivant leurs efpérances ou leurs (a) inclinations, dans les différentes provinces de lëmpire. Le plus grand nombre , qui étoit compofé de ceux qui vouloient renouveler la guerre, prit direflement la route d'Afrique, oü étoit le rendez-vous général de tous les reftes de 1'armée, randis que les autres fe retirèrent dans 1'Achaie pour y recevoir la loi des évènemens. Cicéron réfolut qu'une infortunea laquelle il ne prévoyoit aucun remède, feroil pour lui la fin de la guerre. II exhorta fes amis: fuivre fon exemple, en leur repréfentant que cem qui n'avoient pu vaincre Céfar (Z>) avec toute leurs forces, ne devoient pas fe promettre plu (a) Paucis fane poft diebus ex pharfalica fuga venifle. (b) Hunc ego belli mihi finem feci; nee putavi, cum ir.tegri pares non fuiiïemus, fra&os fuperiores fore. Ep. fam, 7, J« M iij An. r!e R. 70!. Cicer. 59. Coss. C. Junus Ca:s.iR II. P. Serv. Vat. Isauricus.  An. de R. -705. Cicer. 59. Coss. C. JUL1US CjESAR II, P, Serv Vat. Isau. picus. 182 HlSTOIRE DE LA Vlfi de fortune après les avoir perclues. Ainfi perdanê lëfpérance , & rebuté d'une miférable campagne, dont il n'avoit recueilli d'autres fruits que des chagrins continuels & la ruine de fa fanté , il fe livra lans héfiter a la difcrétion du vain-» queur.  de Cicéron, Liv. VI II. . 183 LIV RE HUIT1ÈME. Cicéron sëtant embarqué pour retourner en Italië , vint defcendre a Brindes vers la fin du mois d'odtobre. Mais en touchant au rivage-, il fit des réflexions qui ne fervirent pas a lui rendre lëfprit plus tranquille. II avoit quitté la guerre avant quëlle füt terminée; il n'avoit (a) pas attendu 1'invitation de Céfar. Ne s'étoit-il pas trop haté ? & s'il pouvoit fe fier de fa füreté a la clémence du vainqueur , l'intérêt du moins de fa dijrnité avoit-il été affez ménagé ? D'ailleurs, dans un tems de trouble & de licence , il douta s'il pouvoit efpérer des partifans de Céfar , en Italië, le même accueil qu'il avoit recu de lem chef, & fur-tout s'il n'avoit pas quelqu'infulte 2 (a) Ego vero incaute ut fcribis, & celerhts quam oportuit feci. Ad Att. 11,9. Quare voluntatis' me mea; numquam pocnitebit, confilii poenitet. In oppido aliquo mallem refedifle , quoad arcefTerer. Minus fermonis fubiifiem ; minus accepüTern doloris: ipfum lioc non me angeret. Brundufii jacere in omnes partes eft molePtum. Propius accedere , ut fuades, quomodo fine lióroribus quos populus dedit, poflum , qui mihi incolumi adimi non poflunt. Ad Att. n, 6. Miv An. <3e R; 705. Cicer. 59. Coss. C. Juuus C-KSAJt H. P. Serv. Vat. IsaU» RICUS,  1S4 HlSTOIRE de la Vie 'An. de u. craindre des foldats, en paroiflant avec fes faif- Cicer. 5?, Ceaux & fes lauriers. Se retrancher néanmoins ces Coss. , r ,, c.juiius marqués de ion rang, c etoit diminuer 1'honneur caesar II. >.i . . , i'. serv. I1111 aV01t re9u du peupie romain, & reconnoïtre £cus.l5AU" un Pollvoir uipérieur aux loix. Mais ces inquiétudes augmentèrent encore après la leóture d'une lettre qu'il recut d'Antoine, qui gouvernoit touc dans 1'abfence de Céfar , & qui ne paroilfant pas mieux difpofé pour Cicéron que les derniers jours qui avoient précédé fon départ, lui laiffa douter ü fon deifein n'étoit pas de lui fermer 1'entrée de 1'Italie. II lui envoya la copie d'une lettre de Céfar, qui ayant appris que Caton & Metellus étoient a Rome ou ils paroilfoient ouvertement (V), lui écrivoit de ne recevoir perfonne en Italië fans un ordre exprès de fa main. La-deifus Antoine le prioit d'excufer la néceflité oü il étoit d'obéir a Céfar. Mais Cicéron lui dépêcha auflitöt L. Lamia, pour 1'alfurer que Céfar lui avoit fait écrire par Dolabella, qu'il étoit le maïtre. de fe rendre en Italië, & qu'il n'étoit venu que ( a) Sed quid ego de lictoribus, qui poene ex Italia decedere firn juflus? Nam ad me mifit Antonius exemplum Csfaris ad te literarum , in quibus erat le audifle Catopem & L. Metellum in Italiam veniffe, Roma: ut eflent palam, &c. Turn ille edixit ita ut me exciperet & Ladium nominatim. Quod far.e nollem. Potorat enim lïne nomine t ff ipfa excioi. O multas grayes offenliones! Ibid. 7,  de Cicéron, Li r. VIII. iS> fur la garantie de cette lettre. Antoine n'en publia pas moins un édit qui excluoit de 1'Italie tous les partifans de Pompée ; mais il excepta Cicéron de eet ordre, en afrectant de le nommer dans 1'édit, ce qui fut pour lui une nouvelle mortification , paree qu'il demandoit feulement qu'on fermat les yeux fur fon arrivée , Sc qu'on lui permït de mener une vie tranquille, fans le diftin,guer du rede de fon parti.' Mais il eut du cöté de fa familie d'autres fujets de chagrin , qui achevèrent de ruiner fon repos. Quintus , fon frère, Sc fon neveu, après s'être fauvés du champ de Pharfale, avoient pris le parti de fuivre Céfar en Afie , pour obtenir leur grace par leurs propres follicitations. Quintus , qui avoit été fon lieutenant dans les Gaules, Sc qui n'avoit jamais recu de lui que des témoignages d'amitié , devoit craindre fon reffentiment. Audi fe crut-il obligé, pour faire plus aifément fa paix , de rejeter tout le blame de fa conduite fur fon frère. II y joignit la raillerie dans fes difcours Sc dans fes lettres a Céfar; Sc fi le récit de fon procédé nëft point une exagération , il eut quelque chofe d'inhumain. Cicéron en fut averri de toutes parts. On lui écrivoit même que le jeune Quintus (a), a qui fon père avoit fait (a) Quintus mifit filium, non folum fui deprecatorem, fed etiam accufatgrem mei; neque vero deiiftet, ubicum- An. de Ki 705. Cicer. 59. Coss. C. JuliuS Cff.sar II. P. Serv. Vat. IsaU- r1cüs.  itS HlSTÓIRE DE ÏA Vil Ati. de R. prendre les devants, étoit parti avec un difcourS Gicer.' 5S. qu'il avoit compofé contre fon oncle, 8c qu'il c. Juiius devoit prononcer a Céfar. Jamais Cicéron n'avoit .«.*SoiV. efluyé de chagrin plus amer. Quoiqu'il fe défiat Jucus!SAU" des 'nclinations de Céfar, & qu'il fe crut mal défendu dans fon efprit contre les mauvais offices de fes ennemis déclarés, laplusvive de fes craintes fut pour fon frère 8c pour fon neveu , i qui leurs propres emportémens pouvoient nuire beau-t coup plus qua lui-même 5 car tout irrité qu'il étoit de leur conduite, il en tenoit une fort oppofée. Ayant appris que dans quelques converfations Céfar avoit accufé Quintus d'avoir entraïné toute fa familie ( a) dans le parti de Pompée, il lui écrivit auftï-töt dans ces termes : a Je ne m'intérelfe pas moins pour mon frère :> que pour moi-même;• mais dans la conjoncfture que eft, omnia in me maledicta conferre. Nihil mihi unquam tam ïncredibile accidit, nihil in his maüs tam acerbum. Ibid. 8. Epiftolas mihi legerunt plenas omnium in me probrorum Ipfï enim illi pütavi perniciofum fore, fi ejushoc tantum fcelus percrebuifiet. Ibid. 9. Quintum filium volumen fibi oftendnTe orationis quam apud Carfarem contra me effèt habiturus; multa poftea patris j eonfimili fcelere patrem eiïê locutum. Ibid. zo. (a) Cum mihi litera: a Balbo minore miffa? eiïent^ Cajfarem exiftimare Quintum fratrem lituum mea: profectipnis fuifle; fic enim fcripfit. Ad Act. 11, iz.  DE ClGÉRÖU.iJf, VIII. 187 v préfente je n'ofe pas vous le recommander. Tout y> ce qui mëft permis, cëft de vous prier, comme »je fais, detre bien perfuadé qu'il n'a pas tenu 33 a lui que je ne vous donnaüë des marqués ef» fectives de mon attachement & de mon amitié, » & qu'il s'eft toujours efforcé de mëntretenir « dans ces difpofitions: enfin qu'il ne m'a point 33 porté 3 quitter 1'Italie , & qu'il n'a fait réel33 lement que me fuivre. Jëfpère que votre bonté 33 naturelle, & la liaifon qui a duré long-tems 33 entre vous, parleront affez pour lui dans cett£ 33 occafion. Mais^ que je ne lui fafle du moins au 33 cun tort dans votre efprit: cëft ce que je vou 33 demande inftamment 33. Cicéron fe trouvoit , a fon retour, dans ui autre embarras dont il ne feroit pas forti faci lement fans le fecours d'Atticus. II manquoit d'ai gent , & le trouble des affaires publiques k permettoit aufli peu dërnprunter que de vendre. Le fommes qu'il avoit fournies a Pompée, & la mai vaife économie de fa femme , qui abandonno le foin de leurs revenus a des domeftiques qui 1 trompoient, le mirent dans une fituation fi étroii qu'il ne fe trouvoit pas de quoi fournir aux dé penfes les plus indifpenfables de fa maifon. eut recours a la générofité (a) de fon ami, q (a) Velim confider?t ut fit unde rrobis fuppeditentur fumtus necefTarii, Si cpas habuimus facultates, easPom- An. ie S. 705. Cicer. Coss'. C. juiivs CiF.SAR U. P. SERV.i Vai'. 1saU-i KICUS. | i s M t a e 11 d  An. de R. 705. Cicer. 6a, Coss. C JULIUS CjESAH.Dictaceur II. M. Anto« NlUs.Géné*al de Ia Cata'erie. peïo, turn, cum id videbamur fapienter facere , detulïi mus. Ibid. 13, 1, 11, &c. (a) Nee enim ulla res vehementius rempublicamcontinet quam fides: qua? efle nulla poteft , niff erit neceflaria fohitio rerum creditarum , &c. De Ojfio. 2 , 14.' I 8 S H I S T O I R È BE IA V I É regarda cette nouvelle occafïon de le fervir comme un bienfait. Mais fes peines devoient augmenter de jour en jour. Dolabella , fon gendre , lui en ouvrit une nouvelle fource par la témérité naturelle de fon cara&ère. ïl s'étoit propofé, a la faveur de je ne fais quelle adoption dans une familie plébéienne, d'obtenir cette année le tribunat •, Sc fes intrigues, foutenues du crédit qu'il avoit auprès de Céfar, lui firent furmonter une infinité d'obftacles. L'ufage qu'il fit de fon pouvoir fut pour exciter de nouveaux troubles par le renouvellement d'une loi qui éteignoit toutes les dettes. Cette entreprife avoit été tentée plufieurs fois par divers magifhats ambitieux ou défefpérés , maïs elle avoit toujours révolté les bonnêtes gens, & particulièrément Cicéron , qui la traitoit de pernicieufe (a) au repos Sc a la prof périté de 1'état. II n'eft pas furprenant qu'avec ce principe il en fit des plaintes fi amères a Atticus, Sc qu'il regardat la conduite de fon gendre comme un furcroit d'infortune. Dolabella n'avoit  UECiciïOK.Ixr. TUI i8j pas tant fuivi fon penchant que la néceffité de fa fituation. II avoit mis fes affaires dans un tel défordre , que n'ayant pu fournir dans fes courfes aux befoins de fa femme, elle avoit été forcée de recourir pour fa fubfiftance a la maifon de fon père. Cicéron de fon cöté n'avoit pas achevé de payer la dot de fa fille. L'ufage étoit de faire ces payemens en trois termes qui étoient fixés par la loi. II avoit fatisfait aux deux premiers , mais fes propres befoins lui faifoient reculer le trolfième. II y avoit d'ailleurs fi peu de reffemblance entre le caradère de Dolabella & le fien (a) . que ce démêlé d'intérêt achevant de les divifer ils finirent bientöt par une rupture ouverte, quoi que les témoignages qu'on trouve (*) la-deffu foient fi obfcurs qu'il nëft pas aifé de pénétre de quel cöté vint le divorce. Dans ces circonftances Tullia rendit une vifit (a) Quod me audis fraaiorem efle animo, quidputas, cum videas acceffifle ad fuperiores aegritudines praxlaras generi aaiones. Ad. Att. n , ix.Et fi omnium confpectum horreo , prsefertim hoe genere. Ibid. 14, is-j&c. (b) De dote quod fcribis , per omnes te deos obteftor, ut totam rem fufcipias, & illam miferam, mea culpa, tueare meis opibus, fi qua: funt; tuis , & quibus tibi non moleflum erit, facultatibus. Ibid. 11 , 1. De penfione altera, oro te, omni cura confidera quid faciendum fit. Ibid. 11, 4« An. <3e ff< 705. Cicer. 60, Coss. C. Juuui Cff.SAR,Dio tateur II. M. AntoNlUS, Général de la Ca-, vakrie. c  An. de R. 70S. 'Cfcer. (,o. C«ss. C. Jürtüs "Crsak, Die- «iteui II. M. Ak ionius.G.né;ral de la Ca■vaJeüe. (a) Tullia meaad me venit prid. id. jun. Ego autem ex ipfius virtute , humanitate, pietate , non modo eam voluptatem non cepi quam capere ex fingulari filia debui; fed etiam incredibili fum dolore afectus, tale ingenium in talï miferia verfari. Ibid. 11 , 17. Ep.fam. 14, 11. (b ) De Pompeii exitu mihi dubium nunquam ruit: tanta enim defperatio rerum ejus omnium regum & populorum animos occuparat, ut quocumque veniflet, hoe putarem futurum. Non poiïum e;us cafiim non dolere: hominem enim integrum & caf.um & gravem cognovi. Ad Att. 11,6, tpo H I S T O I R £ DE LA VlE a fon père , qui étoit encore a Brindes. Mais la tendrelfe extraordinaire qu'ilavoit pour elle, lui fit trouver de nouveaux fujets de douleur, dans une entrevue (a) qui renouvela le fendment de leurs difgraces communes. « Loin de tirer quelque plai»fir, écrivoit-il a Atticus, de la vertu, de la » douceur & de l'affedion d'une fi excellente fille, « mon cceur fut rempli d'amertunie en la voyant dans une fituation qu'elie étoit en droit de me » reprocher , puifque tous fes malheurs étoient » mon ouvrage. Je ne penfai donc point a la 3> retenir dans un lieu oü je n'étois capable que » de ni'affliger avec elle, & je la prelTai au con33 traire de retourner promptement prés de fa » mère 11 recut a Brindes la première nouvelle de la mort de Pompée. Elle le furprit peu , du moins fi 1'on en juge par une courte réflexion (b) qui  de Cicéron, Liv. F lil. 191 nous reftc dans une de fes lettres, fur ce funefte événement: «Je n'ai jamais douté, dit-il, que 53 la fin de fa vie ne füt tragique 2 L'état défef» péré de fa fortune avoit fait tant d'impreflion 33 fur toutes les puiffances étrangères , que dans 33 quelque lieu qu'il put fe retirer, j'avois concu 33 qu'il devoit s'attendre au même fort. Je le re33 grette néanmoins, car j'ai toujours reconnu de 33 la droiture, de 1'honneur & de la folidité dans 33 fon caraélère 33. Ce portrait o'étant r.i enfié par les exagérations de 1'éloquence , ni altéré par les déguifemens de la haine, il doit palfer pour reffemblant , fur-tout de la main de 1'homme du Honda qui connoiüoit le mieux celui qu'il vouloit peindre. Pompée avoit acquis le furnom de grand , par cette efpèce de mérite a laquelle un gouvernement tel que celui de Rome devoit néceffairement attacher 1'idée de grandeur, par une réputation dans les armes , & par des vi&oires qui furpaUoient tout ce que la république avoit vu de plus éclatant dans fes plus fameux guerriers. II avoit obtenu trois fois 1'honneur du triomphe, pour avoir conquis ou vaincu trois parties du monde, 1'Afie , 1'Europe & 1'Afrique , qui étoient alors les feules connues; & fon habileté ou fa fortune avoit augmenté du doublé 1'étendue & les richelfes de 1'empire romain. L'Afie mineure\ qui faifoit les bornes de l'empire avant la guerre An. de R» 70 s. Cicer. 6a. Coss. C. 3VLIVS C.ïSAR.Dic;ateur II. M. AnTOsuus, Général de la Cavalerie,  'An. de R. 706. Cicer. 60. Coss. C. Ju LI IJS C-ssar.Dictaceur II. M. Antonius , Général de Ja Cavalerie. IJl HlSTÖlRE DE LA VlE contre Mithridate, en étoit devenue le centré après fa dernière victoire ; & tandis que Céfar , piongé dans les plaifirs, accablé de dettes, fufped a tous les honnêtes gens, ofoit a peine lever les yeux , Pompée floriffoit au comble de 1'autorité 8c de la gloire, & fe voyoit placé, da confentement de tous les parris, a la tête de la république. C'étoit le pofte oü fon ambition avoit toujours afpiré. II vouloit être le premier citoyen de Rome; le chef, 8c non le tyran de fa patrie. Si fa vertu , ou le caradère de modération qui lui étoit naturel, ne feut pas retenu dans ces bornes, il auroit pu sëmparer plus d'une fois de 1'autorité fouveraine : & 1'habitude oü 1'on étoft de le refpeder , auroit peut-être accoutumé les romains a cette ufurpation. Mais, pour juger da fond de fes déftrs par les apparences, il attendoit de ï'inclination libre du peuple, ce qu'il ne vouloit pas devoir a la force, 8c fon but fans doute en fomentant les défordres de la ville, étoit de mettre les citoyens dans la néceffité de le créer didateur. Cëft 1'obfervation de tous les hiftoriens3 que Céfar ne mettoit pas de différence entre le pouvoir ufurpé & celui qu'on auroit pu lui accorder volontairement •, la crainte ou I'amour 1c flattoient fans diftindion : au lieu que Pompée nëftimoit que les faveurs, qui lui étoient offertes, &c n'auroit pas trouvé de plaifir a gouverner ceux qui  fcE Cicéron, Li r. VUL 19 j sjui ne 1'auroient pas reconnu volontiets 'pour leur maïtre. Le loiiïr qui lui reftoic après les occupations de la guerre, étoit employé a 1'étude des belles-lettres , mais particulièrement a celle de 1 1'éloquence , dans laquelle il fe feroit fait une réputation diiïfnguée , s'il eut donné plus d'exer- 1 cice a fes talens naturels. II plaida plufieurs caufes avec applaudilfement, & quelques-unes de concert avec Cicéron. Son langage avoit de 1'abondance Sc de la noblefle. Ses réflexions étoient julfes, fa voix douce , fon aclion pleine de dignité. Mais la nature 1'avoit rendu plus propre a la profeffion des armes qu'a celle du barreau. S'il obfervoit dans 1'une & 1'autre Ia même modeil:iea Ia même gravité Sc la même tempérance , fa dificipline étoit encore plus exa&e dans la licence d'un camp, Sc 1'exemple en faifoit par conféquent; beaucoup plus d'impreffion. Sa figure étoit gracieufe, avec un mélange de majefté qui forcoic au refpeét. Cependant il s'y trouvoit quelque ehofe de fier & de réfervé, qui convenoit moins a, la qualité de citoyen qu'a celle de général. Son mérite étoit plutöt impofant que véritablemenc élevé , plutöt fpécieux que pénétrant; Sc fes vues de politique étoient fort étroites, car fon principe favori de gouvernement étoit la diffimulation ; encore manquoit-il quelquefois d'art pouï déguifer fes véritables feotimens. Comme il ert^ Tomé IIL N An. de R>, 706. Cicer. (oi Coss. C. JULIÜg ^SAR.DiO ateur II. M. AnTO* J1US, Gêné* al de la Cz% 'aleiie.  An. de R. 706. Circr. 60. Cos». C. JULlUs C/ESAR, Oictat-ur II. M. ANTONIUS, Général Je Ja Cayalerie. 194 HlSTOIRE DE LA VlE tendoit mieux la guerre que les négociations , il perdoic a Rome tous les avantages qu'il avoit gagnés dans fon camp; & fouvent, après s'être fait adorer au dehors, il ne retouinoit a la ville que pour y recevoir des humiliations & des outrages. Ce fut le chagrin qu'il en refTentit, qui lui fit ufurper avec CralTus 8c Céfar, un empire qui lui devint auffi funefte qu'a la république. II les avoit pris moins pour fes alTociés que pour les miniftres de fon pouvoir ; 8c dans 1'origine il ne devoit pas craindre qu'ils devinflent fes rivaux , puifqu'ils étoient fort éloignés 1'un 8c 1'autre de ce crédit 8c de ce caractère qui leur auroient été néceflaires pour s'élever au-deflus des loix ; cëfta-dire , qu'ils manquoient tous deux d'expérience & de réputation dans les armes : fans compter qu'ils n'avoient point fur les troupes cette efpèce dëmpire qu'il avoit acquis par 1'habitude de comtnander. Mais en careffant Céfar, & en lui abandonnant fans précaution la conduite &c la difpofition des armes, il le rendit a la fin plus fort que lui, & fon malheur fut de n'avoir commencé a le craindre que lorfqu'il étoit trop tard pour 1'arrèfer. Cicéron s'étoit également efforcé dëmpccher leur réunion , 8c de prévenir leur rupture. II n'avoit pas employé moins d'efforts pour fa're fentir le danger d'une bataille. Si 1'un de ces con-  de Cicéron, Liv. FIII. 19j Feils eut été fuivi, Pompée auroit confervé fa vie Sc fon honneur , Sc Rome fa liberté. Mais lëfprit de fuperftition qui le gouvernoit, la crédulité pour de vains augures, lëxemple de Marius Sc de Sylla , qui s'étoient fervis utilement du mafque de ia religion , avec cette différence, qu'ils n'en avoient pas les principes, hatèrent fes réfolutions , & lëntrainèrent dans fa ruine. S'il ouvroit enfin les yeux fur fon erreur, il étoit trop tard, &c i'aveu qu'il fit, dans fa fuite , «de s'être trop fié 53 a fes efpérances , Sc d'avoir eu la vue moins »j jufte que Cicéron , ne pouvoit pas réparer les 33 malheurs de Pharfale ». Sa cataftrophe 1'attendoit en Egypte. II avoit comblé de bienfaits le père du monarque qui occupoit alors ce tröne, il 1'avoit foutenu a Rome par fa protection , il avoit contribué a le rétablir dans fes états, Sc Ptolemée , fils Sc fucceffeur de ce prince, avoit envoyé une puilfante flotte a fon fecours.Mais a quelle fidélité pouvoit-il s'attendre dans une cour gouvernée par des eunuques Sc des grecs mercenaires, qui s'occupoientbien moins de 1'honneur de leur maïtre que de la confervation de leur pouvoir Sc de leur fortune ? Le chef (a) de 1'empire romain , celui (a) Hujus viri faftigium tantis auftibus fortuna extulit, ut primurn ex Africa , iterum ex Europa, tertio ex Alia triumpharet: & ejuot partes terraruin orbis ïunt, totidera N ij An. aatas ullas literas. Ibid. ij* Ni* An de R. 706. Cicer. 60. Coss. C. JU11US Cjesaf, Die» tateur II. M. Antonius, Céné« ral de la Cavalerie. t * I l  An. de r. /O 6. Cicer. 6c. Coss. C. Junus C/£sAit,Dicrateur U. M- Antonius. Général de la Cavalerie. (a) Haud alium (anta civem tulit indole Roma. hucan. 4 , 814., Una farnilia Curionum , In qua tres continua ferie oratores extiterunt. Plin. Hifl. 7 , 41. Naturam habuit adrnirabilem ad dicendum. Brut. 406. (b) Nemo unquam puer , err.ptus Hbidinis caufa , tan* fuit in domini poteftate , quam tu in CuMonis, Ph'rf. 1, 18. Vir nobilis, eloquens, audax , fus aiienxque & fortuna» & pudicitix prodigus , cujus animo , voluptatibus vel libidirlibus , neque opes ulla? neque cupiditates fufficere poiTent. Veil. Pat. 248. Niiï meis puer olim fideli.Q fimis atque amantiffimis confiliis parui{Tes...E/7._/a:m. 2,1, Eello autem civiü, non alius majorem quam C. Curio. {ubjscit facem. Veil. Pat. 2, ^S. ï©o Histoirê de n Vie il sëtoic chargé de la conduite de fa jeunelTe , le rendit fort fenfible a cette perte. Rome avoic peu de jeunes citoyens dont elle eut (a) conctt de fi grandes efpérances. Curion , depuis qu'ii s'étoit attaché a Céfar, avoit réparé les défordres (b) de fa première jeunefle, par une conduite ou la prudence n'avoit pas eu moins de part que la valeur. On a dit de lui comme de Carilina, qu'il avoit mérité de périr pour une meilleure caufe. Après avoir perdu la baraille 8t fes meilleures troupes , fes amis le prefsèrent d'affuxer fa vie par la fuite : mais il leur répliqua qu'ayant fi mal répondu aux efpérances de Cé-  to E Cl C Ê R O N, L I V. VIII. 201 far , il ne fe fentoit plus la ferce de paroitre (a) devant fes yeux; & continuant de fe battre avec une valeur obftinée, il fut tué d'une multitude de coups entre fes derniers foldats. Cet événement étoit arrivé avant la journée de Pharfale , tandis que Céfar étoit encore en Efpagne. Ainfi 1'Afrique étant tombée toute entière entre les mains des partifans de Pompée , Scipion , Caton & Labienus y recueillirent les redes difperfés de ce parti, auxquels Afranius & Petreius vinrent fe joindre avec les débris de 1'armée d'Efpagne. Toutes ces forces réimies fe trouvèrent fi fupérieures a celles de Céfar , que les (b) chefs parloient déja de palier en Italië avant qu'il füt revenu d'Egypte. Le bruit s'en étoit répandu, Sc dans cette fuppofition , Cicéron devoit s'attendre d'être traité en déferteur •, car tandis que Céfar comptoit parmi fes amis tous ceux qui ne (a) At Curio nunquam , amifio exercitu quem a Cx~ fare fidei fua: commilTum acceperat , fe in ejus confpectum rcveriurum confirmat: a:que ita pradians interficitur, C que les honnêtes gens ne lui pardonnoient pas de sëtre foumis fi promptement a la difcrérion du vainqueur. Les uns le tondamnoien' de n'avoir pas fuivi Pompée; d'autres lui faifoient encore un plus grand crime % le n'être pas paffé en Afrique : enfin d'autres  de Cicéron, Liv. VI11. 203 vouloient qu'il fe füt retiré dans 1'Achaie , a lëxemple d'un grand nombre devertueuxcitoyens, qui y attendoient une décifion plus déclarée de la fortune. Comme rien ne le touchoit fi fenfible- , ment que l'eftime des gens de ,bien, il conjura fon cher Atticus de prendre fa défenfe , en lui fugaérant ce qui pouvoit fervir a le juftifier. « On 33 me reproche , lui écrivoit-il, de n'avoir pas fuivi 33 Pompée •, mais croyez-vous que 1'imprudence & » le funefte fuccès de fa dernière réfolution ne » puiflent me tenir lieu d'excufe 5 On auroit voulu 33 du moins que je fuffe palfé en Afrique : mais 33 j'ai penfé que la république feroit trop mal démfendue par une nation trompeufe & 'barbare. 33 Que ne fuis-je donc allé dans 1'Achaie ? J'avoue 33 que ceux qui ont pris ce parti s'en trouvent 33 mieux que moi. Ils ont 1'avantage de fe trouver 33 dans la compagnie de plufieurs honnctes gens, 33 & lorfqu'ils reviendront en Italië , ils auront 33 la liberté de rejoindre aulfitöt leur familie. Ne xmanquez pas, mon cher Atticus, de fortifier 33 ces raifons par les vötres (a) , & de les répan33 dre le plus qu'il vous fera poflible 33. (a) Dicebar debuiiTe cum Pompeio proncifci. Exitus illius minuit ejus officü pratermiffi reprehenfionem. Sed ex omnibus nihil magis defideratur quam quod in Afncam ron ierim. Judicio hoe fum ufus, non effe barbaris auxi- An. de e. 706. Cicer. 60. Coss. C. JUL1US 'SSAI^Dicateur II. M.Antonius, Général de la Cavalerie.  An. de R. -cS. Cicer. 60. Coss. C. JVLWS C.ESAR,Dic- ta'eur II. JI. ANTONIUS . Général de la Cavalerie. i I 3 i 1 lïis fallaciflims: gentis rempub. defendendam. Extremum efl eorum qui in Achaia funt. Si tamen ipfï fe hoe melius habent quam nos, quod & multi fu-nt uno in loco, & cum in Italiam venerint, domum ftatim venerint. Hsc tu perge, ut facis, mitlgare & probare quamplurimis. Ad Att. 11,7. ( a ) Ut me ifla epiftola nihil confoletur; nam & exigue Icripta eft & magnas fufpiciones habet non eiTe ab ilio. Ad Att. ii, 16. Ex quo inteliigis illud de literis ad V. id. feb. datis, quod inane eflet, etiarnfi verum eiïê-tj non verum elle. Ibid. 7. 204 HlSTOIRE DE LA VlE Tandis qu'il s'affligeoit mortellement de toutes ces difficultés, quelques-uns de fes amis de Rome concertèrent eniemble de lui envoyer une lettre au nom de Céfar, datée d'Alexandrie , le 9 de février, par laquelle il 1'exbortoit a difliper toutes fes craintes, & a n'attendre de lui que des careffes Sc de 1'amirié. Mais les termes en étoient fi va5ues, qu'elielui fit foupconner tout d'un coup :e qu'il découvrit clairement dans la fuite, c'efti-dire , quelle venoit d'Oppius Sc de Balbus, qui ivoient voulu relever fon courage Sc lui procurer (a) quelque confolation. Cependant on conirmoit de tous cötés que Céfar fe faifoit admi•er par fa clémence & fa modération. II faifoit r,race a tous ceux qui la demandoient, Sc n'ou•iiant pas Cicéron dans i'éloignement, il lui fit emettre par Balbus , les lettres injurieufes de fon rère, comme un témoignage de fon affecrion ,  DE ClCÉKONjL/r. VIII. 235 & de rhorreur qu'il avoit cue pour la perfidie de Quintus. II eft étrange qu'au lieu d'expliquer avantageufement cette conduite, Cicéron fe défiat de la facilité de Céfar a pardonner , & qu'il J prit eet exces de clémence pour la politique d'un vainqueur qui remettoit fa vengeance a des tems i plus favorables. A 1'égard des lettres de fon frère, il fe perfuada aufti que Céfar ne les avoit point envoyées a Balbus, paree qu'il les condamnoit; mais (a) pour augmenterfa misère en le rendant méprifable aux yeux du public. Ces idéés noires , qui venoient de fon inquiétude & de fa triftefte, furent enfin diffipées par une lettre de Céfar, qui lui confirmoit dans les termes les plus tendres & les plus obligeans, la pofteffion de fon rang & de fa dignité (b), & qui (a) Omnino dicitur nemini negare : quod ipfum efl fufpectum , notionem ejus difièrri. Ibid. 10. Diligenter mihi fafciculum reddidit Balbi tabellarius, quod ne Cajfar quitlem ad iflos videtur mififle, quafi quo illius ïmprobitate offenderetur; led credo uti notiora noftra mala eiTent. Ibid. iz. (b) Reddita? mihi tandem funt a Csfare liters fatis liberales. Ep. fam. 14, 13. Qui ad me ex ./Egypto literas mifit, Ut efTem idem qui fuiflem : qui cum ipfè imperator in toto imperio populi romani unus eiTet, efle me alterum paffus efl : a quo conceffös fafces laureatcs tenui, quoad tenendos putavi. Pro Ligar. 3. An. is R,' 706. Cicer. 60. Coss. C. JULIUS "*SAR,Dicateur II. M. Anto1ÏUS, Généal ie Ia Ca■alerie.  An. de R. 70?. Cicer. 60. Coss. C. JUIIUS C/£SAR,Dictaceur II. M. Antonius, Génélal de ia Cavalerie. (a) Sed mihi valde Quintus gratulatur. Ad Att. li, 13. (l) Ego cum Salluftio Ciceronem ad Csfarem mittere cogïtabam. Ibid. 17. De iliius Alexandria difceiïu nihil adhuc rumoris , contraque opinio : itaque nee mitto, ut conuitueram, Ciceronem. Ibid. 18. Z0£? HlSTOIRE EE Ï,A VtE lui accordoit la même libercé de reprendre fes faifceaux & fes licreurs. Céfar avoit effedivement trop grandeur d'ame pour s'être arrêté aux difcours de Quintus &c de fon fils. Loin d'approuver leur procédé, il paroit au contraire cju'il ne leur accorda leur propre grace qu'a la confidération de Cicéron. Auffi Quintus cbaneea-t-il bientot de langage , & voyant de quel cóté 1'inclination de Céfar fe déclaroit, il écrivit (a) a. fon frère, pour le féliciter du rétabliffement de fa fortune. Cicéron penfoit a faire partir fon fils , pour aller au-devant du vainqueur; mais dans fineertitude du chemin qu'il avoit choifi , il changea de réfolution (b), & 1'attendant avec une impatience qui étoit commune a toute lTtalie, il apprit enfin qu'il étoit arrivé a Tarente. Cette nouvelle fut comme le fignai de fa liberté. 11 quitta Brindes auffitöt, pour fe préfenter a Céfar dans fa route. On s'imagineroit aifément, quand il n'en feroit pas 1'aveu dans fes lettres, qu'il düt reffentir quelque trouble a 1'approche d'un vain-  deCicêron, Liv. VIII. 107 queur contre lequel il avoit pris les armes ; & quoiqu'il put fe flatter d'en être recu favorablement, il ne favoit, dit-il, a s'il valoit la peine (a) » de demander une vie , fur laquelle on ne pou=3 voit plus compter un moment, lorfqu'on 1'a» voit une fois recue d'un maitre 33. Mais dans leur entrevue, il ne fe vit forcé a rien qui fut audeffous de fa dignité. A peine Céfar 1'eut-il appercu, qu'il courut vers lui pour (b) 1'embraffer; & continuant de marcher avec lui, il lui paria long-tems avec beaucoup de familiarité. Cicéron délivré de toutes fes craintes, ne penfa plus qu'a fe rendre a Rome; mais voulant prendre quelques jours de repos dans fa maifon "de Tufculum, il écrivit a fa femme de fe préparer a 1'y recevoir, avec une compagnie nombreufe de fes meilleurs amis , qui lui avoient promis (c) d'y paffer quelque tems avec lui. II prit enfuite le chemin de Rome , dans la réfolution de s'y employer a 1'étude , & d'attendre dans cette tranquille occupation que la république reprit une (a) Sed non adducor quemquam bonorum ullam falutem mihi tanti fuilTe putare , ut eam peterem ab illo. Ad Au. 11, 16. Sed ab hoe ipfo qua; dantur, ut a domino, rurtus in ejufdem funt poteflate. Ibid. zo. (b) Plutarq. Vie de Cicéron. (c) Ep. fam. 14, 10, An. de R.' 706. Cicer. 60. Coss. C. JULIUS C/t'sar, Dietaceur II. m Antonius, Général de ia Ca.-, valeriet  An. de R. 706. Cicer. 60. Coss. C. Junus CJESAR.Dlctateur II. M. ANTONIUS, Général de la Cavalerie. (a) Scito enim me poflea quam in urbem venerim redifle cum veteribus amicis, id efl, cum libris noffris in gratiam Ignofcunt mihi, revocant in confuetudi- nem priflinam , teque , quod in ea permanferis, fapientioremquamme dicunt fuifle, &c. Ep. fam. 9, 1. une 208 HlSTOIRE DE EaViE forme fupportable. a Heureufement, écrivoit-il I «Varron, j'ai fair la paix (a) avec mes livres, » qui n'onr pas été fort fatisfaits de me voir long-1 33 tems oublier tous leurs préceptes 33. Céfar, en arrivant a Rome , nomma confuls, pour les trois derniers mois qui reftoient de 1'année, P. Vatinius & Q. Fufius Calenus. Un ufage fi arbitraire de fa nouvelle autorité , fit juger tout d'un coup par quelles maximes il fe propofoit de gouverner , & jeta beaucoup de triftelTe dans Ja ville. En effet , il fuivit la même méthode pendant tout le cours de fon règne , créant les premiers magiftrats fans aucun égard a 1'ancienne forme des élecfions, & par le feul mouvement de fa volonté. Vers la fin de ran-1 neë il sëmbarqua pour 1'Afrique , réfolu de hater par la vigueur de fes expéditions la fin d'une guerre que le délai rendoit de jour en jour plus incertaine & plus dangereufe. On ne parloit que de la contenance ferme & des préparatifs redoutables de Scipion. Dans les facrifices que Céfar fit offrir aux dieux pour le fuccès de fon voyage,  ï>eCicèrön, Li r. V1ÏL io<) ttïie victime ayant rompu fes liens & s'étant échappée de 1'autel, il n'y eut perfonne qui ne prit eet événement pour un augure funefte , & les harufpices lui confeillèrent de ne pas isommeneer (a) fon voyage avant le folftice d'hiver j mais paroilfant fupérieur a ces vains avis, il affecia au contraire de précipiter fon départ; & Cicéron remarque qu'il tira beaucoup d'avantage de cette diligence , pour furprendre fes ennemis avant qu'ils euflent ralfemblé toutes leurs forCes. Avant que de quitter Rome , il s'étoit nommé conful pour 1'année fuivante avec M. Lepidus • Sc n'exercant pas moins fouverainement fon pou- (a) Quid ? iple Carfar, cum a fummo harufpice moïieretur , ne in Africam ante brumam tranfmitteret, nonne ïranfmifit? Quod ni feciiTet, uno in loco omnes adverfariorum copia; conveniffent. De Divin. 4, 24. Cum immolantï aufugiffet hoflia, profectionem adverfus Scipior.em & Jubam non diflulit. Sun. J. Cot Coss. C. JULlüS C/ESAR.DÏG" tateur II. M.Anto» NlDs, Gêné» ral de la Ca» valerie.  An. ie R. 707. Cicer. 61. Coss. c. juiius caesar III. m. /£mirius Lepidus. 1IO HlSTOIRE Dl E A V I E* voir dans la diftribution des gouvernemens, il avoit donné (a) les Gaules a Brutus, & la Grèce a Servius Sulpicius, quoique le premier eut porté les armes contre lui au combat de Pharfale , & que 1'autre fans s'ctre engagé dans la guerre, eut toujours palfé pour un des plus zélés partifans de Pompée. La guerre d'Afrique tenoit tout 1'univers en fulpens ; Sc fi la fortune de Céfar fembloit décider d'avance en fa faveur, le nom de Scipion qui avoit toujours paru invincible dans cette contrée , partageoit 1'attente publique. Cicéron n'efpérant rien d'heureux de 1'un ni de 1'autre parti, demeura ferme dans la réfolution de mener une vie folitaire au milieu de fes livres. Jufqu'alors 1'étude n'avoit été que fon amufement (3), mais elle devenoit 1'unique confolation de fa vie. II fs lia plus étroitement que jamais avec M. Terentius Varron, qui avoit depuis long-tems les mêmes ïnclinations, & leur amitié s'immortalifa par 1'honneur qu'ils fe firent mutuellement de fe dédier leurs ouvrages. Varron étoit un fénateur de la plus haute naiifance Sc du premier mérite. II paf- (a) Brutum Gallia: prsefecit, Sulpichim Gra:cia?. Ep. fam. 6, 6. (b) A quibus aiüea delectationem modo petebamus , nunc vero etiam falutem. Ep. fam. 9, U  BE Cl C É R O N, Li V. Vilt 2it pour le plus favant homme de la république ; & quoiqu'agé de quatre-vingcs ans, fon ardeur pour 1'étude fe foutint ( a) jufqu'a fa quatre-vingthuitième année, qui fut la dernière de fa vie. II avoit été lieutenant de Pompée dans 1'armée d'Efipagne; mais après la défaite d'Afraniüs & de Perreius, il avoit renoncé au métier des armes , pour fe confacrer entièrement a 1'étude. Ainfi la fituation de Cicéron reflemblant beaucoup a la fienne , non-feulement ils jouifloient enfemble de Ia feule douceur qui leur reftoit, dans le goüc qu'ils avoient pour les fciences, mais ils déploïoient avec la même amertume Ia ruine de Ia lépublique ; & par leurs livres ils s'efforcoient de foutenir (b) 1'ancienne morale , dont il ne reftoit plus que 1'ombre dans les ufages de Rome & dans la forme du gouvernement. Ce fut dans cette retraite que Cicéron compofa fon traité des Partitions , ou 1'art de mettre (a) Nifi M. Varronem fcirem oétogelïmo octavo vit» anno prodidiffe , &c. Plin. Hift. 19, 4. ( b ) Non deeiTe, fi quis adhibere volet, non modo ut arcfiï-. tectos , verum etiam ut fabros ad adificandam remp. Si potius libenter accurrere; fi nemo utetur opera , tarnen & fcribere & legere -smAiTe/a?; & fi minus in curia atque in foto , at in literis & libris, ut doaiffirni veteres fecerunt, navare remp. & de moribus & legibus quarrere. IVlibi hxa videntur. Ep. fam, 9, ». O ij An, de R. 707. Cicer. et. Coss. C. Jutius CAESAR III. M. iErm. LIUS LEPXBUS.  'An. He R. 707. Cicer. éi. Coss. C. JULIUS C.ESAR III. M. MmX1US L.EPIBUS. ■ 112 HlSTOlRE DE LA Vie" dans une harangue cette juftefte &.' eet ordre quï en rapportent toutes les parties au même but, Sc qui ont plus de force que toutes les autres regies, pour émouvoir le cceur & pour convaincre la raifon. II avoit entrepris eet ouvrage pour 1'inftrudion de fon fils, qui étoit alors agé dënviron dix-huit ans ; mais il paroït que ce n'étoit que 1'eifai d'un plus grand deflein , ou qu'il ne lui avoit pas donné toute la perfedion qu'il fe propofoit, car il ne le nomme point dans fes lettres au rang des pièces qu'il deftinoit au public. Un autre fruit de fon loifir , fut fon dialogue fur les fameux orateurs , qu'il publia fous le titre de Brutus , Sc dans lequel il donna le caradère de tous les orateurs qui s'étoient acquis quelque réputation a Rome ou dans la Grèce. Comme il y touche lés principales circonffances. de leur vie, un ledeur capable d'attention & de difcernement y trouve un abrégé de Fhiiloire romaine. La fecne du dialogue eft dans le jardin de Cicéron a Rome (a), fous la ftatue de Platbn , que Tauteur imitoit volonticrs dans cette forme de ftyle •, Sc pour interlocuteurs, il avoit choifi Brutus 6c Atticus. Cet ouvrage devoit fervir de fupplément aux trois livres de ÏOrateur, ( a ) Cum idem placuilTet illis, turn in pratulo propter Platonis ftatuam. confedimus. Brut. 28.  55 E C i C E R ö N, Liv.VlII. ai3' qu'il avoit déja publiés. Mais quoiqu'il eüt éré An. de Rj firn avant la mort de Caton , comme on peut le cic7ecr7'<;i. ~, • 1 a I l ( oss. conclure de divers paffages, il paroir par la pre- c JUL1U3 face qu'il ne fut donné au public que 1'année c*£*jjSfe fuivante , après la mort de TuJiia. hwL' On a fait remarquer qu'au commencement de la guerre , Cicéron fe trouvoit redevable a Céfar de quelques fommes dargent. Mais après sëtre acquitté de cette dette , il devint i fon tour Ie créancier de Céfar. Autant qu'on peut en juger par fes lettres, il tiroit fes prétendons de divers droits qu'il s'attribuoit fur une terre de quelque partifan de Pompée , dont les biens avoient été confifqués; mais de quelque nature quelles fuffent, il étoit embarraiTi pour retirer fon argent. II ne voyoit que trois moyens , écrivoit-il a Atticus, en lui demandant fes confeils; 1'un d'acheter cette terre , a la vente que Céfar en faifoit faire publiquemenr, 1'autre d'obtenir une délégation fur 1'acheteur; le troifième de compofer avec les agens de change , pour fe faire avancer la fomme fous 1'un ou 1'autre de ces deux titres. La première de ces trois voies lui paroilfoit bafle, & la feconde fujette a de grands rifques : il avoit plus de penchant (a) pour la dernière ; mais il demandoit la-deffus le fentiment d'Atticus. " ( a) Nomen illud , quod a Ca-fare, tres habet conditio^ nes, aut emptionem ab hafla : perdere malo ; aut dele^ Oiij  Afl. de Tl. 707. Cicer. 61. Coss. C. Juiius Cmsak UI. M. JEML- iius lepirus. 1 1 gatiorem a mancipe, annua die ; quis erit, cui eredam ? Aut veccerj conditionem femiffe; o-x^"'' >g»'"r. Ad Atu \\/L HlSTcTiRË Dl £A VlS L'attention que fon loifïr lui faifoit donner I fes afFaires domeftiques, le conduifit enfin a fe féparer de Terentia, fa femme , par la voie du divorce. Tout le monde n'approuva pas cette conduite a lëgard d'une époufe qui avoit vécu plus de trente ans avec lui, & qui lui avoit donné deux enfans qu'il aimoit avec la plus vive tendreffe. Mais elle étoit d'un caradère brufque & impérieux. Elle aimoit la dépenfe ; & loin de réparer fes profufions par fon économie, elle négligeoit abfolument fes affaires domeftiques. Intrigante d'ailleurs, curieufe , toujours empreffée de fe meier des affaires d'autrui, il paroït que dans [es tems ou Cicéron avoit eu le plus d'autorité, :'étoit elle uniquement qui difpofoit du pouvoir Sc qui diflribuoit les graces de fon mari. II avoit rupporté patiemment tous les caprices de fon lumeur, dans la force de fa fanté & dans lëtat loriffant de fa fortune ; mais lage, qui commencoit a 1'appefantir., les malheurs qu'il avoit effuyés, 5c le befoin qu'il avoit de mener dans fa maifon ine vie commode & tranquille, le firent penfer l fe délivrer d'un fardeau trop pefant pour fes "orces. Cependant le divorce ne pouvoit pas re-  tot Cicéron, Liv. VIII. n$ médier i. tous les maux oü la mauvaife conduite An. de R. de Terentia 1'avoit plongé , car elle lui avoit cic7er?'st. apporté de gros biens qu'il fallut lui reftituer en c °^1VS la quittant. Cette difficulté le forca de s'engager ?^J* dans un nouveau mariage, pour réparer le facheux i«£ Leviétat de fa fortune. Ses amis lui proposèrent plufieurs partis,' entre lefquels il nomme (a) luimême une fille du grand Pompée , pour laquelle il n'étoit pas fans inclination; mais les conjonctures ne lui permettoient guère dëntrer dans une familie qui ne paroifibit pas prête a fe relever de fa ruine. II fe détermina enfin pour une jeune &c belle citoyenne, nommée Publilia, dont il avoit été le tuteur. Elle étoit riche & bien alliée, deux qualités qui convenoient aflez a 1'état de fes arfaires pour arrêter les railleries que la difproportion de lage auroit pu lui attirer. II s'en félicite lui-même dans une réponfe a la lettre d'un ami qui lui en avoit marqué fa joie : cc Je » fuis für , lui dit-il, que vos complimens font r, fincères, & je dois m'applaudir moi-même de . » mon cboix. Dans un tems fi miférable, je n'au» rois jamais penfé a changer ma fituation , fi je » n'avois trouvé a mon retour mes affaires auffi (a) De Pompeii magni filia tibi refcripfi , nihil me hoe tempore cogitare. Alteram vero illam quam ta fenbis, puto nofti. Nilril vidi foedius. Bid. n, *h O iv  An. de R. _ 707. Cicer. 61. Coss. C. JULIUS Cksar III. M. J£,mlivs Lepi- (a) Ep. fam. 4, 14. Dans les cas de divorce , c'étoit 1'ufage lorfqu'il y avoit des enfans , que chacune des deux parties leur afTurat par forme de teilament quelque bien proportionné ?u fond de la fortune. C'eft ce qu'entend Cicéron lorfqtfil prefle fi fouvent Atticus de faire fbuvenir Terentia d'achever Ion tefbment, & de le dépofer dans des mains fidelles. Ad Att. ii, 245 11, 18. On rapporte que Te¬ rentia vécut cent trois ans. Val. Max. 8, 13. Plin. Mijl. 7 , 48. Elle prit, füivant faint Jeróme , pour fecond mari, Sallufie 1'ennemi de Cicéron , & Meffala pour le troifième. Dion Caffius lui en donne un quatrième , Vibius Rufus , qui fut conful fous le règne de Tibère , Sc qui le vantoit de pofféder deux chofes qui avoient appar-. tenu aux deux plus grands hommes du Jiècle qui 1'avoït précédé, la femme de Cicéron , & la chaife fur laquelle Céfar avoit été tué. Dio. p. 6iz. H'uron. Op. ts-m. 4 , part, 1, p. 100, lïf? HlSTÓIRÉ Df LA Vl 3 » dérangées que celles de la république. Le mau«vais caraclère de ceux que leur feule recon»noiiTance pour la tendreffe infinie que j'avois » pour eux , auroit dü remplir d'ardeur pour mes » intéréts & pour mon repos , m'ayant fait touc » appréhender de leurs intrigues &c de leur persi fidie dans ma propre maifon , je me fuis vu y> forcé de chercher par de nouvelles alliances a. ja me défendre (cz) contre la trahifon des an» ciennes«. Céfar retourna viclorieux d'Afrique vers la fin  de Cicéron, Liv. VIII. 217 3u mois de juillet, & prit fa route par la Sardaigne , ou il s'arrêta pendant quelques jours; fur quoi Cicéron écrivoit agréablement a Varron , cc que le vainqueur (a) n'avoit point encore vu cette » ferme, & que fi c'étoit la plus mauvaife partie ->■> de fon bien, il y avoit apparence néanmoins y> qu'il ne la méprifoit pas ». L'incertitude du fuccès de la guerre avoit fait garder jufqu'alors quelques ménagemens au fénat ; mais il commenca bientót a poiüTer la flatterie jufqu'a 1'indécence , & les honneurs qui furent décernés a Céfar furpafsèrent tout ce qu'on avoit jamais fait en faveur des plus glorieux conquérans. Cicéron prenoit (£) fouvent plaifir a tourner ces (a) Illud enim adhuc prsdium fuum non infpexit, nee ullum habet deterius, led tarnen non contemnit. Ep. fam. 9 , 7. (b) On nous a confervé quelques-uns de fes bons mots fur ia nouvelle adminiilration. Céfar avoit fait recevoir dans i'ordre équefire un célèbre comédien nommé Laberius: mais lorfqu'il voulut pafier du théatre au banc des chevaliers , il n'y en eut pas un feul qui confentit a Fy recevoir. Comme il le retiroit fort humilié , Cicéron , prés de qui il palToit, lui dit : Je vous ferois place volontiers fur notre banc; mais nous fommes déja trop prejfés. II faifoit allufion a 1'état du fénat, que Céfar avoit rempli de fes plus viles créatures, & même d'étrangers & de barbares. Une autre fois, quelqu'un de fes amis le priant de lui faire An. de R. 707. Cicer. Sr. Coss. C. JULIUS CAESAR III. M. iEMILIUS J.EL'1DUS.  Ad. de R. 707. Cicer. «i. Coss. C. JUI1US C.ïsar III. M. yE.mixius l£pi- pvs. obtenir pour fón fils une place de fénateur dans une des villes affociées : Si vous la voule\ d Rome, lui dit - il, il Vaura quand vous le fouhaitere\ ; mais cela n'efi pas aife' d Pompeium. Un de fes amis de Laodicée, étant venu lui rendre lés devoirs a Rome , il lui demanda ce qui 1'avoit amené en Italië : Je fuis venu en ambaffade , lui dit 1'étranger, pour folliciter la liberté de mon pays. Fon bien , répondit Cicéron , fi vous re'iiffijfei , nous vous ferons auffi notre ambaffadmr. Macrob. Saturn. i, 3. Suet, Jul. Ca:f. 76, ilS HlSTOIRE DE LA Vit fpectacles en raillerie, & fe fentant peu difpoie a groflïr le nombre de ces laches adulateurs , il cherchoit a fe procurer une maifon a Naples, qui put lui fervir de prétexte pour fe rerirer plus fouvent & plus loin de Rome. Mais fes amis qui favoient avec quelle impatience il portoit le joug , Sc qui le voyoient fi peu réfervé dans fes difcours , commencèrent a craindre que cette liberté de langage ne lui fit perdre les bonnes graces de Céfar & de fes favoris. Ils le prefsèrent de fe foumettre a la néceflité du tems, de fe modérer dans fes difcours, &c de faire une réfidence plus condante a Rome, fur-tout lorfqu'il y voyoit Céfar, qui pouvoit expiiquer fa retraite & fon éloignement comme une marqué d'averfion pour lui. Mais la réponfe qu'il fit fur ce fujet a Papirius Pcetus, fera connoitre 1'état réel de fa conduite Sc de fes fentimens.  bECicÊRONjI/r. VUT. 219 « Vous paroiffez perfuadé qu'on ne me permet»s tra pas , comme je 1'efpérois, de renoncer aux » afFaires de la ville. Vous me parlez de Catulus, »& de fon tems. Mais quelle reffemblance y ' » trouvez-vous avec le tems ou nous fommes : 1 33 Moi-même alors j'aurois été faché d'abandonner 3° la garde de 1'état. J'étois affis au gouvernail & »j'en avois la conduite. Aujourd'hui 1'Qn ne me » croitpas digne de travailler a la pompe. Croyez» vous que le fénat en portat moins de décrets, fi j'éy> tois a Naples. Je fuis a Rome, je parois au forum; 33 mais tous les décrets fe fabriquent a la maifon de » notre ami, qui ne fait pas diffïculté , quand 33 cette envie le prend, d'y mertre mon nom com33 me fi j'y avois été préfent. J'apprends de Syrië 33 & d'Arménie qu'il s'y eft publié des décrets 33 portés a ma follicitation , dont je vous jure 33 que je n'ai point entendu parler a Rome. Ne 33 vous figurez pas que je badine. J'ai recu des 33 lettres de plufieurs rois fort éloignés de 1'Italie, 33 qui me remercient de leur avoir accordé le titre 33 de roi, tandis que j'ignore non-feulement qu'ils 33 ayent obtenu ce titre, mais qu'ils foient eux33 mêmes au monde. Quel parti dois-je donc 33 prendre ? Le voici : auffi long-tems que notre 33 intendant (a) des moeurs fera fon féjour z (a) Entre les nouveaux honneurs que le fénat avoit An. Je R; 707. Cicer. 61. Coss. C. JULIUS ;j£bAk iu. m. jemi- IUS LEPl)OS.  An. de R. 707. Cicer. 61, Coss. C. Junus Cjesar III. M. /EmiXius tEPIpys. sccordés a Céfar, il 1'avoit nomraé Prcefeclus Moriun* Ep. fam. 9,1', 3L2o HlSTOIRE DE £A V I ÏÏ » Rome, je fuivrai votre avis. Mais auftitöt que jc 331'aurai vu partir, je me rends aux délices de 33 la campagne.... Dans une autre lettre : Puif33 que vous entrez fi vivement dans mes interés, 33 mon cher Pcetus, foyez fur que toute 1'adreüe 33 dont on peut faire ufage, (car il faut que 1'a33 drelTe fe joigne quelquefois a la prudence) je 331'ai employée pour m'infinuer dans leur affeetion; 3» & je ne crois pas 1'avoir fait fans fuccès, car 33 je fuis fi carelfé de tous ceux qui ont quelque 33 degré de faveur auprès de Céfar, que je com33 mence a me perfuader qu'ils m'aiment de bonne ssfoi; 8c quoiqu'il ne foit pas aifé de diftinguer » la faulfe & la fincère amitié , excepté du moins 33 dans les périls preffans, qui en font 1'épreuve, 3» comme le feu ■ eft celle de 1'or , j'ai néanmoins 33 une forte raifon de me perfuader qu'ils m'ai33 ment fincèrement; c'eft que leur condition 8c 30 la mienne font telles que rien ne les oblige a 33 la diflimulation. A 1'égard de celui qui eft en 33 poftèftion du pouvoir, je ne connois point d'autre 33 motif qui doive me le faire craindre, que cette 33 règle générale de prudence : Quand une fois ia 33 juftice 8c la droiture font violées, tout devient 33 incertain. En effet, quel fond peut-on faire fur  de Cicéron, Liv. VUL izi i» ce qui dépend de la volonté, ou pour mieux * dire, de la paflion d'autrui? Cependant j'ai tou»jours évité de rofFenfer , & je me fuis conduit 33 avec la plus parfaite modération. Si j'ai cru 3. pouvoir autrefois parler librement dans une ville 33 qui me devoir fa liberté , j'ai fenti, depuis qu'elle » la perdue, que j'étois obligé de ménager Céfar 33 & fes principaux amis. Mais demander auffi que 33 j etouffe une raillerie dans ma bouche lorfqu'elle 33 fe préfente fur ma langue, c'eft vouloir que je 33 renonce a toute réputation d'efprit ; ce que 33 je ne refuferois pas même fi cela ni etoit pof33 llble. D'ailleurs Céfar a le jugement admirable, »> c'eft une juftice qu'il faut lui rendre. De même 33 que votre frère Servius , que j'ai regardé comme 33 un excellent critique, auroit dit tout d'un coup . 33 ce vers eft de Plaute , celui-ci rien eft pas } 33 paree qu'avant 1'oreille excellente , il favoit dif 33 tinguer le ftyle & la manière de chaque poëte 33 ainfi Céfar, qui a déja recueilli quelques volume 33 d'apophtegmes, s'eft tellement familiarifé avei 33 les mien's, que fi on lui donne comme de mo 33 qu elque cbofe qui n'en eft point, il le rejett 33 auffitöt. Ce difcernement lui eft d'autant plu 33facile, que fes meilleurs amis vivant trés-fa » milièrement avec moi, ils ne manquent poir 33 de lui rapporter tout ce qui m'échappe d'ingf pnieux ou de plaifant dans la variété de nc An. is R. 707. Cicer. 61. Coss. C. juiius C^F.SAR IU« M. /Emi- i.1us LEPIï DUS. i s t IS  222 HlSTOIRE DE £ï V I B An.de r. "difcours- ^ fais qu'ils ont de lui cette com- Cicer.7*6l. " miffion> COmme cellc de lui apprendre toutes C.CjuiiüS "JeS nouveIIes de Ia viIIe> de fo"e que s'il lui c*jar in. » vient quelque chofe par d'autres voies il v M. JEm- c . i, . _ ' 1 iixjs Lepi. *> rait peu d attention. L exemple d'CEnomaus . JSUS. . - 1 » quoique fort heureufement cité d'Accius, eft » donc inutile par rapport a ma conduite. Qu'eft» ce que 1'envie dont vous parlez ? Ou que voyez» vous a préfent dans ma fituation qui puifle exci» ter 1'envie ? Mais fuppofé qu'elle püt naitre par » mille raifons , le fentiment des philofophes , »de ces hommes qui ont eu feuls a mon rrre »les veritaoles notions de la vertu, n'a-t-il pas » toujours été, que 1'unique devoir du fage eft » de ne mériter aucun reproche ? C'eft un hon» neur que j'ofe m'attribuer a deux titres : pre=° mièrement, paree que j'ai toujours pris les me» fures qui m'ont paru les plus juftes : & lorfque »je me fuis appercu que mes forces ne fufhToient 33 pas pour les fuivre, je n'ai pas cru devoir lut=3 ter contre ceux qui 1'emportoient vifiblement 33 fur moi. II eft donc certain que je ne mérite 33 aucun blame fur tout ce qui appartient aux de3> voirs d'un bon citoyen. Mon fentiment eft aufli 3» que dans fes difcours, comme dans fes aélions, 33 le fage ne doit laiffer rien échapper qui bleflè 33 mal a propos ceux qui font en poffeflion de «1'autorité. A 1'égard du refte, je ne puis ré-  D E C I C É R O N, I I V. VilI. 223 » pondre ni de ce qu'on me fait dire, ni de la s manière dont dh le prend, ni de la fincérité » de ceux qui vivent familièrement avec moi, & «qui me compofent a préfent une efpèce de » cour. Le fondement de ma tranquillité Sc de 33 ma conftance eft donc ma modération préfente , =o autant que le fouvenir de ma conduite paflee ; » Sc j'applique moins votre comparaifon d'Accius » a 1'envie, qu'a la fortune, qui eft toujours foible » & légere, Sc qu'un efprit capable de quelqu'é33 lévation & de quelque fermeté doit repoufler 3> avec autant de force que les vagues de la mer 93 le font par un roe. L'hiftoire grecque nous »3 fournit 1'exemple d'une infinité de fages qui ont ï3 vécu fous la tyrannie , dans Athènes & dans 3o Syracufe. L'efclavage de leur patrie ne les em33 pêchoit point de conferver un efprit libre. Pour33 quoi ne pourrois-je pas réuflir a prendre un 33 jufte tempérament, qui me foutiendra dans 33 ma patrie fans caufer d'offenfe a perfonne, Sc 33 fans expofer ma dignité aux atteintes d'au- 33 trui (tf) 33 ? Pcetus ayant appris que les terres de fon voifinage devoient être diftribuées entre les foldats de Céfar , s'alarma pour les Hennes , Sc pria Cicéron de lui marquer quelles devoient être les (a) Ep. famil. 9, An. de R. 7o7. Cicer. 61. Coss. C. JULIUS Ctf.SAR III. M. &ulLIUS LEPjJ,DUS.  ' Ati. de R. 707. Cicer. 61. Coss. C. JuiruS C.ESAR III. M. /£miuus Lepieus. (a) Ep. fam. p, 17. » Veies 224 HlSTOIRE DE LA VlË bornes de cetre diftribution. II lui fir cette réponfe : cc N'eft-il pas plaifant que vous me dcman» diez (a) ce que deviendront vos terres, lorf33 que Balbus ne fait que vous quitter r Comme 33 fi je pouvois favoir quelque chofe que Balbus 33 ignore, ou que s'il m'arrive quelquefois de fa33 voir en effet quelque chofe , ce ne füt pas de lui 33 que je 1'apprens. C'eft de vous, fi vous m'aimez , 33 que je devrois plutöt apprendre a quel fort je 33 fuis deftiné, car vous 1'avez pu favoir de lui, 33 foit dans fes intervalles de raifon , foit dans fon 33 ivreffe. Comptez, mon cher Pcetus, que j'ai 33 renonce a toutes ces informations ; première33 ment, paree que la vie qu'on nous laifle depuis 33 prés de quatre ans eft une pure faveur, du moins 33 fi 1'on peut donner le nom de vie au malheur 33 que nous avons de furvivre a la république •, 33 en fecond lieu , paree que je crois prévoir cg 33 qui doit arriver, c'eft-a-dire , que la volonté 33 du plus fort ne pouvant manquer d'être toujours 33 la regie des évènemens, ni les armes d'en faire 33 la décifion, notre röle doit être de nous con33 tenter de ce qu'on voudra bien nous accorder 33 comme une grace. Celui qui ne peut fe foumettre 33 a cette néceffité a dü choifir la mort. On s'cc3? cupe aéluellement a mefurer les champs de  de Cicéron, Liv. V1ÏL n;*>Veies & de Capoue. Tufculum n'en eft pas » éloigné} mais je fuis fans alarme. Je jouirai de * cette rerre au^i long-tems que je le pourrai , » & je fouhaite de le pouvoir toujours. Quand les » évènemens ne répondroient point a mes défirs, =» puifqu'avec tout mon courage & toute ma phi» lofophie, j'ai cru que le meilleur parti étoit de » vivre, il faut bien que j'aime celui de qui js ■tiens certe vie j'ai préférée a la mort. S'il »penfe a rétablir la république, comme on peut » fe 1'imaginer fans contradidion , & comme nous «devons tous le défirer, peut-être s'eft-il fait in» fenfiblement des obftacles qu'il n'a plus Ie pou» voir de furmonter. Mais je vais trop loin avec fa un homme qui voit peut-être plus clair que » moi. Cependant je puis vous alfurer que non» feulement je n'ai aucune part a leurs confeils , » mais que le chef même ignore ce que I'avenir 33 nous prépare. Si nous fommes fes efclaves , il eft 531'efclave du tems j & fi nous ne pouvons péné» trer fes intentions, il ne prévoit peut-être pas » mieux a quoi il fera forcé par les circonftances 33/ Les chefs du parti vidorieux, qui marquèrent alors tant d'amitié a Cicéron, étoient Balbus „< Oppius, Marius, Panfa, Hirtius & Dolabella*. Quoiqu'ils fuffent dans la plus intime confidence de Céfar, ils cultivoient avec toutes fortes de foins un homme qui avoit été fon ennemi. Ils. vTome III. p An. dé R; 707. Cicer. Si. Coss. c. jurius caesar III. M. /EmIIIUS LEP!» DUS,  An. de R. 707. Cicer. éi. Coss. C. JULIUS CAESAR UI. M. JEmlius Lepi- BUS. lltf HlSTOlRE CE LA Vië étoient régulièrement a fon lever, ils 1'engageoient prefque tous les jours a fouper avec eux SC les deux derniers s'éxercoient conftamment ious fes yeux a la déclamation, pour s'inftruire pat fes confeils & fes exemples. II rend compte de ce d«tail a Foetus , avec la familiarité (a) quil aimoit dans le commerce de fes amis : «Hirtius Dolabella font mes difciples dans lart de „parkr, & mes maïtres a table; car on vous „aura dit fans doute qu'ils déclament avec mol , & que je foupe avec eux ». Dans une autre lettre il lui dit qua 1'exemple de Denis, qui s'étoit fait maïtre d'école a Corinthe , après avoir éte chaffe d, Syracufe, il venoit d'ouvrir une école , pour feconfoler d'avoir perdu 1'empire du barreau. II v invite agréablement Poetus, en lui offrant pres de lui une chaife avec un coüllin, &c la qual.te de fon huiflier. Mais prenant un ton plus ferieux avec Varron (b): «Je vous ai marqué, lui dit-il, fa) Hirtium ego & Dolabellam dicendi difdpuloshabeo, ccenandi magiftros : puto enim te audiffe illos apud me dedamitare.me apud eos ccenitare. Md. .6.. U«Dtonyfius tyrannus cum Syracufis pulf us effet, Corinth. diatur ludum aperuiiTe,ficego amiffo regno forenfi ludum quafi habere coeperim... Sella tibi erit in ludo, tanquam hypodidafcalo , proxima. Eam pulvinus fequetur. Ibid. 18. (*) Oflentavi tibi me iftis effe famüiarem & confilus eorum intereffe. Quod ego cur nolim, nihil video. Nor,  i) é C i c é r on, Li r. VUL XXj te que je fuis lié avec eux & qUe j'affifte a rous * leurs confeils. Pourquoi m'en défendrois-je \ »Souffrir ce qui ne devroit pas êrre fupporré , * & approuver Ce qui ne mérite pas notre approh bation , ce n'eft pas affurément la même chofe. * Je ne refufé pas, dit-il, dans une autre lettre , » de fouper avec ceux qui nous gouverneur. Que I voulez-vous ? il faut céder au tems ». Le feul ufage qu'il fit de toutes ces faveurs, fut pour fe garandr de quelques embarras par* ticuliers dans un tems de calamité publique , 8c pour rendre fervice a quantité d'honnêtes gens qui avoient été chaffés de leur patrie & de leur familie, fans autre crime que leur attachement £ la même caufe qu'il avoit embraffée. Céfar fouhaitoit réellement de Ie faire entrer dans fes mefures^, & de 1'engager infenfiblement dans fes intéréts. Mais 1'adminiftration n'érant établie que fur les ruines de la république, Cicéron refufa conftamment d'y prendre part. II évitoit même de fe mêier de leurs afFaires, & de marquer de la curiofité pour s'en inftruire. S'il enrra dans leurs confeils, comme il le rnarquoit a Varron , ce enim efl ,dem ferre, fi quid non ferendum eft: & probare, li quid probandum non eft. Ibid. 6. Non defino apud iftos qui nunc dominamur, ccenitare. Quid faciam ? tempori ierviendum eft. Ibid. 7. Pi; An. é de faire dans une antichambre, il con- feffoit auffi que dans lamultituded'occupations(a) dont Céfar étoit comme accablé , il lui étoit imj poflible de difpofer de lui-même. Ainfi dans une lettre a Ampius , dont il avoit obtenu le pardon: « J'ai follicité votre caufe , dit-il , avec plus x> d'empreffement qu'il ne convient peut-être al as ma fituation, car 1'amitié qui m'attache a vousl o, & la paffion que j'ai de vous revoir, m'onti 33 fait oublier la foiblefte de mon crédit. Toufj 33 ce qui regarde votre retour & votre fureté elt 33 promis , confirmé, ratifié. J'ai tout vu , tout; 3> entendu. II ne s'eft rien fait qu'en ma préfenced 33 pour votre bonheur & le mien, tous les amis 33 de Céfar me font attachés par d'anciennes liai-l 33 fons, &c je fuis après lui le citoyen de Rome 33 a qui ils marquent le plus de confidération.) 33 Panfa , Hirtius , Balbus , Oppius , Marius , (a) Quod lï tardius fit quam volumus, magnis occupa-j tionibus ejus a quo omnia petuntur, aditus ad eum difficii Jiores fuerunt. Ep. fam. 6, 13.  de Cicéron, Liv. VUL n$ »Pofthumius faififlent a 1'envi toutes les occa- An. deR. .1 1 r \ ' ■ 707' „fions de m'obliger. Si j avois cherche a matti- cicer. 6u » rer d'eux ces témoignages de zèle , je devrois c JUL"uS I me louer du fuccès de mes peines : mais je n'ai P^g*^. t jamais rien fait par le motif fervile des circonf- ög Lepi, 5> tances. C'eft une amitié fort ancienne qui me »lie avec eux. Je les ai follicités fans relacbe en 53 votre faveur. Cependant c'eft Panfa que je dois » vous faire (a) connoitre pour le plus ardent de p ceux qui ont travaillé a vous fervir » , &c. Tandis que les amis de Céfar le traitoient avec cette diftindion , on doit s'imaginer qu'il n'étoit pas moins confidéré des partifans de la république. Ils 1'avoient toujours regardé comme le protecteur de leur liberté. Ils favoient qu elle fe feroit foutenue par fes confeils, s'ils euffent été fuivis i & s'il leur reftoit quelqu'efpoir quelle put fe rétablir, ils ne le fondorent que fur fon zèle & fur fon autorité. Ainfi (Z>) fa maifon étoit auffi fréquentée que jamais. « On cherche, difoit-il , » a voir un bon citoyen comme une efpèce de » prodige ». Voici la peinture qu'il fait de fa vie : (*) Ibid. 6, ii. (b ) Cum falutat'ioni nos dedimus amicorum , qua: fit hoe etiam frequentius quam folebat , quod quafi avem albam videntur bene fentientem ci'vem videre, abdo me jn bibliothecam. Ibid. 7 , 18.  23° HlSTOIRE DÊ LA VlS 'A*.Ae R. « f» Le matin je recois la vifite d'un grand nombra CCo'ss61- " dhonriet:es gens3 mais rriftes & mélancoliques , C. juiius " & celle de ces joyeux vainqueurs, qui ne fc M. 4em1-' " relachent pas effeéfivement dans leur amitié & tavs Lem- „ aans leurs foins_ Je me redre ^^.^ dans ^ » bibliothcque, pour m'occuper de la compofij^tion ou de la leciure. II y entre quelques gens » de lettres, que 1'opinion qu'ils ont de mon *> favoir amcne pour m'entendre. Je donne le » rede du tems au foin de ma fanté; car j'ai pleuré 33 ma patrie avec plus d'amertume & plus long-tems 33 qu'une mère ne pleure fon fils unique ». II eft certain qu'il n'y avoit perfonne a Rome qui par la force des principes & par celle même de l'intérêt, füt plus engagé que lui a marquer du zèle pour la liberté, ni qui eut tant a perdre dans la ruine de la république. Tandis que 1'état étoit gouverné par la méthode civiie, & qu'il avoit pour fondement les loix & les anciens ufages, (a) Hxc igitur efl nunc vita nofira. Mane falutamus domi & bonos viros muitos , fèd trifles , & hos lauos victores , qui me quidem perofficiofe & peramanrer obfervant, Ubi falutatio defluxit, literis me involvo , aut fcribo aut Jego. Veniunt etiam qui me audiunt, quafi doftum. hominem , quia paulo fum , quam ipfi, doftior. Inde corpori omne tempus datur. Patriam eJuxi jam gravius & diutius quam ulla mater unicum filium. Ep. fam. 9, 10.  üECicékon, Lir.VUI. m Cicéron étoit fans contredit le premier citoyen An> it R> de Rome; fon influence étoit la plus forte au fénat fon autorité la mieux établie furie peuple; ^oss. & comme toutes fes efpérances dépendoient de la tranquillité de fa patrie, il étoit naturel qud ^ y rapportat tout fon travail & tous fes foms. On ne doit donc pas trouver étrange que dans a ficuation aduelle des affaires, lorfqu'il voyoit la ville opprimée pat la terreur des armes, & le pouvoir tyrannique exercé fans ménagement, d parut fi fenfible a la misère publique , & fi touché de la perte de fa dignite. A qui la fervitude devoitelle être plus infupportable qu'a celui qui etoit dans 1'habitude de gouverner: Céfar qui connoiffoit fes principes, ne pouvoit pas douter de 1'horreur qu'il avoit pour fon ufurpation $ mais 1'amitié qu'il lui portoit , & le refpect dont il étoit difficile de fe défendre pour un fi -rand caradère , lui avoient fait prendre le parti non-feulement de le traiter avec alfez de confidération pour adoucir fes chagrins, mats de contribuer de tout fon pouvoir a lm rendre la vie douce & agréable. Cependant tout ce qu il fit dans cette vue n'eut pas d'autre effet que de potter Cicéron 1 parler avantageufement de ia clémence, & de lui faire conferver quelqueipoir de rétabliffement pour la liberté. Sous tout autre afpeil , il ne traite jama,s fon gou- P iv  3 2 HlSTOIRE DE LA VlE Aa.deR. vernement que de tvrannie, & fa perfonne que Cicer.^,. d'ennemi & d'opprelfeur de la république. cï'si^m < 11 donna danS le mème temPs une Preuve u. Kul. e'cIafante qu'il ne s'afferviiïoit point aux conjonc- Ivl tures> la hardielfe qu'il eut de compofer 1 e- loge de Caton , & de le publier quelques mois après fa morr. II femble qu'il avoit été chargé de la tutelle du jeune Caton, comme (a) il l'étoit de celle du jeune Lucullus, neveu de ce grand homme, & cette marqué d'eftime & de confiance I'autorifoit peut-être a rendre plus librement juftice i fa mémoire. Cependant fes amis 1'exhortèrent a confidérer long-tems de quelle manière il devoit traiter un fujet fi délicat. Ils lui confeifioient de fe bomer a des louangcs générales , & d'éviter un détail qui ne pouvoit manquer dans * plufieurs circonftances d'être forr offenfant pour Céfar. Dans une lettre a Atticus, il appelle luimême (i>) cette difficulté un problême digne (a) Ad Att. 13 , é. De Finib. 3, z. (b) Sed de Catone problema Afcit&tin eft. Non afFequar ut fcribam quod tui convivas non modo libenter, fed etiam xquo animo legere pcflint. Quin etiam il a fen'tentiis ejus diens, fi ab omni voluntate confiliifque qua; de repub. babuit , recedam , ^„«-que velim gravitatem. conftantiamque ejus laudare , hoe ipfum tarnen iis odiofum *W*a fit. Sed vere laudari ille vir non potefi, nifi ha* ernata fint, quod ille ea qu.-c nunc funt, & futura viderit ,  m e C i c i r o n, L i v. VIII. 233 d'Archimède. « Mais je nc vois prefque rien , dit- An.^cte R. y il, que vos amis puillent lire avec plaifir, ou Cicer^«i. 33 même avec patience. D'ailleurs, quand je iup- c. junus , ^ r Ir Ca'sak III. » primereis les fentimens de Caton & les dilcours M. Mm- 1 ■ 1- • or LIUS LEl'I- » au fenat, avec toute la conduite poutique , ö: uus> 33 que je ne m'attacherois qua louer fa confiance 33 & fa gravité, n'eft-ce pas beaucoup plus qu'il 33 ne faut pour leur plaire ? Enfin, puis je faire 33 véritablément 1 eloge de Caton , fans expliqucr 33 avec quelle fagefïe il a prévu tout ce qui nous 33 eft arrivé , avec quel courage il a pris les armes 33 pour 1'empêcher, avec quelle fermeté il a choifi 33 la mort pour n'en être pas témoin 33 ? Tels furent les principaux points d'un ouvrage , auquel il réfolut d'employer toute la force de fon efprit ; & fuivant 1'idée qu'on en peut prendre dans quelques anciens (a) écrivains, «il y éleva »jufqu'au ciel la vertu & le caraétcre de Caton 33. Ce livre fut recu du public avec des applaudiftemens incroyables. Céfar même, loin d'en marquer aucun reffentiment, affe&a d'en paroïtre fatisfait; mais il déclara que fon defTein étoit d'y ïépondre ; & par fon ordre fans doute Hirtius & ne fkrent contenderit, & faéïa ne videret, vitam reli» querlt. Ad Att. 11,4. (a) M. Ciceronis libro , quo Catoneui ccelo atquavit., &c. Tacit. Am. 4 , 34.  234 Hisïoiee se la Vie An. de R. compofa auffitöt un petit écrit en forme de lettre, Cicerf'ci. e Cicéron, Liv. VUL 235 Caton y étoit accufé dans (a) les formes de la juftice , avec tout 1'art & toute la force de la rhétorique. Cependant Céfar y ménageoit beaucoup Cicéron , jufqu'a le comparer, pour 1'habileté (b) & la vertu, aux Periclès & aux Theramenes : & dans une lettre a Balbus, il dit qu'a force de lire 1'ouvrage de Cicéron , fon ftyle en étoit devenu plus abondant, & qu'en lifant celui de Brutus, il croyoit être devenu plus (c) éloquent. Ce combat littéraire occupa long-tems la ville. Les pièces des deux rivaux furent admirées de tout le monde ; mais elles eurent chacune leurs partifans, fuivant la différence des intéréts & des inclinations. On peut les regarder comme la principale caufe de cette vénération extraordinaire qui s'eft tranfmife a la poftérité pour la mémoire de Caton. Mais fi 1'on veut confidérer fon caraótère, indépendamment du préjugé des partis, il paroitra grand , noble , ami de la vertu , de la juftice & de la liberté, fans autre (a) Ciceronis libro , quid aliud diclator Ca:far quam refcripta oratione , velut apud judices reïpondit ? Tacit. Ann. 4, 34. Quintil. 3 , 7. (b) Plutarq. Vie de Cicéron, (c-) Legi epiflolam t multa de meo Catone , quo , ITrpiC fime legendo , le dicit copiolïorem faftum ; Bruti Catone lecto, Ce fibi vifum eloquentem, Ad An. 13 , 46. An. de R. 707. Cicer. 61. Coss. C. Juuus Ctf.SAR Hf. M. JEfAi- 1!US LE1>IDUS. I  An. de R. _ 707Cicer. 61. Coss. rC. julius Cksar III. M. .«Minus Lepi- dus, 21 C- FF I S T Ö I R E DE IA VlÊ défaut peut-être qu'un excès d'attachement pour fes principes ftoïques , qui lui faifoit mefurer tous les devoirs par cette rigoureufe règle , & qui le trompa néanmoins en lui faifant trop efpérer d'une fi mauvaife fource pour le bonheur de fa vie publique & privée. Dans fa conduite familière & domeftique , il étoit févère, fombre, inexorable, fe défendant fans ceffe des tendres affecFions de la nature comme des plus dangereufes ennemies de la juftice , craignant toujours que la faveur, la clémence , ou la compaffion n'altéraflent les motifs par lefquels il vouloit faire le bien. Sa conduite étoit encore plus dure dans les afFaires publiques. II ne connoifFoit qu'une règle politique : c'étoit la juftice, fans aucun égard aux tems , aux circonftances, ni même a la force , qui pouvoit 1'arrêter & Ie contraindre. Au lieu de ménager le pouvoir des grands, pour adoucir le mal, ou pour en tirer quelque bien , il 1'irritoit par de continuelles oppofitions qui 1'excitoient tót ou tard a la violence ; de forte qu'avec les meilleures intentions du monde il fit fouvent beaucoup de tort a la république. Telle étoit fa conduite en général, car dans quelques occafions qu'on a pu remarquer, il paroit que fa fermeté ne fut pas toujours invincible , & que 1'ambition , 1'orgueil, la cbaleur de parti trouvèrent quelquefois de 1'accès dans fon ame, Eo  fflnns avec art , on endormit An. de R. tnéna-eant ces pailions avec ait 7o7. ö r ■ r u;lnfonhie iufqu'alefaire entrer Cker. e.. olus d'une fois la philolopnie, jui^u Cqss> P , r c„rt nnnofées a fes maximes. La c. Junua dans des mefures lort oppoiees a c^ar U]q dernière adion de fa vie fur ce le qur repondi, le mieux a fon caradère : lorfqud eut perdu ots< 1'efpérance d'être plus long-tems ce (a)qu avoit été, ou lorfque la balance du mal leut emporté abfolument fur celle du bien, ce que la dodrine ftoïque lui faifoit regarder comme une jufle raifon pour mourir, il termina fa vie avec un courage & une réfolution qui feroient croire volontiers qu'il n'attendoit pour fe ,eter dans les bras de la mort, qu'une occafion (b) convenable a fes principes. Enfin tous les incidens de fa vie font plus propres a lui attirer de 1 adfa) In quo enim plura funt qu* fecundüm naturam fuut, hujus officium eft in vita manere : in quo autem aut funt plura contraria , aut fore videntur hu,us officium eft è vita excedere. De Fin*. 3 > ««• efl enim , ubi non lis qui fueris, non elTe cur vehs vwere. ^(ifSto'fic abiit è vita ut caufam moriendi naöum fe effe gauderet cum vero caufam juftam deus tpfc dederit; ut tune Socrati, nunc Catoni, &c. Tufc. qu«fl. ! ,o. Catoni moriendum potius quam tvranni vultus alpiciendus fuit. De Off. i, 3«- Non immaturus deceffit: vixit enim quantum debuit vivere. Senec. Conful. <* Mare, io.  238 HlSTOlRE BE t A VI Ë An.deR. miration qua faire trouver fon caraétère aimable| Cc£êI' &/]\méritec!esél°g«, Ü n'a prefque rien qui c. Juuus Pu"Te être propofé pour modèle. CTm"!: APlès avoir travaillé pour la gloire de ce fax.us Lepi- meux romain > Qcéron entrepr.t , ^ pd,re ^ Brutus, un ouvrage qu'il nomma VÖrateur, dans lequel il voulut donner, fuivant fes propres nonons, 1'idée la plus parfaite de 1 eloquence ou de 1'art de parler. II lappelle le cinquième livre qu'il avoit ééfit (a) fur cette matière, en comptant les trois parties de fon Traité de VOrateur pour les trois premiers, & fon Brutus pour Ie quatrième. Les applaudiiïemens qu'il recut s'accordèrent avec 1'opinion qu'il avoit lui-même de fon travail.Dans une lettre a Lepra, qui 1'avoit félicité du fuccès de eet ouvrage, il déclaré qu'il y a renfermé tout ce qu'il avoit acquis de lumières dans fon art, & qu'il y attache vojontiers toute la réputation. Ce fut dans le même tems qu'il prononca cette fameufe aclrion de graces a Céfar , pour le pardon de Marcus Marcellus , que le fénat avoit 1 (a) Ita tres erunt de oratore ; quartus, Brutus- quintus, Orator. De Divin. 1, 1. Oratorem meum tantonere a te proban vehementergaudeo j mihi quidem lïc perfuadeo me qutcquid habuerim judicii in dkendo , in illum librum contuliffe. Ep. fam. 6, 18,  de Cicbron, Liv. VIII. 239 ©btenupar fon interceflïon. Cicéron étoit ami d> *«^Ki toute la familie de Marcellus, mais il étoit lié Ci«*/«u beaucoup plus étroitement avec ce Marcus, qui c JutVy« s'étoit retiré , depuis la journée de Pharfale, a c*s_arjEmi: Mitylène , dans Ille de Lefbos , oü il menoit ™ » une vie fi tranquille & fi heureufe, que Cicéron eut befoin (a) d'employer toute fon adreiTe &C toute fon autorité pour le faire confentir a profiter de la grace de Céfar. On trouve tout le progrcs de cette affaire dans une lettre de Cicéron a Servius Sulpicius, qui étoit alors proconful de Grèce (b) : «Votre condition , lui dit-il, efl: y, plus heureufe que la nötre. Vous avez la li» berté d'ouvrir votre cceur, & de communiquer =„ vos peines; c'eft une fatisfaétion qui nous eft » refufée , non par le vainqueur, qui eft d'une =» bonté & d'une modération admirable , mais „par la viétoire même qui eft toujours infoy> lente dans les guerres civiles. Cependant nous „ avons fur vous d'autres avantages , tels par „ exemple que celui d'avoir appris un peu pluyj tót que vous , le pardon de Marcellus, votre y> collègue , ou pour parler . plus jufte , d'au voir été témoin de toute la conduite de cette y> affaire. Depuis le commencement de nos mi- fa) Ep. fam. 4,7,8, 9. (b) Ibid. 4,4.  24° LLlSTOIRE DÊ LA Vie An.deR. »sères, ou, fi vous 1'aimez mieux, depuis que CCor;sffI' "1CS arm£S °nt fait la décilïon d" droitpubiic, C.juiius " je ne connois que cette occafion oü 1'on ait vu C/ESAR III. , I i M. jEmi- ciueIques traces de 1'ancienne dignité. Céfar r.us Lepi- 33 après s>être piainf de rhumeur fom°re de » cellus, car c'eft la caufe qu'il donne a fa re's traite , & s'être loué dans les termes les plus » obligeans , de ia prudence & de 1'équiré de » votre conduite, a déclaré, contre nos efpéran" ces, que malgré toutes les offenfes qu'il avoit »recues de lui, il ne pouvoit rien refufer a 1'in=» terceftion du fénat. Voici comment la chofe « s'étoit paffee. Sur quelques mots concertés , w dans lefquels Pifon avoit mêlé le nom de Mar» cellus , fon frère Caius s'étoit jeté aux pieds » de Céfar. Alors tous les fénateurs s'étoient le- * vés, & s'approchant du maïtre, ils lui avoient * adrefte leurs fupplications. En un mot, tout ce » qui s'eft fait ce jour-la m'a paru fi décent, que *> j ai cru revoir 1'image de notre ancienne répu» blique. Lorfque ceux a qui 1'on avoit demandé 33 leur opinion avant moi eurent fait leurs remer33 cïmens a Céfar, excepré Volcarius , qui déclara »qu'a la place même de Marcellus, il n'auroit » pas confenti a cette humiliation , mon tour de «parler étant venu, j'abandonnai tout d'un coup 33 la réfolution que j'avois formée en moi-méme, » moins par pareife que par ie regret d'avoir perdu 33 ma  ©t Cicéron, Liv. VIII. 241' fe ma dignité , d'obferver un filence éternel; la An. de r< * grandeur dame duvainqueur, & le zèle louable QteZ'su du fénat firent ce changement dans mon cceur. Coss- t . • j^, fe. c. julius »Je remerciai Celar par un long difcours, & cjesak iil « je crains bien que cette occafion ne me faffe mos LepiI »j perdre 1'honnête repos qui a fait toute ma con- DUS* » folation dans ce malheureux tems. Mais puif» que j'ai évité jufqu'a préfent de 1'offenfer , ge » que fi je m'étois obftiné a me taire , mon fi-, »lence lui auroit fait juger que je crois la répu»> blique abfolument ruinée, je parlerai a 1'avenir, =» auffi rarement néanmoins que je le pourrai , * Pour ménager tout a la fois fa faveur & le » tems dont j'ai befoin pour mes études ». Quoique 1'interceffion du fénat en faveur de Marcellus eut été prefqu'unanime, Céfar avoit pris ia peine de demander fon opinion en particulier a chaque fénateur; ce qui ne s'obfervoit que .dans les difcuffions ou les fentimens paroiflbient divifés. II vouloit s'attirer quelque flatterie fur cette aclion ; ou peut-être s'étoit-il propofé de mettre Cicéron a 1'épreuve , & de 1'engager malaré lui dans la néceffité de s'expliquer.publiquement. ' Son attente fut agréablement remplie. L'air de générofité & de grandeur avec lequel il venoit de pardonner a Marcellus, avoit touché fi vivement le cceur de Cicéron, que dans la chaleur d'une reconnoifTance qu'il pattagcoic avec fon Tomé IIL q  241 Hl st 0 1 re de la Vie An. de R. ami , il lui adreffa un difcours , qui pour 1'éléaltteu gance du ftyle , la vivacité du fentiment & Ia ccJülius politeffe des complimens, eft fupérieur a tout ce C/esar ui. qUj nous refte de 1'antiquité dans le même genre, nus' lepi- £es louanges de Céfar y font poulfées fi loin , quelles ont fait douter de la fincétité de 1'orateur. Mais on doit fe fouvenir que ne parlant pas moins pour 1 affemblée que pour lui-même, fon fujet demandoit tous les ornemens de leloquence, & que fes flatteries font fondées fur la fuppofition que Céfar penfoit (d) au rétabliflement de Ia république ; efpérance que Cicéron avoit alors Sc qu'il communiqua même dans fes lettres aux principaux amis de Céfar. Aufli lui recommande-t-il ce delfein dans fon oraifon, avec toute la force d'un ancien romain, & 1'on ne doit pas s'étonner qu'une exbortation fi libre eut befoin d'être tempérée par quelques traits de flatterie. Mais la leéture de l'oraifon (b) pour Marcellus, fera mieux connoïtre la vérité de cette réflexion. Si Céfar n'en parut pas plus difpofé a rétablir la république, il entreprit dans le cours de eet été un ouvrage, dont 1'utilité regardoit tout le (a) Sperare tamen videor Carfari, collega: nofiro, fore curae & efle ut habeamus aliquam rempublicam. Ep.fam. ,13 , (58. ) Pro M. Marcello ,8,9,10.  X3 e C i c ê r o n, Z,/ r. VIII, 24J genre humain. II re'forma Ie calendrier, en réglant An exa&ement 1'année fur le cours du foleil, paree m 1 C i c é r ö N, Li r. VUL 245' laire, fuivant l'exacSte mefure de la révoludon du lbleü dans le zodiaque. Comme les aftronomes de ce liècle la fuppofoient de trois eens foixantecinq jours & fix heures, Céfar divifa les jours en douze mois ; & pour fuppléer aux fix heures , qui n'entroient pas dans cette divifion, il ordonna que tous les quatre ans(cz) on feroit 1'intercaladon d'un jour entre le 23 & le 24 de février. Mais pour donner toute la régularité poffible au commencement & au cours de cette nouvelle année, il fut obligé d'inférer dans 1'année courante deux mois extraordinaires entre ceux de novem-; bre & de décembre (b) ; 1'un de trente-trois jours , 1'autre de trente - quatre , outre le mois intercalaire en ufage , qui tomboit dans cette année-ld. Ce fupplément fe trouva néceffaire pour remplir le nombre des jours que les omidions paflées avoient fait perdre, &l pour rétablir les mois dans leur faifon. Céfar chargea de tous (a) Ce jour fut appellé Bijfextus , paree que c'étoit une réduplication du fix des calendes de mars, & dela nous eft venu le mot de biffextile. (b) Quo autem magis in poflerum ex kalendis janua-; riis nobis temporum ratio congrueret, inter novembrem & decembrem menlem adjecit duos alios, fuitque is annus xv menfium cum ïntercalario, qui ex confuetudine in eum annum inciderat. Sueton. J. Ccef. 40. Qü) An. de R. 707. Cicer. 61. Coss. C. juuus C/ESAR HL M. JEMlL1US LEPIDUS.  An. de R. . 7°7Cicer. «i. Coss. C. juuus Ctesar III. M. AmiIius LEPI- DUS. ZAf€ HlSTOIRE t>E LA Vie , cesfoins, Soligènes, célèbre(a) altronome d'Alexandrie, qu'il avoit amené a Rome dans cette vue : Sc fur les mêmes principes , Flavius eut ordre de compofer un nouveau (b) calendrier, dans lequel il fit entrer toutes les fêtes romaines , en fuivant toujours 1'ancienne manière de compter par les kalendes, les nones Sc les ides. L'année oii nous fommes fut donc la plus longue que Rome eut jamais connue , ayant été compofée de quinze mois, ou de quatre eens quarantecinq jours. On 1'appelle la dernière année de la confufion , paree qu'elle fut fuivie immédiatement de 1'année julienne ou folaire , qui commenca au mois de janvier, & qui a toujours été en ufage jufqu'aujourd'hui dans les pays chrétiens ( c), fans autre variation que celle de Tanden Sc du nouveau ftyle. (a) Plin. Hifi. nat. iS, if. (/,) Adnitente fibi M. Flavio fcriba , qui fcripto dies fingulos ita ad didatorem detuiit, ut & ordo eorum inveniri facillime poiTet, & invento certus flatus perfeveraret... eaque re faétum eft ut annus confuficnis uitimus in quadringentos quadraginta tres dies tenderetur. Macrob. Savurn. i , 14. Dio. 117. Macrobe devoit dire 44? > avl lieu de 443 , puifque fuivant toutes les relations de ce fait, on ajouta 90 jours aux 355 de 1'ancienne année. (c) Le nouveau flyle, dont l'expiication fe trouve ea mille endroits, a commencc 1'an 1581.  de Cicéron, Li v. VUL H7 'Après 1'affaire de Marcellus , Cicéron fe vic afc deW engaaé a faire un fecond effai de fon éloquence Ci7er.7"éi. O ö Coss. & de fon crédit en faveur de Liganus, qui etoit c. Juuus acluellement en exil pour avoir porté les armes G^M„ contre Céfar dans la guerre d'Afrique , oü il avoit V™ LE«été chargé d'un commandement confidérable. Ses deux frères avoient toujours fuivi le parti de Céfar, & fe trouvant foutenus par les bons offices de Panfa & de Cicéron , ils avoient déja prefqu'obtenu fa grace. Cicéron rend compte a Ligarius meme du fuccès de leurs foins: Cicéron d Ligarius. Ne doutez pas 'a ) que je n'aye employé toute 1'attention & tous les efforts de mon zèle , pour obtenir votre rétabliffement. Outre la vive affection que j'ai toujours eue pour vous , je puis compter encore entre mes monfs celle de vos frères, qui ne m'auroient pas laiffé négliger les moindres occafions de vous rendre fervice. Mais je fouhaiterois que vous appriffiez d'eux plutöt que de moi-même, ce que je fais aduellement, & ce que j'ai déja fait pour vous. Je ne me fuis chargé de vous écrire que ce que je crois déja certain dans le progrès de vos affaires. S'il y a quelqu'un de circonfpect dans les gtands évènemens, & qui (t IA V I B Aa. de R. foit toujours porté a craindre plutöt qu'a fe ft*. CCoSSSl' ter' 'G VOUS afrure ^Ue c eft moi' & Je me re" C. jul'ius connois volontiers coupable de ce défaut fi C.f.sar III. „ r <-«ul, M. ^mi- cen e't «tl- Cependant, le 27 de novembre, medus. PI" rant rendu de grand matin chez Céfar , a ia follicitation de vos frères, & mon emprelfement m'ayant fait furmonter la difficulté d'obtenir une audience & 1'indignité de 1'attendre, je puis vous dire qu'après que vos frères & tout le rede de votre familie fe furent jetés a fes pieds, & que de mon cöté j'eus expofé tout ce que 1'amitié m'infpiroit pour votre défenfe , je me retirai avec de fortes raifons de croire que votre grace étoit certaine. Ma perfuafion ne vient pas feulement du difcours de Céfar, qui fut plein de genérofité & de douceur, mais encore plus de fa contenance , de fes regards & de plufieurs autres fignes que j'obfervai mieux que je ne puis les décrire. II eft donc quéftion de vous conduire a préfent avec une égalité dame , qui fade honneur a votre courage, &c de foutenir le retour de votre fortune avec eet air tranquille, que votre prudence vous a fait conferver dans vos dilgraces. Je continuerai de m'employer pour vos affaires auffi ardemment que s'il y reftoit les plus grandes difficultés, & je ne m'adteflerai pas feulement a Céfar, mais a tous fes amis, qui m'ont toujours par-u fort fincèrement les niicns.  de Cicéron, Liv. VLIL 24? Pendant que cette afLire fembloit tourner fi An' beureufement, Q. Tubero, ancien ennemi de ag*'sp' Ligarius, fachant que Céfar étoit particulicrement c Juuus & ' * 1 CjEsar IN. irrité contre ceux qui avoient renouvelé la guerre m. &m- en Afrique, 1'accufa dans les formes ordinaires, pus. d'emportement 8c d'obftination a la pourfuke de cette guerre. Céfar encouragea fecrctement cette accufation , 8c voulut que la caufe füt plaidée au forum , oü il fut préfent lui-même, rempli des nouvelles préventions qu'on lui avoit infpirées contre le coupable, &c réfolu de prendre droit des moindres prétextes pour le condamner. Mais Péloquence de Cicéron fut viélorieufe : elle triom- pha du vainqueur, 8c lui arracba le pardon malgré lui. La beauté de ce plaidoyer efl: trop connue pour demander ici des éloges. Loin d'y accnfer Cicéron de flatterie, on admire fans doute la force 8c la liberté qui refpirent dans toute la pièce. Cette heureufe hardieffe (a ) a prononcer des vérités fort dures , fans ofFenfer celui qu'elles regardoient particulièrement, donne une auffi haute idee de 1'art de 1'orateur, que de la clé- mence & de la générofiré du juge. La harangue de Cicéron fut publiée auflitót, 8c recue du public avec une extreme avidité. ( a) Pro Ligar. 3,4,6.  Ad. de R. _7=>7Cicer. Sr. Coss. C, Juuus Cjesar III. M. «Minus lEPlDUS. la) Ligarianam prxclare vendidifti. Poflhac quidquid fcripfero , tibi praconium deferam. Ad Att. 13 , 12. Ligananam , ut video, prxclare aucloritas tua commendavit. Scripfit enim ad me Balbus & Oppius , mirifice fe probare , ob eamque caufam ad Carfarem eam fe oratiunculam miiiiTe. Ibid. 19. 250 HlSTOIRE DE LA VlE Atticus qui la lut avec des tranfports de joie &c d'admiration , n'épargna rien pour en faire prendre la même idee a tout le monde, & pour la diftribuer dans tous les lieux de fa connoiflancej de forte (a) que Cicéron le remerciant de ce zèle, lui écrivit agréablement : * Vous avez fort =» bien vendu mon difcours pour Ligarius. Comp33 tez que je vous ferai déformais le diftributeur » de tous mes ouvrages». Et dans une autre lettre : «Je m'appercois que votre fuffrage & votre au» tori té ont donné un cours extraordinaire a ma 33 petite oraifon, car Balbus & Oppius m'ont écrit » qu'ils en font charmés, & qu'ils en ont envoyé 3> un exemplaire a Céfar 3,. Ce fuccès caufa tant de honte a Tubero , que dans le chagrin d'avoir été 1'a.uteur dé l'accufation , il employa 1'enrremife de fa femme , qui étoit parente de Cicéron, pour 1'engager a mettre dans fa pièce quelques adouciffemens en fa faveur. Mais Cicéron s'en défendit, & donna pour excufe que louvra^e    De Cicéron, Liv. VIII. tyt étoit déja trop répandu ; fans compter, écrivitil (a) a Atticus, qu'il ne vouloit point fe charger de 1'apologie de Tubero. Le zèle de Ligarius s'étoit diftingué pour la liberté de fa patrie , & c'étoit précifément ce qui infpiroit autant d'ardeur a Cicéron pour fa défenfe, que d'éloignement a Céfar pour fon rétabliflement. Après fon retour il fe lia li étroitement avec Brutus, qu'il devint un de fes principaux (b) confidens dans la confpiration contre Céfar. « Ayant été fajfi de quelqu'infirmité vers le tems 33 de 1'exécution , Brutus, dans une vifite qu'il lui 33 rendit, fe plaignit dun fi facheux contre-tems. 3° Pvlais il fe releva auflitöt fur fon coude , & » prenant fon ami par la ma;n ; parlez ,' Brutus , 33 lui dit-il: fi vous avez a me propofer quelqu'ac33 tion. digne de vous, je me porte bien ». II répondit a Topinion que Brutus avoit eue de lui , car on trouve fon nom entre ceux des conjurés. A la fin de cette année Céfar parti? avec la dernière ;précipitation pour 1'Efpagne. Les fils de Pompée, foutenus par le glorieux nom de leur (a) Ad Ligarianam de uxore Tuberonis & privigna , neque poffum jam addere ; efl enim res pervulgata , neque Tuberonem volo defendere. Mirifice efl enim m&rtf, Ibid. io. ( b) Plutarq. Vie de Brutus. An. esar, Dicrateur III. M. iïimnus Iepi- dus , Général de la Cavaletie. 'i'z H I S TÓi R E DE LA VlB père, s'étoient rendus maïtres de cette province." Ils avoient raflemblé fous Labienus & Varrus , les reftes de 1'armée d'Afrique , & fon preffoit Céfar de ne pas lailfer plus de tems, pour augmenter leurs forces , a des ennemis qui étoient déja capables de tenter encore une fois la fortune dans une nouvelle bataille. Les dangers qu'il effuya dans cette expédition, & la réfiftance qu'il trouva dans un parti défefpéré, marquent alfez quel auroit été fon embarras fi Pompée, a Ia tête d'une armée de vétérans , eut d'abord choifi 1'Lfpagne pour théatre de la guerre. Si i'eftime 8c les carefies du parti vidorieux avoient eu la force d'adoucir dans le cceur & dans 1'efprit de Cicéron , la douleur qu'il reflentoit de 1'efclavage de fa patrie , il n'avoit pas trouvé dans fon nouveau mariage les mêmes confolations contre fes chagrins domediques. II y a beaucoup d'apparence que les fujets de plainte venoient ds fes enfans , qui ne voyoient pas volontiers une belle-mère dans leur maifon , pendant la vie de Terentia leur mcre. Son fils demandoit avec de vives inftances , un revenu féparé pour fon entretien , 8c la permiftion d'aller fervir en Efpagne fous Céfar. Quintus fon coufin étoit déja parti dans la même vue. Mais Cicéron n'approuva point ce projet, 8c s'eftbrca par toutes fortes de moyens de lui en faire perdre la penfée. II lui repréfenta  t>e Cicéron, Liv. VUL 253 qüe c'étoitr» affez d'avoir quitté leur premier parti, fans s'expofer au reproche d'avoir combattu contre les enfans de Pompée, & qu'il ne lui feroit pas fort agréable de voir fon coufin plus confidéré que lui. dans 1'armée de Céfar. S'étant engagé d'ailleurs i lui afligner fur fes biens le revenu qu'il demandoit, il le fit renoncer par toutes ces raifons au voyage d'Efpagne; mais il ne put lui öter 1'envie de quitter fa maifon, &C d'en prendre une dans la ville. Cependant le chagrin qu'il reffentoit d'une féparation éclatante; lui ayant fait cbercher d'autres voies pour la prévenir , il lui vint a 1'efprit de 1'envoyer a Athènes, fous prétexte d'y employer quelques années a 1'étude ; & pour lui faire goüter cette nouvelle ouverture, il lui offrit (b) une penfion qui le mettroit en état de vivre avec autant de fplendeu: que Bibulus , Acidinus , Meffala, & toute 1; noblene romaine qui étoit aux mêmes écoles Cette offre fut acceptée. Le jeune Cicéron parti (a) De Hifpania duo attuli : primum idem quod tibi: me vereri vituperationem ; non fatis efle fi hare arma reliquifiemus ? etiam contraria ? Deinde fore ut angeret cum a fratre familiaritate & omni gratia vinceretur. Velim magis liberalitate uti mea quam fua libertate. Ad Att. n , 7. tb) Praflabo nee Bibulum, nee Acidinum, nee Meflalam quos Athenis futuros audio , majores fumptus fafluros , quam quod ex eis mercedibus accipietur. Ibid. 31. An. de R. 70s. Cicec. 61. Coss. C. Juuus C*sar,Dictateur lil. yi. ^Emi- lius LEPldus, Général de la Cavalerie, [ E  An. de R. 708. Cicer. 6%. C. Juuus CESAR.Dic*aieur III. M. «Minus Lepii>us, Général Ae ia Ca_ va] er ie. (a) L. TulHum Montanum nolli, qui cum Cicerone profectus efl. Ibid. 5-2, 5-3. Quanquam te, Marce fili, annum jam audientem Cratippum, &c. De Off. \ , 1. (b) Te oro ut de hac mifera cogites melius aui- dem inpefllmïs nihil fuit diflïdio Nunc quidem ipCe videtur denunciare placet mihi igitur, & idem tibi, nuntium remitti, Sfc. Ad Att. 11, t3. Ibid. 3. Quod fcripfi de nuncïo remittendo, qua: iit iftius vis hoe tem-, pore, & qua; concitatio multitudinis, ignoro. Si metuendus iratus efl , quid tarnen ab illo nafcetur. Ep. fam. H» 13. 254 HlSTOIRE DE LAVXË immédiatement pour Athènes, avec deux des af> franchis de fon père, L. Tullius Montanus , &C Tullius Marcianus (a), qui devoient être comme fes gouverneurs ou fes confeillers. La direction de fes études fut confiée aux philofophes grecs , particulièrement a Cratippus , chef des péripatéticiens. A peine Cicéron étoit-il délivré de eet embarras, qu'il retomba dans une afflidion beaucoup plus cruelle par la perte de Tullia , fa chère fille. Elle s'étoit féparée de Dolabella, dont 1'humeur & les manières lui avoient fait trouver beaucoup d'amertume dans ce manage. Cicéron , qui partageoit toutes fes peines, avoit délibéré long-tems avec fes amis fi Tullia ne devoit pas envoyer la déclaration (b) du divorce; mais il paroit que par de juftes confidérations pour le crédit de Do-  de Cicéron, Lir. Vlil. i$' labella , il avoit toujours fufpendu cette réfolu- An. de R. tion. Les mêmes raifons avoient retenu Dolabella, Cicer. '6u qui fouhaitoit ardemment d'être féparé de fa fem- CjBsA.R,r>icme. La reconnoiffance qu'il devoit a Cicéron "^"mi& 1'utiÜté (a) qu'il pouvoit encore tirer de fon amitié, 1'obligeoient a garder des mefures avec «'^^ fa fille. Si eet événement n'eft pas clairement expliqué dans 1'hiifoire, 1'apparence eft du moins que de part & d'autre on en vint a la féparatiort fans violence. L'amitié de Cicéron & de Dolabella n'en fut point alterée, & 1'on voit dans la fuite qu'ils continuèrent de fe marquer la même confidération par leurs fervices. (b) Tullia mourut en mettant un hls au monde, dans la maifon même de fon mari •, ce qui femble confirmer que leur divorce s'étoit fait d'un confentement mutuel. Mais quand cette circonftance paroitroit douteufe fur le témoignage (c) de Plutarque, il eft fur du moins par celui de Cicéron même quelle mourut a. Rome , « ou il (a) Cujus ego falutem duobus capitis judiciis fumma contentione defendi. Ep.fam. 3 , 10. (b) Plutarq. Vie de Cicéron. (c) Me Roms tenuit omnino Tullia: mex partus; fed cum ea quemadmodum fpero ; fatis firma fit, teneor tarnen, dum a Dolabellae procuratonbus exigam primam penfionem. Ep.fam, 6, 18.  An. de R. 708. Cicer. 61. C. Juuus CBSAR.Dictateur III. M. JEuiXIUS LEPIi)üs , Généxal de Ia Cavalerie. (cz) Les noms de fon père étoient Publius Cornelius Lentulus Dolabella, dont les deux derniers lui étoient peut-être venus par adoption , & faifoient une branche différente de la familie des Cornelius. (b) Veiim aliquando , cum erit tuum commodum , Lentulum puerum vifas eique de mancipiis, qua; tibi videbitur, attribuas. Ad Att. 12, iS. Quod Lentulum invifis, valde gratum. Ibid. 30. It. 18. Bayle eft lurpris de trouver Afconius fi mal informé de 1'hifloire de Tullia, qu'après la mortdePifon il lui fait époulèr P. Lentulus, de qui elle eut, dit-il, un enfant dont • Tullia i'6 HlSTOIRE DE LA VlE » attendoit quelle füt délivrée de fa grouelTe, tt » que Dolabella , qui étoit alors en Efpagne j » lui eut fait rendre fa dot». Sa couche, après avoir paru d'abord fort heureufe, tourna tout d'un coüp li malheureufenient, qu'elle perdit la vie lorfqu'on s'y attendoit le moins. On n'a point d'autres lumières fur eet accident, & la plupart des hiftoriens ont même confondu la nailfance de ce fils avec celle d'un autre qu'elle avoit eu trois ans auparavant. Mais foit que ce füt le premier ou le fecond, il eft certain qu'elle eut de Dolabella un fils qui lui furvécut, & dont Cicéron (a) parle quelquefois dans fes lettres fous le nom de Lentulus. II prie Atticus de le voir fouvent , d'en prendre foin , & de lui donner le nombre de domeftiques (b) qu'il croira nécef-^ faire a fon éducation.  5de Cicéron, Liv. FIII. 257 Tullia n'avoit pas plus de trente-deux ans a fa mort; & par quelques traits qui nous font reftés de fon caractère, il paroït qu'elle étoit d'un mérite extraordinaire. Elle avoit pour fon père un fond incroyable de tendrelfe & de refpeus, Général de la C»ï valerie.  2.58 HistoiredelaViE An deR ne faifoient pas leur féjour a Rome ou qui ne >\ vivoienr pas dans la maifon même de Cicéron, c:3un« car fon p,emier foin fut de fe retirer dans celle c.ESAR,Dic- ƒ f dé b ^ toutes fortes de latourlH. d AtflcuSJ 02 Ö ..11. S compagnies. II fe renferma dans une bibhothcque »8S ou fonoccupation fotde^t«^W -Ieris- nul pouvoient lui offrir quelques fecours (*) contre la triftelfe. Et ne trouvant point encore cette retraite alfez impénétrable , d fe rendtt dans une de fes terres , qu'il nomme, Aflura, procbe de celle d'Anrium,&l'endro;t du monde leplus propre a nourrir fa mélancolie IL y paffok une rivière du même nom, au milieu de laquelle étoit une petite üe couverte de bois , remplie de grottes, & partagée par un grand nombre d'allées obfcures. «La, dit-il je vis fans » commerce avec les hommes. Dès la pointe du „ jour je m'enfonce dans i'épailfeur des bois, „& je n'en fors que le fok. Après vous, r.en „nem'eft ficher que ma folitude. Je n ai pas * d'autre entretien qu'avec mes livres. S d eft in„terrompu ce n'eft que par mes larmes dont , j'arrête le cours autant qu'il m'eft (*) poffible; „mais je n'en ai pas toujours la force ». ~\a) Me mihi non defuifle tu tefiis es, nihil enim de mcerore minuendo ab illo fcriptum eft , quod ego non domi tua; legerim. Ad An. n, 14. O) Inhac folitudine careo omnium colloqmo , cumque  feE ClCÉRON.Z/fr. VIII 255J Atticus le prefik de quitter ce trifte lieu, & An. de r. de chercher a fe guérir par la diffipation des cicerfV,. affaires, ou par celle des compagnies. II lui re- c2s{VKL™s préfenta même que eet exces d'abattement nou- tatei" In-voit nuire a fon caraétère & Ie faire railier de 1IUS l !P'fa foibleffe. Cicéron lui fit cette réponfe. ^dèiaGa! <* Vous appréhendez (a) que 1'excès de mon ''^ * affliótion ne diminue 1'eftime & la confidération » que je me fuis acquife. Mais de quoi fe plaint-on } * Que veut-on ? Que je fois moins afïligé ? C'eft »demander 1'impoffible. Que je ne fok pas fi - abattu? Jamais perfonne ne le fut moins. Dans »les premiers tems de ma douleur, lorfque j'al» lai chez vous chercher quelque foulagement, ceux qui m'ont voulu voir, ne m'onr-ils pas vu , 53 & n'ont-ils pas été conrens de la manière dont => je les ai recus? J'allai enfuite a Afture. Ces gens P 1ül me reprochent ma trifteffe ne pourrolent j3 peut-être pas avec teute leur belle humeur, lire » autant que j'ai écrit : bien ou mal, ce n'eft pas » de quoi il s'agit. J'ai du moins traité des ma- mane in filvam me abftruxi denfam & afperam , non exeo inde ante vefperum. Secund.ïm te nihil mihi amicius folitudine. In ea mihi omnis fermo eft cum literis. Eum tarnen interpellat fletus. Cui repugno quoad polTum., fed adhuc pares non fumus. Ibid. 15. («) Ad Att. 12 , 40, Rij  i(?0 HtSTOlM Bï IA Vlï A^Jei. „tières qui demandent 1'efprit tout entier. Jat eg*** » été un mois prés de Rome. Pendant ce tems-la cïdïX - ai-je pas vu & entretenu tout le monde a «S« 5?;. » mon ordinaire 2 A préfent, quoique ,e life & que ™- "»ï . je compofe routle jour,ceuX quifont avec moi, *Yde uct: „ f0nt plus embarralTés de leur loifir , que je ne fuis „fetigflé de mon travail. Si quelquun demande „pourquoijene ruis point a Rome, c'eft que .nous fommes dans un tems de vacations Mais , pourquoi ne fins-je pas dans quelqu'une de mes Raifons de campagne, qui font plus de cette „ faifonï C'eft qu'il y faudroit voir trop de monde. „N'avons-nous pas vu un fénateur, qui avoit , une fi belle maifon a Bayes, palTer ici tous les „ans le tems oü nous fommes? Qoand je feiai » i Rome , on ne remarquera ni fur mon v.fage, „ ni dans mes difcours, rien qu'on puiiTe me re„procher. Pour cette gaïté , qui dans ces tems » malheureux adoucifioit 1'amertume de nos maux, .je 1'ai perdue pour toujours mais 1'on trouvera „ dans ma conduite & dans mes difcours la même „fermeté d'efprit». Tous fes Siutres amis n'eurent pas moins den> preffement a le confoler. Céfar même f», au milieu de fes occupations militaires , lui écrivit une O) A Ofare litetas accepi confolatorias , datas prid. kal. maii Hifpali. Ad Att. 13,20.  »e Cicéron, Liv. VUL zcx lettre de confolation, datée d'Hifpalis, le der- an. ie r> nier jour d'avril. Brutus lui écrivit auüi (a), & cic7e°.3'61> dans des termes fi touchans, qu'il 1'attendrit beau- r^.s3^1^. coup. II recut deux lettres de Lucceius, un dës tat^ui:uj- meilleurs écrivains de fon fiècle, la première pour "us lepi- r DUS , Géne- Ie confoler, 1'autre pour lui reprocher ion obfti- ral de ia Ca» nation ( b ) dans une triftefle qui ruinoit fa fanté. Mais la lettre fuivante , qui eft de Servius Sul- picius, a toujours pafte pour un modèle dans ce genre. Serv. Sulpicius, d M. T. Cicéron; J'ai reflenti (c) toute la douleur dont je ne pouvois me défendre , en apprenant la mort de votre chère Tullia, & j'ai regardé cette perte comme un malheur qui m'étoit commun avec vous. Si je n'avois pas été éloigné , je me ferois fait un devoir de vous prouver la part fenfible que j'ai prife a votre aftliétion. Je connois néanmoins qu'il y a peu de reflburce dans ces confolations de nos amis ou de nos parens, qui partagent eux-mêmes notre triftefle , qui ne peuvent entrer dans nos peines, fans répandre des larmes y Oc qui ont befoin de ce même foulagement , (a) Bruti literas fcriptae prudenter & amice, multas tarnen mihi lacrymas attule.runt. Ibid. i z , 13. (£) Ep. fam, y , 13. (c) Ibid. 4, s. R dj  2f?2 HlSTOIRE DE LA VI Ë An. 3e R. qu'ils s'efforcent d'apporter a la douleur d'autnu. Cicer. 61. J'ai pris la réfolution de vous écrire en peu de C. JUUUS . , - ,r , v r ■ c«sar, Die- mots tout ce quiselt prelente a mon eiprit, non tl mT m\u- q110 je n'aye bien penfé que les mêmes réflexions xius l^pi- r 'r a . dus , Gêné- pourroient le prelenter au votre, mais paree que je va'erie-Ia Ca" me ^u's %uré ^ue ^a violence de votre douleur efl: capable de troubler votre attention. Pourquoi donc vous livrer a la triftefle avec fi peu de modération { Confidérez comment la fortune nous a déja trairés. Elle nous a privés de tout ce qui nous eft auffi cher que nos enfans; de notre patrie , de notre crédit , de notre dignité & de nos honneurs. Après tant de pertes, quel mal pouvons-nous recevoir d'une difgrace de plus j ou comment peut-il nous refter quelque fenfibiliré, pour ce qui ne peut jamais égaler les malheurs que nous avons déja reden tis ? Eft-ce le fort de votre fille que vous pleurez ? Eh 1 comment ne faites-vous pas réflexion qu'on ne peut donner le nom de malheureux a ceux qui dans le tems ou nous fommes , ont payé le dernier tribut de ia nature , fans avoir eu beaucoup a fouffrir dans la vie ? Connoiflez-vous quelque chofe dans les conjonctures préfentes , qui ait pu faire aimer la vie a votre fille ? Quels défirs, quelles efpérances , quels projets de bonheur avoit-elle a former • Etoit-ce de pafler fa vie dans 1'état du mariagCj avec quelque jeune homms d'un rang dif-  DE Cicéron, Liv. VIII. 2^3 tlngué ? car votre fuuation vous donnoit comme An.deR. le choix de tout ce qu'il y a de plus brillant Cic£ W dans la jeuneffe romaine. Etoit-ce d'avoir des c«sar,Dicenfans, pour reffentir le plaifir de les voir élevés "^Ïmidans la fuite a la fortune de leurs plus proches ™ £££ parens, & de les voir jouir des honneurs de la république , goüter les douceurs de la liberté , recueillir enfin tous les avantages de leur naiffance, dans la fociété de leurs amis, Sc dans le pouvoir de rendre fervice a leurs cliens 1 Nommez-moi un feul de tous ces biens qu'elle n'eüt pas perdu avant que de pouvoir le communiquer l fes enfansi Mais c'eft un malheur, direz-vous, de perdre une fille qu'on aime. J'en conviens; mais n'en eft-ce pas un plus grand de fouffrir tous les maux qui nous accablent aujourd'hui ? Je ne puis oublier une réflexion qui m'a beaucoup foulagé , Sc qui aura peut-être la même force pour diminuer votre afflidion. A' mon retour d'Afie , je faifois voile d'jEgine vers Mégare , j'ai fixé les yeux fur les pays qui étoient autour de moi. it'gine étoit derrière , Mégare devant, Pyrée fur la droite , Sc Corinthe a ma gauche ; toutes villes autrefois célèbres Sc floriflantes, qui font aujourd'hui renverfées Sc prefqu'enfévelies fous leurs ruines. A cette vue, je n'ai pu m'empêcher de tourner mes penfées fur moi-même. Hélas 1 difois-je , comment nous agitons-nous , Riv  '2ÏT4 HlSTOIRE BE LA VlE An. <5e R. pauvres mortels! comment nous livrons-nous (ï etctf.Vi. amèrement a la douleur pour la mort de nos CxsAR.Efe arr"s dont la vie doit être fi courte , tandis que "m? Jemi- *es cadavres de tant de villes fameufes font éten»usS, Gêné- ^us Levant nos yeux fans vie & fans forme ? valer/hCa" Ne te rendras-tu pas a la raifon , Sulpicius ? Ne te fouviendras-tu pas que tu n'es qu'un homme ? Croyez-moi, cette méditation ne m'a pas peu fortifié. Faites-en 1'efiai fur vous-même, & repréfentez-vous le même fpe&acle. Mais pour revenir a ce qui nous touche de plus pres, fi vous confidérez combien nous avons perdu de grands hommes dans ces derniers tems, quelle deftru&ion nous avons vue dans 1'empire , quel ravage dans toutes les provinces , ferez-vous fi frappé de la perte d'une femme , dont le fort étoit de mourir dans quelques années fi elle n'étoit pas morte a préfent, puifqu'elle étoit née a cette condition ? Rappelez de-la votre efprit a. ia confidération de vous-même. Songez fi vous ne devez rien a votre cara&ère & a votre dignité. Votre fille n'a-t-elle pas vécu auffi long-tems que la vie pouvoit mériter quelqu'eftime? auffi long-tems que la république a vécu ? N'a-t-elle pas vu fon pèrepréteur, conful , augure > N'a-t-elle pas goüté les douceurs du mariage avec les plus nobles de nos jeunes romains ? Enfin de quel bien n'at-elle pas fait 1'effai} Elle a quitté la vie lorfque la  de Cicéron, Liv. VUL 2 conftance la perte de leurs enfans, vivoient dans » un tems ou leur rang & leur dignité étoient une 33 compenfation pour leur infortune. Pour moi , 3> répondoit-il, après avoir perdu tous ces avantageS j3 dont vous faites 1'énumération, & que j'avois 33 acquis avec tant de peine, je pers la feule reffource 33 qui mereftoit pour ma confolation. Dans ia ruine dj de la république, je nepenfois plus afervirni 1'état 33 ni mes amis. Mon inclination ne me portoit 33 plus au barreau. Je ne pouvois plus fupporter 33 la vue du fénat. Ma fortune & tous les fruits ( remède füt appliqué dans les premiers momens » de la douleur ». II prit pour modèle , dans eet ouvrage, Crantor 1'académicien , qui avoit fait un célèbre traité (a) fur le même fujet; mais il y fit entrer les idéés d'un grand nombre d'autres écrivains , en y joignaut les exemples des  'de Cicéron, 11 v. VUL 2S9 plus fameux lomairis de 1'un & de 1'autre fexe, An.dett; aui avoient foutenu la même difgrace avec une Cicér. ei. * , r C. JULIU* conftance extraordinaire. Ce üvre etoit rort con- Cjesa]X, Die nu des premiers pères de 1'églife chrétienne , par- ta^r M^ tïculièrement de Ladance a qui nous en devons £g| quelques fragmens qu'il a fait paffer jufqu'a nous J Mteg. Cacar les critiques ont reconnu depuis long-tems que le traité qu'on nous a donné pour 1'oüvrage de Cicéron eft une pièce fuppofée. Le delfein de eet ouvrage n'étoit pas feulement de foulager fon cceur , mais encore de confacrer a la poftérité la mémoire & les vertus de fa fille. Sa tendre douleur ne s'arrêtant pas même a ces bornes , elle lui infpira le projet d'une confécrarion plus réelle , en batiflant un temple a Tullia , pour 1'ériger en divinité. C'étoit 1'opinion des anciens philofophes, & Cicéron , dans les circonftances de fa perte, fembloit 1'embraffer (a) ( a ) Non enim omnibus illi fapientes arbitrati funt eumdem curfum in ccelum patere. Nam vitiis & fceleribus contaminatos deprimi in tenebras, atque in coeno jacere docuerunt ; caflos autem animos, puros, integros, incorruptos , bonis etiam fiudiis atque artibus expolitos, leni quodam & facili lapfu ad deos , id eft, ad naturam fui ïïmilem pervolare. Fragm, Confol. ex Laclant. Cum vero & mares & foeminas complures ex hominibus in deorum numero efle videamus, & eorum in urbibus atque agris auguftifllma templa veneremur, aflentiamur eorum  27° HlSTOIRE DE LA VlË An. deR. pius volontiers, que toutes les ames humaines Cicef'fiü riroient leur origine du ciel , 8c que celles qui fcSuS s étoient confervées pures retournoient a la fource "m.'^mi- de Ieur être' Pour y fubfifter éternellement dans iws lepi- la participation de la nature divine; tandis que les DUS, Oene- . i ral de la Ca- ames impures & corrompues demeuroient annevalerie. r • j n, -rr . , lanties dans 1 epaiileur & Tobfcurité des régions inteneures. Cicéron ne fit donc pas difficulté de déclarer « qu'd 1'exemple des anciens, qui avoient 33 confacré & déifié quantité de perfonnes excel- >j lentes de 1'un & de 1'autre fexe, telles que Ja 33 race de Cadmus, d'Amphytrion 8c de Tyndare, . il vouloit élever au même honneur Tullia , qui =o lui paroiflbit plus digne de cette diftinction que » toutes les créatures qui 1'avoient obtenu. Oui, ?» ajoutoit-il dans le tranfport de la tendrefle, je 33 veux te confacrer, toi qui fus la meilleure & la 33 plus éclairée de toutes les femmes. Les dieux lapientiae, quorum ingenas & inventis omnem vitam legibus & inftitutis excultam conftitutamque habemus. Quod li ullum unquam ariimal confecrandum fuit, illud profefto fuit, fi Cadmi aut Amphitrionis progenies aut Tyndari in ccelum tollenda fama fuit, huic idem honos certe dicandus eft. Quod quidem faciam; teque omnium optimam doftiflimamque foeminam , approbantibus diis ipfis in eorum coetu locatam , ad opinionem omnium mortalium confecrabo. Ibid, Vid, Tufc. difp. liv. i, c. 11, \z , 30, 31»  de Cicéron, Liv. VIII. 271 331'approuveront. Je veux te placer dans leur af- An. de r. «femblée, pour y être adorée de tous les mor- cker.'«1. c. JULIUS 33 telS 33. caesar,Dk- On trouve dans fes lettres a Atticus les témoi- tat™c*£gnages les plus férieux de cette réfolution & de irus lepi1'impatience qu'il avoit de 1'exécuter. « Je veux "^KS* 33 lui batir (a) un temple, écrivoit-il a fon ami; 33 rien n'elr capable de me faire perdre cette penfée. 33 S'il n'eft pas achevé avant 1'hiver, je ne me 33 croirai pas exempt de crime. J'y fuis engagé 33 plus religieufement qu'on ne 1'a jamais été par 33 aucun va-u 33. II paroït même qu'il fe propofoit d'élever un édifice fort magnifique. Le plan en étoit formé (£) avec fon archite&e. II étoit en marché pour des colonnes de marbre de Chios & pour fe procurer un fculpteur du même lieu. Cette ile avoir la réputation de produire le plus beau marbre & les meilleurs ouvriers de la Grèce. Une des raifons qui le déterminèrenr plutöt (a) Fanum fieri volo ; neque mihi erui poteft. Ad Att. 11, 36. Redeo ad fanum. Nifi hac xflate abfolutum erit, fcelere me liberatum non putabo. Ibid. 41. Ego me rnajore reügione , quam quiiquam fuit ullius voti, obftrictum puto. Ibid. 45;. (£)De fano illo dico...., neque de genere dubito; placet enim mihi Cluatii. Ibid. 18. Tu tarnen cum Apelia Chio confice de columnis. Ibid. lp. Plin. Hifi. nat. 3«> 5 , 6.  IJl HlSTOIEE DE LA V I E An'odge R* a. batir un tempte qu'un tombeau, fut que pouï Cicer. 6z. ie premier de ces ouvrap-es, rien ne limitoit fa C junus , r ö c^sAR.Dk- dépenfe , au lieu que les loix bornoient tellement m. Mm- celle des fépulcres , que ceux qui excédoient la zius lepi- s , , . ii. , i a dus, Gêné- regie étoient obliges de payer au public Ia meme valerie'.3 Ca" fomme qu'ils avoient employee. Cependant il nous alTure que ce ne fut pas le plus puilTant de fes motifs, & qu'il n'en eut guère (a) d'autre que de faire 1'apothéofe de fa fille. La feule difficulté étoit a trouver un lieu tel qu'il le défiroit. II ( ^Mr_ bre d'adorateurs. II prelfe Atticus « de faire ce 33 marché pour lui, a quelque prix que ce füt, Sc 33 fans égard pour 1'état préfent de fa fortune , ssl'alTurant qu'il vendroit ou qu'il engageroit vo33 lontiers fon bien , Sc qu'il fe réduiroit au fimple * néceffaire , pour fe procurer une fatisfaction 33 fi douce. Les bois, dit-il, 8c les lieux écartés 33 conviennent aux divinités dont le nom 8c le 33 culte font déja bien établis. Mais pour la déi33 fication des mortels, il faut choifir des lieux >3 ouverts Sc fréquentés, qui puiffent frapper les 33 yeux Sc faire naïtre la curiofité du peuple 33. Cependant il trouva tant d'obftacles a 1'acquifition de ce terrein , que pour lui épargner de 1'inquiétude Sc de la dépenfe, Atticus lui confeilla de batir le temple dans une de fes propres terres. II penchoit affez a. fuivre eet avis, dans la crainte de voir arriver la fin de 1'été , fans avoir commencé fon entreprife ; mais il tomba dans une autre irréfblution , fur la terre qu'il devoit choifir. II fe découragea même en faifant réflexion (a) qu'une (a) Sed ineunda nobis ratio eft , quemadmodum in omra mutatione dominorum , qui innjumerabiles fieri poflunt ,Tome III. S  'An. de R. 708. Cicer. 61. C. Juuus C/esar, Dietateur UI. M. JEmlius Lepidus , Général de la Cajraleri;. In infinka pofleritate, ïllucl quafi confêcratum remanere poflit. Equidem jam nihil egeo vectigalibus, & parvo contentus efle poflum. Cogito interdum trans Tiberim hortos aliquos parare , & quidem ob hanc caufam maxime, nihil enim video quod tam celebre efle poflèt. Ad Att. iz , 19. De hortis etiam atque etiam rogo. Ibid. r-i. Ut fi-pe ïocuti fümus, commutationes dominorum reformido. Ibid. 36. Celebritatem requiro. Ibid. 37. (a) Ccelius Rhodiginus nous apprend que du tems de Sixte IV, on trouva fur la voie Appia, vis-a-vis la tombe de Cicéron , un corps de femme , dont les cheveux étoient trefles d'or, & qu'on reconnut a 1'infcription pour la fille de Cicéron. II avoit été fi bien émbaumé, qu'il s'étoit conlervé tout entier j maïs trois jours après il ie réduifit en pouflière. II y a beaucoup d'apparence que ce réciï n'efl que la conjeéture de quelque lavanf, car on ne rapporte pas rinferiptiort. D'ailleurs il ne parok par aucun. écrivain que Cicéron eut un tombeau fur la voie d'Aps? pius. Ceel. Rhod. lecl. antiq. liv. 3 , c. 2,4, 274 MlSTOIRE DE LA Vlë terre change de maitres, & que les fiennes n'étant point a couvert de ce fort, il pouvoit craindre qu'un étranger ne lui fit perdre le fruit de fon zèle, en lailfant tomber fon temple en ruine % ou en le convertilTant a d'autres ufages. Malgré tant d'ardeur & d'inquiétudes, il ne parok- point que le temple ait été bati, ou du moins 1'on n'en trouve aucune tracé dans les anciens écrivains, qui n'auroient pas manqué de célébrer un édifice de cette nature, s'il avoit (a)  d è C i c é s o n) Liv. FLIL 275' réellement exifté. Apparenlment que fa douleur Ao^|_R:ayant diminué par degrés, il confidéra fon pró- g^**jj jet d'un ceil plus philofophiqüe, & qü'il fentit c^sAi^Dic. la vanité de ces mónumens dont la durée ne peut m, mmguère s'étendre au-dela de quelques fiècles. II DUs, Généeft certain qu'il n'entreprit rien dans le cours de "j^sel* c*' eet été ; & la mort de Céfar. étant arrivée avant 1'été fuivant, eet incident devint un nouvel obftacle, par la multitude d'affaires dans lefquelles il fe trouva nécelfairement engagé. Le défir lui ert ïefta toujours , & 1'on voit par fes lettres qu'il continua de mettte en réferve dans Cette vue toutes les épargnes qu'il pouvoit faire fur la dépenfe O) de fa maifon : mais le refte de fa vié fut troublé par tant d'autres agitations, que le tems lui manqua pour fatisfaire le penchant de fon cceur. La folitude lui étoit devenue fi chère, qu'il fe trouvoit importuné par toutes fortes de compagnies. Philippus, fon ami, & beau-père d'Oclave.; ëtant venu paiTer quelque tems dans fon voifinagej, il craignit auflitöt (b) d'être troublé fouvent pat (a) Quod ex ipfis fructuofis rebus receptum eft, id ego ad ülud fanum lepofitum putabam. Ad Att. ij ," iy. (5) MiHi adhuc nihil prius fuit hac folitudine, quam tereor hé Philippus tollat: heri enim vefperi venerat; Ikid.it, 16, Quod eraH} veritus, non obturbavit Philip lij  AT», de R. 708. Cicer. 6\. C. julius C^sar.Dictateur III. M. JEmlivs Lepidtjs, Général de la Cavalerie. pus : nam ut' heri me falutavit, fiatim Romam profetfus efl. Ibid. 18. (a) Publilia ad me fcripiït, matrem fuam cum Publilio ad me venturam, & fe una, fi ego paterer; orat multïs & fupplicibus verbis ut liceat, & ut fibi refcribam Refcripfi, me etiam gravius efle afredum, quam turn cum iili dixiflem me folum efle veile : quare nolle me hoe tempore eam ad me venire : te hoe nunc rogo, ut ex-j nlores. Ibid. 31, 27rT HlSTOIRE DE LA VtS fes vifites; •& lorfqu'il fut délivré de cette crainte par fon départ, il écrivit a. Atticus pour fe féliexter -lui-même du bonheur qu'il avoit eu de ne le voir qu'une fois. Publilia, fon époufe, lui de* manda avec beaucoup d'indances la permiflion d'aller paffer (a) quelque tems prés de lui, Sc de fe faire accompagner de fa mère & de fon frère ; fa réponfe fut qu'il étoit moins difpofé que jamais a recevoir des vifites & des compagnies; Sc ne fe bornant point a lui déclarer fes volontés par ce refus, il conjura le fidelle Atticus de 1'avertir de fa marche, fi elle s'obftinoit a partir', afin qu'il prit des mefures pour 1'éviter. Ce trait, qui eft tiré de fes lettres, femble confirmer qu'il vivoit mal avec Publilia, comme le rapporte Plutarque , Sc que la caufe de ce rcfroidiffement étoit cc quelque dureté qu'elle avoit eue pour fa belle33 fille , & quelqües marqués de joie qu'elle avoit » données a fa mort ». Cicéron lui en fit un crime  t)è Cic'éroïï, Liv. VUL 2.77 Ti odieux, qu'il neut plus la force de fupporter An. de ff: fa préfence; & quoique la ütuation de la tortune cicer. Su ne lui perrmt guère de reftituer fa dot, il prit en- c^SARjDio. fin (ü) le parti du divorce. Son exemplefut fuivi u~^^t. par Brutus , qui répudia dans le même tems «VS gj* Claudia , fa femme , pour époufer Porcia , veuve raUeU Ca* de Bibulus, & fille de Caton. Mais cette aótion fut condamnée dans Brutus, paree qu'il n'avoit point de reproche a faire a Claudia, ni du c6ta du caraótère, ni de celui de la nailfance. Elle étoit foeur d'Appius Clodius , & proche parente de Pompée; de forte que Servilia, mère. de Brutus, & fceur de Caton , fe crut obligée de prendre parti pour elle contre fa propre nièce. Cicéron , confulté par Brutus, lui répondit que; s'il étoit (b) abfolument réfolu au divorce, ü devoit 1'exécuter promptement, pour arrêter les difcours du public; d'autant plus qu'on ne pouvoit le foupconner de flatterie, ni d'intérêt en prenant (a) II parle fouvent de ce divorce dans fes lettres, mais d'une manière obfeure. On y trouve auffi qu'Atticus fut employé dans la fuite a régler avec Publilius la reftii tution de la dot. Ad Att. 13,34, 47 > 16 > *• (h) A te expecto fi quid de Bruto , quanquam Nicias confeótum putabat, fed divortium probarï. Ad Att. 13,9. Brutus fi quid.... curabis ut fciam. Cui quidem quamprimum agendum puto , praefertim fi flatuit; fermunculum enïn», pmnem autreflinxerit, aut fedarit, Ibid. 10. S ü}  4n. de R. ' 708. Cicer. si. C. JUUUS C*SAR^Dicïateiir III. • M. &MI- J.jus LepiÓUS, Générai de la Ca.yalerje, j < («) Ep. fam. 4 , ii. 278 HlSTOIRE DE LA VtÊ la fille de Caton. Brutus fit fa règle de ce'con» feil. L'été commenca par un événement qui caufa beaucoup d'agitarion dans toute la ville. Marcellus, a qui Céfar avoit accordé fa grace, étoit enfin parti de Mitylène pour revenir a Rome. S etant arrèté dans fa route , a Pirée, pour y pafler un feul jour avec Servius Sulpicius , fon collègue Sc fon ancien ami, il fut aflafliné par Magius , l'homme du monde qui lui paroiffoit le plus attaché ; & du même poignard, Magius fe perca auflï-töt le cceur. Servius Sulpicius rendit compte. ï Cicéron de ce tragique accident: Servius Sulpicius, a Cicéron. te récit (a) que j'ai a vous faire n'aura riett d'agréable ; mais puifque notre vie eft foumife a la nature & aux évènemens du Hafard, je vous marjuerai le fait de quelque manière que vous croye?; levoir 1'expliquer. Le 2a de mai, j'arrivai, par a yoie, de la mer, d'Epidaure a Pirée, pour r joindre Marcellus mon collègue ; Sc la joie jue je reffentis de ie voir, m'y fit pafler un jour. ivec lui. Lui ayant fait le lendemain mes adieux, lans le deflein d'aller finir ma commidion en 3éotie , il me dit que le fien étoit de s'embar-  de C i c Ê r ö n, Liv. VUL 27* quer immédiatement pour 1'Italie. Le jour fuivant, fur les quatre heures du matin, comme je me préparois a fortir d'Athènes, P. Pofthumius vint m'apprendre que Marcellus avoit éré affafliné après le fouper par P. Magius Cilo , fon ami , & qu'il avoit recu deux coups, 1'un dans 1'eftomac, 1'autre a la tète , fort prés de 1'oreille , mais que fa vie n'étoit pas encore défefpérée; que Magius s'étoit tué auditót lui-même; & qu'il venoit de la part de Marcellus pour m'informer de fon malheur & me demander des médecins. Je me hatai d'en affembler quelques-uns, & je partis avec eux dès la pointe du jour. Mais en approchant.de Pirée, je rencontrai un domeftique d'Acidinus, qui venoit au-devant de moi, avec un billet de fon maïtre, pour m'apprendre que Marcellus étoit mort a la fin de la nuit. Ainfi, un homme de mérite a perdu la vie par la main d'un infame-, & celui que fa dignité & fa vertu avoit fait refpe&er de fes ennemis mêmes, périt par la trahifon d'un ami. Je ne laiffai pas de me rendre a fa tente, ou je trouvai deux de fes atfranchis % avec un petit nombre d'efclaves. Le refte de fes. gens avoit pris la fuite dans le premier mouvement de leur confternation. Je fis prendre le corps par mes propres domeftiques, & 1'ayant porté a la ville dans la même litière oü j'étois Venu , je fis célébrer fes funérailles avec autanS S iv. An. de R. 708. Cicer. 6z. C. jynus C.flESAJi,Dictateur III. M, ALmILIUS X-EP1-. DUS , Général de 1 a Cavalerie.  An. deR. 70S. Cicer. 61. C. JUUUS C;ESAR,Dictateur II!. M. Mi\\UUS LEPlJJUS, Général de la Cavalerie, (a) Mihi, inquit, Marcellus faiis eft notus. Quid igitar de illp judicas ? Quod habiturus es fimilem tui, ica eft & mihi vehementer placet. Nam Si didicit, Sc «aiffis cztevk 280 HlSTÖIRE DE LA VlE de pompe , que la fituation d'Athènes me le permettoit. II me fut impoflible d'obtenir des athéniens une place dans leur ville pour fa fépulture» Leur religton ne leur permettok pas de m'accorder cette faveur, & j'appris qu'effeciivement ils ne s étoient jamais relachés la-delTus. Mais ils me laifsèrent volontiers la liberté de prendre une de leurs écoles publiques. J'ai choifi celle de 1'académie, qui eft regardée comme le plus noble endroit de 1'univers. J'y ai fait brüler le corps , & j'ai laifte des ordres pour y faire élever un monument en marbre ; ainfi , je crois m'être acquitté, après fa mort, comme pendant fa vie 3 de tous les devoirs que 1'amitié & la reflemblanco de nos emplois m'impofoient. Adieu. M. Marcellus étoit le chef d'une familie qui avoit fait depuis plufieurs fiècles une figure diftinguée dans la république ; & la nature lui avoit donné toutes les qualités qui répondoient a fa naiftance. II s'étoit formé un caraótère particulier d'éloquence , qui lui avoit fait beaucoup de réputation au barreau; & de tous les orateurs de fon tems , il étoit celui qui approchoit le plus de la perfecüon oü Cicéron (a) s'étoit élevé.  ï>Ë CtciRoK, Lir. rilt *M *Sonftyleavoitdel'élégance,de la force &de ,1'abondance. Sa voix étoit douce, fon action & •s „noble & gracieufe». II étoit 1'admirateur conf- c=D,tant de Cicéron, qu'il avoit toujours pris pour modcle. Ses principes avoient été ies mêmes dans ^ Géneles tems de paix; & pendant la guerre d avoit Vlletie, fuivi le même parti. Audi fa perte fut-elle fortfenfible a Cicéron , qui regretta également & les douceurs de fon amitié , & 1'utilité qu'il tiroit ftudüs id egit unum fefeque quoudianis commentationibusacerrime exercuit. Itaque & leftls utitur verbis & frequentïbus; & fplendore vocïs, dignitate motus, fit fpeciofum & illuflre quod feut : omniaque fic fuppetunt, ut ei nullam deeffè virtutem oratoris putem. Brut. *67. Dolebam, patres confcripti, illo «mulo atque imitatore fludiorum meorum , quafi quodam focio a me & comité d.flrac t0 quis enim eft illo , aut nobilitate , aut probitate, aut optimarum artium ftudio , aut innocent!* aut ullo .enere laudis prxftantior , Pro Marcel. .. Nota enim fenfus, ui in pace Temper , fic turn etiam an bello congruebant. Bid: 6. Qui hoe tempore .pfo...... m hoe communi noftro & quafi fatali malo , confoletur fe cum confeientia optimz mentis , tum etiam ufurpatione zc renovatione doarin*. Vidi enim Mitylenis nuper virum, atque ut dixi , vidi plane virum. Itaque cum eum antea tui fimilem , in dicendo viderim , tum vero nunc doS.ffimo viro tibique , ut intellexi. amiciffimo Crat.ppo m(? truftum omnicopia, multo videbam fimihorem. Brut. ibid. Semc. Conful. ad Hdvid.p. 79-  iSi HisTotiis DE fA' vu An. de R. de fes lumières pour fes affaires & pour fes étuoH C Juuus MarC.elIus/uc le PkiS f«me de tous les magiftrat* Cx$k*töci. romains a s'oppofer aux entreprifes de Céfar. L'é"ITmmi- JeVa»on narurelle de fon efprit, & 1'ancienne fplen™, fe dei,r de & kamille lui faifoient fouffrir impatiemS«tfCi" ment ride'e d'un ^artrp ; & lorfqu'après la journée de Pharfale il eut cherché une retraite a Mitylène , fa réfolution étoit d'y paffer le refte de fa vie dans la tranquillité de 1'étude, fans demander fon pardon au vainqueur , & fins 1'accepter. ïl y recut la vifite de Brutus, qui le trouva, fuivantle rémoignage de Cicéron, «auffi heureux, « dans un tems miférable , par 1'innocencè & * la modération de fes défirs , qu'on puilfe efpérer de 1'être dans la condition humaine ; en- * vironné de favans & de philofophes grecs y «ardent k multiplier fes lumières, & fi content * de fa f!tua»on, jjüe Brutus en retournant vers «1'Italie , crut aller en exil plutot qu'il n'y laif. P foit Marcellus *>. .Son meurtrier fortoit d'une familie qui avoit poffédé quelques emplois publics(a), & luimème avoit été quefteur. S etant attaché k la fortune de Marcellus , il revenoit k Rome avec lui, après l'avoir fuivi k h guerre & dans fon fxil. Sulpicius n'explique pas la caufe de fon, («) Vid, Pigh; Annai. A, U. 69i,  bE ClCERON , L I V. vin. 2S3 crime, & fa mort fat fi prompte qu'il femMoit A,..£R. avoir eu delfein d'en étoufFer la connoiffance dans cker.^ fon propre faflg. Cependant Cicéron jugea que cbsak.Wcfes dettes lui ayant fait appréhender quelqu'ern- ^ barras en arrivant a Rome (a), il avoit prefle i«» lhpiMarcellus de les payer ou de lui fervir de eau- «JJU^ tion, & que n'ayant pu 1'y faire confennr, .1 1'avoit tué dans un tranfport de rage. D'autres ont cru que c'étoit la jaloufie & 1'impatience de fe voir fupplanté dans 1'eftime & la faveur de Marcellus , par quelques autres romains qui sétoienc attachés (b) a lui plus nouvellement. Le bruit de cette horrible aventure ne caufa pas moins de frayeur que d etonnement aux utoyens de Rome ; & dans mi tems oü tous les efprits étoient tournés natureliement a ladefiance, jt ne s'en trouva qu'un trop grand nombre qui jetètent leurs foupcons fur Céfar. Cette penfee fit tout d'un coup tant de progrès, que chacun ju,eant de fes dangers par le fort d'un homme O) Quanqnam nihil habes quod dubitem , mfi »pft Maaio nu* fuerit caufa amentue : pro quo quidem eüam fponfor Sunii fadus eft. Nimirum id fuit. Solvendo erum non erat. Credo eum a Marcello petiiiTe aliquid , & illum, ut erat, conftantius refpondiiTe. Ad Act. rj, *o. ^ _ " (b) Indignatus aliquem amicorum ab eo fibi pmem. Val. Max. '9, t\.  >84 HlstöiiïE bé tA Vis An.de r. fi edimé, commenca plus férieufement cue {* c-u.fus * trembler P°ur fot-même. Cieéron ne uSfC" ^^"f ^ mi£UX de la ftayeur commune. II nus & regada évènemen' "mme Ie prélude de quelT^é-qm enC°re PIUS redo"tabIe; &fes amis valerie, a" augmenterent fa crainte, en lui faifant obferver que de tous les fénateurs (a) confulaires il étoit le plus expofé a 1'envie. Atticus même I'exhorta vivement a prendre foin de fa perfonne , & U preffa de s'affurer, par toutes fortes d'épreuves, de la fidéliré des gens qui le fervoient. Mais les arms de Céfar diffipèrent bientót ces noires a!ar~ mes; & lorfque les circonftances du crime furent mieux connues, on fe perfuada encore plus facdement qu'il ne devoit être attribué qu'a la fi> reur de Magius. ' II fe répandit dans le même tems un autre bruit dont les fuires auroient été dangereufes, fi forl neut pris foin de larrcter dans fa naiiTance. Un importeur, fe faifant paffer pour Ie petit-fils de Caius Marius, en prit hautement le nom, & cherchoit a fe faire des partifans en Italië. II eur fa bardiefie d'écrire a Cicéron, une lettre vive & ( a ) M.mme miror te & graviter ferre de Marcello & plura vereri periculi genera. Quis enim hoe timeret, quod «eque acciderat antea, nee videbatur natura ferre ut acci-, «ere polTet ? Omnia igitur metuenda, &c. Ad Att. 13 Ic*  de Cicéron, Liv. Vlll. 285 Touchante , qu'il lui fit porter par quelques jeunes An. der; gens (a) qu'il s'étoit affociés, dans laquelle il Cker.s^ s'«fforcoit de lui prouver fon origine & d'obte- cjesar.dïc- * , .1 1 tateur III. nir fa proteétion contre les ennemis du nom de M. ^MI. . <). j t l1us LEPr-5 Marius. a II le conjuroit par 1 alliance de leurs vvs > Giaé. 3» families, par le poëme que Cicéron avoit au- Ql~ ja trefois compofé a 1'honneur de fon compatriote, 33 par 1'éloquence de Lucius Cralfus fon grand- 33 père maternel, dont Cicéron avoit célébré aufli 30 ie mérite f de s'intéreffer a. fa fortune & de 33 prendre la défenfe de fa caufe 33. Cicéron lui répondit qu'étant parent de Céfar , dont tout le monde connoiffoit les inclinations généreufes, & qui avoit une puiffance abfolue dans 1'état, il ne devoit pas chercher un autre patron; mais qu il ne refufoit pas néanmoins de lui rendre fervice. Lïmpofture dura peu. Céfar découvrit a fon retour que ce prétendu Marius (b) n'étoit qu'un maré- ( a ) Heri quidam urbani, ut videbantur , ad me mandata & literas attulerunt a C. Mario , C. F. C. N. multïs verbis agere mecum per cognationem , qua; mihi fecum eiïèt, per eum Marium quem fcripfiftem , per eloquentiam L. Crafliavifui, ut fe defenderem.... Refcripfi nihil ei patrono opus efle , quoniam Cafaris , propinqui ejus , omris potefias eflèt, viri optimi & hominis liberaliflimi: me tarnen ei fauturum. Ad Att. \% , 49. ( b ) Herophilus, equarius medicus , C. Marium fepties ponfulem, avum fibi vindicando, ïta fe extulit ut colo-  2.8c»' HlSTOIRE DE LA VlÉ An. deR. chal, dont le véritable nom étoit Herophilüs; Cicé°. 'ei. H fe contenta de le bannir de 1'Italie. c^sAH.uic- Dans le cours de cette année , Ariarathes, fils "jvT^mi- &Préfomptifhéritier d'Ariobarzanes,foi de Capvvs, Gêné- Padoce' vintaRome;& Cicéron, qui avoit tou«ide JaCa- jours entretenu quelques liaifons avec fa familie, fur-tout depuis qu'il avoit conféré le titre de roi a fon père 5 pendant fon confulat, fe cfut obligé d'envoyer un de fes gens au-devant de lui, pour lui offrir un logement dans fa maifon. Mais ce prince (a) .étoit déja engagé par Seftius, dont 1'office étoit de recevoir aux dépens du public les princes étrangers & les ambaiïadeurs. Cicéron s'en aftiigea d'autant moins que fes affaires domeftiques ne lui permettoient pas de faire une dépcnfe extraordinaire. II écrivit a Atticus : cc Aria* rathes eft venu fans doute pour acheter de Cé- hht veteranorum cemplures & municipia fplendida , colle- giaque fere omnia patronum adoptarent Carterum decreto Ca:larïs extra Italiam relegatus , &c. Val. Max. (a.) Ariarathes, Ariobarzani fillus, Romam venit. Vult, opinor, regnum aliquod emere a Czfare; nam quo modo' nunc eft, peaem ubi ponat in fuo, non habet omnino ünufn. Seftiüs nofter parochus publicus occupavit: quod quidem facilê patior. Verumtamen, quod mihi fummo beneficio meo , magna cum fratribus illius neceffiiudo éft, invito eum per literas ut ad nis djyeifetur. Ad Att. 13 ij  de Cicéron,£/^. VIII. 287 b far quelque royaume , car il n'a pas un pied An. de R. » de terre dont il puiflTe fe dire le maïtre ». cicer V»; Le gout de Cicéron netant pas diminue pour c^,SAR)Dic. la folitude, 1'emploi qu'il y faifoit de fon tems ^Srétoit de lire & de compofer. C'étoit fon unique oc- uj» Upg cupaticn f>) , ia * le Sour-cc °" ne fe Per" 3Ï' °* * fuaderoit jamais, dit-il, combien j eens 3 car je „ne connois pas le fommeil, & fi je ' n'avois „ cette reffource dans mes chagtins, j'ignore en , vérité ce que je deviendrois ». L'objet de fon travail étoit ces mêmes études de philofophie qu'il avoit aimées dans fa jeunefle, & pour lefquelles il recommencoit a fentir la même paffion* II avoit entrepris de tranfmettre dans fa langui naturelle, tout ce que les grecs avoient écrit fur les différenres parties de la philofophie. * Dans „la nécefiité, dit-il, oü je fuis de renoncer aux *, affaires publiques , je n'ai pas d'autre moyeri „de me rendre utile, qu'en inftruifant les efprits * & en travaillant a la réformation des mceurs. „ Les malheurs de 1'état m'en ont fait même une loi néceflaire j car pendant la confufion des » armes, il m'étoit impoflible de rendre fervice * a ma patrie fuivant mon ancienne méthode 5 & ;\a) Credibile non eft quantum fcribam die, quin efiam noftibus; nihil enim fomni. Ibid. zo Histoire d e la Vie" An. de r. Ja plus fenfée , mais paree qu'il avoit plus de Cicer. ei. goüt pour 1'élégance & la modedie qui faifoit c. julius r ~ . Gesar, pk- comme ion partage, que pour la méthode dure m. Mm- Sc arrogante des autres philofophes. II avoit déja dus* Gêné- donné deux ouvrages fi»* le même fujet, 1'un fous vaie^ °a' le tkre de Catulus* & rautre Tous celui de Lucullus ; mais faifant rédexion que le fond de la matière ne convenoit point au caraedère de ces deux grands hommes , qui ne s'étoient pas diftingués par cette forte d'étude,.il les mit fous les noms de Caton Sc de Brutus. Varron s'étant fervï d'Atticus pour lui marquer le défir qu'il avoit de voir audi fon nom a la tête de quelqu'un de fes ouvrages, il réforma fon plan , Sc 1'ayant diftribué en quatre livres qu'il adreifa a. Varron , il prit pour lui-même le róle de Philon , qui étoit le défenfeur des principes de 1'académie , Sc Varron eut celui d'Antiochus , qui s'effbrcoit de les renverfer. Atticus étoit introduit, pour modérateur de la difpute. L'ouvrage fut travaillé avec tant de foin , qu'il devint un préfent digne de Varron. Cicéron le reconnut lui-même : cC Si 1'amour propre (a) , dit-il, ne me fait pas illufion , ximeque & conflans & elegans arbitraremur, quaiuor academicis libris oiïendimus. De Div. 1,1. ( a) Ergo illam Axa.a«,t.« decipit) ut in tali genere, ne apud graxos quidem quicquam fimile. Ibid. 13, 16, 19. (a) Qua: autem his temporibus fcripfi ApurroTtAtiov mo= rem habent. Ita confeci quinque libros *t(i rt\m. Ibid, 19. (b) Tum id , quod his libris qujeritur , quid fit fmis , quid extremum , quid ultimum , quo fint omnia bene vivendi refteque faciendi confilia referenda : quid fequatur natura ut fummum ex rebus expetendis j quid fugiat ut extremum malorura. De Firiib. 1,4. Tij  2?2 HlSTOIRE DE LA VrE An.d= r. "Point» ik-'ll> que toutes les vues & tous lef Cktïf'd. " mouveme"s de la vie doivent fe rapporter pour c. juuus »la rendre tranquille & heureufe. C'eft a auoi Ces ar. Die- , tateorlll. » la nature nous porte comme a fa dernière fin ». rius' Lèpi'. Le traité eft divifé en cinq livres. Dans les deux rTdèlaCa- Premie" il expofe & réfute la doétrine d'Epicure , va^erie. eft defendue par Torquatus, dans une con¬ férence , dont la fcène eft a fa maifon de Cumes, en préfence de Triarius qui étoit venu lui rendre vifite avec Torquatus. Dans les deux livres fuivans, il attaque les principes des ftoïciens, dont Caton fe fait le défenfeur , dans une rencontre qu'on fuppofe arrivée a la bibliothèque de Lucullus. Le cinquième livre contient les opinions de 1'ancienne académie, ou des péripatéticiens, expliquées par Pifon, dans un troifième dialogue , qui fe fait a Athènes, en préfence de Cicéron , de Quintus fon frère , de Lucius fon coufin, & d'Atticus. Les critiques ont obfervé quelques défauts d'exaclitude dans ce dernier dialogue. Pifon, par exemple (a), rappelle un endroit des précédens , quoiqu'il n'y alt euaucune part, & qu'on n'explique point de qudle manière il en a eu la connoiflance. Mais des fautes fi légères doivent être attribuées a la multitude d'affaires dont Cicéron étoit alors accablé , & qui lui laiiTant a peine («) Vid. Prajfat. Davis in Lib. de Fin,  DE Cicéron,! / v. VUL *93 ïe tems d'écrire, lui ótoient \ plus forte raifon An. de r. celui de revoir fes ouvrages. II adrelTa celui-ci a Brutus O), en échange d'un Traité de la Cb;.ar, uic. , . ■ j'j-' tateutlll. Vertu, que Brutus lui avoit dedie. m. /émi- T ' /^..„n.:^„, XnC-nlanRs fuivirent immédiare- ut» ment, & ne fervirent pas moins a foutenir fa aut fedens, aut ambulans difputabam. Ita dierum quinque fcholas, ut gra:ci appellant, in totidem libros contuli. Tufc. difp. 1, 4. Itaque cum ante meridiem di&ioni operam dediüemus , poft meridiem in academiam defcendimus : in qua difputationem habitam non quafi narrantes, fed iifdem fere verbis ut aftum difputatumque eft. Ibid, *>3> 3.3- '294 HïSTOIRE DE LA Vil? exacde, & leur donna pour titre le nom même de' fa maifon. II rapporte la manière dont fe tenoienc ces conférences (a). Après avoir employé le matin a la déclamadon & aux autres exercices de la rhétorique , on s'aflembloit 1'après-midi dans une galerie qui portoit le nom d'académie, & qui étoit dedinée uniquement a eet ufage. Cette manière de s'aflembler s'appeloit , d'après les grecs, tenir école. Le préfident invitoit la compagnie a propofer une quedion fur laquelle on put s'exercer. II fe trouvoit toujours quelqu'un qui s'étoit préparé a faire cette ouverture , & ce qui étoit propofé , devenoit le fujet de la difpute, Cicéron compofa vers le même tems un éloge Funèbre de Porcia , fceur de Caton, & femme de Domitius dïnobarbus , mortel ennemi Ie Céfar; ce qui confirme encore combien il ftoit éloigné de faire fervilement fa cour aux  (deGiCÉron, Li v. V HL *tf Valnqueurs. Vatton & Lollius entrepnrent de kM „alter le même f ujet, & Cicéron écrivit a At- g** ticus pour fe procurer leurs pieces; mais le tems c Dic. neus puu i _ r> n» Ar Tiréron iateur m- nous les a ravies toutes trois. Celle de Cicéron M femblemériter d'autant plus nos regrets (a)quil "™ ^ 1'avoit revue avec beaucoup de foin , pour en ^uc, communiquer des copies exaótes a Domitius &c a Brutus. Céfar avoit pourfuivi dans eet Interval les fils de Pompée avec la dernière vigueur, & soccupoit alors a rétablir en Efpagne la paix & la foumidion. II fit la politeffe a Cicéron de lm écrire de fa propre main fes delTeins & fes fuccès. Hirtius lui marqua audi la défaite & la bate des deux frères, & cette nouvelle ne le chagnna point-, car malgré 1 'indifférence qu'il avoit pour 1'évènement d'une guerre dont il n'attendoit aucun avantage pour 1'état, de quelque cote que la fortune püt fe déclarer, 1'opinion qu'il avoit concue de la fierté & de la violence du jeune Sextus Pompée , faifoit pencher fes voeux pour ia) Laudationem Porcis tibi min correftam ; ac eo prope avi, ut fi forte aut Domüio filio , aut Bruto mitteretur, Lc mitteretur. Id fi tibi erit eommodum ,magnopere cures velim; & velim M. Varronis Lolliique mittas laudationem. Ad Att. littf.lüd. 37- T ïv  2S><5* HlSTOlRE DE LA VrJE 'A%1R' Cfan cc Hirtius (*> > dit-il, dans une de ft C^/uuus ettreS'm'a éCrk ^ Sextus Pompée s'étoit «■> k* " dS Cordoi,e ' dans la haute Efpagne, 6V "t-W1Ciaeas fon frère> s'<* W auffi, dans dus, Gêné- 30 9ueIque l»eu que j'ignore & qüe je ne me fouwr4- Md.e Point de favoir». Ce fentiment parok avoir été commun 4 tous les partifans de la république; car on le trouve exprimé encore plus clairement dans une lettre (b) de Caffius ï Cicéron : « Que je meure , dit-il, fi je n'ai quel- qu'inquiétude fur le fuccès de cette guerre d'Ef»pagne, & fi je n'aimerois pas mieux men te«nir d notre ancien maïtre, dont nous connoif» fons du moins la clémence , que d'eifayer d'un » nouveau dont je redoute le caradère. Vous fa»vez quel fou c'eft qUe ce Cmr-us, comment il «prend Ia cruauté pour une vertu 5 & comment (a) Hirtius ad me fcripfït Sext. Pompeium Corduba. ex.iTe & fugüTe in Hifpaniam citeriorem ; Cnsum fugifTe nefcio quo , neque enim euro. Ad Att. 13 , 37. (b) Peream nifi follicitus fum j ac malo ve'terem & clementem dominum habere, quam novum & crudelem experiri. Seis Cnams quam fit fetuus; fcis quomodo crudelitatem virtutem putet; fcis, quam fe femper a nobis denfum putet Vereor ne nc-s ruflice gladïo velit, &c. Ep. fam. if , is.  ï> e C I c É r o n, L J V. VUL 197 » il s'eft toujours imaginé que nous prétendions Ar,, de R; » le raider. J'appréhende qu'il ne penfe déja trop cicer.^ „ férieufement a nous faire payer nos railleries c.-esar üic • n. v j' rateur 111. » d'une manière un peu ruftique, c eft-a-dire avec M> SmV iius Lepi- a> 1'épée dus , Géné- Le jeune Quintus Cicéron , qui avoit fuivi Cé- £>^CH far en Efpagne, recommencant a fe perfuader que le plus fut moyen pour plaire & pour avancer fa fortune , étoit de parler au défavantage de fon oncle , fe livra plus que jamais au penchant (a) qu'il avoit a médire de lui. Cicéron écrivant i Atticus : cc II n'y a rien de «nouveau, lui dit-il, fi ce n'eft qu'Hirtius a „ pris querelle pour ma défenfe , avec mon ne» veu , qui ne ceffe point de parler mal de moi, „ particulièrement quand il eft l table. II ne mé» nage pas plus fon père. Mais ce qu'il dit de „plus croyable, eft que nous fommes irréconcix liables avec Céfar ; que Céfar doit bien fe gar„ der de prendre confiauce en nous, & qu'il doit f»Novi fane nihil, nifi Hirtium cum Quinto acerrime pro me litigaffe ; omnibus eum locis facere maximeque in conviviisj cum multa de me, tum red.re ad patrem ; nihil autem ab eo tarnen credibile dici, quam aheriffimos nos eiTe a Csfare, fidem nobis habendam non elle , me vero cavendum. «.Cp.™ > n!fi viderem f"re nie animi nihil habere. Ad Att* 13 > 37»  28 HisTOiRE ö£ la Vie ftn. de r. 33 fur-tout fe défier de moi. Rien ne feroit plus cïef'ei «terrible, fi je ne favois que notre roi ne me c. Juuus crojt pius ie moindre courage ». CjESAR.,Die- r r r • \ 11 taieurin. Atticus apportoit tous fes foins a moderer M. JEmi- rf , . xius lepi- 1'impatience de Cicéron, lous un gouvernement PUS. Gêné- .... i i i J i' Kide U Ca- qui s éloignoit de plus en plus de iancienne galerie. forme } & 1'exhortoit fans ceffe a marquer plus d'eftime pour Tandde de Céfar. Elle lui étoit offerte avec tant d'empreffement, que fur les plaintes continuelles qu'il faifoit de fon efclavage &c de 1'indignité de fa condition préfente , Atticus prit plaifir a lui faire obferver que fi les foins affidus & le zèle dans les fervices ëtoient une marqué (a) de fervitude , il étoit moins 1'ef clave des vainqueurs, qu'ils n'étoient les fiens. II le preffoit dans la même vue de compofer quelqu'ouvrage qui put être adreffé a Céfar. Mais Cicéron n'y étoit pas porté par fon penchant. II fentoit toute la difficulté d'une entreprife qui auroit toujours un air de flatterie , & qui ne manqueroit pas d'avilir fon caradrère. Cependant tous fes autres amis lui faifant les mêmes inftances , il compofa une lettre pour Céfar, fur laquelle on lui confeilla de prendre le fentiment d'Hirtius & de Balbus. C'étoit une exhortation a (a) Et fi me hercule, ut tu intelligis, magis mihi ifii ferviunt, fi obfërvare fervire efl. Ad Att. 13 , 49.  de Cicéron, Li v. VUL 199 rétablir la paix & la liberté de la république , Am de K. avec quelques avis fur la guerre contre les par- Cieek W thes, qu'il lui confeilloit de remettre après qu'il CffiSAR,Dic auroit affermi 1'ordre & la tranquillité dans les "X Jemiaffaires domediques. Cette pièce , dit-il, ne con- g» g»£ tenoit rien qui ne füt digne d'un romain. Mais «Ue u Ca» il y régnoit un efprit de liberté qu'Hirtius & Balbus trouvèrent excedif (a), quoiqu Atticus en parut fatisfait. Cicéron plus refroidi que jamais par cette objeófjon , prit le parti de fupprimer fa lettre; & lorfqu'Atticus recommenca fes avis , pour lui infpirer plus de complaifance, il lui fit une réponfe pleine de nobleffe & de fermeta : (b ) « J'avois raifon de penfer qu'avant que d'en» voyer ma lettre ï Céfar, il falloit la faire voir » a fes amis. C'eft un égard que je devois avoir 33 pour eux, & une précaution que je devois pren- (a) Epiftolam ad Cïfarem mitti video tibi placere. Mihi quidem hoe idem maxime placuit, & eo magis, quod nihil eft in ea nifi optimi civis; fed ita optimi, ut tempora quibus parere omnes politici praecipiunt: fed fcis ita nobis efle vifum ut ifti ante legerent. Tu igitur id curabis. Sed nifi plane intelliges iis placere, mittenda non eft. Ad Att. n, Ji. De epiftola ad Cxfarem , xeinpixa. Atque id ipfum , quod ifti aiunt illum fcribere , fe nifi conftitutis rebus non iturum in parthos, idem ego fuadebam in illa epiftola. Ibid. 13, 31. (b) Ad Att. f3,17.  30O HlSTOlRE de LA VlË An. de r. „ dre pour moi. La franchife avec laquelle ik Cicer. et. » m'ont dit ce qu'ils en penfoient, me fait beau- C« JULIUS j | , OESAx,üic. 30 coup de plaiür; & ce qui m'en fait encore tateur III. i > „ , M. Am- " Plus 3 c eit que pour les contenter, il faudroit vos, Giné- " ref°nctre toute la lettre , ce que je ne ferai «Ü dHa ca- „ p0illt alTurément. Mais après tout , pour par33 Ier a Céfar de la guerre des parthes, ne me 3» fuffifoit-il pas de favoir que cela lui feroit plaiJ3 fir ? Et me fuis-je propofé autre chofe dans >3 toute ma lettre que de lui plaire ? S'il avoit »été queftion de lui donner de bons confeils, » aurois-je eu le moindre embarrasr II vaut mieux 33 laiffer la cette lettre ; car lorfqu'il n'y a pas „ beaucoup a gagner en réuflidant, & qu'on peut 33 perdre quelque chofe fi 1'on ne réuftïr pas , pour33 quoi rifquer? Sur-tout puifque j'ai lieu de craindre » après avoir attendu fi long-tems a 1'écrire, que 33 Céfar ne fe perfuade que je ne 1'aurois pas écrite 33 fi la guerre n'avoit pas été entièrement finie. » J'appréhende aufli qu'il ne s'imagine que eed. » comme une compenfation & un dédommage33 ment que je veux lui donner pour 1'éloge que =° j'ai fait de Caton. Que vous dirai-je ? Je me 33repentois fort de m'être engagé, Sc c'eft un =»bonheur pour moi qu'on ne foit pas content 33 de ma lettre. J'aurois été expofé k la malignité » 8c a la cenfure de fes courtifans, fans excepter  tos Cicéron, Liv. V lil. 301 » votre neveu Dans une autre occafion : An. de ti « Pour cette lettre, dit-il, que vous voudriez clc^.«v • : C. JuliuS »que j'écrivifle a Céfar , je vous jure que ]e ne CJESAK>Dic. „puis faire eet efTort fur moi-même. Ce n'eft "^j^. „pas la honte qui me retient, quoiqu'elle düt uaggj »avoir plus de force que tout autre motif. En «id^C^ » effet, quelle honte n'eft-ce pas pour moi de « m'abaifler jufqu'a la datterie , puifque je devrois „ même être honteux de vivre? Mais après la dé- „ marche que j'ai faite, ce n'ed plus ce qui m'em- »barraife. Je voudrois bien pouvoir me fervir „ de cette excufe •, elle feroit digne de moi. La « véritable raifon, c'eft que je ne vois pas com- * ment il faudroit m'y prendre. Vous favez fur » quoi roulent tous les difcours que des gens „ habiles Sc éloquens ont adrefles a Alexandre. 3, Ce font des confeils qu'ils donnoient a un jeune « prince qui afpiroit a la véritable gloire, Sc qui ^fouhaitoit qu'on lui montrat le chemin qui » conduit a 1'immortalité. On pouvoit traiter ce » fujet avec dignité. Puis-je en faire autant de M celui que j'ai a traiter } Cependant j'en avois »tiré parti le mieux que j'avois pu : mais paree „ que dans ma lettre il y a des maximes un peu „ plus faines que celles de leur parti, ils n'en >> font pas contens. Je m'en confole, Sc je vous ( affure que je ferois 'très-faché que cette lettfê cicer. 'jti. » eut été envoyée. Faites réflexion que ce orince C. Juuus • ji • . . f* „ ^ r C^sar.Dic- " mftruit par Ariftote , & qui fit paroïtre d'a- "ll-Sii- "bord> avec "n efprit fi élevé , une fi grande iS?. Géne! " modeftie, ne fut pas plutöt déclaré roi qu'il Selicl3 Ca' " devint fuferbe ' cruel & emporté. Comment » donc un homme dont 1'image eft portée a cöté 33 de celles des dieux , &c placée dans le tem»i ple de Romulus, fe contenteroit il d'une lettre 33 oïï la flatterie ne feroit pas outrée ? j'aime mieux =» qu'il foit faché que je ne lui écrive point, que 33 s'il 1'étoit de ce que je lui aurois écrit. Enfin, *> qu'il en penfe ce qu'il voudra; je fuis délivré »de eet embarras ou j'ai été fi long-tems , &c 33 dont je vous priois de me tirer. Je fouhaite »j plus a préfent que je ne craignois alors , 33 d'être expofé a tout fon reffentiment. Je fuis =» préparé a tout .. . Enfin , dans une autre occafion : cc Ne me parlez plus de cette lettre que wj'écrivois a Céfar. Ce que fes amis difent qu'il » leur mande , qu'il ne portera la guerre chez les »parthes qu'après avoir fait prendre une bonne 33 forme aux affaires de la république , je le lui con33 feillois dans cette lettre. J'ajoutois néanmoins que 33 s'il avoit un autre deffein, je lui permettois de 33 le fuivre. En effet, Céfar attend pour fe déter33 miner que je lui dife mon avis, & il ne fera 33 rien que par mes confeils. LaifTons tout cela,  de Cicéron, Liv. VIII. 3°3 „mon cher Atticus, & foyons du moins a moi- An.it*. «, rié libres. Nous ne le ferons qu'en nous taifant cic7e°r. '6lt C. Juuus 33 & en nous cachant (0)33. Oesar, Die- Cet incident, tout léger qu'il eft en apparence , 'XML fait naitre une réflexion fort naturelle fur 1'effet un, £ph que le pouvoir arbitraire a toujours eu pour la ral de u te ruine du génie & pour 1'extindtion de la vérité va & du bon fens. A peine la liberté expiroit a Rome, que nous voyons un des plus beaux efprits qui foit jamais forti du fein de la république , fi embarrafle dans fa manière d'écrire & dans le choix de fon fujet, que la crainte d'offenfer lui fait prendre le parti de fupprimer entièrement fon ouvrage. C'eft la même caufe qui a fait tomber par degrés le langage & le génie romain, de cette parfaite élégance qu'on admire dans Cicéron , jufqu'a cette grodièreté & cette barbarie qu'on trouve dans les produdions du bas empire. Céfar ne penfoit a rien moins qua fe défaire de fon pouvoir ; &c de-la venoient également les témoignages de confidération & d'amitié qu'il donnoit a Cicéron , & la^conduite froide & réfervée que Cicéron tenoit avec lui. II auroit voulu trouver quelques moyens de rendre fon autorité douce & fupportable a un citoyen, dont il connoilfoit 1'invincible averfion pour la (a) Obfecro, abjiciamus ifta & femiliberi faltem fimus: quod affequemur & tacendo & latendo, Ibid. 3 (.  304 HlSTOIRE DE LA Vl£ 'An.deR. tyrannie. II femble même qu'il le redoutoit; noü Cicer.'ez. qu'il le crüt eapable d'attenter a fa vie, mais il C^sa^dTc- appréhendoit que fes infinuations, fes railleries &C ™;£mi- fon autorité ne.fiflènt naitre a d'aurres le deffein. dus' Gêné- de c3uel(lue violence. D'ailleurs il auroit fouhaite \a!erieiaCa" ^£ Pouvoir tirer quelque témoignage public de fon approbation , & de fe procurer dans fes écrits une efpèce de recommandation a la poftérité. Cicéron voyant au contraire que Céfar ne faifoit rien pour le rétabliifement de la république, & que les premières efpérances dont il s'étoit datté s'évanouidbient de jour en jour , devint plus indifférent que jamais pour tout ce qui n'avoit point de rapport a ce but. La liberté étoit la feule con-* dition qui put lui faire accepter fincèrement 1'amitié du vainqueur, & penfer ou parler de lui refpecdueufement. II ne connoiffoit rien, hors de la, qu'il put regarder comme une faveur , puifque la recevoir d'un maïtre, c'éroit faire outrage a fa propre dignité, & déguifer fous de fauffes apparences une mifère réelle. L'étude continuoit donc d er/e fon unique reffburce. II étoit tranquiile, il fe croyoit libre, tandis qu'il s'entretenoit avec fes livres (a). Ainfi , parlant du malheur des com- (a) Ubi igitur, inquies, philofophia ? Tua quidem, in culina : mea molefta eft. Pudet enim lervire. Itaque facio me alias res agere , ne ccnvicium Platonis audiam. Ep. fam. ij, 18. joncdures  ö e C i 'c é R o" n , Liv. VUL 30$ 'jOncdures dans une lettre a Caflïus : « Vous me An. deR; *> demandez, lui dit-il, ce qu'eft devenue ma phi- cicer. 61. 33 lofophie i La votre, je le fais, eft dans votre cS'sar Dic- 33 cuifine ; mais la mienne m'eft a charge. J'ai tateurIIL j3 honte de me voir efclave, & je m'efforce de llus ï-epi- Dus.Ucné- >3 moccuper d autre chole, pour ne pas entendre «ideia c*> » les reproches de Platon 33. Avant que Céfar füt revenu d'Efpagne, Antoine quitta brufquement 1'Italie , pour lui aller faire fon compliment dans le lieu même de fes triomphes , ou du moins pour le joindre fur la route. Mais des le premier jour de fa marche, il-recut des dépêches qui 1'obligèrent de retourner fur fes pas avec la même précipitarion. Ce changement excita de nouvelles alarmes dans la ville , lur-tout entre les partifans de Pompée, qui coramencèrent a craindre férieufement qu'après avoir furmonté toutes fortes d'obftacles, Céfar ne revïnt avec la réfolution d'exercer de fang-froid une cruelle vengeance fur tous fes ennemis, ö€ qu'il n'eüt renvoyé Marc-Antoine pour faire 1'ouverture de cette fcène fanglante. Cicéron même ne fut pas fans inquiétude. Mais Balbus & Oppius fe hatèrent de 1'en délivrer (a), en lui écrivant (a) Heri cum ex aliorum literis cognovifTem de Antonii adventu , admiratus film nihil elTe in tuis. Ad Att. n , 18. De Antonio Balbus guoque ad me cum Oppio conf^ Tom Ut y  An. de R. TOS. Cicer. 61. C. juuus cesar.Dicraceur iii. m. JEmiiius Lepidus , Général de Ia Ca. yalerie. cripfit, idque tibi placuiffe, ne pertubarer. Illis egi gratias. Ibid. ip- , (a) Appellatus es de pecunia quam pro domo, pro hortis, pro feftione debebas; & ad te, ad praedes tuos milites mint. Phil. i, i». Idcirco urbem terrore noóturno , Italiam multorum dierum metu perturbafli, ne L. Plancus prxdes tuos venderet. Ibid. 3 i. (b) Quin his ipfis temporibus domum Csfaris percuË for ab ifto miüus. Deprehenfus dicebatur efle cum fica. De 30^ HlSTOIRE DE LA Vlfi les raifons du retour d'Antoine, qui n'étoieht facheufes que pour lui-même. II avoit acheté les maifons de Pompée & tous fes meubles, dans la vente que Céfar en avoit fait faire a fon retour d'Efpagne ; & fe fiant a fon crédit , il s'étoit perfuadé qu'on le difpenferoit de payer. Mais Céfar fatigué de fes extravagances & de fes débaucbes, étoit fi éloigné de lui accorder cette grace, que prenant le ton d'un maïtre abfolu, il envoya ordre a L. Plancus (a), préteur de Rome, de lui faire payer tout ce qu'il devoit, ou de s'adreifer a fes cautions, fuivant les engagemens qu'il avoit pris par fon contrat. C'étoit fur cette nouvelle qu'il étoit retourné fi promptement a Rome, pour fe garantir de 1'affront qui le menacoit, & trouver quelque moyen de fatisfaire Céfar. Mais il en conferva un reffentiment fi vif, qu'on prétend qu'il s'engagea dans une confpiration contre fa vie. Céfar du moins en (b) fit  de Cicéron, Liv. VÏ1I. 307 öuvertement fes plaintes dans 1'aflemblée du fénat. An ie R La guerre d'Efpagne ayant fini par la mort de ■ 7°sCna:us Pompee, & par la fuite de Sextus , Céfar c- ^um acheva la réponfe qu'il méditoit depuis long-tems «teut iuT a 1 eloge de Caton , & 1'envoya auffi-tot a Rome , uvs lepiou elle fut publiée. Cicéron en prit occafion «Vdêia Gade lui écrire, pour le remercier de la politeüe Vak"e' avec laquelle il étoit traité dans eet ouvrage , & (a) pour- lui faire fon compliment fur 1'élégance du dyle. Cette lettre fut communiquée encore a Balbus & a Oppius, qui 1'envoyèrent auffitót a Céfar. Dans le compte qu'il en rend a Atticus, a fi je ne vous ai pas envoyé , lui dit-il, P une copie de ma lettre a Céfar avant qu'elle quo Csfar, in fenatu, aperte in te invehens, queflus elf. Ibid. 19. (a.) Confcripfi de his libris epiflolam Cxfari, qua: deferretur ad Dolabellam , fed ejus exemplum mifi ad Balbum & Oppium , fcripfique ad eos ut tum deferri ad Dolabellam juberent meas literas , fi ipfi exemplum probaflent; ita mihi refcripferunt fe nihil unquam legiiïè melius. . ' Ad Att. 13 , 50. Ad Csfarem quam mifi epiflolam, ejus exemplum fugit me tum tibi mittere. Nee id fuit quod fufpicaris, ut me puderet tui. Nee me hercule fcripfi aliter quam fi «?po5 „, c^^.que fcriberem. Bene enim exiftimo de iflis libris, ut tibi coram. Itaque fcripfi & ttx,Aa«uT»f, & tarnen fic ut nihil eum exiftimem ledurum libentius. Ibid. ji, 1 V ij  An. ie R. 708. Cicer. 61. Coss. Q. Fabius Maximus. C. TrebO" mius. Ca) Utroque anno binos contules fubftituit fibi in ternos noviffimos menfes. Suet. Jul. Ca\f. 76, tffl8 HïSTOIRE DE LA Vlï 53 füt partie, c'ed que je n'y ai pas penfé, & ctf 33 n'eft pas, comme vous vous 1'imaginez, que 33 j'aie eu honte de vous lahTer voir une datterie 33 ridicule. Vous pouvez comprer que je lui ai 33 écrit , comme on s'écrit d'égal a égal. J'edime 33 fort fes deux livres contre Caton, comme je 33 vous 1'ai dit lorfque nous étions enfemble. II 33 n'y a donc point de datterie dans ce que je 33 lui ai écrit : cependant je 1'ai tourné de ma33 nière que je fuis perfuadé qu'il ne le lira point 33 fans plaidr 33. Céfar revint a Rome vers la fin du mois ( E CicÊRON,I/r.rIII. 31i rde fe rendre a Rome pour les feconder, en lui kn.it r. donnant les plus fortes aflurances que Céfar fe- cicér.. et. roit extrêmement fenfible a cette démarche. Ci- q. fabius céron ne pouvant deviner quel lervice on atten- c TREBOi doit de lui, s'imagina qu'il s'agiüoit de la con- NIUSfécration de quelque temple , pour laquelle on avoit befoin néceflairement de trois augures. Mais fans vouloir pénétrer plus loin , il céda enfin aux confeils de fes amis, qui 1'avoient toujours follicité d'abandonner fa folitude. S'étant rendu a Rome, il y trouva 1'occafion , peu de jours après 1'arrivée de Céfar , d'exercer fon autorité & fon éloquence en faveur de fon ami, le roi Dejotarus. Ce prince qui avoit été déja puni de fon attachement pour Pompée, par la perte d'une partie de fes états, étoit en danger de fe voir dépouillé du refte. Son petit-fils 1'accufoit d'avoir formé , quatre ans auparavant, des defleins contre la vie de Céfar, dans fon palais même , ou il 1'avoit reou a fon retour d'Egypte. Cette accufation étoit ridicule & fans fondement, mais dans fa difgrace tout étoit capable de lui nuire ; & la facilité que Céfar avoit eue a prêrer 1'oreille a fes accufateurs, marquoit non-feulement qu'il étoit mal difpofé pour lui, mais qu'il ne cherchoit peut-être qu'un prétexte pour lui enlever le refte de fes poffeffions. Brutus s'intérelfa vivement a cette caufe* y w  $ii HrsTörRE nE fcx y,^ c"t\' L°rrqU'il étoit aIJé au-devant de Céfar a fon re'2 Cossf" rour d'Efpagne, il lui avoit fait a Nice 1'apoloX^ZT Sie de Dejotarus (a) , avec une liberté qui avoit mMM" fraPPé le vainqueur, & qui lui avoit.fait découvnr mieux que jamais le caradère violent de Brutus. Le plaidoyer de Cicéron fut prononcé dans la maifon de Céfar. II y peignit avec des couleurs ü fortes la malignité de 1'accufateur , Sc 1'innocence de 1'accufé, que Céfar partagé entre la réfolution de ne pas Tabfoudre & Ia honte de le condamner, eut recours a 1'expédient de remettre fa fentence-au premier voyao-e qu'd feroit dans 1'Orient, fous prétexte de quelques informations plus exacdes qu il vouloit prendre fur les lieux (*). Cicéron fe plaint . de ce * que jamais Ie roi Dejotarus n'avoit pu obtenir * m ,udice ni faveur de Céfar , & qUC toutes les «fois qu'il avoit plaidé pour lui, ce quïl étoit ppict a faire dans toutes les occafions, il n'avoit (fl) Les pères Catrou & Rouillé ont pris cette ville pour Nicée , capicale de Eithinie; mais il efl clair que c efl Nice. O ) Quis cuiquam inimicior quam Dejotaro Caïfar > 'A quo „ec préfens nee abfens rex Dejotarus quidqua'm *qu, bon, mmetravit Ule „umquam , femper enim abfent, aftu. Dejotaro, quicquam fibi, quod nos pro illo poffularemus, jequum dixit videri, Phil. j, \7  ï) E C ï C B R Ö U , L I V, VIII. 313' » jamais réulTi a faire entendre raifon a. fon juge 33. II envoya une copie de fa harangue a ce prince> & Dolabella lui ayant demandé la même grace, il lui fit des excufes, en la lui accordant, fur la foibleffe de eet ouvrage , qu'il ne croyoit pas digne d'être ( ll' (b) Depuis Ia réformation du calendrier, cette fëte . commencoit le 17 de décembre & duroit trois jours. Ma- crob. Saturn. 1, 10. 3 peine , en me donnant une garde , & faifant 33 camper le refte de ia troupe dans la campagne 33 voifine ; de forte que ma maifon étoit fort libre. 33 Céfar demeura chez Philippus , jufqu'a une J3 heure après midi. II n'y vit perfonne, & s'oc» cupa , fi je ne me trompe , a régler des comptes J3 avec Balbus. Etant venu chez moi, il s'y mit 33 dans le bain a deux heures , il s'y fit lire (a)les 33 vers de Mamurra , qu'il écouta fans changer 33 de contenance. Après s'être fait frotter & par» fumer , il fe mit a table : un vomitif qu'il avoit 33 pris auparavant (b), le fit manger avec beau-  ce Cicéron, Liv. VIII. 315: sj coup cVappétit. II but de même , & fut d'une » humeur charmante : le fouper fut bon & bien »fervi; mais (a) pour le goüt & l'ajfaifonne33 ment, nos difcours ne le cédoient point d nos a-mets. Outre Ia table de Céfar, j'en avois trois 33 autres pour fes amis, qui ne furent pas fervies 33 avec moins de propreté Sc d'abondance. Ses »affranchis, Sc fes efclaves ne manquèrent de 3) rien non plus. Enfin je m'en fuis acquitté avec ?3 honneur. Mais en vérité ce n'eft point un hote qui étoit afiez. familière a Céfar, ( P/o Dejot. 7.) étoit commune auffi parmi les autres romains. Ils ne la croyoient pas moins favorable a leur lanté qu'a leur gourmandifeIls vomiffoient, dit Seneque , pour manger , & ils mangeoient pour vomir. ( Confol. ad Heliod. 9. ) Ainfi Vitellius, qui étoit un fameux gourmand , conferva longtems fa fanté, dit-on , par 1'ufage conflant des vomitifs, tandis qu'il ruinoit celle de les compagnons de débauche, qui n'ufoient pas du même préfervatif. Suet. n. Dio. 6<; , 734. Cette pratique palToit pour être fi excellente, que les athlètes 1'obfervoient conftamment pour entretensr leurs forces. Céfar faifoit donc une politelTe a Cicéron , en marquant par-la qu'il penfoit a bien manger & ü fe ré- jouir parfaitement. (a) C'eft une citation de Lucilius , qui n'eft pas diftinguée du texte dans les éditions de Cicéron. Sed bene coéto & Condito fermone bono , Sc fi quajris llbenter. An. de Rj 708. Cicer. 62. Coss. Q. Fabius Maximus. C. Trebo- nius.  An. de R. 708, Cicer. 61. Coss. q. Fabius Maximus. C. Trebonius. . (a) Macrob. Saturn. 1,3, Dio. pag. 126. $16 Hrsf órftS' bi? la V11 » a qui 1'on puiffe dire, faites-moi le plaifir de 33 repafler chez moi a votre retour ; une fois fuf»fit. Nous n'avons pas dit un feul mot qui eut y rapport aux afFaires. Beaucoup d'enjouement &c » de littérature. Le pafTe-tems lui a plu , & 33 le jour s'eft pafte fort agréablement. II parloit » de s'arrêter un jour a Pouzzoles , & un autre »jour a Bayes. Voila de quelle manière je 1'ai » recu. J'en ai fouftert un peu d'embarras , mais 33 fans incommodité & fans défordre En paf- 33 fant prés de la maifon de Dolabella, fon efcorte 33 le fuivoit a dïoite &z a gauche, ce qu'on na 33 remarqué dans aucun autre lieu. C'eft de Nicius 33 que je tiens cette circonftance 33. Le dernier jour de décembre, le conful Q. Fabius mourut fubitement pendant 1'abfence de fon collègue ; &z fa mort ayant été déclarée le matin , Céfar lui donna pour fucceffeur a une heure après midi , C. Caninius Rebilus, dont 1'office ne devoit durer quele refte du même jour. Cette profanation de la première dignité de 1'empire excita 1'indignation de tous les citoyens, 8c Ia raillerie tomba de tous cótés fur un confulat fi ridicule. On nous a confervé ( a ) une partie des bons mots qu'il fit naitre , & Cicéron qui y eut  de Cicéron,!/^ TlH. 31? plus de part qu'un autre , en rapporte lui-même A*Je r. quelques uns dans une lettre a Curius. "cm*! Q. Fabius Cicéron d Curius. maximus. C. TREBOt Loin de vous confeiller (a) comme )ai fait julqu'a préfent, & de vous prelTer de nous rejoindre, je penfe plutöt a me retirer moi-même dans quelque lieu oü je nemende plus ni les noms ni les a&ions de ces enfans de Pélops. Vous ne fauriez croire combien je fuis dégradé a mes propres yeux depuis que j'ai été préfent a tout ce qui s'eft pafte. Vous en aviez fans doute quelque preflentiment, lorfque vous avez pris le parti de nous quitter, 8C c'eft peut-être ce qui vous a fait prefler votre depart ; car s'il eft facheux d'entendre le récit de ces ridicules incidens, il eft bien plus infupportabie d'en être témoin. C'eft donc un bonheur pour vous de ne vous être pas trouvé au champ de mars, lorfqu'a fept heures du matin s & dans le tems qu'on alloit faire 1'élection des quefteurs, la chaire de Q. Maximus (3),a qui 1'on donnoit le nom de con- r» Epift. fam. 7, 30» (b) Cicéron refufé le nom de conful a un homme qui 1'étoit de cette facon ; & Suetone rapporte que les officiers de Fabius ayant crié fuivant 1'ufage, lorfqu'il entroit au théatre , fakes place au conful, le peuple répondit tout d'une vol:; qu'il n'étoit pas conful, Suet. JÜU Caf. 80.  318 Histoire u e r,A Vie fid, fut pofée a fa place. Mais fa mort ayant été Cjcer. 6z. immédiatement déclarée, on vit difparoitre auffi- Q. Fabius tót la chaire. Céfar, qui avoit pris les aufpices pour Maximus. , .; , _ r r c. trebo- une allemblee des tribus, ne lailfa pas de la chan- ger en une alfemblée de centuries ; & vers une heure après midi, il nomma un nouveau conful, pour gouverner 1'état jufqu'a une heure après minuit. II faut donc que je vous apprenne que pendant le confulat de Caninius, perfonne n'a dfné; & qu'il ne s'eft pas commis le moindre crime fous fon adminiftration, car il a été fi vigilant, qu'il ne s'eft pas abandonné un feul moment au fommeil. Ces récits vous paroiflent ridicules, a vous qui êtes abfent, mais fi vous étiez avec nous,le fpectacle vous arracheroit des larmes. Que vous dirai-je du refte 3 Car il y a mille faits de la même nature, que je n'aurois pas en vérité la force de fupporter, fi je ne m'étois pas réfugié dans le port de la philofophie , avec notre ami Atticus, le fidelle compagnon de toutes mes études. Adieu. Céfar avoit tant d'amis & de créatures, qui attendoient de lui le confulat pour récompenfe de leurs fervices, qu'il lui étoit impoifible de les élever tous régulièrement a eet honneur. II prenoit ainfi 1'occafion d'en favorifer les uns pour quelques mois, d'autres pour quelques femaines, quelquesuns pour un jour, & comme ce n'étoit plus qu'un vain nom qui n'étoit accompagné d'aucun pouvoir,  ï5e Cicéron, Liv. VUL 319 \l lui importoit peu pour quel tems il 1'accordoit; d'autant plus que 1'efpace le plus court donnoit les mêmes droits que le plus long, & que celui qui étoit une fois nommé conful, jouifldit (a) enfuite du cara&ère & du rang de fenateur confulaire. A 1'ouverture de la nouvelle année , Céfar fe revêtit pour la cinquième fois de la dignité confulaire , & choidt Mare-Antoine pour fon collègue. II avoit promis a Dolabella la place qu'il prit pour lui-même, & ce changement fut 1'effet des artifices d'Antoine, qui ne pouvant voir la faveur de Dolabella fans jaloufie, s'étoit efforcé d'infpirer des défiances a Céfar. Elles avoient donné lieu fans doute aux précautions offenfantes que Céfar. avoit gardées en palfant dans le voifinage de fa maifon. Dolabella fut fi vivement touché de ces outrages, que fon indignation le conduifit au fénat, ou n'ayant point la hardiefle de s'emporter contre Céfar, il fit un difcours fort injurieux contre Antoine. Cette querelle produifit entr'eux des exces fi violens, que pour les terminer, Céfar promit de réGgner fa place a Dolabella , (b) lorf- (a) Dio. 440. (b) Cum Caefar oflendiiïèt , fe, priufquam proficifceretur, Dolabellam confulem effe juffurum, hic bonus augur eo fe facerdotio prseditum effe dixit, ut comitia aufpïciis vel impedire, vel vitiare polfet; idque fe facïurun afleveravit. Phil. 1, 3 2. An. de R.' . 7<=9Cicer. 63. Coss. C. JULIUS C^sar V. Marc Anï TONIUS. I  An. de R. _ 7°?Cicer. 63. Coss. C. Juuus Cssar V. Marc. An,TOMUS. i (a) Frequentifïimo fenatu hanc tibi effè cum Dolabella caufam odii dicere aufus es, quod ab eo forori & uxori tux fluprum oblatum effe comperifles. Ibid. 1,38. (b) Qua: omnia , velut infuke, in defiinatam motti viclimam congerebantur. Flor. 4,1, e CicÉKDN, Liv. F HL fH &oit abandonnée perpécuellement. Cicéron s'efforcade ramener tous ces exces (a) aux bornes de la raifon. Mais fes efforts furent inutiles. Céfar avoit autant d'avidité pour recevoir , qu'on marquoit d'ardeur a lui faire fans cefle de nouvelles offres. II fembloit qu'il Voulut eflayer jufqu'ou 1'adulation pouvoit être portee par des hommes tels que les romains. Après avoir obtenu tout ce qu'il pouvoir défirer, & lorfque rien ne manquoit effecïivement a fon pouvoir, fon ambition lui fuggéra qu'elle avoit befoin d'un titre, fans lui laiffer aftêz de prudence pour confidérer qu'il n'en pouvoit recueillir que de la haine & de 1'envie. Enfin, il fouhaita d'être nommé roi. Plutarque admire la folie du peuple romain , qui ne put entendre ce nom fans horreur , lorfqu'il fouffroit avec tant de patience tous les effets du gouvernement abfolu. Mais s'il y avoit quelqu'un de réellement ihfenfé, c'étoit Céfar. II eft naturel a la multitude de fe Iaifler gouverner par des noms : au lieu qu'on ne fauroit excufer un homme tel que Céfar, d'avoir attaché tant de prix a un vain titre, qui, loin d'ajouter quelque chofe a fa puiftance ou a fa gloire, fembloit bien plus propre a diminuer cette fupériorité de ia) Plutarq. Vie de Céfar. Tome III. X An. de R, 709. Cicer. 6j. Coss. C. JULIUS C>ESAR V. MARC. ANS TONiyS,  An. HeR. -oj. Cicer. 6). Coss. C. juuus CAESAR V. Marc. An" ton1us. (a) Quintus pater quartum, vel potius millelïmum nihil fapit, qui Isetetur Luperco filio & Statio , ut cernat duplici dedecore cumulatam domum. Ad Att. u, f. (b) Sedebat in roftris collega mus, amictus toga purpurea in fella aurea , coronatus : afcendis, accedis ad leïlam, diadema oftendis : gemitus toto foro Tu diadema iraponebas cum plangore populi, ille cum plaufïi rejiciebat. At etiam adfcribi juiTit in faftis : ad Lupercalia C. Czfari, diftatori perpetuo , M. Antonium confulem populi juiïu regnum detuliflè, Csiarem uti noluiiïe. Phil. i, 34. Quod ab eo ita repulfum erat ut non offenfus videretur* Veü.Pat. i>%6. 31Z HlSTOIRË DE LA Vrï crrandeur &c de dignité dont il étoit réellemênC en pofleffion. Entre les flatteries qu'on inventoit chaque jour pour lui plaire, on inditua a fon honneur une nouvelle fociété de Luperciens, qui port» fon nom, & dont Marc-Antoine fut le chef. Le jeune Quintus Cicéron s'y fit admettre (a) , du confentement de fon père, mais contre finclination de fon oncle , qui traita non-feulemenc de flatterie , mais d'indécence dans un jeune homme de fon rang, de s'allier a des gens fi immodeftes , qu'ils couroient nuds dans les rues de Rome , avec des mouvemens qui approchoient de la fureur. L'ouverture de cette fête fe fit au mois de février. Céfar, vêtu de fa robe triomphale ( b ) , s'aflit dans une chaire d'or, fur la tri-  de Cicsron, Liv. VUL 3i$' bune aux harangues, pour jouir du fpeótacle des courfes, tandis que le conful Antoine s'avancant a la téte d'une troupe de fes affociés, vint lui faire i'offfe du diadême royal, & tenta de le lux mettre fur la tcte. Mais cette entreprife ne fut recue de l'affemblée qu'avec un profond gémiffemenr. Céfar qui s'en appercut rejeta audïtöt les offres d'Antoine, & fon refus lui attira des acclamations univerfelies. Cependant Antoine eut la hardieffe de faire mettre dans les a&es publics, que par le commandement du peuple, il avoit offert a Céfar le titre & le pouvoir de roi, & que Céfar n'avoit pas voulu 1'accepter. Deux tribuns , Marcellus & Cefetius , ne fe bornèrent point comme le peuple , a marquer leur mécontentement par leur filence. Ils arrachèrent le diadême qui avoit été mis fecrètement fur la flatue de Céfar, ils firent arrêter ceux qu'ils foupconnoient de cette acdion , & déclarant que Céfar (a) même avoit en horreur le titre de roi, ils imposèrent un chatiment public a quelques citoyens qui 1'avoient falué de ce nom dans les rues. Une oppofition fi formelle irrita Céfar jufqu'a le faire fortir des bornes de fa modération ordinaire. II accufa les deux tribuns d'avoit f ) Proximo autem fenatu L.. Cottam Quindecimyirum fententiam d.ifturum , ut quoniam libris fatalibus HiSTÖIllt DE L" A' V ï Ê voulu foulever le peuple contre lui, en perfuadant a la ville qu'il afpiroit au titre de roi. Mais lorfque le fénat lui parut difpofé a les faire punir rigoureufement, il fe contenta de les dépouiller de leur magidrature & de leur öter la qualité de fénateurs •, nouvelle preuve pour le peuple , qu'il dédroit ardemment un nom qu'il feignoit de méprifer. II avoit achevé tous fes préparatifs pour 1'expédition contre les parthes. Ses légions étoieni déja parties pour la Macédoine. II avoit réglé pout deux ans la fucceffion des magiftrats ( g C i c i r o n, L i v. VIII. $z$ les parches ne pouvoient être vaincus que par un roi; & fur ce fondement, Cotta qui étoic chargé de la garde de ces livres facrés , devoit propofer au fénat de lui offiir la dignité royale. Cicéron parlant de ce deffein dans la fuite, dit qu'on s'étoit adez attendu qu'il paroitroit quelque témoignage forgé, pour foutenir les prétentions de Céfar : « mais accordons-nous, dit-il, avec les » pontifes, & convenons avec eux qu'ils tireront » de leurs livres toute autre chofe qu'un roi , car » ni les hommes ni les dieux n'en fouffriront plus p a Rome (a) ». On auroit pu s'attendre qu'après avoir eiTuyé tant de fatigues & de dangers, après avoir employé tant d'efforts & tant d'années a s'ouvrir le chemin de 1'empire , Céfar, qui approchoit de la vieillefle, prendroit le parti de palier le réde de fes jours dans la polTedion tranquille des honneurs & des plaids que le pouvoir abfolu &c la contineretur, parthos non nifi a rege pofle vinei, Cseiar rex appellaretur. Suec. ï. 70. Deo. 247. (a) Quorum interpres nuper falfa qusedam hominum fama di&urus in fenatu putabatur, eum quem revera rsgem habebamus, appeilandum quoque efle regem , 17 falvi eüe vellemus Cum antiftibus agamus ut quidvis potiiis exillis libris quam regem proferant , quem Romx pofthac pee dii nee homines efle patientur. De Dlvin. 2,34. An. de r; 709. Cicer. €}. Coss. C. JüLlUS Zesar V. MARC. AN* roNiuSi  An. de R. , 7°SCicer. 65. Coss. C. Juuus C.KSAR V. Marc. An.TgNIUS. (a) Qua? caufa conjuratis fuit maturandi dcftinata negotia , ne afïentiri neceue effet. Sicet. Juli Ctef. 80. Dio. P> 147. HlSTOIRl DE CA ViB gouvernement du monde fembloit lui ofFrjr. Mafs au milieu de toute fa gloire, il ne connoilfoit point encore le repos. II voyoit le peuple mal difpofé pour lui, Sc révolté au fond contre fon autorité. Si la magnificence des fêtes & des fpecracles amufoit un moment la ville, elle retomboit bientót dans le regret d'avoir payé ces plaiHrs trop cher. II paroït donc que 1'expédition contre les parthes ne fut qu'un prétexte politique pour s'éloigner pendant quelque terns de Rome , Sc laiffer a fes miniftres 1'exercice d'un pouvoir odieux, tandis que s'occupant a cueillir de nouveaux lauriers, Sc réparant les perres de 1'empire par la défaite de fes plus redoutables ennemis, il tacheroit de faire goüter aux romains un règne auffi glorieux au dehors que doux Sc clément dans leurs murs. Mais une ardeur trop impatiente de fe vofr revêtu du titre de roi, renverfa tous fes projets Sc précipita fa malheureufe caradrcphe. Les nobles qui en vouloient depuis long-tems a fa vie , fe virent forcés de hater 1'exécution de leur complot (ü), pour éviter la honte de concourir  de Cicéron, L/r. VIII. 327 eux-mêmes a lui aflurer un nom qu'ils déteftoient; & les deux Brutus, qui devoient tout 1'honneur de leur fang a 1'ancienne expulfion des rois, n'en purent regarder le rétabliiTement que comme une infamie perfonnelle , qui fouilleroit éternellement leur nom. Suétone adure qu'il y eut plus de (a) foixante perfonnes engagées dans la confpiration, la plupart fénateurs & confulaires; mais les deux principaux chefs furent M. Brutus & C. Caffius. M. Junius Brutus étoit agé d'environ quarante ans. II defcendoit en ligne directe (b) de L. (a) Cor.fpiratum efl in eum a fexaginta amplius, C. Cafïio , Marcoque & Decimo Bruto principibus confpirationis. Suet. 18. (b) Quelques anciens écrivains ont révoqué en doute l'extraóü'on de Brutus , particuïièrement Denis d'Haiicarn'lTe, critique fort judicieux. Cependant Brutus n'efTuya 1.5-defius aucune contradidion pendant fa vie. Cicéron en parle comme d'une chofe qui n'étoit pas douteuïe. II cite fouvent 1'image du vieux Brutus, que Marcus avoit chez, lui comme celles de tous fes ancctres, & Atticus qui étoit fort verfé dans les gén:a!ogies, avoit drslTé celle de Brutus , qu'il faifoit defcendre de père en fils du premier conful d* Rome. Conu Nep. Vil. Att. r8. Tufcul. difp. 41. Brutus étoit né fous le troifième confulat de L. Cornelius Cinna , & celui de Cn. Papïrius Carbo , 1'an de Rome 688, ce qui réfute aifez 1'opinion vulgaire qu'il étoit fils de Céfar, puifqu'il n'avoit que quinze ans moins que lui, & qu'on ce peut fuppofer que la familiarité de Servilia fa mère avec X i% An. de R. 709. Cicer. £$. Coss. c. jul1us Cksar V. Marg. Antonius.  An. de R. 709. Cicer. 6f. Coss. C. Juuus C.ksar v. Marc. Antonius. Cétar, eut commencé avant la mort de Cornelia, que Céfar avoit époufée dans 1 'age le plus tendre, qu'il avoit aiméepafflonnément, & dont il fit l'oraifon funèbre pendant fa quefiure, c'eft-a-dire , a 1'age de trente ans. Vid. J. C&f. e. i, 6 , $0, Brut. Suet. p. 343 , 447 , & Corfadi $.Totas. 32S Histoike de iï Vie Brutus, premier conful de Rome, qui avoic chaffé Tarquin & rendu les romains un peuple libre. Ayant perdu fon père dans fa première jeunede, il avoit trouve dans M. Caton , fon oncle , un tuteur fage & éclairé , qui en le faifant élever dans 1'érude des bellesdettresy Sc fur-rout dans celle de leloquence Sc de la philofophie , s'étoit chargé lui-même de lui infpirer 1'amour de la liberté Sc de la vertu. Les qualités naturelles de Brutus lui acquirent aurant de diftincrion que fon indudrie & fon travail. II seroit fait un nom au barreau dans 1'age ou 1'on commencé a peine a connoïtre les afFaires. Sa manière de parler étoit correcte , élégante , judicieufe, mais elle manquoit de cette force Sc de cette abondance qui eft néceflaire a la perfeélion de 1'orateur. Son étude favorite étoit la philofophie. Quoiqu'il fit prófeffion de la fecle la plus modérée , qui étoit celle des académiciens, fa gravité naturelle, Sc 1'exemple de Caton fon oncle lui faifoit afFecler la févériré des ftoïciens; mais :ette afFectation lui réuffiffoit mal, car il étoic  t> e C i c i. r o n , L i v. VIII. 319' Vf un caracTxre doux , porté a la clémence , &z An. de R; fouvent même la tendrelfe de fon naturel lui fit cicer?'*». démentir publiquement la rigueur de fes princi- c?Jötio» pes. Quoique fa mère fut liée fort étroitement avec C^KC ^ Céfar , il avoit toujours été fi attaché au parti tomus. de la liberté , que fa haine contre Pompée ne 1'avoit point empêché de fe déclarer pour lui. Au combat de Pharfale, Céfar qui 1'aimoit particulièrement, avoit donné ordre qu'il füt épargné; & lorfque les redes du parti vaincu pafsèrent en Afrique , la générofité du vainqueur eut autant de force que les larmes de Servilia , pour lui faire abandonner les armes & le faire retourner en Italië. On lui ofFrit tous les honneurs qui pouvoient le confoler du malheur de fa patrie : mais 1'indignité de recevoir d'un maitre ce qu'il n'auroit voulu devoir qu'au choix libre de fes concitoyens, lui caufa toujours plus de chagrin que ces diftinctions ne lui auroient apporté de plaifir •, fans compter que la deftrucdion de fes meiüeurs amis lui infpiroit pour la caufe de tant d'infortunés, une horreur aue les faveurs & les carefTes ne purent jamais furfnonter. II fe conduifit donc avec beaucoup de réferve pendant le règne de Céfar, vivant éloigné de la cour , fans prétendre aucune part aux confeils; & lorfqu'il s'étoit cru obligé de prendre la défenfe du roi Déjotarus, il avoit convaincu Céfar qu'il n'y avoit pas de  'An. de R. Cicer. Cj. Coss. C. JULIUS CAESAR V. MARC. ANJTONIUS. (a) Natura admirabHis & exquiiv.a doftrina, & fïngu'arïs indufma. Cum enim in maximis caufis verfams effes, ^30 HlStOIRE Bï LA Vil* bienfaits qui pulfent lui faire oublier qu'il n'étoit pas libre. Dans eet intervalle il avoit cultivé 1'amitié de Cicéron, dont il favoit que les principes ne s'accordoient pas plus que les flens avec les mefures du vainqueur, & dans le fein duquel il verfoit volontiers fes plaintes fur le miférable état de la république. Ce fut peut-être par ces conférences , autant que par le mécontentement général des honnêtes gens, qu'il fut animé dans le deffein de rendre la liberté a fa patrie. II avoit défendu publiquement Milon , après le meurtre de Clodius , par cette maxime qu'il foutenoit fans exception, que ceux qui violent habitueliement les loix , & qui ne peuvent être répriraés par la judice, doivent être punis fans aucune forme de proces. C'étoit le cas de Céfar, beaucoup plus que celui de Clodius, car fon pouvoir le rendoit fi fupérieur aux loix, que 1'affaffinat éroit 1'unique moven de le punir. Audi Brutus n'eut-il pas d'autre motif \ & Mare-Antoine fut alfez jufte pour dire de lui, qu'il étoit le feul des conjurés qui fut entré dans la confpiration par principes, tandis que les autres n'avoient fuivi que des mouvemens particuliers de haine & de malignité (ci). Ils s'étoient ligués  to e C i c è r" o n , L i r. VUL. 3 3 r contre Céfar ; mais Brutus n'en vouloit qu'au tyran. Caius Caffius defcendoit auffi d'une familie ancienne , & didinguée par fon zèle pour la liberté publique. On rapporte de Sp. Caffius , un de fes ancêrres, qu'après avoir obtenu 1'honneur du triomphe, & s'être vu trois fois revêtu de la dignité de conful, il fut tué par fon propre père, pour avoir afpiré au pouvoir abfolu. Caius avoit marqué dès fon enfance ce qu'on devoit attendre un jour de 1'élévation de fon efprit & de fon amour pour la liberté. Etant aux écoles avec Faudus, fils de Sylla, il fut fi indigné de lui entendre vanter Je pouvoir & la grandeur de fon père, qu'il lui donna un fbufflet; & lorfque Pompée les eut fait venir devant lui tous deux, pour prendre connoilfance de cette querelle, il &c. Brut. 16. Quo magis tuum, Brute, judicium probo , qui eorum , id eft ex vetere academia, philofophorum fectam (ecutus es, quorum in do&rina & praxeptis diffèrendi ratio conjungitur cum füavitate dicendi & copia. Brut. 19. Nam cum inambularem in Xifto, ad me Brutus, utï confueverat, cum T. Pomponio venerat. Brut. 13. Tum Brutus, itaque doleo & illius confïlio & tua voce populum romanum carere tandiu. Quod cum per Ce dolendum eft, tum rnulto magis confïderanti ad quos ifta non tranflata fint, fed nefcio quo paéro devenerint. Brut, 169. Plutarq. Vie de Brutus. Appian. p. 498. An. cte R.' _ 709. Cicer. 63. Coss. C. Juuus ^KSAIl V. Marc. Anr.oNius.  An. de r. 709. Cicer. 63. Coss. C. JULIUS CAESAR V. Marc. An- .T0N1US. rj3z Histqire de la Vie déclara en fa préfence, que fi Fauftus avoit la hardieife de tenir encore le même difcours , il ne le ménageroit pas davantage. II avoit fignalé fon courage dans la guerre contre les parthes, fous Ie commandement de CralTus, dont il étoit quefteur ; & eet infortuné général auroit fauvé fa vie & fon armée s'il eut fuivi fes confeils. Après la défaite des troupes romaines, il avoit fait une retraite honorable en Syrië avec le refte de fes légions. Enfuite fe voyant pourfuivi par les parthes , qui le bloquèrent dans Antioche , il profita fi habilement de leurs fautes, que nonfeulement il fauva cette ville 8c toute la province , mais qu'il remporta fur eux une vlrdoire confidérable , dans laquelle ils perdirent leur général. Dans la guerre civiie il raftembla quelques débris de la malheureufe journée de Pharfale , qu'il embarqua fur dix-fept vaiffeaux, avec lefquels il gagna les córes de 1'Afie , pour y renouveler fes efforts contre Céfar. Mais les hiftoriens nous racontent qu'ayant rencontré ce terrible vainqueur fur 1'Hellefpont, dans une barque de paflage ou il pouvoit facilement lui öter la vie, il fut au contraire fi effrayé de cette rencontre , qu'il lui livra lachement fa fiotte. Ce récit, quoique bien attefté, paroit incroyable d'un homme tel que Caffius, fur-tout lorfqu'on le trouve tout-a.-fait différent dans Cicéron, E&  'v>t Cicéron, Liv. VUL 'cffèt, on lit dans la feconde philippique, que Caffius étant averd de 1'approche de Céfar, 1'attendic dans une bate de Cilicie, a 1'emboucbure du Cydnus, avec la ferme efpérance de le furprendre & de 1'accabler ; mais que 1'heureux Céfar débarqua fur une rive oppofée ; &c que Caffius ayant manqué fon deffein, & voyant 1'ennemï dans un lieu qui s'étoit déclaré pour lui, fe crue alors forcé de faire auffi fa paix en le joignanc avec fa flotte. II époufa Tertia , fceur de Brutus, ce qui fervit fans doute a le lier plus étroitement avec lui qu'on n'auroit pu 1'attendre de la différence de leurs caraóhères 8c de leurs principes philofophiques. Ils fe conduifirent toujours dans les mêmes vues 8c par les mêmes confeils. Caffius avoit du courage, de 1'efprit, & du favoir (a); mais il avoit 1'humeur violente & cruelle. (a) C. Caffius in ea familia natus qux non modo domi-; ïiatum , led ne potentiam quidem cujufquam ferre potuit. P/ii2. z , 11. Quem ubi primum magiflratu abiit damnatumque confiat, funt qui patrem au&orem ejus lupplicii ferant. Eum cognita domi caufa verberafTe ac necafle, peculiumque filü Cereri confècrafle. Liv. * 41. Cujus filium Fauflum C. Caffius condifcipulum fuum , in fchola >, profcriptionem paternam laudantem colapho percuffit. Val. Max. 3 , 1. Plutarq. Vie de Brutus. Reliquas legionum C Caffius qusfior confervavit, Syriamque adeo in populi jomani poteflate retinuit, ut tranfgrelïbs in eum parthos An. de R,1 703. Cicer. Coss. C. Juxiust :esar v. Marc. An» IONIUS,  An. de R. 7°SCicer. 6j. Coss. C. Juiius Cjesar V. Marc. An- s o ni u's. felici rerum eventu fugaret ac funderet. 7^//. Paf. z,^6. J«*t£ r*, 14- ^/f?- i* 483. i5/o.4i , 188. Ja• Plurefque percufibrum in tutoribus filiis nominavit: Decimum Brutum etiam in lecundishsredibus. Suet. J. Ca:/. 83. Caf. Comm. de Bell. civïl. liv. ï. Plutarq. Vie de Brutus. App.p. 497, 5"18- Diom liv. 44, 147, &c. D. Brutus Decimus Brutus, cum Crefaris primus omnium amïcorum fuiuêt, mterfeftor fait. Veil. Pat. 1, 64. nairs •J 3 ) , les conjurés fe blefsèrent les uns les autres.  b e C i c ê r ö n , I j r. VUL J4J Ainfi mourut le plus illuftre des romains. Jamais conquérant n'avoit élevé fi haut fa gloire & fa puiflance-, mais pour former ce merveilleux édifice, il avoit caufé plus de ravage & de défolation dans le monde, qu'on n'en avoit jamais vu peut-être avanr lui. II fe vantoit que fa conquête (a) des Gaules avoit coütéla vie a pres de douze eens mille hommes; 8c fi 1'on joint a ce nombre les pertes de la république, qui doivent être évaluées par une autre règle, c'eft-a-dire, par le mérite des citoyens , dont la vie étoit bien d'un autre prix, on peut fans difficulté le faire monter au doublé. Cependant après s'être ouvert le chemin a 1'empire, par une fuite continuelle 8c toujours redoublée de rapines, de violences 8c de maffacres, il ne goüta guère (b) plus de cinq mois la douceur d'un gouvernement tranquille. II réunifibit dans fon caraólère les plus grandes 8c les plus nobles qualités qui puiffent faire honneur a la nature humaine, 8c donner a un homme de 1'afcendant fur les créatures de fon efpèce. II n'excelloit pas moins dans la guerre que dans la (a) Undecies centena & nonaginta duo hominum miilia occifa praelüs ab eo, quod ita effe confeiïus eft ipfe , bellorum civilium ftragem non prodendo. Plhu Hifi. 7 , 'b) Neque illi; tanto viro plufquam quinque men? iïum principalis qujes contigit. Veil. Pat. i, 56. Ar. de R. 705. Cicer. 6%. Coss. C. Juuus C«sar V. Marc. An* TONIUS.  An. de R. Cicer. «3. Coss. C. Juuus Zksav v. Marc. Anrofjius. (a) Ce fut dans cette occafïon que Céfar fit a Cicéron le compliment dont parle Pline ; qu'il avoit acquis un laurier d'autant plus fupérieur a ceux du triomphe, qu'il étoit pjus g'orieux d'étendre 1'efprit de Rome que fon empire. Bi/l. Nai, 7, 50, «544 HlSTOlKÊ DE LA Vil? paix : fes vues Sc fes raifonnemens étoient admirables au confeil j fon inrrépidité, merveiileufe dans 1'aétion; Sc lorfqu'il étoit queftion d'exécuter ce qu'il avoit une fois jugé néceffaire, jamais perfonne ne joignit li parfaitement la diligence a la fermeté. Ami trop généreux capable de pardonner a fes plus mortels ennemis : Sc pour les talens naturels qui étoient en honneur a Rome , tels que le favoir & 1'éloquence , ne le cédant prefqu'a perfonne. Ses oraifons fe firent admirer par deux qualités , qui ne fe trouvent guère réunies , ia force & i'éiégance. Cicéron le met au rang des plus fameux orateurs qui foient jamais forris du fein de Rome , Sc Quintilien affure qu'il parloit avec autant de' force qu'il favoit combattre , & que s'il ent donné toute fon application au barreau , il auroit été le feul rival de Cicéron. Son efprit n'étoit pas borné aux belles-lettres. II étoit capable des plus hautes abftracrions de la philofophie, Sc toutes les autres parties du favoir ne lui étoient pas moins familières. Entre plufieurs ouvrages il avoit (a) publié deux  de Cicéron, Liv. VUL 345 livres, dédiés a Cicéron, fur 1'analogie du langage , ou fur 1'arc de parler & d'écrire correctement. Sa proteóïion & fes faveurs étoient ailuxées aux gens d'efprit & de favoir, dans quelque fituation qu'il les trouvat; & fa paffion pour le mérite lui faifoit pardonner facilement les injures a ceux dont il admiroit les talens. Ses deux défauts , li ce nom ne paroit pas choquant a ceux qui les prendroient volontiers pour des vertus, étoient 1'ambition & 1'amour du plaifir. II s'y livra fans réferve , mais tour a tour ; & le premier emporta condamment la balance , car dans toutes fes entreprifes le plaifir fut toujours facrifié a 1'ambition , & le travail ni les dangers ne 1'arrêtèrent jamais quand il vit quelque chofe a prétendre pour la gloire. La tyrannie, fuivant le langage de Cicéron , étoit fa première divinité, II citoit fouvent ce vers d'Euripide, qui peignoit fort bien le caradère de fon cceur : Si k vérité & la juftice doivent être violées , cej, k pour régner. Toutes fes vues, tous fes défirs s'étoient rapportés a ce terme. II avoit travaill fur le même plan dès fa première jeunede •, £ Caton , qui le connoilfoit, avoit raifon de dire qu'il s'étoit appliqué de fang-froid & par un méditation fobre a ruiner la république; il répf toit fouvent qu'il n'y avoit que deux moyens poi acquérir du pouvoir & pour le conferver ; d< An. ie r. 709. Cicer. «3Coss.C. jux1us Cmsam V. Marc. an* To^IUS. l I r > 0 ir s  34^ HlSTOIRË de £a Vié An. de R. foldats & de Vargent ; mais cju'ils dépendoient Cicer. V3. 1'un de 1'aurre; c'eft-d-dire , qu'avec de l'arjrenc COSS. ., f . , , , r- c.suuvs 11 le procuroit des troupes, & quavec le fecours 'makc. a'n- ^e *"es trouPes il amadbit de 1'argent. II étoit omus. efFecdivement d'une avidité extréme au pillage. Amis, ennemis, il n'épargnoit ni états, ni princes, ni temples (a) , ni particuliers. Tout de- {a) De Cxlare & ipfe ita judico. .v... illum omnium fere oratorum latine loqui elegantiffime , & id multis literis, & iis quidem reconditis & exquifitis, fummoque ftudio ac diligentia efl confêcutus. Brut. 370. C. vero Ca;far, fi foro tantum vacaflèt, non alius ex noftris contra Ciceroriem nominaretur , tanta in eo vis efl , id acumen , ea concitatio, ut illum eodem animo dixiffè quo bellavit, appareat. Quiru'd. 10 , 1. C. Cxfar in libris quos ad M. Ciceronem de analogia contcripfit, &c. Aul. Geil. 19, 8. Quin etiam in maximis occupationibus, cum ad te ipfum, inquit, de ratione latine loquendi accuratiffime fcriplerit. Brut. ;7o. Suet. <;6. In Caefare haec funt; mitis , cle- menfque natura accedit quod mirifice ingeniis excel- Ient'bus quale tuum efl , deleétatur eodem fonte le hauftcrrum intelligit laudes fuas è quo fit leviter afperfus. Ep. fam. 6, 6. Ad Att. 7 , li. Ipfe autem in ore femper grsecos verfus de Phaniflis habebat : Nam fi violandum efl jus, regnandi gratia violandum eft: afiis rebus pietatem colas. Offic. 3,11. Cato dixit C. Casfarem ad evertendam rempublicam fobrium acceffiflè. Quint. liv. 8, i. Abftinentiam, neque in imperiis neque in magiftratibus. praeflitit...... In Gallia , fana templaque deumdonis  tot Ci e I rö n fL* r. rïH 347 yenoit égal a fes yeux, lorfquil avoit quelqu'efpérance de grofiir fon tréfor. Son mérite n auroit pu manquer de le rendre un des premiers citoyens de Rome, s'il eüt été capable de fe réduire a la qualité de fujet. Mais il n'avoit de gout que pour 1'autorité fouveraine. La prudence lui manqua feulement dans les mefurcs qu'il prit pour s'y élever, comme fi la hauteur de ce rang eut troublé fes yeux & fa raifon \ car il dérruifit la folidité de fon pouvoir par une vaine odentation; & femblable a ceux qui abrégent leur vie en fe Mtant trop de vivre , il accourcit fon règne , par 1'exceffive avidité qu'il eut de régner (ü). Ce fut un problême après fa mort, üc TiteLive fe le propofe férieufement , fi c'éroit un bien pour la république qu'il rut jamais né. La queftion ne tomboit pas fur les aéfions de fa vie, car ily auroit eu peu de difficulté , mais fur les effets quelles produifirent après lui, c'eft-a-dire , fur 1'établdfement d'Augufte & fur les avantages d'un gouvernement qui avoit fa fource dans la tyrannie. Suétone , qui approfondit le caratfère de Céfar, avec cette liberté qui a diftingué 1'heu- refertaexpilavit, urbem diruit; fepius ob prxdam qu5m deliftum evidentiffimis rapinis ac facrilegüs oner* bellorum civilium fuftlnuit. Suet. c. 54- lo8(a) Senec. Nat. Quxfl. Uv. s, 18 , pag- 766. An. de R. 709. Cicer. 63. Coss. C. juuus Cjesak V. Mahc. Ak TONICS.  Ad. de R. 709. Cicer. 6j. Coss, C. JUUU C.KSAR V. Marc. An tonius. (a) Pragravant tarnen ccctera faóta , dictaque ejus ut & abufus dominatione & jure cxfus exiftimetur. Suet. c. 76. rincipes d'une meilleuregrammaire que la denne. in fe défaifant de fa garde, il avoit cru devoir enoncer a 1'autorité abfolue : au lieu que Céfar 1 avoit pu commettre un plus dangereux folécifme  de Cicéron, Liv. VIII. 35* en policique , quën confervant 1'une fans 1'autre. Cëtoit augmenter la haine publique Sc fe priver du feul moyen de s'en défendre. II fit pendant fon adminillration quantité d'excellentes loix pour le rétabliffement de la difcipline. On regarde comme la plus utile , celle qui bornoit (a) le gouvernement des provinces préroriennes a lëfpace d'un an, Sc les gouvernemens confulaires a deux ans. Cicéron avoit fouhaité une loi de cette nature dans les plus heuJ reux tems de la liberté ; Sc le plus grand didtateur de 1'ancienne république (b) avoit penfé avant lui, « que la fdreté de 1'état confiftoit particu» lièrement a ne jamais perpétuer les commande» mens arbitraires, Sc a les bomer pourle tems „ s'il n'étoit pas podible d'en limiter le pouvoir »; Céfar connoilfoit par fa propre expérience que la prolongation de ces pouvoirs Sc 1'habitude ^ de gouverner des royaumes ne manquoient pas d'inf- (a) Phil. 1, 8. Sueton. Jul. CxC. 41 , 43(A) Qux lex melior , utilior, optima etiam republica fepiusflagitata quam ne prartori» provincis plufquam annum, neve plufquam biennium confulai-es obtinerentur. PMi ï 8. Mamercus jEmilius maximam alt ejus cuftodiam ede, fi'magna imperia diuturna non effent, & temporis modus imponeren», quibus jur.is impord non poffet. Liv. 4» >4. An. de R. 705. Cicer. 6f4 Coss. C. JunuS c.ksar v. Marc. An») ionius.  An. de R. -o9. .Cicer. 63. Coss. C. JULIUS Cjesar V. ' MAhC. ANTONIUS. 352. Histoire de la Vie pirer autant de mépris pour les loix que de facilité a les renverfer. Aind fes vues, dans celle qu'il avoit établie, étoit d'empêcher qu'on ne fuivït fon exemple. LIFRE  d s Cicéron, Liv. IX. LIVRE NEUVIÈME. Cicéron étoit préfent dia mort de Céfar. H lui vit recevoir le coup mortel & pouffer les derniers foupirs. II ne diffimula point (a) fa joie. Ce grand événement Ie délivroit de la nécediré de reconnöHre un fupérieur & de i'indignité de le ménager. II devenoit fans contredit le premier citoyen de Rome , cëft-a-dire , le plus puiflant & le plus refpedé, par le crédit qu'il avoit également auprès du fénat & du peuple ; fruit infaillible du mérite & des fervices, dans un étac libre. Les conjurés mêmes avoient de lui cette opinion, 8c le regardoient comme ufi de leurs plus fürs partifans. Brutus après avoir percé le fein (b) de Céfar, avoit appelé Cicéron en levant fon poignard fanglant, pour le féliciter dü rétablidement de la liberté; & tous les conjurés s'étant rendus immédiatement au forum, le poi- (d) Quid mihi attulerit itëa domini mutatio , praiter ktitiam quam oculis cepi jufto interitu tyranni ? Ad Act. 14, 14- (b) Cxfare inrerfecïo flatim cruentum alte extollens M; Brutus pugionem, Ciceronem nominatim exclamavit, atque ei recuperatam libertatem efl gratulatus. Phil. z, iz. Tome III, Z An. ie r* Cicer. 6], Coss. Marc Ah«' tonius. P. cornel. d0la2  An. de R. 703. Cicer. «j. Coss. Marc. Antonius. P. cornei. DüIAbeu.a. O) Dio. pag, 149. (£) Caefarem meo confilio interfeftum. Phil. 1, 11, Veftri enim pulcherrimi facK ille furiofüs me principeni dicit fuiffe. Utinam quidem fuiflem ! molefius ncbis ncn effet. Ep. fam. n, 3. Jt. z. (e) Quam verifimile porro efl, in tot homïnibus , partim obfcuris, partim adolefcentibus, neminem occultaritjbus , meurn nomen latere potuüTe. Phil, i, ï 1, 354 HlSTOIRE BE LaViê gnard a la main , en annoncant la liberté par leurs cris' , y avoient mêlé le nom de Cicéron (a) , pour juftifier leur entreprife par fon crédit & fon approbation. Marc-Antoiiie en prit droit dans la fuite de 1'accufer publiquement d'avoir participé a la confpiration , & de J'avoir même (b) fait naitre par fes confeils: mais il parok certain qu'il n'en avoit pas eu la moindre connoilfance. Quoiqu'il eut des liaifons fort étroites avec les principaux auteurs , & qu'ils euflent pour lui beaucoup de ccnfiance , fon age, fon caraclère Sc fa dignité ne le rendoient pas propre a une entreprife de cette nature, fur-tout avec des complices dont Ia plupart étoient ( c ) trop jeunes ou d'une condition trop obfcure pour lui permettre de fe lier avec eux. II n'auroit pu leur être fort utile dans 1'exécuticn , Sc fon crédit au contraire avoit d'autant plus de force pour les judifier, que n'ayant point eu de part a leur entreprife, on ne pou-  ï)e Cicéron, "Liv. IX. 555 voit le foupconnerd'aucun intérêt perfonnel. Telles fiirent fans doute les raifons qui empêchèrent Brutus & Caffius de lui communiquer leur deffein. S'il y en avoit eu d'autres, ou fi elles avoient pu recevoir quelqu'interprétation' contraire a fon honneur, Antoine & fes autres ennemis n'auroient pas manqué de lui en faire un reproche. Cependant ii eft clair par fes lertres qu'il s'étoit attendu a eet événement, & qu'il 1'avoit fouhaité. «II 53 avoit écrit plus d'une fois a Atticus, que le » règne de Céfar ne pouvoit pas durer fix mois (a) j i> qu'on le verroit finir de lui-même,ou par quelque i> violence , & qu'il fouhaitoit de vivre pour être 3i rémoin de cette cataftrophe II connoifloit le mécontentement de tout ce qu'il y avoit a Rome de gens d'honneur & de mérite 5 car ils fe le communiquoient librement dans leurs letttés, &c 1'on s'imagine bien que dans les convenations familières ils étoient encore moins réfervés. Il connoifibit 1'humeur hautaine & violente de Cafi fius & de Brutus, & 1'impatience avec laquelle ils fupportoient le joug. Enfin, il entretenoit avec ( a) Jam ïntelliges id regnum vix (êmefhe efiè pofte..,, Nos tarnen hoe confirmamus illo augurio , quo diximus ;' nee nos fallit , nee aliter accidet, corruat ifte neceffe efl, aut per adverfarios, aut ipfe per fe. Id fpero vivis nobis fore. Ad Att. 10,8. Z ij An. ie r, 709. Cicer. «3. Coss. Marc. AN-. ioxius. f. Cornel. doj.a' belj.a,  An. de r. 709. Cicer. «j. Coss. Marc. antonius. p. Corkei. Dolabella. (a) Eum rvrasi Quirino rmlo quam Salutï. Ad Au, 11,15. (5) Itane nunclat Brutus illum ad bonos viros tvayU\ia.'} Sed ubi eos! Nifi forte le fufpendit ? hic autem , ut fultum efl! ubi igitur quMriyinfia. iilud tuum quod vidi in pardienone , Ahalam & Brutum ? Sed quid faciat ? Ad Au. 13 , 40. On croit que par le mot de parthenone, Cicéron entend une falie ou une gaflefie de la maifon de 3 5 (3 HistoireeelaVie eux une étroite correfpondance, comme 11 fon róie eüt été d'animer leur courage & de foutenir leur réfolution. Atticus lui ayant écrit que la datue de Céfar avoit été placée au temple de Quirinus, proche de celui de la déelfe Salus : cc J'aime » mieux , répondit-il, en faifant allufion au fort » de Romulus, qu'il foit avec le dieu qu'avec »ia déelfe («_)». Dans une autre lettre on reconnoit qu'il devoit s'ètre enrretenu avec fon ami des moyens d'infpirer a Brutus quelque réfolution généreufe , en lui remerrant devant les veux la gioire de fes ancêtres : cc Brutus croit-il donc » qu'on doive attendre de Céfar des nouvelles 33 qui puiffent plaire aux honnêtes geus ? Je n'en 53 connois qu'une : ce feroit qu'il fe fut pendu. 33 Mais quelles précautions n'a-t-il pas prifes pour 30 fa füreté ? Qu'eft donc devenu ce tableau d'A33 hahvcc du vieux Brutus que j'ai vu dans la » gallerie , avec 1'infcription que vous favez? Mais 33 que faire dans les circondances (£) » ? On doit  de CickoN, Liv. IX. 357 lemarquer aufli que dans les pièces qu'il adrelTa vers le même tems a Brutus , il tombe toujours avec beaucoup d'art fur le malheur public, mais particulièrement fur celui de Brutus, qui fe voyoit fans aucune efpérance d'employer fes talens; 8e qu'il tui rappelle ces gioriéux ancêtres, au courage dcfquels Rome avoit du fa liberté. Voici comment il rermine fon traité fur les Fameux Orateurs : ce Quand je jette les yeux fur vous, 33 Brutus, que je regrette de voir votre jeuneffe 33 arrêtée comme au milieu de fa carrière , par le » miférable fort de votre patrie! La douleur que j'en 33 relfens niëft commune avec notre cher Atticus, 33 qui vous aime autant & qui a de vous la même opi33 nion que moi. Nos vceux font les mêmes pour 30 votre bonheur & pour votre gloire. Nous fouhat33 tons de vous voir recueillir le fruit de votre vertu, Brutus ou de la fienne , ornée de flatues & de peintures de grands hommes, au bas defquelles Cornelius Nepos rapporte qu'Atticus avoit rafiemblé en quatre ou cinq vers leur caratrère & leurs honneurs. Vraiièmblablement a la vue du portrait de Brutus & d'Ahala, ils avoient regretté enfëmble que eet exemple ne fit pas plus d'impreflion fur Brutus. II eft probable auffi que ce portrait, qui étoit de 1'invention d'Atticus, peut avoir donné occafion a quelques médailles qui fubfiftent encore, oü les têtes de Brutus & d'Ahala font gravées avec leurs noms. Vld. Thefaufi Mór rell, in Famil. Junia, Tab. i , i. Ziij An. de R; 709. Cicer. '1 devoit craindre ou *uU U* efPerer"on^^snrentderairembléedescitoyens mais d'un grand nombre de gens de guerre qui etment venus a Rome pour accompagmer Céfar a ia guerre des parthes (a) , lui firent prendre le parti de fe retirer au capitole. La , fe trouvant auffi bien défendu par la fituation du lieu que par les gladiateurs de Decimus, il convoqua Ie peuple pour 1'après-midi , & dans un difcours qud avoit préparé pour judider fa conduite & fes motifs, il exhorta fes concitoyens a dérëndre contre tous les partifans de la tyrannie , cette heureufe liberté qu'il venoit de rétablir. Cicéron le fiuvit au capitole avec Ia plus nombreufe partie du fénat. On y tint confeil fur la dtuation des affaires publiques, & fi* Jes moyens 1q fruit d'une fi grande révolution. D'un autre cöté, Marc-Antoine effrayé de Ia hardieffe des complices, & rremblant pour fa propre vie , s'étoit dépouiljé de fa robe confulaire pour gagner promptement fa maifon a la faveur de ce déguifement. II s'y fortifia contre (a) Appian. > , p. ,0J< Dio. p< ^ p. y. 4e Ce/ar & de Brutus.  de Cicéron, Liv. LX. 3Si toutes fortes d'infultes , & pendant le refte du jour A«- *e#i il fe tint foigneufement caché (a). Mais la tran- ck^6*' quillité & la modération des conjurés relevant bien- Marc An- , _ , . , ■ 1 r n TONIUS. tot fon audace , il fortit le lendemain de ion atile. P. cor- rr ■ r - 1 /" nhl dola- Tandis que les affaires étoient dans cette n- BEUiA. tuation , L. Cornelius Cinna, un des préteurs, & proche parent de Céfar, fit Moge des conjurés dans un difcours au peuple, & ne fe bornant point a louer leur a&ion , il exborta 1'affemblée a les preffer de fortir du capitole, & a leur déférer tous les honneurs qui étoient dds aux libérateurs de la patrie. Enfuite s'étant dépouillé de la robe de fon emploi, & la jetant avec mépris, il déclara qu'il ne vouloit plus d'une dignité qu'il avoit recue d'un tyran , au préjudice de toutes les loix. Mais le jour fuivant, quelques /oldats de Céfar 1'ayant rencontré dans les nies, excitèrent contre lui la populace, qui le pourfuivit a coups de pierres, jufques dans une maifon qui ne 1'auroit pas fauvé de la fureur de ces mutins, fi Lepidus n'étoit venu le fecourir (b) avec un corps de troupes régulières. (a) Qua; tua fuga, qua: formido pratclaro illo die? Qua; propter confeientiam fcelerum defperatio vit* ? Cum es illa fuga clam te domum recepifli. Phil.%, zU Dlo. p. 2.59. Appian. 501, 503. [j>) Plutarq. Vie de Brutus. Appian. p. 50.4,  3"e?2 HtSTOlRE BE LA V I eAn. deR. Lepidus étoit depuis quelque tems dans les Cicer.%. faubourgs de Rome a la tête d'une armee , & Marc'.An- Pr" a Parrir Pour PEPpagne, dont Céfar lui avoit t°p!UCor- accordé le gouvernement avec celui d'une partie ÏSi^f*' de la Gal,le- La n»t d'après la mort de Céfar, il avoit rempli le forum de fes troupes, 8c ne voyant perfonne qui lui füt égal en puiffance , il avoit penfé a faire main-baffe fur les conjurés & a fe rendre maïtre du gouvernement. Mais ia foibleïïe 8c la légèreté de fon caraclcre Ie firenr céder aifément aux perfuafions d'Antoine , qui en le détournant de fon de dein , eut I'adreffe de le fa:re fervir d fes propres vues. II lui reprêfenta la didkulré & le danger de fon entreprife , tandis que le fénat, Ja ville & toute ffedie fembloient fe déclarer contre les partifans de Céfar j il lui fit comprendre que la didimuiation étoit néceffaire, qu'il falloit trompet fes ennemis par des apparence de paix, pour fe mettre en état de les accabler avec plus de certitude ; & lui offrant d'unir fes intéréts avec les fiens , il ne lui demanda que les délais de la prudence , pour •fe charger avec lui de la vengeance de Céfar. S'étant rendu maïtre de fon efprit par cette offre II acheva de fe 1'atracher en donnant fa fille en mariage au jeune Lepidus. II 1'aida enfui^e a fe tnettre en poffeffioa de la dignité de gramfc  r>e Cicéron, Liv. IX. 3£3 prêtre ( & quaufli long-tems que la force des armes miAD°lA" ne feroit Poin^ employée , ils demeureroient les maïtres de la ville. II leur avoit donc confeillé, des le premier moment, de tirer avantage de la condernation des amis de Céfar, & de la chaleur autant que de 1'union de leur propre parti. II vouloit que Brutus & Caffius, en qualité de préteurs , convoquaffent régulièrement 1'affemblée du fénat, & qu'on y portat quelques décrets vigoureux pour aflurer la tranquillité publique. Mais Brutus trouva trop d'emportement dans ce confeil. II fe crut obligé de garder plus de refpecd pour 1'autorité du conful, & fe dattant qu'Antoine pouvoit ctre ramené a des vues auffi vertueufes que les fiennes, il propofa de lui députer quelques fénateurs pour lëxhorter a Ia paix. En vain Cicéron combattit cette idéé : en vain flt-il fentir qu'il n'y avoit point de fureté a traiter avec Antoine qu'il s'engageroit a tout, (a) Meminifii me clamare illo ipfo primo capitoüna die , fenatum in capitolium a pratoribus vocari ? Dii immortales, qua; tum opera efrici po'uerunt lartantibus omnibus bonis , etiam fat bonis, fractis latronibus ? Ad Au. 14, 10. {b) Dicebam illis in capitolio Liberatodbus nofiris, cum,  •de Cicéron, Liv. IX. 3 £5 tandis qu'il feroit agiré par la crainte, mais qu'après le péril il reviendroit a fon caradère & n'exécuteroit rien. Le fentiment de Brutus prévalut : mais pendant que les députés perdoient le tems en négociations, Cicéron demeura ferme dans le fien , Sc ne quitta point le Capitole. II laiffa même paffèr les deux premiers jours fans voir Antoine. . L'évènement répondit a fes prédidions. Antoine n'étoit difpofé ni a la paix ni a chercher le bien de la république. II ne penfoit qua fe faifir lui-même du gouvernement audi-tbt qu'il en auroit la force ; Sc fous prétexte de venger la mort de Céfar, a perdre ceux qu'il croyoit capables de s'oppofer a fon projet. Ainfi, pour tromper les républiquains par la diifimulation, toutes fes réponfes furent douces Sc modérées. II proteda que fon inclination le portoit a la paix, Sc qu'il ne formoit des vceux que pour le rétablidement de la république. Deux jours fe pafsèrent a répéter des deux cötés les mêmes protedations, avec toutes les apparences de la fincérité & de 1'ami- me ad te ire vellent ut ad defendendam rempublicam te hortarer, quoad metueres, omnia te promiffurum ; fimul ac timere deliiiïès , limilem te futurum tui. Itaque cum cceteri confules irent, in féntentia manfi ; neque te illo die, neque poftero vidi, Phil. 1, 35. An. de R. _ 709. Cicer. Sj. Coss. Makc. Antonius. P. COR- NEr. D01.A,- BELIA.  An. de R. 7CJ. Cicer. 63. Coss. Marc. Antonius. p. Cor. kel. Doea- In quo templo , quantum in me ruit, jeci fundarnenta pacis, athenienfiumque renovavi vetus exemplum : graxum etiam verbum ufurpavi, quo tum in difcordiis Cedandis erat ufa civitas illa ; atque omnem memoriam difcordiarum oblivione fempïterna delendam cenfui. Praxlara tum oratio M. Antonii, egregia etiam voluntas : pax denique per eum & per liberos ejus cum prxflantiflimis civibus confirmata efl. Phil. 1,1. Qua; fuit oratio de concordia? Tuus parvulus filius in capitolium a te mifTus obfès fuit. Quo fenatus die lsetior ? Quo populus romanus? Tum denique liberati per viros fortiflimos videbamur, quia ut illi voluerant, libertatem pax fequebatur. Ibid. 13. Plutarq. Vie de Brutus. §6*6 ËlSTOIRK DE LaVië tié 5 & le troifième jour Antoine fit aflembler le fénat, pour régler les conditions Sc les confirmer par un acde folemnel. Dans cette affembléej Cicéron propofa d'abord , a 1'exemple d'Athènes O) , Sc pour jeter les fondemens d'une paix durable , d'accorder une amniftie générale, Tout le monde applaudit a cette propofition. Antoine ne marqua que de la douceur & de Ja bonté. II ne paria que de paix Sc de remède aux maux de 1'état • Sc pour ne killer aucun doute de fa lïncéritéj il propofa d'inviter les conjurés a venir prendre part aux délibérations , en offranc de livrer fon fils pour gage de leur füreté. A cetté condition, ils defcendirent tous du capitole, Sc la confiance parut renaïtre entre les deux partis.  t) ë Cicéron, Li r. IX. 36f Brutus foupa le même fok avec Lepidus, Caflïus avec Antoine, & le jour finit par les acclamations de toute la ville , qui crut fa liberté- bien affermie & couronnéc d'une heureufe paix. Cependant, fous prétexte d'amour pour la paix, Antoine avoit fait quelques ouvertures qui auroient dü faire pénétrer mieux fes intentions , & dont il fit dans la fuite un pemicieux ufage. ïl avoit demandé que les acles de Céfar fulfent confirrnés par un décret. Cette demande avok d'abord paru fufpecte. On l'avoit preffé de s'expliquer , & de dire du moins quelle étendue il prérendoit (a) donner au décret. II avoit répondu qu'il parloit des actes que tout le monde con-» noiffoit, & qu'on avoit inférés publiquement dans les regiftres de Céfar, ajoutant même qu'on n'auroit point d'égard a ceux dont 1'exécution devoit être poftérieure aux ides de mars. Quoique cette réponfe füt fort équivoque, 1'air de candeur qu'il avoit affecdé la fit trouver raifonnable, & ceux mêmes qui ne fe laifsèrent pas tromper (a) Summa conflamia ad ea qua; qusfita erant refpondebat : nihil tum nifi quod erat notum omnibus in C. Csefaris commentariis reperiebatur. Numqui exules reflituti ? unum aiebat, prarterea neminem. Num immunitates data; ? nulla;, refpondebat. AlTentiri etiam nos Serv. Sulpicio voluit , ne qua tabula poft idus martias uliius de-? creti Csfaris aut beneficii Sgere.tur. Phil. i, 1. An. de R. 709. Cicer. 63. Coss. Marc. An.rotiius P. Cor- belea.  An. de R. 709. Cicer. 63. Coss. Marc. An IOMl'S. V. Cor REL. DolA lEiJLA. ( a) Phil. i, 20. (£) Quanquam fi interfici Csfarem voluiffe crimen efl , vide , quajfo , Antoni, quid tibi futurum fit quem & Narbone hoe confilium cum C. Trebonio cepifle notiffimum eft, & ob ejus confilii focietatem , cum interficeretur Cx-_ far,tum fe a Trebonio vidimus fevocari. Ibid. 14. ennemi l e C i c é r o n > Li v. ÏX. 3 69 ennemi le tems de fe remettre de fa frayeur & d 'aflembler affez de forces autour de lui pour les faire confentir malgré eux a divers autres décrets; 1'un en faveur des foldats vétérans qui étoient armés pour le foutenir (:a.)ym autre beaucoup plus étrange , pour faire de magnifiques funérailles a Céfar. Mais il étoit trop tard pour s'y oppofer. Antoine, qui regardoit (b) cette cérémonie comme la plus favorable occafion d'endammer l'êlprit du peuple , & de fufciter de 1'embarras au parti républiquain, avoit déja pris de juftes mefures pour en adurer le fuccès. Son entreprife fut conduite avec tant d'adrefPe, que dans 1'affreux tumulte qu'il excira, Brutus & Caffius eurent beaucoup de peine a garantir leurs maifons & leur vie de la fureur du peuple. Heivius Cinna , quoiquancien ami de Céfar (c)? ayant eu Ie (a) Nonne omni ratione veterani qui armati aderant, cum pra-fidii ros nihil haberemus ■ defendendi fuerunt i Ad Att. 14 , 14, (h) Meminifti-ne te clamare caufam periuTe, fi funere elatus effet? at ille etiam in foto combuftus, laudatufque miferabrliter ; ferviqüe & egentes in recta noftra cum facibus itaniffi. Ad Att. 14, ro, 14. Piutarq. Vie de Brutus, (c) C. Heivius Cinna, tribunus plebis , ex funere C Czfaris domum fuam petens, populi manibus difcerptus" eft,.pro Cornelio Cinna in quem fievire fe exutimabat} jratus e. , quod qum aftinis eu« Csefaris, adversus em An. de "R. .7°SCicer. 63. Coss. Marc. AnTonIus.P. Cor- NEL. DoiA» BEHA,  An. de R. 709. Cicer. «j. Coss. marc. antonius.P. COR- ntl. Dolabella. nefarie'raptum , irirpia'm pro roflris orationem habuiffet. Val. Max. 9- 9. Diq. 167, 668. Plutarq. Vies de Céfar & de Brutus. (a) Omnes enim jam cives de reip. falute una & mente& voce confentiunt. Phil. X, 9. Quid enim gladiatoribus clamores innumerabilium civium ? Quid populi verfus ? Quid Pompeii ftatua: plaufus infinitus ? Quid iis tribunis plebis qui vobis adverfantur ï Paratum ne hxc fignificant, ïncredibiliter confentientem populi roraani voluntatem? &c. Ibid. if. Ad Att. 14, si 370 HlSTOIRE DE LA VlÊ malheur d'être pris pour le préteur du même nom, qui avoit fait 1 eloge des conjurés fur la tribune , fut déchiré en pièces par une troupe de furieux. Son infortune caufa tant d'alarme a ceux qui avoient quelque reffemblance de nom avec les conjurés, qu'un autre fénateur, nommé Caius Cafca, fit avertir la ville par les crieurs publics , qu'il n'étoit pas ce Publius Cafca qui avoit porté le premier coup a Céfar. II ne faut pas s'imaginer, fuivant Terreur commune , que ces violences vinlfent de 1'indignation des citoyens contre les meurtriers de Céfar, ni que le fpedacle de fon cadavre fanglant, & 1'éloquence d'Antoine', qui fit fon oraifon funèbre, eulfent diminué 1'averfion que le peuple avoit pour la tyrannie. II ed certain au contraire, qu'après fa mort, comme pendant fa vie (*ei. Doi.A. BÜIiA»  An. de R. 709. Cicer. éj. Coss. Marc.Antonius. p. cornfl. dolae lila. (a) In fummo publico luctu exterarum gentium , multitudo circulatim, fuo quseque more lamentata efl , praecïpueque jud;ei , qui etiam noftibus continuis buflum fre* quentarunt. Suet. Jul. Caf. 84. tb) Heri apud me Hirtius fuit, qua mente Antonius effet demonflravit, pelïima fcilicet & infidelifllma. Nam fe neque mihi provinciam dare poffe aiebat, neque arbitrari tuto in urbe effe quemquam noftrum, adeo effe militum concitatos animos & plebis. Quorum utrumque effe falfum puto vos animadvertere placitum eft mihi poftulare ut liceret nobis effe Romse publico prafidio ; quod illos nobis conceffuros non puto. Ep. fam. 11, 1. 372 HlSTOIRE E>E EA Vlf auffi, par un fentiment de haine qu'ils confervoient contre Pompée depuis qu'il avoit profane leur temple. Ui avoient toujours marqué beaucoup de zèle pour Céfar , & leur douleur fe fignala pour fa mort, jufqu'a leur faire palfer des nuits (a) entières auprès de fon tombeau, dans leurs exercices de religion. Cette première preuve de la perfidie d'Antoine étoit un avis alfez clair (b) pour les conjurés. Ils comprirent enfin qu'ils n'avoient point de fond a faire fur fes promelfes, ni de füreté a efpérer dans une ville ou il étoit le plus fort, s'ils n'obtenoient du fénat une garde pour leur défenfe. Ils la demandèrent; mais pour augmenter leurs alarmes , Antoine les fit avertir que dans la fureur oü il voyoit les foldats & la po-  be Ci c ê r ö n, Liv. IX. 373' pulace, il croyoit leur vie fort en danger. Cet avis, qui leur fut répété plufieurs fois par des voies fecrètes, leur fit prendre enfin la réfolution de quitter Rome. Trebonius fe retira dans fon gouvernement d'Afie, dont il commencoit a craindre que les intrigues d'Antoine ne le fiffent dépouiller. Decimus Brutus fe rendit par la même raifon dans la Gaule Cifalpine, pour s'y fortifier contre tous les évènemens, & fe mettre en état, a. fi peu de diftance de Rome , de fecourir &c d'encourager les partifans de la liberté. Marcus Brutus fe renferma avec Caffius dans une de fes terres, proche de Lanuvium , pour obferver les mouvemens de leurs ennemis & délibérer enfemble fur leur propre fituation. Mais auffi tót que les conjurés fe furent éloignés, Antoine reprit le mafque de la modération, & feignant de regarder les dernières'violences comme un «ffet du hafard3 ou de 1'emportement d'une vile 'populace, non-feulement il paria de Brutus & de Cadius avec les plus grandes marqués de refperd, mais il affecda de propofer au fénat divers acdes véritablement utiles, qui fembloient partir d'un casur paffionné pour la paix. Entre plufieurs décrets qu'il avoit déja drefles, il en offrit un par lequel le nom & loffice de di&ateut étoient abolis pour jamais. La fincérité de fes intentions parut fi bien prouvée par une ouverture Aa iij An. de KJ . 7°9Cicer. j. Coss. Marc. AnroNius. P. COR- ^ei. Dolabella,  An. de R. , 7°?Cicer, ffj, Coss. Marc. Antonius. P. Cornei. Doia- SEilA, (a) Diétaturam , qua; vim jam regis potefiatis obfederat, funditus è republica fuftulit. De qua , ne fententias quidem diximus eique ampliflimis verbis per S, C. gratias egimus Maximum autem illud quod diftatura; nomen fuftulifti : ha:c inufia eft a te mortuo Crefari nota ad ignominiam {êmpiternam. Phil. ï", ij. (b) Itaque cum teneri urbem a parricidiis viderem, nee te in ea, nee Caffium tuto efle poffe , eamque armis oppreffam efle ab Antonio , mihi quoque ipfi effe excedendum putavi. Ad Brut. 15, (c) Sed tarnen adhuc me nihil delectat prater idus mats tras. Ad Att. 14, 4, 21. ftaque flulta jam iduum martiarum efl confolatio : animis enim ufï iïimus virilibus j confiliis, mihi crede , puerilibus. Ibid. iy , 4- 374 HlSTOIRE D Ë EA V I E fi décifive, que le fénat ne lui répondit que pa? des applaudifiemens (cz); & non-feulement le décret palTa fans contradiclion, mais on ordonna qu'Antoine feroit remercié au nom de 1'affemblée. En effet, fa réfolution étoit d'autant plus furprenante, que fuivant la remarque de Cicéron, elle jettoit fur Céfar une tache éternelle. Après le départ de Caffius & de Brutus, il refta fi peu d'efpérance a Cicéron de pouvoir réfifter aux forces du conful , qu'il fe dérermina (b) auffi a quitter Rome , en fe plaicniant dans toutes fes lettres que 1'occafion de rétablir la république avoit été manquée par 1'indolence de f js amis (c). « Les ides de mars, difoitdl, n'ont rien produit  ï) t C i t é r o n , £ / r. IX. 375 k> d'agréable que le fpectacle du jour. II n'a rien » manqué a la vigueur de l'acdion , mais elle n'a » été foutenue que par des confeils puériles 33. En traverfant la campagne , il obferva fur fon paffage la fatisfacdion que tout le monde redentoit (a) de la mort de Céfar. « II n'y a point d'expref=3dons, écrivoit-il a Atticus, qui puiftent vous => repréfenter les témoignages de joie qui éclatent » de tous cötés. On vient au-devant de moi , » on m'environne , on veut entendre de ma bou33 che le récit de ce qui s'ed pade au fénat. Mais 33 quelle eft a préfent notre politique: Que de 33 contradicïions dans notre conduite ! Comment 3J pouvons-nous craindre ceux que nous avons 33 terraffés , défcndre les acdes de ceux dont nous » louons le chatiment, fouffrir que la tyrannie 33 fubfifte après la deftruétion du tyran , & voir =3 la république anéantie après le rétabliffement' sa de la liberré 33 ? Atticus lui rendit compte des applaudiffemens extraordinaires que Publius , fameux comédien, avoit recus du peuple, pour quelques mots qu'ii (a) Dici enim non poteft quantopere gaudeant, ut sd me concurrant, ut audire cupiant verba mea ea de re, &c. Ad Att. 14, 6. O diiboni! vivis tyrannis, occidit tyrannus. Ejus interfecti morte ktamur, cujus factadefendimus. Ibid. 9. Aa iy An. de r; _ 709. Cicer. Sj< Coss. Makc. AnroNius. P. CORNEL. DOLA,BELLA.  'An. ie R. 709. Cicer. 63. Coss. Marc. Antonius. p. cornei. doj.a- (a) Ex priore theatrum, Publiumque cognovi, bona flgna pra»(entientis rnultitudinis. Plaufus vero L. Caffio d*» tus , facetus mihi quidem vilus eft. Ad Att. 14 , i. IiH finito fratris lui plaufrt dirumoitur. Ep, fam, n, i« J7f? Histoire de ia Viê avoit hafardés au théatre, en faveur de Ia liberté^ il ajoutoit que Lucius Cadius, un des tribuns y & frère du confpirateur, avoit été comblé de caredes (a ) & d'acclamations lorfqu'il s'étoit montré aux fpectacles. C'étoit pour Cicéron autant de nouvelles preuves que leurs amis s'étoient grodïèrement abufés 3 en fe fiant a la judice de leur caufe, jufqu'a demeurer tranquilles & oififs, tandis que leurs ennemis employoient toutes fortes d'artifices pour les perdre. Mais ie feul effet de ce penchant général, qui fe déclaroit d ouvertement pour la liberté , fut de forcer Antoine a. foutenir encore le röle qu'il avoit commencé. Ce fut dans cette vue qu'il fit punir du dernier fupplice 1'impofteur Marius, qui fe vantoit hautement d'être revenu a Rome pour venger la mort de Céfar. En effet, il s'étoit déja fignalé a la tête de la populace. Le tumulte & les incendies qui avoient accompagné les funérailles de Céfar avoient été fon ouvrage , & fa témérité caufoit plus d'effroi que jamais au 'fénat, dont il avoit juré la deftrucdion. Mais Antoine qui avoit tiré de fes fureurs tout le fruit qu'il s'étoit propofé >  fc> e Cic'ÉRONjI/r. IX. 377 en le chaffant de la ville & fes principaux partifans , le fit étrangler, & donna ordre que fon corps (a) fut traïné dans les rues. Cette nouvelle affectation foutint encore fefpérance des xépubliquains. Brutus & Caffius même s'y laifsèrent tellement tromper, qu'ils eurent avec lui, vers le même tems (b) , une conférence dont ils fortirent fort fatisfaits. Antoine efpéroit, par cette conduite, de les amufer affez long-tems pour leur faire abandonner toutes les réfolutions vigoureufes, fur-tout celle de s'éloigner de 1'Italie , & de fe faifir de quelques provinces ou ils trouvaffent des troupes &c de 1'argent. II écrivit dans la même vue une lettre fort adroite a Cicéron, pour le preffer de confentir au rappel de Sextus Clodius , parent de Publius , & principal miniftre de fes fureurs. Antoine par fon mariage avec la veuve de Publius Clodius, fe trouvoit chargé du foin de cette familie. Etant même tuteur du jeune Publius, les prétextes ne lui manquoient pas pour s'intéreffer vivement a 1'affaire de Sextus. Audi affure-t-il Cicéron que c'eft un devoir dont il en- (a) Uncus impaftus efl fugitivo illi, qui C. Marii nomen inva(èrat. Thil. i , i. (b) Antonii colloquium cum noflris heroibus pro re pata non incommodum. Ad Att. 14, 6. An: de Ki 709. Cicer. 63.' Coss. Marc An-1 romers. P. Con- DOLA.SELlAv  An. de r. 709. Cicer. 63. Coss. Marc. AnTonius. P. CORN'EI. DolA- ■378 Histoire de la Vie treprend de s'acquitter. « Mais quoiqu'il eut pro» curé a Sextus un pardon de la main de Céfar, 33il ne prétendoit point en faire ufage fans avoir r> obtenu fon confentement. II fe croyoit obligé 33 a cette déférence dans le tems même qu'il fai33 foit fes efforts pour foutenir les actes de Céfar. 33 Songez, lui dit-il, que vous obligerez le jeune 33 Publius en lui prouvant par cette bonté que 33 votre vengeance ne s'étend point jufqu'aux amis 33 de fon père. Je me charge de lui infpirer ces ssfentimenSj &c de faire fentir a ce jeune cceur 33 que les querelles ne doivent pas fe perpétuer » fans fin dans les families. Quoique votre fitua33 tion vous rende fupérieur a toutes fortes de dan3» gers, vous penfez, fans doute, qu'un repos ho33 norable doit être préféré dans la vieilleffe a toutes 33 les agitations qui pourroient encore troubler la 33 vötre. Enfin , j'ai une forte de droit de vous ssdemander cette faveur, paree que je ne vous 33 ai jamais rien refufé. Cependant fi je ne puis 33 vous fiéchir, comptez que je cefferai de fervir 33 Clodius, pour vous convaincre du pouvoir que 33 vous avez fur moi : mais je me flatte que cette 33 raifon même vous rendra plus indulgent 33. Cicéron n'héfita pas un moment a fe rendre a cette prière. <* La chofe , dit - il, étoit fcanda33 leufe en elle - même, & le pardon qu'on fe 33 vantoit d'avoir obtenu de Céfar, étoit vifiblement  de C i c é li o' n j Liv. LX, 379' 35 une impofture 33 On commencoit, ajoute- t-il, a publier tant d'infamïes qu'on attribuoit fauffement a 'Céfar, qu'il étoit quelquefois tenté de fouhaiter qu'il put revivre. Cependant il fit une léponfe fort civiie a la lettre d'Antoine f>). La conduite qu'il lui voyoit affecder, méritoit quelques complimens; & dans 1'incertitude des affaires, il étoit réfolu d'obferver avec lui tous les devoirs de leur anciehne liaifon , jufqu'au moment oü l'intérêt public (l>) le forceroit de le confidérer comme un ennemi. Antoine lui répliqua par une autre lettre, mais plus froide que la première, irrité apparemment par quelque foupcon de fa conduite. II lui marquoit feulement (c) « qu'il (a) Antonius ad me fcripfit do reiïitutior.e S. Clodii; quam honorifice , quod ad me attinet , ex ipfius iiteris cognöfces . quam diuol'ite , quam turpiter , qu>mque ita perniciofe ut nonnunquam etiam Cxfar defiderandus efle videatur , facile exifiimabis. Qua; enim Cx(kr nunquam neque feciflet , neque paffus eflêt, ea nunc ex falfïs ejus commentariis proferuntur. Ego autem Antonio facillimum me prxbui. Etenim iile quoniam femel induxit in animum fibi licere quod vellet, feciflet nihilominus me invito. Ad Att. 14 , 13. (/>) Ego tarnen Antonii inveteratam fine ulla oflenfïone amicitiam retinere fane volo. Ep. fam. ió ,23. Cui quidem ego femper amicus fui, antequam illum intellexinon modo aperte , fed etiam libenter cum republica bellum gerere. Ibid. ii., 5". ff) Antonius ad me tantum de Clodio refcripfit, meam An. <3e Rj 709. Cicer., 6\* Coss. Marc An« tonius. i'. cornfl. dola-! beha.  Sn. 3e r. 709. Cicer. «j. Coss. Marc. Antonius.P. Cor- KEI.DoiA- lenitatem & clementiam & fïbi efle gratam & mihi magnsj voluptati fore. Ad Att. 14, 15. V80 HistoïSe de ca ViS si lui favoit très-bon gré de fa douceur & de fa 35 modération, Sc qu'il s'en trouveroit fort bien 1». Cléopatre, reine d'Egypte, fe trouvoit a Rome lorfque Céfar fut tué ; mais la frayeur qu'elle reffentit de eet accident & des troubles de la ville , la fit partir avec précipitation. Elle étoit logée chez Céfar, Sc 1'afcendant qu'elle avoit fur lui rendoit fon orgueil infupportable aux romains. Elle les traitoit avec autant de hauteur que fes égyptiens , Sc comme les efclaves d'un maitre qu'elle gouvernoit. Cicéron eut une conférence avec elle dans les jardins de Céfar, d'oü il fortit fort choqué de fes airs impérieux. Comme elle connoifibit fon caracdcre Sc fon goüt, elle lui avoit promis quelques préfens dont 1'efpérance l'avoit beaucoup datté; mais il n'en fut que plus piqué de lui voir oublier fa promeffe. Quoiqu'il ne nous apprenne pas clairement en quoi ils confiftoient, on juge par quelques mots qui lui échappent dans fes lettres, que c'étoient des ftatues Sc d'autres curiofités d'Egypte pour 1'ornement de fa bibliothèque. Mais le changement des affaires ayant diminué 1'orgueil de cette princeffe, elle fe vit dans la néceffité de recourir a lui par fes miniftres , pour implorer fa protedion au fénat, dans  üe Cicéron, Lik. IX. 381' quelques demandes dont elle avoit le fuccès fort a cceur. Cicéron refufa d'y prendre intérêt. II étoit queftion apparemment d'un -fils qu'elle prétendoit avoir eu de Céfar, & qu'elle faifoit appeler de fon nom. Elle vouloit le faire reconnoïtre au fénat dans cette qualité , & le faire déclarer 1'héritier de fa couronne, comme.il le fut 1'année d'après par Antoine & par Oótave, au fcandale extréme de tous les partifans de Céfar (a), & fur-tout d'Oppius, qui s'efForca de prouver par un écrit public, que eet enfant ne pouvoit être le fils de fon maitre. Cléopatre s'étoit arrêtée a Rome pour accompagner Céfar dans le voyage qu'il devoit faire en Oriënt; & le pouvoir qu'elle avoit eu fur fon cceur confervoit encore toute fa force , car le tribun Heivius Cinna fe trouvoit chargé d'une loi qu'il avoit recue de lui toute dreffée , & qu'il devoit publier (£) immédiatement après fon départ, par laquelle on lui accordoit la liberté de prendre plufieurs femmes & de telie condition qu'il voudroit les choifir, pour fe ( a ) Quorum C. Oppius, quafi plane defenfione ac patrocinio res egeret, librum edidit, non effe Cafaris fllium, quem Cleopatra dicat. Suet. Jul. Ccef. Ji» Dio. p. 317, 34ï(b) Heivius Cinna confeflus efl habuifle fe fcriptam paratamque legem, quam Ccefar ferre juffiffet, cum ipfè abeffet, ut uxores, liberorum qusrendorum caufa, quas & quot ducere vellet, liceret. Suet, mdi. An: de H< 709. Cicer. fij.' Coss. Marc.Anj tonius. P. COR-i nel. DOLA.1  An. de R. 709. Cicer. 6j. Coss. Ma pc. Antonius. P. CORKEt. DOLABEilA. 3 : 3 3 3 a 3 ' 3 3§2 HlSTOIRE BE LA V I Ê" procurer des enfans. Cet expediënt n'étoit fans doute imaginé que pour mettre a couvert 1'honneur de Cléopatre & légitimer fon dis, puifque la polygamie & le mariage avec une femme étrangère, étoient défendus par les loix romaines. Toutes ces circondances font tirées des lettres a Atticus, oü elles fe trouvent répandues avec beaucoup d'obfcurité. « Je ne fuis point faché , dit-il, 33 que la reine ait été obligée de fe fauver Je n voudrois bien favoir fi ce que vous me mandez >3 de Cléopatre & de ce petit Céfar fe confirme.... :3 Je n'aime point la reine d'Egypte. Ammonius >3 fait bien que j'ai raifon , lui qm m'avoit répon0 du qu'elle me tiendroit ce qu'elle m'avoit pro" mis. II s'agifibit de chofes qui convenoient a un o homme de lettres , Sc que mon rang me permet3 toit de demander ; Sc s'il Ie falloit, j'en ren3 drois compte au public. Pour Sara, outre que ' je le connois pour un méchant homme, j'ai > éprouvé moi-même fon infolence. II n'ed venu 3 qu'une feule fois chez moi : je lui demandai 3 d'une manière fort honnête ce qu'il y avoi: < pour fon fervice ; il me répondit qu'il cherchoit < Atticus. Je fuis encore plus vivement piqué > la hauteur avec laquelle la reine d'Egypte me ■ traita, pendant qu'elle étoit dans ces jardins, > au-dela du Tibre. Je ne veux donc aucun commerce avec ces gens-la. Ils croient apparem-  D E C I C É R O N, L I V. IX. 383 33 ment que je n'ai point de cceur, ni la moin» dre fenfibilité (0)33. Antoine ayant mis dans fes affaires tout 1'ordre quelles pouvoient recevoir, indiqua 1'affemblée du fénat au premier jour de juin , & profita de 1'intervalle pour vifiter toute 1'Italie. Son deff'ein dans ce voyage étoit d'engager les vétérans a fon fervice , en faifant la revue de leurs quartiers. II laiffa le gouvernement de la ville a Dolabella , qui étoit demeuré fon collégue depuis que Céfar 1'avoit nommé conful a fa place. Antoine avoit protedé d'abord contre cette nomination ; mais après la mort de Céfar il avoit oublié (b) fon reffentiment; 8c fouffrant que Do- (a) Regina: fuga mihi non molefta. Ad Att. 14, 8. De regina velim, atque etiam de Caefare illo. Ibid. 10. Reginam odi. Me jure facere feit fponfor promifforum ejus Ammonius, qua: quidem erant tpiAoAo}» & dignitatis raex , ut vel in concione dicere auderem. .Saram autem , przterquam quod nefarium hominem cognovi, praterea in me contumacem. Seniel eum omnino domi mea; vidi. Cum ex eo qusrerem quid opus effet; Atticum fe dixit qua:rere. Superbiam autem ipfius regina:, cum effet trans Tiberim in hortis, commemorare fine magno dolore non poffum. Nihil igitur cum iftis, nee tam animum me quam vix ftomachum habere arbitrantur. Ibid. iy, 15". (b) Tuum collegam, difpofitis inimicitiis, oblitus au£ picia , te ipfo augure nunciante, illo primo die tibi colle. gam effe vohjifli. Phil. 1,13, An. de R; 709. Cicer. Sj. Coss. Marc. Antonius. P. Cor^ nel. DoiA; BEUA.  An. de R. . 7°9Cicer. Sj. Coss. Marc. Antonius.p. Cor- kei. dola- (a) Plebs poflea fol'dam colurnnam prope viginti pedum , lapidis numidici, in foro ftatuit, fcripfitque parend patrïce : apud eandem longo tempore facrificare , vota fufcipere, controverfias quafdam, interpofito per Caefarem jurejurando, diftrahere perfeveravit. Suet, Jul. Ca?f. 8c. religion, 384 HlSTOIRE de la VrS labella prit le nom de conful, il ravoit reconhti paifiblement dans cette qualité a ia première aflemblée du fe'nat. Quoique Cicéron n'eüt jamais eu qu une fort mauvaife opinion des principes & de la vertu dé fon gendre, il avoit toujours vécu honnêtement avec lui; & le voyant dans une fituation qui pouvoit le rendre utile aux intéréts de la république , il s'attacba plus que jamais a s'infinuer dans fa confiance. L'abfence d'Antoine rendoit les conjonctures fort heureufes,& Dolabella confirma bien* tot cette efpérance. A peine vit-il fon collégue éloigné de Rome, qu'il entreprit de s'attirer 1'ePtime des honnêtes gens, par la rigueur qu'il exerca contre les perturbateurs de la tranquillité publique, La populace , guidée par 1'impodeur Marius , avoit élevé un autel fur le forum , dans le lieu ou Ie corps de Céfar (a) avoit été brülé , avec une pyramide de marbre, de la hauteur de vingt pieds , lur laquelle on lifoit pour infeription , au Père de la Patrie. II s'y faifoit continuellement des facrifices avec toutes les cérémonies de la  r> e C i c é r o n , Liv. IX. \ g 5 rdigion, & ce nouveau culte s'étoit accrédité jufqu'a mettre en danger le repos & la sureté de la ville. Souvent la populace , qui s'affembloit en foule pour ces facrifices, y prenoit une efpèce d'enthoufiafme , qui la faifoic courir farieufement dans les rues, en commettant tontes fortes de violences & d'ourrages contre ceux qui paifoient pour les .ennemis de Céfar. Dolabella termina tout d'un coup ce défordre en faifant démölir la pyramide &z 1'autel, & punir de mort les mutins qui furent arrêtés dans le mouvement de la fédition. Ceux qui étoient libres furent précipités de ia foche Tarpéienne, & les efclaves fubirent le fupplice de la croix. Toüte la ville applaudit a la fermere du conful. Cicéron partagea , non-feulement Ia joie publique , mais encore ( a ) ia gloire de Dolabella j dont Ia conduite fut attnbuée a fes confeils, II en O) Manabat enim illuci malum urbanum, Si ita corroborabatur quotidie , ut ego quidem & urbi & otio djffiderem urbano. Ep. fam. i±, y. Nam cum ferperet in urbeinfinitum malum, & quotidie magis rtiagifque perditi homines, cum fuis fimilibus, fervis , teéh's & templis urbis minaremur; talis animadverfio fuit Dolabelli, cum in audaces fceleratofque fervosj tum in impuros & nefa, noscives, talifque eyerfio illius execratce column*, &c. Pkiï. Recordare, qua;fo , Dolabella, confenfurfl, illum theatri, Ibid, n, TomelII. £ b An. de K: 7°9Cicer. 63. Coss. Marc. AnroNius. P. CORi NjEt. DoLABEIXA.  Ap. de R. . 7<=9Cicer. Sj. Coss. Marc. Antonius. P. C'ORNEI. DOIA2ELLA. (a) Ad Att. 14, if. (b) O Dolabella: noflri ar-ireiai ! Quantaefl a;a5ïupcr E C I CÉ R O N, I ï V. ï X. 3S7 33 rent pour Céfar font pubis du dernier fupplice., Sc que la plus vile populace a fi bien rémoigné » par fes applaudilXemens qu'elle approuvoit cette fa exécurion ? II écrivit de Bayes fa lettre fuivante a Dolabella. Cicéron d DolaHlla, Conful. Quoique l'intérêt (a) que je prens a ce qui. Vous regarde , mon cher Dolabella , fuffife pour me faire voir avec une joie infinie la gloire que vous venez dacquérir, il faut néanmoins avouer que je fuis charmé de ce que la voix publiqueme donne quelque part au mérite de vos grandes acdions. Toutes les perfonnes que je vois ici ( Sc i'y vois beaucoup de monde, car outre qu'il y vient un grand nombre d'honnêtes gens prendre les eaux , il y arrivé aufii tous les jours des Villes voifines plufieurs de mes amis ) tous ceux, dis-je, que je vois, après vous avoir donné toutes les louanges que vous mcritez, me font enfuite de grands remercirriens. Ils fe perfuadent tous que c'eft en fuivant mes confeils Sc en prontanc (a) M. de Mongault, dont je continue d^mpruntet la traduftion , a placé cette lettre entre celles a Atticus , quoiqu'eüe foit la quatorzième du rveuvième livre des let-; tres farnilières. Bbij An. de Ri 705. Cicer. ff;. Coss. Marc An=. roNius. P. CoRNEI . DOLABELLA.  An. de R. 7°ï>Cicer. 63. Coss. Mak c. Antonius. i'. cor- nbi. Dolabella. ; (a) Après avoir emprunté la traduétion de M. de Mongauk, il faut adopter fes notes. On appeloit Agamemnon roi des rois , rkrce qu'il y en avoit plufieurs dans 1'armée dont il étoit général ; & par la méme raifon ceux qui étoient jaloux de Pompée pendant la guerre civiie , 1'appeloient Agamemnon , paree que les confuls & tous les grands de la république fervoient fous lui. 388 HlSTOIRE DE LA VlE de mes inftrucTrions, que vous faites voir en vous un fi bon citoyen & un conful fi digne de cette grande dignité. Je ne dirois que ce qui efl: trèsvéritable, fi je répondois que tout ce que vous faites, vous le faites de vous-même, & que vous n'avez befoin pour cela du fecours de perfonne. Je prens néanmoins un tempérament: je ne condens pas tout-a-fait de ce qu'ils me difent, ce feroit vous faire une trop grande injuftice que de lailfer attribuer a mes confeils tout ce que vous vous êtes acquis d'honneur; mais je ne nie pas abfolument que je n'y aie quelque part; car mon foible, comme vous le favez , c'eft Ia o-loi- o re. Au refte , il me femble (*z) que vous pouvez :omme Agamemnon , ce roi des rois, vous faire bonneur d'avoir pour confeiller un Neftor ; 8c ans doute il eft bien glorieux pour moi, qu'un :onful qui fe diftingue avec tant d'éclat, dans un ige fi peu avancé, paffe pour mon élève. Lorfque je vis a Napfes Lucius Céfar, que je  ï) E C I C É R O N , L I V. IX. jSp trouvai malade ; tout accablé qu'il étoit de douleurs : « O mon cher Cicéron ! me dit-il, même 33avant les premiers complimens , que je vous » trouve heureux d'avoir tant de pouvoir fur 1'ef33 prit de Dolabella ! Si j'en avois autant (a) fur 33 celui de mon neveu, nous n'aurions plus rien 33 a craindre. Je félicite notre cher Dolabella , & 33 je le remercie en mon propre nom. Nous pou33 vons dire que depuis vous, il eft le feul qui 33 ait été véritablement conful 33. II me paria enfuite en détail de Paddon, & de la manière dont elle s'étoit paffee, en concluant qu'il ne s'étoit jamais rien fait de plus beau, de plus erand & de plus utile pour la république. II n'y a point ladelfus deux voix. Je vous prie donc de vouloir bien fouffrir que j'aie quelque part aux louanges qu'on vous donne , & que je jouifie , comme fous un faux titre (b), d'une gloire qui vous appartient toute entière. Mais pour parler férieufement, j'aimerois mieux, (12) II parut bien dans Ia fuite qu'il n'en avoit pas beaucoup , car Antoine le facrifia a Augufle , qui le fit mettre fur la Me des profcrits , & confêntit en revanche qu'on y mït Cicéron. Mais Julia, fceur de Lucius Céfar & mère d'Antoine, retira fon frère chez elle & le fauva, (b) M. de Mongault a taché de rendre par-la faifant hxreditatem , id eft, hxreditatem falfo nomine. Bb iij An. de R> 703. Cicec. 'Si. Coss. ' Marc1. AnroNius. p. corsel. dolabeij.a.  'An. de R, 1°9' Cicer. 63. Coss. Marc. Antonius.P. Cor- NEL. DoLAESIX.A. ((i) Ut mihi denique amare videar, amed dilsxijje. Nous n'avons pas de mots en francois qui puiflent marquer bien précifément la différence que Cicéron met entre amare & diligere, II les confond même très-fbuvent, & peut-être n'aurions - nous jamais Ca que amare figmfie pUis que diligere, s'il ne les avoit diftingués en deu%" 35>o HlSTOIRE DE U Vis mon cher Dolabella, fi j'ai jamais acquis quelque gloire , la faire palfer toute entière a vous, que de vous óter' la móindre parfie de celle qui vous eft due. Vous favez combien j'ai toujours eu d'amitié pour vous 5 mais ce que vous venez de faire, 1'a fi fort a"ugmentée , qu'elle ne peut être ni plus tendre, ni plus ardente. C'eft qu'il n'eft rien de plus beau , de plus aimable & de plus charmant cue la verru. J'ai toujours aimé, comme vous faVez', M. Brutus , a caufe de 1'élévation de fon efprit, de la douceur de fes moeurs, & de cette probité admirable qui ne s'eft jamais démentie r cependant depuis les ides de mars, cette amitié eft fi fort augm'entée, que fai été furpris moi-même qu'un fentiment qui fembloit ne pouvoir alier plus loin , fe foit trouve capable d'un fi grand accroiffement. Qui auroit cru que 1'amirié que j'avois pour vous, püt devenir plus grande ; Elle eft fi fort accrue, qu'il me femble que ce n'étoit auparavant (a) qu'une (imple affecdion, & que c'eft: a préfent une parfaite amitié.  t) E ClCÉRON,IiT> IX 391 Qu'eft-il donc néceffaire que je vous exhorte a vous faire un mérite & une gloire folides i Fautil, comme 1'on fait ordinairement, que je vous propofe pour modèle des hommes illuftres ? Je n'en ai point de plus illuftres a vous propofer que vous-même. Vous n'avez qua vous imiter Si a vous furpafler. 11 ne vous eft plus même libre, après une adion d'un tel éclat, de n'être pas femblable a vous - même. II ne faut donc point vous exhorter ; il faut fe réjouir avec vous , car il vous eft arrivé, ce qui eft peut - être fans exemple , qu'une extréme févérité vous a rendu agréable au peuple , loin de le prévenir contre vous; & que vous avez eu 1'approbation, nonfeulement des honnêtes gens,mais même de la plus vile populace. Si vous en étiez redevable a quelque forte de hafard, je vous féliciterois de votre bonheur; mais on ne peut attribuer ce fuccès qu'a votre courage, a votre efprit & a votre prudence. J'ai lu votre harangue au peuple. Vous entrez li bien en matière, & dans 1'expofition du fait, vou« avancez pas a pas avec tant d'adreffe, que vou: eu trois endroits. Cela nous donne lieu de remarquer qu'il n'y a point de mots parfaitement fynonimes; & s'il y en a plufieurs qui nous paroiffent tels, fur - tout dans les langues mortes , c'eft que nous n'en connoiffons pas toute la force, ou que nous n'avons pas affez. étudié les anciens. Bbiv An. de R. 709. Cicer. «J. Coss. Marc. Antonius. p. Cornet. Dolabella. '  'Aa. de R. _7C$). Cicer. 63. Coss. Marc. Antonius. P. CORKEI. DOIAb1lia, : I j 1 ] \ I c « r. 39Z Histoire di £A Vr! amenez infenfiblemenr tout le monde a approin ver la févériré dont vous avez ufé. Par-la voih avez délivré Rome d'un grand danger , vous avez ralTuré tous les citoyens, & ce n'eft pas feulement un avanrage paflagcr, c'eft un grand exemple pour 1'avenir. Concevez donc que vous êtes maintenant le foutien de la république , & que vous devez , non-feulement défendre „mais encore traiter avec diftin&ion ceux a qui nous devons les premiers commencemens de notre libertév Mais j'efpère de vous voir au premier jour, & je rous en dirai alors davantage. En attendant, mon :her Dolabella, comme nous vous devons la confervation de la république & la nötre , nous vous prions de vous bien conferver. Adieu. Cicéron s'étoit propofé d'employer ie tems qu'il laflbit hors du royaume a faire un voyage dans a Grèce, pour y voir fon fils , dont la conduite e chagrinoit beaucoup, & fembloit demandex m remède aufti puifiant (a) que fa préfence. Mais 'efpérance qu'il concut des intentions de Dola>ella, & la joie de trouver un chef armé de 'autorité publique s c'eft-a-dire (b)s le principa.1 (a) Quod fentio valde utile effe ad confirmationem üceronis, me illuc venire. Ad Att. 14 , 13. Magni in:reft Ciceronis , ve! mea potius, vel me hercule utriufque > ie intervenire difcenti. Ibid. 16. {b) Nunc autem vidernur habiwsi ducéra, quod unum  b e Cicer on, L i r. IX. 39 j' fecours qui manquoit au parti de la liberté, lui fit remetrre fon départ après Taflèmblée du fénat, qui étoit indiquée au premier jour de juin , de peur qu'un éloignement trop précipité ne pafsat pour une efpèce de défertion. II étoit même réfolu de n'abandonner 1'Italie cue iorfqu'il le pourroit fans reproche, & fur - tout fans chagriner Brutus , a. qui il vouloir être conftamment attaché. Ses principes ne 1'empêchoient point d'avoir de fréquentes conférences avec les derniers minidres de Céfar, Panfa, Hirtius , Balbus, Matius , &c. qui faifoient toujours profeffion d'être de fes amis. Mais il s'appercevoit que la mort de leur maïtre avoit extrêmement altéré leur confiance, & quoiqu'ils s'efforcalfent de déguifer leurs reffentimens, ils lailfoient voir malgré eux qu'ils ne refpiroient que la vengeance. Panfa &c Hirtius avoient été déiignés confuls pour 1'année fuivante, & les actes de Céfar étant ratifiés par le fénat, rien ne pouvoit leur öter le droit qu'ils avoient a cette dignité. Brutus & Caffius qui fentirent de quelle iniportance il étoit de les faire entrer, s'il étoit poffible , dans le parti de la république, preffoient indamment Cicéron d'y apporter toute municipia, bonique, defiderant. Ibid. io. Nee vero difcedam , nifi cum tu me id honede putabis facere pofTe. Bruts certe mep nullo lqco deero. Ibid. IJ. Vid. 15, 13. An. de r« 709. Cicer. Coss. Marc. Antonius. P. Cornet. DOLAj BEHA.  An. deR. 709. Cicer. 6j. Coss. Marc. Anïonius. P. CORMEL. DüIA- (a) Minime enim obfcurum eff quid ifti moliantur : meus vero dilcipulus qui hodie apud me coenat, valde amat illum quem Brutus nofter fauciavit; & fi quxris, perfpexi enim plane , timent otium. Hypothefim autera hanc habent, eamque pr* fe ferunt, virum clariffimum interfeétum , totam remp. illius interitu perturbatam; irrita fore qux ille egifTet, fimul ac defiftemus timere, clementiam illi malo fuifTe, qua fi ufus non effet, nihil illi tale accidere potuiffe. Ad Att. 14, ii. Quod Hirtium per me meliorem fieri volunt, do equidem operam, & ille optime loquitur , led vivit habitatque cum Balbo, qui item bene loquitur. Quid credas, videris. Ad Att. io, *ï. 3^4 HlSTOïRE ce la Vie fon adrefJe & tous .fes foins , fur-tout a 1'égard d'Hirtius, qui leur étoit le plus fufpect. Mais il femble que Cicéron (a) fe promettoit peu de les gagner. II écrivit a Atticus, cc qu'il n'y en avoit »pas un qui ne craignït la paix beaucoup plus » que la guerre ; qu'ils déploroient continuelle» ment la perte de leur maïtre, & qu'ils regar» doient fa mort comme la ruine de 1'empire ; *> qu'ils i'accufoient de s'être trahi par un excès >»de bonté & de clémence , fans quoi il n'auroit *>pas fuccombé a Ia fureur de fes ennemis : & «pour ce qui regardoit particulièrement Hirtius, »il aime , dit-il, avec une violente paflion , celui » que Brutus a poignardé Vous fouhaitez que » je le faffe changer d'inclination. J'y emploie tous u mes efforts. II parle fort bien; mais il vit, &  de Cicéron, Liv. IX. 39* ftU demeure même avec Balbus, qui patle fort An. JR. » bien auffi. Voyez ce que vous en penfez vous- c^%. » même ». Marc. An- De tous les partifans de Céfar, il n'y en avoit 10£U£0R, point qui s'emportatplus ouverrement contre les conjurés que Matius. Cicéron le regardoit comme 1'ennemi irréconciiiable de la liberté. Ayant pafte pres de fa maifon de campagne a Ion départ de Rome , il avoit eu la curiofité de le voir. ft 1'avoit trouvé dans une agitation incroyable , fe livrant aux plus noirs accès de la trifteife, annoncant pour 1'avenir la guerre & la défolation , comme des fuites infaiilibles de la mort de Céfar. Entre plufieurs circondances de leur converfatior., Marius (a) lui rapporta ce que Céfar diloit fouvent en parlant de Brutus: cc que fa manière de penis fél pour ou conrre un parti, ne pouvoit jamais „ être une chofe indifférente , paree qu'il vouloit vfortement ce quil vouloit; qu'il s'en étoit ap* percu plus que jamais a Nice , par la force & » la liberté furprenante avec laquelle il avoit plak . dé pour le roi Dejotarus ». Matius apprit «tffi z Cicéron ce qu'il avoit entendu dire (b) a Cétar: (&) De Bruto noilro Csfarerh folitum dicere ; magnl refert hic qu.d velit: fed quicquid vult, valde vult: jdque eum anirftadvertine cum pro Dejotaro Nicex dixerit, valde vehementer eum vifum & libère dicere. (è) Atque etiam proxime, cum Sextii rogatu apud eura  396 HfSTOlRE DE t A VlS An.de r. un jour que Cicéron demandoit audience, pon, CiCossf3- ^ C3Ufe de Seftius> Cé^> 3 harangue de Brutus eil un modèle d'élégance » pour le ftyle & pour les fentimens. Mais fi 33 j'avois eu le même fujet a traiter, je me ferois « efForcé d'y mettre plus de chaleur. Vous con33 noilTez le caracdère de 1'orateur. Cette raifon 33 m'empêche de corriger fon ouvrage, car fui3» vant les idees cjue notre ami s'eft formées de 331'art de parler, il a réufti parfaitement; mais 33 foit que je fois dans Terreur ou non, mon goüc 33 eft tout-a-fait différent. Lifez fa pièce, fi vous ne 331'avez pas déja lue, §> marquez-m'en votre avis. 33 Quoique le préjugé de votre nom me laffe crain33 dre que votre faveur ne penche pour l'atticif33 me , je n'en fuis pas moins perfuadé que fi vous 33 vous fouvenez du ronnerre de Demofthène, 33 vous conviendrez que la force peut s'aliier avec 33 1'élégance attique ». Atticus ne goüta point cette harangue. II la trouva trop vide & trop languiffante pour une fi grande occafion ; & par fa réponfe , il pria Cicéron d'en compofer (a) une autre, pour la publier fous le nom de Brutus. Mais Cicéron fut arrêté par la crainte d'offenfer 1'aureur. Dans une lettre furie même fujet: « Vous croyez, dit-il, » que je m'abufe lorfque j'attache a Brutus le fa33 lut de la république, mais comptez que rien (a) Ibid. 3 , 4. An. de Ri 705. Cicer. 65. Coss. Marc. AnroNius. P. CORnel. DOIAbeljla.  'An. de R. 709. Cicer. 65. Coss. Marc. Antonius. P. COR KEL. DCLA SEILA. (ö) Ibid. 14 , 20, la 400 HlSTOIRE DE t A ViE »n'eft: plus certain. Si elle n'eft pas fauvée paf » lui ou par fes complices, je vois clairement fa 33 ruine. A 1'égard du difcours que vous me pref 33 fez de faire pour lui, prenez pour principe, » mon cher Atticus, ce qu'une longue expérience 33 m'a fait vérifier fans exceptiön , qu'il n'y a point » d'orateur ni de poé'te qui fe croye inférieur a per33 fonne dans fon genre ; & fi cela eft vrai des 33 plus médiocres , que devons-nous penfer dö 33 Brutus a qui 1'on ne peut refufer de 1'efprit &C 33 du favoir : D'ailleurs, n'en ai-je pas une preuve 3> dans fon édit ? A votre prière j'en ai compofé 33 un pour lui. Mon ouvrage m'a plu. II n'a pas 33 été moins content du fien. Ajoutez qite lui ayant 33 dédié , fur fes propres inftances, mon Traité de 33 la meilteure manière de parler, il n'a pas fait 33 difficulté d'écrire, non-feulement a vous, mais 33 d moi-même, que 1'efpèce d'éloquence que j'ai 33 löuée n'étoit pas de fon gout. Que chacun com33 pofe donc pour fbi - même. Quelle que foit fa 33harangue, je fouhaite feulemenc qu'il ait la li33 berté de la prononcer; car s'il peut fe montrer 33 a Rome avec quelque süreté la viétoire 33 eft a nous 33. Dans eet intervalle il s'éleva fur le théatre de  D É C I C É R O K, L I V. ÏX. 401 la république un nouvel acteur, qui ne fortit de 1'obfcurité dans laquelle il avoit vécu jufqu'alors 3 que pour jouer rout d'un coup les premiers róles & fixer fur lui tous les regards. Ce fut le ' jeune Octave, que Céfar, fon oncle, avoit iaïffé I'héritier de fon nom 8c de fes richeffes. Quelques mois auparavant, il avoit été envoyé a Appolionia, célèbre école de Macédoine, pour y attendre fon oncle & 1'accompagner enfuite a la guerre contre les partbes. Mais au premier bruit de fa mort, il avoit repris ie chemin de 1'Italie, pour faire 1'effai de fa fortune , fur le crédit de fon nom 8c fur la confiance qu'il avoit aux amis de Céfar. II étoit arrivé a Naples le 18 d'avril. Balbus# s'y rendit ie lendemain pour le recevoir, 8c 1'ayant conduit a la maifon de campagne de Philippus fon beau-père (a) , il retourna le même jour a Cumes , oü il étoit depuis quelque tems dans ceUe de Cicéron. Hirtius & Panfa, qui y étoient aufiï,- allèrent prendre avec lui ie jeune Öclave , après lui avoir laiffe quelques jours pour fe repofer, & le préfentèrent a Cicéron. Cé jeune (a) Odaviüs Neapolim vernt ad xiv. kal. ibi eum Balbus mane poftridie , eodemque die meeum in Cumano. Ai Att. 14, 10. Hic meeum Balbus, Hirtius, Panfa. Modo venit Oflavius, & quidem in proximam villam Pbi* lippi; mihi totus deditus. Ibid. na Tome JU, Cc Art. de R. 7°sCicer. 6,. Coss. Marc. Anroxius. I'. Cor. v'el. Dojla* iSi-t-a,  An. de R. 7cj. Cicer. fi). Coss. Marc. Antonius. P. CoRnfi. doiaseiia. («) Non placebat Aria; matri Philippoque vitrico , aditi nomen invidiofse fortuna: Cïfari fprevit cceleflis animus humana confilia, diaitans nefas effe , quo nomine a Czfare dignus effet vifus, fibimet ipfum videri indignura. Veil. Pat. i, 60. 40Z HlSTOIRE DE LA Vl# romain, déja rempli de vénération pour un it grand homme, la lui marqua par les plus ardens témoicnages, en proteftant qu'il ne vouloit fe gouverner que par fes confeils. La feule prétention qu'il penfoit a faire échter , regardoit la fuccelfion des biens de Céfar , dont il ne vouloit pas différef a fe mettre en polTelfion. Mais cette entreprife paroiffoit fort hardie dans un jeune homme de dix-huit ans. Les républiquains avoient raifon de craindre qu'en obtenant 1'héritage de fon oncle, il ne trouvat le moyen de fuccéder en même-tems a fon pouvoir ; & 1'alarme étoit encore plus vive pour Antoine, qui afpiroit lui-même a cette fucceflïon, & qui s'étoit déja faifi de tous les effets ,• dans la crainte de les voir bientót employés a 1'abaiffement de fon autorité. Philippus, & fa femme, inquiets pour la füreté d'Oérave , le prefsèrent de fufpendre (a) quelque tems fon delfein, & de ne fe rendre odieux dans aucun parti, avant que le cours des affaires eut commencé a. fe déclarer. Mais il avoit le cceur trop grand  DEClCÉEONji/r. IX. 40$ pour gouter des confeils fi timides. II re'pondit «qu'il ne pouvoit, fans infamiej fe Croire india gne d'un nom dont Céfar 1'avoit cru digne », Quantité de flatteurs, qui étoient autour de lui, 1'excitoient a s'aflurer de la faveur des eitoyens & de 1'attachement des rroupes, avant que fes ennemis fuffènt alfez forts pour arrêter fes progrès. Ces infinuations lui donnoient tant d'impatience de fe voir a Rortle, que Ia prudence neut pas plus de poüvoir que la crainte, pour luifairë retarder fon départ. Cicéron (a) écrivoit la-defius a Atticus: a Oc» tave eft encore avec nous. II me marqué autant » de refpect que d'amitié. Ses domeftiques lui * donnent le nom de Céfar. Philippus ne le lui » donne point, & je fuis fon exemple. II me H paroit impoifible qu'il devienne jamais bon ei53 toyert, au milieu de tant de gens qui n'an- {&) Nobifcum hic pérhonorifice & amice Ociavius : quem quidem fui Gefarem falutabant , Philippus non : itaque ne nos quidem i quem nego fieri pofie bonum et» Vem , ita multi circumftant, qui quidem hoftris mortem minitantur. Negant hsc ferri pofie. Quid cenfes , cum Romam puer veftetit, ubi noftri liberatores tuti efle non poffunt? Qui quidem femper erunt clari : confeientia vero laai fui, etiam beati. Sed nos, nifi me fallit , jacebimus* Itaque aveo exire , ubi nee Pelopidarum , &Ci Ad Au. 14, n. Cc ij An. de R. . 709. Cicer. tfj, Coss. Marc. Ati' tonius. P. Cor- Nfel. DqXABEltA.  An. de R. 709. Cicer. tfj. Coss. Marc. Antonius. P. CORKEL. DuIABELLA. (a) Sed memento, fic alitur conlïietudo perditarum concionum , ut noftri illi, non heroes , led dii, futuri quidem in gloria fempiterna fint, led non fine invidia nee fine periculo quidem. Verum illis magna confolatio, confcientia maximi & clariffimi factl. Nobis qua: ? qui interfe&o rege liberi non fumus Sed ha?c fortuna viderit, quo- niam ratio non gubernat. Ad Att. 14, ti« 404 HlSTOIRÉ DE tAVlE 33 noncent que la mort a tous nos amis. C'efr. 33 leur langage familier. Ils déclarent que le pafle 33 ne mérite point de grace. Que fera-ce, je vous 33 prie , lorfque eet enfant va fe trouver a Rome , 33 oü nos libérateurs n'ofent paroïtre ? Ils n'en 33 feront pas moins célèbres ni moins heureux , 53 j'ofe le dire , par le témoignage de leurs cceurs 33 vertueux. Mais je fuis «ompé , fi nous n'avons 33 perdu toute refiburce. Quand pourrai-je me re33 tirer dans quelque lieu 011 je n'entende plus 33 parler de ces Pelopides , &c. Ocrave en arrivant a Rome fut préfenré au peuple par un des tribuns , & prononca un difcours fort éloquent, de la tribune, qui étoit comme en proie aux ennemis de Brutus. « Sou13 venez-vous (a) de ce que je vous dis, écrivoit 33 Cicéron ; eer ufage fédideux de haranguer avec 33 une liberté fans bornes ed aujourd'hui fi auto33 rifé , que s'il nepeut faire perdre a nos héros, ou 33 plutöt a nos dieux , la gloire éternelle qu'ils ont  fe S C i 6 é R ó n, L i v. IX. 405 5j rhéritée , il attachera néanmoins quelque chofe oo d'odieux a leur mémoire. Mais le témoignage =0 de leur cceur fuffit pour leur confolation. Qui 53 nous confolera , nous que la mort de notre roi 5» n'a pas rendus plus libres ? Que la fortune en 33 décide, puifque la raifon n'ed plus écoutée 33. Le difcours d'Octave fut foutenu par des moyens plus capables dp,-faire agréer au peuple les foins qu'il prenoit pour lui plaire. II donna des fpectacles Sc des jeux a 1'honneur des vicdoires de fon oncle. Les préparadfs en avoient éré faits pendant la vie de Céfar; mais ceux qu'il avoit chargés de cette commidion (a) n'ayant pas eu la hardielfe de 1'exécuter après fa mort, elle retomboit naturellement fur Octave en qualité d'héritier. II fit apporter dans ces jeux la chaire d'or, qui étoit un des honneurs qu'on avoit décernés a Céfar, avec ordre de la placer dans toutes les occafions folennelles fur le théatre & dans le cirque. Mais les tribuns ( b ) la firent enlever, & leur fermeté fut applaudie par tout le corps des chevaliers. Atticus écrivit cette nouvelle a Cicéron, qui la regut avec beaucoup de (a) Ludos autem vïctoria» Cafaris non audentibus facere, quibus obtigerat id munus, iple edidit. Suet. Aug ,ïo. Dio. 272. (t>) Dio. 44, 243. Cc Ü} An. de R, 709. Cicer. 6\. Coss. Marc. AnroNius. Pi CORMEL. D0I.ABELLA»  %n. ie R. . 7°?Cicer. 65. Coss. . Nakc. AnTomüs P. CORKEI. DOIAS5UA. (a) De fêlla Caefaris, bene tribuni, Praxlaros etiam XÏv. ordines. Ad Att, 15, 3, (A) Ludorum ejus apparatus, & Matius ac Pofthumius procuratores, non placent. Ad Att, 15, 1, (c) Ep. fam. 11 , 17, '40(f HlSTÓlEE DE tk VlE joie. Cependant fes réflexions fe rournèrent beaucoup plus fur la conduite d'Ocdave'f>), qui fembloit marquer un efprir déterminé a faire revivre les anciennes querelles & a venger la mort de Céfar. II n'apprit pas (b) avec plus de fatisfacrion que Matius s'étoit chargé du foin des fpectacles, Cette nouvelle confirmoit 1'opinion qu'il avoit eue de fes deffein>. II croyoit déja le voir un des plus dangereux confeil Iers d'Octave , 8c tel , en un mot, qu'il 1'avoit repréfenté a Brutus. Matius informé de ces fonpcons, en fit des plaintes a Trebatius leur ami commun ; ce qui donna lieu & Cicéron de fe juftifier par une lettre , & a Ma-> tius de lui faire une réponfe qu'on eftime avec raifon, pour la beauté du ftyle 8c des fentimens, Mais elle n'eft pas moins précieufe pour nous avoir confervé le nom & le earactère d'un romain du premier mérite, qui avoit vécu dans la plus intime familiariré avec Céfar, & dont il ne refte point d'autre'tracé dans 1'hiftoire. Cicéron (c) s'efforce dans fa lettre de perfuader a Matius qu'il ne lui eft rien échappé qui ne  fci Cicero n , 11 v. IX. 4°7 puifTc s'accorder avec les devoirs les plus étroits An. de R. de 1'amitié ; Sc pour donner plus de vraifemblance CSggg. I cette apologie, il commence par reconnoïtre Marc.a*. qu'il n'y a point de politeffesni de fervices qu'd n'ait recus de lui, fur-tout dans le tems de la BELLA% plus haute faveur auprès de Céfar. Mais lorfqu'il vient au reproche dont il vouloit fe défendre , il touche fort délicatement cetarticle, & fe renfermant dans des réflexions générales, il fait obferver a Matius, « qu'expofé comme il ed par » fon rang a la vue du public , il n'ed pas fur(» prenant que la malignité donne quelquefois a 33 fa conduite des interprétations moins avanta33 geufes. J'ai toujours pris foin , ditdl, de la ï, faire confidérer du cöté le plus favorable. Mais » vous, qui êtes un homme éclairé, vous n'ignQ33 rez pas que fi Céfar étoit en effet roi , comme >3 j'ai toujours été perfuadé qu'il 1'étoit, il n'y a 33 que deux manières d'envifager votre devoir , 3> ou celle que je fais valoir ordinairement , 33 qui eft de louer votre affeétion 8c votre fidélité 33 pour un ami mort ou celle que d'autres croient 33 plus néceffaire , & fuivant laquelle le fervice Sc 33 la liberté de la patrie doivent être préférés a la 33 vie d'un ami. Je fouhaite qu'on vous ait rap33 porté avec quelle chaleur je prens parti pour 33 vous dans ces converfations. Mais j'infifte par33 ticulièrement fur deux points, que perfonne ne Cc iv  An. de R. _ 7°S. Cicer. 65, Coss. Marc. Antonius.P. Cor- nel. doia- SEiiA. I 1 1 (ö) Ibid. 28, 408 HlSTOIRE DE EA VlE » rappelle ni plus fouvent ni avec plus de zèle »& de liberté que moi : c'eft que de tous les 3> amis de Céfar vous avez été le plus oppofé a «la guerre civiie, Sc le plus modéré après Ia «victoire. Je ne connois perfonne qui n'en con« vienne avec moi » , Sec. Matius d Cicéron. II m'eft bien doux (a) d'apprendre par votre lettre , que vous conferyez de moi 1'opinion que j'ai toujours fouhaitée, & dont j'ai cru pouvoir me flatfer. Quoique je n'en eulfe pas le moindre doute, ce prix que j'y attaché étoit capable de me caufer de 1'inquiétude. Mon cceur me rendoft témoignage que je n'ai rien fait qui puide offènfer un honnête homme, & je ne pouvois par eonféquent m'imaginer qu'avec un mérite fi extraordinaire vous vous fuftie? prévenu fans raifon contre un ancien ami donc fes fentimens n'ont iamais ehangé pour vous. Puifque les vótres font tels que je le défire, je veux m'expliquer "ur ces accufations contre lefquelles votre bonté te votre amitié vous ont fait prendre fi fouvent non parti. Je n'ignore point ce que certaines >erfonnes ont dit de moi depuis la mort de  de CicÉRON,Irr. IX. 40? Céfar. On me fait un crime de la douleur que An. HeR.' je reffèns d'avoir perdu mon ami. On prétend cic«f'«}: que le fervice de la patrie doit être préféré aux m^'an. devoirs de 1'amitié, comme s'il étoit bien prouvé Top'Uc0R, que le meurtre de Céfar eft en effet de quel- ^J-;P?^*| qu'utilité pour la patrie. Mais je ne veux point employer ici 1'artifice. J'avoue que je ne fuis point a. ce haut degré de fageffé. Ce n'eft pas Céfar que j'ai fuivi dans nos diffentions •, c'eft a mon ami que je me fuis attaché ; & quelqu'averfion que j'eufle pour le parti des armes , je n'ai pu voir marcher mon ami fans moi. Jamais je n'ai approuvé la guerre civiie. J'ai fait au contraire tous mes efforts pour 1'étouffer dans fa naiffance. Auffi ne m'a-t-on pas vu profiter de la victoire de mon ami, pour avancer ma fortune ou pour augmenter mon bien. Ceux qui ont le plus abufé de eet avantage, avoient moins de part que moi a la confiance de Céfar; & je puis dire même que mon bien a fouffert de la loi qu'il a portée , tandis que ceux qui fe réjouiffênt aujourd'hui de fa mort, en ont tiré de meilleurs fruits. J'ai follicité le pardon des vaincus avec autant de zèle que fi je 1'avois demandé pour moi-même. Comment voudroit-on qu'après m'être employé pour le falut de tout le monde , je ne regrettaffe point la mort de celui qui me 1'accordoit de fi bonne grace ; fur-tout lorfque je 1'ai vu périr par la  4io HlSTOlRE ï> È £A VlS M. ie R. cruauté des mêmes ennemis qui s'étoient toujours" Cicer. e;. effbrcés de le rendre odieux ? Mais on me fera Marc.An- repentir, difent-ils, d'avoir condamné leur acdion. *°^UCor- Infolence inouie ! Quoi ? il fera permis aux uns SEiu,°LA~ ^e tirer §^°ire ^'une a&ion déteftable, & les autres feront punis d'en avoir marqué du regret ! Jufqu'a préfent, du moins, on avoit laide aux efclaves le trifte pouvoir de craindre , de fe réjouir, de s'affliger, fuivant les mouvemens de leur cceur. Aujourd'hui elle nous ed ötée paria terreur , Sc c'eft a ceux qui fe nomment les vengeurs de la liberté, que nous avons cette obligation. Mais ils peuvent s'épargner les menaces. II n'y a point de danger ni de crainte qui puiffent m'empêcher de remplir le devoir de 1'humanité. J'ai toujours eu pour principe qu'une mort honnête ne doit jamais être redoutée , Sc qu'elle mérite quelquefois d'être cherchée. Enfin , pourquoi me font-ils un crime de fouhaiter qu'ils puiftent fe repentir d'une action que je détefte J Si c'en eft un , j'en fais gloire. Oui, je fouhaite que tout 1'univers regrette la mort de Céfar. Mais je fuis membre de la fociété civiie , Sc cette qualité, difent-ils , m'oblige de m'intéreffer au bien & a la füreté de la république. Si toutes les acdions de ma vie paffee & mes efpérances pout 1'avenir ne prouvent pas fans que je  D E C ï C É R o N, I / r. 1X 4" le dife , le flncère intérêt. que j'y prens , je renonce a le prouver par d'inutiles argumens. Je vous fupplie donc de la manière la plus preffante, de juger de moi par les actions plutót ' que par les paroles, & li vous croyez que dans \ ma fituation 1'on foit capable de didinguer la juftice & la vertu , perfuadez-vous bien que je n'aurai jamais de liaifon avec ceux dont je connoitrai les pernicieux deffeins. Je ne me fuis point écarté de ces maximes dans ma jeuneffè, quoique Terreur foit plus pardonnable a eet age. Puis-je les oublier dans la maturité de ma raifon ? Non , je fuis réfolu de ne rien faire qui m'expofe a de juftes reproches, & fi je fuis capable d'ofFenfer quelqu'un , ce n'eft qu'en pleurant le cruel deftin d'un ami qui fut le plus illuftre de tous les hommes. Comptez que fi j'avois d'autres fentimens, je ne les défavouerois pas, & queje ne voudrois pas joindre a mes fautes la honte de la diftimulation. Mais on me fait encore un crime d'avoir pris la direction des jeux que le jeune Céfar a fait célébrer pour les vicdoires de fon oncle. Je répons que eet engagement n'a point de rapport aux devoirs publics. C'eft un office d'amitié que j'ai cru devoir a Thonneur de mon ami , & que je n'ai pu refufer aux inftances d'un jeune homme auffi refpecdable qu'Oclave. Je rends des alfiduités a Marc-Antoine : mais Aa. ie R. 703. Cicer. 6%, Coss. Marc. An- ;onius. P. CORjel. DOLA« IELLA.  — An. de R. 703. Cicer. 63. Coss. Marc. Antonius. P. CoRÜEL. DOIA«EJ.LA. (a) Matius obtint la faveur d'Augufle, dont il jouït ïong-tems, & fut diliingué par le titre de fon ami. Cepen- 4ü Históike dE Cs Vie" ceux qui me le reprochent ne le voyent-ils pas plus fouvent que moi, pour folliciter fes faveurs? Quelle eft donc cette arrogance ? Quoi, lorfque jamais Céfar n'a prétendu gêner mes démarches ni me contraindre dans mes liaifons, ceux qui m'ont cruellement privé de ce cher ami croiront pouvoir m'empêcher de fuivre les mouvemens de mon inclination & de mon eftime ? Mais je fuis fans inquiétude. Ma conduite fuffira toujours pour réfuter leurs fauiïès imputations ; 8c je me foucierai peu que ceux a qui la conftance de mon amitié pour Céfar me rend odieux , cherchent a fe faire des amis qui leur reflemblent. Si la bonté du ciel permettoit que mes défirs fuftent remplis , je voudrois pafler tranquillement le refte de mes jours dans file de Rhod es; mais fi je fuis retenu a Rome par quelqu'accident , la vie que j'y ménerai fera connoure que mes voeux font toujours pour la vertu &c la juftice. J'ai beaucoup d'obligation d Trebatius des affurances qu'il m'a données de votre amitié & de votre eftime. C'eft me faire un devoir des fentimens que j'ai toujours eus pour vous par inclination. Prenez foin de votre fanté 8c confervez-moi votre affection ( a ),  deCicéron, Liv. IX. 413 Antoine mettoit a profit tous les momens, Sc pouffoit fes delfeins avec autant de vigueur que d'adrefle. II s'étoit occupé dans fon voyage d'Iralie a ïadëmbler les vétérans de Céfar dans leurs quattiers, Sc les ayant attachés a fes intéréts par de magnifiques promefles, il en avoit déja fait avancer un corps alfez confïdérable du cöté de Rome, pour les employer fuivant le befoin de les affaires. Ses foins n'avoient pas été moins ardens dans la ville. II avoir fait fervir toute 1'autorité de fon confulat a fortifier fon pouvoir, Sc 1'on commencoit a découvrir quelles avoient été fes vues en portant le fénat, fous prétexte de zèle pour la paix , a confirmer les aéles de Céfar. Etant le maitre non - feulement des papiers de Céfar, mais du fecréraire Faberius, de la main (d_) duquel Céfar s'étoit toujours fervi, il avoit la dant il paroit qu'il évita pendant toute fa vie les emplois & les honneurs publics, & qu'il la pafla dans une retraite agréable. II s'appliqua particulièrement a Ia culture des jardins, & a rafiner le gout & 1'ufage des plaifirs, ce qui étoit alors la folie de toutes les perfonnes riches. Ce fut lui qui trouva le premier la manière de greffer & d'enter les fruits , & Tart de donner une forme régulière aux arbres & aux cabinets de verdure. II oublia la-deflus plufieurs ouvrages. Columel. de re rufl. iz, c. 44. Plint Hi/l. nat. 12 , 2 , 15 , 14. (a) Appiann. liv. 3, 52^. An. de RJ 703. Cicer. 63j Coss. Marc. Antonius. p. Cor* NET. DOLAfl BEULA,  An. de R. 7°9Cicer. 63. Coss. Marc. Antonius. p. corKEL. DCIA«£UA. ( L'ouvrage de Erutüs fe réduit donc a Ie faire 33 vivre dans fa maifon de Lanuvium , a faire 33 partir Trebonius par des chemins détournés  de Cicéron, Liv. IX. 415 33 pour fe rendre dans fon gouvernement, & a 33 donner plus de force aux adres, aux promeffes, 33 aux difcours de Céfar , qu'ils n'en ont jamais 33 eu pendant fa vie »? II attribué tous ces défordres a Terreur qu'on avoit commife dès le premier jour, en négligeant de convoquer Tademblée du fénat au Capitole , ce qui avoit été facile, lorfque leur parti étoit le plus fort, & que tous ces brigands , c'eft le nom qu'il leur donne , étoient difperfés & dans Ia dernière confternation. Entre un grand nombre d'acies qu'Antoine confirma, fous prétexte d'exécuter les intentions de Céfar, il accorda le droit de bourgeoifie romaine a route la Sicile , & il rétablit le roi Dejotarus dans la poffeftion de fes états. Cicéron (a) s'explique la-deftus avec beaucoup d'indignation : cc Je crains bien , écrit—il a Atticus, que nous 33 ne retirions des ides de mars, que le plaifir » de nous être vengés d'uu homme que nous 33 avions tant de raifon de haïr. Tout ce que Ton 33 me mande de Rome & tout ce que je vois ici, 33 me le fait craindre. La belle action , fi elle 33 n'étoit pas demeurée imparfaite !.... Vous la33 vez combien j'aime les ficiliens, & que je me si fuis toujours fait un honneur d'être leur patron. (a) Ad Att. 14, li. An. de 709. Cicer. «j. Coss. Marc. Antonius. P. CORnrl. DOIA;  An. de R, 7!öj. Cicer. ' Coss. Marc. Ak> TONIUS. P. CORVCEL. DOIASSLIA, 41 e? HlSTÖIRE DE EA V I Ë « Céfar leur avoit accordé beaucoup de graces, » &c je n'en ai pas été fiché. Quoique c'en füt trop 33 que de leur donner le droit des peuples du 33 Ladum , on prenoit patience. Mais voici le 33 comble : Antoine , gagné a force dargent , 33 fait paroïtre une loi qui donne a tous les fi33 ciliens le droit de bourgeoifie , & déclaré dans 33 cette loi que Céfar la fait pafler dans 1'aflem33 blée du peuple, quoique de fon vivant on 3> n'en ait jamais entendu parler. J'en dis autant 33 de notre ami Dejotarus. II ne fauroit avoir 33 trop de royaumes; mais je voudrois bien qu'ils 33 ne lui vinflent point par Fulvia. Nous avcns 33 cent autres exemples de la même nature 33. Lorfque eet acie fut fupendu, fuivant 1'ufage , aux murs du capitole, entre les monumens publiés de la ville , 1'impofture parut fi groflière qu'elle excita la rifée & les railleries du peuple. Perfonne n'ignoroit que Céfar avoir trop haï Dejotarus pour lui accorder de fi hautes faveurs , & 1'on lavoit que les minifcres. de ce prince avoient conclu le marché dans 1'appartement de Fulvia, pour la fomme de huit eens mille livres, 8c fans avoir confulté Cicéron ni les autres amis de leur maïtre. Cependant le vieux monarque ivoitprisles devants, & fur la première nouvelle ie la mort de Céfar, il s'étoit rétabli dans fes ;tats par la force. cc II f»Voit, dit Cicéron , que 33 'Ia  'be Cicéron* Liv. IX. 417 Ia juftice naturelle donne le droit de rentrer , 33 quand on le peut, dans les biens qu'on a per33 dus par la violence d'un tyran ..... 11 s'eft 50 conduit en homme de cosur (a), &c nous 33 nous rendons méprifables en maintenant des 33 aótes dont nous haïffons 1'auteur 33» Antoine recueillit par toUtës ces voies des fommes immenfes, car il devoit plus de trois millions a la mort de Céfar; & dans 1'efpace de quinze jours (F) il fe troüva libre de toutes fes dettes. Mais il exerca une violence qui fut beaucoup plus offenfante pour toute la ville. Céfar avoit mis en dépot dans le temple d'Ops , pour les befoins extraordinaires du gouvernement, environ cinq mib lions, fans compter un autre miilion des épargnes (a) Syngraphe H. S. centies per legatos fine noMra , fine reliquorum hofpitum regis féntentia, facïa iri Gynecseo; quo in locó plurimaJ res venierünt & veJieunt..... Rex enim ipfe lira (bonte, nullis commentariis Csfaris, fimul atque audivit ejus interitum , fuo marté tes fuas recupetavin Sciebat homo fapiens , jus tempee hoe fuilfe, ut qua; tyranni eripuilTent, ea, tyrannis interfeftis , ii quibus erepta effent, recuperarent..... Ille vic fuit, nos quidem contemnendi , qui auftorem odimus , acca defendimus. Phil. z, 37. (t>) Tu autem quadringenties H. S. quod idibus martïis debuifti , quonam medo ante kalendas aprilis debere defifli? Phil. z, 37. Tome IIL D d An. dé 705. Cicer. £3. Coss. Marc. An* Tünius. P. CORNEL. DOIA* BE1XA.  "An. de R. 709. Cicer. 6}. Coss. Marc. Antonius. P. CORNE1. DOIAÏEilA. (a) Ubi efl leptïes millies H. S. quod in tabulis, qua; fiint ad Opis , patebat ? funefta; illius quidem pecunia:, fed tarnen, fi iis, quorum erat , non redderetur, qua: nos a tributis poflèt vindicare. Phil. 1,37. Ibid. 1 , 7. Plutarq. Vit d'Antoine. 41S HlSTOIRE DE LA VlË de Calpurnia, fon époufe. Cette fomme ne pa-* roitra pas confidérable, fi 1'on confidère la grandeur de la mine dont elle étoit tirée; c'eft-a-dire, Timmenfe étendue de 1'empire romain, & que de tous les hommes, Céfar étoit le plus avide au pillage. Cicéron faifant allufion a la manière dont ce tréfor avoit été recueilli, 1'appelle cc un tréfor Éi de mort & de fang , formé des dépouilles & 55 par la ruine des fujets de la république, qu'on 35 auroit rendu plus utile en le reftituant a ceux de » qui il venoit, pour leur faciliter le paiement des » taxes , qu'en le tenant renfermé dans des cof33 fres 33. Antoine eut la hardiefle de s'en faifir (a), & le principal ufage auquel il 1'employa fut pour augmenter fes troupes. Avec ce fecours il fe rendit alfez fort pour faire Ia loi a tous fes concurrens. Mais il ne fit pas un ufage moins avantageux du refte de fon vol. Dolabella étoit accablé de dettes. II lui offrit de les payer , & de i'affocier dans la fuite a la dépouilie de 1'empire, ans autre condition que de rompre avec fon beau?ère 8c d'abandonner le parti de la république.  be Cicéron, Liv. IX. 419 Cette acquifition étoit pour lui d'une importance extréme. II fentoit que 1'inclination de la ville & des provinces étoit contre lui. Pouzzoles , une des principales villes d'Italie , venoit de choifir Caffius Sc Brutus pour fes prote&eurs (a), & 1'empire fembloit n'attendre qu'un chef pour s'armer en faveur de la liberté. On avoit efpéré que Dolabella s'offriroit volontairement a remplir un fi beau röle; mais féduit par 1'argent d'Antoine, cc non - feulement il abandonna le parti républin quain, mais il renverfa la république Brutus , qui voyoit tous ces préparatifs avant le jour marqué pour 1'aflemblée du fénat, ouvrit enfin les yeux & fe reprocha 1'erreur qui 1'avoit prévenu trop favorablement pour Antoine. II comprit qu'il n'y avoit rien de bon a fe promettre de lui, ni même du corps des fénateurs, & de concert avec Caflius il prit le parti de lui demander par cette lettre quelque explication de fes deffeins. Brutus & CaJJius , Préteurs , a Marc- Antoïne , Conful. Si nous étions (c) moins perfuadés de votre (a) Vexavit puteolanos, quod Caifium & Brutum patronos adoptaiïènt. Phil. 2, 41. ( b) Ut illum oderim quod cum remp. me audore defendere ccepifTet , non modo defèruerit emptus pecunia, fed etiam quantum in ipfb fuit, everterit. Ai Att. 16 , if. (c) Ep. fam. 11,2. Dd ij An. de R. 703. Cicer. 65. Coss. Marc. Antonius. P. cor. NEL. DüLABELLA.  An. de R. _ 7°9' Cicer. Sj. Coss. Marc. Antonius. P. CORNHI. DOIAUEiLA. 420 Hf STO IRE CE EA VlÉ fincériré, & des favorables. intenrions que nous vous fuppofons pour nous, nous ne penferions point a vous écrire. Mais difpofé comme vous 1'êtes a notre égard, nous nous flattons que vous recevrez volontiers cette lettre. Nous fommes informés qu'on a déja vu a Rome un grand nombre de vétérans, & qu'on en attend beaucoup davantage pour le premier jour de juin. II feroit indigne de nous de former des foupcons ou de nous abandonner a la crainte. Cependant après nous être livrés a vous de fi bonne foi, & nous être féparés publiquement des amis qui nous étoient venus joindre de toutes les grandes villes, nous méritons que vous ne nous fadiez pas un myftère de vos deffeins, fur-tout dans une affaire qui nous intéreffe effentiellement. Ne refufez donc pas de nous apprendre quelles font vos intentions. Croyez-vous qu'il n'y ait rien a rifquer pour notre sureté dans cette foule de vétérans , dont on prétend que le deffein ed de relever 1'autel de Céfar; entreprife auflï contraire a notre sureté qua notre honneur? II nous femble que les effets prouvent affez que nous n'avons jamais eu d'autre vue que la paix & la liberté. Vous êtes le feul qui puiffe nous tromper, paree que notre confiance repofe uniquement fur vous. Cette crainte feroit contraire a 1'idée que nous avons de votre vertu: mais vous êtes le feul qui puiffe nous tromper. Nos amis  DE ClCÉROK,I/r. IX. 42.1 tremblent pour nous-, car tout perfuadés qu'ils font de votre intégrité, ils confidèrent qu'une multitude de vétérans peut s'emporter a la violence avec beaucoup plus de promptitude que vous n'en fauriez avoir pour 1'arrêter. Expliquez-vous donc fur toutes ces circondances. II n'y auroit pas de vraifemblance a nous répondre que les vérérans s'alTemblent, paree que vous devez faire quelque propofition au fénat en leur faveur. De qui pourroient-ils craindre de foppofition , lorfqu'il eft certain qu'ils n'en recevront pas de nous 3 Au refte, on ne doit pas nous foupconner d'avoir trop d'attachement pour la vie , fi 1'on confidère qu'il ne peut nous arriver rien de funefte , fana ïe renverfement total de la république. Adieu. Pendant le féjour que Cicéron fit a la campagne , ou il recevoit continuellement fes amis, & ou toutes fes rédexions fembloient confacrées auJ affaires publiques, il trouva du loifir pour compofer divers ouvrages philofophiques, qui on paffe heureufement jufqu'a nous. Le plus impot tant eft fon Traité fur la Nature des Dieux divifé en trois livres, qu'il adreffa a Brutus. ] y raffembla les opinions de tous les philofophc qui avoient jamais écrit (a) fur cette matière & la grandeur du fujet, comme il prie fes lecdeu («) De Natur. Deor. 1, 6. D d lij An. ie RJ 705. Cicer. ffj. Coss. Marc. Antonius. p. cor- nel. Dolabella. t > l s 5 ;s  An. de R. 705. Cicer. 65. Coss. Marc.Antonius. p. CORKEI. DOIAEEILA. 3 3 4*z Histoiee de la Vie de Tobferver, méritoit 1'attention de ceux qui youloientapprendre ce qu'ils devoient a la religion, a la piété, aux cérémonies, a la foi des fermens, a la fainteté des temples, &c. puifque tous ces points fe trouvent renfermés dans la quedion de 1'exidence & de la nature des dieux. II compofa auffi un difcours fur la divination, ou fur la connoiffance des évènemens futurs, & fur les différentes manières dont on fuppofe qu'elle peut être communiquée aux hommes. II y expofe en deux livres tout ce qu'on peut dire pour ou contre la réalité de cette fcience. La forme de ces deux ouvrages eft celle du dialogue. II explique lui - même le deffein qu'il s'y propofe : « Carneades, dit-il, ayant écrit fur » la divination avec autant de fubtilité que d'abon» dance, pour répondre aux ftoïciens , je veux '3 examiner quel jugement 1'on doit porter de fa >3 doctrine; & dans la crainte d'être trompé par o des raifonnemens faux ou obfcurs, je m'attache0 rai, comme dans monTraité de la Nature des '3 Dieux, a pefer de part & d'autre la folidité des 0 argumens & des preuves. Si Terreur eft honteufe »dans toutes fortes de queftions, elle Teft beau3 coup plus fur les chofes qui appartiennent a la re3 ligion; car le danger eft prefqu'égal, ou de fe > jeter dans Timpiété en les négligeant , ou de 1 tomber dans la fuperftition , en les embraf-  b! CicéroNj i/r. ix 4J3 „.fint (a) avec une foumiflion trop aveugle ». II compofa un autre Traité fur les Avantages de la Vieillejje , qu'il publia fous le nom de Caton, paree qu'il en fait fon principal interlocutem5 mats fl 1'adreffa au plus ddelle de fes amis , a fon cher Atticus, comme un fecours dont ils avoient befoin tous deux a 1'entrée de cette dernière fcene de la vie dont ils approchoient également. « U „avoit trouvé, dit-il, tant de plaifir a compofer „cette pièce, que non-feulement elle avoit (*) „adouci les plaintes que 1'age auroit pu lm arra. cher, mais qu'elle avoit même la force de lu: „ faire trouver de 1'agrément dans la vieillede » Quelque tems après il fit a fon ami un autre pre fent du même genre , &c plus précieux encore pa le rapport particulier qu'il avoit a la plus douc & la plus longue habitude de leur vie. Cé ft fon Traité de 1'Amitié. . Quand je vous ai dedu M lui dit-il, mon Traité de la Vieilleffe, c'éto „un vieillard qui écrivoit a un autre viedlar » Aujourd'hui c'eft a mon ami que j'écr.s fur li » mitié (c), fous le nom de Ladius, un des pl (a) De Divinat. I , 14- . (b) Mihi quidem ita jucunda hujus libn confe&o fuit ut non modo omnes abfterferit feneftutis moleflias, fed effeeerit mollem etiam & jucundam feneflutem. Lat. i. (c) Digna mihi res, turn omnium cogmttone, tum v ö Ddiv An. de R. 709. Cicer. é}. Coss. Marc. Antonius. ï>. CORnel.dolabella. r t » ic t 1- 15  4*4 HlSTOlEE DE LA VïE R. » fincères amis du monde », Ces deux traités onC CcosSf3- . la,forme du diaI°g"e- Ladius, qui eft le ^rc. ak- pnncpaJ acteur dans celui de 1'amitié, s'entretienc »zïoi9K' lFanrjiUS & ScéV°k feS deUX Senc^s , fur, miia. a morc ^eScipion, & prend occafion de letroite liaifon qu'il avoit eue avec lui, pour leur expliquer la nature & les avantages de la véritable armne. Le fujet n'étoit pas fuppofé. Scévola, qui, vecut fort long-tems, & qui prenoit k;fir comme tous les vieillards, a raconter les hiftoi, res de fa jeuneffe, répétoit fouvent toutes les circonftances de eet entretien a fes écoliers, & Cicéron qui leS retrouva long-tems après dans fa memoire, les jeta fideilement fur le papier. Ainft eet agréable ouvrage, qui ne laifieroit pas d'être un des plus beaux reftes de 1'antiquité, quand il paf f«o.t pour fabuieux, doit faire fur nous d'aurant plus drmpreflion, quétant hiftorique , il nous reprefente les fennmens naturels des plus grand* & des plus vertueux perfonnages de Rome. Un autre fruit de la retraite de Cicéron, &e fon Traité du Beflin , dont il avoit pris le fujetda"S Une co«verfation qu'il avoit eue avec Hir- "°ftra fai"aiarftate ^ ««• — m «t Wm, W fepem fer-ex de feneccute, fic hoe libro ad amicum arnicifW de arwana fenpfi & cum Scxyoh fuit ^ fermonem L*lii de amiciria , habitum ab illo fecum & «uto ajtero genero C. Famiio, &c, D* 4mki- i '  de Cicéron, Liv. IX. 4*5 tius. La fcène avoit été dans une de fes maifons de An. de Ri campagne , dont on ne connoït pas le nom , Cta*.* dans le voifinaee de Pouzzoles, ou Hirtius avoit marc.Ah, pafle avec lui quelques jours du mois de mal. P. cor- 1 1 , a nel. dola-5 On fuppofe que ce fut veis le meme tems qu u BELLA> acheva fa tradudion du Timée , fameux dialogue de Platon fur la nature & 1'origine de 1'univers. Mais il donnoit condamment une partie de fon travail a la compofition dun autre ouvrage qui 1'occupoit depuis plufieurs années. C'étoiC VHifioire de fon tems, ou de fa propre conduite, mêlée de réflexions libres fur tous ceux qui avoient abüfé de leur pouvoir pour 1'oppreflion de la république. 111'appelle fon Anecdote. Dans fes vues, eet ouvrage ne devoit pas être publié. II ne lavoit compofé que pour le communiquer (a) a un petit nombre d'amis, fur le modèle de Théopompe, hiftorien fameux par la liberté de fon ftyle. Atticus le preflbit d'y mettre la dernière main, & de lé continuer jufqu'au gouvernement de Céfar ; mais fon deiTein étoit de faire de cette partie une hiftoire féparée , dans laquelle il vouloit établir qu'il eft jufte de tuer un tyran. Ses lettres font fouvent allufion a ce projet (b). II écrit a (a) Ad Att. 2 , 6. Dïon. Malie. Prccm. 1. (a) Librum meum illum nondum ut volui perpolivi. Ma vero , qua: tu contexi vis, aliud quoddam feparatum volumen expeftant. Ego autem credas nuh»  426- HlSTOIRE DE LA VlE 1*. * R. Atticus : « je point encore achevé mes anec- CCoSs^- ,Ce ^ VOUS voudriez fj aputafie ^rc.An- "demanoe un volume particulier. Mais croyezp.^Cor- "moi> F fuis trop perfuadé qu'il y auroit eu «iü. " moms de da"ger a parler contre ces peftes de»la république, pendant la vie du tyran, que » depuis fa mort. J'étois aflez heureux, je ne fais »par quelle raifon, pour qu'il foufFrït avec une «patience merveiileufe tout ce qui venoit de moi. » A préfenr, de quelque cöté que nous nous tour» nions, on nous donne pour loi, non-feuiement -ce que Céfar a fait, mais ce qu'il avoit envie " de faire * D^s une autre lettre : « Je ne » comprens pas ce que vous fouhaitez que j'écrive. - Voudriez-vous que je prouvaflè qu'on étoit en « droit de tuer le tyran ? Je parlerai & j'écrirai fou» vent la-deffus , mais ce fera d'une autre manière » & dans un autre tems » II s'étoit ouvert fur le même delfein a fes autres amis 5 car Trébonius, dans une lettre qu'il lui écrivoit d'Athènes, après velim, minore periculo exiftimo contra illas nefarias partes vivo tyranno dici potuiffê quam mortuo. Ille enim nefcio quo pafto ferebat me quidem mirabiliter. Nunc quacumque nos comrr.ovimus , ad Cajfaris non modo acta , verum etiam cogitata revocamur. Ad Att. 14, 17. Sed parum intelligo quid me velis fcribere an fic ut in tyran- tium jure optimo ca:fum ? multa dicentur , multa fcribentur a nobis, fed alio modo ac tempore. Ibid. ij, 3.  dECicêKON,Lir. IX 4*7 1'avoir fait fouvenir de 1'efpérance qu'il lui avoit (a) An. de K, donnée de fe voir placé dans quelqu'un de fes ac^.j,. écrits, ajoute: « Je me datte que fi vous écnvez m«c.A* „fur la mort de Céfar, vous ne me donnerez c , „ pas la dernière part a 1'acdion Dion Caffius ^ raconte qu'il remit cette hiftoire, cachetée, entre les mains de fon fils, avec ordre de ne la lire & de ne la publier qu'après fa mort. Mais la fuite des évènemens ne lui permit plus de revoir fon fils, & probablement il laifla 1'ouvrage imparfait. II s'en répandit (*) néanmoins quelques copies, dont Afconius, fon commentateur , nous a confervé divers traits. Vers la fin de mai, Cicéron prit le chemin de Rome, pour fe trouver le premier de juin a 1'affemblée du fénat. II paroït par une de fes lettres a Atticus, qu'il étoit a Tufculum le 16 de mai. Son commerce ne s'étoit pas relaché avec Brutus , qui lui demanda même une conférence (c) O) Namque illud non dubito quin, fi quid de interim Csfaris fcribas, non patiaris me minimam partem & rei & amoris tui ferre. Ep. fam. 11, 16. (£) Dio. p. 96. Afcon. in Tog. Cand. (c) Puto enim nobis Lanuvium eundum , non fine multo fermone Bruto enim placere fe a me conve- «iri. O rem odiofam & inexplicabiiem ! Puto me ergo üurum Antonü confilia narras turbulenta Sed  4*8 HlSTOIRE DE LA VlÉ a Lanuvium ; & quoique dans les conjonétures, C,'cos/J- FUdenCe ne ki Permït §uère de donner un ■rÏÏS*- "TT fuj£t d£ j3l0ufie a Marc-Antoine , il ../•nCoR- ? "tte CraI'nte Pour fttisfaire Brutus. Mais PBuA?°iA- » mefure q«'« sapprochoit de Rome , il fentoit dimmuer la réfolution oü il étoit venu d'v paroïtre & daffifter au fénat. «H apprenoit que la - v,lle étoit remplie de troupes , qu'Antoine en «amenoit encore un plus grand nombre, qUe »toutes fes vues le portoient a la guerre & » qu'il étoit réfolu d oter le gouvernement de' la "Gaule a D. Brutus, dans une alTembJée du » peuple, pour s'en revetir lui-même». Hirtius lui confeilla de ne pas venir plus loin , & pa_ roufoit (a) réfolu de s'abfenter aufli. Varron lui mihi totum ejus confilium ad bellum fpeftare videtur fi .quidem D. Bruto provincia eripitur. Ad Att. ry 4 (a) Hirtius jam in Tufculano efl ; mihique , „tabfim vehementer auftor efl, & We quidem periculi caufa. Varró autem „ofler ad me epiflolam rrfifit.... in qua fcriptum erat, veteranes eos qui rejieiantur, improbifllme Ioquiutmagno periculo Rom* fint futuri, qui ab eorum par.' t. us duTennre videantur. fi* y. Gr.cceius ad me fenp. fit C Caffium ad fe fcripfilTe homines comparari, qui Tn Tufculanum armati müterentur Id quidem mihi no„ Jtdebatur, fed cavendum tarnen. Bid. rS , S. Mihi ver. dehberatum efl, ut nunc quidem efl, abeffe ex ea urbe. » qua non modo florui cum fumma, verum etiam fePvm cum ahqua dignitate. Ibid. jf.  DE ClCÊRONjL/r. IX. 415 ïcrivit que les vétérans tenoient des difcours ter- Atl,7^K' ribles contre ceux dont ils ne fe croyoient pas ck^J}' favorifés. Grscceius 1'avertit audi de la part de Marc Ak- r r 1 o ton1us. Caffius qu'il devoit fe tenir lur les gardes, & p. cor- , . 1 1 ? t j nel. dola- quon parloit de quelqUentrepnie que des gens BEU,A. armés devoient faire a Tufculum. Toutes ces informations lui ötèrent 1'envie de paroïtre au fénat , 8c le déterminèrent a s'éloigner d'une ville « ou il avoit, dit-il, brille dans les plus grands » honneurs, 8c foutenu 1'efclavage même avec 33 quelque dignité 33. La plus grande partie des fénateurs (a) fuivirent fon exemple , 8c cédèrent a la crainte des violences dont tout le monde fe croyoit menacé , lailfant aux confuls 8c a un petit nombre de leurs créatures, toute la liberté qu'ils défiroient pour faire des décrets 8c des loix. Ce changement fit renaïtre a Cicéron le deffein du voyage de la Grèce , qu'il méditoit depuis long-tems , pour aller pafler quelques mois avec fon fils dans le fein des fciences 8c du repos. N'efpérant plus rien des confuls, il étoit réfolu de ne rentrer a Rome que fous leurs fuccefleurs , du moins s'il recevoit d'eux quelqu'encourage- (a) Kalendis juniis , cum in fenatum , ut erat confiitutum, venire velleraus, metu perterriti repente diifugir mus. Phil. z , 48.  43» HlSTOIKE DE LA VlE 'An. de R. ment qui füt capable de relever fes efpérances, Cicer.?6j. H pda Dolabella de lui procurer une de ces MarcIan- b'eutenances (a) honoraires qui pouvoient lui faire t°p!UCor- trouver PiUS de commodité & d'agrément dans *ziLa.°la' fon v°yaSe J & Pour garder quelque ménagement avec Antoine, ii lui demanda auffi la même grace. Dolabella s'emprelfa aulTitöt de le nommer fon lieutenant, ce qui répondoit d'autant mieux aux déiirs de Cicéron, que cette qualité ne lui impofant aucun devoir & n'étant limitée par aucun tems, il fe trouvoit libre de fuivre toutes fes inclinations. II partit, après avoir appris de Balbus ( b) que le fénat devoit tenir une fcconde affemblée le cinq; que Brutus 8c Caffius y recevroient la commiflion d'acheter du blé, 1'un dans 1'Afie, 1'autre en Sicile , pour les befoins preffans de Rome; 8c qu'a la fin de 1'année ils auroient part avec les autres préteurs a la dif tribution des provinces. Cette conduite étoit fort (a) Etiam fcripfi ad Antonium de legatione , ne fi ad Dolabellam folum fcripfiflem, iracundus homo commove- retur. Ad Att. 15,8. Sed heus tu , Dolabella me fibi legavit, &c. Ibid. 11. (b) ABalbo reddita; mihi literre , fore nonis fenatum , ut Brutus in Afia, Cafllus in Sicilia frumentum emendum & ad urbem mittendum curarent. O rem miferam ! Aït eodem tempore decretum iri, ut iis & reliquis prxtoribus proyincia; decernantur. Ibid. 9.  de Cicêkon,! /r. IX. 431 ïemarquable (iAB^ILA.  An. de R. 709. Cicer. 6). Coss. Marc. Antonius. P. Cor- kel IJOLAs£lu. (a) Ante alias dilexït M. Bruti matrem Servilïam , cui (ëxagies H. S. margaritam mereatus eft. Suet. J. Cce/l 50. (fi) Quin etiam hoe ip(b tempore multa v-ams-oAoixa : Pontii Neapolitanum a matre Tyrannoctoni poflïdeti, Ad Att. 14, £1. 434 HlSTOlRE DE LA VlB . Servilie , quoique foeur de M. Caton, avoit eu des liaifons de tendrefle avec Céfar •, & de toutes fes maitrefles elle étoit après Cléopatre celle qui avoit eu le plus (a) d'afcendant fur fon cceur. Après la guerre civiie il lui avoit donné quelques belles terres de la confifcation des biens de Pompée , & 1'on prétend qu'une feule perle qu'il acheta pour elle lui coüta foixante mille écus. Elle avoit beaucoup d'efprit & de talent pour 1'intrigue , elle avoit acquis de la confidélation dans le parti de Céfar; Sc Cicéron remarque qu'elle étoit aduellement (b) en polfedion d'une partie des biens de Ponrius Aquila , un des complices de Brutus. II regarde même comme un des plus monftrueux incidens de fon fiècle, que la mère du meurtrier de Céfar jouït de la dépouille d'un des conjurés. Cependant elle avoit tant de part aux confeils de Brutus , que Cicéron en avoit moins de penchant a s'y mêler, ou a communiquer lui-même fes fentimens a une femme pour laquelle il ne pouvoit avoir de con-  de Cicéron, Liv. IX. 43; fiance (a). « Comment puis-je entrer dans fes » affaires, dit-il, lorfqu'il fe iaiffë condüire par »Ies avis & par les follicitatioris de fa mère»? II fe laiffa perfuader néanmoins dé les aller joindre a Antium , pour adifter au confeil de ] quelques amis d elite , dont ils vouloieht prendre le fentiment fur la commidion qui regardoit les blés. Cette affèmblée fe trouva compofée dé Favonius , de Serviiia j de Porcia , femme de Brutus, de Terrulla fa foeur , femme de Caffius » & de pluüeürs autres perfonnes également diftinguées dans les deux fexes. Brutus fut charmé de voir arriver Cicéron, & le preffa f b ) auflitöt d'expliquer ce qu'il penfoit de fa fituation. Cicéron lui dit ce qu'il avoit médité en chemin ia-deffus, « qu'il lui confeilloit d'accepter cette «commidion des blés & de partir pour 1'Afie j * W* ce qu'il avoit de mieux a faire étoit de penfer » a fa fijreré , & qUe c'étoit le moyert de fauver »la république. J'avois déja eommencé a parler, * c°ntin«e Cicéron en faifant ce rédt a Atticus-' »lorfque Caffius arriva. Je répétai ce que j'avois * dé)^ dir° Caffius m'interrompit d un air animé, * & Comme un homme qui ne refpiroit que la (a) Matris confilio cum utatur, vel etiam precibusj quid me interponam ? Ad Att. iy, 10. (*) Ad. Att 15 j it, n. £e ij An. èe r. . 7°». Cicer. #3). Coss. Marc. An> :onius. P. CORJEL. DOLAlEIlA.  An. de R. 7PJ. Cicer. 6}. Coss. Marc. Antonius. P. Cornei. Dola- EELLA. (a) C'étoit 1'occafion de fe défaire d'Antoine & de plu-, fieurs autres en Ce défaifant de Jules-Céfar. 43 6 HlSTOIRE DE LA V I É 33 guerre : Pour moi je n'irai point en Sicile* 33 Quoi, il faudra que je recoive comme un bien33 fait ce qui n'eft qu'un véritable affront ! Que 33 ferez-vous donc , lui dis-je ? J'irai , reprit-il , » en Achaïe. Et vous, Brutus, oü irez-vous i A 33 Rome , me dit-il, fi vous le jugez a propos. » Moi ? nullement ; car vous n'y feriez pas en 33 füreté. Et fi je n'y avois rien a craindre , me j3 confeilleriez-vous d'y aller ? Je voudrois bien , 33 lui dis-je, que vous ne fortiffiez pas d'Italie , 33 ni a préfent, ni après votre préture : mais je 33 trouve que ce feroit trop vous expofer que de » venir a Rome. Je lui en expliquai les raifons, 33 qui vous viendront fans doute a 1'efprir. 33 Dans la fuite de la converfation , plufieurs 33 perfonnes, & Caffius fur-tout, fe plaignirenc » de ce qu'on avoit manqué une fi belle (a) oc33 cafion. II en accufa Brutus. Je lui dis qu'il avoit 33 raifon , mais qu'il étoit inutile de rappeler le 33 pafte. Je commencai enfuite a parler de ce qu'il so auroit fallu faire, & je ne dis que ce que tout 33 le monde répète tous les jours. Je n'ajoutai pas 33 même que Céfar n'é"-oit pas le feul dont on 33 devoit fe défaire ; mais feulement qu'il auroit 33 fallu adembler le fénat, profiter de 1'ardeur que  tos CicÊROiT, Liv. IX. 4ÏJ sa le peuple témoignoit, pout Tammer encore da33 vantage , & fe rendre maitre des affaires. La33 delfus Servilie s'écria : Je n'ai jamais rien enten33 du de pareil. Mais je lui fis comprendre qu'elle 3» s'adreffoir mal. Je crois que Caffius parrira, 33 car Servilie promet de faire êter du décret ce 33 qui regarde cette commiffion des blés. Bruv tus qui avoit déclaré d'abord qu'il vouloit fe 33 rendre a Rome, a bientót changé de fenti33 ment. Je crois qu'il partita d'Antium pour »31'Afie. 33 Enfin je ne fuis content de mon voyage que » par une feule raifon; c'eft que je n'aurai rien as a. me reprocher. II ne convenoit pas que Bru33 tus quittat 1'Italie fans que je le vide. Je desa vois ce foin a notre amitié. Du refte je ne pouvofc 33 faire un voyage plus utile. J'ai trouvé le vaif 33 feau brifé , ou pour mieux dire, divifé en pièces 33II n'y a ni prudence, ni ordre, ni raifon dan: 33 tout ce qu'ils entreprennent. Auffi fuis-je plu 33 déterminé que jamais a partir au plutot, & 33 me retirer dans quelque coin du monde, ou j 33 n'entende plus parler de tous les exces qui fe con 33 mettent ici 33 Cette importante délibe ration méritoit d'être rapportée dans toutes C circonftances. Oetave en arrivant a Rome , avoit recu d'Ai toine un accueil fort dur 6c fort fombre. Lo E e iij An. de R; 709. Cicer. 63. Coss. Marc. An« tomus. P. COR*, NEL. D0LA.7 BELLA* i i' ÏS i-  An. de r. 709. Cicer. 6}. Coss. Marc. Antonius.p. Cor- NEl. DolA- (a) In locum tribuni plebis forte demortu!, candidatum petitorem fe oflendit, Sed averfante conatibus fuis M. Antonio confule. Suet. Auguji. 10. Dio. 171. Appian. fo£. (£) Ad Att. iy, ia. 43 S H1 s t o 1 r e fi e 1, a Vie de le traiter comme 1'héritier de Céfar, & de lui facilirer 1'ouverture de la fucceflion de fon oncle , Antoine avoit marqué du mépris pour un jeune homme fans expérience, & s'étoit montré fi peu favorable a toutes fes prétentions, qu'il lui avoit coupé le chemin au tribunat (a), que 1'inclination du peuple fembloit lui promettre a la place de ce Cinna qui avoit perdu la vie aux funérailles de Céfar. II n'en fallut pas davantage pour attirer fur lui les regards du parti républiquain, & Cicéron parut changer d'idée fur fon caraclère & former de meilleures efpérances, a mefure que les forces d'Antoine devinrent plus 4;edoutables. II s'en expliquoit déja dans ces terxnes(b) : aJe trouve qu'Ocdave ne manque ni ?> d'efprit ni de courage, 8c je crois qu'il en ufera te comme nous le fouhaitons avec nos héros : » mais fon age, le nom qu'il porte 3 le bien dont il 33 eft héritier, les impreflions qu'on lui a données, » tout cela demande qu'on examine férieufement 33 fi 1'on peut fe fier i lui. Son beau-père ne le » croit pas , mais il faut toujours le ménager,  » quand ce ne feroit que pour 1'empêcher de fe 93 lier avec Antoine. Ten eftime davantage Mar93 cellus, s'il lui infpire de bons lentimens pour 33 nos amis. II a plus d afcendant fur fon efprit 53 qu'Hirtius & Panfa. Enfin Oftave me paroit d'un 33 fort bon naturel , pourvu qu'on ne le gate » pas 33. Au milieu de ces affaires, dont Cicéron fe plaint que fon efprit étoit fort agité, 1'étude n'en faifoit pas moins fa principale occupation ; & pour fe dérober aux compagnies qui venoient continuellement 1'interrompre , il quitta fa maifon de Bayes & fe rendit a celle qu'il avoit (ü) dans le voifinage de Naples. II commenca fon Train des Offices , pour 1'inftruction de fon fils, « qu'i »s'étoit propofée, dit-il, comme Ie fruit d 3» cette excurfion 33. II y compofa auffi une orai fon fur la fituation préfente des affaires publiques & 1'ayant cnvoyée a. Atticus, il lui laifla la li berté de la publier ou de la fupprimer a fon gr (a) Nos hic deinde alia. Quid qusris ? Extabit op< peregrinationis hujus. Ego autem in Pompeianum proj. rabam, non quod hoe loco quidquam pulchrius, fed terpellatores illic minus molefti Orationem tibi n Ejus cuflodiendse aut proferends arburium tuum, &c. ^rr. ij, ij, 14. _ . Eeiy An. Je 709. Cicer. 65. Coib. Marc. An- TOMUS. P. CORnel. DOLA.kEUA- I » 73 m ra einifi.Ai  440 Hi st oir * de la Vie *M.*. Pendant ce-tems^ fon hiftoire fecrète nétoit Cccs^- P3S II promettoit 1 Atticus de la finir ^AM' !?^J*^ & de la lui envoyer , pour êtr* K-E,PnCoR- 5 dit iJ' dans un «binet. W«* «3ue de P°"voir quitter PItalie , il fut «ppele a Tufculum par la nécelfité de fes affaires; & penfant auffi i former fon équipage («> Ü écrivitd Dolabella pour fe procurer des Iets & d'autres commodités, que le gouverne. ment devoit fournir a ceux qui voyageoient avec un caraclère public. En fc féparant id de && cher Atticus, fis prirent congé Pun de lautrs avec tous les témoignages de la plus parfaite amitié. Le troublé des affaires & 1'incertitude ou ils étoient de fe revoir leur fit naitre des réflexions £ melancoliques, quelles tirèrent des larmes d Atticus auffitot qu'il eut quitté fon ami. II lui rendit compte de eet attendriffement dans fa première lettre, en lui promettant de le fuivre dans la Grèce (*) , & Cicéron lui fit cette ré. (<0 Ibid. i8. > Te ut a me difceffifli, IacrymalFe molefle fereü bam. Quod fi me pr?fente fecifr ^ ... fo.ata efl fpes brey, tempore conpediendi: q„« quidem ïunt. De Bruto fenbam ad te omnia. Librum übj celed-  be Cicéron, Liv. LX. 44* ponfe : cc Vous m'avez touché feniiblement en me » faifant la peinture de votre triftefle. Je fuis fa93 ché que vous n'ayez pleuré qu'après votre dé» part; fi j'avois vu tomber vos larmes lorfque » vous me dites adieu, peut-être m'auriez-vous 33 fait perdre 1'envie de partir. Je fuis bien-aifé 30 que vous vous confoliez par 1'efpérance de me 33 rejoindre bientót , & c'eft auffi cette penfée 33 qui me foutient. Vous aurez fouvent de mes 33 nouvelles. Je vous manderai tout ce que ja 33 faurai de Brutus. Je vous enverrai inceffamment 33 mon traité de la Gloire (a) , & je vous prépare ter mittcm de Gloria. Excudam aliquid quod lateat in thefauris tuis, Ibid. 2,7. (a) Ce Traité de la Gloire qu'il envoya bientót a Atticus, & qui fut publié en deux livres, s'eft confervé jufqu'a l'invention de Fimprimerie, mais faute d'avoir été ïmprimé, il s'eft malheureutement perdu. Ralmundus Superantius en fit prélênt a Petrarque , qui fuivant le récït qu'il en fait, le donna a un maitre d'école , fi pauvre , qu'il le mit en gage dans quelques mains inconnues oü il fe perdit. Cependant il parok qu'environ deux eens ans après, il étoit dans la bibliothèque de Bernard Juftiniani, paree qu'il étoit nommé dans le eatalogue de les livres. II les légua a un monaflère de filles, Mais comme le Traite (ie la Gloire ne s'y eft pas trouve , on eft généralement pertuadé qu'Alcyonius, médecin de ce monaflère , le dérpba, Sc. qu'après 1'avoir fondu dans un de les ouvrages, An. ie RV 709. Cicer. 6}. Coss. Marc Aw TonIüs. P. COR. NFL. D0IA5 SELLA.  An. de R. 705. Cicer. 6}. Coss. MARC. ANTONIUS. P. CORKEL.DOLA- il brula le manufcrit. Les critiques prétendent que c'elï fon livre de Exilio, qu'Alcyonius a fait aux dépens de Cicéron, paree qu'il y a quantité de paflages qui ne font pas bien liés avec le refle de 1'ouvrage , & qui paroilfent furpaiïer 1'efprit & le goüt de 1'auteur. Petranh. Ep. Hv. 1%, \,Rtr. Senilium Paul. Manut. 44* HlSTOIRE BB £ï Viï » un aurre ouvrage que vous garderez dans votrd » cabinet 53. II n'eft pas befoin de faire remarquer que des traits de cette nature, tirés fur-tout d'une lettre familière , jettent plus de jour fur le véritable caraclère des grands hommes, que les témoignages les plus brillans des adres publics ou de leurs propres écrits. On fe figure ordinairement qu'un homme d'état fe dépouille de tous les fentimens naturels , & renonce a toutes les paftïons qu'il ne peut faire fervir aux vues de fon intérêt ou de fon ambition : mais on voit ici qUC loin d'être infenfible aux mouvemens de la tendrefle & de 1'amitié, Cicéron, un des plus grands hommes qui furent jamais, prenoit plaifir a nourrir dans fon cceur des fentimens fi doux , Bc qu'il les regardoit comme une faveur de la nature , qui nous a rendus capables de cette charmante confolation , dans les chagrins inévitables 3e la vie privée & de la vie publique. Atticus , lont la philofophie n'étoit pas moins incompatible  de Cicéron, Liv. IX. 443 que 1'ambition avec toutes les afFedions qui ne fe rapportoient point a lui-même, étoit aufli fort fouvent ramené par 1'excellence naturelle de fon caraótère, a des fentimens qui bleffbient fes principes. Combien de fois avoit-il reproché a Cicéron 1'excès de fa tendrefle pour fa fille Tullia? Cependant a peine fut-il père de la petite Attica , qu'il fe reconnut fenfible a la même foibleife. Cicéron ne manqua point de lui rendre agréablement fes anciennes railleries. «Je fuis » ravi, lui écrivoit-il, que vous foyez fi charmé 3> de la fille que vous avez laifiëe a Rome. Quoi33 que je ne 1'aie jamais vue, je 1'aime déja de =» tout mon cceur, 8c je fuis perfuadé qu'elle efl x fort aimable. Adieu pour cette fois a Patror » 8c a tous vos épicuriens ( a ) » .. • • Dans un< autre lettre : «J'applaudis du fond du coeu 30 aux fentimens que vous marquez pour votr 30 aimable filJe , 8c je fuis ravi que vous reconnoif j» fiez par vous-même que la tendrefle des père 3» pour leurs enfans vient de la nature. Afluré 33 ment fi les liens du fang ne font pas naturels 33 il n'y en a point d'autres qui le puiflent être; c (a) Filiolam jam gaudeo tibi Roms efle jucundam , eamque , quam nunquam vidi, tarnen & amo & amabilem efle certo fcio. Etiam atque etiam valete , Patron, & tui condifcipuli. Ad Au. J, 19, 7 3 An. de Ri 709. Cicer. «5. Coss. Marc.Ak* TONITJS. P. COR» nel. DOlA* belia. s 3 e  444 Histoire t>é r a ViÉ Cfce, , mens bf è ,aYr+ ° lere' Les fentI* MarcMAn. ( } Carneades me paroiffent TONIUS. — p- COR-, **~ ~ — _ NEL. DoiA- «U*. (*) n »'y, rien d'obfcène dans cette formule bene TT', °bfCénité 60 da"S k Ch°fe * laauel.: Car ea ^s lapp,lquoit. Cafaubon croit gu„ ^ ^ t, J 7 a plus d apparence qu'd Ce fervoit du mot .^«,9*, Z7 C;Ce;°n/eUt donc dire SP4- eft honteux que Carne.de.■ fi fervit dans une pareille occafion de cette fol nrule e bon augure qu'on employoit dans les ^s te jeuxauef t. On pourrort encore donner un autre fens * eet endron, car il n'eft pas bien sur qu'il dobfeentte. ^Wpourroit bien „e figniner ici qu! fj ron Ec alors il voudroit dire qu'il paroiiToit par cette for-ule Bene eveniat, que Carneades avoit pour princt objet dans toutes fes aeïions , 1'utile plutót que 1'CneT u, eto, un fentrment indigne d'un philofophe ; qu'on devo„ penfer avec les ftoïciens, que la vertu fe fuffilt * elle^mem^ au lieu que les académiciens, comme Car«ades ,0>g„o,e„t enfemble les motifs de 1'utüe & de honnete Mais les épicuriens alloient encore plus loi„ Is regardo.ent la volupté comme l'unique fin, méme k excMon de la vertu ; du moins c'étoit ,e fentimenTq ,e e s adverfa!res ,eUr attribuoient, ou les conféquence! quns „mem de leurs principe, Suivant cette feconde Carneades par qu'il nous en arrivé du Men, comme f ' - le prtneipal mofif des adions de ce bilofoph^  Dl CicékoNj Liv. LX. 445 ^ encore plus infupportables que ceux de vos » épicuriens, qui rapporrant tout a eux-mêmes , » croient par conféquent qu'on ne peut rien faire » pour les autres, &c qui, lorfqu'ils difent qu'il »faut faire le bien paree qu'on y trouve fon « avantage , fans qu'il y ait en effet aucune aca» don qui foit par elle-même bonne ou mauvaife , a> ne confïdèrent pas que c'eft-la le portrait d'un » bomme adroit & habile, mais non pas celui » d'un honnête homme ». Le peuple romain éroit dans 1'artente des jeux &: des fpecTracles que Brutus, en qualité de préteur, devoit donner letroiheme de juillet d 1'honneur d'Apollon. C'étoit un ufage dont rien ne pouvoit le difpenfer, & fes amis rrembloient pour 1'accueil que la ville alloit faire a ce qui viendroit de lui. II pria Cicéron par une lettre preffante d'honorer cette fête de fa préfence; mais Cicéron trouva fa prière abfurde & fort éloignée de fa prudence ordinaire (a). II lui répondit tonius. P. CORNEL. DOLAr.F.HA,  An. de R 709. Cicer. Si, Coss. Marc.Al ïomus. P. C01 nel. DOLJ kelia. quam 4lgnuatis, fubito ad ludos venire. Tali enim tempore ludos facere illi honeffum eft , cui necefle eft : fpec* tare mihi, ut non eft necefle, fic ne honeftum quidem eft. Equidem illos celebrari & effe quam gratiflimos mirabiliter cupio. Ad Au. 15, 16. 446" HlSTOIRE DE tA VlB *> quatld il n'auroic point été fi avancé dans föri i> voyage,il ne pouvoit retourner avec bienféance4 ,„ * il ne lui convenoit point, après s'être difpenfé =3 jufqu'alors de paroïtre a Rome , moins par la * 30 crainte des foldats dont la ville étoit remplie » qtie par confidération poür fa propre dignité , 33 d'y aller tout d'un coup pour y voir des jeux » & des fpe&acles ; & que fi les préteurs étoient »obligés par leur office de donner ces fêtes au =3 public , fans aucun égard aux circonftances , il » n'étoit pas décent pour lui, dans un tems de 3> confufion , d'y aflïfter fans néceflïté 33... t Cependant il n'en fouhaitoit pas moins ardemment que les jeux de Brutus fuifent bien recus du public, & il chargea Atticus de lui en faire une relation exacte depuis le jour de 1'ouverturei Le fuccès furpafla beaucoup les efpérances dê leur parti. Ils furent recus avec 1'applaudifiement de tous les ordres , quoique ce füt Caius, frère d'Antoine, qui fit 1'ofEce de préfident, en qualité de préteur délïgné. Une des tragédies, qui étoit le Terée d'Accius, contenoit plufieurs traits  ce Cicéron, Liv. IX. 447 contre le cara&ère & les entreprifes des tyrans; ils excitèrent les plus vives acclamations du peuple. Atricus fatisfit Cicéron, en lui écrivant chaque jour ce qui fe palfoit au théatre & dans 1'aflemblée. Cicéron communiquoit exa&ement ces relations a Brutus , qui demeuroit alors affez pres de lui, dans une petite fle nommée Nefis contre le rivage de Campanie. Dans fa réponfe a Atticus (a) : «Vos lettres, dit-il, ont fait «beaucoup de plaifir a Brutus. Peu de tems » après les avoir recues, j'allai le voir a Néfis , * °" F P3»^ quelques heures avec lui. II m'a » paru qu'il étoit fort content du Terée, & qu'il 33 avoir Plus d obligatie» a Accius qu'a Antoine. "Pour moi, plus ces traits ont réudi, & plus »je fuis indigné de voir que Je peuple romain » ne fade ufage de fes mains que pour de vains »applaudiflemens , au lieu de s'en fervir pout (a) Bruto tua? liters gratae eranf. Fui enim apud illum multas horas in Nefide , cum paulo ante tuas literas accepiffem. Deleetari mihi Tereo videbatur , & habere majorem Accio quam Antonio gratiam. Mihi autem , quo Ia* tiora funt, eo plus ftomachi, & moleflia: efl, populum romanum manus fuas non in defendenda repub. fed irt plaudendo confumere. Mihi quidem videntur iftorum ani-' mi incendi etiam ad repra?fentandam improbitatem fuam. Sed tarnen , dummodo doleant aliquid, doleant quodlibet. Ad Att. 16, i. An. de Kj Cicer. Sj. Coss. Marc. AfC roMus. P. CORNEL. DoLA,EEL1A,  An. de R. 705. Cicer. 6;, Coss. Marc. An Ïonius. P. corHEL. DjjLASl.HA. 4-1.8 HlSTOlRE DE LA V I E 33 défendre fa liberté. Le chagrin qu'en ont eii 33 les partifans d'Antoine, pourra bien nahoudt" 33 qua leur faire lever plutöt le mafque & les 33 porter a tous les exces dont ds font capables 5 33 mais pourvu qu'ils foient mortifiés, il n'importe 33 comment 33. Dans un difcours qu'il fit enfuite au fénat, il fait valoir le jugement de la ville comme une lecon qui peut être utile a Antoine pour lui apprendre le vrai chemin de la gloire. « Heuss reux Brutus, dit-il, qui rout chalTé qu'il étoit 33de Rome par la violence des armes, réfidoit 33 dans le cceur & dans les entrailles (a) de fes 33 concitoyens , & qui les voyoit emprefiés d lui 33 faire une efpèce de réparation de fon abfence , 33 par des applaudiflemens &c des acclamations 33 perpétuelles 33. Brutus re^ut néanmoins une mortification imprévue par la négligence de fes agens, ou par la malignité du préteur Caius. L'édit qui fut porté' pour Ja proclamation des jeux , étoit daté du mois de juillet, c'eft-a-dire du nouveau nom (a) Quid? Apollinarium ludorum plaufus , vel teflimonia potius & judicia populi romani parum magna videbantur ? O beatos illos, qui cum adeffe ip/is propter vim armorum non licebat, aderant tarnen, & in meduliispopuli romani ac vifcerïbus hasrebant ! nifi forte Accio jum plaudi & non Bruto putabatis, &c. Phil, 1,15. qu'ora  fcï Ci cv kok, Liv. ÏX. 445) ^u'on avoit donné ï ce mois pour faire honneur a Céfar. Ii parut fort étrange que Brutus ïeconnut & confirmat par fon édit un arde qui perpétuoit ia gloire & le nom du tyran. Le chagrin qu'il eut de pouvoir être foupconné d'une condefcendance indigne de lui , le troubla fi vivement, qUe ne voyant aucun remède au premier édit, il en fit publier un fecond pour annoncer lescombats (a) de bcres farouches, dans lequel Ü voulut qu'oh mit pour date 1'ancien nom du mois, qui étoit Quintiüs. Pendant le féjour que Cicéron fit dans le même canton, il p3ffa pEefque tout ,e rems ^ ^ Un jour qu'ils étoient enfemble , L. Libon leur apporta des lettres du jeune S. Pompée , gendre de Brutus, avec un projet d'accommodement adreflé aux confuls b fur lequel il demandoit le fentiment de Cicéron & de fon beau. père. Cicéron le trouva écrit avec beaucoup de dignité &de force, a la réferve de quelques négligences de ftyie ; mais il confeilla d'en changeer 1'adrefle qui étoit feulement aux confuls, 8c d'y ajouter les autres magiftrats, avec le fénat & («) Quam ille doluit de nonis julils ! Mirifice e(ï comurbatus. Itaque fe fcripturum aiebat, ut venationem etiam quK poflridie ludos apollinares futura eft, profcriberent III. ld. quintiles. Ad Att. 16, 4. Tomé IIL F lf An. de Ri 709. Cicer. 63» Coss. Marc. An* tonius. P. Coh,- NEI.DoLA» BEÜ.A.  An. de R. 70j. Cirer. 63. Coss. Marc. AN TONIUS. !». COR NET.. DOLA BEILA. (a) Ibid. (b) Philip. 5", 13, 14, &c. It. Phil. 13 , 4 > •> > &c' 450 HlSTOIRE DE LA V I E le peuple de Rome , dans la crainte que les con; fuis ne fe cruflent en droit de le fupprimer. Les lettres portoient en fubdance « que Pompée » fe trouvoit a la tête de fept légions; qu'au mo« • » ment qu'il avoit appris la mort de Céfar, il » avoit emporté par efcalade la ville de Borea : 33 que la joie de cette nouvelle avoit caufé une 33 révolution' furprenante en Efpagne, & que de 33 toutes parts le peuple étoit accouru en foule 33 autour de lui. Ses propofitions fe réduifoient 33 a demander que ceux qui avoient le comman33 dement des armées les congédiaffent ; mais il 33 écrivoit particulièrement a Libon de ne rien 33 conclure , fi 1'on ne commencoit par lui rendre 33 le bien (a) de fon père & fa maifon de Rome, 33 dont Marc-Antoine étoit en pofleffion 33. C'étoit Lepidus qui avoit engagé le jeune Pompée a faire volontairement ces ouvertures (b). Commandant en Efpagne , oü Pompée avoit eu le tems de fe forrifier, il n'avoit point de pencbant pour une guerre éloignée de Rome , qui lui feroit perdre de vue le centre des affaires; & fous le prétexte du repos public , il avoit offert a Pompée une compofition honorable, dont les articles étoient, « qu'auffitöt qu'il  bE Cicéron, i/r. IX. A5t » auroit quitté les armes & qu'ü fe feroit redré -de la province, il feroit rétabli dans tous fes » biens & dans tous fes honneurs; qu'il auroit «le commandement de toutes les forces navales - de Rome , avec la même autorité que fon "père». Antoine s'étoit (a) chargé lui-même de propofer ce traité au fénat &c de 1'appuyer de fon crédit. Mais pour ne pas violer les acnes de Céfar, par lefquels (b) le bien de Pompée avoit ete confifqué , le fénat avoit ordonné que le tréfor public fourniroit a Sextus Pompée la même fomme qu'Antoine en avoit pavée, afin que Sextus put Ia lui reftituer , & que eet échange prit lapparence d'un achat. Cette fomme étoit immenfe, quoiqu'on ne comprat point Ja vaiffelie, les meubJes & les joyaux qui avoient été détour«és avec tant de myftère que Pompée confentit (a) App. pag. jis. Dio. liv. 4^ > 27y# y) Salvis enim aflis Csfaris , 'qax concordi* caufa de.end.mus , Pompeio fua domus patebit , eamgue „on minons quam Antonius emit, redimet Decreviflis tantam pecuniam Pompeio, quantam ex bonis patriis in prsdar diffipauone inimicus viclor redegiiïet; nam araentum veflem, fupelledilem , vinum amiuet *quo animo, qua, die helluo di/Tipavit. Atque iliud fepties millies. quod adolefcenti, patres conferipti, fpopondifiis, i£a defcribetur ut v.deatur a vobis Cn. Pompeius filius in patrimonw fuo cojjocatus, Phil. 13,5, Ffij An. de R. .709. Cicer. 6;. Coss. Marc. An* tomus. P. CORNEL. DolA* BELtA.  An. de R. 705. Cicer. E ClC ÉKÖN, iir. 7X 4n Hu defiein qu'il avoit de fe joindre a Brutus, en protedant qu'il n'avoit point d'autre n.otif que fon horreur pour les deffeins fecrets d'Antoine. Il^déclara netrement (a) i Quintus fon père, qu'Antoine avoit voulu 1'engager d fe faifir des podes les plus forts de la ville , & a fe fervir de eet avantage pour le nommer dictateur , mais que ne le trouvant pas difpofé a lui rendre ce fervice , il étoit devenu fon ennemi. Quintus, charmé de ce changement, mena fon fils l Cicéron, pour lui répondre de la fincérité de fon retour, & le prier d'entreprendre fa réconciiiation avec Atticus. Mais Cicéron qui connoiffoit Ia perfidle& la légèreté de fon neveu, fut beaucoup plus difficile a perfuader que Quintus, & ne douta pas même que cette apparence de converfion ne füt un nouvel artifice pour tirer d'eux quelque fomme dargent. II ne fe fit (A) pas (*) Quintus pater exultat lamtia. Scrïpfft enim filius fe ideirco profugere ad Brutum voluiiTe, quod cum fibi negotium daret Antonius ut eum dictatoren, efficeret pr*fidium occuparet, id recufaiTet; recufalTe autem fè ne patns ammum offenderec; ex eo fibi illum hoflem.'^ Att. 15- , ii. (*) Quintus filius mihi pollicetur fe Catonem Egit autem & pater & filius , ut tibi fponderem: fed ita ut tum crederes , cum ipfe cognofces. Huic ego literas ipfius arbttno dabo. Ea: ne te moverint: has fcripfi in eam pat, Ff Üj An. de R. 709. Cicii-. 6j. Coss. Marc Antonius. p. cor- nel. Dolabella.  An. de R. 709. Cicer. éj. Coss. Marc. Antonius. P. Corkei. Doia- bel1a. tem , ne me motum putares. Dii faxint ut faciat ea qua» promittit. Commune enim gaudium. Sed ego nihil dico amplius, Ad Att. 16, i. 454 HlSTÖIRE DE LAVlE prefler néanmoins pour écrire a Atticus ; maïs y il lui marquoit en même-tems , par une autre lettre . 1'opinion qu'il avoit de leur neveu. cc Je vous envoie un exprès, lui dit-il dans la » feconde, & vous en approuverez la raifon. Notre 30 neveu me promet d'être dorénavant un Caton. 30 Son père & lui m'ont prié de lui férvir de cau30 rion auprès de vous, a condition néanmoins que os vous le croiriez lorfque vous 1'auriez reconnu J3 par vous-même. Je lui donnerai une lettre oü »3 je vous dirai tout ce qu'il voudra : mais ne 33 vous y arrêtez point. Je vous préviens dans 33 celle-ci, afin que vous ne vous imaginiez pas 33 que je me fois laifle perfuader. Je fouhaite ar33 demment qu'il fafle ce qu'il promet. Ce fera 33 pour nous une joie commune. Mais c'ed tout 33 ce que je puis vous en dire. II doit partir 33 d'ici le neuf, paree qu'il a de 1'argent a payer 33 le quinze, & qu'on le prelTe fort. Vous pour33 rez , fur ce que je vous écris a préfent, régler 33 ce que vous voudrez lui répondre 33 .... Mais ce jeune homme dérruifit enfin les foupcons & les défiances de fa familie. Cicéron , après 1'avoir obfervé pendant quelque tems , fut fi perfuadé  de Cicéron, L x v. IX. 4JJ He fa bonne foi, que non-feulement il le recommanda rendrement a Atticus, mais qu'il Je préfenta même a Brutus, avec un excellent témoignage de fa fidélité 8c de fon zèle. « Notre neveu , écrit-il a Atticus, a palTé plu=» fieurs jours avec moi. II y feroit demeuré plus » long-tems Ci je 1'avois fouhaite. Mais pendant « le féjour qu'il a fait ici, vous ne fauriez croire » combien j'ai ére content de fes difpofirions &' =» de fa conduite, fur-tout par eet endroit fur «lequel il nous a donné jufqu'a préfent fi peu » de fatisfadion. La lecïure de quelques-uns de 33 mes ouvrages que je retouchois alors, les fré33 quentes converfarions que j'ai eues avec lui, 8c »les avis que je lui ai donnés, ont fait ce chan33 gement. II eft fi grand (a), que nous pouvons J3 compter qu'il aura déformais tous les fentimens 33 d'un bon citoyen. Après qu'il me 1'eut affuré » d'une manière qui ne m'a plus lailTé aucun ** doute > M me pria inftamment de vouloir bien (a) Quod nul fidem mihi feciiTet, judicaiTemque hoe quod dico firmum fore , non feciiTem id quod dicrurus fam. Duxi enim meeum adolefcentem ad Brutum. Sic ei probatum eft quod ad te fcribo , ut ipfe crediderit; me fponforem accipere noluerit; eumque laudans amioiffime tui mentionem fecerit; complexus ofculatufque dimiferit. Ad Att. 16, y. Ff iy An. de R. _705). Cicer. 6;. Coss. Marc. Antonius. P, COKnel. dolabella.  An. rle R. _ 709. Cicer. gj. Coss. Marc. Antonius.P. Cor- NB1.COIA- 45^ HlSTOIRE DE EaViE1 m lui fervir de caution auprès de vous, 8c dó. » vous répondre qu'il fe rendroit digne de vous » 8c de nous. II ne dernande point que vous le » croyez d'abord , mais feulement que lorfqu'il 33 vous en aura donné des preuves, vous lui rendiez 30 votre eftime & votre amitié. Si j'avois douté le 33 moins du monde de fes fentimens , 8c que je ne 33 les eufTe pas cru bien affermis, je n'aurois pas 03 fait ce que je vais vous dire. Je 1'ai mené a 30 Brutus, qui a été fi perfuadé que fon retour étoit 30 fincère, qu'il n'a pas voulu que je répondiffe os pour lui; & en le louant de cette difpofition , 33 il a parlé de vous dans les plus tendres termes 33 de 1'amitié. Lorfque notre jeune homme le o» quitta, il 1'embrafTa fort tendrement. Ainfi quoi33 qu'il femble que je doive vous faire compliment 03 la-deflus, plutöt que de vous parler en fa faveur, 03 cependant je vous prie d'être perfuadé que s'il 30 a paru jufqu'a préfent dans fa conduite une lé33 gèreté que fa jeuneffe rendoit pardonnable , il 33 en eft entièrement revenu. Croyez-moi, votre 33 approbation 8c votre autorité contribueront 33 beaucoup a 1'aftermir dans de fi bonnes réfohi30 tions 13. Quintus fut fidelle a fes promeffes; & pour donner un témoignase éclatant de fa fincérité , il eut la hardielle , avant la fin de 1'année, d'a.c^  bi Cicéron, Liv. IX. 457 Cufer Antoine (a) devant le peuple d'avoir pillé ie temple d'Ops. Mais de quelque principe que füt venue fa converfion , elle devint funede a fon père&a lui-même; & peut-être contribua-t-elle auffi a la ruine de Cicéron. Ce voyage de la Grèce qui étoit médité depuis fi long-tems , fut entrepris au milieu de 1'été. Cicéron avoit fait préparer trois petits vaiffëaux pour le tranfporter avec toute la fuite. Mais fur le Bruit qui fe répandit qu'on voyoit arriver de tous cötés des légions , & que la mer (b) n'en étoit pas moins infeftée par des pirates , il fe figura qu'il y auroit plus de fureté a s'embarquer avec Brutus &c Caffius, qui avoient raffemblé une fort bonne dotte fur la cöte de Campanie. II fit 1'ouverture de ce delfein a Brutus, qui la recut plus froidement (c) qu'il ne s'y étoit attendu. L'obfcu- (a) Quintus fcribit Ce ex nonis iis quibus nos magna gelTimus, a:dem Opis explicaturum , idque ad populum. Ibid. 14. (3) Legiones enim adventare dïcutttur. Hxc autem navïgatio habet quafdam fufpiciones periculi. Itaque conftituebam uti o/x.n\ua. Paratiorem offendi Brutum quam audiebam. Nam Caflii claiïem, qua: plane bella eft , non numero ultra fretum. Ibid. 16,4. (c) Bruto, cum fa»pe injecifTem de o/mtAik* , non perinde atque ego putaram accïpere vifus eft. Ibid. 5". Confilium meum quod ais quotidie magis laudari non molefte An. ie K; 709. Cicer. 6$i Coss. Marc. An-; roNius. P. COR- S1EL.DOLA5ELLA.  An. Je R. 709. Cicer. 63. Coss. Mar . An JOnius. P. Cor- KEI. DoiA- fero ; expeftabamque fi quid ad me (criberes. Ego enim in var'os fermones incidebam. Quin etiam idcirco trahebam ut quam diutifïime integrum effet. Ibid. 2. It. Ep. fam. it, 2,9. Scribis enim in ccelam ferri profeftionem meam, fed ita fi anie kalend, jan. redeam. Quod quidem certe enitar. Ibid. 6. Ea mente difcefli , ut adeiTem kalend, jan. quod initium cogendi fenatus fore videbatur. Phil. i> 1, 45S HlSTOIRE DE LA VlË rité de fes . afFaires n'étoit pas diminuée : Brutus n'étoit certain ni de fon départ , ni du tems qu'il devoit prendre pour s'éloigner. Enfin les périls du voyage & la crainte même d'être accufé d'une efpèce de défertion , n'empêchèrent point Cicéron de revenir a fon premier projer. Atticus excita fon courage en ne celfant point de 1'aflurer par fes lettres cc que tout le monde approu» veroit fon départ, pourvu qu'il füt a Rome , «comme il s'y étoit engagé, au commencement v de la nouvelle année II fuivit lentement la cóte jufqu'a Rhegium , fortant chaque nuit du vailfeau pour loger chez quelqu'ami ou quelque cliënt. S'étant arrêté un jour a Velie , oü Trebatius étoit né , II lui écrivit du même lieu une lettre d'amitié , datée du 19 juillet, pour le diduader de vendre fon patrimoine , qui étoit fitué dans le plus agréable lieu du monde, & qui lui affuroit dans des tems  de CichoN,Ijr. IX. 459 fort orageux une retraite extrèmement commode (a) au milieu d'un peuple dont il étoit tendrement aimé. II commenca dans cette ville Ion Traité des Topiques , ou 1'art de trouver des argumens fur toutes fortes de quedions. C'étoit 1'extrait d'un ouvrage d'Ariftore, que le hafard avoit fait tomber entre les mains de Trebatius a Tufculum, & qu'il avoit marqué quelque défir de voir expliquer. Le féjour de Velie (£) en avoit rappelé le fouvenir a Cicéron , & quoiqu'il n'eüt avec lui ni les ouvrages d'Ariftote ni aucun autre livre , il trouva alfez de fecours dans fa mérnoire pour achever fon entreprife avant que d'arriver a Rhegium. Ce fut de cette ville qu'il envoya fon traité a Trebatius, avec une lettre datée du 27 de juillet. En s'expliquant fur fon travail , il s'accufe de quelqu'obfcuriré, qu'il rejette fur la nature d'un fujet qui demandoit autant d'attention pour le bien entendre que de peine pour le réduire en pratique. II promet a Trebatius de lui en faciliter 1'intelligence, « s'il ( a) Ep. fam. 7 , 10. (b) Itaque ut primum Veüa navigare ccepi , ïnffitui Topica Ariflotelea confcribere , ab ea ipfa urbe csmmonitus, amantifTima tui. Eum librum tibi mifi Rhegis, fcriptum quam pleniffiiue illa res fcribi potuit, &c. Ep. fam, 7, ip. An. de B; 709. jZ'icet 63. Coss. Marc. An- ÏOMUS P. CORSEL. DoLüfc BELIA.  'An. de R. _ 7^5Cicer. 6f. Coss. Marc. An- ÏOMUS. I P. CoR"ilEl, DOLA- BEILA. ( din, ou d'une de fes maifons, qui eft la fcène du dia^ 4Ó0 HlSTCflRE DE LA VlÊ 33 vit affez long-tems, dit-il, pour retourner ent 3.- Iralie, & fi la république fubfide encore ». Dans la méme route, ayant ouvert fón Traits fur la Philofophie Académique , il remarqua que la préface du troilïème livre étoit la même (a) qu'il avoit déja publiée a Ia tête de fon Traité de la Gloire. C'étoit fa coutume d'avoir toujours en réferve un grand nombre de préfaces (è),  de Cicéron, Liv. IX. $61 convenables en général au fujet habicuel de fes études, qu'il pouvoit appliquer, fans beaucoup de changemens,a chaque ouvrage qu'il publioir. Mais il en compofa auffitöt une nouvelle pour le Traité de la Gloire; & 1'envoyant a Atticus, il le pria de la fubdituer , dans fön exernplaire, a la première. De Rhegium, ou plutöt du promontoire de Leucopetra oü le vent 1'avoit jeté a quelque diftance de cette ville, il fe rendit (a) a Syracufe le premier d'aout. Quoique la Sicile lui füt dévouée par un attachement particulier, & cm'elle füt depuis long-tems fous fa proteébon, la crainte d'être foupconné a Rome de quelque vue qui concernat les affaires publiques , ne lui permit pas de s'y arrêter plus d'une nuit. II remit le lendemain a la voile , dans 1'efpérance d'aller droit dans la Grèce ; mais les vents devinrent li logue. Mais il n'y a point un feul de ces morceaux qui ne foit lié fi habilement avec le difcours qui le fuit, qu'on s'imagine qu'ils ont tous été faits pour le lieu qu'ils occu-, pent. Vul. Tufc. dif..,.. init. De Divin. z,i. De Fin. i, i. De Leglb. z , i. (a) Kalendis fextilibus veni Syracufas , quar tarnen urbs mihi conjunaiflima plus una me nofte cupiens reti-ï nere non potuit. Veritus furn ne meus repentinus ad meos neceffarios adventus, fufpicionis aliquid afferret, fi effera comnroratus. Phil, i, j, An. de Rj . 7°S. Cicer. éj. Coss. Marc Am« TONIUS. P. Cüiw NEL. DOLéft BSLiA.  jlfi. de R. 7°9 • Cicer. ff;. Coss. Marc Antonius p. cor- iSel. Dol a- SEUA. (d) Cum me ex Sicilia ad Leucopetram, quod efl promontorium agri rhegini , venti detuliflent, ab eo loco confcettdi ut tranfmitterem ; nee ita multum proveftus, rejeöus auftro fum in eum ipfum locum. Ibid. Ibi cum ventum expeftarem , erat enim villa Valerii noftri, ut familiariter elfem & libenter. Ad Att. 16,7. (b) Rhegini quidam, illuftres homines, eo venerunt, Roma fane recentes. Hxc afferebant: ediéhim Bruti & Caifii j & fore frequentem fenatum kal. 5 a Bruto & Caf£0 literas miiïas ad confulares & pratorios; ut adeuent, 46" 2 HlSTOIKE DE EA VlE contraires, qu'il fut repoufie jufqu'a Leucopetra*, §c l'effort qu'il fit pour fe remettre en mer n'ayant point eu plus de fuccès, il fe vit forcé de s'arrêter (a) dans la terre de Valerius, un de fes amis, pour attendre un tems plus favorable. La, il recut la vifite des principaux habitans du canton , qui lui apportèrent une nouvelle a laquelle il ne fe feroit jamais attendu. Elle étoit arrivée tout récemment de Rome. Les affaires avoient pris tout d'un coup un tour fi inefpéré, qu'on ne parloit plus que d'une pacification générale. Marc-Antoine étoit entré dans des difpofitions fi raifonnables, qu'il renoncoit a fes prétentions fur la Gaule. II fe foumettoit a 1'autorité du fénat. II vouloit fe réconcilier avec Brutus &C Caffius, qui avoient écrit a tous les fénateurs wne lettre circulaire pour les prefier de fe rendre a Rome le premier de feptembre & non-  DE G.ft ER O Nj ij JT, IX. 4^5 feulement 1'on regrettoic 1'abfence de Cicéron , mais on le blamoit beaucoup de s'être éloigné dans les circondances. Un détail fi agréable lui fit abandonner le deflein de Ton voyage. Atticus, le confirma dans cette réfolution, en le priant par fes lettres, Sc dans les termes les plus preflans , de retourner promptement z Rome. II retourna auffitöt vers 1'Italie ; .& prenant fa route (a) par les mêmes lieux, il arriva a Velie le dix-feptième jour du mois d'aoüt. Brutus qui n'en étoit éloigné que de trois milles avec fa flotte , n'eut pas plurót appris fon arrivée , qu'il vint le faluer. « 11 lui prgreda que rien ne pou50 voit Iui "ufer plus de joie que fon retour ; & » confeffant avec beaucoup de franchife qu'il n'a» voit jamais approuvé fon départ, il ajouta que *> s'il n'avoit point combattu ce delfein , c'étoit rogare. Summgm fpem nunciabant fore ut Antonius cederet, res conveniret, noftri Romam redirent. Addebant etiam me defiderari, fubaccufari , &c, Ad Act. ibid. (a) Nam xvi kal. fept. cum venÜTem Veliam , Brutus audivit i erat enim cum fuis navibus apud Heletem ftuvium citra Veliam millia palTuum III. Pedibus ad me ftatim. Du immortaïes! quam valde ille reditu, vel potius rever-i üone mea ktatus eft. Effudit illa omnia qua: tacuerat. .. fe autem ketari quod effugiiTem duas maximas vituperat>ones, &c Ad Att. i6, 7. Ep. fam. ad Brut. ïy. An. de 7°?Cicer. 6;, Coss. Marc An« roNius. P. CORNEI. DOlABHUA. / ,  Ah. de R. 709. Cicer. «3. Coss. Marc. An TONIUS. P. CORKEI. DoiASEUA. ( a ) II efl lurprenant qu'on fe fut imaginé que c'étoit la le deflein de Cicéron ; car il n'avoit jamais marqué de göiït pour les fpeccaeles. On peut voir ce qu'il dit la-> defliis dans la première lettre du feptième livre des Familières , oü il félicite un de fes amis , de ce qu'il avoit Ia liberté de demeurer a la campagne pendant ces jeux célèbres que Pompée donna , lorfqu'on fi: la dédicace de ion théatre. Dans la dixième lettre du fecond livre , on voit qu'il croyolt que la bienféance ne lui permettoit pas doller a Antium oü 1'on devoit célébrer des jeux que li\ fille fouhaitoit voir. « Admirez ma gravité , dit-il a Atti» cus, je ne veux point aller aux jeux d'Antium , car il » me paroit qu'il feroit contre la bienféance , que faifant » profeffion de fuir tous les plaifirs , j'en aliaflè chercher j> qui me conviennent fi peu ». Enfin on a vu plufieurs fois dans le cours de eet ouvrage , qu'il alloit ordinaiSement a }a campagne pendant le tems des jeux. fituation 4^4 HiSTOIRE DE EA V I £ » par la crainte de commettre une indécence erï 33 offrant des confeils a un homme fi fage & » fi éclairé 33 : mais il ne pouvoit lui cacher, que fon retour le fauvoit de deux reproches qui avoient jeté quelque tache fur fon caractère : 1'un d'avoir défefpéré trop tót de la caufe commune , & de 1'avoir abandonnée par une efpèce' de défertion ; 1'autre de s'être laifie conduire (a) en Grèce par la vanité d'y voir les jeux olympiques. Cicéron reconnoït que cette dernière faute auroit été honteufe pour lui dans toutes fortes de tems, mais qu'elle étoit inexcufable dans la  b e Cicéron. L i jr. ïx. 415*5 fituation öu il laiffbit la république. II remercie les vents de lui avoir épargné eet opprobre, & d'avoir fervi, comme les bons citoyens, a le rappeler au fervice de fa patrie. Brutus 1'informa auffi de ce qui s'étoit paffe au fénat dans 1'affemblée du premier d'aoüt. Pifon s'y étoit fignalé par un difcours plein de fermeté & d'honneur. II avoit fait des propofitions vigoureufes en faveur de la iiberré, & perfonne n'avoit eu le courage de le feconder. Antoine avoit porté un édit 5 le fénat y avoit répondu , & cette réponfe plut beaucoup a Cicéron. Mais au fond , quoiqu'il continuat de s'applaudir de fon retour, il ne s'appercut point qu'il füt auffi néceffaire qu'il fe 1'étoit d'abord imaginé, ni qu'il düt efpérer de fe rendre fort utile a Rome , lorfqu'il ne s'y trouvoit point un feul fénateur qui eut ofé foutenir Pifon ,* & que Pifon ne s'étoit pas affèz foutenu (a) lui-même pour reparoïtre le lendemain au fénat, Cette conférence fut Ja dernière qUe Cicéron eut jamais avec Brutus. Le vengeur de la liberté publique quitta bientöt 1'Italie, avec Cadius le compagnon de fa gloire & de fes infortunes. L'ufage étant qua la fin de leur emploi les préteurs (a) Ad Att. ibid. Phil. 1, 4, j. Ep. fam. 'i*, ». TomelIL Gg An. Ai rk _ 709. Cicer 63. Coss. Marc. AnTüNIUS. P. Cornei.. Dolabella.  An. de R. 709. Cicer. fij. Coss. Marc. Antonius. P. COR- kel. Dolabella. 466 HlSTOIRl DE LA VlK fuccédaflent au gouvernement de quelque province , qui leur étoit adignée ou par le fort ou par un décret extraordinaire du fénat, Céfar avoit dediné a 1'un la Macédoine, a 1'autre la Syric. Mais comme ces deux provinces étoient les plus importantes de 1'empire , 8c qu'elles rendoient trop puiflans deux hommes qu'on cherchoit a dé» truire , Antoine eut 1'adreffe de faire changer leur première dedination , 8c de faire nommer Brutus pour la Crète , 8c Caffius pour la Cyrène. II avoit obtenu en même-tems une loi du peuple, qui lui donnoit a lui-même la Macédoine , 8c la Syrië a Dolabella; après quoi il s'étoit haté de faire partir fon frère Caius, pour s'aller mettre en podeffion de la première , tandis que Dolabella courut s'emparer de la Syrië , pour prévenir leurs rivaux qu'ils croyoient en état de s'en mettre en podeffion p*ar la force , 8c a qui ils en attribuoient le deflein. Caffius s'étoit acquis beaucoup de réputation dans 1'Orient, par fes exploits contre les parthes, 8c Brutus jouifibit dans la Grèce de toute la réputation qu'il méritoit par fa vertu. Avec les efpérances qu'ils formèrent fur^ ce fondement, avec les forces qu'ils avoient déja. raflemblées , & la juftice d'une caufe qu'ils commencoient a fereprocher d'avoir affoiblie par leurs irrélblutións & leurs déiais, ils fe déterminèrent  t> e C i c é e o n , L ï r. IX. 4^7 enfin as'établir dans les provinces (a) que Céfar leur avoit deftinées, pour y faire 1'elïai de leur fortune & tenter inceflamnlent leur entreprife. Ils en prirent tous deux le chemin, & nous aurohs plus d'une fois 1'occafïon de les fuivre dans cette nouvelle carrière. Cicéron continua de s'approcher de Rome ou il arriva enfin le dernier jour du mois. II y fut recu avec tant de félicitations & de témoignages de joie, ou'arrêté a chaque pas par les complimens de fes amis , il employa tout le jour (l>) a fe rendre des poites de la ville a fa maifon. Le fénat s'étant adèmblé le lendemain, Antoine 1'invita particulièremcnt a s'y trouver. II s'en excufa par une réponfe civiie , en rejetant fon refus fur quelques indifpofitions qui lui reftoient de fon voyage. Mais le conful recut fi mal cette excufe , que la traitant d'infulte & d'outrage j fa fureur alla jufqu'a parler ouvertement de faire abattre fa maifon, s'il ne paroidbit furi le champ dans ï'afiemblée. Sesamis (c) arrêtèrenÉ (a) Plutarq. Vie de Brutus. Appian. 52.7, 533. pn:jo t, 13, 38. (b) Plutarq. Vie de Cicéron. (c ) Cumque de via languersm , mihi-jue difplicefem s Irifi pro amicitia qui hoe ei diceret; at üle , vobis audientibus, cum fabris fe domura meam ventutum elTe dixit, &c. Phil. 1, y. Ggij An. Je R. 709. Cicer. 6;.% Coss. Marc.An. tonitjs. P. CORKEl. DOI.4* BEilA.  Jkü. ie R. 709. Cicer. tfj. Coss. >1arc. Antonius. H. CORXEr.. DOIASELIA. la) Veni pofirid'e, ïple non venit. Philip, y, 7, 4^8 HlSTOIRE DE LA Vie eet emportement, & lui firent comprendre que dans fes propres vues la violence n'étoit pas de faifon. En effet, 1'intention d'Antoine étoit de faire décerner ce jour da des honneurs extraordinaires a la mémoire de Céfar, & d'établir par un nouveau décret qu'il recevroit un culte relhneux comme les divinités. Cicéron , qui n'ignoroit pas fon deflein, & qui prévoyoit autant d'inutilité que de danger a le combattre, s'étoit déterminé par cette raifon a s'abfenter du fénat. De fon coté le conful avoit fouhaité d'autant plus ardemment de 1'y voir , qu'il fe flattoit, ou de le rendre méprifable dans fon propre parti, s'il pouvoit Ie forcer par la crainte a.confentir au nouveau décret , ou de le rendre odieux aux vétérans, s'il avoit alTez de fermeté pour s'y oppofcr. Mais dans fon abfence le décret pafla fans oppofition. Le fénat ayant continué de s'aflembler le jour fuivant, Antoine prit le parti de s'abfenter a fon tour , & Cicéron trouva heureufement le champ libre (a). Ce fut dans cette aflemblée qu'il prononca la première de ces fameufes harangues qui portent le nom de Philippiques , a 1'imitation de celles de Demofthène. II s'y engagea, comme  fti E C I C E R Ö N , L X v. IX. 415-9 far degrés, en expofant les motifs de fon dernier voyage > ceux de fon retour, & les circonftances (a) de fa dernière entrevue avec Brutus: « J'ai vu , dit-il, Brutus a. Velie. Vous dirai-je »avec quelle triftefle je 1'ai vu , ou avec quel 35 regret je 1'ai quitté i Je n'ai pu penfer fans con30 fufion que j'allois rentrer dans une ville qu'il 33 eft forcé d'abandonner, & que j'y ferois en fü=0 reté lorfqu'il n'y peut être fans danger. Cepen33 dant fa douleur n'eft pas auffi vive que la mienne. 30 La grandeur de fon courage & le fouvenir de 33 fon immortelle acdion le foutiennent. II eft tran33 quille fur fon propre fort, tandis que fon in3> quiétude eft extréme pour le vótre 33. Cicéron ( a ) déclara ici qu'il étoit venu pour feconder Pifon; Sc que Ci dans les périls dont il fe croyoit environné, Ie ciel permettoit qu'il lui arrivat quelqu'accident, il vouloit que fa harangue füt un mo-i nument éternel de fa fidélité pour la patrie. (a) Philip. 1 , 4, (b) C'eft ce même Pifon contre qui Cicéron a fa's une fi langlante inveftive , oü il Ie peint des plus noires couleurs. Cela fait voir que ce n'eft point par les harangues qu'il faut juger des hommes nien bien ni en mal. Quoique Pifon füt beau-père de Céfar, il demeura neutre pendant la guerre civiie, & tacha de le porter a un accom-s modement. An. Je R. 709. Cicer. Sj.; Coss. Marc. Antonius. p. corne1. dola* beila.  An. de R. 705. Cicer. tfj. Coss. Marc. An tonius. P. CORTNEI. DOIA- 470 HlSTOI'RE ÖE LA V'IE Mais avant que de s'expliquer fur les afFaires de la république , il fe plaignit de la violence avec laquelle Antoine 1'avoit traité la veille. Sa préfence au fénat n'auroit rien changé a fes difpoiïtions. 11 n'auroit jamais confenti que la république füt fcuiliée par un culte fi déteftable , ni que 1'honneur des dieux füt confondu avec celui d'un homme mort. II les prie de pardonner au fénat & au peuple une foumiffion impie a laquelle ils avoient été forcés. Pour lui , jamais il n'auroit donné fon confentement au décret , quand il auroit été queftion du vieux Brutus , qui avoit le premier délivré Rome de la tyran-? nie des rois, Sc qui fe voyoit revivre après 1'efpace de cinq eens ans , dans une race qui venoie de rendre a la patrie le même fervice. II entre de da dans le détail des afFaires préfentes, fur lefquelles il déclaré fes fentimens avec une noblelïe Sc une fermeté dignes des nieilleurs tems de la république, fans ménagement pour Antoine ni pour ceux qui tenoient le premier rang après lui. II reprend , il indruk , il exhorte. Enfin , dans l'ardeur de fes fentimens, il protefte en finiffant fa harangue, qu'il croit recueiilir abondamment le fruit de fon retour, par le témoignage public qu'il vient de donner de la conftance de fon zèle Sc de fon afFecdion pour la patrie ; qu'il fexpliquera plus fouvent avec la même liberté »  Ï)E ClCERÓN, L IV. IX. 471 S'il le peut, fans mettre perfonne en danger; 8i" que fi cette liberté lui manque, il fe réfervera pour des tems plus favorables , mais moins par ménagement pour fes propres intéréts que pour ceux de la république. Dans la fuite, en parlant de cette célèbre affemblée du fénat, il difoit « que tous les féna33 teurs s'étoient conduirs en efclaves, & qu'il avoit is agi feul en homme libre : qu'il ne s'étoit pas 33 expliqué néanmoins avec toute la liberté qui lui as étoit ordinaire; mais qu'il y avoit parlé beau33 coup (a) plus librement que le danger ne femS3 bloit le permettre 53. Antoine extrêmement irïité de ce difcours, indiqua au dix-neuf une autre aflemblée , pour laquelle il fit encore avertir particulièrement Cicéron. Son deflein étans de lui répondre Sc d'entreprendre lui-même la juftification de fa conduite, il employa tout 1'intervalle a préparer fa harangue , & a la répéter dans fa maifon de Tibur, pour aflurer fa déclamation. Les fénateurs s'aflemblèrent au jour marqué , dans le temple de la Concorde. Antoine s'y trouva des premiers avec une garde nom- (a) Locutus fum de rep. minus equidem libere quam mea confuetudo, liberius tarnen quam periculi mina; pot lulabant. Phil. f,7. In fumma reliquorum fervitute libei! unus fui. Ep. fam. 11, 15, Gg iv An. ie R. 709. Cicer. 6i. Coss. Marc. Antonius. P. Cornei. Dolabella.  An. ie R. 709. Cicer. g., Coss. Marc. An Tonius. P- COR nel DoiA- (a) Quo die , fi per amicos mihi cupienti in fenatum venire licuiflet, cxdis initium feciflet a me. Phil. y Meque cum elicere vellet in ca>dis caufam, tum tentaret infidiis. Ep. fam. iz , zf. ( b ) leaque omnibus efl vifus , ut ad te antea fcripif, vomere fuo more , non dicere. Ibid. r. (c) Atque etiam literas, guas me fibi miiifTe diceretv ïec'tavit, &c, Phil. z , 4, 472 HlSTOIRE DE LA V IE breufe, dans Fefpéïanee d'y voir arriver fon adverfaire, qu'il s'étoit efForcé d'attirer par toutes . fortes d'artifices. Mais quelque défir que Cicéron marquat de s'y rendre, fes amis lui firent appréhender pour fa vie (a) & fe réunirent pour 1'arré ter. La conduite & le difcours d'Antoine confirmèrent leurs foupgons. II s'emporta fi furieufément , que Cicéron comparant fes tranfports avec ceux auxquels il s eroit déja livré en public dit quil parut vomir (b) encore une fois plutöt que parler. II produifit ia lettre qu'il avoit recue de Cicéron , a 1'occafïon du rétabliUement de Sextius Clodius, dans laquelle (c)ïl étoit traité d'ami & de bon citoyen ; comme fi cette lettre eut pu fervir a le juftifier, ou comme fi la querelle préfenre fut venue d'une autre föurce que res entreprifes aduelles contre la liberté publijue.  D E C I C É R O N, L I V. IX. 473' Mais la principale accufation dont il le chargea, fut non-feulement d'avoir participé a la confpiration , mais d'en avoir été Ie premier auteur , & d'avoir guidé tous les pas des complices. II efpéroit d'échauffer les foidats par cette imputation , & de les porter a quelque violence. II les avoit placés dans cette vue aux portes du temple , a portée d'entendre fa voix, & de recevoir fes impredions. Cicéron écrivant ce détail a Cadïus, lui marqua, cc qu'il n'auroit pas fait » difHculté de s'attribuer quelque part a 1'exécu33 tion , s'il avoit pu s'en prornettre a la gloire ; 33 mais que s'il s'en étoit mélé réeilemenr, il «3 n'auroit (a) pas lailfé 1'ouvrage imparfait 33. II ne s'éroit pas éloigné de Rome pendant ce démêlé. Mais ne pouvant plus éviter de rompre avec Antoine , il crut que l'intérêt de fa füreté 1'obligeoit de fe mettre a couvert dans la maifon qu'il avoit proche de Naples. Ce fut dans cette retraite qu'il compofa fa feconde Philippique. Elle ne fut pas prononcée au fénat, comme on pourroit le conclure de fa forme. L'ayant finie entièrement a la campagne , il ne fe propofa de la publier qu'a 1'extrêmité, c'ed-a-dire , lorfque (a) Nullam aüam ob caufiim me auflorem fuiiïè Ca;faris interficiendi criminatur, nifi ut in me veterani inci-?' tentur, &c. Ep. fam. iz, %,,,. 3,4, An. rleR» 709. Cicer. ffj; Coss. Marc. An* TONIUS. c P. COR-. NEL. D0LA)( BELLA.  An. Je R. 709. Cicer. 63, Coss. Marc.Antonius.p. Cor- NEI. doia■BEliA. 474 HlSTOIRE E»É £ A Vlf l'intérêt de la république lui en feroit une loi , pour rendre le caractère d'Antoine & fes dedeins plus odieux que jamais. Cette pièce eft une invective des plus amères, ou la vie de ce dangereux citoyen eft repréfentée avec toutes les couleurs de 1'efprit 8c de 1'éloquence , comme une fcène continuelle de débauches, defaétions ,de vioiences & de rapines. Les anciens admiroient que dans la décadence de fon age, Cicéron y eüt mis autant de chaleur & de force que dans les plus célèbres producdions de fa jeuneffe. Mais fon éloquence ne s'étoit jamais exercée fur un fujet plus intéreflant. II favoit que dans la fuppofition d'une rupture ouverte , pour laquelle fa harangue étoit réfervée , la perte d'Antoine ou celle de la république étoit infaillible ; 8c fa vie n'étoit plus un bien qu'il voulut ménager, s'il voyoit la patrie menacée d'un nouvel efclavage. II envoya une copie de fon ouvrage a Brutus Sc a Caflius, qui lui en marquèrent beaucoup de ratisfaérion. Ils commencoient a reconnoitre clairement qu'Antoine ne penfoit plus qu'a la guerre , Sc que leurs afFaires dépéridbient de jour en jour. En quittant 1'Italie , ils avoient écrit cette lettre a l'ennemi de la liberté:  p e Ci c i r o n, L i v. IX. 47? Brutus & Cajfius, Préteurs, a Marc-Antoine , Conful. Nous avons lu votre lettre qui ne de'ment point Votre édit. Mêmes injures , mêmes menaces ; enfin nous 1'avons trouvée indigne d'un conful & de gens tels que nous. Songez , Antoine, que nous ne vous avons jamais offenfé. Nous n'avons pas dü nous imaginer qu'il put vous paroïtre étrange que des préteurs employaffent la voie d'un édit pour faire quelque demande a un conful (a); èc fi cette liberté vous choque, nous avons droit de nous choquer aufli que vous ne 1'accordiez pas du moins a Brutus & a Caffius. A 1'égard des troupes qu'on nous accufe de lever, & des autres mouvemens qu'on nous attribué, nous nous per* fuadons , puifque vous nous 1'aflurez , que vous n'avez fait la-deflus aucune plainte , & nous regardons votre défaveu comme une preuve de vos bonnes intentions. Mais il nous paroit étrange que ne nous faifant point d'obj edions de cette nature, vous ne ceffiez pas de nous reprocher la mort de Céfar. Nous vous prions de confidérer s'il eft raifonnable que des préteurs ne puiflent (a) Ces édits étoient des efpèces de manifefles, oi i'on s'exprimoit fort librement. Ep. fam, n , 3. An. de R. 709. Cicer. 63. Coss. Marc. An* tonius. p. corNEL. DOtA" BEHA,  lfl. ie R. 7°9Cicer. 6j. Coss. Marc. Antonius. P. Corkei. Doia- •EiiA. i i 1 47* Hr STÖIRE "D Ê L A VI f fe départir de leurs droits par un édit ■ en faveur du repos public & de la liberté, fans que le conful les menace auffitot de les réprimer par la force des armes. Ne vous dattez pas néanmoins de nous effrayer par cette voie. La crainte eft au-deüous de notre caractère, & ce n'eft point Antoine qui doit attendre de Ia foumiflïon de ceux a qui il doit Ia liberté. Si quelqu'autre raifon étóit capable de nous donner du penchant pour une guerre civiie , votre lettre n'eft pas propre a nous 1 'öter. Les menaces font peu d'imprefdon fur des coeurs libres. Mais comme vous n'ignorez pas qu'il n'eft guère pofllble de forcer notre volonté , peut-être ne nous menacez-vous que pour faire croire au public que nos réfolurions font 1'efFet de nos craintes. Nous ne voulons pas vous lailfer cette efpérance. Voici nos fentimens. Nous fouhaitons de vivre avec honneur dans un stat hbre. Nous ferions fichés d'en venir avec ^ous a des querelles violentes , mais la liberté ious paroït plus précieufe que votre amitié. II •ous importe donc autant qu'a nous de bien conïdérer ce que vous voulez entreprendre & ce jue vous êtes capable de foutenir. Ne faites point ;ttention combien Céfar a vécu , mais combien l a regné. Au refte nous prions les dieux de ous infpirer des confeils qui foient également fautaires a la république & a vous-même. Si vous  d ë Cicéron,li v. IX. 477 en fuivez d'autres, nous fouhaitons qu'ils vous nuifent audï peu que votre falut pourra s'accorder avec celui de la république. Adieu. Oétave s'appercevoit de jour en jour qu'il n'avoit rien a prétendre dans la ville contre un conful armé de 1'autorité civiie & militaire. II avoit été vivement piqué de 1'accueil qu'il en avoit recu , 8c comptant peu fur la force , fon reffentiment le flt recourir a 1'artifice. On prétend qu'il- forma un deflein contre la vie d'Antoine , 8c qu'il employa plufieurs efclaves, qui furent furpris dans fa maifon , le poignard a la main, cherchant 1'occafion de radafliner. D'autres afTurent que cette hiftoire fut une impofture d'Antoine , pour juftifier la manière dont il avoit traité Oètave en le privant de 1'héritage de fon oncle. Mais Cicéron remarque que toutes les perfonnes fenfées (a) ne doutèrent point de la réalité du, complot, & qu'eiles s'accordèrent a 1'approuver. Et la plupart des anciens écrivains en parlenc comme d'un fait avéré. (a) De quo multitudini fiftum ab Antonio crimen videtur, ut in pecuniam adolefcentis ïrnpetum faceret. Prudentes autem & boni viri & credunt faétum & probanr. Ep. fam. ii , 13. Inlidiis JVI. Antonii confulis latus pe* tierat. Senec. de Clem. i , 9. Hortantlbus 'itaque nonnullis perculïbres ei fubornavit. Hac fraude deprehenfa, &c. Sueton. Auguft. 10. Plutarq. Vie d'Antoine. An. fie Rv 709. Cicer. 6}i Coss. Marc. Atf« ionius. P. CORNEL.. DolAj SEtLA.  'An. de R. 7051. Cjcer. 63. Coss. Marc. An.ÏOnius. P. CorWL. doia«eha. : (a) Auget tuus amicus furorem in dies ; prïmum in flatua quam poluit in roit:is, & inicrip/it, Parend optime merito: ut non modo ficarii, fed etiamparricids judicemini. Quid dico judicemini ? judicemur potius. Veftri enim pulcherrimi faéii ille furiofus me principem dicit fuiffe. Utinanr quidem fuiiïèm ! moleftus non eflet. Ep. fam. 11,3. 478 HlSTOIRE Ï)E EA VlE L'un & 1'autre étoient également fufpecds aü fénat; mais Antoine qui travailloit depuis fi longtems a fe fortifier , & qui avoit tant d'autorité fut les troupes, a la tête defquelles il avoit combattu 'glorieufement dans plufieurs guerreSj paroiffoit le plus redoutable. Auffi toute fa confiance étoit-elle dans leur affècdion ; & pour fe les attacher de plus en plus 3 il fit paroïtre plus de haine & d'emportement que jamais contre les conjurés , les menacant ouvertement dans fes édits, & faifant profeflion d'être le vengeur de Céfar. II pouffa ces nouveaux tranfports de zèle jufqu'a lui élever une ftatue fut Ia tribune, avee cette infcription : PAK JEN TI OPTIME MERITO. Ciéron (a) parlant a Caffius de cette audadeufe entreprife, lui dit, « que fon ami Antoine > devenoit plus fuïieux de jour en jour, & qu'il > faifoit de lui & de fes complices, non-feule* > ment des meurtriers , mais des parricides. Pour-  DE ClCÉROU, I/T. IX 479 s> quoi dis-je de vous , ajoute-c-il i Je dois dire de » nous 5 car ce furieux prétend que j'étois le chef » de votre entreprife. Plut au ciel que je leude 3> été ! 11 ne leroic plus en état de nous cha33 griner 33. Cependant Ocdave n'avoit pas moins d'ardeur a foiliciter les foldats de fon oncle , & fon argent n'étoit pas plus épargné que fes foins pour les attirer a fon fervice. Ses offres étant fort fupérieures a celles d'Antoine , il réuffit plus promptement qu'on ne s'y étoit attendu a former un corps régulier de -vétérans. Mais comme il n'avoit aucun caradère, & que dans un tems moins déréglé , fon entreprife n'auroit pu paroïtre innocente , il s'efforca par fes foins & fes adiduités de gagner les chefs du parti républiquain, dans 1'efpérance de faire approuver fa conduite au fénat, &c de fe procurer peut-être le commandement de la guerre. II prefik Cicéron par fes lettres & par fes amis de revenir inceflamment h Rome, pour le foutenir de fon autorité contre leur ennemi commun; & croyant le prendre par 1'endroit le plus lenfible, il lui promettoit de fe conduire uniquement par fes avis. Mais fes promedes furent audï inutiles que fes inftances. Cicéron fe défioit d'un jeune homme fans expérience, qui ne lui paroiflbit point capable de mefurer fes forces avec celles d'Antoine. II ne An. de R. 705. Cicer. 63. Coss. Marc. AnroMus. P. Cor- sfi.. doiaiiUA.  'An. de R. Cicer. 63, Coss. Marc. An' Tonius. P. Corkèl. Dolabella. 4$* HlSTÖIRE DE LA VlÈ pouvoit fe perfuader d'ailleurs qu'il füt difpöfé fincèrement a fervir les conjurés; & loin d'efpérer qu'il put devenir leur ami (a), il prévoyoit qu'au moindre avantage il feroit valoir les adres de fon oncle avec de nouvelles violences, 8c qu'il feroit peut-être plus cruel qu'Antoine , dans la vengeance qu'il tireroit de fa mort. Des réflexions fi juftes lui firent prendre ie parti d'attendre a s'unir avec lui, que les befoins de la république lui en fiflent une loi • & dans Ia fuite' il n'y confentit qu a condirion qu'Odave employat fes forces a 'la défenfe-, non - feulement de la liberté., mais encore de ceux qui s'étoient généreufement facrifiés pour la rendre a 1'état. ■ On ne lui attribué rien ici qui ne foit claireroertt prouvé par un'grand nombre de fes lettres, cc J'ai recu , tcrit-il a Atticus , une lettre «d'Odave , . du premier de novembre , par la» quelle je vob que £ès:d-effeins n'ont pas peu 53 d'iétendue. II s'eft attaché tous les vétérans de » Catriinum & de Gaiatie , ce qui n'eft pas bien » éronriant, lorfqu'il leur donne par tête jufqu'a (a) Valde tibi alTentior , fi multum poffit Oéhvianus, nulto firmius acra tyranni comprobatum iri, quam in Tel- uris, atque-id contra Brutum fore fed in ifto juve- re, quanquam animi fatis , auctoritatis parum ett. Ad 4it. 16, 14. » cinquante  Ï5E CtCÉÉONjilf, IX. Alt * einquante piftoles. 11 fe propofe de faire le tour des autres colonies. Ses intendons ne font *>pius obfcures pour perfonne ; il veut obtenir le » commandement de la guerre contre Antoine» » Ainfi, dans peu de jours nousferonsforcésdepren»dre les armes. Mais quel parci embraflerons- nous { Confidérez fon nom, fon age. II me de*> mande une conférence fecrère a Capoue. Quelle >j enfance , de s'imaginer qu'une conférence en» tre lui & moi puifle être fecrète ? Je lui ai » fait enrendre qu elle n'étoit ni néceffaire, ni » poffible. II m'a fait dire par Cécina qu'Antoine » marche vers la ville avec la légion des Alouet* » tes (a), qu'il exige des contiibwions de toutes (a) Cette légion avoit itê levfe par Julci-Céfsr, & compofée d'abord uniquemer.t de gaulois armét Sc è'fci^ plinés a la manière romaine. Le nom A'Alaud* , on d'Alouettes , leur venoit spparemment de la fi>Ure dd eet oileau qu'ils portoient lür le-ar calque , ou dW cfpccé de crete ou de plume, qui ornnit leur cafque, comme la houpe des alouettes. Alaadet etoit un mot emprumü da la langue gauloife; les romains appeloient eet oifeau gale* rita. Antoine pour s'aflurer davantage de cette légion, avoit établi nouvellement une troifième forte de juges qui devoient être tirés d'entre les officiers de cette troupe , & qui formoient un tribunal difiingué de celui des fénateurs & des chevaliers. Cicéron lui en fait fouvent un reproche , comme d'une infame proftitutiqn de la dignjté de la régi^ blique. Phil. r, 8. Totne. IUt £| ^ An, de Rb i _709. Cfcer. Sj, Coss. Marc. An. TONIUS. P. COR. NEL. DOtA.» EEILA,  An. de R. 709. Cicer. 6j. Coss. Marc.Antonius.P. Cor- NEL. rOOLASEILA. 4S2 HlSTOlRE DE LA VlE y> les grolTes villes, & qu'il marche enfeigneS » déployées. II me demande s'il doitfe hater d'être 3»-afRome avant lui , avec fes trois mille vété» rans, ou fe faiiir du pofte de Capoue pour arjo rêter 1'ennemi , ou joindre les trois légions de 33 Macédoine qui occupent la cöte fupérieure , &C « qu'il fe flatte d'avoir dans fes intéréts. Cécina » m'affure que loin de fe lailfer gagner par 1'ar33 gent d'Antoine , elles lui ont fait une infulte, au en 1'abandonnant, tandis qu'il étoit a les haran33 cruer. Enfin Octave veut être notre chef, & nous 33 perfuader que nous fommes intérefles a le foute»3 nir. Je lui ai confeilié de marcher vers Rome, w paree qu'il aura vraifemblablement la populace 33 pour lui, & que s'il eft fidelle a fes promeffes , 33 il trouvera la même faveur dans tous leshonnêtes 33 gens. O Brutus ! oii es-tu ? Quelle occafion tu 33 laifles échapper! Je n'ai pas deviné tous ces 33 évènemens,mais j'en ai toujoursprévu une partie. 33 Dites-moi maintenant fi je dois aller a Rome , 33 ou demeurer ici , ou fi je me fauverai a Arpi33 num , j'y ferois plus en füreté; mais d'autre 33 part, je ferois faché de ne me pas trouver a 33 Rome fi ma préfence y étoit néceffaire. Déter33 minez-moi. Je n'ai jamais été dans une plus 33 grande incertitude 33. Dans fa lettre fuivante : cc J'ai recu, ditdl, en 33 un même jour deux lettres d'Octave. II me  DE C I C É E O ISi , £ I f, 1X. 483 *> prie a préfent de me rendre au plutöt a Rome, *> 11 rae dit 1ne veut agir que par 1'aurorité ^du fénat. Je lui ai mandé (a) qu'on ne *> pouvoit point afiembler le fénat avant le pre33 mier de janvi'er , & je crois en effet que cela * eft impofllble. Ocfave ajoute qu'il Veut fe * conduire par mes confeils ; en un mot il me * PrelTe > mais moi je "e me prefTe point. Je ne me *> fie point a fon age. Je doure même Je fes in» tentions, & je ne veux rien entreprendre fans * votre ami Paaff»- Je crains qu'Antoine ne foit » Ie plus fort. Je n'ai point envie de m 'éloignet "de la mer, & d'un autre cöté je crains qu'Ü *> ne fe paffe dans mon abfence quelque chofe >? dont je voudrois bien partager 1'honneur aveC »les bons citoyens. Varron n'approuve poinfs »les projets de ce jeune homme; mais je » ne fuis point de eet avis. II a de bonnes -troupes, il peut fe joindre avec Decimus Bru» tus. II agit déja en chef de parti, il ralTemble *» des foldats a Capoue & les paie bien. Enfin (d) C'effqueles deux confuls , Antoine & Dolabella, étoient abfensj une partie des préteurs, du nombre des conjurés , étoient fortis de 1'Italie. Ceux qui refloient a Rome étoient dévoués a Antoine. II falloit donc attendre que Panfa & Hirtius , confuls défignés , errtraflent e» eharge. Hhij An. de R., 705. Cicer. 6}, Coss. Mahc. An» ion-jus. P. COR. mei. DoiAï bei. IA.  An. de R. 7°9Cicer. Coss. Marc. Antonius.p. Cor- nïl. dola- (a) C'eft la traduction d'un vers d'Homère que Cicéton cite ici. 484 HlSTOIRE DE LA Vie 33 je fuis trompé f! nous ne touchons a la guerre ». Dans une autre : « Je recois tous les jours des 33 lettres d'O&ave, qui me prie de me mettre a. » la tête des affaires, de venir a Capoue, & de 33 fauver une feconde fois la république. II m'af33 fure qu'il marchera droit a Rome. (a) Tai 33 honte de refufer, & je crains d'accepter. Ce33 pendant Oétave s'eft conduit jufqu'a préfent 33 avec vigueur, & ne paroïr pas difpofé a fe re33 lacher. Mais ce n'eft cp'un enfant. II s'imagine 33 qu'on pourra d'abord affembler le fénat. Qui 33 ofera s'y trouver ? Et quand on y viendroit , 33 qui aura la hardieffe de fe déclarer contre An33 toine dans 1'incertitude ou font les affaires ? Oc33 tave pourra le premier de janvier raffurer &: 33 foutenir le fénat; ou peut-être en viendra-t-on 33 aux mains auparavant. Toutes les villes muni33 cipales d'Italie font merveilleufement affecdion33 nées a ce jeune homme... On accourt de tous cótés 33 au-devant de lui, on 1'exhorte a. foutenir fon 33 entreprife. L'auriez-vous cru ? 33 &c. Ses lettres font remplies de ces expreffions, qui marquent de la défiance d'Odrave, du penchant a demeurer tranquille , & la réfolution prefque formée de ladder démêler leurs intéréts aux deux partis ,  Ei E C I C É BÖ N , L I V. IX. 4«5 jufqu'a ce que le défordre mutuel de leurs affaires leur fït une néceifité de s'accorder. II paroit incroyable que dans la confufion de tant de penfées & de mouvemens, fa paflïon pour 1'étude trouvat toujours le moyen de fe fatisfaire. Outre la feconde philippique qu'il avoit déja compofée , il acheva dans le même tems fon traité des Offices , ouvrage qui a fait 1'admiration de tous les fiècles fuivans, comme le plus parfait fydême de morale naturelle, & le plus noble exemple des forces de la raifon pour ouvrir a 1'homme une carrière pure & innocente. II entreprit andi dans le même tems fes Paradoxes, qui font une efpèce de commentaire des principaux points de la docdrine des doïciens , confirmé par des exemples & des caracdères. II dédia eet ouvrage rt Brutus. Antoine étoit parti de Rome a Ia fin de feptembre, pour aller au-devant de quatre légions qui revenoient de Macédoine , & dans 1'elpérance de les engager a fon fervice. Elles y avoient été envoyées par Céfar , pour fervir dans la guerre contre les parthes. Antoine fe croyoit fi fur de leur foumiffion, qu'il avoit déja compré de fe rendre maïtre de la ville avec leur fecours. Mais étant arrivé a Brindes le 8 d'ocdobre (b), il (a) Ad VII. id. oftob. Brundiüum erat profeelus An-j Hh iij An. de R* 709. Cicer. 6-}. Coss. Marc Antonius. p. cor- nel. Dolabella.  &n. de r. 709. Cicer. 63. Coss. Marc. Ak> JTONIUS, P. CORNEI. DotASEIJ.A. tonius obviam legionlbus macedonicis III, qu.'.s iibi conclliare pecunia cogitabat, eafque ad urbem adducere. Ep. fam. iz , 13. Quippe qui in hofpitis tectis Brur.di/ii fortiffimos viros , cives optimos , jugulari jufTerit : quorum ante pedes ejus morientium languine os uxoris refperfum efle conflabat. Phil. 3,1. Cum ejus promiffis legiones fortiffima; reclamaflent, domum ad fe venire juffk centurionesj, quos bene de republica lentire cognoverat, eofque ante pedes fuos, uxorifque Cus , quam fecum gravis imper.uor ad exercitum dnxerat, jugulari coegit. Phil. 5 , 8, Hïstoire de ïa Vie eut le chagrin d'en trouver trois obdinées a rejeter fes ofFres. Cet affront fit monter fon reffentiment jufqu'a la rage. II fit appeler tous les centurions qu'il foupconnoit d'avoir infpiré a leurs foldats du dégoüt pour fon fervice,' & n'ayant point manqué de prétexte pour les faire éntrer dans fa maifon , il les y fit mafiacrer 1'un après 1'autre au nombre de trois eens. Cet affreus excès de vengeance paffëroit pour un fait mcroyable, s'il n'étoit attefté plufieurs fois par Cicéron. Les circonftances n'en font pas moins horribles y puifqu'il affure que Fulvia , femme d'Antoine, qui prenoit plaifir avec lui 3 repaitre fes yeux d'un fi barbare fpecdacle, eut le vifage couvert du fang de ces malheureufes viclirnes. Le furieux conful retourna vers Rome par la voie dAppius, a. la tête d'une feule légion qui avoit reconnu fes ordres, tandis que les trois autres  © E ClCËRONj li I V. IX. 4?7 prirent leur route au long de la mer Adriatique, fans s'être encore déclarées pour aucun parti. Sa haine augmentant contre O&ave & les lépubliquains, il prit la réfolution d'employer le refte de fon confulat a dépouiller fes ennemis des gouvernemens Sc des emplois miliraires, pour en revêtir fes plus fidelles amis. Les édits qu'il publia dans le même tems étoient remplis (a) de la fureur qui le polfédoit. a II donnoit a Oc33 tave le nom de Spartacus, en lui reprochant 33 la baffefle de fa naiifance. II accufoit Cicéron » d'avoir infpiré a ce jeune homme toute fa harsp dielfe Sc tous les projets. II traitoit le jeune 33 Quintus , comme un perfide fcélérat, qui lui 33avoit offert daffafliner fon père Sc fon oncle. 33II défendoit fous peine de mort a trois des trias buns, Q. Caffius, frère du conjuré , Carfuleta33 nus Sc Carnutius d'ofer paroïtre dans l'aflemblée 33 du fénat 33. II étoit encore dans la chaleur de (a) Primum in Cxfarem ut maledifta congeffit.... ïgnobilitatem objicit C. Casfaris filio. Phil. 3, 6. Quem in edictis Spartacum appellat. Ibid. 8. Q. Ciceronem fra- tris mei filium compellat ediéto Aufus efl fcribere hunc de patris & patrai parricidio cogitafle. Ibid. 7. Quid autem attinuerit Q. Cafïio mortem denunciare fi in fenatum veniflet; D. Carfuletanum è fenatu vi & mortis minis expellere ; Tib. Carnutium , non templo folum, fed aditu prohibere capitolii. Ibid. 9. H h re An. de R. 709.Cicer. i?J. Coss. Marc. Ak» l'ONIUS. P. CORs1ei. DüLAbe1ia.  An. Je r. 709. Cicer. 63. Coss. "Marc. AnTomus.P. Cor- jjei. doia«eiia. (a) Cum renatum vocaflet, adhibuifietque confularem, qui fua féntentia C. Ca=farem hoftem judicaret..... Phil. [J, 9. Appian. f , 6. (b) Poftea vero quam legio martia ducem praftantirfimum vidit, nihil egit aliud, nifi ut aliquando liberi eflemus ; quam eft imitata quarta legio. Phil. c , 8. Atque ea legio confedit Alba;, &c. Phil. 3, 3. (c) Fugere feftinans S. C. de fupplicatione per difceflionem fecit..... praxlara tarnen fenatus confulta eo ïpfo die veïpertina provinciarum religiofa fortiiio L.. Lentulus Si P. Nafo nullam fe habere provinciam» -1.83 Histoirh de ea Vrg cet emportement lorfqu'il convoqua Ie fénat pour Ie 24 d'odobre. Ses menaces furent terribles contre ceux qui fe difpenferoient d'y afïïder. Cependant il s'abfenta lui-même , & le jour fuivant il indiqua par fon édit une aurre alfemblée pour le vingt-huit. Mais tandis que tout le monde étoit dans 1'attente de quelque décret extraordinaire , & fur-tout de celui (a) qu'il avoit préparé pour déclarer le jeune Céfar ennemi de Ia république, il fut informs que deux des légions qu'il avoit lafffées d Brindes avoient pris parti pour Odave, & s'étoient faifies du pode d'Albe, dans le voidnage de Rome (b). Cette nouvelle lui caufa tant d'inquiétude qu'au lieu d'exécuter fes réfolurions , il fe hata feulement de didribuer a fes amis divers gouvernemens (c), qu'ils n'osèrent accepter, & quittant  de Cicéron, Liv. IX. 48-?' I'habit de conful pour fe revétir de celui de général , il abandonna la ville avec précioitation. Son deflein éroir de fe mettre a la téte de fon armée, & de fe faifir de la Gaule Cifalpine qu'il s'étoit fait donner , par une prétendue loi du peuple, contre 1'intention du fénat. A la première nouvelle de fa retraite, Cicéron quitta fes livres 8c la campagne pour retourner a Rome. II fe fentoit comme invité par la voix de la république, a prendre encore une fois les rênes du gouvernement. La carrière étoit libre. II n'y avoit dans la ville ni confuls , ni préteurs, ni foldats. II y arriva le neuf de décembre , 8c trouvant Hirtius atteint d'une maladie dangereufe , il eut quelques conférences avec Panfa fur les afFaires de la république. Ayant fon retour il avoit recu la vifite d'Oppius , qui 1'avoit inftamment prefFé de favorifer Ocdave , 8c de prendre fes troupes fous fa protecdion. Sa réponfe avoit été qu'il ne pouvoit entrer dans cet engagement fans être bien für (a) nullam Antonii fortitionem fuifle judicarunt. Phil. 1,9, 10. (a) Sed, ut (cribïs, certifïlmum efle video difcrimen Cafca; noflri tribunatum : de quo quidem ipfo , dixi Oppio , cum me hortaretur ut adolsfcentem totamque caufam manumque veteranorum complecterer, me nullo modo An. de RJ 709. Cicer. 6}i Coss. Marc. AnroMus.p. Cor- MEL. DOLAt BELLA.  An. it r. 709. Cicer. 63, Coss. Marc.A.s'- TONIUS. P. CORKBI: DOIA•EJ.IA. facere pofle, ni mihi exploratum eflet eum non modo non immicum tyrannoctonis, verum etiam amicum fore. Cum ille diceret ita futurum , Quid :gi:u- feftinamus, tnquam ? Qli enim raea ooera ante kdi. jan. nihil opus efl: ros autem ante id. decerr.'rris ejus voluntatem perfpiciemus in Calca. Mi'ni valde aflênfus efl. Ad Att. 16, 16. (a) Cum tribuni plebis edixiflènr fenams adeflèt ad 13 kal. jan. haberentque in animo de prarfidio confu'um defignatorum referre , qunmquam flatueram in fenatum ante kal. jan. non venire, tarnen cum eo ip!o die edictum tuum propofitum effet , r.efas efle duxi aut ita haberi lenatum , ut de tuis divihïs in remp. meritis fileretur, quod factum eflet, nifi ego vemflem 5 aut etiam fi quid 4jel. dola? 5el1a.  An. de R. 705. Cicer. 6j. Coss. Marc. AkTonius.P. Cor- NEI. DoLASELZ.4. U) Phil. 3,1,1,3. 492 HlSfOIRE Sï LA Vlï dont il pouvoit abufer; mais avec des forces égales aux Hennes, il étoit a préfumer que les confuls auroient beaucoup plus d'autorité , & 1'on pouvoit les lui alTocier au commandement, pour obferver fes intentions & pour bomer fes entreprifes. Le fénat étant aiTemblé , les tribuns exposèrent les motifs qu'ils avoient eus pour le convoquer; c'étoit la néceffité d'établir une garde pour les nouveaux confuls, &: d'afiurer la liberté des opinions dans les débats. Mais ils ajoutèrent que dans des conjondlures fi prelTantes , on pouvoit profiter de 1'occafion , pour délibérer fur les affaires publiques. Cicéron fit 1'ouverture de cette délibération. II repréfenta d'abord 1'extrêmité (a) ca danger, & de quelle néceffité il étoit de ne pas perdre un moment pour repouffer un ennemi qid ne méditoit que la ruine du repos & de la liberté. Sa pernicieufe diligence auroit déja porté la confufion dans toute 1'Italie , fi lorfqu'on s'y attendoit le moins & fans en être follicité , le jeune Céfar ne s'étoit armé de tout fon courage & de toute fa vertu pour exécuter en peu de jours ce qui paroifioit furpaffer fes forces. A fes propres frais , & fur fon feul crédit, il avoit formé une groffe armée de vétérans, & renverfé tous les  de Cicéron, Liv. IX. 453 projets cle 1'ennemi public. On ne pouvoit (louter que li Marc-Antoine eut féduit a Brindes les légions qui avoient refufé de le fuivre , il n'eüc lempli la ville, a fon retour , de fang Sc de carnage. C'étoit donc le devoir Sc l'intérêt du fénat, de confirmer par fes décrets ce que Céfar avoit entrepris , Sc non-feulement d'autorifer tous les fervices qu'il offroit de rendre a la patrie, mais d'augmenter fon pouvoir, Sc d'accorder auffi quelques faveurs particulières aux deux légions qui s'étoient déclarées pour lui contre Antoine. A 1'égard de Decimus Brutus, qui venoit de s'engager ( devoir d'exécuter toutes ces réfolutions L'affemblée y foufcrivit d'une feule voix, &c le décret fut drefle auffitöt dans la meiUeure forme. Du fénat, Cicéron paffa direcdement au forum.' La, dans un difcours qui fut écouté avec une merveilleufe atrention, il rendit compte au peuple de ce qui s'étoit paffe au fénat. Dans fon exorde , il exprime la joie qu'il reffent de voir autour de lui un concours plus nombreux qu'il ne fe fouvient de favoir jamais vu ; 8c cette ardeur a 1'entendre lui parok tout a la fois un témoignage certain de leur bonne intention, & un préfaoe fi favorable du fuccès de fes vceux, qu'il fent redoubler a cette vue fon courage & fes efpérances. II répète enfuite , avec quelque changement dans les termes, 1'éloge qu'il avoit fait au fénat de la conduite d'Ocfave & de Decimus Brutus, & les invecdives auxquelles il s'étoit ernporté contre Antoine. II ajoute (a) que la race des Brutus avoir été donnée a Rome par une bonté fpéciale des dieux , pour défendre 5c fauver perpétuellement la patrie : que fi Marc-Antoine n'eft pas déclaré Pennend public par les termes exprès du fénat , il 1'eft ïéellement par fat conduite & par le fens du nouveau décret •, qu'il  £ Ê Cicéron, Li v. LX. 497 ne doit plus être regardé d'un autre ceil, & que loin de lui accorder plus long-tems le nom de conful ■ il faut le traiter comme un ennemi cruel, dont il n'y a plus de paix ni de compofition a efpérer, qui en veut moins a leur liberté qu'a leur fang, Sc qui n'a point de palTe - tems plus agréable que de voir égorger des citoyens a fes yeux: que les dieux néanmoins fembloient annoncer affez vifiblement fa ruine, puifqu'une union li condante de tous les ordres de 1'état contre lui, ne pouvoit être attribuée qua 1'influence divine. Ces deux philippiques, qui font la troifième 6c la quatrième dans toutes les éditions de fes ouvrages, furent recues du fénat & du peuple avec des applaudiflemens extraordinaires. En rappelant dans la fuite au peuple le fouvenir ( a ) de ce glorieux jour, il déclara