01 2068 5862 UB AMSTERDAM   r a P O U R l'i ns truc ti on DES JEUNES GENS, DESS1NE P A. R JEAN SALOMO N FALLENSTE1N, Maitre de Phi/ofophie. AMSTERDAM, 1789. En commisfion, ehez HENDRIK CORNELIS BERGVELD, Libraire dans la ruë de St. Pierre Jacquc.  A MESSIEURS! Monfieur BENNET, Doöeur en Medecine Irès celebre a Amfterdam, Monfieur FREDERIC RUDOLPH OLDENBURG, Marchand trés renommé a Amfterdam, & Monfieur JEAN SAMUEL t,e POOL,, Marchand trés renommé a Lcyden.  MESSIEURS! Oeft a Vos foins infinis, que je dois Foccafion de pouvoir faire publier ce plan — ! Je ne fouhaite, que d'être capable de Vous rnontrer , Mesfieurs , que, quoique mes forges ne s'etendent pas jusqu'a recompenfer Vos bienfaits , cependant toute ma peine fe bornera a faire eclater par rinftruction des jeunes Gens ma diligence & mes foins de rendre a la focieté tout le profit de mes talens, dontje fuis fusceptible , & en même tems de Vous rendre par cette diligence les grafes dignes de Vos bienfaits, avec lesquels il Vous a plu de me combler? V0us, Monfieur Bennet, vous m'avez bien voulu regevoir avec cette generofité de coeur,qui carafterife 1'hon- net  net homme, avec cette candeur dW, par laquelle on gagne Peftime du monde: & Vous, Monfieur Oldenburg, vous avez eu k bonté'de me procurer Poccafion "~ ^^«uture, x Vous, mon cherLBPooL am, de mon cceur, Vous m'aves donné ce foulagement, qui nous rend chers les hom* Uü„ ie pms grand foin confiftedans; i ^compusiement des devoirs d'homme & d'arn.! Recevez, Mesfieurs, publiquement ~« u .vi,5, * me taites Ia grace de vous perfuader, que Peftime, que je vous protesfte par ces lignes, eft trop foible pour mettre au jour la veneration de mon cceur» que vous me verrez toujoursagir avec cette %on de penfer, par laquelle j'eus le bonheur de m'acquerir vos bonnes graces! ■ Jean Salomon Fallenstein. PLAN  PLAN P O U R L'INSTRÜCTION DES JEUNES GENS. § i. Jl eft évident, que 1'education des hommes eft une fcience, qui exige tout au/Ti bicn les qualités du coeur, que de 1'efprit de celui, qui en fait profesfion.— C'eft une chofe, dont les grandes difficultés, lesqueiles cependant font entremeiées avec beaucoup d'agréable, demandent non feulement des mois ou quelques années, mais mê-me une envie & un penchant de la plus tendre jeunesfe, pour y reüsfir pleinement. II eft necesfaire, que le precepteur connoisfe a fond le coeur huraain & fes pasfions, il faut qu'ii fache appreA cier  CO der des regies generales a des cas fpecialsj fes maximes doivenc fe pofer tant fur la faine raifon, que fur fa propre experience & celle des autres hommes; il faut qu'il fe regie après les connoisfanees de chaque fujet3 qui lui font confies; que la maniere d'enfeigner , qu'il adopte, foit la meilleure, la plus facile & admifible mëme a un certain nombre d'éleves. — La fcience des hommes eft donc la grande carrière , qu'il a a parcourir: la pratcique jointe a une theorie fublime, doic êcre la bafe de tous fes principes. Ma propre experience m'a convaincu de la juftesfe de ce, que je viens d'avancer; — douéd'unetresbonne education du meilleur des peres, qui par la s'eternifera dans ma memoire; mon fort etant jetté a chercher de bcnne heure dans le grand monde par 1'enfeignement de la jeunesfe un entrecien, que mon pere ne put me donner; & ayant fixé aux Univerfités, que je frequentois, ma plus grande application a la pasdagogique & philologie; devenu gouverneur de plufieurs jeunes geng & en difTerentes maifons particulieres; m'etant des ma plus tendre enfance appliqué a devenir dans la partie, que je profeste, auffi utile a la fociétd humaine, qu'il  (3) qu'il m'eft pofïible; ayant de möme fait roulèf mes reflexions fur les chofes les plus petites, pour pouvoir en après mieux apprtfondir les plus grandes: il relulte de la necesfairement que i'ai pus m'acquerir une ample provifion des connoisfances, lesquelies ccpendant ne peuvent naturellement pas étre fpeciales, mais qui recoivent leur direction felon laficuation, l'état, les penchans, la capacité & lé fort prepofé d'un chaque individu — ces connoiffancCs, regardées comrae théorie, écablie par la pratique, ne laisfent du moins pas a devenir un bon &• folide foutient pöur 1'ufage futur. —* Si jamais 1'education a été fujette a des grandes difficultés, elle 1'eft devenue encore plus, depuis que la carrière des Sciences s'eft tant aggrandie & qu'on commer.ce a diftinguef edueation en propre fens d'enfeignement. II eft d'ordinaire, que le peres & tneres du bonton fe refervent la première & ne laisfent que 1'autre au gouverneur. II appartient feulement a celui, qui connoit a quel point les premiers principes, donnés a un enfant, germent dans un jeune coeur, & combien il eft pernicieux , quand ces principes re s'accordent pas, & quand des perfonnes des difA a fb-  ( 4 ) ferens fentimens les leur expofent, de voif combien de tort cette maniere d'enfeigner occafionne! — La plus part des parens fuivent leurs propres maximes , qui confiftent d'ordinaire dans les coutumes, les ceremonies & dans les qualités du grand monde, fans y joindre les moindres re^ards aux vertus du coeur, les quelles cependant carafterifent 1'honnet homme, nial'accomplisfement de nos devoirs, en quoiconfifte tout notre bonheur. — Cependant un fage precepteur ne negligera jamais a joindre a fes autres inftructions la culture du coeur de fes eleves, & la matiere lui fournira fouvent asfes d'occafion. Quant aux fciences mêmes il faut, que 1'utilité s'en rapporte toujours a la deftinaiion future des Eleves; cette deftination etant des plus variées, & ne recevant fes modifications, que par les penchans & talens dun chaque fujet, les regies, qu'on y employera, ne pourront jamais être fpeciales, mais le deviendront des qu'on les connoitra plus particulierement! — Perfonne ne niera cependant, que tout jeune homme a befoin de certaines connoisfances preliminaires, au moyen desquelles il fe prepare aux fciences ne-  (5) necesfaires pour fe rendre utile a 1'état qu'il embrasfera. 11 faut, qu'il fache, qu'il ne pourra jamais parvenir a ce but, qu'en donnanc a fon jugement toute la folidité, dont il eft capable. -~ II lui eft de plus neceffaire de favoir, que, prenant le rapport, qu'il y a entre 1'être fupreme & 1'homme, il ne peut jamais pretendre a parvenir a un avenir brillant, rempli de riches perfections, qu'en mettanc pleinement & fans crainte en oeuvre tous fes devoirs, relatifs tant a la fociété, qu'aioimême; ni qu'en fachant, que fon plus grand devoir eft de vivre conformement a la haute dignité de 1'homme: il doit connoitre les ulages de 1'Eglife, dont il eft membre, avoir de la foy, fans êue bigot, fe laisfer conduire par la raifon, fans cependant vouloir tout embrasfer avec elle — & c'eft la Religion qui lui enfeigne tout cela ! — II eft necesfaire 3 qu'il apprenne a connoitre les hommes, avec lesquels il eft en liaifon, & mémc qu'il etudie leur bon & mauvais cóté, pour adoucir par la fa vie; il faut qu'il ne s'accoutume jamais a un langage romanesque, ni qu'il s'imagine les vertus plus grandes, ni les vices plus affreux, qu'ils ne le font en effet! — 11 A 3 eft  C6) eft befoin, qu'il apprenne a connoitre les plaifirs ci'un monde, que Dieu a créé pour fon bonheur, & pour fa recreation; mais il faut en même tems, que la jufte relation des calamités, qu'on y rencontre, aux plaiflrs, qu'on y penfe trouver, foit imprimée dans fa memoire. La connoisfance des grands hommes de toutes les generations, qui ont, pour ainfi dire, poli fesconnoisfanees,&fe font rendus utiles a 1'humanité par quelques etudes que ce foit, la connoisfance de 1'influence, que les loix, les arts, les fciences & les formes des gouvernements ont fur le bien ou mal - ctre des nations, lui font des plus necesfaires, pour lui fournir des exemples des vertus, & pour le preferver de toute opinion prompte &fausfe.~ C'eft 1'hiftoire qui le met au fait de toutes ces connoisfances ~ Sa patrio- lui eft trop chere non feulement a caufe du rapport jnaturel, qui fe trouve entre elle & lui, mais auffi a 1'egard du poiitique, en jettant un coup d'oeil fur Ia grande balance des puisfances, pour qu'il re mette toutes fes peines a s'en procurer une connoisfance fuffifante. — L'amour pour la patrie eft un nom trop doux & un dgvoir trop noble, qui fc trouve même deja  ( 7 ) deja ïmpresfé a tout homme des fa naiflance, pour qu'il n'exige de lui une connoiffarce detaülée de fa patrie & des rapports encre elle & les autres parties du monde. — L'Influence des climats, de 1'air, de la fituation du fol fur les mceurs, capacités & temperaments des peuples eft trop eclatante, pour que 1'ignorance de toutes ces ehofcs put jamais être excufable. — C'eft la Geographieen toutes les parties, qui- le met au fait de tous ces divers rapports. — L'etendue des chofes phyfiques, leur influer.ce fur le monde corporel, la connoiffance des forces de la nature, de leur ordre lui mettent la toute puiflnnce, fapience & bonté de fon Createur dans un jour trop manifefte, lui caulent autant de plaifirs, qu'ils lui (ont utiles par rapport aux devoirs, qu'il a a exercer envers ia focieté bourgeoife; par le moyen d'elles il s'elance, pour ainfidire a une region plus elevée, & s'eloigne de ia fuperllition trompeufc du bas peuple &devient par cette même raifon lavant & ftge. — On acquiert ces connoiffances en etudiant la Phyfique, 1'Hiftoire naturelle, & les Mathematiques, ces trois fciences etroitement unies enfemble, dont 1'influence eft egalement grande fur 1'hiftoire A 4 &  C 8 ) & Ia Geographie, qui eguile Ie jugement & porte les etudiants aux plus hautes lumieres. - Le devoir de tout homme fage, qui veut faire un cas requis de fa raifon, exige, qu-il penfe bien , noblement & avec gout, qu'il expofe de la même maniere fes penfées tant verbalement par 1'organe de fa voix, qu'en ecrivant. — Les liaifons fociales & poütiques de plufieurs peuples entre eux lui font naitre la necesfité de favoir s'exprimer en plufieures langues; fon genie s'.-'ggrandit par la, fon jugemenc devient plus jufte, & fur tout fa memoire y peut recueillir des forces, dont dans 1'avenir il peut fe fervir avec ufure. — Cec avantagc lui apporte 1'etude des langues, parmi lesquelles la langue Latine, comme mere des nouvelles, merite toujours le rang a caufe que fa Grammaire eft la plus ferme, & decifive, c'eft-adire, puisque elle nous apprend la mieux de toutes a parler, & ecrire avec juftesfe, gout & beauté! — L'invention de l'art d'ecrire & de chiffrer fut d'une utilité trop reconnue pour la vie bourgeoife, pour que jamais on eut trouve des parens raifonnables, qui ne leseusfertpascru necesfaires de les faire apprendre a leurs enfans.— Qui pourra doac nier, qu'une in-  (9) inftruction raifonnable & jufte de ]a Religion, de 1'Hiftoire, de la Geographie, Phyfique,de 1'Hiftoire naturelle, des Mathematiques, &des langues ne foit egalement necesfaire & d'ütiles fuites pour un chacun, qui ambitionne le beau nom d'homme fenfé & utile? qui ne dira pas avec moi, que la meilleure maniere de Ia fudite inftrucT.ion repofe entierement fur la methode la plus fondee & intelligible, avec laquelle on la traite.? Je le regarde dohc comme un devoir de raettre au jour les methodes, avec lesquelles je traiterai les fciences fusmentionées, puisque tout Pavantage, qui en refulte pour les enfans, repofe fur eux, & que les hommes les plus favants n'ont rien pu produire fans eiles, comme le nousfaitvoir 1'experience de tous les jours, même ont caufé du dommage faute d'avoir ufé d'une methode mauvaife. Je ferai auffi après connoitre ma facon de penfer fur la formation du coeur & des moeurs, etant content d'avoir pu expofer de cette maniere mon plan. § 2. De la Religion. II eft befoin de diftinguer la Religion de la A s Theo-  ( 10 ) Theologie. —■ L'une eft egalement necesfaire au Prince qu'a 1'indigent1'autre eft une machine trop eolosfale, compilée de Dogmatique & Morale, pour qu'aucun jeune homme, dont les forces naisfantes de 1'efprit ont plutöt befoin d'être tirées de 1'efpece de 1'ethargie, ou elles font encore, que d'y être enfoncées plus profondement, puiffe venir a bout de 1'embraffer en entiér. La Religion occupe 1'entendement & non la memoire; elle s'occupe a former les coeurs & a donner une jufte direction aux fentimens du bon & mauvais, fans fe tenir au ceremoniel de 1'Eglife; elle mene le jeune homme dans un champ, ou il trouve des matieresfuffifantes pour fes reflexions; elle 1'eléve au defTus du peuple, qui s'attaciie opiniatrement aux premières- impreintes; elle les fait connoitre 1'être fupréme tel qu'il veut êire connu, lui apprend a 1'adorer fans s'attacher a des formules memorifées; elle met tout fon poids a le faire profesfer avec plaiiïr fes devoirs envers la patrie & 1'humanité; elle le confole dans 1'adverfité en le raménant a foi même, comme a la première fource de fes maux, elle le foutient dans fon asfietteaucombie de  (II) de la fortune & lui fait jetter fes yeux fur la première fource, c'eft a dire furDieu; elle eft la conductrice aux travers des vallées de la Mort, lui fait entrevoir les afpects de 1'avenir, ou il s^pprochera de 1'êcrc fuprême, & fera revetü, felon le bien qu'il a operé, des recompenfes celeftes; elle lui apprend a etre homme dans toute 1'etendue, elle lui ïmpofe être equitable envers ceux, qui dans les articles de la foi, aboutisfants au bien mcrale de 1'humanité, penfent autrement, que lui — Ainfi eft la Religion, qui nous montre un large champ rempli des chofes agreables, lesquelles font cependant entremelées avec les plus grandes difficultés pour le precepteur, & qui exigent de lui l'attention & 1'execution la plus marquée! — ca d'un cóté s'oppofe a lui la fuperftition avec fes terribles compagnes, 1'intolerance & la dureté, de 1'autre il a a combattre la Bigotterie, fous Ie masqué emprunté de fainceté ; ici il voit des credules b'addonner aux premières impresfions des mots, qu'ils re comprennent pas feulement; la les efprits forts elevent leurs tótes calumnieufes pour porter aux generations futures de perdition & ruïne! ici 1'athée joue avec Dieu & fon  ( 12 ) fon être, la fe mocque le naturalifte de la toute puiffance, fapience & bonté de 1'être fuprême , & enveloppe fes penfées fous de noms empiuntés & fynonymes. -— Religion privée & pubüque font bien differentes 1'une de 1'autre; de la première chaque homme fenfé eft revetu, & elle fe pofe fur la doctrine fimple, mais fort efficace dc Jefus Chrift; la fecon de confïfte en ftatuts, que 1'Eglife trouva bon a fixer, dans un ceremoniel penible & exterieur , qu'on eft obligé a obferver en qualité d'hommefage&decitoyen , fans cependant s'y attacher uniquement, comme la plus grande partie des hommes le font; — La Foy en Jefus Chrift etant le principal fond de nötre Religion & fe faifanc manifefte efficacement au dedans de nous même, c'eft a dire, une vive & ferme perfuafion de fa legation divine nous animant a fuivre ftrictement fes preceptes, & cette foi ne fe contentant pas avec la fimple raifon, mais exigeant des connoiftances plus etendues, parmi lesquelles je conté preferablement une jufte connoiflance de 1'homme & de fes pasfions, pour nous convaincre de la necesfité de cette Religion; un precepteur éclairé prendra donc fon refuge a l*hi-  ( 13 ) 1'hiftoire; M tirera des evenements des differens peuples, principalement du peuple Juif, les railons primitives; il remontera jusqu'au tems, ou Jelü Chrift n'aquir, la vie de eet homme Dieu eft trop remarquable, fa doctrine trop magnanime, les miracles, avec lesquels il eprouva fa divinité, font fi fervants, la necesfité d'icelle eft fi claire , pour que le precepteur ne s'y arréte avec le plus grand plaifir, & avec la plus grande utilité— il fera remarquer les progrès de la Religion Chretienne depuis ce tems , il montrera, * comme 1'hierarchie & 1'orgueil des prêtres ■ fe font rendus puiffants, comme chacun des differens Théologiens ont produit leurs opinions de 1'Evangile; comme de cette facon la noble fimplicité, la fublime fagon de demontrer, la perfpicuité des chofes fe trouverent enveloppées dans des fophismes payens, & ont par cette maniere erigé une masfe colosfale des dogmes & inventé un ceremoniel penible qui eblouirent les yeux du peuple, 1'attacherent au joug des prêtres, fans avoir cependant le moindre influence a leur bien être morale. — II demontrera comme Luther & Calvin detruifirent cette masfe pour lui donner une forme plus  ( U) plus convenable au fens de Jefus Chrift. — li tirera de la, que les fuites de la reforrnation font fi impcrtantes, 1'utilité, qu'elles repandirent fur leurs adherans, fi grandes, qu'elles extendirent leurs heureux fruits jusqu'auxgenerations les plus eloignées! 1'Eleve a donc befoin d'apprendre 1'hiftoire de 1'Eglife pour approfondir le bon ou mauvais fond des dogmes de la fienne , mais il n'a pas befoin d'une, qui ne contient que des noms & des discusfions polemiques. II eft necesfaire, qu'il fache de bonne heure, que toute notre croyance n'eft que momentanée, & qu'elle s'attache entierement k nos idéés, k notre imagination, & au point de vue, du quel nous regardons les chofes ; que de cette facon elle eft differente chez chaque Individu, & qu'ainfi perfonne ne peut-être le ju^e de la foi, ou des maximes d'autrui; mais qu'il eft de devoir de chacun d'agir & de juger d'après fa meilleure conviction, pour qu'il reüsfisfe ausfi bien,que nous, h fe procurer le plus haut degrès posfible du bonheur — de cette facon il deviendra tolerant & profeflera une Religion, h laquelle même les Turcs ne pourront point porter d'envie. La le&ure de 1'ecriture fainte nous eft  ( 15) eft d'une trop grande utilité, nous confole trop efficacement, pour que le pedagogue n'enfeigne de bonne heure la meilleure facon de la lire. Nötre bonheur ne confiftant, que dans le repos & la ferenité de nótre ame, qui ne peuvent être fixés, que par une utile application des forces de nötre corp, il refulte donc, que pour acquerir les connoifiances des parties du dit corps, dé leur but & leur utilité, il eft neceflaire d'ajoindre une Antropologie fimple & modefte, a la doctrine de la Religion. II feroit a fouhaiter, que tous les enfans euflènt été inftruit dans cette fcience; on en trouveroit bcaucoup plus faire un employ fage & utile des forces de leurs corps, & beaueoup moins, qui les disfiperoient. — Comme la Religion n'eft pas proprement une affaire de memoire, & toutes les chofes, aufli bonnes, qu'elles foyent, fi on vous force de les memorifer , vous rebutent a la fin, le precepteur ne s'addonnera jamais a une memorifadon outrée, mais il fe reglera après les talens plus ou moins grands de fes eléves. Le contenu de mes lecons de Religion lera donc. La connoiflance de 1'ame & de fes forces — la connoiffance de 1'être fuprême,de fes qualités fu*  C 16 ) fublimes & de nos devoirs envers iceus — 1'hiftoire des hommes, comme ils font reéllement, & non comme ils doivent être — 1'hiftoire de la Religion, telle, que Jefus Chrift 1'a enfeigné lui-même. — La reformation qui 1'a fuivi — la connoiffance de nötre corps, & des devoirs relatifs a lui — j'en ferai 1'expofition pour les plus grands de mes Eléves en la langue Francoife, & quand ils feront plus avanges, en Latin, pour les plus petits, en Allemand ou HollandoJs. § 3- De 1'Hiftoïre. Outre les avantages, que 1'hiftoire fait jouir a la Religion, fon utilité s'etend encore fur la vie bourgeoife, & fur la culture d'un jeune C03ur. C'eft elle qui accompagne le jeune homme dans le monde, qui lui apprend a en jouir fagement; c'eft elle, qui, ennemie d'un ftyle romanesque & delicieux, demasqué le vice fardé, & la vertu s'humiliante, & les montre aux yeux du jeune Ètudiant,telsqu'ilsfont — elle decouvre les tems paffes & prefens, & donne occafion a 1'efprit fpeculatif des hommes de  (I?) de penetrer 1'avenir; elle nous inftruit tant des a£tes despotiques du monarque barbare, que de celles bienfaifantes d'un prince, qui cherche fon bonbeur k devenir le pere de fes peuples; elle penêr.re les fiecles les plus reculés, nous montre, comme quelque fois les plus petits evenements engendrent les plus grandes revolutions; comme les hommes fe font peu a peu policés tant du cótc du phyfique que du morale, comme, pour ainfi dire, des leur origine ils obeirent a dcsloix, & fe rendirent cependant k quelques uns, qu'ils elurent a ce fujet de leur milieu — comme des monarchies commencercnt & eclipferent, comme d'autres re jouerent qu'un petit rolle paffager dans la grande fcene univerfelle. L'hiftoirc nous apprend k connoitre 1'homme, tel qu'il eft, & non comme notre imagination nous le dcpeint; elle nous eloigne des ombres pour nous mener k la verité; nous montre, que 1'education & la culture des forces de notre efprit font les refforts tout puiffants du bonheur des mortels; comme on peut le mieux regler & diriger fes pasflons, pour donner au tout 1'activité requife; fon influence dans la vie bourgeoife eft trop eclaB tan-  ( i8 ) tante peur qu'on puifle lenier; elle nous donne la connoiffance de 1'origine des ares & des fciences, de 1'utilité, & des forces centrales d'yceux; elle nous aprend a obéir aux loix, a penfer logiquement fur les evenemens politiques,fans tomber dans les labirintes des pfeudo politiques; elle aiguife notre jugement, fortifle la memoire: deux points, que le precepteur ne doit jamais perdre de vue , mais plutót y mettre tout fon attention & fes foins pour les occuper chez les eleves. Par des demandes reiterées il parviendra a connoitre leurs jugemens fur divers evencmens: en traitant avec eux la biographie. & en inquirant leurs lentimens il reusfira k former leurs cosurs, & a y jetter lafemencede tout le bon & noble! — II pourra de cette maniere dans les heures vouées a Phiftoire faire fentir a fes eleves toutes les fautes, qu'il a appercu en eux, & parvenir plutöt a fon but, qu'en faifant d'abord entendu des vives rem on trances — fon expefitien fera sgreable èt conforme a la chofe, pour exciter de jour en jour plus la curiofité de fes enfans; il fera obferver aux plus petits jusqj'aux moindres details, dans lesquels fou▼ent les plus grands peuvent penetrer eux mê- mes  ( 19 ) mes avec la reflexion! II ne furchargera pas la memoire avec des mots inudles, ni la tourmentera avec des chiffres chronologiques. II ne s'attachera jamais a des hiftoriettes & anecJotes, croiant, que c'ctoit le coi tenu de l'hiftoire, qui cependant s'occupe a apprendre des chofes plus graves & plus dignes "d'attention! Mais il fuivra autant que poffibie le fynchrrnisme, c'eft a dire, 11 rr.ettra en parallele tous les evenemens, dignes d'attention, arrivés dans divers pays pendant Ia même periode; il comparera un peuple avec l'autre,r,é feparera jamais l'hiftoire ancienne de Ia moderne , puisque fouvent des evenemens du tems jadis furent la caufe des revolutions du tems prefent, & par la facilitent leur connoisfance a 1'eleve — fon grand point de vue fera l'hiftoire de l'humanité, qui refte toujours unie infeparablement a celle de la pohtique. II ne lui laisfera donc jamais inconnu 1'accroisfement de 1'induftrie & de fa direction "parmi les divers peuples, il le rendra par la attentif fur les progres du commercc, fes inventions, fon influence tant fur les moeurs, les arts & fciences, que fur la condition politique des etats, & lui donnera d'avance des B a re-  ( 20 ) regies fondamentales & generales a ce point. Comme !a patrie tient a coeur a tout jeune homme, il traitera donc principalement l'hiftoire d'ycelle avec lui. Pour eguifer fa propre reflexion & pour Paccoutumer a refleehir lui même fur des evenemens memorab!es3 il lui en dictera les plus esfentiels, & il fera ob'igé de lui faire favoir fes penfées & fes raifons la deffus— Ma maniere d'enfeigner l'hiftoire fera donc la fuivante! Connoiffance de 1'homme & de fes facultés & phyfiques & morales, comme il s'en eft fervi, & s'eft rcndu par eux ou heureux ou malheureux. — Une exquisfe ger.eralegeographieque, tant par rapport a l'hiftoire ancienne, que moderne — des regies chronologiques pour les plus granJs de mes elei-es — fixation des principales epoques & partage d'yceux d'après les avantures les plus memorables pour les plus petits — Narrations generales & fpecieiles des faits fdon la maniere du fynchronisme — obfcrvations fur Ia religion, fur Porigine de la pluralité des Dieuxy des arts & des fciences — Hilloire du commerce & de 1'induftrie pour ceux, qui ne penfent s'adonner aux etudes de l'hiftoire plus fubtile a quelque Univerfité! — Je ne m'atta- che  ( 21 ) crïèfai a aucun livrc methodiqu?, nvis je ferai peut-être imprimer pour 1'ufage & Putilitc de mes eleves un propre, que j'ay ercoiefous la main, & que j'ay eritierement prepare après le fusdit plan ! — § 4- De la Geographie, La C?eographie eft de plus unies avec l'hiftoire, & fon utilité de tous les cótés fi reconnue, que tout le monde en doit être convaincu. Cependant les manieres de 1'enfeigner lont fi differentes, qu'on voit pref que chaque preccpteur luivre fa propre methode. Comme je n'entend pas feulement fous 1'etendu du nom de Geographie une narration & description politique des villes d'un p^ys, mais que d'après mes lumieres elle s'etend encore fur les connoiftanccs phyfiqucs & moralesd'yceux, & qu'ui trpitant toutes ces fciences feparement, la chole deviendroit trop longue , je crois qu'on peut reünir fort aifement la ftatifrique, l'hiftoire naturelle & la phyfique! — Ne feroit ce pas rifible, quand un ecolier fauroit dire, dans un tel ou tel pays il y a des Volcans ou d'autres everiernëns raiurels, B 3 que  ( 22 ) que dans un pays Pair ir.fluoit d'une telfö maniere & dans un autre d'une maniere differente, lans avoir une connoisfance apreciée, d'ou ces theoremes parviennent, & de quelle maniere 1'irfluence de Pair fefait appercevoir? Comment peut-i! fans des connoifiances de la phjfïquc comprendre ia doctrine de flus & reflus & des vents reguliers de la mer pacifique, ce que cependant eft trés neceffaire a favoir ? De cette maniere le precepteur joindra par le moyen de la loix de 1'asficiation des idees, & par le moyen de la communication entre toutes les fciences une certaine quantité des connoisfances phyfiques. Qu'eftce qui eft plus utile dans 1'etude de la Geographie, que la fixation de la longitude & de la latitude de differents endroits,& la connoisfance de la metare , que les fayants ont adopté a eet eftet ? combien un' deffein exact des cnrtes gcographiques n'eft il pas neceffaire, puisque ce font elles feules, qui peuvent nous conduire a ce fublime utilité, qu'on peut attendre de 1'etude de la geographie? mais qui pourra entendre eela fans mathetnatiques? n'eft ce pas trifte, quand un enfant connoit la. fituation des pays feulement après 1'illumi- na-  ( 23 ) ïiation plus ou moins forte, avec laqué le ils font peims fur la ca'te? — Les produ.ts naturel de chaque pays fixmc fa richeffe, & animant fes fabnques & manufaclures, en do .riant une directvon au e^mmcrce les contenre nents des premiers befoins de ia vie 'depend^nt d'eux, il en derive, que 1'etude de l'hifloire naturelie eft nccesfaire. La po;itique nous inltruit du fort ou cu foible d'un pays par rapport a fa poficion, fes loix, mceurs & l'air de fon gouvernement : on doit non plus la negliger. La keture de bons recueüs de voyage & des papiers publiques nous mets le mieux a même d'en recevoir une connoiffance generale, mais il eft neceffaire de jetter un coup d'oeil jufte fur la foy, qu'on peut ajouter a 1'un & a 1'autre. Je traiterai donc la Geographie de la maniere fuivante. — Casmologie generale — divifion naturelle du monde — connoiffance, que nos anciens avoient de ce partage — Definuion mathematique d'icelui — Exquisfe fuperficielle de phyfique. — Expücation des evenements les plus memorables d'icelle & de leur influence fur les pays. — Divifion des divers pays, de leur producles principales, B 4 de  ( 24 ) de leurs moeurs, loix, forme des gouvernements & du commerce. — En parlant de chaque pays je craiterai au long de fes produits, & de leur ufage & utilité. §5- Des Langues. II faut avouer, que la connoiffance exacte Sc detaillée des langues, qui eft neceffaire pour eguifer fon jugement, eft feulement utile des qu'il ne s'agit que de les favoir. Une etude plus generale fuffit a tout autre, qui n'eft que, pour ainfi dire, leur amant. Quoiqu'il ne foit pas neceffaire pour etudicr les langues, il faut avoir de leur Genie au moins une connoiffance generale. Ce feroit en vain, qu'on voudroit entendre les langues fans une connoiffance exacte de leur facon d'agir; on tomberoit infailliblerrent dans les fautes, qu'on reproche a ceux, qui fe picquent de litterature, en tenant une prodigieufe quantité des mots, & qui ont manque de lumieres pour f'en procurer la vraie utilité. Pius cettefcience eft fimple & neceffaire, plus il feroit honteux de 1'ignorer. Elle a même eet avantage par- des-  C 25 ) defiiis les autres, qu'etant extremement di« verfifiée, elle plait beaucoup plus qu'elle ne fatigue, auffi n'eft - elle pas moins a la portée des jeunes gens, que des perfonnes avancées en age. La memoire devient locale dans cene fcience par Pappücation, qui fe fait des mots a Ia fagon de conftruire & de s'expliquer. Elle eft plus propre a fatisfaire 1'efprit par le raifonnement, qu'on demande en apprenant a fe faire entendre en diverfts langues. Tout homme fage doit s'occuper de bonne heure a cultïver fon efprit, en portant un jugement jufte fur les objets de fa meditation a fin de communiquer fes idéés aux autres d'une maniere noble & agréable. Pour eet effet il eft neceffaire de cultiver les langues, & de connoitre la force des expresfions, dont on fe fert pour faire connoitre & communiquer fes idéés. Les penfées les plus fublimes, fi elles ne font pas rendues avec des expresfions dignes d'elles, ne feront jamais uneviv* impreffion fur 1'efprit. Perfonne ne niera, que nötre langue naturelle doit toujours aller devant les autres, & que le devoir d'un precepteur eft d'en inftruire exactement fon eléve. Qu'eft ce qu'on penferoit d'un homme B 5 qui  ( 26 ) qui fachant plufieurs autres langues,, ne feut qu'imparfaitement la fienne? II eft vrai,qj'on a beaucoup de difficultés, paree qu'on eft accoutumé des fa plus tendre jeunefie a parler comme font les autres, fars penfer fi Pon parle bien ou mal! Les rapporrs de la politique, du commerce & de la vie bourgeoife ont rendu la connoiffance des langues neceifaire; quoique cette diffcrence foit grande, cependant on ne les peut ignorer , tant par rapport a 1'utilité publique qu'a une vie agréable. — II y a longtems qu'on a cru que la langue Francoife eft des plus neccffaires a aprendre; étant devenue la langue dominante de presque tous les païs, Phomme favant & le marchand ne manquent pas de la cultiver! La communication, qu'il y a aujourd'hui entre les divers peuples des diffcrentes partiesdu monde, rend la culture de leurs langues indispenfable & trés neceffidre fur tout pour les jeunes gens qui doivent un jour fe vouer au negoce. — Les langues forment un champ, ou le precepteur trouve occafion de faire Pexperience des talens de les eleves, de confirmer 1'étendue de leur jugement & de donner a leur memuire cette adreffe, qu'ils fachent fe procurer des ma-  ( 27 ) jmatciaux pour leurs ufages futurs, fins'la Ifurcharger cependant d'une quanticé peinible Idc mots, ou la tourmenter par une abondance loufée de chofcs. - Ce ne fur. pas fans raifon, que 1'antiquite fixa 1'etude des langues,comme une chofe, par le moyen de la quelle 1'efprit des jeunes gens fe foit elevé; les avantages en font trop grands, trop remarquables, pour qu'on puiffe les comprerdre tous enfemble. Le jeune homme demande qu'on provoque les forces de fon efprit, & qu'on 1'aide dans fes meditations, non en lui faifant apprendre bien des chofèS en peu de tems, ce qui ablorberoit fon imagination, & accumuleroit !e nombre de fes idéés, fans leur donner aucun lieu de fe fixer: mais en le conduifant peu-a-peu k ce point, ce qui 1'empechera de faire des disgreflions, & le mettra a même de les preparer utilement.—• C'eft ce que font les langues dans tous les cas ; car outrc les mots elles contiennent une grande quantité de matieres utiles au jeune homme, & fourniflent au precepteur 1'occafion d'y pourvoir en obfervant leur a^e, leurs talens & penchants, pour leur donner les meilleurs & les plus excellens livres. C'eft la langue Latine, qui lui fournit prés-  (ü8 ) prèsque toujours cette occafion, & c'eft elle qui a obtenu le premier rang fur toutes les I autres jusqu'a prefent , & qui fe loutiendra jusqu'a la fin des fiecles; je crois en même tems, qu'elle merité la préférence fur toutes les autres; car ce fut elle qui, polie par les j Grecs,cette ration fi fpirkueile & irgénieufe, dont nous admirons encure a prefent les ouvrages de leur efprit, donna aux plus gra'ids., orateurs, aux plus élégans poè'tes, aux rhi- | lofophes les plus diftingués, & aux hiftoriens les plus exacts des mots accomodés h la gravité de leurs penfees: ce fut elle qui obtint fitot une autorité particuliere parmi les peu- < pies, que les Romains venoient de fubjuguer, paree que les loix etoient compcfées dans cette langue, & que le gouvernement étoic adminiftré par des Romains: les Barbares arrivant du Nord pour mettre fin a Pempire des Romains, fe mêierent avec les vaincus & apprirent leur langue , & c'eft par la, q^e la langue Romaine tlt devenuë ia merede p'ufieurs modernes, du moins el!e leur a prê ébeaucoup de particu'arités ne convenant qu'a elle même! — C'est ce que prouve la langue frangaifc, & Italiene, même 1'Allemande a recu dc Latine beau-  (29) beaucoup de regies dans le genie de fa conflruction: d'ai'leurs ayant eté autres foïs !a langue commune,du moins a ceux,qu'on nomme gens de lettres, elle contient beaucoup de livres utiles. — Sa granamaire est plus ferme & plus ftable, qu'aucune autre, & par lk elle fait rendie fes régies gé ér les & presque communes, c'est-a-dire,elleaprend k éctire fi bien & avec tant de noblefle, que par fon moyen on peut écrire de même dans les au-res langues. — Ce n'est point le privilege des gens de lettres uniquement, c'est le devoir de tout homme fenfé de le favoir, & paree qu'elle facilite a apprendre les langues modernes,& nous mettant au fait des chofes, qui ne font pas communes, il en refulte, que leur connoifiance foit utile, pour ne pas dire neceffaire a chacun , qui veut cultiver fon efprit. On commence a préfent a ne la pas cultiver ainfi , que 1'ont fait nosancêtres: cela vient des difficultésj qu'on s'imagine d'y trouver, foit qu'elles foient vr;ies, ou qu'elles foient caufécs par des precepteufs ignorans: on la negligé encore paree qu'il y a dans le monde de pretendus favans, qui jouent un brillant röle qu'ils ne 1'ayent pas appris, quoi. Le tems  ( 30) tems ne me permet pas d'entrer dans un plus grand detail pour prouver cela, ou pour en demontrer 1'utilité, & le ridicule, qu'on fe donne cn croyant, que la langue latine ne foit neceffaire qu'aux gens de Lettres; auffi plufieurs ont taché de Ia déffendre ainfi, que tous les pcres, qui ne fe tiennent pas a Ia fuperficïe des chofes, mais qui en examinent le fond, en comprendront bien les utiles fuites. — Avant de conftruire un ediffice il faut qu'on en jette le fondement: Cette comparaifon fe rapporte trés bien aux largues, paree qu'elles demandent avant qu'on parviene k les connoitre parfaitement, qu'on ait quelque connoiffance préliminaire, qui ne confifte, que dans leurs premières régies fondamentales, C'est -k-dire dans la connoiffance des declinaifons des noms fubftantifs , adjedtifs, & pronoms, auffi bien que dans Ia conjugaifon des verbes, qui font regus par la nation. — En fachant cela en général, on parviendra par la fuite a connoice les exceptions. Le raifonnenv.nt de la grammaire n'eft que pour un age plus avancé, & pour celui qui fe donne entierement k 1'etude de la philologie; il est necesfaire que le jeune homme fache rendre raifon de  ( 3i ) de ce qu'il doit dire; cependant il apprend mieux ce raifonnement par la lecture des auteurs, ou il le trouve fouvent par le moyen du contenu, & de la facon, dont les termes font conftruits. — II faut qu'un fage precepteur s'applique a faciliter tout ce qu'un jeune homme doit apprendre: fur tout cela est neceffaire par 1'etude des langues; il ne s'affujettira donc pas a faire apprendre par coeur ni mots ni des regies, ni d'autres chofes qui y font contenues; il les y rendra plutot attentifs en exphquant un auteur, au nombre des quels on doit adopter ceux, qui ont Ie mieux ecrit & avec pureté fur des matieres, & qui ne font pas au deffus de la porteé des jeunes gens: pour apprendre bien le Latin je n'ai pas befoin de lire les oeuvres philofophiques de Ciceron, ni les fatires de Juvenal, ni les puëmes d'Horace; II y en a d'autres, qui ont aufi bien ecrit dans cette langue, que ceux la: les historiens fur tout font plus de plaifir aux jeunes gens & ds ont d'utiles fuites tant par rapport a l'hiftoire, qu'ils traitent,que par rapport acx antiquitéz des nations! fans une connoiffance preliminaire de ces chofes, même de la literature & de la vie.desauteurs, dont  ( 32 ) dont les ecrits nons font propofez, on ne fauroit faire des progrez. L'ethimologie des mots & leur analife font trop neceffaires pour qu'on les puiffe ignorer, car, quelque grande que foit la connoiffance des mots, cependant fans leurs connoiffances on ne pourra que rencontrer beaucoup de difficu'téz,puis qu'elles facilitent 1'explication, & nous font rendre clair des fujets, qui nous paroiffoient trés obscurs: II eft tres neceffaire de connoitre le Génie de la langue, qu'on apprend, quoiqu'il yait beaucoup de difficultés, qui cependant ceffcnt, quand on s'applique a cette connoiffance: Je ne fgai d'autres moyens, qu'en comparant deux langues 1'une avec 1'autre, en montrant la différence de leur conftruétion; c'eft par cette raifon que je trouve fort utile de tranflater une langue dans une autre, en prenant pour cela les ouvrages des meilleurs auteurs; mais il eft trés neceffaire de parler latin avec les jeunes eleves, paree que cela les rends plus fermes & qu'ils parviennent a comprendre mieux les livres des auteurs, qu'ils tranflatent. — Dans les livres latins, fur tout dans les ouvrages poëtiques, la Mythologie eft erop entremelée pour être  ( 33 ) cxcüfable en 1'ignorant. — Une connoiflance exacte du fifteme de la religion des payens* 1'expofuion de leur origine & leurs forces fur le peuple en rendra facile & agréable la lecture, nous fera entendre mille chofes de la vie commune, qui fans Cela ne manqueroienc pas de nous être inconnues, nous donnera du gout pour la peinture & la fculpture, & nous fera admirer la tournure de 1'efprit des auteurs, Elle nous fera auffi lire plufieurs livres Francois & Allemands, & les autres langues avee utilité, paree qu'il y a une grande quantité de chofes prifes de la Mithologie. —Quant aux langues modernes je me contente de dire, que, quoique j'entends le Francois, PAnglois, & 1'Italien, que je fache même m'exprimer en ces trois langues, cependant je crois, qu'il eft de mon devoir d'inftruire le public, que mon deffein n'eft pas d'enfeigner ces langues modernes moi - même j mais de prendre chez moi de bons maitres, qui connoiffent parfaite* ment ces langues modernes, qu'ils doivent enfeigner, & qu'ils les parient & les ecrivenc avec toute la pureté poffible. J'ai appris par le moyen de la langue Latine les langues modernes fans aueun maitre par mes efforts, en C m'ap-  ( 34 ) m'appliquant a 1'etude de la Philologie; c'eft pourquoi je protefte publiquement que je me borne k 1'enfeignement ces preuves fusnommées! § 6. De 1'Education. Nous fömmes dans un fiecle, ou 1'on s'applique avec foim a 1'etude de la psedagogique; mais de tous ceux, qui s'y addonrent, il en eft peu, qui s'en forment une jufte idée. On la regarde comme une honnette occupation, qui fait pasfer agreablement la vie; & les parens croient d'avoir fait tout, quand ils paient la penfion ftipulce! — les preceptcurs negligent ce qui eft de la plus grande utilité, & ne font que legerement toucher la fuperficie de tout! quelques uns s'imaginent d'être fort habiles, quand ils connoisfent les fciences, qu'on juge necesfaires a l'inftruction, fans penfer que c'eft peu de chofes que d'avoir beaucoup de favoir, & ne le pouvoir appliquer! D'autres, qui avangenr. plus loin & fe picquent de la connoiffance des hommes, fe perfuadent, qu'ils ont beaucoup fait, quand il  C 35 ) ils ont rèmarqué dans les livres tout ce, qui concerns les moeurs & la fagon de penfer des peuplcs, fans y avoir ajoint une perquifition dans les pasfions du plus tendre age! — Je fais, que ces obfervations & etudes ont leur merite, même, qu'ils font necesfaires pour approfordir les autres; mais comme la vue, que les precepteurs ont en formant les jeunes coeurs, n'eft pas de ieur apprendre a fe porter bien uniquement, & comme ce ne fe peut faire que par une connoiffance plus detaillée de leur naturel, on doit prendre fon refuge a des plus hautes lumieres!— C'eft le bonheurde -l'etat, de la condition, que doit embrasier le jeune homme, dont les rapports font pour les foins du precepteur. Le jeune homme entre dans un monde, rempli avec autant de plaifirs, que des cal.amités & maux, avec autant d'erreurs que de vrai , ou il a a prattiquer les plus grandesvertus, qui ne font pas prattiquables, fi nofl qu'il en eut été inftruit de fa plus tendre enfance ! — Jl doit être homme. C'eft pourquoi il a befoin de la connoisfance des hommes a fin d'agir conformement a leur bien être; c'eft peu de chole que d'avoir rempli la memoire dun nombre infini de vertus; Ca il  C gs) il faut, qu'on ccnnoisfe a fond les circonftances, les condiüons, pour en penetrer tous les refforts, tours & detours, pour en faire la prattique fi bien qu'il eft posfible, en fin pour favoir s'il y a de bon ou mauvais en faifant eclater celle ou cetre vertu. L'on fait, que la difference des conditions des hommes doit apporter une grande difference dans la prattique des vertus; ce qui rend fort peinible cetre partie au precepteur, quand il ne fixe fon attention a tout ce, qui regarde fon eleve! — Le jeune homme doit être Chretien; c'eft pourquoi il eft utile, même necesfaire, que cbacun rapporte la religion a 1'humanité, &% ne fepare 1'une de 1'autre *, de cela depend Ie bonheur de cette vie, & d'une autre fuivante; il faut qu'il connoiffe les plies de fon coeur a fin de pouvoir juger mieux des autres, qu'il faclie les fuir.es heureufes,quiderivent d'une religion fimple & fervante, & celles terriblcs, qui proviennent du fanatisme & d'enthoufiasme! II doit être bon citoyen! C'eft pourquoi il faut, qu'il etudie les maximes, les adtions eclatantes , les fages avis & les evenemens particuliers du patriotisme, qu'il joigne a fon infiruction la connoisfance de fes concitoyens, qu'il  (37 ) qu'il examine les portraits, qu'on a fait des grands hommes de fa patrie, & qu'il ajoute aux exemples des fiecles pasfés les experiences, qu'il peut faire tous les jours. C'est la plus eslentiellc partie de la paedagogique; il n'appartient, qu'a celui, qui aeu des fon enfance, pour ainfi dire, quelque commerce avec des hommes, de voir, combien y infiue une connoisfance p us particuliere de leur naturel et des principes de 1'education, dont ils furent eleves ! les fciences demandent 1'esprit du precepteur, pour les apprecier aux befoins de fes eleves; — 1'educition veut .un coeur, quifdoit etre rempli des vertus les plus brillantes a fin de donner des exemples de la morale, qu'il va enfeigner. 11 doit fe fixer, pour fe procurer de la foy, a Pattention la plus marquee de fes actions, & a faire eclater des vertus, qui contrafignent les vrais fentiments de fon coeur; ce ne font des lumieres pas communes, qui nous elevent, c'est le coeur, qui nous annoblit & nous rend dignes du titre d'homme! — C'est en cela, que confifte la prattique de 1'education; les devoirs de 1'homme, de chretien, de citoyen font les grandes fources, d'ou derivent une C 3 ag-  ( 38 ) agreable vie, 1'esperance heureufe d'un avenir brillant, & 1'utilité publique! — former le jeune coeur pour ces vertus, c'est fonder le bonheur d'une generation nombreufe, dont le bien & mal-etre rend'l'e precepteur ou digne des recompenfes ou refponfable a la republique! — Tout s'cn rapporte, comme j'ai dit, a la connoisfance du naturel, despasfions, & des inclinations des jeunesgens,a findepouvoir dans la fuite s'appliquer plus facilement aux parties, qui demandent, que 1'on ait deja de 1'acquis!— Cette matiere ne demande pasd'etre etudiée de fuite; elle est trop etendue pour 1'embraffcr tout d'un coup, & il ne faut s'y. appliquer, qu'a mefure, qu'on veut faireeclater quelque chcfe particuliere. — C'est par une étude exnóte de l'exterieur des hommes,qu'on peut connoitre 1'interieur, fur tout des jeunes gens, qui encore fimples, & revetus de la nature rriodefle, ouverts & remplis de ces bons dots, qu'on doit aimer, ne peu vent s'empecher de le faire paroitre dans toutes leurs actions. Je n'examine pas fi cette maxime a eté prattiquée de tous jours; Je fais que s'y rapporte toute 1'utilité que doit attendre la republique. Ne vaut-il pas mieux faire 1'enfant homme tel  ( 39 ) tel qu'il doit etre pour cc & pour Pautre monde, que le faire favant? — q ïeüe tftilitë pour le bien publique, quand il n'ngit pasconformement a ia dignité d'ftommc malgré toute fa fapience? Je n'ai pas befoin pour faire entrer mes lecteurs dans mon fuift, de leur repeter 1'experience de tous les jours; qu'ils voient, qu'ils fentent eux mcmes, & ils trouveront trop fondée cette verité! — li eft conftant, que Pon a reproché prefque toujours aüx gouverneurs ce defaut, qu'ils ont une fcrupuleufe exaótitude fur les maiieres de 1'inftrudtion, & ne pasfentque trop 'egcrement fur 1'education! — feroit-il pernfs de faire a prefent quelques reflexions lur la maniere, dont il faut traiter les jeunes gens! — Le tems me ne le permet pas, quoique tout fe rapporte a cette maniere, & je juge, qu'une idee générale fervira de principe a faire connoitre mes fentirnents fur ce point! — L'amitié, c'est-a-dire, le fentiment d'agir avec jultice, bonté & humanité, cmporte fur tout age & fe rend efficace parmi tous les hommes; c'eft cependant le jeune homme, dont le coeur, qui fent la neceffité d'avoir quelque chofe d'appui, regoit les plus douces & les plus fenfibles impreiflons. C'eft l'amitié, qui  <4o) qui lui fait aimer fon gouverneur, & le fait dependre de fa bouche avec plaifir; qui procure au paedagogue 1'occafion de fe rendre utile & de s'acquerir 1'autorité requife , fans laquelle il ne peut rien avancer. C'eft l'amitié, dont les forces, foit pour la formation du coeur, foit pour la culture d'efpric, rien ne devroit egaler. Le precepteur fera ni pedant, ni maitre; le pedantismc le rendroit ridicule, & le despotisme le feroit meprifer & hair au lieu qu'il devroit fe faire aimer & eftimer. Comme ami il fe reglera aprés les panchants & les naturels de fes eleves, & ne demandera pas que ceux - ci fe reglent après les fiens; comme ami il fera toujours le même, fans donner dans des caprices, il pariera de fentiment & avec douceur, ainfi que le jeune homme fente la gravité de ce qu'il vientd'entendre, & qu'il voit, que fon precepteur eft un homme plus agé & plus fage. — Ainfi il fe procurera 1'eftime fans s'expofer a fe faire de refter a caufë de fa rigueur & feverité; ainfi les eleves ne s'ennuyeront jamais avec lui, ils 1'ecouteront avec joye & avec plaifir. Chaque homme ne manque pas d'avoir fes defauts; plus cependant en posfede 1'enfance, puis-  (41 ) puisque alors les cceurs s'ouvrent a toute forte d'etourderie, & regoivent presque toutes les impresfions fans fe foucier s'il y en a des bonnes ou mauvaifes. Ce ne font pas, pour dire propremenc, des defauts, ee font de petites teintures, qui s'augmentent de jour en jour, quand on n'y fixe pas fon attention. Le gouverneur les previendra , corrigera fans donner dans la rigueur, il rapportera tout a desconfeils, par lesquels il donnera a ces même defauts une bonne direction. Le baton, cette terreur des enfans, ne corrigera rien, empechera tout le bon, & fera perdre ce point d'honneur, par moyen duquel, quand on le cultive bien, on les pourroit pousfer même jusqu'a bout d'adopter les plus eclatantes maximes! ne vaut-il pas mieux chasfer un tel vaut-neant, qui malgré toute douceur ne veut - être corrigé que par le baton, que de le laisfer feduire les autres? il reprendra les defauts, qu'il a obfervé, dans les heures vouées a 1'hiftoire, fans prendre l'air de reprocheant, ou parler avec un ton d'aigreur directement. Les pirents font lies avec le precepteur par une liaifon fort etroite; il eft necesfaire,qu'ils fachent toutes les maximes, que celui ci veut C 5 prat'  (4» ) prattiquer, par ce qu'ils connoilï'ent mieux, que lui, la vacation particuliere de leurs enfans, & les devoirs, que demande leurs etat. Ainfi un fage precepteur confultera les parens fur tout ce, qui fe pasfe, ils leur communiquera fes idees,& entrera dans leurs fentimens,quand il les trouve bien placés! — C'eft debonnebeure,qu'il faut,que le jeune homme fente 1'etendue des forces, que le bon Dieu lui donne pour fe procurer des connoisfances, & par la fe rendre utile. Ce fentiment cependant peut devenir tout auffi bien pernicieux au jeune homme, qu'incommode aux autres, quand il ne fera dirigé & gouverné, comme il faut. II eft d'ordinaire a prefent d'ecouter les jeunes gens parler avec la plus grande fuffifance fur les matieres les plus abftruiles , fans qu'ils connoisfoient feulement Jeur ïuperficie, ou qu'ils regardoient le lieux & le tems; ce qui eft. autant nuifible au cceur qu'il eft pernicieux a la culture d'efprit, & peinible aux autres. Ce n'eft pas le nombre des heures, vouées a 1'inftruction, qui rend fages les jeunes gens, , non c'eft la maniere, dont on en fait 1'ufage! — Une quantité prodigieufe d'heures de fuite ab-  ( 43 ) abforberoit 1'efprit , & lacheroit, pour ainfi dire, en fon enclos; 1'inftruction doit plutot confifter dans un discours aimabie, qui roule fur tous les objets, que dans une contrainte peinibie d'etre ferme pendant toute la journée dans la chambre; un certain nombre d'heures doit etre fixé a fin que le jeune homme s'accoutume a 1'ordre, avec lequel il a a traiter un jour fes affaires! — fes promenades lui fourniront asfes d'occafion d'eclaircir les jeuneg gens fur les affaires de la vie commune; il frequentera les maifons des artifans & des manufadteurs a fin de les inftruire fur ces chofes, qui regardent 1'utilité publique. — II aura occafion de faire prattiquer la vertu en reprefentant des perfonnes, qui i'ont posfedé dans un degré eminent, & par cette même reprefentation il les portera a en faire un fain jugement; il montrera 1'averfion, que fe font attiré les impies & les fgelerats; il expofera tout tel qu'il eft fans farder ou emprunter des couieurs trop vives ou trop foibles il fe tiendra toujours a la nature! — Ce font presque tous les ages differens, qui ont leurs jeux, ce n'eft uniquementlajeunefie, qui y trouve plaifir, quoiqu' elle en fait plus de  (44) de cas, comme il eft neceffaire. Unfageprecepteur ne les en empechera pas, au contraire il les dirigera fans crainte d'y perdre fon autorité, laquelle en fera plus etablie! II fera un bon & jufte choix de ceux, qui fervent de culture a 1'efprit, & d'exercice au corps: il leur apprendra d'en jouir fagement & pour la recreation. Tout notre bonheur dependant de 1'ufage bon ou mauvais, que nous faifons des forces de notre corps, qui ont befoins d'etre irri tées & coufirmées a fin de donner plus d'energie a 1'efprit, il en derive, qu'un fage precepteur fera tout ce qu'il juge necesfaire pour la culture du dit cotps. Moi je crois, que Part de danfer & de manier les armes foit de plus necesfaires a apprendre aux jeunes gens. Car outre les graces, qu'on s'acquiert en les fachant parmi le grand monde, auffi le corps en regoit de confiftence & des forges. Le portrait d'un aimable jeune homme, qui fe fait bien produire tant du coté de 1'efprit que du coeur, fera le fuivant; il fera aSif content^ toujours le même, il fera Chretien dans Padverfité, & philofophe & homme dans le bonheur, il haira Pinteret propre, & contribuera a Putilité publique tant qu'il put, il ai-  (45) airnira les bonmtes gens, & phindra les vkieux, il fe conduira avec condescendence envers des pitfonnes, qui font au desfous de lui, & avec uifance bonnette enters celles, qui ont un rang flus elevè; il aura de la compajjion pour les malheureux, & fera hutnain enyers les pauvres, il aimera la religion, meprifera la fuperflition, fupportera les opinions de ceux, qui ne penfeni pas comme lui; il fera tout fon pojjible pour le bien de Ja patrie, £? ne fera aucune demarche laquelle eft contraire a eet amour! c'eft le beau portrait d'un jeune homme, qui doit etre presque toujours fous les yeux d'un bon precepteur. §7. A prefent j'ai 1'honneur de prefenter les conditions, fous lesquelles je me fuis difpofé a preter mes mains a 1'inftruction des jeunes gens. Je crois, -que chaque pere raifonnable confentira aux fusdits fentiments, de la juftesfe desquels ma propre experience m'a convaincu; perfuadé, que c'eft ma facon de penfer, laquelle j'ai publié, je crois pouvoir protefter publiquement, que je ne fuis point du nora-  ( 46) nombre de ceux, qui publient quelque chofe fans ecre dispofé a remplir fes promesfes. 1. Moi j'enfeignerai, comme j'ai dit, la Religion, PHiJloire, la Geographie, les Maihematiques, & la langue Latine — j'expoferai ces fciences après les talens & les panchants des eleves, que j'aurai! Pari de .desjtner fera remife a mes foins auffi bien que 1'inftruction de la langue Allemande. Je ne veux former des grands phyficiens ou Mathematiciens; non je veux feulement, qu'ils apprennent ces fusdites fciences a fin d'en faire une etude plus requife & plus jufte a 1'academie! pour ceux, qui fe vouent aux lettres, je fuis pret d'enfeigner le grecl 2. Quant au Francois & aux autres langues modernes je prendrai des maitres habiles, & je leur montrerai ma fagon d'agir & d'inftruire les jeunes gens. Quant a 1'explication des regies de ia langue Frangoïfe, je lirai moi même avec eux les meilleurs auteurs, & je les ferai attendre a la difference des langues, qu'ils vont apprendre. Quand ils feront un peu plus avanges dans la langue Frangoïfe & Latine, ils apprendront PAnglois ou Pïtalien. 2-  ( 47 ) 3, L'art de danfer & de manier les armes aura fes propres maitres, & je le juge furt neceffaire, que tous les jeunes gens foient inftruits dans ces arts. 4 La Mufique exerce trop de forces fur le jeune coeur, pour que je ne croiois, que tous les peres, qui font cas des vrais fentiments, ne la feroient apprendre a leurs enfans. 5. Ceux,qui font de cette ville, payeront pour 1'inftruction Ia fommede25oflorins-,iIs dineront avec moi, & paieront pour les autres arts, que les parens croient necesfaires. Les etrangers, qui font logés avec moi, paieront la fomme de 6co florins, pour laquelle on leur fournira le blanchisfage! il faut, qu'ils apportent leurs propres lits. Ils feront mes .amis, & auront tout ce, que l'amitié leur pourra fournir. II feront comme'mes freres, & je crois que ce fuffit pour en avancer encore plus. 6. Le prix des livres necesfaires fera paié par les parens, auffi bien que celui des cartes geographiques. Outre cela les jeunes gens de cette ville donneront pour entree aoflorius, & les etrangers le doublé. 7-  ^ Les parens, qui fouhaiteronf. reprendrê' leurs enfans, m'averciront trois mois d'avance. 8. Si il y avoit a fe plaindre de quelque chofe, je prie les parens de s'adresfer directement a moi, & d'être perfuadé, que je ferai mon posfible pour y remedier. 9. Ceux, qui veulent bien confier a mes foins leurs enfans, n'ont qu'a s'adresfer ou directement a moi, ou a Monfieur Olivat, Miniftre de la parole de Dieu, fur le Agterburgwall a Amfterdam, a Leyden a Monfieur^a» Samuel le Pool, & a la Haye a Monfieur Weinhard, Secretaire de Monfieur de Bosfet, Envoyer de la eour de Brandenbourg Anfpac. —