Boekbinderij Drukkerij RUSTENBURG Tel.72 17 78 Amsterdam   RECHERCHES SUR L E COMMERCE. Toto Second; Seconde Partie.   RECHERCHES SUR L E COMMERCE, O ü Idéés rélatives aux intéréts des différens Peuples de FEurope. Da veniani Peccavimus, « Sed miferere, precor, fpeciofoque eripe damno. Ovid. Metam. Lib. XI. TOME SECOND. SECONDE PARTIE: A AMSTERDAM Chez D. J. CHANGUIO N3 MD C C X C I.   T A B L E DES CHAPITRES DU TOME SECOND, SECONDE P AR T I E. CHAPITRE I. De la Circulation Pag. i INTRODUCTION Aux Jix Chapitres fuivants 50 CHAPITRE II. 'Abregè de VHiJloire générale de 1'Italië, depuis la fin du Vme jufqu'au XVme Siècle 52 CHAPITRE III. Des ProfeJJlons, foit particuliers foit publiques, en ufage chez les Romains £? les Italiens, rélativement a leur Commerce privé 74 CHAPITRE IV. Des Préteurs a U/ure, connusfous les noms de Lombards de Caorjini . . . . 89  vr TABLE DES CHAPITRES. CHAPITRE V. Abregé Hiftorique du Commerce que les Juifs ontfait, depuis plufieurs Sieclcs enEurope 110 CHAPITRE VI. Du taux de VU/ure parmi les Anciens, en particulier de celui en vcgite parmi les Ufuriers tant Juifs que CItrétiens, pendant les XII. XIII 8> XIV™ Siecles 149 CHAPITRE VII. De I Ftablijfement des Lombards dans la Province de Hollande ; du tems que les Monts de pieté ont ètè érigés en Italië, &f Je font multipliês 181 CHAPITRE VIII. Du Cours de rintêrêt, depuis la découverte de VAmêrique 204 CHAPITRE IX. Du Crédit, entre les Particulier s . . . 221 CHAPITRE X. Des Dettes Publiques 241 Pr:x Courant de diverfes Obligations, tel qiiil av'oit cours a Amflerdam le 6 d"Oc- tobre 1783 263 Fin de la Table du Tome Second, Seconde Partie. RECHERCHES  RECHERCHES SUR LE COMMERCE, L I V R E SECOND. SECONDE P A R T 1 E. CHAPITRE I. De la Circulation. J£n Eürope, & furtout depuis queïques années,on parle beaucoup de la Circulation. Cette matiere a trop de rapport a celle que j'ai traitée dans le volume précédent, & fur • tout dans la Première Partie de celui-ci, pour ne pas nous y arrêter un inftant. Je fcai que plufieurs écrivains ont déja traité cette matiere, un entr'autres fit, il y a quel* ques années un Ouvrage (i), pour prouver 1'utilité de la Circulation & du Crédit; deux chofes qu'on a fouvent confondues, mais qu'Ü CO Traité de la Circulation du Crédit, imprimé chez Mt M» Riv. An. 1771. A  2 eiiup. L DE LA CIRCULATION. faut cependant bien diftinguer, car elles font trés différentes» Par Circulation on entend géncralement Ie mouvement de 1'argent qui paffe d'une main a 1'autre, & qui le fait rouler dans le public: d'oü il fuit que plus ce mouvement eft répeté, plus la Circulation aura lieu. Le Crédit eft d'une toute autre nature, car il ne conflfte point dans la circulation d'efpeces, mais uniquement dans la confiance qu'on a en celui a qui on prête de 1'argent, ouauquel on livre des marchandifes a crédit, en limitant un terme plus ou moins long pour le rembourfement, ou pour le payement. Le crédit eft ordinairement une marqué de befoin ou de foibleffe. Et tel eft effectivement le cas de quiconque ne fe trouvant pas muni d'eipeces , fe trouve forcé d'en emprunter aintérêt, ou d'achetter a crédit telle ou telle marchandife, qu'il s'oblige de payer a un certain terme, «Sc qu'il achette par conféquent un peu plus cher, afin de pouvoir pendant 1'intervalle fe procurer le moyen de fatisfaire aux engagemens qu'il a contra&és. Nous parierons plus amplement la-deffus au Chap. IXme. J'examinerai dans celui-ci, fi la circulation & 1'effet qu'on dit qu'elle produit, eft en gé-  Chapt ï. DE LA CIRCULATION. 3 néral aiuTi avantageüfe qu'on le prêche journellement. Je préviens que dans ce Chapitre le commerce & la Circulation fe trouvent fouvent confondus enfemble , paree que comme c'eft le commerce qui produit la circulation, ces deux chofes vont prefque toujours de pair. Cependant, a parler exactement, on dok diftinguer ces deux chofes: 1'une peut avoir lieu fans i'autre: car on" peut faire un grand commerce, fans une circulation proportionnée (2). L'Argent étant dévenule ligne intermédiaire de la valeur des marchandifes en général, & de tout ce qui fait 1'objec du commerce, eft devenu en même - tems le falaire de I'induftrie générale,- d'oü il fuit, qüe toutes les opérations des échanges, des yentes, des achats & des payemens fe réduifent a cette conclufion finale: Je te donne telle foranje dargent, paree que tu vïas donné ou livré telle ou telle marchandife, ou paree que tu tri as rendu tel ou tel fervice &c. Dans toutes les Sociétés les hommes doivent nécelfairement contribuer a fe procurer réci- , (a) On négocie a Siihrne par troc on par échange": par exemple on échange tant de Ballots de draps, contre tant de Bales, foit defoye, foit de Cottons en laine: & ón foldc fouvent Ie furplus de jO mille l'iaftres de valeur par 2 011 3 tnilfe en efpeces. A 2  4 Chap. I. DE LA CIRCULATION. proqueméiït ce qui leur eft ncceffaire, paree qu'ils ont réellement befoin les uns dés autres. Les befoins de cbaque individu varient fclon leur état & leurs facultés. Celui qui n'a que fes bras pour toute fortune, doit exercer un métier, une profeffion, ou mettre en action les talents de fon efprit; il doit par conféquent en raifon, foit de fon travail, foit de fes talents, recevoir un équivalent ou un falaire. Ce falaire doit être payé par celui qui 1'emploie, ou quï pronte de fon induftrie; 1'argent que celui-ci recoit, doit enfuite être employé a fe procuxer le néceffaire, a payer les impöts, le loyer d'une maifon &c. Voila ce qui caufe effectivement la circulation de 1'argent dans le public (3). Cette chaine, a commencer du pro- Cl) Ejjfni fur la Nature du Commerce par M. Cantillion Seconde Partie. Cec Auteur fuppofe que dans un Etat qui n'eftpas tout è fait commercanl, Ia moitié des babitans demeure dans les Villes, & 1'autre moitié a la Campagne. Et que la balance de ce qui vicne continuellement de la Campagne a la Ville, (paree que le plus grand nombie des propriétaires des terres demeurent dans les Villes, ) eft égale a la moitié du produit des Terres, & que cette balance fe paye dans la ville par la moitié des denrées qu'on y tranfporte, & dont le prix eft employé .1 payer ce revenu. Je parJerai encore la-deflus dans la 3tne. Partie. Je penfe que dans la Province de Hollande le nombre de ceux qui habitent dans les villes montc a plus de la moitié du nombie de ceux qui font dans la Campagne , & je crois qu'on peut établir la proportion comme de l a J' \  Chap. L DE LA CIRCULATION 5 priétaire des Terres (4) jufqu'au plus pauvre artifan, fe trouve fi liée enfemble, qu'elle forme un cercle dont on ne trouve ni com mencement ni fin. Et c'eft peut - être de Ik qu'on a donné a ce paffage continuel des efpeces d'une main a 1'autre, le nora de Circulation. Pour que 1'argent roule, il faut donc qu'il y ait des équivalens dont il devient le prix; reffce enfuite a examiner fi les opérations qiu réfultent de ce mouvement, contribuent a procurer un avantage réel pour 1'homme, ou pour les fociétés. Voila ce me femble une queftion des plus importantes. Le prejugé général 1'a déja depuis loilg-tems décidée, car plufieurs Lefteurs feront affurément étonnés de yoii" qu'on révoque en doute fi la circulation de 1'argent eft utile ou non a 1'Etat ou au public. On les prie cependant d'ccouter les raifons qu'on a a alleguer contre 1'opinion gcnéralement recue. Afin de traiter cette matiere fur des principes folides, commencons par examiner les idéés de ceux qui vantent tant les effets falutaires de la circulation. (4) Item. p. 161. & fuivantes. Smith Recherckts ftr la natari & les Caufts ie la Rkhejfe des Nations. A 3  6 Chap. I. DE LA CIRCULATION. Convenons d'abord que c'effc un bien pour la Société que les prétieux métaux dont notre monnoie efb compofée ayent une eftimation précife & réglée, pour qu'ils puiffent repréfenter avec jufteffe les chofes qui font robjet du commerce. Je conviens encore que pour fubvenir aux befoins de la vie , & fur le pied ou les chofes fe trouvent actuellement établies, il eft néceffaire qu'il y ait dans chaque gociété une certaine quantité de ces métaux convertis en monnoye, qui foient perpétuellement en mouvement (5). Mais a quoi fert- il que dans un tems ordinaire le roulement des efpeces y foit trois ou quatre fois plus grand ? de quel avantage folidepeuvent être ces fortes de multiplications? Je tacherai de me faire comprendre par les queftions que je vais propofer, & par les exemples que je citerai. Cs) Voyez plus bas. L'Auteur da 1'Eflai cité ci-dcffus, fuppofe tjuc le revenu de celui qui loue en /Ingleterre une Ferme fe partage en trois parties, le * pour le propriétairc, | pour 1'entretien tfe la familie du locataire & pour les fraix journalliers pour payer fes domeffiques, & entretenir fes terres , foit enpaturages ou autrenjent, & un tiers qui lui rede pour profit. Dans le Milanéz, dit-il, la moitié feroit payée au propriétaire: je penfe que toutes ces fuppofitions pourroient être fondées en réalité. fi les droits & les Iinpóts qu'il faut payer a 1'Etat ou a Ia Jtépubliqite ne fonnoient pas de nos jours un objet trés confidéral>le, J'cn parlerai plus ampleraent au Chapitrc qui traitera de la Eaiance du Commerce.  Chap. I. DE LA CIRCULATION*. 7 i°. Je demande d'abord, fi abfolument parlant, une Société ne pourroit pas fubfifter fans monnoie, & fans ce roulement d'efpeces? On fait que lorfque Cortes en 1519 envahit 1'Empire des Mexicains, il y trouva une Société aflez civilifée, mais fans aucun ufage de monnoie. Pour les achats ou ventes on y fuppléoit par le moyen des feves de cacao. II n'eft pas douteux qu'on y faifoit un commerce aflez conlidérable, car dans plufieurs villes du Mexique les marchés publics y étoient en ufage (6). Dans le Perou, pays trés riche en métaux prétieux, la monnoye ne paroit pas y avoir e.u cours avant 1'arrivée des Européens (7). Enfin chez les Américains fauvages, Barbares, 011 Civilifés, tout fe faifoit anciennement par le moyen des échanges, comme ci-devant chez les Gaulois & les Germains (8). II eft vrai que 1'échange des marchandifes, ou les autres opérations du commerce qui fe font CO liifl. de VAmérique par Robbertson. Tom. III. & IV. p. 58. Edition i«-8°. (7) Idem. Tom. IV. p. 110. C8) Sous les Empereurs Romains il y eut fouvent défenfe fous des fortes peines de faire fortir les efpeccs & les armes des Etats de 1'Empire pour paffer chez les Etrangcrs. De nos jours, il y a des fociétés qui ne font pas encore délivrdes de pareilles iddes. A 4  3 hap. I. DE LA CIRCULATION. fans argent, nc font pas fi commodes, & que les appréciatiorrs des marchandifes n'en font pas fi juftes , que lorfqu'elles fe font par le moyen des métaux. Le commerce chez un peuple oü 1'argent feroit rare, feroit donc réduit a trés peu de chofe; mais le peuple n'en fouffriroit pas, puifqu'il n'en connoitroit pas Ie befoin, & qu'il y fuppléeroit d'une autre maniere. Le commerce, ou un commerce trés étendu, n'eft pas effentiel pour foutenir une Société. Tant qu'un Peuple n'aura aucun befoin de 1'Ecranger, il n'établira aucun commerce avec lui (9). Et en fuppofant même qu'il parvint a fentir le befoin ou 1'utilité d'un agent intermédiaire, avec un efprit d'ordre', rien ne feroit plus facile que d'y fuppléer. A Cq) Les ports des Chinois, fom les Empereurs de leur Nation , furent töujours fermés aux Etrangers: maïs depuis que les Tartares font devenus les Maitres de la Chine ils les ont ouverts a toates les Nations. Dcfcriptian de la Chine, pir le Pere du Halde. Tom. II. p. 204. Cet Auteur dit encore, que le commerce qui fe fait dans fintérieur de la Chine efi\ fi grand, que celui de 1'Europe entiere ne doit pas lui 4tre comparé. (Je crois qu'il s'eft trompé: 11 voyolt la Chine, & étok fort loin de 1'Europe lorfqu'il écrivoit cela). Les Européens font le commerce du Monde , & les Chinois celui de leurEmpire, que je fuppofe égaler en étendue toute 1'Europe. tes Provinces, dit du IIaldï, font comme autant de Royaumes, qui fe commuuiquent les unes aux autres ce qu'elles ont de propte, & c'eft ce qui unit entr'eux tous eet peuples ( & ce qui porte 1'abon^ fiance dans toutes les Villes,  Chap: I. DE LA CIRCULATION. 9 la cöte de Guinee, & fi je ne me trompe dans le Bengale & fur la cöte de Coromandel, les Cauris, (certaines petites coquilles des Maldives) y tiennentlieu de petite monnoye (10). On fcait que Lycürgue donna aux Spartiates le fer. La Chine, eet Empire immehfe & fi ancien, ne counoït encore d'autre Monnoye que le cuivre (11). On vit la République (10) On tire ces petiiqs coquilles des Mes Maldives. On les tranfpone a Ctilan & au Itcngalt, & c'eft de ce premier endroit que notre Compagnie les recoit; quand on les doime pour 5 a 6 ibis de banque, elles font a un bas prix; on les a fouvent ci- devant vues au delfus de 20 fols la Hvre: maintenant (en 1783) elles font de 9 ü 10 fols. Lorfqu'une fois le commerce de la Guinée fera remis dans fon train ordinaire en tems de Paix , elles augmenteront vraifemblablement en prix, (11) du Halde. Tom. II. p. 197. II n'y a point de monnoye d'or n'y d'argent h Ia Chine: ces prétieux métaux y font recus comme marcliandifcs. Les Piaftres d'Efpagne par 1'ufage y ont acquis un cours fixe parmi les commercants. Pour 1'ufage journallier il n'y a que la monnoie de cuivre, fur laquelle il y a des Caracïeres empreints. Pour fatisfaire ma curiofité j'ai fait venit par le moyen de nos Employés deux morceaux d'argent qui y ont été fondus, & réduits au titre fin ; en voici la note. Un morceau d'argent fin , pefant Th. 10.—3— étant un 9 par cent meilleur que le titre des Piaftres, ayant été purifié dans la Boutique de Kongbang , ce Morceau a pefé ici. M. I. 4. 3f. & a été trouvé après 1'effai par le Directeur de Ja Monnoie a Dort, contenir de fin 11 deniers 19 grams. Un autre morceau d'argent fin pelant Th. 4. 8. 4. auffi 9 psr cent meilleur que le titre des Piaftres, a été fondu dans la Boutique du nommé Lockvran, & pefoit avant 1'eü'ai M. — 5, 18, & contenoit en argent 11 deniers 18J grains, ■A s  io Chap. I. DE LA CIRCULATION. Romaine figurer avec gloire pendant le cours de cinq fiecles avec fon cuivre brut, & enfuite Voila donc au jufte le titre que les Chinois nomment cl;ez cux argent fin. . J'ai encore pris fur cette partie des informatiens d'un Chinois, domeftique d'un de nos Employés. Voici ce que j'en ai appris. Que dans 1'Empire il y avoit des Maifons oü on fondoit le cuivre pour fervir de monnoie. On les nomme Chinkok. Que dans la Langue Chinoife les Chuntchi, Kanghi, Tong, Ching, & Kinlong, étoient les noms des enfeigne? des Boutiqucs de ceux qui fe méloient d'échanger les efpeces, Si d'y fondre les métaux. Que ces Boutiques étoient per.nanentes. Que lorfque.lcs Piaftres d'Efpagne y étoient rares, on les échangeoit, pour au-dela de 700 pieces, ou deniers de cuivre, & lorsqu'elles y abondoient, pour 660 pieces. II m'apprit encore que dans un Fanxbourg de Cunton il y avoit une rue, oü il ne demeuroit que des perfonnes dont le travail confiftoit a fondre 1'argent & a 1'affiner au titre de fin. On nomme ce fin Tfey-Tfi. Les payemens qui fe font pour 1'Empire doivent être portés, lorfqu'ils fe font en argent, au titre de fin, ou TfeyTfi, qui eft 11 den. 19 grains. La feule monnoie d'argent qui ait cours dans 1'Empire étoit en 1779. la vieille piaftre : celle-ci valoit deux pour cent plus que les nouvelles, & quelquefois d'avantage , felon qu'elles y étoient plus ou moins rares. f Chaque marchand ou fondeur mettoit fa marqué fur ce qu'il fondoit. Les changeurs Counghan 011 kan% ghan) font ceux qui ne font que ce feul trafic. Un effayeur d'argent examine journcllcmenr. les efpeces étrangeres, & a une demie piaftre pour falaire fur mille piaftres,ou 720 Thails (poids). Et lorfqu'il eft employé a ce travail pendant toute une journée, on lui donne 435 piaftres. Maïs il doit répondre de tout ce qu'il a examiné, & dédommagcr de la perte, fuppofé qu'on y trouve erreur ow du faux. La profellion de ceux qui travaillent en areent & en or n'y font point diftinguées. II y a une loi qui fixe l'intérct de 1'argent (» ce  Chap. I. DE LA CIRCULATION. ir avec la monnoye de cuivre. II eft vrai que les Romains pendant ce période n'ont point qu'il m'a ^dit) a raifon de 12 h 15 pour cent 1'année. I.cs biens des Terres y produifent un revenu de 10 pour cent. Le hang ou lering eft le thail, tfsn,maas ,conderyn,van ,/uen, easjss, &c. font des noiiis de poids. U11 Thail qui pere 784 de nos as, coutieut. 10 Maas. Un Maas contient 80 Pitten, ou deniers de cuivre fouvent quand les deniers font notivaux, il y en a feulcmc-nt 76 an Maas , cela varie de 76 a 80. PU, & les moindsés dans la proportion décidée par le poids. Un Condryn 8 Pitten. Un Casje *. Et il y a encore d'autreS fubdivifions; ainfi ce peuple tient encore fes comptes effeét-ifs fekw le poids: en un, üixaine, centaine, mille, &c. Et c'efl a mon avis 1'Empire qui cennoit le mieux fon intérêt par rapport a la monnoye, car il n'a qu'mie mefure fixe, c'eft-adire, fes comptes fe tiennent felon un poids régie" &, qui ne varie point. Ce Chinois ne put me dire précifément fi dans toute la Chine chaque particulier avoit le droit de fondre la monnoie de cuivre. II m'airura que cela avoit cependant lieu a Canton & a Pekin, & probablement dans les grandes villes des anti es Provinces. Je dois encore rapporter a cette occafion un fait curieux, & qui mérite qu'on en conferve Ia mémoire. Ci-devant 1'or venoit en petite paitiï de la Chine en Europe, & on y avoit un profit de 30 h 40 par cent. J'en ai trouvé des dattes i 1'an 1730 & plus tard dans les Livres de notre Compagnie même, ce qui établilïbit en Chine la proportion entre 1'or & 1'argent comme de 1 a 10 & de I a 11 & demi. En 1778 & 1779 nos Employés pour Ie commerce ont demandé de 1'or fur le picd que ce métal y avoit cour£, & fe vendoit alors avec un profit pour les Européens de 15 a 20 pour cent. La proportion y étoit alors entre 1'or & 1'argent comme 1 a 19. —— On en donne pour raifon que les grands de l'Empue achettoient avec emprefl'ement ce prétieux  12 Chap. I. DE LA CIRCULATION". fait de commerce avec I'Etranger. Cela ne doit point étonner, car par leur pofition locale ils fe fuffifoient a eux-mêmes, iis étoient en outre vertueux & contents. Tant. que le cuivre comme monnoye fut en ufage chez les Romains, leurs délirs furent dans la proportion de la valeui? intrinféque de- ce métal, & par conféquent plus bornés. Ils vivoient avec moins de luxe, & d'une maniere plus fimple & même plus conforme aux befoins de la nature, que lorfqu'ils eurent des monceaux d'or & d'argent du tems de C aligula, de Claude, & deNÉRON. Ils s'embaralToient fort peu dans ces premiers tems, fi un écu, ou un fefterce, paffoit dans une journée par les mains de cinquante perfonnes (12). Dès que les Romains eurent vaincu Pyehüs, détruit Carthagt & affujetti YEpire, ils transporterent chez eux les immenfes tréfors de YAffrique & de la Grece ; alors le luxe, 1'ambition , métal, ce qui felon moi annoncoit que dans ce vafte Empire il y avoit quelque révolution a craindre , ou qu'il y regnoit fourdement quelque mécontentement. Une Perfonne venue depuis peu de la Chine m'a affuré que 1'Empereur étoit trés agé, & que fon troifieme fils devoit lui fuccéder: car c'eft de la volonté de 1'Empereur que dé. pend la nomination de fon SucceiTeur. (iaj Traité de la Circulation ,&c.p.33- &c.  Chap. I. DE LA CIRCULATION. 13 la foif de 1'or & de 1'argent, en un mot toutes les paffions que ces métaux font naïtre & nourrilTent, tout cela vint comme un [torrent inonder d'abord la Capitale, & enfuite toutes les parties de 1'Empire. Ce fut auffi alors que Rome, qui avoit été la maitreffe des Nations, devint infenfiblement a fon tour leur efclave. Dès qu'une fois cette foif de 1'or eut fubjugué le coeur des Romains, les vices que 1'or & 1'argent produifent, & produiront toujours, ach ^verent de les détruire. Rome étant le ccntre & la Capitale de 1'Empire , devint le féjour des anciens Gouverneurs des Provinces, qui y venoient fouvent, foit pour cabaler, foit pour y faire oftentation des biens immenfes qu'ils avoient acquis par leurs rapines & par leurs concuffions. Elle devint fous les Empereurs, non pas tant par le moyen d'un commerce mercantil que par le commerce de politique & de faélions, comme le receptacle des coutumes étangeres; la moleffe, compagne de la richefle , avoit commencé a corrompre le corps politique, le tems devoit achever de Ie détruire: la perte de la liberté , ce don fi prétieux, devint alors un facrifice abfolument nécelTaire. 2°. Dès qu'une fois 1'or & 1'argent font in-  I4 Chap. I. DE LA CIRCULATION. troduits comme monnoye dans les Sociétés, les efpeces y deviennent d'une néceffité abfolue. On voit même affez fouvent que les riches profitent ordinairement des befoins & des circonftances oü fe trouvent, foit 1'Etat foit les particuliers, par 1'emploi qu'ils font alors de leur argent. Ce qui caufe fouvent au milieu de 1'abondance, une grande rareté d'Efpeces. C'eft ce qu'on pourra remarquer par ce qui fuit. Ce fut au milieu des tréfors immenfes fous les premiers Empereurs Romains que la rareté des efpeces fe fit le plus fentir. On avoit fait dans la Capitale de eet Empire plufieurs loix contre le prêt a ufure. L'avidité des Riches feut prefque toujours les éiuder; il falloit fouvent les renouveller. C e s ar étant Diclateur avoit fait une nouvelle loi pour Rome, & pour toute 1''Italië. Tant que ce prêt" a ufure refta dans de juftes bornes, on le laiffoit aller fon train. Mais auffitöt que les dettes, par les excès des ufuriers, devenoient trop a charge, on voyoit alors plufieurs débiteurs élever leurs voix par forme d'accufations. Ce fut donc a la i9me ou 2ome année du regne deTiBEe.e que lePréteur Gracchus, fur les remontrances qui lui avoit été faites, effrayé du grand nombre des coupables, implora 1'Auto-  Chap. ï. DE LA CIRCULATION. 15 rité du Sénat. Les Peres confcripts, dont plufieurs étoient du nombre, tremblant pour euxmêmes, demanderent grace a 1'Empereur, qui donna dix-huit mois de furchéance, afin que chacun prit des arrangemens conformément aux difpofitions de la loi. Alors 1'emprelTement général des crc'anciers a retirer leurs fonds rendit 1'argent extrêmement rare. On avoit ordonné d'accepter en payement des fonds de terre en Italië pour les deux tiers des dettes: mais ceux-cr voulant de 1'argent comptant pour tout ce qui leur étoit dü, les débiteurs ayant été affignés en juftice, ne purent refufer ce payement fans fe perdre d'honneur, & fans perdre en niême-tems tout leur crédit (13). Le mal s'étant donc accru a un dé°ré exceflif, les bourfes des particuliers fe tenant fermées, il fallut y porter remede; & vu le train que les chofes avoient pris alors a Rome on n'en trouva pas de plus efficace que de faire tomber la valeur des terres prefque a rien; mais ce remede, quelescirconftancesrendoient nécefiaire, ou qui étoit une fuite naturelle du refTerrement du crédit & de 1'interruption furvenue au roulement des efpeces, augmentoit encore plus le mal; une infinité d'honnêtesgens Cl 3) m de T 1 e e r b, ou les fix premiers Jivres des Jnnahs de Tacite, par d e la Bleterie,Tom. III. p. 87, &c.  16* Chap. I. DE LA CIRCULATION. tomberent par Ia dans Ia mifere, & la perte de leur fortune entraina celle de leurréputation & de leur crédit. Que fit-on pour y remédier? L'Empereur vint au fecours: il établit une Banque publique d'emprunt, dont Tibere lui-même fournit les fonds, qui étoient de cent millions de feffcerces en efpeces. Un chacun pouvoit, par le moyen de cette nouvelle inftitution , emprunter de 1'argent pour trois ans fur des hypothcques, fans payer aucun intérêt (14)- Invention de Ia plus grande utilité, & qui dans cette circonftance, mérite a tous égards des. élogesr. Elle prouve que les Romains connurent alors a fonds leurs vrais intéréts, celui des particulieurs, & celui de l'Etat. Les Romains fentirent trés bien que le remede devoit être appliqué a la fource du mal: il ne leur vint pas même dans 1'efprit d'établir un figne idéal, tel que le papier, ce qui n'auroit fait qu'augmenter Je mal. L'argent' conferva donc dans cette pofition fon jufte prix & fa force (i4)PïW«Tibere. Cent millions de fefterces font fuivantl'évaluation de M. de la Bleterie, vingt millions de livres tournois, & par confdquent au dela de neuf millions de Florins de Hollende. Voyez p.89. L'Auteur de YEfaifurla nature du Commerce fait «ention, p. 264. de 300 millions, il paroit qu'il s'eft trompé.  Chap. L DE LA CIRCULATION. 17 force naturelle. Et le prix des terres fe maintint fur le pied ordinaire ,• les prix des denrées, &c. ne furent ni ne purent même être augmentés en aucune facon. Car en prétant ainfi de 1'argent fans aucun. intérêt, on ne furchargea ni les biens ni les produits des Terres, qui par la conferverent leur prix ordinaire. Charge dont enfin en derniere analyfe la plus grande partie auroit dü être fupportée par le peuple. Aufli dès que cette Banque fut ouverte, 1'argent recommenca a circuler, on trouva a emprunter a un taux très-modique chez les particuliers, & le commerce domeftique fut rétabli parmi les citoyens (15), fans que ceux-ci en fuffent les parties fouffrantes. Les Romains ne prirent donc pas le funefte parti d'établir un figne idéal, qui auroit tout confondu, «Sc auroit totalement derangé 1'équilibre entre le prix de 1'argent, & celui des denrées &c. ; équilibre qui eft abfolument néceffaire pour le bien d'une Société. De nos jours nous avons vu dans notre Ville d''Amjlerdam des momens oü il a fallu recourir a un pareil expediënt, pour ranimer la circulation & le crédit parmi les particuliers. Cela arriva a 1'occafion des faillites furvenues en (15) De la Bletter ie, p. 90. B  i8 Chap. I. DE LA CIRCULATION. 1763 & fur la fin de 1772. caufées par une trop forte circulation d'efpeces , & par une extenfion trop grande de crédit que les Négociants, tant k Amfterdam qu'a Londres, k JHamhourg & ailleurs, avoient caufé dans le commerce & entr'eux. Ce fut dans le defordre que cela occafionna fur notre Bourfe, que M. M. Les Bourguemaïtres firent ouvrir une Caifle d'emprunt publique, oü on pouvoit prendre de 1'argent fur des hypotheques, foit fur de fonds publics du Païs, ou fur de marchandifes &c., a un intérêt modique, c'eft-a-dire, a Ia feconde époque, a raifon de 3^ & de 4 pour cent dans 1'année (16) & en dernier lieuk quelque chofe de moins. (16) Voyés nos AnnaUs aux Années 1763 , p. 638 & 1773. oü Pon rr.it inention des dérangemens furvenu?. Et dans le dernier, p. 107. de 1'établifiement de cette Banque, pour durer j'ufqu'a ce que le crédit fut rétabli. On n'y fait pas mentiondu taux de Wntéfét, mais on fcait qu'a la feconde époque il fut a raifon de 3| fur des fonds publics du pays & fur des marchandifes a 4 par cent 1'année. La Vüle avancoit l'2rgent a raifon de 3. Lefurplus fervoit a payer les fraix de régie , les Commis,&c. Car MM. les commiffaires qui étoient alors (de la part des Commercans). Abraham Dedel Echevin , Adriaan Floris Raap. Jan C. van Nottm; Davii Jacob van Eys , Jean Francois Lilaer, & Cornelis Jacob Gilles , tous Négocians (les deux derniers faifant même prof.ffion de la réügion Catholique) feivoient gratis, fans aucuns honoraires n'y éinolumens : les fraix fe reduifoient a peu de chofes. Et le refte du profit fut donné aux Pauvres. Au cominencement de 17S1,aures ia déclaration de guerre, la Caifle  Chap. I. DE LA CIRCULATION. 19 Si je ne me trompe, depuis 1781 cette Caifle eft devenue permanente, & avance fur des fonds publics le \ de la valeur a 3 par cent, & fur des marchandifes a 31 par cent 1'année. Cet expédient eut dans fon tems un effet des plus falutaires, & eft encore aujourd'hui d'une grande utilité. Car dès que le public vit que le Gouvernement venoit au fecours des Négociants, la cohfiance fe rétablit & les particuliers remirent le commerce en train,• de forte que dans peu de tems les affaires reprirent leur cours ordinaire; mais pourtant avec plus de modération qu'auparavant. J'ai déja touché cette matiere plus d'une fois dans mes Recherches, j'ajouterai ici, qu'il faut confidérer, Iorsqu'il s'agit de pareils objets , les tems & les lieux. Car ce qui auroit été pofflble dans u» petït Etat fans commerce, commekSparte, ne fauroit avoir lieu aujourd'hui en Hol lande, & encore moins en Angkterre. Les chofes ont entiérement changé de face, & il ne faut' qu'une attention mediocre pour voir la gran- cl'emprunt, fut de nouveau remife en 1782. en train, & avant Ia fin de cette même année 011 ftatua qu'elle refteroit proviiionellement ouverte pour le public durant douze années Confécutives. Ce fut a la feconde époque furtout que les Négocians s'obligerent paf un aéle fpécial, de guarantir folidairemeut la Wa^irtrature de la Villej des pertes qui pouvoient fubvenir. B 2  2o Chap. I. DE LA CIRCULATION. de différence entre 1'état des affaires d'aujourd'hui & celui des -anciens tems. Après les conquètes qu'ALexandre le Grand fit en AJie, enAfrique & dans YInde, il s'étabüt un nouveau fyfteme en politique, & en mème-tems par raport au commerce, Alexandrie prit la place de Tyr. Ce fyfteme fut encore bouleverfé par la déllruction de Carthage, & par les autres conquètes que les Romains firent après. La MerMediterrannée étoit lafeule Mer oü on faifoit le commerce. Le monde connu alors étoit'baigné par cette Mer. L'Espagne, felon un Auteur (17), doit avoir été dansTantiquité'la plus reculée au raport des Prêtres Egyptiens, la fameufe Atlantide: & étoit alors regardés comme 1'eft aujourd'hui YAmérique. La Mer noire & la Colchide comme préfentement la Guinee; Y Hellefpont & la Thrace, a peu prés comme nos grandes Indes. Les Sidoniens, les Tyriens, & les Carthaginois étoient alors lesPuiffancesmaritimes, & les Républiques oü on trouvoit des Négociants. On regardoit alors les découvertes des Hercules & desUlysses, commenous faifons celles de CoL 0 mb & de Gama. Les raifins, . G. Petty, en 1685. Smith fait inention Tom. II. p. 289. qu'il y a des Auteurs qui évaluent Ia circulation en Efpeces au i, ?5. \~ & |s: tonnes trop généraux, C 3  SS Chap. L DE LA CIRCULATION. 20. A qael capital doit-on évaluer ce qui fe trouve chez chaque particulier en referve, foit dans fa bourfe, foit dans fa caiffe? 30. A combien peut-on évaluer les fommes que plufieurs gens avares & craintifs enterrent & referrent, toujours cn efpeces monnoyées, pendant des intervalles de tems affëz confidérables? 40. Item. Dans les caiffes des Souverains ou des Républiques? 50. Item. Dans les Banques publiques, & chez les Caiffiers & Banquiers dans les villes commereantes? 60. Item. Le bien des mineurs & des plaideurs eft fouvent dépofé en argent comptant, & retenu hors de la circulation (31)* 70. Item. Les gros payements qui paffent ■par les mains des Colleóteurs deftinésarecevoir les droits de douane, & autres impots , & dont 1'argent eft tenu pendant un certain tems hors de la circulation. 8°. Item. A combien fe montent les billets qui circulent, par exemple kLondres, comme monnoie ou efpeces? Quand au premier article, je penfe que pour une grande partie le roulement des efpeces dans (31) V. Efl'ai &c. p. 196.  Chap. L DE LA CIRCULATION. 39 une Société trés réglée, peut s'évaluer a un objet trés petit, relativement a fon étendue & a fa popülation. Par. exemple, fi on fuppofe que la popülation a Amjlerdam fe, monte de 230 a 240,000 ames, & que ce nombre fe trouve répara en plufieurs families, chacune compofée de cinq a fix perfonnes, cela nous donnera au dela de quarante mille families. Je penfe qu'en évaluant la dépenfe journaliere de chaque perfonne, tant riche que pauvre, j'entens ceJJe qui fe paye de la main a la main, a un florin par tête, on trouvera que cette circulation journaliere,, y compris même le loyer des maifons, fe monte a 240 mille florins. Suppofés même. que cela fe monte au doublé, cela ne feroit, pas un objet de 500 nulle'florins, ou de ipooo marcs péfant en argent fin, en évaluant le mare a 26 florins. Cela fuffiroit donc pour la dépenfe journaliere, Orremarqués, qu'on compte a Amflerdam pour le moins 2<5ooo maifons. Evaluons eet objet feul a huit mille florins par chaque maifon. Cela fairoit deux cent & huit millions de florins. A combien ne fe monteront donc pas les autres richesfes? Mais a combien évaluera-t'on les autres articles? Et qui pourroit même évaluer ce qu'il faut pour tenir le commerce en mouC 4  40 Chap. t DE LA CIRCULATION. vement dans ce pays , rélativement aux finances de 1'Etat & des nations étrangeres? H n'eft pas facile de faire une pareille évaluation , paree que chez nous on foutient quelquefois le Crédit, non feulement de quelques Souverains, rrtais même des Négociants qui demeurent k Stockholm, a Coppenhague, a St. Petersbourg, & même a Conftantinople& a Smirne (32). Cette chaine, ainfi que je 1'ai déja dit, eft fi étendue, qu'on ne peut pas fapprécier au jufte, furtout par rapport anous. Ainfi paffons a quelques remarques générales avant de terminer ce Chapitre. En lifant avec un peu d'attention 1'hiftoire du moyen age, on obfervera, que les Barbares qui ont bouleverfé 1'Empire Romain, malgré la ferocité de leurs moeurs, ont vraifemblablement plus contribué que nous a foutenir la popülation en Europe. Que depuis 1'abolition du Siftême féodal, les bourgs & les villes fe font trop peuplées. Loifque le Ndgotiant de Smirne fait des cnvois de Marchan"difeTa Amjlefdarn, ou a Rotterdam Ik tire des lettres de change fur la valeur pour | ou i du coutl, alors, a parler propreraent, il pouffe fon Commerce avec 1'argcnt des Hollandois. Ce qui influe même fur les prix d'achats fur les lieux oü ces marchandifes Ion: trues ou fabriquées.  Chap. L DE LA CIRCULATION. 4i Et que pour foutenir cette manie, il a falu néceflairemerit animer 1'induftrie, & négüger plus ou moins la culture des terres & les paturages. Enfuite par les découvertes qu'on a fakes, par la Navigation & 1'extenfion qu'on a donné par la au commerce, il a fallu encore agrandir, & on aggrandk encore journellement quelques villes, & dépeupler par conféquent plus ou moins quelques campagnes en E u r o p e (3 3). Enforte que pour confirmer ce que je dis, je puis trés bien repeter ce que M. Smith a dit dans fes Recherches fur la nature & les caufes de la richeffe des Nations. T. .1. p. 5* „ La politique de XEurope a été plus avan„ tageufe aux arts, aux manufaclures, au „ commerce, qui font 1'induftr ie des villes, qua „ 1'agriculture, qui eft 1'induftrie de la cam„ pagne. D'après ce principe,on peutauffiprononcer, que la caufe phyfique (34) de la différence da la popülation en Angleterre depuis la conquète, qui y a été comme de 1 a 3, & la progreffion fur 1'induftrie comme de 1 aj,& mê- C33) II eft certain que les Provinces-Unles & 1'Angleterre recoivent contiiiucüement un grand nombre d'habitans qui viennent du dehors, ce qui fotitient (k augmente quclqtiefois la Popülation. II en venoit autrefois beaucoup de 1''Ailcmngne. (34) V. tncs Recherches, &c. T. II. Première Partie. p. c)f. C 5  42 Chap. I. DE LA CIRCULATION. me plus, ainfi que 1'a dit M. Hu me, doit avoir probablement eu pour caufe ce que j'ai dé ja dit, & que je confirmerai par ce qui va fuivre incefTamcnt quelques lignes plus bas. Si au moins dans ces derniers fiecles on avoit confervé par tout la même dénomination des efpeces, fi on n'avoit pas alteré leurs titres, leurs poids, leurs figures, & même leurs noms, on verroit d'un fimple coup d'oeil, qu'il y a aujourd'hui une différence énorme dans le renchériffement des articles. Que ce renchériffement doit naturellement avoir eu fes caufes, & qu'elles doivent fe trouver dans la maniere dont les hommes vivent entr'eux ; & qu'en derniere analyfe, le bien ou le mal doit fe trouver dans le mouvement de la maffe totale de la Société (35)- J'ajoute encore, que fi nous éprouvons dans prefque tous les Etats de YLurope , & furtout (35) Car Je le repete encore une fnis, fi les efpeces d'or, d'argent ou de cuivre, avpient confervé depuis leur infïitution Jcs mcmes noms, titres & poids, alors la mcfure dont les hommes font convenus, auroit été non feulemcnt permanente, mais pour toujours reconnoiffable: & la dilTérence auroit pu ótre journellement obfervée par les achetteurs & les vendeiirs :.deforte qu'il auroit été fncile d'en découvrir la caufe, & d'oü eft provenu le bien 011 le mal furvenu dans les Sociétés; ce que les révolutions dans les prix des chofes, leur haufle ou leur baiffe, pcuvent faire connoitre.  Chap. I. DE LA CIRCULATION. 43 dans les villes, & plus encore dans celles d'une grande popülation, un renchériüement énorme fur le prix des vivres, c'eft que les Sociétés en général fe trouvent outre cela trop dérangées par 1'étendue d'un luxe énorme, qui eft devenu général, & par conféquent, par 1'étendue d'un commerce, qui autrefois laiffé a lui-même, fe foutenoit & alloit en augmentant, mais qui aujourd'hui a befoin d'être protégé par 1'Etat, & foutenu par une force majeure. Les richeffes faótices, celles qui ne proviennent point de 1'agriculture &c. corrompent non feulement les hommes, mais les dépenfes énormes que 1'Etat doit faire, & les charges qu'il doit impofer pour foutenir une trop grande extenfion de commerce, demandent trop d'argent & trop d'hommes; voila ce qui ruine les grands Royaumes,& qui eft nuiGble a Ia popülation , & a 1'agriculture générale de 1'Europe. Car nos befoins fe font aujourd'hui tellementmultipliés (36), que pour les fatisfaire,Ie cru de notre Europe n'y fuffit pas; nous fommes obligés de mettre toutes les quatre parties du globe a contribution. Et ce qui doit pa- (36) M. Smith u*it dans fa Préface; les progres de la Société n'ont fait que multiplier nos befoins. La néceffité pour les fatisfaire eft devenue un joug péfant. Eft-ce pour 1'alléger ou pour 1'aggiaver qu'on a imaginé &c. ?  44 Chap. I DE LA CIRCULATION. roïtre incroyable, YAfie même doit nous fournir du monde pour foutenir la marine marchande de YEurope (37), & YAffrique pour eultiver les terres de nos Colonies dans YAmérique. Les vraies richeffes d'un Etat ne confiftent donc pas dans les grandes pofleffions, ni même dans la livraifon de beaucoup de marchandifes, mi dans une certainequantité d'or& d'argent, & encore moins dans un tas de papiers de Crédit, qui font feulement un effet du luxe, comme les diamans ou pierres prétieufes en font 1'ornement, mais dans la Popülation (38). Augmentés-la par toute forte de moyens , rendés la conftitution phyfique & moraledel'homme la meilleure qu'il foit poffible, donnés-lui pour cela l'aftivité propre, pour fe procurer fa fubfiftance, & vous travaillerés utilement pour la confervation de 1'Etat. Voila la vérïtable Circulation, & la vraie richeffe de tout Empire, Royaumeou République. ' C'eft ce qu'un premier Miniftre, ou un homCo-) Les MbfcMW de Suratte, & autres pcuples Afiatiques, que ia Compagnie a pris a fon fervice, & prend encore, font des prcuves dc ce que je dis. • c 85 Je ne luis pas le fenl qui penfe ainfi, H y a plufieurs ceïebres Auteurs qui penfent de même. Voyez entr'autres le Lme iella Moncta, p. 153- &c-  Chap. I. DE LA CIRCULATION. 45 me d'Etat doit toujours avoir en vue. Chaque individu contribuera alors par un travail honnette & journalier au bien de fon femblable, & tous meneront une vie douce, agréable & tranquille, conforme aux ufages & aux moeurs de chaque pays. C'eff: levraibutoütousdoivent tendre; (39) & fi le local de chaque Etat differe de celui d'un autre, fi les moyens pour y rendre les hommes vraiment heureux ne font pas partout les mêmes, un chacun fera content & heureux dans les pays qu'il habite, &fous quelque Gouvernement qu'il vive , & aucune nation ne fera jaloufe de 1'autre, ni ne cherchera a lui nuire. Pour q^ie tout aflle bien, il faut donc que chaque individu foit en étatd'agir dans quelque pays que ce foit, y foit en aftivité, & qu'ij y ait un équilibre parfait entre Ie befoin & ié numéraire; c'eft par ce moyen feu! que tous les individus peuvent réciproquement contribuer au bien commun; car tout eft enchaïné dans le cours des affaires humaines. C39) V. Entretiens de Phocion* Edit. 1764. p. I57. & pjufieurs autres, & les Remarques a la pag. 247. Efat fur h nature du Commerce, &c. Mabi.y droit public de 1'Europe. Edit. 1777. f. III. p. -2i. Ces truis Ouvrages contienncnt des élemcns de poluique & de commerce, qui mentent d'être lus par ceux qui s'oceupent de ces objcts.  46* Chap. I. DE LA CIRCULATION. Le corps de rhomme u'eft pas moins détruit par la lenteur du mouvement du fang , que par fa trop grande rapidité, c'eft par cette comparaifon qu'on comprendra mieux ce qu'on doit entendre par le mot de Cir cul ation. La Circulation, pour qu'elle ne caufe pas du préjudice, doit donc avoir fes bornes. Et il eft prouvé par la,que le plus fouvent nous embrouillons nos idéés, en prenantles images pour la chofe même, & que nous confondons 1'inftrument de 1'ouvrier avec fon ouvrage. Je le repete, les métaux qui fervent comme monnoie font une marchandife de luxe , & non pas de néceffité. La monnoie n'eft pas la richesfe, mais fon image, & fa jufte mefufe. Et fi quelquefois les richeffes parohTent fe multiplier, a mefure que les efpeces abondent, 1'expérience nous prouve combien ces apparences font trompeufes, & nous fait voir, que la vraie force d'un Etat ne confifte pas toujours dans le roulement d'un grand nombre d'efpeces, & que ce n'eft pas par la qu'on en peut démontrer la profpérité (40). Que le vulgaire nomme les efpeces le nerf de la guerre, la baze d'une grande Pi-iffance, le fang du corps politique, le principal foutien de (40) DeV.a Moimta. p. 147.  Chap. I. DE LA CIRCULATION. 47 Ia vie& de Ja félicité publique, ceJa eft pardonnable: c'eft 1'effet de fon ignoranee, il confond 1'image avec h chofe; ces grands mots ï-epa-ifent fon imagination fans éclairer fon fcipm, ctfans remflir fa bourfe;mQis que aevai qui fe trouvent en pofie foient imbus de ces erreurs, voila ce qui doit étonner. Les efpeces accumulces fauverent-elles S ar BANAP.UE,CRïS,S)DARnjS0UpERsiE? La guerre fe fait par le moyen des hommes,, avec le fer & Je panonr§ & non pas ^ h een eft par Je moyen des traitres. Si on remonte deux mille ans plus haut, on ne trouve pas dans fhiftoire ancienne, que des nations riches aient détruit une nation pauvre. Mais les exemples du contraire font en grand nombre. Les richeffes des Babyloniens furent envahies par les Medes, nation alors trés pauvre; & ceux-ci par les Perfes, Jorfque ces derniers étoient encore Barbares. Les Perfes kleur tour,aforce des'enrichir,perdirentleur bravoure & leur vertu. De même les Thraces & les Grecs. Ceux-ci, quoique pauvres,refifterent pourtant aux armes de Darius & de X £ r x e s. Et les Grecs de Yjfie mineure furent vaincus par 1'or, & par leurs troubles inteftias. Spart e fut corrompue par ce prétieux métaj,  48 Chap. I. DE LA CIRCULATION. & Athenes achcttée & vendue au plus offrant. Ce fut alors que Thebes & la ïigué Achéenne commencerent a avoir le deffus. La valeur de leurs foldats,& leur vertu,firent plus que tous les trcfors., & que tous les arts VAthenes. Peu de tems après, la pauvre Macédoine défit 1'ancien & vafte Empire des Perfes. Le fer triompha de 1'or, & Alexandre avec fes boucliers de fer, vainquit 1'armée de Darvus, qui en avoit d'argent maffif, & pouffa fes conquètes jufques dznsïlnde même. A mefure qu'on trouvoit de l'or,on alloit en avant.Mais dès qu'alexanDREfut mort, les richeffes opérerent dans fon armée ce qu'elles opéreront vraifemblablement toujours, elles relacherent la difcipline militaire des Macédoniens. Rome pauvre foumit la riche Carthage, avèc bien d'autres Empires, Royaumes & Etats qui avoient été entre les mains des fucceffeurs d'ale xandre. Une fois parvenue a une extenfion trop illimitée, elle s'affoiblit, & les richeffes furent le nee plus ultra de leur grandeur (41). Au contraire , les peüples Septentrionaux, fans or & fans arts, s'exerjoient journellement dans 1'art de faire' la guerre, & c'eft avec ce feul thréfor qu'ils vinrent enfin a bout de détruire ce vafte EmPire- Nous (41) Della Moneta. p. ïtf' & fuiv*  Chap. I. DE LA CIRCULATION'. 49 Nous obfervons la même chofe dans des Heel es plus voifins du notre. Les Tartares ont plus d'une fois envahi la Chine, YInde, la Perfe, & détruit la puiffance des Sarrafins. Les Suifles font encore le peuple le plus pauvre de YEurope, mais en même-tems le p]us vaillant. Depuis peu d'années ils ont établi des manufactures, qui occupent utilement les habitans, &dont les particuliers & 1'Etat tirent des profits folides. Les Efpagnols jouirent d'une réputation de valeur jufqu'a 1'époque de la découverte de YAmérique. L'argent, cefoi-difant nerf desEmpires, ne leur fervït de rien vis-a-vis de leurs Ennemis. L'eftomac ne digere pas 1'or & 1'argent. Les troupes Allemandes ont-elles vainqu les ci-devant Colons Anglois dans le Nord de YAmkriqueï Enfin il n'y a que 1'Affrique, oü les Européens chrétiens vont encore achetter des hommes, qui n'en ont même quelafigure, & qui ne font bons qu'èi êtreEfcluves. D  5° INTRÓDUCTION Aux fix Chapitres fuivants. Pour traïter d'une maniere fo'ide de 1'orïgïne de nos Lombard*, de 1'ufure ou de 1'intérêt. ancien & zaad de 1'argent, & du crédit entre les particuliers, rélativement au commerce, il faudroit remonter aux Siecles du moyen age; pref nter non feulement un tableau de 1'état oü fe trouvoit dans ce tems - la le commerce en Italië & en France, mais encore faire la defcrip'tion des moeurs & des coutumes des hommes dans ces fiecles reculés, pour fe former une idéé du taux exceffif de 1'ufure qui étoit pour lors en vogue, & afin de montrer par-la les raifons qui donnerent lieu a ces étabhsfements des Lombards, pendant les XII & XIIIme. fiecles, dans les principaux endroits de YEurope. Car comme il ne fuffit pas de fcavoir la datte d'un événement pour être au fait de 1'hiftoire, le Lefteur feroit de même peu fatisfait, fi on fe contentoit de lui apprendre que 1'origiue des Lombards &c. ne remonte pas au-dela du XIIn,c. fiecle. On voit fouvent l'éreécion d'un établilftment utile, mais prefque perfonne ne s'avife d'en chercher la caufe. L'établis-  INTRODUCTION. 51 fement desLoMBARDs doit fon origine a une fuite de maux compliqués, qui le rendit utile & néceffaire dans le tems: c'eft 1'hiftoire de ces maux, & des révolutions qu'ils cauférent, qu'il faudroit ébaucher pour s*en former une idéé jufte. Mais Ia nature de eet Ouvrage ne permet pas d'entrer dans ce détail, Cependant, comme il m'a fallu faire des Recherches pour me mettre a même de parler avec un peu d'exactitudé fur la matiere que j'ai entreprife, j'ai raffemblé dans le Chapitre fuivant le plus fuccinctement qu'il m'a été poflible quelques faits rélatifs aux grandes révolutions qui eurent lieu en Italië depuis la fin du cinquieme jufqu'au quinzieme Siècle, époque de la découverte du Nou veau Monde, a laquelle le fyftême politique a été totalement changé en Europe. Je préviens le Le&eur que ce récit n'eft que trés fuperficiel, mais le peu que j'en dis fuffira pour le moment, ócferviraa répandre dela clarté fur ce qui me reffce encore a dire. D 2  52 Chap. Ü. ABREGË DE L'HISTOIRE CHAPITRE II. Abregé de l'Histoire Generale de l'I talie. Depuis la fin du Vmt jufqu'au IV** Siècle. Jus qu'a 1'époque (en 476) qu'ODOACRE, chef de différentes nations Barbares, vint fondre fur 1'Italie, pnt Pavie, Ravenne, &c. (1). Ci) Le désordre qui régnojt a la Cour des Empéreurs d'Occident facilita aux Barbares le moyen de fe faifir de l'adminifixatfoM du Gouvernement en Italië. Voyez Sigonius Opera omnia de Oecid. Imperio. T. I. p. 550. &c. Muratori. Anttali d'Jtalia. t. ÏU. p. 213- &c Mrigé Chron. de l'/lifl. d'Jtalie. t. I. p. 2. &c. Muratori Ant. ltal. Mcd. jEvi. Diff. %i Hifi. du Bas Emp. par le Beau. t. VIII. p. 102. &c. Ravenna dominante di T. F, dal Cok.no. p. 91 & 93. Odoacre connoifloit 1'état de 1'Italie & la foibleffe de 1'Empire, dès avant fa defcente. II vint des pays qu'on appelle aujourd'hui le Brandebourg, la Pomiranie, la Livonie., l'Autriche, & la Ilongrie , avec une armée formidable A'Herules, de Turcilingcs, de Skirhes, de Ruges, & d'autres Barbares. II fe fit proclamer Roi tfItalië le 23 Avril 476. & tint fa Cour, ou fit fa réfidence a Ravenne, ville alors trés florifTante, riche & forto. Odoacre, quoique Arien, ne changea rien dans le culte, ou ne préjudicia en rien Ia Réligion Catholique. II ne molefta ni les Evêques ni les Eglifes des Catholiques. Voyés VArt de virifier les dates, & lesAnnalcs i'Italie. t. i. p. 22*.  GÉNERALE DE L'ITALIÊ. 53 iEmpire d'Occident avoit été gouverné felon les mocurs & les coutumes des Romains, du moins depuis le régne de Constantin l e Grand (2); enfuite fous les régnes (2) On fcait que Conftantin ayant embraffé ouvertement laRéli* gion Chrétienne ajJ commencement du IVme Siècle , forma le deffeirt de quitter Vltalie, & de transférer le fiége de 1'Empire de Rome \ Byzanee. Cette démarche, & le partage qu'il fit avant fa mort de 1'Empire entre fes fils, au lieu d'affermir 1'Empire, ne fervit qu'J divifer & a démembrer cette vafte & immenfe domination. Voyez Hifi. de la décadence & de la chute de 1'Empire Romain par M. Gibbon. Nonobftant Cette tranfiation de Ia réfidence de 1'Empé* reur, Rome conferva encore long-tems après fon ancienne fplendeur. Voyez les Annales de Muratori. T. III4 P- 35 & 3Ö. oü on lit les paroles fuivantes, fous 1'an 409: „ Je ne faurois m'empêcher de faire ici en paflant le récit d'un fait qui mérite attention , & pour la confervation duquel nous avons 1'obligation a Oi. ympi od 0 r e , écrivain contemporain igrec & payen, dont Forio nous a tranfmis quelques fragmens de fes Ouvrages, parmi Iefquels fe trouve un monument rélatif a 1'étae dans lequcl fe trouvoit la grande ville de Rome lorfqu'elle fut ftirprife par Alaric. II rapporte, que dans chaque grand Pa* lais qu'il y avoit alors dans Rome, on y trouvoit ce qu'on auroit eu de la peine a trouver dans une ville médiocre, c'eft-a-dire un Ippodrome , ou emplacement pour la courfe des cheveaux, des grandes places ouvertes, ou des marchés,"des Temples, des fon* taines, & plufieurs bains. Ce qui donna lieu a ce vers latirt d'Olympiodore : Eft urbs t>na domus : Mille urbes continet una urbs. c'eft - h • dire, chaque maifon compofe une ville: Mille villes fe trouvent dans cette feule ville. 11 ajoute, que les Tkerma,ou les bainspublics,étoientd'uneeW due prodigieufe. II y avoit, entr'autres , celui d'ANTONtN, qui aontenoit irtoo Bancs de marbre poli. Que les murs de A„me,  H Chap. II. ABREGÉ DE L'HISTOIRE des Oflro - Goths (3), & encore plus fous ceux des Langobards (4) & des Francs, les vil- lnefurés par Ammon.us du tems que les Goths pour la première fois affié-erent cette ville, avoient at milles de circonférence. Le même Olympiodore a encore écrit, que plufieurs ma.fons ou families Romaines avoient quatre mill.ons d'oro de revenu de leurs biens, fans y comprendre le froment, les vms, autres fruits de la verre. Que le prix de ces dermers éto.ent éyalués, anne-e commune, aux environs du tiers dudu Capital, D'autres families avoient un million & demi de revenu. Que Probus - fils d'AüpiQ, du tems de Jean le tyran, fUn 4=4 de J. CO fvoit dépenfé un million & deux cent mille nummdor. (Ces Efpeces, felon 1'évaluatipn de Muratori, étoient de la valeur d'un Scudo romaiq, ou a peu pres d'un ducat d'or ou flonn d'or, valant au dcfius de 5'. de nos florins (Targent.) Que SlMilACHUS rorateur. qu'on compioit parmi les Sénateurs, & quipoffédon un p.trimoine moyen, lorfque fon fils obtint la Préture (.ce qmarnVa nvant qu'ALARic faccageftt Rome) avoit fait une dépenfe de deux fflil'lipns ï Pocciflon de fon entrée publique. Et depuis, MaximK, vn des plus riches & des plus fortunés d'alors, lorfque fon fils devint Préfet, en avoit fait une de quatre millions, paree que C'étoit alors la coutume que les nouveaux Préfets donnaffent penda* fept jours confécutifsdes fi.es de réjonittan.e, en fpeftacles & autres divertiffemens. ' . Mais comme ce détail m'entraineroit trop Io.n, je me bornera, dVénavam .dans la plus grande partie des Notes de ce Chapitre, , citer les Auteurs que j'ai confuhés ; & celles qui ieront un peu longues , ferviront * répandre de la clatté fur des objets ou fur des événetritens plus importans. (3) Art de vétifier tes dates, p. 357 & 359' (4) Vltalie rentrée fous la donnnation immédiate des EmpéÏCurs, fut gouvernée d'abord par Nar«és . & cela depuis fan 553 iufqu'a fa mort en 567. Enfuite par fesl-ietitenansjufqu SI, fucceffeur en 568, c'eft-Wire de «, qu, gouverna ts .enom d'M*. *• «- 1'on donnoit aum au Gouverneur * ut'Hu'i w avoil ev le titre de Duc'"  GÉNERALE DE L'ITALIE. 55 verneurs réfiduient è Ravenne, & cjeft pourquoi Us font non» més & coimus dans l'Hiftoire fous le nom ÜExarques de cettè 'ville. On peut voir ce qui eft écrit la-dcflus dans la Chron. t'M Zr.lie. T. I. p. 153- Ce fut dans la même année 56'J qu'AbBO-Sfci Fils d'IIaudoin , Xme Roi des Lombards (Longobards) qui étoient hors de Vltalie , & de Rodelinde fllle de Théodahan , & niéce paf fa mere Amalfrede de Théodoric, Roi des Oftro-Goths , fiflrtiÉ de la Pannonie le lendemain de Paques 2tne Avril 568, a la tétc d'une année compofée de Lombards, de Gépides de Bulgarcs &c* entra en Italië par la Vènétie, dont il prit prefque toutes les villes; de la il paffa en Liguiie s'empsra de Milan le 4 Scptcmbre 569. fit rapidement la conquete du rtfte du pays, & netrouvüque Pavie qui lui réfifh. Cette place ne fe rendit que l'an572i après un (iége de 3 ans , pendant lequel il fubjugua VEmelie, une partie de \xTafcanc. VOmbrie & le Duché de BênéVent. Alboin Ërttm» na enfin le cours de fes conquètes avec celui de fes jours le 28 Juin 573. Voyés Muratori. Toutes ces conquètes furent enfuite partagées en dSffijrenS Duchés, qu'il avoit diftribués aux officiers qui 1'avoient le mieux fervi. Alboin ent' deux femmes, Cl0« dofuinde fille de Clotaire I. Roide France, qui ne lui donna point d'enfans, & Rofemonde fille de Kunimond Roi des Gépides, qu'il avoit tué de fa propre main dans une bataille. forcée par fon époux de boire dans le crane de fon pere, dont il fe fetvoit aü lieu de coupe, cette Princefle fe vangea en Ie faifant afiafllner. Voyez VArt ie vérifier les dates- P- 362. II paroit, par lépartage qu'il fit de fes conquètes que le Gouvernement des Lombards dans fon origine étoit plus féodal que celui des Oflro-Goths, — & que depuis fon régne on peul dire, fans crainte de s'égarer, . que ce Gouvernement étoit le même que celui qu'ils avoient. eu dans la Geimanie, ce qui va être confirmé inceffament. 11 paroit qu* fes SuccefTeurs font aufïi montés fur le tróne par voiö d'éleétion. Ci.eph, ou Clephon, élu au mois d'Aoüt 573 maffacré après . un régne de 18 mois. Autxris , ou Autii aric, fils du même., parvenu al'aaedt ■ inajorité, fur élu en 584. pour fuccefleur de fon pere. Peu dS tems après fon avénement au Tróne , il contirma les DucsdanS leWs Duchés, moycimant la moitié de ieurs reVenus, qu'ils s'obiiger.tit D i  5<5 Chap. II. ABREGÉ DE L'HISTOIRE les d'Italie (5), excepté celles qui étoient a lui payer, & a Ia charge du fcrvlce nommé depuis Féodal. Telle eft proprement 1'origine des liefs. Voy. Art de vérifier &c. p. 362. Autaris meurt de poifon a Parie ie 5 Scptembre 590 fans laiffcr d'enfans. Agilulphe, ou Agon, lui fuccëda en Mui 591. II époufa Théodolinde, veuve d'AüTAtiis, PrinceDTe refpeétéc des Lombards. Elle étoit Catholique, & ce fut par elle que fon mari paffa «Je 1'Arianifme k la Catholicité; une grande partie de la Nation jmita fon cxemple. Au reftc, voici les noms de ceux qui ont régné après lui. Ant 615. Adaloald, ou An, 686. Cunieert. AD0ALD- 700. luitpert. 625. Arioald , ou . 701. Ragimeert I. A lil wa ld. ' 636. rotharis. 701. ArIESRT II. 652. r0doald. ?i2> ansprand. £53. Aribe rt, ou 712. luitprand-, aripeut I. ' 661, Berthavit, ou 744- Hildebrand, PERTHAVlT, & 744, RatCIIIS. Godeeer t, ou 740. A stolp HE. gondeeert, 662. CRIiUOALD. 75ö. D I d IER 67». Ferthavit eft dernier Roi de Lombards. rétabli. Celui-ci s'éranf brouillé en 772 avec le Pape Adrie.v, au fujet des villes de Ferrare, de Faenze & de Commachio , qu'il avoit Prifes & dont il refufoit de fe deflaifir, Adrien , a 1'exemplc de fes prédéceffeurs, a recours au Roi des Francois. Charlemacne paffe lesAlpes, prend Pavie au mois de May 774. après un fiége de 6 mois, fait prifonnier Ie Roi Didier qui s'y étoit renfermé, & 1'envoie en France. oü il acheva faiutement fes jours dans le Mo, naftere de Corbie. Ainfi finit le Royaume des Lombards en Italië, oü il avoit duré 1'cfpace de 206 ans. Voyez VArt de vérifier &c. p. 371. Cu ar le Martel ayant été déchïé Patrice dès 1'an 741.  GÉNERALE DE L'ITALIE. 5? foumifes au Pape, étoientgouvernées cliacune par le Sénat, la Noblefle & ,9 pmph Romin> devint ment le protecteur de ceux qui étoient attachés aux vues politics du Pape Gregoire II,. & des gens ^ iD"" En 753- fEPiN' & fts fi" Ca rloman & Charle s, furent -on,quede leur ^ 1'Iut ~,. £ I avoient cue jufque-la fur eux • c'eft 7 ? * Enfin Charles fon fils, connu fous le nom de r H * „, „ ** - * r,«, * OTqoi„ fer„r»eHr-re; ft ft. P™i„,é ,o.,« Koi apris „ |rt . ' Otfftl«W en ifeff*. qU' °nt réS"é ^ Empereurs Louis le débonnaire depuis 813 n feulEmpereur& Roi depuis 81a' »ernaild 8,a> qu'il déclare Ion fils ainé. . ' J"™11 e" 8l8' meurt en 840. Lothaire. L 0 t h a i r. e I. Empéreur , couronné en 823, fuccéde a fon pere en 840, & fon lils . . meurt en 855. ' ' * * LoüIS»- 844. L ouis II. en 855. meurt. . . 875. Charles II. dit Ie chauve en 875." meurt au pied du Mont-Sénis Ie 6 Ocïobre flw  58 c/4 abregé de L'HISTÖIRE m leurs Comtes (6), ou Gafialdl (7), « Lc d'autresMagiftrats d'un momdrerang (8), avo entla direaion des guerres, & adnunisS^lajdto au peuple (9, ^ ^ étoient fubordonnés aux Marquis (10) ou aux Ducs (n), que les Rois ou Empéreurs vince, d'un Marquifat, ou d'un Duche (12). Pendant le tems que les Barbares & c Francs (x3) -gnerent en ItaUe, üs avoient es. Voy.z, a r L ,e pros c0mnjwcer.ent en £al< des AP": k "Irtle? i" Par^e dans VAtUmagtie & dans ia '^ines, que r»ft devint le tbéatre de la *? 'dC' ! uene LngLanee & la barbarie s'accrurent tffcorde & J f ^desnto.nrsneconnut plus de ftein P,US * P lil— armi les Séculiers, mais aum parmi les & vfgna non feulcment P Eccléfiaft,ues. S:^ :;;pjys devenu,pour ainfi ^r^ïcdevices^ecalami,, Voyez, ^« (75 Diff. 10 & 45- (8} Idem. ibid. • " (9} Idem. 10 & 31- (10_) Idem. 6 & 45- (ü) Idem. 5 & 45- (je) Idem. 5- ö» & 8' (13; Idem. 22.  GÉNERALE DE L'ITALIE. $p établi une efpece de Gouvernement régie. Ils avoient leurs loix & des ufages qui leur étoient propres (14), ou qu'ils trouverent établies parmi les peuples dont ils étoient devenus les maitres (15). Sous les Langobards, & fous le régne de Charlemagne, le St. Siege, & ce qui en dépendoit, fe trouvoit pour lors enco* re dans des bornes raifonnables (16). Mais fous fes fuccefleurs, & après lamortdel'Erapéreur Charles le GRAS,arrivéeen88S(i7), la race légitime de Charlemagne étant éteinte (18), les Pap es profiterent de la foibleffe des Empéreurs, & le Gouvernement Féodal empirant de jour en jour, on fe trouva dans un état anarchique (19) ; deforte qu'a la dite époque, Vltalie fe divifa en plufieurs par* ties féparées, qui enfuite furent foumifes a plufieurs Souverains (20). Les calamités caufées par ces divifions inteftines, furent encore augmentées par les incurfions fréquentes, & par les conquètes que les Sarrafins & les Arabes (14) Murator, Antiq. Hal. Med. jEri. Dijf. 22. Cl5) Idem. 22. (16) innaics d'Italië, T. IV. V & VI. Chron. tTltali!. Mulo t. //;/?. Moderne t. U. (17) Idem. ■ (18) VArt de vérifier les dates. & Murat. Vif. 54. (19; Annali d'Jtalia & Chron. tfltalit. (20) l'Art de Vérifier les dates p. 43.4- & Annr.Ics d'Italie Tom. V. p. 180 & ftüv.  6o Chap. M. ABREGÉ DE L'HISTOIRE (21) venus du midi, & les Normands du cöté du Nord (22), auffi par mer, firent dans la Pouille, dans la Calabre, dans la Sicilc, & fur les cötes méridionales de Vltalie. Mais toutceci n'étoit encore rien, en comparaifon des déprédations réitérées que les Huns, qui habitoient alors la Pannonie (aujourd'hui la Hongrie) firent dans hLombardiependmtïe courant du XIme Siècle (23). Par ce récit fuccina, on concoit facilement k quel dégré de confufion & de mifere les chofes durent fe trouver parmi les habitans de Vltalie (24). Ce fut, pour ainfi dire, pendant cette même période, qu'a caufe des différends qui naifloient journellement fur les Eleaions des Princes, que les Grands & les Gens de 1'Eglife vouloient mettre a latête des Gouvernemens, qu'orf vit naïtre les faaions & les cabales au dedans; & les guerres au dehors augmenterent les maux a un tel point, que non feulement il n'y avoit plus de fureté publique, mais qu'en même-tems on perdit mime la vénération qu'on avoit ene ci-devant pour les loix. La confufion régnoit par tout, le droit (ai> Jlnnolcs fltalU, T. IV & V. (225 T.V. ^ T. V. C24) &T.VI.  GÉNERALE DE L'ITALIÊ. 6t du plus fort y tenoit lieu de loi, & en effet on n'en reconnoiffbit point d'autre(25.) Heureufement pour les habitans de Vltalie que le commerce, qui avoit tiré pour ainfi dire la Republique de Fènife du néant, & qui 1'avoit élevée a un dégré étonnant de puiflance & d'éclat, avoit frappé les efprits, & influé (26) fur 1'induftrie des habitans qui fetrouvoient dans les grandes villes, nommément dans 1'Etat de Genes , & dans quelques villes de la Lombardie (27), entr'autres fur ceux de Pife, de Lucques, mais furtout fur ceux de Florence & de Milan (28). Cet événement excitales habitans de ces villes a faire des efforts pour ferendre indépendans (29), & pour brifer les chaïnes de ces petits tyrans, ou Seigneurs ValTaux, qui étoient dans le voifinage des villes, & qui en tenoient les habitans fous le joug (30). La première occafion fe préfenta k Milan, lorfque 1'Archevcque Landülïe, en qualité' de Comte, ou pliitót comme Gouverneur de C25) Annali iïltalia, T. V. & VI. (26) Murat. Ant. ttah Med. JEvi.XM. 30. C27) Wem. Dim 16. 24. 25 & 30. (28) Idem. DiiT. 45. Script. Rer. llal. T. IV & VI. SigoNius. Lib. X. (29) Idem &c. (30) Idem. Difi; s4.DesPnnces & Tyrans d'ltaüe.  6% Chap. II. ABREGÉ DE L'HISTOIRE cette ville de la part du Souverain (31), y devint tellement odieux, que le peuple fe fouleva, &prit les armes. LaNoblelTefedéclarant pour. 1'Archevêque, il fe donna dans la ville plufieurs combats, oü le peuple eut toujours le deffus. Cet événement arriva vers Pan 991 (32). Crémone fuivit de prés cet exemple (33), & enfuite plufieurs autres villes. L'éloignement des Empéreurs d'/jllemagnc (34) , furtout ceux des Maifons de Franconie & disuahe (35), les divers différends entre les Chefs du St. Siege & Henry IV, HenRY V & Conrad III (36), quidonnerent lieu aux faaions des Guelfes & des Gïbelins (37)> les treves de DieU'°U dU SeigneUr ^38^ ■ '{fa Muratori» Annali. T. V. p.'48p & 500. (32) Idem. p. 49°'« (33) Idem. pag. 491' C34) Idem. T. V & VI. Antif. hal, Medii JEvi. Diff. 45. »c. <35J VArt de vérifieT les dates, & Muratori, Annali. ï. V. & VI. (36) Muratori. Annali. T. VI. C37) Idem. & Antij. ltal. Medii JEvi. Diff. 51. qui traite de Torigine & du progrès des faétions des Guelfes & des Gïbelins. (38) Muratori. Antiq.ltal. Medii JEvi. Diff. 23. Ces Treves , nommées Tregua de I)io, dont .'origine venoit des guerres privées qui eurent lieu au X & XI. Siecles, commencerent a avoir lieu vers 1'an 1031. Dans 1'Ouvrage des Variationt de la Monarchie Francoife on les nomme auffi Treves du Seigneur. T. II. P. 280, 324. ce qui me femble plus propre, paree qu'4 cette occafion le Saint Sacrément étoit expofé. Voyés encore les finnales de li  GÉNERALE DE L'ITALIE. 03 les Rcpreflailles (39), J'abolition de 1'Efclavage (40), & au milieu de tout cela la fameufe entreprife des Croifl's (41), tout cet enfemble, dis-je, donna l'eflbr aux peuples des villes d'Italic, & en particulier a ceux qui contribuoient le plus a exck er & a favorifer 1'industrie(42). On y rétablit infenfiblement les Communautés des villes fur un pied plus refpeélable qu'auparavant, & les Bourgeois parvinrent par la a y introduire une adminiftratiön, qu'on n'y av it pas connue depuis la fin du IXme Siècle (43). Auffi les Arts d'agrément Muratori. T. VI. &c. Robgertson. lntrod. a l'hiftoire de Charlf. - Qoimt, (39) Muratori. Antiq. Ital. Medii /Evi. D:ff. 55. qui Traite des Réprefailles. (40) Idem. DifT. 14. qui traite de l'dconomie des Efdavis du moyen Mgt, Au XII & XlIIme fiecles Ia condition d'efclave devint rare, & s'éva.nouit emiérement au XlVme fiecle en Italië. Voyés encore Rer. Ital. T. XVIII.. & les Annaüs de Muratori. (41) Muratori Annali.-, T. VI- Robbertson. Du Cange GlofT. au mot Ctucem afl'umere. (425 Muratori Antiq. hal. Medii /Evi. Diff. 24. 25 & 3c. qui traitent des. Arts & du Commerce du moyen dgs. Voyés encore les Hiiloires de t'éuife, de Pife, de Florence Sec. On y voit le progrès que fit 1'induftrie aux XI. & Xllme. fiécles. Celui qui voudroit preudre la peine d'en faire une Ilifloirc fuivie, rendroit , felon moi, un grand fervice a la Littératurc. Si j'ayois affez de tems a moi, & affez de talens, je m'en occuperojs volontiers. Ceux quin'ont point ces Hifloires féparéincnt,les trouveront toutes dans le Rer. Ital. de Muratori. (43) Muratori. Antiq. Ital. Medii /Evi. Diff. iS. ou cctt» matiere fe trouve amplemcnt ddtaillee dans ies Diff. 50. 52 &c.  f54 Chap. II. ABREGÉ DE L'HISTOIRE (44) & les Sciences revinrent fur le théatre (45) ; la Chévalerie, toute gigantefque qu'elle étoit (46), contribua de fon coté a animer fortement les efprits de 1'uri & de 1'autre Sexe pour les entreprifes héroïques, & même pour les chofes d'agrément (47). La forme du Gouvernement de ces villes n'étoit pas par tout uniforme: le Gouvernement des unes étoit proprement Ariftocratique, dans d'autres C44) Muratori Diff. 44- oü fe trouve une ample defcription du progvès que firent les Lettres après 1'an mille, ainfi que del'erection des Ecoles & des Universitês publiques. (45) Del Borgo Dif. Suil. Origine dclla Univerfita Pifana. (46) Muratori. Antiq. Ital. Medii /Evi. Difiertation qui traite de la Chévalerie, & de 1'taftitution de ceque nousappellons Armoiries, ou art Héraldique. (47) Mémoires fur Vancienne Chévalerie par M. bé la Curne ie sa in te Pal ave. Parmi les Chévaliers , les jeunes gens qui fortoient de 1'enfance étoient connus fous ie nom de Pages, de VarHs, ou Dcmoifeaux, noms quelquefois communs aux Ecuyers. Les fonaions de ces Pages „'étoient gueres diftinguées des fervices ordinaires des domeftiques auprès de la perfonne de leur maitre ou de leur maitreffe. Ils les accompagnoient 1 la chaffe, dans leurs voyages, dans leurs vifites ou promenades, faifoient leurs meffages , & même les fervoient a table, & leur verfoient a boire. Les premières lecons qu'on leur donnoit, regardoient principalement 1'amour deDieu & des Dames, c'efta-dire, la Rel,gioN & la Galanterie. Si 1'on en cro.t, continue M. de Sainte Palate, la Chronique de Jean de Smntré, c'étoient ordinairement les Dames qui fe chargeoient du fom de leur apprendre en même-tems leur CathÉchisme & 1'Akt b'aimer &c.  GÉNERALE DE L'ITALIE. 6$ tres Démocratique, & dans d'autres il étoit mixte, c'eft - a- dire, un mélange de 1'un & de 1'autre. Mais toutes ces villes s'accordoient en ceci, qu'elles fonderent des efpeces deRépubliques féparées, qui s'arrogerent le droit de faire des Ligues, des Alliances & la Guerre, en un mot elles firent tout ce qui ordinairement a lieu dans des villes libres (48). Les (48) Dès que plufieurs villes (Vltalie fe furent mires en liberté, & eurent pris la fornie de République, avec tous les droits dit Gouvernement des affaires politiques, de faire la paix & la guerre, d'aduiinilirer la juftice au peuple, de contenir la puiffance de9 Grands , de punir les féditieux, & de faire des Alliances avec les villes voifincs pour Ie bien commun, elles commencerent, s 1'imitation de la République Romaine, a créer des Consuls, dans la perfonne defquels réüdoit la puiffance fuprême & le foin du Gouvernement. 11 ne faut pas perdre de Vue, que mèitfê au commehcemeht du dixieme fiecle on voyoit encore les Consuls fubfifter dans Ia célebre ville de Rome. Quoique leur emploi & leur pouVoir fit trés différent de celui des anciens Consuls, on ne nommoit tepéndant pour retnpjir ces poftes que des petfónnes illuflres, «5: qui étoient en grande confidération. 11 y en avoit même d'un rang différent , & c'eft ce qu'on peut obferver par certains faits, qu'on trouve dans les Hiftoires des différentes villes avant & après 1'on* zieme fiecle. En 990. il y avoit dans la Ville de Ravenne plufieurs Confuls, Voyés la Diff. XXXI. de Muratori. dans la Préface aux Lois des Longobards. (Voyés T. I, 2e. partie du Rerum ftal.) On y trouve uri plaidoyer de 1'an 1015. oü il eft fait mention des Confuls de Petra-re. Et dans Ia Chronique de Farfa, aux environs de ce tems» la , on y voit des Confuls Romains. Mais les Confuls des villes Italiennes, depuis qu'elles s'étoient érigées en Républiqucs, étoient. d'une claffe plus diftingtlée, paree que c'étoit h ceux-ci qu'ttöJl E  66 Chap. 11. A.BREGÉ DE L'HISTOIRE faccions qui cuimu pour lors lieu abouiiicnr. déférée la principale Autorité, & la régie des affaires publiques. Lifés ce que Muratori dans 1'endroit cité ci-deffus , y ajoute pour appuicr ce qu'il avance. D'oü il conftc, que dans Rome en 1156. on élilbit feulement trois Confuls, piïs des trois clruTes du Peuple. M :is ceci paroit encore fu'jet a quelque conteftation , paree qu'en obfervant ce qui avoit lieu dans les autres villes, il femble que chaque ville fe gouvernoit la - defius diiréremment. Les unes en avoient deux, d'autres quatre, & encore d'autrcs un nombre plus grand. Car on trouve que dans la ville AeLucques a l'occafion de Ia paix en 1124.il v eft fait memion de foixante Confuls. Dans 1'an H£Ö. il y en avoit plufieurs dans Mentoue. Dans le même XII. Siècle il y en avoit douze dans ia ville de Bergame. En xi02. Gcnes fut gouvernée par quatre Confuls ,& même par fix.En 1145. fclonCAFFARo.il yen avoit dans la ditte ville quatre qu'on nommoit Conjuls des Communes, & huit pour administrcr la juflice & faire exécuter les loix. En 1160. Confules de Communi quatuor & de placilis »S#. Et dans les années fuivantes on y vit cinq Confuls des Communes, & huit pour décidcr les affaires en litige & adminiftrer la juftice, auxquels, a caufe de leurs fonétions, on donna le nom de Consules Justitie. Ces Confuls du premier rang nommés chez les Génois Confuls Hes Communes, étoient nommés ailleurs Consules Majores. Voyés les Statuts de Pijloie &c. A Modcne dans 1'année 1142. il y avoit au moins fept Confuls. Dansce tems même, par une Donation d'un canal cédé par Ribald Eveque & par les Confuls de Mo. dene, on obfervc que le Gouvernement étoit entre les mains du Prélat & des Confuls, & que le premier y tcnoit le premier rang. Cette piece furtout mérite attention, & eft même néceffaire pour comprendre a fond les Gouvernemens de ces villes dans ces anciens tems. Mais cette forme varioit alors déja dans d'autres Villes & Républiques, oü le Chef du Peuple n'étoit pas répréfenté par une feule perfonne affiftée de fon Confeil, mais oü le pouvoir fuprême pour le tempoiel réfidoit dans le Corps entier des citoyens, ainfi que je 1'ai déja dit. II paroit auïïi que c£tte Dignité n'étoit pas concentrée dans Ie?  GÉNERALE DE L'ITALiË. (ff en quelques endroits a introduire une efpecè feulesViI.es de nom, car s la fin du onzieme fiecle, & même apres, on trouve qu'il eft fait mention du pofte de Confuls dans les Régiftres, & dans les Chartres des Cliateaux & des Villages ; deforte que le titre ou le nom de Conful devint fi comnmn. que tout petit Cl.atcau, Terre & Village avoit fes Communes ou fes drttU Municipaux,quoique fous la domination des Princes , foit Séculiers foit Eccléfiaftiques : tous les Chefs de ces lieux étoient nommés Consuls. Voyés encore ce que Muratori cite pour prouvef ce qu'il a écrit la defius. Au refte j'ai obfervé que dans la République de Genes, on trouvê Confulss Communes, Cor.fules Placitorum, Conjules civium & ForU tanorum. Et dans Milan, Modena, Ferrare, & en d'autres endroits , Confuks MercatuTum. Ce qui démontre clairement que les Confuls fe trouvoie.it alors non feulement a Ia tête des Gouvernemens de ces Républiques , mais encore a la tête des Communautés & des Corporations établies dans les Villes. Je dirai encore quelques mots la-deflus plus bas. En attendant il eft bon d'obferver ici, qu'outre ta Dighité dg Conful, ces Républiques, tant grandes que petites, lorfque la difcor-i de commenca a régner parmi les citoyens, par 1'efprit de cabató & par les faclious qui étoient fi communes dans ces fieclcs lel citoyens & les Confuls même fe trouvoient obligés d'élire, pouf peu de tems, une efpece de Souverain. On choifilfoit pour cela1 mie Perfonne dont la prudence étoit connue, & jouifiant d'une bon; ne rénommée. On le prenoit ordinairement. d'une Ville voifine, afin qu'il fut entiérement impartial, & qu'il put mieux par la juger des différends qui fubfiftoient parmi ceux qu'il devoit gouverner. On donna en général i. ces efpeces de Gouverneurs, ou de Sn* périeurs,le nom de Podesta; nom qui dans les Mémoires de ces temps-la fe trouve fouvent écrit, tantor au mafeul.n, & tai.töt au féminin. II ne faut pourtant pas en inférer que cette Dignité fut nouvelle, car elle étoit d'un age bien antérieur. Pliüe er) feit mention Liv. 29. Chap. 4. & il entendoit pa.-la le premief Magiftrat du Peuple. SuEtone en fait auffi mention dans U Vie de CV/ai-, & encore dans celle de Claude, Juvenal éi. psii* Ë 3  68 Chap. II. ABREGÉ DE L'HISTOIRE de Gouvernement, qui approche affez du des- auffi Set. X. yen 99- Voyés encore les autres preuves que Maïatori cite. L'EmpIoi ou I-office de Podesta, ou Potest at, ne dnfwt ordhaire.nent que 6 oü 12 mois. Alors on revenoit ift Confuls , ou bien on cboifiiTnit d'autres- Perfonnes. Et ce n'étott qu'a caufe de leur mérite bien reconnu que quelquefo.s, mais rarement.on les laiffoit plus de » mois dans cette charge éminente. La coutume ordinaire étoit d'en avoir deux, dont l'.m gouvernmt pendant les fi* premiers mois, & 1'autre les fix fuivants. On obfcrve anfll que ces fortes de Perfonnes, outre leur fagelfe reconme étoicnt déeorées de quelques marqué de dillinétion,comme du titrè de Chévalhr,^.h^ trouve-t'on bien rarement dans 1'Hötoire quelqu'un d'entre ces Poleftats qui n'ait eu quelque titre ou marqué de diftinétion. Les Hiftoiiei du XII & XIII. Siecles font remplics de ces fortes d'exemples. Car pendant la faflion des Guclphes Sc des Gibslins on eut fouvent rccours a ce moyen pour appaifer les efprits féditieux. II eft vrai qu'alors on les prenoit tantót dans I'un & tantöt dans 1'autre parti: mais du moins par cet ex;édient,on parvenoit a faire régner Ia tranquillité, paree que le parti dominant avoit le Gouvernement fuprême en main. Outre cette Dignité, il y en avoit dans ces Siecles encore d'autres, nommément celle de Capjtaine Général, c'étoit le Chef du Peuple. Celui-ci ordinairement étoit auffi un étranger & pris d'un endroit, ou d'une Ville voifine. C'étoit, pour parler le Ungage Romain. un vrai Tribun du Peuple c'cft-a-dire, un Magiftrat revêtu d'une arople autorité , pour mettre le Peuple a la. brf contre 1'infolence des Nobles & des Grands. Ceux-ci étoient de même en Pofte pendant 6 ou 12 mois. Par la fuite du tems on en élut d'autres, qui étoient proprement les Capitaines de Guerre , ou Chefs des troupes, & auxquels devoient obéir toutes les troupes de Terre & Etrangeres. Voyés encore ce que Muratori rapporte la - deffus. 11 cite même des exemples, pour faire voir que dans certaines Villes il y avoit deux Palais, dont 1'un étoit appcllé le Palals des Communes, oü demeuroit le Potest at, & 1'autre le palais du Peuple, oü réfidoit Ie Capitaine.  GÉNERALE DE L'ITALIE. 69 Mais comme nonobltant cela les Gouvernemens de ces tems-lii étoientfouvent fujets a des changemcns notables, on vit aulii btentót naitre 1'inftitutien des Prieurs & des Gonf'aiouiers, auxquels J'Eiendard du Peuple étoit confié. Les Potestats avoient aufïï auprès d'eux quelques hommes fages, pour les aflifter dans les fonftions du Gouvernement, & fans le Confeil desquels ils ne pouvoient termincr aucune affaire de quelque importance. Ceux - ci étoient nommés Cpnfiglien, Savi, 011 dnziani. Dans les endroits oii le Peuple avoit le Gouvernement en mams „ il s'élifoit en outre un Préfidcnt, aqui on donnoit le nom d'AEBÉ ou de Pere du Peuple. Cette forte de Magiflrature cut fpécialement lieu dans Gen=s & dans Plaifance. II ne faut pas publier, que dans certaines calamités on élifoit en outre une efpece de Dio tateur fous le nom de Doge, en laiffant pourtant fubfifter en tout les autres Colléges en vigueur. Outre ce qui a eu lieula-défluS pour ainfi dire de tout tems chez les Vénitiens, on en trouve des exemples chez les Génois, les Pifantins, & encore en quelque maniere chez les Florentins. Voila en abregé uneefquifle de cette efpece de Gouvernement, qui a eu lieu dans quelques Etats iibres de 1'Italic entre le XI & le XVme. fiecle : je l'ai donnée le plus fuccii.élement qu'il m'a été poffible. Ceux qui favent jufqu'a quel point le Commerce a été cultivé dans les plus grandes Villes d'Italic pendant ces quatre ficcks , trouveront fon origine dans cet cfprit de liberté qui régnoit parmi ces habitans: oü il n'y a point de liberté, le Commerce y eft nul: le defpotifme enfouit tous les talens , & coupe bras & jambes a 1'induftrie. La liberté fut donc le Berceau du Commerce des Villes d'Italie. Dès que cette liberté fe fut répandue dans plufieurs villes, il fallut, pour foutenir cette nouvelle forme de Gouvernement, 1'appuier dans fes moindres parties. On commenca donc par exciter & foutenil 1'induftrie partoute forte de moyens. On comprit très-bien que cette induftrie devoit être fondée fur le principe ou fur la baze de la Propriêté. Pour 1'affurer d'une maniere efficace , on créa les Consuls des Marchands , dont les noms font aujourd'hui fi connus , mais qui ne font maintenant, pour ainfi dire, que des efpeces de Miniftres E 3  7o Chap. II. ABREGÊ DE L'HISTOIRE potifrae (49). Elles foumirent a leurs volontés des Etats Commercans qui réfident dans des Ports de mer chez 1'Etranger. Mais dans ces anciens tems cet office étoit bien différent. Les Confuls, dans ces Villes libres & commercantes , étoient comme un Confeil toujours affemblé pour veiller ft tout ce qui concernoit le commerce, pour 1'éteudre, pour prévenir fa décadence , pour faire en conféquence les Réglemens néceffaires, Ce Confeil étoit comporé de gens tous experts & pour ainfi dire, rompus dans les affaires. La faveur n'y donnoit point d'entrée : 011 n'y voyoit point de Jeunes-gens fans expérience, & fans autre mérite qu'une puiffante proteftion.Cétoient des Négotiants qui eux-mêmes avoient. le plus grand intérêt dans les Réfolutions qu'ils formoienr. Ces Confuls étoient en conféquence revêtus d'une autorité tr èsétendue; nonfeulement ils arrangeoient les différends qui naiffoient parjni les Négociants & les Marchands , mais encore ils les décidoient, ^ proiioncoient dans certsins cas fur les Sentences des autres Juges, qui avoient quelque rapport au Commerce. Ils avoient en putre la faculté & le pouvoir de faire des Traités de Commerce avec des Peuples ou des Nations Etrangeres. Muratori donne des prcuves pour confirmer ce qu'il avance. Du Cange dans fon Gloff. en fait auffi mention , mais d'une datte poflérieurc. Muratori a donnée en preuve 1111 Aéte de 1'année 1182. pris des Arcliives de la Commune de Modcne: mais il ajoute que longtems avant, cette coutume étoit en vogue. Dans cette piecc fe trouvent les conventions faites entre les Confuls Maggtórl (.du premier rang) & les Consuls des Marchands de Modene,Sc entre les Confuls Maggioti & les Consuls des Marchands de Lucques. Je dirai dans la fuite ce qu'il faut entendre par Confuls Maggiori, qui étoient les Magiftrats fuprêmes ou du premier rang des Villes iibrcs, mais qui devoient autliorifer, approuver, & faire exécuter les Loix & les conventions que les Confuls Marchands, quoique d'un moindrc rang, faifoient avec d'autres Villes libres. On peut vpir ce que Muratori dit encore de plus la-deffus. Tous ces pbjets fe trouvent dans les XXX & XLVImes. Differtations des Antiquités d>ltalie du moyen dge. C49) Muratori Annali d'Italia T. VI, & Antiq. Ital. Meda, ®vjt W.' 45. 46» 47' 43. 49- S° & 5*'  GÉNERALE DE L'ITALIE. 71 les Nobles mêmes, qui vivoient fur leur territoire dans leurs Chateaux, ou dans leurs foi-difantes Cours proche des Villes, en les forcant de fe faire infcrire fur leurs Régiftres, non feulement comme Citoyens ou Bourgeois (50), mais encore comme membres de telle ou telle Communauté, ou Corps de Métier (51), Avant cetems-la,& fpécialement fous le régnedes Lombards, on avoit établi les Seigneurs Vijfaux (52), qui avoient unpouvoir abfolu dans leurs Chateaux & fur le pays de leur dépendance & dont le nombre s'en étoit accru infenfiblement; un chacun profitoit de tems a autre de certains evénemens qui fe préfentoient. Et les Rjis & les Empéreurs, afin d'avoir de 1'argent, accordoient largement des droits & des Priviléges, qui fouvent n'étoient point en leur pouvoir d'accorder, & augmenterent ainfi le nombre de leurs fideles f53), ou de leurs partifans. Ces Seigneurs Fajpmx étoient détachés dela Jurifdiction des Comtes des Villes: ces premiers (50) Muratori 50 & 52. (50 Wem. (52) Idem. Diff. ti. qui traite des biens Allodiaux, desVaffaux, CFaffi, Vajfalï). des Bénéfices, Feudes, Cliatelienies &c. Les Vnffaux étoient aufïï sppeV.ésfideles Voyés Ia même Differtation (53) Ufage général des Fiefs, par Brussel. T. I. p. 37 & 38. oü cette matiere fe trouve amplcmcnt cxpüquée. Voy. Efprit des Loix. Liv. XXX & XXXIme. E 4  7a Chap. II. ABREGÉ DE L'HISTOIRE étoient nommés Comtes ruftiques, ou du plat pays , & chaque Chef s'étudioit journellement a accroitre fon Domaine au dépens de celui de fon voilin (54). Parmi ces petits Seigneurs il y en avoit qui menoient une vie douce & pleine de probité, mais ce nombre n'égaloit pas ceux qui exercoient leur tyrannie , tou« jours en raifon de leur force,deleurpuiifance, ou de leur ambition (55)- On confervé dans les Archives du Chapitre des Chanoines de Modene un Sacrementaire de Saint Grégoire le Grand , écrit en gros caraóteres au IX ou Xme. fiecle. A la marge on trouve des Annotations écrites 1'an 1003. qui font connoïtre 1'antiquité de cette piece. C'eft-la qu'on lit: Mi ssa (56) contra Tyrannos, prife des Sacramentaires de l'Eglife Romaine, oü fe trouve un titre: contra Judices fiialè agentes, & Mijfa contra Obloquentes. La race de ces petits Tyrans dura pendant plufieurs fiecles. Non feulement cela eft prou- (54) Muratori Antiq. Ital. Medii /Evi. Difl*. 8 & 47. (55) Idem. 54. (56; Idem. 54. Les Etivcyis Rovaux étoient des Commiflaires euvoyés par ies Empéreurs, ou les Rois, pour préfider aux Cours de juftice. Ils avoient pendant le cours de leur Cominiiïion une autorité iüpérieure & au defius des Ducs , Marquis & Comtes, On peut lire la-deflus Ia neuvieme Difiertation, oü leurs fonétious fe «ouvent amplement détailiécs.  GÉNERALE DE L'ITALIE. 73 vé par l'Hiftoire d''Italië (57), mais encore par celle des autres Nations. II étoit affez commun parmi ces petits Tyrans d^fufciter des Guerres contreles moins puiiTants, lefquelles, outre les maux qu'elles entrainent d'ordinaire, avoient porté les chofes au point de rendre les chemins publics même peu furs, par les affaffinats qui s'y commettoient. Deforte qu'un voyageur en palfant fur leur terriioire ne fe trouvoit pas en fureté. On ne refpectoit pas même les Pélérins : plus ils étoient nobles & riches, plus il y avoit pour eux du rifque d'être arrêtés & emprifonnés (58), par 1'appas du butin qu'on s'en promettoit; car la plupart d'entr'eux étoient contraints, pour recouvrer leur Liberté, de 1'achetter au poids de 1'or. On en trouve encore un exemple frappant dans 1'année i4i4,lorfqueNicoLAsIII. Marquis d'Esta,Seigneur de Modene,de Ferrare, &c. fut arrêté & emprifonné fur fon voyage a Paris, par le Cafiellan del Monte San Michele (59). Mais reprenons les objets qui doivent nous occuper. C57) Muratori 54. Giovanni Villani Histoire de Florence, Rerum Ital. T. XIII & XIV. (58) Idem. Antiq. EJlenfe. Part. U. (§9) Idem. pag. 185. E5  74 Chap. HL DES PROFESSIONS &c. CHAPITRE III. Des Profeffions, foit particuüeres foit pubüques, en Ufage chez les Romains £f les Italiens, rélativemcnt a leur Commerce privé. J'ai déja obfervé dans le Chapitre premier, que comme le fang eft néceffaire dans le corps de 1'homme , ainfi dans le Corps politique une certaine quantité d'argent monnoye eft de même néceffaire pour faciliter la vente des marchandifes, & des productions de la terre, le payement de 1'induftrie, & pour toutes les opérations du Commerce. II eft conftant que de tems immémorial chez les Romains, ainfi que de nos jours, le commerce privé entre 1'agriculteur & le citoyen, ouhabitant desBourgs & des Villes , a eu lieu par le moyen des marchés publics (Nundince,) inftitués a cette fin de neuf a neuf jours, ou bien felon que les faifons ou les circonftances 1'exigeoient. Toujours il confte que les marchés ordinaires ou extraordinaires, qui ont eu lieu parmi les Romains & parmi d'autres peuples, font de la plus haute antiquité. Les premiers ne s'occupant quedel'Agriculture & des Armes, eurent plus qu'aucun autre peuple  CHEZ LES ROMAINS, &c 75 befoin des marchés publics, qni fouvent étoient pour eux des fêtes de réjouilTancc. C'étoit dans ces marchés que fe faifoient les échanges des fruits de la terre, contre tout ce qui étoit néceffaire en étoifes, uftenciles ou meubles travailk's par les ouvriers qui habitent ordinairement les Villes. Et c'étoit la que des agens intermédiaires devenoient d'une néccflité abfolue. Ces agens étoient au commencement des efpeces de Caiffiers, ou Courtiers, qui dans ces anciens tems devinrent des Commiffionaires, & tenoient en outre des Régiftres , oü on écrivoit les noms de tous ceux quis'adreffoient u eux, tenoient de certains livres de Compte, & qui en même-tems annotoient tout ce qui fe palfoit de quelque confidération dans le marché, ou a la place publique, rélativement aux achats, ventes, ou échanges (1). Vraifemblablement qu'enfuite le Magiftrat aura donné fa fanction a cette pratique, d'autant plus néceffaire chez les Romains, que dans leur origine, ils ne connoiffoient pour monnoie que le cuivre brut ou en maffe. Or les particuliers qui habitoient la campagne, qui ne s'occupoient qu'a 1'agriculture, &quivivoient avec leur familie des fruits qu'ils tiroient de la terre, (O V. le Diclionnaire de Pitifcuj, au mot Nummulari. &c.  76 Chap. UI. DES PROFESSIONS &c: auroient dó., fans le moyen de ces agens, conduire avec eux en venant au marché une charette chargée d'airain pour faire les payemens des acliats qu'ils faifoient, ou pour rapporter chez eux le prix de ce qu'ils avoient vendu du produit de leurs terres. En voila affez pour faire fentir comment les Romains eurent befoin dans cet ancien tems, d'admettre des hommes publics qui exercaffent la profeffion de Caiffiers, & qui tinffent les Régiftres du trafic qui fe faifoit entre le Citoyen & 1'habitant de la Campagne. Venons a des tems poftérieurs: a. mefure que les efpeces d'argent & d'or furent introduites parmi les Romains, famour pour les richeffes augmenta ; car cette paffion eft innée dans rhomme civilifé. Dès que 1'argent & 1'or font reeus parmi les hommes comme Marchandifes, ces métaux deviennent eux-mêmes un objet d'achat & de vente. Leur prix varie felon certaines circonftances. On feait a quel point le prêt d'argent a ufure fut porté a Rome dans les commencements, & les révolutions que ces ufures cauferent dans leur Gouvernement. Avec le tems on établit dans les principaux endroits de Vltalie ce qu'on nommoit Nummularii , Argentarii , Lavibiatores ou Campfores, & auffi les Collybijlce & les  CrIEZ LES ROMAINS, &c. 77 Trapezitee (2). Ces différens noms fignifioient Jes Profeffions des perfonnes qui échangeoient ou trafiquoient les efpeces d'or & d'argent, ou la monnoie de cuivre qui avoit cours alors foit chez les Romains, foit chez 1'Etranger, & qui par le moyen de ce trafic, faifoient un gain trés confidérable: ce gain confiftoit en général dans 1'échange, ou dans le prêt, foit fimple ou fur gage, ou en fe répofant fur la bonne-foi de celui a qui on le prêtoit. S'il m'eft permis de dire mes conjeélures fur 1'origine de ces Profeffions, je penfe qu'elles ont été établies fucceffivement, & a mefure du progrès qu'on faifoit dans les Arts & dans le Commerce. Les Nummularii ont été probablement ceux qui dans les premiers tems de la Monarchie Romaine fe méloient de tailler grofficrement le cuivre en maffe, & qu'on donnoit au poids. Car on fait que les Romains ont été un certain tems fans avoir d'autre monnoie que le cuivre brut, fans aucune empreinte fixéepar le Gouvernement (3). Vraifemblablement que pour lors chaque particulier de fa propre auto- O) Scacchs in Traét. de Comm. p. 103. No. 10. &c. La République Romaine de Beaufort. T. II. p. 138. (55 JBounroue. p. 72. Mceurs & Ufages des Rom. iib. 5. Cap. I. p. 3.  78 Chap. III. DES PROFESSIONS &c. rité avoit le droit de préparer ces morceaux bruts: qu'ils y mirent enfin leur marqué propre, & que cela fervit dans le befoin de gage intermédiaire. Nu ma fit tailler grofliérement des morceaux de cuivre a des poids fixes, fans aucune marqué. On les nommoit /Js rude, cette monnoie, toute groffiere qu'elle étoit, eut cours pendant cent trente fept ans. Ce même Numa établit encore le corps & la Compagnie des Batteurs d'airain (4).Infenfiblement&amefure qu'on marqua ces pieces, 1'autorité publique y fera de plus en plus interventie (5). Ce qu'il y a de certain, c'eft que dans les tems poftérieurs les Nummularii ,011 /irgcntarii, avoient leurs tables,leur Bureaux ou Boutiques dans la grande place (6). Que lts Nummularii & les Argentarii, qui fouvent fe trouvent confondus enfemble, fuffent des profeffions différentes, cela eft prouvé par ce que Muratori en dit (7), en nous donnant les Infcriptions qui fe trouvent dars Fabretti. Chap. 9. pag. 648. L. Sueftilius Argentarius ah feix (4) BauUrous. p. 72 & 73. Pli"- L. 33- C 3« (5) Idem. Plin. Liv. 3 4- C. 1. Beaufort. T. t. p. 387- &c. (6) Tarquin Panden établit des boutiques ou Bureaux dans la grande place publique. Livius L. 1. C. 35. Denis d'Halicarnafl'e & Beaufort. t. II. p. 138. (7) Muratori. Ant. Ital. Med. /Evi. Diff. 16. — p. 887.  CHEZ LES ROMAINS, &c. 79 aries fibi, & L. Suefiilio Lceto nmnmulario ab feix aries. Ce qui veut dire: „ L. Sueftilius Argentarius des fix marchés „ (8), pour lui & pour L. Sueftilius Nummula„ rius&c." Ces deux noms Nummularius & Argentarius défignoient donc des profeffions différentes. Auffi il paroit certain, felon Muratori, que les Nummularii étoient ceux qui examinoient fi les efpeces étoient d'un bon titre & d'un poids jufte. Auffi felon lui, Reinifius croit même qu'ils formoient entr'eux une efpece de Communauté: mais le même Muratori donne fes doutes fur le mot dont le premier le fait dérivcr (9). Toujours il femble que les Savans modemes, plus au fait que moi des Antiquités Romaines, entendent par Nummularius, un connoilTeur proprement dit en efpeces, & qui en même-tems faifoit auffi a Rome le métier de changeur. U tenoit fon Comptoir (je dirois plutöt fa Boutique) fur la place. Ces Boutiques étoient distinguées par des fortes d'enfeignes, ou par de certaines marqués (10). Pitiscus dans fon Didtionnaire au mot (8) Ce qui naroit avoir été 1'endroit ou étoit fa loutique. (o") Muratori. p. 887. C10) Idem.  8o Chap. III. DES PROFESSIONS &c. Nummularii, dit que c'étoient des particuliers, qui en qualité de connoiffeurs des efpeces, fréquentoient les marchés publics Probablement fur le pied que cela fe pratique aujourd'hui dans 1'Empire de la Chine (n). C'étoit un Nummularius, continue Fitifcus, qui changeoit de la petite monnoie pour des grolTes pieces. V. Pomp L. 9. ff. de Edendo. Ils étoient auffi Effayeurs des efpeces. L. 39. ff. de folut. öf liber. Le Préfet de la ville devoit veiller a ce que les Nummularii fe conduififftnt avec fidélité fur tout ce qui faifoit 1'objet de leur profeffion. Les Argentum, a ce qui me femble, ne furent établis que lorfque les Romains eurent 1'ufage de 1'argent, & lorfque ce métal & 1'or y devinrent univerfellement connus. 11 eft vraifemblable que dans leur origine ils n'ont été que des fabriqueurs de vafes d'argent, ou d'autres pieces pour fervir de meubles, d'ornemens ou de parures, comme chaines d'argent & d'or,des bagues &c, & qu'ils étoient uniquement ce que nous nommons aujourd'hui Orfevres ; il paroit qu'ils ont eu des Boutiques, ou une forte' de Caiffes de parade, pour expofer au public ou aux paffans ce qu'ils avoient a vendre. Ci O Voyés la Note 11. du Cliap. I.  CHEZ LES ROMAINS, &c 81 vendre. Peut-êtrc encore que les pierres prétieufes & les bijouteries faifoient auffi une des branches de leur commerce. L. Tarquinus Prifcus permït aux Argentarii de conftruire a 1'entour du marché, oude la place publique, des efpeces de galleries,auxquellesétoient attachées leurs boutiques (Tabernce),&. oü ils avoient leur banc ou table; ces boutiques étoient placées au marché proche du Temple de Caftor (12). II n'eft pas douteux qu'a mefure que les Romains firent des conquètes, 1'aifance & la prospérité parmi le public accrurent confidérablement. Ainfi ces Argentarii devinrent infenfiblement Orfévres, Jouailliers, Caiffiers, & enfin préteurs d'argent & ufuriers. Budeus, le Pere des Auteurs modernes qui ont écrit fur les monnoies des anciens, dit auffi par rapport a eux , qu'ils prirent leur boutique a louage du public fur la place (13). Quoiqu'il en foit, il eft inconteftable qu'ils faifoient profeffion de donner & de recevoir de 1'argent a ufure. Peau te in AJinaria dit : „ Pen- (12) Pitiscus au mot Argentarii. Budeus in Pandeéhs. p. 120. Plautus in Perfa. &c. (13) Budeus Ibidem. Scaccia; in TraeT:. de Comm. p. 103. n. 10. &c. isès Argentarii par b fuite du tems eurent fous eux de» efpeces de Commjs nommés Cuaïïorcs. F  82 Chap. III. DES PROFESSIONS, &c. .,, dant quatre jours j'ai été occupé fur lc mar„ ché a chercher queJqu'un qui prit mou ar„ gent a ufure." C'étoit un ufage trés commun chez les Romains de préter de 1'argent, ce qui caufa fouvent parmi eux des féditions parmi le peuple. Ils mettoient une grande différence entre les noms d'Ufura.& de Fccnusite premier défignoit ce que nous nommons préter a intérêt, & le fecond a ufure. Les Argentarii , qui paroiffent fi fouvent dans les Infcriptions, & dans d'autres monuments des Romains, fignifioient non feulement ee que nous nommons aujourd'hui Orfévres, mais encore ceux qui prétoient de 1'argent en efpeces. Ils foqt nommés dans les Loix. 4. ff. de Edendo: Argentaria menfce e%ercitores. On a leurs noms dans d'autres Lok (14"). Dans la Novelle 131. de Juftinien il eft dit: Argentarios mv.tuam pccuniam dare. Reinelius croit que les Argentarii étoient feulement ceux qui fabriquoient des vafes d'argent. Guthekus fe trompe: auffi. Lib. 3. Cap. 22. De Ome. Dom. Aug. lorfque dans le L. 27. du Cod. de pignorib. Argentï difiractores , il penfe que c'étoit des ouvriers qui fondoient 1'argent en lamieres & en fils. Mais il eft évident qu'on (14) Godefr. Codex. Tbeod. Pitifciis & Muratori.  CHEZ LES ROMAINS, Sec. 83 y parle de préteurs d'argent en efpeces monnöyées. Et Ia preuve que ces Argentarii étoient des Négociants,& non des fabricatéur» d'argent, fe trouve-dans Ia loi Cod. ne Nego* tiatares. Or ce font ces préteurs d'argent qtit avec Ie tems furent nommés en Italië Camp/a* res, Sc qu'on nomme aujourd'hui Banchicri, Sc en France Changeurs (15). Mais il femble' que Muratori fe trpmpe, en croyant que' ces Banclüerï étoient ceux qui prétoient de 1'argent a ufure. On obferve auffi dans les Comédies de Plaute,que les Argentarii étoientproprementceux' qui adminifiroient les affaires des perfonnes-' de la Campagne, Sc de celles qui venoient faireT commerce dans les villes & aux marchés. II y avoit dans chaque ville un peu confidérable1 une Compagnie de changeurs & de préteurs, qui tenoient leur Comptoir dans Ia place publique ; on y alloit dépofer fon, argent pour le' faire valoir; on s'adreflbit a eux pour en emprunter a ufure, Sc dès qu'ils avoient écrit fur leurs Livres le nom dé quélqu'un, cela valoit une obligation', leur Régiflre faifoit foi en juft> ce (16). , . (15) M u ratori.' p. §80. öcc. (jö) Pitifcus, Si Plaute dans fa Perfane & dans Tori Ciirctilön* F i  84 Chap. III. DES PROFESSIONS &c. 11 faut que tant que ces Argentarii en agirent avec modérationdans leurs entreprifes, ils aient joui de beaucoup de confidération, & d'une affez bonne réputation.L'ayeul d'Augufte avoit été Argentarius (17)- Auffi il paroit qu'a Rome cette Profeflion fe trouvoit entre les mains de gens prefque tous riches (18). ^ Mais comme le plus fouvent ils prenoient un intérêt trop fort fur 1'argent, cette profeflion devint felon les circonftances trés odieufe, furtout parmi le peuple (19). Soit par trop d'avidité , foit par des confiances trop légeres, il y en eut parmi eux qui fe firent une mauvaife réputation dans le public. On en trouve des traces dans le Curculon de Pl au te. II y avoit auffi des Argentarii qui étoient proprement au fervice du Gouvernement; c'étoit donc pour eux un emploi public, equivalent, felon les apparcnces, a ce qu'on nomme chez nous CaiJJler de la Cour. Voyés la-deffus les Infcriptions & autres monumens dignes de foi (20). Les Argentarii en général étoient donc proprement des Caiffiers publics, & qui en même- (17) Pitifcus. & Suetone dans la vie d'Augufte. (18) Pitifcus. C.19) Idem. Ciceron de Offic. L. i. Ch. 4». (20) Muratori. p. 884.  CHEZ LES ROMAINS, &c. 85 tems faifoient les grandes affaires des particuliers, tant pour percevoir leurs rentes, que pour faire leurs payemens, ainfi que cela a encore lieu dans les grandes villes, par exemple a Conjlantlnople & a Londres. Je nomme ces deux endroits, paree que les Caiffiers y font diflingués de ce que nous entendons aujourd'hui par Banquiers, c'eft-a-dire, ceux qui font des affaires avec 1'Etranger. II faut bien faire cette diftinétion, paree que noscoutumes font bien changées, quant au nom, mais le fond de la chofe exifte toujours. La preuve s'en trouve dans 1'Infcription qu'on lit dans Reinefius , & rapportée par Muratori: Ouintius Aufidius menfarius tabernce Argentarics ad fcutum cimbricum, (ce qui défigne 1'enfeigne de fa boutique, k YEcu cimbrique) cum magna vi ceris alicni cejfitforo. C'eft-a-dire, a quitté le marché avec beaucoup d'argent, ou en d'autres termes, a fait une banqueroute frauduleufe (21). Outre les Argentarii il y avoit encore les Collectant , qui me paroiffent encore avoir été distingués des premiers,quoiquefouvent ilsfoient auffi confondus avec ceux de Ia même profesfion. De ceux-ci il y en avoit a Rome un (21) Muratori. pag. 886 & 887. F 3  8(5 Chap. III. DES PROFESSIONS &c. certain nombre, qui écoient obligés de vendre les Solidis d'or a un certain prix, fixé par le Gouvernement (22). Les Collybijlce, Campfores ou Cambiatores, font donc d'une origine plus moderne, & mon idéé eft fondée fur ce que Scacc'iae a écrit fur cette matiere a la page 103. de fon Traité de Commerce. Probablement que ces noms n'eurent lieu qu'aprés le X & XIme. Siecles, lorfque YEurepe commenca de nouveau a fortir plus. ou moins des ténébres oü elle avoit été plongée; & cela par le commerce des Italiens, enfuite par la liberté de leurs villes, & par les voyages des Croizés a la Terre Sainte. Comme pendant mes Recherches il s'eft préfenté un monument affez curieux, je crois faire plaifir de le rapporter ici. On trouve au Portail de 1'Eglife Cathédrale de Lucques une pierre, ou un monument, oü fe trouve gravée la teneur du ferment que les perfonnes qui venoient a la foire de St. Martin, Patron de la ditte ville, devoient préter. Voici ce qui fe trouve fur ce monument traduit du Latin:„Pour en conferver la mémoire, &pour „ le maintien de la bonne juftice, nous avons (22) Gothef. in CoU. Theod. T. 3. p. 403.  CHEZ LES ROMAINS, &c. 8? „ fait éerire ce ferment, lequel tous les Chan,, geurs & Marchands Boutiquiers ou Brocan„ teurs ont fait du tems de 1'Evéque Rangeriy ,, afin qu'un chacun puiffe échanger & vendre „ avec confiance. Tous les Changeurs & autres ■ „ boutiquiers ent donc fuif ferment, qu'a com„ meneer du moment qu'ils. prennent leurs „ places au parvis.de St. Martin, &z dans les „ maifons oü les Marchands fe trouvent lo„ ges , ils n'uferont d'aucune trompérie ou fuperchérie, Ce ferment a été fait par ceux „ qui font le metier de Changeurs d'efpeces. „ En outre, ceux qui fe trouvent de garde au parvis , doivent non feulement avoir foin „ que le bon ordre y foit maintenu, mais font „ en outre chargés de faire bonifier & réparer ,, le tort qu'on aura fait. L'an de notre Sei,, gncur MCXI. Que celui donc qui vient „ ici life cette formule, y ait confiance, & „ ne craigne rien pour lui (23)." Quant aux Trapézites, on n'en trouve aucun e mention dans 1'Ouvrage de Samuel Pitiscus; je foupconne que le nom de cette profeffion eft le plus moderne de ceux qui fe font mélés du prêt a ufure en Italië, & que ce font de ces Trapézites que par fuccefïion font .forties nos petites banques d'emprunt, (23) Muratori. T. n. p. 882. F 4  S8 Chap. III. DES PROFESSIONS &c. qui n'étoient' autrefois que de ilmples Lombards , comme encore ils en dépendent dans notre ville d'Amfierdam. Nous indiquerons au Chap. VIT1"-' dans quels endroits les premiers Comptoirs de ces üfüriers eé profejfo ont été originairement établis dans ce Pays. Avant de quitter cet article,je préviens qu'il eft alfez connu que les Trapézites ont eu lieu chez les Grecs, & en particulier chez les Athéniens : ce n'eft donc qu'après bien des fiecles que le nom de cette profeffion fut connu chez les Italiens. Ceux qui défirent étudier encore plus pronfondément cette matiere, peuvent confulter ladeffus les Auteurs Grecs & Romains, furtout les anciens monumens & les Loix, & auffi le Gloff. de duCange. Aurefte, je renvoi le Le&eur fur 1'article des Banquiers & des Changeurs a ce que j'ai déja dit la-deffus dans ma première Partie.  DES LOMBARDS &c. 1$ CHAPITRE IV. Des Préteurs a Ufure, connus fous les noms de Lombards <^ de Caorfini. A pres 1'an 1100. (dit Muratori,) la plupart des Villes d'Italië , nommément de la Lombardie , de la Tofcane (1) & du Pays de Genes, s'étoient dcja érigées en Républiques : leurs citoyens s'appliquerent non feulement a augmenter la puhTance de leur Patrie , mais encore ils eurent foin d'affermir leurdroit municipal, & d'augmenter par ces moyens leur fortune. Plufieurs arts trés utiles s'introduifirent facilement parmi eux, & on y faifoit un grand Commerce par mer & par terre (2). Les Vénitiens, les Génois & les Pifantins s'y diftinguerent par delfus les autres. Ceux qui excelloient en intelligence & en induftrie ne perdoient pas inutilement leur tems. De la proportion de leur activité il en réfulta de la gloire pour ceux qui fe trouvoient a.la tête de 1'adminiftration publique, & des profits conlidérables pour les particuliers. Les Tofcans, & furtout les Florentins, ne Ie CO Muratori. Antiq. Ital. Medii /Evi. Difi". XVI. (3) Idem* F S  po Chap. IV. DES LOMBARDS, cédoient a aucun de ceux qui fe méloient du commerce; les habitans de ces deux Villes paroiffent avoir eu le tact le plus fin pour tirer parti de cette efpece de Commerce (3) , que nous nommons aujourcf'hui Commerce d'Economie. Ils étoient outre cela fort laborieux , & dispofés a quitter s'il le falloit leur Patrie, pour aller s'établir chez 1'Etranger. Auffi, non contents des profits qu'ils firent chez eux par les Arts, les Fabriques ou les Manufactures qu'ils y avoient établies , ils fe tranfporterent hors de Vltalie , & formerent partout des Etabliffemens par forme de Corrfp'toirs, de Facteurs ou de Correfpondants, dont les Chéfs de ces Maifons de Négoce demeuroient a Florence. Ce font eux qui les premiers fe font mék's de faire paffer hors de Vltalie le trafic de préter de 1'argent a ufure ou a gros intérêt. Le profit que cela donna au XI. XII & XIIImcs. Siecles, & encore plus tard, ainfi que nous le verrons plus bas, étoit trop amorcant pour ne pas y donner tête baiffée. Le grand befoin d'argent parmi les Croizés pour poufler kurs entreprifes, fit réfoudre les Négociants (3) Muratori & Dclla Decima &c.  ET.CAORSIJNTS. 9, Italiens de forraer, par préférence a d'autres Pays, des éiablilTemens en Flandre, en France & en Angleterre, principalcment dans ces deux derniers Royaumes, oü il paroit que les Italiens, & furtout les Florcntins, s'établirent plutöt qu'aiileurs, pour y pouffer le trafic d'ufure. Auffi les derniers étoient-ils plus au fait du Négoce des Efpeces, & par conféquent ceux qui entendoient le mieux la fabrique de la Monnoie. Ils étoient prefque toujours employés par la Cour de Rome a la Cour de France, a Londres & ailleurs, pour fairepaffer les efpeces que le S. Siége tiroit pour lors de tous les pays. Ayaht par ce moyen trouvé entrée parmi les Perfonnes du plus haut rang, ils étoient toujours confultés par les gens en place fur tout ce qui avoit du rapport aux finances (4). (4) Muratori rapporte un recu de la part du Pape, oii on lit: „ Gregoire IX. Serviteur des Serviteurs dcDiE u,S tous ceux ,, qui verront ces prérentes , falut: nous leur dounons notre Bé„ nédiétion Apoftolique: nous voulons qu'a vous tous il foit connu, „ que toute efpece de comptes ont été liquidés entre notre Cliam,, bre & notre bien aimé fils /Ingtlirum Svlaficnm , ci-devant notre ., Changeur, & fes Atfociés Marchands a Sienne-, &.c. En 1302. Ou vit jouir d'une grande faveur auprès de Philippe le Bel les Mufciati Florentins, qui avoient confeiilé au Monarque d'affoiblir les monnoies: Voyés Tom. I. Seconde Partie p. 185. de mes Recherches. Sous Eilouard I. Roi d'Angleterre Fnfiobaldi fut mandé de Florence pour mettre la Monnoie a Londres fur un bon pied: auffi y fut-il fait Diic-cleur de la Monnoie.  P2 Chap. IV. DES LOMBARDS,. On ne fe tromp e donc pas, ace qu'il me femble, lorfqu'on dit que les habitans de plufieurs Villes de la Lombardie Sc de la Tofcane, furtout de Milan, de Lucques & de Florence, durent a cette efpece de commerce 1'exttnüon de cette Puiffance, a laquelle ils parvinrent au XII & XIIIn,es. Siecles. Mais parmi eux les Florentins fe font les plus diftingués; ce qui ne woit pas trop fiirprendre, fi on confidére qu'outre ce trafic d'ufure, ils avoient des Manufaclures trés riches & trés confidérables; car non feulement ils faifoient négoce enDraps de France Sc de Flandre, &c. mais encore ils en fabriquoient chez eux avec lés laines qu'ils tiroient de 1' Angleterre , & probablemcnt auffi de YEfpagne Sc du Levant. Et en outre, ils avoient encore d'autres Manufaótures d'Etoffes de toute efpece, même en foye, qui paffoient enfuite dans le Levant & ailleurs (5). Les Florentins ont eu en ferme les Monnoies de plufieurs Etats: >, Naples le Mégociant noramé Perugia avoit affermé la Monnoie. En 1447. on trouvoit même a Rome comme Direéleur de la Monnoie un nottimé Ftancefco Mariana Florentin. Voyés fur ces objets Della Dtcima fiecle cette République employa dans le Commerce 45 Galeres grandes & petites , fur Iefquelles fe trouvoient 11000 Matelots.  ET CAORSINS. 9J faits rélativement a 1'accroiiTement de la Puisfance, de la progreffion du Commerce & de 1'indufr.rie des Florentins. Cela feroit tout auffi curieux pour la poftérité qu'une Hiftoire Philofophique du Commerce des Européens dans les deux Indes: du moins a ce qu'il me femble, elle contiendroit des événemens, qui fondés fur des réalités, répandroient des lumieres fur Je commerce acluel. Car dans ce fiecle, oü. les Romans font fi fort a la mode & en vogue, je me défie de tout écrivain qui ne cite pas fes garants. Mais comme cette feconde Partie deviendroit paria trop volumineufe, jeréferve cette hiftoire a une autre occafion. Je vais maintenant reprendre ce qui a un rapport direct a 1'origine des EtablilTemens des Lombards en général. Le trafic qu'on faifoit par les prèts k ufure, & celui qui provenoit des Manufacïures & Les Vénitiens avoient outre cela 3000 Batimeuts du port de 10 h 200 Tonneaux, fur lefquels étoient employés 17000 Matelots, & encore 300 gros Vaiffeaux Marchands, rnontés de 8000 gens de mer: ainfi en tout 3345 Batimcns, rnontés par 36000 Matelots. On ffait outre cela que tous les ans, plufieurs Villes de la Lomlardie énvoyoient a Vénife pour la valeur de 900 mille Séquins en étoffes de laine, & qu'on y vendoit en Marchandifes pour 3 Millions & 900 mille Séquins. Et qu'annuellement ils faifoient chez PEtrafiger un Commerce d'environ dix millions de Séquins, ce qui fait 55 Millions de nos florins aétuels. Voyés Della Deama, T. II. p. 7. '&c. & Della monete di C. Carli. Tom. III, pa" 30. G 2  ioo Chap. IV. DES LOMBARDS, des autres Arts, étoient le plus a portée pour ceux qui fe trouvoient établis dans les Villes fiCüées dans 1'intérieur des terres d'Italië. Auffi, outre les Villes de ia baffe Lombar die, (fous lequel nom la Tofcane fe trouve diftinguée dans une Carte Géographique du moyen êge (18),) ü y avoit les Villes de la haute Lombar die, (Neujlrie ou Lombar die), Genes & Vénife: on y voyoit encore nommément, Milan, Afla , Plaifar.ce , Florence, Sienne, Lucques, Pijloie, Bologne, Albez, fife. Les petites guerres que les Villes (Vltalie fe firent entr'elles dans le XI. XII & XIIIme. Siecles, & même dans la fuite, donnoientoccafion aux citoyens des dittes Villes de donner chez eux, auffi bien qu'ailleurs, de 1'emploi a leur argent, ou de le faire valoir dans le Commerce. Car par le moyen de leur induflrie, 8c par les voyages des Croizés, qui la plupart s'embarquerent dans des PortsdelaMéditerrannée (19), 8c par la vie frugale qu'ils menoient alors, ils amaflerent infenfiblement beaucoup d'argent en efpeces ; & lorfqu'ils en manquoient, il y avoit d'autres perfonnes, foit Eccléfiaftiques, ou autres, qui leur prétoient de (i3) Rer. Ital. de Muratori. Tom. X. (iy; idem. & les Annalss a'ltalie ii Muratori. T. VJ & VII.  ET C A O R S I N S. 101 1'argent a un intérêt plus modiqueque les Lombards n'avoient coutume d'en exiger. J'ai trouvé, entr'autres, que dans 1'année 1124. des préteurs d'argent de Florence donnerent a Aldovrandino Marquis d'Efte, pour foutenir le parti cl'Innocent III. une forte fomme d'argent, fous 1'hypothèque de tous fes biens Allodiaux, & fur ceux de fon propre Frere Azzo VII (20). Dans 1'année i2ó"o. les Salembini, Marchands demcurantdans Florence, préterent a la Ville de Sienne 20 mille florins d'or (21). Dans le befoin plufieurs Seigneurs & Villes auront eu recours aux mêmes emprunts. Probablement qu'a Milan ces exemples n'auront pas été rares, car cette Ville fut toujours enveloppée dans toutes ces Guerres de factions. J'ai dcja dit que dans toutes ces Villes il y avoit une efpece de Gouvernement Républicain & régulier. Les Citoyens ayant f911 fe procurer des Loix Municipales, & beaucoup de Priviléges, avoient établi,pour foutenir ce qu'ils avoient commencé, leurs Magiflrats non feulement Supérieurs (Maggiori), mais encore des Magiflrats fubalternes (Minori), généralement connus fous les noms de Consuls. Ces derniers fe trouvoient donc a la tête des Com- (20) Della Decima &c. p. 129. & Annali d'Italia. T. VII. (at) Idem. G 3  los Chap. IV. DES LOMBARDS, munautés des Villes, car ces Cpmmunautés doivent être ici diftinguées de ce qu'on appelloit dans quelques Villes la Commune Jizzj: une Communauté étoit proprement une certaine Claffe de Citoyens; & parmi ces diverfes Communautés a Florence, après celle des Marchands de Draps (f d'Etoffes , lüivoit celle des Changeurs , des préteurs &c. mais celle des Juges & des Notaires étoit la première, ou tenoit le premier rang. Chaque Communauté avoit fon Consul, ou fes Consuls & Doyens (23), qui comme Répréfentans des différentes Gaffes du (22) Les Communes font ce que nous appel'ons aujourd'hui Gemeente , ou Corps de Ville, & dans celles-ci réfidoient alors proprement Ia Puiffance du Gouvernement; car elles élifoient leurs Doyens répréfentans, ou leurs Confuls. Voyés ce que nous avons dit la-ddfus au Chap. II. (23) D'.lla Decima &c. dit p. 10. & fuivantes: A Florence Ie Peuple Pvpnlo Gratfa*) étoit dans fon origine divifé en fept Claffes (Aiti) ou Conimunautés. Dans la première étoient compris les Juges, ou Jurifconfultes, & les Notaires. Dans la feconde les Marchands , (di Calimala, tli Panni Francesca); venoient enfuite les changeurs , & ainfi de fuite on voyoit-les Claffes des travailleurs en Laines, des Médtdns, des Ouvriers en foyes (Sctajolfy des Eiocamcurs [Merciaij, & endernier lieu celle des Pelliciers. Chaque Clafle élifoit les perfonnes qui devOient avoir part au Gouvei nement, aux places d'honneur & aux pofles lucratifs. On concoit que 1'mfluence des Négociants fur le peuple devoit être confidérabie.a caufe du travail qu'ils procuroient aux Artifans, & des richeffes qu'ils accumuloient; auffi c'étoient proprement eux, qui paï le moyen du peuple gouvernoient Ia Ville & diétoient ks Loi\ &c. Dans la fuite au lieu de ltpt Claffes d'Arts, le nombre en fut porté r- quatorze, & même après a vingt un.  ET C A O R S I N S. 103 Peuple, fous l'approbation. des Confuls fupé-, rieurs, faifoient des Alliances & des Conventions ou Traités avec les Villes voifines, ou avec les Etats & les Royauraes Etrangers, & fcurent par cette conduite fe faire refpeéter des Princes & des Monarques hors de Vltalie. Auffi on obferve par le Traité que les Villes de la Lombardie, de la Tofcane &c. firent en 1278. avec le Roi de France,que les Villes de Genes, Vénife, Plaifance, Lucques, Bologne , Pifioie , Aftce , Albce, Florence, Sienne 6f Milan, étoient pour leurs intéréts refpeclifs toutes réunies fous un feul Chef , lequcl fe nommoit Fulcone Cacius, citoyen dela Ville de Plaifance, Chef ou Capitaine Général de la Société des Marchands de la Lombardie & de Ia Tofcane , lcquel conclut & figna le Traité, comme ayant pouvoir & s'y trouvant fpécialement autorifé de la part des Consuls Marchands, Romains, Génois, Véniticns, en un mot au nom des Villes ci- defius mentionnées (24). Par ce Traité , il fut conditionné que les Citoyens des dittes Villes pourroient s'établir a Nismes &c. y jouir des mèmes prérogatives que chez eux, ainfi qu'a Montpellier &c: {24) Muratori. Diff. XVI. & du Émjge. Glofïar. aux mots. Ufurarii, Fosntratores, Foeneraiius, Lonaobardi ou Lombard). G i  io4 Chap. IV. DES LOMBARDS, qu'ils y pourroient avoir a eux leur Capitaine ou Chef & Consuls, ainfi qu'ils étoient accoutumés d'avoir fur les Foires en Champagne, oü ils avoient le privilege d'élire parmi eux leurs propres Juges, & de faire justice felon les Loix de leur Pays ou Patrie &c. On peut voir ce que du Cange dit la-delTus dans fon Glelfaire au mot Longobardi, & Muratori dans fa XVI. Dilfertation des Antiq. Ital. Medii JEvi. — Mais furtout il leur étoit nommément accordé de pouvoir exercer librement leurs profeffions d'Ufuriers. Muratori fait Ik - defius une réflexion bien jufte: voila, dit-il, comment ces fangfues fcurent s'unir adroitement entr'elles pour leur avantage (25). A préfent il mé refte encore a entrer dans quelque détail fur le mot Caorcini, dont du Cange fait aufli mention. II veut que ce mot dérive d'un nom de familie Italiennennais il paroit que lui,& d'autres Ecrivains célebres d'; prés lui, felon Muratori, fe font trompés; & c'eft a caufe de cela que je placerai ici ce qu'il a dit la-deflus. ,, Ce n'étoit pas feulement les Italiens qui „ exercoicnt le vüain métier d'Ufurier, mais „ les Francois firent la même chofe, & peutCis) Muratori Slc. Diff. xvi.  ET C A O R S I N S. i to5 „ être encore pire, furtout ceux de la Ville „ de Cahors. Ainfi ce furent ces habitans de „ Cahors, & non pas les Icaliens, qui furent „ appelles Caorcini." C'eft donc, felon Muratori, une erreur de cfoire que ce mot ait eu pour óJigme cëlüi de la noble Maifon des Corfini, Wbicniim Je naiffance: Corfino felon eux feroit donc cfearigé en Coarfino. II eft cependant certain que les Corfini,ainfi que d'autres families noblesde^/omz^s'appliquerent au Négoce: & on fait que dans 1'année 1342. ils firent Banco-fallito, ou Banqueroute. Mais ce n'eft ni deux ni de tant d'autres Florentins encore plus riches qu'euy qu'on derive ce nom, pour défigner tous les Mar' chands préteurs de la Tofcane de la Lombardie, ou encore de toute Vltalie & de Ia France. Mais la véritc eft, que les citoyensMarchands I de Cahors furent nommés Coarcinï; car ce fut dans cette Ville plus qu'ailleurs que ce tralie de préter a ufure dans ces fiecl.-s étoit en vogue, au point que Dante dans fon XI. Chant de Vtnfer, en fulminant contre les ufuriers compare ceux de Cahors aux habitans de SodomL Cahors eft nommé en Italien Caorfa P0Ur preuve encore, voyés ce que Bencvenuto d'Il mola k écrit a 1'an 1380. Caorfa, id eft, U/u-  £o6" Chap. IV. DES LOMBARDS, rarios ; Carturghim enim Civitas in Gallia, in *M qiiaji omnes funt fceneratores. II y dit f..nt, paree que cette pefte duroit encore de fes jours (26). Du Cange fait de même mention d'un Edit de Charles II. Roi de Naples Comte de Provence &c. par lcquel il chaffe de tous fes Domaines les Caturcinos Ufurarios. Et felon Muratori, Philippe Roi de France, en 1220. donne a entendre dans fon Privilege , que les Citoyens de la Ville de Caën en Normandie s'appliquoient auffi a ce trafic infame, en difant: Conceffimus Burgenfibus nojlris de Cadomo refidentibus in Villa Cadomi, quod nee eos, nee uxores, nee hceredes eorum capiemus ad occafioncm de Ufura in morte eorum. Deforte que ce ne fut pas feulement en Italië, mais encore dans d'autres pays, qu'on feut profiter des befoins ou de la ftüpidité des hommes (27). Muratori ajoute: il faut attribuer a ce que je dis, c'eft-a-dire, a la maniere dont ces gens en agiffoient contre les Loix de Dieu, 1'horreur qu'on avoit d'eux, car le préjudice qu'ils caufoient au public & aux particuliers furpalTe 1'imagination. Par tout ces Ufuriers étoient en abomination. • Dans 1'année 1106. EdouardI. Roi (a<5) Muratori &c. Diff. XVI. p=£. 391. (27) Idem.  ET CAORSlJfS. 107 d''Angleterre défendit aux Ufuriers de refter / dans fon Royamne (28). II eft donc probable qu'il eft ici queftion d'Ufuriers ^traagers. On lic auffi dans Mathieu Paris, dans fon Hiftoire d''Angleterre a 1'année 1235. „De njs „ jours lapefte terrible des Cuorfmi (c'eft-a-dire „ des Ufuriers Francois (29),) s'e.1 teil m g „ répandue, que pour ahd direperfonnen. s n „ eft pu préferver." II rapporte comment ces Ufuriers contraignoient leurs débiteursaup yer mentj&comment, après que 1'Evê que de £0.»^ es les eut excommuniés, ils fcurent adroiteiaient fe procurer des protecbions a la Cour de'j&mt, enforte qu'ils fe mocquerent de toutes jes pour fuites qui eurent lieu contr'eux Le aiêrne His torien écrit a 1'an 1240. que Eear HL R01 d'Angleterre, Caorcinis, preecipuè Senonepjibus, (ainfi ces Ufuriers étoient Francois (30) ) terram fuam interdixit. Ipfi autem molejlè fer ent es dolentes tales fe paf nas amij/uros, data pecunia,' qua nimis folet impios jujiifcare, adlmc pro magnd parte latuerunt. Ils furent de nouveau bannis, & enfuite rappellés, felon que les Rois y trouvoient leur (28; Muratori. Diff. XVI. j». 891. (29) Idem. (30) Idem.  ioS Chap. IV. DES LOMBARDS, compte: car ils profitoient également & de leur butin & de la confifcation de leurs biens. Et au milieu de tout cela la Cour de Rome leur fut fouvent favorable , non qu'elle approuvat leur ufure, mais paree que, comme je 1'ai déja dit, elle fe fervoit d'eux par toute la Chrétienté occidentale pour fe faire remettre les fommes qu'on lui fourniïToit. La même chofe arriva en France. Sous Philippe, fils du Roi St. Louis, il fut ordonné aux Ufuriers Lombards & Caorfini de fortir de fon Royaume, en leur défendant de faire a 1'avenir le trafic d'Ufuriers dans fes terres, permettant pourtant aux Mercatoribus Lombardis & Caorfinis de pouvoir faire le commerce admis par les Loix. Pareillement Charles II. Roi de Naples & Comte de Provence, chaffa de fes Domaïnes en France, Lombardos, Carturcinos, aliafque perjonas alienigenas Ufuras publicè exercentes. Mais les moyens ne manquerent pas a ces peftes publiques, pour rendre vains tous ces Edits, deforte que quoique toujours odieux & réprouvés, ils étoient partout de vraies fangfues pour les habitans, qui lorfqu'ils étoient une fois atteints de leurs griffes ,nes'endétachoient pas facilement (31). Cette manie fut encore fortement envigueur (31) Muratori. Diff. XVI. p. 891.  Ë T CAORSINS. 100 pendant IesXIV&XVmc. fiecles, tant en France qu'en Italië (32), ainfi que cela peut s'obferver dans Muratori, & dans d'autres Ecrivains célébres. Les préteurs publics fe trouvoient répandus dans toutes les Villes. A Sienne, ainfi que cela fe voit par la Chronique de la même ville en 1339. le Peuplefr.ar.ua: que perfonne a Sienne, ou dans fon diftricb, nepourroit en aucune maniere préter a ufure , fi auparavant il ne s'étoit fait infcrire dans le Livre de 1'ufurier Bischerna, nom de la perfonne députée pour faire cet office (33). J'ai donc jufqu'ici amplement démontré 1'origine de ces Ufuriers fi fameux , & rapporté comment ils fe font répandus des Villes de Ia Lombar die, de Ia Toscane & de Cahors en France par toute VEurope: on voit que 1'époque en tombe aux environs du douzieme fiecle, c'eft-a-dire, lorfque les Croizés parurent fur la fcene. Mais outre ces Ufuriers Chrétïens, il yen avoit encore d'autres, favoir les Juifs, qui de tout tems ont été répandus dans toutes les So- c32) Muratori. & Traité des Prêts. p. 285 ,296. & fuivantes. Robbertson dans fon Introduélion h 1'Hiftoire de Ckarles-Quint rapporté. t. i. p. 317. Ed. iB-40. que dans 1'année 1490. le taux de l'intérêt étoit encore a 40 pour cent a Plaifance. (33) Muratori. p. 893.  jio Chap. IV. DES LOMBARDS, &c. ci'-és Pour traiter cette matiere auffi complettement qu'il m'eft poffible, je placera,i dans le Chapitre fuivant un Abrégé hiftorique de cette Nation, que. la néceffité a rendue induflrieufe & ufuriere. Après quoi j'expoferai dans le Chap. VIine. le taux ancien de 1'ufure autorifé par 1'ufage & par les Loix, & furtout les grolTes ufures que les Lombakds\& les Caorsiks tiroient de leur argent. ' j-j'a $fl li CHAPITRE V. Abrégé hijïoriqice du Commerce que les Juirs ont fait depuis plufieurs fiecles en Europe. D ans l'A n t i q.u i t é la plus reculee ce font les Arabes qui ont le plus contribue è. répandre le Commerce dans 1'Orient & en Egypte ( i ). Les Juirs n'y ont pas moins (i) On eft généralement dans 1'idée que les Phémciens ont été les premiers Négocfants du Monde. On parleroit plus exactement, fi on fe contentoit de dire, que fuivant les anciens Hiftoricns, les Négociants qui habitoient fur les cótes de la Syrië, c'eft-h-dire, la Paleftine, la Phocnicie &c. ont été ceux qui les premiers fe font mêlés d'ouvrir un Commerce de Mer de ce Cüté-la. Car pour ce qui concerne 1'antiquité en lait de Commerce extérieur, on ne peut nullemcnt la difputer aust Akakes, qui étoient établis dans les Villes de 1'Aradie heurEuse. C'dt-la ou probablement, dans  Chap, V. COMMERCE DES JUIFS. m contribué par la fuite, furtout par rapport k 1'antïquité la plus tecülée, ont été érigées les premières Manufac tures, q'eft-jl-dire, celles d'EtofFes propres pour ces climats, ou pour les I'ays avec lefquels ils faifoient quelque commerce , 'car' ce pays renferme non feulement divers Métaux, mais des' Au'i'. maux de diverfes efpeces, entre lefquels les Chameaux & les Chevaux tiennent le premier rang. outre cela ce Pays eft riche en Canons de toute efpece, en Myrrhe, en Encens, Manne Bèaarne, CafTé, & en diverfes autres Drogucs & Aromates.' Les Mers qui enviromicnt Ie midi de ces terres dönnent du Corail , des Córnaliries & des Perles. Les habitans de ces Contrées, par Ia nature du climat, étant d'une complexion maigre, fecs , graves , ferfeüi , penfirs & fobres, étoient par ]J pjus capables d'inventer du neuf, & fe trouvoient naturellement portés i faire des entrcprifes qui dëniandént dc l'alïiduité & un efprit calculateur. Leur Sol étant naturellement fertile, & produifant beaucóup de fupcrflu.ouvroit.pour ainfl dire, la porte a un commerce avec 1'Etranger, facilicoitIe travail, excitoit 1'ihduftrie dans les Villes & en mulrplioient les habitans, lesquels ït leur tour devoient de néceffité s'acldonner nux Arts & au Commerce. Auffi eft-ce par leur génie, & par les circonttancés favorables du Sol & du Climat, qu'ils 0nt conduit dc tout tems avec beaucoup d'aifance un Commerce tres riche & fort 'étërrdu Outre que ce Pays abondoit en toute forte de produétioiis' que Ia nature leur livroit continucllemcnt, ils avoient 1'avant^è de polféder chez eux ces fortes d'Anim'aux qui font les p'us pro pres pour Ie tranfport, & on fcait avec quel fbïn particulier ils multiplioient chez eux les Chameaux & |es Chevaux. II faut lire dans la belle Hiftoire de Mr. de Buffon Péloquente defcriptioii qu.1 fait du Chameau, auquel il affigne potir pays natal I'Arabie. Maïs cet Auteur célebre s'eft trompé, en difant que ces Animaux font 6 a 7 jours fans boirc ni manger , car en Turquie, j'ai toujours entendu dire (par des perfonnes qui le favoiuit par experience) , qu'ils peuvent bien refter 7 & même 8 jours fans borre de 1'eau, mais pas fans manger, les Arabes ont toujours avec eux une efpece de paté fake avec de la farine & du micl, qn'ifs reur donnent tous les matras f raüchcr & a mantjer. iCëfc n'en,-  t& Chap. V. COMMERCE DES JUIFS YEuropc. Car après la deftru&ion de Jérufa- lem pêche pas que le Chameau ne foit le plus fobre des Aniu.au,. I l les pieds Fans pour marcher dans les fablcs: mars ,e dors encore obferver, que le Chameau ^^^^g vane ne fait pas plus de huit, & tout au plus dntheues par jour C eft' l ^ moyen de ces Chameau. que les Arabes ont de tout tems voyagé contmucllement par Caravanes, & fe font par ft J r S és e ceu. ,»> upmme «u» Nomades. tes , ^ des terres circonvoifines, alloient dans 1« é piu recuiée en Bg»w, en ««• « «• Ci-w., ™' F2£ dan! fc. & ÏW *** Orientaux. Par le IJyen du Commerce qu'ils faifoient par terre, ils avotent commuTi ion avec tous ces peuples, & commercoient parmt ces dtffé" es Naüons , oü ils échangoient leurs elfets préueux contte Ï es produaions, & contre des métaux qui n'étotcnt pas moms eft més Pont bien entendre cette partie , il faut remonter a la omc &r origine de ce qu'on nomme tr,üc ou commerce: apJE* autant que cela eft poffible, non feulement 1 o,gme d Lions mais leur induftrie, leur aé)ivUé, & la caufe des ré a Sis qu-cnes ont eues entr'el.c, è forto* les mceurs ft ,s T«~££ -—- —• °*éié p* mitivement confidérés comme divifés en trots Claffes. " Les Araees PW . ou ancjens : ceux-ci furent les pre. miers habitans de VArabic 1 Les Arabes tuks & non mêlangés, font ceux qm le fet difpcrfés, & qui en partie fe font établis dans VAraUe fleurige, l Les Mos* Arabes , par oü on entend ceux qu, avec le tems ont été incorporés I la Nation Arabe , en fe mé ant ou en s a lia t avec les Arabes pur, Ces Most Arabes ^ font rr s d la poftérité dW, fils tX1 IbraMtn ou u Abraham, qmeft onnu p r e premier Chef des Juifs ft des Mufulmans. On 9 ™ v,, Tp fuis donc dans 1'idée que les Pheui- res Araees Nomades. Je mis uune uU i sfss.... w - — • * *■  EN E U R O P E, &c. 113 lem par Tite (2), ils fe font difperfés de plus en plus dans YJfie, mais furtout dans 1'Empire Romain, tant en Oriënt qu'en Occident. Avant cette époque, & du tems de Sal0m o n , on fcait le riche commercé que les Juifs faifoient, par le moyen des flottes qui partoient du porC d'djïon -gaber , prés du .Golphe Arabique au Nord, & a quel point 1'Ecriture Sainte dit, que 1'or & 1'argent étoient communs a Jêrufalem. Les Arabes avoient été leurs rriaitres en fait de commerce , mais les Phéniciens leurs voifins leur apprirent Ie commerce étranger par mer: car aidés des pilotes Phéniciens, & joignant quelqucfois leur flotte a celle que les Rois de Tyr avoient fur la Mer Rouge, ils apprirent la route vers les endroits, oü. 1'on avoit les prétieux métaux de Ia première main (3), & furtout de ce pays, qu'on nomme premiers Facteurs , Commifïïonaires ou Commis des Ncgociants Arabes, qui voyageoient continuellement de 1'Arabie Heureufe e,n Egypte & dans les contrées de la Syrië, ou de la Palejline & de la Phankie. On en trouve un exeinple dans Ia Génefe au fujet des Marchands auxquels Jofiph fils de Jacob fut vendu &c. Voyés fur ce qui concerne les Arabes, Mokeri : Coutumes & Cérémonies Réligieufes, Baile, L'Encyclopédie au mot Arabes &c. (2) Le 3 Sept. de 1'an 70. Voyés VArt de Vérifier les dattes &c. Anna)" <£Italië de Muratori. T. I. p. 211 &c. (3) II femble , felon BocHART, que par Ophir & Tarfis il faut cntendrc deux endroits d'oCi 1'on tiroit 1'or & 1'argent, II y avoir H  ii4 Chap. V. COMMERCE DES JUIFS généralement la fameufe Ophir. Si les Juifs ne furpalTerent pas leurs maitres en induftrie, il en faut attribuer la caufe a la divifion de leur Royaume fous Roboam, & aux guerres qui depuis cetems-laravagerentleur pays'& ruiIierent la Nation. On fcait qu'un des moyens que prit Alexandre, & enfuite Ptolomée , pour peupler & rendre la ville d'Jléxandrie une des plus commerjantes du monde alors connu, fut d'y faire palier plufieurs milliers de Juifs, qui bientöt y mirent le commerce en train. Les Juifs trouverent, dit Pr i de aux dans fon excellente Hiftoire des Juifs , (Tom. II. p. 520. Ed. in-%o. 1722.) un bon pays & une proteótion puiffante: plufieurs autres de leur Nation les y allerent joindre ; car comme Alexandre avoit accordé aux premiers Juifs les mêmes priviléges qu'aux Macédoniens euxmêmes, Ptolomée fit la même chofe pour eux. Enfin il s'y en jetta un fi grand nombre, que le quartier des Juifs a Alèxandrie contenoit plufieurs milliexs de families. Dans le grand donc un Ophir en /ifrique, & un autre en Afie. Ccilan étoit connu dans ces anciens tems fous Ie nom de Taprobana ; on na. viguoit alors déj& au Détroit de Malacca & a i'Ifle de Sumatra, vraifemblablement auffi vers les Molucqucs &c. en un mot vers les endroits cii il y avoit des Mines d'or £f d'argent. Voyés Bochart in Fhaleg.  EN E U R O P E, &c. nj nombre dc Villes que Seleucus fit batir dans la Grande & Petite Afie , dont feize portoient le nom d'Anlioche, neuf fon propre nom , & fix celui de Laodicée &c... il donna dans toutes les mêmes Priviléges aux Juifs qu'aux Grecs & aux Macédoniens , deforce qu'a Antioche feule ils faifoient une partie auffi confidérable de la ville qu'a Alèxandrie. De la vint que les? Juifs fe répandirent fi fort dans la Syrië 8c dans YAJie mineure. Ils avoient des Etabliflemens dans les Provinces Orientales de 1'Euphrate depuis leur Captivité de Babylone. Seleucus Nicator les établit dans celles de decar deforte qu'ils étoient dans ces pays pour le moins en auffi grand nombre qu'en Judée. Du tems d'Au guste les Juifs jouiffoient déja a Rome du droit de Bourgeoifie. II y avoit pour lors dans cette grande ville des* Qjiartiers oü ils demeuroient (4) j non feulement on leur accorda des Synagogues, mais on leur en IailToit la fréquentation libre (5). (4) Basnage (Trad. en Hollandoisj, p. 1338, 1343. &c. Le» Juifs du tems d'AuousTE étoient répandus par toute Vltalie: Cicepon fait mention d'eux, en difant qu'ils envoyerent leur tribut it Rome; on en voyoit encore en plufieurs autres endfoit» de Vltalie. Les Juifs demeuroient a Rome dans le Quartier qu'on nommoi; la Vatte ifEgerie, dans un autre proche du Valkan, & le troifieme de 1'autre cöté du Tilire prés du pont Fabricius. CóJ Basnacï, p. 1343. H 2  u6 Chap. V. COMMERCE DES JUIFS On feait que les Romains avoient coutume de laiffer aux Nations & aux Peuples vaincus leurs ufages & le libre exercice de leur réligion, & qu'ils accordoient auffi aux Colonies des privileges & des droits municipaux; les Empéreurs.Romains, & plufieurs Rois Barbares, accorderent de même dans la fuite aux Juifs , non feulement le libre exercice de leur réligion, mais encore d'autres' priviléges, qui ont été altércs plus ou moins, a mefure que le Chriftianifme s'eil répandu. > Par plufieurs Loix contenues dans le Code Théodoften, on obferve ce qui fut établi a leur égard depuis la fin du troifieme jufques dans le fixieme fiecle, a Cenjlantinople, en Egypte, particuliérement a Alèxandrie, dans le diftricr. de VJÏÏyrie, en Palejline, en Italië, dans la Gaule Belgi ue, & dans la ville SAgrïppa (6), ou Cologne. Arcadius ordonna que les Juifs qui demeuroient dans 1'Empire feroient foumis auxjuges ordinaires, hormis dans les affaires qui avoient du rapport a leur religion & a leurs affaires domeftiques, dont les foins furent abandonnés k des Supérieurs établis parmi eux (7). Après la deflruétion de .Jérufalem les Juifs (6) Gothefr. Cod. Theod. T. VI. p. 235. (7) Idem. T. I. p. 101. T. VI. 235.  EN EUROPE, &c. 117 établis en Oriënt eurent a leur tête un Supérieur , qui par fucceffion a confervé le titre de Prince de la captivitè; mais dans 1'Occid int il avoit celui de Patriarche (8), Celui-ci, a la tête du Corps de ce Peuple difperfé, conferva ce titre jufqu'en 429. (9). Dans les Loix on voit qu'on donnoit aux Supérieurs- dxi premier rang les titrés d'Ilhistriffime, de Clarijjïme, e? de Refpectables (10). Ceux du fecond rang n'eurent point d'autres titres que celui de Primates, Hier ei, Jrchi-fenagogi, Patres fynagogonim (1 r). II y en eut encore d'autres-, qui proprement n'étoient que des Dejferviteurs, ou Doéteurs des Synagógues: ceux-ci fe nommoient Didascati, Majores <$c Presbyteri (12). Comme je n'ai nullement intention de donner une hiftoire des Juifs, je préviens que je ne traite cette matiere qu'en paffant,' & autant qu'elle m'a parti propre a expofer des faits qui ont contribué a accroitre 1'induflrie & le commerce , mais furtout la popülation , parmi les Nations Européennes. ' C3) Gotiiefr, Cori. Theod. T. VI. p. 235. 245. 249. 353 & 262. Basnage. p. 371 & 372. (9) GOTIIEFR. &C. T. VI. p. 235 & 268. BASNAGB 393, fio) Idem. p. 235. 21.3 &c. Basnage. 381. (11) idem. p. 235. 2Öy. (12) Idem. -1 H 3  ij 8 Chap. V. COMMERCE DES JUIFS Pour entrer en matiere, je ferai donc feulement mention de quelques faits remarquables, contenus i" dans le Code Théodofien , & 2°. dans les Ouvrages de quelques Hiftoriens accrédkés. Quoique les Juifs ne formafTent nulle part un Corps de Naaon diftmcte, il leur étoit cependant permis de faire décider par leurs Supérieurs les difrérends qui s'élevoient entr'eux, & ces fentcnces avoient la même force, que fj elles euiTent été prononcées par le Juge Re main ordinaire (13). II étoit uékndu aux Juifs de pourfuivre ou de molefxer ceux d'entr'eux qui fe faifoient CLivtiens, fous peine, contre celui ou ceux qui cnfreindroient cette défenle, d'ctre brulés tout vifs. On faifoit fubir le m'me fupplice a tout Chrétien qui avoit embralfé la Réligion juive. Cette loi, un peu barbare, eft cepen- ciant du Premier Empéreur Chrétien (14). L'an 339. Comst ance défendit aux Juifs d'époufcr une femme Chrétienne , de même aux Chrctiens d'épouferdesfemmesjuives(i5). L'Empertur Honoriüs étant a Ravenne en 415 permit aux Juifs d'avoir a leur fervice.des (13) Gothf.fr. &c. p. 253. Basnage 381. &c. (14) Wem. p. 937'. Aon. 315 & p. 243. (15} Wem. t. VI. p. 244" ?• «• P' 320 & T* Ul' p* 6%'  EN E U R O P E, &c. 119 Efclaves chrétiens, pourvu toutefois que ceuxci continueroient a vivre dans leur croyance. Mais cette permiffion ne dura pas long-tems, car 1'Empéreur Théodose le jeune 1'an 417 & 423 ftatua que les Juifs ne pourroient plus avoir a leur fervice aucun efclave chrétien (16). Covs fantin (en 33c5) & Théodose le jeune défendirent aux Juifs de permettre la Circoncifion aux Chrétiens, fous peine de confifcations de biens, & de banniffement pour toujours (17). Vaeentinien leur ota en 456. la faculté de deshériter ceux de leurs enfants qui s'étoient fait Chrétiens, ce qui fut confirraé en 533 ou 534 par Jüstinien (18). Arcadius & Honorius, 1'an 397. établirent une loi trés équitable; il y eft dit que tel Juif qui aura embraffé le Chriftianifme, & donc on prouvera que c'eft pour fe mettre a couvert des pourfuites k caufe des dettes qu'il aura contractces, ou pour éviter toute pourfuite de la part des Juges, ne fera point admis, avant qu'il ait fatisfait fes créanciers, ou qu'iJ ne fe (16) Gothefr. &e. T. VI. 343, (17) Idem. p. 266. & 270. Ci3} Idem. p. 267. H4  xao Chap: V. COMMERCE DES JUIFS foit juftifié des griefs qui fe trouvent a fa'charge (19). II y a plufieurs loix qui leur accordent la permiffion d'avoir des Synagogues^ entr'autres il y en a une de Théodose le grand, qui défend expreflement de détruire ou de bruler celles qu'ils avoient: cependant on trouve dans le Code des loix plufieurs palfages qui donnent a entendre, qu'on ne leur accordoit pas faci-lement la liberté d'en faire batir de nouvelles; & qu'on fe contentoit de prendre fpccialement fous leur fauveT garde celles qui fe trouvoient. déja baties ou accordées (20). Auffi lés Syflagogues étoient-elles exemptes de 1'obligation d'y loger des troupes (21). Les Juifs étoient auffi exempts de tout fervice militaire ; ils étoient pourtant obligés d'occuper certaines charges ou emplois , qui quoique pcnibles, étoient cependant hönorableSjCómmé-par exemple les charges de Munera Curialia-& de Décuriön (22). Ils ont été - (19) Gothefr.. T. III. p. 389. \ ; ; (20) Idem. T. II. p. 343 vi. p. 24c a 267. (2t) Idem. T. VI. p. 254 & 264. (22;. Idem. T. V. p. 84. cc VI. 240. En Occident, dit M. le Beau dans fon Hiftoire du Das Empire, „ les Juifs furent ex„ clus du fervice militaire, & des emplois du Palais. On leur „ permit feulement d'exercer la profeflion d'Avocat, & d'entrcr „ dans les chargés municipales." :T. VI. p. 65.  E.N E U R O V -É\ êic \ hU tantot excïus' de certains emplois,. tantót ils en ont été deflitués par la fuite des tems (20i Outre les faits concernant les Juifs, qu'on trouve dans Ie Code des loix de Théodose & de Justlnien, d'autres Monumens font aulfi mention, non.'feulement des Priviléges & dela comïdération dont iis ont joui en certains tems, mais encore du i grand 'riombre c ntr'eux,qui fe trouvoit déja répanduen Europe. Saint Ambkoise, dans fon Livre qui a pour titre: Exhortatiou aux Vkrges', dit que de fon tems il y avoit. des Juifs k,Bj)logne. i Et dans fa quarantieme Lettre a Théodose le grand, il dit encore, que dans Milan.& dans (plufieurs autres Villes d'italie, il y en avoit un grand nombre' (24). Rutilius Nümitianus, au commencement du cinquieme fiecle, dans fes Defcriptions des voyages, fe plaignoit déj'i de leur a'ccVóïsfement en difant: Latias excifcs pejlfs. conta- ■->;:•■ ,0 MüRATORI.'^»ï/j. Ital.' Medii Myt. Diff. XVI. H 5  nz Chap: V. COMMERCE DES JUIFS gia fcrpunt, vicloresque fuos Natio vicla premet. Ce qui veut dire, que cette vermine ferépandoit de plus en plus comme une pefte contagieufe, enforte que les vaincus devenoient a charge a leurs vainqueurs (25). Après la defcente des Barbares en Italië les Juifs continuerent h y demeurer comme auparavant. Cassiodore dit, que fous le Roi Théodoric il y avoit des Juifs a Milan (26), a Genes (27) & dans d'autres endroits , & que ce Roi leur accorda non feulement une protection marquée ( 28 ) , mais les protégea (29) & les maintint contre tous ceux C25) Muratori. Antiq. Ital. Medii AZyi. Diff. XVI. (26) Les Juifs 3 Milan conferverent leurs droits, rélativement ?i leur Synagonue , car celan'eft p«s, dit Cassiodore, au détriment de 1'Eglife: mais 1 condiüon qu'ils ne feroient rien qui put nuire a la Réligion dominante. Liv. V. Cb. 37. (27) Le Roi Thêodoric (dit Cassiodore) donna anx Juifs öemeurant a Genes Ia liberté de réparer & d'améliorer leurs Sy« nagogues, avec cette réferve, de ne pas les aggrandir, & pourvu que le terme de prefcriptiun, ou de 30 ans, ne fflt point encore écoulé. II leur fut cependant défendu de les orncr d'aucune palure. Lib. II. Cb. 27. p. 31. (28) La Réligion ne fe commandé pas ; car perfonne ne fauroit ttre forcé a croire contre fon gré; c'eft la perfuafion feuie qui fait les vrais croyans. Caff. Lib. II. Cap. 27. (29) Théodoric confirma les privHéges accordés a tous les Juifs qui demeuroient a Genes, & toutes les prérogatives qui leur avoient iiè accordées par les Loix. Caff. Liv. IV. C. 33.  EN E U R O P E, &c. Ï23 qui vouloient qu'on Jes traitat rigoureufement (30). \ Dès les tems les plus anciens les Juifs ont été établis clans la Sicile: & ils s'y maintinrent même fous le regne des Arabes (31). Dès 1'an 428. on entxouvoitk Miuorque(^2)i (30) Basnage, pi 1L-37. Muratori, en parlant des Juifs dans fes Aunalcs, rappor te ent.'nutres chofes, qje clans ('apnée 522. il y eut a Rayenne un foulevement de Ia populace coritr'éux. On tomba fur las Synagogues, on y mit le feu, & elles furent confumées; après quoi les Juifs fe rendirent auprès du Roi, qui fe trouvoit alors a Vérone , pour lui deraander juftice. Affiftés de 1'ap, ui & de la faveur de Trivane, Chambel.an de Thêodoric , ils rapporterent un ordre de la part du Roi , qui coutenoit qua les Romains, detneurant a Ravenne, feroient obligés de fournir folidairement une contribution pour remettre les -Synagogues dans 1'état oü elles avoient été avant 1'incendie; Sc que qtiiconqne ne payeroit pas fa quote part, feroit publiquement battu de Verges. 1,'ordre étoit adreifé au Gouverneur & a 1'Evéque Pjebre avec injonétion de Ie metti'e en exécution. Voyés /inncles &c. T. III. p. 333- TO une Lettre du meme Roi au Sénat Romain on obferve encore que dans la Ville de Rome, ï I'occaöon d'une fédition populaire, une Synagogue juive avoit été brulée. Thêodoric ordonna auffi a cette occalion, que les principaux 2utcurs du fait feroient punis. Voyés auffi Cassiodore. Liv. premier & encore d'autres paffages aux Liv. II. Ch. 27. Liv. IV. Gh« 33. Liv. IV. C. 43- Liv. V. C. 73. oü il eft dit, que fous le regno de Thêodoric il y avoit des Juifs a Milan, a Genes & dans d'autres endroits, auxquels ce Roi accorda des priviléges. Entr'autres on y lit encore: „ de même que les Juifs font diftingués par leurs „ Rits & Cérémonies Réligieufes de ceux qui fréquentent les „ Egüfes Clirétiennes, ainQ ils feront auffi traités différemment." Muratori dit, que dans ce teras-la on trouvoit des Juifs partout. T. III. pag. 334. (31) Muratori. Antiq. ital. &c. Diff. XVI. (32) Les Juifs fe trquvoieiit en grand nombre a Minorque, Sc j •ccupoienc des poftes honurables. Basnage. p. 1534.  til Chap. V. COMMERCE DES JUIFS du tems de BELiSAiRE il y en avoit un grand nombre a Naples, oü ils étoient trés confidérés, & attachés au;parti des Goths (33). Du tems du Pape Gregoire le grand,c'efta-dire depuis 590 jufqu'k 1'an 604, on les vit en grand' nombre en Steile, & nommément a Palerme; en Sardaigne ils avoient même une Synagogue a Cagliari. II eft fait mention d'eux dans la defcription du diftrict de Terr.acine, fituéé dans 1'Etat de 1'Eglife, aux confins de la Campagne de Rome & de la terre de Labour, ii Lunes dans le Royaume de Naples,, & a Rome, oü ils n'ont pour ainfi dire (34) jamais cefle d'avoir une Colonie aflez nombreufe, & ■oü ils ont toujours été aflez confidérés (35). Non feulement Cassiodore en avoit déja parlé 'avec diftinction de fori tems, mais du.tems de -Henrx V, & du Pape Alexandre III, ils "a'fllftérent. avec magnificence & en cérémonie aux entrées que ces Prinees firent dans Ro■me (36). — (33) dl' bas emp" t' ix' p' 3<53, nasnage" i562 - & 1571. 1 (34) Basnage -1569 &c. Muratori. Diff. XVI. II y a eu des , tems que les PapeS les ont bartnis des Terres de 1'Eglife, excepté ' tf/tncone & de Rome', mais cela n'a été que pour peu de ,tems, & nommément 1'an 1569 & *59i- Voyés Basnage', p. 1831. 1835 & 1836. (35) Muratori. ibid. ' (36) Hemry V. en faifant Cen mcxi) fon entrée dans Rome,  EN EUROPE, &c. 125 Depuis bien des fiecles ils ont donc été répandus dans plufieurs Villes ó! Italië, & dans les Ifles fituées dans la Mer Méditerrannée, oü ils ont joui de certaines immunités & de plufieurs privileges; c'eft ce qui peut s'obferver. par les Chartres de ces tems-Lï, & dans les Hiftoriens. On trouve entr'autres un événemens, arrivé, du tems de Saint Nil, qui mérite qu'on en fafle mention (^37). II y a une Chartre de Modene de 1'Evêque (Ingo) de 1'an 1025 qui parle auffi d'eux, en difant que le Juif Ardingus jouiflbit des Dixmes dans le terfut rccu par les Juifs a la porie Juiye, & accompagné par eux jufqu'a la Porie Grecque. Voyés Muratori. Diff. XVI. & PiER. re le Diacre dans fa Chron. Catfinenfis , quatrieme lettre, Chap. 37. Par le mot de Porie on doit entendre quartier : Voyés M u- ratori. Dans 1'année 1165. lorfque le Pape Alexandre III. fit fon cn. trée dans Rome , les Juifs allerent au devant de lui jufqu'en Campanie, avec les Gorfatloniers, Capitahies, Scrinarü, Juges & le Clergé. Les Juifs a cette occafion portoiént fur les mains qu'ils tenoient élevées,le Livre de la Loi. Muratori. Diff". XVI On fcait que cette cérémonie a encore lieu a Rome h chaque Couronnement du Pape. Cs?) Muratori dans fa XVI. Diff. p. 897 rapporte; que fous St. Nil de Calabre, qui fleurifloit dans le Xme. Siècle, un certain jeune homme avoit tué un Juif Marchand, qui retournoit chez lui dans Ie Camp de Bijignago; celui qui avoit commis 1'hommicide avoit été livré aux Juifs, pour être crucifié par eux. Mais St. Nil préfenta aux juges & aux Jurifconfultes je ne fcai quclle Lof, qui portoit que pour fept Juifs, un chrétien feulement devoit être mis a mort, & ainfi il conferva la vie a ce jeune homme.  • 126 Chap. V. COMMERCE DES JUIFS ritoire de Sauffaié (38). Au commencement du même fiecle on en voyoit dans Lucques (39) & a Ferrare. Dans 1'année 1275 ils obtinrent encore une proteétion trés marquée par le moyen du peuple, qui avoit pour lors beaucoup d'influence dans le Gouvernement (40). Dans la ville de Mejjine ils yétoient(en 1282), fur un pied diftingué, lorfque Pier re Roi d'Jrragon y fit fon entrée (41). Ils étoient déja établis cn dfrique du tems des Vandales, & ils y ont librement exercé leur Réligion & leur Commerce (42). On les (38) Muratori. Ant. Ital. Medii AZvi. Diff. XVI. (39) W£ln' (40) Idem. Voici ce que Muratori rapporte en propres termes au fujet de Ia Ville de Ferrare : „ On voyoit beaucoup des „ Juifs dans Ferrare dans le XlIIme. Siècle: & qui plus eft, „ le people de cette Ville les prit tcllemtnt fous fa proteétion en • 1275, qu'il fit émaner un Décret, par lequel non feulement on confirmoit aux Juifs de Ferrari tous les droits, exemptions, „ priviléges &c., que Jaques Cuafdel, Vicaire du Podeftat Guil„ laume de Lambertini leur avoit accordé; mais, ce qui eft cn„ core plus éionnant, dans lequel il étoit dit: que le Podëstat „ de Ferrare, foit préfeni eu a venir, ni lui, ni fes Juges As- fefeurs t ni aucun de fes Vicaires, ne pvurtont (tre autkorifés „ a révoquer ni a enfreindre lesdits droits , exemptions &c. ni „ par Ie Pape, ni par le Marquis d'Efi, ni par quelque autre „ perfonne que ce foit." (41) Dans 1'année 12S2. Pierre Roi d'ARRAGON faifant fon entrée a Meffme, les Juifs allerent a fa rencontre, & lui prérenterent dans leur Synagogue le Livre dc la Loi. Murat. Diff. XVI. (42) Basnacs. p. I53G.  EN EUROPE, &c. izj vit en Efpagne fous les Fift-Goths, fous les Maures, Sarrafins, Mahométans, & fous les Rois de Caftilk ,cïArragon ëcdeNavarre (43) ; en France depuis le régne des Francs (44): en Bourgogne avant le fiége $ Aries (45); en Allemagne dans plufieurs Villes, a Cologne, Treves, May ene e, Worms, «Spw* & Neurenhourg (4.6). Ils fe font même répandus dans la Franconie, Öc de la dans la Bohème, oü déja au X & XIme. Siecles on les voyoit en grand nombre (47). II y en a eu en Hongrie & en Pologne depuis bien des fiecles (48), ainli qu'en Angleterre (49). A mefure que les Eccléfialtiques prirent plus d'influence fur 1'efprit des Souverains , 1'état précaire des Juifs empira par toute 1'Europe, ce qui augmenta de plus en plus, durant le tems que le Gouvernement Féodal devint plus anarchique. La pofition des Juifs devint pour lors pire que celle du Serf & de C43) Basnage. p. 1562. 1572. 1580 & 1583; (44) idem. 1359. (45) Idem. 1364. On nommoit alors Ia ville d'Aries Ia petit» Rome. Voyés encore Murat. Annali. T. III. p. 30». (46) Basnace. p. 1358. 1360. 1670. &c. (47) Idem. p. 1358. 1568 & 1640. (48) Idem. p. 1630- 1358 & 1894. (49) Wem. 1682. 1768 & 1Ó49. Anderson a 1'an 1066. T. I. P. 6» a 70 &c.  128 Chap. V. COMMERCE DES JUIFS 1'efclave, pour lequel du moins on avoit quelque égard, a caufe de la Réligion. Mais pour les Juifs, ils étoient confidérés dans ces Tiecks comme une race maudite: on fe faifoit un mérite de les vilipender, & de les pourfuivre a feu & a fang (50). ^ (50) Voyés les Hiftoircs de France, X Angleterre &c. mais furtout celle de Matbi Paris. Et la Chartre rapportée par M.mATOiu de 1'an 1090. En voic, la teneur en fubftance: , R gier, Duc d'Apulie, fils du Duc Robert, feit Don a Al- phonfe Archeveque de Salerne & k fes Succefleurs dans 1'Ar" chevêché de 1'Eglife de la même Ville de Salerne , de tout le quartier des Juirs de la ditte Ville, & de tous les Juifs qui l demeurent dans le dit quartier & dans toute la Ville de Sater, ne, ou qui pourroient y venir demeurer dans la fuite, excepté ceu'x qui y viendroient des Terres qui font fous notre Donn„ nation." , k Brufleï; dans fon excellent Ouvrage fur 1'ufage général des Kefs en France Liv. II. Chap. 39- eft entré dans un ample détail fur le produit des Juifs & ie Uur appropriation par les Seigneurs; on y lit entr'autres a la page ó2o. „ On a précédent„ ment vu qu'au tems de St. Louis c'étoit une régie générale en France que tous les biens des Juifs appartenoient, ainfi que kurs Perfonnes . au Darqn dans la Jurifdiction duquel ils é'„ toient Domiciliés; c'eft-a-dire, que le Juif étoit main mortable " dans tous les cas, enforte- que c'étoit toujours fon Seigneur qui * héritoit des efTets qu'il laiffoit ?, ion déces. Cette jurispruden" ce changea fous Philippe le Long a 1'égard des Juifs ; car ce Prince voulut, par TEdit,qu'il fit en leur faveur au mois d'A„ vril, que les juifs de fes domaines ne fulTent plus main mortables, „ & qu'au couUsire leurs parens récueilliffent les biens qu'ils lais- s, feroient  EN EUROPE, &c. 129 Mais le plus qu'ils eurent a fouffrir fut pendant que les Croifades furent en vigueur (51), car ils furent alors fouvent abandonnés a la merci de la populace , & au 'fanatifme des Grands , ou pour parler plus exaétement, a leur cupidité: paree que ceux - ci trouvoient prefque toujours leurs intéréts dans les perfécutions, dans la mort ou le baniffement qu'on faifoit fouffrir a ces malheureux ; 1'un fe trouvoit par ce moyen libéré defesdettes, 1'autre s'emparoit de leurs biens confifqués &c. Au refle , on fcait combien ils ont fubï, dans les Siecles plus proches de nous, c'efb-adire depuis le treizieme jufqu'au dix-feptieme „ feroient a leur décès. ——— Sous les r,ignes de Pbilippe Au„ gulle & de St. Louis 1'on ne fouffrit point que les Juifs acquis„ feut des terres nobles, ni même des hdritages en roture. Lï „ Jurifprudence changca pareillement dans la fuite fur ce point, „ du. moins quant aux héritages en roture. Voyés 1'Onlonnance „ de Louis X. dit Ilutin , pour Ie rétabiidement des Juifs; & anfll „ 1'article de Pbilippe le Long du mois d'Avril 1317. touchanc les Jtlifs : Idem. Qui les mefons qu'ils tiennent ores, ou ten„ dront, leur demeurent, en tel maniere qu'ils ne puf ent Hult „ loucr a Chrétiens. „ Par un Edit du mois de Mars 1360. il fut permis aux Juifs „ d'acquéïir des Maifons dans le Royaume pour leurs liabitations, „ & des Terres pour fe faire enterrer." Voyés encore fur les Juifs 1'Efprit des Loix Liv. XXI. Cb. tfs & Liv. XXII. Chap. 14. & auffi ce que j'ai dit d'eux dans ia* première Pariie.de ce feeoad Volume, p. toj. (51) Muratori Si Basnage, p. 1641. &c. I *  i3o Chap, V. COMMERCE DES JUIFS fiecle , des révolutions conlidérables : tantöt chalfés de France, de plufieurs endroits d''Allemagne &c. tantöt rappellés (52), & fouvent livrés a la merci des Inquifiteurs. Mais rien n'approche de la cataftrophe, ou du banniffement univerfel, qu'ils fubirent en 1492 & 1496, lorfqu'ils furent chaffés au nombre de plufieurs centaines de milles, tant Femmes qu'Enfants, de YE/pagne & du Portugal (53). Depuis ce tems-Ia ils fe font en grande partie réfugiés de nouveau en Italië, en Afrique, dans 1'Empire du Grand Seigneur & au Levant (54)- Un petit nombre d'entr'eux alla s'établir dans le Nord, foit en Angleterre & dans les Pays-bas (55), kHambourg, k Altona & dans la baffe Allemagne. Cette émigration n'a pas peu contribué a cimenter & a augmenter la Puiffance de ceux qui étoient alors en guerre avec YE/pagne. Si (52) Traite des Prets de Commerce. Entr'autres p. 292. &c. Hiftoire de France par Velly, Mezeray, Hiftoire d'Angleterre l>ar Hume & Henry. (53) D'après Mariana, Muratori fait mention de 170 milie Families, d'autres parient même de 800 mille ames, y compris femmes & enfants. V. Murat. D. XVI. & Rer. Ital. Script, int. T. XXI. Trat. Triflanus Caracciolus. En 1539. ils furent chaffés du Royaume de Naples. Voyés Basnage , p. 1831. (54) Muratori. D. XVI. (55) Defcription d'/imfierJam par Commeun & par Wacenaar. *  EN EUROPE, &c. 131 ce Royaume eut jamais befoin d'un peuple laborieux & induftrieux, ce fut au moment que Colomb fit la découverte de 1' Amèrigue. De quel fecours & de quel grand avantage n'auroient pas été alors les Juifs pour YE/pagne , dans un tems oü il falloit envoyer dans ce nouveau Monde des Colonies , les soütenir , les encourager, et Y REPANDRE l'eSPRIT commerjant ? Si les Juifs du tems deMoiSE, & jufqu'au régne de Salomon , n'ont point figuré dans 1'hiftoire par rapport au Commerce, c'eft qu'alors 1'économie politique des Nations en général fe trouvoit fur un pied tout différent de celui de notre tems. Nous ne favons rien de bien précis fur lesoccupationsenparticulier des Arabes; & ce que nous favons des Arts parmi les Juifs & les autres Peuples errants, ce n'eft qu'autant que cela a du rapport aux événemens qu'on nous a confervé dans 1'Ancien Teflament. Mais il me femble que c'eft: avec la plus grande injuftice que certains Ecrivains ont déprimé cette Nation par rapport aux Arts (56) & a 1'induftrie. On peut appliquer (56) M. Winkelmann dans fon Hiftoire des Arts de V/lntiquiti T. I. p. 122. dit: „ Malgré 1'idée désavamageufe qu'on a des „ Juifs, il faut pourtant qu'ils aient porté les Arts a un certain „ dégri de ptrfeclion, je ne dis pas pour la fculpture, mais du I 2  i32 Chap: V. COMMERCE DES JUIFS ici ce que le céiebre Montesquieu a dit d'un de ces Ecrivains célebres: nous écrivons pour plaifanter. Mais un efprit jufle & impartial difbinguera toujours les tems & les circonftances. Si la Nation Juive eut été auffi méprifable qu'on le donne a entendre, elle n'auroit pas brillé dans le commerce comme elle fit du tems de SaLomon, & même quelques Siecles après. Alexandre le Grand n'en auroit pas fait un fi grand cas, lorfqu'il s'appliquoit a envoyer des Juifs dans les Pays qu'il avoit conquis, & furtout dans fa nouvelle Ville d'A-, lêxandrie, qui devint depuis fi floriffante par le Commerce & par les Sciences. Les Romains dans les plus beaux tems de la République ne dédaignerent pas leur alliance (57), non plus „ moins pour le deflin & pour le fini e titré üEthnarque ou Alabatqiu. ■ i n.I. 11. . (53) Voyds dans l'Hi(Wre dcfilin Tr*Ws i* Utm A'Jreui Roi de Lacódemone a ttviüi Souyfcwl» Pvenifc des Juifs, pour faire alliance avec les Lac&knmitU». T. I. i>. 'M & El celui qu'ils firent avec Alexandre le grand. t. i. p. 73o. I 3  i34- Chap. V. COMMERCE DES JUIFS Souvent on a eu befoin d'eux dans les opérations les plus lucratives des Finances (59), des échanges, dans le commerce des Bijoux & des Pierres précieufes (60), aulfi bien que dans fachapt & ventes des plus vilesguénilles, qu'on jetteroit dans la rue, s'il n'y avoit pas des Juifs pour les acheter & les revendre(6i). Cette Nation a fes correfpondants & des débouchés partout: la pauvreté rend les uns ïnduftrieux, la richeffe rend les autresfomptueux; car les gens riches parmi eux font plus fujcts h la prodigalité qu'a 1'avarice. Les Juifs, après 1'expulflon des Maures, & par les violentes perfécutions de 3'Inquifition en Efpagne & en Portugal, pafferent dans le XV. XVL1C. & XVIPlie. fiecles en Hollande , y apporterent des Richeffes confidérables. Plufieurs d'entr'eux ont été, malgré qu'on en dife, plus du- (59) Voyés plus bas a la Note 72. On fcait que de nos jours le fameux Juif Epbraim, a Berlin,s. été, Sc eft vraircmblablement encore employé par le Roi de Prusse, dans les opérations du Cabinet, rélativcment aux Finances Sc a la Monnoie. (60) Plufieurs Juifs a /Imjicrdam travaillent ii polir Sec. les Pierres précieufes, furtout les Diamans bruts : & un grand nom. bre d'eux n'eft occupé que de ce travail; d'autres en font le commerce , & d'autres une efpece dc trafic. (61) II y a peu de jours qu'un dc nos premiers Négociants de Ia ville me dit : Juriés-vous pu croire que j'ai encore depuis peu eu de Fologne un ordre de compter a un Juif qui eft venu de ce Royaume, pour la valeur de 10 a 12 mille florins, dejlinés au ftul achapt de yietüet guinilles ?  EN E U R O P E, &c. 135 pes que frippons, & on obfervera, fi on 1'examine de prés, qu'en général lorfque quelques uns d'entr'eux fe mêlent de faire le trafic d'ufuriers en gros, que le plus fouvent a la fin ils s'en tirent mal, & qu'ils font eux-mêmes la dupe de leur avidité. Enfin plufieurs de mes compatriotes favent avec quelle fatisfaction des deux Puiflances le Juif Baron de Belmonte (62) a été employé en Hollande par la Cour de Madrid. Et combien d'autres Juifs célebres ne pourroit-on pas citer? Que nos prétendus Philofophes & beaux efprits examinentunpeu, car la queftion n'eft pas indigne de leur examen , fi les Juifs enrichiflent les pays oü 1'on les admet, ou s'ils ne font que s'y enrichir: ^ (62) Voyés Réflexions Critiques fur les Oeuvres de Voltairg. . Outre Ie Baron de Belmonte , on cite dans le même Ecrit D. AU varo Nunez iTAcofia, ainfi que fon pere, qui ont fervi avec dignité & fidélité la Cour de L'ubonnc. On cite encore les Suafos, les Texeira, les Nunez, les Prados, les Ximenez, les Pereira qui ont mérité la confidération de ceux qui les ont connus. Machado, ajoute-t'on, étoit un des favons du Guillaume 111. Ce Mouarque réconnoiiïbit qu'il avoit rendu des grands fervices a fes armées en Flandres. Le Baron d'Agutlard Thréforier de la Reine d'Hongrie (1'Auteur écrivoit ceci il y a prés de 30 années) eft encore régretté a Vienne, &c. Les Juifs Portugais pinto & Lindo, le premier Auteur de la Circulation & du Crédit &c. font encore vivants Sc très-eftimés par leur politefie & par leurs talens. Le Juif Allemand Boas le Pere , mort depuis quelques années, étoit auffi trés cftimé a la Haye Sec. Sec. I 4  i36 Chap, V. COMMERCE DES JUIFS pour moi je crois qu'il font en même-tems 1'un & 1'autre. Mais comme ce n'eft ni Thifloire ni 1'apologie des Juifs que j'ai entreprifé, revenons a ce qui concerne particuliérement cette Nation par rapport au Commerce. Du tems d'AuGUSTE on vit. le bas peuple d'entre les Juifs faire déja le métier de courir par les nies* pour- vendre ou achetter des guénilles, & d'autres chofes de peu de valeur (63). Le Gouvernement eut même foin de pourvoir a leur fubfiftance , car du tems de cet Empereur on diftribua auffi de 1'argent &.du bied aux juifs qui étoient dans la mifere (64). . Sous Tigere, ce peuple dans Rome étoit fi nombreux, mais en méme-tems fi peu eftimé , qu'on en envoya quatre mille pour peupler la Sardaigne, a caufe du mauvais air qui y régnoit alors, & pour fervir de défenfe contre les inydions que ks Pirates y faifoient continuellement du cöté de la mer (65). Dès après 1'époque de la deftruêtion de Jé- ■ (63) Basnage; p, 1347. (64^ Ibid. p. 1343. (65) Ibid. p. 1347. On peut encore obferver ce que MuraTORi dit des Juifs dans fes Annalcs. T. I. p. 103 &c. II faut obferver que dans le premier fiecle de 1'Ere Cfirétiennë, les Juifs & les Guétiens ont trés iöuvenc été confondus enfemble.  EN E U R O P E, &c. 137 nifalem on obferve qüe lés premiers juifs exercoi:nt la fönction de Médécins, car ils ont eu depuis dans plufieurs enciroits leurs Académies ou Univerfités '(66): il y en eut auffi parmi eux qui s'adonnerent a l'Aftrologie judiciaire (67); car • cette prétendue fcience, furtout dans les fiecles 'd'ignorancei, ou de barbarie, fut en vigueur tant parmi les Grands que parmi le bas peuple. Mais la plupart des Juifs étoient addonnés au commerce, oü aux affaires qui avoient du rapport a la régie'des Finances de Ia République, du Royaume ou des Etats oü 'ils fe trouvoient. s Et le; bas peuple parmi eux cherchoit fa fubfütance par toute forte de moyens, & même par leurs travaux aux Ouvrages nublics. Mais comme 1'efprit de ce peuple en général étoit fouvent incliné a la révolte;'qu'ils étoient en outre haïs'& méprifés, ils ont fouvent fubi des perfécutions de Ia part des Empéreurs , & • (6(5) Voyés Easnaoe 3?,5 a 393- Les premiers Evèqucs Chrétiens émient aufii Médécins. Muratori rapporte il 1'an 52S que Symmaquc le Rhéteur, homme célebre fous Ie régne de Tkdodnric, étoit Juif. il. étoit trés éloquent, & faifoit Ia foncHon d'Avocat. Annales T. IIr. p. 344. Le menie Auteur rapporte a 1'an f,\\. que Charlemaöne eut pour maitre le GrammaÏTien Picrre le Diacr'e Je Pife . & que cdui-ci eut une difpute dc Iittérature avec .lt juif "Julia, T. IV;». 380. (67) Basnage. Pline. ■ Liv. 36. • Oeuvres -de Bayle. T. \\\, p. 125. Ravenna dominante d'a dal Corno, pag, 203. an.^tü. I 5  138 Chap. V. COMMERCE DES JUIFS par la leurs Priviléges en fouffrirent beaucoup (08). II faut pourtant avouer que quelquefois les hmpéreurs & les Princes Chrétiens, ani•més de 1'efprit de converfion, les ont trop tourmentés, & par la donné occafion auffi a des émeutes tumultueufes de leur part (69). Cependant dans les Siecles oü ils ont été laiffés le plus tranquilles, on leur a ordinairement permis de prendre en régie les fermes, de faire le Commerce en gros & en détail (70), dë faire le tralie d'échanger les efpeces, furtout le métier de préteurs d'argent a intérêt, c'eft-a-dire, en d'autres termes plus énergiques, Je vrai métier d'ufuriers, & de fervir dans cette partie , & dans celle des Finances, les Princes & les Grands: j'en vais donner des exemples. En France Childebert avoit déja publié en 540 une Loi, qui défendoit aux Juifs de (68) Voyés ce que Muratori rapporte des Juifs dans fes Anjiales d'ltalie. T. i. p. 94- 103. 138- 188. 222. 322. 35° * 355512. 541- t. ii. 122. 272. 369. t. iii. p. 302. 333- 355- T. IV. ,6c, Basnage. p. 1373- 1525 & 1568. Oü on trouve des exemples des rébellions qui eurent lieu en Italië & dans le Levant, a Mexandtie, a Antioche, dans la PaUfline, i Rome, &c. (69) Idem. & Hift. du Bas Empire par le Beau. t.x1i. p.132. fous Phocas a 1'an 610. p. 157- 160. &c. (70) Hift. du Bas Emp. t. VI. p. 64. Les Juifs s'étoient emir xhis par les ufures & par le Commerce. Ils étoient devenus puisfants. t. XI. p. 49° T« XII. p. 3=0.  EN E U R O P E, &c. i3Sr montrer publiquement, depuis le Jeudi Saint jufqu'au dimanche de Paques , afin de prévenir toute émeute parmi la populace. Le Concile tenu a Orléans la même année avoit fait une pareille défence, ce qui fait voir combien les Juifs s'étoient déja répandus dans le Royaume de France. Grégoire de Tours rapporte encore d'autres événemens, qui font voir combien le Clergé fe donna des mouvements pour convertir les Juifs (71). Chilperic tenta auffi leur converfion. L'Historien de Tqurs dit, qu'ils étoient riches & • confidérés dans fon Royaume de Soiffbns Sc dans Paris. Ce Roi eut a fon fervice, en qualité de Banquier, un Juif nommé Prifcus, qui fut bcaucoup en faveur & en grande eftime auprès de lui. II achetta pour le Roi toute forte de vieilles efpeces, dont lui & fes fuccesl feurs en firent battre de nouvehes (72). J'ai déja dit cpxtn Afrique, fous le régne des ! Vandales (73) , les Juifs exercoient librement j le Commerce. Lorfque Belisaire (en 536) vint affiéger la ville de Naples, il y avoit un I grand nombre de Juifs établis, qui y étoient (71) Basnage, p. 1580. Muratori. Diff. XVI. (72) Muratori. Diff. XVI. üi/leire de France, par Velly. I T. I. p. 30, &c. Edit. f'a-40, (73) Basnage. p. 1536.  :4o Chap. V. COMMERCE DES JUIFS tres confidérés, & y exercoient le Commerce (74)- - ; ; \™ Le Pape Grégoire L fut tres favorable aux Juifs, mais- défendit qu'on leur vendit des Esclaves chrétiens, dont ils faifoient un grand trafic, ainfi que cela paroit par les Lettrts qu'il écrivit a la Reine Brunehaut, & au Gouverneur de la mik. Un Juif Négociant trés riche en fut 1'occafion, car celui-ci ayant achetté plufieurs Efclaves chrétiens, on le forea de leur rendre la liberté; & pour y contraindre t0us les autres plus efficacement,»il permit que les Efclaves des juifs qui fe réfugieroient dans les Eglifes, obtiendroient leur liberté (75). Janvier, qui pour lors étoit Evêque de Cagliari , renvoya les Efclaves fugitifs a leurs tnaitres, ou achetta leur liberté, employant \ cet efFetles thréfors de 1'Eglife, ainfi qu'Onesime avoit déja fait (76). r II paroït encore que du .tems de Pape Grégoire I. ü y avoit des juift dans la Ville de marfeille, fi célebre dans. 1'antiqui.té, öc oü on venoit des' pays les plus éloigné's pour y faire le Commerce (77)- (74) Basnage. p. 1562. Hift. du Bas EmP. T. IX. i L'ao 53«. (75) Idem.. 157'- Muratori. Diff. XVI. (76) Idem. 1571- (77) Idem. p. 158°' Grégoire i. Ep, 45-  EN E U R O P E, &c 141 Dagobert I, au commencement du VIIme. Siècle, les perfécuta; deforte que les juifs qui étoient dans fes Etats, & ceux qui étoient vernis d'Efpagne, d'oü Sisebut les avoit chaffés, durent quitter fon Royaume, ou fe faire Chrétiens, s'ils vouloient refter (7d). Plufieurs d'entr'eux firent femblant d'embraffer le Chriltianifme, comme cela arrivé encore quelquefois dans les pays d'Inquifition. Toujours il paroit que dans les Siecles du moyen dg», ainfi que de nos jours, lorfque les Juifs étoient tolérés dans un pays oü il y avoit quelque commerce, on y en trouvoit beaucoup ou ils ne tardoient gueres a s'y venir établir, pour y donner un libre cours a leur induflrie. On vit auprès de Charlemagne un certain Négotiant trèsrenommé, mais Juif, qUi étoit en grande faveur auprès de lui, & dont ce Prince faifoit beaucoup de cas. Ce Juif fit plufieurs voyages a la Terre Sainte, foit pour fon compte particulier, ou pour le compte & par ordre de ce Prince. II revint chargé de plufieurs effets précieux & trés rares, qu'il rapporta de ce pays & des contrées voifines (79). (-5) Basnage. p. 1583. (79) Idem. p. 1602 & 1612. & Muratori. DilT. XVI.  342 Chap. V. COMMERCE DES JUIFS Pendant fon régne on trouve encore d'autres Monumens, qui font voir combien les Juifs 8'occupoient de toute forte de trafic ; dans un de fes Capitulaires de Fan 8oó\ on trouve ce qui fuit: „ Tous les Evêques, Abbés, ou AbbelTes, „ feront foigneufement obferver, qu'on ait attention que les thréfors des Eglifes ne '„ foient aucunement, foit par négligence ou autrement, divertis par ceux a qui on les " a confiés, afin qu'aucune pierre prétieufe, ou aucun vafe ne vienne a fe perdre, car " on nous a informés que les Marchands Juifs, & encore d'autres, s'avifent d'achetter beaucoup de ces chofes des Gardes des thré- '„ fors C8o)-" . . Suivancle témoignage d'/Jgnelh, qui floris- foit vers 1'an 830, dans fon hiftoire de la vie des Archevêques de Ravenne, on voit qu'on confervoit dans la ditte Ville une Couronne d'or, qui quoique pas tout-a-fait pur, étoit pourtant enrichie de pierreries trés prétieufes. L'Empéreur Charlemagne ayant demandé k un Négociant Juif , combien cette piece pouvoit valoir, il répondit, que quand on vendroit même tous les thréfors & les autres ornemens (80) Muratori. Diff. XXX. Lindenbrogius. p. 1317-  EN E U R O P E, &c. 143 de 1'Eglife oü la ditte Couronne fe trouvoit, ils ne produiroient pas une fomme qui égalat Ie prix que la Couronne valoit (81). II eft trés probable que les Juifs , malgré les perfécutions qu'ils ont fubi fous Dagobert, trouverent moyen de fe maintenir en France, car Agobert Archeveque de Lyon fe plaignit a l'Empéreur Louis k Picux, que les Juifs non feulement s'y trouvoient en grand nombre, mais qu'ils y étoient fur un pied a ofer tout entreprendre. Entr'autres ils y achettoient librement des Efclaves chrétiens, qu'ils revendoient après aux Sarrazins, qui pour lors occupoient YE/pagne (ga). II ajoutoit: nous „ avons beaucoup a fouffrir de ceux qui pro3, tegent ou favorifent les Juifs, a caufe par„ ticuliérement de ce que nous avons annoncé „ aux Chrétiens, de ne pas vendre des Efcla„ ves, & qu'ils ne doivent pas permettre que „ les Juifs tranfportent des Chrétiens pour les „ revendre en EJpagne." Basnage dit (page i5I5s)qu'il y avoitdes Juifs a Bordeaux lorfque les Normands y firent leurs invafions; que les Juifs faifoient un Commerce trés étendu en France: cela eft en- 0?O Muratori. Diff. XXX. (32) Idem. & Basnage. p, 1612.  144- Chap. V. COMMERCE DES JUIFS core prouvé par FAdte de ceflion de Charles le Chauve, oü entr'autres il eft dit, a 1'article du Commerce, que les Négociants Juifs paye* ront la dïxieme partie, & les Négociants Chrétiens Yonzieme (b'3). Au onzieme fiecle on trouve même qu'en Hongrie, Ladijlas & Coloman, quqiqu'ils eusfent défendu aux Juifs d'avoir % leur fervice des Efclaves chrétiens, ils leur avoient cependant permis d'avoir des Terres en propre, moyennant qu'ils fe ferviroient pour les labourer d'Efclaves qui ne fuflent pas chrétiens (84). On les trouve au douzieme fiecle dans Barcelone, qui alors étoit fréquentée pour le Commerce par des Négociants Grecs & Egyptiens: a Narbonne il y avoit environ trois cents Juifs, leur Rabin Kalonimas étoit riche, puilfant, & poffédoit plufieurs terres (85). La Ville de Montpelüer étoit remplie de Mahomet ans, de Grecs, de Chrétiens & de Juifs, ce qui fait voir combien le Commerce florifibit alors dans cette Ville. A Beaucaire il y avoit auffi beaucoup de Juifs. Enfin dans ce XIIme- Siècle il y avoit dans plufieurs endroits (83) Muratori. Diff. XVI & XXX. (84) Basnage. p. 1630. (85) Idem. p. 16542  EN E U R O P E, &c. 145 droits des Juifs pour le Commerce, avec des Synagogues, nommément a Aries, a Marfeille&t dans plufieurs autres Villes, & même dans des Bourgs; il y en avoit auffi beaucoup a Paris (86). II eft prouvé par ce que Amile Evêque de Lyon & d'autres Auteurs en ont écrit, qu'ils régiffoient les fermes du Royaume (87). Mais furtout ils ont excellé, pour ainfi dire par toute YEurope, par le trafic du prêt d'argent a ufure. On peut voir ce que Pahidius a écrit d'eux dans fes Dialogues , de même que Jacqites Vïtracio dans fon Hiftoire Oriëntale (88), & encore d'autres Hiftoriens qui ont traité des affaires d'Italië, de France ,d'' Allemagne & d'Angleterre. Je dirai encore quelque mots la-deffus dans le Chapitre fuivant. Au refte, on peut voir encore ce que les Evêques Catholiques ont dit d'eux dans les Conciles. Le 4rae. Concile de Latran porte au <58me. Canon: „ Plus la Réligion s'arme contre „ le trafic des Juifs ufuriers, & plus la mau„ vaife foi des Juifs gagne du terrain contre fes Décrets, enforte que bientót ils auront „ épuifé & ruiné entiérement les Chrétiens." (86) Basnage. p. 1654. (87) Muratori. Diff. XVI; & Ba-nage. p. 1613. (8ö) Uem. c? Traité des prets dc Commerce 8c. K .- .  146 Chap. V. COMMERCE DES JUIFS II leur fut donc ordonné de reflituer les ufures exceffives qu'ils avoient prifes: & il fut recommandé aux Princes Chrétiens de défendre aux Juifs un trafic fi ruineux pour leurs fujets, & en même-tems fi infame (89). On obferve par ce que Muratori , Basnage & d'autres en ont dit, que les Juifs ont été dans ces fiecles obligés de porter des marqués ou des fignes deftinés a les faire reconnoitre dans le public (9°)- Enfin ils ont encore en Italië dans les grandes Villes, comme a Vénife, a Ferrare & a Rome des Quartiers a eux: de même a Confiantinople (91)., & dans les principales Echelles du Levant. On fcait fur quelpied, & en quel nombre ils font a Amfterdam , oü depuis la fin du XVImc. fiecle ils fe font établis & multipliés de plus en plus. Ils habitent dans cette Ville un grand quartier, oü pour ainfi dire il n'y a que des Juifs. Ils jouilfent parmi nous de beaucoup (89) Muratori. tf Traité des prets de Commerce (3c. (90) Idem. Basnage. Enafautres a 1'an 1221. Le Synode ou Condle tenu a Ravenne 1'an 1311. en fait auffi mention. C91) Vo^s Muratori. Diff. XVI. La Ch2rtre de 1'an 1090, que Muratori donne , fait auffi mention des Terres & des Maiions que les Vénitiens polfédoient a Conflaniinople, oü on voit qu'il y avoit un Quartier pour les Juirs. De mon tems (depuis 1752. jufqu'en 1758,; il y en avoit un grand nombre^Muratori fait auffi mention du Quartier qu'ils ont a Vénife &c. Basnage. p. 1843. fait mention des Synagogues qui fe trouvoient aux XVI & XVUmc. fiecles en Italië.  EN E U R O P E, &c 147 de prérogatives (92). On évalue leur nombre dans cette Ville a environ vingt deux mille, dont il y a au-dela de trois mille Juifs Portugal! : autrefois ce nombre étoit plus fort (93). Basnage dit, que le nombre total des Juifs répandus fur le globe ne fe monteroit qua environ trois millions; mais ce nombre me paroit trop petit (94), car dans tous les Pays oü on les tolere, & oü il y a du commerce, on y trouve des Juifs en foule. II eft vrai que dans nos Etabliifemens aux Indes - Orientales on y en rencontre peu; je ne fais pas pourquoi, & cependant je fais perfuadé que tout Etat qui s'occupe maintenant du Commerce, devroit tacher de leur accorder, non feulement un azyle honnète, mais encore certains priviléges encourageants : car 1'efprit de ce peuple elf extrêmementpropre pour foutenir toute forte C92) Au fujetdes Synagogues des Juifs qui fe trouvent a /Imfteriam, & de ieurs prérogatives, Wagenaar en fait mention dans fa Descripcion de Ia ditte ville. C93) Voyés nos Annales aux Années 1778, 1779, 1780, 17S1 & 1782. oü on trouve noté le nombre des morts a Amjlerdam favoir- En 1778 . 621. '779 • 577 dont Juifs Portugais 94. 1780 -7i5 m, «781 .695 g l7»2 • 72Ö \ \ In<" (94) Basnage. p. joaö. K z  H3 Chap. V. COMMERCE DES JUIFS de tntvail, rélativement aü Commerce, & furtout par rapport a celui qui fe fait par des profits réitérés. Par exemple le commerce du Change & en Efpeces entre Londres, Hambourg & Am fier dam, eft en grande partie entre leurs mains, & eft conduit avec beaucoup if économie : ce qui fait beaucoup de bien au Commerce en général, & particuliérement a celui que nous faifons dans tous les Pays del'Europe(95). Et combien le bas peuple parmi les Juifs ne fe mêle-t'il pas de toute fortede travaux pénibles, comme de fcieurs de bois, de courir par les rues pour achetter & vendre des guénilles, de la porcelaine, des fruits & des légumes, qu'ils donnent a des prix extrêmement bas? Cet objet eft d'une grande reffource pour cette clafle du peuple, qui vivroit fans cela C95) Le commerce que les Juifs font avec les Lettres de Change & les Elpeces, fe borne fouvent a un quart, a un tiers, ou & un demi pour cent de profiï en huit ou quin2e jours dc tems: leurs Corrcfpondans font ces fortes d'affaires pour un huittreme, T. I. P-S««.  AVANT LE XVI SIÈCLE. 161 tel exces, apparemment felon la maxime Férimur in vetitum. Comme les Juifs, ainfi que nous favons dit au Chap. Vme. doivent néceffairement s'adonner au Commerce pour pouvoir fubfifter, on n'aura pas de peine a croire qu'ils n'auront affurément point négligé celui de 1'ufure. Aufli cette branche de commerce a toujours été leur fort. Non feulement ce font eux, felon 1'opinion commune, qui ont mis en train les lettres de Change avec les petits profhs qui y font attachés, mais ils ont toujours été avides de préter de 1'argent aux Etrangers, au moyen d'un certain gain, plus ou moins grand, felon les circonftances. Us femblent même en quelque facon y être autorifés par leur premier Légiflateur. Partout oü les chrétiens fe font mêlés du commerce d'ufure, les Juifs ont été en concurrence avec eux, & ont même eu 1'avantage fur eux. Car enfin, un Chrétien ufurier craint toujours plus ou moins 1'Excommunication, & 1'efpece d'infamie qu'elle entraine : au lieu que le Juif s'en mocque, & va fon train. De forte que les excommunications de 1'Eglife, au lieu d'opérer un bien , firent un effet tout contraire au profit des Juifs; & le taux des ufures hauffa dans la même proportion. Car plus le nombre des Chrétiens ufuriers dimiL  j62 Chap. VI. DJ TAUX DE L'USÜRE nuoit, plus les Juifs venoient les rempiacer, & plus ils étoient libres de mettre leur argent a un plus haut prix. Ce Peuple devint par la dans certains befoins , non feulement plus odieux, mais leurs richelTes devinrent des attraits plusfor'ts pour quelques Grands Seigneurs. Ils étoient donc tantot chaffés & maffaerés par le peuple,- & tantöt rappellés, ainfi que nous 1'avons déja vu, & que nous aurons occafion de le faire remarquer dans la fuite. L. s Ufuriers Chrétiens écoient prefque toujours a fabri de ces avanies, foit paree.qu'ils étoient EtrangcTS, ou paree qu'ils étoient plus a portée de s'affurer de quelques protections particulieres auprès des Grands, ainfi que je 1'ai déja obfervé au Chapitre IV™. Selon Muratori (32) lorfque le commerce d'ufure commenca a fe répandre, .& a devenir prefque général, celui .-■qui pr étoit a ufure faifoit ordinairement le pret pour fix mois; & 1'empruntêur faifoit un don pour la demi année. a celui qui lui prétoit 1'argent, lequel don étoit compris dans Ie Capital. C'eft. ce que certains Cafuiflcs ont nommé Contraiï de Mohatra; par exemple, une perfonne emprunte de quelqu'un vingt piftoles, & afin d'év.iter 1'odieux de 1'ufure , il lui donne un Billet par lequel il xecon-, (32) Muratori T. I. p, 893. 894.  AVANT LE XVI SIÈCLE. 163 noit être rédevable de trente pifloles. Voyés la 8ras. Lettre de Mr. Pascal a un ProvinciaL' Si dans le Contract on avoit fixé untermepour le rembourfement, ce terme expiré, fi le Débiteur ne fatisfaifoit pas, il étoit dans ce casobligé , pour dommage Sc intéréts, felon la teneur dudit Contract., de payer de chaque Livre, quatre deniers, ou fols par mois, ou bien, ce qui revient probablement au même, quatre impériales pour chaque Livre de gros (Libra GroJJa) de la fomme principale ou du Capital (33). En voïci un excmple: le 5 Avril de 1'année 1264. Jacobo Fafanini Bolonnois, habitaht de Modcne, prit a intérêt vingt Li? vres & fix deniers monnoie'de Modene, Sc. s'engagea h les rémbonrfer dans fix mois. II n'avoit pas regu en emprunt & en efpeces ré elles ladite fomme de vingt Livres & fix deniers mais quelque chofe de moins': ce qu'il avoit recu, & le don qu'il avoit promis, ou bien 1'intérêt qu'il avoit ltipulé , le tout formoit la ditte fomme. Le don étoit donc conrpris dans' le Capital. Ayant manqué au-payement au tenls" prefcrit, 1'affaire fut pörtée devant les Juges,' lefquels le 21 Mai 1270 prononcerent: quele Débiteur devoit payer quarahte quatre Livres Monnoie de Modene, c'eft-a-dire, 20 L. 6 d. (33) i.lURATOlU. T. L p. 893. 894. L 2  iöi Chap. VI. DU TAUX DE L'USURE de Capital, & 24 L. pour légitime accroiflernent en fus du Capital, pour dommage & intéréts, a raifon de quatre fols par chaque L. conformément au ftatut des Communes de Modene. Muratori ajoute: „ fi je ne me trompe „ point dans mon calcul, 20 L. & 6 fols pour 3, fix années & feize jours, donnent un intérêt „ de 24 L., qui ainfi verfé fur cent, donnent un intérêt de vingt, ce qui étoit d'accord avec 1'Ordonnance d'alors." (34). Parmi les Statuts de la Ville de Vèrone dans 1'année 1228. au Chap. 26. il étoit ordonné que le cours de 1'intérêt feroit dedouze&demi, pbur cent par an. II y étoit en outre ftatué, que rélativement aux intéréts qui auroient lieu a 1'avenir, le cours en feroit a douze demi pour cent, & que les Créditeurs feroient obligés de donner aux Débiteurs une année de délai pour le payement, lorfque ceux-ci auront payé 1'intérêt de 1'année précédente &c. Et au cas que le Crediteur recut quelque chofe au delfus de I2§ pour cent, cela devroit être retranché, ou porté en compte fur la fomme Capitale (35)- Dans la fuite on tacha en Italië de pré venir (34) Muratori. T. L p. 893. 894. (35) Idem.  AVANT LE XVI SIÈCLE. 165 autant qu'il étoit poffible les abus énormes que de pareilles conventions entrainoient; car on trouve que dans 1'année 1327. on avoit fait a Modene un Réglement coneu en ces termes: „ Que tous les engagemens ou Contracbs faits ,, depuis 12 ans pour certaines fommes en „ efpeces données a intérêt a quelqu'un, pour „ quelque objet que ce foit, pourront être li,, quidés , en payant feulement laqiiatrieme par„ tie de la fomme due, & que cette quatrieme „ partie fera dorénavant confidérée comme „ formant le Capital de la dette: bien entendu „ qu'il fut prouvé, que le Créditeur faifoit „ le trafic d'ufure lorfqu'il avoit contracté, „ ce qui devra fe prouver par quatre témoins „ dignes de foi ou accrédités, tous Bourgeois & habitans de Modene, qui attefleront que „ le dit Créditeur faifoit alors le métier d'ufu„ rier, & qu'il prétoit de 1'argent a intérêt, „ a raifon de tant par mois, & de tant par „ Livre, ou que les Débiteurs lui ont payé ,, 1'intérêt, foit a lui - même en perfonne, ou ,, par d'autres indireélement" (36). On voit par ce récit que 1'ufure légale dans plufieurs Villes de Vltalie dans le XIII & XI Vffic. Siecles , étoit au plus haut de vingt pour cent. J'ajoute, que communcment dans cls tems-la (36) Muratori. T. I. p. 893. 89;. L 3  i66 Chap. VI. DU TAUX DE UUSURE il a roulé .depuis dix jufqu'a vingt pour cent; il fut même porté, fur les confiris óe Vltalie, infiniment plus haut, pütfque dans le Friuli il étoit même a raifon de foixante vinq pour cent 1'année (37). Voyons maintenant ce qui s'eft palTé hors de Vltalie rélativement a ce trafic. D'abord le perfonnage que les Juifs ont fait dans ces fortes de prets k ufure, mérite que nous faflions ici une petite digreffion a leur égard , & particuliérement pour ce qui regarde la France, oü ils ont été répandus pour ainfi (37) Voyés Zanetti Delle muntte. T. % p. 3®5' ^ !a Note A. 0;i tiouve dans 1'Ouvragc Della Decima &c. T. II. p. 139. 1'Anccdote fuivante : „ Lorfque dans 1'année 1383. il y eut une „ grande mortalité ïi Florence, les Florentins fehtarit leurs Confcicn- ces émues, fe firent même un cas de confcxnce de prendre de 5, 1'argent du Mout du public a 5 P1™1' cc,;l- Ce fut alors 1ue „ les Communes, pour les tranquiiiifer, déclarerent que ceux qui „ prétoicnt tic 1'argent pourroient prendre quelque chofc au delfus „ de Ia fomme prétée, non comme intérêt, mais comme Dongrc„ tuit. Le Most du public varioit fur 1'intérêt de 1'argent, prenant quêlquefois de 1'argent li emprunt a 20. 15. 12 par cent, & même h moins , tandis que fouvent ils prétoicnt ïl un prix exliorbitant, comme cela arriva en 1359. & en 1580. Mais Ie cours ordinaire, de particulier a particulier, ou entre Commcrcants, étoit de 4 fols par Livre, ou de 20 pour cent 1'an. fcourtant dans 1'année 1420 la nécenné obligea les Communes de ftatuer, qu'on- pourroit prendre fur le gage liypotbéqué 5 fols ou dcnari de la Livre, ou 25 pour cent. Et afin de faire tomber le cours ue 1'intérêt a 20 pour cent, on prit Ie parti d'inviter les Juifs a venir s'éublir a Florence.  AVANT LE XVI SIÈCLE. 167' dire de tout tems, & ou ils ont toujours fait toute forte de commerce, & principalement, comme cela eft naturel, celui oü il y avoit le plus a profiter. Or tel étoit pour lors dans ce Royaume le commerce d'ufure, que les Juifs y exercoient. En 1096. ils en furent chaffés par Phil?ppe I , k caufe de leurs ufures exorbitantes, & des exaclions ruineufes qu'ils y exercohnt. I!s y revinrent enfuite: mais Phxlippe II. les chaffa de nouveau en 1182. Quelques années après les guerres dans Iesquelles ce Prince s'engagea, <$c le befoin d'argent pour payer les troupes réglées qu'il voulut entretenir a fa folde, lui firent rappeller les Juifs. Les nouveaux exeès qu'ils commirent par leurs ufures obiigerent Phixtppe II. de faire contre eux de nouvelles Ordonnances. Par celle du mois de Février 1218. il leur défendit de préter de 1'argent a ceux des Chrétiens qui n'avoient point des biens fonds , & qui ' vivoient du travail de leurs mains:. & par rapport aux autres, ils ordonna qu'on ne pourroit exiger de la fomme prétée pendant une année qu'un intérêt de deux deniers pour Livre par femaine, ce qui fait quarante pour cent par an. Cet intérêt étoit déja trés confidérable; il le devenoit encore plus fi on y ajoute le profit L4  m Chap. VI. DU TAUX DE L'USURE qu'on peut faire en faifant valoir les intéréts & en les joignant au Capital (38). Malgré cette derniere Ordonnance ils continuerent a exiger des intéréts plus forts; & pour couvrir leurs ufures, ils faifoient palfer au Débiteur un Acte pour une fomme plus forte que celle qu'il avoit' effeclivemenï recue. Ce Prince fut donc obligé de rendre au mois de Septembrë de la même année une nouvelle Ordonnance, par laquelle il défendit de noüvéau aux Juifs de faire payer un intérêt plus fort que deux deniers par Livre par femaine; & il ordonna qu'on feroit jurer au Juif & a 1'emprnnteur, que la fomme contenue dans 1'Obligation avoit été réellement prétée en entier (39). Louis VIII. fon SuccelTeur alla plusloin; car 1'an 1223- il ordonna que toutes les fommes dues aux Juifs , a compter du jour de 1'Oclave-de la Touffaints de la même année, ne produiroient plus d'intérêt &c. Sous le régne de Saint Louis, tous les Ufuriers, tant Juifs que Chrétiens, qui n'avoient pu être réprimés par les Ordonnances de fes (38) Maurs & Coutumes des Francais, par lc Gendre. p. 130 &c. & Traité tics Prets &c. p. 294. (39) Traité des Prets &c. p. 294.  AVANT LE XVI SIÈCLE. 169 prédéceffeurs, continuerent leürs excès. Les Seigneurs dont ils achettoient la proteétion en leur faifant part de leurs gains , voyant St. Louis déterminé a rémedier a ces abus, mirent tout en oeuvre pour engager le Roi a fe contenter de défendre aux Chrétiens de préter a ufure. Mais toutes leurs Remontrances n'arrêterent point 1'Ordonnance, qui fut donnée a Melun au mois de Décembre 1230, & par laquelle ce Prince déclara, que ni lui ni fes Barons ne feroient point payer en juflice les dettes que les Juifs contracteroient a 1'avenir, c'eft-adire , que les Juges ne leur préteroient plus leur miniflere pour répéter les fommes qu'ils préteroient a 1'avenir. A i'égard de celles qu'ils avoient prétées par le paifé, il accorda aux Débiteurs trois ans, pour les payer en trois payemens égaux. On vit paroitre enfuite d'autres Ordonnances, furtout en 1234 & 1257 ou 1258. Les Juifs furent de nouveau chaffés, & leurs biens ' confifqués. Ce pieux Roi n'épargna pas non plus les Ufuriers Itaüens, qui jaloux du gain que les Juifs faifoient, étoient venus en France, & s'étoient même répandus dans toutes les parties de YEurope, qu'ils ruinerent par L 5  i7o Chap* VI. DU TAUX DE L'USURE leurs ufures exhorbitantes (40). C'étoient des Lombards, & auffi les Corfins ou Coarcini, dpnc j'ai déja fait mention dansle IVrae. Chapitre (4i)- Et rélativement a ces derniers, il fit publier au mois de Janvier de 1'an 1260. ufle Ordonnance adreffée a tous fes Baillifs, concue en ces termes: ,, Nous avons appris, „ dit ce Prince, que les Lombards & Corfins, 1, & autres Ufuriers, prétent publiquement a „ ufure & fur gages dans notre Royaume; „ qu'ils y ont»des Maifons & des Bureaux par„ ticuliers pour exercer ce commerce; qu'ils „ appauvriffent extrêmement notre Royau„ me &c." Par cette Ordonnance il fut ftatué qu'ils ne pourroient répéter que le Capital, fans aucun intérêt: & il fut ordonné de les chaffer &c. Soit que cette Ordonnance n'eut pas été exécutée, foit que les Lombards contre lefquels elle avoit été rendue fuffent revenus après la mort de St. Louis, ou pendant fa derniere Croifade, Phiiippe III. fon fils & fon Succesfeur fut obbgé de la renouveller dans le Parlement tenu 1'an 1274. Phiiippe IV. chaffa de (40) Traité des Prêt? &c. p. 295 & 296. (40 Voyés auffi Traité des Pièts &c. p. 296. oü il eft fait auffi mention de la Ville de Cahors.  AVAN.T LE XVI SIÈCLE. 171 même les Juirs, en 1290; & jjl fut ordonné que tous les Juifs qui étoient venus #Angleterre & de Gafcogne en France en feroient chaffés avant la mi:Carême. Neuf ans après ce Prince renouvella 1'Ordonnance de St. Louis contre les Ufuriers; & 1'an 1311. il lamodéra: car il fixa que Ton exigeroit feulement un denier par femaine, ou quatre déniers par mois , ou quatre fols par Livre par an, cc qui revient a vingt pour cent (42). Et pour ce qui concerne les Foires de Champagne , qui alors étoient trés célebres, il fut réglé qu'on ne payeroit que cinquante fols d'intérêt pour cent Livres , d'une Foire a 1'autre: il y avoit alors lix foires par an en Champagne, ainfi 1'intérèt pour le Commerce étoit réglé a quinze pour cent-, ce qui étoit encore plus fort que 1'ufure fixée par les Loix des Romains. II défendit encore de convertir de quelque maniere que ce fut 1'intérêt en principal, pour lui faire produire un nouvel intérêt: c'eft ce qui avoit été auffi défendu par les Loix Romaines fous le nom d'Anatocifme (43). Ce Prince par une feconde Ordonnance défendit toutes les Ufures contraires a la loi de (42) Traité des Prêts &c. p. 300. (43) Idem. Anatocisme étoit un intérêt fur intérêt. Voyés, p. 300.  i72 Chap. VI. DU TAUX DE L'USURE Dieu & des Conciles. Cette Ordonnance étoit trop vague, pour qu'elle put produire 1'elf et défiré. Quoiqu'il en foit, il paroit qu'il laiiTa en vigueur par fon Ordonnance ce qui avoit direótement rapport au commerce: car 1'ufage de retirer 1'intérêt de 1'argent aux Foires de Champagne, ou k celles de Lyon, qui leur avoient fuccédé, continua encore. Louis X. fils, & Succeifeur de Phiiippe le Bel, fut obligé par plufieurs raifons de rappeller les Juifs dans le Royaume: ils y exercerent avec inhumanité , comme ci-devant, leur trafic d'ufure, de forte que le Peuple, voyant 1'inutilité de toutes ces Ordonnances, & qu'on ne travailloit pas efficacement a réprimer ces excès, prit le parti de fe faire juftice a luimême, & en vint jufqu'a bruler un grand nombre de Juifs; ce qui obligea Phiiippe V. de les chalfer encore une fois 1'an 1321. Mais les Iïaüens, & autres Ufuriers Chrétiens, vinrent prendre leur place , & continuerent ce commerce. Mézéray rapporte que ces Ufuriers n'ayant mis en Banque que quatre cent mille Livres, ce Capital & les ufures fe trouverent monter a deux millions; d'autres Hiftoriens difent (ce qui paroit prefque incroyable) qu'ils avoient tiré vingt quatre millions quatre cent mille Livres, quoiqu'ils n'euffent effeclivement  AVANT LE XVI SIÈCLE. 173 prété que deux cent quarante mille Livres. Quoiqu'il en foit, Phiiippe VI. dit de Valois, les chaffa du Royaume en 1348. Tout ie Capital qu'ils avoient prété fut confïfqué, & tous les intéréts qui leur étoient dus, furent remis aux Débiteurs (44). Dans la fuite ce Prince, par une Ordonnance de 1'année 1349. confirma celle de PMlippe IV. rélativement aux prêts de commerce des Foires de Brie & de Champagne. Les Rois fuivants ne furent pas moins zélés pour défendre 1'ufure; mais ce qu'il eft bon de remarquer , ils ont toujours diftingué & excepté ce qu'on nomme Prêt de Commerce (45). Quant k Y Angleterre, les Juifs y étoient déja établis dés avant Ia conquête de Guillaume le Conquérant (en 1066). Leur nombre s'y accrut confidérablement fous Ie régne de ce Prince, car felon les Hiftoriens, il y en eut beaucoup qui y vinrent de Rotten, & de toute Ia Normandie (46). En 1100. ils avoient, par le moyen du Commerce & du trafic d'ufure, (44) Traité des Prêts &c. p. 302. & fuiv. (45) Idem. p. 303. (45) Robert Henrys Hiflory of Greae Britain. An. i?r. Tom. lil. p. 528. & Anderson. Chron. DeduSt. of Comm. T. I.' p. 58 & 61.  ï74 Chap. VI. DU TAUX DE L'USURE confidérablement augmenté leurs richeffes (47). Ils" fe trouvoient établis dans plufieurs Viües, comme a Londres, h'Norwich, a Stamford, a St. Edmunds Bury, .a Lynn, a. York &c. (48); Les Juifs dans ces tems-la étoient confidérés' en Angleterre comme des Efclaves, & leurs Perfonnes, biens & poffeffions, comme appartenant aux Terres des Seigneurs, ou du Roi, & par conféquerit confidérés comme appaftenant au Domaine du Seigneur du lieu ou ils demeuroient. Iï' y avoit même pour lors un Echiquier pour eux en particulier, & qu'a caufe de cela on nommoit Echiquier des Juifs (49)- :'- ; •'- af Outre les Juifs, plufieurs Marchands Chrétiens' Etrartgers fe trouvoient auffi établis en 'Angleterre,'non feulement pour le Commerce, mais partictdiérement pour le tralie d'ufure. En 1106. 'Ie Roi Edouard bannit de fon Royaume les ufuriers; probablement les Etrangers, dit Muratorï (50). Pour pfeuve que ces 'ufuriers Italiens & de Cahors continuerent cepéridant a y avoir leurs Etabliffements, les Hiftoriens, & Rymer auffi,dans fon Re- (A7~) Andersom a 1'an noo. (48) Idem. p. 93. a Tan 1193. (49) r. Henry. p. 258. du T. III. (50) Muratori. Diff. XVI. p. 892.-  AVANT LE XVI SIÈCLE. i75 cueil des Acr.es, font mention des noms de plufieurs Maifons de Commerce, qui étoient alors des plus confidérabies, c'eft-a-dire, fousle régne d'EnoüARD II. comme les Pernchi, la Société des Scali, la Compagnie de Frcfcobaldi.èQ Florence, -BaUlardi & :Reifardi de Lucques. Edouard III. reconnut même pubiiquement devoir 12000 Marcs d'argent a la Compagnie de Bardi de Florence, & leur fit outre cela un préfent de deux mille Livres Sterlings pour les fervices qu'ils lui avoient rendus (51). Enfin , pour ne pas répéter ce que j'ai déja dit ailleurs, je me borne a dire, qu'il paroit, que dans le Treizieme fiecle le' cours des ufures rouloit en Angleterre depuis quarante jufqu'a dnq.uante pour cent par année, & même plus (52),-, car il confte par un Afte ou Obligation, rapportée par Mathieu Paris k 1'an 1235. & dont je donne la Copie a Ja fin de ce Chapitre, que pour dix Marcs d'argent prétés, on devroit payer un Mare d'intérêt chaque deux mois, & cela,difoit-on,pour dédomrnagemens &c. Voiia donc un prêt fur le.pied de cinq pour cent par mois, ou de 60 pour cent par an (53). Pour ce qui concerne YAllemagne, il paroit (50 R. Ucnry. T. iv. p. 540 & 541. (52) Idem & Muratori 892. (53; Idem. & traite des Piets &c. pj sö & 27.  t76 Chap. VI. DU TAUX DE L'USURE que 1'ufure n'y étoit pas portée a des exces auffi énormes, & qu'elles y ont même été en général moins en vogue (54) = on peut dire la même chofe des Pays qu'on nomme aujourd'hui les Sept Provinces Unies (55); du moins je n'en ai pas trouvé des exemples dans mes Récherches. Mais le Brabant & la Flandre paroilfent n'avoir pas été k 1'abri de cette peste Vers le commencement du Treizieme fiecle , la ComtelTe de Flandre étant obligée d'emprunter de 1'argent, s'adreffa pour cela a des Marchands Italiens ou a des Juifs; & le plus bas intérêt qu'elle en put obtenir, fut de ' ringt pour cent; quelques uns exigerent même jufqu'a trente (56). Henry III. Duc de Brabant chaffa les Juifs & les Lombards de fes Etats en 1260. Apparemment qu'ils y revinrent enfuite, car on les y retrouve fous Jean II. en 1312. Charles XAutriche (Ch arles-qu int) Souverain des Pays-bas, & depuis Empéreur, les chaffa entiérement par un Edit de 1'an 1510. Mais tous ces Edits ou Ordonnances ne tomboient que fur les ufures exceffives (57)5 car 11 Pa' roit C54) Trailé des Frets &c' p' 3°6' (55) Voyés Le Chapitre fuivant. • (561 ILubertson. (Hift. de Charles.quwf). T. 1. p. 316&317. (57) Traité des Prets &c. p. 3°7-  AVANT LE XVI SIÈCLE. 177 roit que les Lombards, ou Bureaux d'Emprunc publics, furent encore affermés a des particuliers , comme cela avoit eu lieu ci-devant fous les Ducs & les Comtes de ces Provinces, moyennant une certaine rédevance que ceuxci leur payoient, ainli que nous 1'allons voir incelTament. Enfin a mefure qu'on eft devenu plus tolérant, & qu'une certaine liberté a étéprotégée, tant en matiere de commerce que de Réligion, cette efpece de tolérance,dis-je, par une efpece de loi tacite, a plus opéré pour faire cefler ces ufures énormes, que toutes les Ex Communications , & que toutes les loix les plus féveres , ou les plus cruelles. Aujourd'hui ce n'eft plus que dans quelques grandes Villes qu'on trouve quelques perfonnes, en petit nombre, furtout parmi les Juifs, qui font ce qu'on nomme proprement le métier d'ufuriers. Ces gens-la devroient être confidérés comme une vraie pefte dans un Etat, car ils font la caufe de la corruptidh de quantité de jeunes gens de Familie. Ceux qui adminiflrent la juftice ne fjauroient donc donner trop d'attention a cet objet, afin de prévenir la ruine de plufieurs families, & les défordres qui en réfultent ordinairement. II y a prefque partout des loix contre ceux qui M  i78 Chap. VI. DU TAUX DE L'USURE prétent a des Mineurs &c. Mais on trouve mille moyens pour les éluder; & voila ce qu'ii faudroit prévenir ou corriger, fi cela efi pos•fible. Formule d'une Obligation, extraite de 1'Ouvrage de Matthieu Paris. pag. 286. ayant pour titre en latin: Forma Cauffmornm Obligandi debhores. Voyés la page 175. A tO'is, ceux qui ces prcfentes verront, les Prieurs & Religieux du Convent N. Saint dans le Seigneur. Scavoir faifons que N. N. tant en Leurs noms qu'au nom de leurs affociés, bovjgeois &f Marchands de la yille de N. nous ont prété dans la ville de Londres cent quatre marcs de bons fterlings a treize fols quatre Jlerlings par mare, pour employer 9 nos affaires êf acelies de notre Eglife; lefquels nous, tant en notre nom qu'au nom de notre Eglife reconr.oiffons avoir repus, cf en être pleinement contents & fatisfaits, renonpans expreffement a l'exception d'argent non compté ni delivré, comme auffi a l'exception que cet argent n'auroit point été employé pour nos befoins, ni pour ceux de notre Eglife. Promettans e~dits Noms de rendre paier en entier la dite fomme de cent quatre marcs fier-  AVA N T L K XVI SIÈCLE. tjh lings aux füsdits Marchands, ou h ï'uh d''entre eux, 'oü au porteur des préfentes, a laf'te de S. Pierre aux Hem, premier jour du mois d'Aout de Vannée 1235. dans la nouvelle Eglife de Londres. Si nous ne payons point la dito fomme dans le teuts £f le lieu ci-deffus marqués, nous prommon; gf nous obligeons par la mêmë ftïpulation de donner tjf payer dorófnavant ci comptef dudit jour premier Jout 1235. auxfusdits Marchands, ou h ïun cl'entre eux, 011 au porteur des préfentes tous les deux mois- un mare de la dite monnoie pour chaque dix marcs qu'ils nous ont prétés, pour les dédommager des penei 89 des dépenfes que pourroientfaire leflits Marchands h caufe dudit prêt; de forte que lef dit i intéréts &? le fort principal feront cxigibles avec la dépenfe d'un Marchand, de fon valet § dë fon chévdl, par tout oh fera le dit MarcharJ jufqu'au parfait $ entier payement dc toutes les fommesfuflites. Nous rendrons auffi £»payeruns auxdits Marchands, ou a fun d'entre eux, oü au porteur des préfentes, hsfrais. qü'ih> aUroÉ été obligés de faire pour parvcnir au payement dé la dite fomme. Nous pramen ons auxdits Marchands que nous nimputerons point fur le principal lesdits intéréts, fraix (f dépens, § què fous prétexte dudit dédommagement nous ne 01 rogerons point le payement au-dela du terme . M 2  i8o C/^.VLDUTAUXDEL'USURE, &c. dejfus marqué, contre leur volonté. Pour fürcté de l'exécution pleine £f entiere de toutes les conventions Juf dit es ynous obügeons nous & notre Eglife, affettans Êf hypothequans tous nos biens & ceux de notre Eglife, meubles fi? immcubles, Eccléfiajiques 6? féculiers, préfens & a venir , en quelque lieu qu'ils foient fitués auxdits Marchands & a leurs hêritiers jufqu'au parfait payement ; lefquels biens nous reconnoijfons ne tenir que par précaire desdits Marchands, nous foumettans pour l'exéctttion des préfentes h loute cour & jurifdiclion, renpnpans ppur nous nos fuccejfeurs aux moyens du droit Civil (f Canonique, aux Priviléges de Clericature tdla lettred'Adrien, a toute Coutume, ftatut, lettre, indulgence, Prïvilège accordè ou qui fera accordé par le Saint Siége au Roi d'Angleterre a tous fes Sujets, a la Conftitution des deux journées, au benefice de refiitution, d'appellation & de récufation, a toutes lettres inhibitoires du Roi d'Angleterre, £f a toute autre exception réelle ou perfonnelle qui pourroit être emploiêe contre le préjent a£te, promettans obferver fidélement toutes les chofes ci-dejjus. Enfoi de quoi nous avons fait apofer notre fceau aux préfentes. Fait le cinquieme jomdu mois Elphegus 1'an de gr ace 1235.  Chap. VIL DES LOMBARDS, &c. 1S1 CHAPITRE VIL De VEtabliffement des Lombards dans la Province de Hollande; du tems que les Monts de pieté ont été érigés en Italië, & fe font multipliés. I l feroit affez naturel que je fiffe voir ici 1'utiiité de cet Etabliffement des Lombards dans les grandes Villes, & furtout dans celles qui font un grand Commerce; mais comme cet Etabliffement n'a pas befoin d'être encouragé, je me borne a fuivre le titre de mon Ouvrage, fans mème examiner fi on a eu raifon ou non de regarder les Lombards publics comme des Ufuriers légaux , ou authorifés par le Gouvernement. Mes Récherches fe borneront donc a indiquer le tems & la maniere dont ils ont été érigés dans la Province de Hollande;*Sc a cet effet je dirai ce que j'ai trouvé la-deffus i°.dans lesOuvrages d'Auteurs accrédités, & 2°. dans les Chartres publiques. Selon le Profeffeur Boxhorn (i) les Lom- (i) Voyés M. Z. Boxhorn dc Trapczetis, vulgo Longobardis, qui in Fcodcrato Belgio menfas fxnebrcs cxercenl, Differttdo; il» primée a Leiden en 1640. M 3  ï8a Chap. VIL DES LOMBARDS dcc. *ar©| commencerent a fe répandre atu pifcd rit. fine rec'.amatione, per annum 6? amplius, aliattis ipfum conveniat de diflis bonis , fiat fi? Judicium Scabivorum. Voyés pag, 9. 10. 13. 14. 2g. 30. 33. 34. 35. 65. & 73,  DANS LA PROVINCE DE HOLL. 183 dit (3), a caufe de leurs ufures exhorbitantes. Ce ne fut que dans les XIV. &XVme Siecles qu'on donna le nom de Lombards k ceux qui exercoient cette Profeflion; & il n'y a pas lieu de douter que ce nom leur a été donné, ou paree que cet Etabliffement des prets d'argent fur hypotheque authorifés par le Gouvernement, tiroit fon origine de la Lombardie, ou paree que des particuliers de la Lombardie 1'introduifirent en France, &c. M. van de Wall dans fon Recueil des Privileges &c. concernant la Ville de Dordrecht, dans fes Rémarques pag. 181. fait mention d'un Ecrit qui lui étoit pafie par les mains, par lequel il confle, que dans 1'année 1289. il y avoit un ou plufieurs Lombards dans la Ville de Leyden; & comme la Ville de Dordrecht étoit alors la plus marchande, & celCo) Voyés le Cliapitre précédent. Wagenaar, Defcripiio» d'dmjletdam. T. II. pag. 35. Priviléges &c. de Ia Ville de Dordrecht, par M. van de Wall Confeillcr de la ditte Ville &C*. I. Part. pag. 180 & lui. oü dans fes rémarques il propofe fes idéés, qui en effet font affez fondées, favoir, que les Caorsins ont des premiers réfidé dans la ditte Ville, oü ils auront vraifemblablement eu un emplacement qui portoit leur nom, & dont celui du pont proclie de cet endroit, qu'on nomina Cawet/ine brug, of wynbrug efi probablement dérivé. Voyés Balen, Defcription de la ditte Ville , pag. 62. M. van de Wall croit que le NieuwJtraat étoit autrefois nommé la me des Coarsins. M 4  iS+ Chap. VII. DES LOMBARDS &c. le qui de tout tems a eu la prééminence fur toutes les autres du Comté de Holiande, & dans Iaquelle les Comtes faifoient fouvent leur réfidence (4), il eft probable que les premiers EcabliiTemens des Coarfins ou des Lombards auront eu lieu dans cette Ville: auiTi voit-on parmi les Chartres des Comtes de Holiande un Document qui contient une guarantie de plufieurs Nobles, & oü il eft fait mention du mot de Cauwcrjine, pour fig-nifier dommage & intérêt, termes qui énoient en ufage dans les Contraéls des Ufuriers de ce tems-la (5). On y voit une pareille guarantie de fan 1296, de quelques Seigneurs qui refterent camion au Comte de Holiande pour Dedirick van der Werve de la fomme de 145 Livres de Holiande (qui avoient un certain rapport aux Lombards de Dordrecht (6) ) Et par une Chartre rapportéé par M. van de Wall, fous la datte du 8 Juin 1313, Güillaume III, Comte de Holiande, céda la Maifon & tout cet emplacement qu'on nommoit déja alors het klein Lombaard-Huis , c'eft-a-dire, le petit Lom- (4) Tegenwoordige Staat van Holland. Tom. XIV. pag. 295. (5'} Chartres de M. van Mieris. T. I. pag. 397. & la rémarque A ue M. van de Wall cïtéc a la Note 3. (6) Mieris &c. T. I. pag. 569.  DANS LA PROVINCE DE HOLL. ibT bard, pour être approprié a un Couvent de Réligieufes (7). I] y avoit donc, ainfi que M van de Wall le remarque avec beaucoup dejugement, déja dès avant la fin du XlIIme Siècle au moins un, & peut-être plufieurs de ces EtabliiTemtns des Lombards k Dordrecht. Outre celui ou ceux qu'il y avoit dans cette Ville, on voit que dans les XIII & XIVme Siecles ces EtablnTemens étoient déja admis a Geertruidenberg (8), kLeyden, k Schiedam, h Oudewater (9) & a Delft. Et il eft trés vraifemblable que dès le commencement ils auront été auffi admis dans d'autres grandes (7) Voyés M. van de Wall pag. i33. iSo. &c. Ee Comte Guillaume IV. ordonna le 3. Aoüt 1338. que les Lombards qui avoient beaucoup fouffert par 1'incendie qu'il y avoit eu, feroient indemnifés. Mieris &c. Tom. II. pag. 610 & 611. Ceux de Geertruidenberg s'obligerent de contenter Ie Comte fur les dommages que la Maifon des Lombards avoit foufterts a Dordrecht, p. 612. Les Eclievins & Confeillers de Dordrecht accordert-nt aux Lombards plufieurs libertés & Privileges. Voyds M. van de Wall aux endroits cités. (8) La Ville de Geertruidenberg doit autrefois avoir été florisfantc, car on trouve dans le Tegensvroordige Staat van Holland Tom. XIV. pag. 307. Note 7. que dans un Privilege du 18 Décembre 1354. il y eft fait mention, qu'on devoit payer, ou remettre au Comte , cent trente vieux Eius d'or {Goude Schilden) tels que ceux qu'on a monnoyé en dernier lieu a St. Geertruidiberghe. (9) Voyés Mieris T. IV. pag. 230. il y avoit dans cette petite Ville même deux Lombards. M 5  ï8ö Chap. vu. des lombards &c. Villes de la Holiande, comme kHarlem, ala Haye (oü les Comtes ont ordinairement eu leur Cour) (10), & encore dans d'autres Villos confidérables hors de la Province de Holiande, comme a Utrecht, &c. Dès 1'an 1327 les Lombards occupoient déja a Schiedam une Maifon batie de pierres ou de briques, ce qui pour lors étoit trés rare (n)« M. van Bleyswyck, dans fa^Defcription de Delft, rapporte que Guillaumc IV. Comte de Holiande fit don dans 1'année 1342. a la ditte Ville entr'autres de la fondation nommée Cammerette (12), qui devint pour lors un emplacement defbiné pour le Lombard de cette Ville. Dans la fuite il fut placé dans un autre (10) De Riemér, Dcfcription dc la Il.ys. (11) Matth/ei Ann. T. II. png. 663. in Egmond Ckronic. oü il eft rapporti, qu'a 1'an 1327. a Schiedam pendant un gros orage, ou orcan, le peuple fe réfugia dans 1'Eglife, & que les Perfonnes qui faifoient le métier de Lombards oud'Ufuriers, quoiqu'ellesfusfent logées dans un Biltiment ou Maifon dc Pierres, y étoient vernies auffi, ce qui avoit indigné tout le monde, &c. (12) Je foupconne que Camerette, qui approche affez du mot Italien Camera, que je rencontre fouvent dans les Ecrits des Siecles du moyen age dans les Hiftoires & Chartres d'Italie, aura défigné a Delft ce que cela fignifie en Italië, fcavoir 1'apparteir.ent oü fe régiffoient les affaires qui avoient du rapport aux finances du public, ou plutot du Comte ou Souverain, c'eft-a-dire, du. fifc, car il eft eft certain qu'anciennement les Comtes ont eu dans cette Ville leur Hotel ou leur Cour.  DANS LA PROVINCE DE HOLL. 187 endroit, ainfi que cela fe voit dans 1'Ouvrage du même Hifhorien. Un Ami de Dordrecht m'ayant communiqué deux Manufcripts qui ne fe trouvent pas parmi le Recueil de M. van Mieris , ni de celui de M. van de Wall, j'ai cru qu'il convenoit a bien des égards que j'en fifle mention, d'autant plus que ces Pieces, datées du 1. & 5. Février de 1'an 1354, contiennent des faits qui ont un rapport direct, a la matiere qui fait 1'objet de ce Chapitre, fcavoir, que le Duc Guillaume &c. en fa qualité de Comte &c. accorde certains Privileges & prérogatives a Parfimale, Antoine, Phiiippe, & André Rogiers, & a leurs Afibciés, pour faire Je trafic de Lombards pendant le termedevingt cinqans. Et comme la teneur des dittes pieces fait connoitre les us, coutumes & mosurs de ces temsla, a peu-près fur le pied que fe trouve 1'Octroi de Charles-Quint de 1'an 1545, dont je ferai mention plus bas, je crois faire plaifir aux curieux , en leur ccmmuniquant ces deux morceaux: a cet effet je les ferai imprimer dans mon Supplément, afin de les faire connoitre au public. Je n'ai pas fait jufqu'ici mention de 1'Etablilfement des Lombards dans la Ville &'Amfier dam, paree que cette Ville n'a commencé  188 Chap. VIL DES LOMBARDS &c. a figurer qu'après le XlIIme Siècle: & ce n'eft que dans le XVme qu'on remarque que les Lombards ont eu auffi un EtabliiTement dans cette Ville: car dans une Ordonnance du 6 Janvier 1477. on lit: „ qu'un chacun feroit „ tenu de retirer fes gages des Lombards avant le Mardi gras, fans être obligé de payer „ pour cela aucune rétribution, ou ufure " (13)-" Ces premiers Lombards étoient tous Etrangers, & étoient au commencement fous la proteétion immédiate du Comte, probablement moyennant une certaine rédevance, ainfi que nos Chartres & les Ordonnances antérieures en font une mention exprefle (14.) Mais (13) Wagenaar , Dercr. d'Amfterdam. T. II. pag. 35- & Bdr vames. (14) Voyés la quittance du Duc Guillaume de 1'an 1357- oü il rcconnoit avoir recu pour fes droits de ferme 30 Livres qu'il avoit fur la Maifon des Lombards, & qu'il leur avoit défendu &c. Voyés nefcription de Delft, par M. van Bleyswyck, pag. 607. Mais comme ceci ne prouve pas aflez clairement ce que j'avance, on peut voir ce qu'on en trouve plus bas dans un tems antérieur & poftérieur. Par une Ordonnance des Echevins & Confeillers de Dordrecht, rapportée par M. van de Wall après, ou fous 1'an 1338, il paroit que 1'Adminiftration pour le bon ordre, rélativement aux Lombards, fe trouvoit déja entre les mains de la Régence de la Ville, quoiqu'il paroiffe que Ia haute Jurifdiction {Öpperbejlellitig) la-deifus appaitenoit au Comte, car par un Placard du 22 Févricr !|'^. Guillaume VI, Comte de Holiande, pardonnc aux Lom-  DANS LA PROVINCE DE HOLL. 180 ces Lombards, qui dans leur origine étoient tenus & dirigés par des Etrangers & par des particuliers, devinrent dans la fuite un EtabJiffement qui étoit fous la direction ou fous 1'infpect.ion iramédiate desMagiftrats. Etquoiqu'on foit fondé a conjecturer que le commerce des Ufuriers a été dans ces Pays - ci dans le commencement plus modéré qu'ailleurs (15), on trouve cependant que nos Hiftoriens dans les XIV. & XVme Siecles desapprouvoient fort ces EtablilTements des Lombards, ou du moins leurs grands abus (16). Apparemment que les Nobles & les Riches dans nos Contrées, pendant les XIII & XIVmc. Siecles, n'étoient ni en auffi grand nombre, bards leurs faillites , Sc les admet de nouveau. Voyés M. van de Wall, pag. 386. Sion Luz obtint 1'an 1588 a Leida Ia liberté d'exercer la Profeflion de Lombard, moyennant 400 florins pour les pauvres. Voyés Privileges St OBrois de la Ville de Leiden, Sc de Riemer , Defcription de la Haye. (15) Voyés le Chapitre précédent. (16) Voyés les Oeuvres de Matthieu, ou Matth/ei Analelta. Selon Boxhorn, Reinhald I. huitieme Comte de Gueldre par un Diplome manda aux Echevins de la Ville d'Arnhem de bannir ceux qui fe méloient de faire le métier d'Ufuriers. Dans ce Diplome il eft fait mention de plus d'une efpece d'Ufuriers, & eu mêmetems on y ftipule ce qu'on pouvoit prendre fur gage. Voyés Boxhorn. pag. 29 & 30. Et plus bassa 1'an 1461. oü il rapporte que Jean, Seigneur de Bergen op Zoom, permitaux Lombards de pou. voir prendre 21 gros de Brabaud de cliaque Livre de gros de Brabant! par femaine.  190 Chap. VII. DES LOMBARDS &c. ni auffi généralement corrompus que dans d'autres pays: ou, ce qui efi: encore plus probable, n'étoient ni aflez puiffans, ni aflez riches & opulens , pour mériter de la part des Ufuriers Etrangers une confiance aufli grande & auffi illimitée qu'en Flandre, en Angleterre, en France & en Italië. Le Pays étant trop pauvre par lui - même, fourniflbit trop peu d'objets qui euffent du rapport a ce trafic. Le commerce pour lors étoit trés borné chez nous, & confifloit principalement dans une efpece de tranfit, ou de paffage pour 1'Allemagne, & a fe procurer les denrées dont on avoit le plus de befoin. Outre cela, 1'Economie étoit alors, encore plus qu'aujourd'hui, aufli bien parmi les Grands que parmi les clasfes inférieures des habitans, la baze fur laquelle étoit fondée la première fource de la profpérité publique de ces Provinces. Elles avoient même alors peu de rélation avec les Etrangers; car ce ne fut qu'au XIVme. Siècle que les troubles en Flandre contribuerent a augmenter notre popülation & notre induflrie, ainfi que je 1'ai déja dit dans la première Partie de ce Second Volume. Dans les XV & XVIllie. Siecles les habitans étant un peu plus a leur aife, le trafic de ces ufuriers fe répandit & fe multiplia davantage;  DANS LA PROVINCE DE HOLL. rpi & 1'abus qui en réfulta alla au point, qu'on réfolut dans le Confeil de Ia Ville d''Amjierdam de faire des Rémontrances au Comte, pour 1'engager a les chafier du Pays, ce qui n'eut cependant pas lieu (17). Les Eccléfiaffiques ici, comme ailleurs, étoient, non fans raifon, les plus animés contr'eux, comme cela peut s'obferver en lifant les Hiftoriens de ce temsla (18). II eft aifé de voir par les noms qu'on rencontre par ci par la dans les Chartres, & dans les Ecrits qui font mention des Lombards, qUe les Perfonnes qui avoient la ferme de ces Etabliflements étoient prefque tous des Etrangers (19). Mais il paroit en même-tems , que ceux qui exercoient cette Profeflion ont été fous la fupérintendance d'un Commiffaire Général. Le dernier de ces Lombards étrangers qu'on rencontre plufieurs années avant 1'an 1584, fe nommoit Franpots Majfazia; ce nom indique .aflez un Italien. C'étoit, a proprement parler, Ci?) Defcription de Wagenaar. T. II. p. 36. Ci 8) Boxhorn &c. & Res Judicata & Res Judicanto concernant les affaires des Banques i prêts, ou Lombards; ce font petits Traités ft, ces objets. ie^W,/^ u> 165S. Us donnent tous les deux les noms ou titres de plu, Uetirs Livres qui contiennent ces matieres. 09) Voyés les Livres & les Doemens, ou Chartres, déja citees, 011 le trouvent les noms &c.  los Chap. VIL DES LOMBARDS &c. le Chef de tous les Lombards; car il avoit la Super-Intendance fur toutes les Banques d'emprunt répandues dans les Provinces de Holiande & de Zélande (20). Par rOctroi de Charles-quint de 1'an 1545. en faveur de Bartelemy Banelly, on lui, accordoit d'établir ou de tenir a la Haye pendant 1'efpace de dix ans une Banque d'cmprunt; il y efi auffi fait mention de plufieurs anciens ufages & coutumes, (ainfi que je fai dit cideffus,) qui étoient encore en vogue pour lors dans ces Pays rélativement aux dits EtablilTements. II y eft dit entr'autres: „ & par notre „ faveur fpéciale, nous prenons fous notre „ proteétion & Sauvegarde le même Bartelemy, „ conjointement fes Héritiers, Affociés, Facteurs & leurs families, leurs biens & toutes „ leurs poiTeffions. Leur permettons d'exercer „ leur profcffion dans tous nos Pays, Seigneu„ ries, & fpécialement en la dite Haye; nous „ voulons qu'ils foient protégés contre les injures, oppreffions, pertes, injuftices, fuppreffions & révoltes, & contre tous autres „ inconvéniens ou pourfuites illégales; nous „ voulons que dans le cas ou on leur cauferoit „ quelque (20) Oclroi de Charles-quint qui fe trouve dans de Riemer pag. 652. II y eft fait encore mention de Pitrre Btr%a\gnc.  DANS LA PROVINCE DE HOLL. 193 quelque préjudice, le dit Bartelemy, fes hé„ ritiers &c. foient indemnifés de leurs pertes „ & dommages, & rétablis dans leur état ou fituation précédente. — Leur octroyons la „ liberté de vendre, achetter, & négocier avec leur argent & leurs elfets , comme „ cela leur paroitra convenir. Auffi pourront„ ils nommer un ou plufieurs Marchands pour „ trafiquer en leur nom & profit a la Haye. — „ Et au cas que le dit Bartelemy vint a mourir „ pendant le tems que ce préfent Octroi du„ rera, le Teflament qu'il aura fait avant fa „ mort aura fon plein effet,&nouspromettons „ de ne revendiquer, ni faire exiger ce qui „ s'appelle le droit de main-mort e, ni autres „ de cette nature ; mais nous tiendrons ce „ Teflament pour valide, & les biens de fa „ Succeflion fuivront la difpofition qu'il en aura faite. Et au cas que fes Enfants légiti„ mes ou Batards (21) viennent a mourir dans „ nos Etats fans Teflament, nous promettons „ & accordons, que leurs biens &c. foient ,, livrés ou envoyés h leurs héritiers, felon les ,, Loix & les ufages établis dans les endroits ,, oü ils font nés, nonobflant tous Priviléges, ,, Droits, Ufages & Coutumes de ces Pays (11) Voyés Is dit Oclroi pr:g. 653. N  ¥P4 Chap. VII. DES LOMBARDS &c. „ qui pourront y être contraires, Et en outre „ voulant favorifer le dit Bartelemy Suppliant, „ fes héritiers, alTociés &c. nous lui avons octroyé & accordé, oétroyons & accordons v par ces préfentes, qu'ils pourront pendant „ le terme de dix ans jouir de tous Privileges, „ Libertés & exemptions, dont jouilfent les „ autres Banquiers, qui tiennent rnaintenant des Banques d'Emprunt dans nos Villes „ cl'dnvers, de Bruxelles." &c. Dans le même Octroi il eft ftipulé que les Emprunts fur gages devoient fe faire au taux tVun Jol par fe main e pour chaque Livre de gros, ce qui revient a 43I pour cent. Par 1'Ordonnance du Seigneur Jean, rapportée a la Note %6 a 1'an 1461. il paroit que cet intérêt étoit plus fort, Par 1'avis de la Faculté de Théologie de Lei4en de 1'an 1627. on obferve que 1'ufure de ceux qu'on nommoit Lombards étoit pour lors encore fur le pied de 32 pour cent 1'année, quoique alors il y eut a Amersfoort une Perfonne qui tenoit une pareille Banque fur le pied de 16 pour cent, 81 qu'on avoit admis a la $ainte Cene (23). M-. van Bleyswyck , dans, fa Defcription de (s.%) lies Juiicania &c. psg, 165,,  DANS LA PROVINCE DE HOLL, 195 Delft, rapporte une Ordonnance du Magiftrat de la dite Ville de 1'an 1635. oü il eft dit, qu'avant ce tems-la on faifoit des emprunts dans une Banque publique pour trois quarts de fol par Livre de gros, cc qui dans Ja langue Hollandoife s'exprime par le feul mot een blanc, lequel dans la dite Ordonnance fut réduit a un demi fol (23). Les trois quarts d'un fol (Jtuiver) par fe* maïne, font, en comptant 52 femaines dans 1'année, 39 fols par an, & par conféquent pour une livre de gros, ou pour 120 gros, trente' deux cj? demi pour cent par an. On peut encore voir par les Rémarques cu« rieufes de cet Auteur combien cette Profeflion étoit devenue lucrative dans Ia Ville de Delft; car en 1554. un Marchand de Piémont obtint' un Ocbroi pouFfept ans, moyennant une rédevance annuelle de cinq Livres de gros pour leg Pauvres: & cent ans après (en 1655) cet Emploi fut affermé pour 1'efpace de 21 ans pour fix mille florins , & en outre a une rédevance de 2300 florins, dont le Maitre des Rentes des deux Eglifes paroifliales recevoit ijoo, & les Directeurs de deux autres Fondations 400 florins pour chaeune (24). (23) Mr. VAN BleysWycic p. 608. (24) Iilem. ibid. N 2  r9'6 Chap. VII. DES LOMBARDS ócc. M. Wagenaar dans faDefcription d'JmJlerdam fait mention que dans 1'année 1611. ceux qui exercoient le métier de Lombards retiroient encore un intérêt de 331 pour cent 1'année. En 1614. le Confeil de la ditte Ville réfolut que dorénavant la Banque des emprunts, qu'on nomme aujourd'hui le Lombard, feroit fous la régie & pour le compte de la Ville, & que la direction en feroit confiée a deux CommiiTaires, dont les premiers furent Frans Hendriks Octgens ancien Bourguemaitre , & Jonas V/itsz Confeiller & ancien Echevin; aujourd'hui leur nombre efi porté a quatre, ils étoient ci-devant,felon Wagenaar,(T. II. p. 38.) au nombre de cinq. Le Lombard efi maintenant divifé dans cette Ville en deux parties, qu'on diflingue par les noms de grande & petit e Banque: M. M. les Commiffaires ont fous leur adminiflration 56 petites Banques , qui fe trouvent répandues en divers Quartiers de la Ville, & qui font fous la régie de leurs Employés, qui ont une Inflruclion, ou une Ordonnance, qui régie toutes les parties de leur régie. Entr'autres ils font obligés de porter au grand Lombard la Kotice des prêts qu'ils ont faits (25). (25) Wagenaar. T. H. pag: & Je donnerai dans 111011 £u?" plement la Copie de cette InfiruStion &c,  DANS LA PROVINCE DE HOLL. 197 Au refle on peut voir dans Ie dit Hiflorien ce qu'il a amplement détaillé fur lés différentes parties de 1'adminiflration des Lombards, fur leur Capital &c. Les intéréts pour les prêts font fixés maintenant de Ia maniere fuivante: Pour les petits gages au deffous de Ia valeur de cent florins, un denier par femaine pour chaque florin. Pour des gages de moyenne valeur, depuis 100. jufqu'a 475 ƒ. qui autrefois étoit 16 fols par chaque 100 florins par femaine, efi aujourd'hui réduit a 12 fols. Et par rapport aux gros gages hypothéqués, fur lefquels on avance 500 florins & au deflus, un demi florin par mois pour chaque cent florins. Chaque particulier recoit fon Billet, qui coute huit fous pour toute fomme quelconque. Les gages doivent être retirés pendant le terme d'une année & fix femaines (26). (2G) Wagenaar. T. II. pag. 38. Le Lombard, tous les fraix déduits, rapporte a la Ville de profit annuel entre 92 & 100 mille florins. Mais ce profit, felon moi, caufe des grands inconvéniens, qu'il faudroit tAcher de prévenir, ou de faire cefler autant qu'il eft poffible. Je fens bien que Ofcla eft difiicile, je me contente de Ie faire rémarquer, ainfi qu'on 1'obfervera dans la Conclufion. Wagenaar évalue le Capital du Lombard a un million: ce Capital appartient proprement a la Ville, ou a la Tréforerie, & formc le N 3  ip8 Chap. VIL DES LOMBARDS &c. L'Ordonnance de la Banque d'Emprunt de la Haye, datée de 1'an 1681, fe trouve k peuprès, quant au taux de 1'intérêt, furie même pied (27). Les Monts de Piété établis en Italië, en France & en Flandre, ont fuccédé dans tous ces pays aux Lombards & aux Caorsins , ainfi que dans notre Ville & ailleurs (28); car la direótion du Lombard fe trouvant entre les mains de notre Magiftrat, eft devenue une efpece de Mont de Piété (29), qui confervé cependant le nom de Lombard, avec cette différence, que les Monts de Piété dans leur origine ont été entre les mains des Eccléfiafiiques (30): car dès qu'on fut parvenu k bannir les ufiires exhorbitantes des Lombards, les Chefs de 1'Eglife au XVme. Siècle comprirent bien qu'il falloit par quelque moyen moins onéreux & plus jufte, fubvenir aux befoins journaliers fonds qni fe trouve ordinairement avancé fur les gages bypothéqués. (27) De Riemer. pag. 652.. & fuivantcs. (28; Idem. pag. 656. Res Judicanda, oü 011 voit des Lombards érigés par les Magiftrats &c. (29) Fuffendorf. (Le Droit de Ia Nature & des Gens.) Liv.V. Chap. VII. pag. 101. Ed. 1734. I! y a beaucoup de rapport entre les Monts de Piété & la Banque des Emprunts de nos Lombards. (30) Dans toutes les grandes Villes CC Italië ces Banques, ou Monts de Piété, fe trouvent encore entre les mains d^s G«ns d'Eglife; il y en a a Rome, aind qu'a Naples &c.  DANS LA PROVINCE DE HOLL. 199 du bas peuple. Au commencement il y eut même encore beaucoup de conteftation Ja-desfus; maïs les PapesPAUL II. (en 1462) Sixte IV, Innocent VIII, Alexandre VI, Jules II, & enfin Lèon X. dans le Concile Latran (tenu r dans 1'année 1515) ont approuvé ces fortes d'Etabliffements (31), lefquels ont différé entr'eux, foit par leurs noms, foit par les régiemens qu'ils fuivent, ou felon les objets qu'ils ont eu en régie dans leur origine, comme Mons farints, Mons Gabillaram ou decimarum , Montes fidei, Mons Recuperationum &c. (32). Ceux (30 Voyés Corpus Jaris Canonicl. Septim. Decret. Lib. III, Tit. XVII. De Religiofis Domibus, & de Montieus Pjetatis. pag. 150. (32J) Voyés, Trancifci Toleti , Ex Societate Jcfu &c. Inflruc. tio Sacerdotum. Ed. 1607. Venetis. Cap. 38 & 39. de Monte pietatis & de aliis montibus, qui in u/u funt in quibusdam civitatibus conflituti, perpetui, £f temporales, pag. 830. &c. Scaccias de Commirciis &c. pag. 75. &c. qui traite encore amplement de la forme & de la régie des Monts de piété. Opufcula omnia Rever. D. D. Thoma de Vio Caietani Presbyter! Cur.iinalis, de Monte pietatis, Tradtatus fextus. pag. 155. &c. Et Res Judicanda &c. de Monte Pietatis, ofte Bergen der Barmhartigheid, p. 159. &c. Voyés encore DiBionnaire de Droit £? de pratique par de Ferriebe , au mot Mont de Piété. Traité des prêts de Commerce. p. 21. &c. Dans tous ces Etabliffements on préte fur g"ge, mais toujours avec un intérêt qui procure un certain profit, fuffifant pour fournir aux fraix de la régie. II fe peut cependant qu'il y ait de ces EtabluTements , oü on ne prend que d'une trés petite fomme, comme de deux ou trois leus feulement, d'autres intéréts qti'autant qu'il en faut pour libvenir aux fraix de régie. N 4  2oo Chap. VII. DES LOMBARDS &c. qui pourroient avoir la curiofité de favoir en détail tout ce qui concerne ces objets, doivent confulter les Auteurs Italiens , car c'eft encore d'eux que les Franeois, les Anglois, les Flamands & Brabancons ont pris ces fortes d'Etabliftements (33). On en trouve des exemples fréquents dans les Pays-bas au XVIIme. Siècle, comme on peut le voir par les Chartres contenues dans le Recueil des Placards de la Flandre & du Brabant (34). (33) Voyés 1'EncycIopédie d'Yverdun au mot Monts de Piété, on y lit entr'autres: „ ï 1'exemple de Rome, on a fondé des „ Monts de Piété dans plufieurs Villes des Pais-bas, comme a „ Bruxelles, a Gand, a Anvers &c." Cet article pourroit être amplifié a une feconde Editinn, & cela d'apres ce qu'on trouve dans les Auteurs que j'ai cité ci-deffus. On avoit auffi donné en Angleterre le nom de Monts de Piété aux Etabliffements qui avoient été fondés par le moyen d'une contribution en faveur du peuple, qui avoit été ruiné par les extorfions des Juifs. (34I Voyés les Livres des Placards de Brabant, oü 1'on ffït mention des Maifons de Chaiicé & des Monts de Piété. Tom. III. pag. 137. 175. On y voit une Chartre du 9 Janv. 1618. qui établit a Bruxelles une Commiffion ou Charge de Super-Intendant des Monts de Piété. II y étoit permis de prendre deux Liards par femaine de chaque Livre de grös fur gage. Au Livre I. Tit. XI. Chap. I. on en trouve une autre du 14 Janv. 1619. qui montre qu'on régocioit de 1'argcnt pour fe mettre en fonds a 6jf pour cent. Art. XIV. Les dittes rentes (y dit-on) pourront paf er au premier achetteur £? eux Enfants Légitimes, mais non 8a. jufqu'au mois de Mai 1783, & ainfi depuis la derniere guerre furvenue a la fin dc Décembre 1780. la Caifle de'la Compagnie 11e pouvoit pas fuffire aux Dépenfes, Ie Gouverneur & fon Confeil trouverent bon de Créér pour treize èt quatorze cent mille florins d'Efpeces en papiers, & fur du parchemin. Savoir : des pieces de fix, de dotize, de vingt-quatre, & de trente fix fols, eu fhiivers. Et d'une douze deux quinze trois vingt quatre vingt-cinq cinq trente fix quarante huit cinquante dix foixante > Rjxdales. Dans ce Siècle Ia Kixdale parmi nous dans YInie, eft une monnoie de Compte , qui eft aujourd'hui tout a fait imaginaire, & qu'on devroit abolir, ainfi qu'on 1'a propofé dans la Compagnie il y a plufieurs années. C'eft pour fatisfaire Ia curiolité du public, & pour conferverla mémoire de cet événement, que j'en ai fait graver Ia figure, qui trouve ici fa place naturelle. On voit par 1'empreinte que la même chofe doit avoir eu lieu en 1714. Le tems & les circonftances dans lesquelles on a eu recours i cet expédient, nous avertiffent aflez que cet exemple ne doit être imité ou fuivi que dans une derniere néceffité. II eft de 1'intérêt _de 1'Etat & du public que cc papier foit échangé le plutot poffible avec fidélité, contre des Efpeces réelles, foit par la Compagnie  240 Chap. IX. DU CRÉDIT ENTRE elle-même, ou ü elle fe trouve dans l'impuiffance, par Ie Souverain. Car plus on attend, & plus on court rifque qu'on n'y introduife du papier faux, & contrefait. — Plus on fera ponclruel a rembourfer, plus cela rétablira le Crédit de la Compagnie dans VInde, & particuliérement au Cap dó Eonne-EJperance. Ce qui peut devejiir utile dans la fuite, car les Guerres que le Commerce adéjii caufées & fait naltre, ne manqueront pas d'avoir encore lieu dans les Siecles 51 venir, &peut-être encore dans celui oü nous vivons. En Efpagne,& dans 1'Amèrique Septentrionale,comme nous 1'avons dit, on avoit introduit Ie papier pour tenir lieu de monnoie. Dans ce premier Royaume ce papier avoit perdu fur Ia place & dans le public, dès avant la (ignature des Préliminair es, au dela de 52 pour cent. Aujourd'hui, c'ell-a-dire, en Septembre 1783, ce papier n'eft que 3 ou 4 pour cent au delfous de ce qu'il repréfeute, & eft ramaifi par la Banque a Madrid. CHA.  Chap. X. DES DETTES PUBLIQUES. 24* CHAPITRE X, Des Dettes puhliques. JLves Dettes publiques font maintenant deve> nues un objet fi important pour prefque tous les Etats de 1'Europe, en particulier pour ceux dans lefquels la majeure partie des Négociants font leur réfidence; & cette matiere a un fi grand rapport au Commerce, dont il fait même aujourd'hui une branche affez importante , qu'il mérite bien que je m'en occupe un peü amplement. Plufieurs caufes ont donné lieu a ces Dettes j je n'en ferai point 1'énumération, cela me me* neroit trop loin: mais il y en a une entr'au* tres, que je ne dois pas paffer fous filence, & qu'il fuffira cependant d'indiquer ici; ce font particuliérement les guerres qui ont été & l'o* rigine & 1'occafion des Dettes publiques, maig furtout 1'entretien des armées de troupes réglées, qui a leur töur doivent leur origine k 1'extinction du Gouvernement Féodal. Dés qu'il commeng-a a s'écrouler, on vit d'abord les Villes en Italië fécöuer le joug de 1'efda-» Vage Féodal; on vit en m'me-tcms dei Coin>  24s Chap. X. DES DETTES PUBLIQUES. munes prendre le Gouvernement en main, exciter & favorifer 1'induftrie, & pour maintenir leur liberté, non feulement abolir infenfiblement 1'efclavage domeftique, mais former des armées, non d'Efclaves, mais d'hommes libres, comme ci-devant (i), c'eft-a-dire, de Soldats a gages, tirés de cette partie d'habitans qu'on avoit remis en liberté, & qui étoient affez portés d'eux-mêmes a prendre les armes pour défendre la Patrie, a laquelle ils devoient même s'intéreffer pour leur propre intérêt, & pour conferver leur nouvelle liberté (2). Voila ce qui contribua k groffir les troupes des Communes, qui par leur nombre, & par ce nouvel efprit d'émulation qui les animoit, leur fit remporter 1'avantage fur celles des Nobles & de leurs foi-difants Fideles. Comme ces No- (1) Voyés Muratori Antiq. Ital. Medii JEvi. Diff. 26. qui traite De la Milice en Italië pendant les Siecles Barbares, oü on trouve la maniere dont on formoit les armées pendant le moyen age, & dans des tems poftérieurs, & oü cet Auteur donne des prcuvcs de Terreur oü le Pere Daniël eft tombé dans fon Hifloire de la Milice Francoife, en croyant que les Efclaves ont été admis dans les armées. Muratori fait voir que du moins cela n'étoit pas ainfi dans celles Vltalie, & probablement non plus parmi les Francs, & enfuite parmi les Francois. (2) Voy. Annales d'Italie. Tom. V. VI. & VII. & Antichita Ilaliane Tom. I. pag. 436. 465 & 466. Voyés encore la XlVme Diflertation, qui traite des Efclaves & des hommes Libres: & comment les premiers, apibs avoir obtenu ia Liberté, furent admis dans les Armées.  Chap. X. DES DETTES PUBLIQUES. 243 bles faifoient leurs efforts pour maintenir leur empire expirant, ces troupes des Communes étoient aufli de leur cöté continuellement en garde, de forte que ces armées dans la fuite devinrent des troupes réglées, & referent toujours fur pied. Ces exemples furent bientöt fuivis dans les Fays-has, en Angleterre, en France &c. au point qu'infenfiblement, & a mefure que le nouveau Syfteme politique prenoit de la confiflance, les troupes réglées font devenues aujourd'hui d'un ufage univerfel dans tous les Etats Chrétiens de YEurope. La plupart des Hiftoriens affignent pour époque de 1'origine des troupes réglées la fin du Gouvernement Féodal. II feroit a défirer que quelqu'un nous en écrivit 1'Hiftoire, car furément leur origine remonte a des tems antérieurs. Je me propofe d'en dire un mot dans mon Supplément, dans lequel j'inférerai quelques articles curieux, rélatifs aux prix des Denrées & aux dépenfes qui ont eu lieu dans quelques Villes $ Italië pendant les XII. XIII. & XIVme Siecles, & particuliérement dans la République de Florence, ainfi que fur les impöts qu'elle avoit établis, & fur la maniere de les lever: objets qui méritent d'être plus connus qu'ils ne le font, & qui peuvent a bien des égards fervir de point de comparaifon, Q 2 -  244 Chap,' X. DES DETTES PUBLIQUES. pour jiiger de la différence étonnante entre ces Siecles & le notre. En attendant je ferai rémarquer en paffant que cette inftitution des troupes permanentes a confidérablement, non feulement augmente les impöts, mais même dérange la forme & la maniere de les impofer & de les lever. Tout le monde convient que les dépenfes énormes qu'on eft obligé de faire pour 1'entretien de ces Troupes, eft un des articles qui font devenus le plus a charge au peuple. Cet entretien, fi couteux même en tems de païx, eft encore devenu plus onéreux en tems de guerre. La maniere dont la guerre fe fait aujourd'hui aggrave tellement cejoug, que le redoublement d'impöts n'y fuffifant pas, il a fallu avoir recours a des Emprunts, qui ont été la caufe des Dettes que les PuifTances ont contraótées. Ces Emprunts ne furent d'abord que pour un certain tems limité: mais fi dans les commencemens on eut foin de rembourfer les Créanciers , il eft atrivé par la fucceflion des tems, qu'on a contraóté des nouvelles Dettes, lefquelles fe font accumulées au point, qu'on peut, fans ufer d'hyperbole, les nommer étemelles. Mais rien n'a tant contribué a accumuler li exceflivcment les dettes publiques , que les Flottes , ou aimées navalcs.  Chap, X. DES DETTES PUBLIQUES. 245 que les Puiflances maritimes fonc aujourd'hui obligées d'avoir continuellement en fervice, pour protëger les Colonies qu'on a établies au loin dans les trois autres parties du Globe, & encore pour protégcr les intéréts des Négociants, dont les richeffes font presque toujours flottantes fur mer: mais comme tout cela mérite un peu de détail, je le refer- x ve pour ma III'ne Partie. Le Lecleur fe rappellera fans doute ce que nous avons déja fait rémarquer dans les Parties précédentes au fujet du Commerce avant la découverte de 1'Amèrique. Ce que nous avons txpofé en gros dans cette Seconde Partie par rapport a ce qui a eu lieu en Italië, rélativement au Commerce, jufqu'a la même époque , vient a 1'appui de nos premières Rémarques. Ainfi fuppofant qu'il n'a point perdu de vue que tout cela a eu lieu dans un tems que YEurope ne connoiflbit pas même l'exiftence de ces mines li riches du nouveau monde, je vais le mettre a portée de faire fes réflexions fur les Dettes publiques: événement auquel il femble qu'on n'auroit pas dü s'attendre, après la découverte & la pofleflion de tant de thréfors. Car j'obferve d'abord, quemalgré cette quantité prodigieufe d'or & d'argent venue de l'Ar.érique, les Etats & les particuliers n'ont pas • q 3  246 Chap. X. DES DETTES PUBLIQUES. moins été dans la néceffité de faire des emprunts qu'auparavant. Au contraire, les Etats font aujourd'hui plus chargés de Dettes qu'avant cette époque. N'a-t'on pas lieu en effet d'être étonné, en voyant que ce font précifément les Puiflances de YEurope qui ont le plus recueilli 1'or & 1'argent des mines de 1''Amèrique , qui font aujourd'hui, ou les plus pauvres-, ou les plus endettécs ? L'une a été forcée d'engager fes mines, 1'autre fes droits de Péages, une autre le revenu de fes Fermes, &c. &c. &c. Enfin n'ayant prefque plus rien a hypothéquer, il a fallu hypothéquer fon nom, fa réputation, ou bien profiter de la bonne opinion que les hommes s'en font formés: car voila au jufie (comme nous l'avons déja dit) ce que 1'on doit entendre par Crédit public. Nonobftant tant de milliards en or & en ar« gent deplus, (3) quel'Amèrique depuis fa découverte a reflué & fait circuler dans notre Europe, après avoir même aceablé le peuple d'impöts, ne fachant prefque plus d'article qui en put être fufceptible, ou qu'on put furcharger, on a été forcé d'avoir recours a une reffburce inconnue aux Anciens, c'eft-a-dire, (3) Voyés mes Récherches I. Vol. Seconde Partie, Chap. X. fui la quantité d'or & d'argent venuc en Europe depuis Ia découverte du Nouveau Monde.  Chap. X. DES DETTES PUBLIQUES. 247 aux Emprunts, en donnant a la place des Especes qu'on recevoit, ce Papier portant intérêt, qui circule maintenant dans le public, qui y tient lieu d'argent comptant; & encore une autre forte de Papier fans intérêt, qui circule de même, & qui eft auffi journellement en ufage, furtout dans les Ifles Britanniques, en Efpagne, & dans quelques Villes de Commerce (4). On peut encore y joindre ces fortes de Lettres de Change, ou affignations, tirées a un terme extrémement long (5). II eft donc evident, que malgré la multiplication de nos richeffes, ou de ces prétieux (4) La première efpece de papier eft ce que nous nommons fonds, ou Efets publics. La feconde forte font les Billets de Banque qui ne portent point d'intérét, entr'autres les Bank-notes, ou les Billets de Ia Banque h Londres. Voyés ce que j'ai dit la-delius dans ma première Partie de ce Second Volume au Chap. VII. H faut y compendre encore le papier qui a circulé en Efpagne pendant Ia derniere guerre avec VAngleterre: il y a encore a Paris des Biljets de la Caife d'Efcompte , qui ont cours dans le public pour de 1'argent. Voyés 1'Arret du Confeil d'litat du Roi du 4 Ociobre 1783,. qui ordonne 1'ouverture d'un Emprunt de vingt-quatre millions en déniers comptans, & en Billets dc Ia Caife dCEscompte. (5) Entr'autres les Lettres de Change tirées pour la marine des Colonies Francoifes, & aufli pour d'autres Colonies. — Celles des Ifles de France & de Bourbon. Voyés 1'Ordonnance du Roi de France datée 23 Féviïer 1783, par laquelle on fulpend le payement des Lettres de Change tirées des Colonies pour le terme d'une année, au dela du terme échu, avec promeffe cependant de bonifiu" 1'intérêt dü pour laditte année fur le pied de 5 pour cent par an. Q'4  M3 Chap. X. DES DETTES PUBLIQUES* métaux d'or Taux Prix auquel Prix auquel de l'in- on trouve les poflestéröt des achet- leur veu;iar an. teurs. lent le» vendre. 5 93 99 5 101 103 3i 4 98 100 4 100 101 31 97 99 32 100 101 41 • 3 30 f. 31 C 3 344 35* 3 31 5'H 2 2öè 28 6 • fj I J2P-C- 14 5 I 60 75 CO I 5 ! 50 60 (i) Les intéréts de trois année échu, font compris dans ce prix, de même du plus au moins dans les prix fuivants: c'elt-i-dire, dans la proportion des intéréts échu, ou de leur valeur.  266 PRIX-COURANT. Sur la Grénade, chez Dedel & Ro- ouette — Idem, chez Crop, May & Comp. — Tabago , chez Vernede & Comp. — Idem, chez Jean Hodshon — Idem, Crop, May & Comp .— Idem, les Freres Backer — La Barbade, chez B. van Homrich — Efiequebo £f Demerary, chez J. van Ryneveld & fils Idem, chez Daniël Changuion Idem, Santheuvel, aujourd'hui , Heemskerk & van Arp , Idem, van den Helm, Bod- daart. Regiftre de la Haye & d'C7trecht • • • Idem, Heshuizen & Comp. — Les Berbices, chez J. A. Charbon , Négociation générale Idem, chez le même, fürdesPlan- tations particuiieres , Idem, Louis Schumacher _ Idem, J. A. Pool & Comp. , LeS Ifles du Danemarc, chez G. Bourcourd &fils, & Comp. 1767, — Idem, chez les mêmes 176b'. _ Idem, ibid. 1769. Idem, convertis en rentesViagere 1770. . Idem. De Robert Tütte, fous 1; guarantie des mêmes &c. Taux Piix auquel Prix auquel de i'in- on trouve les polïes- térêt des achet- leurs veu- par an. teurs. lent les vendre. 5 85 95 5 5o 60 5 90 100 5 45 55 5 55 60 5 4o 50 5 4° 50 51 20 22 6 50 55 Si 3° 35 5| 20 2 = 4 20 25 6 15 20 6 35 55 6 25 75(c- 6 5° 80 6 62 65 •6 57 58 .6 59 60 s • 5 84 9° i • 5 9° 94 (c) Cette difproportion provient de la différerxe qu'il y a, dans la v2leur d'une Plantation a celle d'une autre.  PRIX-COURANT. 267 Sur les Ifles du Danemare, Négotiation de préférence, chez les mêmes — Idem, chez Lever & de Bruine, maintenant Hope & Comp. L. A. — Idem, chez les mêmes. Lett. B. Fev. 1770. — Idem, Hermaal & van den Bosch . . — Idem, Bouwens & van der Hoop .... — Idem, —— Jean Hodshón — Suriname, chez Marselis — Idem, pour Sobre — Idem, chez van de Poll. Lett. A. — Idem, C. •— Idem, Cllfford & Cheva- lier, aujourd'hui chez deNEUFViLle & de Wolff — Idem, Lever & de Bruine , fous leur guarantie — Idem. Négociation générale — Idem, chez de Vries, aujourd'hui chez S. van Nooten — Idem. Négotiation de préférence , chez le même — Idem, chez Hermaal & van den Bosch, aujourd'hui chez Dedel & Rocquette — Idem, GeorgeHenry de Wilde. Lett. A. aujourd'hui, chez Valkenier & du Quesne «— Idem, ; le même & maintenant chez Bouwens & van der Hoop. L. B. Taux Prix auquel Prix auquel le Pin- on trouve ies polles- érêt des achet- leurs veu- lar an. teurs. lent les vendre. 5 98 100 6 90 92 6 90 92 6 78 82 6 75 85 6 80 90 5 " 44 48 5 45 50 5 25 28 5 18 20 5 3° 32 5 75 85 5 18 23 4 14 iö 4 50 60 6 18 20 6 10 12 4 8 10  263 PRIX-COUR.AN T. Sur Suriname, chez Hageman, aujourd'hui fous M. van Arp Négociation générale — Idem, chez T. C. van Nes Ide.m> Passalaigue, aujour- w ' Théodore Luden ■— Idem, —_ Je même ci-devant fous ia guarantie — UEfpagne, chez EcheniqüE — L'Amèrique, ou fur les XIII. Etats — La France, fous la guarantie de L. H. P. . Taux Prix au quel IPrix auquel de Pin- on trouve les poflestérêt des achet- Teurs veupar an. teurs. lent les vendre. 6 i<5 20 6 30 35 6 18 20 * 25 30 5 98* 99i 4 I 103 103?