OBSERVATION .S Ü R UNE M^LADIE NERVEUSE, ér Et complkation d'un fommeil y tantót léthargique , tantot convulfif. PAR M. DE BEAUCHÊNE, Mcdecin de Monsieur, Frèrc du Roi. A AMSTERDAM; Et fe trouvc a Pa r i s 3 Chez MÉQUIGNON 1'aïné, Libraire , rue des Cordelien prés des Écoles de Chirurgie. 1786.   OBSERVATION Sur une Maladic nerveufe avec complkation d'utt fommeil3 tantot lethargique, tantot convuljïf. D a n s tous les temps les Maladies nerveufes onc préfenté de grandes difficultés a la Médecine, & il femble que 1'Art de guérir n'a pas encore diffipé affez parfaitement les ombres qui les enveloppen!:, pour que Ton puifTe fuivre, avec une forte de füreté, leur traitement. La marche incercaine & bizarre de ces maladies ; la variété de leurs fymptömes j les défordres .mulripliés qu'elles produifent, & les phénomènes fans nombre qu'elles développenr, embarrafleront toujours les#Médecins tanr qu'on n'aura pas fu clafler les difFérenres efpèces de ces maladies, & imprimer a chacune d'elles un cachet inefFacable, a 1'aide duquel on pourra les reconnoicre & les traicer avec fuccès* A 3  (O Le travail qu'exige un tel projet ne peut fe perfechonner .qu'autant que les Médecins multiplieront leurs obfervations & les rendront pubhques, afin que celui dortt le génie bienfaifanc le portera vers eet objet puifTe fe fervir de ces obfervations, pour en former nn corps de doctrine qui répandra a jamais une clarté d'autant plus nécefTaire fur ces maladies, qu'elles fe multiplienc tous les jours. Tel eft le motif qui nous a déterminé a publier TObfervation fuivante, qui, d'ailleurs, nous a paru mériter les regards du Public, & fur-tout 1'attention des Médecins ( i). Nous allons donc en rendre compte avec le plus de netteté & de précifion qu'il nous fera pofïible. Une fille agée de vingt-fix ans, forte & bien conftituée , réglée a neuf ans & demi , dun tempérament fanguin & bilieux, éprouva, a fept ( i ) Ccttc obfervation vient a 1'appui dc Ia divifion que nous avons donnée des Maladies nerveafes, & du traitement que nous avons indiqué dans notre Suvrage intitulé De l'Influence des afeciions de l'ame dans les Maladies nerveufes des Femmes, avec le traitement qui convient a ces maladies. Seconde édition j chez Méquignon 1'aïnc, Libraire, ruc des Corddicrs.  ( 7 ) ou huk ans , une éruption éréfïpéiateufe trèsconfidérable, qui fe porta fur une cuifle: elle fut traitée par les moyens ufités dans de femblables cas, & la maladie dura deux mois. La même humeur reparut quatre a cinq fois en différens temps, jufqua ce que cette fille eüt atceint fa onzième année. A cecre époque elle éprouva, dans la région iombaire gauche, un gonflement douloureux, qut dura trois mois; la douleur fe répandit enfuite dans tout le bas-ventre; mais elle fe fit fur-tout fentir au creux de Teftomac. Des naufées, le hoquet, des vomifTemens de matières glaireufes, des borbongmes, 1'accompagnoient prefque toujours. La malade avoit fouvent mal a la tête, fa refpiration étoit difficile, les fpafmes & les convulfions furvenoient alors & agitoient fucceffivement toutes les parties externes de fon corps. Ces crifes duroient plufieurs heures, quelquefois un jour entier, fans qu'il y eüt, p'our ainfi dire, d'interruption. La malade fut afïujettie a ce pénible érat pendant» trois ans, & les accidens qui fe renouveilèrent très-fouvent ne fuivirent jamais une marche réaulière dans leur retour. A quatorze ans elle fut attaquée d'un fommeil A 4  f 8 ) léthargique qui dura plufieurs jours; & il fuc'fi profond qu'on la crut morte. Ce fommeil s'eft conftamment renouvellé depuis, a des^ diftances inégales : il a duré ordinairemenï fcui a dix jours 5 il a continué quelquefois pendant quuwe, Sc une fois, feulement, il s'elt prolongé jufqu'au dix-feptième jour. Pendant les paroxifmes, la malade avoit, par fois, ies apparences d'un fommeil doux Sc paifible : fes organes extérieurs avoient le ton de couleur, & la flexibilité qu'ilj confervent ordinairement pendant le fommeil; la refpiration n'étoit pas néanmoins fenfible; le pouls étoit conftamment concentré. D'autrés fois le fommeil étoit accompagné de convulfions & de contra&ions violentes des extrèmités. Pendant ce fommeil tres-extraordinaire, la malade n'avoit jamais aucune évacuation, ü ce n'eft celle des régies quand leur époque arrivoit, pendant la duré du'paroxifme. Les fécrétions paroiffoient fupprimées. Le réveil étoit annoncé par des fpafmes Sc des convulfions; un hoquet violent en écoit le fignal, cinq ou fix heures s ecouioient avant qu'il füt complet; la malade fe plaignoit alors de douleurs dans..routes les parties de fon corps; mais fur-tout a la tète, a la gorge Sc a 1'eftomac,  ( 17 ) gènes répandues dans le fang , nous avons pris les premiers remèdes que nous avons mis en ufage, dans la clalTe des dépuratifs en général , donnant néanmoins la préférence aux fucs des plances nitreufes & au jus de crefïbn. Une forte décoction de faponaire a fervi de boiffon ordinaire pendant tout le temps que le traitement a duré. Dans le deflein de remplir la feconde indication , nous avons fait faire ufage des demi-bains tièdes, & nous y faifions refter la malade tous les jours pendant cinq a fix heures. Nous avons 'employé les incififs tels que la fcille , les cloportes, les fels neutres , afin de fondre & de divifer les matières que nous foup9onnions avoir engorgé les vifcères du bas-ventre. Nous avons eu aufli recours a beaucoup de lavemens fondans & incififs. Les purgatifs (ont rrouvé leur place enfuite , mais üs n'onr commencé a avoir d'effet fenfible, qu'après deux ou trois mois de 1'ufage conftanc des remèdes ci-defTus détaillés j ils ont a la vérité produit de très-heureux effets a cette époque; & c'eft fur-tout les purgatifs en lavage qui ont le plus complettement réufïi. Le fel de glauber a la dofe d'une once danï  C 18 ) une pinte d'eau; dont nous faifions boire troïs ou quatre verres dans la matinée, a été très-fouvent mis en ufage , fur la fin de la maladie, & nous 1'avons même fait continuer long-temps après la guérifon. Par ces moyens les év'acuations ont été trèsabondantes, & elles ont duré plus de trois mois. Dans le commencement elles étoient comme plarreufes ; dans la fuite elles ont été de la couleur Sc de la confiftance de la poix 5 elles ont diminuégraduellement; & elles nous ont paru critiques & devant opérer la folution de la maladie. Rien ne nous a femblé plus propre a remplir la troifième indication, què de faire appliquer «n très-large véficatoire entre les deux épaules ; nous avons cru par-la pouvoir défendre le cerveau , & détourner 1'humeur qui s'y portoit régulièremenc avec plus ou moins de force ou d'abondance. Nous avons encore confidéré ce remède , comme devant débarralfer le cerveau dans le cas ou les convulfions qui précédoient la terminaifon des paroxifmes n'auroient pas fuffï pour dégorger totalement ce vifcère. Les bains de pied ont été très-fréquemment mis en ufage dans les mcmes vues.  (*5>) Xes véficatoires ont fuppuré abondamment pendant plus de fix mois. Les différens moyens dont nous venons de rendre compte, ont été fuccellivement, & quelquefois conjointement, mis en ufage fuivant que nous avons jugé 1'indication plus préfente. Le fuccès que nous en avons obtenu, a été relatif & proportionné a 1'effet que nous avions preflentï. Ce n'eft qu'après fix^ femaines ou deux mois de traitement , que les accidens de la maladie ont diminué , & la guérifon n'a été complette , qu'après huit mois "d'ufage conftant des remèdes indiqués ci-deifus. Le dégoüt invincible que la malade confervoit depuis 11 long-temps pour le pain j n'a celTé que rrois ou quatre mois après que les attaques du fommeil convulfif, auquel elle étoit fujete, ont été terminées, & ce n'a été que par degrés que cette fille s'eft accoutumée de nouveau a. 1'ufage du pain; mais il y a déja long-temps qu'elle en mange comme tout le monde. Le régime que nous avons fait fuivre a. la, malade, étoit analogue a. fon traitement, & convenable a la maladie ; il étoit fondant & dépuratif. Les yiandes blanches , les légumes, les fruits  ( rV ) mörs ont compofé fa nourriture pendant tout ï& traitement , & même jufqua 1 epoque oü elle a commencé a manger du pain. Alors nous lui avons permis de faire ufage des alimens ordinaires, en lui recommandant cependant d'évirer foigneufement les ragouts, les viandes fumées falées , & fur-tout les viandes graffes Sc huileufes. Nous avons continué long-temps après la ceffation des paroxifmes a faire faire ufage a cette fille de la décoclion de faponaire , & d'une diffolution de fel de glauber dans 1'eau, elle en a pris pendant plufieurs jours de fuite a-peu-près tous les mois : il y a plus d'un an que la guérifon eft complette. Les phénomènes de la maladie , dont nous venous de rendre compte , font trop rares & trop extraordinaires pour qu'il nous foit poffible de déterminer la nature des caufes qui les ont produits; nous préfumons cependant que les accès de ce fommeil, fi long-temps prolongé , étoient 1'erTec d'une caufe purement méchanique, ainfi que nous 1'avons expofé ci-defTus. Le défaut de fecrétion Sc d'évacuation , excepté celle des régies pendant la durée de ce fommeil, eft un doublé phénomène j en effec fi 1'on congoit  (II) ^qu'une forte d'engourdiflement des fens fufpende les évacuations pendant quelque temps, comraent cxpliqnera-t on pourquoi celle des régies n'a pas été aflervie a la mëme loi? La matrice avoit-elle donc confervé une portion de vitalité aflez confidérable pour que fes fon&ions puflent fe faire, lorfque les autres vifcères ne fuffifoient plus a remplir les leurs ? ou bien ce phénomène feroit-il 1'effet d'une vie particulière & ifolée dont eet organe feroit doué ? Le réveil n'étoit pas moins furprenant. Pendant le travail qui le précédoit, les convulfions fe fuccédoient avec rapidité, & il fembloit que chacune d'elles écartoit une portion de 1'obftacle que la nature avoit a furmonter. Ce réveil nous a paru offrir un état de crife," ou un combat dans lequel la nature rafTembloit toutes fes forces, & la manière violenre dont elle les mettoit en jeu, étoit peut-être un moyen d'éga-, Ier la puilTance a la réfiftance. Nous laifTons a d'autres le foin d'expliquer, d'une manière fatisfaifante, les phénomènes que fournit 1'hiftoire de la maladie que nous venons de décrire, de remonrer a leurs caufes, d'en faire le rapprochement & d'en démontrer 1'analogie  (") avec des phénomènes du même genre; mais plus connus & plus faciles a faifir. Quant a nous, ia feule tache que nous nous foyons impofée , c'eft de rendre compte au Public % êc fur-tout aux Gens de 1'Art, d'une obfervation auffi intérenante. F I iV.