RECHERCHES S U R L E COMMERCE. Tome Second, Première Partie.   RECHERCHES SUR L E COMMERCE. O u Idéés relatives aux intéréts des dijfèrens Peuples de VEurope. Da veniam Peccavimusit Sed miferere, precor, fpeciofoque eripe damno, Ovid. Metam. Lib. XI. TOME SECOND. PREMIÈRE PORTIE. Ê A AMSTERDAM, Chez MARC-MICHEL RE Y. MDCCLXXIX.   T A B L E DES CHAPITR.ES du TOME SECOND, PREMIÈRE PARTIE* Introduction. A la fuite de eet Ouvrage Pag. i CHAPITRE t Des Banques en général. 4 CHAPITRE II. Abrêgé Hijlorique, relatif 'au Commerce des Pays - Bas, & particulierement de la Hollande, jufqu'a l''époque de Vétablijjement de la Banque dAmflerdam 16 CHAPITRE III. I}e la Banque d'Amflerdam. ..... 49 CHAPITRE IV. Abrêgé Hijlorique du Commerce de VAngleterre, depuis Jules Cefar jufqu'a ï'époque de la mort de Henry III. (en 1272} . . 77  TABLE DES CIIAPITRES. CHAPITRE V. Continuation du même fujet, jufques a Vépoque de rétablifemem de la Banque de Londres. ... D • Pag. iop CHAPITRE VI. De la Banque de Londres jgj CHAPITRE VIL Idéé de favamage & du préjudice que les Banques peuvent occafionner dans les Sociétés qü ejtes fe.trouvent établies. . . .184' Quelques Ordonnances de la Banque i'Amfterdam. . . • • • 235 Defcription des anciens Vaïjfeaux Vénitiens &c. & du fret qu'on paya dans le JÏIIlme. Siècle. . . „,„• • 243 Fin de la Table du Tome Second , Première Partie.  RECHERCHES SUR L E COMMERCE. LIVRÈ SECOND, PREMIÈRE PARTIE. INTRODUCTION* A la fiate de eet Quvrage. En cherchant k développer les principes que j'ai expofés dans le premier Volume, il m'eft arrivé , ce que M. de Montesquieu a fi bien exprimé dans les paroles fuivantes; Je voudrois couler fur une riviere tranquille, & je fuis entrainé par un torrent». En effet, quand j'entrepris mon Ouvrage, mon deflein étoit d'abord de me bomer a détailier les révolutions que le Numeraire, ou la valcur des Efpeccs monnoyées, a fubi dans YEurope depuis plu* fieurs fiecles, & de faire en même - tems remarquer la progreffion qui a eu lieu fur les prix des Mar-chandifes, des Denrées, Main-d'ceuvres, &c. pen* A  2 INTRODUCTION. dant les mêmes périodes. Mais...,. je 1'avoue, je fus moi-même étonné, lorfque je vis Ia disproportion énorme qui fe trouve exifter aujourd'hui entre la valeur qu'on a affignée aux Efpeces d'or & dargent, & entre le prix des chofes qui conffituent nos befoins. Affligé d'une fi trifie découverte, je pris le parti de remonter a Ia fource, pour tacher de trouver la caufe dun événement fi fingulier, & qui a eu des fuites fi facheufes pour les fociétés. Plus j'avancois dans mes Recherches & faifois de nouvelIcsdécouvertes,plus je m appercevois que mes idees acqueroient un nouveau dégré de certitude. Elles font fimples, & c'eft fcJon moi un pré jugé en leur faveur. Excité par le feul motif de contribuer felon mes foibles lumieres au bonhcur des hommes, je redoublai mes efforts pour me mettre en état de les lui préfenter avec la plus grande clarté poffible; de forte qu'avant de finir mon pre mier volume, j'avois déja préparé une parde des matériaux qui devoient fervir a expliquer un peu plus en détail la nature & Ies cIFets de tout ce qui feit de figne de repréfentation dans le Commerce Je me mis a(Tez étendu fur IV & Yargent. On a pu remarquer, que la grande quantité de ces métaux qui nous eil vcnue depuis Ia découverte de YMnque, jomte aux variations que le Numeraire ö effiiyées, a produit un mal pour Ja fociété en général. En le faifant pour ainfi dire toucher au dolt  1NTR0DUCTI0N. 3 dans les Tableaux qu'on trouve dans le premier volume, j'avcrtis dès-lors que ce mal, déja afièz grand par lui-même, avoit éré confidérablemcnt augmcnté par de nouveaux lignes de repréfentation, qui, furcout depuis le fiecle dernier, om été introduits dans le Commerce, c'eft - a - dirc, par le papier qui circule aujourd'hui, qui forme un objet immenfe,& qui parconféquent mérite une at'cention particuliere. Fidele a ma promeiïè, je vais expofer le plus luccinctement qu'il me fera pofïïble ce qui concerne ccttc partie, qui intéreflè également & les Etats & les ParticuÜers. Je fuivrai ici le même ordrc & la même méthode que dans mon premier Volume, auqueï le Public a fait un accueil qui m'encourage encore plus qu'il ne m'a fktté, Avant que d'entrer en maticre, je crois devoir avertir, que par papiet' j'entends non feulemcnt teut cc qui repréfente les cipcccs, ou le Numeraire, mais aufii tout cc qui contribue a foutenir ou a augmenter le crédit des Puiffances & des Particuliers. Matiere vafle, & qui exigeroit plufieurs volumes, fi 011 vouloit la traiter a fonds. Je n'ai ni le tems ni les talcns requis pour une parcille entreprife; je ne préfente ici que des Idéés ou des Recherches rélatives a ces differens objets. Ce fecond Volume dans lequel je les ai rafièm* blées fera divifé en trois Parties. La première contiendra quelques idéés rélatives a 1'avantage ou au préjudice qui réfultent pour les A a  4 INTRODUCTION. foeïétës des Banques modemes. On obfervera qua ces Etablifiemens fervent en fubftancc a augmenter " les fignes des richeflès, & a leur donner une exiftence plus ou moins idéale, puifque la plupart de ces EtablifTemens ne fervent qua procurer un crédit, bien au deflus de la valcur efFeclive des efpeces dépofées. Dans la feconde partie on trouvera une explication de ce que nous entendons par Circulation, & quelques réilexions analogues a cette partie. On y traitera encore de 1'origine de nos Lombards, de ÏUfure ou de YIntérêt ancien & actuel, du Crédit entre les particuliers, rélativement au Commerce, du Crédit public, ou de 1'origine des dettes aftuelles de prefque toutes les Puiflances de 1'Europe; enfin de 1'influence que ces différens objets ont fur la mafiè générale des Sociétés. La troifieme partie commencera par un expofé des effets que les Lettres de Change ont produit; effets dont 1'inftitution eft fi falutaire, qu'on ne peut trop fupplier les Puifiances refpeétives des divers Etats d'accorder une protection finguliere a eet objet, en formant de concert la-defiüs des loix uniformes, & qui puifient ctre fuivies dans tous les Pays. Après quoi j'expoferai mes idéés fur Ia Balance du Commerce; c'efi: la oü je développcrai Ia queftion que j'ai propofée au commencement de mon  INTRODUCTION. 5 Ouvrage. C'efl: - a - dire: Si aujourcThui le Commerce rfefl pas trop étendu, & par-la contrairs aux vrais intéréts des hommes ? Ce dcrnicr Chapitre fera fuivi de rcflexions générales , relatives aux vrais intéréts des divers Etats de 1'Europe en général. Car mon but eft de faire voir, que la vraie Richefïè de chaque fociété confifte principalement dans Ie nombre, Pindujlrie & la maniere de vivre des habitans. Et que par conféquent tont ce qui peut nuire a leurs bonnes mozurs & a la Population, doit naturellement être confidé ■ ré comme contraire aux vrais intéréts des hommes. Tous ces difFérens objets feront parfemés de faits Hiftoriques qui ont quelquc rapport, foit direct, foit indireél, au Commerce, & qui viendront a 1'appuï de ce que je me propofc d'établir. Le détail dans lequel j'encrerai iènira encore a prouver que For* & 1'argent n'ëtoient pas ci - devant auffi rares en Europe, qu'on fe 1'imagine ordinairement. Enfin, je préviens le Lefteur, qu'a la fuite de tout eet Ouvrage je me propofe de donncr un fupplément a mon premier volume, qui contiendra quelques nouvelles découvertes relatives aux Monnoyes des anciens &c., & qui ne font parvenues k ma connoifiance que depuis fon impreffion. Je dois en grande partie ces nouvelles découvertes a des perfonnes qui ont pris la peine de lire mon premier eflai, & qui par amitié ont bien vouA 3  6 C/tap. I DES BANQUES lu me faire part de ce que,dans les Auteurs Grecs' & Latins, dont la lefture leur eft trés-familiare, elles ont trouvé d'analogue a cette partie de mon. Ouvrage, qu'elles m'ont par-la mis en état d'amcliorer & de perfectionner. CHAPITRE f. Des Banques en génèral. Par Banque on entend communément un établiflèment autorifé par le Souvcrain ou le Gouvernement dun pays, pour fervir de dépöt au public (i)^ de foutien & de reflburce au Commerce & a EEtar. Nous obferverons d'abord en paffint, que la néceffité, ou la République Romaine fe trouva fous le regne de Tibere,donna lieu a 1'érecïion d'une Banque publique a Rome; mais elle étoit établie fur un principe différent, & opéroit plus falutairemcnt que ne le font nos Banques modernes. Nous en parierons dans la feconde partie: j'en fais maintenant mention, pour faire voir que 1'origine des Banques publiques eft plus ancienne qu'on ne le penfe gcnéralcment. On trouve actuellenicnt des Banques établies dans prefque tous les Etats de 1'Europe. Mais les plus CO Oici. de Commerce par S avari , au mot Banque.  EN GENERAL ? anciennes & les plus confidérables font celles de Venife, de Gênes, de Seville, iïAmfterdam, de Hambourg & de Londres. Ces établiflèmens different aujourd'hui entr'eux en principes, & par Ia maniere dont ils font dirigés: mais toutcs les Banques ont ccla de commun, que par leur Crédit ellcs fervent a formcr de nouveaux fignes de valeur (2). Et confidérées fous ce point de vue, il y en a, qui felon moi peuvent être regardées comme trés utilcs, tandis que d'autrcs font certainement préjudiciablcs a la Société. Si j'étois afïèz inftruk fur 1'origine & la nature de routes ces Banques, j'en aurois donné une hiftoirc détaillée. Mais on fcait combien fouvent il eft difficile d'ctre bien au fait des chofes, qu'on a pour ainfi dire fous les ycux. La difliculté eft encore bien plus grande, lorfqu'il s'agit d'avoir des, informations a plufieurs centaines de lieucs de chez foi: ajoutez a ccla 1'impoffibilité de pouvoir pénétrer dans cettc efpcce de fanctuaire; car il n'eft pas donné a un chacun de connoitre les refTorts fccrets, qui mettent la machine en mouvement: il y auroit même quelquefois du rifque ou du moins de 1'indifcrétion a mettre au jour ce myftere politique. En Italië, outre les Banques dont j'ai parlé, il (2) F.fprit des LoixlXv. XXI. c. 18. S avari nu mot Banque. Recherches & Confidératious fur les Fmmces de la Francs T. II. p. 424. & les Intórks des Natioiit de l'Europe T. I. c. 21. A 4  8 Chap. I. DES BANQUES s'en trouve encore dans d'autrcs villes, par exemple a Bologne & a Naples. En paflant dans cette dernicre ville en 1750 & 1751 j'y en trouvai trois établies (fi ma memoire ne me trompe). Je ne me föuviens pas de leurs noms, fi non de celle qu'on nomme de St. Elige, & qui eft fous la direclion des Moincs ou du Couvent de ce nom. Cette Banque étoit a dépöt & a emprunt; pli> fieurs particuliers & Négocians y avoient un comptc ouvere, & on pouvoit y négocier de 1'argcnt fur des gages dépofés a un intérét modique, c'eft-adire, a raifon de quatre pour cent par an. De toutes les Banques celle de Venife pafie pour ctvc la plus anciennc: mais cette antiquité eft-elle bien conftatée? & de quelle époque la doit-on datter ? M. Anders on (3) rapporte que fefon TalCs') Voyez fon ouvrage intitulé, Chron. Datu8. of Comm. Tom. i. p. 84. ou il s'exprime ainfi, felon la traduclion que nous donnons ici de 1'Anglois: „ TaHents, & quelques autres Clironologiftes rapportent a 1'année 1157 1'établiiTement de la Banque de Venijè. Cet „ Etat politique & jaloux a toujours été extrómement refervé fur Ir. pu. blicaüon des moindres matieres relatives a fa police & a l'on Com„ merce. Cependant tous les hiltoriens font d'accord la - deflus, „ que Venife fut le premier Etat de la Chrétienté, qui trouva de la „ convenance ei de fayantage a avoir une Banque pub'ique; & que M les autres Républiques Italiemies ne tarderent pas de fuivre fon „ exe;rple a cet égard, 11 y en a pourtant qui veujent que ccla „ n'ait eu üeu qu'én i\f>; d'autres encore ,plus tard. On dit que „ les fonds de cette Banque fut dans fon origine de deux millions ^ ie üucacs. Dans une guerre des Fcmticns contre les Turcs, l'E-  EN GENERAL. 9 lents elle auroit été érigée en 1157: felon d'autres en 1176*, ou plus tard, expreffion trop générale pour en pouvoir fixer la vraie époque. J'avoue que malgré les Recherches quej'ai faitcs, je n'ai pu ricn découvrir de ce qui peut avoir induit ces auteurs a dire,que la Banque aétuelle de Fëtl'tfê a été érigée en 1'année 1157, paree que a cette Epoque il n'eft fait aucune mention de cet Etablifïèment dans ics Hiltoriens de Venife. II n'en eft pas ainfi de 1'année 1176 ou environ: car ce fut avant cette année, que cette Républiquc, élevée déja a un trés haut dégré de gloire & de grandeur, fe vit obligée pour fournir aux fraix de la guerre contre 1'Empereur Manuel, d'établir une CaifTe d'emprunt, oü chaque citoyen, proportionnellemcnt a fes facultés, fut obligé de porter une certaine fomme d'argent, dont on devoit lui faire la rente. Cette CaifTe fut dépofée dans le tréfor de Saint Mare, pour y avoir recours dans le befoin, jufqu'a ce que la Républiquc cut recouvré fon ancien état de profpérité (4). „ tat fe conftitun caution de 1'argent dépofé, & s'en fervit pour fub„ venir aux fraix de cette guerre. „ Vc.gio ou la prime St monter avec le tems 1'argent de cette „ Banque jufqu'k trente par cent plus haut que 1'argent courant; & „ quoique 1'Etat par plufieurs Edits eut tachii de le faire bailfer de prix, dans Ia fuite le Capital fut doubld; & 1'Etat cautionna enco„ re ce furcroh : Enfin il fut arrêté par un Edit, que 1'argent de Ban- que ou Vagio ne pourroit jamais exceder vingt par cent dc prime, „ & les chofes font reftdes fur ce pied jufqu'a ce jour." (4) Hiftoiie dc Venife (écrite par Ddcret public en latin) par m. A S T O N 1 O C O C C I O s AE E L t 1 C O. t. i. p. 156. A 5  po Chap. I DES BANQUES Et comme cette Républiquc, par 1'étendue de fon Commerce & de fespoflèffions fituées dans plufieurs endroits de 1'Archipel & de la Mer Méditerranée, eut dans la fuite de fréquens démêlés & plufieurs guerres h foutenir, il eft probable qu'elle dut fouvent fe fervir des meines reftburecs. Cette CaifTe aura donc vraifemblablemcnt non feulemcnt été continuée, mais aura fubfifté jufqu'a 1'année 1587,époque oü a ce qu'il paroit, les demieres detr.es de la Républiquc furent éteintes, ainfi que nous le verrons incefTamment. Cependant, quoiqu'il en foit de 1'origine de ce Bureau d'cmprunt, il eft trés different de celui de la Banque, connuc fous le nom de Banco del giro: car 1'Hiftorien Andrea Morosini Sénateur, ïixe dirtinólement & clairement 1 erection de ce nouvel Etabliüemcnt a 1'année 1587 (5). Voici comment s'cxprime ce Céiebre Hiftorien: „ Les Véni„ tiens, une fois déchargés des dettes qu'ils avoient „ contractées pendant la précédente guerre, accumu„ loient tous les ans une trés grande quantité d'or „ ék dargent, qu'ils dépofoient dans le tréfor pu„ blic, pour en faire ufage en cas qu'une nouvelle „ guerre eut lieu, & en employoient en attendant „ une partie, pour journellement embellir la ville. Q5) HMoire de Venife C^-rite en vertil d'un djjcrét public en latiu)par le Sctiateur Andréa M 'Rosim, T. VII. pag. 61. Voyez encore Fuili ie Vencti par /'. Verüizotti ï,,bite Fenttt, T. ÜI. a fm 1587. p. 188.  EN GÉNÉRAL. n „ Ce fut alors qu'on réfolut auffi de venir au fe„ cours des Négocians, qui avoient fait des pertes „ confidérables ; car ayant prefque toujours des „ fommes dépofées chez les Banquiers, ccux-ci par „ leurs tromperies, leur avarice, & leurs folies dé„ penfes leur avoient caufé de grands dérangemens, „ lefquels influerent même fur les revenus publiés, „ qui n'en furent pas peu diminués. En coniéquen„ ce le Sénat drefla une loi pour l'éreétion d'une „ Banque publique, dans laquelle chacun pourroit „ placer avec confiance & en fureté fon or & fon „ argent. B fut Itatué, que cet établiflèment feroit „ fous Fadminiitration d un Gouverneur qui auroir. „ foin de veiller a ce que tout fut dirigé avec beau„ coup d'ordre & de fidélité. Ce fut Francois „ Gr ad on ic us qui exerca le premier cet em„ ploi". Parmi les Ordonnanccs, qui pendant le cours de ce fïecle furent drelïèes pour corriger les abus qui s'introduifoient dans Fadminiftration de la Banque, j'ai obfervé, furtout dans celle du ioMars 1704,qu'on y fait mention d'une loi ou ordonnance publiée le 11 Avril 1589. Ainfi voila donc felon moi la vraie époque de Féreélion de la fameufe Banque de Venife, fi célebre & fi univerfellement connue (6> CO s a v a r y die, au 'mot Banque, en parlant de celle de Venife : Elle a été étabüe par un Bdit folemnel de la Rêpublique. Mais il ne fait pas du tout mention ni du tetns ni de 1'année.  ïü Chap. L DES BANQUES Elle eft poftéricurc a I ercction dc celle de Gêncs (7), mais celle-ci eft, je crois, d'une nature un peu différente, & doit plutöt être confidérée comme une Banque d'emprunt, c'eft-h-dirc, qui étoit autorifcc a négocicr de 1'argent a intérêt, telle k- peu-prcs que celle qu'en i55o on érigea en France (8). Prétendre que les principales Banques ont eu pourmodele celle de Vénift (o), eft encore une M. Johan Ca rel May dans ferf öutrage tec?Mhiï%6 hégocant contenant une defcription de tout ee qui peut concemer le Commerce & la Navigation de tous les peuples de la terre des temps les plus recuUs ju/qu'aujourd'hui, Qi76ï) écrit en Alleuiand & traduit en Ilollandois, dit dans la 2de partie §. z66, que la Banque de Vemfi fut établie en 1587, & fervit de modele a toutes les autres. Cet Ouvrage, divifé en deux parties, ne contient que 231 pa,es outre 46 pages pour les notes & pour les tables des poids, ,„8fureS & monnoyes, & répond bien en quelque forte afon long titre mais il eft dommage que 1'Auteur ne cite pas toujoms fes garant, & quil n'ait pas pris plus de tetns pour travailler les madefes qu'il traite; d'autant qu'il paroit qu'il auroit été fort en état de le faire. CO May §. 261, ou 1'Auteur s'exprime ainfi : „ La Banque deSt. „ George a Génes fut éiigée en 1407 , lorfque la ,,République fe trou. „ va obligée, pour fournir aux fraix de Ia guerre, de prendre de fes „ Citoyens de 1'argent k intérêt, fur des hypotheques & fur les re„ venus publiés. Cette Banque étoit d'autant plus [lolide (dit 1'Au,,teuO que la plus grande partie de 1'Ifle de Curfe lui appartenoit: „ ma.s depuis I'an 1746 elle e(t prerque entiérement toinbée. La „ valeur de fes efpeces, ou la monnoye de cette Banque, eft efti„ mee environ 15 par cent au - deflus de 1'argent courant. Les let„ ti es de Change tirées de 1'Etranger font toutes payables en efpe:, ces hors de Banque. fouri Banco." i,00 V°yeZ Storh ®*WW Ai Mefer Bernardo Segni gentüuwno^ Florentino pag. 326. i9) Savaiu & quandté d'atitres Auteurs.  EN GÉNÉRAL. 13 afïèrtion un peu trop hazardée; car eft-on la-delTus affez inftruit pour le dire auffi affirmativement ? II eft connu combien cette Républiquc a pour maxime de garder le fecret fur tout ce qui concerne fon gouvernement, ou- qui peut y avoir du rapport. N'eft-il donc pas plus probable qu'elle aura pris tous les foins imaginables pour empêcher, que les Hiftoriens n'aient pu rien favoir de précis fur le vrai but dun pareil établifïèment?Sa politique 1'aura furement portee a ne laiiTer divulguer dans le public , que cc qu'elle aura jugé a propos de lui apprendre, d'autant plus qu'il paroit que cette Banque eft auffi en partie la CaifTe de 1'Etat (10). Ne nous y arrêtons pas d'avantage: Quant au Capital de cette Banque & a fes opérations, on peut voir cc que S avari a déja. écrit la - defTus. LaNote(u) contient des informations récentes que je recus di- (10) S a v a r 1 au mot Banque. „ Cela fait qu'elle (la Républi„ que) n'eft point obligée dans les prcifantes néceffités d'avoir te„ cours a des impoCtions extraordinaires." (11) a Venife ;i n'y a qu'une feule Banque proprement dite; les Regitres s'y tiennent en Livres de Banque, qui fe divifent en vingt fols , & ces fols en douze deniers. Cette monnoye eft idéale. Chique livre étant eftimée dix Ducats, qui font pareillement imaginaires, dont Ia valeur eft de neuf livres & trois cinquiemes monnoye courante de Venife. On les nomme livres dc Picoli, pour les diftinguer des livres de Banque. ii y a aufii des Livres Courantes, dont cliacune fait dix ducats argent courant. On fe feit uuiquement de ces livres imaginaires pour les polices d'aflurance, oü on exprime par cette dénomination feule la fomme affurée. Les Ducats courans, dont la valeur eft de fix livres & un cinquieme de picoli, ne font, pas tout a fait imaginaires, car il y a uue  14 Chap.l. DES BANQUES reclemcnt 1'année dcrnicre de Venife, & quc j'ai cru mérite d'être inférées dans ce récit. Comme la Banque de Venife paffe pour être Ia plus ancienne des Banques modernes (12), j'en ai du parler pour cncrer en mariere. Car au rcfte mes Recherches fe bonient principalcmcnc a examiner quel eft le but & rutilitc de ces établiflèmens, & quel eft 1'avantage ou le préjudice qui en réfultent pour les diverfes fociétés. monnoye qui a précifement cette valeur, mais on la nomme autrement ; favo.r ütatf/M écüta croce. c'e«| en ducats courans que les Négocians tiennent univerfeltement leurs livres , & c'eft auffi d* ces Ducats qu'il faut entendre tout ce qu'on dit dans lVrage commun quand on parle de Rente, de Dot, c*deCtlofespareffles. le, Regies du.Gouvernement font en Ducats d'argent, autrement dits DucaU effeüm. C eft une monnoye qui exifte tfieétivement, & celle qm a le plus de cours. C'eft par consent en Ducati cfiBlyi qu on ïm le payement des dixmes, des Impöts &c. & que la Z>cca (1 hotel des Monnoyesj paye les intéréts des fonds, & toutes les au tres charges du Gouvernement. de celle dAjta**, c„ ce qu'on peut difpofer le même jour dé tout ,e qu. entre Et qu'on n'y difpolb pas comme a Amfterdam par Bület mats de houd*, & a la Boutfe mém,, depuis midi jufqu a deux beures, & même plus tard s'il eft nécefiaire Le propriécaire ne paye nu. droit quelconque pour les difpófltions qn'i! fint de Ion argent dans la Banque a Venife, comme cela fe pradque dans la nötre, amfi que nous le verrons plus bas au Cl.ap. IU. On peut apprendre les autres particularités concernant la régie de cette cTnecle.^1' dilKreiltCS 0rd°mia'"-'es PMblié^ dans le cours de 60 Je Banques moJemcs, pour Ia raffon que fen ai donnée au commencement de ce Chapitre , car il eft probable que les anciens gutdés par un efpnt trés fage, connurent trop déAva, ' ta£dïL ' ét:,bliire"1CnS a'einl,a,1U de™cm avoir dan,  EN GÉN É RAL. 15 Toutes les différentes fortes de Banques fe réduifent donc a ces deux cfpeces, favoir: a une forte de Banque qui eft un dépot pur & fimple: & a une autre, qui eft en mcme-tcms commercante, & dont le Bureau dcvient par la le premier Banquier dc la Nation oü elle fe trouve établie (13). Ces deux formes fe trouvent felon moi parfaitement réunies dans les Banques üAmftcrdam & de Londres: ces deux Banques ont été auffi le principal objct dc mes Recherches, & me ferviront d'excmplcs, pour prouver que la maffe des fignes intermédiairès eft encore augmentée, fans que 1'or ou 1'argent y exiftent effectivement. La Banque d1'Am/Ierdam ayant été établie environ un fieclc avant celle de Londresfti eit naturel que je commence par elle. Mais avant que d'cntrer en matiere, il ne fera pas hors de propos de rapporter ici la maniere dont on procedoit autrefois dans notre pays par rapport au Commerce, aux échanges &c Par la on pourra en quelque forte indiquer ce qui vraifemblablement a donné occafion a fon établiffement. (13) Voyez Tlie uniyerfa! DiBionary of trade end Commerce per Savaky & continué par Malachy Postletii wait, ju mot Banking remarks pag. 194. Et les intéréts des Natious de l'Europe T. I. Cliap. XXI. Ces auteurs font mention de trois formes de Banques, fcavoir des deux mentionnées ci-deflus, & d'une troiliema connue fous le nom de Lombards. Mais nous parierons de ce dernier établifiemcnt dans la feconde Partie.  ïfj Chap. II. COMMERCE CHAPITRE ïl Abrégê Hijlorique, relatif 'au Commerce des PaysBas, & particulierement de la Hollande, jufqu'a répoque de Vétablijfement de la Banque dAmjlerdam. Ancien neme nt on avoit dans quelques principaux endroits de 1'Europe (i) & furtout dans les villes oü on tenoit de grandes foires, & en Hollande dans plufieurs villes, des Maifons publiques deitinées a échanger les efpeces dor ou dargent des pays étrangers: chacun de ces établifièmens avoit (O Do Cange. Glofar. aux mots Cambium Publicum , Taiula CarMi, & Tabulan tenore Camlni; ou y obferve que les Rois dc Trance & (CArragon étoient dans 1'ufage pendant les XIII & XlVme Siecles de permettre qu'on établit des Bwiquiera dans plufieurs Villes de leurs Royaumes. II y eut en 1304 & 1305 a Paris un établiflement public deftiné uniquetnent h échanger les Efpeces 5 Cet établifiement fut placé fur Ie grand Pent. Sous le Roi SArragon Ja yme II. a pm l30I, fl fut ftatué que perfonne dans aucun endroit de la Catalonk, ne pourroit tenir la Banque, qu'il n'eut préalablernent donné des afTurances pour la valeur de Mille Marcs d'argent. lis étoient outre cela tenus a certaines formalités, par exemple, dc tenir leurs Bancs ou tables en public fans aucune couverture foit de tapis foit de toiles, afin que chacun put voir clairement tout cc qui paflbit par les mams de la perfonne aiïife proche de la table &c & cela fous peine que c»lui qui contreviendroit i ces tegleraens ftroit condamné comme fauffaire.  DES P A Y S-B A S; i; avoit fon Changeur ou fon Banquier, qualifie a cette fin de 3a part dü Comte, ou des Villes (2) 'lorfque celles - ci en avoient recu le droit de fa part. Ainfi dans ces tems-la le nom de Ban* quier iignifioit fimplemcnt ürt Echangeur d'efpeces, foit en or foit en argent, & dont les droits qui lui revenoient étoient fixés; car fes profits dependoient de la quantité des forames qu'il échangeoin ■ L'an 1322. le Comte Guillawns III (3) affer- (2) Defcription tVAmflcrdan par Jean Wagenaar, Édit< 'in folio Toni; II. p. 53(1. Ce dernier cite en particulier fur cet article en note A. MattH/Et Not. ad rerum Armoft. Scripti page 225-, I.'an 1351, lc 13 & 25 Décembre. Guillaume Dut de Bayterè £? Comte de Hoifande &c. iït don aux Villes de Schi'dam & de Ley.len entr'autres du Change & dn droit de Banque par 1'oétroi fuivaot: „ Guillaume Duc &c. favoir fai- „ fons que nous avons donné a tiotre bien aimée Si fidele Ville de Schedam pour plufieurs fideles ferviccs qu'elle nous a rendus, & nous rendra encore, tels privileges ci-aptès nommés. Premie„ reutent nous lui donnorts le Cliange de leur Ville pour en faire ufa„ ge a leur pïolit CvC." Voye2 le livre de Chaftffs ds M. va k Mieris Tom. II. pag. So5 & 007. ;, ou il elt queltion des biens de deux Lotnbards fitués a Oudewater, Aoi.i un des employés étoit mort. Tome II. Part. I. B  ï8 Ckap. II. COMMERCE ma pour quatre années a trois Citoyens de Dordrecht fes douanes & la Banque (wïffet) fituée dans la dite ville, moyennant une fomme annuelle de 360 livres (ponden) de Hollande (4). Savoir 200 pour fes Douanes, & 160 pour la Banque. Remarquons ici en pafiant, que le Commerce fe fiifoit alors dans nos pays (5), & meme plufieurs fieclcs avant dans les principales Villes de 1'Europe, d'une maniere bien differente de celle d'aujourd'hui. Je previens en même-tems le Lecleur, que les trois ou quatre fiecles qui ont fuivi la mort de Charleviagne, font ceux oü 1'Efprit huraain des peuples de 1'Europe femble avoir été en général Ie plus ftupide & le plus couvert des ténebres. Dès avant le regne de ce Prince , c'eft-a-dire dans le V™ Siècle, fous Ie regne XArcadius & tfHonorius, les Banquiers doivent avoir été établis en grand nombre a Conftantinople, & dans un quarticr feparé de la ville (6). Leur profeffion doit (4) Les 36b livres (Ponden) de Hollande for le pied du cours étabh a la fin du XtVme Siècle, feroient felon mon évaluation en valeur aétuelle 2250 (lorins, & par conlèquent les 160 dans la proportion des 360, mille florins. GÖ Voyez Defcription d'Amflerdam par Wagenaar Tom. H. pag. 53«- On trouvera encore des Iumieres fur cec objet dans Vhif. toiu de Charles V. par Robbertson, dans la note 29. de !'ƒ«. troduSion. C6) Aprèsl'accord «4m*£ avec Gaines Cénéral des Goths, en l'année 400, ce dernier concut de funeites deflèins : 11 entreprit entr'autres „d enlever 1'argent des Banquiers, dont les Comptoirs étoient „ réunrs dans une des places de la ville; ce devoit être le fignal  DES PAYS-BAS. '9 avoir été tres refpe&able. Voyez la note 7 cideflous. Auffi je preiume que ces Caiffiers „ d'un pillage & d'un maflacre général. Mais ce projet ayant tranf„ piré, & les Banquiers ayant fermé leurs Comptoirs & tranfporté „ leur argent en lieu fur, il envoya au commencement une troupe „ de Goths, avec ordrs de mettre le feu au Palais." Voyez Vhijlo'tre du Bas - Empire par M. lï Beau, Tome VI. Cliap. XXVII. § 12. C7) Mr. l e Beau en expofant la disgrace de Jean de Cappadoce, contemporain de Belijaire, l'an 541 fous Ie Regne de Juftinien, nous fait auffi connoitre le Caracïere & les qualités de fes fucceffeurs. Ce morceau curieux mérite d'étre rapporté. „ theoclote lui „ fuccéda dans Ia Préfjcture; ce n'étoit pas un homme vertueux; „ mais comme Theodora ne le trouvoit pas afiez méchant, elle le fit accufer de fortilege & de malélices ,• & quoique le quedeur Pro„ cuius l'eut déclaré innocent, il fut exilé 4 Jerufalem. Elle jetta en„ fuite les yeux fut Pierre Barfamés, en qui elle rencontroit toutes „ les quali.és qui pouvoient lui plaire. Syrien de Nation, après „ avoir fait la profeffion de Banquier, oii il n'avoit rien épargné „ pour s'enricliii-, il fut admis dans les gardes de 1'Empereur. De„ venu Prefet du Prétoire, il déploya tous fes talens, détournant la „ paye des gens de guerre, vendant les charges Si les gouverne,, mem des Provinces, qu'il laiffoic enfuite piller par ceux qui en „ avoient acheté le droit, écartant les gens de bien pour n'emplo„ yer que des fcélerats, fupprimant les gages des Officiers du Pa„ lais, réduifant des Provinces a la difette, en les forcant d'appor„ ter leur bied a ConftatttiiiopU, pour Ie leur revendre au doublé, „ quoiqu'il fut gaté, & qu'il fallut le jetter dans la mer. La foic fe „ tiioit des Indes par Ia Perfe; on la mettoit en ceuvre a Tyr & a „ Bérite en Phénicie, d'oü elle fe répandoit dans tout 1'occidcnt. Barfamés s'empara de ce commerce; il forca les ouvriers de ne ,, travaUler que pour lui, & il défendit fous des groffes peines d'en „ vendre ni d'en acheter d'autre que de lui. II vendoit 1'once de ,, foie de teinture commune fix pieces d'or, ce qui revient Ji 80 li- vres de notre Monnoye (de Francè); & celle de teinture Royale „ quatre fois d'avantage j ce qui ruina entierement Tyr & Béryte, „ dont les ouvriers paflerent en Perfe. Les fuccefieurs de Barfamés ,• „ a fon exemple partagerent avec le fifc les immenfes profits de ce „ monopole. Les plaintes de tout 1'Empire, les murmures du pea- B a  Chap. II. COMMERCE ou Banquiers auront eu des privileges accordés par le Souverain pour exercer publiquement le Commerce de Banque. „ ple de Confiantinopte, les menaces de? gen-; de guerre, & plus „ encore !es énortnes richefTes de ce conci iffionnaire, firent enfin „ ouvrir les yeux » Juftmien Dans cette nou- „ veile dignité Barfamés ne chaqgea pas de caractere. II fupprima „ prefque toutes les penfions que failbit le Prince s ce qui réduifit a „ la mendicité grand nombre de families. 1! retranc'na aüfll toutes „ les remifes que les Empereurs é oient en ufage de faire dts reli» „ quats des contributions. II diminua le poids de la monnoye d'or, „ fans rien rabattre de la valeur. C'étoit une coutume établie dés „ le tems d'Augufle, que dans la cérémonie des quinquennales , „ c'efit - h - dire , lorfque les Pn'rices renouvelloient après cinq années „ la mémoire de leur avénement a 1'Empire, on diftribuoit cinq pie„ ces d'or a chaque folda; cette libéralité qui n'avoit jamais été in„ terrompue depuis prés de fix eens ans, fut abolic par le confcil „ de Barfamés. " Hifi. du bas-Empire. Tome X. Chsp. XLVI. g. 40. Ce feul détail fuppofe de grandes tichelles dans 1'Empire. Et peut-on s'empecher d'ètre reellement dtonné, quand on confidere, que 1'or & 1'argent des mines de 1'Amérique étoient alors non feulement inednnus, mais encoie profondement cacliés dans les abimes de la terré ? J'ai cru faire plaifir au Leéteur dc copier en entier tout cet article, paree qu'il a un rapport direct avec le Commerce & les richefies de ce tems - la, dont on n'a pas généralemém des idéés affez juffes, & fur lefquellcs on n'eft pas afiez inftruit, ce qui fouvent donne occafion a plufieurs méprifes. Voici encore d'autres pafl'ages concernant les Banquiers, Mr. le Beau eft encore ici notre guide. Du tems de Ia confpiration contre Juftinien (ca 563), un riche Banquier nommé Marca en étoit le chef. Atlabius, officier de la monnoye, rc^ut de lui 50 livres pefant d'or, pour entrer dans ce complot. Chap. XLIX. §. 63. Un Banquier devint Intendant d'un des Palais de 1'Empereur, & enfin Général d'Armée. Chap. L. §. 44. Un Banquier SAntioche fe fignala par fon effronterie Chap. LM. §. 8. &c.  DES PAYS-BAS. 21 j'ai encore raifon de croire , que le Souverain ou le Gouvernement étoit en quelque fa9on refponiable ou Caution vis a vis du public de leur adminiftration (8) ; car pour ne parler ici que de ce qui a eu lieu dans notre pays, il n'y a qua lire les remarques de Mr. van de Wall au bas de 1'aéte de l'an 1322, oü en nous donnant un détail circonftancié de ce qui concerne cette partie dans le Courant du quatorzieme fiecle, il rapporte entr'autres cet article d'une Ordonnance des Magiftrats de la ville de Dordrecht. Item, on avertira en même - tems, & on fera fayoir, que celui qui donné de Var gent en Banque (wiflèlen), qu'il le fait 0 fes proprcs rifques, car la ville ne s'en veut pas rêndre refponfable (9^). (8) Dans le Chap. l. §. 11. fous "(ufl'm en 567. lorfque Sophie fut devenuc 1'objet de la haine générale, le même Auteur ajoute ces paroles remarquables : „ La nrifere pubüque avoit grofïï les ufures & multipüé les det„ tes. L'lmpératrice fit payer a tous les Créanciers ce qui leur „ étoit légitimcnient dft, autant qu'il fut pothble de démêler les crénnces réelles, au milieu de ces detours, oü 1'ufure a toujours ,, Icu s'envelopper. Elle fit rendre aux débiteurs leurs bil'.ets ou „ leurs gages. " (9) Voyez Privileges &c. de Dordrecht pag. 153. Dans la Chartre du Duc Alben de l'an 13ü8 on lit les paroles fuivantes: (voyez le liyre des Charlres licu^ étoient fort inégaux en valeur, il y en avoit dans l'Aete de l'an. 1411 (voyez T. IV. p. lés) de 50 & auffi de 38 gros la piece. Et fuppoibns que fon profit n'ait été que de deux deniers. Suivant la teneur de ia même Ordonnance de 1411 il y avoit alors 7 tienjirs de Hollands au gros. Sur ce pied il auroit eu 210000 deniers; & 7 deniers au gros lont 30000 gros. En évaluaut le mare d'argent a environ 6 flor. Ie profit fait en poids d'argent 125 mares, qui font aujourd'liui Ca 25^.} environ 3200 florins. Objet trés peu confidérable, dira un de nos gros Negocians d'aujourd'bui; mais qu'il fe rapptlle u.i peu ce qu'on pouvoit ié procurer alors avec cet objet , qui nous paroit aujo.urd'Iiui fi ché;if: car c'efl ce qu'il ne faut jamais perdre de vue. Un l'iéfident d'une Cour de Juliice a Gaud avoit, en 1409, 500 ' fbiins d'lionoiaires: & en Ho'lande en 1435 Ie Préfident du Confcil avoit iico fit, qui 4 4 lïfcaüns font 1440. Icfqticls (le urne alors a 6i) font 22t maics. Un Confeilkr de la mème cour avoit 4 a 6oo~Ecus de Bourgogne, faifant environ 54 mares, calculés fur la. jfoiTime a? 5=° Ecus- v°yez la-licKls le détail oil ie (uis emri dans ma première partie Chap. VII- pag. 210 & 213. (13) Voyez Defcription ïfAmfierdam par Wace naar, T. Ij. p. 537'  DES PAYS-BAS. -5 faire payer ailleurs. Cette facilité de fe procurer des remifes ou des payeraens, en contribuant inienfiblement a diminuer les échanges des efpeces, aura en même - tems donné un plus grand cours aux lettres de Change. On peut voir dans 1'Ouvrage de Wagen aar les coutumes qui étoient en vogue en 1597 par rapport aux lettres de change dans la ville $Anvers (14), & celles qu'on obfervoit -a Am/Ierdam en 1601 (15). Ainii pour pouvoir juger avec un peu de julteiiè fur cette ■ matiere, il eft abfolument nécefiaire d'avoir quelque teinture de 1'hiftoire du Commerce en général, & en particulier de celui de notre pays, avant l'éreclion des Banques. Car c*eft par ce feul moyen, qu'on peut parvenir a connoitre, i°. quelle étoit a proprement parler anciennement la fonction des Banquiers ou des échangeurs, %% ce qui felon toutes les apparences a le plus contribué a nous procurer 1'établiiïement de notre Banque. En voici quelques traits que j'ai raüèmblé auffi fuccinclement qu'il m'a été poffible. II paroit que fous le regne des Rois de Francs (\%) Wagenaak Hem L'aiueur cite en note fur eer article les p. 16Ü & 544 du livte contenant les Privileges de la ville A'Jmflerdam première Edition Et comme je n'ai pa.*- certe Edit. je cite de celle de 1624. les ppg. 94 &. 9^. & un pet.it livre contenant les Ordonnance- , coutumes &x, du Cliangc & de la Banque d''/hnjlerdam p. 3. B 5  z6 Chap. IL COMMERCE de Ja première & feconde race, les habitans de la Frife, & particulierement ccux de la partie méridionale, fe mêloient déja du Commerce au dehors (i(5). Dans la fuite divers événemens (16) „ On voit que fous 'e regne de Dagobert 1'or & Patent „ avoient été trés rares en Francs, ainfi qtrè fous le regne de Cloyis » & de fes Enfans: Mais il eft trés yraifemblable que, foit par les „ expédidons qu'ils firent en Ita'.ie, foit par les penfions qu'ils tire„ rent des Empereurs de Conflantinople, & fuv-tout par le Cömmer. „ ce qu'ils établirent dans le Levant, il eft trés vraifemblabie dis« je , qi e tout cela contribua a f.iire venir de ces pays une gran„ de abondance de ces prétieux métaux, comme atifii des pierredes, „ des foies, de riches vafes & orneinens, de forte que le luxe n'é„ toit guères moindre dans la Cour de ces Rois, que dans celle des „ Empereurs." Voyez Mezesaï T. L p. 238. C'eft auffi fous le même regne que dans notre Iliftoire de la Patrie ï. li p. 338. on trouve que Dagobert avoit érigé une Maifon de Douane a Utrecht, oü on devoit payer un droit de toutes les marchandifes qui defcendoient le Rhin. Auffi paroit-il que fous fon regne le port de Dorflad étoit déja trés fréquenté par des vauTeaux giarchands qui venoient de la Mer. Mezesaï (T. I. p. iüö) nomme,en parlaut de 1'état de la Franse dans le VI. Siècle,comme Ports de mer, & oü Pon battoit monnoye, Dorflad & Ouenlo Ficus, qu'un Géographe francois croit être Qiiouens le viel, a 1'emboucliure de la Riviere d'Autic en Picardie, je fais mention de cette anecdote, paree que Wagenaar paroit confondre Ficus Partus avec notre li'jk te Duurflede & aitffi avec Dorflad, & Mezeray dit clairement q;.e ce font deux endroirs dineren*» Je doïs encore prévcnir Ie Leéteur, qu'il eft évident, fuivant les Recherches curieufes cc raflemblées aveo une grande érudition par M. Baltazar II u i d e c o p e r dans fon ouvrage Chronique en vers de Melis S t 0 k e , que Durftad n'eft pas notre IVylz te Duurflede, mais doit avoir été fm é il 1 embouchure de l'Elbe un peu plus bas que llambourg. (Voyez T. I. p. 190 a 204). Je fais part de cette reniarque, paree que je fuis tombé dans la même erreur dans mon premier Volume, première partie, erreur d'autant plus excu&ble, que je croyois ne potivoir fuivre de meüleur guide que notre celébre W a-  DES PAYS-BAS. =7 (17) contribuerent a leur bonheur, en procuranc aux divers diitricts , cerritoircs, cantons ou pro- c r n a a r , qui pla» ainfi cette ville en plufieurs cndroits de fon ouvrage de l'hifibire de la Patrie. Sous Ie regne de Charles (depuis furnotmné Charlemagne) on obferve fous l'an 797. O7. Mezeray T. I. p. 417) que pendant tout le tems que dura la mesintelligence entre Charles & le Roi Ofan, il dcléndit aux Anglois le Commerce dans fes Etats, & le paffage fur fes terres. W a g e n a a r rapporte a cette occafion, que les Marchands 011 Negpcians fouffrrrent beaucoup par 11°, & fans doute auiïi ccux du Rhin, eutr'autres a Tiet & dans d'autres villes qui Faifolerit le Commerce avec V/inglelerre. Ces drfférens étant ehfulte terminés, Charles promit par une lettre a Offa, que les Negocians Anglois, qui viendroicnt commercer dans fon Royaume, y jouiroient d'une bonne proteétion, cc que fi on les moleftoit, ils devoient s'adiefi'er a lui 011 it fes Juges, & que toujours bonne jufiice leur feroit faite. Selon le même Auteur dans les VIII & IX Siecles, il doit y avoir eu parmi les Fritöns des Fabriques confidérables en étoftés de laine. Les I-labits frifons, les manteaux furtout de couleur blanclie, grife & de pourpre étoient-en grande reputation. Outre cela le Commerce prit un nouveau degré de force par les marchés publics qu'on établit d'afiez bonne heure dans ce Pays. Outre les villes de Commerce dont j'ai déja fait mention, Wjgenami nomme encore dans le IXme Siècle Willam, fituée a 1'embouchure de la Meufe (piobableroent proclie de Gocrée, & qui dépüiS pfafi ttrs iiecles a été engloutie par la mer). Deventer étoit aufli un Endroit déja connu dans le IXme Siècle. Je poiurois m'acudre encore affez fur cette raatiere, mais êraiaie de faire cette note trop longue, je renvoye le Lecteur k YIBIIoire de la Patrie T. II. p. 7 , 8 , 54 , 55 & 56. a ia page 70 on voit plufieurs marchands friibns maffacrés en 863 * Dorflad par les Daitois. (17) On peut niettre de ce nombre 1°. la foibleffe du Gouvernement des Succefiéurs de Charlemagne, & 2°. les invafions des Peup'es du Nörd ét des Sanafins du cöté du Midi de YEurope, qui inondereht la Frame. J'ai déja fait mention des premiers dans ma première paitie Chap. IV. Voyez Viiifl. de laPairie Tom. II. &Me-  28 Chap. II. COMMERCE vinces des Pays-Bas leurs Comces ou Souverains particuliers (18). Ce fut par leurs foins z e r a y Tom. I. J'ajoute une fimple remarqne : ce qui rendoit !es invafious des Peuples du Nord encore plus effrayantcs cc plu-. fu« neftes , c'étoit que parmi les brigandages & les hoftilités qu'ils exercoient, ils rreuoient oidinairement le feu aux Bidmens & aux Maifons. Cequidétruifit non feulement plulieurs Eglifes &Abbaycs, mais mème des Villes entieres. Car l\s Bidmens duns les VIII, ÏX & X Siccles étoient prelque tous de bois. Et dans la France les édifices étoient particu iercment conftruits de bois de Chauugaier, beis fort & fee. — Voyez Mezeray T. I. p. 666. (iS) Voici d'oü 1'on doit datter la viaie Epoque de 1'éreéïion des Comtes de Flandre,, de Brabaud, de llainaut Ccc. Les Hiltoriens Flamands prétendent, que longtetns avant (Short* megne Ia Flandre étoit pofTedée par des Seig ,eurs qui la gouvernoienC fous Ie titre de Foreflkrs, titre qu'on leur donnoient a caufe d s forets dont Ie pays étoit couvert, & des Marais dont il étoit rerapÜ. Selon eux Digobert dés avant l'an 631 fut le premier qui donna ft Liderh de Buck le titre de Foreftier , ou cle Seigneur des forets de Flandre, ibus condition néamnoins qu il leroit foumis a la Coutonue de France; & ce fut en conféquence qu'il preta le ferment en psé- fence des grands de la Cour. il mourut en 676 agé de 93 ans. Ses fucceflettrs furent Jntliuine, Bjuchard cc Efiered, lequel mourut en 791 dans fon Chateau a llarlebeke. Son lils Lideric 11. tfoj . elon les mêmes Hiltoriens, avoir recu de Charlemagne le titre dc Comte: du moins il eft nommé dans les Hiftoires Comte de Harlelike. Voyez C'aronique de Flandre T. 1- p. 9 iï 20. Mezeray T. I. p. 422. fous Charles a l'an 799, tapporte (d'après les FlamandsJ que Lideric de llirlebeke avoit eu le commandement d'une Hotte. II mourut en 832. Son Fils lnghelram, cc apiès lui OJoacer lui fuccéderent. Ce dernier furtout paroit avoir ptis btaucoup de foins pour peuplet fon pays, accordant a un chacun , qui votidro.it venir s'y établir, pour lui & fes defcendans la propriété des Bois éc des Terres, qu'ils y auroient defrichés. Chron. de Fl. p. 25. Son Succeffeur fut Baudouin 1. furuommé Bras de /er, qui apiès avoir enlevé juditli fil e de Charles le Chauve, par les bons offices & 1'intermiifion du Pape Nicolas fut aéé en 8ó~4 par ce Monarque Comte de Flati:  DES PAYS-BAS. 29 (10), & probablemenr par celui des Eccléfiafti- Wi, c'eft - a ■ dlre , de prefque tout !e Pays fitué entte la Soumis , YEfcaut & la Mer. Voyez F Art de yérifier les dates pag. 628 6:629, oii Ton trouve auffi la vraie Epoque de 1'ércétion des Souveraius, du Brabant & du Hainaut. Les premiers dattent de l'an 959, & les derniers de 875. — Quant a 1'origine des Comtes de Hollande. Voyez ma première partie Chap. IV. (19) Dès que Eaudouin fut reconnu Comte, il s'occupa du fom de mettre fon pnys a couvert des attaques du dehorsj mais malgté tous fes foins les Normans fous la conduite de Haftinges firent des invafions en Flandre, oü ils détruifirent les Eglifes de Drongen & de Gan'l, brulerent Je Monaltere de St. Benin, détruifirent le Pays de Cafant, bouleverferent Oudenburg & Rodenburg (qu'on nomme Aerdenburg) deux Villes confidérables, alors trés riches & trés fameufes h caufe de leur Commerce. Delivré de ces Barbares il fit cnnftruire des forterefies & des Chateaux. II commenca d'abord par achever la conftruélion, de ce qu'on nomrne le Bourg dans la ville de Bruges, qu'il avoit déja. ci - devant commencé. 11 fit auffi rebatir le Chateau a Gand, & cela dans 1'endroit même oü les forterefies ie Gand & de Blandinum avoient été détruites. Voyez la - defl'us Chron. de FI. T. I. p. 35. Entre les années 870 & 880, c'e(r- a - dire jufqu'a fa mort, car il mourut cette derniere année a Ar ras Capitale alors de la Flandre , il ne cefla de donner de nouveaux encouragemens a fes fujets, leur accordant toutes fortes de privileges afin d'améliorer fes Etats. p. 36 & 37. Sous le regne de notre Thierri I. on obferve pareillement, que dans 1'année 898, lotTque Zuenlibolde s'étant brouillé avec Rainier, O.lokar & d'autres vinrent fe réfugier avec leurs femmes , enfants & tous les biens qu'ils avoient pu tranfporter ït Durfort (qu'on penfe être la même fortereflè qui fut depuis nommée fous Thierri Hl. Dordrecht) forterelïe fituée ïi 1'endroit oü la Meufe découle par plufieurs embouchures, & qui probablement fut placée a defiéin dans cet endroit ccntre les invafions des Normands. Zuenlibolde alfiegea cette fortereffe, mais les approches en étant inacceffiblcs a caufe des Malais dont elle étoit etivironnée, il fut obligé de fe retirer fans pouvoir s'en rendre maitre. — Hijl. de la Patrie T. II. Liv. VI. p. 101 & fuivames.  3o Chap. II. COMMERCE ]ues (20), qu'on vit infcnfiblement augmenter Ia population dans nos Contrées. Les diverfes Chartres con tenues dans le Livre de M. van Mieris 7ö//zö ƒ (21), & l'hiftoire de la Patrie Tome II (22) contiennent entr'autres les (2.0) Pendant les Regncs des Empereurs Henry & Othon, les Evêques d'Utrecht avoient déja acquis un haut degré de confidération. Non contents de la puifl'ance Eccléfiaftique, ils tacherent auffi d'étendre & d'agtandir infenfiblement leur pouvoir fur les habitans de ces Pays par 1'acquifltion qu'ils obtenoient de tems en tems de nouvelles immunités & de nouveaux diftriéls. Ils furent merveilleufement fe fervir a cet effet de la faveur & de la pieté des Princes. La liberté d'ériger des douanes, d'établir „ bitaws. Les Gantois furent les premiers qui fe déclarerent contrc  DES P A Y S-B A S. 35 ficcle a plufieurs villes de la Hollande, durent furement contribuer a nous faire vcnir beaucoup de les intentions de leur Souverain , fe rangeant fous Jacob Arteyeld, " homme de petite nob'efle, mais fort tiche , qui avoit époufé une „ femme auffi fort riche, & qui avoit établi une fabrique confidéra„ ble de vin tThydromel, & ce fut a caufe de ccla qu'il fut le pre. , mier Doyen ou Syndic de tous les corps de métiers U Gand." Ce fut en conféquence de cette déclaration, que les laines furent envoyées SAngieterrè en Flandres en plus forte quanuté qu'auparavant , ce qui Bt fleuril de nouveau le commerce. En voici encore une preuve: L'an 1339 il y eut a Bruges a caufe des intéréts qu'on y avoit époufés, une querelle entre les Countert & les Ouvriers en Laine: „ Les premiers, dit 1'Hiitorien, étoient alors tres puiflants & trés riclies, mais les ouvriers, ayant obtenu affiftance de ceux de „ Gand, formèrent une troupe trés conüdérable, 6c maiïacrerent plu„ fieurs des premiers, it 1'endroit oü étoit la vieille Bourfe." On obferve encore a l'an 1345, que le 2 Mai les Foulons de concert avec les ouvriers ïi petites Journécs s'étoient ameutés pour avoir une haüflè de paye fur leur falaire, cc on demanda entr'autres pour chaque piece dc Drap 4 deniers de plus. A quoi les Tifferands & les marchands ne voulurent point confentir, ce qui caufa plufieurs combats, dans lefquels il n'y eut pas moins de 500 Foulons de tués. En 1349 a 1'occafion d'une nouvelle fédition a Gand on fait mention d'un rombre de fco Tifferands tous armés. Ces exemples prouvent clairement, a quel point le Commerce & les Fabriques en général fleuriiïbient alors en Flandre*. Voyez Chron. de Flandrei T. I. pag. 414, 439, 462, 495, 5U, 515 > 522- & Tom. II. p. 12. — Au commencement de cet ouvrage fe trouve une defcription des villes. A 1'article Bruges on voit que les Courtiers y avoient une Chambre de Juftiee, qpi étoit dans ces tems-la trés renommée. Cette aflemblée formée par les prihcipaus Courtiers jouifioit de beaucoup de réputation, & avoit obtenu plufieurs Privileges tant de la pait du Pape, que des Comtes CC ComtelTes de Flandres. (29) L'Hiftorien des Chron. de Flandre T. II. p. 17. rapporte a l'an 1354 que par les troubles qui étoient devenus trés' fWquens, la ville de Bruges fe trouva alors privée de Negocians Etrangers, dont plufieurs s'étoient retirés a Dordrecht en Hollande. Mais enfuite cc défaflre fut réparé, cc cela par la médiation des habitans deLnbetthtS> C 2  36 Chap. ÏL COMMERCE monde du dehors, & entr'autres beaucoup d'ou~ vriers (30) , qui, en fe fixant dans cc pays, y apporterent en même tems leur induftrie & tous les moyens de pourvoir non feulement a leur fubfiftance, mais encore a celle des autres habitans. Ceci n'eit pas une fimple conjecture; nos Hiltoriens 1'attefterit (31). Enfin en lifant les Hiltoriens de ces tems-la, on voit avec quel progrès nos villes s'aggrandiffoient vifiblcmcnt (32), devenoient plus peuplées, & combien le peuple augmentoit en aifance & en que la plupart des marchands revinrent fur les alfurances qu'on leur avoit données. (30) Plufieurs Tiflerands fe retircrent en Hollande (dit 1'Auteur de rintérêt de Ia Hollande (jnterefl van Holland) iniprimé en 1C62) Si vinrent «.Y.i.bUr entr'autres h Leyden. f31, Voyez la Note précédente, & la defcription 'des Pays-Bas par Guiciiardin entr'autres p. 285. Defcription de Leyden par M. M. van Mieris & v a n Alphin, T. II. p. 456. On trouve fous l'an 1451 dans Ia Chron. de Flandre T. IL p. 285 Sr 237 les noms de plufieurs perfonnes diftinguées, qui furent bannis de toute la Flandre, Si dont les noms fubfiltent encore dans plufieurs families de ros Provinces. (32) I.orfque dans 1'année 1515 on charges les habitans de nouveaux impöts, on trouva qu'il n'y avoit en terres contribuables pas plus de deux cents mille & trente arpents de terres, 45000 maifons, & 172000 Perfonnes propres a fupporter le charge de Capitation. Les antres terres & maifons appartenoient a des Couvens ou a des maiföns de Charité. Et le refte des habitans étoient ou des Eccléfiaftiqucs, ou des perfonnes hors d'état de contribuer a ces Imprtts. Hifi. de la Patrie T. IV. p. 391. Selon 1'Auteur des Intéréts de la Hollande pag. 19. on trouve dans les documens de la Chambre des Comptes (Rekenkamer), que dans 1'année 1622 il y auroit eu dans la Hollande Méridionale, favoir:  DES PAYS-BAS. 3.7 profpérifé. De forte qu'avant la revolution arrivée dans le feizïeme ficcle, on pouvoit déja dire que la Hollande non feulement étoit très-peuplée, mais poffédoit dans fon propre fein de très-grandes reiTourccs. On en trouve une preuve démonftrative dans le fecours en argent, que Charles Qulnt recut des PaysBas pendant les guerres qu'il eut a foutenir, lequel a ■Dordrecht avec fes villages . . • 4°523 babirans a Haarlem avec fes villages • • • ci)6+8 _ a Delft avec fes villages • • • 4*744 - a Leyden & dans le Rhinland . . • 9+285 ' a Amilerdam avec fes villages . • • 115022 " a Gouda avec fes villages . • • 24»6"1 ' ft Rotterdam avec fes villages . • • 28339 ■ a Gornichtm (Gorcum) avec fes villages . 7585 a Schiedam avec fes villages . . • i°39J ' a Schoonhoven avec fes villages . . • i°7°3 ■ i Driel avec lés villages • • • 2°I5'> * a la Haye \ Hcusdcn . • . ~ . 1444 • 4^934 Et la IVcstfrife cakulée au quart des habitans de la Hollande Méridionale en contenoit 120483 En tout 002.11/ habitans. M. Kausseboom, dans fes ElTais politiques rélatifs au notnbte des habitans, fait monter aux environs de l'an 1737 les habitans de cette 1'Mvince y compris Texel, Flieland, Terfchelling & les autres Mes AaZutder-Zee appartenantes i la Hollande ,au nombre de o'lccoo. Ce calcul eft fondé fur la quantité des Enfans qui naiflènt annuellcment & qui felon les liftes fe monte ft 28000. On peut cependanc afiurer qu'en général la Hollande fe-trouve aéïuellement trés peuplée, & je crois qu'on ne rifque point de fe trompet en difant que le total des habitans Cirpafife en uombre dans ce fiecle-ci celui du Of, dc dernier. C 3  33 Chap. II. COMMERCE fe trouve évalué a quarante millions (33)- Ce fut le Commerce qui mit ces Provinces en etat de foumir une fomnic 11 confidérable, a laquellc la Hollande feule contribua pour une tres-bonne partie. Si donc les Graces & les Privileges de nos Souverains, joints a la douceur du Gouvernement de nos villes, ont contribué a notre bonhcur, le contraire a du produire des effets tout oppofés. Auffi dès que les perfecutions pendant les clemieres années de Charles Quint, & furtout fous Phlüppe fon fils eurent pris une certaine confifrencc, on vit non feuIcment un foulevemen t prefque général, mais auffi en mêmc-tems les triffes effets de la mifere que ces vcxations produifirent, & qui ne comrncnccrcnt a diminuer,qu'apiès que les Grands & les plus Qualifiés du pa)-s curent formé une ligue, & pris fur eux la défenfe des droits & des Privileges de la Nation (34). La Reforme nous fut alors d'un grand fecours; car ce fut elle auffi bien & peut être plus que les guerres, qui occafionna 1'étonnante & vifible décadencc d'une des plus grandes Villes Commcrcantes de 1'Europe , la célébre Anvers. On eft récllcment étonné de voir les graidcs richcfics qui fe trouyoient déja conccntrécs dans C33) ITui. dc h Paine T- V. p. 440. (34) Le oom de Gueux ou de mèndisQi > qui fut domi) 5 il eft fait mention de Tan 1715. C26) Ces 10 florins font pour les pauvres. Voyez 1'Ordonnance du 13 Mars 1682.  64 Chap. III. BANQUE Banque avant les onze heures du ftiatin; fi on y manque, ils payent une amende de fix fols ou de cinq fols & demi; on eft obligé de payer auffi 5 fols & demi ou 6 fols lorfque la fomme :dont on difpofe en Banque eft au-deflbus de trois eens florins (27). . Ces amendes font au profit des Teneurs de livres. Seion le Bilan du 23 Janvier 1740, les appointemens des Teneurs de livres & de ceux qui fe trouvoient alors au fervice de la Banque, y compris les autres fraix, faifoient un objet de ƒ 25695-12-8 Pour un autre objet . . 2065 - - 8 ■ Idem . . . . 99-10-8 En tout ... ƒ 27860- 3-8 fomme très-modique eu égard a la multitude infinie des tranfports que les Négocians fe font réciproquement , & qui chaque fois doivent être inferits &c. Cette ceconomie fait honneur a 1'ad- miniftration (27) Voyez les Ordonnances du 13 Mars 1682. dn' 12 Janvier & 14 Avril 16S3. M M. les Magiftrats font exempts de la fujetion de porter leurs Billets avant n henres, de même'que les Compagnies des Indes Occidentales & Orientales , & ces dernieres peuvent difpofer a volonté furies capitaux qu'elles ont en Banque de telles fommes que ce foient, fi petites qu'elles puiOTent être. II eft vrai qu'ils payent annuelle» ment un certain revenant-bon aux Employt!s de la Banque.  D'AMSTERDA M. «5 miniflxation dc notre Banque (28). Trouveroiton ailleurs une regie fi bien entendue ? Ayant donné une idéé des frais que la Banque fait, il convient de dire un mot des profits qu'elle retire. Ils confifient i°. dans le revenu trés - médiocre & joumalier dc la Banque, c'clt - a - dire, des deux fols que le propriétaire paye de chaque partie dont il difpofe. Cet objet fe montoit le 23 Janvier 1740 (pour une année) a . . . . ƒ 10460-16-: 2°. Dans les intéréts que la Banque tire des avances qu'elle fait fur les Efpeces monnoyées & fur les lingots; ces petits profits par leur quantité répétée, puifque les occafions s'cn prefentent journellement dans notre Commerce, fe montoient, k la même Année 1740, tous frais de/la Banque déduits, a ƒ 133810-1-8. Enfin la Banque jouit annuellcment d'un bénéfice honnête, qui varie felon que les avances (beleening) qu'elle fait, fe montent a des fommes plus ou moins confidérables (29). (28) Wagenaar T. III. p. 402. Oü il eft fait mention des Employés qui dirigent les comptes de la Banque. „ Savoir quatre premiers Teneurs de livres, deux Adjahtts Teneurs de livres, un Contre-ïe„ neur de livres, deux Receveurs deftiues a recevoir & k délivrer les „ Efpeces monnoyées & en lingots. Ils ont encore fous eux quel„ ques autres adjoints. 11 y a toujours un EH'ayeur dans la Banquet „ Enfin il y a encore dans la Banque deux Meffagers, & un aide." (29) Le pront de 1'année 1738, les fraix uéduits, fe montaa f 181200-19-: Et celui de 1'année ,1739. non coinptis les frais, a . f161670- 5-: Tome II. Part. I. E  6.6 Chap. III. BANQUE A R, T I C L E V. La maffe ou le total de toutes les fommes dépofces dans la Banque dont une partie fe trouve en Efpeces d'or & d'argent du pays, & 1'autre en Efpeces d'or & d'argent étrangeres, ou cn litigots d'or & d'argent, n'eft pas toujours fur le même picd, mais varie felon les circonftances du Commerce en général de YEurope (30), ou de celui du Pays (31). Mais , quelle que foit cette variaticn, la Banque par la nature de fon inftitution poffede toujours un dépöt très-confid.rable. Je puis au refte affirrer, par rapport a cet important article, que je n'ai riërt expofé qui ne foit cxactement vrai, ou qui du moins ne m'ait paru tel. J'ai été en état d'en parler pertineminent & avec cerdtude , par Ie bonheur que j'ai eu de rencontrcr quelques Bilans de notre Banque, entr'autres ceux des années 1727, 1739 & 1740 (32), & encore un plus récent. J'aurois donc pu fpécifier a quelle fomme fe monte ordinaïrement le dépöt; mais la difcrétion ne me Fa f30) Une flotte arrivée a Cadix de \'Amdrique nous fait venir 1'argent & 1'or, dont une grande patrie étant envoyée ici, fe déuofe a la Banque. II en eft de mème de 1'or 3 lorfque le Change de Lhbonne ou de Londres le pennet. CsO Lorlque la Compagnie Oriëntale a terminé fes expéditions an. nuelles pour Vrlfie, il doit fetrouver dans la Banque moins de Piaftres qu'au printems, a moins que quelque circonftance ne furvienne, coimne je vïens de le dire dans ma précédente note. (32) Le dépór de 1'année 1^27. comparé au d-i Ot tic 1'année 1740, le premier fe trouva d'un cinquieme en fus.  D'AMSTERDAM. pas permis. D'ailleurs cet objet ne pourröit tout au plus fcrvir qu'a fatisfaire une euriofké, dont le public ne pourroit pas tirer la moindre utilité. Touc ce que je puis afiürer, c'cft que le depót eft tres* confidérable. nè^rfirré >ny>v?è $>:io*& rsy> ïkl.^jKiSW*' itö^uf oi^rfjjxó 'f^'j 8n6»oqqu<3  74 Chap. III. BANQUE les circonftances, cette opération pourroit être des plus préjuüiciables a la lbciété (36). La manoeuvre, dont nous venons de faire mention, occalionne encore une autre inconvénient,mais qui cependant fe trouve d'une nature un peu différente de celui dont je viens de faire mention. Je veux dire que , par le prêt de la Banque, on privé les particuliers ou nos Concitoycns qui ont de 1'argent en CaifTe , de le placer avec avan'tage ; de forte que cet argent oifif ne trouvant pas a fe placer dans le pays, dok être placé chez TEtranger, fouvent au préjudice de 1'Etat, Toutes chofes égales, on ne devroit donc pas acheter, davantage pour le poids de 30 que pour le' poids de 25 onces. II en eft de même de notre papier, ou du crédit dont nous (tóflons , h quclquc différente prés, paree que le, papier repréfente aufli 1'argent, & c'eft ce qu'on donne encore miéux a enfeh'dre par la Note fuivante. (36) Pofons le cas qu'il y ait 2 011 3 millions a placer, lorfque la Banque fait un prêt. Si cet argent fe trouve lans emploi, & entre les mains de perfonnes entendues dansie Commerce, olies peuvent 1'employer par exemple h 1'achat des grains, lorfque ceux - ci fe trouvent a bas prix; ce qui dans ce cas doit naturellcmer.t les faire renchéïir. J'avcrtis que je ne IhrVfre pas le tantum de ce dérangement, car il Tpere fi imperceptiblement qu'il feroit ridicule dele vouLir fixer. II fufiit que je fade fentir que cela fait va lier le prix des chofes dans \è total. Les Eval, atfóns ne font pas toujours fondées ni conduites dans une proportion éqifvale. te au befoin, c'ed fouvent 1'opinion feule qui les reg'c ou qu! y entre pour beaucoup. t ..1 une regie générale fondée fur 1'expérience, qu'une plus forte abondance d'argent fait tout renchérir de même que la rareté d'e'peces produit un effet tout contraire.  D' A M STERDA M. 75 & plus fouvent encore au préjudke de notrcj Commerce. Uiie pareillc manoeuvre ne doit donc jamais avoir licu que dans une derniere néceflité, foit dans le cas d'une rareté d'Efpeces parmi les particuliers, ou dans celui d'un discrédit total (37). Le célebre Auteur qui nous a donné occafion de nousétendre fur cet article,auroit dit obferver que, dans toutes les Sociétés, toutes les valeurs, & même certaines affaires, ont un rapport direct avec la mefure univerfellc, c'eft-a-dire, avec 1'argent (38), & non pas avec le papier ou le crédit, qui ne fert qu'a 1'avilir. Outre la Banque d''Amflerdam, il y en a dans, notre Pays encore deux autres, 1'une établie a Middelbourg, & 1'autrc a Rotterdam, toutes deux poftérieures a la première. (37) Du tems ^u discrédit qu'il y cut a la fin de 1'année 1772 & au commencement de celle de 1773, les particuliers fermerent leurs Bourfes, & quelques Négocians fe trouverent fort embarrafi'és pour avoir de 1'argent. On n'en pouvoit pas même obtenir fur des gages folides , tels que des marchandifes, &c. La Régence tint alors une conduite tres - fage. Elle établit pour un tems une caifie publique , qui fourniifoit a un chacun de 1'argent fur une hypotheque dc marchandifes. Mais, pour faire une paieille opération, la Régence 11e fe fervit pas de 1'argent de Ia Banque, mais de celui de la Tréforerie de la ville. Dés que les particuliers virent cette Caifie ouverte, la confiance rtvint, la tranquillité fe rétablit, & les Négocians s'étant remis en crédit, les affaires reprirent dans peu leurs cours ordinaire , car a peine quelques mois fe furent écouléi, que la cajffe tic fut plus nécefiaire. C3üj Vöyez Tom. I. Partie U. p> 137 & iSS.  76 Chap. III. BANQUE D'AMSTERDAM. - Si j'avois eu les informations qu'on m'avok promifes fur celle de Rotterdam, j'en aurois pu dire un mot; mais je doisrenvoyer cet objet a un autre tems, ou bien le laiffer a d'autres Perfonnes qui voudront bien prendre cette tlche fur elles, & qui s'en acquitteront fans doute beaucoup mieux que je ne pourrois le faire.  COMMERCE D'ANGLETERRE. flf CHAPITRE IV. Abrêgé Hijlorique du Commerce de rAngleterre, depuis Jules Cefar jufqu'a l'époque de la mort de Henry III. (en lijs.) Pour. mettre un peu plus d'ordre & de clarté dans cet Abrégé Hiftorique du Commerce de la Grande - Bretagne depuis Jules Cefar jufques k 1'éreclion dc la Banque de Londres, nous avons partagé tout cet intervalle en deux parties ou Chapitres ; le premier fe trouve par la même raifon fous-divifé en trois Périodes. Ie. PÉRIODE. Depuis la descente de Jules Cesar, JUSQU'a la fin de la domination des romains dans la grande-bretagne. L'Ifle nommée par les Anciens Albio & Brittannia, & que nous nommons aujourd'hui Angleterre ou Grande- Bretagne, a toujours été fertile en productions utiles & néceflaires; auffi a-t-elle été fréquentée par les Commercans dans les tems même de la plus haute antiquité. Les Phéniciens venoient acheter ou prendre en échange 1'étain de cette Ifle pour le vendre enfuite aux autres nations:  7S Chap. IV. COMMERCE les Grecs ayant découvert la fource de cette marchandifc, vinrent auffi-bien que les Phéniciens, 1'acheter des Bretons (i). Lorfque Jules Cefar eut parcouru & foumis toute la Gaule, & qu'il eut formé le deffein de pafTer dans 1'Ifle dc la Grande - Bretagne, il s'adrefïa a des Negocians pour avoir des informations fur la nature & le fol du pays (2) : mais, comme ceuxci ne fréquentoient gueres que la cöte, tout ce qu'il put apprendre d'eux, fut que les habitans du cöté du midi avoient déja une forme de Gouvernement , & que la population s'y étoit augmentée a mefure que 1'agriculture y avoit fait des progrès. Les autres habitans de 1'Ifle avoient feulement des paturages, fe revétoient de peaux de bêtes, habitoient ou dans les forêts ou dans des lieux marécageux, & changeoient avec leurs troupeaux aifément d'habitation , pour aller chercher des paturages ailleurs (3). Cette information n'avoit rien de bien attrayant pour Jules Cefar; mais ce guerrier, enflammé du défir de faire une nouvelle conquête, vint a bout, dans deux defccntes en cette Ifle, de foumettre Ia Bretagne a la République Romaine. Cet- < te foumiffion fut cependant plus apparente que (O Voyez 1'Abrcgé de l'hifioire & Angkttru de M. Rapin db T 11 0 y p. a s , Introduétion page 5. 62) Commennires de Cesar Tome I. Eiv. IV. (3) Uiftoire {CAngUUrre, pat M. Da vid Humk, Edition in-ia. T. I. p. 5'  D'ANGLETERR E. 79 réelle. Cefar après un court féjour (4) s'en retouraa dans les Gauks avec toutes fes troupes & fes vaiifeaux (5). Soit que 1'Empereur Augufte ne confidcrat pas cette conquête comme étant de quelques importancc,foit que les Bretons ne portafient qu'a regretle joug des Romains, toujours parok-il que ces derniers avoient 40 années après, recouvré leur ancienne liberté (6). Ce fut a cette époque que 1'Empereur Claude, excité par les Confeils d'un certain Bericus, entreprit d'en faire de nouveau la conquête, & d'y placer des Gouverneurs. Agricola entr'autres gouverna les Bretons avec beaucoup de gloire & de fageüe pendant les regnes de Vefpafien,de Titus & de Domitien. II feut par des voies douces rendre a quelques-uns leurs chaïncs plus fupportables. Mais il s'en falloit bien que la Nation entiere eut la même docilité. II y en eut parmi eux qui aimerent mieux tout abandonner, que de fe foumettre au joug (7). Ils fe retirerent vers le nord parmi les Picles & les Scotes ou Ecojfois, peuples alors entiérement féroces & Barbares, & qui avoient toujours été le fléau des Bretons. (4) Jules Cesar fit fa première defcente l'an de Rome 697, ou 55 ans avant 1'Ere Chrétienne, & la feconde 1'année fuivante, & pafia 1'hyver de la fin de cette année dans les C-aules. Voyez Hifi. Romaine, par M. lï üllin T. XII & MP. (5) H o »&» "K^f". 9?loT **** ° 3b ^lifJtiammoO (s£o ■•! WR-^wWrl^.W aU ,M *ï i-W*¥>Ï svomi (S) (7) ti*a P. 36.  80 Chap. IV. COMMERCE On prérend que les Picte's font vehus originaircmeht de Ia Scythie, ou plütót de Ia Scandinavië, & qu'après "avoir deba'rque dans YHibernie (Irlande) ils y avoient lëjourné quelquê tems, & qu'ils s'établirent cnfuite dans fa haute-Bretagne (8). Les Piclcs '& les EcoÏÏbis étoient continuellement en guerre avec les Bretons. Sous les Empereurs Ilonorhis, Conflance & Theoaofè le Jeune, les Romains foutinrent les Bretons contre ces Barbares, jufqu'au'commencement du Vme. Siècle. Mais les Romains fe tróuvant obligés d'employer aillcurs les tfoupes qu'ils avoient en Angleterre, 1'Empereuf Ilouorius par un acte en forme rendit en 410 la libcrté aux Bretons (9). Les peuples du Nord coinmenccrent derechefa mqüiëté'r les Bretons,lefqiicls ayant imploré 1'arïifhmcc des Romains, obtinrent, après les victoires remportées fur les Vijigöts & les Bourgulgnons fous Vdtehtinï'en III, un renrort d'une légion, qui les mit cn état de repoufier leurs ennemis, mais ils ne jouirent pas longtcms de ce renfort; car, dès que la famcufe muraille de 1'Empereur Sévere eut été reparée, le général Romain leur confeüia de fe défendre euxmemes", après qüoi les Romains (en 426 ou 427) quitterent'pour toujours la Grande Bretagne (to)'. «1Sm«ncO iuïI i tóoU' .S2 .4>sH%»'liB!((. 44*L aoMAToabe .s* .q .1 ,.T 3M'uH' "^mtJÈ^JiX^^'^ Sl'l> 9j»qq«X«j£ .q .1 .yij ssiJoV) »ww^A (26) Hem . . 44, 45 cIceti'S'TO'ij arrónYI maioii ean'juoiliH ajuolsup (27) Rapin T. fi Liv. II. & HiimeT. I. p. 45 & fuiv. Horftt paroit avoir été tué a la lataille SEglcsford dans le pa/s de Kent environ 1'année 4 wstinT no'è C33J Rapin T. I. Llv. In. Hume T. I. p. 131. 6*5 Mem . II u m E T. I. p, 145 & fiiiv. (3ïj H OME T. I. Pr 154. (3ö; idem . . . . jtj; & 2Ci, fMt .g A.Tmuil sstoV .oSS  Ü"A N G L E T E R R E. 89 Mais les Rois qui fuccederent a Atheljlan étoient fi vicieux & fi peu proprcs a leur tenir tête (37), qu a la fin les Danois & les Normands devinrent facilement les maïtres de VAngleterre, foit par la voie des armes, foit par les alliances qu'ils y contrarftercnt (38). Nous remarquerons ici avec les Hifioriens Anglois que le regne a"Alfred fait époque dans les annales de la Nation Britannique, non-feulemcnt par rapport au Gouvernement en général, mais auffi relativement a la maticre que nous traitons dans cet ouvrare: on me pardonnera volontiers fi je m'y arrête un peu. Ce fage Prince,que les Hifioriens ont nommé k jufte titre le plus grand Roi qu'il y eüt dans lé IXmc. Siècle après Charlemagne en Europe (39), fit embraffer a une partie des Danois la Religion Chréticnne, & fit fervir fes nouveaux fujets a 1'avantage de tout fon Royaume , en forcant ceux d'entr'eux qui étoient les plus mutins a abandonner le pays & a fe retirer ailleurs (40). 11 rebatit les villes ruinées(4i),& fut le premier (37) Hum e T. T. p. 238 & fuivantes. (38) Le célebre Guillrmme,ik le Conquérarit, étoit parent d'Edoaard III, fils naturel dc Robert Duc de Normandie & de Harkte fill* d'un Taneur de Falaife. Voyez Hom T. I, p. 381 & fuiv. (39) H ome T. I. p. 2!?. (' . C40) Rapin Ti I. p. 289. & Hume p. 194. C4O I-es Villes ruinées, & particuliérement Londres détruite par les Danois Tous le regue A'E.'lielwofyti parollïent avoir été rebüties en 2Eo. Voyez IIome T. I. p. 187- F 5  90 Chap. IV. COMMERCE qui établit une marine, qu'on doit regarder comme la défcnfe naturelle d'une Ifle (42). II fe mit a couvert de nouvelles invafions, établit infenfiblement par fon acüvité une juftice réguliere, fit la divifion en Counties &c. de toute YAngleterre (43), encouragea le Commerce (44) , les Arts méchaniques & les fciences (45). Entr'autres ouvrages dignes de lui, & meme en quelque facon au-defius du Siècle oü il vivoit, il fit faire la Defcription de toute YAngleterre; Defcription qui ne fut fuivie & rédigée que trois Siccles après, mais dont il eut la gloire d'avoir concu le defiein (46). Auffi afa mort obtint-il pour prix de fes grands travaux, le titre bien mérité de Grand, & celui de Fondateur de la Monarchie Angloife (47). Car ce fut lui qui pen- (42) » On avoit negligé la marine jufqu'au regne SAlfred : il „ augmenta le nombre & perfeélionna la conftruérion des Vaiflèaux „ de fon Royaume, encouragea fes fujets £ s'appliquer a 1'art de la „ Navigation, & a celui de combattre fur mer. — Une Hotte „ de 120 vaiflèaux de guerre protegeoit les cötes. Ils étoient bien „ fournis d'artillerie & d'habiles matelots Frifons ou Anglois} car ce „ Prince fuppléoit au défaut de fes propres fujets cn cngageant des „. étrangers ii fon fervice &c:" Voyez Hume T. I. p. i83 & 189. (43) Voyez Rapin T. I. Liv. IV. & Hume T. I. p. 202 &c. Alfred divifa toute \'Angleterre en Counties,, ou Provinces; ces Provinces fe fubdivitöient encore en Hundreds ou Cantons, & ces Cantoris, en Thylhings, ou dizaines de families. OO Hume T. I. p. 217. _& Anderson a l'an 885, 886, & 900. (45) Hume T. I. p. 213 &c. & Rapin T. I. Liv. IV. 06j Hume T. II. p. 181. (47) Hume T. I. p. 198.  D' ANGLETERRE. 9i dant fon regne rétablit Fordre des Loix, & fema le germé de cette précieufe liberté, dont les Anglois jouifient aujourd'hui, & dont ils font ou parohTent fi jaloux (48). Don précieux, lorfque cette liberté eft fondée fur un efprit d'ordre & de défintérefiement, & qu'elle eft uniquement dirigée vers le bien comniun. Le Regne oVAthel/lan nous fournit, entr'autres, une loi remarquable pour 1'encouragement du Commerce. Elle portoit que tout Négociant, qui auroit entrepris a fes frais deux longs voyages fur mer, feroit ennobli (49). La ville de Londres, dans laquelle (depuis fon origine) a toujours réfidé le centre du Commerce de Y Angleterre, étoit déja connue avant le Regne d'Alfred comme une place marchande. Après que les Danois 1'curent ruinée & brülée en 839, ce Prince la rebatit en 886 ,• les maifons étoientalors, ainfi que bien des Siecles après, toutes conftruitcs de bois. Alfred fut le premier qui y batit un Hotel ou un Palais de Briques ou de pierres (50). On peut voir ce qu'ANDERsoN (43) Hume T. I. p. 205. & fuiv. & a la page 211. „ Alfred eut toujours les égards les plus facrés pour la liberté „ de fon peuplej & le Teftarnent de ce Prince eft un monument „ précieux de fa facon de penfer fur cet article s il y dit exprelfé. „ ment qu'il feroit jujle que les Anglois pufent toujours refter auffi libres que leurs propres penfées." (49) Hem. p. 236. (50) Anderson a l'an 872.  5?a Chap. IV. COMMERCE rapporte du Commerce dc cette Ville pendant les années 604 (51) 728 (52) , & io4i rj^f Avant la conquête de Guillaume I. elle avoit déja un grand pont de bois fur la Tamife (54). On trouve dans la Note (55) les péages. ou droits qui (50 Be da nomme Ia ville de Londres, fous l'an 604, une place, de marchi pour beaucoup de Nations qui ycnoient s'y rendre fréquemment. Voyez And er son, a l'an 604. C52) Anderson, a l'an 728. (54) 1016. (55) Un petit Batiment devoit payer en arrivant a Mlinsgate au port de Londres un demi - denier de péage. £°. S'il étoit grand & portant voile, un denier. 3°- Pour une Ourque (Keel ou Hulk) gros Vaifleau plus long & large que les autres quatre deniers. 4° -Un Batiment chargé de bois, devoit donner (owc Piece) une piece pour péage. 5°. Un Bateau chargé de poiflbn payoit (put half penny) un demi denier; un autre plus grand un denier. 6«. Ceux de Rouen chargés de vin ou de Grampois, comme aulïï ceux de Flandre & de Ponthieu, ainfi que des autres ports de Normendie Sc de France, étoient dans 1'ufage d'ouvtir la marchandife ou de la mettre a découvert pour la libérer du péage. Ceux qui venoient de tiege, & d'autres ptaccs , débaloient leurs marchandifes & en payoient le péage. Les fujets de rEutpereur Cc'pl} - a - dire les AUcmands établis alors ou après dans le Stcelyard) étoient plus favorifés par les Loix; ils pouvoient vendre dans leurs vaiifeaux : mais il ne leur étoit pas permis de faire Ie Monopole au préjudice des Citoyens de Londres. Ils devoient payer le péage, & outre cela a Noel deux pieces de drap gris, & une en brun, avec dix livres de poivre, cinq paires de gands, ét deux Barils de Vinaigre, a Paques tout autant. 7 • Le pain devoit payer un droit pendant trois jours de la femaine, favoir Ie Dimanche, le mardi & Ie Jeudi. Chaque Panier de poules en" devoit dunner une. Le Beurre & le fiomage qui entroient  D'A N GLETERRE. 93 fe percévoient a Londres avant la fin du dixicme Siècle; & nous avons cru qu'il ne feroit pas inuti- quioze jours avant Noël, un denier, & huk jours après AW7 auiïï un denier. Voyez A n dkrso n a l'an 9,-9. Voici ies prix de quelques articles. En 719. Dans les Loix HCIna ,Roi de Wejfex, publiécs dans 1'intetvalle des années 712 &727 11 y elt dit qu'une Brebis avec fon agneau valoit un Scbeling, juf. ques a quinze jours après paques. Probablement ces Befbiaux deve. noient a tneilleur marché après ce tems. Voyez Anderson. La Toil'on d'une Brebis, dit H u m E T. IL p. 69, s'efti'mojt a deux cinquiemes de la valeur de 1'animal entier. Un cheval de parade valoit, en 966, dix Scbelings (Hume dit 12 Sch.), un acre de Terre n'en valoit qu'un; & le Hyde de Terre contenant 120 acres s'achctolt pour cent Scbelings. Voyez Anderson. Entre les Xine. & Xlme. Siecles, dit Ü ome, Ednoth acheta une liyde de terre prés de n3 Schelings. Cétoit un peu plus d'un Scheling 1'acre, ce qui paroit en effet avoir été le prix ordinaire, comme d'aurres Auteurs nous 1'apprennent. Un homme étoit évalué a ïróit livres, ce qui prouve qu'il étoit etïirné en général le plus. Voyez Hume T. II. p. 70. En 979, il fe fit un traité entre les CommilTaires du Roi Jtlieljlao & ceux du Pays de Galles, au fujet des beftiaux égarés, & aufii concemant le Commerce &c. Par ce traité Ie prix d'un cheval étoit taxé a trentc Schelings, un bceuf a trente pences ou pennys, une vache a 24 pences,un mouton a un Scheling, une chevre a deux pences. II paroit par, la, dit Anderson, qu'un cheval valoit alors cinq bceufs i car 5 pences ou deniers faifoient dans ce tems-la un Scheling., Un Bceaf fe vendült environ l'an Mille, deux Schelings fix tieniers &CV •[■■•.* i„i sKjhov Sous le Regne HCEd^uard Ie Confefieur en 1043, il y eut la plus lionible famine dnnt on eöt jamais enteudu parler. Autant qu'un cheval pouvoit porter de Froment c'ell - a,- dire, un quarteron de hult boificaux, fe vendit jufqu'a foixante pennys, & le boifieau 7j. Or fi Ie prix ordinaiie étoit un Scheling par quarteron, ce qui eft probable (dit Anderson) on vivoit alors dix fois a meilleur marché qu'ii préfent. Voyez Anderson a l'an 1043. Cet Auteur cite itmiChroniqus priOaife de i'Evéfu'e d*£ïy', Fleetwoop &c. Voyez •ncote II t) M e T, il. p. Voyez Anderson Le Chevalier Pet- ty évaluoit (en 1699) le nombre des habitans de X Angleterre a fix millions. M. Dayenant autre Auteur politique le réduit a^, 545000 ames. Voyez 1'Encyclopédie VTvtrdun au mot Arïlhméüaue folUijue. Mais il me femble que ces deux Auteurs font monter ce nombre un peu trop haut.  D'ANGLETERRE. 97 h fomme dont parient les Mifloriens, doit être ,i regardée, comme fi aujourd'hui elle étoit mula tipliée plus de cent fois au defiiis d'une fom„ me de la même dénomination ". Si cette fuppofition n'a pas été faite fans quelque fondement de la part d'un Auteur auffi philofophe que 1'étoit M. Hu we, il en faut conclure que la difference de la population en Angleterre depuis la conquête, fe trouve être comme de 1 a 3. & 1'indultrie comme de 1 a 5. & même plus. Et que par conféquent la progrefiion de la population ne va pas de pair avec la progrefiion de 1'induilrie. Cette difference doit nécejfalrement avoir eu fa. caufe phyfique. Mais oü réfide- t'clle? Une recherche auffi curieufe & auffi importante ne feroit pas indigne d'un Anglois qui chérit fa patrie & fes concitoyens. IIIme. PÉRIODE. qui commencé au tems de la descente de Guillaume le cónquérant , jusqu'a la fin du Regne de Henri III. ou a- peu -prés vers l'é- poque que la chambre des communes fut érigée, c'est-a-dire jusqu'a l'an 1265. M. Hume rapporto très-judicieufement, que „ 1'Angleterre avant que le Duc de Normandie en „ fit la conquête étoit féparée du rèfie du monde Tomé Ui Part. I. G  98 Chap. IV. COMMERCE » autant par fa politique , que par fa ütuation. ,, Excepcé les invafions des Danois , les Anglois „ cphSnés chez cux n'avoicnt ni ennemis ni alliés „ fur le continent (61)". . Les confcdcrations entre les Puiiïances de 1'Europe étoient alors inconnucs. La theorie des affaires politiques entre les meines Puiiïances ■, étoit beaucoup moins compliquéc & moins cnveloppée qu'a - préfent (6a). L'intéricur des différents Etats & leurs forcesrefpeétivesn'ctoient prefque pas connus. La Cour dc Rome avoit dans ces tems-la la plus grande influence fur toutes les affaires: & c'étoit elle qui les dirigeoïtfelon fon bonplaifir, & toujours a fon avantage. L'art de la Navigation nctoit pas encore né, car a parler cxaétcment on ne peut point donner le nom d'art aux voyages des anciens Grecs, ni a ceux des Italicns du moyen age. L'Etat Militaire & les Financcs fe trouvoient fur un tout autre pied qu'aujourd'hui. Les Barons, ou les grands Vaffaux de chaque Etat, étoient des petits Souvcrains qui fouvent diftoient la loi k leur Roi. On étoit alors uniquement occupé a obferver ce qui fe paffoit dans fon propre pays. II n'y avoit point de Miniltrcs &c. réfidant dans les Cours Etrangerès. La place de premier Miniflre, aujour- C60 Hume T. II. p. (Ci) H cru a T. H. p. tioa  D'ANGLETERRE. 99 d'hui fi importante dans les Monarchies, étoit alors entiercment inconnue (63). Le Commerce du cöté de 1'occident & dans le Nord de 1'Europe n'avoit pas encore lié les Nations. Tel étoit en raccourci 1'état des chofes lorfqu'après la mort d'Edouard dernier Roi de la race Saxonne, & après la défaite de Harold, Guillaume Duc de Normandie fit la conquête de 1'Angleterre en 1066 (64). Donnons maintenant iuccinclement une idéé générale du progrès que les Anglois ont fait pendant cette derniere période. A la conquête des Normands les Bourgs n'étoient prefque que des hamaux, leurs habitans vivoient dans une entiere dépendance du Roi & des grands Seigneurs, & leur état étoit un honnête efclavage: ce n'étoit réellcment qu'un nombre d'artifans afièrvis dans une bafie dépendance. Les villes étoient en petit nombre & mal pcuplées. La licence regnoit au plus haut dégré dans Londres même (65). (633 Hume T. V. p. 35. (64) Cette entreprife avoit été faite par une Hotte de tiois mill» vaiflèaux tant grands que petits & une armee de 60 mille hommes, tous gens choifis & bien armés. Le camp formoit le [pèctacle le plus fuperbe & le plus martial. Voyez Hume T. t. p. 419. Les fraix pour cette expédition avoient été fournis par les plus tiches particuliers de la Province de Normandie. Car la piaspart des membres des ESatS de la Province avoient montré de la répugnance & accorder des fubfidcs evtraordinaires. Voyez p. 417. (65} Hu UB T. Ut. p. 94 & 353. G %  ioo Chap. IV. COMMERCE Les Barons & la Noblcflè du féèon'd ordre ne connoilTant que 1'abondancc & Fhofpitalité ruftique, ne protégeoicnt d'autres profeffions que celles des armes, le feul art qui fut en vogue parmi eux dans ces fiecles. Si une perfonne, foit par fon induftrie ou par fon Commerce, parvenoit a faire quelque fortune, il devenoit ordinairement la victime de Fenvie & de la cupidité des noblcs militaire* (66). II paroit que fous le regne de Henry II. la population de Londres fe trouvoit monter a 40 mille habitans (67). A la fin du XII Siècle, & pendant le cours du XJIIrae. cette ville doit avoir été embellie & s'être aggrandie confidérablement (68). (66) TIume T III. p. 339- (fi» Robbertson Note XVIII. de X'IntroitutV.on. (63) Les Privileges dont les habitans de la ville de Londres fü. rent favorifés fous dj(lérens regnes contribua a augmenter fenfiblement le nombre de les habitans. Sous Henry II. un ferf ayant demeuré un an & un jour dans un Bourg étoit regardé comme Citoyen & comme tel il jouiflbit de la franchife du Bourg. Voyez Andersok a l'an 10Ü6. Avant le XII Siècle Ia cité de Londres n'étoit pas encore pavée ,& le terrain en étoit marécageux. En 1073 Guillaume I, fit pofer les fondemens d'une forte citadelle nommée depuis la Tour de 'Lonires. Par la fuite on en batït une plus grande de pierres avec des arcades. Dans ces tems les Batimens de pierre & de briques étoient rates, même a Londres. Les incendies étoient fréquens dans cette ville, oir les maifons étoient généralement de bois & couvertes de chaume. Pour prévenir le feu & les voleurs on ordonna dans la première année du Roi Rickard I. (1189O que dorenavant on ne hatiroit dans la Cité que des maifons de pierre, jufques a une certainc hauteur, & qu'on les couvriroit d'ardoilés & de tuiles cuites. En 1246. la plupart des Maifons étoient encore couvertes de chau-  D'ANGLETERRE. •IOï On y forma des corps de métiers & plufieurs étrangcrs vinrent s'y incorporer (69). En 1215. les Marchands furent invités ouvertement par le Roi Jean a venir commercer dans le Royaume (70). On leur affigna pour demeure un quartier de la ville nommé Steelyard (71), oü ils setablirent. En 1236 ou 1239, 1250, 1260 & 1267 ils recurenc de nouveaux privileges, & les anciens leur furent me. Une Ordonnance renouvellée Ia méme année porre, que toutes les maifons de la Cité devoient étre couvertes de tuilles ou d'ardoiTet &c. Le Pont de bois qui avoit été refnit ibus Guillaume II. ■avoit été confiitné dans la fuite par un incendie. Sous Henry H. il fut réfolu de biLtir un pont de pierre fur la Tamife, mais ce Jïtlti'ment 'ne fut fint qu'en 1212.' Voyez Anderson fous les différentes époqties citées, (60) Les Tiflerands & les lioulangers ont été les plus anciennes corporations. Voyez Anderson a l'an 1106. Sous le regne de Henry I. & de Rlcltard 1. on trouve des Manufactures établies. Henry II. accorda aux Tiflerands de Londres ou a leur Confrairie tous les droits & franchifes qu'elle avoit eu du tems de fon grand Pere Henry I. moyennant deux mares d'or a payer annuellement. Henry I. penfa le premier a rendre les Rivieres dans 1'intérieur du Royaume plus navigables. Ce Roi alfigna (1135") ^ des pauvres flamands qui vinrent fe refugier en Angleterre une partie des terres incultes dans le pays de Galles. On penfe que ce font eux qui s'appliqucrcnt a la fibrrque des Draps &c. Ce fut encore fous le méTne regne qu'on comruenca a fe faire payer une partie des revenus en argent. Dans la fuite cette coutume devint pour ainfi dire permanente. Voyez Anderson a l'an 1135 tk U54; ' (70) II u m e T. III. p. 2E9. ' (71) „ Steel-yard figivfie pefon avec lequel on pefe des Marcban5, difes. II y a un Endroit k Londres qui porte ce nom , ce qu'il le „ fit peut-être donner aux Marchands qui s'y établirent." Home T. III. p. 262. il la Note (*)• G 3  io2 Chap. IV. COMMERCE confirmés (72). Les Laines dans ce Siècle étoient déja un objet trés confidérable de Commerce pour les Flamands auffi bien que d'une trés grande reflburce pour le Roi,qui feut mettre lesEtrangers & leur Commerce a contribution (73). En 1249 les chofes furent rhémé pouffées a un tel excès, qu'on reprocha cn plein Parlement a Henry, lorfqu'il follicita un nouveau fubfide, qu'il devroit rougir de demandcr des fecours a un peuple qu'il afFectoit de méprifer & de haïr, & auquel en toute occafion il préferoit des Etrangers &c. On lui remontra, encore que les vcxations qu'il exercoit dégradoient la Nobleüc du Royaume Les expreffions fuivantes méritent d'ètre remarquées. „ Que les Commercans, au grand préjudice & „ 3 la honte du Royaume, fuyoient les Ports dAn„ gleterre , comme s'ils étoient habités par des „ pirates, & que le Commerce privé de toute fu„ reté , fe trouvoit abfolument interrompu avec „ toutes les Nations. Que jufques aux pau- (78.) Anderson a l'an 1232, 1239» 1200 & I2<515- Aft- PuW» T. 1. pais II. p- 106 & Chron. Anltat. par WilleisrandtH Pan 1250, 1267 &c- (73) Les Habitans de la Campagne, les Villageois, les Couven» &c. vendoient leurs Laines ou leurs produits aux Etrangers & a ceux qui avo ent ptrmiflion ou privilege de faire ces fortes d'achnts. Ces Marchands furent afkamt», a faire fortir ces marchandifes hors du Royaume par Cinq Ports. C'étoit la que les marchands payoient lts droits de furtie, & ces Droits étoient plus ou moins forts feloa que le fouverain avoit befoin d'argent. Hume T. UL p. VO, 371, jï>. 4Ï6 Üi T. IV. p. SPS>  D'ANGLETERRE. 103 „ vrcs Pêcheurs qui gagnoicnt leur vie fur les cö,, tés, ils étoient les victimes de fon avidité & de ,', celle de fa Cour, Que fes actes de piété „ même fcandalifoient fes fujets, quand ils voyoient „ qu'une fi grande quantité de cierges & de magni„ fiques étoffes de foic, prodiguécs pour des pro„ cefiions inutiles,'avoient été prifes de force a ceux „ k qui elles appartenoient réellement (74) ". A ce récit nous en allons joindre un autre tiré encore de 1'hifioire ól Angleterre , ou fous l'an 1264. M. Hume s'exprime ainfi: „ Pendant que Henry,-Hls a:né de Leicefler, fai„ foit un monopole de toutes les Laines oVAngle„ terre, 1'unique marchandife efiimée puifqu'elle foumifibit au Commerce étranger, les habitans „ des Cinq-Ports exercoient la Piraterie la plus atro„ ce. Par leur conduite ils bannirent bicntöt tous „ les Negocians des Cötcs & des Ports de YAtt„ gleterre. A cette occafion toutes les Marchan„ difes des pays Etrangers monterent a un prix „ exorbitant". Les Etrangers qui fréquentoient alors 1'Angleterre étoient les Allemands, les Flamands ou les habitans des Pays-Bas (75), les Juifs & les Italicns (76). Ces derniers plus connus dans ces fie- f74) II U ME, T. IV. p. 76. (75) flifi.
  • '274 &c. (77) Robbert son. Note XXIX. de 1'Introduaion. (78) Hume T. UI. p. 108 & 1c9 T. IV. p. 122. (79) Ou en voit plufieurs exemples fms les regnes de Rkhard I. du Rui Jean, & de Uen:y UI. Voyez la note 81. Les Juifs étoient totalement püvés de la proteftion des Loix,& étoient aban- ■ donnés a la cupidité infatiable du Souverain & de fes Miniftres JluMt T. 1U. p. ;9-i-  D'ANGLETERRE. iq5 dans le fafie, dans les excès &c. On ne doit donc pas être furpris de voir que le peuple fut fi acharné contre ces • ufuriers de profeflion. Car fi le Roi ou les grands n'avoient pas eu de pareilles refiburces (quoique tres ruineufes) . de trouver de 1'argent, ils auroient été obligés de le chercher dans leur économie, ou chez le Peuple; c'eft - a dire, en 'cédant a ce demier quelques privileges ou prérogatives (80). Les Juifs, & enfuite les Marchands Lombards, étoient donc autant d'obftacles a la liberté du peuple. Aufli les abominations qui eu'rent lieu a la fin du XII & du XIIIme. Siècle lorfqu'un grand nombre de Juifs périrent miférablement (8i), furent-ellcs une fuite naturelle du perfonnage qu'ils avoient joué. Les peuples les plus Barbares n'ont jamais commis de cruautés fi détefiables (82). (80) Anderson aux années 1086, 1199, 1205, no2, 1234. & Hume T. III. p. 382. (81) Les Juifs jurqu'au douzieme Siede avoient ptofperé en Angleterre. Les Souverains étant devenus plus entreprenans, 1'ufure augmenta en proportion des befoins & les rifques de même. Les Juifs en devinrent enfin la viéh'mc. Sous Richard en T189 les Juifs furent cruellement mafiacrés a Londres & aillcuis. Voyez Humb T. III. p. 111. Sous le Roi Jean on les mit tous en prifon, & ils n'obtinrent leur liberté qu'en payant 60 mille mares. On en trouve fous ce ïegne encore d'autres excmples, voyez p. 394. Lts Juifs maigré ets oppresfions & ces rilqifès refiererit en Angleterre, 1'ufure ayant été portée jufqu'au taux de 50 pour cent. Hume T. IV. p. 181. (8r) En 1241. on fit pajei' aux Juifs 20000 mares} deux ans après G 5  io6 Chap. IV. COMMERCE Le premier Traité d'amitié & de Commerce qui aït eu lieu entre les Anglois & une Puifiance étrangere eft datté de Tan 1217 & fut avec Haquin Roi dc Norwege (83). Et outre cc Traité avant la mort de Henry III. en 1272 on n'en trouve que deux felon Anderson, dont un elt avec la France & 1'autrc avec la Norwege (84); II paroit d'après ce que je viens de rapporter que depuis la conquête de Guillainr.e jufqu'a la mort de Henry IIIAe Commerce ne fit point de progrès.M. d'amres groffes fivnmes, & une feule perfonne paya 4000 mare?. En 1250. Ilemy les oppriraa de nouveau. Un Juif nommé Mron fut condamné a 30000 mares. En 1255. le Roi demanda 8ooo mares & menaca les Juifs de les faire pendre s'ils féfulWéht cTóbeir. Alors ils perdirent patience & foUicitercut la permifilon dé fortir du Royaume. Le Roi leur rép.onJit en fubftance , qu'il étoit ruiné lui-même , qu'il devoit lui-même 200 mille Mares & meme 3C0 mille: qu'il n'avoit pas le lol, qu'il lui falloit de 1'argent, de quelque mnin, de quelque cóté, de quelque maniere que ce fur. Alors les Juifs furent livrei au Comte de Cornouailles, qui continua k les opprimer. Enfiiite il y en ent buit de pendus fous prétexte d'avoir crucifiê un Enfant en dérilion des fouffrances de Jéfus Chr',fl. Sous Edouard en 1275 on en pendit :o3 it ia fois a Londres, fans compter ceux qu'on punit dans les autres provinces, & ccla fous prétexte d'être des faux monnoyeurs. Enfin pour cloture rapportons que le Rói Jean pere de Ilemy III- demanda une fois icooo mares d'un Juif de Briflol,Si fur fon rei'us ordonna de lui arrachcr une dent tous les jours jufqu'a ce qu'il confentit a payer.cette fomme. Le Juif petdit fept dents & paya. Voyez Hume T. IV. p. 182, 183, 184, & 202. Ander'sos it l'an ueo, 1189, i'iio, 1241, 1252 & 1290. A cette dern'e're Epoque les Juifs furent bannis , apparemment paree qu'ils étoient alors trés pauvres! (83) Anderson il rari 1217. &Robbertson Note XXIX. (84.) Anderson, année 1214 & 1269.  D'ANGLETERRE. 107 Hume paroit n'être pas de ce fentiment, & croit qu'avant Ja fin de ce regne Ie Commerce en Angleterre s'étoit beaucoup étendu (85). La raifon fur laquelle il fe fonde, eelt que depuis la conquête le prix du pain étoit hauffé. Cet enchériflèment a eu vraifemblement une caufe plus naturelle, c'efi-a-dire, la population des Villes & des Bourgs, & la depopulation des Campagnes. 'Un changement auffi fenfible, devoit naturellemcnt produire une difference dans les prix des Denrées &c. D'ailleurs Finvention de nouveaux arts devoit occuper moins de mains a Fagriculture que ci-devant. Dela les difettes & les chertés, fi fréquentcs dans ces fiecles. Elles étoient une fuite naturelle des troubles ou des guerres civiles. Le prix moyen des Beftiaux dont M. Hume fait mention, confirmeroit mon idéé (86). Quoiqu'il me fcmble que Ie Commerce na pas augmenté en Angleterre pendant le cours de cette derniere période,je penfe cependant que les revenus des terres accrurent les richefies des poflèfièurs;ceIa paroit du moins a en juger par les richefies que les Eccléfiafiiques & les Souverains acquirent pendant les deux Siecles qui nous occupent maintenant. Henry II. laifla a fa mort en Efpeces 100,000 mares en argent (87). Son Fils Richard I. en ($5) Hume, T. IV. p. 1,-9. (t'6) Hume, T. IV. p. ,79 & iCo. (87J Hume, T. 1U. p. 112.  io8 Chap. IV. COMMERCE D'ANGLETERRE. 1193. étant prifonnier cn Allemagne couta aux Eccléfiaftiques & au peuple 150000 Mares (88). En 1255 la Cour de Rome demanda aux Evêques & aux Abbés du Royaume 150540 Mares en argent pour Capital & intéréts debourfés a 1'occafion de la Croizade pour la conquête de la Sicile. On diitribua des Biliets a des marchands Lallens qu'on fuppofoit avoir avancé les fonds pour les fraix de la guerre contre Mainfroy. On fit a cet effet des conditions pour le payement (89). Mais ce qui prouve furtout les rcfiburces qu'il y a toujours eu dans le foi pour les habitans de VAngleterre, ce font les guerres qu'on eut a foutenir fous les Regnes de Rifhar d I, & du Roi Jean (90) , 1'argent qui fortoit prefque cuninuellement du pays pour Rome (91), & puis les fraix qu'on devoit continuellement faire pour les voyages de la terre fainte. Enfin malgré toutes les Revolutions que 1''Angleterre avoit elTuyées depuis 1'invanon de Jules Cefar, jufqu'a la mort de Henry III. il elt aflèz clair qu'elle avoit augmenté confidérablcmcnt fa Population. feule richejfe ■ fondamentale-, & la plus folide S.une Nation. ■ (f.0) En argent comptant 100 miï"e mares. Voyez Hume, T. £v,p. 164. ; : '.. , ... i. ... .' " (89) II u M T. IV. p. 6!?. C'j"0 E a p 1 n & Hume fous ces diflerens Regnes. (9i)HuME T. IV. p. 58, ?9 & luiv- & Anderson a l'an 1244.  COMMERCE D'ANGLETERRE. 109 CHAPITRE V. Continucttion du même fujet, jufqiid r époque de VEtablijJ'ement de la Banque de Londres. C e Chapitre, pour la raifon que nous avons dite dans le précédent, fe trouve fous - divifé en n-ois Périodes. Ie. Période. Depuis l'an 1272. ou depuis le commenceMent du Regne d'Edouard I, jusqu'a la fin du XVeme. Siècle. Dès que les dalles les moins honorées, mais les plus indulTrieufes & les plus utiles pour 1'Etat, furent encouragécs par les Souverains, on vit les Sociétés prendre en Europe de nouvelles forces (1), & revenir peu a peu de cette efpece de léthargie oü elles avoient été enfévelies depuis plufieurs Siecles. Le peuple Anglois en particulier eut cependant plus d'obftacles a furmonter qu'aucune autre Nation, a caufe des révolutions de differente nature qui eurent fucceflivement lieu dans 1'Ifle de la Grande Bretagne. (O Humi T. IV. p. 288.. ' . ; .  no Chap. V. COMMERCE L''Angleterre poffédant, ainfi que je Fai déjh dit, des reiïburces pour ainfi dire inépuifables, le Souverain étoit a même, lorfquil avoit les qualitês requifes pour ccla, d'étendre fon ambition, même au-dela de ce bras de mer qui fépare VAngleterre du continent. Les guerres fous Edouard I, fous Edouard II, & fous Edouard III, én fourniflent des exemples. Mais fi ces guerres prouvent de quoi cette Nation efi capable lorfquelle déploie fon courage , ces mêmes guerres épuiferent le Royaume d'hommes & d'argent , deforte que V Angleterre au lieu de profpérer pendant ces Regnes, fe trouva encore plus affoiblie qu'auparavant. Sans cet efprit d'indépendance qui commenca alors a ranimer le courage Anglois, les habitans de cette Ifie auroient été dans le XIII & XIV Siecles dans un état pire que dans les deux Siccles précédens; mais Fefperance de recouvrer la liberté faifant journellement des progrès parmi la Nation, cette feule idéé foutint le peuple au milieu des charges qu'il eut continuellement a fupporter; & malgré les calamités qu'une guerre entraine, même pour une Nation viétorieufe, on vit néamnoins fous Edouard I des Bourgs s'élever dans les Terres Domaniales avec des privileges particuliers, comme celui de fixer eux-mêmes les droits & les péages de leurs diftriéts, & furtout d'élire leurs propres Magiftrats; mais le Roi fe referva toujours le pou-  D'ANGLETERRE. m voir d'impofer la taille , ou les impóts fur ces Bourgs, & cela a fa difcrétion (2). Le tems, mais furtout 1'abus qu'on fit de ce privilege Royal, ouvrirent enfin les yeux a la nation, & corrigerent ce grand abus fous les regnes fuivans. Malgré les extorfions & Edouard I en 1297. & malgré les coups d'autorité qu'il exerca fur les Juifs & fur les Eccléfiaftiques (3), il faut avouer qu'il fit des régiemens utiles aux Commercans etrangers, qui étoient établis dans fon Royaume (4). Edouard a été le premier Prince Chrétien qui ait défendu au Clergé par une loi pofitive de faire de nouvelles acquifitions de terres. Cette Ordonnance fut auffi avantageufe a fon Royaume (5), que 1'augmentation du pouvoir des Barons lui futpréjudiciable. Auffi fous Ie regne SEdouard II on obferve par les mécontentemens des Barons combien cettte augmentation de pouvoir que fori Pere leur avoit laifie fut dans la fuite la fóurce de plufieurs troubles (6). Sa guerre avec YEcoffe, les fermentations intérieures, 1'exécution du Comte de Lancaftre, & le Roi lui-même dé- 00 Hume T. IV. p. 2S9 & a la note G. (3) Edouard I. dépouilh les Juifs de leurs biens & les bannit, mit le Clergé hors de la protection des Loix, fe faifit de toutes les Laines & de tous les cuirs du Royaume, & impofa des taxes confidérables fur les anciennes marchandifes les plus précieufes &c. Voyez Hume T. IV. p. 393. (4) Hume T. IV. p. 391. (5) 394 & 39.T- Cé; H u m ï T. V. Cliap. III. p. 6 & fuiv.  m Chap. V. COMMERCE tröné, tous ces événemens cauferent un fi grand défordre dans ce Royaume, qu'il eft aifé de comprendre que les Hiltoriens ne fe font pas plaints fans fondement, en difant, que le Commerce & les Manufactores fe trouvoient alors en effet prefque réduits a rien (7). Le détail des déprédations commifes dans les Campagnes, en nous donnant une idéé des ravages qui eurent alors lieu, nous apprennent en outre quels étoient les objets dans lefquels confiftoient les principales richefies de la nation (8). Les guerres contre VEcoffe & la France, fous Edouard III, font autant de témoins qui dépofent, que VAngleterre, foit par fon Commerce, foit par 1'induftrie de fes habitans, ou foit par le crédit du Roi f7) Hume T. V. Chap. III. p. SS & fuiv. m Hume rapporte fous l'an 1327, Que '» re(lu5te P^entée Par SpMcerle Pere, contenoit qu'on avoit ravagé Ibixante trois de fes Sei-neniies ou Maifons de Campagne, & il apprécie.le dégat a 46000 Livres, qui feroient aujourd'hui en monnoie ariuelle 138000Livres. Entr'autres efTets perdus pour lui il compta. 28000. Brebis. 1000. Bceufs & GeniiTes. 1200. Vaches avec leur portée de deux ans. 500. Chevaux de Charoi. 1 aooo. Porcs & 600 fleches de lard. 80. Boeufs & 600 moutons falés. 10. Tonneaux de cidre. Des armes pour armer deux eens hommes, & d'autres mftrumens & munkions de guerre. Voyez Hume T. V. p. 89. iu  LVANGLËTERRË. 113 Roi chez les Commcrcans ëcrangers, étoit alors a même de fuppléèr aux befoins prefians que fon ani*bition exigeoit, & qu'il ne pouvoit trouver chez lui (9). Par exemple Edouard III, en commen* cant la guerre avec la France en 1339 ^ fut réduic a la demiere extrémité (10); quelques redevances des terres, & furtout la toifon des Beffiaux, lui furent d'une importante & prompte reflburce (1r). Le fuccès qu'il eut dans cette guerre, bien loin de diminuer les dépenfes & les befoins de 1'Etat, contribuerent au contraire a les augmenter & a les faire duref plus longtems; & quoique les reflburces dont nous venons de faire mention fe renouvcllafient tous les ans, elles ne furent pourtant pas fuffifantes. Car h mefure (9) EJouard III. étoit un Prince d'un grand courage, & doué d'un valte genie. Voyez Hume T. V. p. 106, 337 & fuiv. (10) „L'an 1339.EdouardIII. avoit contraétó pour prés de trois eens „ mille livres Sterlings de dettes (probablemcnt par le moyen des Etran„ gers). II avoit anticipé tous fes revenus, & engagé tout ce que lui „ & la Reine avoient de meubles précieux. II s'étoit même „ engagé a ne Kpaffer en Angleterre pour fe procurer de 1'argent, „ qu'avec la permilïïon de fes Créanciers, & fur Ia parole d'honneuT „ de revenir en perfonne s'il n'aciuittoit pas fes dettes." II u M a T. V. p. 158. Cu) En 1337. Edouard avoit obtenu du Parlement un don de vingt mille facs de I.aine, apprëciés a pius de cent mille Livres.. Eu i339.il obtint de nouveau des Barons & des Clievaliers des levées extraordinaires fur leurs Terres pour deux ans, de la 9111e. partie des «erbes de bied, des toifons des agneaux, enfuite Ie 9me du mobilier des Bourgeois qu'on feroit eftimer it fa jutte valeur. Le Parlement accorda auffi un droit de 40 Schellings fur chaque fac de Laine cxpoitée, fur chaque trois eens peaux de mouton, fur les cuns &c. Voyez H u. MI T. V. p. 150, 161 & 175 &C. Tome II. Part. I. H  ii4 Chap. V. COMMERCE que les conquêtes s'étendoient, il falloit plus de monde, & encore plus d'argent pour les conferver. Ajoutés a cela que les dépenfes de la guerre étoient devenues plus couteufes par 1'invention & l'introduclion de 1'artillerie dans les années (ia). Deforte qu''Edouard fut enfin obligé de recourir a la reflburce la plus ruineufe pour un Etat, c'eit-adirc, d'affoiblir les Efpeces. Ce fut feion les Hiltoriens la 2oeme. année du regne £ Edouard III qu'on altera pour la première fois les mennoyes cn Angleterre (i 3); & cela dans le tems même que les armes (12) Hume T. V. p. 226 a l'an 1346 & Anderson a l'an 1337- (i 3> Avant la come. année du regne d''Edouard livre avoit été une vraie livre de poids: ce Roi fit tirer dans la eome. année de fon regne de la livre de 12 onces 22 Schellings, & fept ans après 25. Henry V. fit pendant fon regne frapper des Monnoyes fur ie pied de 30 Schellings par livre. Voyez H u m E T. VI. p. 129 & A n d e rson a l'an 1358 &c. On penfe généralement qu'avant l'an 1348 la monnoye n'avoit pas fubi de changement en Angleterre, c'cft- a- dire, qu'une livre de compte contenoit efieétivement une Livre de poids. Selon mes idéés il faut qu'anciennement il y ait en en Angletem des Efpeces d'une méme dénomination, mais différentes en valeur intrinfe SO, 36. année 1474 &c. (20) Rob bert son a la Note XXIX. de Ylntroduition. A ud e r s o N aux années 1274 & 1283.  D'ANGLETERRE. n? fi avanrageux, qu'il donna même de 1'ombrage au Parlement,Iequel étoit avec raifon trés animé contre les abus des emprunts a ufure, dont ces Marchands faifoient un gros Commerce. En 1283 fes Communes accordcrent le 50™. denier de leurs biens meubles au Roi, a condition qu'il chafferoit ces Etrangers du Royaume. Mais cette expulfion ne dura pas long-tems, car en 1289 Ie Roi & les Seigneurs les rappellerent. La ville de Londres fit des remontrances contre ce rappel, mais on fit au nom du Roi la réponfe fuivante ; que ces Marchands Etrangers étoient utiles & d'une grande reffource aux grands du Royaume, & que le Roi jugeoit par conféquent a propos de les rappeller C20* Dans les XILR & XFvX Siecles le befoin continuel d'argent, les lettres de recommandation duPape (22), le peu de connoiiïance qu'on avoit en Angleterre du titre & de la valeur intrinfeque des Efpeces étrangeres, tout cela donna a ces Marchands un (21) Anderson année 1233. f22) Voyez la Bulle du Pape Bonifsce Vilt. pour Ia Société de Riszardo compolee de quelques Marchands de Lucques. Voyez m. Put!. T. I. pars III. p, 155. année 1290. Dans Rymer on trouve plufieurs Lettres de recommandations en faveur des ItaUent de la part des Papes , adrefiées aux Rois d'Angleterre. Les Marchands Floientins eurent beaucoup de crédit fous EdouardI. lis étoient non feulement de gros Négocians & des Banquiers, mais encore les receveurs des Droits du Roi fur la Laine éi le Cuir. Voyez Anderson année 1304, H3  n8 Chap. V. C O M M E R C E grand Crédit, & leur procura plufieurs avantages dans la direction des affaires du Commerce cn général , & particulierement dans ce qui concernoit la Monnoye. Etant plus au fait que d'autres fur ces objets, il ne faut pas s'étonner de les voir employés dans les Motels des Monnoyes & dans les échanges des Efpeces (23). Aufli les vit-on longtems exercer le métier de Banquiers publiés dans les principales Villes de ce Royaume. Edouard I établit un Officier fous le nom de Changeur ou de Banquier Royal (24). Sous Edouard III il y eut un Bureau de Change royal a Douvres (25). Le Roi fjg) Dans la ?me. année du regne A'Edouard I. les Marchands de Lucques réfidant a Londres étoient les gardes du Cambium, ou de la Monnoye de Londres. Nos gens (Velt Anderson qui parle) favoknt pas utfez pour battre leur mommie eux-mSmes. Voyez Anderson année 1279. OO Idem année 1307. (25) M. I'ubl. T. II. pars HL p. 70. année 133». Cette Ordon nance exetnpte tous les Bidmens qui apponoient du Hareng ou au,re ooilTon a vendre, d'aller au Bureau du Change établi a Douvres & dans les autres Ports, pqur y échanger la bonne monnoye Sterlings qu'ils recevoient de la vente de leur poiflbn &c. On y oWèrve encore que du confentement des Prelats, Comtes & Barons du Royaume, le Roi ordonna que per&nne n'emporteroit du Royaume la bonne monnoye, mais qu'aöo«v«* & dans d'autres Ports oü 1'on avoitcoutume de palTer la mer.il y aurojt une table fufpendue, pour les échanges des Efpeces, pour que ceux qui entroient & förtoient du Royaume puffent la conuilter au befoin. Anderson rapporto que dans la même année on envoya des . Ordonnances femblables a Chejler, a Newcaflle, MIartelope, it Torck, i Scaiborough, a Ravensrede, a Lincoln, a Norwich,^ Lynn, il Ipswiek, a Sandwich, 6 WinMlfea, a Southampion, a Brijlol & en 1335 ii Londres, a Yarmouth, a Huil & a Bopn. Voyez A nde sSün année 1331.  D'ANGLETERRE. n9 dröit un certain revenu dc ces Etabliffcmens, & ces revenus doivent avoir été confidérables, a caufe des riches produits qu'on a toujours exportés de YAngleterre pour l'Etrangcr. M.Anderson endonne un exemple qui mérite de trouver place ici, c'cft un Bilan du Commerce en général de XAngleterre de l'an 1354. II paroit par ik qu'elle avoit exporté ou livré aux Etrangers des Marchandifes pour la valeur de 882553 Livres, & en avoit recu d'eux pour Ia fomme de 116910 L. Le déficit de la derniere fomme k la première aura été probablement fuppléé en Efpeces, ou en lingots d'or & d'argent (26). Nous avouerons cependant qu'une grande partie en devoit être (26) Les Exportations du Commerce de VAngleterre dans I'anntfe 1354 furent. 310511 Sacs de Laines Liv. 6 & 3036 quintaux & 65 pieccs de peaux, chaque quintal de fix vingt Tuint? 40 Schel]i"gS, 'e M»™°ye ""cienne. Mom., acruelle. quintal , qm avec ies 1 y 'I , droits femontoient . . . Liv. 277606 - 2 -Liv. 33Tsi8 — 2°* —" Cuirs & droits . 96-2 6. 288 — *°' 4774» picces de gros Draps a 40 (bis la piece & 8o5i £ pieces de IVrfteds a 16 fols 8 deniers dito . . 16266-13-4. ,8800 — 4°. Droits la-defius . . . . 215.13.,. 647 Total des Exportations, avec les ~ ' droits fur icelles . . Liv. 294,^84 -17-2. Uv. 882553 — H 4  i2o Chap. V. COMMERCE reflbrtie pour 1'Eglife dc Rome, pour les retributions qu'on lui payoit, & pour foutenir les guerres contre la France, qui alors épuifoient le Royaume (27). II arrivoit fouvent que, lorfqu'on remarquoit une rareté d'efpeces, on tachoit de remédier au mal en ordonnant que ce que 1'on recevoit en payement des Marchandifes portées & vendues dans le Royaume, ou que les payemens a faire a 1'Etranger a la fortie du Royaume devoient être faitsmoitié en Marchandifes & moitié en Efpeces. Sous Henry IV lorfque le défordre & le luxe, que les grandes conquêtes amenent ordinairement, eurent augmenté les befoins & les dépenfes, on régla que tous les retours devoient être faits en Marchandifes. Mais on s'appercut bientöt que c'étoit augmenter le mal que de faire des Loix qui gênoient le Commerce (28), ïmportations. 1°. i8ii. pieces de Draps fin a (5 Livres par piece & les droits. Liv. 11083 -12. Liv. 33250 39.~| quintaux de cire & les droits , . . .815-7-5. 2246 —— 30. 1820 j Tonneaux de vin a 40 Schellings par Tonneau éSf les droits 3841- 19- H5-6 — 4°. Toiles, Mercedes, Epiceries & autres Murchandifes .... 22943- 6-10. 68830 — 5°. Droits la-deSus 285-18-3. 858 — Total des ïmportations. Liv. 38970-3 - 6. Liv.116910—1 (27) Sur les taxes payc!es a 1'Eglife de Rome Voyez Hume ï. V.p. 357., ainfi que fur les Guerres &'c. le Chap. v. du meme Tomé » & les regnes fuivans après la mort ff Edouard UI. (28) Anderson, année 1331» 1335 * !4">3  D'ANGLETERRE. &fc ■ Au XIIIe. Siècle on ne fabriquoit en Angleterre que de trés gros Draps & des Etoffes nommées Worfleds, qui étoient trop groflieres pour être portées par les grands ou la NoblelTe du Royaume. Aufli par le même Bilan on obferve les droits qu'on avoit percus fur les Draps qui avoient été probablement portés pour la NoblelTe dans le Pays. Edouard III connut par expérience combien les Flamands s'étoient cnrichis par les Manufaétures en Laines; la licence qui regnoit parmi les ouvriers en Flandre,fut caufe que plufieurs d'entr'eux abandonnerent leur Patrie, dont une partie furtout fous Edouard IV vint fe refugier cn Angleterre, & une autrc partie cn Hollande; les Manufaétures en Angleterre fe trouvant ainfi iirfenfiblement fournies de meilleurs ouvriers, on y fabriqua des Draps d'une qualité fupéricure, enforte que fous le regne de Henry IV les Draps étrangers furent prohibés en Angleterre (29). Pendant le regne d'Edouard III les Efpeces ayant déja été affoiblies deux fois, elles le furent encore fous Henry V. pour la troifieme fois (30); mais dés avant cette derniere époque la cherté des vivres avoit déja augmentée afleg fenfiblement, furtout a Londres (31). Les fabriquans furent obligés (29) Ce fut dans la première année du regne de Henry IP, c'eft1-dire l'an 1399. (30) Voyez la Note 13. (l j En admettant que la Livre ait contenu avant Ie premier affoib-inenaenc des hipeces fous Edouard UI, 20 Schelhnïs, & que pen- H 5  122 Chap. V. COMMERCE en 1402 dc quitter cette Capitale (32), & de transferer leurs Manufaétures dans des Villages, dans des Bourgs ou des Villes éloignécs , oü dans la fuite plufieurs autres Manufaétures fe font établies. Ces manufaétures ont été d'un foutien bien plus folide a la Nation Angloife, que ne le fera jamais leur grand Commerce aeluel aux Indes orientales (33). dant fon regne la livre ait été portée a 25 Schellings , cela feul devoit occafionner un renthériflement de 25 pour cent. Mais il eft probable, pour les raifons que j'ai amplement expofées dans mon premier Tome, que cette différence fur la haufiè des prix des vivres aura été plus fenfible! (32) Les fabriquans en Draps cherchant le bon marché des vivres, fe retirerent d'abord dans les Cotntés voifins de Londres, comme Snrrey, Kent, Efex, Berkshire, Oxfordshire &c. Eilfuke dans ceux óeDorfet, JPilis, Somtrfet, Glocefter, Worcejler & enlin a Torkshlfe. Voyez Anderson année 1402. (33) 11 eft manifefte que par J'établifiement des diverfes Fabriques, XAngleterre a acquis & repandu des Richefies trés confidérables parmi fes habitans, & qu'elle a encouragé fur un principe folide fa Population. C'cfi. en giande partie aux dépens des Etrangers que ces Fabriques fubfiftent. On doit être afiez généralement convaincu de ce fait. Mais pourroit-on bien en dire autant du Commerce que V Angleterre fait aux Indes Orientales, furtout depuis l'an 1763 que Lord Clive a bouleverfé le Gouvernement dans le Bengak ? Les Particuliers , dira -1 - on , y ont acquis des richefies immenfes, & il en eft auffi refulté pour Ie Gouvernement un tbulagement d.ms fes Gnances: mais qu'on daigne un peu confidercr combien ce Commerce alforbe de monde, & a quel point ces richefies ont accéleré une certaine corruption parmi une partie de la Nation. —— , je m'arrête. Etant Etrangcr il ne ra'eiï pas permis de m'expiiquer la-deflus auffi librenrnt qu'un Anglois: J'ajouterai feulemcnt que la Compaanie venant de s'emparer de Pondicheri & des autre> Etablillémens des Francais fur la cótë de Coromandel, ainfi que des Comptoirs dans le Beugale,\'Angleterre femble pour ainfi dire regner cn Souveraine dans cette partie du Globe. Elle n'a donc plus rien a craindre de ce cc-  D'ANGLETERRE. 123 L'extenfion que le Commerce recut en Angleterre par le moyen des Compagnies privilegiées dans le Courant du XIV. & furtout dans celui du XVe. Siècle (34) a été afiez confiderable. C'eft ce qui donna lieu a plufieurs Traités de Commerce qui furent conclus avec diverfes Nations Etrangerès , particulierement avec les Italiens & les Villes Anféatiques (35)- En 1322 cinq Vaiflèaux Venitiens vinrent au Port de Southampton chargés de diverfes Marchandifes (36). Avant 1'année 1336 on s'étoit emparé fur la cöte de Kent d'un gros Vaiflèau Genois envoyé en Angleterre avec une Cargaifon dont la valeur étoit de 14300 Mares pefant d'argent en Marchandifes (37)- Les Venitiens en 1325 firent avec YAngleterre leur premier Traité de Commerce (38) ; car les Anglois ne trafi- té-la ? Mais une faétion parmi les Employés peut devenir plus fu. nefte' que ne 1'auroit été le pouvoir des Francais, que je confidere dans cette partie éloignée comme un rempart pour \'Angleterre même. (34) Voyez Anderson, année 1296, 1319, 1357, 1388,1407, 1430 & 14J4. (35) Voici les dattes des différens Traités. En 1325 & 1408 avec Venife. En 1347, 1414, 1421 & 1460 avec Gcnes. Eu 1417,1437, 1456 & 1472 avec les Villes Anféatiques. Dans cette derniere année il y eut encore des Traités avec les Pays'Bas, le Portugal, la France & riicofe. En 1474. il y eut un trés fameux Traité avec les Villes Anféatuj. En 1400 un Traité avec Florence. Voyez dans les AS. Publ. (de Rïmer) fous ces différentes An- nées &andiïrson. (36) Anderson, année 1322. 0.70 133& (3*0 1325.  i24 Chap. V. COMMERCE quoient pas encore alors par eux- mêmes en Italië, mais bien en Portugal (39). Et ce ne fut qua la fin du XVe. Siècle qu'il paroit que les Anglois commencerent a commercer en Italië avec kurs propres Vaiflèaux (40), du moins paroit-il certain que vers ce tems-la ils établircnt des Confuls dans plufieurs endroits de YItalië (41). Enfin Henry VII. en 1496 accorda a Jean Cabot Marchand Venitien établi a Briflol une chartre pour faire de nouvelles découvertes (42). Les circonftanccs multipliées qui fe préfenterent infenfiblement parmi les Anglois, leur fit tourner leur attention fur le Commerce du dehors ; ils commencerent a s'appliquer de plus en plus a la Navigation , ils acquirent dans ces deux arts des connoiffances plus étendues, & parvinrent a pou- (39') En 1381. il falloit encore une permiffion & tout fujet, excepté les Perfonne' diftinguées, pour fortir du Royaume. En 1 391. on trouve une Ordonnance de Ricliard II. par laquelle il fut recomrmndé aux Marchands Anglois de fretter des Vaiflèaux de la Nation . bien entendu (eft - il dit) que les propriétaires des Vaiffcaux Angiois fe contetiteront d'un frét raifonnable. Voyez au refte Anderson , année 1458 & 1 (40) A&. Publ T. V. pan UI. p. 180 année 1486. T.e Rei Henry VII. confera a Chriflophs Spin. le Confulat Anglois a Pife &c. (41) Act. Publ. Ti V. p. IV p. 73. année 1494. BenoU 3 Lau~ rent licmuci, comme Confuls a Pife, & dans toute Xltal'e. '.es premiers Confuls avoient pour leurs peines & pour ie^ tonétions qu'ils devoient fmre, un quart pour cent de toutes les msrehandifes que les Jnglois c> portoit de 1'Italië. Voyez Alt. Publ T. V. p. Hl. p. 164. annee 1485. (43) Publ. T. V. pait. IV. p. 85. année 149*5,  D'ANGLETERRE. I25 voir diriger par eux-mêmes, ce qu'autrefois ils ayoienc été obligés de faire par le moyen des Etrangers. Voila une efquiftè de 1'état oü le Commerce s'elc trouvé depuis le regne $ Edouard I jufqu'a la fin du XV*. Siècle chez les Anglois, & cela au milieu de plufieurs grandes révolutions, des guerres étrangeres, & des guerres Civiles, nonobftant les differends qui regnoient entre les Maifons de Lancaftrs & dTorck dans ce même Siècle, qui certainement ont été nuifibles au progrès du Commerce. Mais ces démclés prirent heureufement fin lorfque la Maifon de Tudor en 1485 fut affermie fur le Tröne. Avant de pourfuivre le récit que j'ai encore a faire, il eft ici a fa place de mettre maintenant fous les yeux du Leéteur quelques articles, pour prouver que 1'argent pendant les XIV. & XV*. Sic. cles fe trouvoit déja aftèz repandu dan,- YEurope Pendant les années 1338 & im Edouard ff} emprunta en Brabant de quelques Négocians environ un miffipn de Florins (43), & d-un feuI bi^^ir^des *** *piruci r:ands lom ** De Nicolao Bartholomeo Marcband ~~*~~" de Lucques écabli a Auvers .... H0O00 210000 f Idem. Vove* Att. pm, T. ,1. p. ty. p, 4Öj 4y &  iü6 Chap. V. COMMERCE NéTOciant établi a Anvers au-dela de fix eens mille florins (44). Les frais de 1'armée defiinée pour la Flandre, & les vivres ou provifions embaremées pour la Gulenne, monterent a une fomme aflez confiderable (45). Anderson fous les années 1386 & 1440. nous donne une idéé des richefies que la Noblefie Angloife poflèdoit en vaiflèlle d'or & d'argent. Le Teftament du Roi Richard II mort en 1400. contient entr'autres que le Roi avoit mis en dépot 91000 mares pefant d'argent,. pour fatisfaire aux legs & (4-0 De Guillaume de la Po!e Mardiand Anglois établi a Anvers (Voyez AB. PnU. T. II. pars- IV. p. 39. année 1338) en deux parties 18500 Livres pefant d'argent, qui font,a L. 3- 7§ chaque livre compofée d'argent au coin d'aujourd'hui, en monnoye aétuelle 62437* Livres Sterlings. En reconnoilfance de fes fervices , il fut fait Chef Baron de YEchiquicr 0 Ces Vaiifeaux Tont gravés d'après 1'Eftampe qui fe trouve dans le Livre imitulé: Dell origine dialeuni Arti pr incipali apprejfo i Véniziani Ann. 1758. L'Auteur eutre dans un détail trés curieux fur les llatimcns conftruits par les Venitiens depuis le IX. Siècle, & particuliéremerit fur ceux du XII & XIHme Sieeles, tems desVoyages des Croizés. Suivant une convention entre Louis IX. & la Republique (dans 1'année is.63) on loua 15 Vaiifeaux, dont 3 étoient de grands Vaiifeaux. Un qu'on nommoit la Rocca forte étoit long de 110 pieds (apparemmcnt mefure de Venife) & in Colomba (la Quille') de 70 («> Et un autre nouimé la Santa Maria, de 108 pieds de Jong, & de 70 in Colomba. Ces deux Vaiflèaux étoient montés de 110 hommes de mer, ou mate'ots. .> . Voyez encore Delle Monete £? delle Injl. delle Zecche par, le Comte Carli-Rubbi Tonio III. Dilf. VII. Et Delta Decima di Fiorenza. T. II. p. 7- 00 Pour fatisfaire Ia curiofité de ceux qui fe connoiflent en cett» partie, j'ai traduit de VItalien a la fin de cette premkre partie le texte de mon Auteur. On y obltrve en détail toute la conftruétion du Vaiflèau Santa Maria: ainfl que le fret qu'on payoit dans le XIII. Siècle dans la Mer médicerranée , & auïli les Vaiflèaux qui étoient d'u£age depuis le VIII Siècle. Objets cutieux pour les amateurs de 1'antiquité, I %  132 Chap. V. COMMERCE En 1410 les Porcugais découvrirent 1'Ifle de Madere; depuis ce tems jufqu'en 1484. ils firent plufieurs découvertes fur les Cötes SAfrique: peu-après,par les encouragemens du Roi Jean, on fraya la route aux Indes orientales (62); & enfin YAmérique nous fut connue. Tous ces divers événemens contribuerent a la décadence du Commerce des Italiens, ou pour mieux dire, furent caufe de fa ruine. Tel étoit en raccourci 1'état des chofes Iorfqu'au XVIe. Siècle Lisbonne, Cadix & Seville devinrent les Marchés oü on tranfportoit les Marchandifes de 1'Orient & de 1'Occident. C'étoit de ces trois Villes qu'on les faifoit pafier dans les places de Commerce fituées dans la Mer Méditcrrannée, & furtout dans les Pays-bas, dont les habitans avoient toutes les qualités requifes pour fe rendre maitres du Commerce. Bniges&c Anvers, ainfi que nous 1'avons déja vu dans le XVI. Siècle furent les marchés publics du Commerce de 1'Europe. Si 1'Angleterre n'eut aucune part dans cet accroifiement dc Commerce des Pays-bas, c'eft i°. paree que fa Marine n'étoit pas encore établie pour protéger faNavigation(Ö3). 20. Paree que leTröne n'étoit pas encore délivré des troubles intérieurs & . (62) Hifi. de l'Amérique par Robbertson, T. I. Liv. I. (63) Lorfque Henry VIII. (mort en 1547) voulut équiper une fiotte, il fut obligé de louer des Vaiflèaux de Hambourg, de Lubec, de Daiiizick, de Genes & de Venife. Voyez H u m f. CTudor) T. VI. p. 337. & T. IV. p. 132.  D'ANGLETERRE. 133 des guerres civiles, & 30. paree que le Souverain concinuoit de vexer lesCommercans par toutes fortes d'impöts, & par des entraves, par des patenr.cs particulieres, & par des privileges exclufifs; enfbrte que malgré les avantages que la Reforme caufa par la fupprcffion des Monafteres &c. (64), le Commerce en Angleterre rcfta pour ainfi dire encore fous le joug,fut trésborné, & prefque réduit a rieri jufqu'a la perte de Calais cn 1558. L'Etape des Marchandifes Angloifes fut alors transferée a Bruges (65), & elles fe rcpandirent depuis dans plufieurs endroits des Pays-Bas. La diftèrence entre le cararftere de PJiilippe & de la Reine Elizabeth fit de Fon un perfécureur, & de 1'autre une protectrice des Protefians perfécutés (66). II en refulta une interruption totale du Commerce entre les habitans des Pays-Bas & ceux de Y Angleterre. Auifi en 1559 & 1560 chargca-t'on les cuirs & les laines deftinés pour nos contrées d'une doublé douane, on inquieta & on infulta nos Vaiflèaux Marchands (67). En 1564. on défendit de mème dans les Pays-Bas 1'entrée des Draps Anglois, & 1'Etape des Marchandifes (60 Hume (Tudorj T. II. p. T40, 262. En 1538 011 démolit en plufieurs Provinces 90 Colleges, 2374 Chanteries ou Chapelles libres &110 Hópitaux. I.es revenus 332> 333 & 334- (85) Idem année 1563 & Hume p. 334. (86) Les Franeois, VtnitUns, Genois & Florentins. Voyez A k> i) e r s 0 k année 1572. I 5  138 Chap. V. COMMERCE de Venife, de YAllemagne & de Ia Pologne (87). Les Anglois étendirent enfuite leur Commerce dans les Etats de la Barbarie (88), avec lcfquels il paroit qu'on avoit pourtant déja eu quelques relations pendant le regne de Henry VIL Le Commerce du Cöté de la Guinée fut foutenu par des Sociétés privilegiées. En 1588 quelques particuliers recurent pour dix ans un privilege exclufif, qui fut revoqué fix mois après (89). En 1577. le célebre Francis Drake fut le premier qui eut la gloire d'achever le tour du Globe (90). Enfuite M. Walter Raleigh, d'une Société compofée de particuliers & de marchands, après avoir obtenu une Chartre de la Reine pour fon Voyage, partit en 1584 (91), & après avoir reconnu les Ifles Canaries & les Caribes, il jetta 1'ancre dans cette partie du Continent qu'on nomma alors en 1'honneur de la Reine la Virginie (92). Depuis 1'année 1586 les Voyages paurYAméfi* que fe multiplierent a 1'occafion des hoftilités & de (87) Andersom années 1579 & 1^81. Selon cet Auteur il fut accoidé une Chartre a "une Société de Commercans, contenant un privilege exclufif pour leCommeice au Lcyent & en Turquh. Humb CTudor) T. VI. p. 334 place le méme fait a 1'année 1583 ou environ. (33) Anderson année 1582. W ,i5.,3. (90) Hume CTudorj T. v. p. 178. (91) Anderson année 1584. (90 Idem Hume p. 265.  D'ANGLETERRE. 139 Ia guerre avec 1'Eipagne (93). Sir F. Drake partit une feconde fois avec une flotte de vingt Vaiffeaux pour attaquer les établifièmens Efpagnols dans VAmérique. Dans cette cxpédition St. Domingus & Carthagene furent pris; les Anglois brulerent deux autres villes fur la Cóte de la Floride , & retoumerent avec tant de richefies, que malgré la mortalité qu'on avoit eu fur la flotte, plufieurs jeunes Aventuriers furent excités a faire de nouvelles entreprifes (94). Les divers voyages qu'on fit encore k la fin de ce Siècle aux Indes Orientales, & enfin 1 'établiiïèment de la Compagnie, en 1600 f95), prouvent que, fur la fin du regne tfElizabeth, les Anglois avoient déja acquis de grandes lumieres dans 1'art de la Navigation & dans le Commerce. Ce progrès doit être en grande partie attribué k 1'établifièment de fa marine , aux encouragemens qu'elle donna fur cet article aux particuliers & aux Commercans, & furtout a la haine que la Reine avoit contre Philippe (96). Car Fefprit des Monopoles qu'elle autorifa pendant tout fon regne, continuoit toujours (97). (93) Hume (TuJor) T. V. p. 264. (94) Hem 265, 266' & 339. (95) tóem . . . . VI. p. 33>. & A nde rso n année Tfico. Le fonds onginaire de cette Compagnie étoit de -2000 Livres, & chaque pattie 011 poition d'Intérét de 50 i.iv. (96J Hume (Tutor) T. V. p. 265 & IV p. rffji (,97) Monopoles lbus Henry VU. ï. Lp. 20a. Andersom  i4o Chap. V. COMMERCE On peut cucore mieux juger du progrès du Commerce des Anglois par 1'augmentation des Douanes; au commencement du regne dc cette PrincelTe elles fe montoient a 14000 & en 1590 elles furent déja portées a 50000 Liv. annuellemcnt (98). Quoique 1'état des Manufaétures fur la fin du regne SElizabeth felon Hume (Voyez T. VI. p. 341) ne fut pas encore florifiant en Angleterre, il paroit cependant que pendant le Cours du XVIe. Siècle,elles firent des progrès;car fousle regne de Henry VII. elles furent encouragées & foutenues (99). Et avant l'an 1582 (felon Anderson d'après Werd en ha gen) on exporta une quantité très-confidérable de pieces de Draps (100). Les perfécutions que les Proteilans éprouverent en France & dans les Pays-Bas contribuerent au progrès du Commerce & des Manufaétures de ce Royaume. La Bourfe, édifice magnifique, fut batie après 1553. fous Marlt. Hume III. p. 470 & 471. fous Elizabctk. T. V. p. 61, 70. T. VI. p. 39, 135, 250, 251, 207, 300, 303, 30», 309, 322 & 331. (98) Anderson 1590. M. Hume fait inention de 15000. ■mais il penfe que la fomme devoit etre plus conlidéïable. Voyez T. VI. p. 32(5. (99) Hume (Tudor) T. I. p. 200 & 201. (100) II paroit felon Hume qu'cn 1555. les Italiens avoient exporté pour le Levant plus de 40000 pieces d'Ecoffes. Voyez T. III p. 420. An der son a l'an 1582 fait inention d'après Werdcnliagcn qu'avant cette année on avoit exporté 200000 Pieces: ce qui me paroit un peu fort, ainfi que le Capital auquel il évalue le Commerce avec les Pays • Sas. Voyez année 1564.  D'ANGLETERRE. 141 cette Epoque aux dépens de Sir Thomas Gresham (101). Mais ce qui contribua a rendre 1'état des habitans de VAngleterre encore plus floriftant, fut 1'efprit d'ceconomie que la Reine obferva dans tout ce qui concernoit les finances& fes dépenfes (102). Auffi fon crédit fut - il établi fi folidement chez 1'Etranger, que lorfqu'elle avoit befoin d'argent, foit pour la reforme de la Monnoye (103), foit pour d'autres objcts, elle en obtenoit tant qu'elle vouloit, & particuliérement a Anvers (104). IIIC. période. XVII™. Siècle. Nous venons de voir le dégré auquel le Commerce avoit été porté pendant le regne tfElizabeth; celui de Jacques I. qui parvint au tröne en 1603. nous fait voir des progrès encore plus confidérables. En 1604. lorfque les monopoles étoient OO Hom e T. VI p. 34;. (103) V- p. 157» 198- VI. p. 321 , 323 & 329. (103) Le crédit de Blarie étoit li mal établi en 1555 a Anvers, que quoiqu'elle offiit 14 pour cent a la ville d''Anvers d'une fomme de 30000 Livres, elle ne put 1'obtemr que lorfque la ville de Londres en fut reflée caution. Voyez H u M e T. III. p. 420. Voyez encore fur cet article les deux pages précédentes. En 1559 lorfque Elizabeth altera pour Ia derniere fois les Efpeces, en réduifant la livre d'argent a 62 Schellings au lieu de 6.i qu'elle avoit auparavant, elle fit Négocier 200000. Liv. pour la reforme de fes monnoyes. Voyez Hume T. VI. p. 329, 330. 00 HuM-B ï. IV. p. 159. T. V. p. 158.  142 Chap. V. COMMERCE encore en vigueur, & que tout le Commerce ie trouvoit entre les mains de plufieurs compagnies exclufives, établies furtout dans Londres (105), il paroit que les droits d'entrée de ce port fe montoient annuellemcnt a 110000. & ceux des autres ports a 17000 Livres Sterlings (106). A la fin de ce regne ces objets fe montoient a 160000 Livres (107). La paix que Jacques I. procura en 1604 a VAngleterre (108) augmenta fenfiblement le Commerce. La rcvocation de plufieurs Patentes en faveur des particuliers diminua les monopoles (109) , & donna un plus libre cours a 1'induftrie. Dans la 3rae année du Regne de ce Roi le Commerce avec YEfpagne devint libre a tous les particuliers (110), celui de la France Fétoit déja. Les manufaétures fe multiplioient de jour en jour (m). En 1622 on érigea une Chambre de Commerce, & ce fut la oü Pafte de la Navigation fut ébauché (112). (105) Abrêgé Hijlorique des Alles Publies d1Angleterre, T. X. ptrs II. p. 73. a 1'article: raoycns que Jacques I. einploya pour avoir de 1'argent. Hume (Staart) T. I. p. 39 & **• (ioö) Idem P- 43- Tout le Commerce de Londres étoit alors entre les mains de deux eens Citoyens. (107) Idem . . . p. 323. (108) 49. (110J 34°- (m) h 338 & 339- T. VI. p. 360. (112) —. 341. En 1670. on établit aufïi une Cham¬ bre de Commerce dont le Comte de Sandwich fut fait Préfident. Voyez T. VI. p. 361.  D'ANGLETERRE. I43 Pendant Ie regne de Charles I. (en 1639) on révoqua non feulement plufieurs monopoles (113) mais on prohiba 1'exportation des Laines (114), ce qui contribua vraifemblablemcnt encore a augmenter le nombre des Manufaétures. La Guinée & les Indes Orientales rapporterenc par le moyen du Commerce des avantagcs confidérables (115). On fabriquoit tous les ans a la monnoye des efpeces pour la fomme de 700000 Livres Sterlings. Le Commerce avec YEfpagne fe trouva alors entiérement entre les mains des Anglois , & on envoyoit annuellcment 20000 pieces de Draps en Turqule (116). Les troubles & les guerres Civilcs qui occafion- C113) Pioclamation de la volonté du Roi fur divers Octrois, Permiffions & Coimniflioiis qui out été obtenues fur des fondemens controuvés. Voyez Act. Publ. T. IX. p. II. p. 220. (114) Proclamation pour mieux regler le tranfport des Draps & autres Manufaétures de Laines en Alleriwgne & aux Pays - Bas & pour empêcher Ie tranfport de la laine, des peaux de laine , de la laine filée &c. Voyez Aci. Publ. T. IX. p. II. p. ut. Il'paroic qu'on avoit déja fait ci - dcvant des défenfes au fujet des laines. Coramiffion particuliere adrclfée au Lord Préfident du Confeil privé, & a d'autres toucbant le Connnerce des Laines de 1'année 1622. Voyez m. Publ. T. VII. p. IV. p. 11 & H ü m e QStuart) T. I. p. 339. & Anderson aux années 1622 & 1639. 015) Hume T. IV. p. 332. Oio") Hume T. IV. p. 332. Cet Auteur dit que 1'augmentation duCoin pendant les regnes de Charles II & de Jacques II. fut de dix millions deux eens foixante un mille Livres Sterlings. Voyez T. VI. p. 360. Voyez encore fur les monnoyes fabriquées dans le XVIt Siècle Anderson année 1638, 1646, i6 Acle du Parlement ne 1'y autorisat &c. Mais il fut tacitemcnt permis de faire circuler dans le public fes Billets &c. comme nous le verrons plus clai-rement un peu plus bas (8). La Banque fe chargeoit de fournir , par forme de prêt, & pour fübvenir aux befoins de 1'Etat, la fomme de douze eens mille livres Sterlings, pour Pintérèt de laquelle fomme, (a raifon de huit pour cent) on lui adjugca la fomme de 96000 Livres Sterlings fur les droits qu'on percevoit fur les Vaiflèaux, fur la Biere , fur le Cidre, & fur d'autres boiflbns: a cette fomme en devoit être jointe une autre de 4000 livres fterlings, pour les fraix que la Banque feroit obligée de faire pour 1'adminiftration des affaires qui avoient du rapport avec YEchiquier ou la Tréforerie de 1'Etat. Ces deux fommes formoient ainfi en tout un revenu annuel de cent mille livres fterlings (9). 12°. Enfin pour abréger j'ajouterai uniquement, qu'on n'accorda a cette Société la jouifiance des privileges ci-defius mentionnés, que jufqu'au premier d'Aoüt de 1'année 1706. Mais on convint de part (8) Anderson rnpporte (voyez T. II. p. 203.) d'après M. Godfrey, que Ia Banque pouvoit facilement faire circuler en Billets fon Capital de 1,200,000 Livres, (i feulement elle avoit (bin de tenir en caifie le -quart de fon fonds, ou une fomme de 300,000 Livres , pour Être toujours en état de fatisfaire aux payemens qui pourroient être dcmnndés cn Efpeces. (9) Voy. Anderson p. 202 & 203. & la Chartre du 27 Juillet 1694. L 4  i68 Chap. VI. B A N Q U E & d'autre qu'on s'avertiroit mutuellement unc année auparavant, pour déclarer fi la dite Société continucroit d'exifter fur le même pied, ou fi le Capital preté feroit rembourfé (10). Tels furent les principaux articles concernant 1'Etablifièment & la régie de la Banque de Londres , & d'après lefquels elle commenca fes premières opérations. Dans la fuite les circonflances oü FEtat fe trouva furent caufe qu'elle fut non feulement maintenue & continuée,mais qu'elle acquit même de nouvelles prérogatives, qui de tems a autre ont varié, felon le cours & 1'étendue du Commerce de YAngleterre en général (n). Nous n'entrerons pas dans un détail circonftancié fur chacune de ces révolutions, paree qu'elles n'ont infiué en rien fur 1'eflèntiel de 1'adminiftration de la Banque. Son principal but a prefque toujours été de procurer & d'accélerer la circulation & les opérations du Commerce, & de foutenir le Crédit de la Nation dans les befoins preffans de 1'Etat. Nous tacherons donc principalement de fuivre les révolutions qui ont eu lieu rélativement au Crédit de la Banque; car, comme on ne manquera pas de 1'obferver, ce font cn partie des circonflances facheufes qui ont fouvent contribué a (icO Voyez !a Note precédente. £i O Voyez A s D £ R s o N 6? Biiï. of Trade and Coa».  DE LONDRES. 160 augmenter le fonds ou le Capital de cette Banque. Le public étoit accoutumé depuis environ un demi Siècle a voir rouler de main cn main les Billets que les Banquiers & les Orfevres avoient mis en vogue fur la place de Londres, & furtout cntr'eux: mais les pertes qui en étoient réfultées pour les particuliers avoient rallenti 1'ardeur de ceux qui avoient placé leur argent entre leurs mains, & avoient cn même-tems retreci la confiance publique (ia). Ce fut cette confiance qu'on [fe propofa de faire revivre, par rétabliffement d'une Banque qui réuniroit elle feule la direéh'on de toutes les affaires que les Banquiers avoient fait jufqu'alors fur Ia place de Londres. • Mais pour établir cette confiance fur un pied folide & a 1'abri de toute craintc pour les particuliers, il auroit fallu un tems moins orageux que celui oü on fe trouvoit. Le Crédit dépend trèsfouvent de 1'opinion: fi on vcut 1'étendre, on fait fouvent plus de mal que de bien. La Banque en (12) Dans la Brochure intitulde A Schort account of ths Bank of Ènglo.nd irnpritnde en 1G95, il eft fait mention des pertes que les Orfevres ou les Banquiers avoient occafionnees, & comment la Banque avoit deja réduit 1'intérót de 6 a 5, 4 | & même ii 3 pour cent 1'année. On y voit aufii que les opérations de la Banque fervirent h établir la valeur des Terres (fur le pied d'un revenu au denier 3ome.), & que par la les pofl'efleurs des Terres dans VAngleterre feule pouvoicut augmenter leur Capital de cent millions de Livres fterlings. L 5  i-o Chap. VI. BANQUE fit 1'épreuve prefque dès le commencement de fon établiffèment. Le détail oü je vais entrer confirmera ce que je viens de dire. Les particuliers , excités par Tappas • du profit qu'ils étoient a même de faire de 1'argent qu'ils avoient dans leurs coffres, & plus encore par un effet de la confiance qu'on avoit dans la folidité de la Banque, y apporterent leur argent; cet argent fut le premier fonds par le moyen duquel la Banque étendit fon Crédit, répandit dans le public fes Billets, continua fes affaires, & foutint fes opérations. Pendant k première année les affaires journalieres confifterent principalcment dans les efcomptes des letffes de change, dans les avances fur des Hypotheques afiurécs, dans le Commerce de 1'or & de 1'argent en Efpeces monnoyées & en lingots, & auffi dans les avances fur des Tailles, Impóts &c. Et par la fuite la Banque contribua a donner un libre cours aux Billets de YEchiquier (13). Le Crédit de la Banque au printenis de 1'année 1695 paroiffbit aflèz bien établi, & c'cft ce qui fit naitre a fes Adminiftrateurs le projet d'augmenter les profits de la Banque par une extenfion qu'ils crurenc pouvoir donner encore a leurs affaires. On en fut averti par une Annonce dans les Papiers publiés (13) A[n d e r s 0 n , p. 203 &c.  DE LONDRES. 171 du 6 May 1695, & qui eft rapportée par Anders o n. II y eft dit: que les Direétcurs de la Banque, d'après ce qui avoit été réfolu dans leur Affemblée, orfrent au public dc faire des avances, oude'preter de 1'argent courant fur de 1'argcnt en barres ou en lingots, fur le Plomb, fur 1'Etain , le Cuivre, 1'Acier & le Fcr, & cela a raifon d'un intérêt de 4 pour cent par an (14). ■ Voila comment on étoit déja parvenu en fi peu de tems a reduirc le taux de 1'intérêt: & ceci prouve encore combien on étoit attentif & induftrieux pour étendre les opérations & les entreprifes de la Banque. Mais a mefure qu'eile embrafibit de nouvelles branches, & donnoit ainfi plus d'étendue a fes opérations, celles des Banquiers fur la place diminuoient dans la' même proportion , ce qui augmentoit journellement la jaloufie, entre ces deux concurrens. Auffi vit-on paroitre dans le public plufieurs Brochures de part & d'autre, pour démontrer le préjudice ou I'avantage qui devoit réfulter d'un parcil Établiffèment. - La refonte des Efpeces, qui eut lieu dans ce temsla, & les intentions louablcs des Adminiflratéurs de la Banque, qui firent tous leurs effbrts pour preter leur affiffenccafin de foutenir le crédit de 1'Etat, renverfa leur propre crédit. La perte que le public avoit (14") Anderson, p. 204.  172 Chap. VI. BANQUE fait fur les Efpeces, 1'interruption que cela avoit caufé dans le Commerce, joint au mécontentement & aux clameurs des Banquiers, tout cela avoit occafionné un discrédit total fur la place, & arrêté toute forte de circulation en papiers (15). Auffi la Banque, ne pouvant plus faire honneur a fes cngagemcns qu'avec de 1'argent comptant, fe vit-elle bientöt obligée de differer fes payemens. Elle fe borna a payer dans les commencemens de ce discrédit fur fes Billets qui couroient dans le public, tous les quinze jours un a compte dc dix pour cent, & enfuite chaque trois mois feulement trois pour cent (16). Auffi les Billets de Banque perdirentils fur la place 15 a 20 pour cent, & les Billets des Tailles &c. furent vendus a 40 & a 50 pour cent de perte (17). Enfin la Banque dans 1'année 1696. fut encore obligée de demander de nouveaux fonds aux: propriétaires, & la reffitution des deniers qu'elle avoit preté. L'un & 1'autre objet ne fut rempli que trés lentement, & avec peu d'honneur pour la Banque ; c'eft ce qu'on peut obferver par le détail que nous rapportons la-deffus en note (18). (15) Anderson p. 217. On avoit auffi établi unc Banque en, Ecofle. Voyez p. 208. . (16) Anderson p. 217. 07) Idem, p. 217 & 219. (18) La Banque, pendant le difcrédit, fit un appel h fes tetèrefle» 'it ao pour cent ia pro rato du Capital de chaque Ptopiiétaire, fous  DE LONDRES. 173 Après que la refonte des anciennes Efpeces a la Monnoye eut été faite, que les nouvelles Efpeces eurent été répandues dans le public, & furtout après que la Paix avec la France eut été conclue , le crédit de la Banque & de YEchiquier fe retablit, & ce fut YEchiquier qui mit la Banque k même de liquider fes engageraens. On fit de nouveaux arrangemens pour liquider les anciennes dettes de la Banque, & pour établir fon crédit a 1'avenir fur un pied plus folide: fa Chartre fut confirmée, & fous la Reine Anne elle fut même prolongée. On lui accorda de plus, qu'après que fon Capital auroit été porté a Douze Cens mille Livres, il lui feroit permis d'ouvrir une nouvelle Soufcription (19). Ce fut a cette occafion que le Capital de la Banque, qui jufqu'alors n'avoit été que de 1,200,000 promefTe d'un intérêt de fix pour cent par an, & qu'en payement elle recevroit fes propres Billets, qui perdirent encore le 21 Juin 1697, 13 a 14 pour cent. Elle accorda de plus qu'on pourroit dilpoferala Banque par forme de tranfport jufqu'a la fomme de cinq Livres fterlings h la fois. Voyez Anderson. A Ia page 217,on obferveencore plus clairement 1'embarras de la Banque, & combien peu fes Propriétaires étoient emprefTés a fatisfaire promptement a 1'appcl que la Banque leur avoit fait. (19) Anderson, p. 217, 219 & 244. Et Dict. of Trade and Comm. oü les différents Aétes concernant la Banque fe trouvent cités. Pendant le difcrédit il y eut plufieurs Perfonnes qui firent des gains confidérables par 1'achat des Billets de Banque. Entr'autres une feule Perfonne y fit un gain dans ce tems-la de foixante mille Livres fter> iings. Voyez ANDERSON p. 219.  i74 Chap. VI. BANQUE Livres Sterlings, fut augmenté de 1,001,171-10. & porté par conféquent £12,201,171 livres, 10 fchclings. Le Parlement affigna auffi a cette nouvelle fomme un intérêt de huit pour cent, a prendrc fur les impöts du fel (20). Telle a été 1'origine de la Banque de Londres fous le regne de Guillaume III. Dès que ce Roi fut mort, & que la Reine Anne fut parvenue fur le Tröne , elle déclara auffitöt la guerre a la France (21), laquelle dura pendant prefque tout fon regne. La Banque affilta de nouveau la Tréforerie ou 1'Etat pendant le cours de cette guerre. Elle s'étoit même engagée a faire circuler pour un million & demi de Billets de YEchiquier (22); Et pour fe mettre plus en état de foutenir par fon crédit 1'cngagement qu'elle avoit contracté, elle accorda de nouveau a fes Billets, qui avoient cours dans le public, un intérêt de trois pour cent par an, lequel intérêt dans 1'année 1708 fut porté a fix (23). Ce fut alors que la Banque fe trouva (20") Voyez Anderson & DiSt. of Trade and Comm. &c (21) Art de Vérifier les Dates, & Réflexions Politiques de My'ori Bolingbroke dans les Difcours Politiques de D. Hume, T. I. p. 338. (22) Voyez Anderson p. 244- & Diïï. of Trade and Comm. (23) Au commencemcnt de l'Etabliflement de la Banque, elle ac« corda aux Billets courant fur la place un intérêt de 3 a 4 pour cent par an. II paroit que cela fut défendu dans la fuite, & auffi de nouveau permis, felon les circonftances. Voyez Anderson p. SI7, 244 & 247.  DE LONDRES. i75 de nouveau dans le plus grand embarras; car fans une protecnon dillinguée de la part de quelques principaux Seigneur.-;, le Crédit dc la Banque auroit été renverfé de fond en comble (24). Ce fut pendant Ie regne de la Reine Anne que Ia Banque obtint le plus précieux de fes privileges, c'eft-a-dire,celui de tenir la Banque exclufivemenc a toute autre affociation de Banquiers. Sa Chartre fut non feulement confirméc, mais encore prolongée jufqu'au premier Aoüt de 1'année 1733 (25). En 1708 le Capital de Ia Banque fut doublé, & par conféquent porté a 4,402,343 Livres fterlings. En 1709 on fit un appel de 15 pour cent, qui produifit 656,204 L. 1 f.9 d. Et en 171 o un autre de 10 pour cent, qui fe trouva monter a 501,448 L. 12 f. 11 d. Enforte que le Capital de la Banque fe trouva alors être de L. 5,550,995. i4.8 (26). Le Crédit du Gouvernement fe trouvant mieux établi que ci-devant, on fe trouva auffi beaucoup mieux en état de foutenir celui de la Banque; c'eft cc qu'on peut auffi obferver par la réducïion qu'on fit de 1'intérêt de huit a fix pour cent. La Banque alors, pour conferver 1'annuité de 100,000 L. (24) Anderson p. 247- (25) Voyez O/ff. of Trade and Comm. & Anderson pa«es 246 247, 248 & 249. 0 (26) h,Vnry i» to the Nature and Céifes of ihe v/ealth of Nations far M. Adam S m i t ii Vol. ï. p. 387.  i76 Chap. VI. BANQUE qu'elle avoit eu fur les 1,200,000, y ajouta une fomme de 400,000 L., & ainfi elle fe conferva la dite fomme de 100,000 L. en entier. Elle avoic fourni encore une fomme de 1,775,027 L. 17 f. 10 J d. contre des Billets de YEchiquier (27), Pendant le regne dc George I le Crédit de la Banque & du Gouvernement étant toujours allé en augmentanc, les opérations des Finances fe firent avec plus d'aifance; aufli les intéréts allerent-ils en diminuant, jufqu'a ce qu'enfin ils furent réduits pour la Banque fous le regne de George II a trois pour cent (28), taux auquel ils font reftés depuis ce tems-la. Pour ne plus entrer dans des détails fuperflus, je me borne a dire que dans 1'année 1746. le Capital transferablc de la Banque fe montoit a 10,780,000 Liv. (29) ■> & qu'a cette époque 1'engagement du (27") Anderson p. 2.|8 & 240. (2S) Idem. p- 3<58. (29) Idem. p. 264, 268, 307, 317 > 320 & 374- & ö/iï. of Trade and Comm. T a n l e a u Je 1'état oü Ie Capital de la Banque fe trouvoit en 1745.. i°. Le premier Capital de 1,200,000 Livres augmenté dc 400.0*0 livres & enfuite doublé pour confffver les 100,000 Livres annuellês, a.-oit été porté a Liv. 3,200,000 — 2°. En annullant les Billets de YEchiquier ón avoit dans la sme. année du Regne de George I. augmenté Ie Capital de 500,000 —« 30. Aehetté en 1722. de la Compagnie du Sud uu Capital de 4,000,000 — * 4°. Lbs  DE LONDRES, ,77 du Gouvernement fut de 11,686,800 Liv. (30). II paroit que le Capital de Ia Banque, fur le- quel fe fait le divident, n'a pas varié depuis. Pendant le regne de George I la Banque obtint nne prolongation d'Oétroi jufqu'a 1'année 1743 (31). Sous George II un pareil jufqu'en 1765 (32}. Et depuis fous George III il a été prolongé pour si ans, moyennant une redevance (c'étoit pour la première fois) de 110,000 L. (33). Depuis l'établiiTèment de la Banque fon divident a été fujet a plufieurs variations, & a haulfé & baiiïe a mefure que le taux de 1'intérêt fur la place a varié, & que les opérations de la Banque 1'ont permis; plus il y a de circulation en papiers fur la place, plus la Banque profite; car il eft toujours de fon intérêt d'étendre fes affaires, & c'eit a quoi elle ne manque pas de donner tous fes foins, autant que la prudence le lui permet. • En 1727, lorfque le taux de 1'intérêt eut été 4°. Les Annuités a la charge de la Loterie dê 1'année 1714 1,250,000 — "5°. LesAnnuités alïignées fur les Douanes de charbons 1,750,000 — Enfembie 10,700,000 — Ce Capital paroit avoir été enfuite porté a 10,780,000 Livres Sterl. Voyez Anderson p. 379. & Adam Smith p. 337. (3°) Anderson & Smith. (31) Anderson p. 264. & Dicl. of Trade and, Comm. (32) Idem p. 368. C33) AdamSmithp. 388. & Mémoires fur les Finances p. C5. Tome II. Part. I. M  ï78 Chap. vi. BANQUE encore diminué,le divident de la Banque fut réduic dès 1'année fuivante de 6 a 5 i pour cent (34). Depuis il a été encore réduit a4| (35)- Pendant la guerre avec la France (entre les années 1755 & 1763) les affaires de la Banque ayant confidérablement augmenté, & par conféquent profpéré, on fe trouva en état, après la Paix en 1763, deporteren 1765 fon divident a 5 pour cent (36). Et depuis (en 1768) il fut porté a 5J, taux auquel il eft refté depuis. (37) Nous nous bornerons ici a donner par forme de calcul une idéé de 1'état aétuel de cette fameufe Banque. En partant du principe que fon fonds transférable fe monte a 10,780,000 L., & que le divident refte fur le pied aétuel de 5! pour cent, alors la Banque doit payer annuellement a fes Propriétaires 592,900 L. Des fommes qu'elle a données au Gouverne- C34) Anderson, T. II. p. 317* fgjj Idem & Mémoires fur les Finances p. 66. On m'a afluré que le plus bas divident a été a 3 \ > & le plus haut a 7 pour cent, 0)6') Mémoires fur les Finances p. 66. (37; Idem. Après que le Divident eut été arrêté h 5* pour cent par année, le prix du Fond de la Banque fut porté a environ 170 livres , pour cent livres de Capital transférables: Depuis ce tems - la le fond a varié, & les prix ont roulé d'après les cuconftances des affaires politiques. Au moment de la Déclaration faite par YEfpagne (tn Juin 1779) Ie fond de la Banque a été vendu a 106, quoique le divident foiï le infime que lorlque le fond fut porté a environ 170.  DE LONDRES. 179 ment (& qui fe montoient a ce qu'il paroit cn 1775 a 11,686,800 L.) elle n'a que 3 pour cent d'intérêt; & par conféquent elle n'en retire que 354,604 L. II y a donc un déficit de 238,296 L. au déiavantagc dc la Banque fur ces deux articles (38). II eft queftion maintenant de donner une idéé de la maniere dont Ja Banque s'y prend pour fe procurer, non feulement une fomme auffi confidérable, mais méme encore beaucoup plus grande. On fait que les affaires de la Banque a Londres fe boment aujourd'hui principalement a 1'efcompte des lettres de change, des Billets de la place &c. & furtout a faire des avances au Gouvernement fur des furetés affignées par le Parlement (39). Outre f38) Les 11,686,800 Livres a 3 pour cent font 1'année Liv. 350,604 — Pour les fraix de l'adminilrration de la part du Gouvernement, cet article fe montoit au comuiencement de 1'étibliffement de la Banque a 4000 Liv. ainfi que nous 1'avons vu 4.oco__ Liv. 354,604 —« II manque donc a la fomme de 59^00 Liv. qu'il faut payer annuellement en dividents aux i'roprié- "ires 238,296 — Liv. 592.100 — On m'a alTuré que la Commilfion que le Gouvernement paye aujourd'hui a la Banque elf de f,00 Livres Sterlings par an fur chaque million de la Dette Nationale, dont les intéréts fe payent a la Banque; la fomme des 4003 Liv. ci-defius memionuée doit donc être confidérablemcnt augmentée, & cela en proportion de 1'augtnentatkm de la Dette Nationale. (39) Les profits de la Banque proviennent aujourd'hui, M 2  i8o Chap. VI. BANQUE le Commerce qu'elle fait fur 1'or & 1'argent, foit monnoyés ou en lingots, elle a le droit de faire fabriqucr des Efpeces fans fraix extraordinaires, lorfque ccla lui convient, ou que 1'état des affaires du Commerce le demande. En outre elle a la faculté (40) de faire circuler fes Billets, Banck notes, qui ne portent aucun intérêt, & qui ont cours par tout le Royaume, & fouvent même chez 1'Etranger. Voici comment elle s'y prend pour trouver Ie déficit de 23-8,296 L. dont nous venons de parler. Je fuppofe que la Banque a en Billets qui circulent pour environ 15,000,000 dc Livres Sterlings, & que pour tenir fa Caiffe toujours bien garnie, elle a pour maxime d'avoir dans fon trefor de refer- i°. De fon Capital avancé au Gouvernement Tut' le pied dc 3 pour cent par an. 2°. De 1'Efcompte du papier des particuliers, qu'elle prend aétuellement a 5 pour cent par an. 3°. Des avances que la Banque fait fur les nouvelles Soufcriptions dans les Négociatioijs du Gouvernement, a raifon de 5 pour cent 1'année. 40. Des avances faites de tems a autre au Gouvernement par anticipation fut les revenus de 1'année , a raifon de 3 pour cent par an. 50. Des foyers de plufieurs maifons qui lui appartiennent, mais ^ui ne peuvent faire un objet de confidération. Et enfin 6°. de la Commifiion dont nous avons fait mention dans la Note précédente. (40) Tous ces droits fe font apparemment établis par le tems & par 1'ufage fuccefiif qu'on en a fait, car dans mes recherches je n'ai rencontré nulle part que la Banque ait ibtenu quelque privilege en forme pour faire chculer fes Billets.  DE LONDRES. 181 ve le tiers de ce Capital; par conféquent le reftant, c'eii-a-dire, les deux tiers de ce Capital, eit ce qui lui doit procurer les intéréts des avances qu'elle fait. Et en évaluant feulement ce bénéfice a un intérêt de trois pour cent (car il faut fuppofer que fouvent les affaires n'ont pas toujours un cours li animé, furtout en tems de paix) alors cela rendroit fur les dix millions qui reiient 300,000 L. d'oü il faut déduire la fomme de 238,296 ■— II reite 61,704 L. ^41). II faut encore déduire de cette fomme les fraix que la Banque a a fupporter, comme par exemple ceux des Honoraires, des appointemens des Employés &c. qu'Anderson dit fe monter £117000 L. (429 & que j'évalue a bien d'avantage. A OlO Le Gouvernement, fuivant les informations que j'ai faites.ne paye aujourd'hui fur les avances que la Banque lui fait que 3 pour cent d'intérêt par an. Voyez la Note 39. Au refte ce n'eft que lorfque 1''Angleterre fe trouve en guerre qu'on peut admettre que 1'argent de la Banque , c'elt - a - dire les deux tiers des quinze millions mentionnés ci-delfus, elt prefque toujours en circulatioq , ou employé. Je penfe par conféquent qu'en établiffant pour baze de mon calcul une période de vingt années, il faudroit reduire encore le Car pital a 7 ou 8 millions tout au plus; & en évaluant les intéréts feulement a trois, ou tout au plus a trois & demi pour cent, on voit que mon calcul fe trouve affez bien fondé. C42) Anderson T. II. p. 375. Selon les informations d'un particulier demeurant a Londres, les fraix de la Banque fe mouteroient aux environs de iSooo Liv. mais il y a toujours des fraix estraordinaires. Les Honoraires des Directeurs de Ia Banque font de 150 Livres par an ; le Gouverneur & le fous-Gouverneur ont chacun 200 Livrei par an. M 3  i82 Chap. VI. BANQUE quoi il faut encore felon moi ajouter les dépenfcs qu'elle doit faire pour fes Batimens (43), pour faire frapper prefque continuellement de nouvelles Efpeces (44), & en outre la perte qu'elle fait fur les Biilets qui peuvent avoir été contrefaits &c. &c. &c. (45). Voila a - peu - prés 1'état aétuel de cette Banque. Au refte on ne fauroit aflèz louer le zcle avec lequel les Adminiftrateurs de cette Banque fe font toujours conduits, dans tout ce qui a eu quelque rapport au foutien du crédit de 1'Etat & de celui du Commerce. Elle en a donné des preuves convaincantes dans les années 1763 & 1773 (46). Mais y a-t-il en Europe une Société qui fe trouve plus intérefféc que la Banque de Londres, a ce que la Circulation en général dans le Com- (4 O Le B 'timcnt pü fc tient la Banque a Londres a été conftruit ou refait il y a quelques années, & doit avoir conté une fumine confiderabje. C44) Lorfque 1''Angleterre doit faire des Remires au continent, le cours du Change s'établit de fycori que 1'or & 1'argent en efpeces ou en lingots doivent fortir du Pays. C'eft alors que la Banque fe trouva le plus obiigée de fc tenir garnie d'efpeces , afin que lorfque le Commerce ou le public en demande, elle ait de quoi fourmr. Quoiquc le cours du Change n'exige pas toujours la fortie des efpeces, il en fort cependant toujours pour le petitCommerce depoifibn, que nos Picbeurs vendent au? Anglois , & cn outre pour le Commerce fraudu'eux dn Thé, des eaux de vie,du genevre deHollande&c. Ce Commerce el afTe/. connu.&eft bien plus confidérable que ie premier. C45; Ce qui pourroit contrcbalancer cette potte, c'elt que les Billets qui fe perdent reviennent au profit de la Banque. y 5) A d a si Smit u Vui. 1. p. 308.  DE LONDRES. 183 mercc fe foutienne fans intemiption ? N'eft - il pas évident que la Banque, a mefure qu'elle fait plus d'aflaires, & par conféquent de plus gros profits, eft a menie d'augmenter fon divident & de groffir ainfi fon Capital, ou celui de fes Intérefles ou Proprietaires ? Nous pouvons donc dire que cette Société, ou ces Proprietaires, profitent a mefure que les befoins de 1'Etat & du Commerce font plus .forts. Si dans le détail oü nous fommes entrés on ne rencontre rien de ncuf, c'cft que nous n'avons voulu expofer que ce qui eft connu, & qui a été rendu public par des Auteurs trés accrédités. C'eft d'aiüeurs une maticre délicate; & comme nous n'avons cherché qu'a faire connoitrc 1'origine & 1'état aétuel de cette Banque, nous nous fommes bomés a expofer les faits tels qu'ils fe font prefentés naturellement, & relativement au but que nous nous fommes propofés: peut-être que ce que nous ajoutèrons dans le Chapitre VII pourra fournir quelques vues intcreiïïmtcs pour une Nation qui a été, & qui fera toujours (comme je Ie fouhaite trés-fort) 1'admiration de 1'Univers. M 4  184 Chap.yil. CONCLUSION DES CHAPITRE VIL Réfitrxicns fur favantage & le prójüdtce que les Banques peuvent occaftonner clans les Socictcs ou elles Je trouvent établies. N ous avöns fait voir dans le premier Volume de cet Ouvrage la grande confufion que les variations des Monnoycs ont caüfé dans la Société; avec quelle prodigicufe difproportion ccla a fait rencherir le prix des Denrces, la main - d'oeuvre &c. cc combien Ia grande quantité d'or & d'argent qui nous eft vcnue de YAmérique depuis prés de 300 ans a augmenté cette difproportion. Nous obfervames a la fin de la feconde Partie que le mal avoit été encore augmenté par dc nouveaux fignes repréfentatifs dc la valeur des chofes, c'eft-a-dire, par le papier qui circule dans le public. Comme les Banques font dans le cas de faire cir8u!er cette nouvelle forte de fignes, il a fallu nécciTairement dire un mot dc leur origine, & des principes fur lefquels roulent toutes leurs opérations. Nous avons déja remarqué que toutes les Banques fe réduhent a deux efpeces : & comme celles d''Amfterdam & dc Londres nous fuffifoient pour les faire connoitrc plus particulicrcment, nous nous fommes bornés a les citer pour exemple.  CHAPITRES PRÉCÉDENTS. 185 Par les détails IMoriques oü nous fommes entrés dans les Chapitrcs II, IV & V, avant de donner la defcription des Banques & Amfterdam & de Londres on a pu obferver: i°. Le progrès que le Commerce en général avoit fait, particuliérement cn Hollande & en Angleterre, avant 1'époque de ces Etabliflèmens. a°. Que les Hollandois étoient redevables de ce progrès chez eux a leur induftrie & a leur aclivité naturelle; & les Anglois aux mémes caufes, & en outre a 1'agriculture & aux produits du fol de leur Ifle. 30. Que ces deux Nations, avant que les Banques fulTent'établies chez elles, avoient déja augmenté confidérablement leur Population par le moyen du Commerce. 40. Que 1'argent fe trouvoit en grande quantité & très-repandu chez Elles. 5°. Que les circonltances oü fe trouva 1'état des affaires politiques avec 1'Efpagne, mais furtout letendue du Commerce que les Llollandois faifoient déja chez 1'Etranger au commencement du XVIR Siècle, engagerent les Etats de Hollande a permettre 1'érection d'une Banque publique a Amfterdam. Elle étoit même devenue néceflaire, non feulement pour affürcr le crédit, mais aulfi pour mettre de la céléiité dans les opérations du Commerce. M 5  186 Chap. VU. CONCLUSION DES 6°. Enfin que ce fut en partie par les mêmes raifons, & ce qui doit particuliérement être remarqué , par des raifons d'Etat, & qui avoient un rapport direct au Gouvernement en Angleterre, qu'on fit un pareil EtablifTement a Londres. Nous avons vu que les Banques en général (voyez Chap. I.) fe réduifcnt a deux fortes : les unes font un dépot pur & fimple, dont la valeur circule dans le public; & les autres font en mêmetems Commercantcs. Dans les Chapitres III & VI. nous avons donné un ample détail de la forme de ces deux Banques, & de la nature de leurs opérations. II nous refie maintenant a donner une idéé i°. de 1'utilité & de 1'avantage que de parcils Etablifiemens peuvent procurer, foit a 1'Etat en général, foit au Commerce en particulier. Et 2°. du préjudice qu'ils font a même d'occafionner, ou qu'ils caufent quelquefois aux Sociétés oü ils fe trouvent érigés. Si toutes les Banques étoient eomnje celle & Amflerdam, c'eil - a - dire, un dépot pur & fimple, bien lom de caufer quelque préjudice au public, elles contribueroient a 1'avantage de 1'Etat & du Commerce. Qu'on ine permette de préfenter ici un Tableau de la grande utilité qui réfulte d'une Banque teile que la notre. La comparaifon qu'on fera enfuite de cette Banque avec celle de Lon-  CHAPITRES PRÉCÉDENTS. 187 ^ra-ffera voir aux moins clair-voyans dans quelle Clafte on doit placer cette demiere, & fera fentir les abus que la circulation de fon papier entraine. La Banque d''Amflerdam doit être placée dans Ia première Clafie. Elle ne fait par clle-mcme aucun Commerce. Bien loin de porter aucun pré» judice a 1'Etat ou aux particuliers , elle procure par fon inftitution une fureté entiere aux particuliers qui y ont leur argent cn dépöt. Par la maniere dont fc font les payemens en Banque entre les Négocians, le Commerce fe fait avec plus de facilité & de célérité (1). Combien de tems ne faudroit-il pas employcr , s'il falloit chaque fois compter les Efpeces, & combien de fraix n'cntraineroit pas continuellcment le tranfport des Efpeces d'un endroit a 1'autre? Un Négociant ou particulier qui a dépofé fon argent dans la Banque, eft d'ailleurs tranquille, il n'a ni vol ni infidélité quelconques a craindre. Son argent eft en plus grande fureté dans la Banque qu'il ne le feroit dans fa propre maifon & fous fa propre garde. Outre 1'utilité & les avantages qui réfultent d'un pareil 05 Négociant qui a par exemple 50000 florins en Banque, peut achettcr des marchandifes pour la dite fomme, & faire fes payemens dans une demi heure de la tnatinée en quelques petites parties que ce foit, fans qu'il foit obligé de compter un fol; il ne lui en coute que la peine d'écrire deux lignes fur un petit bordereau de papier pour chaque fomme, & celle de porter ou d'envoyer ce bordereau a la Banque.  188 Chap.Vll. CONCLUSION DES Etabliflèment pour les Negocians , il procure en outre plufieurs autres avantages a toute une fociété. i°. L'argent qui fe trouve dans de pareils dépots ne circule pas tout a la fois dans le Commerce ni dans le public (2). 20. On rend par la infructucufes beaucoup de manoeuvres de Meffieurs les Caiffiers ou de Banquiers particuliers, & de tous ceux qui font le métier d'agioteurs d'argent (3). 30. Ce dépöt, dans un tems de calamité, peut être d'une trés grande reflburce (4): mais je le repete, c'cft un objet trés délicat: ce feroit abufer de la confiance du public, que de toucher k un dépöt fi facré; il n'y a qu'un dangcr éminent qui puifle légitimer une pareille manoeuvre. La Banque d''Amfterdam étant donc un fimple dépöt , c'cft ce même dépöt qui forme fon Capital, dont elle ne paye aucun intérêt: au con- 00 Si, felon M. Hume, & felon tous les Ecrivains qui ont traité cette matiere, fi dis-je, une grande circulation d'lifpeces doit néceffairement avilir le prix de 1'argent, & faire rencherir les Uenrées , la main - d'ceuvre &c. (Voyez Bi/cours Politiques de M. D. II u m e p. ico). voila d'abord la Banque $ Amflerdam qui eft comme une efpece de digue, qui du moins caclie au public une partie de 1'argent dépofé , & qui bien loin d'en augmenter la maffe, contribue plutöt a 1'anêter, ou du moins 1'empêche de produire dans le public le rencheriffement dont on vient de parler. (3) DiJ'c. polit. de Hume p. 102 & 103. (4-j Idem»  CHAPITRES PRÉCEDENTS. 189 traire ce font les particuliers qui individuellement contribuent a payer les Honoraires des Employés, par les fraix modiques qu'ils payent a chaque tranfport ou revircment de Livres qui fe fait pour leur compte. Ses autres profits proviennent des avances qu'elle fait par le moyen de fon crédit fur Por ou l'argent qu'on dépofe chez elle (5). Deforte que par le moyen dc ces deux objcts elle fe procure un revenu aflèz confidérables fans qu'elle ait befoin que la Ville ou 1'Etat lui fournifiènt le moindre fonds pour cela (6). II n'en eft pas de même de la Banque de Londres ; elle eft d'une nature prefque toute différente. Celle $ Amflerdam eut pour fon principal but d'établir la confiance, de foutenir le crédit du commerce de Ia Hollande chez 1'Etranger , & d'en accélerer les opérations : celle de Londres fut érigée pour mettre le Gouvernement cn état de remplir avec facilité un Emprunt que les circonflances rendoient nécefiaire. II faut furtout avoir préfent a 1'efprit, que lorfque Guillaume III. parvint au Tröne $ Angleterre, la dette Nationale n'étoit que d'environ un Million de livres fterlings (7): mais la guerre qu'on eut a foutenir, le haut intérêt qui couroit fur la place, & l'argent (5) Voyez Chap. HL p. 65. (6) . Mem < (.7) La Dette ratiouale a la révolution étoit de 1,054,925 Livres Voyez Chap. V. p. i59.  iqo Chap. VIL CONCLUSION DES enferraé dans les Coffi.es d'Lin petit nombre de particuliers , toutes ces circonfiances, font aiïèz fentir combien une levée d'argent devoit être difïïcile a faire, & que par conféquent on fe trouva obligé de chercher un expediënt qui facilitat le moyen de faire un emprunt d'argent, & qui en même-tems opeiit une réduétion dans le taux de 1'intérêt. L'un devoit être une fuite naturelle de 1'autre (8). Le capital qui devoit former le fonds de la Banque de Londres, n'étoit donc pas deitiné a être un dépöt pur & fimple , mais devoit immédiatement être a Ia difpoution de 1'Etat, afin de le faire circuler dans le public. C'étoit un prêt que faifoient plufieurs particuliers, animés par Tappas d'un gros intérêt. Chaque particulier, & les Etrangers même, fans être négocians, pouvoient placer leur argent dans cette Banque, a peu-prés comme on le fait dans les Négociations d'argent de plufieurs Puiiïances de VEurope. Les Intéreffes ayant donc foumi a TEtat les i 000,000 Liv. moyennant une redevance ou un intérêt' annuel de iöoooo Liv. cet argent fut verfé dans la Caifie de TEtat ou de YEchiquier, pour fubvenir aux fraix de la Guerre, & la Banque (8) On peut obfèrver dans la Feuille mtïtülee A Schort account of the Bank of England London 1695 , comment le taux de 1'intérêt dans le Commerce fur la place de Londres fut reduit,' des que la Banque eut été érigée, a 6, ït 5, a 4j&même ii3 pour cent paran. Voyez la Note 12 du Chap. précédent.  CHAPITRES PRÉCÉDENTS. 101 pour fe mettre en fonds (9), devoit par conféquent s'en pourvoir d'ailleurs. On voit par la que la Banque dans fon principe n'avoit proprement fait d'autre opération que de Négocier 1,200,000 Liv. pour les donner au Gouvernement. Et que pour fe mettre en état de fournir aux befoins des affaires qui avoient du rapport au Commerce, elle étoit obligée de fe procurer elle-même d'autres fonds par le moyen de fon crédit (10). C9) II eft clair que la Banque, des qu'elle eut fourni au Gouvernement les 1,200,000 Liv. (car fans ce fourniiTement fes propriétaires ne pouvoient pas jouir des 100,000 Liv. que 1'Etat s'étoit engagé de fournir) elle devoit pour fe mettre en fonds, & pour foutenir fes autres affaires , fe procurer ces fonds d'ailleurs, ainfi qu'il paroit qu'elle a fait. Voyez le Chap. précédent. (io) Voyez La Note précédente. L'Auteur de 1'Ouvrage intitulé, ie la Circulation fi? du Credit, dit a la page 3Ö. „ Qui ne feroit „ féduit, en trouvant dans un Livre ellimé & trés bien écrit (Re„ marqués fur les avantages £? les désavantages de la France & de la „ Grande Bretagne) & cela avancé comme un fait conftant, que la „ Banque d''Angleterre a réuni en elle, comme dans un point, tout „ le Crédit de la Nation Si toute la confiance des Particuliers?" Sur quoi le même Auteur fait cette réponfe. „ La Banque $ Angleterre n'a rien de commun avec la Dette na„ tionale." Le fait prouve aflez que cet Ecrivain s'eft trompé. Ce que le même Auteur avance a la page 38 mérite encore notre attention. Et quand la Banque auroit coulé a fond, ce qui eft impojjible, cela n'a rien de commun avec la Dette nationale, qui eft inexigible Bc. Nous avouons que tant que V'Angleterre foutiendra fon crédit, il eft trés vraifemblable que le crédit de la Banque fe foutiendra, mais pour cela la prudence exige qu'elle ne fafle pas un trop grand abus tle fon papier de crédit. .. . . — Je pourrois m'étendre aifez  ipa Chap.VU. CONCLUSION DES Elle fit donc ce que les Banquiers jufqu'alors avoient fait fur la Place, avec cette difference, que les' Banquiers avoient en propre a eux des fonds pour foutenir leur crédit & pour pouflèr leurs opérations (ii),au lieu qu'ici les Particuliers, foit Négocians ou rentiers &c., fournirent a la Banque de l'argent, les uns moyennant un intérêt, d'autres pour en difpofer a volonté; ce fut fur cet argent que la Banque négocia enfuite, & fur lequel elle fit des profits confidérables en le faifant circuler dans le Commerce fur la place de Londres, de la maniere dont nous 1'avons dit ci-deflus. (Voyez Chap. VI.) Tous ces objets réunis mirent Ia Banque a même de réduire le taux exhorbitans de 1'intérêt de l'argent qui avoit ëu cours depuis quelques années, & firent qu'elle fe trouva a même de pouvoir payer a fes fur cette matiere, mais 1'artide eft trop délicat; tout Leéteur fenfé comprendra aflcz la juftelfe de ce que j'ai pris la liberté d'avancer lk - deflus comme en paflant. Au refte il eft trés vrai, & tout le monde cn convient, ainfi que le même Ecrivain 1'obfetve a la page 38. que les Aétions de la Banque font trés differéntès de fes Billets de Banque; les premières torment les fonds proprement dits de la Banque, & les derniers ne font que de fimp'es Billets qui circulent comme argent, & qui ne portent aucim intérêt comme ci-devant, ainfi qu'on peut 1'obferver dans Anderson &c. Voyez le Chap. précédent. Ceft un fait avéré, que les Banquiers avant 1'Etablifiement de la Banque avoient travaillé fur leurs propres fonds, & fur lesfonds de plufieurs particuliers. Voyez Anderson T. II. p. 127, 128, 130, 150 & ï$ii  CHAPITRES PRÉCÉDENTS. 193 a fes propriétaires tous fraix déduits,' un divident' vraifemblablement bien au dciïüs de Pintérët qui alors avoit cours fur la Place (12). Voila le principe fur lequel les opérations de la Banque de Londres ont été fondées & continuées jufqu'aujourd'hui; a quelque petite différence prés, que les circonflances ont fait naitre, ainfi qu'on 1'a pu voir dans le Chap. VI. Les fonds des propriétaires de la Banque fe trouvent toujours entrë les mains du Gouvernement, ou font du moins a fa difpofition; & toutes les affaires que la Eanque entreprend en outre, font conduites & foutenues par le feul moyen de fon Crédit. Mais fur quel fonds repofe ce Crédit? Queftion intérefïante. Voici quelques idéés rélatives a cet objet. Pour que la Banque de Londres ne put caufer aucun préjudice, il faudroit que fes fonds repofaflènt fur un Capital fourni par 1'Etat, ou par plufieurs intéreffés; & ce capital devroit étre aflèz fort pour fatisfaire a tous les befoins qui fe préfentent dans le Commerce, comme par exemple d'efcompter (12) J'ignore a quel taux fut porté le premier divident de la Banque. Je penlé pourtant, & cehi fut un principe alfez folide a ce qu'il me lènible, qu'il fut au moins de 7 pour cent, tous fraix déduits, p'uifque le Gouvernement leur en payoit li. Et comme 1'intérêt'fur. la place avoit été réduit, on peut fans rifque s'en tenir a notre eftimation. D'ailleurs, ainfi que je 1'ai déja dit au Chap. VI. on m'a informé d'afléz bonne part que le Divident de la Banque n'ar jamais été plus haut que 7, & jamais au deflbus de 3 J pour ceiiu Tome IL Part. I N  194 Chap. VIL CONCLUSION DES les Lettres de Change ou les Billets de Commerce &c. de faire en certains cas rares des avances fur les revenus de TEtat, & fe bomer au Commerce de Tor & de l'argent en lingots &c. Et afin que de pareilies opérations fuftènt toujours a Tavantage de la fociété, il faudröit qu'une partie des fonds de cette Banque fe trouvat prefque toujours en Caifie, pour être a la difpofition de ceux qui peuvent fe trouver dans le befoin, & la Banque ne devroit jamais veriir a leur fecours que moyennant de bonnes furetés. Le refte, ou la plus grande partie du Capital pourroit circuler fur la Place, ou dans le public, non en papier, mais cn efpeces courantes; ou fi on faifoit circuler du papier, cc papier, comme dans la Banque & Amfterdam, ne devroit repréfenter que ce qui eft en dépöt dans la Banque. Tant que les Banques Commercantcs fe borneront a des opérations auflï fimples, elles ne cauferont pas dc préjudice. Mais auffi alors les profits s'en trouveront trés médiocres, & peu propres a tenter la cupidité des intérefies. Les profits feroient trés - modiques, a caufe des fraix \ faire pour Tadminiftration, pour les Ilonnoraires des Direéteurs , des Employés &c. & un particulier trouverok alors un avantage plus réel & plus confidérable a faire valoir par lui-même fon argent fur la place; car il gagneroit pour fon propre compte les fraix de Tadminiftration, & ne  C HAP I TRES PRÉCÉDENTS. 195 tiendroit d'argent oifif dans fes coffres, qu'autant qu'il lui en faudroit pour fes befoins particuliers, Un pareil établiflèment ne peut donc fubfillef avec avantage, a moins que 1'Etat ne I'aiMe, cn lui faifant un fonds defh'né a être continuellcmeht oifif, pour fubvenir aux befoins qui peuvent fe préfenter (13) ; ou bien a moins qu'un pareil Établiffèment (14) ne travaille a peu prés dans le goüt 03) Au lieu d'un Capital fourni de la part d'un Gouvernement dans quelque Etat quelconque, on pourroit par une boniiication annuelle eompenfer les intéréts du Capital qu'on elt obligé de tenir oifif pour les befoins du public, comme fit par exemple le Roi de Danemarc Chrifiien VI. le 29 Octobre 1736. lorfqu'il fut queftion d'ériger une Banque publique fi Copenhague. Voyez les Art. V & Vl„ de cet Edit. Le Roi y prend it fa charge les principaux fraix a faire dans les rrois premières années &c. (14} La Banque de Copenhague, érigée au commericement de l'an' née 1737, paroit avoir été établie a peu - prés dans le même gout qué celle de Londres, avec cette difference, que le but de cet Etablilfement femble uniquement avoir été de foulager les Négocians dans leur Commerce, & de leur procurer une diminution fur le taux da 1'intérêt. Son Capital, fourni par plufieurs IntérelTés, ne fut d'abotd que de 500,000 Rixdales. L'intérêt que la Banque avoit droit de prendre, ne pouvoit être au defius de 5 pour cent 1'année, mais bien au defiöus. A 1'ouverture de la Banque l'intérêt fut établi a raifon de 4 pour cent 1'année. Le cours de l'intérêt avant 1'établiOTement de la Banque avoit été de 5 a 6 pour cent, & vraifcmblablement plus haut. Les Billets ou les Papiers de crédit de la Banque par 1'Edit du Roi du 5 Novembre 1736 étoient formellement admis. Par les Dividents que la Banque a faits avant 1'année 1758. il ert facile de faire en gros un calcul des Billets qui doivent nécefiai» rement circuler comme argent, car 11. Savari dit que le Divl« dent de cette Compagnie a été de 9 a 12 pour cent. A Cet objet cn devroit ajouter les fraix de la Banque &c Voyez SA va Bi au Jtsot Banque. Edition de 1759. p. 371, N 3  io6 Chap. VIL CONCLUSION DES que fait la Banque de Londres. Mais le préjudice qu'une Banque óccafionnc dans le dereier cas eft li confidërabie , qu'il mérite qu'on entre la-deiïiis dans un plus ampie détail. Pour faifir plus clairement le point de vue fous lequel nous confidcrons cet objet, il faut au préalable qu'on fe rappelle ce que nous avons inculqué Les prix de fes AeYions, dit cet Auteur, font montées depuis 500. jufqu'a 1500. Ecus ou Rixdales. Ce Célebre Ecrivain ne manque pas de parler avec é'oge de 1'eitimable Citoyen qui fut 1'Auteur de ce projet. On.obfcrve aflez généralement dans les pays oü on a formé de pareils Etimfiffernens la réduétión frappante qu'ils ont caufée fur le taux de 1'intérêt. Mais cn quelle proportion n'ont-ils pas d'un autre cóté fait tout rencherir dans Ia Société ? Cet objet peut facilement être fuivi dans ce Royaume, paree que ce n'eft que depuis environ 40 années que cet Etablitfement a cu lieu en Dunouwe. Peut-être un jour re trouvera - t'il dans cette Contrée un Citoyen qui en expofant la-deflus les fuites de cet érablificment, ne rendra pas un moindre fervice que le premier a fa Patrie. Tout le monde fait que le bon marché des vivres contribue h éri. ger avec avantage des Manufaétures ou des Fabriques dans un pays, & procure par li encore fenfiblement un accroilfement de Population. Le Nord de VEurope eft aujourd'hui le pays le plus propre a devènir une vraie pépiniere d'hommes. 11 n'y a pour cela qu'a procurer ii fes habitans les moyens de mettte leurs bras en mouvement. Ces moyens produiroient une acqurfition bien plus folide pour un Etat, que les gains que le Capital des Intéreflës a procurés. Car il paroit bien certain que l'étection de cette Banque n'a pas encore été fufBfante pour fe procurer tous les fonds dont ce Royaume a befoin. Cela paroit par les Kégociations qui ont été faites en Hollande pour le compte du Roi, pour celui de la Compagnie des Indes Orkntahs, & pour celui des Propriétaires des Plantations dans quelques wies des Isles que le Roi de Dammare polléde dans les lidss Quldentales,  CHAPITRES PRÉCÉDENTS. i9? 'dés le commenccmcnt, que 1'or & l'argent en lingots ou en Efpeces ont été établis pour fervir non feulement de meiure ou de figne repréiéntatif, mais encore pour fervir de gage ou de fureté; & que ce figne fert a repréfenter, non feulement les denrées, main-d'oeuvre &c. mais tout ce qui fait 1'objet du Commerce. ■ L'Empercur Confiance donna une Ordonnance oü il étoit dit que l'argent ne devoit point être Marchandife, mais uniquement le prix ou la repréfentation dts Marchandifes (15). On penfoit alors fur cet article beaucoup plus folidement que nous ne le faifons aujourd'hui. ■ Depuis la découverte dc YAmérique furtout, l'argent même eft devenu un objet de Commerce, & eft envoyé cn Afie comme Marchandife (16). On fcait qu'en Europe, a mefure que la quantité (15) Elle (la Monnoye) ne doit pas Ctre (difuit 1'Empereur) une Marchandife , mais le prix ou la repréfentation des Marchandifes. —— Tour empécher toute fraude fur cet article, il fixa la fomme qu'il leroit permis aux Marchands de porter avec eux poar les fiaix de leur voyage. Tout Ie Commerce étranger ne devoit fe faire que par échange. Voyez Hifi. du Bas-Empire. Liv. XI. p. 105 a Pan 361, (16) Montesquieu (Efprit des Lob: Liv. XXII. Chap. V.) remarque tres - bien que, „ l'argent des mines de YAmérique, tranf„ pond en Europe, de l!i encore envoyé en Oriënt, a favorifé la „ Navigation ; c'èft une marchandife de pius que VEurope recoit en „ troc de YAmérique, & qu'elle envoyé en troc aux Indes. i, Une plus grande quantité d'or & d'argent eft donc favörable-, „ lorfqu'on regarde ces métaux comme Marchandifes; elle ne l'e:t „ point lorfqu'on les regarde comme ligne, patce qce leut abjijdari. s, d::nce choque leur qualité de fisne." N 3  ïq8 Chap. VII. CONCLUSION DES d'or & d'argent eft plus ou moins abondante, le prix des Denrées &c. fe regie dans une certaine proportion. On fcait même par expérience, qu'une rareté ou une abondance d'argent influe fur le taux de l'intérêt. Par rapport a un Etat dont la profpérité des habitans dépend de 1'activité de leur Commerce, il eft eilèntici que 1''argent feul foit la mefure des chofes qui en font 1'objet. Tout autre figne dérange trop Féquilibre qui a été établi entre la quantité de l'argent & le prix des Marchandifes, ou des chofes dont nous avons befoin. Cette regie eft encore de plus grande conféquence , lorfqu'on obferve que depuis la découverte des Indes Occldentales 1'or & l'argent font devenus de jour en jour plus communs dans prefque toutes les parties de 1'Europe, & que les prix des denrées &c. font montés beaucoup plus haut qu'on ne les avoit jamais vus depuis la décadence de 1'Empire Romain (i"7). Ces prix, comme nous 1'avons démontré dans notre premier Volume, n'ont plus cpnfervé la proportion qui fe trouvoit ancienne» ment avoir lieu entre ces métaux & le prix des chofes. II y a même beaucoup dc différence dans la progrefiion furvcnue entre le prix d'un article comparé a celui d'un autre article, II eft vrai (ï-f) Hume (SmerQ T, I. ?, 88,  CHAPITRES PRÉCÉDENTS. i99 que plufieurs caufes ont contribué h produirc ce dcrangement, mais le plus grand & le plus nuifible cil venu de Pextenfion du Commerce, de 1'augmentation dc la mafte d'argent, & furtout de la circulation du papier, & de Pextenfion qu'on a donné au Crédit (i 8): voila la vraie origine ou la vraie caufe de la grande diifércnce qui fe trouve entre nous 08) S'il étoit prouvé que i'extenfion du Commerce ,1'augmenration de l'argent^ Pextenfion du Crédit & des Dettes, ne nuifent en rien a la Population & au bien étre du public, les Souverains pourroicnc continue! fur le même train qu'on a trouvé établi. Muis la Population & Ie bien être du Peuple augmenté - t'il en raifon de cette prétendue profpérité? Voila la grande queftion. Dés qu'on obferve qu'une extenfion trop forte qu'on a donnée atl Ciédit, aux Dettes & aux charges énormcs qui en font une fuite naturelle , peut occafionner un dérangement dans les fommes des Peuples, ou de la multitude, les Legiflatcurs devröient tacher d'y remedier au plutót. La profpérité d'un Etat quelconque ne doit pas fe mefurer fur quelques années feulement, m::is fur un principe permanent. On ne voit malheureufement que tiop que les vi* ces qui occafionnent de grands defordres dans les Soeiétés, ne font ordinairement appercus par aucun de ceux qui font a même d'y porter remede, que lorfqu'il n'eft plus tems de les guerir. Si les maux dans tous les Etats étoient toujours fentis par ceux qui occupent les premières Places, le mal n'y jetteroit jamais de profondes racinès. Mais ou ils ne font point du tout appercus, ou ce n'ell que par de limples particuliers qu'on lalde a 1'écart. Ils ont beau en a\eiiir,la voix de ces Perfonnes vraiment patriotiques ett trop foible pour être entendue des Miniftres, & pour pouvoir penetrer jufqu'au Tröne. Combien d'années ne faut-il pas fouvent, & combien de families ne fe trouvent - elles pas ou ruinées cu mortes de mifere, avant qu'on ait même penfé a porter du remede a un mal, qu'on ne connoit point, & qu'on ne veut pas même connoitre ? Si dans un Royaume ou dans tel Etat quelconque plufieurs millicrs d'hommes meurent de mifere, le Souverain ou les premiers Seigneurs n'en trouvent pas moins de plats fur leur table. N 4  ooo Chap. VIL C0NCLUSI0N DES & les anciens dans la facon de vivre, & dans Ia maniere d'acqueriï des Richefies, Les hommes, il eft vfai, ont toujours été dominés par 1'amour des richefies; on les a vus en tout tems appliqués a fe les procurer par toute forte de moyens, & l'intérêt particulier a été le grand mobile qui les a mis en mouvement. Le bien de 1'Etat n'entroit pour rien dans leurs vues: on fe rendroit ridicule fi on prétendoit fonder la félicité publique fur les moyens qu'ils mettent journellement en oeuvre pour s'enrb chir. Mais que dans une Société qui a eu au milieu d'elle les premiers Sa ges de l'univcrs,on air par toute forte de voïes imaginables aggravé le mal que raugmentation de l'argent a fait en général, Voila ce cui eft furprenant, mais non pas incompréhenfible, lorfqu'on y réfléchit murement. Le-s principale» Puiiïances de Y Europe, furtout depuis environ un fiecle, ayant eu continuellement befoin d'argent, elles fe font prefque toujours trouvées dans la nécefiité de recourir a des emprunts, afin de pouvoir foutenir les guerres qu'elles i ont entrepris, & les énormes dépenfes qu'elles entrainent. II s'cft toujours trouvé de ces hommes induftrieux qui a chaque nouvcl événement enfantoient dc nouveaux plans; & les Miniftres ont erabrafi'é avec avidité tous les projets ou tous les plans qui oouvoient accélérer leurs empnints (19). ([10) Ce'a a su lieu dans prefque tous les Etats Clirétiens dc YEurtm  CIIAPITRES PRÉCÉDENTS. 20, Au commenccment on négocioit en tems de guerre dans le deflcin de fe liberer en tems de paix; enfuite on vit que ccla furpafToit les forces" de 1'Etat débiteur: pour colorer Pimpuiflance oü Pon fe trouvoit, on commenca a -vouloir faire croire que les dettes publiques étoit trés avantageufes a un Etat (20). On prétendit même que pe , mais furtput cn France, cn Angleterre, & en Hollande nfaA 1'année 1748. Nous aurons occafion dans la fuite d'y rëyenir. C20) Voyez les Ouvrages de M. Mr, lon, & 1'AnteuI de I'Ouvrage de la Circulation f du Créait, & entr'autres les pages 43,44 &c. de ce dender Ouvrage, Et fionobitant que 1'Autc-ur repete fouvent qu'on a parlé ou écrit fur cet article lans approfondir la matiere, j'avoue qu'après des ré flexions niures , je Tuis plus porté a adopter les idéés de Mylord Bohngbroke, de Walpole, du Chevalier Bernard & de M Hume. Ce dernier s'cxprime la-delfos avec toute 1'énergie poffible dans fon Difcours politique p. 285 a 287. Voici fes 1 pres paroles: e „Au contraire, notre expédient moderne, qui eft devenu trés " S„™; cft !es «venus publiés & de compter que Ia «poftérm* pendant la paix acquittera les charges contractéren. „ dant laguette précédente. Ceux qui ont devant leurs yeux 1'exem. „ Ple de leur Peres, ne laiflent pas de fe repolèr avec fa mêl „ prudence fi» leur poftérité, qui a Ia fin par n&effité; plutót qüe „par c otx,eft obügée de placer ,a même confiance dan ^ „ nouvelle pofténté. Mais pour ne pas perdre le tems a déc a e „ contre une prattque qui paroit fi évidemment ruineufe , il eft 11 „ certnm que les maximes anciennes étoient a cet égard bien plu p u * dentes que les modemes, quand bien même Z dernieres e ,ffi nt „eté, nfermees dans des hornes raifonnables, & etuTent auTZ " f°,S da"S eS tcras # fuivies d'affiez de frugalité, 5Z „ ncqmtter les Dettes d'une guerre couteufe; car fouLoi le Z „ferm.,1 fi prodigieufement dférent entre le Public (2 un Parti , cuher 9uU „ou, obligsdt dVtablir des „mxir.tes fi oppofées de een. » dunt pour lun ou pour Pautre? si les fonds .„ premier font pfos N 5  toz Chap.Wll. CONCLUSION DES c'étoit le vrai moyen d'obvier aux fuites naturelles d'une trop grande abondance d'or & d'argent. Mais on ne fut par long-tems a s'appercevoir que cette abondance feroit bientöc abforbée par les dettes énormes qui ont été contraétées, furtout en Angleterre, depuis la fin du fiecle dernier (ai). Je le demande, depuis que le papier fert non iéulemcnt a rcpréfentcr la Dette d'une Nation, mais encore a rcpréfenter l'argent, produit-il le même effet que l'argent? N'en repréfente - t'il pas même plus qu'il n'y en a? On nous a leurré, & on fe jque de la crédulité des hommes: le remede qu'on a inventé pour guérir les maux d'un Etat, a été un poifon déguifé; car malheureufement on a rccours a l'empirifmc auffi bien en policique qu'en médecine: mais, comme nous aurons occafion derevenir fur cet objet lorfque nous en parierons a fa place, appliquons en pafiant ici au papier du Crédit des grands, fes dépenfes néceflaires font pioportionnellement plus fortes j fi les refiburces font plus nombieufes, elles ne font pas infi- " nies} & comme fa conftitution doit 6tr« calculée pour une plus , longue durêe que celle d'une feule vie ou même d'une familie, elle '\ devroit auffi embraüer des maximes conftantes, grandes & généreufes, convenables a 1'étendue Hippose de fon exiftence. La nécefiité des affaires humaines nous réduit fouvent ï nous fier au hazard, & aux expédients qui dëpendent du tems; quant a ceux rui choififlent volontairemcnt de pareiiles refiburces, fi les mal- " lieurs auxquels ils s'expofent leur airivent, ce n'eft point la né- " ceffité qu'ils en doivent accufer, c'eft leur propre folie." (iO Depuis le regne tls Gmlltme &. de iUarh.  CIIAPITRES PRÉCÉDENTS. 203 Banques la réflexion fenfée du célebre L o c k e (22). „ Les moyens qu'on met en oeuvre pour multi„ plier les Efpeces en fabriquant des Billets, ne „ nous délivrent pas de 1'état de pauvrcté, mais „ nous cachent pour quelque tems notre mifere". Tout homme qui ne vent point s'aveugler volontairement doit fentir la vérité & les conféquencej de cette réflexion fenfée; & il feroit a fouhaiter que plufieurs de mes Compatriotes vouluflent un peu confidérer les fuites qui en réfulteront un jour pour eux ou pour leurs defcendans, & qui peuvent même felon les apparenccs aétuelles devenir funeites a toute YEurope. Si je-me fuis étendu fi amplement dans mes Abrégés Hiftoriques, j'ai voulu faire voir que la profpérité a laquelle la Hollande & YAngleterre font parvenues, ne doit point être attribuée a 1'établiflèment de leurs Banques, encore moins aux dettes publiques &c. A mefure donc qu'aujourd'hui on augmenté Ia maflè dc l'argent ou des Efpeces par le papier qui les repréfente, l'argent fe trouve avili, & perd réellement dans fa valeur repréfentative. Les Efpeces, ou l'argent, ne contiennent plus cette valeur primitive qui leur avoit été aflïgnée originairement dans les Sociétés. Non feulement on leur a affigné une valeur plus forte, a mefure que leur f:2) Locke, dans fon Ouvrage, Soms Coiifiderations of the coif ftqueiKt of th* lowering, of interefi and rifitig the yahe of money.  £04 Chap, VII. C0NCLUSI0N DES mafte augmentoig, mais on a encore augmenté cette mafte cn idéé par le papier, ce qui a fon tour influe fur la valeur totale de fargent. La mefure univerfelle fe trouve par conféquent alcérée. j'ai déja expofé aüleurs Tinflüence que cette manoeuvre a déja cue fur toutes les aifaires qui tombent dans le Commerce (23), qui elt le feul objet dont nous nous occupons actueliement. Auffi .obfervc-t'on que dans les grandes Villes oü le papier eft admis comme argent, & oü on fait ufagc du Crédit, le prix des denrécs, de la main -d'oeuvre &c. fe trouve bien plus haut qu'ailIcurs. A mefure qu'on s'éloigne de ces grandes Villes, & dans les, Campagnes oü on ne connoit pas ce Crédit ni cette facon de conduite ou de gé rer les affaires,. tout fe trouve a meillcur marché. II eft inutile que je m'étende la-deflus, car ce fout des fairs connus de toute YEarope. Un habitant de la SuiJJe qui a deux mille florins de rente, provcnant de la ferme de fes Terres, ou du petit Commerce qu'il fait avec fes voifins., peut vivre plus fplendidemcnt , & faire une plus grande figure qu'un habitant de Paris, de Londres ou d''Amflerdam avec un revenu de xsooo florins. II eft facile de comprendrc par le détail que nous venons de donner, comment les opérations d'une Banque peuvent être préjudiciables, en confidJrant Voyez Chap. III. Art. VU  CHAPITRES PRÉCÉDENTS. 2oS feulement cette manoeuvre de multiplier les fignes des richefies. Plus on abufe de ce moyen , & plus grand eft le tart qu'on fait a la fociété. io. Une Banque fait courir aux particuliers un rifque, lorfqu'elle fait circuler les fonds dépofés, ce qui ne devroit jamais être permis, puifqu'elle abufe de leur confiance, & met leur fomme cn danger. . . 2°. Lorfqu'une Banque fait circuler plus que fon Capital, par le moyen de fon Crédit ou de fes Billets de Banque, elle caufe un préjudice mortel q. 1'Etat: elle fait rencherir les vivres &c. & déraffce toutes chofes dans la Société. Elle en réduit même une partie a la mendicité. Tous les voyageurs s'accordent a dire qu'il n'y a point de pays cn Europe oü il y ait plus de mendians qu'a Londres & en Angleterre. Par la nature de 1'inftitution de la Banque dAnfi ter dam, elle ne peut pas poufier fes opérations fur ces deux articles, fans ainfi que le fait la Banque de Londres, expofer fon crédit. Voyez les Chap. III & VI. Enforte que fi notre Banque fait ufage de fon Crédit, cela ne peut être que pour peu de tems, ou dans une calamité. Voyez Chap. III Art. VI. & fans jamais expofer la femme des Particuliers. II n'cn eft pas ainfi de celle de Londres, fa  tto5 Chap. VIL CONCLUSION DÉS Caiiïè eft un vrai Emprunt de 1'Etat. Et le papier que la Banque fait circuler par tout le Royaume repréfente plufieurs Millions de Livres fterlings , fans que l'argent que ces Billets repréfentent fe trouve nulle part cn dépot. Et comme cette circulation, depuis Péreétion de la Banque de Londres, eft non feulement permanente, mais même augmenté"tous les jours, il convient de nous y arrêter un peu, pour expofer ce que nous avons encore a dire fur le préjudice que fait cc papier de Crédit. Pour apprécier le préjudice occalionné par cette monnoye idéale & de nouvelle invention, il faut obferver la progrefiion furvenue fur les prix de toutes les chofes, non feulement des vivres, & autres Marchandifes, mais encore fur les prix des Maifons, des Terres , & furtout fur le Salaire des Ouvriers, fur les appointemens & Honoraires &c. Si je ne fois pas a même de m'étendre auffi amplement la - deiïus que je le fouhaitcrois, & que je pouiTois le faire li je me trouvois en Angleterre, je tacherai du moins de donner ici un petit détail, qui mettra le Lecteur en état de fe convaincre de la vérité de ce que j'ai avancé fur cet article. Mais pour batir fur un fondement un peU folide, on ne doit pas prendrc pour baze les prix des Denrées &c. tels qu'ils étoient quelques années avant  CHAPITRES PRÉCEDENTS. 207 Pépoque de 1'établifTèment de la Banque a Londres , mais il faut remonter jufqu'au tems de la Reine EUjdbeth. iu. Paree que c'eft depuis le commenccment de fon regne que la Monnoie d'argent a été fixéè fur le pied oü elle fe trouve encore aujourd'hui dans ce Royaume (24). Et 2°. paree que pendant tous les regnes des Souverains qui lui ont fuccédé les Billets ou papiers de Crédit étoient déja en ufagc, & avoient cours dans le public, ainfi que nous 1'avons vu aux pages 155, 160 & i6-q. Plufieurs Banquiers faifoient alors ce qu'un feul Banquier pour ainfi dire a fait depuis. On eft afiez communément dans Popinion qu'il y avoit en Angleterre du tems de la Reine Elifabeth quatre millions en Efpeces qui circuloienc dans le public (25). Je fuppofe que ces quatre millions équivaloient dans ce tems-la a environ cinq millions, par la raifon que j'en donne dans la Note (26). C24) Ce fut fous le regne ÜElizdbeth qu'on altera pour la dernicre fois la Monnoye d'argent en Angleterre, car elle eft toujours reftée fur le même pied depuis le regne de cette Princefie. On divifa !* livre d'argent en foixante deux Schellings, au lieu de foixante qu'elle renfermoit avant ce regne. Voyez Hume CTudor) T. VI. p. 330. & Anderson a l'an 1560. pour ce qui concerne la Monnoye d'or elle a fubi depuis ce tems-la quelque altération. Voyez Anderson T. I. p. 439. T. II. p. 27, 28, 213, 214, 274 &c. (25) Anderson T. I. p. 449. a l'an 1600. C269 On croit affez généralement que depuis l'an irjoo. Ja Popuhtion s'eft accrue de neuf eens mille ames en Angleterre; mais je  aö8 Chap. VII. CONCLUSÏÖN DES Ces cinq millions en Efpeces fuffifoient alors pour penfe que cet accroiffement n'a pas pu être auffi conOdérablë, paree que, i°. il paroit prefque incroyable qu'il uit pu avoir lieu dans 1'efpacè d'un Siècle, c'eft - a - dire , entre l'an töoo & 1700 ou environ ; 2°. paree que pendant les deux derniers Siecles les guerres qxttV Angleterre a eu a foutenir, le grand nombre des perfonnes qui quitterent le Royaume pour aller s'établir dans les Colonies de VA. mérique, & 1'exteufion qu'elle a donné a fon Commerce, rendent un fi Modigieüx accroiflement prefque ImpoffiblÊ dans uh Royaume oii Cy compris VMande & YEcofe) Mr. Busching ne comptoit en 1760 qu'envjron buit millions d'habitans. En fuppofant que Y Angleterre a eu a la fin du XVIme Siècle une population entre 4 & 5 millions, & qu'elle ait recu depuis ce temsla julqu'au commencement de ce Siècle un accroifiTement de 900 mille ames, alors pour établir le calcul des Efpeces fur un pied un peu fohde, il faudroit fuppofer qu'il la fin du XVIme. Siccle il y avoit autant d'habitans qu'au commencement du XVlIIme. & que les Efpeces y ont été dans la même proportion. Enforte que les 4 millions d'Elpeces du tems de la Reine Elfzaiéth, & dont il eft fait memion dans le texce, doivent être portés en raifon de la Population , qu'on tuppole avoir eu lieu au commencement de notre Siccle c'eft-a-dire a 4 millions & demi, ou a 5 millions. On lit dans la Gazette Hollandoife de Leyden du 2 Juillet 1779 que d'après un Ouvraee du Docteur Pm cé, le nombre des habitans de YAngleterre & du Comté de Galles 11e. fe monte pas a cinq millions, que le nombre des grandes Maifons en douze années (depuis 176-, jufqu'en 1777) s'y trouvoit porté de 236 018. a 2Ö3331. ou h une augmentation de 27813- Maïs d'un autre cóté que pendant la même période le nombre des Hutrcs & des autres Maifons qui ne col* tiennent pas huitfer.êtres y étoit diminué de 55771- & le nombre des habitans pour le moins de 2co mille ames, (ce qui me paroit trés confidérable\ Si ce calcul elt exact, il peut donner lieu a bien des réflexions dans les conjonaures actuelles. On attribue cette dépop** lation a quatre caufes. i°. A l'augmentation des Flottes & des Années. 2°. Au truis guerres que YAngleterre a eu pendant ce Siècle. 3°. Au grand nombre d'émigvans qui font paffés en Amérlnue. 4°< A  CHAPITRES PRÉCÉDENTS. 209 pour fournir a tous les articles (27), y compris les Salaires &c. Cette mafie repréfentoit donc alors 4°. A Ia cherté des Terres, des Denrées , & fiutout a 1'augrnentation du luxe, des Dettes, des Impóts, charges publiques &c. Voici ce que Je lis dans Ia Géographie de Buschino, ceci elt traduit du lloUandois. On a compté en Angleterre, a 1'orcafion de Pirnpöt fur les fenêtres, i59o mille maifons fans y comprendre les Huttes, dont on ne fait pas le dénombrement, & qui felon M. BraksnriJgo font au nombre de 200 mille, qui avec les Maifons font 39o mille habitations. Si on fuppofe 6 perfonnes dans chacune, VAngleterre contient 5 millions 340 mille ames. M. Porfier dit qu'il y a en Angleterre au* tant de Huttes que dc Maifons, ce qui fetoit monter le nombre des habitans ft plus de 7 millions. Mais M. Brakcnridge eft bien éloigné d'admettre ce grand nombre de Huttes. On ne compte en EcoITe qu'un Million & demi d'habitans. VIrlamie u'en contenoit en 1695. qu'un Million 34 mille. — Selon le calcul le plus vraifemblable les trois Royaumes n'ont pas au dela de 3 millions d'habitans. (27) 11 paroit que quelques années avant le regne (VElizaietït, c'eft-a- dire fous Edouard VB en 1518, le prix ordinaire du Froment étoit a 6| Schellings, celui du feigle, de 1'orge 6c de la dreche a 5. & celui des pois & des feves a 4 Schellings Ie Qiutmr. (On trouve 1'explication de cette mefure a la Note 52). Voyez A K> derson T. I. p. 3?3. & fur differents autres articles depuis l'an 1521. les pages 351, 359, 361, 367 & 376. La paye des chevaux des Poftes étoit fixée fous Edouard VI. (Voyez page 379.) a un penny par mille. Au commencement de la préfente année 1779. lorfqu'on réiblut en Parlement de faire la levée de 7 millions par forme d'emprunt (Voyez la Note 60). on créa de nouveaux impöts, afin de pouvoir fournir au payement des intéréts de cet emprunt: il y en eut un entr'autres fur les Voitures de voyage & furies chevaux de pofte. Un voyageur doit payer aétuellement un impöc d'un penni par mille pour chaque cheval, & autant pour chaque voiture. Avant ce tems-li; onpayoit a ce qu'on m'a afliiré, 6 ou 7 peti* nis par mille, & y compris la voiture 8 0119 pennls. Aujourd'hui (fuivant les mêmes informatlons) on paye onfe permis k un Schelling y compris 1'impót ci-defius. Voila donc une augmentation prodigieufè depuis le tems cYEdouard VI. fur un objet trés peu coufiderable, Toms II. Pan. L O  aio Chap. VII. CONCLUSION DES toutes les richefies dc la Nation, & fuffifoit pour Au commencement du regne de la Reine Elizatetk (en 1558) & plus tnvd encore, le prix ordinaire du froment paroit avoir été a 15 Schellings le Qyarter. Un bon Mouton valoit 2 Scbellings 10 deniers. A Lood of hay (certaine mollire du poids d'environ 2016 f$ dont on fe fert pour le foin) cette charge de foin valoit 12 Schellings & demi. Le vin rouge coutoit 2 livres 10 fchellings la Barrique. Un Bteuf au deflus de 4 années étoit cftiu.é valoir 40 Schellings. Un Beeuf de 2 ans a 30 < Une Vache a ;o ——— Une jeune Vache au deflus de 2 ans .... a 20 —— Un vieux Mouton a 6 —— Un Mouton d'un an a 3 >- Un Cochon au deflus d'un an a 6 ■ Un jeune Cochon & 2 " Une Chevre . . . a 5 ■ Une jeune Chevre a 2 —— A mettire que depuis Edouard III. les Efpeces en Angleterre changoient de dénoinination, ou que leur numéraire éroit hauffé, le falatrc des Ouvriers, Artifans &c. fubifibit des changemens & alloit en augmentant. Audi trouve- t'on qu'en 1563. le Parlement s'occupa de cet objet, & il paroit qu'il s'en til fouvent occupé depuis ce temsla, mais fans pouvoir remedier au mal. Voici quelques articles que M. Anderson rapporte, & qui peuvent fervir de point de comparaifon. Un Profefleur dans une des deux Univerfités avoit vers le commencement du regne cVElizabeth 40 livres flerlings par an pour fes Honoraires. Le Bow Stringmaker (Fabriqueur de cordes d'arc) avoit un falaire journalier de 16 deniers. Aujourd'hui, dit 1'Auteur, pour fe trouver de niveau avec le prix des vivres de notre tems, il lui faudroit 6 Schellings & buit deniers. Un Maitre d'artillerie avoit un Scheliin par jour. Anderson évalue la différence dans les dépenfes journalieres du tems d'alors a celles d'aujourd'hui dans la proportion de 1 a 5. A la fin du regne d'Elizabelh le prix des denrées &c. étoit déji augmenté confidérablemcnt; car il paroit qu'a la fin du XVI. Siècle  CHAPITRES PRÉCÉDENTS. 211 les articles qui faifoient Pobjet du Commerce de VAngleterre. le prix du froment étoit h 20 Schellings, celui des pois & des fevei f lH' ceh,i de r Un Cochon au dcfliis d'un an entre 20 & 25 Sch. Un jeune Cochon 12 a 13 Sch. D'oü il reOdre, qu'en comparant les prix de ces articles avec ceux des mêmes articles pendant le regne i'Elizabak, le prix du foin a augmenté dans la proportion de 1 a 4 & au deflus. Un Mouton du prix de 2 g Schellings & celui'de 20 Schellings dans la proportion de 137. Et entre le prix de 6 & de 30 Sch., dans Ia proportion de ia* Le prix d'un Cochon ci-devant a (5 Sch. & aujoürd'hui entre 2* & 25 Sch. dans Ia proportion de 1 i Onais ie prix de 2. sdu pour un Cochon bien nourri doit être plus confldérable a ce qu'il" me femble). 5 La différenqe entre Ie prix d'un jeune Coclion ci-devant a2 Schellings & aujourd'hui a 11 ou 13 Schel!, eft comme de 1 a 6 Le prix des bêres h corne paroit avoir auffi mor.té dans Ia pro. portion de 1 it 5 & même au deflus, Je ne fuis p;s alTez cxaétement informé pour pouvoir faire dc femblables co.mparaifons fur les autres objets, car par exemple les Honoraire* dAu, Profeflèur dans une des deux Unive fités d'W** Pene qui du tems Wizubdh étoient fixés 40 Liv. Stetlmgs par au, O a  cT2 Chap.VW. CONCLUSION DES Environ un Siècle après, les calculateurs entendus dans ces fortes de maticres évaluercnt les Ef- varient paree qu'ils font prefque tous les ans incertains,& dépendent des produits des terres que les fondateurs des Colleges ont leguées pour l ur entreden. 11 y a des Profeffeurs du Hoi dont les Honoraires n'excedent pas ico Liv. Sterlings par an: mais ils ont en outre d'autres émolumens, ou ils font ordinahement pourvus de quelque Bénéficè Eccléfiaffique. te me bornerai donc a citer un petit nombre de faits, afin de ne tien avancer que ce qui eft (généralement connu. Par exemple fous Charles I. en 1632 (environ 70 ans depuis le commencement du resne SEltzaheth-) les prix des vins ü'Efpagne rouloient en gros entte | *, & ,6 Livres Sterl. par pipe. (Voyez M. Publ. T. VIIÏ. pars. Ui p 2"") ■ & avant la guerre aétuelle avec ï'Efpagne ces prix rouloient'entte 3° &40 livres fterl. la pipe; ils font aftuellement (en Aoüt 1779) a un prix encore plus haut. Eu 1633. la Chambre Etoilée pübh'a au nom du même Roi une Ordonnance pour.fégtet le prix des vivres (Voyez Ais. Publ. T. VIII. pars IV. p. 27), dans laquelle il eft dit entr'autres choles, qu a caufe des prix excefiifs de toute forte de vivres dans les Auberges oü on donne a manger'.l'Aubergitte ne prendrolt pour le diné (y compris le vin) que deux Schellings par tête &c. 11 y eft dit en outre: Pour ce qui eft du Fourage pour les Chevaux, après avoir enten" du divers juces de Paix de hPddlefex & de Surrey, & plufieurs " Aubergiftes de Londres, de Wejlminfter & de Surrey, nous fom. ' mes d'avis,que vu les prix actuels du foin & dc 1'avoine, les dits " Aubergiftes ne doivent prendrc que fix pennis (deniers), pour le " foin „écéffaire a un cheval pendant vingt' quatre heines, & fix " pennis pour un picotin d'avoine (mefure faifant la trente dcuxieme partie d'un Qimrter) ce qui, ajoute -1'011, eft un prix fullifant, " & on n'exigera rien pour la paffle ; s'ils prennent au delii de ces prix, ils feront condamnés felon la teneur des Ordonnances. Quant " aux prix exceflifs & déraifonnables exigés pour les Chevaux des * Voyageurs qui ne s'arrêtent que peu de tems dans les Ilotelerics', ' „ous eftimons que 1'Hótelier n'a pas lieu de fe plaindre en ne ',' prenant qu'un penni par cheval pour le mettre feulement a 1'écurie " fans le débrider, & que fi le cheval eft débridé & a du foin, &  CHAPITRES PRÉCEDENTS. 213 peces Monnoyées a dix-huit millions & demi (28). Que ces dix - huic millions & demi ne fuffiibient pas alors, ccla paroit par le Crédit & par le papier (29) qui avoit été admis, probablement de- „ s'en retourne le memo jour, 1'llórclier doit fe content* de deux „ ponnis par cheval, & ne pourra rien exiger de plus &c." Aujourd'hui a Londres dans les Auberges on paye felon qu'on veutJtre fetvlj on eft atTcz bien traité aux tables d'hóte moyennant trois Schellings, y compris une demi pinte de vin. En voyage on paye aux Ilüteleries qui font fur la route, favoir: pour un cheval ayant paffé une nuk dans 1'écurie, & ayant eu du foin, 8 pennis, pour un picotin d'avoine an^Schelling. Pour un cheval qui n'a pas rcfté la nuk & qui a eu du foin 4 & pour un Cheval dont on n'a pas détaché la mètèvpmdt Votla encore depuis l'an 1633. jufqu'aujourd'hui une augrnéntation fur les articles fus - mentionnés dans la proportion de 2 a 3. & de 1 a 2. Ce petit détail, qui ne regarde que des objets de trés peu d'im■ portance, peut fervir d'cxemple fur la progrcfflon étonnante furvenue dans les autres articles. Nous en avons donné des preuves fans replique dans notre premier Volume par rapport 1 la France & a la Hollande; mais il n'y a pas de pays dans VEurope oü cette progreiTion fur le prix des objets de première néceffité foit fi fenlible qu'en Angleterre. (28) A la révolution qui eut lieu vers ia fin du Siècle dernïer les Efpecss du Royaume fe montoient, felon le calcul de D avenant a dix-buit millions & demi (Voyez les Ouyrages de Davenant raflfemMës & revus par M. Charles W i t h w o r t h. Vol I pages 363 &c. 44.5 &c.) Depuis 1599 jufpi'cn 1675. on avoit frappé en Monnoyes d'or & d'argent pour 21,651,876 Livres Sterlings. Anderson T. II P. 158. (29) Par Ie détail oü nous fommes entrés a la fin du Chap. Vme. on a pu obferver combien les Banquiers dans le XVIIme Siècle firent ufage de leur crédit. Les révolutions, les guerres civiles & étrangeres qui eurent iieu pendant Ie regne de Charles I, fous Crost- O 3  2i4 Chap.Vll. CONCLUSION DES puis la fin du regne SLUzabeth , ou depuis le regne de Jacques I. Depuis la fin du regne SEüzabeth le prix de prefque tous les articles ayant augmenté du triple (30), toutes chofes égales, il falloit au commencement du XVIIIme. Siècle au moins le triple cn argent (31), pour repréfenter les mêmes articles en valeur, tels qu'ils étoient vers la fin du regne dc cette Princefie. Outre cela, par Pextenfion qu'on a donnée au Commerce , & depuis qu'on a introduit de nou- yet, & fous le regne de Charles IT, augmenterent les befoins d'argent, ainfi qu'on 1'a obfervé dans le même Chapitre. (30) Voyez Anderson T. Lp. 442 & 443 ^ Fan 1594- (31) Mem T. I. p 443» Le Bibliothecaire a H'eH- mnfljr avoit pour Honoraires 13 Liv. 6 Schell. 3 deniers par an, aujourd'hui (dit Anderson) il lui faudroit quaraute livres pour latisfaire aux feuls befoins que la facon de vivrc de ce tems-la exigcoient. A la même page cet Auteur rapporto, que les Honoraires d'un Miniftre avec le caractere d'JLnvoyé en Hollande fe montoient eu 1594 a 40 Schellings par jour, non compris les fraix du Voyage. Dans les lnftructio'.is qui lui furent données de la pan de la Reine il eft dit, ., pour les dépenfes de fon voyage & pour fon entretien „ quarante Schellings par jour, c'eft pourquoi, ajoute-t'on, nous „, voulons & vous commandons de lui payer ou de lui faire payer "„ de la Caifie de notre Tréfor de YEchiquier, ou a fon Agent, la " dito fomme de quarante Schellings par jour, a commencer de la ', date de cet ordre, jufqu'a fon retour dans le Royaume, & de " lui avaucer encore la fomme de foixante livres, pour les fraix de ' ion Voyage, ce qui fera enfuite rabattu de fes Honoraires. Voyez M. Publ. T. VII. p. I. p. 143 — Anderson, a la page 445. année - 595. ajoute: les Honoraires du Secrétaire de la Reine pour „ la langue francoife étoient de 66 | Livres, & par conlfquent ils ' éqntvaioieut a 200 Liv. de notre tems." Voyez encore Act. Publ. T. VII. p. L' p. 143» i53 $ 17»,  CHAPITRES PRÉCÉDENTS. fiïj veaux articles, il eft arrivé que nous avons auffi connu de nouveaux befoins (32). Ces articles exigent par conféquent une augmentation d'argent pour pouvoir continuellement être repréfentés. On pourroit admettre, par fuppofition, que trois' millions pcuvent avoir fuffi pour fe procurer tous ces nouveaux objets, & pour tous les autres qui devoient être continuellement repréfentés (33). U s'enfuivroit de ce calcul que dix-huit millions & demi en Efpeces auroient été dans ce tems-la plus que fuffifants (34). Mais indépendamment de tous __ Cette Terre fur le pied de 4 pour cent, 1'année de rente nette, devoit par conféquent former un capital de 925 EJto®» > Pow «ouver un revenu de yEMm <* arSent*  CHAPITRES PRÉCÉDENTS. 22 II nous refte a dire un mot fur Partiele du taux de Pintérêt, qu'on regarde comme le Barometrc aétuel de la profpérité des Etats. Pendant le regne de Jacques I Pintérêt de l'argent fut établi a 8 pour cent 1'année (55). Mais 1'intérêt tombant i 3 pour cent, la ditte Terre continuant 1 produire un Qjiarter de Froment, qui entre les années 1741 & ,750 donnoit un revenu de 33 Efcalins (Voyez le dit Ouvrage d'Ao Ut SmitiO alors la valeur de la Terre dans la proportion de Ia rente de 3 pour cent, s'établit k raifon de 1100 Efcalins, qui rendent auffi les 33 Efcalins de revenu. D'oü il réfulte qu'en Angleterre, pendant les dites Périodes, Ie Propriétaire des Terres, par la feule réduéïion de l'intérêt, s'eft trouvé appauvri dans fon revenu. Et comme le prix de tous les autres articles font confidérablement augmentés, les dépenfes du Propriétaire des Terres fe lont accrues dans Ia même proportion, & il fe trouve par la dans une pofition moins favorable que ci-devant. Puifque nous fommes ici fur le cliapitie de la valeur des Terres, nous devons encore faire obfcryef, qu'avant le commencement des troubles en Amérique, elles étoient afiez généralement eftimées au denier 30 ou 33me, c'eft-a - dite qu'on tiroit de fon Capital 3 a 3 a pour cent. Aujourd'hui les Terres fe vendent en Angleterre au denier 25 , ou fur la \wA d'une rente de 4 pour cent. On voit par lii que les Terres chez les Anglois produifent un moindré revenu que l'argent placé fur 1'Etat, car les rentes des fonds placés fur 1'Etat fe trouvent établies fur le pied de 5 pour cent, & celles des Terres fur le pied de 4. La valeur des Terres 1'emporte donc réeïïement de 20 pour cent. Ce qui prouve que ce dernier revenu , quoique moins avantageux, eft pourtant eltimé comme plus folide. 11 y a apparence que les droits fur les Terres ne font pas compris dans le fusdit revenu, lequel il faut regarder comme un revenu net tous fraix déduits. Le droit fur les Terres & celui fur Ia Dreche (qui ne font point Hypothéqués) fe montent enfemble annuellement a 2,750,000 Livres Sterlings. (55) Home (Staart) T. I. p. 323. oü cet Auteur dit: „ L'iuté„ rêt pendant le regne de Jacques I. ne fut jamais au - dellbus de S „ pour cent." Voyez Anderson T. II. p. 16 a l'an 1624. P 3  s3o Chap. VII. C0NCLUSI0N DES Du tems de Cromwel il fut quelquefois a 6 (56). Après la reftauration auffi a 6 (57). Lorfque la Banque fut établie il fut fixé a 8 pour cent. A la 1 ame- année du regne de la Reine Anne il fut réduit a 5. (58). Pendant la derniere guerre la Banque a continué d'efcomptcr les lettres de change &c. a 4; & aujourd'hui on m'a affiiré qu'elle le fait a 5 pour cent (59). Tout le monde fait que le Gouvernement s'eft vu obligé de négocier au commencement dc cette année (1779) * un intérêt un peu plus haut (60). . . On peut donc appliquer ici ce que j ai dit plus haut, que dès que nous faifons un abus des reme- C56) Anderson T. II» p. «5- » l65'- . ^ J u n p. io7 & ml! !, Pan t«o. L'intérêt qui eut üeu'quclqües" années plus tard , CVoyez page 156) Pendant la auerre avec la Hollande , ne peut pas être allégué comme un intérêt courant, mais plutót comme un Commerce proprement dit d'ufure dont alors les Banquiers s'étoient rendus les maitres &c. «81 Anderson T. II. P- 265- * 1'™ ■ _ Informations qui m'ont été communiqnées par un Particulier demeurant a Londres. (60^ Dans le mois de Féviïer de cette année il fut arrêté quon leveroit fept millions de Livres Sterlings. On accordoit pour chaque 100 Livres une annuité de 3 Livres, & encore pour 29 années charme année une annuité de 3"| Hvies. Outre cela on acquéioit pour chaque ioco Liv. fept Billets de Loterie, chaque Billet évalué a raifon de 10 Livres, & qui ont valu fur la place de 13 k 14 Uv. Stetl.  CHAPITRES PRÉCÉDENTS. 2S, des, qu'alors ces remedes ne produifent plus un effet falutaire. Que VAngleterre ait réeïïement abufé de fon Crédit, cela paroit clair, puifque Pintérêt de l'argent y eft aujourd'hui plus haut que fur la fin du regne de la Reine Anne. Plufieurs raifons ont contribué a caufer un pareil dérangement chez nous; le haut intérêt en Angleterre a influé fur le notre. Ce qui fait non feulement beaucoup de tort a notre Commerce, mais même a celui de toute VEurope (61). (61) Ou fait que les Negocians d'Amfterdam, pat les affaires qn'üs dirigent, ont des Comptes ouverts dans prefque tous les Pays qui font le Commerce du Change. Chez 1'Etranger, & dans prefque toutes les Places refpectives de 1'Europe, on établit le cours du Change d'après celui $ Amfterdam. A mefure que l'intérêt de notre argent fe trouve a un bas prix, ca cours du Change s'établit plus ou moins dans une efpece de proportion: il en eft de même de l'argent que nos habitans placent chez 1'Etrangcr; it mefure qu'il abonde dans nos Pays, les Ilollaniois font naturellement plus ou moins faciles a Ie placer clicz l'EUJiigci. L'abondance de l'argeni influe aufij fur les affaires de Commerce que nos Negocians font avec les Etrangers; car, Iorfqu'ils peuvent fe precurer de l'argent avec plus de célérité ou de faciüté, ils font plus portés a accorder du Crédit aux Etrangers, ce qui ordinairement leur procure Ie moyen de faire de trés grandes entreprifes. L'argent feul peut établir ce credit, & animer les opérations du Commerce: c'eft Ie bas intérêt de l'argent dans notre République qui fait que les habitans du Midi & du Nord de VEurope trouvent un avantage réel a fe fervir de l'argent des llol/andois. C'eft par Ia que nous nous trouvons d'une mauiere non moins avantageufe pour 1'Etranger, que trés utile pour nous mêmes, les Commiffionnaircs de la majeure partie du Commerce de VEurope. Voila auffi ce qui fert a entretenir notre Commerce de fret, & ce qu'on appelie le caiotage. Car notre ceconomie nous met en état de  fi3a Chap. VII. CONCLUSION DES Le croiroit-on, qu'en Hollands le taux de l'intérêt dans les trente dernieres années a été plus haut dans le Commerce (62), que dans les trente années précédentes (63) ? D'après ce Barometre, il elt certain que notre Souverain dans un cas de befoin trouveroit moins d'argent en Efpeces dans nos Provinces, aujourd'hui que nous fommes plus riches, que cidevant lorfque nous Pétions moins (64). pouvoir tranfporter les Marchandifes a beaucoup meilleur marché qu'aucune autre Nation. La grande abondance d'argent dont nous avons été & fommes encore en poffeifion , n'a donc porté aucun préjudice ii aucune Nation de VEu. ropf. il y en a même qui au contraire y ont trouvé leur avantage > car c'eft par cette abondance d'argent fïurtout lorfque le taux de 1'in. térêt fe trouve fur un pied modique) que nous établiffons un certain bon marché dans prefque toutes les branches du Commerce, & dont toutes les Nations de 1'Europe profitent. La France & \'Angleterre, dont nous fommes les voifins, ptuvent Vune & Vautre nous occuper trés avantageufement dans leur Commerce : mais c'eft de la Fkasce furtout que nous fommu tirer beaucoup plus d'avantage que de l'A ncleterhe: ce n'eft ni enthoufiafme ni efprit de parti qui m'arrache cet aveu, c'eft une vérité que nos rncilleurs politiques & nos habiles Négocians ont toujours foutenue. (62} Depuis 1'année 1748, & furtout entrej les années 1760 & 1770. ik encore plus tard, n'a-t'on pas vu fur la place des efcomptes des lettres de Change entre 4 & 5 pour cent, & même au deffus, furtout avant l'an 1763? Et voila quels furent les préludes de ce qui arriva dans le Commerce pendant le cours de la même année. (63) En 1723 plufieurs gros Capitaliftes dans la Ville d'Amftef dam firent des avances fur nos Actions de la Compagnie des Indes Orientales, Jt raifon de 1 % & de 1 \ pour cent 1'année. II y a des Courtiers juifs qui par les Livres de leurs ancètres peuvent attetter ces faits. C64J Combien des fommes immenfes, en Efpeces réelles, ne font-  CHAPITRES PRECÉDENTS. 233 Terminons en peu de mots ce Chapitre: les Banques en général par les refiburces qu'elles procurent peuvent donner lieu a des pertes, & a des dérangemens trés préjudiciables (65) , qui iurpaffent de beaucoup 1'utilité & les avantages qu'elles font a même de procurer aux Sociétés oü elles fe trouvent établies. Enfin une Banque telle que celle de Londres augmenté encore par fes opérations, la circulation & le Crédit, & foutient par la cette mafTe énorme de papier qui circule aujourd'hui dans le Commerce (66). C'eft cc que nous détaillerons dans la pas forties de chez nous depuis 1760, par des Négociations particulieves, foit pour les Colonies dans YAmérique, foit pour plufieurs Puiffitnces de VEurope ? II elt vrai que nous y gagnons annuelle. ment des revenus affez confidérables par les intéréts qu'on nous paye. — Le mal qui en réfulte pour uri grand nombre, c'eft que trés fouvent ils établifiént leurs Dépenfes fur" leurs revenus actuels , fans Uop ronfidAer la fblidité du Débiteur. II y a par exemple des fonds placés chez 1'Etranger qui donnent 5 pour cent, & d'autres qui ne donnent que 4 pour cent par an. Une preuve que nos Concitoyens commeucent a ouvrir les yeux fut cet objet, c'eft qu'ils préfcrent de placer leur argent h un plus bas intérêt chez certaines Puiiïances. Auffi leurs Négociations font - elles bien plutót remplies , que celles qui accordent un intérêt plus haut. Mais cette matiere eft trop délicate pour nous y arrêter plus long-tems. (65) M- May (Voyez Réeréations d'un Négociant Partie II. p. 232.) dit: „ généralement parlant 1'utilité des Banques n'eft pas auffi grande qu'on fe 1'imagine, & que quelques Ecrivains veulent nous „ faire a croire." Voyez encore fur la Banque de Londres, les ln. tér(>ts des Nations de 1'Europe T. I. p. 280. C<56j Combien la Banque de Londres ne contribtie - t'eüe pas b P5  s34 Chap. VII. CONCLUSION &c. feconde Partie, mais pour cela il faut attendre des tems plus tranquilles, car nous fommes tres éloignés de vouloir nuire a fon Crédit dans les circonftances aétuelles, oü des efprits peu au fait de ces matieres pourroient mal interpréter nos expreffions & nos intentions. Toute ï Europe a aujourd'hiri les yeux fur ï Angleterre: fes démêlés avec les Colonies n'entrent point dans la fphere de la matiere que nous traitons dans cet Ouvrage; non que nous ne fentions les fuites, peut-être malheureufes de cet événement: car la guerre que ces démêlés ont déja allumée en Europe, doit être regardée comme une vraie guerre de Commerce, & j'ofe avancer que c'eft des conditions de la Paix qui la terminera que dépend la félicité des HABITANS DE TOUTE l'EuROPE. foutenir les opérations qui fe font for les fonds d''Angleterre &c. ? Si on n'avoic pus étendu ces reflbutcea auffi fortcment qu'o:i Pa fait depuis quelques années, il eft vraifemblable que le Gouvernement Antrlois auroit été obligé de faire un accommodement avec les Colonies fur le continent de YAmérique, ce qui , pour ne rien dire jde plus, auroit probablement tourné a 1'avantage de la Nation.  ORDONNANCES DE LA BANQUE &o 235 L. A. Appartenant au Chapitre III. page 60 & 3 la Note 22. Conditions auxquelles VOr en Lingots eft regu provifionnellemem dans la Banque ^Amfterdam. Art. I. J. ous les Lingots devront être fondus & efiayé par un Efiayeur demeurant dans cette Ville. On donnera deux Billets d'Efiai. Sur 1'un de ces Billets devra être noté au dos,, que le Lingot a été fondu par tel ou tel Efiayeur, ce qui doit être attefté par fa fignature. II. II fera fait un Contre-Ejjai de chaque Lingot par 1'Efiayeur de la Banque ou par fon Afliftant, au dépens de celui qui en fait la livraifon a la Banque. II payera 30 fols pour chaque Eflai. III. Si les Efiais ne fe trouvent pas d'accord, alors il fera permis a celui qui en fait Ia livraifon de s'en tenir a l'Efiai qui aura été fait par 1'Efiayeur de  236 ORDONNANCES la Banque ou par fon Affiftant. Au défaut de quoi on rcfufcra d'accepter le dit lingot, fans qu'on foit tenu d'entrer dans aucune difculfion la-delfus. IV. Les Lingots devront contenir en poids au moins 20 Mares, & ne doivent point être d'une qualité au - dclTous de 18 Carats. L'argent qui fe trouvera mêlé avec 1'or ne fera ni évalué, ni porté en compte. V. L'on ne recevra point les lingots qui font inégaux en poids d'aloy, non plus que ceux qui contiennent du Plomb ou de 1'étain, ou dont la qualité paroit être fufpetle (*). C*) On lit dans Ie texte original die eeniezins kwaadaardig zyn, ce qui littéralemént traduit fignifie, f& eft aa faro ft taia fuic peu maligne. Pour mieux faire entendre le fens de cette expreflion , nous ajouterons ici 1'explication fuivahte: on entend par or kwaadaardig tout or non - malléable, & qui en même-tems eft mêié d'un métal €tranger qu'on ne connott pas encore affez it fonds pour le décrire paifaitement : on le nomme communément Kakara, ou Platina del Pinto; fa gravité fpécifique furpafl'e ou égale du moins celle de 1'or, & le métal eft fi tcnace a 1'or qu'il ne s'en départit qu'après un tra* vail long & pénible: ou 1'appercoit aifément pendant 1'eflai, lorfque Por eft en bain ; on voit alors fur la furface du bouton une tache noirltre, qui fait de tems en tems des élancemens vers la coupelle, fans cependant s'en laiffer abforber, deforte qu'il refte toujours une taciie fur le bouton refroidï, qui otdinairement ne fouffte point le marteau, malgré le bain qu'il a fubi; & la tacbe noire fe trouve encore fur la Comette, aprês être paffee par l'eau forte- .  DE LA BANQUE &c, 23? VI. Les Lingots devront être livrés h midi dans Ia chambre de 1'Efiayeur de la Banque, avec une note, fur laquelle fe trouvera fpécifié, le poids & la valeur intrinfcque de chaque lingot; afin qu'on puifle faire de nouveau le calcul pour voir s'il n'y a pas d'erreur. On donnera un recu qui devra être échangé le lendemain contre Ie recu ou Recipife du Receveur (Ontfanger) & alors Ie Porteur ou le Propriétaire pourra difpofer de la fomme que Ia Banque lui avancera fur ces lingots dépofés. VII. Lorfqu'on fera h la Banque Ia livraifon des Lingots, on frappera fur chaque Lingot la Lettre & Ie Numero de la Banque; ces Lingots & les reftants feront mis dans un fac auquel on attachera un des Billets de Peflai, fur leqnnl feront notés la Marqué & le Numero de la Banque, & 1'autre Billet On obferve le même défaut dans 1'or qu'on recoit des Dorenrs, mais ce mélange n'eft pas fi défeétueux. Aufli je ne penfe pas que dans 1 Ordonnance on y alt eu égard. L-Or-dont il eft lei queftion étoit plus abondant dans Ie Commerce il y a 50 ou 60 années s on Jevendoit alors a 355 florins le mare fin fans agio, & quelquefois moins. Dans le Billet d'efTai on devoit faire mention que 1'or contenoit cette dite qualité: ce qui trés fouvent aujourd'hui eft négligé. Aufli rencontre - t'on quelquefois de 1'or qui en «ent, quoique ie Billet delTai n'en fafle pas mention. Cette ndgligence proyient du feu (Tattention qu'on donne acluellement au Commerce des Efpeces.  238 ORDONNANCES fera donné au Porteur, qui fera obligé de le remettre lorfqu'il voudra retirer les Lingots. VIII. Les Lingots feront acceptés fur le pied de 340 florins argent de Banque pour chaque mare fin. IX. Les Propriétaires feront tenus de retirer les Lingots avant Pexpiration du terme de fix mois, en payant a la Banque un demi pour cent. Au défaut de quoi ces Lingots feront regardés comme appartenant a la Banque. X. En retirant les Lingots, le Propriétaire ou le Porteur fera tenu de rembourfer a la Banque la fomme mentionnée dans le Recu (Recipiffe), & le demi pour cent en fus. Et cela fans aucun égard aux erreurs de plus ou de moins fur leur valeur intrinfeque, qui pourroient avoir eu lieu dans leur eftimation. Le tout provifionnellement & jufqu'a nouvel ordre, & felon les ftatuts, ufages & coutumes de la Banque (JVisfel-banF).  DE LA BANQUE fc. &59 ANNÉE 1763. Régkment ou Conditions auxquelles on acceptera les Lingots d'argent dans la Banque Amfterdam. Provifionnellement & jufqu'a nouvel ordre on acceptera les Lingots a un demi pour cent pour le tems de fix mois, fur les eflais des Eflayeurs de la Ville d''Amfterdam, dont il fera fait un doublé eflai dans la Banque au dépens du Propriétaire. On n'acceptera dans la Banque, & on n'eri pouiTa jamais retirer pour une fomme au-defibus de 10000 florins, dont on fera auffi des doublés Billets d'eflai. Chaque Recu ne pourra être au-defibus de Ia valeur de 10000 fi.; lequel devra refter & fera enfuite retiré fur le même pied. Voici les prix auxquels on acceptera les Lingots dans Ia Banque. De 11 deniers k flor. 21 le mare brut. 10 a 19 dito. 9 a 17 dito. 8 ■ a 15 dito. 7 a 13 dito. 6 ■ a 11 dito. 5 1 a 9 dito. 4 Jt 7 dito. 3 — h 4. 10 dito.  24o ORDONNANCES Les Onces & les Eftelins ne feront point évalués. Ceux qui voudront retirer des Lingots devront remettre la veille les recus ou la note des calculs a MM. les CommilTaires. Les Lingots devront être au moins du poids de 50 mares, & ne doivent pas excéder celui de 120. Les Lingots feront livres a la Banque I'aprèsmidi entre 2 & 3 heures & demie. On ne difpofera de la valeur des avances que le lendemain du jour que la valeur en aura été écrite fur le compte du Propriétaire. Celui qui fe propofe de faire porter en Banque des Lingots d'argent, cn préviendra avant midi le Receveur, & lui en remettra la note. Provifionnellement, & jufqu'a nouvel ordrc, Ia Banque acceprem les Pifroles dc Lunebourg, lefquelles devront être du titre au moins de 21 carats & 6 grains, & chaque fac devra pefer 22 mares. La Banque fera les avances a raifon de 300 flor. le mare, moyennant le demi pour cent pour les fix mois. Le tout felon les ftatuts & coutumes de la Banque. A commencer le % Janvier 1770, on acceptera dans  DE LA BANQUE&c. a41 dans la Banque les nouveaux Ducats de la même année a raifon de 5 florins la piece, & chaque fac devra contenir 500 ou 1000 Ducats. Le tout felon &c. Provifionnellement, & jufqu'a nouvel ordre on acceptera en Banque lesDrittels fins deLunebourg contenant 11 deniers 21 a 22 gfains, a 23 f. le mare. Chaque fac fera de 100 mares & de bon poids 2 pieces, de deux tiers Rixdalers par 100 mares. Moyennant la paye d'un quart pour cent pour les fix mois. Le tout felon &c. Le premier de Mars i7?i. Les Ducats neufs de la même année feront acceptés en Banque jufqu'a nouvel ordre a f. 4. iQi fols k piece. Chaque fac fera de 500 ou de 1000 Pieces. Le tout felon &c. Après Ie premier de Janvier 1773. On recevra h Ia Banque a raifon de ƒ 21 - 10 fols le mare les Mexicaines qui font frappées a un coin différent de celui des Mexicaines connues fous le nom de vieilles, mais un peu moindre en alloi que les yieilles (*). Le tout felon &c. Ces nouvelles Mexicaines ne devront point être O Voyez fur ces Efpeces T. I. Paitie n. p. 171. Teme II. Pan. I, Q  2^a ORDONNANCES DE LA BANQUE &c. mêlées parmi les anciennes, mais refter féparémenc: & cela par fac de 100 Mares & de bon poids felon 1'ufage accoutumé. Juillet ïJJfS. Provifionnellement, & jufqu'a nouvel ordre, les Efpeces d'or monnoyées, feront acceptées en Banque fur le pied d'un quart pour cent pour les avances dans des fix mois. Et les Recus QRecipifes) qui fe trouvent aémellement rouler dans le public, feront prolongés a leurs échéances a un quart pour cent. L'or en Lingots reftera comme ci - devant fur Ie pied d'un demi pour cent dans les fix mois. Les Ducatons feront acceptés a 60 fols & 5 pour cent pour les fix mois. Les pieces de 3 florins a 56fols, & a raifon d'un quart pour cent pour les fix mois. Les Rixdalcs a 48 fols & a raifon d'un quart pour cent pour les fix mois. Les Ecus neufs de France feront acceptés fur le même pied que les vieilles Mexicaines, & cela par 100 Mares & k raifon d'un quart pour cent pour les fix mois.  DESCRIPTÏON DES VAISSEAUX &c. 243 L. B. Appartenant au Chapitre Vn,e. page 131 & h la Note 61. Rélativement aux Vaiffeaux du moyen êge. Extrait du Livre. Dell'origine di alcune Arti princi- pali APPRESSO I VeNEZIANI, PARGlROlamo ZANETTI VENEZIA 1758. Celui qui voudra fe former une idéé des forces de Mer de Ia République de Venife vers le XIIine. Siècle n'a qu!a lire Nicete Coniatc, écrivain contemporain a la conquête de Conftantinople faite par les Venitiens & par les Frangois. On travailla pendant trois ans entiers dans. 1'Arfenal de Venife a préparer la flotto pour k dirp Entreprife; cette flotte étoit compofée de 110 gros Vaiflèaux, parmi lefquels il y en avoit un, auquel a caufe de fa grandeur finguliere, on donna le nom de Monde ; & en outre deux autres qu'on nomina la Pélerine, & le Paradis. Zanetti a donné une rélation exacle de la convention ou du Traité qui fut conclu entre le Roi de France Louis IX. & la République de Venife pour Ie paflage a la Terre Sainte; C'eft Ie plus anQ a  244 DESCRIPTION DES VAISSEAUX cicn Document qui prouve quelles 'étoient les forces maritimes des Venitiens. Cette Convention ne date pas, a la vérité, plus haut que Fan 1268 , mais tout le Monde concevra affez clairement, que felon toute apparence la puiffance des Venitiens doit avoir été fur le même pied au moins plus d'un Siècle avant cette époque, & que, par conféquent, les connoiiTances dans 1'art de la Navigation, dont il eft fait mention dans ce Traité, font dignes de la plus grande atteution. Mare Quirini, qui fe donne le titre de Nuntius Domini.Ducis Venetiarum , promet par Ie dit Traité , & s'cngage au nom dc la République , de livrer pour Ia ditc expédition quinze Navires, foit de la République, foit d'autres VaifTeaux appartenant a des particuliers parmi lefquels il y auroit trois grands Navires communs, nommés Rocheforte, Ste. Mar ie, & St. Nicolas, pour tranfponer & Ia Terre Sainte 4 mille chevaux, & 10 mille Hommes. Les deux premiers VaifTeaux devoient être montés de 110 matelots; & Ie troifieme de 86. Les 12 autres en devoient avoir 50. II eft bon d'obferver que la conftruétion des Vaiflèaux Venitiens étoit déja changée en partie, & que fes Navires de tranfport ne fe fervoient plus de Rarnes; on doit de plus confidérer la grandeur desdits 15 Navires, qui devoient tranfporter un tel nombre d'hommes & de chevaux &c  DU MOYEN AGE. H5 [ Le frGt dcs fusdits Navires étoit de 3200 mares d'Argent fin, qui correfoondent a peu-prés a quarante mille Ducats d'argent (de Venife) de notre tems, ce qui effeétivement étoit beaucoup pour ces tems-la (a). p0Ur ce qui concerne les autres navires,on ffipula pour chacun d'euxdes conditions relativement a leur grandeur &c. Chaque Chevalier avec deux Domeftiques, un cheval, un valet d'écurie, des vivres, & hardes, devoit payer huic mares & demi (b); & étant feul, deux mares & un quart (e). Chaque Ecuyer devoit payer fept onces d'argent fW)j & chaque valct qua_ tre & demi (e). Chaque Pélcrin trois quarts de mare (f): J'omets diverfes autres circonflances aflèz curieufes, mais qui n'ont aucun rapport h notre objet, & je reviens au fusdit document par lequcl il confle, que le Navire Sainte Marie avoit 108 pieds de longueur; favoir, ?a de quille, & 38 entre les deux perches de poupe & de proue. 00 En fuppofant que 106 « mares poids de Venife ont été és-aux fc 103 t mares poids de Troyes, !es 3200 mares de Venife font 3112 mares poids de Troyes, & l'argent fin évalué a 25 florins & demi, font en florins courans de Hollande 79Z56 Si l'argent fin pendant Ie treizieme Sieele doit être entendu ar*ent le Roi (comme .1 me parelt probable) alors la dite fomme devroit être moindre d'un vingt - quatrieme. aS fiórï. "larCS & dCmi f°nt d3nS lilfUStïke P^o^n envixo, CO Ou environ 55 florins & demi. 00 Idem. 22 florins. (O Üim. i.\ florins. (f) Idem. 18 florins & demi.  S46- DESCRIPTION DES VAISSEAUX pans le fond.il étoit :large de,pi' & haut dans Ia première couverture de i rj & dans la feconde de avec 28 J de largeur dans toute la partie fupérieure du navire. Les Galeries étoient hautes de 5 pieds, & il y avoit 3 pieds de la galerie en deffus jufqu'a 1'extrémité du bord. Du bout de la quillc jufqu'a la hauteur de la poupe il y avoit 40 pjeds; il avoit deux Paradis, qu'on nommoit Jardins, & qui dans la fuite furent nommés Chdteaux. Deux ponts, & un pont au deflus, de 4 a 5 pieds derrière la poupe; & en outre tous les agrèts néccflaires. Les dits navires avoient aflurémcnt plus d'un arbrc ou Bidt, puifquc le plus grand fc nommoit larbre du milieu: mais je ne crois pas qu'ils en cuflent plus de deux, c'eft-a-dire un fccond du cpté de la Proue. Les autres deux navires, favoir, Rocheforte, & St. Nicolas étoient de la même conftruclion que le fusdit nommé Sainta Mar ie, a la uéftjve qu'ils n'éLoient pas fi grands. On peut en outre öbfcrver que le Doge dans fon contract prorrnt d'entretenir a fes fraix 15 galeres pendant une année entiere , pour Phonneur de Chrifi, & pöur 1'exaltation de la foi Chrétienne. Ces VaiiTeaux. étoient les feuls qui devoient former a proprement parlcr 1'Armée navale; les autres étoient uuiquement deftinés a tranfporter les Vivres, M.mitions &c. Si nos ancêtres eufiènt étés plus attentifs a 'nous conferver &a nous tranfmectre, foit par la fculptu-"  DU MOYEN AGE. 47 re, foit par k petore, ou par quelque amre mmere la ferme ou IVcMreflure des lo,»!" eur rems, „0„s ^ en ^ ™* te .dce: ma,gré tonKS les recherches ftie" " na pas ete poffible de crouver quelque fi ces anciens Vaiflèau*, exeeptó celles qu-oTvol dans la planche W I. „» JJVJ fente un „avire r« doffiné 4 ia , P^ I3«« & qu on a trouve dans une Carte Géo^anhr T dreflfeen eeiems-,,. Le N, ^ caufe deTV '" T'" eroiroit G«V » S !ft r ^ * *" b Bamtere- Le 1U. elt Copie d après certaines peintnres anciennes fluon „„ „ans la Chapelle de Jam* U fiTl r«nfe, oü il ya auffidautres navires; P.™ vers la fin dlI Xy«. ^ ^ « ces Navires avec attentinn ^ , aucnuon, cc en comparant les deux- Prekers au troifienie, on sappercoif aifément " la mamere de conftruire les navires eft coniidérablement changée & on voit par quelle gntdation on eft parvenu a Ia conftrucïion moderne de nos Vaiflèaux qui, a tout prendre, n'eft autre chofe qu'une perfèéhon de la conftruétion ancienne. Ce nÏÏ pas fans fondement que Marin Sanudo confeilIoit «n 1320. aux Princes Chrétiens, depréferer les navires Vemtiens pour enlever Ia Terre Sainte des mams des Infideles. S Les Vaiiïèaux Venmens, taut ceux q„'0n ar- GO Voyez la Planche a la page i3I Q4  a43 DZSCRIPÏION DES VAISSEAUX mok en guerre, que ceux qui fervoient pour le tranfport, étoient les meilleurs & les plus parfaits. Leur marine s'étoit accrue depuis 1'année 1261 a un tel point, qu'ils cn avoient toujours en aiïez grande quantité pour en louer ou pour en vendre a quiconque pouvoit en avoir befoin. La Repubhque donna même peu de tems après cette epoque des ordres pour faire conftruire des Arfenaux. Quelque fuccinte que foit la defcription que nous venons de donner des principalcs parties des plus grands VaifTeaux qu'on conftruifoit dans le XIII™ Siècle, de leur grandeur, proportions ótc. elle mérite notre attention. Nous ajouterons u un petit mot au fujet des noms techniques ou autres dont on fe fervoit dans les anciens tems. Les noms que jufqu'a préfent on a pu trouver dansles anciensDocumens,fereduiferent aces deuxci favoir Galandre, ou Zalandre,qm eft le plus •ancien, & celui de Coque qui 1'eft moins. Galandre eft un mot Grec, fuivant le rapport de 1'Annalifte Bongarfio; & fuivant fon témoignao-e, il confte que du tems du Doge Pierre TraLico, c'eft-h-dire en 838. on avoit commencé l conftruire quelques VaifTeaux dans les chanuers de Venife; ce qui prouve 1'Antiqmte de cet ait chez les Venitiens. L'Etymologie de Coque, quotque dérivant auffi du Grec n'eft pas fi obfeure, ce Li ayant beaucoup de rapport au mot Concave.  DU MOYEN AGE. Hf/ Pour expliquer le Mot Colomba. Foyez page 131. jyote 6lm LES VPmti,m dan(! h „onOrnamn de leurs Navires prennent ordinairement la troifieme partie de Ia longueur de Ia' Quille ou Colomba pour fervir de proportion a la Iargeur du Navire, ou Bocca; bien entendu que la Quille n'exeede pas les 9o F» (,> Si la dite Quille fe trouvo;t Joh. 100, iao 011,30 pieds, qui font les longueurs des pit, grands Vaiifeaux de Guerre, en ce eas on divifera la longueur de la Quille en quatre parnes, & une des dites parties fera Ia Iargeur du Navire. La moitié de la Iargeur du Navire fat communément, de proportion pour la profondeur du Navire, qUOn nomme pontale M Stiva. La feptieme partie de la Quille fat de proportion pour lelancement de Ia perche, of Stange, 0 ^ de Ia poupe , & de même la feptieme pariaproue! Q ^ 1 de * I«che «to Suivant le fentiment d'un Capitaine Venitien (b), W Voyez Ia figure ci derrière. GO M. George Caena??ii r-»,:..,- .  a50 DÈSCRIPTION DES VAISSEAUX &c. les élancemens font un peu exceffifs; cependant on expérimente que les VaifTeaux de guerre de conftruétion ancienne des Vénitiens font tous de parfaits voiliers, & que ceux de la nouvelle conftruétion ne font point a comparer en vitelle. Fin de la Première Partie DU ToME II.    RECHERCHES sur l e COMMERCE. Tome Second Seconde Pabt,» ""   RECHERCE ES SUR LE COMMERCE. o U Idéés rèlathes aux intéréts des différent Peuples de 1'Europe. Baveni™ Peccavimus, Sed mifereretprccor, fpeciofoque eripe damno. Ovid. Metam. Lib. XI. tome second. SECONDE PARTIE. A AMSTERDAM, Chez s. n. van vlissingue MDCCLXXXIK   TABLE DES CHAPITRES DU TOME SECOND, SECONDE PARTIE. CHAPITRE I. De la Circulation ...... pag x INTRODUCTION A ux fix Chapitres fuivants ... SQ CHAPITRE II. Abrêgé de VHijloire générale de l'Italie depuis la fin du Vm juf >m XVm\ Siècle 5* CHAPITRE III. Des Profejfions, foit particuliers foit pub liqu*s, en ufagc chez les Romains & les Itahens, rélativement a leur Commerce privé .... CHAPITRE IV. Des Prèteursh Ufurc} connus fous les noms de Lombards éjf de Caorfmi ... gp  vi TABLE DES CHAPITRES. CHAPITRE V. Abrêgé Hijlorique du Commerce que les Juifs ont fait, depuis plufieurs Sieeles enEurope 110 C II APITRE'VI. Du taux de l'UJure parmi les Anciens, & en particulier de celui en vogue parmi le; Ufuriers tant Juifs que Chrétiens, pendant les XII. XIII & Sieeles H9 CHAPITRE VIL De ï'Établiffèment des Lombards dans la Province de Hollande; -du tems que les Monts de pieté ont été érigés en Italië, Ö? fe font multipliès . . . .• • • 181 CHAPITRE VIII. Du Cours de Pintérêt, depuis la découverte de l'Amérique • 204 CHAPITRE. IX. Du Crédit, entre les Particuliers .* ■ . . 221 CHAPITRE X. Des Dettes Publiques . ... - - *4> prix Courant de diverfes ObligatiotiS, tel qu'il' avoit "cours a Amflerdam le 6 cïOctobre I783-' 2Ö3 Fin" de la Table du Tome Second,' Seconde ' Partie. RECHERCHES  RECHERCHES SUR L E COMMERCE, LIVRE S E C O N D SECONDE PARTIE. CHAPITRE I. De la Circulation. En Europe, & furtout depuis quelques années, on parle beaucoup de la Circulation. Cette matiere a trop de rapport a celle que j'ai traitée dans le volume précédent, & fur. tout dans la Première Partie de celui-ci, pour ne pas nous y arréter un inltant. Je fcai que plufieurs écnyairis ont déja traite cette matiere, un entr'autres fit, il y a quelques années un Ouvrage (i), pour prouver 1'utilité de la Circulation & du Crédit; deux chofes qu'on a fouvent confondues, mais qu'il CO Traité de la Circulation £f du Crédit, imprimi chez M, M, Rey. An. 1771. A  s, Oat. I. DE LA CIRCULATION. faut cependant bien diftinguer, car elies font trés différente»: Par Circulation on entend généralement le mouvement de l'argent qui paffe d'une main a 1'autre, & qui le fait rouler dans le public: d'oü il fait que plus ce mouvement eft répeté, plus la Circulation aura lieu. Le Crédit eft d'une toute autre nature, car il ne confifte point dans la circulation d'efpeces, mais uniquement dans la confiance qu'on a en celui a qui on prête de l'argent, ou auquel on livre des marchandifes a crédit, en limitant un terme plus ou moins long pour le rembourfement, ou pour le payemeut. Le crédit eft ordinairement une marqué de befoin ou de foibleffe. Et tel eft effectivement le cas de quiconque ne fe trouvant pas muni d'efpeces, fe trouve forcé d'en emprunter aintérêt, ou d'achetter a credit telle ou telle marchandife, qu'il s'oblige de payer a un certain terme, & qu'il achette par conféquent un peu plus cher, afin de pouvoir pendant 1'intervalle fe procurer Ie moyen de fatisfaire aux engagemens qu'il a contraciés. Nous parierons plus amplement la-deffus au Chap. IXme. J'examinerai dans celui-ci, fi la circulation & 1'effet qu'on dit qu'elle produit, eft en gé-  Chap. I. DE LA CIRCULATION. 3 ncral auffi avantageufe qu'on le prêche journellement. Je préviens que dans ce Chapitre le commerce & la Circulation fe trouvent fouvent confondus enfemble, paree que comme c'eft le commerce qui produit la circulation, ces deux chofes vont prefque toujours de pair. Cependant, a parler exactement, on doit dütinguer ces deux chofes: 1'une peut avoir lieu fans I'autre: car on peut faire un grand commerce, fans une circulation proportionnée (2}. L'Argent étant dévenule figne intermédiaire de la valeur des marchandifes en général, & de tout ce qui fait 1'objet du commerce, eft devenu en même - tems le falaire de 1'induftrie générale; d'oü il fuit, que toutes les opérations des échanges, des ventes, des achats & des payemens fe réduifent a cette conclufion finale: Je te donne telle fomme dargent, paree que tu mas donné ou livrê telle ou telle marchandife, ou paree que tu m'as rendu tel ou tel fervice &c. Dans toutes les Sociétés les hommes doivent nécelfairement coutribuer a fe procurer réci- (2) On negocie a Sm.rnc par troc ou par échange : par exemple on échange tant de Ballocs de draps, contre, tant deBaIes,foic defoye, foit de Cottons .en laine: & on folde fouvent Ie furplus de 50 mille Piaftres de valeur par 2 ou 3 mille en efpeces. A 2  4 Chap. I. DE LA CIRCULATION". proquement ce qui leur eft néceffaire, paree qu'ils ont réeïïement befoin les uns des autres. Les befoins de chaque individu varient felon leur etat & leurs facultés. Celui qui n'a que fes bras pour toute fortune, doit exercer un métier, une profeffion, ou mettre en aótion les talents de fon efprit; il doit par conféquent en raifon, foit de fon travail, foit de fes talents, recevoir un équivalent ou un falaire. Ce falaire doit être payé par celui qui 1'emploie, ou qui profite de fon induftrie; l'argent que celui-ci recoit, doit enfuite être employé a fe procurer le néceffaire, a payer les impóts, le loyer d'une maifon &c. Voila ce qui caufe effeétivement la circulation de l'argent dans le public (3). Cette chaine, a commencer du proCs) Elf/ii rur la Nature tlu Commerce par M. Cantillion Seconde Partie. Cet Auteur fuppofe que dans un Etat qui n'eft pas tout i fait cominercant, Ia, moitié des habitans demeure dans les Viues, & 1'autrc nioitié h la Campagne. Et que la balance de ce qui vieuc cominuelleracnt de la Campagne a la Ville, (paree que Ie plus grand nombre des propriétaires des terres demeurent dans les Villes ,) eft égale ii la moitié du produit des Terres, & que cette balance fe paye dans la ville par Ia moitié des denrées qu'011 y tranfporte, & dont le prix eft employé a payer cc revenu. Je parlerai encore la-deiTus dans Ia 3111e. Partie. Je penfe que dans la Province dc Hollande le nombre de ceux qui habitent dans les villes monte ii plus de la moitié du nombre de ceux qui font dans la Campagne , & je crois qu'on peut établir la proportion comm.' de * a x.  Chap. I. DE LA CIRCULATION 5 priétaire des Terres (4) jufqu'au plus pauvre artifan, fe trouve fi liée enfemble, qu'elle forme un cercle dont on ne trouve ni com mencement ni fin. Et c'eft peut-être de Ik qu'on a donné a ce palfage continuel des efpeces d'une main a 1'autre, le nom de C1 r c ux a t r o n. Pour que l'argent roule, il faut donc qu'il y ait des équivalens dont il devient le prix; refte enfuite a examiner fi les opérations qui réfultent de ce mouvement, contribuent a procurer un avantage réel pour 1'homme, ou pour les fociétés, Voila ce me femble une queftion des plus importantes. Le préjugé général 1'a déja depuis long-tems décidée, car plufieurs Leéteurs feront aiTurément étonnés de voir qu'on rcvoque en doute li la circulation de l'argent eft utile ou non a 1'Etat ou au public. On les prie cependant d'écquter les raifons qu'on a a alleguer contre 1'opinion généralement recue. Afin de traiter cette matiere fur des principes folides, commencons par examiner les idéés de ceux qui vantent tant les effets falu, taires de la circulation. CO Rem. p. iöi. & fulvantes. Smith Recherches fur la naton s? les CauftS d: la Richefe des Nations.  6 Chap. I. DE LA CIRCULATION, Convenons d'abord que c'cft un bien pour la Société que les précieux métaux dont notre monnoie eft compofée ayent une eftimation précife & réglée, pour qu'ils puiiTent repréfenter avec jufteffe les chofes qui font 1'objet du commerce. Je conviens encore que pour fubvenir aux befoins de la vie , & fur le pied oü les chofes fe trouvent a&uellement établies , il eft néceffaire qu'il y ait dans chaque Société une certaine quantité de ces métaux convertis en monnoye, qui foient perpétuellelnent en mouvement (5). Mais a quoi fert - il que dans un tems ordinaire le roulement des efpeces y foit trois ou quatre fois plus grand ? de quel avantage folidepeuvent être ces fortes de multiplications? Je tacherai de me faire comprendre par les queftions que je vais propofer, & par les exemples que je citerai. (5) Voyez plus bas. L'Auteur de 1'Effai cité ci-dcffus, fuppofe «ju* le revenu de celui , qui loue en Angleterre une Ferme fe partage en trois parties, le • pour le propriétaire, • pour 1'entretien de la familie du locatoire & pour les fraix journalliers pour payer ..fes domeftiques, & entretenir fes terres , foit en paturages ou autrement, & un tiers qui lui refte pour profit. Dans ie Milanéz, dit.il, la -moitié feroit payée au propriétaire: je penfe que toutes ces fuppofitions pourroient être fondées en réaÜfe, fi les droits & les Impöts qu'il faut payer a 1'Etat ou a Ia République ne formoient pas de nos jours un objet trés conlidérable. J'en parlerai plus amplement su Chapitre qui traitera de la 2alance du Commerce.  Chap. I. DE LA CIRCULATION. 7 ja Je demande d'abord, fi abfokiment parlant, une Société ne pourroit pas fubfifter fans xnonnoie, & fans ce roulement d'efpeces? On fait que lorfque Cortes en 1519 envaJhk 1'Empire des Mexkains, il y trouva une Société affez civilifée, mais fans aucun ufage Chap. I. DE LA CIRCULATION. Romaine figurer avec gloire pendant le cours de cing fiecles avec fon cuivre brut,& enfuite Voila. donc au jufte le titre que les Chinpis nomment chez eux argent fin. J'ai enco-e pris fur cette partie des informations d'un Ctiinoi?, domeftique d'un de nos Employés. Voici ce i[ue Jen ai appris. Que dans 1'Empire il y avoit des Maifons oü on fondoit le cuivre pour fervir de monnoie. On les nomme Chinkuk. Que dans la Languc Cbinoife les Chuntchi, Kanghi, Tong, Ching, & Kinlong, étoient les noms des enfeignes des Boutiqucs de ceux qui fe méloient d'éclianger les efpeces, & d'y fondre les itfétaux. Que ces Botrtiques étoient permanentes. ' Que lorfque lés Piaftres tfEfpagne y étoient rares, on les écliangeoit pour an-dcla de 700 pieces, ou deniers de cuivre, & lorsqu'elles y abondoient, pour 660 pieces. II m'2pprit encore que dans un Fauxbourg de Canton il y avoit une rue, oü il ne demeuroit que des perfonnes dont Ie travail con"fiftoit \ fondre l'argent & a 1'affiner au titre de fin. On nomme ce fin Tfey. Tp. Les payemens qui fe 'font pour 1'Empire doivent ■être portés, lorfqu'ils fe font en'argent, aü titre de fin, ou T/eyTfi, qui eft 11'den. 19 grains. La feule monnoie dargent qui ait cours dans 1'Empire étoit en 17-9. la vieille piaftre : celle ci valoit deux pour cent plus que les nouvelles , & quelquefois d'avantage , felon qu'elles y étoient plus 'öu moins rares. Chaque marchand ou fondeur mettoit fa marqué fur ce qu'il fondoit. ''Les changeurs Cpunghan ou hang ghan) font ceux qui ne font que ce feul trafic. Un effayeur d'argent exaroine jourhellement les efpeces étrangeres , & a une demie piaftre pour falaire fur mille piaftres, ou 720 Thails Cpoids). Et lorfqu'il eft employé a ce travail pendant toute une joürnée, on lui donne 4 a 5 piaftres. Mais il doit répondre de tout ce qu'il a examiné, & dédommager de la perte, fuppofé qu'on y trouve erreur on du faux. La profeffion de ceux qui travafllent en araent & en or n'y font point diftinguées. II y a une loi qui fixe l'intérêt de 1'argent (a ce  Chap. L DE LA CIRCULATION. ir avec la monnoye de cuivre. II eft vrai que les Romains pendant ce période n'ont point qu'il m'a dit) a raifon de 12 a 15 pour cent 1'année. Les biens dus Terres y produifent un revenu de 10 pour cent. Le Lang ou lering eft le Thail, 1fien,maas ,concleryn,yan ,fuen, casjes, &c. font des 'noniS de poids. Ua Thail qui pefe 784 de nos as, conticnt. ro Maas. , Un Maas contient 80pillen,ou deniers de cuivre fouvent quand les deniers font nouvaux, :'I y en a feulement 76 au .Vaas , cela varie de 76 ii 80. P". & les moimlr,.-, dans la proportion décidée par le poids. Un Cundryn 3 Pitten. Un Casje. 4 Et il y a encore d'autres fubdivifions; ainfi ce peuple tient encöré 'fes comptes effeclifs 'felon le,poids, cn un, dixaine, centaine, mille, >&c, . , < „ij p :tKguA^O sL ) Aatrai Et c'cfl: h mon avis 1'Empire qui connoit Ie mieux fon intérêt par rapport a Ia monnoye, car il n'a qu'une mefure'fixe", c'eft-a. dire, fes comptes fe tienncnt felon un poids uéglé &, qui ne varie Ce Chinois ne put me dire précifément fi dans toute la Chine chaque particulier avoit le droit de fondre la momiotc de cuivre. II m'affiira que cela avoit cependant lieu ii Canton & i Ptkln probablempnt darts les grande's villes des auti es Provinces. Je dois encore rapporter a cette occafion un fait curleux, & qui mérite qu'on en coii'fervê Ia mémóire. Ci-devant 1'or venoit cn petite parti; de la Chine en Europe, & 011 y avoit un profit de 30 a 40 par cent. J'en ai trouvé des dattes 1 Pan 1730 & plus tard dans les Livres de notre.Compagnie me. me, ce qui établiffoit en 'Chine la proportion entre Por & l'argent comme de ij 10 & de i a 11 & deini. En 1778 & '1779 «os Employés pour ïe commerce ont demandé de 1'or fur le pied que ce métal y avoit cours, & fe vendoit alors avec un profit pour les Européens de 15 a 20 pour cent. La proportion y étoit alors entre 1'or & l'argent comme I i 19. —!— On en donne pour raifon que les grands de 1'Empire achettoieht avec'eïnpreffement cc prétiewt  12 Chap. I. DE LA CIRCULATION. fait 'de commerce avec 1'Etranger. Cela ne .doit point étonner, car par leur pofition locale ils fe fuffifoient a eux - mêmes , ils étoient •en: outre- vertueux & contents. Tant que le cuivre corfime monnoye fut en ufage chez les Romains, leurs défirs furent dans la proportion de la valeur intrinféque de ce métal, &. par conféquent plus börnés. . Ils vivoicnt avec moins de luxe, & d'une maniere plus fimple & même plus conforme aux „befoins de la nature, que lórfqu'ils eurent des monceaux d'or & d'argent du tems de Ca- LIGULA, de ClAÜDE, & deNÉRON. Ils s'embaraffoiuit fort peu dans ces premiers .tems;, fi un écu, ou un feflerce, paffoit dans une journée par les mains de cinquante perfonnes (12). yj , JDès que les Romains eurent vaincu Pykhüs, détrUiÉ Cdrthage & affujetti ÏEpire, ils trans" porterent chez eux les immenfes tréfors de YAf■"frique & de la Grece; alors le luxe, 1'ambition, métal, ce qui felon mol annoncoic que dans ce vafte Empire il' y avoit quelque révolution i craindre , qu qu'il y regrioit fourdéiriènt quelque mécóntentoment. Une Perfonne venue depuis pt'u de la Chine 'm'a afiuré que 1'Empereur étoit trés agé , & que fon troifieme fils devoit lui fuccéder: car c'eft de la yolollté de i'Emptreur que dé. pend la nominaüon de fon Succeffeur. (12) Traité de la Circulation ,&c. p.33« &c.  Chap. I. DE LA CIRCULATION. 13 la foif de 1'or & de l'argent, en un mot toutes les paffions que ces m?taux font naïtre & nourriffent, tout cela vint comme un torrent inonder d'abori la Capitale, & enfuite toutes les parties de 1'Empire. Ce fut auffi aiors que Rome, qui avoit été la maitreffe des Nations, devint infenfiblement a fon tour leur efclave. Dés qu'une fois cette foif de 1'or eut fubjugué Ie coeur des Romains, les vices que 1'or & l'argent produifent, & produjront toujours, acheverent de les détruire. Rome étant le centre & la Capitale de 1'Empire, devint lefejour des anciens Gouverneurs des Provinces, qui y venoient fouvent, foit pour cabaler, foit pour y füre oftentation des biens ^ immenfes qu'ils avoient acquis par leurs rapines ' & par leurs concuffions. Elle devint fous les Empereurs, nonpas tant par le moyen d'un commerce mercantil que par le commerce de politique & de fa6lions comme le receptacle des coutumes étangeres;' la moleffe, compagne de la richeffe, avoit commencé a corrompre Ie corps politique le tems devoit-achever de le détruire: Ja perte' de' la liberté ce don fi prétieux, dcvint aIorg un lacnlice abfolument néceifaire. 20. Dés qu'une fois 1'or & l'argent font in-  i4 Chap. I. DE LA CIRCULATION. troduks comme monnoye dans les Sociétës, les efpeces y deviennent d'une nécefiité abfolue. On voit même affez fouvent que les riches profkent ordinakement des befoins & des circonflances oü fe trouvent, foit 1'Etat foit les particuliers, par 1'emploi qu'ils font alors de leur argent. Ce qui caufe fouvent au milieu de 1'abondance, une grande rareté d'Efpeces. C'eft ce qu'on pourra remarquer par ce qui fuit. Ce fut au milieu des tréfors immenfes fous les premiers Empereurs Romains que la rareté des efpeces fe fit le plus fentir. On avoit fait dans la Capitale de cet Empire plufieurs loix contre le pret a ufure. L'avidité des Riches feut prefque toujours les éluder; il falloit fouvent les renouveller. Cesar. étant Diclateur avoit fait une nouvelle loi pour Rome & pour toute 1'Italië. Tant que ce prêt a ufure refta dans de juftes bornes, on le laiffoit aller fon train. Mais aufïköt que les dettes, par les excès des ufuriers, devenoient trop a charge, on voyoit alors plufieurs débiteurs élever leurs voix par forme d'accufations. Ce fut donc a la i9me ou 2ome année du regne de Tibere quelePréteur Gracchus, fur lesremontrances qui lui avoit été faites, effrayé du grand nombre des coupables, implora i'Auto-  Chap. t DE LA CIRCULATION. iS riré du Séhat. Les Peres confcripts, dont plufieurs ëtdiënt du nombre, tremblant pour euxmêmes, demanier^nt graee a 1'Empereur, qui donna dix-huit mois de furchéance, afin que chacun prit des arrangemens conformément aux difpofitions de la loi. Alors l'empreffement général des civanciers a retirer leurs fonds rendit l'argent extrêmement rare. On avoit ordonné d'accepter en payement des fonds de terre en Italië pour les deux tiers des dettes: mais ceux-ci voulant de l'argent comptant pour tout ce qui leur étoit dü, les débiteurs ayant été affignés en juftice, ne purent refufer ce payement fans fe perdre d'honneur, & fans perdre en même-tems tout leur crédit (13). Le mal s'étant donc accru a un dé n°S ér'" * !'a'1 P- i* Ces *ooo SLm fto.e« évalués a plus de vingt millions de florins, dans leS c  34 Chap. I. DE LA CIRCULATION. II eft même trés vraifemblable que fans ces emplacemens, qui depuis trente ans font toujours allés en augmentant, notre Compagnie des Indes Orientales, & nos Colonies dans VA?nérique, feroient dans un état plus floriffant. La claffe des citoyens rentiers eft devenue trop nombreufe: ce font des gens qui pour la plupart menent une vie oifive , inutile a 1'Etat, & en quelque fajon nuifible; car fi ces rentiers confument quelques denrées, font fubfifter un nombreux domeftique &c. ils ne contribuent a payer d'autres impöts que ceux des denrées (28): & ces impöts ne font pas plus hauts pour celui qui a 50 mille florins de rente, que pour un artifan qui ne gagne que trois ou quatre cents florins par an, & qui doit fubfifter,lui, femme & enfans avec une fomme fi modique. Deouis cinquante ans qu'on eft fi riche chez nous, combien d'Etabliffements pieux parmi les particuliers Réformés a-t'on érigés ou fondés (29)? pour le moins trente deux mille perfonnes fe trouvoient inté- reffées. (28) Les terres & les maifons fupportent chacune leur propre charge , & celui qui 1'occupe de même; car on fcait que les plns fortes charges ou impöts font fur les denrées de première néceiïité. (,29) L'an 1754. a été fondé het Fontain - thfje, par Madame  Chap. I. DE LA CIRCULATION. 35 On vit dans le fiecle dernier beaucoup plus de ces exemples bienfaifants. Encore une fois, ces belles rentes Angloifcs & Franjoifes font réeïïement un obftacle a faire quelque bien pour la Société. Car en général, la nation eft dans le fonds bicnfaifante. Ce n'eft que par ces emplacemens, dont le nombre augmenté tous les jours, que nous devenons, pour ainfi dire, toujours plus avides de faire fruétifier notre argent, ce qui augmenté non feulement le taux de l'intérêt, mais nous rend en outre ou avares ou prodigues, Nos Economiftes, gens pleins de zele pour la patrie, prechent continuellement: rétablisfés les manufaétures; ne portons que des draps & des étoffes fabriquées chez nous; mais ils devroient confidérer,que le prix delamain-d'ceuvre eft maintenant trop haut chez nous: il n'eft plus tems de penfer a établir des manufaétures dans nos villes, nous fommes trop Calkoen, Veuve de M. de la Fontaine, Eclievin & Confeiller de Ia Ville. L'an 1733. Le Branilfen Hofdje, Lutheïien. 1738. 't Zwaardvegers Hojje, Luthérien. 1724. Het Grills Hofje, Luthérien. 1741. Het Rofen Hofje, pour les Collégiens. 1755. Het nieuwe Suiker Hofje, pour les Catholiques. Et encore depuis peu d'anuées (cn 1774) un trés Joli Batiment & nouvelle fondation des Catholiques, faite en partie des biens de M. Ocko, qui fe trouve fur Ie Joden Kcizengragt. C 2  3 6 Chap. I. DE LA CIRCULAT.ON. riches pour cela. Voyés combien en général le prix des, denrées &c. eft augmenté depuis un fiecle, & furtout depuis 50 ans, ou depuis Paccumulation de nos richelfes & 1'augmehtation des impöts. Voulés-vous donc faire revivre vos manufaétures fur un pied folide? la chofe eft poffible; mais le moyen n'en eft pas aifé, & fera peu gouté. Devenés plus pauvre. — — Jettés une partie de votre argent dans notre Banque, & contribués par ce moym a diminuer la dette de 1'Etat & les impöts. Et vous verrés que la main - d'ceuvre fe mettra de niveau avec celle qui a lieu chez vos voifins, c'eft-a-dire, avec les habitans de Burchet, d'Aix la Chap elle &c. Dans 1'état oü les chofes fe trouvent dans notre République, je n'approuverois pas une loi, qui prohiberoit de porter aucun drap ou ctoffe étrangere; une pareille loi pourroit être utile & même néceffaire ailleurs; mais notre Hollande eft une exceptiona la regie commune, car elle ne profpere que par le commerce que 1'étranger lui procure. L'étranger y trouve fon profit, & nous auffi. Car fi nous ne voulions rien prendre de l'étranger en retour des marchandifes que nous lui apportons, ou du fervice que nous lui rendons, il cefferoit bientöt de faire quelque commerce avec nous, ou  Chap. I. DE LA CIRCULATION. 5? ne nous employeroit plus. Voulés-vous vous pafïlr de fes manufaclures, commencés par faire des éi;oiTes,des draps &c. a meilleur marché.que lui, & je vous réponds qu'alors, bien loin de vouloir vous forcer k prendre les fiennes , il aimera mieux achetter les vötres. II eft tems de reprendre le fil de notre fujet. II y a des Auteurs qui penfent que le numéraire, ou les efpeces qui fe trouvent en circulation dans les Sociétés, font en raifon de la dixieme partie du total de nos richeffes (30). II fe peut qu'en général cela fut autrefoisainfi en Angleterre & chez nous; mais je penfe que. dans les circonflances aótuelles, par 1'énonne fomme a laquelle fe mon tent les dettes publiques chez prefque toutes les Puiffances de 1'Europe, & dans lefquelles ma nation fe trouve intéresfée, il n'en eft pas ainfi. Auffi y auroit-il encore bien des réflexions k faire fur cette matiere. II ^faudroit 10. eftimer k combien fe monte l'argent qui circule journellement pour payer les vivres, les habillemens, les meubles, les ioyers, les ouvriers, &c. (30) Efaifur ia nature du Commerce, p. 175. &c. Cette idéé doit fon origine a G. Petty, en 1685. Smith fait mendon Tom. II. p. 289. qu'il y a des Auteurs qui évalucut Ja circulation en Efpeces au I. |_. J, & |g: termes trop généraux. C 3  38 Chap. I. DE LA CIRCULATION. 2°. A quel capital doit-on évaluer ce qui fe trouve chez chaque particulier en réferve, foit dans fa bourfe, foit dans fa caiffe? 30. A combien peut-on évaluer les fommes que plufieurs gens avares & craintifs enterrent & referrent, toujours en efpeces monnoyées, pendant des intervalles de tems affez confidérables? 40. Item. Dans les caiffes des Souverains ou des Républiques? 50. Item. Dans les Banques publiqucs, & chez les Caifliers & Banquiers dans les villes commercantes? 60. Item. Le bien des mineurs & des plaideurs eft fouvent dépofé en argent comptant, & retenu hors de la circulation (31). 70. Item. Les gros payements qui paffent par les mains des Collecteurs deftinésarecevoir les droits de douane , & autres impots , & dont l'argent eft tenu pendant un certain tems hors de la circulation. 8°. Item. A combien fe montent les billets qui circulent, par exemple kLondres, comme monnoie ou efpeces? Quand au premier article, je penfe que pour une grande partie le roulement des efpeces dans <3j) V. Effai &c. p. 196.  Chap. I. DE LA CIRCULATION". 3p une Société trés réglée, peut s'évaluer a un objet trés petit, relativement a fon étendue & a fa population. Par exemple, fi 0n fuppofe que la population a Amflerdam fe monte de 230 a 240,000 ames, & que ce nombre fe trouve reparti;en plufieurs families, chacune compofée de cinq a fix perfonnes, cela nous donnera au dela de quarante mille families. Je penfe qu'en évaluant la dépenfe journaliere de chaque perfonne, tantrichequepauvre j'entens celle qui fe paye, de lamainalamain,a unflorin par tête, on trouvera que cette circulation journaliere, y compris même le loyer des maifons, fe monte a 240 mille florins. Suppofés même. que cela fe monte au doublé, cela ne feroit pas un objet de 500 mille florins, ou de 19000 mares péfant en argent fin, en évaluant Ie mare a 26 florins. Cela fuffiroit donc pour la dépenfe journaliere, Orremarqués, qu'on compte a Amflerdam pour le moins 26000 maifons. Evaluons cet objet feul a huit mille florins par chaque maifon.. Cela fairoit deux cent & huit millions de florins. A combien ne fe monteront donc pas les autres richesfes? Mais a combien évaluera - t'on les autres articles? Et qui pourroit même évaluer ce qu'il faut pour tenir le commerce en mouC4  4o Chap. I. DE LA CIRCULATION. vement dans ce pays , rélativement aux finances de 1'Etat & des nations étrangeres? II n'eft pas facile de faire une pareille évaluation , paree que chez nous on foutient quelquefois le Crédit, non feulement de quelques Souverains, mais même des Négociants qui demëurent a Stockholm, k Coppenhague, a St. Petersbourg, & m3me a Conftantinople& k Smirne (32). Cette chaine, ainfi que je 1'ai déja dit, eft li étendue, qu'on ne peut pas 1'apprécier au jufte, furtout par rapport a nous. Ainfi paffons a quelques remarques générales avant de terminer ce Chapitre. En lifant avec un peu d'attention 1'hiftoire du moyen age, on obfervera, que les Barbares qui ont bouleverfé 1'Empire Romain, malgré la ferocité de leurs moeurs, ont vraifemblablement plus contribué que nous a foutenir la population en Europe. Que depuis 1'abolition du Siftême féodal, les bourgs & les villes fe font trop peuplées. (32) Lorfque le Négotiant de Smirne fait des cnvois de Marchandifes ii Amflerdam, ou ^ Rotterdam & tire des iettres de change fur la valeur pour | ou S du couft, alors, z parler proprement, il pouffe fon Commerce avec l'argent des Hollandois. Ce qui iuflue même fur les prix d'achats fur les lieux oü ces marchandifei font crues ou fabriquées.  Chap. I. DE LA CIRCULATION. 4r Et que pour foutenir cette manie, il a falu ndcelfairement animer 1'induftrie, & ncgliger plus ou moins la culture des terres & les paturages. Enfuite par les découvertes qu'on a fakes, par la Navigation & 1'extenfion qu'on a donné par la au commerce, il a fallu encore agrandir, & on aggrandit encore journellement quelques villes, & dépeupler par conféquent plus ou moins quelques campagnes en E u R o p e (3 3). Enforte que pour confirmer ce que je dis, je puis trés bien repeter ce que M. Smith a dit dans fes Recherches fur la nature & les caufes de Ia richeffe des Nations. T. 1. p. 5. „ La politique de I''Europe a été plus avan„ tageufe aux arts, aux manufaétures, au „ commerce, qui font 1'induftrie des villes, qu'a „ 1'agriculture, qui eft 1'induftrie de Ia cam„ pagne. D'après ce principe,on peutaufïiprononcer, que la caufe phyfique (34) de Ia difference de la population en Angleterre depuis la conquête, qui y a été comme de 1 a 3, & Ia progrefiion fur 1'induftrie comme de 1 a 5,& mê- f33) II eft certain que les Provinces AJ„les & VAngleterre recoivent continuellement un grand nombre d'habitans qui viennent du dehors, ce qui foutient & augmenté quelquefois la Population. II en venoit autrefois beaucoup de V Allanagne. (30 v- mM Recherches, &c. T. II. Première Partie. p. 97. C 5  42 Chap. I. DE LA CIRCULATION'. me plus, ainfi que 1'a dit M. Hume, doit avoir probablement eu pour caufe ce que j'ai déja, dit, & que je confirmerai par ce qui va fuivre inceflament quelques lignes plus bas. Si au moins dans ces derniers fiecles on avoit confervê par tout la même dénomination des efpeces, fi on n'avoit pas alteré leurs .titres, leurs poids, leurs figures, & même leurs noms, on verroit d'un fimple coup d'ceil, qu'il y a aujourd'hui une différence énorme dans le renchériffement des articles. Que ce renchériflement doit naturellement avoir eu fes caufes, & qu'elles doivent fe trouver dans la maniere dont les hommes vivent entr'eux ; & qu'en derniere analyfe, le bien oü le mal doit fe trouver dans le mouvement de la maffe totale de la Société (35)- J'ajoute encore, que fi nous éprouvonsdans prefque tous les Etats de 1'Europe , & furtout (35) Car je le repete encore une fois, fi les efpeces d'or, d'argent ou de cuivre, avoient confervé depuis leur inftitution lts meines noms, titres & poids, alors la mefure dont les hommes Tont convenus, auroit été non feulement permanente, mais pour toujours reconnoiffable: & la diittrence auroit pu Ctre journellement obfervée par les achetteurs & les vendcurs : deforte qu'il auroit été facile d'en découvrirla caufe, & d'oü eft provenu le bien ou le mal furvenu dans les Sociétés; ce que les révolutions dans Jes prix des chofes, leur haufic ou leur baiffe, peuvent faire connoitxe.  Chap. I. DE LA CIRCULATION. 43 dans les villes, & plus encore dans celles d'une grande population, un renchériffément énorme fur le prix des vivres, c'eft que les Sociétés en général fe trouvent outre cela trop dérangées par 1'étendue d'un luxe énorme, qui effc devenu général, & par conféquent, par 1'étendue d'un commerce, qui autrefois laiffé k lui •menie, fe foutenoit & alloitenaugmentant, mais qui aujourd'hui a befoin d'être protégé par 1'Etat, & foutenu par une force majeure. Les richeffes factices, celles qui ne proviennent point de 1'agriculture &c. corrompent non feulement les hommes, mais les dépenfes énormes que 1'Etat doit faire, & les charges qu'il doit impofer pour foutenir une trop grande extenfion de commerce, demandent trop d'argent & trop d'hommes; voila ce qui ruine les grands Royaumes,& qui eft nuifible alapopulation, & a 1'agriculture générale de 1'Europe. Car nos befoins fe font aujourd'hui tellement multipliés (36), que pour les fatisfaire,le cru de notre Europe n'y fuffit pas; nous fommes obligés de mettre toutes les quatre parties du globe k contribution. Et ce qui doit pa- (36) M. Smith dit dans fa Préface; les progrès de la Société n'ont fait que multiplier nos befoins. La néceffité pour les fatisfaire eft devenue un joug péfant. Eil-ce pour 1'aliéger om pour 1'aggraver qu'on a imaginé &c. ï  44. Chap. I. DE LA CIRCULATION. roïtré incroyable, YAfie même doit nous fournir du monde pour foutenir la marine marclïande de 1'Europe (37), & YAffrique pour aikiyer les terres de nos Colonies dans YAmérique. Les vraies richeffes d'un Etat ne confiftent donc pas dans les grandes poffeffions, ni même dans la livraifon de beaucoup de marchandifes, mi dans une certainé quantité d'or & d'argent , & encore moins dans un tas de papiers de Crédit, qui foritfeulement un effet du luxe, eomme les diamans ou pierres prétieufes en font i'ornement, mais dans la Population (38). Augmentés-la par toute forte de moyens, rendés la conltitution phyfique & morale de 1'homme la meilleure qu'il foit poffible, donnés-lui pour cela 1'activité propre, pour fe procurer fa fubfiftance, & vous travaillerés utilement pour la confervation de 1'Etat. Voila la véritable Circulation, & la vraie richeffe de tout Empire, Royaume ou République. C'eft ce qu'un premier Miniftre, ou un hom- (37) Les habitans de Surntte, & autres peuples Afiatiques, que la Compagnie a pris a fon fervice, & prend encore, font des preuves de ce que je dis. (3S) Je ne i'uis pas le feul qui penfe airji, il y a plufieurs celebres Auteurs qui penfent de même. Voyez entr'aut:es ie Livre itllt Monete, p. I53r &c-  Chap. I DE LA CIRCULATION. 45 me d'Etat doit toujours avoir en vue. Chaque individu contribuera alors par un travail honnette & journalier au bien de fon fembJable & tous meneront une vie douce, agréabie & tranquille, conforme aux ufages & aux mceurs de chaque pays. C'eft Ie vraibutoü tous doivent tendre; (39) & fi Ie local de chaque Etat differe de celui d'un autre, fi ]es moyens pour y rendre les hommes vraiment heureux ne font pas partout les mêmes, un chacun fera content & heureux dans les pays qu'il habite ,&fous quelque Gouvernement qu'il vive, & aueune nation ne fera jaloufe de I'autre, ni ne cherchera a lui nuire. Pour que tont aille bien, fi faut donc que chaque individu foit en étatd'agir dans quelque pays que ce foit, y foit en aftivité, & qu>ij y ait un équilibre parfait entre le befoin & Je numéraire; c'eft par ce moyen feul qlIe tous les individus peuvent réciproquement contribuer au bien commun; car tout eft enchainé dans le cours des affaires humaines. C39) V. Entretiens de Phocion, Edit. ,764. p. 157. & p(ufi autres, & les Remarques a la pag. 247. Mffai fur la nature ia Cc-mmerce, &c. Maei.y droit public de PEurope. Edit. 1777. t. Hl. p 2I Ces trois Ouvrages contiennent des élemens de politique & dP commerce, qui mentent d'être lus par ceux qui s'occupent de r-, ■ objets.  4<5 Chap. L DE LA CIRCULATION. Le corps de 1'homme n'eft pas moins détruit par la lenteur du mouvement du fang , que par fa trop grande rapidité, c'eft par cette comparaifon qu'on comprendra mieux ce qu'on doit entendre par le mot de Circulation. La Circulation, pour qu'elle ne caufe pas du préjudice, doit donc avoir fes bornes. Et il eft prouvé par la, que le plus fouvent nous embrouillons nos idees, en prènahtiës images pour la chofe même, & que nous confondons 1'inftrument de 1'ouvrier avec fon ouvrage. Je le repete, les métaux qui fervent comme monnoie font une marchandife de luxe , & non pas de néceffité. La monnoie n'eft pas la richesfe , mais fon image, & fa jufte mefure. Et fi quelquefois les richeffes paroiffentfe multiplier, a mefure que les efpeces abondent, 1'expérience nous prouve combien ces apparences font trompeufes, & nous fait voir, que la vraie force d'un Etat ne confifte pas toujours dans le roulement d'un grand nombre d'efpeces, & que ce n'eft pas par la qu'on en peut démoncrer la profpérité (40). Que le vulgaire nomme les efpeces le nerf de la guerre, la baze d'une grande Puilfance, le lang du corps politique, le principal foutien de - (40) DtUa Mor.tia. p. i4?«  Chap. I. DE LA CIRCULATION. 47 Ia vie& de la félicité publique, cela eft pardonnable: c'eft 1'effet de fon ignorance, il confond 1'image avec la chofe; ces grands mots repaillent fon imagination fans éclairer fon efprit, &fans remplir fa bourfe;mais que ceux qui fe trouvent en pofte foient imbus de ces erreurs, voila ce qui doit étonner. Les efpeces accumulées fauverent-elles Sardanapale, Orésits,DajR,iusouPersée? Ea guerre fe fait par le moyen des hommes avec lefer&le canon, & non pas avec 1'or,' li ce n eft par le moyen des traitres. Si on remonte deux mille ans plus haut, on ne trouve pas dans 1'hiftoire ancienne, que des nations riches aient détruit une nation pauvre Mais les exemples du contraire font en grand nombre. Les richeifes des Eabyloniens furent envahies par les Medes, nation alors trés pauvre; & Ceux-ci par les Perfes, lorfque ces dermers étoient encore Barbares. Les Perfes Jleur tour.aforce des'enrichir,perdirentleur bravoure & leur vertu. De même les Thraces & les Grecs. Ceux-ci, quoique pauvres,refifterent pourtant aux armes de Darius & de X e r x e s. Et les Grecs de YJfie mineure furent vamcus par for, & par leurs troubles intefhns. Sparte fut corrompue par ce précieux métal.  48 Chap. ï. DE LA CIRCULATION. & Athenes achettée & vendue au plus offrant. Ce fut alors que Thebes & la ligue Achéenne commencerent a avoir le deflus. La valeur de leurs foldats,& leur vertu,firent plus que tous les tréfors, & que tous les arts d'Athenes. Peu de tems après, la pauvre Macêdoine défit Tanden & vafte Empire des Perfes. Le fer triompha de 1'or, & Alexandre avec fes boucliers de fer, vainquit 1'armée de Darius, qui en avoit d'argent maffif, & poufla fes conquêtes jufques dans YInde même. A mefure qu'on trouvoit de l'or,on alloit en avant.Mais dès qu'ALEX atmdre fut mort, les richeffes opérerent dans fon armée ce qu'elles opéreront vraifemblablemcnt toujours, elles relacherent la difcipline militaire des Macédoniens. Rome pauvre foumit la riche Carthage, avec bien d'autres Empires, Royaumes & Etats qui avoient été entre les mains des fucceffeurs d'ALe xandre. Une fois parvenue a une extenfion trop illimitée, elle s'affoiblit, & les richefles furent le nee plus ultra de leur grandeur (41). Au contraire , les peuples Septentrionaux, fans or & fans arts, s'exercoient journellement dans 1'art de faire la guerre, & c'eft avec ce feul thréfbr qu'ils vinrent enfin k bout de détruire ce vafte Empire. Nous (41) Oella Muncta. p. 147. & fuiv.  Chap. ï. DE LA CIRCULATION". 49 Nous obfervons Ia même chofe dans des fiecles plus voifins du notre. Les Tartares ont plus d'une fois envahi la Chine, YInde, la Perfe, & détruit la puiffance des Sarrafins. Les Suiffes font encore le peuple le plus pauvre de F Europe, mais en même-tems le plus vaillant. Depuis peu d'années ils ont établi des manufaéhires, qui occupent utilement les habitans, & dont les particuliers & 1'Etat tirent des profits folrdes. Les Efpagnols jouirent d'une réputation de valeur jufqu'a 1'époque de la découverte de YAmérique. L'argent, cefoi-difant nerf desEmpires, ne leur fervit de rien vis-k-vis de leurs Ennemis. L'eftomac ne digere pas 1'or & 1'argent. Les troupes Allemandes ont-elles vaincu les ci-devant Colons Anglois dans le Nord de YAmérique? Enfin il n'y a que 1'Affrique, oü les Européens chrétiens vont encore achetter des hommes, qui n'en ont même quelafigure, & qui ne font bons qua êtreEfcluves. D  5P INTRODUCTION Aux fix Ghapitres- juivants. Poür traiter d'une maniere folide de 1'origi-, ne de nos Lombards., de 1'afure ou de l'intérêt ancien & aétuel de l'argent, & du crédit entre les particuliers, rélativement au commerce, il faudroit remonter aux Sieeles du moyen age; préfentcr' non feulement un tableau.de fétat oü fe trouvoit dans ce tems - la le commerce en Italië. & en France, mais encore faire la defcription des moeurs & des coutumes d^s hommes dans .ces fiecles reculés, pour fe former une idéé du taux exceffif de 1'ufure qui étoit pour lors-en vogué, & afin de montrer par-la les raifons quidonnerent lieu a ces établisfements des Lombards, pendant les XII & XIIIne. fiecles, dans les principauxendroitsde VEurope. Car comme il ne fuffit pas de fcavoir la datte d'un événement pour être au fait de 1'hiftoire, ie Leóleur feroit de même peu fatisfait, fi on fe contentoit de lui apprendre que 1'origine des Lombards &c. ne remonte pas au-dela du XIIme. fiecle. On voit fouvent 1'éreétion d'un établiffèment utile, mais prefque perfonne ne s'avifïd'en chercher la caufe. L'étabUs-  INTRODUCTION. 5I fement des Lombards doit fon origine a une fuite de maux compliqués, qui je rendit utile & néceffaire dans le tems: è'ék I'hiftoire de ces maux, & des révolutions qu'ils cauférent, qu'il faudroit ébaucher pour s'en former une idéé jufte. Mais la nature de cet Ouvrage ne permet pas d'entrer dans ce détail. Cependant, comme il m'a fallu faire des Recherches pour me mettre a même de parler avec un peu d'exactitude fur la matiere que j'ai entreprife, j'ai raffemblé dans le Chapitre fuivant le plus fuccinétement qu'il m'a été poffible quelques faits rélatifs aux grandes révolutions qui eurent lieu en Italië depuis la fin du cinquieme jufqu'au quinzieme Siècle, époque de la découverte du Nouveau Monde, a laquelle le fyftême politique a été totalement changé en Europe. Je préviens le Lecïeur que ce récit n'eft que trés fuperficiel, mais le peu que j'en dis fuffira pour le moment, & fervira a répandre dela clarté fur ce qui me refte encore a dire. D 2  52 Chap. fi. ABRÊGÉ DE L'HISTOIRÏÏ CHAPITRE II. Abrêgé de l'Histoire Génerale de l'Italie. ■ Depuis la fin du V'ne ju/qtCau XFme Siècle. Jusq.u'a 1'époquc (en 476) qu'odoacre, chef de différentes nations Barbares, vint fondre fur l'Italie, pntPayie, Ravenne, &c. (1). (1) Le désordre qu! regnoic a la Cour des Empéreurs d'Occident facilita aux Bafbarres le moyen de fe fajfir de 1'admmiftration du Gouvernement en Italië. Voyez Sigonius Optra omnia de Occid. Imperia. t. i. p. 550. &c. Muratori. AnnaU d'Italia. t. III. p. 223. &c. Abrigi Chron. de fIIijl. d'ltalie. t. l p. 1. &c. Muratori /Int. Ital. Mei. JEvi. DilT. I. Big. du lias Emp. par le Beau. t. VIII. p. 102. &c. Ravenna dominante di T. F. dal Corno. p. 92 & 93. Odoacre connoiffoit 1'étac de l'Italie & la foiblelfe de 1'Empire, des avant fa defcente. II vint des pays qu'on appelle. aujourd'hui le Brandebourg, la Poméranie, la Livonie, i'Autriche, & la Hongrie , avec une armée formidable ü'Hcrules, de Turcilmges, de Sklrhes, de Ruges, & d'autres Barbares. II fe fit proclamer Roi d''Italië le 23 Avril 476. & tint fa Cour , ou fit fa réfidence a Ravenne, ville alors trés florili'ante, riche & forte. Odoacre, quoique Arien, ne changea rien dans Ie culte, ou ne préjudicia en rien la Réligion Cathoüque. 11 ne molefta ni les Evêques ni les Eglifes des Catholiques. Voyés YArt de vdrifur les dates, & lesAnnales d'ltalie. t. i. p. 226".  GÉNERALE DE L'ITALIE. 53 1'Empire d'Occident avoic été gouverné felon les moeurs & les coutumes des Romains, du moins depuis le régne de Constantin l e Grand (2); enfuite fous les regnes (2) Ou fcait que Conjtantin ayant embrafle ouvertement laRéligion Chrétiennc au commencement du IVme Siècle, forma Ie deffeiii de quitter Yllalie, & de transférer Ie fiége de 1'Empire de Rome k Byzance. Cette démarche & Ie partage qu'il fit avant fa mort da 1'Empire entre fes fils, au lieu d'affcrmir 1'Empire, ne feryit qu'4 divifer & a démembrer cette vafte & immenfe domination. Voyez Hift. de la décadence & de la chutc de 1'Empire Roniain par M, Gibbon. Nonobftant cette tranflation de la réfidence de 1'Empé» reur, Rome confcrva encore long-tems aprös fon ancienne fplendeur. Voyez les Annales de Muratori. t. \\\, V- 35 & 3ö. oü on lit les paroles fuivantes, fous l'an 409! „ je ne faurois m'empCcher de faire ici en paffimt le récit d'un fait qui mérite attention , & pour Ia confervation dtiquc! nous avons I'obligation \ Ol ympiod o r e , écrivain contemporainsgrec & payen, dont Forio nous a tranfmis quelques fragmcns de fes Ouvrages, parmi kfqucls fe trouve un monument rélatif \ 1'étaC dans lequel fe trouvoit Ia grande ville de Rome lorfqu'elle fut furprife par Alaric. II rapporte, que dans chaque grand Palais qu'il y avoit alors dans Rome, 011 y trouvoit ce qu'on auroit eu de la peine a trouver dans une ville médiocre, c'cft-a-dire un Ippodrome, ou emplacement pour la courfe des cheveaux, des grandes places ouvertes, ou des marchés, des Temples, des fon. taines, & plufieurs bains. Ce qui donna lieu a ce vers latin d'Olympiodore : Eft urbs una domus : Mille urbes continet una Urbs, c'eft-a-dire, chaque maifon compofe une ville: Mille villes fe trouvent dans cette feule ville. II ajoute, que les ïhtt'mee,ou les bains publics,dtoientd'uneeW due. prodigieure. II y avoit, entr'autres, celui d'ANTotiiN, qui «ontcnoit 1600 Bancs de marbrc poli. Que les murs de Rr.me, 'n 3  54 Chap. H. ABREGË DE L'HISTOIRE des Oftro Goths (3), & encore plus fous ceux des Langobards (4) & des Francs, les vil- jnefurés par Ammonius du tems que les Goths pout la première fois aifiégerent cette ville, avoient 21 milles dc circonférence. Le même Olympiodore a encore écrit, que plufieurs maifons ou families Romaines avoient quatre millions d'ore.de revenu de leurs biens, fans y comprendre le froment, les vins, §1 autres fruits de la terre. Que le prix de ces derniers'étoient Évalués, année commune, aux environs du tiers dudit Capital. D'autres families avoient un million & demi de revenu. Que fRoBus, fils d'Alipio, du tems de Jean ie tyran, (Tan 424 de J. CO avoit dépenfé un million & deux cent mille nummi d'or. (Ces Efpeces, felon 1'évaluation de Muratori , étoient de la valeur d'un Scudo romain, ou a peu prés d'un ducat d'or ou florin d'or, valant au deffus de 5. de nos florins d'argent.) Que Simmachus J'Orateur, qu'on comptoit parmi les Sénateurs, & qui poffédoit un patrimonie moyen, lorfque fon fils obtint la Préture (.ce quiarriva 3vapt qu'ALARic faccageat Rome') avoit fait une dépenfe de deux rnilüons £ 1'occafion de fon entrée publique. Et depuis, Maxime, ■Tin des plus riches & des plus fortunés d'alors, lorfque fon fils Jlevint Préfet, en avoit fait une de quatre millions, paree que c'étoit alors la coutume que les nouveaux Préfets donnatTent pendant fept jours confécutifs des fêtes de réjouiflance, en fpeétacles & autres divertiffemens. " Mais comme ce détail m'entraineroit trop loin, je me bornerai d'orénavant, dans la plus grande partie des Notes de ce Chapitre, a citer les Auteurs que j'ai confultés ; & celles qui feront un peu iongues , ferviront a répandre de la claité fur des objets 011 fur des événemens plus importans. (3) Art de vérifier les dates, p. 357 & 359> (4) Ultalie rentrée fous Ia domination immédiatc des Empéreurs, fut gouvernée d'abord parNARSÉs, & cela depuis l'an 553 jufqu'a fa mort en 567. Enfuite par fesl.ieutenansjufqu'al'arrivée de fon fucceiTeur en 50», c'eft-a-dire de Loncin, qui gouverna fous le nom VExarque, titre que 1'on donnoit auffi au Gouverneur de VAfrtauti Nar/és avoit eu le titre de Duc. ■ Ces Gof»  GÉNERALE DE L'ITALIE. gl verneurs réfidoient k Ravenne, & c'eft pourquoi ils font nomrnés & coimus dans 1'Hifloire fous Ie nom i'Exarques de cette ville. On p^ut voir ce qui eft écrit lii-defius dans la Chron. d'I* talie. T. I. p. 153. Co fut dans la même année 568 qu'ALBOiN. Fils d'Haudoin, Xme Roi des Lombards QLongobards') qui étoient hors de l'Italie , & dc Rodelinde fille dc Théodaliaft, & niéee par fa mcre Amalfrede de Théodoric, Roi des Oftro- Gottrs, ftótit de la Pannonie le Iendemain de Paques aine Avril 568, k la tête d'une armée compofée de Lombards, de Gépides de Bulgaris &c. entra en Italië par la Vénètie, dont il prit prefque toutes les villes; de la il palla en Ligurie s'empara de Milan le 4 Scptembre 569. fit rapidement la conquête du refte du pays, & netrouvaque Pavie qui lui réfifta. Cette place ne fe rendit que l'an 572. après un fiége de 3 ans, pendant lequel il lubjugua YEmelie, une partie de IzTo/canc, YOmbrie & Ie Duché de liénévent. Alboiti uvmU na enfin le cours de fes conquêtes avec celui de fes jours le 28 Jll'n '573. Voyés Muratori. Toutes ces conquêtes furént enfuite partagées en différens Duchés, qu'il avoit diftribués aux officiers qui 1'avoient le mieux fervi. Alboin eut deux femme's, Clodofuinde fille de Clotaire I. Roi de France, qui ne lui donna point d'enfans, & Rofemonde fille de Kunimoml Roi des Gépidês, qu'il avoit tué de fa propre main dans une batailie. . Forcée par foü (5poux de boire dans le crane de fon pere, dont il fe fervoit aii lieu de coupe, cette Princefle fe vangea en Ie faifant afiaffineri Voyez Y Art de yêrifier les dates. p. 3Ó2. II paroit, par ie'partage qu'il fit de fes conquêtes que le Gouvernement des' Lombards dans fon origine étoit plus féodal que celui des Ojlro-Gotht, —— & que depuis fon régne on peut dire, fans crainte' de s'égarer, que ce Gouvernement étoit le même que celui qü'ils avoient eu dans la Cetmanie, ce qui va être confirmé inceffamenu ït paroit que fes Succeffeurs font auffi montés fur le tróne par voië d'élection. Cleph, ou Clephon, élu au mois d'Aoüt 573 maifacré après un régne dc 18 mois. AutarisjOU Autharic, fils du même, parvenu a 1'Sie de majorité, fur élu en 584. pour fucceffeur de fon père. Peu dei tems après fon avéneinent au Tróne ; ilcohlirmales Ducsdans ifjiri Duchés, moyemiantla moitié de leurs revenus, qu'ils s'obii^ , ■ D4 .  $6 Chap. li ABRÊGÉ DE L'HISTOIRE Jes d'ltalie (5), excapté celles qui ctoicul i lui payer, & it la charge du fervice nommé depuis Fiïodal. Telle eft proprement 1'origine des fiefs. Voy. Art de vérifier etc. p. 362. Aütaris meurt de poifon a Pavie le 5 Scptembre 590 fans laiffer d'enfans. Agilulphe, ou Agon, lui fuccéda en Mai 591. 11 époufa Théodolinde, veuve d'AuTARis, Princefle refpeftée des Lombards, Elle étoit Catholique, & ce fut par elle que fon mari paifa de 1'Arianifme ii la Catholicité; une grande partie de la Nation jmka fon exemple. Au refte, voici les noms de ceux qui ont régné après lui. An. 615. Adaloald, ou An. 686. Cunibert. Adoald. ^,00_ luitpert. 625. Arioald, ou 701. Ragimeert I. A r I w a l d. « 636. rotharis. 701. ARIRHRT II. 652. rodoald. j,I2< ansprand. <5«3. aribe rt, OU .r« 712. luitprand. ar i F EltT I. 661. Berthavit, ou 744- Hildebrand. PERTHAViT, & ' 744. R.ATCHIS. Godebert, ou ' 749. a stolp he. Gondeeert. 662. Glt.mo.ud. 756. d i d ier 671. Perthavit eft dernier Roi de Lombards. rétabli. Celui-ci s'étant brouillé en 772 avec le Pape Adrien, au fujat des villes de Ferrare , de Faenze & de Commachio, qu'il avoit piifes & dont il refufoit de fe deli'aifir, Adrien, a 1'exemple de fes prédécefleurs, a recours au Roi des Frangois. Charlemagne paffe lesAlpes, prend Pavie au mois de May 774. après un fiége de 6 mois, feit prifonnier le Roi Didier qui s'y étoit renfermé, & 1'envoie en France. oüil acheva faintemeut fes jours dans le Monaftere de Corbie, Ainfi finit le Royaume des Lombards en Italië, oii il avoit düré J'efpace de 206 ans. Voyez VArt de virifier &c. p. 371. QO Charle Martel ayant été déclaréiPtffwedès l'an 741.  GÉNERALE DE L'ITALIE. S7 foumifes au Pape, étoientgouvernées chacime par le Séuat, la NoblelTe & le peuple Romein, devint tacite. ment le protecleuf de ceux qui étoient attachés aux vuès politiques du Pape Gregoire III. & des gens d'E'life En 753. Pepim, & fils Carlomaj, & Cha r l e s, furent encore revêtus dn titre ou de la dignité de Patrices des Romains Les Papes, ■ ce qu'il paroit, „'eurent alors d'autre intention, que de ieur tr-.niporter 1'autorité que les Exaraues de avoient eue jul'que-la fur eux; Ceft-a-dire,,„-,•„tes choi. firent pour Être leurs Gouverneurs généraux. fous rautorW. de 1 Empire. Enfin Charles fon fils,connufi*lo„0.„ dl Charlemagne obtint en 774 par le droit de conquête le Royaume des Lombards' & fut proclamé comme Roi après la prife de Pavie. II commenca des-Iors i fe qualifier Roi des Franss Sf des Lombards, ajoutant a ces titres celui de Patrice des-Romains. On fait qu'il f„t cou ronné l'an 800 i Rome en qualité d'Empereur d'Occident Voici les Rois & Emperenrs de cette race qui ont régné depuis Charlemagne en Italië. "epUis Eaipereurs _ . Louis le débonnaire depuis 813. Be^^^ feul Empereur & Roi depuis 818 AUD 8lS' v, j/, r r, * meurt en 818. qu il déclare fon fils ainé. . T LOTHAIRE. meurt en 840. LoTHAir. e I. Empéreur , cou- ronné en 823, fuccéde a fon pere en 840, & fon fils . . , * ' * Louis II. S44, meurt en 855. n L ouis II. en 855. meurt. . . 875. Charles II. dit le chauve en 875. meurt au pied du Mont-Sénis le 6 Oftobre 877. n'ayant régné commEmpéreur qu'un an & 0 mois. Empire vaqua 8p£ D 5  -58 Chat. II. ABRÊGÉ DE L'HISTÖIRË £ar leurs Comtes (6), ou Gafialdi (7), lefquels, avec d'autres Magiftrats d'un moindrerang (8), avoient la direótion des guerres, & administroient la juftice au peuple (9). Ces Comtes étoient fubordonnés aux Marquis (10) ou aux Ducs (n), que les Rois ou Empéreurs établisfoient pour le Gouvernement de toute une Province, d'un Marquifat, ou d'un Duché (12). Pendant le tems que les Barbares. & les Francs (13) régnerent en Italië, ils avoient camauno» II '.* ou qu'ils trouverent établies parmi les peuples dont ils étoient devenus les maitres (15). Sous les Langobards, & fous le régne de Charlemagne, le St. Siege, & ce qui en dépendoit, fe trouvoit pour lors encore dans des hornes raifonnables (16). Mais fous fes fucceffeurs ,& après lamortdel'Empéreur Charles le Gr as, arrivéeen 888 (17), la race légitime de Charlemagne étanc éteinte (18), les Papes profiterent de Ja foi- ' bleffe des Empéreurs, & le Gouvernement Féodal empirant de jour en jour, on fe trouva dans un état anarchique (19) ; de forte qu'a la dite époque, 1'Italië fe divifa en plufieurs parties féparées, qui enfuite furent foumifes k plufieurs Souverains (20). Les calamités caufées par ces divifions inteftines, furent encore augmentées par les incurfionsfréquentes,&par les conquêtes que les Sarrafins & les Arabes (14) MURATOR, Antiq. Ital. Med. JEvi. Dif. 22. (15) idem. 22. (16) Anna/es d'ltalie, T. IV. V & VI. Chron. d'ltalie. MitLOT. ƒ///?. Moderne T. II. (17) Idem. —— (18) VArt de vdrifier les dates & Mo rat. Dijf. 54. (19; Annali efltalia & Chron. d'ltalie. (20) L'Art de Vérifier les dates p. 434. & Arinales d'ltalie Tom. V. p. 180 & fuiv.  6b Chap. )l ABRÊGÉ DE L'HISTOIRE (21) venus du midi, & les Normands du cöté du Nord (22), auffi par mer, firent dans la Pouille, dans la Calabre, dans la Sicile, & fur les cötes méridionales de l'Italie. Mais tout ceci n'étoit encore rien, en comparaifon des déprédations réitérées que les Huns, qui habitoient alors la Pannonie (aujourd'hui la Hongrie) firent dans la Lombar die pendant le courant du Xlme Siècle (23). Par ce récit fuccinót, on concoit facilement k quel dégré de confufion & de mifere les chofes durent fe trouver parmi les habitans de Y Italië (24). Ce fut, pour ainfi dire, pendant cette même période, qu'a caufe des différends qui naiffoient journellement fur les Eleétions des Princes , que les Grands & les Gens de 1'Eglife vouloicnt mettre alatête des Gouvernemens, qu'on vit naïtre les facïions & les cabales au dedans; & les guerres au dehors augmenterent les maux a un tel point, que non feulement il n'y avoit plus de fureté publique, mais qu'en même-tems on perdit même la vénération qu'on avoit eue ci-devant pour les loix. La confufion régnoit par tout, le droit Cai) AnnaUs- ifltalie , T. IV & V. (325 T.V. c«-> T' v- ^ —. & T. VI.  GÉNERALE DE L'ITALIE. 6t da plus fort y tenöit lieu de loi, & en effet on n'en reconnoiffoit point d'autre(25.) Heureufement pour les habitans de VItalië que le commerce, qui avoit tiré pour ainfi dire la République de Fènfe du néant, & qui 1'avoit^élevée a un dégré étonnant de puilfance & d'éclat, avoit frappé les efprits, & influé (26) fur 1'induftrie des habitans qui fetrouvoient dans les grandes villes, nommément dans 1'Etat de -Gumt cSc dans quelques villes de la Lombardie (27), entr'autres fur ceux dePife, de Lucques, mais furtout fur ceux de Florence & de Milan (28). Cet événement excita les habitans de ces villes a faire des efforts pourferendre indépendans (29) , & pour brifer les chaïnes de ces petits tyrans, ou Seigneurs Vaffaux qui étoient dans le voifinage des villes, & qui en tenoient les habitans fous Ie joug (30). La première occafion fe préfenta \ Milan lorfque 1'Archevêque LANoulfe, en qualité de Comte, ou plutöt comme Gouverneur de C25) Annali d'ltaüa, T. V. & VI. (26) Murat. Ant. /tal. Mei. AZvi. Diff. 30. (27) Mem. Diff. 16. 24. 25 & 30. C23J Idem. DifT. 45. Script. &er[ hal> T. Iy & N I u s. Lib. X. (29) Idem &c. C30) Idem. Diff. 54. Des PrinCfs & Jj^J  c52 Chap. II. ABRÊGÉ DE L'HISTOIRE cette ville de la part da Souverain (31), y devint tellement odieux , que le peuple fe fouleva, <&prit les armes. La NoblelTe fedéclarant pour 1'Archevêque, il fe donna dans la ville plufieurs combats, oü le peuple eut toujours Ie deffus. Cet événement arriva vers l'an 991 (32). Crémone fuivit de prés cet exemple (33), & enfuite plufieurs autres villes. L'éloignement des Empéreurs d'sjllsmagne (34), furtout ceux des Maifons de Franconic & de Suabe (35), les divers différends entre les Chefs du St. Siege & Henry IV, Henry V & ConRAD III (3b), qui donnerent lieu aux faólions des Guelfes & des Gibelins (37), lestreves deDieu,ou du Seigneur (38), (31) Muratori. Annali. T. V, p. 489 & 500, (32) Hem. p. 49°- ' (33) Idam. png. 491. C34) Wem. T. V & VI. Antiij. bah Medït JEvi. Diff. 45. &o (35) VArt de vérifier les dates, & Muratori, Annali. T. V. & VI. (36) Muratori. Annali. T. VI. : , (37) Idem. & Antij. ltal. Dledii JEvi. Diff. 51. qui traite de 1'origine & du progrès des faetions des Guelfes & des Gibelins. (38) Muratori. Antiq. lial. Medii JEvi'. Diff. 23. Ces Trêves , nommées Tregua de Bio, dont 1'origine venoïr des guerres privées qui eurent lieu au X & XI. Sieeles, cómmencerent ii avoir lieu vers l'an 1031. Dans 1'Ouvrage- des Varialions de la Monarchie Frencoife on les nomme auffi Treves du Seigneur. T. II. 'p. 280, 324. ce qui me femble plus propre, paree qu'il cette occafion le Saint Saerément étoit expofé. Voyés encore les Annalss de  GÉNERALE DE L'ITALIE. 63 les Represailles (39), 1'abolkion de 1'Efclavage (40), & au milieu de tout cela la fameufe entreprife des Croifés (41), tout cet enfemble, dis-je, donna 1'eiTor aux peuples des villes d'ltalie, & en particulier k ceux qui contrïbuoient le plus. a exciter & a favorifer Tindustrie(42). Oa y rétablit infenfiblement les Communautés des villes fur un pied plus refpe&able qu'auparavant, & les Bourgeois parvinrent par la a y introduire une admiiiittrarion, qu'on n'y av it pas connue depuis Ia fin du IX m Siècle (43). Auffi les Arts d'agrément Muratori. T. VI. ,&c. Robbertson. Jntrod. h 1'lMoirs te Charle - q ui n t. (39) Muratori. Antiq. lta'. Medii ifflfvi. Diff. 55. .qui Traite des Réprefailles. C4o) Idem. Diff. I4. qui traite dc économie des Efelavcs du moyen d5e. Au XII & Xïttrae fiecles la condition d'efclave devint rare, & s'évanouic entidrement au XlVme fiecle en Italië. Voyés encore KSr. ltal. T. XVIII. & les Annales de Muratori. C40 Muratori Annali. T. VI. Robbertson. Du Cange GlofT. au mot Crueem afutuere. C425 Muratori Antiq. hal. Medii jEvi. Diff. 24. 25 & m qui traitent des Arts & du Commerce du moyen dgt. Voyés encore les Hiftoires de *kSj% tePife, de Florenee'ócc. Ou y voit le progrès que fit 1'induftrie aux XI. & Xllme. fiécles. Celui qui voudroit prendre Ia peine d'en faire une Hiftoire fuivie rendroit , felon moi, un grand fervice i la Litterature. Si j'avois affez de tems a moi, & affez de ra'ens, » m'en occuperois volont.ers. Ceux qui n'ont point ces Hiftoires «parement,les trouveront toutes dansle Rer. hal. de Muratori. (43) Muratori. Antiq. Ital. Medü MA Diff. 18. ou cette mattere fe trouve amplemcnt détaillee dans les Diff. 50. 52 &c.  64 Chap. U. -ABRÊGÉ DE L'HISTOIRE (44) & les Sciences revinrent fur le thxatrc (45) ; la Chév-alerie, toute gigantefque qu'elle étoit (46), contribua de fon coté a animer fortement les efprits de 1'un & de I'autre Sexe pour les entreprifes héroïques, & même pour les chofes d'agrément (47). La forme du Gouvernement de ces villes n'étoit pas par'tout uniforme: le Gouvernement des unes étoit proprement Ariftocratique, dans d'autres Om) Mukatoiu Diff. AA- ^ fe trouve une ample defcription du progrès que firent les Lettres après l'an mille, ainfi quedel'érection des Écoles & des Universitès pubfiques, (45) Del Boreo Dif. Suil. Origine ddla Unherfitr. Pifana. (46) Muratori. Antiq. Ital. Medii üivi. D.flertation qui traite de la C11 e va l e ri e 9 & de 1'infiitution dc ceque nous appellons Armoiri'es, ou art Héraldique. (47) mémoires fur Yancienne ChéyaUrii par M. de la Curne de Sa in te Palaye. Parmi les Cliévaliers, les jeunes gens qui fortoient de 1'enfance étoient connus fous le nom de Pages , 'de Marlets , ou Demoifeaux, noms quelquefois communs aux Ecuyers. Les fonftlo^ de ces Pages n'étoient gueres diftinguées des fervices ordinaires des domeftiques auprès de la perfonne de leur maitrc ou de leur maitreffe. Ils les accompagnoient è Ia chafle, dans leurs voyages, dans leurs vifites ou promenades, faifoieut leurs meffages , & même les fervoient a table, & leur verfoient a boire. Les premières lef ons qu'on leur donnoit, regardolent principalemént 1'amcur de Dieu &desDames, c'eftivdire, Ia Religion & la Galanierie. Si 1'on en croit, continue M. de Sainte Palaye, la Clnonique de Jean de Saintri, c'étoient ordinairement les Dames qui fe cbargeoient du foin de leur apprendre en même - tems leur Cathéchisme & 1'Art d'aimer &c. '  GÉNERALE DE L'ITALIE. 65 tres Démocratique, & dans d'autres il étoit mixte, c'eft - k - dire, un mélange de 1'un & de I'autre. Mais toutes ces villes s'accordoient en ceci, qu'elles fonderent des efpeces deRépubliques féparées, qui s'arrogerent le droit de faire des Ligues, des Alliances & la Guerre , en un mot elles firent tout ce qui ordinairement a lieu dans des villes libres (48). Les (48) Dès que plufieurs villes &'Italië fè furent mifes en liberté, & eurent pris la forrae de République, avec tous les droits du Gouvernement des affaires politiques, de faire la paix & Ia guerre, d'adm'miftrer Ia juflice au peuple, de contenir Ia puiflance des Grands , de punir les féditieux, & de faire des Alliances avec les villes voifines pour le bien commun, elles commencerent, a 1'imitation de la République Romaine, ii créer des Consuls, dans la perfonne defquels réfidoit la puiffance fuprême & le foin du Gouvernement. II ne faut pas perdre de vue, que même au commencement du dixieme fiecle on voyoit encore les Consuls fubfifter dans la célebre ville de Rome. Quoique leur emploi & leur pouvoir fut trés différent de celui des anciens Consuls, 011 ne nommoit cependant pour remplir ces poftes que des perfonnes illuftres, & qui étoient en grande confidération. 11 y en avoit méme d'un ran? différent , & c'eft ce qu'on peut obferver par certains faits , qu'on trouve dans les Hiftoires des différentes villes avant & après 1'onzieme fiecle. En 990. il y avoit dans la Ville de Ravenne plufieurs Confuls. Voyés ia Diff. XXXI. de Muratori. dans Ia Préface aux Loix des Longobards. (Voyés T. I, 2e. partie du Rerum Ital.) 'On y trouve un plaidoyer de l'an 1015. oü il eft fait mention des Confuls de Ferrare. Et dans la Cbronique de Farfa, aux environs de ce temslaj, on y voit des Confuls Romains. Mais les Confuls des villes Italiennes, depuis qu'elles s'étoient érigées en Républiques, étoient i'une clafie plus diftingiiée, paree que c'étoit a ceux-ci qu'étoit E  66 Chap, II. ABRÊGÉ DE L'HISTOIRE faótions qui eurent pour lors lieu aboutirent d fuls. Dans l'an 1126. il y en avoit plufieurs dans Mantoue. Dans le même XII. Sietle il y en avoit douze dans la ville de Bertrame. En 1102. Gene* fut gouvernée par quatre Confuls ,& mime par fix.En 1145. felon Caffaro,j'1 y en avoit dans la ditte ville quatre qu'on nommoit Confuls des Communes, & huit pour administrer la juftice & faire exécuter les loix. En 1160. Confules de Communi quatuor & de placitis 0SI0. Et dans les années fuivantes on y vit cinq Confuls des Communes, & huit pour décider Jes affaires en litige & adminiftrer la juftice, auxquels, a caufe de leurs fonétions, 011 donna Ie nora de Consules Justiti/e. Ces Confuls du premier rang nommés chez les Génois Confuls tles Communes, étoient nommés ailleurs Consules Matores. Voyés les Statuts de Pifloie &c. A Modene dans 1'année 1142. il y avoit au moins fept Confuls. Dansce tems même, par une Donution d'un canal cédé par Ribald Eveque & par les Confuls de Mo. dene, on obfervc que le Gouvernement étoit entre les mains du Prélat & des Confuls, & que Ie premier y tenoit le premier rang. Cette piece furtout mérite attention, & eft même néceffaire pour comprendre a fond les Gouvernemens de ces villes dans ces anciens tems. Mais cette fbrme varioit alors déjh dans d'autres Villes & Républiques, oü le Chef du Peuple n'étoit pas répréfenté par une feule perfonne affiftée de fon Confeil, mais oü Ie pouvoir fuprême pour le temporel réfidoit dans le Corps entier des citoyens, ainfi que je Pai déja dit. II paroit auffi que cette Dignité n'étoit pas concentrée dans les  GÉNERALE DE L'ITALIE. 6? en quelques endroits a introduire une efpece feules Villes de nom, car >, Ia fin du onzieme fiecle, & même après, on trouve qu'il eft fait mention du pofte de Confuls dans les Ré-' giftres, & dans les Chartres des Chateaux & des Villages ■ deforte que le titre ou le nomde Conful devint fi commun, que'tout petit Chateau, Terre & Village avoit fes Communes ou fes droits Municipaux.quoique fous la dommation des Princes , foit Séculiers foit Eccléfiaftiques : tous les Chefs de ces lieux étoient nommés Consuls. Voyés encore ce que Muratori cite pour prouver ce qu'il a écrit la-deffus. Au refte j'ai obfervé que dans Ia République de Cenes , on trouve Confules Communes, Confules Placitorum, Confules eivlum & Foritanorum. Et dam Milan, Modena, Ferrare, & en d'autres endroits, Confules Mercaiarum. Ce qui démontre clairement que les Confuls fe trouvoient alors non feulement h la tête des Gouvernemens de ces Républiques , mais encore a la tête des Communautés & de, Corporations établies dans les Villes. Je dirai encore quelques mots la-deffus plus bas. En attendant il eft bon d'obferver ici, qu'outre Ia Dignité de Conful, ces Républiques, tant grandes que petites, lorfque la difcorde commenca a régner parmi les citoyens, par pc,bvit de cabale & par les faaions qui étoient fi communes dans ces fiecles, les: citoyens & les Confuls même fe trouvoient obligés d'élire, pour peu de tems, une efpece de Souverain. On choififToit pour cela une Perfonne dont Ia prudence étoit connue, & joüifiant d'unehonne rénommée. On Ie prenoit ordinsirement d'une Ville voifine, afin qu'il fut entiérement impartial, & qu'il put mkuK pnr fa des différends qui fubfiftoient parmi ceux qu'il devoit gbWërnë>. On donna en général a ces efpeces de Gouverneurs , ou de Supérieurs , le nom de Podesta, nom qui dans les Mémoires deces temps-la fe trouve fouvent écrit, tantót au mafculm, & tantöt au fénnnin. II ne faut pourtant pas en inférer que cette Dignité fut nouvelle, car elle étoit d'un age bien antérieur. Pline en fatt mention Liv. 29. Chap. 4. & il entendoit par-Ia le premier Magtftrat du Peuple. Suetone en fait auffi mention dans Ia Vie de afar, & encore dans celle de Claude. Juvenal en pr.rle E 2  f53 Chap. II. ABRÊGÉ DE LTIISTOIRE de Gouvernement, qui approchc affez du des- auffi Sat. X. vers 99. Voyés encore les autres preuves que Mukatori cite. L'Emploi ou 1'office de Podesta,ouPotestat,ne duro.it ordioairemerit que 6 oii 12 mois. Alors on revenoit aux Confuls , ojj bien 011 choififloit d'autres Perfonnes. Et ce n'étoit qu'a caufe de leur mérite bien recorinu que quelquefois, mais rarcment,on les laiffoit plus de 12 mois dans cette charge éminente. La coutume ordinaire étoit d'en avoir deux, dont 1'un gouvernoit pendant les fix premiers mois,'& I'autre les fix fuivants. On obferve auifi que ces fortes dc Perfonnes, outre leur fageffe recon1111e étoient décorées de quelques marqué de diltincüon,comme du titre de Chévalier, &c. Aüfii trouvc-t'on bien rarement dans 1'Uistoire quelqu'un d'entrc ces Polefiats qui u'ait eu quelque titre ou marqué de diftinélion. Les Ililtoircs du XII & XIII. Sieeles font remplies de ces fortes d'exemples. Car pendant la faélion des Cuelpkes & des Gibelins on eut fouvent recours h ce moyen pour appaifer les efprits féditieux. II eft vrai qu'alors on les prenoit tantót dans 1'un & tantót dans I'autre parti: mais du moins par cet expédient,on parvenoit a faire régner Ia tranquiilité, paree que le parti dominant avoit le Gouvernement fupiême en main. Outre cette Dignité, il y en avoit dans ces Sieeles encore d'autres, nommément celle de Capjtaine Général, c'étoit le Chef du Peuple. Celui-ci ordinaiiement étoit auifi un étranger & pris d'un endroit, ou d'une Ville voifine. C'étoit, pour parler le langage Romain, un vrai Tribun du Peuple, c'eft-a.dire, un Magiflrat revêtu d'une ample autorité , pour mettre Ie Peuple h 1'abri contre i'infolence des Nobles & des Grands. Ceux - ci étoient de même en Pofte pendant 6 ou 12 mois. Par la fuite du tems on en élut d'autres, qui étoient proprement les Capitaines de Guerre, ou Chefs des troupes, & auxquels devoient obéir toutes les troupes de Terre & Etrangerès. Voyés encore ce que Muratori rapporte la - deffus. II cite même des exemples, pour faire voir que dans certaines Villes il y avoit deux Palais, dont 1'un étoit appellé le Palais des Communes, oü demeuroit le PotestaTj & I'autre le Palais du Peuple, oü réfidoit le Capitaine.  GÉNERALE DE L'ITALIE. 6*9 Mais comme nonobftant cela les Gouvernemens de ces tems-la. étoient fouvent fujets a des changemcus notables, on vit auiïi bientót naitre 1'inftitutien des Prieurs & des Gonfaloniers, auxquels J'Etendard du Peuple étoit confié. Les Potestats avoient auffi auprès d'eux quelques hommes fages, pour les affifter dans les fonétions du Gouvernement, & lans le Cotïfeil desquels ils ne pouvoient terminer aucune affaire de quelque importance. Ceux-ci étoient nommés ConfigVieri, Savi, ou Anziani. Dans les endroits oCi le Peuple avoit le Gouvernement en mains , il s'élifoit en outre uu Préfidcnt, a qui on doiinoit le noui «JIAbbI ou de Pere du Peuple. Cette forte de Magiftrature eut fpécialement lieu dans Gems & dans Plaifunce. II ne faut pas oublier, que dans certaines calamités on éffloit en outre une efpece de Dietateur fous le nom de Dog e, en laiffaut pourtant fubfifter en tout les autres Colléges en vigueur. Outre ce qui a cu lieu ^-defius pour ainfi dire de tout tems chez les Vénitiens, on cn trouve des exemples chez les Génois, les Pifantins, & encore en quelque uianiere chez les Florcntins. Voila en abrêgé une cfquifle de cette efpece de Gouvernement, qui a eu lieu dans quelques Etats übres dc ITtalie entre le XI & le XVme. fiecle : je 1'ai donnée le plus fucemftement qu'il m'a été poffible. Ceux qui favent jufqu'ii quel point le Commerce a été cultivé dans les plus grandes Villes d'ltalie pendant ces quatre fiecles, irouveront fon origine dans cet efprit de liberté qui régnoit parmi ces habitans: oiiil n'y a point de liberté, le Commerce y eft nul: le defpotifme enfouit tous les talen*, & coupe bras & jambes a 1'induftrie. La liberté fut donc le Berceau du Commerce des Villes d'ltalie. Des que cette liberté fe fut répandue dans plufieurs villes, il fallut, pour foutenir cette nouvelle forme de Gouvernement, 1'appuier dans fes moindres parties. On commenca donc par exciter & foutenir 1'induftrie par toute forte demoyens. On coinprit très-bien que cette induftrie devoit être fondée fur le principe ou fur h baze de la Próprie'lé. Pour l'aflurer d'une maniere efficacc , on créa les Consuls des Marchands , dont les noms font aujourd'hui fi connus , mais qui ne font maintenant, pour ainfi dire, que des efpeces dc Miniftres E 3  7o Chap. II. ABRÊGÉ DE L'HISTOIRE potifme (49). Elles foumirent a leurs volontés des Etats Commercans qui réfident dans des Ports de mer chez 1'Etranger. Mais dans ces anciens tems cet office étoit bien different. Les Confuls, dans ces Villes libres & commercantes , étoient comme un Confeil toujours affemblé pour veiller & tout ce qui concernoit le commerce, pour 1'étendre, pour prévenir fa décadence , pour faire en conféquence les Régiemens néceflaires. Ce Confeil étoit compofé de gens tous experts & pour ainfi dire, rompus dans les affaires. La faveur n'y donnoit point d'entrée : on n'y voyoit point de Jeunes-gens fans expérience, & fans autre mérite qu'une puiffante protection. C'étoient des Négotisnts qui etrs-mêmes avoient le plus grand intérêt dans les Réfolutions qu'ils formoient. Ces Confuls étoient en conféquence revêtus d'une autorité tr èséten. due; non feulement ils arrangeoient les différends qui naifibicnt parmi les Négociants & les Marchands , mais encore ils les décidoient, & prononcoient dans certains cas fur les Sentences des autres Juges, qui avoient quelque rapport au Commerce. Ils avoient en outre la faculté & le pouvoir de faire des Traités de Commerce avec des Peuples ou des Nations Etrangerès. Muratori donne des prcuves pour confirmer ce qu'il avance. Du Cange dans fon Glolf. en fait auffi mention , mais d'une datte poftérieure. — Muratori a donnés en preuve un Acte de 1'année 1182. pris des Archives de la Commune de Morlcne: mais il ajoute que longtcms avant, cette coutume étoit en vogue. Dans cette piece fe trouvent les conventions faites entre les Confuls Maggiori ^du premier rang) & les Consuls des Marchands de Modene, & entre les Confuls Maggiori & les Consuls des Marchands de Lucques. Je dirai dans la fuite ce qu'il faut entendrc par Confuls Maggiori, qui étoient les Magiftrats fuprêmes ou du premier rang des Villes libres, mais qui devoient authorifer, approuver, & faire exécuter les Loix & les conventions que les Confuls Marchands, quoique d'un moindre rang, faifoient avec d'autres Villes libres. On peut voir ce que Muratori dit encore de plus la-deffus. Tous ces objLts fe trouvent dans les XXX & XLVImes. Differtations des Antiquités d'ltalie du moyen dge. C49) Muratori Annali d'Italia T. VI. & Antiq. Ital. Medii. &m\. Diff. 45* 46. 47- 48. 49- 5° & 52.  GÉNERALE DE L'ITALIE. 71 les Nobles mêmes, qui vivoient fur leur temtoire dans leurs Chateaux, ou dans leurs foi-difantes Cours proche des Villes, en les formant de fe faire infcrire fur leurs Régiftres, non feulement comme Citoyens ou Bourgeois (50), mais encore comme membres de telle ou telle Communauté, ou Corps de Métier (51). Avant cetems-la,& fpécialement fous le régne des Lombards, on avoit établi les Seigneurs Vajfaux (52), qui avoient un pouvoir abfolu dans leurs Chateaux & fur le pays de leur dépendance & dont Je nombre s'en étoit accru infenfi blement; un chacun profitoit de tems a autre de certains evénemens qui fe préfentoient. Et Iès Ruis & les Empéreurs, afin d'avoir de l'argent, accordoient largement des droits & des Priviléges, qui fouvent n'étoient point en leur pouvoir d'accorder, & augmenterent ainfi le nombre de lemsjideles (53), ou de leurs partifans. Ces Seigneurs Vajfaux étoient détachés de la Jurifdiction des Comtes des Villes: ces premiers (5°) Muratori 50 & 52. (50 Wem. (52) Idem. Diff. 11. qui traite des biens Allodiaux, desVaffaux, Vajfali). des Bénéfices, Ftudes, Chatellenies &c. Les Vafiaux étoient auffi appellésjW«/« Voyés la même Differtation C53) Ufage général des Fiefs, par Brussel. T. I. p. 37 & S8. oü cette matiere fe trouve amplement expliquée. Voy. Efprit iet Loix. Liv. XXX & XXXIm* E 4  ftt Chap. II. ABRÊGÉ DE LTIISTOIRE étoient nommés Comtes rujiiques, ou du plat pays , & chaque Chef s'étudioit journellement a. accroitre fon Domaine au dépens de celui de fon voifin (54). Parmi ces petits Seigneurs II y en avoit qui menoient une vie douce & pleine de probit/;, mais ce nombre n'égaloit pas ceux qui exercoient leur tyrannie , toujours en raifon de leur force,deleurpuiffance, ou de leur ambition (55). On conferve dans les Archives du-Chapitre des Chanoines de Modene un Sacrementaire de Saint Grégoire le Grand , écrit en gros caracïeres au IX ou Xin«. fiecle. A la marge on trouve des Annotations écritesl'an 1003. qui font connoïtre 1'antiquité de cette pi ?ce. Cert-la qu'on lit: M1 ssa (56) contra Tyran110s, prife des Sacramentaires de 1'Eglife Romaine, oü fe trouve un titre: contra Judices malè agentes, & Mi/Ja contra Ohloquentes. La race de ces petits Tyrans dura pendant plufieurs fiecles. Non feulement cela eft prou- (54) Muratori Antiq. Ital. Medii Mvi. Diff. 8 & 47. (55) Idem. 54. C56; Idem. 54. Les Envoyês Royaux étoient des CommilTaires envoyés par les Empéreurs,ou les Rois, pour préfidcr aux Cours de juftice. Ils avoient pendant le coürs de leur Commiffion une autorité fupérieuie & au deffus des Ducs , Marquis & Comtes. On peut lire la-deffus la neuvieme Dili'ertation, oü leurs fonétions fe trouvent amplemenc détaiüécs.  GÉNERALE DE L'ITALIE. 7g- vé par 1'Hiftoire d'ltalie (57), mais encore par celle des autres Nations. II étoit affez commun parmi ces petits Tyrans defufciter des Guerres contrelesmoins pinffants, lefquelles, outre les maux qu'elles entrainent d'ordinaire, avoient porté les chofes au point de rendre les chemins publics même peu furs par les affaffmats qui s'y commettoient. Deforte qu'un voyageur en paffant fur leur territoire ne fe trouvoit pas en fureté. On ne refp.eetoit pas même les Pél-rins : plus ils étoient nobles & riches, plus il y avoit pour eux du rifque d'être anêtés & emprifonnés (58), par Tappas du butin qu'on s'en proraettoit; car la plupart d'entr'eux étoient contraints, pour recouvrer leur Liberté, de Tachetter au poids de Tor. On en trouve encore un exemple frappant dans Tannée 1414, lorfque N 1 col as III. Marquis d'EsT a,Seigneur de Modene,de Ferrare &c. fut arrêté & emprifonné fur fon voyage a Paris, par le Cafiellan del Monte San Michele (59). Mais reprenons les objets qui doivent nous occuper. C57) Muratori 54. Giovanni Villani Histoire de Florence, Rerum Ital. T. XIII & XIV. (58) Idem. /Intij. Ejlenfe. Part. II. (59) Hem. pr.g. 185.  74 Chap. III. DES PROFESSIONS &c. CHAPITRE III. . Des Profejfions ,foit particulier es foit publiques, en Ufage chez les Romains & les Italiens, rélativement a leur Commerce privé. J'ai déj& obfervé dans le Chapitre premier, que comme le fang eft néceffaire dans le corps de 1'homme , ainfi dans le Corps politique une certaine quantité d'argent monnoyé eft de même néceffaire pour faciliter la vente des marchandifes , & des produtbions de la terre, le payement de 1'induftrie, & pour toutes les opérations du Commerce. II eft conftant que de tems imnumorial chez les Romains, ainfi que de nos jours, le commerce privé entre 1'agriculteur & le citoyen, ou habitant desBourgs & des Villes , a eu lieu par le moyen des marchés publics (Nundina ,) inftitués a cette fin de neuf a neuf jours, ou bien felon que les faifons ou les circonflances 1'exigeoient. Toujours il confte que les marchés ordinaires ou extraordinaires, qui ont eu lieu parmi les Romains & parmi d'au'tres peuples, font de la plus haute antiquité. Les premiers ne s'occupant que de 1'Agriculture & des Armes, eurent plus qu'aucun autre peuple  CHEZ LES ROMAINS, dcc. befoin des marchés publics, qui fouvent étoient pour eux des fêtes de réjouiffance. C'étoit dans ces marchés que fe faifoient les échanges des fruits de la terre, contre tout ce qui étoit néceffaire en étoffes, uflenciles ou meubles travaillés par les ■ ouvriers qui habitent ordi- nairement les Villes. Et c'étoit la que des agens intermédiaires devenoient d'une néccffité abfoiue. Ces agens étoient au commencement des efpeces de Caiffiers, ou Courtiers, qui dans ces anciens tems devinrent des Commiffionaires, & tenoient en 'outre des Régiftres , oü on écrivoit les noms de tous ceux quis'adreffoient a eux, tenoient de certains livres de Compte, & qui en même-tems annotoient tout ce qui fe paffoit de quelque confidération dans Ie marché , ou a la place publique, rélativement aux achats, ventes, ou échanges (i). Vraifemblablement qu'enfuite le Magiftrat aura donné fa fanólion a cette pratique, d'autant plus néceffaire chez les Romains, que dans leur origine, ils ne connoiffoient pour monnoie que le cuivre brut ou en maffe. Or les particuliers qui habitoient la campagne, qui ne s'occupoient qu'a 1'agriculture, & qui vivoient avec leur familie des fruits qu'ils tiroient de la terre, CO v- 'e Diftionnaire de Pitifcus, au mot Nummulari. &c.  76 Chap. III. DES PROFESSIONS &c: auroient du, fans le moyen de'ces agens, conduire avec eux en venant au marché une charette chargée d'airain pour faire les payemens des achats qu'ils faifoient, ou pour rapporter chez eux le prix de ce qu'ils avoient vendu du produit de leurs terres. En voila affez pour faire fentir comment les Romains eurent befoin dans cet ancien tems, d'admettre des hommes publics qui exereaffent la profeffion de Caiffiers, & qui tinffent les Régiftres du trafic qui fe faifoit entre le Citoyen & 1'habitant de la Campagne. Venons a des tems poflérieurs: a mefure que les efpeces d'argent & d'or furent introduites parmi les Romains, 1'amour pour les richeffes augmenta ; car cette pafnon eft innée dans rhomme .civilifé. Dés que l'argent & 1'or font recus parmi les hommes comme Marchandifes, ces métaux deviennent eux-mêmes un objet d'achat & de vente. Leur prix varie felon certaines circonflances. On fcait a quel point le prêt d'argent a ufure fut porté a Rome dans les commencements, & les révolutions que ces ufures cauferent dans leur Gouvernement. Avec le tems on établit dans les .principaux endroits de l'Italie ce qu'on nommoit Nummularïi , Argentarii , Cambiatorcs ou Campfores, & auffi les Collybijlce & les  CHEZ LES ROMAINS, &c. 7? Trapezitce (2). Ces différer.s noms fignifioient les Profeffions des perfonnes qui échanscoient ou trafiquoient ies efpeces d'or & d'argent, ou la monnoie de cuivre qui avoit cours alors foit chez ies Romains, foit chez J'Etranger, & qui par le moyen de ce tralie, faifoient un gain trés confidérable: ce gain confiftoit en général dans 1'échange, ou dans le prêt, foit fimple ou fur gage, ou en fe répofant fur la bonne-foi dc celui a qui on le prêtoit. S'il m'eft permis de dire mes conjeótures fur 1'origine de ces Profeffions, je penfe qu'elles ont été établies fucceffivement, & a mefure du progrès qu'on faifoit dans les Arts & dans le Commerce. Les Nummularü ont été probablement ceux qui dans les premiers tems de la Monarchie Romaine fe méloient de tailler groffiérement ie cuivre en maffe, & qu'on donnoit au poids. Car on fait que les Romains ont été un certain tems fans avoir d'autre monnoie que le cuivre brut, fans aucune empreinte hxéepar le Gouvernement (3). Vraifemblablement qUe pour lors chaque particulier de fa propre auto- f» Scaccias in Tradl. de Comm. p. 103. No. 10. &c. L* République Romaine de Beaufort. T. IL p. 138. Cs) Bouurom. p. 72. Moeurs & Ufages des Rom. lib. 5 Cao I. p. 3.'  7S Chap. III. DES PROFESSIONS &c." a rité avoit le droit de préparer ces morceaux bruts: qu'ils y mirent enfin leur marqué propre, & que cela fervit dans le befoin de gage intermédiaire. Nu ma fit tailler grofliérement des morceaux de cuivre a des poids fixes, fans aucune marqué. On les nommoit /Js rude, cette monnoie, toute groffiere qu'elle étoit, eut cours pendant cent trente fept ans. Ce même Numa établit encore le corps & la Compagnie des Batteurs d'airain (4). Infenfiblement & a mefure qu'on marqua ces pieces, fautorité publique y fera de plus en plus interventie (5). Ce qu'il y a de certain, c'eft que dans les tems poftérieurs les Nummularn, ou Argentarii, avoient leurs tables,leur Bureaux ou Boutiques dans la grande place (6). Que IzsNummularii & les drgentarii, qui fouvent fe trouvent confondus enfemble, fufient des profeffions différentes, cela eft prouvé par ce que Muratori en dit (7), en nous donnant les Infcriptions qui fe trouvent dans Fabretti. Chap. 9. pag. 648. L. Siieflilius Jrgentarius ah feix (4) Beuttroue. p. 72 & 73. FBn* L.-33. C. 3. (5) Idem. Plin. Liv. 3 4- C. 1. Beaufort. T. 1. p. 387- &c. (6) Tarquin 1'ancien établit des boutiques ou Bureaux dans la grande place publique. Livius L. 1. C 35. Denis d'Halicarnaffe & Beaufort. T. II. p. is3- (7) Muratori. Ant. Ital. Mcd. JEvi. Diff. 16. —■ p. 887.  CHEZ LES ROMAINS, &c, 79 aries fibi, & L. Suejlilio Lceto nummulario ab feix aries. Ce qui veut dire: „ L. StieMm Argentarius des fix marchés „ (8), pour lui & pour L. Sueftilius Nummula„ rius&c." Ces deux noms Nummularius & Argentarius défignoient donc des profeffions différentes. Auffi ij paroit certain, feion Muratori, que les Nummularii étoient ceux qui examinoient fi les efpeces étoient d'un bon titre & d'un poids jufte. Auffi felon lui , Reinifius croit même qu'ils formoient entr'eux une efpece de Communauté: mais le même Muratori donne fes doutes fur le mot dont le premier le fait dériver (o). Toujours il femble que les Savans modemesplus au fait que moi des Antiquités Romaines.' entendent par Nummularius, un connoiffeur pro' prement dit en efpeces, & qui en même-tems faifoit auffi k Rome Je métier de changeur. IJ tenoit fon Comptoir (je dirois plutót fa Boutique) fur la place. Ces Boutiques étoient distmguées par des fortes d'enfeignes, ou par de certaines marqués (10). Pitiscus dans fon Dictionnaire au mot CS) Ce qui paroit avoir été 1'endroit ou étoit fa boutique. C9) Muratori, p.88?. C'o) Hem.  8o Chap. III. DES PROFESSIONS &c. Nummularii, dit que c'étoient des particuliers, qui en qualité de connoiffeurs des efpeces, fréquentoient les marchés publics Probablement fur le pied que cela fe pratique aujourd'hui dans 1'Empire de la Chine (n). C'étoit un Nummularius, continue Fitifcus , qui changeoit de la petite monnoie pour des groffes pieces. V. Pomp L. 9. ff. de Edendo. Ils étoient auffi Effayeurs des efpeces L. 39. ff. de folut. êf liber. Le Préfet de la ville devoit veiller a ce que les Nummularii fe conduififfent avec fidélité fur tout ce qui faifoit 1'objet de leur profeflion. Les Argentarii, a ce qui me femble, ne furent établis que lorfque les Romains eurent 1'ufage de l'argent, & lorfque ce métal & 1'or y devinrent univerfellement connus. II eft vraifemblable que dans leur origine ils n'ont été que des fabriqueurs de vafes d'argent ,ou d'autres pieces pour fervir de meubles, d'ornemens ou de parures, comme chaines d'argent & d'or, des bagues &c , & qu'ils étoient uniquement ce que nous nommons aujourd'hui Orfevres ; il paroit qu'ils ont eu des Boutiques, ou une forte de Caiffes de parade, pour expofer au public ou aux paffans ce qu'ils avoient a vendre.  CHEZ LES ROMAINS, &c 81 vendre. Peut-être encore que les pierres prétieufes & les bijouteries faifoient auffi une des branches de leur commerce. L. Tarquinm Prijcus permit aux Argentarii de conftruire a 1'entour du marché, oude Ja place publique, des efpeces de gaJleries, auxqu'elles étoient attachées leurs boutiques (Tabernce),8c oü ils avoient leur banc ou table; ces boutiques étoient placées au marché proche du Temple de Caftor (12). II n'eft pas douteux qu'a mefure que les Romains firent des conquêtes, 1'aifance &laprospérité parmi Je pubJic accrurent confidérablement. Ainfi ces Argentarii devinrent irifenfiblement Orfévres, Jouailliers, Caiffiers, & enfin préteurs d'argent & ufuriers. Budeus, Ie Pere des Auteurs modernes qui ont écrit furies monnoies des anciens, dit auffi par rapport a eux, qu'ils prirent leur boutique a louage du public fur la place (13). Quoiqu'il en foit, il eft inconteftable qu'ils faifoient profeflion de donner & de recevoir de l'argent a ufure. Plaute in Afinaria dit: „ Pen- (12) Pmscus au mot ArgtntariU Budeus in Pandeéhs. p. i20. Plautus in Perfa. &c. (13) Budeus Ibidem. Scaccte in Traét. de Comm. p. 103. „ 10. &c. Les Argentarii par la fuite du tems eurent fous euf des efpeces de Commis nommés CouBorcs, F  82 Chap, LIL DES PROFESSIONS, &c. dant quatre jours j'ai été occupé fur le mar„ ché a chercher quelqu'un qui prit mon ar„ gent a ufure." C'étoit un ufage trés commun chez les Romains de préter de l'argent, ce qui caufa fouvent parmi eux des féditions parmi le peuple. Ils mettoient une grande différence entre les noms d'Ufura & de Fxnus:\e premier défignoit ce que nous nommons préter a intérêt, & le fecond a ufure. Les Argentarii , qui paroiffent fi fouvent dans les Infcriptions, & dans d'autres monuments des Romains, fignifioient non feulement ce que nous nommons aujourd'hui Orfévres, mais encore ceux qui prétoient de l'argent en efpeces. Ils font nommés dans les Loix. 4. ff. de Edendo: Argentarii menfee exercitores. On a leurs noms dans d'autres Loix (14"). Dans la Novelle 131. de Juftinien il eft dit: Argentarios mutuam pecuniam dare. Reinefius croit que les Argentarii étoient feulement ceux qui fabriquoient des vafes d'argent. Guthek u s fe trompc auffi. Lib. 3. Cap. 22. De ÖfEc. Dom. Aug. lorfque dans le L. 27. du Cod. de pignorib. Argenti dijlratlores , il penfe que c'étoit des ouvriers qui fondoient l'argent en lamieres & en fils. Mais il eft évident qu'on (145 GoJefr. Codex. Theod. Pitifcus & Muratori.  CHEZ LES ROMAINS, &e. 83 y parle de préteurs d'argent en efpeces monnoyées. Et la preuve que ces Argentarii étoient des Négociants, & non des fabricateurs d'argent, fe trouve dans la loi Cod. ne Negotiatores. Or ce font ces préteurs d'argent qui avec le tems furent nommés en Italië (ampfo* res, & qu'on nomme aujourd'hui Banchieri, & en France Changeurs (15). Mais il femble que Muratori fe trompe, en croyant que ces Banchieri étoient ceux qui prétoient de l'argent a ufure. On obferve auffi dans les Comédies de Plaüte,que les Argentarii étoient proprement ceux qui adminiftroient les affaires des perfonnes de la Campagne,& de celles qui venoientfaire commerce dans les villes & aux marchés. II y avoit dans chaque ville un peu confidérable une Compagnie de changeurs & de préteurs, qui tenoient leur Comptoir dans la place publique ; on y alloit dépofer fon argent pour le faire valoir; on s'adreffoit a eux pour en emprunter a ufure, & dés qu'ils avoient écrit fur leurs Livres le nom de quelqu'un, cela valoit une obligation, leur Régiftre faifoit foi en juftice (16). (15) Muratori. p. S8ö. &c. 06) Phifeus, & Plaute ihns fa Pei-tane & dans fofl CurciiloH. F 2 *  84 Chap. III. DES PROFESSIONS &c 11 faut que tant que ces Argentarii en agirent avec modcration dans leurs entreprifes, ils aient joui de beaucoup de confidération, & d'une affez bonne réputation.L'ayeul d'Augufte avoit été Argentarius (17). Auffi il paroit qu'a Rome cette Profeffion fe trouvoit entre les mains de gens prefque tous riches (18). Mais comme le plus fouvent ils prenoient un intérêt trop fort fur l'argent, cette profeffion devint felon les circonflances trés odieufe, furtout parmi le peuple (19). Soit par trop d'avidité , foit par des confiances trop légeres, il y en eut parmi eux qui fe firent une mauvaife réputation dans le public. On en trouve des traces dans le Citrcnlon de Plaute. II y avoit auffi des Argentarii qui étoient proprement au fervice du Gouvernement; c'étoit donc pour eux un emploi public, équivalent, felon les apparences, ace qu'on nomme chez nous Caijfier de la Cour. Voyés la-deffus les Infcriptions & autres monumens dignes de foi (20). Les Argentarii en général étoient donc proprement des Caiffiers publics, & qui en même- (17) Piiifcus. & Suetone dans Ia vie d'Augufte. (18) Pitifcuï. 09) Idem. Ciceron de Offic. L. I. Ch. 42« (,20) Muratori. p. 884.  CHEZ LES ROMAINS, &c. 85 tems faifoient les grandes affaires des particuliers, tant pour percevoir leurs rentes, que pour faire leurs payemens, ainfi que cela 3 encore lieu dans les grandes villes, par exemple a Conjiantinople & k Londres. Je nomme ces deux endroits, paree que les Caiffiers y font diftingués de ce que nous entendons aujourd'hui par Banquiers, c'efl-a-dire, ceux quï font des affaires avec 1'Etranger. II faut bien faire cette diflinction, paree que nos coutumes font bien changées, quant au nom, mais le fond de la chofe exifte toujours. La preuve s'en trouve dans 1'infcription qu'on lit dans Reinefius , & rapportée par Muratori: Oiiintius Mfidius menfarius tabernce Argentarics ad feut urn cimbricum, (ce qui défigne 1'enfeigne de fa boutique, a YEcu cïmbrique) cum magna vi ceris alieni ceffitforo. C'efl-a-dire, a quitté le marché avec beaucoup d'argent, ou en d'autres termes, a fait une banqueroute frauduleufe (21). Outre les Argentarii i] y avoit encore les Colleclarii, qui me paroiffent encore avoir été distingués des premiers,quoiquefouvent ilsfoient auffi confondus avec ceux de la même profesfion. De ceux-ci il y en avoit a Rome un C21) Muratori. pag. 886 & 887. F 3  $6 Chap. III. DES PROFESSIONS &c. certain nombre, qui étoient obligés de vendre les Solidis d'or a un certain prix, fixé par le Gouvernement (22). Les LollyMjice , CampJores ou Cambiatores, font donc d'une origine plus moderne, & mon idéé eft fondée fur ce que Scacciae a écrit fur cette matiere a la page 103. de fon Traité de Commerce. Probablement que ces noms n'eurent lieu qu'après le X & X1I11C. Sieeles, lorfque VEurope commenca de nouveau a fortir plus ou moins des ténébres oü elle avoit été plongée 5 & cela par le commerce des Italiens, enfuite par la liberté de leurs villes, & par les voyages des Croizés a la Terre Sainte. Comme pendant mes Recherches il s'^ft préfenté un monument affez ciuïeux, je crois faire plaifir de le rapporter ici. On trouve au Portail de 1'Eglife Cathédrale de Lucques une pierre, ou un monument,oüfe trouve gravée la teneur du ferment que les perionnes quivenoient a la foire de St. Martin, Patron de la ditte ville, devoient préter. Voici ce qui fe trouve fur ce monument traduit du Latin: „ P°ur en conferver la mémoire, & pour ie maintien de la bonne juftice, nous avons (22) Gothcf. in Cod. "Theod. T. 3. p. 303.  CHEZ LES ROMAINS, &c. g? » fait écrire ce ferment, lequel tous les Chan„ geurs & Marchands Boutiquiers ou Brocan„ teurs ont fait du tems de TËvêque Rangen, „ afin qu'un chacun puiffe échanger & vendre „ avec confiance. Tous les Chaiigeurs & autres „ boutiquiers ont donc fait ferment, qu'a com„ meneer du moment qu'ils prennent leurs „ places au parvis de St. Martin, & dans les » maifons oü les Marchands fe trouvent lo„ gés , ils n'uferont d'aucune trorhpérie oü „ füperchérie. Ce ferment a été fait par ceux „ qui font le métier de Changeurs d'efpcces. „ En outre, ceux qui fe trouvent de garde au „ parvis , doivent non feulement avoir foin „ que le bon ordre y foit maintenu, mais font „ en outre chargés de faire bonifier & réparer „ le tort qu'on aura fait. L'an de notre Sei„ gneur MCXI. Que celui donc qui vient „ ici life cette formule, y ait confiance, & „ ne craigne rien pour lui (23)." Quant aux Trapezites, on n'en trouve aucune mention dans 1'Ouvrage de Samiiel Pitiscus; je foupconne que le nom de cette profeffion eft le plus moderne de ceux qui fe font mélés du prêt a ufure en Italië, & que ce font de ces Trapezites que par fucceffion font forties nos petites banques d'emprunt, (23) Murïtori. t. 11. p. 882. F 4  88 Chap. III. DES PROFESSIONS &c. qui n'étoient autrefois que de fimples Lombards , comme encore ils en dépendent dans notre ville d''Amflerdam. Nous indiquerons au Chap. VIIme dans quels endroits les premiers Comptoirs de ces Ufuriers ex profejjb ont été originairement établis dans ce Pays. Avant de quitter cet article, je préviens qu'il eft affez connu que les Trapezites ont eu lieu chez les Grecs, & en particulier chez les Athéniens : ce n'eft donc qu'après bien des fiecles que le nom de cette profeffion fut connu chez les Italiens. Ceux qui défirent étudier encore plus pronf#ndément cette matiere,peuvent confulterladeffus les Auteurs Grecs & Romains, furtout les anciens monumens & les Loix, & auffi le Gloff. de duCange. Au refte, je renvoi le Leéteur fur 1'article des Banquiers & des Changeurs a ce que j'ai déja dit la-deffus dans ma première Partie.  DESLOMBARDS &c. sjj CHAPITRE IV. Des Préteurs a Ufure, connus fous les noms de' Lombards & de Caorfini. A prés l'an noo. (dit Muratori,) la plupart des Villes d' italie , nommcraent de la Lombar die , de la Tofcane (i) öc du Pays de Genes, s'étoient déja érigées en Pvépubliques: leurs citoyens s'appliquerent non feulement a augmenter la puilfance de leur Patrie , mais encore ils eurent foin d'affermir leur droit municipal, & d'augmenter par ces moyens leur fortune. Plufieurs arts trés utiles s'introduifirent facilement parmi eux, & on y faifoit un grand Commerce par mer & par terre (2). Les Vénitiens, les Génois & les Pifantins s'y diftinguerent par deïfus les autres. Ceux qui excelloient en intelligence & en induffcrie ne perdoient pas inutilement leur tems. De la proportion de leur aétivité il en réfulta de la gloire pour ceux qui fe trouvoient a la tête de Tadminiftration publique, & des profits confidérables pour les particuliers. Les Tofcans, & furtout les Florentins, ne Ie CO Muratori. Antiq. Ital. Medii JEvi. Diff. XVI. it) Idem. F 5  oo Chap. IV. DES LOMBARDS, cédoient a aucun de ceux qui fe méloient du commerce; les habitans de ces deux Villes paroiifent avoir eu le tact le plus fin pour tirer parti de cette efpece de Commerce (3), que nous nommons aujourd'hui Commerce iVEconomie. Ils étoient outre cela fort laborieux , & dispofés a quitter s'il le falloit leur Patrie, pour aller s'établir chez 1'Etranger. Auffi, non contents des profits qu'ils firent chez eux par ies Arts, les Fabriques ou les Manufaétures qu'ils y avoient établies , ils fe tranfporterent hors de VItalië , & formerent partout des Etabliffemens par forme de Comptoirs, de Facteurs ou de Correfpondants,dont les Chefs de ces Maifons de Négoce demeuroient a Florence. Ce font eux qui les premiers fe font mélés de faire paffer hors de Yltalie Je trafic de prêter de l'argent a ufure ou k gros intérêt. Le profit que cela donna au XI. XII & XIIIi],cs. Sieeles, & encore plus tard, ainfi que nous le verrons plus bas, étoit trop amorcant pour ne pas y donner tête baiflee. Le grand befoin d'argent parmi les Croizés pour pouffer leurs entreprifes, fit réfoudre les Négociants (3) Muratori & Della Decima &c.  ETCAORSINS. 9x Italiens de former, par préférence a d'autres Pays, des établiffemens en Flandre, en France & en Angleterre, principalement dans ces deux derniers Royaumes, oü il paroit que les Italiens, & furtout les Florendns, s'établirent plutöt qu'ailleurs, pour y pouffcr le trafic d'ufure. Auffi les derniers étoient-ils plus au fait du Négoce des Efpeces, & par conféquent ceux qui entendoicnt le mieux la fabrique de la Monnoie. Ils étoient prefque toujours employés par la Cour de Rome a la Cour de France, a Londres & ailleurs, pour fairepaffer les efpeces que Je S. Si .'ge tiroit pour lors de tous les pays. Ayant par ce moyen trouvéentrée parmi les Perfonnes du plus haut rang, ils étoient toujours confultés par les gens en place fur tout ce qui avoit du rapport aux finances (4). (4) Muratori npporte un recu de la part du Pape, 011 on lit: „ Grègoire IX. Serviteur des Scrviteurs dc Die u, a tous ceux . „ qui verront ces prérentes , falut: nous leur donnons notre Bé„ nédiétion Apoftolique: nous voulons qu'Ji vous tous il foit connu, „ que toute efpece de comptes ont été liquidés entre notre Cham„ bre & notre bien aimé fils Anitclirum Solaficum, ci-devant notre s, Changeur, & fes Affociés Marchands h Sietine, &c. En 1302. On vit jouir d'une grande faveur auprès de Philippe Ie Bel les Mufciati Florentins, qui avoient confeillé au Monarque d'affoiblir les monnoies: Voyés Tom. I. Seconde Partie p. 185. de mes recherches. Sous Edouard I. Roi d'Angleterre FrefcobaUi fut mandé de Florence pour mettre la Monnoie it Londres fur un bon pied: auffi y fut - il fait Directeur de la Monnoie.  pa Chap. IV. DES LOMBARDS, On ne fe tromp e donc pas, ace qu'il me femble, lorfqu'on dit que les habitans de plufieurs Villes de la Lombar die & de la Tofcane, furtout de Milan, de Lucques & de Florence, durent a cette efpece de commerce 1'extenfion de cette Puilfance, a laquelle ils parvinrent au XII & XIIImes. Sieeles. Mais parmi eux les Florentins fe font les plus diftingués ; ce qui ne doit pas trop furprendre, fi on confidére qu'outre ce trafic d'ufure, ils avoient des Manufaétures trés riches & trés confidérables; car non feulement ils faifoient négoce en Draps dc France & de Flandre, &c. mais encore ils en fabriquoient chez eux avec les laines qu'ils tiroient de VAngleterre , & probablement auffi de YEfpagne & du Levant. Et en outre, ils avoient encore d'autres Manufaétures d'Etoffes de toute efpece, même en foye, qui paffoient enfuite dans le Levant & ailleurs(5). Les Florentins ont eu en ferme les Monnoies de plufieurs Etats: a Naples le Négociant nommé Perugia avoit aflermé Ia Monnoie. En 1447- on trouvoit meme h Rome comme Direéteur de la Monnoie un nommé Ftancefco Mariana Florentin. Voyés fur ces objets Della Decima &c. p. 74. & Zanetti dille tnonete d'Italia. T. I. p. 403. Note 5. imprimé en 1775. (5) Voyés Muratori & les Livres Della Decima &c. oü on obferve qu'en l'an 1469. il y avoit 51 Maifons de Commerce ou de Marcliands a. Confiantinople , & Adrianoplc & s Brufia. Ce dernier Endroit eft en Afie & trois journées de Conflantinople, d'oü on tire de tres belles foyes blanches, & les plus approchantes de elles de la Chine.  ETCAORSINS. p3 II faut que j'obferve en paiTant,qUe dans le tems que les Florentins étoient déja fi experts dans le Commerce, ils n'avoient point de Port de mer a eux. Mais ils fcurent par des Négociations politiques & adroites ménager les Peüples voifins. Le premier Traité a cet effet (qui du moins eltvenujufqu'aujour. d'hui a ma connoilfance) fut fait en u 71. avec ceux de Prfe (<5). Et on peut dire que par le moyen de ce Traité, les Pifantins étoient dans le commencement prefque toujours a leur dispofition ; & Ce n'eft que par la fuite que ceux de Pifi devinrent la vi&ime de leur propre jaloufie. Car la puiffance des Florentins augmenta tellement par le Commerce, qu'elle parvint a prefcrire la loi aux Villes & aux Républiques voifines, & a la fin (en 1406) ils fe rendirent les maitres de Plfe même (7). En 1421. ils achetterent des Génois le Port & la Ville de Livoume (8). Peu après, & dans le Je pourrois donner les noms de plufieurs perfonnes qui étoient rép.ndues, dans „n tems même antérieur, dans les prineipales Villes de Commerce en France, en Ualie, a londres & dans le Leyant: 1= nombre en eft pour ainfi dire infini: & ftrij crainte de me tromper, je puis affurer que pendant une période de deux cents ans, il ne s'eft pas répandu autant de „os Holland™ dans ces Endroits pour le Commerce. (6) Della Decima &c. T. II. p. 8. &c. (7) Idem. p. 2S. (8J Idem. p. 30 & 59)  94 Chap. IV. DES LOMBARDS, même fiecle, ils furent la Nation la plus favorifée au Levant, & en particulier a Aléxandrie & a Confiantinople , & cela même après que Mahomet H. eut fait en 1453. la conquête de cette Capitale de 1'Empire Grec Car ce furent eux qui affifterent Mahomet II. contre les Venitiens qui par conféquent obtinrent pour récompenfe cette faveur préférablement aux Négotiants des autres Villes ou Nations. Mais remontons U des tems antérieurs. Les Florentins, par le métier d'Ufuriers qu'ils firent partout chez 1'Etranger, retourneren? dans le XII & XIII. & au commencement du XiV'ne. Siècle chez eux chargés d'or &de richeffes. Ils firent batir chez eux une grande quantité de Palais fuperbes. 11 y avoit parmi les Négociants des particuliers d'une trés grande réputation & trés riches: on en voyoit qui, . entr'autres, avoient des Arfenaux en propre, & fournis de toute forte d'Armes en abondance (10). II y eut un tems que les Médkis avoient i<5 Maifons établies pour le Négoce dans les divers endroits de I'Europe (11). Cosme de Medicts , fi connu par le nom de (9) Della Decima. t.. II. p. 41' 43- &c. (ie/) Muratori. Diff. XVI. Della Decima t. II. (il) Oella Decima. t. il p. 72-  ET C A O R S I N S. 9S Pere de Ia Patrie, dépenfa de fon bien en feules Oeuvres-pies pour la valeur de 400, d'autres difent de cinq cent mille Ducats (12)! Mais ce qui dérnontfe furtout la profpérité de la Ville, même antérieurement,c'eft qu'elle fut agrandie en 1107. pour la feconde fois, & que fa Population en 1351, felon 'Giovanni Vlllani, fe montoit a 90 mille ames (13)} & cela avant les pertes énormes que les habitans firent, furtout en 1339. par des faillites confidérables, nommément par celles desScali, gli Peruzzi, Ac chili, Bardi, Ammanati &c. (14), occafiónnées par les fommes qu'ils avoient prétées au Roi Edouard III, au Roi de Jérufaiem,& encore k d'autres grands Seigneurs (15). Pour fe former une idéé de leurs richefies • je remarquerai ici que la maifon des Scali fit une faillite de 400 mille florins d'or, ou de (l2j Della Decima ikc. (13) Giovanni Villani in Rer. Italia. de Muratori. t. XIII & Della Decima. t. I. &c. G. Vili.an, dit, que fans y com-' prendre ies Etrangers & les Eccléfiaftiques ,& ceux qui fe trou. voient hors des murs ou dans les Fauxbourgs de Florence il y avoit alors no Abbayes & Eglifes, outre 57 ParohTes, 5 Abbayes avec deux Prieurs & 80 Moines: 24 Monaftercs (de Fcmmes) av« 500 Réligieufes, 10 Réguliers avec plus de 700 Freres 30' Höpnaux avec plus de mille lits,& 2so h 30o Prétres ChapelaL (14) Rer. Ital. de Muratori. t. XIII. Della Decima &c. t. II. p. 66 & 67. (15) Wem. &c.  06 Chap IV. DES LOMBARDS, plus de deux millions de florins d'HolIande. Les Peruzzi d'un million, ou de 5 a 6desnötres, & les Bardi de 363 mille florins d'or, ou plus de cinq fois autant de nos florins (16). II (16) Le flovin d'or battu pour la première fois dans Florence, en 1252. ftoït d'or pur; il y en avoit 96 a la livre, & chacun péfoit 72 grains, ou une Dragme. En évaluant la livre de Florence, ou en la fuppofant comme égale a la livre de poids Ro. maine, ces 96 Florins d'or péfoient 6789. de nos As , & chacun 70 » As, Or notre Ducat d'or contient 71 *+ Ast 1'orFlorentin étaiit de 24 Karats. & celui de notre Ducat du titre de 23^ i % réfulte de la que le floiin d'or de Florence étoit en poids d'or fin environ égal a notre Ducat d'or d'aujourd'hui. Mais il y a une réflexion importante a faire, & qui mérite de trouver ici fa place, c'eft que la proportion entre le Prix ou la valeur de 1'or & de l'argent, étoit alors bien différente de celle qui a lieu aujourd'hui. Elle étoit dans ce tems - la comme de 1 a 10, ou 10 | , (Voyés 1'Ouvrage fur la Monnoie du Comte Cahi), & elle fe trouve mamtenant felon notre monnoie de 1 a 14?-. L'or eft donc aujourd'hui pour le moins quarante pour cent plus cher qu'il ncl'étoit alors. Par conféquent cent mille florins d'or de ce tems-la donneroient aujourd'hui une fomme qui furpafferoit celle d'autant de Siquins de Vénife, ou de Ducats de Hollande, d'oü il fuit que chaque florin d'or de Florence, en 1'évaluant felon le prix aétuel de notre argent, reviendroit entre 7$ a huit florins courant de notre monnoie. Je ferai remarquer h cette occafion que Giovanni Villani évaluoit de fon tems (& notament cn 1302O le mare fterlings a 4$ florins d'or: ou 3000 mares a 9000 florins d'or. Voyés Rymer Aft. Publ. T. I. p. 4- Giov. Villani Lib. 12. Cap. 54 & 56. En 1462. la Livre Sterlings étoit évaluée i Florence a fix florins d'or. Della Decima. Tom. IL p. 71. On peut obferver par la, qu'alors la livre fterlings valoit bien plus qu'aujourd'hui, & que fa valeur n'avoit pas encore été réduite fur le pied aétuel. * Voyés  ET CAORSINS. 97 II faut en outre faire attention a ce que valoit pour lors l'argent, & que 1'or eft depuis renchéri de 40 k 50 par cent. Ces trois faillites feules fe monterent a au dela de neuf de nos millions: qu'on juge par la de la fomme totale de toutes ces faillites, & des richeffes des Italiens dans ces tems - la (17)- Voyés ce que j'ai dit fur cette matiere au Chap. V. de ma première Partie de ce fecond Volume, p. 114. Et Chron. Pretiofum de 1'Eveque Fleetvvood. p. 17 & 135. Traité trés curieus a eftimé & tres rare. (17) Pour appuyer encore ce que je dis rélativement a Ia feule Ville de Florence, il y avoit en 1338. 200 Métiers qui y Manufaéluroient des laines, & faifoient annuellement 70 h 80 mille pieces de Draps, pour la valeur d'un million & deux cent mille florins d'or , dont le tiers fervoit b payer la main-d'ceuvre, ce qui formoit un profit clair, fans y comprendre le profit qu'on faifoit en outre fur les laines: cette Manufaéiure faifoit vivre plus de 30 mille perfonnes. Trente ans avant la dite époque on y comptoitsoo Boutiques ou Métiers, qui donnoient alors plus de 100 mille pieces de Draps par an, mais dont la qualité étoit plus groffe & ne produifoit pas la moitié en valeur. Depuis ce tems les Florentins ayant appris a travailler les laines d'Angleterre, vinrent a bout d'améliorer leurs Manufaétures. Ceux qui par forme de Compagnies fe méloient de faire venir des Draps de France (Calimale Francefchï), & d'autres pays d'au dela des Monts , fe trouvoient au nombre de vingt , quï faifoient venir annuellement cent mille pieces de Draps Cprobablement gros) & non teints, valant trois cent mille florins d'or: & ces derniers fe vendoient dans Florence &c. Voyés Giovanni Villant : fon Ouvrage fe trouve auffi dans Ie Her. ltalia de Mi:RATOtu. T. XIII. & Della Decima. T. II. p. 64. &c. On trouve dans le dernier, quoiqu'il s'agiffe d'un tems postérieur, qu'il y avoit au XVrae. fiecle 83 Mauufacturi-rs dc G  pS Chap.IV. DES LOMBARDS, Cela rhcriteroit bien la peine de faire une efpece de Chronique contenant les principaux Soye, dnnt l'oUvragfi étoit inagnifique & de grand prix; di Drappi di f-la, e Drnccatti d'aro, ed'arg'nto, e dommafchini o Velulï t Rafi , t Tafêtfa, e Marcmtnati per Horna, p r Napoli, Catalngna, Siei'ia, per la Tare'iia, la Marca, Barber'.a . per Gennya, V'Chonc , Mnmp.liere, Liane, Landra, /lm/erfa , per Ferrarc e per ttttia Italia. Giovanni Vii.lani (a l'an 1338.) rapporte qu'an. nue'leinent on fabriquoit il leur hotel de Monnoye 350 ii 400 mille florins d'or, & 20 mille Livres en poids d'argent. Les Boutiques de cordonniers, de fabotiers & des faifeurs de fandalesfc moi.tnient trois cents. Le Collége des Juges ou Jurifconfultcs étoit compote de 80 ii 100 perfonnes. Les Notaires fe trouvoient au nombre de 600. Les Médécini & Chirurgiens au nombre de 60. & les Boutiques des Epiceries (fpccialQ S ioo. Quant aux autres petits Marchands & Bröcantëürs, il n'eft pas poffible d'en donner le nombre. tant ii caufe de leur grand nombre, qu'i caufe de ceux qui aijoient & verióierit continuellement., & qui n'avoient point pour ainfi dire de Domici'e fixe, &c. A Ia même époque,c'eft-a-dire,au commencement du XVme. fiecle, il y avoit encore 72 Banquiers ou Changeurs, avec leurs Comptoirs ou tables, couvertes de tapis, fuivant 1'ufage d'alors; on comptoit qu'il rouloit cn effectif dans les murs de Florence deux millions de florins d'or, & que par femaine on envoyoit a Vénife 7000 Ducats , qui faifoit par an 364,000. Ceci eft rapporté par un Auteur qui ne doit pas être fufp'ea, puifqu'il a fait tout fon poffible pour diminuer ou exténuer les faits qui étoient t la gloire des Florentins. Voyés Della Decima, T. II. p. 65. Les Florentins ont auffi des premiers profité des expéditions des Croizés. Voyés le même Auteur p. 53. & Giovanni Villani, Muratori & autres. A l'an 1118. ils étoient parmi ceux qui firent ia conquête de Damiele. J'ai déjii parlé ailieufs des Vénitiens rélativement S la Navigation qu'ils firent pour les Croizés. Au commencement du XVme> fiecle cette République employa dans le Commerce 45 Galeres grandes & petites , fur lefquelles fe trouvoient iicoo Matelots.  ET C A O R S I N S. 99 faïts rélativement a raccroiffement de la puïsfance, de la progrefiion du Commerce & de 1'induftrie des Florentins. Cela feroit tout auffi curieux pour la poftérité qu'une Hiftoire Philofophique du Commerce des Européens dans les deux Indes: du moins a ce qu'il me femble elle contiendroit des événemens, qui fondés fur des réalités, répandroient des lumieres fur le - commerce aétuel. Car dans ce fiecle, oü les Romans font fi fort a la mode & en vogue, je me défie de tout écrivain qui ne cite pas fes garants. Mais comme cette feconde Partie deviendroit paria trop voiumineufe, je réferve cette hiftoire a une autre occafion. Je vais maintenant reprendre ce qui a un rapport direft a 1'origine des EtabJiifemens des Lombards en général. Le trafic qu'on faifoit par les prots a ufure, & celui qui provenoit des Manufaétures & Les Vénitiens avoient 'outre cela 3000 Batiments du port de 10 a 200 Tonneaux, fur lefquels étoient employés 17000 Matelots, & encore 300 gros Vaiflèaux Marchands, montés de 8000 gens de mer: ainfi en toilt 3345 Batimens, montés par 36000 Matelots. On fc-ait outre cela que tous les ans, plufieurs Villes de la Lomlardie envoyoient a Vénife pour la valeur de 900 mille Séquins en étofies de laine, & qu'on y vendoit en Marchandifes pour 3 Millions & 900 mille Séquins. Et qu'annuellement ils faifoient chez 1'Etranger un Commerce ci'environ dix millions de Séquins, ce qui fait 55 Millions de nos florins actucls. Voyés Della Deeima. T. II. p. 7. &c. & Della nwnete di C. Carli. Tom. UI pa-r 30 G 2  IOo Chap. IV. DES LOMBARDS, des autres Arts, étoient le plus a portée pour ceux qui fe trouvoient établis dans les Villes Etuées dans 1'intérieur des terres d'ltalie. Auffi, outre les Villes de la baffe Lombar die, < fous'lequel nom la Tofcane fe trouve diftinguée dans une Carte Géographique du moyen age (18),) il y avoit les Villes de la haute Lombar die, (Neujtrie ou Lombardie), Genei & Vènife: on y voyoit encore nommément, Milan, Afia , Plaifar.ce , Florence, Sienne, Lucques, Pijioie, Bologne, Albte, &c. Les petites guerres que les Villes d'ltalie fe firent entr'elles dans le XI. XII & XIII»'e. Sieeles, & même dans la fuite, donnoientoccafion aux citoyens des dittes Villes de donner chez eux, auffi bien qu'ailleurs, de 1'emploi a leur argent, ou de le faire valoir dans le Commerce. Car par le moyen de leur induflrie, & par les voyages des Croizés, qui la plupart s'embarquerent dans des Ports dela Méditerrannée (19), & par la vie frugale qu'ils menoient alors, ils amafferent infenfiblement beaucoup d'argent en efpeces ; & lorfqu'ils en manquoient, il y avoit d'autres perfonnes, foit Eccléfiaftiques, ou autres, qui leur prétoient de (i3) Rer. Ital. de Muratori. Tom. X. Quj) Idem. & les Annales u Italië di Muratori. T. VI & VII.  ET CAORSINS. ior l'argent a un intérêt pius modiqueque les Lombards n'avoient coutume d'en exiger. J'ai trouvé, entr'autres, que dans Pannéé 1124. des préteurs d'argent de Florence donnerent a Aldovrandino Marquis d'Efte, pour foutenir le parti d''Innocent III. une forte fomme d'argent, fous 1'hypothèque de tous fes biens AUodiaux, & fur ceux de fon propre Frere Azzo VII (20). Dans 1'année i26"o. les Salembini, Marchands demeurant dans Florence, préterent a la Ville de Sienne 20 mille florins d'or (21). Dans le befoin plufieurs Seigneurs & Villes auront eu recours aux mêmes emprunts. Probablement qu'a Milan ces exemples n'auront pas été rares, car cette Ville fut toujours enveloppée dans toutes ces Guerres de faétions. J'ai déja dit que dans toutes ces Villes il y avoit une efpece de Gouvernement Républicain & régulier. Les Citoyens ayant feu fe procurer des Loix Municipales, & beaucoup de.Privileges, avoient établi, pour foutenir ce qu'ils avoient commencé , leurs Magiftrats non feulement Supérieurs {Maggiori), mais encore des Magiftrats fubalternes (Minorï), généralement connus fous les noms de Consuls. Ces derniers fe trouvoient donc a la tête des Com- (20) Della Decima &c. p. 129. & Annali cCIlalia. T. VII. (21) Idem. G 3  io2 Chap. IV. DES LOMBARDS, munautés des Villes, car ces Communautés doivent ctre ici diftinguées de ce qu'on appelloit dans quelques Villes la Commune (22): une Communauté étoit proprement une certaine Claffe de Citoyens; & parmi ces diverfes Communautés a Florence, après celle des Marchands de Draps (f d'Etoffes, fuivoit celle des Changeurs , des préteurs &c. mais celle des Juges & des Notaires étoit la première, ou tenoit le premier rang. Chaque Communauté avoit fon Coksul, ou fes Consuls & Doyens (23), qui comme Répréfentans des différentes Gaffes du (22) Les Communes font ce que nous appellons aujourd'hui Gemeente, ou Corps de Ville, & dans celles-ci réfidoient alors proprement Ia Puifiance du Gouvernement; car elles élifoient leurs Doyens répréfentans, ou leurs Confuls. Voyés ce que nous avons dit la-deffus au Chap. II. (23) Della Decima &c. dit p. 10. & fuivantes: A Florence Ie Peuple ^1'tipolo Graff'oj étoit dans fon origine divifé en fept Gaffes (Arti) ou Con.muuamés. Dans la première étoient compris les Juges, ou Jurifcoiifultes, & les Notaires. Dans la feconde les Marchands , (di Cal'inala, di Panni Francesca); vcnoient enfuite les changeurs , & ainfi de fuite on voyoit les Gaffes des travailleurs en Laines, des Médécins, des Ouvriers en foyes (Setajoli) des Brocanteurs (Rlerciai), & cn dernier lieu celle des Pelliciers. Chaque Claife élifoit les perfonnes qui devoient avoir part au Gouvernement , aux places d'honneur & aux pofles lucratifs. On concoit que 1'influence des Négociants fur Ie peuple devoit être confidérable, a caufe du travail qu'ils procuroient aux Artifans, & des richefies qu'ils accumuloient; auffi c'étoient proprement eux, qui par le moyen du peuple gouvernoient Ia Ville & dictoient les Loix &c. Dans la fuite au lieu de fept Gaffes d'Arts, Ie nombre en fut porté it quatorze, & même après a vingt un.  ET CAORSINS. 103 Peuple, fous 1'approbation des Confuls fupérieurs, faifoient des Alliances & des Conventions ou Traités avec les Villes voifines, ou avec les Etats & les Royaumes Etrangers, cc fjurent par cette conduite fe faire refpeéter des Princes & des Monarques hors de ïItalië. Aufïi on obferve par le Traité que les Villes de la Lombar die, de la Tofcane &c. firent en 1278. avec ie Roi de France,que les Villes de Gents, Fénife, Piaifance, Lucques, Bologne , Pijloie , AJlce, Albce, Florence, Sienne & Milan, étoient pour leurs intéréts refpectifs toutes réunies fous un feu! Chef , lequel fe nommoit Fulcone Cacius, citoyen dela Ville de Piaifance, Chef ou Capitaine Général de la Société des Marchands de la Lombardie & de la Tofcane , lequel conclut & figna le Traité, comme ayant pouvoir & s'y trouvant fpéciaJement autorifé de la part des Consuls Marchands, Romains, Genois, Venitiens, en un mot au nom des Villes ci-deffus mentionnées (24). Par ce Traité , il fut conditionné que les Citoyens des dittes Villes pourroient s'étabiir k Nismes &c. y jouir des mémes prérogatives que chez eux, ainfi qu'a Montpellier &c: (24) Mueatori. Diff. xvi. & nu CaNOE. Gloffsr. nux mots. Vfurarii, Foeneraiorcs, Fowerarius, Limcabaïdi ou Lomlardi. G i  io4 Chap. IV. DES LOMBARDS, qu'ils y pourroient avoir a eux leur Capit ai ne ou Chef & Consuls, ainfi qu'ils étoient accoutumés d'avoir fur les Foires en Champagne, oü ils avoient le privilege d'élire parmi eux leurs propres Juges , & de faire justice felon les Loix de leur Pays ou Patrie &c. On peut voir ce que du Cange dit la-deffus dans fon Gloffaire au mot Longobardi, & Muratori dans fa XVI. Differtation des Antiq. Ital. Medii Mvi. — Mais furtout il leur étoit nommément accordé de pouvoir exercer librement leurs profeffions d'Ufuriers. Muratori fait la-deffus une réflexion bien jufte: voila, dit-il, comment ces fangfues fcurent s'unir adroitement entr'elles pour leur avantage (25). A préfent il me refte encore a entrer dans quelque détail fur le mot Caorcini, dont du Cange fait auffi mention. II veut que ce mot dérive d'un nom de familie Italienne: mais il paroit que lui, & d'autres Ecrivains célebres d'après lui, felon Muratori, fe font trompés; & c'eft a caufe de cela que je placerai ici ce qu'il a dit la-deffus. „ Ce n'étoit pas feulement les Italiens qui „ exercoient le vilain métier d'Ufurier, mais „ les Francois firent la même chofe, & peut- (25) Muratori &c. DUT. XVI.  ET C A O R S I N S. 105 „ être encore pire, furtout ceux de Ia Ville „ de Cahors. Ainfi ce furent ces habitans de i, Cahors, & non pas les Italiens, qui furent „ aopellés Caorcini." C'eft donc, felon Muratori,une erreur de croire que ce mot ait eu pour origine celui de la noble Maifon des Corfini, Flor .-mins de naiffance: Corfino felon eux feroit donc changé en Coarfino. II eft cependant certain que les Corfini, ainfi que d'autres families nobles de Florence ,snpp\[querent au Négoce: & on fait que dans fannée 1342. ils firent Banco-fallito, ou Êahque. route. Mais ce n'eft ni d'eux ni de tant d'autres Florentins encore plus riches qu'eux, qu'on derive ce nom, pour défigner tous les Marchands préteurs de la Tofcane de h Lombar die, ou encore de toute YItalië & de la France. Mais la vérité eft, que les citoyensMarchinds de Cahors furent nommés Coarcini; car ce fut dans cette Ville plus qu'ailleurs que ce trafic de pr.'ter a ufure dans ces fiecles étoit en vogue, au point que Dante dans fon XI. Chaut de Yhnfer, en fulminant contre les ufuriers, compare ceux de Cahors aux habitans de Sodome. Cahors eft nommé en Italien Caorfa. Pour preuve encore, voyés ce que Benevenuto d'Imola k écrit a l'an 1380. Caorfa, id eft, Ufu-  iüó Chap. IV. DES LOMBARDS, rarios j Carturgium enim Civitas in Gal Ha, in qua quaji omnes funt faneratores, II y dit funty paree que cette p~fte duroit encore de fes jours (26). Du Cange fait de même mention d'un Edit de Charles II. Roi de Naples Comte de Provence &c. par lequel il chaffe de tous fes Domaines les Caturcinos Ufurarios. Et felon Muratori, Philippe Roi de France, en 1220. donne a entendre dans fon Privilege, que les Citoyens de la Ville de Caën en Normandie s'appliquoient auffi a ce trafic infame, en difant: Concejfimus Burgenfibv.s nofiris de Cadomo refidentibus in Villa Cadomi, quod nee eos, nee uxores, nee haredes eorum capiemus ad occafionem de Ufura in morte eorum. Deforte que ce ne fut pas feulement en Italië, mais encore dans d'autres pays, qu'on feut profiter des befoins ou de la ftupidité des hommes (27). Muratori ajoute: il faut attribuer a ce que je dis, c'eft-a-dire, a la maniere dont ces gens en agiffoient contre les Loix de Dieu, 1'horreur qu'on avoit d'eux, car le préjudice qu'ils caufoient au public & aux particuliers furpaffe 1'imagination. Par tout ces Ufuriers étoient en abomination. Dans 1'année 1106. Edouard I. Roi (a<5) Muratori &c, Diff. XVI. pag. 891. (27) Idem.  ETCAORSINS. 107 XAngleterre défendit aux Ufuriers de refter dans fon Royaume (28). II eft donc probable qu'il eft ici queftion d'Ufuriers gtrang -rs. On lit aoifi dans Mathieu Paris, dans fon Hiftoire $ Angleterre a l'annés 1235. „Dj nos „ jours lapefte terrible des Caorfini (c'eft-a-dire „ d^s Ufuriers Francois (29),) s'eft teilem_>nt „ répandue, que pour ainfi direperfonne ne s'en „ eft pu préferver." II rapporte comment ces Ufuriers contraignoient leurs débiteurs au payement^ comment, après quel'Evêque de Londres les eut excommuniés, ils fcurerit adroitement fe procurer des protections a la Cour de Rome, enforte qu'ils fe mocquerent de toutes les pourfuites qui eurent lieu contr'eux, Le même Historiën écrit a l'an 1240. que Henri III. R0i d' Angleterre, Caorcinis, prcecipuè Senonenfibus, (ainfi ces Ufuriers étoient Franjois (30),) terram fuam interdixit. Ipfi autcm molefiè ferentes fif dolentes tales fe pafcuas amiffuros, data pecunia, qua? nimis folet impios jufiificare, adhuc pro magnd parte latuerunt. Ils furent de nouveau bannis, & enfuite rappellés, felon que les Rois y trouvoient leur f28) Muratori, Diff. XVI, p-, 801. (29) Idem. (30) Idem.  ioSf Chap. IV. DES LOMBARDS, compte: car ils profitoient également & de leur butin & de la confifcation de leurs biens. Et au milieu de tout cela la Cour de Rome leur Fut fouvent favorable , non qu'elle approuvat leur ufure, mais paree que, comme je 1'ai déja dit, elle fe fervoit d'eux par toute la Chrétienté occidentale pour fe faire remettre les fommes qu'on lui fournilfoit. La même chofe arriva en France. Sous Philippe, fils du Roi St. Louis, il fut ordonné aux Ufuriers Lomhards & Caorfini de fortir de fon Royaume, en leur défendant de faire a 1'avenir le tralie d'Ufuriers dans fes terres , permettant pourtant aux Mercatoribus Lombardis Caorfinis de pouvoir faire le commerce admis par les Loix. Pareillement Charles II. Roi de Naples & Comte de Provence, chaffa de fes Domaines en France, Lombardos, Carturcinos, aliafque perjonas alienigenas Ufuras publicè exercentes. Mais les moyens ne manquerent pas a ces peftes publiques, pour rendre vains tous ces Edits, deforte que quoique toujours odieux & réprouvés, ils étoient partout de vraies fangfues pour les habitans, qui lorfqu'ils étoient une fois atteints de leurs griffes, ne s'en détachoient pas facilement (31). Cette manie fut encore fortement envigueur (31) Muratori. Diff. XVI. p. 8yi.  ET C A O R S I N S. 109 pendant lesXIV&XVme. fiecles, tant enFrance qu'en Italië (32), ainfi que cela peut s'obferver dans Muratori, & dans d'autres Ecrivains célébres. Les préteurs publics fe trouvoient répandus dans toutes les Villes. A Sienne, ainfi que cela fe voit par Ia Chronique de Ia même ville en 1339. le Peuple ftatua: que perfonne a Sienne, ou dans fon diitrict,ne pourroit en aucune maniere préter a ufure , fi auparavant il ne s'étoit fait infcrire dans Ie Livre de 1'ufurier Bischekna , nom de la perfonne députée pour faire cet office (33). J'ai donc jufqu'ici amplement démontré 1'origine de ces Ufuriers fi fameux , & rapporté comment ils fe font répandus des Villes de la Lombar die, de la Toscane & de Cahors en France par toute YEurope: on voit que 1'époque en tombe aux environs du douzieme fiecle, c'eft-a-dire, lorfque les Croizés parurent fur la fcene. Mais outre ces Ufuriers Chrétiens, ij y en avoit encore d'autres, favoir les Juifs, qui de tout tems ont été répandus dans toutes les So- C32) Muratori. fcTraité des Prêts. p. 285 ,290. & fuivantes. Robbertson dans fon Introduéirion h 1'Hiftoire de Charles. Q„i„t rap. porte.^t. I. p. 3i7. £d. in^o. que dans 1'année 1490. Je taux de 1'intérêt étoit encore Ji 40 pour cent il Piaifance. (33) Muratori. p. 893.  iio Chap. IV. DES LOMBARDS, &c. ciétés Pour traiter cette matiere auffi complettement qu'il m'eft poffible, je placerai clans le Chapitre fuivant un Abrégé hiftorique de cette Nation, que la néceffilé a rendue induftrieufe & ufuriere. Après quoi j'expoferai dans le Chap. VIrac. le taux ancien de 1'ufure autorifé par 1'ufage & par les Loix, & furtout les groffis ufures que les Lombards & les Caorsins tiroient de leur argent. CHAPITRE V. Abrêgé hijlorique du Commerce que les Juifs ont fait depuis plufieurs Jiecles en Europe. D ans l'Antiq_uité la plus reculée ce font les Arabes qui ont le plus contribue a répandre le Commerce dans 1'Orient & en Egypte ( i ). Les Juifs n'y ont pas moins (i) On eft généralement dans 1'idée que les Phéniciens ont été les premiers Négociants du Monde. On parleroit plus exaétcment, fi on fe conténtoit de dire, que fuivsnt les anciens Htftoriens, les Négociants qui habitoient fur les cötes de la Syrië, c'cft-ii-dire, la Paleftine, Ia Plioeniciê &c. ont été ceux qui les premiers fe font mêlés d'ouvrir un Commerce de Mer de ce cóté-lii. Car pour ce qui cuncerne 1'antiquité en fait dc Commerce extérieur, on ne peut nullement la difputer aux Arabes, qui étoient établis dansles Villes de 1'Araeie heureuse. C'cft-la oü probablemcnt, dans  Chap, V. COMMERCE DES JUIFS. m contribue par la fuite, furtout par rapport a 1'antiquité Ia plus reculée, out été érigées les premières Manufac tures ceft-a-dire, celles d'Etoftes propres pour ces climat, ou pour les Pays avec lefquels ils faifoient quelque commerce ' Z ce pays renfertoe non feulement divers Métaux, mais dcs ^ maux de diverfes efpeces, entre lefquels les Chameaux & le's Chevaux ttennent le premier rang. Outre ceia ce Pays eft rieh en Cottons de toute efpece, en Myrrhe, en Encen , Man Seaume Caf, e„ d,verfcs Drogues & > Ma , , L s Mers qu, envtronnent le midi de ces terres donnent du Co"il, des Cornalines & des Perles. Les habitans de ces Contrées, par .a nature du climat étant « une complexion maigre, fecs , graves, fé.ieux, penfifs & o Potent par la plus capables d'inventer du neuf O fi, , dement portés I faire des en^fe^ ffi utté cV un efprit caleulateur. Leur Sol étant naturCemen r.ude, jfc produ.fant beaucoup de fuperflu,ouvróit.pour ainfi dire aporte a un commerce avec 1'Etranger, facilitoit le travail excitoit lm?*& daUS ks Vaies & en muitiplioient les habitans ,es quels I leur tour devoient de nécefiité s'addonuer aux Arts & aU Commerce Auifi eft-ce par leur génie, & par |es ^J^* favorables du Sol & du Climat, qu'ils ont conduit de tont tem avec beaucoup d'aifance un Commerce trés rirhr x r , que la nature leur livroit continuellement ils „ • „ ' Ce pofféder cheZ eux ces fortes d^ 'q ~ ^ Pres pour le tranfport, & on fcait avec oll f P W°" L?cr°irede Mr;de B~^-edef:; $7 C dU Cbameau' au'luel il «%« pour pays „atal 1'Arabie Mats cet Auteur célebre s'eft trompé, en difant ue ces Am x" ^t 6 a 7 jours fans boire ni manger , car en Turquie Z toujours entendu dire (par des perfonnes qui le favoie, t par £ -X efpece de p,e faite avec de ,a KS?*S teut donnent tous les maté* 1 macher & | manger. CelS  ii2 Chap. V. COMMERCE DES JUIFS YEurope. Car après la deftrucKon. de Jêrufa- lem pêche pas que Ie Chameau ne foit le plus lobre des Animaux. II a les pieds faits pour marcher dans les fables: mais je dois encore obferver, que le Chameau ordinaire qui marché en Caravane, ne fait pas plus de huit, & tout au plus dix iitues par jour. C'eft par le moyen de ces Chameaux que les Arabes ont de tout tems voyagé continuellement par Caravanes, & fe font par lil distingués de ceux qu'on nomme Arabes Nomades. Les premiers, & ceux des terres circonvoifines, alloient dans 1'antiquité la plus reculée en E:ypte. eu Pahjüne, en Aftyrie. en Chaldêi, cn Perft, même dans 17b* & les Pays les plus Örientaux. Par le moyen du Commerce qu'ils faifoient par terre, ils avoient communicatinn avec tous ces pcuples, & commèrcoieut parmi ces différentes Nations , oü ils éehangoient leurs effets prétieux contre d'autres producVions, & contre des métaux qui n'étoient pas moins eftimés. Pour bien entendre cette partie , il faut remonter ii la fource & a 1'origine de ce qu'on nomme tralie ou commerce: approfondir autant que cela eft poffible, non feulement 1'origine des Nations, mais leur induftrie, leur aétivité , & la caufe des réla. tions qu'elles ont eues entr'elles, & furtout les mceurs & les ufages de ces tems-U. Je airai par rapport aux Arabes en général, qu'ils ont été primitivtinent confidérés comme divifés cn trois Claffes. 1. Les Arabes Primitifs , ou anciens: ceux-ci furent les premiers habitans de 1'Arabic 2. Les Arabes purs & non mêlangés, font ceux qui fc font difperfés, & qui en partie fe font établis dans l'Arabie Ileureufe. 3. Les Most Arabes , par oh on entend ceux qui avec le tems ont été incorporés a la Nation Arabe , en fe mélant ou en s'alliant avec les Arabes purs. Ces Most Arabes (dit-on; font iffus de la poftérité d'IsMAEL, fils dVJrfliimoud'abraham, qui eft reconnu pour le premier Chef des Juifs & des Mufulmans. On fcait combien Abraham fut en rélation avec ces peuples.ou avec ces Arabes Nomades. Je fuis donc dans 1'idée que les Phéuiciens doivent leur origine aux Arabes s & que ceux-ci ont été les premiers  EN EUROPE, &c. 113 hm par Tite (2) , ils fe font difperfés de plus en plus dans ÏAfie, mais furtout dans 1'Empire Romain,tanten Oriënt qu'en Occident. Avant cette époque, & du tems deb'ALOMON, on fcait le riche commerce que les Juifs faifoient, par le moyen des fiottes qui partoient du port SAfion-gabar, prés du Golphe Arabique au Nord, & a quel point 1'Ecriture Sainte dit, que 1'or & l'argent étoient communs a Jérufalem. Les Arabes avoient été leurs maitres en fait de commerce , mais les Phéniciens leurs voilins leur apprirent le commerce étrangerpar mer: car aidés des pilotcs Phéniciens, & joignant quelquefois leur flotte a celle que les Rois de Tyr avoient fur la Mer Rouge, ils apprirent la route vers les endroits, ofi 1'on avoit les prétieux métaux de la première main (3), & furtout de ce pays, qu'on nomme premiers Facteurs , Commiffionaires ou Commis des NJiociants Arabes, qui voyageoient continuellereent de l'Arabie Hcurcufe eu Egypte & dans ies contrées de la Syrië, ou de Ja PaïejUne & de la I'hcenicie. On en trouve un exemple dans la Génefe au fiijet des Marchands auxqncls Jofiph fi|s de Jacob fut vendu &c. Voyés fur ce qui concerne les Arabes, Mokeri : - Coutumes & Cérémonies Réligieufes, Eaile, L'Encyclopédie au mot Arabes &c. (2) Le 8 sept. de l'an 70. Voyés VArt de drifter les dattes &c. Annales d'ltalie de Muratori. T. I. p. 211 &Cw C3) II femble , felon Bochart , que par Ophlr & Tar/is il fanc entend! e deux endroits d'oü 1'on tiroit 1'or & l'argent. II y Wint? H  ii4 Chap. V. COMMERCE DES JUIFS généralement la fameufe Ophir. Si les Juifs ne furpafferent pas leurs maitres en induftrie, il en faut attribuer la caufe a la divifion de leur Royaume fous Roboam, & aux guerres qui depuis ce tems-la ravagerent leur pays & ruinerent la Nation. On fcait qu'un des moyens que prit Alexandre , 8c enfuite Ptolomée , pour peupler & rendre la ville d'Jléxandrie une des plus commercantes du monde alors connu, fut d'y faire paffer plufieurs milliers de Juifs, qui bientöt y mirent le commerce en train. Les Juifs trouverent, dit Prideaux dans fon excellente Hiftoire des Juifs , ( Tom. II. p. 520. Ed. z"h-8°. 1722.) un bon pays & une proteélion puiffante: plufieurs autres de leur Nation les y allerent joindre ; car comme Alexandre avoit accordé aux premiers Juifs les mêmes priviléges qu'aux Macédoniens euxmêmes, Ptolomée fit la même chofe pour eux. Enfin il s'y en jetta un fi grand nombre, que le quartier des Juifs a Aléxandrie contenoit plufieurs milliers de families. Dans le grand donc un Ophir en Afriqut, & un autre en Ajie. Ceilan étoit connu dans ces anciens tems fous le nom de Taprobona ; on naviguoit alors déja au Détroit de Malacca & il 1'Ifle de Sumatra, vraifemblablement auffi vers les Molucquts &c. en un mot vers les endroits oü il y avoit des Mines d'or & d'argent. Voyés BoChart in Phaleg.  EN EUROPE, &c. ir5 nombre de Villes que Seleucus fit batir dans la Grande & Pethe Ajie , dont feize portoient le nom d'Antioche, neuf fon propre nom , & fix celui de Laodicée &c... il donna dans toutes les mêmes Priviléges aux Juifs qu'aux Grecs aux Macédoniens , deforte qu'a Antiochs feule ils faifoient une partie auffi confidérable de la ville qu'a Aléxandrie. De la vint que les Juifs fe répandirent fi fort dans la Syrië & dans YAJie mineure. Ils avoient des Etabliffemens dans les Provinces Orientales de 1'Euphrate depuis leur Captivité de Babylone. Seleucus Nicator les établit dans celles de decar deforte qu'ils étoient dans ces pays pour le> moins en auffi grand nombre qu'en Judée. Du tems d'Au guste les Juifs jouiffoient déja a Rome du droit de Bourgeoifie. II y avoit pour lors dans cette grande ville des Quartiers oü ils demeuroient (4) ; non feulement on leur accorda des Synagogues, mais on leur en laiffoit la fréquentation libre (5). (4) Basnage (Trad. en HoIIandois), p. 1338, 1343. Sec. Les Juifs du tems d'AucuiTB étoient répandus par toute Vltalie s Ciceron fait mention d'eux, en difant qu'ils envoyerent leur tiibut a Rome; 011 en voyoit encore en plufieurs autres endroits de ï'Italie. Les Juifs demeuroient a Rome dans Ie Quanier qu'on flommoic la Falie iPEgerie, dans un autre proche du Valkan, & Ie tft* fleme de I'autre cóté-du Tlbre prés du pont Faïrl-.w.u (33 Basnage, p. 1343. II 2  li6 Chap. V. COMMERCE DES JUIFS On fcait que les Romains avoient coutume ~ de laiffer aux Nations & aux Peuples vaincus leurs ufages. & le libre exercice de leur réligion, & qu'ils accordoient auffi aux Colonies des privileges & des droits .municipaux; les Empcreurs Romains, & plufieurs Rois Barbares, accorderent de mème dans la fuite aux Juifs , non feulement le libre exercice de leur rélbion, mais encore d'autres privileges, qui ont été altérés plus ou moins, a mefure que le Chriftianifme s'eft répandu. Par plufieurs Loix contenues dans le Code Théodnfun, on obferve ce qui fut établi a leur égard depuis la fin du troifiemc jufques dans le fixieme fiecle, a Conftantinople, en Egypte, particuliérement a AUxandrie, dans le diftriét de 1' lllyrie, en Palefiine, en Italië, dans la Gaule Belgi :ue, & dans la ville d' jgrippa (6), ou Cologne. Arcadius ordonna que les Juifs qui demeuroient dans 1'Empire feroient foumis aux juges ordinaires, hormis dans les affaires qui avoient du rapport a leur religion & a leurs affaires domettiques , dont les foins furent abandonnés a des Supérieurs établis parmi eux (7). Après la deftruftion de Jèrujalem les Juifs (6; Gothefr. Cod. Theod. T. VI. p. 235(7) Idem. T. I. p. Wl, T. VI. 235.  EN EUROPE, &c. 117 établis en Oriënt eurent a leur tête un Supérieur , qui par fucceffion a coniervé le titre de Prince de la captiviti; mais dans 1'Occident il avoit celui de Patriarche (8). Celui-ci, a la tête du Corps de ce Peuple difperfé, conferva ce titre jufqu'en 429, (9). Dans les Loix on voit qu'on donnoit aux Supérieurs du premier rang les titres d'Illustriffime, de Clarijfime, & de Ref 'peclables (10). Ceux du fecond rang n'eurent point d'autres titres que celui de Prhnates, Hier ei ,drchi~finagogi, Patres fynagogorum (11). II y en eut encore d'autres, qui proprement n'étoient que des DeJJerviteurs, ou Docleurs des Synagogues: ceux-ci fe nommoienc Didascali, Majores 8c Presbyteri (12). Comme je n'ai nullement intention de donner une hiftoire des Juifs, je préviens que je ne traite cette matiere qu'en paffant, & autant qu'elle m'a paru propre a expofer des faits qui ont contribué a accroitre 1'induftrie & le commerce , mais furtout la population, parmi les Nations Éuropéennes. ■ QO Gothefp.. Cod. Theod. T. VI. p. 235. 245. 249. 353 & 262. Basnage. p. 371 & 372. Co) Gothefr. &c. T. VI. p. 235 & 268. BasNAGE 393. (10) Idem. p. 235. 245 &c. Basnage. 381. (11} Idem. p. 235; 269. C12) Idem. H 3  ïi8 Chap.y. COMMERCE DES JUIFS Pour entrer en matiere, je ferai donc feulement mention de quelques faits remarquables, contenus iu. dans le Code Thèodofien , & 2°. dans les Ouvrages de quelques Hifioriens accrédités. Quoique les Juifs ne formaffent nulle part im Corps de Nation diftinéte, il leur étoit cependant permis de faire décider par leurs Supérieurs les différends qui s'élevoient entr'eux, & ces fentences avoient la même force, que ü elles eulfent été prononcées par le Juge Romain ordinaire (13). II étoit défendu aux Juifs de pourfuivre ou de molefter ceux d'entr'eux qui fe faifoient Chrétiens, fous pcine, contre celui ou ceux qui enfreindroient cette défenfe, d'être brulés tout vifs. On faifoit fubir le même fupplice a tout Chrétien qui avoit embraffé la Réligion juive. Cette loi, un peu barbare, eft cependant du Premier Empéreur Chrétien (14). L'an 339. Constance défendit aux Juifs d'époufer une femme Chrétienne , de même aux Chrétiens d'épouferdesfemmesjuives(i5). L'Empereur Honorius étant a Ravenne en 415 permit aux Juifs d'avoir a leur fervice des (13) GOTHEFR. &C. p. 253. BASNAOE 3s1. &C. (14) Wem. p. 237. Arm. 315 & p. 243. (i5j Idem. t. VI. p. 344" t. 1. p. 320 & t. III. p. 68.  EN EUROPE, &. 119 Efclaves chrétiens, pourvu toutefois que ceuxci continueroient a vivre dans leur croyance. Mais cette permiffion ne dura pas long-tems, car 1'Empéreur Théodose le jeune l'an 417 & 423 ftatua que les Juifs ne pourroient plus avoir a leur fervice aucun efclave chrétien (16). Constantin (en 336) & Théodose le jeune défendirent aux Juifs de permettre la Circoncifion aux Chrétiens, fous peine de confifcations de biens, & de banniifement pour toujours (17). Valentinien leur ota en 416. la faculté de deshériter ceux de leurs enfants qui s'étoient fait Chrétiens, ce qui fut confirmé en 533 ou 534 par Justinien (18). .Arcadius & Honoiuus , l'an 397. établirent une loi trés équitable; il y eft dit que tel Juif qui aura embraffé le Chriftianifme, & dont on prouvera que c'eft pour fe mettre a couvert des pourfuites è. caufe des dettes qu'il aura contracties, ou pour éviter toute pourfuite de la part des Juges, ne fera point admis, avant qu'il ait fatisfait fes créanciers, ou qu'il ne fe (IÖ) GoTHEFR. &C. T. VI. 343. (17) Idem. p. 2óö. & 270. Ci3) Idem. p. 267. H +  i2o Chap. V. COMMERCE DES JUIFS foit juftifié des griefs qui fe trouvent a fa charge (ip). II y a plufieurs loix qui leur accordentla permiffion d'avoir dés Synagogues; entr'autres il y en a une dé Théodose le grand, qui défend expreffément de détruire oü de bruler celles qu'ils avoient: cependant.on troüve dans le Code des loix plufieurs p'affages qui donnent a entendre, qu'on ne leur accbröoit pas facilëment la liberté d'en faire batir de nouvelles; & qu'on fe contentoit de prendrc fpécialement fous leur fauve-garde celles qui fe trouvoient déja baties ou accordées (20). Auffi les Synagogues étoient-elles exemptes de 1'cbligation d'y iogcr des troupes (2t). Li s Juifs étoient auffi exempts de tout fervice militaire ; ils étoient pourtant obligés d'occuper certaines charges ou emplois " qui öuofque pcnibles, étoient cependant honorables, comme par exemple les charges de Muner Curihlla & de Décurion (22). Ils ont été " ("19") gotiiefr.. T. III. p. 389. (20; Idem. T. II p. 34.5 VI. p. 246 a 267. (21; Idem. T. VI. p. 254 & 264. (22'j Idem. T. V. p. 84. cc VI. 240. En Occident, dit M. i.e Bf.au dans fon iïifloire du Sus Empire, „ lei; Juifs furent ex„ clus du fervice militaire, & des emp'ois dti Palais. On leur „ pérmit feulement tPexercer la profeffion d'Avocat, & d'enuer M dans les charges municipale)." ï. VI. p. 65.  EN EUROPE, & ' ï2t tantöt exclus de certains emplois, tantöt ils en ont é:é deftitués par la fuite des tems (23), Outre les faits concernant les Juifs, qu'on trouve dans le Code des loix de Théodosü & de Justinien, d'autres Monumens- font auffi mention, non-feulement des Privileges & dela cohlidéra'tion dont ils ont joui en certains tems, mais encore du grand nombre d'entr'eux,qui fe trouvoit déja répandnen Europe. Saint Ambroise , clans fon Livre qui a pour titre: Exhortatïon aux Vier ges, dit quéde fon tems il y avoit'des Juifs k'B'ologne. Et dans fa quarantieme Lettre a Théodose le' grand, il dit encore, que dans Milan & dass'plufieurs autres Villes d'ltalie, il y en avoit un grand nombre (24). Rutilius NtiMiTiANtis, au commencement du cinquieme fiecle, dans fes Defcriptions :des voyages, fe plaignoit dc'yï de leur accroisfement en difivnt: Latias excifce pefcis conta- (23) II paroit que les Juifs étoient employés ci-devant en qualité d'efpions privilégiés; ils avoient en eoiiCéquence la régie, ou fous leurs ordres, les voitures- pubüques pour voyager. Honorius les deftitua de ces charges. On leur confioit en outre !e foin de pourvoir les Magazios publics de .provifions & de certains inftrumens, comme font encore aujourd'hui les Juifs dans certains cas, & en tems de guerre, la fonctiun de Fouiieis dans les armées &c. Basnace. p. 1533. l>0 Muratori. Antiq. Ital. Medii jEri. DiiT. XVI. H 5  isa Chap. V. COMMERCE DES JUIFS gia ferpunt, vicloresque fuos Natio vicla premet. Ce qui veut dire, que cette vermine ferépandok de plus en plus comme une pefte contagieufe, enforte que les vaincus devenoient a charge a leurs vainqueurs (25). Après la defcente des Barbares en Italië les Juifs continuerent k y demeurer comme auparavant- Cassiodore dit, que fous le Roi Théodoric il y avoit des Juifs a Milan (26), k Genes (27) & dans d'autres endroits , & que ce Roi leur accorda non feulement une protection marquée ( 28 ) , mais les protégea (29) & les maintint contre tous ceux C25) Muratori. Antiq. Ital. Medii AZvi. Diff. XVI. (26) Les Juifs a Milan conferverent leurs droits, rélativement i» leur Synagoaue , car cela n'eft pas, dit Cassiodore, au détriment de 1'Eglife: mais 1 condition qu'ils ne feroient rien qui püt nuire it la Réligion dominante. Liv. V. Cli. 37. (275 Le Roi Théodoric (dit Cassiodore) donna aux Juifs demeurant i Genes la liberté de réparer & d'améliorer leurs Synagogues, avec cette réferve, de ne pas les aggrandir, & pourvu que Ie terme de prefcription, ou de 30 ans , ne füt point encore écoulé. II leur fut cependant défendu de les orncr d'aucune parure. Lib. II. Ch. 27. p. 31. (28) La Réligion ne fe commande pas ; car perfonne ne fauroit ttre forcé ï croire contre fon gré; c'eft la perfuafion feule qui fait les vrais croyans. Caff. Lib. II. Cap. 27. (29) Théodoric confirma les priviléges accordés h tous les Juifs qui demeuroient a Genes, & toutes les prérogatives qui leur avoient e"té accordées par les Loix. Caff. Liv. IV. C. 33.  EN EUROPE, &c. xa3 qui vouloient qu'on ies traitat rigoureufement (go). Dès les tems les plus anciens les Juifs ont été établis dans Ia Sicile: & ils s'y maintinrent même fous le regne des Arabes (31). Dès l'an 428. on entrouvoitaMwör^^); (30) Basnage, p. 1537. Muratori, cn pnrlant des Juifs dans fes Annales, rappone entr'autres cliofes, tÖ dans un ample détail fur le produit des Juifs & ie leur appiopriation par les Seigneurs ; on y lit entr'autres a la page 620. „ On a précédem„ ment vu qu'au tems de St. Louis c'étoit une régie générale „ en France que tous les bicns des Juifs appartenoier.t, air.fi que leurs Perfonnes,,, au Baron dans la Jurifdiétion duquel ils é„ toient Domiciliés; c'eft-a-dire, que le Juif étoit main mutatie „ dans tous les cas, enforte que c'étoit toujours fon Seigneur qui „ héritoit des effets qu'il laiffoit ii ibn déccs. Cette jurispruden„ ce changea lous Philippe le Long a 1'égard des Juifs ; car „ ce Prince voulut, par 1'Edit qu'il fit en leur iaveur au mois d'A„ vril, que les Juifs de fes domair.es ne fuffcnt plus main monables, „ & qu'au contraire leurs parens récueilliffent les bicns qu'ils lais- feroient  EN EUR O P E, &c. 129 Mais le plus qu'ils eurent a fouffrir fut pendant que les Croifades furent en vigueur (51), car ils furent alors fouvent abandonnés a la merci de la populace , & au fanatifrae des Grands, ou pour parler plus exaétement, a leur cupidité: paree que ceux - ci trouvoient prefque toujours leurs intéréts dans les perfécutions, dans la mort ou le baniffement qu'on faifoit fouffrir a ces malheureux ; 1'un fe trouvoit par ce moyen libéré de fes dettes, I'autre s'emparoit de leurs biens confifqués &c. Au refte , on fcait combien ils ont fubi, dans les- Sieeles plus proches de nous, c'eft-adire depuis le treizieme jufqu'au dix-feptieme „ feroient i; leur décès. —— Sous les régncs ile Philippe Au„ gufte & de St. Louis 1'on ne fouffrit point que lts Juifs acquis„ fent des terres nobles, ni menie des héritages en rotitre. La ,, Jurifprudence changea p'areillement dans la fuite fur ce point, „ du moins quant aux héritages cn ruture. Voyés 1'Ordonnance ., de Louis X. uit Hutin , pour le rétabliliement des JéifV; & aulii „ Partiele de Philippe le Long du mois d'Avril 1317. touchant les Juifs: Idem. Que les mefons qu'ils tienncni ons, ou tcn„ dront, leur demeurent, en tel muniets qu'ils ne {inf ent nuts „ loucr li Chrétiens. ,, Par un Edit du mois de Mars 1360. il fut permis aux Juifs „ d'acquérir des Maifons dans le Royaume pour leurs habitations, „ & des'Terres pour fe faire enterrer." Voyés encore fur les Juifs 1'Efprit des Loix Liv. XXI. Ch. 16. & Liv. XXII. Chap. 14. Ik aulii ce que j'ai dit d'cux. daus ou première Partie de ce fecond Vok.me, p. 105. (51) Muratori & ÉksNAGEj p. 1641. &c. I .'/..•.««.  i3o Chap,V. COMMERCE DES JUIFS fiecle, des révolutions confidérables : tantöt chaffés de France, de plufieurs endroits lemagne &c. tantöt rappellés (52), & fouvent livrés k la merci des Inquifiteurs. Mais rien n'approche de la cataftrophe, ou du banniiïement univerfel} qu'ils fubirent en 1492 & 1496, lorfqu'ils furent chaffés au nombre de plufieurs centaines de milles, tant Femmes qu'Enfants, de YEfpagne & du Portugal (53). Depuis ce tems-la ils fe font en grande partie réfugiés de nouveau en Italië, en Afrique, 'dans 1'Empire du Grand Seigneur & au Levant (54)- Un petit nombre d'entr'eux alla s'établir dans le Nord, foit en Angleterre & dans les Pays-bas (55), k Hambourg, k Altona & dans la baffe Allemagne. Cette émigration n'a pas peu contribué a cimenter & a augmenter la Puiffance de ceux qui étoient alors en guerre avec YEfpagne. Si (52) Traité des Prets de Commerce. Entr'autres p. £92. &c. Hiftoire de France par Velly, Mezeray, Hiftoire d'Angleterre par Home & Henry. (53) D'après MAriana, Muratori fait mention de 170 mille Families, d'autres parient même de 800 mille ames, y compris femmes & enfants. V. Murat. D. XVI. & Rer. Ital. Script, int. T. XXI. Trat. Treflanus Caracciolus. En 1539. ils furent cliaffés du Royaume de Naples. Voyés Basnage , p. 1831. (54) Muratori. D. XVI. (55; Defcription SAmfletiam par Commeun & par Wa- CKNAAR.  v EN EUROPE, &c. 131 ce Royaume eut jamais befoin d'un peuple laborieux & induftrieux, ce fut au moment que Colomb fit la découverte de Y/Jmérique. . De quel fecours & de quel grand avantage n'auroient pas été alors les Juifs pour YEfpagne , dans un tems ou il falloit envoyer dans ce nouveau Monde des Colonies , les soutenir , les encourager, ET Y REPANDRE l'esFRIT commercant ? Si les Juifs du tems deMoiSE, & jufqu'au régne de Salomon , n'ont point figuré dans 1'hiftoire par rapport au Commerce, c'eft qu'alors 1'économie politique des Nations en général fe trouvoit fur un pied tout différent de celui de notre tems. Nous ne favons rien de bien précis fur lesoccupationsenparticulier des Arabes; & ce que nous favons des Arts parmi les Juifs & les autres Peuples errants, ce n'eft qu'autant que cela a du rapport aux événemens qu'on nous a confervé dans 1'Ancien Teftament. Mais il me femble que c'eft avec la plus grande injuftice que certains Ecrivains ont déprimé cette Nation par rapport aux Arts (56) & a 1'induflrie. On peut appliquer (56) M. Winkelmann dans fon Hiftoire des Arts dc tAntiqulii T. h p. 122. dit: „ Malgré 1'idée désavantageufe qu'on a des » Juifs> i( t'auc pourtant qu'ils aient porté les Arts | un certain „ dégré de perfcctivn, je ne dis pas pour la fculpture, mais du I 2  j32 Chap. V. COMMERCE DES JLJIFS ici ce que le célebre Montesquieu a dit d'un. de ces Ecrivains célebres: nous êcrivons pour plaifanter. Mais un efprit jufte & impartial diftinguera toujours les tems & les circonflances. Si la Nation Juive eut été auffi méprifable qu'on le donne a entendre, elle n'auroit pas brillé dans le commerce comme elle fit du tems de Salomon, & même quelques Sieeles après. Alexandre le Grand n'en auroit pas fait un fi grand cas, lorfqu'il s'appliquoit a envoyer des Juifs dans les Pays qu'il avoit conquis, & furtout clans fa nouvelle Ville d'/Jléxandrie, qui devint depuis fi floriffante par le Commerce & par les Sciences. Les Romains dans les plus beaux tems de la République ne dédaignerent pas leur alliance (57) , non plus „ moins pour le deflïn & pour Ie fini du travai!; car parmi les „ artiftes & les Japidaires que Naduciiodoncsor emmena Captils „ de la ville de Jérufalem, il y en avoit mille qui travailloient en „ ouvrages de cifelure (4-Reg. C. 24. V. 16.) On auroit de la pei„ ne k en trouver autant aujourd'hui dans les plus grandes villes. „ Le mot hebreu qui défigne les artiftes en queftion, a étL! géné„ ralemcnt mal compris, mal traduit, mal explicjué, & quelque„ fois même I'upprimé par les Parapbraftes & par les Lex . „ GRAPHES." (.57) Voyés les Alliances avec les Romains dans Ie Livre des Anciens Traités, par Bap.beiu.ac. T. I. p. 387 & 416. L'une & I'autre renouvellées. t. I. p. 404 & 407. Commencement de L'iridöpendance de la Nation ï. I. p. 403 & 408. Divers De!ertts dc v Magiftrats Romains en leur faveur, t. I. p. 446. 49 ans avant j. C. Autres Dciciets iimblabies. t. I. p. 452 &c. Edit d'Au-  EN EUROPE, &c. 133 que les Spartiates (58). Partout oü il y avoit des Juifs, 011 y vit fleurir le Commerce. L'état oü cette Nation s'eft trouvée dans une terre etrangere après leur difperfion fous Sennacherib & Nabuchodonofor, la devoit rendre naturellement commercante : cela a eu encore lieu, & même plus, depuis leur cataftrophe fous Tite fils de Vespasien. Chaffés de leurs pays, répandus par toute la terre, fans former nulle part un Corps de nation, mais mélés parmi les autres, fans cependant jouir de leurs privileges , fans Chefs, fans Magiftrats propres-, foumis a des loix étrangeres, & fermement attachés a leur culte & a leur Réligion : ne poffidant ni charges dans le Gouvernement, ni prefque aucun bien fonds, ni Terres, ni Chateaux, ni Villes, pas même un fimple Hameau ni Village fur la terre: tout cela doit néceffairement rendre les Juifs induflrieux dans toutes les parties du commerce; & j'ofe même avancer , qu'un pays, ou un Etat commercant, ne peut fans fe faire tort fe paffer des Juifs. guste. T. i. p. 471. Edits de rEnjpéréur Claude. T. ii. p. 7. Mogiflxat fupremé que les Juifs avoient en'Egypte, fous le titre d'Et/warqus ou Mubarque. {bid. n. (58) Voyds dans l'Hiltoire defdits Traités la lettre A'/lreus ■Roi de Lacéilemoue ii Oaies Souverain Pontife des Juifs, pour faire alliance avee les Lacédemoniens. t. f. p. 264 & 407. Et celui qu'ils firent avec Alexandre le grand. t. i. p. 538. * "I 3  i34 Chap. V. COMMERCE DES JUIFS Souvent on a eu befoin d'eux dans les opérations les plus lucratives des Finances (59), des échanges, dans le commerce des Bijoux & des Pierres précieufes (60), aufil bien que dans 1'achapt & ventes des plus vilesguénilles, qu'on jetteroit dans la rue, s'il n'y avoit pas des Juifs pour les acheter & les revendre(6r). Cette Nation a fes correfpondants & des débouchés partout: la pauvreté rend les uns indufh-ieux,la richeffe rend les autres fomptueux; car les gens riches parmi eux font plus fujets è la prVidigalïtié qu'a 1'avarice. Les Juifs, après 1'cxpuificn des Maures, & par les violentes pèrfécutions de 1'Inquifition en Efpagne & en Portugal, pafferent dans le XV. XVIi:!C. & XVII'nc'. fiecles en Hollande , y apporterent des Richefies confidérables. Plufieurs d'entr'eux ont été, malgré qu'on en dife, plus du- (59) Voyés plus bas a Ia Note 72. On fcait que de nos jours le fauieux Juif' Epliraim, a Berlin,z été,& eft vraiicmblablemcnt encore employé par le Roi de Prüsse, dans les opérations du Cabinet, rélativement aux Finances & a la Monnoie. (Go) Plufieurs Juifs il Amfterdam travaillent a polir &c. Ies Pierres prétxufes, furtout les Diamans bruts: & un grand nombre d'eux n'eft occupé que de ce travsil; d'autres cn font Ie commerce , & d'autres une efpece dc trafic. (61) II y a peu de jours qu'un de nos premiers Négociants dc Ia ville me dit : Auriés-yous pu croire que j'ai encore depuis peu eu . it Pologat un ordre de compter ét un Juif qui eft venu de ce Royaume, pour la valeur de 10 a 12 mille florins, deftinds au feul achapt de yitilles guénillcs ?  EN EUROPE, &c. 135 pes que frippons, & on obfervera, fi on 1'examine de prés, qu'en général lorfque quelques uns d'entr'eux fe mêlent de faire le trafic d'ufuriers en gros, que le plas fouvent a la fin ils s'en tirent mal, & qu'ils font eux-mêmes la dupe de leur avidité. Enfin plufieurs de mes compatriotes favent avec quelle fatisfaction des deux Puiiïances le Juif Baron de Belmontt (62) a été employé en Hollande par la Cour de Madrid. Et combien d'autres Juifs célebres ne pourroit-on pas citer? Que nos prétendus Philofoplies & beaux efprits examinentunpeu, car la queftion n'eft pas indigne de leur examen , fi les Juifs enrichiflent les pays oü 1'on les admet, ou s'ils ne font que s'y eruïchir: (62) Voyés Réflexions Critiques fur les Oeuvres de Voltaire. Outre le Baron de Bclmonte , on cite dans Ie même -Ecrit D. ///yn.ro Ntinez tPAcofla, ainfi que fon pere, qui ont fervi avec dignité CSc fidélité Ia Cour de Lisbonnc. On cite encore les Suajfos, les Texeira, les Nunez, les Prados, les Ximenez, les Pereira qui ont mérité la confidération de ceux qui les ont comius. i\laokado, ajoute-t'on, étoit un des favons du Guillaume III. Ce Monarqué réconnoiffoit qu'il avoit rendu des grands fervices a. fes atmées en Flandres. Le Baron d'Aguihrd Tliréforier de la Reine d'Hongrie 0'Auteur êcrivoit ceci il y a prés de 20 années) eft encore régretté h Vienne, &c. Les Juifs Portugais pinto & Lindo, le premier Auteur dé la Circulation & du Crédit &c. font encore vivants & très-eftimés par leur politeffe & par leurs talens. Le Juif Allemand Boas le Pere , mort depuis quelques années, étoit auifi trés cftimé a la Haye &c. &c.  i%è Chap: V. COMMERCE DES JUIFS pour moi je crois qu'il font en même-tems Fun & I'autre. Mais comme ce n'eft ni 1'hiftoire ni 1'apologie des Juifs que j'ai entreprife, revenons a ce qui concerne particuliérement cette Nation par rapport au Commerce. Du tems d'AüGUSTE on vit le bas peuple d'entre les Juifs faire déja le métier de courir par les rues pour vehdre ou achetter des guénilles, & d'autres chofes de peu de valeur (153). Le Gouvernement eut même foin de pourvoir a leur fulfiftance , car du tems de cet Empereur on diftribua auffi de l'argent & du bied aux jtrifs qui étoient dans la mifere (64). ■ Sous Tibere , ce peuple dans Rome étoit fi ndmbreux, mais en même- tems fi peu eftimé , qu'on en'envoya quatre mille pour.peuplcr la Sardaign'e,k caufe du mauvais air qui y régnoit alors, & pour fervir de défenfe contre les invafions que ks Pirates y faifoient continuellement du cöté de la mer (65). Dès après 1'époque de la deftruction de Jé- (63^ Basnage! p. 1347. (64, Ibid. p. 1343. (65) Ibid. p. 1347. Ou peut encore oblerver ce que Mura,TORt dit des Juifs dans fes Annales. T. I. p. 103 &c. II faut nbferver que dans Ie premier fiecle de i'Ere Chrétienne, les Juifs & les Chrétiens ont trés fouvent été confondus ênfèmble.  EN EUROPE, &c. ip vufalem on obferve que les premiers juifs exercoient- la fonction de Médécins, car ils ont eu depuis dans plufieurs endroits- leurs Academies ou Univerfités (f56): il y -en eut auffi parmi eux qui s'adonnerent a 1'Aftrologie judiciaire (6j)i car cette 'prétcndue fcience, furtout dans les fiecles d'ignorance, ou de barbarie, fut én vigueur tant parmi les Grands que parmi le bas peuple. Mais la plupart dus Juifs étoient addonnés au commerce, 'oü aux affaires qui avoient' du rapport h la :régie des Finances de la République, xlu Royaume'ou des Etats oü iis fe trouvoient. Et le bas -peuple parmi eux- cherchoit fa fubfiflance par toute forte de moyens, & même par leurs travaux aux Ouvrages publics. Mais comme 1'efprit de ce peuple en général étoit fouvent inciiné a la révolte ; qu'ils étoient eh outre haïs & meprifés , ils ont fouvent fubi des perfécutions de la part des Empéreurs , & (66') Voyés Basnag* 3S5 a 393. Les premiers ÉVSqfe Chrétiens étoient auffi Médécius. Muratori rapporto h l'an 526 que Symmaqtic le Rhétcur. hobSrrfé célc-bre fous le régne de Théodoric, étoit Juif. II étoit tres éloquent, & faifoit li fonction d'Avocat. Annalts T. Óf. p, ^44, Le même Auteur rapporte a l'an -81. que CiiarlÉjiacmï eui pour maitre Ie Grammairien Pierre le Diacre de Pifi: & que celui-ci eut une difpute de littérature avec Ie Juif Julia, T. IV. p. .380. (67) Basnage. Pi.ise.' Liv. 36. Oeuvres de Bayle. t. III. p. 125, Ravenna dominanted'a dal Corno, pag, 203. am '•18. I 5  r38 Chap. V. COMMERCE DES JUIFS par la leurs Privileges en fouffrirent beaucoup (68). H faut pourtant avouer que quelquefois les Empéreurs & les Princes Chrétiens, animés de 1'efprit de converfion, les ont trop tourmentés, & par la donné occafion auffi a des émeutes tumultueufes de leur part (69). . Cependant dans les Sieeles oü ils ont été laiffés le plus tranquilles, on leur a ordinairement permis de prendre en régie les ferm es, de faire le Commerce en gros & en détail (70), de faire le trafic d'échanger les efpeces, furtout le métier de préteurs d'argent a intérêt, c'eft-a-dire, en d'autres termes plus énergiques, le vrai métier d'ufuriers, & de fervir dans cette partie , & dans celle des Finances, les princes & les Grands: j'en vais donner des exemples. En France Childebert avoit déja publié en 540 une Loi, qui défendoit aux Juifs de (ri3) Voyés cc que Muratori rappone des Juifs dans fes Annales d'ltalie. t. I. p- 94- ï°3« 138- 188. 222. 322. 35° > 355512. 541. t. II. 122. 272. 369. t. III. p. 302. 333- 355- T- IV. 160. Basnage. p. 1373- 1525 & '5Ö3. Oü on trouve des exemples des rébellions qui eurent lieu en Italië & dans le Levant, ïi Alexandric , k Antioche, dans Ia Paleflitie, (a Rome, &c. (69) Idem. & Hift. du Bas Empire par le' Beau. t. XII. p. 132. fous Phocas 3 l'an 610. p. 157- s58. 160. &c. (70) Hift. du Bas Emp. t. VI. p. 64. Les Juifs s'étoient enri.chis par les ufures & par le Commerce. Hs.étoicnC.dcvcnus puis- fants. t. XI. p. 49° Jf XII« P' 32°-  Ê N EUROPE, ore. r30 fe montrer publiquement, depuis le Jeudi Saini jufqu'au dimanche de Paqucs , afin de prévenir toute émeute parmi la populace. Le Concile term a Orléans la même année avoit fait une pareille défence, ce qui fait voir combien les Juifs s'étoient déja répandus dans le Royaume de France. Gr-égoire de Tours rapporte encore d'autres événcmens, qui font voir combien le Clergé fe donna des mouvements pour convertir les Juifs (71)- Chilperic tenta auffi leur converfion. L'Historicn de Tours dit, qu'ils étoient ricihes & confidérés dans fon Royaume ue SoiJ/ens öc dans Paris. Ce Roi eut a. fon fervice, en ■qualité de Banquier, un Juif nonur.é'Prifcus, qui fut beaucoup en faveur & en grande eflime auprès de lui. II achetta pour le Roi toute forte de vieilles efpeces , dont lui & fes fuccesfcurs en firent battre de nouvelles (72). J'ai déja dit qu'en Afrique, fous Ie régne des Vandales (73) , les Juifs exercoient iibrement le Commerce. Lorfque Belisaüe (en 536) vint afféger la ville de Naples, il y avoit un grand nombre de Juifs établis, qui y étoient C71) Basnage, p. 1580. Muratori. Diff. XVI. (72) Muratori. Diff. XVI. Hiftoire de France, psr Velly. T. I. p. 30. &c. Edic. wj-40. (73) Basnage. p. 1536.  ï4-o Chap. V. COMMERCE DES JUIFS trés confidérés, & y exercoient le Commerce (74)- Le Pape Grégoire I. fut trés favorable aux Juifs, mais défendit qu'on leur vendit des Esclaves chrétiens, dont ils faifoient un grand trafic, ainfi que cela paroit par les Lettres qu'il •écrivit a la Reine Brunehaut, & au Gouverneur de- la Sicile. Un Juif Négociant trés riche en fut l'occafion,car celui-ci ayant achetté plufieurs Efclaves chrétiens, on le'forca de leur rendre la liberté; & pour y contraindre :tous les autres plus efficacêment, il permit que les Efclaves des juifs qui fe réfugieroient dans les Eglifes, obtiendroient leur liberté (75). Janvier, qui pour lors étoit Evêque de Cagliari , renvoya les Efclaves fugitifs a leurs maitres, ou achetta leur liberté, employant a cet effet les thréfors de 1'Eglife, ainfi qu'Onesime avoit déja fait (76). i . II paroit encore que du tems de Pape Grégoire I. il y avoit des juifs dans la Ville de . Marfeille , fi célebre dans 1'antiquité, & oü on venoit des pays les plus éloignés pour -y 3 faire le Commerce .(7.7). f74) Basnage. p. 1562. Ilift. du Bas Einp, T. IX. a l'an. 536. (75) Idem. 1571. Muratori. Diff. XVI. (76) Idem. 1571. (77; Idem. p. i53o. Grégoire i. Ep. 45.  EN EUROPE, &c I4I Dagobert I, au commencement du VIT™ Siècle, les perfécuta; deforte que les juifs qui étoient dans fes Etats, & ceux qui étoient vernis d'Efpagne, d'oü Sisebut les avoit chaffés, durent quitter fon Royaume, ou fe faire Chrétiens ,s'il3 vouloient refter (7$), Plufieurs d'entr'eux firent femblant d'embraffer le Chriftianifme, comme cela arrivé encore quelquefois dans les pays d'Inquifition. Toujours il paroit que dans les Sieeles du moyen dge, ainfi que de nos jours, lorfque les Juifs étoient tolérés dans un pays oü il y avoit quelque commerce, on y en trouvoit beaucoup ou ils ne tardoient gueres a s'y venir établir, pour y donner un libre cours a leur induftrie. On vit auprès de Charlemagne un certain Négotiant trèsrenommé, mais Juif, qui étoit en grande faveur auprès de lui, & dont ce Prince faifoit beaucoup de cas; Ce Juif fit plufieurs voyages a la Terre Sainte, foit pour fon compte particulier, ou pour le compte & par ordre de ce Prince. II revint chargé de plufieurs effets précieux & trés rares, qu'il rapporta de ce pays & des contrées voifines (79). (78) Ba'NAGE. p. 1583. Wem. p. 1G02 & 1Ö12. & MüRATcmr. Diff. XVI.  142 Chap. V. COMMERCE DES JUIFS Pendant fon régne on trouve encore d'autres Monumens, qui font voir combien les Juifs g'occupoient de töuse forte de trafic ; dans un de fes Capitulaires de l'an 8oc5. on trouve ce qui fuit: „ Tous les Evêques, Abbés, ou Abbeffes, ■ feront foigneufement obferver, qu'on ait , attention que les thréfors des Eglifes ne '„ fbient aucunement, foit par négligence ou autrement, divertis par ceux a qui on les a confiés, afin qu'aucune pierre prétieufe, ou aucun vafe ne vienne a fe perdre, car on nous a informés que les Marchands Juifs, & encore d'autres, s'avifent d'achetter beaucoup de ces chofes des Gardes desthréfors (80)." Suivant le témoignage d'/lgnelli, qui florisfoit vers l'an 830, dans fon hiftoire de la vie des Archevêques de Ravenne, on voit qu'on confervoit dans la ditte Ville une Couronne d'or, qui quoique pas tout - a - fait pur, étoit pourtant enrichie de pierreries trés prétieufes. L'Empéreur Charlemagne ayant demandé a un Négociant Juif, combien cette piece pouvoit valoir, il répondit, que quand on vendroit même tous les thréfors & les autres ornemens (80) Muratori. Diff. XXX. Linoenbrogius. p. 131?.  EN EUROPE, &c. 143 de 1'Eglife oü la ditte Couronne fe trouvoit, ils ne produiroient pas une fomme qui égalat le prix que la Couronne valoit (81). II eft trés probable que les Juifs , malgré les perfécutions qu'ils ont fubi fous Dagobert, troüverent moyen de fe maintenir en France, car Agobert Archevêque de Lyon fe plaignit a 1'Empéreur Louis k Pieux, que les Juifs non feulement s'y trouvoient en grand nombre, mais qu'ils y étoient fur un pied a ofer tout entreprendre. Entr'autres ils y achettoient librement des Efclaves chrétiens, qu'ils revendoient aprés aux Sarrazins , qui pour lors occupoient YEfpagne (82). II ajoutoit: nous „ avons beaucoup a fouffrir de ceux qui pro,, tegent ou favorifent les Juifs, a caufe particuliérement de ce que nous avons annoncé 3, aux Chrétiens, de ne pas vendre des Efcla„ ves, & qu'ils ne doivent pas permettre que „ les Juifs tranfportent des Chrétiens pour les „ revendre en EJpagne." Basnage dit (page 1615,) qu'il y avoit des Juifs a Bordeaux lorfque les Normands y firent leurs invafions; que les Juifs faifoient un Commerce trés étendu en France: cela eft en¬ en O Muratori. Diff. XXX. C22) Idem. & Basnage. p. 1612.  144 Chap, V. COMMERCE DES JUIFS core prouvé par PAcle de ceffion de Charles le Uiauve , oü entr'autres il eft dit, a Partiele du Commerce, que les Négociants Juifs payeront la dixieme partie, & les Négociants Chrétiens Yonzieme (83). Au onzieme fiecle on trouve même qu'en Hongrie, Ladiflas & Coloman, quoiqu'ils eusfent défendu aux Juifs d'avoir a leur fervice des Efclaves chrétiens, ils leur avoient cependant permis d'avoir des Terres en propre, moyennant qu'ils fe ferviroient pour les labourer d'Efclaves qui ne fuffent pas chrétiens (84). On les trouve au douzieme fiecle dans Barcelone, qui alors étoit fréquentée pour le Commerce par des Négociants Grecs & Egyptiens: a Narbonne il y avoit environ trois cents Juifs, leur Pvabin Kalonimas étoit riche, puiflant, & pofledoit plufieurs terres (85). La Ville de Montpellier étoit remplie de Mahomet ans, de Grecs, de Chrétiens & de Juifs, ce qui fait voir combien le Commerce floriflbit alors dans cette Ville. A Beaucaire il y avoit auffi beaucoup de Juifs. Enfin dans ce XIIme. Siècle il y avoit dans plufieurs endroits (82) Muratori. Diff. XVI & XXX. (84) Basnage. p. 1630. (85) Idem. p. 1654,  EN EUROPE, &c 14.5 droits des Juifs pour le Commerce, avec des Synagogues, nommément a Aries, a Marfeille&z dans plufieurs autres Villes, & même dans des Bourgs; il y en avoit auffi beaucoup a Paris (86). • II eft prouvé par ce que Amile Evêque de Lyon & d'autres Auteurs en ont écrit, qu'ils régiffoient les fermes du Royaume (87). Mais furtout ils ont-excellé, pour ainfi dire par toute 1'Europe, par le trafic du prêt d'argent a ufure. On peut voir ce que Paludius a écrit d'eux dans fes Dialogues , de même que Jacques Vitracio dans fon Hiftoire Oriëntale (88), & encore d'autres Hiltoriens qui ont traité des affaires d'ltalie, de France ,d'Allemagne & d'Angleterre. Je dirai encore quelque mots la-deffus dans le Chapitre fuivant. Au refte, on peut voir encore ce que les Evêques Cathoiiques ont dit d'eux dans les Conciles. Le 4me. Concile de Latran porte au 68me. Canon: „ Plus la Réligion s'arme contre „ le trafic des Juifs ufuriers, & plus la mau„ vaife foi des Juifs gagne du terrain contre „ fes Décrets, enforte que bientöt ils auront „ épuifé & ruiné entiérement les Chrétiens." (36) Basnage. p. 1654. (87) Muuatoki. Diiï. XVI; & Ba nage. p. 1613.' (83) Idem. fif Traité des prets de Cvmnierce ëtc. K  i46 Chap V. COMMERCE DES JUIFS II leur fut donc ordonné de reftituer les ufures exceffives qu'ils avoient prifcs: & il fut recomrnandé aux Princes Chrétiens de défendre aux Juifs un trafic fi ruineux pour leurs fujets, & en même-tems fi infame (89). On obferve par ce que Muratori , Basnage & d'autres en ont dit, que les Juifs ont été dans ces fiecles obligés de porter des marqués ou des fignes deftinés a les faire reconnoitre dans le public (90). Enfin ils ont encore en Italië dans les grandes Villes, comme a Fénife, a Ferrare & a Rome des Quartiers a eux: de même a ConJlantinople (91), & dans les principales Echelles du Levant. On fcait fur quel pied, & en quel nombre ils font a Amfterdam , oü depuis la fin du XVIme. fiecle ils fe font établis & multipliés de plus en plus. Ils habitënt dans cette Ville un grand quartier, oü pour ainfi dire il n'y a que des Juifs. Ils jouiffent parmi nous de beaucoup (89) Muratori. & Traité des prets de Commerce tic. (90) Wem. Basnage. Entr'autres a l'an 1221. Le Synode on Coneile tenu il Ravenne l'an 1311. en fait auiïï mention. C91) v°yés Muratori. Diff. XVI. La Cli2rtre de l'an 1090. que Muratori donne , fait auffi mention des Terres & des Maifons que les Vénitiens poffédoient a Conflantinople, oü on voit qu'il y avoit un Quartier pour les Juifs. De mon tems (depuis 1752. jufqu'en 1758 O i' y en avoit un grand nombre. Muratori fait auffi mention du Quartier qu'ils ont a Venife &c. Basnage. p. 1843. fait mention des Synagogues qui fe trouvoient aux XVI & XVIIme. fiecles en Italië.  EN EUROPE, &c. i47 de prérogativcs (92). On évalue leur nombre dans cette Ville a environ vingt deux mille, dont il y a au - dela de trois mille Juifs Portugais: autrefois ce nombre étoit plus fort (93). Basnage dit, que le nombre total des Juifs rc'pandus fur Ie globe ne fe monteroit qua environ trois millions; mais ce nombre me paroit trop petit (94), car dans tous les Pays oü on les tolere, & oü il y a du commerce, on y trouve des Juifs en foule. II eft vrai que dans nos Etabliffemens aux Indes-Orientales on y en rencontre peu; je ne fais pas pourquoi, & cependant je fuis perfuadé que tout Etat qui s'occupe maintenant du Commerce, devroit tacher de leur accorder, non feulement un azyle honnête, mais encore certains priviléges encourageants : car 1'efprit de ce peuple eft extrêmement propre pour foutenir toute forte (92) Au fujet des Synagogues des Juifs qui fe trouvent a Amfterdam, & de leurs prérogativcs, ÏVagenaar eu fait mention dans fa Desct'iption de la ditte ville. (93) Voyés nos Annales aux Années 1778, 1779, 1780, 1781 & 1782. oü on trouve noté le nombre des morts it Amfterdam faVüir- En 1778 . 62 r. '779 • 577 dont Juifs Portugais Q1 '78° .715 117 : 69s 83. 1782 . 726 ... Uh (943 Bas.nace. p. 1926. K 2  i48 Chap. V. COMMERCE DES JUIFS de travail, rélativement au Commerce,& furtout par rapport a celui qui fe fait par des profits réitérés. Par exemple le commerce du Change & en Efpeces entre Londres, Hambourg & Jmfierdam, eft en grande partie entre leurs mains, & eft conduit avec beaucoup d'économie: ce qui fait beaucoup de bien au Commerce en général, & particuliérement a celui que nous faifons dans tous les Pays de 1'Europe(95). Et combien le bas peuple parmi les Juifs ne fe mêle - t'il pas de toute forte de travaux pénibles, comme de fcieurs de bois, de courir par les rues pour achetter & vendre des guénilles, de la porcelaine, des fruits & des légumes, qu'ils donnent a des prix extrêmement bas? Cet objet eft d'une grande reflburce pour cette clalfe du peuple, qui vivroit fans cela (95) Le commerce que ies Juifs font avec les Lettres de Change & les Efpeces, fe bornc fouvent k un quart, h un tiers, ou J un demi pour cent de profit en huit ou quinze jours dc tems: leurs Correfpondans font ces fortes d'affaires pour un huittieme, cu un quart pour cent de provifion. Ils n'ont aucun égard au rifque du papier, c'eft-a-dire, des tircurs des Lettres de Change; quelquefois ils ont plus de bénéfice ; cela dépend de la haulie ou de la baiffe du cours du Change, comme cela s'eft vu pendant cet Eté (en 1783) lorfque le cours du Change de Londres fur Amflerdam étoit tres bas, & que 1'or étoit demaudé en Allemagae, dont le pris rouloit a Amflerdam de 7 a 8 pour cent. Le change il 34 Schéllins par Livie fterlings a vue, 1'Agio \ 3 pour cent, la Guinée valant ƒ 11: 14 a ró fols, donnoit alors un profit de 6 ii 7. pour cent, fans y comprendte les fraix.  EN EUROPE, &c. t49 dans la mifere: en un mot on peut dire que les Juifs Portugais, en apportant en Hollande le commerce d'Efpagne , y ont favorifé Pinduftrie des habitans: & ceux d'entre les Juifs d'aujourd'hui qu'on méprifc fi fort , font peutêtre plus utiles a la Société par leur Brocantage, que plufieurs riches Comptoirs par leurs grandes entreprifes. CHAPITRE VI. Du taux de 1'Ufure parmi les Anciens, & en particulier de celui qui étoit cn vogue parmi les Ufuriers, tant Juifs que Chrétiens, pendant les XII. XIII tjf XIV™. Sieeles. La plupart des mortels, dit Muratori (r), n'ont pas befoin de Maitres pour. leur enfeigner comment ils doivent s'y prendre pour faire profit er l'argent: c'eft de 1'avidité déméfurée des hommes, que réfulte trés fouvent une multitude de maux parmi nous. Le trafic des prêts a ufure, ou a certains intéréts ftipulés entre les particuliers, ou réglés par les Loix: en un mot, le prêt de l'argent moyennant une certaine rédévance, a Ci) Antkhita Italiane de l. A. Muratori. Diff XVI K 3  150 Chap. VI.. DU TAUX DE L'USURE été en ufage dès les tems les plus anciens, & parmi toutes les Nations,foit commercantes ou non. Moïse permit aux Hébreux ces fortes de prêts, ou d'emprunts, avec une certaine reftriction. Mais 1'abus qui les accompagne (& de quoi n'abufe-t'on pas?) a été caufe que ce trafic a été approuvé de plufieurs Peuples, & que d'autres l'ont eu en abomination. Ce trafic, modéré chez les uns, pouffé a 1'excès chez d'autres, aura probablement été Ia caufe de cette differente maniere d'envifager ces fortes d'emprunts. Moïse, le plus ancien Légiflateiir que nous connoiffions, comprit a fonds que le trafic de l'argent dans la Société Politique, y caufe toujours du dérangement, öc en particulier un trop grand renchériffement dans le prix des Denrées. Auffi fit-il cette Loi: tu ne pr etter as pas a ufure a ton Frere, mais bien au forain (2). II fentit donc parfaitement que 1'ufure, ou l'intérêt qu'on exige d'une fomme prétée, eji une charge, & que c'eft aff'oiblir 1'Etranger que de la lui impofer. Mahomet 1'a auffi défendue: ce trafic efl encore aujourd'hui en abomination chez un vrai Mufulman (3). (a) Deutet, Ch. 23. V. 20. (3) tin Turc zdi, iüivant Ie précepte de Mthnmet, ne pré-  AVANT LE XVI SIÈCLE. 151 Platon, Arlstote, Plutarque, & d'autres Anciens, ont désaprouvé & condamné le commerce de 1'ufure. Chez les Athéniens pourtant ce trafic étoit permis, & trés fort en vogue, ainfi que Samuel Pmscus le fait voir dans ce qu'il a écrit fur les Loix Attiques (4). Chez les Romains la Loi des Douze Tahles fixa les intéréts a une once, & condamna a la reltitution du quadruple ceux qui exigeroient des intéréts plus forts (5). Tous les Jurifconfultes conviennent que cette once fe payoit chaque mois, mais ils font partagés fur fa va- tera pas de l'argent a intérêt, il le préte fans rien exiger. L'intérêt n'a lieu en Turquie que parmi ceux d'une autre Réligion. Dans ce cas l'intérêt eft ajouté au Capital, & 1'obligation , fi on en paffe une par écrit, parle feulement d'un pret, qu'on s'oblige de rendre au tems ftipulé: 1'intérêt alors eft confidéré comme un Don. Les Juifs dans Ie Levant font des prets en argent fur le méme pied, furtout quand ils font des affaires avec un Européen ou un homme du Pays , foit Armênien ou Grec, paree qu'autrement on ne pourroit pas en Turquie demander en Juftice la reftitution de l'argent prété; & fi encore la caufe n'eft pas appuyée du témoignage de deux témoins, on perd ordinairement fon argent. C.A) Muratori. Ant. Ital. Medii Alvi. Diff. XVI. p. 884. (5) Traité des prêts de Commerce. p. 271. Caton rapporre que les Anciens Romains déteftoient teliement PuTure. qu'ils condamnoient les ufuriers ii la reftitution du quadruple, quoiqu'ils n'obligcafTent les voleurs qu'il reftituer le doublé. Idem. p. 83. Ceci doit s'entendre d'une ufure exhorbitante, telle que celle dont '1 eft ici queftion. Voyés la note 6. de Puffendorf. (Le Droit de la Nature & des Gens.) Liv. V. Chap. Vlh p. 97. K 4  152 Chap. VI. DU TAUX DE L'USURE leur (6"). II y eut depuis la promulgation de cette Loi plufieurs Régiemens, qui tantöt en ufage, & tantöt abolis, cauferent des troubles & des féditions parmi le Peuple Romain (7). Mais il paroit que dans des tems tranquilles, l'intérêt a un pour cent par mois, appellé centefima, étoit le plus ufité (8). Comme cet intérêt étoit fouvent encore trop a. charge aux débiteurs, la plupart des emprunteurs, dans certaines circonflances, convenoient de 1'ufure ou du taux de l'intérêt avec leurs Créanciers, tantöt a huit pour cent, ce qu'on appelloit heffes ufurce, tantöt a fix, (femiffes) tantöt a cinq, (quincunces) & quelquefois a quatre, (trientes) (9). II y en avoit qui prétoient gratuitement aux pauvres. L'Empéreur Alexandre Severe prétoit aux riches a quatre pour cent, & aux pauvres pour rien (10). Les Empéreurs Chrétiens n'abolirent point ces Loix; ils ne changerent point ces maximes du droit Romain; ils les autoriferent au contraire'pour la plupart. Constantin le grand, vers l'an325. (Voyés (6) Traité des préts &c. p, 272. (7) Muratori. Antich. Italiane. T. I. p. 175. (8) Idem, p. 176. & Traité des préts &c. p. 273. (9) Traité des préts &c. p. 273. (10) Idem. p. 372.  AVANT LE XVI SIÈCLE. 153 €od. Theod. Lib. 2. Tit. 33. L. 1. de Ufuris) aprés avoir défendu de prendre plus de la troifieme partie de 1'ufure (ce qui felon mon idéé feroit quatre pour cent par an) pour les denrées féches ou liquides, défendit d'exiger au dela du centieme par mois pour l'argent prété (11). Vers l'an 386. fousle Confulat d'HoNORius, les Empéreurs Valentinien, Théodofe & Arcade furent obligés de défendre de nouveau a tous créanciers d'exiger de leurs débiteurs une ufure plus forte que le centieme par mois, fous peine d'être condamnés a reftituer le quadruple (12). Dans la iuite 1'Empéreur Juftinien, dans Ia 2t5me. Loi du Code de Ufuris, rcgla différernment cette forte de trafic, permettant aux perfonnes Illuftres de pouvoir prendre Ie tiers par cent chaque mois, ou quatre pour cent par an: aux Changeurs & Marchands huit par cent, & a tous les autres feulement fix. Et il fixa les intéréts de l'argent employé dans le commerce fur mer,a douze par cent par année (13). Le Concile de Nicée défendit au Clergé de faire aucun trafic d'ufure, mais il ne parle pas des Laïques (14). (11) Codex Theod. Coth. T. I. p. 2.66. Muratori. Ant. Ital. Medii /Evi. T. I. p. 88(3. & Traité des préts &c. p. 274. (12) Traité des prêts &c. p. 275. (13) Muratori & Traité des prêts &c. p. 278. (14) Idem. KJ  754 Chap. VI. DU TAUX DE L'USURE Théodoric Roi d'ltalie ordonna qu'on ne pourroit prendre plus d'un pour cent par mois, fous peine de perdre le Capital (15). II y eut un tems oü les Loix des IVifi-Goths, fondées fur les Loix Romaines, furent en ufage en Efpagne, ce qui dura jufqu'au Concile de Tolede de l'an 693 (16). Pour lors dans ce Royaume, & dans tous les autres fous la domination des Goths, 1'ufage des Loix Romaines ceffa. Mais les ufures ne perdirent rien de leur vogue, car ces Loix n'autoriferent pas moins l'intérêt de l'argent prété que les Loix Romaines. II y en avoit une qui ent'autres ordonnoit que 11 on avoit prété huit fols, on en pouvoit recevoir un de plus, pourvu toutefois que l'argent prété eut produit quelque profit. Ces Loix Gothiques ont été obfervées dans toute la Gaule Narbonnoife même long-tems après que les Goths eurent ceffé d'en être les Maitres, comme cela paroit par le fecond Concile de Troyes, tenu par le Pape Jean VIII. l'an 878. & elles ont été en vogue dans toute 1'Efpagne jufqu'au XIII,,1C. Siècle, que le Roi Alpbonfe y introduifit ou rétablit le droit Romain (17). (15) Traité des prêts &c. p. 285. (16) Idem. p. 289. (17) Idem. p. 290. Robbertson dans fon Hift. de Charlts*  AVANT LE XVI SIÈCLE. i55 Sous les premiers Rois Francs il ne paroit pas qu'ils ayent eu des Loix fixes fur l'intérêt de l'argent. On obferve pourtant dans un Recueii dédié a St. Landry, compofé fous le régne de Clovis en 660 , que 1'ufage de préter a intérêt par Contract étoit alors connu parmi eux (18) ; car dans ce Recueii on trouve le modeie d'une obligation qui renferme une ufure pénale. II y eft dit, que le Débiteur qui a em< prunté une Livre d'argent, & qui a promis de la rendre le premier jour d'un certain mois, fera obligé, s'il y manque, lui ou fes héritiers, de payer a fes Créanciers deux Livres d'argent (19) . On y voit encore une autre piece, qui contient une promeffe de payer pour une certaine quantité de fols quatre par cent 1'année, pendant tout le tems qu'on gardera cet argentj & qu'au cas qu'on y manque, on en payera le doublé (20). Ce Recueii renferme encore un autre Contract d'un homme qui ayant recu une fomme d'argent s'oblige de donner k fon Créancier un certain nombre de journées par an, Quiat rapporto, qu'au XMme. Siècle l'intérêt cn Efpagne éteit au deffous de 20 pour cent. Jacques I. en 1242. le frxa en Anglcterre ft 18 pour cent. (18) Traité des prêts &c. p. 290, C19) Idem. p. 291. (io_) Idem'.  ï>rt Chap. VI. DU TAUX DE L'USURE jufqu'a ce qu'il lui ait rendu cette fomme (21). Mais ce dernier exemple peut être confidéré, comme une fïmple convention, puifque le Débiteur pouvoit fe libérer par fon travail, qu'il pouvoit par conféquent mettre a tel prix qu'il vouloit. Je pourrois joindre encore plufieurs exemples prs dans les Ouvrages de M. Bignon , de Marculphe & dans d'autres, qui parient de ce qui a eu lieu fous le régne de Charlemagne, & même après fa mort, oü on voit ftipulé, tantöt une certaine quantité de fruits de la terre en nature, & tantöt cette forte de fervice qu'on nomme Féodal; mais comme ce récit feroit fuperfiu d'après ce que j'ai déja dit, je paffe a ce qui a eu lieu après l'an mille, époque a laquelle le trafic d'ufure commenca, non fans raifon, a faire plus de bruit dans 1'hiftoire, par 1'excès auquel les intéréts de l'argent prété fut porté. L'anarchie qui avoit lieu pour iors dans prefque tous les Gouvernemens de 1'Europe y aura certainement contribué; car dans les XII & XlIIme. fiecles, & même dans la fuite, les Ufuriers publics furent non feulement protégés par les Seigneurs, mais le profit de ces Ufuriers formoit en grande partie (21) Traité des préts &c. p. spi.  AVANT LE XVI SIÈCLE. 157 un de leurs plus beaux revenus. Les Chefs de 1'Eglife & les Princes temporels firent plufieurs fois leur poffible pour extirper de Ia Société ces trafics infames, que 1'avidité avoit introduits, & qui ne tendoient qu'a la ruine totale des peuples; les uns par des Sentences d'Excommunication, les autres en confisquant les biens des Ufuriers au profit du Tréfor public (22). Edouard le Confefleur défendit en Angleterre tout trafic d'ufure fous peine de confifcation, & cela, difoit-il, d'après les us & les coutumes qu'il avoit vus être fuivis lorfqu'il étoit a la Cour des Rois de France (23). Mais le plus fouvent les Seigneurs avoient toute autre chofe en vue que le bien de leurs Sujets. Us abufoient de leur pouvoir, en fe fervant injuftement du prétexte de confifquer les biens des Juifs & des ufuriers , pour s'enrichir euxmêmes, ou du moins pour fe procurer de l'argent, lorfqu'ils en manquoient pour fubvenir a leurs preffants befoins. Les Ufuriers de profeffion étoient dans certains pays en fi grande abomination, que lorfqu'on ne pouvoit les extirper pendant leur vie, on leur faifoit fubir la plus forte peine après leur mort. Car en (2a) Muratori & Traité des prêts &c. (23) Du Cange Gloff'ar. aux mots Ufurarii & Funtratorcs.  ij8 Chap. VI. DU TAUX DE L'USURE certains endroits 1'ufurier de profeffion venant a mourir ,foit qu'il eut fait Teftament ou non, fon bien appartenoit de droit au Seigneur, au Roi ou au Comte, fur les terres duquel il étoit mort. Dans d'autres endroits il pouvoit dispofer de fon bien pendant fa vie (24); mais pour que fon Teftament fut valide, il falloit démontrer & prouver qu'il avoit été, au moins pendant le terme d'un an avant fa mort, fans faire le trafic d'ufure (25). Et pour que les recherches & les confifcations puffent être faites juridiquement & felon les régies, il falloit que trente deux perfonnes de 1'endroit ou du voilinage oü étoit mort celui qui étoit foupconné d'avoir fait le métier d'ufurier, dépofaffent fous ferment a 1'Hotel de Ville, fi le décédé étoit une perfonne qui fe fut mélée du commerce d'ufure ou non. Si la dépofition étoit affirmative, alors tous fes Biens, Meubles &c. étoient confifqués au profit du Roi & fes héritiers , fuivant le droit Royal d'Ecoffe , étoient déchus de tout droit a fa Succeffion. Ainfi tout étoit dévolu de plein droit au Seigneur Féodal, ou au Roi (26). Le Teftament d'un Ufurier, qui avoit res- (24) Du Cange Glofiar. aux mots U/urarii & Ftsxertttorts. (25) Idem. Ca6) Idem.  AVANT LE XVI SIÈCLE. I5g titué les galas qu'il avoit faits, confervoic toute fa force. Au défaut de preuves légales, il étoit défendu a un chacun de faire, ou même d'affifter comme témoin, k la minute de leur Teftament (27). II étoit défendu aux Eccléfiaftiques d'enterrer un Ufurier, encore moins leur étoit-il permis de lui adminiftrer les Sacremens a la mort, & par conféquent le Confeffeur ne pouvoit pas pendant fa vie ufuriere lui accorder 1'Abfolution (28). Les biens des Eccléfiaftiques qui s'étoient mêlés du commerce d'ufure , n'étoient pas dévolus, en cas de mort ab inteftat, au Prince temporel, mais a 1'Evêque, pour être diftribués aux Pauvres (29). Et veut-on avoir des preuves plus frappantes encore de 1'horreur qu'on avoit des Ufuriers? on n'a qu'a lire ce que du Cange dit au mot Ufurarü & Fceneratores; oü entr'autres on Hf qu'il étoit défendu par les Canons k tout Avocat de prendre en mains la caufe d'un Ufurier Voici en fubftance ce qu'on trouve dans celui dun Concile de l'an i2I2. „ Nous ftatuons „ lous peine d'excommunication, que les Ec„ cléfiaftiques ne pourront en rien affifter les ' m c,mu aus mots Ufurarii % %w*m- («pj Wem.  i<$o Chap. VI. DU TAUX DE L'USURE , ufuriers; de même qu'un Avocat ne pourra „ prendre en mains la caufe d'un ufurier ou , d'un Hérétique, foit pour défendre fa caufe „ devant le Juge, ou autrement &c." II étoit auffi défendu aux femmes des Ufuriers de venir aprés leurs accouchemens faire leur Rélevailles dans les Eglifes, & les Prêtres devoient leur refufer la bénédiélion. Elles étoient auffi exclues de la partici pation au Saint Sacrement (30). Par conféquent un Ufurier pendant fa vie étoit profcrit par 1'Eglife, & après fa mort le fruit de fes peines tomboit entre les mains des Seigneurs temporels, qui avoient un intérêt particulier a autorifer ou a défendre felon les circonflances ce trafic infame. Et comme le taux des ufures étoit pouffé a un dégré exceflif, malgré les défenfes & les peines tant fpirituelles que temporelies, ce commerce, par les entraves même qu'on y mettoit, eut toujours de puiffants attraits pour quelques hommes. Robbertson (31) remarque trés a propos, que fi ce trafic eut été libre & autorifc par les Loix, ces abus fur le taux de 1'ufure n'auroient peut-être pas eu lieu a un tel (30) Du Cange Voyés encore Muratori dans fa XVIme. Disfertation. (31) Robbertson. CHift. de Clrnrks-quinty Ed. m-4to.T. I. P- 3' 6.  AVANT LE XVI SIÈCLE. i6t tel excès, apparcmment felon la maxime Fêrimur in vetitum. Comme les Juifs, ainfi que nous favons dit au Chap. V'1!C. doivent néceflairement s'adonnér au Commerce pour pouvoir fubfifter, on n'aura pas de peine h croire qu'ils n'auront affurement point négligé celui de 1'ufure. Auffi cette branche de commerce a toujours été leur fort. Non feulement ce font eux, felon Popinion commune, qui ont mis en train les lettres de Change avec les petits profits qui y font attachés, mais ils ont toujours été avides de préter de l'argent aux Etrangers, au moyen d'un certain gain, plus ou moins grand , felon les circonflances. Us femblent même en quelque facon y être autorifés par leur premier Légiflateur. Partout oü les chrétiens fe font mêlés du commerce d'ufure, les Juifs ont etc en concurrence avec eux, & ont même eu Pavantage fur eux. Car enfin, un Chrétien ufurier craint toujours plus ou moins I'Excommunication,& Pefpece d'infamie qu'elleentraine: au lieu que le Juif s'en mocque, & va fon train. De forte que les excommunications de 1'Eglife, au lieu d'opérer un bien, firent un effet tout contraire au profit des Juifs; & le taux des ufures hauffa dans la même proportion. Car plus le nombre des Chrétiens ufuriers dimiL  JÓ2 Chap. VI. Du TAUX DE L'USURE nuoit, plus les Juifs venoient les rempiacer,. & plus ils étoient libres de mettre leur argent a un plus haut prix. Ce Peuple devint par la dans certains befoins, non feulement plus odieux, mais leurs richeffes devinrent des attrans plusforts pour quelques Grands Seigneurs. Us étoient donc tantót ehaffés & maffacrés par le peuple, & tantót rappellés, ainfi que nous favons déja vu, & que nous aurons occafion de le faire remarquer dans la fuite. Les Ufuriers Chrétiens étoient prefque toujours a 1'abri de ces avanies, foit paree qu'ils étoient Etrangeis, ou paree qu'ils étoient plus a portée de s'affurer de quelques protections particulieres auprès des Grands, ainfi que je 1'ai déja obfervé au Chapitre IVme. Selon Muratori (32) lorfque le commerce d'ufure commenca a fe répandre, & a devenir prefque général, celui qui prétoit a ufure faifoit ordinairement le prêt pour fix mois; & I'empiunteur faifoit un don pour la demi année a. celui qui lui prétoit l'argent, lequel don étoit compris dans le Capital. C'eft ce que certains Cafuiftes ont nommé Contracl de Mohatra; par exemple, une perfonne emprunte de quelqu'un vingt piftoles, & afin d'éviter 1'odieux de 1'ufure , il lui donne un Billet par lequel il recon- (32) Muratori t. i. p. Z%. 5394.  AVANT LE XVI SIÈCLE. 1CT3 noit être rédevabb de trente piftoles. Voyés la 8me Lettre de Mr. Pascal a un Provincial. Si dans le Contract on avoit fixé un terme pour le rembourfement, ce terme expiré, fi le Débiteur ne fatisfaifoit pas, il étoit dans ce cas obligé , pour dommage & intéréts, felon la teneur dudit Contract, de payer de chaque Livre, quatre deniers, ou fols par mois, ou bien, ce qui revient probablement au même, quatre impériales pour chaque Livre de gros (Libra Groffa) de la fomme principale ou du Capital (33). En voici un exemple: le 5 Avril de 1'année 1264. Jacobo Fafanini Bolonnois, habitant de Modene, prit a intérêt vingt Livres & fix deniers monnoie de Modene, & s'engagea a les rembonrfer dans fix mois. II rf avoit pas recu en emprunt & en efpeces réelles ladite fomme de vingt Livres & fix deniers, mais quelque chofe de moins : ce qu'il avoir. recri, & le don qu'il avoit promis, ou bien l'intérêt qu'il avoit ftipulé, le tout fonnoit la ditte fomme. Le don étoit donc compris dans le Capital. Ayant manqué au payement au tems prefcrit, 1'affaire fut portée devant les Juges, lefquels le 21 Mai 1270 prononcerent: quele Debiteur devoit payer quarante quatre Livres Monnoie de Modene, c'eft-a-dire, 20 L. 6 d. (33) MörAtorj. x. i. p. 893. "j-u L 2  16 \. Chap VI. DU TAUX DE L'USURE de Capital, & 24 L. pour légitirae accroifferaent en fus du Capital, pour dommage & intéréts, a raifon de quatre fols par chaque L. conformément au ftatut des Communes de Modene. Muratori ajoute: „ il je ne me trompc „ point dans mon calcul, 20 L. & 6 fols pour fix années & feize jours, donnent un intérêt „ dc 24 L., qui ainfi verfé fur cent, donnent „ un intérêt de vingt, ce qui étoit d'accord \, avec 1'Ordonnance d'alors." (34). Parmi les Statuts de la Ville de Vèrone dans 1'année 1228. au Chap. 26. il étoit ordonné que le cours de l'intérêt feroit de douze & demi pour cent par an. II y étoit en outre flatué, que rélativement aux intéréts qui auroient lieu a 1'avenir, le cours en feroit a douze & demi pour cent, & que les Créditcurs feroient obligés de donner aux Débiteurs une année de délai pour le payement, lorfque ceux-ci auront payé l'intérêt de 1'année précédente &c. Et au cas que le Créditeur recut quelque chofe au deffus de i2j -pour cent, cela devroit être retranché, ou porté en compte fur la fomme Capitale (35). Dans la fuite on tacha en Italië de prévenir (34) Muratori, T. i. p. 803. 804. (25) Hem.  AVANT LE XVI SIÈCLE. 105 autant qu'il étoit poffible les abus énormes que de pareilles conventions entrainoicnt; car on trouve que dans 1'année 1327. on avoit fait a Modene un Réglement concu en ces termes: „ Que tous les engagemens ou Contrafts faits „ depuis 12 ans pour certaines fommes en »> efpeces données a intérêt k quelqu'un, pour » qiïelque objet que ce foit, pourront être li„ quidés , en payant feulement la quatriemepar„ t'ie de la fomme due, & que cette quatrieme „ partie fera dorénavant confidérée comme „ formant le Capital de la dette: bien entendu „ qu'il fut prouvé, que Ie Créditeur faifoit „ le trafic d'ufure lorfqu'ii avoit contra&é, „ ce qui devra fe prouver par quatre témoins „ dignes de foi ou accrédités, tous Bourgeois „ & habitans de Modene, qui attefteront que „ le dit Créditeur faifoit alors le métier d'ufu„ rier, & qu'il prétoit de l'argent a intérêt, „ k raifon de tant par mois, & de tant par „ Livre, ou que les Débiteurs lui ont pavé j, l'intérêt, foit a lui - même en perfonne, 011 „ par d'autres indire&ement" (.36"). On voit par ce récit que 1'ufure légale dans plufieurs Villes de X Italië dans le XIII & XI f&. Sieeles, étoit au plus haut de vingt pour cent. j'ajoute, que communcment dans ces tems - la Muratori. T. I. p. 89% L 3  166 Chap. VI. DU TAUX DE L'USURE il a roulé depuis dix jufqu'a vingt pour cent; il fut même porté, fur les confins Acl'halie, inliniment plus haut, puifquc daii3 le Friidi il étoit même a raifon de foixante cinq pour cent 1'année (37). Voyons maintenant ce qui s'eft. pafie hors de l'Italie rélativement a ce trafic. D'abord le perfonnage que les Juifs ont fait dans ces fortes de prëts k ufure, mérite que nous faffions ici une petite digreffion a leur égard , & particuïiéremcnt pour ce qui regarde la France, oü ils ont été répandus pour ainfi (37) Voyés Zanetti Delle muntte. T. H. p. 3°5- * Ik Note A. 0,1 trouve dans POuvrjge Della Decima &c. T. II. p. 139. PAnectfoK fuivante : „ Lorfque dans 1'année I5"3. |l y eut une grande mortalit^ a Florence, les Florentins Centant leurs Confcien,, ces émüès, fe firent même dn cas de confcicr.cc de prendre (le „ l'argent du Mont du public ft 5 pour cent. Ce fut alors que „ les Communes, pour les tranquiliifer, déelarcrent que ceux qui prétoient de l'argent .pourroient prendre quelque chofe au dettTs „ de Ia fomme prétée, non comme intérêt, mais comme Dongra„ tuit. Le Mont du public varioit fur l'intérêt de l'argent, prenant quelquefois de l'argent ft emprunt ft 20. 15. 12 par cent, & même a moins , tandis que fouvent ils prCtoient ft un prix exhorbitant, comme cela arriva en 1359. & en 1380. Mais le cours ordinaire, de particulier ft particulier, ou entre Commercants, étoit de 4 fols par Livre, bu de 20 pour cent l'an. Pourtant dans 1'année 1420 la néceflité obügca les Communes de Ihtuer, qu'on pourroit prendre fur le gage hypothéqué 5 fols ou lienari de la Livre, ou 25 pour cent. Et afin de faire tomber le cours de f intérêt a 20 pour cent, on prit le parti d'inviter les Juifs ft venir s'éiablir ft Florence.  AVANT LE XVI SIÈCLE. x0? dire de tout tems, & oü ils ont toujours fait toute forte de commerce, & principalement, comme cela eft naturel, celui oü il y avoit le plus a profiter. Or tel étoit pour lors dans ce Royaume Je commerce d'ufure, que les Juifs y exercoient. En 1096. ils eri furent chaffés par Philippe I , a caufe de leurs ufures exorbitantes, & des exactions ruineufes qu'ils y exercoient. Ils y revinrent enfuite: mais Philippe II. les chaffa de nouveau en 1182. 'Quelques années après les guerres dans lesquelles ce Prince s'engagea, & le befoin d'argent pour payer les troupes réglées qu'il voulut entretenir a fa folde, lui firent rappelier les Juifs. Les nouveaux excès qu'ils commirent par leurs ufures obligerent Philippe II. de faire contre eux de nouvelles Ordonnances. Par celle du mois de Février 1218. il leur défendit de préter de l'argent a ceux des Chrétiens qui n'avoient point des biens fonds, & qui vivoient du travail de leurs mains: & par rapport aux autres, ils ordonna qu'on ne pourroit exiger de la fomme prétée pendant une année qu'un intérêt de .deux deniers pour Livre par femaine, ce qui fait quarante pour cent par an. Cet intérêt étoit déja trés confidérable; il le devenoit encore plus fi on y ajoute le profit L4  ijS8 Chap. VI. DU TAUX DE L'USüRE qu'on peut faire en faifant valoir les intéréts & en les joignant au Capital (38). Malgré cette derniere Ordonnance ils continuerent a exiger des intéréts plus forts.; & pour couvrir leurs ufures, ils faifoient paffer au Débiteur un Acte pour une fomme plusforte que celle qu'il avoit effeétivement recue. Ce Prince fut donc obligé de rendre au iqois de Septembre de ia même année une nouvelle Ordonnance, par laquelle il défendit de nouveau aux Juifs de faire payer un intérêt plus fort que deux deniers par Livre par feHlftjne 5 é\ ii erdenna qu'on feroit jurer au Juif & a 1'cmprunteur, que la fomme contenue dans 1'Qbugation avoit été réeïïement prétée en entier (39). Louis VIII. fon Succeffeur alla plus loin; car l'an 1223. il ordonna que toutes les fommes dues aux Juifs 'f a compter du jour de fOélave de la Touffaints de la même année, ne produiroient plus d'intérct &c. Sous le régne de Saint Louts, tous les Ufuriers , tant Juifs que Chrétiens, qui n'avoicnt pu être réprimés par les Ordonnances de fes ("38,1 Moturs & Coutumes des Francais, par le Gendre, p. 130 &c. & Traité s entier e de toutes les conventions f u/dit es, nous ohligeons nous & notre Èglife, affeclans c5* hypothequans tous nos biens & ceux de notre Eglife, meubles & immeubles, Eccléfiaftiques & f éculier s, prèfens cjf a venir, en qrclque lieu qu'ils foient fitués auxdits Marchand - a leurs héritiers jufqu'au parfait payement ; lefquels biens nous reconnoijjonsne tenir que par précaire desdits Marchands, nous foumettans pour fexécution des préfentes a toute cour jurifdiSlion, renonpans pour nous & nos fucceffeurs aux moyens du droit Civil Canonique, aux Priviléges de Clericature,ala lettre d' Adrien, a toute Coutume, fiatut, lettre, indulgence, Privilége accordé ou qui fera accordé par le Saint Siége au Roi d'Angleterre £f a tous fes Sujets, b la Conftitution des deux journées, au bénefice de reftitution, d''appellation & de rècufation, a toutes lettres inhibitoires du Roi d'Angleterre, & a toute autre exception réelle ou perfonnellc qui pourroit être emploiée contre le préjent acle, promettans obferver fidélement toutes les chofes ci-dejfus. Enfoi de quoi nous avons fait apofer notre fceau aux préfentes. Fait le cinquieme jour du mois Elphegus l'an de gr ace 1235.  Chap. VIL DES LOMBARDS, &c. i3i ; CHAPITRE VIL De 1'Établiffèment des Lombards dans la Province de Hollande; du tems que les Monts de pieté ont été érigés en Italië, (f fe font muit ip Hés. I l feroit affez naturel que je fiffe voir ici futiiité de cet Établiffèment des Lombards dans les grandes Villes, & furtout dans celles qui font un grand Commerce; mais comme cet Établiffèment n'a pas befoin d'être encouragé,je me borne a.fuivre le titre de mon Ouvrage, fans mème examiner fi on a eu raifon ou non de regarder les Lombards publics comme des Ufuriers légaux , ou authorifés par le Gouvernement. Mes Récherches fe borneront donc a indiquer le tems & la maniere dont ils ont été érigés dans la Province de Hollande; & a cet effet je dirai ce que j'ai trouvé la-deffus i°.dans lesOuvrages d'Auteurs accrédités, & 2°. dans les Chartres publiques. Selon le Profefiëur Boxhorn (i) les Lom- (i) Voyés M. Z. Boxhorn do Trapezetis, vulgo Longobardis, qui in Fcoderato lielgio menfas fccncbres cxercene, Diffei tatio; hnprimée a Leiden en 1640. M 3  ï82 Chap. VIL DES LOMBARDS &c. ?ards. commencerent k fe répandre d'ltalie en Allemagne aux environs de 1'année 1230 (2). Dans leg Ouvrages de Muratori Rerum Itaücarum Tom. Al. fe trouve la Chronique d'Afia d'Ogerio Alfieri, oü on lit: „ L'an 122(5 les citoyens d'AJle commencerent a pré„ ter de l'argent aux Franjois & a d'autres „ Nations au dela des monts (ultra montanis }, partibus) & ils gagnerent beaucoup a cetra„ fic." On voit dans les Ecrits du Xfflme Siècle que les premiers Etrangers qui fe méL-rent dans nos Contrées du trafic de préter de l'argent a intérêt fe nommoient Cawarfmi ou Coar-fmi, qui étoient paffés de France en Flandre, &z de Ik dans ces Provinces Ils furent bannis de Flandre en 1260, ainfi que je 1'ai déja fa) Boxhorn. pag. 12. Le Pape Grecoire (dit 1'Autcur) eut une guerre i foutenir contre 1'Empéreur Fréderic; comme il falloit de l'argent pour la foutenir, le Pape envoya fes Nonces de toutes paris pour follxiter de l'argent, tant des Princes tc-mporels qu'Ecciéfi ftlques; & fes Nonces avoient ft leur fuite des Perfonnes qui fai «tent le métier de préteurs & Ufure. II eft probable (dit cet Auteur) que ce fut un peu après 1'époque citée (1230) que les prets 3 Credit ou fur gage commencerent dans ces Pays : car Guilj..it'ME Comte d'Hollande dans 1'année 1246. ftatua pour ceux de la Ytfte de O.lft. Art. LV. „ Si Burgenfis bona fibi titulo pigr.oris obligata pofederit, fine rcclamatione, per annum £? amplius, ff aïiijuis ipfum eonveniat de diiïis bonis, fiat S? Judicium Scabimum'. V^J'és pag. 9. \o, 13, 14. 28. 30. 33. 34. 35. 65. & 7j,  DANS LA PROVINCE DE HOLL. r33 dit (3), k caufe de leurs ufures exhorbitantes. Ce ne fut que dans les XIV. & XVme Sieeles qu'on donna le nom de Lombards k ceux qui exercoient cette Profeffion; ét il n'y a pas lieu de douter que ce nom leur a été donné, ou paree que cet Établiffèment des prets d'argent fur hypotheque authorifés par le Gouvernement, tiroit fon origine de la Lombar die, ou paree que des particuliers de la Lombardie 1'introduifirent en France, &c. M. van de Wall dans fon Recueii des Privileges &c. concernant la Ville de Dordrecht, dans fes Rémarques pag. 181. fait mention d'un Ecrit qui lui étoit paffe par les mains, par lequel il confte, que dans 1'année 1289. il y avoit un ou plufieurs Lombards dans la Ville de Leyden - & comme Ja Ville de Dordrecht étoit alors la plus marchande, & celCs) Voyés le Chapitre précédent. Wagenaar, Defcription d''Amflerdam. T. II. pag. 3,5. Priviléges &c. de la Ville de Dordrecht, par M. van de Wai.l Confeiller de la ditte Ville &fcl l. Part. pag. 180 & i3i. oü dans fes rémarques il propofe fes idéés, qui en elTet font alfez fondées, favoir, que les Caorsins ont des premies réfidé dans Ia ditte Ville, oü ils auront vraifemblablement eq un emplacement qui portoit leur nom, & dont celui du pont proche dc cet endroit, qu'on nomma Cawelftne brug, of wynbrug eft probablement dérivé. Voyés Balen, Defcription de Ia ditte Ville, pag. 62. m. van de Wall croit que le Nieuwflraat étoit autrefois nommé la me des Coarsins. M 4  lU Chap. VIL DES LOMBARDS &c. le qui de tout tems a eu la prééminence fur toutes les autres du Comté de Hollande, & dans laquelle les Comtes faifoient fouvent leur réfijence (4), il eft probable que les premiers Etabliffemens des Co ar fins ou des Lombards auront eu lieu dans cette Ville: auffi voit-on parmi les Chartres des Comtes de Hollande un Document qui contient une guarantie de plufieurs Nobles, & oü il eft fait mention du mot de Cauwerfine, pour fignifier dommage & intérêt, termes qui étoient en ufage dans les Contraéts des Ufuriers de ce tems-la (5). On y voit une pareille guarantie de l'an J296, de quelques Seigneurs qui refterent caution au Comte de Hollande pour Dedirick van der Werve de la fomme de 145 Livres de Hollande (qui avoient un certain rapport aux Lombards de Dordrecht (6).) Et par une Chartre rapportée par M. van de Wall, fous la datte du 8 Juin 1313, Guillaume III, Comte de Hollande, céda la Maifon, & tout cet emplacement qu'on nommoit déja alors het klein Lombaard-Huis , c'eft-a-dire, le petit Lom- (4~ Tegenswoordige Staat van Holland. Tom. XIV. pag. 295. (5) Chartres de M. van Mieris. T. I, pag. 397. & Ia ïémsrqyt) a d» M. van de Wall citée a la Nute 3. (6) Misris &c, T. I. pag. 569.  DANS LA PROVINCE DE HOLL. iïS5~ bard, pour être approprié a un Couvent de Réligieufes (7). II y avoit donc, ainfi que M van de Wall le remarque avec beaucoup dejugemcnt, déja dès avant* la fin du XIII™e Siècle au moins un, & peut-être ph'ficurs de ces Etabliifemens des Lombards k Dordrecht. Outre celui ou ceux qu'il y avoit dans cette Ville, on voit que dans les XIII & XIVme Sieeles ces Etabliifemens étoient déja admis a Geertruidenberg (8), a Leyden, a Schiedam, k Oudewater (0) & a Delft. Et il eft trés vraifemblable que dès le commencement ils auront été auffi admis dans d'autres grandes (7) Voyés M. van de Wall- pag. 139. 1S0. &c. Le Comte Guillaume IV. ordonna le 3. Aoüt 1338. que les Lombards qui avoient beaucoup fouffeït par 1'incendie qu'il y avoit eu, feroient jndemnifés. Mieius &c. Tom. II. pag. 610 & 611. Ceux de Geertruidenberg s'obligcrent de contenter le Comie fur les dommages que la Maifon des Lombards avoit fibiififerts è Dordrecht, p. 612. Les Eclievins & Confeillers de Dordrecht arcorderent aux Lombards plufieurs libertés & Privileges. Voyés M. van de Wall aux endroits cités. f8) La Ville de Geertruidenberg doit autrefois avoir été florisfantc, car on trouve dans le Tegenswoordige Staat van Holland Tom. XIV. pag. 307. Note 7. que dans un Privilege du 18 Décembre 1394. il y eft fait mention. qu'on devoit payer, ou remettre au Comte , cent trente vieux Ecus d'or (fioude Schillen) tels que ceux qu'on a monnoyé en dernier lieu ii St. Geertruideberghe. (9) Voyés Mieris T. IV. pag. 230. il y avoit dans cette pe. 1 tite Ville même deux Lombards. M 5  i8cJ Chap. VII. DES LOMBARDS &c. Villes de la Hollande, comme a Harlem, h la Haye (oü les Comtes ont ordinairement eu leur Cour) (10), & encore dans d'autres Villes confidérables hors de la Province de Holland,, comme a Utrecht, &c. Dés l'an 1327 les Lombards occupoient déja a Schiedam une Maifon batie de pierres ou de briques, ce qui pour lors étoit trés rare (11). M. van Bleyswyck, dans fa', Defcription dc Delft, rapporte que Guillaume IV. Comte de Hollande fit don dans 1'année 1342, a la ditte Ville entr'autres de la fondation nommée Cammcrette (12), qui devint pour lors un emplacement deftiné pour le Lombard de cette Ville. Dans la fuite il fut placé dans un autre (10) De Riemer, Defcription de la Hc.ye. (11) Matih/li Ann. T. II. pag. 6Ö3. in Egmond Chronic. oii il eft rapporté, qu'a l'an 1327. a Schiedam pendant un gros orage, ou orcan, le peuple fe réfugia dans 1'Eglife, & que les Perfonnes qui faifoient Ie métier de Lombards ou tfUfuriers, quoiqu'ellesfusfent logées dans un Batiment ou Maifon dc Pierres, y étoient venues auffi, ce qui avoit indigné tout le monde, &c. (12) Je foupconne que Camerelte, qui approche affez du mot Italien Camera, que je rencontre fouvent dans les Ecrits des Sieeles du moyen age dans les Hiftoires & Chartres d'ltalie, aura défigné it Delft ce que ccla fignifie en Italië, fcavoir 1'appartcalen oii fe régiffoient les affaires qui avoient du rapport aux finances du public, ou plutot du Comte ou Souverain, c'eft-a-dire, du fifc, car il eft eft certain qu'ancienncment les Comtes ont tu dans cette Ville leur Hotel ou leur Cour.  DANS LA PROVINCE DE HOLL. xg? endroit, ainfi que cela fe voit dans 1'Ouvrage du même Hiftorien. Un Ami de Dordrecht m'ayant communiqué deux Manufcripts qui ne fe trouvent pas parmi le Recueii de M. van Mieris , ni de celui de M. van de Wall, j'ai cru qu'il convenoit k bien des égards que j'en fifie mention, d'autant plus que ces Pieces, datées du i. & 5. Février de l'an 1354, contiennent des faits qui ont un rapport direct a la matiere qui fait 1'objet de ce Chapitre, fcavoir, que le Duc Guillaume &c. en fa qualité de Comte &c. accordé certains Privileges & prérogatives a Parfimale, Antoine, Philippe, cc André Rogiers , & a leurs Affociés, pour faire le trafic de Lombards pendant le terme de vingt cinq ans. Et comme la teneur des dittes pieces fait connoïtre les us, coutumes & mosurs de ces temsla, a peu-près fur le pied que fe trouve J'Octroi de Cièarles-Qjjint de l'an 1545, dont je ferai mention plus bas, je crois faire plaifir aux curieux, en leur communiquant ces deux morceaux: a cet effet je les ferai imprimer dans mon Supplément, afin de les faire connoïtre au public. Je n'ai pas fait jufqu'ici mention de 1'Etabliffement des Lombards dans la Ville d'Amfier dm, paree que cette Ville n'a commencé  r$8 Chap. VIL DES LOMBARDS Sec. a figurer qu'après le XlIIme Siècle: & ce n'eft que dans le XV™e qu'on remarque queles Lombards ont eu auffi un Etablilfement dans cette Ville: car dans une Ordonnance du 6 Janvier 1477. on lit: „ qu'un chacun feroit „ tenu de retirer fes gages des Lombards avant „ le Mardi gras ± fans être obligé de payer „ pour cela aucune rétribution, ou ufure h (i3)-" Ces premiers Lombards étoient tous Etrangers, & étoient au commencement fous la proteétion immédiate du Comte', probablement moyennant une certaine rédevance, ainfi que nos Chartres & les Ordonnances antérieures en font une mention expreffe (14.) Mais (13) Wagenaar , Defcr. d'Amfterdam. T. II. pag. 35. & fuiVarites. (14) Voyés la quittance du Duc Guillaume de l'an 1357.'011 il reconnoit avoir recu pour fes droits de ferme 30 Livres qu'il avoit fur la Maifon des Lombards, & qu'il leur avqjf défendu &c. Voyés Defcription de Delft, par M. van Wyswyck, pag. 607. Mais comme ceci ne prouve pas affez clairement ce que j'avance, on peut voir ce qu'on en trouve plus bas dans un tems antérieur & pofiiérieur. Tar une Ordonnance des Echevins & Confeillers dc Dordrecht, 'rapportée par M. van de Wall après,'ou fous l'an 1338, il paroit que 1'Adminiftration pour le bon ordre, rélativement aux Lombards, fe trouvoit déja entre les mains de la Régence de la Ville, quoiqu'il paroiffe que la haute Jurifdiction {Opp~rbe(lelliug) tè-deffus appaitenoit au Comte, car par un PJacard du 22 Février \*lv Guillaume VI, Comte de Hollande, pardonne aux Lom-  DANS LA PROVINCE DE HOLL. 189. ces Lombards, qui dans leur origine étoient tenus & dirigés par des Etrangers & par des particuliers, devinrent dans la fuite un Établiffèment qui étoit fous la direcTion ou fous 1'infpection immédiate des Magiftrats. "Et quoiqti'on foit fondé a conjecturer queie commerce des Ufuriers a été dans ces Pays • ci dans le commencement plus modéré qu'ailleurs (15), on trouve cependant que nos Hiffcoriens dans les XIV. & XVme Sieeles desapprouvoient fort ces Etabliffements des Lombards, ou du moins leurs grands abus (16). Apparemment que les Nobles & les Riches dans nos Contrées, pendant les XIII & XIVme. Sieeles, n'étoient ni en auffi grand nombre 5 bards leurs faillites , & les admet de nouveau. Voyés M. vjin db Wall, pag. 386*. Sion Luz obtint Tan I5"8 a Leide Ia liberté d'exercer la Profeffion de Lombard, moyennant 400 florins pour les pauvres. Voyés Privileges & OBrois de la Ville de Leiden, & de llinwer , Defcription de la Haye. (15) Voyés Ie Chapitre précédent. (16) Voyés les Oeuvres de Matthieu, ou Matth.ei ,Ana!edta. Selon Boxhorn, Reinhald I. huitieme Comte de Gueldre par un D plóme manda aux Echevins de la Ville d'Arnhem de bannir ceux qui fe méloient de faire le métier d'Ufuriers. Dans ce Diplome il eft fait mention de plus d'une efpece d'Ufuriers , & eu mSmetems on y ftipule ce qu'on pouvoit prendre fur gage. Voyés Boxhorn. pag. 20 & 30. Et plus bas a l'an 1461. oü il rapporte que Jean, Seigneur dc bergen op Zoom, permitaux Lombards de pouvoir prendre 2| gros de Braband de chaque Livre de gros de Braband pat feniaine.  ioc Chap. VIL DES LOMBARDS &c. ni auffi généralement corrompus que dans d'autres pays: ou, ce qui eft encore plus pro-' bable, n'étoient ni affez puiffans, ni affez riches ■ & opulens , pour mériter de la part des Ufuriers Etrangers une confiance auffi grande & auifi illimitée qu'en Flandre, en Angleterre, en France & en Italië. Le Pays étant trop pauvre par lui - même, fourniffoit trop peu d'objets qui euffent du rapport a ce trafic. Le commerce pour lors étoit trés borné chez nous, & confiftoit principalement dans une efpece de tranfit, ou de palfage pour 1'Allemagne, & & fe procurer les denrées dont on avoit le plus de befoin. Outre cela, 1'Economie étoit alors, encore plus qu'aujourd'hui, auifi bien parmi les Grands que parmi les clasfes inferieur es des habitans, la baze fur laquelle étoit fondée Ia première fource de la profpérité publique de ces Provinces. Elles avoient même alors peu de rélation avec les Etrangers; car ce ne fut qu'au XIVme. Siècle que les troubles en Flandre contribuerent a augmenter notre population & notre induftrie, ainfi que je 1'ai déja dit dans la première Partie de ce Second Volume. Dans les XV & XVlme. Sieeles les habitans étant un peu plus a leur aife, le trafic de ces ufuriers fe répandit & fe multiplia davantage;  DANS LA PROVINCE DE HOLL. 191 & 1'abus qui cn réfulta alla au point, qu'on réiblut dans Ie Confeil de la Ville d'Jm/lerdam de faire des Rémontrances au Comte, pour 1'engager a les ehafier du Pays, ce qui n'eut cependant pas lieu (17). Les Eccléfiaftiques ici, comme ailleurs, étoient, non fans raifon, les plus animés contr'eux, comme cela peut s'obferver en lifant les Hifioriens de ce tems» (18). II eft aifé de voir par les noms qu'on rencontre par ci par la dans les Chartres, & dans les Ecrits qui font mention des Lombards, que les Perfonnes 'qui avoient la ferme de ces Etabüffements étoient prefque tous des Etrangers (19). Mais il paroit en même-tems , que ceux qui exercoient cette Profeffion ont été fous la fupérintendance d'un Commiffaire Général. Le dernier de ces Lombards étrangers qu'on rencontre plufieurs années avant l'an 1584, fe nommoit Frangois Majfazia; ce nom indique affez un Lallen. C'étoit, a proprement parler, O 7) Defcription de Wagenaar. T. IJ. p. 36. Cl 8) Boxhorn &c. & Res Judicata & Res Judieanda «m«taait les affaires des Banques J prêts, ou Lombards; ce font deux petits Traités fur ces objets. Le dernier impritné i, Leiden en 1658. lis donnent tous les deux les noms ou titres de pluBeurs Livres qui contiennent ces matieres. Oo) Voyés les Livres & les Documens, ou Chartres, déjl citégs, oü fe trouvent les noms &c.  ros Chap. VIL DES LOMBARDS &c. le Chef de tous les Lombards; car il avoit la Super-Intendance fur toutes les Banques d'emprunt répandues dans les Provinces de Hollan- . de & de Zélande (20). Par 1'Octroi de Chakles-quint de l'an 1545. en faveur de Bartelemy Banelly, on lui accordoit d'établir ou de tenir a la Haye pendant 1'efpace de dix ans une Banque d'emprunt; il y eft auffi fait mention de plufieurs anciens ufages & coutumes, (ainfi que je 1'ai dit cideffus,) qui étoient encore en vogue pour lors dans ces Pays rélativement aux dits Etabliffements. II y eft dit entr'autres: *„ & par notre „ faveur fpéciale, nous prenons fous notre ,, proteétion & Sauvegarde lemêmc Bartelemy, „ conjointement fes Héritiers, Aflbciés, Facteurs & leurs families, leurs biens & toutes „ leurs polfeffions. Leur permettons d'exercer „ leur profeffion dans tous nos Pays, Seigneu„ ries, & fpécialement en la dite Haye; nous „ voulons qu'ils fbient protégés contre les in„ jures, oppreffions, pertes, injuftices, fup„ preffions & révoltes, & contre tous autres „ inconvéniens ou pourfuites illégales; nous „ voulons que dans le cas oü on leur cauferoit „ quelque (20) Octroi de Charles-quint qui fe trouve dans de Riemer pag. 652. II y eft fait encore mention de Ptttr* Btrgaigne,  DANS LA PROVINCE DE HOLL. 193 „ quelque préjudice, le dit Bartelemy, fes hé,, ritiers &c. foient indemnifés de leurs pertes „ & dommages, & rétablis dans leur état ou „ fituation précédente. — Leur octroyons la „ liberté de vendre, achetter, & négocier „ avec leur argent & leurs effets , comme „ cela leur paroitra convenir. Auffi pourront„ i!s nommer un ou plufieurs Marchands pour „ trafiquer en leur nom & profit k la Haye. — „ Et au cas que le dit Bartelemy vint a mourir „ pendant le tems que ce préfent Octroi du„ rera, le Teftament qu'il aura fait avant fa ,, mort aura fon plein effet, & nous promettons „ de ne revendiquer, ni faire exiger ce qui „ s'appelle le droit de main-morte, ni autres de cette nature ; mais nous tiendrons ce „ Teftament pour valide, & les biens de fa „ Succeffion fuivront la difpofition qu'il en „ aura faite. Et au cas que fes Enfants légiti,, mes ou Batards (21) viennent a mourir dans „ nos Etats fans Teftament, nous promettons „ & accordons, que leurs biens &c. foient „ livrés ou envoyés k leurs héritiers, felon les „ Loix & les ufages étabiis dans les endroits ,, oü ils font nés, nonobftant tous Priviléges, „ Droits, Ufages & Coutumes de ces Pays (21) Voyés Ie dit Octroi psg. Ö53. N  194 Chap. VII. DES LOMBARDS &c. „ qui pourront y être contraires. Et en outre „ voulant favorifer le dit Bartelemy Suppliant, „ fes héritiers, affociés &c. nous lui avons „ octroyé & accordé, octroyons & accordons „ par ces préfentes, qu'ils pourront pendant „ le terme de dix ans jouir de tous Privileges, „ Libertés & exemptions, dont jouiffent les „ autres Banquiers, qui tiennent maintenant „ des Banques d'Emprunt dans nos Villes }, d!/Invers, de Bruxellcs." &c. - Dans le même Octroi il eft ftipulé que les Emprunts fur gages devoient fe faire au taux d'un fol par femaine pour chaque Livre de gros, ce qui revient k 43-' pour cent. Par 1'Ordonnance du Seigneur Jean, rapportée a la Note 16 a l'an 1461. il paroit que cet intérêt étoit plus fort. Par ''avis de la Faculté de Théologie de Leiden de l'an 1627. on obferve que 1'ufure de ceux qu'on nommoit Lombards étoit pour lors encore fur le pied de 32 pour cent 1'année, quoi que alors il y eut a Amersfoort une Perfonne qui tenoit une pareille Banque fur le pied de 16 pour cent, & qu'on avoit admis a la Sainte Cene (2 a). M. van Bleyswyck , dans fa Defcription de (sa) Res jfudicania &c« pag. iCj.  DANS LA PROVINCE DE HOLL. 195, Delft, rapporte une; Ordonnance du Magiftrat de la dite Ville de l'an 1635- oü il eft dit, qu'avant ce tems - Ik on faifoit des emprunts dans une Banque publique pour trois quarts de fol par Livre de gros, ce qui dans la langue Hollandoife s'exprime par le feul mot een blanc, lequel dans la dite Ordonnance fut réduit k un demi fol (23). Les trois quarts d'un fol (Jïuiver) par femaine, font, en comptant 52 femaines dans 1'année, 39 fols par an, & par conféquent pour une livre de gros, ou pour 120 gros, trente deux &f demi pour cent par an. On peut encore voir par les Rémarques curieufes de cet Auteur combien cette Profeffion étoit devenue lucrative dans la Ville de Delft; car en 1554. un Marchand de Piémont obtint un Octroi pour fept ans, moyennant une rédevance annuelle de cinq Livres de gros pour les Pauvres: & cent ans après (en 1655) cet Emploi fut affermé pour 1'efpa.ce de 21 ans pour fix mille florins , & en outre k une rédevance de 2300 florins, dont le Maitre des Rentes des deux Eglifes paroiffiales recevoit 1500, & les Directeurs de deux autres Eondations 400 florins pour chaeune (24). (23) Mr. van BleysWyck. p. 608. (24) Idem. iuid. N 2  i96 Chap. VII. DES LOMBARDS &c. M. Wagenaar dans fa Defcription Amfterdam fait mention que dans 1'année iöii.ceux qui exercoient le métier de Lombards retiroient encore un intérêt de 331 pour cent 1'année. En 1614. le Confeil de la ditte Ville réiblut que dorénavant la Banque des emprunts, qu'on nomme aujourd'hui le Lombard, feroit fous la régie & pour le compte de la Ville, & que la direction en feroit confiée a deux CommilTaires, dont les premiers furent Frans Hendriks Oetgens ancien Bourguemaitre, & Jonas Witsz Confeiller & ancien' Echevin; aujourd'hui leur nombre eft porté a quatre; ils étoient ci-devant,felon Wagenaar, (T. II. p. 38.) au nombre de cinq. Le Lombard eft maintenant divifé dans cette Ville en deux parties, qu'on diftingue par, les noms de grande & petite Banque: M. M. les CommilTaires ont fous leur adminiftration 56 petites Banques , qui fe trouvent répandues en divers Quartiers de la Ville, & qui font fous la régie de leurs Employés, qui ont une Inftruction , ou une Ordonnance, qui régie toutes les parties de leur régie. Entr'autres ils font obligés de porter au grand Lombard la Notice des prêts qu'ils ont faits (25). (25) Wacenaar. T. II. pag: 36. Je donnerai dans mon Supplément la Copie de cette Inpruüim &c.  DANS LA PROVINCE DE HOLL. 197 Au refte on peut voir dans le dit Hiftorien ce qu'il a amplement détaillé fur les différentes parties de 1'adminiftration des Lombards, fur leur Capital &c. Les intéréts pour les prêts font fixés maintenant de Ia maniere fuivante: Pour les petits gages au deffous de la valeur de cent florins, un denier par femaine pour chaque florin. Pour des gages de moyenne valeur, depuis 100. jufqu'a 475/- qui autrefois étoit 16 fols par chaque 100 florins par femaine, eft aujourd'hui réduit a 12 fols. Et par rapport aux gros gages hypothéqués , fur lefquels on avance 500 florins & au deffus, un demi florin par mois pour chaque cent florins. Chaque particulier recoit fon Billet, qui coute huit fous pour toute fomme quelconque. Les gages doivent être retifés pendant le terme d'une année & fix femaines (26). (26) Wagenaar. T. II. pag. 38. Lè Lombard, tous les fraix déduits, rapporte it la Ville de profit annuel entre 92 & 100 mille florins. Mais ce profit, felon moi, caufe des grands inconvemens, qu'il faudroit tacher de prévenir, ou de faire cefler amant qu'il eft poffible. Je fens bien que cela eft difficile, je me contente de le faire rémarquer, ainfi qu'on 1'obrervera dans la Conclufion. Wagenaar évalue le Capital du Lombard a. un million: ce Capital appartient proprement a la Ville, ou h la Tréforerie, & forme le N3  i93 Chap. VIL DES LOMBARDS &c. L'Ordonnance de la Banque d'Emprunt de la Haye, datée de l'an 1Ö81, fe trouve k peuprès, quant au taux de l'intérêt, fur le même pied (27). Les Monts de Piété étabiis en Italië, cn trance & en Flandre, orit fuccédé dans tous ces pays aux Lombards & aux Caorsins , ainfi que dans notre Ville & ailleurs (28); car la direétion du Lombard fe troüVant entre les mains de notre Magiftrat, effc devenue une efpece de Mont de PrtTÉ (29), qui conferve cependant le nom de Lombard, avec cette difference, que les Monts de Piété dans leur origine ont été entre les mains des Eccléfiaftiques (30) : car dès qu'on fut parvenu a bannir les ufures exhorbit'antes des Lombards, les Chefs de 1'Eglife au XVme. Siècle comprirent bien qu'il falloit par quelque moyen moins onéreux & plus jufte j fubvenir aux befoins journaliers fonds qui fe trouve ordinairement avancé fur les gages hypothéqués. (27) De Riemer. pag. 652. & fuivantes. (283 Idem. pag. 656. Res Judicanda, bü ón voit dés Lombards érigés par les Magiftrats &c. (29) 1'uffendorf. (Le Droit de la Nature & des Gens.) Liv. V. Chap. VII. pag. 101. Ed. 1734. I! y a beaucoup de rapport entré les Untits de Piété & la Banque des Emprunts de nos Lombards. (30) Dans toutes les grandes Villes d''Italië ces Banques, ou Monts de P été, fe trouvent encore entre les mains des Gens d'Eghfe: il y en a a Rome, ainfi qu'a Naples &c.  DANS LA PROVINCE DE HOLL. 199 du bas peuple. Au commencement il y eut même encore beaucoup de conteftation Ik-des-» fus; mais les PapesPAUL II. (en 1462) Sixte IV, Innocent VIII, Alexandre VI, Jules II, & enfin Lèon X. dans le Concile Latr-an (tenu dans 1'année 1515) ont approuvé ces fortes d'Etablifiements (31), lefquels ont difteré entr'eux, foit par leurs noms, foit par 'les régiemens qu'ils faivent, ou felon les objets qu'ils ont eu en régie dans leur origine,comme Mons farincs, Mons Qabillarum ou decimarum, Montés fidei, Mons Recuperationum &c. (32). Ceux (31) Voyés Corpus Jurls Canonici. Septlm. Decret. Lib. III. Tit. XVII. De Religiofis Domibus, & de Montiuus PrKTWHS. pag. 150. (32) Voyés, Francifci Toleti , Ex Societate Jcfu &c. Infiru:tio Sacerdotunu Bds 1607. Veneus. Cap. 38 & 39. de Monte pietatis & de aliis montibus, qui in u/u fuut in quVuusdam civitatibus covflituti, perpetui, & temporales, pag. 830. &c. Scaccias de Comme/ciis ecc. pag. 7£- &c. qui traite cncnre amplcmeiit de la formc & de la régie des Monts de piété. Opu/iufa omnia Rever. D. D. T/toma de Vio Caietani Presbyter! CarJirndis, de Monte pietatis, Trattstus fexius. pag. 155. &c. Et Res Judicanda &c. de 'Monte Pietatis, ofte Bergen der Bermher. tigheid. p. 159. &c. Voyés encore DiSlionnaire de Droit & de pratique par de Fermere , au mot Mant de Piété. Traité des préls de Commerce. p. 21. &c. Dans tous ces Etablifieuients on préte fur gr.ge, mais toujours avec un intérêt qui procure un certain profit, fufiifant pour fournir aux fraix de la régie. II fe peut cependant qu'il y ait de ces Etabliffements , oü on ne prend que d'une trés petite fomme, comme de deux ou trois l eus feulement, d'autres intéréts qu'autant qu'il en (aut pour Wfcvenjj aux fraix de régie. N 4  200 Chap. VIL DES LOMBARDS &c. qui pourroient avoir la curiofité de favoir en détail tout ce qui concerne ces objets, doivent confulter les Auteurs Italïens, car c'eft encore d'eux que les Francois,. les Anglois, les Flamands & Brabancons ent pris ces fortes d'Etabliffements (33). On en trouve des exemp!es fréquents dans les Pays-bas au XVIIrae. Siècle, comme on peut le voir par les Chartres contenues dans le Recueii des Placards de la Flandre & du Brabant (34). (33) Voyés 1'Encyclcpédie d'Yverdun au mot Monts de Piété, on y |it n.tr'autres: „ a 1'exemple de Rome, on a fondé des „ Monts de Piété dans plufieurs Villes des Pais-bas, comme a. „ Bruxel.'es, ii Ga'nd,a Anvers &c." Cet article pouri'oit être amplifié &■ une feconde Edition, & cela d'après' ce .qu'on trouve dans les Auteurs que j'ai cité ci-deffus. On avoit auffi donné en ylngleterre le nom de Monts de Piété aux Etablirfements qui avoient été fondés1. par le moyen d'une contribution en faveur du peuple, qui avoit été ruiné par les extoifions des Juifs. (34'' Voyés les Livres 'des placards de Brabant, oü 1'on fait mention des Mailons dè Charité. & des Monts de Piété. Tom. III. pag. .137. 175. On y voit mie Chartre du 9 Janv. 1618. qui établit ii Bruxelles une Commiifion ou Charge dc Super-Intendant des Monts de Piété. II y étoit permis de prendre deux Liards par ièmaine de chaque Livre de gros fur gage. Au Livre I. Tic XI. Chap. I. 011 en trouve une autre du 14 Janv. 1619. qui inonire qu'on nécocioit de l'argent pour fc mettre en fonds \ 6$ pour ctnt. Art. XIV. Les dittes rentes (y dit-on) pourront paf er au premier achetteur & aux Enfant: Légitimes, mais non il d'autres Perfonnes. Le prét fe fera Jur un intérêt de 15 pour cent la première année, en pays de Brabant & outre Keufe. On en r-pporte une autre du 23 Mai 1621. pag. 179. portam que les Monts de Piété déja érigés & ii ériger a 1'avenir, feront toujours joints & unis enfemble. Voyés encore les Livres des Placards. de  DANS LA FROVINCE DE HOLL. 20 t CONCLUSION. Par les détails oü je luis entré dans les Chapitres' précédents & dans celui-ci, le Leéteur fe trouvera en état, par la Defcription ample & hiftorique oü je fuis entré, de connoïtre 1'origine de 1'Etablilfement des Lombards , des Caorsins & des Monts de Piete. II pourra en même-tems juger de leur utilité, mais furtout rémarquer les abus qui font réfultés d'un pareil Établiffèment. 1 Ce que nous avons cru devoir rapporter fur les mogurs de ces temsla, lui auront auffi fait voir combien la forme des Gouvernemens en général dans 1'Europe fe trouvoient trés éloignée de cet efprit d'ordre qu'on y voit régner aujourd'hui. Cependant il s'en faut bien, que par rapport aux Lombards, on foit parvenu parmi nous, a bannir entiérement (qu'on me pardonne cette exprelfion) cet efprit de'rapine & d'avidité, fi peu convenable, furtout a un Gouvernement tel que le notre, & vis-a-vis du bas peuple; car on doit avouer qu'un intérêt d'un dénier par chaque florin par femaine eft même trop fort; il fait revenir l'intérêt dans Flandre Tur les Lombards &c. Tom. 1. pag. 529, Tom. ii. 1. 464. An. 1600. f. 537. An. 1633. f. 58o. An. 1644. & Tom. ii. du Brabant, f. 565. An. 1645. N 5  402 Chap. VIL DES LOMBARDS &c. 1'année au-dela de 16 'pour cent. On peut donc dire, que tout bien confidéré, le Lombard & les petites Banques qui en dépendent, font encore les vrais & gros Ufuriers de notre tems. Si le Lombard chez nous vielit au feeoürs d'un indigent, en lui pré tant la moitié, ou les deux tiers de la valeur du gage hyp othéqué, ü cn ruine dix par 1'ufurè, ou par l'intérêt qu'on exige. Lorfque le Magiftraf prit cette Régie en mains, eut-il pour but d'affurer la dépofition des gages, de venir au fecours de 1'indigent, ou bien de gagner lui-même le profit que les Juifs ou les Lombards faifoient ci-devant par ce trafic? Quand on 'öbferve que dans le Siècle paffe , ainfi que nods le verrons bien tót, le taux de l'intérêt. étoit porté au doublé de ce qu'il a été dans le courant de celui-ci, n'a-t-on par lieu d'être étonné de,ne pas voir une pareille proportion dans la réduction de l'intérêt qu'on paye au Lombard? Au refte, quelque norri qu'on donne a celui qui préte l'argent, cela ne fait rien a celui qui fe trouve ruiné. Toujours il me femble que le Magiftrat, qui doit être confidéré comme le Pere du peuple, devroit dans le béfoin venir au fecours des malheurcux a meilleur marché ; car il eft vifible.qu'a mefure qu'on les réleve de Jeur état miférable, la  DANS LA PROVINCE DE. HOLL. 203 Ville y fait un gain, qui dans Ie fonds l'enri> chit aux depends de ceux qu'on a intention de foulager. Si donc, en fuppofant que la Ville retire un 'profit de cent mille florins de revenu du Lombard , elle fe contentoit d'un gain de quarante mille florins , ce facrifice feroit même une bagatelle pour elle, mais feroit uh objet- affez" important pour le Peuple, en confidérant le bien'qui en réiulteroit fur la maffe totale de notre Société* Qu'on me permette a cette occafion "que je dife aux Gr>.nös hommes en pofte: foulagés le Peuple, prévenés le plus que vous le poiu-rés fa mifere, & fi vous vouljs impofer des charges , ou augmenter le revenu de vos finale s, faites tomber vos idéés fur les richeffes même, fans mettre 1'indigence même a contribution. Voila le vrai moyen d'établir ünë gloireToïïde chez 1'Etranger. II jugcra de votrePuiflancepar les bons Réglements que vous aurez étabiis au dedans de vos murs, par votre fagncité , par votre efprit de prévoyance, & par votre amonr 'pour le peuple. Un intérêt de fix pour cent Pannce pour Ie Peuple ne furfiroit-il pas ? Et fi les profits dè ceux qui obtiennent ces peticés Banques paffaveur n'étoient pas affez forts , au lieu de 56 qu'on en reduhe Ie nombre peu a peu a fix ?  204 Chap. VII. DES LOMBARDS &c. Ojie la Ville leur donne, s'il le faut, un falaire honnête, & alors la Société en général y profiteroit dans un demi Siècle, plus que ne le font les deux ou trois millions que vous récueillés maintenant a groffes ufures; profit, qui en. l'examinant de bien prés, vous fait perdre d'un . autre cöté au moins dix ou vingt fois plus que vous ne. gagnés; car, je le répete, c'eft le bas Peuple chez nous, qui contribue le plus a remplir la Caiffe de 1'Etat, paree que les Impöts qui rapportent le plus , font fur les Denrées de première néceffité, ainfi que je f ai . fait obferver dans mon premier Volume. CHAPITRE VIII. Du cours de f intérêt depuis la découverte de ÏAmérigue. Pendant que 1'Eglife Catholique lancoit de toutes parts des Excommunications contre les Ufuriers, & que les Princes temporels confisquoient a tort & a travers leurs biens, on vit paroïtre, furtout dans ces derniers Sieeles, une foule d'Ecrits, non feulement der Ja part des Scholaftiques, mais auffi de celle de plufieurs autres Auteurs, Jurisconfukcs & Mo-  Chap. VIII. DU COURS DE L'INTÉRÊT, 205 raliftes. Les uns pour condamner 1'ufure, d'autres pour la juftifier en certains cas. Les premiers fe font mis 1'efprit a la torture pour expliquer les mots d'ufura & de fcenus: ont fait des Traités volumineux fur le commodatum & fur le mutuum, fur le lucrum cejfans, & fur le damnutn emergens, c'eit-a-dire, fur le gain cefant & fur le dommage naijfant (1). Enfin pour tout dire en un mot, on a tant écrit fur cette matiere, que tous ces Livres formeroient aujourd'hui une Bibliotheque, fans compter les Thefes foutenues, & les Sermons qu'on nous a préchés la defius, fans que pour cela on foit encore parvenu a mettre le cas en queftion entiérement au clair (2). Je n'entrerai point dans la difcuflion Théologique de cette matiere : elle n'eft pas de mon reffort; & les Théologiens eux-mêmes ne s'accordent pas entr'eux. En lifant les plus Rigoriftes d'entr'eux, je n'ai pas même pu comprendre ce qu'ils établiffoient pour baze de leur Syfteme; car fi dans les prets d'argent il n'y a pas toujours de lucrum cejfans, il y a furément du damnum emergens, ou imminens. Ils approuvent les prets d'argent (1) Voyés la teneur de 1'Obligation rapportée a la page 177. (2; Voyés Traité des prets , &c. oii on cite les Ouvrages d'un nombre infini de Saints, & d'autres Ecrivains de tous les Sieeles, pour ainG dire, qui ont écrit fur cette maiiere.  20(5 Chap.VUL DU COURS DE L'INTÉRÊT, aux Puiiïances qui ouvrent une Négociation, ou un Emprunt, moyennant un intérêt quelque gros qu'il foit; & ils condamnent toute forte de prets de particulier a. particulier, quelque modique que foit l'intérêt qu'on ftipule. Seroit-ce paree qu'il y a plus de damnum imminent k préter a des Souverains qu'a des particuliers ? S'il m'eft permis, a moi rentier, & qui ne fais aucun commerce, de préter mon argent k un Souverain, & de le faire ainfi valoir , & par la augmenter mes Rentes, & même mon Capital; pourquoi ne pourrois-je pas le faire valoir avec le même gain, & même avec un intérêt plus fort, fi j'en ai 1'occafion, en le prétant a un particulier? Si tout intérêf eft Ufure, il 1'eft pareillement dans les deux cas. Mais en voila affez ik deffus: felon moi il s'agiroit de prouver tout uniment, ou qu'il eft entiérement impoffible qu'une Société puiffe, ftriétement parlant, fubfifter fans admettre les prets d'argent: ou que tout pret a intéréts eft illicite, ou bien qu'il eft permis. Au refte les Traités' de M. Nood , de fmnore £f ufuris, de Saumaise , de Scaccias , les Rémarques de M. Godefroy fur le Code Théodofien, & le peu que Grotius , Pufiendorf & Barbeirac ont écrit la-deffus, mérite d'être lu, & c'eft  DEPUIS LE XVI SIÈCLE. 20? h leurs Ouvrages que je renvoie ceux qui voudront en favoir d'avantage fur cette matiere. Je vais donc, en fuivant le plan demon Ouvrage,. expofer mes rémarques fur le cours de l'intérêt depuis la découverte de YAmérique. Les Européens en découvrant par Mer la route des Indes Orientales par le Cap de Bon~ ne Efpérance, firent, pour ainfi dire, au même tems la découverte de YAmérique. L'une & I'autre découverte devoit néceffairement augmenter & étendre la Navigation, & tourner de plus en plus les vues des Puiffances Commercantes vers les nouveaux objets, & vers les nouvelles fources de commerce qui fe préfentoient a leurs yeux. Les briilants morceaux d'or que les premiers Avauturiers raporterent de YAmérique, fut un appas bien frayant pour s'appliquer a fouiller cette nouvelle Terre, &' pour découvrir les Mines, ou les refervoirs de ces prétieux métaux, qui ont tant d'attraits pour les hommes. En lifant les Rélations des premiers Voyageurs, on ne voit pas qu'il y foit prefque fait mention de la fertilité duTerrain , ni de la nature de fes produétions. On ne confidéra d'abord que la richeffe des Mines; on parcouroit a 1'envi ce nouveau Monde afin de les découvrir; on fit travailler ces pauvres Indiens comme des vrais forcats a les exploiter.  los chap. vnr. du cours de l'intérêt. Enfin 1'or & l'argent devinrent & un objet de commerce, & le mobile des Etats Politiques. Jufqu'a cette époque, ces prétieux métaux avoient fervi de mefure pour fixer le prix des Denrées & de touté forte de Marchandifes qui font 1'objet de commerce; mais depuis la découverte du nouveau Monde, ces métaux font devenus eux-mêmes une Marchandife: on vend & on achette 1'or & l'argent, comme le Cacao, les Epicéries &c. L'Argent donc parmi nous eft mis a prix; & le cours du pret, de 1'achat, ou pour parler ainfi, du louage des Efpeces d'or & d'argent, fe regie d'après certaines circonflances, qui ont du rapport avec le commerce intérieur & extérieur. Ce prix varie en outre, en conféquence de la fituation oü fe trouvent les affaires politiques en Europe. Ainfi le plus ou moins d'abondance d'argent dans un pays, le plus ou moins de commerce qu'on y fait, le befoin plus ou moins grand des Puiffances, voila ce qui ordinairement, & le plus fouvent, regie le taux de l'intérêt. Mais cette variation du taux de l'intérêt eft-elle toujours réeïïement en proportion de la rareté ou du befoin de l'argent? Le bas intérêt favorife-t'il le commerce, ou eft-il le fruit d'un commerce fioriffant? Les Habitans d'un Etat, oü le pret de l'argent eft  DEPUIS LE XVI SIÈCLE. 209 eft k bas prix, font-ils plus heureux que Ia oü il eft beaucoup plus haut? Voila des queftions qui me paroiflent mériter 1'attention du Gouvernement. Je ne dirai rien fur la première , & je n'ofe prendre fur moi de décider la derniere, paree que j'ai f expÊrience du bon & du mauvais effet que cette variation du taux de l'intérêt produit dans le public. Cependant fi j'étois obligé de dire mon fentiment, je penfe (non que j'en fois bien convaincu, mais peut-être paree que telle eft 1'opinion généralement recue) qu'un bas intérêt, & le plus bas poffible, eft plus avantageux a un Etat, paree que cela me paroit impofer une moindre charge a la maffe générale de la Société: mais d'un autre coté, combien d'autres grands maux ne caufe point imperceptiblement ce bas intérêt de l'argent dans cette même Société ? Je ne citerai point ici pour exemple la Suiffe, laPologne, &c. paree que cela eft connu de tout le monde; je vais citer d'autres exemples. A Canton dans la Chine, les Employés de notre Compagnie donnoient, il y a quatre ou cinq ans, aux Marchands Chinois de l'argent a intérêt a raifon de vingt pour cent dans fannée. Ils y étoient même dans 1'ufage d'ajouter a la fin de 1'année l'intérêt au Capital; ce qui dans une courte période fait une augmentation O  21 o ChapNlll. DU COURS DE L'INTÉRÊT, confidérable; car fur ce pied mille Piaftres a 20 pour cent, rapportent en dix ans au dela de fix mille Piaftres. Si 1'on fait encore réflexion k la quantité confidérable d'argent, que prèfque toutes les Nations Européennes portent annuellement a Canton, on doit être fort furpris que ce haut intérêt y continue fur ce pied-la. Evaluons tout cet argent, par exemple, a deux millions & demi de Piaftres année commune: cela fait dans cinquante ans une maffe énorme. Et cela cependant ne paroit pas caufer dans cet Empire la moindre altération dans la Société, par rapport au prix des Marchandifes ou des Denrées; au lieu qu'en Europe, aü moindre événement extraordinaire, tout femble pour ainfi dire être dérangé. La Chine eft donc aujourd'hui le Pays oü le taux de l'intérêt eft le plus haut, & oü cependant les vivres font au plus bas prix. C'eft la auffi qu'on voit 1'Agriculture , plufieurs Manufaétures & Fabriques dans 1'état le plus floriffant, & cn même-tems une Population immenfe. Quel vafte champ a des réflexions! Mais paffons a d'autres exemples. En Turquie les vivres y font pareillement k bon marché , même a Confiantinople. L'intérêt de l'argent y eft cependant communément a un pour cent par mois, quelquefois a dix,  DEPUIS LE XVI SIÈCLE. 211 & jamais a moins de huit par cent 1'année (3). Du moins la chofe étoit ainfi lors de mon féjour en Turquie, c'eft-a-dire, depuis 1752. jufqu'en 1758. mais il fe peut que depuis ce tems-la la Guerre qui a eu lieu entre les Ruffes & les Turcs, ait influé fur leur commerce domeftique, & fur l'intérêt de l'argent. Et cela eft d'autant plus vraifemblable, que de mon tems le cours du change fur la Hollande y a été de 26 & 27 paras pour le florin courant, au lieu qu'aujourd'hui le florin fe paye 37 paras. D'oü il fuit que les Efpeces doivent y avoir auffi fubi des diminutions, & qu'on 3 fait en Turquie, a quelque chofe prés, les mêmes opérations fur les efpeces, que les Romains firent de leur tems, & que tant d'autres Nations ont fakes depuis; ce qui annonce chez ce Peuple un déclin manifefte , car les Turcs n'ont pas la manie de créer des rentes & des charges perpétuelles: auffi YAlcoran défend-il tout commerce d'argent par forme de prêt, ainfi que je 1'ai déja dit. ' Voyons maintenant ce qui a eu lieu dans les (3) Ce derm'er taux fe donnoit autrefois par Ia caiffe Frait' (oift, & auffi par les Juifs. Ces deux Corporations étoient re. gardées comme auffi ftires que notre Banque, ainfi on étoit a 1'abri de toute inquiétude. O 2  2i2 Chap.VUL DU COURS DE L'INTÉRÊT, Etats qui ont le plus profité des riches Mines du nouveau Continent, L'Empereur Charles-ouint, & fon fils Phiur-pe IL permirent de leur tems l'intérêt du pret dans le commerce a raifon de douze pour cent 1'année. Guicciardiu a rémarqué a cette occafion, que ces Princes permirent aux Nobles & a ceux qui vivoient de leurs rentes, de pouvoir prendre du pret qu'ils faifoient de leur argent fix & un quart pour cent, ou quelque, chofe de plus , jufqu'a huit pour cent. On peut lire ce que cet Auteur a écrit la-deffus dans fa Defcription des Pays-bas, & les autres faits qu'il rapporte fur cette matiere (4). Aux environs de 1'année 1560. le cours de l'intérêt 00 Defcription des Pays-bas par GuicciARmfj ïi la page 94. de la Traduction en Ilollandois. Les différentes Négociations publiques d'argent qui ont été faites au commencement du XVIme. Siècle, paroiffent le plus fouvent avoir été faites au dénier 12 & 16. Cependant on trouve que dans 1'année 1544. les Etats même avoient été obligés de payer les intéréts ï raifon de vingt pour cent 1'année. En 1554. au dénier 12. ou 8* pour cent, en rentes perpétuclles, ik au denier 6. en rentes Viageres. Voyés Hifi. de ia Patrie T. V. p. 10. 19. aux années 1530. &c. p. 20. 275. 402. &c. En 1550. fut érigée en France une Caife, ou Banque d'emprunt, qui débourfa en 6 mois trois millions de Ducats: les Florentins y étrient intércifés pour 800 mille; on payoit un intérêt de 16 pour cent 1'année. Voyés Hiftoire dc Florence par Sbcni. p. 326.  DEPUIS LE XVI SIÈCLE. 213 dans Ie public femble avoir été a raifon de> huit pour cent 1'année (5). Vers la fin du même fiecle, & au commencement du XVIIme. nommément dans 1'annce 1601. le cours du prêt a Crédit étoit encore a raifon de neuf & dix pour cent 1'année, & en 1Ó04. a huit pour cent (6). Aux environs de 1'année i62i.le cours de l'intérêt commenca a fubir chez nous une diminution affez fenfible; car dans un petit Traité contre 1'ufure , écrit par le Chev. Thomas Culpeper, on obferve qu'on trouvoit alors a emprunter de l'argent chez nous k raifon de fix pour cent 1'année, tandis qu'il étoit encore alors k Londres k dix, & au commencement de ce même fiecle, c'efl-a-dire, une vingtaine d'années auparavant, a douze par cent (7). En 1655. les intéréts des dettes pubüques (5) Hiftoire de la Patrie T. VI. p. 23. (6) J'ai pris cette Note des Régiftres qui fe trouvent a 1'Etabliffement des Huiszitten - Armen fur le Prince Gragt: La partie h 8 pour cent étoit fur la Compagnie des Indes Orientales. SaU vant une Réfolution de la Compagnie du 17 Mars 1604, il parrft que les Cliambres de Zélnnde & de Rotterdam avoient pris de l'argent a emprunt ii 7 & it 8 pour cent d'intérêts f année. En 1607. Ia Comp. prit de la fufdite Maifon quatorze mille florins ii 6 & Jt 62 pour cent. (7) A Ia fuite du Traité de Commerce par jtoftas Child &c. Ed. de 1754. Seyerai Papers, relating to Money Interejl and Trade s par John Lockk 1696. p, 130. O 3  Si4W#.VIII.DUC0URSDEL'INTÉRET, furent réduits chez nous de 5 a 4 pour cent 1'année (8). Quelques années plus tard, le taux de ƒ intérêt dans le commerce, ou dans les prêts k Crédit, étoit déja fur le pied de 3* pour cent (9); & au commencement de ce fiecle, on a vu parmi nous le taux de l'intérêt a fon plus bas période parmi les Ntgotiants, car il y a des exemples de prêts, (il eft vrai qu'ils étoient fur des hypotheques,) a raifon de i§ a 1* pour cent 1'année (10). Aujourd'hui, furtout depuis trente années, que plufieurs Négociations d'emprunt pour des Puiffances Etrangerès ont été faites dans ces Pays, le cours de l'intérêt fur notre place a été plus haut, car il a roulé depuis 2§ jufqu'a 4 pour cent, & cela même fur des iüretés, ou fur des gages par forme d'hypotheques, comme fur le Fif-argent, fur des Diamans &c. dépofés dans notre Banque. L'Etat cependant, nonobflant la derniere guerre avec 1'Angleterre, n'a encore rien changé dans l'intérêt modique qu'il paye dans les Négociations ou Emprunts d'argent (8) Hiftoire de la Patrie T. XII. p. 434- (9) Les Obligations de notie Compagnie des Indes Orientales du Siècle pallé fe trouvent encore fur lepied dc 31 pour cent d'intérét par année. (10) Voyés mes Récherches T. B» P»"ic I. page 232, Note 63.  DEPUIS LE XVI SIÈCLE. 215 qu'il a faits: le taux de 1'intérêt elt donc refté a fon égard fur le même pied, & 1'Etat obtient encore aujourd'hui de l'argent a emprunter, fur le pied de deux & demi pour cent (11). L'argent eft dont maintenant plus cher pour les Commercants qu'il ne 1'étoit il y a 50 ou 60 années; Ia chofe eft évidente. La caufe n'en eft point inconnue , ou eft trés aifée a trouver; car il n'y a qu'a confidérer k combien de centaines ou de milliers de millions les dettes de toutes les Puilfances de 1'Europe , pour ainfi dire (12), fe font accrues depuis cent ans? Or comme les habitans des Sept Proyinces-unies font intéreffés dans toutes ces fortes de Négocïations étrangeres, l'argent doit par conféquent moins abonderchez euxqu'autrefois, & par une fuite naturelle,êtreplus cher pour les Négotiants. Qu'on confidéré enfuite les Négociations d'argent qui ont été faites fur les Plantations fituées dans nos Colonies en Amérique, & on (11) Cette adminiftration, &le foin qu'on a eu de ne point introduire pendant cette derniere guerre de nouveaux irapots ni aucune charge quelconque dans notre Province de llollaxde, de mime que la Bataillc de Doggersbank, font dans ces circonjlances honneur a la République. Au refte voyés ce que je dis encore rélativement ii cette matiere h la Note 9. du Chap. Xme. (12) Excepté hPrufe, car le Grand Frederic feul paroit connoitre fur cet objet fes intéréts, & ceux de fon Peuple. O 4  216 Chap.VIIL DU COURS DE L'INTÉRÊT, verra qu'elles feules forraent un capital de plufieurs millions. II y a 4 ou 5 ans que j'eus la curiofité d'additionner toutes ces Négociations, ou tous ces emprunts, y compris celles que les Puilfances Etrangerès ont faites chez nous, a. Amflerdam, k Rotterdam, a Middelbourg & a Utrecht, & je trouvai que toutes ces fommes réunies enfemble, fe montoient au dela de deux cent cinquante millions de florins ("13). Depuis ce tems-la on a fait encore plufieurs autres Négociations, & on ouvre même tous les jours de nouveaux emprunts. Je ne fuis point du fentiment de nos Economifr.es, qui voudroient que ces fortes de prêts ne fuffent pas permis, afin, difent-ils, que cet argent put être employé dans le commerce. Mais qu'on me dife donc de grace, ou eft-ce que nos habitans pourroient employer tant de millions en efpeces qu'ils poffédent? Toutes les branches de notre commerce font, pour ainfi dire, remplies: il n'y en a gueres d'oifives. Et peut-on dire qu'aujourd'hui tout le monde foit en état, ou feache exercer le commerce ? Laiffons donc aller les chofes leur Ci 3) Cette Note , ou Liftc , dont je fais ici mention, eft copiée d'après un Manufcript, oü fe trouvent les noms de plufieurs Négociations & les fommes de leurs Capitaux, & eft diftin&8 de la. Lifte dont il efl fait mention a. la Note 1. du Chapitre fuivant.  DEPUIS LE XVI SIÈCLE, ar? train :jugeons d'elles felon lapofitiondes Etats, de leur étendue, de la nature de leur Sol n, la confiance & la bonne-foi qu'on a en celui a qui on préte de l'argent, ou auquel on livre des Marchandifes a Crédit, c'eft-adirè, payables a un certain terme, plus ou moins long Cette Négociation fe fait ou de particulier h particulier, ou entre des particuliers & 1'Etat, ou un Gouvernement quelconque, foit celui de fon propre pays, foit Etranger. II feroit- inutile de s'étendre d'avantage fur une chofe fi univerfellement connuc-. Mais ce qu'ön ne fauroit trop remarquer, e'eft qu'un Etat ne fauroit affez ménager 1'articiè du Crédit; c'eft un objet extrêmement délicat. Celui qui a foin de le ménager & de le foutenir avec intelligence, de payer les Intéréts ou le Capital au terme échu , peut faire  LES PARTICULIERS. 223 de ce Crédit un de fes meilleurs fujets ou alliés. Allié d'autant plus fur & plus affidé, qu'il fe trouve fouvent non feulement renfermé parmi fes propres Citoyens, mais encore parmi les Etrangers (1). Mais n'entrons point encore dans le Sanótuaire du Crédit politique des Etats, ou Puilfances de 1''Europe: parions d'abord du Crédit rélativement aux particuliers, & fpécialement de celui qui a lieu entre les Commercants. Sur le pied oü le Commerce fe trouve dans ce fiecle, le Crédit ne fe borne pas entre les habitans d'une Province, ou d'un Etat particulier; mais s'étend même aux commercants qui font répandus dans toutes les principales Villes de 1'Europe, furtout a tous ceux avec qui (1) Combien de Négociations n'ont-elles pas eu lieu clisz nous depuis trente années , & cela, pour ainfi dire, de la part de tous les Sotiverains de 1'Europe? Jamais fa Majefté Pruflienne n'a pris cet expédient pour fe procurer de l'argent: c'cft, h mon avis, le Prince qui entend le mienx la partie des Finances. Par lil il s'eft mis dans 1'indépendance du caprice du public, & encore moius de celui dc 1'Etranger. On trouvera & la fin de cette Seconde Tartte une Lifte des Effets Commercables, qui font continuellement dans le Commerce fur la Place, qu'on négocie tous les jours, & dont les prix varient felon les circonftances des tems. Les apparences de Guerre entre telle ou telle Puiffauce, les font ordinairement baiffer; & la hauffe a lieu au contraire aux apparences d'une paix. Mais j'avertis qu'on n'y trouvera pas les fommes, ou le Capital de toutes ces Négociations , paree qus je penfe qu'il feroit indifcret de les expofer dans un Livre public» ■ (>- • • '■" :i;*u  tH Chap. IX. DU CRÉDIT ENTRE on peut être en liaifon par le moyen du Change, qui fe fait par des rémifes & par des Traites, ou par des envois d'Efpeces & de prétieux métaux. II eft certain que celui qui emprunte, & celui qui préte, ont pour but un certain gain ou profit';' ce profit,'ou l'intérêt qu'exige celui qui préte, foit fur gage, ou afimple Crédit, éft ordinairemént aujourd'hui de 3 a 6 pour cent 1'année. Le particulier qui fe fert de l'argent prété , ou du Crédit qu'on lui a accordé, a en vue d'employer cet argent, i°. dans-le Commerce, oii en d'autres entreprifes, & efpere par la un gain au deffrs de l'intérêt qu'il s'oblige, ou qu'il promet de payer. 20. II emprunte, foit argent foit Crédit, paree qu'il n'a pas les fonds néceffaires pourcommencer ou exécuter fes entreprifes. II eft donc obligé de faire le petit facrifice de cet intérêt ; ou bien 30. il prend 1'expédient de faire un pareil emprunt, paree qu'il fe trouve dans le befoin, & qu'il n'a que ce moyen pour fubvenir a fa fubfiftance, pour foutenir fon état &c. Dans ce dernier cas, tout particulier qui n'a pas des biens, dont la valeur égale les fommes qu'il emprunte, éft a mon avis criminel & un fripon, puifqu'il prend l'argent d'au- trui  LES PARTICULIERS. 225 trui fous Ie manteau de la bonne-foi. Mais dans les deux premiers cas la chofe eft trés différente; 1'emprunteur & le préteur gagnent ordinairement tous les deux, & s'enrichiffent en même tems. II réfuke pourtant de la que 1'objet fur lequel on opére, foit fur des marchandifes ou fur les fonds publics &c. fe trouve a la fin furchargé de cette taxe, ou de cet intérêt; car c'eft du profit qu'on y fait qu'on doit payer l'intérêt du crédit. Un Négociant prend de l'argent ou du crédit a emprunt, pour étendre fes affaires, ou pour gardcr plus long-tems certaines marchandifes qu'il a en Magazin, & dont il veut refter le propriétaire encore pendant quelques mois, afin de les vendre alors a un plus haut prix. Dans ce cas la il eft clair que la Marchandife, Denrée &c. fur laquelle fe fait ce gain, fe trouve toujours furchargé e par une pareille opération ; & qu'en derniere analyfe c'eft le confommateur ou la Société entiere qui en fouffre, & qui même fouvent en devient enfin la dupe. En un mot,c'eft une efpece d'impót, ou de monopole, introduit par la cupidité des Négociants, & qui eft toujours nuifible & au Commerce même & au public. L'inconvénient feroit moins grand, & en quelque fafon fupportable & moins fujet a des fuites nuifibles k la Société, p  226 Chap. IX. DU CRÉDIT ENTRE fi cette efpece d'impöt, ou ce furhauffement de prix, tomboit feulement fur des objets ou fur des marchandifes de Luxe, & non fur les Denrées de première néceffité. Mais je fens bien que quoiqu'on dife, ou qu'on écrive ladefïiis, cette belle invention du Crédit eft aujourd'hui trop généralement établie, pour efpérer de 1'abolir par de pareilles confidérations : & il y a grande apparence que les chofes iront leur train ordinaire, tant que les Sociétés Chrétiennes de 1'Europe fubfifteront fur le pied acïuel. L'intérêt particulier de ceux qui ont aujourd'hui les richeffes en mains eft fi enraciné , prend tant de formes différentes dans fes opérations, qu'on ne doit plus être furpris d'entendre de toutes parts débiter comme une maxime certaine & indubitable parmi les Négociants, que c'eft une chofe trés permife que de préter a Intérêt, mais point a Ufure (2). (2) Clément Marot a dit dans une de fes Satyres: L'on ne préte plus It ufure, Mais a intérêt tant qu'on ycut. Le prétexte de la perte du gain qu'on auroit pu faire avec l'argent prété , a ouvert (dit Dominique Soto) depuis quelques années la porte a toutes fortes d'ufures. Préfentement, dit Wolf, on exige & ort paye tout ii titre d'intérêts; combien d'abus ne cache-t'on pas fous ce nom, & combien de gens ce tralie n'a-t'ü  LES PARTICULIERS. 227 II n'y a pas jufqu'aux Miniftres de la Réligion qui n'aient fouvent dü plier a la fantaifie des hommes, lorfqu'il s'agit de leur intérêt. Le Pape Urbain III. décida que tout intérêt étoit défendu de droit Divin: Alexandre III. décida même, par une conféquence naturelle , que les Papes ne peuvent permettre 1'ufure, pas même fous prétexte d'oeuvres pies, & pour la rédemption des Captifs: Clément V. dit qu'on devoit tenir pour Hérétiques ceux quï foutenoient qu'on pouvoit exiger des intéréts. Cependant Innocent III. qui étoit grand Canonifte, décida que quand le mari n'étoit pas folvable, on pouvoit mettre la dot de fa femme entre les mains d'un Négociant &c. (3). En voila affez fur cet objet, que j'ai feulement voulu faire envifager comme en pailant, car je n'ignore pas qu'il elt impoffible de réformer les hommes fur ce point, vu 1'état oü les chofes font dans la Société On fent qu'il me feroit aifé de pouffer mes Rémarques plus loin fur 1'article du Crédit , & de démontrer combien il eft nuifible a la Société, lorsqu'il paffe certaines bornes. J'en ai fait 1'application fur les Marchandifes qui fe vendent pas précipité Jans les Enfers? Voyés Traité des prtts de Cnmmet. te. p. 31. (33 Voyés Encyclopédie au mot IMé'^ft. P ?  228 Chap. IX. DU CRÉDIT ENTRE a. Crédit: un Leéteur éclairé ne manquera pas de trouver une infinité d'autres exemples. Dans Tefpérance cependant qu'un jour on ouvrira les yeux, je vais hazarder quelques idéés fur un objet qui a du rapport a cette matiere, & fur lequel il feroit peut-être plus aifé de rémedier dans la fuite. io. Je rcmarque d'abord que le payement des Marchandifes qui fe vendent a Crédit, effc trop prolongé, & que cela fait encore renchérir les Marchandifes. Car ie Négociant qui vend, ftipule ordinairement un prix, rélativement a la longueur du terme fixé pour le payement; or ce furplus forme toujours un objet encore plus grand que ne feroit un intérêt ordinaire. II eft vrai que ces ventes a Crédit donnent un terme plus long aux Négociants Etrangers ;mais je me rappelle trés bien d'avoir vu dans ma jeuneffe que ces termes, qui aujourd'hui prolongent fi fort les payemens , étoient moins en vogue, & 1'expérience m'a fait voir que c'étoit un bien. Nos Peres & nos Ancêtres étoient des Négociants plus experts que nous; & je penfe que s'ils ie trouvoient parfni nous, ils pourroient nous fervir de maitres en bien des chofes. 20. Dans quelque Etat ou Gouvernement que ce foit, le Souverain ou leMagiftrat de-  LES PARTICULIERS. 229 vroit, a ce qui me Terrible, donner tous fes foins pour empêcher que le papier qui circule dans le Commerce n'y fut pas trop fouvent au, dela*du cours ordinaire (4), c'eft-a-dire, faireattention que lorfqu'on voit dans un Pays commercant que 1'efcompte, ou l'intérêt , eft poiuTc au dela du taux ordinaire, c'eft une marqué, ou qu'il y a rareté -d'efpeces, ou qu'il y a du danger a donner du Crédit. Si pour lors on pouvoit, foit par autorité, foit par des voies politiques, prévenir le mal, on eft obligé de le faire, car le bien public doit prévaloir fur celui d'un Négociant, ou de quelques particuliers. Et comme cet objet, auffi bien que beaucoup d'autres, demandent de Ia capacité, & d'être fuivïs par ceux qui entendent a fonds Ja partie du Commerce, & tout ce qui y a' du rapport , il feroit néceffaire d'établir une Chambre ou un Collége de Commerce , compofé de quatre ou cinq de nos premiers Négociants, ik des plus ;entendus, affiftés d'un Sécrétaire. Une pareille inftitution vaudroit fon poids d'or, furtout fi ce Collége obtenoit un rang diftingué dans la Ville, & que ces Perfonnes (que je (4) Voyés le contenu de 1'Ordonnance du Magifixat d'/lmflcrtlam dans nos Anriales a l'an 1776. pag. 145. Le terme donne- aux Billets fur les Caiffiers eft fixé ii 9 ou 10 jours après leur date. P 3  z$o-Chap. IX. DU CRÉDIT ENTRE nomme un iniTant les Répréfentans ou les Consuls des Marchands, a Texemple des anciennes Villes & Républiques Commercantes d'ltalie (5), a 1'exemple de ce qui fe pratique encore a Londres & ailleurs,) étoient confultées par le Magiftrat & par le Souverain dans toutes les affaires qui ont du rapport au Commerce, & qu'on n'y admit jamais de Membre par faveur, mais que le feul mérite y donnat entrée. II faudroit par conféquent laiffer ce choix a tous ceux qui fréquentent la Bourfe journellement. Eux feuls connoiffent le mérite, la capacité & la probité en fait de Commerce.II faudroit les laiffer d'abord deux années confécutives en pofte, c'eft-a-dire, fi le nombre en étoit porté a cinq, il feroit bon d'en remplacer trois après les deux ans. Les deux anciens qui refleroient en place encore une année, céderoient 1'année fuivante la place a deux autres, & ainfi de fuite on procéderoit a 1'Election de trois nouveaux Membres. II me femble encore que cette Eleclion devroit fe faire vers le milieu de 1'année: paree que c'eft ordinairement pendant 1'Autom.ne, 1'Hyver & le Printems que les affaires qui demandent de la réflexion fe font plus a tête répofée. L'Eté eft aujourd'hui deftiné parmi nos Négo- (5) Voyés la note 48. du Cbapkre h.  LES PARTICULIERS. 231 ennts pour Ie paffer a Ia Campagne, & pour s'y divertir, ce qui nefouffre ni délai, ni d'autre occupation férieufe, eft expedié. Si un pareil Établiffèment pouvoit avoir lieu par exemple, a Middelbourg , k Rotterdam & a Amflerdam , les Nobles , & autkes Seigneurs , qui ont part au Gouvernement de la République , auroient occafion d'acquérir par la des lumieres, qui fouvent leur manquent, & dont il réfulteroit un grand bien pour 1'Etat en général. Les' grandes Entreprifes des Négociants font toujours mêlées avec les affaires politiques, & influent fur le refte du commerce. Un commerce mene a I'autre. Vraifemblablement que cet exemple feroit bientöt fuivi dans bien d'autres Villes; car le commerce demande plus que jamais d'être obfervé & fuivi de prés. Notre République a un intérêt particulier a avoir toujours les Grandes Monarchies Commercantes-sous les ■yeux, et a diriger en conséquence toutes ses démarches selon L'eTAT ou elles SE trouvent, car c'est DELa que découle RiELLEMENT notre frospérité. Je prends la liberté, a cette occafion, d'ébaucher encore fur le papier quelques idéés, qui pour le moment fe prefentent a mon efprit, & qui peuvent contribuer a affermir & k fouP 4  21% Chap. IX. DU CRÉDIT ENTRE tenir de plus en plus notre Crédit parmi les Commercants répandus dans 1'Europe; car on fcait que les Etrangers font continuellement en rélation pour toutes fortes d'affaires avec les Banquiers & les Négociants de la Hollande , & particuliérement avec ceux qui réfident a Amfterdam. ïo. Ce feroit une Loi trés fage & trés falutaire, d'obliger les Maifons de Commerce qui font compofccs de plufieurs perfonnes fous le nom de N. N. & Comp. de faire enregistrer a la Sécrétairerie de la Maifon de Ville les noms de leurs Affociés, öt pour combien ils participent dans leurs entreprifes (6): k défaut de quoi les perfonnes intéreffées feroient regardées comme chefs de ces Entreprifes, & comme répondants du tout, & ainfi ne pourroient ni réclamer, ni jouir des conditions ftipulées par le Contract. Car on a eu des exemples de perfonnes, dont les noms étoient compris dans la Signature, ou firme, & qui cependant ne fe trouvoient intéreffées que pour une certaine fomme affez modique, ou feulement pour un modique falaire. Je penfe qu'il conviendroit,- pour la fureté de tous les (6) Suppofé qu'on préférAt que cela reftüt fécret, cette dccla. ration pourroit ié faire par forme ti'aéle cacheté, deftiné a fervir feulement en cas de befoin.  LJES PARTICULIERS. n$ Cofnmercants, & de ceux- qui font en rélatioXi avec eux , qu'une loi femblable eut lieü. ; 20. II feroit a fouhaiter que leMagiftratinoa feulement tint la main pour faire, exëcuter. 1'Ordonriance du 17 Janvier 1777. dans les cas de faillites, mais encore eut foin, autant que cela eft poffible, que ces fortes d'affaires malBeüreufes fuffent expédiées & finies le plutöt poffible, foit en protégeant 1'innocent malheureux, foit en puniïfant celui qui auroit manque a la bonne-foi. On ,ne fauroit dire a quel point cela contribueroit k affermir lel Crédit national parmi les Commercants chez PEtranger. II faudroit' furtout éviter cette' longue formule de procédures, qui avoient autrefois lieu a la Chambre de Défolation, qui achevoient de ruiner Ie Négociant malheureux, & caufoient des grandes pertes aux Créanciers. 3°. Comme quelque énorme que foit. la mas-. fe des Dettes publiques de VAngleterse., il eft a préfumer que le jeu,, quonnomme Commerce dans les fonds- Anglois, ne diminuera pas, il feroit a fouhaiter pour l'intérêt du Commercedes deux Nations, qu'on parvint en Angleter-re, & dans ce Pays ci, ay mettre des bornes. II eft inutile de. détaiiler Je tort que ce commerce fait, car tous ceux qui ont quelque idéé de ce jeu, en font alfez convaincus. P S  554. Chap. IX. DU CRÉDIT ENTRE Le Commerce des Aclions a terme, n'eft pour ainfi qu'une efpece de gageure, qui fe fait fur le prix des fonds, & dont au ref contre, ainfi que je 1'ai déja dit, la différence eft fecue ou payée, ou bien les parties font prolongées. Ce commerce de Prolongations, qui fe fait fouvent par des Perfonnes qui ont les fonds, ne devroit point être permis; car c'eft ce qu'on peut nommer a la lettre le Commerce Ufurier de nos jours. On a vu encore pendant cette année des Prolongations qui ont été faites fur le pied de 12 k 20 pour cent d'intérêt 1'année, furtout fur les Actions des Indes Orientales en Angleterre. Ce font les joueurs qui fupportent cette charge, mais dont je ne vois pas que YAngleterre puiffe tirer la moindre utilité pour la confervation de fon Crédit. Du moins fi ce crédit repofe fur cette baze, le fond en eft bien foible, & on fgait que tout 1'Edifice court rifque, outre cela, d'être bouleverfé au moindre vent. Je fcai que ce jeu eft attrayant, mais les premiers gros profits font ordinairement fuivis de la ruine d'une perfonne, & fouvent par celle de families entiéres. La Nation Juivc, qui s'occupe de ce commerce, & qu'on emploie comme Courtiers a Amfterdam, profite le plus chez nous par ce commerce. Les  LES PARTICULIERS. 235 Courtages a Londres & a Amflerdam font toujours des pertes pour le gagnant, & plus encore pour le perdant. Et fouvent fi le Courtier, foit Juif ou Chrétien, négocie pour fon propre compte, lui feul profite a ce négoce, par les avis de ceux même qui femploient. II faudroit donc pourvoir dans la fuite par des bonnes Ordonnances aux maux qui réfultent ordinairement de ce commerce: & ces Ordonnances devroient furtout frapper fur ceux qui font la caufe des ruines qui s'enfuivent. II faudroit donc défendre aux Courtiers fous peine (7) de , de faire ce commerce a un terme plus long que celui, tout au plus, de trente jours. En bornant ainfi ce commerce a terme fur les fonds Anglois, c'eft-a-dire, de refcontre a refcontre, le jeu finiroit de luimême; & alors le commerce des fonds Anglois fe feroit plus folidement. Les affaires feroient mieux établies: tout fe feroit enfin avec de l'argent comptant; & la facilité qu'on a, pour faire des Emprunts chez nous, donneroit affez des moyens pour étendre ces fortes de fpéculations. (7) Pour ne pss trop prendre le ton de Législateur, j'ai laiffé en blanc Ia peine qu'on devroit infliger: je n'ai d'autre but que le bien public , & je ferois au comble de mes défirs fi je pouvois Ie procurer par cic fimples vceux, ou par mes fouhaits.  '9%6-Chap. IX. DU CRÉDIT ENTRE • 4.0. Je penfe qu'il conviendroit encore d'introduire de nouveau 1'ancienne coutume de demander la permifïion a nos M. M. les BourgüEmaïtres régnants , lorfque quelque Comp-. toir voudroit entreprendre uhe levée d'argent par forme d'Erriprunt, foit fur gage ou autrement; & furtout lorfqu'on voudroit le faire póur' compte Etranger (8). 5°..II faudroit établir, après la Paix, des Pacoliet shots, ou des Avifo, qui partiroient ré- (8) Autrefois lorfqu'un Négotiant accrédité, ou un Comptoir éta.. bli dans cette Ville, vouloit ouvrir une nouvelle négociation d'argent, il commencöit psr en demander au préafablé-la permifiion 4 M. M. les Bourguem'aitres régnaijts. Maiijtfqant - cette coutume: eft teJIement venue hors dc inode^ que quiconque veut ouvrir de psrcilles Négociations, prerid un chemiii plus court; il s'adrcffe ienlelnent a un Courtier.' accrédité, ou a -des Entrepreneurs de ces ibr.tes d'affaires: & dès qu'on eft une fois convenu du profit, li. partie eft tout de fuite arrétée, & tout fe conclut ainfi fans intre cérémonie. Je-fnis beaucoup porté pour la liberté dans le' cqminerce : je fcai qu'il ne faut point ie géncr; mais en méme-' tems j'aime un peu 1'ordre, & le bien public. Je penfe donc que fi on pouvoit rétablir cet ancien ufage, que nos Peres avoient fi fagement établi & fuivi, cela produircit un tres bon effct. II en réfulteroit non feulement'plus de confiance chez 1'Etranger, mais encore une plus grande confidération pour M. M. nos Bourguemaitres régnants, qui en outre, dans certaincs circqnftanees, feioient auffi plus ii portée d'aider de leurs Corrfcils les Négociants eux-mêmes, de les protéger dans leurs entreprifes, & de pour voir en même tems aux fuites facheufes qui en pourroient réfulter pour les particuliers, pourcette claffe de citoyens qui vivent dc leurs rentes, & qui font fouvent les parties fouffrantes & la viétime de 1'imprudeuce des Négociants, & de 1'ayidité des Courtiers.  LES PARTICULIERS. 237 guliérement chaque mois de notre Pays, par exemple de Vlijjmgue ou de Hellevoet, pour porter les lettres a Surinam, aux Berbices, a Demerary, a Ifequebo , a Saint Eujiache & a Curagao. — Ces VaifTeaux devroient être< appropriés uniquement pour porter des males, & pour le tranfport des PafTagers, & retourneroient tous les mois des dites Colonies, avec leurs Lettres, Pacquets &c. Cette correfpondance réguliere remettoit le commerce des Affurances fur un bon pied, feroit d'une grande utilité pour tous nos Commercants, entretiendrok en même-tems un peu la marine de 1'Etat, & nous mettroit mieux & plutöt au fait de Ia fituation de nos Colonies, & de ce qui fe paffe dans les différents Pays de YAmérique. Voila des idéés qui peuvent contribuer chez nous au main tien du Crédit, & infiuer fur la confiance publique entre les Commercants de 1'Europe. Et tout cela a un rapport direct au bien de 1'Etat. Comme mon deffein n'eft pas de traiter ici des grandes Compagnies de Commerce, je me bornerai a remarquer pour Ie préfent, & comme en pafTant, que les différentes Compagnies Commergantes qu'on a formées en plufieurs  238 Chap. IX. DU CRÉDIT ENTRE Pays de 1'Europe, lorfque leur adminiftration a pour baze un Commerce aétif, font auffi trés utiles a 1'Etat & au Commerce. Il-fuffit pour cela que leur Établiffèment foit fait fur un pied folide & avantageux au public. Telle étoit par exemple autrefois a Londres la Compagnie du Sud. Telle efl encore aujourd'hui en Hollande & en Zèlande la Compagnie des Indes Orientales. Au refte, on ne devroit jamais permettre chez nous que le papier circulat dans le Commerce , & y tint la place de l'argent, a moins qu'il ne le repréfente réeïïement, ainfi que le font les Billets fur les Caiffiers: ces Billets tiennent réeïïement la place de l'argent, paree que les Caiffiers ont les Efpeces entre leurs mains. Et lorfqu'il s'agit de faire un pret, il devroit fe faire par le moyen ordinaire, par un Emprunt contre un nantiffement, ou tout au plus, fur une promeffe obligatoire & rembourfable a fix, ou au plus haut, a douze mois de terme. Avant de terminer ce Chapitre je dirai encore que ce ne devroit être que dans une derniere néceffité, que le papier püt être re^u dans le public ou dans la circulation, pour fervir de figne, ou pour repréfenter les Efpe-    LES PARTICULIERS. 239 ces (9), & cela feulement encore pour un terme court & borné. (9) On fcait que le Congrès des treize Etats réunis de YAmérique a eu recours a cet e.tpédient pendant la Guerre qu'ils ont foutenue pour fe rendre indépendants. Voici un nouvel exemple auiïï tout re'cent. Comme au Cap de Bonne-Efpérance, depuis le mois de Mai 1782. jufqu'au mois de Mai 1783, & ainfi depuis la derniere guerre furvenue a la fin de Décembre 17S0. la CaiiTe de Ja Compagnie ne pouvoit pas fuffire aux Dépenfes, Ie Gouverneur & fon Confeil trouverent bon de Créér pour treize & quatorze cent mille florins d'Efpeces en papiers, & fur du parchemin. Savoir : des pieces de fix, de douze, de vingt-quatre, & de trente fix fols, ou Huivers. Et d'une douze deux quinze trois vingt quatre vingt-cinq cinq trente fix quarante huit cinquante dix foixante Rixdales. Dans ce Siècle Ia Rixdale parmi nous dans 1'Inie, eft mie monnoie de Compte, qui eft aujourd'hui tout a fait imaginaire, & qu'on devroit abolir, ainfi qff"Cm ft fngtU &UB la Cornptgaie il y a plufieurs années. C'eft pour fatisfaire Ia cnrloGté du public, «e poer confciver 1* mémoire de cet événement, que j'tn u fait graver la f.jute, qui ltouve ici fa place naturelle. Ou veie pu 1'cmprcictc que U xzlzz; chofe doit avoir eu lieu en 1714. Ee tems & jes circonitirrw .lm» fcjqoc«« 00 a eg r«ows I «n expédient, nous avertilUrt u3TM mis cet exemple tu dolt Être imité ou fuivi que dans ure i!:12:eie utaffité. II dl dc fintérêc Je 1'Etat & du public qu: :j:c< poffi. We »yec fidélité, contre dcsKfpece» nidlcs, foit r»r l» Comp£|nie  ü40 Chap. ix. du crédit entre elle-méme, ou fi elle fe trouve dans 1'impuiflance, par le Souverain. Car plus on attend, & plus on court rifque qu'on n'y introduife du papier faux, & contrefait. ■— Plus on fera ponduel a rembourfer, plus cela rétablira le Crédit de la Compagnie dans VInde, & particuliérement au Cap de Bonne-EJperance. Ce qui peut devenir utile dans la fuite, car les Guerres que le Commerce a déja caufées & fait naitre, ne manqueront pas d'avoir encore lieu dans les Sieeles è venir, & peut-être encore dans celui oü nous vivons. En Efpagne, & dans VAmérique Septentrionale, comme nous favons dit, on avoit introduit le papier pour tenir lieu de monnoie. Dans ce premier Royaume ce papier avoit perdu fur la place & dans le public, dès avant la fignature des Préliminaire}, au dela de S2 pour cent. Aujourd'hui, c'eft-a-dire, en Septembré 1783, ce . papier n'eft que 3 ou 4 pour cent au deffous de ce qu'il repréfente, & eft ramaflï par la Banque a Madrid. cha-  Chap. X. DES DETTES PUBLIQUES. 24.x CHAPITRE X. Des Dettes puhliques. JLiEs Dettes publiqu.es font maintenant devenues un objet fi important pour prefque tous les Etats de YEurope, en particulier pour ceux dans lefquels la majeure partie des Négociants font leur réfidence; & cette matiere a un fi grand rapport au Commerce, dont il fait même aujourd'hui une branche affez importante, qu'il mérite bien que je m'en occupe un peu amplement. Plufieurs caufes ont donné lieu k ces Dettes; je n'en ferai point 1'énumération, cela me meneroit trop Join: mais il y en a une entr'autres , que je ne dois pas paffer fous filence, & qu'il fuffira cependant d'indiquer ici; ce font particuliérement les guerres qui ont été & 1'origine & 1'occafion des Dettes publiques, mais furtout Pentretien des armées de troupes réglées, qui k leur tour doivent leur origine a. fextinclion du Gouvernement Féodal. Dès qu'il commenca k s'écrouler, on vit d'abord les Villes en Italië fécouer le joug de 1'efcla» Vage Féodal; on vit en mcme-tems des Corrt*  242 Chap. X. DES DETTES PUBLIQUES. munes prendre le Gouvernement en main, exciter & favorifer 1'induftrie, & pour maintenir leur liberté, non feulement abolir infenfiblement 1'efclavage domeftique, mais former des armées, non d'Efclaves, mais d'hommes libres, comme ci-devant (i), c'eft-a-dire, de Soldats a gages, tirés de cette partie d'habitans qu'on avoit remis en liberté, & qui étoient affez portés d'eux-mêmes k prendre les armes pour défendre la Patrie, a laquelle ils devoient même s'intéreffer pour leur propre intérêt, & pour conferver leur nouvelle liberté (2). Voila ce qui contribua h groffir les troupes des Communes, qui par leur nombre, & par ce nouvel efprit d'émulation qui les animoit, leur fit remporter 1'avantage fur celles des Nobles & de leurs foi-difants Fideles. Comme ces No- (15 Voyés Muratori Antiq. Ital. Medii sEvi. Diff. 26. qui traite De la Milice en Italië pendant les Sieeles Barbares, oü 011 trouve ia mar.iere dont on fonnoit les armées pendant le moyen age , & dans des tems poftérieurs, & oü cet Auteur donne des preuves de l'erreur oü le Pere Daniël eft tombé dans fon Hiftoire de la Milice Franfoife, en croyant que les Efclaves ont été admis clans les armées. Muratori fait voir que du moins cela n'étoit pas ainfi dans celles d'Italië, & probablemcnt non plus parmi les Francs, & enfuite parmi les Francois. (2) Voy. Annales d'ltalie. Tom. V. VI. & VII. Strelits, chez Braam camp , . . — ■ ' ■ chez Bouwen s & van der Hoop . — Pologne fous la guarantie de la RuJJie, chez Hope 8c Comp. —. Le Prince SAnhalt Cotben, chez Menkema — Le Prince de Waldek, chez J. A. Winter . .— Brunswick Lunenbourg, chez Luden . • — Idem, fous la guarantie des Etats, chez les mêmes — Idem, fur le Berghandeling CaJJa, chez Roquette Elzevier 8c Roquette a Rotterdam 00 Voyés Ia note i. Taux Pris auquel Prix auquel de 1'in- on trouve les poffes- térêt des achet- (èurs veu- par an. teurs. lent les yendre. 4 97% 9H 4 97 9» 5 3° 35w 5 5° 55 4 5° 56 5 100 101 3! 100 101 4 100 101 5 98 99 5 100 101I . 5 100 102 • 5 99 100 • 5 99 roi . 5 99 100 . 4 100 101 . 5 101 102  P R I X-C OÜRANT. 26$ Taux Prix auquel Prix auquel de l'iu- on trouve les potles* térèt des achet- leur veu- ;)ar an. teurs. leut les vendre. 5 98 99 5 ioi 103 4 98 100 , 4 100 101 31 97 99 32 100 101 41 3 30 f. 31 f. 3 34* 35* 3 31 3^ 2 26i 28 - f5 . . f5 . . f5 I xzP'f- 14 5 I 60 75© 5 I 50 <5o Sur Z/e^è» Darmjlad , chez Amalry & Viiïuly — Les Poftes de la toe, chez van Alphen & van de Wall — Les Byjoux de la Saxe, dépofés d.ms la Banque, aujourd'hui, chez Schues . . " . — Les Byjoux de la Baviere, chez Hope & Comp. —■ Le Poids de Ia Ville de Leipzig, chez Menkema fils ■— L'Hypocheque de la Steur, chez les mêmes — Les Lettres de Change de la Ville de Leipzig, chez les mêmes — Hypotheque de Drcjdo pour les Obligations de la Steur, maintenant chez Guaita & Comp. — La Steur non c change vaut — dito, ordinaire — dito, de la Chambre — dito, dito — Le Canal d''Efpagne, nommé lmpêrtal . . — Idem, nommé Taoufiê . — La Silèfie . . . .1 — La Grénade, chez Hope & Comp. j — Idem, chez Pye Riche & Wil-I kieson . ■ . .. .1 (i) Les intéréts de trois année échu, font compris dans ce prix, de même du plus au moins dans les prix fuivants: c'eit-i-dire, dans la proportion des intetórt êcliu, ou de leur valeur.  2Ö6 PRIX-COURANT. Taux Prix auquel Prix auquel de i'in- on trouve les pofl'es- térêc des achet- feurs vcu- i>ar an. teurs. lent les vendre. 5 85 95 5 50 <3o 5 90 100 5 45 55 5 55 60 5 40 5° 5 4° 5o 5} 20 22 6~ 50 55 5ï 3° 35 Si 20 25 4 20 25 'f5 15 20 6 35 55 . 6 25 75 W . 6 50 80 6 62 65 • 6 57 58 ■ 6 59 60 s • 5 84 9° a .5 90 94 Sur la Grênade, chez Dedel & Ro- , quette • • — Idem, chez Crop, May & Comp. _ Tabago , chez Vernede & Comp. Idem, chez Jean Hodshon — Idem, Crop, May & Comp — Idem, les Freres Back.br — La Barbade, chez B. van Homrich — Eljequebo fi? Demerary, chez J'. van Ryneveld & Idem, chez Daniël Changuion Idem, Santheuvel, aujourd'hui, Heemskerk & van Arp , Idem, van den Helm, Bod-| daart. RcgiFtre de la Haye & d'Utrecht • ' p • Idem Heshuizen Ck Comp. _ Les Berbices, chez J. A. .Charbon , Négociation générale .; • _ Idem, chez le même, lur djsPIantations particulieres Id"m Louis Schumacher — Idem,' J- A. Pool & Comp. j T/es Ifles du Danemarc, chez Lr. Bourcourd &zfils,& Comp. 1767- Idem, chez les mêmes 1768. _ Idem, — ibid. 1769. Idem, convertis en rentesViageres 1770. _ Idem. De Robert Tuite, fous la guarantie des mêmes &c. (e) Cette difproportion provient de la diffircr.ce qu'il y Plantation a celle d'une autre. 1, dans la valeur d'une  P R I X-C O U R A N T. 267 Sur les Ifles du Dammare, Négotiation de préférence, chez les mêmes — Idem, chez Lever & de Bruine , maintenant Hope Sc Comp. LA. — Idem, chez les mêmes. Lett. B. Fev. 1770. ö [, — Idem, Hjsrmaal & van den Bosch . ' . • — Idem, L Bouwens & van der Hoop — Idem, Jean Hodshon —- Suriname, chez Marseeis" — Idem, pour Sobre — Idem, chez van de Poll. Lett. A. — Idem, — - q — Idem, Clifford & Cheva- lier, aujourd'hui chez de Neufville & de Wolef . \ i —' Idem, Lever Sc de Bruine, fous leur guarantie — Idem. Négociation générale — Idem, chez de Vries, aujourd'hui chez S. van Nooten — Idem. Négotiation de préférence ' chez le même — Idem, chez Hermaal Sc van den Bosch, aujourd'hui chez Dedel & Rocquette — Idem, George Henry de Wilde. Lett. A. aujourd'hui, chez Valkenier Sc du Quesne —- Riem, ■ le même & maintenant ciiez Bouwens Sc van der Hoop. L. B. Taux Prix auquel Prix auquel Je Pin- on trouve ies polfestéret des achet- leurs veupar an. teurs. leut les '•endre. 5 98 100 6 90 02 c* 90 " 92 6 78 82 6 75 8| ' ö" '80' ( 90 5 ' 44 ' ' 48 5 45 50 5 25 28 5 18 20 5 30 3^ 5 75 85 5 18 2 0 4 14 16 4 50 60 6 18 20 6" 10 12 4 8 10  26S P R I X-C O U R A N T. Sur Suriname, chez Hageman, aujourd'hui fous M. van Arp Négociation générale — Idem, chez T. C. van Nes — Idem, —- Passalaigue, aujourd'hui , Théodore Luden , «— Idem, le même ci-devant fous fa guarantie — U Efpagne, chez Echeniqjje — UAmérique, ou fur les XIII. Etats —- La France, fous la guarantie de L. H. R . . . Taux Prix auquel Prix auquel de Pin- on trouve les poflestéiet des achet- feurs veu;>ar an. teurs. lent les vendre. 6 ' 16 20 6 30 30" 6 18 20 5 25 30 3z *>4Ï 65 5 9%h 99k 4 103 1034