ÏLE BIE3STFAIT C O M É D I E EN TROIS ACTES, EN PROSE, D Ê D I É E A LA VILLE DE BORDEAÜÜ, Par M. Joseph pilhes, de Tarafcoo, en Foix. Representee d Paris, par les Comédiens Francais ordinaire* du Roi, Ie 21 Aoüt 1784. £f devant leurs Majestés, d VerJailleSy le 23 Novembrs fuivant. Quam dulcei qüam pretiofum eft, 15 gratias fibi agi non ett paffus qui dedit! SenecA de Benef. i .-. 1 A AMSTERDAM. Chez CESAR NOËL G U E RIN. MDCC&XXXVI.  PERSOWNAGES. M. DE SAINT-ESTIEU. Madame D'HERCOURT, foeur de M. Je SaintMfiieu. M. ROBERT, père. ROBERT, fils. Madame ROBERT. SOPHIE, fillede M. Belmon: M. BELMON, Nigociant. HAMBERG, Nigociant. LEUZON, fils de M Homberg. JUSTIN, Domeftique de Madam d Rercwt. La Scène efi & Marfeille»  LEBIEIIA1T AI01TME C O M É D I E. ACTE HLEMIE1R.. Le Thédtre repréfente le Cours de Marfeille. & SCÈNE PREMIÈRE. ROBERT fils, SOPHIE. R o r e r t fils, tendrement. ^u'il m'eft donx de vous voir de retour de Marfeil'e, Sophie! Vous venez enfin raniner un cceur accablè d'ennuis, qui ne pouvoit fupporter plus longteins votre abfence, S O P H I E. Tu connois le mien, Robeit, tü fais sUl fe plait h foulager tes peines: mais un oncle qui me cnént comrae fa fille, qui, feul a la campagne, y pap ia vie a culriver des biens que fon amitié me deltine, re mérite r il pas que je partnge , pendant quelqucs femaines, fa folitude & fes loifirs? A 2  4 LE BIENFAIT ANONYME, R O b e r ï fils. . Q"''1 eft Paffé rapidement, ce tems heureux oh je jouifiois chaque jour du plaifir de vivre prés de toi» Mon fort eft. bien changé, depuis que 1'efclavage de" in.ón pere m'oblige a confacrer au travail toutes mes journées J S O P II IE. As tu recu de fes nouvelles depuis mon départ? R o b e r t fils. II n'écrit point. Son filence m'afflige. Nous tra* vaillons toujours vivementpour completeer fa rauson; uiie heureufe avanture qui a groiïi nos épargnes, abrégera d'autant la terme de fes maux. S o p h i e, avec intérêt. Qu'eft-ce que cette avanture, mqn aun? R o b e r t fils. Apprends un trait de fenfibilitó bien cap.able d'exciter la tienne. S o p H 1 E. Voyons, contemoi cela. R o b e r t fils. Trifle & rêveur, fétois un foir dans rjon batelet, a 1 attente du premier venu - Un inconnu fe préfente il attend. — Puifquele batelier ne vient pas. dit» il, je vais pafTer dan? un autre b.ateau. — JVJonfieur, c eft moi qui conduis le batelet. Voulez-vous l'ortir du port; - Non, Monfieur, il eft tard. Je veux feulement faire quelques tours dans le baffin, pour profiter de h fralcheur de la foirée. — Mais, vous n'avez pas 1'air d'un marinier, ni le ton d'uu homme decetétat? S o p h i e, fouriant finement. Cet inconnu avoit de bons yeux, mon ami. R o b e tt t fils. Je ne fuis pas enefFec marinier, répondis-je, je ae.  e O M E D I E. fais ce métier, les jours de Fètes, que ponr gagnsr plus d'argent. — Quoi? avare, a votre 3ge?'CeTa dimiiiiie 1'intérét qu infpire votre phyfioQomie. —.. Si vous faviez mes railöns, Monfleur; vous ne me leriez pas 1'injuftice de me croire un caraclère fi bas. j'ai pu vous faire tort, expliquez-vous. Contez moi vos chagrins. Vous m'avez difpofé a y prendre part. Sop ii i e. Cet homme m'intérefie déja , fur ce débat. R o b e r t fils. J'ai le plus tendre père, lui dis-je alors; il s'ap. pelle Robert. 11 étoit Courtier dans cette ville. Pour ènrichir plus vlte fa familie, il voulut former pour Smyrne une pacotille de tout fon bien, & veiller luimêine a 1'échange de fes efFets. Son vailfeau fut pris par des Corfaires, & conduit a Tétuan, oü mon père eft efclave. Son Patron , Intendant des Jardins du Roi, nous demande deux mille écus pour fa raiiQon. Etant reftés fars ralfources, je voulois aller me charger de fes fers: ma mère rejetta ce projet comme impoffiblè a fuivre. Depuis cetieépoque, nous travaillons nuit & jour pour ainafl'er la fömme qu'on exige, elle dans les modes, moi cbez un Comrnercant; & je me fais marinier les Dimanches, pour mettre tout le tems a profit. S o p h i e. Ce récit düt bien changer fon opinion k ton égard? Que dit-il? R o b e r t fils. Robert, répéta tout bas 1'inconnu, chez VIntendant des Jardins du Roi, d Téiuan. Puis élevant la voix^: „ vptre malheur me touche, me dit-il; mais, „ d'après vos fentimens, j'ofe vous préfager un „ meilleur (ort, & je vous le ibubaite bien fiucère„ ment." II voulut enfuite fe livrer feul & fes j,dées. V^uand il lut nuit, j'aborda'i; 1'inconnu ibrt du baA 3  6 LE BIENFAIT ANONYME, teau, me donne fa bourfe, & part. Je 1'ouvre; j'y corapte huit doublés louis, & dix écus en argent. juge de ma furprile h la vue de eet or! Je répandis des pleurs d'attendrilTement: Je courus après eet homme généreux; mais la nuit favorifoit fa retraite ; il difparut, & mes recherches onttoujoursété vaines. Sop h i e j avec intérêt, Quoi! tu n'as pu le trouver? Ah, mon ami; eet inconnu qui fait ainfi le bien dans le filence & dans J'obïcurité, ne doit pas être un homme ordinaire I R o b e r t fils. II a ranimé mon courage en augmentant mon précieux tréfor. Le plaifir renait dans mon ame avec 1'efpoir du retour plus procliain de mon Père; mais, Sophie, une peine fecrette en altère la douceur. S o p ii i e. Explique-toi. Robert fils. Ton Père, après ton départ, me fit placer dies Monfieur Hambert: je n'y confentis qu'i regret. Tu fais que fon fils Leuzon, autrefois mon ami.... S o p h i e. fut depuis ton rival. Robert fils. Le perfide Telt toujours, & voila mon tounnent. II afpire a ta main- II s eft réjoui, fans doute , au fond du cceur, de 1'infortune de ma familie. Je n'en ai pas agi de même, lors du malheur de fon Père. S o p h i e. Qu'eltfce que lui eft arrivé? Robert fils. ÏLyj. deux mois, on lui prit de 1'argent. S o p h i e. Beaucoup?  C O M E D I E. t Robert fils. OhJ oui... II ne die pas la fomme. S o f H | Bi Je le plains bien. Robert fils. N'en parle point, il he veut point qu'on le fache. Sop h i b. II n'a rien découvert? Robert fils. Je ne crois pas. S o p h i e. Ah! Robert fils. Ce Leuzon mechagrine, Sophie; je le vois depuis quelque tems inquiet, agité, fombrej & ce n'eftque ton abfence.... Sophie. Que t'importe ? Robert fils. II t'adore. , Sophie. Doutestu de ma foi. Robert fils. Non, je n'en doute point; mais Leuzon aura de la fortune, & ton Père.... Sophie. II ne forcera jamais mon inclination. Robert fils. Ton Père venoit aflez fouvent chez nous, on ne Ie voit plus; & cette retraite eft pour moi d'un bien jnauvais préfage!  8 LE BIENFAIT ANONYME, Sophie. Tu le connois, il eft franc, bon, néelifent fans deflein; un ménage, des affaires le retieiment; iin'y a nen la qui doive t'allarmer. Robert filj. Crois-tu qu'après Ie retour de mon Père, leur antfiénne amitié raminée coinble les vcsux de leur;, enfans? Sophie. je 1'efpèrc, &. j'attends tout de fa bonté. LaifFemoi le iöin de nos intéréts, & n-asgrave pas ta fituation préfeute par le tourment de favenir. Robert fils» Allons, allons, il fa ut que je te quitte pour me rendre au travail. Si je m'arrache avec effort au plaifir que me fait tapréfence, il m'eft doux du moins de penfer qu a chaque prik que je recois de mon ouvrage, je fais un pas vers le bonheur. Sophie. Va, mon ami, nous aurons pour nous toute Ia foirée. SCÈNE II. SOPHIE, E E L M O N. -B e l m o n , d part, en entrant. Voyons un peu fesdifpofitions. (II s'approchede Sophie.) Sophie, faivant de Vceil Robert qui s'en va. Que 1'araour eft doux a fentir quand il nous. fert h char-  C O M E D I E. $ è e t m o n. Hak ton ironique £f railleur. Tu fors de botine heureaujourd'hui,cemefemble'? Sophie. J'ai quélques vifites & faire; je dois rendre mes devoirs a Madame d'Hercourt. J'allois a préfent chez Madame Robert Vous ne lavez pas vue,jecroisj depuis bien du tems? B e L m o N. Ceft vrai; j'y pafferai... (avec fineffe.) Que te difoit fon fils ? Sophie. II me parloit de fes foucis, de fon travail, de fa familie. B e l m o N. A-t«on des houvelles du pére? Sophie. Ils n'en recoivent pas » Ce commereant qui vous avoit tant promis de le voir a arrivée a Tétuan....? B e l m o n. Qui? Volfun? II ne m'écrit point. Sophie.. C'eft bien mal. Monfieur Robert eft peut-être malade. Son fils a bien du chagrin de fon filejice. B e l m o n. Cela t'afflige, toi, n'eft-ce pas? Sophie. Moi?... je 1'encourage; je le confole. B e l m o n , du ton de Sophie. . Tu le cohfoles,... La bonté d'ame eft dangereufe a ton age, ma fille; les malheurs s'attachein aux geus qui les plaignent; on s'y attaché è fon tour, & tout cela ne prodnit que d'irjiitiles peines* B So.  so LE BIENFAIT AN0N7ME. S o p x i e. ; Mais ♦ rao" P«e ? Vous vous plaifiez autrefois a nous voir enfemble ? B e t m o n. Vous étiez plus jeunes alors; cela ne tiroit pas a conféquence. Sophie. Vous difiez que Robert feroit un boa parti? Ou'il feroit un bon menage ? li E IN O Hi Je ne prévoyois pas que fon Pére feroit pris avec tout fon bien par des Corfaires. Sophie. Le pauvre Monfieur Robert!.... II étoitbienvotre ami. * B e l m o n. Son amitié me coüte aufïï bien cber! Je fis la fotti. fe d'entrer dans fon projet; & les fonds quon me ravit avec fa pacotille, avoient ruiné mon commerce: j'ai eu bien de la peine k me relever: & tufaismême que depuis peu, fans de généreux fecours que jfc n'attendois point, j'étois un homme perdu.... Malheureufe entreprife! Sophie. Oh, Men funefte! Mais, mon Père, s'il reve- noit ? Sa familie a déjit la meilleure partie de ta rancon.... s'il revenoit? B e l m o s. Eh bien! s'il revenoit? Sophie, un peu déconcertée. II rétabliroit fa fortune.... Son fils le feconderoit kien. B e l m o n , avec ironie. Ma fille, ma fille, je t» trouve 1'ame trop compa- tis  COMEDIE. n tinante: croismoi; Yon dok fe garder de prendre trop d'intérêt aux gens dont on ne peut changer la polition. Suis mes avis, n'en parions plus. Va faire tes vifites; je vais a mes affaires. Sophie, en 'senallant. Ah! Robert, tu 1'avois bien prévu! SCÈNE III. BELMON feul. S'^ revenoit... Elle vouloit me pénétrer. Je ne m'explique pas; un peu d'oppofition rend les enfans plus foigneux de nous plaire.. . II reviendra plutót que tu ne penfes. Mes pertes font prefque réparéés : & je vais fournir a la femme ce qu'il pourra luimanquer pour la rancon. SCÈNE IV. Monfieur DE SAINT - ESTIEU, Madame D'HERCOURT, BELMON. Monfieur o e S a i n t-E s t i e u, ^ mada. me dHercourt, en entrant. JE veux partir demain, ma Sceur, i| faut que je me rende a Bordeaux. J'ai donné nies ordres a luftin.Vattends des lettres de fétranger, s'il n'en .vient pas au. jourd hui, vous me les enverrez. Madame d'H e r c o u r t. ^n,^erPeMV°rS ^Ser-"- Ca Monfieur Belmon ) Bonjour, Monfieur Belmon. Commenc valafamé?  ita LE BIËNFAIT AN0NYMB. Belmon. Madame, a merveille. Madame d'H ercourtó fon frére. Vöila, mon frère^ un Négociant de cette villeque. j'ertime infiniment, un honnéte homme, un bon ci« toyen. Belmon faluant. Madame c'eft bien de Phouneur..... Madame d'H e r c o u r t. Et le père d'uue très-aimable perfonne que vous vu tes chez moi quelqnes-jours après votre arrivée: une jolie brune, bien faite , dont la phyfionomie intérestante...,. M. de Saint-Estieu, . Oui, oui, ma feur, j'en fus enchanté. i Belmon avec une joie nahe. De ma fille, Monfieur. Monfieur de Saint-Estieug Belmon,, J'en fus ravi: je vous en fais compliment: elie eft aumieux, douce, modefte & belle; la candeur defon ame eft peinte fur fon vifage. Belmon. Que vos bontés flattent 1'oreille d*unpère! j'éprou, ve une fatisfaftion, pardonnez..... Monfieur deSaint-Es. tieu. Livrez vous fans gêne è cette émotion. Commevous je luis père, &moii coeur a treffailli comme le vótre au nom de mes enfans. — Quel &ge a votre Sophie? - Madame d'H e r c o ü r t. Seize ou dix-fept ans, n'eft-ce pas? Belmon, gaiement. A peu prés , Madame. Oh! elle eft jeune encore*, Monfieur deSj in t-E stieu. C'eft le bel Sge,il faut la va ader,.  C Q M E D I E. Belmon. Je 1'entends bien de mêrae. Jeveuxmevoirrenaitre de bonne heure; il me lèmble déja preffer unpetitfils encre mes bras; puifl'c.-je vivre aflez long-temspour embraffer ma cinquieme génération. Madame d'H e r c o u r t. J'approuve fort ce vceu la. Monfieur de Saint-Estieu. II faut donc fe hater de choifir un gendre, Belmon. Je l'aichoifi, Monfieur; les circonftancescependant me jettent dans quelqu embarras a eet égard. Permettezmoi de faifir 1'occafion de prendre votre avis. Monfieur de Saint-Estieu. Très-vóiontiers. Belmon. J'ai un ami qui aun fils un peu plus agé que ma fille. Ces enfans fe font pns d'amitié dés le bas age, & cela dure encore. Le jeune homme eft gentil, laborieux de belle efpérance, mais fa pofition a bien changé de face par la perte de taute fa fortune, &par 1'efclavage de fon père. Monfieur de Saint-Estieu. Ah! ah! Madame d'H e r c o tj r t. C'eft lemari de ma marchande de modes, Monfieur Robert. ' u Monfieur de S a i n t-E s t i e d. Robert. Belmon. Oui, Mnfieur, Efclave a Tétiiart. Monfieur de S a i n t-E s t i e ö. Ch'ez 1'Intendant des jardins du Roi. B e l m on. Oui, Monfie.nr. Comment! Vous favea cela? a 3  34 LE BIENFAIT ANONYME, Monfieur de S a i n t-E stieu, J'en ai enten du parler. Belmon. Cefl un bien honnête homine; il ne méritoit oa SCÈNE PREMIÈRE. Madame Robert trayaille d quelque ouvrage de Mode. Madame ROBERT feule. M o n fils tarde bien h venirCe pauvre Gar5011 s'épuife de travail. SCÈNE II. Madame ROBERT, ROBERT fils, Madame Robert. . Ha ! te voila ? Tu te fais bien attendre. Robert fils. II y avoit de 1'ouvrage prefTé, il a fallule finir. Je fuis un peu fatigué. Madame Rob eet. Repofe-toi, men ami. L'heure du diner approche. Neus avons compagnie.  C O M E D I E, 31 Robert file. Qui? Madamé Robert, ' Une jolie Deftioil'elle qui vient de la campagne; elle m'a taic vïfite. Robert fils, avec jtie. Sophie? Madame Robert. Ton cceur la devine aifément. ^ En fouriant.) Tu ne ieras pas faché. je penfe.,.. Robert fils. Ha, ma mère! Madame Robert. Je vais tout difpofer, 3S838SS«:«!«!SBSÖS8S2S8S8S;iS8SSSJ SCÈNE III. ROBERT ü\s,Jeul. Me voila libre enfin. Ces momens de repos ne leront pas perdus pour mon Père, je vais les pafl'er prés de Sophie; je puiferai dans fon cceur, dans les yenx, cette ardeur nouvelle qui fait furmonter Je travail & la peine. Quel changement j eprouve en moi depuis ce matm ! Quelle douceur fecrette elle a faic pafler dans mon ame! S C E N E IV. ROBERT fils, SOPHIE. Robert fils, j'oieux. C'^st vous, Sophie?.... (Sêrieux.) Qu'avez-vous?  LE BI ENE AI T ANONYME. Sophie. Rien, mon ami; pourquoi cette demande?..., Robert fils. Je ne te trouve pas de la méme humeur: le plaifir de nous voir t'jnfpiroit ce matin plus d'enjouemeut. Sophie. Le plaifir n'eftpastoujoursèpaiioui.... As-tu vu mon Père ce matin? Robert fils. Non. Sophie. Lui, nous a vu.... il m'a parlé de toi. Robert fils. Qu'a t il dit, je t'en prie? As-tu pénétré fes fentimens? Sophie. 11 a toujours de toi une opinion avantageufe. ll convien: de ces bonnes qualités. Robert fils. Et cette opinion! ces qualités!... qu'en dit-il, Sophie? Sophie. II t'eftime beaucoup-, mais... cet efclavage de ton Père,... fon infortune,... ra pofition.... Robert fils. Eh bien! . Sophie. II trouve tout cela bien trifte. Robert fils. J'entends... II ne voit plus en moi qu'un miferabie lans bien & lans reffources; mon malheur 1'achangé; le pcrte de nos biens 1'a détaché de mon Père & de  COMEDIL S<5 de moi; il veut difpofer de ta mahi en faveur d'unau» tre; & fon choix déja fixé peut être fur Leuzon, va aïettre le comble a mes revers. Sophie, Non, mon ami; je fonde ma confiance fur les pro» pos de Monfieur de Saint -Eftiéu: il m'a dit de toi des chofes très-honnêtes. Robert fils. De moi? II ne me connoit pas; je nel'ai jamais vu. Sophie. je 1'ai vu ce matin avec Madame d'Hercourt; il vcnoit d'avoir avec mon Père je ne faisquel entretien, dont nous ètions 1'objet, Monfieur de Saint -Eftieu a protégé nos intéréts, & m'a fait entendre que nos vceux feroient un jour rempiis. Robert fijs. Que ton cceur eft aifément féduit! Quelques propos vagues.... Sophie. Ilm'aparlé, ts dis-je , du ton le plus propre h flateer notre efpoir.... Mais ton Pere... Robert fils. 11 fortira bientöt d'efclavage; & fi monbonheur ne dépend que de fon retour,.... Sophie. 11 eft: bien éloigné! Robert fils. Non, Sophie; nos travaux affidus.... Sophie. Ilélas! (, Apart.) S'il favoit Mais pourqusi '.'fMiger? E  3+ LE BI.EN FA IT ANON YME. SCÈNE V. ROBERT fils; Mda. ROBERT, SOPÜIE. Madame Robert. -i^ULLONs, mes enfans, venez vous mettre a table. Sophie fera mauvaife chere; nous la dédommagerons dans un temps plus heureux. Sophie. On eft bien tn tout temps; Madame, auprés de fes amis. Robert fils, dpart. Monfieur Belmon a quelque projet, mon prcffenti • ment n'a pas été trompeur. Madame R o b e r t. Tu ne viens pas, mon fils? Robert fils, A part. Elle ne fera pas a moi! (Avec depit.)Ah,LeuzonS S o p h i e , d'un ton mignard. Venez donc, Monfieur Robert. Robert fils. je vous fuis, ma chere Sophie. S C E N È. VI. ROBERT fils, BELMON, Madame ROBERT, SOPHIE. Belmon. Sskviteor, Madame Robert; bon jour . mes enfans.  C O M E D I E. 35 Madame RobertEon jour, Monfieur Belmon; il y a long-temps qu'on ne vous a vu. Belmon. Vous avez raifon; les affaires entrainent, les jours s'ecoslent; on n'a le temps de rien.... Vousn'attenüez perfonne a diner, a ce que j'ai vu la dedans? Madame Robert. Si je croyois qu'un repas frugal eüt de quoi vous ten ter? Belmon. Ma foi, non; c'efi une affaire finie. Je vous dirai même que depuis long temps je n'avois fiit de repas avec autant ae p:aifir. Ma fille m'a laifféfeul ;ilm'eft furvenu un vieux ami que j'attendois avec impatiencc nous fommes revus, emb'affós avec tranfport; nous avons parlé voyages, prujets, malheurs; & nous avons bu fee. Madame Robe r t. C'eft fort bien. Sophie, Votre ami vcus a rendu bien joyeux, mon père? Vous ne 1'étiez pas tan öt? Belmon. On a cnmme qa. dts momens; 1'humeur change fuivant les circonltances. S o p h 1 e. Cet ami n'eft. donc pas fi malheureux que d'autres? Belmon. (A Robert fils ) Tout s'arrange avec le tems.... Tu ne dis mot, toi? 11 fem ie que tu boudes? Robert fils. Kon. B_ e l m o n. Es tu- malade ? Robert fils. Non. E ft  3$ LE BÏENFAIT ANO.NYME. Belmon. Pourquoi donc cette humeur fombre, taciturne? Robert fils. Chacun a fes raifons. Belmon. Fi, cela ne fied point a la jeunefle: quand j'étoisa ton age.... Robert fils. Vous n'aviez pas un pere dans les fers. Belmon. Eh bien! il faut le racheter. Robert fils. Vous parlez a votre aife, Monfieur, il faut deus; mille éeus. Belmon» Vous ne les avez pas ? Madame Robert. Je n'en ai que les deux tiers B e l m • n. je completterai la fomme. Madame Robert. Ah.' Monfieur,' J'accepte 1'offre avec plaifir. l m o n , d'un ton railleur. Vous n'en avez pas befoin. il eft inutile de feindre. Madame Robert. Comment! Belmon. Vous avez envoyé la rancon. Madame Robert. Moi? : l U  •COMEDIE. 37 Belmon. Vous faites ainfi vos coups a la fourdine fans prévenir vos amis. Madame Robert. Je ne vous entends pas. Belmon. Bon, bon, c'eft un complot,- vous êtes tousd'actord. Madame Robert. Je ne vous entends point, vous dis-je ? Belmon. Robert eft en chemin. Sophie. Quoi! Se peut-il? Robert fils. Mon père en chemin ? Hélas! Belmon. Je le fais de très-bonne part, vous 1'avezracheté; mon ami me 1'a dit, il vient de Tétuan. Madame Robert, toujours v'mment, II connoit mon époux? Belmon. Oh! Je vous en réponds. Madame Robert. Qu'en dit-il? Que fait-il? Je veux voir votre ami. Robert fils. J'y vais tout-a-l'heure, ma mère* Belmon. Pobert fe porte bien , il arrivé. Madame Robert. Cela n'eft pas pofiible. E 3  3lv LE BI EN FAIT ANONY.ME Belmon, Ha! Vous ne voulez pas cnconvenir, eardezdonc vos fecrers: je vous appreuds que j'en fais plus que vous, il eft ici. Sophie, -j Que dit il? | Robert fils. » Tms A ^ Quoi? j fois. Madame R o Ji e r t. Que dites-vous? J Belmon, avec explojion de j'qie. Oui, mon ami, ton père, votre époux... Ie voila. SCÈNE VII. BELMON, ROBERT fils, ROBERT, père, Madame ROBERT, SOPHIE. Robert père. Ma femme! mes enfans! Madame Robert. ^ Mon époux! \ r ■TousJ Ia ROBERT ais. V:Lfrite Mon père! j furprife &de Sophie. jjoie- La tnère & le fils fe groupptnt auprès du père. Sophie iun cóié, Belmon de l'autre, contemplent ce fpettacï', II y a un moment de Jilence. "  C O M É D I E, 29 Sophie. Ö doux moment! Robert père, tendrement. Mon cher fils! Ma chère femme! Madame Robert tendremtnt. Robert! Robert fils. ■ O moD père ! Belmon, dpart, s'ejfiiyant les yeux. On pourroit bien fupporter quelquetems d'efclavage k ce prix la. Robert père. LailTez-moi refpirer: jefuccombe ètant d'émotton: 1'afpect de mon pays .vosembrafiemensontporté dans mon ame une joie!.,.. Je fuis au fein de ma familie ; Je vois autour de moi ce que j'ai de plus cher. Robert fils. Le Ciel enfin plus favorable a terminé vos peines! Robert pére. Je les ai bien fenties, mes amis j'en ai bien dévoré Pamertume; elles auroient moins abattu mon courage.fi j'eufle reftè feul en butte a 1'infortune; mes jours font peu de ch^fe, mais 1'image de votrefituation me faifoit fentir 1'adverfité dans toute fon horreur. Madame Robert. Hélas nous ne penfions qu'a toi! Robert père. Le fort, vous le favez, me fit nmber fouslepou* voir d'un Patron avare & dur, qui croyoit être humain, paree que 1'apreté du gain ne lui permettoit pas d'être barbare ; il allégoit mon travail , & ne vouloit rien diminuer de ma rancon; fa cruelle pitié ménasoit mes forces , óc fon avidité déchiroit mon ame: il laifibit fletris par la douleur les reftes d'une vieutüe  4 LE BIENFAIT ANONYME, a vos befoins ; leciela voulula conferverpourvous; il a béni votre amour & vos foins; un ieul inltantvient d'efFacer mes peines, & mon cceur etUivrétoutentier au lentiment du bonheur qu'il n'ofoit efpérer. Madame Robert. Eh! Qui s'y feroit attendu; jene puis t'exprimer... Robert père. Ah! Tout ce que vous avez fait pour moi. m'expliqua affez votre joie ; mais permcttez a ma tendreffe de vous faire un reproche. Pourquoi porter lï loin la prévoyance £mon égard ?nefuffifoit-il, pas de payer mon pafl'age & pourquoi cesdouzecens livresqu'onm'aremifesamon départ? Madame Robert. Que veux-tu dire? Robert père. N'étrlt il pas prudent de mettre a 1'abri du périlc'e fruit prëcieux de votre travail?,Si j'eulTe péri dans le trajet, que leriez vous devenus? Accablés duregretdema perte& privésdeces londs,vousretombiez dansl'iudi^ence & dansle défefpoir. Madame R o b e r t, trés-furprife. Je ne comprens rien a ce difcours , mon ami; cetts rangen, cet habit, ces douze eens livres; Je ne luis. pour rien dans tout cela. .. Ce n'eit pas moi qui t'ai racneté. Robert père. Que dis-tu, chère époufe? Belmon,» part. En voici bien d'une autre. Madame Robert. Je n'avois pas Ja fomme. Robert pére. O Providence! Eh! qui m'a donc délivré! Ma-  C O M E D I E. Al Madame Robert. Te n*en fais rien, je ne t'attendois point; j'ai cru que quelqu'heureux événement t'avoit rendu la liberté. Robert. père. Mais.... quel eft ce myftère? Madame Robert. C'eft fans doute ton fils; il avoulunousfurprendre. Robert père. Mon cher fils! -Madame Robert. II aura trouvé des fecours. Robert, fils. Ce n'eft pas moi. Robert père. * Je trüle de connoïtre l' objetdemareconnoiffiui.ee. Robert fils. Ce n'eft pas moi, je ne le connois point. K o b e r t père, d Belmon. II n'yaquetoi, mon ami, qui puines expliquet cette énigme. Belmon. Tu connois ma franchife ... Les fonds que je perdis avec ta pacotille, ont mis pendant long tems mon honneur en danger; & ce n'eft qu'aujourd'hui que j'allois t'être utile; ainfi je n'ai point de parta ton retour. < Robert père. Que les inftans du plaifir font rapides ! II y adans ce lécret je ne fais qui me troublc. Sophie. Tout ceci me confoad. Madame Robert. C'eft incroyable. F  44 LE BIENFAIT ANONYME. Robert fils, avec une vivacïti foudaine, mêlée de de joie. II me vient une idéé..,. Oui.... c'eft lui. Robert pére, yivement. Qui? Robert fils. Vöus fouviertt.il, mamèrè, de Cet incotinu & qui je racontai nos malheurs dans mon batelet , & qui me donna fa bourfe? Madame Robert. - Oui. Robert fils. II me fit bien des queflions fur l état de mon Père. Je le vis attendri fur mon fort; & c'eft lui quil'aracheté,n'en doutes pas.... B e l m o n, d part. Quel conté. Robert père, dfa femme. Qu'eft-ce que c'eft que cet inconnu? Sophie. Voici Monfieur Hamberg. Madame Robert, d fon mo.ru Je te dirai cela. SCÈNE VIII. Lesprécédens, HAMBERG. Belmon. B o n jour, mon an».  C O M E D I E. 43 Hamberg. Bonjour, Belmon; je viens de cheztoi, jevoulois re parler. (A Monfieur £? 4 Madame Robert.) agréez qne je vous féiicue d'un retour depuis ü long-tems défiré. Robert père. Je Tuis très-fenfible a votre honnêteté. Nous allons vous laiffef libres. Hamberg. Point de dérangeuient, jè vous prie»- Belmon. Non, non; le diner les attend. Madame Robert, d fon mar/. Viens; que je te conté 1'aventure. {Ilsfortent.) Robert fils, bas d Sophie. Viendroit-il lui parltrpour fon fils? Belmon,4 Hamberg. Qu'y a-t il de nouveau? mon cher? Sophie, bas d Robert. Nous le faurons, mon Père me dit tout, Allons, mon ami, ne t'inquiète pas. S C E N E IX. BEIjMON, HAMBERG. Hamberc, bas, enconfidenese. UTe fuis dévoré dechagrin,Belmon. llyadeuxmois qu\m fatal événement m'obligea d'épuifer les reffources que favois parmi mesamis, pour acquitterdes lettresF 2  4* LE BIENFAIT ANON;YME. de change; quatre eens louis en or venoient de m'être enlevés dans ma maifon. L Belmon. Ciel! Que me dis-tu la? Hamberg. Je ri'ai point fait de bruic pour ne pas éveiller le créancier avicie, qui caufe alors notre ruine, en voulant affurer les fonds. Belmon. C'eft très-bien: mais comment eft il arrivé ?.... Hamberg. J'étois excédé ce jour-la de travail, je comptois ,je ferrois de 1'argent: ce jeune homme que j'ai pris depuis peu lur ta parole, furvint;il me paria d'affsires. je fus diftrait; je fuivis quelque objêt du moment; il étoit tard; je fortis pour Ie reftede lafoirée Lelendemain je m'appercois que ma cailTe eft ouverte & mon or difparu. Belmon. Et tu 1'avois fermée? Hamberg. Je ne m'en fouviens pas. Belmon. Point d'effra&ion ? . Hamberg, Non. Belmon. Quelqu'un s'introduiüt chez toi... Hamberg. C'eft sürement quelqu'un qui connoiffoit bien les êtres. Belmon. Cet accident me frappe. Robert t'a bien gardé le  COME.DIE. 45 fecret, il ne m'cn a pas dit un mot. Hamberg. Toi, qui connois ce jeune homme, Belmon, es tu biensür de lui? J Belmon. Trés fur; il elthonuète & fage: tu peux êtretran* quüle a ion égard. Hamberg. Te ne penfcïs pas a lui: c'eft le retour inopiné de fon père que je t'ai vu embraffer fur le port, qui m * tout-a-coup fait ombrage. Belmon. S'il a pu te v?nir quelqu'inquiétude, tu dois batipir tout cela. Ce garcoh, a des mceurs , & j'en réponds. Hamberg. Tl eft furprenant qu'après la bienveillance que je lui témoianois, il ne m ait point pariéde la délivrancede ion père ? Belmon. II ne la favoit pas. Hamberg, plus furpris par degrès. Quoi.' Sa mere ne lui a point fait part? .. Belmon. Sa mere 1'ignoroit. Hamberg. Hal Ha! Robert a donc trouvé la-bas des retour.- ccs f* Belmon. Robert n'eft pas plus inftruit qu'eux. Hamberg. Mais comment donc ?... Belmon. C'eft une ënigme, mon cher, & nous ignorons tous > «ui peut. avoir racheté. 7 F 3  hg BIENFA1T ANONYME. Hamberg, penjif. Ce que tu me dis-la me parolt bietj finguüer. Belmon. Très-fingulier vraiment. Hamberg. Et le fils ne fait abfolument rien? Belmon, Non; il croit que c'eft quelqu'un qui un foir lui donna de 1'argent Hamberg. Oui, il m'a conté cette aventurc. Quelle apparence que cet homme ?... Belmon. Ho! C'eft une tdée. Hamberg. Je fais une refiexion. Belmon. Quoi. Hamberg. Ce jeune homme ne foupiroit qu'après le reï©ur de fonpere. Je fais qu'il adore ta fille. Sapofition a bien pij l'allarmer. L'amour^eft fougueuxafon&ge... Neconnoiffant pas l'état de mes affaires, & fe propofant'd'ailleurs de rembourfer cette fomme, n'auroit ilpointfecrettement envoyé... Belmon, brufquement £f vivement, Cela nefe peutpoint; on ne fait pas pour une bonne aclion, une action malhonnête, & ma fille ne 1'auroit point aimé s'il en avoit été capable. Hamberg. Mon fort eft bien cruel! II eft affreux de manqner 4. fes engagemens quancfon n'a rien a fe reprocher,  C O M E D I E. *>■ Belmon. Je fuis touché de tori malheur. Je ne pofftde pas"; dans ce moment., une fomme confidérable, mais ce que je puis avoir eft bien a ton fervice. Hamberg. Je ne refufe point; je verrai. Au furplus, je ne perds point encore 1'efpoir de découvrir 1'atiteur. je cherché des traces. Peut-être. B e l m o n. II ne faut rien néglieer, mon ami, 1'objet vaut bien la peine qu'on n'épargne pas fes démarches. Hamberg. Adieu; je te laiffe: tu dois ces moments k 1' amiti.é. Nous nous reverrons. Belmon. Je fuis ton ferviteur. SCÈNE X. BELMON, SOPHIE, ROBERT fiyS. {Sophie & Robert fils entrent pendant ce monologui.) Belmon penjif. ^/'es,t un cruel aosident...... L'hifloire de cëtté rancon Je fuis sür du jeune homme....... (Avec dipit.) Cei Hamberg Quand onadu cha- grin, on n'eft ui prudent ni jufle : un mot Jtché circule en confidence, & flétritfourdementune réputition... *.. Mais s'il étoit vrat que cet inconnu,.,.  a8 le bienfait anönyme, S o p h i e, a Robert fils, d l'icart. Madame d'tUrcourt nrattend : Monfieur de SaintEftieu nous protégé; ils apprendront tous deux avec plaifir le retour de ton Pere. (Elle fort.}. Belmon. Oui, c'eft le'feul moyen de convaincre Hamberg, «5c de mettre mon efprit en repos. SCÈNE. IX. BELMON, ROBERT fils. Belmon. Hjbien! mon ami, nbus érions bien fnyeux tout a 1'heure, voila, comme tout change. Ton Pere.... Cette.rancon 1'occupe , le chagrine. R o n e a t fils. L'aventure du batelet 1'a rendu plus tranquille. Belmon. Ft tu crois fermement que cet homme 1'a racheté? Robert fils. Oui, j'ofe 1'afiurer. B e l m o n , fouriant avec bonhommie .1 Tu fais donc quelque chofe Fais - moi cette confidence, je t'ea prie. Robert fils. Je vou& protefte que je ne fais plus rien. Be l m o n. Un inconnu ne donne pas fcn argent fans favoir comment il le pluce. Ro-  C O M E D I E. 49 Robert fils. Ah! vous n'avez pas vu comme moi cette fenfibi > üté, cet intérêt que le malheur excite dans un ame comme la fienne? Belmon. II dut être bien attendri!... Cependant lemyfiére qui nous agite eft plus important que tu ne penies; & nous n'aurons point de repos qu'il ne foitéclaircu Robert fils. J» le défire antant que vous. Belmon. C'eft qu'il y a des circonftances oü les évenemens les plus fimples peuvent prendre dans le monde une tournure fingulière. Robert fils. Cela pent être ; mais.. .. Belmon. Tu connois la vieille amitié qui me lie a ta familie; je te fuis attaché dès 1'enfance; je t'aime. Robert fils. Autrefois. Belmon. Et toujours.... Je fuis auffi jaloux que toi-même de ton honneur. Robert fils. Je le crois.... Mais pourquoi ? ... Belmon. Ce pauvre Hamberg eft venu m» confier fon infortune.... Tu n'en avois rien dit. Robert fils. II avoit éxigé le filence. Belmon. II n'a pas retrouvé fon argenr.,, Cet homme a biea du fouci. G  $a LE BIENFAIT ANONYME R Ö b e r t filS, J'en fuis vraiment afiiigé. Belm o n. Ton pere eft racheté; on ne fait ni par qui, nf comment. Robert fils. Je vqus 1'ai dit. Belmon. Cet inconnu Mais c'eft qu'il faut le connoï- tre.... Cette aventure d'fdamberg.,.. cettedé'livrance de ton pere,.... a la même époque;... cela fait naitre des idéés, Robert fils. Que dites-vous? Belmon. L'efprit d'Hamberg- travaille, cet homme eft défoié. R o b è r t fils. Aurcit.il eu 1'audace? Belmon. II n'eft pas obligé comme moi de connoJtre tes mceurs, ton caraéïère. Robert fils. Je vous entends. O Dieux! Belmon. Je ne dis pas. Robert fils. Je vois d'oü part Ia calomnie, Ah, le trajtre! Bel mon. Qui? Robert fils. Leuzon? Belmon, Leuzon ?  ■ C0MËD1E. 5* Robert fils. Pour rèuffir plus fiirement a m'enlever Sophie» le lache veut me ravir 1'honneur.... Ah! je m'en ven* gerai...... Je me fens une rage. Belmon. Je ae t'entends pas. Robert fils. Leuzon m'entendra mieux. Belmon» Oü vastu? R o * e r t fils. Je fors. Belmon. Ecoute. R o b e r t filS. Je fais tout. B e l m o n. Ecoute moi, te dis-je? Robert fils. Eh bien? Belmon. fu parles de Leuzon, de Sophie; explique tjloi cele. Robert fils. Leuzon eft amoureux de votre fille.. ..; Belmon. Lui. Robert fils. 11 en eft éperdu, vous-dis-je. II a fu Ie retour de mon père; il 1'a redoute, fans douie; & fa baflejaloufie a furpris la cré lulité de Monfieur hamberg, qu'il a fait agir auprès de vous pour me noircir ciana votre efprit, 45c pour vous éloigner de m'accordeï Sophie. G %  5* LE BIENFAIT ANÖNYME. Be l m o n. Ha! ha! Robert fils, avec une fureur concentrée. P* II ne me connoit pas, le perfide: il a beau vous flatter, je vous jure qu'il ne 1'aura qu'avec ma vie, Belmon. Et tu 1'aimes donc bien ? Robert fils. Si je Paime! Tout ce que la beauté, la vertu réunies peu vent exciter de tranfports.... Belmon. Eh bien l'arranseons nous, mon ami; ce Leuzon te tnurmenre; & moi, c'eft 1'inconnu Je tiens è cette découverte ; & je veux s'il eft poflible , en venir k bout. Robert fils. Vous ferez fatisfait, je chercherai Pobjet de mare- connoiffance, & le tems qui dévoile tout Belmon.' Tiens; je ne fais pas les chofes i demi; je n'at qu'une parole; 1'homme unefoisreconnu ,jetedonne ma fills. R o b e r t, fils. Sophie... Monfieur Eelmon.... Eft-ilbien vrai?,... Belmon. Je te la donne. Robert fils; avec tnthoujiafme. Mon bonheur eft certain. Puifque leCiel plus propice a ramené mon père dans ces lieux, mofi bienfaiteur eft inftruit, il n'eft pas loin de nous; on ne fait pas Jet cceurs qu'on rend heureux. Ce fauveur d'une fa« mille entière va contempler fon ouvrage; &fa préfence, objet de tous mes yoeux, niettra k comble a ma 1'élicité.  C O M E D I E. ss SCÈNE XII. BELMON. ^[Te ne demande pas mieux': mais la confiancedece jeune homme dans cet inconnu m'étonne.... II y a ]k quelque chofe que je ne concois pas. S C E N E XIII. fiELMON, ROBERT père. Madame ROBERT, Madame Robert. Ou eft mön fils? Belmon. II eft forti, le coeur rempli de zèlepourchercherw tre bjenfaiteur. Robert père. Donner è mon fils une fomme, & racheterencore k grands frais un efclave inconnu! Qu'en penfes-ta. Belmon? Belmon. Cela paroit bien fort. Madame Robert. Pourquoi non, puifque mon fils lWiire. G 3  5* LE BIEN FAIT ANONYME, Robert. père. Hé! Peut-il 1'aflürer? Belmon. II perfifte du moins avec tropde fermetépour ne pas être du fecret. Robert père. Mon efprit inquiet fe tourmente en vaines conjectures; & j'ai a cceur d'approfondir la vérité. Belmon. Employons les moyens qui nous reftent Toi, tu iras parler au Cf.pitaine du Vaiffeau qui t'a portéj il pourroit te douner quelques renfeignemens. II iaut fliiffi s'informer adroitement chez le^ banquiers. Moi, j'jnterpellerai ma fille , les amans. ne fe cachent rien, & je fais coaiment je dois m'y prendie Vous, tachez de g-gner votre fils. Une nouvelle raifon , un interét nouveau nous font une néceffitéde percercemyftère. Robert père. Queft.ce que c'efi? B e l m © n. Viens, mon cher. Puiffe une journée que je tïcq» Vois fi belle, fe terminer par une heureuie fin. Fin du fecond dBe.  C O M E D I E. 55 ACTE III. f Le Thédtre reprêfentc le Port de Marfeille. SCÈNE PREMIÈRE. SOPHIE, ROBERT a(#. Sophie. o m m e te voila fait ? / R o e e a t fils. Ah! Sophie! Sophie. D'ou te vient ce défordre, mon ami? d'oü vient cette émotionFj Robert fils. J'ai parcouru comme un infenfé, les quartiers les plus fréquentés de la ville, cherchant de tous cótés mon bienfaiteur & mon ennemi. Mon cceur fuffir a peine aux feminiens dont il eft agité. La douleur Ie plaifir, l'amour, la haine , fefpérance, la crain-'e v' règnent tour-a-tour, & le deftin bifarre femb'e réunir a la fois tout ce qui m'accaMe & tout ce qui m'enchante, pour épuilér ma feufibilité. Sophie. Que s'eft-il donc paffe entre mon pere & toi. depuis ma fonie!  36 LE BIENFAIT ANONYME. Robert fils. L'abattement oh me plongeoient mes peine^égarant ma raiion j'ulai ie foupcuimerlde deftii.er fa fille a des engagemens formés par la cupidité... Combien je m'abulois.' Qu'avec tranfport abjurant mon erreur, j'ai bientot reconnu- les traits dont tu me 1'avoispeiut! II m'a promis ta main, fi j.e puis retrouver le libérateur de mon père. Sophie. Tu le décoüvrirasj Robert: un prefientimentflatteur me 1'annonce.- Robert fils. Èt moi, Sophie, je fuis atteint du plus vive crain» te. Pardonne a 1'excès du malheur & de i amour. La douce confiance féduit facilement les cceurs favorifés du lort; mais 1'adverfité la repoulTe. Sophie. Ce généreux inconnu voudroit-il fe dérober lui mö« me a vos defirs ? Son plaifir le plus doux n'elt-il pas de voir fa récoüipenfe écrite dans vos yeux ? Robert fils. II y va de 1'honneur, Sophie. Tu ne fais pasaquel point Leuzon ofe poufler 1'outrage, il a voulu me perdre dans 1'efprit de ton père . en étayant fa noirc calomnie fur le malheur d'Hamberg. Sophie. Quoi.' Leuzon?... Robert. fils. Hd! Quel autre que lui en eftt été capable ? Le lacht évite ma rencontre. Sophie. Je voulois , mon ami ménager ta délicateffe •.mais puifque tufais tout, apprends qu'il vient defepafier i ce fujet, entre mon père & moi, une fcéne qui fe. ra long-tems chère a mon cceur, puifqu'elle m'a prouvé ia teHdrefle. Rp.  C O M E D I E. Robert fils- Quelle eft-elle. Sophie. Monfieur de Saint-Eftieu, ni Madame d'Hereourc n'étant pas chez eux, j'ai regagné ma demeure.J'étois avide de connoitre, pour nos intéréts 1'efFet quele retour de ton père avoit produit fur le mien, & je l'attendois avec une éraötion qui me tenoit dans un état pénible. II eft enfin arrivé i jamais il ne m'avoit paru d'une humeur fi févère & Ciel!, les voici tous deux. Robert fils. .Qui? Sophie. Mon père & le tien; éloigne-toi. Ta mère veutte voir , tache de lajoindre, elle doit être au Port Je m'y rendrai. Je vais retourner chez Madame d' Hercourt; Monfieur de Saint - Eftieu part demain. SCÈNE II. BELMON, ROBERT père. I. Robert pere. wJE Canitaine ne fait rien.i'en fiiknfinforfiJnA,,,,. leur. Après ce que tu m'as ranconté d'Hamberg. il faut que rauteur d'une action fi noire ; ou celui de ma dél.vranee, découverts, rendent a mon fils toate lon innocence. B e l m o w. Je le fens comme toi. H  LE BIENFAIT ANON YME. Robert pèrer. Mon fils eft vertueux, & je ne crains rien de lüï qui 1'avilifTe. Le défir de uievoir, de terminer meg peines , de s'unir k Sophie auroienc bien pu le porter a des engagemens.... Belmon. Eft-ce qu'il auroit trouvé du crédit? Robert père. Sa probité connue aura fuffi peuc-être k ces ames a'troces qui fondeftt des profits inlclmes furie malheur des gens ue bien. Belmon, d'un air content. Je crois, mon cher, qu'il ne s'eft point mêlédeta ftncon ; il n'en auroit point fait un iecret a ma fille , & .sophie n'eft pas capable dc me tromper. Robert père. Eh bien ! mon ami, cet entretien? comment s'eft-il paffé. Belmon, gaiement. Oh .' je m'en fuis tiré k merveille. En entrant jé me fuis compofé de mon mieux:la contenance grave, 1 ceil févere & fombre, 1'airrebarbatif, & j'ai fait quelques tours dans la chambre fans dire mot. Robert père, en fouriant. Bien. Belmon. Elle , tapie dans uri coin , faifoit femblant d'être fort a'tentive h quelque ouvrage de broderie; mais parintervalles, je 1'ai furprife qui me regardoit furtivemeiu, pour obferver ma contenance; & preffée du défir de me faire parler, elle m'a dit d'un ton doux& timide: Eft ceque vous vousfentezindifpofé, mon pere? Oui,j'ai le cceur bleffé. je cnjyois avoirlaconfiance&l'amttié de ma fille, & je ne les ai plus. Jelablefl'oiseile-mêirje au vif; fon cceur fe gonile, fon vifige s'anirae, fes veux fe chargent.  COMEDIE. 59 Robert père , m fouriant, La pauvre enfant! Belmon, imitant Sophie. Pouvez-vous, mon pere, m'adreffer cet injufie reproche'i - L'amour fégare ma fille, & ton pere a déja moins d'empire fur toi que ton amant. Tu m ascacné le retour de mon ami. — Je ne Itfavoispas. ~ ftle s'il revenoit de ce matin, n'eft il pas une preuve lans replique? lille m'a juré que ces mots nétoie.it iortis de fa bouche que d'après la générofité del inconnu óc les épargnes de ta maifon. Robert père. Ta Sophie eft charmante , Belmon; & je la crois fincere. Belmon. J'ai voulu feindre alors pour meconvaincremieux, en 1'excitant davantage; &ramenanti'avei!tured'Hambersr, j'ai témoigné beaucoup d'inquiétude. Enfin, puifque tu ne fais rien , ai je dit, ma fille . je teplains d'avoirdonné ton affet~Uon 4 quelqu'un dont iu n as pas les fecrets; il y a dans cette affaire une oblcunté aui m'offenfe: j'avois des vues fur ce jeune homme, mais j'ai changé d'avis: je vois qu'il ne te convient pas, & je fais d'ailleurs un parti plus fortable. — a. ces mots, mon ami, plus de timidité, plus de cramte:; elle a fait éclater avec force les feminiens (ecrets; & fon cceur, encore furchargé de fa peine .s'eft foulagé tout a-coup; elle eft tombéea mes piedsJesyeuxnoyês de larmes & me tendant les bras, atteftant latendresfe pour fon pere, & 1'innocence & les jeux,cette attitude, tout m'a tourné la tête, mon ró'.e s'eft évanoui; j'ai relevé ma fille ; & la preffant contre mon fein, nous avons confondu nos ames & nos pleurs. • Robert père. Ha! qu'en de tels momens on feut bien le plaifir d'être perei  6o LE BI EN FAIT ANONYME , Belmon. Nous ne fommes pas plus ïnftniits fur le fond de la cholè , mais.... J'appergois.... Quelle heureufe rencontre I R o b e r t père. j Qui? Belmon. Un homme depoids, un homme fik, Monfieur de Saint-Eftieu. Robert pere. Le frere de Madame d'Hercourt ? Ce célebre ? ..,, B e l m o n. Lui méme. II faut le confulter. R o. b e r. t pere. , Ah, Dieux! Que je ferois charmé!.... Gomment ofer ? Belmon. C'eft fon plaifir a lui d'être utile. Je 1'ai vu ce matin; il m'a parlé avec bonté de nos enfans: il veut que je donne ma fil'e'a ton fils, & que je lui cede mes fonds: c'eft une bonne tête pour les confeils. SCÈNE. III. M. DE SAINT-ESTIEU, RÖBERT pere BELMON,' M. de Saint-Estieu,*» entrant. ^IL^Ac bons de parler h quelque capitaine du Le vant....Ha! je vous retrouve, Monfieur Belmon.  COMEDIE. 6f Belmon. Monfieur, 1'ami dont je vous ai parlé ce matin, lüfclave de 'létuan.... M. de S a i n t-E stieu. Eh bien! . Belmon. Eft de retour. M. de S a i n t-E stieu* Quoi! Robert? B e l m o n. Le voil;\. M. de Saint-Estieu II va vers Robert pere, avec emprejfement O pere infortuné! Vos malheurs ont pénétré mon ame, &je fens leplus doux plaifir h vjusvoir. Vous avez bien (buffert? Robert père. Monfieur, fi je n'avoig eu d'autras peines que la dépendance, les fers,'le travaïl, c'eflt été peu de chofe. Une vie pér.ible ne m'anroit pas effrayé , j'eii avois 1'babitude ; mais la privation de ma familie, ce défir , ce befoin de 1'épanchement, ont fait le vrai tourment de mon efclavage. M. de Saint-Estieu. II a dü vous étre bien doux de revoir ces objets de votre tendreffe ? Robert père. II eft vrai que dans les premiers momens j'ai fentl plus qu'on ne peut exprimer; mais ce jour fi beau ne s'écoule pas /ans nuage. M de Saint-Estieu. Comment. H 3  ét LE- BÏENPATT AN0NYM9, Belmon. RobeSrt eft arrivé croyaat ne devoirfa rancon qu'aus travauX de fa familie; on en vientauxécir-irciffemens, & ce n'eft plus cela. Nous fommes confondus. Le j^ls s'eft rappellé je ne fais qullle hiftoire d un batelet, d'une bourfe; il prétend qu'un inconnu a racheté fon pere, & je crois même qu'il le cliercne M. de Saint-Estieu, & lui même. Ha! ha! Bel m o, n. Mais par une fatalité cruelle en cette conjonóture, une trés forte fomme enlevée auCommercant chez qui je 1'avois fait placer,lui laiffe fur fafjdelité quelqu'impreffion funefte, qu'a prqduit le rejqür de fon Pere & leur fituation; jflnfi notre plus vive peine nait de nos plaifirs mêmes, & nous cherchons en vain le moyen de fortir de nos perplexités. M. de Saint-Estieu. Cela n'eft bien difficile. B e l m o n, a part. Viyent les gens d'efprit! M. de Saint-Estieu. Comment fe nomme le commercant ? Belmon. Hamberg. M. d e S a i n t -E s t i e -u. Ehbien! foyez tranquilles: Hamberg en cetinftant, k recouvré fes fonds. Belmon. Quoi, Monfieur M. d e S a i n t-E s t i e u. Ils font entre fes mains, j'en fuis für. CA Robert père.) Homme trop malheureux, ne répandez plus  C Ö M E D I E. ö3 d'amertume fur des momefis deftinés a la plus dauc# joi*. Votre rangon paroït être un bienfait certain. Robert père. Vous Ie croyez, Monfieur? M. d e S a i n t-E stieu. Moi? Je n'en doüte point. Belmon, apart. Ma fille avoit raifon. Robert père. Votre difcours meronne, Monfieur: fi mes amfs1 avoient pu me délivrer, ils ne m'auroient pointlaiffé languir dans 1'efclavage; & fi je fuis étranger au bienfaiteur, comment m'a-1-il choifideprélerencektans d'infortunés qu'il a pu trouver fur fes pas ? M. de Saint-Estieu. Mais vous tout comme un autre. Le fort a décidé , je penfe. La fenfibilité vivement excitée, ainfi que 1'arbre agité par les vents, laifle tomberfes fruits: heureux qui les recueille. '" Belmon. Une fi forte fomme! des foins fi prévoyans! M, de Saint-Estieu. Vous? époux,peres , amis, citoyensfenfibles,vous peul'eriez affez mal de 1'efpece humaine pour douter^ d'un bienfait ? Robert. père. Hélas! Monfieur, dans mon ètat obfcur.... M.de Saint-Estieu. Eh, quoi! l'a&ive bienfaifance,cefentimentémané des Cieuxpourconfolerlaterre.n'y chercheroitque de grands noms & des revers fameux? Tous les mortels font égaux a fes yeux, & par-tout elle porte al'hu. manité plaimive une exiftence plus douce, & 1'oub!5 du malheur.  64 LE BIENFAIT ANOMYM E„ Robert père. Vous m'avez confolé. Je fens que le plaifir renait dans mon ame, & je n'aurois plus rien a defirer, fi je pouvois apprendre quel eft cet homme généreux.... M. de Saint-Estieu. Je ne puis vous le dire; mais je crois que la Provi* dence difpofe a fon gié les événemens ,pour ménager un prix k la vertu. Belmon. Certes, 1'auteur de ce bienfait doit être un mortel d'une efpece bien rare. M. d e Saint-Estieu." Pourquoi cela? Belmon. Monfieur, huit mille, llvres!... M. de Saint-Estieu. La fotnme eft relative aux facultés du Bienfaiteur. (d Robert.) Hé! croyez que vous n'êtes point en relte avec lui. Sans doute qué fon cceur ledédommagebien de fon argsnt. Robert pere. Quelevótre, Monfieur * eft biendigne de votre re« nommée! Vous parlez des bonnes actions comme un homme qui acoutume de lespartiquer. Mais je ne lens pas moins vivement tout ce que je dois a mon Bienfai* teur. Ah! fi je puisleconnoiire! Belmon. Nousleconnoïtrons , mon ami; cethomme avoulu donnet- aux tiens le plaifir de la i'urprife; maisdès qu'il te l'auraderetour, ilciuitteraPincognito; n'eft ce pas, Monfieur? M. d e S a i n t-E stieu. Je ne faurois répondre fur ce point. Lemariagede Sophie & la fociété avec lejeunehomme, voila cequi nous intérefle. Bel  C O M E D I E. 6$ Belmon. Tout fe fera, Monfieur, comme vous me 1'avez conleillé. Allons trouver nos enlans i je lens que j embrafierai ton fils avec plaifir. Pardonnez ï notre ïndifcrétion. M. de Saint-EstieU. Vous ne m'avez privó de rien. Ma promenade eft faite, & mon objet eft rempli. SCÈNE IV. M. DE SAINT-ESTIEU. JT'ai penfé me trahir. Quel piége dansereux que la reconnoiffance! Comme 1'ame eft entrair:ée vers les irialheureux qu'on a fervis.' Un moment de plus, j'ob* tcnois le prix de mon bienfait, j'en perdoin le plaifir. SCÈNE V. M. DE SAINT-ESTIEU, SOPHIE.Madame D'HERCOURT. . Madame d'H eu co ürt, 4 Sophie, enentrant. o i c i mon frere, il faut lui raconter cela. H M. de Saint-Estieu. Celieu n'eft pas fur... Le jeune hommecherche. Madame d'H e r c o o r t. Je vous trouve 4 propos. Vous ferez étonné des  66 LE BIENFAIT ANONYME. événements finguliers que je viens d'apprendre de 8q> phie. Monfieur Robert.. M. de Sa int- Est i eu. Je fuis inftruit, ma fceur; Monfieur Robert, & Monfieur Belmon viennent de quitter ces lieux, & j'ai rendu le calme a leur efprit. Je vous ai prefagé cc matin, Mademoifelle , que vos voeux lëroientrerr> plis. Ce foir, je vous 1'affure: j'en ai la parole. Sophie. Que je fuis redevable a vos bontés, Monfieur! Le jeune Robert n'y fera pas moins fenfible. II fera bien vengé du noir foupcpn que le fils de Monfieur Hamberg a formé contre fon honneur, pour le faire adopT ter è mon pere. SCÈNE, VI, M- DE SAINT-ESTIEU, SOPHIE, LEUZON, Madame D'HE RCOURTr L e d z o n, dccourant. ^^Cademoiselle, permettez qu'a vos pieds..,, S o p h 1 e. Le voila, Monfieur , il ofe fepréfent-er a mesyeux, Leuzon. Ah! Daignez m'écouter! Le puiffant niotif qui m'a» nime.... Sophie. _ Elpigneg.vpus, vous me faiteshprrem',  C O M E D I Êé fjf Leuzon. Daignez; belle Sophie, calmer un injufte courroux* Sophie, h Monfieur de Saint Eftieu. Vous ne connoiflez pas, Monlieür, la noirceuf de fon ame! Le trait qu'il a fait aujourd'hui... M. i>e S aint-Estieü. Quelque erreilr vous abufe , Mademoifclle, Leuzon eft innocent. Sop h t e. Quoi! Monfieur?... Mais Robert tout i Pheüré...^ Leuzon. Je viens de 1'embraffer. S o e tl i Ë. Robert ? L e u z o n< Uil mot de ma bouché a difllpé fon jufte fefienti* inent. L'odieux foupcon qui 1'avoit excité,_ n'étoit pas mon ouvrage. 11 fait que c'eft moi qui fuis le coupable'j 11 n'eft plus temps de rien diflimüler. Jö ne fouffrirai pas qu'une ame honnête & vertueufe. qu'un ami que j'honore, foic un feul inftant chargé de mon ignominie. Si je fus aflez bas pourmelöuiller d'une mauvaife aftion, je ne ferai du moins pas Eilez lache pour garder le filence. Sophie. Dans qtiel étonnement! Leuzon. En Vous cachant le motif de mon crime, je voüs en riois 1'aveu. Je le dois a iVl. Behiioiij je ie dois k mon pere; je le ferois h la face de 1'fJnivers. Mon ame eft foulagée, & jamais la honte ne pouvra ro.'hu" milier autant que mes remords.  ïjiï LE BIENFAIT ANONYME, M. n e Satst-Estieu. Jefiifs contentde cetrait, jeune homtne; & jéfêponJfs de vous pour la vie. Mais qu'un li'cret fi délieat demeure è jamais entre nous. Robert, Sophie, ma fceur &moi i Hoas ne le trahirons pas Monfieur Hamberg jouiten ce xnomentdes fonds que vous nVavez remis; &puifqu'il a reirouvéle repos; épargnez-vous unindifcretaveu;n'altérez pas fa coiifiance, & n'allez pas affliger la tendrefle d'un pere. Madame d'H e r" c o u r t. Je fuis de votre avis, mon frere. SofHi ii, d Leuzon» Monfieur, vous me voyez confufe de mes torts: com. me Robert,-je vous ai ifitinjurc— M. de Saint-EstiE ü, d Sophie. Oui, tropfouventlesapparencesféduifent; lefantóme de la prévention trouble ie jugement, & Terreur cruelle s'établit....C'eft ainfi que des juges féveres n'envifa^eaut dans I'accufé que !e coupable , font quelque fois êgarés par de bifarres combinaifons du fort. SCÈNE VII. Les précéüek s, ROBERT, fils. Madame R O B E R T. 'S o p H i É, allant vers Robert fils. «Z^Ji! mon ami, viens, viens. M. d e S a i n x-K s t i e v, d de mi w«. Afe, CielJ.  C O M E D i E« GS Robert fils, d Sophiè* Nous te cherchions. SCÈNE XIII & derniere. Les Précédents, ROBERT père, BELMON. Belmon, d Robert père, en entrant. HL/es voici. Sophie, a Monfieur Kotert ÖF A fon père qu elle volt entrer d'un cri de joie L'argent eft retrouvé; il eft rendu.' Robert fils. II opper coit M. de Saint - Eftieu, Venvifage, poujje lecri de laplus vivefurprife. C'eft luiKilvoleèfespieds t &tombe commeévanoui,) mon bienfaiteur! M. d e Saint-Estieu. Qu'eftce donc , Monfieur, qu'avez vous? R o b e r t fils. Je vous revois, 6 mon Dieu tutélaire! tant de courfes perdues onttrómpé mon attente... Je vous retrouve; il embraffe enfin vos genoux ce Batelier malheureux, ce Robert qui doit a vos bienfaits le retour de fon pere. T o u s a la r o j s. Cri de furprife. O Ciel! M. d e Sa in t-E s t i e u. Vous vous inéprenez, mon ami , quelque refien> felance occafionne votre erreur. 13  ta LE BIENFAIT ANONYME.» F O B È R T fits. Non, non; je vous reconnois bien; votre finale eft trop chere a mon cceur pour en être effacée- lc vmtó, mon pere, votre liberatetir, le voila?'que lTioiflmage de nos cceurspuifie toucher Ton ame, comme 1 ont fait nos peines , cc qu'il me reconnoiffe! Madame d'Hercouut, avec admiraUm. Quoi mon frere. Robert fils, Plvefutptife. Monfieur de Saint-Eftieu, ó mort Dieu tutelaire. M. & Madame .Robert, les bras tendusvers luu Ah! Monfieur! M. r> e Saint-Estieu. Mes amis laifTez-moi. Robert père, avec chalcur. Si les tranfports de la reeonnoïsfance peuvent aequitter des infortunés, voyez les miens & ceux de ma familie; nous tombons a vos pieds, ma femme mon fils & moi; nos larmes de joie voiis font femir* peut-être que vous n'avez pas obllgé des ingrats. & fi le Ciel un jour plus propice 4 mes entreprifes,.,. M. de S a i n t-E stieu. Omes amis! vous qui m'attendriffez , vous ne voulez pas m'affliger, & vous ne ferez pas a mes femblables 1'injure de me croire plus capable qu'eux d'un bonne action. T o U s a l a F o 1 s. Cris d'enthoufiafme. C'eft lui? M. de SaiNÏ-ËsTIÈU. Vivez heureux, & que ie doux lien qui va bien* tót unir votre fils 4 Sophie, devienne la ïöüfcé de vos plaifirs, comme il fera poür vos concitoyens, le mudele de 1'amour 6; de la vertu. Fin du troifieme & dernier ABe.