VERZAMELING W. H. SÜKINGAR  CAUSES CÉLÈBRES E T INTÉRESSANTES, a r*e c LES JUGEMENS htti t rrc nwT nérTnccs Rédigées de nouveau pdr M. fiiCHER, ancien TOME SECON\)5 Contenant l'hijloire du proces de la£adibn contre le p. Girard. A AMSTERDAM; Chez Michel Rhey.;   AVERTISSEMENT. Sur le prochs rapporti dans cefecond volume. J'Ai toujours été furpris de nepas trouver le procés de la Cadière, contre le p. Girard , dans les vingt volumes de Caufes célèbres, publiés par M. Gayot dc Pitaval. Cette fingulière affaire a tous les caractères requis, pour trouver place au nombre des Caufes célèbres & intèreffantes. II fauc croire qu'il ne 1'a négligée, que par la difficulté qu'il a rencontrée a découvrir la vérité des faits. Pendant l'inftru&ion du procés, on imprima , de part èc d'autre , un nombre prodigieux de mémoires , dont le recueirforme un très-gros volume infolio : mais on a beau y chercher le vrai; il ne refte, après une ledure faftidieufe, que des incertitudes qu'il ne paroit pas poflible d'éclaircir. Le défenfeur de la Cadière a travaillé pour elle avec le zèle, la fermeté & 1'affiduité qu'exigeoit fon miniftère £ a z,  h AVER TISSEMENT. maisi la'.iméthodela précifion &: la critique y n'étoient pas fes talents. II règne dans fes écrits une confufion Sc une prolixité, qüi exigent 1'attention Ia pliïs"? fatigante pour appércevoir la feite des faits, dont il ignoroit même une partie, par la précauticn que 1'on prenok de garder fcrupuleufement 3 avec lui, le fecret de la procédure. D'aillewrs- il vouloit a toute force que k p. Girard fut forcier, & iquefa cliënte n'eüt étéféduite, qu'en vertu d\in.f>a€fce J'ëntrele'-eonfeffeur& le démen.- Ineknement eonvaincu de ce prétenèa fortilège, il a préienté une paKf i e des"--faitsfouscepoint de vue; &£ a force ck vouloir leur donner une tcinre d& fiar naturel, il les a tellement dégififès j que 1'on eft renté de les prendre'^óiir 'èes fables, ou dn moinsde ne les croire qu'en-""partje4 il eft impofnMé'^pSr conféquent, de les apprécicr. II paro-if que le défenfeur du p. G;rard avöit plus d'adrclTc , plus de méthode & plus de précifion, que fon confrère; mais il étoit fur la défenf ve s  AVERTISSEMENT. v. & par conféquent obligé de fuivre la marche confufe de fon adverfaire : ii profitoit adroitement de 1'idée de fortilège dont on avoit voulu couvrir la conduite du jéfuite, pour tournet en ridicule les faits fur lefquels on fon-r doipcctte accufation, & pour les nier, fous prctcxte de leur abfurdité. D'un autre cêté, la procédure lui étoit communiquée, 8c il nroitparti dc cecte facilité , pour tairc cc qui étoit a fon défavantage, 8c faire du rcfte un tiffu, qui formol t la juftification dc 1'accufé. Iln'étoit doncpaspoffible, fans des, fecours particuücrs , de trouver le fond de ce procés dans les écrits publiés,, pendant fon inftruexion; & je me ferois bien donné de garde d'cn entteprendre la réda&ion , fi je n'avois cu k puifer que dans ces ouvrages. II eft inutile d'apprendre au public comment me font parvenues les lumières qui m'ont mis en état d'approfondir cettc affaire; mais je peux l'afiurec qu'elles ont toure 1'authenticité mo-  v) rAVER TISSEMENT. rale, Sc même juridique, que 1'on peut défïrer. J'ai terminé le récit du procés , pat «ne pièce qui répand un grand jour fur les faits qui ont occafionné le jugement. Ce font les motifs des juges qui ont été d'avis de condamner le p. Girard au feu , envoyés a M. le chancelier d'Agueffeau, & de fon ordre, par ces magiftrats eux - mêmes, qui les firent enfuite imprimer. Les protecteursdece jéfuite eurent lemoyen d'en fouftraire 1'édition entière : on en fauva quelques exemplaires, dont un fut remis dans un dépot, oü 1'on a bien vonlu me le communiquer; èc j'ai cru devoir le rendre au public,qui en avoit été illégalement èc injuftement privé. Quant a 1'ordre que j'ai choili pour la rédaction de cette caufe, je n'ai pas cru pouvoir meconformer a celui que j3ai annoncé dans 1'avertiflement imprimé a la tête du premier volume de ce recueil. Toute célèbre qü'eft celleéi, les faits dontelle eft compofée, onttoujours été probiématiqucs; Sc cha-  AFERTISSEMENT. vij cub , fans prendre la peine d'en examiner le détail 8c les circonftances, les envifageoit fouslepointdevueque lui préfentoient fes préjugés , ou fes paffions. J'ai done penfé que j'étois obligé de les ranger par claiTes ; 8c a mefure que je les racontois, d'en difcutec la preuve , tirée des pièces mêmes da proces, ou fondée fur des conjectures légales. Cette manière n'eft certainement pas la plus amufante pour le ledeur; mais elle eft la plus inftructive, la plus propre a lui faire connoïtre évidemment la vérité , 8c le munir de manière a forcer les préjugés. Quels que foient ceux qui animent mes différents lecleurs, foit pour, foic contre la fociété dont le p. Girard étoit membre, ils ne doivent poinc influer fur le jugement que 1'on doit porter de ce particulier. Quel eft 1'ordre , pour peu qu'il ait detendue, qpL n'ait pas produit des monftres, coupables de crimes beaucoup plus grands, que ceux que 1'on impute ici au p. Gi-  viij AFERTISSEMENT. rard ? Le public les a jugés & les a cofïdamnés, lans que cette juftice rejaillit furie corps qui avoit le chagrin de les avoir pour membres, &. qui étoic le premier a. les livrer au bras féculier^ &: a 1'exécracion publique : ainfi, que lep. Girardfoiccoupable, ou qu'il foit innocent, le jugement que 1'on doit porter fur ce particulier, ne peut influer en rien fur celui qui eft du a. la fociété; & elle auroit bien fait de le regarder comme fort indifférent pour elle. Entre les crimes dont le p. Girard étoit accufé , il en eft un dont je n'ai fait nulle mention ; c'eft celui du fortilège : je ne crois pas avoir oublié de parler d'aucun des faits qui lui étoient imputés; & 1'on verra facilement que ceux mêmes d'oü 1'on prétendoit tirer la preuve de la magie de ce directeur „ n'ont rien qui participe a eet art diabolique* CAUSES  CAUSES CÉLEBRES E T INTÉRESSANTES, Avec les jugemens qui les ont décidées. *HISTOlRE DU PROCÉS DE LA CADIÈRE, Contre le Pere Girard, Jéfuite. E procés eft un des plus célèbres qui air occupé les tribunaux du royaume : toute i'Europe aretenti desnoms de UirarcL & de Cadière; toute I'Europe a lu les écrits publiés de part 8c d'aurre j touc le monde en attendoic le jugement avec impacience; il étonTome II. £  z Hijloire du procés na rouc le monde, & perfonne n'en fut fatisfait. Cette célébrité neprovenoit pas de la nature de 1'aïfaire en elle-même : im directeur accufé d'avoir fait ufage de fon afcendam fur 1'efprir d'une pénitenre jeune Sc jolie , pour en abufer , n'eft point une chofe inouie. Cette affaire* n'eft donc redevable de fon éclac qua l'état de 1'accufé, a la part que la compagnie de Jéjhs y a prife , aux refforts qu'elle a fait jouer pour fauver 1'honneur dun de fes membres , 8c a 1'imprudence qu'elle a eue de fe compromettre , en cette occafion. Elle fuivit trop ftriótement les refforts de fa politique qui ne lui permettoit pas de laiffer aucun Jéfuite dans 1'embarras , de quelque nature quefüt 1'accufation intentée contre lui. Par-la chaque membre de la fociété étoit excité a tour entreprendre pour 1'intérêt ou pour la gloire du corps , für de n'être jamais défavoué a 1'extérieur, & même detre appuyé au crédit le plus étendu & le plus furprenant que 1'on ait connu. Mais anffi le crime d'un feul devenoit Ie prime de tous; & pendant les trente-deux »ns qui fe font écoulés entre la con-  de la Cadière. 3 clufion de cetre affaire & la dilfoluUon de la fociété, le nom de Girard , adreffé a un jéfuire, étoit une infulte; & perfonne ne s'eft avifé de reprocher Jacques Clément a aucun Dominicain-. Marie -Catherine Cadière naquit a Toulon , le 12. novembre 1709. Elle étoit fille de Jofeph Cadière , inarchand dans cetre ville , & d'Elifabeth Pomet. Le commerce de Ion père avoit fructifié : en mourant, il l.ulfa une vcuve chargée de quarre enfans, mais avec une fortune affez honnète pour pouvoir les élever commodément & décemment. Cette mère s'occupa uniquement de fon falur , & de 1'éducation de fes enfans : les foins qu'elle fe donna pour les faire marcher dans la route de la vertu, ne furent point infruclueux. L'ainé voulut fe taire Chartreux, & ce ne fur qu'en cédant aux vives inftances de fa mère, qu'il s'eng.igea dans le mariage. Le fecond entra dans 1'ordre de S. Dominique, vint a Paris érudier en théologie, & (e faire promouvoir au grade de bachelier en Sorbone. Le troifième entra dans 1'ordre ecclédaftique, & mérita 1'eftime 6c 1'amitié de fon A 1  4. Hijïolre du procés évêque. La fille écoit la plus jeune de rous ; ce font fes aventures qui ont attiré 1'attention & la curiofité du public fur une familie qui, comme 1'on voit, n'étoit faite que pour être confondue dans la foule. Les mémoires & faclums qui furent rendus publics, lors de fon procés , atteftent qu'elle étoit jolie : on voit par la procédure qu'elle avoit quelques traces de petite vérole j mais 1'on fcait que, fi ce défaut eft incompatible avec une beauté réguliere, il n'enleve pas toujours tout ce que peuvent avoir de féduifant les graces d'un vifage que la nature avoit fait pour plaire. Des perfonnes qui l'ont vue, atteftent qu'elle étoit petite , mais d'une taille agréable & bien proportionnée j qu'elle avoit les yeux bruns , bien fendus , vifs & pleins de feu, la bouche fort bien faite, un nez de ceux que 1'on appelle retrouffés , les cheveux & les fourcils noirs , la peau fort Manche, & la gorge fort belle. Il parolt , par fa confrontation au quarantequatrième témoin entendu lors de fon procés, & par le vingt-bukième article de 1'interrogatoire de 1'abbé Cadière, fon frère , qu'elle avoit eu, dans  de ld Cadièfë. f fon bas age, fur le devant du col, des glandes qui s'écoient ouvertes. A 1'égard de 1'efpri:, fi 1'on en juge par la conduite qu'elle a tenue dans le cours de fon proces , par fes réponfes aux interrogatoires, & par les lettres qu'elle a dictees, elle en étoit palfablement partagée : ilneparokcependant pas qu'elle ait eu, quant aux connoiftances profanes , une éducation forr recherchée. II eft conftant quagée de vingt ans, èlle fcavoit a. peine fïgner fon nom, 8c qu'elle n'a feu écrire un peu qu'a lage de vingtun ans. Pour le caractère, le lecfteur. en jugera par fon hiftoire. On peut cependant 1'avertir ici que la quatrevingt-unième témoin dépofe qu'elle a toujours remarqué dans la Cadière une grande envie d'ètre louée , applaudie , & d'avoir en tout la préférence. Elle a avoué a la foixante-huitième temoin qu'elle ne pouvoit s'empêcher de publier les graces dont Dieu Ia combloit; & 1'on voit en effet, par la procédure, que, tant qu'elle a été fous la direótion du père Girard, elle n'a ceffé de travailler d faire croire qu'elle étoit particulièrement favorifée du ciel.  6 Hlfloire du proces Fille d'une mère devote, elle eiu roujours un gout décidé pour ce genre de vie. Dés fa tendre jeuneffe , elle montroit beaucoup de piété & de charitéj elle alloit même fervir les malades dans les hópitairx. C'eft un témoignage que lui rend le neuvième témoin de l'information , qui avoit été fervance dans fa maifon , pendant 17 ou 18 ans. Le troifième témoin attefle qu'elle refufoit les habillemens quifentoient trop la parure , Sc qui n'étoient pas conformes a la plus exacte modeftie. Le fecond témoin, qui avoic été fon confefleur , cenitïe dans fa confrontation avec le» père Cadière, dominicain, qu'elle avoit refufé avec larmes de fe marier. En un mot elle s'acquic la réputation d etre fort fage , & d'être ce qu'on appelle une fort honncre fille. Le même témoin , ibid. le déclare expreffément, ajnfi que le quatre- vingt-onzième , qui dameuroic dans la maifon de la Cadière. Elle eut pour premier confe(Teur Ie fieur Girault curé de la cathédrale de Toulon , qui lui fit faire fa première communion. Ayant eu enfuite Ia dévotion d'entrer dans la congrégation du tiers - ordre de Sre. Thérèfe , elle fe  de la Cadière. J mit fous la direction du père Alexis Maurin , carme déchaulfé , qui en étoit fupérieur. 11 réfulte de la dépofition de plufieurs témoins qu'il avoit une grande idéé de la piété de fa dévote, 8c qu'il la regardoit comme une prédeftinée. L'information donne encore a entendre que ce religieux travailJoit a élever fes pénitentes a la myfticité , paree que , difoit-il , c'étoit 1'efprit de 1'ordre de Ste. Thérèfe : mais la neuvieme témoin, qui étoit alors en.fervicedans la maifon de la Cadière , dépofe que, qnand celie-ci étoit a la maifon , 8c qu'elle parloit des entretiens qu'elle avoit eus avec le père Alexis, au fujet des dégrés de gloire & de graces , & de 1'état de perfection , elle en rioit, & s'en moquoit, difant qu'elle ne fentoit rien de ce qu'il lui difoit, & qu'elle le quitta a cette occalion. La Cadière donne , dans la plainte qu'elle rendit devant le lieutenant criminel de Toulon, & dont on pariera dans la fuite , un autre motif de ce changement-, c'efl: , dit elle , qu'il tomba malade d'une longue maladie. Eüe s'adrelfa au fieur Dolonne , fecondaire ou vicaire de la nouvelle paA4  § Hifloire du proces roifle de Sc. Louis. » Ces trois diree» teurs , dit-elle, dans un écrit figné » d'elle feule , & intitulé jufiificacion 3) de^ la demoifelle Cadière 3 éroient 33 animés du même efprit, ils me par33 loient le même langage , «5c mecon33 duifoient par les mêmes voies; FE33 vangile étoit la règle de leur con3> duite, & ils me la donnoient pour 33 la mienne. ,3 On voit cependant, Par quelques-unes de fes réponfes aux interrogatoires & par la dépofuion de la quatre-vingt unieme témoin , qu'elle lifoit avec ardeur les vies & les ouvrages des faintes myftiques, comme de Ste. Cathefine de Gênes, de Ste. Thérèfe , de Ste. Angèle de Foligny, & de madame de Houx, qui avoit, lui vnnt fon hifloire, les impreffions de la couronne depines du Sauveur , qui lui enrloient la tére, & d'oü le fang découloit fouvent. La Cadière avoue même a l'articfe 151 de fon interrogatoire , que les vifions dont les vies de ces faintes font remplies, ont pu lui occafionner des extafes qui n'étoienr que le fruit d'une imagination échauffée. Elle étoit fous la direóbion du fieur Dolonne, quand le père Girard Fik  de la Cadière. 9 envoyé de Marfeille a Toulon , en. qualitéde re&eur du féminaire royal de marine de cette ville. II y arriva le 8 Avril 1718. Onignore quelle étoit la naiffance de ce Jéfuite j on fgait feulement qu'il fe nommoit Jean-Baptifte Girard , & qu'il étoit natif de Dole en Franche-Comté. Quant a fa perfonne , la procédure nous apprend en général qu'il étoit fort laid, quil étoit cependant trèscouru des dévotes, & qu'il porta a Toulon une grande réputation pour la chaire & pour la direction. Entr'autres pénitentes , il avoit eu a Marfeille la fceur de Remufal, religieufe de la vifitarion, qui , li 1'on en croit le témoignage de ce père, dans un de fes mémoires imprimés, mourut en odeur de fainteté le 10 février 1730. Suivant la chronique du pays, on 1'avoit cru pendant fa vie, douée d'une fi haute piété , qu'elle avoit paffe pour jouir , par anticipation , du bonheur célefte; elle avoit des vifions , elle avoit des extafes; elles étoient a la mode depuis Marie a la Coque. Elle jouit de fa réputation jufqu'a fon décès : mais certains papiers , dit-on , trouvés dans la chambre de cette préA 5  io Hijloire du procés tendue fainte , & prudemment fupprimés, mirent fin a 1'opinion que 1'on en avoit congue. Le père Girard, en quittant Marfeille, celTa de confelfer cette illuminée; mais il continua toujours de la diriger par lettres. 11 en confia quelques-unes, dans lafuite, a la Cadière ; il ne fouffrit pas qu'elle les gardat long tsmpsj Sc fi 1'on en croit cetre fille , elles auroient alfez bien figuré dans fon procés; elles auroient fourni une preuve non équivoque de 1'efprit qui animoit ce Jéfuite dans fes travaux apoftoliques. Quoi qu'il-en foit , il a été fomtné de les produire, Sc ne 1'a pas fait -y Sc 1'on prétend que ce fonc les lettres de ce père trouvées dans la celluie de fa religieufe , qui ont fait revenir le public fur le compte de certe prérendue prédeftinée. On a cru devoir fe livrer a cette digrellion, pour donner une idéé de la méthode que fuivoit le père Girard dans fes dire&ipn.s. Reprenons 1'ordre des fairs. La célébrité qui 1'accompagna, mit a Gi fuite toutes les dévotes de Toulon. La Cadière ne ta:da pas a s'jf rangen « L'éclat de fes fermons, dit-  de la Cadière. 1t w elle, les louanges qu'on donnoit a » fa direótion , ce que fes dévotes pu» blioient de fon expérience dans les sj voies de Dieu , & peut-être un peu j> de vanité m'engagea a m'adrefler j> a lui; il me recur fans me marquer 3» aucun empreffement , & me paria 33 de Dieu d'une manière qui ne m'ota 33 pas 1'envie de le prendre pour mon 33 directeur. >3 C'eft ainfi qu'elle s'exprime dans 1'ouvrage cité plus haur. Quoique , dans le grand nombre de dévoces, dont le confeflionnal de ce célèbre directeur fut afliégé, la Cadière foit la feule qui ait eu de la célébrité, il en eft cependant d'autres qu'il eft néceffaire de faire connoïrre, pour 1'éclairciflTement de cette affaire fingulière. Thérèfe Lïonne 3 veuve de Jofeph Allemand , marcband de Toulon, connue au procés fous le nom de XAlle* mande 3 voulut, quoique agée d'environ cinquante ans , fe mettre fous la conduite du faint directeur. Elle eut des extafes, elle eur des douleurs qui avoient une caufe furnarurelle ; elle eur des féchereffes, elle fe trouva fouvent dans 1'impoffibilité de prier ; quand elle s'en plaignoit au père GiA 6  12- Hifloire du proces rard,il l'exhortoit toujours a la prière vocale : mais on verra , dans la fuite, qu'il ne donnoit pas ce confeil a celles de fes pénitentes qui avoienc moins de cinquance ans. Anne Batarelle fille d'un nocher de Toulon, fe mit auffi fur les rangs. Elle n'étoit agée alors que d'environ vingt-deux ans. Elle ne man qua pas d'avoir des vinons. Un. jour , par exemple , qu'elle éroit bien éveillée , a fix heures du matin , Jéfus- C fuift fe préfenta a elle avec une grande blancheur, revêtu d'une robe blanchejes mains découverres jufqu'au commencement des bras, Sc les pieds de même , avec un air majeilueux & refplendilfant ; il lui dit : Ma fille , il faut que vous ne foye\ plus quune même chofe avec moi & moi avec vous : & alors il s'engloutit en elle-même; &• Jéfus-Chrijl ne fut plus quun avec elle & elle quune avet J. C. Ces dons S' ces graces lui étoient familieres , Sc lui arrivoient très-fouvent de différentes manières. Elle euc aufli des impoflibilités de prier. Le père Girard lui refufa d'abord la difpenfe de la prière vocale. Elle fit part de fa fituation a la Ca-  de la Cadière. 15 dière, qu'elle fcavoit être initiée dans tous les fecrecs employés par le père Girard dans lart de la direction. Celle-ci lui dit, Qu'il n'y avoit rien , dans tout ce qu'elle r effen toit qui ne fut très-confolant; que c'étoit l'état d'union avec Dieu , & que eet état étoit un état de perfeclion duquel on ne pouveie déchoir que par infidélite; que le démon n'avoit plus de pouvoir fur fon falut; & qu'il flloit fuivre les injpirations intérieures -y & que 3 fi elle n étoit pas infpirée de prier s il falloit ne prier pas; que la prière n'étoit quun. moyen pour parvenir d Cunion; & que quand une fois on y étoit parvenu , il n'en étoit plus hefoin; que cependant il falloit fuivre l'infpiration intérieure 3 qui étoit de prier , fi elle nous y portoit } ou de ne prier pas 3fi elle ne nous y pertoit / as. La Batarelle rendit compte au père Girard des inftructions de la Cadière: celui-ci lui répondic qu'il n'y avoir point d'érat d'union , &c que ces fortes de graces n'étoient accordées qu'a des perfonnes qui avoient beaucoup fait & fourfert pour Dieu; & qu'ainfi il falloit qu'elle continuat fes prières va-, cales & mentates.  ï4 Vliftoire du proces Ellefir des effbrts inutiles pour obélr, Sc eur encore recours aux avis de la Cadière. Celle-ci lui répondit j Ne vous en fakes point une peine ; le père Recleur veut affurer votre état ; obêiffil-lui bien A cela ne fert qua affermir l efprït de Dieu en vous. Elle ajoutoic encore que le père Recleur l'exemptoit, elle Cadière, de la prière, & que eet état étoit un état d'oraifon & de prière perpétuelle dans Vintérieur 3 & que 1'on prwu fans s'en appercevoir3 Dieu étant intimement uni au fond de notre ame. lelie étoit la morale* par laquelle Ie père Girard dirigeoit fes pénitentes chéries • car routes n etoient pas initiées dans ces myftères \ Sc 1'on verra par la fuite, quels étoient les faiirs qu'il en fcavoir rirer. Quoi qu'il en foit, la Batarelle fut difpenfée de prier ; 8c le directeur , après lui avoir accordé cette faveur, ajoura : Que donnere^-voiis au bon Dieu pour tant de dons & de graces qu'il vous fait ? Elle repartit : Je lui donnerai mon impuiffance. Le lendemain , a m heures du marin , étant bien éveillée, elle vit fon ame toure blanche, Sc en forme de petit enfant qui s'é' gayoit Sc remuoit comme un poiifon  de la Cadière. i 5 dans l'eau , de ce qu'elle avoit la liberté de ne plus prier. Une autre fois, elle vit J. C. tenant d'une main le coeur du père Girard , & de l'aucre lui arrachant le fien a elle-même; eniukeil les incorpora 1'un dans 1'autre. Lorfqu'elle fit part au père recleur de cette vifion, il fe contenta de lui recommanrler de fe tenir bien attachée d Dieu , par 1'abnégation de foi-même. En un mot toutes ('es vifions, qui font d peu prés de la même efpèce, annoncent une inclination violente pour le père Girard , qui necelfoit d'exhorter a 1'abnégation de foi-même , a 1'oubli de ce qu'on étoit, pour entrer dans le facré coeut de Jéfus. Tout ce qui vient d'êrre rapporté eft tité de la dépofition même de la Batarelle : elle eft le trente-huicième témoin. Au furplus, il eft conftant par la procédure, Sc par les aveux du père Girard , qu ;l lui arrivoir fouvent d'embralTer cette fille. Elle déclare elle-même qu'il avoit pris cette liberté pendant la confeflion. Claut Gravier étoit au nombre des pénitentes du père Girard; mais il ne parok pas qu'elle ak eu ni vifions ,  ï(3 Hifiolre du proces ni difficultés de prier: elie étoit agée d'environ quarante ans; auffi a-telle tourné fa dépolition en faveur de fon directeur, dont elle n'avoit jamais eu lieu de foupgonner la vertu. Elle eft Ie treizième témoin. Anne- Marie Chauvet, femme de Pierre Guiol, menuïfier, ne fut point non plus au nombre de celles qui recevoient vifiblement des faveurs du ciel; elle étoit agée d'environ 45 ans. Elle eft Ie troilième témoin. Si elle n'avoit pas les faveurs du ciel, fon age n'empêchoit pas qu'elle neut celles du père Girard. La Cadière, dans fes réponfes devant 1'official, déclare avoir vu ce Jéfuite baifer la Guiol att vifage. Elle ajoute que cette femme avoit dit a la Batarelle qu'un jour que fon mari feroit a la foire de Beaucaire , elle feroit venir le père Girard a fa maifon , pour voir jufqu'a quel point eet homme-la alloit. Vous me laifferez feule, lui dit-elle, un temps avec lui, & je vous laifterai de même a" mon tour feule. Claire Béralde , onzieme témoin , rapporte qu'étant un foir allee aux Jéfuites chercher Ia Cadière, dont ellê étpic fervante, elle vit a main droite  de la Cadière. 17 le père recteur qui baiioit Ia Guiol au vifage. La Batarelle , dans fa confrontation avec le prieur des Carmes de Toulon, rapporte un propos de la Guiol, qui caradtérife la plus grande familiancé entre le père Girard & elle. Marie-Anne Laugier, fille d'un bourgeois de Toulon, fur liée d'amitié avec la Cadière, dès 1'age le plus tendre ; elles n'étoienc qu'a deux ans de diftance 1'une de 1'aurre. Elles eurent toujours les mêmes directeurs , jufqu'au moment ou le procés éclata , & s'enrölèrent routes les deux, en mêmetemps , dans le catalogue des fceurs du tiers-ordre des carmes. La fortune de la Laugier ne lui permettoit pas de vivre dans 1'oifiveté ; elle appric Ie métier de couturière , & Ia Cadière paya les frais de 1'apprentilTage ; elle continua rnême de 1'affifter dans fes befoins, tant que leur liaifon dura. Il paroir cependant que les moeurs de la Laugier n'étoienc pas , a beaucoup prés, analogues a celles qa'on imagine que doir avoir l'amie d'une dévote. On voit, par fa confrontation tant avec la Cadière, qu'avec les au-  ï8 Hijloire du proces tres accufés dont on pariera dans lef récic du procés, que le deur de vivre avec plus de liberté , 1'avoir déterminée a quitter fa mère, & a fe retirer feule dans une chambré : que pendant cette féparation , quoiqu'elle n'eüt d'autre reffource apparente que fon travail , elle palfoit la plus grande partie de fa vie dans 1'oifiveté : qu'on la rencontroit fans celTe dans les rues, vêtue d'une manière fort fupérieure aux facultés qu'on lui connoilToit: qu'elle fréquentoit les foldats de la garnifon; qu'on en a vu un enrr'autres auquel elle avoit confié fa clef, fous prétexte de 1'aller éveiller de grand matin , fe préfenter chez elle a une heure indue; qu'elle lui ouvrit fi porte, fans avoir pris les précautions que diéte Ia pudeur: qu'elle avoit été jufqu'a maltraiter fa mère , quand elle la reprenoir de fes défordres : qu'elle avoit été chaffée du convent des urfulines de Toulon pour gourmandife , fainéantife, violences, efprit de divifion, &c. Enfin que la feule protection de 1'Evêque avoit empêché qu'elle ne fut pareillement chaffée du tiersordre. Tous ces reproches lui furent faits  de la Cadière. 19 en face, tant par la Cadière , quand elle lui fut confrontée, que par les autres accufés. Elle ne repliqua point fur les uns, &c fe défendit mal fur les autres. f Elle avoit cependant part aux faveurs qui cara&érifoient le plus la diredion du père Girard. Elle avoit vu les anges & la gloire célefte; elle avoit eu des extafes, des opéracions divmes, des maux divins , elle alla même jufqu'aux ftigmates. Le père Guard la vifitoït fouvent, & s'enfermoit feul avec elle, dans ces momens de cnfe, mais toujours pour la confefferj & ce n'étoit que dans cette intention qu'il prenoit la précaution de fe garantir des importuns. Elle s'eft cependant plaint au quatre vingt-douzième témoin, qui ie rapporte dans fon récolement, que le père Girard avoit abufé d'elle dans fon état d'obfelïïon , & qu'elle fecroyoit grojje. Elle avoit vingt ou vingï-oo ans, quand elle devint fa pénitente \ elle eft le quatrième témoin de 1'information. Anne-Rofe Réboul, "fiHe d*un patron de barque, étoit agée d'environ 31 ans, quand elle fe rangea fous la direóhon du père Girard. La Cadière , quand  2,f . Hijloire du procés eüe lm f„c confrontée , lui reprocha d avoir auffi eu des extafes & des impuiflahces de prier • mais ce fair " a Pas ecé ble" conltaré ; Ie prudenr directeur ne trouva peut-être pas qu'elle tut dans un age propre pour les myfteres. Un va voir cependant, dans un moment, qu'elle pratiquoit, de 1'aveti du K. P une morale fort fingulière. tlle eft Ie fixième témoin. Onpeucjuger, par ce qui vient d'être dit, quelle étoit la méthode dont le père Girard faifoif ufage dans la direótion de cerrames pénnentes : mais ce point de fait doit ètre éclairci; il répandra un grand jour fur cette hiftoire, dont Ie fonds a toujours été jufqu'ici un veritable probiême. Le quiétifme , comme on fcait , éft une erreur dont les fectateurs lous pretexte d'une union in time Sc immédiate avec Dieu, réduifent la plus haute perfeftion de 1'amea une comemplation parement paffive, qui labforbe tetlemefit, qu'elle ne prend aucune part aux fenfations corporelles. Dans quelques voluptés que Ie corps loit vpIongé, fame n'y coopérant point & n'y donnant aucun confentemenc, eft toujours pure. En un moe  de la Cadière. zx Ie dogme capital, 8c le fondement de cette théologie , eft que 1'honime doic s'anéantir foi-même , renoncer a toute opération , & demeurer dans un repos 8c une quiétude perpéruelle. C'eft la 1'origine du nom Quiétifte. Ainfi 1'exercice des vertus chrétiennes & la prière vocale , non - feulement font inutües , mais ce font des obftacles a 1'opération divine : 1'artention qu'elles demandent, occafionne une diftraction qui arrache 1'ame a la contemplation de Dieu, 8c arrête les influences céleftes. Le mouvement phyfique au contraire ne trouble point la quiétude. Ainfi le déréglemenr de mceurs le plus horrible eft aurorifé ; les actions les plus falesfont indirférentes ; elles ne font que 1'ouvrage d'un corps qui n'agit plus fous 1'impreflion de Ia volonté : la débauche la plus habituelle ne doit point éloigner de la fréquentation journalière des facremens une ame qu'aucune tache ne peut fouiller. L'auteur de cette fecte prétend, en conféquence de ces principes, qu'une fille , dans eet état de repos, ne doit jamais oppofer Ia moindre réfiftance , quoi qu'il en puifte arriver j cette ré-  i1. Hijlo ire du procés fiftance troubleroit la quiétude de fon ame. Le joh fyftême ! Une Quiétifte aimable n'a plus beloin de défendre fa vercu ; elle n'a point de combats a livrer, point de défenfe a oppofer; tous fes amans font heureux ; les mouvemens phyfiques qu'ils lui font éprouver, ne portent aucune atteinte a fa pudeur , paree qails ne troublent point fa quiétude; &C tout le monde trouve fon compte. On attribue 1'origine de cette fecTe a des moines d'Orient; elle a été renouvellée dans prefque tous les lïècles de 1'éalife. Michel Molinos, prètre efpagnol, eft pourtant celui qui lui a donné le plus d'étendue &c de crédit. Ses ouvrages furent condamnés, en 1687, par une bulle d'Innocenr XI , & 1'auteur mourut en prifun. Le père Appiani , Jéfuite , fameux confelfeur au college romain, avoit adopté les maximes de Molinos, & fut enveloppé dans la pourfuite de eet héréfiarque : il eut befom de tout le crédit de Ia fociété pour fortir des prifons de Ym-i quifirion, après une longue détention. Cette condamnation fut renouveüée par Innocent XII, dans uneaurre bulle du ü Mars 1^59 , fur laquelle le Roi  de la Cadière. z $ expédia des leccres-patentes en forme de déclaration , qui furenc regiftrées au parlement de Paris, le 14 Aoüt fuivanr. Perfonne n'ofa plus faire publiquement 1'apologie de cette erreur : mais elle eft trop précieufe aux cceurs corrompus, pour avoir celfé de trouver des partifans fecrets. Quelles relfources en effet ne fournit-elle pas a un directeur qui veut amener celles de fes dévotes qui lui plaifent a ne lui rien refufer ? Il échaufte leur imagination en leur préfentanr fans celTe le rableau d'une ame abforbée dans la contemplarion de Dieu, qui goure, dès ce monde , le bonheur célefte, & qui ne prend plus aucune part aux affaires terreftres : ce font des faintes anticipées , qui jouiffent néanmoins fans crime de tous les plaifirs de la fenfualiré. S'il fcait en outre leur infpirer 1'ambition de palfer dans, le monde pour être arrivées au plus haut point de Ia vertu, pour être fpécialement favorifées du ciel, pourêtre en un mot miraculées , il ne rrouve plus d'obftacles a fes défirs. Qui oferoit critiquer les têtes-atêtes d'une fainte avec fon directeur ? On a déja vu que le pèré Girard  24 Hijlolre du procés permettoit a quelques-unes de fes dévotes de s'abftenir de la prière vocale; on a vu qu'il leur parioir beaucoup de cette union intérieure avec Dieu qui fair que 1'on prie fans s'en appercevoir. Voici de nouvelles preuves que ce directeur conduifoit quelquesunes de fes pénitentes par la voie du quiétifme. Le fieur Giraud, vicaire perpéruel de 1'églife cathédrale, fecond témoin de l'information , dépofe qu'ayant demandé un jour a la Réboul fi elle communioit tous les jours , elle rèponditquoui. Commentpouviez-vous donc, dit-il, concilier cette commu„nion journalière avec les parties de plailir que vous faifiez tant en la ville qu'en la campagne ? Elle dit qu'elle avoit quelque fcrupule ; mais que3 voyant que les autres 3 qui étoient plus faintes qu'elle , le faifoient, elle le faifoit de même. II falloit donc , repliqua le curé, que vous fifliez bien des prières. Elle répondit que , depuis long-temps, elle ne faifoit point de prières vocales. Vous ne difiez point 1'office de la Ste. Vierge, le. chapelet, ni 1'évangile , repartit-il ? N'ailïrtiez-vous point aux inftructions de la paroiife ? Elle répondit que non. Que faifiez-vous donc, lui  de la Cadière. % y lui repliqua le curé ? Je me tenoh toujours , dir-elle, en la préfence de Dieu. Le même témoin dépofe que, parlant un jour a la Laugier de fes extafes, il lui die qu'il éroit förc particulier dé voir desperfonnes qui vont a la campagne fe divertir, & a la maifon aüfll, avoir de femblables extafes, Alors la Laugier lui demanda, s'il eft dëfendu de Jé divertir ? Non, lui dit le curé; mais vous me feriez croire qu'on pourroic ccre extafiée avec une aile de poulet a Ia main. Pourquoi non ? dit-elle. Et la prelfant encore, il lui dit : Vous pourriez aller a la comédiedonc ? Elle répondit que, quand on eft bien avec Dieu jiln'ya rien d craindre, & quand un directeur vous Vordonne. Et, fur ce que le témoin lui dit qu'elles crioient dansletemps qu'elles fe divertiiToient , elle lui répondit, qa'elle avoit vu dans le hvre de la vie de la mére Agnes qu'elle crioit, qu'elle fautoit & que quand même elle étoit dans une chambre , elle crioit par le trou d'une tromble. Voili, dit-il, un fentiment de quiétifme. Elle répondit: Qu'eft-ce que le quiétifme ? A quoi, il repartit que les quiénftes croient que , quand on eft bien avec Dieu • tout eft permis. Tomé II. £  x$ Hiflolre du procés La dame Aubert, abbefle du mo« naftère de Ste. Claire d'Ollioules, dix-neuvième témoin, dépofe, dans fa confrontation avec la Cadière , que lp père Girard lui difoit, de ne pas tant /attachèr aux prières vocales, mais de s'unir a Dieu par Cefprit. On aura occafion, dans la fuite, de rapporter d'autres traits qui prouv,ent iufqu'a 1'évidence que ce Jéfuite infinuoit le quiétifme a certaines de fes pénitente's. Quel étoit le but qui lui avoit fait choifir ce genre de direction ? On le découvrira facilement par le récit des faits. La Cadière eur le père Girard pour directeur pendant deux ans & demi. La première année n'eut rien de remarquable j U pénicente ne voyqit dans le Jéfuite qu'un miniltre éclairé dans 1'art de la direction; elle ne fe trouvoit avec lui que quand les befoins de fa confcience 1'amenoient a fes pieds \ Sc rien ne fe palfoit entr'eux qui put annoncer 1'avenir. Cependant le père Girard ne laifloit pas de préparer une liaifon plus étroite. 11 s'informoit fouvent du nom de fa pénitente, de fon caractère & de ja fituation de fa familie j il letudioit  de la Cadière. zj ayec beaucoup d'attention ; II lui fit lier commerce d'amitié avec quelquesunes de fes dévores; & elle fur toujours celle a laqnelle il prit le plus d'intérêt. Jamais elle n'eiTuya avec lui aucune de ces lenreurs qu'atfeótent fouvenr les direóteurs importans : routes les fois qu'elle ledemandoit, foit pour 1'entretenir au parloir, fait pour le confeflionnal, il s'y rendoit fur le chimp , quelque occupation qu'il eiït. Ces diltinclions portèrenr la Cadière a fe croire plus avancce dans la voie du falut, que ne 1'étoient fes compagnes. A quel autre motif pouvoit-elle les attribuer ? Son innocence & fon gout décidé pour 1'érat de dévotes, ne lui permettoient pas d'imaginer d'autre mérite auprès d'un directeur, que les progrès dans la piété. Dans leurs converfations particulières, il entroit avec elle dans des détails, qui, a des yeux plus clairvoyans que ceux d'une jeune fille fans expérience , auroient manifefté d'-auCres intentions que celles dont un confetTeur doit être animé. 11 lui difoit fouvent que Dieu demandoit d'elle quelque chofe de plus que ce qu'elle frifoitj il 1'exhortoit a s'abnndonner a B i  2. 8 HiJIoire du proces lui j ii s'informoit de fa fanté, Sc vouloit connokre les temps de cette infirmité périodique qui eft propre au fexe. II ne faut pas oublier de faire ici mention d'une marqué lingulière de déférence de la part de ce Jéfuite pour fa pénitenre. Un frère Jacobin avoit prêté a la femmed'un iieur Sau^ rin , le livre intitulé la morale des Jéfuites. Elle le communiqua a fa bellefcear, religieufe de fainte Urfule , qui le remit entre les mains du père Sabatier. Ce Jéfuite en porta fes plainres i levêque de Toulon , qui menaca le père Cadière d'une lettre de cachet. Celuici fe donna des mouvemens pour fe juftifier. La fceur eut recours au père Girard , qui lui répondit que , fans la confidération qu'il avoit pour elle , tl auroit eu une lettre de cachet. Tel étoit 1'intérieur de cette direction. Cependant la Cadière eommenca peura-peu a fe difliper. Anne Jaufrete , heuvième témoin , qui avoit demeuré, en qualité defervante, dans la maifon de fa mère , pendant 17 ou 18 ans , Sc gntre autres dans le temps qu'elle avoit eommencé a donner fa conriance au père Girard , dépofe qu'elle a trouvé fa |egne maitreftèj depuis qu'elle fe con-  de la Cadière. ±9 feifoit l ce Jéfuite , plus diflipée qu'elle n'écoit auparavant \ qu'elle faifoit fouvent des voyages, des patties de collation ; qu'elle danfoit Sc fauroit. Les dépofitions des fixième , douzième Sc centième témoins apprennent qu'elle alloit fréquemment voirla Laugier , dans le temps qu'elle vivoit féparée d'avec fa mère , qu'elle s'y rencontroir foüVent avec une troupe d'autres dévotes du père Girard j que toutes enfemble mangeoient, danfoient, fautoierit, chantoient, crioient & faifoiene un tapage qui fcandalifoit les voifins: elles alloient enfemble a Ia maifon de campagne de la Cadière, accompagliées d'un frère Jéfuite que leur donnoit le père Girard, pour leur faire Ia cuifine : la elles fe déguifoient & fe procuroienttous les plaifirsles plusbruyans Sc les plus vifs. II eft convenu luimême d'une partie de ces faits dans fon interroaatoire devant les commiffaires , article 144 & 145. Cela n'empêchoit pas que la Cadière ne communiat tous les jours, avec la précaution cependant de le faire chaque jour, de 1'ordre de fon confeffeur , en difterentes églifes , afin de ne pas fcandalifer. Cette pratique, pour le  3© Mljloire du procés dire en palfanc, eft une marqué diftinetive du quiétifme. Molinos 3 dans fa Guide fpirituelle 3 ccnfeiile la fréquente communion , & défapprouve l'ufage des pénitences qu'on s'impofe a foimême. Ceft aüffi la doctrine de la trente-huitième propofition de eet auteur, condamnée par la bulle d'lnnocenc XI (ij. Le père Girard, pour confirmer Ia Cadière dans les principes qu'il lui infpiroic, 1'exciroïr a lire les ouvrages les plus dangereux & les plus propres a lui corrompre le cceur & 1'efprit, en lui donnant de faufTes idéés fur'Ia piété, 8c lui faifant regarder la mornficarion des fens cornme indifférente : tels étoient les Réflexions morales de M. de Féne'lon3 &'le livre du père Surin, jéfuite. C'eft particulièrement dans ce dernier qu'elle puifa 1'idée des extafes, des vifions & des (i) La voici cette propofiuon : La cro'tx volontaire des mortifications eft un poids inconnu & inutile ; ainfi il faut s'en décharger. Et il ajoute , qiiarantième propofition : La $le- Viergt na jamais fait aucune aliion extérieure ; & néanmoins elle a été' fa plus fainte de tous les Saints : on peut donc parvenir d la fainteté fans aSions extérieure}.  dc la Cadière. 31 lév'élations donc on va pariet. Tous ces écacs mytliqnes font la fuire ne* celfaire d'une imaginacion echauiiee par 1'illufion du quiétifme; lüluml+ nation , die Molinos, Guidefpmtuelle , üv. 3 , chap. 15, n. i4°> eu , pour fcavoir quel jourfera le plus convenabïe d la gloire du Paine nmour&aleur bien mutuel, pour un pent pélertnage qu'il mèditoit de faire au convent ou elle étoit. ie père Girard avoit teilement ré-  de la Cadière. _ 33 pandu & affetmi le bruit de la fainteté de cette fille , & lui avoit acquis une telle vénération, que 1'on alloit jufqua 1'invoquer. Voici la copie d'une lettre qui lui fut écrite le \G Mai 1730, par le père Grignet, jéfuite de Toulon , & produire au procés : » L'amour de .., notre Seigneur foit toujours avec „ vous, mademoifelle , ma très-chere » fcenr : je m'y prends bien tard pour „ vous faire mon compliment fur le „ retour de votre heureux 8c faint » voyage ; mais il vaut mieux tard que » jamaTs , comme 1'on dir. D'ailleurs »je le fais pour m'entretenir avec » vous , & vous .découvrir toujours' » plus mes fentimens. II me femble n que les merveilles que j'ai vues s me » deviennent toujours plus falutaires,& „ que je reffens toujours plus les effets » de vos faintes prières. Je ne puis, ce » me femble , douter que Dieu ne veudlö »fe fervir de vous pour me tirer d'une' „ partie de mes miferes: la confiance que „j'ai en vos prières, & le dep que „ vous les employieipourma converfwn, „ ne peuvent s'expnmer. J'ai celebre „ ce matin le faint facrmce que J ai •v offert pour remercier notre Seigneur ,> des graces quil vous fait : cette feule  34 Hijloire du proces »penfée me donnoit 'de la dévotioa » & de la joie. J'efpère que vous me »}erei toujours part des lumières que » bteu vous donnera pour mon amen» demem : tl m'infpire une docilïté d'en«fatit- a faire tout ce que vous me » direi de fa part, & une reconnoif"Jance des graces qu'il m'a fait es par » votre moyen , qui furpalTe rous les » termes dont je pourrois me fervir. " A'de\-moi , ma chere fxur, d ne pas » etre un ingrat a I egard d'un fi bon maï» tre, & ale fervir comme il le de" Cue; il me femble que c'eft la toute » mon ambition. Malgré tous les fen» timens que Dieu me donne , je me «trouve toujours moi-même, pauvre » miférable , dénué de tout bien , foi» ble & capable de commettre les » plus grands crimes , s'il ne me reti» roit par fa bonté, Je vous dis tout »ceci pour exciter votre compaf» fion & votre zèle. Vous excuferez , » sil vous plak, le peu d'ordre quïl »y a dans cette lettre, & vous ferez » perfuadée qu'on.ne peut être plus par» fairement que. je luis en notie Se:» gneur, mademoifelté, ma trés chère »> W, votre trés humbJe &très-obéif«iant fervueur, GRIGNET, jéfuite.  de la Cadière. 3 > Le fieur Camerle , aumónier de 1'évêqne de Toulon , Sc quarante- feptième témoin de l'information , dépofe qu'il avoit fupplié la Cadière de vouloir bien intercéder pour lui le Seigneur de lui faire miféricorde. Elle lui donnoit des régies de conduite, lui indiquoit les confefleurs qu'il devoit choifir; Sc il fe conformoit exa&ement a. tout ce qu'elle lui prefcrivoic. Monfieur de Montauban lui-mème, évèque de Toulon , la regardoit comme une fainte fur terre. » Pour ce qui » regardeMonfeigneur 1'évêque , difoit la Cadière au père Girard , dans une lettre du tl Juillet 1730,» je vous >3 dirai qu'il m'a recommandé le ma» riacre de fa nièce ; de plus une autre » affaire de piété , & en particulier 33 une affaire de familie, Sc fa propre 33 converfion, me priant de lui marqutr » ce que le bon Dieu demanderoit de 33 lui. Je 1'ai prié pour cela ; Sc il m'a »3 découvert que le maiiage de fa nièce „ ne convenoit point. Pour 1'affiire de 33 piété , il m'a manifefté qu'il devoit y apporter toute 1'attenticn qui eft „ digne d'un prélat en de pareils tas. ,3 A fégard de lui-même , on m'a dé» couvert bien des chofes fur fon B $  j£ Hlfioire du -procés » compte , qui font non-lèulement m*» dignes de 1'épifcopat, mais encore » abominables devantle Seigneurqui » exige qu'il di.fe au moins tous les » buit jours la me(fe, afin que, par » ce moyen , il puilTe obrenir des gra» ces qu'il ne pourra obrenir par tout «autre moyen, quoique cependant il 53 fut obligo-, par fon état, de la dire 33 tous les joiirs. J'aurois. bien d'aurres >» chofes a vous marquer fur fon compte, 3j mais je les paife ici fous filence ; ra» chez feulement de faire ce que vous 3» m'avez ptomis, & d'empccher qu'il 33 ne vienne me voit 'n-, Cette jeune fille , étourdie de la réputation de. fainteté que le père Girard lui avoit donnée , de la vénération. que. lui attiroit cette renommée.' de la part des. perfonnes les plus confidérables , & dont le jugemenr, fur ces marières, devoit lui paroitre décifif, fè erut véritablement miraculée. ;'es. compagnes mêmes s'aidoient a la féduire ; elles difoient hautement qu'il y avoit bien des Saints en paradis qui n'av.oiènt pas fait tant de miracles.qu'dle :■ ellê? s'entendoit répéter- fans celfe. qu'elle é-.oit une Sainte. Ces faits font. KQnftatés par. les depofitions des cin-  de la Cadière. # 37 quante-quatrième & quatre-vingt-dixfeptième témoins. Mais ce qui mie le ecmble a Ia féduétion , c'eft la facultc qui bi tut accordée de faire chaque jour celui de tous les acces de religion qiu exige le plus de foi & le plus de purete. Tout confpiroit donc i lm perluader qu'elle étoit digne d'ètre en relation direfte avec b ciet. La première vifion qu'elle eut,. fut une perfonne qui étoit dans un aöre de péchemortel & d'impureté. Cet objet 1'enraya; mais elle entendit une voix qui bi dit que , fi elle voubit délivrer cette ame de 1'état malheureux oü elle la voyoit , il falloit qu'elle acceptat une: obfeffion pendant un an. Elle fit part de cette aventure a fon confefleur , qui la forca de fe foumettre a l olv feffion qui bi avoit été propofee. U eft néceffaire d'éclaircir ici la verite de ce fair. Dans le premier interrogatoire que 1'on fit fubir au père Girard , il convient, anicle 41, q«e la Cadière lui avoit fait part de cette vifion ; que d'abord il en avoir doutey que d'ailleurs,. trouvant l'ade trop heroïque pour une fille r il ne détermina, üien a eer égard ;. & a l'article 1.58  38 A Hifloire du procés du même interrogaroire, il die qu'H ne la point porree X accepter lérac d obfemon , & qa'i| hü jai(7a ^delfus la liberté. Mais,. quand elle lui fut confronrée pour la dernière fois , elfe lm foütjnt en face que(i), 1'ayant (0 On a fait imprimer, dans le temps , Ie Wcoed .de toutes les pièccs qui formoient ia procedure de cette, finguHère affaire. Mais deux raifons prouvent cjue le manufcrit d'apres lequel on avoit miprimé , nétoit point Wek On placa a la fuite de toute cette procedure une table alphabétique raifonnée , dans laquelie on affccla de «maffer., fous un leu point de vue , tout ce qui pouvoit cue a Ia décharge du père Girard, fans faire aucune rrrennon des traits qui , dans la procedure , pouvoient étre a la décharge de !a Cadière. Cette table annonce donc la partiaiue Ja pks décidée de la part de 1'éditeur. Mais il ne seft pas borné a cette infidéUte. II a fupprimé, dans le manufcrit qui a tervi a 1'impreffion , beaucoup de paffages de Ia procédure qui chargeoienr Ie père Girard. Une feconde édition du même impr-ime en a fourni la preuve. II eft vrai qu'on Y a confervé Ia table telle qu'elle avoit été raite dans Forigine , & fans y corriger Ie caractere de partialité qui avoit préfidé a Ia rcdaction de eet ouvrage. Mais on a remédié , par des notes , aux infidélités du texte de Ia première édition. Ces notes ont été fourmes par Ufl des Juges qui, au dernier  de la Cadière. jjp» eonfulté au fujet de la vifion dans laquelie il lui fut infpiré d'accepter une obfeffion pour tirer une ame du pêché mortel, il 1'obligea a s'y foumettre, malgré la répugnance qu'elle y avoit, &£ qu'il la réduifit a prononcer ce pafte : Qu'elle fe livroit & s' abandonnoit d tout ce qu'il exigeroit } pour faire, pour dires pour agir & pour foujfrir ; & que dès lors j. elle éprouva en elle des ope'ra- interrogatoire fubi par les accufes en la Grand'Chambre , écrivoit leurs réponfes a mefure. Elles conticnnent bcaucoup de traits qui doivent fe trouver dans la minure du procèsverbal, mais qui ont etc omis dans rimprimé. Une autre fource de fuppléroent a ces omiffions , font les Motifs des Juges qui ont été d'nvïs de condamner le père Girard, envoyés a M. le Chanceüer. Cet écrit fut rédigé par ordre du chef de la juftice , & de la main des douze Magiftrats qui le fignèrent. lis avoient, lörs de lëur travai! , la minute du procés fous les yeux , & avoient aflifté en perfonne a. plufieurs des- opérations de la procedure ; & ils en rapportent bien des pauages omis dans rimprimé dont on a pailé. Je ne manquerai pas , toutcs les fois que je puiferai dans 1'une ou 1'autre de ces deux fourecs, d'en avertir le Ledteur. Ce que 1'on va rapporter ici de la confrontation des deux accufés , eft tiré des Motifs envoyés d M, le Chancelier.  4° Hijiolre du proces nons extraordinaires} accidems convulfifs , vifions obfcenes dont ellefe plaignoit a lui. A ces mors, 1'accufé 1'inrerrompir, en di&nt qu'il n'avoit jamnis cru qu'elle fik obfédée, & qu'il a'voiffitfpendu fon jugement. Elle perfifta , Öc n/outa que, non- feulement il f avoit hvrée d eet état , mais qu'il y avoit anfjt plongé plufieurs de fes pénitentes,. telles que font la Guiol, la Reboul , la Gravier, la Laugier, la veuve Allemand , & la Batarel ; & que, s'ilavoit porté les quatre premië-es d commettre ttnparjure (en dépofant dans l'information, le contraire de ce qu'elle fou»enok ici) il ff avoit que les deux dermères le lui avoient fotttenu en face. Sur quoi le père Girard ayant dir que les accidens de la Laugier étoient des vapeurs, & que la Batarel étoit un efprit foible: Pourquoi donc, repliqua ta Cadière, n'ave^-vous 'traité ces accidens de vapeurs que depuis que la juftice a connu cette affaire ? II eft donc conftant que la Cadière s'eft. crue dans un érat d'obfeftion , que ie père Girard 1'a feu , & que, tout'air moins , il y a donné fon confentemenr. II faudroit être inirié dms les fecrets de la myftické, pour bien enten?--  de la Cadière. 41 dre ce que c'eft quune obfeffwn. Tout ce qu'on en peut dire ici, c'eft qu'il paroït que ce mot , pris dans Ie fens oü il eft employé dans la procédure , & dans les différens ccrits publiés Tut cetre affaire, fignifie 1'état d'une perfonne qui a bien voulu confentir que Ie démon s'emparat d'elle , pour fa live r une ame qui eft en danger de fon falut ; St que celui qui fe foumet a ce facrifice , peut borner le temps pendant iequel il confent que le malin efprit réfide chez lui. Voici ce que le père Girard, dans fon premier ïnrerrogatoire, artic^x, en dit.après ee qu'on en * rapporré plus haut-, qu'il eft vrai que des Saints Vont ainfi pratiqué ; mais que, quand même ill'auroit confeillé d la Cadière , ce qu'it ne fit pas , dit-il, ce ne feroit pas tut qui lui auroit communiqué le démon par-la, mais qu'elle V auroit acquis par la permiffion divine & pour la plus grande gloire de Dien. Et 2 1'article 16* dn même interrogatoire, il ajoute , qu'il a cru la Cadière affei> vertueuje & courageufe pour faire d Dieu ce fa» crifice; mais quil lui auroit parit té* méraire de confeiller un acle qui a des. fuites fi pénibles , ateendu fon fexe &  41 ^ Hiflair e du procés fon age & la raretè des exemples qu'en fourmt ïhïftoire Eccléfiaftique. Ce prétendu état eft une faire des principes du quiétifme. Molinos I'érabht en propres termes , propofition 41 Sc fuiv. Voici commentil s'exprime : » Dieu permet Sc veut, pour n nous humilier, & pour nous con» duire a la parfaire transformation , »> que .e démon faire violence dans » le corps a cerraines ames parfaites, »> qui ne font point polfédées, juf» qu a leur faire commettre des aétions » charneües, même en veillant, & fans » trouble de 1'efprit, en mouvant phy»fïquemenr leurs mains & leurs au» tres membres contre leur voloncé. II » faut dire la même chofe des autres » aóhons mauvaifes par elles-mêmes , »qui, en ce cas, ne font point pé» ché , paree qu'il n'y a point alors de » confentemenr. » 42. II peut y avoir des cas ou » ces violences, qui nous portent a »des a&ions charneües, arrivent en » même-remps , d deux perfonnes de » different fexe, & les poufTent juf. » qu a l'aceomplilTement d'une mauvai» fe action. »43- Aux fiècles paffes Dieu faifoie  de la Cadière. 45 „des Saints par le miniftère des Ty„ rans; maintenant il les fait par le » miniftère des démons, 'qui excuenr. » en eux ces violences , afin qu'ils fe » méprifent eux-mêmes , s'anéantif» feut & s'abandonnent totalement a » Dieu. „ 44. Job a blafphémé , & cepea» dant il n'a point pêché par fes levres, „ paree que c'étoit Une violence du ,> démon. » 45. Saint Paul a fouffert, dans », fon corps , ces violences du démon •> » c'eft pour cela qu'il a écrit: Je ne » fats pas le Men que je vettx , mais je 3> fu'ts le mat que )e hais. » 4!ï. Ces violences font plus pro» pres a anéancir 1'ame , & a la con» duire a la parfait* union & tranf» formation : il n'y a pas même d'au» tre voie pour y parvenir; & ce.le» ei eft la plus courte & la plus fure. » 47. Quand ces violences arrivent, „ il faut laufer agir Satan , fans s'y » oppofer par effort, ni adrelfe ; mais ,> demeurer dans fon néanr. Quoiqu il » s'en fuive des pollutions , ou d'au» tres actions honteufes , & même encore pis, il ne faut pas s'en inquié» ter, mais bannit les fcrupiües, ks  1 44 Hiftoire du proces » dontes & les craintes -y paree que " me en eft plus éclairée , plus for» tibce & p|us pnre , & qu'elle ac» qmert la fainte iiberré. Sur-rotu il » faur bien fe garder de s'en eonfe/fer: » c eft rrès-bien fait de ne s'en point " afcufer' Parce que c'eft le moyen •? de vaincre le démon, & d acquénr » un treior de paix. » 48- Satan , auteur de ces violen» ces, tache enfuite de perfuader i » larne que ce font de grands pêché*, » ahn qu'elle s'en inquiéte , & qu'elle »» navance pas davantaqe dans la vois » inférieure : c'eft pourquoi , pour ren»dre fts efrorts inutiles, il vaut mieux » ne sen point: confefler, puifqu'aufïï» Dien us ne font point péchés, pas - » menie véniels. » 4f< Par la violence du démon, » Jobfe fouilloit lui-même de fes pro"pres mains, dans le même temps» qu'il offroic des prières rrès-pures a » Dieu. C'eft ainfi qu'il faut expliquer » ce qu'il dit au chapitre 16 de fon » 11 vre - 7,eiieS font Ies lnf"ames maximes qui etabl.ffent 1'état d'obfeilion auquel les quiénftes livrent les ames foibles qu'ils dirigent- & 1'on va trouver, dansles- 1  de la Cadière. 45 faits de cette affaire , la pratique de la monltrueufe morale que 1'on vienc de lire. La Cadière, pénétrée des principes dont elle avoit été imbue , pendant un an , par un directeur qu'elle croyoit digne , a tous égards , de la confiance la plus aveugle', par un directeur qui avojc déja conduit une fainte en paradis , que tout le monde regardoic lui-même comme un fainr, & auquel fes fermons avoient acquis la réputation de 1'interprete le plus éclairé de la parole divine ; ayant d'ailleurs 1'imagination affoiblie par la leclure des hiftoires extatiques, & le cccur échauffc par 1'ambition d'être regardée dès ce monde comme une prédeftinée, fe crut obfédée. Elle en fut d'autant plus intimementconvaincue , que fon oracle 1'avoit forcée d'accepter eet état, ou du moins 1'avoit laiffée ibre a eet égard. A peine fut-elle livrée aux impreffions de fa prétendue obfeflian , qu'elle fut fans ceffe affaillie par des vifions d'impureté , par une impoffibilité totale de prier : elle eut des extafes prefque continuelles , & des convulfions forc fréquentes, pendant lefquelles fes  4<3 Hijloire du proces membres fe roidiffoient , fon col fe gonfioit au niveau du menton ; elle n'ouvroit Ia bouche que pour proférer des blalphêmes & des imprécarions hornbles. Ces faits font atreftés par une foule de témoins dignes de foi , qui dépofent même que les convulfions étoient fi violentes, que trois hommes avoient beaucoup de peiuiè a lacoinenb. Ces accidens devenus fréquens , 6tèrent a la Cadière la liberté de fortir de fa maifon aufli fouvenr qu'elle le faifoit auparavanr. II fallut interrompre ces vifites fréquentes , & ces ip-ngs entretiens qui fe faifoienr, rantót aii parloir des Jéfuites, tan tót dans 1'églife , & tantót au confeflionnaL Le directeur ne voulur cependant pas perdre la récolte des fruirs qu'il' avoic femésj il pric le parti de rendre les vifites qu'il ne pouvoit plus recevoir. II eft conft^t , & par les dépofitions d une foule de témoins , & par les propres aveux du père Girard , que ce Jéfuite alloittrès-fréquemment dans la maifon de la Cadière • qu'il y alloit a routes les heures , tant du maan , que du foir, & qu'il n'en fortoir qu'après un fort long temps (,v). II employoit (i) Louis Remouil, ;e. témoin j Clairc  de la Cadière. 47 prefque tont fon temps en tête-a-tête avec fa pénicente , & même enfermé feul avec elle dans fa chambre. Comme ce poinc de fait eft un des plus importans de cette affaire , il exige d'être approfondi. Claire Bérarde, onzième témoin , dépofe que , dep.uis le carnaval dernier (elle dépofoit le x décembre 1750) jufqu'environ au 5 du mois de juin d'après , le père Girard , recteur des jéfuites, alloit prefque tous les jours voir la Cadière dans fa chambre , qu'ilfermoita clef > 6k n'en fortoit que fur le foir, y enrrant ordinairement entre une & deux heures aprèsmidi. Elle étoit domeftique dans la Eiienne , ioc; Claire Baarde , nc; Louis Remouil, nis , 14e Francois Garnier , if j Catherine Artigues , 3 6e ; Catherine Garnier, 57c ; Marguerite Ricaud , ff'; Claire Beringtiier, y7c ; Catherine Bover , j9e ; Gabrieile Aube , éie 5 Pierrc Maiffrem , 63°; Sufanne Gallone , 90= j Claire Sauvaire , 9 ie, MarieAnne Calas , ?SC i Claire Duran.d , ioic. On ne confronta point avec le père Girard les 90c & 9ie témoins, qui difent 1'avoir vu aller feul chez la Cadière 4 ou f fois, y ou 6 fois , 1 o ou ii fois; nonplus que Madelaine Julien , qui dépofe qu'il s'enfeimoit feul a clef dans la chambre de la Laugier,  48 Hijioire du procts maifon de la Cadière, & par conféquenc témoin oculaire. £lie ajoute , dans fon récolemenc, qu'unjourle père Girard ayant troiivé le père Cadière , dominicain , dans la cfiambre de fa fceur avec elle , il 1'en fit fortir , difant qu'il avoit des affaires avec fa pénitente. Le quarorzième témoin dépofe que la fervante lui avoic dir, en préfence.d'autres perfonnes, que , quand le père redeur étok avec la Cadière, il ordonnoït de ne pas s'approcher erop pres de la chambre qui étoit ferme'e. - Le père Girard, dans fon premier inrerrogatoire , n°. 83 , dir qu'il avoue avec la même Jimpüciié & la même pureté d'intention qu'il avoit alors, qu'il eft vrai qu'il s'eft trouvé fermé d clef dans la chambre de la Cadière ; que ca n'eft arrivé que huit ou neuf fois au plus. Que tantot c étoit lui, & tantöt la Cadière qui fermoit la porte ; que la chofe étoit fecrete & fans fcandale , & qu'il n'a fait ce qui lui paroit aujourd'hui une imprudence comme aux autres 3 que par une efpece de néceffuê. Dans fa confrontation avec 1'abbé Cadière , celui-ci lui reproche les fréquentes vifites qu'il faifoit a fa fceur, 8c les longs entretiens qu'il avoit avec elle,  de la Cadière. 49 elle , enfermé dans fa chambre avec Ia clef. Le jéfuite lui répond que ce n'eft. que la nécejjité qui Va engagé d fermer, ou d laiffer fermer la porte de la chambre de la Cadière ; que les parents même riauroient jamais feu qu'ils avoient été enfermés enfemble , fi la Cadière ne le leur avoit dit depuis le procés commencé. Le^ p. Cadière , dominicain , confronté avec le jéfuire , lui a foucenu que , pendant trois ou quarre mois c«nfécutifs , il s'étoit enfermé a clef dans la chambre de fa fceur , avec elle, dans le temps même que fa règle, fes ftatuts lui défendent de s'enfermer a clef dans une chambre, & ordonnent aux confefleurs d'avoir toujours un compagnon qui foit préfent lorfqu'ils vont voir quelque pénirente. II lui foutint encore qu'un jour que le p Girard vouloit être feul dans la chambre de fa fceur avec elle, la clefne s'écant pas rrouvée, il la fic chercher par-tout, afin de pouvoir s'enfermer. II eft donc conftant, & par les dépofitions , & par les aveux du directeur lui - même , qu'il avoit de fréquents & delongs tête-a-têtes avec fa pénitente, & qu'il prenoit les précautions les plus füres pour ne point être Tome II. C  ^ o Hifioire du procés _ interrompu. Ne cherchons point encore a pénétrer les myftères qui fe célébroient dans cette chambre; nous tacherons de les découvrir dans le récit de la procédure , qui pourra nous apprendre , comme le difoit le p. Cadière dans fa confrontation au p. Girard , qu'il ne s'y occupoit pas a dire fon pater nofier. Obfervons cependant un fait qui aura dans la fuite une application bien intérelfante , & qui fe concilie alfez bien avec un des. principaux chefs de 1'accufation intentée par la Cadière. Le p. Girard fe rrouvoit fouvent enfermé avec cette dévote dans le temps de fes convulfions. On lui demande , a cette occafion , lors de fon interrogatoire , art. 57 , s'il fa vue au lit dans fon état d'obferfion ? 11 répond quoui ; mais qu'elle étoit habillée dans fon Ut. On lui demande fi les mouvements convulfifs dont elle étoit agitée , ne lui faifoient pas commettre des immodefties. Non 3 dit-il , ellè ne faifoit que roidir les bras & fe plaindre de ce quelle foujfroit. Mais , ajoute - t - on , étie^vous feul avec elle , & qu'y faife^-vous ? \\ ne répond pas a la première partie de 1'interrogatoire; il fe contente de  de la Cadière. 51 dire , qu'// attendoit que l'accident fut paffe pour parler de Dieu. Cependant le p. Girard jouifïoit paiflblement de la réputation de faire des faintes j & la Cadière palfoit univerfellement pour une de ces prédeftinées. Et comment une fille, qui étoit un fujet perpétuel de miracles , qui en faifoit elle-même, n'auroit-elle pas eu , dans le monde , la vénération qui accompagne toujours 1'idée de fainteté ? Entrons dans le détail de ceux qui s'opéroient, tant fur elle-même > qu'a. fon occafion , & par fon interceflion. Le premier dont il foit fait une mention exprelfe dans la procédure , eft Ie motif qui ia détermina a choifir le p. Girard pour directeur. Plufieurs témoins ont attefté qu'elle leur avoir dit que Dieu lui avoit montré ce jéfuite dans une vifion , comme 1'homme fous la direction de qui le fainr-Efprit devoit Ia conduire j & que la première fois qu'elle 1'appercur, elle entendit une voix inférieure qui lui dit 1 ecce homo. Quelques-uns ont mcme ajouté qu'elle leur avoit raconté que , lorfqu'elle 1'alla chercher "en conféquence de eet avertiffement myftérieux , il lui dit: mademoifelle , il y avoit huit jours que je vous C z  5 2. Hifloire du procés atundoh: ils ne fe connoilfoient cependant ni ï'un ni 1'antre. Elle a toujours avoué , dans fes différentes réponfes, la première partie de cetre hiftoire ; mais elle n'a jamais fait mention de la feconde. Voici la copie d'un mémoire dont cette fille eft- auteur , & qu'elle aremis au p. Girard , pour qui elle 1'avoit fait: « Pendant le temps de la vie de la » fceur de Remufat, les différentes fas> veurs dont le Seigneur a bien voulu a> me combler a fon égard , ont été de » me la repréfenter , rantöt comme » étant parfaitement unie avec lui , 3> rantöt me montrant fenfiblement le »> point fixe, & le dégré fpécifique s> de fon érroite union avec fon cceur » adorable, tantót enfin, comme élevée s> au-deffus d'une infinité d'ames faintes 33 & illuftres par leurs hautes vertus 53 dans cette bienheureufe région , qui » en faifoient routes comme 1'objet de 53 leur admiration. 33 Le lendemain de fa mort, ( cette morr arriva le io Février 1730 ) fur >. la matin , je me fentis faifie d'un 53 rranfporr fi univerfel dans tous mes ês fens , qu'ils furent comme abforbés; s> §c, dans 1'inftant même de eet excès  de la Cadière./ » intérieur de joie que je relfentis y » 1'on me fic connoïtre de me metcre » a genoux , pour remercier le Sei» gneur des grandes miféricordes qu'il » venoir d'accorder a la fceur Anne » Madelaine , nom qui m'étoit in» connu , & qui ne me fur manifefté « que dans ledit moment. » Quelques jours après, ayant appris „ fa mort par la voie de mon conféfj> feur , ce qui me vérifioit évidem33 ment les connoiffances que le Sei33 gneur m'avoit données quelque temps v auparavant , fur ce fujet, je me re>s tirai dans ma maifon ; & érant toute 33 feule enfermée dans ma chambre, je 33 relfentis , dans 1'inftant même, une ss ü grande douleur dans routes les paris ties de mon corps , qu'elle me ré33 duilit dans une efpèce d'agonie , ou 33 le Seigneur me manifefta le point de 3j gloire dont fon ame jouiifoit dans le 33 ciel : & , pour me donner un té33 moignage évident du bonheur que 33 je venois de relfêntir, elle m'acn corda , dans le moment , la déli33 vrance entière d'un état d'obfeiTion: 33 dont j'étois tourmentêe depuis en33 viron quatre mois, & dont j'en *3 éprouve de plus en plus les eftets » particuliers. C }  54 Hijloire du proces » D'autres fois je 1'ai vue profternée » au pied du rrène de la miféricorde, » demandant des graces particulières » pour foutenir fon cher père. Quel- quefois je 1'ai appercue polfédanr le 33 même dégré de gloire que la bien33 heureufe mère fceur Marie'a la Coque. 33 En dernier lieu, un jour que 33 j'étois couchéej fur les huk heures 53 du foir , le Seigneur me fit la grace »> de me montrer une multitude in33 nombrable d'anges qui portoient en 33 triomphe, dans une chaife, fon cceur 33 avec des acclamations de joie , 33 chantant des cantiques de joie &C » d'allegrelTe, au-devant de laquelle 33 j'appercus en même - remps monfei33 gneur de Marfeille , revètu de tous 33 fes habits pontificaux , qui afliftoit a 33 cette cérémonie , la mirre duquel s* étoir portée par des anges. 33 Voila , mon révérend père, les »? connokfances les plus juftes dont le 33 Seigneur a bien voulu me favorifer. 33 On voit que ce mémoire étoit adreffé & futremis au p. Girard , qui le conferva précieufement comme un monument, & une preuve par écrir de la poffeilion oü il étoir de faire des faintes. Mais les chofes prirent une tournure qui ne lui permit pas d'en faire eet ufage,  de la 'Cadière. 5 j 11 le préfenta au contraire a fes Juges , comme une fuppofition de la pare de la Cadière , qui avoit voulu , difoir-il, lui en impofer. ( 11 produifie encore un autre memoire contenant un détail fort long des miracles opérés fur fa pénitente, & des vifions béatifiques dont elle fut favorifée pendant le carème de 1730. C'eft le fameux mémoire du Carême, dont li fera fouvent queftion dans le récit de la procédure. 11 eft beaucoup trop long , pour qu 011 puiffe le tranferire ici. D'ailleurs , il eft rempli de réflexions myftiques dont lalecture n'a rien d'intéreftant. On va fe contenter d'en faire un extrait fufh,fant pour en donner 1'idée. « Le 21 du mois de février, Dieu j> lui fit entendre qu'il vouloit la con» duire dans le défert avec lui, pour y pafferla fainte quarantaine , pendant „ le cours de laquelle il vouloit la nour,i rir , non point du pain des hommes, n mais du pain des anges , ■& de fa » feule grace. 11 lui fit connoïtre qu'il » vouloit l'affocier a fon état de fa» crifice , lui montrant a eet effet un » calice qu'il tenoit entre fes mai-ns , » & lui dédarant que c'étoit-la la noi*C4  $6 Hiftoire du procés » veile alhance qu'il vouloit contracter » avec elle pour i'expiation des crimes » d'une infiniré de pécheurs, quipro» fanoienttous les jours fon faint.no/», » & dont il vouloit qu'elle farisfïta fa » jüftice, comme victime agréable a » fes yeux. » Elle eut beaucoup de peine a fe » dérerminër a 1'horreur d'un tel fa» criiice ; mais elle fe laiffa convaincre » par les raifons dont le Seigneur » combattit fa répugnance j & auffi» tót elle vit tous ies différents genres » de crimes , comme inondant toute » la furface de la rerre ; elle fe féntit » revêtue & chargée de tout leur poids, » ce qui lui caufa une douleur inex» primable, qui pénétroit toutes les » parties de fon corps; toutes fes puif» fances n'étoient que pêché, abomi» nation , profanation , Sc violement » exécrable des faintes loix. La dou» leur fut fi forte , qu'elle exprima , » de toutes les parties de fon corps, » une quantité de fang qui ne fe tarit » qu'a'la fin du carême, & dontl'é» coulement fut accompagné d'une fié» vre continuelle. » Le huitième jour du carême , » étant retenue^dans fon lit par le  de la Cadière. 57 o nombre de fes infirmités , une main » invifible lui ravit tout d'un coup j> toutes fes puiflances : elle vit le cceur „ de J. G. percé de toutes parts , d'ou 3) découloient des ruifteaux de fang fur 33 un certain nombre d'ames dont la 33 Cadière étoit devenue la propiria33 tion & la victime. Son cceur ffft j3 auffi percé par participation; & il fe forma , en même - temps , une j3 plaie extérieure a fon cöté , d'oü il >3 fortit dn fang en abondance, & qui 33 continua de couler fort long-temps? » après. ,3 Le dixième jour, après avoir com» » munié a la mefle, elle vit un rayori n de ce pur amour qui anime les faints. 33 dans le ciel } elle en fut tellement 33 ravie , qu'elle auroit voulu mourir n fur le champ pour le pofféder : mais n une voix lui dit que cette poffeffiotv n étoit impoftible quand on eft fur la j3 terre, paree que ce feu eft de teller n nature, qu'il réduiroit encendres Ifr 3» corps humain. » Le onzième jour , aufti-tot qu'elle >t eut eommunié , Dieu lui fit con*>■ noitre de fe retirer au plus vïte darrs» fa chambre. A peine y fut-elle ar» rivée, qu'elle eut une extafe, persC %  5 $ Mïfioire du proces » dant laquelle elle vit diftinótemenc » le myftère de la fainte Trinité. Je ,> compris dit-elle, que Dieu le pèrer 5» avoit été de toute éterniré , & avant » tous les temps j qu'en fe connoiflanr » il engendroic fon fils , & que 1'a» mour mutuel de 1'un 8c de 1'autre » produifoit le faint-Efprit, qui eft le » nceud & I'union indiftbluble des » deux autres perfonnes.. Je compris» aufli que Ie fils étoit 1'objet des » complaifances de fon père, le mi» roir fans tache de fes adorables » perfedbions ; que le père eft impro» duit, 8c toujours produifant; qu'il » eft incréé, non compris & libre » également. Tous les troisfont inrs> £nis , immuables , non compris, » non créés 8c libres. La puilfance eft » au père , ia fagefte eft au fils, &c 3> lamout eft au faint-Efprit. » Le douzième jour, étant -dans fa. « chambre, occupée i des ouvrages. » manuels, elle vit J. C. de la même » manière qu'il étoit fur la terre, &c # elle 1'entendit inftruirefes Apórres... « Le treizième jour,, elle vit uw » échantillon de la gloire de Dieu. » Elleappercut Ie tröne de la divinité, » & en même-te.mP5 3 neuf «ieux, oa  de la Cadière. 59 n chaque faint fe trouve placé felon le 93 dégré de gloire qu'il a mérité. Du 33 tröne fortoit un fleuve tranfparenc 33 comme du criftal , qui paffoit a tra33 vers ces cieux , fe répandoit Sc fe 3, communiquoit a chaque faint, a ■»3 proportion de leur dégré d'amour Sc •33 de vertu : ce dégré d'amour, de ■v> gloire & de vertu retournoit tou3> jours a fon premier principe. » Le quatorzième jour , la vue desj> péchés des hommes d'un coté, Sc 33 de la bonté divine de 1'autre , lui 33 caufa une douleur fi vive , qu'elle b »3 eéduifit aulit, & lui caiaia un cra3> chement & une perte de fang trés»3 confidérables , fans pouvoir y appli33 quer aucun remède , ni prendre v 33 pendant tout le carêtae , d'autre n nourrirure que de 1'eau. « Le quinzième jout, J. C. laï r> apparutdans la même fituarion qu'il » étoit quand il fortit du prétoire ; il * lui fe obferver jufqu'a quel poinc 3» alloit 1'excès de fon amour pour le# 33 hommes , & lui demanda fi .elle n© t» voulok pas bien coopérer avec lui is la eonverfion des ames. EUe .sbffrie ■a aufii-tot en facrifice pour fouffrir.avec: j» ha toutes les ignominies „ les^pr  6o Hijloirc du procés i> probres, les douleurs, les maladies Sc » les marryres les plus rudes pour lui » procurer la gloire de quelques ames » qui lui ont couté tout le prix de fon » Le feizième jour, elle vit dé» couler le fang du cceur de J. C. fur n un million d'ames \ mais il n'y en 3» avoit qu'une a qui le mérite en fut " appliqué. » Le dix - feptième jour, étanr au » falut dans l eglife des Carmes , Sc » ayant jetté les yeux fur Ie faint facre» ment, elle eut un regard , tel que » celui qui bleiToit 1'époufe des cantivj ques j Sc elle en füt morte , fans un » chant mélodieux qu'elle entendit » tout d'un coup qui la fortifia. 3» Le dix-huitième jour, ayant com33 muniéaux Jéfuites, pendant la melfe, j> elle vit un globe de feu venir 33 fondre fur elle , Sc qui Ia purifia tel3> lement, qu'il lui donna 1'agilité des 33 corps que nous n'aurons qu'au jour » du jugemenr. Elle fe trouva élevée » trois pans au deïfus de terre. L eglife » étoit pleine ; il n'y eut cependant » qu'une ame qui 1'appercut dans eet » état. sj Le dix-neuvième Joar, étant ea  de la Cadière. 6i u méditation dans fa chambre, elle » fut élevée d'environ huk pans au> n deffus de la terre. Elle appercut alors » la trinké comme enveloppée dans un »> builTon , oü le père Sc le fils tenoient » une couronne en main. 11 fortic une m voix de ce buiffon qui lui dit: ma j> fille , je vous unis d moi d'une ma» nière fi fpéciale j que vous navie\ » pas encore recu une pareille faveur » de ma pare; d l'avenir il vous fera n permis d'entrer dans mes f eer ets. Elle »> comprit alors la fainreré de la juftice » de Dieu , 1 etendue de fa miférij» corde , 1'économie de fes deffeins » particuliers fur les ames, le fond des » cceurs, la profondeur de la mer , » 1'étendue de la terre , la hauteur des » cieux , 1'arrangement & le cours des « aftres ; enfin, les décrets incompré» henfibles de la prédeftination fur les n créatures ; con\bien il eft égalemenc » jufte en fauvant l'un , comme en pu,> niffant 1'autre j enforte que, parmi n de fi hautes connoiffances , elle ne m put que- s'écrier: vous êtes jujle, »■ Seigneur , & vos jugements font èqui» tables; ou comme parle l'apötre : ó » profondeur ƒ ó abyme ! ö fagejje ! Ó i> myfikre impénétrable ! qui te con-  6& Hijioire du procés »» noitroit, ne pour wit pas s'empêcher ■» de t'aimer, >r Le vingtième jour, fête de faint » Jofeph , étanc a la mefle, elle vit » trois cieux , & fe trouva ravie auj> dernier. Saint Jofeph , qui étoit n a ce dernier, defcendit a elle , 6c « lui remkrEnfantJefus dans fes bras.;, » elle eut le bonheur de le ferrer contre » fon fein , & d'en recevoir beaucoup " d'inftruórions. Cette vifion fit plaee » a une autre. Elle vit defcendre faint » Jean i'évangélifte , tenant en main. 5» un livre fee Hé de fept fceaux: ii » 1'ouvrit, & y écrivk en gros carac» tères : Marie-Catherine, Jean-Bap" tlfiZ' (C'étoit fon nom de baptêrne j, » & celui du p. Girard.) Saint Jean » ferma le livre, fut le préfenter a. » Dieu le fils , qui pp fa la main delfus „ » en difant:. je jure par moi-même que~ » ce qui eft écrit eft immuable. Elle vit » alors une grande croix que J. C. fou- * tenoir avec la main droite, a la» quelle il la crueifia lui-même ; 8c » elle fentit par amour toutes les dou- * leurs qu'il avoit fenties a fa paflion. * Les imprelfions ne furent cependant » qu'intérieures. s* Le vingt-iuaième jour^ elle étok.  de la Cadière. 63 « fi accablée des douleurs de la veille » qu'elle ne put aller a la meflè ; mais 3» une «ïultitude d'anges lui apporrè» rent, dans un fainrciboire ,. ie corps » de J. C. en lui difant que celle qui » ne fe nourriflbit plus de viandes » corporelles ,. devoit recevoir celle » des faints. » Le vingt-deuxième jour , elle fut »» encore ravie au ciel, ou elle vir la n fainte Vierge dans tout 1'éclat de fa n gloire, élevée fur un rrone au-deflus » des anges & des faints de toute con55 dition , qui chantoient la falutation » angélique. 35 Le vingt-trorfième jour,. elle eut vr une révélation fur la nature des an33 ges , & vit qu'ils font moins par« faits que les faints. 33 Le vingt-qaatrième jour,. Dieu< 9$ fe manifefta a elle, & lui déclara33 qu'il ne 1'avoit mife au monde que. s» pour faire éclater fa puiftance, fa. j5 gloire, fon amour , & pour mon* J3 trer jufqu'a quel point il peut fa» vorifer une ame des cette vie même--, 35 quand elle lui eft fidéle. Elle fut en» 33 fuite introduite dans le conclave de 3» la Trinité, oü elle vit Dieu , tel53 qu'il efL  ^4 Hijloire du proces » Le vingt-cinquième jour, elle vrt » encore lagloire céiefte j le Seigneur la » prit par ia main , & lui dit: ma " fitte , avance^ , paree que je veux » vous conduire dans mon magnifiqüe » pa/ais , & vous montrer le bel oit» vrage de mon louvre. Elle en fait er> » fuite une defcription auffi extrava» gante que faftidieufe. » Le vingt-fixième jour, Dieu étoit « prêt a. exterminer tous les pécheurs , » quand il lui- fit connoitre que , fi » quelque ame jnfte vouloit s'offrir en » viótime pour 1'expiation de leurs » crimes , il étoit tout porté a leur » pardonner. Elle ne manqua pas de >y s'offrir, & d'être agréée. Elle fut fa*. » lieal'inftant dedouleurs fi violentes, » qu'elle tomba dans une agonie mop» telle; Hcou!a,de toutes fes veines , » une fi grande abondance de fang, quort » la trouva y nager au milieu de fon » Ut. » Le vingt - feptième jour , elle » tomba dans une extafe fi fenfible , » que tous fes parenrs s'en appereu»> rent; & la , Dieu lui fit connoitre » qu'il ne pouvoit pas élever fa créa>» turea un état plus haut, qu'en 1'af. » lociantifonétatdefacrificej pui%fc  de la Cadière. 6$ „ bi feul 1'ayant rendu fobjet des „ complaifances de fon père , la créa„ ture qui s'y conforme doit s'attendre » a devenirégalemenr très-agréable au » Seigneur. Elle demeura dans eet état „ de fouffrances , jufqu'au famedi de » la quatnème femaine du carême. » Le dimanche des rameaux, elle » vit J. C. vètu comme quand on étoit »> prés de le crucifier. Lorfqu'elle eut „ entendu la melfe, fe préparant i » communier par une méduation fur „ 1'entrée triomphanre du Seigneur i „ Jérufalem , elle fe rappella que per» fonne.ce jour-la, ne lui avoir donnea » diner j elle défira ardemment d'avoir » vécu alors pour avoir pn favre une » acVion fi charitable & fi fainte : Dieu, ,y pour récompenfer ce pieux fouhait, » lui fit gourer la douceur & 1'effica» cité de fon fang, dont elle fentit fa » bouche véritablemenr remplie au „ moment même qu'elle eut recu la » fainte hoftie. Toute la nuit fuivante, >, elle fut dans des douleurs & des » extafes continuelles j elle fut rranf» portée dans le fein de Dieu même, „ qui ne cetfa de lui répéter tout ce » que l'époux dit de plus tendre a » 1 epoufe dans le cantique des cami-  66 Hiftoire du procés 55 quf-.E1|e fait une longue Sc fad« » deicnptiondetoutce qu'elle vit, & •» de r°ut ce qu'elle fentir. » Les trois premiers jours de la fe" malne fai"te fe palfèrent dans des » douleursfi violences, que Dieu feul » qui les caufoit, pourroir, dit-elle *> les revéler. 5 » Le jeudi faint, fon mal 1'empêJ» cha dallet a 1'églife ; mais elle n'y « perdn rien. Elle fe trouva d la cène « que J. C. céiébra avec fes apötres,. » & communia avec eux. Après cetre » vifion , elle en eut une autre ; mais. » elle ne peut larévéler, paree qu'on » lui impofa , a eet égard , un filence « eternel. La nuir, elle affifta a toute * ia paffion de J. C. dont elle fait un » detail en raccourci; & tout ce que » e Sauveur fouffroit par amour, elle » le fouffroit de fon cöté par juftice » Le vendredi, elle fut, comme le » Sauveur , chargée d'une croix , & » elle arnva, avec lui, au lieu du » fupplice. Elle fut emeifiée comme » lui; comme lui elle eut une cou" ronne d'épines enfoncée dans la tête, » qui lui fit couler une grande quantité » de fang fur fon front, & fltr tour " fon vlfage; fes pieds & fon cöté  de ta Cadière. 67 » furent percés, & 1'impreïnon de ces „ ftigmates, ainfi que celle de la cou„ ronne, fubfiftèrent long-temps apres, » Elle defcendit aux limbes avec le „ Sauveur , & vit les. ames qui fat„ tendoient pour les délivrer. Elle 1'ac„ compagna au ciel, fuc témoin de 1'accueil que lui fit le père éternel, » & des réjouiflances qui y furent cé» lébrées a fon arrivée. Elle vit enfuite » fainte Thérèfe & fainte Claire fe dif„ puter chacune la gloire de 1'avoir dans » fon ordre j & J. C. consultant fes „ intéréts & fa gloire 3 décida en faveur * de fainte Claire, & adrefla enfuite » ces paroles a la Cadière : ma file > » je voudrois bien vous laiffer jouin » du bonheur que vous goute\ ; mais » il faut encore travailler pour ma n gloire. Je ferai ma demeure en vous „ comme dans le ciel 3 & habitant dans » ma grace , facheverai l'édifice dans » un repos éternel 3femblableau temple » de Salomon 3 qui fit conjlruire tout „ ce fuperbe édifice fans donner un coup „ de marteau. Je me montrerai d vous » tel que je fuis en moi-même, & tel » .que perfonne ne m'a jamais vu fur » la terre. Je vous purifierai parfaite» ment t & je vous rendrai capabk de  68 Hijlolre du proces » me voir. Garde^ bien ees paroks. » tuMÓt vous en verre^ Veffet. Voili bien des vifions , voila bien des faveurs- mais que doit-on penfer de la religion du directeur , qui, non contenr de ne pas condamner ces prerendues & fcandaleufes vifions , induit fa pénitente a en repaitre fon ïmagination ? Continuons Ie récit des miracles. Le deur Camerle, quarante - huitième temom, au dix-feptième & dix-neavieme articles de fa dépoficion, rapporte que les deux frères Cadière, tant 1'eccléfiaftique que le dominicain, lui ont dit qu'un ange avoir fouvent communiélsur fceur, & que, lorfque te p. Recteur difoir la melTe, une pamede 1'hoftieconfacrie lui manquoit quelquefois , paree qu'un efprït célefte 1 avoit enlevée pour en aller commanier la Cadière. La dame Guerin , religieufe d'OIlioules, vingt-fixième témoin, arteffe au troifième article de fa dépofition ' quun jour que le p. Recïeur entra dans le couvent, Ia fceur Beauflier , aurre religieufe, lui dit que la Cadière ayant eu, ce jour-ia même , une transfigufation, elle i'avoic vue communierj,  de la Cadière. G$ qu'ayant raconté ce prodige au p. Girard, quand il enrra dans la chambre de fa pénitenre , il lui répondit : ne voide\-vous pas que je le fache 3 puifque c'ejl moi qui 1'ai communièe ? & s'adreffant a la Cadière qui étoit couchée , il lui dit: ah ! petite gourmande, vous vene\ toujours me prendre la moitié de ma portion. Deux autres religieufes atteftent , dans leur dépofition , avoir entendu rapporter le même fait par Ia fceur Beauflier. Lep. Cadière, dans fon inrerrogatoire par atténuation, n°. 29 , foutient que M. 1'évêquede Toulon a dit plufieurs fois que, communiant Catherine Cadière, fa fceur, a la chapelle de fon chateau de St. Antoine, 1'hoftie fe détacha de fes doigts , 8c vola dans la bouche de cette fille. Enfin , il lui eft arrivé plufieurs fois , étant dans fon lit, arrêtée par la fatigue de fon obfeflion , de faire des fignes comme fi elle recevoit la communion. Ces merveilles , qui ne s'opéroient qu'en préfence d'un petit nombre de perfonnes, ne fuffifoient pas pour affurer, fans équivoque , la fainreré anticipée de la Cadière -y il falloit des fignes certains , que tout le monde put voir , & dont tout le monde püc  70 Hijloire du proces rendre témoignage; elle fut ftigmaS tifée. Quoiqu'elle eut eu dans fa jeuneffe 3 des glandes qui s'étoient ouvertes fur la parrie extérieure du col 3 jamais il n'avoit éré queftion de ftigmates avant qu'elle fut fous la direétion du p. Gilard : d'ailleurs, ils n'auroient pas pu abufer, ni 1'un ni 1'autre -3 d'une cicatrice placée fur le col pour faire croire que ce fut un ftigmate. Les marqués qui paflerenr fous ce nom , eroient placées aux pieds } aux mains & au coté, comme-celles quireftèrent au Sauveur après fa réfurrection. Suivons ce phénomène & les preuves qui en font confignées dans la procédure. Le p; Cadière , dans fon interrogatoire, attefte avoir vu , avec le p. Grignet, jéfuite 3 les ftigmates de fa fceur j. qui éroient deux plaies aux pieds 3 larges comme la tére d'un cloud , feignant continuellement, & comme une piquure d'épingle aux deux mains. On lui demande fi elle n'avoit pas aufti une plaie au coté; il répond que fon état ne lui permettoit pas d'avoir cette curiofiré ; mais qu'il avoit oui dj re qu'elle en avoit une a chaque cóté. II  de la Cadière. yt ajoute , dans fa confrontation avec fa fceur , qu'il n'a point feu j ni pu croire qu'elle fe fok faite ces plaies_, puik qu'elles étoient toujours égales , ne produifant, ni pus , ni croute. Dans fon interrogatoire 3 article 77 , il dit qu'un jour il vit fa fceur dans fon lit, avec une face cYecce homo 3 dire la meffe , quoiqu'elle fut immobile j 5c fans aucune connohTance j ajoutant qu'après elle fut crucifiée dans fon lit, &c qu'a 1'impreffion de chaque cloud , foit aux mains foit aux pieds enfuite au coup de lance a fon cöté, le lit oü elle étoit couchéetremblok ; &c que le p. Grignet, jéfuite , qui étoit préfent a ce fpe&acle 3 dit ces paroles : il faudroit que le public fut témoin de ceci; ce fpeclacle feroit capable de toucher des Turcs & des rochers 3 en fondant en larmes j autfi-bien que tous les fpeófcateurs. Marguerite Truque, quarante-quatrième témoin , dépofe que , vers les fêtes de Noël 1729 , temps ou la Cadière jouiiToit de toute fa réputation, elle panfa plufieurs fois une plaie que cette dernière avoit au cöté gauche , de la largeur de l'ongle j & qu'elle diminuoit a proportion S>c a mefure des  jz Hzjloire du proces panfements qu'elle y faifoit. La Cadière lui fit enfuire la confidence qu'elle avoit mal aux deux pieds , qu'elle y trouva effeócivement une grande plaie, de la largeur d'un écu , rouge, livide , Sc qui communiquoit de 1'enflure aux doigrs j qu'elle la panfa plufieurs fois, Sc lui rendit la faculté de marcher; que la Cadière lui avoit toujours recommandé lefecret, paree que, fi cette infirmité venoit a la connohTance de fa mere, comme elle 1'aimoit beaucoup , elle pourroit s'en affliger. Quelque temps après , la Cadière lui dit que fon cöté n'étoit pas entiérement guéri : elle ne fit pas alors ufage de 1'onguent qu'elleavoit appliqué d'abord; celui qu'elle employa étoit corrofif, Sc avoit la vertu de guérir les chairs baveufes. Elle regardoit au furplus ces plaies comme provenant de la mafle du fang , paree qu'elles fluoient du pus. Elle avoit, avec le même onguent , guéri 1'abbé Cadièfe d'une fiftule fous 1'oreille, Sc d'une enflure fous le bras ; & 1'on avoir toujours foin , dans cette maifon, d'avoir une provifion de fes remèdes. La Cadière dit elle-même, dans fa réponfe au cent cinquante-deuxième interrogatoite,  de la Cadière. 73 Tnterrogatoire , qu'elle a eu réellement & tres-fouvent une plaie au cóté , qui s ouyroit & fe -fermoit naturellemenr; qu elle en a eu une aux pieds Mais que peut. être ces plaies ne venoienc que de fon fang extrêmement échauffé par fes abff inences , jointes a quelques petites maladies naturelles , qui donnoient heu a fon mal: & elle convient, dans fa confrontation avec Marguerite Truque , que ce!le-ci avoit effeéfivement panfé fes plaies. Le fieur Giraud , vicaire perpétuel de 1 eghfe cathédrale de Toulon , fecond témoin de l'information, dépofe, art. 12. qu'ayantun jour été appelié dans la Chambre de la Cadière , pour etre témoin des merveilles que Dieu operoit fur elle, la Guiol découvric ie pied gauchede la prétenduefainte, qui ecoic dans fon lir, ótaune bande qui enveloppoit ce pied , & dit: voila un Jctgmate. Le depofant 1'ayant regardé appercut une plaie fur la partie fupéneure du pied , qui ne lui parut pas profonde. Il refufa de voir les ftia. mates de 1'autre pied & du cóté. & La WBoyer, novice au cou'venc de la Vifitatiou a Toulon, feptième tcmom , depofe qu'un jour la Cadière lome II. £)  74 Hijloire du procés lui montra fon pied qui étoit fans bas dans une bande de toile 8c une compretTe qu'elle défit, 8c vit effedtivement une plaie au - deffus du pied , mais qui ne percoit pas , dans laquelle elle mit fon doigt qu'elle fuga , la croyant une plaie miraculeufe , 8c aarda la comprelTe comme une relique. " Claire Guérin, religieufe-a Ollioules, vingt-feptième témoin, dépofe qu'étant entree un jour dans Ia chambre de la Cadière , elle y vit un bouchon rouM a'-fait proportionné aux trous des plaies qu'elle avoit aux pieds. . ^ Le quatre-vingt-quatorzième témoin, n°. i&fuiv. dépofe qu'un jour que la Cadière étoit en extafe dans fon lit, elle tira de deffous fa couverture , fes mains d'oü le fang découloir. Ce témoin attefte avoir vu ce fait de fes propres yeux, 8c ajoute avoir oui dire que, pendant cette extafe, lafupérieure ayoit Frotté avec un linge 8c elfuyé le dedans 8c le dehors des mains de la Cadière, 8c n'avoit trouvé, fous ce fang, aucune marqué de blelfure. Elle ajoute encore avoir oui dire qu'une autre fois la Cadière avoit montré aux rehgieufes fes mains , oü il y avoit une blelfure au-delTus Sc dans le dedans j 8c , dans  de la Cadière. yc fon récolement, elle dit que par cetre blelfure, elle a feulement entendu qu'il y avoir une marqué rouge de-ftus & dans la main. La Gravier dépofe que la Cadière ierant allee voir un jour , elle lui montra une plaie au cöté, autour de laquelle il y avoit du fang fee, ïe tout fi bien.fait, qu'il fembloit être peinr. Elle ajoute qu'un autre jour elle aüa avec la Berluc voir la Cadière dans le temps qu'elle étoit au couvent de Ste Claire d'Ollioules • qn'après setre Iong-temps entretenues au paro?r des graces dont Dieu la combloit, la depofante pna la Cadière de mon. rrer les ftigmates i la demoifelle Berluc; a quoi elle répondit; je veux bien le Jaire, mais je vais auparavant voir fi lesrehgijufes ne font point la : & elle y fut effeóhvement, refta environ un quart d'heure fans revenir; Sc' i fon rercmr, elle montra la plaie du cöté feulement, qui prut fi bien faite , qu elle foupconna qu'elle venoit d'être pemte tout frakhement. Et Ia Berluc, qui eft le quarante - unième témoin ' attefte le même fait avec les mêmes circonftances , Sc ajoute qu'elle mit le doigt a la plaie , fans qu'il prïc aucuiïc empreinte de fang. £) &  76 Hifioiré du procés La dame Lefcor, religieufe Sc vingtième témoin , dépofe qu'elle a vu la plaie que la Cadière avoit au cöré , qui étoit faite a peindre j Sc qu'un jour qu'elle étoit tombée en extafe , elle la crut percée d'un trait de 1'amour divin , Sc que le lendemain, ayant vifité fa chemife a 1'endroit du cceur , elle la trouva teinte de fang. Une autre religieufe, qui eft Ie vingt-deuxième témoin , dépofe qu'elle a vu les plaies de la Cadière ; que celle du cöté étoit faite a peindre; qu'elle l'a vue une fois féche , Sc une fois fanglante. II n'eft pas fort difEcile d'entrevoir , par ces différents témoignages, ce que c'étoient que ces prétendus ftigmates. Mais, pour pénétrer la vérité avec plus de certitude , voyons ce que la procédure nous apprend par la bouche de la Cadière elle-même Sc du P. Girard, relativement a ces plaies. On a déja vu que la Cadière n'étoit pas fort éloignée de convenir que fes ftigmates étoient des plaies naturelles : mais elle a fait parokre cette difpofirion dans un temps ou elle n'avoit plus d'intérêt de faire illufion : examinons 1'ufage qu'elle en a voulu faire  de la Cadière. 77 lorfqu'on la prenoic pour une fainte, &c tant qu'elle a perfifté a les vouloir faire palier pour furnaturelles. Dans fon interrogatoire devant 1'Ofricial , art. 6, elle répond pofitivement qu'elle a eu fes ftigmates depuis le vendredi faint 1729; & dans celui qu'elle fubit devant les commiiïaires du Parlement d'Aix , elle dit, art. 75, qu'elle recut la plaie du cöté dans le commencement du carême 1729, Sc les autres ftigmates des pieds , des mains Sc de la tête, elle les recut le vendredi faint. Enfin , dans fon dernier inrerrogatoire fur la felletce , elle déclare que le premier mars , qui étoit le huitième jour de carême , elle recut une plaie au cöté , d'oü il fortit du fang ; que cette plaie étoit au cöté gauche , Sc qu'ellé en eut une autre le vendredi faint au cöté droit Sc aux pieds. Ces pecites variations ne font pas indifterentes , Sc annoncent au moins peu de mémoire, Sc par con'féquentpeu de fincérité; fur-tout, li on les rapproche de ce quele dominicain avoit dit dans fon interrogatoire , oü il fixe au huit mai , & par conféquent poftériéurement au carême Sc au vendredi faint, Ie crucifiement dont il fe D3  78 Hijloire du proces donne pour témoin. 11 faut encore fe rappeller ici les panfements dont parle Margüerite Truque, avoués par la Cadière dans fa confrontarion avec ce témoin , & qui avoient précédé le carême dont il eft ici queftion. On vienc de voir que , fuivant fon interrogatoire devant les Commiifaires du Parlement, elle avoit recu des ftigmates aux mains ; & fur la fellette , elle dit qu'elle commencoit d'en avoir aux mainsj mais qu'elle pria Diende 1'en garantir , paree qu'elles auroient été trop expoiees a être vues. Dans fon premier interrogatoire devant 1'Official, elle dit que fes plaies ont toujours été égales pendant deux mois', tk qua ia moindre infidélité elles fe fermoienr ou fe r'ouvroient. Quant au P. Girard , la Cadière dit, dans fes réponfes devant les Commiffaires , art. 15 z , que defirant ardemment recevoir de J. C. la faveur des ftigmates , elle fe perfuada d'autant mieux que fes plaies en éroient de véritables , qu'ayant ouvert la-deftlis fon cceur au P. Girard ., tk lui ayant même conté que les abftinences du carême lui avoient procuré cette grace , le P. Girard le crur,, Pouvoit - elle ne pas.  de la Cadière. 79 croire un fait dont fon directeur étoit perfuadé ? La fceur Bayer , religieufe , quatrevingt-dix-feptième témoin , dépofe qu'elle eut envie de voir les ftigmates que la Cadière avoit fur fon corps , ayant appris qu'une perfonne du mérite & deTefprit du P. Girard y ajoutoit foi , qu'il les avoit même, après les avoir confidérées avec attention &c vénération , baifées en fe mettant a genoux , & avoit öcé fa calotte. La Cadière cercifie ce fait dans fon interrogatoire devant les commiffaires; interrogatoire dansdequel elle fit tous fes efforts pour juftifier le P. Girard. Ctn en ver— ics r.;iibns dans ie redt de la procedure. Lép , dans fon intérrogatoi- fij qu'il regardoit po mme divins tous les evenements qui concernoient fa fceur, paree que Ie P. Girard aifuroic toute la familie qu'ils 1'étoient en eftet, cV qu'ils n ccoient rien moins que naturels. U Giraud, prèrre , dépofe qu':l demanda un jour a la Réboul , s'il étoit vrai qu'elle eur baifé les plaies de la Cadière , & entr'autres, celle du cöté : elle répondit que voyant que les D 4  öo Hijloire du procés prêtres, le P. reéteur lui-même Ie faifoient, elle les avoic imités. Lui ayant repréfencé qu'il nécoit pas convenabïe qu'une fille fe dccouvnt le fein devant le monde , elle répondit que cela lui faifoit de Ia peine , mais qu'elle ne faifoit que ce qu'elle voyoit faire aux autres. La Batarelle dépofe que la Cadière lui avoit dit que ie P. Girard avoit un jour appiiqué fon cöté cöntre le fien a lendroit oü étoit ia plaie; & que, quand il eut pris une teinte du fang qui endécouloit, il baifa la plaie , & la Cadière baifa l'imprefïion du fang qui étoit au cöté du P. recceur. il eft donc protivé qu'il avoit vu cette plaie ; mais on en a Ia preuve de fa propre bouche. U avoue au foixanre-dix-feptième interrogatoire , qu'il a vu la plaie que Ia Cadière avoit au cöté , qu'elle lui avoit paru peu enfoncée , ordinair ement(a.ngiante, & large a-peu-prcs comme une pièce de 15 fois. II ajoute qu'il lui femble que cette plaie devoit être fur les faufles cötes, a peu prés trois ou quatre doigtsau-delfous du tetton gaudie & du.cöté du flanc ; qu'au furplus li ne 1'avoit jamais vue qu'avec la plus grandeprécaucion & la plus grande mo-  de la Cadière. 8r dcftie j n'y ayant rien alors de découvert que précifément 1'endroit de la plaie. II nie qu'il 1'aic jamais baifée j & s'il eut baifé, dic-il , eet ulcère 3 il l'auroit fait 3 a l'exemple des faints 3 par efprit de religion, ou par un efprit de mortification. Quoiqu'en dife ce bon père, il eft impoflible de fe prèter a 1'idée de modeftie dont il vouloit fe parer aux yeux de fes Juges. On voit d'abord qu'il examinoic fouvent cette plaie, puifqu'il dit qu'elle étoit ordinairement fanglante. D'ailleurs , eft-il pofllble que , placée comme il dit lui-même qu'elle 1'étoit, il put la voir, fans voir en même-temps la gorge ? Mais ce n'eft pas encore ici le lieu de pénétrer fa conduite ; réfervons cette recherche pour le récit de la procédure ; Sc obfervons feulement ici que la Cadiète a foutenu , dans fon interrogatoire fur la fellette , que le P. Girard lui faifoit découvrir le fein , Sc lui fucoit les ftigmates du cóté. L'AUemande attefte le même fair dans fa dépofition. Ce n'étoit pas alfez pour 1'ambition de la Cadière , & pour les vues du P. Girard qu'elle eut les finq ou fix ftigmates dont on vient de parler •, il falloit E>5  Si Hi/ïoire du procés encore les tracés de Ia couronne d'épines, Voici ce qui en eft dit en différents-, endroits de la procédure. Suivant la Cadière, dans fon interrogatoire , a Partiele 7 5 ., il lui vint a la tête une marqué miraculeufe de couronne, le vendredi faint, avec les autres ftigmates : fon frère 1'eccléfiaftique affure cependant 1'avoir vue pendanr le: carême précédent, art. 37 de fon in-, terrogatoire. Le vingtième témoin dit avoir vu la Cadière avec une efpèce de couronne fur fon front, faite comme fi elle avoit .été peinte avec du fang; elle en avoit le vifage couvert, a peu prés comme 1'on peint un ecce homo ; mais ce fang étoit fee 8c ne découloit point. Le vingt-deuxième témoin tient le même langage , 8c ajoute que les marqués de fang étoient faites avec la dernière perfedtion. La Batarelle déclare que la Cadière avoit le tour de la tête comme brülé avec des trous de diftance en diftance. La Gravier lui avoit vu une couronne autour de la tête comme de graiffe , fans qu'il y eut de- cheveux , 8c qui fembloit piquée avec de petites pointes 3 mais il n'y avoit point de fang..  de la Cadière. § j Le P. Cadière déclare avoir vu certe couronne, qui étoit d'environ deux ou trois doigts autour de Ja tête, unie comme Ja main & teinte de fang. II ignoroit fi eet endtoit , oü il n'y avoit point de cheveux , étoit rafé ; mais fa fceur lui avoit dit un jour que le P. Girard lui avoir coupé les cheveux, & les avoit emportés dans fon couvenr. II ajoute que , fur la parole de fon directeur , elle regardoit cette couronne comme miraculeufe. Le qiiatre-vingtdix - feptième témoin dépofe que la Cadière lui avoit raconté que le P. Girard lui coupa un jour, avec des cifeaux , les cheveux du tour de la rête, qu'il les mit dans un papier , & les' emporta. La Cadière attefte le même fait dans fon interrogatoire fur la fellette. Le foixante-dix-neuvième témoin rapporre qu'une blancliiifeufe lui fit voir un jour trois garnitures que la Cadière lui avoit données a blanchir; que les deux plus proches de la têteétoient teinres de fang, & que ce fang prenoit depuis le delfus du front jufqu'aux oreilles a. droit & a gauche; ce qui leur fit croire que cette fille porton ir fous fes eoërfes , une couronneD 6  84 Hijloire du proces qui la blelToit, pour fe mortifier. Ayant rencontré la Cadière quelques jours après , celle - ci lui demanda ce qu'elle avoit penfé de ce fang ; la dépofante lui répondit, qu'elle 1'avoit attribué a une couronne qui la bleflbir. Ce n'eft pas cela, dit la Cadière : 1'autre jour le croc de la. viande me tomba fur la tête, & m'ayant fait un trou, mes coé'ffes reftèrent enfanglantées. Ce que la dépofante ne crutpas , fjarce qu'un coup de cette narure ne es auroit pas tachées de la fagon dont «Hes 1'étoient. La Laugier dépofe que Ie P. Girard ayant un jour demandé a Ia Cadière fi elle faifoit des pénitences , & de quelle nature elles étoient, ft elle en portoit les inftrumehts fur elle; la Cadière lui répondit qu'elle avoit, de tout temps, fait de grandes pénitences , & porté deux inftruments pour mortifier fa chair. Le P. Reéteur lui ayant demandé a voir ces inftruments ,. comme elle n'en avoit point, elle s'adreffa ala dépofante , qui lui fit faire, par un ouvrier nommé Jean, une ceinture , une difcipline , un cceur ; le tout de fer avec des pointes ; elles firent enfemble une haire de erin, a  de la Cadière. 8y Ia quelle le même ouvrier ajotita 300 pointes de fer. Un autre ouvrier leur fit, dans le même temps, une croix de fer blanc , une couronne de même , le tout avec des pointes , & un inftrument qu'on met fous les pieds , &C qui fe nomme femelles. Dans le temps que 1'on faifoit toutes ces chofes , continue la Laugier , le P. Reóteur demanda a voir les inftruments dont on lui avoit parlé : la Cadière lui répondit que , les ayant long-temps portés fur fon corps , ils étoient falis de fa fueur & de fon fang , & qu'elle les nettoyoit; quand ils furent faits, elle les lui porta tout neufs; & le p. Girard, voyant bonnement qu'elle s'en étoit fervie , trouvoit extraordinaire qu'une fille fut capable de fi grandes pénirences. Voila une dépofition bien arrangée pour la juftification du P. Girard : mais on a vu que la Laugier eft fort fufpefte de partialité en faveur de ce jéfuite. Quoiqu'il en foit, les deux ouvriers dont il eft parlé dans cette dépofition , furent entendus. Le premier, qui eft le cent douzième témoin , a dépofé que la Laugier lui fif faire des  $6 Hijloire du proces inftruments de pénitence , qu'elle die etre pour une religieufe : ces inftruments étoienr deux femelles de fer blanc, piquées comme une rape , un. grand & un perir cceur, le orand piqué en- rape, & k petit avec des pointes qui formoient k nom de Jefus SC une croix, pour mettre fur 1'eftomac, armee d'environ 200 clous, Le. fec°nd^. qui eftle centtreizième témoin,, dit que k Laugier lui fit faire une ceinture de fil d'archal en pointes , & une couronne de même pour la tête ; 8c qu'environ un an auparayant. ilavoit fait pareillement, pour k Laugier, une difcipline de fil d'archal neuve,. & en avoit accommodé une. vieille; Mais ces dépofitions pourroient bien ne pas prouver que k Cadière eut fait ufage de la couronne , pmfquil eft conftant par fa confrontation avec la religieufe,. qui eft k quatre-vingt-unième témoin , qu'elle en avoit fait. faire une pour cette même religieufe , 8c qu'elle la lui: avoit remik. D'aiUeurs, la Laugier fe rendit tellement fufpeóte de partialité, que les Juges k mirent au nombre des témoins, auxquels ils ne devoient pas, ajouter fou. r"  de la Cadière. 87Les ftigmates & la couronne n'étoient pas les feuls caractères de prédeftination que la Cadière vouloit montrer aux yeux du public -y elle avoit aufll des rransfigurations fréquentes: en voici deux principales décrites dans la procédure. La Gravier dépofe que la mère de la Cadière lui avoit confié qu'un jour qu'elle avoit couché avec fa fille ,. s'étant levée & habillée, celle - ci la pria de la quitter pour trois quarts d'heure, paree qu'elle avoit a parler a Dieu ; ce qu'elle fit avec répugnance,. attendu que fa fille lui avoit dit qu'il devoit lui arriver quelque chofe, elle céda a fes inftances, revint a 1'heure. prefcrite , & la trouva ayant le vifage comme on peint un ecce homo, avec un crucifix a la main. La dépofition du fieur Giraud ,, vicaire perpéruel de 1'églife carhédrale , donneroit alfez lieu de . croire que cette transfiguration arriva le 8 mat 1750. Voici ce qu'il dir. Ce jour-la, le fieur Cadière , marchand , alla trouver le dépofant, & lui dit que , s'il vouloit voir quelque chofe d'extraordinaire , il fe rendït dans la; chambre. de fa fceur, ce qu'il fit quel-  88 llijioire du procés que temps après. II y trouva Ie P. Cadière, dominicain , & Ia Guiol I genoux devant Ie lit ou la Cadière etoit couchée. Elle avoit le vifage femblable a un ecce homo. Les yeux etoienc rouges Sc comme teints de fang; fur le front étoient plufieurs gouttes de fang feches , qui tomboient fur les joues: il vit auffi une empreinte de fang fur la levre fupérieure, & plufieurs au menton. La Guiol dit au dépofant: qui ne fe convertirohpas envoyant cela ? II ne répondit rien : mais s'adreffant a la mère, il lui demanda depuis quand fa fille étoit en eet état j elle répondit qu'elle y étoit depuis environ cinq heures du matin. II prir la main de la Cadière, qui étoit fur la couverture , Sc jugea a fon pouls qu'elle n'avoit point de fievre. A la fuite de ce récit, il parle d'un autre miracle, dont on fera mention dans la fuire : il rapporte aufii ce qu'il a vu des ftigmates. On en a parlé plus haut. II ajoute que le P. Cadière & Ia Guiol lui dirent que Ie P. Girard avoir vu le même jour la Cadière dans eet état, qu'il étoit allé dire la mefie 9  de la Cadière. 89 & que, pendant fon abfence , la tranffigurée 1'avoit dite entière a haute voix; qu'au moment oü le P. recteur écoit vraifemblablement a 1'élévation, elle avoit éievé une petite croix qu'elle tenoit entre fes_ mains. La mère de la Cadière, & la Guiol dirent enfuite au témoin , que le P. reef eur avoit emporté une ferviette , fur laquelle étoit empreinte la figure du vifage de la Cadière avec du fang y & que ce jéfuite en avoit déja une autre de la même facon , & avoit offert de les payer fi 1'on vouloit. Peu de temps après, on pria Ie témoin de fe retirer, fous prétexte que c'étoit i'heure ou le P. Girard alloit arriver , & qu'il ne trouveroit pas bon qu'il y eüt des étrangers dans la chambre. La mère 1'accompagna jufqu'a la porte de la maifon , & lui dit que , quand fa fille étoit revenue de ces états , elle chantoit & fautoit. Cet eccléfiaftique étoit le confelTeur ordinaire de la Cadière mère. Elle alla , quelques jours après la fcène qu'il vient de décrire , le trouver : ce que vous avei vu } lui dit-elle , ejl bien extraordinaire. II ne faut pas , répondit-il, croire facilement les chofes extraordi-  5>o Hijloire du procés naires 3m il faut les ëprouver , car il pourroit bien y avoir de l'erreur & de l'illufion. La Cadière mère étoir , comme on croit 1'avoir déja dit, forc crédule , & donnoit facilement dans les vifions. Elle croyoit fa fille 1'objes: des faveurs du ciel, & regardoit le P. Girard comme le perfonnage le plus faint & le plus éclairé. II étoit de la dernièreimportance, pour le fuccès des projets de ce fainr homme, que cette bonne mère perfévérac dans fon opinion : il falloit donc qu'eile renongat a ia direéfion d'un prêtre qui paroilfoit vouloir lui faire appercevoir plus qu'on ne vouloit qu'elle feut : afeflr, depuis eet avertiiTement} il ü'a pas revu la Cadière mère. La Guiol décrit la fcéne dont on vient de parler a peu prés dans les mêmes rermes \ elle ajoute feulement que les emprëintes de fang lui parurent feches & vernilTées ; que , quand la Cadière dit la melfe , elle traduifoir a mefure en frangois , ce qu'elle venoit de dire en latiivj & que versla fin elle ouvrit Ia bouche & remua la langue comme une perfonne qui communieroir, fans pourtant qu'il parut aucune koftie.  de la Cadière. 91 LeP. Cadière , dans fon interrogatoire, convient de tous ces détails ; mais il ne rit pas attention , dit-il, 11 le fang étoit coulant ou fee ; il vit feulement la couleur de fang. 11 ne faut pas négliger de faire ici mention de la dépofition de 1'abbé Cadière , au fujet de cette transhguration. Sa fceur, dit-il, ayant été exrafiée Sc transfigurée en ecce homo , le P. Grignet, jéfuite , lui dit le matin,/e P. Girard m'a averci qu'il doit y avoir des chofes exrtaordinaires che^ vous : je veux. y aller avec vous. 11 répondit a ce jéfuite qu'il ne falloit pas croire ce qu'on lui avoit dit : il affectoit cette difcrétion , paree que le p. Girard lui avoit enjoint de tenir ces chofes-ü fecretcs , Sc difoit que , fi on les divulguoit , fa fceur ne vivroit pas long-temps. Mais le P. Grignet lui répondit : vous pouve^ ne men pas faire un myfi.ère, paree que le P. Girard me Va dit. Alors il conduifit le p. Grignet chez lui, oü ils trouvèrent fa fceur transfigurée en ecce homo , en préfence des demoifelles Guiol, Batarelle Sc Reboul , & du P. Cadière dominicain ^ fon frere ainé , & la Cadière mère. La Guiol dit au P. Grignet :. li vous  9i Hiftoire du proces fufliez venu plurót , vous lui auriez entendu dire la mefie, & communief extraordinairemenc : a quoi le P. Grignet répondit: quelle merveille! II faudroit que tout le monde en fut témoin l & Cadière, le frere ainé dir: nous y confentirions bien mais le P. Girard nous le défend. La Guiol dit alors: ce n'eft pas le tour; elle a des ftigmates , & relevant la couverture, elle fit voir les plaies de fes pieds , que toute la compagnie & le P. Grignet même baifa. La Reboul attefte a peu prés les mêmes faits, & ajoute qu'elle fe trouva a cette transfiguration , paree que la Cadière Ia lui avoit annoncée quelques jours auparavant. Enfin , le P. Girard lui-même, dans fa confrontation avec le P. Cadière, convient qu'il avoit averti celui-ci de fe trouver chez fa fceur le 8 mai, qu'il y verrok des chofes extraordinaires ; mais il ajoute qu'il n'avoit annoncé cette transfiguration que fur la parole de la Cadière , qui 1'en avoit prévenu. Le P. Cadière lui répondit que ce qu'il venoit de dire étoir un fubterfuge pour fe juftifier , puifque fa fceur 1'avoit aftïiré que le P. Girard avoit prédit  de la Cadière. 93 luï-même cette transfiguration, comme ii avoit prédic tous les autres états miraculeux; que fon excufe ne peut pas être regue , puifquéclairé comme il 1'eft , il n'auroit pas dü les approuver devant toute la familie , s'il n'en eut été Tauteur, ou s'il n'en eüt eu une connoilfance entiere. La Cadière étant au couvent d'01lioules (on dira dans la fuite comment & pourquoi elle s'y étoit retirée) eut encore une transfiguration dont il eft important de décnre les circonftances. La dame de Rimbaud , vingtdeuxième témoin, dépofe que le 6 du mois de juillet 1730, la Cadière la prévint qu'il devoit lui arriver quelque chofe d'extraordinaire , & qu'elle fe rendit a fa chambre le lendemain fur les 3 a 4 heures du matin. Cette_ religieufe, impatiente de voir ce qui arriveroit, ne fe coucha poinr, & fe rendit a minuit auprès de la Cadière. Sur les trois heures , celle-ci la pria d'aller chercher du feu, pour lui chauffer du linge, afin de la foulager d'une colique qui la tourmentoir. Elle ne fut abfente qu'un demi quart d'heure tout au plus; cependant , a fon retour, elle trouvala Cadière ayant  94 Hiftoire du procés une couronne peinte fur le front, Sc furie vifage diverfes impreflions de fang fee \ le rout fait avec la dernière perfection : elle éroit immobile, Sc comme une perfonne morre. Une autre religieufe atrefte le même fait, Sc ajoute que Ton envoya un expres au P. Girard , pour I'averrir de ce qui fe palfoit ; qu'érant arrivé quelque temps après , on lui demanda s'il avoit vu eer exprès ; il répondit que non , Sc que fon bon ange lui avoit révélé la transfiguration de la Cadière, dans le temps qu'il difoit la meffe: elle ajoute qu'ayant cru n'avoir pas bien entendu une réponfe auffi fingulière, une autre religieufe lui aiïiira que c'étoit effectivement celle que le P. Girard avoit faite. Une penfionnaire du couvent , le quatre-vingt-quatorzèime témoin, parlant de cette transfiguration , dir que le fang découloit du front Sc de la tête de la Cadiare , Sc qu'ayant thé fes mains hors du lit, la dépofante, qui étoit préfente , les vit pareillement dégouttantes de fang: mais la religieufe dont on vient de pari er , dit exprelfément que le fang étoir fee Sc ne conloiï point. La même penfionnaire dit encors  de la Cadière. 95 qu'elle entendit la Cadière poulfer quelques fons encrecoupés , & qu'elle diftingua ces paroles: vous qui me voye^ , fakes de ceci votre profit. Marie Beauflier, cadetre , religieufe & vingt-unième témoin, dit que , pendant cette extafe, quelques religieufes proposèrent de faire entrer leurs directeurs , pour être témoins de ce qui fe palfoit: cette propofition réveilla la Cadière ; elle demanda qu'on lui lavat le vifage, déclarant que ce qui venoit d'arriver n'avoit été fair que pour elles. Lorfqu'elle fut entiérement revenue , elle leur dit de lui baifer les yeux pour glorifier Dieu : quelques-unes les lui baisèrent, & la dépofante s'appercut, en les baifant, que ce qu'elle avoit fur le vifage fentoit mauvais. (1) (1) Il y a tout lieu de penfer que cette dépofition eft vraie en foi , & que 1'obfervation qu'elle contient eft la clef des prétendues transfigurations & des autres preftiges employés par la Cadière , & infpirés, ou au moins autorifé par le P. Girard , pour en irapofer au public. Elle fortoit cependant d'une bouche bien fufpedle. Mais il arrivé fouvent qu'un témoin déterminé a nuire a la perfonne contre qui il dépofe, fe borne i la révélation de certains faits vrais en euxraêmcs; mais qui, ifolés de plufieurs autres  ^6" Hijloire du procés Quelles que fuflent les difpofitions de la religieufe Beauffier, il parofc certain , par ce qu'on a vu au fujec de la précédente transfiguration , que le P. Girard &c la Cadière fouhaitoient que toutes ces merveilles ne s'opéraffenr pas devant des yeux trop clairvoyants. auxquels ils Herment dans le principe , chargent 1'innoccnt, & déchargent le coupable. D'après cette réflexion , rien n'empêche decroire que Ia dépofition ne foit vraie dans fon entier. Mais il faut faire connoitre Ia religieufe Beauffier , cadette, pour mettre le ledteur en état de juger par la fuite de ce qui 1'a portee a dire ici la vérité. La Cadière , a la confrontation , la récufa^ & lui reprocha de vivre daus une liaifoa étroite & fcandaleufe avec le P. Aubani, gardien des Obfervantins , & que ce religieux avoit été chafle d'Ollioules pour un procés criminel intenté contre lui. A 1'égard de ce P. Aubani, voici ce qu'on lit fur ion compte', dans un mémoire imprimé , figné de la Cadière & de fon avocat : « il (le P. Aubani) eft chargé de plufieurs » crimes capitaux ; entr'autres , d'avoir violc » une fille de 13 ans , appellée Margueritc x Jouvardè : pour raifon de quoi, TOfficial x de Toulon avoit fait contre lui une prom cédure , comme nous 1'avons juftifié par » plufieurs pièces ; & la crainte des juftes » chatiments qu'il méritoit, lui avoit fait Lorfque  de la Cadière. 07 Lorfquë le faint directeur arriva , fur l'avis de fon bon ange , la rransfiguration étoit palfée ; les religieufes qui avoient toutes été témoins de ces prodiges , les lui racontèrent. 11 die Puil falloit garder bien pre'cieufemene le jang qu'on avoit óté du vifage de la tmraculée J paree qu'il feroit des mi- » quitter le pap. Cependant, comme on a » cm qU ji ne feroit pas ici un adtc-ur inutile » «| a ete rappellé. On lui a accordé une abo» ham generale de tous fes crimes , a con"dmonque, par lui-même , ou par autrui « d preteroic au P. Girard tous les faonl - qiMlpourroit. Et depuis lors, 1'Officialité » a ete muette fur fes crimes , & fur.tout " ",vfJo1 dont elIe et°" faific.Mais, k » bien d^érent de celui des Jéfuites, loin » de favonfer & protèget le crime , faic » faue actuellcment fon procés au P. Aubani Dans Un autre mémoire pn ajoute: * ü *> elt actuellcment en piifon. » Ces faits , tout graves qu'ils font & quoique rendus pubnes par la voie de l'impreihon non-feulement n'occafionnèrent aucune pla.nte juridique , mais n'éprouvèrenc pas Ia plus legere contradichon de la part dc celui a qm 0n les imputoit. Ce P. Aubani fut cependant entendu en témoignage & confronté a la Cadière. Elle lm du- en face, qu'il avoic été décrété fur Ia plamted une jeune fille qui I'avoic accuffi lome II. E  98 Hijloire da procés racles par la fuite; que la Cadière en avoit dèja fait d Toulon, ou plufieurs perfonnes avoient rejfenti l'ejfet de fes prières. Les religieufes en voulurent „ quelque temps après, faire leiTai fur une d'enrre elles , qui fur atreirite d'une colique ; on lui fit boire de ce fang , mèlé avec 1'eau qui avoit fervi a laver le vifage; mais il n'en réfulta aucun effet On en envoya aufli quelques .goiut.es a. une dame malade i Toulon ; & .il ne paroit pas qu'elle en air eu beaucoup de foulagement. Voici encore quelques miracles d'une autre efpèce. dc 1'avoir féduite , & n'avoit été rétablidans fes fonétions, que pour fervir les Jefunes dans fon affaire avec le P. Girard. Elle ajouta nue la fille ne fut appaifée qu'au moyen de 800 liv. qui lui furent donnees par le P. Aubani. Cclu: - ci convient qu'il y avoit eu une plainte'contre lui 5 mais que la fille s'en ctoit départiefans aucun intéren. La Cadière ajouta qu'il v.voit dans 1 union la plus étrqite avec les deux fceurs Beauffier religieufes , & une autre nommee Camelin. Qu'enfin , fon affiduiré au parloir lui avoit liiré une affaire de la part de 1 abbeffe II fera beaucoup queftion , danslafuite, de cette religieufe Camelin , dont on vient de parler.  de la Cadière. qcj La Cadière dédareal'Official, t0rfqii'il fit chez. elle la defcenre dont on pariera dans la fuite , quétant un jour dans un de ces états ou elle étoit tranfportée hors d'elle-même, elle vit un vailfeau dans une grande mer orageufe, •tourmenté par la tempête, Sc prés d'ctre englourij elle s'appercut qu'il y avoit deux jéfuites dans ce vaiffeau& au-delTus , elle vit dans le ciel J. C crudfié , qu'elle crut demander 'une' vichme, pour expier les crimes de quelqu'un des voyageurs. Elies'orfm, & Ion facnfice fut recu. Dans le même temps, elle fentit une douleur vive dans fes ftigmates , qui fe fermèrenr. Elle rendit compte de cette vifion au I. Girard, qui lui ordonnade demander au Seigneur une marqué de ce mirade. Quelque temps après il lui fllt revele qu'un ange avoit porté dans fa caflette la police de ce yaiflèau , qui avoir été en danger de périr dans la mer noire ; qu'elle la crouva effe&i vemen t , qu'elle le dit au P. Redeur : mais qu'étant tombée dans une faute legere le papier difparur, fans qu'elle put le lui montrer , & qu'il ne 1'a jamais vu ; ce qu'elle attribua a Une E 2  5 0o Hifioire du proces ipunirion de Dieu , pour la petite faute qu'elle avoit commife. f Le quarante-cinquième témoin dit que le P. Cadière lui patlant un jour de ce vaifl'eau fauvé miraculeufement, ■lui rapporta que fa fceur offnt au 1 . Redeur, pour preuve de ce miracle, de lui préfenter leïion quiéroit a la proue* mais que ce jéfuite lui ayant fait faire attention que fa chambre etoit «op petite pour contenir cette piece , elle fui promit de lui faire venir les parentes .& polices du navire. La Cadière raconre , dans le meme ïnterroaatoire devant 1'Official, que , dans une de fes vifions noclurnes , elle ^ic une croix de J. C. quil s'en detacha une petite particule qui tomba fur Ion ür- qu'en s'éveillanr, elle trouvace copeau changé en une petite croix, ou'elle donna au P. Girard, qui ne voulut jamais la lui rendre, quoique11e lui remontrat qu'il lui gardoit ce qu elle avoit de plus précieux; ce qui 1 obligea d'en faire faire une femblable • &c qu'ayant demandé a Dieu de lui donnet „ne autre croix pareille a celle que le P Girard lui avoit retenue, elle en tr'ouva une dans fa caffette , qu elle remitafonfrerel'abbé, quxlafitvoit  de Ia Cadière. lol a 1'Evêqiie, & la garda. Suivanr ce calcul, elle n'avoit eu que ttois croix, les deux miraculeufes , & celle qu'elle avoir fait faire j cependant elle ajoute tout de fuite qu'elle en avok eu cinq, deux miraculeufes, & trois fabciquées de main d'homme. On lui demande pourquoi elle les avoit ainfi multipliées; elle répond qu'ayant donné celles qui étoient miraculeufes, & voulant en avoir un mémorial,e\\e en avoit fait faire trois aurres, quoiqu'une eür fuffi ; mais que plufieurs perfonnes qu'elle nomme, 1'ayant priée de leur en donner , elle reftoit fans croix. Elle alTure au furplus qu'elle n'a fait pafler p.our miraculeufesque celles qui 1'étoient en efret. Suivons les dépofi-tions au fujet de ces croix. La Guiol attefte avoir vu ehez la Cadière, & entre fes mains , une croix miraculeufe , que celle-ci difoit avoir regu du ciel: elle étoic grande d'un pan & un quart environ , couleur de noyer ; chaque bout étoit marqué de rouge , & au milieu une couronne d'épines de couleur ordinaire. Sur 1'afTurance que lui donna la Cadière qu'elle tenoit cette croix de la main de J. C- même , elle feprofterna. Quinze jours après, la-rionv E 3  10 2, Hijïoire du procés mée Euftache , parente de la Cadière , & femme d'un charpentier , dit a la Guiol,quefon mari avoit fait une petite croix pour Ia Cadière ; & la Guiol, fur la peinture que lui en fit cette femme, reconnut que c'étoit la même que la Cadière lui avoit fait voir comme miraculeufe. Cette Euftache eft le dix - huitième témoin de l'information , & dépofe qu'efteórivement la Cadière avoit fait faire, par fon mari, une petite croix de bois de noyer, femblable a celle que tient dans fes mains la ftatue de faint Jean de la Croix , qui eft dans 1'églife des Carmes. Ecoutons le P. Girard. On lui demande , dans fon premier interrogaïoire , art. 3 8 , fi la Cadière ne lui a pas donné une croix de bois, qu'elle difoit avoir recu de J. C. II répond que cette croix lui a efFedivement été donnée , mais qu'il n'a jamais cru qu'elle vïnt de J. C. & que c'eft pour cela qu'il ne 1'a fait voir a perfonne, pas même a M. 1'Evêque de Toulon. 11 ajoute que la Cadière, en la lui donnant , lui fit a peu prés, le récit qu'elle a fait depuis devant l'Official ; mais qu'il n'y ajouta pas foi , paree qu'elle  de la Cadière. 103 Voulut lui perfuader que cette croix étoit d'un bois étranger , ^quoiquil la reconnüt pour être de chêne. (1) On lui demanda pourquoi il ne lui fit pas part de fa méfiance , Sc pourquoi il ne Ia reprit pas de ce qu'elle cherchoic a lui en impofer. Il répondit qu'il fe contentoit de lui recommanderle fecret fur ces chofes extraordinaires *, mais que fes frères Sc eHe ayant publié la réception miraculeufe de cette croix , ScM. 1'Evêque 1'ayanr envoyé chercher pour la voir , Sc voulantfe difpenfer de la lui montrer fans faire de menfonge, il s'en défit. Mais M. 1'Evêque perfiftant toujours dans le defir de voir la croix , la Cadière, quatre a cinq mois après , feignit de 1'avoir retrouvée dans fa calfette , & 1'envoyaau Prélat. Le P. Girard , inftruit de ce qui s'étoit paffé , retira celle qu'il avoit mife en dépót, 1'envoya a M. 1'Evêque , qui fut alors convaincu du menfonge de la Cadière. Ces croix n'étoient pas le feul préfent (1) Si elle étoit effsétivement de chêne , elle pouvoit, comme on 1'a remarqué quelque part dans un des mémoires pour la Cadière , être réputée de bois étranger , puifque la ProYencc ne produit poirjt de chêne. E4  i ©4 Hijloire du procis que cette fille eut recu du ciel: fa mère a dit , en préfence de plufieurs perfonnes , qu'elle avoir une bouteille d'eau de la reine de Hongrie , qui s'étoit trouvée fur le lit de fa fille, après y avoir été apportée par fon bon ange-. Le foixanre-dis-huirième témoin rapporte que la Cadière lui avoit raconté qu'un jour , ayant regu une lettre qui sadreffbit ï elle elle la remit au P. Recteur , fans Touvrir ; que ce père 1'ayanr ouverte-, 8c n'ayant pas jugé a propos de lui en faire fcavoir le contenu , lui dit feulement de prier Dieu pour ceux qui lui avoient écrir : mais que, comme elle avoit envie de le fcavoir , elle fe mir en prières , & Dieu lui apporta cette lettre, qu'il lui fit lire jufqu'a la fignature exclufivement; ce qui 1'obligea de voir le P. Recteur , Sc de lui dire qu'il falloit qu'il eut laifie fa caflette ouverte , puifqu'on lui avoit apporté la lettre qu'il lui avoit retenue, Sc de laquelle elle lui rendit tout le contenu. II eft vrai que , dans la confrontation de ce témoin avec la Cadière , celle - ci déclare qu'elle ne fe fouvient point de cette lettre, Sc qu'elle n'a aucune idéé d'avoir raconté ce fait.  de la Cadière. laf II lui eft arrivé quelquefois d'ètre élevée de terre fans aucun appui. Suivons encore ce prodige. Le deuxième témoin dépofe que le P. Cadière & la Guiol lui ont alfuré qu'on avoit vu la prétendue fainte élevée en l'air. Le quarante-cinquième témoin attefte qu'ayant un jout demandé a la Cadière mère , s'il étoit vrai que fa fille fe fut élevée de terre , elle répondit, en faifant figne de fa main, qu'elle tint a la hauteur de trois ou quatre pans. II lui demanda fï'elle 1'avoit vu j elle fit un figne de tête affirmatif; il lui demanda unefeconde fois fi ellefavoic vu ; elle répondit foiblement qu'oui. Lors de 1'interrogatoire fubi par la Cadière fur Ia fellette , on lui demanda fi le ii mars, qui étoit le dix-'huirième jour du carême , elle ne fut pas élevée de trois pieds , & en quel endroit celaluiarriva. Elle répondir qu'ellene pouvoit pas fe rappeller précilémenc ce fait ; mais que tout ce qui eft contenu dans fon mémoire du carême eft' vrai. On infifta , pour lui faire dire enquel endroit cela lui étoit arrivé ; & oiv obferva qu'un fair de cette nature étoit aftez remarquable pour qu'elle düt s?enrappeller toutes les circonftancesi Ellö  to6" Hljloire du proces perfifta a s'en rapporter au journal defon carême. Or, dansl'extrait que fort a donné plus haut de ce journal, on a vu qu'elle y raconre qu'en effet le dixhuirième jour du carême étant dans. Féglife des Jéfuites , elle fut élevée detrois pans au-delfus de terre, & que,, quoiqu'il y eut beaucoup de monde , ce prodige ne fut appercu que par une: feule ame. Dans un mémoire produit au procés & dans lequel elle avoir entrepris de faire le détail de tout ce qui lui étoit arrivé dans un voyage qu'elle fit a. Aix au mois de mai 1730 , avec plufieurs de fes camarades , elle rapporte que la première nuir, elle fe trouvaenlevée du milieu de fes compagnes jufqu'a 7 a 8 pans au -delfus du lit, environnée d'unnuage, depuis la ceinture en bas , & le haut couvert de la gloire de Dieu même. Dans eet état de félicité inexprimable, continue-t-elle , elle découvrit fans énigme , le fein de Dieu même avec une telle abondance de douceur, de joie, de lumière, qu'il n'éroit pas permis a fes idéés , foibles & mortelles qu'elles étoient, de pouvoirmettre au jour , ni de développer par aucune expreflion les connoilTances  de la Cadière', töj infinies qu'il daigna lui commuiiiquer. La Guiol dépofe que, dans le dernier voyage qu'elles firent enfemble a Marfeille , elles allèrenr la veille de leur départ de cerre ville , chez une demoifelle nommée Rigaud ; que la. il prir une exrafe a la Cadière qui dura plufieurs heures ; ce qui donna occafion a la Guiol de la laitler rranquille fur le canapé ou elle étoir, &£ d'aller diner avec la demoifelle Rigaud dans un aurre appartement, d'oü elle revenoit quelquerois , pour voir fi la Cadière avoit befoin defon fecours. Environ vers midi, la Cadière , comme revenue de fon extafe , dit a la Guiol :■ pauvre femme , vous uvez perdu votre fortune ; a quoi vous amufez-vous; d'aller diner ? J'ai été élevée jufqu'au plancher : a quoi la dépofante répondit : je ne fuis pas digne de voir de femblables chofes. Alors la Cadière lui dit que Dieu lui feroit la grace de le voir une autre fois ; fon extafe la reprir, & dura jufqu'au foir. Pendant leur route pour revenir è TouIj n , la Cadière entonna une chanfon , dont les termes étoieut déshonnêtes , ce qui furprit fort la Reboul , •qui crut que c'étoit par fimplicité, & E<5  I o 8 Hifloire du proces qu'elle n'entendoit pas ce qu'elle difoit. La Cadière, ayant enfuite faifi les attachés qui étoient a 1'impériale de la chaife, levant les pieds , & courbant le corps par derrière , elle difoit: mon Dieu j ici,. non ici J; attende^ encore un peu. Le P. Girard-, dans fön interrogatoire , dit que la Cadière lui avoit prédit qu'elle feroit fufpendue en fair le 8 mai. II ajoute que la demière fêre de la pentecöte , il fe rendit chez elle a fa firière; qu'après avoir lu enfembleune etrre dont elle vouloit lui faire part/, elle dit tout d'un coup qu'elle fe fentojt élevée en l'air , mais qu'elle vouloit réfifter, paree qu'elle fentoit, en-mêmetemps , des tentations d'orgueil, . 5c s'étant affife , elle fe faifit d'une chaife. Le P. Girard lui dir qu'elle avoit tort de réfifter a 1'efprit de Dieu , &_ que c'étoit la une occafion de le convaincre de la véritédes chofes qui s'opéroient en elle, & dont il doutoit. Mais faché de ce qu'elle changea de place deux ou trois fois , & de ce qu'elle perfifta a vouloir réfifter, il fortit. On examinera ailleurs quellè étoit la nature de ce doure , dont le P. Girard fait parade ipi Sc ailleurs devant fes, Juges.  de la Cadière. 10^ La Cadière avoit le don de pénétrerdans 1'intérieur des confciences ; c'elt elle qui faffure dans fon interrogatoire. devant 1'Official ,. n°. j,& 14 , & devant les commiffaires. n°. 25.. L'abbé Cadière , dans fon interrogatoire , attefte avoir dit a M. 1'Evêque que fa fceur devinoit 1'intérieur des confciences , qu'elle lui avoit raconté a luimême tout ce qu'il avoit fait en fa vie , & que M. 1'Evêque lui dit, je le crois fans peine ; le P. Girard m'a dit qu'elle étoit une fainte. II ajoute ailleurs- que le P. Grignet 1'avoit alfuré que cetre. prétendue fainte lui avoit déclaré le fecrer de fes penfées. Le fieur Giraud dépofe que la Guiol. lui a raconté que la Cadière 1'alla voir un jour , & lui dit: ah ! méchante 3 quave^-vousfait ? La Cadière lui dir enfuire ce qu'elle avoit fait-, ce qui étoit vérirable. On lui reproche 3 ajoute. la Guiol, d'aller, trouver plufieurs confeffeurs 3 mais ce nefi que pour leur dire qu'ils fe corrigent ; il y en a, même qui Vont remerciée. D'autres témoins. ont dépofé de la faculté qu'avoit la Cadière de découvrir les chofes les. plus cachées. Telles font 1'abbelfe de. fainte Claire. d'Ollioules, & deux..  i r o Hijïoire du procés autres religieufes du même lieu j, h maïtrelTe des novices, fecond témoin, & la demoifelle Guérin , vingt-fixième témoin. Le P. Girard hu-même en étoic convaincu , puifque, par fa lettre du 2 1'abbé & le jacobin. II. répondit que la grande raifon quil'obligeoit a fe taire & a faire taire les pa? rents de la Cadière fur les chofes extraordinaires qui fe palfoient en cette fille , étoit 1'incertitudeoü il fetrouvoit. de la réalité & de la vérité de ces prodiges \ Sc lajufte crainre d'expofer la religion aux. railleries des libertins , fi 1'on venoit a découyrir dans la fuite de la faulfeté Sc de la fupercherie dans ces. événements. Que la défenfe pofitive qu'il avoit faite a cette fille de fe. corn-  114 Hifloire du proces muniquer même a fes proches , étoit une preuve qu'on avoic voulu réellement le tromper , puifque, malgré cette défenfe, elle confioit tous les fecrets de fa confcience au P. Cadière , fon frère, dont elle empruntoit la main pour écrire tous fes mémoires 6c toutes fes lettres. Le jacobin repliqua que le P. Girard doutoit ou paroiflbin douter fi peu de la réalité des prodiges de fa fceur, que quand,par la voix des dévotes a qui il lui permettoit de fe communiquer , la familie en fut inftruite , il les alfura tous que les états dans lefquels fe trouvoit cette fille, étoient véritablement divins; un n avoit jamais trouve un lujet 'une fi haute vertu : on'il avoir di- rigé, dans fa vie , bien des ames extraordinaires ; mais qu'il n'en avoit jamais trouvé une d'une fi haute perfection, puifque le Seigneur fembloit avoir eu une prédilection pour elle. II ajoura qu'on avoit la preuve écrire de la main de ce Jéfuite qu'il regardoir la Cadière comme une fainte; que , dans fes lettres adrefiées a 1'abbelfe d'Ollioules & a la communauté, il n'en parloit que fur ce ton. « Si ma fceur, ajoutoit-il, s'eft en-  de la Cadière. 11 jp » rretenue de ces miracles avec nous, » ce n'eft qu'après qu'elle eutappris que » nous en avions été inftruics par vos » dévotes, qui nous alTuroient que » vous leur aviez dir que ma fceur étoit j> un ange ; que le Seigneur la combloit » de tous fes dons ; que ces états pré» fents n'étoient qu'un commence» ment, & que 1'on verroit dans la » fuite des merveilles bien plus pro» digieufes. « N'auroit-il pas pu ajouter que, s'il étoit vrai que le P. Girard eut foupconné la Cadière de fupercherie , il fe rendoit complice du facrilège qu'elle réitéroit tous les jours en s'approchanf de la fainte rable par fes ordres ? 11 paroit qu'il eft prouvé que 1'ambition de cetre fille pour la célébrité, avoit été dirigée du cóté de la fpirirualiré; & que , fi le P. Girard n'étoic pas le premier aureur de ce gout, il 1'avoit du moins fomenré. Mais on voit en même-temps qu'il avoit defiré que fa pénitente eur été feule dans l'illuiion ; que fa w-JUfication n'eüt été connue de perfonne , ou que du moins ellen'eut pas été expoféeaia critiquedu public & a la vue percante des efptits qui réuftent a 1'engouement. 11 avoitf^j  T16 Hijioire du procés perfuader a la mère & aux frères de Fa Cadière que fa pénirente Sc lui écoient des prédeftinés , qui difpofoienc des graces du ciel Sc des miracles a leur gré» Sc que leur conduite étoit fupérieure aux vues Sc aux réflexions ordinaireS' des humains. Mais il auroit fouhaité que ces bonnes gens euffent été les feuls dépofitaires de ces myftères. N'ayant pu vaincre la vanité de fa dévote , ni faire taire fon indifcrete ambition, il fe ménageoit, autanr que les circonftances le permettoient, des fuires pourfe difculper , en cas de befoin , de la complicité de ces fupercheries. Mais quel éroit Ie motif de cette conduite ? Les faits vont le dévefopper. Pendant le cours des vifites que le P. Girard rendoir a fa pénitente dans fa chambre, & des entretiens fecrets qu'ils. y avoient enfëmblë a porte fermée , elle éprouva , durant trois mois, la fupprelTion de fes infirmités périodiques. Ce fait n'eft' pas fufceptible de preuves juridiques ; on n'en peut fcavoir que ce qui en eft révélé par la perfonne même qui fe plaint de eet accident: auffi la procédure n'en fait'-ellë " mention que dans les interrogatoires de k Cadière, oü elle le déclare Sc 1'af-  de la Cadière. 117 firme. II eft encore attefté dans prefque tous les mémoires imprimés pour elle. Elle fit part auP. Girard de ce dérangeroent. Pour y remédier, dit la Cadière dans la juftification , il lui porta plufieurs fois a boire je ne fcais quoi. II eft néceflaire d'approfondir ici le fait de ce breuvage adminiftré plufieurs fois par le Jéfuite lui-même. Claire Berard, onzième témoin, qui, comme on 1'a déjadit, étoit fervante chez la Cadière, après avoir dépofé quele P. Girard s'enfermoit fouvenr & long-temps feul avec fa dévote , ajoute que, demi-heure ou une heure avanc qu'il fe retirat, il alloit fouvent prendre une écuelle d'eau fraiche qu'il portoit a la Cadière , ne voulant pas que perfonne autre que lui s'en mêlat , quoiqu'elle dépofante & toutesJes perfonnes de Ia maifon s'offriiTent pour épargner cette oeuvre fervile a ce direéteijr. Confronté avec ce témoin, il convient qu'il a portédel'eau a la Cadière, conformément aux réponfes par lui faites lors de fon interrogatoire. Copions ici eet endroit de 1'interrogatoire, qui s'eft fait dans le temps intermédiaire a la dépofition de la Béralde & i fa  s 18 Mifloire du proces confrontation avec ce Jéfuite. Les queftions faites fur eet objet, par le juge, n'ont pu lui être infpirées que par la dépofition de cette domeftique , qui eft le feul témoin qui en ait parlé de « Interrogé s'il ne lui a pas donné 35 des breuvages propres a lui procurer » 1'avortement ? )5 A répondu que non. » Sur quoi lui avons repréfenté qu'il » ne dir pas la vérité, puifqu'il paroir, » paria procédure, qu'il étoit attentif » a lui porter lui-même des écuelies » d'eau, & que la Cadière fe plaignoit » que cette eau étoit rougeatre , & » qu'elle avoit mauvais gour. » A répondu qu'il eft vrai que ladite » Cadière s'étant plainte a lui en divers »> temps , qu'elle étoit extrêmement is altérce , a compter du commen55 cement de fon obfefïïon , jufqu'au » temps qu'elle eft parrie pour Ol55 lioules , le répondant lui avoit quelS5 quefois lui-même préfenré de 1'eau , » qu'il alloit par charitè en prendre; 55 d'autres fois, en paffant pour fe re»5 tirer , il avertiffoit qu'on lui en porJ5 tat • laquelle circonftance eft exacte» ment détaillée dans le mémoire qu'a  de la Cadière. i \n » donnéladite Cadière dans fon carême» mais que cetce eau étoir toute pure &c » fimple ; qu'il ignore s'il y a de pa» reils breuvages au monde. « Avant que d'aller plus loin , obfervons que le mémojre du carême ne contient aucune mention de ce fait: il y eft feulement dit, quelques lignes avant ce qui concerne lafemaine fainte , que, » pour pouvoir éteindre & radoucir Ja » flamme qui bruloit dans fa poitrine " elle a fouvent pris du linge trempé » dans 1'eau , pour appaifer la chaleur » vive & ardente qui la dévoroir. « Obfervons encore que le P. Girard n e fut point interrogé fur la circonftance dontparlela Béralde, qu'il ne vouloit s'en rapporter a perfonne pour porter cette eau, quoique tout le monde de la maifon s'offnt pour lui en épargner la peine. Enfin, lemotif de charité qu'il allegue n'eft point fatisfaifanr. En effet, pourquoi ne voir-on pas qu'il lui ait jamais adminiftré aucun bouillon ? Pourquoi ne lui a-t.il jamais donné cliaque jour qu'une feule écuelle d'eau, & ne.fe mêloit-il plus de ce qu'elle buvoiteufuite ? Pourquoi enfin, affecloitil de choifir une écuelle plutót qu'un verre ou autre vafe tranfparent ?  j 10 Hifioire du proces Mais écoutons la Cadière elle-même parler de ce breuvage dans différents endroits de la procédure. Dans le premier interrogatoire qu'elle fubit dans fa maifon devant PÖfncial, elle déclare que, pendant les huit derniers jours de'la fupprefiion dontona parlé, ce Jéfuite lui apporra a boire, dans une écuelle, une efpèce de liqueur rougeatre qui avoit fott mauvais gout. Dans la plainte rendue devant le lieutenant général de Toulon , elle accufe ce pêre de lui avoir fait prendre, pendant buit jours , de certains remèdes , qui avoient une couleur rouge. Enfin, dans fon interrogatoire fur la fellette , elle dèclare que, depuis le vendredi faint jufqu'a quatre jours après paques, le P. Girard lui donna réguliérement chaque jour de l'eau rougeatre, dans une écuelle, lui difant que celalui feroit du bien ; qu'il lui donnoit ce breuvage tous les jours après diné; qu'il alloit prendre Peau a la cuifine, & fermoit "la porte de la chambre , lorfqu'il y étoit entré avec la liqueur. Lors de la rétraóf ation de la Cadière, dont on pariera dans le récit de la procédure, & dans'le temps qu'elle paroiflbit toute difpofée a laver le P. Girard  de la Cadière. tï i Girard de 1'accufation qu'elle avoit intentée contre lui, on ne manqua pas de 1'interroger fur ce fair. On lui demande fi elle trouvoit un mauvais o-0ut i 1'eau que fon directeur lui donnoit a boire. Elle répond que non ; & que , fi elle étoit quelquefois teinte de fang \ c'étoit paree que , faignant du'nez j il en tomboit quelques gouttes. Dans fa confrontation avec Ie père Girard , la veille du jugement, elle déclare que ce Jéfuite lui donna, pendant huk jours, i commencer du famedi faint, d'une eau rougeatre dans une écuelle qu'il alloir chercher lui-même a la cuifine. Le père lui répond que la calomnie fe découvre , puifque, felon elle , le breuvage commenca Ie famedi fainr, & dura huk jours; que cependant le motif auquel elle attribue ladilconrinuarion de ce breuvage arriva quarre jours après paquesj deforteque les huk jours du breuvage ne fe trouvent pas. La Cadière lui répondit (i) qu'en parlant de quatre jours après paques, elle ne comprok pas les trois (!) Cette réponfe eft tiree des notes ajoute'es fÜt le magiftrat qui écrivoit a mefuct que Ie» accufés répondoienc aux iuterrogats. Tome //., £  1%1 Hljloire du proch:. fêtes, qui, jointes au famedi faine} font huit jours. Enfin , PAllemande , dans fa dépoiition , rapporte que la Cadière lui a raconté que, pendant une quinzaine de jours , dans les moments oü le P. Girard étoit avec cette fille dans fa chambre , il envoyoit prendre de Peau par la fervanre, alloit a fa rencontre pour recevoir certe eau fur 1'efcalier , en faifoit boire a la Cadière , qui y trouvoit un mauvais gout, ne fcachant pas ce qu il mettoit dedrms. Après tou; ce détail, on ne peut-pa's fe refufer a croire que le P. Girard a eu foin d'adminiftrer lui-même une boiffon a la Cadière : il n'a pas pu en difconvenir. 11 eft en ourre bien difficile de n'êrre pas perfuadé que cette boiffon étoit compofée , puifque , quand il la lui préfentoit, elle avoit une couleur rouge: c'eft un fair fur lequel certe fille n'a'pointvarié, pas même dansleremps oü elle paroilfoit toute dévouée a lajuftification du Jéfuite. 11 eft vrai qu'elle chercha alors a donner une caufe naturelle a cetre teinre érrangere, en difant qu'elle provenoit du fang qui lui couloir du nez: mais il eft bien finguliec que eet écoulement vint périodique-  de la Cadière ï i z 31 ment & toujours a propos dans 1'inftanc que certe eau fe trouvoic fous fon nez. D'ailleurs, certe reinture n'auroit-elle pas d'abordreburé cerre fille ? Sc quelque ardenre qu'eüt éré fa foif, auroit-eile pu la porter i boire fon propre fang mêlé avec une liqueur qu'en pouvoit 5 fac;lement & li prompteuient remplacer ? Voyons maintenant queües furent les fu ites de ce breuvage. La Cadière, dans 1'interrogatoire qu'elle fubit dans fa maifon devant 1'Official , déclare que, pendant les huit jours que Ie P. Girard tui admtniftroit Ie breuvage dont on a parlé il lui ratoitfort fouvent le ventre j qu'enfin , elle s'appereut un jour qu'elle avoit rendu une malTe qui tomba touc a la fois , & qui fe trouva ètre de fang ; qne depuiselle eutuneperreconrinuelie & confidérable, dont le P. Girard vouloit être témoin ; qu'il portoit a la fenêtre le vafe dont elle s'étoit fervie, pour examiner ce qu'il conrenoit; qu'il étendoir même fa curiofiré jufques fut fes chemifes. Dans fa plainre devant le lieuremntgénéral de Toulon , elle déclare que 'e zemède rouge qu'elle avoit pris, pen» fi  Hijtoire du proces dant huit jours , lui procura un avortement &c une malTe de chair qui forrir, & qui fut fuivi d'une perte de fang de huit autres jours. Approfondiftons ce fait; il eft de la dernière importance. Le cinquième témoin dépofe , dans fa confrontation, & fans avoir été aucunement interpellé, que la fervanre de la Cadière lui avoit dit avoir jetté uu fiot de chambre plein de fang ; & que e P. Girard avoit dit i la Cadière : quelle imprudence ! Ce reproche étoit fondé fur ce que cette fille avoit chargé fa fervante de cette commiffion. La fervante elle-même dépofe que, deux ou trois jours après pdques pajj'ées , une heure après que le P. Girard fut entié dans la chambre de la Cadière , celle-ci entr'ouvrit la porte a demi, donna a la dépofante un pot de chambre a demi rempli de fang , lui ordonnant de Palier jetter; & comme elle y alloit, elle entendit que Ie P. Redeur dit par deux fois : quelle imprudence! ah! quelle imprudence! Le quatorzième témoin rapporte que la fervante de la Cadière lui avoit dit qu'un jour fa jeune maïtrefte lui donna uu por de chambre a jerrer , dans lequel il y avoit du fang, & qu'alors le  de la Cadière. ixf p. Reóceur lui dit: Catin3 quas-tufait ! quelle imprudence ! & qu'il en avoit plufieurs fois , depuis, fait des reproches a la Cadière. Dans 1'interrogatoire du p. Girard, art. 106, on lui demande" li tous ces j> breuvages n'avoient pas procuré une 35 perte de fang a la Cadière; il répond 55 qu'il ne lui a jamais donné aucun 35 breuvage. On demande fi la Cadière 53 ne lui a pas monrré un pot de cham33 bre plein de fang, & s'il ne 1'a pas 35 eonfidéré avec arrentiom II répond 53 que la Cadière , après Pdques 3 vou" lant le préparer a fa transfiguration » du 8 mai, elle lui dit que Dieu vou33 lant la renouveller entiérement, lui 33,fit perdre rout fon fang peu a peu-, 33 pour la reproduire tout de nouveau ; 33 ce qui le jetta dans un grand étonne» ment, attendu qu'il lui voyoit tou55 jours fa couleur naturelle &c aucun 33 abattement ; & , comme il lui en 33 avoit fouvent témoigné fon étonne»3 ment, un foir étant chez elle, a Ia » fin d'avril, elle prit un pot de cham33 bre , dans. lequel ij. y avoit une li33 queur noiratre , qu'elle emporra fur 33 le champ, & mit hors de fa chambre. » Oh lui demande 6-, lorfqu'elle porta  tiG Hijlö'ire du procés » ce pot, il ne dit pas ; Quelk impru- '» dence ! 11 dénie. <■ Voila un aveu bien formel , de la part de ce confefleur, que fa pénitente a éprouvé une perte après Paques, qui eft 1'époque que la Cnd.ère & fa fervante lui avoient fixée. Quant aux caufes qu'il en donne , on comprend facilement que ce fon; des déf.mes d'un accufé embarraffé. Quoi qu'il en foir, il avoue lui-même avoir vu ce qui éroit dans ce vafe , puilqu'il en indique Ia couleur, qui étoir noirarre. Cer aveu annonce la fanvijiarité la plu-s inrime & la moins réfervée enrre ce Jéfuite & fa dévore. Mais pourfuivons, & copions ici le paüage de leur confrontation qui concerne cer objer. » Le père Girard a sa interpellé ia Cadière de dire s'il n'eft » pas vrai qu'elle prcrend avoir fair fa js faulfe-couche quatre jours après Pa» ques . ( c'eft-a dire, le i 3 avril ) & j> qu'elle a dir qu'il 1'avoit connue au jj retour du voyage d'Aix , (1} le 21 (i) II faut tranfcrire ici la déclaration que le P. Girard a en vue en eet endroit. C'eft Partiele 8ze de 1'interrogatoire fubi par la Cadière fur la felletre. » Tnterrogée quel jour elle fut *> de retour d'Aix a Toulon. Rep. Ce fut le n ij ou le 11 du mois de mai 1730, Interr. Si  de la Cadière. \xj nou ii mai ; c'eft-a-dire, plus d'un » mois après. II s'enfuit qu'elle avoic » avorté avant d'avoir commis le crime. » La Cadière a répondu que le P. Gi» rard commenga d'aller chez elle au jj mois de décembre 1729 , & fi elle »j depuis fon retour , il ne fe pafia rien de parti» cu.ier entre elle & le p Girard. Rér. Qu'au » retour d'Aix , la Guiol lui ayant prédit qu'el53 le devoit être élevée en 1'air, tandis qu'elle si étoit dans fa chambre avec le P Girard, » elle fe fentit tranfportcc & en état d'étre 03 élevée; & s'étant appuyée au bras d'une *> chaife par une efpece d'orgueil, le P. Girard la querella fort, en lui difant qu'elle s'oppo» foit a 1 opération divine ; & il s'en alla » biufquoment. Un moment après, la Guiol k vint lui faire de grands reproches fur ce » qu'elle s'étoit oppofée a la volonté de Dieu : k & le P. G rard étant revenu le lendema n, » lui dit qu'elle devoit fe conformer a la m volonté de Dieu ; qu« fa juftice exigeoit » qu' He füt mife a nud , puifqu'elle avoit » refufé d'être revétue de fes dons ; qu'elle » mériteroit que toute la terre en füt témoin ; « qu'il falloit qu'elle lui juut un fecret inviom lable , en lui difant : fi vous venei d parler « de cela, mon enfant, vous me perdrie^ : » ce qu'elle lui piomit. Il la fit monter fur « fon lit , en lui difant, que ce n'étoit pas » Ja ce qu'elle mdritoit, mais bien 1'écna» faud qu'elle avoit vu a Aix , qu'il la fit *> toucher, lui mettant un carreau fous les F4  128 Hifloire du proces » a parlé du mois de mai 1730 , cela •3 ne fignifie pas qu'il ne Pair connuë au33 paravanr j mais c'eft qu'elle n'avoit pas 33 les fens libres. Elle ajoute que le père >3 Girard lui donna ,pendant buit jours , 1? a comroencer du famedi-faint, d'une «coudes, & qu'il s'écarta vers Ia fenëtre -., 33 oü elle 11e fcait pas ce qu'il fir 5 & qu'ayant 33 enveloppé fa main dans un mouchoir , il 3? lüi donna quelques coups d'une difcipline j: 33 après quoi. il lui baia Ie cul. II lui or=? donna, enfuite de fe Jivrer, & de fè mettrs =3 a genoux devant lui ; que le bon Dieu » n'étoit pas fatisfait. II lui dit alors qu'il =3 falloit qu'elle fe nut a nud ; ce qui' la x> révolta , attendu qu'elle avoit 1'ufage da 33 fes fens ; elle jetta un grand cri. Elle 3; perdit d'abord: 1'ufage de fes fens , ayant » refté fans connoiffance & comme hébétée ■, 33 étant pourtant cliarmée par des fentiments 33divins, particulièrement lorfqu'il lui tou=3 clioit Ie fein , torn bant alors cn pamoifon. *>Il lui ordonna de quitter le mouchoir 33 qu'elle avoit fur fa tête , enfuite fa cocrre , 33 fon tablier , fa robe de chambre , fa jupe , =3 & lui ordonna. de fe dclauer le corps, & 33 la fit refter en chemife. Alors il vint 1'em33 brafTer par derrière , ayant fenti de rrès33 grandes douleurs : & fenfit quafi digitum 33 intra vifcera , n'ayant jamais eu auparavant 3= connoiiTance comment ces chofes fe fai33 foient. Inguina deinde fua irrigata e£i njenfit, ct  de la Cadière. 12,9 n eau rougeatre dans une écuelle qu'il » alloit chercher lui-même a la cuifine; jj qu'elle fic en efFet une faulfe-couche 35 quatre jours après Paques ; que lui 33 ayant appris ce qui fe palfoit, il la rit 35 metrre fur Ie pot, & examina enfuite 33 a la fenêtre le fang qu'il y avoit de53 dans, cette faulTe couche ayant été 33 fuivie d'une perte confidérable; qu'asj.près qu'il eut examiné fort attentive33 ment ce pot au devant de la fenêtra, 33 elle leprirj & ayant ouverrla porrede 33 la chambre , elle vit la fervante ï qui >3 elle le remit pour aller le verfer ; far 33 quoi le P. Girard fe récria, en difar.ï: 35 Qjielle imprudence ! ah ! quelle irx55 prudence !' 35 Sur quoi le P. Girard a répondu 55 que lacalomnie fe découvre, puifque, 33 felon elle, le breuvage commenca le 33 famedi-faint, Sc dura buit jours •, qae 35 cependant elle fit fa fauflé - couche. 55 quatre jours après Paques : de forte 33 que 1'on ne trouve pas la les huk. 35 jours de breuvage j que , d'ailleur3 , :j felon elle, il auroit vu le pot le jcur 33 de 1'avortement, tandis qu'elle a été 33 obligée de dire ailleurs qu'ayant fair. 33 fa faulfe7couche , elle 1'envoya cher>3 cher, Sc vit deux ou trois jours aptis, E5.  130 Hijioire du proces » un pot, dans lequel il y avoit du fang : » de forte qu'il y a une contradiction w la-deffus. (1) » La Cadière a dit, qu'en parlant js des quatre jours après Paques , elle » ne comproir pas les trois fêres , qui, »> jointes au famedi-faint, font huit »jours, & qu'elle ne 1'a point envoyé » prendre. js Le P. Girard a dit, que c'eft une » mauvaife reflource ; qu'elle 1'envoya si prendre, difant que le Seigneur lui » faifoit perdre tout fon fang pour la 35 renouveller ; que, furpris d'un tel 33 prodige , Ia voyant toujours dans fon 33 même embonpoint, il fut chez elle, »3 ou elle lui dit la même chofe ; & pour sa preuve, elle tira un vafe fous fon lit, 33 qu'elle porra fur le champ dehors. Nie 33 de 1'avoir examiné, & d'avoir dit : js Quelle imprudence ! 33 La Cadière nie de lui avoir dir que 33 le bon Dieu voulüt renouveller Ion 33 fang; qu'il n'auroit pas été ii crédule j 33 qu'elle lui a parlé des pertes, & non 33 de renouvellement: qu'elle en avoit *> eu quatre pendant Ie carême. (i) Ce qui fuit eft tiré des notes qui font au bas des pages de rüj»prim,é dont on a parlsj flus harjt.  de la Cadière. 1 3 I »> Le P. Girard a demande : Que deu vient la fuppreüïon de fes régies &c >j 1'avortement après Paques, Sc com« ment le conciher avec ces pertes ? » La Cadière a dit que , par le mot » pene, elle n'entend pas parler de fes w régies; & qu'il eft véritable que le » père Girard voiihit vérifier le fait de •> 1'avortemenr. « Le P. Girard a nié d'avoir cherché » cette vérification dans 1'infpeétion du » vafe qui lui fut préfenté par furprife , w & fans qn'il s'y attendu , & 1'a inter» pellée de déclarer piécifément fi ce » fait de 1'avortement fe paffa le jour »> qu'elle donna le pot a fa fervante. » La Cadière a répondu que c'étoit js le même jour. » Le père Girard a repréfenté que, » devant le Lieutenant, elle a dit qu'il » n'étoit pas préfenr lorfqu'eile fir cetre « malfe de chair , qui forrir avec une » perte de fang durant huit jours; qu'elle «avoit donc avorté avant ce jour la, »> Sc dans la femaine fainte , temps »5 auquel elle fe difoit crucifiée avec >3 Jéfus-Chrift ; que ce font la des im# piétés qui font horreur. » La Cadière répond, qu'elle étoit >> livrée aux états d'obfeflion ou il 1'aF 6  13. 2 Hiftoire du proces «voit réduke par les fenriments • de s> quiétifme , & par- tour ce qu'il lui » avoit dit pour la raffurer; » Le P. Girard a dit; qu'elle ne rés> pond point a la contradiction entre s> fes réponfes préfentes & fon expofis> tion devant le Lieutenant. ».La Cadière répond qu'elle a pris » le breuvage a commencer du famedi«faint, & non de la femaine-fainte j »> qu'elle n'a point varié la-deffus. » Le P. Girard a dit : Vous avez dit 331'avoir pris huir. jours-avant 1'avorte^ 3> ment. 53 La Cadière a perfifté qu'il y avoit »3 huit jours ; & que , quand elle a dk 3> quatre jours après Paques , elle ne 33 comprit pas les trois fêtes. 33 Le P. Girard a dit qu'elle ne répond js point a ce qu'elle dit devant le Lieu-»> tenant, qu'elle 1'envoya prendre après 3» la maffe de chair -y. & ici qu'il étok 33 préfent lorfqu'elle la fk. 33 La Cadière a dit qu'elle fk cette 33 maffe Ie matin, & qu'elle la lui monsi tra I'apvès-dïné. 33 Le P. Girard dit: Vous avez dit j 33 maffe j tantót de chair, tantót de as fang ; lequel eu>ce des deux ? » La Cadière a dit avoir parlé limplö--  de la Cadière. vyf » ment de maffe3 que 1'Official ajouta » de fang3 tk le Lieutenant de chair 3 n tk qu'elle n'en fit pas-un examen alTez » exaót pour fe déterminer-.. » Le P. Girard a repris :-Vous avez s» dit a 1'Allemande que c'éroit une « mafte de fang convertie en chair. j> Je ne fuis pas , répondit la Ca3> dière , auffi inftruire dans ces ma*3> tières-la que vous,, &c. » Elle parle enfuite d'autre chofe. On a cru devoir copier ce morceaa tout entier-, au lieu de 1'extraire, afin de mettre fous lés yeux dudeóteur 1'embarras du. P. Girard pour détruire un fait qui 1'accabloit. 11 s'accroche, autant qu'il peur, a des minuties, pour faire tomber la Cadière en contradiction , & pour s'échapper a la faveur de cette rufe. Mais, quand il y auroit réuhY, il ne paroit pas qu'il eut été dans une pofition plus favorable. Avoit-il adm#niftré un breuvage a la Cadière, & ce' breuvage avoit-il été- fuivi d'une perre ? Voila le point. Or 1'un & 1'autre eft prouvé, tant par les témoins, que par fes propres aveux. Mais ce qui met le comble a-la conviftion de ce Jéfuite , c'eft qu'il eft sonvenu , dans fa confrontation, non-  134 Hijïoire du procés feulement d'avoir vu du fang dans le por, maisd'y avoir vu une mafte. Ce fait n'eft, a la vérité , ni dans le cexre , ni dans les nores de 1'imprimé qui contient la procédure y mais il eft dans les motifs envoyés a M. le Chancelier par ceux des juges qui ont été d'avis de condamner le P. Girard. Voici comment s'expriment ces douze magiftrats : » La Ca»j dière avoit dit, dans fon expofition >i au Lieutenant , que ce fang perdu »> après le breuvage étoir mêlé d'une » mjffe de chair • elle le confirma dans »> la dernière confronration devant la »> Cour; fur quoi le P. Girard la reprit, j> en foutenant que ce n'étoit qu'une *» malfe de fang. Vous ave\ donc exa%■> mine' mieux que mei ce que c étoit , u lui dit la pénitente \ & le directeur » ne repliqua point. « On m'a communiqué une letrre écrire par un magiftrar d'Aix, le 7 odfobre 1751, trois jours après certe confrontation , dans lafcjuelle le fait eft ainfi raconté. >3 N'eft-il pas vrai, dir la Ca3. dière , que, dans le temps que vous >3 me faifiez boire de 1'eau que vous }3 alliez vous - même chercher dans »> une écuelle , ne voulant pas que ma j& mère, mes frères & la fervante du  de la Cadière. 73^ » logïs me 1'apportaffent, vous viiuiez » tous les jours mon pot de chambre, •» & que vous y vires un jour une maffe rr de chair que j'avois faite. C'étoit} w dit le P. Girard , une maffe de fang. jj A quoi la Cadière a repliqué d'un ton , » & avec un regard qui 1'ont atterré : s> Vous dtve^ le fcavoir mieux que moi • » car vous l'ave\ axaminé avec plus d'at»> tention. « Voici encore une preuve non équivoque de la caufe de cette perte. La fervante, dans fon récolemenr, dépofe » qu'au commencement des incommo» dirés de la Cadière, fa mère envoya m chercher un médecin, & que Ie père » Recteur dit que ce n'étoit pas la un » mal de médecin. « Le P. Girard , dans fa confrontation avec 1'abbé Cadière , fur les inrerpeHations de celui-ci, art. 30, avoue qu'il avoit diffuadé la Cadière , mère , d'appejler un médecin pour vifirer fa fille , croyant, dit-il, que fes maux n'en avoient pas befoin 5 & 1'abbé lui foutient que Ie motif qu'il alléguoir pour détourner ces vifites, eft que les malad,ies de cette fille étoient toutes divines. Ce fait 1 ui a éte objecté par la Cadière ilan.5 fon premjer mémoire. » Quel au-  irjÉf Hljloïre du proces » rre motif, hu difoit-on, avoit porta » le P. Girard a s'oppofer que la Dlle. « Cadière füt vifitée par un médecin^ 33 finon la crainte qu'il avoit que ce mé33 decin ne découvrit la qualité de 1'in33 difpofirion , & que c'etoit une blek 33 fure ?' « Cette queftion eft demeurée fans replique de la.part du P. Girard. Le lieu de la fcène va changer ; le directeur &. les miracles de la Cadière vonr la fuivre dans le convent des Filles de fainte Claire d'Ollioules, village dift tant d'une lieue de la ville de Toulon. 11. n'eft pas facile. d'imaginer par quelle raifon le P. Girard voulut forcer fa pénirente a fe faire religieufe dans cette communauté. Tout ce que 1'on va lire touchant le temps qu'elle y a paffe, prouve qu'elle n'avoit aucune vocation pour-les auftérités religieufes, ni même pour les. régularités pieufes. Cependant il avoit fi fort a cceur de la lier par des vcelix en religion, que leur brouillerie n'eut d'autre caufe , que fon obftinarion fur ce point }„obftinartion qui, quoique fecourue de routes les rufes dont ce Jéfuite étoit capable, ne put jamais vaincre la répugnance.de *ette.fille. Mais rien ne peut apprends?  de la Cadière. 13,7 au jufte quel éroit le motif d'un entètement fi opiniatre. La Cadière elle-même a varié, fuivant les circonftances oü elle s'eft troavée. Tant qu'elle a fuivi férienfement la procédure contre le P. Girard , elle lui a imputé des vues criminelles. Mais pendanr le temps que la féduction qiü i'a.voit portee a le laver des crimes dont elle 1'avoit chargé d'abord , elle s'aseorda avec lui pour attribuer cette dér marche a une eaufe myftique. Voici comment elle s'explique dans l'imprimé inritulé fa jujlijïcation : » Oa » m'a fouvent demandé par quels mor » tifs le P. Girard avoit pris certe ré» folution. J'avoue qu'il ne m'en a jar » mais fait la confidence. Mais les amis jj dé ce père n'ont pas lieu de donner j> cette démarche pour une preuve de » fon innocence, puifqu'il eur foin de -•j feTaire donner une permiflion d'enj> tier dans le couvent. « Dans, le premier mémoire imprimé pour cette fille , on allegue pour motif que ce Jéfuite vouloit mettre fa pénitente a 1'abri des vifites des médecins 8c des chirurgiens. Dans un autre mémoire, on dit qu'U grif ce parti, paree qu'il craignoit.que;  I Hijloire du pre ces fon affidiiité dans la maifon de Ia Cadière , oü il paiToir, chique jour, plufieurs. heures enfermé cère-a tête avec elle, n'éclarat a la fin dans la ville. Le public n'auroit peur-être pas jugé des motifs de retre conduite , comme la familie des Cadière , donr il avoit eu le fecrer de fafiriner les yenx. II pouvoit craindre, d'aiiieurs , que quelque indifcrer n'ouvnt enfin les yeux de la (Cadière mère, ou du moins ne lui i::finuar des foupcons fur une conduite fi équivoque & fi fcandaleufe en ellemème. Le iieur Gi aud , vicaire perpétuel de I'éghfe carhédrale , avoit déja fait des tentatives pour éclairer cette ame fimple. Son zèle pouvoit 1'excirer a vewir a la charge, ou a prendre des mefures pour arrêter le cours d'une illufion ficriminelle, & qui déshonoroit la religion. D'aiiieurs 1'inquiétude maternelle pouvoit dérerminer cette femme a tromper le P. Girard , en appellant, a fon infgu , quelque médecin indifcret, qui , dans tout ce que ce bon père donnoit pour furnaturel , n'auroit vu & fait voir qu'un abus de Ia nature. .Voild, ajoute 1'auteur de ce  de la Cadière, 139 moiré, le motif qui détermina ce jéfuite a n Êttrg h Cadière au couvent de fainte Claire dïOllioules, qui n'étanr éloigrié de Toulon que d'tne petite lieue , lui donnoit la faciiité de 1'aller vditer fans éclat , commodémenr, & avec rome forte de libenc , quand ii le vonloit. Enfin la Cadièie dir, quelque part, que ce Jéftrite , aprè.-. f avoit nnnv.dée a. fa lubricité, vouloit la facrifier a fun anibition , en s'affurant la rcpuration de faire des fain cef. Mais torres ces raifons ne font que des conjecturen; & fi 1'on confulre la procédure , elle donne encore moins de lun-.ière.** Dans le premier interrogatoire fubi par le père Girard , on lui demande par quelle raifon la Cadière alla au couvent d'Ollioules. 11 répond qu'elle lui avoit dit avoir eu une vifion , dans laquelle fainre Claire vouloit 1'avoir dans fon ordre , comme il eft marqué dans le journal du carême : mais, ajonte-t-il , fans faire fond fur la révélation , & après avoir éprouvé certe fille fuffifamment , je jugeai a propos de 1'envoyer dans ce monaftère j afin qu'c-  Hijloi're du procés tant dans un village , elle füt moins expofée au grand jour. II eft bien clair que cette réponfe étoit une défaite, & une défaice mal» adroite. Si la Cadière eut fuppofé une révélation qui lui eüt annoncé que Dieu 1'appelloit dans ce couvent, comment auroit-elle employé ce menfonge pour. obtenir la permiftion de faire une démarche a laquelle le père Girard luimême a tant eu de peine a la réfoudxe ? On va voir, dans un moment, Ia preuve écrire des contradictions qu'iL a éprouvées a ce fujer. D'aiiieurs , comment conciliera-t-it l'iacrédulké dont il fait ici parade, avec les efforts qu'il fait dans les lettrea qu'on va lire , pour perfuader aux reiigieufes que le fujet qu'il leur envoie,, eft une fainte a miracles 8c & révélations ? Quoiquil en foit, on continue de 1'interroger, & on lui demande fi foa but n'étoir pas.de voir la Cadière avec moins d'éclat, 8c plus de fatisfa&iom 11 répond que de pareilles vues ne Pont point fait agir, & qu'il ne demandoit que le falut de la Cadière & Ie hen. On ne peut s'empêcher de répéter:, ici, que ce Jéfuite 8c fes confeils n'a,-  de la Cadière. r^f Voient pas bien concerté ie plan de fa défenfe. Car enfin , s'il doutoit de la vérité des prodiges dont on a parlé , par quelle voie vouloit-il opérer le falut d'une fille qui n étoit occupée qu a tromper le public & les ames timorées, par des illuiions auxquelles il donnoit les mains par une approbation contimielle , foit vocale , fok par écrk ; approbation qui donnoit au menfonge tout 1'extérieur de la vériré, & fanctifioit, pour ainfi dire , la fuperftkion la plus outrée &c la plus ptmicieufe aux mceurs ? Cependant la prérendue vifion de fainte Claire lui avoit paru fi bien imaginée pour fa juftification , qu'il avoit infinué a Ia Cadière de la déclarer elle-raême en juftice, dans Ie temps que cette rille étoit retombée fous 1'empire de la féduction , & de la faire attefter par fes parents. Dans 1'interrogatoire qu'elle fubit alors, elle dit qu'elle avoit été appellée a la vie religieufe par une vifion ; que fainte Claire ik fainte Thérèfe lui apparurent étant devant le tróne de Jéfus-Chrift ■ que fainte Thérèfe la demandoit pour foo ordre ; mais fainte Claire 1'emporta. L'abbé Cadière interrogé fi ce n'eft  Hiftoire da procés pas la voix de Dieu qui a appellé la ïceur au couvent, répond qu'elle lui avoit dit que fainte Claire &c fainte Thérèfe lui étoient apparues plaidanc feur caufe devant Dieu, pour fcavoir laquelle des deux l'auröit; que fainte Claire 1'emporta j mais que fa fceur ayant de la répugnance pour entrer dans cette maifon, le père Cirard lui avoit dit qu'il falloit obéir aux ordres de Dieu. Elle foumit donc enfin fa répugnance a la volonté de fon directeur. Mais , avant de confommer fon facrifice , elle voulut au moins fe procurer la fatisfaclion de voir les lieux les plus renommés de fa province , comme Aix9 Marfeille & la Sainre Baume. Ce fut d'Aix qu'elle envoya au P, Girard la première lertre qu'il ait recue d'elle : il en fera beaucoup fait mention dans la procédure. Pendant ce voyage, le père Girard ccrivit a 1'abbelTe d'OlliouIes. 11 eft néceftaire de copier ici cetre lettre , qui juftifie que le père Girard ne vouloit pas que 1'on crut qu'il eut aucun doute fur la fainteté de fa dévote : «11e eft datée du u Mai 1750. » Madame, depuis deux ans que la  de Ia Cadière. 143* » rJivïne providence m'a envoyé X » Toulon , elle m'a remis encre les n mains la conduite d'une ame qu'elle » appelle aujourd'hui a votre commart nauté, & pour laquelle je vous de>» mande une place. C'eft mademoife'le 5) Catherine Cadière, qui vous eft un » peu connue , d ce que je lui ai oui dire: » c'eft ce qui fait que je ne vous dirai » rien de particulier fur le caracfère de » fon efprit, de fon humeur & de fa » vertu. Je puis vous alfurer feulement >» que ce n'eft pas une ame commnne , » & que notre Seigneur a une prédilec» cion Jinguliè e pour elle. Sa fanré fera » telle que Ie bon Dieu la veut pout »accomplir tous les defieins qu'il a » fur certe demoifelle chez vous , & je » vous rèponds de la lome' & de la Co» lidhe' de fa vocation } paree que fen ai » despreuves inconrefiables. Vous accor* » derez une grande grace a certe fille , >» en la prenant chez vous , & je fuis, en » même temps, perfuadé que Dieu ne » peut guèresj en cette matière }accordep » d votre maifon de plus grandes graces t •> qu'en vous accordant & vous envoyanl » un tel fujet. Vous le connoïttez aifé»» ment en peu de temps. Je vous fup» » plie, madame, degarder abfolumenr|  %44 [Hifi oir e du proces i> a Tégard de votre communauté, le w'fecret fur ce que j'ai 1'honneur de vous » écrire , paree qu'il feroit difficile qae w'le brnic de cette affaire ne fut pas » bientót répandu, & que venant aux » oreilles des patents de la demoifelle , «■ils feroient tous les efforts imagi» nables pour la retenir encore, quoi3> que je fgache que, quand une'fois elle m fera parrie , ils fe foumettront a la 3> très-fainte volonté de Dieu : j'attends jj inceffamment votre réponfe ; Sc je j> me promets de votre piété, de votre » zele Sc de votre prudence, qu'elle fera sj favorable. J'ai 1'honneur d'être , avec « un profond refpect, madame, votre 3> trèsdiumble & très-obéiffanrferviteur. 3> Girard , Recleur des Jéfuites. « II ne faut que lire cette lettre, qui étoit de ia propre main du P. Girard , pour fe convaincre qu'il vouloit que fa dévote füt regardée comme une fainte anticipée , Sc d'un ordre fupérieur. On y voit en même-temps qu'il la forcoit a faire cette démarche, & qu'il 1'enlevoit même a fa familie. Dès le lendemain 1'abbeiTe envoya fa réponfe , conrenant en gros qu'elle étoir très-flattée de recevoir le fujet qui lux étoit annoncé, tant a caufc dc fa propte  de la Cadière. 14 c propre réputation , que par confidératiön pour celui qui Ja préfentoic. Elle avoir cependant quelque répugnance a Ja recevoir a Pm feu de fes parents. Une Jcene qui s'étoit paffee au parloir pour un fujet pareil, lui avoit fait prendre la relolution de n'en plus recevoir dans de pareilles circonftances. Mais 1'afTuranee que lui donnoit le père Girard que les parents de la Cadière fe foumettroient a la volonté de Dieu , la détermina a faire, en cette occafion, une excepnon a la règle qu'elle s'étoit impofée. II paroït que le P. Girard extorqua enhn le confentemenc de Ia Cadière mere, pour la démarche qu'il faifoit fake a fa fille. L'abbeffe, qui en fut inftruite, en remoigna fa fatisfaction a Ia Cadière, parune lettre du ie'Juin 1730. Elle 1'invite; en même-temps, ï Ce rendre le plutot qu'il fera poffible , pourvu que ce foit le moment que Dieu a marqué. La Cadière fe rendit enfin a Ollioules Ie 23 Mai i75o. Cette époque eft fixée par une lettre qu'elle écrivir au père Alexis , carme déchauffé, datée de Toulon , le 4 Juin I7JOj dans iaquei|e elle annonce qu'elle eft a la veille de Ion départ. Elle eft encore fixée par Tome ii. q  146 Hijloire du proces celle du père Girard , qu'il chargea la Cadière de remettre a 1'abbefle en arrivant, & donc la date eft de Toulon, le 5 Juin 1730. II faut encore copier ici cette lettre. „ Madame , voila 1'ame que J. C. a „ réfervée a votre monaftère, & que „ je vous envoie. Je la remets volon„ tiers a. des mains telles que les vötres, » &c vous rends mille graces de ce que » vous voulez bien la recevoir : elle eft 3 «par la grande mifèricorde de Dieu, » dans d'excellentes difpofuions : mais, ,> ne les eut-elle pas, déformais qu'elle » va être fous vos yeux, & vivre dans » votre dépendance , elle les acquerroit » bientöt; vos exemples , madame , „ vos inftruólions, vos ordres, & les » prières que vous aurez la bonté de „ faire pour elle, la rendanc telle qu'elle » doit être, pour aceomplir les defteins ,> de N. S. fur fa fancf ification , & pour » marcher fidélement fur les traces des » dignes religieufes, a la tête defquelles » la divine providence vous a ft fage» ment placée. Je n'ofe pas vous dejj mander, dans ces commencements3 de n vouloir bien accorder d mademoifelle „ Cadière la fainte communion pour tous „les jours ; peut -être trouvere^-vous » bientot que Dieu le veiut & qu'il ne  de la Cadière. jaj » la trouve pas tout-A-fait indigne de » cette grace fwgulière. Mais je vous »fupplie du moins de la faire commu» nier un peu fréquemment. Une feconde « faveur que je prends la liberté de vous » dsmander , cefi que cette demoifelle vpuiffi m'écrire, fans que fes lettres -fotent lues, & que mes réponfes aillent » de même a elle, fans être vues. Ces let» tres, de part & d'autre, ne rouleronr » préciiémenr que fur les difpofitions de j> fon ame & 1'économie de fon intérieur. » J'aurai 1'honneur, dans une quinzaine » de jours, d'aller moi-même vous re» commander cette chère fille, de me » recommander aufii a vos prières, &e » de vous alfurer de ma reconnoiffa'nce » pour vos bontés, & du plus profond 3> refped avec lequel je fuis, madame, » votre très-humbie & très-obéilTanc » ferviceur. Girard , Jéfuire. Les allarmes que les indifcrérions du père Girard lui avoient caufées, &c dont il ne s'étoit tiré que par le feco'urs d'un breuvage, ne 1'avoient apparemment pas rendu plus fage. II avoir vraifemblablement renouvellé les caufes de fon jnquiérude, & ignoroit 1'état de fa dévote, quand elle partit pour le couvent. Les queftions qu'il fit d 1'abGz  148 Hiftoire du proces _ befle & a la maïtrefle des novices, Ia première fois qu'il y alla, font naitre cette idée. Elles dépofent 1'une & 1'autre , qu'il leur demanda fi la Cadière, depuis qu'elle étoit dans leur maifon , n'avoit pas eu de grandes pertes , 8c qu'il leur dit que, quand elle étoit a Toulon , elle avoit perdu plus de vingt livres de fang , par la révolution que faifoit en elle la communication des graces qu'elle recevoit de Dieu. Cette queftion leur parur un peu étrange dans la bouche d'un prêtre j mais n'ofant imputer aucune indécence a. un homme de la réputation de ce Jéfuite, elles cacherent leur furprife , & 1'abbelfe ïnterrogea la maitretfe des novices fur ce qui en étoit: celle-ci répondit affirmativement. Elles ne tirèrent cependant dela aucune conféquence défavantageuit a la vertu de 1'un, ni de 1'autre. L'abbelTe demanda néanmoins a la Cadière, par forme de reproches , li elle parloit de ces chofes-la a fon direfteur; mais elle ne fe folivient point de ce qu'olle répondit. Examinons d'abord la conduite particulière de cette fille dans le couvent, relativement a la règle ; nous examinerons enfuite ce qu'elle a eu de commun avec Ie P. Girard, peadant fggj, féjour dans ce monaftère.  de la Cadlèrê. 149 Quelques religieufes, dans leurs dépofitions, 1'accufent d'avoir manqué aüx devoirs les plus effentiels j comme d'avoir fait gras les jours confacrés au jeüne, foit par la règle, foit même par 1'églife.Mais ces témoins ne méritoient aucune croyance ; le développement des intrigues qui furent 1'ame de cette affaire , en feront voir les raifons : c'écoit une dame Camelin, une dame Beauffier, Sec. qui prirent a peine quelques mefures pour déguifer leur attachement aux Jéfuites. D'aiiieurs la Cadière avoit toujours eu de la répugnance pour le maigre. » II m'eft impofïïble, écrivoit-elle au P. Girard, dans fa lettre du 30 Juillet 1730, » d'obferver davan33 tage Ie maigte, comme vous le fou3> baiteriez 5 je vous en ai dit les rai33 fons j ainfi penfez-y férieufement, 33 afin que tout foit conforme a la vo33 lonté Sc a la gloire de Dieu. « Elle a donc continué au couvent, comme elle avoit fait dans le monde, a faire confifter fa fainteté dans des extafes, dans des vifions, Sc dans des miracles , fans que 1'on voie qu'elle fe livrar a aucune mortification , a aucune ceuvre de charité. En un mot, on ne remarque, dans fa vie^  ijo Hijloire du proces ni dans fes écrits , aucun veilige de ces vertus morales & évangéfiqües qui caractérifent le véritable chrécien , qui annoncent qu'il eft pénétré de la grandeur & de la vérité de la religion. La Cadière jouoit le role de fainte, &C 1'on ne voic rien, dans toutes fes actions, qui air pu lui mériter une prérogative qui ne s'acquiert que par la pratique intérieure des vertus, tant chrétiennes que morales, des verrus racommandées par 1'Evangile. Eroit-ce fa faute ? étoit-ce la faute du dire&eur auqnel elle avoit donné toute fa confiance, & qui, loin de la corriger de fes idees extatiques, loin de fubftituer dans fon efprit a 1'ambition de pafter pour fainte, 1'humilité chrétienne, qui feule conduit au bonheur de 1'êrre véritablement, avoit profité de la foiblefte de fon imagination pour fe procurer la renommee d'une dirediion fandifiante par elle-mème, & avoit, comme on commence a 1'entrevoir, abufé de cette même renommee pour vivre dans le défordre le plus critrinel, aux dépens de la vertu de celle même qu'il donnoit comme une fainte ? Quoi qu'il en foit, on peut juger, par quelques faits rapportés plus haut,  de la Cadière. 151 que les extafes , les transfigurations, óYc. avoient continué a Ollioules, comme elles avoient commertcé a Toulon. On n'entrera pas ici dans un grand détail a eet égard : ce feroit répéter des faits ttès-ïaftidieux par euxmêmes. On obfervera feulement que la dame de Lefcot , religieufe , maïtrelfe des novices , & vingricme témoin , dépofe dans fon récolement, que le P. Recteur lui avoit recommandé de mettre fur le papier & d'écrire toutes les graces furnarurelles qu'elle verroit en la Cadière; qu'il comprendroit en un mot de quoi il s'agijfoit; qu'il ramajfok toutes ces pièces , & qu'un jour cela ferviroit pour VéAification du public; ce qu'elle exécuta. Voici encore , pour le dire en paffant, une preuve bien convaincante que le P. Girard étoit complice des événements prétendus furnaturels qui arrivoient a fa pénitente, quoiqu'il air toujours foutenu le contraire dans le cours de Ia procédure. II en ramalTdic des preuves , pour les faire valoir en temps & lieu, fuivant les projets de fon ambition. La dame de Lefcot exécuta donc les ordres du père Girard ; elle écrivit G4  ï y 2 Hiftoire du procis tout ce qu'elle crue voir d'extraordinaire. Les trois mémoires qu'elle rédigea a eet effet, furent produits au procés : on n'y voit qu'extafes, conv munions miraculeufes , entretiens avec Dieu, avec les Séraphins & les Saints \ la Sainte-Trinké la couronne 5 le Père éternel funk a lui pour coopérer aux delfeins de fon Fils , a la rédempcion des hommes & a 1'augmentation de fa gloire y elle careife & embraife 1'Enfant Jefus , &c. La bonne religieufe croyoit rout cela , en drelToit des mémoires, & les envoyoit au P. Girard : ils ont été imprimés avec les autres pièces de la procédure. Toutes les religieufes n'étoient pas abfoiument dupes de ces prétendus prodiges. L'abbefTe déclare , dans fa dcpofition , que, quoiqu'elle ne regardac pas la Cadière comme étant dans 1'état d'une haute perfection , elle c-rut qu'il convenoit, malgré fes foupcons, de foumettre fon fentiment a celui des perfonnes qu'elle croyoit plus éclairées en fait de fpirirualké , & plus pieufes qu'elle. Elle ajoute que fes doutes ctoient fondés fur ce que cette fille palToit facilement de fes extafes a des niaiferies &c a des badinages j qu'elle ne pouvoit  de la Cadière. 153 pas fuivre la communauté y qu'on ne la voyoic jamais a 1'églife en prières (j), n'exercanc nulle forre de mortification. Nonobftant la rélignation de certe fupérieure aux opinions d'autrui, elle ne laiffoit pas de fe livrer quelquefois aux liennes propres , & de prendre même de 1'humeur, lorfque la Cadière fe difpenfoit de quelque point de la règle, ou de quelque pratique de cérémonie. » Je vous dirai, dit cette der» nière, dans fa lettre du 15 Juin au » P. Girard , que ce matin a matines , » dans le temps qu'on difoit le Te » Deum, m'étant allife fur ma forme , >j &c m'erant abandonnée , comme vous » me 1'aviez recommandé , madame 33 1'abbelfe vint dans 1'inftant me pren»3 dre par la rête en me la fecouant , »3 & en me difant a pleine voix devanc » toutes les religieufes, que je ne de>3 vois point refter afllife pendant le 33 Te Deam , & qu'elle m'ordonnoir 33 de me drelfer; ce que je fis a la vé33 rité , mais avec des peines incroya33 bles , puifqu'il me fallut réfifter mal33 gré moi aux mouvements intérieurs 33 que je reftentois. « (1) File n'avoit garde de prier, puifque fon confelleuï lui avoit iuterdic la prière vocale. G ■<  154 Hijloire du proces En un mot, on ne trouve, dans Ie détail de toute la vie particulière de cette fille , aucune tracé d'une vraie piéré , aucune marqué de la réfignation chrétienne. Paftbns a ce qu'elle a eu de commun avec le père Girard , pendant fon féjour a Ollioules. Deux objets fe ptéfentent a examiner } les lettres qu'ils fe font refpectivemenc écrites , & les vilites que la Cadière a recues du direóteur. Commengons par les lettres. Avant de les difcuter en détail , il faut remarquer que 1'on a prétendu trouver dans celles du père Girard un furcroit de preuves qu'il vivoir en incefte fpirituel avec fa pénitente. Ce qui faifoit 1'embarras , c'eft que Ie directeur avoit eu 1'adreffe ,. comme on le verra par la fuite, de rerirer des mains de la Cadière, avant la procédure commencée, toutes celles qu'il lui avoit écrites. II en produifit cependant jufqu'au nombre de quarorze; mais on foutenoit qu'il les avoic refaites & ajuftées au fyftême de fa défenfe. Le hafard n'en avoit laifté qu'une entre les mains de la Cadière, qui fut aufli produite, Sc dans laquelle elle prétendoic  de la Cadière. 'r j y trouver des traces certaines du crime donr on accufoit ce directeur; mais il éludoir ces induófions , paree que les expreffions d'oü on les faifoit dériver, n'étoient pas directes , & qu'on ne trouvoit rien , difoit-il , dans les autres lettres qui put favorifer I'interprétation que 1'on vouloit donner au fens de celle-cl. Entrons dans 1'examen des motifs de préfomption dont on argumentoit contre le Jéfuite. Une chofe qui a fait élever beaucoup de foupcons contre la droiture de fes intenrions, c'eft la précaution qu'il avoit prife de demander a 1'abbeffe, par fa lettre du 5 Juin 1730, que cette demoifelle put lui écrire fans que fes lettres fuffent vues } & que fes réponfes allaffent de même d elle 3 fans être lues. Quand on lui demanda le motif de ce myftère, il répondit que ces lettres ne devoient rouler gue fur les difpofitions de l'ame de cette pénitente & fur Véconomie de fon intérieur^ Mais il eft cerrain que , de toutes celles qui ont été produites au proces, produétion qui partoit de la main du père Girard lui-même, une feule fait menrion de 1'inrérieur de Ia confeience de la Cadière. D'un autre cóté, il paC 6  1^6 Hljloire du ^proces roit par la procédure , que ce Jéfuite s'étoir précautionné contre les inconvénients. II avoit craint que 1'abbeffe, foit par curiofité, foit par attention pour fes devoirs, ne refusat la grace qu'on lui avoit demandée, & n'ouvrit les lettres. Pour prévenir eet inconvénienr, il en remettoit deux a fes meffagères y dont 1'une ne contenoit que des principes généraux de morale tk des confeils de fpiritualité , pour palfer par les mains de 1'abbeiTe, en cas qu'elle 1'exigeat ; tk 1'autre , dans laquelle étoient les véritables fentiments de 1'auteur , pour être rendue immédiatement a fa pénitente. Deux atticles de la procédure conduifoient a cette indueïion. La Batarelle , dans fa confrontation avec ie père Cadière, dominicain , fut interpellée, a la requifition de ce religieux, de déclarer fi , dans le temps que fa fceur étoit a Ollioules , elle ne portoic pas trois lettres a la fois ; une pour la fupérieuretk deux pour la Cadière , dont 1'une paiToic par les mains de la fupérieure , tk 1'autre , fuivant les ordres du P. Girard , étoit remife directement a cette fille. La Batarelle répondit que le père Girard, environ ue  de la Cadière. 15-7 mois après 1'emrée de Ia demoifelle Cadière au couvenr, lui remit trois lettres , Sc lui dit qu'une des trois,, regardant 1'intérieur de fa pénitente , devoit lui être remife en particulier ; ce qu'elle rir, & donna les deux autres a la fupérieure; ce qui n'eft arrivé qu'une feule fois. La Cadière érant fur la fellette , on lui demanda li les lettres du P. Girard n'écoient pas cachetées de différents cachecs. Elle répondit que celles qu'il lui écrivoir, Sc qui contenoient fes fentiments de tendreffe , étoient fermées avec du pain a cacherer rouge Sc un petit cachet; qu'elles lui étoient porties par fes pénitentes : mais que les autres, qui paffoient par les mains des religieufes , & qui étoient expofées a être lues , étoient cachetées avec du pain a cacheter blanc, Sc du cachet de Ja fociété. Dans 1'interrogatoire que fubit Ie P. Girard devant la Grand'Chambre , on lui demanda s'il n'écrivoit pas a la Cadière deux lettres a la fois , pour qu'elle put en montrer une Sc cacher 1'autre. Si 1'on en croit le procés-verbal, tel qu'il a été écrit par le grefSer , il dit que non. Mais le juge qui écrivoit lef  ï 5 8 Hijloïre du proces queftions & les réponfes, & les magiftrats qui ont envoyé a M. le Chancelier les motifs de leur opinion , atteftent qu'il répondit que cela lui étoit arrivé une fois feulement , au commencement que cette fille fut au convent; & que ne fcachant point encore comment Vabbeffe voudroit en ufer 3 il fe fervit dc eette précaution qu'il n'a plus mife en ufage dans la fuite. II paroir que cetre réponfe eft arrangée avec la dépofition de la Batarelle, dont le P. Girard avoir eu connoilfance par la confrontation,. & par d'autres voies dont on pourra avoir occafion de parler dans la fuite. Mais , pour que la dépofition de la Batarelle eut pu prouver que cette précaution n'a été mife en ufage qu'une feule fois , il auroir fallu en mèmetemps conftater qu'elle avoit été 1'unique meftagère du révérend père. D'aiiieurs on obfervoir que, dès le temps de 1'entrée de la Cadière au convent, il avoit eu la parole de rabbeffe que les lettres ne feroient point ouverres. C'eft ce qui paroït réfulter de celle du 5 juin, copiée plus haut; d'ou 1'on concluoit que ce manége avoit été employé toutes les fois qu'il avoit écrit, ou du moins qu'on étoit en droit de le |>réfamer,  de la Cadière. i ytj _ Pour écarrer roure idéé de la galanterie qu'on 1'accufoit d'avoir inférée dans fes lettres , il fe rerranchoir dans deux moyens de défenfe. i°. Aucune de celles qui avoient été produites, ne portoic 1'empreinte d'un mauvais commerce» 2°. S'il eütété vrai qu'elles euiïent refpiré un amour profane , les deux frères de la Cadière auroienc été complices de cette intrigue criminelle , puifque toutes les lettres qu'il avoit recues fous le nom de leur fceur, étoient écrites de leur main j or ils ne pouvoienr pas fabriquer ces réponfes fans avoir connoilfance des pièces auxquelles ils répondoient. Dira-t-on que leur fceur leur dicloit ce qu'elle vouloit qui füt écrir, fans leur faire part des lettres du Jéfuite ? Cette défaite eft la juftificarion du père Girard. Cette fille auroit, dans ce cas, enveloppé fes réponfes fous le voile d'expreflions équiyoques, Sc dont le vrai fens n'auroic été entendu que de fon amant : mais qu'on les life ces lettres , elles font toutes concues en termes clairs, Sc qui ne peuvent couvrir aucun fens indireét. Nous verrons , quand nous examinerons en détail, tant celles du père Girard, que celles de la Cadière, s'il  j6ö Hïjtoire du proces eft vrai qu'elles n'aient aucuné empreinte d'un mauvais commerce , Sc s'il eft vrai que, dans celles-ci, il n'y a aucunes expreflions enveloppées. Quant a préfent, expofons les réponfes générales que 1'on oppofoit a ces deux moyens de défenfe. II n'eft pas éronnant que les lettres du père Girard ne contiennent aucun venin , puifqu'il a eu le fecret de fe les faire rendre. On ne s'arrêrera point a prouver ce fait; il eft conftaté par la procédure, d'une facon qui ne laifte pas lieu au plus léger foupcon : d'aiiieurs il étoit avoué de toutes leurs parries. Ce Jéfuire avoit donc eu toute la facilité néceftaire pour fubftituer des lettres fabriquées a celles qui auroient pu le convaincre. II ne pouvoir donc tirer aucun avantage de la modeftie & de la fageffe qu'il prétendoit y faire remarquer. On alloit plus loin : on foutenoit que non-feulement il avoit pu les refaire , mais qu'en eftet il les avoit refaites. Voici comment on le prouvoir. i°. La précaution qu'il avoit eue de les mettre a 1'abri de l'infpedion de la fupérieure, & les mefures qu'il  de la Cadière. i6l avoir prifes pour fe garantir de tout accident a eet égard , annoncent que fon intention n'étoit pas de les rempiir de chofes édifianres , ni de les écrire dans Ie ftyle qui convienc a un directeur avec fa pénitente. N'auroit-il pas été bien-aife que ces lettres , de part &C d'autre, eulTent paffe, fuivant les régies , par les mains de 1'abbeffè, fi elles avoient dü 1'édifier, ou du moins ne pas la fcandalifer ? Le motif qu'il prétendoit 1'avoir fait agir ainfi, eft une pure défaire, puifqu'il eft cerrain qu'aucune de celles qu'il a produites écrites de fa main , ne regarde 1'intérieur de la confeience de Ia Cadière. i°. S'il n'avoit rien a craindre fur ce qu'elles contenoient, fi c'étoic une fuite d'exhortarions faluraires, pourquoi les avoit-il retirées des mains de celle pour qui elles devoient être une règle de conduite ? & pourquoi ne s'étoit-il empreffe de fe les faire rendre que dans Je temps\ oü M. 1'Evêque de Toulon avoit ordonné a la Cadière de fe mettre fous la conduite d'un autre direcreur ? Nous aurons occafion dans la fuire d'éclaircir ce fair. 3 °. Deux des lettres du P.Girard étoient reftées entre les mains de la Cadière,  1^2 Hijloire du proces 1'une du 22 Juillet, qui ne s'étoit past trouvée avec les autres, lorfqu'elle lés' remit a la commiffionnaire du P. Girard , & 1'autre qu'il lui' avoit écrite le 15 Septembre , poftérieurement a la remife qui lui avoit éré faire des précédentes. La première de ces deux lettres eft, comme on le verra dans la fuite, pleine de 1'amour le plus profme; il perce au travers de k gaze dont 1'auteur a voulu le couvrir. Celle-la n'eft point fignée. L'autre ne parle que d'arrangements qui font indifférents , 8c eft fignée. D'oü vient cette différence ? Que craignoit il en mettant fa (ignature au bas d'une lettre qui, felon lui, n'eft faite que pour infpirer les fentiments les plus purs ? j 4°- Le père Girard convenoit qu'il n'avoit pas produit toutes celles qu'il avoit écrites a fa pénitente, & difoit qu'il n'en avoit réfervé que deux , qu'il ne pouvoit pas mettre au jour fans découvrir le fecret de la confeftion. On lui répondoit qu'il éroic prouvé , par \es lettres mêmes que la juftice avoit fous les yeux , qu'il gardoit beaucoup plus de deux lertres , & que la raifon qu'il alléguoit pour fe défendre de les montrer coutes, étoit une pure défaite,  de la Cadière. 1(33 La Ietrre du P. Girard, datée du 22 Juillet 1730 , commence par ces mots : Voici , ma chère enfant3 la troifième lettre en trois jouss. Il y en avoir donc deux aurres, 1'une du 21 & 1'autre du 20 juillet : elles ne fe rrouvoient pas dans la production. II ajoute, vers la fin de la même lerrre : Cumpte\'bien 3 cette lettre vous dit que vous vene^ toujours après moi : il efl dangereux que vous ne m'atteignie^ pas _, d moins que vous n'en écrivieq deux par jour. D'après le calcul que fait ce Jéfuite lui-même , n'eft-on pas en droit de croire qu'il avoit écric au moins cent lerrres, depuis Ie 5 juin , jour de t'entrée de la .Cadière au couvent, jufqu'au 15 Septembre , date de la dernièrt envoyée. par le P. Girard? Dans ce compre, on n'en fuppofe qu'une par jour : il efl cependanr prouvé qu'il y avoir des. jours oü il en avoit écrir plus d'une. La lettre du 30 juillet commence ainfi : Après vous avoir écrit un mot ce mattn 3 ma chère fille 3 &c. II eft donc clair que le P. Girard n'accufoit pas la vérité, en difant qu'il ne s'étoit réfervé que de;ix lerrres. Mais de quelle narure étoient celles. remis ce foir votre lettre , je ne puis » m'empêcher de vous écrire encore s> un mot ce foir , avant que de me » equeher. ^ Or cette lettre, qui lui avoit été remife par la Cadière, mère, n'a point paru. Dans leur confrontation en la Grand'Chambre, » la Cadière in» rerpella le P. Girard de produire une » lettre, qu'il avoit avoué avoir en fon «pouvoir, & qu'il n'avoit pas pro»duite, fous prétexte qu'elle conte».noit des faits de confeffion, con» fentant néanmoins qu'il la produisït, » quoi qu'elle put contenir; qu'elle eft »indiquée par celle a la page 20 des  de la Cadière. 16*7 s» lettres imprimées en queue du factum » du père Girard. ( C'eft celle du 16 » juillet. ) » Le P. Girard répondit que cette » lettre étoit a lui, & non a elle ; qu'il j> 1'avoit brülée, paree qu'elle contej9 noit des faits de confellion. » Cette lettre , dit la Cadière , eft » une des miennes : elle fait voir le » rebut que j'avois pour cette difcipline » que vous me donniez, même dans le « couvent d'Ollioules, & par la petite as fenêtre de la grille , fous prétexte 35 que j'avois faic quelque faute , .de 33 laquelle il falloit que je fufle punie. >3 Ce fait, continua-t-elle , fe préfume " facilement par cette lettre , que je 33 vais lire. « La voici telle qu'elle fut lue, & telle qu'elle eft imprimée : elle étoit du nombre de celles qui avoienr été rendues au P. Girard, & qu'on 1'accufoit d'avoir refaites. 33 J'ai prêché cer après33 dinée, comme vous fcavez , ma chère 33 fille , &c je fuis las. Mais votre mère 33 m'ayant remis ce foir votre lettre , 33 je ne puis m'empêcher de vous écrire js encore un mot ce foir , avant que j3 de me coucher. Je fouffre avec vous ; »> je vous 1'ai dit, ma chère enfant j  1(d8 Hljloire du proces » entrons 1'un & 1'autre dans les defj> feins de notre bon Dieu , &c immo» lons-nous pleinement a lui. Ce qui j> doit infiniment vous confoler dans j> votre tnftefle 8c votre défolation , jj mon ange , c'eft que vous êtes bien 33 avec celui qui vous afflige ; qu'il vous 33 aime , & que vous l'aimez. Que celui is qui écrit ceci n'en peut-il dire auranc ! >3 Mais prenez garde , ma chère fille, »3 qu'il ne vous échappe rien d'oppofé 33 au bon plaifir de norre grand Maïtre. 33 Ne dites jamais : je ne veuxpas} je 33 ne ferai pas ; le faint amour feroit js bien trleffé d'une pareille réfiftance; 33 & j'aime aftez mon Dieu, pour être 33 infinimenr touché d'une pareille faute 33 de votre part, fi vous en étiez capable. 33 Quand la nature s'oppoferoit forte33 menr aux vues de Dieu , conrentez33 vous du moins de dire : je tacherai 33 de faire , je conjulterai : mais , au 33 ncm de Dieu , qu'il nsy air jamais 33 en vous de refus fee & abfolu. Ne 3» ferez vous pas, ma chère fille , ce 33 que je vous confeillerai, & ce qui 33 me paroi'rra le plus glorieux a J. C>; 33 ie plus utile pour vous, le plus avann tageus pour le prochain ? Vous m'a»» vez tant promis de n'avoir plus da 3» volonté.  de la Cadière. igp ij volonté. N'oubliez jamais que les fa33 veurs regues & les defleins de Dieu « fur fa petite créature, demandent ur» 3» abandon abfolu, & une remife totale 33 de vous-même enrre fes mains. II 33 falloit meerite en deux mots ce qu'il 33 vous fembloit qu'on vouloit exiaer • 33 vous 1'auriez eu aufli-tót mis qu&e le .3 refte: & ces fufpenfions oü vous me 33 lailfez d'ordinaixe , me font encore « fouffrir. Courage , ma chère enfant; .. Ie terme eft court; empreffons-nous 33 d'aller, de donner, de fouffrir; vous 33 aurez un ft Jong temps a jouir. Je 33 comprois que vous me fixeriez Ie 33 jour qui pourroit être Ie plus felon 33 les delfeins de Dieu, pour vous voir. »3 Comme vous me laiffez li bre , & 3' que je vous vois dans Ia fourfrance, >3 je me détermine a mercredi de bon >3 maan : en cas que notre Seigneur 33 vous donnar quelque nouvelle VUe 33 la-deifus, écrivez-moi-le par un mot 33 de bdlet, ce foir même; alors je 33 différerai a vendredi, paree que je 3> penfe que le Grand-Vicaire ira jeüdi 33 prendre votre dépofition. Bon foir f ma( chère enfant; je fuis avec vous 33 & a vous plus que je ne puis vous le 33 dire. Le bon Dieu veuille fe °loriTome II. Hö  170 Hijloire du proces „ fier dans la fille & dans le père. » Amen. 53 Mes rrès-humbles refpeóts a ma.3 dame 1'Abbefle &c madame de Lef>3 cot. « Le procés-verbal du greffier ne parle plus de cette lettre , après qu'elle eüc été lue , mais le juge qui écrivoit en fon particulier, continue ainfi : » Et 33 après la leóture , elle a dit qu'il y eft 33 parlé de la répugnance qu'elle avoit 33 a fouffrir le fouet qu'il lui donnoit a 33 la grille du parloir. (1) Le P. Girard. 33 Vous me faites dire ce que vous vou- (1) Cette lettre annonce clairement , en effet, que le père Girard avoit exigé de la Cadière quelque chofe de défagréable , Sf qu'elle avoit réfifté , qu'il vouloit qu elle füc aveuglément foumife a fes volontés , fous Je prétexte ordinaire que Dieu l'exi^e ainfi. Il eft vrai que la fin femble faire cntendrc que c'étoient d'autres perfonnes que lui qui avoient exigé ; inais 011 eft toujours en droit de lui répondre que , s'étant relTaifi de cette lettre , qui étoit de fa propre écriture , il a pu changer ce qui pouvoit dépofer trop clairement contre lui. D'aiiieurs 1'explication que donne ici la Cadière, porte fur un fait qui, quand il feroit étranger a la lettre, n'en feroit pas moins vrai en foi. On a déja vu , & 1'on veria encore , qu'il arrivoit quelquefois a ce directeur dc fouetter fa pénitenre.  de la Cadière, j-jj » lez, &t non ce que j'ai dit j & cette 5» lettre', comme les autres, eft dans » un lens très-pieux. La Cadière. C'eft » paree que-vous les avez refaites, Sc » c'eft pour cela que vous les envoyates » reprendre. Le f. Girard. Ce fut pour » éviter qu'on ne vous prït vos papiers, » comme je croyois qu'on vous avoit » repris votre carême; & je vous écri» vois, en même-temps , de ne me rien » envoyer, fi le carême ne vous avoic » pas été pris. La Cadière. Quelle peine «ayiez-vous que 1'on vit des lettres » pieufes ? Le père Girard. La même » peine que celle qui m'avoit fait de" mander a 1'Abbelfe de ne pas les n voir. « On ne voit point de lettre du père Girard depuis le 4 juillet jufqu'au t4 du même mois. Cependant il écrit dans celle du 14 : On m'a dit que quelquune de mes lettres vous avoit fait de la peine. Je n'y difois rien , ce me femble, qui dut vous en caufer. Voila donc des lettres fupprimées dans 1'intervalle du 4 au 14. Ma;quei-moi , dit-il, dans la même lettre, ce que c'eft que cette cóte rom~uey & ce qui fe pafte en particulier. Sa production n'offre cependant aucune lettre de la Cadière qui parle de cóte rompue.  172- Hijtoire du procés II efl; donc conftant que le P. Girard avoit fupprimé un nombre , tant de"fes propres iettres, que de celles qu'il avoit recues de la Cadière. Mais on alloit plus loin. On prouvoit qu'il avoit refait fes propres lettres : on auroit pu s'en tenir aux préfomptions qu'on étoit en droit de titer du foin qu'il avoit pris de les dérober a. la connoilfance de 1'abbeiTe, & de fe les faire rendre, quand il fut menacé d'une rupture inévitable avec la Cadière : mais on trouvoit une preuve écrite de ce fait dans les lettres mêmes. Dans celle du xG Aoür 1730, la Cadière écrir: » Je n'ai »> pu répondre plutot a votre lettre , » par 1'extrême impuiiTance oü elle m'a » jetrée. II y a quelques jours que je i> vous mirquois que je ne pouvois » fppporrer tous les dons de Dieu; j3 mais , pour le préfent, je ne fcaurois » m'empêcher de vous dire que je ne »Jfaurois foutenir toute l'étendue de » vos rigueurs d. mon égard. Jufqu'a » préfent je m'étois confolée par la .v douce efpérance que je trouverois en j> vous les marqués de bonté Sc de ten»> drelïè que j'y avois toujours recons> nues j mais 1'expérience me fait p voir tout le contraire. Si j'y avois  de la Ca diere. 173 3> donné quelque lieu par ma faute , 33 je m'en confolerois très-aifément; j3 mais, tandis que je fuis füre que je 53 n'ai rien donné a peifonne qu'a vous 33 feul , il me parou que vous aurie\ du 33 ménager un peu plus le peu de fanté 33 de votre fdle Je me contente 33 d'avoir été facrifièe d toute votre févé33 rité} & d'avoir été une viclime inno33 cente fur le fait dont vous m'ave^ ac33 cufée avec fi peu de charité 3 qui ac33 compagne toujours 1'efprit de Dieu. 33 Vous auriez dü faire attention que 33 je ne vous ai jamais manqué de fidéj3 licé en rout ce qui a pu vous regarder 33 jufqu'ici j mais je puis me tromper j 33 & je veux bien , pour m'en convaincre 33 pleinement, vous exhorter ici a rei 33 tirer , par adrefle , quelqu'une de ces 1 33 cppies (1) que vous dites être répani 33 dues dans les quatre coins de la ville ; 33 & alors.quoique j'y fois déja par avan33 ce foumife, je me foumettrai parfai33 tement aux reproches fanglants & peu 33 ménages dont vous me menace^, qui 33 mout rèduite d l'agonie A vous 33 patier ici franchement, je ne m'at- (1} II étoit (lueftion du mémoire du carême , qui avoit été a ia connoiiTance de 1'Evêque ; 1 ce qui fachoit beaucoup le P. Girard. H3  174 Hijloire du proces j> tendois pas d une pareille fecouffe de 55 votre part : chacun e'prouve la bonté 3> qui vous ejl naturelle } mais vous ré55 ferve% pour moi feule la févérué d'un 35père a qui on dok pourtant toujours 35 obéir, foit qu'un enfant foit cou35 pable ou innocent. Sans doute que 33 Ie Seigneur veut que je boive toute 33 1'amertume de fon calice, pour expier 33 toutes mes infidélités palfées , ' qui 33 font fans nombre, de même que mes 33 imperfe&ions préfentes , a la vue 33 defquelles je m'humilie , & je me 35 foumets aux juftes chatiments donc vous m'avez punie. « Cette lettre répond certainement a une autre pleine de reproches fanglants &c de menaces terribles. Voici cependant celle que le P. Girard avoit produite , & a laquelle , felon lui, la Cadière faifoit réponfe par ce qu'on vient de lire. Elle efl: du 12 Aoüt. 35 Dieu 53 foit béni, ma chère enfanr, qui vienc 33 de me jetter dans la plus cuifante 33 affliclion que j'aie encore éprouvée 3) a vorre fujer. J'ai appris, cette après33 dinée, qu'il y avoit dans la ville plu33 lieurs copies de l'écrit que vous me 33 remites hier, & que vous avez eu J3 tant de peine a me donner. C'els  Se la Cadière. _ h une des perfonnes mêmes qui 1'a eu, 5> &c qui 1'a peut-être encore entre les 9> mains, qui m'en a inftruit, & qui 39 m'a fait le détail de tout ce qui s'eft 33 paffe en vous pendant le carême. Je 33 fc,aurai bientót par qui 1'on a eu comt> municarion de ces papiers. Dites33 moi, vous, avec fimplicité, ma chère 33 fille, fi vous en avez donné copie a 9> quelqu'un , ou s'il faut qu'on vous 33 les ait pris dans votre caffette. Dans 33 ce dernier cas, envoyez-moi actuelle33 ment, par mademoifelle *** qui vous 33 porte cette lettre, tous les papiers 33 que vous pouvez avoir , mes lettres, 33 celles d'autrui, &c. dans un paquer, 33 & faites-moi, en même-temps, in93 ceffamment réponfe. Faites enfuite , 33 dans 1'occafion , a la fupérieure , votre 33 plaince , & avec fermeté & avec ref33 pe£t , fur ce qu'on vous a dérobé des 33 papiers de confcience , fur lefquels 33 perfonne au monde n'avoit aucun 35 droit, & qu'on les a enlevés pour les 33 communiquer au dehors. S'il arrivé ss enfuite qu'on vous parle de demander 59 des congés au P. Provincial des Ob33 fervantins, par rapport a vous & a ss moi, répondez doucement que ce n'eft pas la peine de le faire, paree H 4  i~j(> Hijloire du proces » que vous ne devez pas refter dans la » maifon. Si c 'étoit vous qui fufilez. » coupable de la communication de « ces papiers , il*n'y auroit rien a dire, » ni a faire de tout ce que je viens » de vous marquer par rapport a la » maifon oü vous êtes. Mais ju^ez , « dans cette circonftance , quels° re» proches j'aurois a vous faire , & » combien vous me percez le cceur. » En cas que Monfeigneur vous voie ces » jours-ci, dites-lui, fur mon compte , m tout ce que le bon Dieu vous mettra » au cceur j ne lui parlez de vous que » fort en général. S'il pariede vos plaies, » dites-lui qu'elles font ferme'es depuis » que le P. de Sab.fut che^ vous , & ne » lui faites rien voir. S'il fait des quef» tions fur quelques points en particu53 lier, caril eft fort inftruit, répondez; 33 fort briévement, & le plus confufé35 ment que vous pourre^. Tenez-vous-en 33 la avec beaucoup de modeftie d'une " part, Sc d'attention fur ce que vous 33 dires de 1'autre. Dans la ccnjoncture préfente , je me crois obligé , pour la 33plus grande gloire de'Dieu3 & pour 33 votre tranquillité, de vous défendre 33 pour un temps, par route 1'aurorité » que N. S. m'a donnée fur vous, Sc  de la Cadière. ïyy » dans les termes les plus forts que » puilfe employer un confeffeur, un j' directeur, un ami, un père ; je vous 3» défends, dis-je, i°. de parler a qui » que ce foit au monde de fon intérieur =3 propre, ni de votre propre intérieur, 33 quelque mouvement qu'il vous fem.> ble en avoir. Ce point ne regarde , 33 ni Monfeigneur, que j'ai excepté 33 plus haut, ni mademoifelle Guyol. 33 A 1'égard de vos religieufes Sc de ss toute autre perfonne qui iroit vous 33 voir , parlez de Dieu : mais gardez 33 abfolument un profond filence, foic 33 fur leurs difpofirions que vous pour33 riez connoitre , foit fur les vótres 33 mêmes. i°. N'écrivez a qui que ce 33 foit a Toulon , a moins que ce ne 33 foit pour des chofes indirférentes : >3 vous pouvez écrire ailleurs, fuivant 33 le mouvement de lagrace. Obfervez 33 ces deux points , ma chère enfanr, 33 avec une exaclirude inviolable , juf33 qu'a nouvel ordre. N. S. veut que 33 vous en ufiez maintenant de la fofte, 33 & il eft indifpenfable de le faire , 33 même a 1'égard de vos proches. Ré33 pondez-moi par la porteufe de cette as lettre. « \\ eft certain que la précédente lettre  178 Hljtolre du proces eft la réponfe a celle-ci. Le P. Girard fe plainr de ce que plufieurs perfonnes font en polfeflion du mémoire du carême \ tk la Cadière, dans fa réponfe, attefte que ce n'eft point par fon fait. On voit bien , dans la lettre du directeur , des confeils qui enfeignent a la pénitente la facon de déguifer la vérité: mais on n'y remarque aucune tracé de ces menaces terribles qui 1'avoienr jetrée dans 1'impuiflance de répondre fur le champ, comme il lui étoit ordonnéj on n'y voit point ces reproches fanglants qui 1'avoient réduite a l'agonie, ni ces chatiments dont elle avoit été punie. Le P. Girard avoit donc refait cette lettre. On aura encore occafion , dans la fuite , de remarquer d'autres preuves qu'elle n'éroit pas conforme a 1'original que le P. Girard avoit envoyé d'abord. Mais ce n'eft pas la feule oü 1'on reconnoifle des preuves de cette infidélité. Le P. Girard en a produit une écrite de fa main , tk datée du vendredi au foir 9 juin 1730, dont voici les rermes : » Je fuis fort en peine, ma chère fille, w de ce que vous ne m'écrivez point. 35 Vos parents , qui me demandent fi je » n'ai point de vos nouvelles, craignenc  de la Cadière. jjp » que votre filence ne vienne de quelque « mécontentement fecrer que vous leur » diftimulez. On me dit que vous vous » porcez bien. Madame 1'Abbefle m'a » écrit qu'elle vous permettoit de m'inf»> truire de vos difpofitions. Apprenezn moi donc oü vous en êtes actuelle» ment, fi vous êtes contence,& s'il vous » femble que notie Seigneur le foit de » vous. Ne feriez-vous point retom» bée dans votre état de peines ? Tirez» moi, pour 1'amour de Dieu , de 1'in» certitude oü je fuis. Je fcais que tous » les commencements fonr difficiles; » vous fcavez auffi qu'il ne faut pas »s'efFrayer d'abord de ce qui paroic » étrange dans un changement de con» dition , ni des murmures de la na» ture , ni des rentations de 1'ennemi. » La grace de J. C. avec les fecours » que vous avez dans le monaftère , &c » les faints exemples qui feront toujours » devant vos yeux , vous animera i tout » faire & a tout fouffrir pour bien rem» plir votre carrière. Conrinuez a me »rendre compte de vos difp htions, » puifque vous fcavez que la gloire de J5 Dieu & vorre bien le demandent. »Vous n'ignorez pas les deffeins du i> ciel fur vous; foyez fidele a la luH 6  18o Hijloire du proces » mière intérieure j ne difputez rien a » 1'Efprit fainr: demandez-lui pour moi 33 la même fidélité que je vous recom33 mande, Sc préfentez mes très-hum33 bles refpecls a madame 1'Abbeffe. ss Je compte de vous voir dans les pre33 miers jours de la femaine prochaine. 33 En artendant, foyez afturée que je 3> fuis toujours tour i vous dans le facré 33 cceur de J. C. Girard, Jéfuite. « La réponfe a cette lettre eft du 11 juin. Si celle-ci n'eft point fuppofée , les deux lettres doivent quadrer en tout. 11 faut dpnc les rapprocher. Voici ce que la Cadière répondit. » Mon rrès-cher père, j'ai recu fa33 medi pafte 1'honneur de la votre, 33 remplie de mille bontés pour moi, 33 avec un plaifir lingulier , Sc une re33 connoiflance toujours plus nouvelle. 33 Vous devez fans doute être perfuadé ai de la fatisfa&ion exrrême qu'elle m'a »3 caufé , puifque je me trouve deftituée 33 de tod't fecours , Sc par conféquenc .> dans un extréme beibin du votre. 33 Mon fort me deviendroir en vérité 33 infupportable , fi je ne connoiffbis 33 parfaitement l'origine de mes maux, 33 Sc fi je ne comptois avec aifurance « que yqus me continueriez les bontés  de la Cadière. iSl m ordinaires que vous avez eues juf» qu'ici, pour contribuer au foulage99 ment de mes peines. Je vous y ex93 horte avec d'autant plus d'inftance, 99 que me voyant privée entiéremenr , 33 de la part du Seigneur, de toute con99 folation intérieure , il ne me refte 99 que vous feul en cette vie , mon cher 99 père, qui puifïiez m'en apporrer quel33 qu'une , & me redonner ces premiers 93 moments de joie , de douceur & » de tranquillité , que j'ai perdus de '3 vue depuis Ie premier moment que 53 je fuis entree • dans cetre maifon. 33 Vingt fois du jour je foupire après 3« 1'heure favorable oü je pourrai vous 35 voir, pour vous communiquer , de 93 vive voix , le fond de mes mifères , 53 ne pouvant me communiquer a tout ss autre ; ce qui ne fait pas che% moi le 93 moindre fujet de mes peines , commi 35 vous devei en être convaincu. Ainfi 55 harez-vous , mon cher père , le plutot 55 que vous pourrez, de venir donner js la guénfon a une pauvre malade digne js de vos compaffions. La privation de 331'Euchariftie, qu'on ne veut point 33 m'accorder tous les jours, & qua 93 feroit pourtant 1'unique foulagement, si tant de mon ame, que de mon corps,  l8z Hiftoire du proces » me jerce dans une agonie continuelle » & mortelle , accompagnée d'un cra» chement & d'une perte furabondante » de lang, qui me fait frémir & trems> bier tout a la fois pour 1'avenir. Je jjvous prie de redoubler vos prières, » puifqu'elles feules peuvent me fou» tenir dans le trifte état oü je me vois j> réduite , & m'attirer en même-temps J3 les miféricordes du Seigneur, qui 3> femble m'avoir délailTée. Pour ce qui »> regarde les plaies du D. & G., auffi33 bien que de la T. elles ont refté fer3) méés jufqu'a hier au foir, oü elles ss ont commence de prendre leur cours » ordinaire. Voila , mon cher père , ss la fituation préfenre oü je me rrouve : 33 tachez , par le fecours de vos prières, 33 que je vous demande avec emprelfe93 ment, de 1'adoucir : vous ne fcauriez 33 m'obliger plus fenfiblemenr. Je me 33 réferve a vous développer, de vive 33 voix, bien de petits fecrets , que je ss n'ofe vous expofer par écrit. Je me 33 flatte que vous daignerez m'en excu33 fer , & que vous voudrez m'accorder 33 toujours la grace de me dire très3s étroitement & très-intimement, en 33 Jéfus-Chrift, mon cher père , votre »3très-humble & très-obéilfante fille. «Mas.ie-Caxher.ine Cadière. «  de ia Cadière. 183 Cette lettre femble d'abord quadrer avec la précédente , par le détail que la Cadière y fait de fon état, dont on voit que le P. Girard demandoit qu'elle lui rendit compte, Mais on ne voit point qu'elle s'excufe fur le retardemenc dont on lui fait un reproche; on ne voit rien pour fes parents qui, dit-on, étoient inquiets de fon filence. Enfin que fignifient ces termes ? Pour ce qui ejï de la plaie du D. & G. auffi-bien que de la T. elles ont été fermées 3 &c. II falloit bien , difoir-on , que cer eclaircilfement particulier eut été demandé par une précédenre lettre du P. Girard : mais il avoit fenti qu'il ne pouvoit pas , fans compromertre fa défenfe, produire une lettre écrite de fa main , dans laquelle il indiquoit une efpèce de chiffre qui ne devoit être entendu que de lui & de fa correfpondante; & voila pourquoi il avoir refait celle-ci. Enfin la Cadière finit fa lettre du 15 juin par ce pofifc iptum : Ne foye\ pas furpris fi mon frère 1'abbé ne vous remet point ma lettre; je ne pus la faire que hier au foir 3 d caufe de mes indifpofitions. Ce ne fut donc que le lendemain 16 juin qu'elle envoya cette lettre, qui étoit faite le 15. Cependant le père  ï§4 Hijfolre du proces Girard en avoit produit une écrïte de fa main , & datée du 15 juin, qui contient la réponfe exacte a celle de la Cadière, du même jour. Or comment fe peut-il qu'il ait répondu le 15 a. une lettre qu'il n'avoit recue que le 16? D'aiiieurs la lettre du bon père fuppofe que la Cadière s'eft excufée, par la fienne, de ne lui avoir pas remis fes papiers. La raifon 3 dit-il, que vous eutes de-.ne point me remettre vos papiers 3-n étoit point légitime. Or il n'eft aucunement parlé de ces papiers dans la lettre de la Cadière j elle n'y fait aucune excufe de n'en avoir point envoyé. - Mais, difoit-on, le père Girard en avoit parlé dans fes lettres précédentes , il lui demandoit le récit de fes vifions 8c révélations. Voici tout ce qu'on trouve a eet égard , dans la lettre du Jéfuite, du 7 juin 1730 : Ecrive\-moi incejfamment ce que vous avie\ omis de me dire 3 comme je vous V avois or donné. Cela n'a aucun rapport a un envoi de papiers. II ajoute : Pourfuive\ brïèvement a marquer tout ce qui s'eft pafte en. vous j reprenant depuis le commencement de votre état de peine jufquet l'entrée du carême j quand vous auref-.  de la Cadière. iS$ êcrit depuis lors jufqua maintenant. Cela donne bien a entendre que c'eft le P. Girard qui avoit contrainr cette fille de rédiger par écrit les vifions qu'elle avoir eues Sc qu'elle auroit; mais cela ne fignifie pas qu'il lui eut alorè demandé des papiers, moins encoré qu'elle fut en rerard de les lui envoyer. On ne finiroit pas, fi 1'on entroit dans tous les détails par lelqiiels on prouvoit que le P. Girard avoit refaic au moins Ia très-grande partie de fes propres lettres> Ainfi, quafid il feroit vrai qu'ellea ne portoient point 1'empreinte d'un mauvais commerce , il n'auroit pas pu en tirer avantage pour fa juftification, puifqu'il avoit remplacé les véritables par d'autres compofées comme il avoit jugé a propos. Paflbns a 1'autre moyen de défenfe y qui confiftoit a dire que les lettres envoyées par Ia Cadière a fon directeur , étoient écrites de la main des frères de cette fille : ils avoient donc eu connoiffance de celles auxquelles ils faifoient réponfe. Ces réponfes neleur étoient même pas dictées par leur fceur,puifqu'elles ne contiennent aucun fens caché , Sc font direftement relatives a celles du  j$6 Hifiolre du proces . père Girard , telles qu'il les avoit próv duites. La Cadière & fes frères avoient donc deux propofitions a prouver. i °. C'étoit elle qui avoit dicté fes lettres a fes frères. 2°. Elles étoient rédigées de facon qu'il n'y avoit alors qu'elle & le P. Girard qui euffent la clef de certains paftages. II eft prouvé, par une foule de témoins , que les Cadière écrivoient fous Ia dictie de leur fceur. La dame da Lefcot attefte , dans fon récolement, que le père Cadière, dominicain , 8c fon frère 1'eccléfiaftique, vifitoient leut fceur deux ou trois fois la femaine , quelquefois quatre ; & que , foit au parioir , foit dans le confeflionnal, ils écrivoient des lettres , & le carême que leur dicroit la Cadière. La dame Rimbaud, religieufe, déclare pareillemenc, dans fon récolement, que la Cadière fe metroit dans le confeflionnal, pour dicler au P. Cadière fon carême & des lettres, & que fon frère 1'Abbé écrivoit aufij. La dame Guérin, aurre religieufe , dépofe qu'elle a vu donner un cierge au P. Cadière , pour écrire, dans le confeflionnal, le carême de fa fceur, qu'elle lui dictoir. Enfin on croit pouYoir aft'urer qu'il y a peu de faits  de la Cadière. 187 aufïï jtfridiquement prouvés , que 1'eft celui-la. Les Cadière n'ont donc pas compofé ces lettres ? Mais, pour leur entière juftification , il falloit qu'ils prouvalïent qu'ils n'avoient pas la clef de rout ce qu'ils écrivoient fous la dictie de leur fc?ur. lis trouvoient cette preuve dans quelques détails oü il eft néceffaire de les fuivre. On a parlé plus haut d'une lettre écrite par la Cadière au P. Girard , que celuici n'avoit point produite. On a rapporté qu'elle foutint que, dans cette lettre, elle parloit de la répugnance qu'elle avoir a foufTrir le fouet qu'il lui donnoit. Les magiftrats qui envoyèrent a M. le Chancelier les motifs de leur avis, ajoutent que la Cadière, pour mieux défigner cette lettre , dont elle exigeoit la repréfenration , rappelle au P. Girard qu'en parlant du fouet, elle s'étoit feulement fervie de la lettre F. afin que fes frères 3 qui écrivoient fous elle, neuffent aucune connoijfance de ce qui fe pajjbit entre le directeur & la pé~ nitenie. On a encore parlé plus haut d'une autre lettre , oü elle n'avoit employé que ces trois capitales D- G. T. Au furplus les lettres mêmes annon-  iSS Hijioire du proe'éi cent bien clairement qu'il y avoit entré le directeur & fa pénirenre des fecrets dont celle-ci ne vouloit pas faire part a les fecrétaires. Je vous attends } mon cher père, dit-elle dans fa lettre du 28 juin , >A' plutót qu'il vous fera pofjible 3 pour vous faire part de bien des chofes que le temps ne me permet pas de vous dire ici. Dans celle du 11 juin , elle lui mande : II ne me refle que vous feul en cette vie, mon cher père, qui puiffie^ m'apporter quelque confolation 3 & me donner ces premiers moments de joie y de douceur & de tranquillité que j'ai perdus de vue depuis le premier moment que je fuis entree dans cette maifon. Vingt fois du jour je foupire après l'heure favorable ou je pourrai vous voir, pour vous communiquer de vive voix ce fonds de mes misères, ne pou*> vant me communiquer d tout autre; ce qui ne fait pas che% moi le moindre fujet de mes peines} comme vous deve% en etre convaincu. Ainfi hdte^-vous} mon cher père } de venir donner la guérifon a une pauvre -malade digne de votre compafjion. Et fur la fin de la lettre x elle ajoute r Je me réferve a vous de'velopper de vive 'voix bien de petits fecrets que je nofe vous expofer par écrit.  dc la Cadière. TJne infinité d'aurres endroits de ces lettres prouvenr que la Cadière ne parloit qu a demi mot j qu'elle n'ofoit fe découvrir, paree qu'elle éroit obligée d'emprunter la plume de fes frères pour écrire. II eft même échappé au père Girard des preuves de ce myftère : II m'eft venu depuis hier, dit il, dans fa lettre du 19 juin , un pech mal de gorge, qui me fait craindre que nous ne foyons privés Vun & 1'autre de parler fi-töt de pres & d cceur ouvert. Enfin, pour confondre le P. Girard par fes propres raifonnements, & lui prouver tout a la fois, & que les frères de la Cadière n'éroient point auteurs de fes lerrres, mais feulement les inftruments dont elle fe fervoic pour les écrire, & que le fecret de la confeffion, qu'il alléguoit pour fe difpenfer de les produire toutes , n'étoit qu'une défaite j voici ce qu'on lui oppofoir. Si, dans celles qu'il fupprimoit, il y avoit des myftères de direction, il ne pouvoit, en les produifant, tomber dans aucune indifcrétion , puifque la Cadière ellemême , qui certainement éroit la maïtreffe de fon fecret, exigeoit qu'il les mit fous les yeux de la juftice. D'aiiieurs, puifque fes freres les avoient  190 Hijloire du proces écrites, ils en avoient une entière connoilTance \ le myftère n'étoit donc pas réfervé au P. Girard feul. Mais il y a plus: le P. Girard fe trouvoit, a eet égard , en contradiction avec lui-même. II avoit avancé, dans un imprimé intitulé Rèflexions fur les lettres , que les frères Cadière les compofoient a Toulon même. Mais, lui diloit-on , vous avez toujours prétendu que votre correfpondance n'avoit d'autre fujet que 1'intérieur de la confeience de votre pénitente. Or comment fes frères auroientils pu traiter cetre marière, fi elle n'eüt pas diclé elle-même ? Ou il filloit fuppofer qu'ils fcavoienr pénérrer dans le fond des coeurs , fans quoi vous , qui connoiflie'z li bien 1'intérieur de votre pénitente, n'y auriez pas été trompé. D'aiiieurs ils n'auroient pas pu fe difpenfer au moins de concerter avec elle ce qu'ils écrivoient, afin que, dans les vifites que vous lui faifiez une fois la femaine a Ollioules , elle put concilier ces explications de vive voix, qu'elle ne pouvoit faire par écrit 3 avec le contenu dans les lettres. Il faut cependant placer ici un fait, fur lequel il eft difKcile de juftifier les Cadière d'une petite fupercherie. On  de la Cadière. ïyi Ie rappelle que leur fceur, avant de fe retirer dans le monaftère d'Ollioules, fit un voyage a Aix. Arrivée dans cette ville, elle envoya au P. Girard la lettre que voici : » Mon révérend père, » A notre heureufe arrivée a Aix, » qui a été le ioe du couranr, fur les •» dix heures du matin , je n'ai point » balancé d'un feul moment de mettre >5 la plume a la main pour vous donner » de mes nouvelles, &c pour vous prier » de me continuer toujours vos prières » dans le fainr facrifke de la meftè. » Je m'étois flattée, mon cher père , » que la petite courfe de mon voyage » auroit diftipé en partie les peines que i> je reflens avec force dans 1'état dé»» plorable oü je me trouve, & qui ne »» vous eft pas inconnu : mais mes efpéj> rances ont été vaines, par la trifte ex» pénence que j'en fais tous lei jours. » 11 eft vrai qu'au milieu de ces vives » attaques que j'éprouve, & qui me » jettent dans des peines inexprimables » & des doutes continuels, je reftèns , » par la grande miféricorde du Sei« gneur, qui veille toujours fur moi, » des eftets parciculiers de fa grace, »» qui gje font connoitre qu'une ame qui  191 Hifloire du procés sa lui -eft fidele, quoiqu'elle foit éprou»3 vée par des aftauts les plus rudes a « fupporter ici bas, ne doit jamais rien »> craindre, ni même foupconner la 33 moindre lueur de preftige Sc d'er>s reur, quand elle eft conduite par fa ss main toute-puiftante Sc toujours mi33 féricordieufe a 1'égard des ames qui js lui font chéries. Vous comprenez , u fans doute , que, dans une telle ii33 tuation , vos prières me feront d'un 33 grand fecours; c'eft pourquoi je vous 33 les demande avec empreflement , 33 réfoUie, comme je fuis, a vous dé>3 clarer de vive voix , a. mon arrivée 33 a Toulon , les miféricordes particu33 lières donr le Seigneur aura daigné 33 me favorifer pendant mon éloigne33 ment. Pour ce qui regarde le père ssBouthier, je me crouve difpofée a 33 lui aller parler jufqu'a. un certain 33 point, de peur de me livrer a de 33 plus grandes peines , dans la volonté 33 oü je fuis de me déclarer a lui felon ss le bon plaifir de Dieu. Je ne vous 33 dis rien ici de mademoifelle Gu.yol, 33 puifqu'elle-même fe donne 1'honneur 33 de vous écrire deux mots au bas de 33 la lettre, pour ce qui la concerne. 33 Agréez cependant que je vous té33 moigne  de la Cadière. j0 \ » nioigne ici en attendant le moment » neureux ou je pourrai vous revoir »que ,e „ie dife toujours, avec un » profond refpecf, & me f> -unmnen j C.,mon révérend père "votre tres humble & très-obé&nte «femnte fi le. MaricCattUrine Ca- "dure.A Aix le ,^ doTteX^^^^ dont elle put fe fervir. £1|e ayoi , ^ Les inten-ogatoires vont éclaircir ce Dans celui du 16 Février i7J, , Ia Cadiereavoua qu'elle s'étoit enfermée dans u„e chambre a Aix, pour faire ou'ëlle^ P-G',rai:d'& q«'elle leur dir qu elle avoit eent, après avoir refté* enfermée pendant quelque temp, LV Oaobrefuiyanc.on lui de-  1^4 Hijloïre du proces mande fi le père Girard ne lui avoit pas recommaitdé de lui marquer tout ce qui arriveroit dans le voyage qu'elle devoit faire a Aix ; elle répond qu'il lui en avoit demandé une relation. « Interr. Ne lui écrivites-vous pas, » avant de partir de Toulon , une lettre » datée d'Aix ? Rép. Je lui écrivis une » lettre que jedictai a un de mes frères, » fcachant pour lors mettre a peine » mon nom. Interr. Que contenoit 5) cette lettre ? Rép. Tout ce qui de» voit m'arriver dans ce voyage. Interr. >■> Comment pouviez-vous le fcavoir ? „ Rép. Le P. Girard me 1'avoit prédit. » Interr. Auquel de vos frères dictares5j vous cetre lettre ? Rép. Ce fut au » jacobin ; & je la fis mettre au net 35 par 1'eccléfiaftique. Interr. Par quelle ss voie envoyates-vous cette lettre au 33 père Girard ? Rép. Etant arrivée a 33 Aix , je la fis mettre a la pofte. 33 Interr. 11 n'eft pas vraifemblable que 3) le P. Girard vous ait demandé certe 33 lettre , puifqu'il vous avoir prédit a » qui devoit vous arriver. Rép. J'ai dit si la vérité. Interr. L'ordre du P. Girard 33 étoit de lui écrire d'Aix , & non de 33 compofer une lettre a Toulon pour >j 1'envoyer lorfque vous feriez a Aix.  de la Cadière. 195 » Rép. J'étois dans la bonne foi. Interr. » Vous auriez dü vous excufer d'écrire. » Rép. J'exécutois fes ordres. Interr. » Ses ordres n'étoient point tels. Rép. 3' Le père Girard n'ignoroit pas que je » portois la lettre toute faite, & je lui » en remis la minute. Interr. Vous pré3' venez 1'inrerrogat fur la minute de 33 cette lettre, & vous devez rcpondre 33 des chofes plus vraifemblables. Rép. 33 Je n'ai rien fait en cela que pour 33 obéir au P. Girard. Interr. Lequel de 33 vos deux frères avoit écrit la minute 33 de cette lettre ? Rép. Le jacobin , a 33 qui je 1'avois dicrie ; & reccléfiaf33 tique la copia enfuite fur cette mi33 nute ; & c'efl: celle de 1'eccléfiaÜique '3 que je portai a Aix. Interr. Pourquoi 33 ce circuit & cette peine inutile ? Rép. *> Je n'ai eu aucune intention de trom33 per. Interr. Recutes-vous cette lettre 33 décachetée ? Rép. Om, Sc je la ca33 chetai a Aix. Interr. Cette lettre ne 33 contenoic-elle pas que la Guiol fai33 foit des compliments au P. Girard ? 33 Rép. Oui. Interr. La Guiol ne la 33 figna-t elle pas? Rép. Je lui donnai 33 une plume pour y mettre ce qu'elle 33 trouveroit bon. Interr. La Guioi ne 3J mit-elle pas Ion nom par abréviation ? I 1  i^ó* ; Hljloire du proces a> Rép. Je ne m'embarraftai pas fi la t» Guiol écrivic au long, ou fi elle figna » feulement en abréviation. « Dans 1'interrogatoire de 1'abbé Cadière , on lui demande fi , lorfque fa fceur alla faire le voyage de la SainteBaume , il n'ccrivir pas une lettre en fon nom , pour être mife a la pofte, quand elle feroit arrivée a Aix ? » Rép. « Un foir ma fceur m'apporta une lettre » écrite de la main de mon frère le »» dominicain , & me dit : voila une « lerrre que je viens de diófcer a mon 3> frère } ayez la bonté de la recopier y jj ce que je fis. Inter. N'entrares-vous pas 3» en foupcon de Ia bonne foi de votre js fceur , qui écrivoit des lettres , par 3j avance , fur des chofes qui n'étoient ss point encore arrivées ? Rép. Non. Je v demandai a ma fceur comment elle 33 fcavoit ce qui lui arriveroir; elle me 33 répondit qu'on lui avoit prédit; ce 33 que je n'eus pas de peine ï croire , 3> paree que j'avois vu des chofes extra»3 ordinaires en elle. Interr. Qui eft-ce 33 qui avoit prédit a votre fceur ce qui 33 devoit lui arriver ? Rép. Quand ma 33 fceur m'eut répondu qu'on le lui avoit 33 prédit, je ne 1'interrogeai pas dai3 vantage. «  de la Cadière. ifj Le jacobin, dans fon interrogatoire, déclare que, quand fa fceur lui propofa d'écrire cette lettre , il lui repréfenta qu'il n'étoit pas poflible qu'elle écrivic d'avance ce qui devoit lui arriver dans un voyage qu'elle alloit entreprendre : Elle lui répondit que le père Girard le lui avoit prédir, & qu'elle vouloit le vérifier. 11 ajoute que la Guiol, quelque temps avant que fa fceur partïr. pour Aix, vinr alfurer toute la familie que le P. Girard lui avoit dit qu'il arriveroic des prodiges & des miracles continuels dans ce voyage; qu'elle vouloit en être témoin ; & que , fur ces aflürances, il eut la complaifance d'écrire cette lettre. On lui repréfenta que cette lettre contient une pure relation d'un voyage, 1'heure oü 1'on arrivé , & autres circonftances pareilles qui dépendoienc du fait de la Cadière , 8c oü les prédiótions du père Girard étoient toutes inutiles ; qu'ainfi il efl; plus vraifemblable qu'elle 1'a dictie de fa tere , 8c que cela devoit le faire métier de la conduite de fa fceur. II répond qu'il a dit la vériré. On ne peut difconvenir que les réponfes de ces trois accufés , au fujet de la lettre du \<) mai 1730 , n'offrent I 5  I5>§ Hijloire du proces rien de fatisfaifant , & lailfent des foupcons fur la bonne foi de la Cadière & de fes frères. Comme cette circonftance forme une des principales branches de la défenfe du P. Girard, il efl néceifaire de la difcuter. Le P. Girard, fuivant la Cadière, lui avoit enjoint, non-feulement de lui écrire une lettre, pendant fon voyage , mais de rédiger un mémoire circonftancié de tout ce qui fe palferoit dans la route & pendant le féjour. A fon retour , elle fat commencer la minute de ce mémoire par fon frère le jacobin , qui ne 1'acheva point \ on en ignore la eaufe. Cette minute étant tombée entre les mains du P. Girard , par un événement dont on rendra compte dans la fuite , il 1'avoit produite au procés, telle qu'on va la lire. » Mémoire de tout ce qui s'ejl paffe dans » mon dernier voyage d'Aix. » Le 17 du mois detnier, fur les h*x »heures du matin , dès que je fus j> montée dans la calèche avec mes » compagnes , je fentis tout a coup que 55 le Seigneur m'attira a lui de la ma» niére la plus pnrfaite qu'on puifle » exprimer, me declarant que le motif  de la Cadière. 199 : }> de mon voyage lui étoit très-agréable; jj qu'il le béniflbit, par avance , avec 33 toutes celles qui m'accompagnoient, " tk qu'il en vouloit tirer la gloire qui 55 lui étoit due. Toute cette journée fe 33 palTa entièrement en de femblables j> faveurs de la part des trois perfonnes 33 divines qui compofent la très-fainre 35 Trinité , me faifant connoitre a dé33 couvert qu'elles vouloient m'intro33 duire dans les auguftes tabernacles , 33 pour me rendre capable des grands 33 lecrets de la divinité. » La nuit fuivante , fur le minuit, 53 je me trouvai enlevée du milieu d>i 33 mes compagnes , & élevée a fept X 15 huit pans, au delfus du lit , envi93 ronnée d'un nuage , depuis Ia cein>3 ture en bas; tk le haut, de la gloire 35 de Dieu même. Dans eet état de fé)3 licité inexprimable , je découvris , 33 fans énigme, le fein de Dieu même, 3* avec une telle abondance de douceur , 33 de joie , de lumière, qu'il n'eft pas 33 permis a mes idéés , foibles & mor55 telles qu'elles font, de pouvoir met>3 tre au jour, ni développer , par au55 cüne expreflion , les connoiffances » infinies qu'il daigna m'y communis3 quer.  zoo Hijtoire du proces » Le lendemain au matin {le mémoifè finit ainfi. D'après Ia lettre Sc le mémoire," voici quel étoit le fyftême du père Girard. Avant que fa dévote partït pour Aix, elle lui avoit remis un mémoire rouchant la fceur Remufat. II avoit été compofé , comme tout ce qui paroiffbit écric fous le nom de cette*fille, par le P. Cadière, Sc avoit été mis au net, Sc donné au P. Girard par l'ëccléfiaf, tique, dont 1'écriture reffemble affez a celle de fa fceur , a laquelle , felon routes les apparences, il avoit appris a écrire. Cependant elle vouloit que fon confeffeur recut d'elle une lettre datée d'Aix; Sc il falloit qu'il vit toujours Ie même caraétère. Pour eet effet, le dominicain compofa- Ia lettre a Toulon ; fon frère la copia & la remit a fa fceur, pour qu'elle la jettat a la pofte pour Toulon , lorfqu elle feroit arrivée a_Aix ; ce qu'elle fit. Er ce qui prouve bien fenfiblement, ajoutoit-il, les impoftures que ces deux frères onr mifes en oeuvre pour faire palfer leur fceur pour une fainte, c'eft que, dans cetre lettre compofée d Toulon, Sc darée'  de Ia Cadière. 201 d'Aix, on décric d'avance ce qui doic arriver a la Cadière dans le premier jour de fon voyage. Quelque temps après le retour de la Cadière a Toulon , le jacobin , oubliant ce que contenoit la lettre qu'il avoit écrite pour fa fceur, compofa un mémoire de ce qui s'étoit paffe de merveilleux dans ce voyage. II y eft faic mention des difpoiitions intérieurcs de cette fille, qui font toutes contraires a celles qui étoient rapportées dans la lettre. Ce mémoire eft rempli d'impoltures fi grollières , que 1'on voit que les Cadière , pour arriver a leur but, fe jouoient de ce qu'il y a de plus faint dans la religion. On répondoit, de la part de la Cadière , qu'alors elle ne fcavoit pomc écrire , & pouvoit mettre a peine fon nom. Elle n'avoit douc fait que ce que font, en pareil cas , toutes celles qui veulent donner de leurs nouvelles aux perfonnes auxquelles elles font atta- cbées \ c'eft de préparer une lettre , &C de 1'envoyer comme venant du lieu ou elles font. D'aiiieurs, il ne rcfulte aucanement de cette lettre que ceux qui 1'onc écrit* 1 i  10 2 Hljloire du procés aient vouiu faire palfer leur fceur pour une lainie. i°. Elle étoir adrefTée au P. Girard, pon. leqnel certe précenduè fainteré n'étoir pi'itiL une nouveauté, puilqu'avant cerre lettre, qui elf pufrérieure a roures les vilkes qu'il ayoit rendues a la Cadière dan* la ch.imbre , & a tuus les événements arrivés d Toulon , il avoit perfuadé a toute fa familie , au père Grignet, & a fes pénkentes, qu'elle étoit une fainte ; il les avoit averris de fe trouver aux accidents qu'elle devoit avoir; il les y avoir invités, & avoit déclaré que fes mans étoient divms, 11 n'y avoir donc point de picge a lui tendre a eet égard. iu. Cetre même lertre, qui n'éroit deftinée qu'i lui , ne pouvoir pas avoir éré compolée pour faire paffer la Cadière pour une fainre dans l'éfprit d'aucun aurre , puilqu'il dépendoir de lui de ne Ia pas communiquer, & même de la brüler. La minute , qui étoit reltée enne les mains de cette fille , n'éroit pas foitie de fa callette, & fut remife au père Girard avec les autres papiers qu'il exigea qu'on lui renvoyar. Mais il y a plus : on ne trouve, dans cette leure, aucune tracé de lam-  de la Cadière. 203 teté ; celle qui 1'a dictee n'y parle que des peines qu'elle iourfre , de la confiance qu'elle a dans la miféricorde du Seigneur ; & excite , par ces deux mbtifs, fon directeur a la fecounr par fes prières. Au furplus , on n'y lit aucune prédiction. Le commencement parle , a la vériré , di 1'on heureufe arrivée a Aix , le 19 du courant, fur les dix heures du marin : mais il ne faur pas être prophere pour prédire que , partant de Toulon un cerriin jour, pour aller a Aix , on peut arriver a un.- certaine heure. Cette let:re ne contient aucun-aurre fait qui regarde l'avemr. Au contraire, il y eft dit que la Cadiète eft réfolue de déclarer de vive voix au P. Girard , a fon arriv:e a. Toulon, les miféricordes parriculières dont le Seigneur aura daign'é la favorifer pendant fon cloignement. Elle n'avoir donc pas eu intenrion de rien prédire. Deux circonftances prouvent que les Cadière n'étoient point auteurs, mais feulement les fcribes de cerre lettre. Le père Girard craignoit roujóurs que certe fille ne s'expliquat trop fur la conduite quM tenoit avec elle, &c fur  a©4 Hijloirê dü pro cis la nature de fa direótion. Elle lui avoit dit qu'elle étoit dans 1'intention d'aller voir Ie P. Boutier ; & le jéfuite avoir. témoigné quelque inquiétude fur cetre vifue : il appréhendcit des indifcrétions. La Cadière Ie raffure dans fa lettre , en lui proteflant qu'elle eft difpofée a ne lui parler que jufqu'a un certain point. Si ce font la des prédiclions, il n'y a perfonne qui ne puiffe fe croire prophete; mais cette promeffe même efl; une preuve que le P. Cadière n'eft pas auteur de Ia lettre : il ne fc,avoit pas fi fa fceur devoit aller voir le P. Boutier, & fi elle avoit des raifons pour être réfervée avec lui. Enfin , difoit le P. Girard , la Cadière n'avoit pas prédit jufte, en mandanc que la Guiol alloit ajouter deux mors au bas de fa lettre ; ces deux mors n'ont point été écrits, & 1'on ne voit que les deux lettres initiales du nom de celle qui devoit les écrire. La Guiol, répondoit-on , étoit Ia compagne fidéle que la Cadière avoit recue de fon directeur. Devant être de ce voyage, ce n'éroit pas trop préfumer que de penfer qu'elle ne refuferoit pas de mettre deux mots au bas d'une lettre , pour rémoiguer au père  de la Cad'iere. 20j Girard , fon bon ami , les tendres empreffements qu'elle avoit pour lui; 8c ne furfit-il pas qu'elle eut défigné fon nom au bas de cette lettre , pour prouver qu'on ne s'étoit pas trompé dans la conjecture ? Mais, ajoutoit le P. Girard, Ie mémoire contenant la relation du voyage, parle de 1'état intérieur de la Cadière, d'une facon contraire a ce qui efl dk dans Ia lettre compofée avant Je départ ^ ce qui prouve que les Cadière étoienr des fourbes ma!-adroits. On répondoit que cette contradiction même, (i elle eut exifté , juftifiok le P. Cadière, & prouvoit qu'il n'étok Pauteur, nide la lettre, ni du mémoire. S'il eüt voulu tromper le P. Girard, il n'auroit pas oublié de concilier ces deux pièces , en fe faifant communiquer , lors de la compofkion du mémoire , la minute de la lettre , qui étoit demeurée entre les mains de fa fceur. Mais il n'y a rien qui fe contredife dans ces deux écrits : le premier ne fait mention que de 1'état de peine oü érok cette fille ; & le mémoire rapporte des faits qui accompagnoient ordinairement eet état; c'eff-a-dire , des vition3. On peut voir, par le mémoire du ca-  2 0(5" Hljlo're du proces reme , que ces deux états concouroient toujours chez elle. s,)uoi qu'il en foit de ces raifons de part 'Sc d'autre, il eft toujours difficile de découvrir (i le père Girard fcavoir que fa pénirente n'écrivoit point , Sc qu'elle emprnntoit la main de fes frères. voici encore nn raifonnemenr, par lequel le père Girard entreprenoit de -prouver qu'on le trompoit en ce poinr. Pourquoi, dans un commerce de lertres fi fréquent i, n'en a-t-il pas recu une feule qui ne fur eenre de la main de 1'abbé Cadière? Pourquoi n'en a-r-ii jamais recu de 1'éeritüre du dominicain , quoique celui-ei pnr la peine de les faire, ou au moins de les écrire le premier ? Combien de fois fe rrouvoitil feul a Ollioules ? Pourquoi recourir alors a fon frère ? Quelle gêne perpétuelle ne demandoir pas rout ce manége? II eft donc évident qu'il y avoit du myftère; qu'on vouloit que le père Girard vit roujours Ie même caraótère 5 Sc qu'on avoir choifi celui de 1'eccléfiaftique , paree que celui de fon frère éroit rrop net, trop marqué, Sc trop éloigné du caracfére ordinaire des perfonnes du fexe. 11 avoit été la dupe de  de la Cii'lre. tcj cette fuperchene , qu'il n'avoit découverte que par hafard , lorfqn'il alia fouiiler dans (es papiers, au cqmmeftcement du procés. Ce füt alors qu'il reconnut que les mmutes étoient de la main du jacobin , les letties, de celle de 1'abbé, ik qu'il n'avoit jamais r.eu un mot de fa pemtente. ün répondoit que la facilité- avec laquelle la Cadière remit tous fes pap;trs, fur la fimple demande du père Girard , eft une circonftance qui érarre toute idéé de complot ik d'envie de le tromper. II auroit fallu que ce complot eut été fotmé d'avance , & dès le temps que le directeur & la pénitente étoient dans la liaifon la plus intime de leur commerce : c'eft le feul remps oü 1'on air pu fabriquer les mach.nes de la fourberie. Peur-on fuppofer que cette fille air enfuite été aftez imbccille , on ne dit pas feulement pour fe défaire des lettres qu'elle avoir reeues de lui, mais pour lui envoyer, fans difcer'nemenr, rous les papiers qu'elle trouva fous fa mam , & jufqu'aux minutes des letrres qu'elle avoit dicties ? En (econd lieu , li le père Cadière avoit eu intention dejouerle P. Girard ^  zo8 Hiftoire du proces auroit-il laifle au pouvoir de fa fceiïr'les minutes écrites de fa main ? auroicil compté qu'elles ne s'égareroient jamais , qu'elles feroient en füreté entre les mains d'une fille fubordonnée a une fupérieure qui pouvoit a tout inftant mettre la main fur fes papiers , d'autanc plus qu'elle les gardoic aiTez maP? ■. D'aiiieurs il étoit impoffible , d'une part, que le P. Girard, qui avoit pendant long-tems, vécu dans la plus grande intimiré avec Ia Cadière, ignorat que cette fille ne icavoit point écrire 5 de 1'autre , il étoit plus que probable qu'il connoiffoit I'écriture de 1'abbé Cadière, qui avoir fait fa théologie & fon féminaire chez les jéfuites de Toulon , &c qui avoit copié une infinité de pièces pour Ie père Grignet. L'abhé Cadière aiTuroit, d'aiiieurs, que fa fceur avoic figné plufieurs des lettres qu'il avoic écrites; ce qui avoic fuffi pour mettre le P. Girard au fait, quand il n'y auroit pas été. II eft vrai qu'aucune de celles qui porroient cette fignature, n'avoit été produite ; mais , comme il éroit prouvé que le bon père avoit ïupprimé plufieurs de ces lettres, il n'avoit pas manqué d'envelopper dans cette fupprelfipa  de la Cadière. 209 toutes celles qui ne quadroient pas avec le fyftème de fa défenfe. Outre ces préfomptions, la procédure fourniftbit une preuve par écric, que le P. Girard n'avoit pas été trompé fur la main qui avoit tracé les lettres qu'il recevoir. Dans l'interrogatcjjre du 24 Février 173 1 , art. 88 , on lui demande s'il n'a pas été chez la Cadière un jour qu'elle fur fur le point d'être élevée en l'air. 11 répond que » la dernière fête de la Pentecóte, (le 30 Mai » 1730 , ) la Cadière lui ayant fait dire » de venir la voir , & qu'elle lui mon>j treroit une lettre qu'elle écrivoir a la » fupérieure d'Ollioules , par laquelle « elle lui fixoir le jour auquel elle de>j voit fe rendre a fon couvent; s'y » étant rendu , il lut la minute de la « lettre. « Les Cadière ont toujours foutenu que cette minute éroit de la main du carme. Si cela eft, le pète Girard n'a pas du êrre rrompé fur 1'écriture de celles qu'il a recues par Ia fuite. D'aiiieurs , dans fa confrontarion avec le père Cadière , il eft forcé de convenir que fa pénirenre, avant fon déparr pour OUioules , lui avoit remis la relation des neuf premiers jours da  2 r o Hifloire du proces carême , éc«ite de la main de ce dernier. II avoic donc en fa poffefïion des papiers provenanc de la Cadière, écrits par les deux frères : or il ne pouvoic pas actribuer a cette fille deux caractèrés fi différents. Donc il fcavoit que ce n'étoic pas elle qui écrivoit. Pöur éïuder la force de cetre conféquence , le P. Girard répondit que , la veille du départ de la Cadière pour Oüioules, elle lui remit un rouleau de papiers qu'il emporta chez lui, öc jetta dans un coin de fon bureau , fans y jerrer les yeux : mais que, au mois d'Odobre fuivant , cherehant quelques écrits , il rrouva ce rouleau fous fa main, & 1'ouvrit; qu'ayant fait alors attenrion a la différence des cara&ères, il découvrit le myffère, & comprit le fens d'un mot que lui avoic jetté la Cadière dans une occafion ; fijavoir que , quand elle vonloic, elle peignoir de deux facons différentes. 33 Cette réponfe , lui dit le P. Ca33 dière, efl: purement fabriquée , puif33 que, quand ma fceur fut a Ollioules, 33 vous lui demandates, avec inftances, 33 de vous donner Ie complément du ca33 rême ; ce cjue vous n'auriez pas fans » doute demandé, li vous n'aviez pas  de la Cadière. i\i » vu qne le commencerhent étoit dans » le rouleau en queltion. « En efFet, le P. Girard., dans fa lettre du 4 Aoüt, fe plaint de ce que ce mémoire n'eft pas fini pour lui être remis. Paftbns a 1'examen détaillé de ce que contenoient les lettres refpectives du directeur 8c de la pénitente. Quoique le P. Girard eut refait les fiennes, on prétendoit qu'il y avoit laiifé échapper des traces de deux crimes dont il étoit accufé y le quiétifme, 8c 1'incefte fpirituel. Quant au quiétifme , on fit imprimer, au nom de la Cadière, un écric en deux colonnes. Dans 1'un on avoit tranfcrit les propofitions de Molinos condamnées ; 8c a coté, on avoit rangé^ des maximes déduites de ces propofitions , & extraites des lettres du pere Girard 8c de fa pénitente. On imputoit au premier, avec raifon, ce qui fe trouvoit de quiétifme dans les écrits & dans la conduite de fa dévote. On ne pouvoit attribuer les connoilfances qu'elle avoit fur cette doctrine , qu'a un directeur qui la lui enfeignoit par éctit, qui la faifoit pratiquer a celles de fes autres pénirentes qu'il avoit jugées dignes d'ètre adnü-.  2. xz Hzjtoire du proces fes dansles myftères intimes de fa dl* reófion , & qui feul avoit toute la confiance de cette fille. On avoit encore, dans eet imprimé, fait ce paralleie des propofitions de Molinos avec tout ce que la procédure avctit pu fournir de traces de quiétifme, foit dans les difcours, foit dans la conduite du P. Girard & de fes dévoces. On y avoit joint des réflexions qui tendoient a prouver que c'étoit a 1'aide de cette doctrine abominable que ce jéfuite avoit conduit la Cadière au comble du défordre. On fe contenrera de donner ici 1'analyfe de ce paralleie. Toute opération adive eft abfolument interdite par Molinos. C'eft même oftenfer Dieu, que de ne pas tellement s'abandonner a lui, que 1'on foit comme un corps inanimé. De-la vient, fuivant eet héréfiarque, que le vceu de faire quelque bonne oeuvre , eft un qbftacle a la perfeétion ; paree que 1'activicé naturelle eft ennemie de la grace 5 c'eft un obftacle aüx opérarions de Dieu & a la vraie perfection, paree que Dieu veut agir en nous fans nous. II ne faut connoïtre, ni lumière , ni amour, ni réiignacion. Pour être par-  de la Cadière. 213 Fait, il ne faut pas même connoïtre Dieu; il ne faut penfer, ni au paradis , ni a 1'enfer , ni a la mort, ni a 1'éternité. On ne doit point défirer de fcavoir fi on marche dans la volonté de Dieu , fi on eft affez réfigné ou non. En un mot, il ne faut point quei'ame connoiffe, ni fon état, ni fon néant; il faut qu'elle foit comme un corps inanimé. Toute réflexion eft nuifible, même celles qu'on fait fur fes propres aótions 8c fur fes défauts. Ainfi on ne doit point s'embarralfer du fcandale que 1'on peut caufer, pourvu que 1'on n'ait pas intention de fcandalifer. Quand une fois on a donné fon libre arbitre a Dieu , on ne doit plus avoir aucun defir de fa propre perfection , ni des vertus , ni de fa fanécificarion , ni de fon falut; il faut même fe défaire de 1'efpérance , paree qu'il faut abandonner a Dieu tout le foin de ce qui nous regarde , même celui de faire en nous & fans nous fa divine volonté. Ainfi c'eft une imperfection que de demander ; c'eft avoir. une volonté , & vouloir que celle de Dieu s'y conforme. Par la même raifon , il ne faut lui rendre grace d'aucune chofe j c'eft le remercier d'avoir fait notre vo- 1  a.14 Hiftoire du proces lomé; Sc nous n'en devons point avoir. De ces principes Molinos rire exprelfément la conféquence qu'il ne faut nvoir nul égard aux tentations, ni leur cppofer aucune rèfiflance. Si la nature fe ment 3 il faut la laïffer agir ; ce nefl que la nature. Ec par une fuite naturelle de conféquences, il ajoute que, pour fe préparer a la communion, il ne faut que demeurer dans la réfignation pa/live; elle fupplée a tour a&e de vertu. II y a plus : fi , a I'occafion de la communion , il s'éleve dans 1'ame des fentiments d'humiliation , de prières , ou d'aótions de graces, il faut les réprimer. Aux fêtes folemnelles, point de dévotion particuliere; tous les jours font jouts de fêtes pour une ame intérieure. Point d'acte de vertu par choix ; dans les tentations, même les plus violentes, 1'ame ne doit faire aucun acte explicite de vertu ; elle doit demeurer dans 1'amour & dans la réfignation. Les mortifications volontaires font un poids inconnu Sc inurile, dont il faut fe décharger ; paree que les meilleures aótions & les pénitences que les faints ont faites, ne font point fuffifantes pour déraciner de 1'ame les moindres attachés, Nous en avons Ia  de la Cadière. 11 y preuve , continue Molinos , dans la fainte Vierge , qui n'a , dit-il, jamais fait aucune action extérieure , & qui néanmoins a été Ia plus fainte de tous les faints. De ces abominables principes découle tout naturellement la doctrine qu'il a exprimée dans les propofitions 41 & 41, rapportées plus haut, p. 42 , que le démon fait violence dans le corps d certaines ames parfaites , qui ne font point pojfédées , jujqua leur faire commettre des aclions charneües } même en veillant, & fans trouble de l'efprit, en mouvant phyfiquement leurs mains & leurs autres membres contre leur volonté. 11 peut même continue-t-il, y avoir des cas ou ces violences, qui nous portent d des aclions charneües arrivent en même-temps d deuxperfonnes de différent fcxe , & les pottffe jufqu'd l'accompliffement d'une mauvaife aclion. Toutes les lettres de la Cadière ne refpirent que ce dévouement abfolu a la volonté de Dieu, fans aucune participation de la fienne propre \ dévouement qui eft la clef du fyftême & des conféquences du fyftcme de Molinos. Elle dit, par exemple , dans une lettre du 3 aoüt 1730 : Mon état préfent  "5.16" Jiijloire du pro-cis eft un dénuement tot al, ou il n'y aplusJ, ni grace s ni faveur, ni lumiere t ni connoiffance ,ni deffeinparticulier. Dans tme autre du $> feptembre fuivant: Je ne veux que vous feul, mon Dieu ; je ne demande , ni vos dons , ni vos faveurs, ni vos lumieres , ni les graces que vous accordei aux ames qui vous font Jidèles. 5 Quant aux lettres du P. Girard, il n'y en a pas une ou il ne recommande a fa devote de lailfer agir Dieu, de fe tenir feulement bien foumife & bien dociie a toutes fes impreffions; c'eft U oü toute fon attention doit fe borner (1). II faut , dit-il ailleurs, que MarieCatherine... difpar-oijfe , & qu elle fe perde, pour qu'il n'y alt plus que fon epoux qui agifje , qui parle , qui fe montre f». Ne penfe^ plus a ce qui fe paffe en vous & autour de veus , foit par rapport aux maux , foit par rapport aux biens qui vous font envoyés , quautant qu'ilfera befoin pour men rend-e compte (3). Dans une autre lettre (4), il or- (i) Lettre du 29 juin 1730. (1) Lettre du 4 juillet 1730. (3) Lettre du ic, juin 1730. (4) Lettre du 14 aoüt 1730. donnoit  de la Cadière. z 17 donnoit a fa pénitente de fe livrer avec une confiance avengle a ia conduite de Dieu ; il lui défendoit tout raifonnement, toute demande, & lui recommandoit fur tout de ne rejetter quoi que ce foit. Soumette^-vous d tout 3 & la'tffe^ faire (1). Ne dites jamais: Je ne ferai pas 3 je ne veux pas. Le faint atnour feroit bien blejfé de cette rèfiftance (2). En un mot, au nom de Dieu 3 ne raifonne^ jamais avec vous-même (3). Enfin, difoit-il ailleurs, oubliey-vous 3 par fes propres défauts , fcandalife les autresy il n eft pas néceffaire qu'il jajfe aucune réfléxion. ...Et c'eft une grande grace de Dieu de ne pouvoir plus réflèchir fur fes propres défauts. Les fcrupules, par cette moraie abominable & abfurde, fonr artaqués dans leurs derniers retranchemenrs ; Sc voici le coup mortel que leur porte eet ennemi de la moraie : Dans le doute , dit-il , propofition i i, dans le doute fi 1'on efl dans la honne ou dans la mauvaife voie , il n'eft pas néceffaire de réflèchir. Que faut-il donc faire ? 11 faut, d'après fes maximes , s'abandonner a fon direcleur, auquel ilvaut mieux obéir qua Dieu,  de la Cadière. 11% On penle bien que le père Girard n'icnoroir pas cetre porrion de la doctrine de fon maïrre, & qu'il B> ps manqué de 1'inculquer a fa dé vore. Ah. ma chère enfant} lui écnvoit-il , Ie 4 juillet 1730, hate^vaus,, moure\vite. La belle vie que celle qui fuivra 30 que la gloire du faint amour fera grande Laiffer.-lui montrer au monde quelle ejt l'étendue de fa bonté & de fa puijfance , lorfquil trouve une ame qui sahandonne afon efprit, & qui ne connoitplus ce mol qui gdte & qui arrcte ordinairement ja main bienfaifante. 11 lui avoit déja ecrit le 15 juin : Tant de gracss fifignalees & fi multipliêes demandent abfolument de vous un abandon fans hornes > fans réflexion , fans retour {i)....Si vous ne penfei pas d vous 3 tout ira bien ; & pouver-vous douter3 ma fille 3 que vous duf fier être déja d mille lieues de vous-meme? En un mot, difoit-il dans d'aurres lettres déja cicées , foumetter-vous a tout & laijfei faire. Oublier-vous & laijfei faire ; ces deux mots ren fer ment la plus fublime difpofition. (1) Cet abandon tant recommandé par le père Girard, eft la cl.f du quiétifme difoit M. Dcfmarêts , évèque de Chartres , dans Ion ordonnance contre les ouvrages des quietiltes.  iyo • Hïjloir'e du procis Mais la confeffion étoit encore un rempart oü toutes les précautions prifes par Molinos & fon difciple pouvoient échouer. 11 eft mille circonftances oü une devote ne peut pas avoir fon directeur pour confeffeur j foit paree qu elle eft foumife a une règle qui ne lui iaiffie pas la liberté du choix, foit paree que le directeur n'a pas les qualités requifes pour en exercer les fonctions; foir pour mille autres raifons. Le docteur des quiétiftes n'avoit pas manqué de pourvoir a eet inconvénient. La vie intérieur e 3 dit-il, prop. 59 & fujv. „>a au_ cun rapport a la confeffion, aux confeffeur s , aux cas de confeience 3 a la théologie j ni a la philofophie. Dieu veut quelquefois la confeffion impoffible aux ames avancées, quand une fois elles commencent: d mourir aux réflexions, ou qu'elles y font tout-d-fait mortes. Auffi y fupplêe-t-il par une grace qui les préferve autant que celle qu'elles recevroient dans le facrement. C'eft" pourquoi , en eet état, ü n'eft pas bon que ces ames fréquentent la confeffion, paree quelle leur eft impoffible. Le jéfuite n'avoit pas oublié de faire ufage de cette recette. Tant que la Cadière avoit été i Toulon avec lui, il  de la Cadière. 231 nvoit réuni les deux qualités de directeur tk de confefleur. Mais a Ollioules, il v avoit un confefleur du couvent, auquel, en qualicé de poftulante, elle ne pouvoit fe difpenfer de fe préfenter. Le P. Girard, qui ne pouvoit pas empêcher que fa devote ne remplk ce devoir d 1'extérieur, lui avoit ordonné de fe borner a fauver les apparences, en enrranr au confeflionnal; mais fans y dire autre chofe que ce qui étoit contenu dans la formule dont on a vu que ce prudent quiétifte l'avois précautionnée contre la franchife que requiert le facrement de pénitence. En difant ou faifant ctoire a ce confeffeur \ qu'elle lui dévoiloit fa confcience, elle mentoit; mais on 1'avoit autorifée a mentir par 1'exemple de Judith. Elle ne fe confeffoit point; mais fa vie navolt aucun rapport, ni d la confeffion 3 ni aux confeffeurs. D'après une telle moraie , d'après des précaurions li bien combinées, que pouvoit faire la Cadière ? Viótime de la lubricité d'un luxurieux quiétifte, fa confcience avoit été fouftraite au pouvoit- de tout fupérieur légitime, aux confeils de tout confefleur fage &C éclairé. Elle étoit fans défenfe, fana  232. Hijloire du proces fecours , fans remords ; fes crimes étoient a fes yeux des vertus; elle ne voyoit même des vertus que dans fes crimes. Elle demeuroit donc la proie du niDnltre qui la dévoroit, Sc auquel elle croyoit devoir obéir plus qu'a Dieir même. II éroit donc prouvé par les lettres & par la conduite refpective du père Girard Sc de la Cadière , que ce directeur éroir un des quiériftes les plus déterminés & les plus dangereux ; Sc qu'il avoir infecté du poifon de fa doctrine le cceur Sc 1'efprir de la malheureufe brebis qui s'éroit jettée fous la gfirTe de ce tigre dévorant. Voyons fi ces mêmes letrres nous fournironc la preuve de fon amour inceftueux. On a déja dit que ce jéfuite avoit eu 1'adreffe , avanr l'éclat de la rupture, de fe faire rendre celles qu'il avoic écrites ; mais que le hafard en avoic lailfé une aux mains de la Cadière, que le P. Girard n'avoir pu reroucher , Sc d'après laquelle on foutenoit qu'il falloit juger roures celles que le P. Girard avoir fuliraires , dont une parrie avoit été remplacée par d'autres faites a loijfir, & 1'autre partie totalement fupprimée.  de la Cadière. _ 233 Cette lettre a trop fait de bniit dans le procés , pour qu'on puilTe fe dif-. penfer de la mettre ici fous les yeux du le&eür , avec les différentes interprétations qu'on lui donnoit de part & d'autre. Elle efl datée de Toulon , le 22 juillet 1750. ,) Voici 3 ma chère enfant, la troi»fième lettre en trois jours ; tdche^ de » m'obtenir du temps. Dieu foit loué; » bienrót peut-êrre ne pourrai-je plus » rien faire que pour celle a qui j'écris: » toujours fcais-je b'en que ïe la Porce » par-tout, & qu'elle eft toujours avec » moi, quoique je parle & j'agifïe avec » d'autres perfonnes Je rends mille n graces d notre Seigneur de la conti„huation de fes miféricordes. Pour y »» répondre , ma chère fille, oubliez,» vous & laiftez faire : ces deux mots renferment la plus fublime difpofi» tion. Ne dites mot fur tout ce que vous 3) a recommandé Monfeigneur; nous ver» rons nous deux tout ce qu'on peut jaire » & dire. II efl. arrivé ce matin, & je >, lui ai déja parlé de vous par occafion. » Je ne crois point qu'il aille d Ollioules ; n je lui ai fait entendre que eet éclat ne » convenoit pas : je pourrai peut- être , ti par occafion 3 lui parler de la fainte  *34 Hifloire du proces 33 meffe. Le gr and-Vicaire & [e Ps Sa33 batier iront apparemment lundi vous 33 voir. Cedernier 3 après lui avoir parlé 3 33 ma fait entendre qu'il ne vous deman3» deroit rien : mais ft 3 par hafard 3 Tun » ou 1'autre s'avifoit de le faire 3 & même 33 au nom de 1'Evêque 3 ou fouhaitoit de 33 voir quelque chofe 3 vous nave^, pour 33 toute réponfe 3 qu'd dire qu'il vous eft 33 étroitement défendu depa'rler & d'agir. 33 Mangel ëras 3 comme on le veut 3 je 33 vous 1'ai écrit. Out3 ma chère enfant, „j'ai befoin d'affurance, vous n'en fere% «pas la viclime. N'ayez point de vo33 Ion té, Sc n'écoiitez point de répu33 gnance ; vous obéirez en tout comme 33 ma petite fille, qui ne trouve rien de 33 difïïcile quand c eft fon père qui de33 mande. J'ai une grande faim de vous »3 revoir, Sc de tout voir; vous fcavez 33 que je ne demande que mon bien , 33 Sc il y a long-remps que je n'ai rien 33 vu qua demi. Je vous fatiguerai : Eh 33 bien ! ne me fatiguez-vous pas auffi ? 33 il eft jufte que tout aille de moitié : 33 je compre bien qu'enfin vous devien33 drez fage ; tant de graces & d'avis ne 33 demeureront pas inuriles. Je fuis ravi 33 que vous foyei contente du P. Gar33 dien; je le recommanderai au bon  de la Cadière. 237 » Dieu. N'oubliei pas 3 de votre coté , » ma malade 3 ma fceur, & les autres » per jonnes que je vous ai reeommande'es. » Mademoifelle Guiol vous trouva hier » mourante 3 & votre frère vient de me 33 dire que vous vous porte? d merveilles. » Vous êtes une incobftante; ce feroit js bien pis, fi vous deveniez gourmande. 33 Patience ; je voulois fcavoir fi le maigre 33 fe fupportoit; le temps nous inflruira m3 33 commence\ toujours ces jours d'abfti33 nence par le maigre : s'il ne paffe pas 3 33 ou s'il revient d'abord; faites aujfi 33 d'abord gras , fuive^ cette règle 3 nous 33 de'couvrirons la fainte volonté de notre 33 maüre. S'il faut fortir 3 c'eft une nou33 veile 3 & une grande peine peur vous » & pour moi; mais le bon maitre foie 33 héni 3 nous ferons foumis 3 & nous conss fentirons d tout. Bon foir 3 ma chère 33 enfant 3 pourre^- vous bien déchijjrer 33 mon grijfonnage ? Compte^ bien ; cette 33 lettre-ci vous dit que vous vene% tou33 jours après moi ; & il eft dangereux 33 que vous ne m''atteignie^ pas 3 d moins 33 que vous n'en écrivie^ deux par jour. 33 Adieu, ma fille ; priez pour votre 33 père, pour votre frère > pour votre 3. ami, pour votre fils & pour votre 33 ferviteur. Voila bien des titres pour 33 intérefler un bon cceur. «  ±3 6 Hijioirg du procés Entrons, avec lé défenfeur de h Cadière, dans un examen fuccinéc des paflages équivöques de certe lettre. Le debut eft tel , que 1'amant le plus tendfe ne pourroit rien dire de plus a une makrefle chérie. Je potte par-tout celle a quij'écris ; elle eft toujours avec moi3 quoique je parle & que fagiffe avec d'autres perjonnes. Oubliei-vous 3 & laijfe^ faire : ces deux mots renferment la plus fublime difpofition. Le père Girafd prétendoit avoir rendu , par ces exprefïïons, l'abneget femetipfum de TEvangile ; mais' les termes de 1'Evangile ne lignifienf autre chofe que 1'abnégation de foimême ; aucun commentateur ne s'eft avifé d'y donner le fens da»* lequel le P. Girard veut les faire entendre, & d'en tirer cette maxime , pour les femmes & pour les filles : oublier-vous 3 & laijfe^ faire. N'aye^ P°int de volonté 3 & nayer point de répugnance 3 vous cbéire^ eri tout comme ma petite fille 3 qui ne trouve rien de difficile 3 quand c'eft fon père qui demande. Cette exhorration eft une déduction bien claire de ce texte : oubliei-yous & laiffè^ faire. Le quiétifme n'étoit pas encore bien enraciné dans  de la Cadière. 237 le cceur de la Cadière; elle n'étoit pas tout-a-fait rompue aux libertés que le père Girard s'étpi: permifes avec elle 7 la pudeur combattoit encore j & ce directeur lui oppofoit 1'autoriré fans bornes & égale a celle de Dieu, donc Molinos avoic revêcu les directeurs de fa fecle. J'ai une grande faim de vous revo'ir & de tout voir : vous fcave^ que je ne demande que mon bien , & il y a iongtemps que je n'ai rien vu qua demi. Ce bien qu'il demande comme le fien, ne peut êcre que ce qu'il vouloit voir; il eft impoffible de donner un autre fens a cette phrafe. Or, que vouloit-il voir ? c'étoit fa pénitente : }'ai une grande faim de vous rcvoir. Il eft conftant d'abord qu'il 1'avoit vue le 19 juillet. Ill'avertit, par fa lettre du \G de ce mois , qu'il ira la voir ie mercredi, de bon rmtin \ or ce mercredi étoit le 19 & la lettre de la Cadière, du 11 , prouve qu'il avoit tenu parole : depuis votre de'part 3 dit-elle, je n'ai pas eu un feul moment de lib're. Ces deux nuits paffées fur-tout, &c. II n'y avoic donc pas trois jours qu'il 1'avoit vue j & cependant il avoit une grande faim de la revoir. N'eft-ce pas la un  a 3 § Hifloire da proces de ces empreffèmenrs amoureux qui rendent un jour paffe- dans 1'abfence auffi long qu'un fiècle ? Mais il ne fe conrentoic pas de voir la Cadière , comme on fe voir ordinairement; il vouloit tout voir 3 paree que tout étoit fon bien 3 & qu'il y avoit long-temps qu'il n'avoit rien vu qua demi. Ces expreflions ne font point équivoques fous la plume d'un amant ardent & heureux- La gêne de la grille du parloir, oü il voyoit ordinairement fa devote , ne lui permettoit plus ces faeilités dont il pouvoit ufer dans le temps que la familie de la Cadière avoit Ia foibleffè de fouffrir qu'il s'enfermat plufieurs heures de fuite feul avec cette fille. II avoit trouvé, comme on Ie dira dans Ia fuite, le fecret de fe procurer un pareil rête-a-tête dans le couvent même : mais c'étoit le 7 du même mois qu'il avoit eu cette félicité : & du 7 au 12., il y avoit une diftance bien longue pour fon ardeur. Je vous fatigtterai, coutinue-t-il: Hé bien f ne me fatigus^ - vous pas auffi ? il eft jufte que tout fille de moitié. Le défenfeur de la Cadière auroit fouhaité ici Ia plume du fage Sauchez , pour parler ouvertement de la nature de  de la Cadière. 239 cette fatigue que le zélé directeur partageoit avec fa chère pénitente. Imitons fa difcrécion 5 la fuite nous apprendra le genre de fatigue dont il s'agit ici. Vous êtes une inconjlante; ce feroit bien pis , fi vous devenie% gourmande. Le défenfeur de la Cadière n'a pas ofé développer les idéés que préfentent ces expreffions du P. Girard ; il a craint que la pudeur n'eüt trop a fouffrir. Nous imiterons encore fa difcrétion , d'autanc plus que la réponfe de la Cadière a cette lettre , les expliquera fuffifammenr. Compte^ bien; cette lettre-ci vous die que vous vene% toujours après moi : il eft dangereux que vous ne m'atteignie^ pas , d moins que vous n'en écriviei deux par jour. Cet empreffement pour recevoir fréquemment des lettres de fa pénitente , cette afliduité a lui envoyer des hennes , n'eft point dans 1'ordre des conduites ordinaires : c'eft le ton des amants qui ne fe laffent jamais ds fe dire & de s'écrire des riens y autrement on ne s'écrit que dans les circonftances qui nailfenr des affaires ou des régies de la bienféance. Adieu, ma fille, prie% Dieu pour votre père , pour votre frère , pour votre ami, pour votre fils & pour votre fer-  2-4° Hifioire du proces v'ueur. Voild bien des titres pour inté^ reffer un bon cceur. II faut avouer que tous ces petits mots de rendreffe ne conviennent &c ne s'emploient guères que d'un amant a fa maitreiTe. Avant d'expofer Jes défenfes du père Girard a eet égard , il elf néceffaire de tranferire ici la réponfe de la Cadière ; il tire fes principaux moyens de la connexité de ces deux pièces. Elle eft. datée d'Ollioules, le z$ Juillet 1730. Mon cher père 3 J'ai recu votre lettre avec plaifir d'un cóté, puifque fy recois de vos chères nouvelles ; mais non fans quelque peine de 1'autre3 puifque, par mon ihdifcrétion , vous me fait es connoitre que je confume une grande partie de votre temps3 qui vous eftf p'écieux : mais Dieu foit béni; je ferai plus attentive d l'avenir a le ménager : ca n'empêchera point cependant que je ne vous roène par-tout avec moi, m'étant auffi cher que vous 1 etes. A 1'égard de mes difpofuions 3fe bénis le Seigneur de votre grand courage d m'exhorter de plus en plus d h perfévérance. Les vicloires , d ce que je vois 3 vous font plaifir 3 & réveillent votre ^èle ; mais peut-être que le combat vous feroit peur ; au refle foye\ ajfuié que je remplirai  de la Cadière. 14 r fempllra'i exaclement vos ordres. Pour ce qui regarde Monfeigneur 3 vous en fer'è$ tout ce que vous jugere^ a propos. Je vous attends avec impatience 3 pour déterminer avec vous les voies qui feront plus cenvcnakies d ce fujet ; je fuis charmée que vos paroles l'aient dctourné de fon projet. Si M. ie Grand-Vicaire & le R. P. Sabatier viennent me voir de fa part 3 pour m'obliger d déclarer quelque chofe 3 ilspeuvent compter par avance qu'ils feront un voyage en blanc 3 rêfolue comme je fuis d ne rien dire & d ne rien faire que par votre confentement & votre participation. Vous me marqué^ que je puis manger gras ; je fuis vos confeils depuis quelques jours , me trouvant dans l' impojfibilité de fupporter le maigre ; je fuis obligée de le jetter auffi-tot qite je 1'ai pris. II ne m'cfl plus poffible même les vendredis & les, famedis de me paffer du gras ; ce qui me fait connoüre que la providtnce m'appelle ailleurs. Vjus me témoignei} fur ce fujet, que vous ave\ befoin d'afurance; que je néceute 3 ni ma volonté 3 ni ma répugnance 3 & que je tien ferai point la viclime. Je veux bien me foumettre 3 comme une petite fille aux ordres de mon père • mais penfe^ qu'il en coutera shèrement d Vun & d 1'autre. L'on m'a. Tome II. L  z\z Hijloire du procés promis 3 comme je vous ai déja écrit 3 que j puifque vous voulie^ des miracles 3 vous en aurie^ 3 pour vous convaincre de votre peu de foi; mais que vous aurieit la douleur de me voir couverte de plaies affreufes & extraordinaires3 auxquelles toute la médecine fera aveugle 3 & que ma feule fortie d'ici dijfipera dans le moment. Je me foumets pourtant d toutes ces épreuves} fi vous le voule%. Je vous atrends avec impatience, pour raffafier la faim que vous avez de me voir. Ne foyez poinc en peine de votre bien , il vous eft éntièrement dévoué , venez au plutór conrenrer votre petite curiofité ; mais a cetre condicion que ma foumiffion vous dédommagera, une fois pour toutes , de vos peines, 8c que vous ne compterez plus fi exaótemenr avec moi pour 1'avenir. Peur-être que mon obéiflance vous donnera lieu. de rétraóter vos petirs reproches fur ce fujet. Continue^ toujoursd vous intérejjer dans vos prières pour le père Gardien ; je n oublierai pas 3 de mon cóté, les perfonnes que vous me recommande^ ; il Juffit qu'elles vous regardent pour en faire mon affaire. A 1'égard de mon inconftance, prenez- vous-en a celui que i|e fers, qui me tourne oü il veut, 8c  de la Cadière. 443 tomme il vent. Vos confeils nont pas peu contrïbué ègalement, d me conduire d eet état 3 comme vous fcave-{. Au refle 3 quant d eet article 3 je vous pardonne de bon cceur3 puifqu'il efi fans re méde; mais fi je deviens gourmande, penfez que je ne vous pardonnerai jamais, puifqu'il y aura de votre faute. // m'eft impoffible d'obferver davantage Ie maigre 3 comme vous le fouhaiterie^ ; je vous en ai dit les raifons : ainfi penfer-y férieufement 3 afin que tout foit conforme d la volonté & d la gloire de Dieu. Pour ce qui regarde vos lettres, je fcais fort bien que je fuis en arrière ; mais dans 1'état continuel de fouffrance du je me trouve 3 j'y vals de bonne foi 3 & je ne compte point après vous ; faites-en de même de yotre cóté3 & contente^-vous de ma bonne volonté. Celui qui pourra écrire davantage en aura plus de mérite. J'efpère que vous me rendre^ cette jufiice 3 auffi-bien que celle de croire que je vous fuis très-indmement unie dans le facré cceur de Jéfus3 mon cher père 3 votre trèshumble & très-obeiffjnte fille. M.arieCatherine Cadière. Deux obfervations doivent précédec i'explication de cette lettre, relativeHienr a 1'autre.  2,44 Hljloire du procés i°. Elle eft favorable au fait que foutenoit le P. Girard; fcavoir, qu'il ignoroic que la Cadière n'écrivoic pas ellemême. II femble qu'au lieu d'alléguer fes infirmites pour excufe de ce qu'elle n'écrivoic pas aufti fouvenc que lui, il étoic couc naturel qu'elle en donnar la vraie caufe , qui étoit qu'elle n'avoit pas toujours fon fecrétairefousla main, 2°. 11 eft évident, par cette lettre, que la Cadière ne pouvoit fouffrir le féjour du couvenr. Elle vouloit bien fatisfaiie 1'ambicion qui la porroic a s'acquérir & a fe conferver la répuration de fainte;, elle vouloir bien fe prêter aux vues du4>. Girard , qui afpiroic a la gloire d'èrre regardé comme un directeur de prédeftinées ; mais elle ne vouloic pas facrifier a cec objer fa liberté ; elle ne vouloit pas fe foumertre aux morrificarions d'une règle auftère. Le P. Girard de fon cöté perfiftoit opiniatrémenc; 1'éclat étoit fait : les rerelieufes d'Ollioules , la familie des Cadières, & tous ceux qui étoient en relation avec eux , étoient imbus que 1'entrée de certe fille dans Ie monaftére étoir la fuite d'une vocation miraafteufe. Tout eet étalage étpitperdu, fi  de la Cadière. 247 elle fortoit. II faifoit donc tous fes efforts pour arrêter cette démarche : la pénitente , de fon cóté , s'obftinoit de toures fes forces ; elle allégnoit mille öbftacles, entr'aucres l'impoffibiliré de faire maigre; elle affuroi: qu'une révélation lui avoit appris qu'elle feroit afIligce des maux les plus cruels, fi fon s'obftinoir a la retenir dans le couvent, & que fa fortie feroir le feul remède. Tel eft le fond de la lettre que 1'on vient de lire; & c'eft dans ce point de vue que le P. Girard cherchoit a faire difparoïrre les interprétations défavorables qu'on donnoit a la fienne. II fit imprimer un mémoire , dans lequel il donna un ample commenraire de cette lettre du 12 juillet. On va fe contenter de mettre ici fous les yeux du lecleur 1'interprétation des paflages fcabreux. Lorfque ce directeur a dit qu'il portoit fa pénitente par-tout, qu'elle étoit toujours avec lui, quoiqu'il parlat & agit avec d''autres perfonnes 3 il n'a fait qu'imiter les expreffions de faint Francois de Sales, qui écrivoic a fes pénitentes, liv. 2, ép. 1 : Ce fut un Hen d mon ame pour chérir de plus en plus la votre , qui me fit vous écrire que Dieu vi'avoit donné d vous, ne croyant pas  * 46 Hifloire du prócis qu'il fe püt plus rien ajouter a f affect non que je femois .. ^plufieurs particuhers i qui fe Jont recommandés d moi , me viennent en mémoire; mais vous prefque ordinairement la-première ; & quand ee n'eft pas la première 3 qui ejlrarement, £ eft la dernière 3 pour m'y arrêter davantage. Ep. 8. Fous connoure^ <#? * a voir que je vous écris d tout propos 3 que je vous ai fouvent en efprit: il eft vrai; non il ne fera pas pojftble que chofe aucune me fcpare de votre ame. Liv. 6 3 ep. 40. Scache^ que 3 depuis que vous ni etes en charge 3 vous m'étes toujours fi préfente, que je fuis , ce me femble 3 perpétuellement avec vous. Liv. 7, ép. 2. Mes penfées s'entretiennent le plus fouvent de votre cceur, qui eft certes un même cceur avec le mien. Ces expreflïons font au moins auflï forres que celles du P. Girard. Elles lom cependant forties de la plume dun faint, dont la vertu fut toujours a 1'abri de tout foupcon. On répondoir, pour la Cadière, que ces lertres de faint Frangois de Sales étoient adrelfées a la dame de Chanral, que fes années mettoient au-deifus de tout foupgon. C'étoit une veuve trésavancée en age, dont la fille avoit épou-.  de la Cadière. 2.47 fé Ie neven de faint Francois de Saks, qui étoit par conféquent fon allice. Elle étoit aiToaée avec lui dans Ia tondation de 1'ordre de la Vilkation de fainte Marie. Leur commerce n etoic donc fondé que fur 1'eftime & fur le zèle pour 1'agrandiifemem de eet ordre. Quelle comparaifon entre un jeiuite quiétifte & inceftueux , & un prélat dont 1'éaüfe a canonifé les vertus! On ajourouV le P' Girald a'°n ^ï™' ché de fa jnftificarion , ces expreflïons de fa lettre : Oublier_-vous & laijfe[ faire ; ces deux mots yenferment la plus fublime difpofuion. Quelle maxime , difoit-on , pour une fille de dix-htnt a dix-neuf ans ! Saint Frangois de Sales 1'avok-il propofée 1 la dame de Chantal, quelque furannée qu'elle füt ?' > Le défenfeur de la Cadière n'etoit pas exact, quand il difoit que le père Girard ne s'étoit point défendu fur ces mots: Oublier-vous, &c. Voici fa défenfe. La Cadière, ennuyée de la gêne du monaftère, ne ceftbit d'inlifter fur fa fortie. Elle alléguoit la volonté de Dieu manifeltée par 1'impoflibih'é oü elle étoit de faire maigre. Le directeur , de fon cóté , lui reprochoit perpéruellejnent fon peu de courage, & ne ceftbit L 4  14S Hifioire du proces de 1'exhorter a s'abandonner a Dieu 8& a écouter les impreffions de fa volonté: Ouhlie^vpMS & laiflèz faire ■ & il ajoutoit plus bas 1 Nous découvrirons la fainte volonté de notre maitre. On cherchoK enfuite a juftifier ces expreflïons par différents paffages de 1'Imication de J. C. qui recommandent I'abnégation de foi-mênie. On cifok enrr'autres le paflage du liv. i, chap. , i , ou l'auteuf affute que, dans les extafes mêmes de la devotion la plus fervente ,, il faut travailler a acquérir 1'unique néceffaire^ & quel eft-il ? S'abandonner foimeme, après avoir abandonné tout le xe4,e , Sc iortir hors de foi. Quid Mud ? ut omnibus reliclis fe relinquat, & d fe totaliter exeat. La Cadière, ajoutoiton , ne l'entendoit pas autrement, puifque , dans fa lettre- du 5 aoüc, feignanc p.ua de docilité aux avis de fon direc. teur fur ce fujet, elle dit • Je fens par un ejfet fenfible de la divine miféricorde"' que le Seigneur me fait connoitre d'une manière non-équivoque>, que je dois m'abandbnner entïèrement d fon bon plaifir. : C'eft en vain , difoit-on de la part de la Cadière, qu'on cherche a s'ex«fer fur des paffages a-peu-près fembUbks , tues de quelques livres de  ■ de la Cadière. 2.49 piété, Sc d'ouvrages de quelques faints: les partifans de Molinos _ alléguoienc cette excufe ; il fe couvroit lui même de ce prétexte : mais on n'y eut point d'égard ; & les défenfeurs du P. Girard n'en doivent pas plus attendre. lis n'ignoroient pas d'aiiieurs cette grande maxime, que certaines expreflïons , qui étoient innocentes avant la naiffance des héréfies , Sc dont les pères Sc les auteurs myftiques pouvoient fe fervir fans danger, ceffent d'être celles , Sc deviennenc fufpecees, dès qu'il s'eft élevé des erreurs qu'elles peuvenc favorifer; & qu'alors , comme difoit S. Thomas en pareil cas, on doic refpeder ces facons de parler dans leurs auteurs, Sc les expliquer favorablement , mais non pas les uiurper tcmérairement. Magis func reverenter in dictis patrum exponendi 3 quam ab aliis ufurpandi. Opufc. i°. Ufo i 3 cap. 41. D'aiiieurs les pères & les auteurs myftiques qui auroienr pu tenir le même langage , n'en tiroient pas les mêmes conféquences que Molinos Sc le P. Girard; ils ne le faifoient pas fervir, comme eux , a des myftères d'iniquité ; ils n'en abufoient pas, comme eux , pour avoir avec leurs pénicentes des fréquentations fi aftiL 5  2)0 tiiftoïre du proces dues, & pour prendre avec elles des liberres cnminelies. Les adions & les démarches font les inrerprètes les plus naturels & les moins équivoques des fentiments & du langage myftérieux : comme les fenrimems & le langage fonr fc a leur tour, les préjugés les plus forts & les moins fautifs des adions & des demarcnes cachées. Ici, tout fe foutient mutuellemenr, tout s'entre-donne une clarte Jumineufe qui frappe , qui faifit , qui manifefte la vériré & entraine la convidion. La Cadière , pourfuit 1'apologifte dn «ftesdO houles.appelIée paria voix de Dieu : le mémoire du carême détaille Ie prodige de fa vqcation : il falloit au j • Girard un miracle plus éclatant que Ia répugnance a manger maigre, pour conrre-balancer Ia vifion dans laquelle el e avoir ete deflinée a 1'ordre de fainte Claire. La fiiie Ie lui promet de la pare de Dieu. On me prejfe de vous dire cue, puifque vous voule^ des miracles, vous en aure^pour vous raffurer fur ce fujet. Jlejl vraiquefenferai la victime ; mais nimporte,pourvu que vous foyer content. Vous n en fera pas la victime,vemend le J. Girard ■ dans fa lettre du ai juillet ™M> repond-elle, qu'il en eoutera  de la Cadière. 251 thèrement d l'un & d 1'autre. L'on m'a promis _, comme je vous ai déja écnt 3 que , puifque vous voulie\ des miracles, vous en aurie\ 3 pour vous convaincre de votre peu de foi; mals que vous aurie^ la douleur de me voir couverte de plaies affreufes & extraordinaires , auxquelles toute la médecine fera aveugle 3 & que ma feule fortie d'ici dijfpera dans le moment. Elle ajoute auffi-rot : Je vous attends avec impatience, pour raffofter la faim que vous ave\ de me voir. Certainemenc , après un tel début, & la promefle de lui donner le fpeétacle des plaies affreufes & extraordinaires dont elle devoit être couverte , toute autre faim que celle du zèle & de la charité auroit été ralfafiée d'avance. Mais les plaies de la Cadière étoient le bien du P. Girard 5 la fourbe lui difoir que , par fes confeils, fes avis, fes mérites mêmes, elle s'étoit élevée a une perfeólion qui lui procuroit les faveurs fingulières du ciel. Elle continue : Vene-^ au plutot contenter votre petite curiofité. S'il s'étoit agi d'autre chofe que de voir des ftigmates miraculeux & autres préfenrs du ciel, auroit-elle employé le terme de petite cut'wfttê ? C'eft la un fynonyme bien nouveau pour exprimer L 6  Hifi oire du procés la pnftion ja plus violen re & Ia plus, brutale. Les fatigues du Père Girard n'étoient donc autre chofe que les perplexités & les embarras ou le mettoienc tous les jours denouveaux prodiges a examiner : la Cadière en étoit quitte pour quelques grimaces 5 car, a chaque fois qu'elle faifoit voir fes plaies , Dieu pour la mettre a couvert de la vanité* lui faifoit, difoit-elle, fentir des douleurs fi aigucs, qu'aucun tourment icibas ne pouvoit leur être comparé. C'étoit le prétexte dont elle fe fervoit pour ne montrer fes plaies, que quand il hu plaifoir, & après de certains préparanfs ; c'eft pourquoi le P. Girard lui oir :je vous fatiguera'u On a copié mor a mot la défenfe du jéfuite , afin que le leébeur put la voir dans roure fa force, & jUoer de fa folidité. II ne faur que la iiref pour appercevoir I'embarras du commentateur a donner un fens innocent au texre qu'on lui oppofoit. La chariré ne donne pomr Ia faim de voir des plaies. On ne voit pas pourquoi il feroit fi ridicule qu'une fille qui fenr encore quelques mouyements de pudeur, ou qui veut paroitre faire peu de cas de fes charmes, ft appelleroit pas petite curiofaè celle  de la Cadière.' zj3 donc il paroïc que le P, Girard étoir pouffè ; Sc pourquoi cette expreffioii ne pourroir s'appliquer qu'a 1'envie de voir des ftigmates miraculeux 3ou autres préfents du ciel. Mais n'eft-il pas véritablement ridicule de foutenir que la Cadière, & le P. Girard, en parlanc du bien de celuici, entendoient parler des plaies de cette fille ? Pour fixer le véritable fens de certe exprefiion , il ne faut que rapprocher la demande & la réponfe. GlR. J'ai une grande faim de vous revoir 3 & de tout voir; vous fc«ve\ que je ne demande que mon bien. La CaD. Je vous attends avec impatience 3 pour raffafier la faim que vous ave\ de me yoir. Ne foyei point en peine de votre bien , il vous eft entièrement dcvoue'. . Étoient-ce les plaies de la Cadière qui étoient entièrement dévouées au père Girard ? On ne s'arrèrera a 1'explication qu'on a voulu donner de la fatigue refpedive du P. Girard Sc de fa tendre dévore , que pour alïurer qu'en aucun endroir de la procédure , il n'eft fair menrion de ces douleurs dont on die que la Cadière étoit accablée dans le moment oü elle faifoit voir fes ftigmates. On  iT4 Hijloire du procés s'appercoit bien , en quelques endroits*i qu'elle ne les montroit qu'après s'être fouftraite un peu de temps aux yeux de ceux qui vouloient les voir; mais elle ne fe plainc nulle part que cette complaifance lui occafionnat des fouffrances. On n'a point cherché a donner d'explication fur \inconftance que le diredeur reproche a fa devote. Il peut bien fe faire qu'elle n'ait de rapport qu'au defir qu'avoit la Cadière de forrir du couvent li peu de temps après y être enrrée; &c fa réponfe favorife alfez cerre explicarion. A 1'égard de mon inconftance , prener^vous-en d celui que je fersy qui me tourne ou il veut , & comme il veilt. Dieu lui avoir infpiré d'entrer dans le couvenr; Dieu lui infpiroit d'en fortir. Les confeils, d'aiiieurs, du père Girard 1'avoient déterminée a fuivre cette infpiration. Vos confeils none pas peu contribué ègalement d me conduire d eet état , comme vous ffave%. A 1'égard de la gourmandife, il efb fort difficile de lui donner un fens conforme aux regies de la pudeur. Vous êtes une inconftante, lui dit-il •, ce feroit bien pis, fi vous devenie\ gourmande, La Cadière répond, continuant de1  de la Cadière. i il ( Dieu ) vient de me redonner au centuple les forces 3 le courage que j'avois perdu & de me combler d'une telle furadondance de graces nouvelles, que > &c. Or il lui répondoit par une comparaifon de Peau avec la grace; comparaifon tirée de i'Ecriture & familière aux chrétiens. On lui repliquoit, i °. que, s'il avoit prérendu parler des graces mentionnées dans la lettre de la Cadière, du 25,, il ne feroic pas allé chercher des termes obfcurs; qu'il auroit employé les mots grace , les eaux de la grace fans recourir a une expreffion ambigue , les biens. Le terme grace n'a rien d'impropre & d'indécent, qui oblige a 1'envelopper de circonlocurions. 20. Ces mots, marquer-moi quand & comment les biens font revenus , ne peuvent pas s'appiiquer aux graces donc parle la Cadière , foir paree qu'on ne dir guères quand & comment les graces font revenues ; foit paree que la Cadière lui en avoit affez clairement fixé 1'époque. 3 °. ïl n'y a pas de lettre de cette fille , 011 elle ne lui parle des graces qu'elle recoit : pourquoi, dans aucune de fes réponfes, ne lui demande-t-il quand &  de la Cadière. 2 ƒ f eomment les biens font revenus. Enfin, on lui objecloit fans ceftè cette lettre que la dame de Lefcot avok vue , & par laquelle il menacoit fa pénitente de lui donner le fouet. Le père Girard ne fe contentoit pas d'écrire fréquemment a fa dévote chérie. Quoique le village d'Ollioules foit diftanr de Toulon d'une grande lieue, ce religieux, qui éroit a la tête d'une communauté confidérable , chargé d'une direction nombreufe , prêchant fouvent, ne laifloit pas de la vifiter au moins deux fois la femaine. La fréquence de ces vifites, qui eft atreftée tant par les lettres, que par le 94* témoin, excédoit fans doute le nombre de celles qu'impofe un zèle éclairé par la pure charité. Examinons oü Sc comment la Cadière recevoir ces vifites , Sc ce qui s'y paifoit. L'abbelfe dépofe que » cette fille lui » avoit demandé la permiflion d'ètre au jj parloir feule avec le père Girard , » Sc qu'elle la lui avoit accordée. Elle v> ajoute, dans fon récolement , qu'un »jour que le P. Recteur écoit venu a m Ollioules voir la demoifelle Cadière, v Sc qu'il 1'avoit efteélivement vue le  46"o Hifloire du procés » matin , elle donna ord-re a Ia portière, » qu'au cas qu'il revïnr 1'après-diné, n pendant les offices , pour la revoir, » elle lui dit d'atrendre qu'ils fuffent 33 finis; que le P. Girard érant revenu ss pendant qu'on difoit vêpres, & ayant 33 demandé de lui faire venir la Cadière 33 au parloir, &z la portière lui ayant 33 dit d'attendre qu'elles fuüent ache»3 vées , il en marqua fon inquiétude; 33 que d'abord après vêpres elle envoya 33 la Cadière au parloir, & elle y fut 33 enfuire : mais ce directeur, qui ne ss doutoit pas que ce retardement ne » füt 1'effet de 1'ordre de 1'abbelfe, lui ss en témoigna fon reffentiment par 33 un air férieux & froid , & lui dir: 33 Madame , vous êtes la mattrejje y il 33 eft bon d'entretenir la règularité; mais >3 je fuis vertu de loin 3 & je me ferois 33 bien pafte de venir dire mon office dans 33 votre eglife ; je l'aurois pu dire dans 93 la mienne. « A la confrontation , le père Girard fentit que cette mauvaife humeur qui lui éroit reprochée par 1'abbelTe , manifeftoit un trop grand empreüement de voir fa dévote, & qu'on en pouvoit conclure que, comme fon voyage n'avoit eu d'autre motif que la douceur  de la Cadière. x€x de s'entretenir avec elle, il avoit regardé comme perdu tour le temps employé aux vêpres. 11 ne nia pas le fait ; mais le foin qu'il prit de 1'interpéter, Sc la manière dont il 1'interpréta , prouvent qu'il en voyoit toutes les conféquences. Je couviens 3 dit-il, que je marquaï du fe'rieux; maïs tout autre motif en étoit la caufe ; je commencois a me méfier de la vertu & de la fincérité de la Cadière. Mais cette rnéhance ne devoit pas lui donner de 1'humeur pour avoir dit fes vêpres dans une.églife plutót que dans une autre. Une fceur conyerfe, v.ingc-quatrième témoin, dépofe dans fon récolemenr, » qu'un jour étant au chceur pour y » prier Dieu, elle trouva la porre in« térieure du couvent fermée a clef; n &c ayant demandé pourquoi la porte » étoit fermée, on lui répondit que » la Cadière y éroir, & que le père » Reéfeur étoit dans 1'églife. « Ce fair n'a effuyé aucune contradiction de la parr du P. Girard, lorfqu'il fut confronté a ce témoin. La dame de Lefcot, religieufe , &C vjngtième témoin , dépofe dans fon récolement » qu'il eft arrivé deux ou » trois fois que le P. Reóbeur, après  l6i Hijtoirc du proces v> avoir dit la mede, reftoit dans le ss chceur de 1'églife, & la Cadière dans »3 le chceur inrérieur du couvent, &C jj que les religieufes alloienc diner, 33 & a leur retour , comme elles onr sa accoutumé d'aller en proceffion au o> chceur, elle qui dépofe, trouvoir que si la porte en avoir été fermée en de>j dans par la Cadière; ce qui eft aulli as arrivé une fois le foir, dans le temps ss de leur collation , qui fe fait ordinairement a cinq heures ; ne fcachant 33 pas pourquoi , ce jour-la , ils n'é»3 toient point au parloir. Elle ajoute 33 que , la veille de fainre Claire , le »3 père Recreur leur prêcha le matin j « qu'il dina au parloir, & y refta jufqu'au 33 foir avec la Cadière. li revint le lenss demain , & alia , ce jour-ld , diner w au cabaret; & après le diné , il rejs tourna au parloir, & y refta jufqu'1 is quatre heures avec la Cadière , qu'elle ss témoin la vint prendre pour lui dire ss d'aller au chceur, d'oü la demoifelle 33 Cadière envoya dire au P. Recteur, 33 qui étoit refté au parloir pour attendre » fes papiers , qu'elle ne pouvoit point »3 les lui porter, paree qu'elle ne pou*» voit pas quitter le chceur. Le P. Rec'»»teur lui envoya dire alors, qu'il n«f  de Ia Cadière. 2<$j » fortiroir point du parloir qu'elle ne » vint ; alors la demoifelle Cadière » monta ; tk elle ne fcair poinr ce qui » s'y paffa. » Le P. Girard, a la confronrarion , n'a poinr contredic ces faits. Marie Matherone , tourière du couvenr, & huitième rémoin , alfure dans fon récolement » qu'elle a vu le père » Girard & la Cadière fermés, 1'un dans 351'églife , & 1'autre dans le chceur des 33 religieufes.» Enrin le P. Girard , dans fon interrogaroire du 2 3 février 1731, art. 116, convienr qu'il voyoit fa pénitente au parloir, feul & tête-a-tête. Confulrons préfentement les témoins fur ce qui fe palfoit dans ces entrevues particulières. Dans la confrontation du P. Girard avec I'abhelfe d'Ollioules , eet accufé requit d'inrerpeller cetre religieufe,,/? elle avoit jamais port e' fes idees jufqu'au mal. Celle-ei répondit : » Je n'ai eu >3 aucune idéé de crime , ni dans ma 55 dépofirion, ni dans mon récolement; >5 mais j'ai cru , dans les fuites, que ce sj père pouvoit avoir eu quelques petites u complaifances. « Voila une fimplecouje&ure; palfons a des réalités.  &64 Hiflcire da pröcès La même tourière, dont on vienc de parler, dépofe » qu'un jour, dont ♦3 elle n'eft pas mémorative, & qui 33 pouvoit être environ dans le mois *> d'aour, montanr doucernenc dans le 33 parloir du monaftère de fainre Claire j3 dudit Ollioules, donc elle eft fceur ss tounère, dans le temps que le père 33 Girard, redieur des jéfuires , éroit ss dans ledic parloir avec la demoifelle >3 Carherine Cadière , & ayanr ouvert 33 brufquemenr la porre , elle rrouva la 33 fenèrre de la grille onverre , d'oü •3 iadire Cadière avoit pafte la tête , 3» s'embraffanc & fe baifant avec le 33 P. Gi rard ; & ayanr demande audit 43 père a quelle heure il vouloit dire la 33 metfe, & de quelle couleur il ■you33 loir les ornemenrs , il répondit que »3 c'étoit a dix heures, & qu'il falloit 33 les ornemenrs blancs. jj Que la veille de fainte Claire , 33 après que le P. Girard eut prêché le 33 matin a la grille du chceur , ii monta 33 au parloir, oü il devoit diner, &C 33 dans lequel la dépofante avoit pré*3 paré la table, autant éloignée de la 33 grille qu'elle avoir pu ; ne voulanr 33 pas', a ce qu'elle dit, que le P. Gist rard füt ILproche de ladite Cadière ; 33 &C  de la Cadière. 2.65 m & qu'alors ledic père Girard pric ia »> table avec impéruofiré , J'approcha »-de la grille, & dir a la dépofante : Vous voule\ bien m'éloigner de ma » fille. » Et, comme la dépofante avoit bej3 foin de ce qu'il falloit pour garnir la n table, &c ayant demandé a la Cadière 33 d'aller prendre la clef qui ouvre la 33 fenêtre dudit parloir, le P. Girard 53 répondir que cela n'éroit pas nécef33 faire; & ayant préfenté a la Cadière 3> un perit couteau qu'il avoit, & qu'il »' avoit tiré de fa poche, a peine 1'eut33 elle appuyé fur la ferrure , que ladite 33 porte fut ouverte; & elle fe retira, 33 entra dans le couvent, & fe mit en 3> lieu a pouvoir obferver s'ils avoient 33 befoin de quelque chofe ; & quoi33 qu'ils n'eu/fènt befoin de rien , elle 35 les obferva toujours , &c vit que, 53 pendant le diner, le P. Girard tenoit » une de fes mains dans celle de la 33 Cadière , & que de 1'autre il s'en fer33 voit pour mangèr. 33 Qu'un autre jour, après que Ie ss P. Girard eut dit la fainte melfe, & 33 qu'il fe fut déshabillé , il vinc a la » grille du chceur, dont la fenêrre éroit ».ouverte; & ledic P. Girard ayant dit Tome II. JVJ  i6t$ Hijloire du proces n a elle dépofante qu'il feroit bien-aife >» de diner, alors elle lui répondit qu'elle »> alloit avertir 1'hóte chez lequel il dï» noit ordinairement , n'ayant jamais jj dïné qu'une feule fois dans Ie cou3j vent, al'occofion de leur fete. Quand >■> elle fut a la porte de 1'églife, qui eft » a. deux batrants, elle fit femblant de » fortir , & refta en dedans , par un » efprit de curiofité; & ayant tourné » la tête , elle vit que ladite Cadière » avoit la tête hórs de Ia fenêtre de la » grille ; qu'ils s'embraffoient & fe bai» foient avec ledit P. Girard. >3 Qu'elle l'avoir entendu dire quelque» fois a ladite Cadière, ma chère fille 3 » mon cher enfant, ma petite de trois i> ans. « Cette dépofition eft , comme 1'on voit, de la plus grande importance , ëc le père Girard avoit tout 1'intérêc poffible a,ia dérruire; auffi a-t-elle occafionné de grandes difcufftons pendant l'inftruófion du procés. Pour fixer la foi que le leófceur doit y ajouter , on va •lui expofer les raifons de part & d'autre. Le P. Girard , a la confrontation , déclara » qu'il ne pouvoit fe tenit a la » dépofition de ce témoin ; d'autanc js qu'elle avoit tout crédit fur 1'efprit de  de la Cadière. v ïa fupérieure, de la dame de Lefcot » & de quelques autres religieufes, Sc »> qu'elle les a portées a faire 1'addiriori » qu'elles ont faite a leur récolement y »» & cela, elle 1'a fait en haine de ce » qu'elle s'eft imaginée que 1'accufé j) vouloit la faire lortir du couvent; w quelle eft dans une relarion très» étroite avec la Cadière & fes parents •, 53 qu'elle a próné par-tout les miracles »5 de la Cadière, dont elle connoilfoic » la faufteté ; que le P. Cadière, domi35 nicain , deux jours avant fa dépofi33 rion , eft allé Sc a refté au parloir 33 une hetire avec elle , pour lui dire 33 ce qu'elle devoit dépofer; que le jour 33 qu'elle alla dépofer a Toulon 5 1'abbé 33 Cadière vint la prendre Sc la mena 33 pour dépofer •, qu'elle alla en droi33 ture dans la maifon de la Cadière , oü elle laifta fa monture Sc fa capote '; 33 & enfin les Cadière lui ont offert une ss penfion pour 1'engager a dépofer en 33 leur faveur. « La Matherone convint >3 qu'il étoit 33 véritable qu'elle eüt pröné les mira=33 cles de la Cadière dans le commen'33 cement; mais que , fur la fin , elle »3 avoit fait autrement; que deux jours *3 avant fa dépofition , Ie père Cadière M z  i6$ Hifioire du procés * »>la/°i* 1'abbefle, lm paHa pendant » quelque temps , tandis que les reii» gieufes étoient allées \ vêpres , & " W ne lui Pa^a que de chofes in» dirterenres : elle avoua que 1'abbé Ca» diere 1'alla prendre avec le fergent » & demanda penriiflbn a 1'abbefle de » la mener a 1 oulon ; qu'elle alla def" Ce,r,d,rei la PDrte ^ la Cadière, ou » ei e laifla fa capote & fa bete, qu'elle » a la reprendre enfuite, niant le fur» plus des reproches. « De la part de la Cadière, on réfutoitees reproches, en difant, i°. qu'il etoit contre toute vraifemblance qu'une kmple tounère eut alfez de crédit fur 1 efprit d'une abbefle & de plufieurs religieufes, pourdes dérerminer d charge r un innocent contre la vérité • & que celles qui avoient ajouté dans leur récolement, n'avoienr fait que pro-., hter de la hbarté que leur accordoir ordonnance de 167o , pour réparer les fuppreiïions qui avoient été faites par I'Official, d leurs dépofirions. 2 .2°- La ,laine dont le P. Girard accuioi: cerre tourière contre lui , fur ce qu'il vouloit la faire fortir du couvenr, eft une fuppofition évidente ; & fi iê t»it etou yrai, il feroit d fon défavan-  de la Cadière. 16$ rage , puifqu'il pronveroic que , par cette expuiiïon , il auroit voulu la punir de ce qu'elle 1'avoir furpris plufieurs fois embraftanc Sc carelfant fa pénitente. 30. Si elle avoit, au commencement, proné les miracles de la Cadière, elle n'avoit fair que fuivre 1'exemple de toute la communauté , qui en avoit concu la même idéé ; Sc même celui du P. Girard , qui la donnoit par-tout comme une fainte. II 1'avoit annoncée a 1'abbefte, par fa letrre du 22. mai 1730, comme un dépot de fainteré qu'il lui confioir; ïl lui avoir recommandé de la faire communier tous les jours , difanr que Dieu marqiseroit bienröc qu'elle n'éroit pas indigne de cette f.xveur fingulière. II eft prouvé , par la procédure , que le jour de la transfiguration du premier juillet, il recommanda aux religieufes de conferver précieufement 1'eau dont on lui avoit lavé le vifage, paree qu'elle feroit des miracles , Sc que la Cadière en avoit déja fait d Toulon. 4°. Que le père Cadière eut eu une conférence d'une heure avec la Matherone fur ce qu'elle devoit dépofer 5; #'eft un fait dénué de preuves Sc ajufté M 3  2.7° Hijfoire du proces i la pièce. Quelques témoins dépo~ fent cependant de ce fait : mais on va bientoc voir le cas qu'on doit faire de ces témoins. 5°. Si 1'abbé Cadière fut a Ol! ioules avec 1'huiffier qui porta 1'aflignation i la tourière , ce ne fut que pour en demander 1'agrément a 1'abbelTe; mais il ne retourna pas a Toulon avec elle. Ce fait n'eft cependant pas trop cerrain. Un rémoin 1'alfure pofitivement i un autre dit qu'il le vit palfer un demiquart d'heure après elle. A 1'égard de Ia capote 8c de la monrure IaifTées chez Ja Cadière, il eft certain que ce n'eft j pas un motif fuftifant de reproche. 6°. Mais le fait de la penfion eft plus important, & exige un eclaircilTemenr. 11 eft arteftépar quatre religieufes d'Ollioules , auxquelles on peut joindre le P. Aubani, qui dépofe avoir entendn. dire a fa fceur que cette tourière, après fa dépofition, s'étoit plainte de n'avoir pas accepté une penfion de 200 livres, qui lui avoit été offerte par les Cadières, & promife au cas oü elle feroicchaffee pour avoir dépofé. Mais cette dépofition ne fait qu'une avec celle de la dame Aubani, fceur de ce religieux, qui attefte la même chofe. Des trois,  de la Cadière. 171 autres religieufes qui en parient, deux font les fceurs Beauffier, qui, comme on 1'a dir ailleurs, éroient rotalement livrées au P. Aubani. Refte donc le 3 3 témoin, fceur converfe, a laqué le la Cadière na oppofé aucun reproene. A 1'égard de la Maiherone, elle convienc dans fa confrontarion avec le P. Girard , qu'elle a parlé de certe penfion , en difant qne , (i M. 1'évêque la faifoit chalfer pour avoir dépofé, il faudroit bien qu'il lui donnar du pain. On prétendit, de la part de la Cadière , avoir une preuve écrne que tous les témoins , dont la dépofition tendoit a faire tombet cellé de la tourière, avoient été fubornés.Voici le fait. Auffitbc que 1'afTaire eut étlaté , des ordres fupérieurs firent enfermer la Cadière dans le couvent des Urfulmes de Tou, Ion , qui étoit fous la direftion des jefuires. Tour ce couvent fur en allarmes par la dépofition de la Matherone, qui eft du 1 décembre 1730- Pour la de" truire,s'il éroit poffible , ou du moins lui faire perdre toute fa force , je couvent de Toulon forma , avec celles des religieufes d'Ollioules, qui étoient dans le p'arri de ce jéfuite , un complot dont la trame eft tracée dans la lettre fuiM 4  2-72 Htftoire du praces van re , écrire par la dame de Cogolm, religieufe de Toulon, &, de fon aveu, pénirenre du P. Girard, a la dame de Beauffier cadette, religieufe d'Ollioules. On a dé/a parlé de certe Beauffier cadette : on a dir que la Cadière 1'avoit récufée; entr'autres pour fa liaifon fcandaleufe avec le P. Aubani. Cette lettre eft du 2 81 janvier 1731. Madame, j'ai rem vos trois lettres dans un même paquet par un P. Obfervantin ^ dont f ai été trés-fatisfaite. Pot* ce qui regarde les mauvaifes mceurs de la tourière , 1'on n entreprendra po'tret de prouver en quoi; ce feroit entreprendre un nouveau procés. On fe contentera. de donner eopie d madame de Camelin la cadette , d M. Portallis & d mademoifelle Vïalis , & d quelques autres de votre maifon qui n'aient point encore dépof é; car, pour celles qui l'ont déja fait, on ne peut pas leur donner copie une feconde fois; ainfi ne cracgne\ rien pour vous; on ne vous commettra en rien, ni pour rien qui peut vous faire ou proeurer la moindre peine. Le procés va le mieux du monde pour le P. recleur : on a fini d'entendre les témoins de la Cadière ; mais l'officialité n'a pas fini de faire ottir les fiens. La dépofition qu!,a.  de la Cadière. 273 faite votre tourière, efl la même que celle dont elle s'eft vantée ; tout a corfiflé d dire que le recleur avoit baifé la Cadière de la fenêtre de votre grille du chceur-, & une autre fois dans fon lit, & autres chofes de ceite nature. II fuffic que les perfonnes qui dépoferonr, aflurent avoir oui dire a la tourrière comme Cadière étoit une fainte, qu'elle faifoit même des miracles ; de fes liaifons avec la familie de Cadière ; la penfion que fes gens lui avoientpromife pour fon entretien ; c'eft la le principah Le P. recleur vous offre fes refpecls. Je fuis de tout mon cceur madame , votre très-humble fervante fceur de Cogolin. On ignore comment cette lettre a pu tomber entre les mains de la Cadière. On a dir, dans fes faclums, que la dame Beauffier, après en avoir exécuté le contenu , la perdit, 8c que les perfonnes qui la trouvèrent, laremirenc a M. Chaudon , avocat de la Cadière : mais il eft certain que la vérificarion en fut faite le 11 mai. Elle n'a pas befoin de commentaire; on y voit, au premier coup d'ceil, un complor en fubornarion conduit par le P. Girard : la lettre porre la preuve qu'il étoir préfent a fa rédaótion , 8c adoptoit les mefures  274 Hijïbire Ju procés qu'elle prefcrivok. Ce complot a-t-il eu fon eftet ? La chofe eft facile a vérifïer. II ne fauc pas perdre de vue que la lettre eft du 28 janvier 1731. Jufqu'a certe époque , aucun témoin n'avoit chargé la Matherone d'avoir entrepris de faire pafter Ia Cadière pour une fainte a miracles. Voici ce qui s'eft pafte depuis. La dame de Camelin cadette, nommée dans la lettre, fut entendue le 10 Février 173 1 , & dépofa « qu'un des voifins du monaftère d'Ol» lioules, qui travaillok a 1'arfenal de » Toulon, & qui n'alloir ordinairement » chez lui que le famedi au foir, ayanr *> pendant deux foisfendu du bois chez » lui pour fes néceflités un dimanche. « & le jour de faint Laurent, la mère 3> Lefcot, makreffe des novices , étant 3» montée dans 1'appartement de la Ca» dière , pour lui marquer combien elle " étoit fcandalifée de la conduite de eet » homme, ladite Cadière lui répondit » que cela ne .continueroit pas, & que « eet homme étoit alors atteint d'une » colique : ce qu'ayant entendu , elle « manda d'abord Marie Matherone , »? une des tourièr es da couvent, pour .« fcavoir 1'état oü fe «onvoit eet hoax-  de la Cadière. 2.75* » me , Iaquelle étant de retour, publia .» dans le monaftère que eet homme w étoitatteintd'unedangereufe colique; » ce qui fit alors crier vürack dans tout 33 le couvent; mais, comme la dépo» fante croyoit toujours, fans paffion , » ni prévention, qu'il y avoit de 1'hy» pocrifie dans le fait de la Cadière , » elle pria M. Portalis , prètre de ce »j lieu , de s'informer de la vérité de ce » fait, lequel lui dit qu'il avoit parlé 33 a la femme de ce fendeur de bois , 93 qui 1'avoit alfuré pofitivement que fon 33 mari n'avoit jamais eu de colique, 33 & que la tourière n'avoit jamais été 33 chez elle; Iaquelle Information la dé33 pofante fit faire environ un mois après 33 ce prétendu miracle. 33 Elle ajoute que certe tourière publioit alors, comme le mois d'après , les vertus , extafes & bonnes qualités de la Cadière , publiant dans le couvent & ailleurs que, fi on pouvoit avoir une douzaine de filles de cette fainteté, ce feroit un des plus grands avantages que cette communauré put recevoir du cie'. Elle parle enfuire des coriférences tenues entre le P. Cadière & la Matheronea Mj daritdu bois dans fa maifon pour fes 53 néceflirés, une 011 deux perfonnes du >3 couvent de fainte Claire , au-devant 33 duquel il demeure, lui cnèrent qu'il 33 éroit fcandaleux de tra.vailler le df>3 manche ; a quoi il répondir que., fi 33 elles étoient dans fa tituation , elles js feroient encore pire -y n'ayant point 33 vu d'autres perfonnes dans fa mat33 fon, ni ailleurs, de la part defdires 33 religieufes. On lui demanda feule33 ment dans lè lieu, fi , ce jourda, il s3 avoit eu la colique ; il répondir que 33 non.. >3 II ne fut confronté a aucun des accufés. 11 eft bien éronnant que nul autre témoin que la dame Camelin cadëtte , qui, dans la lettre , eft nommée rl Ia tête des témoins qu'on devoit difpofer en faveur du P. Girard, n'ait parlé d'e ce fait du fendeur de bofs -y a Texception de ce manouvrier lui-même, dont te. fortune étoit, comme on le voit, relle qu'il avoit befoin d'employer tout fon temps au travail' le plus pénible, pour fournir a fa fubfiftance. La dama  ie la Cadière. ?7? Lefcot elle-même , que 1'on dit y avoir eu tant de part, garde a ce fujet le plus profond fdence. II elf bien plus étonnant encore que fe Cadière , qui, dans fa confrontation avec la dame Camelin , difcuta dans le plus grand détail la dépofition & le récolement de cette religieufe , n'ait pas dit un feul mot de eet articl'e. Enfin comment le défenfeur de la Cadière , qui avoit eu toute la procédure en communicarion , qui a fait tant d'analyfes des dépofuions favorables &C défavorables a fa partie , n'a-t-il fait aucune menrion de ce point, qui demandoit cependant quelque aftëntion? Au furplus la Cadière récufalle &• moignage de cette religieufe , a caufe de fa liaifon avec le P. Aubani ^ qui avoir été chargé de la part de Tévêque de folliciter des témoins. On a vu plus haut ce que c'éroit que ce P. Aubani , la foi que méritoit fon témoignage , & celui des perfonnes du fexe qui avoient des liaifons avec lui. La Cadière ajouta, pour motifs de récufation contre la mème Camelin, quelle étoit nièce du P. Camelin, que 1'eveque avoit fait venir pour engager les témoins du monaftère d'Ollioules a de-  2 7 3 Hijloire du proces pofer en faveur du P. .Girard. Elle reprocha en ourre 1 cette religieufe d'avoir procuré l'évafion de la nommée Matahane, dérenue dans le couvent par ordre de la Jufticej quelle la fit fortir par un fouterrein , & que la Mataliane ayant eté reprife, la religieufe Camelin lui fat foutemrque 1'abbefle 1'avoit fait lortir par la porte. Mais reprenons ce qui concerne Ia Matherone, en fe fouvenanc toujours qu aucun témoin n'avoit fait mention de cette fille avant la lettre du 28 janvief 1751. La dame Beauffier Païnée, entendue en témoignage le 10 Février 173 1 , dit que cette tourière fut accompagnée, dans fo„ voyage de Toulon , ou elle alloit dépofer, par 1'abbé Cadière :& dans fon récolement, qui eft du 12 mars I75i , elle parle affirmativemenc du regret que témoigna la Matherone de n'avoir pas accepté la penfion qui lui avoir été offerte. Elle fut reprochée par la Cadière comme amie du P. Aubani, qui la vilitoir rrès-fouvent. Le P. Aubani, entendu le 11 février mi » dépofe qu'ayant vu aller Ia Matherone k Toulon, il alla voir fa fceur  de la Cadière. z79 religieufe le lendemain, & lui demanda le motif du voyage de cette tourière; que fa fceur lui répondit que c 'étoit pour dépofer au fujet de l'affaire de la'Cadière ; qu'elle 1'avoit fait fans permiffion & fans êrre cirée , a ce qu'elle croyoir j ce qui lui avoit donné lieu de lui en faire des reproches, auxquels la Matherone lui répondit qu'elle étoit fachée de n'en avoir pas dit davanragè, &c de. n'avoir pas accepté une penfion qu'on lui offroit, fans nommer qui. Mais voici une obfervarion bien itttporranre. Marie Beauffier cadette, celle inême a qui la lettre du a8 janvier avoic été écrire, fut enrendue en témoignage le 6 décembre 1730, & ne dit pas un mot de la tourière. Dans fon récolement, qui eft du n mars 1731 , quatorze jours après la lettre, elle attefta avoir oui dire a Marherone qu'elle fe repenroir de n'avoir pas accepré une penfion qu'on vouloit lui donner au fujet de l'affaire de la Cadière ; que le jacobin s'étoit entretenu une heure avec elle au parloir , & que 1'abbé 1'avoit conduire a Toulon pour y dépofer. Ce n'étoit pas affez pour les co-affociés a ce complot , d'avoir cherché a rendre la courière fufpe&e comme  280 Hïfloire du proces fubqrnée ; ils formérenc le projer cfe faire croire que fa dépofition étoit fauffe. On en a déja vu un eifai au fujet du fendeur de bois : voici un autre fait dont on la charge, II faut prendre garde qu'il n'en eft. queftion que depuis fa lettre , & entre les témoins dont on vient de parler. La dame Beauffier, cadette, dépofe , dans fon récolement, que « )e jour de fa » dépofition Ia tourière lui avoitdit, en « parlant du P. recceur: le forcier, Je «1'ai furpris .-j'avois fair un trou a la » porte, par oü j'avois paffe un cordon « de foie pour tirer fe lóquet; ce for> cier me la coupé rrois fois : qu elle '«.témoin fir vifiter la porte par 1'abbé » Portalis & un jeune Obfervantin , » qui ont de bons yeux , & qui lui diV rent n'avoir point vu de trou : Sc » cependanr, rrois ou quatre jours après, 33 il fe trouva qu'il y avoit trois trous, » qui apparemment avoient été faits . ss dans 1'entre-deux. >3 La religieufe Camelin cadette, qui , comme on 1'a dit, fut entendue le io février 173:1, dépofe que Ia Matherone lui avoit conté que, « fe doutant de ' >3 quelque chofe du P. reóreur & de fa u Cadière, elle avoic enrrepris de les.  de la Cadière. z%t j> furprendie dans le parloir, par le si moyen 'd un cordon de foie qui étoit » attaché au loquet de U porte , &C » qu'ayant trouvé ce cordon coupé , 33 elle éleva la porte par en bas, & les 33 furpric dans un état peu féant; ce que 33 la dépofante a entendu dire a la Ma33 therone , après qu'elle vint de dépo33 fer a Toulon : ce qui 1'obligea de » vérifier fi la.porte étoit dans la fitua33 tion que 1'avoit dit la Matherone, 33 & de fe fervir pour cela d'un frère >3 lay obfervanrin, appellc Pierre-Jean} 33 lequel, après avoir vifiré certe porte 33 devant & derrière , lui dit que, tant 33 au-deffus qu'au-deilous du loquer,33 non-feulement on ne pouvoit pas 33 palier un cordon de foie, mais pas 33 même un cheveu de tére : non con33 tente de cela , elle fit faire la même ss vifire a M. Porralis , prêtre, qui lui ss fit le même rapport; ce qui éroit le 33 zj janvier dernier (i73i):&lez8du 33 même mois, érant venue au parloir, 33 elle trouva qu'on y avoit fait un 33 trou , ce qu'elle fit remarquer a quel33 ques-unes de fes religieufes , & quel33 que temps après a M. Portalis, qui 33 avoic été témoin que quelques jours 3,3 auparavant il n'y en avoit point*  iSi Hï/toire du proces » Ajoute encore que ces examens de fa » part n'ont pas été par ufi effet de «cunofïté, mais par la connoilfance t> qu'elle a des artifices de la Mathe» rone, & de fon peu de fincérit.é. » Le fieur Portalis, er.tendu le u février, &gé de 80 ans } dépofe que, » s'etanr trotivé au parloir des religieu» fes d'Ollioules avec les dames Beauf" fier & Camelin cadette?, elles le priè»rent de voir & d'examiner fi, a la y porte du parloir, il n'y avoit pas quel» que petit trou , par oü 1'on put faire » paffer quelque petit cordon que 1'on « put attacher au loquet de la porte , » par le moyen duquel on put 1'ouvrir «facilement, Sc furprendre ceux qui V étoient dans le parloir, ce qu'ayant » fait, & lè tout attentivement exami» né , il trouva qu'il n'auroit pas été "poflible d'y faire paffer uneaiguille, » quelque petite qu'elle füt, puifqu'il »n'y avoit point de trou; & que, " quelque temps après, y étant retour» ne .... il trouva , dans la porte du «parloir, un trou auprès & au-delfus »>du loquet, oü 1'on pent facilement » paffer un cordon ; ce que la fceur » Beauffier, avec Iaquelle il étoit en t» compagnie de la fceur de Camelin, « W firent remarquer. «  de la Cadière. 283 Le P. Aubani dépofe que, « dans une „vilite de bienféance qn'il rk a la dame de Camelin la cadette , il én fut „ piié de voir & d'examiner de pies » s'ü n'y avoit point de petit trou a la >, porte du parloir, & du cóté du ioM quet; ce qu'ayant attentivement exa„ miné, il trouva n'y en avoir point; » & que, quelques jours après, y étant „ rerourné, la même religieufe lui ayant » fair la même prière que la précéden» re , il y rrouva effeótivement un trou » fait & un commencé a 1'endroit ci» delfus, & tous les deux fraichement » faits. >>. . 11 faut convenir que cette hiftoire d'un trou pratiqué a la porte après coup, eft aftez mal-adroirement imaginée. i°. La tourière auroit-elle manqné , dans fa dépofirion , de parler d'un fait qu'elle auroir préparé elle-même, pour favorifer le fyftême de la Cadière ? Cependant elle n'en dir pas un mot. i". Auroit-elle attendu a faire ce trou après avoir dit qu'il exiftoit, &C avoir donné le temps de conftater fon menfonge ? 30. Auroit-elle eu la maladrefte d'en faire deux , ou même trois? car tous ces témoins ne font pas d actprd fur un fait qu'il paroi.t néanmoin%  4^4 Hijtoire du proces qu'ils avoient concerté. II a pu arriver que le fieur Portalis & le P. Aubani meme n'aient point eu de part a ce complot : les deux religieufes , qui 1'avoient formé, leur demandenr s'il v a un trou a la porre : ils n'y en voient point & le difent : quelques jours apres ils y èn trouvent un ou deux nouvellemenr faits; ils les voient, & Ie dilent encore. Enfin ce complot éroit inutife, & ne portoit aucune atteinre a Ia depofirion de Ia tourière. Elle na jamais dir que , quand elle Wit le P. Girard & Ia Cadière fe baifant au Parloir elle les eur vus pat le trou du loquec de la porre; elie dir au contraire que ce fut en I'ouvranr doucemenr & qu'elle les avoit vus dans la mêmè fituarion d la grille du chceur. On peut doric regarder la tourière comme un témoin irréprochabie puifquil a falfü cabnler, & barir des fairs contraires a la vérité, pour Ia d re rü/Pe6te aux }'eux de fa juftice. Kefte a examiner les öhjections qui ont ƒ té oppofées a fa dépofition. '°; Difoit-on , fi Pon en croit Ia tourière , Ie P. Girard , étant d la grille du chceur, & Cadière en dedans, nu dit, en préünce. de la Cadière >  de la Cadière. 1$$ d'aller d fon hótellerie lui commander fon diner; qu'elle Je retira , & rejla cependant en dedans, d la porte de l'églijè , d'ou elle vit qu'ils s'embrajjbient. Or la Cadière dit, fur ce même fair, que le P. Girard voulant l'embraffer d la grille du chceur, l'ajfura qu'il avoit fermé la porte de 1'églife. La dépofition & 1'expofé de la Cadière fe contredifenr. Car , ou le père Girard quirra la grille du chceur, auprès de Iaquelle la tourière venoir de le laiffer, pour aller fermer la porre de 1'églife; & alors il n'auroic pas manqué d'appercevoir la tourière; ou il ne quitta pas la grille, & en ce cas , comment la Cadière peut-elle avancer que le P. Girard 1'affura qu'il avoit fermé la porte de 1'églife ? Cette tourière n'eft pas la feule qui charge le P. Girard de s'êrre enfermé feul avec la Cadière dans 1'églife. On a vu que la dame Lefcot & une fceur converfe, dépofent du même fait: Sc leur temoignage eft appuye de celui de la dame Guérin , autre religieufe , & vingt-fixième témoin , qui dépofe que » la dernière fois que le P; Recleur a >» dir la meffe au couvent , elle fut dej> vanr la grille du chceur , la Cadière wétant-en dedans, & le jéfuite en de-  2, §6 Hifloire du procés n hors , elle vir qu'ils ie touchoient la »» main , & qu enfuite la Cadière avan» goit la tête en dehors ; ce qui obligea 11 la dépofante de lui dire que, fi la m eommunauté la voyoit, elle 1'inter» préteroir en mauvaife part; 8c qu'ens5 fuite la eommunauté étant furvenue, » la Cadière fe retira de fon cöté , 8c » le P. Re&eur du fien. « II eft donc prouvé qne la grille du chceur étok quelquefoïs le heu de leurs careftes; 8c qu'ils prenoient la précaution de s'y enfermer. Craignoient-ils d'être furpris dans quelque enrretien de piété ? En fecond [jeu il eft faux que la Cadière air dit , dans fon expofition ou dans .fa plainte , que le P. Girard feilt affurée qu'il eut fermé la porte de 1'églife après que la tourière en fut fortie pour aller a fon auberge; elle dit feulement**, qn étant au monajlère fainte Claire d'Ollioules, un jour dont elle n'eft pas mémorative , n'y ayant perfonne dans 1'églife, ledit père Girard l'embraffa & la baifa ; ce .qu'il a fait plufieurs fois au parloir. II n'y a donc point de. contradiction , fur ce poinr, entre la Cadière & la tourière. D'aiiieurs, quand la Cadière auroit tenu Ie difcours qu'on lui prête, la contradic-  de la Cadière. 287 tïon ne feroit pas encore prouvée, foie paree que 1'une pourroit parler d'un jour, 5c 1'autre d'un autre jour; foie paree que, quand ils auroient eu le même jour en vue , il feroit' poffible que le P. Girard , croyant la tourière partie pour aller chez fon hóte, & qu'il n'y avoir perfonne dans 1'églife, preffé d'embralfer fa dévote, 1'eut aflurée que la porte étoit fermée. On fcait qu'un amant, échauffé par 1'impatience de fes defirs, pafte fouvent fur bien des petitas craintes, que la timidité du fexe infpite a fa maïtrefle, & la trompe pour appaifer des inquétudes qui troublent ou retardent fes plaifirs. 2". La tourière dit qu'elle ouvric brufquement Ia porte du parloir. On répondoit de la part du P. Girard; il eft conftant que la porte ne pouvoic pas s'ouvrir en dehors , mais feulement par dedans avec une corde , comme on ouvre toutes les portes des parloirs des religieufes. Si elle prétend 1'avoir ouverte a force de fecouftes , en ce cas le P. Girard 1'auroit enrendu , auroit. eu le loifir de fe tetirer, & elle n'auroit rien vu. Ce fait étoit contredit du cóté de la Cadière , par le fait contraire : elle  i8§ Hifloire du procés alfiiroit qu'il y avoit a la porce du parloir un loquec , par le moyen duquel on 1'ouvrou en dehors ; ainfi on n'avoic pas befoin de grandes fecoulTes pour I'ouvrir, Sc pour averrir ce directeur de ceifer d'embraffer Sc de baifer fa pénitenre. 3°. Ce que la Matherone avoic vtt ne l'empêcha pas.de s'approcher froidement de ce directeur, qui avoir encore, pour ainfi dire, la bouche fur celle de fa pénirente , & de lui demander a quelle heure & avec quels ornemenrs il veur dire la melfe. Ce craic feul rend ce cémoin indigne de couce croyance : elle regarde ces infamies Comme des chofes indifférences; Sc , fi on ofe ainfi parler, comme une préparacion au faint facrifice' de la melfe. On répondoic a cette objection, que le père Girard avoit dit qu'il vouloit dire la melfe ; que la tourière n'avoit pas I'autorité de 'en empêcher, paree qu'elle lui avoit vu embraflar fa pénitente ■) randis que fon évêque , malgré le fcandale d'une procédure qui le chargeoit des crimes les plus arroces , Sc par Iaquelle il en éroit convaincu , lui ïailfoit non-feulement dire la meffe, maïs confefler Sc prêcher a Toulon , dans  de la Cadière. 289 dans Ie tems même que tenue cette vilie retentiffbit de fes défordres. Au refte , on ignore fi Ia tourière en avoit averti 1'abbelfe & le confefleur du couvenr : mais quel ufage auroient-ils pu faire de eet avis conrre un jéfuite fi fort protégé ? 4°. C'eft par la fenêtre de Ia grille du parloir que Ia Matherone avoit vu la Cadière tk fon confefleur s'embraffer: mais cette fenêtre na , difoic le père Girard , que huit pouces &c quelques lignes en quarré; la rêre feule pouvoit y paffer avec bien de la peine , & fans qu'on put la relever. li n'eft donc pas poflible qu'ils puffent s'embraffer. • On répondoit,de la part de la Cadière, en fourenant que la fenêtre en queftion étoit aflez large pour qu'une perfonne put y paffer la moirié de fon corps. On ajoutoit que, quand 1'official & le lieutenant-criminel de Toulon allèrent au parloir pour y entendre les religieufes en témoignage, comme 1 official révoquoic ce fait en doute, une penfionnaire, qui étoit la plus grande tk Ia plus grofle perfonne du couvent, pour leconvaincre, y paffa la moitié de fon corps; on deinandoit au furplus une vifite d'experts, pour conftater la grandeur de cette ouverture. Tonic II. jsj  ïyo Hijtoire du proces D'après ces réponfes refpedives, & la dépofirion des aurres cémoins, il paroit certain que les enrretiens du diredeur avec fa 'pénitente , tant au parloir qua la grille de 1'églife , étoient affaifonnés de quelques douceurs amoureufes. Avant de paffer a un fait plus grave, & qui occafionna bien des difciiffions, établifl'ons encore 1'époque d'un autre baifer, que le diredeur fut accufé d'avoir donné a fa pénitente. Elifabeth de Prade , fceur converfe d'Ollioules , & 24e témoin , dépofe que » le jour que le P. Redeur entra » dans le couvent, au fujet de la trans» figuration de la Cadière , le foir, » quand il fe retira avec le confef'n feur des religieufes & quelques per» fonnes de la eommunauté , elle vit j> que la Cadière , qui accompagnoit » le père Redeur, 1'embraflbit par le >> cóté j & quelqu'un lui ayant dit : ils »fe baifent, elle regarda , & vit a » travers d'une vitre qu'ils fe parloienc » tête-a-tête & face-a-face ; mais elle » ne vit point qu'ils fe baifalfent : cel'e » qui lui dit d'avoir vu qu'ils fe bai» foient, eft la noramée Lucrèce Ma» cherone, fceur tourière. <•  de la Cadière. 291 Certe Lucrèce Matherone , fceur de cerre tourière dont on a tant parlé précédemment, dépofe que le même jour, lorfque fe P. Girard fortit du couvent, 11 il demanda a madame 1'abbelTe de » dire un mot en particulier a la Caj> dière \ elle vit alors que 1'un 8c 1'autre *> s'em'bralToient 8c fe baifoient. « Le P. Giraal, a la confrontition , requit d'interpeller le témoin en quel endroir il étoit quand le fair, dont elle a parlé dans fa dépofirion , fe pafla. Elle répondit que c'étoit a la fin du cloïtre , proche les portes conventueiles ; qu'elle 1 avoit vu & entendu demander cette permillion. Le père Girard , pour la convaincre de menfonge, & prouver qu'elle n'y étoit pas, aflura que c'étoir la Cadière , & non lui, qui avoit demandé cette permillion. Il ajoura qu'il s'approcha en effet de la Cadière, pour entendre ce qu'elle vouloit lui dire, & bailfa la tête, atrendu qu'il a 1'ouie dure, 8c qu'il fe faifoit beaucoup de bruit dans le vefiibule ; mais qu'il ne 1'a, ni baifée, ni embraffée; 8c que la fceur de Prade même, qui étoit prés du témoin, déclare qu'elle ne vit rien. Dans les écrits imprimés pour le Ni  191 Hiftoire du proces P. Girard , on a toujours foutenu qu'il étoit fourd de Poreiile droire , & que c'eft ce qui 1'avoit obligé d'approcher la gauche de la bouche de la Cadière, qui lui parloir en fecret. On fe rerrancha fur la différence qui fe trouve entre les difpofirions des deux rémoins qui parloienr de ce fait, & enfin fur ce que le lieu étoir obfeur; qu'elles ne voyoient qua travers une virre , & ne pouvoient, par conféquenc, pas diftinguer. Mais, lui difoir-on , il n'y a point de concradidion entre les deux dépofitions; car il peut arriver que le baifer fut donné lorfqu'Elifabeth de Prade les regarda , fur 1'avertiftement de Lucrèce Matherone, on ne prolonge pas un baifer pris a la dérobée : d'aiiieurs la fceur converfe les vit encore in aciu proximo, puifqu'elle les vit tête-a-tête & face-a-face, & que d'aiiieurs elle ajoute qu'elle avoit vu la Cadière embralfer le père Girard ; les embraftements & les baifers ont une grande connexité ; fouvent même ils font fynonymes. Le P. Girard d'aiiieurs convient de prefque routes les circonftances, fi ce, n'eft du baifer. Quant a la furdicé, qu'il  de la Cadière. 293 donne ponr prétexte de la proximité des deux vifages , pourquoi , randis qu'il avoit demeuré a Aix, avoit-il toujours entendu les confeflions mdifféremmenr d droite ou a gauche ? C'éroir M. Chaudon , Avocat de ht Cadière, qui , dans un des mémoires qu'il avoir fait imprimer pour cette fille , faifoir la qucftion; & il éroit fondé d la faire , puifqu'il avoit été fous Ia dire&ion de ce Jéfuite , pendant fon féjour a Aix. Mais voici un fait qui feul équivaut a tous les autres, & qui auroit pu difpenfer de les dérailler. Ce n'éroit pas affez pour le bon père d'avoir obrenu de 1'abbelfe 1'allurance que fes lertres ne feroient vues que de la Cadière , & la liberté de la voit feule au parloir , il vonlur encore fe procurer la faculté d'entrer dans 1'intérieur du couvent, au moins quand elle feroit malade. L'abbefTe fe prêra encore a cette fingularité , que le P. Girard eut foin de faire ratifier par le P. Camelin , fupérieur de la* maifon. On a parlé plus haut de la transfiguration qu'éprouva la Cadière au couvent d'Ollioules , le 7 Juillet 1730. On a die en mêrae-temps que le P. Girard N3  2 5>4 Hiftoire du proces arnva au couvent, & qu'il y entra ce jour-la, difant que Ton bon ange 1'avoif averti oe re qui fe paffoit. Cmq témoins dépofent que ce père. fur enfermé plufieurs heures avec fa penirenre, feul dans fa chambre. i. L/abbeffe dit que „ le premier ven» dredi de juillet, le P. Keóteur de«meura tout le jour enfermé avec la «Cadière dans fa chambre, mais la » porte pouvant s'ouvrir par dehors : » & que , depuis midi, elle ou d'aurres » religieufes y entroieiw par intervalles; "rnais que U matin , depuis 9 heures »]ujqu a midi, elle a oui dire d la faiur » Guérin que la porte a été jermée en » dedans , & par le guichet. „ . 2. La dame de Lefcot dépofe, dans ion récolement, que .- le jour de la « transfiguration de la Cadière , qui » fut le premier vendredi de juillet, » te P. Keóteur enrra dans le convent * °u ll,n'e{l entré que cette feule fois,' » Ó' qu il s'enferma dans la chambre de » la Cadière par dedans , ainfi qu'elle 1'a » oui dire d la dame Guérin , & qu'il » refla enfermé avec elle depuis i o heures >< du matin jufqu'd 11 ; que la mèrenjupeneure lui alla ofrir d diner, ayanf » refié jufyu'alors fermé par dedans,-  de k Cadière. , 29 $ » qu'il refufa le diner de la fupérieure, » & n'accepta qu'une talie de thé \ que »> la fupérieure rerourna, dans 1'après„ diné, dans la chambre de la Cadière , „ ou le P. Redeur refta jufqua quatre ti heures. « , 3. La dame Guérin , dans fon récolement , attefte que - le jour de l'extafe ,- de la Cadière , & que 1? P. Redeur „ entra , les religieufes 1'ayant conduit „dans ia chambre de cette fille avec „ le père Obfervanrin , leur confeffeur, „elles fe retirerent , & laiffetent le „ Redeur feul avec la Cadière; Cf „ qudle entendh que le P. Recleur avoit » mis le gukhet a la porte- & qu'ils ref m terent fermés jufquenviron midi j den puis 10 heures du mat in. » A la confrontation, le père Girard nia formellement d'avoir mfs le guichet pour s'enfermer dans la chambre de la Cadière , afturant que la porre avoit toujours été libre en dedans, &c a la/ difpofition de celles qui avoient voulii entrer : mais la religieufe , contre la quelle d'aiiieurs il n'avoit propofé aucun moyen de récufation , lui foutint en face qu'elle avoit entendu mettre te guichet s & qu'elle ne fcavoit pas quand en 1'avoit tiré. N4  *9 > ^».iiu , oc ia (_adicre se- » tant levee & habillée, &c pofe ^fin Ur fAmfuff Mac^one déPofe, dans fon récolement, que „ fe ,'J.mr de la transfiguration de la Ca- "tr> ieP- ReCl£Ur étch f'rmé fu, » I s dn- heures du matin dans la ehatn» bre de ceite folie. „ ^ On s'attend bien que cette partie de Ia dépofition de Matherone fut attaPar ,Ies mê^s voies que I avoic «eceie donc on a déja parlé. Unfair fcgK ImP°"ance ne pouvoic rmnguei d etre contredic par d'autres té- J-ns, dont feiedeu/prévoit déja les 06 CeP' Aab™ donc aon tant parlé,  de la Cadière. 297 fut entendue en témoignage le 7 Déccmbre 1730, & ne dit pas un mot du trait dont il s'agit ici; la lettre du 18 janvier 1731 n'avoit pas encore été écrite. Mais elle fut récolée le 12 mars fuivant, & dit que » le jour de 1'extafe „ de'la Cadière , qui eft la feule fois oü le P. Girard ait entré dans le cou,', vent, elle ne le quitta que pour les >, exercices de la eommunauté , & qu'en „ en trant dans la chambre de la Ca„ dière, elle ne trouva jamais la porte »fermée, & qu'elle y entra a toutes O les heures , en qualité de Vicaire. « On comprend facilemenr que la qualité de fceur du P. Aubani fut un moyen de récufation contre elle , de la part de la Cadière. La dame Beauffier, cadette, dans fon récolement feulement, qui eft, comme on 1'a déja fait remarquer, du h mars 1731, parle de cette transfiguration, & dit »j qu'elle a été deux ou trois fois » dans la chambre de la Cadière, le » jour que le P. Redeur y entra , & s- que la porte n étoit pas fermée en ,■> dedans. «'il faut convenir que cette obfervation ainfi ajoutée ifolément, a bien 1'air d'une dépofition ajuftée pout  2.9 8 . Hifloire du procés contredire celles qu'il éroit eflentiel de faire romber. f La dame Beauffier, 1'ainée, dans fon récolement du iz Mars attefte que, le jour de 1'extafe de la Cadière , » le père Recleur entra dans la mai„ fon , 8c qu'ayant quitté fon diner i, pour aller appeller fa fceur, elle patfa » par deux fois devant la chambre de »la demoifelle Cadière, oü étoit le » père Recleur , & qu'elle t'appercut » toutes les deux fois a travers la porte, » qui étoit entr'ouverte, affis fur une* » chaife avec beaucoup de modeilie : & » qu'elle y érant retournée d'aurres fois « pendant la journée, elle avoit rou»jours vu la porre entr'ouverte. « ^ Pour racher de perfuader que Ia porte i/avoit point été fermée. voici comirent on a raifonné dans les mémoires in primés pour le P. Girard. Une penficnnaire dépofe que, le 7 Juillet 1730, il demeura enfermé dans la chambre de la Cadière, depuis neuf heures du rratin jufqua quatre heures du foir : n ais, pour réfurer fon témoignage, il n'eft befoin que de celui de la fupélieure & d'autres religieufes du même couvent, qui difent que la porte fut toujours ouverte depuis midi. D'aü-  de la Cadière. 299 leurs , difoit^on , il éroit prouvé par la procédure que la porte ne fut jamais fennée, ou tout au plus qu'elle le fut très-peu de temps; de quoi ce père ne pouvoit pas fe fouvenir : il avoit toujours procefté n'avpir jamais touché a cerre porte; & que, fi elle fut fermée pendanr quelques inftanrs, il falloit qu'elle 1'eür éré par dehors. On lui répondoit que la demoifelle Hermite , a la vérité , n'avoit pas diftingué le temps que la porte demeura fermée, & celui qu'elle n'étoit q ;e pouffée : mais 1'abbeife, la maitreife des novices, Ia tourière &c la dame de Guérin font cetre diftinction , & difent qu'elle ne fut ouverte que depuis midi jufqu'a quatre heures. Or, pendant les deux ou trois heures qu'il fut enfermé avec fa chère devote , il eut le temps de faire ce qu'il voulut, & de tout voir, comme il le dit dans fa lettre du 21 juillet, ou il fe plaint de n'avoir rien vu, depuis ce jour-la, qua demi, paree qu'il n'avoit eu d'autre liberré que celle que lailfe la grille d'un parloir. Tels font jufqu'ici les faits qui fe font paffes , tant que la Cadière a é;é fous la direction du P. Girard. Tachons JN 6  300 Hijloire du proces prefcntemenc de découvrir quel fut !e Jujet de Ja haine acharnée qui fuivic leut haifon , & comment cette affaire a eclare au point que tout Je monde icair. Leurs Iettres refpectives prouvent clairement que Ia Cadière n'a jamais refte volontiers dans le couvent d'OIhou es. Elle y entra le 5 juin 1730 ;& des le 15 du même mois, elle parle des iouffrances que ce féjour lui oceafïonne, & pne fon directeur de demander au Seigneur de faire connokre fi c'eft fa volonté qu'elle refte dans Ia communaute. Voici un fait rapporté par un témoin nmque, a la vérité, mais qui ne laiffe pas: d avoir quelque analogie avec la ,pofmon dans Iaquelle fe trouvoit la Cadière alors. Le P. Girard 1'avoit fédune fans doute; & ce n'étoit qu'en la trcmpant qu'il i'a.amenée a la coniommation du crime ; on verra même par certains détails, dans lefquels on ne pourra fe difpenfer d'entrer par la iuire, que cette confommation s'eft operee fans qu'elle le feut : mais elle ie famiharifa avec le plaifir criminel; & 1 on a pu juger, par ce qui s'eft paffé a UUioules, que fon directeur 1'avoit  de la Cadière. 301 amerïée au point de n'avoir plus befoin de mies pour obtenir d'elle ce qu'il défnoit;Jbn ken, lui écrivoit-elle , tui étoit toujours dévoué. Eile nous apprend elle-même que la pudeur étoit effaeée dans fon cceur. » J'éprouvai majheureu» fement, dit-elle dans fa juftification , » que , quand le libertinage eft revêtu „ des dehors de la piété , & qu'on nous„ porte a 1'impureré par des principes » de religion , le fonds de corruption 3- que nous apportons tous d'Adam, 33 ne porte que trop tót 1'aveuglemenc 33 dans 1'efprit, & nous livre aux paf• 33 fions même les plus honteufes, fans 33 remords & fans fcrupule. Les dehors 33 de la piété me faifoient regarder » comme permis ou indifférent ce qui, 33 fe préfentant a moi fous un autre dei3 hors , n'auroit pas maiaqué de rh'ef-; 33 faroucher. «« Elle étoit dónc accoutumée a fatisfaite , fans remords, les appétits de fon tempérament; elle ne vouloit pas fe priver de ce plaifir, dont elle ne jouiffoit que difficilemenr dans le couvenr : la gêne & les morrifications de ce fé'pm , n'étoient pas d'aiiieurs de fon gout; elle pouvoit être laffe des entraves que donne la réputation de pré-  30i ^ Hifioire du procés deftinée ; elle ne vouloit pas du moins continuer d'acheter cette gloire fi cher. J outes ces conjeétures , tirées des faits meines, rendent vcaifemblable celui que nous allons- rapporter. L'abbé Camerle , aumönier de 1'évêque de Toulon, & quaranre-feptième remom , dépofe que le bruit que faifoit ia iamte d'Ollioules , lui donna envie de la connoïrre. II y parvint par le moyen des frères Cadières. II alloit la voir affez fouvent : elle lui donnoit des principes de conduire fort fages & fort pieux 5 elle lui indiqua le confeffeur qu'il devoit choifir- enfin il n'y avoit rien que d'édifiant dans leurs converfarions. II ajoute qu'elle lui avoic demandé plufieurs fois fi, quand elle étoit feule avec lui, il n'avoit pas de mauvaifes penfées. Ayant répondu que non, elle ajoutoit qu elle ne voudroic pas occafionner un pêche; & qu'il étoit dans le cas d'autres perfonnes , auxquelles ayant fait Ia meme demande, elles lui avoient répondu la même chofe. Nocez que eet abbe n'éroit agé que de vingr-trois ans, & quelle en avoir a peu prés vingt On comprend facilement que la demande de la Cadière donnoit au jeuaeabbe 1 occafion de lui faire une déda-  de la Cadière. _ 303 ration d'amour. Comment auroit eüe été recue? Le leóleur peut le conjecturer par ce qui vient d'être du , 8c par ce qui va fuivre. Ce témoin ajoute qu'allant un jour la voir, « dès qu'elle 1'appercut , elle -> lui donna la bénédi&ion avec la >5 maiu, & lui dit que, perfonne n'étanr » prophete dans fon pays, ce qu'elle dit >■ en idiome latin , elle feroit bien-aife „ de s'en aller dans le pays étranger, „ pour fervir de fervante dans les hb>-. pitaux, difant que perfonne ne pou,i voir mieux la fervir que le dépofant; « mais qu'elle le prioit de lui garder » le fecret, ee qu'elle lui demanda a )-genoux & avec inftance : a quoi il „ répondit qu'il lui garderoit le fecret: » elle lui dit enfuite que s s'il vouloit j- s'en aller avec elle , elle iroit 1'atten» dre dans un endroit marqué, jufqu'a » ce qu'il fut prêt pour partir : a quoi „ il répondit qu'il ne pouvoit pas 1'acj> compagner, fans auparavant être prè„tre, & y avoir férieufement penfé. » Elle répondit que, s'il étoit prétre , n cela ne fe pourroit pas, paree que M. » févèque le feroit chercher par-totu ; » 8c lui ayant repréfenté qu'il étoir forr » pauvre, 8c que s'il manquoit la for-  304 Hiftoire du proces » mne que le Seigneur & fes bons arm* » lui avoient procurée, il feroJt mifé. « rable & fort a piaindre. Elle repüqua » qne, pour fefauver,ilne falloit pas * hue a«en"onarouc cela, & qu'elle » avoit unefomme pour tous les deux • »aquo, ilreparrit que, s'il ne s'agif! »hu que de l'argent,il en trouveroit » rout comme elle; mais qu'il nevou" confent>r a cette fuite. x La Cad(lere & fes frères.récu- serenr a la verité ce témoin comme aumomer de 1'évèque , dans la maifon duquel il avoit été élevé dès I'aae de douze ans; or, difoient-ils, 1'évêque «oir part.e dans ce procés. On verra Par la faire qu ils n'avoient pas touta-fait tort. lis ajoutoienr, pour autre moyen de recufation, que le fieur Caaierle etoit mtime ami des jéfuites. Au lurplus, voici la réponfe de Ia Cadière a cetre dépofition. «« Pour ce " qui eft de la propofition que vous «avez dit que je vous ai faire d'aller « fervir les höpitaux, je ne me la rap" ff116 mais bien de vous avoir » demande f. vous n'aviez point en vie "dimirer les faints de la Thébaïde » qui avoient palTé leur vie dans Ie dé« lerc; que pour moj j>ayois enyie de  de la Cadière. 305 » les rmjter. Pour ce qui eft des mau- „ vaifes penfées, je n'ai pas eu en vue, s> fi je 1'ai dit, des penfées d'impureté , » dont je n'avois point de connoijfancc. •> Quoi qu'il en foit de cette dépofition , il eft certain que le féjour du couvent dépUifoic beaucoup a la Cadière : fes lettres font foi qu'elle n'épargnoic rien pour dérerminer le père Girard a confenrir rl fa forrie ; & que celui-ci s'y eft roujours oppofé de routes fes forces. Certe contranété de fentiments fut' le germe de leur divifion : mais elle eut encore une aurre caufe. 'Voici le dérail de eet événement, tel qu'il eft rapporré dans les différenrs mémoires imprimés pour la Cadière & pour fes frères , &c rel qu'il réfulre d'une partie de la procédure. Nous verröns enfuite ce que le P. Girard & fes partifans en difoienr. Le P. Cadière, dominicain, raconté ainfi cette hiftoire. L'abbé Camerle éroit a Ollioules, quand le P. Cadière acheva d'écrire, au confeflionnal, le mémoire du carême. Lorfqu'ils furent fortis, l'abbé fit beaucoup d'inftances pour en avoir communicarion ] mais le P. Girard ayant abfolument défendu d'en faire part d qui  306 Hifloire du procés 9«=f ^ce fót -. k ne put rien obrenir.L'évèque de Toulon Fut infbrmé de ce fait par fon aumonier; le prélat fit venir le religieux, & lui enjoignit, en vertu de lobéiifance qu'il lui devoit, de lui communiquer ce journal. Après quelque réfiftance, il en fit la lecture au piélar, qui fut charmé de tous les miracles qui y font détaillés, & promit au V. Cadière de n'en point pailer au P. Girard. Cependant, quelques jours après, ce jéfuite éranr allé au palais épifcopal, l'évèque lui demanda des nouvelles de la fainre, il répondit qu'il n'y avoit rien de nouveau. Fous êtes con-~ tent , lui dir M. de Toulon , vous êtes dcrit au livre de vie. Le P. Girard comprit que le journal du carême avoit été vu. II s'emporta & dit, en préfence du P. Sabatier; Dieu neveutpoint que eet óuvrage paroijfe. L'évèque lui demanda ft Dieu le luiavoit dit: il répondit quW, qu'il le fcavoit. Le P. Nicolas , prieur des carmes de Toulon , donr il va beaucoup être fait mention dans la fuite, raconté le fait a peu prés de la même manière dans fon interrogatoire du xi mars 1731 , & ajoute que le P. Girard fe mir fi fort en colère , que l'évèque , s'adrelfant au P. Sabatier, lui die; C'eji  de la Cadière. 3 f7 la ce que vous appelltj un agneau 3 c'tfi un bmtal. Cette fille tfi une fainte ; c'eft un jruit de mon jardin ; je veux la garder dans mon diotèfe , & le pcre Girard vent la faire aller dans un autre. II paroi.t effedivement , par Ja procédure , que le P. Girard , fur 1'obftination dans Iaquelle il voyoit la Cadière de forrir du couvent d'Ollioules, avoit pris le parti de la faire paffer dans un aurre -„on pourroit même foupconner qu'il s'étoit dérerminé a prendre fes précautions pour qu'elle mourüt en odeur de famteté , & avant que le ttmps fit naitre des circonftances qtU puifenr dévoiler le myftère "de fa diredion. La dame de Lefcor dépofe qu'ayanr un jour parlé au P. redeur des maux exrrêmes tk des fouffrances qn'enduroit la Cadière , il lui avoit dit qu'elle ne, vivroit pas long-temps , & quelle mourroit dans deux ans. Une autre fois, la même religieufe pria ce diredeur d'engager 'la Cadière a refter chez elles , puifqu'elle y éroit venue pour le rétablitTement de 1'ordre & la gloire de Dieu. El'ea afte-{ édifié ici s dir-il; ilfaut qu'elle aille édifier ailleurs. II mande lui-même a la Cadière, dans fa lettre du 11 aoüt 1730 : « Si 1'on  308 Hiftoire du proces » vous parle de demander des congés » au P. provincial des obfervanrins par » rapporr a vous & i moi, répondez * doucement que ce n'eft pas la peine » de le faire, paree que vous ne deve-> «pas refter dans la maifon. Ö Son défenfeur dans les mémoires imprimés Pour elle, fes frères 8c le père NicolaS', dans leurs interrogaroiies, ont dir que Je lieu oü ii vouloit 1'etlvoyer éroir 1» couvent des ch.utreufes de Prérpole ou de Saletre proche.de Lyon. Son ambirion avoit fans doute vaincu les fentiments de fa rendrelTe, qui peur-êrre d ailleurs étoit épüifée. En effer, fi elle étoit morte alors, il auroit eu la gloire d'augmenter Ie nombre des faintes de Ja facon de la fociété, fans y avoir pourrant rien perdu en fon parriculier. Qlloi qu'i1 en foit,dès que le père' Girard^fut convaincu que le mémoire du carême étoit connu de l'évèque,!! crut que cet^e connoilTance lui étoit venue par une voie étrangère, que par conféquenr la pièce étoit publique, 8c devint furieux, II vouloit bien fe ménager des ritres pour fervir a la earionifanon de fapénirente; c'eft dans cette vue qu'il avoit engagé la dame de Lefcot a rédiger & d lui remettre diffé-  de la Cadière. top rents mémoires des chofes furnaturelles arrivées a la Cadière ; c'eft dans la même vue qu'il avoic engagé celle-ci a lui donner par écric couces ft* vifions du carême. Mais il ne vouloic pas que ces pièces viftenc le jour du vivanc de cetce fille ; il craignoic que quelque cataftrophe ne les démenck. Mais revenons a 1'événemenc de Ia brouillerie. On voit, par les letcres de la Cadière même , que le père Girard fouhairoic ardemmenr qu'elle lui remic fon mémoire du carême; Sc elle différoic roujours a le fatisfaire. C'écoic fon frère le jacobin qui 1'écrivoic fous fa diólée; l'ouvrage ne laiftbit pas d'avoir une cercaine longueur • il n'éroit pas toujours a Ollióules, Sc quand il y étoit, les letrres qu'il falloit écrire prefque rous les jours, occupoient Ia plus grande partie de fon temps. Enfin la Cadière fut en érat de remettre au P. Girard , le 21 aoüt i7?,o,ce mémoire tant défiré. Er voici comment le père Cadière, dans un de fes factums, rapporte la chofe. II avoic emporté a Toulon la minute de ce mémoire, pour le faire tranfcrire par l'abbé fon frère, Sc renvoyer enfuire la minute Sc la copie i fa fceur, comme il fit le même jour,  3io Hifloire du proces cjui étoit apparemment le 20, afin qu'ellt le remit au P. Girard. Ce fut dans cec intervalle que 1'évêque s'en fit faire la lecture par Ie P. Cadière fur la minute que ce religieux avoit apportée d'Ollioules , enforte que le prélat en eut connoiftance avant que le père Girard Peilt enrre les mains : mais il n'en refta rien a Toulon , Ia minure & 1'unique copie qui en avoit été tirée, ayant été remifes1 dès le même jour 20 a la Cadière. Le x't au matin le P. Girard recut des mains de fa dévore la copie qui iui étoit deftinée, & elle garda la minure. Le même jour après midi, le P. Girard alla faire fa cour au prélat, qui, 1'efprit encore frappé de la vifion du livre de vie, oublia Ia parole qu'il avoir donnée de fe raire , & ne put s'empêcher de complimenter le P. Girard. fur fa prédeftinat;on annoixée dans le mémoire, ce qui occafionna la fcène dont on a parlé. Ce jéfuite, fottant furieux de chez fon évèque , prit la- plume &c écrivit Ia littre du v.ngr-deuxieme aoüt , a laquede il fubrogea depuis celle que 1'on a copiée plus haur. On a fair voir qu'elle avoir éré refaite. II ne vouloir pas que la juftice eut fous les yeux une preuve  de la Cadière. 311 par écric de 1'afcendant qu'il avoir pris lur fa pénitente , & de la haureur avec Iaquelle il la trairoir. Peut-êrre d'un aurre coré la colère lui avoit-elle faic échapper quelques reproches fur des parcicularités qui auroient découvert tout le myftère , s'ils avoient palfé fous d'autres yeux que fous ceux de la Cadière même. On voit bien qu'il la menace de reproches. Juge^ } dans cette circonftance } quels reproches j'aurois d vous faire. Certe (imple menace eft-elle relative a cette plaihte refpedtueufe qui fe lit dans la réponfe de la Cadière ? Je me foumcttrai parfaitement aux reproches fanglants & peu ménagés dont vous me menacer^ } qui m'ont réduite d Vagonie. Mais, pour ne nous arrèter ici qu'a ce qui concerne le mémoire du carême, le père Girard s étoit fans doure plaint, dans k véritable lerrre , que 1c P. Cadière avoit donné copie de ce mémoire, & qu'il s'en éroit rcpandu dans les quarre coins de Toulon., La Cadière lui répond : Pour ce qui regardc mon 'frère le jacobin , ( il elf évident que ces expreilions fonr nécelfairement relatives a un article de la leure a Iaquelle ellerépondoit, oü il étoit faic mention  31-2- H'ijloirc du procés _ du jacobin. Cependant celle qui fut proJuite par le P. Girard, telle qu'on 1'a copiée plus haut, ne parle nullement de ce religieux; ) pour ce qui rcgarde mon frère le jacobin, je ff ais qu'il avoit drejfé & tiré un mémoire de certains faits dont il avoit été témoin, ■& dont je lui avois donné connoiffance : il fe pourroit faire qu'il en eüt parlé3 & qu'il les eut révélés a monfeigneur : mais je fuis plus que convaincue que le mémoire qu'il en a fait n'eft jamais forti de fes mains ; & j pour preuve de ce que f avance ici , c'eft que je défie telle perjonne que ce foit de la vïlle de pouvoir vous en produire un feul mot} tellement je connois fon caraclere. Vous aurie^ pu ne pas vous précipiter ft fort fur ce fujet; if vous étoit facile de vous en éclaircïr aüprès de moi } & vous aurie% reconnu évidemment la fauffeté dont on a voulu me noircir, auffi-bien que mon frère, dans votre e/prit. Plus on lit cette réponfe, plus on fe convainc que la lettre , a Iaquelle elle git relarive, a été refaite. On voit ici un effort de juftification pour le jacobin ; & cependant il n'eft même pas nommé dans la lettre du P. Girard. Quoi  de la Cadière. 3 1 5 Quoi qu'il en foir, il eft certain que ceci s'ajufte aflez bien avec le fyftême de la Cadière. Son frère , a la vérité, avoic emporté a Toulon la minuré du mémoire du carême, écricè de fa main ; mais il ne 1'avoic gardée qu'autanc de temps qu'il en avoic fallu a l'abbé pour la rranfcrire ; il en avoic faic a l'évèque une iimple leccure; nul aucre n'en avoic eu communicacion ; il ne pouvoic donc pas y en avoir de copies a Toulon: la Cadière étoit donc fondée dans le défi qu'elle faifoit au P. Girard de lui en rapporcer une feule copie. C'écoic donc a corc que ce directeur avoic, au fujec de^ce défi, obfervé dans une noce qu'il étoit ajfeir plaifant que , tandis qu'elle faifoit ce défi, elle ignoroit d'avoir envoyé par me'gard , au P. Girard , ce mémoire écrit de la main de fon frère le dominicain. L'évèque de Toulon, inquiec du deffein oü éroit le P. Girard de lui enlever un fruit de fon jardin , en faifanc fortic fa fainte de fon diocèfe, prit le parci d'aller lui-même la voir a Ollioules, pour Pempêcher de fe prêter a ce pro» jee. Le P. Girard, inftruic de cetce réfolution, craignit les indifcrérions de fa pénitente, rant dans la converfation , que par la communicacion des papiers. Tome II. O  314 Hijloire du procés ll.prit des mefures contre I'un Sc 1'autre de ces accidents. II ferme toutes les avenues a la curioficé du prélat, en ordonnant a fa pénitente de ne lui parIer d'elle que jon en général; s'il lui parle de fes plaies } de lui dire qu'elles font fermées s & de ne lui rien faire voir ; s'il fait des queftions fur quelque point en particulier 3 il faut lui répondre fort briévement & le plus confufément qu'il fera poffible. Et le tout pour la plus grande gloire de Dieu. Quel directeur i C'eft. pour la plus grande gloire de Dieu qu'il enjoint a fa pénitente de mentir fur 1'article de fes plaies, Sc de parler confufément fur les autres points; Sc , pour fe faire obéir, il défend d'agir autrement par 1'aurorité que J. C. lui avoit donnce fur elle en qualité de confeffeur Sc de directeur. II a refait cette.lettre ; la chofe eft' évidente; Sc il n'a pas crainc d'y laiffèr fubfifter ces rraits ! Le voila garanti du cóté des difcours. Quanr aux papiers, il fe les fait remertre : Dites-moi avec Jimplicité3 ma chère fille _, dir-il, dans fa lettre du u aour, fi vous en ave^ 'dbnné copie ( du mémoire du carême, ) d quelqu'un , ou s'il faut qu'on vous les ait pris dans votre caffette. Dans ce dernier cas, envoyés-  de la Cadière. 3 r 5 tnoi acluellement} par Mik. Guiol 3 qui vous porte cette leftre, tous les papiers que vous pouv&i avoir, mes lettres, celles d'autrui , &c. dans' un paquet. On voie que la demande des papiers ejc ici condirionnelle, Sc que la condirion n'avoir pas lieu , puifque.la Cadière défie de lui repréfenter aucune copie de ce carême. Cependant ils furent tous remis dans 1'inftant même a la Guiol , fans aucune exception. Pour ce qui regarde vos papiers , dir la Cadière, dans fa lettre du z6,je vous ai été fidele ; vous deve^ les avoir déja touchés ; peur les autres , que j'avois recus d'autre part, je n'ai pas pu vous les envoyer comme vous fcxigiei, attendu que je les avois brulés. C'eft ainfi que le P. Girard eut Ie bonheur de rerirer fes lettres, a 1'exceprion de celle du 22 juillet, qui apparemmenc ne fe rrouva pas dans la caflerte avec les autres , Sc qui ne fut recouvrée que depuis. Du refte il paroic que cette remife des papiers fe fit avec toute la bonne foi poftible, puifque les minutes mêmes des lettres de la Cadière au P. Girard, écrites de la main du jacobin, furent aufti envoyées, paree O 1  3 16 Uïftoire du procés qu'elles fe trouvèrenc dans Ie même paquet. Le bon père avoit pris fes mefures bien juftes; 1'évêque alla a Ollioules le 25 aout; il y dit la melfe, commuiï'ia Ia Cadière de fes propres mains , & 1'entretint pendant long-temps. Ce fait efl: configné dans un mémöire que eet évêque fit imprimer fous fon nom , pendant le cours du procés , & dont on aura peut-être occafion de parler dans Ia fuite. II faut croire que dans la converfation elle fe conforma, a bien des égards , aux ordres que fon directeur lui avoir donnés de la pare de Dieu; mais qu'elle n'avoir pas lailfé de fe plaindre au prélat de ce qu'il la retenoit dans Ie couvent malgré elle , &c contre 1'intention de la Providence , manifeftée par 1'impoflibilité 011 èlle étoit de faire maigre, & par les maux extraordinaire donr elle éroit fans cefle accablée. Tels étoient les prétextes qu'elle avoit toujours allégués au P. Girard pour vaincre 1'obftination avec Iaquelle il vouloir la retenir dans ce monaftère. Au refte elle ajouta fans doute que ce père, vaincu enfin par fes inftances, avoit confenti a fa fortie, mais pour Ia transférer dans  -de la Cadière. * 317 tin couvent étranger. Ce fait, qui tenoit le plus au cceur de l'évèque , puc lui être confirmé par les religieufes qui avoient entendu dire au P. Girard que la Cadière avoit affe^ édïfiéche\ elles, & qu'il falloit qu'elle alldt édifn r ailleurs. Ce qui n'eft ici que conjedtures, deviendra bienror cerrain par ce qui va luivre. Le P. Girard ne manqua pas d'être inftruit de ce qui s'étoit pafte a Ollfoüles entre l'évèque Sc la Cadière. II éroit menacé de perdre 1'objet de fa tendreife, Sc de voir échapper de fes mains une fainte de fa facon. On va voir, par la lettre fuivante, 1'effet que praduifir certe nouvelle fur fon cceur. Elle fut écrite par la Guiol, & adreffée a la Cadière le 30 aout 1730. Elle eft fort importante ; la Cadière Sc fon défenfeur en ont tiré des preuves affez concluanres de l'amour inceftueux du directeur pour fa pénitente, & s'en font en même-temps fervi pour faire voir que ce n'éroit pas le jéfuite qui avoit abdiqué la direction de cette fille, mais qu'elle 1'avoit congédié. « Ma très-chère fceur , lundi (1) ar- (i) Ce lundi étoit le 18 Aöüt, trois jours après la vifue de l'évèque a Ollioules ,* (]ui s'étoit faite le vendredi 15. Oi  3 I 8 rlifioïre du procés » rivant a Toulon vers 1'heure de midi, ii je fus me defcendre a la porre des ii jefuites. Je vis un moment notre cher ii père abymé dans la dernière des déii.jolations. II me dir d'abord que, fi "j'avois quelque chofe de défolant a » lui dire, je n'avois qu'd me taire, Sc " que je ne manquaffe pas d'aller lui ii écrire fur le champ, Sc lui porrcr ma ii lettre le foir après fon fermon aux ii dames de fainre Urfule; ce que je » fis avec beaucoup de difKculté, Sc je ii mis fur le papier ce que notre grand ii Dieu m'infpira. J'ai éré ce matin'(i ) » re voir , de retour de la campagne ii depuis le foir de S. Auguftin. Je ne nfcaisjïj au dernier moment de fa vie y ii il fera plus mourant qu aiijcurd'hu'u » Je lui ai demandé quelle.étoit fa difii pdfirion , & fi la douleur étoit toujours ii la même ; il m'a répondu avec grande » confiance, que fon amertume cugmenii wit de moment en moment, & que , ii ce marin en s'éveillant, il avoit eu » un redoublement de défolation, qu'il ii m'a donné d comprendre qu'il lui otoit ii entièrement la parole. Ma trés-chère » fceur;, je vous laifle a penfer a quel (') Cctoit le raercredi^  de Ia Cadière. _ 3J9 » point doit être 1'excès de ma rrifteffe , „ voyant les deux perfonnes que j'aime » Sc que j'eftime le plus au monde , « réduites a la dernière des epreuves; „ &c rout cela, qui en eft caufe ? C'eft „ vous , ma rrès-chère fceur; il ne fal„ loir, de votre part, qu'un feul mo3- ment de réponfe fur le champ avec „ grande fimplicité , Sc 1'on auroit éte » en paix. Quand vous me dites que >- norre bon Dieu n'approuva pas votre „ réponfe fur la lettre recue après lor„ dre de norre cher père , vous me fires „ une grande compaflion. II recut votre „ lettre le dimanche (1) fur les neut „ heures du marin, dont il a lieu d'être „ mal-conrent; vous ne lui répondez „ que bien des' juftifications de votre „part, Sc tout le tort pour lui. Dieu „foit béni, qu'il daigne nous ouvrit „ les yeux une fois pour toutes. Quoi „ qu'il en foit, vendcedi (i) fa charitë „ le conduira a Ollioules, après avoir „ dir la melfe ici a Toulon. Ma très„ chère fceur, je vous demande en gra„ ce, par les mérites de Jefus-Chrift , „ de lui parler avec toute la fincérité (i) *7 Aout. (z) i Septumbre. O 4  3-° Hijloire du procés » qa'il vöus fera poffiblej puifqu'il vet* » bien vous confoler , faites enforre » qu il Ie foit ifon tour. Vous nï elle mit.fur le papier le réfultat de fa commijfton. 3°. Enfin cetre lertre efl encore une preuve que le P. Girard renoit.a la Cadière par d'aurres liens que ceux de la dévonon. La perte d'une pénitente, dont Ie confeffeur a borné fon miniftère a la charité de la diredion fpirituelle, ne l'abyme point dans la dernière défolation; il ne crain-t point de s'entendre annoncer 1'arrêt de la rupture; il n'eft point plus mcurant qu'il ne le feroit au dernier moment de fa vie ; fa défolation n'effuiepoint de redoublements ft'violents s qu'il en per de entièrement la parole. Enfin Ie jour de 1'enrrevue, qui dok fe faire entre le diredeur Sc Ja pénirenre, après leur brouillerie , «'eft point le plus grand de leurs bonkeurs, Ces ntuations & ces expreflïons  de la Cadière. 313 font propres aux amants feulement. Le P. Girard alla en effer a Ollioules le premier feprembre, comme il Pavoit nromis. Il paroir que le raccommodemenr fut complet. L'afcendant du'il avoit fur la Cadière fir fon effer; elle fur repentante de tout ce qui s'éroit paffe; elle prir fans peine le train ordinaire de ia eommunauté, &c le parti de ne plus voir perfonne, pas même fes parents. Pour réparer la faure qui avoic fi fort irriré le P. Girard , &c Dieu par conféquent, elle fe donnoit la difcipline avec une telle véhémence , qu'elle en répandoit du fang avec abondance. » J'ai été encore plus loin , di» foir-elle ; je me fuis laiffée aller jufqua » avaler des chofes que 1'honnêteré &C » le refpecf que je vous dois , ne me -> permettent pas de vous dérailler. Je » crois n'en jamais alfez faire pour ré» parer ma faute. Je n'oublie rien pour „ farisfaire le bon Dieu irriré ; 3c pour j- cela , je ne manque pas de merrre en » ufage rout ce que vous m'avez dit. « Di'eu , de fon cbré , n'avoir pas manqué de prendre en main la vengeance de fon fervireur le P. Girard : la réméraire qui avoir manqué a ce faint pe^fonnage , relfentoit des douleurs fi vio'O 6  32.4 Hijloire du proces lentes , qu'elles lui ötoient 1'ufage de la parole; chaque partie de fon corps avoir fon tounnent; Ie difloquemenc de tous fes os , les douleurs d'une perfonne qu'on taille de la pierre , une defcente de boyanx, aecompagnée de maux de tére affreux, en un mot, des incifions toutes parriculières que 1'on auroit faites fur tout fon corps , n'étoient qu'une foible expreflion des maux & des peines qu'elle fonffroir. Mais elle étoit bien dédommagée de toutes ces peines. Jefus-Chrifr lui étoir apparu fur fa croix , pour lui dire qu'il lui pardonneroir; mais qwe ce ne feroir qu'après qu'elle auroit fatisfait 3 la juftice divine ; en conféquence, il lui avoit donné un li grand defir des fouffrances , qu'il n'y avoit rien au monde qu'elle ne voulut faire pour fouffrir.»- Si j'ai eu, difoit-elle, le mal» heur , jufqu'a préfent, felon ce que » vous me dites, d'agir dans la vue de 5' plaire aux créatures , je me trouve •• difpofée de n'agir que pour Dieu „ feul, feul principe de tout bien. Les » fentiments oii je me trouve , mar» quent en effet la miféricorde qu'il »$3 bien daigné me faire ; car Je me » trouve difpofée a devenir le jouer,  de la Cadière. 32/5" „ la fable & la dérifion de ces créa». tures donc j'aurois pu rechercher 1'ef» time. « Tous ces détails , tk plufieurs autres de même nature, fe crouvenc dans trois lettres écrites fucceffivement par la Cadière au P. Girard , les 1, 5 & 9 Septembre 1730. La dernière finilfoit par une invitation preifante de Palier voir le lundi 11 Septembre, pour des raifons particulières dont elle rie pouvoic lui faire parr que de vive voix. CependanrTEvêque de Toulon s'occupoit de prévenir 1'enlévement de fa fainte. Tous les mémoires faits en faveur de la Cadière , tk celui qui fuc imprimé fous le nom de ce prélat , infinuent clairement qu'il lui écrivit a Ollioules , ik lui manda entr'autres : Je vous commar.de 3 en qualité de votre Evêque de fonir de ce monajlère 3 & de quitter ce confeffeur; je vous en donnerai un autre qui aura autant d'intehligence que celui-la } & dont vous fere^ contente. _ Ces ordres de 1'Evêque étoient 1 objet de 1'entretien qu elle demandoit au P. Girard. II alla donc la voir; tk elle lui apprit qu'elle étoit réfolue d'obéir quant i la fortie du couvent. Elle lui  3*.6 Hijloire du proces paria auffi de 1'ordre qu'elle avoit recu ' de changer de confefleur; !e P. Girard ne lm dit rien de fatisfaifanc fur cec article. Elle lui ccrivit une feconde tois, pour lm demander encore une enrrevue a ce fujet. Voici la réponfe du jefmte : elle eft du i< Septembre i7jo._ r »Hier au foir, a mon retour, on » me remit votre dernière lettre, qui « ne renfermoit autre chofe que lin» vitation d'aller a Ollioules. Ce que » vous me dires pourtanr de plus par» tlcuher dans norre enrretien , ma » chere fdle , du moins ce qui me le "Parut, fut Partiele d'un confeffeur, » fur le befoin duquel vous infiftares » plus d'une fois. J'ai fait mes réflexions » ü deffus : & comme , d;un cóté, » vorre demande eft jufte & raifonna» b e , parce que |e ne fuis pas a(fe2 »Jibre-pour aller régulièrement vous «entendre a- la campagne, oü vous » penfez a vous rendre ; que d'un aurre " coré il eft a craindre que deux con» fefleurs^ ne s'embarraffent fun 1'au- " T1G' ^U1,S ne V0L1S 8^neiK fucceffive» ment 1'un ou 1'autre, qu'ils ne vous » jettent dans de facheufes incertitu» des, s'ils. fe crouvent dans des occa-  de la Cadière. 3 ff » fions, comme il efl: aifé , de dirFé» rents avis 1'un Sc 1'autre ; qu'enfin il „ y a apparence qu'il faudroit bientoE » qu'ils fe reciraflént 1'un ou 1'autre ; « après avoir eonfulré le bon Dieu , je prends , comme il me paroït le 35 plus a propos , le parti de céder la 33 place de bonne grace & fans brnit , 55 tk de laifler le champ libre a celui 33 que vous choifirez, ou que vous avez, 3» déja chtfifi. Je ne dirai, fur ce chan»3 gemene, autre chofe a quiconque 33 pourroit m'en parle?, Bnon que je 33 n'avois pas affez de temps pour vous 33 aller confelïer régulièrement a la 33 Bafiide (1) , Sc vous pourrez vous33 même vous en renir a cette unique 33 raifon (2). Cela n-'empêchera pas que, 33 li vous croyez , dans la fuite , mes 3» avis utiles, ou néceflairds, vous ne 33 puifliez , en toute liberté , vous adrefss fer a moi, Sc que je ne fois ronjours, 33 de ma parr, difpofé a vous rendre tous 33 les petits fervices dont je ferai capa-, 33 ble. Cela empêchera encore moins (1) Mot proven^al qui fignifie maifon de campapne. (z) Le P. Girard ne ceffbit point, meme en quittant la direction de la Cadière , de lui donner des le^ons de déguifement.. i  32.8 Hïjloire du proces j> que je ne continue a fupplier N. S. » de vous combler de fes plus précieufes53 bénédiótions, & de vous faire la grace » d'accoinplir fidèleraent & conftam33 ment tous fes deffeins. J'eipere qu'en 33de meilleures mains, vous irez plus 33 fürement Sc plus vïte; Sc que, fi j'ai 33 fait des fautes a votre égard, vous 33 vous fouviendrez pourtant toujours 33 que j'avois quelque bonne volonté 33 de vous aider; Sc que cette penfée 33 vous engagera a prier, de votre cóté, 33 le bon Dieu pour moi. Je vous ren»3 voie deux livres qui font a vous, &c 33 que j'avois rerirés des mains étrangè33 res ou vous les aviez lailfés. Je fuis Sc ss ferai toujours tout a vous dans le 33 facré cceur de J. C. Girard, jéfuite. 33 Donnez ordre , s'il vous plaie, 33 qu'on me renvoie du logis le volume 33 de 1'hiftoire du Japon , dont j'ai be33 foin maintenanr. « Telle eft la dernière lettre du père Girard a la Cadière. On a voirlu en tirer avanrage de part Sc d'autre : les parrifans du jéfuite foutenoient qu'elle contenoit la preuve que c'étoit le directeur qui avoit abdiqué fon emplot malgré fa dévote : de 1'autre córé on en concluoit, au contraire, que c'étoiï  de la Cadière. 319 la Cadière qui avoic quitté fon confefleur. Mais , pour en juger fans partiahté, il paroïc conftanc que les ordres de 1'Evêque écoienc 1'unique fource de cetre brouillerie. La paflion de ce prélat d'avoir une fainre dans fon diocèfe, fon efpric trop facile a fe prévenir , Sc fa négligence h s'afliirer de la vérité des fairs , furent la fource du procés le plus fcandaleux donc les tribunaux aienc écé occupés. Pour prévenir la perce de fa faince, il lui'enjoignic de quicrer le père Girard , qui voujoit la tranfporrer dans un aurre diocèfe , Sc de prendre, de fa main , un confefleur qui la lui conferveroir; mais il lui enjoignoir en même-remps de fortir du couverte. II y avoic long-cemps qu'elle cherchoic un précexre pour fecouer le joug de la clorure & de la régulariré. L'ordre de 1'Evêque lui fournilfoic un précexte honnêce ; mais il falloic exécucer cec ordre dans fes deux parties , & par conféquenc renoncer a la direction du P. Girard. D'un aurre córé , cecre direction du P. Girard avoic accoucumé la Cadière a jouic fans remords de cercaines dou-  3 3° Hiftoire du proces cetirs dont la privation couroit a fon tempérament ; elle ne devoic pas satrendre a trouver'un directeur qui fut dans les mêmes principes; & il etoit wès-difficile , fans courir les rifques du fcaiidaie & de la diffamarion , de prendre des arrangements avec tout autre qu'avec un père fpiriruel, D'aiiieurs i) eft des habicudes & des attachements qui fe perdent difficilemenf. Pour concilier toutes ces contradicnons, elle auroit voulu allier le père Girard au confefTeur que le prélat vouloit qu elle recut de fa main. Voila un fait qui paroit réfulrer des raifonnements contenus dans la lettre de ce jéfuite. Mais lui, il n'avoit rien a ga paroit rempli de tous les charmes »3 imaginables ; il m'elt fi intimemenc 33 uni, que nous nous porrons 1 un 1'autre dans le cceur , tk je 1'ai tou35 jours devant les yeux. « Le P. Nicolas profita de cetre ouverrure , tk amena la Cadière a lui avouer une parrie des familiarirés qu'ils avoient eues enfemble : le jéfuite lui avoit donné , difoitelle , des marqués d'une complaifance fans bornes, tk d'urie prédileccion fpéciale; il l'appelloit.fa chère enfant 3 il l'ernhraffoit, la baifcit, la mettoit fur fes genoux; il lui difoit qu'il l'aimoit plus qu'il n'avoit jamais aimé3 ni fa mère 3ni fa fceur. Le nouveau directeur, d'après ces aveux , fit comprendre a cette fille que, loin de marcjier dans les voies extraordinaires de la perfection , elle étoit dans un état dcplorable. Effrayée de cette déeouverte ; ferois-je trompèe , s'écria-t-elle ? ne m'abandonne^ pas. Il pouffa fa pointe, & lui tira 1'aveu de cette obfefiion que le P. Girard lui avoit  de la Cadière. 3 xj avoit fait accepter, des peines que eet état lui avoit caufées, des révélations, des extafes, des vifions, de la connoiffance des cönfciences, des ftigmates, des transfigurations & autres prodiges qui en avoient été la fuite : elle y joignit même le détail d'une partie des faits fecrets qui s'étoient paftes en même-temps entre le jéfuite &c elle. Le P. Nicolas , après cette découverte, alla voir 1'Evêque, .qu'il ne crut pas devoir amufer de la fainteté imaginaire de la Cadière : il ne retrancha , de ce qu'il falloit pour le détromper, que le récit des libertés criminelles , Sc lui fit entendre qu'il regardoit le démon comme le principe de tous les événements extraordinaires qui avoient tant fait de bruit, & dont il avoit été le témoin ; en conféquence il obtint la permiftion de lui* faire quelques exorcifmes particuliers. Ils furent précédés d'une confeflion générale, qui confifta principalement dans un récit détaillé de toutes les horreurs que le P. Girard s'étoit permifes avec cette victime de fa lubricité. Avant que de 1'abfoudre, il 1'exorcifa : les extafes & autres accidents cefsèrent alors, jufqu'au moment Tome IT. p  338 Hijtoire du proces d'une fcène publique, donc il feca parlé dans la fuice. Peu de jours après , 1'Evêque fe cranfporca a la baftide de la Cadière; il euc avec elle un encretien parriculier de trois quarcs d'heure ; le père Nicolas 1'exorcifa en préfence du prélat, qui lui recommanda de ne pas 1'abandonner. II la viftta, 1'entretinc plufieurs fois , & découvric une grande partie des crimes du jéfuite. La Cadière & fa familie en pleurs aux pieds du prélar, le conjurèrenc de ne poinc faire d'éclac, & de s'abftenir de route démarche qui put meccre le public dans le cas de foupc,onner ces horreurs. II promir; &c ne voulant pas, dans cette vue , interdire le P. Girard , il chargea le P. Nicolas & la Cadière de détourner de fa direction toutes les pénitentes ^qui lui étoient attachées. II fit lui-mêmè des exorcifmes , mangea avec la Cadière dans fa baftide; enfin il lui donna les marqués les plus caradrérifées de fa compaflion & de fa proteófion. Quant au P. Nicolas, il parvint, paf les détails qu'il tira fucceflivement de la naïveté de fa pénitente , a connoitre que le P. Girard avoit entièrement confommé le crime avec elle; qu'il lui  de la Cadière. 339 avoit tellement fafciné les yeux, qu elle prenoit les mouvements voluptueux de la nature pour des extafes & des avantcoureurs des plaifirs céleftes. Ce fut encore par la réunion des faits dont il lui tira 1'aveu, qu'il comprit que cette infortunée étoit devenue enceinte, Sc que fon directeur 1'avoit fait avorter. Mais il fe réfervoit ces découvertes, Sc fe donnoit bien de garde de porrer le défefpoir dans le cceur de cette rille , en lui faifant appercevoir le précipice .dans lequel on 1'avoit plongée. La Cadière prit enfin fur elle de reparoitre a Toulon, oü elle arriva Ia 14 ocfobre. Elle communiqua fon changement a I'Allemande mère , & a la Batarelle , toures les deux pénitentes miraculées du P. Girard. Elles ouvrirent les yeux fur leur état, fe mirent entre les mains du P. Nicolas, qui les exordia. Cette cérémonie, dit le P. Nicolas , ne fut pas fans effet; elles reprisrent d'abord 1'ufage de la prière , & leurs accidents difparurent peu a peu. Le P. Girard, informé de ce qui fe palfoit, crut devoir conjurer 1'orage. Il redoubla de foins pour s'attacher davantage celles de fes pénitentes marquées au coin de fa direótion, qui ne I'avoienc P 1  340 Hiftoire du precis pas quitté 5 telles étoient la Guiol, Ia Gravier , la Reboul , la Berluc 8c la Laugier , toutes livrées aux extafes , douées de révélations 6c ornées de ftig- o mates. Le P. Sabatier, jéfuite , qui avoit beaucoup d'afcendant fur 1'efprit du prélat , fe chargea de la juftification de fon confrère. 11 détermina l'évèque a fe rendre a fa baftide, a y convoquer les cinq dévotes dont on vient de parler, &c a les interroger fur faits 8c articles j ce qui fut exécuté. L'évèque voulut les confronter avec la Cadière & les deux autres pénitentes qui avoienr déferté la direction du P. Girard. Certe confrontation fe fit le lendemain a la baftide de la Cadière, oü M. de Toulon fe rendit avecle père Sabatier & le père Nicolas. Dès que ce prélat parut, la Cadière, 1'AUemande mère & fille 8c la Batarel tombèrent dans des convulfions qui leur firenr jetter des cris effrayants. P.prïeur} dit l'évèque, exorcife^ ces enfants. La cérémonie fit encore fon effer, 8c le calme fe rétablir. Le P. Sabatier eut enfuite le défagrément de les entendre charger le P. Girard de fairs bien contraires a fa juftification. Le prélat fs  de la Cadière. 341 ferira , & trouva les autres dévotes, fideles au P. Girard, qui venoient a fa rencontre. Elles Paccompagnèrent jufqua fa baftide, & ld lui jurèrent, fur fa croix pectorale, que leur directeur étoit un faint homme, & même un ange; elles offrirent de fe déshabiller , pour prouver qu'elles n'étoient poinr ftigmatifées. L'évèque fe contenta de leur offre , & les renvoya. Le P. Sabarier profita de 1'impreffion que cette dernière feène venoic de faire fur 1'efprit foible de M. de Toulon , pour rétablir le P. Girard dans fon eftime. II tira avantage de la facilité avec Iaquelle ce prélat donnoic raifon a celui qui lui parloit le dernier, & lui perfuada que le P. Thomas , la Cadière & toute fa familie étoient des impofteurs , qui avoient accufé fauffement le pauvre P. Girard d'avoir livré fes pénitentes au démon ; que 1'éclat répandu fur cette affaire par les interrogatoires que ces filles venoient de fubir , alloit couvrir d'opprobre un membre innocent de la fociété, fi fon évêque ne témoignoit pas hautement, en le prenant fous fa protection , que les démarches qu'il venoit de faire, 1'avoient totalement juftifié. Enfin les  342 Hljïoire du proces pouvoirs du P. Nicolas Sc du P. Cadière furent révoqués le 11 ou 15, novembre. Avant que d'aller plus loin , il eft bon d'obferver que la conduite du P Nicolas avec la Cadière ne fut pas, l beaucoup prés, exempce de reproches t>ien ou mal fondés. La Bararelle, dans fon récolemenr, depofe que la Cadière lui avoit raconté que dans le féjour qu'elle avoir fair a la baftide avec le prieur des Carmesce religieux avoit pris beaucoupde libertes avec elle 5 qu'ils avoient couche dans la même chambre, fépaies uniquemen par un rideau qui fermoir 1'alcove; qu'une nuit fe trouvant incommodée, le carme alla en chemifela fecourir. Dans fa confrontation avec la Cadière , elle lui a foutenu avoir vu Ie P. Nicolas la pincant fur les jupes: «ne autre fois, badinanr enfemble, «He du au carme, vous êtes un coquin ; al hu répondit: tu es une coquine. Un jour, conrinue-r-elle, la Cadière fe trouvant mal, Sc s'étant appuyée contre Ja muraille, fe plaignit d'avoir des cojiques ; le carme lui porta la main fur Je ventre & fur les jupes, & lui dit i Qu eji-ce que tu as dans le ventre ? Que  de la Cadière. 343 tout cela fe palfoit dans 1'obfcurite, & la lumière étant dans 1'inftant revenue , elle les vit s'éloigner prompte ment 1 un de 1'autre. Un jour elle y»t la Cad.cre paffer le bras derrière le col du carme , & en approchant fa joue de la faenne, elle dk iJ'aime bien ce carme. Celui-cl la repouffa un peu , & connnua a converfer La Cadière lui avoit dit.ajoute-t-elle,quun jour a fa baftide, etant dans fon Ut, le carme vint la joindre, & la chatouilla 6 fort, qu ü la fit torn- ber du lit. ' . i Ce qui, dans ce récit , concerne Ie lien-ou couchoit le carme ne paroic pas exaft. H réfulte de la procedure que tant que la Cadière & le P. Nicolas ont é?éenfemblea la baftide , les deu* frères Cadière y étoient avec 1 abbe <^amerle ; que celui-ci couchoit avec te dominicain dans une alcove qui etoit dans la falie , & le carme dans la meme falie fur un lit de camp } que la Cadiere & fon frère l'abbé couchoient dans une chambre qui communiquoit a cette latle dont on lailfoit la porte ouverte, avec une lumière, pour être plus a portée de fecourir la Cadière, en cas qu li Jui arrivat quelque accident. Plufieurs témoins leur ont encore reP 4  344 Hiftoire du procés proché d'avoir joué aux boules enfemble, d'avoir chanté a table, & d'avoir choqué leur verre. Ils ont avoué ces derniers faits, & foutenu qu'oft n'en pouvoit tirer aucune mauvaife induction. Quant au chant, voici comment le carme , dans fon interrogatoire, rapporte que la chofe s'étoit palfée. Etant nn jour d diner dans la baftide de Ia Cadière avec 1'évèque de Toulon, cette fille, fes deux frères & l'abbé Camerle , le prélat engagea le P. Cadière d chanrer une chanfon ; il prelfa enfuite le carme d'en faire autant; celui-ci en commenca une qu'il ne put achever :.M. Pévêque choqua enfuite le verre avec Ia Cadière & l'abbé Camerle, Sc ordonna au P. Nicolas de choquer avec •11e. A 1'égard des faits articulés par Ia Batarelle, la Cadière les a niés puremenr Sc fimplement; Sc aucun autre témoin n'en fait mention. Nous voici enfin arrivés a 1'époque de 1'éclat que fit cette affaire. La ntiit du 16 au 17 novembre , fur les dix heures du foir, le fieur Cadière, frère laïque de la devote, appella, de la fenêtre de la maifon, du fecours pour fa fceur qui fe mouroit > difoit-il. On  de la Cadière. 34 j alla chercher entr'autres les fieurs Gandalbert Sc Giraud, vicaires perpécuels en 1'églife cathédrale de Toulon. C'eft d'après leur dépofirion que 1'on va décrire cette fingulière fcène. En arrivant , ils trouvèrent, dans une chambre de la maifon de la Cadière , un grand concours d'étrangers avec routes les perfonnes de la familie. II paroit cependant que le P. Cadière n'y éroit pas j mais le P. Nicolas s'y rencontra. La fille étoit étendue fur le plancher, fans parole Sc fans mouvement j Sc le fieur Caudeiron , chirurgien , tachoit de lui ouvrir la bouche,. pour lui faire avaler quelque liqueur j a quoi il ne put parvenir , quoiqu'il interceptat la refpiration du nez, eu le prefiant avec fes doigts. Ce chirurgien , dans fa dépofition, ajoute une circonftance qui n'eft pas indifférente j c'eft que, quoiqu'il parut qu'elle n'avoit, ni fentiment, ni connoiffance, fon pouls & fon vifage étoient dans leur état naturel. Quoi qu'il en foit, il jugea que, pour la faire revenir, il falloit lui appliquer les ventoufes. 11 donna ordre qu'on allac les lui chercher , & , pour le tappliquer plus facilement, il fit remettre la Cadière fui ?5  34^_ Hifioire du proces fon lif. A peine y fuc-elle pofée, qu'elle commenca a donner quelques figne» de fenciment, & peu a peu elle revint dans fon état naturel; en forte que les ventoufes furent inutiles. Les deux vicaires fe retirèrent alors f mais une demi-heure après on alla les chercher de nouveau j & a leur retour ils trouvèrent la Cadière dans fon lit a peine revenue d'un fecond accident. Le fieur Giraud s'approcha pour lui dire quelques paroles édifiantes ; elle lui dit que fa préfence & celle du fieur Gandalbert la faifoient beaucoup plus fouffrir qua 1'ordinaire ; & a 1'inftanr, perdanr la parole & la connoiffance „ elle fut prife de mouvements convulfifs trés-violents. L'abbé Cadière pria les deux vicaires d'avoir recours aux exorcifmes j ce qu'ils refusérent, difanr que cette cérémonie ne fe faifoit pas fi légèrement, & qu'elle étoit fubordonnée a des régies : cependant, pour 1'édificatiqn des affiftants, ils récitèrenr les prières qui fe font ordinairement en entrant dans les maifons des malades. Ils commencèrent par les luanies des faints. Quand ils prononcèrent ces paxoles, Sancia Tr'mitas unus Deus 4 la  de la Cadière. 347 Cadière fut faifie de mouvements convulfifs fi violents, qu'il falloit deux ou trois perfonnes pour la tenirj &c en même-temps elle s'écrioit : Non credo ; nego. On afteóta de répéter ces paroles trois ou quatre fois; elles produifirent toujours le même effet. Elle fut faifie des mêmes mouvements, quand on prononca fancle Joannes Baptijla & fancla Catharina , & a tous les paffages qui font mention de quelqu'un de nos faints myftères. Le fieur Giraud lui demanda fi elle ne croyoit pas le myftère de la fainte Trinité; elle répondit aflez bas, & comme d'une voix troublée : non, je ne le crois pas ; il n'y en a point. On lui mit une étole fur le corps; elle la rejetta avec fureur &c avec des paroles méprifantes. Revenue a elle , on lui fit des reproches des abJurations impies qu'elle avoit proférées, Elle en témoigna beaucoup de douleur, & aflura qu'elle ne fcavoit pas ce qu'elle avoit dit. Elle tomba, peu de temps après, dans un nouvel accident plus violent que les précédenrs. Les deux vicaires refusèrent encore de 1'exorcifer y & , contre leur avis , l'abbé Cadière prit fur lui de faire cette cérémonie. II eft confP 6  34§ Hijloire da proces taté par la procédure & par fes propres aveux, qu'il la fit étant en chemife, ayant une culotte, ayant une étole au cou, un rituel a la main & fans bas. Quand il prononca ces paroles : prtcipio ut dicas mihi nomen mum -3 la Cadière, qui jufques-la avoic été immobile & comme morce, die, d'un con extraordinaire, Girard Jean-Baptijle ; ce qu'elle répéra crois ou quatre fois* Quand fon frère prononca cette autre parole, cede, elle dit du même ton , & a chaque fois qu'on le répétoic , cederai pas. L'abbé ajouta : Non mihi y fed minijiro Chrijti J elle répondic fort bas , contra.int. Pendanc ces accidencs , elle avoic les membres forc roides dc mflüxibles, fon col étoic confidérablemenc enflé, & fa peau tendue comme celle d'un tambour; & quand elle étoit revenue, elle difoh n'avoir aucune idéé de couc ce qui écoic arrivé. U paroic que la Cadière eut encore un accident femblable le même jour après midi, & que, pendant les prières qui fe faifoienc autour d'elle, elle faifoit des abjurarions pareilles d celles ne la nmt, elle crachcit fur le crucifix, Sec Un nommé Amiot, 78e. témoin, qui étoit entte dans la maifon avec une  de la Cadière. 349 foule de peuple, dépofe, qu'ayant bien Sanüné ta nature de contorfims il dit a 1'afTemblée que,fion ejaiffou faire, il feroit paffer la maladte avec un bon nerf de bceuf. H y a tout lieu de croire que eet homme ne fe trompoit pas. LaG'dicM avoit fans doute été feduite par le ï. Girard, qui 1'avoit plongee dans le defordre, & avoit agi de connivence avec eUe, pour couvrir fes débordements du voile de la fainteté. Les circonftances Iv°oient tournélafacedes chofes | elle ne pouvoit plus repréfenter le role de fainte-, mais" fa vanité ne lm perme okpas d'avouer qu'elle avoit ,oue e public. EUe pritle parti de contrefaire fa polfédée,&d'attribuer au demon, quFeüe avoit recu du P. Girard les événements extraordinaires dont. Ihiiloire étoit connue; en forte qu d peut être vrai qu'un nerf de bceuf, dans une mab vigoqureufe,eüt été le moyen le plus fflr de lui rendre les; membrefc*ples, & de chatTer le demon qui les ioidiffoit fi fort. Quoi qu'il en foir, 1'éclat de ces différentes fcènes faifoit regarder: dan» Toulon , le P. Girard comme forcier & comme abufant de fon commesce  3)ó' Hlfloire du proces avec Penfer pour féduire Ja vena Jtf ?S P«««nte5. l'évèque, dont les it Ws avoient fca capciver le cJt Je riag'na ^«.pourfe& ltoT'affaire'?ferendre L Wr^^^ fon official chez Ja Cadière, pour J'interrog« Jüdiciairemenr fur fairs & articles & dreifer procès-verbaj de fes répon-* * , ce qui fur exécuté le 18 nofem- du pro'™ verbï? fabo^, dans ce procès- verbaf, toutes Jes extafes, toutes Je* vifions les miracles, &c. dont ïa d a rantér parlé. Elle paffe en JedS iÏp GL7/TmculleremreelJe& ,V 'i ■ & V01C1 comment elle "xphqued eet égard :«... Ce fit maifon, pendant prés de trois moi, dans ffSuei'Tnt 4 Cl6f avec eli^ d obfeffion la pren01 {iji.mê » elle s'eft rro 'PM d'elJe» fc, Dere r,° j ,re?' P aLltres fois ledic "PcwGuard Jw difoic de fe mettre  ■de ld Cadière. ff* „au bord du lit; «He le voyoit a fon „ cóté aflis au córé du lit avec une chai5> fe , la faifant alfeoir , & lui s appro„ chant 1'embraffoit par les deux mains t & la tenoit appuyée fur fa poitrine, » la baifant de moment a autre. Un au« ere jour, fe trouvant dans un de ces * états oü elle perdoit 1'ufage des fens, „ elle fe trouva couchée par terre , ledit „ père Girard derrière elle; & a mefufe * qu'elle revint de eet état,elle fe trouva«dans cette pofture, ayant le fein de„ couvert & fa main delfus -7 & lui ayant » demandé pourquoi elle avoit reüenti „de très-grandes douleurs , dans le „ temps qu'elle étoit comme cela hors „ d'elle-même, il lui répondit ipauvre „ enfant Je le crois bien. Un autre jour, „ étant encore avec elle enfermé dans „ la chambre , il Itti p"t une de les „extafes, &c. « Elle rapporte enfuite ïhijloire de eet enlévement de terre, mquel elle avoit réfiflè contre les ordres du P. Girard. » H vint le lendemain , „ continue-t-elle, i midi & demi dans „ fa maifon ; & après s'ètre fermée a „ 1'ordinaire dans fa chambre, il ja ut „ mettre a genoux devant lui, diiantr „ ces paroles : La juftice de Dieu ou la njujïice divine exïge de vous, comme  3 5" 2 HIJioire du proces » vous avei refufi d'etre revetue de ce «don qUe vous foye^ mife d nud ; il v>faudroit3 & vous mériteriei 1ue [ouse » la terre füt témoin de ca; mais encore « le bon Dieu veut bien qu'il n'y ait que » ces murailles, & moi-meme qui ne puis "parler, qui fois témoin de ca , & qu'au«paravant vous me jurie{ fidélité que » vous megarderei le fecret inviolable ; » car fi vous venie^ ^ pader de f£^ ^ » enfant, vous me perdrie^; ce qu'elle » lm promir, ne croyanr pas que la " chofe fut de telle manière qu'il la « lui fit faire. II lui ordonna donc de » monter fur fon lit, difant que ce « n etoit pas ce lit qu'elle mériteroir, rfchafaud qu'elle avoit vu a " , ,? °" 11 Tl avoic très-peu de temps » qu elle avoit fait un voyage; & Ja il « Ia fat coucher, lui mettant un carreau » ous fes coudes pour la relever • & » lui s'écarta vers la fenêtreoü elle » ne fut pas témoin de ce qu'il fit; & » il s'approcha d'elle, tenant une difci» pliae en main , lui en donna quelques " couPs> ayant la main enveloppée d'un " mouLch°^. Après cela, elle fenrit qu'il » lui baifa le col; après cela il lui or» donna de fe lever du lit, & de fe re*> mettre encore a genoux devant lui,  de la Cadière. 3 5 3 s> difant que ce n'étoit pas la tout, qua »j le bon Dieu n'étoit pas content, &ï » qu'il falloit encore autre chofe. II lui * dit alors qu'il falloit qu'elle fe mit a » nud devant lui; & comme elle avoic 331'ufage de fes fens , la chofe la ré» volta beaucoup ; & elle commenca a 33 jetter un grand cri, & alors elle perdit 3-31'ufage de -fes fens ; enforte qu'elte 33 demeura fans connoiffance , n'ayant 33 feulement de 1'entendement que com» 33 me une perfonne hébétée, ravie pour3» tant & charmée par des fentiments33 tout divins, puifque toutes les fois 33 que ce père la touchoit, elle recevoir 33 des graces &C des faveurs , & parti33 culièrement lorfqu'il lui touchoit le 33 fein ; alors elle fe fentoir tomber en 33 pamoifon , accompagnée de fenti33 ments qui lui paroiiToient tout divins, 33 II lui ordonna donc d'oter le mou33 choir de fa tête , après cela la coëife , >3 après fon tablier , enfuite fa robe de 33 chambre, fes jupes ; il lui commanda 33 de fe délacer le corps , enforte qu'elle ss refta en chemife. Elle vit alors qu'il >3 fe dreffa , la vint embrafter par le »3 derrière, fentanr alors de rrès-grandes 33 douleurs ; n'ayant jamais eu connoif3» fance auparavant comment ces forten  3 f4 Hi/roire du procés *' de chofes fe faifoient,;nihil aliuaïfenfié so niji quafi digitum intro, vifcera agitasê> turn s & fe omninb irrigatam agnovit; » chofe qui lui arrivoit toutes les fois ^que ledit P. Girard venoir a la maifon; » qu'elle refta trois mois fans avoir ce *> qui lui étoit ordinaire ; que pendant » huit jours, ii hu apporta 5 dans ce » temps-la , a boire dans une écuelle » une efpèce de liqueur rougeatre, qui » avoir fort mauvais goüt, lui maniant » tres-fouvent le ventre : au bout du»quel temps, un jour elle appercut * faire une mafte de fang qui tomba » tout a Ia fois 5 depuis lors il lui con» tinua une grande perte , dont ledic »père vouloit être témoin , lui difant » de fe mettre fur le pot devant lui « Sc après cela portant le pot a la fe» nêtre pour regarder le fang, voulant » même voir de fes chemifes. Après * cela , quand elle recut fes plaies pen» dant le carême , il venoit tous les *> jours fucer fes plaies, tant du coté, que du pied ; plaies qui ont toujours »été égaies pendant deux mois, Sc » qu'd la moindre infidélité, elles fe «fermoient ou fe rouvroient; qu'elle » a déclaré toutes ces chofes a plufieurs »perfonnes qui en- feront témoins g  dc la Cadière. 3'ff » leur difant les douleurs qu'elle reflen« toit, même a la demoifelle Guiol, « qui fe- rioit lorfqu'elle lui déclaroit » pareille chofe; qu'elle 1'a encore déj) claré a la demoifelle Gravier & a une » religieufe. ( Elle rappor te enfuite les libertés quelle a va prendre au P. Girard avec fes autres pénitentes ; il lesembrajfoit , il s'enfermoit avec elles } &c* Après cette digrejfwn, elle reprend ce qui la concerne. » Que quant a elle ré55 pondante, tous les jours de carême 53 fur le foir après-midi, il lui ordon35 nok de 1'aller trouver ; que, comme 33 il n'y avoit perfonne dans 1'églife a75 cette heure-la, avant que d'entrec 35 dans le confeflionnal, il 1'embraffoit »5 & la baifoit pendant tous les jours » du carême, & toutes les fois qu'elle 33 y alloit. Etant a Ollioules au parloir, 33 le P. Girard porroit avec lui un petit 55 couteau pointu, pour lui faire ouvrir 35 une petite fenêtre qu'il y avoit a la 39 grille ; qu'il lui faifoit découvrir le 35 fein, & lui fuc,oit les plaies toujours 35 a 1'ordinaire ; ayant prévenu les reli33 gieufes de la laiiffer tous les jours? 33 feule avec lui, il lui tenoit tout le 33 jour les mains dans les hennes , dis) fant qu'il n'avoit jamais aimé. creatur©  3 5^ tiijioire du proces » comme il 1'aimoit; fe mecrant quel~ » quefois a genoux devant elle en pleu» rant, difant qu'il avoit bien foufferc » par la crainre qu'il avoit qu'elle ne » Ie quittat; & elle lui alfurant le con» traire, il fe drelfa, l'embra(Ta & la *> baifa encore plufieurs fois. Un autre "jour, dinant au parloir, une per" |°nne de la eommunauté vit qu'il » Iui^ tenoit la main d'un coté, tandis » qu'il mangeoit de 1'autre : la même » perfonne vit qu'il la baifa & 1'em* braffa; qu'un autre a vu qu'au fortir ■» de la communion , Ia eommunauté » etant a table, le père vint au devant » de la grille, lui difanr de paroitre la « tete, 1'embralfa & la baifa encore , » & lui dit qu'il avoit eu foin d'aller » fermer la porte de 1'églife; & qu'un » nombre de fois, il Ka fair découvrir » par le derrière au parloir; & fur ce » qu'elle lui difoit, fi tout cela étoit " une conduite de 1'efprit de Dieu , il » le lui alfuroir. « Elle paiTe enfuite au récit de ce qui fui elf arrivé pendant le carême , duquel il réfulte qu'elle n'a pu prendre aucune efpèce de nourrirure pendant route la quarantaine ; qu'elle rejetroic le champ tout ce qu'elle avaloiï,  de la Cadière. 357 éxcepté 1'eau pure. II eft bon d'obferver que, fuivant les époques , ce carême eft Ie temps de la groflefte, que le breuvage adminiftré par le père Girard fic dilparoïtre. Elle termine enfin fon récit en difant »> qu'elle auroit encore des » chofes infinies a dire fur 1'article duu dit R. père, qui ne finiroient point, » & qui font toutes plus graves. « Le promoteur, d'après ce procés^ verbal, rendit fa plainte, dans Iaquelle il expofe que, comme il conjle par icelui proces-verbal, de divers crimes dans lefquels le P. Girard eft impliqué 3 & que la matiere eft trop grave & trop qualifiée j pour ne pas exciter fon fele pour de'couvrir la vérite'3 & faire punir les coupables 3 il requiert qu'il foit ordonné par l'ojjïcial que 3 fur le contenu du fufir dit procés-verbal 3 circonftances & dé* pendances3 il en foit informe' par audi-r tion de témoins 3 & par cenfures ecclèfiaftiques. Le 18 Novembre 1730, le fieur Larmodieu , chanoine de 1'églife de Toulon , vicaire-général & official, rendit une ordonnance conforme. La Cadière , après 1'éclat qu'avoit fait ce tranfport de 1'official chez elle, crut n'avoir plus rien a ménager , Sc devoir au contraire fe mettre fous la  3 5 8 Hijtoire du procés proteótion du lieutenant-général de Toulon , fon juge naturel. En confé„quence, le même jour, i 8 Novembre 1730 j a deus heures de relevée, elle ïendit plainte. Cet acte contient d'abord le détail ides confelfeurs dont la direction avoit précédé celle du p. Girard. Elle parle ■du fouffle que ce jéfuite fit fur elle „ qui lui infpira pour ce père un amour :très-violent, des communions qu'il lui faifoit faire tous les jours en différentes églifes, des vifions qu'elle avoit fans .cefTe , de l'impoffibilité oü elle étoit de fe livrer a la prière vocale, de 1'état d'obfeffion que ce jéfuite lui fit accepter pour délivrer une ame de 1'état de pêché mortel, de fes plaies. Enfin, elle expofe que , » quand le père Girard „ l'alloit voir dans fa chambre , Sc » qu'il 1'enfermoit a clef, il lui eft ars> rivé fouvent manum ad pudenda in93 ferre 3 ex quibus tune humor irrigans 95 effluebatj 8c elle tomboit en pamoisj fon , ne fcachant ce que tout cela j> vouloit dire; 8c quand elle en faifoit 33 des reproches audit père, il fe met33 toit a. rire : Cum ipjïus menjlma tribus a menjibus effluere dejiijjentj elle 1'avoi j» révélé audit p. Girard, qui lui tatoi  'de la Cadière. $$9 »très-fouvent le ventre , 8c 11 lui fit 33 prendre , pendant huit jours , de cer« tains remèdes qui avoient une cou» leur rouge , ce qui lui procura un » avortement 8c une mafte de chair qui »j fortit avec une perte de fang durant jj huit jours •, ce qu'ayant communiqué »3 audit P. Girard, il lui dit que cela 03 ne pouvoit pas être , & que c'étoit >3 le démon qui le lui avoic figuré de ft même. Ajoutant qu'un jour ledit père »3 Girard la fit mettre en chemife fur 33 fon lit, lui difant qu'il falloir qu'elle >3 füt punie de la faute qu'elle avoit >3 faite de ne pas fe livrer, & fefefenjït 33 ad inguina irrigatam & tïtillatam, 53 D'autres fois il lui donnoit la difci33 pline fur les felfes, & lui baifoic le 33 derrière, & tune thillabat & irrigabat 33 eam. Ajouranc même qu'écanc au mo»3 naftère de faince Claire d'Ollioules , 33 un jour donc elle n'eft pas mémora33 rive, n'y ayant perfonne dans 1'églife, 33 ledit P. Girard l'embrafla & la baifa, j3 ce qu'il a fait plufieurs fois au parloir, 53 comme aufli de lui fucer les plaies & ,3 la gorge. « Cette plainte fut repondue d une ordonnance porranc permiffion d'informer , a la charge d'appeller 1'ofticial pour le délic commun.  3s6"g) Mijlolre du proces L'information fut commencée Ie 14 Novembre par le lieutenant-général de Toulon , conjointement avec 1'official. Ce jour il ne fut entendu qu'un témoin, ëc un aurre le lendemain. Le z6, M. le Bret, premier préfident, intendant &c commandant en Provence, fit enfermer la Cadière au couvent des Urfulines de Toulon , dirjgé par les jéfuites , régi par la dame de Gerin , fupérieure , fceur d'un jéfuite, & rempli de religieufes aébuellement dirigiés pac le père Girard. On lui donna, pour la fervir, une fceur converfe , fiile de la fameufe Guiol, qui avoir toujours été, comme on 1'a vu, la dépofitaire des confidences du P. Girard &c fa courière, & qui n'avoit point quitté fa direéiion. La Batarelle fut enfermée dans Ia maifon du refuge de Toulon , & 1'Allemande , mère, ailleurs, pour avoir quitté le confeflionnal du P. Girard, Sc pris le P. Nicolas pour directeur. Tous les confefleurs recurent ordre de 1'Evêque de refufer d'entendre la Cadière, qu'elle n'eut auparavant donné une rétraótation en forme de fon accufation contre le P. Girard, & qu'elle ne lui eut fait une réparation. Elle fit fignifier a ce prélat un acre, qu'on appelle  ete fa Cadière. r£g •appellè en Provénce tin comuarani 'pour obtenir ia liberté de fe co'nfeffe|J SariS convenir de la défenfe qu'il avoit faire , il liii affigna les confeffeurs ap■prouvés pour les religieufes , la plupart jéfüites. Autre comparant, par •lequel «ene fiüe demande un religieux de la Merci. L'Evêque répond oue qttoiqueUe dut s'affujetrir aux loildü luonafteré oü elle éroit, ( forcément) li voubu bien lui nommer des conieileurs drangers-; ce qu'il fir : il IUI ïiomma des jéfüites , des ex-jéfuites des pretres demeurant av plufieurs Iieues' de Ia ville, des religieux de tous les couvents-; excepré les PP. de la Merei les dominicains & les carmes. La Cadière en fit appefler plufieurs de ceux qui bi etoienr mdiqüés ; ils refesèrerw. Enfin, un fieur Berge, bénéficier, lol fut envoyé par 1'Evêque, lorfqu'elle ne s y attendoit pas. II fe rend au couvent des Urfulines le 51 janvier i7} t avec une écritoire & du papier, accomoagné^du P. Sabatier & de deux temoms. II fair venir la Cadière au pa.ioir & lui dir qu'il eft venu pour l enrendre a confelfe , mais qu'il faut auparav.mr qu'elle faffe , en faveur du pere Girard , une rétraclation de fa Tomé II. q  3 61 Hiftoire du procés pla'inte , & qu'elle déclare que c'eft une caloinnie de fa pare, fans quoi il ne peut pas la confefter. Elle répond, qu'ayant été forcée de fe pourvoir en juftice , & fa plainte ne contenant rien .que de véritable ,.elle ne peut pas la défavouet ; & le fieur Berge fe retira fans la confelfer. Ge feit eft attefté par quatre requêtes préfentées fucceffivement au juge féculier, & prefque prouvé par la bouche du fieur Berge lui-même , qui, dans fa confrontation avec la Cadière, avoue qu'il a voulu la forcer a fe départir de fa plainte, & qu'il a refufé de la confelfer , paree qu'elle n'a pas voulu le faire. La mère , de fon cóté , envoya quatre placets en Cour ; au Cardinal de Fïeriri , i M. le Chancelier, au Garde des fceaux & au Secrétaire d'Etat, qui; pour lors, avoit la Provence dans fon département. „ Monfeigneur, difoic-elle au Car„ dinal-Miniftre , j'ofe me préfenter » entre les bras de votre puiftante pro» tedion , quoique je n'aie d'aurre titre „ pour -trouver accès auprès de votre „ éminence, que celui d'être.déshono» rée en la perfonne d'une fille unique  de la Cadière. 363 » que le Seigneur m'a lailfée , agée » d'environ 10 ans. Le P. J. B. Girard, » redeur des jéfüites de Toulon , fous » prétexrede mener cette pauvre enfant » d une fublime perfedion , a commis 33 d fon égard , les plus horribles crimes. » Je ne pcuvois me dérier des alliduirés » de ce père dans ma propre maifon ; ■ j) mais enfin rout a éclaté par une im» prudence que nous avions taché de 33 prévenir. l)ès que ma filie a voulu >• éclaircir, fous un autre confelfeur, 33 les doutcs qu'elle avoit roujours fur 39 ion état, de fainre qu'elle palfoit, 33 on ne 1'a plus donnée que comme* 33 une fille de prolHtution. On 1'a conf33 tituée prifonnière, fans que nous fca'3 chions de quelle autorité, au fond du 33 couvent des Urfulines de certe yilie , .3 pour arracher d'elle un défaveu de fon »3 expqfiüon, ( c'eft-a-dire, fa plainte.) 33 On fuborne des témoins contre elle, »5 & on ferme la bouche a fes témoins! 33 Si ma fille a calomnié le P. Girard 33 je h livrerai moi-n>ême au fupplice » qu'elle mérire ; mais fi ce religieux , >3 fon confelfeur, 1'a ho.riblemenr ié» duire , il ne doit pas demeurer im33 puni. II elf bien juite de fauver l'hón» neur d'une familie expofée d une dif-  3^4 Hiftoire du proces » famation pubiiqce. Je ne demande, „ pour toiue grace , qu'une exacte juf» tice , Sc je ne celferai de prier, Sec. « Les trois auues étoient rédigées dans le même ftyle, contenoient les mêmes fairs , Sc étoient terminés par la même demande. Elle ne manqua pas d'écrire auffi a M.-le Bret, pour fe plaindre, » i°. de ' 5, ce que M. 1'Evêque & les jéfüites » corrompoient les témoins , empê» choient les uns de -comparoitre , St w prelcrivoient aux autres ce qu'ils de,5 voient dépofer. i°. De 1'infidélité da x grefl&er de 1'officialité, qui rédigeoir, „ a fa facon , les dépofitions des té» moins. -3°. De 1'abandon oü étoit fa ,■> fille , dépourvue de tout confeil; le » procureur même, qui lui avoit été » donné par le lieutenant du bailliage , „ refufant fon miniftère. 40. Des mau» vais traitements que fa rille éprouvoit „ de la parr desceligieufes chez qui elle „ éroit détenue , qui 1'infultoient de r> toure manière, Sc ne la lailfoient voie „ a fa mère , qu'une fois le jour, a-une » heure fixe, fans confidération pour » fon age , pour fes affaires, Sec. « Tous ces placets demeurèrent fans effet, comme fans réponfe. La Cadière,  de la Cadière. mère , prit le parri d'en adrefler un lecond au Cardinal de Fleuri. Quoiqu'il foir un peu long, il eft remph de fairs trop inréreffants , pour ne pas êrre copie ici. " Monfeignenr, fouffrez , je vous eu •tfupplie, ine feconde fois les j'uftes" »plaintes d'une familie afflïgée ; &c »-excufez la doulcur accablante d'une » mère qui , fenrant fa fille diffameer » par 1'honible féduétion du P. Girard, »• jéfuire , n'a plus que 1'eipérance de » voir certe fédu&ion jundiqüement » prouvée. Les lenreurs qu'on atfecte » dans la procedure , me urivent en» core de cerre foibje confoiarion. Mais » cequi en refulre de plus trifte, c'eft » que le féducteut jouit non-feulement )>-de 1'impunicé , mais des dehors en» core de 1'innocence, qu'on tache de » lui conferver, tandis que ma fiüe eft » traitée extérieuremenr comme fi elle»étoir coupabie & déja condamnéei » Le P. Girard continue d'exercer roures « les fonctions ficerdotales : il a pour » auditeurs de fes fermons M. 1'Evêque » & M. 1'ofEcial, fon juge : il travaille j> toujours dans le miniftère même , » dont il s'eft fervi pour la fédu&ion » de plufieurs., & dont il fe fert acQ3  366" Hijioire du procés „ ruellement ponr' fivborner nos meii33 leurs témoins.. Ma fille , au contraire, 33 a peine d'obtenir la liberté de fe con33 feffer : elle eft confinée dans un mo33 naftère qui a pour fupérieure ia fceur 39 d'un jéfuite , &c qui eft foumis a Ia 33 dire&ion du Père Girard lui-même 33 & de fes confrères, & qui, de tous 33 les monaftères de la ville, leur eft 33 le plus dévoué. Elle y eft privée de 33 toute liberté, ne pouvant fortir de fa 33 chambre que ponr entend re la me (Te i »3 elle y eft réduite d une affreufe foli93 tude , n'ayant permillion , ni de voir 33 autre perfonne du dehors que moi 33 feule, "pas même fes frères, ni d'avoir 3.3 d'autre commerce dans. 1'intérieur du 3j couvent avec aucune religieufe, fi33 non, dans le befoin , avec une fceur 33 converfe qu'on lui a choifie expres» 33 paree qu'elle a des raifons particulières 3> de s'en dcfier. Une mère peut-elle être 33 rranquille , & avoir fa fille dans une .3) fi tufte fmiation , fans 1'avoir mérité ? 33 Si fa liberté doir encore être refufée33 a mes très-humbles fupplications, je 33 me fens qqafa portee a demander com33 me une grace qu'elle foir transférée 33- aux prifons publiques ; elle y feroit' ss- certainement, Sc raieux., Sc plus fure=.  de la Cadière. ^Gy sï ment. Pardonnez , Monfeigneur, les 55 expreflïons de ma vive douleur. Pour35 quoi faut-il qu'avant rout jugement , 33 on mette une fi grande difrérence en93 tre 1'accufatrice &c 1'accufé? S'il faut 33 donner quelque chofe aux npparences ss & a la préfomption , elles ne font pas ss certainement pour le P. Girard. S'il ss feint de craindre que 1'accufatrice de33 venue libre, n'échsppat a la peine que 33 merite fa prérendue calomnie , ne y> peuc-il pas lui-même échapper a la 93 peine que merite fon crime ? Er d'ail95 leurs une multitude de parenrs s'of33 frent pour être cautions de ma fille, 33 fi vous daignez lui accorder fon ciar53 giffement. De grace, Monfeigneur, ss je vous en conjure, ne fourTrez pas 33 plus long-temps qu'on ajoute dou-> 33 ieur fur douleur, affliction fur afilic55 rion. « 33 Je laifle a part, Monfeigneur , Ia 33 facheufe impreflion que font fur les 93 témoins, & certe preuve de crédit 33 de notre partje , & les menaces que 33 les partifans y ajoutent : car tous les » mouvements, toutes les oppfeflions ss employees , ou par eux , ou par 2'vï. 3> 1'Evêque , leur proreóteur, ne pour-: 33 ront jamais. afFoiblir la procedure Q4  3 6 8 H'ifloïrz du procés jj compofée, jufqu a préfent, de prés de 33 cinquante témoins , jufqu'au poinc 35 de taire difparoitre la preuve com55 plete de la fédu&ioh. & des crimes, ss du féducteur. Tout notre efpoir eft 35 dans le jugement -r Sc nous avons au33 tant dünrérêt a i'accéiérer, que no33 tre partie en peut avom i le. reculeiv 35 C'eft ce qui m'oblige, Monfeigneur, 33 a vous prévenir fur lefpérance que55 fonde notre partie dans une évoca33 tion de cette affaire au Confeil du33 Roi. II eft impoffible que V. £. ne 33 comprenne aifément combien cetre 33 évocarion feroit onéreufe & difpen>3 dieufe a une familie atrachée a cerre 3J ville & a cerre province par un néss goce qui fait toure fa reftource. Ou» ss en ferai-je, s'il me faut quitter ma » maifon & mes affaires , pour aller a33 deux cenrs lieues implorer la miféri-33 corde du Confeil? Cert pas paroitre fufpeóts au P. Girard. 33 Le crédit d'une familie obfeure ness fcauroit lui donner raifonnablement 33 quelques ombrages devant les Tribu33 naux ordinaires : il y a même éprouvé 33 de la faveur & de la protection'. II eft 33 tout manifefte qu'il n'a. d'autre buc  de la Cadière. 369 » que de nous laffer , 6c de me faire » confumer en douleurs ma vie & mon u peu de bien. Vorre éminence feroic 5>-donc violence a cerre équité qui eft sj renommee en eile, fi elle accordoic » une grace, qui nous feroit fi préjudij> ciable 4 a un féducteur dont la con»> damnation eft déja preventie par Je » jugement du public. Laiftez-vous tou»-cher, Monfeigneur, aux larmes d'une » mère qui, en réclamant votte pro-' tecftion , n'ofe fe croire importune , "•puifqu'elle ne demande que ce oue sj les loix ordinaires lui accordenr. II » eft digne de V. E. que 1'équité feule s> deftituée de tout appui, trouve afyle j> Sc fecours aupcès d'elle, &c. « Ce placet n'eut pas plus de réponfe que les précédents. L'inftruction fe faifoit néanmoins fórt lentement y 1'on prenoit tout Ie temps Sc toutes les mefures néceffaires pour faire tourner l'information au gré du P. Girard & de fes confrères. Pour eet effer, on portoit-tous les foirs les procès-verbaux' de dépofirion chez les jéfüites , pour conférer avec 1'accufé Sc le P. Sabatier fur les témoins qu'il falloit produire le lendemain , pour dépofer des faits contraires a ceux qui avoient été dépofés par les cémóins de Q 5  zyo Hifloïre- du proces la Cadière. Quand on étoir convenu des; perfonnes qu'il falloir faire entendre,. qui étoient toujours, ou des pénitentes acluelles du P. Girard & du P. Sabacier,. ou des gens afEdés aux jéfüites, le promoreur les faifoit afligner a fa reqnête.. Certe manoeuvre paroit .alfez bien. prouvée par la procédure même. Les témoins produics par Ia Cadière, font toujours fuivis de ceux qui étoient aflignésa la requêre du promoreur , & cette alternative efl a peu prés fuivie pendant tout. Ie cours de l'information. Par exemple,. les deux premiers témoins entendus , font les deux vicaires de la cathédrale, produits par la Cadière. II réfulte r entr'autr.es, de leur dépofirion, que le P,.Girard dirigeoit fes dévotes par le quiérifme. Le promoteur fit entendre,, immédiatement après, Ia Guiol &.la Laugier , toutes les deux pénitentes. ftigmatifées du P. Girard, & toujours attachées a fa houlerte : dans leur dépofirion , elles affectent de faire entendre que ce jéfuite impofoit la prarique de la prière vocale. II feroit rroplong de fuivre les autres dépofitions j, mais il eft cerrain que prefque route Pinformarion a été faite dans le même ordre, & avec la même économie..  de la Cadière'. 3 7 1 Ourre ce nunège, la Cadière en articuloit un aurre dans une requêce prcfentée au Lieurenant-général , le 11 Décembre 1730 , & fignée d'elle feule „ fans miniftère d'aucun procureur. Elle y expofe , ainfi que dans plufieurs memoires imprimés, & demande a prouver que le P. Sabatier & d'aurres perfonnes fe renoienc dans une falie de 1'évêcbé, voifine de celle oü les rémoins éroient enrendus, pout diffiiader ceux. de la Cadière de dépofer les fairs graves qu'ils avoient a dire; & que , quand ils ne pouvoient pas en venir a bout, ils leur enlevoienr les copies de leursexploits, 8c les renvoyoient fans dépofer. On apportoit encore d'autres preuves1 de la fubornarion des témoins. i°. La qualiré de la plupart de ceux que le P. Girard avoir produits fous ie nom du promoteur : c'étoient tous gens vendus aux jéfüites , & prefque routes pénitentes du P. Sabatier & de faccufe, 20. Cette alternative que 1'on fuivoit régulièrement dans 1'audirion des témoins , pour faire dérruire par les uns les faits dont les autrss avoient dépofé en faveur de la Cadière. 30. De quarante-quatre rémoins es-  372- Hijloire du procés tendus a la requêre du promoteur, il n'y en a pas un qui charge le P. Girarn ; il n'y en a pas un qui n'ai: inventé quelque fait faux ou ridicule , pour lui préparer des faits juftifieatifs ou des reproches contre les témoins de la Cadière. On en a rapporté quelques traits, en difcutant le témoignage de la tourière. 4°. On a vu la preuve d'un comploten fubornation dans.la lettre de la dame de Cogolin d la dame Beauffier, cadette , & dans les dépofitions- qui en onr été la fuite. Le défenfeur de la Cadière a de plus atfuré, dans deux mémoires imprimés , que , quand la juftice fe tranfporta aux Urfulines de, Toulon, pour procéder a-la vérification de la lettre, la dame de Cogolin avouaque la fupérieure & le père Girard 1'avoient forcée d pécritej que eet aveu lui attira dans le couvenr des fcènes qui firent beaucoup d'éclat d Toulon & aAix. 5°. On offroit de prouver que 1'Evêque de Toulon avoit écrit & envoyé, par fon greffier, des letrres aux» religieufes de fainte Claire d'Ollioules , pour engager celles qui n'avoient pas été fayorabies au P, Girard, a tovirner  de la Cadière. 373. leur récolement en fa faveur; qu'il avoic. fait menacer par le P. Aubani & par le P. Bourier , la tourière 8c autres domeftiques du couvent qui avoient char-gé le bon père, de les faire chalfer, &même de leur faire donner la queftiorr. Le trente-cinquième témoin dépofe. effectivemenr, dans fon récolement, que la dame Gamelin cadette lui avoic dit qu'on 1'y appliqueroit, fi elle parloir. 6°. On avoit fait entendre, en témoignage , une nommée Anne Achard, dont le père avoit été banni, le frère décrété de prife de corps, 8c aéhiellement fugitif; elle menoit elle-mêmedans Toulon la vie la plus fcandaleufej & prêtoit fa maifon pour fervir de lieu de débauche : c'étoit dans cette maifon que le promoteur 8c les pénitentes du, P. Girard s'aflembloient pour concerter les voies de fubornation. G'eft chez elle qu'après qu'on eut arraché a la Gadière la rétractation dont on pariera dans la faite, le promoreur dit : norre affaire_ ejl gagnée; c'en-efl fait du Prieur des carmes; le moins qui puiffe lui en arriver j c'eft d'ctre condamne' aux galères. Cëft chez elle enfin que le promoteur follicita une femme proftituée d'accuferde libertinage un des. religieux founais. au Prieur des carmes.  3 74 Hiftoire du proces 7°. Quatre religieufes Urfulines der Toulon avoienr dépofé q-ue Madclaine Pauque leur avoir dit avoir vu danfer la Cadière avec le Prieur des carmes Sc cerre Madelaine Pauque, dans fon récolement, a nié le fait. Voila., difoit le défenfeur de la Ca- . diere, des traits de fubornation bien marqués , fans parler des autres qui étoient demeurés enfevelis dans le fecrer. II n'en faut pourtant pas être furpris, continuoit-il, c'eft la défenfe ordinaire des jéfüites dans les procés criminels, & fur-tout dans ceux de cette efpèce; & en cela ils ne font que fuivre leurs maximes. Pour ne pas rrop grofllr fon faclum , il fe contenta d'en citer un exemple. Le collége des jéfüites de Grenade , dit-il , a du bien en un lieu nommé Caparacena, diftant de deux lieues de Grenade, dont ils donnèrent 1'adminiftration au frère Baltazar des Bois. Ce frère, étant devenu amoureux d'une femme de ce lieu , prit la précaution de charger fon mari du labour des terres, Sc lui doubla même fes gages T afin de 1'occuper dans les champs, Sc d'avoir toute liberté dans la maifon auprès.de fa femme , qu'il vint a, boiu de  de la Cadière. 37j iedtiïre. Le mari qui, malgré le doublemciit de fes gages, fe fentoit agité d'un mouvement de jaloufie , réfolut de lompre cetre inrrigue-, mais la chofe paroilfoit difficile ; fa femme étoit conrenre du frère, & celui-ci éroit amoureux. Un jour, ce frère étant venu de Gienade , pour voir fa manreffe , Sc eroyant fon mari occupé a la campagne, fut d'abord defcendre chez elle. Le mari, qui avoit apparemment été infrruit du voyage , Sc qui s'étoit caché dans la maifon , fit fi bien , qu'il les furprir en flagrant délit, Sc poignarda ie frère. Comme certe adion d'un mari eft , en pareil cas, tolérée par la loi, qui excufe un premier mouvement infpiré par la perte de 1'honneur , eet homme fit conftater , par une procédure en règle, Sc que ce frère vivoit avec fa femme dans un commerce criminel, Sc que , quand il 1'avoit tué,. il étoit aótuellement couché avec elle. D'abord que le redeur de Grenade en eiu connoiffance, il rendit plainte du meurtre du jéfuite. A force de menaces, de promelfes 6c de préfents, on fit réirader prefque tous les témoins entendus a la requête du mari •, Sc par de nouveaux que 1'on fit entendre, on-.  $JS Hifibrire du proces prouva , d'une part., que cecte femme étoit déja agée, pour faire croire qu'elle étoit vieille, & óter tout foupeon d'amourette; quoique, dans le fait,-elle n'eüt que 28 ans. On prouva, d'un autre cóté, que le frère étoit un faint, Sc qu'il avoit fans ceffe le chapelec a lamain. Les témoins qui le chargeoient encore, furent rejettés, fans qu'on eur même pris-la-peine de les récufer juridiquemenr. En un mot, l'affaire futconduite de manière que le pauvre mari fut condamné, par contumace , a êrre pendu; & pour 1'honneur de la mémoire du chafte & faint frère, & de la fociéré, les jéfüites firent imprimer l'information ainfi purgée, avec le jur gement définitif. Si le P: Girard n'étoit pas lé premier jéfuite pour qui on ent corrompu des témoins, il n'éroit pas le premier non plus qui- eut féduit fa pénitente $ envoici encore un trait tité-du même mémoire. Le P. Mena étoit un jéfuite quiparoifToit avoir de grands talents extérieurs : il faifoit de belles exhortations, parloit toujours de Dieu Sc de 1'éternité-j il étoit maigre, pale , les yeux enfoncés j fon habit étoit d'un drap fortufé , Sc il- portoit un grand chapelec-  de la Cadière. 577 Ce jéfuite confeiToit a Salamanque une 'fille jeune & fimple. II Jui die un jour que Dieu lui avoit révélé que fa volonté étoit qu'il vêcut avec elle dans I'union conjugale ; mais qu'il falloit fur cela un fecret inviolable. L'innocente ne donna' pas d'abord dans le panneau, tk confulra des doóteurs de 1'univerfiré. Le P. Mena, qui 1'avoic prévu, avoit prisles devants. II les avoir avertis qu'il avoir une dévote fort fcnipuleufe , qui1 vouloit les confulter fur des bagatelles; qu'il étoit inucile qu'ils fe donnaffent lapeine d'écouter fes détails minutieux , ik qu'ils lui dilfent fimp'Iement qu'ellen'avoit qu'a fuivre aveuglément fes confeils. La réputarion de fainteté dont jouilfoit le bon père, écarta de 1'efpric des docfeurs toute idéé de foupeon ; ils fe conformèrent, fans aucune inquiérude , a la conduire qu'il leur avoic prefcrite. La dévote fut donc perfuadée que telle étoit la volonté du ciel, 8c fe maria avec fon confelfeur. II n'interrompir poinr le cours de fes foncfions j il continua de dire la melfe, de confelfer, de vivre dans tous les dehors de la piéré , tk de faire des exhortationsédifiantes. Cependant il eut plufieurs enfants de. fa femme, qu'il tenoit e».-  378 Hi/loire du procés fermés dans un lieu écarté, mais a fa portée. L'Inquifirion fut enfin informée de ce qui fe paffoie. Le P. Mena fut mis dans les prifons de Valladolid. Cet événement fit d'autant plus de bruir, que fa réputation étoir plus étendue , Sc mieux étabiie. La fociété prit fa défenfe; des méaecins cerrifièrent qu'il étoit malade ; on obtint la permiflion de le rranfporter au collége , pour le trairer , fous la garde des officiers de Pinquifirion. II étoit impoffible de fauver une affaire fi criante Sc fi bien prouvée ; on eut recours a 1'artifice. On fuppofa que le père Mena étoit mort; on fit une figure de corps avec des batons; on y ajouta un vifage & des mains de carron, on revêtk le tout d'un habit de jéfuite, que 1'on mit dans une bière; on fonna les cloches, & 1'on fit toutes les cérémonies pour Peittërrement de ce fantóme. Cependant le véritable P. Mena monta fur une mule, qui ne s'arrêra qu'a Gênes , oü il fe mit a enfeigner publiquement Ia loi de Moïfe aux Juifs. C'eft ainfi que ce jéfuite échappa a la juftice bumaine. Cependant la Cadière voyoit avec effrofque la procédure n'avancoit point  de la Cadière. 379 que tout le temps fe palfoit a feduire des témoins & a la rourmenter, pour lui arracher un défaveu de fa plainte. Elle fit fignifier au Lieutenant-général trois acfes en déni de juftiee. Mais , par lettres-parentes du 25 janvier lyjlj le Roi, pour mettre une prompte fin au fcandale que caufoit cette affaire , la renvoya pardevant la grand'ehambre du parlement d'Aix, pour y être inftruite & jugée en première inftance 8c dernier refforr, a la pourfuite du procureur-général 8c diligence de la Cadière; avec injonction a 1'Evêque de Toulon de donner, a eet effer, fes lettres de vicariat a un confeiller-clerc dudit parlement. Ces lettres furent enrégiftrées. le 10 Février 1751 , & MM. Bouihec de Faucon , confeiilcr , 81 Tamarlet de Charleval, confeiller-clerc, furent nommés commiffaires, avec pouvoir de décrérer fur !es Heus , d'enrendre les décrétés , d'ordonner & de firire le procés extraordinaire jufqu'a jugement définirif exclufivemcnt, préfent & requérant le procureur-géntral. L'abbé de Charleval fut, en outre , pourvu de lettres de vicariat par 1'Evêque de Toulon. Ces deux confeillers, & le procureur-  3$o Hiftoire du proces général, fe rranfportèrent a Toulon'; & y continuerent l'information , dans Iaquelle ils entendirent encore vin°tquatre témoins. Pendant le cours de toute cette procédure , les jéfüites, pour faire perdre de vue, a la juftiee 8c au public, le véritable objet des pourfuires , firentr entendre aux commiftaires, déja trop portés , comme on le verra, a favorifer* le P. Girard, que la familie des Cadières, le P. Nicolas a. la tête-, avoient formé un complot pour perdre leur confrère.Ceprérendu complot a foumimarière a plufieurs pages d'impreffion : mais , malheureufemenr pour fes auteurs, ils lui avoient donné pour bafeun menfonge avéré. La Cadière, felon eux, avoit tou* jours rrompé ce pauvre P. Girard fur fa' fainteté : ce bon jéfuite en avoit toujours. douré, & , loin d'avoir eu part aux bruits qui en avoient couru, il n'avoitrien négligé pour les arrêter : mais ayant cefte tout-a-coup de la diriger, fans en» vouloir dire la caufe, ce changement de fa part avoit fait connoitre la fille pour> «ne fourbe. Afin de réparer fon honneur, on avoir voulu faire rejaillir toute Ia honte de la direétion fur le  de la Cadière. 381 directeur. Ce fyftême auroir pu prendre dans le public; mais malheureufemenr, on avoic la preuve, & on publioic que Ie P. Girard avoic concribué plus que peifonne a la célébricé de la Cadière, & qu'il fur concrainc d'abandonner, malgré lui, fa direcfion. Les informacions linies, les commilfaires prononcèrenc, le 23 février 1731 , des décrets qui furprirenr cout le monde. Le père Girard accufé d'incefte fpiriruel, d'avorcemenc & de fortilège ; contre lequel , relarivement aux deux premiers crimes, il y avoic, comme on 1'a vu , des charges alfez forres pour qu'on put le regarder comme convaincu , fuc décrété d'afligné pour êcre oui; on lui affocia., dans le même genre de décrec, Pabbé Cadière. Le P. Cadière & le P. Nicolas furenc décrécés d'ajournement perfonnel. Ces ordonnances furenc fignifiées Ie même jour a cous les décrécés, avec allignacion a. comparoir au parlement dans un mois, fi mieux iis n'aimoient r'épondre devanc les commiifaires, le lendemain & autres jours fuivancs. Le P. Girard , qui croyaic voir dans la douceur de fon décrer , que fes Ju^es étoient difpofés en fa faveur, fe haca  381 Hifi oire du procés de fubir fon interrogatoire le même jour qu'il lui fur fignifié. On apu voir, par les paifagc-s qui en ont éré rapportés dans le cours de la narration, qu'rl lui échappa des aveux qui, joints a la dépofition de plufieurs des rémoins, concouroient a opérer fii conviótion. Il convient, par exempie, qu'il s'eft enfermé avec la clef dans la chambre de la Cadière, feul avec elle, 8c qu'il 1'a fait huit a neuf fois. II avoue avoir vu la plaie du cóté gauche , qu'il dit être fituée trois ou quarre doigts au deffous du tetton , &c. Son interrogatoire fe fit donc le z y Sc le 24 Février. A 1'égard de la Cadière, quoiqu'on ne put 1'obliger a répondre avant les délais de 1'affignation , a moins qu'elle n'eüt renoncé expreffément a ces délais, & qu'elle n'eüt requis elle-même fon audition , néanmoins, fans aucune requifition de fa pare, les commifTaires fe tranfportèrent le 25 au couvent des Urfulines, oü elle étoit toujours détenue , pour 1'interroger. L'interrogatoire de ce jour, qui étoit dimanche , ne fut pas fort long , 8c roula fur des faits alfez indifférents. Le lendemain x6 , il fut queftion de chofes plus graves.» Elle dit, par exem-  de la Cadière. 383 .„ ple, que le P. Reóteur commenca a ,»la vifiter chez elle dans le temps de » fon obfeffion ; qu'il s'enfermoic dans >j fa chambre, prenoic un fiège , la ti» roit au bord du lit, lui palfoit une 33 main par derrière, une autre par de- » vant, 1'appuyoic fur fa poitrine » Elle tomboit alors dans des accidents j> qui lui faifoient perdre toutes fortes » de connoilfances, & quand elle re» venoit, elle fe trouvoit dans des pof» tures indécentes ; c'ell-a-dire, la che» mife relevée &c nue dans le lit, & u qu'alors elle expliquoit fes peines au j> père Redeur, qui lui répondoit que » cela ne devoit point lui en faire, & « qu'elle devoit le regarder comme Dieu ; 33 quelle devoit s'oublier, & qu'un état 33 ver tueux bonifioit tout le rejle. Elle 33 tomboit trois ou quatre fois par jour .33 dans des accidents qui commencoient 33 par un chatouillement de cceur, fuivi >3 d'une fufpenlïon & d'une interdidion 33 de tous fes fens , ayant même les 33 membres roides j ce que le P. Girard 33 lui fit regarder comme des exrafes 33 d'opération divine. Qu'au commen33 cement du carême , le P. Girard la ss vifitant régulièrement, attendu 1'état »extraordinaire ou elle fe trouvoit,  ;j§4 Hiftoire du proces «3> étant tombée quelquefois fans con> >3J noiffance Sc en extafe, le-P. Girard -s> érant avec elle, lorfqti'elle revenoit j> de fon exrafe , pudenda fua dolore •3j affici óf malto humore irrigata fentie»> bat; de quoi s'étant plainte, le père ss lui dit : je le crois bien^ ma pauvre en53 fant. Interr. Sur quoi lui avons re»> préfenté qu'une rille de fon age, qui » avoit été bleifée de voir fa chermfe 33 relevée dans fon lit, la couverrure y 33 étant delfus , devoit bien être plus 33 fcandalifée de fe fentir des chatouil53 lements de cceur, & ad pudenda dolore affici & humore irrigarij ce qui devoit -js Ia porter a abandonner le P. Girard. Rép. Je n'en ai jamais eu connoif33 fance , Sc je ne faifois , pour lors, ss la différence des hommes & des fem33 mes, que par les habits. Interr. Vous 33 avez vu en vifion un homme Sc une 33 femme nuds; vous devez bien en cons3 noitrela différence. Rép.ïe ne le fcais «3 pas. Interr. Quand vous voyiez une «3 femme enceinte., cela ne vous faifoit33 il pas comprendre par oü les enfants ss fe faifoient. Rép. Je ne 1'ai jamais «feu. Interr. Votre'fimplicité Sc votre 33 ignorance font affecties; & vous êtes u également coupable du crime que J3 vous  de la Cadière. 385ft Vous prétendez avoir commis avec ï> le P. Girard : vous ne faites pas atj> renrio'n que, lorfque votre frère fut 53 rnarié 'avec votre belle-fceur, & qu'ils ■3» ont couché enfemble , c'étoit pour «3 quelque motif. Rép. Je croyois que ss le fimple coucber enfemble faifoic 33 faire les enfants. Interr. Ne craigniez33 vous pas de faire des enfants, quand 33 vous couchiez avec la ■Laugier; puif33 que vous croyiez qu'il n'y avoit point 33 de différence dans les fexes, & que 33 Ie fimplecoucher faifoit faire des en33 fants ? Rép. J'ai dit la vérité....... 33 Interr. Le P. Girard a-t-il conrinué 33 de vous voir pendant le carême ? Rép. 33II me vifitoit prefque tous les jours, 33 & demandoit a voir ma plaie du cóté; 33 il me touchoit une cóte que j'avois ssfoulevée, & un os appeilé Jlernum 33 qui étoit relevé de deux doigts, par 331'abondance des graces que je recevois 33 de Dieu ; & dans eet érat, lorfque le 33 père Girard me touchoit Ie fein, je » tömbois en extafe ; & , quand j'en 33 revenois , pudenda mea dolore affici » & humore irrigata fentiebam. Interr. 33 Pendant le carême n'alliez-vous pas 33 quelquefois a 1'églife des jéfüites ? js Rép. J'y allois quelquefois a une heure Terne II. R  %%6 Hijloire du "proces „ après-midi y le P. Girard , avant que « d'encrer au confeflionnal, fe mettoita ,5 genoux devant moi, qui y érois, me s? baifoic au vifage, & puis entroic.au » confelfionnal Jtód'r. Le P.Girard vous ,i vic-il dans votre extafe dans la fe» maine fainte ? Rép, Ma mère m'a dit „qu'il y avoit été. Interr. Senfiflï-ne3 » illd die 3 pudenda dolore affici & irri.» gata? Rép. Non, Interr. Comment fe v fait-il que , dans un remps ou vous „ receviez une fi grande faveur du ciel, „ que vous participiez 4 la Paflion de „ J. C. d'un aucre coré vous fufliiez en » commerce criminel avec le P. Girard, » fans que vos fens y participalfent ? on „ voit bien que vous ne vous fervez » de ces extases que pour couvrir votre u commerce avec le père Girard. Rép. n Non, j'ai die la vérité. « On voit, par ces aveux Sc par ces réponfes , qu'elle ne cherchoit pas a ménager le jéfuite : mais le lendemain 27, elle^changea entièrement de fyftême, Sc travaillaalaverle P. Girard de toutes les imputations dont elle 1'avoit chargé. On ne peut pas fe difpenfer de croire que cette variation étoit 1'ouvrage de la féduttion employée par les jéfüites; mais il eu; difficile de connoitre le  de la Cadière. 387 moyen qu'ils avoient employé. II femble que ce qui en fera dit dans la fuite n'eft pas aiTez fatisfaifant. On foutint que les commiftaires sétoient prêrés a cette fédudion, & 1'on crut en trouver Ia preuve dans la tournure qu'ils donnèrent a plufieurs de_ leurs queftions. On prérendoit y voir clairement qu'ils comptoient fur la réponfe qui vraifemblablement avoit été concertée. » N'étiez-vous pas contente , lui difent-ils, de la direc» tion du P. Girard ? Rép. Oui. Interr. » Ne vous a-t-il pas conduite, jufqu'3 « la fin de fa diredion , par les voies de » la plus haute perfedion ? Rép. Oui. «Interr. Lui avez-vous jamais reconnti » aucun amour charnel, & d'aurre vue » que celle de vous mener a Dieu ? Rép. » Je ne lui ai jamais connu d'autre vue , » que celle du defir de mon falur. Interr. » Ne futes-vous pas bien fachée quand >» le P. Girard celfa de vous confefter ? » Rép. Oui. « On prétendoit appercel voir qu'il n'y avoit ici d'autre but que de layer le P. Girard , & de faire dire jundiquement par Ia Cadière que c'eft lui qui a celfé de la diriger, fans y être contraint, ni par elle, ni par l'évèque. On fenc combien il étoit intérelfanr Rz  88 Hiftoire du proces Pour la caufe du jéfuite, de donner cette face a cette circonftance. 11 en réfultoit qu'il avoit été trompé , en prenant la Cadière pour une fainte \ que, par cqnféquent, il n'avoit point été complice des ftratagêmes qu'elle avoit joués pour fe donner cette réputation ; 8c qu'il avoit, de lui-même , quitté cette pénitente, dès qu'il avoit reconnu fon erreur. 'L'arrangement de ce fyftême eft cévoilé , ajoutoit-on, par 1'ordre même dans lequel fe font les queftions. L'interrogatoire s'ouvre par celle-ci j> Avez-vous lu les livres de fainte 5> Thérèfe & de fainte Catherine de j> Gênes ? Rép. J'ai lu la vie de fainte «Catherine de Gênes, que j'ai même j> achetée ; & j'ai lu le chdteau de 1'ame de fainte Thérèfe3 8c fes oeuvres. « ■Onfent l'affeclation de cette réponfe, ou elle nomme des livres fort peu connus pour faire voir qu elle étoit trés - verfée dans ce genre de leclure. » Interr. N'é»> tiez-vous pas touchée du defir d'é» galer ces faintes? Rép. Oui. « Tout de fuite on lui demande fi elle n'étoit pas contente de la direcftion du père Girard, 8cc. Ainfi on lui fait dire que .c'étoit la leóture des livres myftiques.  de la Cadière. 389 qui lui avoic tourné la tête, & infpiré 1'ambition de paffer pour fainte; lans que le P. Girard y eut d'autre part que le defir qu'elle fit fon falur. Mais, comment fe peut-il qu'ayant toujours été conrenre de ce directeur, & ne 1'ayant quitté qu'a regret, elle ait pris le parti d'inrenter contre lui une accufation fi grave ? II n'éroir pas naturel qu'elle chargeat fes frères de cette noirceur : les aureurs de la fédticlion avoienr prévu cette abfurdité, & 1'avoient fauvée. C'eft fur le P. Nicolas qu'on fait tomber tout 1'odieux : avec la même docilité que la Cadière fait les éloges du P. Girard , elle rejette toute fon accufrtion fur le carme. Après qu'elle eut accordé qu'elle avoit beaucoup regretté le P. Girard , on lui demande tout de fuite : » Quand eft-ce » que vous avez commence d'avoir des » foupcons fur la conduite du père Gi3> rard ? Rép. C'eft depuis que j'ai com» mencé a me confeflsr au P. Nicolas, jj prieur des carmes, Interr. Qui eft-ce » qui vous a donné le P. carme pour j> confeffeur ? Rép. M. l'évèque. Interr. » Vorre frère le dominicain ne vous 53 a-t-il pas dit, quelque temps aupa« ravant, Sc avant que vous fortiffiez R3.  39b Hijioire du procés „d'Ollioules, de le prendre pour di„ reóteur ? Rép. Oui, paree que mon frère le croyoit: honnère homme. « Cette demande & la réponfe font analogues au complot que les jéfüites avoient imputé au père Nicolas & aux Cadière. II avoic, difoient-ils , été concerré entr'eux, avant qu'on parlat a l'évèque ; cc on n'indiqua a ce prélat le carme , pour fuccéder au jéfuite , que quand toutes les batteries de ce complot furent arrangées. II éroit donc bien effentiel que la Cadière avouac que ce rdigieux n'avoit pas éré nommé du propre mouvement de M. de Toulon. On continue, 6V 1'on demande tout de fuite a la Cadière, » fi ce n'eft pas pat 331'infpirarion & le confeil du carme 33 qu'elle a intenté cette affaire ? Rép. Oui.« Cette réponfe parut apparemment trop laconique; pour en avoir une pluscirconftanciée, on revient a la charge peu de remps après. 33 Interr. Qui vous a 33 confeillé de former cerre plainre con33 tre le P. Girard ? Rép. C'eft le père 33 prieur des carmes; & il me 1'a fait 33 foutenir. Interr. Qui vous a fait fou33 tenir 1'accufation en avortemenr pro33 curé ? Rép. Ayant eu une perte de fang  de la Cadière. 30Ï » réellement, & 1'ayant raconté au père s> carme, il me dir qu'il falloit que je » me fulfe blelfée, Sc lui ayant dh que » le P. Girard m'apportoit quelquefois j> a boire de 1'eau dans une écuelle, le 33 carme m'avoit dit qu'il falloit que le 33 père Girard y eut mis quelque drogue »3 pour procurer un avortement. Interr. 33 Pourquoi a-t-elle parlé difFéremmenr 33 dans fon expqficion[ dans fa plainte ) ? 33 Rép. Le P. prieur des carmes s'étoit li 33 fort prévalu de fes foiblelfes, qu'il le 33 lui avoit perfuadé, & 1'avoir obligée ss de le foutenir comme une vérité.. . . 33 Interr. Ce qu'il lui difoic fur cette si affaire ? Rép. Qu'il falloit la foutenir. ss Interr. Qui lui dit de faire fon expo33 Jition? Rép. Le P. prieur des carmes 33 me dit de la faire conforme a tout ce 33 qu'il m'avoit perfuadé, que je croyois 33 alors vrai, ce que j'exécutai, Sc il » m'avoit dit d'y comprendre 1'avorte33 ment , Sc tous les autres chefs de 33 plainre que j'ai intentés. « Quant aux réponfes fur le fond de l'affaire, Ia Cadière ne conrredit pas les principaux faits articulés dans fa plainte, & dépofés par les témoins; mais elle les pallie amant qu'elle peut. Ce qui avoit d'abord écé donné comme R4  v&i Hijioire du proxès les effers de 1'obfeflion , eft attribtsé d fes jeünes longs tk fréquents , a ')a lec. ture de plufieurs livres qui lui faifoient. plaifir, tk a 1'exemple de rant de faints; dont elle vouloit imiter les verrus; rour cela , dir-elle, lui avoir fans doure faic voir des chofes qu'elle n'avoir réeüemenr pas vues , & qu'elle imaginoit voir. £lle rapprrte les ftigmates a 1111 fang ex.rrêmement échaufFé par. fes abftinenc.es , & a quelques maladies nariirelles qui donnoienr lieu a. fon. mal, Cependant le defir, ardent de recevoir ces faveurs de J. C. lui avoit d'autant plus facilement'perfuadé que ces plaies étoient miraculeufes, que le P. Girard, par fa crédulicé , le lui avoit entièrement perfuadé. II les regardoit cellemenc , dir-elle, comme une faveur du ciel, qu'il éroic venu. chez elle, les avoic voulu voir, tk fe. metrant a genoux & qtant fa calotre , il les avoit baifés aux pieds & au córé avec vénératión. S'il 1'avoic embraffée quelquefois , c'éroir chrètiennement, fai.ntement & avec la fimple affection que les directeurs ont pour leurs pénirenres. Une fois, en punition de ce qu'elle ne. voulut pas s'abandonner a une extafe, le P. Girard entra. dans fa chambre, feima  de la Cadière. 393 Ia porte , & lui dit que , puifqu'elle n'avoit pas voulu être revêtue des dons du ciel, il falloit qu elle fut dépoudlée-: alors il lui fit quitter fon man te au Sc fes jupes; Sc d'abord il la fit rhabiller fur le champ fans la toucher. Quelquefois, après que le Pi Girard avoit dk la mefte , il s'approchoit de la grille, ( c'étoit a Ollioules) & lui difoir, en rembraffant Sc lui préfenrant le cóté de 1'oreille : adieu , mon enfant. Si nonnunquam pudenda humore madida fenjity tinna effluvio laborabat; mais elle ne fentoit alors , ni douleur , ni plaifir. La liqueur que le P. Girard lui préfentoit, étok-elle rouge ? C'eft paree que,. comme elle faignok du nez , il y tomboit quelques gourtes de fang. En un, mot, elle n'avoit jamajs rien vu d'indécent en ce bon père ; il 1'avoit bien embraffee quelquefois , mais jamais il n'avoit pris, ni donné aucun baife? ; il étoit bien éloigné de rien exiger d'in— decent; On voit, par ce précis , que tous les faits de 1'accufation fubfiftoient toajours, Sc n'étoient palliés que par des défaites. Mais , dans la ftricte règle , cette variation ne pouvoit produke aucua . effet juridique. Elle avoit deux  394 Hijloire du proces objets; 1'un d'innocenter le P. Girard, ëc 1'autre de charger le P. Nicolas. A 1'égard de ce fecond objet, ce carme fe trouvoit accufé par la Cadière d'avoir tramé une calomnie dont elle avoit été 1'inftrument : mais'1'accufarion de la partie ne fert qu'a indiquer le crime Sc ne le conftate pas; il en faut chercher la preuve dans les informations & dans les aveux de 1'accufé. En fecond lieu , quand le crime eft prouvé, s'il eft de ceux qu'on appelle publics, comme dans le cas préfent, la partie ne peut difpofer.que de fon intérêr civil : il ne dépend pas d'elle de fa u ver 1'accufé par un défiftement de fa plainte, ou de cunniver avec lui pour effacer fon crime ; la pourfuite eft toujours réfervée au vengeur public. De ces deux principes, il fuir, i °. que, fi le P. Girard étoit criminel fuivant la procédure , la variation de la Cadière ne pouvoit pas le rendre innocent. iQ. Quand elle auroit pu 1'exempterde route pourfuite, la plainte n'auroir pas été pour cela calomnieufe ; 9'auroit été tout au plus un événement dont il auroit eu a fe féliciter; il auroit obrenu fon impunité ; mais Ia procédure qui auroit toujours prouvé Ie  de Ia Cadière, $ 'o J crime , auroit en même-temps écarté toute idéé de complot de la part du P.Nicolas. 30. Enfin la Cadière n'auroit pas pu accufer & convaincre tout a la fois ce carme; fon témoignage ne pouvoit pas avoir plus de force conrre lui, qu'il n'en avoit contre le P. Girard ; & fi la variation eur été permanente , elle n'auroit eu d'autre effet, que celui d'indiquer un nouveau crime, donr il auroit fallu chercher la preuve. A 1'égard du P. Girard, la variation de la Cadière ne pouvoit rien opérer en fa faveur. Avanr qu'elle altat a 01lioules , & lorfqu'elle y étoit, elle ne connoiffoit pas le P. Nicolas , il n'étort pas même a Toulon ; il n'avoir donc pu lui donner aucun confeil. Cependant elle fit alors confidence a trois témoins , des liberrés criminelles qu'elle a détaillées dans fa plainte. La Batarelle dépofe que la Cadière lui avoit raconté , avant d'aller au couvent, que ie père Girard appliquoit fon cóté contre le fien; qu'il lui baifoit le ftigmate qui etoit au delfbus du tetton ; qu'il lui avoic un jour fait faire Ie tour de fa chambre tout nue , comme N. S. avoit fait le tour du prétoire ; qu'enfuite il 1'avoit embralfée & carefiée, paree qu'elle avok R 6  3 9 6" Hljïoire du proces bien exéctué fes ordres; qu'érant a 01lioules, la Cadière lui avoir dit que le père Girard lui avoit donné la difcipline , &c. La dame Rimbaud , religieufe d'Ollioules , atrclte que certe fille lui avoit confié que le P. Girard avoit des complaifances infinies pour elle y qu'il la vifitoit dans fa maifon a Toulon , la faifoit metrre fur le lit, l'accommodoit. avec des carreaux , la careflbir, prenoit des libextés fur elle qu'elle ne lui expliquoic pas. La fceur Boyer, y7e témoin, Sc novice a la Vifitation de Toulon , dépofe que la Cadière lui avoit dit que le P. Girard porroit une plaie divine dans le cceur pareille a celle qu'elle avoir exrérieurement, Sc queTJieu demandoit que ces deux plaies s'unifient Sc fe touchalTènt; & qu'efFeclivement la fceur Cadière lui avoit dit qu'une fois le père Girard s'étant dépouillé le cóté, & la Cadière en ayant fait de même, ils avoient faic toucher leurs plaies. Elle lui difoit encore que , quand elle tomboit en extafe , Sc qu'elle en revenoir, elle fe trouvoit la tête penchée fur le bras du père Girard , qudqueftfis contre fa joue , Sc d'aucres fois appuyée fur fes ger noux.  de la Cadière-. 307Toutes ces dépofitions, qui contiennent des aveux formels faits dans un temps non fufpedt, avoient précédé la liaifon Sc même la connoilfance du père Nicolas avec la Cadière; elles contrebalancoienr donc au moins la variation. Quoi qu'il en foir, dès que ces réV ponfes eurent été rédigées, les commiffaires, par leur ordonnance du premier mars, réglèrent le procés a 1'extraordinaire a 1'égard du P. Girard Sc de la Cadière , fans prononcer fur ce qui regardoit le carme Sc las frères Cadière, qui n'avoient pas été interrogés, Sc qui étoient encore dans les délais. Après le récolement & la confrontation de quelques témoins , on fongea a profiter de la difpolirion oül'on avoit eu foin d'entretenir la Cadière. Elle fut récolée le 6 mars fuivant, 6c déclara qu'elle fe renoit a ce qu'elle avoit dit dans fes dernières réponfes, qui commencent le matin 27 février, n'y voulant rien ajouter, ni diminuet. A 1'égard de fes réponfes prifès avant cette époque , tant par les commiffaires, que par l'ofhcial, Sc de fa plainte , elle déclara qu'elle y renoncoit en ce qu'elles avoient de contraire avec fes dernières, comme lui ayant été  39$ Hifioire du procés perfuadées par le P. carme, fur le récit qu'elle lui avoit fait des manières innocentes & faintes que le P. Girard avoit eues avec elle, & a force de le lui dire, le lui ayanr perfuadé. Le même jour, la Cadière & Ie père •Girard furent confrontés. II falloit qu'il fut bien inffruit de la variation de la Cadière , puifqu'il dit d'abord quï/ n'avoit aucun fujet de reproche contre elle. II ajouta qu'il ne s'étoit jamais rien paffé que de très-pur & de très-modefte entre lui & la Cadière; qu'il la regardoït comme une fainte fille qu'il vouloit conduire d la perfeciion; & que .„ fans entrer-dans le détail de 'tout ce qui eft contenu dans les réponfes de la Cadière , fur quoi il fe rappor te aux Jlennes-3 il répond en rout de la pureté de fes intentionsj & de l'efprit de religion dans lequel il a parlé, écrit & agi. De fon cóté , elle dit que fes réponfes, a commencer du 27 au marin , & fon récolement contenoient vérité ; avouant n'avoir jamais rien vu dans le P. Girard que de très-pur & de trés- faint; répondant pareillement de la pureté de fes intentions. Malheureufement rour ce langage étoit démenti par les rémoins, par les lertres du bon père , & par fes propres aveux.  de la Cadière. 399 La joie que eet événement put caufer aux jéfüites, ne fut pas de longue durée. Quand on eut obtenu de la Cadière tout ce qu'on avoit défiré d'elle , on lui donna un peu plus de liberté. Elle en profita , & dès le 1 o du même mois, elle fit entre les mains des commillaires, une déclaration concue en ces termes : 3> Scavoir faifons, nous, 6Vc.... Cony> feiller & commiflaires, &c.... Ayant » accédé au monaftère des religieufes de s> Ste. Urfule de cette ville de Toulon , 33 pour continuer de procéder a la con33 frontation contre Catherine Cadière , 33 fille de Jofeph de cette ville , & y 3> étant, elle nous a requis de recevoir la 33 déclaration qu'elle prétend nous faire; >3 & après lui avoir fait prêter le fer33 menr, a dit qu'elle fe tient a fes pre33 mières réponfes faires devant 1'offi33 cial ; & a 1'expofition auffi par elle 33 faite pardevanr le lieutenant au fiège ss de cette ville , du 18 Nov. dernier, 33 comme contenant une vérité; ce qu'el»3 le auroit toujours foutenu jufqu'au zf 33 Février dernier du marin , jour au33 quel la fceur qui la fert, lui fit boire 33 du vin pur a jeun , qu'elle trouva falé 33 après 1'avoir bu ; ce qui lui étourdit 33 les efpritSé Et nous, étant arrivés dans  4tx) Hljloire du procés s> ce temps, pour continuer fon audl-» tion &c fon interrogatoire, Sc lui j> ayant repréfenté qu'elle feroit jugée 33 par des hommes qui ne croiront point 33 les faits extraordinaires qu'elle nous 33 racontoit; 8c qu'-ainii elle eut a nous 33 dire la vériré fimplement, 8c qu'elle 33 eut a nous découvrir le coupable ; 33 qu'elle étoit jeune ; qu'en ne nous 33 difant point la vérité, ellefe perdroir, 33 8c qu'on ne croiroit jamais , ni fes 33 miracles , ni fes obfeflions, ni fes 33 polfeftions, ni fes prophéties. Et que s3 ces remontrances , jointes a 1'effèt js du breuvage , l'ont portée a dire tout 33 ce qu'il y a de contraire, a ce qu'elle 33 ayoit avancé , dans fes réponfes du33 dit jour, dans fon récolement 8c 33 confrontation jufqu'a ce jourd'hui ; ssfoutenant 6c re.connoilfant la vériré 33 de fes premières réponfes faites dé»3 vant 1'officiai, & expofirion faite dé33 vant le lieutenant ; lefquelles con33 tiennent vériré ; révoquant tout ce 33 qu'elle peut avoir dit de contraire, 33 tant dans fefdites réponfes , récole33 ment & confronrarions; & que c'eft ss par crainte qu'elle a dit le contraire ss. a fes premières réponfes 6c expoÊ-^ «cions. «i  de. la Cadière: 40 T Le lendemain , on fe rranfporta a Ollioules, pour récoler & confrontec les religieufes de fainte Claire qui avoient été enrendues en rémoignage. Le iieur Pomet, greffier de 1'officialité , prit les devants , & forcit de Toulon a 1'ouvetture des portes de la. ville, nonobftant une pluie confidérable. 11 éroit chargé de deux lettres, 1'une adreffée aux Clariftes, pour les engager a fe rétracter dans leur récolemenr; & 1'aurre a k fupérieure des Urfulines d'Olr lioules , ou la Cadière devoit être enfermée pendant le féjour qu'il faudroic faire dans ce village. On recommandoit a cetre fupérieure de ne rien oubliec pour arracher de cetre fille une nouvelle rétradtation en faveur du P. Girard;, & de ne ménager, a eet effet, ni la févérité, ni même les mauvais traitementSj Quoiqu'elle ne füt pas décrétée de prife de corps, Phuiflïer , chargé dtj rranfporr, ne la quirta pas lé long de Ia route, &. la fit. efcorrer par quatre archers de la maréchaufiee. Arrivée. aux Urfulines , on Ia logea dans une chambre oü 1'on refpiroit une odeur infupporrable, & qui étoir aétuellement 0c.r cupée par une religieufe en démence, que. 1'qn en fit forcir : on lui dqnua  402 Hijïoire du procés pour tout meuble un peu de paille Sc une mauvaife couverture. Quand, pour les confrontations, il falloic transférer la Cadière du couvent des Urfulines a celui de fainre Claire , qui font aux deux bouts du village , 1'huiftier 1'efcortoit toujours. Le père Girard , au contraire , dont le décret étoit pareil au fien , étoit en pleine liberté, Sc fe rendoit par-rout ou il étoit appellé , fans aucun appareil Sc fans aucun cortège. Tous ces faits font confignés dans un acle proteftatif ', du i 5 mars , fait par la Cadière a Olüoules mtme, fous fignature privée, contrölé Sc fignifié le même jour au P. Girard , qui logeoit librement chez le vicaire de la paroiffe, Sc qui déclara qu'il ne vouloit y faire aucune réponfe. Cer acte , outre les trairs de perfécution dont on vient de pafier, remonte jufqu'a 1'origine de la variation , contre Iaquelle il conrient une proteftarion. II y eft dir que, quelques heures après qu'on lui eut donné un breuvage qui lui fir tourner la tête, les commilfaires enrrèrent dans le couvent des Urfulines de Toulon , & y reftèrenr depuis neuf heures du matin jufqu'a huit heures du foir-, fans en  de la Cadière. 403 fortir ; qu'elle fut fortement menacée de la queftion & autres peines, fi elle infiftoit a foutenir fa plainre ; & 1'on ajoutoit que, fi, au contraire, elle perfiftoir dans fa rétractarion , elle devoit être affürée qu'elle fortiroit du couvent au plutöt, fans qu'elle , ni fes parents fuffent punis; & qu'en ce cas, il n'y auroit que le P. carme qui pourroit fe retirer a Avignon, ce qui ne feroit pas un grand inconvénient pour fauver 1'honneur de la Sociéte. Ces violences, ces menaces & ces promelfes lui furent faites, tant par la fupérieure, que par d'auttes perfonnes , qu'elle nomtnera , dir-elle , dans la fuite; &, tant que cette perfécution dura, elle ne put voir aucun de fes parents , pas même fa mère. Elle ajoute que le fieur Pomet, greffier de 1'officialiré , ne faifoir paS difficulté , quand une parrie des témoins vouloit dépofer quelque chofe de grave conrre le P. Girard , de dire hauremenc qu'il n'étoit pas queftion de cela ; & on ne le rédigeoir pas par écrir. Elle détaille au furplus tous les fairs de fubornation , de violence & d'infidélité exercés pour compofer uneinformation favorable au jéfuite.  404 HIJloire du proces Le lendemain 16, elle reuera IeS mêmes proreftarions pardevanr le notaire d'Olliouies , affifté de deux rémoins. Dans cer acre , elle répète les meines fairs a peu prés que dans ie précédenr. Elle s'étoit déterminée a prendre ces précautions, fur ce que Me Aubin , fan procureur au parlement d'Aix , avoit requis extrajudiciairement les commiffaires de faire lire a la Cadière tous fes interrogatoires, de 1'entendre de nouveau, & de ia confronter auffi de nouveau avec le père Girard. II avoiê fondé cette demande fur ce que le monaftère des Urfulines de Toulon, oit la rétraólation avoit été faite , étoit fous la direófion des jéfüites, & principalement du père Girard, confelfeur acruel de la dame Guerin , fceur d'un jéfuite, & fupérieure de certe maifon-, fur le breuvage qu'on avoit fair prendre d cette fille, pour la priver de 1'ufage de fa raifon, 8c enfin fur la contrainte donr on avoit ufé envers elle. Comme elle fe trouvoit plus libre , il éroit jufte qu'elle fit ufage de cetre liberté pour rendre hommage d la vériré. Sur les conclufions du procureur-gésjéral, les commilfaires renyoyèrent la.  de la Cadière. 40'^ Cadière a fe pourvoir, au fujet de cette demande, pardevant ja grand'chambre, Cependant on mancevroit auprès des religieufes de fainte Claire, pour les déterminer a révoquer, au récolement, ce qu'elles avoient pu dépofer contre le P. Girard. On fir beaucoup valoir auprès d'elles la rétraótarion de Ia Cadière, fans leur parler des proteftations dont elle avoit été fuivie : on leur fit entendre que tous les témoins de Toulon avoient rétraété tous les faits qui alloienc a Ia charge du P. Girard. Elles furent inébranlables a toutes ces attaques; elles perfiftèrenr dans leurs dépofuions, & ajourèrent ce que, diton , legrefier n'avoit pas jugé a propos d'écrire dans l'information. E;i effet, leur récolement contient de nouveaux fairs très-elfentiels & très-graves contre 1'accufé. _ Les récolements & les confrcntations finis , la Cadière fut conduite a Aix , toujours accompagnée de 1'huiffier & de trois archers de la maréchaulfée. II fallnt coucher en route. On la dépofa au village de Roquevaire, dans le cabaret d'un nommé Jouve : la, Fouque , brigadier de maréchaulfée , s'appuya d'ordres fupérieurs pour cou-  406 Hijloire du proces cher claris la même chambre qu'elle ; ce qu'il exécuta; en forte qu'elle & fa mère qui 1'accompagnoit, furent obligées de pafter la nuit fans fe mettre au lit. Ce fait, qui arriva le 17 mars , eft configné dans une requêre qu'elle préfenta dans la fuite a la grand'chambre , &C dönt on aura occafion de parler. Arrivée a Aix , on 1'enferma dans le fecond monaftère de la Viiitation de cette ville. Trois ou quatre jours après, un jeune homme lui remit. une lettre anonyme congue en ces termes : » Je fuis roujours plus furprife , ma » chère , du procédé que tu tiens ; tu » continues d'apprendre au refte du » monde la fottife que tu as faite. 3) Attends-tu un arrêt définitif, pour »j te rendre encore plus odieufe aux >3 veux de tout un public ? La chofe a 33 'trop éclaté, me diras-tu : elle écla33 tera bien plus encore , fi tu ne prends .3 garde ; car il te feroit moins désho33 notable de terétracfter, que de perdre 33 ton procés. II faut être aurant de tes 93 amies que je le fuis, pour t'écrire 93 avec aurant de liberté. Je fuis, ma 33 chère , toute a toi. A Toulon , ce 33 16 mars 1731. Et au dos eft écrir: 33 d mademoifelle Cadière 3 aux pecues » Marles. A Ain. «  de Ia Cadière. 407 IJ efl: évident que les jéfüites étoient les auteurs de cette lettre, Sc de la perfécution que fouffroit la Cadière. Le jour de fa date , cette fille étoit encore a Ollioules, & n'arriva a Aix que le 18. Qui pouvoit alors fcavoir la retraite qui lui étoit deftinée, fi ce n'eft ceux niêmes qui 1'avoient fait marquer par les fupérieurs 3 Ces faits firent encore la matière d'un nouvel acfte de proteftation du 11 Avril. La Cadière, dès fon arrivée a Aix, interjetta appel au parlement du décret d'ajournement perfonnel prononcé Sc de la procédure dirigée contre elle par les commiffaires : elle appella d minima du décret d'alïigné pour être oui, rendu contre le P. Girard, pour le faire convertir en décret de prife de corps. Ses frères & le carme appellérent des décrets lancés contre eux. Elle appella enfuite incidemment comme d'abus de la procédure faite par Pofficial, a la requête du promoteur , Sc prit, en tant que de befoin , des lettres royaux en reftitution contre la variation qui lui avoit été extorquée. Ses frères & le prieur des carmes adhérèrenc k fon appel comme d'abus. Le zi Mars, le P. Nicolas fut in-  \ö% Hifiolre da proces terrogé. II avoic profité de la favèüE des délais, pour évicer cetce cérémonie d Toulon , paree que , difoic-il , les commiftaires s'écoienc vantés aftez publiquemenr de-lui faire craquer les os3 s'ils pouvoienc le tenir» Cec interrogatoire occupa quacre fcéances. Le 8 Avril, les récolemencs Sc confrontations des témoins étant achevés, il fut ordonné que les informations feroiencportées en la Cour; mais les jéfüites eurent le calenc d'empêcher qu'elles n'y fulfent lues. Le i 8 & jours fuivants-, la Cadière fut confrontée au carme Sc a fes frères. Elle protefta encore , en prélence du premier , contre fa variation , & les imputations donc elle 1'a» voic chargé. Elle en atrribua la caufe an breuvage & aux violences Sc menaces qu'elle avoic éprouvées, tanc de la part de la fupérieure, que d'autres perfonnes de confidération. Les deux frères Cadière furenc pareillemenc incerrogés , au commencemenc d'Avril, Sc confronrés a leur fceur. •Le i mai, la Cadière Sc fa mère adrefsèrenc encore une leccre a M. le chancelier. Elle eft inréreftaiice par les fairs qui y fonc mis fous les yeux de-ee chef de la juftiee. j> Monfeigneur >'  de la Cadière. 409 «Monfeigneur, nos aftlicVions aura gmentent tous les jours : fouffrez que w nous continüionsde vous adreifernos » plaintes ; c'eft 1'unique confolarion jj qui nous refte. Nous ne pouvons le » diilimuler, & nous ne le voyons que «> trop , que la réfolurion de juftifier »' le P. Girard va être confommée. On *> a affeóbé , dès le commencemenr de »> cette affaire, de négliger les preuves «> que 1'on avoit fous la main : rien de »j plus facile que d'éclaircir la vérité, » Ci on n'avoit pas voulu la cacher. Le u confelfeur avoit une troupe de pé«nitentes, toutes conduites par les »> mêmes voies; on n'avoit donc qu'a » les enfermer féparément & les en»» tendre. Mais on ne s'eft arrêré qu'a » celle qui a ofé foutenir fon accufam tion; les autres font en pleine liber» té; le féducteur les a tou'ours con»fe!fées, les confefte encore, & les » adminiftre fous main fans témoins : •» irrégularités mouftrueufes, dont on » ne trouvera jamais d'exemple. La pro» cédure, qui doit être impénétrable » aux parties, Sc fur-rout I 1'accufé, »> n'eft pourtant communiquée qu'a lui, j* comme il paroit par les objets (re»proches) qu'il a donnés contre M. Tome II. S  4ïo Hiftoire du proces » Giraud, curé de la carhédrale de Tou53 Ion (i). Nous fcavons même qu'ici j) les Jéfuires out eu une copie de touj3 tes les réponfes des décrérés, tandis 33 qu'on rejerre la requête oü nous de;3 mandions que la procédure füt lue 33 dans la chambre, afin que la demoi33 felle Cadière feroit encore ouïe &c 33 confronrée avec le P. Girard : mais 33 on craignit que les charges fulTent 33 connues d'un trop grand nombre de 33 juges. On compre déja les voix, & '3 on a vu, avec étonnement, enrrer ?5 dans la chambre des juges qui n'y 55 avoient pas paru de toute 1'année j 35 & plüt a Dieu que les chambres puf55 fent ètre toutes alfemblées, pour ju55 ger cette importanre affaire, ou que » du moins le roi permït a la grand« chambre d'aflbcier a fon jugement la (i) EfFeétivement, avant qu'a la confrontation de ce témoin au P. Girard, on eut lu a «et accufé la dépofition , il dit qu'il ne pouvoit fe tenir a cette dépofition , D'auiant qu'il y paroijfoit de l'affeBation d'étre allé rechercher fes pénitentes , pour les queflionner fur les manïeres dont il les dirigeoit, & leur faire dire des fentiments qu'il n'avoit pas. Cette dépofition lui avoit donc été communiquée, puifqu'il en pailoit fi fjavamment avant qu'on la lui eut lus.  dc la Cadière. 411 ss Tournelle! Les perfonnes commifes » a 1'inftruction de l'affaire , continuent 3» de monrrer leur partialicé a Toulon , » oü ils font retournés depuis peu de » temps, & d'oü ils vont revenir au 3> plutór. II nous fuffira d'obferver qu'on 33 a commence de confronrer les dé» crétés enfemble avant que de les con>3 fronter avec les témoins; de même 3s qu'ils avoient confroncé le P. Girard 33 avec la demoifelle Cadière, avant le 33 récolement de la meilleure partie des «3 témoins, de peur que les adverfai33 res du querellé(d.Q 1'accufé) ne fe pré33 valulfent d'une trop grande connoif33 fance des dépofitions; c'eft-a-dire, 33 qu'on nous dérobe même tous les 33 avantages que la juftiee nous accor33 doit. On nous fait craindre encore 33 que 1'on précipitera le jugement, fans 33 donner même aux Avocats le loiiir 33 de produire leurs mémoires, ni la 33 liberté de répandre dans cette caufe, 33 tout le jour qu'elle mérite. Daignez, 33 M. interpofer votre autorité, afin 33 qu'on fauve du moins les apparences 33 des régies, & qu'on n'óte ni le temps, 93 ni le moyen de fe défendre. Nous 93 voyons bien qu'il faut laifter la pu3j nition du crime a celui qui s'eft ré' S 2  412 Hijïolre du procés » fervê la vengeance 3 Sc qui jugera les J5 juftices. Mais fi 1'on veur, a quelque « prix que ce foit, blanchir le crimi« nel, que ce ne foit pas aux dépens » de 1'innocence. Nous avons 1'hon« neur d'être, Sec. « L'inftruótion ne fut entièrement confommée que le 6 Mai. On voulut brufquer un jugement, au moins celui de •1'appel des décrets Sc de la procédure. On manda, a eet effet, les avocats; mais ils n'étoient, ni avertis, ni préparés. M. le premier préfidenr défendit aux huifliers, par ordre, difoit-il, du miniftre, de laifïer enrrer qui que ce fut dans la grand'chambre , pour afïifter a l'audience , pas même les fils des préfidents Sc confeillers. Ces précautions étoient inutiles, perfonne ne comparut pour les appellants, & le 11 Mai, intervint arrêt par défautqui, les déclarant non-recevables dans leur appel, ordonna qu'il feroit palfé outre au jugement du procés. Le prieur des carmes & le P. Cadière comprirent facilement, par ces préliminaires , que tout fe difpofoit en faveur du P. Girard. Ils crurent devoir prévenir le coup dont ils étoient memcés, en fe mettant fous la protec-  de la Cadière. 415 tïon du röi Sc du confeil. Le 22, ils fiféric fignifier au procureur- général Sc au P. Girard une cédule évocatoire au confeil, & fe reridirent a Paris en pofte, pour folliciter leur affaire. Ils s'adrelfèrent a MM. Duhamel & Aubry, célèbres avocars. Tandis qu'ils examinoient la procédure, travailloient a rédiger un mémoire, Sc comptoienc que les délais requis leur donneroient Ie temps de mettre la dernière main a leurouvrage, le 11 Juin 1731, il parut un arrêt du confeil cfétat qui, fans s'arrêter aux cédules Sc évocations, qui furent déclarées nulles Sc de nul effet, ordonna qu'il feroic paffé outre, a Ia grand'chambre du parlement d'Aix , a la continuation de l'inftruótion Sc au jugement du procès-criminel; & ce nonobftant toutes cédules évocatoires fignifiées ou a fignifier, de quelque part que ce foit. Cet arrêt fut revêtu de lettres-patentes , qui ordonnèrent que pardevant M. le Bret, premier prélTdent, conjointement avec vingt-fept autres juges, tant préfidents en place, qu honoraires , confeillers honoraires & autres , il füt continué d'être procédé a Pentière inftrucfion Sc jugement du procés, nonobftant le temps des vacaS 3  414 Hijïoire du proces tions, qui commencenc a Aix le premier juillet. Ces lettres furent enrégiftrées le 20 du même mois. On avoit été préparé a eet événement par une lettre de M. le chanceiier a M. Faucon , 1'un des deux commiffaires, & dont on avoit affeóté de répandre grand nombre de copies. La voici :. » Monfieur, vous ne devez avoir au» cune inquiétude fur les adfes qui vous» ont été fignifiés dans l'affaire de la 33 nommée Cadière , & de fes co-ac« cufés. Votre réputation efl trop bien 3> étabiie pour craindre que leur témé* 33 rité puiffe y donner la moindre at33 teinte. La modération, le fdence &c 33 le mépris, font les feules manières 33 d'y répondre, & qui vous convien33 nent. Le Roi y fuppléera par fon au33 torité, pour vous mettre en état de 33 terminer promptement une affaire, 33 dont on ne fcauroic trop tót faire 33 ceffer le fcandale. Je fuis , Monfieur, 33 votre très-affeótionné ferviteur, d'A33 guesseau. A Fontainebleau , le 10 33 juin 1731. « L'arrêt du Confeil fut bientót fignifié , & fins donner le temps aux deux religieux de revenir de Paris, on fit plaider fur les appels. La Cadière avoic  de la Cadière. 41 5 eu beaucoup de peine a trouver un avocat. Après avoir inutilement offert fa défenfe a plufieurs du parlement d'Aix , elle s'adreffa a M. Chaudon , qui la refufa comme les autres, tk qui fut enfin obligé de s'en charger comme fyndic, fuivant la police de ce barreau. Avanc de rien faire contre 1'accufé, il fit propofer aux jéfüites , par M. de Monval , confeiller en la cour des aides de Provence, d'éceindre, par un arrangement, la mémoire d'une affaire fi odieufe. Ils refusèrent, tk répondirent que c'étoic moins l'affaire du P. Girard, que celle de la fociété , tk qu'ils vouloient un arrêt. Cette réponfe , qu'il regarda comme une preuve non équivoque qu'ils avoient réfolu d'opprimer 1'innocence èc de faire triompher le crime, lui fit dire, qu'en qualité de fyndic , il fe chargeoit de la défenfe de cette pauvre fille opprimée ; & qu'aux dépens de fa vie, s'il éroit néceffaire, il défendroit fon innocence , tk emploieroit pour cela toute la force tk la liberté de fon miniftère. II propofa cinq moyens d'abus contre la procédure de 1'official. i°. Le tranfporr de 1'official chez la Cadière', qui étoit une perfonne laïque S 4  4-16 Hijlaire du proeès non jufticiable de 1'ofEcialité, étoir une entreprife & un attentat fur la juftiee royale. ; 2°- L'official avoit commence fa procédure par les inrerrogaroires, qu'il avoit fair fubir a la Cadière, contre la difpofition des ordonnances & de 1'ordre judiciaire, qui veulenr que 1'inrerrogatoire foir procédé d'une informatici). 3°. Le promoteur, dans fa plainte , avoit compris implicitement la Cadière , par ces mots, pour faire punir les coupables, 4°. Le promoteur n'avoit en poue ■ but , dans fon information , que de procurer au P. Girard des faits jufti, ricatifs. 5°. Le dernier moyen d'abus enfin étoit fondé fur 1'oppreffion que l'official & le promoteur avoient exercée conrre la Cadière. II reprochoit pareillement cinq nullités a la procédure faite par les deu$ commiffaires. i °. On avoit obligé la Cadière a ré* pondre dans le temps qu'elle étoit encore dans les délais , & fans que rien conftat.at qu'elle avoit renoncé a ces, délais.  de la Cadière. 417 20. Le procés avoir été régié a 1'extraordinaire par deux jugements differents. Or cette fciftion d'un-procés en deux , efl une contra ven tion aux ordonnances. 30. La confrontation de Ia Cadière avec le P. Girard fut faite avant que tous les témoins euffent été récolés tk confrontés ; ce qui efl contraire a 1'ordre judiciaire. La confrontation de 1'accufé avec 1'accufateur a été introduite pour éclaircir ce qui peut refter de douteux après le récolement tk la confrontation des témoins. II peut furvenir de nouveaux faits & de nouvelles charges fur lefquels il faut qu'ilss'expliquent en préfence 1'un de 1'autre. 4°. Les témoins confrontés aux frères Cadière , avoient été récolés avant que !e procés eut été réglé d fextraordinaire d leur égard. 50. De foixante tk quinze témoinsqui chargeoient le P. Girard , on ne lui en avoit confronté que trente-fept pour órer a la Cadière la preuve qui réfultoic des dépolïtions des autres. Quant aux lettres de refcifion , on fourenoit que, dans le cas oü ellesferoient jugées néceffaires pour rétablic Ia Cadière dans fes droits, on n'ens  4ï§ Hijïoire du procés pouvoit. pas refufer 1'entérinement, i°. Paree que fa variarion n'étoit que 1'effet des violences & menaces faites. a cette fille encore mineure, deftituée de tout confeil & de tout appui, &c détenue dans un lieu oü elle n'avoir. aucune liberté. 2.0. Les auteurs de cette variation étoient défignés d'une manière a ne pouvoir pas être méconnus, foit par la révocation du 18 mars, foir par tous les aótes proteftatifs qui 1'avoient fuivie ; foit enfin par fa confronration avec fes frères & avec le carme. 30. II ne faut que comparer cette variation avec ce qui a précédé &c fuivi , pour fe convaincre qu'elle étoir le fruit de la violence &c du menfonge. Quatre avocats employèrent tour a tour plufieurs audiences oü perfonne ne fut admis. M. Chaudon fur-tout porta la liberré de fon miniftère jufqu'oü elle put aller, fans palfer les bornes. I.es Cadières,, peu accourumés a fe voir rendre juftiee, craignoient qu'on ne laiftat pas plaider les avocats, des abfents , les PP. Cadière & Nicolas. Mais, comme on preftoit extrémement les audiences, M. de Gaufridy, avocat-général a fic entendre qu'il ne  de la Cadière. 4fc/ ieroic en état de porter Ia parole que vers le 20 juillet; ce qui obligea de fouffrir que les défenfeurs des deux religieux parlaffent; paree que, fi leurs elients étoient arrivés dans 1'inrervalle, on n'auroit pas pu leur dénier 1'audience ; & alors on auroit augmenté les longueuts qu'on vouloit éviter. Le 19 juillet, pendant le cours de la plaidoierie de M. 1'avocac-général, M. d'Efmivi Moiffac, confeiller , rapporta a la grand'chambre une requèce de la Cadière, par Iaquelle elle récufoit MM. de 1'Eftang tk de Mons, confeillers , pour des difcours tenus publiquemenr, dans lefquels ils avoienc ouvertement oublié leur qualité de juges. MM. Faucon tk Charleval , commiffaires , qui ne pouvoienc êire* juges de 1'appel de leurs propres cécrets , s'imaginèrent qu'ils pouvoienc 1'être de eet incident en récufation. Ils allèrent, a eet effet, prendre leurs places. Le premier diïputa même i M. de Moilfac le droit de rapporter la requête; mais il fuccomba; tk s'étant clevé quelques conteftations fur le droit qu'ils prétendoient avoir d'opincr, M. Aubin , procureur de la Cadière j, faifie ce moment pour fair© &&  4io Hiïioire du proces paffee une leconde requete qui réculbi'tr les deux commiffairés ; ils furenc ea effet exclus.de ce jugemenr. A 1'égard des deux premiers récufés , on les adinic a opiner , en conféquence du déni, qu'ils firenc des difcours qu'on leur reprochoic, & donc plufieurs magiftrars. alors préfencs avoient cependanc écé; témoins., M. de Gaufridy paria avec la force: & la dignicé qui conviennenc a fa place.. Le quiétifme écoic, felon lui, le principe de tous les crimes du père Girard.. U en prir la définition dans Molinos, & dans M. de Fénelon. 11 la rapprocha des lettres & des aótions du père Girard , réfulcanr de la procedure. IL baccic ce nouveau myftique avec les armes du grand évèque de Meaux. 11 compara non-feulemenc la doctrine , mais les perfonnes du P. Girard &. de Molinos, & diffipa entièrement les préjugés de 1'excérieur & de la répucation. La fainte, de M. de Languet, Marie a. la Coque, dirigée par le P. de la CoIqmbière, jéfuite, la fainte de NL de Marfeille, la fceur de Remufat, diïigée auffi par le père Girard , furent Bjjfes fur les rangs pour figurer avec la fainte, de, M, deToulw*. Le Magiftrat  de la Cadière. fit voir qu'elles venoient d 1'appui 1'une de 1'autre. 11 déplora 1'aviliflement de la piété, & tacha d'infpirer aux juges. une fainte indignation contre 1'efpèce. de fanatifine qu'un pareil abus de la. direction introduifoic dans 1'églife. 11 convainquir le jéfuite de quiétifme d'incefte fpirituel & d'avortement. Ce magiftrat paffa enfuite a l'examen de 1'appel comme d'abus. 11 fit voir que la procédure faite par 1'official , d la: requête du promoteur , rendoir d fournir au P. Girard des faits juftificatifs , & qu'elle étoit abufive. II fit deux clalfes des moyens d'abus qui avoient été propofés par les avocats. Les uns étoient fans fondement; les autres étoient fondés , & intéreffoient fon miniftère dansun temps oü 1'on doit avoir une attention toute particulière a renfermer la jurifdiétion eccléfiaftique dans fes véritables bornes. Ceux-ci étoient au nombre de trois. 1, Le verbal d'accedit (1'interrogatoire fabi par Ia Cadière dans fa maifon pardevant 1'official) étoit abufif. II étoit. fait en jurifdiótion contentienfe fur la requifition du promoteur, comme il eft prouvé par le piocès-verbal mème.. D'ailleuEs, quand. il auroit éce fait en  4.12, Hijloire du procis jurifdiótion volontaire, il renfermeroïe un autre moyen d'abus ; on auroit porteen jurifdiétion volontaire ce qui n'aoroit du & pu être traité qu'en jurifdiótion contentieufe. Mais, dès qu'il eft conftant que ce procés-verbal a été drefte en jurifdiction contentieufe, il s'enfuit néceftairement qu'il eft abufif. i°. Paree qu'il n'a pu être drefte hors du prétoire : le juged'églife n'a point de territoire , Sc ne peur exercer fa jurifdiótion que dans 1'étendue de fon audiroire. Ainfi jugé par arrêt du parlement d'Aix, du i 5 juillet 1671, rapporté par Boniface , dans fa feconde eompilation ,.tome 1, liv. 5, rit. 3 , cli3p. j„ 2Q. En fuppofanr même que 1'official eur pu faire des defcenres dans 1'érendue du diocèfe, ce ne feroit jamais que dans les églifes, tk non pas dans la maifon de la Cadière , qui eft une perfonne laïque ; autremenr ce feroir foumerrre les fujers du Roi a la jurifdiótion eccléfiaftique, a Iaquelle ils ne font pas foumis. j°. 11 paroic que ce procès-verbaf n'avoit été drefte qu'en vue d'eff'acer les crimes qui pouvoient être impurés au père Girard, tk faire retomber fiic  de la Cadière. 42-3; la Cadière, qui n'éroit pas jufticiable du juge qui 1'avoit drelTé, le corps du délit. Enfin la préfence du promoteur a 1'interrogatoire, éroit encore un autre abus. Cette afiiftance étoit conltatée par fa fignature. Or il étoit partie , puifque c'étoit a fa requifition que eet acte s'étoit fait: ce qui étoit encore un autre moyen d'abus, comme 1'obferve Févrer, liv. 8, chap. 3 , n. 12, paree que le promoteur tenant lieu de partie publique, ne peut pas faire, en meineten-) ps , deux fonctions incompatibles, de juge & de partie. II. La plainte du promoteur parois avoir eu pour objet de foumir des fairs juftifnarifs au P. Girard. Quatre raifons appuyoient ce moyen. i°. L'aétion criminelle ne peut réfider en même-temps fur deux parries principales \ fcavoir y la partie publique, qui eft le promoteur , & Ia parrie civile , qui étoit la. Cadière. Dès que la partie civile avoic porré fa plainre , le promoteur devoit fe délifter de la fienne, & ne plus admin iftrer aucun témoin. 2°. Les témoins entendus a la requête du promoteur avoient été fubornés. II fic hear.coup valoir la leccre de la dame de  414 Hifioire du proces Cogolin , rombée , cfit-iF, comme par , miracle, entre les mains de la Cadière & les effets qui en réfultèrent. 3 0. Ces témoins n'avoient dépofé qu'en faveur du P. Girard. 40. Ils avoient dépofé fur des faits qui n'étoient point contenus dans la plainre. III. Ce moyen d'abus éroit fondé fur 1'oppreffion. M. 1'Avocat-général en établit la preuve., ip. fur la defcenre de 1'official dans la maifon de la Cadière : 2°. fur la qualité des interrogatoires qui furent faits a cette fille : 3 °. fur la fitbornation des témoins-: 49. les fauifes démarches du promoteur , de 1'official &c de tous les miniitres eccléfiaftiques : 50. fur les aveux fairs par la Cadière. II finit en rappellant aux juges leur qualité de chrériens; & leur défignant 1'image de }. C. cruciffé, expofée fous leurs yeux , il les conjura de fe föuvenir que 1'auteur de Ia religion , le Dieu des vengeances , celui qui juge les juftices, étoir préfent' a- leurs dél'ibérations ; que c'étoit ici fa caufö , puifquil s'agilfoic de punir 1'a fcandafeufe profanarion de nos faints myftères. Cependant voici les conelufions de.  de la Cadière. 42^, eet avocat-général : » Nous eftimons. » qu'il doit être dit n'y avoir abus en jj la procédure de 1'official de Toulon y 3) qu'au moyen de ce 1'appel limple de ss la procédure fera mis au néant : or~ >j donné que ce dont eft appel tiendra »3 & fortira erfet. Nous requérons néan53 moins que les témoins qui n'ont pas » été confrontés au frère Girard, lui fe55 ront inceflamment confrontés : 8c js quant a 1'appellation des décrets, que. 33 celle d minima du décret rendu con33 tre le frère Girard, jéfuite , celle du 33 frère Nicolas, prieur des carmes de 35 Toulon , 8c celle du frère Etienne33 Thomas Cadière , dominicain , & ce 33 dont eft appel feront mis au néant33 quant a ce , &; par nouveau juge33 ment, ils palferont tous trois le gui35 cher; & quant aux appellations des 33 décrets rendus contre Francois Ca35 dière & Catherine Cadière , elles fe55 ront mifes au néant, 8c ordonné que 55 ce dont eft appel riendra 84 fortira. 33 effet. Nous requérons 1'amende def55 dites folies appellations au profit du ss Roi; les lettres royaux de reftitution 35 de ladite Catherine Cadière feront 33 joinres au fond & principal, pour , 3? eu jugeant le procés, y avoir tel égarcï  426 Hljïoire du procés » que de raifon. Nous requérons néan» moins que les nommées la Batarel, » la Laugier & la Guiol, la Gravier , » la Réboul & les Allemandes, mere &c n fille, feront prifes & faifies au corps, » menées & conduites dans les prifons » royaux, & féparées, & même dans » des prifons empruntées , telles que » le refuge ou autres, pour y être dé» tenues jufqua ce qu'autrement foir » die & ordonné. « Après l'efquiffe que 1'on vient de tracer du plaidoyer de ce magiftrar , on ne devoit pas s'attendre a de pareijles conclufions de fa part. Pour concilier cette contradiction apparente, il faut fcavoir que , faivant 1'ufage duparlement d'Aix , les conclufions , même dans les affaires de plaidoierie , fe prennent au parquet a la pluralité des voix ; & ce parquet eft compofé de cinq perfonnes, trois avocats Sc deux procureurs-généraux : enforte que Pavocat-général, qui porte la parole , eft obligé de prononcer a 1'audience celles qui lui ont été dicties : mais, comme il eft le maïtre de fon plaidoyer, il arrivé quelquefois qu'il parle d'une manière toute oppofée a fes conclufions ; c'eft ce qui arriva en cette occafion.  de la Cadière. 4.17 M. de Gaufridy avoit été d'avis de déclarer gbufive la procédure faite par 1'official de Toulon , de convercir le décret d'affigné pour être oui du père Girard en décrer de prife-de-corps, & d'entériner les letrres de refcilion prifes par la Cadière. Les deux procureursgénéraux embrafsèrenr 1'opinion contraire , & attirèrent dans leur parti M. de Gueydan , avocat-gcnéral; enforte que les conclufions pafsèrent de trois voix ccncre deux. M. de Gaufridy , qui avoit appuyé fon opinion fur des raifons , demanda aux autres quelles étoient les leurs, afin qu'il püc les mettre en oeuvre dans fon plaidoyer. lis dirent qua 1'égard de 1'abus & des nullités dans la procédure de 1'official, dans des affaires graves, on ne devoit pas y faire attention. A 1'égard des décrets , pour le mérite defquels il fallut entrer dans le fond des charges & de la procédure , ils alléguèrent que W feuls aveux du père Girard fufhïoient pour prouver fon innocence. Dans une feconde conférence du. parquet, il fur arrêté que 1'on conclueroit au décret de prife-de-corps contre les ftigmatifées du P. Girard ; ce qui palfa, paree que M. de Gueydan fe dé-  42.8 Hifloire du proces tacfta s fur eet objet, des deux procureurs-généraux : fur quoi M. Ripert de Monclard , procureur-géuéral , (i) entra dans une efpèce de fureur, &c dk que s'il avoit prévu le coup , il ne fe feroit ps rendu a la conférence. EnfinTarrêt fut prononcé le 30 juillet. On fut trois heures & demie auxr opinions. Ceux qui , pour fauver le P. Girard , vouloienc que la procédure del'official füt confirmée s n'alléguoient aucunes raifons pour en défendre la validité. Trois de fes parrifans, frappés cependanr de 1'abus commis par les commiffaires, en fe bornant a décréter un accufé de crimes fi graves d'un fimple ailigné pour être oui, osèrent propofer dé convertir ce décret en ajournement perfonnel. Mais ayant auffitót fait atrention qu'ils auroient par-li" donné atteinte a la procédure des deus eommiffaires , leur auroient par conféquent oré la faculté de juger le fond, Sc privé les jéfüites de deux voix affurées, ils revinrent fur leurs pas. Le (1) C'eft vraifemMablement le père de celui qui pofsède aujourd'hui la même charge-. 11 ne paroït pas que ce père ait cranfmis a foa Éls le zèle qu'il avoit pour défendre les jéfüites opprefleurs.  de la Cadière. 429 •premier préfident ouvrir l'avis de confirmer la procédure , de rènvoyer au jugement du fond la contromarion des trente rémoins Sc les décreis contre les ftigmatifées, Sc de débouter la Cadière de fes lettres de refcifion contre fa variation. Cet avis fut fuivi de M. le préfident de Piolence qui, pour un magiftrat francois, Sc qui avoir exercé avec honneur les fonctions d'avocatgénéral, avanca une maxime bien fingulière. II dit que , fi un Prêtre avoit affalfiné un de fes domeftiques, il trouveroit bon que 1'official fit une defcente dans fa maifon , pour informer du crime. Cette propofition fut appuyée des fuffrages de MM. de Montvallon (1) Sc de Mons, confeillers, qui adoptèrent l'avis propofé par M. le premier préfident. Prefque tous les juges qui prirent ce parti, déclarèrenr leur opinion par ces termes précis & commodes : Je (1) C'eft le même qui , dans fes mémoires préfentés au Rei par M. fe préfident d'Eguillc Sc par M. de Montvallon , confeiller - clerc , fils de celui-ci, contre les arrêts Sc arrêtés dc leur compagnie , au fujet des conftitutions des jéfüites', eft défigné comme agé de 8ƒ ans, & comme étant le plus fage , le plus fqavant & ie plus fidele magiflrat du royaume.  430 Hi/toïre du procés fuis de l'avis de M. le premier préfident. Tels finent M. le préfident d'Efpinoufe, M. d'Effienne, confeiller honoraire, 6c M. de Vallabres, confeiller, avec MM. de Meyronet, qui étoient coufins. M. Paul de Meyronet étoit confeiller' honoraire, 6c n'étoit pas entré au palais depuis plufieurs années. II s'y rendit, pour donner fa voix au P. Girard, le jour même qu'il avoit fait fcavoir la mort de fa belle-fille, 6c il opinoit dans le temps que 1'on recevoit chez lui les compliments de condoléance. M. le préfident de Maliverny fut d'avis qu'il y avoit abus dans la procédure de 1'official, 6c qu'il falloit décréter ce juge prévaricateur. M. Grimaldy de Réguffe opina a fon tour. Son avis devoit avoir d'autant plus de poids, qu'il jouiflbit d'une réputation entière, foutenue d'une expérience de plus de 3 5 années partagées entre les fonótions d'avocat-général, qu'il avoit exercées long-temps avec éclat , Sc celles de préfident a mortier. II ne devoit pas d'aiiieurs être fufpect aux jéfüites , dont il avoit toujours été 1'ami : il avoir en outre de grandes liaifons avec les families Duluc 6c d'Efpinoufe, dont il étoit parent j & c'étoit a la fol-  de la Cadière. 431 licitation de la dernière , qu'il s'étoit porté juge dans cette affaire ; on avoit compté acquérir, par-la, une puiffiinte protection au P. Girard. Ce magiftrat paria pendant plus d'une demi-heure. 11 diftingua la procédure de 1'official de celle du lieutenant-général de Toulon : il détailla les abus de la première, &c £t voir que ce n'étoit qu'une récrimination qui ne pouvoit pas contre-balancer la procédure du juge laïque. 11 repréfenta que le parlement n'avoit droit de juger cette caufe, qu'a raifon des cas privilégiés; qu'il ne lui apparrenoit pas de connoitre des imprudences des religieux, dont la punition étoit réfervée aux évêques & aux provinciaux; qu'il falloit donc d'abord juger fi le P. Girard, accufé de crimes capitaux, étoit coupable ou non, avant que de faire droit fur la récrimination & fur les charges qui paroiffoient contre les PP. Cadière tk Nicolas. II découvrit plufieurs vices dans la procédure des commifTaires : il paria de 1'injuflice qu'il y auroit de confondre 1'innocente avec les coupables, en les mettant tous en prifon. 11 ajouta qu'il ne s'éloigneroit pas de l'avis de ceux qui avoient opiné avant lui, s'il ne s'agiffoit que  432- Hijioire du proces d'adoucir la peine que méritoit le cóupable \ mais qu'il ne pouvoit, en hon-* neur öc en confcience, conhrmer une procédure qui fourmille d'abus , ni conrribuer a punir des innocents; 8c la difpoficion ou il voyoit les efprits, lui fit dire que le carme, qui n'étoit pas encore de retour de Paris, feroit bien fot de fe mettre en prifon. Ce magiftrat avoit mis les motifs de fon opinion dans un fi grand jour, que ceux qui 1'adoptèrenr, crurent devoir fe difpenfer de donner de nouvelles raifons. Ces juges furent M. lepréfident de Maliverny ; & MM. de Peirolles, de Montvert, de Nibles , de Ricard , Blanc, Leveaume , de Galice , de la Boulie 8c de Moiffac , confeillers. M. Blanc ajoura néanmoins qu'en refufant de décréter les ftigmatifées, pour ne pas enlever au P. Girard les rémoignages avantageux qu'elles lui avoient donnés par leurs dépofitions,. c'éroir un piège , ou la preuve d'un doublé poids & d'une doublé mefure, puifqu'on n'avoit pas laiffé de décréter le carme , quoiqu'il eut été enrendu en rémoignage , & que fa dépofition eut été favorable a la Cadière. Comme  de la Cadière. 43 3 Comme il étoit évident que la procédure avoit éré communiquée, M. de Galice propofa de faire informer contre celui qui avoir éré auteur de cette infidélité. Ce fut avec beaucoup de peine que M. le premier préfident alla aux opinions fur eet objet ! il avoit, depuis peu , découvert le myftère , qui ne i tournoitpas a l'avantage des jéfuites.Cel pendant plufieurs juges imaginant que : cette informarion feroit avantageufe a : ces bons pères , furent d'avis de 1'ordonner : mais M. le premier préfident, : qui comptoit déja quinze voix, interrompic le cours des opinions, & demanda inftamment de remettre ï un autre jour la décifion de eet incident, qui étoitinutile a préfent; on le refufa, & il fut obligé de retourner aux opinions par deux fois. Ce ne fut qua la troifième qu'il parvint a fe procurer Ia pluralité, pour rejetter cette information. Les parrifans du P. Girard eurent cependant bonte de le laiifer chargé d'un fimple affigné pour être oui : mais, : comme on n'ofoit toucher a ce décret' 1 par les raifons qu'on a dites il y a un 1 moment, on trouva un expédient forc fingulier; ce fut de le faire mettre en Tome II. X  434 Hiftoire du proces prifon , fans toucher a la nature de fon décret; Sc 1'on crut couvrir cette fingularité par la tournure de I'expreffion, en ordonnant qu'il pajj'eroit le guichet. Par cette démarche, on appaifoit un peu le public, indigné de la différence qu'il voyoir mertre entre 1'accufatrice Sc 1'accufé. Mais les amis des jéfüites ne confentirent a cette complaifance, qu'a la charge que la même chofe feroit ordonnée a 1'égard du jacobin Sc de la Cadière. Enfin voici 1'arrêt qui intervint, le 30 juillet 1731, a la pluralité de treize voix contre dix. 35 La Cour , oui le pro3j cureur-général du Roi... a déclaré 33 n'y avoir abus en la procédure faite 33 par le vicaire-général Sc 1'official en 331'Evêché de Toulon ; condamne 1'ap99 pellante eh Tarnende de 75 livres. 33 Et fans s'arrêter aux lettres royaux de 33 reftirution impétrées par Catherine 33 Cadière, dont elle eft déboutée, a 33 mis Sc met les appellations de la 33 procédure Sc des décrets au néant; 33 ordonne que ce dont eft appel tiendra 39 Sc forrira fon plein & entier effet, Sc 93 qu'en 1'état il fera paflé outre au juge99. ment du procés ; condamne les appel»s lants chacun en Tarnende modérée a  de la Cadière. 43 » ti livres. ©rdonne néanmoins que » lefdits J. B. Girard, jéfuite, Erienne» Thomas Cadière , dominicain , Ni» colas de S. Jofeph, carme déchaulfé, » & ladite Catherine Cadière , pajjeront » le guichet ; 8c fur les requilitions » verbalemenc faites par le procureur» général du Roi , ordonne qu'en ju» geant le fond & principal, il y fera » pourvu s'il y échoit. « Par un arrêté joint a 1'arrct, il fut ordonné » qu'inhibitions 8c défenfes » feroient faites aux patties & a leurs » procureurs , d'impérrer des lettres » royaux de reftitution contre les aveux » faits par les accufés, 8c que la pré» fente délibérarion feroit nocitiée aux " fyndics des procureurs. « Dès que 1'arrêr fut prononcé, le père Girard fut conduit en prifon , a la vue de plus de deux mille perfonnes affemblées dans la falie du palais, oii il paifa. II fut accueilli par un applaudiifement univerfel. Le P. dominicain fuivir de prés, & la confternarion fuccéda aux démonftrations de joie que I'emprifonnement du jéfuite avoit excirées. Le valet de M. Pazery, avocat du père Girard, monté fur un banc , s'avila de battre des mains, tandis que le père Ta  «4'3'tJ "Hijlolre du protès Gadicre paffoit : mais ion zele pour les jéfüites penfa lui corner cher : il fut dans 1'inltant pris par les pieds, traïné dan-s la falie, & 1'on vouloit le jetrer par le balcon. Un aecueil fi différent faivït les deux religieux jufques dans la prifon; le jacobin n'y recur que des marqués de refpect & d'efHme , & Ie P. Girard que des injures ■: les prifonniers fuyoienr celui-ci, en 1'appellant fc-clérat, diable3 forcier. M. le procuxeur-général (i) fe tranfporta le foir aux prifons , pour appaifer ce rumulte, & menaca du cachot ceux qui s'écarteroienr du refpect dü au révérend père. •La nouvelle de la confirmation de Ja procédure, qui annoncoit ce qu'on devoic attendre du jugement définitif, remplit de deuil toute la ville d'Aix. Les compliments que recurent de toutes parts les juges qui avoient,opiné contre 1'arrêt, donnèrent quelque confolatkm aux perféeutés , & firent perdre aux (r) Ce procureur-général étoit M. Boyer d'Argens , père du marquis d'Argens , & da ■préfident d'Eguiüe , qui vient de dénoncer au Roi la moitié du parlement d'Aix , & plufieurs iparlgments entiers comme coupabks du crims de lèfc-maj.cllé , pour avoir déclaré abufives Jes conititutions des jéfüites , qui autor.ifent ia pratique de ce même crime.  de la Cadière'. 4'ff ^éTuites beaucoup de leur triomphe,. M. de Réguffe fut regardé comme Ie Ptotedeur & }e père des inforrunés. M. le premier préfident eur, deux jours apres 1'arrêt, une attaque d'apoplexie qui, avant cette affaire, auroir extrêmemenc allarmé toute la province; mats elle n'artriffa que les jéfüites Sc eeux des juges qui éroienr leurs amis-. La Cadière ne paffa poinr le guichet, comme 1'arrêt le portoit • on la laiffa dans le couvent ou elle étoit retenue par les ordres du Roi : mais M. le procureur-général d'Argens placa dans fon parloir, un cavalier qui n'en laiffoit approcher que fon procureur , & eu \nt?[^°n VennéQ même a fa mère Sc a I abbé fon frère. . COTme , retenu a Paris par une rhdifpohtion trcs-douloureufe , en parrn avec un péril évidenr de la vie, Sc arnva a Aix le premier jour d'Aoüt • eeux qui avoient pubiié qu'il fe garderoit bien de paronre , en furent déconcertés. 11 avoit éré délivré", a une demi-journée de certe ville , de deux pierres qui s'éroient fondues : malgré ce foulagement, il étoit accablé des jatlgues du voyage & du mal. Ses confrères demandèrent, pour lui, quelques T3  438 Hljloire du procis jours de repos a M. le premier préfident , qui les renvoya au procureurgénéral. M. d'Argens , a qui ils s'adrefsèrent, eut bien de la peine a leur accorder rrois jours. Ce terme expiré, il manda Ie prieur des carmes d'Aix, fe plaignit de ce que le P. Nicolas ne s'étoit pas rendu en prifon , &c menaca de I'envoyer prendre par des archers. Certe menace dérermina ce malheureux infirme a fe faire conduire aux prifons dans une chaife a porteurs. Après 1'arrêt rendu, M. Faucon die a plufieurs perfonnes que , fi le parlement s'étoit avifé de déclarer la procédure de 1'official abufive, M. le chancelier tenoit tout prêt un arrêt du confeil qui 1'auroit caffé. Le 13 Aout, le même M. Faucon fir a la grand'chambre, le rapport de deux requêtes , 1'une préfentée par le père Cadière , & 1'autre par fa fceur, Le religieux fe plaignoit que , » quoi» qu'il eut été conftitué prifonnier , 53 fans ètre chargé d'aucun autre dé» cret que d'un ajournemenr perfonnel, » on 1'avoit néanmoins traité dans la » prifon comme s'il eut été convaiacu sj des plus grands crimes; qu'on 1'avoir » privé de la confolation de voir fa mère & fon frère , qui, dès la pre.--  de la Cadière. 4-3 S> „ mière vifite qu'ils lui avoient faite, „ avoient été atrachés d'auprès de lui, „ fans qu'on leur eut permis dans la „ fuite de le revoir ; qu'on 1'avoit pa„ reillement privé de route commum„ cation avec fon confeil. Quand il „ voulut fcavoir d'ou procédoit un trai„ tement fi rude , on lui dit que M. le » procureur-général avoit défendu de » le lailfer voir a perfonne , fans un » billet figné de lui, Sc que tel étoit » 1'ordre du Roi. Comme il fcavoit » que la Cour ne fe déterminoit jamais „fur de pareils ordres, fans les avoir „ vérifiés & enrégiftrés , il avoit fait „ chercher eet enrégiftrementau greffe, „ fans qu'on y en ait trouvé aticsns - „ veftiges. Alors il s'informa fi un ac» cufé, après avoir été interrogé , Sc „ la procédure érant pleinement ïnf» rruite par récolement Sc confronta» tion , peut être privé de commu» niquer avec fon confeil •, bn lui ap» prit que, fuivant les atticles 8 & 9 „ du titre 14 de 1'ordonnance ch? 1670, „ & fuivant 1'ufage particulier^ de la » Cour , de quelque crime qu'un ac„ cufé foit prévenu , il n'eft jamais „ privé de voir fon confeil, routes les » fois qu'il en a befoin , loifque la proT4  44° Hijloire du proces » cédure eft pleinement inftruite. » Se voyant, continuoit-il , réduit « dans cetce trifte firuation par les or« dres de JYl. Ie procureur-général, il „ n'avoit d'autre reftource que de ré„ clamer la juftiee de la Cour, dc h » fupplier de déterminer li c'eft a elle „ ou a M. le procnreur-général de don» ner de pareils ordres. Quoique ceux » qui venoient de la pare de ce magif» trat, lui' paru/Fent refpedtables , il x avoit cependant lieu de croire que-, >» dans un procés qui étoit adtuellemenc » fous les yeux de la Cour, ce n'étoit » que d'elle feule que ces ordres de» voient venir, fur-tout en cette occa« non , oü ce magiftrat étoir partie; »»que d'aiiieurs il paroiftbit étrange » que, fi c'étoit a lui a les donner , il m eut befoin de les autorife.r de ceux » du Roi. » En co-nféquence, il demandoit qu'il » füt ordbnné qu'il eur la liberté de » voir fa mère, fon frère & fes parents „dans.la prifon, & d'y appelier fon „ confeil routes les fois qu'il en auroit „ befoin. « La Cadière, par fa requête, rappelle toutes les perfécutions qu'elle avoit éprouvées aux ürfulmes de Toulon, i  de la Cadière. 44 r öllioules , &c dans la route de ce village a Aix.» A fon arrivée en cette ville, » dit-elle, après avoir effuyé la huée des» émiflaires des jéfüites, elle eft enm fermée au fecond monaftère de la " Vifttation , dirigé par ces Pères. » Deux jours après , ils lui font rendre » une lettre anonyme pour lui perfua=• der de faire une rérra&ation : il fe » fair, pour cela, des mouvements dans" » 1'intérieur de ce monaftère, que la' 5» prudence de la Supérieure arrète fiitf » la plainte qui lui en eft portée. Dans" » la fuite on emploie les mépris , les" » chanfons diffamantes qui fe chantenr >»fous les fenêtres de fa chambre; it » faut de nouvelles plaintes pour les" » faire ceffer. Toures ces peines éroienr » adoucies par les vilTtes fréquenres de » fa mère, de fes frères , de fon coufin , - de fon procureur & de fon avocar: » L'arrêt du 5 o juillet la furprit, voyanr » 1'innocenceconfondue avec le crime;' » mais la confiance ou elle étoit que le" " jugement déftnitif féparera les brebis' ;> d'avec les boucs, la raffura d'abord jl j' & elle trouvoit d'aiiieurs , dans le' -•> fein & dans la rendrefte de fa mère, une confolation , un foulagemenr ai 10 fes- aftlictions-. Cependant, fous pré--  442- Hiftoire du proces n texte de eec arrêt, dès le premiei jj aoijt, jour de Parrivée du carme a 35 Aix , un cavalier alla lui arracher 'fa » mère du parloir j Sc depuis elle ne >3 1'avoit pas revue : ce cavalier, ou 35 d'aucres qui 1'avoient relevé , fai33 foient toujours la garde X la porte 33 du monaftère , Sc lui avoient conf» tamment refufé de voir fes parents, 33 & fon avocat. 35 Les Jéfüites, continue-1-elle ,, »3 avoient employé auprès. du carme 30 les arrifices les plus indignes, pour ss le diffuader de fe mettre en prifon » mais , a leur grand regret, il s'y fit. iP, cranfporcer, tout malade qu'il étoit.. 33 Tous les jours v plufieurs de leurs 3» émiftaires alloient vérifier a la porte 33 du monaftère fi le cavalier y étoit » encore , Sc s'il faifoit bonne garde. 3> Les jéfüites faifoienc agir au dedans 53 quelques religieufes leurs pénitentes,. 35 pour lui arracher une rétracftarion ; 33. Sc au dehors, ils répandoient le bruit ». qu'elle fe rétracteroic. Le foir du 6. ss du courant, ils firenc publier que , 33 du cóté d'une petite rue, qui eft a, ss t'extrêmité de Pendos, du couvent, 33 ü y avoic une perfonne qui difoit % qu'elle étoit. d&mnée h & que cette;  de la Cadière. 443' » perfonne étoir la Cadière ; tandis » que la chambre qui lui fervoit de » prifon , étoit de 1'autre cóté de 1'en» clos. lis avoient fair écrire a M. *> Chaudon , fon avocat, une lettre » anonyme , datée de Toulon le pre» mier aout, qui. lui fut remife par un » commis de la pofte, par Iaquelle on >> le follicitok de confeiller a fa partie » de fe rétraéter, & on le menacoit lui n & toute fa pojle'rite'. « Mais, eft-il dit dans la requête , qu'il avoit fignée & vraifemblablement rédigée, » il mc» prife leurs menaces & leur haine ï » il n'a les yeux ouverts .que pour voir fon devoir, & de volonté que pour »> le remplir : il fcait que le miniftère » des avocats eft fous la proceérion des« loix, de la juftiee & du ftoi mème; " & que la crainte ne doit être réfer33 vée qn'au crime. 33 On avoit, continue Ia requète , a 3» 1'inftigation des jéfüites, fait griller »3 par un ferrurier les fenêtres de ia >3 chambre de la Cadière , quoiqueile » füt au plus haut étage ; on avoit mis 33 un cadenat a fa porte, dans la vue» >3 non-feulement de 1'intimider, mais 33 de la faire périr , en la tenant en33 fermée nuk & jour dans une chambre T£  444 Hijïöire du procés 1 »> fi petite , qu'elle ne pouvoit prefque » pas s'y tourner , n'ayant perfonne » pour la fervir, & ne pouvant aller » a fes befoins naturels fans faire ou» vrir le cadenar, Sc fans s'expofer a 3) de nouvelles infultes. Enfin , elle conclut a ce qu'il füt ordonné, 33-1°. qu'elle feroit traduite 33 aux prifons du palais, conformément ss a 1'arrêt du 30 juillet,. i°. que, foie 3j quelle y fut traduite, foit qu'elle ss reftat au couvent oü elle étoit, le ca33 valier qui y. faifoit la fentinelle, füt 33 óté, ou que du moins il füt permis, >3 a fa mère, a fon frère l'abbé, a fon »3 coufin , a. forv avocat Sc a fon procu33 reur de la voir, le tout, fans.préju33 dice de la faculté qu'elle fe réfervoic 33 de faire informer fur tous ces. faits. 33 N'eft-ce pas aflez., difoit-elle, que je 33 fois réduire dans le même état d'hu33 miliation , que mon ancien dire&eur, 33 mon corrupteur, chargé Sc convaincu 3> de fix crimes capitaux ? faut-il encore ss que je fois privée de la feule confo33-Iation qui me refte dans 1'excès de 33 mes malheurs , qui eft celle de voir sa ma mère, mes proches parents, Sc fur-» tout mon confeil, qui a befoin dès? conferer.de-temps en. temps avec moi. » fuxléelaircftlement de certains faits a>  de la. Cadière.. 44-f » dont je fuis feule inftruite , tandis „ que le P. Girard feul. coupable , & „ très-coupable, eft vificé par fes amis » & par fes confeils ? « Sur ces deux requêtes, il fut arrêts de lailfer a la prudence de M. le p. préfident de permetrre, toutes les fois qu'il, le jugeroit a propos, que la Cadière fur vifitée dans le parloir du monaftère par fa mère, fon avocac & fon procureur & que le P..Cadière feroit vifité par fon avocat & fon procureur.. Cependant le premier préfident , dont 1'accident avoit eu des fuites v fe. trouvant un peu foulagé , fit convoquer la chambre au 13 aoüt, pour • le. jugement des objets., ou reproches. refpecfifs des parties contre les témoins. La féance fut des plus vives de. la part des opinants , qui étoient d'avis conrrraire. M. de Moiifac fe récria beau^ coup fur Tinhumanité des religieufes en vers leur prifonnière. M. de 1'Eftang, 1'un des deux confeillers récufcs,. dont il a été parlé plus haut, s'oublia jufqu'a donner un démenti a fon confrère, qui , de, fon cóté, lui reprocha. d'en avoir impofé a la Cour, en nianr les faits fur lefquels on 1'avoit récufé.. M. de l'Eftang, irrité dJun reprocbe.  446 Hijloire du proces d'autant plus (enfible, qu'il étoit foradé , dit a M. de Moiflac qu'il le lui paietoit au fortir du palais. Le lendemain y M. de Moiifac demanda Paffemblée des chambres , qu'il avoit déja demandée en particulier a M. le premier préfident, &c laiffa fa requête fur le bureau , avec offre de prouver la vérité des griefs qui avoient fait récufer M. de TEftang, & qu'it avoit niés en pleine chambre. Celui-ci „ prenant alors 1'humble parti de la foumiflion , demanda pardon a fon confrère, a M. le premier préfident & a Ia compagnie ; offrit a M. de Moiifac telle répararion qu'il fouhaitercit , & alla chez lui, au fortir du palais, lui lenouveller fes excufes, & lui demander fon amitié en préfence de fa familie. Ces démarches humiliantes lui fauvèrent l'interdiction dont il étoit menacé, & ménagèrenr aux jéfüites un juge dont le fulfrage leur éroit affuré.. On procéda néanmoins, dans cetre feance, au jugement. Prefque tous les témoins adminiftrés par la Cadière ,. furenc admis , nonobftant les reprochesdu P. Girard , a, 1'cxception de Claire Bérarde , qui éroit .acluellement fervante chez fa mère, & de Marie Ma-  de la Cadière. 447 therone, tourière , qui furent marquées in religione; c'eft. ainfi qu'on. s'exprime au parlement d'Aix , pour dire que 1'on aura, a la dépofirion d'un témoin, rel égard que de raifon.. Toutes les pénitentes du P. Girard % ainfi que la dame de Beauffier, furent mifes in religione avec le P. Aubani; & la dame de Cogolin fut rejettée :. tous les autres témoins récolés & confrontés , furent admis comme faifant foi. M. de Ville-Neuve d'Anfouis fut nommé rapporteur. Pour lui donner le temps do fe préparer, & aux gens du Roi de prendre leurs conclufions,, M. le premier préfident, qui avoic d'aiiieurs befoin de repos, donna quelques jours de relache. Pendant ces jours de repos , il fe répandit un bruit a Aix que les jéfüites avoient projeté d'enlever la Cadière > & d'imputer eet enlévement a fa familie : le peuple établit d'office un corps-de-garde autour du couvenr ,, pour veiiler a la füreté de cette fille. Ce bruit pouvoit bien ètre faux ; mais une pareille allarme caraéiérifoit 1'idée qu'on avoic des jéfuires, & faifoit voir le foulévemenr du public contre eux.. Le P. Girard % de fon cotc , étok  44$ Hiflolre du proces inquiet, difok-on, fur les viandesqu'on lui fervoir, & qui venoient deehez fes confrères ; il- craignoit qu'ils ne prilfent le partrde terminer le procés en le faifant mourir avant le jugement > fuivant les régies- de la jurifprudence il ferok mort integri Jlatds. Mais fa fituation ne 1'empêchoit pas de communier tous les jours. Les capucins, aumóniers des prifons , s'applaudiffoient publiquement d'avoir f'honneur de lui adminiftrer journellemenc 1'Etrehariftie -y Sc en la lui adminiftrant, ils faifoient fon éloge aux prifonniers. M. de Brancas, archevêque d'Aix , n'en avoit cependanrpas jugé de même-. Avant qu'il füt en prifon, en conféquence de 1'arrêt du 30 juillet, les jéfüites lui avoient demandé, pour lui, la permillion' de- confeifèr quefques religieufes; le prélat leur rit froidemenr répéter leur propofition, Sc les renvoya avec mépris. Mj. de Toulon , de fon cóté, avoit écrir a rous les prélats que tu Cadière étoit une jillè perdue, que les janfénijles avoientgagnée; pour décrier la fociété. M. Chaudon, avocar de la Cadièse, profita de eet intervalfe pour diftdbuex aux juges- an mémoire qui don*-  de la Cadière. 449/ nok Ie dernier coup de pinceau an porrrak du P. Girard, tk rendoir a faire voir que Ia féduclion de la Cadière n'étoic pas le coup d'eflai de ce bon père. 11 offroit de prouver, tk alfuroic qu'il avoit eu main la preuve , que la Guiol avoit la commiflion de chercher tk de mener de jolies pénirentes a fon confeflionnal; qu'une »ommée la Taffart, érant femme-dechambre de madame de Montvallon, ■ avoic cru, fur la parole de ce jéfuite, être obfédée du démon , & q,ue, pour 1'exorcifer, il la faifoit mettre toute mie dans la chapelle de la congrégation des écoliers des jéfüites d'Aix.. Lors de ce procés, elle étoit mariée a Marfeille, tk fon mari & elle o£froient d'en faire leur déclaration s'ils en éroienc reqnis. Enfin il étoir en état de prouver qu'en 1715., a minuic, ou environ , on mit , a la porte des jéfüites., un enfant avec un billet fur Peftomac, portaat que le P. Girard en étoit le père. Les conclufions définkives du par* quet furent données le 11 Septembre J7ji. Elles pafTerent, comme les précédentes, entre les mêmes opinants , a la pluralité des yoïx : elles tendoient:  450 Hiftoire du proces & ce que le P. Girard3 fur tous les chefs d'accufation, fut mis hors de cour & de proces; que la Cadière fut déclarée atteinte & convaincue de fauffe 6' calomnieufe accufation , d'avoir abufé de la religion & profané fes myfières, d'avoir fauffement contrefait la fainte, & enfuite la pojjédée; pour rèparation de quoi, elle fera livre'e aux mains de Vexecuteur de la haute-jujlice, pour faire amende honorable devant la porte de 1'églife métropolitaine& deld menée fur la pctence de la place des precheursj pour y être pendue & éiranglée, & préalablement appliquée d la queftion ordinaire & extraordinaire, pour ttref plus ample véfhè fur les complices, de fes crimes; pour enfuite faire droit d 1'égard de fes deux frères & du père Nicolas; & la Cadière condamnée en outre en 100 liv. d'amende envers le Roi. Le procureur-général requit en outre que M. Chaudon , avocat, & Au- ' bin , procureur, fuffent décrélés deprife de corps; & quxil füt informé contre ceux qui avoient communiqué la procédure. Dés que ces terribles conclufions. eurent été arrêtées, les capucins, en qualité d'aumóniers des prifons, allé-  de la Cadière. 451 tent charitablement offrir leurs fervicesa cecte infortunée. Elle leur répondit, fans s'émouvoir, que le P. Girard avoit plus befoin qu'elle de leurs fecours; mais que, fi fon malheur & Pinjuftice la réduifoient a avoir befoin d'un confelfeur, ce ne feroit pas parmi les capucins qu'elle le choifiroit. Dès le lendemain, elle en demanda^ un. Quelques-uns des juges fe donnèrent des mouvements pour que celui qui feroit choifi fut difpofé a fervir les jéfüites; mais 1'archevcque d'Aix lui donna un des deux prêtres féculiers qu'elle avoit demandés. Dans vingtquatre heures il devint fon apologifte. Voici deux traits qui prouvent de plus en plus combien le public étoit favorable a cetre fille. La nuit du jour que les conclufions furent connues, le couvenr ou elle éroit enfermée fut entouré d'une foule innombrable de peuple, qui lui crioit de ne pas fe troubler, "qu'on ne vouloit que lui faire peur, mais qu'on ne lui feroit pas de mal : Dieu , lui difoit-on , a fufcité , pour défendre votre innocence, aurant d'honnêtes gens, qu'il y a de mé* chants vendus aux jéfüites. Elle ne pouvoit pas faire fcavoir fi elle enten»  452' Hijloire du procés dolt ces exhortations; & ceux qui' Fes faifoient, voubienc avoir la fatisfiaction de s'affiirer qu'elles alloient jufqu'a elle. Une demi-douzaine de femmes- armées' dé lampes grimpèrenr au haut d'une maifon qui répondoit aux fenêtresde cette fille, lui demandèren-t fi elle les entendoit, & la ptièrenc de leur faire un figne. Elle fit voltiger fon mouchoir au- rravers de la grille, dont on avoit fermé fa fenêtre. A ce fignai , les cris & les exhortations redouhlèrent, & ront le monde fe retira. Lefils de M. Chaudon, avocar de Ia Cadière, alla, pendant les vacances-', a une maifon d.s campagne d deux lieues de Marfeille. L'ardeur de la chaife 1'attira jufqu'aux porres de la ville. 11- y entra, pour fe repofer quelque temps dans un cabaret. Un écolier, qui 1'avoit vu d Aix, le reconnut dc le nomma. On ne feut pas plutót que le- fils du- généreux défenfeur de I'innoeence étoir a Marfeille, qu'il fut porté de rue en rue & efeorté de fa foule , qui groffiftoit de moment en moment; c'étoit a qui auroir le bonheur de lui donner FhofpitaKté. Enfin il refta huit jours dans cette ville en equipage de chafleur, & eut bien de.  de la Cadière. ■ 453 la peine a öbtenir la liberté de s'en xetourner. •Différents particuliers s'informoient de tous cötés de la conduite que le P. Girard avoit tenue dans les différenrs endroits oü il avoit demeuré. Un officier d'une jurifdiótion voiline de Montar-gis manda que ce Père avoit été accufé, en 1720, d'avoir féduic une jeune fille au confeflionnal j que la procédure avoit été commencée; mais que le crédit & 1'argent de la fociété en avoient arrêté le cours, & qu'on trouveroit au greffe la plainte & les commencements de l'information. On fe préfenta pour avoir ces deux pieces; le greffier répondit que les jéfüites tout-puiilancs dans le pays, les avoient fair enlever. Enfin on fongea a préparer Ie jugement définitif. Le P. Girard fubit fon interrogatoire Ie 28 Septembre. Le bruit fe répandit dans Aix que M. le procureur-général d'Argens Ie fit fortir de prifon, pendant la nuit, le conduifit dans Ia grand'chambre, & Ie placa dans 1'endroir & dans 1'attitude oü il devoit être le lendemain. M. Pazery Pinterrogeoit, & M. le procureur-général lui aidpit a ajufter fes réponfes.  454 ffiftoire du proces Quoi qu'il en foit, 1'incerrogatoire fe fi: affez réguliérement. Le premier Oótobre, jour' de la rentrée du parlement, M. de Gaufridy, en fa qualité de premier avocatgénéral, fit un difcours moins étendu qu'a Fordinaire, & s'en excufa fur fes incommodités, Sc fur les grandes öccupacions du parquet pendant les vacances. II ajouta que, » 1'importante 53 affaire, qui étoit accuellement fur i> le bureau, attiroit 1'attention de tout jsj'univers, & donnoit lieu de faire 35 de férieufes réflexions fur ce qu'exi33 geoit un miniftère fi redoutable aux ss yeux de la foi; que chacun atten33 doit, dans un refpectueux filence, » l'oracle que la cour devoit bientót ssprononcer; qu'il ne s'étoit jamais 33 préfenté, dans les tribunaux, un évé33 nement qui intéreffat davantage le 33 bien de la juftiee, la religion Sc 1'é33 tat; qu'il ne doutoit pas que 1'arrêt *» fi attendu ne répondit parfaitement 33 a 1'attente publique Sc a 1'idée qu'on m avoic de 1'augufte compagnie qui ss devoit le prononcer. La Cadière fut interrogée le x. On fcuc que, quand le P. Girard avoic traverfé la falie qui conduit de la pri»  de la Cadière. 45- j fon a. la grand'chambre , M. d'Argens s'étoit trouvé fur fon paftage, & 1'avoit exhorté a ne pas fe troubler, &c. 11 n'avoir de témoins de cette démarche que les archers, qui ne gardèrenc pas le fecret fur lequel il avoit compté. Elle parvint a la connoiffance de MM. des Enquêtes, qui craignirenr qu'un fentiment contraire ne conduisit M. le procureur-général fur le palfage de la Cadière, tk qu'il ne crüt qu'il étoit de fon miniftère de lui tenir des difcours peu propres a. la raflurer. Ils députèrent fix d'entre eux qui étoient dans leur chambre dès fepc heures du matin, attentifs au moment oü cette fille fortiroit de la prifon oü on 1'avoit transférée. Quand elle parut, M. d'Ar gens, qui 1'attendoit, fe dif— pofa a aller au-devanr d'elle; mais il fut arrêté a la vue des fix confeillers, qui 1'examinoienr d'un air a lui faire entendre qu'ils ne lui pardonneroient pas une faufte démarche. II craignit une correéfion violente, garda le filence, tk rentra au parquet. MM. des Enquêtes s'approchèrent de la prifonnière, 1'exhortèrent a ne pas fe troubler, lui dirent qu'elle trouveroir, parmi fes juges, pour le moins autanc  456 Hiftoire du prods de proteóteurs de fon innocence , qu'il pouvoit y en avoir de prévenus , elle recut certe exhortarion d'un air reconnoifiant & refpeétueux. Les conclufions qui la concernoienc tendant a la mort, elle fut mife fur la fellette : 1'incerrogaroire dura depuis huit heures & demie jufqu'a midi. Elle foutint, avec beaucoup de fermeté & de préfence d'efprir, toutes les inculpacions dont elle avoit chargé le P. Girard : elle entra même dans les plus grands détails. » Quand il éroit » enfermé avec vous, lui demanda»> t-on, vous parloir-il de Dieu, ou » vous enrrerenoit-il de la paffion qu'il » avoir pour vous, & comment s'ex» primoit-il ? Rép. 11 me faifoit racon» ter tout ce qui s'opéroit en moi ,> d'extraordinaire', il s'alfeyoit fur une jj chaife a córé de mon lit, il me faij> foit avancer, me palfoit une main j> par devant &c une par derrière , il me „ baifoit & prenoit d'autres liberrés >j avec moi. Quelquefois , dans ce »j temps-la , je tombois dans les mêmes jj états extraordinaires, qui me faijj foient perdre les fens; pendant lei» quel temps le p. Girard faifoit fur »»mon corps tout ce qu'il trouvoit » bon;  de la Cadière. 4?7 » bön • fi bien que • Jorfque les acci» dents ceffoient, je me crouvois fou» venr dans des lituations très-indé»cenres. Interr. Quand vous vous » trouviez dans ces étars indecents, i> ne lui témoigniez-vous pas la peine » que vous en aviez ? & croyiez-vous » que de pareilles aétions foflènc d'un « faint homme ? Rép. La première fois, »je m'en plaignis au P. Girard, qui w me répondir qu'il n'y avoit ld aucun „ mal, que je devois le regarder com« me mon Dieu & mon père, & que » c'éroic la ia volonté de Dieti , „ Interr. N'aviez-vous pas une peine „mténeure de routes les impurerés » que le père Girard faifoit fur vorre » perfonne ? & pourquoi ne préfumef roit;on Pas vous y confentiez, „ puifque cela aconrinué fi long-remps? * Rép. Si j'y confenrois, c'éroit paree » que, la première fois, le P. Girard « m'avoit fair entendre qu'il n'y avoit »> point de mal a cela, que c'écoit la » volonté de Dieu; & ce qui renou» veile aujourdhui ma douleur, c'ell „ quilme perfuadoit que les pTdiJri que »;e rejjentois dans ces malheurèux mo» ments, étoient l'efet de l'onclion de m la grace. « Sur un autre interroaaEoiTome II. y  458 Hifloire du proces re, elle rapporre la fcène oü le faint homme la fit mettre toute nue, pour n'avoir pas voulu être revètue des dons de Dieu; & elle la raconta a peu prés dans les mêmes termes qu'elle 1'avoit didée devant 1'official le 18 Novembre 1730. On les a rapportés plus haut, p. j *'v è fuiv. ». Interr. Tout cela devoit „ vous donner un grand foupeon. Rép. » je regardois le P. Girard avec trop de „ vénérarion pour avoir aucun foupgon „ de fi conduite, d'autant mieux qu'il » me difoit toujours que c'étoit la la „ volonté de Dieu , & qu'il falloit s'y „foumettre. Interr. Pourquoi avez„ vous dit, dans vos réponfes que, » jufqu'alors vous n'aviez eu aucune „ connoilfance de ces infamies ? Rép. » C'eft paree que le P. Girard les com» mettoit fur ma perfonne , tandis que „ je n'avois pas 1'ufage de mes fens „ Interr. Le P. Girard eft-il entré fou„ vent au couvent d'Ollioules? Rép. 11 n'y eft entré que le jour de ma trans„ figuration. Interr. Refta-t-il long„ temps avec vous ? Rép. II y refta » trois ou quatre heures. Interr. La '„ porte de votre chambre refta-t-elle „ fermée, & qui la ferma? Rép. Ce » fut le P. Girard. Interr. Etoit-il feul  de la Cadière. 459 „ avec vous ? Rép. 11 y avoit des reli» gieufes lorfqu'il y entra; mais s'étant » retirées, il y fut feul pendant ces » trois ou quatre heures. Interr. Que » fit-il feul avec vous ? vous parla-t-il » de Dieu, ou prir-il quelques privau» tés avec vous ? Rép. II efl: vrai qu'il » me paria de Dieu; mais ayant été » prife d'une feconde transfiguration , » qui me mie hors de mes fens, il en »profita pour commettre encore fur » moi toutes fortes d'infamies; il me » lava, avec de 1'eau, le vifage, qui jj étoit tout couvert de fang; il en but 33 la moirié, & me fit boire 1'autre moi« tié. « Elle entre enfuite dans le détail de ce qui fe paffoit au patloir entre lui & elle : il ouvroit la fenêtre de la grille avec un petit coureau, lui faifoic paffer la tére en dehors, la baifoit, lui faifoit découvrir le fein , &c. L'inrerrogatoire fut continué Ie 5. On lui paria beaucoup de fa liaifon avec le carme, tk de ce qui s'étoit paffé entre eux; elle ne dit rien qui ne füt a la décharge de ce religieux. M. le premier préfident lui demanda enfuite ce qu'elle avoit i dire fur la rétraófarion qu'elle avoit faite le 27 février; elle répondir, 3» qu'elle fut forcée, tk qu'on lui fic Va  460 Hijioire du proces » chre tout ce cjti'pn voiUut; qu'elle » fera voir, par la confronration , que » le P. Girard 1'a féduite & ahufée a la 53 faveur des maximes & des erreurs 53 dans lefquelles il 1'avoir livrée. « M. lep. préfident, content de cette répon| fe, fa-un objet auifi imporranc, paffa fubiremenr a d'aurres queftions qui n'y avoient aucun rapport, mais M. de Nibles, confeiller , le pria de demander de quelle part ces violences étoient venues. 11 revint donc a la charge, Sc demanda par quelle raifon elle s'éroit rérractée le 27 'février. Rep. » On m'a 35 fair rrahir la vériré par des menaces, >? Sc par un breuvage d'un vin que je 33 trouvai falé , & mejjieu'rs les commif33 faires firent fortir le greffj.er. Interr. 33 Quelles font 'les menaces dont vous 35 voulez par'ler? Rép. On me dit que 33 je ferois perdue & ma familie , faute 35 de preuves dans mon accufarion, 33 qu'on me feroir donner la queftion; 33 & que, fi je me rétraótois, le prieur »> des carmes iroic fe refugier a. Avi33 gnon , Sc rour feroit fini. Int. Quand »3 ces menaces vous furent-elles faites? 33 Rép. Ce fijt le jour que le greffier 33 fortit. Interr. Par qui vous furent93 elles faites ? Rép. Par mejfi:urs les »> commiffaires. Interr. Vous avez dit4  de la Cadière. 461 n dans votre requête du 14 Mars 173 r , » tk dans un comparant du 1 o Mars , » ou vous rapporrez tout ce qui s'eft n pafte, qu'il n'y a eu que des remori» trances de la parr de meftieurs les n commiffaires. Rép. J'ai dit la vérité. » Interr. Dans la fommation fignifiée " le 16 Mars , vous avez feulement dit 55 que les menaces vous furenr faires » quelques jours avant votre rérraóta»•' don» Rep. J'aipaf Ir aiiifj, paree que „ les menaces ont continué. « Ces réponfes occafionnèrent, dans la chambre, un murmure qui dcrermina M. le p. préfident a finir cette féance. La fille étant fortie, M. Faucon voulut fe juftifier; mais I aurre commilfaire 1'inrerrompit, en lui difant qu'il fe faifoir torr, tk que cerre miférable & ceux qui parloienr comme elle mériroient cenr coups d'érrivières. La chofe en demeura la, fans qu'il füt queftion de rien demander au greffier qui avoit été mis en jeu. La Cadière avoit tant infifté pour demander une nouvelle confrontation avec le P. Girard, qu'on s'étoit enfin laifte aller a Ia lui accorder : tk comment 1'auroit-on refufée ? Celle qui s'étoit faite a Toulon 1'avoir été dans  462. Hifloire du proces un temps ou elle prétendoit être dans les liens de la fubornation & de la vioJence; & il étoit néceffaire qu'il s'en fit une autre dans le temps ou elle étoit libre. Le public en fut informé. Pendant les deux jours que dura 1'interrogatoire de la Cadière, les démarches de quelques officiers fufpeóts & de Me Pazery, avocat des jéfuires, furent examinées de prés; & dés la nuir du 3 au 4, jour indiqué pour cette confrontation, il s'établit d'ofEce des corps-de-garde bourgeoifes a toutes les portes du palais , pour empêcher qu'on n'allat faire .la lecon au P. Girard. Le jéfuite voulut débuter par un discours qui paroiffcit devoir être long. » Mon père , lui die la Cadière, venez „ au fair : je fcais que j'ai affaire a un 35 jéfuite homme d'efprit, grand prédi» careur, foutenu par une fociété puif33 fan te & formidable, mais je ne vous 33 crains pas : j'ai pour moi la vérité : 33 il m en coürera peu pour vous con>3 fondre. « Elle entama enfuite le détail des griefs dont elle vouloit le convaincre. II fe fouvinr qu'a 1'occafion du baifer qu'on 1'avoit accufé d'avoir donné a Ia Cadière en fortant du couvent, il avoit toujours dit qu'il avoie  de la Cadière. 463 peine a entendre d'une oreille, & fit attention que la Lellette fur Iaquelle la Cadière éroit affife , étoit du cóté ce cette oreille qu'il donnoit pour infirme , enforte qu'il faifoit de temps en temps des fignes comme s'il eut eu peine a entendre. M. le premier préfident le remarqua, & dit qu'il falloit mettre la fille du cóté de la bonne oreille. Dans le moment elle fe leva pour obéir; & le révérend père faifie promptement la fellette & la palfa de 1'autre cóté. Cette petite galanterie ne lui réttflit point; elle le fuivit fur toutes les abominations qu'elle lui reprochoir, & lui foutint en face tous les détails donc elle 1'avoit chargé , tant devant 1'official , que dans fa plainte & dans fon dernier interrogatoire : elle en ajouta même un nouveau. Elle 1'interpella de déclarer » s'il n'étoir pas vrai qu'il lui » difoit très-fouvent, fe profternant „ devant elle , qu'il 1'adoroit comme „ fon idole; & qu'un jour il fejetra a „ fes genoux en pleurant, po#'lui de» clarer qu'il avoit engrolfé la Gravier , »•& qu'il la pria de l'envoyer chercher, n pour 1'engager ï faire aveugjémenc » couc ce qu'il fouhaiteroir , érant a „ préfumer qu'il lui fit prendre , tout V 4  4^4 Hlfloire du proces » comme a elle, quelque remede poaf » la faire avorter ? « Sur prefque tous les faits , le père Girard ne fe défendir que par des négativ-esj, & en cherchant a la faire trouver en contradidion avec elle-même , fouvent il s'arrêtok fur des minuties. Dans la chaleur de la difpure , il lui arriva.de 1'appeller friponne. Cetre injure excita fon inclignation; Sc s'élevant a demi de delTus la fellette,. elle y répondir avec une fort.e. d'emporrement; puis, craignant d'avoir manqué a ce qu'elle devoir a fes juges, elle las fupplia aufli-töc de lui pardonner ce premier.cnouvement, excité , dit-elle., par tant d'impudence. Cette fcène caufa aux magiftrats une furprife univerfelle. La réunion de tant de modeftie, d'efprit & de fermere■, dans une fille donr lage , la nailfanee Sc 1'éducarion ne promertoient rien de femblable , parut un prodige; Sc plufieurs JjUges déclarerent haurement, qu'ils ^avoient rien vu de Jï grand fur la fellette. L'interrogatoire du P. Nicolas ,. qui devoit fe faire le lendemain , fut remis au jour fuivant, par un événement qui penfa conduire la Cadière a.la porence. On étoit infórmé que les avis des juges  de la Cadière. _ 46 5 étoient partagés ; ainfi une voix de plus ou de moins, dans 1'un des deux partis, étoir. de la plus grande conféquence. M. de Moiffac étoit un de eeux fur lefquels le public comptoit le plus pour la défenfe de la Cadière ; peu s'en fallut qu'un accident funefte ne la privat de ce prote&eur. M. d'Efmivy, fon père , mourur d'une attaque d'apoplexie , le foir même de la confrontation des deux accufés. II étoit bien difficile que fon fils fe trouvat au palais pendanr fes funérailles. Cependant le carme devoit être interrogé ce jour-la; & il n'étoit pas poffible qu'ua juge , qui n'auroit pas aififté a eet interrogatoire , put opiner. La perte qu'il venoit de faire, ne lui fit point oublier le mal que fon exclufion pourroir produire. II prit fon parti : il écrivit a M. le préfident de Brue , pour le prier de demander, de fa part, a M. le premier préfident & a la grand'chambre, vingr-quacre heures de remps , pour rendre les derniers devoirs a fon père-, & qu'on furs'it jufques-ia au jugement. M. le p. préfident fit le rapport de cette demande , &c , chofe étonnante , elle fur mife en délibération , & 1'on opina une grande heure & demie.  466 Hijloire du proces . La commiffion étoit corupofée de vingt-fix juges. Douze étoient perfuadés que la Cadière & fes frères étoienc innocents ; les quatorze autres les trouvoient très-coupables, & regardoient le P. Girard comme un faint. L'abfence de M. de Moiifac réduifoit les premiers a onze ; il y avoit donc tout lieu de cramdre , & le public en trembloit, que fa demande ne füt rejettée a la pluralité des voix. Les onze partifans de la Cadière tinrent ferme, pour attendre M. de Moiifac, & onze, de 1'autre cóté, pour paifer au jugement : mais trois des amis du père Girard ne Purent fe prêter a une nouveauté fi étrange & a une preuve de partialité fi revoltante j ce furent MM. les préfidents de Piolenc, d'Efpinoufe & de Suffren : le dernier ajouta même qu'il étoit honteux qu'on opinat fur pareille chofe. 11 fur donc décidé, a la pluralité de quatorze voix contre onze, que M. de Moiifac auroir toute la journée pour rendre les derniers devoirs a fon père. Les jéfüites n'auroient rien gagné, quand on auroit adopté un autre parti M. de Moiifac auroir pris celui de préférer le bien de la juftiee a une bienfeance particulière j il auroit différé les  de la Cadière. 467 funérailles de fon père jufques après la féance, & feroit allé prendre fa place a la grand'chambre. Le 6 O&obre , le P. Nicolas fubit fon interrogatoire. II avoit, comme on Pa déja dit, été entendu comme témoin , avant le décret prononcé contre lui par les commilfaires. Sa qualité de confeffeur 1'avoit d'abord déterminé a refufer fon témoignage. La Cadière lui fit fignifier trois fommations confécutives , les 1 3 , 15 & 1S Décembre, par lefquelles elle le fommoit de dépofer vérité fur tout ce qu'il pouvoit fcavoir au fujet de la plainte, & même de dépofer ce qu'elle lui avoit révélé en confeffion , lui en ayant donné permillion , tant verbalement , que par écrit ; il étoit effeétivement porteur de deux permiffions expreffes a eet effet , & écrites de la main de la Cadière. II exhiba toutes ces pieces , qui furenc jointes a la procédure. Avec toutes ces précautions, il crue pouvoir dépofer des fairs dont il n'avoit acquis la connoiffance que dans le tribunal de la pénitence. On n'avoit cependanc pas lailfé de lui faire un crime de cetre révélacion. II commenca donc fon interrogatoire par fe juftifier V 6  46 8 Hifloire du procés fur eet article; ce qu'il fit avec beaus coup d'érudition & de facilité. Pendant le cours de la féance , il appercur les commilfaires fur le fiege : » je fuis furpris, dic-il, que MM. de s> Faucon & de Charleval reftenr au » nombre de mes juges. Dès qu'ils fu» rent arrivés a Toulon, ils furenc „ voir le P. Girard &c le P. SabatieF. 33 Soupant un jour chez M. de Rouvraf, 33 ils dirent qu'on feroit peut-êtrefur33 pris des décrécés , mais que 1'avenir 33 les juftifieroic; & cela fe palfa en 33 préfence de plufieurs perfonnes. 33 Dans ma confrontation avec la 33 Laugier , icelle ayant répondu, a une 3» interpellation, des chofes qui alloient 33 a ma charge, je dis a M. de Faucon »> qu'il ne falloit pas écrire ce qui al'3 loic a la charge des accufés, paree 33 que la confrontation eft faite pour la 33 juftification. Sur quoi M. de Faucon 33 me répondit qu'il falloit écrire ce >3 qui étoit a charge & a décharge. 33 Lors de ma, confrontation avec la 33 Batarel, lui ayant fait une interpel39 lation, elle ne répondit rien y je fus m obligé d'en faire une feconde, fur »j Iaquelle elle répondit que oui, fur le m faic a 1'occafion duquel j'avois faic.  de la Cadière. 4<5& sj-cette interpellation. « Cette forae fubite termina la féance. Les deux Cadière , le dominicain & J'abbé , iubirent interrogatoire le mème jour •, il neut rien de remarquable. Cependant le fieur Tamifier, greffier, qui pouvoit mieux que perfonne dévoiler la conduite des commüfaires, fur 1'imputation qui leur avoit été faite par la Cadière & par le P. Nicolas., fortement prelfé de ne rien déclarer, céda aux mouvements de fa confcience, & fe détermina ie 7 a découvrir tout au premier préfident, en préfence du greffier en chef. II dit, entr'autres chofes , que l'abbé de Charleval avoit msnacé la fille de la queftion & de la chemife de foufre ; qu'il avoit plufieurs fois, lui greffier, quitté la plume, paree qu'on ne laiftbit point a la fille la liberré de répondre, ou a lui celle d'écrire ce qu'elle répondoit; qu'on 1'avoit traité de parrial, en lui demandant, d'un ton menacant, ds quoi il fe mêboii; que ces-deux meflieurs 1'avoient fait fortir pour parler feuls avec elle , & que cette pauvre fille, en fignant a contrecceur fes réponfes, lui avoit dit : Vous y,ayei 'comment ces meffieurs me traitent. Cette déclaration importante détet-  47° Hifloire du procis mina Ie P. Nicolas a la prife a partie; & M. de Gaufridy, informé, de fon coré , de ce qui fe paflbit, alfembla le parquet , oü il fut réfolu de fortner un requificoire contre les commiifaires. Dès le foir du 9 , veille du jour oü 1'on devoit procéder au jugement définitif, ils firent part de cette réfolution a M. le premier préfident, qui en paria le lendemain a la chambre , & difpofa les juges a palfer outre , fans égard aux plaintes du parquet : il dit que les gens du Roi s'étoient tranfportés la veille chez lui, pour lui dire qu'ils avoient appris que la Cadière & le P. Nicolas avoient avancé , dans leurs interrogatoires, plufieurs faits contre MM. &de Faucon & de Charleval ; que , cela leur paroiffant intéreffer le bien public & 1'honneur de la compagnie, ils le prioient de demander a la"chambre fi elle trouveroit apropos qu'ils y entraffent pour requérir la communication de ces interrogaroires , quefila chambre trouvoit que pareille requifidon n'étoit pas convenabïe, ils ne la feroientpas, & qu'ils en demeureroient déchargés. Sar quoi il fut délibéfé que M. le premier préfident prendroir la peine de dire aux gens du Roi que le grerfe eft tou-  de la Cadière. 471 jours ouvert pour eux que les interrogatoires dont il s'agit y feroient inceiramment remis, & qu'd ne tiendroit qu'a eux d'en prendre telle communication qu'ils trouveroient a propos. Cet arrêté enrroit bien dans les vues de M. le p. préfidenr & des partifans du P. Girard \ mais il éludoir la queftion. Il s'agiffbit de fcavoir fi les inculparions dont les accufés avoient chargé les deux commiffaires, étoient vraies: fi elles 1'étoienr, ils ne pouvoienr abfolument pas être du nombre des juges. 11 falloit donc décider cette queftion, avant d'aller aux opinions fut le fond ; mais on auroit enlevé deux voix affurées au bon père. M. de Villeneuve, rapporteur, corrv rnenca donc a parler. La Tournelle Sc les Enquêtes inftruites de ce qui fe paffoit , voulurent arrêter la confommation de 1'injuftice, & envoyèrent un greffier avertir M. le premier préfident que leurs députés 1'attendoient au palais , dans fon cabinet, pour lui parler» On leur fit dire que, les opinions étant commencées , on ne devoit pas les interrompre , fur-tout dans une affaire criminelle de cetre importance. Sur cette réponfe, les députés en-  472-' Hïftoire du proces trèrent eux-mêmes,' prirent leurs' pfa>- I ces, & exposèrent Ie fujet de leur dé- I putation. On leur répondit qu'il étoit contre les régies d'incerrompre les opi— I nions, M. le rapporteur n'ayant pas même achevé Ia fienne. Ils repartirenc que le fujer pour lequel ils demandoienc faffemblée des chambres étoit un préalable néceffaire a l'affaire qu'on jugeoir,. & qu'ils avoient charge de dire que, fi on leur refufoit cette affemblée, MM. de Tournelle Sc des Enquêtes alloienr venir d'eux-mêmes. dans la. grand'chambre. L'affemblée des oham- I bres, leur dit-on, ne peut a. préfent être accordée par la grand'chambre, qal I eft levée , & dans Iaquelle il ne refte plus que les commiffaires délégués par' f le Roi pour une affaire particuliere j enfin les députés ne pouvoient pas parler au nom de la Tournelle; une grande partie des officiers qui la compofent étant préfentement dans la grand'chambre comme juges délégués en l'affaire du P. Girard. Cependant M. le p. préfident leur dit qu'il donneroit affemblée pour le lendemain. Les députés infifterenr, 1 Sc direnr que les chambres alloienr. entrer & former l'affemblée. On leur ssépondit que , li elles venoient , Ia: grand'chambre leveroic le fiege.  - de la Cadière. 4.7$ N'en pouvant pas rirer davantage , ils fe retirèrent, 8c renrrèrent un inftanc après , pour demander qu'il füt fait regiftre de ce qui s'étoit paffe , ce qui leur fut accordé; & 1'on continua d'opiner. Les chambres, de leur cóté, drefsèrent , du tout, des procés-verbaux qu'elles envoyèrerat k M. le Chaneelier; mais les deux commiifaires reftèrent au nombre des juges. i. M. de ViÜeneuve d'Anfouis , rapporteur , 8c en cerre qualité premier opinant, fut d'avis de mettre le P. Girard hors de cour & de procés purcment 8c fimplement. i. M. Morel Villeneuve de Mons, évangélifte, fut de même avis. 3. M. de Suffren, doyen , oncle de M. Faucon , opina un banniffement perpétuel; attendu, dit-il, que ce père , pouvant être excufé au moins fur fa trop grande crédulité, mériroit \ une févère punition. Mais il revint enfuire a l'avis des deux qui 1'avoient précédé. 4. M. Gautier de Valabrcshors de cour. 5 . M. Bouchet de Faucon de même, fon avis n'en fit- qu'un avec : celui de M. le doyen , fon oncle. 6 8c . 7. MM. d'Eftienne 8c Meyronnet Chd\ teauneuf, confeillers honoraires, opi-. 1 pèrent comme le rapporteur. 8. M..de.:  474 Hifloire du proces l'Eftang de Parades déclama beaucoup contre la Cadière, & opina comme les autres. 9. M. de Borriges de Mont-vallon, (1) après s'êcre étendu fur 1'extrême fimpiicité du pauvre confelfeur, Sc fur la fourberie de la jeune pénitente , mit le bon père hors de cour. 10. M. de Meyronnet de S. Mare adopra les réflexions fur la fimplicité du jéfuite, & fuivit les aurres. 11. M. le préfident de Coriolis d'Efpinoufe de même. M. Ie préfident de Polienc ne lailfa pas d'avouer que le père Girard n étoit point exempt de faute ; mais il Ie difculpa des crimes dont il éroic accufé ; de force néanmoins qu'attendu le \èle indifetet Sc la charué outrée qui 1'avoient rendu la dupe de la jeune fille, & 1'avoient fait tomber dans tous les pieges qu'elle lui avoit tendus, il conclut a le renvoyer aux fupérieurs eccléfiaftiques, pour Ie juger fur le délit commun. 1 3. M. lep. préfident fut de ce dernier avis, auquel revinrent les précédents opinanrs, Sc qui forma 1'arrêr. Ces treize voix, pour la raifon qu'on a dite cidelfus, n'en firent que douze. (1) C'eft Ie père de 1'a/Tocié du préfident d'Eguilles dans la dénonciation faite au Roi, 4out ba a parlé plus haut.  de la Cadière. 475 Tels font les juges qui montrèrent leur dévouement aux jéfüites. Voici ceux que toute la puilTance de cette fociété ne put rendre prévarienteurf. C'eft pour ne pas les confondre, qne 1'on n'a point fuivi 1'ordre des opinions. i.M.de Revefl dc Mentyertdn que le P. Girard étoit accufé de quatre crimes capitaux. 11 pafla ügérement fur le fortilège & fur le quiétifme : » mais je „ vois, ajouta-t-il, que i'incefte &la» vortement font bien prouvés. « 11 en déduifit toutes les preuves, & conclut en confeiTant qu'il ne croiroit pas faire ufage de fa raifön , s'il ne condamnoit a mort un homme convaincu de femblables crimes. Dès que eet avis fut ouvert, la cléricature de l'abbé de Charleval lui fit faire par force ce que la décence, pour ne rien dire de plus auroit exigé de lui : il fe retira. i. M. de Martini de S. Jean obferva que les conclufions des gens du Roi demandoient une victime , que cela eroit jutte , & que la nature de l'affaire 1 exiee'oit; mais qu'il étoit important de ne pas prendre le change ; il prouva les crimes du P. Girard, & fut d'avis de le faire bruler. 3 & 4- MM- de Laurans de Peiroles & Arnaud de Nibles de  476 Hïfloire du proces même. Ii y avoic quinze ans qne M. de Peyroles n'avoit mis les pieds au' palais, & ne fongeoic pas a y rencrer. Le hafard tic qu'il fe trouva a Aix dans le temps qu'on alloic plaider les appels de Ia procédure des commiiTaires & de Fofhcial. II fur curieux d'entendre certe plaidoierie, & fe propofoit d'y affiftèc comme particulier. II apprit que M. le p. préfident avoic pris des mefures ponr empècher qu'elles fuffenc enrendut» d'aucun aurre que des juges. II pHr le partis d'aller prendre fa place a la grand'chambre, & fuivic toute l'affaire. 5.M d'lhfmivy dc Moijjac épuifa, pour ainfi dire , Ia matière contre 1'accufé. M. de Montvalioir, fouffranf impatiemment cette exacte difcuffion, dit, a demi voix: » Pourquoi perdre tant de temps > «L'arrêt eft fair, & perfonne ne rel viendra. Cela fervira au moifrs, re« pnt M. de Moiffac, au jugement de » Dieu. II n'y a que trop de ïoups dans v Ia bergene; fi je laiffois encore celui» la , je me croirois deshonoré devant » Dieu & devant les hommes. „ II dé» clara enfin qu'il croiroir porter une « marqué de réprobation , s'il héfitoit » un feul moment de condamner a mort *un fi grand fcélérat, & qu'ike pou,-  de hx -Cadière. 477 «voit faire moins, pour venger 1'of„ fenfe faire a Dieu., a la religion 8c au » public. « 6. M. de Ricard condut de même, après avoir-.parlé avec beaucoup de précifion & de digniré. La gourre, qui 1'avoit vio'emmenr attaqué pendant une nuit qui précéda une féance de la grand'chambre, avoit penfé .priver la Cadière de fon fuffrage; mais fcachant combien une voix éroit précieufe a cette pauvre fille, il réfifta a la douleur, fe fit porter au palais, & en revint en fanré. 7. M. de Trimond déclara qu'il n'avoit jamais vu de procédure fi noire, & de crimes fi bien prouvés. II condamna le criminel au feu. 11 avoit eu, comme M. de Ricard, une attaque de goutte qui ne 1'empècha pas d'aller fecourir 1'innocence, nonobftant les follicitations de fa femme 8c de fes belles-fceurs , qui vouloient qu'il reftat dans fon lit. Elles fe firent afiilter de ceux qui lui avoient arraché fa voix pour la confirmation de la procédure. Le repentir qu'il avoit eu de cette foiblelfe , lui donna un courage & une fermeté qui n'étoient pas de lui. 11 proten-a qu'il fe feroit porter au palais, füt-il a 1'agonie, 8c qu'il bruleroit fa maifon, fi 1'on s'opiniatroit a le perfé-  478 Hifloire du proces ciiter. 8. M. de Galice j pour tacher de réunir les fuffrages, opina que le père Girard, lequel, difoic-il, ne pouvoit paffer pour innocent, füt du moins condamné a. une prifon perpétuelle. Mais il fe rangea enfuite a 1'opinion de ceux qui condamnoient ce jéfuite au feu. 9. M. leBlanc Leveaune, qui fut de même avis , s'étendit fur l'horrible abus que ce confelfeur avoit fait de fon miniftère. II le repréfenta comme un fcélérat, dont 1'infame paftion avoit fait fervir ce que la religion a de plus facré pour corrompre une jeune fille, qui, avanr fa direétion, étoit un exemple d'innocence &c de vertu. II n'oublia pas la fubornation des témoins, pratiquée par le jéfuite 8c fes fuppóts. 10. M. de la Boulie n'avoit jamais cru, dit-il, Ie P. Girard, ni forcier, ni enchanteur ; mais il n'en eft pas moins homme, ajouta-t-rl, & homme inceftueux 8c infanticide; ce qu'il prouva au long , 8c conclut au feu. 11. M. de Re'gujfe, préfident honoraire, avoit ceffé toutes fonctions depuis qu'il avoit remis fa charge a fon fils: mais les jéfüites fongèrent a s'en faire un protecteur. On refpecla affez fa probité connue, pour ne pas lui propofer crument  de la Cadière. 47 f I le parti que 1'on fouhaicoic qu'il pritr. i On lui lacha l'abbé de Charleval, M. ; Faucon, &c. qui lui dirent que c'étoic l une vraie comédie que ce procés, que ! 1'impofture Sc la calomnie fautoienc aux yeux, que c'étoic la plus dröle de chofe qu'on ptïc voir. On lui faifoic, a ce fujec, des conces donc on rioic a ; gorge déployée. On accompagnoic cecte i gaieté d'un ton de confiance qui auroic 1 féduit tout autre. Avec beaucoup d'ef1 prit, il avoit une facilité qui produifoit quelquefois le même effet que 1'imbécillité. 11 crut ce qu'on lui difoit: peut-être quelques motifs humains fe mêlèrent-ils a la cercicude oü il étoit que cetce affaire écoic claire comme le jour. 11 écoic lié parciculièrement avec une dame qui inclinoit fort pour Finnocence du jéfuite j il fut flatté de trouI ver 1'occafion d'appuyer , par fa voix, I une opinion que celle qui 1'avoic embraffée lui rendoic chère. Enfin il alla prendre fa place au palais. Mais les plaidoieries lui ouvrirenc les yeux, Sc nulle confidération ne fut capable de lui faire crahir la véricé, quand il leut ! connue. Perfonne ne s'éleva plus fortement que lui contre la procédure de 1'official j &, lors du jugement défini-  4§ö ïlljloire du procés tif, après avoir expliqué fes motifs de déterroinarion, il dit : „ MM. je vous 3» annonce d'avance que , fi on me fait „ réduire, j'opine a la mort; mais mon jj fentiment eft que, dans une affaire 5» comme celle-ci, nous devrions être » tous d'une commune voix, & ne pas s> fouffrir qu'un criminel 1'emportat in sj mitiorem. Ainfi mon opinion, a la35 quelle je crois que tout le monde ss doit fe réduire, eft qu'on doit met3»tre, dès-a-préfent, les Cadière Sc le 33 P. Nicolas hors de cour & de procés: 33ordonner, contre le P. Girard, les » preuves renant, qu'il fera plus ara33 plemenr informé, a la requêce du 33 procureur-général du Roi, même par 33 cenfures eccléfiaftiques, les pénitentes 33 & ftigmatifées dudit père décrétées, 33 les témoins non confrontés, confron33 tés. Par-la vous redrefferez une pro33 cédure qui m'a roujours paru monf»3 trueufe. « Mais Al. de Gallice & lui n'ayant pu rien gagner par leur opinion mitigée, ils fe rangèrenr enfin 1'un öc 1'autre a Popinion du feu. n. M. le préfident de Maliverni fut du même avis, difant qu'il étoit inutile de répéter les preuves convaincantes qu'on avoit données des crimes de ce jéfuite; &  de la Cadière. 481 6c qu'en fon particulier, il ne doutoic nullenient que ce ne füt un fcélérat. II étoit plus de quatre heures quand on rompta les voix, qui furent routes réduites a Ces deux clalfes j douze pour mettre le P. Girard hors de cour, & le renvoyer au juge eccléfiaftique, douze pour le feu; de forte que 1'arrêt paffa en fa faveur in mkiorem, & il fonit de la fchie, felon l'expreflion d'un magiftrat, moitié fain , moitié brulé. II y eut de grands débats au fujet de la fille. II n'y eut aucune voix pour fuivre les conclufions du parquet, ou plutot de MM. d'Argens, de Ripert & de Gueidan ; car MM. de Gaufridy dc de Séguiran, avocars-généraux, s'y étuient oppofés de toutes leurs forces : mais la plupart des protecteurs des jéfüites vouloient qu'on lui impofat quelque peine. » Au ..Yioins, Meffieuts, difoit le pré» fident de Polienc, réduifez la peine » a fix mois dans quelque couvent que » ce foit, vous rendrez fervice a. cette jj fille, car fi vous la renvoyez pure>> ment & fimplement, il viendra quel.» que ordre de la cour pour 1'enfermer » a vie. Je le vois bien , dir le préfident » de Régulfe, pour 1'honneur de 1'ac» rêt, il faudroit la faire pendre. « Tomé II. X  4.Sz . Hifloire du proces i. M. le rapporteur opina pour la faire enfermer dans la maifon du Refuce de Toulon pour toute fa vie; il fe réduifit a dix ans , & enfin a quatre. MM. 2 de Parade 3 de Meyronet Chdteauneufj 4 de Meyronet Saint-Marc 3 5 de Polienc, furent du même avis. Meflieurs 1 de Mons, 1 Faucon, 3 de Montvallon Sc 4 de Valabres opinèrenc a lui faire faire amende honorable devant le faint Sacrement de 1'églife cathédrale de Toulon, porte fermée. M. de Suffren, doyen, qui avoit opiné pour mettre le P. Girard hors de cour , après avoir propofé de le bannir a perpétuité , dit : » Nous venons, „ Meffieurs , d'abfoudre le plus grand „ criminel qui fera jamais, & nous im„ poferiöns la plus petite peine a cette „ fille 1 il faudroit mettre le feu au pa„ lais: ainfi je fuis d'avis de la mettre *> hors de cour Sc de procés. II ajouta „ enfuite qu'il falloit la renvoyer \ fa 35 mère , pour en avoir foin. « Cet avis fut fuivi par les quatorze autres juges, & fit 1'arrêr. M. le rapporteur paria d'épices Sc de dépens. Les épices furent unanimement rejerrées. A 1'égard des dépens, dommages & intéréts demandés par le P. Girard , M. le doyen dit  de la Cadière. 483 que ce père écoic erop heureux d'avoir été ciré d'un fi mauvais pas; &c que, fi ce n'écoic pour la régularicé de l'arrêc, il faudroic décharger encièremenc la Cadière de cous dépens; mais qu'il écoic a propos de les limiter a ceux faits pardevant le lieutenant de Toulon. Cet avis fuc adopcé, & forma, dans 1'arrêc, une difpofirion abfolumenr illufoire. En eftec c'écoic la Cadière qui avoir, afarequête, faic faire l'information devanc cec officier; c'étoic donc elle qui en avoic fupporté cous les frais; ainfi elle n'en avoic poinc a refticuer a perfonne. Mais il n'avoir été prononcé aucun décrec fur la procédure; parconféquenc aucune aflignacion donnée au P. Girard, pour répondre, poinc de préfencation, poinc de requête de fa paredevanccejuge , qui, pour le dire en paflanc, héfita pendanc crois femaines s'il pouvoic lacher un décrec de prife de corps concre un jéfuite, fans 1'aveu de M. le p. préfidenc. En un mot le P. Girard n'avoir pas fait le moindre acte de procédure devant le juge de Toulon ; il n'avoit donc poinc de frais a répécer; &c la Cadière n'en avoit pas a payer. Mais ceux qui furent chargés de la X 2,  484 Hi/ioi're du proces rédaófion de l'arrêr,rrouvèrent le moyen de mettre les jéfüites dans le cas de tirer parti de cette difpofition : ils la placèrent immédiatement après celle qui met le P. Girard hors de cour, Sc le renvoie a 1'official pour le délit commun. Leurs partifans ont beaucoup fait yaloir cetordre qui f felon eux, annoncoït, d'une manjère frappante, que le P. Girard avoit gagné fon procés. Si 1'on avoit fuivi 1'ufage obfervé a Aix de ne parler des dépens qu'a Ia fin de 1'arrêr, la chofe auroir été beaucoup moins fiappante, ne fe trouvant qu'après la juftiricarion de la Cadière. Le père &c l'abbé Cadière, frères, furent mis hors de cour tout d'une voix, & fans aucune difficulté. A 1'égard du carme, M. le rapporteur fur d'avis de le condamner a dix ans d'interdiétion de toutes fonctions & dignirés de fon ordre. Quelqu'un lui demanda depuis quand il éroit devenu Evêque, pour avoir la faculté d'impofer de telles peines. M. de Montvallon dit qu'il auroir mérité les galères , mais que cependant il fe réduifoit a le renvoyer a fes fupérieurs. Cet avis fur fuivi de MM. de Mons, de Parade & de Meyronet S. Mare. Le refte des juges  de la Cadière. 485 fut d'avis de Ie mettre limplement hors de cour & de proces; ce qui forma 1'arrêt. On palTa enfuite aux conclufions prifes par le procureur-général, fur leiquelles il fut ordonné qu a fa diligence , il feroit informé par le rapporteur contre ceux qui avoient communiqué la procédure. A 1'égard de M. Chaudon & Aubin, M. le rapporreur dit que les Vens du Roi lui avoient remis un mémoire , dans lequel étoient cottées les pages & les lignes ou l'avocat Chaudon avoit outragé la magiftrature, en parlant injnrieufement des deux commüTaires; en conféquence il fut d'avis de décréter l'avocat & le procureur de prife de corps; il fe réduifit a un ajournement perfonnel, au moins a un afligné, dit-il. Cinq ou fix juges furent d'avis de 1'ajournement perfonnel. Mais M. le p. préfident obferva que leurs parties avoient figné leurs écrits avec eux; ce qui impofa filence a eet égard : mais, quant au mémoire, on fut d'avis de le fupprimer i M. de Montvert obferva cependant que , fi on trauoit ainfi les écrirs de Chaudon, 1'équité fembloit demander qu'on ne fit pas plus de quartier a ceux des jéfüites, fignes X 3  48 6 Hifloire du proces Paiery. Non, s'écria M. de Mons-, 35 on ne veut qne fupprimer les écrits » qui bleflent la magiftrature : c'eft 33 ainfi que nous 1'entendons, 8c M. le 33 rapporteur aura foin de marquer les » endroits. A la bonne heure, dit M. 33 de Montvert, pourvu qu'on y tienne 33 la main. « On va voir dans un moment fi l'intention de la chambre fut fuivie. Voici ce fameux arrêt, tel qu'il fut rédigé fous les yeux de M. le p. préfident & de M, le rapporteur. 3» Dit a été que 33 la cour, faifant droit fur toutes les 33 fins 8c conclufions des parties, fans 33 s'arrêter aux requêtes de Catherine 33 Cadière du 11 décembre 1730, a ce 33 qu'il foit informé fur la fubornation 33 des témoins, 8c du 13 aoüt dernier, 33 ten dan re a ce que certains témoins »3 fuftenr confrontés, ni aux requifitiona 33 du procureur-général du Roi verba33 lement faites lors de 1'arrêt d'audience 33 du 30 juillet dernier, a déchargé 33 8c décharge Jean-Baprifte Girard des 33 accufarions 8c crimes a lui impurés, 3) 1'a mis 8c mer fur iceux, 8c fur les 33 plainres dont il s'agit, hors de cour '3 & de procés; Fa néanmoins renvoyé, 33 pout le délit commun, au juge ecclé^  de la Cadière. 4^7 fcfiaftique', condamne ladite Cadière, „ en faveur dudit Jean-Baptifte Girard, » aux dépens faits pardevant 4e heute» nant de Toulon tant feulement, 8c ,> fans dommages-intérêts. Et en ce qui „ eft de ladite Catherine Cadière , or» donne qu'elle fera remife a fa mère , „ pour en avoit foin , 8c au moyen de „ce, fur les autres fins refpeóhves des » parties, les a mifes, enfemble Nico„ las de S. Jofeph, carme, Etienne„ Thomas Cadière, 8c Francois Cadie» re , frères, fur la pourfuite du procu» reiir-général du Roi, hors de cour & „ de procés: a ces fins, les prifons leur » feront ouvertes, enfemble audit Jean„ Baptifte Girard , 8c leurs écrous bar„ rés par le greffier criminel ou fon, » commis. Et, ayant aucunement egard » aux requifitions du procureur-général » du Roi du 1i feptembre dernier, or, » donne qua fa diligence il fera infor» mé par le commilfaire-rapporteur du »préfent arrêt contre ceux qui ont » communiqué la procédure; pour, 1'in„ formarion faite, communiquée audit » procureur-général du Roi, concilie u 8c rapportée, être ordonné ce qu'il » appartiendra pour raifon. Ordonne » en outre que le mémoire inftruétif X4  4§8 Uijloire du procés » de ladite Cadière, fes réponfes a c"ê» lui dudit Jean-Baptifte Girard, les » obfervartons fur fes réponfes perfon« nelles Spelles dudit Girard, 1'ana» lyfe des témoins produits par le pro» moteur en Pofficialiré de Toulon, x enfemble fa requête tendante -a être « traduite aux prifons royaux de ce pa»lais, celle du 9 avril dernier, & re» charge d'icelle, & celle par laqcelle «ladite Cadière demandoit la révoca»> tion d'un décret, & de fe (etirer atv » greffier, pour lui expédier extrait da « fa plaiflte & des réponfes perfonnel» les dudit Jean-B. Girard, le tout im» primé, feronr retenus au greffe ".ri» minel, pour être lacérés par le pre» mier huiflier de la' cour requis, dont » il fera enfuite par lui drefte procès» verbal, qui fera remis audit giraffe. » Délibéré a Aix le 10 oêtobre 1731. c* ; Quand eet arrêr fut rendu public, bien des gens trouvèrent qu'il fourmilloit d'irrégularités; on fe fervoit même d'un terme plus fort. Pourquoi, par exemple, difoit-on, débourer la Cadière de fa requête en fubornation de témoins ? La lettre de la dame de Cogolin, produire au procés, fourniftbit une preuve complete & par écrit de cette  de la Cadière. 489 fubornation. Mais, continuoit - on , quand cecte preuye n'auroit pas exifté, pouvoic-on prendre fur foi d'affeoir W jugement fur une procédurearguée d'un vice fi énorme ? Le jugement des objets, c'eft-a-dire, des récufarions des témoins n'a-t ilpas eu pour motif de la purger, cette procédure ? La demande en information contre cetre fubornation n'avoit-elle pas le même effer,„ puifque la preuve entière, qui auroit pu en réfulter, auroit fait rejetrer les témoins corrompus, les auroit fait punir, &c auroit opéré la conviótion des crimes de 1'accufé ? Elle auroit en mcme-temps produit la juftificarion de 1'accufatrice. Car, quoiqu'il n'y eut, ni plainte, ni information contre la Cadière, on nelaiffoir pas, par une fiction injuife, de la trairer comme accufée & comme criminelle. Or la requête en lubornation de témoins étoit un fait juftificatif, qu'on ne pouvoit pas fe difpenfer d'admettre, après la vifité du procés. . ( Pourquoi, ajoutoit-on , avoir debouté la Cadière de fa demande a ce que certains témoins fuffent confrontés au P. Girard? Le nombre de ces témoins étoit trop gtand , pour que 1'on ^ 5  49<3 Hijloire du procés püt croire que cette omidïon étoit involontaire,, & ils chargeoient trop le jéfuite, pour que 1'on n'eüt pas lieu de croire que ce refus étoit 1'ouvrage de la partialiré (i). Des commilfaires auroient-ils donc la libërté indéhnie d'écarter d leur gré les preuves du procés ? L'ordonnance de 1670, art. 1, tit. 15 , veut que les témoins foient récolés en leurs dépofirions, &, fi befoin eft, confronrés a 1'accufé , c'eft-adire, comme 1'explique 1'arricle 9 , s'ils font charge confidérable. Or ici ils faifoient charge; c'eft donc, de la part des commilfaires, une conrravention , Sc a Fefprir, & a la lertre de Pordonnance. Si les juges euflent trouvé la preuve fufEfante pour condamner le P. Girard » cette confrontation eüt peur-être été fuperflue: mais, dés que, de vingt-qua- (1) Entre ceux qui ne furent point confrontés a ce bon père, on peur remarquer ic neuvième, qui dépofé que la Cadière fut plus difTipée depuis qu'elle fut fous la direétion da P. Girard , qu'elle ne 1'étoit auparavanc : le ' trentième , qui dépofe de la formule de confeflion que ce diieéteur avoit donnée a fa devote , lorfqu'ellc étoit au couvent, & tr'ente-troifième, qui déclare avoir vu la Cadière ouvrir fans clef la. fenêtre, 4e la grille $u farlojx.  de la Cadière. 49 ï tte juges, douze vont d la condamnation , & douze a 1'abfolution , le refus d'une inftrucïion , qui auroit du être «xrdonnée d'office, fait croire qu'ils craignoienc de rendre leur procédure parfaite, & n'ofoient courir les rifques de trouver dans les dépofuions des témoins non confrontés un corps de preuves fuffifant pour la condamnation du jéfuite. On trouvoit a redire que 1'arrêt eut rejetté la requifition faite par les gens du Roi le 30 juillet 1731- us avoient demandé que les pénirentes ftigmatifées du P. Girard fuifent enfermées fé. parément & interrogées de même. Cette précaution , difoit-on , étoit elfentielle. La Cadière, dans 1'impolfibilité d'expliquer par elle-même tout le merveilleux qu'elle racontoit, avoit réclamé cent fois cette. conformité d'état encre elle & fes compagnes, conftatée par une infiniré de rémoins irréprochables. Si on les eüt fuivies de prés dans leurs réponfes féparées, on auroit pu déeouvrir la nature des preftiges employés par le bon père pour faire nakre des états dont il fcavoir (1 bien tirer parti, tant pour fa réputation, que pour fes plaifirs. X 6  45>i Hifioire du procés On trouvoit de la contradiction ert ce que le Girard étoit décbargé des accufations & crimes a lui imputés, &c cependant renvoyé au juge eccléfiaiti, que pour le délit commun.Puifqu'il n'y avoit plus, ni crime, ni accufation, en quoi confiftoit donc le délir commun , qu'on laifloit a juger a 1'ofEcial ? D'aiiieurs on trouvoit étrange que le parlement eut déchargé le P. Girard des crimes d lui imputés. Les juges déchargenr bien d'une accufation, quand elle eft. mal fondée, mais non pas d'un crime; cette faculté eft réfervée au Roi, quand il accorde des lettres de grace. a II paroiffoit étrange que la Cadière füt indirecftement déclarée innocente de la calomnie qu'on lui imputoir, & que le P. Girard füt en même-temps jugé innocent des crimes, dont 1'accufation formoit le corps de la calomnie. Les Cadières & le carme avoienr été mis hors de cour fur la pourfuite du procureur-général : mais on demandoit oü étoit la plainre & le titre de la pourfuite. Conformément aux lettres-paténtes du 16 janvier 1731, le miniftère public avoit demandé, le 9 février fuivant, une conrinuation d'informa-> don, tant contre le P. Girard, que coa-.  de la Cadière. 493 tre fes complices. Dira-t-on que ces complices étoient les frères Cadière &c le carme ? Mais cette complicité étoit incompatible avec le crime de calomnie dont on vouloit les charger. Les véritables complices du directeur étoient la Guiol & le P. Sabatiet. D'aiiieurs le procureur-général n'avoir aucun intérêt de pourfuivre une prétendue calomnie faite contre le P. Girard qui ne fe plaignoit pas, & qui ne pouvoit pas fe plaindre, du moins avant que d'être jsuftifié. Enfin 1'arrêt ordonne que certains mémoires & requêtes de la Cadière feront lacérés par un huifTier. Pourquoi n'a-t-on pas inféré la refhiétion fi expreffément recommandée aux opinions ? Quand 1'arrêt parut, un des juges s'en plaignit au rappo-teur, qui répondit que M. le p. préfident avoit rayé ces mots : concernant la magifirature. Mais pourquoi n'avoir pas pareillement fupprimé les écrits du P. Girard , dont une bonne partie étoient des libelles fans fignature & fans nom d'imprimeur ? Pourquoi montrer de la fenfibilité pour de perirs traits échappés a la liberté de la parole & a la néceffité de la défenfe, tandis qu'on a été infenfible aux repror  494 Hijloire du proces ches infamancs que la Cadière & Ig carme avoient faits, dans la grand'chambre, aux commilfaires, a la face de la juftiee? Tandis que deux chambres en corps demandoient, pour 1'honneur de la robe, que ces deux magifrrats fe puigealfient avant que de juger ? Cependanr ils confervent tranquillement leurs places, jugenc leurs propres accufateurs, les voient, fans fe plaindre, mettre hors de cour Sc de procés, & croient être fuffifamment vengés par la fuppreftion de quelques lignes d'un faclum! D'aiiieurs la fuppreftion de ces mots : concemant la magijlrature, ète aux commilfaires rour l'avanrage qu'ils auroient pu tirer de la flétrilfure de ces mémoires; car n'étant point motivée, on eft en droit de croire que c'eft une fatisfaction au jéfuite & a fa compagnie, qui étoient alfez mal traités. Ainfi la faveur de la fociété, eft , ajoutoiton , Ie dénouement perpétuel de toutes les difficulrês qui fe trouvenr dans eet arrêr. A 1'égard de 1'informarion ordonnée par 1'arrêt contre ceux qui avoienr communiqué la procédure, trois femaines s'écouièrenr fans que M. le procureurgénéral y penfat; Sc les chofes en fe-  de la Cadière. 495 roient reftées la, fi M. de Gaufridy n'ayoic donné une requête en* fon nom, pour demander l'information contre ceux qui avoient ofé le calomnier , en publiant que c'étoit lui qui avoit commis cette infidélité. Mais on trouva le moyen d'arrêter le cours de cette information. M. Authemant, jeune avocat, ayant une femme & trois enfants, & un fieur Charbonnier avoient dépofe que cette communication s'étoit faite aux jéfüites par le miniftère de M. d'Argens. Deux lettres de cachet enfermèrent l'avocat dans la tour de Tarafcon, & 1'autre dans la citadelle de S. Tropès. La fceur du fieur Authemant fut obligée de difparoitre, fur des bruits qui fe répandirent qu'on en vouloit a fa liberté, quoiqu'on n'eüt d'autres reproches a lui faire que quelques aftes de charité, que le voifinage de fa maifon avec le monaftère oü la Cadière étoit enfermée , lui donnoit occafion d'exercer envers cette prifonnière. Pour revenir a 1'arrêt , la place des Prêcheurs, fur Iaquelle le palais d'Aix eft fitué , ne pouvoit pas contenir le peuple qui, depuis fepr heures du matin , attendoit le jugement. Quand les juges fortirent, ce ne fut que huées  49 ^ Hifloire du proces contre ceux qui avoient protégé Ie P. Giratd , & que bénédicfions pouc les autres. Le rang, le crédit & 1'autorité de M. le Bret, 1'eltime qu'il s'étoit ci-devant acquife dans la province, ne purenr le garantir des infultes.. Nous avons fous les yeux des lettres du temps, qui entrent, a ce fujet, dans des détails qu'il feroit trop long de rapporter , mais defquels il réfulte un fpectacle des plus étonnants : nous obferverons feulement que le marmiton des jéfüites penfa être maifacré a coups de pierres , en portant le foupé du père Girard. II ne put mettre fa vie a couvert , que par la fuire; mais la bou>teille, les afliettes & les plats reftèrenc fur le champ de baraille. Quoique le P. Girard dür naturellement être conduir en exécution de 1'arrêt, aux prifons de l'officialité de Toulon , pour le délir commun , il fortit de prifon , le lendemain de fou jugement, a fix heures. du matin, dans une chaife i porteurs, dont les rideaux bien tirés ne 1'empêclièrent pas d'être découvert. Le peuple 1'alfaillir, & lui prodigua les inj.ures les plus atroces \ on 1'appelloit forcier, fcélérat, facri,lége, &c. Les porteurs, plus mores que  de la Cadière. 497 vifs , parvinrervt enfin a le jetter a la porte de 1'églife des jéfüites. Peu de perfonnes purent 1'y fuivre , par la precaution que 1'on pril de la barricader prompremenr. U fe mit a genoux , U peu de temps après monta a lautei pour célébrer la melfe. Les fuperieurs recurent des reproches de ce fcandale, de' la part de leurs meilleurs amis; & M. l'archevêque d'Aix leur fit dire de le faire fortir incelfamment de la ville d'Aix • ce qu'il fit, le lendemain , a petit bruit. 11 fe rendit a Lyon , fous la garde du P. Redeur de la maifon, qui ne le faifoit voir qu a fes. bons amis : M. le prévbt des marchands fut du nombre. Les jéfüites lui avoient fans doute fait entendre qu'ils n'étoient pas contents de 1'arrêt, car il leur confeilia, > dans une converfation , de laifler munr ceae afTaire, & de ne pas la réveiller fi-tot j fur quoi le P. Girard lui-même adura qu'il en auroit juftiee , en düt-il coüter deux milUons a la Société. Ce bon pere n'avoit pas perdu le gout de la direction : on folticita des pouvoirs pour lui avec les plus vives inftances : mais M. 1'Evêque de Sinope, qui régiftoit alors le diocèfe pendant la vacance du fiege, les refufa conftammeut.. On trou»  49 8 Hijiolre du procés vent.qu'il ne fcandalifoit déja que trop, en difant la melTe. Maisil fut bien dédommagé de cette mortificatie , par une lettre que lui adreifaM. 1'évêque de Viviers : la voici. » Je ne vous ai jamais témoigné , " fon. févérend père , ma fenfibfiité " lat les epreuves humiliames , dans » lefquelles Dieu vous a laiffé fi lons» temps , & je ne prétends pas vous » temoigner aujourd'hui mon re«ret de » ne pas trouver dans 1'arrêt qui vous' » a aftranchi de la plus violente accu» lation , toutes les circonftances que » fembloit demander l'oppreifion que » vous avez foufferte , 8c les indignes » artihces de vos ennemis. Vous n'avez » pas oublié, mon révérend père, mes »' anciens fentiments d'eftime, de ref» peel 8c de vénération pour vous. Vos » tribulations n'ont fervi qu'a les au» gmenter ; & en refpectant les deifems » de Dieu dans la conduite qu'il a tenue » a votre égard, votre état m'a encore » pam plus digne d'envie que de com» paifion, paree que j'ai compris qu'une » i grande croix étoir en même-temps »la marqué & 1'occafion de la plus » haute vertu. Je ne doute pas , mon » K. P. que vous n'ayez répondu aux  de la Cadière. 493 »vues de Dieu, toujours falutaires, ,> quoique dures en apparence j Sc je » penfe bien moins a m'affliger avec » vous de tout ce que 1'injüftfce des »» hommes vous a fait fouffrir , qu'a „vous féliciter des profits que la fol „ & la grace vous ont fait tirer de vos „ foufTrances. Que j'aurois de confola„ tion de pouvoir-vous embraffer ici, n Sc vous donner des marqués de „ mon eftime Sc de ma confiance ! Ne „ pouvez-vons pas venir paffer quel„ ques jours chez moi ; Sc , fi votre » fanté vous le permettoit , con» facrer vos talents & vos travaux aux „ befoins de mon diocèfe ? II a eu ie „ bonheur d'avoir autrefois Ie bien„ heureux Francois Régis pour miffion„ naire; il vous convient d'être le fucii ceffeur de eet apótre. Je compte in„ finiment fur le fuccès des ouvriers » évangéliques qui ont éré préparés au » miniftère par les plus rudes croix ; •i Sc je fuis.perfuadé que vöus recueil„ lerez avec abondance la mefure que „ vous avez femée dans les larmes Sc „ 1'amertume, Ne füt-ce que pour vous „ repofer un peu Sc réparer votre fan„ té, que tant de fecouftes ne peuvent s> qu'avoir altérée, vous pourriez tou-  5©o Hijloire du proces »jours me donner la farisfacFion de «vous garder quelque remps ici. Je » vous fcaurai un gré infini de cette „ complaifance ; 6c rien ne me fiattera „tant que de trouver, par-la , une « occafion de marquer hautemenc que „ mes fentiments pour vous font au„ delfus du fanatifme populaire , Sc „ que rien n'égale 1'eftime, la confiance » & Ia confidération dont je fuis rem» pli pour vous. C'eft dans ces fenti» ments, mon R. P. que je fifis , &c „ Francois de Villeneuve, Evèque „ de Viviers. A Viviers, le 14 oélobre » 17 3 1. « Le P. Girard ne manqua pas de fe rendre a des follicitations fi vives &c fi flatteufes. II fut recu dans le palais épifcopal, carefle Sc honoré de toute Ia confiance du prélat. II quitta, le 23 février 1732, cetre douce retraite, ou il trouva peu d'agrément après le dé*part de 1'Evêque pour les états du Dauphiné. II paroït même que la conduite de M. de Viviers a 1'égard de ce pêre , n'avoit pas été approuvée a la Cour, d'oü il avoit recu quelques reproches, fur-tout au fujet de la lettre qu'on vient de lire , & que les jéfüites avoient eu grand foin de rendre publique. C'eft:  de la Cadière. joi tx qui paroit par la manière donc ce prélat en écrivic a. l'abbé de Fourbin d'Oppede, aumönier du Roi, grandvicaire de Paris & favori du cardinal de Fleury. » Le père Girard , écrir le prélat a eet abbé, » n'a , ni préché, „ ni confefte a Viviers; & avant que „ d'avoir recu votre lettre, j'étois bien » déterminé a ne pas 1'engager aux fonc»> tions du miniftère, qu'après avoir vu * le dénouement qu'auront les fuites » de fon arrêr. « 11 s'excufe enfuite d'avoir écrit comme il a fait, fur 1'eftime & la confiance qu'il avoit depuis long-temps pour ce père, dont la vertu lui avoit toujours paru fimple & folide, ainfi qu'il 1'avoit éprouvé dans des occafions critiques. II ajoute qu'il a cru devoir , pour adoucir le trifte fort de ce jéfuite, fe livrer au* fentimenrs que 1'amitié, la compaftion , la charité même lui infpiroient. II avance , après cela, qu'il a la fatisfaótion de voir, dans ce petit coin de terre qu'il habite , tout le monde penfer comme lui fut 1'innocence de ce père; qu'on le plaint , qu'on le refpecfe , qu'on 1'eftime. » Voila , mon cher v abbé , ajoutoit-il en finiftant , tout « ce que j'avois a vous dire pour ré-  501 Hijlolre du proces » pondre a vocre lettre. Si vous me „ trouvez juftifié , tant mieux. Si ma „ conduite vous paroït encore repré» henfible , je fóufcrirai a votre juge35 ment; mais j'aurai toujours la con55 folation d'avoir témoigné de la bonté »5 a un homme de bien , perfécuté Sc 33 maltraité; Sc cette idéé affoiblira le 35 regret de mon imprudence , & en 33 adoucira Ia honte. Je fuis, &c. « Le 18 février 1732 , le P. Girard fut rappellé z Lyon, par fon provincial, a .qui M. le Brer, p. préfident d'Aix , avoic écrit, de même qu'aux provinciaux des dominicains & des carmes, que la Cour étant fur le poinc de revoir le procés, il falloit que les coaccufés ftuTent tous prêts a fe préfenter. Mais ce projet n'eut pas lieu, paree qu'on défefpéra fans doute de pouvoir blanchir ce père, & il recut ordre de fe retirer en Franche-comté, fa patrie. II parrit le 4 mars pour s'y rendre , après s'être donné en fpeétacle plufieurs fois a 1'autel; Sc afin d'actirer plus de concours, & de mieux fatisfaire la curioficé du public, il difoit la meffe a 1'heure des dames. II leur donna auffi les cendres; Sc Pon obferva une fingularicé, donc on n'a pu deviner le motif;  de la Cadière. 5-03 c'eft qu'il ne les donna pas fur le fronr, mais fur la coe'ffure. A peine fut-il arrivé a Dole, que fon recteur partit pour Befancon , oü il fit renouveller , par M. Hugon, grand- vicaire, les pouvoirs de toute la eommunauté, bien entendu qu'il ne fut nullement queftion du P. Girard , & que la feuille drelfée & préfentée par le R. P. redeur fut fignée par M. le grand-vicaire, fans êrre lue. Le bruit que le père Girard étoit approuvé, fe répandit bientot, & fut d'abord défavoué par le grand-vicaire , lequel , enfuite , bien informé du fait, manda le recteur , & revendiqua la feuille d'app'robation. Le P. recteur batailla long-temps : il ne difconvenoit pas de la pieufe fraude ; mais il la juftifioit en parlant du P. Girard précifément comme d'un faint, qui eüt été nouvellement canonifé a Aix. Le ton jéfuitique, loin d'en impofer au grandvicaire , le piqua, & le recteur , craignant de perdre les autres pouvoirs, qu'on menacoit de retirer par un interdit fignifié en forme , fut forcé d'obéir & de reftituer fon larcin. Enfin le P. Girard rermina fa cartière a Dole en Franche-Comté, le  5 04 Hijloire du procés 4 juillet 1733. La relation de eet événement eft confignée dans deux lettres envoyées par le préfet du college des jéfüites de Dole, au P. Tribolet, recteur de la maifon du noviciat de Nanci. On ne manqua pas de les rendre publiques; & elles font trop honorables a la défunte fociété & a la mémoire d'un membre fi digne d'une telle compagnie , pour qu'elles ne trouvent pas ici leur place. M. R. P. nous venons enfin de 33 perdre le P. Girard. L'intérêt que 33 vous avez pris a ce qui le touchoit , 33 m'a fait croire que vous feriez bien 33 aife d'avoir un petit détail fur fa ma» ladie & fur fa mort. II eft difncile »3 de fouffrir des douleurs plus aiguës 33 avec un courage cc une patience plus 33 héroïques. A voir fa tranquillité dans »3 le temps ou on le panfoit & oü on 33 inféroit la fonde dans fes plaies, de 33 Ia longueur de quatre pouces , vous s» eufliez dit que c'étoit fur fin marbre 33 que les chirurgiens travailloient. La 33 veille & le jour de fi mort, je lui 33 demandai ce qu'il fouffroit; il me 33 répondit qu'il fouffroit des douleurs ss très-vives dans toutes les articula3» tions de fon corps. II n-'y parut point  de la Cadière. joy * m fur fon vifage, 6c il conferva fa tranw quillité jufqu'au dernier foupir, donc I » on ne s'ap.percut qu'a peine. 11 n'a | « point les yeux tournés a 1'ordinaire 1 » des mourants. Le lendemain de fa | » mort, je les lui ouvris en préfence I »de M. l'abbé D*** qui m'en pria. 1 » II les avoit auffi beaux , auffi doux |i » & auffi naturels qu'il les eut jamais 1 » eu. Bien plus, le corps alfez laid de I » fon vivant, a été fi beau après .fa 1 »■ mort , que nous en étions tous furI » pris. Ii fallut, pour la confolation du » public , 1'expoier rrois heures avanc »le temps qu'on expofe les autres. Ce • » fut une proceffion continuelle jufqu'a » 1'office ; & , quoique les femmes ne J' » pulfent pénétrer oiion l'avoir mis, la : » chapelle ne défemplic point jufqu'au j " moment qu'on 1'en öta. L'églife", les "tribunes, les chapelles furent rem3> plies ; a peine y avions-nous place. I » On jettoit les hauts cris, quand on » vit fon corps. Tous les officiers y » vinrent, & n'eurent plus alors qu'un =» même fentiment. II fallut dérober le ! >■> corps au peuple qui s'y jettoit en 1 » foule pour faire toucher des heures, t| » des chapelets , &c. Depuis fon enterI » rement, bien des gens viennent lui Tomc 11. Y  '5 o6 Hljiolre du proces ■>■> commencer des neuvaines. II a merrie „ fallu ufer d'autorité pour arrêter les n indifcrétions en ce genre. La ville rej) vient cotalemenr; on regrette d'avoir „ méconnu le faint, & on fe réjouit „ de poffeder ce rréfor. Quant a la véj> nération qu'on a pour lui dans 1'in« térieur de-ce college, on 1'auroit por„ tée a 1'excès, fans l'autorité du père ,) recteur , qui en oraignoir les fuites. „ Pendant le temps oü on lui fit la re„ commandation de 1'ame ( ce qui ar,3 riva deux fois depuis midi jufqu'a ,5 quarre heures, oü il mourut, ) on 33 eut peine a trouver des répondants; as il fut prefque feul a répondre. Nous »5 ne répondions que par des fanglors Sc „ des larmes. Le Pi recteur lui-même ne 5, put jamais finir-, il fallut qu'un autre achevat. II y a mille circonftances trés - édifiantes ; jamais on ne vit si homme plus ivni a Dieu , plus rempü 3j de foi, d'efpérance & de charité. Le 55 jour oü il recut le viatique pour la ,5 première fois , Sc oü il venoit de 53 faire bruler tous les papiers qui re53 gardoienc fon intérieur, nous le pref55 fames de lépondre a une lettre que 55 fa fceur lui avoit écrite; il n'eft plus t3 befoin , nous dit-il, que de me taire  de la Cadière. 507 s> & de me'cacher : il céda pour tant, 55 & le fit. Je vis hier la lettre , & il eft: >j difficile de^parler mieux Sc de dire de » plus belles chofes en fi peu de mots. » Dieu fernble difpofc a glorifier fon 3) ferviteur. Après ce dérail , vous ne s3 ferez pas faché de voir la lettre cir33 culaire , dont voici la copie. » M. R. P. le père Jean B. Girard jj eft mort aujourd'hui a quatre heures 33 après-midi. Sa mort a été la fuite jj d'un abcès qui s'éroir formé au cóté, 33 qui infenfiblement 1'a épuifé , & 1'a 33 enfin enlevé , après plus de deux mois ss de makdie. Ce père éroir agé de 5 $ ans. 11 en a palfé 3 5 dans la com33 pagnie, dans 1'exercice de la vie re33 ligieufe, fans jamais fe démenrir. Il •3 étoit pieux , fage, régulier, aimanc 33 1'érude, la retraite, 1'oraifon , ne fe 33 produifant au dehors qu'a mefure que ss la charité Sc le zèle des ames 1'y en33 gageoient; fon humilité lui cachant ss a lui-même fes talents, qu'il ne met33 toit en ceuvre qu'aurant que 1'obéif33 fance 1'exigeoir. II s'eft diftingué fur>3 tout pour la prédication, pour la di33 reclion des confciences, & par une 33 piété généralement reconnue. Il feS3 roic fuperflu de raconter par quelles Yi  «5 o 8 Hijloire du proces » épreuves Dieu 1'a conduic, fur-tout » lés trois dernières années de fa vie. „ II fuffir de dire que les principales » villes, qui avoienr été 1'objet de fon j> zèle & de fa charité , & le théatre y> de fes glorieux travaux, ces mêmes m villes , par un fecret de la providen3> ce , font devenues le cemre de fes s; humiliations Sc de fes plus vives tri33 buiations. Mais qui pourroit expri33 mer avec quelle patience & quelle 33 foumiiïion aux ordres de Dieu il les 33 a fouffertes ? Le Seigneur, qui vou33 loit 1'éprouver dans le creufet des 33 afflictions, comme 1'or dans 'la four33 naife , a voulu, pour le purifier, qu'il ss en füt ratfafié. On peut juger de la 33 vertu de cette grande ame, pat les 33 traits fuivancs. '3 Au plus fort des perfécutions qu3on 3? lui a fufcitées, Sc a la fuite , il n'a ss jamais ouvertla bouche pour fe plain33 dre conrre ceux qui en étoient les 33 auteurs ; il portoit, fur ce poiut, la 33 délicatetTe fi loin, qu'il ne lui eft ja33 mais échappé une parole contre eux. 33 Content dë ce qu'il étoit aux yeux 33 de Dieu , il ne faifoit pas même part „ 'i fes amis de ce qu'il pouvoit recev ypir de favorable pour fa juftification,  de la Cadière. 509* •p Bien pkis , /dans le cours de fon pro35 cès, oü il s'agiffoir de tout, il a mieux » aimé fe laiiïer accabler par les ca» lomnies les plus atroces, & publiées jj avec un excès de furent, que de blefler 35 la charité, que de fournir la moindre js preuve, quoiqu'il put le faire , contre jj ceux qui travailloient a* le perdre. Sa jj charité n'a été pleinement fatisfaire jj qu'après qu'il a eu prévenu , par fas jj devoirs de civilités & d'honnêtetés-,. jj ceux qu'il fcavoit avoir été les plus 33 vifs & les plus ardents i le flétrir & 33 a le décrier. Si fa charité a été grande j,, jj fon amour pour la vérité a été in33 comparable. Sur la- menace que lui 33 fit fon avocat, de 1'abandonner dan-s 33 le cours d'un procés fi intéreffanc, 33 s'il faifoit de certains aveux , aflez 33 critiques en apparence , quoique atv 33 fond bien éloignés de tout crime : 33 Je les ferai _, répondit-ii, & je ne di33 rai pas un menfonge, dilt-il m'en couter 3> la vie. Voila ce que , dans un auffi 33 grand pér il, la droiture de fon cceur , 33 la religion du fermenr, 1'innocence de 33 fes mceurs , le rémoignage de fa cotv3» fcience & la confiance en Dieu lui 33 firent foutenir avec fermeré. Comme,. » entre les vertus qu'il a praciquées, la Y5  5i o Hijïoire du procés » patience , la charité & J'amonr de » la vériré ont tenu le premier rang 5. » auffi , parmi plufieurs ralents qu'il » avoft reeus du ciel , celui de parler „ de Dieu avec douceur tk avec force 3» tk le don de le faire gouter aux au35 tres , foit dans les entretiens parti33 culiers , foir dans les chaires , éclatoit 33 davanrage. Ses difconrs étoient juftes , 33 perluafifs, délicats, pleius de fel tk 3> d'oncftion. C'éroit fon caractère d'ef3> prit: mais efprit, réputation , talent, 33 luccès , il a tout facrifié au bon plaifir 33 de Dieu, & s'eft rëgatdé comme un 33 vafe brifé qui n'eft plus bon a rien.. 33 Une mort douce, tranqciiüe tk pré33 cieufe aux yeux du Seigneur, devoit s3 être la récompenfe d'une vie paffee 33 dans 1'exercice des vertus chrétien33 nes, éprouvée par des tribulations fi 33 vives, fourenues avec courage tk fou33 mifficn d la volonté de Dieu. Kous >3 avons tout fujet de croire que Dieu 33 la lui a accordée dans le cours de fa 33 mrdadie, qui a été longue & dou33 loureufe. II a trouvé toute fa confo33 lation aux pieds du crucifix, qu'il a 33 prefque toujours eu fous les yeux , & 33 qu'il baifoit d tous momenrs : il n'a 33 pas attendu que 1'extrêmité du mak  de la Cadière, S i i „ le forcat. a recounr aux Sacremenrs h des mourants ; il les a demandés^ tk „ les a recus avec une préfence d'ef„ prit qui lui a permis de facisfaire „ toute fa dévorion. 11 renouvella fes „ vceux avant que de recevoir le faint „ Viacique; tk il déclara, pour 1'hon,r neur de la vériré" & de la religion , „ en préfence de toute la eommunauté affemblée, que, quoiqu'il füt_ un » arand péeheur; par la grace de Dieu , » il n'éroit tombé dans aucun des cri„ mes affreux dont on 1'avoit accufé „ dans le proeès. Certainement nous » n'avions pas befoin de cette protefm ration pour en être eonvaincus. 11 » recut enfuire le corps de norre Sei» gneur. Le lendemain , il' demanda „ l'exrrème-onétion , qu'il recut avec „une pareille ^votion , répondant „ lui-même a chaque onction qu'on lui „ faifoit. 11 a vécu , après cela , environ „ trois femaines ,• dans la douleur & „ dans la patience, tk il a mis tout ce •„ temps a profit, pour 1'éternité *jjhar „ les adtetdes principales vertus "ar „ les fenciments de la piété la plus. ■» tendre , par les afpirations les plus „ vives tk les plus touchantes vers Dieu. » Enfin il a prié qu'on lui fit la récornY4  fil Hijlöire du procés « mandationde 1'ame, il a priéde nou* " vem P°«r fes enaemis, & peu après il » a expire doucement. Ainfi péru lejufie " ^Jfijufike. Quoique nous efpérions »qnii a trouvé grace devanc le Sei" §neur', je P«e cependant vocre révé» rence de lu, procurer les fuffiages orr dlna!r" de la compagnie. J'ai 1'hon- « aeur dme, &c.A Dole, le 4 juillet „1733. « ^> Le bruit fe répandit dans le public qne les circonftances ayant rendu le pere Girard umquement a charge a la compagnie, dont 1'honneur écoiT d'aiiieurs iuflifammenc réparé par la publiStc avec Laq.elle ce père avoic été donne en fpeclacle , on avoic pris le par.» de prévenir Jes accidents qui auroient pu réveiiler cerre malheureufe affaire, & donner egjfin a la vériré un «lat mndique; & qt'on lui avoit faic accepcer e facrificede fa vie pour 1'êxpiation de. fes crimes. On avoit eu la précaution auparavant de raire rendre, par 1'official de JöliJon une fentence d'abfolucion en faveur de cec accufé. Elle eft erop finguhere pour n'en pas procurer la lecrure a ceux qui peUvenc être eurieux de connoure les reffbrrs qui ont été mis en ufage dans cette affaire.  de la Cadière. 513 ,» Êxirau du greffe de ïévêché de Toulon. „Mouton, pour le P. Girard, a „ dit que fa partie ayant été faulfemenc »& calomnieufement accufée d'une »complication de cas & crimes les » plus atroces & privilégiés par la nom„mée Catherine Cadière, fa familie »& fes adhérents, qui avoient com» ploté la perte de fon honneur & de » fa vie; fur 1'expoficion de ladite Ca» dière , ayant été pris information par 0 vous, Monfieur, & M. le lieutenant„ ctiminel conjointement, tant a fa „requête, qu'a celle de M. le lieute„ nant d'oftice, la connoiflance en > ayant été atcribuée par arrêt du cpn» feil, en premier & dernier relfort, a „ la grand'chambre du parlenient, pour » la 'procédure être continuée Sc ïnf» truite par les commilfaires députésh par ladite chambre, qui 1'auroienc » continuée & décrétée; ledit P. Gr» rard ayant été décrété d'un affigne" » pour êrre oui , & ladite Cadière &-.fes „ adhérents d'ajournement en perfon„ ne; & le procés fait & parfait, feroit » intervenu arrêt le ioe jour d'octobre "dernier, par lequel ledit P. Girard » auroit été- décharge defdites- accufa-  fi.4- Hijlolre du procés » tions Sc crimes a lui imputés, & mis » fur icelles , & fur les plaintes de la»dite Cadière & dudit fieur promo» teur, hors de cour & de procés, Sc « ladite Cadière condamnée en vers lui. » aux dépens faits pardevant le lieute» nam de Toulon, & ordonné qu'elle, " feroit remife a fa mère pour en avoic „foin ; & néanmoins ledit P. Girard » auroit été renvoyé pardevant vous v «Monfieur, pour le délir communr » Bien qu'il dut fe regarder après eet "arrêt comme entièrement abfous Sc dédiargé de tous les crimes & accu« fations dont fes calomniateurs avoient » voulu le noircir, le moindre defquels » étant de 1'efpêce de ceux dont le ju" gement & la punition appartient au f iu§e l«q«tó, Sc qu'il ne fut d'ailleurs» lié par aucun décret civil ni canoni-, » que^defirantpourtant, dans une telle » circonftance, fubir, avec la confiance «que lui infpirefon innocence, votre»jugement, Monfieur, pour dilfiper*> Sc anéantir jufqu'aux moindres idéés, «qu'une telle ac-ufation- Sc fi inouie » calomnie auroir pu donner fur fa con» duite , jufqu'a. ce jour irréprochahle »devant les hommes; n'ayant au jourttd'hoi d'autre partie, pour le déÜS.  ' de la Cadière, \m n commnn , que ledit fieur promoteur , » il fe feroit pourvu a. vous, Monfieur , „ pour faire dire qn'il füt enjoint audit „fieur promoteur de lui faire faire St „ parfaire fon procés, & icelui mettre „ en état d'être jugé dans tèl temps » qu'il plaira d'établir, autrement dé„ chu, & ledit Pi Girard décharge def„ dites accufations & prétendus crimes » qui peuvent être de votre compéren»ce, .tk tomher dans le cas du délic „ cdfnmun. Efantintervcnuordonnance „ de'vorre autorité le 17 novembre der* nier, par Iaquelle vous Paurie'z ainfi „ ordonné dans le délai d'un mois, au„ trement pourvu) Iaquelle lui ayant „été fignifiée le même jour, & le„ remps pofté par icelie érant expiré, „ feroit intèrvenu aurr.e ordonnance „ votre, le 19 décembre fiiivant, qui „ lui auroit dohné'uri autre délai de „ quinzaine avec la claufe irritante •, la„ quelle lui ayant été de nouveau figni» fiée fans y avoir fatisfait, vous au„ riez , pour toute préfixion , employé „encore le délai de huitaine par votre „ ordonnance du 7 janvier dëtnier, „ ante-ment définitivement déchu tk les „ fins prifes par ledit P. Girard entéri„ nées. Ledit fieur promoteur n'ayant.. Y 6j  |i & mettre icelui en état « d'être jugé, il en fera définitivement «déchu, & ledit P. Girard décharge » des accufations 8c crimes a lui impu» tés,. & fiir icelles mis hors de cour & « de procés. Et a JïgnéMouton. » Et le promoteur a dit qu'il n'a. pu » mettre le procés en état, la procédure » prife par vous, Monfieur,,étant rière wie greffe de la cour, (i) en confé- (i) fes-apparences de Ia collufion font ici  de la Cadière. ftfó «■quence de 1'injondtion qui füt faite. 3> a votre grefKer de la remettre- a celui, „ dela commiffion dela grand'chambre. „ Que lui paroiifant d'aiiieurs par ledit „arrèt que ledit P. Girard a été dé^ n chargé des accufations<&. crimes a lui>3 imputés, toutes lefdites accufations. 3» Sc crimes, tombant dans le cas pr-ivb 33 légié.,. il "ne refte plus de délit comS3,mun a juger, fur-tout la plainte de. >> ladite Cadière étant jugée téméraire. 3».&calomnieufe, puifque l'accufatrice 33 a été eondamnée envers ledit P. Girard n.aux dépens faits- pardevant le lïeute»nant de Toulon (i). Enforte que, ne. 33 pouvant regarder ce père comme coiw 33 pable , & ne pouvant d'aiiieurs avoir 33. la- procédure en., fon pouvoir, pour bien peu ménagées. Le promoteur n'éto:t-il pas autorifé , par 1'arrêt même , a fe faire délivrer une expédition dc cette procédure ? II auroit donc dfttimaginer un aurre prétexte, ou garder entièrement lefilence., Sclaiffer juger tont-a feit par défaut. (i) On voit- ici.clairement pourquoi on avoit interverti 1'ordre ordinaire dé la rédaótion des arrêts , en placant la condamnarion de laCadière aux dépens , immédiatement après. l'abfolution du- père. Girard ; il s'en fuivoit qu'elle étoit jugée calamniacrice , fans avoir. été punie.  ji cT Hijloire du proces „être rière le grerfe de la cour, 8£' 3» qu'ayant déja été inftruire par lefdirs, » commilfaires, ou.il faudcdit conti» nuer l'inltruétion fur les derniers erré» menrs de celle par vous, Monfieur,, •9 prife, ou il faudroit juger fur celle33 prife, conrinuée & inftruite par lef33 dirs fieurs commilfaires; ce qui, dans. >31'un & 1'autre cas, eu égard aux cir33 conftances, paroit également inurile 33 & impraticable ; au moyen de quoi il 33 n'empêche Si ne s'oppofe poinr au 33 relax dudir P. Girard, & a 1'entéri» nement des fins par lui prifes dans 33 fes comparants & requêtes. EraJïgné ss Reybaud, promoteur. " Nous vicaire-général & official, 33 oui Moüton pour le P. Girard , '6c ie 33 promoreur en fes conclufions, faute-. ss par ledir promoreur d'avoir fatisfaic 33 a nos pr.écédentes ordbnnances, ni 33 moins fait faire-, parfaire & mettre. ss le proces en état d'être jügé dans les» 33 délais y porrés, 1'erï avons définiriver33 nunt déchu j & faifant droit aux comtparants & requêtes dudir P. Girard,. 3» icelles entérinant, avons tcelui dé33 chargé & déchargeons des accufitions 33 & crimes a lui imputés, &c mis fur 33 iceux, & fur les.plaintes dudit pro*  de la Cadière. 515?: „ moteur, & donc s'agic, hors de cour »; & de procés. Fait a Toulon dans le. » prétoire de 1'officialité , en jugement, » le 10 février 1731- Signéle chanoine » Laj\modieu , vic. général & official. Signijié audit promoteur , le 23 février 1732. Quant a la Cadière , lorfqu'elle fortir de prifon , elle fut accueilhe par les démonftrarions de la joie la plus vive & la plus univerfelle. Elle fe retira chez fon procureur, ou elle recut les vifites de tout ce qu'il y avoit de plus diftitlgué dans la ville; & de temps en temps elle écoit obligée de fe montrer par la fenêtre au peuple qui la demandoit a grands cris. Le lendemain, elle alla remercier fes juges, & tout le monde vouloit 1'avoir a fa table j on.avoit pris des arrangements pour qu'elle put aller fucctffivement dans toutes les premières rnaifons d'Aix : mais Mi le p. préfident , en qualité de commandant &C d'intendant, lui fit donner ordre de fortir de la ville dans le jour. Elle comprit, par ce début, qu'elle avoit tout a. craindre du crédit fans bornes & de la, ha ine implacable de fes ennemis. Elle. jjjgea qu'on n'avoit ofé 1'enlever dans une ville oü elle étoit fous la; protec-  fro Hiftoire du procés pion de tous les habitants; mais que-s', dès qu'elle en feroit éloignée, on lui raviroit fa liberté, pour la livrer peutêtre aux perfécutiens les plus cruelles. Pour prévenir ce danger , elle difpanit tout d'un coup, fans qu'on ait jamais pu fcavoir ce qu'elle étoit devenue. Si elle eut le bonheur d'échapper a la> perfécution , ceux qui avoient pris part a ce qui la eoncemoit, n'eurent pas le même avancage; l'avocat & ie procureur qui lui avoient prêcé leur miniftère, furent prefque les feuls qui n'éprouvèrent pas la vengeance jéfuitique. Les fupérieurs des P. Cadière & Nicolas reourenr ordre d'éloigner ces deux religieux de la province; M. Pévêque de Marfeille fe mit -a=Ia tête des perfécuteurs. Voici la copie' d'une lettre qu'il écrivir, a ce fujet, au cardinaf de Fleury : „ Monfeigneur, » Pintérêt de la.religion & celui de les> tat m'engage a prendre la liberté d'é» crire aujourd'hui a V. E. que je fup„ piie inftamment de lire ma lettre„ avec quelque attention -r & elle fera » la plus cotirte qu'il me fera poffible. „ Vous avez feu , M. de quelle ma» nière le parlement d'Aix a fini. la j> grande affaire qui occupoit depuis.lt  de la Cadière. fiï ïj long-temps toute 1'europe; & vmis n avez mieux fenci q,ue perfonne l'in„ dtgnité & le ridicule d'un arrêt qui a „ mis hors de cour & de procés , & les „ accufateurs, & lesaccufés. Si les juges „ euiTenr fait bruler le P. Girard , que je n re garde ccmme un véritable faint, ils „auroient fair une injuftice; mais ils >> ne le feroient pas deshonorés devant » les hommes , comme ils viennent de » faire, en fournilTant a toutes les na„ tions un fondement bien folide de j> parler défavanrageufement de la ma» nière dont la juftiee eft exercée en » France. Mais fi on f^ait tout ce qui „s'eft pafte, M. que n'aura-t-on _ pas. „lieu de dire? Une cabale mutinée » contre 1'églife , & qui n'eft pas plus » foumife au Roi, a mené toute ï'af» faire. M. le baron de Trety , ( M. de » Gaufridy) & l'abbé Gaftaud , appuyés „des décifions du P. Fournier,de la » doctrine- chrérienne, en ont été les „ chefs ; ils ont agi, ils ont follicité „ ouvertement. Le gtéfident: d'e Mali«verny, dont V. E.. connoit la capar „ cité , & M. de Moiifac, follicitoient,. n de leur cöté , ceux qui devoient juger „ avec eux. Le complot étoit fait; & »plufieurs jours avant le jugement,.il  5ii _ H'ifloire du proces » éroit public que dix juges condam» neroient surement le P. Girard ais «feu. >Ils Font fait effeótivement, Sc «ont, a la honte de Pbumanicé, Fro» noncé cette condamnation en riant. Ils » ne fe font pas contentés de cela; ils » ont indignement accufé leurs confrères de prévarkation , & mis tout le «parlement en feu j ce feroit encore » peu de chofe , M. fi on n'avoir trouvé » le moyen d'excicer les peuples par les » ecats mfames de l'avocat Chaudon , » Sr par les bruits calomnieux qui ont « ete répandus dans le public. Jamais » on ne vir, dans ces peuples, une dif"pofition fi prochainea la fédition. A » Aix, on a infulté publiquement les » bons juges ; & on n'a pas eu pour M. «ie Bret le refpeót qui lui eft du par «tant^de raifons. A Toulon, on a «donné dans des excès afffeux, que' » 1'on n'a pas voulu, & que 1'on n'a pas «ofé arrêter. (i) ld (a Marfeille) oü tl) Sur ce que FéVéque de Toulon & les jelmtes avoient certifïé, dans. cette ville , que la Cadière feroit au moins condamnée au rouet , Ja confternation devenue- univerfelle ne cefia que lorfqu'on apprjt le jugement! Cette nouvelle fit fubitement allumer des fcux j« joie dans tous les quartiers : une infinité «te petnes gens portèrent dans les ru.es des  de la Cadière. 52.3 nl'on a cependant été beaucoup plus „modéré qu'ailleurs, on a tenu des brandons allumés. Quelques-uns bruloient un fagot couvert d'un drap noir, qu'ils appelloient le P. Girard; d'autres tralnoient une autre efpèce d'effigie fur It-p^vè. La garde envoyée par le commandant pour bartel une rue contigue a la maifon des jefuites, fe faifit d'un grand dióle enveloppé dans un manteau noir, & pourfuivi par d'autres gens de fa forte avec des torches a la mam. Le péril oü la maifon des jéfüites fe trouva, donna lieu a Wttbfcffemetu de cette garde : cmq oa fix cents perfonnes y avoient couru avec des fao-ots de farments, & avoicnr-eiTayé d'y mettre le feu par la pon e de la cour de 1'Eglife , & d autres par le petit jardin, dont les aibres commencoient déja a prendre feu : mais un peie Grignet, a demi-mort, fe fentit encore heureufemeiit artez de courage pour aller par une porte dérobée demarder du fecours. Le couvent des urfulines , ou la Cadière avoit été longtemps prifonnicre, courut a peu prés le meme danger. La fameufe Guiol, conndente du P. Girard, eut toutes fes vitres calTées, 1'auvent de fa boutique brulé. Pour la préferver des outrages dom on la menacoit, on mit deux fentinelles a fa porte; mais elle fut obhgee de chercher fa füreté dans la fuite. Les bourgeois témoignèrent, d'une part, un reffentiment moins déréglé , & de 1'autre une joie plus. modérée. Le lieu de leurs aikinblées fur le port fut extraordmairement ïlluminé ; & ils y élevèrent fur une efpèce de tröne, une ehaift, appeflée en proven^ai  5*4 Hijloite da procés w «difcoars infoleiits, féditieux contre » les juges- qui nécoietït pas pour la CadièYe ; Ie tout orné de rubatis blancs & couleur de feu. LesfermrersAeMadraguès ( pêche de thons ) firerrt préfent aux poifTonnièreS en 'figne de Ia part qu'ils prenoient a la joie publique, d'un thon pefant fix quintaux orne de rubans : on vouloit le promener pat ja ville; mais le commandant eut le crédit Sc Ia fagene deTempêcher. Queiques-uns osèrent «i demander la permillion de bruler le père Girard en effigie. Le refus-qu'iis en eiTuyèrenr ne les empêcha pas d^exécuter leur projet aa milieu de Ia place | Pierre; & ils prirenr tellement leurs-mefures, que Jexecution fut taue avant l'-arrivée dés patrouilles, qu'on setoit Jnfle dè faire marcher, paree que cela fanguoit la garnifon , & que d'aiiieurs le tl* muite redüit a de fimplès démon ftrations dc joie ne donnoit plus lieu de rien appréliender de funefte. On- brula une feconde effigie dans une barnque de gaudron, a Iaquelle on avoit fait faire auparavant le tour de la place. Leii Oétobre, en n'avoit'pas encore refTé de reprefenteren publieks figures d'uneexécunon. Pendant trois jours, on promena par route la ville, au bout d'une perche, un fac de paille couvert d'une foutane, avec une te te de boisifurmonréed^un rrépied triangulaire renverfe dont chaque pied étoit garni d'un» eorne repliee, a peu prés comme celles que ks peintres donnent au démon. L'on faifoit une ftation devant la porte de toutes les dévores que l'on nommoit Girardines. La , quelqu'un «U la troupe faifoit. fubir un interrogatoire a  de la Cadière. yif ■> un prdc'èi qui intérejfe abfolument la „ religion, Sc même la gloire de la na» tion; de donner des marqués fenfi„bles de fa protecftion a J'innocence &£ „ aux juges qui 1'ont foutenue, & de „fon indignation, a 1 egard des ma„ giftrars qui fe font un jeu de la juf„ tice, & qui ne fuivent que leurs paf» fions, ou les mouvements du peuple. „ V. E. a une entière confiance a M. „ le Bret; qu'elle ait la bonté de lui «demander, fur tout cela, fon fenti„ ment : je ne le fcais point; ^mais je „ fuis convaincu qu'il ne peut être dif«férent du miën, & qu'il connoit „ combien on a a craindre de la fureur » janfénienne , fi on lui donne le temps, „ & fi on lui laiffe les moyens de fe „ fortifier. Dès le commencement, M. „j'eus 1'honneur de vous demander „julfice contre les facfums Sc mémoi„ res de Chaudon , & V. E. me remit „ d la fin du procés. On ne peut dire „ de combien de crimes ces malheu„ reux écrits ont été la fource. L'ordu„ re , la calomnie, 1'infolence y p:.~ „ roilfenr fans pudeur. Une de mes „ religieufes (la fceur Remufat ) mortc • „ en odeur de fainteté , y eft dépeinte  518 Hijlolre du proces «comme une malheureufe quiétifte ; » enforcelée & proftituée. La vénérable » mère a U Coque , Sc le P. de la Co» lombière ne font guères plus épar«gnés. M. Parchevêque de Sens Sc »fur-rout_M. l'évèque de Toulon, y » font traités de la manière la plus in«jurieufe; & la Société eft diffamée « dans ces ouvragesd'une manière mille "fois plus hornble Sc plus groftlèie, « que dans les lettres provinciales. «Souffrirez-voxis, M. que ces ou«vrages, Sc leur indigne auteur ne «loient pas fiétris? Rendez juftiee a » tant d'innocents calomniés, d des » prélats infultés, d une Société qui eft «chère d 1'églife, & qui n'auroit pas « tant d'ennemis, fi ellé 1'étoit moins«enfin vengez les faints, dont on a' » eu 1'impiété de noircir la réputation. »Me Chaudon, M. Gaftaud, qui ont » fignalé leur faux zèle, & M. de Tretz, » qui s'eft deshonoré Sc manifefté bien -« indigne de la charge donr il eft re" vêtu, doivent en vériré être un peu «humiliés; fans quoi Piniquité pré» vaudra, & la fédition n'eft pas éloi«gnée. Quel fpeccacle, M. que celui « qu'a donné ie fils du préfident de »Brue, quiafpire a la charge de fon « père S  de Ia 'Cadière. yip o père ! On 1'a vu, au milieu de la ca» naille, donc ce qu'on appelle la falie des pas perdus écoic remplie , 1'excirer » a frapper des mains, & a crier mille »3 injures au P. Girard, lorfqu'il encra i3 en prifon, en donner 1'exemple, 8c 3) aller exhorcer la Cadière a êcre ferme >3 & a ne rien craindre lorfqu'elle alloir >3 répondre aux incerrogacoires que l'on » alloic lui faire. M. de Montauron, is confeiller, n'euc poinc de honte de 33 forcir de la chambre pour.aller auffi 33 joindre cecce fille au paiTage, 8c lui 33 faire la même exhorcation. Je ne fi33 nirois poinc, M. fi je voulois vous w dire couc ce qui faic toucher au doigc 33 la plus indécente 8c la plus "cruelle 3>cabale, & combien le peuple, qui ss fe croic couc permis a préfent, eft 33 actuellemenc porcé a la féditiön. Des 33 exemples fonc néceftaires, pour re33 médier a un mal auffi preftanc. Le 33 fermenr de fidélicé, que j'ai fait en33 ere les mains du Roi, 8c mon zèle si pour la religion m'obligenc a vous en ssaverrir, & a vous faire, fur cela, ismes crès-humbles repréfenrations. si J'ai 1'honneur, &c. A Marfeille, le js \6 oétobre 1731. « La perfécution demandée avec tant Tome II. Z  530 Hijloire du procés d'inftance par ce charitable pafteur, commenca par l'abbé Gaftaud, célèbre avocat du parlement d'Aix , dont il efl: parlé dans la lettre que l'on vient de lire. II fut exilé a Viviers, dans Ie temps même que le P. Girard y étoit comblé des carefTes Sc de la confiance de l'évèque. II y mourut au bout de deux ans; la fépulture eccléfiaftique lui fut refufée, &c fon corps fut enterré dans un champ prés un grand chemin. Quatre bons négociarics de Marfeille furenc d'abord arrêtés, fous prétexte qu'ils avoient parlé indifcrétement, pendant le cours du procés, tk fur-rouc lors de 1'arrêc. L'abbé de Caveirac , qui fe trouva pour lors a Marfeille, tk qui fucfoupconné dV.voir faic quelques vei s fur ce procés, fuc mis dans les fers, & , par le crédic de fa familie, cransféré dans un chaceau de fon père, pour y refter comme prifonnier. Madame de Maufel de Voulonne, femme tk mère de confeillers au parlemenc, fuc, par leccre de cachec, reléguée a fa cerre. Outre ces lectres de cachet, qui affligeoient fpécialement la ville d'Aix tk celle de Marfeille, on en fignifia touc d'un coup dix a Toulon. Cependanc les quacre négociants arrêtés X  de la Cadière. 531 Marfeille, éroient toujours dans ies fers , leurs affaires dérangées, leurs families dans la défolation , & prefque dans le befoin. Ces prifonniers furenc, la pluparc, dangereufemenc malades, fans qu'on laiffat a leurs parents 8c a leurs amis la liberté de les fecourir j encore les jéfüites difoienr-ils que ce n'écoic la qu'un léger échantiilon de la punicion qui attendoit ceux qui ofoient dourer de 1'innocence du P. Girard. Enfin le nombre des accufés Sc des prifonniers devinc fi confidérable, que l'on établic a Aix une commiflion pour connohre des fuites de cette affaire. Les jéfüites proritèrenr des circonffances pour fe venger de tous leurs ennemis, fous prétexte de ce malheureux procés. Ils avertirent M. l'évèque de Toulon qu'un jeune homme appellé Reignard, avoit chanté une chanfon contre le P. Girard. Le prélat follicita M. de Miton , intendant de la marine, d'écrire en cour, pour faire perdre au père du jeune homme une penfion accordéeaux fervices qu'il avoit rendus dans la marine. L'intendant refufa de fe prêter. Le prélat fit comparoitre le jeune homme devant lui; il avoua que non-feuiement il avoit chanté, mais qli'il avoit Z 1  532. Hijlolre du procés fait la chanfon. L'évèque le meaaca dö le faire pourrir en prifon , & d'écrire e-n droirure a M. 1'amiral pour le retranchernent de la penlion de fon père. Se radoucilfant enfuite, il propofa un moyen de tirer le père Sc le fils d'affaire ; c'écoit que le rils déclarac par écric que la chanfon avoir été faite par un père de 1'oratoire, de qui il 1'avoit recue pour la faire chante'r par la ville. La propofition ne fut pas acceptée. Le fieur Martin, rapporteur de la commiifion , arrivé a Toulon quelque temps après. Le prélat lui défigne ce jeune homme , Sc lui perfuadé de le faire affigner comme coupable d'avoir chanté une chanfon contre le P. Girard. Il comparoit; on le tient, pour ainfi dire, fix jours fur la felletre 5 on le renv,oie, tantót au commandant, tantót a l'évèque : il tint bon , Sc heureufemenc fa fermeté n'eut point d'autres fuites. Cependant la maréchaufféé de Toulon n'étoit occupée qu'a chercher la Cadière, qu'on ne put jamais déterrer : un détachement entier fir des perquifitions pendant 21 jours dans le Dauphiné. Enfin , le vendredi-faint 17^3 , un brigadier , avec douze archers, invefHrenr la maifon de. fa mère a fix heures  de ld Cadière. 53 5 du matin. Ils y ent'rèrent, & fouillèrent par-tout, ménacant cette pauvre femme de la trainer en prifon, fi elle ne livroit fa fille. Tous les papiers qu'ils trouvèrent, furent enlevés, jufqu'auX livres de commerce du fieur Cadière , négocianr, frère de celle qu'ils cherchoient. On fit le même dégat dans la maifon de fa belle-fceur : ön vifita de la même forte, &c toujours inutilemem , dans plus de dix ou douze maifons du, voifinage. Toutes ces perquifitions tumultueufes troublèrent & dérangèrent beaucoup la dévotion du jour. Le fieur Cadière, dont 1'enlévement de fes papiers ruinoit le commerce, écrivit au cardinal de Fleury. 11 expo1foit a ce miniftre que fa familie &c lut s'étoient flattés, qu'après 1'arrêt qui avoit conifaté 1'innocence de fa fceur, les perfécutions de leurs ennemis finiroienr. 11 ajoute que, depuis 1'ordre qu'elle recut de M. le Bret, le lendemain de 1'arrêr du 11 oclobre 1751, de fe retirer de la ville d'Aix, elle s'étoit entièrement dérobée des yeux du public. II fe plaignoit que fes papiers avoient été tranfportés a Aix, fans qu'il fijut, ni 1'ufage qu'on vouloit en faire, ni a quel tribunal s'adieffer pour Z3  534 Hiftoire du proces les réclamer. 11 demande enfuite juftiee d'un hbelle imprimé a Aix & diftribué par un magiftrat du parlement, dans iequel toute fa familie, fa mère & lui, quin>voient eu aucune part a l'affaire, étoient déchirés par les qualifications les plus atroces. Le fieur Dtipon , commandant de la ville, écrivit auffi en faveur de cette familie; & s'étant plaint en mêmetemps qu'on fit exécurer de pareils ordres fans les lui communiquer , on lui répondir qu'on y auroit attention a 1'avenir, & qua 1'égard de la reftitution des papiers, il devoit dire au fieur Cadière de s'adreffer a M. le Bret, qui les lui feroi: rendre. Le fieur Cadière préfenta donc, Ie 25 juillet, un placet a ce magiftrat, II lui expofoit qu'après 1'arrct qui avoit abfous fa fceur, & la foumiflion avec Iaquelle elle avoit exécuté 1'ordre qui Jui fur donné le 11, en fe retirant dans -un lieu fecret, afin que fa préfence n'enrreiint pas dans 1'efprit du public les idéés de cette funefte affaire, il avoit lieu de croire qu'il n'avoit plus de perfécurions a craindre. II entre enfuite dans le détail de la fcène du vendredifaint, les menaces faites a fa mète, les  de la Cadière. 535 perquificions dans tous les colns & recoins de fa maifon, de fes papiers de familie & de fon commerce jettes confufément par les archers dans un iac, fans en avoir fait, m inyentaire, ni defcriprion , fans aurre precaunon que d'y appoferan cachet, appoleriefien.Ilrappelle AM. leBrec ou, l'abbé Cadière , frère du fupphan , lui avoit déja demandé la reftitution aeces papiers, & que eet intendant avoic affect qu'il ne fcavoir rien de tout cela. Le is du mois fuivant, le fieur Cadière écrivit une feconde fois au nuniftte. U joignita fa lettre une copie de fa requête a M. le Brec, & rendit compte de l'effet qu'elle avoic produic, en ces termes:» M. leBrec, apresia. r i'..„„;„rof me ren- „ voir iue , lans i appu».^ , - - , „ Voya verbalemenc au fieur Damnar , „lieurenant-généralen la fenechaufiee „ d'Aix. J'y fes i& bien que je ne doute „ pas que mon fac n'aitete ouvert , oU /fris pouttantdelereprendre tel qu il „ eft & de lui en donner ma decharge;, „mais ilme le refefa , & me dit qu il „ne me le rendroic pomc qu il n eut „fait Uft inventaire & une defcriprion „ de tous les papiers qui font dedans. u Je lui repréfentai que n'ayant ete tait, Z 4  f&\ H'lftoire du proces «mmventaire ni defcription Io» de "lenlevementdemespap^&ofFranc "dereprendre ie fac rei qu'il eft il «etoicinurile d'en faire :q^e le fecre »deS.arfa,res des marchands eft use » chofe facree qui ne doir pas être 11 «vuiguee par une pareille procédure - q»i ne fefau que contre les banqte-' " routiers ;& frappé de toutes les v«l » «ons que ma familie a foufferte & «craignantque ce ne füt ici le prétexTe » dune nouvelle, je fus obligé de me »retirer & de laiifer mes papiers. D'aii;;ieurs;e ne connois en rien le üeaz •fchdelegué de M. 1 'intendantƒ ïm «concois pas même d'oü vient qus -«es papiers font entre fes maii Jïe "fupplie doncV. E. d'avoir la charirl »de donner ordre que le fac de mes » papiers me foir rendu fans autre for! « mahté, &fous la décharge Vue fen >' fc prcjudice que leur enlévement & " 'e"r deteimon »*ont caufé. Mes affaireen ont ete extrêmement dérangees,&pour peu que cette détention "dure encore, elles vont tomber £» -jn defordre abfolument irréparabT "Jefpereque V. E. ne fouffdra pï  de' la Cadïère. ■ 537 JS qu'on ajo'utè ma dèftaiétion & ma „ ruine entière I la vexation éclatante n qui a été exercêe contre ma familie. » Je fuis, &c. « Voici le réfultat, & de la 'requête , & des letrres'. Le dimanche 30'aoüc 1733, fur les 9-heures du matin, le même Cadière, dont on' retenöit le3 papiers depuis fix mois, fut arrêté dans la rue, dans le temps qu'il alloit a la melfe. II fut conduit dans la maifon d'un des ateliers, & 1'bn pofta deus foldats a la porte. On ne voulut pas fans doute pouffer la barbarie jufqu'aS 1'arrêter dans fa propre maifon, fou3 les yeux de fa femme qui étoit enceinte. Le véritable motif de ces perfécutions éroit, comme bn l'apprir dans la fuite , de le forcer a dénoncer fa fceur,, pour la livrer a la fureur implacable de' fes ennemis. Ce n'étoit pas alfez d'avoir ruiné fa fortune par la fouftraction de fes papiers; on le priva de fa liberté, en 1'enfermant au chateau d'If, avec menaces de I'y laifler peurrir _, s'il ne révéloit pas 1'e fecret qu'on vouloit lui arracher. II fut cependant transféré' dans la ciradelle de S. Tropès, d'ou it ne fortir qu'au mois d'avril 1735 • On n'épargnoit rien pour découvrisï Z $  538 Hiftoire du procés la retraite de cette fi'le. Lorfqu'elle recut 1'ordre de fortir d'Aix „ elle fut attaquée d'une maladie qui retarda fon évafion : mais elle fe tint fi bien cacfiée dans la ville, & fut foignée avec tanc de fecret, que perfonne n'en fut informé. On découvrit peu de remps après qu'une nommée Rofe en avoit pris foin pendant cette maladie. Sur un ordre de M. le B ret, cette femme fut enfermée au retuge de Toulon, maifon de force. Une année entière fut employée par les émiffaires de l'évèque & par les jéfüites, maitre.s de cette maifon, a interroger & a folliciter inutilemenc Ia prifonnière. Cependant celle-ci fit connoiffance avec un jéfuite nommé Courrq, de qui elle felervit utilement pour s'évader. L'on mirauffUrót une partie de la marécfiauffée en campagne, pour la pourfuivre, fans pouvoir la découvrir. Mais ayant appris qu'un voiturier 1'avoit conduite a Marfeille, on fit mertte en prifon quatre ou cihq perfonnes qui pouvoienr avoir relation avec elle ^ tk i force de vexations, l'on tira de ces prifonniers le lieu oü cette Rofe s'étoit refirée ; l'on s'en faifit; &, ce qu'il y a de fingulier, «'eft qu'elle déclara que, pour fdrtir du  de la Cadière. 53 9' refuge, elle avoic donné 500 liv. au P. Courrez, qui s'étoit évadé a fon cour, & écoic forci de la province. Enfin M. de la Tour, qui par la more de M. le Biet, fuccéda i toutes fes places, termina ces horribles perfécutions dans les commencements de 17 3 5. Avant que de partir de Paris, il demanda au cardinal miniftre qu'on le délivrat des malheureufes fuites de la trifte affaire du P. Girard, & que les prifonniers faits ace fujet, fuffent élargis avant fon arrivée : ce qui lui fut accordé. Tous les exilés & prifonniers furenc donc mis en liberté. 11 y eut feulemenc une exception pour le fieur Cadière, qui eut défenfe de rentrer dans la ville de Toulon, fapacrie, ni même dans le territoire. Tandis que les jéfüites, armés du crédit le plus redourable, employoient le gouvernement a perfécuter quiconque avoit eu quelque relation avec la Cadière, ils faifoient tous leurs erforts pour mettre le P. Girard au nombre des fainrs, 6c lui faire élever des autels. On a vu le germe de ce projet dans les deux lettres qui annoncoient fa mort : le P. Béacan , jéfuite . prêchant au monaftère des Bénédiótines de la Z6  54° Hifloire du proces Fontainé S. Martin, le 5 novembra 1-731, pouiTa 1'impiété jufqu'd dire que ce prétendu faint étoit une figure très-expreffe de J. C. Et voici fur quoi il fonda ce parallèle. „ J. C. entrant a «Jerufalem, y fut re?u avec les ap» plaudiifements du peuple; le P. Gi» rard entrant d Toulon, y fut admiré » & applaudi de tout le monde : J. C. » fix jours après fon entree a Jérufa» lem , fut perfécuté.& emprifonné j le » P. Girard, peu de temps après fon » entree a Toulon , a auffi été hai', per« fécuté, mis en prifon. Comme on »Py menoit, il difoit, comme J. C. » Qu'ai-je faic d ce peuple ? Je ne lui » ai jamais fait que du bien. « On pour.ro.it rapporter cenc aucres trans pareils, arrivés- en différentes proymces, qui prouvent combien les jefiutes fouhaitoienc, non-feulemenc de juftifier le P. Girard des crimes qui avoient penfé ie conduice au bucher, mais de faire inférer fon nom dans. le calendrierv Cependant les mouvements que fe donnèrenc la chambre de la cournelle, & celle des enquêtes le loodobre 173,1, |our du fameux arrêr, au füjec de fin» eulpation dont ia Cadière tk le P, Ni-  de La Cadière. 54* cokts. avoient chargé les deux commiffaires, eurent quelques fuites. 11 fut tcnu regiftre , tant a la grand'chambre, qne dans les deux autres, de ce qui s'étoit paffé ce jour-li; & le 11 les chambres s'affemblèrent, comme le p. préfident 1'avoit promis. M. de Bandoi, chef de la tournelle , & premier préfident a mortier, dit que » tfétOit » avec regret qu'on avoit demandé 1'af„ femblée des chambres au fujet de „ MM. Faucon & de Charleval v mais „ que c'étoit encore avec plus d efpe„ rance que les fuites de cette alfemblée »tourneroient a leur propre gloire, Sc „ deviendroient au public letémoignage „le plus éclatant de la réputation, de „ 1'intégrité & des lumières que lacom» pagnie avoit reconnues en eux j ufqu'a „ préfenr: mais qu'avant que d'entrer. „ dans le fujet de cette convocation , il „fupplioit M. le p. préfident de lui „ permettre de lui repréfenter qu'il eut „ été plus flatteur pour Meffieurs les „ confeillersd'Antoine & le BlancMon„ defpin, & Meffieurs les confeillers „ de Lombard & de Lubières, dépu»és, >. de la tournelle Sc des enquêtes pour, „demander 1'alfemblée des chambres* *> d'en. effuyer le. refus de fa. bouche,  54£ Hi/Ioire du proces „comme il eft de règle, plutót que de „ celle dun greffier, qui leur fut envoyé « dans fon cabinet : qu'il eft vrai que, «pour lors, M. de Villeneuve d'An„fouis, rapporteur du procés, avoic « commencé d'opiner lorfque MM. les «députés fe firenr annoncer; qu'il eft «egalement de regie de ne pas inter„ rompre 1'officier qui opine : mais ils » avoient heu de croire qu'il auroit eu » a bonté de leur envoyer dire, pa* «Ie greffier, qu'auffi-tót "cette opinion « ftme, il fe rendroit a leur femonce, «comme il eft d'ufage, Sc ces Mef« fieurs 1'auroient atrendu patiemmenr „ dans le cabinet. Mais que ce qui «avoit le plus ffirpris MM. de la tour«nelle & des enquêtes, eft que les ju»ges du procés euftent pris fur eux de » refufer d'enrendre les conclufions des « gens du Koi fur une arteinte portée a » 1 honneur de deux mem bres de la cour : «refus incompétent, dont on les ju» geoit d'autant moins coupables, qu'on «leur rendoirla juftiee4e croire qu'ils « regarderoient L juftification de MM. «Faucon & Charleval comme un préa«lable d remphr avant le jugement da » proces. M. de Bandol ajouta » qu'ayant été  'de la Cadière. 54$ » Informé des inculpations dont Ia Ca„ dière tk le carme avoient chargé MM. „les commiffiiires en pleine grand„ chambre, inchgné bien plus q.u'allar„ mé de 1'audace de ces deux accufés, „ il auroit cru cependant qu'il conve„ noit i ces deux Meffieurs de fe jufti„ fier de ce qui avoir été dit dans le pa„ lais , tk plus encore de ce que le gref„ fier, qui avoit écrit la procédure fous „eux, en étoit allé dire lui-même a „ M. le p. préfident en préfence du gref„fier en chef, tk dont celui-ci avoit » déja informé lui M. de Bandol: qu'a«larmé de tous ces difcours, il étoit „allé voirM. deSuffren, doyen de la „compagnie & fon parent, pour le „difpofer a porter M. Faucon, fon » neveu , & M. de Charleval a diffiper „ jufqu a la fumée de ce bruir, en de„ mandant eux-mèmes, avant le juge„ ment, que le greffier fut entenduj „ que M. le doyen en fentit toute la „ néceffité , ik lui promit d'en parler a „fon neveu; que ce fut fans doute en „ conféquence que MM. Faucon & de „ Charleval allèientfucceffivemenr chez „ lui 1'affurer que le jour de la féance „ pour le jugement du procés , & avant „que l'on commencac a opiner, ils  544 Hifioire 'du proces » démanderoient a jüixifiér leur cond'uf* te: & que ie greffier fut entendn» qu'il ïgnoroit fi ces Meffieurs aVoierft " ter'U parole j mais que le procés ayant «éré jugé hier, & M. le p. préfident » ayant trouve plus a propos de ren» voyer 1'affembiée des chambres i cé » jourd'hui, il ne reftoit plus qu'a fca» voir ce que les gens du Roi avoient » a dire. M. fe p. préfident s'excufa fur la tfr. gle, qui ne permet jamais d'inrerrompre les opinions commencées, furtout quand le rapporteur eft dans le frl de la difcuffion des charges d'un procés auffi importanr. Sa conduite paffee de^voir, dit-il, être un sur garant de fon attention pour tout ce que Meffieurs en particulier, & principalement les chanfbres en corps pouvoient defirer : qu'act furplus, il avoit promis, pour le lendemain • 1'aifemblée des chambres «, qu'il ne pouvoit pas donner dans 1'inftant oïi on la demandoit; qu'elle étoit acftuellement formée, & que les gens du Roi pouvoient prendre leurs conclufions quand il leur plairoit. Lés gens du Roi entrèrenr; & M. de Gaufridy porrant fa parole , dit que fe bruit qui s'étoit répandu au défa-  de la Cadière. 545; fantage des deux commiffaires, étoit parvenu jufqu'au parquer, & jufqu'a. MM. de la tournelle & des enquêtes} que les faits étoient fi graves 6c li imérelTanrs pour 1'honneur de la magiftrarure & pour la dignité de la compagnie , que le miniftcre public ne pouvoit être excité avec plus de raifon. >> On nous a rapporté, dit-il, que „ cette fille avoit foutenu , en préfence » de MM, les confeillers Faucon &c de „ Charleval , commiffaires députés pour „ la procédure faite a Toulon, que dans „ la féance du 27 février dernier, ou » l'on continua fon interrogatoire , ces „Meffieurs avoient fait fortir le gref„fier; que, dès qu'il fut forti, ils lui „ firent diverfes menaces fi elle perfif„ toit a. accufer le P. Girard , telles que „ de la tenir en prifon, & autres capa„ bles de porter le rrouble & 1'effroi » dans le cceur d'une jeune fille de 20 „ans. Quefi, au contraire, elle vou„ loit charger le P. carme, il ne lui „ arriveroir rien, ni a elle, ni a fes frè» res, ni a fa familie, & que le carme » fe refugieroit a Avignon ; efpérance „ auffi propre a féduire fon efprit, que „ ces menaces a 1'effrayer. On nous afu fure même qu'elle a ajouté que MM-  Hiftoire du proces 33 les commiffaires dicftèrenr eux-mê-» mes fes réponfes fans la confulter. 33 On nous a ajouté, continua-t-il, 33 que le prieur des carmes avoic die que »3 ces Meffieurs étanc a Toulon , avoienc 33 écé aux jéfüites pour voir le P. Gi>3 rard, qu'ils avoienc refufè de faire 33 écrire cerraines interpellations lors 33 de la confronracion qui lui fuc faice 33 avec quelques cémoins, qu'il avoic 33 rappellé le fait donc la Cadière s'é33toic plainte, & qu'il avoic ajouté " que , lors de fa confrontation avec le 3> P. Girard, M. de Charleval faifoit 33 figne a ce dernier de ne pas parler, >3 mercanc ie doigc fur la bouche. II éroit bien éloigné, dit-il, d'ajou^ ter foi a des bruits auffi injurieux a la réputation de deux magiftrats qui jufques-la avoient donné des preuves de la probité Ia plus exacte. Mais le miniftère public étanc également chargé de pourfuivre les magiftrats prévaricateurs, comme de défendre leur honneur injuftement fiétri, il requic que les incerrogacoires en queftion & la confrontation du père Girard avec la Cadière lui fuftent communiqués, afin de prendre enfuite les réfolutions que fon miniftère exigeroic.  de la Cadière. 547 M. Faucon prit alors la parole, 6c die „ qu'il étoit étonnant que , fur des » bruits publics vaguement débités, on „ format une accufation contre des ma» giftrats d'une conduite noroirement „ irréprochable 5 que les mêmes bruits „ n'avoient pas épargiié M. r!e Gaufii„ dy lui-même , & qne s'il falloit y dé„ férer , il feroit le premier dans le cas „ de fe juftifier fur bien des faits qui „ lui avoient été imputés dans le cours „ de ce même procés. „Au refte, il s'étoit trop prelTé de „ rendte certe plainte : il auroit du, » conformément a ce qui lui avoit été •> répondu la veille par la grand'cham„bre, attendre que les dernicres ré„ ponfes des accufés fuiTent au greffe; „ il y auroit vu qu'eiies uémentent la „ plupart des faits qu'il avoit avancés. „ Par une plainte fi légérement portee, „ n'avoit-il pas donné lieu a en faire » rechercher les motifs? Comment n'a„ voic-il pas craint de réalifer les bruits „ publics, felon lefquels il avoir été le „ principal auteur du mouvement des „ chambres ? Et cette requifition qu'il „avoit médité d'y faire, n'auroit-elle „ point pu êrre attribuée moins a un «zêle mal réglé, qu'a un prétexte af-  54$ Hijloire du proces » fecfté pour fufpendre le jugement Je «la Cadière, qu'il avoit toujours para "favorifer, & dont on difoit qu'il » craignoit pourtant la condamnation'? »Ne s etoic-il point expofé a faire dire " c'étoic la fon unique bnt, & que, «pour y parvenir, il ne s'ctoic pis "d'aiiieurs embarraffé d'injurier gra« tuitement des magiftrats, en alïéguafit » des fairs, que les accufés eüx-mëmes, » quelque téméraires qu'ils feient, n'a»voient pas avancés. Tel écoic celui » que M. de Charleval faifoir figne au »I\ Girard, dans fa confrontation, » de ne point parler en mettant le doigt 15 }% ^'ouche j fait hafardé contre la » vériré & contre la vraifemblance. " fecond lieu, il n'éroit pas vrai » que le carme fe fut plaint que les » commiffaires euftenr refufé de faire " des incerpellarions; les confronra"cions en étoienc pleines. J'ofe dire, «ajoura-c-il, qu'il eft égaiemenr faux "que nous ayons diété des réponfes, «fans confulcer la répondante, ni que " nous lui ayons faic des menaces aucres » que les repréfenrations ordinaires. La " répondance , qui a paru dun efpric fi "pénécranc aux juges dans fes derniè» res réponfes, qui leur a paru fi fer-  de la Cadière. ƒ49 ivme, auroit-elle figné fes réponfes „ perfonnelles, fi elle ne les avoit pas „ faires ? Sc auroit-elle rellé douze jours j> fans ié piaindre des menaces, Sc fans « récraéter fa variation ? 11 eft vrai, j> ajouta- t-il, qu'elle a avancé fur la „ fellette ce qu'elle n'avoit jamais ofé 33 dire auparavanr; que le mor dans l'ef33prit de Dieu avoit été gliffe dans la 33 procédure au oie interrogatoire : 33 mais elle ne s'eft point plainte du ssreftant de fa réponfe, qui, fans ce )> mot, conferve la même fignifica33 tion. (1) Une accufée fur la fellette (1) Pour juger de Ja vcrité de ce qu'avance ici M. de Faucon, il faut mettre fous les yeux du leéteur eet article de 1'interrogatoire du 16 février 1751 : ™ Interr. Avez33 vous diélé cette lettre a votre frère r ( c'ejl la lettre du 14 juillet 1730, en réponfe a la. fameufe lettre du père Girard, du iz du même mois.) Rép. Oui. Interr. » Si ce>:te lettre v> eft la continuation d'un commerce crimi33 nel, votre frère eft donc complice comme 33 vous ? Rép. Mon frère n'avoit point occafion 33 d'avoir de mauvaifes penfées fur mon 3> compte , 8c la lettre que l'on vient de me s> repréfenter, eft la réponfe a celle qui m'avoit' 33-été écrite par le P. Girard, le 11 du même 33 mois ; & toutes les deux; c'eft-a-dire, la i> lettre du P. Girard & ma réponfe , font dans » le même efprit, c'ejï-d'dire, dans Vefprit de  550 Hi/ïoire du proces n eft-elle croyable & .recue a détruire m ainfi une procédure, &c a dire qu'on „ y a gliffe certains mots ? M. Favocat» général, qui réclame 1'honneur de la „ magiftrature & des régies, n'a fans j, doute pas fait attention qu'il les renj> verfe toutes , lorfqu'il entreprend de jj donner atteinte a une procédute faite jj dans les formes , juridiquement atj> teftée ; & cela par une procédure que jj l'on veut introduire , inufirée au pa» lais , & donr on n'a jamais vu d'exemjj pies. On veur faire entendre un grefjj fier contre des actes qu'il a fignés , jj qui font également fignés des parries jj & des juges: je ne me défends pas la* jj defftis , continua-t-il, il m'eft indifjj férent qiie le greffier foit oui ou non, » n'ayant rien a craindre de fa part j jj mais je protefte de me plaindre a m. »i le chancelier de 1'injurequi m'eft faite jj a ma place, contre ceux qui en font •« les auteurs, pour obtenir de fa juftiee jj une réparation convenabïe. » Toutes ces fins de non-recevoir propofées par m. Faucon, cette menace de 33 Dieu. ar. Ce font ces derniers mors que Ia Cadière prÉLendoit avoir été ajoutés. Eft-ü bier» vrai qu'ils ne font aucun changement dans le fens de la réponfe i  de la Cadière. 5 51 dcpouiller fa compagnie de cetre affaire ponr agira coups d'autorité, le lavoientelles du fond des inculparions dont il avoit été chargé, & de la perfévérance avec Iaquelle il avoic voulu être juge d'accufés qui 1'avoient dénoncé comme leur partie ? Ce n'eft point par de telles voies qu'un magiftrat attaqué comme prévaricateur dans fes fonttions, Sc véricablemenc jaloux de fon honneur, cherche a éluder fa juftification. II ne fe retranche point dans des fins de nonrecevoir de forme ; il cherche a fe juftifier aux yeux de fes confrères; Sc, comme ils font fes juges naturels, c'eft devant leur cribunal qu'il fe défendj fauf a pourfuivre la vengeance de la calomnie , quand il 1'a bien érablie. Quoi qu'il en foie, on fit lire, par Ie greffier, les derniers interrogatoires de la Cadière Sc du P. Nicolas, tels qu'on les a rapportés plus haut. M. le p. préfident pria tous les juges 1'un après 1'autre de déclarer ce que les accufés pouvoient avoir dit de plus que ce qu'ils venoient d'entendre-, Sc tous afturèrent que le récit dont on venoit de faire la leóture, étoit conforme a ce qui s'étoit paffe : on fit en conféquence un arrêté concu en ces termes: » La cour a trou-  j 5 2, Hijloire du proces „ vé Pallégation des faits que les gens w du Roi difent avoir appris par ie » bruit public prématurée, &c leur dejj mande inucile, puifqu'ils fonr les maï,» tres de voir au grefre toutes les pièces » qui s'y trouvent, &c que les derniers » interrogatoires dont il s'agit vont y jj être inceffamment remis; & ayant été jj mandés , 1'arrêté ci-deftus leur a été « donné a entendre par M. le p. préfijj deat. « Cette tournure , que M. le p. préfident eut le fecrer de faire prendre a l'affaire, avoit pour but unique de gagner du temps jufqu'a ce qu'il eüt re§u des ordres de la cour; &c c'eft a quoi il parvint a la fin. L'abbé de Cfiarleval ne chercha pas plus que fon confrère a juftifier le fond de fa conduite : il fongea a fe fervir du crédit des jéfüites pour faire arrêter les fuites que cette affaire auroit pu avoir, fi on eüt laiffé au parlement d'Aix la liberté d'agir. 11 partit pour PaT?is le i § oéfobre 1731 , fiuic jours après 1'arrër. II y trouva un appartement a 1'archevêché , oü il logea , pendant tout Ie temps de fon féjoar dans cette capitale; & pour fe dérober a la célébrité que lui avoit acquife Ie röle qu'il avoit joué dans  de la. Cadière. j y j dans l'affaire du P. Girard , il s'y fit appelier l'abbé de Tammariet. Le premier fruit de fes démarches a la cour, fut de faire adreffer une lettre de M. le chancelier a M. le Bret. II en fit part a fa compagnie , le 3 Novembre ; il ne la lut pas toute entière 5 mais ce qu'il voulut bien manifefter , portoit que, » leRoi étant furpris d'apprendre que, » par 1'arrêr du 10 oótobre, aucun des » accufés n'avoit été puni, Sa Majefté » vouloit être informée des motifs des „juges que cependant il feroit » furfis a toutes les fuites Sc dépen„ dances de ce procés, jufqu'a de nou»> veaux ordres. „ Le parlement déféra a ces ordres, Sc les deux commilfaires cefsèrent d'être inquiérés ; ils ne firent nulle démarche pour fe julfifier , Sc demeurèrent impunis. II n'en fut pas de même de ceux qui avoient oféexiger qu'ils juftifialfent (i)M. le chancelier écrivit effe&ivement, le 14 du même mois, a M. le préfident de Maliverny , le plus d.ftingué des juges qui avoient opiné a faire bruler le P. Girard, pour svoir les motifs de fon opinion & dé ceux qui 1'avoient embralTée. On trouvera ces motifs a la fin de cette hiftoire, tels qu'ils furent envoyés au chef de Ja juftiee. Tome II. A a  554 Hifioire du proces leur conduite. M. le p. préfident, en qualité de commandant de la province, ht fignifier, le zz février 1731, une lettre de cachet a M. de Béfieux , fecond préfident aux enquêtes, pour fe rendre a. Tournon en Vivarais j fa difgrace n'avoit d'autre fource que le regiftre ou arrêté des chambres au fujet de la prévarication imputée a MM. de Faucon & de Charleval. On crut, pendant quelque temps , que des commiffaires du parlement écriroient en Cour en faveur de ce magiftrat; mais on fe trompa. M. de Ricard , préfident des enquêtes, propofa a fa chambre de faire ce que la compagnie entière ne faifoit pas. Cette propofition fut ac- j «ceptée tout d'une voix, Sc exécutée : M. Deidier de Curiol refufa feul de figner les lettres écrites en conféquence a M. le chancelier Sc au cardinal miniftre. Voici la réponfe de M. le chancelier a ces lettres : » Meffieurs, vous w rempliffez un devoir de bienféance, » Sc en quelque manière de fraternité, „ quand vous faites des démarches au» prés du Roi pour demander le re» tour de M. le préfident de Béfieux. » C'eft a lui de mérirer , par une meil»»leureconduite, que SaMajefté veuille  dc ld Cadière. 555 »» bien avoir égard a vos prières , en cas » qu'elle le juge digne de reprendre les h fonclions de fa charge. Je profite avec m plaifir de cette occafion, pour vous »> alfurer de toute la confidération avec »»Iaquelle je fuis, Meffieurs, vorre af» fectionné ferviteur. Signéd'Agues>> se au. A Paris, le 9 février 1733. " Perfonne ne douta que cette réponfe n'eüt été dirigée par M. le Bret, p. préfident, a qui toute la chambre des Enquêtes avoit communiqué fes lettres, dans la vue de fe le rendre favorable.Plufieurs membres du parlement étoient perfuadés que 1'honneur de la compagnie demandoit que cette affaire n'en demeurat pas la : mais ils étoient découragés par la certitude que l'on avoit que M. le Bret s'étoit rendu maitre abiolu de routes les fuites & dépendances de ce procés; & qu'il étoit tellement piqué du foulévement du public contre lui, que rien n'étoit capable de Padoucir. On avoit f§u que M. le cardinal de Fleury lui parlant de rappeller quelqu'un des exilés, il avoit répondu que fes fetvices méritoient bien que le Roi le rendit le maitre de cette affaire. La. démarche de MM. des Enquêtes ne put donc rien produire en faveur de M. de Aa 2,  55^ Hiftoire du proces Bézieux , qui fur concrainc de refter dans fon exil, jufqu'au momenr oü M. de la Tour , en entrant en place, fit cefler toutes ces perfécutions. La feule juftiee que put fe faire une partie de ia compagnie , fut de cefler de regarder comme confrères les deux magiftrats qui, au lieu de fe purger de 1'accufation la plus atroce que l'on puiife imputer a un juge, abufoient ducrédir, pour impofer filence fur une affaire auffi grave , üc fur Iaquelle il étoit fi important d'avoir les plus gtands éclairciffements. La grand'chambre & la Tournelle , a. 1'exception des feuls juges favorables au P. Girard, convinrent de laiffer toujours deux places vuides des deux cótés de celles oü chacun des commiffaires fe placeroit, & de fortir toutes les fois que 1'un ou 1'autre auroit quelque procés a rapporter j ce qui fut exécuté jufqu'a 1'arrivée de 1'arrêt du Confeil , dont on va parler. Les foliicirations de M. de Charleval , jointes a celles des jéfüites & de M. d'Argens, procureur-général, qui avoir accompagné ce confeiller dans fon voyage a Paris, porroientfur deux objets : 1'un de faire caffer 1'arrêt du £o oétobre 1731 y 1'autre de faire  de la Cadière. ƒ57 fcetTer la pourfuite des accufations inr tentées contre lui, tant par les parties, que par les gens du Roi, & par les deux chambres de la Tournelle &c des Enquêtes. 11 ne put pas obtenir la calTation 5 la lecture des motifs envoyés a M. le chancelier, fit fans doute comprendre que, s'il y avoit lieu a la revifion dn procés , ce n'étoit pas en faveur du jéfuite abfous; on laifia donc , a eet égard, les chofes dans 1'état ou elles étoient : mais on accorda a M. de Charleval un arrêt du Confeil , dont voici les motifs dc le difpofitif » Le jj Roi, dit eet arrêt dans le préambule, » s'étant fait rendre compte de tout ce jj qui s'étoit palfé a 1'occafion du procés » de la nommée Catherine Cadière, » du P. Girard & autres accufés, au» roit reconnu que deux de ces accufés , jj dans 1'interrogaroire qu'ils avoient 33 fubi a la chambre , avant le juge33 ment définitif, ayant voulu répandre 33 témérairement des foupeons fur la 33 conduite des commilfaires qui avoient 33 été chargés de l'inftruéfion du procés, 331'ancien defdits commilfaires avoit »3 cru devoir s'expliquer fur ces préten33 dus foupeons, en préfence de tous Aa 3  5 J 8 Mifloire du pro cis » les juges, qui, après lui avoir tin*» » nimement dit que fa conduite n'avoit »> aucun befoin de juftification, eonci» nuèrent de vaquer avec lui, &c avec » 1'autre commiftaire, a 1'examen &c au »• jugement du procés. Que cependant w la chambre de la Tournelle , dans la« quelle il n'y avoit alors que fix offi3> ciers, & qui ne pouvoit avoir au»» cune connoiflance régulière de ce » qui s'étoit pafte dans 1'intérieur de « la grand'chambre , avoit délibéré , »> fur le fondement d'un prétendu bruit » public , d'envo.yer leurs députés au 3> fieur p. préfident du parlement d'Aix h 33 pour demander que les commilfaires. 33 fuflent obfigés de fe juftifier de ce >3 qu'on leur imputoir, avant que de jj pouvoir être juges j a 1'effet de quoi, 33 iadite chambre de la Tournelle , &c jj lefdits fix officiers, qui prétendoient 33 la compofer, avoient requis la jonc-^ >j tion de la chambre des Enquêtes, la-. »j quelle , dans le même temps, prej3 noit une pareille réfolution , quoi-. jj qu'il n'y eut alors, dans cette chamjj bre, que cinq officiers dont les voix jj puflent être comptées, deux des neuf » qui s'y trouvoient étant de fervice aux *> requêtes du palais, &c les deux autres,  de la Cadière. _ 559 » n'ayant point encore de voix délibés> rarive. Que les quatre députés des s> deux chambres de la Tournelle & des „ Enquêtes, ayant feu que le fieur p. >> préfident ne pouvoit fortir de fa pla„ ce , paree que les opinions étoient » ouvertes, ils entrèrent dans la grand'„ chambre , firent les repréfentations „ qu'ils avoient feulement charge de » faire , audit fieur p. préfident , 6c » demandèrent 1'alfemblée de toures les » chambres , difant que , fi on la leur » refufoit, la chambre de la Tournelle » & celle des Enquêtes viendroient , » de leur feul mouvement, dans la „ grand'chambre. Qu'il leur fut répondu » que 1'alfemblée des chambres ne ponsi voit alors leur êcre accordée par Ia » grand'chambre , Iaquelle étoit déja s> fépatée ; qu'il ne reftoir plus que les >j juges délégués par le Roi, pour 1'af» faire particuliere dont il s'agittoit, sj qui n'avoient pas le pouvoir d'ac» corder 1'alfemblée des chambres, 6c » que d'aiiieurs il étoit contre les régies sj d'interrompre les opinions , tk fur» tout dans un procés criminel de cette » importance. Sur quoi les députés de » Ia Tournelle tk de la chambre des. jj Enquêtes étant revenus chacun dans A a 4  5 & a Ia chambre des Enquêtes , il y » fut réfolu de dreffer, dans chacune » de ces chambres, un regiftre parri" culier, pour conftater les difpofitions „ defdites chambres fur 1'obfervacion « de la difcipline, & pour êcre perpé» cuellemenc en écac de juftifier leur » conduite a S. M. Que le lendemain, » le récic de ce qui s'écoit pafte la veiliè «ayanr été faic dans 1'affemblée des » chambres, & les gens du Roi y ayanc « requis Ia communication des derniers » interrogatoires fubis par les accufés , » il y fuc feulemenc réfolu de leur dire » que I'allégation des faits , qu'ils di» foienc avoir appris par le bruic pu, w blic, écoic prématurée, Sc leur de-  de la Cadière. ^61 s» mande inutile, paree qu'ils pouvoient „ voir au grefFe toutes les pieces qu'on „ y dépofoit; & au furplus il ne fut » fait , dans ladite affemblée des cham» bres , aucune délibération fur les dén marches qui avoient été faites de la „ part de celles de la Tournelle & des „ Enquêtes. „Que la fimple expofition du fait w fuffit pour faire fentir toute 1'irrégu»larité & toute 1'indécence de ces dé» marebes , oü l'on a vu quelques orfi» ciers fe donner la liberté d'agir aa jj nom de deux chambres du parlement, jj quoique, dans 1'une, ni dans 1'autre j» de ces chambres , il n'y eüt pas même >• un nombre luffifant de juges pour jj pouvoir rendre un arrêt j interrompre jj jufqu'a deux fois le cours des opi~ jj nions commencées dans la matière u la plus grave & la plus importante; jj vouloir fufpendre le jugement d'un jj procés dont il ne leur étoit pas permis „de prendre connoiifance; n'appuyer „ cette démarche fi extraordinaire que „ fur un précendu bruit public ; enfin „ ne pas fe contenter de requérir qu'il „ füt dreifé un regiftre a la grand'cham„ bre , de ce qui s'éroir pafte , mais en » cheflec de partieuliers dans chaque: Aa 5  5f5* 2 Hi/ïoire du proces » chambre , pour fe rendre témoignagë «a eux-mêmes de leur zèle pour la « difcipline , dans. le temps qu'ils en » violoient les régies les plus efieay> tielles. « » A quoi écant néceffaire de pour- * vou > pOUr prévenir les fuites d'une » telle entreprife, & affermir véritable» ment la régie , le bon ordre & la » tranqiulüté dans une compagnie ou: » on a voulu la troubler par des mou»vemenrs, dont 1'exemple eft rrop< « dangereux , pour pouvoir êrre toléré, »S. M. étant en fon confeil, a caffé » & annullé, cailè & annulle les déli»bérations qui ont été prifes , le 10. ^ociohre dernier, tant dans la chamw bre de la Tournelle, que dans celle «des Enquêtes; fait défenfes aux of- * ftaers defdites chambres, fous telles » peines qu'il appartiendra, d'en pren« dre de pareilles , & aux officiers qui font de fervice aux requêtes du pa«. lais de délibérer ou opiner dans la, «chambre des Enquêtes, fous.quelque *> piétexte que ce puiffe être. Ordonne » en outre S. M. que les regiftres par« ticuhers qui ont éré faits. le 10 oc» tobre dernier dans lefdires chambre* * 4s. la. Tournelle. &c des Enquêtes, fe-.  de la Cadière. 5^3 i» ront rayés & birfés ; enjoint au fieur » le Bret, p. préfident audit parlement » d'Aix , d'en faire faire la radiation „ en fa préfence ; de Iaquelle radiation s> il fera fait mention a la marge de » chacun defdits regiftres. Fait S. M. j> très-expreffes inhibirions & défenfes » aux officiers defdites chambres de faire „ de pareils regiftres particuliers, fauf 3 11 êrre (tarué, les chambres affemblées > » dans les cas ou il écherra de les con}> voquer en la manière accourumée , i> fur ce qui devra être inféré dans le „ regiftre du parlement qui contient ce » qui s'eft paffe dans 1'alfemblée des i) chambres, tenue le 11 octobre der55 nier; & fera le préfent arrêt tranfii crir a la marge dudir regiftre. Enjoint i> pareillemenr S. M. aud. fieur le Bret » d'y tenir la main , & de lui envoyer ji une expédition de ce qui aura été » fait en exécution du préfent arrêti » Fait au Confeil d'Etat du Roi, S. M. 11 y étant, tenu 3 Verfailles, le 27 mars ij 1732. Signéj Phélipeaux. Cer arrêr fur revêui , le même jour, d'une commifïion du grand fceau adreffée a M. le Bier, en qualité de p. préfident du parlemenr d'Aix, & ïntenA a &  56*4 Hijloire du proces danc de Provence , pour qu'il eut l l'exécurer & faire exécurer. Le tout fut accompagné d'une lettre de cachet de k même date, adreffée au même magiftrat , pot tant les mêmes ordres. Cet arrêt ne fuffifoit pas pour remplir les vues de l'abbé de Charleval; il lui en falloit un qui cafsat celui du 10 ocftobre 173-1. II arrêta lé départ du paquet, pendant tout le temps qu'il refta a Paris. Ce ne fut qu'après serre bien aftiiré qu'il n'y avoit aucune efpérance de fuccès a cet égard, qu'il partie enfin pour Aix, ou il arriva Ie 15 Décembre 1732. Le jour- même, M. Ie Bret fit lire 1'arrêt du Confeil, dans une affemblée des chambres convoquée a cet effer : il le fit, fur le champ , tranfenre fur le regiftre, en marge de Partiele du n oeftobre 173-1 , eonceruant les démarches de MM. des Enquêtes , & fit mettre ce certificat au bas t » L'arrêt du Confeil ci-deffus a » été tranferit fur la marge du préfent » regiftre, en notre préfence, fuivant « fa difpofirion , & celle de la lettre » du Roi, du 27 mars dernier, par " J; B- Duregina, greffier &c audienj'Cier de la Cour, qui a figné avec waous, Ie 15 décembre 1732. Signéy  de la Cadière. 565 m le Bret ; & plus bas , Duregina, 11 fe tranfporta tout de fuite a la Tournelle & aux Enquêtes fucceflivement, lit rayer, fur le regiftre de chacune de ces chambres, la délibératiön du 11 oftobre 175.1 , & fit mettre en marge que c'étoit en exécution de 1'arrèc du Confeil & de la lettre du Roi. C'eft ainfi que le calme fut rétabli dans la compagnie. M. l'abbé de Chatleval ne jouit pas long-temps de fon ouvrage. M. le préfident d'Efpinoufe, parem deM. de Vintimille du Luc , devoit marier, la nuit même de 1'arrrvée de cet abbé, fon fils avec une fille de M. le p. préfident, pour Iaquelle l'abbé de Charleval apportoit, de la parr de M. du Luc, un couvert dor qu'il devoit préfenter lui-même. Dés qu'on feut qu'il étoit arrivé , M. lep. préfident & M. d'Efpinoufe lui envoyèrent faire compliment. II avoit eu quelque accès de fièvre a Lambefc, ou il étoit depuis quelques jours , paree qu'il n'avoit voulu entrer a Aix qu'après l'enrégiftremenr de fon arrêt. Il répondit au compliment de ces meffieurs , qu'il auroit 1'honneur de les voir dès qu'il feroit habillé j mais, au lieu de lui donner des habits de. ville,. ik  566' Hijlolre du proces fallut le mettre au lit. L'accès de fievre furvinr & fut accompagné d'un délire qui lui ota toute connoiifance. Le lendemain , qui étoit le jour du repas de Ia noce, on envoya fcavoir des nouvelles de la fanré de l'abbé qui devoit apporter le couvert d'or ; on appric quil etoit tombé en létargie. Enfin, ie 17, il mouruta fept heures du matin , fans avoir eu la moindre lueur de connoiflance , fans facrements, & ayant, quelques heures avant fa mort ecume & jerré des cris effrayants. Sa iceur & fon nevc-u abandonnèrent fur ie champ la chambre 81 le cadavre S & Ie chapitre. de l'Eglife mérropoliraine , dont ü étoit prévór , fut obliaé de prendre tout le foin de 1'inhumarion. Un comprend facilement que le public crut reconnoitre le doigt de Dieu dans ce runefte evenemenr _ Cependant les puiffances ne s'adoucirent point en faveur des prifonniers^ qui n obrmrem leur liberté qua 1'ar«vee de M. de la. Tour.  ie ta Cadière* ySf MOTIFS Des juges du patlement de Prevence^. qui ont été d'avis de condamner le père Jean Baptifte Girard, envoyés ai M-lechancelier le 3 idécembre 173£- IETTRE de monfeigneur le chancelier a monfieur le préfident de Maliverny. MOnfieur, Ie jugement du procés du père Girard a fait & fait encore un ü grand bruit, que je ne puis me difpenfet , pour 1'konr neur de la juftiee , d'entrer dans 1'examen des; motifs , qui ont paru produire une fi grande tontrariété d'opinions entre les juges il eft difHcile de concevoir comment il eft poffible que , de v ngt-cinq juges , il y en ait dix qui s'accordent a croire un accufé non-feulement coupable, niais digne du feu, pendant que d'un autre cóté il y en a quinze qui font convaincus qu'il ne ménte aucune peine publique . cnlorte qu'il faut que le même accufé^ a:t paru évidemment coupable aux uns, 8c évideroment innocent aux autres, puifqii'aur cun n'a été d'avis d'ordonner qu'il ieioit plus: amplement informé. Ce qai aété décidé a 1'égard de la Cadière, paroit encore plus incompr henfibL- : fi elle: étoit innocente, pourquoi la condamner aux dépens ; Si etle étoit coupable , pourquoi at la coadamner qu'aux dépens ?.  56*8 Hïjloife du proces Comment d'aiiieurs les quinze juges, qu| ont cru devoir abfoudre le jéfuite, ont-ils pd! ne pas prononcer les peines les plus rigoureufes contre'elle, qui dans lewr maniète de penfer, ne devoit être regardée que comme une calomniatrice, & dans une matière ou il s'aigiifoit de la vie ? Enfin, comment ceux.-mêmes qui ont été d'avis der faire brüler le p. Girard , ont-ils pa fe difpenfer de prononcer au moins des peines graves , fi ce n'étoit pas celle de mort „ contre Ia Cadière; II s'agiifoit de ce qu'on appelle un crime de deux : il s'agiifoit, outre cela, de la profanation des chofes les plus faintes, & c'étort encore un crime commutt aux deux accufés. II eft vrai qu'en pareil cas le Confefleur dok toujours être puni plus févèrement que la pénitente j mais. il eft inoui qu'en condamnant 1'un , on pronoace 1'abfolution entière de 1'autre. C'eft fur tout cela qu'il eft de mon devoir de me faire donner les inftruótions & les éclairciflements néceflaires. J'écris a monfieur Lebret dans cette vue de m'envoyer les motifs de fon opinion, & celle des juges qui ont été de même avis que lui; & , comme vous êtes le plus diftingué des juges qui ont eiiibrafie 1'opinion contraire, je m'adrefle a vous pour fcavoir auffi les motifs de cette opinion que vous pouvez m'espliquér, de concert avec ceux qui ont été du même avis. Je vous prie feulement de m'envoyer les motifs le plus promptement qu'il vous fera poffible. Je fuis , monfieur, votre très-humble Sc affeétionni fexviteur, Dagueffeau. Paris, le 14 Novembre 17HJ..  de la Cadière. 569 RÉPONSE de monfieur le préfident de Ma~ liverny.y a la lettre de .monfeigneur k chancelier. Monfeigneur, au retour- de ma campagne , onzième de ce mois, j'appris que monfieur le premier préfident , avant que de partir pour Lambelc, lieu de 1'auemblée des états de cette province, avoit fait part a la grand'chambre d'une lettre qu'il avoit recue de votre grandeur , au fujet de votre furprife» fur 1'arrêt rendu en l'affaire du p. Girard Sc de la Cadière, & dit que vous en fouhairiez les motifs je m'informai de ceux des méffieurs qui avoient penfé comme moi , fi M. le premier préfident leur avoit communiqué votre lettre; Sc, comme ils m'affurèrent qu'ils n'en avoient aucune connoiffance , nous crumes que monfieur le premier préfident étoit chargé du tout , Sc nous étions tranquilies , inftruits depuis long-temps de fa droiture Sc de fon exatê propofé a M. le préfident de Grimaldy de fe ranker dememe qu'a M. de Gallice , puifqu'ils étoient leuls de leur opinion, ils répondirent 1'un & J autre de ne pas 1'exiger , p,rce que la chofe nejeroitjelon eux, aucun changement d 1'arrêt. Vous voyez donc, monfeigneur , par c« recit fidéle que. Ie partage des opinions a iait ieull abfolution du p. Girard , & que fi , d'une part, on vous a mandé que cet accufé avoit eu quinze voix pour lui-des vingt-cinq , & qu'aucun des juges n'avoit éré a une plus ample information, on nous a du moins laiffé de 1'autre tout 1'avantage de la vérité. Tout Ie refte de votre lettre, monfeigneur , porte fur la Cadière. Pourquoi la condamner aux dépens, fi elle eft innocente? & fi elle eft coupable , pourquoi ne la condamner qu'aux dépens? Ce font; ia les termes relyeclables.  de la Cadière. 5-73 les douze juges qui avoient opiné contre Ie p. Girard, ne pensèrent jamais condamner la Cadière aux dépens. La conviciion des crimes de cet accufé affranchilfoit leur efprit de toute forte d'idée de calomnie & de complot de la part de cette accufatrice ; & les juges qui étoient d'avis de mettre le p. Girard hors de cour & de procés , fentoient parfaitement que , s'ils ne trouvoient pas des preuves fufïifantes pour condamner le jéfuite au dernier fupplice , ils en avoient du moins afïez pour ne pas regarder la Cadière comme calomniatrice. Vous avez, au furplus, raifon, monfeigneur , de douter que, fi nous avions cru la Cadière coupable de calomnie , nous Ten euffions tenue quitte pour les dépens; mais, comme nous ne pouyions pas regarder le p. Girard du même oeil que les douze autres juges, les charges de la procédure , les réponfes de 1'accufé & fes aveux, ne nous ont pas permis de le faire. Nous devons même avoir 1'honneur de vous dire, & c'eft ici le lieu de le faire , que des douze Juges qui déclarèrent le p. Girard innocent des crimes qu'on lui imputoit, il y en eut un ( M. le doyen de Suffren ,) qui fut d'avis de mettre la Cadière hors de cour & de procés. Avis qui étoit déja celui de M. Je préfident de Grimaldy : enforte que vous voyez, monfeigneur, que cette accufatrice a encore eu pour elle le plus grand nombre des juges. Il ne nous refte plus , monfeigneur, qu'a répondre a la maxime fi connue, que s'agiffaat ici d'un crime de deux , il ne falloit pas Huoins condamner la pénitente a des peine*  574 Hifloire da proces rigoureufes , mais cependant toujours au-de£» fous de celles du confelfeur. Cette maxime, non plus que 1'efprit de la lof» ■ne nous euffent pas échappé, li nous aviöns été a portée de les mettre en ceuvre; mais il nous paróiiïbit qu'il falloit, pour cela, que le père Girard eut été condamne a quelques peines: «ïais dès lors que le p. Girard fe trouve abfous , & que ce n'étoit même que par le partage des voix, pouvions-nous jamais, nous quile jugions digne du dernier fupplice, infliger la moindre peine a la Cadière ï leur fort ce devoit-il pas être égal ? II vous plaira encore d'obferver, monfeigneur , fur 1'article de votre lettre , qui parle de la profanation des chofes faintes, que Ie crime étant un crime de deux, ainfi que vous Ie penfez , Ie jéfuite étant mis fur ce fait hors de cour & de procés , la Cadière devoit 1'être néceffairement auffi , puifque le renvoi que l'on a fait du jéfuite a fes fupérieurs eccléfiaftiques > ne peut pas embraller le cas privilégié. II nous femble, monfeigneur , que nous ne pouvions rien employer de plus aux éclaircif^ lements que vous avez defiré de nous par votre lettre; mais cependant nous nous flattons de tirer de bien plus grands avantages des motifs particuliers que nous aurons I'honneuï de vous envoyer , pour juftifier notre opinion , & nous ofons efpérer que vous ne les aurez pas plutót comparés avec la procédure , que vous les trouverez fondés fur les charges , fur les réponfes & les aveux de 1'accufé, & fur ce qui fe préfente de plus décifif dans ie cours de i'inftruóïion dc cette grande affaire,  de la Cadière. y^y Cependant nous ne pouvons nous difpenfer de vous dire que nous fommes encore a attendre que le greffier de la cour nous remetce fans déplacer la procédure que nous avons demandée pour fonder nos motifs avec exa&itude, & vous donner des éclairciflements juftes & précis de nos opinions 5 du moment que nous 1'aurons , nous obéirons a vos ordres. Nous avons 1'honneur d'être , avec un refpect infini, monfeigneur, vos trés-humbles & très-obéilTants ferviteurs , Maliverny , Peirolles , Montvert, Ricard, Saint-Jean, Nibles , Gallice, MoifTac, Ia Boulie. Monfieur le préfident de RegulTe, meffieurs de Trimond & de Blanc , abfens. Aix, ie n Oclobre 1732. MOTIFS Bes juges du parlement de Provence t qui ont été d'avis de condamner le père Jean - Baptijle Girard, jéfuite, envoyés d M. le chancelier le 31 Dècembre 17 31. LE premier crime & la fource de tous ceux que la juftiee devoit pourfuivre dans ce grand procés, eft un facrilège abus de ce qu'il y a de plus faint dans la religion, a la faveur d'une fourberie qu'on ne pouvoit trop punir. De 1'aveu des deux principalesparties, 1'une d'elles étoit dans Ia bonne foi. Eft-ce donc le directeur qui a féduit la pénitente ,  5 7^ Hijloire da procés comme elle a ofé s'en plaindre ï Seroit-cè la pénitente qui auroit trompé le directeur, comme il 1'a dit dans tout le cours de fes déienfes ? Dans cette étonnante alternative, nous avions a nous défendre nous-mêmes de 1'artifice , & notre unique attention étoit de démêler la vérité & lknnocence a travers tous les déguifements qui pouvoient les obfcurcir , ou les faire méconnoitre. S'il falloit juger la queftion par les maximes générales, par les préfomptions de droit, la difpofition des ordonnances & la junfprudence des anêts ; que de raifons contre 1'accufé ! le fcavoir , le canadrère, la différence dage & même de fexe, tout parle contre lui. En regardant cette affaire comme une fimple querelle en rapt, elle eft toute décidée en faveur de 1'accufatrice. On voit ici, d'un cöté, les dehors & la conduite d'un raviifeur qui prend toutes les voies de perfualion pour parvenir a fes fins ; & de 1'autre , une jeune perfonne fufceptible d'.imprefTions dangereufes , forcée de publier fon infamie, & dont les loix refpedtent'le témoignage. (i) Mais nous nous fommes d'abord défïés de la généralité des régies , fans pourtant nous en départir ; nous avons penfé que la qualité des perfonnes devoit en faire fufpendre 1'application, que le motif & 1'intention pour- (0 L'official, accompagné de deux commiffaires, la démarche inouie d'un juge d'églife qui accède chez un laïque pour lui faire fubir un interrogatoire; 1'emprifonnement (i) dc 1'accufatrice & de deux principaux témoins, dès le commencement de l'information ; éclac lï propre a jetter la terreur dans les efprits , a priver 1'innocence de tout fecours , & a écarter les preuves du crime : 1'élargilfement de 1'un d'cux , peu de temps après avoir été arrêté; & de 1'autre, après 1'avoir mérité par fon récolement Sc fa confrontation : un fimple décret d'alTigné contre 1'accufé, des décrets d'ajournement contre 1'accufatrice; fes frères & fon dernier confefleur fans plainte juridique , fans accufateur , fans partie , lors même qu'il ne pouvoit point y en avoir : la manière dont elle a été traitée dans les lieux oit l'on 1'a détenue, lafFeétation du promoteur., de ne faire entendre des témoins qu'a Ia décharge de 1'accufé, & a la charge de la querellante; le fcandaleux arrangement de ces meines témoins , toujours placés a la queue de ceux de 1'accufatrice , pour en détruire les dépofltions, & préparer a 1'accufé des faits juftificatifs qui ne pouvoient être propofés, fuivant les régies , que fur le coup du jugement, (1) De Ia Cadière aux urfulines, dirigées par Ie? jéluices-, da 1'Allemande , au bon paftetu ; de la Bauatel , au refuge. lome IU Bb,  578 Hijloire du proces & après la vifité du procés; 1'omiflïon des cenfures eccléfiaftiques déja ordonnéespar 1'official , Sc fi néceffaires dans la nature de cette eaufe : le (1) refus de confronter tant de témoins , qui faifoient charge contre 1'accufé , & de décréter, fuivant la requifition des gens du roi, Sc nos defirs perpétuels, certaines pénitentes de ce jéfuite, qu'on djfoit avoir une malheureufe conformité avec celle qui étoit déja fous la main de la juftiee : les pouvoirs iadéfinis qui ont été laiflcs a un confeffeur accufé de crimes fi énormes , Sc dont il s'eft fervi pour continuer fa direction a. 1'égard de plufieurs pénitentes qu'il faifoit produirc en témoins par le promoteur : enfin , ces déboutements coup fur coup contre la feule accufatrice & fes adhérens, de prefque toutes les requêtes , Sc de divers incidents qui fe font jugés dans le cours de ce procés. Malgré tant de confidérations qui ne préviennent pas en faveur de 1'accufé , nous nous fommes néanmoins réduits a puifer dans le fond même de la procédure., Sc les pièces qui y font jointes, dans les dépofitions des témoins , & les aveux des délats , les raifons de détermination, comme les plus capables dc produire un jugement tel que 1'exigeoient de nous la religion , 1'ordre public , 1intérêt dc Ia véricé & de la juftiee. Le p. Girard a été jugé le premier, & c'étoit Ie feul qui fut quereUé juridiquement. Nous 1'avons envifagé fous deux rapports différents ; comme confefTeur Sc dire&eur tout enfemble , & comme accufé. Nous avons exa- {0 {tèqucte du 15 aout 1731, rejetté?.  de la Cadière. $yt) ÏTiiné , fous le premier point de vue , ïe mérire de 1'accufation formée contre lui; & fous Ie ■fecond , la manière de fe défendre & les moycns qu'il a employés a cet effet. PREMIÈRE PARTIE. Le père Girard, confeffeur & directeur* SORTILÈGE. Dn nous a d'abord préfenté ce jéfuite comme coupable d'avoir ufé d'enchantement magique. La fmgularité de 1'accufation la rendoit incroyable : les faits cependant méritoient notre attention; les deux extrêmités étoient Vicicufes, & il y avoit également du danger entre tout croire , & ne rien croire. Dans une efpèce d'équilibre & un raifonnabïe tempérament , nous avons approfondi Ie merveilleux de cette caufe avtc d'autant plus de foin, qu'il nous fembloit couvrir plus d'infamies. Les prodiges font de deux efpèces, mais tous attribués a des ames extraordinaires Sc privilégiées. Les uns paroinent des faveurs du ciel, Sc les autres des opérations du démon. On a dit de Ia Cadière, que Jefus-Chrift avoit retracé fur fa. perfonne tout le myftere de fes douleurs; qu'il lui avoit donné un morceaU. de fa croix ; quelle communioit miraculeufement ; que, dans fon lit, elle fuivoit exa&ement leprttre qui difoit latneffe ; qu'elle connoiffbit le fecret des confciences. (i) (i) Meflire Giraud, i témoin. Claire Bétarde ir, Sceur Marie de 1'Efcot, 10, dans fon récolement. Sceur Catherine Raimbaud ,11. Sceur Marie Guerin, i«. Sceur Bb t  j8o Hifloire du proces Elle , de ton cóté , a raconté des vifions , cl'abord impures & horribles , enfuite douces & agréables, L'on a ajouté le récit d'un grand nombre d'accidents convulfifs Sc finguliers , que l'on imputoit a Satan , par cequ'il n'eft pas ordinaire que le Seigneur afflige ainfi fes créatures; & l'on remarque a cet égard un melange d'opérations, divines dans un temps, dia» boliques dans d'autres. Si tout ce merveilleux ne confiftoit que dans ce que la Cadière nous apprend d'elle-même , on auroit lieu de s'en méfier comme d'un artifice ou d'un trait d'imagination ; mais ce font ici des faits réels, qui, pour être nouveaux , rie doivent pourtant pas être rejettés, paree qu'ils font atteftés par des perfonnes dignes de foi. (i) Ils ne nous ont pas paru d'aiiieurs d'une nature a pouvoir être imités & propres a fufpecter 1'accufatrice. La malice humaine ne pouvant produire ce roidijfement des membres; (i) cette tenfwn de la peau comme fi cétoit ctlle d'un tambour; ce gonflemenl du col au niveau du menton; ces- convulfions fi effrayantes, même au? perfonnes de 1'art, (3) & des Aubert, Abbeffe de fainte Claire d'Ollioules, 19. Sceur Claire Guerin, 17. Marion Hetmitte, 54. Aveu du p. Girard au i« interrogatoire. Lettre de la Cadière des 11 & tl juillet. Lettre du p. Girard, du iz aoüt 1730. (1) La fceur de 1'Efcot, 10. Sceur Catherine Raimbaud', il. Sceur Marie Guerin, iS. Claire Artiques, 36. Meffire Camerles, 47. Marguerite Ricaude, 55. Marion Hermitte, 94, & les témoins ci-deflus. (1) MeiTire Guandalbert, 1. Meifire Giraud, 1. Louis Remouil, ?. Clément Garnier, 7. Claire Eflienne , 10. Claire Bérarde, 11. Louis Remouil, fils, 14. Francois Garnier, 15. Francois Calas, 17. Claire Artigues,3«f Claire Betinguier, ?7- Marion Hermice, y^, (3) Francois Candéirqn, 48.  de la Cadière. 5* S i Cürés; enforte que trois hommes avoient beaucoup de peine a contenir (i) celle qui en étoit agitée, Sc autres fymptomes femblables & furprenants arriver également a d'autres pénitentes (i) du p. Girard; pourroit-on foupconner la Cadière de les avoir dreffées pour jouer une fi étrange comédie, dans un temps oii les unes Sc les autres de ces filles ou femmes étoient dévouées fans réferve a leur directeur, & avoient une obéilfance aveugle a fes ordres Sc a fa volonté ? Ce point du procés étoit donc bien intéreffant Sc bien décifif, Sc tout nous obligeoit a chercher la véritable caufe de ces prodigesPeut-être qu'on 1'auroit trouvée , fi l'on avoic eu foin de décréter dès le commencement les principales pénitentes du p. Girard; mais elle doit paffer pour inconnue, faute de 1'avoir approfondie, ou faute dc pouvoir la fixer. Mais qu'avons-nous dü penfer, lotfqu'a la dernière confrontation mutuelle , la Cadière a foutenu a fon ancien directeur , que , 1'ayant confulté au fujet de la vifion dans Iaquelle il lui fut infpiré d'accepter une obfejjlon pour dé— livrer une ame du pêché mortel, il 1'obligea a s'y foumettre , malgré la répugnance qu'elle y avoit, Sc qu'il la réduifit a prononcer ce pacte > (i) Témoins 14, 1 f , 16, 17. (1) AnneBellone, 46. Marguerite la Pofe, Marie Laugier, f5. Elifabeth Gueite, 915. Thérèfe Villeneuve, 99. Catherine Joinville, 100. Catherine Ferrand , 108, parient des accidents de Marie-Anne Laugier , Sc de fes ftigmates, Sc la Cadière confrontée avec elle, luifoutint les avoir vifites par ordre du père Giïard. fi La Guiol, la Reboul, autres pénitentes du p. Girard , ont écé vues en extafe par les fce'Jrs Aubert, Bb 3  5 8 2 Hijtoire du proces qu'elle fe livroit {i) & s'aèanfionnoil d toutes qu'il exigeroic, pour faire, pour dire , pour agir & pour fouffrir ; éV que dès-lors elle éprouva en elle des opérations extraordinaires, accidents convulfifs , vifions obfcenes , dont elle fe plaignoit d lui ? A ces mots 1'accufé 1'interïompït, en difant qu'il n'avoit jamais cru qu'elle füt obfédée, & qu'il avoit fufpendu fon jugement. La querellante perfifta & ajouta, que non-jeulement il 1'avoit livree d cet état, mais qu'ily avoit auffi plongé plufieurs de fes pénitentes , telles que font la Guiol, la Rebouf, la Gxavier, la Laugier, la veuve Allemand & la Battarel, 6> que , s'il avoit porté ks quatre premières d commettre un.parjure, ïl fcavoit que les deux dernières le lui avoient foutenu en face fur quoi le p. Girard ayant dit que les accidents de !a Laugier étoient des vapeurs, & queia Battarel étoit un efprit foible: Pourquoi donc , repliqua la Cadière, navei vous traité ces accidents de vapeurs que depuis que la juflice a connu de cette affaire ? Enfin , la veuve Allemand fe récrie, en lui adreffant la parole : (j ; on dirjit que les dons du ciel jont cke[ vous aux e.nckères , en les •Voyant fi communs d vos pénitentes. Quoi qu'on penfe de tels évènements , tous. ces faits extraordin?ires ne font pas inutiles <5c indifférents; & 1'airdont le p. Girard les a de 1'Efcot & Guerin , i» , io & 16 témoins, dans leut confrontation avec la Cadière. (i) Confrontation pardeva t la cour. (J.) Dépofition de Thérèfe Lionne , dite la veuve AlIemand , & de la Battarel, j9 & j8 témoins, & leur confrontation avec le père Girard. (3) Confrontation de mcffire Guandalbert, ayec fee Cadière. -  de la Cadière. 5§3 traités, forme contre lui une preuve principale de féduétion. La pénitente fait part au directeur de Ia première vifion (i) qu'elle a après les quatorze premiers mois de diredtion , & luccelfivement de fes extafes & de fes tourments, de fes peines intérieures: vdici la réponfe qu elJe en recoit : vous fouffre^ , (2) ma pauvre enfant , & vous jouiffei ; c'efi ld avoir un avantage au-deffus des bunheurcux. Ailleurs il 1 exhortea fe iivrer , (3) a s'abandonner aux extafes & dne pas forcer violemmem l'efprit intérieur. S'il s'agit feulement d'un jour auque.1 il doit la vifiter, il faut qu'une révélation en décide. Le bon maitre (4) que nous fervons nous dira celui de ces deux jours qui conviendra le mieux, & fes vues fur nous deux.^ _ C'eft ainfi que ce diredeur nournt fa pénitente dans fes vifions & fes folies , loin de les combattre ; c'eft par 1'exemple des faints qu'i! 1'encourage ( 5 ) a accepter 1'obfeffioa qu'elle dit lui avoir été propofée par révélation. L'exerople étoit fans doute nouveau, & nous n'avons jamais vu dans les annales dc 1'églife aucun de fes enfants fe livrer au malm efprit par religion, & fous 1'efpérance de quelque bien que ce foit. 11 n'a pas défavoué qu'elle lui alt communiqué en fon temps toutes les vifions folies (J) Réponfe du p. Girard, au i} interrogatoire des «ommiflaires. . . (1) Lettre du père Girard, du 19 juin. 1730. U) Lettre du même, du ij juin 17'o. <4) Lettres du même, des 16 & ij juillet & 4aouï ''(O* Réponfe du père Girard a 1'interrogatoire 41 de» «emmiffaites. . B04  5^4 Hifioire du proces & ilDpicS \i\ contenues dans le mémoire èx C» Öme. Tantót ZJ«a Pa choifie pour être la vttlme (t le propitiation d'un certain nombre (Tames. Tantót elle appercoit faint Jeanl'évangéhftc tenant le livre des fept fceaux, oii ■OS de Marie-Catherine & de Jean-BapHfrfi* ien**- O) Ces marqués non équivoqucs d un efprit tout au moins foible & é°-are , n'étoient-elles pas capables de faire SuVnr les yeux a cet éclairé directeur, s'il eüt ete de bonne foi = II la prelfe au contraire, Ia folhcite (3) & lamenace, jufqu'a ce qu'elle lui ait donné par écrit le récit de tant d'impertinences; moyen fi propre pour 1'entretenir dans fes illufions. On ne voit nulle précaution de la part du directeur5 il n'apporte aucun remède au mal , 111 dans fon principe, ni dans fes (4) fuites. La Cadière & fa familie le confultent fur routes chofes , comme 1'homme de Dieu. II elt téinoin de tout, & le plus fouvent le feul témoin , ne jugeant nul autre digne d'aflifter avec lui a la plupart des accidents de fa pénitente. Son frère Ie jacobin n'a pas Ia difcrétion de fe retirer quand Ie p. confelfeur fouhaite d'être feul avec elle 5 d'un air d'autonté , // le prend par la main ,(ƒ)/« met hors (1) Aveu du père Girard a 1'interrogatoire 14 & is des commiffaires, & furie 17 ,18 , 47 , 61, s7 sg 109, rlavoue qu'elle lui racontoir en détail'toutês les vjlions; ce qui comprend celles qui fonr contenues dans le journal du carême. {1) Dans le journal du carême. ^ jj) Lettres du père Girard, des tj juin, 4 & ij aoÜ! (4) Claire Bérarde, 11 témoin. (?) Claire Bérarde , u témoin. Confrontation du n, Cadière au p, Girard,  ' de la Ca diere. 585- de la chambre , & ferme la porte a clef. C'eft le feul enfin que la caufe de tant d'effets furprenants n'embarralTe jamais ; il les rapporte a 1'auteur de tous les dons, qui fe plait a fignaler fa bonté envers fa créature. Dans une tranCfiguration de fa pénitente, il arrivé tout-acoup de Toulon au monaftère des clairiftes d'Ollioules , injlruit, dit-il, par fon bon ange. (1) Les religieufes s'emprelTent de lui annoncer qu'elle a communié d'une main invifible; il le fcait déja, prétendant lui avoir donné lui-même la moitié de l'hoftie qu'il avoit confacrée ; & 1'abordant, il lui reproche , en préfence de plufieurs religieufes, d'être une petite gourmande : enlevere^-vous toujours , lui dit-il, la moitié de la portion de votre père ?. Confronté fur ces faits , il en avoue une partie , (1) & il dir que c'étoit par plaifanterie qu'il avoit parlé de même , tandis que les fpectateuts font faifis d'effroi, & qu'une religieufe, frappée de ce ton de prophéte avec lequel ce père parle , en eft deux jours malade. (5) II fait Iaver le vifage de la Cadière couvert de fang, & recommande de garde rfoigneufementl'eau (4) qui a fervi d cet ufage , comme ayant reen une vertu miraculeufe, dont il alfure qu'on a déja rejfenti les effets d Toulon. Il prie une religieufe (?) de drener un journal de toutes ks merveiiles dont Dieu favorife leur monaf- (1) La fceur He 1'Efcot, maïtrefle des novices, io témoin, dans fa confrontation avec la Cadière. La fceur Guei'in, 1(5 témoin. (i) Confrontation du père Girard avec le 10 témoin. {5) Confrontation de la 10 témoin avec la Cadière. (41 10 & 11 témoins. (ï'i La fccui de 1'S.leot, 10 témoin.  '5 Se? Hïftbire du procés tére , oii il 1'avoit déja annoncée pour uneams peu commune, (i) On parle d'un morceatt de la vraiê croix defcendue du ciel 5 le p. Girard réclame ce tréfor , (1) comme devant en être le dépofitaire. La mère Cadière voit avec peine fa fille affligée de tant de maux ; elle veut appelier les médecins: (3) le directeur lui reproche des fentiments trop naturels , & la confole, en lui difant que ce font- des maux divins. (4.) Cette fille applique, ou fait appliquerdès emplatres a certaines plaies de fon corps; eile en eft févèrement repnfe par fon directeur (j )qai les hir fair regarder comme facrées. L'une paroit n'agir que par des.voies fimples & naturelles ; 1'autre n'annonce par-tout quelemerveilleux. La pénitente fe défie de fon état; Je directeur la raffure. Nous ne trouvonspas, dans la procédure , qu'il ait jamais pris aucun foin , comme il l'a dit dans la fuite , de rendre Ce' crets ces prétendus prodiges; nous voyons au contra.re , {6) qu'il les produifoit, que bien des perfonnes en avoient eté I. s rémoins & les admirateurs. Un des curés vient dans la maifon des Cadières ; invité de voir Ja fainte en «xtafê , il trouve a genoux au pied du lit Ja (■) Lettre da père Girard a 1'abbeiTe d'Ollioules du il mai J7jo. } fx) Réponfe du p. Girard, au 35 interrogatoire des CorDmiiiaircs. " \J% Af» de 1'accufé, daqs fa coafronEation avec l'abbé Cadière. Depolition de Claire üérarde , 11 témoin (4) R:colement de la fceur de 1'Efcot, 10 témoin.' Rf Aveu de | accufé, au !7 interrogatoire des comSÜIgrrts. Coprronuticp de la Cadière avec War»uet»te Truc, 44 temoin. 0 »JSlA-U de- * te™ ^ confrontation ayech. I^Cadiejej jacobin.  de la Cadière'. 5 87 :JR.ebouI, Ia Battarel & la Guiol; cette demière confidente du p. Girard s'écriant : (i) qui ne fe conveiüroit dia vue d'un lel fpeBacle! Le p. confefleur arrivé ; on fait retirer le curé. Le p. Girard n'a garde dedéfabufer les afliftants,, ou de leur infpirer au moins defufpendte leur jugement. Il parloit de fa pénitente au monaftère des clairiltes d'Ollioules , dans la maifon de fa mère & dans Ia ville de Toulon , comme d'un chef d'ceuvre (z) de la grace. Les jéfüites tenoient par tout le même langage ; par-touc ils la donnoient pour fainte, non a faire , mais toute faite , & fainte a miracles. Le père Grignet, un de leurs confrères , & Théologien du féminaire de Toulon, lui rend une efpèce de cuke ; il difoit lui être redevahle de fon affermiflement dans le bieii, & avoir appris de cette fille, mieux que dans les livres 3 les plus fublimes myfieres. (3) Si dans ces circonftances la mort feut enlevée, il efthors de doute que, quoi qu'au fond un vafc d'ignominie , elk rrouvoit aufli-tót fa place dans le calendrier, ala fuite de la fceur Marie Alacoque & de la fceur de Remufad , (4} (n Mettre Giraud, 1 témoin.. La fceur Boyer>?? tém. La Guiol, 3 tém. La Reboul , 6. (1) Lettre de 1'acci.fé a 1'abbefle d'Ollioules , da mai &c 5 juin 1730. Confrontation de la Guiol avec le père Cadière. Sceur Aubani , 13 tém. (i) Lettre du père Grignet a la Cadière, jpinteilat procédure. , , (4) Pénitente de 1'accufé , fille illuminee & a vifion » morte a Marfeille en 1710. C'étoit, avec la fceur Malie Alacoque, le modèle qu'il propofoit ala Cadière, comme on le voit 4. la page 49 de la feconde partie de foa pre.mier faftum , oü fe trouve le mémoire dos. \ifions de'la fceui de Rejsmfa(Hl y eft dit »«e U O- ïb é  '5? 8 Hijloire du proces & les pièces qu'on produit aujourd'hui contre elle , auroient fervi alors a la rendre I'objer de la vénération publique. Enfin , fans 1'expofition de Ia Cadière , Ie merveillcux de ce proces palferoit encore pour une preuve de la fainteté de la pénitente; le directeur feroit encore un crime a fes dévotes, & leur refuferoit (i) l'abfolution, fi elles en avoient une idéé différente; & la première feroit encore admife chaque jour a la participation de nos redoutables myftcres. Comment aurions - nous pu concilier une telle conduite , avec les doutcs dont 1'accufé a voulu fe faire honneur pendant le procés ? Ainfi ce n'eft que levènement qui a chano-é les idéés du public, & le langage du directeur; & les faits étant indubitables & hors de 1'ordre commun des chofes , on a toujours eu recours a un principe extraordinaire, mais contraire aux premières impreffions. De-la nous avons lieu de conclure contre Ie p. Girard que, s'il eft accufé dc fortilègc, il s'eft attiré cette accufation par fa conduite.& par 1'uniformité des accidents (i) qui fuiVoient fa direélion , & que d'accord avec lui iihe 1'avoit apperfiie poffédant le même dégré de gloire que la foeur Marie Macoqiie. L'accufé a fait joindrece«nemoire a la procédure, & 1'a enfuite fait imprimer.. (i) Marie-Anne Calas, 98 témoin. > (1) 11 confte par la procédure que la nommée Lau, £ler avoit des accidents jufqu'au point de fureur de cracher fur le crucifix , & de le mordrc avec les mêmes convulfions & gonflement au col que la Cadière la veuve Allemand, 39 témoin, dépofe avoir eu les rnêmes accidents d'obfelEon. La Battarel, 38 témoin , fait le même aveu. Dépofitions des 11 , 11 & 14 tém. Confrontation des 41, 43 J<)t fJ lcs> vo&ls Ie, «ans fon récolement, *  •ie la Cadière. y8> &rla qualité des effets qu'il a perpétuellemenf reconnus, on attribue aujourd'hui a 1'efpnt de menfonge ce quil attribuoit autrcfois(i) a 1'efprit de Dieu , &: qui cependant ne pouvoit pas venir de lui, comme la fuite ne 1'aque trop iuftifié. Le p. Ghard s'eft retranché a dire que Ia> pénitente 1'avoit trompé ; mais pourquoi cette excufe ne vient-elle qu'au moment qu'il elt accufé? Pourquoi reprend-il fes premiers fentiments pour elle, & ceife de la regarder comme une fourbe , dés qu'il croit qu elle s'eft départie de fon accufation ; en forte qua leur première entrevue, & lors de leur première confrontation, ilne propofe pas le moindre reproche contre elle ? ^ _ Mais , quoiqu'il s'avoue trorope , ce n elt pas pour tout; cat, comme on Ta deja obfervé , il convient de la plupart des faits extraordinaires dont il ne pe« plus donner la même caufe, 8i nous a lailfé incertains lur ce que nous devions penfer des prodiges attachés a fa diredion. Peut-il être recu prefentement a répandte des foupeons fur les actions de fa pénitente, lui qui 1'a raffuree iur fes juftes fcrupules? lui qui, feignant de confentir qu'elle confulte d'autres Confefleurs , 1'en détourne en effet ? 11 déclare veritablement qu'il ne lui appartient pas de dire, eotnme S. Paul, qu'il a 1'efprit de Dieucom- (i)Uttte du p. Girard du ** Juillet, qui eft la réponfe a une de la Cadière du merrie )our , ou elle fci marquoit, d'avoir été afociee a la redepmnd» terne humain. Ce direöeur, au lieu de la defabuier , & de fe foulever contre une impiete de cette elpece tend grace a notre Seigneur de U contmuation de JtS fniféricordel. De quel cöté croit donc la tourbene .  '590 Hijfoire du proces me un autre ; mais il ne hii permet dc s'adrefIer qu a des hommes de Dieu, (,} & qui connoiffent les deffems de Dieu fur elle ce qui 1c rendoit maitre du choix. Quelle m leur pariera que juf qua un cenain point (i \ dejeur qu on ne la livre d de plus grande Que ces expreflïons portent loin, mainteriant que le ridéau- eft tiré i Peut-on méconno.tre m k criminel en la perfonne du p, Girard , quand oblige' de dire qu'il doutoit de letat de fa pénitente , il n'a pourtant feu que repondre, lorfqu'eu 1'a preffié d'accordtr ies doures avec cet air de conviétfon qui * dure autant que fa direction. II doutoit de 1 etat de fa pénitente , & cependant il Ia faifoit communier tous les jours : quel étranee paradoxe , & qUelle profanauon en mêniltemps! Ctoirons nous enfin qu'il doutoit lui qui a combattu tous les doutes & tous les foupeons, eu plutót qui les a fi fort appréhendes, & qu., paria,,t avec certitude de fc haute perftdion de fa pénitente , a toujours pris tant de foin d'écarter les écla.rciffernenis qui pouvoient détruire cette idéé ? On comprend fans peine comment la Céctuction a du saccomplir. Le p, Girard avoit nne autorite bien naturelle fur les efprits; fon age fon caraétère , fes taknts, fur-tout pour la chaire, fes divers emplois, fon exterieur merne^ lui avoient acquis une réputation qui la précéda a Toulon. '£ Hijïoire du proces D'aiiieurs ces témoignages nous. ont pans evidemment fufpedts, paree que les faits dont parient ces témoins , font abfolument étrangers a la plainte, ne sagiffant alors que de fcavoir fi le p. Girard étoit coupable ou innocent des crimes contenus dans 1'expofitioi* de la Cadière & dans Ia requête du promoteur. ;AufurpIus, la fceur Barberoux , fupérieure du bon pafteur, (i) dépofe que la Cadière l a confultée fur ie choix du p. Girard pour fon directeur, & ue faic nulIc mcn_ non de la vifion de l'Ecce Homo , dont il a été tant parlé au procés, & dans le mémoire du, careme ; ce qui exclut teute idéé de vifion pré«sdente a la direftion du jéfuite. QUIÉTISME. La Cadière vivoit fous ce confefTeur comme fous les autres, fans aucune diftinéHoiv au dehors , que celle qu'une piété commune peut atnrer; mais le p. Girard ne tenoit pas avec elle la même conduite que les autres eonfeiieurs. Cette différence n'auroit été iufte, «ju en cas que Ia pénitente auroit été' plus avancee dans les voies de la perfeétion. Sous fep. Girard néanmoins elle commenca peu a peu a fe difliper , (z) a fréquenter des perfonnes, a la vérité , du même fexe , mais propres a lui faire perdre le gout de la piéïe; elle alloit a des parties de plaifir; elle Jes accompagnoit même par des danfes & des joies imrnoderées. (3) O ) Ce témoin ne feauroit étre fufpeft au p. Girard* t'j Anne Jaufrete , j témoin  de la Cadière. 59$ Ia prière vocale lui devint enfin un joug. infupportable, dont elle fe débarralla de> 1'aveu & avec 1'approbation (r) du direéteur.. On ne voyoit point en elle des crimes , mais, moins de vertu. C'eft dans cec état que lesentretiens avec le p. Girard devieunent li frequents au confelfionnal, au parloir des jéfüites 8c a la maifon (i) de la pénitente. Nousécartons ici ce qu'elle a déclaré dans fon expofition , des emprelfements qu'avoit le p. Girard de la voir , de la connoitre & de fe; 1'attacher; ce témoignage pourroit etre futveSt, 8c nous n'avons befoin que de celui qui réfulte des aftions de l^accufe. Les anrduités de cette jeune fille auprès d un confelfeur ne commencent que fous Ia direétion< du p. Girard; & tandis qu'elle mentoit cesdiftinétions moins que jamais, lts converfations font longues (3) & prefque 1ournalieres. Le p. Girard s'y feroit-il porte par pure- (0 Anne Battarel, 38 témoin. Thérèfe Lionne , la dame Aubert, abbeiS des CUiriito-, 1? , dans 1* confrontation avec la Cadière. (z) Louis Remouil , < témoin. Claite Eftienne , 10, Claire Bérarde, II. Loüs Remouil, fils , 14- Francois Garnier, 1 ?. Catherine Artigues, ; 6. Catherine Garnier, ,7. Marguente Ricaud , 5 ?. Claite Bennruier, w. Catherine Boyer, S9- Gabnele' Aube , Si.Pietre Maiffrem , «3. Sufanne Gallons , 50. Claire Sauvaire, 91. Marie-Anne Calas, 9*.-Claire Uurand. .. 101. On n'a point ennfronté a 1'accufe , le if , le. 50 & 91 , qui difent 1'avoir vu aller feul chez la Cadière , 4 ou j fois , ( oa < fois, 10 ou li iois j non plus que Maielaine Julien , qui dépofe qu il s'enfermoit feul a clef dans la chambre de la Lau- S'(?) Louis Remouil dit, que 1'accufé ne fortoit de lu maifon de fa pénitente que trois heures apres y etre" entré. Claire Bérarde, qu'il y alloit a une heute, &siu'il nlen Curtoit que lè foir.  594 Hijiolre du proces complaifance, ou par charité ? Elfe feroïï exceffive & déplacée : il ne les auroit pas fouffertes, fi la piété en eüt été Ie feul objet. Peut on croire qu'elles föuloient fur des affaires de confcience l Dans fes réponfes perXonnelles, (i) il fixe les confelfions de cette penitenten deux fois par femaine. Or, qaei grand fujet peut avoir une jeune fiile' d'entreienir fi fouvent un confeffeur a 1'églife Sedans fa maifon ? Si elk eüt été fourbe ce direfteur habile avoit tout le temps de' Ia connoitre; fi elle ne 1'étoit pas , il avoit tous les moyens de la féduire. Le p. Girard lui confeillort encore h lecture de certains livres qu'il lui faifoit même acheter , propres a gater fon efprit Sc fon cceur, en lui donnant de la piété des idéés peu faines , Sr lui faifant regarder la mortiiication des fens comme indifférente; tels étoient le livre des Réfltxwns morales de Ivf de Cambrai, celui du p. Surm, jéfuite. (i) C'eft dans ce dernier qu'elle a puifé la pfus grande partie des vifions contenues dans le mémoire du carême. II eft juftifié qu'il prétoit les mêmes livres a celles de fes pénitentes (3) qui n'avoient pas de quoi les acheter. Les unes Sc les autres fe plaignent égaJement (4) de cette impuiffance de prières ; fuite inévitable du quiétifme. (1) Réponfe de 1'accufé a 1'interrogatoire ».f des Comminaires. M La Cadière 1'en a fait convenir tors de fa conjronranon devant la Cour. (!) La Battarel, 38 témoin. ƒ4) Les deu* expofitions de la Cadière. Les dépoitioas de ia Battarel, 38 témoin. »c la veuve Alle-  de la Cadière. J9f tes preuves (i) contraires qui réfultent de Ia procédure Sc des lettres de 1'accufé en fa faveur , pour juftifier qu'il recommandoit de bonnes keimes Sc des prières a fes pénitentes , ne nous ont pas paru capabks de coatre-balancer & de détruire des faits , que l'on ne peut regarder que comme lè fruit d'une erreur qui n'ofe d'abord fe monrrer a decouvert. Cette différence de temps a été patfaitement diftinguée par la querellante dans fa dernière confrontation avec 1'acculé , (i) & l'on a bien vu les précautions que ce nouveau dodleur prenoit pour former des profélites , nmitiant dans fes myfïères que ks fujets en qui il trouvoit des difpofitions favorables. De la même fource dérive encore cette formule de confeffion , (3) donnée a la pénitente , afin qu aucun autre confefleur n'appercjk le mydère d'iniquité & d'abomination ; paree que cet homme fi prudent , felon la chair, prefcrivoit , a cette fille trop docile , ce qu'elle mand, 59. De meflire Giraud, 1. L'abbefTe- des Clairifles , i<) témoin, dans fa confrontation avec la Cadic»e. (ij Témoignages de quelques pénitenres afluelles de 1'accufé, qui ont cru fe mettre a couvert en 1'excufant lui-même. (1) II n'enfeignoit pas les mêmes maximes a\ fes pénitentes , qu'il ne- fe fur auparavant affiité d'elles. Confrontation devanc la Cour. (?) Viftoire Aubert, penfionnaire chez les Clairiftes, 30 rémoin , qu'on n'a pas voulu conf onter a 1'accufé , dir avoir vu cette formule. Ce fait paroit aflez défij-ne par deux lettres de la Cadière, du 19 mai8c n juin, ou elle dit, quelle pariera au p. Routier juCqua un certain point. Et dans Ia feconde, quelle ne peut fe tornt muniqi'.er a tout amre , ct qiii ne fait pas le moinèrt (met (fe fes peines^  $$6 Hiftoire du proces devoit dire & taire au confefleur ordinair* du monaftère des Clairiftes d'Ollioules. La Cadière Ie lui a foutenu dans la dernière confrontation. Enforte que le p. Girard embarralfé du reproche , dit : (i) qu'il étoit fouvent néceffaire d'en agir ainfi; & de marqucr aux ■perfonnes du fexe jufqu'a quel point elles doivent s'ournr, quand elles fe confeffent d des prêtres vieux ou fcrupuleux. Or, nous trouvons que cette maxime erf entièrement conforme a la 47e propofition de Molinos , condamnée par la bulle du pape Innocent XI, oü cet Héréfiaique , après avoir parlé des violences que l'on fouffre par Ie mifiiftère du démon; qui fait, dit-il, maintenant des faints , comme les tyrans enfaifoienc autrefois : il ajoute, que quand ces violences arrivent, il faut laiffer agir Satan fans s'y eppofer> mais demeurer dans fon néant , & quoiqu'il s'enfuive des pollutions * & d'autres aSltons honteufes , & même encore pis , il ne faut pas s'en inquiéter , mais bannir les fcrupules , les doutes & les craintes ,. paree que Came en devient plus éclairée, plus fortifiée & plus pure Ouefur pi* ttitencts qu'on s'impofe a foi-même. C'eft aulfi la doctrine de la crente-huitième propofition, condamnée pat la bulle d'Innoceut XI.  éoo Hijloire du procés •vais- deffein qu'il avoit gagné fa confiance , .&. qu'il éblouiffoit le Public par Ie faftueuz .appareil de fa direction. Bien plus , fa conduite (i) a 1'égard de fes autres pénitentes, fait voir tout a la fois , & la fimplicité de la Cadière , & 1'abus horrible que Ie p. Girard en a fait, non par hafard ic par occafion, mais par principe 6c par habitude. Ici, pour peu quon foit touché du zèle pour la maifon du Seigneur, on ne peut qu'être indrgné de voir un homme de cinquante ans a la tête d'une eommunauté religieufe , directeur du féminaire de la marine & du diocèfe , comptable de fes aétions a tant de perfonnes, être tous les jours entouré d'une troupe de dévotes, choifies dans une condition balie , nourries des maximes d'une vaine fpirituaiité, toutes marquées d'un cataotère nouveau, qui femblent devenir le peuple élu de Dieu dés qu'elles font fous fa direction} avec qui cependant ce jéfuite prend des libertés; (i) de qui U en fouffre , qui fe les communiquent les uncs & les autres, & fe faflurenc par cet exemple. IN C ES TE SPIRITUEL. Les hommes d'une certaine efpèce agufent (il Dépofitioas de mefüre Giraud , curé, i témoin ; cVAnne Battarel, 38; de la veuve Allemand , 55; de Madelaine Allemand, 91; de la fceur Boyex, 97. (2) Aveu de 1'accufé au 140 interrogatoire des commiffaires, d'avoir été embrafle par la Battatel, dans une chambre de la maifon de la Cadière. Dépofition de la Battarel, de 1'avoir baifé dans 1'églife au confeffionnal. Claire Bérarde , qui dit 1'avoir furpris bailaUc la Guiol, Ceufroutation de la Cadière avec la Cuisi, confe^uemment  'dc la Cadière. Cox conféquemmeiit, fur-tout dans les démarches d'éclat; & dés que la vertu n'en peut pas être 1'ame, il faut en chercher la fource dans la crime. Or , tout ce que nous avons rcmarqué nous amène naturellement a 1'incefte fpirituel, & détruit ce vain & frivole prétexte , qui a été la raifon triomphante de 1'accufé : 11 n'eft pas prouvé que le p. Girard foit [order , donc il n'eft point inceftueux : auffi a-t elle faic peu d'impreflion fur nous. Nous n'avons pas befoin d'entrer dans le détail des infamies que la Cadière dit s'être confommées dans fa chambre ; (i) nous ne voyons cette chambre que par les dehors : le p. Gaard en écartoit tout le monde en y entrant, & s'y enfermoit feul a feul avec fa pénitente : mais les foupeons fuivent naturellement une (i) pareille démarche, qui dans un laïque prouveroit le crime par elle-meme , en formant une préfomption, jurts de jure. On veut cependant que le préjugé celle en faveur du directeur; auffi nous n'avons pas voulu le condamner par cela feul qu'il s'eft enfermé, ni même fur 1'expofition d'une fille, qui révèle malgré elle fa lurpitude , & qui eft plus digne de foi que tant d'autres que l'on croit fur leur ferment. La düFérence que l'on fait d'un laïque Sc d'un directeur, qui s'enferment tous deux (i) Les deux expofitions de Ia C.idiète. Sa confrontation avec le prieur des carmes. Les confidences qu'elle faifoit aux témoins ;i , 58 & 97 , dans le temps qu'elle étoit fous la direöion du p. Girard , Sc qu'elle pafloit pour fainte, & aux témoins 59 & 91, avant le procés. (1) Claire Bérarde, 11 témoin. Confrontation do 1'abbé Cadière avec le p. Girard. Tome II, C <^  6o% Hiflolre du proces avec une perfonne de différent fexe , efl: fon? dce fur la prévention qu'on a naturellement contre 1'un , Sc celle qu'on a également en faveur de 1'autre ; mais il faut faire entre eux une feconde différence , par rapport au bon exempie & aux bienféances de 1'état, qui n'eft point en faveur de 1'accufé. (i) S'enfermer donc a clef, & feul avec fa pénitente , eft une aclion extraordinaire , que Ia feule néceffité peut excufer, & que l'on préfume d'abord innocente, paree qu'on la croic néceffaire. Le p. Girard, preifé fur cet article , Fattribue (i) a une efpèce de néceffitê. Nous ne pouvions poulfer 1'équité ou 1'indulgence plus loin que de le juger'par fa bouche. Sa première raifon eft , qu'il avoit alors d parler d fa pénitente de 1'intérieur de fa. confcience. C'eft la une raifon d'écarter le monde, mais non pas de fe fermer a clef pour empêcher d'être vu : outre qu'il n'éroit pas poffible qu'une jeune fille, d'une vie commune , Sc alors prefque toujours infirme , put fournir, par 1'intérieur de fa confcience , a de ii longs Sc de fi fréquents entretiens. La feconde eft, dit-il, pour voir fes plaies. Mais il y avoit de 1'indécence a voir celle du cóté, (5) Sc plus que de 1'indécence a la voir fi) L'accufé répond d'une facon finguiière a 1'interrogatoire <,u Interrogé , s'il s'cnfermoic avec elle; il répond que n~>n, 5c tout de fuite il ajoute, que cela lui eft arrivé quelquefois apris piqués. Au S; interrogatoire, il avoue que cela lui elt arrivé huit a neuf fois. (i) Réponfes du p. Girard au 84 intetrogatoire des coramiffaires. <3) 11 dir, au 77 interrogatoire, que cette plaie  de la Cadière. 605 fermé a clef & fans témoins, a la Voir Cl fouvent, fans fouffrit que nul autre la vit avec lui. Pouvoit-il, par la feule infpedion «le fes plaies, juger fi elles étoient naturelles ou non i & fi c'étoient des ulcères , comme il l'z dit dans fes défenfes , ce n'étoit pas a lui a les vifiter. C'eft dans ces entretiens fecrets qu'il avoit porté la main fur le fein (i) de fa pénitente, pour voir fi fa poitrine & fes cótes étoient relevées ; pouvions-nous croire cet attouchement néceffaire ? La troifième raifon eft , de prendre une ferviette & des coéffes teintes du fang de fi pénitente , & une croix garnie de pointes ; mak il y avoit encore la moins de néceffitê de fe fermer a clef, outre que c'étoit l'affaire d'un moment. La quatrième raifon ne peut être que fauffe : c'étoit , dit-il, pour affifter aux raviffements de fa pénitente , dont il ne vouloit pas que le Public füt témoin , tandis qu'ils fe paffoient au vu & feu de toute la ville. (i) étoit ordinairement fanglante; ce qui démontre qu'il la voyoit ordinairement; il 1'avoit même baifée, comme il paroït par la dépofition de mefiïre Giraud, 2 témoin , a qui la Reboul 1'avoit dit, Sc par celle de la Battarel, 38 témoin ; 8c la Cadière 1'a conhrme, même dans fa variation. (1) Réponfe de l'accufé au 11 interrogatoire , des fecondes réponfes pardevant les commiffaires •, il dit, qu'il toucha les; cótes pai-deffus le mouchoir qif elle ■portoit au col. il convient d'avoir dit a la Cadière, qu'il avoit lui-même le cóté droit plus clevéque 1'autre. N'eft-ce pas la un aveu de cette plaie intérieure donc ,jl difoit a fa pénitente , que la volonté de Dieu etoit qu'elle s'uuit a celle qu'elle avoit elle-mème au cóte gauche, ainfi que le dépofent la Battarel, 38teraoin, la fceur Boyer , 97 témoin. ■ (1) Marguetite Ricaud, u , 8: tant d'auttes deja ei* tés, Sc qui en ont eux-même été les fpeaateurs, CC 2.  -Ó04 Hijloire du proces Nous avons encore obfervé que la Cadière avoit tres-fouvent des accidents convullifs, •lorfque le p. Girard éroit enfermé avec elle j très-fóuvent même il la trouvoit en cet état en entrant dans fa chambre : quel befoin de •s'y arrêter ? // aitendoit, dit-il, (i) que l''accident eüt paffê pour lui parler de Dieu ; mais ne pouvoit-il pas prendre un temps plus convenabïe que celui du retour d'un accident ! y avott-il a craindre pour la vie de la malade ; D'aiiieurs ces accidents , femhlables a ceux de la Laugier , (x) la mettoient ou pouvoient 'la mertre dans des iituations capablcs d'a■larmer la pudeur des moins fcrupuleux : le p. Girard étoit-il tranquille ? & s'il ne 1'é■toit point, pourquoi rechercher ces occafions ? pourquoi n'appeiler perfonne de la maifon , pour porter un fecours qu'il ne lui convenoit pas de donner, & dont la malade pouvoit avoir befoin? Peut-on penter favorablement de lui dans cet état, lorfqu'on le vok agir .dans la maifon de la Laugier , en pareils accidents , d'une manière fi fufpeéte ? Cette autre pénitente du p. Girard fe roule dans fon lit d'une facon a fcandalifer les fpeélateurs , par fes attitudes , par fes blafphêmes, & par les extravagances qu'elle dit de fon directeur; ce jéfuite vient chez elle , fait fortir tout le monde de la chambre , s'enfermé feul d clef, & l'accident s'évanouit. (5) (.0 Réponfe de l'accufé a 1'intcrrogatoire 59 des com- milTaires. (1.) Margucrite Lapofe, tz. Elifabeth Gucita , 98. Lucrèce AfdifTonne , ioï. Les amies de Ia Laugier difoient que c'étoic un mal divin. Claire Roque , 41. Thétèfe Bonifai, 4? , Sc tant d'autres déja cités. (j) Madelaine Julien, 11. Anne Bellone-, 4S. Ma-  de ld Cadière. ^ 60 5 Si a' ces réflexions, on joint 1'idée de fa conduite avec la Cadière, pendant les trois premiers mois de féjour qu'elle a fait dans le monaftère d'Ollioules, ponrra-t-on douter encore des deffeins criminels que ce directeur avoit fur fa pénitente? Malgré un eloignement alTez confidérable , pour ne faire qua des voyages nécellaires, & par un pur mouvement de zèle Sc de charité , dont on ne voit pas même de prétexte , il la vifue deux fois par(i) femaine. Les dépofmons des religieufes Clairiftes nous apprenncnt a quoi ces trequentes conférences a 1'églife ou au parlois (r) étoient employees. IIlui éccit chaque j^ut une fois au moins , & fouvent deux. La ieulo de fes lettres qui eft reftée fans c-cre fufpeéle d'altération , prétente des idéés affreufes uu crime que les détours les plus recherchés &les plus oWiqués n'ont pu couvnr. Les dernières paroles qu'elle renferme, ou il fait valoir tant de titres pourinlércjjcr un bon cceur, réflechiflant uniquement fur la creature , pourroient-elles jamais être fufcepnoles d une rie Uueier 5Ï. Thérè'e Villeneuve , 99- Catherine Joinville, .00. Lucrèce Aidirtonne , .03. Cathenne Ferrand, 10S témoin. (1) Marion Hermite, 94 temoin. - . f . (1) 11 la voyoit feule au parloir, U petite feneai de la grille ouverte. Confrontation de la fcen Auban avec la Cad.ère. Ala grille du chceur, la petite fenêtre auffi ouverte , ou il la baifo.t fans refpea pour 7e faint facremit, 8c lui touchoit la mam. Sceur Guerin, factiftine , K témoin. Marie M^teonne tourière , H. Il la baifoit auffi au parloir 8c «»«**• Luctèce Materonne, Scrut Duprat, M- P"J" «uil étoit dans 1'églife pour lm pariet a la grille1 du Leur, il fermoit la porte de 1'églife 8C lu. fajlolt fermer la porte intérieure du chceur. Sceur de ltlcot , lo témoin. S Si l'on s'arrête enfin un moment a 1 epoque de leur féparation , fi i'on en pèfe toutes les circonftances, on remarque le plus fort attachement du directeur pour fa pénitente , (i) ne prenant fon congé que forcé , & lui offrant toujours fes ftrvicis ; & les faux prétcxtes qu'il lui fuggére pour colorer cette rupture, choquent également la vérité & la vrai* femblance. Les aétions font ici nanre les foupeons , 1'examen les fortifie & les porte jufqu'a levidence. Le p. Girard a fouftert que fes dévotes le baifalfen't , fans ceflet de les diriger. U ne s'eft pas fait un fcrupule de prendre avec elles cette liberté dans 1'églife , ailleurs , même jufques dans le tribunal de la pénitence. Chacune d'elles s'eft avoué le fait. 1'accufation de la Cadière , en ce point, eft loutenue par (1) plufieurs témoignages. Cette liberté n'en amène-t-elle pas d'autres , avouées encore , qui d'ailleuts font d'une nature a ne pouvoir être prouvées par des témoins oculaires ; Tout annonce les dernières chutes & tout y prépare. Nous avons vu l'accufé jetter, dans la première année de direction , des femences d'erreur dans 1'efprit dc fa pénitente , (O Lettre de l'accufé, du it feptembre 1730. (i) Les deux expoiïtions de la Cadière. La dépofition de la Battarel, qui avoue 1'avoir baifé, & dans la maifon de la Cadière, Sc dans le confeflionnal. Téaioins ci-deflus. Aveu du p. Girard au 140 iacerrogatoirc des commiffaires.  de la Cadière. 607 ic fubftituer une fpiritualité pernicieufe a la fimplicité de 1'éducanon. De 1'elprit, il a pafié au cceur; & pour y faire entrer l'amour profane il 1'a transformé en amour divin. Quand il afallu s'affurerd'elle, le directeur a montré les mêmes réferves qu'avoient eues es autres confeffeur* ; quand il 1'a drelfee fe on les vues, Sc qu'il a voulu fe 1'alfujettir, il a mis tout en ceuvre ; converfations éternelles, lecrures, rricflages, exemples, complaifanccs , formules de confeffion , fréquents voyages , lettres enfin confécutives, quand il n'a plus été a portee de la voit tous les jours. Ces lettres refpirent encore la paffion , mal' êré leur changement Sc la fupprefiion (i) d un certain nombre , & font alforties au plan du féducteur ; c'eft un mélange perpétnel de pieté & de galanterie. Il avoit pris , dés le cornmence'ment , des précautions f» pour empecher qu'elles ne fuffent interceptées; & pour mieux tromper les perfonnes qui pouvoient éclairer fes démarches , il avoit foin d en envoyer deux a la fois d'une efpèce differente ; 1'une a pouvoir être montrée , Sc 1'autre (}) pour la feule pénitente : la piété connokelle ces rufes Sc ces détours! (1) Le p. Girard , confrontê avec Ie p. Cadière, convient d'avo.r écric 14 ou iS lettres a fa fceur, ic il n'en repréfente que 14. i;..ï..*. (-) Lettre de l'accufé, du <}uin 17?°, alabbelie, ou il lui demande de lui accorder que fes lettres puiffent aller a cette fille fans être vues. (!) La Battarel, dans fa confrontation avec 1; p. Cadiète , avoue avoir été la porteufe de ces lettres fecretes. Le p. Girard, dans fes réponfes pardevanc Ja cour dit que cela n'eft arrivé qu'une fois, Sc avant que 1'abbefle lui eüt accordé de ne point ouvrir cei Jetties; cependant Cette faveur lui fut accotdee des Cc 4  6o8 Hifloire du procés \ f,"?i.c" lcttr«' "»c qui porte Ienom cela Guiol (i) merite une attention particuliere 5 car elle prouvé quatre chofes eifentielles qui font comme 1'abrégé de ce proces, i . Que ie p. Girard étoit paffionné pour fa penneme. 2.°. Que cctte fiUe étw ^ h bonne foi. Que pour h trompet, & le publ.c avec elle , il couvroit fes honteux defiems du voile de la religion. 4». Enfin qu'il n a pas «e Je maitre de tenir plus long-temps a Cadière fous la direction , & combien jj iui en a couté pour s'en féparer. (i) <4 V O R T E M E N T. L'incefte éroit I'efFet naturel de Ia paifion du p Girard ; la groilene & 1'avortement font Ja fuite de 1'inceite. La groiTeiTe eft aiTez in a ne la donner que huit jours de fuite? a ne la donner qu'une fois par jout. a empêtfher que. d'autres que lui ne la donnent: f. Si c'étoit de 1'eau pure & non rougeatre, pourquoi ia pénitente, dans fa variation , n'a-t-elle pas nie la couleur i il ne lui en coutoit pas davantage. Cependant on a era devoir lui faire expliquer cette couleur i» & dire que cette eau étoit teint e de jon ]ang , paree que, faignant du nc^ lorfque le p. Girard la lui prèfentoit , U en tombou quelques „onnes qui la rougiflbient Explication iicheufc & bien contraire a la vraifefnblance. Ces o-outtes périodiques & obéiffantes cönhrment toute 1'idée du crime. De plus cette teinture de fang■ n auroit elle pas d abord rebuté cette fille ; & quelque ardente queut ete (,) Claire Bérarde, » tÉrribin ,dépo» caftyenoit (bu««M prendre une écuelle d. au 4 la cuifine , & ne vouloit pas qu'aucttn autre s en meiat quoiqd'on le lui offtlt 11 n'a pas été '^«"Sé/" ?es commiffatte! fut les circonftances marquées daas cet anicle. , p, (!) Réponfe de la Cadière a l'interrogatoKe *«, Belt n de fa variation..  610 Hifloire du proces fa foif, auroit-elk pu la porter a boire fort propre lang, mêlé avec une liqueur qu'on pouvoit fi promptement & fi facikmenc remplacer ? L'eau pure & fimple ne produit pas d'auffi puifTants effets que celui qui a fuivi Ie breuvage donne par le p. Girard. Nous entendons parkr rei de la grande perte de fan«r f i) furvenue a Ia Cadière. L'accufé a été auffi embarraffe fur cet article, que dans le précédent. r On lui demande fi tous ces breuvao-es (i) n avoient pas procuré une perte de fan| a Ia Cadière, & il répond, quil na jamais donné dc breuvage. II avoue néanmoins enfuite cette perte, (3) qu'il dit lui avoir été donnée pour miracukufepar fa pénitente : mais il fe contredit dans cette imputation ; car dans fes réponfes perfonnelles, (4) il fait dire a la Cadière , que Dieu lui ótoit tout fon fang pour la renouveller, & dans fes défenfes , (5) pour la faire mourir. D'aiiieurs ce jéfuite étoit-» homme afe lahTer prendre par des raifons auili puenks 1 une que 1'autre? On reprochoit encore a l'accufé , d'avoir vu avec une curiofité trop intérelfée k vafèr pkin de fang perdu par la pénitente, & d'avoir demeuré préfent & a cöté d'elk tandis quelle rendoic ce fang : il avoue (6) fa~ voir vu; preuve d'une familiatité bien in- (<) Vers le milieu d'avril «750. commife? ^ ra£CUfé A '--^toire ,cr, deS (5) A 1'interrogatoire 106 & fuivants. U) Au meme interrogacoire 10S. fV/**' JS de fon Prcmi« faftum. lÉJ R.ef oafe au mime inewtogatoits  de la Cadière. 6"n 3igne': & d'avoir vu une liqueur noirdtre i preuve de la caufe de cette perte : mais dans fes réponfes , (i) il a vu prendre & emporter le va/e fur le champ ; Sn dans fes défenfes , il dit qu'on le lui a (i) montrê. Ce mot juftifie alfez le reproche & 1'intérêt qu'il y avoit a le voir; a quel autre defTein 1'auroit-il vu , fi ce n'eüt été pour vérificr le parricide efFct du breuvage ? (;) M'eft-ce pas infulter aux lumieres des juges , que de vouloit leur faire entendre qu'un pareil examen n'étoit que pour fcavoir fi la caufe de cette perte étoit naturelle ou divine ? Cet examen étoit-il le fait du directeur ? Ce fang avoit-il quelque figne a pouvoir connoitre pourquoi la pénitente le perdoitï Par le feul fecours de fon art comment pouvoit-il diftingucr d'oü venoit cette perte , fi elle étoit divine , ou fi elle étoit naturelle? Pourquoi enfin 1'appeller un mal divin , Sc empêcher la mere alarmée de confulter 'des médecins fur 1'état de fa fille ? (4) La Cadière avoit dit, dans fon expofition au Lieutenant, que ce fang perdu après le bteuvage étoit mêlé d'une made de chair ; elle le confirma dans la dernière confrontation ; fur quoi le p. Girard la reprit, en foutenane (1) Réponfe au même interrogatoire io£. (2.) P une aveugk pffi de la famtetede cette filk , avoit écarté tous les foupeons ■ Sc s'il fa fait foïüi de Toufon c' K qUemeS vMt«—npien 1 ««ter quelques muraiufes,. & „e pouvoient pas toners édifo ks voilïns. DailiursX fë lePr? ?£ fedr^™nager de labfence par gwttes- qU afourms k monaftère des Clairiftes, ou la pénitente s'étoit retirée , ne démontrentJ pas que le d.recteum'étoit pas plus chafte l Toulon qu a Ollioules > F SECONDE PARTIE. Toutes ces frivoks exceptions entrenr «fan* Ia feconde idéé que neus avons prife du p Girard comme accufé, & nous pouvons dire (i)Témoins 8, ) 14 lf ,6 „  'de la Cadière. 6if qu'elle nous a faifi encore plus que la première. L'innoccnce porte fa juftification avec elle, Sc n'a pas befoin de tant d'artifices pour fi: faire jour a travers 1'impofturc Sc la' calomnie, fur-tout quand les adverfaires ne font pas redoutabks , ni par eux-mêmes, ni par leur crédit. Nous avons reconnu ce jéfuite coupable, par fes efforts Sc par fon embarras. Le premier pas qu'il fait, dans la crainte d'une accufation prochaine , a Iaquelle perfonne ne penfoit encore, eft de retiret fes lettres , (i) dont la prompte rémiifion eft une nouvelle preuve de la bonne foi de la pénitente. II lui cffre fes fervices dans un temps ou' il avoit plus d'intérêt de s'en détacher , Sc de faire croire qu'elle 1'avoit trompé. Ne pouvant la retenir fous fa conduite , il lui fournit des excufes fevorables pour couvrir le changement de directeur, (i) Quand, par fa faute ou celle de fes proteéteurs , les crimes éclatent , 1'accufation ne 1 etonne point. 11 prêche, il confeife , comme fi c'étoit un autre que lui qui fut accufé , Sc exerce fans pudeur Sc au fcandale dü public , le même miniftère qu'il a profané par tant de prévarications. II confeife encore les meines (3) pénitentes, complices de fes défi) Lettre de l'accufé, du xi aoüt 17*0. La dame Giraud , 54. La fceur 'de 1'Efcot, 10 téjnoin dans fon récolement. (1) Lettre du p. Girard , du 15 feptembre 1710. (?) La fameufe Guiol , 1. La.Laugier, 4. La Reboul, 6. La Gravier, 15. La Berluc, 41- Les religieufes du monaftère de fainte Utfulc de Toulon , qui font les témoics 67 , «8, 71, 78, 8i, 83, dont les qua-  616 Hifloire du proces fordres , quipaiTenr, du tribunal de la pcni» tence a 1'auditoire de juftiee, & dépofent devant le juge les inftrudions du directeur Ces pemtentes' font partie des témoins que Je promoteur a adminiftrés , dans le deifein de preparer des faits .juftificatifs a l'accufé ; dellein bien prouvé par ia procédure, puifque , de tous les témoins quil a fait ouir aucun n a ete confronté avec le p. Girard , paree qu ils nefaifoient pas cha, ge contre lm! Ia prevancanon du promoteur alTortilfoit f, Pla" des, dcfenfes de l'accufé, & l'on a dabord etabh pour principe ce qui ne pou.vou ene encore qu'un foupeon. Ainfi fc Cadière veut-elle fe confelfer , on lu, demande pour preliminaire une réparaüon publique de Jjs (i) jcandales. Le.jacobin & le prieur des carmes font inteidits, pour ne vouloir nas fe preter au projet de rendre au p. Girard'la réputauon, dont ils le croyoient rrès-indigne. L interdit preparoit les deux religieux au dé, cret qu, fut laxé contre eux plus grave que contre laccu(é5 décret irrégulier fdès lors mais toujours trop léger sils étoient calommateurs, & trop injufte s'.ls ne 1'étoient point comme 011 1'a-reronnu. dans le jugeme-ntdéfo.tif. Dela quelle idéé doit-on prendre de ce complot, qui eft comme le centre d'ou "e dernières dépofent' avoir oui dire a la nomméo de?r Yq"Cle pne"r"CS ™ «J'nfoir & cha tót . des chanfon, d bpire avec la Cadière. >ait aon-f^S «"nger a la plamre ,. mais dementi par Ja dépofition de la même Pauque, 7S témoin, & par fa confrontation avec la Cadière. (O Iep Gravier , rfcoilét, 107 témoin. Meffire Berges, 10», furent chargés de cette commiflion. Comparants teuus 3 monfieur l'évèque, joints i 1% procédure.  de la Cadière. ■ 617, partoient & aboutiiroient toutes les défenfes du p. Girard ? . Dès qu'on ne peut gagner des témoins, on les (1) intimide, on les fubornè. La :tOUfiere des Cl'airiftes d'Ollioules avoit -dépofe contre le p. Girard les faits les plus relevants ; la fceur de Cogolin , urfülrné de Toulon & pénitente dc l'accufé , fe charge de détruire un témoignage Ö facheux. Elk écric (1) a cet effet a une Clairifte de fes amies , que les religieufes qui n'ontpas encore dépo] è , doivent p.trler des iiaifons de la tourière avec la familie des Cadi'cres , & de la penfion qu'on lui avoit promif. Elle leur fuggère ainfi des faits qu'elles n'auroient pas dits fan? ce fécours. Cela fut exécuté lors de la nouvelle defcente que k lieutenant (;) fit a Ollioules peu de jours après cette lettre, & dans le récolement des religieufes qui fut fait enfuite (4) par meffieurs les commilfaires : ce qui démontre la fubornation de ces religieufes , c'eft qu'ayant dépofé , le 6 & le 7 décembre , elles ne fe font point fouvenues dé ce qu'elles prétendent avoir été dit par k tourière, k premier du même mois de décembre ; elles ne s'en fóuviennent que trois mois après , & k 11 mars , paree que la fceur Cogolin a eu foin , dans 1'intervalle , de leur ipfpirer par fa lettre du 18 janvier, ce (1) Ifibeau Duprat, 14 témoin. Marie Gtégoire , témoin. Margueri'e Aynaud , uotémoin.^ (1) Lettre du 18 janvier 173', (binte a la procedure ; la fcèlU de Cogolin , confrontés avec le p. Cadièr; , défavoua cette lettre. Enfuite elle 1'a reconnue le 11 mai i-n' , pardevant le lieutenant de Toulon. . (5) Le 9 février 1731. (4)I.e 11 mars 1731.  di 8 Hi/ïoire du proces qu'elles doivent dire pour dérruire Ia dépb^ Jition de la tourière. Nous avons de plus obfervé , dans les réponfes de l'accufé , Sc dans fa confronrarioiy avec les rémoins, un efprit de déguifement & de menfonge 5 car fur le même fait il tient different langage; il diftingue pWaitemen. fes temoms. qui ont parlé pour avoir vu, Sc ceux qui n'ont dépofé que pat oui dire ; it biaife ou ïj av0ue avec les premiers j il nie iiardiment a 1'égard des autres, quoiqu'il eüt deja convenu du fait. (*) L'abbé Cadière, confronté avec le p„ Girard, lui reproche , qu'un jour n'ayant pas trouve la clef d la porte de la chambre de fa Jceur , d-la cltercha par toute la maifon : Ie p. Girard, dans fa réponfe, élude le fait & parle de toute autre chofe. Confronté avec Je p. Cadière , qui lui fait Ie même reproche, le me. II en u£ de même avec lahbelTc-d Ollioules & Ia maitrelfe des novices 5 il n'ofa delavouer de leur avoir demandé fi la Cadière avoit eu une grande pene de fang; Sc dans fa confrontation avec le p. Cadière il me d avoir fait a ces dames une pareille demande.. Confronté avec Anne Bellonne , Marie Laugier, Cathetine Joinvilk, Catherine ïerrand, qui dépofent qu'il s'enfermoit avec Marie-Anne Laugier, fa pénitente , il répond qune manière équivoque 3 & confronté avec le p. Cadière, il nie de s'ëtre enfermé avec aucune de fes pénitentes, qu'avec fa fceur. ff), On lm demande pourquoi , après avoir fouf- , fe Tdi efl contenu entre ces deux éloi* tss-,. eft une ntut marginale d ioriginal.  de la Cadière. ^9 fert Ie baifer de la Battarel-, qui étoit une preuve peu équivoque de la paffion de cette fille pour lui , il n'a pas celTé néanmoins de la diriger? il répond-, (0 que c'a été pour iviter le fcandak ; comme s'il n'avoit pu fans éclat lui donner fon congé ; ne Ie devoit-il? pas au moins pour fédification des^ autres pénitentes , inftruites de cette liberté; (i) Mais lorfque , voulant faire accroire que c'eft lui qui le premier a quitté la Cadière , 8c quec'eft de fon put mouvement qu'il a- celfe de la ditiget, on lui en demande la raifon , il répond , (3) que c'eft paree qu'il s'eft appegu. quelle le trompoil. La crainte du fcandale n'aplus été capable de le tetenir. Comment concilier cette divetfité d'idées & dë conduite > C'eft ainfi que, par des vatiations gtoflïères &perpétuellesoü 1'a enttainé le feul crime qui laveugloit, il eft tombé fouvent en contradiction avec lui-même. A des traits de cette efpèce, des juges pouvoient-ils-méconnoïtre le coupable ? & en matière criminelle n'eft-ce pas la un grand motif de détermination contre les accufés ? Le p. Girard a fait encore joindre a la procédure un certain nombre de lettres , tant de' celles qu'il avoit éctites a la Cadière pendant fon féjour dans le monaftère d'Ollioules , 8c qu'il avoit eu tout le loifit de changer , que de celles qu'il en avoit revues, Sc dont il n a (1) Dans fa réponfe a 1'interrogatoire 147 des commilTaires, il dit qu'il avoit fait fon devoit; & dans celle pardevant la cour, il dit , que c/a été pour evicer le fcanJale. (i) Sceur Boyer , 97 témoirü , - (j) Réponfe de l'accufé au 1J9 interrogatoire des commiiTaires-, & dans fes réponfes pardevant la-coat;  éio Hijloire du procés pas craint d'effacet certains mots , de chaneè* les dates , & d'oter les feconds feuillets od Ü pouvoit bien y avoir des apoftilles. A la Jecture. & par les termes de ces lettres nous avons eu de nouvelle* preuves qu'ellès ont ete refaites. Toutes ces obfervations qui ns commiiTaircs. (1) Lettres du p. Girard", du 11 mai & ; juin 1730, a I'abbeiXe d'Ollioules. Dépodtions des témoins }, 11 , 1», io , 15, ?4» 5«, 97 & autres, & la confrontation de la Guiol avec le p. Cadièce. (j) Lettre du p. Girard, du 19 juin 1750. Laiffe\ agir Dieu, & tene\-vous feulement bien foumife & bien iocile a toutes fes impreffions ; toute votre attcntioft doit fe borner la. j ne penfe\ , au rejle , a ce qui Je tiajfe en vous , foit par rapport aux maux , foit par rapport nux biens , qu'antant qu'il en cjl befoin , pour m'en rendre compte. Dit  6i8 Hi/loire du proces Sa bonne foi n'a-t-elle pas encore para danS les confidences qu'elle faifoit a fes amies des libertés (i) du p. Girard; dans ks peines & les remords de fa confirience , auffi - tót que k prieur des carmes lui annonce qu'elle eft dans Terreur , 8c dans fa docifité a reptendre les voies de la véritabk piété , a mefure que ce dernier confelfeur s'appliquoit a la détromper ? (i) A 1'égard des prodiges qu'on dit être de fon invention , que l'on confulte ks dépofitions des (3) témoins; car nous ne pouvions pas prendre d'autres régies ; & l'on trouvera que le merveilleux n'a pas dépandu d'elle , Sc qu'il étoit au-deiTus de fes forces Sc de fon génie. Il en a été de même des difficultés qu'on fe faifoit au fujet des lettres de cette fille , dont ks minutes Sc les copies font de la main de fes frères , fur-tout de celle qui fut ccrite d'avance a Toulon, & envoyée d'Aix au p. Girard; ces difficultés fe font réfolues delks-mêmes en jugeant le procés. Nous avons été convaincus que le p. Girard dirigeoit toutes les démarches de fa pénitente , 8c qu'en 1'obligeant de lui écrire , il n'avoit d'autre objet, que de fe procurer des monuments propres a lui établir, après Ja mort, une réputation de faintcté , dont la gloire devoit réflèchir fur le direéleur; cequi fe trouve juftifié par la lettre qu'il lui (1) Les témoias 1,11, 38, 39, 91, 97. fi) Le p. Nicolas, prieur des carmes, témoin 40. (3) Témoins 1, i, 5 , 11, 14, ig, 19, 10, i:s 17, 18, lSl 30, 34, 47, Sj y6t ?4a SJ , 97, 58, 104.  de la Cadière. 619 foïvic le 7 juin , le lendemain de fon entree au monaftère. Ecrives^ - moi incejfammcnt ce que vous ave%_ omis de me dire , comme je vous ï'avois ordonné x & pourfuive^ bricvement d marquer tout ce qui s'eft pafte' en vous, réprenant depuis le commencement de votre état de peine , jufqu'a L'entrée du carême. II avoic également rccommandé , Sc dans Ia même vue, a la fceur de 1'Efcot , maitrefle des novices , de recueillir avec foin tous les prodiges cjui s'opéroient -en la perfonne de la nouvelle fainte , afin d'avoir de toute part les acies qui devoient , felon lui , fervir un jour d 1' édification du public. (i) Nous avons été entièrement perfuadés que les frères , gens fort iimples , Sc dans uneprévention aveugle pour leur fceur , fe ptêtoient fans réfiftancc a tout ce qu'elle exigeoit d'eux , Sc ne pénétroient pas au - deli de ce qu'elle vouloit bien leur communiquer. Ils ne croyoient pas qu'il leur hVt permis de penfer autrement que le public & leur évêque , fur le cbapitre du confelfeur & de la pénitente, flattés d'aiiieurs par le reliëf que donnoit déja a Ia familie 1'honneur -d'avoir; une fainte expofée , dès ce bas monde , aa culte Sc a la vénération des fidèlcs. Mais s'il eüt refté quelques doutes jufqu'alors au fujet du véritable auteur des lettres de la Cadière , & du mémoire du carême , ces doutes fe font diflipés après 1'audi- ' tion & la dernière confrontation de cette fille , rant elle a montré de génie , & a paru inftruite '..CO Récolement de la fceur 1'Efccr, 10 rémoin , 8c les trois mémoires des faits qu'elle avoit recuallis d& 1'ordre du p. Girard, joints a la procédure. D d i  €$o Hiftoire du procis des maximes dont ce diredeur avoit pris lont de la nourrir , avec quelques autres de fes pénitentes chérics, telles que la Battarel, donc la dépofition eft étonnante, par fon étendue & par fa profondeur , bien au-delfus des connoiflances ordinaires d'une fille illitérée. Voici deux principales maximes que Is p. Girard leur enfeignoit, & que la Cadière nous a débitées fur la fellette. Ma chère enfant, lui difoit-il, (i) // en eft d'une ame que Dieu a unie d lui, comme d'une toile qu un peintre habile a préparée pour y peindre un tableau. Si , après qu'il 1'a tendue fur fon attelier , cette toile faifoit des élans vers le peintre , d chaque coup de pinceau qu'il veut donner, elle trouhleroit fon ouvrage. II en eft de même de cette ame unie d Dieu £ toutes fes prières & fes élèvations de cceur vers lui, ne fervent qu'a arréter laêlion de Dieu : ainfi elle doit demeurer dans l'inaction , CV tendre d l'exécution des defjeins de Dieu , fans y rien méler de fa part. Elle ajouta que le p. Girard lui faifoit encore cette comparaifon : Tous les nuages qui couvrent le foleil , ne ternijfent point fa lumière, mais la cachent feulement d nos yeux ; de même les penfées impures ne fouillent point la pureté de 1'ame , étant élevée au-deftus des chofes terreftres, aulant que le foleil l'eft au-, dejfus des nuages. La Quereilante s'eft encore fott bien défendue contre toutes les équivoques qu'on lui avoit faites fut fes lettres, pour la convain» v {,, C.e 1U' efi c? (Ariltl"z iialiqtie, eft en marot, £ l'original de cette pièce. Réponfe de la cadière pardevant La cotsr,  de la Cadierei éTjï tre de fourberie , & elle a parfaitement concilie toutes les prétendues contradidions qu'on; lui oppofoit a cet égard, (i) On ne fcauroit enfin faite un crime a Ia Cadiète du malheur de fa fédudion. Les loix, & févères contte les ravilfeuss , n'impofent d'autres peines aux vidimes de leur paifion , que la honte dont elles demeurent chargées. C'eft ainfi que notre parlement 1'a toujours obfervé dans ks accufations en tapt, & même dans le cas d'un incefte fpitituel. Nous en avons un célèbte préjugé dans nos regiftres , en la caufe de Louis1 Gaufredi, curé de la paroiffe des Acouks , a la ville de Marfeille. L'illuftre M. de Vait, qui ne croyoit pas aux forciers , préfida a ce jugement; &C M. le confeiller de Thouron , dont les lumières font encore en honneur dans ce parlement , fit 1'inltrudion du proces. Comme ici il y avoit du fortikge imputé a l'accufé ; mais ayant été atteint Sc convaincu d'incefte fpirituel, il fut condamné a être ferülé tout vif, Sc Madelaine de Ia Palud > (i) Le p. Girard, confronté avec le p. Cadière, a convenu que la pénitente , avant fon départ pour Oüioules , lui remit les neuf premiers jours du, journal du carême , écrits de la main de ce dernier ; 8c il ignoroir li peu d'avoir le commencement de ce journal, que par fa lettre du 4 aoüt, il fe plaint det la difficulté qu'elle peut avoir a le finir. Cette fille le trompoit fi peu , 8c il fcavoit fi bien qu'elle fe fervoit de la main de fes frères pour écrire, que le journal du carême qu'elle lui remit le 11 aoüt, écrit de la main de fon frère Tabbé , ne commence que le dixième jour ; la oü finifToit celui qui éroit de la maia du jacobin,. 8: que le p. Girard avoir déja , lui ayant été remis par cette fille avant fon départ pour Ollioules. Aittli il avoit ene» ks mams, les deux caraftères.  ffji ïdzjloïre du procés pénitente de ce curé, & par lui féduite SS abufée , ne fut pas même décritée. Le crime de deux, dont" parient les cri-minaliftes, ne'fe rencontre pas en cette:caufe, paree que le crime de la Cadière étant le put efFet de la plus forte fédudion, on ne peut Ia regarder comme complice. D'aiiieurs nous ne pouvions rien ftatuer contre 1'accufatrice, qui étoit partie dans- le procés, n'y ayant eontre elle aucune plainte- juridique , & Ier p. Girard étant- Ie feul querellé. Jugement du p. Cadière & de Vabbi Cadière. t °n concoit bien que Ie fort des deux principales parties , a décidé des autres , a 1'égard' defquels on s'eft alfez réuni. Le prieur descarmes & les deux frères de la Cadière, avoient; été amenés dans Ia caufe, pour détruire 1'accufation formée contre le p. Girard , par 1'imputation d'un odieux complot, dont les auteurs prétendus font mis néanmoins hors decour & de procés : car enfin tout le ctime de ces deux frères , eft d'avoir cru peut-étre' trop légèremeat leur fceur, d'abord comblée. des faveurs du ciel , & livrée enfuite' aux puiifances de I'enfer, & d'avoir appliqué des exorcifmes, avec la même. bonne foi qu'ils avoient public les miracles. Jugement du p. Nicolas^ prieur des carmes'. • Pour ce qui regarde le p. Nicolas en particulier il a. fuccédé- au p. Girard dans la. diredion de Ia Cadière , par ordre de M. i'E-  'de la Cadière. 6$i VJcjlfc. S'il n'a pas entretenu cette nouvelle* pénitente dans fes erreurs , pouvoit - on lui en faire un crime ? II n'a fait dans fa direction', & en dépofant dans cette caufe , que ce que fit en 1611, le p. Michaélis , priem des jacobins , inquifiteur d'Avignon , a 1'égard dc Madëlaine de la Palud , dont il étoit confelfeur , en qui cependant on ne ttouva rien de reprélienfible. Ainfi aux grimes du p. Girard, on peut ajoutct la calomnie Sc 1'opptelfion. Slgnés, Maliverny, préfident; de Petroxis , de Montvert, de Ricard , de Saint- jean , de NlBLES , de GaüCE , de BLANC , de Moissac, la Boulie , confeillers. Maiiverny, pour MM. de Regusse , préfident, & de Trimond , confeiller, abfcnts. fin du Tome fecond des caufes célèbreu