VERZAMELING W. H. SURIJÏGAK  CAUSES CÉLÈBRES E T ÏNTÉRESSANTESj A VE C LES JUGEMENS QUI LES ONT DÉCIDÉES. Hédigées de nouveau par M. Rl C H E R /.^f^>>v jlvocat au Parlement^ . • fOï ~oS 'y -' tg 7C9ELMKE £l TOM.E CINQUIÈ'ME. lïTERrNS §• ^ JMSTERDAM, Chez Michel Rhiy. 1773.  Et fe trouve a Paris, che^ La veuve Savqie , rue S. Jacques. Saillant & ï^yon, rue Saint-Jean-de» Beauvais. Le Clerc, Quai des Auguftkis» GüiLLYN, rue du Hurepoix. Cellot, lm primeur, rue Dauphine, La veuve Desaint, rue du Foin. Du«RAND , neveu , rue Galande. Delalain , rue de la Comédie Francoife.. Moutard, Quai des Auguftins Bailly, Quai des Auguftins,  T A B L E DES PIÈCES Contenues dans ce cinquième Volume. Les nouvelles Caufes font marquèes d'uns étoile. ISTOIRE de B eaufergent 3 & jFjf"ISTOIRE de Beaufergent, & de Magdeleine Jollivet. page i La Belle Epiciere. 1^4 Affaire de Jacques le Brun, 301 Madame Tiqueu 459  CAUSES  CAUSES CËLEBRES E T XNTÉR.E SS ANTES, Avec les jugemens qui les ont décidées* HISTOIRE -de b ea v s e r g e n t, et de Magdeleine Jollivet. , incent Beausergent , cai baretier a Nogent-le-Roi, ! diocèfe de Chartres. avntr diocèfe de Chartres, avdit éyoïitè NoëlleChev aller ,&oi\t il avoit eu deux enfants morts en bas age. Cette femme n etant plus, par fon age, en état de réparer cette perte, fon mari lui fubftitua Marguerite Dubocq Tome V- A  2 Hifioire de Beaufergent, fa feryante. Elle devint mère d'un fils ,* qui fut baptifé a Chartrainville, village des enviröns de Nogent, le 10 aoüt' 1654, fous le norn de Vincent, rils de Vincent Beaufergent, & de Marguerite Dubocq. II fut elevé dans le cabaret de fon père , & employé aux foncbions ferviles. Ce père devenu veuf, époufa la mère de ion batard; & pour corriger, autant qu'il etoit en eux, la naiflance adultérine de leur enfant, ils le firent mettre fous le poèle (i). Hs eurent foin de 1'envoyer a 1'école, ou il apprit a écrire. II ne put, quand lage 1'eut mis a portée de fentir la honte de fon origine , fupporter le reproche que fes cama- (i) Poèle, pft un morceau d'étoffe que i'on tient étendu au-deffus de la tête des perfonaes auxquelles le Prêtre donne U bénédiaiori nuptiale. On y rnettoit auffi les enfants nés des deux époux avant leur marta'ee ;"lls s'en avouoicnt par-la les pere & mère , &, par cetfe reconnoiffance, leur aflurQiènt la légitimité qu'opere le manage fuWéqifen't. Cette. cérémome n'eft plus en ufa^e: elle ne faifoit qu'étaler la preuve fondaleuie de la débauche des deux époux. La naitïance des enfants ne fe prouve pomt par un afte aufli arbitraire ; elle doit etre conftatée par les pteuyeS; requües ou ad- mües par ia 101»  & de Magdeleine Jollivct. 3 jades lui en faifoient fans celfe. Ils ne le nommoient pas autrement que le bdcard de la bouteille 3 paree que le cabaret de fon père avoit une bouteille pour enfeigne. Quand Beaufergent eut atteint lage de quatorze ans, fa mère 1'amena a Paris, & le placa, en qualité de dernier clerc, chez Moileron procureur. Pendant les neuf années qu'il pafla dans cette étude, il acquit beaucoup de connoiiïances & beaucoup de facilitc clans 1'art de la procédure. 11 paifa, en qualité de premier clerc, chez Garanger qui étoit chargé d'un grand nombre de direcfions de créanciers. II en abandonna la conduite a Beaufergent} dont les talents lui étoient connus. Celui-ci les mit en ufage pour arranger fes affaires en même tems qu'il dirigeoit celles qui lui étoient confiées. II commencoit a jetter les fondements de la fortune éclatante dont il a joui depuis, lorfqu'un nommé Jollivet fut attaqué par fes créanciers. II étoit pourfuivi entr'autres par Métayer greffier de 1'élecHon, qui fit faifir réellement une petite maifon fituée a Paffy proche Paris, qu'il avoit vendue a Jollivet j &c que celui-ci n'avoit pointpayée. Aii  4 Hijloire de Beaufergent , Jollivct choifit Garanger pour fon pro* eureur , Sc fir connoiffance avec Beaufergent, fur qui rouloient toutes les affaires de 1'étude. Il Tinvita a diner chez lui. Il avoit une fiUe nommée Magdeleines agée de dix-huit ans, qui joignoit aux charmes de la jeuneffe, tous les agrémens extérieurs de fon fexe. Tant d'appas firent, fur le cceur de Beaufergent, 1'impreffion la plus vive. Malgré la phyfionomie Ciniftre & de mauvais augure qu 'elle a reprochée a Beaufergent, elle a avoué qu'a cette première entrevue, les graces de 1'efprit de ce clerc avoient produir, fur fon cceur, le même effetque fes attraits avoient produit fur celui de fon amant. L'inclination de cette fille fut entretenue &c fortifiée par les fervices que eelui qui en étoit 1'objet rendit a fon père. II éteignit la créance de Mètayery en le payant. Mais, pour fe ménager la faculté de pourfuivre fon rembourfement, en cas de befoin, &c fans paroitre en fon nom, il feignit que 1'argent- étoit prèté par un avocat de fes amis, auquel Jollivet créa une rente au prineipal de £400 livres j & 1'avocat, par une contre-lettre, reconnut que ce ,pi'incipal & les arrérages appartenoient i Beaufergenf,  & de Magdeleine Jollivet. ^ Ses affiduités auprès de fa maitrefle furent autorifées par les père Sc mèra de la fille. 11 les mettoit dans la contidence de fa fortune nailfante, qui ne pouvoit que s'accroitre rapidement par les intéréts qu'il aveit feu fe procurer dans les affaires du Roi. L'amour avoit fait de tels progrès dans le cceur de la belle, qu'elle refufa la main d'un homme dont la fortune étoit toute faite, Si qui étoit pourvu de places qui ne pouvoientque le maintenirdans 1'opulence: c'étoit le fieur Gabrïel 3 receveur des tailles de la généralité de Paris, & tréforier des batimens du Roi. Sa recherche fut prouvée par une Jettre produite au procés, dans laquelle il parloit le lal» gage de la paffion la plus vive, 3c ne deinandoit pour dot que la maifon de Pafly, Beaufergenteffrayé d'un concurrent fi redoutable, crut devoir, pour 1'écarter, parler de mariage a fon tour. 11 en fit faire la propofition par un capucin. Elle fut agréée de toutes les parties; mais la célébration fut dirférée jufqu'au mois de feptembre 1689. Sans chercher a pénétrer les raifons d'un retardement qui n'annoncoit pas, ^e la part de 1'amant un defir bien vif Aiij  6 Hifloire de Beaufergent, de fe voir maitre des appas qui lui avoient infpiré tant d'amour, tenonsnous en aux prétextes que eet amant alléguoit. L'ihtérêt de fa fortune, difoitil, ne lui permettoit pas de faire éclater ce mariage. M. Huguet confeiller au parlement , qui lui avoit confié fon argent pour le faire valoir, & les affociés qu'il avoit dans plufieurs entreprifes, auroient perdu toute la confiance qu'ils avoient en lui, s'iLs euffent appris qu'il eüt époufé une femme d'une fortune fi médiocre. D'ailleurs, ajoutoit-il, la pofition de fes affaires exigeoit qu'il reftat encore quelque tems clerc chez Garanger; & il ne vouloit pas que fa femme fut connue dans le monde pour la femme d'un fimple clerc. D'ou il concluoit qu'il falloit au moins céler le mariage qu on le preüoit ae contraóter: qu'outre que cette précaution s'accorderoit avec celles que lui impofoient les raifons que Pon vient de voir, on épargneroit les frais d'une noce coüteufe. On convint donc que le contrat de mariage feroit palfé a Saint-Denis ; &c que la fille fe rendroit a Nogent-le-Roi, oii Beaufergent iroit 1'époufer, fous prétexte d'y aller palfer fes vacances. Les fieur & Dame Jollivet allèrent,  & de Magdeleine Jol'livet. 7 au mois de mai, avec leur fille, a SaintDenis. Le futur s'y trouva, Sc leur' donna la collation. On fit venir, dans le cabaret, le nommé Incelin, tabellion Sc greffier du lieu. II recut le contrat de mariage, qui contenoit la ftipulation de communauté, Sc d'un douaire. Jollivti Sc fa femme, leur fille & le futur fignèrent eet aóte avec un notaire en fecond Sc deux témoins; Sc la minute fut remife a Beaufergent. De-la Magdeleine Joüivet fe rendit a Nogent. Les fceurs de Beaufergent allèrent au-devant d'elle, & 1'emmenèrent chez leur mère. Son amant lui écrivit plufieurs lettres qui refpiroient 1'ardeur dont il brüloit. II lui manda «qu'il falloit obtenir, de M. 1'Evêque de Chartres, une difpenfe de bans, & une permiifion pour le curé cYEfclufelle , de eclébrer le mariage. La Joüivet Sc la mère de Beaufergent firentle voyage de Chartres, Sc obtinrent ce qu'elles demandoient par 1'entremife du fieur Fenelle, grandpénitencier : il a attefté ce fait. Beaufergent arriva z Nogent, le 1 o feptembre , muni du confentement du père Sc de la mère de la Joüivet. Le 15 feptembre le curé d'Efclufelle célébra le mariage dans fon églife. L'ade de cé~ Aiv  8 Hifioire de Beaufergent, lébraüon ne fut point infcrit fur les regiftrês de la paroilfe • mais fimplement fur une feuille de papier timbre que Beaufergent avoit apportée. Trois témoins fignèrent eet acte , avec ia fceur de lepoux j la mère du marié déclara ne fcavoir figner. Le papier fut mis dans une calfette, avec 1'aóte de confentement du père Sc de la mère. Les mariés revinrent, le jour même, a Nogent, oü Beaufergent donna le bal aux filles de la villè. La nouvelle époufe recut les vifites des gens les plus diftingués. La mère de Beaufergent 1'appelloit fa fille, fa bru : elle demandoit a rout le monde fi elle n avoit pas la une fille charmante ? Ses filles 1'appelloient leur fceur, leur belie-fceur. Ceux qui alloient rendre vifite, le matin, aux nouveaux^époux, les trouvoient fouvent couchés dans le même lit; Sc Beaufergent fe félicitoit avec eux du choix qu'il avoit fait d'une femme fi aimable & fi belle. Eu un mot la Joliivet fut en poffelfion de fon état, au vu Sc au feu de toute la yille de Nogent, de la mère de fon mari, de fes fceurs qui étoient au nombre de cinq, Sc quifcavoientqu'elle n'avoit point d'autre cfiambre, point d.'autre littque celui de leur frère.  & de Magdeleine Jollivet. 9 II n'eft donc pas poffible, comme on a prétendu depuis , que ce mariage fut fuppofé. Croira-t-on que la mère & les fceurs de Beaufergent aient traité fa concubine de fille , de fceur; qu'elles aient eu pour elle Pamitié, les complaifances Sc les égards qu'elles lui témoignoienc dans leur propre maifon ? Ces circonftances ne détruifent-elles pas d'avanceles précautions que Beaufergent avoitprifes, pour fouftraire un jour les preuves de fon mariage, en fe faifant re-mettre la minute du contrat, & faifant infcrire 1'adte de célébration fur une feuille volante, qui pouvoit être fupprimée a fon gré ? La Jollivet revint a Paris loger chez fon père ; & Beaufergent vouli.it qu'elleprit le nom de mademoifelle Vincent j. lui faifant toujours entendre que 1'intérêt de leur fortune exigeoit que leur mariage füt ignoré a Paris. Afin de mieux tromper les yeux des curieux, il la fit retoumer a Nogent, pour y paffer 1'étc. La mère de la Jollivet alla 1'y voir Beaufergent y rit auifi plufieurs voyages ,. Sc j refta toutes les vacances, vivant avec elle comme vivent les gens mariés ; fous les yeux de toute la ville. Retournés a Paris, la Jollivet logea,A v  10 Hijloire de Beaufergent, comme auparavant, chez fon père, qnï avoir changé de quartier ; & Beaufergent continua de vivre avec elle comme avec fon époufe. II payoit fon logement, fon entretien, & lui donnoit, en outre , 400 livres par an. Cependant il marchoit a grands pas dans le chemin de la fortune. II acheta une des deux charges de tréforier des Gardes-Francoifes, dontM. Huguet lui prêta les fonds, & quitta 1'étude de Garanger en 1692. Pour engager fa femme a continuer de garder le fecret, 11 lui fit entendre que c'étoit a. cette difcrétion qu'ils devoient leur fortune \ que leur cohabitation publique les auroit engagés dans des dépenfes ruineufes, fur-tout pendant les annéesde misère qui s'étoient paflees j qu'il falloit encore diflimnler jufqu'a ce qu'il eut rembourfé M Huguet j auquel il devoit fa charge^ après quoi il déclareroit fon mariage, Sc la feroit paroitre dans un état proportionné a fa fortune. L'amour & 1'intérêt la firent acquiefcer a toutes les volontés de fon mari. II fe vit bientöt en état d'acheter la feconde charge de tréforier des GardesFrancoifes. II prit alors un autre ton 5 il loua une maifon entière, fe donna un  & de Magdeleine Jollivet. 11 domeftique nombreux , fans loger fa femme avec lui: il lui préfentoit toujours leur intérêc commun comme un obftacle a leur réunion. La complaifance de certe rendre époufe n'avoit point de bornes : elle alla jufqu'a lui faire confentir de ne plus voir fon mari chez elle. II ne pouvoit, difoit-il, continuer de lui rendre des vifites, fans manifefter ce qu'ils vouloient tenir fecret. L'état qu'il avoit été obligé de prendre ne lui permettoit plus de fortir fans fuite \ par conféquent il étoit impoiïible que 1'on ne remarquat les lieux qu'il fréquentoit: qu'ainfi fes affiduités, ou découvriroient le myftère,. ou laferoient palfer pour fa concubine \ il falloit également éviter ces deux extrêmités. Elle confentit donc a ne le plus voir, que quand il Penverroit prendre en chaife a porteurs. II la ralfura fur les idéés que ces vifites myftérieufes pourroient faire naitre a fon défavantage dans 1'efprit de fes domeftiques, qui, difoit-il, lui étoient tous affidés;,. & dans les mains defquels leur fecret" ne couroit aucun danger. L'amour de la Jollivet 3 loin de lui faire appercevoir, dans cette conduite, un refroidilfement qu'elle n'auroit pas Avj:  i 2 Hifioire de Beaufergent £ manqué d'ebferver, fi elle neut été animée. que par des vues d'intérêt ou d'ambition, ne lui montroit au contraire que. des précautions fages & di&ées par !e. defir qu'avoit fon mari de lui ménaoer,. pour la fuite, un bonheur fans mélange,. Mais elle ne put enfin fe refufer a 1'évidence, lorfque Beaufergent lui témoigna un jour qu'il avoit des fcrupules fur la validité de leur mariage ; qu'étant. tous les deux domicilies a Paris, lorfqu'ils 1'avoient contracté, ils auroientdu faire publier des bans dans leurs paroiffes; ou au moins en obtenir une difpenfe de M, 1'Archevêque; & qu'enfin le curé cVEfclufelle n'avoit pu les marier. fans le confentement exprès de leur véritable pafteur. Ce cas parut, aux yeux de Ia Jollivet, mériter alfez d'attention pour devoir etre confulté. Le P. Colombel, prieur du grand couvent des Auguftins, dreifa le mémoire de la confultation; quatre docteurs décidèrent que le mariage étoit valable , & n'avoit pas befoin de réhabilitation. Ils fondoient leur avis fur ce que Beaufergent étant agé de trinte-cinq ans, quand il fit ce mariage, étoit en pïeine liberté, & n'avoit eu befoin d'aucune autorifation pour s'engager y qu'il  & de Magdeleine Jollivet. %q avoit contracté fous les aufpices du Prélat dont il étoit fujet naturel, étant nc&c ayant été élevé a Nogent, diocèfe de. Chartres. Que , fi fa femme étoit mineure alors, ce défaut avoit été réparé. parle confentement de fes père & mère, qui avoient confié leur fille a la mère de. Beaufergent} chez laquelle elle étoit allée, de leur aveu, pour y contraóterun mariage qui avoit été célébré fous les, yeux de cette mère elle-même, avec la. difpenfe de 1'Evêque diocéfain, & routes les formalités requifes; qui avoirété confommé, & fuivi d'une longue cohabitation. Beaufergent comprit, par cette confultation, que la nullité de fon mariage n'étoit pas auili facile a établir,. qu'il 1'avoit efpéré : il prit le parti de mettre en ufage les reflources qu'il s'étoit ménagées pour en fouftraire lapreuve. II étoit déja, comme on Pa dit,. nanti de la minute du contrat de mariage. II fit un voyage a Nogent. Le curé d'' Efclufelle<\m 1'avoit marié étoit mort:. fon fucceffeur ne rifquoit rien en fe deffaifiifant de Pacte que fon prédéceffeur avoit rédigé fur une feuille volante, dont rien n'indiquoit la tracé. Beaufergent s'en fit faire la remife 3 & revint a  14 Hifloire de Beaufergent, Paris bien afïiiré qu'il ne reftoir plus, de fon mariage, aucune preuve juridiquepar écrit. II ne garda plus alors de mefures. La première fois qu'il vit fa femme après fon retour, au lieu de répondre aux tcinoignages qu'elle lui donnoit du plaifir qu'elle goütoit a le revoir après une longue abfence, il lui dir qu'il n'étoit pas guéri de fes fcrupules fur la validitéde leur mariage; que d'habiles gens 1'avoient aifuré qu'il u'étoit pas bon: &, fans lui donner le tems de répondre, il ajouta brufquement que, fi, au lieu de le réhabilirer, elle vouloit époufer un jeune homme riche de fa connoufance, il lui donneroit dix mille écus comptant; que ce parri étoit le plus fage qu'elle put prendre ; qu'il étoit accablé de dettes-, & moins en état que jamais de déclarer fon mariage.; qu'il ne pouvoit plus prendre fur lui de la voir fenguir dans la vie trifte qu'elle menoit depuis long-tems, & dans laquelle elle n'avoit été foutenue que par des efpérances qui ne pouvoient plus fë réalifer; que la feule amitié,'& le vif intérêt qu'il prenoit a ce qui la regardoit, lui faifoient tenir ce langage ; que 1'arjangement qu'il lui propofoit lui pro-  & de Magdeleine Jollivet. i ^ Gureroir un état commode & aifé, & tel qu'elle ne pourroit jamais en avoir un pareil avec lui; que les motifs de religion ne devoient point être un obftacle a 1'acceptation de fes offres'; que li elle confultoit des perfonnes inftruites intelligentes & confciencieufes, elles lui diroient qu'elle pouvoit fans fcrupule les accepter, attendu la nullité de leur manage : il finit, en lui annoncant que , fi elle refufoit, & qu'elle. perfévcrar dans fon refus, les chofes en étoient au point qu'elle ne pouvoit attendre que la vie la plus malheureufe.. II ne lui donna pas le tems de répondre , & difparut. Un coup de foudre ne 1'auroit pas plus étourdie que ces paroles : mais , après y avoir bien réfléchi, elle ne put croire que Beaufergent lui eür parlé férieiifement.. Elle alla le trouver le lendemain, & lui dit que certainement le difcours de la veille n'étoit qu'un badinage , & qu'en lui propofant un autre mari, il avoit voulu éprouver fon attachement. Mais , fans lui donner le tems d'en dire davantage, & pour prévenir les carrelfes qu'elle. fe préparoit a lui faire, & dont fans doute il craignoit l'effet, il lui dit brufquement: « Le parti que je vous  16 Hijloire de Beaufergent' " ProP°fai W« eft le feul que vouff » ayez a prendre : vous vous abufez fi » vous comptez me réfifter fous pré» texre de yotre prétendu mariage il » na jamais exifté, vous n'en pourrez » jamais adminiftrer la preuve j'y ai » mis bon ordre. Vous paLfez ,'depuis » quelque tems, pour la femrrie d'un f neur Vincent; prenez le deuil, dites » que vous êtes veuve; j'appuierai ce » raitpar mon témoignage, & par tous " jes certihcats que vous croirez nécef=" faires; & vous épouferez la perfonne » dont je vous parle, comme fi vous » vous maniez en fecondes noces. Mon » parti eft irrévocablement pris: pre» nez le vötre, & n'en parions plus». tlle fe jetta a fes pieds, fit tous fes errorts loit pour exciter la compaffion de ce barbare époux, foit pour réveilier dans ion cceur la tendrefte qu'elle lui avoit autrefois infpirée. Mais craignanr de ne pas etre le maïtre de fes fentiments , & des démarches auxquelles ils pourroient le forcer, il prit le parti de •■li j'/* femme' enlaquittant, qu il lui defendoit de jamais mettre les pieds dans fa maifon; &, depuis cette cruelle converfation, elle ne Pa jamais  & de Magdeleine Jollivet. 17 Elle étoit plongée dans la douleur que lui caufoit 1'état d'humiliation ou elle fe voyoit réduite, après avoir tout facrifié aux promeffes &c aux efpérances de 1'avenir le plus flatteur; elle étoit dans les agitations du défefpoir, d'avoir donné, & de ne pouvoir retirer fon cceur au perfide dont la palfion & la fcélératefle lui avoient fait refufer un établiffement brillant & folide, quand elle apprit que le dimanche 10 aout 1698, on avoit publié un ban de mariage , a S. Merry & a S. Jean, entre le fieur Fincent Beaufergent} & demoifelle Catherine Marlot. Elle courut auffi-tót chez le fieur Blampignon, curé de S. Merry; ce pafteur étoit dans 1'ufage de n'écouter fes paroiffiens, quelque prelfées & quelque importantes que fuifent les affaires qu'ils vouloient lui communiquer, qu'a des heures marquées, qu'il appelloit fes heures d'audience. La Jollivet ignoroit une étiquette fi peu apoftolique, & ne put parler au curé, qui ne donnoir pas, audience dans ce moment. Elle s'adrelfa au fieur Richelieu, vicaire , qui 1'affura que le ban qui avoit été publié étoit pour le mariage du fieur Beaufergent fecretaire du Roi3 & tréforier géne'ral des:.  l8 Hijloire de Beaufergent, Gardes-Francoifes. Elle lui dit que ce même Beaufergent étoit fon mari; qu'elle 1'avoit époufé avec toutes les folemnités requifes, & qu'elle vouloit former oppofition au mariage de fon époux. Garde^-vous en bien . répliqua le ricaire d'un ton & d'un air impofanr. M. Beaufergent eft riche ; il fait une lonne affaire & un grand mariage : ft vous vous y oppofei, vous aurei eu la perüdie, Ci vous vouiez, de » vous attirer dans fes pièges par les 35 apparences d'un mariage limulé. II a 33 même poulfé 1'abus de confiance plus ,3 loin: tout irrégulier qu'étoit ce ma,3 riage, il a eu le fecret d'en faire ré3, diger les a&es de manière qu'il en » demeurat le maïtre; & il a profité de 3) fes manceuvres pour fouftraire ces }•> actes. 33 Cette conduite vous annonce alTez j3 que fon parti eft irrévocablement 33 pris , & qu'il n'épargnera rien, pour 33 venir a bour de fon delfein. Vous 33 aurez donc un procés confidérable a 33 foutenir. Comme c'eft votre feul in33 térêt qui anime la démarche que je33 fais auprès de vous, je dois vous ,3 mettre devant les yeux que vous33 n'êtes pas en état de foutenir ce pro33 cès. Vous n'avez aucune des pièces ,3 que la juftice exige pour preuve de 33 la célébration d'un mariage. Vous al33 léguerez en vain des préfomptions i f, ce n'eft point par des préfomptions  11 Hiftoire de Beaufergent) « que Ion prouve un acte de cetta » importance. La loi, a 1'empire de « laquelle le juge eft tnyiokblement » foumis, exige des preuves par écrit; »> elle a tracé elle-même les formes fui»> yant lefquelles ces preuves doivent »> être rédigées, Sc a indiqué les dépots » ou elles doivent être confignées. Vous j' en etes abfolument dénuée, vous n'en »> pouvez indiquer aucune tracé ; tout » vous a été fouftrair. » Jefuppofeque, quelqu'événement, » quelque heureux hafard qu'on ne peut " Prevoir, Sc que la prudence ne per» met pas d'efpérer, fupplée au défaut » de ces titres qui vous manquent, vous 5> ne ferez pas encore au terme de vos « peines. Quand vous viendriez a bout » de prouver la réalité de votre ma» riage, Beaufergent eft réfolu d'en at» taquer la validité. II prétend que M. » PEvêque de Chartres n'étoit pas com» pétent pour donner les difpenfes qu'il * a données; qu etant tous les deux do" miciliés dans Paris, vous étiez foumis » a la jurifdiction fpirituelle deM. 1'Ar- • c^evêque feul, & que vous ne pou« viez contracter, dans un diocèfe étran» gerij fans 1'attache de ce Prélat, ou au »» moins fans le confentement des curés  & de Magdeleine Jollivet. 2* de la capitale dans les paroifïès def« quelles vos domiciles étoient établis. 33 J'ignore fi ces moyens font plaufibles; mais, au moins , ils femblent 1'être au premier coup-d'ceil. Vous M aurez donc deux procés a foutenir fuc- > celiivement, en luppoiant que, par > impoilible , vous réuilifliez dans le i premier. » Mais comment foutiendrez-vous > cette longue fuite de procédure fi > difpendieufe ? Vous n'avez , car il ne > faut pas que vous vous le diffimuliez, > ni argent ni crédit; Sc votre adver- > faire a ces deux avantages fur vous. > Vous en avez un, il eft vrai, qui eft j bien puiftant; c'eft la beauté. Mais, > en fuppofant que vous rencontriez > des juges fufceptibles de ce genre de 3 corruption , êtes-vous femme a pro3 diguer vos faveurs a tous ceux dont 3 les fuffrages vous feront néceffaires ? > Pouvez-vous efpérer d'ailleurs que j vos appas faftent fur le plus grand 3 nombre des magiftrats une impref3 fion aflez forte, pour leur faire ou) blier ce qu'ils doivent aux loix Sc 4 3 leur honneur ? 33 Suppofons encore que vous réuflif- > fiez dans les tribunaux, quel profit  24 Hifloire de Beaufergent) '» pourroit vous procurer ce fuccès ? Vo* « rre mari eft dans la ferme réfoïution » de ne vous revoir jamais, & de vous » pnver de tous les avantages que vous » pourriez attendre de fa fortune. Elle » confifte en effets qu'il eftle maitre de » fouftraire a fon gré. D'ailleurs, il eft « engagé dans des affaires qui font fu» jettes a de grandes révolutions ; elles n élèvent tout d'un coup un homme au » fommet de la roue de fortime, pour « le^précipiter fubitement au-deifous >■> même de letat oü elles 1'avoient 33 pris !3. II finit, en lui offrant une fomme de 8ooo_ livres comptant que Beaufergent vouloit bien lui donner ; & lui confeiila, en ami, d'accepter cette offre. La Jollivet ne put fe réfoudre a voir paffer dans les bras d'une autre femme un mari dont la poffeffiou rempliffoit tous fes defirs : elle 1'aimoir fincèrement; elle lui avoit facrifié un ctabliffement opulent & folide : fon attachement pour lui 1'avoit fait confentir a paffer, dans la retraite & dans 1'obfcurité, les plus beaux jours de fa jeuneffe. Elle croyoit toucher au moment oü elle alloit être récompenfée de toutes ces privations, par le plailir de vivre avec un  & de Magdeleine Jollivet. x< un époux chéri, & de jouir de toutes les douceurs 8c de tout 1'éclat de fa fortune. C'eft dans le moment que fon imagination fe repailFoit de toutes ces idéés, qu'on vient lui annoncer qu'il faut qu'elle fe réfolve a n'avoir d'autre état que celui d'une concubine que 1'on a entretenue, & dont on fe défait moyennant 8000 livres une fois payées. Thibert, voyant que fes raifonnements n'avoient fait aucune imprellion fur la Jollivet, effaya de la prendre par des fentiments d'une autre efpèce. II lui repréfenta qu'elle feroit la caufe de la mine de fon père; que le prix de la maifon de Palfy étoit dü k Beaufergent, qu'il 1'avoit rembourfé au vendeur; que les intéréts en étoient dus depuis 1689; qu'on lui devoit, en outre, plufieurs avances qu'il avoit faites, & dont il avoit des reconnoilïances ; qu'il alloit pourfuivre avec vigueur la rentree de toutes ces fommes ; & que ces pourfuites la réduiroient, elle 8c toute fa familie, a la plus affreufe misère. II dit, en finifiant, qu'il lui donnoit le tems de la réflexion; & qua eet effet, il alloit faire remettre Ja caufe qui, ce jour-la, devoit être plaidée a 1'ofïïcialité. Tornt V. Ji  2,6 Hijloire de Beaufergent} Il étoit néceifaire d'entretenir cette infortunée dans les idéés qui avoient pu 1'ébranler & 1'effrayer; & de ne pas donner le tems aux mouvements d'amour & d'ambition de reprendre le delfus. On députa, a eet effet, une nommée Lalande y maitrelfe a chanter, & une fceur de Beaufergent. Elles répétèrent ce que Tkibert avoit dit, elles appuyèrent beaucoup, principalement fur les menaces. On eut beau l'effrayer par la peinture de la misère que fon obftination préparoit a elle, a fon père, a fa mère, toutes ces attaques furent inuriles. Le père & la mère vinrent eux-mêmes au fecours de Beaufergent. Après avoir fait a leur rille le tableau le plus vit & le plus touchant du fort qui les attendoit, ils lui rlrent remarquer qu'elle n'en tireroir aucun fruit: car, en fuppofant qu'elle eüt tout le fuccès dont elle fe flattoit, elle ne devoit pas efpérer, après 1'éclat qu'elle avoit fait, que fon mari la prit jamais, ni qu'il partageat avec elle fa fortune. Les larmes d'un père & d'une mère éplorés 1'avoient ébranlée ; mais elle n'étoit pas rendue. Elle prit le parti de eonfulter des gens éclairés, qui lui dir  & de Magdeleine Jollivet. ij rent qu'elle n'étoit pas la maitrefle d'un état dont elle avoit été revêtue par les loix divines & humaines ; qu'il ne dépendoit pas d'elle d'être, ou de ne pas être la femme de Beaufergent; que le facrementdu mariage lui avoit imprimé un caraótère que la mort feule pourroit effacer. Que la main-levée qu'elle pouvoit donner de fon oppofition, ne la dégraderoit point, qu'elle n'en feroit pas moins la femme de Beaufergent s 8c toujours en état de former une nouvelle oppofition : que 1'aveuglement de Beaufergentqui, en lui offrant de 1'argent, lui offroit des armes pour défendre fon état & fon honneur, devoit être regardé comme une faveur du ciel; que eet argent ne pouvoit paffer pour le prix de la qualité de femme légitime que 1'on vouloit qu'elle abdiquat, & qui ne pouvoit être ni vendue, ni cédée ; que cetoit, au contraire, la reftitution d'une partie des foirmies confidérables que Beaufergent lui retenoit, & qui lui appartenoient en qualité de femme commune avec lui. Qu'en un mot, s'il pouvoit être quelquefois permis de manquer de parole, cetoit a celui qui en manquoit le premier a en fubir lapeine ; & qu'ici on n'avoit pour Bij  Hijloire de Beaufergent', motif que d'empècher un facrilège, 8c de prévenir la profanation du facrernent de mariage. Je ne fcais li ce raifonnement n'étoit pas plus captieux que folide ; 8c li 1'on n'avoit pas abufé de principes inconteftables, pour en tirer des conféquences qui ne paroilfent pas fort analogues a Ia pureté de la bonne morale. Quoi qu'il en fok, ils féduilirent Ia Joüivet, qui fe détermina enfin a fuivre de point en poine la route qu'on lui tracoit. Elle fit dire a. Thibert qu'elle feroit tout ce qu'on voudroit, pourvu qu'outreles Sooo livresqu'on luioffroit, on lui donnar une décharge enrière de tout ce que fon père & fa mère pouvoienr devoir. La propofition fut accep tée; & 1'on convint de fe trouver, dès le lendemain 13 aoüt 1698, dans le cabinet d'un avocar. On s'y rendit: la demoifelle Joüivet remit au commiifionnaiije de Beaufergent les pièces qu'elle avoir fait voir au curé de S. Jean; Thibert lui remit, de fon cóté, les 8000 livres promis, & Ia décharge fous feingprivé de toutes les fommes dues par Joüivet père; & un notaire recut la procuration dont elle chargeoit un procureur, pour donner main-levée de 1'op^-  & de Magdeleine Jollivet. ig pofition. On prit la précaution d'antidater la décharge du premier juin, tems auquel il n'étoit encore queftion d'aucune procédure ; afin qu'elle ne parut pas être le prix de la main-levée. A peine cette main-levée fut-elle fignée, que la Jollivet alla protefter chez un notaire contre tout ce qu'elle avoit fait. Elle motiva fa proteftation de tous les faits que je viens de rapporrer; y cn ajouta de nouveaux, & denouvelles circonftances. Mais, ne croyant pas que Beaufergent put fitót célébrer fon mariage, attendu que la fête de 1'Aflomption arrivoit le fur-lendemain, que 1'on eft dans 1'ufage de ne point adminiftrer ce facrement les jours de fête, & qu'il n'avoit que le jeudi pour fe mettre en régie, elle négligea de réitérer, en même tems, fon oppofition. Dès le jeudi 14, le procureur, en vertu de la procuration de la veille,confentit a une fentence qui fut rendue Sc expédiée fur le champ, a 1'ofEcialité; Sc qui donnoit main-levée de 1'oppofition. Sur cette fentence, on obtint difpenfe des deux bans qui reftoient a publier; elle fut infinuée le même jour. On la porta au curé de S. Jean, avec le défiftement de 1'oppofition 3 Sc on le pria Biij  3 O Hijloire de Beaufergent, de faire la cérémonie le lendemain, _ Ce pafteur refufa de prêrer fon miniftère un jour de fête auili folemnelle; difant que M. 1'Archevêque avoit défendu de faire des mariages les dimanches, & les jours de fètes chommées, même fimples. II témoigna beaucoup de furprife du défiftement de la Jollivet ; dit que la fentence n'ayant pas été lïgnifiée a cette femme, il vouloit lui parler; qu'il appercevoit un myftère qu'il ne comprenoit pas, & fur lequel il vouloit s'expliquex avec elle; qu'en différant, les mariés y gagneroient du cóté de la régularité. II fut impolfible de rien obtenir de ce fage^ pafteur , quelques inftances qu'on put lui faire, ^rt-o^ J« _„r LIJe s eft depouillée de fon état; elle a abdiqué li qualité de femme Iégirime, qu'elle tenok d'une alliance indifToluble, d'une*alliance cimenrée par un facrement qui la met au-deffus de toute  & de Magdeleine Jollivet. 47 atteince. A cette qualité fainte Sc augufte, elle en a fubftitué une qui porte 1'empreinte du crime & de 1'infamie. Pouvoit - elle, par un fimple aéte, fe dépouiller d'un caracfère ineffacable , qu'elle rient de la reiigion Sc de la loi, pour fe revêtir d'un noin qu'elles réprouvent,& qu'elles condamnentj celui de concubine ? D'ailleurs c'eft la force, la violence Sc la crainre qui lui ont arraché une lignature fi illegale, fi contraire a toutes les régies Sc aux bonnes mceurs. On ufa contre elle des menaces les plus erfrayan- \ tes. L'expérience lui avoit appris que celui qui les lui faifoit faire étoit fans foi Sc fans reiigion. 11 avoit violé les dépots les plus facrés, pour dérober la preuve d'une nailfance qui contraftoit fi ! fort avec fa vanité : pour fatisfaire fa paiïïon , il s'étoit joué des acces les plus refpecfables, Sc d'un facrement. Les plus grands crimes étoient donc un jeu pour lui; il étoit donc capable, dans fa fureur, de fe permettre les plus grands exces. Or tout acïe qui eft l'ouvrage de la crainte , ne peut être ratifié 3' c'eft 1'expreffion de la loi (1). (1) Alt Prcttor: Quod metüs caufd gejlum erit, ratum non hahebo. L. i.ff. Quod metüs faufd gejl. eft.  48 Hifloire de Beaufergent, On ne fe contenta pas d'intimider l'accufatrice par rapport a elle-même; 011 Tintimida par rapporr aux perfonnes qui lui étoient les plus chères ; par rapporr a fon père & a fa mère. Or cette violence eft au nombre.de celles auxquelles la loi attribue la faculté de faire annuller les acles. Iln'importe pas, ditelle, que la crainte qui a infpiré eet acle nous ah eupour objet, ou nos enfans, ou nos père & mère. L'amour que nous avons pour eux, nous affeae quelquefois plus que celui que nous avons pour nous-mêmes (1). ; On met devant les yeux de I'accufatnce, le rableau effrayant d'un père & d'une mère prêts a tomber dans 1'abvme de la misère, abyme que 1'accufé alloit ouvnr fous leurs pieds, fi leur fille ne donnoit pas les mains au facrilège qu'il vouloit commettre. Pouvoit-eile réfifter a une menace aulfi effrayante ? II feroit fuperflu d'entrer dans le détail des loix qui ont prononcé la nullité des actes auxquels la crainte & la violence ont donné lieu; 1'équité naturelle . (O H*c qua diximus ad ediclum pemnere , nihil mtereft in fe quis veritus fit; an in liberïs juis; cum pro affeclu parentes magis in liberis terreantur. Z, 8, §. 3 , eod. ne  & de Magdeleine Jollivet. A{ 9 ne veut pas que les audacieux profïtent de leur crime, & que la foibleffe de ceux qu'on a intimidés leur caufe du préjudice (1). On oppofera que l'accufatrice n'établit point les fairs de violence. Mais ils fe préfument par le caraébère de 1'accufé, qui eft -capable de recourir aux moyens les plus violens, & par le facrifice qu'elle a fait de fon état icgitime. A quelle extrêmité n'a-t-elle pas dü être reduite, pour changer, par fon propre fait, eet état en celui de concubine ? D'ailleurs, fi la preuve complette de la violence n'eft pas acquife, c'eft par le fair de 1'accufé lui-même. S'il n'eüt point formé oppofirion a 1'arrêt qui nommoit un commiifaire pour conrinner 1'information, on auroit entendu le fieur Thibert & d'aurres rémoins qui auroienr dépofé des menaces; & ce qu'ils en auroienr dit, en auroit établi la preuve. Mais prenons 1'arfaire dans 1'état oü elle eft par le fair de Beaufergent; elle eft accompagnee de circonftances qui, fi (1) A'i.' Mis malitia fua fit lucrofa , vel ijlis fimplïcitas damnofa, L. i. ff. de dolo. Tome F. C  5 O Hifloire de Beaufergent, elles ne font pas des preuves convaincantes, forment du moins des préfomptions fi fortes, qu'il n'eft pas permis de douter de la violence & des menaces. Cet homme eft marié : il vole a fa femme les titres juftificatifs de fon état; il époule une autre femme. C'eft un batard adultérin qui, pour cacher fa naiffmce, déchire le regiftre de la paroiffe OÜ il a été baptifé. Un tel homme a-t-il été capable de menacer une infortunée, fans appui, fans défenfe ; fur-tout quand foute la fuite de fa vie annonce que la fortune eft la feule idole a laquelle il, ■ facrirle ? La demoifelle Jollivet n'a d'autre dot, que les charmes qui ont excité la paffion de fon perfide époux. Les fentiments d'honneur dont elle étoit animée, ne lui ont pas permis de fe livrer au concubinage; ce n'eft qua 1'ombre du facrement qu'elle a pu fe permettre' de fe prêrer aux defirs de fon amant. Mais ce malheureux, qui vouloit concilier fes projets de fichefTè avec fon amour, s'eft ménagé les moyens de fouftraire, quand la fortune i'y invitei-oit, les preuves d'un engagement que la probité & la. reiigion devroient rendre facrc par lui-mcme,.  & de Magdeleine Jollivet. <; i La demoifelle Darlot s'eft préfentee; elle efpéroit quatre a cinq cent mille livres de la fuccefiion de fes père & mère. La jouilTance avoir amorti la paflion de Beaujergent; il a cru que c'étoit le moment de coniommer la polygamie qu'il avoir préparée de loin. Si, en paffant a ce nouveau manage, il n'a pas redouté les loix qui puniflent ce crime, croirat-on que, pour arracher un confentement qui lui étoit abfolument néceffaire, il ait épargné les menaces & tout ce qui pouvoit donner de la terreur a celle qu'il avoit fi indignement trompée, & qu'il n'avoit regardée que comme une perfonne propre a devenir la victime de fa brutalité ? Tout n'annouce-t-il pas que le défiftement qu'il arrache de certe infortunée ne peut ètre que 1'ouvrage des menaces & de la crainte ? La demoifelle Jollivet eft pieufe \ elle eft jaloufe cle fon honneur:ces deux fentiments lui donnent une horreur invincible pour le feul nom de concubine. Elle étoit femme légitime, fa qualité avoit été reconnue par la mère, par les fceurs, par toute la familie de fon mari, & par toute la ville de Nogent. Son contrat de mariage portoit une ftipularion de Cij  5 2. Hijloire de Beaufergent, communauté. Or qui croira que, fans une violence extraordinaire, ou du moins, fans les menaces les plus effrayantes, cette époufe infortunée ait renonce a. fa qualité de femme lcgitime; ait confenti a paffer pour concubine , Sc air abandonné c£ qui lui appartient dans les grandes .charges acquifesparfon mari pendant lacommunauté ? Et ce qui autorife de plus en plus a préfumef ces .violences & ces menaces, c'eft que Beaufergent étoit armé de rout ce qu'il faur, pour imprimer la terreur a une fille timide & tendre ; il pouvoit réduire fon père, fa mère, elle-même, par conféquent, a la mendicité la plus affreufe. D'ailleurs les efforts qu'il fait pour empêcher que l'accufatrice ne parvienne a la preuve qu'elle veut acquérir, ne pxouvent-iis pas qu'il en craint le fuccès, & veut que la véricé refte dans les ténèbres, d'oü elle ne peut fortir que pour manifefter fon crime ? La preuve de fa violence alloit éclorre; il 1'a étouffée ayant qu'elle füt au jour. Dira-t-on que les violences, dont l'accufatrice fe plaint, ne font pas de nature , quand elles feroient réelles, a cor>tr.aindre une vplonré bien détermt-  & de Magdeleine Jollivet. 53 tiée ? Car enfin la loi ne veut pas que 1'on rwecte au nombre des conrraintes capables d'annuller un acte, d'autres menaces que celles qui peuvent ébranler un homme ferme & attaché a fon devoir (1). La réponfe a cette foible objeclion eft bien facile : la loi la fournit ellemême* Elle nous apprend qu'une femme qui, pour fe fouftraire a la bruralité d'un homme, confent a quelque chofe , ce confentement eft nul, paree qu'elle doir craindre, au-dela de la mort, ls genre d'infamie auquel elle a échappé par le confentement qu'elle a donné (2}. Enfin, toutes les voies dont on fe ferr pour obliger une perfonne a donner atteinte a fon état, font des violences q'ualifiées. Si je donr.e, dit encore la loi, de. i'argent a celui qui, fans cela s m'oteroit les pièces juftificatives de mon {f) Metum acc'ipier.dum Labeo dicit, non quemlibet time rem , fid majoris malitatis. L. 5. ff. Quod metüs causa. Metum autem non vani hominis, fed qui meritb & in hominem conftantijfimum cadat, ad hoe ediclum pertinere dicemus. L. 6, eod. (a) Quod fi dederit ne fluprum patiatur vit, \ feu muiier, hoe ediclum locum habet, cinn viris ! bonis ifle metus major quam mortis ejfe debet. | Zu 8, §. 2, ff. Quod metüs caufd. C iij  H aifioire de Beaufergent, état, jefuis cenfé n'ar oir été poujfé a. le donner que par une crainte extréme (i). ^ Dans Ie fond, quand l'accufatrice aanrolt été pouffée a renoncer a fon état, ni par la crainte ni par la violence, pouvoit-elle abdiquer la qualité de femrne, qu'elle rient de la reiigion & de la tol, & que 1'une & i'autre ont rendu ineffacable? Une convention particuliere ne peut trar.sformer un homme libre en ef~ clave, cu en ajfranchi (2). Ces^rnaximes ont été confacrées par un arrêt rendu dans une efpècea-peuprès pareilie a celle-ci. Pierre Delovs avoit époufé Noëlle Leger. Dégoüté de fa femme, il attaqua ion manage, qui fut déclaré bon & valabie, par arret de la tournelle du 10 juillet 1660. Bien aflaré qu'il ne pourroit, par la voie de la juftice, venir a bout de fe débarraifer de fa femme, il eur recours a la rufe. II lui fit entendre que fes affaires étoient ruinées, qu'ils alloient, 1'un Sc 1'aurre, tomber dans la plus (1) Si is acciviat pecuniam qui injlmmer'-a flatus mei ir.terverfurus tjt, ni/I dem, non dubilatur qutn maximo mem compeilar. Ibid. §. i. (2) Conventio privata ne'que fervum quemjuam , neque libertum alicujus facere poteH. *" 37' j ff- de lib. eau.  & de Magdeleine Jollivet. ^ % grande misère, & qu'il n'y avoir qu'un moyen qui püt les en préferver. « Si ut „ veux, lui dit-il, confentir a une fé„ paration, je peux me procurer un bé- 05 néfice qui eft vacant, d'un revenu con•33 fidérable, & qui nous mettra tous les 33 deux dans Populence». La femme, flattée par 1'appat de cette opulence,. dont le mari lui avoit fait un tableau féduifant, lui donna une procuration en blanc, pour s'en fervir a tel ufage qu'il voudroit. Mais i'expérience lui r'vant appfls qu'elle ne devoit pas trop fe her a fon mari, elle eur la précaution de faire des proteftaticns avant & après la procuration. Beloys en fir auffi-tot ufage, pour faire rendre , le 19 mars 161S3 , un arrèt qui déclara le mariage nul & réfol» \ 6 le 9 mai Mvant, les deux époux rirent une tranfa&ion pardevant notaires, par laquelle la femme confentoit a 1'exécution de 1'arrêt. Dès que Deloys fe crut libre, au lieu de prendre la ronfure, comme il 1'avoit premis, il époufa Marïe de Maillé3 fa coufme germaine. Noëlle Leger ne fut pas plutót inftruite de ce mariage, qu'elle fe pourvut en requête civile (1) (1) J'ai expliqué, torn. 4 de ce recueil,C iv  % 6 Hijloire de Beaufergent" contre eet arrêt du i9 mars Ï663 'que Beloys avoit furpris fur la proauatiort de fa femme, & obtint des Iettres de relciiion conrre Ia tranfaction qu'elle avoit paffee en conféquence. Deloys youlut introdiure cette conteftation au confeil, & prétendit que Noclle Leger, ayant laiffé paffer les ffc jBois pendant lefqaels il eft permis de ie pourvoir contre un arrêt, par requêre cmle ne pouvoit plus être écoutée; don ü concluoit que celui qui avoit fleclate Ion premier mariage diflbus, ctoitmattaquable, que, par conféquént Ion iecona mariage éroit hors de toute atteinte. Cette requête fut regardée au conieii avec mdio-nnn™,. xr _ * i , ^ yin arret tfaj» , du 7 mars i<^3 ij futordonhé que H x „ p^u^u^m au panement. .«««c ae ixtauu, leconde femme de f ^ , mtervint dans la conteftation; & pour éluder, ou du moins reculer la peine due ï fa polygamie, s'avila de prendre des lettres de requête ciyile, contre 1'arrêt du 10 juillet 1660 qui avoit déclaré fon premier mariale bon&valable. Ii falioit exammerhla requête civile étoit admiffible; &eomme l£ucS'k h note'ce iue c'ef! <ïue &m  & de Magdeleine Jollivet. «57 le fort de eet""arrêt,. pendant eet examen, étoit incertain, il n'étoit pas poffibie de prononcer fur la bigamie de Deloys. Auifi M. Talon (1), avocat général, qui porta la parole dans cette affaire , obferva que, quoiqu'il y eür lieu d'anéantir 1'arrêt de 1663 qui avoit été extorqué par la mauvaile foi, & la tranfaclion qui 1'avoit fuivie , & par conféquént de remettre les parties dans 1'état oü elles étoient avant ces deux pièces, en ne pouvoit cependant pourfuivre criminellement Deloys, pour avoir époufé une feconde femme, du vivant de celle (1) Denk Talon, fils tfOmir Talon, fuc» céda a fon père dans la place d'avocat général. lis étoient d'une familie diftinguée dans Ia robe. lis en foutinrent la gloire par leur intégrité, autant que par leurs talens. Le père mourut en 1652, age de 57 ans, regardé comme 1'oracle du barreau, & refpedré même de fes ennemis. On a, de lui, fiuit volumes de Mémoires fur différentes affaires qui s'étoient préfentées au parlement, pendant qu'il étoit avocat général. On en fait beaucoup de cas. Son fils fut digne de fon père, & fe fignala par les mêmes vertus & les mêmes talens. 11 mourut en 1698 préfident a mortier. Nous avons, de lui, quelques pièces imprimées avec les mémoires de fon père-, qu'elles na déparent point. C V  58 Hïfcoire de Beaufergent qui avoit deja; que 1'on voyoit bien qu'il n'avoit attaqué 1'arrèt de 1660 par requête civile, que pour fe dérober a la peine de la polygamie; mais que la requere civile étant une voie de droit, dont un accufé même pouvoit faire ufage, il falloit attendre qu'elle fut juaée. Par arret rendu fur les conclimons°de' ce magifrrat, le 5 mai 1668, Marie de Maille fut déboutée de fon intervennon; 1'arrêt du 19 mars 166 3 & la tranfaction du 9 mai fuivant furent anéanns, & les parties remifes dans letat oü elles étoient auparavant. Deloys ne crut pas qu'il y eüt de fureté pour lui a faire juger la requêre civile qu'il avoit prife contre 1'arrèt du lo juiiletitftfp. II fcavoit qu'il n'avoit point de moyens légitimes pour 1'artaquer; qu'il feroit infaillibiement confirmé5 & qu'il feroit, par une conféquence nécelfaire, convaincu, ipfo fado, de polygamie. Après le traitement qu'il avoit recu au confeil, il n'ofoits'y préfenter de nouveau. Mais il imagina d'y faire demander la calfation de 'ce dernier arrêt du 5 mai 1668 , fous le nom de Mane de Maïllé. La requête fut fuivieti'un arrêt contradictoire du 11 avril J 669 > qui débouta la demanderelfe de  & de Magdeleine Jollivet 5 9 la caflation qu'elle demandoit, & lui fit défenfes de donner de pareilles requêtes, a peine de 1000 livres d'amende. Cette menace parut moins effrayante a Deloys, que 1'arrêt définitif. II prévoyoit bien qu'il ne pouvoit manquer d'être déclaré big^me ■> & comme rel, puni fuivant la rigueur des loix. II hafarda une feconde requête en caffation,. fous le nom de Marie de Maillé. II n'efi péroit pas un fuccès plus heureux; mais il gagnoit du tems; & c'étoit beaucoup, dans les conjonctures ou il fe troüvoit! II intervint un fecond arrêt du confeil, le 9 mai 1670, qui ordonna que celui du 9 mai 1669, feroit exécuté, ainfi que celui du parlement du 5 mai 1668 ; qu'en conféquence Ia procédure feroit* continuée en la cour fur la requête civile obtenue contre 1'arrêt de 1660. Défenfes furent faites a Marie Maillé de fe pourvoir a 1'avenir au confeil, pour raifon de cette affaire, & a tous avocats de figner aucune requête, a peine d'interdiótion, &c de 1000 livres d'amende en leur propre 5c privé nom; 5c ordonnéque 1'arrêt fera publié en lacommunauté1 des avocats au confeil. Le confeil jugea donc qu'une femme ne peut renoncer a fon état: il conferva Cvj  6o Hifioire de B eau fervent, cette qualité a Noélle leger, Sc confirma, pat deux arrêts, celui du parlement qui avoit décidé la même chofe, 11 s en falloit bien cependantque Noélle Leger fut dans un cas auiïi favorable que celui oü fe trouve la demoifelle3 Joüivet. La première avoit contre elle non-feulementune tranfaction, mais un arret qui avoit toute 1'apparence d'un arrêt contradidoire. Lorfqu'elle avoit donne fon confentement a ce jugement& a la tranfaction, elle n'avoit été contrainte m par la violence, ni par les menaces • elle s'y étoit au contraire détermince par nes vues criminelles & réprouvées pai les loix civiles Sc par les loix eccléfiafttques; elle avoit eu en vue de para^e-les fruïts d un riclie benefice, dont fon man devoit cumuler le titre avec le iacrernent de mariage • chofes qui font ablouiment incompatibles. II n'en eft pas de même de Magdeleine Jollivet; elle n'a contre elle que 1 ade du i 3 aoüt 169Z ■ Sc la fignature qu elle y avoit appofée n'étoit que 1'effet de Ia violence Sc de la contrainte. Maïs, quand fa fignature auroit été übrement donnée , elle ne pouvoit on ne peut trop le répéter, renoncer I ion etat. Nous autorifons, dit 1'ordon-  & de Magdeleine Jollivet. 61 nanee de Charles LX dei560, toutes les tranfacliens qui font fans dol & fans fraude pajjees enne nos fujets majeurs ^ dans les chofes qui font dans leur commerce & dïfpofition. L'état de l'accufatrice étoit-il dans le commerce? étoit-il a fa difpofition ? pouvcit-elle le négocier ? Si elle ne le pouvoit pas, le marché qu'elle a été forcée d'en faire eft donc nul. Cette réiiexïon nous conduit a un autre moven qui paroit invincible. L'accufé achete , a deniers comptants, de fa femme lcgitime,.la liberté d'en époufer une plus riche. Elle a donc venda fa qualité de femme; & la vendant, elle s'eft rendue complice de 1'adultère, dans lequel fon mari va s'engager pour le refte de fes jours. Lui, defoncèté, a acheté la faculté de violer toutes les loix de la reiigion, de Péglife & de. l'état. Peut-on imaginer un commerce plus odieux, plus infame? Et 1'on ofe propofer aux tribunaux de 1'antorifer par leurs arrêts! L'acle donr l'accufatrice demaude d'être relevée, n'eft pas de ces acces qui bleffent feulement la bienféance & Phonnêteté publique, il blefle encore ce qu'il y a de plus faint parmi les hommes, puifqu'il autorife un hor-  6z Hifloire de Beaufero-ent nble facrilège. II eft iniubitabU, dit Ia ioi, que lespacles qui font contraires aux loix, aux conftitutions des empereurss ou aux bonnes mceurs, n'ont aucune force. Lr elle ajoute; que toute convention qui a pour objet une chofe dont on n'a pu traiIer, don abfolument être annullée (i). La confcquence qui réfulte néceflairement de ces maximes, eft que la fentence rendue a Pofficialité, le même jour que 1'accufarrice donna la main- rneea , r- °PPofitic"> eft abuhVe. Elle eft k fiute & 1'exécution d'un acte mrecre de plufieurs nüllités. On s'eft iervi, pour la faire rendre, d'une Wture arrachée par la violence. L'acce a etc redige & figné, & la fentence rendue en moins de trois heures. Certe precipitation n'efbelle pas feule la preuve mamfefte d'une collufion criminelle ? Mais entte une feule de nullités & ü abus, dontcette fentence eft remplie il en eft deux qui s'élèvent au-deflr,* A*l anrrpc wf]} P^f1«* c°ntr* leges, conftitulionefaue, vel eentra bonos mores fiunt, nullam vim habere  & de Magdeleine Jollivet. 63 i°. La demoifelle Jollivet a été déboutée de 1'oppofition qu'elle avoit formée a la publication des bans, fans avoir été entendue. On ne peut oter les moyens de s'expliquer a une femme qui, fous prétexte qu'elle eft la femme légitime de celui qui les fait publier, s'oppofe a. cette publication. Refufer de 1'entendre, c'eft violer un ufage que rintérêt de la reiigion, des bonnes moeurs & de la fociété rendent facré. II eft indifpenfable de fcavoir fur quoi eft fondée cette qualité qu'elle a prife; ü le mariage qu'elle allegue exifte, ou non; s'il eft légitime, ou s'il ne 1'eftpas. Un défiftement fubféquent ne fuffit pas, pour difpenfer de eet examen : il peut être collufoire enrre les porties; & fi le mariage étoit réel, 1'ofKcial, en s'autorifanr d'im pareil acfe pour ordonnerde paffer outre a la célébration du mariage, s'expofe a ordonner aux parties de commeitre un facrilège, & de s'engager dans un adultère. Telle eft cependant la conduite qu'a tenue , & tels font les rifques qu'a courus rofficial de Paris, en rendant la fentence dont eft appel. z°. La même fentence a été rendue fans conclufions du promoteur. Tout le monde fcait que le promoteur exerce,  64 Riftoire de Beaufergent, dans les officialirés les fbndtions du miniftère public. Or il sWüToit, dans la eauie, de Pétat d'une femme. II n'eft Point d affaire qui iméreffe davanta^s la focieté, que l'état des citoyens. II eft ious la fauve-garde publique, qui eft Gonfiee aux gens du Roi dans les tribunaux feculiers, & aux promoteurs dans les omciahtés. Perfonne n'en peut traiter, perfonne n'en peut décider, fans que ces officiers aient eu Paffaire en communication, aient donné des cocclufïons. Si la rigueur de leur miniftère n'écla'"roit ces fortes de queftions, PindilTolumhcé du mariage, établie par notre divin Légiüateur, &foutenue.par toutes nos loix pohtiques, deviendroir illufoire. Deux époux, las de vivre enfemble, feroient, a toute heure, nar des ientences collufoires, diffoudre les mariages les plus-légitimes, pour fe précipiter, de part & d'autre, dans le défordre de Padultère ; & Punivers fe rrouveroit couvert de ce crime autorifé, JL oeil feul du miniftère public peut armer ce défordre. Tout prouve donc qu'il doit nceeffairement intervenir dansces fortes de queftions. Cette règle eft confirmée par un arrêt  & de Magdeleine Jollivet. 6? du 15 février \C6i, rapporté au journal des audiences. Le marquis de Vaudy avoir époufé la fille du fieur de Cheppy. Huk ans après, ils s'adrefsèrent conjointement Sc volontairement a 1'oftieial de faint Germain-des-Prez, pour demander la diflblurion de leur mariage. Ils alléguoient: i°. Qu'il n'y avoit point eu de confommation. 18. Que la femme avoit été forcée d'elfuyer la cérémonie ; mais qu'elle n'y avoit jamais donné fon confentement. L'ofEcial, fur ces allégatious, prononca la diflblurion du mariage. La femme époufa, en fecondes noces, le fieur c\'Oianne3 fils du juge de Sedan, dont elle eut un enfant. Le marquis de Cheppy , frère de cette femme, interjetta appel comme d'abus de la fentence de 1'official, Sc de la célcbration du fecond mariage de fa fceur. M. Bignon j avocat général (1), porta (1) Jéróme 'Bignon, fils de celui dont j'ai parlé tom. 3 , page 456, naquit a Paris le 11 janvieM627. II Ait héritier des vernis de fon père, ainfi que de fa charge d'avocat général, qu'il exerca depuis 1656, jufqu'en 1673. En la quittant, il fut fait confeiller d'honneur au parlement. II fut nommé,en 1678,confeiller d'état, & chef du confeil établi pour 1'enregiftrement des armoiries en 1696. II fut, en outre,grand-maitre de la bibiiotheque du Roi,.  6cT Hiftoire de Beaufergent, Ia parole dans cette affaire, je vais coPie 1'extrait du plaidoyer de ce arand homme, tel que Parrêtifte nous I'a&corferve. « Cette affaire, dit-il, eft impor*» tante, paree que c'eft une caufe ou» bhque, & qu'il s'agir de fcavo;r £{[^ » paraes ont pu paffer a un fecond ma» nage, & de l'état d'un enfant venu » pendant ce fecond mariage. On dit " ciae le frère de la femme eft non-re» ceyable, que c'eft 1'intérèt qui le fait » aglr- Quand cela feroit, il eft de notre » foncfion, & de notre miniftère d» * paroitre comme partie, pour faire » voir 1'abus qui s'étoit comrfiis • & " nous l^Pplions la cour de nous 4ce- * voir appellant de toute la procédure » faite par lofficia! de Pabbaye de Safnt" «ermam. Le premier mariale a été » celébré en face d'églife. Le ihaaage » des chretiens n'eft pas un jeu; ce n'eft » pas un hen qui ne doit durer que trois » jours. C'eft un grand myftère ; c'eft place dont fon pére avoit obtenu la furvivancepourhii. II mourut le 15 janvier 1607 apres avoir joint, a beaucouo de canacité'& de litterature, des fentiments de probité, de dromire & de modeftie, qui lui avoient jufte-  & de Magdeleine Jollivet. Cj h un facrement qui attaché la femme „ au mari, & qui les unit jufqu'a la „ mort. II n'eft pas au pouvoir de 1'hom,5 me de rompre ce lien. La précipitaP tion de 1'ofhcial de Saint-Germain, „ & fa collufion avec les parties eft ma„ nifefte : il n'a pas fait ce qu'il devoit „ faire, & a fait ce qu'il ne devoit pas » faire. . . . Ces fortes de procédures „ font du plus grand danger, s'il étoit „ permis de diffoudre un mariage hult „ ans après qu'il a été célébré, comme on „ avoit fait dans la caufe du marqms de » Langeay,accufé d'impuiflance (i),qui ,■> s'étoit néanmoins remarié, & donr la „ feconde femme devint grolfe. Le mar5> quis de Vaudy pouvoit fe trouver dans „ le même cas. On lui demande, dans „ un interrogatoire, fi fon mariage a été „ confommé : il répond qu'a la vériré , » lors de ce mariage, il étoit blefle s, d'un coup d'épée a 1'épaule ; qu'amfi „ il étoit foible, & ne peut pas aflurer jj s'il y a eu confommarion. La collu3, fion de cette réponfe eft évidente. » Quant a la violence alléguée par la „ femme, elle ne la prouve pas. D'ail- (i) Le récit de cette caufe fe trouvera clans la fuite de ce Recueil.  68 Hifioire de Beauferovnt "leurs gaand elle la prouveroi't, » " fer°" bien diffiale d'y avoir égard » apres hmt aas de mariage, fans récla' » matton, fans proreftation. Les théo"logzens modernesant été trop-lom, «quand ils ont dit quiin'y avoit poin » de mariage, quand 1'enfant étoit con» traint par fon père, Cette maxime eft « dangereufe pour Ie bien public. II eft » loavent permis i un père, oui fcait - ce qm eft avantageux pour fes en»*ants, de les engager par queIque :™eaunmariage,^^ » II V a donc lieu de declarer toute » Ia procedure de 1'official abulive; rPa» » tant plus que le fecond manage n'a " PT' ctc Par ]e propre curé, 6> «quil y a desnullicésdanslaforme. " Et cette procédure eft d'autant plus «abufive,quelegreffier qui l'a Jdi" g« n a P"*e ferment; ce qui eft »abufif& contraire al'ordonnance(i). «Dailieurs, quand il n'y auroit poin* » eud abus,s'agiffant d'un mariage fai- - entre maje.urs il y avoit hnit ans, fans* - plainte, fans proreftation précédente., * lJ auro!t fal1" declarer la femme non' (0 V. tom.4,p. j20 & {vdYr  & de Magdeleine Jollivet. 69 «* recevable dans fa demande en diffo» lution de fon premier mariage». Sur ces raifons, la cour, par fon arrêt, recut M. le procureur général appellant comme d'abus de toute la procédure faite pour la diflblurion du premier, Sc de la célcbrarion du fecond; dit qu'il y avoit abus; fit défenfes au fieur d'O^anne & a la dame de Vaudy de fe fréquenter , a peine de la vie ; les eondamne folidairement en 800 livres parifis d'aumóne, Sc ordonna que 1'official du fauxbourg Saint- Germain feroit tenu de comparoitre en perfonne, pour répondre fur les faits, fur lefquels il feroir inrerrogé. Cer arrêt juge donc qu'un mari SZ une femme ne font point maitres de leur état; qu'ils ne peuvent, par collufion, confentir a la diflblurion de leur mariage; & que 1'ofEcial qui viole les regies Sc fe prête a cette ccllufion, eft fujet a. des peines rigoureufes. Si le mariage de la demoifelle Jollivet étoit effentiellement indifloluble, ii fuit ncceflairement que celui qui, de fon vivant, a été contracté par fon mari, eft nul & abufif. Mais ce moyen d'abus, qui fuffiroit feul pour faire pourfuivre 1'adultère dans  7° Hifloire de Beaufergent, Jequel Beaufergent a vécu avec la demoifelle Marlot, n'eft pas 1'unique qu'on piuife lm oppofer. C'eft le curé de SaintMeny qui a célcbré ce prétendu manage. Etant le curé du mari, il ne le pouvoit pas, puifque les ftatuts du diocèfe réfervent cette fonclion au curé de a fille (i). Ce pafteur, dit-on, avoit le confentement de celui de S. Jean. Mais ce dernier ne 1'avoit donné que' fous des conditions qui n'ont pas été remplies. Tels furent les moyens que 1'on mit fous les yeux de la juftice, poUr la défenfe de Magdeleine Joüivet. On répondit pour Beaufergent que toute la queftion fe réduifoir a fcavoir fi 1'on pouvoit permettre a cette fille , fous prétexte de faits faufTement & ridicidement inventés, de faire preuve par témoins cle la cclébration d'un manage qu'elle fuppofe que Beaufergent a contracfé avec elle ; s'il lui. fera permis de troubler, par une calomnie fans exemple, la paix d'une familie, & d'at- (i) L'mfraction a un itatut diocéfain, ne touche point a la validité d'un mariage : un tveque n'a pas le droit d'étabiir des empêchements dirimants.  & de Magdeleine Jollivet. 71 temer a l'état d'un enfant né a 1'ombre d'un mariage légitimement contraété? Le fieur Beau)tramt fe trouvoit forcé d'avouer, a la face du public, ce qu'il auroit bien voulu fe cacher a lui-mcme; qu'il avoit eu le malheur, dans les égarements de fa jeuneffe, de connoare la Jollivet, & de former avec elle une liaifon intime. C'eft cette funefte habitude qui a fervi de prétexte a cette fille d'intrigue pour lui fufciter le procés injurieux qui fait, depais fi iong-tems , le fuiet des converfations & le fcandale da public. Le mariage du fieur Beaufergent avec la demoifelle Marlot, quand il a été conclu, n'étoit point un fecret dans le monde. La Jollivet en fut inftruite comme les aaltres , mais elle crur que Beaufergent ayant été un de fes amants, de* voit lui payer cher des faveurs qui cependant ne lui avoient pas été exclufivement réfervées; qu'elle avoit acquis, en les vendant, le poavoir de traverfer un mariage qui lui enlevoit un courtifan opulent & généreux. Elle efpéroit qu'il ne fouffriroit ni 1'éclat d'une oppofition, ni le retardement d'un mariage qui touchoir au moment de fa £.élebration ; & elle s'étoit flattée qu'il  72 Hifloire de Beaufergent f acheteroit fon fiience a prix dargent. Mais une feute pièce renverfe tous fes projets? c'eft le regiftre de ia paroifle d'Efclufelle. II eft exactement dans Ia forme prefcrite par 1'ordonnance de 166 y. Or on n'y appercoir pas le plus léger veftige du prétendu mariage quifert de prétexce aux perfécutions qu'éprouve Ie fieur Beaufergent, La Jollivet n'a ofé avancer que ce regiftre fut altéré par la moindre rature, par la plus petite lacération. Sur quoi donc prétend-elle établir la preuve de fon mariage ? II ne fant, pour Ia confondre, qu'établir trois chofes. i°. Les faits qui font le tiffu de fa fable font faux & illufoires. i°. La preuve teftimoniale de fon prérendu mariage eft inadmiilible & réprouvée par toutes les ordonnances. 3°. Quand on admettroit fa preuve, elle feroit inutile. Voici , en fubftance, oü fe réduifent fes principaux faits. Un contrat de mariage pafte a Saint-Denis, qui ne paroit point: une difpenfe de bans obtenue de i'Evêque de Chartres, fans qu'on en trouve aucune menrion dans aucun des regiftres du diocèfe : une célébration de mariage faite a Efclufelle, fans qu'il en paroifle aucune rrace. On eft réduit a feindre  & de Magdeleine Jollivet. 73 feinclre que tant d'aétes, qui font 1'ouvrage de piufieurs mains , ont été fouftraits par leurs auteurs mêmes \ que 1'on a trouvé a Sainr-Denis un noraire difpofé a rendre une minute qu'il devoit garder \ des officiers eccléliaftiques qui. veulent bien courir les rifqucs de délivrer une difpenfe, lans 1'infcrire fur les regiftres \ un curé qui dépofe un acte de célébration de mariage fur une feuille volante, & qui la fupprime. C'eft imaginer trop de prévaricateurs a la fois, trop de complices pour faire trouver un coupable. Mais ces complices ne font pas les feuls qu'il a fallu fuppofer, & qu'on a fuppofés en effet. La mère du fieur Beaufergent} que 1'on fourient avoir été témoin du premier mariage, a donné fon confenrement au fecond. Le comtt de Nogent, qui n'auroit pu ignorer le premier, ayant été célébré a fa porte, a afllfté au fecond, comme porteur de la procuration de la mère du fieur Beaufergent. Entrons dans un détail particulier. La minute du contrat paffe a. Saint-Denis ne fe trouve point. Ell-il vraifemblable que 1'on palfe en brevet un contrat de mariage enrre perfonnes domiciliées a Tomé V. D  74 Hifcoire de Beaufergent , Paris ? Eft-il vraifemblable que ion en fupprime la minute? Quant a la prétendue difpenfe, trois preuves fenfibles en démontrent la fuppofition. La première , c'eft que, quand elle auroit exifté, elle feroit nuiïe &c inutile. La Jollivet: étant mineure, n'avoit & ne pouvoit avoir d'autre domiciie que. celui de fes père & mère : leur domiciie étoit a Paris; 1'Archevêque de cette ville feul avoit donc le pouvoir de lui, donner des difpenfes. Eüt-elle été majeure, elle n'auroit pu fe former un domrcde a. Nogent, fous prétexte d'un voyage de diüipation, & d'un féjour de quelques mois ; d'autant plus que le ntuel de Chartres, conforme en ce point aux ordonnanees du royaume,. n'admet de domiciie, que celui qui a été acquis par un féjour conrinuel d'un an. D'ailleurs, érant mineure, cette difpenfe n'auroit pu s'octroyer qu'a la réquificion de fes père &c mère. Les mêmes motifs annulloient encore ce préteudu acfe, par rapport au fieur Beaufergent. II avoit acquis fon domiciie a. Paris, par un féjour continuel de feize ans. Jamais il n'avoir été, a Chartres, & n'alloit a Nogent, que  & de Magdeleine Jollivet. 7^ par promenade, & pour voir fa familie pendant les vacances. II étoit donc foumis, ainfi que la Jollivet 3 a la jurifdiction fpirituelle de 1'Archevêque de cette capitale. La feconde preuve que cette difpenfe eft fuppofée, c'eft que, non-feulemeut on ne la r^pporre pas, mais on ne la rrouve infcrite fur aucun des regiftres du diocèfe de Chartres. Enfin, il n'en eft fint nulle rnention fur ceux de la paroifle d'Eillufelle, oü le curé n'auroit pas manqué de la configner ] c'étoit pour lui, une pièce efientielle; c'étoit d'elle feule qu'il auroit tiré fon pouvoir, pour célébrer le mariage. Ce qui met le comble a la preuve du menfonge, c'eft de dire que 1'aóte de la célébration, que 1'on place a Efclufelle, a éré infcrit fur une feuille volante, & dépofé dans une caflette. Qu'a-t-on fait de certe caflette ? Le curé, avant de mourir, 1'a remife a un eccléfiaftique qui 1'aflïftoit dans fa dernière maladie -y Sc eer eccléfiaftique 1'a remife a un prêtre. Mais on ne dit point ce que ce prêtre a fait de cette caflette myftérieufe ; on ne nomme aucun des prétendus dépofitaires : le roman refte Dij  7 o Hifloire de Beaufergent, rnuet fur des faits aulli effentiels. Mais on veut, par 1'air myftérieux qu'on donne a ce filence, nous induire a croire que le fieur Beaufergent a corrompu la fidélité de ce dernier dcpofitaire, & lui a extorqué fon dépór. Que de menfonges, pour en érablir un feul ! Mais on n'en a pas encore fait autant que les circonftances 1'exigeoient. On «e dit point que les père & mère de la Jollivet t qui devoient êttre ravis de la fortune que faifoit leur fille, n'aififtèrenr poinr a fon mariage. On fuppofe qüils ont donné une procuration \ mais on ne la rapporte pas plus que le contrat de mariage & la difpenfe. II faut des témoins pour un mariage ; les ordonnances exigent qu'ils foient au nombre de quatre : la Jollivet n'en indique aucun. Des quarante-huit témoins qu'elle a fait entendre dans fon information, il n'en eft pas un qui dife avoir affiftc a la célébration. Auroir-elle manqué, s'il y en euc eu, de les faire entendre ? C'eft le témcignage de ceuxla qui lui auroit été le plus utile. La Jollivet a produit des lettres qu'elle prétend être des reconnoiffances de fon mariage. Mais ce n'eft pas par des miffives, que 1'on prouve un acte auffi fë>  & de Magdeleine Jollivet. 77 rieux que celui du mariage. II lui faudroit des conrrats, oü elle auroit ftipulé, comme femme du fieur Beaufergent , & de lui autorifée; des acres de familie,qu'on appeile traciatusfamïlï&; des avis de parenrs, &c. D'ailleurs ces lettres ne difenr rien , & peuvent repréfenter le commerce illicite d'une maitreiTe & d'un amant, aufïï-bien que la pafiion légitime d'un mari &c d'une femme. En voici une qui fuffira. « Je vous envoie , monfieur , pour jj votre fête, des fleurs qui fonr im,■> mortelles (1). Elles vous repréfente5) ront, par leur duree, la conftance de 3> mon amour. Je vous les confacre avec » un plaifir fingulier: c'eft mon premier 53 ouvrage, & mon apprentiffage. Com3J me je vous les deftinois, jamais je j> n'ai eu tant de goüt au travail, que 33 lorfque je m'y occupois. Ne vous verss rai-je poinr? C'eft le plus ardent de 33 mes defirs. Que n'ai-je l'art des fées, 39 pour vous enchanter \ je vous aurois 33 empêché de changer d'inclination , » quand vous avez changé d'état. Si (1) C'étoit des fleurs peintes. La Jollivet fcavoit peindre en miniature. D iijt  78 Hijloire de Beaufergent, » vous ne m'aimez plus, comme vous •» m'avez aimée, que je voie au moins » les reftes de votre paffion 5 peut-être » ferois-je afiez heureufe pour la ral3? lumer ,3. H ne faut point de commentaire; pour prouver que cette lettre n'indique nullement la qualité de femme légitime. Eile annonceroit même plutöt 1'mquiétude d'une maitrefie qui voit le cceur de fon amant prêt a lui échapper, pour fe livrer a une autre. Une femme légitime & amoureufe de fon man, qui craint qu'il ne lui donne une rivale, ne parle point avec cette timidité. Toutes les autres lettres font dans Ie même goüt. Rien n'eft donc plus frivole que Ia preuve que la Jollivet prétend tirer de ces écrits. II eft donc clair que les faits fur lefquels elle fonde fa prétention, font faux & illufoires. En fecond lieu , les ordonnances refufent abfolument 1'admiflïon de la preuve qu'elle veut faire. II y a bien des fiècies, que 1'on regarde comme un principe cerrain que la preuve des mariages doit être faite par des regiftres publics, afin que la vérité  & de Magdeleine Jollivet. 79 de eet engagement, qui eft le fondement des families, & la partie la plus effentielle du droit public, rfe dépendit pas de la foi douteufe & fufpecte des témoins, & qu'il ne fut pas a la liberté des particuliers d'être, ou de n'êrrepas mariés, felon leur fantaifie j de faire pariet, ou de faire rake des témoins féduits par 1'atrrait de 1'amkié, ou par celui de l'interêt. Sans remonter jufqu'a Juftinien qui, le premier, a interdit la preuve teftimoniale en fait de mariage (1), il eft certain que, dans tous les tems, & furtout depuis le concilè de Trente, & depuis i'ordonnance de Elois, la néceflité de ces regiftres a été regardée comme indifpenfible. Et fi, lors de I'ordonnance de Moulins, la preuve par témoins parut fi dangereufe, que dans la moindre affaire oü il s'agiffbk d'une chofe excédant la valeur de 100 livres on défendit de 1'accorder, comment pourrok-on 1'autorifer en matière de mariage, oü il s'agir également de l'état & de la fortune des citoyens ? Auffi 1'ufage des regiftres publics (1) Voyez Novelle 74 , cap. 4 ■> qm' abroge Ja loi 23 , §• 7 J Ctd- de nuptüs. Diy  80 Hiftoire de Beaufergent, erqit-U introduit long-'tems avant ces ordonnances. II eft Vrai que le relachement de la difcipline, fur le fait des mariages clandeftins & des mariages pre Ws, ii frequents avant le concile de 1 rente, avoit été caufe que les curés tenoient les regiftres avec fi Deu d'ordre, ou les confervoient avec fi peu de ioin qu'on étoit obligé, comme le dit ordonnance de Blois, d'y fuppléer par la preuve-teftimoniale. Mais, en même tems que cette loi établit des rè que Pon eft fouvent contraint » de faire en juftice, touchantles naif» lances, mariages, morts & enterre" ments ies Perfonnes, enjoignons a » nos greffiers en chef de pourfuivre » par cnacnn an, tous les curés ou vi» caires du reffort de leurs juges, d'ap» porter oans deux mois, après la fin de " cha1iïe année, les regiftres des bap^  & de Mapdcleine Jollivet. 81 » ternes, mariages & fépultures de leurs » paroifles, fairs en icelle année; lef» quels ils affirmeront jucliciairement „ contenir vérité : autrement, &c Se» rent tenus lefdits grefiiers de garder » foigneufement lefdits regiftres, pour „ y avoir recours, & en délivrer ex3, trait aux parties qui le requerront». Surquoi, il faut obferver d'abord que 1'ufage de tenir un regiftre dans les paroilfes, & même de le dépofer au greffe, pour 1'y conferver, éroit établi avant I'ordonnance de Blois. Cette loi en renouvelle la mceffiré ; & prefcrit nux curés le tems de deux mois, apres 1'année finie, pour apporter leur regiftre au greffe, & impofe aux grefbers 1'obligation de les garder fengneufe- ment. Une autre obfervation, bien importante pour la caufe, c'eft que cette ordonnance ne prefcrit cette règle que peur évlter les preuves par témoins 3 que 1'on étoit auparavant contrahit de faire en jujlice touchant les mariages. 11 réfulte de ce texte, que la preuve par témoins, en fait de mariage, nétoit recue, avant cette loi, qu'au défaut de regiftres bien tenus & bien conferves; &cme, quand il y a des regiftres en bon - " Dv  82 Hifioire de BeauCerg-ent • etat, on ne doit poinr admeure d'aurre preuve. L'ordonnance donnée le 7.6 novemi639, conhrme certe doctrine par de prefcnre, conformément i celle de Bo^JapabkcariondesbansJanécefüte du confentement des père & mère, le nombre de quarre témoins, & la prélence du propre curé; elle aioute quV/ firafan un ton & fidele regiftre , tant f mansges, que de la puUcacïon j£ hans, ou des diftpenfes & des permiftlons qui auront été accordées. L'article VII défend a tous fuges , & ™me a ceuX feglifi, de receloir ta Preuve par témoins des promeffes de ma- Mfrrete en préfence de auatre parens ^^ZJeiyutredespartiesfencZ . ^ f;esfoient de bajfe condltlon' Lordonnance de i^7j gui a fectionne toures les autres, a pourvu 2 rouriurcerremanère,parlamcleVU & les fuivants jufqu'au quinzième incjnfivement, du tirre XX des faits qui g'Jent en preuve vocale, ou tittiale. ? ^o! ,rtide'' e,Ie étabJ* comme regie generale que /„ preuves de 1'aZ des mariages & du tems du decès,/erlnt  & de Magdeleine Jollivet. 83 recues par des regiftres en bonne forme s qui fteront foi & preuve en juftice. Cette loi ne dit pas fetüement qu'il fera tenu un regiftre des mariages, mais elle prefcrit que la preuve des mariages fera faite par les regiftres. C'eft ce que I'ordonnance de Blois avoit déja ordonné par 1'article 181, afin d'éviter la preuve par témoins. Par les articles fuivants, I'ordonnance pourvoit a la forme 5c a la confervation des regiftres. Elle veut que les feuillets foient cotés & paraphés par le juge royal du lieu, afin qu'on ne puiffe ni ajouter ni fupprimer des feuillets. Elle veut que les baptèmes, mariages, fépultures foient en un même regiftre, felon 1'ordre des jours, fans laifter aucun blanc; afin qu'on ne puifte, par aucun moyen, inférer dans les vuides 011 dans les blancs, de faux aétes de mariages. Elle veut enfin que ce regiftre foit dcpofé au greffe de la juftice royale des lieux, comme dans un dépöt public . qui eft plus sur que le presbytcre d'un curé. Toutes ces précautions n'ont pour objet que d'éviter le danger des preuves teftimoniales dans une matière auftt délicate 5c auifi importante-, afinqu'urj Dvj  84 Hiftoire de Beaufergent, ■ regiftre term en ft bon ordre, & conlerve avec un tel foin, foit non-feulement capable de faire preuve, mais exclue toute autre, & ne laiffe aucun prétexte .pour recourir a la foi dangereufe des remoins, ni pour contefter la vérité d un manage qui y eft infcrit, ni en fuppoler un qui ne s'y trouve pas. (Enfin , après avoir établi la règle génerale dans Partiele Vil, c'eft-l'-dire Ja ncceflité d'étabiir la preuve des mamges par les regiftres pablics, 1 'ordonnance fait une exception dans 1'article AIV ■ & cette exception eft une confirmanon de la règle. Elle veut que Ja preuve d'un manage puiffe être admife en deux cas- 1'un,/ les regiftres font Peraus; 1'autre, s'il n'y en a jamais eu. - C eft une prévoyance qui a eu prüicjpaïement pour objet les tems qui out Prccede Tordonnance de i667, dans ieiqaels, foit par la négligence de qaelques cures, foit par le /malaear «■ems, les uns n'avoientpoint de re°iftres, ou les avoient perdus; les autres en avoient dom le délabreftient ïesrendoit inatiles. Par la néceffité de W pleer a ce défaut, en ïun & F autre caï (ces termes font remarquafcdes, comme excfufirs de tous. autres cas,) elle per-  & de Magdeleine Jollivet. 8^ met de juftifier les baptêmes, mariages & fépultures, tant par les regiftres ou papiers domeftiques des pères & mères décédés, que par témoins. Point de preuve, par conféquent, par témoins, hors de ces deux cas exceprés par I'ordonnance, fi les regiftres font perdus , ou s'il n'y en a jamais eu. Donc, quand il y a un regiftre exiftant, dépofé au greffe, trouvé en bon état & en bon ordre, paraphé par le juge, il n'eft point permis de recotirir au détour captieux d'une procédure criminelle faite par un juge apofté; ni de fe faire, par la voie d'une enquête, une preuve par témoins,contre la foi publique due au regiftre , &c contre la difpofition textuelle des ordonnances. II n'eft pas queftion aujourd'hui de la négligence, de la confufion, du défordre qui régnoient, dans les anciens tems , au fujet des regiftres : il s'agit d'un mariage qu'on fuppofe celébré en 1689, dans le tems oü I'ordonnance étoit danS toute fa viguear; dans une parpiffe qui a fon regiftre bien paraphé par le juge, tenu pr ordre de jours, fans aucun vuide, fans aucun blanc, qui eft dépofé au greffe, qui a été compulfé dans les formes. Ainft ce regiftre  $6 Hifloire de Beaufergent, eft 1'uniqme pièce d'après laquelle ofi puiffe ftatuer dans cerre affaire. Si le mariage de la Jollivet y eft infcrit, elle eft mariée-yil n'y eft pas, il faut qu'elle renonce a la qualité de femme. Qu'on ne dife pas qu'en admettant Ia preuve d'un mariage qui ne feroit point mfcrit dans le regiftre, on n'attaqueroir point Ia foi due a ce monument public ; paree que cette foi n'a pour objet que les ades qui y font infents. Le regiftre, comme on 1'a dit, depofe que les mariages, dont il n'y eft pas fait mention, n'ont point été célébres,puifque la loi veut que 1'on ne croie 1'exiftence que de ceux dont les ades font inferits fur le regiftre. C'eft en vain qu'on objede que I'ordonnance de 166-7 ne parle que de preuves en matière civile - qu'elle n'empeche point qu'on n'informe des crimes; que Magdeleine Jollhet ne demande point la permiffion de prouver fon manage par une enquête : elle demande , par la voie de la plainte , la permiftion d'informer de la fouftrac«on des ntres & des preuves de ce manage. Or une fouftradion de ritres eft un crime dont on peut, & dont ou doit informer.  & de Magdeleine Jollivet. 87 L'excellent détour! Si un tel paradoxe étoit écouté en juftice, s'il ne tenoit qu'a changer de procédure , &c de mettre une plainte a la place d'une demande, pour fe procurer une preuve par témoins, quelle entorfe ne donneroit-on pas aux ordonnances ! A quel défordre n'expoferoit-on point les families ! C'eft en vain que I'ordonnance de Moulins & celle de 1667 auront défendu la preuve par témoins au-deftus de 100 livres , un particulier qui voudroit fe rendre créancier d'un autre , d'une fomme confidérable, dont il n'auroit ni billet ni obligation , rendroit plainte en fouftraclion de titres qui n'auroient jamais exifté; & fous ce prétexte, obtiendroit la permiffion de prouver par des témoins apoftés, que le billet ou Fobligation exiftoit; que par conféquent la fomme lui eft due. L'ordonnance de Blois & celle de j.667 auront inutilement defiré que les mariages foient fouftraits aux dangers de la preuve reftimoniale, pour ne les foumettre qu'a celle qui réfulte des regiftres tenus en bonne forme. Une fille d'intrigue, qui aura entretenu un enfant de familie dans un commerce illi-  88 Hiflolre de Beaufergent', cite, trouvera un moyen toutfimple d'énger fon concubinage en mariage légitime. Elle rendra plainte a la juftice de ce qu'on lui a fouftrait les titres & les preuves de fon mariage. Un complot torme avec deux ou trois témoins fera mdirectement ce qu'il n'eft pas permis de faire direcbement. _ Jufqu'oü iroit 1'abvme d'une fi permeieufe doctrine ? Qu'elle familie poiTé- cnr0j-fn fÜreté f°n état? Quelle eft la Mie debauchée qui ne fe donneroit pas, a fon gré, le mari qu'elle voudroit,fans qu'il 1'eüt éponfée ? La prévoyance & la fageffe des ordonnances feroient iïlafoires. QueHe eft donc Ia règle, en cette manere, pour informer d'un fait en vertu d'une plainte ? II faut un fait certain en tol, un corps de délit qui exifte, dont u ne foit queftion que de découvrir & de convaincre le coupable. II faudroit qu'on lacculat, ou d'une fouftraction , ou d'une lacération de regiftre. Mais tant que Ie regiftre fe tronve fain & entier dans 1'ordre oü il doit être,& dans la forme qu'il doit avoir, comme eft celui d'Efclufelle, c'eft un paradoxe pernicieus de foutenir qu'on admetrra, ou par voie civile, ou par voie crimi-  & de Magdeleine Jollivet. 89 nelle, une preuve que I'ordonnance a eu principalement en vue de rejetter-, prdonnance oü la prudence du légiflateur femble s'être épuiféepour y réuffir. C'eft encore en vain qu'on objecïe que I'ordonnance de 1667 penner la preuve par témoins dans les cas oü il y a des commencements de preuve par écrir. Cette objection eft faufle dans i'application , & faufle dans le fens qu'on donne au principe. Premiérement il eft faux que cette loi admette la preuve par témoins de la célébration d'un mariage , fous le prétexte de commencement de preuve ' par écrit, fi ce n'eft dans les deux cas qu'elle a défignés : fi les regiftres Jont perdus} ou s'il n'y en a jamais eu. Ainft, pour admettre la preuve teftimoniale d'un mariage, dans les termes, ou dans 1'efprit de cette loi, il faut que deux conditions concourent. L'une, qu'il ne fe trouve point de regiftre, ou qu'il fe trouve lacéré : aar s'il yenaun, & qu'il foit en bon ordre , on ne peut admettre de commencement de preuve contraire. L'autre, qu'il faut, qu'outre le défaut de regiftre, on ait un commencement de preuve par écrit. Car ii ne  90 Hifloire de Beaufergent \ s'im%*nér que, fous prétexte mro-.?7-?rP°lnt dereglfe" dans une de demander * faire preuve qu'il y a été -anc:dfautqu'ilUonclpayrde aéies non fufpeds, que la preuve qu'il demande a faire n'a point pour ob et un fait purement imaginaire. S'il n'y a pas de commencement de preuve vxt tcnt, o„ nefait aucune attentionau deraut de regiftres; & s'il y a Hn Ie par confequent, qui puiffe être regardé comme un commencemenc de preuve par ecrit. r Quels font les ades qu'elle produit? Geft Ie certificat du tabellion de SaintUems, qui attefte qu'il y a eu un contrat de manage; & celui du fieur Fandle qui certine qu'il s'eft entremis pour faire obtenir la difpenfe des bans. En général c'eft une erreur groffière, que de prendre des certificats pour des commencements de preuve par écrit. Si cela ctoit, tien ne feroit plus aifé , q„e de s en preparer. On fcait avec quelle taakte on s'en procure pour parvenir au manage, & qu'il „>y a point de teftant qui n'obtienne Padminiftration de ce iacremenr avec un certificat de catholicité. a Un certificat pourroit tout au plus etre regardé comme un commencement de preuve par témoins; puifque ce n eft autre chofe que le témoignage du particulier qui le donne : ou plutot ce n eft meme pas un commencement tte preuve teftimoniale. i°. Paree qu'un certificat eft un témoignage mendié, & qu'aucun tcmoignage n'eft recu Sc ne fait foi en juftice  & de Magdeleine Jollivet. 9 3 s'il n'a été ordonné, & fi le témoin, avant de dépofer, n'a aftiiré la vériti de fa dépofition, par un ferment fc~ lemnel. i°. Celui qui a engagé, ou vendu fa foi par un certificat, ne peut plus étre entendu comme témoin. Le foupcon de partialité eft le premier fenriment que fait naitre un certificat j & 1'on craint d'expofer celui qui 1'a donné, ou a commettre un parjure, fi ayant certifié le faux dans fon écrit, il y perfifte après avoir prêté ferment en juftice ; ou a avouer lui-même qu'il a attefté un menfonge par écrit. D'ailleurs quelle foi, dans tous les cas, pourroit mérirer le tabellion de Saint-Denis, qui a dépofé par écrit, de fi propre turpitude? Et l'état auquel il fe trouve actuellement réduir attefte combien il eft fufceptible de féduclion. II a déferté le tabellionnage, & feroit vicfime de la faim , s'il ne trouvoir une reflbivre dans 1'emploi miférable de fcribe au palais. Sonindigence, ouvrage de fon inconduite, ne donne-t-elle pas bien du poids a une atteftation émanée de fa rnain? Comment une telle pièce, ' qui n'eft pas même un commencemenc de preuve d'un contrat de mariage,  9 6" _ Hiflolre de Beaufergent, deviendra-t-elle la preuve de la célébration ? A 1'égard du certificat du fieur Vanelle, eet aéte ne peut être une preuve de ia difpenfe, qui ne fe prouve ni par des atteftations , ni par des témoins. Elle doit, fuivant les ordonnances, être rédigée par écrit, être inférée dans des regiftres publics. Pour la prouver, il faut donc la rapporter. Peut-on préfumer, d'ailleurs, que 1'Evêque de Chartres' inftrük des régies' que lui prefcrit fon ntuel, fe foit prêté i accorder une difpenfe a des perfonnes qui n'étoient pas de fon diocèfe; fur lefquelles il n'avoit aucune jurifdiétion? Comment ce certificat, qui ne feroit pas une preuve de la difpenfe, feroit-il un commencment de preuve de la célébration du mariage ? On ne peut donc que rejetter ces prétendus certificats; &, comme ceux qui les ont donnés ne pourroient être entendus comme témoins, ils ne peuventfervir de moyens pour en faire entendre d'autres. Les lettres préfentées par la Jollivet prodmfent encore moins d'effet. Elles ne peuvent être envifagées que comme des preuves de fa débauche. Elle y peinr, il  & de Magdeleine Jollivet. cjy il eft vrai, une tendreftè bien vive, des ; defirs bien ardents. Mais ces caraótères ; font.communs a 1'union augufte du mai riage, &c a la liaifon criminelle du coni cubinage; & dès que rien n'indique lai quelle des deux eft la fource de ces ex; prellions enflammées, que rien d'ail: leurs ne conduit a la preuve du facreI ment, on eft forcé de les attribuer au i crime. Les lettres de la mère, des fceurs de • Beaufergent ne difent rien de précis, i On y trouve de ces expreffions aftectueufes, que 1'intérêt dicte fouvent, & que défavouent les fentiments d'honneur qui reftent au fond du cceur de la : perfonne qui les écrit. La mère de Beaufergent & fes fceurs ne font pas : dans Populence. Elles achetoient fes gé!: nérontés, en flattant une concubine qui | avoit du crédit fur fon efprit; mais pour : laquelle eiles avoient intérieurement Ie mépris que méritoit fa conduite. Quant aux témoins entendus, de tous ;ceux qu'elle a mendiés de tous cötés, il n'y en a pas un feul qui dépofe avoir aflifté a la célébration du mariage, ni :en avoir vu 1'acte infcrit fur la feuille ' volante, ni qui ait eu connoilfance de la fouftraction de eet acfe. Torne F. E I ■  £)8 Hifloire de Beaufergent, Ce que Ia Jollivet appelle la poifeflloii de fon mariage, ne peut donc être qua* lifié que de polfeffion de fon concubinage, L'impudence avec laquelle elle étaioit fon libertinage aux yeux du pu-r blic, peut-elle lui donner la poffeffion d'un état légitime ? Le curé d'Elclufelle, lui-même, s'il étoit vivant, ne feroit reeevable ni ï certifier, ni a dépofer qu'il auroit célébré le prétendu mariage ; paree que fon propre regiftre feroit plus fort que fon témoignage. Et quand même il n'y auroit point de regiftre, comme il n'étoit pas le propre curé des parties, fon témoignage ne feroit pas plus reeevable que celui d'un aurre : car le curé feiil, dans le cas ou les regiftres fonr perdus' eft témoin néceftaire du mariage qu'il a célébré. Mais, dans le cas oü il y a un regiftre en bonne forme, le propre curé meme ne feroit pas écouté, s'il dépofoit contre ion regiftre. . II faut donc roujours avoir devant les yeux la diftérence qui diftingue Ie cas oü il y a un regiftre", & le cas oü il n'y en a point. Car les ordonnances ont érabli une diftinétion bien frappante entre la preuve qui eft demandée au défaut de titre, & .celle qui eft deman-  & de Magdeleine Jollivet. 99 dée contre le ritre. Au défaut de titre, elles admettent la preuve jufcju'a cent livres, & non au-dela: mais elles la refufent contre le titre, quoique la fom■ me, ou la valeur même foit au-deftous de cent livres. II ne fera recu, porte 1'ar■} ticle 1 du titre XX de I'ordonnance de i6"6"7 , aucune preuve par témoins, con' tre, & outre le contenu aux acles. Or lc ; regiftre eft le titre public. Donc on ne >' peut recevoir la preuve, ni contre, hi I outre ce qui eft contenu dans le regiftre. 30. Trois raifons eflentielles s'oppofent a 1'admillion de la preuve que la Jollivet veut faire. Oü aboutiroit cette preuve, quand I elle 1'auroit faite? A établir un mariage « plein de nullités : mariage d'une mineure fans le confentement, fanslapréfence de fes père & mère, qui éroient abfens, & dont on ne rapporte point la:' procuration, pour donner leur confentement : mariage qui n'a point été cé! fébré par le curé des parties , a propria I parocho: fans publications de bans dans les paroiftes ni de 1'une ni de 1'autre des deux parties: fans difpenfe émanée de leur évêque, & fans qu'il y ait aucune tracé de tous ces acles fur le regiftre E ij  100 Hifloire de Beaufergent s de 1'égfife oü 1'on prétend qu'ils ont été pafles. Cette preuve, en lafuppofant, établiroit un mariage illégitime j & Ia Jollivet n'en feroit pas plus avancée. Or on n'accordera poinr la preuve d'un fait inutde, Frujlra probatur3 quodprobatum non relevat. La feconde raifon eft fpndée fur la maindevée que la Jollivet a donnée de fon oppofition, &c fur le mariage célébré en conféquence par le fieur Beaufergent & la demoifelle Marlot. Quoi! après que cerre fille majeure, afliftée de fes père & mère, &c de fon avocat, s-'eft défiftée de fon oppofition, comme intimement convaincue qu'elle n'avoit jamais été mariée ,ou, pour ufer cles termes de 1'aéte, que l'oppofuion étoit fake fans aucune raifon, ni fondement ; après qu'en conféquence de cette main-levée, un véritable mariage a été célébré publiquement, elle demandera permilfion de faire preuve de fon prétendu mariage ! Et, quand elle le prouyeroit, peut-elle efpérer de fe faire déclarer femme légirime du fieur Beaufergent? Un mariage nul peut-il conférer cette qualité? , La troifième raifon eft rimpuiflance QÜ fe trouve cette fille de prouver le fait  & de Magdeleine Jollivet. iOI efllentiel. Ce fair, qui eft celui de la célébration du mariage , renferme trois circonftances : la célébration elle-même, un aóte écrit de cette célébration, & la fouftraction de eet acte. On a entenduquarante-huit témoins fur d'autres faits; pas un n'a été entendu , fur aucune de ces circonftances. Les or, donnances exigent la préfence de quatre : témoins oculaires de la célébration. La 1 Jollivet a-t-elle allégué cette préfence ? ' On ne peut pas douter que s'il y eüt eu de ces témoins dont la loi fait une nécefïité, on n'efit commencé par les faire entendre. Les émiftaires, qui éroient för les lieux, qui ont cherché & produit les témoins, n'auroient pas oublié le point important & décifif de leur procédure. Que prouve donc cette information de quarante-huit témoins ? Qu'ils ont vu des familiarités, des privautés, fi 1'on veut, qui pouvoient faire foupejonner le mariage, ou la débauche. Falloir-il ] un fi grand appareil de procédure , pour établir un commerce, qui eft tout au plus 1'image du mariage ? i Un jeune homme, une jeune fille amoureux 1'un de 1'autre, imitent un jeune mari, une jeune femme qui s'aiment mutuellement, &c qui font dans E iij  102 Hifloire de Beaufergent, les premiers feux de leur union. La paffiort des uns & des autres a la même ardeur, le même empreflèment, & quand la fille a levé le mafque, la même indifcretion en public. On les confonaroit.fi le mariage ne fkifoic un devoir pour les uns, de ce qui eft un crime pour les autres. Si le commerce étoit une preuve du mariage, fi la débauche 1-aifoit des époux, que de garcons manes !_ Que de polygames feroient maris iegitimes! Ces trois raifons font ce qu'on appelle, en langage du palais, des fins de non-recevoir; c'eft-a-dire des moyens qui repouffent une demande, & la font .re;etter3 fans ou'011 examine le fond, C'eft en vain que 1'on fair fonner fi haut le prix dont on dit que le fieur Beaufergent a acheté la main-levée de la Jollivet. Cette circonftance ne fait point préfumer le mariage. On doir plutot penfer que, quelque jufte que fut Ia caufe du fieur Beaufergent, il a voulu eyirer 1'éclat d'une plaidoirie toujours defagréable; 8c oü il prévoyoit qu'on ne manqueroit pas de révéler les myftères d'un commerce dont il rougit. A Ia veille de célébrer un mariage, Ü n'a rien eu de plus preffé, que "de  & de Magdeleine jollivet. 103 iever 1'obftacle qui le retardoit. II vouloit s'épargner les longueurs de trois degrés de jurifdi&ion eccléfiaftique qu'on. lui auroit fait efluyer. La Jollivet, qui a banni la pudeur de fon front, après 1'avoir bannie de fon cceur, ne comprend pas que, pour éviter une fcène fcandaleufe, on puiffe facrifier une fomme confidérable : mais ce qu'elle ne comprend pas, la faine partie du public le comprend. II réfulte, de tout ce qui vient d'être ■dit, que 1'hiftoire racontée par la Jollivet, eft un tiffu d'impoftures, qui ne fait même pas illufion : que la preuve qu'elle demande eft contraire a la difpofition précife des ordonnances j &£ que, quand on admettroit cette preuve, elle ne feroit d'aucun ufage pour elle. Elle ne peut donc pas efpérer de réafllï dans le deffein qu'elle a formé de traveftir un commerce déréglé, dans un commerce légitime. Ces raifons , tout éblouiffantes qu'elles étoient, ne reftèrent pas fans réplique. Il étoit revoltant d'entendre Beaufergent dénoncer a ia face du public , comme une aventurière, une femme qu'il avoit époufée , & a. laquelle il E iv  104 Hiftoire de Beaufergent, nedonnoit ce titre, que paree qu'elle ayoit joui publiquement de Ia qualité d epoufe légitime, qu'il jui avoit donnee Iui-meme. Quelques recherches que J on ait faites de fa vie & de fes mceurs on n a rien découvert qui doive la faire rougir. L'audace avec laquelle 1'accufé oie changer fon mariage, en une diflblution honteufe, eft digne de fa naifiance, & ne.peut-être regardée que comme une reflource criminelle d'une mauvaife caufe. Le moven tlré de ce que h mèfe de 1 accuie a donné fon confentement au iecond mariage, & de ce que le comtc . NoSent a été porteur de la procuration de cette mere, ne fait aucun préjudice a la yérité. Sans leur imputer aucun motifblamable, onpeut dire qu'ils ont «c furpris 1'un & 1'autre. Quelle conféquence d'ailleurs peur-on tirerdes demarches d'une femme qui a debuté dans le monde.par être fervante dans un cabaret; qui eft devenue la concubine du cabaretier , qui en a eu un enfant du vivant de fa première femme : qui a pris la place de cette femme après ia mort qui eft foumife k 1'impreifion que fait fur fon efprit 1'éclat ébouilfant des charges dont fon fils adultérin eft  & de Magdeleine Jollivet. i o ? ; revêtu, &c qui n'eft a 1'abri de la mifere, que par les générofités volonraires de ce même rils? Quoique 1'accufé air abandonné 1'avanrage qu'il vouloit tirer de 1'incompérence du lieutenant - criminel de Chartres, il eft cependant néceftaire d'établir la compétence de ce magiftrar. 11 eft le juge du crime de 1'accufé, paree que c'eft dans fon relfort que la fouftraétion des pieces de l'accufatriceaété faite, & que la polygamie dont Beaufergent eft coupable, eft une fuite de cette fouftraétion. Le premier crime eft la fource du fecond. Voici le langage de I'ordonnance de 1670 , tit. 1, art. 1. La connoiffance des crimes appartiendra aux juges des , lieux ou ils auront été commis ; & l'ac-* cufé y fera renvoyé 3 fi le renvoi en eft requis ; & même le prifonnier transferé aux frais de la partie civile 3 finon a nos frais ou des feigneurs. La maniere dont la fouftraétion de 1'aéte a été faite, c'eft que le perfide curé d'Efclufelle, au lieu de 1'infcrire fur les regiftres, 1'écrivit fur une feuille volante , qui fut enfuite fouftralte. Efclufelle qui eft du reflbrt du lieutenant-criminel de Chartres, eft le lieu du délit. E v  ie>6 Hifloire de Beaufergent, Pour montrer qu'il n'y a point de corps de délit exiftant, &que le lieu oü il a été commis n'eft poinr certain , il eft inutüe de dire que le regiftre des mariage d'Efclufelle n'a été ni fouftrait m déchiré; & que l'accufatrice, dans la plainte qu'elle a rendue, ne lui a reproché aucun de ces vices. Elle convient que ce n'eft pas le crime dont elle accufe Beaufergent : c'eft un autre crime qu'elle lui impute; c'eft d'avoir fait mfcnre Pacte de célébration fur une feuille volante, & de 1'avoir enfuite fouftraite. Quand 1'accufé dit qu'il n'y a point de^ corps de délit exiftant, qu'il n'en refte aucune tracé, & que le lieu n'en eft pas certain • c'eft qu'il fuppofe qu'un deht ne peut exifter, & le lieu en être certain , que quand il en refte des marqués réeJles & fenfibles. Mais il eft des delits qui ne laiflent aucune tracé, & dont le lieu ne laiffè pas d'être certain. Deux marchands domiciiiés a Paris, vont, pour leur commerce, a Orléans : ils s'y rencontrent dans un lieu écarté, ou Pun voie a 1'autre cent louis d'or! Voila" un délit qui exifte, puifqu'il eft eft certain qu'il y a eu cent louis d'or to^és : le lieu eft encoxe certain, nuif-  & de Magdeleine Jollivet. 107 que c'eft k Orléans que le vol a été fait. Cependant nul veftige n'indique , ni qu'il y ait un délit, ni qu'il ait été commis en un certain lieu. Dira-t-on que le voleur doit être pourfuivi a Paris, qui ; eft le lieu de fon domiciie , & que le j! üeutenant d'Orléans eft incompétent, ; paree qu'il n'y a point de tracé qui anI nonce le délit & le lieu oü il a été commis ? Efclufelle eft de la juftice de Chateauneuf en Thimarais, qui releve de celle de Chartres. Par une difpofition exprefte de I'ordonnance criminelle „ les juges-prévóis , qui font les premiers juges royaux fubalternes, ne peuyent , connoare des crimes pour des gentilhom! mes, ou pour des officiers de judicature , ; arr. 10, tit I. Or les juges dont parle I'ordonnance, font les premiers juges. fubalternes. Ainfi il falloit fe pourvoir pardevant le lieutenant - crimmel de Charrres, préfque 1'accufé, batard aduP térin d'un cabaretier, jouit, en fa qualité de fecrétaire du roi, du privilege des gens nobles. II faut ajouter la qualité du crime; &c cette qualité proave ertctore que la plainte n'a pu être portee qu aCdiaruesE vj  108 Hijioire de Beaufergent 2 H eft certain que les ordonnances ne detaillent pas tous les cas qui font de la compécence exclimve des baillis, fénechaux& préfidiaux; qu'il v a bien des cas atroces qui font de vérirables cas royaux, quoique les ordonnances n en parient pas. Un homme de trente-cinq ans a féduic une fille qui n'en a que dix-huit. II n'en peut rien obtenir, que par le fecours du mariage : ill'époufe; mais il prend fes mefures de maniere qu'il peut la quitter, la faire paffer pour une concubine, & en époufer une autre quand il voudra. Pour cela, il com merice par fe faifir de la minute du contrat de manage. II y a dans un village une curé fans honneur, fans probité, qui lui eft devotie. II menelamalheureufe victime de fa lubncité dans ce village; le curé en fait Ie facrifice, en adminiftrant le facremenr de mariage, avec la permiffion de 1'évèque diocéfain. Au lieu d'infcnre Paéte de cette funefte cérémonie iur le regiftre, oü la loi en a établi le depot, il Pihfcrit fur une feuille volante, dont il fe rend maitre. La pafnon de celui auquel on avoit ainh préparé les voies, pour la fatisfaire, eft af-  & de Magdeleine Jollivet. 109 : fouvie. Il trouve une femme riche, fe marie nne feconde fois, & foutient que fa première époufe, dont la fortune eft médiocre, n'a été que fa concubine. Peut-on imaginer un cas qui mérite a ! plus jufte titre , la qualité de cas royal, | que eet amas de tant de crimes divers ? Ce n'eft pas le domiciie du coupable, c'eft le lieu ou le délit a été commis | qui, fuivant I'ordonnance, regie la jurifdiction. On fcait que, dans la punition des crimes , la juftice fe propofe moins de faire fentir au coupable la peine qui lui eft due, que de donner,par Pexemple de fon fupplice, de la terreur a ceux qui auroient du penchant a le devenir. Si la loi a voulu que le lieu du crime füt le I lieu de 1'inftruclion & du chatiment, ' c'eft qu'elle a craint que, fi ceux qui ont vu commettre le crime ne voyoient poinr inftruire le procés, & punir le ; coupable, ils ne crüflent qu'il a été knpuni, & ne s'autorifaftent de cette impunité. D'ailleurs, dans le tems de 1'inftrucs. tion qui fe fait fous les yeux des habitans du lieu, 1'idée de 1'horreur du crime , les mouvemens de la juftice qui  ito Hijloire de Beaufergent, ta fait la recherche pour le punir, fe renouvellent a tout moment, & imnrixnent la terreur qui prévient les impreffions du mauvais exemple. On a encore confidéré qu'il étoit plus facile detrouver les témoins fur lelieu, & que les pourfuites s'y faifoienr a moins de frais. La procédure inftruite par Ie lieutenant-criminel de Chartres, n'eft donc pas nulle par le défaut de compétence. Paftbns aux moyens que 1'accufé propofe, pour faire rejetter la preuve teftimoniale. Vainement il appelle a fon feconrs les ordonnances qui ne ftatuent que fur les matières civiles. II s'agit ici d'un crime capital oü elles ne peuvent recevoir d'application. P'ailleurs la preuve teftimoniale a été admife dans tous les tems, en fait de mariage. C'eft une maxime certaine, que pour connoitre la vérité} il n'y a point de preuve qui ne puiffe être recue (i). Si Pon eut refufé le fecours de cette loi aux mariages , il en feroit réfulté de grandsinconvéniens. Un homme, par _(i) Ai examinationem veri, omnis jure prodita debet admitti probatio* L. 15 , c. de HL, causa.  & de Magdeleine Jollivet. j 11 exemple, en fe mariant, ne fait point de contrat, ou ne donne la main a aucun acte qui juftifie fon mariage; ou ces ades ont été confumés par un incendie, ou emportés par des voleurs \ fi la preuve teftimoniale ne venoit a fon fecours, il perdroit fon état. Cependant la loi décide que l'état n'eft pas perdu , quoiqu'on ait eu le malheur de perdre l'acle < qui juftiftoit la naijfance (i). La loi dit encore que , quoiqu'un en~ ■ fant n'ait pas de titres pour prouver le ; mariage de fes parens } & fa naijfance, ii i n'eft pas exclus de faire la preuve de l'tui : & de l'autre (2)» (1) Statum tuum, nataliprofeffione perditd 1 mutilatum non effe, certi juris e/i, lib. 6 , c. de \ fid. inflrum.; Cum de cetate hominis qucereretur, ■Cafar nofler in hac verba refcripfit : & durum , & iniquum eft , cum de ftatu cetatis alicujus qua*reretur, & diverfiz profeffiones proferuntur, ed potifjlmumftare qua nocet: fed causd cognitd, veritatem excu'i oportet. L. 13 , ft", de probat. (2) Si vicinis, vel aliis J'cientibus , uxorem, liberorum procreandorum causd r domi habuifti , & ex eo matrimonio filia fufccptaeft, quamvis neque nuptiales tabula , neque ad natam filiam pertinentes faclte pint, non ideb minus veritas , matrimonii , aut fufceptce filiiz, fuam habet po• teftatem. L. 9 , c. de nupt.. II faut faire ici une remarque bien importante , qui_ a échappé a Favocat qui travaii?  lil Hijloire de Beaufergent. Le droic canonique ne s'eft point éloigné, en cela, du droit romain. Pour le mariage, y eft-il dit, ou pour la dijfolution du mariage } qui eft une maciere 'privilégiée & favorable, on admet des témoins compétens (i). Et ailleurs : ft on rendun témoignage oculair e ou auriculaire qui foit convenable 3 & que le brult com'mun appuie ces témoignages 3 & fournijfe des adminicules de preuves 3 il faut s'en rapporter a la foi des témoins qui ont prêté ferment (i). loit pour Beaufergent ( Me. Arraut). Les loix tirées du code, qui viennent d'ètre citées, ont été faites par les empereurs Diecletien & Probus. Or ces princes ont précédé le regne de Juftinien; & de leur tems il n'exiitoit point de regiftres de mariage & de naiffance ; on n'en dreffoit même aucun acte quelconque : la preuve teftimoniale étoit 1'unique reffource. Mais Juftinien a établi des regiftres , & interdit toute autre preuve de ces événemens , que la preuve par écrit, & a réprouvé avec indignation, drfns ces cas , la preuve teftimoniale. V. Novelle 74, cap. 4. (1) In matnmonio conjungendo, vel disjungendo, ex ipfius conjugii prcerogativd , quia & favorabilisres eft, & congrue <_teft.es ) admittuntur. Cap. 3 , qui ma-trim. accuf. pof. vel contra illad teftari. (2) Quod fi teftimonium conveaiens de vifii nddatur, vel etiam de auditu, & prcefumptiojiem violentam fama confentiens fubminiftret f  & de Magdeleine Jollivet 113 Ces décifions du droit canon & dii droit civil onc toujours etc fuivies ert France, oü la preuve par témoins étoit I admife, & même ordonnée dans tous les tribunaux. Ce fut Louis XII (1) qui, dans 1'article 29 de fon ordonnance de 1529, paria le premier des regiftres de mariage. Nous 'enjoignons , dit-il au commencement de eet article, de faire de bons & fidèles regiftres. Ces termes prouvent que 1'on n'en faifoit point auparavant. L'ordonnance de 1539, art. 5 o &z 51 , veut qu'il foit fait des regiftres pour les fépultures & pour les baptêmes, & que ces regiftres faflent foi. Or il faut bien remarquer que cette loi ne parle point de regiftres pour les mariages. Si ceux dont il eft fait mention .:, ac alia adminicula fujfragentur, ftandum eft teftimonio juratorum. (1) Louis XII eft mort en 1515. II n'a : donc pas fait d'ordormance en 15 29. On n'en : connoit, d'ailleurs , aucune de ce prince qui enjoigne de tenir des regiftres de mariage. Ce qui a apparemment caufé Terreur oü eft tombé Me Petit, défenfeur de la Jollivet, dl une addition a la conférence de Guénois , liv. 4, §. 13 , tit. 1 , oü Ton a mis Louis XII pour Louis XIII, 6c 152.9 pour 1629.  i 14 Hijloire de Beaufergent f dans celle de Louis XII, euffent erf quelque autorité, il neut pas été nécelTaire que I'ordonnance de 1539 fïc des difpoiirions expreffes pour leur en donner; & cette ordonnance ayant parlé des regiftres de baptême & de fepuliure, fans rien dire des regiftres de mariage, il eft certain que ceux-ci font reftés dans l'état oü Louis XII les avoit laiifés -y fans foi, fans autorité, L'ordonnance de Moulins , qui vint enfuite, remédia, par 1'article 54, aux inconvéniens qui naiifent de la preuve par témons : mais, a 1'égard des mariages, elle laifta les chofes comme elle les avoit trouvées. L'ordonnance de Blois n'a point exclu, comme Ie prérend 1'accufé, la preuve par témoins, en fait de mariage. Elle dit, a la vérité, qu'il fera fait un regiftre; mais elle ne dit point que ia preuve par témoins ne fera pas admife. Dés que 1'article 1S1 de cette ordonnance dit que les regiftres feront portés au greffe, que les curés les afErmeront véritables, que les greffiers les garderont foigneufement, tk qu'ils en délivreront des extraits aux parties, on voit qu'elle entend que les regiftres Faffent preuve. Mais dit-elie qu'il n'y  & de Magdeleine Jollivet. 11 f aura plus de preuve par témoins ? Non, Et ce qui démontre qu'elle n'a pas abrogé cette preuve pour les mariages, c'eft qu'on en a toujours fait ufage. Louis XIII, dans 1'article 40 de l'ordonnance de 1629, défendit cette preuvê, &, a. 1'exemple de Juftinien, ne la permit qu'aux payfans, üc aux gens de bafte & de vile condition. Si I'ordonnance de Blois 1'eut défendue , Louis XIII, qui vouloit la profcrire , auroit dit qu'il confïrmoit I'ordonnance de Blois. On fcait d'ailleurs, que cette ordonnancede 1629 eft reftée fans exécution, jion-feulement quant a eet article, mais nuan: a ftlufisurs difpoftrions qu'elle renferme. Louis XIII, par fon ordonnance de i6"39, a voulu rétablir la preuve par témoins pour les mariages, qu'il avoit abolie. Non-feulement il n'a point ordonné que 1'article 40 de la précédente ordonnance,qui défendoit cette preuve, feroit obfervé , mais il a dit que I'ordonnance de Blois, qui ne le défendoit pas, feroit gardée : & dans Ie dernier article, ou il défend la preuve par témoins des promefles de mariage, il ue  116 Hiflóire de Beaufergent, défend point la preuve par témoins des mariages mêmes. A Pégard de I'ordonnance de 166 j, fi elle interdit la preave par témoins, cette interdiction n'a point de rapport a la fouftraction d'un titre. Quoiqu'on ne paifle prouver, par témoins, une obligation, on peut prouver la fouftraction de Pobligation. Aurre chofe eft, dit Faber, de proaver qu'une fomme eft due, aatre chofe de prouver que le titre a été perdu. Ce que dit Faber t tous les docteurs le difent, & M. Lepreftre (i), centurie 4, chap. (1) Claude Lepreftre, confeiller au parlement de Paris, fur la fin du feizième fiècle, etoit un magiftrat recommandable par fon intégrité & par fa piété. On a, de lui, un recneil fort eftimé , fous le titre de Queftions de droit, avec deux cents arrêts, & des obfervations. La meilleure édition, eft celle de .1676 , par Gueret, qui 1'a enrichie de notes, & de cent autres arrêts. On a encore un traité dei-mariages clandeftins, & les arrêt és de la cinquièmc chambre des enquêtes. Ces ouvrag£S font recherchés par les jurifconfultes. I ftfahTul Gueret, dont je viens de parler, né r j-^f £n 1641 ' fut reCU avocat en 1660. II fe diftingua moins par fes plaidovers, que par fes confultations. II joua aufli un róle dans la république des lettres par fon érudition, par la juftefle de fa cridque, & par les  & de Magdeleine Jollivet. 117 z1, rapportje un arrêt du 1 o janvier I5ó"4, qui 1'a ainfi juge. S'il eft vrai, comme bn ne peut en douter, que même dans une actionci- agrémens de fon efprit. II mourut a Paris en 1688, agé de quarante-fept ans, & lahTant plufieurs ouvrages qui font honneur a fa mémoire. iQ. II mit au jour, étant encore fort jeune, les Sept fages de la Grece. %°. Le parnajfe réformè. 30. La guerre des auteurs, qui eft une fuite du précédent. L'un 8c l'autre renferme de très-bonnes plaifanteries , de 1'enjouement, & une ironie communément alfez fine. Cette gaieté étoit le fruit d'une humeur ; toujours égale, & que les occupations du cabinet n'altérèrent jamais. 40. Entretïens fut Véloquence de la chaire & du barreau, femés de 1 réflexions judicieufes, & de lecons utiles. 50. La carte de la cour; allégorie ingénieufe.' 6°. La promenade de Saint-Cloud, ou dialogue fur les auteurs. Ces dialogues font aflaifonnés. 70. Le joumal du palais, conjointement avec Claude Blondeau. C'eft un recueil bien digéré : des arrêts des parkmens de France, 8°. Enfin ) 1'édition de M. Lepreftre. II avoit été. un des premiers de raflemblée que 1'abbé d'Aubignac avoit faite d'efprits choifis, 8c pour laquelle même on demanda des lettres-paten : tes, pour 1'ériger en académie. Gueret en fut le fecretaire tant qu'elle dura. II y prononca, entr'autres, deux difcours académiques, dont l'un a pour titre Yorateur ; §C l'autre , fi l'em- i pire de l'éloquence eft plus grand que celui de l'amour.  <8?i8 Hïjloire de Beaufergent, ^ile, la perte d'une obligation'peut être p'rcuvée par témoins ; peut elle etre reiufée pour Pacte de célébrarion d'un mariage, qui eft un titre infiniment plus important & plus favorable, -qu'une obligation ? Bokeau (i), fur Partiele 54 de I'ordonnance de Moulins, allure que la perte, ou le vol d'un teftament, eft fujer a la preuve par témoins. Car, dit-il, quotatie, dans le pays de droit écrit, pour la forme d'un teftament folemnel, le nombre de fept témoins foit requis ; néanmoins, pour prouver la fouftraclion & le vol d'un teftament, il fuffira de la dépofttion de deux témoins, qui dépofant de la teneur & de la folemnité du (1) Jean Boiceau, fieur de la Borierie, étoit avocat au préfidial de Poitiers. On a, de lui, un commentaire latin & francois, fur Tarticle 54 de I'ordonnance de Moulins. II a fervi de bafe a Danty, avocat au parlement «le Paris , pour fon traité de la preuve par témoins. Boiteau avoit commencé a travailler fur la coutume de Poitou ; & c'eft en partie fur fes mémoires que M« Conflant, fon fils & fon neveu, avocats du roi a Poitiers , ont donné leur commentaire fur cette coutume. 11 devint aveugle fur la fin de fes jours, fans que cela 1'empéchat de confulter comme auparavant  & de Magdeleine Jollivet. 119 teftament }prouveront indirecïement qu'il a été figné de fept témoins qui font requis, On a vu, il y a un moment, que la. loi 6, cod. de fid. injlrum. décide que, quoiqu'un citoyen ait perdu les titres qui peuvent prouver ion état, il n'en foufïre point de préjudice. Cela prouve qu'il lui eft permis d'en faire la preuve par témoins. II y a même un autre cas, oü, fans qu'il s'agilfe de la perte d'un titre, la preuve par témoins eft recue directement en matière civile: quand il eft queftion de fcavoir 1'age d'un homme, & qu'on foutient qu'il n'a été baptifé que long-tems après fa naiftance; quoiqu'il y ait des regiftres de baptême en bonne forme dans i'églife oü il a été baptifé. On pourroit rapporter beaucoup d'autres cas femblables. Quelque éclairé que foit un légiflateur, il eft impoffible qu'il n'échappe rien a fa prudence; & fi 1'équité, qui eft la plus ancienne & la plus inviolable de toutes les loix, ne fuppléoit a ce qu'il n'a point prévu, il arriveroit tous les jours que la loi même ferviroit de fondement a 1'injuftice & a 1'opprelïion. C'eft  iio Hifloire de Beaufergent, pour cela que le préceur promet que, fi la fraude donne lieu a des cas pour lefquels il n'y ait point d'aótion, & qu'il foit jufte qu'il y en ait, il interpöfera fon autorité (i). D'ailleurs l'accufatrice eft dans le cas de I'ordonnance, qui, dans 1'article 11 du titre 20, admet la preuve par témoins , quand il y a un commencement de preuve par écrit. On voitmême, dans le procés-verbal de cette ordonnance, que M. le premier préfident de Lamoignon (z), en parlant (1) Qua dolo mald fiiêa effe dicentur, fi de his rebus alia aÜio non ent, & jufta caujfa ejfie videbitur, judicium dabo. L. i. jf. de dolo. (2) Guillaume de Lamoignon, naquit le 23 oef obre 1617; fut recu confeiller au parlement, le 14 décembre 1635 , maitre des requêtes le 5 décembre 1644; nommé premier préfident le 2 oftobre 1658; mourut le 10 décembre 1677, & fut inhumé dans 1'églife des grands cordeliers. II étoit iflu d'une des plus anciennes families du Nivernois. Elle tire fon nom du fief de Lamoignon, fitué dans le fauxb'ourg de Donzi, dont elle eft en poffeffion depuis le treiziéme fiècle, & qu'elle poffède encore. Guillaume de Lamoignon, chevalier, Seigneur de Lamoignon, vivoit fous les règnes de faint Louis, de Philippe III, dit le Hardi, & de Philippe IV, dit le Bel. Celui dont il eft ici queftion, elf un des plus grands hommes que le parlement ait eus. Le cardinal des  même en matzère ; Mazarin, en lui apprenant fon èlévation ala ! dignité de premier préfident, lui dit: fi le Roi ] avoit connu un plus honnéte homme, & plus i homme de bien , & un plus digne fujet , il ne vous i auroit pas choifi: paroles que Louis XIV ré: péta depuis au Cardinal de Noailles, en lui : donuant Farchevêché de Paris. M. de Lamoii gnon remplit les devoirs de fa place avec autant de fagefie, que de zèle ; il foutint les droits de fa compagnie ; il ;éleva fa voix en ' faveur du peuple; il défarma la chicane par : fes jugements. Enfin il crut que fa fanté & fa ■ vie étoient au public , & non pas a lui; c'éi toient fes expreffions. Ses liarangues , fes ré: ponfes, fes arrètés, font tout autant d'écrits folides & lurnineux; fon ame égaloit fon , génie. Simple dans fes mcaurs, auflère dans (a conduite, il étoit le plus doux des hommes , quand la veuve & 1'orphelin étoient a fes pieds. N'ajoutons pas, difoit-il, en parlant ; des plaideurs, au malheur qu'ils ont d'avoir des i procés, celui d'étre mal recus de leurs juges. , Nous fomrnes établis pour examiner.leurs droits, & non pas pour éprouver leur patience. II fe délaflbit des travaux de fa place par la littér;: ture. Les Boileau, les Racine, les Bourdaloue compofoient fa petite cour. II mourut le : 10 décembre 1677. On a, de lui ,un ouvrage connu fous le nom dUarrétés de Lamoignon, qui annonce la profondeur de fon génie, & 1'étendue de fes connohTances. Tome F". F  122 Hijloire de Beaufergent, bénéficïalc. A cela, M. Puifort répondit que 1'on avoit cherché avec beaucoup de foin tout ce qui pouvoit ajfurcr la ve'rité & la validité de ces regiftres; muis que toutes lesprécautions qu'ony avoit apportées nepourroientpas empêcher que, lorf quil y auroit des admimcules de preuves contraires , comme par un contrat de mariage , la preuve n'en put être recue; mais que 1'on n'avoit pas trouve a propos d'en faire mention dans 1'article. Or l'accufatrice n'a-t-elle pas plus que des adminicules de preuves dans les pièces qu'elle a produites ? II faut encore obferver qu'elle eft dans le cas de I'ordonnance, qui admet Ia preuve par rémoins, fi les regiftres font per dus , & qu'il n'y en ait jamais eu. Dès que l'acce de célébration de l'accufatrice a été écrit fur une feuille volante , & qu'il ne 1'a point été fur Ie regiftre, c'eft pour elle la même chofe, que fi le regiftre eut été perdu, ou qu'il n'y en eüt jamais eu. Ainfi, quand il n'y auroit rien de criminel dans l'aiFaire, la cour ne pourroit fe difpenfer d'accorder la preuve par témoins. Mais en vain 1'accufé cherche un afyle dans I'ordonnance, & prétend y trouver 1'impunité de fes crimes. Cett#  & de Magdeleine Jollivet. 123 ordonnance n'eft que pour les affaires civiles; Sc 1'on n'a jamais précendu que les crimes fuifent foumis a fes difpofitions. De quoi s'agir-il aujourd'hui ? De venger le public, de punir un polygame , de faire le procés a un facrilège, a un profanateur de la reiigion Sc de \ fes myftères, a un perfide qui, pour époufer une femme riche, a volé a celle : qu'il avoir époufée, Sc qui étoit peu ac, commodée des biens de la fortune, les 1 titres juftificatifs de fon état. Il s'agit i de condamner un accufé qui, pour cacher la baftèfte Sc 1'infamie de fa naiffance, a déchiré les regiftres publics de Nogent ; ces regiftres dont I'ordonnance, comme il le dit lui-même, a pris rant de foin pour les former Sc les , conferver ; ces regiftres pour lefquels elle a pris des précautions oü toute la prudence du légiflateur s'eft épuifée. Ce qui ..prouve que I'ordonnance ne regardé que les matières civiles dans le titre XX citc par 1'accufé, c'eft criiau cas que les regiftres foient perdus, ou qu'il n'y en ait jamais eu3 elle permet aux parties de faire des enquêtes refpectives: or les enquêtes ne font en ufage .que dans les matières civiles. M. de Lamoignon , dans le proccsFij .  124 Hifloire de Beaufergent, verbal de I'ordonnance, au titre XVII, des faits qui gijfent en preuve vocale ou litte'rale, art. VI, dit que, lorfqu'on alléguoit un fait d'ufure bien circonflancié, la preuve étoit admife. M. Puücrt répondit que l'ufure étoit un crime contre lequel la procédure extraordinaire étoit admife. Rien ne prouve mieux que I'ordonnance de 1667 ne s'étend que fur les matières civiles (i). Cette ordonnance n'a fait, la-deffus, que renouveller celle de Moulins. Elle eft faite dans le même efprit, &c admet la preuve dans les cas oü il peut y avoir du crime, comme dans le cas d'un dépot nèccffaire fait dans un incendie , ruine , tumulte , naufrage, ou en cas d'accident imprevu; art. III du titre XX; paree que (i) On trouve, dans la compilation de Néron, une note importante fur 1'article 54 de I'ordonnance de Moulins, Le fait, dit-il, des contrats fimulés eft reeevable en preuve teftimoniale, ainfi qu'il a été jugé par arrêt du 10 juillet ióor. Tout fait approchant au crime fe prouve par témoins , nonobftant I'ordonnance. Jugé par arrêts des 21 fevrïer 1584, & 5 mai de la même année) car elle s'entend du civ'il, & non du criminel. La preuve du dol & de la fraude eft regue, ainfi qu'il a été jugé par arrêts du 4 aoüt 1578, & du 21 juin 1580. L'ordonnance n'exclut point la preuve de la perte du titre.  & de Magdeleine Jollivet. 12,5 le dépofitaire ne peur, fans crime, refufer de rendre le dépot. C'eft la difir pofition du droit romain. Lorfque la néceffité oblige de faire un dépot 3 cette circonjlance augmente la perfidie du dépofitaire qui refufe de le rendre : le bien public exige qu'il foit puni (1). 11 réfulte de tout ce que vient de dire l'accufatrice, que ce n'eft point en éludant I'ordonnance par des détours captieux, qu'elle prouve que la permiftion de faire la preuve qu'elle demande , lui doit être accordée , puifque, fuivant 1'efprit de cette loi, elle pourroit même y être admife en matière civile. Mais enfin fi, comme le prétend Beaufergent , les crimes font foumis aux difpofitions de I'ordonnance de 1667, il faut avouer que loi n'a jamais été plus mal obfervée, & qu'il n'y en a point qui ait fouffert plus de contraventions. Elle défend la preuve par témoins dans tous les cas qui excèdent la fomme, ou la valeur de 100 livres :' Sc cependant on entend tous les jours (1) Ciim vcrb, exigentc ntceffitatc , deponat, crefcit perfidicz crimcn; & publica uüli'ate coercendum elf, vindicanda. reipubliccs. caufd. L. 1, § 4-ff- Depofui. r nj  126 Hifloire de Beaufergent, des témoins contre un larron qui a volé deux mille écus. Tant de voleurs qui avoient volé plus de i oo livres, & qui ont été fuppliciés depuis 1667, n'ont-ils pas feu que I'ordonnance ne permettoit pas qu'on informat conrre eux ? Tant de fages magiftrats , dont cette ordonnance eft 1'ouvrage, n'ont-ils pas prévu qu'en défendant la preuve par témoins au-deftus de 100 livres, ils obligeroient les larrons a ne plus voler que de groftes fommes? Les ridicules conféquences qui fe tirent naturellement de la prétention de Beaufergent, en font voir 1'abiürdité. Si, fans donner atteinte a I'ordonnance , on informe tous les jours contre celui qui a volé plus de 100 livres, ne pourra-t-on point informer contre celui qui a commis quantité de crimes plus énorm es, & dont la punition eft, pour le public, d'une conféquence infïniment plus grande ? De 1'argent volé n'intérelfe que celui a qui il a été pris. Mais des regiftres publics lacérés intéreffent tout le monde: ce crime trouble la paix & la tranquiilité des families;il y jette la confufion & 1'incertitude : il  & de Magdeleine Jollivet. 127 ote aux uns le titre juftificatif de leur qualité de mari Sc de femme, & aux autres la preuve de leur age, Sc de la légitimité de leur naiflance. La polygamie eft un facrilège, une infulte a la reiigion, une profanation de fes myftètes, une abomination dont le ciel Sc la terre demandent également vengeance , Sc que les païens mêmes ont déteftée. Tel eft cependant lef crime dont Beaufergent eft coupable, dont il eft accufé, Sc dont il ne veut pas que 1'on admette la preuve. Mais on devine facilement quel eft 1'intérêt qui anime tous les eftbrts qu'il fait contre 1'admiftion de cette preuve; on va les dévoiler. Ou il eft innocent, ou il eft coupable. S'il eft innocent, pourquoi s'y oppofe-t-ily puifque fon honneur demande qu'il foit iuftifié;que la preuve teftimoniale eft la feule voie par laquelle il peut étabhr fa juftification; Sc que l'accufatrice fera d'ailleurs condamnée en des réparanons civiles, Sc en des dommages Sc intéréts confidérables ? Mais, s'il eft coupable, il fubira ja peine due a fes crimes: voila ce qu'il appréhende. Ainfi, il ne croit pas qu'en accordant cette preuve, on lui fit ïnjuiF iv  128 Hifloire de Beaufergent, «ce ; mais il craint qu 'étant convaincu par cette preuve, d'être coupable, on ne lm rende trop ftriélement juftice, & qu'il ny ait une proportion trop exacte entre fes crimes & la peine. Encore une fois, vbiü tout 1'intérêt qu'il a de s'oppofer a la procédure extraordinaire : eet intérct déterminera-t-il les juges a la refufer ? Lorfque la demoifelle Marlot vivoit, on difoit : comment pourroit-on admettre la preuve par témoins ? Comment pourroit-on permettre une information, pour donner atteinte a un manage qui fubfiite, a un mariage fait avec toutes les formalités, en conféquence d'un déiïftement paffé devant notaires? Et pour donner encore plus de poids a ces confidérations, on alfuroit que la demoifelle Marlot alloit mettre un enfant au monde. ' Ces moyens, qui auroient été frivoles dans la bouche de 1'accufé, étoient fpecieux dans celle de la demoifelle Marlot. Mais aujourd'bui qu'elle eft morte, il n'y a plus ni mariage a troubler, ni inconvénient a craindre. La« bonne foi de la mère peut fuffire, pour donner a 1'enfant qu'elle a laiffé, la quahte de fils légitime.  & de Magdeleine Jollivet. 1x9 Encore une fois, de quoi s'agit-il, dans l'état oü fe trouve 1'afhire? De punir un facrilège, de venger la reiigion , d'apprendre au public que Beaufergent n'eft pas veuf de la demoifelle Marlot, mais mari de l'accufatrice -, &: de le mertre, paree moyen, hors d'etat de tromper d'autres femmes. On ne peut donc refufer a 1'acculatrice la preuve qu'elle demande. En la lui accordant, ce fera fuivre la voie frayée par la jurifprudence des arrets. En voici un du mois de juillet 16 3 6, rapporté par Gautier (1) dans fon fepticme plaidoyer. (x\ Claude Gautier étoit furnommé, au palais, Gautier la gueule. Quand un pla.deur vouloit intimider fa partie, il la menaco.t de lui Idchcr Gautier. Son eloquence n etoit point réglée ; c'étoit des fallus & des imLuofJs fort inégales. Son teu s'ete.gnoit même dans le repos, & il avoit befoin d etre animé par 1'aftion. De-la vient que fes plaidoyers imprimés, fur lefqucls il avoit reflechi , ne font que de foibles copies de leurs oridnaux. II mourut le 16 feptembre 1666 , agé de foixante-feize ans. C'eft de lui, que Boileauadit: Dans vosdifcours chagrins, plus aigre & plus mordant, Qu'une femme en furie, ou Gautier en plaiiant. v "* Sat.IX, vers 17. ÏV  130 Hiftoire de Beaufergent, ■ Francoife de Clermont avoit époufé le baron de Caftelnau. Le mariage fat declaré nul, pour raifon de 1'impuiifance du mari. M. du Bouchage , préfident a mortier, rechercha la dame de Clermont. U étoit en age de pouvoir fe maner fans le confentement de fa mèrece mariage étoit fortabie: cependant il fit entendre a la dame de Clermont qu'il avoit grand intérêtque fa mère n'en eüt pas connoiffance. Elle confentita tout ce qu'il defira. II Ia mena dans une de fes terres, fit publier les bans dans 1'églife de fa paroilfe, prit une permiffion de Ion cure, pour faire célébrer le mariage par un prêtre étranger. Cinq témoins aiïifterent a la cérémonie; 1'acte de célébration fut infcrit fur une feuille de papier volant, & remife au fieur Defpones, parent de M. du Bouchage. II n'habira point avec fa femme; elle n'en prit point la qualité; elle ne connoiffoit meme pas celui qui étoit dépofitaire de fon^cte de mariage. Deux enfans naquirent de cette union : le premier vint au monde avant terme, & mourut incontinent : l'autre fut enlevé par fon II y avoit un an que Gautier étoit mort quand cette pièce parut en public,  & de Magdeleine Jollivet. 131 père, fans que la mère feut ce qu'il étoit devenu. Cette conduite donna enfin de 1'inquiétude a la dame de Clermont. Elle prelfa M. du Bouchage de la reconnoitre pour fa femme, 8c de déclarer fbn mariage. II dit qu'il a des fcrupules, 8c qu'il ne croit pas ce mariage bon. Il cherche des confultations, pour mettre , , dit-il, fa confcience en füreté. II s'a! dreffe enfin a 1'évêque de Lifieux, 8c a | quelques religieux, a 1'avis defquels il promet de fe foumettre. Ils lui déclarent que le mariage eft bon. Alors, dit Gautier, de fcrupuleux qu'il étoit, il devint parjure. 11 fe flatta que les cinq témoins qui avoient aflifté au mariage, & que le prélat & les religieux confultés ne dépöferoient pas contre lui: les témoins, paree qu'ils étoient . fes parens, & les autres, paree qu'ils ne pouvoient pas révéler un cas de coufcience qui leur avoit été confié. Perfuadé qu'on nè pourroit former de preuve contre lui, M. du Bouchage fe faifir de la feuille volante ou 1'acte. de célébration étoit écrit, & dénia le mariage. La dame de Clermont, fuivant I'ufage de ce tems - la, prit des ' letrreï F vi  -ï 3 2 Uijloïre de Beaufergent, d'examen & futur (i),qui 'lui permirenr ^enquête tfexamen d futur étoit une enquête qui fe faifoit par avance , pour einpécher que les preuves, dont on auroit pu avoir befoin dans la luite, ne pérhTenr. Quelqu'un craignoit-il d'avoir un procés en demandant, ou en défendant, & que la preuve des faits qui pouvoient fervir a fa caufe ne pent, ou par 1'éloignement des témoins qui pouvoient sWenter, ou par leur mort, etant vieux & valétudinaires ; ü les faifoit entendre par précaution, & avant même que 1'afFaire , qui étoit 1'objet de 1'enquête , fut comrnencée; ou que la caufe fut conteftée : c*eft-a-dlre, avant que ïe juge eüt prononcé aucun réglement fur l'affaire. Car ü faut trois chofes pour que la conteftation foit réputée liée; la demande , la défenfe , & une prononciation quelconque du juge. Jufqu'a ce moment, Ia conteftation n'eft point liée ; il n'y a point ce qu'on appelle conteftation en caufe. Pour parvenir a 1'enquête a futur, il fajloit obtenirdes lettres de chancellerie , adrefiées au juge devant qui 1'examen devoit fe faire. Elle n'avoit lieu qu'ën matière civile, & ne fe pouvoit faire ni en matière criminelle.ni en matière benéficiale. Elle a été abrogée par I'ordonnance de 1667. On a confidéré qull étoit très-dangereux que la preuve de faits füt rectte, avant qtie la conteftation füt formée, fans que la partie adverfe en put faire une contraire. D'ailleurs ceux que I on fuppofoit moribonds, ou prêts a entrepreadre de longs  & de Magdeleine Jollivet. 133 de faire entendre des témoins, tant fur la validité de fon mariage, que fur la fouftradion de 1'ade de célébration. M. du Bouchage s'oppofa a 1'exécution des lettres; & tout ce qü'il dit pour rnoyens d'oppofition, Beaufergent le répete dans cette caufe. II foutint que, s'il y avoit eu des bans publiés, il falloit en rapporter la preuve par écrit; que, s'il y avoit eu un mariage, il falloit juftifier de la célébration par un acte en bonne forme; que la preuve de la fouftraétion de eet acte étoit inadmiffible -r que les ordonnances ne permettoient point qu'on prouvat un mariage par témoins; que la preuve en devoit être tirée des regiftres de la paroitfe; enfin que, quand il y auroit un mariage , il feroit nul, n'ayant point été fait par le propre curé de la dame de Clermont. On n'eut point d'égard a toutes ces raifons. M. du Bouchage fut déboutéde fon oppofition, & il fut permis 'a fa femme de faire preuve qu'il 1'avoit époufée, & qu'il avoit fouftrait l'ade voysges, vivoient long-tems, cm reftoientr chez eux; & cependant leur dépofition , quï ne manquoit jamais d'ètre favorable a celui qui 1'avoit fait faire, ne laiffoit pas de caufetr quelque préventioE dans 1'efpritdes juges.  134 Hifloire de Beaufergent, de célébration de mariage. M. du Bouchage prévint l'informarion; il reconnut le mariage, Sc vécut avec fa femme. L'accufé a rerracé tous les arrifices de M. du Bouchage ■ Sc fi l'on ótoit les noms, on croiroit que la caufe de ce magiftrat eft celle que la cour doit juger. L'arrêt rendu pour madame du Bouchage n'eft pas le feul dam cette efpèce. Gueret en rapporte d'autres dans fon eommenraire fur le chapitte 50 de la première centurie de M. Lepreftre. En voici encore un autre. Jacques Bojfuet, feigneur d'Aiferay , avoit époufé, dans un village du Dauphiné, demoifelle Reine Roujjel. II n'y avoit d'autre preuve de ce mariage qu'un fimple certificat, qu'il mit entre les mains de fa femme. II nia, dans la fuke,ce mariage, Sc s'infcrivit contre le certificat, qui futdéclaré faux. II ne reftoit donc a la demoifelle Rou(fel3 aucune preuve par écrit. Cependant elle rendit plainte pardevant le lieutenantcriminel, des manoeuvres mifes en pratique par fon mari, pour la priver de toutés_ les pièces qui pouvoient établir la réalité de fon mariage. Ce juge informa; Sc cette information dornia lieu  & de Magdeleine Jollivet. ï 2 pourfuite & diligence } & aux frais de ladite Bragard , il fera informé par-devant le juge royal de Gap ; fcavoir que ledit J pofer. f > Ainfi toutes les raifons alléguees par Beaufergent, pour empêcher qu'on n'admette l'accufatrice a la preuve qu'elle demande , font de vains prétextes. Quand elle aura fait entendre le curé de Saint Jean-en-Grève, &c Thibert qui ont vu les pièces juftificatives de fon 1 mariage; quand elle aura fait entendre les quatre doéteurs de Sorbonne , qui onr décidé que Ie mariage étoit bon quand enfin , elle aura encore fait en: tendre plufieurs témoins a Nogent, qui  140 Hifloire de Beaufergent, font inftruits du mariage; la vérité paroitra dans tout fon éclat, confondra Beaufergent, le convaincra de parjure & de bigamie; & annoncera l'arrêt favorable qui doit venger une femme vertueufe de 1'infamie dont fon perfide époux a voulu la couvrir. C'eft ainfi que cette caufe célèbre a été débattue de part 8c d'autres, & aprcs avoir été appointée le 11 avril i6"oo, elle fut jugée définitivement par arrêt du 3 aoüt 1701 , au rapport de M. le jDoux de Melleville. « La Jollivet fut déboutée des Iettres n de refcifion qu'elle s'étoit fait délivrer r> contre le défiftement par elle donné » de fon oppofition a la publication des j> bans du mariage entre Beaufergent & » Ia demoifelle Marlot. Sur 1'appel jj comme d'abus de la publication du j> monitoire fifire a la requêre de la » Jollivet, il eft dit que le monitoire a j» été mal, nullement & abufivement » oótroyé. Sur 1'appel comme d'abus interjetté par la Jollivet de la fentence » de 1'officialité de Paris du 14 aoüt » ió"o8, portant main-levée de ladite « oppofition, & de la célébration du 35 mariage entre ledit Beaufergent 8c » Cütherine Marlot, il eft dit qu'il n'y  & de Magdeleine Joüivet. 141 „ a point abus 5 ladite Jollivet condamL nee en 1'amende, pour raifon de „ 1'appel dont elle eft déboutée. Sur „ 1'appel interjetté par Beaufergent de „ la procédure faite par-devant le lieu„ tenant criminel de Chartres , cette „ procédure eft mife au néant; la Jollivet „ déboutée de fa demande en permif„ fion d'informer par addition fur les „ faits contenus en fa plainte _ rendue » devant le lieutenant criminel de „ Chartres : déboutée pareillement de s fa demande en permilfion d'informer „ des lacérations prétendues faites dans „ les regiftres de baptême & de mort „ de la paroifte de Nogent-le-Roi, & „ de la prétendue polygamie dudit », Beaufergent: condamnés l'un & l'autre „chacun en 100 liv. üaumone puui i= „ pain des priibnniers de la concierge« rie du nalais : Beaufergent condamnc » en 20000 liv. de dommages & mte» rêts envers ladite Jollivet. Sur le fur„ plus des demandes & conclufions des „ parties, elles font mifes hors de cour ; „ tous dépens compenfés. A été arrête „que Beaufergent paieroit ïes cpiL« f, & frais du préfent arrêt. Epices 200 j3 écus. » Cet arrêt, qui eft jufte dans fon pnnJ  14a Hifloire de Beaufergent, cipe & dans fes conféquences, mérite quelque attention. Il eft certain que les regiftres de baptêmes & de fépulrure, quand ils font en règle, ont toute foi en juftice, & que la preuve teftimoniale nepeut être admife contre les faits qu'ils contiennent; leurénoncé fait une preuve complette. Mais on ne peut pas dire que leur filence foit la preuve de ce qu'ils ne contiennent pas. Mille crimes, dont il eft permis de rendre plainte, &c de faire i»former, peuvent empêcher 1'infcriprion d'un acre qui devroit y être faite. Ce n'eft donc pas paree qu'une femme lie peut être admife a établir la fouftraction des titres qui juftifientfon mariage, que la Jollivet a été déboutée de fa demande , c'eft que le mariage dont elle fe ptévaloit contre Beaufergent étoit nul, d'après même 1'expofé qu'elle en faifoit. Or il étoit inutile de 1'admettre ö prouver un mariage nul; puifque cette preuve, eut-elle été complette, ne lui auroit pas acquis la qualité de femme légitime. Elle n'avoit donc point d'intérêt a empêcher que Beaufergent épousat la demoifelle Marlot: 1'oppofition qu'elle avoit formée a ce mariage étoit donc  & de Mag-deleine Jollivet. 141 fans fondement. Elle n'avoit donc pas pu mterjetter appel comme d. aous cie ia fentence de 1'ofticialité qui avoit donné main-levée de fon oppofition •, ni de la célébration d'un mariage, auquel elle ne pouvoit reprocher d'autre vice, que celui d'avoir été contracté par un homme mi'elle difoit êtte fon mari; mais qui , dans le fait , ne i etoit pas. eir. Annr avec raifon au'elle a été condam- née en 1'amende prononcée par I'or¬ donnance contre ceux qui ont mal-apropos interjetté un appel. ïl fuit encore de la nullité de fon mariage, que Beaufergent n'étoit pas bigame, puifque fon premier mariage étoit nul. La plainte que la Joüivet avoit rendue de ce premier crime étoit dont fans fondement. Beaufergent avoit cependant féduit cette malheureufe fille par les apparen■ ces rrompeufesd'un mariage feinr; car, quoiqu'il n'exiftat aucune preuve légale de cette union illufoire, il étoit difficile de ne pas croire qu'elle avoit exifté. Mais , quand il n'en feroit pas venu jufqu'a certe profanation, il n'eft pas moins vrai qu'il 1'avoit féduite, foit parl'appat d'un mariage , foit par celui . des richeftes promifes. II étoit majeur;  144 Hifoir e de Beaufergent t il étoit riche : elle étoit mineure, Sc mal partagée des biens de la fortune. D'ailleurs , jufqu'au moment oü il 1'avoit connue , elle avoit vècu d'une manière intacte ; & les fentimens qu'il avoit eu 1'art d'infpirer a ce cceur neuf Sc fans expérience 1'avoient déterminée a refufer une alliance honnêre & utilej celle du fieur Gabriel. Ce n'étoit donc pas les richelfes Sc les titres qui lui avoient fait préférer Beaufergent, qui -n'étoit alors que clerc de procureur; tandis que l'autre jouilfoit d'une fortune bien établie, & de charges qui ne pou'i voient que 1'augmenter. 11 étoit donc jufte que ce féducteur payat des dommages Sc intéréts a cette infortunée, a laquelle il avoit fait manquer un tel mariage, Sc qu'il avoit déshonorée. Peut-êrre les 20000 liv. qui lui furent adjugés n'étoient-ils pas fuffifants , pour réparer les dommages que la malheureufe pallion que lui avoit infpirée fon féducteur lui avoit caufés. C'eft au moins ce qu'en penfa alors le public, qui avoit concu autant de compallion pour elle , que d'indignation contre 1'auteur de tous fes maux. Ses charmes ajoutoient encore a 1'intérêt cue la trifte lituation avoit fait naitre. u  & de Magdeleine Jollivet. 14^ ïlfaiitavouer, d'un autrecóté, quelle n'étoit pas a 1'abri de tout reproche. Ou le mariage dont elle avoit demandé a faire preuve avoit été célébré; ou il ne 1'avoit pas été. Dans le premier cas, elle avoit vècu avec fon amant dans un concubinage fcandaleux & punilfable. Lesfentiments que la féductien avoit pu lui infpirer , 1'efpoir des richelfes dont on 1'avoit éblouie, ne 1'excufoient point ; elle méritoit de fubir la condamnation en 1'aumóne prononcée contre elle. Dans le fecond cas, elle avoit contraclé un mariage réprouvé par routes les loix du royaume. Elles ne veulent pas que les mineurs aienr, relativement a ce contrat, d'autre domiciie, que celui de leurs pères, mères, tuteurs ou curateurs. II eft vrai que le filence des père & mère de la Jollivet pouvoit faire préfumer leur confentement, &: que ce moyen d'ailleurs ne pouvoit être propofé que par eux. Le mariage d'un mineur fans le confentement de fes père & mère eft, comme on 1'a dit, un outrage fair a 1'autorité de fes parenrs, Mais, comme eet outrage leur eft perfonnel, pux feuls ont droit de s'en plaindre, §C leur filence ne peut être fuppléé pat Tomc V. G  146 Hifloire de Beaufergent, perfonne. Ainfi le confentement prcfumé des père & mère de la Jollivet, la détachoit, pour-ainfi-dire, de leur domiciie , & la mettoit, quanr a fon mariage avec Beaufergent, dans le rang des majeurs. Mais cette circonftance he lui donnoit pas la faculté d'acquérir un domiciie aurre que celui qui eft requis par les ordonnances. Or il eft certain qu'elle n'étoit pas domiciliée a Nogent, quand elle s'eft mariée. Cette cérémonie s'eft faite pendant un voyage de deux mois tout au plus ; & ce féjour n'avoit pu leur acquérir , ni a l'un , ni a l'autre , le domiciie requis par les ordonnances, pour changer d'évêque & de curé. Ecoutons, a ce fujet, Péditde 1607 : ordonnons t voulons & nous plak que les ordonnances des Rois nos prédécejfeurs 3 concernant la célébration des mariages , & notamment celles qui regardent la necejfité de la préfence du propre curé de ceux qui contraclent , foient obfervées : £■ en exécution d'icelles, défendons a tous curés & prêtres , tant fécu/iers , que réguliers , de conjoindre en mariage autres perfonnes , que ceux qui font leurs vrais & ordinairesparoiffxens } demeurant «.cluellement & publiquement dans leur  & de Magdeleine Jollivet. 147 paroijfe} au moins depuis fix mois , è. I'égard de ceux qui demeuroient auparavanc dans une autre paroijfe de la même ville, ou dans le même diocèfe } & depuis un an } pour ceux qui demeuroient dans un autre diocèfe, fi ce n'efl qu'ils en aient une permijfion fpéciale , & par écrit du curé des parties qui contraclent s ou de l'archevêque ou évêque dioeéfain. Or le domiciie public & conftan: de Beaufergent & de la Jollivet étoit certainement a Paris \ & ils étoient bien cloignés du féjour prefcrit par cette loi, pour acquérir domiciie dans le diocèfe de Chartres. lis ne pouvoient donc s'y marier fans la permiilion fpéciale & par écrir de l'archevêque de Paris. Er cette infraclion a la loi méritoit la punition prononcée contre eux, par la condamnation en 1'amende. La Jollivet, non plus que Beaufergent, ne pouvoit fe défendre par fon ignorance. «Toutes les régies, dit Domat, 55 liv. préliminaire, tit. 1 , feót. 1 , n°. o, 5J doivent être ou connues, ou tellement 35 expofées a la connoiflance de rout le 5> monde , que perfonne ne puilTe im55 punément y contrevenir, fous prétexte 3J de les ignorer. Ainfi les régies natuij relles étant des vérités immuables, Gij  148 Hijlóire de Bezufergsnt, „ dont la connoiffance eft c-ffenrielle a „ la raifon , 011 ne peut dire qu'on les „ air ignorées , comme on ne peut dire ,j qu'on ait manqué de la raifon qui les „ faitconnoltre. Mais les loix arbitraires „ n'ont leur effen qu'après que le légtfla,. teur a fait tout ce qui eft pofnble pour „ les faire connofcre. Ce qui fe fait par „ les voies qui font en ufage pour la puJ5b lication de ces fortes de loix 5 & après » qu'elles font publices , on les tient » pour connues a tour le monde , & „ elles obligent autant ceux quiprctenj> droient les ignorer, que ceux qui les » fcavent (1) », ( I ) Leges fjcrat\(pma , qucz ccr.Jlrir.gunt hominum vi.'-J, intelligi ab omnibus debent; ut untvtrR, przfcripro earum manïfejTitts cq'gnho, vel inhibita declinent, vel permijpz fcÜentur. L. 9. C. de legib. CenJlitutior.es principum nee iznordte cuemquam, nee dijjimuhre perir.ittimus. L. as , ccd. de jur. & faa. ign. Omnes popidi legibus urn J nobis prcmulgj'.is, cudm compofitii reguntur. %. I. in fin. in proem. inftit. Kcc in ed tt rnfticitjti venia prabeatur, cum naturali rstiohe kor.cr l:ujufmodi perfonis debea'.ur. L. %, cod.de in jr.svoc. Jejn Dumat naquit a Clermont en 1625, 6c fat avocat du Roi au préfidial de cette ville. Son fcavoir, fon intégrité & fa droiture le rehdirent 1'arbirre de fa province. Les £>litaires de Port-Royal,avec lefquels il étoit  & de Magdeleine Jollivet. 149 La feule chofe qui pourroir paroitre furptenante dans eer arrêt, c'eft que ie procureur général n'air pas rendu plainte de la lacération du regiftre de Nogent imputée a Beaufergent, pour dérober la preuve de fa naiftance adultérine. Le motif qui avoir porté^ la Jollivet a I dénoncer ce fait étoit d'étabhr que , 1 li Beaufergent avoit eu l'audace de lacé: ter tin regiftre public, il étoit, a plus 1 forte raifon, capable de s'emparer de la ■ minute d'un contrat de mariage, & de [ celle de Pafte de célébration. Mais 1'inj térêr qu'elle avoit de faire cette preuve, : ne fubiiftoit qu'autant que le mariage fort lié, prirent fonvent fon avis fur des maI tières même théologiques. II recut les derI niers foupirs du grand Pafcal, dont il avoit • été 1'ami le plus intime. Son ouvrage inti] tulé : les loix civiles mifes dar.s leur ordre . naturel, eft un monument éternel de fa , fcience &de fes talens. Ceux d'entreles jurifconfultes qui croient que, pour bien s'inftrui. : re, il faut puifer dans les fources, font fadié: qre ce üvre foit fi bien fait Stfi répandu. II a fait négliger 1'écude du droit roniain, & a fortné bien de prétendus fcavants qui croient pouvoir, au moven de ce ïivre,ie difpenfer de lire la loi dans la loi même, & négligerit même de fe précautionner contre les erreurs échappées a 1'autcur. Donut mourut * Paris, en iÓ96,agé de foixante-dix ans. G iij  i^o Hiftoire de Beaufergent, dont elle fe prévaloit auroit été légitime, Ne 1'étantpas, elle n'étoit plus capable de pourfuivre la preuve d'un crime qui n'avoit aucune relationperfonnelle avec elle. Mais la chofe étoit affez importante , pour que le miniftère public, fous la fauve-garde duquel fonr tous les dépots publics, cherchat a s'inftruire du fait, Sc des auteurs du fait. Quel fut le motif de fon filence ? II faudroit, pour 1'exphquer ?. être au fait de circonftances particulières, dont le tems a effacé la memoire, Sc qu'aucun écrit ne nous a confervées. La fupprefTion de la feuille qui conftate un mariage eft fansdoute un crime énorme. Mais il femble que voici un cas, oü il peut paroitre excufable , au moins au yeux de ceux qui ne font pas chargés de la manurention des loix, & qui n'ont pas affez réfléchi pour voir que la füreté publique n'admet aucune excufe contre les délits qui attaquent les titres & 1'ordre de la fociété. C'eft M. Gayot de Pitaval qui rapporte cette hiftoire. II n'en donne pour garant que lui même: on y ajoutera la foi que 1'on croira qu'elle peut mériter. Une yeuve fort riche Sc fort agée ,  & de Magdeleine Jollivet. i^l fe kiffa enflamer par les cajolleries d'un jeune-homme qui n'avoit d'autres fonds & d'autres revenus que ceux qu'il pouvoit tirer des agréments de fa perfonne. Ils fe marièrent, fans éclat, fans contrat de mariage, dans une des terres de la vieille. Ainfi, aux termes de la coutume, le mobilier de la bonne-femme, qui étoit confidérable , enrroit en communauté ; & le jeune-homme en devenoit propriétaire pour moitié. Il fe promettoit d'ailleurs de prendre fi bien fes i mefures que tout le bien de fon epoufe : tourneroit a fon profit. A peine notre étourdi eut-iï recu la bénédiction nuptiale , qu'il fit eclater le mépris & le : dégout qu'il avoit pour fa fempiternelle , & felivraa toutes les diflipations que fon age & fa nouvelle fortune hu infpirèrent. Sa femme bien alfurée des fentiments qu'il avoit pour elle; & jugeant que le tems ne feroit que les affermir, partit unjour pourlacampagne, fous prétexte i de quelques affaires, & fe rendit dans I k terre oü elle avoit époufé fon ingrat. A force de préfens, elle obtint du curé qui avoit fait le mariage , qu'il fupprimit la feuille qui en faifoit foi; & c'étoit la feule preuve qui fubfittat de cette alliance. G iv  i $ 2 Hijïoire de Beaufergent, Quand le jeune homme eur diffipé l'argëut qu'il s'étok réfervé aH dépar: de fon époufe, ii prit Ie chemin de Ia retraite qu'elle avoit choifie, dans I'incention de puifer dans Ie coffre de fa femme, de la lailfer fe morfondre dans a campagne, & revenir fe livrer en liberté a tous les gouts. II fe préfenre a Ia porre du chateau : on lm dit que madame ne voir perfonne, & on lui demande {ón nom. II croit que ce nom va faire ouvrir toutes les porres: mais on lui déclare que 1'entrée lui eft abfolumenr 'Sc ncmmément interdite. II prend le ton de maitre; on hu laiiTe dire tout ce qu'il veut; mais on tient impitoyabJement la porte fermée. La dame vint enfin au vacarme , & lui confeilla charitablement de ne pas fe donner les airs de faire aucune vioence, quautrement on lui donneroic les crnvières. II eut beau dire a cette dame qu'il étoit fon mari, & ie maïtïe de la maifoii : on lui répondit qu'il n'avoit aucune de ces qualités, & qu'on n'avoit eu garde de les lui lailfer prendre , paree qu'il ne les avoit jamais tneritées. Qu'on 1'avoit recu ouelquetois comme ami 5 mais qu'on lui retran-  & de Magdeleine Jollivet. tty choi: encore celle-la, paree qu'il n'étoit pas fait pour la conferver. II vit bien que la partie n'étoit pas égale , & qu'il n'auroit pas 1'avantage , s'il entreprenoit de forcer le nombre de domeftiques qui foutenoit la ma'itreffe de la maifon. Il fe retira, fe promettant bien de fe faire faire radon par la juftice. Mais il ne put venit a bout de prouver fon mariage: fa femme perttfta a vouloir refter veuve ; & il rentra, par fon ingratitude , & par fon étourderie, dans l'état de misère d'ou elle 1'avoit tiré. Gv  LA BELLE ÊPICIÈRE. H-quis Semitte , après avoir éré laquais dans la maifon de Baüleul (i), parvint, je ne fcais comment, a fe faire marchand épicier a Paris, & i gagner beaucoup de bien. II quitta le commerce en détail, & acheta une charge znjerdeau du Roi (2). II continua cependant Ie commerce d'eau-devie en gros, & y gagna des fommes connderaoies par Ie fecours de celles qu'il trouva au befoin chez deux banquiers nommés l'un Goy 3 & l'aurre Auger. Semitte fut épris des charmes de Gabnelle Perreau 3 fille d'un marchand de la me faint Honoré. Elle réunifioit> (1) Voyez ci-defius, p. 32. (2) On appelle ftrdtau un officier qui recoudes mains des gentüshommes fervant, es plats qui fe lêvent de la table du Roi On les porte dans un endroit qui fe nomme auflï Jerdeau, ou mangent olufieurs officiers fervant aupres de la perfonne de S M  La Belle Eplcière. 155 aux attraits de la beauté, tous les avantages de la taille, les graces Sc la noblefle du maintien. Tant d'attraits éblouirent Semitte, qui fe contenta d'une dot de 4000 livres. Il fe feroit eontenté de la fille, fans aucune dot. Elle n'étoit alors agée que de feize ans , Sc paroiffoit ne pas fe douter qu'elle füt faite pour plaire. La douceur de 1'union de ces deux époux ne fut altérée dans les commencements, que pat quelques inquiétudes de jaloufie de la part du mari. Elle étoit d'abord fans motif raifonnable ; mais la femme ne tarda pas a y donner matière. Le banquier Goy 3 que les liaifons* d'intérêt qu'il avoit avec Semitte 3 attiroient fouvent dans la maifon, fentit le pouvoit des charmes de Gabrielle Perreau. Il déclara fes fentiments a labelle , dont Ie caraétère Sc le tempérament formés pour Ia galanterie ne s'é-' toienr pas encore développés. Mais la jaloufie du mari avoit d'abord aliéné le cceur de fa femme-. L'amant fut écouté, Sc devint heureux. Ce commerce ne fit qu'enflammer le goüt de cette femme, pour les plaifirs de 1'amour. Juger 3 qui fréquentoif auffi dans la maifon, par les mêmes' G vj  i La Belle Epicière. motifs qui y attiroient Goy , ne vit nas impunement la belle Epicière, donc ii parvmt k partager les faveurs avec fon confrère. Ces deux amants fe firent part de leur bonne fortune, & fe concertèrent pour ne pas fe nuire refpeétivement. Cette doublé intrigue fut conduite, dans les commencements, avec précaution. La jaloufie du mari lui faifoit oien entrevoir la vérité ; mais ne poüvant fe procurer de lumières eertaines, il dévoroit fes inquiétudes, dont il ne pouvoit néanmoins s'empêcher de Lfifier échapper quelques fignes. II vouloit s'epargner le ridicule que 1'on répand fur les pauvres maris tourmentés par cette paifïon: mais fa peine étoit d'autant pius cuifante, qa'M fe faifoit plas de violencepour la cacher. Un jour que fa femme badinoit avec fifl, & le raiiloit fur fa jaloufie, dont il ne vouloit pas convemr, elle lui dit: « je gage que m ne ferois pas homme » a me laiffer faire, vous m entende* » bien, comme un rel, qu'elle nomma cetoit dans le tems que couroient dans Ie monde ces vaudevilles oni avoient pour refrein : vous memendei bien. Le Jnari, qui vouloit toujours caeher la  La Belle Epicière. i vouer, fuffiront pour mettre en état de lui faire 1'application de ces portraits. Le premier trait, eft le billet écrit & figné de fa main; billet qui n'a point d?exemple, & qui feul doit fuftire pour £rire connoitre le peu de cas que 1'on doit faire de 1'accufateur &c de 1'accu• fation. Gabiielle Perreau , perfuadée que fon mari ne peut lui permertre ce que la reiigion & 1'honneur lui défendent; que s'il dépend de lui de la difpenfer de ce qu'elle lui doit, il ne peut la difpen fer de cequ'elle doit a Dien & a elle-même, a été bien éloignée de s'autorifer ni par 1'exemple , ni par la permiifion de ce mari. Elle n'a recu & n'a confervé ce billet, par 1'avis de perfonnes fages , que comme une preuve écrite du peu d'eftime que fon mari faifoit de fon amour, & de la juftice des plaintes qu'elle en avoit fouvent fait a fa familie, êc a lui-même. Ce font ces plaintes qui font la fource du procés fcandaleux qui fait aujourd'hui la matière de toutes les converfa-  ïo2 La Belle Epicière. tions. II n'a été intenre que paree que ia femme de Semitte étoit regardée comme une furveillante incommode , dont on vouloit fe débarrafter: le mari jpour être plus libre; la fervante, pour etre maitreffe fans partage. La fervante a difpofe 1'efpnr du mari par les foupcons qu'elle lui a infpirés ; le mari amoureux de fa fervante, a admis ces loupcons avec joie. II a confulté 1'affaire; les docteurs de Ia chicane, pour 1 attirer dans un procés qui leur produiroit des dépens, 1'ont amorcé, en lui promettant de lui faire adjuger la dot & le profir de la communauté. Cet appat a achevé ce que 1'averfion Sc le mépris avoient commencé. Le fecond trair eft celui que Semitte lui-meme a publié & articulé dans des aétes judiciaires. Sa femme, a-t-il dit, lui a donné des faveurs cuifantes qui proviennent de fes débauches. Mais cette imputation horrible n'étant point etabhe par 1'informarion, ii la chofe eft vraie, le mari doit être regardé comme rauteur de la contagion. Suppofons ce fait vrai; le mari qui 1'a avancé , qui la fait valoir comme un moyen dans fa caufe, ne peut plus le nier; & fa femme eft en droit d'en tirer, a fon avantage 3  La Belle Epicière. 163 toutes les conféquences qui en peuvent réfulter. Semitte accufe fa femme d'adultere ; & fon accufation n'eft point vague ; il nomme les complices ; il les a jundiquement accufés; ce font les fieurs Goy bc Auger. S'ils ont vècu avec Gabrielle Perreau dans 1'intimité que fon mari lui reproche, ils ont certainement été infeótés de la maladie dont parle Semitte , foit qu'il en foit Pauteur, foit qu'il 1'ait recue de fa femme. Qu'il indique le tems ou fa femme &C lui ont été affligés de ce fléau. Si les deux prétendus adultères l'ont éprouvé dans le même tems; ce fera, fi 1'on veut, une préfomption de leur commerce criminel avec 1'accufée; mais ce ne fera pas une preuve j puifqu'il feroit pofïible qu'ils euftent été infeétés par une autre fource. Si, au contraire , ils n'ont jamais été atteints de cette maladie, ou s'ils ne l'ont pas été dans un tems qui puiflequadreravec celui dont il fe plaint, il eft certain que fon imputation porte a faux ; que le crime dont on les accufe eft une calomnie; que s'ils font innocents, fa femme l'eft aulfi, puifqu'ils font les feuls qu'il dénonce comme fes complices. Mais, encore une fois, tant que Ie  i6*4 La Belle Epicière. mari ne prouve pas qu'il n'eft poïnr 1'auteur de la contagion, la préfomption eft contre lui. Cette préfomption , jointe auxfaits dont fa femme fe plaint, Sc dont elle demande a faire preuve , érabliffent le libertinage de Semitte. II a d'ailleurs fourni lui-même une preuve par écrit que Pefprir de débauche a étouffé , dans fon cceur, tous les fenriments d'honneur. II ne fe foucie ni d'aimer fa femme, ni d'être aimé d'elle; puifqu'il 1'autorife a prendre qui elle Youdra pour amant, & a les multiplier autant qu'il lui plaira : elle peut en un mot faire avec qui elle voudra, vous m'entende* bien. Semitte n'a pu, par fa conduite, Sc par l'éc'rit fcandaleux qu'il a remis a fa femme, 1'induire a le deshonorer, & & fe manquer a elle-même. Mais iln'a pas vonfu perdre le fruit de la réfolution qu'il avoit prife de facrifier fon honneur aux vues d'intérêt qui lui avoient infpiré la complaifance apparente dont il avoit füt tin piège a la vertu de cette chafte époufe. II fcavoit bien qu'en fait d'adultere , le mari a 1'avanrage de pouvoir être aceufateur contre fa femme, fans qu'elle puiffe entreprendre ce róle contre hit.  La Belk Epicière. 16$ L'cclat d'une telle accufation auroit arrcci tour autre que Semitte. Mais 1'ïnterët a , fur fon cceur , bien plus d'empite que rhonneur. Pour faire teuffir une telle entreprife, il nefaut que des témoins 5 SC Semitte en a feu trouyer dans des fervanres complices de les debauches , Sc dans des gabons qui font a fes gages. IViaiS UUL:> li.n^«u— i x d>r que Semitte ne foit ecqute. La première fe tire de 1'indignité de Pacoifateur j Sc cette indigmte refulte de Li petmiffioh qu'il a donnée a fa femme, mi écrit, de fe proftituer. Elle refulte de la licence de fes mceurs, dont cette perrniffion eft , entre les preuves qui en exiftept , une des plus confiderables. < Quoique la femme , fuivant le droit Eomain, ne put feporter accufatrice des d'réalements de fon mari, elle pouvoit les propofer Sc les faire valoir pour fa d" Entre plufieurs difpofitions fur cette matière , on en cirera deux qui font precifes. Le juge auquel l'adult.re ejt dé'féré, dit la loi, doit fe faire informer fcrupulcufement fi le mari , vivant dans laehafleté, donne h fa femmel exemple des bonnes mceurs aüil veut au elle prati-  i66 La Belle Epicière. que. Car ce feroit le comble de l'injuflke qu'il vecut dans la débauche, & qu'il exigeat que fa femme fut un modèle de chafteté (i). Si Gabrielle Perreau avoit été affez foible & affez malheureufe , pour tomber clans la faute dont on 1'accufe injuftement, G les fuppofitions qu'on a dictees a des témoins plus que fufpects croient amant de vérités , la loi, comme 1'on voit , fermeroit la bouche a fon man , & nepermettroitpas de 1'écoucer. Mais Semitte eft dans un cas bien plus défavorable encore que celui qui eft prévuparla loi.II n'eft pas befoin, pour que le mari foit non-recevable, qu'il ait introduit 1'adultère auprès de fa femme; il n'eft pas befoin qu'il lui ait donné par écrit lapermiflion de fe proftituer; il n'eft pas befoin qu'il la lui ait donnée verbalemenr, ni même par un confentement tacite : il futur, pour qu'il foit indigne de 1'accufer, qu'il 1'air fimplement expofée au danger par fon mauvais exemple. (i) JuJex adultcrii anti oculos habire debet, & inquirere, an markus pudicè vivens, mulieri quoque tonos mores c.lendi autor fuerit. Periniquum er.im videtur ejfe, ut pudickiam vir ab uxore exigat, quam ipfe non txhibtat. L.i\, 9-5>f-"d leg. M. de adult.  La Belle Epicière. i6y La feconde difpofition mérite attenÖon. Le mari pouvoit intenter, contre fa femme, deux fortes d'aótions. La première avoit pour objet de reftituer la dot a la femme que le mari avoit répudiée pour raifon de fa mauvaife conduite. Cette aétion étoit purement civile; il ne s'agiflbit que de leurs intéièts pécuniaires refpeétivement. L'autre acrion étoit la dénonciation direófe de 1'adulrèrede la femme : celleci s'intentoit criminellement , & par la voie de 1'accufation. Par la première, le mari, après avoir répudié fa femme, prétendoit qu'il devoit garder la dot, paree que , par fon adulrère, elle s'étoit rendue indigne d'en demander la reftitution : enforre que 1'adultère n'étoit pas le principal objet de la conteftation ; il ne venoit que fubfidiaitement, pour appuyer la principale demande. Par l'autre aétion , au contraire , la plainte en adultère étoit le véritable objet de la conteftation. Le mari demandoit vengeance de Pinjure que fa femme lui avoit faite , en fouillant le lit nuptial; & s'il demandoit a garder la dot, ce n'étoit que fubfidiairement,  Ït58 La Belle Epicière. Sc comme une des peines qu'il préren- doir que la juftice devoit infiiger a fa femme. La loi, fur ces objets, décidoit deux chofés. L'une que le mari n'eft reeevable ni dans l'une, ni dans l'autre de ces deux acrions, quand, par fon approbarion , foit exprelTe, foit tacite ; foit deyant, foit après, il a lui-même aurorifé la vie licentieufe de fa femme. • L'autre, que le mari ne peut fe difpenfer de lareftitution de la dot, fous prétexte de 1'adultère auquel il a luimême confenti. Quand c'eft par la connivence du mari que la femme s'en eft rendue coupable, pourquoi prétendroitil profiter d'une débauche qui eft fon ouvrage, ou qu'il a approuvée? Ce font les termes mêmes de la loi (i). r Semitte fe flatteroit donc en vain de réunir le plaifir d'accufer fa femme d'adultère, & la fatisfaótion de fe faire adjuger fa dot & fes autres conventions matrimoniales. Si elle étoit coupable, ce ne feroit que du confentement de eet infame mari 5 Sc ce ne (1) Cum muiier, viri lenocinio , adulterata fuem, nihil ex dote retinetur. Cur enim improbet maritus mores quos aut ipfi corrupit, aut pofieaprobavh? L.47,ff.folut, matrim. feroit  La Belle Epicière. 169 feroit pas un fnnple confentement ta1 cite & de tolérance, qui 1'auroit autorifée; mais un confentement expres; 1 une permiifion par écrir: ou, pour mieux idire, il feroit lui-même coupable de . i'adultcre de fa femme, fi elle eut été : capable d'ufer de la permiffion qu'il lui • avoit donnée; Sc la juftice lui reprochei roit de 1'avoir induite au crime, pour fe ménager un prétexte d'accufation contre elle, & un moyen de lui enlever fa dot, La loi nous dit qa un mari qui, pour imprimer fur fa femme une tache d'igno\minie} introduiroit aupres d'elle un aduU ' tére, & arrangeroit les chofes de manière qu'il la prit fur le fait, feroit puni comme i coupable du crime que les Latins appel'loient lenocinium, & la femme feroit punie comme adultère (1). Ici le mari eft le feul coupable, puifique fa femme n'a pas tombé dans le i piège qu'il avoit tendu a fa vertu, en 11'autorifant par écrit a fe proftituer. Elle eft innocenre euvers le public: elle 1'eft bien plus encore en vers fon mari, puif- (1) Si vir, infamandm uxoris fuquand on y a donné atteinte, Sc peut-il en demander vengeance ? Ne le perd-il pas entiérement, au moment qu'il y , renonce ? Hij  1J% La Belle Epicière'. La feconde réflexion qui doit faire impofer filence a Semitte , roule fur les reproches qui doivent faire écarter les témoins entendus contre fa femme. Jeanne Piijjon & Catherine Labbé, qui ont été, toutes les deux, fucceifivement fervantes chez Semitte, en révélant les prctendus crimes de leur maltrelfe, ayouent leur propre turpitude. Blies étoient, d'après ce qu'elles difent * elles-mêmes , les confidentes & les complices des actions dont elles dépofent. Elles prêtoient leur miniftère & leurs fervices a ces plaifirs criminels qu'elles impurent a leur maitreife. Si 1'on en croit la PliJJbn, elle a recu de 1'argent de Goy, pour lui faire fcavoir les heures ou Semitte étoit forti, afin qu'il eüt le loilir d'exprimer libremenr a fa mairrefle 1'amour qu'elle lui avoit infpiré. Quand, après plufieurs de ces entrevues, les deux parties ont été d'accord, elle a encore recu de 1'argent de Goy , pour Pineroduire, le matin, en 1'abfence du maitre, dans la chambre de fa maitrefle avant qu'elle fut levée, ou pendant qu'elle faifoit fa toilette. Lorfqu'ils étoient enfemble dans cette chambre, elle faifoit le guet, pour prévenir toute furprife, de la part  La Belle Epicière. _ i 73 'da mari. Si 1'heure a laquelle il devoit rentrer approchoit, comme ces deux amants ne comptoient pas les moments qu'ils paflbient enfemble, elle les avertifloit par un fignal convenu. Quelquefois ce fignal n'étoit pas capable de les déterminer a fe quitter; elle entroit, & les rrouvoit dans des poftures Sc dans des ; tranfports qu'il n'eft pas poifible de de- crire. Quelquefois I arnvee du mari ne donnoir pas le tems a 1'amant de s'évader. La Piïjfon le cachoit alors dans fa chambre, ou dans quelqu'autre réduit, oü il reftoit, jufqu'a ce qu'on eüt trouvé un moment favorable a. fon évafion. Cette fille fait enfuite les mêmes détails, a-peu-près fur le compte cl'Jager j Sc ajoute que ces deux rivaux ne fe font jamais trouvés en concurrence ; i qu'elle étoit bien affurée que quand Vuk ■ éroit avec fa maitrefle, l'autre ne fe préfenteroit pas pour y ctre introduit. Elle ajoute que, malgré toutes les : précautions que 1'on prenoir y la fréquentation continuelle Sc alternative de : ces deux amants n'avoit pu échapper en. tiérement au mari ; Sc qu'ayant bien imaginé que ce qu'il foupconnoir ne pouvoit avoir lieu, fans qu'elle füt d'inHiij  174" La Belle Epicière. telligsnce & fans qu'elle y prétat les mains, il 1'avoit chaffée. Catherine Lahbi lui fuccéda. Elle fut quelque tems fans foupconnerdes intngues de fa maitrefle. L'afliduité des deux amants ne la furprenoit point. Ils etoientamis du mari, mangeoient fouvent a k maifon avec lui, parloient fouvent de leurs affaires. Les tête-a-tête qu ils avoient alternativement avec k femme, ne lui étoient pas fufpects : eiJe les atmbuoit i l'amitié, & a leurs affaires. Elle commenca enfin a foupconner que ces deux meffieurs traitoient avec la femme, d'autres affaires que celles qu'ils traitoient avec le mari. tlle voyoit fouvent Francais Bertrand potter & rapporter des'lettres : elle voyoit fouvent, quand fon maïtre étoit a fon fervice a Verfailles, fa maitrefle monter en carroffe, & faire emballer avec elle du vin, de la viande, & d'autres provifions. Quelquefois, elle y monroit feule, & donnoit 1'ordre au cocher d'aller a la porte, foit de l'un, loit de l'autre des deux banquiers. D autres fois, ils venoient la prendre en voiture chez elle', & ils partoient tous enfemble. Ces parties fe faifoient  La Belle Epicière. 175 toujours le matin, de bonne heure; Sc fa maitrefle ne rentroit jamais que fort tard. . On s'appercut enfin que cette falie voyoit plus clair qu'on ne 1'auroit defiré. On paya fa difcrétion y Sc on 1'amena a fervir d'introduétrice aux amants, Sc d'efpionne, pour prévémr les furprifes de la part du man. Comme les rendez-vous ne fe donnoient plus, de fon tems, les matins a la maifon, il arrivoit fouvent qu'après un tête-atête, foit avec Goy, foit avec Auger, on 1'appelloit, pour qu'elle raccommodat promptement le lit avant que le mari put le trouver dans le défordre oü on 1'avoit mis. D'après ces détails, Sc plufieurs autres, dans lefquels on ne pourroit entrerfans outrager la pudeur,que penfer de créatures qui dépofent de pareilles chofes ? Ne fe renclent-elles pas ellesmêmes indignes de toute croyance? Elles s'accufent d'avoir vendu Sc hvré leur maitrefle aux adultères; d'avoir fait, en quelque forte, commerce de fes charmes. Or tout le monde connoit le nom que 1'on donne a ceux Sc a celles qui exercent eet infame commerce ; tout le monde fcait qu'ils font couverts Hiv  *f* .Ld Belle Epicière. rGenleT^He Jes infam« nepeuvent ne p C^m°T^ en jufnce i * S dra-!Ieurs P°""oir-on ajouter a des WBVient elles-mêmes leur propre tur eft dans le cas dn comme umquement occupé des mef! %es galants de fa maureife, & comme lentremettenr &l agent de toutes fes Pames de débauche. II etoitgarcon chez les c0urres au'exigeoit Je CQmmerce e ion rmnre Les commiffions dont U GoVtt ^^^-^ouventchez cde a ces deux amoureux demettre, par Ie moyen de Pargent, ce perfonnage dans leurs mtérêts. Son ndniftère ™ dautant plus commode, que les voyages qu'd faifoit chez eux ne pou! votent êtrefufpeétsau mari, quf Vy envoyoKfréquemmentlui.même^'ail7 leurs, etantaufait du détail des affan s cd. dadeguer des prétextes pour sac-  La Belle Epicière. 177 Bemand fut donc chargé de porter les billets doux, d'avertir le galant de 1'abfence du mari, d'aller chercher les carrolfes, de faire les provifions, de les emballer. Souvent, quand on étoit sur que le mari ne reviendroit pas de la journée, on le menoit au bois de Boulogne, ou dans les autres endroirs qu'on avoit choifis pour le théatre des plaiftrs de Bacchus Sc de Vénus. On 1'employoit d'abord comme domeftique; Sc on le tenoir écarté dans les moments ou 1'on n'avoit pas befoin de fon fer.vice. On fe familiarifa peu-a-peu avec lui; 011 1'admit a table : on ne craigiiit point de fe permettre certaines privautés en fa préfence. Enfin on poulfa 1'ef- ! prir de débauche jufqu'ane pas roiigix i de confommer le crime en fa préfence. L'infamie, dont ce malheureux fe couvre lui-même par ce récir, ne le rend^ elle pas abfolument indigne de toute croyance ? Et, fi 1'on pouvoit imaginer : que c'eft la vérité qu'il a dépofée, loirr ! de 1'admertre au nombre des témoins , le miniftère public ne feroit-il pas dans Fobligation de le pourfuivre, pour lui t faire infliger les peines prononcées, contre ceux qui fe rendent coupables. du crime dont il s'accufe lui-même ?. Hv  178 La Belle Epicière. Cette réfiexion doit s'appliquer aux deux fervantes. D'ailleurs ces dépoürions fe détruifent par 1'aiFectation que Ton a eue de charger les faits aux dépens de Ia vraifemblance. Qui pourra jamais croire quune femme , quelque débordée qu'on la fuppofe, étant en puilfance de mari [ a.vant Par conféquent des mefures a. garder, s'abandonne fans pudeur, fans retenue , lans précaurion , aux excès dom: ces trois perfonnages ne craignent pas de cbarger leur maitrelfe ? 11 n'eft pas fans exemple qu'une femme galante metteun domeftique dans la conÜdence ce Ion intngue. Mais elle ne s'v détermine qu'après s etre bien alfuree de fa nifcreaon & de fon adreife. Ici 1'on en voit une qui a pour contidents tous ceux qm 1'entourent; qui ne prend aucunes precautions pour dérober fon fecret a fon mari; qui ne fe borne pas i donner i fes domeftiques de fimples ioupcons, en leur confiant les mauves, & le fmn de guetrèr pour prévenir^Ies iurpnfes du mari; elle les rendfpectateurs de fes crimes. Quand ces faits leroient vrais , il ne feroient pas vraiiemblables; & la juftice ne pourroit les aamettre.  La Belle Epicière. 179 La troifieme réflexion concerue le ftyle des dépolitlons. Elles font rédigées ]_„ nnp fuirf nni fnftl- avec un oituc, »■« "~—1— roient pour les rendre fufpeftes ; chaque • r 1 J_ C„.~„ A'.C&ranrc • maïs témoin pane ae wi« ^ ----- ces faits font arrangcs par degres , Sc tellement concertés , qu'on voit , au premier coup-d'ceil qu'ils font 1'ouvrage de la fuggeftion. On a bien penfc qu'il falloit les diverfiher : mais, i force de précautions, on a mis a découvert 1'art qui a préfide a 1'ouvrage. Car , quoique , felon le langage de ces faux témoins, ils fuiient tous egalement conlidents de la prctendue débauche de leur maitrefle , on n'en voit pas deux qui dépofent du même fait: on a diftribué a chacun un róle différent \ Sc tous les róles ont été variés avec foin , Sc avec art:: mais la calomnie ,s'eft manifeftée elle-meme a\ force de chercher a fe cacher. D'ailleurs chacune des aventures que ces prétendus témoins racontent , eft un crime ; mais chacun de ces crimes n'étant prouvé que par un témoin , ü eft conftantqu'aucun n'eft prouve. Lour faire une preuve , il faut au moins deux témoignages uniformes$ c'eft-a-dire qui H v|  1S0 La Belle Epicière. concernent le même fan, & détailfen? les meines circonftances. SI 1'on objecte que Paduitère cberche le fecret evite les témoins; on répon- les tenebres avec autant & plus d- nrécaution Qu'un témoin charge un parncuber d'un homicide ou d'un vol qu un fecond témoin charge le même accine d un autre vol, ou d'un autre homicide, m mlW ne f ^ preuve. L'adultère, quelque horreur qu'il mfpire aux gens d'honneur , quelque permaeuxqu'iIfoica.l'ordre'delar ciete, n apas le privilège d'être cru plas |cilement quelafTaffinat.il faut quÏe fait fur Iequel on prétend en fonder le agement foitprouvé de la manière qua les loix ont établie; c'eft-a-dire pjfc depoficwn umvoque de deux témoins > paree qu en un mot ce n'eft que par Pao cord de deux témoins fur un même fait que la vente: peut être établie, 8c que la J^^**««m« Si ie Sme fauffieP F0UVi' raccufa«on eft juffie, ou du moins fans fondement: oc 1 on doit la rejetter. ' Dira-t-on que, fur chaque fait particulier, on ne pouvoit trouverdeux té-  La Belle Epicière. i8t molns concordants ? Mais, fi cela eft , c'eft que le fait principal n'exifte paa. D'ailleurs, fi les dépofitions des témoins étoient véritables, ils ne pourroient pas n'être point concordants, puifque, felon eux-mêmes , ils étoient tous cgalement confidents, & même fpeétateurs. Cetpendant chacun eft unique fur chaque fait. Aucun d'euxne prouve donc nen$ finon qu'ils mentent tous. Semitte répondit que les motifs que 1'on prérend 1'avoir dérerminé aintenter &c peurfuivre fon acrion, font. une catlomnie, par laquelle on eflaie de de~ tourner les regards de la juftice , d'une vérité que 1'on redoute. C'eft 1'intérêt,. dit-on, qui 1'a porté a fe deshonorer lui-même , & a pourfuivre fa femrn» comme une proftituée.. Il ^©olu , d'ailleurs , ajoute-t-on , fe debarrafler d'une. furveillante ineommode , qui le gênoir dans fes plaifirs criminels. _ Mais on fe borne » alléguer ces xaits ; on ne les prouve pas, & 1'on n'offre p«s de les prouver j paree qu'on fent qu'il feroit impoffible d'en fournir la plus légere apparence de preuve. Ce font cependant ces allégations qui font la bal*  i8i La Belle Epicière. principale de la défenfe de fa malheureule femme. . rI!.s'e" faut bien que ISdtérit lui ait infpire le delir de la dcpouiller des juues pretentions qu'une vie honnête lui auroit données fur Ia moitié de la fortune qu'il s'eft procurée par fes travans , Sc qu'ij ne defiroit dWment-r que pour le bonheur d'une époufe dont le cceur faifoit tout 1 objet de fes delirs oes darmes feuls 1 avoient attaché i elle, Ia regularité de fa conduite , pendant les premières années de leur mariage & les graces de fon efprit avoient joint lafohdité de 1'elfime a 1'amour qui avoit determiné fon choix Ces fentiments, dont tous ceux qui I ont connu ont eté les témoins, n'étoient guere compatibles avec Ia débauche qiionluiimpute; & dont fa conduite , fes complaifanees , fes inqaiëtudes julqu au moment ou il a été forcé d'éclater , font de fors garanrs. En un mot , les prétextes dont fa femme veut éompofer une fin de nonrecevoir contre lui, font détruits paria notonete publiq„e; & ne font rétablis" par aucune preuve; on n'ofe même nfque, de 1 offnr, cette preuve.  La Belle Epicière, ^ 183: Le fieur Semitte n'a clonc été déterminé a la démarche qu'il a faite , que 1 par 1'éclat que les excès de la Perreau. faifoient dans le monde. II n'avoit plus. de mènagements a garder, pour fauver 1 cette partie de 1'honneur marital qui eft : attachée a la conduite de la femme. II n'avoit par lui-même aucune célébrire ; il étoit deftiné a pafter fa vie dans cette : obfeurité qui enveloppe tous les citoyens 1 ordinaires, donr 1'exiftence &c le nom 1 ne s'étendent pas au-dela d'un petit eercle de gens confondus comme eux dans lafoule. Mais les débordements connus de cette malheureufe 1'avoient^ rendu fameux dans route la capitale, ou on lut donnoit une place dinftinguée parmi e es maris infortunés dont le nom, & 1'épithète que 1'on y joint, font un fujet perpétuel de rifée. II n'a donc rien ajouté a fa bonte,, quand il a entrepris Paction qu'il pourfuit. 11 a, au contrairerétabli fon honneur , autant qu'il étoit en lui, en annoncantau public qu'il ne vouloit pas que fa'maifon fut le théatre des proftitutions d'une feconde Melfaline j & qu'il fouhaitoit que 1'autorité de la juftice arretat le cours d'un fcandale fi pernicieux pour les bonnes mceurs , & que la reiigion abhorre,  184 La Belle Epicière. II a d'ailleurs une fille nee de Tom manage, & dans un tems ou la mère nes etoit pas encore permis les infidéhtes dom il fe plaint. Pouvoir-il laiffer devant les yeux de eet enfant, un exen> Ple capable de la corrompre , pour ainfi dire, des Ie berceau l - Ên un mot, il ne relève Ia turpitude de fa femme, qu'afïn de prouver qu'il ny trempe point ; pour féparer fon •bonneur du fien , & tranfmettre a fa Wie celui qui M appartient dans fo=a integntc. Tels font les fenriments ; tels font les monfs qui ont infpiré fa démarche. Lespretenduesfin de non-recevoir qui. ne font puifées que dans la calomme, ainfi ecartées, paffons aux autres moyens. • La compenfation des crimes réels de cette femme, avec les crimes imarinaires quelle impute a fon mari , ne lui a pas aam être un moyen fuffifant pour excufer "exces de fon libertinage r. e e a fait valoir un billet par lequei elle pretend que ce mari l'a autorifée i fe proftituer & qu'elle a gardé par Ups,dit-elle,deperfonnesfages.P Suppofons que ce billet foit férieux • quelle femme s'amoriferoit jamais d'un  La Belle Epicière. iS"<$ pareil écrit; a moins qu'elle n'eut le coeur corrompu , qu'elle n'eut prévenn cette permiflion, & qu'elle ne fe fut déja plongée dans le défordre ? . Quel eft ce prétendu fage qui lui a confeillé de garder une parefile pièce ? A-t-il cru qu'elle en impoferoit a la juftice , & que, trompés par un acte aufliillufoire, les magiftrats fermeroient les yeux fur une débauche fcandaleufe , &c iroient même jufqu'a 1'autorifer ? Mais la Perreau n'a pris confeil que d'elle-même, & de fon gout pour la débauche a laquelle elle a cru pouvoir, a 1'abri de eet écrit, s'abandonner impunément. Elle l^avoit (car on ne manque guère de s'inftmire des chofes qui inréreflent nos paflions dominantes ) elle fcavoit que la pourfuite de 1'adultère eft exclufivement réfervée au man; que toute autre voix que la fienne ne peut , furce crime, être enrendue en juftice. Elle n'avoit donc qu'un accufateur a redouter. Elle a cru qu'elle lui impoferoit fdence par le billet qu'elle a eu 1'adrefte de lui extorquer. II ne pourra pas , fe difoit-elle , être écouté , s'il fe plaint d'une chofe que je n'ai faite que par fon aurorifation, & en vertu d'une permiffion par écrit..  l8cT _ La Belle Epicière. Mais 1'illufïon d'un tel raifonnemene ne peut féduire perfonne. II fuffit d'afturec que ce billet eft le réfultat d'un badinage entre le mari & h femrne pour en être cru. 11 n'eft pas poiïiblè dê croire qu'un homme , & fur-tout un man amoureux & jaloux , puilïe faire autrement un pareil écrit. Al'égard desreprochesque^nÊZ/tf Perreau fait aux témoins, elle veut les reruter paree que leurs dépofitions font luivies, paree que le tiftu d'hiftoire qui en refulte eft bien lié; paree que , l'un nous apprenant une circonftance qui a echappé a l'autre, ils compofent entre eux toutle tableau de Ia vie dérédée de cette femme. Cette réfutation eft bien fmgulière. füe reproche les témoins, paree que leurs dépofitions mettent dans tout fon jour la vénté qui 1'accable. Qui ignore qu entre plufieurs écrivains , témoins oculaires de la même hiftoire , l'un eft frappe d'une circonftance, dont l'autre n eft point affecté ■ que celui-ci, de fon cote, aura éré frappé d'un trait qui n'aura tot nulle impreffion fur le premier? Amh , pour avoir une hiftoire entière ilfautraftembler leurs narrations, & les londre enkmbk, pour en former w leul corps.  La Belle Epicière. 107 Cette femme veut fe faire un bottelier de fon impudence. Paree qu'elle a confié fes intrigues a plufieurs perfonnes , elle ne veut pas que fon eftronterie , qui eft prouvée, foit vrai-femblable. Les femmes galantes, il eft yrai, ne la pouftentpasordinairement filoin; & 1'exemple des débordemenrs de Gabrïclk Perreau eft un exemple rare ; mais il n'en eft pas moins vrai. D'ailleurs il n'eft pas unique. Meffalïne epoula publiquement fon amant pendant 1 abfence de Pempereur Claude fon man. Gabrielle Perreau, lancéeune fois dans la carrière du vice, n'a plus connu de bornes , & a cru que foutenue par ce billet qu'elle fait tant valoir , rien n'étoit capable de 1'arrêter dans fa courfe. D'ailleurs elle n'a pas eu plufieurs confidents a la fois , dans la même circonftance. Elle n'a pris qu'un domeftique pour témoin de telle partie de plaifir , mais elle en a pris un autre pour telle autre partie de plaifir; par cette conduite, chaque aventure 11'a eu qu'un témoin : mais la preuve de fes défordresn'en eft pas moins complette. Les jurifconfultes ontexaminé fi chaque fait qui peut fervir a prouver 1'mfidélité d'une femme mariée, doit ne-  ï88 La Belk Epicière. ceflairement être établi par deor tói «umrles différentes dépontions , fi£ afcer Ja verité. U P°Ur en La connexité, ou la coacurrénce des SBeft que Jor% sagit de prouver un meutre ou nn Ma L a> 44. 7' ■ 4' Mo1- Ald B°ër- decif.  La Belle Epicière. 189 1 que, dans ces matières, les domeftiques : font témoins nécelfaires , & que leur 1 témoignage ne doit pas être rejetté , quoique , par la déférence qu'ils font oblio-és d'avoir pour ceux auxquels ils font°foumis , ils aient été forcés de faire leurs fonctions ordinaires dans des : occafions qui donnent fujet a un mari t de fe plaindre de la conduite de fa femme (2). Ainfi Gabriclle Perreau reproche vainement Jeanne Pliffon, &c Catherine Labbé 3 fervanres de Semitte , paree qu'elles ont été complices du crime. C'eft dans ce cas , que le témoignage de pareils complices devient néceflaire. Les domeftiques , obligés d'obéir , font excufables, en quelque facon, devant les hommes, quand ils fe chargent d'une commiifion qu'une maitrefle coquette leur donne , & quand ils exécutent fes ordres. Sur ces défenfes refpeétives, intervint, au Chatelet, le 17 Février 1693, I une fentence par laquelle « Gahrielle u Perreau fut déclatée duement atteinte (1) AdmittuiLT ai teftmonium foetus, vel particeps crinünis. Alex. confil. 13 ,1. 17.  Ï90 La Belle Epicière. « &c convaincue d'avoir vètn en com„ merce de débauche avec Goy Sc Auoer x 8c pour réparation, condamnée d etre » conduite & enfermée dans une mai» ion rehgieufe, ou réguliere, & de n cloture, qui fera indiquée par fon » man, pour y demeurer pendant deux » ansjpendantlefquelsfon mari pourra " la «prendre, li bon lui femble: iinon » & ledit tems palfé, rafée, pour y de» meurer fa vie durant. En conféquence „dechue de fa dot, de fes dooaire, » prsciput & autres avantasesportéspar » ion contrat de mariage. Afcegard def» dits Goy Sc Auger, condamnés d Être » mandes &admoneftés; avec défenfes » de recidiver, hanter & fréquenter " ladlce Perreau, fous telle peine qu'il » appartiendra; chacun en mille livres " J aüm°ne, applieables aux néceffités » des pnfonmers du Chatelet; & aux «depens folidairement avec ladite s> Perreau, envers Semitte, pour rous » dommages & intéréts. Et attendu - I ecnt produit au procés, que ledit » Semitte a reconnu être écrit'& fim,é » de fa main, ordonné que les dot » douaire, préciput ,& autres avintages »> portes par ledit contrat de mariale » ieront & demeureront3dès-i-préfent  La Belle Epicière, 19T i» adjugés au profit de la fille de Semictt „ & de Gabriellc Perreau; fur lefquels ,■> fera pris ce qu'il coiiviendra foumir » a ladite Perreau 3 pour fa penfion , ;» nourriture, entretien, tels que de j> raifon Gabrïelle Perreau interjetta appel de cette fentence. Sur eet appel, Semitte obtint un arrêt qui ordonnoit qu'elle fe rendroit en prifon , &c que fes amants ! fe rendroient aux pieds de la cour, pour y être inrerrogés. La vivacité de ces pourfuites ,& la rigueur des jugements qu'elles avoient produit déterminèrent la Perreau a faire propofer a fon mari, par fa mère & par une de fes amies nommée Pafdeloup 3 qu'il confenut qu'elle fe retirat dans un couvent, pourvu-qu'il 1'v pnrrerint honnêtement. Semitte 1 / c u.— „orkal ^ W . U.U111UI Uil IU.11W1.V...V". . - propofition. Mais fa femme, que fa confeience avertilfoit que la fentence : feroit confirmée , que fon mari auroit le choix du couvent, qu'il ne choifiroit pasle plus commode & leplus agréable; qu'il ne manqueroit pas de la faire rafer après les deux ans expirés ; que fes deux amants feroient forcés de payer la fomme a laquelle ils avoient été condamnés , &c de fubir le défagrèment de fe voir;  192. La Belle Epicière. admonefter, fa femme , dis-je, ne crue pas devoir fe contenter d'un confentement verbal : elle chercha a s'en procurer un juridique. Ellepalfa, le 16 Mars, un acte pardevant notaires , par lequel elle fe défifta purement & fïmplemenc de fon appel; déclara que le billet qu'elle avoit produit, & portam permiilion de faire avec qui elle voudroit vous m entendei bien , n'avoit été écrit qu'en badinant, & a 1'occalïon de quelques railleries qu'elle avoit faites a fon mari fur fa jaloulie, qu'elle lui avoit fait accroire qu'elle avoit déchiré & jetté eet écrit au feu. Mais il s'en falloit bien que ce défiftement & cette déclaration fulfent fincères; elle ne cherchoit qua gagner du tems , pour fe donner le loifir de faire tomber le pauvre Semitte dans quelque piège quj annullat la fentence qu'elle avoit obtenue, & format conrre lui une fin de non-recevoir invincible qui la mit a 1'abri des pourfuites qu'il pourroit continuer au fujet de fa conduite palfée. Gabriellc Perreau avoit appris qu'une réconciliation , nefüt-elle que momentanée , pourvu qu'elle füt de nature a pouvoir être prouvée juridiquement , éteindroit toute la procédure qui s'étoit faite  La Belle Epicière. 193 faite contre elle. Pour prévenir , autant qu'il dépendoit d'elle, Peffet de Pacquiefcement & de la déclaration dont on vient de parler, elle protefta feerétement chez un notaire différent de celui qui avoit recu l'autre acte. Après cette précaution , elle rit fignifier le défiftement a fon mari qui, en recevant la iïgnification, protefta qalelle ne pourroic lui nuire 3 ni préjudicier, & qu'il y réjsondroit en tems & lieu. La Perreau, qui comproit toujours que fes charmes pourroient reprendre -fur le cceur de Semitte 1'empire qu'ils avoient eu avant que les outrages qu'elle lui avoit faits , euftent converti fon amour en mépris, fïc diverfes tentatives , pour 1'attirer dans quelque entrevue, &c 1'engager dansquelque démarche qu'elle put faire paffer pour une réconciliation. Mais n'ayant pu y réuffir, elle. prit le parti de le furprendre par une rufe qu'elle imagina, qu'elle communiqua a la Pafdeloup, lapriant de luiaider; avec promeffe de cinquante piftoles , li elle réufliftoir. Ce projet étoit que la Pafdeloup feroit venir Semitte chez elle , fous quelque prétexte; que Gabrielle Perreau 1'attendroit dans une chambre ; que le Toute V. I  194 La Belle Epicière. voyant ehtrer, elle fe jetteroit a fon cou, lui demanderoit pardon, 1'embrafferoit tendrement, & 1'entrahieroit de gré ou de force fur un lit de repos préparé , auprès duquel on auroit ajufté la ricelie d'une fonnette, qu'elle tireroir pour donner le fignal a un commiifaire apofté, qui viendroit, avec des témoins , » drelfer un procés-verbal de l'état oü il auroit trouvé le mari & la femme. Le projet échoua , paree que la Pafcltloup ne voulut pas fe prêter a cette trahifon, Gabrielle Perreau fut obligée d'entrer dans le couvent des Bénédictines de la rue des poftes. Cette cloturene fut point unobftacle au plaifir qu'elle fait fe precurer de voir au moins fon cher Goy. II lui rendit plufieurs vifites clans le parloir du couvent, & fe glnfa plufieurs fois dans une petite cour fur laquelle étoit une fenêtre de la chambre de fa maïtrelfe, Le mari fe plaiguita la fupérieure, de fa facilité. La Perreau reiferrée plus étroitement s'exhala en injures & en imprecations. Semitte • inftruit de ce qui fe paifoir, crut devoir s'armer de 1'autorité de la juftice, pour captiver une femme auffi effrénée. 11 continua fes pourfuites, &c obtint un fecond arrêt, le 27 Septembts  La Belle Epicière. 19^ 1693 , qui ordonnoit 1'exécuricn du premier, &qu'enconféquence Gabrielle Perreau feroittnmsférée dansles prifons de la Conciergerie , que Goy &c Auaer fes complices feroient tenus de fe préfenter aux pieds de la cour , lors du jugemenr ; finon qu'ils feroient pris au corps. A peine fut-elle arrivée dans la prifon, . que , pour éluder les fuites du procés ; pour lequel elle étoit détenue , elle ren! dit plainte des mauvais traitements qu'elle difoit avoir effuyés pendant fa ; tranflation du couvent a la Conciergerie. : Mais elle échoua dans eet incident, qiufutbientót expédié , & fa procédure fut déclarée nulle. Le 21 octobre, elle préfenta une requêre, par laquelle elle demanda d'être dcchargée de 1'accufation ; que fon mari fut condamné en 10000 livres de dommages & intéréts, & en tous les dépens. Elle prit enfuite des lettres de refciiion contre 1'acte de défiftement qu'elle avoit fait de fon appel. Mais fe défiantdes moyens qu'elle fe propofoit de faire valoir pour fa défenfe, elle changea bienrot de langage. Au lieu de periifter dans les impurations de calomnie dont elle avoit chargé fon mari  3 ig C La Belle Epicière. par fa requête , elle prétendit, au contraire, qu'il lui avoit pardonné &t qu'J s'étoit reconcilié avec elle. Ce changement fut le premier fruit des confeilsd'un homme célébré qu'elle trouva dans la prifon. Elle n'y étoit pas renfermée avec les autres femmes, Elle étoit logée dans le lieu qu'on appelle la penfwn; & avoit , comme toutes les perfonnes qui y fonr , la liberté de voir a fon gré , les aurres prifonniers, Le Noble (i) étoit du nombre. Cet homme (i) Euftache le Nohle naquit a Troyes en 1643. II defcendoit de le Noble, bailli d' Ar val an 1383 , charge qui ne fe donnoit qu'a la jsoblelTe. Son aïeul étoit confeiller au grandconfeil, & fut confeiller d'état. Son père étoit préfident & lieutenant- général a Troyes. Celui dont il s'agi.t iq fut procureur-général au parlement de Metz. II jouiffoit d'une réputation brillante, & d'une fortune avantageufe, lorfqu'il fut accufé d'avoir fait, a fon profit, une faulfe obligation de yooo livres qu'il fupppfoit lui avoir été paffée par le fieur GirauJin, lieutenant-criminel de Troyes. On 1'accufoit auffi d'avoir voulu étnyer cette obligation de plufieurs aétes faux. II ne forma ia demande qu'après la. mort de fon débiteur. La conteftation fut portée au chatelet, oü le Noble futconftitué prifonnier. 11 prit le fieur Belui fon rapporteur a partie. II échoua dans cet incident; & donna lieu a l'arrêt du 4 juin 1699 (r, tom.4,p. 574), qui défend  La Belle Epiclèrè. 197 toienoit i la vivacité de 1'efprit, & aux acrrlmenrs de la converfatión, une figure aimable & prévenante. II étoit dune saille avantageufe & bienproporaonnee. =. Lescharmes extérieurs de ces deux pri, fonniers firent refpectivement fur leurs , de prendre les juges inférieurs apartje, fans , nvt! pcrmiffion du parlement Par fentence j du 1 juin 1693 , U Noble fut declare attemt , 8c convaincu «fes faux dont il «ou accufe , , 6c condamné a faire amende honorab e, & a un bannilTement de neuf ans. II appella de ce < mgement, ck fut transfére k la conciergerie. ' Ce fut alors qu'il connut la belle Eptciere.U 1 trouva moven de s'èchapper de la pnfon , en avril 160 f, & effuya les avemures dont 1 : fera parfè dans la fuite de cette hiftoire. II fi» repris, mis en prifon, 8c condamné, par arrct du 24 mars 1698, a faire amende hono; rabledansla chambre du chatelet, fans miniftère du bourreau, & fans torche dans fes mains. La vie qu'il mena avec la bdle Epieière lui attira, comme on le verra par la fuite, un nouveau bannilTement de trois ans. Makré ce nouvel accident, il eut le bonneur d'obtenir des lettres de rappel de ban; mais a , condition de n'exercer aucune charge dc udicature. Les difgraces de le Mbic ne lavoient point corrigé. H fut deregle 8c dlflïpateur toute fa vie , qu'il termma dans la nusère en 1711, a foixante-huit ans Cet homme, qui avoit fait gagner plus de cent m.U écusauxlibraires, fut enterré par la charite de la paroiffe de faint Sèverin, Stfubiüta, 1 »j  '98 La Belle Epidère. «=uk, Ia plus vive ïmprefRoh. Ils j£ Imerenrrans réfcrve £ p]aifo ^ paffio„ qu.lJs ^ r « ^i''^ dovinr Si & la monnoie ie M»,~ . rv/r yc''">*raité ^ r01s "e France. Tradun nH f imOrSi? ?"!Cbe dl»S '"1"* il «ivo" honne compagnie ïl fle ,T u Pas NobUUasficlara iedu nomenque, , U™orin5eni0,nobilioraüemhas InviSafirtuna fic fpernens tela malignz, ' Perfcopulos virtus fcepllts ajlraveth. '  La Belk Epicière. 199 kvocat de la belle Epicière qtn povta bien-tot, dans fon fein, un fruit ae leur unson. L'inquiétude & 1'embarras angrnentoientamefure quela grolfeiTe avancmt. On redoubla les follicitations cc les effens , pour obtenir un jugement tm arequke^arlaquelleG^^//,^-' demandoit qu'il bi füt permis de faire preuve des faits de reconcihation qu elie kvoitarticulés, & deferetirer, pour cet *ffi>r dans une maifon rehgieufe , oa chez fes pere & mere. Letemsprelfokril falloit, aquelque ï metrre en hberte , Lur accoucher' en fecret. Heureufeïnent ,M./e Afri* rapporteur defcendit k la Conciergerie, pyuiy~~ prifonniers. Unotnmee ^«rrM.CoaLrge,lmpréfenta^^//,P,rr«^,qm te jettaa fes pieds, fonditeularrnes fit mille ferments qu elle eto.t reconciliée avec fon mari & le conjuia Je laittgè* inceflTanunent.Ce magütrat, touché des larmes de cette belle perfonne , fit fon rapport : elle fut interro«te fur la fellette; & pr arret du 1 j juillet 16-94." lLliflTt P«mlsTdl fef" tirer dans un convent, ou dans la maifon de fes père & mère, pour faire preuve 1 iv  200 La Belle Epicière. de Ta reconciliatie.-! dans trois mois. Wie avoit eu grand foin, pour obtemr I alternati ve de la maifon de fon père oud un couvent, d'infmuer qu'après la üifl-amanon dont fon mari 1'avoit couverte , elle auroit peine i trouver une maiion rehgieufe dans laquelle on voulutla recevoir. Mais Semitte, qui avoit fes raifons pour la tenirenclörure obtint de la fupérieure de Notre Dame' de Liede, fon confentement pour faire entrer fa femme dans fon couvent. Cette précaution auroit peut-être déeoncerré un homme moins fécond en expcdients, que n'étoit le Nolle : mais il trouva un remède. II fit entrer, dans ie meme couvent, une fage-femme , nommee Gmthier, fous le titre de penfionnaire. Cette fage-femme avoit une hlle pnionnière ala Conciergerie , qui a Ia folhcitation de la Bourfier, mit fa mere dans le complot. Le terme approchant , l'on étoit convenu de pendre, a une fenêtre , un baton , qui devoit avertir Catherine le ïevre } femme d'un nommé PajTy de vemr prendre 1'enfant, lorfque la Perreau feroit accouchée. Tous les matins , la Pajjy alloit reconnoitre le fignal, & le baton ayant  La Belle Epicière. ^0i Bv,fir, mm. le ia feptembre i6"94, elle demanda a parler a une penfionnaire nommée P/nafc* , qui erolt A„ —• - i. . : •> "u ïijuins ae contraire les circonftances de manière qu il n'y en eut pas de preuves, & qu'il ne put, tout-au-plus, y avoir que des ioupcons. Mais a peine fat-elïe délivrée , cue croyant que toutes fes précautions avoient li bien réuffi , que fes couches étoient enveioppées fous le voile d^un myftère impénétrable k la juftice elle entreprit d'en étemdrejufqu'au foupcon. Lileprefenta, le 6 ocfobre une requête, par laquelle elle fe plaignoit des bruits calomnieux que fon man avoit répandus fur fon ccmpte en publiant qu'elle étoit enceinte *  _ La Belle Epicière. 20? euand elle avoit été transférée dans le couvent de Liefte , & qu'elle étoit accouchée dans cette maifon. Elle demandoit en conféquence qu'il füt tenu de lui faire réparation d'honneur. 11 fe retrancha a dire qu'a la vérité le brult dont elle fe plaignoit étoit trés-grand , & tout public; mais qu'il étoit faux qu'il en füt 1'auteur. Cetre effronterie , toute furprenante qu'elle eft , n'étoit pas encore a fon comble. Mais elle y fut portee par un imprimé de la facon de k Nohk qu il rendir public , & dans lequel il difoif entr'autres : « au mois de Jum dernier „ 1694, le fieur Semitte commenca de „ publier par-tout que fa femme étoit „ arofte Comme la dame de „ Bretinières , prieure de Liefle , eft un „ efprit très-iüfceptible de prévention, M & qui n'eft pas infenfible a 1'intérèt, „ ce mari n'eut pas de peine as'inlinuer „ chez elle , par les préfens qu'il lui fit „ de fes fucres, de fes eaux-de-vie , & „ des autres fruits de fa boutique. II „ lui dit qu'il lui mettoit fa femme „ entre les mains j mais qu'elle étoit „Eioflej qu'elle prit bien garde a ne „ pas laifler entrer une fage-femme dans „ la maifon .... Pour faire avaler a  2.06 La Belle Epicière. r~*r"*" it |njnou ae ra calomme, » le fieur Scmïut fe fervit encore , par » Ie confeil dVftfev fon procureur ,'d'uu » amhce abominable, en envovant aux » reii2ieules H?< pm,rr,;^„ _ • suivanr ie . ..„r„ilLii),.... omvant i-c- r™ulw .... omvanr i-c- " a Point de colère an- » deffus de celle d'une perfonne du » texej inais .1 faut dire piatfr au-deflus » ae eeile d une rehgieufe qai s'eft écar» ree des voies de Ia charité .. Le «confeil de la demoifelle Semïrre p avern dece concert malicieus, 1'obfr» geadepréfenrerau parlement, Ie Ö "octoore, ime requête, par laque!le ? f* «Pofo«qae , depuis rrois mois , * Ion man faifoit courir le faux bröft P qu'elle étoit grofTe; qu'ayant emp~i"forme de cette impoftnre, I'efWit " \?'^^^Pneurcelies'étoitrendae ■ 1 °rSane,de cette calomnie ; que Hen » n etcat plas faux que cette ïmpóHare ■ « que, dans Ia conjonéhire préfente dë - fes affaires , elle avoit un inrérêr fen••-•ftolededefabuferlesgens; & cue » ne pouvant refter avec fa calomnia» race , elle demandoit un autre cou» ven: ou de fe rerirer chez fes père - damne a lui faire une réparanon ftè-  La Belle Epicière. 207 r> portionnée a 1'injure atroce d'une fi » faufle diffamatioïi Venei le mo- » ment oü 1'impofture eft confortdue , | ou le calomniateur eft terraffé, oü » tous les artifices malins du fieur 5c» mine avortent. II eft prefle; il faut parn Ier & fe déclarer. Que dua-t-il ? Qui »croiroit que ce calomniateur hardi^, » que ce diffamateur de fa femme, fat » une fois capable de rendre témoignage » a la vérité ? Il le fait cependanr; &c » fon avocatdéclara pour lui, en pleine » audience , a la face des juges, aux » yeux du public, que jamais fa partie » n'avoit dit nipenfé que la demoifelle » Semitte füt grofte. La demoifelle « Semittezmok pu infifter a une tetrible 5» réparation; mais elle fe contenta d'un »> aveufi folemnel, &c voulutbien, par » bonté, ne pas pouffer plus loin fon sa calomniateur.» Cet imprimé contient deux pièces fjngulières. II faut les mettre fous les yeux du leófteur. La première eft une lettre que le Nolle fuppofe avoir été écrite a Ia fupé. rieure de Lieffe, par un religieux Bénédictin : la voici: « pax chrijii. Que Ie » Dieu de paix vous comble éternelle» ment de fesfaintes graces, très-chère  2.o8 La Belle Epicière. » fceur en J. C., ayant appris qu'en » beaucoup d'endroits 1'on blame votre » conduite fur une diffamation que » vous avez faire d'une femme qui eft » penftonnaire chez vous Vous » fcavez, ma chère fceur, que J. C. » yotre maitre, & dont nous devons » être les imitareurs perpétuels, n'a fon» dé la reiigion qu'il nous a donnée que » fur la charité .... Si la charité eft la » bafe du chriftianifme, 1'efprit de la ca« lomnie n'eft quelefouffle du demon... » Appliquez , ma chère fceur, a la con» duite que vous avez tenue ces maxi55 mes fondamentales de 1'évangile . .. 55 Quel crime n'avez-vous point commis, 55 puifqu'il eft certain que cette femme 5'n'eft point grofle; que ce que vous 55 avez dit, écrit & publié. eft un men>5 fonge, une calomnle infernale , une 55 impoflure diabolique ... . ? Je gémis , " ma chère fceur, mes entrailles fré>5 miflent & fe déchirent, lorfque je 5' jette la vue fur l'état déplorable de » votre confeience chargée de cette dif>5 famation. » 11 eft difficile, je ne peux m'empêcher de le remarquer, de poufler la faufleté plus loin , & de faire un abus plus criminel du mafque de la reiigion. La  La Belle Epicière. 209 létEfé dont on vient de lire des fragments , & que le Noble avoit inférée dans un mémoire imprimé & répandu dans le public avec profufion , eft fup pofée : aucun religieux Bénédióhn ne 1'avoit écrire \ &c jamais celle a qui on la fupp'ofok écrite ne 1'avoit recue. Le Noble feuj en étoit auteur. Que 1'on fafle artention maintenant au ftyle que ce téméraire menteur prête a celui dont il empruntele nom; que 1'on fafle attentionaux circonftances dans lefquelles fa maitrefle & lui fe trouvoient, & que 1'on juge le caradère de cet homme. Cette prétendue lettre ne parut pas fuffifante a ce fabricateur impudent. 11 penfa qu'elle mettroit les gens pieui dans le parti de la malheureufe qu il défendoit. Mais il voulut lui conciliën encore le refte du public. Il fuppofa , dans le même mémoire, que la Perreau avoit écrit & envoyé afon man, la lettre fuivante : « Quelque obftination que vous ayez „ a me perfécuter, je ne puls, mon „ cher époux, oublier cette union facree „ qui nous lie, & dont je cherche a „ refterrer les nceuds autant que vous » agiflez pour les rompre. » Si mes peines pouvoient, a la fin,  2T0 La Belle Epicière. » regagner votre cceur , je fes fouffrirois » avec une extréme joie : mais, mon » ener epoux , faut-il que, plus je cher» ene a me réunir avec vous fincèremenr, «plus vous cherchiez a m'accabler» » N'etes-vous point las de mes fouffran» ces ? J'ai efluyé une fentence hon* » teufe; je me fuis déiiftée de mon appel » comme vous 1'aviez voulu; je fuis » entrée dans le couvent que vous avez » choifi: vous m'avez fait fouffrir une » pnfon de dix mois , & boire le calice » amer de paroitre dans un état bien » liumiHatnt devant mes juges : vous » m'avez refafé jufqu'aux moindres né» ceffitës dans le couvent oujefuis; vous » m'y avez fait perfécuter par une " Pneure, après avoir femé contre moi « une nouvelle calomnie. Tous ces ou* trages ne me feroient rien, s'ils me » ramenoient votre cceur. »Le parlement, qui compatit aux » tonrmepts que vousmefaites foofirir, » vous fait affez connoirre. par la iuftice » qu'il me rend , que votre perfécution » hu eft odieufe ; & tout ce qu'il pro>vnonce entre nous , n'a pour but, que »de nous porter mutuellement a Ia « paix, dont nous fommes privés depuis » filong-tems. Dieunous lacommande j  ' La Belle Epicière. 21 ï ' „ notre fille qui croit nous y invite ; .» votre intérêt, qui m'eft , & me fera „ toujours cher, vous y convie. Je me „ jette encore entre vos bras: ouvrez-les „ moi, mon cher époux, & recevez une I» femme qui ne refpire que pour vous L complaire en tout ceque vouspouvez :,>cquitablement exiger d'elle. _ „Quand je ferois auifi criminel le , , » que vous voudriez qu'on me la crut „ dans le monde , les peines dont vous „ m'avez fait expief mes fautes, 6c le „ defir que j'ai de vous fatisfaire , ne „ doivent-ils pas défarmer votre colère ? „ Oublions, mon cher époux, tout le „pafte : mettons-le aux pieds de celui „qui nous pardonne de bien plus „ grandes offenfes. Je le prie fans ceffe „ de vous amollir le cceur j & c'eft après „ 1'avoir tendrement prié pour vous , «c que j'ofe vous écrire encore une fois, „ avant que les chofes aillent plus avant. „ J'ai différé 1'exécution de l'arrêt „ qui m'a permis de prouver une recon„ ciliation faite , paree que je voudrois i „ que vous en vouluftiez faire une nou„ veile, véritable & fincère. „ 11 ne tiendra qu'a vous, mon cher „ & bien aimé mari; je vous en conjure „ les larmes aux yeux. Ordonnez-mol  %tz La Belle Ëpiclèrè. » toutceqn'il vous plaira, j'y fatisferal, » pourvuque votre honneur, le mien & » celui de votre fille foient a couvert. » Quelques avantages dont j'aie lieu « de me flatter fur les juftes difpofitions » de mes juges, que vous voyez peu » fayorables au fuccès des mauvais con» feils qu'on vous donne, je facrifierai » tout, pour avoir la paix que je vous » demande. Accordez-la a une femme » qui , malgré votre rigueur pour elle , » vivra, mon très-cher époux , votre » très-humble ,trcs-affecttonnée & trcs» foumife fervante cv fidelle „Ma rie-Gabrielle PeRREAUi „ Ce^qu'il y a de fingulier, c'eft que ' ce meme le Noble, qui écrit fous le nom de Ia Perreau , qui infère dans Ie mémoire qu'il publie pour elle, une lettre fi tendre & fi pieufe, outrage cruellement , dans le même écrit ce même mari, qu'ilfeint de vouloir amener i une réconciliarion. II rapporte j dans le même mémoire, ayCAudher procureur de Semitte , s'excufant auprès de quelques plaideurs, auxquels il avoit donné rendez-vous chez lui, & „ui 1'avoient attendu un peu lono--tems leur dit: pardon , Mejjieurs, je tertphs ma bete par les cornes ; je ne pouvois  La Belle Epicière. 213 auhter.Jcviensd'avecceC...deSemiuc ChlL!XliGMdle Perreau fuivit, contre fon mari, la demande en répara- tion d'honneur qu'elle avoit mtentcc «ar fa requête du 6 octobre 1694 i « > L arrêt du u du même^ois, les parnes furent mifes hors de cour fur a demande en féparanon : Sc fur les plaintes contenues dans cette requête r 1 Ja T p(Tp . ll fut or- contre ia pneuit — ? donné que la femme de Semitte feroit transférée dans un autre couvent. ; En conféquence, elle fut conduite chez les Bénédictines de la rue des poftes, ou elle avoit été la première fois. Mais fcachant bien que fon man ne pouvoit manquer a k fan de fe procurer la preuve de fes debordements , elle forma k réfolurion de s'echapper; Sc foit par hafard, foit que les religieufes cheichatfent a fe debarraffer d une pareille hóteffe , elle trouva , le 4 décembre 1694 >k p°rte du cournc C°U" verte & s'évada. Elle fongea a profiter de fa liberté, pour mettre er.oeuvre un ftratagème qui, s'il eut reuflï , auroit erfacé tout le paffé , & auroit confondu le pauvre Semitte, en etabhflant juri-  214 La Belle Epicière. cüquement Ja reconciiiation la plus compiette avec fa femme. Ce malheureux mari logeoit alors au cioicre fainte Opportune, dans une mailon ou le nommé Boguet, patiffier, teneur boutique. Ils avoient chacun leur chambre au premier étage, contigue Mme a 1 autre, & dont les portesVe touchoient. On avoit engagé Buguer a confentir que Ia Perrenu s'introduisit Jectetement cbez lui, pendant la nuit Le maan, dés que Semitte feroit forti elle devoit, a 1'aide d'une faulfe clef s'inrroduire chez lui ; & fe mettre dans Ion iit. Alors un inconnu , feienant d etre pourfuivi par des archers apoftes ie ieroit jettéavec eux tumultueufement dans Ia maifon. Sous prérexte de perquiimon, 1'on feroit entré dans Ia chambre de Semitte, & J>on auroit tro , dans fon lit, fa femme, qui n'auroit nas manque de dire qu'elle avoit palfe la nuit avec fon mari, & qu'il ne faifoit que ae forrir. Malheureufement pour elle, que'qu'un la vit entrer chez le patiffierüur les dix heures du foir. Semitte ne douta pas que ce ne füt un nouveau piège quon lm tendoit, pour acouérir la  La Bdle Epicière. %i% iMeuve d'une prétendue reconciiiation. II alla, fur le champ, faire fa déclaration chez un coramiifaire, de ce qu'il lavoit apptis, fit beaucoup de bruit dans la maifon, & fe tint fur fes gardes. ■Gabrielle Perreau, voyant fon projet lavorté, Sc fes mefures rompues, s'enfuir a la faveur des ténèbres. Cependant Semitte avoit obtenu permiifion d'informer de 1'évafion de fa femme; & fur 1'information, elle avoit été décrétée de prife de corps; Jofeph Aüx fon beau-frère, Sc Charles PaJJy, mari de Catherine le Fevre fa coufineqermaine, furent décrérés d'ajournenient perfonnel, pour 1'avoir efcortce avec dix hommes armés, lorfqu'elle fortit du couvent, Sc 1'avoir recue chez ■ eux. Cette- procédure effraya la Perreau , : qui compritbien que, fi elle étoit reprife, ce ne feroit pas un couvent qui lui ferviroit d'afyle; qu'elle feroit tellement refierrée dans la prifon oü on la mettroit, qu'etle ne pourroir plus avoir rien de commun avec fon cher le Noble; : Sc qu'on prendroir mcme des meftires, pour 1'empécher de faiie de nouvelles ; connoiflances. _ jEile quitta donc Paris. II feroit diffi-  216 La Belle Epicière. cile de rendre compte de toutes les courfes que fit cette femme, après fon évafion. Ce que 1'on fcait c'eft qu'elle alla d'abord joindre la garnifon de Tournai, ou Pajfy la conduifit avec des lettres de recommandation de. le Noble 3 dont elle vepdoit publiquement les ouvrages, tant qu'elle fut en Flandres. N'avoit-elle d'autre reftburce, pour fubfifter, que les écrits de fon'amant ? c'eft un problême que 1'on n'a pas cherché a éclaircir. Tout ce que 1'on fcait, c'eft que fa beauté fit beaucoup de bruit dans cette ville. Au mois d'avril i 69 5, le Noble trouva Ie moven de s'évader de la conciergerie. II fit aufïitót revenir fa maitrefle a Paris. Ils fe tinrent löng-tems cachcs enfemble chez Pajjy s rue du coq. Dela, ils furent loger, rue faint Jofeph, comme mari & femme, fous le nom de monfieur & de madtmoïfelle de ï'Ifle dans une maifon qui appartenoit a un fieur A'Auvergne. Ayant eu, dans cette maifon, une faufle alarme, ils délogèrent fecrétement, & allèrent demeurer, fous le nom de monfieur & mademoifelle des Noyers, dans la rue de la lune, maifon d'une dame Robelin. Le 24 aout 1696, Gabrielle Perreau donna  • La Belle Epicière. 217 donnaencore des preuves de fon incontinence; elle accoucha d'une fille, qui fut baptifée le 27, & nommée Catherine-Louift} fille d'Euftachc le Gencilhomme écuyer 3 fieur des Noyers & de Marie Ie Brun fa femme. Remond Caflelx chirurgien , fut parrein, & la Pajfy fut marreine. Tous ces noms fuppofés étoient analogues aux qualités, 8c aux ouvrages du fieur le Notie, qu'il eft facile de reconnoitre fous le mafque dont il cherchoit a fe couvrir. Le Gentilhomme eft le fynonyme de fon nom \ & des Noyers eft une feigneurie qui fait allufion a un poëme burlefque de fa facon, qu'il avoit intitulé 1'allee de la feringuet ou les Noyers. Cet accouchement, & la maternité de la Perreau furent conftatés par Pextrair baptiftaire, &c par la dépofition des témoins qui avoient aftifté, 8c prêté leur miniftère aux couches & au baptême. II fut aulfi prouvé que cet enfant fut mis en nourrice au village de Villevaudè ou Gabrielle Perreau 1'alla prendre dans un carrofle, aceompagnée d'un jeune homme qui fe difoit fon frère. II fut enfuite expofé par la Pajfy. Voici cepéndant comment le Nobles dans une requête qu'il compofa dans Ia Tome Jr. K  2-i 8 La Belle Epicière, fuite, fous le nom de la Perreau } ex*fl plicjue le fait de cet accouchement: c< Étant revenue a Paris a. la Toulfaint sj 1695 , r"ut l°ger c^ez Alix fon] sj beau-frère, marchand rue faint Ho„ noré, ou elle refta fix mois entiers,i 35 Le fieur le Noble étoit en ProvenceJ 33 en ce tems-la. A fon retour, Semicta 53 le pria d'accorder a Gabrielle Per eaia 53 une chambre dans fon appartement; 33 elle accoucha le 2.4 aoüt 1696'. Se\ 33 mitte étant allé a Verfailles, Penfantj » fut gardé trois jours, en artendant de 33 fes nouvelles. Enrin il envoya un del 33 fes amis chargé de fes ordres, pour! 53 prendre les foins du baptéme. Cet] » ami, par une fupercherie qui mérite >s chatiment, fit mettre fur le regiitrej 3> les faux noms d'un père & d'une! » mère inconnus. On prit, pour mar-i 53 reine, une coufine germaine de la' 33 Perreau; &c pour parrein, le chirur-l 33 gien qui 1'avoit faignée la veille de » fa couche. Au mois de mai 1697, 33 Sem'me fit exécuter par fa concubine, 35 la fuppreiiion de cet enfant, qu'il » avoit préméditée dés un an aupara35 vant» Cette infame fervante Pexpofa i 55 rue des deux-écus, dans Pallée d'un 1 m cordonnier; & cet enfant eft aftiielr j  La Belle Epicière. 2,19 „ lement aux enfants trouvés, d'oü Ga}> brielle Perreau efpère que M. le proijj cureur-général le fera inceffamment „ retirer, fuivant la fommation qu elle „ en a faire aux adminiftrateurs des L> enfants ttouvés». -r -»r.; ;_ j' r. r 1~ Le Noble dénonce enfuite, fous le nom de Gabrielle Perreau, ce crime horrible au miniftère public. Cet bomLne zèlé pour la punition des crimes, U'écrie: « les larmes de cette innocente j> expofce redemandent a Dieu fon » état, que la concubine de fon père » lui a volé; la voix de la mère le dein mande a fes juges. Dieu, par les ref„ forts de fa providence qui aveugle les s> criminels pour les conduire afon but, IL a permis que ce père dénaturé fit lui:» mème la preuve invincible de la naif[m fance de cet enfant. La juftice huL» maine fera-t-elle fourde aux plaintes |[« d'une mère qui réclame un enfant cri. j» minellement fupprimé ? Les foupirs .» de cette mère affligée, &c de cet enfant malheureux, feront-ils étouffés? s> Et le crime d'un maïtre débauché &C 3» d'une fervante proftituée, demeurera1 m t-il impuni ? Necare videtur non tan-. s» tLm is qui parturn perjocat} led & is !» qui abjicit.... La femme de Semitte, Kij  2X0 La Belle Epicière. » ajoute-t-on, a accouché en préfence de fes fceurs, Sc de plus de dix per- » luiiucs-, ie Dapceme tut li public, que „ plus de cent perfonnes y afliftèrent. „ Eft-ce ainfi qu'on accouche d'un en>, fant adultérin ? Eft-ce Ia la manière 3> dont on baptifé le fruit d'une dé» bauche criminelle ? 3> Je ne rapporte ces paftages, que pour i dérober a la juftice & a fon mari, la • preuve de fes crimes: c'eft la raifon qui a fait prendre a le Noble le faux nom ! de des Noyers, & a elle, celui de Marie : le Brun fa femme. Après les couches de Gabrielle Perl reau, fon amant & elle tranfportèrent leur domiciie dans la rue du bout du Kiij  222 La Belle Epicière. monde, maifon dn fieur Cuvier. Us v demeurerent jufqu'au carnaval ióo7, -fous le nom de monfieur & ™„ ATV,*/,.. dans- c< (Jependant, uuun « M , ' „ un imprimé publié pour la defenfe L de la Perreau, après avoir tait beau„ coup de bruit, il Édfla prefque tonr„ a-coup, amortir la chaleur de fes „ pourfuites ; fes accès de fa jaloufie , „ qui eft une flèvre chaude, mais inter„ mittenre, devinrent moms violents. „ Elle lui laiifa, au mois d octobre „ xtf95 , un intervalle lucide, dans le„ quel il témoigna au fieur Alix que , M fi G abri elle Perreau vouloit revenu ;a „ Paris (elle étoit alors i Tournai) il ie B réconcilieroit avec elle. Sur cet avis, „ elle revinrala Touftainr, & logea „ chez le fieur Jthè fon beau-frere*  •l* La Belle Epicière. » Semituy eut.avec elle des entrevues » frequente, ;leur réunion fut fuivie "ffi^eCrdlCé^lledevi"Ce"c«ntefur " a" Z? m°1S de novembre. Le fieur /^ctott pour Ionen Provence » i deux cent heues de Paris, & ne re_' " fur ^ & du mois d avril - i^.Or a-t-ilpu3aumoisdem" - «re le père d'un enfant né 1li * aout de la même année ? a . On n'a point parlé de la prétendue Wleréconciliation, cbnf/e S & la Perreau ont placé Pépoque pendant le fecond emprifonnenln^ il lontfimplementalléguée, fans arti culer aucuns faits pofiSf, bn en ve" I bientot la raifon, • La ^atrième & dernière réconcilia tmn enfin s'eft faite cfiez |I ° 7 fuénn. Les entrevLstomme Sent uC juiiiet. Jit la preuve que k l„ r;n üe Juln> & continuée en juilI«, refulte de ce que Gabrielle Pe Ju eftaccouchee le 7 avril i699 • époque qui,enremontantau7iurlle't?,r donne neuf mois complets 9 ' Ce qm achève k preL1ve de cette ^onc^tlo^c^^eftcert^  La Belle Epicière. 233 Guèrin & fa femme, chez qui les deux époux fe dohnoient leurs rendez-yous, étoient abfolument dans les interets de Semitte, & que ce fut pat leur entre,mife qu'elle fut arrêtéè le 6 oétobre ;I(508. Or Gabrielle Perreau, fcachant que fon mari étoit nanti de decrets de i pnfe de corps contre elle, fe feroit-elle < livrée aveuglément a lui, dans une malifon auifi fufpeóte, & entre les mams d'une femme qu'elle fcavoit etre entic:rement livrée a fon man? Elle ne pou: Voit rifquer ces démarches, qui mettoient fa liberté dans Ie plus grand dan, «r, autrement que fur la foi d une reconciiiation. Par quelle autre raifon fe feroit-elie déterminée a fe rendre dans cette maifon plus de vingt-cinq fois en 'f. ,-nf-mps iours oC aux deux moi>, auA —~— > . , mêmes heures, que fon man sy trouvoir' Mais le fieur Semitte, qui avoit eu quelques inftants lucides, ayanc été repris de fes vapeurs,fit arreter fa femme le 6 odtobre. Le Noble, fous le nom de la Perreau , après avoir tiré parti de toutes ces oretendues réconciliations en faveur de la femme de Semitte & de fes enfants, fait valoir un moyen tire de la lol, qui eft adopté par toutes les nations : c elt  *34 La Belle Epicière. q«'m nuptU dcmonflrant Ainfi ,m ^ S l i ,, 01 le croic P°ur lui &le fou^gedelexamandes^pole; 16 1 our maintenir l'état des enfants ^ecf, f V1Vanr da™ Paris qu eüe eft devenaeenceir.te, au vu & Ace a cet enfant > Ne fofc/:, „ " P"?"" «e cinrant ie mariage, confil *. veio.ent au ourd'fufi de fon ét ? renverWelIe auroitprononcécona-eelliinlufte,?;;":1 contre les loix civiles & I, ;„,-;r j ' des arrêts ? /""iprudence Mais fupp0fons Que ftr_  La Belle Epicière. 23« eau foit convaincue d'avoir conunuelement vécu dans un commerce illicite avec le Noble 3 &c avec d'autres, dans e tems que fes enfants ont etc concus: Cuppofons qu'elle avouat comme fat une dame fes adulteres■ fup- ipofons qu'elle déclarat a fes enfants (mik ont un autre père ape Semitte , ivppofonsque ce père mdiqueles reconnüt pour fes enfants, par lade le iplus authentique, comme M. d AnZlure, makte des requetts, reconnut, o r ... Tonnr.e.-Andre . en. iPar ion teiumuii, -b ; - lui iéguant 1 xooo livres; malgrc toutes ■ ces fi.ppofitions, Semitte ne pouyant " „„'li pO nhvfioucment ïm- puidant, ni qu'il a été phyfiquement impoifible qu'il approchat de fa femme , toute 1'autorité du monde, ni des juges, ni de la puiiTance royale meme, ne pourroit Öter l'état aux enfants de la mère. Quand mille arrets plus folemnels les uns que les autres les en declareroient privés, ces enfants les feroient tous renverfer,lorfqu'dsferoient en aee d-exercer leurs droits. L'état des citoyens a pour bafe la rede pater is eft auem nuptu detnonjtranu Er cette bafe eft foutenne par la majeftc du facrement, qui ne permet pas de  ' La Belle Epicière. prefumer qu'on ait ofé en violet la faintetcrpar la folidité invinable du plus fclemnel de tous les contrats, quine foufFre pas que 1'on préfume que la fidélite refpeéfave des deux époux, qui en eft. la prmcipale claufe, ait été enfreinte: par les régies les pius inviöla^ a defenfe des fujets nés d l'état: par Wet public, quine veut pas qu'un enfant manque de père, & ^u'ii del penoe du capnce Sc des autres paffions dunbommed'adopter, ou dereiet" ■* fin gre ceux de fes enfants qui lui plairont ou lui déplairont; de couvrir ceux-ci de 1 ignommie de la batardife & fafernrnecfela bonte du Hbertinag ^ par la decence de la nature, Sc enfin L la proteélion de la juftice. ^ Cette règle : pater is efl quem hfi* nupu* demonfirant, eft le titre des tt fants ; c eft le titre qui fonde l'état & la quahte de ceux qui nailfent fous le voile ture, que la nature les met en polTeffion p[eZCtZt ^--eouilsrefJeprioA.°U ? lnftam dS leur COn" On ne peut donc affez s'étonner que la cour, fur „ne fimple requête de Se-  La Belle Lpiciere. 237 mate, & fans avoir entendu les parties, fe foit laiflce furprendre, jufqua ordonner que le nom du père refteroit en fuf; pens dans Pafte baptiftaire de 1'enfant, randis oue le matiaee de la mère 1' in- diquoit impérativement. H eft inoul i tl 1 -IK J- 1- „,~,,;d^n rp lil ' quon depouiiie ae ra juwtm»»- t . qui eft fondé en titre ; Sc 1'on ne peut j„.,^v fnr 1'nnnofition a cet arret, la cour éclairée fur la furpnie rnonitrueufe qui lui a été faite, ne rétabhfle les chofes dans les régies. La jurifprudence a confirme ces maximes de la manière la moins équivoque. Voici un arrêt dont les circonftances font fi fortes, qu'il fuffira, entre mille qu'on pourroit rapporrer. Le fieur de Boify 3 agé de foixante ans, epoufa Jeanne Vallier, agée de dix-fept ans. Au bout de quelques mois, elle quitta fon mari qui habitoit fa terre, yint a Paris, oü elle demeura fept mois, Sc retourna auprès de lui, groiTe de cinq mois. II rendir plainte contre elle en adultère, la fit décréter de pnfe de corps Sc interroger. Elle convint, dans deux interrogatoires , qu'elle étoit coupable d'adultère, que 1'enfant dont elle etoit grolfe n'étoit point de fon mari, Sc nomma même celui qui en étoit pere,  *3* La Belle Epicière. Elle confirma cette déclaration pal une tranfaction, confentit d'être enfer- ■ Ja tranfaction, en fe renferm.,^ .n- m?m« *" Elie accoucha enfin, onze mois après f 1 Parofolt ^ident, au moins fidvant Ia marche ordinaire de la nature, jue ce n etoit pas par Popération de fon epouxqu elle avoit concu. Cependant dl prit des lettres de refcifion contre a tianfaétion qu'elle avoit paffee. Le man, de fon cóté, continua le procés, defavoua 1 enfant, difpofa de fes bien. en faveur du marquis de Mar ca dé fon .neveu, & mourut. Procés fur Pétat de 1'enfant entre la veuve, comme mère & tutrice, & le neveu. Laffaire portée a Paudienee! feroit jufhfié, Pétat de Penfant n'en fouffriroit aucune atteinte • parce qu'il fuffifoit qu'il y eut poffibilfté que le n^an eut vu fa femiïe, Pour Jendre i enfant hWimf». %?M, . . c j„ i v o , ^ ics aeciarations ? mere «e .peuvent óter Pétat de l enfant, paree que la légidmation eff (0 Voyez ci-deflus, p. j7.  La Belle Epicière. 23 f ie titre qui établit la réalité du mariage. Que la preuve de la filiation étant im; pollible dans les fecrets de la nature, I les jurifconfultes ont décidé qu'il fufI fifoit, pour être légitime, de prouver qu'on étoit né pendant le mariage de I 1'homme & de la femme dont on fe dit i fils. Que, pour renverfer cette maxime, I il falloit une impoflibilité naturelle ou 1 phyfique \ naturelle, qui eft Pimpuiffance; phyfique, qui eft une abfence telle que le mari & la femme ne fe puiflent apptocher. Que les onze mois qu'on objeótoit, n'étoient pas une rai:\ fon a oppofer, paree que la nature avance ou recule fes produótions par i: des caufes inconnues, & qu'Hippocrate dit que le terme des accouchements eft incertain : ce qui eft confitmé par 1'expérience. D'ailleurs il n'y avoit point d'impoftibilité que le fieur de Boify füt venu a Paris voir fa femme. Qu'enfin , quoiqu'on prononc,at contre 1'enfant, il reviendroit toujours conrre l'arrêt, pour fe faire reconnoitre légitime j paree que, fuivant la loi, il ne peut être déclaré adultérin, quand même la mère feroit, convaincue d'adultère (1). (1) L. 11, §. 9, f. ad leg. Jul. de aduk  2-4° La Belle Epicière. Conformément aux conclufions de ce Icavant magiftrat, par arrêt du i j janvier i*6-4j 1'enfant fut déclaré légitime. Dans 1'affaire dTgnace Andrédéfavoue par Thomas André ion père, M fjgnon ayocat général (i), dit qui l egard de 1'enfant, étant né pendant le manage, il ne pouvoit être défavoué quoique la débauche de la mère füt prouvée. Car, ajouta-t-il, quoiqu'une mere mene une vie déréglée, & fok meme convaincue d'adultêre, on ne peut pas, pour eek, faire déclarer fes enfants adultérins. II y avoit même, dans I'efpèce de cette caufe, des circonftances ag le démentiroit encore. \ *fflfc«* «'eft pas beureux dans fes citations. II invoque encore une loi qui décide que , ji un mari qui a été lona. tems abfent , revient, trouve fa femme enceinte, qui lui avoue fon adultère, il n'en eft pas moins tenu ie donner des climents a 1'enfant. Et,s'iln'obfervepas eert ai nes formalités pre frites par unfenatufconfulte, il aura beau défavouer cet enfant, ilfera fon héritier. Ces formalités font expiiquées dans le fénatufconfulte Plantien, dont Ie texte eft rapporté dans différents paragraphes dnfcil 88, avec une (i) Muiier gravida rtpudiata , filium enixa abfente marito , ut fpurium in aflis profejfa efl. , „J r .n „„ !n nntetl.ite oatns fit: 6-, matre inteftatd mortud, juffu epis hereditatem matris adire pojfu, nee obfit profejfio a matre iratd facld? Refpondit veritati lecum Juperjore. L. V),%. i,f deprobat. f»S Alexandre Ttrtagnt, furnomme d cola paree qu'il étoit natif de cette ville Liv  M L* Belle Epicière. ^ore de Charles du Moulinf!) es Pn"CIpes qu'on vient d'érablir —erferle paradoxe de Semt.fC tant de réputation m,' i ,a.-ter,rare, avec ^^lS0^^^1^me^ta le titre deCe fcavant aSt fe? fexte, fur le coi r S, ^"tines, fur novelles ; "afc?£'a^'i?,*^6' fur Ie célébré du MouUnff"^'' ^ V^ges ont été fouvêm " Se" OH- «ndroits. Tari!™JZ ^P™^" Drents " «oit origina;re de t R « ancienne. Elle ^«A^^W du eöté de ^aternel de cetre' deR^c^", aieul Parlement de Paris™?/, , ?H ,^"0cat au Parler lui fit Uentó"lsl ' T d;fficulté de P^r fe Kvrer tout £$T?V* Plaidoiene, des ouvra.es auTclr " * " comPofinon moiré. So/livre fü rw-'TÏÏ01^ fa mé" tre les petitês date f / Hcnri 0- co"cour de Fr nce | i'oï' fo» "S^able a la W*. des  La Belle Epicière. 249 xandre dit que kfils efl préfumé appartcnir au mari, en quelque tems du mariage qu'il fok né. Sur quoi du Móulin ajoute qu'on ne recoit point la preuve Rome a eus depuis pour la nation francolfe. Ce livre fut préfenté au Roi par Anm de Aiontmorency, aiors > — table de France. Sire, lui d.t-il, ce que votre „„■„fi; n'n. vu faire & exécuter avec ireme ■ hommes, de contraindre le pape a lui demanaer la paix, ce pe it homme 1'a achevi avec un pent livre On le confultoit, de toutes les provinces du royaume; & les tribunaux, tant cïvils qu'ecclèfiaftiques, s'ecartoient rarexnent de fes décifions, qui avoient plus d autorité au palais, que les arrêts memes, 11méritoit certainement cette réputation; du Mou_/i «ja iiiftice. commeim des plus ercnds jiirifconfuhes que Ia France ait produits ; & fes ouvrages font comme une fource intariffable de connoiffances piridiques. Mais il a un peu terni fa gloire par ion oreueil. 11 s'appelloit lui-même le docteur de la France & de l'Allemagne, & ne craienoit oas de mettre a la tête de les conlultations :moi qui ne cide a perfonne, & a qui perfonne ne peut rien apprendre. Son penchant pour les erreurs de Calvin lui attira bien des traverfes, & 1'obligea plus d'une fois de quitter la France. II mourut cependant, err 66, aeé de fowante-fix ans, entierement foumis aux décifions de 1'égl fe , & fit enterré dans le cimetière de faint Andre-desArcs, oü 1'on voit encore fon tombeau. Lv  2)0 La Belle Epicière. contraire fi la femme co-habhe avec un man qui ne foit pas impuijfant. elJe de chez lui lors de la conceprion & de la naiflance de 'enfam- 1U-; U m ■ emam. Mais comraent le man pourra-t-il convaincre fa femme fucs de Nevers „e voulurent pas refte- »1™ trie * i,7!i « 6 raPPellerent dans fa pa- avons de lu. &°ni j g"e nous Teffèren, k q dans leur tems, inté- reüerent beaucoup l'état & 1'éelife Tl éon™*ne hiftoire du Nivernoi< 1 g ,, a q«e nous ayons de cetteS '""?1,rs ^touclLtlaréSt^^^^ font erand cas Juniconïu]tes denceg, & IWlW T'T5 de iUrHPru- -émoiÏYa'p sqSe^& Te h plus Fuivi II ,no,.r„ , ^ement ^ «e-viugls'aus! Ht ^ i6o3 ' de a,ua-  La Belle Epicière. M d'adultère, s'il ne fe plaint pas? Êt fi fa femme refte chez lui, fous quel pretexte 1'attaquereit-il en. adultère , 6c tefuferoit-il de reconnoitre 1'enfant dont elle accouche dans fa maifon? ^ Semitte veut s'appuyer fur 1'arret rendu en faveur de Pierre Gars dont 1'enfant fut déclaré illégitime. Mais il étoit prouvé que fa femme ctoit dans une prifon inacceflible au man, ïorlqu'elle devint enceinte. , Tels étoient les moyens fur lelquels flnhrielte Perreau vouloir faire attnbuer i fon mari les eufanrs dont elle ctmt accotichée depuis qu'il favotl accufee M. Gillet (i) étoit-charge de la defenfe de Semitte, Il n'eut pas de peine (iï Francoh-Pïerre Gillet acquit a Lyoiï en 1648, fut recu avocat au parlement de Paris en .674- SeS plaidoyers, qu; ont ete publiés en deux volumes omrent une noble fimplicitè, une profonc e ërudmon, de la folidité, & qnelquefo» de la force. l a auffi publié un d.fiours fur ie geve dc U lanlue francoïfe, & des traduaions de quelques Raifons'dUiceron. Ces verfions font fort «■ ferieures a 1'original, & ont ete tot 1«ment effacèes par d'autres traduöions , qtt ont paru depuis. M. Gillet eft mort en 1720, aSA tfenviron foixante-douze aHS,  f14 La Belle Epicière. a ecarrer le premier moyen, tiré der prerendues débauches imputées a celui qud défendoit. On n'en foornit aucune preuve; & i'on n'offnt même d'en fournir aucune juridique. Ce n'étoit done que de pures allégations produites par la neceffire d'une injufte défenfe, &: en defefpoir de caufe. II ne refte donc qu'a examiner les faits amcules par 6W«//, pe,rwa & f lefquels elle fonde fes prétendues réconcihations avec Ton mari. II eft bon de remarquer que i'on avoit ete tong-rems, fans pari er au proces ni de part ni d'autre, de 1'enfant ne dans le couvent de Lieffe le 16 feptembre i fon m^ étant allé chez la " PaJdfy Pour payer le premier quarV «erde fapenfion.illa !rouva i table «avec dautres perfonnes. Quand h »Perrcc■ vit entrer fon mari, elle ft *leva,/errut apleurer. II lui dit qu'il -«oitn^le de pleurer-qu'eile avoit  La Belle Epicière. z7 1 pris le parti d'un couvent j qu'elle [ n'avoit qu'a y aller. Avant que d enï trer dans le couvent, quelquun lui 1 ayant dit de 1'embtauer, il ne le vou„ lut pas fouffrir, & la repoufla. S erant l plaint que le matelas qu'il avoit en- » voye pour ie wu™" "~ '~. •, i „ Sc qu'il n'atloit point la voir, il re„ pondit aux perfonnesqui hu en par» lèrent, que c'étoit une malheureuie , » qu'elle n'étoit que trop bien, qu il ne » la reprendroit jamais, qu'il nrendroit i plutot une potence, Sc qu'i ne vou» loit plus entendre parler d'elle ... La prieure Sc d'autres religieules ont dépofé que - Semitte étant un jour au „ parloir, Sc ayant la tête appuyee con* tre la grille, fa femme s'avanca pour „ le baifer. Les religieufes 1'avoient „ beaucoup exciré de fe raccommoder „avec elle, mais qu'il avoit toujours „ marqué ne le vouloit pas, difant qu il, ...tl: rr&r Files ont aioutéquon „ ne les avoit point vu fe donner des „ baifers, Sc qu'on n'a point eui-Qire a „ Semitte qu'il la reprendroit. Ayant „ fait amener du bois pour elle, comme » onouvrit laporte, pour faire entrer t, lavoiture, elle parut avec la prieure » qui lui dit: embrafci votre manj Sc  M La Belle Eplcl^ * s ettit nufe en devoirde Iembraffet *Jü ayant écnt plufieurs fefen ;;dr«,;l„e lm avou fan aucune ré- Quant a la lettre que GalriaYe Per f6 laVeu de fo» man, volei ce qu'ePconreno,t entr'autres: « fefpère que vol » malheurs pourront prendre fin • J3 >• vu dans les yeux & dans le cceur de «votre man des fentiments de ten! «drefiepoUr vous.& je m^ n » heureufe f,]e pouvois contribuer 1 « votre retabhifement», La fuppofition de cette lettre eft évidenteOn 1 attnbue a une Flamande ^ Or eft-ce la le ftyle d'une femme ^ cet état&decepays?Si 1'on vouloit ÏTl UfVU vraifemblance a la fic! «on ilfaHoirfaire parler cette femme Pjos fimplement, & lni f fe^ ^esqmreW^entmoinsrcitt «lage, Sr u„e certame éducation. H falloit evirer la comparaifon du ftv e de cette lettre avec c&ui de la lettre£ eenre a Ia fupeneure de LiefTe. On a Poalfelatéinérué,p%>idire^enjaa  La Belle Epicière. 2)9 Tufcription étoit de la main de Semitte. [1 1'a démée;& la faufleté faute aux yeux a la feule infpeftion. D'adleurs on n'a pas ofé rifquer la vérification de 1'écriture. Voila i quoi fe rédmfent les preuves de ce prétendu raccommodement dont on a tant fait de brair. Ces preuves mêmes iuftifient qu'il n'y en a point , éu. La fentence du chatelet fubnfte donc dans fon entier. . Quant a la feconde reconcdiation, que 1'on prétendoit s'ètre faite dans la prifon , on n'articuloit aucun fait particulier, & 1'on n'offroit aucune preuve qui put contribuer a 1'établir. II falloit que 1'on fut bien dénué de relTources a cet ctrard, puuque 1 on avun. ^ .~..ö temsniyftère du premier accouchement & de 1'exiftence du premier enfant. 5. it eut été le fruit d'une réconciliation réelle, & dont on eut pu adminiftrer la preuve, 1'auroit-on tanu cache j'ufqu'au moment ou 1'on n'a pu nier qu'il exiftoit, ou 1'on a foumi la preuve qu il étoit né dans le couvent même, & qu'on avoit pris, pour cacher cette naiifance , les précautions que j'ai détailkes plus haur, qui font juridiquement prouvees , Sc qui d'ailleurs feules annoncent que  1G0 La Belle Epicière. Ja conception de cet enfant étoit u» crime ? J'ai rapporté, p. 231, les faits fur lefquels on a prétendu ctablir la troifième réeonciliation. II eft certain que, fi Gabrielle Perreau étoit a Paris, & le Noble en Provence, dans le tems que 1'enfant a été concu, il ne peut en ètre le père. Mais fi Y alibi qu'il propofe fi effrontément eft un menfonge ; fi, depuis'fon évafion de la conciergerie, il n'a pas quitté Paris ; s'il eft prouvé par ccrit qu'il y étoit au mois de novembre 1605 > qi" eft 1'époque de la conception de 1'enfant, & même dans les quatre mois précédents, & dans les quatre mois fubféquents, ne pourra-t-on pas lui rétorquer les épitbètes qu'il prodigue a ceux qui déclarent la vérité qu'il combat ? Or la demenre & la préfence adluelle de le Noble dans Paris pendant tout ce tems-la, eft prouvée par un grand nombre de quittances écrites, datées & fignées de fa main, des fommes qui lui ont été payées par Brunet} libraire, pour les mauufcrits des livrets qu'il diftribuoit alors tous les 15 jours , lous le titre cVentretiens & de fables. Les autres fajts ne font pas moins faux, que ce prétendu alibi. Les entre-  La Belle Epicière. lG l vues de Semitte Sc de fa femme chez jttix font des fuppofitions dénuées de toute preuve , Sc qui fe réfutent par la fimple dénégation. Le Noble attnbuoit les pourfuites de Semitte contre fa femme a la jaloufie, qui s'appaifoit pat des retours d'eftime Sc d'amour. Quoi! s'écrie M. Gillet, de la jaloufie pour Gebrielle Perreau s la concubine, déclarée cx'Auger s de Goy, de le Noble Sc de cent autres ; 1'infame jouet de la plus vile ieunefle Sc de Paris Sc deLyon; le rebut ódieux de la conciergerie Sc de la garnifon de Tournai. De 1'eftime pour GabrUle Perreau ! cet efpnt dépravé & gaté par tant d'indignes travers ; cerre ame fouillée par tant d'ordures; ce cceur corrompu par rant de pafiions honteufes; ce corps infecré encore de la lèpre, qu'elle communiqua au fruit malheureux de fes adultères ne dans le couvent de Lielfe, Quoi! dans le cceur d'un man de ' 1'amour pour Gabrielle Perreau, ce Ufon fatal, qui allume le flambeau de la difcorde dans fa familie; cette fourbe, cette comédienne toujours attentive a le fnrprendre & a le rromper; qui n'a. feu faire ufage de fes larmes, de fes foujniflions Sc de fes fauffes carefles, que  4-6z La Belle Epicière. pour couvrir de perfides & d'impudiques projets j cette fameufe proftituée qui 1 a ourragé fi publiquement, fi fcandaleufement, & qui pa ruiné fans reflource; cette furie qui l'a déchiré par les plus atroces calomnies, qui a eflayé de le perdre par des placets diaboli- q.-f f(VI, s'eft vancée d'employer, sd le falloit, &lefer& Ie feu! C eft donc cbez Alix 3 & par ï'entremife d Ahx3 que s'eft faite cette prétendue reconciiiation; & 1'on ofte de 1e prouver par le témoignage d'^/,V qui ooit même, dit-on, artefter que ia maifon en a été le théarre. Vioü i umque témoin que I'on invoque. Mais, quand on fUppoferoit nu'il dirqit tout ce qu'on voudroit lui faire Are; c'eft un admirable témoin que cet Ahx. II eft le beau-frère de la Per. rtau; il eft le complice de fon évafion, Sc peut-etre le miniftre de fes débau- Le Notie avoit fait préfenter des placets anonymes au Roi, dans lefquels ilac ^.^.Jincefte, de fupJrSon £ part de pamc.de : .1 avoit pouffé 1'atrocité jufqu a vouloir faire entendre que ce maE «ux man avoit voulu fe rendre coupable du t leze-inaje«é au premier chef IIètok heureufement connu, & ces abominables C3 ' ioauues ne firent aucune impreffiou.  La Belle Epicière. 263 :hes ; car il eft 1'intime ami, le conhdent de le Noble, le dépofitaire de fes fecrcts, Sc de fes papiers. C'eft luimême qui nous en inftruit, dans une requête. Mais fi le fruit que Gabrielle Perreau portoit dans fon fein étoit le gage précieux d'une heureufe réconciliation, pourquoi le cachet fi foigneufement? N'auroit-elle pas du, au contraire, publier par-tout fa groflefle; déclarer avec empreftement la naiflance prochame d'un enfant a qui ede auroit été redevable du pardon de toutes fes fautes paftées, & de 1'abolition de tant de crimes ? Seroit-elle allée loger, inco■ gnito, avec le Noble, comme fa femme, fous les nöms fuppofés de de Lijle, de 4es Noytrs, de le Brun des Bois, de des Tournelles ? Le Noble fe feroit-il > avoué père de 1'enfant? Auroit-il figné , en cette qualité, fur le regiftre des baptêmes? Cet enfant auroit-il été inhumainement expofé comme un fruit de proftitution ? Et la mère, depuis fes couches du mois d'aout 1696 , auroitelle fait de nouvelles courfes a Lyon &C ailleurs ? L'auroit-on trouvée, au mois d'oótobre 1698, logée encore avec le Noble ? Et quand elle a été réintégree  La Belle Epicière. dans les prifons, auroit-elle dit, dans fon mterrogatoire du 13 février i699 qu elle ji avoit point eu d'autre enfant que ceJui d^nt elle étoit aétuellement grofte ? Auroit-elle attendu jufqu'en 1700 pour avouer fes deux accouchements, & feulement lorfqu'elle s'en vit convaincue? Eft-ce la la conduite d'une femme reconciliée avec fon mari > La Perreau prétend enfin que 1'enfant dont elle a accouché en dernier lieu dans Ia conciergerie, eft le fruit d'une nouvelle reconciiiation, qui s'eft commencee & confommée chez la Guerin ou les entrevues ont continué depuis la fcf de jum, jufqu'a la fin de juillet. • L enfant qui eft yenu m monje k avril 16 99 eft donc de cW«, puif, que de cette époque au 7 juillet 16«8, Jlya neuf mois complets. Le cakul eft jufte. Mais la conféquence que 1'on en tife eftfaulfe: puifqu d eft faux que Semitte ait eu avec Ia femme des entrevues fréquentes &C fecondes chez la Guerin. Ecoutons les depofitions de Pierre Guenn & de Bouteille fa fem- me. I eftvrai,difent-ils,quela^. reau alloir, dans ce tems-H, fréquemjnent chez eux. Mais il eft Wqil»ii5  La Belle Epicière. s\y foient rencontrés enfemble ni par hafard, ni autrement. II eft vrai que Semitte, étant entré en quarrier chez le Roi, au premier juillet, venoit, de tems en tems, mais fort rarement a Paris. 11 paflbit quelquefojs a cheval, devant ht .boutique de Guerin ; & ayant feu que da Perreau y alloit, il pria Guerin &c fa femme de fcavoir oir elle demeuroit; ;& avoit averti rhuiftier chargé de 1'exé■cution des décrets qu'il a obtenus,de la faire épier dans. fes allées & venues en cette maifon. Cette dépofition facha beaucoup la Perreau $c fon amant, qui, pour 1'attémuer, vomirent mille injures contre : Guerin, 8c fur-tout contre fa femme, qui, difoient-ils, étoient indignes de toute croyance. Eft-il concevable, difoit enfuite le Noble, que Gabrielle Perreau ait été fe livrer fi aveuglément aux dé\ crets de fon mari ? Quel motif auroitelle eu pour fe confter a une femme 1 auflï fufpeéte que la Guerin ? Pour quelle raifon feroit-elle allée voir cette créature plus de vingt-cinq fois en deux mois ? . Ce ne pouvoit être que pour la récon1 ciliation,qu'elle s'eft trouvée dans cette , maifon aux mêmes jours, & aux mêmes heures que fon mari. D'ailleurs Semitte Tome V. M  z66 La Belle Epicière. eft en contradiétion avec lui - même. Car fi, comme il en convienr, il a prié Ia Guénn de fuivre fa femme, pour fcavoir oü elle demeuroit; s'il a chargé fon huiffier de redoubler fes foins pour 1'arrêter • il eft donc faux que fon fervice 1'arrêrat tellemenc a Verfailles , qu'il ne put venir a Paris fe réconcilier avec fon époufe. Tous ces fophifmes fe détruifenr par eux-mêmes. Les invactives que 1'on a prodiguées contre G herin & contre fa femme , font de pures calomnies; Sc ceux qui les onr inventées n'ont pas fait la plua petite démarche pour parvenirji en fournir la preuve. D'ailleurs ces deux témoins font devenus , par le fait même des accufés, des témoins nécelfaires, dont la dépofition doit, par conféquent, faire contre eux une preuve complerte. Car enfin, qu'ils difent donc quels témoins on pouvoit faire entendre, autres que ceux chez qui ils ont eux-même fuppofé que la réconciliation s'étoit faite. Et 6ab-ielle Perreau ayant avancé que fon mari avoit fait difparoitre la r'uépn Ae. remsau'il V palfoit, il donnoitdes ordres, pour i'exécurion des arrêts qu'il avoit obtenus contre fa femme. . Mais fon abfence peut du moins lervir a faire connoirre que la prétendue bardielfe qu'avoit la Perreau de fréquenter la maifon de Guerin n'eft pas aufli incompréhenfible , qu'on voudroit le faire croire. Elle fcavoit que fon man éroit en quarrier a Verfailles. Elle pouvoit, parconféquent ,1e moins craindre, dans ce tems-la, que dans un autre. Qui fcait même fi elle n'avoit point trouvé le fecret de rallentir 1'adivité Sc la vigilancn de 1'huifiier chargé des dectets,8c d'en obtenir quelque furféance ? II eft du moins certain que Semitte fe plaignit fouvent de fes lenteurs Sc de fa riéfdigence. D'ailleurs, en rappeilant le fouvenir des premiers proiets de réconcihation r ' Mij  268 La Belle Epicière. tramés chez la Pafdeloup Sc chez le pa* ^tBuqia, s'éloignera-r-on beaucoup de la verite, ou, fi Ton veut, de la vrailemblance , quand on foupconnera Gabnelle Perreau d'avoir rendu a fon mari quelque nouveau piège dans la maifon de Ia Guenn; ou du moins d'avoir affecté ces fréquentes vifires, pour préparer les apparences de la légitnnite a 1'enfant qu elle portoit, Sc dont le Noble étoit le père ? ^ II eft donc démontré que Semitte ne s'eft jamais réconciiié avec fa femme depms 1'inftant qu'elle a quitté fa maiton. Alais voyons fi, comme elle Ie prerend, il doit être réputé le père des enfants adultérins auxquels elle a depuis , donné le jour; & ii ja l0i qu'elle invoque leur rend la légitimité que le crime a comme interceptée, dès le moment de leur conception. ; La règle qui veut que le mari foit repute pere des enfants que fa femme met au monde , eft fans doute fort faae. kUe previent les caprices de la prédilection , Sc Peffet des animofités qui ne lurviennentque trop fouvent entre mari pc remme. Mais a elle étoit tellement générale, qu elle ne put être reftreinte par queL-  La Belle üpiciere. aey. aues exceptions, elleouvtiroit une var» carrière a la débauche des femmes: elles I trouveroient un afyle allure contre ie iras vengeur de la Juftice. Elle n aa,roient, après leur convidion & leur icondamnation , qu'a counr le monde , ■comme a fait Gabrielle Perreau 3 & faire le plus d'enfants qu'elles pourroient : plus le nombre en feroit grand , plus . elles s'aftiireroient 1'impumte de leurs . adultères. c Car , fuivant le fyftêmedecette femme, pourvu qu'il n'y ait, de la part du i mari, ni impuuTance naturelle, ni ïm: poflibilité phyfique, Ufaudra neceflauei inent déclarer tous ces enfants legitimer. Et , comme les enfants ne peuvent etre : léairimes . oue le mari n'en foit le pere, & que le mari n'en peut etre le pere , fans s'ètre réconcilié avec fa femme 5 la paternité du mari fuppofant la réconciliarion; la réconciliation fuppöfant 1 oubli & le pardon d'une injuredont le mari a feul le droit depourfuivre lavenseance , ce fera déformais un moyen infaiÜible de rendre illufoires tous les jugements qu'on pourroit obtemr contre une femme adultère. De toutes les exceptions dont 011 a pu rendre fufceptible la règle : pater is eft M iij  270 La Belle Epicière telle dem°n^. ^ ^„s doute celle ou ft trouve W^. Ceftceoue la cour a dep prejugé, en faifant déftn- taire de I enfant Atmt.GaèricUc Perreau eft accouchee dans la conciergerie le 7 mönft'raéufe, Elle ne comprend pas comment la cour «JL. JUlqu a lader ,-*>,.,„ J 'C... r i i j , - ucienie. Mais ,1 „e ftra pas difficile de faire eoun meme-tems > Autorite de la II faut d'abord pofer deux principes, qu auront leur application dam la fuite Le premier eft que , qu0ique Ia ^ pater „ eft auem nuptU demonjlrant, ffi Wee fur une préfomption'de d ok lyaneanmoinsdescasoülonadme Ja pteuye contraire. Le ftconrl eft „„> r yaneanmoinsdescasoülonadme; Ja preuve contraire. Ie fecond eft qu'une femme con- damneepouradultèreperdtouslesdroks du mariale de fnrr* >i "UIOIcs entre elle 7 ^U Ü ne refte P1"* entre elle & fon man, que le Iien du ^^^.f.^Wque, rnettant Ï ündilTpiubtltté du lieu , il eft cerSu  Ld Belle Epicière. 271. que, quant aux effets civils , ils ne font .plus mari & femme. / _ f Le premier de ces deux principes elt établi par plufieurs textes de droit. Le folus précis ï cet égard eft la loi 6 au Beefte, de hisquifuivelalienijurisjunu On 1'a citée, en faveur de la Perreau, pag.< a4z,mais elle ne 1'a pas rapportée entière; la voici: On entend par fils celui qui hft né du mari & de Ja femme. Mals fi on [fuppofe que te mari a éte abfent , par \ exemple , pendant dix ans, & qu a fon \ retour, il trouve che^ lui un enfant age d'un an , iepen fe, avec Julien 4 qu'il n eft pas fils du mari. Mais ilne faut pas ecouI. ter celui qui, ayant toujours demeure avec \ fa femme, ne voudroit pas reconmitre \ 1'enfant. Mais, je fuis de l'avls de Sevoti qui penje que,s'il ejt conu um y«. - y a été quelque tems fans connottre Ja femme , foit qu'il en ait été empêche par quelcue maladie acciientelle, ou par quelque autre raifon ,foit que fa conftnution&Jon iempéramment ne le rendent pas propre a la génératïon , 1'enfant dont fa femme accouche dans fa propre maifon, meme au vu &ffu defes voifins, n'eft pas leften. (i). (1) Fïlium definimus qui ex vin & uxórt ehis Lfcitur. Sedfifingamus abfuijfe mtnturn verbi Jraud,per decennium , reverfum annicukm 0 M iv  272 La Belle Epicière. Voila differents cas oü , non-obftant fa préfomption fondée fur Ie mariage , onne lailTe pas d'admettre la preuvè contr,i«, & de chercher i cdafrcir Ia iabience ,fi fingamus al fuift- I'abftinencedudevoirco^ugaiymalad^Par quelque autre caufe : fi conlht non concubuiffe; 1'impuiffance : fi sLc rare non poffu. * On pourroit encore fe fervir de plufieurs autres loix qui confirment que le manage des père & mère n'eft pas tougurs un titre inconteftable de fiLtion & que , non-obftant Ia règle pater is el quem nuptudemonfirant , Ia vérité doit toujours prevaioir (i). Le fecond principe , qui eft que Ja femme convamcue d'adultère perd tous ™ff ™ domo fud placet nobis Juliani fen. aKdu" ' 5 "?> eUm V* cum «xorefud  La Belle Epicière. 273 fes droits de mariage , n'eft pas moins certain. Les loixromaines avoient range 1'adalrère au nombre des caufes les plus légitimes du divorce. L'églife Grecque, fur un palfage de 1'écrirure entendu trop littéralemenr (1) , prérend encore aujourd'hui que 1'adultcre diffbut le mariage. Mais s'il eft de foi que le facrement rend ce lien indiftbluble, lorfqu'il eft d'ailleuts valablement contraété, il eft cependant vrai que la femme convaincue d'adultère , 8c condanv née comme' telle , n'eft plus regardée comme femme, relativement aux effers civils. Laperre des droirs qu'elle avoit acquis par le mariage donr elle a violé la foi, fait partie de la peine du crime. Elle eft privée non-feulement de fa dot, de fon douaire , de fa part dans la comnumauté & de fes autres conventions ; mais de tous les droits de la fociété marirale , de la co-habiration , des de- voirs du lit conjugal, &c. 11 luit de-la que, u ia piciumpLi^ qui a fait naitre la règle pater is eft quem nuptiöL demon/trant, eft une prcrogative & un privilège du mariage , la femme (1) Omnis qui dimiferit uxorem fuam, exceptd fornicadonh caufd, facit tam machan ; & qui dimiffam duxsrit, adulterat. Matt. V. 3a. 1 Mv  274 La Belle Epicière. doit non-feulement perdre ce privilege; comme les autres; maisl'adultère prouvéde la femme ayant détruit la préfomption établie en faveur de la paternité , cette préfomption ne peut plus produire fon effet, qui eft la règle pater is eft, &c. On fcait que la tranquillité des families , & la fureté des générations a fair établir que les enfanrs de la femme nés pendant le mariage font les enfants du mari; & cette règle eft la fauve-garde de leur érat. Elle leur afture une familie & des droits civils dont le caprice d'un père ou d'une mère pourroit les dépouiller a tout inftant. Outre que cette rè 1'enfant, le jurifconfulte auroit du deci■ der fuivant la règle pater is eft, &c. Ce- pendant il ie contente iic ui», 1» chercherlavérirédufait. La feconde reflexion eft que, dans le cas de la loi qui donne matière a cette difcuflion, la femme n'avoit ete accuiee qu'aprèslamorrdefon mari; ilnes'etoit point plaint; il avoit vècufc demeure avec elle dans le tems de la coiiception de 1'enlant. Et ce n'eft pas la lecas dont.il s'agit ici; il s'agit o'enfants nés & concus après la condamnation d'adultere; après le jugement qm a leparé 1'homme d'avec la femme. II faut donc fimplement diftinguer b les enfants ont été concus avant, ou depuis la condamnation pour cauie d adultère; & c'eft la diftinéhon que font tous les auteurs qui ont travaille fur cette loi. C'eft d'après elle que Coquille dit (1) que les enfants qui jont nés durant (1) Sur la cout. de Nivernols , tlt. dy douaire, art. 6.  i8o _ La Belle Epicière. le mariage , en la maifon du mari, font réputès léguimes j jacoh que (quoique) par après la femme foit convaincuc & condamnée d'adultere. Tel elUe texte deCoquille, en propres termes. Gabrklk Perreau prétend que cet auteur eft en contradiétion avec luimeme. II eft aifé de trouver de la contradiction dans un auteur, quand on altere fon texte; & alors fi on ne 1'enrend pas , c'eft qu'on ne veut pas 1'entendre. Eft-il donc fi didicile de concevoir qu'une femme, dans le tems qu'elle viole la foi conjugale, peut concevoir , & accoucher dans Ia maifon de fon man, avant qu'il 1'aitaccufée d'adultère> A la vénté, li le mari ne fe plaint pas, d ne peut convaincre fa femme v & fi, après 1'accufation formée , il la fouffre dans fa maifon, s'il continue de vivre &c d'habiter avec elle; la co-habitation fait prefumer une réconciliation , & éteint 1'accufation. Or Coquille ne dit rien de contraire a cela : d dit fimplement que la conviction d'adultère, que la condamnation pour ce crime, poftérieure a la naiftance des enfants "dans la maifon du mari, n'empêciie pas qu'ils ne foienr répurés Icgitimes: & la raifon en eft bien naturelle.  Let Belle Epicière.^ i%t Avant 1'accufation d'adultère , pendant que le mari & la femme vivent& demeurent enfemble, les enfants ayant été concus dans le tems de la cq-habitation, & fous le voile d'un mariage coneordant , ils font, comme les autres , dans le cas de la règle pater is eft quem nuptia demonjlrant. Mais, pour les enfants concus depuis 1'accufation , & même s comme ici, depuis la condamnation pour caufe d'adultère, il eft certain qu'ils ne fbm plus dans le cas de la règle , par les raifons qui ont déja été expliquées. La première, que la condamnation pouradultèrediffout tous les effets civils ■J-; mariage j & ne kufle fubfifter que ..dulbluble par le facre- meiu. L i feconde , que la préfomption de Jroj quj i; - de haft a la règle pater rs - . .,, ie v ' - que lejugement ,, „. , , uxc to is les autres privileges que la femme avoit acquis par fon mariage. I :, ,, afóine , q - cette prciomption. étant fbndéc fur ia fociéte conjugale, fur 1'union de mari & de femme , fur leur co-habitation, 1'effet celfe néceffaiSement avec la caufe par une féparation  fi La Belle Epicière. We & légale, par un Jugement qnÉ en, condamnancla femme a être enfef- «wi rompt cous les eneaeemenr* rl.Éi marnnp ° ° • Tl La femme mnrls md.a . j i v -—--"uv!, pULU aauirere retombe donc abfolument dans le droit cpmmun. Ce n'eft plus parla prif non de dro.cj ce n'eft plus par la réi pater is efl qu'il faut jager de l'état des enfants nes & concus depuis kcondamjation; d en faut juger, comme on ia& de 1 etat des enfants dont le père eft in e-értam. Quelle eft alors la règle? II n'y en apomtd'autre que les fairs, ies cir- I Éonftancès les habitudes. Vodd ce qui conduit a faire connoïtre le père. Quant aux arrêts, iadiftinclio'n entre les enfants concus avant ou après 1'accufation d adultère, concilie tous ceux qu* pourroient paroitre contraires fur eek mattere. Celui du ±6 Janvieri S^rendu en faveur de 1'enfant de la dame de totjjy n a pbirft de rapport a: notre efpece, puifque la conception de cet enfant avoit prceédé Ia plainte en adultère. M • 'Brgnon renfarqua même qu'il n'y avoit pomt dans les informations, de preuve d adultère. L'a/n dl1 9****9U rendu en fajreur de Pterre Gars, procureur du roi au  La Belle Epicière. 2.83 de Mante, & qui déciara adukerm -penfant dont Marie Joife! fa femme ac■coucha dans la conciergerie , eft tonde Er ce que cet enfant avoit ete concu depuis 1'accufation en adultère, La réponfe que leAW/e fait a cette IbjeaioA, fous le nom de laP^eaa, J eft fmgulière. C'eft que GarseW dan» le cas de 1'impoftibilité phyfique, la t; femme étant devenue encemte dans le I tems qu'elle étoit enfermee fous la clet I dans une maifon inacceflible au maru ; Enforte que la conciergerie etoit mac, ceftible i Pierre Gars , eW de Mar e Joifel; &c elle étoit «xeffibfc a Semitte, | dans le tems du premier enfant dont a I Perreau: alla enfuite accoucher dans ie : couvent de Liefie. . . . 11 eft certain ou'on ne peut lai* I roquer 1'impoflibilité phyfique. Tous I les jours on voit des femmes ae1 venir enceintes , & accoucher dans : les prifons , foit par le fait de leut , mari, foit par le fut d'autres perfonnes, , & même de pnfonniers. Combien en a-t-onvu rerarder.par desjgroflefles réitérées, & pendant des annees entieres , le foppHce auquel elles étoient eondamnées? 11 faut donc chercher un autre mout  i°4A La Belle Eplcikre. * 1 arret rendu en faveur de Gars: & ce moed ne peut être autre que le défaut deco-habuationqui, lorfqull eftfondé pntKipalementfur une accufation dadultere, faitceffer abfolument la préfomption de droit qui naït du marLe c. de k faveur des enfants, remet leS choles dans le droit commun, & rend la preuve contraire admiftible. ,r lü™ ^ue' «7 ayant dans notre r~ , uuu pms que, dans celle de ait vu ^3"^- ^» ception des enfants ; y ayant, au con- „v. ^«^«/d ^retïa ayec U peut-il y avoir de Ia diftïculté I auu,u ins les trmts provenus ^?WI]T-^iciune d/^Z ^^r^^Uedansl'^t — ^o//tf/ etoit devenue &™ , *vait que d etre condamnée : au heu q-lie les ttois enfants nés de Gal bruU Perreau ont été concus depuis fa condamnation. ^ Du refte jamais débauche ne parut avec plus d'évidence ,& avec plus d'ef- c eft que, dans Ie tems que leV^ mult.püe&l« requêtes&au treseer  La Belle Epicière. i8j ede procédure, dans lefquels il fait tous fes •efforts pour établir que le fieur Semitte eft un vifionaire qui fe forge des chimères creufes pour je tourmenier; eft un homme malade d'une fièvre jaloufe qui a fes intermijfwns & fes acces; eft unfoudont la manie afon flux & fon reftux Jes interyales lucides & fes intervales obfeurs ; eft ■ un pere dènaturé qui défavoue & fupprime 1 fes enfants: dans le même tems, ce même ; homme s'acharne a infuher le même , Semitte , fous les noms de Coniftcius , j du Gingembiier Themifte , du marquïs ; de ia Croix Gingembre, du fot monfieur ' Canelle, du mafcadier Atléon , de Fou: canelle, & autres fobriquets injurieux , ! répandus dans les libelles, dont ce fer1 tile écrivain inonde le public , & qui ; font la feule reflource que fes crimes , & fes débauches lui aient lailfée pour , fubfifter. II garde fi peu de ménagement, ! & craint li fort que fon commerce avec ; la Perreau ne deshonpre pas foxman , qu'il a fait, de ce malheureux époux , le fujet d'un libelle intitulé: Les quatre^ fils Aimon , ou les enfants trouvés ; qui -. contient de merveïlleufes réfiexions fur la fage conduite du fameux Cornificius t & comment , a. force de remuer la corne d'abondance, dont il eft authentiquement  ?$6" La Belle 'Epicière. pourvu, ila eu le bonhcu d'en faire fortlr deux)olies panes nymph.es q iluireffembient comme deux gnuttes d'eau. ^Ainfij dans le tems que le Noble n'épargne rien pour tromperla juftice, & lui faire croire que Gabrielle Perreau n'a donné aucune arteinre a la foi conjugale , Ü fair tous fes efforrs , pour que le public n'iguore pas que Semitte eft couvert de cette efpèce de deshonneur, cjue la débauche d'une femme fait rejaillir fur fon pauvre mari. Dans un libelle intitulé lettre a M. Canelle, le ISloble lui donne cet avis: ilny a quedesgens ahfolument depourvus de jugement qui , en découvrant ce cu'il faut tenir eaché, divertiffent le public è. leurs dépens. On concoit aifément que les femmes .du caraébère de Gabrielle Perreau, dont cet écrivain étoit Ie défenfeur & le complice , ont le plus grand intérêt de inettre cette morale eri vogue. Mais , quoiqu'il y ait quelquefois de la prudence a jetter un voile fur les fautes fecretes d'une femme; il ne peut jamais y avoir que de la honte a diftimuler des débordemenrs aufli publics , que ceux de ja Perreau. Le prétendu deshonneur qui, des infidélités de la femme, rejaillit  La Belle Epicière. 2,87 contre le mari, eft une chimère, & un vieux préjugé populaire , dont la réflexion la plus légère diilipe 1'ülulïon, Mais la diflimulation outrée d'un mari, qui feroir telle qu'on pourroir la prendre pour une connivence, eft, de toutes les infamies, la plus reelle, &• celle qui fiétrit 3, plus jufte titre. Les loix puniffènt même le mari qui continue c'habiter ,avec fa femme, après 1'avoir furprife en adultère, & avoir fouffert que ion complice fe retirat tranquillement. Elles veulent qu'il pourfuive la punirion de celle qui a fouillé le lir nuptial. Elles ne ï'excufent que .quind il paroit qu'il a voulu s'épargner la douleur de trouver fa femme inlideile ; quand il a voulu fe tromper lui-même par quelque prétexte plaufible d'incréduliré , qui puiffe faire excufer fa patience (1). Mais, de la prudence, de la patience , de la diflimulation avec Gabrielle Perreau ! Avec une femme emportée par (1) M.iriti lenocinium lex co'ércuit, cui deprehenfam uxorem in adttlterio retinuit, adulte~ Tumque dimïfit, Debuit e im uxori quoque irafci , qua matrimonium ejus violavit. Tune autem puniendus efl markus cum excufire ignorantiam faam non potefl, vel adumtrare patientiam preste xtu incredibilitatis. L. 2.9, ff, ad leg. Jiilt dt adult.  £88 La Belle Epicière. Pardeur de fon tempérament, que ni la crainte, ni la pudeur naturelle a fon fexe , ni la voix de Phortneur , ni celle I de la reiigion, ni la févérité des loix, ni une condamnation flétrifante n'ont I pu conten-ir ? Une femme qu'on a juf-1 qu'ici inutilement enfermée dans les prifqns , dans les monaftères , dont la j iubricité eft un torrent qu'aucune digue ne peut arrêter une femme qui, loin d'être rappellée a la raifon, ou du moins I a 1'extérieur de la décencepar les humiliations &c les punitions, brave & les loix Sc les magiftrats par une proftitution plus eftrénée & des exces plus puniftables encore que ceux qui avoient opéré fa condamnation. De toutes les femmes dont l'impudicité a feandaliféla fociété, I en eft-il jamais tombé de plus coupable fous la main de la juftice ? Fut-il mari qui ait eu plus de droit de compter fur la compaflion du public ; qui ait plus mérité qu'on le plaigne, au lieu de Paocahler de ces plates plaifanteries aujourd'hui releguées dans les contes, dans les fables , & chez la populace qui n'appercoit pas que rien n'eft plus injufte que de faire dépendre 1'honneur d'unpauvre mari de la Iubricité d'une femme qui, après aYoirfranchi les barrières de 1'honneur ,  La Belle Epicière. 289 ; Jieur , ne connoit plus de frein dans 'fa • proftitution ? Semiite, en un mot, pou.voit-il , fans fe rendre complice des adultères de fa femme , diffimuler que •■ leur éclat étoit parvenu jufqu'a lui; & ; ne pas prendre toutes les mefures poflïI bles pour en faire celfer le fcandale ? .1 Au prétendu affront qu'on lui reproche, il auroit joint 1'infamie réelle d'êtte re~ I gardé comme le proxenette des profriI tutions-de ce démon de la luxure. Gabrielle Perreau, ou plurót le Noble I repliqua. II ne s'agit plus , difoit-il, de I l'état des enfants défavoués par le I mari ; Dieu les avoit préfervés , par 1 une mor-theureufe, de l'état déplorabie f| auquel la dureté de leur père fembloit ï| les vouer. Cette remme foutient enfuite que 3 renfantqu'elle aconcu a la conciergerie, ii eft un fruit conjugal; que n'étant point :a enfermée avec les femmes a qui leur | forrune ne permet pas de fe procurer 3 certaines commodités, mais étant au )i lieu qu'on nomme la pen/ion, ou tout (1 Ie monde pouvoit aller la voir , fon mari I avoir profité de cette liberté, pour la 1 venir trouver dans fa chambre. -Elle ajoute queStmitievok pourprinJome V. M  2.oo La Belle Epicière. cipe qu'une femme condamnée comme adultère perd tous les droics du manage: & confondant enfuite les droits des enfants avec ceux de la mère, il fuppofe faufTement que la préfomption établie par les loix en faveur des enfants nés a f ombre du mariage, fair partie de ces droits civils que la condamnation de la femme lui fait perdre. Premièrement la fentence du chatelet eft annuÜee par 1'appel. Ainfi il eft ridicule de raifonner d'après une condamnation quin'exifte point. Ce fondement du raifonnement de Semitte étant renverfé, le raifonnement tombe de luimême. Secondement il eft faux que la préfomption de droit établie en faveur des enfants, & fbndée fur la foi du contrat de mariage & fur la fainteté du facrement, falfe partie des droits appartenant a. la femme, & dont elle eft dépouillée par la condamnation. La loi, comme on 1'a vu, diftingue clairemenr les droits de la mère , & ceux de 1'enfant, en décidantque la mère peur êrre adulrère , fans que 1'enfant foit adultérin. Or la préfomption fondée fur la loi n'eft pas un droit qui apparrienne a la mère , mais a 1'enfant.C'eft dope parler contre ' 1  La Bello J±prc7prfi. 2C)1 Ia loi, que de décider que le crime de ia mère dépouille 1'enfant de fon droit. Toutes les exceptions propofées par les loix fe réduifent au cas de 1'impoiïïbilité phyfique , & au cas de 1'impuiffance naturelle; ou plutót au feul cas de 1'impollibilité phyfique , puifque 1'irq? puiflance naturelle en eft une. Hors cette circonftance, le légiflateur veut que le mari foit père légitime des enfants auxquels fafemme donne le jour pendant le mariage. Qu'il foit, ou qu'il ne foit pas leur père naturel, la loi le voit toujours comme tel; & toute 1'autorité des juges ne va pas jufqu'a pouvoir lui óter lapaterniré légale dans lecas de la poftïbilité phyfique. Tu es mari, donc tu es père. La nature opère la génération dans un fecretimpénétrable.La preuve qu'un autre que le mari ait engendré 1'enfant eft donc abfolument impoffible , puifque Dieu s'en eft réfervé le fecret a. lui feul. Or , comme 1'inrérêt public veut que tout enfant ait un père certain , & que, felon la nature , jamais le père ne peut être certain; la loi a fuppléé a cette incertitude, & a dérenniné que le mari fera réputé père, pouryu que 1'impofNij  9 4 JLcc Sclic Epïcière. fibilité phyfique ne mette pas obftacle £ cette qualité. En èffet, quand mille témoins prourveroient qu'une femme a eu les plus grandes complaifances poiïr un autre que pour fon mari pendant le tems qui a précédé & fuivi la conception jufqu'a Paccouchement; qui eft-ce qui peut aftlirer que cette conception provient du fait de 1'amant, plutÖtque de celui du mari, lorfqu'il n'y a pas , de la part de celui-ci, impollibilité phyfique ? Ainfi la loi politique ne dement point ce que la nature a pu faire ; cette loi, qui n'a que le bon ordre pour objer, Sc qui s'efforce d'y adapter les opérarions de la nature , a fuppofé que les femmes mariées ne font que ce qu'elles doivent faire, Sc ne fe prêtent par conféquent aux caufes naturelles de la génétation qu'autant que les loix pofitives divines & humaines le leur permettent, paree qu'elle ne veut pas que le crime fe préfume. Auffi ne le préfume-r-elle pas; Sc elle ne permet a fes miniftres de le croire , Sc d'en pronoKcer la peine,que quand il eftprouvé. De-la vient qu'e-lle enjoint de regarder Penrant de la femme comme ayant été jpagendré par le mari; de-U vient la  La Belle Eplclèrè. 293 qualification de légitime, qui figmfie que 1'enfant tientfon état de la loi \ que c'eft elle qui lui donne les ficultés civiles qu'elle a accotdées a ceux dont elle avoue & protégé la naiifance, , Mais fi, par une caufe phyfique provenant ou de 1'impuiftance, 011 du défaut de co-habitation bie-n prouvé, la loi ne peut pas fuppofer que c'eft par les moyens qu'elle a adoptcs, que la narure a été provoquée, cette loi ne reclame point alors 1'enfant dont elle ne peut reconnoitre la conception. Cet enfant eft alors un- enfant naturel fimpiement, mais- il n'eft pas légitime. C'eft fur ce fondement que 1'on déc-ide que, pour óter la patemité au mari, il faut qu'il foit conftant & indubitable qu'il n'a point habité avec fa femme \ fi cönfiét maritum non concubuijje. Mais , dés que cette co-habitation n'eft pas phyfiquement impoflible, il ne peut être certain & indubitable qu'elle n'ait pas eu lieu. Or , dans le doute , tout exige que 1'on fe décide pour la naiftance légitime. Les défaveux d'un père , le défaut de co-habitation , le procés inrenté contre la femme en adultère ; rien nepeut donner atteinte a. l'état de 1'enfant. ■ N iij.  294 La Belle Epicière. Semitte abufe donc vifiblement de Ia "oi, quand ü veut en conclure que la préfomption ne ceflè que dans le cas de Vimpojfibillté phyfique. La loi , après avoir cité, pour exemple de cette impojfibilité'phyfique, ou une maladie, oi une impuilfance , ajoute , ou quelque autre raifon; e'eft-a-dire, ou quelque autre caufe provenant d'une impoffibilitè phyfique. Pour en être convaincu , il nel faut que lire le texte de cette loi. 11 eft «apporté plus baut, p. 243, Quant aux jurifconfultes , il eft évident que, lorfqu'ils décident que la cohabitation empêche que le mari ne puiftê contefter Pétat des enfants, ils ne difenr pas , pour cela, que le dcfaut de conabitation lui donne toujours le droit delever cette conteftation, & fafle ceder la préfomption exprimée par la règle pater is eft3 &c. Car ils n'ontpas ajouté que la co-habitation füt Punique cas oü Pon put faire valqir cette préfomption. Quand ces auteurs ont dit que , lorfque les deux époux ont demeure continuellement enfemble, le mari ne peut contefter l'état de fes enfarits , c'eft un cas qu'ils ont cité entre tous ceux qui priventlemari de lafaculté d'intenter cette adion 3 paree qu'il eft certain que la  La Belle Epicière. 2.9? préfomption de droit a plus de force kans cette efpèce , ^^W^ & ferme la bouche i un incredule. Mais la préfomption de droit ne: laifle pas, dans tous les cas de la pollibihtc= phyfique, d'avoir beaucoup de force J & otfque la loi dit que la verite don I cmporlr fur la préfomption de droit, elle , entend une vétité conftamment & m, dubitablement prouvée par des circonl - tances qui établilfent 1'impoilibihte phy- : fiqoüant a l'arrêt de Pierre Gars J dont Semitte fe fait un moven, & auquel il prétend que 1'on n'a répondu qu en tombant dans une contradidion revoltante, • cette contradidicn celfe, en obfervant , que Marie loifel étoit enfermee, dans : la prifon, avec les femmes; que, par . conféquent il lui étoit impofl.ble de voir aucun homme; pas meme fon mari. : Gabrielle Perreau, au contraire, etant a , la penjlon, fe trouvoit expofee, par Ia forte de libertc qui règne dans ce can, ton de la prifon, aux vifites & aux le* dudtions de fon perfide man, qui iem| bloit ne la carefler que pour multiplier fur la tête de cette infortunee les traits de calomnie & d'infamie dont il vouloit la faire périr. . N iv.  m La Belle Epicière. Jn /" ouvrage deftiné aux amufe- Jes gens fages ne s applique„t point ^ gd ene pubJiqi e ^4 P£ u« ?e. dlt,Pas:,vow«« W™, c'eftêtre g-ernel'aureut du ridicule dont on cemhrl" interVfnt f* ]eP^mier dei 7Zn1I70Iinle^d " fentence »rendueaucMteletle27févrierI(Jo.3 » Wee dans la maifon de force de la " Salpemere de Phópital-général de Pa! »ns pendant deux ans, pendant leJ -quels Wf fa pourra voir & re» prendre, fi bon lui femble : fino,,' " e^f^Pfé,Ldite Perreau feil fee * dans ladite maifon de »W le refte de fes jours ;a la charge »que ledit W^paiera livres » Paran'P°«r^penfiondefa femme " fPre^reen premier lieu, fur les' " remrent fur "ux dudit Semitte. En - ^ fes dot, douaire&préciput, droits  La Belle Epicière. _ 297 » de eommunauté & conyeutions pm„ trimoriialês porrées par Ion contrat de „ mariage. L'enfant dont ladite PerL reau eft accouchée au mois de fep,» tembre 1694, nomriié le chevalier de \\ Saint-Rcmy ou de Saint-George, & ,„ deux autres enfants dont elle eft pa„ reillement accouchée, nommées Ca» therine-Louife & Anne-Cathenne , „ nées en aoüt 1696 ,& en avril i6?9 , „ fonr déclarés adulrérins & illégmmes,, l avec défenfes-de fe dire fiU& fiuet , „ dudk & d'en prendre le „ nom. U eft ordonné que Mane-Ga-. „ brielle Semitte, hlle mineure dudit „ Semitte & de ladite Perreau, jouira „ defdits dot, douane & précipur Sf ,i autres avantages portés par'le contrat„de mariage de ladite Perreau, fm„-vant la coutume de Paris. Le Noble y „ Goy Ü Auger bannis , chacun pout a trois ans, de la ville, prévoté & VI7 „ comté de Paris ; avec oeie^»c? Mp, „ hanter ni fréquenter ladite Perreau ,, „ fous plus grande peine ; condamnés „ en 5 o livres d'amende envers le Roi y „■ & /e jVoi-/e a nourrir, entretemr &„ élever lefdits trois enfants jufqu'a ce „ qu'ils foient en état de gagner leut' n vie. Les termes injurieux inferes dans  ^9° La Belle Epicière. » les requêtes de la Perreau fupprimés, » La Perreau . Auger, Goy & le Noble » condamnés aux dépens errvers Se-» tnitte, chacun pour la part & portion w qu'ils ont occafionnés».. Cet arrêt eft régulier dans toutes fes parties, & conforme aux régies établies fur certe matière. II eft cerrain que les loix & les arrêrs favorables aux enfants, ne s'appliquent pas a ceux qui font concus depuis 1'accufation en adultère. Ainfi , quand Gabrielle Perreau s'eft retranchce fur ce qu'elle n'étoit pas condamnée, paree que 1'appel en matière cnminelle éteint Ia condamnation, elle étoit toujours dans le cas d'une femme qui a conai des enfants depuis 1'acculation. L'arrêt rendu dans Paffaire de Pierre Gars, qui avoit accufe Marie Loi fel fa femme d'adultère, eft dans le cas de la poftibihté phyfique des approch.es du man. Quoique Marie Loi fel Ru renfermee dans la prifon avec les femmes, on ne peut pas dire qu'il étoit phyfiquement^impoffible que Pierre Gars 1'approchat ; puifqu'une impoffibilité phyfique ne peut être vaincue que par ifn miracle. II eft donc conftant que Ia préfomp-;  La Belle Epicière. 299 Ln établie par les loix en faveur des enfants, na pas lieu a égarl de ceux qui font concus depuis 1'accufation en adultère. La femme qui, dans cecas, «étend que fon mari eft leur pere, Lt prouver des faits qm puiftent moralement établir cette patermte, comme ' des entrevues, des converfations tendres, descarelfes. MantLoifd no&K pas même de faire cette preuve. II eft impoffible d'ailleurs ae répondre aux conféquences qui réfulreroient j del'abusdela préfomption. Plus une ' femme accufée d'adultère par fon man, j feroit d'enfants après cette accufanon, i plus elle fe proftitueroit: plus elle ie , nrocureroit de moyens d'impumte, li : ces enfants étoient préfumes appartenu au mari: paree que, fuivantce fyfteme, on préfumeroit autant de reconciliations, qu'il y auroit eu d'enfants. Vmla la porte onverre aux femmes, pour etre adultères impunément. II eft donc clair, par les faits du procés, que la Perreau ne pouvoit Ie Lévaloit de la préfomption de droit Lur les couches qu'elle a faites deprus 1'accufation intentée par fon man. fclle a donc du être condamnee comme adultère- & fes enfants déclares adukenns.  200 La Bell? F„;.;< Q *-,f,CK.LCft:. uant a a AHU^r.s.* j. r , . tere lur fes pourfintes. C'étoit une réparanon qu'elles hu accordoient polu~ Ijnjure qu'il avoit recue de fa femme ^Ie,P- -ientiugea5 comme avo t fa le chatelet, que la permiffion par ecnt quil avoit donnée i fa femmPe ^mVndVn'igne d£ -refavem* Un marine doit pas, même en badi«ant, donneriia/emme une telle pt H Ptfr?« enfermée a la SaiE^.ouelleretracu.parktórite Magtijrtu''la ~de *  AFFAIRE ï DE JACQUES LE BRl/N- V oici encore 1'hiftoire d'un innocent , auquel les tourments de la queiI tion ont arraché la vie. - II paroït que la dame Ma\d Jouiüoit I d'un revenu très-confidérable. Elle avoit I trois enfants pourvus de glacés honoI rables. L'ainé, Retté de Savonnieres, j étoit confeiller au parlement: le fecond, I Georges de Savonnicres} feigneur de ,| lïgnierts; étoit tréforier-dé France en f kgénéralité de Paris; & le troifième , I 'Mkhel de Savonnieres , étoit major dttI régiment de Piedmonr, La dame Ma\d avoit, dahs fa faI mille, une mortelle ennemie ; c'étoit I fa belle-fille, femme de M. de Savon: 1 nïeres confeiller, qu'elle tenoit enfcr] mée, depuis douze a treize ans, dans 1 un couvent de province , par ordre obtenu du Roi. Grand nombre d'archers  302 ^ 'Affaire farrêtèrentpubliquement en plein jour malgré toutes fes réfiftances & tous les' cns qu'elle jettoit, en appellant fon man qu'elle fcavoit bien netre point la caufe de cet enlèvement, & qui en eftet ne le permettoit que par complaijance. Elle s'étoit échappée plufieurs fois du couvent; & toujours fa bellemere I'y avoit fait remettre. Entr'autres évafions de cette dame, on en a remarqué deux, dont on a voulu tirer parti dans le proces. Elle etoit fecrétement a Paris , au mois de mars 1689, dans le tems qu'un nommé Berry dont il fera beaucoup queftion dans la fuite, vola 1500 livres a Ia dame Ma^el. Elle y revinr encore trois mois avant le malheur arrivé a fa bellemère. A cette époque, elle étoit cachée dans une maifon, rue du colombier, fauxbourg famt Germain, & dit a une perfonne qu'elle rentreroit avec fon man dans rrOIS mois; & c'eft le tems fatal de 1'affaffinat qui fait la matière de ce procés. La dame Ma^lavoit, pour domeftiques , deux jeunes laquais, %és , chacun, de feizê a dix-fept ans : un cocher, deux femmes de chambre, & une vieille cmliniere.  de Jacques le Brun. 303 Jacques le Brun avoit, chez elle, la qualité de valet-de-chafnbre, Sc réunifI foit toutes les fondions d intendant Sc • de maïtre-d'hórel. Il avoit mérité cette ;; conriance par un fervice aflidu de vingt: neuf ans : il y étoit entré fort jeune, i puifqu'il n'avoit que quarante-cinq ans 1 au moment de la cataftrophe qui lui a <| coüté la vie. II recevoit a la ville, pour ; fa maitreffe, &c mettoit 1'argent dans , /-^flfi-o_f^rt- nnl Tprmnir a fecret. En J un mot, il connoilfoit Sc conduifoit I toutes les affaires de fa maïtreffe. C etoit par lui que paffoient tous les ■1 „.-J.-»,- l'int-pripiir Ae la 11111- I fon; Sc c'étoit lui qui les faifoit exécui ter. Tous les marchands, rous les ou| vriers, tous les foumiffeurs dépofoient | hautement de fa fidélité & de fon défini téreffement. Ils difoient tous qu'aucun i maitre-d'horel ne les payoit avec plus I d'exa&itude & d'honnêteté. Les peri fonnes qui fréquentoient dans la maiI fon, avoient pour lui de 1'affection & de , 1'eftime. On a remarqué un fair qui : prouvoit fa droiture. II rendit un jour a une dame qui avoit joué chez fa maitreffe , de 1'argent qu'elle ne fcavoit pas i être a elle , Sc qu'il pouvoit garder fans aucun foupcon.  3Tö"4 Affaire Le Brun étoit marié, & ne méritoitgas moins d'eftime en qualité de père de familie, qu'en qualité de domeftique. Magdeleine Ti(jerelte fa femme logeoit, avec fes enfants, auprès du collége d'Harcourt. Ils vivoient dansI'union laplus intime; & leurs enfants, au nombre dequatre-, un garcon & trois. filles, étoient.élevés dans la piété, & fuivant toutes les règlesde 1'honnêteté.Les filles , cqcffeufes au palais, avoient de la réputatiom dans cet art. La dame Ma^el occupoit-beauccmp-plus.de Wement qu'il ne lui en falloit. Elle avoit plufieurs chambres vuides, qu'elle fa feroir fair un plaifir de-lahTer habiterpar la familie de le Brun.Mzis ilaimoit. mieux payer un loyer, que dïexpofer, 1'innocence de fes filles dans. une maifon ouverte deux fois la femaine, jour. & nuit, a une infinité de joueurs, & a. toute leur fuite-.. Enfin la dame Ma^el avoit donné retraite chez elle a un -certain ab 'bé Pou+lard, qu'il faut faire connoitre. Cet abbé Poulard avoit fait des vceux dans 1'ordre des jacobins; & après y avoir paffe' plus de vingt ans, il en étoit forti, a la faveur de bulles fubreptices qui 1'aro-ienttransféré-dans I'ordre de Cluny,.  de Jacques le Brun. 30^ jegué a le Brun une fomme de 6000 liv. avec la moitié des linges & hardes fer-  de Jacques le Brun. 309 vant a -fon ufage \ Sc l'autre moitié a sinne le Doyen , l'une de fes femmes de chambre. Ce teftament, qui étoit dépofé chez un notaire, étoit connu, M.iis elle répéroit fouvent qu'elle étoit dans 1'intention d'en changer les difpofitions. -Elle étoit logee rue des macons, prés de la forbonne, ou elle occupoit elle feule une maifon a quatre étages. On entroit au premier, par le grand efraiier , dans une grande falie qui ferveit d'oftice , oü étoit une armoire dans laquelle on ferroit 1'argenrerie, & dont une des femmes de chambre avoit la clef. On y avoit pratiqué, du cóté de la rue, un retranchemeht oü couchok ie Brun, quand il n'alloir pas couoher chez fa femme. Le refte de cet étage compoioit un appartement de réferve , oü la dame Mastel r-ecevoir les perfonnes qui alloient la vifiter Sc jouer chez elle. On entroit au fecond étage, par le même efcalier, dans une grande antichambre , qui conduifoit dans une falie ayant vue fur la cour, d'oü 1'on entroit dans une chimbre ayant pareillement vue fur la cour, Sc dans laquelle couchoit la dame Ma^el. La première pièce étoit ouverte jour Sc nuk. Quand la  3io Affaire maitrefle étoit couchée, les domeftiques qui avoient aflifté i fon deshabillé , otoient la clef de fa chambre , Ja mettoient fur un fiège auprès de la porte , öc tiroient cette porte après être fortis. Ils fermoient enfuite la fecoude pièce dont ils depofoientla clef fur la cheminee de a première qui reftoit ouverte : ainft elle couchoit feule dans ce grand vuide. ö On avoit pratiqué, dans Ia porte de Ia chambre a coucher, au-deffiis de la ferrure unpetit trou, qui étoit bouché avec imecheville.Oiisnfl ]*A^,^a 'nr'~**>"- mdilpolee , & ne vouloit pas fe lever pour ouvnr elle-même, on introduifoir parcepetit trou, un crocher qui ouvroit la porte , en pouflantle bonton attaché au pene. j Dans la chambre ou elle couchoit étoient deux autres portes , dont l'une donnoit fur un petit efcalier dérobé • on entroit par l'autre dans une aarderobe qui avoit fon iflue fur le même pent efcalier. La première de ces portes etoit dans la ruelle du lit, & pouvoit s ouvnr par la dame Ma^el, lorfcm'elle etoit couchee , & fans fe lever. Elle avoit, a fon lit, des cordons de fon«ertesj & lesfonnettes étoienta la porte  de Jacques le Brun. 311 «le fes femmes de chambre. Dans la garde-robe étoit une armoire dont on Ëïettoit la clef au chevet du ht de la dame Ma^el; &c dans cette armoire , I étoit la clef du coffre-fort. Le troifième étage étoit vmde , a ü'exception de la chambre de 1'abbe j Poulard , laquelle étoit au-deftiis de la J garde-robe , & avoit fon entree par ce petit efcalier qui donnoit fur la rue e j du lit de la dame Ma\el. Ainfi elle I couchoit feule dans un vafte appartei ment &t perfonne n'habitoit 111 auI delfos', ni au-deffous d'elle; hors Yabbé I Poulard, qui, de fa chambre, comme I on vient de le voir, avoit une commum; cation particuliere & fecrette avec celle I ou elle couchoit. Au quatrième, étoient deux cham, bres, l'une occupée par les deux femmes I de chambre , qui étoient fceurs j 1 autre [ par les deux laquais , qui croient l frères. i ,. . _ Au-delfus de tout le batiment, rcgne I Un vafte grenier, qui étoit toujours ou, vert &c dans lequel eft une lucarne , 1 par laquelle on va fans peine for une eouttière qui eft entre deux toits & qui I continue , par la rue, le long de cinq ou fix maifons, dans la plupart del-  'S1^ Affaire quelles on tenoic des penfionnaires. Au rez-de-chauftéa, eft Ia cuifine & un pent bucher. La cuifinière avoit toujours couché dans la cuifine; mais huk jours avant le meurtre de fa maitrefte , ti lui avoit pris fantaifie decoucher dans le bucher, qui a fur Ia rue des fenêtres balles , par lefquélles on peut parler k des gens de dehors, leur donner un paüe-partout a toutes les heures de la nuit, les faireentrerfecretement, & les cacher dans le bucher. Enfin le cocher couchoit dans 1'écune, & étoit chargé du foin de la potte cochere, dont la groffe clef demeuroit pendue a un clou dans la cuifine , ou tous les domeftiques pouvoient la prendre. r II eft encore important dobferver que , quelque tems avant la mort de la dame Mvccl, elle avoit retiré, des mains de le Brun s un pafte-partout dont il fe fervoit pour entrer & fortir a fon gré ; qu'elle 1'avoit remis a Yabbé Poulard ; & que cependant le Brun en avoit toujours eu un, dont il n'avoit cefte de faire ufage. Ces détails étoient néceftaires pour 1'intelhgence des circonftances qui ont accompagnél'aifallinac dont j'ai a parler. Voki  de Jacques le Brun. 313 Voiciles faits qui l'ont précédé & fuivi. Ce font de petites chofes: mais plus elles font petites , plus il eft important d'y faire une férieufe artention : car c'eft dans ces petites chofes qui fe font fur le champ , & qu'on ne prépare point, oü la nature & la vérité paroiflent davantage. Le 27 novembre 1689, premier dimanche de 1'avenr, les filles de le Brun allèrent voir la dame Majrel, après fon diné. Elle leur fit accueil, &c les engagea a la venir voir, une autre fois, a une heure plus commode, & oü elle eut le plaifir de les entretenir plus longtems, voulant aller, ce jour-la, a vêpres aux religieux de Prémontré de la rue Haute-feuille. Le Brun 1'accompagna dans le chemin, en lui donnant le bras. Les deux laquais les fuivirent. II la quitta, pour aller entendre vêpres aux jacobins de la rue faint Jacques. De-la il alla a un jeu de boules, d'oü il fortit avec un noramé Laguë 3 ferrurier, qui avoit époufé, en premières noces, une cuifinière de la dame Ma^el. Ils allèrent chez un rötiffeur , nommé Gaultier, acheter ce qui leur étoit néceftaire pour fouper enfemble. Le Brun fit un tour au logis de Tome V, O  314 Affaire fa maitrefle, enfuite chez fa femme. Sur les huit heures, il alla rue du Battoir, chez la dame Duvau , reprendre fa maitrefle, avec les deux lacjuais & le cocher, fuivant 1'ordre qu'elle en avoit donné. Après 1'avoir remife chez elle, il alla fouper chez Laguë, La dame Ma\el foupa, comme a fon ordinaire, tête-a-tête avec 1'abbé Poulard. Tous les domeftiques remarquèrent qu'il avoit répété plufieurs fois , pendant le foupé, qu'il iroit coucher dans fa chambre en ville; ce qu'il n'avoit jamais dit avant ce jour-la,. Elle fe coucha a onze heures du foir,. Ses deux femmes-de-chambre ne 1'avoient pas encore quittée, lorfque le Brun vint gratter a la porte qui donnoit fur le petit efcalier. La dame Ma^el ayant demandé qui c'étoit, une des femmes-de-chambre répondit: c'eft M, le Brun. Celui-ci, voyant qu'on ne lui ouvroit point de ce cóté, defcendit, & fit le torn par le grand efcalier. La dame Ma^el lui dit: voila une belle heure ! Elle lui donna fes ordres pour le foupé du lendemain lundi, jour oü Ton avoit coutume de s'aflembler ehez elle, pour jouer. Une des femmes-de-chambre ayant mis, comme a 1'ordinaire, la clef  de Jacques le Brun. 31^ de la chambre fur le fiège qui étoit auprès de la portê, elles forrirent \ 6c le Brun3 fortant le dernier, tira la porte après lui. II s'arrcta quelque tems a caufer avec les filles, qui 1'entretinrent fur le bon accueil que les Hennes avoient recu de la maïtrelfe. II leur parut tranquille & ferein comme a fon ordinaire. Après les avoir quittées, il alla en bas, pofa fon chapeau fur la table de la cuifine, prit la clef de la grande porre, dans 1'intention de la fermer, la mit fur la table, & fe chauffa. II s'endormit infenfiblement. A fon réveil il entendit 1'horloge fonner une heure, mais il ignoroit fi elle n'avoit pas fonné d'autres coups, avant celui qu'il entendit. II alla fermer la porte, qu'il trouva enriérement ouverte, & emporta la clef dans fa chambre; précaution qu'il prenoit raremenr. Le lendemain matin 28 novembre, il alla a la boucherie & a la vallée. 11 fut rencontré par un libraire de fa connoiffance fort honnête homme, avec lequel il s'entretint quelque tems, &c qui a afiuré qu'il avoit I'efprit aulli libre 6c aufll gai qu'a 1'ordinaire. Le boucher chez qui il alla, 6c qui fournilfoit ordinairement la maifon, dit O ij  3i6 Affaire par-tout que le Brun 1'avoit prié d'en- voyer promptement la viande au logis, pour faire le bouillon de madame; paree qu'il étoit obligé d'aller a la vallée. II a auffi afluré que le Brun lui parut fort tranquille. II fut auffi rencontré par trois autres de fes amis, qui 1'accompagnèrent jufque dans la maifon. Ayant quitté fon manteau, l'un d'eux le mit, en badinant, fur fes épaules. Le Brun qui étoit en humeur de rire auffi, prit une éclanche, Sc en frappa fur le dos de fon ami, en diiant: Urn'eft bien permis de battre mon manteau tant que je voudrai, 11 congédia fes amis; alla faire quelques apprèts dans la cuifine, dont il fe mêloit; il donna, pour la chambre de fa maïtreffie, du bois aux laquais. Elle seveilloit, Sc fe levoit ordinairement a fept heures. On fut étonné de ce qua huit, on ne 1'avoit pas encore entendue. " Le Brun alla chez fa femme. II lui témoigna de 1'inquiétude de ce que madame n'étoit pas éveillée. II lui donna fept louis & quelques écus d'or qu'il lui dit de ferrer. II revint a un cabaret vis-a-vis du logis; ayant vu paroitre un laquais a la fenêtre de 1'anti-chambre  de Jacques le Brun. 317 qui donnoit fur la rue, il lui demanda fi elle étoit levée: on lm répondit que non. 11 rentra dans la maifon, ou tous les domeftiques étoienr alarmes du li* lencede leur maitrefle, d'autant plus que les laquais avoient fait beaucoup de bruit, en portant le bois. Onfrappa r aux différentes portes de fa chambre, en i criant: madame Ma^el Point de rc, ponfe. L'alatme redouble. Les uns difoient qu'il falloit qu'elle fur tombee I en apoplexie; les autres , qu'il lui eut I pris un faienemennt de nez auquel elle j Lit fujette. Le Brun dit: il faut que ce e foit quelque chofe de pis: jcfuisjort infquiet d'avoir vu la nuit la porte de la rue 1 ouverte. . .', c On alla au palais, avertir M. de JaI vonnieres fon fils. Arrivé a la maifon, 1 il envoya chercher un ferruner pour ouI vrir la porte de la chambre, & dit a le I Brun : qu'eft-ce que cela} M. le Brun ? I 11 faut que ce foit une apoplexie. Quelqu'un ayant dit qu'il-falloit un chirurJ eien, le Brun dit: U n'eft point queftion J de cela , c'eft bien pis: il faut qu'ily ait \ . de la mal-facon : je fuis bien inquiet * caufe de la grande porte que j'ai vu ou- yerie t-ccic uuu. Le ferruner ouvre la porte lort aiieO üj  3*8 Affaire ment. Le Brun entre le premier, court au lit de la dame Ma^el; après 1'avoir appellée plufieurs fois inutilement, il léve une bonne-grace, & s'écrie : ah ! madame eft aftfajftnée. II entre aufli-tót dans la garde-robe, óte une des barres de la fenêtre, qu'il ouvre pour donner du jour : il foulève le corfre-fort qui étoit bien fermé, & Alt: elle n'eft point rutce , qu ejt-ce que cetar M. de Savonnieres envoya querir Ie fieur Deffita, lieutenant-criminel, le même que le comte de Montgommery avoit requis dans Paffaire du malheureux cx'Anglade. II lui rendit plainte, tant en fon nom, que pour fes deux frères, & fit venir des chirnrgiens, pour vifiter le corps de fa mère. Ils lui trouvèrenr cinquante coups de couteau, dont un grand ftombre aux mains & aux bras, quelques-uns au vifage, a Pomoplate & k la jugulaire; ce qui avoit occafionné une grande effufion de fang qui lui avoit caufé la mort: car, foivant le rapport des chirurgiens, aucune blelfure n'étoit mortelle par ellemême. On trouya dans le lit, qui étoit tout remph de fang, un morceau de cravate ae aenteiie, öc une lerviette tournée.en  de Jacques le Brun. 319 forme de bonnet de nuit, comme ceux dont on fe fert dans les jeux de paulme. Cette ferviette, qui étoit auffi toute enfanglantée, étoit marquée d'une S 3 comme celles du logis. II paroiffoit que la dame Ma^el, en fe défendant, avoit arraché a 1'aifaffin ce morceau de cravate, &c cette ferviette. On trouva même, dans une de fes mains, trois ou quatre cheveux. . Les cordons des fonnettes étoient tournés a plufieurs rours autour de la tringle de la houlfe du lit, a une telle hauteur, qu'on n'y pouvoit atteindre, & ferrés a deux noeuds; enforte qu'en les tirant, on ne remuoit que le lit. Enfin 011 trouva, dans les cendres, un couteau a fecret, long de huit a neuf pouces, qui s'ouvroit & fe fermoit a vis, & qui avoit au dos une petite platine, pour tourner le chien des armes a feu. Le manche , qui étoit d'écaille de tortue, étoit prefque rout brulé : il ne fe trouva aucune tracé de fang a la lame : on jugea que le feu 1'avoit évaporé. On ne trouya point la clef fur le fiège ou les filles dirent 1'avoir mife la veille. On ne trouva aucune fraéture aux portes, ni de 1'anti-chambre, ni de la Oiv  320 Affaire chambre. On remarqua même que » cheville, qui bouchoit le petit trou, paromoit y avoir été mife depuis fort \ long-tems. Les portes de la chambre qui donnoient fur le petit efcalier, & dans la garderobe, étoient fermées en .. dtdans, chacune avec un crochet. La clef de i'armoire fe trouva au che- uu in> comme a l ordmaire. On ou- ^llc armoire: on y trouva Ia bourfe dans laquelle on mettoit 1'argent des cartes ; il y avoit prés de 278 livres en qr. On ara de I'armoire la clef du coffrefort, que 1'on fit ouvrir par un ferruner , qui n'en vint a bout qu'avec beaucoup de peine, & dans 1'efpace d'un quart-d'heure. On trouva dans le coffre, quatre facs dargent, de 1000 livres chacun : plufieurs autres facs d'argent de différentes lommes, dont un étoit étiquette a monfieur Ubbé Poulard. Sous un des facs de 1 qoo hvres, étoit une grande bourfe aperit point, aurore & verte, doublée de fatm de couleur de cerife, toute onverre & vuide; & une boïte ou écritoire quarrée, de cuir rouge, fur laquelle etoit un demi-louis d'or, & dans laquelle on trouva toutes les pierreries ' de la dame Mapl, qui pouvoient va-  de Jacques le Brun. 321 loir 15000 Hvres. On trouva encore , dans fa poche , dix-huit piftoles en or. Toutes ces découvertes firent juger d'abord que l'affaifin n'avoit pas éte conduit par le delfein de la voler. Le licutenant- criminel interrogea fut le champ les deux femmes-de-chambre, & le Brun. Les femmes racontè; renr ce qui s'ctoit paffe au coucher de : leur maïrrelfe, & le Brun ce qu'il avoit fait depuis, comme je 1'ai dit, il y a un moment. On le fitfouiller; on trouva fur lui la clef de 1'office, & un paflepartout, dont les ouvertures étoient fort larges, & qui fe trouva propre a ouvnr, avec peine, le demi-tour de la ferrure de la porte de la chambre de la dame Ma\el; &c cette porte, quand elle éroit couehée, n'étoit jamais fermée autrement. . . Sur cela, le Iieutenant-cnmmel leht garder a vue. Il lui fit mettre a la tëte Ia ferviette' tournée en forme de bonnet de nuit, qui parut lui être afft^ jufte : on examina fes mains j d ne les avoit pas encore lavées ce jour-la j on les lui fit laver. On n'y remarqua aucune tracé d'égratignute, aucune tache de fang, & 1'eau n'en recut aucune empreinte. Enfin, après avoir fait une  'Affaire fort légère perquifition dans fon office^ • ou 1'on ne trouva rien qui püt fervir i la conviftion il fiit envoyé en prifon , & la femme fut arrêtée en même tems. lis furent mis chacun dans un cachot lepare. Le magiftrat fe retira, après avoir appofé le fcellé a 1'appartement de Ia dame ^ & laiflë garnifon dans fa maifon. I Lf lendemain 29, il vint interrog les deux laquais : il entendit comme témoins le cocher & la cuifinière, «Sc ne daigna pas entendre une vieille femme qui couchoit dans Ia cuifine. II employa dix heures de fuite a ces interrog^ toires. 0 Ce jour-la, on trouva, au bas du petit ekauer, une longue corde neuve tenant a un crocde fer a trois branches' Sc nouée d'efnarf» <.r«^„ j. i:rr>' - --r— w. v^cti.c, uc currefcnts nosuds non ferrés. Elle paroifioit deftinee a fervir d echelle. Le 30, le Brun fut vifité : on ne trouva, ni fur fes habits, ni fur fon corps , aucune marqué de fang, aucune egratignure. Le même jour, on découvrit dans im des gremers, fous quelques liens de paille,une chemife dont tout le devant ecJes manches étoient teints de fan*- 0 y  de Jacques le Brun. 323 des cotés marqués d'impreifions de doigts fanglants. Sous cette chemife, on decouvrit un col de cravate ta:hé de fang aux deux bouts feulement. Dans un autre grenier éroient trois muids d'avoine & du charbon, qu'on remua entiérement, fans y rien rrouver. On fit encore une perquifition dans 1 1'oflice ou chambre de le Brun : on y trouva un panier de ferrailles, dans le■ quel étoit un crochet & une Urne , une ferviette de la maifon marquée d'une 5, un vieux bonnet de nuit, & quelques cordes. On alla chez fa femme , ou 1'on - ne trouva rien qui déposat contre lui. On faifit feulement fon linge comme pièce de comparaifon avec la chemife & le col de cravate trouvés dans le gre- ™er- ... , Le lieutenant- criminel nom ma plu- . fieurs experts, pour examiner tout ce qui pourroit fervir d'indices. Lescouteliers ne découvrirent d'autre rapport entre un couteau trouvé fur le Brun , & celui qui avoit été tiré des cendres , finon qu'ils étoient tous les deux de la fabrique de Chatelleraud a & paroilfoient avoir été affilés par la même main. , Les perruquiers, auxquels 011 repreO vj  324 Affaire ienta les cheveux qui s étoient trouvés j dans une .des mains de la dame Mazel déclarèrent qu'il y en avoit trop peu , pout qu'on put y rien connoitre. Les linaères fmn„V„ I 0 nuuYtLcjjL aucun xapporr entre ia chemiie enfangiantée & celles de le Brun. Cette chemife étoit beaucoup plusétroite &pluscourte que les hennes. Elles en trouvèrent encore moins, entre le col, Ie morceau de cravate enfanglanté , & les cravates de le Brun Les deux femmes de chambre depoferent qu'elles n'avoient jamais vu cette cravate i le Brun ■ qu'elles croyoient 1'avoir blanchie a un laquais de leur maitreffe , nommé Berry , qu'elle avoit chaffé trois ou quatre mois auparavant, paree qu'il 1'avoit volée. Les cordiersne trouvèrent aucun rapport entre la corde nouée, trouvée au bas du petit efcalier, & quelques cordes trouvees dans la chambre de le Brun. Sa femme interrogée ne foumit aucune charge contre lui. Le ii janvier i louis d'or répandu dans le fond de ce » coffre; qu'il füt déclaré indigne 8C « déchu des legs que ladite dame lui » avoit faits par fon teftament; condamr  3^8 ^ Affaire " né a reftituer ledit vol \ & en outre ; » a tels intéréts civils qu'il plairoit I » la cour arbitrer , & aux dépens du « procés. » Vqici quels étoient les moyens qui fervoient de fondement a cette demande. II y avoit, dans cette affaire, un corps de délit exiftanr; c etoit le cadavre de la dame Ma%el, oü 1'on voyoit les coups de couteau qu'elle avoit regus. II n'étoit donc plus queftion que de chercher Paflaffin. Si Pefprit de la loi ne permet pas de condamner un accufe fur des préfomptions , quelque violentes qu'elles puiflent être, quand le corps du délit n'eft pas conftant; on peut dire auffi que, quand il eft certain, la même loi demande que 1'accufé foit condamné fur de fortes préfomptions, paree qu'on peut dire que ce corps de délit fait déia la moitié de la preuve. Car voiei cornment on doit raifonner. II eft certain qu'un homme a été aflaffiné : il eft donc certain qu'il y a un aflauui. On doit donc, en le cherchanr, arrêter fes foupcöns fur celui contre qui s'elèvent tous les indices & toutes les préfomptions. Car, dés qu'il eft évident qu'd y a un aftaftin , ce ne peut être que celui qui nous eft indiqué pat les indices  de Jacques le Brun. 329 & par les plus fortes préfomptions. lei, on a une route particuliere qui conduit jufqu'au coupable. Car , nonfeulement on dit l'aftaftinat eft évident; il eft donc évident qu'il y a un aftaffin; mais on fait tout d'un coup un grand pas vers la vérité; car on eft fur que cet aflaifin ne peut être qu'un domeftkque. Mille circonftances nous 1'apprennent. Nulle fraéture a aucune des portes. Comment un étranger auroit-il pu entrer dans une maifon, & en fortir, fans endommager les portes fermées ? Comment auroit- il noué les cordons des fonnettes, pour empêcher la défunte d'appeller a fonfecours ? Comment auroit-il trouvé dans 1'obfcurité de la nuit la clef de fon armoire au chevet de fon lit? Comment auroit-il ouvert I'armoire ? Comment auroit-il trouvé la clef du corfrefort? Comment auroit-il ouvert ce coffre qui fermoir a fecret, pour y prendre Por qui y étoit enfermé ? Le ferrurier même eut beaucoup de peine a 1'ouyrir. Comment 1'auroit-il refermé, remis la clef dans I'armoire, & celle de I'armoire au chevet du lit ou on la mettoit toujours ? Comment faire tout cela fans être parfaitement inftruit de l'état des lieux,  33° 'Affaire rimi' Ufa§ÊS de ^ maif0" Ies PIus hlEt quelle autre perfonne pouvoit A Oni np,„ : :? ; ic"* rtlK Ktuidü croire nno ^i«. j_ peu d'intervalie de tem. m,* ///?'„ j> avoir dormi dans la cuiiine, ayant de la ™e, & fes deux femmes-de-chambre «ant tout au plus dans les approches du fommed, un étrangerait ofe entrer dans Ja maifon Pour aifaffiner la maïtreiTe Jans crainte d'être appercu ? Ii auroft porte des femmes-de-chambre, pOUr dcpofer5COm ü a fait5 fach'eP enfanglantee dans le grenier. Peut-on fuppofer d'ailleurs qu^un étranger ak eule tems de faire toutes les démarche que I'on voircm'ü , j.- i , U a " % ■ " lau» "ans ia cnambre meme& dans la maifon, après un tl ?aVqUe 3 réiIftance de k dame f 7/a d«LPtolpnger encore, avant que {«ƒ run i fon réveil, eut fermé la porte a doublé tour? F \ EnÜn rien,ne Prouve mieux que c'eft a une main domeftique qu'il faut attribuerce crime, que la corde nouée qui seft trouvée au bas de Pefcaher. C'eft «n ftratagemequele meurtrier a mis eu  de Jacques le Brun. 33* ufage, pour faire tomber le foupcon fut un étranger, puifque les nceuds qui ne font pas ferrés , annoncent qu'il n'en a rfait aucun ufage, pour monter nulle I ^Dès qu'on eft parvenu a s'affurer qu'il i h'y a qu'un domeftique qui puiffe etre f, 1'auteur de Paffaftinat, fur quel autre les , foupcons peuvent-ils s'arrëter, que lur k Brun? Tout lui avoit été facile; & lui feul pouvoit franchit tous les obftacles. i Refté feul éveillé dans la maifon, lorlque tout le monde étoit endormi, ayant ii un paffe-partout qui ouvroit a fon gre la I chambre de fa maitreffe , ayant feul du , feu a fa difpofition, pour fe procurer Ia iumière dont il avoit befoin pour le con1 duire par-tout ou 1'appelloient les pre: cautions qu'il crut devoir prendre pour I dérourner les traces de fon crime. Mait tre de la clef de la grande porte qu'il - ferma a doublé tour, afin de ne pas ette i furpris par 1'abbé Poulard, qui avoit ■ couché hors de la maifon, & qui, fans \ cette précaution, auroit pu, au moyen , de fon paffe-partout, rentrer a 1'impro: vifte. Tout annoncoit, en un mot , que c'étoit un domeftique qui avoit lalt le coup ; & tout annoncoit que nul autre ne pouvoit 1'avoir fait que te Brun.  332 'Affaire deff£r d'fUC°Ur (I) Prlt h oe le Brun, & compofa un premieree ^iZ\f^%f^UC0UI' étoh né * Langres, lans biens, & d'une familie trui n'£«2 avpot II fiavit lc barreau, dont il eut pu être feg*' SÜ £Üt C°™é" M-s la m ment dl f "yant """^ dês le Jjgnon d'un de fes fils, itTnnl en" quand J entra chez ce miniure. Vers ,<£"ii iö s ^ MPart danS Hne enrreprife p0Ur les 1 proctTr^5' d°nlU "erec^qÏÏ 3 5£f1!?.! année- T°lIS leS Gerits lorris contre la fodfaTdefe fom ^age, des tableau* énigmanques dans  de Jacques le Brun, 333 j turv, II fait valoir, en faveur de 1'accufé, \ les préfomptions- qui naiflbient de fa / leur églife, pour être expliqués par les aflifI tants. D'Aucour s'y trouva, & paria un peu i librement. Le jéfuite qui prèfidoit a 1'exer! cice 1'avertit d'étre plus réfervé, paree qu'on i étoit dans un lieu faint. Silocus eft sacrus, \ répliqua d'Aucour, quare exponitis Veneremi i Si ce lieu eft facré, pourquoi y expofe^vous i l'image de Vênust Le mot facrus, qui étoit un t barbarifme, courut, a 1'inftant, de bouche en I bouche; les régens le répétèrent, les écohers ï le citèrent, & le fobriquet d'avocat facrus I refta a d'Aucour. Pour fe venger, il prit la li plume contre la fociété ; & 1'on vit paroitre, I «n 1664, l'onguent peur la brülure ,,fatyre contre la morale relachée. Les feminiens de Cléan\ the fur les entretiens d'Arifte & d'Eugêne, paI rurenten 1671. Le P. Bouhours, connu par t une grande quantitè d'ouvfages , publia en 1 1671, un livre intitulé les entretiens d'Arifte l & d'Eugéne. Cet ouvrage, par le clinquant l du ftyle, par la variété qui y régnoit, par les I jolies chofes dont il étoit rempli, attira a 'i 1'auteur beaucoup d'éloges, & au libraire un I débit fi confidérable, qu'en moins de iix 1 mois il s'en fit deux éditions fuivies de plu' fieurs autres. Parurent les fenthrens de Cléante } fur ces entretiens, ou 1'on critiquoit impil toyablement le P. Bouhours, fans lui faire I quartier fkr la moindre bagatelle. II faut I avouer que le ftyle empefé & afTefté qui le 1 montre d'un bout a l'autre de cet ouvrage, fait que i'on s'étonne de fon fuccès. On y vpit un bel efprit, mais qui veut trop le pa-.  334 r Affaire bonne répuration, de la régularité de les mceurs, du foin cju'il prenoit dcle- roitre ; & 1'on convint dès le tems, avec le cenfeur, que 1'auteur avoit eu beaucoup plus de foin des paroles, que des chofes, & même qu'il étoit beaucoup moins capable de celles-ci. Quelqu'un a dit qu'il ne manqnoit au P. Bouhours, pour écrire parfaitement, que de fcavoir penfer. Cela peut paroitre outré au premier coup-d'ceil: mais quiconque a lu cet écrivain fans prévention , trouvera qu'en général, cela eft affez vrai. Voici le jugement que M. 1'abbé d'Olivety forte des fentimens de Cle'ante. u 11 faut avouer, « dit-il, que 1'ouvrage de M. d'Aucour eft ad» mirable en fon genre; qu'on y trouve de la « délicateffe, de la vivacité, de 1'enjouement, » un fcavoir bien ménagé, & un goüt sur * qui faifit jufqu'a 1'ombre du ridicule dans » un amas d'excellentes chofes, comme le « creufet fépare un grain de cuivre dans une s> once d'or «. MM. Amelot de la Houjfaye & de la Monnoye en ont penfé de même. La critique eft, en quelques endroits minutieufe, il eft vrai; mais elle eft toujours jufte. Ce jugement n'eft pas du goüt de M. Gayot de Pi/. Quel juge I quel jugement ! Qui croira-t-on, de M, Gayot, ou de MM. de la Hovffaye, de la. Monnoye & d'Olivet! Ce dernier lur-tout u'eft pas fufpeét, quand il loue un adverfaire des jefuites. Ce fut a fa rentree au barreau , que Barkier d' Aucour prit la défenfe de le Brun, pour ïequel il compofa deux excellens fattums, l'un en première inftance, & l'autre fur 1'appel. II eft fort fingulier que M. Gayot de Pitaval, oui lui-même , ait dit de ces deux pièces , qu'il y a de fort bonnes chofes; mais qu'elles ne font point arrangées, ni dijlribuées. II revient a la charge dans une note, blame 1'abbé d'Olivet qui loue ces deux pièces ; & ajoute que cet éloge n'eft point jufte, & que ces deux ouvrages n'annoncent pas un avocat méthodique, &. douê d'une fcience profonde. Quel homme, pour reprocher aux autres le défaut d'arrangement, de diftribution & de méthode! La patience échappe, quand on voit 1'écrivain le plus confus qui ait jamais écrit, trouver ces défauts dans deux ouvrages qui font des modèles d'ordre & de raifonnements fuivis. M. Gayot ajoute que la méihoie eft nèceffaire a l'éloquence, pour convaincre l'efprit, & eonduire une preuve jufqu'au fond du cceur. II nous donne, fans y penfer , une des raifons qui le tiennent touj jours ü éloigné du coeur.  33" 'Affaire foyer a la crainte qu'il avoit que celle de fes filles ne fut expofée dans la maifon de fa maitrefle, oü il auroit pu ïes loger; de lafidélité univerfellement reconnue avec laquelle il avoit, pendant un fi grand nombre d'années, répondu a la confiance dont la dame Mastel 1'avoit toujours honoré, enfin de 1'attachement refpectueux & fincère qu'il avoit toujours eu pour elle. M. cVAucour, après avoir établi les moyens qui devoient faire préfumer I'innocence de le Brun, pafla aux faits qui, felon lui, en démontroient la vérité. II rapella la tranquillité d'ame & la gaieté qui accompagnèrent toutes fes aótions, la veille de 1'aifaifinat, dans les inftans qui le précédèrent immédiatement, & le lendemain, jufqu'au moment oü 1'on fut inftruit de ce malheur. J'en ai fait le détail plus haut; &, loin d'y remarquer cette inquié.tude & ce trouble qui tourmentent toujours un homme pret a commettre, ou qui vient de commettre un grand crime; fur-tout s'il n'eft pas familiarifé avec les forfaits ■ on n'y voyoit, "au contraire, que cette tranquillité & cette férénité d'ame qui font des fymptomes aflurés d'une confcience pure. M.  de Jacques le Brun. 337 M. d'Aucour vient enfuite 'aux circonftances qui accompagnèrent la décou?. verte du crime. La dame Mayel ayant été trouvée dans fon lit morte & aflaffinée, tous les domeftiques furent arrêtés & interrogés: mais k Brun refta feul accufé, quoiqu'il n'y eut rien contre lui, ni dans les dépolitions, ni dans les indices j au contraire, tous les domeftiques , hors 1'abbé Poulard, dépo: sèrent en fa faveur. D'ailleurs toutes les particularir.es du crime annoncent fon innocence. La première chofe a remarquer, eft que la défunte avoit eu cinquante 8c i tant de coups de couteau, dont, fuivant le rapport des ehirurgiens, il n'y en \ avoit pas un feul qui füt mortel. Elle ; ne périt que par la perte du fang. Plu: fieurs de ces coups éroient au vifage, &£ I elle avoit tous les doigts coupés, ce qui 1 prouve qu'elle s'étoit défendue jufqua : Pextrêmité contre fon meurtrier, &C : qu'elle s'étoit attachée a lui, en le fer. rant, par un dernier effort de la nature, ; comme font ceux qui, en fe défendant d'une mort violente, ne lachent jamais ce qu'ils tiennent. II feroit donc impoflible que 1'aflaflin ; ne portat pas fur lui des marqués d'une l ome r. ie  3 38 Affaire fi forte réfiftance. II feroit refté quelque tache de fang fur cette main roeurtrière qui a frappé tant de coups. Car le fang s:'attache de telle manière dans les chairs qui bordent les ongles, qu'il faut beaucoup de peine & plufieurs jours pour 1'óter entiérement. Or la vifite la plus fcrupuleufe, jointe a. toutes les épreuves pollibles, n'ont pu faire appercevoir au- ï cune tracé ni de meurtrifliire, ni d'égratignure , ni de fang. La feconde chofe a remarquer, eft le couteau de poche trouvé dans les een» j dres, qui éroit apparemrnent celui dont le meurtrier fe fervoir d'ordinaire. On 1 1'a repréfenté a la petfonne avec qui 1'acenfé avoit foupé le foir de 1'aftalfinat j j y introduire, du miniftère d'un domeftique. Et, en cela, la quahte de domeftique ne peut préjudicier. Car cette qua^ m n'emporte point, par elle meme , lapréfomption ducrime j elle 1 eloigne, au contraire i & toutes les fois qu un crime peut ètre également commis , ou par un domeftique, ou par un etranger, k préfomption eft toujours contre celuici-paree queleprocédé de la taifonqiu juge & qui préfome, c'eft d allet de  344, 'Affaire degreendégré, & de commencer paf c: i f . . . ' ""«vpeuonne lulpecie, c'eft fedement forfqu'il eft cerL qUe ï crime n a pu être rnmroic, ^ rparu„domeftiqfie:^i S meurtre a eté commis dans une maifon ouvertedtout le monde, dans une maT on toujours pleine de joueurs & de laquais etrangers , la qualité de domef! nque ne peut nuirea perfonne, & en. Car, outre qu'il n'eft pas plus domeftique que tous lesautres,fon innocence a encore cet avantage fingulier, queTes chofes qlu ont été laifféesfor le lieu Par le meurtrier comme le bonnet K chemife, ne hu conviennen t point-ce qnonneWcHt dire des au^s domef "qaes, a qmon ne les a pas elfavées. ; -Les préfomptions & les indices ainfi ecartes de la perfonne de 1'accufé, Te pages ne doivent pas fe prêter A la'paf- eer ils ont d autres voies pour découvnr le crime. C'eft d'examiner avec une enaère application les haines , les£! «juipeuvent en être les caufes & les  de Jacques le Brun. 34 Un,i,.. / .IC *" eiperancecm ei e avoit annoncée de fe vou- ifbrfdans troiS. mme- ,-, , . s j ,; ~ ^ 11 Mt P«oiément i epoque de Pafiaffinat. D'ailleurs I. «oinmé ^ avoit été vu danXis quelques jours après Paifaffinat ; Tnl Perfonne qui Ie &. Andre, ejJ avemtM. de fcm»^ i y aplus: ce voleur étoit de Boards oü ges que Ia dame de Saun*i£res étoït renfermee en vertu d'une lettre de cach«obtenueparladame^c/fa belle. lieuCc'?frCi! faUf remar de Paf:fe£tation odieufe que 1'ona de ne s'attacher qu'a lui feul dans cette procédüre ; extraordinaire. 11 n'y a point de maifon dans Paris, continuoit-il, ou 1'on n'ait dit cent fois: • mais pourquoi n'avoir pas effayé ce* bonnet &c cette chemife a tous les autres domeftiques ? Mais pourquoi ne pas 1 incerrqger les ennemis de cette dame alfaflinee ? Mais pourquoi- ne pas pourfuivre ce laquais qui la vola il y a dixi mois , & qui eft de la taille Kiarquee par le bonnet & par la chemife du meurtrier ? Ufemble que , loin de eherches fmcèrement le criminel t on craigne, ar* contraire, de le découvrir. On diroit qu'on ne fonge qu'a amufer le public , qui demande la vengeance d'un-menrtre. fi horriblej & que > pour appaiferlf  348 Affaire monde , on s'attache a faire contre un innocent la procédure la plus févère, afin de pouvoir dire que 1'on ne trouve rien; et c eit dans la venté, paree que 1'on ne cherche pas. Tel étoit le plan, tel étoit le fond de -a défenfe que M. &Aucour employa pour/e Brun. Or je le demande; pêchet-elle par la méthode , & par la folidité des moyens ? M. Yabbé d'Olivet s'eft-il trompé , quand ii a fait 1'éloge de cet écrit ? M. Gayot; de fon cóté, avoit-il le goüt & les talents requis pour juger les ouvrages des autres ? Mais 1'art & la folidité de cette dé- renie rut inutile pour le Brun. Le paffepartout qu'il s'étoit procuré, quoique fa maitreife lui eut retiré celui qu'il avoit, & qui fe trouva propre a ouvrir la porte de ia chambre de la dame Ma^el, parut aux juges du chatelet un indice convaincant du crime, ou du moins de la complicité de le Brun. De onze qui opinèrent, trois'conclurent i un plus amplement informé , deux a la •queftion préparatoire ; & fix a la mort. Par la fentence rendue le i 8 janvier 1690, « le Brun fut déclaré atteint & » convaincu d'avoir eu part au meurtre * commis en la perfonne de la dame  ~r 1 71 n i n. de Jacques Le nrun. 3^ „ Ma\cl: pour réparation de quoi, dfut „ condamné a faire amende honorabfe , „ a être rompu vit, HC expirer mr * ■ roue ; preaiaDiemem ^"^r ~ — » queftion ordinaire & extraordinaire , „ pour avoir révélation de fes compk- r Tao KÏO.-.C rnnfifrniés au Roi , j> Ces ; LUUi Ata u^iu —— .1— „ouaqui il appartiendra; lur ïceux „ préalablement pris la fomme de 5 00 „ livres d'amende, au cas que conhfca„ tion n'ait pas lieu au profit du Roi; „ 8000 livres de réparation civile, dom„ mages & intéréts envers MM- de Sa„ vonnières, 100 livres pour faire pner „ Dieu pour 1'ame de la dame Mapl. „ Ledit le Brun déclaré indigne des dii„ pofitions & legs faits a fon profit par le teftament de ladite dame Ma^el > & „ condamné en tous les dépens. Surfis a „ plus ample inftruétion contre Magde„ leine Tijerel, femme de le Brun , juf„ qu'après 1'exécution ». 11 fe répandit dans le monde que les juaes qui avoient formé la fentence avoient dirqu' ayant confidére que leur iueement, tel qu'il put être, devant etre foumis a un autre tribunal, ds s'etoient déterminés a juger contre toutes les regies, dans 1'intention feulement defftayer 1'accufé, croyant par-la lui faire  3^ ° Affaire avouer Ie crime. De forte que, fi Pon ea cioir ces bruits, cette condamnation £ énorme n'a été, dans 1'efprit des ju^es \ qu'un ftratagême imanné pn de ia vérité, & pour ticher de la décou- vnr Sur 1'appel, M. Bartier i' Jncour prk encore ladéfenfe de te Brun; Et comme d n'eft pas poffibfe d'expoferfes moyens avec plus de metbode & plus declarté-, quene 1'a fair cejudicieux 5c ingénieux écnvain, je ne crois pas pouvoit mieux faire, que de le fuivre pas a- pas, II ne court point après de vaines f&urs de rhetonque; d ne cherche point i étaler Ie luxe dePéloquence. II fuitl'antithèfe, tout ce qui peut fenrir la pointe , & ce qu'on nomme i-e l'efprh. En un mot, ü n'ecncpas pour lui, il n'éak pas pour faire parade de fes talents, pour ébiouir fes lecteurs, pour fixer leur attention plutot fur les mors, que fur la choiè. U écrit pour fon cliënt; il ne voit que fon innocence, 5c c'eft la feule chofe qu'il veut faire voir aux autres. U veut convaincre les juges , & ne veut ni les d» vettir , ni les amufer, Oui, M. Yabbé d'Ohvet avoit raifon de dire que ces deux factum font des modèles : il feroit bienatouhaicer que quelques- unsde ceux  de Jacques le Brun. 3^1 HRli, depuis plufieurs années, courent lat mêmecarrière, lespriflentpourmodèle:On ne verroit pas tant d cents qui font :moins des memoires d"avocsc3 que des brochures de teilezte; qui font que 1'on ;s'occupe de 1'écrivain , qu'on le cite , 'qu'on lui accorde une réputation éphé:mère; qu'on s'amufe, fans fe convaincre ides vérités- qu'ii auroit dü s'occuper a iprouver. ) Quoi qu'il en foit, M. $Aucour obiferve qu'une partie des juges ayant coujiclu a un plus amplement informé , jcomme n'ayant point de preuves, il ne fe peut pas que les aurres aient conciu a :1a mort, comme ayanr des preuves éviidentes. Et c'eft peur-être ce qui a fait idire dans le public que plufieurs de ces \ juges avoient déclaré n'avoir condamné il'accufé, que pour tacher, en ie jettant dans un trouble extréme, de reconnoitre iis'il étoit vérirablement coupable. Mais enfin, tout ce que les juges Ipourroient dire de leurs bonnes inire-ntions-, ne fcatiroit empêcher que la fentence eonfidérée en elle-même ne i lfoit une-condamnation très-injufte, j:tendue fans aucune preuve , contre I toures les loix , & en conféquence d'une •!| procédure auflinulle qu'il en fut jamais-;.  Affaire Avant de fuivreTe plan que M. A'Aucour s'eft ainfi tracé, il penfe qu'il eft a-propos de faire d'abord quelques réflexions fur les termes de la fentence , & fur les conclufions prifes par la partie civile. MM. de Savonnières ont demandé que 1'accufé füt déclaré atteint & convaincu d'avoir tuéla dame Mayptl fa maitreffe } de lui avoir volé tout l'or qu'elle avoit dans fon coffre-fort; a ce qu'il füt déclaré indigne & dèchu des legs que ladite dame lui avoit faits par fon teftatnent. Ce legs, qui eft de deux mille écus, mérite une remarqué .particuliere ; Sc 1'on peut dire que c'eft tout le crime de 1'accufé. Ses ennemis, qui le fcavoient, n'ont point eu d'autre raifon de 1'accufer lui feul, plutót que tous les autres domeftiques, d'avoir tué Sc volé leur commune maitrefle; puifque d'ailleurs il n'y a pas la moindre apparence qu'il ait fait ni l'un ni l'autre, Sc qu'il paroit fnême,par la fentence de condamnation, qu'il n'y a pas eu de vol. Ce qu'il eft trés-important de remarquer. Car enfin, n'y ayant point de vol compliqué avec 1'aflaflinat, c'eft une preuve bien naturelle qu'il n'eft pas de la main d'un  de jacques le Brun. 3^3 fimple domeftique,qui ne tue qne pot», voler -} mais de la main d'un ennemi j d'une main poulfée par la rage & par la vengeance. Üne autre chofe plus importante encore a remarquer dans la fentence, c'eft qu'elle condamné 1'accufé, non comme auteur de l'aflaflinat, mais feulement comme y ayant part. Ainfi le prétendu complice d'un crime eft condamné a mort, lorfque le principal auteur n'eft pas feulement décrété. On examinera ce point dans la fuite. II fuffit d'obferver préfentement que 1'accufé n'eft condamné que comme complice. On n'a pu former le moindre foupcon qu'il eut commis le crime : on a fait voir plus haut que tous les fignes , tous les indices y font vifiblement contraires. II ne s'agit plus que de le juftifier d'une prétendue complicité. Or il eft certain que cette complicité n'étant fondée fur aucune preuve, fur aucune dépolition, fur aucun aveu, foit du prétendu complice, foit de 1'affaflin même, que 1'on ne tient pas, &C qu'on a même aftecté de ne pas chercher, elle ne peut être fondée que fur quelque préfomption. Mais, avant que d'examinet cette  5<4 ; Affaire préfomption qui a cléterminé les prdl miers juges , il faut encore, fuivantles: régies du droit Sc du bon fens, confidé-' rer avec attention quel eft le crime qu'on préfume, & quelle eft la perfonne de qui on le préfume: car la préfomption eft plus ou moins reeevable,, felon la qualité des chofes, & l'état des; perfonnes. On fe prête aifément a croire: qu'un méchant homme a fait une mé-, chante aéïion ; & au contraire, on ne préfume pas qu'un homme de bien aic: Commis un crime fccrrible. Or 1'accufé a toujours vécu en homme I de bien ; a roujours été reconnu peur • tel par tous eeax qu'il % frjquemés. Son ' malheur a caufé une défolatinn générale dans fon quarrier, Sc n'a porté aucune atteinte & fa bonne réputation. Tout Ie monde rend la même juftice a Ia familie, Sc aux foins qu'il a toujouEs pris pout y infpirer Sc y maintenir la vertu, Ce n'eft pomt-la Ie caractère; ce ne font point la les mceurs d'un homme dont on puiffe préfumer une complicité aulE horrible, que celle dont il s'agit. A peine, au contraire, pourroiton Yen croire coupable, quand même en verroit qu'il en feroit convaincu.  de Jacques le Eruit. 3 ^ I Si d'ailleurs on confidère cette comLlicité en elle-même, Sc dans toutes fes jeirconftances, on verra clairement qu'il .pft impoflible a la faine raifon de préfumer feulement que 1'accufé y ait eu la imoindre part. i°. Comme on 1'a déja dit , pourquoi n'ayant aucun fujet de former luiImême le deffein de tuer fa maitrefle Sc fa bienfaitrice, auroit-il voulu entrer Idans ce déteftabie deltein formé par un {autre? Qui ne feut pas en foi-mème-1 qu'il eft bien plus diftkile de fuivre june paftion étrangère, que defe laifter laller a fa propre paflion ? ifout-on ne pas fvoir que, pour la complicité dont il 1 s'agit, il faut un cceur encore plus theIcbant, que pour 1'aótion même; puif|que l'a&ion peut venir de la vengeance I & de la colère d une perfonne offenfée; 1 au lieu que la complicité ne fcauroit | être que le deflein d'une ame nourrie I dans le crime, & vendue a 1'iniquité ? : i°. Qui ne voit que 1'intérêt, qui i pourroit être la feule caufe de cette i complicité , ne fe trouve point ici; Sc il que par conféquent c'eft une abfurdite J toute vifible de préfumer ua effet qui I n'a point de caufe. L'accufate-ar, qui a appercu cette con-  3^ 'Affaire tradietion, n'a pas voulu y tombef * •'eft pourquoi il a joint 1'accufation de vol a celle de Taffaffinat; il a bien fenti que nul homme raifonnable ne s'ima^ gineroit qu'un domeftique eut tué fa maitrefle gratuitement, & fans aucun intérêt. Or il eft certain qu'il n'y a pas eu de vol, & la fentence ne le dit pas. Rien de forcé, rien d'ouvert dans la chambre, ni dans la garde-robe. Dix-huit piftoles en or dans la poche de la défunte; la clef de I'armoire a fa place ordinaire; 278 livres aufll en orj &: pour plus de 15000 livres de pier-, reries. II n'y a même pas eu de deflein de yoler; Sc fi 1'accufé en eut été capable, il avoit tous les jours 1'occafion de 1'exécuter impunément, & d'en faire tomber le foupcon fur Berry, que 1'impunité affeébée d'un premier vol auroit rendu fufpeób de tout autre. II n'y a dortc, dans cette prétendue complicité, aucun motif d'intérêr nm puifle en avoit été la caufe. Par conféquent, c'eft un eftet fans caufe ; c'eft une aébion fans motif, qui ne peut pas fe préfumer. Mais il faut aller encore plus loin.  de Jacques le Brun. 3^ Cette prétendue complicité auroit éte contraire aux intéréts de 1'accufé \ puifqu'elle lui auroit infailliblement fait nerrlre les deux mille écus qvü lui I étoient légués par fa maïtreife, Sc qui 1 font la récompenfe de vingt-neuf an\ nées de fervice. Il auroit été prefque 5 alTuré d'un jugement qui 1'en auroit déI claré indigne, Sc auquel il n'auroit pu ] dérober fa vie même que par la fuite. On fcait qu'il y a eu quelquefois des domeftiques qui, pour profiter plutót du l teftament de leurs maitres, ont eu Yinj humanité de les faire mourir. Mais 5'a I toujours été par des morts dont la vio;* lence étoit cachée, & qui, paroiffant f narurelles, n'étoient point fujettes aux | informations de la juftice. Ce n'a jaij mais été, comme ici, par des meurtres 1 fanglants qui excitent toujours la venS geance publique, qui jettent les dotnet tl tiques dans des procédures criminelles , I Sc leur font perdre tout le profit qu'ils 'j s'étoient ptopofé de leur crime. Le bon fens Sc la droite raifon ne q permettent donc pas de préfumer la I complicité dont il s'agit J puifque 1'ac] cufé n'auroit pu y être engagé que par ; lintérêt; 8c que 1'intérêt au contraire, ! ie détournoic d'y prendre aucune part.  Affaire Si 1'on ajoute a tant de raifons 1'écar \ de tranquillité Sc de paix oü 1'on a va i it nrun avant öt après 1 aliafhnat, fon innocence fera démontrée. Car il n'cfl: point naturel qu'un homme qui a dans 1'efprit 1'image af&eufe d'un crime déteftable qu'il va commettre, ou qu'il vient de commettre, puiffe etre fans trouble Sï fans émotion. Or on fcait que, devant Sc après 1'aC faflinat, on ne remarqua dans 1'accufé rien qui annoncèt ni qu'il méditat, nj qu'il eut fait aucune aébion extraordinaire; &c qu'il avoit, au contraire, cet air de féréniré. & ce ton Ae n»i font la marqué arfurée d'une confcienc© Après avoir ainfi établi lespréfbmp-r tions qui auroient dü mettre le Brun a I'abri des foupcons, M. ÜAucour paffe a 1'examen des preuves qui l'ont eitit porté dans 1'efprit des juges fur ces préfomptions. On bi a trouvé, dit-on, une clef qui ouvre.quatre portes; fcavoir la porte de la rue, la porrede 1'anti-chambre, Sc les deux portes 'de la garde-robe. Sur cela, on a jugé que 1'accufé avoit introduit 1'affaffin . Sc on 1'a rnntinmnp £ ciojt, comme h on hu ayoit vu puvrhj  4e Jacques le Brun. 3^9 la porte, ou qu'il Peut avoué dans fes interrogatoires \ ou que Paffaffin, qu'on ne tient pas, & qu'on n'a pas voulu chercher, le lui eut foutenu a la confrontation ; ou enfin, comme s'il etoit abfolument impoflible que Palfaflin eut été introduit par un autre domeftique, ou qu'il füt entré dans une maifon ouverte a toutes les heures du jour 5c de la nuit, & ilans laquelle il y avoit toujours des appartemenrs vuides 5c des greniers qur ne fermoient jamais. Si les juges du chatelet avoient comparé 1'indice qu'ils ont tiré de la clef, avec les raifons qui le détruifent, ils auroient vu clairement que ce prétendu indice, fur lequel ils ont fondé une condamnation de mort, ne mérite pas .même d'être regardé comme une préfomption raifonnable \ que ce n'eft qu'une fimple probabilité, dans laquelle on voit feulement qu "il n'eft pas impoflible que 1'accufé ait ouvert a Paf* faflln. Sur quoi ces juges, fans avoir aucune preuve d'ailleurs , ont conclu qu'il lui a effectivement ouvert. Mais juger ainfi, 5c juger a la mort, c'eft fe jouer de la vie des hommes, 5c de 1'honneur des families. On le dit avec répugnance 5c avec douleur; il n'y  3£o Affaire a pas de jeu de hazard moins judicieux, ni plus téméraire, qu'un ii étrange jugement. Car encore , dans les jeux de hazard, la polhbilité eft également probable de part & d'autre. Mais ici, dans la poflibilité que le Brun ait ouvert, ou, n'ait pas ouvert a 1'aflaffin, toutes les raifons font pour la négative, & pas une feule n'eft pour l'arflrmative. C'eft ce qu'on va établir, le plus briévement qu'il fera poflïble. II eft conftant, d'abord, par le proces-verbal du 28 novembre, que la clef en queftion n'ouvroit que le demi-tour de la principale porte de la chambre; & encore avec bien de la peine j & 1'on ne fit alots aucune attention a cette clef, & avec raifon, comme on va le voir dans un moment. Mais, dit-on, il fuffit que cette clef ouvrït le demi-tour feulement de la porte de la chambre, pour qu'on put s'en fervir pour s'y introduire a toutes les heures de la nuit; paree que, quand Ia dame Ma^el étoit couchée, la porte de fa chambre n'étoit fermée qua un demi-tour. | Tout cela eft vrai. On pourroit même ajouter qu'il n'étoit pas néceifaire, pour entrer dans cette chambre, davöir une clef;  de Jacques le Brun. %Ci cï:-f; il füffiföit d'introduire un crochet par le pent nou qui étoit au-deffus de la ferrure. Voila pourquoi on ne fongea pas a cette clef qui n'ouvroit qu'un demi-rour; Sc que, dans la fuite, pour en pouvoir rirer quelque conféquence, il a. fallu lui faire ouvrir le tour Sc demi. Mais on va plus loin : on fuppofe que la clef ouvrit d'abord a doublé tour; il eft cerrain que, de cette fuppofition même, on ne peut tirer au. une conféquence raifonnable contre 1'accufé. Car il a toujours dit que cette cltf ne lui fervoit qua ouvrit la petite ferrure de la porte cochère, ne fcachanr pas même qu'elle en ouvrit d'autres. C'eft fa réponfe perpétuefle Sc uniforme, que 1'on ne peut accufer d'être faufte, a moins qu'il n'y eut des témoins qui euffent dépofé le contraire; Sc il n'y en a pas. -Cette clef d'ailleurs n'a rien d'extraordinaire ,n'a rien de particulier qui puiffe la rendre fufpeéte. C'eft une clef faite comme une infinité d'autres qui fonr dans les mains de tout le monde. De forte que 1'accufé a pu la garder innocemment, comme il a fait. S'il étoit vrai que cette clef eut d'abord ouvert quatre portes, c'eut été un pur hazard. lome V. Q  3^2 Affaire On a faic voir, depuis ce tems-la, plus de cent clefs aux filles de 1'accufé, qu'on croyoit n'ouvrir qu'une feule porte, & '| qui en ouvrent plufieurs. Les ferruriers nommés d'oflice pour examiner cette clef, ont tous reconnu que c'étoit une vieille clef. Ils ont dit j qu'elle n'avoit point été faite pour les \ ferrures des chambres qu'elle ouvroit; que d'ailleurs il leur paroiffoit qu'on n'avoit point touché avec la lime a cette clef, depuis un très-Iong-tems. La réponfe que 1'accufé a toujous ' faite invariablement fur cet objet, s'ac? j corde avec ces déclarations. II a toujours dir que cette clef lui fut donnée, il y a dix ou douze ans, en l'état qu'elle eft, par une fille qui éroit au fervice de j Ja dame Ma^el, qui en fortit pour épou* j fer Laguë, & qui eft morre, il y a environ deux ans. On objecle que 1'accufé ne devoit point avoir cette clef, pas même conv me paffe-partout de la grande porte; paree qu'il y avoit environ dix mois que la dame Ma^el lui avoit öté, & a la cuifinière, le paffe-partout, dans le tems que le nommé Berry 1'avoit volée. Mais quelle que foit 1'aventure des paffe-partout, on n'en peut rien induirg  de Jacques le Brun. 363 eontre 1'accufé. Car que la dame Ma\el^ fachée d'avoir écé volée, n'ait pas voulu que fes gens eulTent de pafle-partout, c'étoit un mouvement de colère qui etoit affez naturel, quoiqu'il ne fut pas trop raifonnable. En effet que lui fervoit d'óter le palfe-partout a fes ^domeftiques , & de vouloir, en même tems, que la porte demeurat ouverte jour & nuit a tous les éttangers qui voudroient venir jouer chez elle ? Cependant le Brun remit fon pafle-partout entte les mains de fa maitrefle, qui le donna a 1'abbé Poulard. Quelque tems après, elle en rendit un a la cuifinière, & laiifa a 1'abbé Poulard celui de 1'accufé, qui, en ayant un autre, s'en fervoit au vu & feu de toute la maifon. II lui étoit d'ailleurs impoffible de s'en paflei-; étant obligé de fortir dès lé marin pour aller a la provifion; & a toutes les heures du jour , pour d'autres affaires dont lui feul avoit foin. Voila ce que le Brun a perfévéramment foutenu touchant cette clef; & ce récit prouve fa bonne foi; puifqu'ii étoit le maïtre de dire qu'il la tenoit de fa maitrefle même : elle n'étoit plus en .état de le démentir.  364 ; 'Affaire D'ailleurs, loin que cette clef foir un indice contre 1'accufé, elle parle en fa faveur. Car il eft clair que, s'il eut aidé 1'aflaffin , U la lui auroit remife, & ne s'en feroit pas trouvé faifi. Et, de quelque manière qu'on puilfe imaginer qu'il eut voulu abufer de cette clef, on ne peut pas croire qu'il eut négligé de s'en défaire après le coup ; puifqu'il devoit penfer, en cas de complicité, qu'elle eut fait tout fon crime. Et 1'événement en eft la preuve; c'eft le feul motif de la condamnation a mort prononcée conrre lui. Ainfi, plus on y réfléchit, plus on rrouve que la prétendue conviction de 1'accufé condamné a mort fe réduit a une firnple polllbiliré, par laquelle il a pu ouvrit la porte a 1'aftaffin. Et, d'après ia fentence du ch'telet, il fuffït d'avoir pu commettte un crime, pour être condamné comme 1'ayant commis. II faut donc faire le procés a toute la nature, Car en Sa la nature étant auffi foible &C auffi corrompue qu'elle 1'eft, il eft pof. fible que les hommes les plus fages, les ; -ges mêmes, deviennent des mé-, ch^nts & des fcélérats. H eft Doffible que les juges fe laiffient P ey )ir pour les rkhes contre des pau>  de Jacques le Brun. 36^ vres. H eft poflïble qu'ils fuivent la paffiori d'un puiftant accufateur, &c qu'ils cherchent avec lui les moyens de tourner la procédure a fon gré. U eft poffible qu'ils ne veuillent .pa's fecevoir les dépofitions qui vont a la décharge de 1'accufé. 11 eft poffible qu'ils refufent les lumières qu'on leur donnè, & qu'ils affectent de cacher le criminel. Ör, comme il feroit injufte de condamner les juges fur ces poffibilités; il eft injufte auffi qu'ils condamnent leS autres fur de pareilles poffibilités. On ne fcauroit trop s'étonnef que ceux du charelet aient condamné a mort mi homme, jiifques-la fans reproches, fans autre fondement, finöri qu'il a pu ouvrir la porte a un aftaffin, fans qu'ils fcachent s'il 1'a ouverte. Car ils ne peuvent le fcavoir que par un de ces trois moyens; ou par la dépofition des témoins, ou par 1'aveu de 1'accufé, ou par la déclaration de 1'alfaffin. Les témoins ne le difent pas; 1'accufé le nie, 1'aftaffin n'eft pas pris, & n'eft pas même décrété. 11 eft donc vrai que les juges ont jugé fans fcavoir, & fans faire atfcention a aucun des moyens que l'aifa£  366 Affaire fin a pu prendre, pour entrer dans Ia maifon. U a pu avoir une fauffe clef, ou feulement un crochet, pour ouvrir par le-moyen du petit trou dont il a été parlé. II a pu être entré fans clef & fans crochet, en fe gliffanr dans la chambre, & fe cachant fous le lit. II a pu être introduit par quelqu'un bien plus fufpeót que 1'accufé. II a pu avoir couché dans la maifon , & même plus d'une nuit, puifqu'il y a laiffé un bonnet de nuit plein de fang. II a pu auffi être entré fort facilement dans le grenier, ou il a laiffé une chemife fanglante, par la lucarne fituée fur la gouttière dont j'ai parlé. Pourquoi donc , parmi tant de moyens d'entrer dans une maifon que le jeu, d'ailleurs, tenoit ouverte jour & nuit, les juges du chatelet fe fontils attachés au feul qui pouvoit provenir de 1'accufé, &qui eft, fans contre dit, le moins probable ? C'eft un fait fi éloigné de toute vraifemblance, qu'on ne fcauroit lui aftigner ni caufe , ni motif, ni intérêt; & plus on le confidcre , plus on voit que ce n'eft qu'une fimple poffibilité.  de Jacques le Brun. 367 Après avoir ainfi érabü que les juges fe font déterminés fans preuve , M. tVAuceur pafte a 1'examen de la proce- dUMais voici, dit-ü, ce qui eft encore bien plus éttange; c'eft que , pour etablir cette poflibilité fi vague & fi mdeterminée, il a fallu faire une procedure inouie & fans exemple i d a talta que, plus de fix femaines après le proccs-verf , _„ ,..-„;,. «fiiif nn fecond, en Dal, on cu au. , n Vertu duquel la clef en queftion s eft trouvée ouvrir entiérement, & a doublé tour, la porte de 1'anti-chambre, & les deux portes de la chambre : au lieu que, lors du premier procés- verbal, cette clef n'ouvroit ni la porte de 1 anti-chaim bre ni celle de la chambre qui donne fur le petit efcalier. Elle ouvroit feulement , avec beaucoup de peine le demitour de la principale porte de la chambre. D'oii vient donc un changement h furprenant, & fi hors de tems? C eft ce qui va fe découvrir par 1'examen de la Pr Lorfqu'on eut trouvé la dame Ma^el aftafiinée dans fon lir, on commenca a procéder, en faifant Sc en ne faifant pas bien des chofes dont on pariera Jout a rheure. Mais, pout ne rien couQiv.  3°8 Affaire fondre, H faut s'attacher d'abord a ce qui regardé la clef en queftion. Le Brun fut trouvé ayant deux clefV lur lm. II en rendit compte fur le cnamp, difant qae Pune étoit d'une i lerrure qu d indiqua; que 1 autre étoit' unpafle-partout de la porte cochère. ■ Ces deux clefs furent e%ées a toutes Jes ferrures des portes de 1'appartemenr. La première ne put ouvrir que la ferrure pour laquelle elle étoit faite: il J? en eft plus queftion. Le paflVpartóut le trouva ouvnr, par hazard, le demitour feu ement de la ferrure qui eft a la prmapale porte de la chambre oü couchoit Ja dame Ma^l. Mais il falluc pour cela, tant de peine & tant de fa- \ eens, qu on ne fit alors aucun état d'un Wdicefi peu naturel. On 1'eftaya tout de fuite al autre porte de la chambre. -Maïs munleraent. On fe conforma, dans ce procédé ï 1 ordonnance, qui dit, au titre des proces-verbaux an. ! : « Les juges dreVe- " fonc»furv1echamp,&fansÖdéplacer, " T Pro«s-verbaux de Pétat auquel » e tronvent les perfonnes bleffées, ou » le corps mort; & enfemble tout ce " <1U1 Peilt fervir pour Ia décharge & la » convicfion „. " ö a  de Jacques le Brun. 369 On préfume auffi, car la préfomption eft pour les officiers, que ce procés-verbal aura marqué le détail de tous les eftais de ce pafle-partout. Mais cependant s'il fe trouvoit qu'il n'en dit rien, alors la queftion feroit de fcavoir fi c'eft par oubli, ou a deffiein : fi c'eft pour n'y avoir pas penfé, ou y avoir trop penfé. C'eft a la cour a juger cette queftion, que 1'on ne fait que propofer. Mais ce qu'il y a de certain, c'eft que par le premier procés-verbal , le feul qui foit juridique, la clef en queftion n'ouvroit, dans 1'apparrement de la dame Mastel, que le demi-tour feulement de la principale porte^ de la chambre, & ne 1'ouvroit que très-difficilement. Qu'eft-il donc arrivé depuis. ce tems-la? On a inftruit le procés ; on 1'a mis fur le bureau ; &, comme on n'y a point trouvé de preuves contre 1'accufé, on eft retoumé en chercher dans la maifon de la dame Alastel, en faifant un nouveau procés-verbal, en conféquence duquel ce pafle-partout, qui n'ouvroit qu avec beaucoup de peine le demi-tour feulement d'une ferrure, s'eft trouvé ouvrir avec facilhé toutes les portes de 1'appartement fermées i 'doublé tour,  37° . . Affaire Voila un événement bien finguiier • Sc ion ne fcauroit trop remarquer lè tems auquel il eft arrivé. C'eft le 14 janvier dernier; quarante-huit jours apres le premier procés-verbal: dans un tems ou tous les fceliés étoient levés depuis plus de trois femaines; dans un tems ou les ennemis de 1'accufé étoient Jemanres de ia maifon; dans un tems mi la clef dont il s'agit étoit, depuis plus de fix femaines, au greffe du chateiet a la vue de tout le monde. Or rien n'éroit plus aifé que de faire lempreinte de cette clef fur quelque matière, & d'ajufter enfuite toutes les ferruresala clef. C'eft auffi ce qu'on a ÏÏfonf on n'en Pe"t douter par quatre La première, paree que la vraie clef de ia chambre ne s'étant point trouvée, il a fallu en refaire une autre; ce qui ne -le fait point fans changer les gardes. La feconde, paree qu'il feroit bien difhcile qu'une clef qui n'a rien d'extraordinaire ouvrit trois ferrures dans un appartement, a moins que les ferrures n'aient été accommodées a la clef La troiiième, paree qu'on fcait des immers memes, qu'on a retouche a la  'de Jacques le Brun. 371 La quatrième enfin, paree que le changement qui eft arrivé, n'a pu ie i faire autrement. Car on ne peut pas prefumer qu un ■homme auffi knftsuit que le lieutenantcriminel n'ait pas, comme il le devoit , fait elfayer fur le champ, cette clef a , toutes les ferrures qu'elle a depuis ou; vertes. Si néanmoins (car tout eft poili1 ble) ce juge n'y avoit pas penie, h m, même le déclaré , il faudra bien 1 en croire. Mais on ne pourra s'empecher de dire qu'un juge qui a pu faire un , procés-verbal de cette conféquence, : fans y bien penfer, peut auffi avoir condamné un accufé a la mort, fans y bien penfer. , , Mais enfin, qu'on ait penfe,ou qu on n'ait pas penfé ace T *±^l £n\ dans un premier piu^-v-i —, --qui foit légitime, il nen fera pas moins vrai qu'on a retouclie aux icu.u«», ~ oue la prétendue preuve tiree de cette clef qui ouvre portes, eft une preuve faire apres coup i Ut preuve-, pour ainfi dire, faite a la Urne & au marteau; & dans laquelle on voit, malgré ceux qui l'ont forgce 1 innocence de 1'accufé, & 1'efret rnutile du cr-édk, & de la faveur de fes enne mts, Q vj qui  372 . 'Affaire Om, ce fecond procés-verbal, fi vifiV blement accordé a la qualité del'accuiateur, ne fert qu'a faire connoitre que ie premier ne difoit rien contre 1'accufé, & qu'il n'y avoit nulle preuve contre' lui; puifque, pour avoir feulemenr un f el' qm n'eft nen' on a été obü^é de f abnquer cet indice avec ce. nouveau proces-verbal, qui ne peut jamais nuire a 1 accufe, & qui doit faire calfer toute ia procedure. En effet, fi des procédures font cafiees & déclarées nulles, ou paree que le juge aura mangé avec la partie, ou paree qu il y a des mterlignes dans les interrogatoires, ou paree que toutes les pages d une information ne font pas ficmées • comment pourroit fubfifter la procédure dont il s'agit, dans laquelle tout un proces-verbal a été fait, contre I'ordonnance, en confidération de I'accuiateur? Ce qui matque bien davantaa« la prevention & l'affeétarion d'un iuae que d'avoir mangé avec une partie, ou de nayoir pas figné toutes les pages dune information. Car encore, dans fes fortes de défauts, Ie juge, qui eft prefent a tout, peut répondre en fa confcience, que s'il s'eft fait quelque chofe contre la loi, i] ne s'eft rien fait  'de Jacques ü Brun. 373" au mtJüiS contre la vérité. Mals, dans la nullité dont il s'agit, qui eft un fecond proces-verbal de l'état des choles, contraire & poftérieur a-ün autre qui avoit éré fait plus de foc femaines auparavant, jamais un juge, quelque éqmtable, & quelque éclairé qu'il pmfle etre, ue fcauroit répondre de ce qu'une partie, pendant fix femaines, aura pu faire fur les lieux, pour changer 1'etatdes chofes : & il eft certain que de faire ainfi, après coup, ces procés-verbaux que I'ordonnance veut êtte faits lur le champ, c'eft fe mettre en danger d'autorifer levol & la fraude, avec le fceau même de la juftice c'eft expofer 1'innocence a tous les artifices des calommateurs: & il n'y a rien qu'on ne puijlê dire fans exagération contre une telle procédure- Une autre nullité,qui n'eft pas moms importante, c'eft que tous les domeftiques n'ont pas été interrogés. L'acculateur en convient lui-même dans fa requêre , en ces termes qui s'adreflent au lieutenant-criminel: pendant dix heures de fuite , vous travaillates 3 monjieur 2 „ „^r,mt',nrt incrovaile a. inter- avct uw. u.yyt<.<."^» -j r„„,r ncrrifi fles domeftiques, 6* autres perfonnes qui furent amenées de dehors.  374 Affaire On ignore quel nombre précifémenr eontient cette autre partie de domeftiques qui n'ont pas étéinrerrogés. Mais quand elle fe réduiroit au feul abbé foulard, ce feroit encore une grande partie ; & on peut dire que lui feul ï pour le fait dont il s'agit, vaut mieux que tous les domeftiques enfemble II n eft pas permis d'ailleurs, d'en omettre un leul, quel qu'il foit; puifque le feul quon n'auroit pas interrogé, pourroit etre ie feul auteur du crime que 1'on recherche. M d'Aucour revient enfuite fur 1'abbé foulard. On voudroit bien , dit-il npoint trouver en lui de ces chofes'cm! ianlent toujours plus a penfer qa on ne dit, & qu'on ne veut dire : car on n'a ' pomt d autre deifein, que de défendre i innocence opprimée, fans mille envide medire ni des vivants, ni des morrs^ il entre enfuite dans les détails qui concernent ce religieux apoftar, & que j ai rapporrés plus haut; tl décrit la Pofetion de fon appartement, qui lui donnoit ia racihte d'entrer a fon crré & fe cretement, a toutes les heures du jour &de la nuit, dans celui de la dame Mayl. Toutes ces chofes, difoit M. d Aucour, font de nororiété pablique •  le Brun. XI % Mazel n'y penfoic point de mal, elle ne s'en cachoit pas; 1 , „„n; /hip nnnr ge on ne les rapponc iiwu r~— montrer que 1'abbé Poa/arrf etoit, de tous les domeftiques (i), celui en qui elle avoit plus de confiance, & qui, pat icette raifon, étoit le plus capable d'ex- pliquer tout ce qu'il y a d'obfcur dans le crime dont il s'agit. Mais que fcait-on ? C'eft peut-etre ,pour cela même qu'il n'a pas été ïnteriroaé. Car enfin, que peut-on penfer, ou ne pas penfer d'une procédure, dans laquelle il paroit tant d'afTeétation, tant , de prévenrion, tant d'acceptation de : perfonnes?H fautfe rédmre au feul fait, lans en penetrer ia caiuc, ^ «"v -—~ ment que 1'abbé Poulard n'a point ete interrogé, que certainement il a du 1'être ; & qu'une telle omiflion, pour quelque raifon qu'elle ait été faite, doit faire cafter toute la procédure. Une troifième nullité dans cette pro- (0 Le mot domeftique s'entend de tous ceux qui habitent dans une maifon, ious les aufpices du maitre. II eft gênerique, reiativementau mot ferviteur, qui ne comprend que ceux qui font a fes gages. Amii 1 aDDC. Poulard n'étoit pas ferviteur, mais il ét cette conditioiv, & qu'il entreprendroit j avec joie 1'exécution d'un crime qui le fauveroit de la mort qu'il a méntée pat iin autre crime. ( On fcait que ce même Berry a ete va • a Paris dans le tems du meurtre. On fcait que la dame Mazel avoit déclacé* qu'elle vouloit. tefaire fon tefta-  3S4 Affaire ment; & que ceux a qui eile avoit fgjU juftice n'ayant nul fujet d'appréhenderi pour eux, il y avoit beaucoup i craindre' pour ceux a qui elle donnoit au-dela dei ia juftice ; & fur-tour pour 1'abbé PoaX lord, i qL,i une feule réflexion chré-1 tienne dans 1'eiprk de la teftatrice au-1 roit fait perdre fon legs,paree qu'il nel convtent point a Pétat religieux dans iequel il doir vivre. On fcait que cet abbé Poulard ambirionnoit extrêmement le mariale de ia fceur avec le fieur de Lignieref3 fecond fils de ia dame Mazel, qui lui \ avoit promis de I'époufer; & que la détunte regardoit cette folie avec indi autrefois fervante de la dame MayL Pourquoi cite-t-il cette ancienne domeftique? C'eft paree qu'étant morte, elle ne peut plus le eonvainere de men» fonge. 1 Enfin ce paffe-partout eft une des pu requérir qu'on levat la ferrure, & y faire remarquer les changements qm avoient pu y te e faits, quand on fit faire une nouvelle clef, k la place de celle qui avoit ete perdue fcjourdeWaffinat. II auroit pu demander a repréfentation des autres pafle-partout de la maifon, qui fe feroient peut-etre trouves ouvrir les mêmes ferrures. En un mot i S certain cue ce fecond proces - verbal Ïayantpas été fait contradiftoirementavec lui, ne pouvoit lui être oppofc, m lervu a fa conviaion. Cependant c'eft trois jours après cette pièce ainfi faite dans lefceret, que Fon condamné li Brun a la roue 1  39§ 'Affaire plus fortes pièces de conviéfcion que 1 onpuilTe produire. C'eft d'aüleurs une cler prohibee i un domeftique. Dans la perfuafion ou 1'on eft qu'il ne peut v avoir qu'un domeftique qui ait commis 1 aflaffinat, ou aidé a Paflaflln , le domeftique qui eft faift d'un pareil paftepartout... eft convaincu néceffairemenc oe ai\tefr ou ^ complice du crime. Quant a 1'intérêt, qui eft le mobile ordinaire des grands crimes, fur-tout dans les gens de cette efpèce,./* Brun ayan t voie fa maitrefle, comme il paroit Par la fomme qu'il remit le jour même ala femme, on peut préfumerque le larcm etoit confidérable. II eft cenftant «n effet, & d eft prouve par pinfornja_ non, que la name Mazel avoit beaucoup dor, puifqu'elle difoit a qui vouloit 1 emendre, qu'elle avoit toujours 2ooo piftoleschez elle, &s'emparoit de tout lor qm patrnfloit fur fes tables de jeu. La bourfe vuide trouvée fous un fac de i ooo lmes & le demi louis d'or trouvé lurlapetite boite rouge, marquent évidemment qu'en prenant tout Por qui «toir dans la bourfe, cette piéce étoit cchappfe; & qu'on avoit laiffé Ia bourfe fcfes pierrenes, paree, qu'elles auroienr  pu faire reconnoitre le voleur \ & 1 ar- f . , _ >:1 „imir pre rrnf» gentblanc, paree qun. —r incommode a porter- + D'ailleurs, il a pu lailfer expres beaucoup dargent afin qu'on crut qu il n V avoit pas eu de vol commis; & que Ia haine & la vengeance feules avoient infpiré ce crime , dont on ne pouvoit par conféquent foupconner un domeitique tel que lui. 11 eft vrai que la cravate & la chemife ne paroiflent pas appartenir a h Brun. Mais il eft aife de Lire que, s'il a été 1'aflaflm , dies avoit pris exprès y. pour n'être pas reconnuf Ou fi 1'aOdfm étoit un etranger, on ne peut douter qu'il n'ait ére introduit par un domeftique, puifque la ierviette fervant de bonnet de nuit, trouvée dans le lit de la dame Mactl, eft de la maifon , & par conféquent ne peut avoir été donnée i 1'aifaflin , que par un domeftique. Tout annonce donc qu'il n y a qu un domeftique qui ait ourdi cette trame funeftej & que le Brun eft ce domel- tique. ,. A , Enfin la fureté commune des maitrc*, dont la vie eft entre les mains de ceux qui les fervent, demande ici un exem^ ple. Si les romains punifloreiit de mort ».  4©0 Affaire fans diftinftion d;age, ni de fexe , tous les efclaves d'un citoyen alTafliné dans fa maifon, par la feule préfomption que n'ayant pas empêché le meurtre de leur maitre (i), il y avoient tous participe; a plus forte raifon doit-on punir iin valer, contre qui s'élèvent tant & defiforts indices; tant & defi fortes préfomptions. ,o(l) 11 opa,rok Par Tac" annal. B. m; ufage «oftoit a Rome depuis long-tems. Mais I fupphce n etoit infligé qu'a ceu! qui étoient efclaves au moment du crime commis. Mais fous le regne de Néron, le fénat, par un féna tufconfulte, enveloppa dans laPcriPti0n ceux qui ayant été affranchis par [e teftaSen" du pere, étoient reftés a la maifon, & sV trouvoient encore au moment de 1'affaffinat derhériuer. Voici les termes de cettteu" Fatlum &fenatufccnfuhum , ultionï juxtd & fe. curuau , utfi auU a fuis Jtrvis interjetluS e/T mide tems aPres,l'occafion de mettre ce fenatufcoiifulte a exécution fe préferrta Les avis furent partagés dans le fénat ; mais la p urafite 1 emporta pour la rigueur.'iS peu! ple fe fou eva & voulut fauver les innocents condamnes. II falW que 1'empereur fit ^  de Jacques le Brun. 40 ï II eft évident que les adverfaires de le Brun n'attaquoient fon honneur & fa vie que par des poffibilités. Mais nt 1'humanité , ni la juftice ne permettent de prendre des poffibilités pour la baie de quelque condamnation que ce foit; autrement, comme 1'a remarqué M. cxAucour 3 il n'y a perfonne qui ne loit expofé, a tout inftant, afe voir la proie d'une accufation & d'une condamnation. Car il n'y a guère de crime commis , qu'il ne foit poffible d'imputer par des vraifemblances, a un, ou meme a plufieurs innocenrs. 11 n'y a même guere de malheur fortuit, dont, par des poifibilités, on ne foit en état de faire un crime a quelqu'un. D'ailleurs les poffibilités par lelquelles on prétend établir le crime ou la complicité de 1'accufé , font combattues par d'autres poffibilités dont on a fait le detail plus haut : & les omiffions reprqchées avec raifon au procés-verbal fait le jour même de 1'affaffinat, laiffent a 1'efprit la faculté d'imaginer bien des poffibilirés pour la décharge de leBrun s & qui font au moins auffi probables que celles qu'on lui oppofe. Si 1'on eut fait une perquifition ge-  4,°* Affaire sérale dans la maifon , on auroit tiré ■ de lacommunication de la chambre 8e 1'abbé Poulard avec celle de la dame Ma-xel} des conjectures qui, qaoiqoe peu apparentes, ne lahTent pas de caufer de 1'mquiétude, paree qu'elles font poihbles, & qu'on leur trouve même un motif que la charité ne permet d'adopter que difficilement, il eft vrai; mais quinen eft pas moins plaufible. On eütfaitattentionala lucarne qui eft dans le grenier, & l'on eut dit lil eft poffible que 1'aflaffin fe foit introduit , & fe foit enfuite évadé par cette lucarne, & par la gouttière k laquelle Éile communiqué.- On auroit pu fcavoir k quelle heure cette echelle de corde , qui ne fut trouvée que le lendemain au bas du petit eicaher , y avoit été mife, & qui I> avoit mife. Car il eft poffible que ce foit le Brun qui 1'y ait placée. Mais il eft polhble auffi que ce foit un autre. On auroit pu fcavoir en quel tems Ia chemife & le bonnet enfan^lantés, aai n ont ete trouvés dans le grenier que I* 2-9, y ont été portés h fi c'eft avant, ou apresl emprifonnementde/f^a/7 Car s'il eft poffible, k la rigueur, que ce foit tei qm les y ait portés avant fon empri-  de Jacques le Brun. 403 .fonnement; it eft poffible auffi que ce foit un autre qui- les y ait portes avant ce tems4a, ou depuis Car fon ; emprifonnement eft du z8 , & la de: couverte n'eft que du jo. En fouillant les domeftiques, 011 , auroit pu trouver a quelqu'un d'eux un palfe-par-toutfemblablea celui de /. : Brun. On auroit pu trouver, en vduant l leur linge, que lachemife enfanglantee ; leureonvènoit. Suppofé qu'd y ait eu ■ un vol fait, on auroit pu trouver de 1'araent dans leur chambre. \[ eft poflible que ce ne foit pas un ! étranger qui ait commisde crime; mais , il eft poffible auffi que c'en foit un. Ca. , il eft poffible que le Brun , qui avoit I foupé en partie de plaifir eut buplus , qu'ifonoknaire ,&quelecoupdh0rLe qu'il entendit, en fe reveillant, erft été précédé de plufieurs auttes ; enforte qu'il auroit, paria longueurde fon fommeil , donné le tems a 1 aftaffin de s'évader , après avoir fait fon coup , par la porte cochère, qm n'étoit pas fermée. Ou le meurtre a pu etre fait, apres que le Brun a été couche, par un euaueer qui s'étoit introduit dans la maifon, iqui,trouvantlaportede la rue fermée , s'eft évadé par la lucarne du gr*  4°4 . Affaire mer, ouila laiflï fa chemife enfanglantee & fa cravate. Et cette pofllbihté e t Wenue par une conjecture affez plaufible. H n'eft guèrecroyable qu'un domeftique qui pouvoit facilement cachet ce Imge dans un tas de trois rnuids d avome ou Ie jetter dans les aiWs leut laiffé fous quelques hens depaillequi ne fuffifoient pas pour leöerober aux premiers reo-ards Ileftpoffibleque/,5^ai'tnouéI9S cordons des fonnettes; mais il eft poftible aufliqu un autre domeftique les ait noueS. On doit même penfet que ce neft pas lui qui es a noués. Car s'il 1 eut fa„ a deffem de mettre famaitreffe dans iimpoffibdité d'appeller du fecours , il auroit eu grand foin de fe trouver e foir a fon cou.her, pour s'affurersilsetoient d*™ Ie même étataa lieuqu ü n'v vint qu'après qu'elle fut couchee , & au moment ou fes femmes aHoientfortir, & fermer la Porte. Sa maitrefle même, qai étoit couciee,!ul reprochafapareiyeen ^ termes : voi'aune helle heure. On peut encore tirer, de cette ncMigence , une autre préfomprion en&fa f-eur. Si Paflaffin a? pris k def dë £ chambre, qui étoit fur un flègeauprès  de Jacques le Brun. 405 de la porte, c'eft que cette clef lui étoit néceflaire dans la combinaifon de les précautions. Or le Brun s'expofoit, en venant fi tard , a ne pouvoirle la procu- f^rrxir arrivé . s'il fut venU reL ; uijui »>..v-. 3 . , une minute plus tard. II auroit trouve la d?me Mai el couchée & enfermee. II eft poffible que te Brun eür le fecret du cofTre-fort. Mais il eft poffible auffi qu'il ne 1'eut pas, ll eft poffible , U eft même ptobable que ce fecrer etoit connu de 1'abbé Poulard, devant qui elle 1'ouvroit fort fouvent, Ce fait elt prouvé au procés, _ II n'eft guère croyable , mais ü elt poffible , que la confiance que la dame M^el avoit dans le Brun lui ait donne des facilités pour commettre ce crime, dont il ait profité. Mais fi la poffibilite auementeen proportion delacontiance, elle eft bien plus grande de la part de 1'abbé Poulard, pour qui la dame Mazel n'avoit aucun fecret. . , , II eft poffible que 1'aiiaüinat ait cn accompagné d'un vol. Mais il eft poffible auffi qu'il n'y ait point eu de vol. Car enfin , de ce que la dame Mazel avoit paru rechercher les louis d or, « de ce qu'elle fe vantoit d'avoir toujours 4Coo piftoles chez elle, il ne s'en fuit  4° 6 Affaire pas qu'elle fut fi fort en argent au moment de fa mort. On fcait même que, quelques mois avarit, elle fit une confj titution afon profit de 7000 livres tout en or. Le notaire qui a recu le contrat, 1'a certifié. Enfin, fi 1'on vouloit cumuler toutes les poffibilités, on trouveroit, par mille raifons 3 qu'il eft poffible que ce crime ait été commis par un des laquais , par le cocher, peut-être par une des femmes de chambre, par la cuifinière, par 1'abbé Poulard , par l'une de toutes les perfonnes qui fréquentoientIa maifon, & en connoiffoient 1'intérieur; parquelqu'un des voifins qui pouvoient s'introduire chez la dame Ma^el par le moyen des gouttières & de la lucarne du grenier. Le Brun avoit même cet avantage fur tous ces gens-la, qu'il étoit prouvé , comme 1'a remarqué M. d'Jucour, que les indices qui auroient pu faire décournr le coupable, n'avoientpoint de rapport a lui; Sc qu'on ne pouvoit fcavoir s'ils ne convenoient point a d'autres , puifqu'il avoit été lefeul objet des effais & des comparaifons... Enfin I'affaire fut mife fur Ie bureau ie mercredi 22 février 16po. Ving&-  de Jacques le Brun. 407 'deux juges opirièrent. Deux feulement ifurent d'avis de confirmer la fentence; iquatre d'ordonner qu'il en feroit plus amplement informé ; & les feize autres qu'il feroir appliquc i la queftion ordimaire & extraordinaire ; cet avis forma l'arrêt. Le jeudi ^3 M. le Nain rapporteur (1), accompagné de M. Fraguicr, fit (0 Jean le Nain naqiüt en 1632, & fut recu confeiller au parlement en juin 165 5; Un erand fond d'équitè & de reiigion , qm Pon! toujours diftmgué ,lui concdierent1 eitime générale. L'impertanee des affaires, dont nnnnrjce combien la ie rapport nu iun.un«<-, compagnie comptoit fur fes lumieres &far fon intégrité. Ce fut lui qui rapporta 1 aftaire du faux CailU, & celles des malheureux XAndade & le Bmn, & eut le malheur de voir périr confécutivement ces deux innocents fur fon rapport. 11 mourut doyen du parlement le 2 feptembre 1719, age de quatrevinat-fept ans. . , IL étoit iflu d'une familie ancienne de Ia robe, & fils de Jean le Nain, maitre des requêtes, l'un des plus dignes magiftrats qm aient paru dans le dix-feptieme fiecle, & tel en un mot qu'on a dit de lui, qu il a p us honoré les places qu'il a occupees , qu elles ae Font honoré.Il mourut le 9 fevner 1698,326 «le quatre-vingt-cyaq ans. II avoit epouie Made le Ra go is, dont il avoit eu entr autres trois enfants. Jean, dont je viens de parleri f.ouis-Sebaftien, & Pisrrp  4°°* Affaire donner la queftion a le Brun 3 qui per- ilfta toujours a nier le fait. On devoit s'afTembler, pour juger dédnitivement.lefamedi ;5 ; maisl'in- Louis-Sebaftien elt le célèbre M. de Tilletnont, fi connu par fa haute piété, par fon Hi ftoire des Empereurs, fes MWhires peur 1'hiftoire eccléfiaflique, & plufieurs autres ouvrages. Ses écrits annoncent la Plus protonde humdité; vertu fi rare dans un homme de fon érudirion. On voit, avec étonnement, qu'il ne propofe, qu'en doutant, fes opimons les plus infaillihles. Pénétré d'un faint mepns pour lui-même, il refufa long-tems de prendre les engagements du facerdoce, & n y entra qu'a 1'age de trente-neuf ans , par les preffantes follicitations de M. le Maitre de Saci, avec lequel il étoit lié d'une amitié trèsetroite. Né le 3Ó novembre 1637, il mourut a Fans exténué de veilles & d'aiülérités, le 10 janvier 1698, agé d'un peu plus de foixante ans. Son corps fut porté a Port-Royal des Champs , oü il avoit choifi fa fépulture; & apporté, après la deftruction de cette abcaye , a faint André des Arcs. ■ Pierre fut d'abord chanoine régulier de faint Yiftor a Paris, & fe retira enfuite a la Trappe, en 1668, oü il mourut le 14 décembre 1713 , agé de foixante-treize ans etantnéle 25 mars 1640. II aida beaucoup Ie cekbre Rancé dans les travaux de la réforme de cette abbaye. II 3 compofé plufieurs ouvrages de piété, dont les uns font impriipies, & les autres font reftés en manufcrit. drfpoiinor?  de Jacques le Brun. 409 difpofition d'un des juges fit remettre au lundi 17. Un des deux qui avoient opiné pour la mort fut d'avis de condamner 1'accufé aux galères perpétuelles. Tous les autres juges furent d'avis de l'arrêt qui infirma la fentence de mort rendue au chatelet; & ordonna qu'il feroit plus amplement informé contre le Brun &c fa femme, pendant un an : que le- Brun garderoit prifon, & fa femme feroit en hberré. On réi ferva a faire droit fur la demande en nullité du legs fait a fon profit par le teftament de la dame Mazel } ik fur x-elle aue les accufés avoient formée .contre les accufateurs en dommages 6c intéréts. En exécurion de cet arrêt, le Brun t qui avoit toujours été au fecrer, fans permifiion de parler, ni de voir per; fonne, eut la liberté de voir fa familie j &c fes amis. Mais il n'étoit plus en état I de profiterde cette grace; & 1'extrêmité ! oii il fe trouvaréduit par la violence des tourments ne lui lai'Ta que quelques i heures, pour fe préparer a recevoir les 1 facremenrs. Ceft par ce dernier aéte de 1 reiigion qu'il confirma la proteft'.rion de i fon innocence. II déclaré devant ia fainte hoftie, qu'il croit recevoir pour la derTome F. S  410 Affaire nière fois , qu'il n'eft ni auteur, m ■complice de 1'alfaftinat de la dame Mazei, ni du vol qui lui a été fait. Quoiqu'agé de 45 ans feulement, & d'une complexion forte & robufte , il mourut le mercredi premier mars 1670 de la fuite des tourmenrs de la queftion qui avoient diflous fa conftitution naturelle. II fut très-regretté du peuple qui, prévenu par les deux faclums de AL JJaucour , vouloit qu'il füt innocent. Son enterrement fe fit a S. Barthelemy, & fut accompagné d'un concours in=croyable. II fut inhumé dans l'églife , devant 1'autel de la Vietge. Le fort fitnefte de 1'accufé &c 1'infortune de fa familie occupèrent long-tems le public. II fembloit qu'il appartint a rout le monde. II étoit, en effer , innocent ; & le ■coupable fat découvert un mois après. Le deur JeJJey } lieutenant de la maréchauifée de Sens, fut averti qu'un particulier nommé Gerlat, dit Berry , atvtrefois laquais de la dame Mazels'éroit établi a Sens , %c y faifoit trafic de chevaux. II le fit anêter le 27 mars 1^0. Berry orïiit, aceux qui 1'arrêrèrentj une bourfe pleine de louis d'or, s'ils vouloient le Ijpder évader. On le trouva  de Jacques le Brun. 411 Caifi d'une montre qu'on avoit vue a la dame Mazel le jour même qui précéda ia nuit ou elle fut aiTaflinée. Le prévöt commenca promptement 1'inftruction. Mais Meffieurs de Savonnières obtinrent un arrêt, par lequel il fut ordonné qu'attenduque le parlement étoit faih du procés concernant lemeur1 tre de la dame Mazel, Berry feroit 1 amené cs prifons de la conciergerie , : pour y être jugé. Plufieurs témoins dé: posèrent 1'avoir vu a Paris dans le tems de 1'aflaifinat de la dame Mazzel: il le i nioit fortement. Une femme le reconnut, pour 1'avoir vu fortir de cette mai: fon, la nuit du meutre, après minuit. Un chirurgien dépofa lui avoir fait la harbe : le lendemain , & que lui ayant vu les i mains égratignées , il lui avoit répondu j que cela yenoit d'un chat qu'il avoit i voulu ruer. Enfin la chemife & la cravate 1 enfanglantées furent reconnues pout' ] être a lui. La procédure fut conduite avec toute i la vivacité que pouvoient permettre les i recherches &: les informations qu'il fali lut faire dans les lieux par ou Berry 1 avoirpalfé. Entr'autres procédures d'infi truécion , il intervint un arrêt le 1 p ju.il; let 1690 , par lequel il fut ordonné que Sij  4t2 Affaire 1'abbé Poulard feroit pris 5c appréhendé au corps, &c conduit és ptifons de la conciergerie.il fut interrogé dés le même jour , récolé & confronté a Berry ; &c , depuis cette confrontation , il n'eft plus queftion de ce religieux dans toute la procédure. II y a lieu de préfumer que ne s'étant pas trouvé coupable du crime en queftion; mais les juges étant fcandalifés d'ailleurs de la vie irrégulière de cet apoftat de deux ordres a la fois, ne crurent pas devoir lui permettre deconr tinuer une profanation de vceux dont le public étoit imbu par les mémoires qui avoient éré publiés pour le Brun ; & qu'il fut remis , fans forme de procédure , a fes fupérieurs; avec ordre de le maintenir dans 1'obfervance de la règle a laquelle il s'étoit voué. Quant a la dame Chapelaln fa fceur , le mariage que fon frère &c elle déhroient avec tant d'ardeur n'eut pomt lieu : fon amant mourut pendant le cours du procés, &c avanr d'avoir pu ufer de la liberté que lui avoit laiftce la mort de fa mère , de fe mariër a. fon On examina, en ju^eant Ie procés de Berry, celui qui avoit été fait a te Brun, &c la comparaifon de ces deux procés  de jacques le Brun. 413 donna une nouvelle force aux preuves qui étoient contre le premier, Le zi juillet 1690, intervint arret qui c. le déclara duement attemt &con„ vaincu du meurtre commis en la perfonne de la dame Ma~{el, & du vol | qui lui avoit été fait; le condamna i 3, faire amende honorable , & a etre „ enfuite rompu vif ; préalablement ap; l pliqué * la queftion, pour avoir reye„ larion de fes complices j en 8000 hv. ï, de réparation civile & de reftitution „ envers Meffieurs de Savonnieres; en JS conféquence il fut ordonné que lar5» aent & autres effets trouves tar lui „ fors de fa capture, leur fewpï ddl„ vrés en déduclion de ladite fomme... Le lendemain u , Berry fut apphqué a la queftion. Dans fon mterrogatoire , il dit que , par les ordres de madame de Savonnieres , le Brun & lui avoient fait le complot de tuer & voler la dame Mazel; que le Brun, qui s'étoit chargé de 1'exécution , étoit entre letil dans la chambre de fa maitrefle , & -1'avoit poignardée , pendant que lui Berry étoit * la porte de la chambre a faire le guer, pour empêcher qu'on ne furprit le Brun. Cela n'étoit pas vraifemblable , punS üj  4*4 Affaire que la chemife enfanglantée , Sc la cra> vate trouvée dans le lit de la dame Mazel, quiconftamment appartenoient a Berry, le chargeoient de 1'exécution , &c qu'au fentiment même des juges da chatelet, il n'y avoit rien au procés qui en chargeat le Brun. Aufli le détail qu'd fit de 1'aétion fe trouva-t-il rempli de variations & de contradictions. Cependant il perfifta, après la queftion, dans fes variations. ' t II mentoit donc, toutconvaincu qu'il etott, toutaffuré du fuppfice qui venoit de hu être prononcé, Sc fans que les douleurs de Ia queftion changeaftent rien a la réfolution qull avoit prife de cacher la vérité. Mais il s'étoit flatté qu'en fe donnant un complice vivant dans la perfonne de la dame de Savonnieres 3 il prolongeroit fes jours, par le furfis qu'il efpéroit devoir être ordonné pour la eonfronter avec lui. ^Mais, quand il fut conduit le foir même a la grève , & qu'il vit qu'il n'avoit plus de délais a efpérer, il crut devoir décharger fa confeieuce des calomnies meurtrières qu'il avoit ajoutées a fes autres crimes , Sc demanda l parler a M. le Nain fon rapporteur, qui étoit a rhêtel-dë~ville, accompagné de  de Jacques le Brun. 415 M. Gilbert le confeiller. La il fit une déclaration qui dura une heure entière. II défavoua d'abord tout ce qu'il avoit dit le matin contre madame de Savonmèrès, & le Brun. II dit qu'il avoit lui feul commis le meurtre & le vol; que le mercredi 13 novembre 168 9 , il arriva a Paris , dans le depin de voler la dame Mazel,. &fe logea a l'auberge du chariot d'or; que le vendredifuivant ,fur la brune, il entra dans la maifon de cette dame y dont il trouva la porte ouverte : que n'ayant trouvé perfonne dans la cour, il monta dans le petit grenier, auprès de eelui oè étoit l'avoine; qu'ily refla Ci sy nourrit de pommes & de pain qu'il avoit apportés, jufqu'au dimanche, onze heures du matin1; que fcachant que c'étoit 1'heure : que la dame Ma\el avoit accoutumé de fortir, pour aller a la mejfe , il defcendit, : du grenier , dans fa chambre , qu'il trouva 1 ouverte. Les files de chambre venoient de j la faire ; ce qu'il jugea , paree qu'il y 'avoit encore de la pouftfière ; qu'ayant • voulu fe. cacker fous le lit , il n'y put en; trer avec fon jujle - au - corps ; qu'il le , quitta , avec Ja camifole , dans le grenier \ ou il remonta ; qu'il defcendit en chemife dans la chambre, ou Une trouva encore perfonne: il fe cacha fous le lit; que S iv  4T~6 Affaire l'après dwée , la dame Ma$el étant fortie de fa chambre, pour aller a vêpres 1 fortlt de deffous le lit, & que fon chapeau l'mcommodant, il l'y laiffa J & prit derrière le miroir une ferviette, dont ilfefit un bonnet, & que, dans ce tems-la , il noua , d\ deux nceuds les cordons des fonnettes h la tringledu lit; qu'il fe chauffa, reJ?a auPr™ du feu jufqu'au foir , qu'il entendit entrer le carroffe dans la cour • qu'il rentrafous le lit, &y refla jufqu'è minuit; qu'y ayant alors une heure que la dame Mazel étoit couchée, il fortit de deffous le lit; il la trouva éveülée; qu'it lui demanda de 1'argent; qu'elle fe mit d ener, & qu'il lui dit: madame, fi vous cnez , Je vous tue : qu'ayant voulu tirer fafonnette , elle ne trouya point de cordons ; que dans ce tems-la , il tira fon couteau , & lui en donna quelques coups ; qu'elle fe défendh un peu : mais que , manquant de force, elle fe laiffa aller fur le Ut , le vifage fur la couverture ; qu'il lui donna plufieurs coups , jufqu'a ce qu'elle fut morte; & que ,fi elle n'avoit point criê, il ne l'auroit point tuée ; qu'enfuite il alluma de la ch and elle , & prit , d cêté du lit, la clef de I'armoire; que y dans I'armoire , il prit les clefs du coffrefort, &l'ouvrit fans aucune peine ; qu'il  de Jacques le Brun. ^417 prit tout ce qu'il y avoit d'or, qui étoit *\ in titer rr dans une bourje , qui puuwu ~ ~ 5 ou 6000 livres, ce qu'il mit dans un fac de toile, qu'il prit dans le coffre, ou ily avoit quelque peu d'or; qu'après ilferma le coffre , en remit les clefs dans Varmoi-^ re 3 oii il prit la montre d'or qui lui a éte repréfentée; qu'il mit la clef de I'armoire auprïs du lit ou il 1'avoit prife , & oh d fcavoit que la dame Metsel avoit accoutumé de la mettre ; qu'il jetta dans lefeu^ fon couteau , qui eft le même qui lui a ete repréfenté; qu'il avoit au col une craiate, au'il ne fcait ce qu'elle devint , & qu'il qu'il ne fcait ce qu'elle devint , v. Jeparlerai feulement ieideV circonftances particulières qui peuvent «ertre quelque différence entre les deux efpcces. Ces- variétés peuvent en próduire dans les décifions.. *  de jacques le Brun. 42$ II faut moins examiner , dans cetteaffaire, difoit la veuve le Brun 3 la qualité des accufateurs:, que les moyens qu'ils ont mis en ufage- La faveur de 1'aótion d'un fils qui crie vengeance & demande juftice d» meurtre de fa mère, ne peut le juftifier s'il paroit de 1'aftectation dans fa pourfuite , k en prennant 1'innocent pour le coupable, fon erreur eft ii groifièrs, que Ion ne puiffe excufer la mépnfe , paree qu'alors la calomnie eft évidente ; Sc rien ne peut la ver un pareil calomniateur. Ce feroir faire parade d'une vame érudirion que de citer, d'après le défem feur de la veuve le Brun , une foule de loix , une foule d'auteurs qui atteftent ou'une mère qui fe plaint de la mort de fon fils 5 un fils qui fe plaint de la mortde fon père , ne font pas a 1'abri de la. peine de la calomnie. Si la légitimite de. 1'action , Sc la néceifité des pourfuires antorifoient la calomnie , elles ouvnroient une. vafte carrière aux vengean5, r~.-;i;.-a..^;oi-ir In nnnrfuite &c ia.- Ces , CC idLinn.iuiw.. ~ r perte des innocents que les plaignants auroienr intérêt de faire périr. Or 1'aftecf ationavec laquelle mefheurs d'e Savonnieres accusèrent d'abord U  42-4 'Affaire Brun, caracftérife une calomnie décidée. II n'y avoit rien dans le procés-verbal qui püt donner lieu a cette accufation. La cravate & le couteau du meurtrier , qm étoient des témoins muets, dépofoient en faveur de Ie Brun. Les domeftiques ne rendirent aucun témoicmaae qui lui füt défavantageux. Ses réponles ne contenoient aucune variation , aucune contradiétion qui püt former une préfomption contre lui. Un domeftique , difoient meffieurs de Savonnieres, doit répondre de la vie de fon maitre; I'ordonnance même permet de 1'arrêter fans Information, fans aecret. Mais cette loin'eft-elle faite que pour Ie Brun ? II eft le feul que les témoins muets Juftifie; & il eft le feul que 1'on arrête. Tous les autres étoient nouveau* dans la maifon; lui feul avoit donné, pendant 29 ans, des preuves d'un attachement & d'une fidélité atteftée par tous ceux qui leconnoiifoient, certifiéepar famaïtrelfe elle-même dans fon teftament; & c'eft lui feul que 1'on pourfuit comme i'affaffin de cette mëtrelfe. i Mais ce qui démontre que 1'on s'étoit d?cidé d'abord a donner cette préférence ödieufe au malheureux le Brun ,  de Jacques le Brun. 41$ e'eft le filence que 1'on s'eft obftine de gardera 1'égard de Berry indique par la cravate enfanglantée , que les filles déclarèrenr lui appartemr : Berry dep coupohle d'un vol confiderable enversla dame Mazel; Berry qui avoit toutes les facUkés qu'un domeftique pouvoit avoir pour commettre le crime, qui connoiltoit tous les lieux, tous les deroms de la maifon : Berry qui avoit ere denoncé dans les faclums ie le Brun ; Berry enfin dont tout le public demandoit la punition. Si les juges euftent , comme ils Ie devoient , pourfuivi ce fcélérat, ( deja connu pour tel, la vérité auroit eclate d'abord: leBrun n'auroit pas ete regardé comme complice; & fon innocence eut été reconnue. Mais meifieurs de Savonnieres ne trouvoient pas leurcompte dans la pourfuire qu'ils auroient formée contre lui, Rien ne leur auroit répondu des rrais du procés; & ce motif, on le fcaitd e**f mêmes, puifqu'il les a empeches de pureer la fociété de ce fcelerat, lors du premier vol qu'il fit i leur mere : & c'eft certe économie atroce qui a porte Ie couteau dans le feïn de cette meme mère. D'ailleurs , quand Berry aurcac  Affaire été condamné , il n>en aórole ^ tooins failu payer l le Brun ie le^s de6-000 livres & celui de la moitié de k. garde-robe. Ce qui prouve de plus en pjus Gne. meffieurs de ^o^i^ avoient *nipires dans leurs pourfuites, par un motif fecret d mtérêt, & que ce n'étoicpas Ia perfuafton qui les avoit armé* contre U Brun, c'eft k requête qu'ilsont prefentee pour faire transférer i^y des pnfons de Sens, dans celle, de k conciergerie. Ils difent, dans cette requête , que le nouvel aceufé étoit convaincu du vol Sc du meurtre. Cette tfonviction, quand ils ont tenu ce langage , n'etoitfondée que fur les témoins.muets qui font au greffe. Mais ils y croient, dans le tems qu'on mftruifok 7 PrOGeS df lg Srun. Pourquoi donc demeurer dans Ie filence, a- Pégard de Berry.contre qui ces témoins ont toujours depofe ? Si c'eft une calomnie d'accuiet 1 innocent, c eft une prévarication pble,& dele derober a la vengeanee pubbque, fur-tout quand on°7 expofe i innocent (i), ' *T (0 Przvaricari efl vera crim}n i a6fiondire 3- I *> ff. *d fenatufconf TutpüL  de Jacques le Brun. 42? D'ailleurs, dèsqu'on étoit convaincu qae c'étoit Berry, & non le Brun opv étoit 1'auteur du meurtre, pourquoi ne pas requérir que Berry fut decrete, avant que decondamner leBrun? Craignoit-on qu'en arrëtant Berry , & jeconfrontant a le Brun , 1'innocence de celui-ci ne parüt dans tout fon eclat ■ Saus doute, on le craignoit, paree qu ii n'y avoit pas de legs de 6000 livres faitau profit de Berry. Et c'eft ce#malheureux legs qui tait qu'on ne lache pas prife,même a prefent». contre la mémoire de le Brun. Meffieurs de Savonnieres , en vercu de 1'axret qui ordonné un plus amplemeht informe contre lui & fa femme , & non-obftant k condamnation de Berry , ont demandé qu'il fut fait une nouvelle Information , qui a été faite. C'eft en vain qua le vrai coupable 1'a juftifiéparfon teftamentdemort; c'eft en vain que tout crie en faveur de fon innocence, oir veut qu'il foit au moins complice. Si cette prétention réuffüToit, il y auroit doublé profit pour les accufateurs. D'un cóté, ils ontrecouvrék tres-grande partie des effets volés a leur mère , par Berry; de l'autre , ils feroient annulerl leur profit le legs fait en faveur de lc  4*3 Affaire Brun; 5c par-deiïustout cela, ils s'épargneroient les dommages & intéréts dus i la familie de cette malheureufe victime de 1'avarice; chargeroient même fa fucceffion de ceux qui réfulteroient, en leur faveur , de cette prétendue complicité. ; Quoique meffieurs de Savonnieres ne citaifentniles mémoires faitspour la défenfe du comte de Montgommery ^nxYzxrêt qui étoit intervenu en fa faveur , ils ne laiiTqient pas d'en faire ufage. Mais il yavoit de la différence entre les deux efpèces. Voici les points qui les diftinguoient. Dans le tems qu'on fit le procés au fieur cYAnglade , la preuve du crime etoit impénétrable; on ne pur la trouver que par la découverte fortuite des deux coupables. Ici, on avoit des pièces de cqnviction qui indiquoient le meurtrier. Yy.4nglade avoit été condamné par un arrêt, comme coupable. Ici, il n'y a point de préjugé conrre le Brun. Le jugement qui a ordonné un plus ampiement informé , a réfervé a faire prononcer fur la demande des accufés, auffi bien que fur celle des accufareurs. Si la cour a jugé que les preuves réfultant des  de Jacques le Brun. 429 indices n'éföient pas PUTgées par la nITeur de la queftion, elle n apas deelde Sue les aceufés étoient dépoudles du Lit d'obtenir des dommages & uiterts au cas que leur innocence eclatat, 1 Lecomre de Montgommery femetto difoit que, s'ü s'étoit troui^, — ---etoit celle des juges. De-la ,dconc uoit qïïleV jufte, de-U, d^ncboit n'eft liée par aucun arrêt; on ne peut b reprocher aucune erreurconcernant ^r^puifqu'ellenel'a encore juge ni coupable, ni ""'Ult,u' r Dés que les véritables coupables fu- mery reeonnut 1'innocence delaccul? & de fa femme, Ici, quoiqueBerry ait rnani^ftélWcence de /e Brun & d? fa veuve, les aecufateursn'ont Pas fuf- pendu leurs pourfuites. P Toutes ces circonftances metrent une difterence énorme entre 1 efoece dti  43° 'Affaire Jfautte malheuteux dont il s'agit ici . Meflieurs de Savannières, de leur & la fortune dont ils fouiflent, doivent écarter tous les foupeons qu'on veut infpirer contre eux, en difant que ce font des vues d'intérêt qui les ont acharnés a la perte de le Brun. S'ds avoient apporté le moindre délai a pourfuivre le meurtre d'une mère, tout le monde fe feroit élevé contre eux, 8c leur auroit reproché un fang qui crioit vengeance au del, 8c qui la demandoit, en même tems, a des enfants. Indépendamment des fentiments ;d'autrui, ils n'étoierit pas les maitres de ceux qui les ammoient perfonnellement. Ils n étoient pas les maïtres de ne pas prelfer leur vengeance, 8c d'attendre un plus long délai; aucune loi n'obligeoit les juges a inftruire conjointement, & le procés du meurtrier abfent, 8c le procés du complice, quand xe complice, qui étoit fous la main de la juftice, paroiftoit déja condamné par de fortes ptéfomptions. Après tout, on ne pouvoit pas faire tin crime a meflieurs de Savonnieres, fans en faire un aux juges, de ce qu'ils avoient fuivi les régies prefcrites pour la conyiétion des coupables. Le corps du délit. étoit évident 5 on étoit fur les voies du coupable, dès que 1'on croyoit voir  de Jacques. te Brun. 433 voir évidemment qu'un domeftique avoit commis le crime, ou en étoit le complice; Sc qu'entre les domeftiques, ce ne pouvoit être que celui contre qui les indices dépofoient. Sur toutes ces raifons, par arrêt du 3 0 mars 1694, « la mémoire de le Brun »> fut déchargée, & fa femme abfoute 5» de 1'accufation contre eux inrentée ; ja leurs emprifonnements furent déclaw rés injurieux, tortionnaires & dérai*> fonnables j il fut ordonné que les » écroues faites de leurs perfonnes, tant »> és prifons du chatelet, qu'en lacon» ciergerie du palais, feroient rayées Sc » biffées. Les fieurs de Savonnieres fu35 rent déboutés de leur demande tenj3 dante a ce que le Brun fut déclaré » déchu du legs a lui fait par le tefta5> ment de la dame Mazzel, Sc con» damné en des reftitutions. En confésj quence , il fut ordonné que 1'on déj> livreroit a la fucceflion de le Brun } la 59 fomme de o'ooo livres a lui léguées; >■> les fieurs de Savonnieres condamnés » au paiement de ladite fomme; fcajj voir moitié dans trois mois, & l'autre 55 moitié trois mois après; Sc cependant 35 a payer, dés-a-préfent, les intéréts sj échus, a. compter du 2 8 novembre Tomé F, ■ T  434 'Affaire sj j 68 9, jour de la mort de ladite dame » Mazel; lefquels intéréts diminueront 3> a proportion des paiements que fe3> ront lefdits de Savonnieres. Condamy> nés a déliyrer a la fucceflion de le » Brun la moitié du prix provenant des j> habits, linge & hardes fervant a la35 dite dame Mazel, par elle léguée au3> dir le Brun par fon teftament, reftée sj ès mains défdits fieurs de Savonniè» resj fuivant 1'arrèc du i aoüt i^oi , s> qui avoit ordonné la vente defdits ij linge <& hardes, pour en être remis j» la moitié entre les mains d''Anne le » Doyen, légataire de cette moitié; & »-l'autre moitié pour refter entre les mains des fieurs de Savonnieres jufjj qu'après le jugement défimtif du pro33 cès. Condamnés, en outre, a payer » a la même fucceflion les intéréts de » ladite moitié, du jour de ladite vente, 33 fans que ladite fucceflion foit tenue 33 de leur payer & rembourfer aucun jj des frais faits pout raifon de ladite 33 yente. Lefdits fieurs de Savonnieres j» feront pareillement tenus de rendre »> a ladite fucceflion les hardes, habits, » linge & autres chofes appartenant Sc s» fervant audit le Brnn 3 fi aucuns ils » ont, dont ils feront crus i leur fer-  de Jacques le Bran. 435 9 ment pardevant le confeiller rappor1» teur : Sc les" fept louis d'or, la piftole „ Sc les huit écus d'or étant au greffe w du chatelet, feïORt rendus a la fufdite » fuccceffion. Condamné lefdits fieurs w de Savonnieres folidairement en tous » les dépens, tant du proces criminel s> fait au chatelet contre lefdits le Brun » Sc fa femme, qu'en ceux faits en la « cour. 'Sur le furplus des demandes ref» peétives des parties , elles font mifes w hors de cour & de procés. Et fera le » préfent atrêt publié & afïiché pat-tout m oü befoin fera; Sc icelui tranfcrit a » cóté des écrones defdits le Brun Sc fa »» femme, fur les regiftres defdites pri» fons, tant du chatelet, que de la con« ciergerie ». Ainfi la veuve de le Brun Sc fes enfants ne retirèrent ftriébement que ce qui appartenoit a la fucceflion du déftmt, fans aucuns dommages Sc intéréts contre ceux qui, par leurs pourfuites injuftes, lui avoient fait fubir la mort la plus cruelle. Mais voyez ce que j'ai dit a 1'occafion d'un jugement femblable rendu environ quinze mois avant celui-ci, au rapport du meme magiftrat, tom. )9 pag.ui. 'J, Tij  43 6 Affaire # FAITS Qui prouvent combien l'ufage de Ia queftion provifoire eft dangereux } & peu propre a faire découyrir Ia vérité. I. On a vu, dans le proces de cVAnglade, trois perfonnes appliquées a Ia queftion. Le premier étoit innocent, n'a rien avoué'; $c les fuites cruelles de la torture, l'ont enfin fait mourir après plus d'une année entière des tourments les plus cruels. Les deux fcélérars coupables du crime qui avoit occafionné cette funefte cataftrophe, furent également appliqués a la queftion. Rien ne manquoit a leur conviccion. Cependant l'un fqutient les plus cruels tourments fans rien avouer; l'autre cède a la force de la douleur, & avoue tout. II. Dans 1'arfaire de le Bruns cette malheureufe yiclime de la prévention &c del'interêtde fes accufateurs éprouve la queftion la plus violente; la force de fa conftitution lui donne celle de réfifter a la douleur, & de foutenir fon innocence, fon honneur & celui de fa familie. Le meurtrier pafte par la même épreuve : mais il ne fe contente pas de  de Jacques le Brun. 437 s'avouer complice, il aflocie une innocente a fa complicité, & charge un autre innocent de 1'exécution du crime. Ce n'eft qu'après avoir bravé les jugemenrs &c les fupplices des hommes , que la crainte du jugement de Dieu le détermine enfin a déclarer la vénte. _ Ainfi voila, en moins de trente mois, cinq accufés appliqués a la queftion, au rapport du même juge, fans qu'il ait pu parvenir a la découverte de la vente qu'il cherchoit; &, de ces cinq accufes, deux étoient innocents ; &c les tourments de la queftion les ont fait penr tous les deux. III. Voici d'autres exemples qui prouvent 1'inutilité & la barbarie de cette épreuve.- A Papon, liv. 14» tit. 8 de fes arrêts,' rapporté qu'une femme connue pour être livrée a la débauche la plus infame:; & qui, par fon humeur violente étoit capable de fe livrer i tous les cnmes , menaca , un jour, en pleine rue, un homme de lui faire couper les jarrêrs. Peu de tems aprés, cet homme fut trouvé mort, ayant les jarrets coupés. Celle qui 1'avoit menacé fut arretee, & appliquée a la queftion. Elle s'avoua coupable, & fut exécutée a mort. T nj  43§ Affaire Peu de jours après, un particulier eft conltrtue pnfonnier pour un autre déJir. U decJare que c'eft iui qui a commis J aftaffinat pour lequel on avoit fait pénr cette maiiieureufe; que palfant dans la rue, au moment ou elle avoit fait la menace, il avoit profité de cette circonftance, pour fe defaire de celui qu'elle avoit menacé ; bien aftbré que la mauvaile reputation de cette femme tourneroir & rixeroit fur elle toute 1'attention de la juftice. ; IV. Voici un autre fait, dont fignore I epoque, Sc qui m'a été tranfmis par la rradirioii. Avant qu'on eüt rebaticette longue fuite de maifons qui bordent la place faint Michel a Paris, en face de la rue iainte Hyacint&e, une marchande veuve & agée occupoit, au meme enoroit, une petlte boutique, avec une arnere-boutique , ou elle couchoit. Elle palloit, dans le quartier, pour avoir beaucoup d'argent amaifé. Un feul aareon compofoit, depuis long-tems, tout Ion domeftique. II couchoit a un quatrieme etage , dont Pefcaiier n'avoit point de communicarion avec 1'habitation de fa maitrefle; il étoit obliaé pours'y rendre, de fotcir dans la rue^ & lorfqu'xl s'alloic coucher,. il ferrncit  de Jacques U Brun. 439 k porte extérieure de la ( boutique,Sc emportoitladef, dont detottfeula^ ^ÏTvoit.un matin,1a porte ouverte nlutot qui 1'ordinaire, fans quon reSa qu^ aucun mouvement qm annonT£. kmarchande,oufongarcon fuflent levés. Cette inaéhon donna de „eLarque aucune ^ureakport * nraisontrUeuncoiueauenfangknte iertó au milieu de la boutique, & k marchande afiaffinée dans ion lit, * coups de couteau. Le cadavre tencnt dans une main, une poignce de che veux • & dans l'autre une cravate. Au f° On faifit le garcon de boutique; U fe trouve que le couteau lm appament. La cravate que tenoit la mare We étoitiluu On compare fes cheveux ils fe trouvent les mêmes. Enfin k ck dek boutique étoit dans fa chambre lui feul avoit ********** <"* entrer chez k marchande fans Lac ure. D'après des indices amficumules & fi eoncluants, on hu fait fublt la queftion j il avoue , il eft rompu.  440 Affaire Peu de,tems après, on arrête un en Proche I'églue de fainte Opportune a Paris. Ses,  de Jacques le Brun. 44^ tacmes Sc autres bijoux lui furent yoles. Le&marteauquiétok refté aupres du cadavre. fut reconnu pour appartenira un pauvre ferruner nommé Jdien Doue Sur cerindice,onkufitfubir la queftion ordinaire Sc extraordinaire. 11 n avoua point, Sc fut renvoye abfous. Mais il refta tellement eftropié , qu il ne put davantagegagnerfavie,* mourut de m'plus' de vingt ans fe pafsèrent fans qu'on püt déeouvrir le coupable. Enfin J«» //F/-./He«£T. premier hmffier de la cour des aydes, fe trouva un jour au v* lage de faint Leu-Taverny pres Mommorency. U eut 1'imprudence , pendant le fouper, de raconter devant: des habitants dulieu, qu'il avoitlaifle chex lui, fa femme malade, avec un feul domeftique , Sc même que ce domeftique étoit un jeune garcon a peine forti de 1'enfance. , . . 1 , Entre les auditeurs, étoit un viellard, nommé Monfiier } Sc fon gendre. lis partent, la même nuit pour Pans, chargés d'un oifon , Sc de chacun un panmer plein de cerifes.lk frappent, » dix heures du matin a la putte de fe Flameng, Sc difent k k femme qu s'étoit mifealafenêtre,quefonmari  U6 Affaire es a charges de lui apporter I'oifon & les ceriics. Le jeune domeftique leur oavre la porte de la rue. lis entrent; la fermen t fur eux, fe jettenr fur le jeune homme & I egorgent. Sa réfiftanee & fes cris amrerent la femme fur une galerie qui donnoufur la cour. Elle demanda dVi proyenoit le fang qu'elle voyoit fur le pave. L un des deux coquins lui dit qPe cetoit le fang de Poilbn- & cependant1 autre montoit 1 efcalier, pour la furprendre. Elle fe douta de quoi il s'agifioit rentra précipitamment dans fa. chambre, & s'y enferma. Elle apoella du ecours par la fenêrre ; les voulureru fornr avant qu'il y eut "du monde alTembié. Mais Ja Porce de ia «ien ayant point de petirpêne, nepoavoit m souvrir ni fe fermer, fi£ leiecours dek clef. Les voleurs voulanfc la tourner, k eafsèrent dans k ferrure, -Le plus jeune fe refugk au haut d'une chemmee; l'autre dans une eave, Sc de-kuansunpuits. Onenfonce k porte de la rue on les prend tous les deux; leur proces eft fait en vingr-quatre heures , & par fentence du chatelet, ils lont condamnés a être rompus vifs Sc **-}oo livres de-réparation civile enw«  de Jacques le Brun. 447 le Flameng.. La fentence eft eonfirmée s on les conduit aux halles „ pour y être exécuués. Sur 1'échafFaud , le veillard demande qu'on. lui fafle venir la veuve XAdrien. Doué. U lui demande pardon , & deelare que c'eft lui qui eft auteur du meurtre commis.il y a vangt ans, au pres de fainte Opportune; que le même ioir , il avoit volé le marteau fur la boutique de fon mari. Le greffier drefla procésverbal dece teftament de mort, qui tut. fuivi de l'exécution. La veuve du matéchal fe pourvut au ehatelerde Paris , pour obtenir des repararions fur les biens de Monficr, elle. obtint 400 livres. Ce jugement donna beu a un nouveau procés. La fucceflion de ce miférable n'étoit pas fuffifarrte pour acquitter les deux condamnations dont elle venoit d'ètre chargée j fcavoir les 300 livres adjugés a le Flameng > & les 400 livres que la veuve Doué venoit d'obtemr. Ainfi, il falloit que l'un des deux perdït une partie de la fomme, en loutfrant que l'autre prit la fienne entiere: par préférence, & fe contentant de ce qui refteroit : ou que tous les deux partageaftent cette fucceflion chacun ea  448 Affaire' propomon de fa créance; c'eft-a-di're 5 que le Flameng prit un quart au rotal moins que la veuve du maréchal: en un lTvre U Pay" m marc'k- Tous les deux prétendoienr 4 la préfcrence, & la fentence 1'adjugea f la .veuve. Sur 1'appel, on foutint qu'il y avoit plus de vingt ans que le délit qui avoit donne lieu aux répararions accordées i a veuve etoit commis 5 & qm, puifque le ferruner, qui étoit innocent \ avoit «e punt au lieu du coupable, il étoit jutte que Ja réparation due afa veuve füt la première payée* Pafquier (1), qui parloit pour le Flameng J loutmt que la juftification du ferruner avoit pour baze unique le teftamem.de mort de Monjïier; rnais que la aepobtion de ce coquin ne méritoit pas une tck entière, puifque, par fa condamnation , il etoit mort civilement au moment ou iilafit. IIajoutad'ailleursqu'en magere de delit, il n y avoit point d'byPocheque;& par conféquent point de lieu a Ia preference. II antirok enfin que £ etoit a le Flameng ,,que la Yeilve d^ok il) V. tpji!, 3, p. 324.  de Jacques le Brun. 449 le rétablifiement de la mémoire de fon mari, & les réparations qu'elle avoir obtenues: puifque, fans la pourfuite qu il avoit faite , jamais on n'auroit f^u que Monflier étoit coupable de lalfafiinat imputé au ferrurier. „ L'affaire fut appointée; Sc par 1 arret définitif, il fut ordonné que les parties feroient payées au marc-la-hvre. VIII- Le bruit fe répandit, dans la paroilfe de Priay en BrelTe, que la nuit da 1 9 au zo février 17M, üavoit ete commis un meurtre dans une tuilene exploitéeparles nommés Valet, & que le cadavre avoit été jetté dans le feu , Sc confumé par les flames. Un nomme Jofeph Sevos cordonnier difparut dans le même tems. On crut que c etoit lu* quiavoit été tué. Sur ces bruits populaires, le fieur Ftttkt,procureur fifcal de la j uftice de Pondains, requit une minimation ■ qui fut ordonnée. II fe trouya des charges confidérables contre les Valet , qui furent décrétés. Jofeph Valet .Anne Poiroux fa femme, Philippe & Pierre Valet leurs enfants furent conftitues prifonniers. Il fe trouva auffi des charges contre Antoine Pin, foldat au regiment de laSarre , qui fot décrété Sc mis en prifon. Par fentence du 17 mars 1715 ,  41 o Affaire 3of ™ Pin confifqués a qui il appartiendroit : il fut dit qu'il feroit lurcis au jugement de Jofeph Valet, fa femme & fes enfans jufqu après Pekécunon d Antoine Pin jqui fe fitle même jour. c Le lendemain 4.juillet, intervint autre arret, par lequel il fuc dit qu'il feroit wceflamment procédé k la levée du ca-  de Jacques le Brun. 4^3 davre de Jofeph Sevos dans 1'endroit indiqué par Antoine Pin ;&ce, en préfence de M. Fiutelot , confedler, qui f* tranfnorteroit, ï cet effet, fur les lieux ; que Pierre Pin & Antoine Vauiant feroient pris au corps, pour être procédé contre eux ainfi qu'il apparaendroit; que 1'information commencee en la jultice de Pondains, au fujet de 1'homicide de Jofeph Sevos , feroit continuee, même par voie de monitoire , par M. Fiutelot. Ce magiftrat fe tranfporta au lieu in« diqué par les réponfes c\ Antoine Pin 3 y fit une recherche exaóte du cadavre de Sevos 3 on fomlla la terre dans le lieu défigné, & en plufieurs endroits des environs: routes les recherches furent inutiles ; on ne ttouva point ce qu'on cherchoit. Le public, étonné de cet evenement,' murmura de la précipitation avec laquelle on avoit exécuté le malheureux Pin, avant la recherche du cadavre, & de ce qu'on avoit décerné des decrets de prife de corps fur la foi d'un fait qui auroit ferme" un genre de delit different de celui qui avoit donne lieu aux premières informations, fans qu'on eut conftaté le corps de ce nouveau deh|  4!-; Affaire par la defcente fur les lieux, & par la recherche du cadavre. Cependant fe parlement de Dijon continua Ia procédare contre lesdécréces. Deux ont été condamnés a être penn neven/W_ de*^?ldatdans]acomPagnieduheur fn.' & deux autres quidams, ces trois dermers fugitifs. S Les conjurés prirent mal leurs meiures, & manquèrent leur coup, un loir que M. Tiquet fe retiroit, quoiqu ils eulfent apofté plufieurs perfonnes frfonpafTage. Une sapperïut point de 1 embufcade qui lui avoit été tendue. Sa Femme fit dire i fes coupe - jarrets qu elle avoit changé d'avis, & recommanda a fon portier & a Cattelain d'enlevelir ce projet dans un fecret impé- donna encore beaucoup dargent, Sc  Madame Tiquet. _ 465 leur fi: entendre que leur indifcrétion leur coüteroit la vie. Cependant la jaloufie faifoit toujours des progrès dans le cceur de M. Tiquet. II avoit abfolument défendu a fon portier de lailfer entrer M. de Mongeorgt chez lui. Mais ce domeftique, entiérement dévoué a fa maitrefle, efquivoit les ordres du maitre Celui-ci prit ie parti de chafler ce portier, & de garder fa porre lui-même. Il la renoit fermée dès qu'il éroit nuit, fans que perfonne put entrer ni forrir, qu'on ne s'adrefsat i lui. S'il fortoit le foir, il emportoit la clef, & la mettoit fous fon chevet, en fe couchant. Toutes ces précautions n'empêchoient pas madame Tiquet de fatisfaire fes eoüts, & de voir fouvent fon amant: & plus elle le voyoit, plus la haine qu'elle avoit concue contre fon mari, s'aigriflbit. Elle réfolut enfin de le faire périr, a quelque prix que ce füt. Elle n'en avoit jamais abandonné le projet; mais elle crur que fon fecret ayant d'abord été confié a un trop grand nombre de perfonnes, elle étoit en danger d'être découverte. Elle en fufpendit 1'exccution pendant un tems fuffifant pour que ceiu qu'elle en avoit chargés pufl^nt V v  $66 Madame Tiquet. croire qu'elle n'y fongeoir plus, & ne lm attnbualTenr pas les accidenrs qui pourroient arriver a M. Tiquet. EUe fe referva cerre exécurion a elle-même: « ne voulut avoir tout au plus qu'un leul conhdent, en cas de befoin : c'étoit ion cher portier. Elle crut trouver, dans une indifpoition qui furvint un jour a fon mari, i occanon favorable de s'en défaire. Elle lui ft porter un bouillon par fon valetde-chambre. Ce garcon s'appercut, je ne icais comment, que ce bouillon étoit empoifonné. II affeéta de faire un fauxpas, le lailfa tomber, & demauda fon congé tout de hute : il révéla, quand il tut lom, cet horrible attentat. iMais ce fecret ne parvint point a M. Tiquet. Ce coup manqué, fa femme reprit le defiein de le faire aiTalliner. EUe entra un jour chez la comtede üAunoy (i), oü fe rendoit fort bonne (0 Marie-Catherint Jumelle de "Bernevïlle delèÊ t,tTK *A*My- AcCl!fé dl! ^ perdd la tere, f, un des accufateurs, douiTA SLTmT* df,cyonfóe"«,ne IY& dé^argé Madame d'' Aunoy a laiffé plufieurs ouvrages ou 1 on trouve quelque efprit?& feeaucoup de galanterie : ils ne peuvent euere wnufcr que la frivolité. Ces ouvrages tni,  Madame Tiquet. 467 compagnie. Elle etoit fort émue. On lui demanda la caufe de fon trouble. « Je „ viens, dit-elle, de paiTer deux heures » avec le diable. Vous avez eu la une „ vilaine compagnie, reprit la comrefle „ cV Aunoy. Quand je dis , répliqua ma„ dame Tiquet, que j'ai vu le diable, » je veux dire une de ces fameufes de» vinereffes qui prédifent Pavenir. -— » Que vous a-t-elle prédit ? ^ Rien » que de flatteür. Elle m'a alturé que, « dans deux mois, je ferois au-defius » de mes ennemis, hors d'état de crain„ dre leur malice, & que je ferois par» fairement heureufe. Vous voyez bien » que je ne puis pas compter la-deiïus, „ puifque je ne ferai jamais tranquiile „ pendant la vie delvL Tiquet, quife » porte trop bien, pour que je compte j» fur un fi prompt dénouement (1). entr'autres, les aventures d°Hippolite, comu de Duglas. Les mémoires > iftoriques de ce qui s'efl vaffe de plus remarquable en e urope , depuis ,671 'iufqu'en 1679. Le faux & le vrai font mêlés' dans cet ouvrage. Ses mémoires de U cour d'ïfpagne font dans le même gout. Elle mourut en 1705. (1) Je ne garantis pas , a beaucoup pres , la vérité de cette hiftoriette. M. Gayot de Pitaval , qui 1'a prife dans les lettres de madame duNoyer, ne parok pas y ajouter foi. lila V vj  4<58 Madame Tiquet. Elle pafla le refte de la ioiréechez elle avec la comtefle de Sencnville 3 qui a dépofé qu'elle n'avoir remarqué dans madame Tiquet , aucun air d'inquiétude , aucune diftracüon ; en un mor aucun mouvement quiannoncat au'eiie leut ce qui alloit fe nader. M. Tiquet étoit 3 de fon cóté, chez: madame de Villemur fa voifme. Madame de Senonville avoit réfolu de ne fe retirer que quand M. Tiquet feroit rentte & couché, afin de lui faire la petite malice de J'obliger a fe relever , pour ouvrir la porre. Mais étant refté ' ce foir-Ia, chez madame de Villemur beaucoup plus tard qu'a fon ordinaire madame de Senonvilie s'ennuya dattendre. Les domeftiques de M. Tiquet commencoient a être inquiets de voir leur maitre pafier de beaucoup 1'heure a laquelle il rentroit ordinairement, auand on entendit, dans la rue, urer plufieurs coups de piftolets. Les gens de" M. 77quet coururent au bruit, & trouvèrent que c'étoit leur maitre qu'on venoit regarch comme une défaite , pour excufer le trouüie.que caufoient a madame Tiquet les erdres qu'elle venoit de donner, pour le crime qm alloit s'exécuter.  Madame Tiquet. 4^9 4'aflaffiner. 11 n'étoit pas mort, Sc ne voulut point rentrer chez lui j il fe fit portet chez madame de Villemur. Madame Tiquet , inftruite de ce malheur , courut dans la maifon oü il étoit, mais il ne voulut jamais la voir. 11 avoit recu. cinq bleiTures, donraticune n'étoit mortelle. La plus dangereufe étoit auprès du cceur , qui, fuivant 1'obfervation du chirurgien qui le panfa, ne fut point atteint, paree qu'ayant été refferré par la peur, il ne remplit pas , dans 1'inftant du coup , toute la place qu'il devoit naturellement occuper. Le commilfaire du quartier füt mandé , pour recevoir la plainte de M. Tiquet. Cet officier lui demanda qttels étoient fes ennemis, Je n'en ai point d'autres , répondit-il, que ma femme. Cette réponie fixa tous les foupcons fur elle \ Sc la procédure fut dirigée en conféquence. Elle alla , le lendemain , voir la comteffe d'Aunoy. L'aflemblée y étoit, comme a 1'ordinaire , fort noinbreufe« Madame Tiquet, qui s'y attendoit bien , s'y rendit expres , pour fcavoir ce que 1'on penfoir, dans le monde, de 1'a venture de fon mari. Sa contenance Sc fes difcours ne donnèrent aucune prife aux  ■47° Madame Tiquet. foupcons : on eut beau 1'obferver, on nepucappercevoir en elle que les fvmptomes du chagrin que fa pofirion devoit moralement lui infpirer ; Pacïrice la plus adroite & la plus confommee dans fon art, n'auroit pas mieux réuiïï a faire dluiion. " M- Tiquet, dir la comtejje d'Aunoy, » ne connoit-il point fes aflaffins ? Ah' » dit madame Tiquet, quand il les con» noirroit , U ne les nommeroit pas; * c'eft moi que 1'on affaiüne aujourd'hui! * On devroit, reprit la comtefte, s'af» furer du portier qui a cce chaflê ■ c'eft « fur lui que le public réunit tous fes » foupcons. i) A peine fut-elie rentrée chez elle qu on vmt 1'avertir qu'elle feroit infaübblementarrêtée, & qu'il ne ]uj reftoit d autre reflburce que la fuite. Les avis redoublèrent pendant huit foufs. Enf n lehainème jour, un rhéatin entra chez ehe, & lui dit qu'il n'y avoit pas un moment a perdre, qu'elle alloit être arretee; quilne lui reftoit que le tems de prendre promptement une robe de théatin qu'il lui apportoit, de fe jetter dans une chaife a porteurs qu'il avoir laifleé dans fa cour; que les porteurs avoient orare de la remettre dans un endroit oü  Madame .Tiquet. 471 elle trouveroitune chaife de pofte, avec des gens qui la meneroient furement a Calais, d ou on la feroit paffer en Angleterre. Madame Tiquet répondit que la fuite étoit la reftdurce des coupables; que pour elle, fon innocence la mettoit a L'abri du fupplice dont on la menacoit: que M. Tiquet étoit 1'auteur de tous les bruits injurieux qui fe répandoient fur fon compte ; mais que c'étoit un piège que fon mari lui tendoit, afin de 1'engager, par une faufle alarme, a prendre la fuire , & le laifler maitre de fon bien. Elle remercia le théatin, &c perfifta dans la réfolurion d'attendre les événements. Le lendemain, madame de Scnonvilk l'alla voir ; & comme elle vouloit fe rerirer au bout d'un certain tems , madame Tiquet la pria de refter. « On, » va venir m'arrêrer dans un inftant, lui dit-elle ; & je voudrois bien ne pas » me rrouver feule avec cette canaille ». A peine eut-elle cefte de parler, que le fieur Deffita, lieutenant-criminel, entra efcorté d'une troupe d'archers. « Vous » pouviez, lui dit-elle, monfieur, vous » difpenfer de vous faire accompagner ,, par ce tas de gens-la ; je n'avois alfu», rément pas le deflein de m'enfuir; &, e euffiez-vous été feul, je voas auröis  472 Madame Tiquet. I rUn "j Eib reciuic en^lire ^ mJc te icelle dans fon appartement, pour Ja iuretedefes erfets. Après avoir embralTé ion hls , qm avoit buit a neuf ans , Sc qu'elle aimoit beaucoup, elle lui donna de 1 argent pour fe réjouir ■ 1'exhorta i ne pomt s'alarmer de ce qu'il voyoit , 1 allura qu'elle le reverroit bientót, Sc HKMita tranquillement en carroiTe avec le lieucenant criminel. En palfantparle petit marché s elle rencontra une femme de fa connoiiTance , qu'elle falua fort gracieufement : on auroit dit qu'elle alloit faire des vifites. Elle parut cependant émue a la vue du petit cMtelet, ou elle fut dépofée d abord. On la transféra enfuite au grand chatelet, oü fon procés fut bientót fait. Augujlt Cattelain, foir qu'il fütpouilé par les remords de fa confcience, foit qu'il fut irnté de n'avoir pas eu part i ia iomme qu'il imaginoit bien qu'on avoit donnée aux nouveaux afTaffins , alla, de fon propre mouvement, dé- poier que, trois ans auparant, madame Tpuei lui avoir donné de 1'argenr pour aflaffiner fon mari, & que la négociatioii s etoit faite par le miniftère du portier qui avoit étéchaifé. Sur cette dénoncia- non, Cattelain Sc le portier furent arrê-  Madame Tiquet. 473 tés & confrontés a madame Tiquet. 11 ne fe trouva pas de preuves légales du dernier alTailinat; mais il s'en trouva aflez pour la eonvainere de la machination du premier. En conféquence, par fentence du chatelet du 3 juin 1(390, elle futcondamnée, conformémentaux ordonnances (1), & fur la pourfuite de (1) Pour le regard des affajfins , & ceux qui, pour prix d'argent ou autrement, fe louent pour tuer ou ouirager , excéder aueuns, ou recourre ( retirer ) prifonniers crimiiels des mains de juftice, er.femble ceux qui les auront loués, ou mduits pour ce faire ; nous voulons la feule machination ou attentat être punis de peine de mort a tous , encore que Veffct ne s'en foit pas enfuivi, dont nous n\r.tendons donner aucune grace ni remiffion. Et oh aucune, par importunité, feroit oêlroyée, défendons a nos juges d'y avoir aueuns égards, encore qu'elle foit fignée de notre main, & contre-fgn 'e par un de nos fecrétaires d'Etat. Ordonn. de Blois, du mois de mai 1570 , art. 196. Ne feront données aucunes lettres d aoolition pour L s duels, ni pour les affaffinats prémédités, tant aux principaux auteurs, qu'a ceux ejüi les auront affiflis, pour quelque occafion ou prétexte qu'ils puiffent avoir été commis, foit peur venger leurs querelles ou autrement, ni a ceux qui, a prix d'argent, ou autrement, fe louent ou s'engagent pour tuer, outrager, excéder, ou recourre des mains de la juftice les prifonniers pour crimes;™ d ceux qui les auront loués ou indults pour ce faire, encore qu'il n'y aü eu quei lafeult  474 Madame Tiquet. M. Tiquet, è « avoir ia cêce tranchée en » place degrève,& Moura, fon portier " \ CCfe Pend« » comme cönvaincus » tfavo/r , ■> ture de fiipplianta ; &c vous fcavez » bien que nous avions autre fois cha» cun un rble , & chacun une pofture » bien differente. Mais, loin de regar5> der avec horreur 1'inftant qui doit » terminer ma vie, je le regardé comme » celui qui va mettre fin a mes mal» heurs; & vous me vsrrez monrer a. 3) 1'échaffaut avec la même fermeté, que 5) j'ai montrée fur la fellette, & a la » lefture de mon arrêt. Mais la peur de j> quelques tourmenrs ne m'arrachera » poinr 1'aveu d'un crime dont je fuis ;> innocente ». Le lieutenant criminel, ne pouvant fe refuferalacompallion pour une femme qu'il avoit aimée, & que fon devoir feul 1'empêchoit peut-être des'appercevoir qu'il aimoit encore a redoubla fes exhorcations pour 1'engager a. ne fouffrir que ce qu'elle ne pouvoit éviter. N'ayant pu vaincre fon obftination , il la fit appliquer a la queftion. Mais, au fecond potd'eau, elle demanda quartier, &C avoua tout. On lui demanda fi le fieur de Mongeorgs n'avoit point eu de parta fon crime. Ah '. s'écria-t-elle , je nai eu garde de lui en faire confidence ; j'aurois perdu fon eflime fans reffource. Le fieur de la Chétardie , curé de S.  4-8 o Madame Tiquet. Sulpice , s'approcha d'elle alors. Elle le recut avec les fentiments les plus chrétiens, & le chargea de demander,pour elle, pardon a fon mari. Tour Paris avoir 1'artention fixée fur cette affaire; & quand on fout qu'elle devoit fe terminer a la grève , tout Ie monde voulut louer des fenêtres aux maifons qui entourent cette place. L'affluence futfi grande dans les mes paroü madame Tiquet paffa, qu'il y eut des perlonnes étouffées. Elle étoit, ce jouria vêtue de blanc; & cet habillement rehauffoit 1'éclat de fa beauté. Elle avoit baifle fa coe'ffe fur fon vifage, pour s'épargner la confufion que lui auroient caufée tous les regards lïxés fur elle. Le curé de S. Sulpice, par une exhortation touchante & pathétique, lui rendit Ie courage qui 1'avoit abandonnée. Ellé releva fa coé'ffe, & regarda le peuple dunceilmodefte, mais ferme & affuré. Le portier étoit dans le même tombereau; elle lui demanda pardon de 1'avoir engagé dans le crime horrible qui le conduifoit au fupplice. Elle arriva a la grève a cinq beures du foir. II pleuvoit fi forr, dans ce moment , qu'il faliut attendre , pour faire 1'exécütion, que 1'orage fut diffipé. Elle refta  Madame Tiquet. 481 refta dans fon tomberau, ayant toujours devant les yeux 1'appareil de fon fupplice, Sc un carrolTe nok, attellé de fes propres chevaux, qui attendoit fon corps. Tout cela ne 1'ébranla point. Elle vit , avec la même fermere , le fupplice de fon porrier. Quanr il fallut monter a 1'échaffaut, elle tendit la main au bourreau , afin qu'il lui aidat, &c par figne ' de politelfe, la porta z fa bouche, avant de la lui donner. Sur 1'échaffaut , elle baifale billot, accommoda fes cheveux, fa coëffure avec une adrelfe , Sc une célé- I rité furprenanres, Sc préfenta le coü elle-même. Le bourreau fut ébloui de fes charmes , Sc fi rroublé, qu'il la man- I qua, & revint cinq fois a la charge, avant de pouvoir féparer fa tête de fon ■ corps. On lailfa , quelque tems , cette tête fur 1'échaffaut, pour la faire voir au 1 peuple. Elle n'avoit point été altérée par la féparation qui venoit de fe faire , Sc jamais on n'avoit rien vu de fi beau , - quoiqu'elle eut alorsquaranre-deux ans. | Son mari fit porter le corps a S. Sulpice, & lui rendit tous les honneurs funèbres. La confifcation qu'il avoit obtenue le confola bientót. Tornt V. X  482, .Madame Tiquet. Pour le fieur de Mongcorge, il fe promenoittriftement,pendantrexécurioji,dans le pare de Verfailles. Le Roi lui dn le foir qu'il étoit bien-ajfe que madame Tiquet 1'eüt juftifié dans 1'efprit dn public, &l*afl"ura qu'il ne 1'avoir jamais foupconné. Le crime & le fupplice de fa mairreflen'avoient point guéri ce malLeureux amant. II demanda , & obtint la permiifion dader , pendant huit mois, promener fe$ chagrins hors du royaume, II conferva 1'eftime de tout le monde , & tout le monde le plaignir. Tout le monde auifi méprifa M. Tiquet, 3c jamais on ne lui a pardonné la circonftance qu'il choifit pour demander le bien de fa femme. Augufie Cattelain, qui avoit dénoncé Ie crime, fut condamné aux galères perpetuelles. Des autres accufés, les uns furent renvoyés fur un plus amplement informé ; & les autres mis hors de cour. Fin du tome cinquième.