CAUSES CÉLÈBRES E T INTÉRESSANTER,, A VE C LES JUGE MENS QUI LES ONT DÉCIDÉES. p?&/göM de nouveau par M. R l c H E R 3 anciem Avocat au Parlement. TOME SIXIÈME. .-TJTT^. A A M S T E R~D~A M. Chez Michei Rhiy, 1773.  Et fe trouvt a Paris, che?l la veuve Savoie , rue S. Jacques. Saillant & Nyon, rue Saint-Jean-d.e» Beauvais. Le Clerc, Quai des Auguftins. Guillyn, rue du Hurepoix. Cellot, Imprimeur, rue Dauphin©. La veuve Desaist , rue du Foia. DuRAND , neveu, rue Galande. Delalain , rue de la Comêdie Frangoifc; Moutard, Quai des Auguftins. Sailly, Quai des Auguftins.  TABLE DES PIÈCES Contenues dans ce fixième Volume} Les nouvelles Caufes font marquhi, d'une ètoile. Tj a demoifelle Gardel. page i Les Juges de Mantes. 140 Caufe de Dieu, 2^8 Outrage fait a une femmepar une autre femme. 30*5 Mariage mal afforti. 548 Maria ge avortè. 381 Prétendu Hermaphrodite. 401 pils défavouè. 4*^  LA  concubine du fieur de Béon- Luxembourg, marquis de Beutteville ; & de fcavoir fi elle a profitc du crédit que fes charmes lui avoient donné fur le cceur & fur 1'efprir. de fon amant, pour lui infpirer un teftament contenant, en fa faveur, un legs confidérable. Toute la queftion dépend de 1'inrerprétation que 1'on peut donner a quelques lettres c.rites par la demoifelle C ardd au marquis. Je les tranfcrirai, ai»fi que le teftament, après avoir fait le r.'ci- dequelques faits néceflaires pour 1'm elligence de 1'affaire. Char'oae G.udel é.oir fille du geut Garde/, ccuyer , ancien tréforier, des Tomé FI, LA DEMOISELLE GARDEL. L s'agit, dans cette caufe, d'apprécier les conjedtures qui onr pu conduire & croire epi'dnneCharlotte Gard^l avoit etc la  2 La demoifelle Gardel. fortifications. Le jeu avoit miné fa fortune, & il fe feroit vu réduit a un étac très-facheux, fans les fecours du marquis de Bion fon ami. Des raifons d'incompatibilité d'humeurs dérerminèrent Ie marquis & fa femme a fe féparer vo lontairemenr. Dès 1698, la marquife fe retira en Lorraine ; & fon mari refta a. Paris. Le 7 mai 1700, deux ans après cette fcparation, naquit Annt-Charloite Gardel. Le marquis de Béon fut fon parrein, & fe chargea du foin de fon enfance. La petite tille étoit charmante: les graces du corps & de 1'efprir annoncoient, dès eet age, ce qu'elle devoit être un jour. Ses charmes naiflants lui attachèrent le marquis, & eet attachement fe fortifioit a mefure que croilToient les graces qui 1'avoient fait naitre. D'un autre cótc la reconnoilfance attacha la petite Lolotte (c'eft ainfi qu'on appelloitcet enfant) a fon bienfaiteur. Elle le regardoit comme fon véritabe père ; & dans fes carefTes innocentes, elle s'accoutuma a iui donner certains noms de tendrefTe, dont elle conferva 1'habitude dans un age plus avancé, 5c que 1'on a pris poiu? des preuves d'une familiaritc criinin*il«.  La demoifdle Gardel. 3 Aufortirde 1'enfance, on Ia mitdans un couvent, pour y recevoir les inftructions qui fe donnent ordinairement dans ces maifcns. Elle y reftajufqu'a 1'agede vingt-quatre ans. Ses père & mère n'étoienr pas en pofition de lui douner afyle chez eux j ils n'en avoient pas pour eux-mêmes. La décence ne permettoit pas qu'elle logeat chez le marquis de Béon. Elle éroit aimable ; elle étoit jeune \ le marquis avoit la réputation d'être galant: cette co-habitation auroit donné lieu a la médifance de s'égayer fur Thonneur de la demoifelle. II eft vrai qu'elle fortoit fouvenr du couvent, qu'elle alloit fréquemment chez le marquis, Sc que, pour colorer ces fréquentes abfences, elle fuppofoit quelquefois des ordres de fa mère. Voici commc-nt parle cette mère dans une lettre qu'elle ecnvoit a l'abbelfe des rehgieules angloifes du fauxboug faint-Antoine a. Paris. « Mes enfants font nés >» volontaires par la faute du père qui a » une indulgence coupable, & qui ap» préhende les reproches de fes enfants, » fur ce qu'il a perdu tout fon bien au » jeu. . . . Ma rille étant a la Miféri» Qorde, donna de faiuTes permiffi jns de m moi a la fupérieure Je vous" Aij  4 La demoifelk Gardel. »> demande en grace de m'écrire les rai» fons pour lefquelles M. 1'abbé de » Bourkmont (fupérieur de ce couvent) j> a vonlu que ma fille forrit. Cela eft » néceflaire, madame; car ma fille eft >■> im diable fous la figure d'un ange 5 m elle nie livre la guerre , elle m'ins? fulte, m'injuriej feduit tous mes amis, » qu'elle rend mes ennemis. . .. Cette n fille a toujours aimé 1'indépendance, » & ce feroit un grand malheur pour n moi de vivre avec elle. Le couvent m étoit le remède a Paverfion réciproque » que nous avons 1'une pour 1'autre : » &, pour vous dire le vrai, madame, on i-> J'a chaffée de quatre autres, av.ant d'al-. 3> Ier che% vous. . . . Mademoifelle Gar5? del a loue'je ne fcais quel appartement; » mon fils m'en fait myftère ; je ne s> croyois pas qu'un logement püt être s> fecret, &c ». Dans une autre lertre écrite par Ia même a 1'abbé de Bourlemont, elle lui marqué que M. de Béon lui a refufé fa porte, afin qu'elle ne vu pas quand fa. fille feroit che^ lui. On fent les conféquences de ce myftère fait a une mère, fur les démarches de fa fille. Paflans aux lettres écrites par la demoifelle Gardel au marquis de Boutte* fille.  La demoifelle Gardel. < Première Lettre. Ce vendredy. «< Rien clans le monde n'eft fi mal» heureüx que mui, fans le mériter. jj Vous me percez le cceur; Sc li vous s> conunuez a être dans ia trilteiTe qui ja écoic pem;e hier fur votre vifage, j'i>3 rai expirer a vos yeux. Auin-bien eft-il j3 impoüible de tenir a rous les combars j) que vous me livrez , Sc que je me 3> livre a nui-même. Je n'ai ni paix, 33 ni repos. Accahlée de remords & de ,) tenJrefle, que faire & devenir? Enfin, 33 piüfque noüs avons commencé un li 33 beau deifein & ii né;e(Taire a exécu33 ter, il faut tacher d'avoir la force d'en 33 venir a bout. Pour moi, je ne vois 33 qu'une alternative alfez cruelle a. pren» dre ; c'eft que, fi je perds teut efpoir 3» de pouvoir vivre avec vous, vous voir, 33 Sc vous rendre les petits foins dont je J3 pourrois être capable; je n'hélite pas; sa dans 1'inftant je me jette aux carmé3> lites; trop heureufe, ne pouvant vi33 vre pour vous, de mourir a tous les » maux de ce monde-ci. Mais, après 3> tout, vous en direz ce que vous vouAiij  6 La demolfelle Gardel. * dre^fnais je ne crois point qu'un » confefTeur ni un directeur, quelque » fevere qu'il puuTe être, vous privé » ü un commerce innocent; & la dévo" .tlon ne Prive pas de toutes les confo" latlons de la vie. Je penfe de facon a » ne vous pas détourner du bon che» min. Si nous avions des tentations 3 * " nefer°it> au contraire 3 en réfiftant, »> que desfujets de mériter. Etpourquoi » ne pournons-nous pas nous fan&ifier " enfemble, & nous affermir par de » bons exemples ? Enfin je ne crois point » du tont que 1'on nous privé de 1'uni» que confolation qui nous refte, fur» tout le facrifice étant auffi volontaire » Sc coütant déja aflez. Après tout, ces » gens-H ne font ni des Turcs, ni des » barbares, & tu verras que tu en feras » content, & qu'ils t'Óteront ta trifteffe. » J'étois fi troublée hier de te voir com» me tu étois, que joubliai de te dire » que le père Mauve m'avoit dit que, » comme les vacances alloient venir' » e père feroit quelque tems a » la campagne, qu'il Falloic commencer » cette connoiflance-ld plutót que plus » tard, & que tu n'avöis qua choifit le » jour que tu voudrofe voir le père Bivfaufrj Sc même le père Mauve} fi tu  ta demolfelle Gardel. J » veux, dans la femaine qui vient. Tu „ prendras aufli Pheure qui te fera le * plus commode, & tu enverras ton » carroffe les chercher & les remenetj 33 Je fuis convenue avec eux que je les „ avertirois dimanche du jour & de *> 1'heure que tu aurois décidé : ainfi tu „ me le feras f^avoir demain dans la » journée, que je le puifle mander dim manche. Si tu veux, j'irai lundi diner „ avec toi; tu me mander as aufp.fi cela „ te convient ; ff pafferai la Journée. „ Maisje ne veux point que ra t'abymes, „ nit'abandonne et la trifteffe: c efi me » porter des coups qui font que je ne feais „ pas ou j'en fuis, & qui meferoient de„ venir folie. Je ne dinai point hiér, & „ il ne fut pas difficile de voir combien si j'érois plongée dans la douleur. Auffi. „ je revins iei fur les cinq heures me 3, mettre dans une profonde retraite pour » m'abymer dans le défefpoir le plus afi vfreux. Voili ce que co&tent les paf „fions , beaucoup de peine pour jouir » des plaifirsqu'elles promettent,& bieit s, davantage pour s'en détacher, ou du » moins pour les reduire a la raifon. ,5 Voila pourtant ce parfait détache» ment dont vous m'accufez, & ce peu » de tendrelTe dont raon cceur öc mes Aiy  \etTLa/emoifdk Gardel. » lettres font remplis. II eft n » certain que Ci rVfl- P°""ant que vous accabler fachoi ï * * n porter-Adieu- * v0« ^f'detOUtm0n ^3 & vous aimCra «"Wnem s tam cue je refc f™1' ^--donnelebL/oun^ Seconde LEttre> « Enfin, mon rher roi ie rP fi,,'. ► "-q-tuasdepIuscU StVdT "battra dans Je corps, tu^herchensj , 5 ™re autrement; car ma ten taimepourJamourdetoi-même II »&« quetu mepermette de pa er" c-ur ouvert; & perfonne „e £ " » ' P1Uj de^ejfement que ta Lolotte 1  La demoifelle Gaf del. 9 i) pre vie , & qui la facrifieroit bien vo3> lontiers pour toi. Tour. ce difcours va a n te dire qu'enfin, mon cher fils 3 qu'il n faut nous convertir ; ne point perdre 3 55 ni ne point differer les inftants du falut. » Plus nous réfiftons, plus nousfommes » coupables, & nous aurons des comptes ij a rendre a Dieu. Nefongeons point a. » contefter les vérités dendtre religion: j3 trop de foi ne peut nous perdre \ cher33 chons donc a en avoir aftez. Rompons 33 les obftacles qui font entre Dieu Sc is nous, qui font comme autant de voiv 33 les obfcurs qui nous aveuglent, Sc 33 nous empcchent d'avoir les lumières 33 nécelTaires pour nous fauver, Sc nous 33 en fait chercher dont nous n'avons 33 que faire. Perfonne ne fcait fon heure; 33 Sc 1'on attend que 1'on foit au lit de ia 53 mort pour faire pénitence. Qu'eft-ce 33 que c'eft ? un quart-d'heure quelque33 fois, dont on ne jouit feulement pas, 33 accablé de mal Sc de frayeur, pour réj3 parer & confefler tous les défordres »3 de fa vie paffee, dont on ne fe fou33 vient feulement pas. Dans un pareil 33 moment, toute notre vie ne nous eft 33 donnée que pour mériter le ciel. Ce as n'eft oré, ifcment qu'un paflage bien n court en comparaifon de 1'éternité, * Ay  io La demolfelle Gardel " £Uon eft,d°nc fol de n:etcre fon bo* - heuraux hommes, & aux biens de " ce monde, de ce miférabie paffee " ?uIes.Pl«gwndsprinces deWrre » font fouvent étouffés prefqu'au ber» ceau avec tous les honneurs dont üi - «oient&rrésJFais donc rérlexion, - mon ener enfant, fur routes leschofes » de cette vie, tu n'héiïteras pas a retour- - neraDieu. Quandtuvhro^cncorc zo » rou-ce trop pour acquérir le ciel> & " n aUr°!S-tu Pa* ">core pafféplus dc " '™ le *™, que dans Uycrtu > » Dieu a tout fait 3 p0Ur te menre dans « ie ban chemtn J & t'attirer a lui. \\ c»a » rait les mêmes graces qu'aux plus - grands faints; il t'a óté tout ce qui »• pourroit t'attacher ace monde. Si tu »n asm familie, ni en fan ts qui teren« dent la vie chère, ü t'a óté tous les » biens qui pourroient t'v attacher. Tu ~r ucs nommes, les plus " noir«^hiions;ila tout fait pour te « fequeftrer du refte des pécheurs, & ■ re faire fouha:ter les biens de Pante: » vie. j^es amis memes que tu as ner_ P dus, & vu mourir a tes corés, font » autant de victimes que Dieu a im» molees a ta fanctification. N'eft-ce Pas  La detnoifelle Gardel. II n te faire des graces infinies, que de te »y laiffer le tems de profiter des mal>5- heureux exemples des autres. Enfin je n te regarde comme un vrai prédeftiné j « ne puis trop , ce me femble, admirer » toutes les graces que Dieu te fait. A » combien de chofes ne t'a-t-il point >v fait réfifter, pour te donner le tems si de rentrer en toi-même? A regarder »■ les chofes du cóté de Dieu & de la » religion, quel bonheur n'as-tu point ? » Prorites-en donc; mets-toi entre les 35 mains d'un fage directeur,. d'un homn me éclairé. Quel ouvrage, mon fils , j3 que celui de ta confcience : pardonne>3 moi cela ; car quand on n'eft point 33 dans la vertu, on eft dans le crime, 33- Ce ne fera pas 1'ouvrage d'un jour j >3 tu ne peux t'y prendre trop tót, ni 33 avec trop de recherches \ c'eft une af»3 faire trop délicate; & la doftrine la 33 plus épurée eft celle dont on doit faire » choix, quand on veur entreprendre 33 une véritable converfion. Je t'ai en» tendu dire que tu ne demandois pas >3 mieux, mais que tu ne fcavois pac » oü t'y prendre; que tu languiflois toi33 même de te voir dans Pétat ou tu 33 ctois. II en faut fortir, prendre uns » bomie rcfolutionj te mettre en bonne* Avj  12 La dcmoifdle Gardel l J«, Pour ceia,/ïtu veux un pe "loraroirezcela va ^"SS «neftnen rnoins quefTravant & " do^;efuJS rresperfuadéeouerufe as' "rres-contenr.C'eftlepère^™ - comme vous fcavez, eft d une inde* ^epucan0n,quimePadonné R "C« gens-H valenr mieiIX ere plus d ime fbls; ne ,ne refcfes *» -defiire artention i tout ce «Su » COBt Pm- ■ 8s C , ,, M ciie 3, c r -r k ! °nTs - ' /* t aime *tfh vour ***** "» tonhturtorntl au mZ  La demoifelle Gardel. 13 »s prefent. Tu n'ignores pas que je t'aime n plus que jamais , que je ne Juis occujj pee que de toi ; ce n'efl pas par inconf » tance que je te parle ainfi; car tout te » le prouvera. Tu nauras qua ordonner j? de ma definée} je ferai entiéremem » tout ce que tu voudras. Si tu veux que » je fois religieufe } pour t'affurer que je n ne ferai jamais a d'autres } je le ferai: >■> f, au contraire} tu me juges propre a n t'ctre de quelque fatisfaciion , je refie» rat dans le monde, pour faire tout ce « que tu voudras, pourvu que ce foit fans 55 crime, & que je ne fois pas un obftar> c!e a ton falut. Si tu m'es bien atta» ché, & p!us je te fuis chère, & plus » tu dois te déterminer. C'eft le feul j> facririce qui te refte a. faire a Dieu , 3' avec tout ce que tu pofsèdes d'agréJ3 ments. Car il t'a óté tout le refte; &C 33 il lui faut des facrifices volontaires, 33 pour qu'ils foient méritoires. II ne 33 fuut point dire non plus: je ferai, car 33 lur quoi peut-on compter? II faui' 33 faire fans difFérer 5 car nul ne va con3> tre Dieu r & je fuis füre que tu ré33 fiites en fecret a de très-bonnes infpij3 rations. Je crois qu'on n'a point tanr 33 de peine en mourant 3 fongeant que » 1'on quitte un abyme de inaux 8c de  14 La demoifdte Gardel. » peines, quand on fait, du cèté de Ia « rehgion, tout ce qui dépend de foi. " Zije t'aimois moins, je m'épargnerois » tant defoins,&nefongerois, commt " bien dautres} qu'a bien faire mes af. "faires, & h t'cntretenir dans une folie » poffion. Mais j'abandonne tout. Que » cais-je meme comment tu prendras » la chofe ; fi tu m'en fcauras bon ou » mauvaw gré? Voiü Ie fujet de mes » revenes; ce qui m'oecupoit tant, & » que tu voulois fcavoir. On ne fe dc» termine pas aifément a prendre de » nouvelles réfolutions, ni d ies mettre » au jour. J'ai mème voulu atrendre que » votrefanté fut un peu meilleure, pour » que vous eulïïez la force de m'écou" ter & d'agir. II faut que nous noM » voyions, & que nous voyions quelles » mefures prendre pour avoir le père » Btfault; c'eft ainfi qu'on Ie nomme: » h tu iras a 1'oratoire, le trouver- ou » ü tu veux que je le voie, & lui parle » en allant voir le père Mauve. /« as » confiance en ta maman ; du moins tu " TSJ avo'au lieu de 1'être de ta perte. Songe » que je fuis la première victime de ce „facrifce, & que les pajfions Jont en» core plus vives a mon age} qu'au tien ; » & qu'il neft pas bien jacile de fe déta„ cher de fon fis d'une ceitainc facon. Mais la tendreffe ne doit pas fouffrk » de voir avec quelle fatisfaótion & quel » dévouement je t'abandonne ma defli» nee, & t'en fois l'arbitre. Quelques n chofes que tu en ordonnes, je ne cef» ferai jamais de t'aimer uniquement. « Si tu nes pas content de mói, ce n'eft » aflurément pas ma faute. Adieu. Tu ii me feras, aloifir,réponfe fur tout ceci, » quand tu y auras réfléchi. Tous les >i amis & les amies de ce monde nousflattent & nous amufent; pas un ne 5> donneroit un confeil fincère, falux raire & néceflaire ».  t6 La demoifelle Gardel. TRoisiem£ Lhttrh. Ce mardy. ■* Je fus charmée hier, mon cher B!s » de ^ voir occupéa de ii bonnes lec" tUres:iI™efemblequec'errun heu* reux commencement. Je n'allai chez »toi qu'en rrernblant, & plus malade » des inquietudes d'efpritque ru me » caules, que de rout autre mal. Je n'o " :u meme re parler, comme j'avois "^eud^nevoulantpasrne plon2er "dans des exces de douleur, comme » ) avois ére jeudi toure la journée - cmgnanr pour roi& pour moi ,'que' " C/kne nous fk ^op de mal. JeX - iai meme remettre fur le rapis, ni te " Pa;r,leren ^n de la réponfe cue e *m «ols engagée de faire dimanche " aU r-fM^ve & au père Bifanli & " Ï»»%?W» dernjèreJerrre/iene ^nfaiffca^^ » iilence hier ;e ,r„,n.., ? e » ^^«rttrei charge,/e ne dis tien. Ce qlu ma fait prendre le pard  La demoifelle Gardel. iy n aujourd'hui, ne fcachant rien, d'écrire »> au père Mauve que je n'avois encore j? rien de pofitif a leur mander fur voj5 tre jour. Mais j'ai appris, avec bien » du plaifir, qu'un généreux efFort vous » avoir fait prendre le parti de,les al» Ier trouver, & qu'aujourd'hui vous n aviez dü envoyer chercher le père Bin fauit. Je fuis füfe que vous avez été » fort content d'eux. Suivant la lettre n du père Mauve , ils 1'ont fort été de » vous. Te voila préfentement en fort « bon train : en continuant , le refte r> viendrapetit-a-petit. Mais tu aurois da « m'épargner la bévue d'envoyer-la au» jourd'hui. Je ne croyois pas mériter fi. « peu de confiance ; & pourquoi me » laiffer revenirdans la gêne d'efprit oü 55 j'étois, fans me donner la fatisfaétion s' de me dire ce que vous aviez fait, ni 55 fcavoir ce que j'avois a faire. Mais je J5 vois bien que ce (eront-la de mes moih55 dres épreuves. Ce/Ie de voir que vous 55 n'ave^ ni a(fe^ de tendreffe ni d'efiime 5> pour moi , pour me regarder autrement 5J que comme votre maurefte, nen eft pas 55 une petite. Mais n'importe. Je fuis y 55 dites-vous, incompatible avec de bons 3) fenüments ; m'en düt-il coüter la vie y is ce feroit le moins de ce que je votir  ï8 La demoifelle Gardel. * drois facnfier pour vorre repos tem' » porei; a plus forre raifon, pour vo*e » repos eternel. J attends ; prononcez * mon arret; ordonnez de mon forr » Mats, apres tout, quel effet, & aue » vou^-vous que 1'on dife, quand on P dira : tl e/l dans la devotïon , & U ne » la volt plus. _Ahl mon Dieu ■ je m'y » peris. Cependant la demarche que vous » aveX faae eft un commencement des »g'aces de Dieu Ce font, fans doure, * anffi des lurmères particulieres qui u » rendent mon éloignement néceftaire ■ il je te 1avoue, bien de la vertm " Pfur/yfoiane"r'- Tu ne peux dourer " ;/ eXa" dr ma te,ldreir<, ni comkien » tik eft parfaite. Plus tu m'aimes , & » plus tu dols fentir quel efl mon état. " vrai. 1ue je ne crois pas qu'on " puifle jamais avoir tant de peine i P mounr que rout ceci m'en fait. Si » ) avois le choix d'une pareille fepara»cion,oudeIa mort, je n'hcnterois » pas a choifir la mort. Cen eft une è *>Jes pajjlons , a laquelle je me réfous^ * Ca fcfy* réfiexion que ce n'eft pas " U*e ^refte qui vous rend heureux »Jous m'ave^telle qu'il n'y en apaint. V Cependant votre cceureft-il content» " ISoa' VOüsn'enavez jamais manqué  La demoifelle Gardel. T9 » ni de tous les plaifïrs du monde ; Sc je j> fuis fure que vous n'avez jamais joui 5) d'un bonheur parfait. Puilque tu n'es » point heureux dans le train de vie » que tu mènes, elfayes donc d'un au53 tre genre de vie, pour voir li tu feras » plus heureux; Sc tu verras que la joie >3 de la bonne confcience eft la vérita53 ble; Sc que tu jouiras d'une bonne >9 fanté, & croiras pofleder tous les biens 33 du monde. C'en eft déja un grand, j3 que tu faftes des démarches du cöté 33 de Dieu. Les pécheurs que Dieu veut 33 perdre n'ont aucunes facilités, ni la 33 force de forrir du bourbier; s'y noyent 33 8c y reftent. Sort bien déplorable! Pour 33 moi, j'ai la confolation, au milieu de M mon malheur, de te voir prendre le 33 delfus, Sc faire des facrifices volon33 taires dans un age, Sc d'une figure qui 33 donnent encore bien du tems, pour 33'jouir de la vie. Mais il eft bien jufte 33 de céder a Dieu ; c'eft en lui que 1'on s) trouve le fouverain bien; &c ceci n'eft 33 qu'un palfage qui nous eft donné pour 3» en profiter. J'aurai encore la confola33 tion de ne t'avoir donné aucun fujet 33 de te plaindre de moi, nr rien a me »> reprocher. Mais , s'il faut confentir a )> ne te plus yoir, il eft bien fur que je  20 La demoifelle Gardel » n*y réfiiterai pas que rien ne pouna » calmer ma aouleur; car tu-t'Wmes » bien que tu me feras plas cher&que m moi-meme ». QCA"I£M£ LlTUEl « Si mon amour vous eft cher, mon - cher hls, vous devez être très-content - de votre /aW qui ne ref ire cug » pour vous. Eioignez certaines mdi&«rences qui, quelquefois , me font " beaucoup de peine, & font caufe de * to.s mes foirpcons. Je ne demande » pas rr.;eux3 que de bannir la jalcufte * mais n'y donnez donc pas lieu, & Vi- * vons dans une parfaite inteilkeuce. " vous devez ètre perfuadé de mon " "a^t ^Ue rëtois' tout au m°ins, * anfli fachee que vous des viütes qui r. ne me quittoient pas; qliand ce n'au- * roit ere que pour gouter le plaüird'un » entretien fans témoins. Quand nous * verrons-nous,&pcurrons nous trouver » les moy ens faffurcr monpetlt ami cue * Jon Lolo a pour lui une vhacité, & une * lC?ireiïe ^exprimable, & U f0uhaiu « avec une ar deur extréme} Mals je ne »Jcais var quel malheur nous ne tr0u. » vons jamais d'ouafion, que quand je  La demoifelle Gardel. 21 sj ne me porte pas bien. Vtne-r toujours , si dès que vous le pourre\ j peut-êcre en » trouverons-nous. 5) Je vous avoueraï, mon cher hls, »> que c'eft effeótivemeut me faire grand 3> plaifir , & m'obliger extrêmement, jj que d'avoir fait pour mon frère tout s> ce que vous avez fait; & que je fuis 33 aufli fenfible a ce qu'a fait M. Dam33 pierre, quoique te ioit par rapport a 3» vous qu'il s'y eft intérelïé. II eft bien33 heureux que vous lui ayez tendu les 3- bras; car en vcrité fon père & fa mère 33 nefcaventnicequ'ilsdifent,nicequ'ils 33 font, & je ne fcais oü ils ont jamais 53 été chercherqu'ils avoient de 1'efprir, 33 ni 1'ombre du bon fens. Ce font deux 33 caraétères oppofés; mais chacun ridi»3 cule, & ne veulent prendre confeil 33 de perfonne. Et alfurément 1'enfant 33 eft bienheureux que fon affaire foit 33 belle & bonne, car ce qu'ils feront 33 ne les avancera pas de beaucoup. On 33 dit que M. le duc de Montmorency 31 follicite pour le moufquetaire, dont n meflieurs fes cadets font fort eftoma» qués. M. le marquis de Lifie, qui eft ïtparent du mort, a fort afliiré mon » cher père que le curé de S. Sulpice 5> ne follicitoit point, 6c que les pour-  ±2 La demoifelle Gardel. » Ciites de la familie n'étoient qtte » des formahtés. Plufieurs officiers des ». moufquecaires font pour mon frère » &netiennentpasdesdifcours comme' »ceux deM » & entends qu'elles foient exaótement » payées, par préfcreuce a. tout. » Comme, fuivant la coutume d'An» goumois, oü ma terre de Boutteville » eft fituée, je puis difpofer du tiers de »> mes propres, j'en difpofe; donne & n legue a rnademoifelle Qharlottt Garm del, fille ma '-eure, tout ce que la cou» turne me perm.t de lui donncr; & veux » & entends qu'elle en jouiffe librement. » Permis cependant a mes héritiers de i> la rembourfcr en argent j ou ejfets  2-4 La demoifelle Gardel. - équivalents dont elk fira ^atemei - A 1 egard du furplus de madite " & ™tres biens, j en lailfe I'u- » iurnut a madame Ja comcelle de BeaZ " 7« »W.W, enforme de penfion " allmentaue, qui ne pourra êrre faiiïe » Pour quelque raifon que ce fair: vou» laat & entendant que le revenu lui » en loir payé par monheur 1 exécureur » de mon teftament ci-après nomm- ou par gens prépofes de fa part, pour » etre employé a la fubfiftance de ladite » dame comtelfe afe Beaumont » A 1'égard de la propriété de mes » biens, qm confifte aux deux tiers de " m\rf-rr* de B^tteville, a ma ferme » de Alitri & a ma maifon de devant " P^is, que échanpée du " ^erme de ■ le Ies mbftitue » au fieur Hugues Bétaud de Ch-m mi » & au chevalier de Chémautfon fiére' «tous deux fils de ma fceur, chacun " lelon les F"s & portions qui leur » appamendront. Et afin qu'ils ne puif- lent dilfiper ces fonds, je les fubfti» tue, après eux, aux enfants dudit » Hugues Betond de Ckémaut, procréés » en légitune mariage, pour fa part: » & pour Ja part du chevalier, a ceux « qu il pourra avoir; Sc s'ü n'en a point, » aux  La demoifelle Gardel. 2< n aux enfants dudic Hugues Bétaud de » Chémaut; & feront lefdits biens ü» bres en ia perfonne defdits enfants » Et au cas que madite W, ou fês * enfants veuilient difputer directe» ment ou indirecfement les diM» tions de mondit teftament, ie dé- lare » veux & entends qu'ils foient privés de " ma fllcfeffion, fans pouvoir jamais r » pretendre; comme dès-a-préfent ie » les en pnvej&fais don&donation M pat rapport a celui ou celle, ceux ou » celles qm la difputeronc en facon que 5'pR^nen ffem' des P*™s de - Hotel-DieudeParis,detoutceque » es differentes coutumes dans lefquel- » es mes biens font litués, me permet" JS* dlfPoff > exceptéle tiers dont " ]ï PA T faV^Ur de mademoifeIle » Anne-Charloue Gardel, que je Veux « qiu lui foit confervé & dclivre, com- " me 11 eftdlttdemiS'Pria«'^dit " ca* > meflieurs les directeurs & admi» mftrateurs de s'en mettre'en porTef^on^ d'enfanetel ufage quilsjl » geront a-propos, pour le bien & „rijs ütc des Dauvms rln,-!^ Ui.J t*. A üui.ci-j^ie„ de t> rans »„  t6 La demoifelle Gardel. Codicil e. «c On ne doit point être furpris fi; 55 dans mon teftament, je" marqué quel35 que reconnoiftance a. mademoifelle 33 Gardel: je lui ai de fi grandes obliga5» tions, que je ne les oublierai jamais. 3» Je ne parle point des foins afïidus 55 qu'elle m'a rendus depuis que je fuis 33 malade, dont je fuis cependant fort 33 reconnoilfant. Mais je lui dois le fa3» lut de mon ame, li jamais Dieu me 33 fait miféricorde. C'eft elle qui la pre33 mière m'a excité a me convertir & a, 53 changer de vie, & qui m'a enfin dé33 terminé a faire une confeflion géné33 rale; ce qui n'étoit pas un petit ou»» vrage. Dieu a béni fes bonnes intenjo tions; & j'ai eu le bonheur de faire 33 mes paques , cette année; ce qui ne 33 m'étoit pas arrivé depuis long-tems. 33 Je ne puis oublier un fervice comme 33 celui-la. J'efpère que Dieu 1'en ré33 compenfera mieux que je ne puis >3 faire. II eft trop jufte, pour laiffer une 33 fi belle aófcion fans récompenfe , qui 33 ne peut être que fon faint paradis, oü 53 Dieu nous conduifé 1'un & 1'autre. 33 Ce 15 avril 172.5. Signè, Béon de ss LuXEMBQURG jj.  La demoifelle Gardel. Le marquis mourut au mois d'aoüc fuivant. Sa chère Lolocte ne le quitta point, pendant fa dernière maladie, & I'aiïifta de fes foins jufqu'au dernier foupir. Le directeur ne fut point fcandalifé de cette ailiduité. Si elle eüt eu un principe criminel, il ne 1 'auroit pas ignoré: tous les fecrets de la confeience du marquis ctoient dévoilés afes yeux, &c il n auroit pas fouffert, dans la maifon du moribond, une perfonne aufli dangereufe pour le falut, que 1'eft une maitrefle aimable & chérie. On a dit, il eft vrai, qu'elle avoit fait au P. Bifault la conridence qu'elle étoit la fille du marquis, qui avoit vécu , pendant quelque tems, en mauvais commerce avec fa mère ; & que ce n'étoit qu'a ce titre qu'il avoit cru ne pas devoir s'oppofer aux foins aftidus que eette fille prenoit de la fanté d'un homme qu'il croyoit fon père. Cette allégation ne fut point prouvée, il eft vrai j & on devoit, juridiquement parlant, Ia regarder comme une de ces fuppofitions que hafardent fouvent les plaideurs, pour fuppléer aux moyens qui leur manquent, ou donner plus de poids aceuxqu'ils font valoir. Cependant, Bij.  *9 La demoifelle Gardel comme je le dirai, dans la füite,'le fait n'étoit point hafardé. . La marquife de Béon qui, depuis vingt-fept ans , ne vivoit plus avec fon man, & ne 1'avoit peut-être pas vu une feulefois, ayant été informée qu'il étoit dangereufement malade , lui manda qu'elle prenoit la pofte, pour fe rendre auprès de lui. II lui répondit qu'elle pouvoitfe difpenfer de faire le yoya^e, que fa fanré étoit meilleure; que d'aiiJeurs il n'étoit pas en é.tat de la lo^er & de la nourrir. La marquife, qui avoit prevu la réponfe, aniva a Paris le i9 j inliet. L'entrée de la maifon de fon manlui fut interdite. On s'entremit, pour rapprocher le mari & la femme' Les conditions du traité, qui fut conclu ie z 5 juiliet, furent que la marquife ne verrolt fon époux qu'aux heures qui lui ferment les plus commodes , & qu'elle ne logeroit point chez lui. Ce qui fut exécuté jufqu'au moment du décès. A fa mort, le Roi retira la terre'de Boutteville,dontle marquis n'étoit que leigneur engagifte; & le prix, montant a 21 oooo livres , fut configné. Le tiers de cette fomme, montant a. 70000 liv. devoit, aux termes du teftament, reve-. inr ï ia demoifeiie Gardel,  La demoifelle Gardel. 29 Elle forma fa demande , en déliv rance de legs, contre la dame de Beaumont3 qui refufa. L'affaire portee a la première chambre des requêtes du palais, la dame de Beaumont demanda, par une requête, acle de ce qu'elle mettoit en fait que la demoifelle Gardel avoit fuggéré le teftament du défunt; qu'elle l'avoit totalement obfèdé jufqu'au moment de fon de'cès ; qu'ils avoient toujours vecu enfemble dans un commerce ille'gitime : que le legs , par conféquent 3 fut déclaré nul. Et dans lé cas ou la de-, moifelle Gardel difconviendroit de la fuggefii0T1 & de l'obfeffion, qu'il fut permis d la dame de Beaumont d'en faire preuve 3 tant par iltres , que par té-, moins. , L'affaire portee a 1'audience , intervint fentence, le 6 feptembre 17215", par laquelle le legs de la demoifelle Gardel fut réduit a. moitié , avee intéfêts, du jour de la demande. Les parries appellèrent refpe&ivefnent de cette fentence. La demoifelle Gardel prétendit que ce jugement étoit uneinjure caraótérifée faite a fa vertu; Ia réduclïon qu'elle contenoit ne pouvant avoir d'autre motif que le concui>inage dont elle avoit été accufée. Elle Biij  30 La demoifelle Gardel. demanda au parlement que fon legs lui fut adjugé fans aucune référve. La comtefle de Beaumont foutint, au contraire ^u'on ne pouvoit laüTer fubiiiter aucusê f artie de ce legs, fans bleiïer les droits d une légmme héritière, & fans faire tnompher le crime. La fainteté du mariage profanée par nn commerce fcandaleux , difoit M. Cochin (i) pour la dame de Beaumont] (i) Henry Cochin naquit a Paris en 1687 ö£ fut recu avocat au parlement Ie 5 inület 1706. I sattacha d'abord au grand-confeil, ou ij plajda fa première caufe, a Fa^e de Vmgt-deux ans,avec autant d'éclat qu Woit pu en avoir un orateur confommé. A trente ans, on le comptoit au nombre des plus célëures canoniftes. II parut au palais avec une reoutation déja toute formée, & balanca, en debutant, celle du célèbre U Normant, qu'on appelloit laigle du barreau. Sa réputation vo,a dans toute 1'Europe; & il fut confulté de toute la France. 11 mourut a Paris en 1 747, a fo.xante ans. II eft, fans contredit, le plus grand orateur qui ait paru au barreau. Sou -^oquence eft i la fois noble , fimple, pleine éc nerf, d elegance & de précifion. Son ityle eit clair, nombreux & fans fafle. On ne trouve point, dans fes écrits , de ces phrafes ■neologiques, de ces penfées brülantüs, qui annoncent un écrivain ambitieuv , mais un «eme pauvre. Ce n'eft point pour lui qu'H «cm; c eft pour fon dient, & on le voit tou-  La demoifelle Gardel. 31 demande vengeance d'une difpofition qui eft la récompenfe dn crime, & qui cnrichit des dépouilles d'une familie qu'elle a déshonorée, celie qui a été rinftrument fatal de tant de défordres. La juftice, qui n'eft pas moins étafclie pour maintenir rhonnêteté publique, que pour défendre les intéréts des particuHers, s'eft toujours élevée contre ces difpolitions, fruits honteux de la débauche. Laiifera-t-elle échapper 1'occafion qui fe préfente de doniier de nouvelles preuves de fon zèle ? On ne pré eend pas fcandalifer le public par le détail des circonftances du commerce qui a fubflfté ft long-tems entre le marquis de Béon & la demoifelle Gardel: repréfenter cette fille errante de retraites en retraites, pour s'attacher de plus prés au marquis de Béon, jours armé des foudres de la véritable éloquence. 11 réduit toutes les preuves a une feule, qu'il fait paroitre fous des faces différentes , & toujours avec avantage. II plaidoit la plupart de fes caufes fur de fimples extraits. Les endroits les plus pathétiques Sc les plus brillants nauToient dans le feu de Faction. L'on na confervé, de fes plaidoyers , q.ue eeux qu'il a fait imprimer lui-même en forme de mémoires. Ses ouvrages ont été recueillis en 6 volumes i/j-40. Biv  ïLlJf dlmolfelk Gordel . a L"ez ie marqms a's .g™. v, t 5 Penaantdes étés enrierc ^ r -Le marquis • tout le reproche ou'5 S^Hï^ SI 7^ decermme a certe généro- fa.[iyaicideuXobjets:ledroit&le, hl;?1""7e droit' on fe Pr°Pofe d'étabhr que leS legs feits au profir de ce s e le Peut acquenr par témpinS.  La demoifelle Gardd, 35, Dans le fait , on fera voir que le crime eft avéré \ ou que du moins il y en a plus qu'il n'en faut, pour conduire a la preuve teftimoniale. II ne faur confulter ni les loix, ni Ia jurifpradence, pour connoitre combien les difpoiitions faites entre perfonnes qui ont vécu dans le crime, font réprouvées; 1'bonneur, la religion, les lumières de la raifon nous dictent ce que nous devons penfer fur une pareille queftion. L'homme, a la vérité, eft le maïtre de difpofer de fon bien; c'eït une liberté qui lui eft trop naturelle, pour qu'on pnifle la lui contefter. Mais cette liberté ne lui a été laiflee que dans Ia vue qu'il en fit un ufage convenable, Sc qu'une amitié honnête en füt le principe. Si, au contraire, une paifion honteufe qui règne au fond de fon cceur, conduit fa main Sc règle fes libéralités, elles participent a Prnfamie qui les produit : c'eft une fource empoifonnée, qui corrompt tout ce qui en dérive. Si on admettoit en jnftice de pareilles difpoiitions , ce feroit faire triompher le vice; Sc, au fcandale de la religion, le crime deviendroit une voie d'acqué*-. rir protégée par les loix.  34 £* demoifelle Gardel Enfin la raifon nous apprendcme,routes les fois qu'on difpofe, fans Lir dune ennere liberté, la donarion eft nu e & caduque. Ainfi un hls de familie ne peut donnera fon tuteur, le jmlade a fon medecin, ou a fon confefleur , Ie novice a 1'ordre auquel il fe deifane. Ce n'eft pas que ceux qui font en eer etat, éprouvent toujours cette contrainte, qui eft le principe de la nullus prononcce par la loi : mais il fuffit qu on air un légitime fujet de le craindie • & la préfomption feule rend la ciupohrion caduque. Mais combien la paffion de Pamour eft-elle plus. impérieufe ? Dans quelle aftreufe capnvite ne tient-elle pas celui qui s eft laifte furprendre ? Plus les chaines lont douces en apparence, & plus elles accablent en effêt.. II ne faut pas être furpris, après cela, n , par une jimfprudence conftante de pareilles difpoiitions ont toujours ete reprouvees. M_ Louet (i) & Bro- h) Georges iW* canfeiller au parlement Anjou. Elle a donné des cfievaiiers de M-l- yen de la cathédrale de la mème vlile Soa ^ente ie in choifir pour premisr agent d£"  ])d demoifelle Gardel, 35 deau (1), lett. D, fomm. 45 , rapportent plufieurs arrêts des années 1599 , 1625 & 1628, qui ont déclaré nulles toutes les donations faites entre perfonnes coupables d'un commerce illégitime. La févérité de cette jurifprudence n'a jamais mieux éelaré, que dans un arrêtcélèbre de 1'année \GGx. Deux perfonnes libres avoient vécu enfemble dansle crime : elles prennent enfin le partl. de fortir du défordre, & de réparer le fcandale par un mariage. Par le contrat, clergé. U fut nommé évêque de Trésuier. La mort 1c furprit en 1678, avant qu'il eüt pris poffeiTion. On a, de lui, un recueil de plufieurs rotables arrêts, avec un commentaire par Brodegu. M-. Louet a auffi comjrienté 1'ouvrage de du Moulin, far les regies de chr.ncel erie. (r) Julicn Brcdcau defcenrfoit de- Viêlor Brode au-, dont le père fut tué au fiège d'Acre.. Wiüüi-, qui avoit accompagné Stfecondé fon père a cette croifade, fut ennobii par Philippejéugifle, en 1 re 1. Jidien préféra ies foncilons: d'avceat, dans lefquelles il excelloif,. aux: charges les plus rtlevées , auxqr.elles fa-naiffance & fes talents.Lui donnoient droir d'afpirer. Il.mourutle 18 ayril 1653. On a, de hit, un :o,nnwuaire fur les arrêts de Louet; la -p/i detïuMouiin, des commeraaires fur la couturne de Paris. Tous ces ouvr?ges font efiimés au palais. Bvj  I6 Z? demoifelle Gardel le man fau a fa femme We une doi nanonumvexfelledefonb^.Aprèsla" mortdeceman,fes héritiers onÏÏourenu ia douanen nulle, comme ^ p du .™e> & un effer de la SSS E^'-^t-on vaioir la circonftancedu dcfordre ce/S, du retour des Parties a une unionfainte & l&hfede ■ dans ces matières,on remonte toufoun -pnnapedelal^onomaétéentre Je» Parn«}& quand elle a commencé par ie: crime, tout ce que Pon fait, dans tl **** P°lir le réFrer, ne peut jamais renare aux parnes la liberté de difpofer entreelles. Ceft ce qui fut jugf W i «ter qm prcnonca la nnllité de la donation. La maxime, après cela, ne Pouvoit «itté voies mdirectes d eluder la fainte rigueur de Ia jurifprudence: les uns ont paile des contrats de vente de Ieurs biens, & ont donné des guittances fi-uleesUesautresont reconnu devoir, & | font obhgés par des contrats de conftiturion. Mais tous ces artes frauduleux n en ont pas impofé d la jufrice: eJJe a perce Ie voile qui cachoit une dÏÏ ponrion reprouvée, & elle a caifé mdiflerernraent & contrats de vente &  La demoifelle Gardel. 37 Baux a rente, & contrats de conftitntion. Nous en avons deux arrêts des années i ' , du-1,... /^,, rfw^^gng w |, temows hen arte la fervantefe L L r **** * * ^ifi 3  La demoifelle Gardel. 39 Heffer la mémoire du défunt par celui qui la devoit confervcr, la cour ayant prijugé que ce qui alloit a l'honniteté pw blique Jurpaffbit l'intérêt des particuliersy & qu'il étoit a propos, pour réprimer ce vice trop fréquent dans le royaume 3 d'óter toutes les occafions par lefiquelles il pouvoit être continué^ Le principe, les moyens fur lefquels il eft fondé, les obje&ions que 1'on peut faire, les réponfes acesobjeccions, tout eft réuni dans ce peu de mots, qui ne font qu'un précis des fages motifs fut lefquels 1'arrêt de 1599 eft intervenu. Dans 1'arrêt de 1663 , M. Pavocatgénéral Bignon obferva que, fi la cour n'étci pas pleinement informée , il falloit appointer ks parties en faits contraires _, le fait du concubinage étanc recevab/e pour donner atteinte a une donaiion univerfelle, qui ne peut fubfifter, s'il y, a concubinage. Enfin M. de Catellan nous inftruit de même que, par 1'arrêt de 1664, des coufins au quatrième degré furent recus, d prouver par témoins l'indignite & le concubinage de la femme inftituie hériti ie avec le tefiateur. II faut donc reconnoitre, & la caducité du legs fait au profit de celle avec  40 la demoifelle Gardel de Ja preuve ceftimoniale, pour £ bhr cette indignité. >P°uretaL'honnêtete pubJique exige que J'on cu'iJC°™merce a"éré fi connu, qu i iufEröit prefcpe d'invoquer Ja onete pubhque. Mais dgs 7e™£ ™ r ie^res que I on a trouvées hpn reufement lous Je fc-Il^ *, T . ^ucen-donner une idéé géaéraJ^  La demoifelle Gardel. 41 jrendance a fon égard , elle eft prête » ïout pour le fatisfaire. Faut-il renoncer a tour commerce avec les hommes , pour ralfurer le marquis de Beon & le convaincre qu'aucun autre ne partisipera jamais aux délices qu'il a goutées;. elle eft prête a fe précipiter pour jamaisdans le fond d'un cloitre, & 1'abandonner lui-même, pour dernière preuve de fafidéliré. Faut-il, au contraire, continuer de vivre avec lui ? Le monde nela retiendra que pour lui fc-ul. D'un autre coté, c'eft un direéteur zèlé qui ne demande que converfion &C que pénitence. Tour ce que 1'éloquence-' chrétienne a de plus touchant pour ramener une ame égarée, & lui faire une fainte violence, eft déployé avec zèle. En un mot , dans ces lettres d'une efpcce li fingulière, on nefcait lequel joue le plus grand röle, ouTapotre infpiré par la chariré, ou 1'amante tranfportée par la paflion. Au milieu de ce bizarre aflemblage, trois vérités éclatent d'une manière fenfible. La première, que le marquis de Beon j & la demoifelle Garde/ avoient vécu auparavant dans le crime •, & que leur union les avoit précipités dans le défordrefe plus fcandaleux,.  4* La demoifelle Gardel La feconde, que la demoifelle Gardel ctfurer ƒ * Mais ij ne faut pas IanTer échapper ces termes pour t'affurer q»e je ne rna,sa d autres. On fcait ce qa' 1< fiW Vn VOüloir §™ h*^dcj£»  La demoifelle Gardel. 45 d'une jaloufie bien naturelle. Vous étiez a moi, difoit-il a. la demoifelle Gardel: fi je pr«ncls le parti de la déyotion, vous ferez a un autre. Voila 1'inquiérude du marquis de Beon; & par oü peut-on 1'en guérir? Il n'y a qu'a fe mettre dans un couvent. C'eft ainli que 1'on fait fervir la religion a la plus vive des paflions. Si au contraire tu me juges propre d t'être de quelque fatisfaclion , je rejlerai dans le monde, pour faire tout ce que tu voudras , pourvu que ce foit fans crime. C'eft-a-dire que, jufqu'au moment de ces lettres, il n'y avoit point eu de réferve entre eux, que le crime avoit été confommé, &c que la feule grace qu'elle demande, eft qu'on le retranche a 1'avenir. C'eft ce qui eft parfaitement éclairci par cequi fuit \fonge que je fuis la première viclime du facrifice _, & que les paffions font encore plus vives d mon age, qu'au tien, & qu'il n'eft pas bien facile de fe de'tacher de fon fis d'une certaine facoii. Comment la demoifelle Gardel étoit-elle la victime du facrifice? Si le marquis de Béon embraftoit des fentiments de religion, ce n'étoit pas en ceftant de le voir, de vivre avec lui, &c de conferver Turnen la plus étroite j car c'eft au contraire cs  4^ La demoifelle Gardel «p-dOe exige, cequeJledernande avec e rfe .:?:;"^- «7 avoit do^ que on vouloit conferver, & c-eft ce ƒ* *P^ comme fa maïtreffie. ditetvous «ccmpaubU^c de JsfenümZJs lè ^rquis «V 2fc,a étoit plus en état d'en ^gerqu'un autre. QJJle idéé d ?e"  La demoifelle Gardel. 47 dant pour demeurer; elle emploie tout ce qu'il y a de plus touchant pour 1'obtenir. Que voule^-vous que 1'on dife, quand on dira : il eft dans la dévotion , & il ne la voit plus. Ah ! mon Dieu; je m'y ptrds Si j'avois le choix d'une pareille féparation 3 ou de la mort3 je n'hiftterois pds d choiftr la mort ; c'en eft une d fes paffons a laquelle je me réfous. II faudroit être bien aveugle, pour ne pas reconnoitre, dans ces expreffions, le crime qui a précédé, & la paffion qui fuWifte, quoiqu'avec un detachement d'une certaine jacon. On croit donc la preuve du crime & de Padultère complette. Cependant, fi on pouvoit encore héfiter, pourroir-on au moins refufer d'admettre la preuve vocale ? On n'a pas béfoin, pour cela, de commencement de preuve par écrit \ on 1'a établi par les principes & par la jurifprudence conftante des arrêts. Mais, li on en avoit befoin, quelles preuves ne fourniflent pas les lettres de la demoifelle Gardel? C'eft bien les dégrader, que de les appelier des commencements de preuve par écrit j mais enfin on ne peut leur refufer au moins cette quaüté. Ce feroit donc ur>  48 La demoifelle Gardel tres u • " s mcrnes Iet* ^"'11 eft redevable d ' f r ^ ver.^-e, annonce™ egalement cette veltVet^^T0^0^^^ o. dans les c^conftances fi^ crt e n Ü,ai "S °nt com'»encé par £ ^J^^rt^ eft contra^ CZnÜHnmc> ^capacité vent meme ceux n„i (7 W § "te, qm coxuioitroien: tout Pobftacle  La demoifelle Gardel 49 1'obftacle qu'elle forme aux avanta^es qu'ils pourroient fe faire, fe donneroient de grands dehors de penitent e, pour fe reudre une liberté que la loi a cru trop dangereufe ; & par ce détour artificiéux rendroient fa févérité inutile. D'ailleurs, quelque retour qu'on fuppofe, le crime n'eft jamais parfaitement réparé; le fcandale fubfifte; le vice des premières affections a toujours quelque part a ce qui luit. 1 C'eft ce qui a été jugé folemnellement par 1'arrêt de 1^3, dont on a dejaparlc.Deuxperfonneslibresavoient vecu enfemble dans le défordre: elles fe manent enfuite. C'eft-la, perfonne ne lignore, le feul moyea de réparer le fcandale, & d'effacer le crime , autaht qu il peut 1'être; c'eft fubftituer, a des afleótions deréglées, une union fainte. e,et d> ^1 mariage eft même de rendre legitime tout ce qui a précédé. Cependant on n'a pas cru qu'il fuc permis , dans ce cas, de faire des donations extraordinaires entre lesfuturs conjoints par leür contrat de mariage; & celle qui avoit ete faire par le mari a fa femme a ete dcclarée nulle. Que 1'on compare, fi 1'on veut, ces Heux efpeces, & qU>on nous dlfe ^ gft lüwc VI ^  50 La demoifelle Gardel entré plus de fentiments de piécé dans Ia converfion du marquis deBéon,^ dans celle qui avoit donné lieu a 1'arrêt de 1661 ; qu'on nous dife li le marquis jfc 2>«w a mieux réparé le fcandale: fi Ia fionte du commerce qui a été entre lui & Ia demoifelle Gardel zètè mieux effacee. On rougiroit de le dire & de le penter. Comment donc ofera-t-on fouremr que le marquis de Béon ait acquis plus de hberte de faire des avantags a celle qui a eté la complice de fes défordres. En un mot, les loix fe font armées dans tous les tems contre ces fortes de mfpofitions. On ne peut les maintenir avec trop de févérité: il faut óter a ceux qui s abandonnent au crime, Pefpérance de pouvoir jamais s'avantager, quelque changement qui puilTe furvenir, C'eft une mcapacité qui les doit fuivre dans .tous les tems & dans tous les lieux Si leur converfion eft Wre, elle doit les conduije aun entier oubli; ou du moins Hs ne doivent fe fouvenir 1'un de 1'autre que pour gémir de leurs défordres pafles, & non pour s'en récompenfer A ces principes, fondés fur 1'honnêtete pubKque , fe joignent ki des circonftances particulières, qui obligent de  La demoifelle Gardel. ^ i les maintenir avec plus de févérité que jamais. En effet,dans le tems même de cette converfion que 1'on nous vante , on reconnoit toujours la même paffion régnant dans le cceur de la demoifelle Gardel; on la voit toujours en polfeffion du même empire, & le marquis de Béon toujours livré a la même foiblelfe. Quand on ne confulreroit que les extraits des iettres que 1'on a rapportés, a quelle violence la paffion n'étoit-elle pas encore dans le cceur de cette fille, que 1'on nous repréfente comme un apötre ? Qüel trouble , quelles agitations, quel défefpoir n'y produifoit-elle pas ? Quelle dépendance a 1'égard de fon amant! Prêre a tout facrifierpour lui; fa liberté, en fe faifant religieufe, fa vie même, fi elle eft néceftaire! Quelles alarmes, s'il faut le quitter! La mort même eft moins affreufe pour elle. Son ame éprouvoit donc encore jxrates les fureurs de 1'amour. Etc1?ft en eet état qu'elle fe mêle de prêcher la converfion! Même foibleife, de la part du marquis de Béon. Il fentoit bien qu'il ne pouvoit y avoir de folide converfion de fa part, tant qu'il ne fe fépareroit pas pour jamais de la demoifelle Gardel. II Cij  )Z La demoifelle Gardel. connoifloit tout le Deril * • 2 foü fans meme: ^ ^ ene II vouloit donc rompre ennerement avec elle; mais iln'enïïas Qn ne peut pas douter qu'il n'ait été c^mrme d^sdespenfeesLhrenenr s & li neceüaires a un pémtent, par lefa*e directeur qu'il avoit choili. £ Ja df moifelle^P, emporté £ ]e cd oe Ia confcience &: f-ir - r -i ■ v -, cv «nr les conieik dn e lel a to fo gr, & , niemedeladévonon,elle en a ré^lé tous les mouvements. ° £üe ne vouloit plus de crime, il eft vrai; mais elle vouloit conferver tout i empire que le crime lui avoit donné. Penfera-t-on, aprês cela, que le mar- ^^^^fquilafaSleleg^i «ft attaque, fut entiérement Kbrefatfil ^\rompu tous ^ Hens qui 'attacWnta cette hlie?PenferaHt-on qu'ü r l0It ™oume vers eet objet, dont il croit envvré5fanséprouve; le's moL- jett. de h profondes racines ? Qu'il fauaroit pen connoirre Ie cceur humain pouxrormer de pareiUes idéés"  La demoifelle Gardel. 53 En un moe, la demoifelle Gardel„ unie par le crime avec le marquis de Béon, ne s'eft jamais féparée d'avec lui j Sc jufqu'au dernier moment de fa vie, elle a continué les mêmes affiduités: Sc 1'on prétendra que Pindignité a cefle entiérement, Sc qu'elle fera devenue capable de tous legs, de toutes donations, de tous avantages! La raifon, la religion, la févérité des maximes fi néceflaire au bon ordre, s'élèvent contre une illufion fi dangereufe. On répondit pour la demoifelle Gardel, qu'un legs particulier que la reconnoiftance du plus important fervice avoit diefté au marquis de Béon, Sc que fa main avoit tracé dans un tems oü il n'étoit occupé que de fentiments vertueux Sc cbrétiens, devient aujourd'hui lefujet de la cenfure la plus amère. Sa fceur, qu'il a comblée de biens, Sc pour 1'intérêt de laquelle il a pris tant de fages précautions dans le teftament qu'elle attaque , ofe faire a fa mémoire la plus mortelle injure, en attribuant au crime ce qu'il a déclaré lui-même n'avoir fait que pour la vertu. Les liens du fang, les devoirs de Phumanité Sc de la gratitude, rien n'eft C iij  *4 u f demoifdle Gardel capable d'arrêter le torrent de fa bile p"nfer lPTl°lr ^P^ent récompenfer la debauche. Le motif qu'il a teil* Gardel Sc qu'il exprime en termes fa touchants dans Pécrit qui s'eft jrouvc attaché a fon teftament, n'eft feion elle, qu'un faux prétexte qu'iJU P.ns, unmafque dont ilcouvre le^rinope vicieux qui lui a dicfé ce IeaS. La legataire n'en eft point redevable frheu- reuxWs des démarches qu'elle avoit 2;^Pourh.conduite dj le chemin du fa ut: ce font les complaifances crifninel es qu'elle a eues pour lui, c'eft le facnfice qu'elle lui a fait de fon hon- liré V^P r °nt mérké Cecte Iibéraüte. Voila, fi on veut en croire Phéri- - swws qui a produit Ie ees. --- -^tlVJ.Cj uit-ene, des veft ges dansles lettres que la légataire écrivo « teftaceur. pour Pexhorter a faire un retour fur hu-même. Plus elle 1'excite a changer de vie, & phls éclate ]a preuve quils avoient jufque-la vécu Pun autre dans un commerce iüégitime. Si elle y foutient Ie caractère d'un directeur zele qm preche la pénitence, elle y  La demoifelle Gardel. «J? fair auffi le perfonnage d'une fille mondaine , qui exprime tout ce que la tendrelfe a de plus vif. On ne fcait qui y joue le plus grand role, ou de la dévotion , ou de 1'amour profane. Enfin, li ce melange bizarre de vertus & de vices qu'on appercoit dans les lettres, ne forme point une conviccion parfaite du crime \ c'eft du moins un vehicule qui doit ecmduire a 1'admiffion de la preuve teftimoniale. Tel eft le précis du plaidoyer de la dame de Beaumont ; tel eft le portraic. qu'elle a fait du marquis de Béon fon frère, & de la demoifelle Garde/. Quelques lambeaux de lettres détachés des phrafes qui les précédent & qui les fuiverit, & foutenus d'une interpretation auffi faiifle, que maligne, lui ont fourni toute la matière de fes injures. Et pour qui s'eft-elle livrée k cette vaine & odieufe déclamation ? Elle ne combat ni pour elle, ni pour fes hls: une foule de créanciers viendroit auffitot lui arracher le fruit de fa victoire. C'eft donc uniquement pour fatisfaire fa haine & fa paffion, qu'elle irifülte, d'un ton fi haut, a la mémoire d'un frère qui méritoit, par tant d'endroits, & fes égards, &c fon refpect.  $6 la demoifelle Gardel La demo felle GnrJ i ,eL fon innocence pallet ' T °P^6 <*e ^ fon adverfaire n " feuJs ^facond;t?;rer:r^'e^ ^ec I ecrir aaacn < ?m feS «ettradans rou fo^r r"16"1' eIIe principe qui a Dor ?7 ;°Ur Ja Pu«té du tevüje.8 tlCrs defat«redeBoutS_ °» neconteftera Dointa , ges entre nprf™ ^omer les avanta& " Perionnesqtu vivei^n ment enfemble dans ludIe«te- Heft ^i,lUn,?)mmer«ilïi- ^ietle^~ fon teftamen?yid^r™e écrit dans ^^reffioné^f^^^  La demoifelle Gardel. On n'a point d'intérêt a combattre le fecond principe pofé par la dame de Beaumont; il n'a point ici d'application. Cependant on ne lui accordera point qu'il foit défendu de donner a une fille dont on a autrefois leduit la vertu, & avec qui on a rompu tout commerce criminel. La raifon qui porte a réprouver les avantages faits dans le cours d'une habitude criminelle & aótuelle, ne fubfifte plus pour un legs écrit par un teftament qui a pour époque le tems oü le teftateur étoit dégagé de fa palfion; foit paree qu'elle s'eft ufée, foit par un heureux retour fur lui-même. Dans ce cas, comme il n'eft pas poffible de dire que fa volonté ait été commandée par une paffion éteinte, il n'y a plus de motif pour annuller le legs : & loin que la difpofition foit condamnable, on n'y reconnoit qu'un principe de juftice qui a porté le teftateur a réparer le tort que la fédueftion qu'il avoit pratiquée a pu faire a 1'honneur & a 1'établilTement de fa légataire. . « Suivant nos mceurs, dit Brodeau » fur Louetj lett. D , chap. 43 , oü la 5j dame de Beaumont a puifé les arrêts ->■> qu'elle citej fuivant nos mceurs,les Cv  *8 La demoifelle Gardel. " ^ fai^ a des concubines d'a* " £ ^ que de iïmpJes aliraents, «dont routes fortes de perfonnes font * capables, nepeuvenr fubfifter. Ce qui " ",e dolt avö" en une fille débau» cn.ee par le donateur ou teftateur, fa», » que deptus elle au été fa concubine: » a laquelle il peut donner légitime" ?en.C' P°llr fa dot, & po„r ie prix de * Jon honne«r & de fa pudictó, une " l0™me proportionnée a fa qualité: & ~y eft même obligé en point de con« lcience », En vain voudroit-on oppofer a cette rnax^melepréjugédelarrêtde!^,.!! c^darnne,,! eft vrai, une donation umverfelle faue par le concubinaire i ia concubine dans leur contrat de manage^&nelaifte fubfifter que les corl vennons matrimoniales , h commune, le douaire, le préciput. Mais i arrcnfte nous apprend que, dans 1'efpece fur laquelle il eft intervenu il n'y avoir eu aucun intervalle entre'la débauche &le mariage. Ce qm fit propofer ce d.lemme par M. 1'avocat-génJLl fgnon: ou la donation doit être re-ardee comme étant faite i une fille avec laquelle le teftateur vivoit habiruelleJnent & a&uellement en mauvais com-  La demoifelle Gardel. merce; ou il faut la regarder comme une donation faite par un mari a fa femme. Dans 1'une & 1'autre hypothèfe, elle eft également prohibée. « Et on .ne peut * pas dire que le mariage a tout purgé j> & nettoyé; paree que, s'il produifoit >j un effet rétroactif, il remonteroit au s» jour de la débauche. Ainfi , depuis, 35 il y auroit eu un mariage, & partant 33 cette donation tomberoit dans la pro33 hibition de la loi, qui défend de s'a3» vantager pendant le mariage ». Mais c'eft trop s'arrêter fur un point qui eft inutile a la défenfe de la demoifelle Gardel. Voyons le troiiième principe qu'on lui oppofe. On prétend qu'il fuffit a un héritier mécontent de pofer le fait du mauvais commerce entre le teftateur & fa légataire, pour être recu a la preuve reftimoniale; & qu'il n'eft pas même néceflaire d'être aidé par quelque commencement de preuve par écrit. L'illufion de cette propofition s'appercoit d'abord. Le mauvais commerce ne fe préfume point; Sc lorfqu'il n'ert paroit aucun veftige, la règle ne fouftre point qu'on fafte dépendre 1'honneur Sc la fomme de la légataire, de la foi de deux témoins toujours difpofés a pariet Cvj  6o ^ La aemoifelk Gardel. au gre de ceux qui recherchent leur té reftxmomale n'a pas échappé a Ja^uétranon du Jégiflateur. CcSvaincade Ja facilite avee Jaquelle on peut acquérir cercains cas peu importants, qu'ij ex- P™;&nelatojLdansJe? autres que lorfqu'ilyauncommeneement de' preuve par écrit. La jurifprudence s'eft conformée d une oi fifage;&on peut avancer, a ec conhance, qu'on ne trouvera noin darret dans Je cas dont il sWit qui a admis Ja preuve temmoniaJefur^ïi m pleallegati0ndei'héritier,&fansvê™e conduit par quelque indice, ou par un commencement de preuve écrite. Qu'on examine les deux arrêts qui ont Hé Z Zt^rU:°UV^L COn&mation de AL Leun remarque, fur 1'arrêt de ■\S99>-deux circonftances qui en ont determiné la décinon : Pune que Phabimde du teftateur avec fa fesante\ qui il avoit legue tous fes meubles acquets&conquêts, avoit cauféundivorceentrelui&fafemme:l'autrequedansle teftament même, ily avoit quel quelunucre de J'arTection débordée du  La demoifelle Gardel. Cl teftateur & de la légataire. Ce font les propres paroles de ce magiftrat. M. Catellan oblerve, fur 1'arrêt de 1664, qu'il y avoit dans 1'efpèce de eet arrêt, de très-grands & de très-forts indices du commerce illégitime de 1'héritiére inftituée, avec le teftateur. La dame de Beaumont a bien fenti qu'elle ne pouvoit être écoutée en difant que la fimple allégation, en cette matière, fuffit pour que la preuve teftimoniale ne puifle être refufée. Elle pafte rapidement a. une autre, & dit que du moins la preuve teftimoniale eft admiffible, quand il y a un commencement de preuve par écrit \ & que, dans le fait, les lettres de la demoifelle Gardel offrent les commencements de preuve de» fon commerce illégrtime avec le marquis de Béon. 11 eft certain que, quand la juftice appercoit des traces qui lui font entrevoir que le teftateur & fa légataire ont vécu dans un commerce fcandaleux, & que le legs a eu le crime pour principe; dans ce cas, elle donne fon attention aux fairs articulés par Phéritier \ & fi ces faits font de nature a eonduire a la conviétion du crime, elle permet de les vérifier par témoins.  6z La demoifelle Gardel. 5ur ce principe, examinons d'abord La dame de Beaumont demande nar fa requete, qu'il lui foir permis de prS ver par temom que Ja ^^„^ ^{a vecu pubiiquemnnr avec Je mar- ^yoilatouresfesconclufions. Mais a-t-on jamais écouré, en mftice . r.n a-r-on ;amai« nermic ^Preuve? Quand dix témoins fe ™ dame de Beaumont 1'articule, quelle im- «e les cemams oculaires ? Avez-vous vndumomsentreeuxcesprivaurésqui moralement parlanc, „eWentpoï dourerdelaconfommarionducnme"  La demoifelle Gardel. 63 Ce n'eft pas d'aujourd'hui que ces fortes de caufes fe préfentent dans les rribunaux. Mais on ne craint point de le dire; jamais on n'a eu d'égard a la plainte d'un héritier qui, ne pouvant articuler aucune circonftance , quelle qu'elle foit, du fait de mauvais commerce dont il taxe le teftateur & fa légataire, eft forcé de fe retrancher dans Ie fait général. On ne poulfera pas plus loin ce moyen : le bon fens en fait fentir tout le poids. II fuffit feul pour la défenfe de la demoifelle Gardel. Mais il ne fuffit pas pour fa délicateftè y elle veut juftifier fon innocence. Pour le faire avec fnccès, il n'en faut point chercher la preuve dans des pièees étrangères : elle fe trouve toute acquife dans les lettres qu'elle a écrites au marquis de Béon_, & qui font adoprées par fon adverfaire. On y découvre quatre vérités, qui faififlent également 1'efprit & le cceur, La première que, Cr la demoifelle Gardel avoit pour le marquis de Béon une forte inclination, c'étoit une inclination dégagée de crime, fondée fur la reconnoilfance, & qui n'avoit d'autres vues que de faire rentrer le marquis  ƒ4 La dcmmfeüe Gardel La troifième vérité • r'ofl „ , , lur Jm-mêmp *- J -i 1 . a raii: faire par é :rir ï r qU1S A ^ a que cerrp j ' , . aifPofi«on;mais Par conféguent  La demoifelle Gardel. 69 priver le marquis d'un commerce innocent, c'eft lui óter la jouilfance qu'il avoit eue jufque-la. d'un commerce. De quel commerce ? D'un commerce innocent. Voila, de toutes les démonftrations, la plus parfaite, que jufque-la il ne s'étoit paffe rien de criminel dans ce commerce. Par conféquent, quand la dame de Beaumont vient dire que les lettres de la demoifelle Gardel juftifient & contiennent 1'aveu qu'elle s'étoit livrée au marquis de Béony ce trait feul fuffit pour i confondre 1'impofture. Dans une autre lettre, la demoifelle i Gardel fe plaint de ce que le marquis \de Béon Pa laiftee dans la géne de l'efiprit, fans lui donner la fatisfaótion de lui dire ce qu'il avoit fait avec le père :Afauve; & elle ajoute : Je vois bien que ce font-la de mes .moindres épreuves. Celle de voir que vous i\n'ave-r ni ajfe^ de tendreffe, ni afe-2 d'ef\time pour moi, pour me regarder autrev.ment que comme votre maüreffe> n'en eji -pas une petite. Mais n'importe. Je fuis j tdites-vous, incompatible avec de bons Jfentiments; m'en düt-il couter la vie y ce I feroit le moins de ce que je voudrois falurijïer pour votre repos temporelj a plus  VO La demoifelle Gardel. Jorte ra fon pour votre repos éternel. Voila un des crairs que la malignitó de notre adverfaire a taché d em'pot <3.ue la demoifelle Gardel avoit pour le marquis ^ une inclmaJn™ lans tache. r Quoi de plus louable dabord, que cetteplaimequelleluifait de ee qu'elle napaseulafatisfadiondapprenarede tes qa elle IU1 avoit annoncées dans fes ' fXTlerre^ils;efteiifindéte-^ a aller voir le père yJ^W. Sa plainte n'en demeure pas a un firnp erepoehe: elle fecouiTOuce, qu „d •llepenfe quela difcrétion, dont ij a ufeavee elle, peut provenir de cequii la regarde comme on pourroit reader ^^. Et quefs font lestent ments que ce courroux dépeint3 Je méntois, lui dit-elle, plus de confiance. Ma vertu&fes demarches qui J ai frites pour vous ramener a Dieu auroient bien dü m'acquérir votre efti! me. Devez-vous me regarder comme miemaitren-e?Lenomm'eneft-ild^ Vqus fcavez que la tendrelfe que \'è e«epourvous3&queraiencoqre}eft .  La demoifelle Gardel. 71 toute pure; elle eft, vive, je 1'avoue \ elle me feroit facrifier ma propre vie pour votre repos temporel. Mais elle ne m'eft point infpirée par le crime : ainfi ne doutez point que, pour votre repos éternel, elle ne me portat a vous faire des facrifices plus grands encore. Je vous dois cette inclination \ elle s'eft forméechez moi dès ma plus tendre en* fance; elle me repréfente a toute heure que l'amitié dont vous honorez, depuis fi long-tems, mon père, vous a porté a lui tendre la main dans la décadence de fes affaires. Je fcais que je vous fuis redevable de mon éducation, que je vous dois tout; & je ferois prête, s'il le falloit, a vous facrifier ma propre vie. Mais je ne puis digérer que vous me regardit z comme votre maitrefte. La penfée feule me révolte, Eft-ce la le langage d'une concubine ? Et n'y a-t-il pas de la phrénéfie a. vouloit que la demoifelle Gardel fe foit chargée de ce nom odieux dans le trait qu'on vient de rapporter ? N'y voit-on pas, au contraire, une preuve éclatante que la crainte qu'elle 3 que le marquis de Béon ne fe fiatte d'adoucir fa rigueur, eft la fource d'oü partent toutes fes plaintes ?  7* La demoifelle Gardel PolÏTlT, d0nCiC1 d'un P«»ier Ppinr Les Jettres de la demoifelle GWd at.noncent ciairement «nee de fa tendreffe • & fon 3" ^ne^Iuiajamais'infpiTorie lui A S feS égarer«ents3 & de le?inL?sT; P US n°US dlfFéron* coupables, que toute notre vie ne nou* eftdojméequepourmériterleci qiïï pouriacquérir,ce ne feroit poin en ye trop de pa/Ter trente ans danst pemtence C'eft-H une foible parcfedes' ^^religionrépandnSt Slhn-eren^m°insd£te" mais elle lm rend Ia iuftice nh'il 7 ' dans le fond d„ .'° ^U 1 avoit oui lui A,T • ' uuëerme de vertu qui lm faifoit ecouter Jes raifons oiii combattoient fa paffion :& c'eft "e 4rme de vertu qi„ a produit en ] ff Wsdune converfion fincère & paï Deux-traits d'une de fes Ws juftifient  La demoifelle Gardel. y> fient la yérité qu'on fe propofe d etai>lir. Voici le premier. La doctrine la plus épurée eft celle dont on doit faire choix , quand on veut entreprendre une véritable converfion. Je tai entendu dire que tu ne demandois pas mieux; mais que tu ne fcavois par ou t'y prendre; que tu languijjois toi-même de te voir dans l'état ou tu e'tois. II en faut fortir , prendre une bonne réfolution, te mettre en de bonnes mains , & choiftr un fage directeur qui t'aide d ce grand ouvrage, & qui t'en ouvre & facilite tous les moyens. J'ai, pour cela . fi tu vetiv n*. I prêtre de l'oratoire. Le fecond trait eft concu en ces I termes : II faut a Dieu des facrifices volonli taires, pour qu'ils foient rnéritoires. Il .ne faut point dire non plus: je ferai; car ifur quoi peut-on compter? II faut faire mans aijjerer. i\ut ne va contre Dieu ; & je fuis fure que tu réfides en Cer ret i x ^tres-bonnes infpirations. Deux obfervations lexprimés avec tant d energie. Ö Premiérement, on y voit la preuve jque, dans les converfations que le marquis de Béon avoit avec la demoifelle 'Gardel, les- difcours de morale, & h Torne FI. j)  74 La demoifelle Gardel iangage de la vertil y tenoient leur place. Je t'ai entendu dire que tu ne demandois pas mieux, que d'cntreprendre une véritahle converfion. De pareils entretiens n'occupent pas, pout 1'ordinaire, deux perfonnes plongées dans le vice. En fecond lieu, li dans les lettres de la demoifelle Gardel on appercoit que 1 amour du marquis de Béon pour elle avoit des inftants de vivacité qui lui echappoient dans fes difcours, on reconnon, en même tems, que fes feux etoient combattus par des réflexions que Ia probité & Ia vertu lui infpiroient: êc quand on vqit, par 1'écrit annexé d fon teftament, que touché des leconsdela demoifelle Gardel, il 3 eu recours d la pemtence, pour rentrer en grace avec Dieu, on ne regardera plus qu'avec la dernière indignation, 1'infulte que fa iceur eflaie de faire a fa cendre. La troifïème vérité qu'on a promis de prouver eft plus que démontrée par les morceaux qu'on vient de tirer des letttes de la demoifelle Gardel. Une fille qui écrit a un homme épris pour elle, que 1'aimant pour 1'amour de lui-même, elle ne peut lui diilimuler qu'il doit penfer a fonfaluf, & faire  La demoifelle Gardel. y$ choix dun fage directeur; qu'elle ne lui annonce que des vérités dont elle a le cceur bien pénétré ; qu'elle confent a faire tout ce qu'il voudra, pourvu que ce foit fans crime, & qu'elle ne foit pas un obftacle a fa converfion; qu'il ne faut point qu'il fe flatte qu'elle 1'entretienne dans fa folie paffion; que la tendreffe qu'il a pour elle doit être la caufe de fon falut, & non de fa perte ; une fille enfin qui s'irrite & fe courrouce au feul nom de maitreffe, fait fes preuves de vertu, en prouvant fa réfiftance. Ofer, après cela, lui prodiguer le nom de concubine, & faire déborder fur elle un torrent d'injures, c'eft facrifier la décence, la reconnoiffance Sc la vérité a 1'avarice. La quatrième & dernière vérité donc on va être convaincu, n'eft pas moins importante que toutes les autres. Les lettres de la demoifelle Gardel ne rendent pas feulement le témoignacre des fentiments religieux & honnêtes dont elle étoit pénétrée ; elles prouvenc encore qu'elle ne s'en eft pas tenue aux lecons , mais qu'elle a agi avec tout le zèle dont elle étoit animée ; & qu'elle a engagé dans le pieux ouvrage qu'elle avoit entrepris, deux prêtres de 1'oraDij  76 La. demoifelle Gardel. toire, amant diftingués par leur vertu: ■cpe par leur capacité & leur expérience, dans l'importante foncrion de la direction. La Providence a feeondé fon entreprife, &c s'eft fervi de la vertueufe réfiftance de cette fille aux defirs criminels du marquis de Béon pour le ramener a fon devoir. II ne faut, pour s'en alfurer,que lire 1'écrit qui accompagnoit fon teftament. On peut le regarder comme un monument du retour fincère que le marquis de Béon avoit fait a Dieu. II offre plufieurs réflexions. La première fe tire de 1'époque du teftament, & de celle de 1'écrit. Le teftament eft du 15 mars 1715; il précède de cinq jours la fête de paques. L'écrit eft du 15 avril de la même année. II eft pofténeur de quinze jours a la même lète. Dans eet écrit qui, par les expreffions, & par 1'aveu fincère qu'on y voit sracé, nous repréfente un homme touché de ce qu'il confie au papier, le marquis de réon déclare qu'il vient de s'acquitt l" d'un devoir que les Ioix de Péglife -e.ndent mdifpenfable. Et c'eft au *Wi"' • &j#ts deftinés a ce  La demoifelle Gardel. 77 devoir, qu'il fait le teftament qui renferme le legs qu'on difpute a la demoifelle Gardel. Dans de telles circonftances,peut-on croire que cette difpolition parte d'un cceur corrompu & en proie a une paffion criminelle ? La raifon, la religion , tout concourt a perfuader que le legs qu'il a fait a la demoifelle Gardel j eft 1'effet d'une volonté libre & dégagée de routes mauvaifes impreftions, & que le motif qu'il exprime eft auffi vrai, qu'il eft jufte. Dès-la le legs n'eft plus un fujet de problême. Car, encore une fois, on ne réprouve en juftice que les difpoiitions qui font 1'ouvrage d'une volonté dominéé par une paffion criminelle. Une feconde réflexion, c'eft que, Ci la malignité pouvoit aller jufqu'a dire que le marquis de Béon a fait la dcclaration contenue dans fon écrit, afin qu'on détournat les yeux du principe vicieux qui lui avoit diété le legs, la dame de Beaumont Pa bien juftihé elle-même de eet odieux foupeon , en mettant au jour les lettres de la demoifelle Gardel; puifqu'elles contiennent la preuve de la vérité de cette déclaration qui fait Pobjet de 1'écrit. Cet accord entre les lettres &c les faits atteftés dans le codiD iij  equite &: on ofe dlr£ Ja é l réflexYon^^ Tf r Qu °n en Parcoure routes les fcpouiJ.ee de toutes paffions : une ame f^fïI;iiJt:1 am°Ur du -^-u/pour Aux legs pieux qui y tiennent Je »» ««* rang, fuccèdent Jes lJsVslt reconnoiFance : & ceux ri¥ r quelles Je marquis A Béon n\ dev anr ff l0Utragefic^—t après i^tS" le/^"gement des anaires de Ja dame cfe Beaumont ■ & en -rageantlescréanciersquicrien^apS ede comme autant d'Jiéritiers qu'il 4ra ui-meme,s;d n;y app0rte Je«mède 1 declare qu'a Pégard des deux tiers de' Ia errede Boutteville,dont il Zok de leguerletiersala demoifelle <£" f,3 & de tous fes autres biens, fa fcur *en aura que I'ufufruit Par W dê  La demoifelle Gardel. 79 J penfion atimentaire, qui ne pourra être I faifie pour quelque raifon que'ce foit; voulant que, pour lui alfurer d'autant ! plus fa fubfiftance, le revenu qu'il lui lailfe lui foit payé par fon executeur tef:; tamentaire, ou par gens prépofés de fa I part. De-la, il tourne les yeux fur les deux ; fils de cette fceur, & leur lègue, avec charge de fubftitution, au pront de leurs : enfants, la propriété des mêmes biens; ! tc deftine fes meubles Sc effets mobiliers au paiement de fes dettes. Cet ordre, ces arrangements font-ils 1'ouvrage d'un bomme qui facrifie a une I palfion criminelb les moments qu'il 1 emploie a régler fa fucceflion ? moments redeutables , & oü 1'on n'eft occupé qu'a faire de bonnes adions. Le marquis de Béon n'aura-t-il pris la reli| gion & la raifon pour guides, que lorf; que, touche de 1'état d'une fceur qui avoit caufé tous les chagrins de fa vie, il penfe i lui alfurer les moyens de fubfifter? Et fa raifon Sc la piété 1'aurontelles abandonné, quand il laiffe une récompenfe a une fille de familie, dont il avoit eu foin depuis fa nailfance, Sc a qui, comme il a eu Pattention de le déclarer lui-même, il avoit les premières Div  8o La demoifelle Gardel quillicé dame que fon retour I S digeoit fon teftament C~ „» k r PerfonK« du plus bas étaee un oubh enner de Ja familie du tefta' ^ ddbdonn epoar la légataire. V om ce qlu a porté les a 6 tre la preuve teftimoniale lei cïft 1 vSupr;eftr'une --p^eli: mdigné de voir la aemoÈlle £ ^ mxfeenparallèle avec des concl un Jegs dont le teftateur a m, ^= • récompenfer fa , ft™"  La demoijelïe Gardel. _ 81 Beaumont a donnée a quelques traits dëcachés des lettres de la demoifelle Gardel, qui, rapprochés de ceux qu'on vient de rapporter, ne peuvent jamais être fufceptibles d'un mauvais fens. ■La légataire a, dit-on ,écrir dans une de fes lettres qu'elle étoit accablée dö remords ; ce font les triftes fruits dur crime, comme le calme & la paix font le partage de la vertu. La voiia donc convaincue, par fon aveu , du commerce fcandaleux qui avoit fubnfté jufques-la entre elle, & le marquis deBéon. Cette conféquence eft fauffe & depravée. i°. N'y a-t-il qu'une habitude criminelle qui foit capable de eaufer les? remords d'une fille qui, dans la même lettre oü elle fe fert de cette expreflion, fe déclare pénétrée jufqu'au fond dtt cceur de la morale auftère dont elle rem» piit des lettres entières ? Plus on defire d'at-teindre au dernier période de lar vertu , plus on regarde comme une efpèce de crime d'avoir pafte fes jour;?, fens en avoir exercé routes les pratiques, C'eft ce fentiment qui excitoit les remords de la demoifelle Gardel. Et ött' n'en doutera point, quand on rérléchira &i" »a-endföi^de fes lettres, oü elle dis 2Jr  §2 La demoifelle Gardd point marcher dans U d J / , vertu. chemin de la ceau de fa lertre, dans Iequel die traite »èL f S.Cof,Knr teaucoup de Fomerant: & blen £ïanH4"™* rl / • Bms ce dir»»«. oü Ia paf ' °n ^ rappeile cue fa Iettre Sj* comme ui, commerce innocn, Cert.  La demoifelle Gardel. 83 Mais, continue-t-on, les grands tranfports d'amour de la légataire eektent de diverfes manières. Tantot elle parle de facrifice & de défefpoir j elle eft prête a fe jettet dans un cloitre pour alfurer le marquis de Béon qu'elle ne fera jamais a d'autres; termes qui, dans le ftyle du monde corrompu, ne lont point équivoques : tantot elle ne veut plus fe féparer du marquis de Beon ïarce qu'il ne lui eft pas bien facile de s'en détacher d'une cenaine jacon Ces expreflions manifeftent que, julqu'au moment des lettres, il n'y avoit point eu de réferve, & que le crime avoit été confommé. 11 eft vrai que, dans le ftyle du monde corrompu, les termes que relève la dame de Beaumont pourroient être empolfonnés,s'ils étoient feuls. Mais ce ne fera point le monde corrompu qm decidera du fens dont ils font fufceptibles. Une fille qui,écrivant l fon amant, lui protefte qu'elle fe fera religieufe , poui a'ètre jamais a d'autres; mais qu'il ne lui fera pas facile de s'en détacher d'une certaine facon, ne fait point, par cette manière de s'exprimer, 1'aveu du naufrage de fon honneur. L'amour a fes delicatefles s s*U eft, chez quelques füles, D vj  H La ckmoifelk Gardel comme on facririce néce/ïaire!A 9 veriion ■ j «-ci.aire a la con- * °" • & > dans ce pomt de vue eHprotefte qu'elJe n'k-^ 5 eJJe &• 4 ren i r^'P2^ fecondmre dans le chemin dufeluf Quand eft-ce, au contraire, qu'eife  La demoijelle Gardel. B«f 1'inftant qu'elle fait la réftexion que le commerce innocent qu'elle a toujours eu avec lui,. perfuadera le directeur le plu*, févère qu'il n'y a point de nfque a courir de le permettre au marquis de Béon; &c par-la, point de raifon pour 1'en priver. Écoutons-la. Si je perds tout efpoir de vous voir , & vous rendre les petitsfoins dont je pourrois être capable ; je n'héfte pas; dans l'infant je me jttte gMX carmelites. Après tout, je ne croi* pas qu'un directeur , quelque févère quil puiffe être, vous PR1VE d'un commerce innocent. Je penfe de facon d ne vouspoint détourner du bon chemin. Et dans«ne autre lettre : il eft bien juftede céder d Dieu ; c'eft en lui que 1'on trouve l& fouverain bien. J'aurai la confolatwn de n'avoir rien d me reprocher. Mais s'il faut confentir a ne te plus voir 3 il eft bien fur que je n'y réfijlerai pas. 11 ne refte plus, pour tetminer la détente de la demoifelle Gdrdei, qu'a déjnontrer Pimpofture de deux fairs avancés par la dame de Beaumon'. Elle annonce qu'elle ne prétend p^int repréfenter la demoirelle Gardel errante de setraite en retraite, chalf e fucceffivejytent de plufieurs maifo. s religaeufes qu'elle fcandalifoi&patfo» aitachernen*  85 La demoifelle Gardel. au marquis de Béon. Et aiiieurs ja ca- lomme Iaveugle au poinr de bi fi£ Pare, depuis long-rems,de fon époufe Poarsarracherala demoifelle (LI/ Le menfonge groffier qui règne dans' es^Sr ^ e" éviden- Prenrs rn T S *Trieares d« différents monafteres oü la demoifelle ans ,ufqu a celui de vingt-qua tre. Voici comment s'exprime le^ernier de ces «rnfeats: les aurres font concus en te" mes pareils,ou équivalents. ' Kous Jupêrieurc de l'immaculée con "ourg S. Antotne, cerüftons que la de *ofcU< Anne-Charlone Gardel, eft Z tree penftonnaire en notre mal/bi, eu l2den0Vembre^^Pendintlequel tonduue. Enfoi de quoi nous avonsfifné le prefent ceniftcat. Fan dans none C Oghihs, humble abbeffe. ,'Pfr V*98,^ la marquife de Béon s eft feparee volontairementde fon mat' PourferearereaLettaine.Cependai;  La demoifelle Gardel. 87 Ia dame de Beaumont veut perfuader que la demoifelle Gardel, nee le 7 mai 1700, a été la caufe de ce divorce. Telle étoit la défenfe de Ia demoifelle Gardel. Mais 1'ingénieufe interprétation qu'elle donnoit a fes lettres, ne tefta pas fans réplique de la part de M. Colehin. Les premières liaifons du marquis de Béon & de la demoifelle Gardel, dit-il, font de 1'année 1717- Le marquis alors vivoit, depuis plufieurs années, fépare de fa femme. La demoifelle Gardel, quoiqu'agée de dix-fept ans feulement, n'étoit plus fous la diredion de fes père & mère. Dans eet état de liberté, leur palfion nailfante ne trouva point d'obf- lac'e- • r c ' Les entrevues devinrent li trequert- tes, que le public s'appercut bientot de la caufe qui les produifoit. Perfonne n'imagina alors que la demoifelle Gardel voulüt travailler a la converfion du marquis de Béon > ni que ce füt pour cacher le mérite de fes bonnes ceuvres4 qu'elle s'enfermoit avec lui. Le fcandale, au contraire,, penetra jufque dans la communauté 011 elle s'eSoit choifi un afyle, Elle fut obUgee d e»  88 La demoifelle Gardel Pas 1 ïnconftance qui a p„ „ I Wr,™, d'0»e Boft ^STSS inexprimable & ur u  La demoifelle Gardel.^ 89 comment nous n'en trom ons jamais d'ot.eafions, que quand je ne me porte pas Hen. Venei toujours, dès que vous le pourrei>& peut-être en trouverons-nous. . . . Jefinis, en vous ajjurant que je 'vous aimerai toute ma vie avec une fidé* lid inviolable. J'ai toutes les impaüences du monde de vous voir. , r 1 r Pour fe procurer cette hberte fi dehrée, la demoifelle Gardel prit le partt de fuivre le marquis a fa maifon de campagne, dans le village d'Ivry. Elle ydemeura, avec lui, en 1714, pendant prés de fix moix. La,éloignee des importuns, elle ent un libre champ, pour faire connoure d fonpetit ami quelle avoit pour lui une vivacité & une tendrejfe inexprimable. Cependant le marquis commenca a s'appercevoir que fa fanté s'affoiblilfqit. Lavue d'une éternitc qui s'avancoit, commenca a faire de vives impreffions fur fon efprit. H parut dans le deflein de fe jetter dans la voie du falut. Le premier pas qu'il falloit faire y étoit d'éteindre fa paffion criminelle, & de rompre avec celle qui en étoit 1'objet. La demoifelle Gardel, qui penétroit facilement dans tous les mouvements du marquis, connut bientot  li 1 LA demoifilk Gardel entier j u • " conlacrar rout virs que I avoient été m,v jq i» o" auroit dit qu'elle »• de.lVnoar' Mus, comme ce n'étoit gu'un nou-  La demoifelle Gardel. 91 veau genre de féduétion, qui avoit pour objet°d'entretenir la paffion, fous les dehors de la verru, ce nouyel apótre nerfuadoit, en même tems, afon proféiyte que la religion n'exigeoit pas des facrifices aufli cruels, que Fauroit été celui de leur féparation. Elle lui faifoit entendre qu'elle ne pourroit jamais furvivre a une rupture aufli éclatante, Sc que la dévotion ne deyoit pas êtte pouflée jufqu'a 1'inhumanité. C'eft ainfi que, par un détour plein d'artifice, elle fe prêtoit, en apparence, aux fenriments pleins de picté qui commencoient a fe faire jour dans le cceur du marquis; Sc qu'en eftêt, elle ne ferYoit que fa paflion. Par-la fe concilient fans peine ces contradiftions apparentes qui éclatent dans les lettres de la demoifelle Gardel. L'amour Sc la charitc, la vertu Sc le crime s'y livrent une efpèce de combat, dans lequel ils remportent tour-atour la vicfoire. Mais tout cela étoit néceftaite pour lui conferver eet empire abfolu que fes charmes , que la paffion du marquis lui avoient procure. II n'étoit pas aufli facile d'en impofer a un direóteurfage, éclairé, inftruit de fes devoirs, Sc qui ne pouvoit s'accom-  92 La demoifelle Gardel faffion & de vertu. On Je trompa par «ne faafle confidence, qui mêmefapres tems dans quelques efprits, mais qui s eft enfin tout-a-fait diffipée. PJ4K «üwaeurferafluroir contre les m mures qm venoient jufqH'a Ju de Ja fidelited unefiJJequi ne guitton oref JuepmaisJe marqli, II V gnou en Wt ceux qui portoient dï fJL££ Ainfi Ja demoifelle Gardel a W tout a Ja fois & les hommes & S meme dans fes plus fidèles miniftres Apres tant de manéges, il n eft nas extraordinairequ-eJJefoftd;meur fuf! qu au dernier moment, feule maitriffie du marquis, & de tout ce qui lui tl partenoit Mais jamais fonLp eïa Reelat , °re ^marquK D'abord Ja maifea de fon .mari lui (0 J'expliquenri i>ien£öt cette éni-m-  La demoifelle Gardel. 93 fut fermée. On craignit quelle ne vou£t s'y établir. Le contrafte de deux perfonnes de caradères fi différents, qui fe feroient trouvées auprès du marquis, auroit été trop difficile a foutemr, Mais quand la dame de Beon eut fait affurer fon mari qu'elle n'étoit venue que pour le foulager, dans les rnoments ou il voudroit bien agréer fes fervices, fans pretendre lui être incommode, qu elie demeureroit chez une de fes amies, & ne le verroit qu'aux heures qu'il hu preicriroit, elle fut admife enfin dans a maifon , oü elle trouvoit la demoifelle Gardel qui lui en faifoit les honneurs avec beaucoup de politelfe. Ainfi l'époufe n'avoit pour elle que quelques rnoments rapides , pendant que la demoifelle Gardel dominoit feuie £ toute heure dans la maifon de 1'epoux, dont elle fit emporter même plufieurs meubles, comme les domeftiques lont déclaré lors de 1'appofition du fcelle. C'eft en eet état que le marquis eit décédé. Auffi-tbt a paru un teftament olographe, par lequel, après avoir laifle a la comtefle de Beaumont fa fceur un fimpleufufruit, qui ne pouvoit avoit lieu qu'après la mort de la marquife de Béon3 fuivant leur contrat de manage,  ^«fleala demoifeJle Gardel \, de» de la terre de BoutteviP- en A marquis prévovant ^1 e es obhgaaons qu'il a i eerte fille & Lr aorare. II vante fa vertu. Mais, ü elle eft ƒ pure poU„Boi donc , ^| t dieftc etT ^ dem°lfdle précautSn ^P^" Mais ceffixT?^6' *U'eIle a c™ néeenai.^ sejevec . "gardée comme une 1"' Iff P^uves defonindignict P * ^ Vn, |U1 a °PPofé cette indimité • on 4 cucs eclate par-tout Ie caractère de palÓ"5^ ? dj la plu, crimmelt Paffion. Etforabondammeut la comte/fe  La demoifelle Gardel. 95 ie Beaumont a articulé le fait d'un commerce criminel & fcandaleux, dont elle a offert de faire preuve. Meflieurs des requêtes, touchés de I* force des preuves écrites, ont cru qu'il étoit inutile d'approfondir davantage un fait fi bien établi: mais, au lieu de profcrire le legs abfolument, ils fe font contentés de le réduire a la fomme de 3 5 000 livres, dont ils ont adjugé les intéréts par leur fentence. La demoifelle Gardel a interjetté appel de cette fentence. Ce qui auroit paru une faveur fingulière a toute autre, eft une injure a fes yeux; c'eft une niche a fa vertu qu'elle ne peut foutenir. Elle demande fon legs fans retranchement, &c fans réferve. La comteftè de Beaumont, au contraire , foutient qu'on ne peut lui en conferver aucune partie, fans faire triompher le crime, & fans blelfer les droits des légitimes héritiers. C'eft ce qui Pa obligée d'appeller aufti de la même fentence. On ne répétera point ici les autorités Sc les arrêts qui prouvent que les tribunaux ont toujours profcrit les libéralités entre perfonnes qui ont vécu enfemble dans le défordre j que cette févérité s'eft  S)6 La demoifelle Gardel «endue jufque fur les actes dêmilés tous Ie nom de contrats de conmturion de venteS3&c. II n'y a lci que le fait 1 etablir ;&, pour eek, Hfuffiroit pref! que q mvoquer le fyfrème même de Ia -demoifelle Gardel. , EIIe co"yienr-que le marquis étoit epns pour elle de la plus viveSc de la plus forte paffion, Elle avoue encore iur elle des vues fi contraires a Ia vera, elk a ete hce tres -étroitement avec M , <5t le yoyoit tres-fouvent. Sa confeffion va memeplus loin, elle convient qu'ü 7 a eu de Pimprudence & de la légèreté dam fa conduite Elle a fait plaide* que k fagelTe etoit le fruit de ia matnnte^e lage & fbuyent même des f d { jeanefle. Mais en faut-il davantage pour laconvaincre, & pour établirPindignité quon lui oppofe? N'eft-ce pas if s'avouer coupable, & demander grace> ■ Car de prétendre que cette imprudence l a conduite jufqu'au bord du précipice, fans y avoir été entrainée: qu'elle ^eftexpoféeaumiiieudesflamms^mÏÏ qu elles Pont refpectée; qu'elle a tou! pursete agitée par les lempétes , Sc qu elle na jamais fait nanfia«; ce font fiie magnffiques idéés qui ne fe conci- lient  La demoifelle Gardel. 97 lient guère avec Ia nature. II faudrok que la demoifelle Gardel eüt eu en pattage une vertu fupérieure aux forces de 1'humanité, & que , pendant huit années, elle fe fut foutenue par un mira Je éJatant, contre un ennemi d'autant plus dangereux, qu'il lui étoit plus cher. Mais, pour en juger avec plus de certitude, il ne faut qu'ouvrir les lettres de la demoifelle Ga, del. On verra fi le crime n'éclate pas a chaque trait, & fi la violence de la pallion ne la fait paspalfer au-dela de routes lés hornes. On a déja rapporté ce qu'elle difoit au marquis dans une de fes lettres. On ne p^eut trop le remettre fous les yeux : Si mon amour vous eft cher )mon cher fis y vous de\ e\ être content de votre Lol tte t qui ne refpire que pour vous. Eloigne^ certaines indiffl-rences qui que'quefois me Jont beaucoup de peine , & font caufe de tous mes foupcons. Je ne demande pas mieux que de bannir la jaloufe ; mais n'y donne^ donc pas lieu , & vivons dans une parfaite intelligence Vous deve^ être perjuadé de mnn cceur} & que j'étois tout au moins auffi fachee que vous des vifitcs qui ne me quittoient pas; quand ce n'auroit été que pour goüter le plaifir d'un Terne VI, E  98 La demoifelle Gardel entretien fans témoins. Quand nous verrons-nous 3 & pourrons-nous trouver les moy ens d'afurer mon pent ami que fon. Lclo a.pour lui une vivacite & une tendreffe inexprimable , & le fouhaite avec une ar deur extréme} Mais je ne Sc Ais RAR QUEL MALHT.UR KOUS ne TROUrom JAMAIS D'OCCASJONS, QUE QUAND je ne me PORTE PAS BI ek. f^ene^ toujours des que vous le pourrt-r • peut-être en trouverons-nous. Si ce n'eft pas-la le langage de la paffion la plus criminelle, éaime concoir pas dans quels rermes on voudroit qu'elle s'expliquat. Ce n'eft pas la demoifelle Gardel qui. cède enfin aux attaques d'un amant enilammé; c'eft elle, au contraire, qui i'engage par tout ce qu'il y a de pius fedmfanr. Eile fait la jaloufe^, pour. rendre le marquis plus empretfe. Elle promet tout, pour ne point rebnrer par les obftacles. Ce n'eft pas a fa vertu., a fa réfiftance qu'elle attnbïie la- privation des entretiens fans témoins ; c'eft aux circonftances qui en détournenr les occafions. Et quel fens fionnête veut-elle que 1'on donne a cette phrafe '.je ne fcais var quel malheur nous ne trouvcnsja-nais d'occafions, que auani jane-mc paree pas bien} S'il neut été  La demoifelle Gardel. 99 queftion que d'enttetiens entre Lolotte èz fon cher fits, Pétat' phyfique de Lolottcny auroit apporté aucun obftacle. En un mot, c'eft elle qui engage, qui follicite , qui prefie, &, pour tout dire, qui fait feule les avances. Mais poifrquoi lui oppofer eette lettre ? Elle eft écrite dam un tems de légère'té &c d'imprudence. II faut la fuivre dans le tems de fa ferveur& de fon zèlé pour la converfion du marquis. C'eft-li qu'elle va dónner de grands exemples' de' retentie &c de fagefle. Rien dans le monde n'eft fï malheureux que moi, dit-elle au marquis. Vous me perce^ le cceur ; & fi vous cnntinuei d'être dans ta triftejfc qui étoit peinte hier fur votre vifage , j'irai eXpber d vos pieds : ctujfi-bien ëft-il impojfble de tenir a. tous les combats que vous me livre^, & que je me livre a moi-même ? Jen'ai ni paix ni' repos ; accablée de remords & de tendr'effe s que faire & que devenir ? Par ces termes, le pafte & le prcfent fe drveloppent également. Les remords annoncent le crime toujours préfent aux yeux: des coup'ables ; & la tendreffe qui fub fifte repréfente la paftiön dans toute fa vivacité. C'eft pour cela que, dans la fuite de Eij  ïoo La demoifelle Gardel. la lettre, on ne voitla demoifelle Garde/ o.cupée que du foin de retenir le marquis fous fön empire, fous prctexte de lui fervir de guide dans la route du falut. Je ne vols , dit-elle, qu'une alterrative ajfe-r crue/Ie d prendre-; c'ejl que, fi je perds tout efpoir de vivre avec vous, vous voir & vous rendre tous les petits Joins dont je pourrois être capahle; je n'kefte pas ; dans l'infant je' me jet e aux carmétites. Trop heureufe, ne pouVant vivre pour vous, de mourïr d tous les maux de ce monde-ci. . . , Si nous avions des tentations, ce ne feroit, au contraire, en réfijlant, que des fui eis de mériter, Voila, fans doute, une morale bien cKrétienne ; c'eft même un excès de gel nérofké bien héroïque : chercher les tentations, s'v expofer pour avoir la gloire d'en triompher! Ainfi parle une paflion faugueiife qui cherche a s'autorjfer contre les loix févères de la religion. Je revins hier, fur les cinq heurcs, ajoute la demoifelle Gardel dans la meme lettre, me mettre dans une pr0fonde retraite, pour m'abym r dans le defefpoir le p'us aff'eux. Voila ce que coütent les pajfions; beaucoup de peines  La demoifelle Gardel. lór pour jouir des plaifrs quelles promettent , & bien davantage pour s'en détacher, ou du moins pour Ls réduire d la raifon. Quelle étoit donc la caufe de ce défefpoir 8c de ces fureurs ? Ponrquoi ces réflexions tardives fur les fruits malheureux qu'on recueille de fes paffions ? L'innocence conduit-elle a de fi affreufes'fituations, ou même la fimple légèreré de la jeuhéüé produit-elle des fruits fi amers? 11 faudroit être biefi aveugle , pour ne pas reconnoure dans ces caractéres un crime confomme, qui agite d'autant plus la coupable, qu'elle ne veut pas s'en détacher tout-a-fait, mais feulement le réduire d la raijon ; c'eft-a-dire le faire fubfifter avec une vertu imaginaire, qui ne peut porter la paix dans le cceur. La demoifelle Gardel finit cette lettre, en affurant le marquis c\ii elle ne fera jamais d d'auires. Je vous embraffe de tout mon cceur, lui dit-elle, & vous aimerai uniquement, tant aue je refpirerai. Un apótre, qui s'explique dans des termes fi rendres, doit faire de grands fruits. Les converfions font fadles 4 opérer, quand on conduit le profélyte dans des routes fi fleuries. Les autres lettres font du même goüt. E iij  La demoifelle Gardel. *nfin, mon cher rol, je u fuis toui ce ^e tu as de plus cher au monde; tu m'en fvres; & tar.t que l'ame te bat tra dans le corps tu c&cheras d me le prouïer. U eft henjufte que je te rende U réciproque : je ne pourrois même faire autrernem: car ma undreffe eft p!us fone qu£ U eft vrai qu'elle prêche enfuite avec Je ton ie plus pathétique. Mais, pour faire fennx au marquis tout 1'eftort m$}k a fair fur elle-même, pour en Venir a cette morale, elle ajoute au elle fi* la première viclune du facrifice. J£ t aune affa pour préfirer tQn ^w f ternel au mien prefent. Tu n'ignores P*s que je t'aime plus que jamais; que je ne futs occupée que de toi. Ce nefl pas par inconftance que je te parle ainfi; car tout te leprouvera; tu n'auras qu'd ordonner de ma deftinée. Si tu veux que je/ots rehgieufe, pour te prouver que je ne ferai jamais d d'autres , je le ferai. 4*L, au contraire, tu me juges propre d tecrede quelque fat isfaction , je refter ai dans le monde, pour faire tout ce que tu voudras, pourvu que ce foit fans crime. Pour achever de donner une iufte iaee de fon état, il faut ajouter un derflier trait de la lettre. Songe que je fuis  La demoifelle Gardel. 103 ta première viclime de ce facrifice 1 que les pafiions font encore plus vives d mon dge qu'au 'tien , & qu'il n'eft pas bien facile de fe détacher de fon fils d'une ^ertaine ficm. ' Rapprochons routes ces idées^; & 1 on si'aura pas de peine a reconnoitre que la demoifelle Gardel avoit vécu dans un défordre confommé avec le marquis de Béon ; qu'elle avoit joui des plailrrs qne les palfions promettent, & qae c'étoit pour elle un grand facrifice, que de s'en priver. C'eft en cela, qu'elle fe leconnoït comme une malheureufe victime qui s'immole pour le falut du marquis. Elle ne retranclie ni les affiduirés, ni les marqués de tendrefle, ni les foins emprefles j ni même certames familiarités contraires aux régies de la bienféance. Elle eft toujours fa Lolotte, fon Lolo: il eft toujours fon cher roi3fon fils &fon ami ; elle le voit toujours, a toute heure : cependant elle fait un grand facrifice. Sur quoi donc peut-il tomber; fi ce n'eft fur les plaifirs criminels, que 1'état du marquis ne lui permet plus de goüter, & qu'elle retranche feuls ? Tout le refte fubfifte ; & c'eft ce qu'elle appelle fe détacher d'une certaine facon: détachement bien imparfait, 8c Eiv  104 La demoifelle Gardel qu ede vante cependant comme Peffori d une vertu héroïque. Le marquis de Béon penfoit d'une rnamere bien plus chrétienne. 1 Vo ! de L d™Ul0,^f^é^er abfolLent de Ia demoifelle Gardel. Vous êies h. -^/^luidifoit-ii paTTeTo QUdl" ^ Pas ce court panégynque ? Une rilk tee pouvoit-elle être mcomparihle avec f Pen"m-its de religion? Cependant e maiquis lui-même nous en afture. II ia connoifloit mieux qu'un autre • il ere entre eux avoit été criminel: il ne E^T^ -core purmis de ia voir. C'eft contré ce de/Tem, ft conforme régies de ia faine moraal de f' &nmalheure^ement avec tan£ de fucces .Que voule^-vous que 1'on dife m'y;:d7oap/us-fim^^^^ j>7 f • • • -i' / avois le choix ^P^Ie/éparaüon, ou de la mor " ™<« fis paJV.ons d laqueüe je Z  La demoifelle Gardel. 105 rébus, en faifant réfiexion que ce n eft pas une maüreffe qui vous rend heureux. S'il faut confentir a ne te plus Voir\ 'il efl bien fur que je n'y réfferai pas i & que rien ne pourra calmer ma. douleur; car tu t'imagines bien que tu me feras plus cher que moi-meme C'eft ainfi que la demoifelle Gardel combattoit les mouvements que la grace excitoit dans le cceur du marquis pour le forcer de rompre avec elle. Elle lui dépeint la défolation dans laquelle il va la précipiter \ elle ne pourra furvivre a cette féparation. Tout eft perdu pour elle, biens, honneur, fatisfaction & ft vie même. Mais, comme ces malheurs feuls n'auroient peut-être pas balance les devoirs d'une confcience allarmce, elle emprunte le fecours d'une piete contrefaite-, &, ne pouvant plas fcduire le marquis comme complice de les crimes, elle cherche a le captiver, fous prétexte de s'unir a fa pénitenee. C'eft le grand art qu'elle a feu mettre en ufage, pour fe maintemr dans une autorité abfolue fur le cceur & lur 1'efprit du marquis de Béon.. Ces lertres, quoique femées de quelques traits d'une morale épurée, s'ek-  ic6 La demoifelle Garde' vent aonc toujours contre elle &' i rent fa conviction. 3 °pc" fiveï 7 déC°UVre tr0is ™és décila demoiielie GWe/ co/7Jm, 'P^^ec  La demoifelle Gardel. ioj tions i malgré le murmure de fa confcience, qui exigeoit de lui une rupture fi néceftaire. La comtefle de Beaumont a donc 1 avantage de trouver, dans ces lettres , la preuve complette de 1'indignité qu'elle oppofe a la légataire. Le crime eft a decouvert dans les lettres mêmes que la demoifelle Gardel n écrites au marquis, depuis qu'il penfoit a fe convertir. Que feroit-ce, fi on avoit trouvé cette foule de lettres qu'elle lui adrefloit dans e tems ou ils fe livroient fans fcrupule & fans remords i la violence de leur paflion ? Si, après cela, il étoit encore permis d'héfiter, fi, par un exces de déhcatefle, on pouvoit exiger des témoignages encore plus précis , ce feroit le cas de recourir a la preuve reftimoniale qu'offre la dame de Beaumont; on 1'a toujours admife fur des faits de cette nature, fans que 1'on repréfentat meme des commencements de preuves par écrir. On fcait bien que les parnes qui vivent dans le crime ne vont pas chez des notaires dépoferdes monuments ae leur turpitude. On ne peur donc exiger de preuves par écrit, pour étabhr Pindignité-, & fi on étoit réduit a ce genre de; E V);  io8 La demoifelle Gardel. preuves, e crime triompheroit impu* «ment la févérité des Lh feroit tL jours eludée., fn^1^ ;fr/rrêt de 15 99, ü fut jugé, fevant M. Louet , que rfwi/L e,n ava"tpar U frère, pour annuUcr une donation faite par le teftament d une f^ante de laquelle le teftateur avoit *<■<r^ i'tAÏr meilleare; ciu'elle ne ,prit pas la peine de faire le yoyage. ö'autant plus qu 11 n wwi r« ^ v,.^ — de la recevoir, ni de la nournr. Mais la dame de Beon, qui avoit ptévenu '.cette kttre , arriva a Paris, le 1 9 juillet. Elle v-puiit fe rendre chez le marquis : on lui en refufa Pentrée. Des perfonnes de condition s'entremirent, pour faire celfer le fcandale. Mais le marquis de Béon vouloit abioJument que fa femme s'en retournat. C'eft ce qu'il marqué dans deux lettres, dont Pune eft écrite a la marquife ellei-même. li lui reproche.qu'elle veut faite 'jouer des intrigues. Scènes a notre age font toujours ridkules, lui dit-il, * • ■ je ne fuis pas encore mort, malgré les envieux. Quelle reception, pour une femme vertueufe qui part des extrêmités du royaume, pour voler au fecours d'un mari mourant ? Enfin la paix fut concilie le 15 juillet: les conditions de ce traité furent que la dame de Béon ne verroit fon mari qu'aux heures qu'il ju-  tr6 La demoifelle Garde!. geroit a propos; qu'elle ne logeroir poins chez ui; qu'elle fe retireroic aullï-tót qu il le defireroir, & que tour fe pafteroic dans une paifaite tranquillité.. La marquife fur ridelle i fes paroles, Elle a vu lademoifelleGWe/.fans exciter d'orages. Ce n'étoitqu'a ce prix qu'elle avoit eu la liberté de voir fon mari. £toit-il tems d aller donner des fehnes 3 d'aller porter le trouble dans 1'efprit d'un homme expirant, & de le défefpérer? La marquife s'ert conduite comme une femme fage, qui fcait selever au-delfus de eertaines indirférences : & elle n'eft pas la première qui a en alfez de modération pour embrafter la maltrelfe de fon mari. A Pégard de la dame de Beaumont, on ne concoit pas comment on a p» rintrcduire fur la feène , & tirer avantage de fon inadion. Quel caractère, quel mtérêt avoit-elle pour.agir, du vivantde fon frère? D'ailleurs, fi elle avoit été tentée de faire un éclat, 1'exemple de fa belle-foeur étoit pour elle une loi qu'elle devoit refpecter. Ces t?moignages impuiiTants feroient d ail]eursfortinutiles,s'ilsannoncoient comme on le fuppofe, 1'innocence de la demoifelle Gardel. Que toute la terre  La demoifelle Gardel. TI7 parle en fa faveur, fi elle fe condamne elle-même j fi fes propres lettres annoncent fon crime, fera-t-elle, pour cela, juftihée? Elle aura, fi 1'on veut,furptis, par fes airifices, tous ceux qu'elle avoit intérêt de ménager: mais elle n'a pu ni fe féduire, ni fe tromper elle-même. Son cceur livrc ï une palfion criminelle n'a pucontenir les mouvements dont il étoit agité. Son témoignage eft irréprocbablé; il n'eft plus permis d'en propofer d'autres. On finira par deux réflexions : 1'une que, fi le legs de 70000 livres avoit lieu , la demoifelle Gardel emporteroit feule' tout ce qui peut refter dans la fuccellion, les charges acquittées; &, fous U nn-e modefte de légataire particu- y lière elle feroit véritablement 1'héri- riere du marquis. L'autre, que par le contrat de mariale des fieur Sc dame de Béon, 1'ufufriut des propres du premier mort ap- ■ . ... Vnfnrrr* nn'avnnt partient au 1u1v1vd.uL. -!— : donné a la demoifelle Gardel le tiers de J la -terre de Boutteville chargée de eet 1 ufufruit, elle ne pourroit jouir du revenu de fon legs pendant la vie de la marquife de Béon: eüe n'en auroit, juf-  n8 La demoifelle Gardel qu'aii moment de la mort de cette dame • que Ja nue propriété. ' Mais ces réflexions font furabondantes ; le legs ne peut fubfifter dans- aucune partie. Le crime n'eft plus équidSéS TCn§eance«'en doit pas être Qe 1'on cherehe. ï- exciter de rendres fentiments fut une fille qui eft alarmée pour fa gloire, & qui demande qu'on ep.ug.ie un arrêt qui fera un monument eternel de fon infamie : ces images rouchantes font propres fur Ie théatre a emouvoir un fpedareur qui cherehe a devenir fenfible. Mais on ne connoit point ces foibleffes dans le fanctuaire de la juftice : une faulfe compaffion n y defarme pas les magiftrats: il faut que le coupable potte la peine de fon crime. C'eft une juftice paf rapport a lui • c'eft un exemple néceffaire, par rapport aux autres. M. Gïlben de Foifms (i), avocat«*rf, dom Ia mère étoit feu/du clèbS?  La demoifelle Gardel. 119 r 1„ n^i-nl/i /-lonc rprrp af- ; generai, punn m f"u — .—, . faire. Dans un mémoire imprimé, qui i parut dans la fuite fur ce procés, on at- tribua a ce magiftrat une idéé fort fin-. gulière. On lui fait dire qu'étant prouvé ; que la demoifelle Gardel étoit 1'auteur ■■ ós la converfion du marquis de Béon „ 1 . ; \ r ■ - f„n:«r. Sc l ayant porte a raire une uv»t*c»«*«» générale, & fes paques, elle devoit être mife au rang des diredeurs & confeffeurs, qui font regardés comme incapables de recevoir aucun legs de leurs pénitents ; d'oü il conclut a la nulhté de celui que la demoifelle Gardel récla- moir T'oï Kp^nrrdindeoeine a croire qu une idéé auffi fingulièreaitpu être employée par un magiftrat auffiiclairé Sc auffi judicieux. M. Augeard (i), qui, dans fon Uau : »nfi eet illuftre poëte étoit grand-oncle du maciftrat dont il s'agit ici. II a ete fuoCdfe vement avocat du roi au chatelet, cpnfeiller au conleil royal des finances fous la regence, avocat-eénéral au parlement, en 1718 j li ie démit de cette charge en 1737 i fut fait confeiller d'état en 1-40, & eft mort en 1769 doven du confeil, & confedler au confeiL des dépêches. Ses talents, fes lumieres & & probitè lui ont acquis un rang d.ftingue parmi les magiftrats illuftres. (!) Matthieu Augeard, avocat au pariet  tio La demoifelle Gardel recueil d'arrêts notables, a donné le précis de cette affaire, rapporte que M. Ollbert de Voifins dit que la preuve de 1'indignité de Ia légataire fe trouvoit completre dans fes lectres , & que le crime étoit a -découvert dans celles-mêmes qu'elle avoit écrites au marquis de Beon, depuis qu'il penfoit a fe convertir: qu'ainfi il n'étoit pas befoin de recourir a la preuve teftitnoniale offerte par la comtefle de Beaumont; Sc il conclut i la nullité du legs en totalt té. II ajouta que fon miniftère ne lui permettoit pas de conclure autrement; mais que la cour avoit fouvent, en pareille occafion , accordé aux légar ires quelque fomme,01 penfion viagère; & qu'il dépendoit d'elle d'ufex de la même bonté enversia demoifelle Gardel. Cependant, par arrêt du 21 février $7,17, la fentence dont étoit appel fut ment de Paris, recu en 1703 , mourut es 1-75 3- '1 a conirgné la preuve de fes talents pour la jurifprudence dans un recueil d'arrêts «owWej, qu'il «rédigés pour fervir de fuite au journai du paUs. Cette fuite ne dépare point 1 excellent ouvrage qui 1'a précé'dée. ia dern ere édition, heaiicoup plus ample que la première, eft en deux volum. in-fil. 1750, lar les inanufcnts trouvés après fa «aart, r iniirmée j  La demoifelle Gardel. ïli kifirmèe; le legs fut déclaré nul en totaliter & la demoifelle Gardelcondamnée aux dépens. Elle fe pourvut en caffation. Trois écf ivains prirent fa défenfe. M. de Sacy (i) foutint, dans une confultation imprimée, que la demoifelle Gardel, flétrie par 1'arrêt rendu contre elle j arrêt qui (i) Louis de Sacy, avocat au confeil, fut requ de 1'acadêmie francoife en 1701. La traduftion des lettres de Pline le jeune, dont il donna les quatre premiers livres en 1699 , & les fix autres deux ans après, lui valurent eet honneur. II y joignit, dans la fuite, le panégyrique de Trajan. II a bien connu & a rendu les beautés de fon auteur. Nous avons encore de lui un traité de L'amitii; un traité de la gloirc i enfin un recueü de faélums, & d'autres pièces en deux volumes in-40. Son ftyle eft pnr & élégant; il a beaucoup de fineffe < dans fes penfées , & d'élévation dans fes fentiments. On lui reproche un pen de penchant pour répigramme & pour 1'antithèfe: il avoit puifé ce goüt dans Pline. II n'avoit pas moins de talent pour la jurifprudence, que pour les lettres. Mais, moins livré a fon cab'net qu'a la fociétè, oü il s'étoit re|idu aimable par la douceur de fes manières & de fes mceurs , il ne laiffa a fes enfants que 1'honneur d'avoir eu un père auffi illuftre. 11 mourut en 1727, agé de foixante-treize ans. Son oitvrage pour la demoifelle Gardel parut quinze jours, ou environ, avant fa mort. Tornt FI. F  122 La demoifelle Gardel. 'lui ótoit, en même tems , 1'honneur Si les biens, n'avoit d'autre reffource, 8c d'autre efperance, que dans la juftice du Roi. 11 eft fans doute important a 1 erat 8c a la tranquillité des particuliers, que les procés prennent fin; & qu'il ne dépende pas des chicaneurs acharnés de les rendre étetnels, en paifant fucceffivement de cribunaux en tribunaux. C'eft dans cette vue que les cours fouveraines ont eté établies. On fe pourvoit devant elles en dernier reffort; & leurs décifionsfont ordinairement le tetme au-dela duquel la chicane n'a plus de reffource. Cependant, il faut 1'avouer, le mal feroit encore plus grand, fi onautorifoit 4es arrêts qui auroient manifeftement violé les loix les plus fages, & les principes de la juftice les plus certains: 1'autori.té royale feroit renverfée dans fes fondements, & la tranquillité pubiicjue n'auroit plus d'appui. Cette affaire n>ft pas la caufe pérfonnelle de ia demoifelle Gardel; c'eft la caufe du public : le repos des families dépend totalement de 1'obferyation des loix que 1'arrêt a violées. Lapremière decesloix eft que la vie, llionneur, les biens des citoyens qui  La demoifelle Gardel. 123 vivent dans Pinnocence foient en füreté, & qu'on ne "puiife les dépouiller des dons qu'ils ont recus de la nature & de la fortune, que pour des crimes dont ils feront convaincus par des preuves plus claires que lejour. La feconde loi, eft que ceux qui débauchent des filles de familie mineures foient rigoureufementpunis , au moins par des condamnations pécuniaires, qui tiennent lieu aux infortunées victimes de leur paffion d'une forte de dédommagement du préjudiceinfini que la féduótion leur caufe. Si Pon fe départ de la première de ces loix, & qu'a la place de ces preuves plus claires que ie jour, on fubftitue des conjecftures, il n'y a point de citoyen , de quelqu'état qu'il foit, qui, en fe conformant aux loix de la fagefle la plus citconfpeóte , ne foit expofé 2. fe voir puni comme un malfaiteur. On n'aura même pas befoin de corrompre des témoins, pour dépofer contre lui. Pourra-t-il fe promettre d'êrre affez heureux , pour qu'il ne fe trouve poinr matière a des conjedures fortuites , a de funeftes apparences, même a des préfomptions qui conduiront a le condamner comme co*F ij  124 ^a demoifelle Gardel. pabïe d'un crime qu'il n'aura point commis ? Quand on prend des préfomprions pour la bafe de fon jugement, on s'expofe a opprimer 1'innoeence, & a faire triompher la calomnie. Sans en aller cheaher des exemples dans des tems teculés , onena, depuis trente-deux ans, deux dont la mémoire fe confervera long-tems dans ce royaume, Sc qui excitent encore un frémiffement d'horreur , quand on fe les rappelle. L'un eft celui de cVJnglade; 1'autre celui de le Brun. Tous deux condamnés par différents arrêts; tous deux juftiriés par la découverte des véritables coupables, ont fait voir combien étoit énorme Sc funefte l'abus de s'autorifer fur de fimples conjecftures, pout ravir, 3, tm citoyen , la vie , 1'honneur Sc les biens. Dans 1'une Sc dans 1'autre de ces affaires , les conjeéftures paroiffent li naturelles Sc li preffantes , qu'aujourd'hui même que la fauffeté en eft avérée, on a peine a comprendre comment il fe peut faire qu'elles aient été trompeufes. En vain dira-t-on que, fi 1'on necondamnoit que fur des preuves tvidentes, pn tavoriferoit 1'impunité des crimes .*  La demoifelle Gardel. i%j & 1'on feroit la dupe de la précaution que les criminels prennent pour les ca- de deux. La demoifelle GW,, n»a dorc pu etrejugée coupable, qu'en fuppofant que le marquisPétoit auffi. Or commeS juger legicmement atteint d'un crime unmort qui eft ace ufé, mais qui n'eft point defendu? Otera-t-on Phonneur aux vivants & aux morrs, fans une inftrudion civ.le & criminelle ? On s'eft contente de les préfumer criminels: & apres leur avoir öté tout moyen de fè /uft.ner,oniesacondamnés. Qu on ne dife pas que 1'arrêt ne fait ftrnpiement cue débouter la demoifelle cnoï ilf0ille§s'^exprimer autre > i qUe C6tte Fononciation, wutefimple qu'elle eft, necondamne pas Ia memoire du marquis ? Ne le déclare-t-elle pas eouvaincu d'adultère , yffi-bien que la demoifelle Garden ^ luiote-t-elle pas également 1'honneur 8c les biens ? Le teftament n'étoit point attaqué ü „e s-agiffoit, entre ks pames que de fcavoir ft la légataire etoit indigne de fon legs, par un con cubinageavec le teftaS hlle J°£. We de ce legs. Donc 1'arrêt déclare teftateur * elle convaincus d'adul-  La demoifelle Gardd. 12? tére. Donc il ravit a la demoifelle Gardn fon honneur & fes biens Ces confequences évidentes font renfermees dans cette fimple prononciation de i arrer. Voyons fur quoi porte cette crnclle condamnation. Sarles lettres de la demoifelle Gardel. Premiérement, la quatneme de ces lettres , que la dame de Beaumont a tart imorimer, n'a point été reconnue par a demoifelle Gardel. Elle n'a donc pu fure aucunefoi contre elle, f«vant 1 ordonnancedei667,"tre XII, art. 5 , 6 & 7- & 1'éditde 1664, art. 1 & «. 7'Secondement,aucune de fes lettres n'a été conttèléei & par confequent, fuivant 1'édit du controle du mois d oc- Sbï Ir7o5;art.i^,il^P^t ete permis de fefervir de ces lettres contre elle , ni aux juges d'y avoir aucun egard, fans enfreindre formellement eet edit, quiprononce la nullité des jugements qjiPcontresiendront aux difpoiitions au'il contient. rr q Troifièmement, qu'on hfe & rehfe ces lettres, on n'y trouvera que des lentiments j & , qnand ces fentiments feroient accompagnés de defirs , ce qui ne paroit point, elles ne feroient d aucun ufage, fi elles ne prouvoient pas I IV  "8 La demoifelle Gardel £n efFet le deiir n'efl- i • a P'- oumotslc °nf£Jivre tanon on pA- rJiICI> qu une ren- 1W „e font '„ ' f n™"e"ts de ver, par « tC^^ des fennmenrs & des ïef»t ' j -r,oudecesrourtre:feXtr qm ne pe ent , J ^ nte par une perfonne innocente 7 trefl.1' par.^fmPIe' fl dans "s let-  La demoifelle Gardel. 129 r „„; ne s'v eft point expolee, ^le^con^eune^uvo dUMÜsnennaPprochedecesidées-U i tl lettre» dont il s'agit : on y daI1S lin des idéés toutes contrai- oue Par le tour malin fous lequel on es ïor&ées. On les leur a fait regaraer rok rendue rnaitreffe du cceur & qui Xrpusenrendreniaurelfefansal- rérer la pureté des mceurs. Comprendra-t-on comment, ces let « nTfourniffant que la «ompeufe , ,:^A„rM_ les uiaes "r^naelquesconjeaures,les,uges n'ont pas cherchi la U quête? lumière d'une en- !!;e"„ 1 >..:A^r nii'onn'a pu,fans 1 elt aonc cvm»-»' -1- - . • Se Gorrf*/ convaincue d'un commerce d6Maf Sofons que la demoifelle Y vivoit même encore, lorfque le mar une conféquence inclifpenfable, qu elle ait été fcduite par le marquis. Cai, a quelque excèsVe portée, elle n'a pas ofe due que  P° -Aa demo1 felle Garde/ demo^elle Gardel & (oitanhn ■«n autre. oubliee avee des lok & d» „rJ d"pohtioa Jroit public Mrra„ce "e J I La demoifelle Gardel unpimérhant fubornées r»r feroir afT~* "uornees par qiuconque confondroitpointavec Jes ^ ^ ^ elt un cr'me continué: par ex,„ / " en 6veurd'„„e fille ti j °"  La demoifelle Gardel 133 vérité, que, malgré Péducation & les principes de vertu que la demoifelle Gardel avoit recus, le marquis eut fait fuccomber fa pudeur; ce feroit précifcment le cas de la féduótion d'une fille de familie, mineure, dont on a furpris la vertu dans le tems qu'elle n'étoit point fur fes gardes ; dans le tems que la fragilité de la jeunefle & de fon fexe Pexpofoient a toutes les impreifions qoe pouvoit lui donner un homme trèsverfé dans Part de la fédudion, un «rand feigneur, un bienfaiteur & un proteóteur. Ce feroir un excès de maliginté cruelle, de donner a une telle fille fe caraétère de concubine. Il faudroit donc condamner le marquis a une peine pecuniaire. Avant 1'arrêt rendu contre la demoifelle Gardel, elle pouvoit fe pafler de ces défenfes : elles étoient très-inutiles a une perfonne qui, parlant le langage de la vérité confirmée par fes lettres, foutenoit qu'elle avoit toujours été innocente & irréprochable. Mais elle fe voit $ préfent obhgee de dire que, dès que les juges fe font determinés a décider qu'elle avoit vecu dans le crime avec le marquis, & que , par conféquent, elle avoit été fédiute,  134 La demoifelle Gardel ils n'ont pu s'écarter de la loi qui condarane le feducfteur eu des peines pécu«aires, & des dommages & fc&fi Site"0"11" * k qUallté de k Perf°nne En un mot, après avoir regardé cette affaire fous toutes les différentes faces dont elle eft fufceptible, on trouve Ou la demoifelle Gardel n'a point vecu dans un commerce licencieux avec le marquis, 011 elle y a vécu. Si elle n'y a point vecu 1'arrêt qui lui ore fon honneur&fon bien tombe néceffairement, feure de monffurlequel il puiffe être Protegent 1'honneur & les biens des ci- royens- Oriln'yaaucune P^uve juridique du prétendudéfordre de la den-felle Gardel. Ons'* attaché pour J Fger a des préfomptions puifées elles prefentent tout au plus 1'idée d'un vrf attachement de part & d'autre mak on n'y remarqne aucune tracé de ceTa ! rachements malhonnêtes 5c illieices  La demoifelle GardeL 13^ Si 1'on veut cependant que ces deux perfonnes aient donné carrière a leurs defirs, 1'arrêt doit être caffé, paree qu'on tloit confirmer le legs, non comme une libéralité qui lui a été faite par le marquis , mais comme un jufte dédommament qu'il avoit fixé lui-même de la fubornation d'une fille de familie mineure. Méprifer en ce point Pordonnance , Sc autorifer 1'impunité des rapts de fédueftion , c'eft facrifier 1'honneur Sc le repos des families a la paflion de tout homme qui ne connoit pas d'autre principe ; c'eft ptécipiter dans le crime ceux que la loi contient. Enfin c'eft mettre Ia ttouble, le défordre Sc 1'infamie dans les maifons les mieux réglées Sc les plus bonnêtes. Ce fyftême dè défenfe eft ingénieux Sc folide en même rems ; Sc peut-être que , fi la demoifelle Gardel eut été moins attachée a 1'idée d'une vertu intade, & qu'on eut propofé ce dilemme au parlement, toute 1'éloquence de M. Cochin auroir eu de la peine a lui arraeher la totalifé du legs. Mais il faut convenir que les lettres de cette fille laifleront toujours dan&  136 La demoifelle Gardel. 1'efpricau moins beaucoup d'incertitude iur la pureté de la demoifelle 6We,\ On lui demandera toujours, & elle aura toujours peine a exDÜquer honnetement ce que c'eft que ces remords & cette tendrelTe quivl'accabioient en meme tems. Ce que c'eft que de fe détacher de fon fils d'une ceriaine facon '■ ee que c'eft que ces occafions qui ne fe rencomroient que quand elle ne fe porton pas Hen. r Deux autres plumes prirent Ia dérenle de la demoifelle Gardels après ia mort de M. de Sacy. Je ne parlerai point des moyens employés par Ia première. L.e" etolent que de vains & foibles fophifmes, qui ne peuvent fixer 1'attentmn un mftant, Sc qui paroiiTent même puenles, après les raifonnements eloquents & nerveux qui avoient fubiugue les fuffrages du parlement: & les moyens adroits & raifonnables mis en oeuvre par M. de Sacy. Je ne parlerai du rroifième écrivain qui fe mit fur les rangs, que pour donner un exempiedu plus parfai- ridicule, Voici deux morceaux de fon ouvraae qui feront juger du refte. Les confrères de M< Cochin, dit-il, le eondamncront,  La demoifelle Gardel. 137 pour avoir brifé, dans Ja fureur, une de ces fioles fatales qui renferment chacune feptplaies t contre le teftateur, contre la l/Jaire, contre le direcleur, contre la religion, contre la vérité, contre le vrajfemblable, & contre lui-meme. Les voila. bien toutesfept. Quel bonheur que leraifonnement,lesfaits & P évidente putfent guérirfixde ces plaies ! Celie qui eft échue d M< Cochin, eft incurabie. Enfoncons , dit-il ailleurs, l'imvofture jujJque'dans le ccntre de la honte. Dart autre endroit, il fait une longue cuflertation fur la différent* qui eft entre le pêché mortel & le pêche veniel;& met l conttibution/^ Thomas Jamt Greeoire famt Francois de SilsluUonnW,le dégout qu'elle Sneu pour unman qui avoit:?lus de S-ans plus *rtU-£ » nè t i quitter la ^^X; F e revint a Paris, vecuc a.v<- J. 0,i a iuiauauAu>' „ . . ^piment „nWdececnme.pen- dant trois mois. ., » Ouant au Geur des Ferneres, ü ne Vjuant *u 0frmmeaui,danï d'honneur, & "s s eu rr  fervante qiu fi oit ès ^ £ e ™ilfe Ie dos toI™é * lacheminée. Le vicaire «Ppercut une marmite dans laauelTe fe r« fe promettoit bien de manee^ ? de ne plus trouver fon pot^feu H lpa£^ dit le near^F^t *7P°lnt> leurr il me le paiera . ' ^ V°" tenant-criminei de xManïJT • ue iYlantes, pour rai-  Les Juges de Mantes. 143 fon d'un vol fait en fynaifon, tant d'un grand pot de beurre d'environ feize livres , que de plufieurs morceaux de yiande de porc falé, d'une quarte Sc ! demie de fel, & d'un pot de graiffe. La plainte portoit que ce vol avoit été I fait par un trou pratiqué a la mu- I raille. Sur cette plainte, le fieur le Beeuf, ij Heutenant-criminel, permit d'informer, I Sc même de publier monitoire. II fut 1 publié. II réfulta de 1'information, enI tr'autres chofes, que les provifions vo; léés s'étoient trouvées chez le fieur des '■• Ferrieres; qu'il les avoit reflerrées dans ' fa cave, qu'il en avoit fair manger a fa table par fes amis; qu'un de ceux qui en avoient mangé lui ayant demandé ou il avoit achete le beurre Sc la graifle, il répondit qu'il les avoit fait acheter a Pacy, par une femme qu'il nomma. La même perfonne ayanr demandé a.' cette femme de qui elle avoit eu ces denrées, elle répondit qu'elle n'avoit rien acheté a Pacy, & qu'elle n'en avoit tien apporté pour M. des Ferrieres. Cependant Paffaire pouvoit devenir férieufe : ie vicaire n'entendoit pomt tadlerie : le vol étoit confidérable pour un prêtre de village réduit a une por-  144 Les Juges de Mantes. tion congrue de i 50 livres par an. Oii 1'avoit privé d'une provifion fur laquelle il avoit compté pour long-tems, & que fes facultés ne lui permettoient pas de remplacer. Pour Pappaifer, Marie Menu, nouvellement mariée a Adrien Aumont , chargea fa tante de por ter vingt-cinq francs au vicaire. Cette reftitution 1'appaifa, & Paffaire fut affoupie. ^ Mais Ie procureur du roi en la maréchaulfée la réveilla en 169 5. U rendit plainte, le 27 juin de cette année, contre le fieur de Saim-Cheron, rils du fieur des Ferrieres, Sc 1'accufa d'avoir enlevé fa coufine germaine, d'en avoir eu des enfants, d'avoir abufé de Geneviève fa fceur, & d'avoir fupprimé les enfants provenus de ces deux inceftes, & de plufieurs fairs de violence par lui commis dans le canton, au nombre defquels étoit le vol fait avec effraction des provifions du vicaire. Cette dernière circonftance rendoit Paccufé jufticiable du prévót de la maréchauflee, aux termes de Partiele 12 du tit. 1 de Pordonnance de 1670, qui attribue a cetre jurifdicbion, exclufivement &c en dernier relfort, la connoiffance des vols commis avec effraction ; Sc  Les Juges de Mantes. i & de Tart. 13 du tic. 11 de la même ordonnance, qui veut que les mêmes officiers connoiflent des autres crimes I dont pourroit être accufé celui qui eft i atteint d'un cas prévötal. 11 faut encore obferver que les officiers de marcchauftce ne font pas juses I de leur compétence. Lorfqu'ils fe font I taifis d'uh accufé, ils doivent retourir | au prélidial dans le reftort duquel ils I font, pour faire dé.ider, fans appel, fi 3 les crimes dont eet accufé eft prévenu 3 font de la compétence du prévot, ou de I celle des rribunaux ordinaires. En conféquence, le prévót de Mantes < fit juger fa compétente par le préfidial de cette ville , qui par jugement du 4 I juillet 1695 , luiattribualaconnoilfiance I des cas dont le fieur de Saint-Cheron étoit accufé. Dins le cours de 1'inftrucftion, le fieur 1 dès Ferrieres fut chargé d'avoir commis : le vol fait au vicaire par le miniftère de M.irie Menu. Le même jour que lacompérence fat jugée , il fut décrété , & arrêté. Aucun des accufis ne rétlama contre le jugement du préfidial, & ne fe plaignir de la compétence qu'il avoit attribuce aux juges de lamaréchau(fée,qui, Tomé FI. G  i 4n ii-Jie les perfonnes qu'il cönceme quautanr qu'il leur eft notifié par Ia voie de la ngmhcarion : jafqu'a ce moment,- elles peuvent s'excufer fur ce qu ches n en avoient pas connoiffimce. U apres ces principes, les officiers de Ia maréchauffée de Mantes pouvoient dans intervalle de tems qui s'écönla enrre je^ feptembte & ie premieroctoDt- I69S, continuer la procédure qu'i's entametent contre ie fleur des Ferrieres.  Les Juges de Mantes. 15 3 I/appel qu'il avoit interjetté au parlement avoit pour date, il eft vrai, la première de ces deux époques; ils ne purent en avoir une connoiftance legale , que par la ïignification qui leur en fut faire le premier oftobre. Anm la plainte rendue par le procureur du roi le 6 feptembre 1698, 1'mformatioh qui fut faite en co-nféquence , le z i du même mois, & le décret de priie de corps prononcé le 28 fuivant, n'avoient rien qui péchat contre les régies de la procédure. . , Mais Temprifonnement execute le 11 novembre étoit un arrentat a 1'ordre judiciaire, puifque la fignirication du premier oéïobre précédent avoit jüiidiquement appris a ces officiers que le parlement étoit faifi de 1'afTaire, par 1'appel qui lui avoit été défcré. Le grandconfeil étant conftitué juge de la compétence des préfidiaux & des marechauftees, ils devoient recourir a ce tnbunal, lui expofer leur compétence, lui rappeller que le parlement n'étoit pas le tribunal oü fe devoient porter lts appels de leurs jugements ; attendre la décifion, & cependant furfeoir leurs pourfuites. f Mais ces officiers, aveugles par leur Gv  *y Les Juges de Mantes. paffion, franchirenc Do„r Krr • toutes les règIes de L' ftrinW r j . Pr°cedure & de «t le heur rf„ Ferrieres, Iers de 1 Wer «gatoire qu'on lui ft ffibir le [ no refufa de répondre devanr le p ev0L «end-u, du-d, que fa qualité SI in-' nlhomme 'exemptoit de Ia furifdief on dela rnaréchauffiée,&que;, dïl eur" ^^^^^^ msrCe:ssd"R°r b- que le p£2?ig ©>£  Les Juges de Mantes. 1? $ protefta de nouveau contre 1'interrogatoire & la confrontation. Ainfi il fie celToit de rappeller a fes juges leur devoir. ,.. Ces avertiffements réitéres exciterent enfin 1'attention du procureur du roi. 11 imagina, pour colorer fes perfécutions, de fe munir d'un arrêt du grandconfeilqui, fur une requête préfentée le 7 janvier 1690, ordonna, le même jour, que, fans avoir égard a 1'appel mterjetté au parlement par le fieur des Ferrieres, & a tout ce qui avoit fuivi, la fentence rendue au préfidial de Mantes le 4 juillet 1695 , concemant la compétence de la maréchauffée, feroit exécutée felon fa forme & teneur; qu'en conféquence le procés qu'elle avoit commencé contre le fieur des Ferrieres , feroit continué j fauf audit fieur des ferrieres a fe pourvoir par les voies de droit. Cet arrêt rendu, comme on vqit, lur une fimple requête, ne pouvoit être connu ni juridiquement, ni autrement, par le fieur des Ferrieres^ puifque la requête ne lui avoit pas été commumquée. II n'en pouvoit donc avoir connoilTance que par la fignification ; il ne pouvoit donc produire aucun eftet contre lui,fans cette formalité. D'ailleurs, G vj  l$6 Zes Juges de Mantes. cette claufe qui y avoit été ajoutée : fauf «udafieur;des Ferrières afipourvoirpt tes tes de droa, lui conffrvoh Ia faculteden arrcter I'effec paria voie oppofmon. Cette claufe même, qui avoit ete aputée du propre mouvement du rnbunai:, donnoic afcz a connoü qu il voulou etre mftruit des moyens qui avoient porté I'aceufé a fe pourvoir lWzt°f>£ COMoi^ce de latere. Lhumamce avoit fai? ftatir qa il n etoit m jufte ni naturel, de laiffer alier une procédure dont l'aecuféfe Plaignott &olrils'agifro1tde favie. Cependant le procureur du roi, qui craignoit que celui qu/il vouloit perdrp ne pro^t de cette claufe pou^ cher de fes mams, tint cet arrêt fecret. • 12 du meme rnois, il fit procéder i V noilveau récolement;& le I? ü mot ^™5;eIksétoienta^ Le fieur des Ferrieres, qui ig„oroic ce qui s^tou pa/Té au gnrd-con?eif & qui penfoir bien qu'a Mantes, on n'é p^gnoit contre lui ni la vivacité ni Ia XTo 3 P°f-e'^ «vei ettort, pour que Ie parlement Ie prit  Les Juges de Mantes. 157 réellement fous fa proteftion. Le 17 janvier 1699, il interjetta appel de nouveau , & demanda permiiTion, en outre, de prendre a partje, en leur nom, le procureur du roi, & le lieutenantcriminél de robe-courte. Cet appel fut lignitië aux parties dès le 19 ; avec 1'arrêt qui ordonnoir que les parties viendroient a 1'audience au premier jour. Mais tous ces efforts étoient fuperflus; les juges de Mantes avoient juré de le perdre, a quelque prix que ce fut, Le procureur du roi avoit dit hautement, & répété plufieurs fois, en parlant du fieur des Ferrieres ; il faut qu'il mus reccnnoijfe pour juges ; qu'il fe defifte de fes pcurfuites 3 & de l''appel de Ja. faife réelle de la terre ; & on le laiJJ'era fortir: finon la pelote grcjfira, & on le pendra comme Jon fils, après lui avoir Jaitjon procés comme a un muet volontaire. Plufieurs témoins déposèrenr, clans la fuite , avoir entendu ce propos mot pour mot. Ce qui fe pafloit a Paris, tant au parlement, qu'au grand-confeil, inquiétoit ces ajtonftres revêtus de la quahté de jugelBferaignoient que le cri de Pcquité sMe Phumanité .ne déterminat enfin 1'autorité a leur arracher leus  ï$ 8 Les Juges de Mantes. proie. La précipitation feule pouvoit Ia ment dc la confommarion de leur projet. Lorfque le procureur du roi fut inftrait que toute la procedure étoit achevee, & qu tl ne falloit plus que le tems ZoT aïahare.un opport quelconque, tl fongea ' Poutmettre ]a compétence al abri de to t reproche apparent, il falloit Pau- «onier de 1'arrêt du grand confeil du 7 janvier qul avoit ordonné la conti- SpdV6^ Pr°-d-, nonolXm 'appel porte au parlement. Mais il fcavoir auffi qu'un arrêt qui n'eft pa feffie nepeat produire d'effet, &eft ace moment, comme non-avenu. Voi_i la tournure qu'il prit, pour pa=o:tre avoir rempli cette formaHté. Le pTahr,lihc%lin^«t arrêt, non pas al accufé en perfonne ; c'auroit été jrrendu la c aufe qui tautorifoit A fè ter la r T PU ^ «H^our arrê- S„?fi e?SCe.tte afFa,re Ws il Ie fit Pame aPansA^-J procureur au Panement, qui avoit occupé en cette  Les Juges de Mantes. 159 cour pour le fieur des Ferrieres. Tout étoit combiné \ 8c il étoit évidemment impoffible qu'une fignification faite a Paris le 20 janvier put arrêter un jugement qui devoit fe prononcer a Mantes le lendemain; d'autant plus que le feul obftacle que Pon put y oppofer, étoit une oppofition formée au grand-confeil même ; Sz il falloit avoir 8c le tems de la former, 8c le tems de Penvoyer fur les lieux : ce qui 11e fe pouvoit faire dans un li court efpace; efpace que Pon avoit refferré au- [ tant qu'il étoit poffible, en faifant faire certe fignification le 20 a. fix heures da foir; de manière que l'oppofition étoit impraticable dans le jour même. Cependant Feuglre 3 qui .vit tout le ■ danger que couroit le malheureux qui 1'avoit chargé de fa dcfenfe, formacette oppofition a telle fin que de raifon, dès le 20 au matin. La requête en oppofition fut répondue par une ordonnance qui portoit que les parties viendroient ', a Paudience. Le tout fut fignifié, fur le champ, au procureur qui occupoit au grand-confeil, pour la maréchauflee. Mais il n'étoit plus tems. Ce jour étoit 1 irrévocablement pris, pour confommer ; 1'iniquité, que rien ne put empêcher,  l6o Les Juges de Mantes. m cetCe °PP°frion que toute Ia diif gence poil.ole na rmr f,;„ „ -xautes aiiez tot; m 1'autorité de M. le procureur-genéral au grand-confeil. Ce magiftrat, averti, mais trop tard, de I miqmte des juges de Mantes, écrivn cette lettre au procureur du roi: Monfuur le procureur du Roi, Comme on s'efl plaint d moi d'une dureu extreme qui eji exercèe tnvers un gentdhomme fort avancé en age, en le retenznt dans des cachots pour\n fujet tres-mediocre; f ai cru , n'y ayam: Le vous de parue, qUe vous pourrie\ me rendre un compte exaclde cette affaire. Cell Pourquoi la préfente recue fvous m'it Jormere^dufujet de fa détention , & de la qualue des crimes qui vous ont porté d JJfem le que,pour l'intérêt de la fuflice % iü SUreJe def*P«fonne> Udtfu£ide i remr dans votre prifon. Mais L préijnd qu on en veut plutót d fon bien 1* cette rigueur extraordinaire ne tend qu'd l'obliger d venvil TF%lU Urre^M l'objet de l'endes officiers de la maréchaujfé; ce que  Les Juges de Mantes. 161 je ne puis aifcment préfumer , juf qu'a ce que je vous ait entendu : car on ne peut . penfer que des officiers alufent de leur autorite 'jufqu'a ce point. Cependant je prie Dieu qu'il vous tienni en fa fainte garde, & fuis, Monfeur le procureur du roi, Votre confrère &ami} Ce 10 janvier 1699. Cette lettre n'arriva a Mantes, que le 2 o, au moment oü 1'on travailloit : a confommer 1'atroce facrifice qui s'étoit preparé par tant d'autrés atrocites. Bourret répondit fur le champ a M. Eennequin, que l'accufê étoit aclr.ellement fur la fellette; qu'il donneroit Hentót quittance des misères de ce monde; Sc rendit compte enfuite des mótifs foeicieux du jugement de mort qui alloit être prononcé. Ce n'étoit pas par conjecfure que cet officier parloit fi pofitivement d'un jugement qu'on alloit prononcer, 6V auquel il n'alfiftoit pas. Il fcavoit qu il étoit tout formé avant que les juges s'affemblafTent. Judicium de domofuerat allaium.  ttl Les Juges de Mantes. fieur Zt f P°Urrr "n ment ón vei]ie d« »««e- res, dans un cdW-r « 7' P: Man" feffieur, ÏÏtSftf F*^» ^ Un a:irre ;:;ge étoic ^ .u^;f-auffi du complot & unPdes lieutenant-Jnéfa n " ■ a^eIIer le & en bonnt fan '--r 3 Mantes fes IamiereT& fon; red0Ut0it troP Onailaéve.ller^eg^ndmannje  Les Juges de Mantes. 16$ fieur r^o^^confeiller^mais, ne voulant pas avoir part a ce complot abominable, il allégua, pour fe récufer, qu'il étoit cenfitaire du fieur des Ferrieres. On leur fubftitua £illes Champagne, & Chamhellan , avWlts. Le premier etoit itige du feigneur auquel la confifcation . de°s biens du fieur des Ferrieres apparre- i noit; il avoit par conféquent un interet fenfible d'opiner I une peine qui operat : cette confifcation. L'autre étoit un elu accufé de prévarication, & contre lequel la cour des aides avoit fait mfor- ■ mer. L'accufé parut enfin fur la iellette, ; le ii janvier 1699. H refufa roujouts de répondre aux interrogatoires , & rciréra fes proteftations au fujet de la compétence de la maréchauffée , demanda 1 un délai de trois jours , pour faire figmfier 1'arrêt qu'il avoit obtenu au parlement deux jours auparavant, & declara qu'il ne devoit & ne pouvoit répondre aux interrogatoires de juges qu'il ne reconnoiffoit pas. Lorfqu'il allègua que 1'inftance étoit pendante au parlement, les deux avocats appellés pensèrent que cette circonftance lioit les mams de la maréchauffée , & qu'elle ne. pouvoit paffer au jugement définitif, que cette  Le coup étoit manquc s'il< »„r ce para. l'^ l^15™ f d arrets ^ cette cour. Le prév-wT ' wu:ttr^rle^s ^es^^^^/uiie, ^ncé. Les avocats ne crurL T *<* d'une ^rn^p^iT Vn proceda au jugement „„; ' «entzonnés au procés Ï/%JT? ^ , ■ pendu en ** Place du marché ■ /ï. tiens acquis & mnfir - ^ rcne>Jes tiendra r C°n^ues « f« # appartiendra , fur ICeux préalabUment „/ / fomme de rln* lement Pr^s la.  Les Juges de Mantes. 16^ èfon égard, jufqu'après fon accouehe"ëtnt, pendant lequel tems elle gardtoit prifon. ■ II étoit bien furprenant que celle qtu avoit commis le vol en perfonne fut condamnée a une peine aufli légere, tandis que celui qui n'en avoit été que le complice, étoit condamné a mort. Mais cette circonftance ne fut pas la feule qiu prouva que 1'acharnement de ces juges n avoit que le fieur des femtres pour objet. On craignoit toujours que quelques ordres fupérieurs ne vinflent arrêter 1'exécution; & , pour la hater, on ne daigna même pas fauver les apparences. Le^prévöt alla lui-même chercher le bourreau. L'affeffeur fit faire la potence dans fa cour, & fournit le bois. Le charpentier ne travsilloit pas afTez vite a fon gré • il mit la main a 1'ceuvre , & prit la fcie pour lui aider. 11 dit alors i une perfonne qui plaignoit la deftmee de 1'accufé : s'ïl ne fe trouvepas bien condamné , qu'il en appelle aux apotres : je ie ferai bien danfer dans deux beu res. On conduifit enfin la malheureufe viftime au fupplice. 11 marcha d'un ait tranquille. Son état n'avoit point alterc la beauté de fes traits, ni cet air refpec-  t 66 Les Juges de Mantes. tabJe quune vieiileife vigoureufe y avoit imjfimc. Tous les fpectateurs /toient trappes de veneratiou & de douieur. Le bourreau lui-même avoit 1'air attendti. Ummr hand de Mantes, nommé^ cle, qu il en perdit 1'ufage des fens & mWqu _ heures après. * Le Pfevot & 1'aiTeiTeur, qui tandis q-naitr^,cetnationém^ £ to les v ,ges, avoient la Leut pemte fut le leur; fuivoient le patiënt teiafouIe-Uncapucin étoit^ha ^ miheudune exhortation qu'il pronon- leur impatient du retardement qu'oc- & dit au rehgieux: mon père ,Lêche? ce te alPf ^rne, d^ns lafuite, cette anreufe circonftance )»ges de,,„tfefqueIs e„e . "« "^^^Pere.&^oarfdvre fe  Les Juges de Marnes. 167 jugement de la prife a partie contre les officiers de la maréchauffée de Mantes, & contre tous ceux qui avoient participé-au jugement du 11 janvieE-, & obtenit des dommages & intéréts contre eux. Elle demanda que la procédure fut apportée au greffe de la jurifdi&ion a laquelle Sa Majefté attribueroit la connoiffance de cette affaire; & qu'il fut ordonné que les mèmes juges informeroient du vol & de 1'enlèvemenr des eftets & papiers du fieur des^ Ferrieres. S'en rapportant a Sa Majefté , pour ce qu'il lui plairoit ftatuer contre les officiers de la maréchauffée, & les avccats qui avoient aftifté au jugement, pour la peine de leur prévarication, Le Roi, touché des faits contenus dans le placet, ordonna a M. Boucherdt (1), chancelier, d'en prendre cou- (0 Louis Bouchtrat naquit a Paris le 20 aout 1616. 11 étoit fils de Jean Boucherat mort doven des maitres des comptes, en tevrien67i, agé de quatre-vingt-quatorze ans, Ce maitre des comptes poffédmt également les langues grecque, latine, efpagnole, itatienne & francoife. Pat.n le loue de ce qu'il fcavoit tout Homère en grec. bon hls ne lui céda en rien, & parcourut lucceflivement & graduellement toutes les dignités de la robe, jufqu'a celle de chancelier & garde  i£8 Les Juges de Mantes noil^ce, & de faire tendre juftice. le ch<™celier rit examiner 1'affaire par trois confeillers d'érat: & ümle raoPorr qui lui en fur fait, il envopd Mantes un huiffiër de la chaine (i) charge de fes ordres. A fon arrivée, cet officier fe tendit aagreffe5,nirlefCe!léfurtoutes Ies annoires, fit förtir le greffier; ferma la porte; appofa le fceau fur la ferrure, & fit defenfes, de la part du Roi, d'v tou, ener, a pejne de la vie. des fceau*, a laqUe!le il fut nommé le nre mier novembre i63? V£ r)„ r P JSf ir/^T ,nrs deux fflois- fi» *°yi, u tut fait chanceher c!es ordr« ^ mourut comblé d'honneurs, ü\ feSb™ # de ^--vingt-^isansqCorS préfeutant Ia.figure du Roi.. C" II  Les Juges de Mantes. 169 U alla enfuite chez le fieur le Maire de Nefmond, préfident, chez les fieurs Manoury, prévöt, le Toumeur, aifieffeur, Peiu &c Motet, confeillers, & Bourret, procureur du roi; & leur enpoignit de fe rendre a 1'auberge ou il iavoit établi fon domicile, oü il leur ijferoic fcavoir les ordres du Roi. Ils s'y jrendirent: il leur fit voir les dépêches i'dont il étoit porteur, qui leur ordoninoient de fe rendre a la fuite de la rjcour. II les fit partir, le lendemain, dans deux carroffes, fans aucune efcorte. Ar|rivés a Verfailles, il-les configna dans une auberge , en attendant qu'il leur :rapportat les ordres de la cour. Une heure après, il vint leur enjoindre de icomparoitre devant M. le chancelier. Le préfident de Nefmond fe préfenta le premier. Qui êtes-vous, lui dit M. le cham elier d'un ton haut & févère? Lauwe , après bien des révérences, répondit qu'il étoit le préfident de Ne/mond, du préfidial de Mantes. Comment, reprit M. le chancelier, ave^-vous cfé coniamner au dernier fupplicc un ^enti'h mme [innocent, vour qui avey la rtputation uFêtre intègre ? Le préfident voulnt fe Buftifier j le chef de la juftice lui impofa 2ome VI. H  170 Les Juges de Mantes. filence, en lui difant: retire\-vous ; on vous rendra juftice. Le prévót parut enfuite. M. le chancelier tui reprocha fon ignorance, & fon iniquité. Comment, lui dit-il, ave%vous ofé vous revêtir de la charge de prévót , vous qui êtes le fils d'un meunier? Le prévör répondit que fon frère avoit polfédé cette charge avant lui, & que la familie n'avoit pas veulu la petdre. Belle familie, fe récria M. Boucherat, qui lui ordonna enfuite de fe retirer. L'affeifeur parut a fon tour, Sc fut accablé de reproches pour fa barbarie, dont on avoit fourni les détails a M. le chancelier. Le procureur du roi attendoit fon tour. Les récits de ceux qui venoient de fortir du cabinet 1'effrayèrent, Sc lui frenr comprendre qu'il étoit menacé d'un orage furieux. II comprit auffi que legreffier, pour fe jutrii-ier, pourroit charger les autres officiers, & révéler des myftères dont il avoit feul la connoilfance. Le procureur du roi, avant que le tour du greffier fut arrivé pour entrer, le prita part, lui donna un rouleau de louis, & le dctermina a s'éYader. M. le chancelier demanda au fieur  Les Juges de Mantes. 171 Petit, rapporteur du procés , par quel prodige, ignorant comme il i'étoit, il avoit pu parvenir, en fi peu de tems, •a s'inftruire d'un procés chargé de rant de procédures. 11 dit au fieur Motet que la nature, qui lui avoir refufé le fens commun, lui avoir défendu d'être juge. Enfin le procureur du roi pafta a fon tour. M. le chancelier , enflammé de colère, ne ménagea point les termes. Il le traita de prévaricateur, de frippon, & lui dit qu'il étoit d'autant plus coupable, qu'il étoit homme d'efpnt. C'eft, ajouta-t-il, la vengeance & la cupidiré qui vous ont porté a aftaftiner ce pauvre gentilhomme. II ordonna enfuite qu'on le conduisït a. Paris, & qu'on le mit a la conciergerie dans un cachot. Le procés fur envoyé a meftieurs les maitres des requêtes, afin qu'ils donnaffenr leur avis ; ce qu'ils firent le 7 mars; & le 14 du même mois, le Roi fit expédier des lettres, par lefquelles il ordonna que « la demoifelle de Goun bert, fille du fieur dis Ferrieres , fe55 roit entendue aux requêtes de Photel, » pour juftifier fon père , & purger fa » mémoire des faits qui avoient fervi ■» de prétextea fa condamnation , de lan quelle condamnation leRoi le reitvoit Hij  172 Les Juges de Marnes. » par les mêmes lettres : qui portoient i, en outre, qu'il feroit procédé extraor» dinau-emeut par le m.me tnbunal, fi ff le cas ^«gepfb a la requête du pro» cureur-général, pourfuite & diligence » de la demoifelle des Ferrieres, con» ere le prévót, les officiers & gradués » qui avoient affifté au jugement du » procés, le procureur du roi, le gref» fier de la maréthauffiée, & autres; at^ » tribuant aux juges des requêtes de » 1'hotel toute jurifdidion & connoif» iance en dernier reffbrt, 1'mterdifant » a toute autre cour & juges. Les mê» mes lettres portoient pouvoir, en ?, menie tems, aux maitres des requê» tes, de juger les prifes ï partie contre » les juges de Mantes, & les gradués ;> qui avoient affifté au jueement ; en v un mot de faire & parfaire le procés » aux coupables ». Ces lettres furent entérinées aux requêtes de 1'hötel, par arrêt du 27 mars 1699 5 par lequel, en même tems « le » jugement intervenu le 11 janvier pré» cédent en la maréchauffiée de Man" jCS' cafI2 & révoqué • ia mémoire " de defunt Charles Goubert des Fer?. rfat déchargée des condamna55 tions contre lui prononcées par ledip  Les Juges de Mantes. 173 » jug- ment. II fut ordonné qua la iq„ quête du procureur-général du roi, fi pourfuite & diligen e de Catherine de Gotik u, \\ feroit informé des faits 1 js contenus tant en la requête de ladite » d. Goubert, du 19 mars, que de ceux n mentionnés en celle fur laquelle 1'ar» rêt du confeil d'état, qui a ordonné » 1'expédition des lettres du 14 mars, >j circonftances & dépendancesjSc cepen'é dant que P/erre Manouri, lieutenant» criminel de robe-courte en ladite ma>, réchauifée de Mantes, Sc Daret, gref» fier. feroient pris & appréhendés au n corps, fi pris &c appréhendés poun voient être 5 finon criés a cri public , 35 leurs biens faifis & annotés: que Jean n Bourret, procureur du roi, feroit aria rêté & tecommandé aux prifons du *> fort-l'évêque, ou ils étoient déja. de» tenu , pout être ouï & interrogé fur n les faits qui feront fournis par le pron cureur-général j que Francois le Tourneur, alfefleur , & Petit, confeiller , y> feroient ajournés a comparoir en per» fonne au greffe des requêtes de 1'hó» tel, pour être pareillement interrogés: » que le Maire, préfident, & Motet, » confeiller au préfidial de Mantes, v Chambellan & Gilles , avocats, feront H üj  174 Les Xttges de Mantes. v afLgnés pour être om's fur les mêmes « raits ». Les offl Iers ainfi accufés, & mis en•tre les mams de la juftice, pubiièrent une apologie, dans laquelle ils s'efforcerent cl eftacer ies impreiiions défavautageufes que le public avoit pnfes conrr e eux. Ce n'eft point, difoient ils, la mort du fieur des Fernères qui a excité les fureurs de la calomnie pui les dechire depuis fix femaines • c'eft le genre de fa mort. S d ent eté décapité, il étoit bien condamne • mais paree qu'on 1'a pendn li etoit innocent. Voila Punique fource de tout ce qu'on a reproché a fes juges • ils ont privé des privilèges de la noblefle un gentilhomme qui s'en étoit rendu indigne- c'eft fon bien qu'ils ont voulu avoir - ce font des ignorants qui i ont juge-il faut les perdre. Pour cela, on a intérefte le corps de lanoblelfe, les cours fouveraines, le peuple. Le corps de Ia noblefte; en fuppoiant qu'on gentilhomme d'extracfion qm a fervi. pendant plus de quarantê ans, d une conduite irréprochable, avoit ere pendu pour un feul morceau de lard que, pour fe réjouir, il avoit enlevé.  Les fazes de Mantes. ;ï71 'danste tems du carnaval, au vicaire de fTe^fouveraines,enfoutenant nue les juges de Mantes avoient mc- i de fes prifesapartie & des airets du , parlement & du g^d-confeü. V Le peuple, par la prevention en lui j Ion eft qu'il cède toujours aux premiers. | objets qui le frappent. i Wel étoit cependant le fieui^ , tórtrQueü* avoit: été fa vie? Que s , étoient fes crimes ? Pourquoi a-t-d ete l; condamné? ., ,-ru Depuis plus de trente ans, il etcntla , terreur du pays-,il étoit convaincu d a- , voir volé avec effradion tout ce qui tal | foit la fubftance d'un pauvre ecclefia** , tique; convaincu d'un autre vol iait Lutamment^ convaincu de bngandages,devoiesdefaircontredesremoins dont les uns font morts, les autres font demeurés eftropiés , d'autres dangereufement blelfés : convaincu de trouble & de fcandale pendant le fervice divm de mépris pour les miniftres des autelsj de mauvais commerce avec fes fervantes;d'adultèresjd'infultesfaitesala ' H iv  I 76 Les Juges de Mantes. Wie, de parncides en vers fes propres les indices qu, étoient zu procés touchoientalaconviction. P eut de bons enfants : auiïï a-t-on vli Pies & de la mauvaife éducation qh"d leuavoit donnés, fon fils l Cte ^jdamné aux galères, fulW été t ^"""^me defesfilles,a mité ' Fr COnt"m^> a perpé- Ce ne font point ici des faits avancés fans preuve. Celle de tous les cnmes dont on vient de donner la lift e, réfulte des dtfferentes informations faites con! tre le fieur des Ferrieres ■ réfulte de fes propres reconnoilTances. fiftoir 7l TmiS aVeC effraaion co"Moit dans la momé d'un porc falé danpotdebeurredevingt-cinqlivre ' d un pot de gradfe, d'une carte & rn.edefeI&d'oignons. Ainfi on a enleve tout ce qui compofoit la provifion dunpauvre prêrre. Pour faire ce vol on avoit p„s le tems de la melTe de' paroHfe,ollponfs-ai eles habi  Les Juges'de Mantes. 177 affiftent, & ou le fieur des Ferrieres ne fur point vu : 011 perca, pour cet effet, avec un inftrument de fer, un mur de feize pouces d'épaiifeur. 11 étoit prouvé au procés que toutes ces chofes s'étoient ) trouvées chez tui ; que fes amis en ■ avoient mangé , & qu'il avoit été con1 vaincu de menfonge , en difant qu'il les avoit fait acheter a Pacy. La voix ; publique Pen avoit chargé $ fa fille 1'a; voir dit a plufieurs perfonnes> & avoit : même avoué qu'elle avoit aidé au vol? : Marie Menu, autre complice , 1'avoit 1 pareillement déclaré j elle 1'avoit foutenu au fieur dts Ferrieres, & avoit ajouté qu'il lui avoit dit de prendre tout ce qu'elle trouveroir; qu'il 1'avoit mepacée enfuite de la tuer, fi elle le déclaroit, & fi elle alloit en révéiation, fur le monitoire que le vicaire faifoit publier. . Quant au vol de nuit, il confiitoit en plufieurs gerbes de bied emporrées d'un champ/Le fieur des Ferrieres 1'avoit reconnu. H étoit prouvé , d'ailleurs, par une foule de témoins récolés &£ confrontés. Ce vol étoit d'autant plus condamnable, que les fruits qui font dans les champs, ne font gardés que par la foi publique. H v  i yS Zes Juges de Mantes. Ses brigandages font fans nombre: ious prétexte d'emprunt, il emportoit le miroir d'un de fes voums; chez un maiheureux qui ne vivoit que de fon travail, il emportoit trois pains : d'autre.; fois il alloit manger chez un cabaretier, d'ou il fortoit fans payer : & quand on lui demandoit la reftimtion ou le paiement de toutes ces chofes il s'acqmttoit pat des menaces & des coups. ' II étoit prouvé qu'il avoit pomfuivi a coups de baton & d'épée les témoins qui avoient dépofé contre Saint-Cheron. ion hls; que deux en éroient morts • dautres en avoient été eftropiés; d'autres dangereufement blefles. Les fcandales qu'il caufoit a l'é 'c • " a Pu avo>r Part a nSi^r°n- Ses—i^onffon .eures «e cinq jours Cenv» fi„ :c ^davottclurgéd'obtenirPaïr&fi ««oitce procureur qui peuc ^ fi  Les Juges de Mantes. _ 189 il auroit exeédé le pouvoirqui lui auroit M donné. Ce n'eft point le procureur du Roi qui tn a charge 1'httiffier; ce n'eft point par fon ordre, que cet huifliera agi. Si , par cette fignifcation , on eut voulu furprendre le fieur des Ferrieres^ il étoit bien plus fimple de la hu faire a lui-même , dans la prifon , paiiant a fa perfonne; fans que, pour cela , le fieur des herrières eut eu plus de tems pour fe pourvoir. On eft même bien pen tonde a vouloir tirer parti de cet arrêt du grandconfeil , puifqu'il eftcerrain que le fieur des Feri 'ures avoit mépriféce tribunal, & cherché a fe fouftraire a fa jurifdic- C'eft cependant fut le fondement 8c des procédures faites au parlement , & de 1'arrêt du grand-confeil , que 1'on veut juftifier le fieur des Ferrieres , 8C .le faire déclarer innocent. On foutiènr que les gentils-hommes ne font pint föumis a la jurifdicfion dts prévêtsdes maréchaux. Onene que iQ Ao* Ferrières a été iniuftement condamné; qu'on a précipité le jugement , pour prévenir 1'oppofition qu'il auroit pu formera 1'arrêt dugrand-confeil j qu'on lui a ainfi óté les moyens  r9o Les Juges de Mantes quM avfcit de fe défendre, & de fe purger par les reproches valables ou'ilauroit pu propofer contre les témoins , & qud na pualléguer devant le prévót des marechaux. Pour peil qu>ü e£ ^ che au fond defadtfenfe.il auroit reconnu une jurifdicfion qui n'étoit pas competente, & fe feroit & ]es [ 8 pomlarécufer.OnluiamêmroS q«aux papiers qui poiIvolenc juft fier fes reproches; on a pris enfin le tems oï quatre des meilleurs iuges du fiC «oient abfents. J ö ^e L'objecbion tirée de Pincompétence des prevots des maréchaux , HaW ment aux gentiis-hommes, eft fans fondement. Les CaS de cette compétence fonrdetadies dans Partiele i2 du titret de ordonnance de 167<5. H Ry eft f ; nuhemenaondePexception que Pon* imagméedansce procés, en faveur des gentds-hommes. L'article fuivant cort tient une exceptionformelle, en faveur des ecclefiaft.ques feulem nt & nomf memenr. Une exception auifi précife annonce clairement que tous ceux oui n; font pas mentionnés, font enve'opP-s dans la re?le générale ; les gentiishommes comme les autres (i). (0 L'article & de la dédaration du j fé-  Les Juges de Mantes. 191 D'après cela, quel motif les juges & Ie procureur du Roi pouvoient-ils.avoir de précipiter leur jugement ? Auciin motif, aucun tnbunal ne pouvoit les dépouiller de leur compétence fur le fieur des Ferrieres. S'ils n'avoient point d'intéret è ufer de précipitation , pourquoi 1'auroient-ils.fait ? , . . . 5 Mais ou eft-elle , cette précipitation ? Lïnftruction du procés étoit actievee gx jours avant la prononciation du jugement. Le procureur du Roi etoit Ie jour de ce jugement, retenu chez lui par la goutte, & perfonne ne peut dire 1'avoir vu folliciter les juges. Orte prétendue précipitation, la procédure faite au parlement, 1'arrêt du confeil, ne frapperont donc perfonne ; fur-tout, fi 1'on fait attention a ce qui s'eft: palté , & a la conduite qu'a tenue le fieur des Ferrieres. 11 fe trouve chargé , en 16 9 5 »Fr les informations faites contre fon hls J ou le décrète. vrier 173 1 veut: « qu'k 1'avenir les gent*» „ hommes jouiffent du même pnyile3e ; fi ce „ n'eft qu'ils s'en fufletu rendus Pj/V?** P quelque condamnation qi,.ils enfanti .b e, foit de peine corpordle, banmffement, ou » amende honorable v.  192 Les Juges de Mantes. II eft arrêté. Le préfidial attribuö Ia compétence au lieutenant criminel de rone-courte , le neut des Fen i-e, Ie reconnoit pour juge; il répond , il reproche les témoins; il eft jugé; on orconne unpkis atnplement info.mé. Le fieur des Ferrieres ne fe joarvoit pcmt contre cette pro.édure ;'il ne fe p.aint point de la compétence. Trois ans après, fes violences obligmt de reprendre le procés. II eft tout de nouveau conftitué pnfonnier. Pour lors ilfe réveille;il interjette apoel. De quoi ? D' tu jugement de compétence qa il a exjcuté; d'un jugement qui ordonné un plus amplement informé, qui eft Ia pronoüciation la plus douce pour les crimes ap taux. Ou relève-t-ii fes appellations ? Au parlement, a qui routes les loix intetdifent la coiinoüfance de ces matïères; & veuient que, fans avoir égard i fes procédures, il foit paftë outre au jugement définitif. Les ofticiers de la m iréchauflee pouvoient-ils déférer a des arrêts que les ordonnanres leur défendent de reconnoïtre ? N'ont-ils pis dü au contraire les regu-der comme des mo/ens fruftratöires ? N'ont-ils pas du conftdérerle fieur des Ferrieres comme un criminel qui n'a cheixbé  Les Juges de, Mantes. 19 3 che.rché qua fe fouftraire a la juftice. Si de pareilles appellations , de pareilles prifes a partie avoient lieu, que deviendroient les ordonnances qui les profcrivent ? Quel eft le criminel qui n'échapperoit pas a la juftice ? Oü eft donc la précipitation dans cette procédure ? Le fieur des Ferrieres avoit eu trois ans pour fe pourvoir, & demander a être décharge du plus amplement informé prononcé contre lui. Qui 1'a empêché de le faire ? Et ne 1'ayant pas fait, qui l'a empêché de teprocher les derniers témoins, comme il avoit reproché les premiers ? Vouloit-il qu'on devinat que des titres faifis & dépofés, pour les préferver de Penlévement qui s'en faifoit, renferraoient fa juftification, la preuve de la nullité de la procédure , la preuve des reproches auxquels étoient fuje.cs les témoins qu'on lui conftontoit ? II eft fi faux , d'ailleurs, que ces papiers lui aient été fouftraits, & qu'il ignorat oü ils étoient, que, parun procés-verbaldreffé par le lieurenant-général de Mantes, le 19 janvier, il a cönfenti qu'on en retirat les titres de nobleffe de fa familie, pour les mettre entre les mains du lieur de Thionville fon frère, fans qu'il fe foit Tornt FI. \  i 94 Les Juges de Mantes. plaint alors d'aucune fouftracftion. Cependant il auroit pu en rendre plainte j il en avoit la liberté entière. Ce juge n'eft point membre dela maréchauffée; il eft même un de ceux dont on a fait 1'éloge, 8c qu'on s'eft plaint dece qu'ils n'ont point été appellés au jugement. Mais veut-on une preuve que c'eft par pur efprit de rebellion que le fieur des Ferrieres s'eft obftiné a garder le filence, Iors de fa confrontation avec les témoins, & de fes interrogatoires ? une preuve convaincante qu'il ne méritoit aucune faveur de la part de la juftice ? Quand il s'agit de reconnoïtre ce qu'il a fait, quand fa confcience leprefle d'avouer fes crimes , il garde le filence , pour que la vérité ne forte pas de fa boucbe, Mais s'agit-il de donner des marqués de fa violence & de la féroeité de fon caracftère ? La préfence de fes juges ne peut le contenir; & , avec une artogance qu'on ne peut trop punir , il fait ïrophée de fes excès; deux coups de baton3 dit-il, nefont pas une affaire ; il en auroit donné cinq cents f qu'il ne s'en foucieroit pas, C'eft ainfi qu'il répond; c'eft ainfï qu'il reproche fes témoins. Sous ptétexte de fes appellations ,-il ne peut répondre}  Les Juges de Mantes. 19^ } il ne peu: alléguer les reproches qu'il a droir de propofer: mais il peut menacer; il peurfe vanter des violences dont il aui roit été capable dans ce moment même, ,| s'il n'eüt pas été détenu; il peut infulter a fes juges; le poids& la honte des fers dont il eft chargé , ne peuvenr abattre fon infolence. Un autre reproche fait aux officiers de la maréchauffée confifte a dire qu'on ; s'eft abftenu d'appeller quatre juges du fiège , dont on ctaignoit les lumières & ; 1'équité. Ces quatre juges font le lieute1 nant-civil, qui ne connoit point aes mai tières criminelles; le lieutenant-crimi1 nel, qui étoit véritablementabfent, qui d'ailleurs n'en pouvoit connoitre comme cenfitaire du fieur des Ferrieres ; le lieu. tenant-particulier , que la pourfuire de fes affaires tenoit abfent depuis plus de fix mois; & enfin le doyen des confeil- lers, qui étoit aufli abfent, depuis plus de fix femaines. Cette prétendue précipitation ; ces prétendues nullités dans la procédure , i dont aucune n'eft prononcée par 1'or- donnance, ne peuvent donc anéantit le fond. On s'efförce d'y fuppléer par des perfonnalités, Sc parun défaut de preuves,  196 Les Juges de Mantes. que Pon prérend faire réfulter de la ma? mère dont le jugement a été prononcé. Le procureur du Roi, dit-on, eft caution du receveur du domaine, & le fieur des Fa rières , par 1'appel qu'il a mterjetté de la faifie réelle de ia terre . de Saint - Cheron, a empêché le paiement d'une amende de 2000 livres d laquelle le fieur de Saint- Cheron , fon fils, avoit été condamné. Tel eft le motif qui a fait reprendre le procés. Oa lui a même , depuis, fait propofer de le renvoyer abfous , s'il vouloit fe défifter de 1'appel de cette faifie. Pour fe procurer des témoins , on a. engagé le vicaire qui avoit été volé, a fe déiifter de la plainte qu'il avoit rendue en ióoz , afin qu'on put Pen tendre eu témoignage. On a corrompu un autre térnoin, qui a fair le róle de dénonciateur , moyennant 40 fois, Enfinle jugement de mort n'explique point d'autrescas que le falé qu'on prétend avoir été volé. Or fuppofé qu'il y en eut d'autres , il falloit les expliquer également; paree que les juges n'étant les maitres de la vie de perfonne; & les ' pemes deyant être proportionnées aux crimes qui font prouvés, elles ne peuvent av.jir pour motif ceux qui ne le  Les Juges de Mantes. 197 font pas: & ceux qui ne font pas expliqués dans le jugement , font fenles n'être pas prouvés. Ces juges, continue-t-on, ont li peil ménagé les apparences de la paffion qui les animoit contre le fieur 'des Ferrieres , qu'ils n'ont condamné qu'au fouet Mant Menu fa complice : & encore, contre la lettre de toutes les ordonnances, & 1'ufage de tous les tribunaux , en ont-ils différé 1'exécution jufqu'après fa delivrance de 1'enfant qu'elle portoit. On vareprendre ces objedhons & ces imputations 1'une après 1'autre. ' Le procureur du Roi n'eft point caution du receveur du domaine. C'eft une pure calomnie. Or la fauffeté de ce fait détruir le prétexte de Tarnende; & la fuppofition que 1'on s'eft permife , en difant qu'on avoit propofé au fieur des Ferrieres de fe défifter de fon appel de la faifie réelle. II eft fi faux qu'on ait propofé au fieur des Ferrieres de fe défifter de cet appel, que dès le 11 oétobre 169 8, cette faifie avoit été declaree nulle par fentence des requêres de1'hótel. Or le fieur des Ferrieres n'étoit p^as alors en prifon , puifqu'il ne fut arrete que le 11 novembre fuivant. Le vicaire s'étoit plaint des 16 9 2, 8c Iiij  19? , Les Juges de Mantes. avoir etc parcie devant le juge ordinaire ; cela peut etre vrai. Mais Ie procureur du Koi n en avoir point eu de connoifiance j Ia plainte rt'ayant pas été pourfuivie ne lui avoit point été communiquée. II a icu depuis cue cette plainte étoit vague , óc ne denommeit perfonne. EnWque, s'ila fait affignerce vicaire, ce n etoit pas comme témoin nécelfaire le vol en ftu-meme étoit fuffifamment prouvé ■ c etoit pour être certain de la quahte & de la quantité des chofes volees, ahn qu'elles pulfent fervir d'un premier mdice contte ceux entre les mains de qui on pourroit les trouver. Quant a ce prétendu dénonciateur auquel on fimpofe qu'on a donné 40* iols, c elt un fait abfolument controuvé • & auquel on ne peut répondre que par un dementi abfolu. Pour la prononciacion du jugement de mort, elle ne pouvoit Être rédigée autrement qu'elle ne Pa été. Le fieur des Ferrihes eft déclaré duement atteint * conv^cu de vol avec efraclioa, pour reparatlon de quoi , et des autres cas mentionnés au proces , il eftcondamue d'ctre pendu. Cela eft régulier futvant Loyfeau (,), traité dts ordres & (0 Charles Loyfeau eft, entre nos fameus  Les Juges de Mantes. 199 fimplcs dignhés, chap. 5 > n' U' , f 6'eftaJgentU-homme convaincu de vol • &le vol eft un crime qui deroge a la nobleffe , & privé celui qm en eft coupable des pdvüèges attnbues a cet ordre. . . J ' Ce n'eft point, au furplus, pour rc opimons font le plus lures. y . ; , /ons font favorables a un pi;adeiir, on le c te avec la plus grande conUce !„™ ré la ville i ' nqud ^uefoic k motif de eer en la S"/9" 38 Préfidial>  Les Juees de Mantes. 201 Suppofons que les cas qui ne font pas exp qués emportaftent une moindre neme! Sc qu'on voulüt prendte ce piekte pour \axer les juges de trop de èSueut, quelle conféquence en ponr- des Ferrieres ? . ■ Le vol avec effraóHon emporte peine demort.Onveutbienfuppoferquetant unique, & comtms par un gentilhoiL/bien famé,on pouvoit ondevoit même en adoucir la rigueur. Mais étant compliqué-, 'Ayant éte commispar une perfonne notoirement violente, étantLcompagné,«rW^^ fi 1'on veut; mais de fimples indices d'autresfaitsatroces,quirevoltena^ Kianité Sc la nature 1'accule ne merite pas que 1'on adouciffe les loix :& ces indices qui, feuls & F>s fepremen , n'emporteroient pas la condamnation obligent a ne lui faire aucune grace lis completteroient même la preuve du crime qui fait le pnncipal objet de la procédure , fi elle n'étoit pas par^.Sifinguia non profunl, m^f* vanu Enfin, quelque rigueur que Ion pmfle trouver dans Ie jugement, eelt toujours un criminel 00015 Sc jamais la juftice n'eneft offenfée. Quod feveruau 1 iv  «M Les Juges Je Mantes. Profta, nunquam jufiicU „„«,;,, dres de 1 é danst' pe™etdaV0irce,nènage'nent, ^ns lecas de peine corporeiie. } COmbattre' Ja ^moifelle \X7Z *w*°tó****, contre ■ Contre qui ■ difóït-elle, avoit-on «eïüard de quatre-vingt-deux ans c ii avoir ferv, cinquanre ans, tant darsïï -mees, qu'auprès de ia'perW 1"  Les Juges de Mantes^ 203 Roi.Le prévot qui lui avoit óté fes papiers , les retient encore acWlement Le procureur du Roi défavoue quand il fe voir pourfuivi, une procedure lans aTOir i amais mis aucun défaveu au grefte. La plupart des témoins ont ete entendus deuxlois,enió95 &en 1698. Le fils du fieur des Ferrieres n'a ete execute, que pour n'avoir pas garde fon ban , c'eft, fans doure , une mfraftion a la loi, mais qui ne mérite pas la mort. La plainte , qui a fervi de prétexte aux nouvelles pourfuites exercees contre le père 8c qui ont amené fa condamnation', n'a été rendue que dans le rems qu'il pourfuivoit la nulhté de la faifie réelle de fa terre. Mais, pour cachet le véritable motif de cette plainte , on 1'antidata , fconlui fuppofa une epoque qui fembloit attefter qu'elle avoit prevenu 1'appel de la faifie reelle h que par conféquent elle n'en étoit pas une fuite. D'ailleurs , quand il y a confifcation de biens, jamais on ne prononce plus de 100 livres d'amende : mais le procureur du Ro: , étaiit caution du domaine , Voulob grcdfir le produit de fa ferme. _ ïl ne s'eft rrouvé , m en onguial, ni pyn-oit donne aux teen copie 5 aucun exp.on. _ r 1 vj  204 Les Juges de Mantes. nmms. Ils font d'ailleurs tous parfaite-" ment reprochés. r . Le fleur Demas curé de Villeneuve etoit enprocesavee le fieur des Fernéres. 4W*& fa femme etoient £n Jnft avec lui a Saint Germain-en - Laye. lo.feau Jouanne 3 Gilbert 3 Legris & fa femme etoient aétuellemenr décrétés de & l\tQA°T Man'f Huré eft fem«e & fille de deux voleurs fauvés paria maréchauffée, moyennant 4oo livres. Boujter, convaincu d'avoir figne un faux acfedecelébrationdeinariag|,atrouvé ion innocence dans quinze louis d'or p il a donnés a ces mêmes officiers. Lorfque üfar;f ^ fera transférée ks nouveaux interrogatoires qu'on lui ou'ellf ' er°nt V°ir *videmment qu elle a ete corrompue. Catherine Bcc ^ eft une fille publique. Le vicaire ferms qni rendit plainte en i -ent du quadruple, en cas que^on piouvat qu'il en a impofé.  Les Juges de Mantes. 2,09 II faut toutê la modération dont des officiersmes juges, des magiftrats doivent 1'exemple, pour ne pas fe permettre au moins de Phumeur, en voyant k témérité audacieufe avec laquelle on a ofé attefter i la face de la juftice &c du public , que 1'on n'avoit apporre au ereffe des requêtes de 1'hotel que quelques minutes du procés & que les témoins n'avoient pas ete affignes. Pour toute réponfe aune inculpationfiatroce, on prend ici a témoin tout le tnbunal des requêtes de 1'hotel 5 meffieurs les maitres des requêtes en corps, que tome la procédure, en grolfe & en minute, avec les originaux des exploits donncs aux témoins font aduellement a leur StQuant aux reproches oppofés aux t'émoins.U eft vrai que le fieur Demas fut reproché en 1695 , ^ te fo"de' ment d'un procés qu'il avoit au lujet de la dime!, contre le fieur des Ferrieres. Mais la vérité des faits dont il avou dépofé, fut reconnue & avouee par 1 accufé • car c'eft bien avouer un fait, que de dire qu'il n'a pu être connu que pat Ia voie de la confeffion. Pour les autres témoins, ils lont tous injuftement & fauffement reproches,:  aio Les Juges de Mantes. «r ces reproches ont pour motif dP* nus au procureur du rni V „ ' r ff Cai°uf "leS d°nt ,a P«uve «'eft pi ad™ffiblej defquellestoême oJne Pooiroit refufer la réparation, fi ,e etoit demandée, Les loix n'o„ na" permis que Pon dinamaY ,,-,1' Les officiers de la nfarécWée de Manres nedefirent rien avec plus dar! dear qL]e de ^ Marie mL trans- Weraire T^f Iis femn e lt LvlTo rdT^" ^ J'on a llf 7,Verom ds 1 miputaaon que qu eiie a eté fubornée «ment de carnaval: I'autte, que ïor donnancerlej^o'tit.a, ° a«teflncd-e„p0urf/„elave d;a|° ; fjvve-to.i eii-ii dit, j ™ff„"; "Jutvrt mcejjamment ceux aul feront 'Prevenus de crimes cafuaul, ot ™.  Les Juges de Mantes. m L cuth Ü échcrra peine afflicTrve, nonl obïlant toutes tranfaüions & cejjwns » de droits faites par les parties». Mais ou eft la preuve de cetre reit* tution? Pourquoi le vicaire Ferret ne Pa-t-il pas déclarée? Pourquoi le fieur des Ferrieres , auquel il a été confronte en ï69<, ne Ie lui a-t-n p» r reconnoiftoit alors le lieutenant-criminel de robe-courte, puifqu d répondit aux interrogatoires qu'il lui fit lubir , & qu'il reprocha les témoins. _ Ón croit répondre aux accufations du vol de bied, d'incefte, de %preffion de part, en les traitant de faits la- buleux. Mais ce n'elt pas amu 4- ' — fe lave aux yeux de la juftice. L'enlèvement du bied a éte foutenu en face au fieur des Ferrieres. II eft diftkile de mieux prouyer un incefte, que nel'eft celui dont d s eft rendu coupabie. On fcait qu il y a des crimes dont la preuve ne peut jamais être auffi parfaite , que pour d au tres -y qu'il y en a pour lefquels il eft difficile 3e trouver dïs témoins C'eft pour cela que, dans ces cas, onadmet les domeitiques, les pareus mêmes, comme teZms nécelFaires. Tel eft 1'incefte, qui ne fe commet jamais,que les parties ne  jii Les juges de Marnes. fmenr dWd Elles prennent de co^ cert leurs rnefures, pour dérober leur turpu-ude a tous les yeux •& fi VJ^ jctre dan? ces affreux inyftèrès, c'/le Wdqmlesdécouvre/oucm ler^t Fbles, qui s'autorifent par deffucces malheuren*,-d prendre moins de|£ cautions. 1 « eft pas, a proprement parler, celui de lhommeqmaabufécl/Ja ™f cependant arriver, & i] arrive C venr qu'il y contribue Mais n , i Pè^vuflftheg^^fj^lJ J,a gardée en cet.état, quancl ï k ■ gardefPrèsqn'elle eftaccouchéeJuand Möuees , tenter un avortemenr • quandcettefervanteacontinué,depiV de demeurer avec lui, peut-il Ve PQif' Penfet-de juöifier la nTort, ou 'ex f tence de ces enfants? N'étoiVilpaTïe Ion devoir de s'en informer > Et Land ces circonftances fe réuniifent daCia conduite d'une perfonne prévenu " & meme convaincue d'ailleurs dWes cnmes, peut-on penfer quelles re fo«  I „ r lil tY/> C Jc Mantes. 211 L ieur'aiaenrpaa fe détermina? i On avance hardiment que la len. tence de more a ere uai.ee — r» fous prétexte qu'on a remarque que les 1 c. Jiui font oas eents [par lamêmemain qui a cent le corps 5e la fentence. Mats on a fans doute oublié que lordonnaiue uc , p:art. S , oblige le rapporteur de remplirladatedefamain.-Lesfentences l juaements & arrêts feront dates du „ dut cu'ils 'auront été arretes , fans *qu'ils puiifent avoir d'autre date ^ „Jera le jour de iarrêt écrit de la main Jdu rapporteur, enfuite du dtclum ou „ difpofnif, avant que de le mettre au * Enfin on oppofe une lettre de M. Ifi ptocureur-général au grand-confeil qui Lon^njoignoitdefufpendrelejugement. Cette lettre eft rapportce plus ham pag. 160. QuonlahfeavecatSouPi & 1'on verra fi elle connenc 1'ordre qu'on prétend y trouver. On y verra feuleme.it que M. ^ général vouloit être inftmit du 4$ 1'emprifonnement de 1 accufc. On y verraden outre, qu'une faufte plainre va donné lieu, qu'on eu avoir impofc Ice magiftrat, en luifaifrnt croire que  2.14 Les Juges de Mantes. c'étoit un motif fort léger qui avoit oo cafionne la detention d'un gentilhomme, qm dans le fait étoit coupabie & convaincu des crimes les plus atroces : en im faifant accroire que le fieur des Ferrieres jouiifoit d'une fortune fort nonnete; tandis que tout le monde fcait Et fi des ennerms de cette efpece  li.é" Les Juges de Mantes, ' erouvent de Ia faveur, fon miniftère ne fera plus qu'une fource abondante & in* tanffable de perfécutions. Et ne feroit-il pas forcé de fouf&ir \Q erïrne &c la débauche , fans en ofer pourfuivre la pur nition ; ou a foutenit autant de procés qu'il auroit poutfuivi de coupa.bles'? * Pour la juftification particuliere des deux avocats qui avoient-ailifté au jugement, on difoit que tout le monde étoit furpns de les voir impliqués dans une' pourfmte qui ne devroit regarder que les juges qui ont fait 1'initru&ion • le préfident & le rapporteur. II eft fans exemple que des avocats, qui n'ont été appellés a ce jugement .que par hon7 neur, & fans aucuue appareiice d'intérêt de leur part, foient ptis a partie, Sc pourfuivis comme garants de leurs cqnfeils. Mais, outre le, certificats fourms a M. le chancelier, de leur probité, Sc de leurcapacité,.les imputations dont on les a chargés, font démenties par la voix publique de tout le canton. Ils ont d'ailleurs été obligés, dans leurs opinions, de fe conformer au fentiment unanime du fiège. lis ont cru , a la vérité , trouver une Lorte de précipitation dans le jugementa qii|  Les Juges Je Mantes. i\j i *pd a été prononcé le z i janvier. Mais ils ontfaitattencionqueréditde 1564, art. 1 o 3 enjoint aux prévóts des m,aréchaux de faite & parfaire le proces d leurs prifonniers dedans deux mois, au plus tard fans les detenir plus longucment t d peine de tous dépens } dommages & in~ : tér ets en leur propre & privé nom ; & ont déféré a cette obfervation, d'autant plus que le délai fixé par cette loi expiroit le lendemain. Si les officiers avoient d'autres raifons fecretes, qui les portaifent a preffier le jugement, elles étoient inconnues aux .avocats , qui ignoroient pareiilement qu'il y eut une inftance liée au parlemenr, ni qu'il exiftat un arrêt du grandconfeil. II eft vrai que 1'accufé, interrogé I fur la fellette, prétexta de ces deux motifs le refus qu'il faifoit de répondre. ! Mais il n'en rapporroir aucune preuve; il n'en avoit même fait aucune mention dans fes précédenrs interrogatoires; enforte qu'ils étoient fondés a regarder 'idon filence, comme le fruit de 1'opiniatreté, & du mépris de la juftice. Sa remontrance paroifloit même méL&ér d'autant moins de foi, que 1'aftef: feur affiira le contraire, & certifia que ü j?e que difoit 1'accufé étoit une pure fupTvme VI. K  2ri 8 Les Juges de Mantes. pontion, qui hu étoit fuggérée par Ta crainte du fupplice. Le prévót appuya cette déclatation, & ajouta que, quand elle feroit auffi vraie, qu'elle étoit fauffe, c-ela ne regardoit que lui. La preuve de ce fait eft confignée dans des placets préfentés a M. le Chancelier, au nom de 1'aflefleur, & fignés de lui. II y avoue qu'il s'eft expliqué , fur cet objet, dans les termes les plus affirmatifs. Ces deux avocats , qui ne pouvoient balancer entre 1'alfertion d'un juge devant lequel ils plaident tous les jours, & celle d'un accufé fur la fellette, qui d'ailleurs n'ont jamais entendu par* Ier d'aucune lettre de M. le procureurgénéral du grand confeil, font évidemment innocents de la précipitation qu'on impute aux officiers. Au furplus , le jugement de compétence rendu en 1695 étoit la bafe & le fondement de la condamnation du fieur des Ferrieres. II s'étoit foumis alors a 1'inftruction , il avoit fubi les interrogatoires, les confrontations, fans proteftation; il avoit acquiefcé au jugement qui avoit ordonné un plus amplement informé , puifqu'il s'étoit foumis, en ne proteftant pas, a fe préfenter a toutes les affigriations.  Les Juges de Mantes. 2. t g Quant au fond, les deux avocats ont cru voir que le vol fait avec effraóbion, Sc les aurres chefs d'accufation imputés 1 -au lieur des Ferrieres, étoient parraite1 tnent prouvés au procés. Mais en fup1 pofant que les preuves ne fulfent pas ;-complettes , le filence opiniatre de 1'accufé leur avoit donné le dégré de force qui pouvoit leur manquer. Le filence eft regardé, dansles tribunaux, comme une efpèce d'aveu. Taciturnitas coufefJïonis genus. Car il y a deux fortes de contumace j la fuite de 1'accufé, ou fon filence. La : première eit une marqué de crainte ; ; 1'autre eft un ménris de la iuftire. FIIpc i forment chacune une demi - preuve. I Mais celle qui réfulte du filence eft plus 1 forte que 1'autre , paree qu'elle eft plus ■ criminelle; &, quand elle n'a aucun 1 fondement,elle nepeutêtre interprêtée I comme un figne d'innocence: au lieu | que la fuite pourroit être atttibuée aux allarmes d'un innocent qui craint le • pouvoir ou 1'injuftice armés contre lui. Si c'eft un vice dans le jugement de I n'avoir pas détaillé les crimes compris 1! fous ces exprelfions : pour les cas reful1, tant du proces ,ü ne doit pas être imputé i-auxdeux avocats, pour plufieurs raifons. K ij  120 Les Juges de Mantes. i°. Les arrêts du parlement en forme de reglement qui défendent aux juges fubalternes de prononcer ainfi, ne peuvent regarder les prévots des maréchaux , qui jugent en dernier relTort. Les avocats en firent même 1'obfervation. Mais leprévöt répondit que 1'ufage du fiègè étoit de prononcer ainfi. z°. Quand ce feroit une erreur, ellé n'opéreroit rien pour la juftification du fieur des Ferrieres, qui n'en feroit pas moins coupabie des crimes défignés par ces expreifions, & qui, par conféquent, auroir toujours éré juftement condamné. 3°. Quand 1'ufage introduit dans le préfidial de Mantes feroit abufif, les avocats n'avoient pas le droit de le faire réformer; & 1'on ne doit pas leur imputer une prarique qu'ils ont trouvée érablie dans un tribunal dont ils ne font pas membres. De la fentence, on paffe a Pinftruction qui Pa précédée ; & 1'on prétend que les vices qui s'y font gliffés doivent être imputés auxayocats, qui font même chargés, par état, de les faire obferver aux juges, quand 1'occafion s'en préfente. Or cette inftrucfion , dir-on, eft irré-gulière, paree que le délai de trois mois, prefcrit par la fentence de i£?3 ? pott^  'Les Juges Je ManteS. 221 lnform. rplus amplement, etoit expiré. Or cette expiration de terme , après lequel il n'y avoit plus rien a faire , avoit dépouillé le juge, & mis 1'accufé a 1'abri de toute pourfuite ultérieure. Mais il faut diftinguer le délai preferir par la loi, & celui que les juges accordent. Celui que la loi a établi, efl fatal ; il n'eft au pouvoir de perfonne, »i de le reftreindre, ni de le proroger. Mais celui qui provient d'un jugement fubfifte toujourstantqueceuxauxquels il eft accordé n'en font pas déclarés déchus. Le fieur des Ferrieres doit donc s'imputer de n'avoir pas , après 1'expiration du délai, préfenté fa requête , afin d'abfolution. Si les deux avocats ont opiné a Ia peine de mort ; c'eft qu'ils ont jugé qu'un vol commis avec eftraétion , &C compliqué avec plufieurs autres crimes beaucoup plus atroces encore , étoit capital : & ayant trouvé la preuve complette contre celui qui étoit accufé de l tous ces attentats , ils n'ont pas cru pouvoir fe difpenfer d'opiner comme ils ont fait. Le fieur Eujlache Ie Malre de Nefmond j qui avoir préfidé au jugement K iij  222 Les Juges de Mantes. p révotal, comme préfident du préfidial de Mantes, donna auffi fa défenfe particuliere , prétendant que fa caufe ne devoir point être confondue avec celle des autres officiers. 11 (onvenoit d'abord que le jugement rendu contre le fieur des Ferrieres avoit Paru trop précipité , &c avoit excité de juftes préventions contre les juges. Mais fa conduite cmi,pendant 3 3 ans de magiffratute, avoit toujours été irréprochable, & le peu de part qu'il avoit eu au jugement , le tenoient calme au milieu de 1'orage. II n'avoit pu atrêter 1'impétuofité des officiers de la maréchauffée. II raconte enfuite que, le procés érant en état, il nomma le rapporteur, fuivant le droit que fa charge lui en donnoir. Pour cette nomination, il fe fit affifter de deux officiers du préfidial. S'il nomma le fieur Petit} il n'eut d'autre intention, que de fuivre Pordre du tableau qui fixoit le tour de cet officier » pour être rapporteur. Le fieur Perit fe chargea du procés , le 19 janvier. Le 10 1'aifefieur en la maréchauffée avertit le fieur de Nefmond que 1'affaire fe rapporteroit le lendemain , & lui donna avis de fe trouver a la chambre. II témoigna fa. furprife 5  Les Juges de Mantes. 223 mais il ne pouvoit retarder, 1'orionnance de 1670, tit. 2 , art. 25, lui faifant un devoir inviolable de vacquer diligemment ala vifite & au jugement des procés prévotaux. Certe loi eft précife a cet égard , & ne peur être éludée. Le z 1 janvier , il entra, a huit heures du matin, a la chambre , oü il avoit été prévenu par les autres juges. Six heures furent employées a Pexamen du procés. On ttouva que toutes les fotmes avoient été obfervées dans l'inftrudtion. ^ . Les conclufions du procureur du roi, qui furent décachettées alors3 tendant a. la mott contre le fieur des Ferrieres , Sc au fouet contre Marie Menu, on fit venir le premier , pour 1'inteiroger fur la fellette. II déclara qu'il ne vouloit pas répondre, paree qu'il s'étoit pourvu au parlement & au grand-confeil, & demanda un délai , pour faire apparoir un arrêt qu'il difoit avoit obtenu, Sc qu'on devoitlui envoyer inceftamment. Mais il ne dit point qu'il eut pris les officiers de la maréchaulfée a partie , ni qu'il füt en inftance avec eux. Tout importants qu'étoientces faits, le préfident de Nefmond les ignoroit, & le^ officiers de la maréchauftee les lui diffimulèrent. Enforte qu'il crut que le fieur des Fer-  224 Les Juges de Mantes. rières s'étoit fimplement pourvu an parlement contre Ia compétence du prévöt, & que , fans intimer les officiers, ou lans qu'ils eulTent lié la conteftation , en fe préfentant en cette cour, il avoit fimplemènt obtenu un arrêt fur requête. Quoique cette procédure , telie que le préfident avoit cru qu'elle exiftoit , fut nulle, & contraire a toutes les ordonnances, & qu'il penfat bien qu'elle ne hoit pas les mains du tribunal, il propofa cependant aux juges de donner un délai i 1'accufé, & repréfenta qu'il n'y avoit aucun inconvénient a le lui accorder. Mais ils n'eurent point égatd a cette remontrance', &a!léguèrentque le délai fixépat 1'édit de Charles IX expiroit Ie lendemam. II eut été a fouhaitêr que , dans ce moment fatal, Ie procureur du roi eut envoyé la lettre qu'il avoit recue de M. le procureur-général au grandconfeil; elle auroir déterminé a accorder Ie délai que demandoit 1'accufé. m Cet officier ajoutoit que , quoiqu'if ignorat les procédures faites au parlement êc au grand-confeil , un fecret preffentitaent 1'obligeoit a infifter fur cette grace. Mais il nenut vaincre 1'obf tination des juges : 'dj avoif fix voh  Les Juges de Mantes. 225 contre la fienne \ & malheureufement on les compte , on ne les pèfe pas. lis ne craignirent pas de s'expofer au jufte repentir d'avoir jugé avec trop de précipitation. 11 avoue enfuite que n'ayant pas trouvé que les preuves des crimes imputés au fieur de* Ferrieres fuflènt complettes , il efpéra qu'il ne feroit pas condamné. Il fe trompa : fix opinants furent d'avis de fuivre de point en point les conclufions du procureur du roi. Comme fa qualité de préfident le mettoitdans le cas d'opiner le dernier, il fut d'avis de condarnner 1'accufé a la queftion. S'il eft coupabie , dit-il en luimême , le chatiment de la queftion , lui rappellant 1'idée du chatiment de Dieu , Pobligera a révéler fon crime , & foulagera les fcrupules des juges , qui prononceront alors fur des preuves fuftifantes, dès quelles feront fouteuues par la confelfion. L'énormité des crimes, ajoutoit le prcCi&ent de Nefrnond} dont le fieur des Ferrieres étoit accufé, lui fervoit de défenfe. Pouvoit-on penfer qu'il eut été capable d'attentats qui révoltent la nature , & auxquels il n'auroit pu fe porter , fans que fon cceur fe révoltat, K v  2.2 6 Zes Juges de Mances. fans que fes enrxailles fuffent déchirées ? Cet avis ne fit aucune impreffion fur I'efpritdes juges. Toutce qu'il pu: obtenir, fut de faire modérer ramende a 5 cq livres. Ce récit fidele, difoit-il encore, prouve que le préfident de Nefmond n'a point trempé les mains dans 4e fang du fieur des Ferrières. On ne peut iuiitnputer d'avoir franchi la barrière que lui oppofoient les procédures faites au parlement & au grand-confeil, & que 1'on fait valoir contre les juges pris a partie; il les ignoroit; & les ayant foupconnées,leprévót& 1'alTeifeur 1'affurèrent, comme lont déja attefté les deux avocats, qu'il n'y en avoit point; 1'affeiTeur même donna, a cet égard, un démenti formel a 1'accufé, qui étoit fur la fellette. Le préfident de Nefmond étoit donc, a ce fujet, dans uneignorance de fait, qui ne peut lui être imputée. Devoir-il croire 1'accufé qui étoit fi fufpact, contre lequel la voix des crimes qu'on lui amputoit s'élevoit-fi fort, au préjudice de deux magiftrats? Le defir naturel de prolonger fa vie ne pouvoit-il pas 1'engager a fappofèr ce qu'il alléguoit? Ne  Les Juges Je Mantes. ^ lij oevoit-on pas croire que la vérité, fans aucun melange de palfion humaine , fortoit toute pure de la bouche des juges aflis fur le tribunal de la juftice, 6c qu'on avoit lieu de croire pcnétrés de leurs devoirs? S'il eft trifte, difoit encore le prelident de Nefmond, d'être obligé de fe laver des fautes d'autrui, il eft bien confolant de faite fon apologie devant des juges aufli penetrants qu'équitables. ^ ^ On s'eft plaint que le procés ait ete diftribué au fieur Petit, homme, ditou, des moins cclairës. On a ajouté que Motet eft un imbécille, dont la voix ne fe compte plus depuis plus de qumze ans; qu'on a appellé deux gradués, quoique le lieutenant-général, le heutenantparticulier & le doyen des confedlersfuftent a Mantes, & en fanté. Comme la diftribution des proces regarde le préfident, le fieur de Nefmond eft obligé de fe juftifier encore de cette imputation. Le fieur Petit devoit être cboili luivant 1'ordre du tableau : on lui auroit fait une injuftice , fi on eut nommé un autre. D'ailleurs c'eft un homme droit, fufnfamment éclairé, & qui rapporue avec beaucoup d'exa&itude. £ vj"  228 Les Juges de Mantes. A 1'égard du fieur Motet, on lui fefg une injure caracftérifée, en difanr que 1'on ne compte pas fa voix ; elle efr comprée, comme celle des autres juges. Jamais il n'y a eu aucune plainte contre lui, depuis plus de vingt ans qu'if eft officier. S'il n'a pas des talents bien brillants, il' n'eft pas dépourvu, pour cela, de bon fens & de jugement. Le fieur Bourret, lieutenant-général, étoit a Mantes. II feroit bien a fouhaiter qu'il eut affifté a ce jugemeut; fes lumières.& fa fermeté auroient prévenu les fiutes funeftes de celui qui a été prononcé. Mais il s'en abftint par amour pour la paix, le lieutenant-criminel foutenant aue Ia mnnniff;,,™ j„ matières eft interdite au lieutenanr- ClVi . ■- iu- -ucuienanr- civd. Le fieur Fournter, Heutenant-partfcuLer n'a pu être appellé. II y avoit pms de dix mors qu'il étoit £ Paris, pour fes affaires particulières ; il y eft même encore. Le doven des confeiUers etoit dans la même ville, depuis plus. de hx lemaines, & n'en eft revenu que trois femaines après le jugement. Le fieur le Bozuf, lieutenant criminel, dont les lumières auroient pu être fi utiles en cette occafion, étoit abfent.  Les Juges de Mantes. 2iq Quant aux deux avocats appelles pour completter le nombre de fept juges requis pour les jugements criminels en dernier reffort, c'eft le fieur Manouri y prévór, qui les a choifis. On a dit que 1'un éroit juge du feigneur auquel appartient la confifcation des biens du fieur des Ferrieres; Sc que 1'autre éroit un élu, accufé de prévarication. Le fieur Champagne eft bailli de Rofni, Sc jamais le fieur de Nefmond n'a ouï-dire que les terres dn fieur des Fernères relevaflent de cette feigneurie. On a imputé, a la vérité, une prévarication au fieut Chambellan ; mais il s'en eft lavé a la cour des aydes. Le fieur de Nefmond doit dite, a Ia louange de ces deux avocats, qui plaident journellement devant lui, qu'ils exercent leur profeflion avec honneur. II eft donc conftanr que, pour noircir les juges de Mantes, on a ramaifé tous les faits que 1'on a pu trouver au hafard, fans les approfondir; Sc par cette conduite , on s'eft expofé a des calomnies révoltantes. On auroit voulu qu'un procés-verbal eut conftaté ce que dirent les deux juges qui aftlirèrent qu'il n'y avoit point d'arrêt qui Üat les mains aux officiers de  230 Les Juges de Mant is. Mantes. Mais ce n'eft pas 1'ufage de" dreffer des procès-verbaux de ce que les juges dilent entre eux, quand ils font affemblés dans la chambre. Encore une fois, fera-r-on un crime au préfident de Nefmond d'une ignorance de fait? Les plus prudents n'y font-ils pas fujets ? Facii interpretatio plerlimque prudentijfimos ttiam fa Uit. L. i, ff. defacli & juris ignorantid. Lui fera-t-on un crime d'ayoir préfïdé au jugement d'un procés que les officiers de la maréchauffée lui ont préfenté ? Si la condamnation a mort eft injufte, le chargera-t-on de cette injuftice, tandis qu'il n'a pas été de cet avis ? Peut-on lui imputer le moindre fait d'une haine perfonnelle, ou de quelque autte paffion qui ait altéré fon jugement, & offufqué fa raifon ? Sera-t-il garant de la prévarication des officiers de la maréchauffée; prévarication que Pon avoit voilée a fes yeux ? Qui voudroit acheter des offices de juge, fi on les chargeoir des fautes de leurs confrères, paree qu'ils jugent enfemble; & ft on leur faifoit un crime d'avoir ignoré un fait qu'on Ieu? cachoit avec beaucoup de foin? Que deviendra la juftice des préfidiaux, riéceftaire  Les Juges Je Mantes. ijl pour la füreté Sc la tranquillité publique ? Marle-Barbe Pouget, veuve du Heus des Ferrieres, fe mit auffi, comme je 1'ai déja dit, fur les rangs, pour obtenir des dommages Sc intéréts réfultant de la mort de fon mari. La demoifelle des Ferrieres , fa belle-fille, vouloit écartet cette concurrente; Sc lui reprochoit entr'autres la vie fcandaleufe qu'elle avoit menée, depuis qu'elle avoit quitté fon mari; cette féparation, d'ailleurs, n'avoit eu que la débauche pour motif. S'il paroir incroyable , difoit - elle, qu'un homme diftingué par fa noblelTes Sc vénérable par fon age, favorable par fon innocence, ait été condamné fans preuves, & contre 1'ordre de la juftice, a un fupplice capital Sc ignominieux; il ne 1'eft pas moins que la veuve de cet innocent foit expofée a 1'accufation d'un crime arroce, paree qu'elle ponrfuit la vengeance de la mort de fon mari. Et par qui cette fiufte accufation bi eftelle fufcitée? Par la fille même du fieur des Ferrieres, qui n'a rien oublié pour empêcher cette veuve de remplir urt devoir qui doit leur être commun a toutes les deux.  43* Les Juges de Mantes. Pourra-t-on fe perfuader que cettff fille dénaturée ait eu defiein de juftifier la mémoire de fon père, puifqu'elle fchercfie elle-même denouveaux moyens de la flétrir, en imputant fauflement a fa veuve les crimes d'adultère & de polygamie ? C etoit un grand préjugé pour fon mnocence, difoit-elle, d'avoir été recue partie iiitervenante au procés ; tk d'avoir été autorifée , par-la, a juftifier Ia mémoire de fon mari, & a pourfuivre la jufte vengeance de fa mort. Si, pendant la vie de ce mari, elle lui eut fait les outrages dont on 1'accufe, un tribunal aufli éclairé, auifi judicieux, que celui auquel la décifion du procés a été confiée, auroit-il permis a une femme fouillée de tant de crimes d'élever fa voix en faveur de Pinnoeence ? Lui auroit-on permis de foutenir 1'honneurdu défunt, après Pavoir accablé d'ignominie pendant fa vie ? On lui oppofe d'avoir pris, dans un bail, la qualité de femme du fieur Paquin. Elle ne défavoue pas le fait: mais elle y avoit été, dit-elle , comme forcée, dans un tems auquel le nom de fon mari prifonnier pour un cas prévötal, & dont le fils venoit de fubir le  Zes hges de Mantes. 2331 dernier fupplke, la couvroit d'ignomi- ! nie. Ainfi, pour fe dérober a 1'infamie , elle avoir imiré Abraham qui t pour con- I ferver fa vie, défavoua fa femme, & la • fit palfer pour fa fceur. On avoit fait entendre des témoins contre elle, & 1'on avoit voulu compo* fer une information qui conftatat qu'elle s'étoit remariée du vivaut même de fori 1 mari. Mais tous les témoins qui avoient 1 dépofé contre elle étoient fufnfamménf reprochés ; puifqu'il eft conftant qu'il n'y en a pas un qui ne foit en procés avec elle ; ils en font même convenus. Quand , d'ailleurs, ils ne feroient pas reprochables, quand ils auroient taxé la dame des Ferrieres de quelque galanterie, le mari nes'étant jamais plaint, on ne peut accufer fa veuve d'adultère. I Cette aclion , fuivant le langage de ld loi, n'eft réfervée qu'au mari , & nc s'aC' torde point d 1'héritier, qui n'eft pas ': chargé de corriger les mceurs de la femme de celui auquel il fuccede (i). Si elle avoir quitté fon mari trois rnois après 1'avoir époufé ; elle n'avoit (1) AQio de merihus ultra perfonam mariti non potefl extendi, nee tribukur hezredi : hares enim morum cornilionem non habet. h. i J , §. lt ff. foiuto matriw.  2-34 Les Juges de Mantes. alors que quatorze ans. Elle eur le ma!» Keur de déplaire a la demoifelle des Ferrihes , qui, pour s'en défaire, voulut 1'empoifonner dans un bouillon dans lequel elle avoua avoir mis de la ciguè'. La dame des Ferrieres fur heureufement avertie a tems. Pour mettre fa vie en füreté, elle fe retira a Paris auprès de fa mère, & rendit une plainte qu'elle n'a pas voulu pourfuivre par coniidération pour fon mari. Depuis ce tems, elle a vécu avec lui dans la plus parfaite intelligence. II venoit fouvent la voir a Paris ; & rien ne prouvé mieux leur union que les gages d'amour qu'elle lui a donnés dan£ les enfants qu'elle a eus de lui. Les défenfes des juges, prifes féparément, étoient féduifantes. Mais, outre qu'ils s'accufoient mutuellement, les allégations des officiers de la maréchauflee fur-tout n'étoient pas fans réponfe. Ce n'eft pas d'aujourd'hui, difoit la demoifelle des Ferrieres , que les juo-es de Mantes, pour autorifer leur paffion, avoient dépeint le fieur des Ferrieres comme un homme odieux. Les impuBtiocs qu'ils ont crues néceflaires pen-  L es Juges Je Mantes. 135 dant fa vie, pour le facrifier a leur avance &c a leur animofité, leur paroiifent également nécelfaires pour fe dérobet a la peine qui leur eft due. Us n'ont fuivi que leur haine aveugle pour confommer 1'iniquiré la plus grande & la plus atroce. Pour la déguifer, ils ne confultent a préfent que leur crainte. Ils ont commis le crime, fans faire attention aux fuites qu'il pourroit avoir. Ils cherchent a 1'exculer ; mais la terreur du chariment qu'ils ont devant les yeux leut afait perdre le jugement Dans les écrits qu'ils rêpandent dans le public, ils fe chargent mutuellement. Ils font plus : dans leurs interrogatoires , ils s'accufent eux-mêmes de malice , d'ignorance & de foiblefte. Pour les convaincre, ils ne faut que leurs réponfes chancelantes, incertaines, & leurs variations ambiguës. Ils fe trahiflent, & révèlent, malgré eux, la noirceur de leurs prévarications. Les uns ont dit que les procédure* faites au parlement & au grand-confeil, Bc les arrêts rendus dans ces deux tribunaux, ont été mis fur le bureau, lors du rapporr du procés. D'autres ont foutenu qu'ils n'y ont point été mis. §i les premiers difent la vérité, tou«  2*6 Les Ju a-es de Mantes. les juges font également coupables de 1'alfailinat du fieur des Ferrieres. Ils ont tous framhi une barrière qui devoit arrêter le jugement qu'ils avoient fi grande envie de rendre, fans qu'aucun motif honnête puifïe exeufer ce coupabie empreflement. Si c'eft les dernies qu'il faut croire, il fuit que le prévór, I'aifefleur, le procureur du roi & le greffier, qui connoiSfoienr ces procédures, avoient prémédité de faire affaumer le fieur des Ferrieres par les mains de la juftice ellemême , en trompant les autres juges. Mais ceux-ci n'en font guère plus txcufablss. L'accufé leur aflura pofirivement quê le parlement étoit faifi de fon afïaire. S'ils n'ont pas voulu approfondir ce fait, ce font des aveugies volontaires. Ils craignoient de trouver des raifons pour fauver l'accufé ; ou du moins pour difterer fa perte. Ils fe font dévoués aux auteurs de la cabale, & font entrés dans le complot. Pout les convaincre enriérement, il ne faut que rapporter ce qu'ils difent. Ils aftiirent que le prévót donna le démenti a l'accufé, & ajouta que, s'il y avoit des procédures au parlement, cettecircoiiftance ne regardoit que lui,  Les Juges Je Mantes. 2.37 & qu'il en étoit garant. Ce langage ne contenoit-il pas un aveu détourné de i'exiftence de"ces procédures? Si les autres juges n'ont pas voulu en appercevoit ie véritable lens , n'eft - ce pas paree que leur fureur qui ne pouvoit, s'atïbuvif que par 1'effufion du fang innocent, ne vouloit pas de délai? Auffi ne fortirenr-ils de la chambre, que quand leur iniquité fut confommée : ils furent en place depuis fix heures du jnatin, jufqu'a deux heures après midi, II n'y a point d'efforts qu'ils n'aient faits pour perfuader que le fieur des Ferrieres éroit coupabie d'avoir volé Ia provif on du vicaire \ d'avoir volé des elle dépofe feulement qu'elle a été témoin du prétendu vol; en 1698 , elle s'en déclatecomplice; paree qu'il femble qu'en s'accufant elle-même, elle eft beaucoup pluscroyable; & que cet aveu a beaucoup plus de poids qu'une funple dépofition contre celui qu'on vouloit perdre. Mais cette complaifance a été achetée a prixdargent, & par 1'affurance qu'on lui avoit donnée qu'elle ne rifquoit rien. Auffi prononce-t-on contre elle un fupplice qui n'eft pas proportionné au crime dont elle s'avoue coupabie. On lui épargne même ce fupplke , fous prétexte d'une prétendue groffeffe. On fait yenir, dans laprifon, le fieut Moytncour3  Les Juges Je Mantes. 247 médecin. II eertifie qu'elle eft malade , afin qu'on la metre a 1'hópital; d'oii il fera fort aifé de lui procurer fon évafiorr. Elle ne s'attendoit même pas, après les promefles qu'on lui avoir faites , au traitement qu'elle a recu. Elle fe plaignit, quand on la conftitua prifonnière, 8c dit hautement que 1'on manquoit a la parole qui lui avoit été donnée. Je n'entrerai pas dans un plus grand dérail fur les réponfes faites aux différents prétextes dont les officiers de la maréchauffée avoient fait ufage. Leur injufte animofité eft démontrée par le récit de leur procédure , que j'ai placé a la tête de certe hiftoire, 8c par les difcuflions que 1'on vient de lire. Pour écarter 1'intervention de la veuve du fieur des Ferrieres > 011 difoit que fa conduite tetracée dans les dépofitions des témoins \ 1'aveu qu'elle avoit fait de s'être dite femme d'un autre homme que de fon mari, fa féparation pendant tout le tems de fon mariage, les intrigues d'éclar qu'elle avoit eues , démontroient fon indignité. Si la demoifelle des Ferrieres n'en difoit pas davantage , fi elle n'entroit pas dans les détails dont elle pouvoit adminiftrer la preuve, c'eft qu'elle refpeótoit les liens L iv  24°* Les Juges de Mantes. qui avoient uni cette femme a fon père, quoique celie-ci ne les eü: pas refpecïés' elle-même. La demoifelle des Ferrieres avoit cependant pourfuivi dans les formes~, contre fa beile-mère , I'accufation en bigamie ; & par jugement fouverain rendu aux requêtes de 1'hotel le 17 aoüt la requère du procureur général, onavoit ordonné, pour raifon de ce crime , un plus amplemenr informé pendant trois mois. Auifi M. le procureur général, lors de 1'arrêt dérimtif, la compara-t-ii a ces vierges folies de 1'evangile , qui , fante d'huile en leur lampe, furent rejettées du feitin nuptial. r Les officiers de la maréchauffée n'étoientpas les feuls coupables qu'il y eut apumr dans cette affaire. L'inftruction du procés avoit appns que les nommés RorlaftrcSt Boutiller 3 1'un exempt, Sc Vaatte archer de la maréchauffée,avoient bnfe les portes de la maifon de SaintCneron; qu'ils avoient pille les meubles qui y etoient appartenant au fleur des Ferrieres. _ Enfin, voici 1'arrêt définitif qui int^rwni aux requêtes de 1'hórel, le oremier ieptembre i€99 \ m ouï le rapport du  Les Juges Je Manies. 249 » fieur Maboul maure des requêtes h ordinaires de Phótel. Après que Ma» nauri} Bourct, le Tourneur 3 le Maïre 3 « Peut 3 Motet 3 Gilles Champagne 3 „ Chambellan , Marie Menu ont été ouïs » Sc interrogés dans la chambre fur les » cas a chacun d'eux impofés, Sc fairs n réfultant du procés ; fcavoir lefdits ft Manouri Sc Bouret fut la fellette , Sc 3> les autres derrière le barreau, tout » confidéré y les maitres des requêtes H ordinaires de lhotel , jllgeS fotl- 35 verains en cette partie, ont déclaré 6c » déclarent lefdits Pierre de Manouri » ( prévót) Francais le Tourneur (affef}■> feur ) & Jean Bourret ( procureur du 35 roi) duement atteints Sc convaincus 33 des prévaricarions par eux coromifes as dans 1'inftruftion du procés de feu 33 Charles de Goubert des Ferrieres. Pour 33 réparation de quoi, ont banni Sc ban.3 niffent lefdits Manouri, le Tourneur 33 Sc Bouret 3 pour cinq ans, de la ville, 3> baillage Sc relfort du préfidial de 33 Manres, leur enjoignant de garder >3 leur ban, fous les peines porrées par 33 l'ordonnance;les condamnenrchacun „ en 100 livres d'amende envers le j3 Roi. 3» Et3 pour les faits réfultant du proLv  2? o Les Juges de Mantes. » cès, ordonnenc que lefdits le Mairs » (le préfident ae Nefmond) , Petit n ( confeiller ) Motet (confeiller ), fes> ront mandés en lachambre Sc admo» neftés -y les condamnent chacun en » quatre livres d'aumóne applicables au » pain desprifeon.iers du Fort-i'Evêque. » Ont déclaré les défauts & contu» maces bien Sc duement obtenus a »s Pemontre de Daret > greffier , Ro~ » b,aflre, exempt, & Boutilierarcher » de la maréchauifée de Mantes. Ce » faifant, les ont déelarés duement at» teints & convaincus , fcavoit ledit » Daret d'avoit patticipé auxdites pré» varications , avec lefdits Manoury , » Toumeur Sc Bouret, Sc d'avoir , par «lefdits Roblaffre Sc Boutilier, fans » autorité de juftice , brifé les portes de j' la maifon feigneuriale de Saint-Che, pris Sc emporté les meubles » dudit de Goubert des Ferrieres étant dans ladite maifon. » Pour réparation de quoi, Sc des » autres cas mentionnés au procés, a 33 1 egard dudit Daret, Pont banni Sc 33 bannilfent a perpétuité hors du royau» me; fes biens acquis & confifqués a 33 qui il appartiendra; fur iceux préala#> blement pris la fomme de i oo livres  Les Juges de Mantes. 1^ i » (Tarnende envers le Roi, en cas que t> la confifcation n'ait lieu au profit de « Sa Majefté. ,■> Et quant auxdits Roblaftte &C Bountiller, le banniflent pour cinq ans, » de ladite ville ,baillage & telfort dudit » préfidial de Mantes , & les ont con» damnés chacun en dix livres d'amende jj envers S. M. » Enjoignent pareillement auxdits 55 Daret, Roblafire ècBoutiiler, de garis der leur ban , fous les mêmes peines. 55 Ordonnent que le préfent arrêt, a 55 1'égard duditDaretjeta tranfcrit dans n un tableau qui fera attaché par 1'exé,5 cuteur de la haute-juftice, a un poj» teau qui fera planté a cet effet dans la »5 place publique de Mantes, oü ledit 9» Goubert des Ferrieres a été exécuté. 55 Condamnent, en outre , lefdits 53 Roblaftre & Boutiller folidairement 55 8c par corps, arétablirinceflamment, 55 dans ladite maifon feigneuriale de ,3 Saint-Cheron les meubles par eux en* levés, s'ils font en nature; & a re>5 mettre les portes de ladite maifon au 35 même état quelles étoient ; finon 33 payeralafucceflion dudit Goubert des. » Ferrieres la fomme de 200 livres s L vj  2> 2 Les Juges de Mantes. » pour 3e prix Sc valeur defdits meubles » & portes. » Comme auffi condamnent folidai» rementlefdits Manoury , /<; Tourneur, y> Bouret , le Maire, Petit, Motet Sc » Daret, en vingt-mille livres de rcpa» rations civiles, Sc en tous les dépens » du procés envers Catherine de Gou» • les condamnent en outre , auffi » folidairement, de fonder, enl'inten» tion, & pour le repos de Pame dudit » Goubert des Ferrieres , dans Péglife « de Notre-Dame de Mantes, un fery> yice folemnel, avec une mefle baute » a diacre & fous-diacre, qui feta dite » & célébrée a perpétuité tous les ans , » a pareil jour que ledit des Ferrieres a « ére exécuté a mort ; auquel fervice « affifterontlesprêtres du grand Sc petit » cpUcge de ladite églife. Pour Pexécuy> tion de laquelle fondation, ils feront » tenus de faire un fonds fuffifant, « dont ils demeureront garants folidai- * rement, & den paffier contrat avec * le cfiapitre, ie curé, Poeuvr-e & la « fabrique de ladite cglife, en préfence * de ladite Catherine de Goubert, dans » un mois, a comprer du jour de la » fignificatiou du préfent arrêt a leurs.  Les Juges Je Mantes. 2 5 J 35 perfon-nes Sc domiciles. Si non, êc & v faute de ce faire dans ledit mois y & ledit contrat de fondation fera pailé' 33 a la diligence du procureur général; 33 laquelle fondation s'exécutera pour la 33 première fois, le lendemain de la 33 paifation du contrat d'icelle; & dans 33 la fuite , annuellement, ainfi qu'il eft 33 ci-deflus ordonné ; Sc fera gravé fur 33 un marbre blanc, qui fera attaché en | 33 forme d'épiraphe fur un des piliers 1 33 des plus apparenrs de ladite églife, &C | j3 mention faite de la caufe d'icelle , du i 33 contrat qui en aura été pafte Sc da 33 préfent arrêt; enfemble de celui du 33 27 Mars dernier» 33 Ordonnent que de ladite fomme' 33 de vingt mille livres de réparations*> civiles & dépens adjugés folidaire: 33 menra ladite de Goubert, Sc de celle i »3 a laquelle fera réglée la fondation Sc 1 33 frais d'épitaphe , lefdits Manoury y 33 le Tourneur Sc Bouret, en feront tenus 33 chacun d'un quart, & ledit Daret 35 d'un huitième, Sc lefdits le Maire 3 35 Petit Sc Motet, de 1'atitre huitième. 5i Et pour les accufations intentées 33 tanr contre lefdits Gilles , Champagne , 33 Chambellan, gradués, que Marie Menu,, r> lefdits maitres des requêtes ont mis  1^4 Les Juges Je Mantes. » &c metcent les parties hors de cour &r n de procés, fans dommages, intéréts, » ni dépens : ordonnent que ladite » Menu fera renvoyée aux prifons de » Mantes. » Ont déclaré 8c déclarent Marie» Rarbe Pouget indigne de participer » auxdites réparations, tant honora« bles , que pécuniaires; & en coufé» quence, fur fes requêtes & demandes , 35 ont mis les parties hors de cour ». Pour peu que Pon ait faifi les dirférentes branches dont cette affaire eft compofée, onappercevra la- iuftice des différentes gradarions obfervées dans cet arrêt relativement a la part que chacun des officiers avoit eue dans le jugement du 21 janvier 1699. On pourroit peutêtre s'étonner de ce que les plus coupables, ceux qui avoient machiné le jugement, & entrainé leurs confrères dans Perreur , n'aient pas été condamnés a mort, comme coupables d'un véritable affaflinat commis enlaperfonne du fieur des Ferrieres. Mais il faut avouerque tout annonce qu'il s'en falloit beaucoup que la vie de cet homme füt fans reproche; & peutêrre y avoit-il lieu de le foupconner au moins d'une partie des. crimes qui  Les Juges de Mantes. 25 ? lui avoient été imputés; & c'eft peutêtre cette confidétation qui a fauvé la vie au procureur du roi, au prévór & a 1'aflefieur. Mais , quelque violents que 1'on fuppofe ces foupcons, ils ne pouvoient jamais fervir de bafe ala prononciation d'aucune peine 5 a plus forte raifon de la peine de mort. On n'avoit même fait nulle inftruction relative a aucun de ces crimes; nulle plainte rendue, nulle informa-r tion; on en voyoit tout au plus quelques traces légères dans des dépofitions fort fufpectes. Le prétendu vol qui a fervi de prétexte. a 1'horrible jugement du zi janvier n'étoit point prouvé : &, quand il 1'auroit été , vu les circonftan-r ces qui 1'avoient provoqué, mériroit-il une peine capitale ? Si le vicaire Ferret étoit fenftble ad'humanité-, il a du être agi'ré le refte de fes jours, de remords & de regrets bien cuifants , d'avoir fait tant de bruit, & d'avoir occafionné la mort & la ruine de tant de perfonnes pour quelques. morceaux de lard: 11 étoit prouvé, d'un autre coté, que trois des officiers au moins n'avoient été guidcs que par 1'efprit de venr geance, & qu'ils, n'avoient fut. mourir le fieuï des Ferrieres j que pour s'apr.  2^6 Zes Juges Je Mantes. proprier fon bien. II falloit donc un exemple éclatant qui annoncat aux juges que la vie 5c les biens de leurs jufticiables ne dépendent pas de leurs caprices & de leurs paffions. Le procureur du roi & le prévót moururent, peu de tems après, dans les douleurs les plus cruelles. Le prévót fe fit foldat aux gardes, &c mourut dans la misère. Le greffier eut le même fort. Au refte 1'arrët fut exécuté dans tous fes points ; exeepté en ce qui concerne l'afhche qui devoit être infcfite fur du marbre 5c attacbée a. un pilier. Depuis cette affaire, les officiers de la maréchauffée de Saumur ont donné lieu, contre eux , a une prife a partie. Philippe Thomas, éeuyer, fieur de Beaupré, fut accufé d'avoir affalfiné, pendant la nuitle meünier de Bournan 6c fa femme. II fut condamné, par ce tribunal, a être appliqué a la queftion ordinaire 5C extraordinaire, pour avoir révélation de fes complices \ 5c a être rompu vif• ce qui fut exécuté , le jout même du jugement 1 8 aoüt 1714, Perrine Bejaard, veuve du fieur de Beaupré, fe pourvuc au confeil, en  Les Juges Je Mantes. i<,y caffation. L'affaire fut renvoyée auX maitres des requêtes , pour avoir leur avis. Ils jugèrent qu'il n'y avoit pas' lieu a la calfation. Cependant le Roi accorda a la veuve ! des lettres de revifion du procés, qui furent adreflees a la rournelle du parlement de Paris. Elles furenr entérinées le 12 aout 171 8, & la mémoire de Phiiïppe Thomas de Beaupré fut réhabilitée, & déchargée de Paccufation. La veuve obtinr permiflion de prendre les juges a partie, & les fit affigner en conféquence. Par arrêt du confeil du o feptembre 1720, ils furent condami nés a payer folidairement a la veuvey I Ia fomme de 1 3000 livres de domma| ges & intéréts, & a tous les dépens ? ) avec permiflion a la veuve de faire exhumer le corps de fon mari, pour le faire enterrer dans telle églife qu'elle voudroit choifir. Les juges n'éproüvèrent point de peines corporelles ni infamantes, paree qu'ils n'étoient pas coupables de prévarication : mais on punit pécuniairement Perreur inexcufable qu'ils avoient commife.  CAD SE DE DIEU. Cette affaire eft une des plas Shgunères qui aient été traitées au paials : elle eft unique dans fon efpèce. Paul Duhalde, natif de Paris, étoit fils d'un Jouaillier de cette ville. II n'étoit pis fans efprit, & avoit un cerfain goüt ^poiir les fciences. II perdit fon père a lage de feize ans, Après différenres courfes, que fa fnère lui fit faire, pour le former dans le commerce, il palfa en Amérique. II fir alors un journal de fa vie, dans lequel on voit qu'il avoit formé avec fuimème 1'engagement de donner aux pauvres la moitié du proht qu'il feroit pendant ce voyage, Mais n'en ayant point fait, fa promeffe fur illufoire. Après un autre voyage qu'il fit a Madrid en Efpagne, il revint encore a Paris, fans rapporter aucun profit fur les pierredes qu'il y avoit porrées pour le-; commercer en fociété avec deux autres marenands, qui lui avoient con-  Caufe de Dieu. 9 fte chacun un tiers des fonds qu'il devoit négocier a profit commun. « Pen„ danr le féjour que je fis a Paris, dit« il dans fon journal, ii n'y a point de » contradi&ions que je n'aie éprouvées » de la part des hommes; amis, parents „ prenant, ce femble, plaifir a me faire „ de la peine. J'avoue que je ne fcavois. m de quel bois faire fleche »r. Ces réfiexions mélancholiques lui firent naitre 1'idée du projet le plus fingulier qui ait jamais été concu : ce fut de contra&er une fociété avec Dieu. II la rédigea fur fon journal le 24 feptembre 1719. Voici comme il s'explique : Je réfolus de contracler une fociété ~ avec Bi.u , pwmett&nt &; Jaifimt vceu. d'en accomplir tous les articles qui font ci-après; & j'engage mes hérititrs , tefa qu'ils foient, a la. teneur de tous ces articles, au cas que je meure avant que de l'avoir fait par moi-même. Cette fociété, qui avoit pour objet le commerce des pierreries, devoit da* rer cinq ans, a commencer du premier oclobre 1719 jufqu'au premier ocïo- bre 1714. II déclare que fon bien conlifte en trois mille piaftres, monnoie d'Efpagne, ou quinze mille livres, monnoie-  fSó Caufe de Dieu, J^e:^16 fonds qu'ü met da« reen tant de Ja fucceffion de fon père que de ce que fa mère lui avoit donné en avancement d'hoirie. II s'interdit Ia faeulté'de cöntra&er é pendant ces cinq années, aucune autre We fi ce n'eft celle qu'il pourroit contraéfter avec une femme, en 1'épouJnt. Quelques articles de fon journal donnent a entendre qu'il étoit dès-lors epns de celle qu'il a époufée dans la 3 A 1'expiration des cinq ans, Duhalde jufte de fa fituation. II devoit prélever iur lafociete, les ?ooo piaftres qu'il y avott mtfes & qui enVaifoient Ie fonds, z . La dot qu'une femme pourroit lui apporter. j». Les fucceffions qui pourront lui écfieoir pendant Ia fociete... Après quoi il ajoute : & l'excédent pourra fe partager entre Dieu & moe Les chofes ainfi réglées, Duhalde part encore une fois pOL1r 1'Efpagne. Les commencements de fes travaux ne furent pas fruétueux. II s'attacha au cardinal Alberoni, dont la proteétion fit concevoir a notre commercant de grau-  Caufe de Dieu. 261 des efpérances. Mais la difgrace de ce miniftre les rit 'oientót évanpuir. II chercha un autre appui, & s'attacha au marquis Scotti} qui lui fit obtenir le titre de jouaillier du Roi &c de la Reine, Quelques annces aprés, pn forma Ie projet du doublé mariage entre les maifons de France & d'Efpagne. Duhalde fe donna des mouvemenrs pour trouver & fournir les pierredes dont on avoit befoin pour ces deux cérémonies auguftes. II fut traverfé, & fur le point d'être fupplanté par un jouaillier efpagnof, nommé Alfu-zo, Pour parer le coup,il ne rrouva pas d'autre moyen, que de s'unir avec 1'étranger. L'union fe fair; Duhalderecoit les fonds, vient i Paris en oetobre 1711. II y fait les achats , & le fuccès paffe fes efpcrances. Il prend alors la réfolution de ne plus quitter la France. Au mois de janvier 17*2 , il époufe Marie-Anne de Hanfy} fille d'un liü braire. Elle lui apporte 30000 livres en dot, dont la moitié entre en com- munauté Le contrat porte la claufe que les époux ne feront point tenus des dettes 1'uu de 1'autre, contraétées ayant le mariage. Duhalde avoit  ±è2 Caufe de Dieu. dors, de foncöté, prés de 8 6oco livres de pronts, outre les fonds qu'il avoir, quand il commenca fon commerce, Sc outre la dot de fa femme. Sa fortune fut encore augmentée paf. la fucceffion de fa mère, qui mourux dans ce tems-la. II en retira 7iz ce qu'il lui plait de fon vivant, & par 55 donation entre-vifs, fans fraude, en * faveur de perfonnes capables. Mais, (i) Jean le Camus fut d'abord confeiller de ia cour des aides de Paris, maitre des requêtes, intendant en Auvergne, & enfin Iieutenant-civü au chatelet de Paris. II fut nn des plus habilés Sc des plus intègres magiftrats de fon tems. II mourut le 28 juillet 17IC5 age de foLxante-treize ans. Ilpublia, en 1709, un recueil des sctes 3 la moitié de la femme ». Si la fociété que foutiennent les adminiftrateurs, s'exécute, ilfaut donnet la moitié aux pauvres \ 1'autre moitié doit appartenir intégralement a la veuve. La raifon eft qu a 1'inftant de la mort du mari, la moitié de tous les meubles &c conquêts qui forment la mafte de la communauté conjugale, eft irrévocablement acquife a la femme. La mort aSÓté aü mari tout 1'empire que, pendant fon vivant, il tenoit de la loi fur la totalité de la communauté; &:, comme le teftament n'acquierr de furce Sc d'exécution que par la mort du reftateur, cet aéte ne peut faire aucune impreftion fur la portion dont le décès dit mari a fixé irrévocablementlapropriété fur la tête de la femme. Duhalde n'a donc pit, pat fon teftament, difpofer au profit des pauvres que de la moitié revenant a fa fucceflicn dans la communauté. Mais il n'a  2.Bo Caufe de Dieu. pas difpofé de cette moitié entière : il ia botuée a la moitié des profits que ion commerce lui avoit produits jufquau premier oótobre t1H : il avoit meme déiigné les effets provenant de ces pronts. Or le fils de Duhalde, comme repréfentanr fon père, doit avoir ia part dans les profits de la fociété : c elt la loi que le père a impofée luimeme, quand il a créé cette ptétendue iociete. Puifque c'eft une fociété, il a certamement voulu que lui, ou fa fucceffion y participat : fans cette intention il n'eft pas poftïble de concevoir une locicté.. ^ II faudroit donc au moins que le fils eut le quart des pierredes formant le proht de la prétendue fociété. Ainfi la Pr™!°n1(lf 1'hópital-général feroit reduótible a 1'autre quart. Qu'on ne difepas que l'hèpital-géïieral peut prétendre 1'équivalent de i autre part, par forme de récompenfeiur les autres biens de la fucceffion. Les pauvres , dans leur fuppofition, ne peuvent rien demander, qu'a titre de lees pu de fociété. Si c'eft a titre de fociété Us ne peuvent fe venget que fur les filets de la fociété même. Ce n'eft pas i" une fociété univerfelie de tous les,  Caufe de Dieu. 281 biens que pofsèdent les alfociés: c'eft une fociété particulière , limitée aux pro hts qui pourront fe faire depuis tel tems jufqu 'a tel tems. Le droit des alfociés fe borne donc ftticrement aux effets réfultant de ces profits. Si les pauvres viennenr a titre de Iégataires, le legs eft raxatif & limitatif. Le teftateur y a exprelfément aftujetti une certaine quantité, & une certaine forte de biens. Tout ce qui, par des calculs & des prétentions quelconques , poutroit excéder cette limitation, feroit caduc, fuivant la maxime : il n'a pas voulu ce qu'il n'a pu : non voluit quod non potuk. Enfin, quand Duhalde auroit pu contrader la fociété dont il s'agir ; quand il auroit pu faire le legs dont on vient de démontrer rimpoflibiUté, la prétention des pauvres feroit réduite a rien. La fucceflion de Duhalde monte a cent-cinquante mille livres. II en faut déduire d'abord 702.26 livres provenant de celle de fa mère. En fecond lieu 30000 livres pour la dot de fa femme. Refte 49774 livres, fur quoi il faut déduire les deux cinquièmes, d'après 1'eftimation faite par Duhalds  ic>2 ' Caufe de ï)ieü. de fes pierredes, lorfqu'il étoit a Ma* drid. II les eftima fur le pied que 1'argent valoit en France en 172,4 ^refte donc 3 3006 livres. ïï faut encore , fux ee reftant, déduire- les dettes contractées par Duhalde s tant par les billets a ordre, que pour le capital de la rente dé 150 livres dont on a paflé, les auttes dertes infcrites fur les regiftres, les frais funéraires, ceux qu'il a fallu faire pouf les arrangements de la fucceflion ; les prélèvements de la veuve pour fon deuil, fon préciput a &c< tout le fonds s'évanouira. Quand ón voudra, d'ailleurs , balaneer la prétention des pauvres avec les loix du mariage, les devoirs d'un père Sc d'un mari: quand on conlidérera qué Duhalde a donné aux pauvres 25000 livres , on jugera que Poffrande eft fu£ fifante, Sc que Dieu n'exige pas qu'on lui en.faflè aux dépens de la veuve SC de Porphelin ; &c la juftice n'héfitera pas 'a profetire la difpofition qui eft 1'objet du procés. . Dans le concours des devöirs qui fe contrarient, il faut fatisfaire a ceux qui hous engagent le plus étroitemént, Sc qui font regardés comme les principaux, Dans 1'ordre de la charité, tout ccde  Caufe de Diéü. 2$ 3 aux dbligations du père envers fes enfants , &c du mari envers fa femme. La défenfe des adminiftrateurs con~ fiftoit a dire.. La difpofition de Duhalde eft-elle valable en elle-niême? Au cas qu'elle foit valable, peut-elle avoir fon exécution ? Si elle le peut, comment doit-elle 1'avoir ? La validité d'une difpofition dépend de trois chofes , qui font la perfonne , 1'objet & la forme. 11 faut que la perfonne foit capable de difpofer ; il faut qu'il foit permis de difpofer de la chofe qui fait 1'objet de 1'acte ; & il faut que cet aóte foit rédigé dans une forme régulière & légale. Si 1'on examine ia perfonne de Duhalde, on n'y trouve rien qui ait pu lui faire perdre la liberté de difpofer de fes biens. II avoit beaucoup de bon fens, & même , ft 1'on en doir juger par les rérlexions femées dans fes journaux , il raifonnoit folidement. li a toujours gouvemé fes affaires en homme prudent & éclairé. On ne voit point que la piété, dont il faifoit profeflion, ait dégénéré en foiblelfe; que perfonne fe foit emparé de fon efprit, & lui ait infpiré une confiance aveugle, pour le  284 Caufe de Dieu. jetter dans une générofiré déplaeée Sc rumeufe. _ Ses journaux font entendre, a Ia vérité, qu'il a varié dans fes études. Voici comment il en parle lui-même ■ « ie » m'appliquai a 1'étude de 1'écrirure" famte i J'e & 1'analyfe du pentateu» que & j'en tirai 1'abrégé de 1'hiftoire, » fur aqueile je ne lahTai pas de faire » quelques temarques eiTentielle* Je « mis d'ailleurs en ordre alphabécioue » un pent dichonnaire de géographie » nouvelle. Enfin je commencai a ap» prendre la mufique ». _ Cette variation n'annonce point une "conftance qui paiiTe faire foupconner de la foiblefTe : ou il faudroir faire ce reproche i tous ceux qui ont voulu cuïnver les fciences, & même oui ont mis differents ouvr?ges au iour. On les voit paffer d'un objet i 1'autre, fans qu d v ait même certains tappcrts entre les difreren tes matières dont ils s'occupent, & qu'ils tr?itent. Nous avons des ecnvains eftimabies & eftimés,aui ont traduit des auteuts latins, donné des traites de théologie & de morale, & des grammaires grecque &: latine. En un mot on ne peut trouver, dans tout le cours de la vie de Duhalde4  Caufe de Dieu. 285 aucun trair qui puifle lui mériter 1'interdiéHon. 11 avoit donc la faculté de difpofer que la loi ciyile accorde a tout citoyen capable d'en ufet avec prudence. Les objets dont il a difpofé étoientils a fa difpofition ? II a dilpofé, en faveur des pauvres, de la moitié du profit qu'il feroit, pendant cinq années , dans le commerce de pierreries. L'objet de fa difpofition elt donc 1'intérêt des pauvres; ou, ce qui eft la même chofe, 1'intérêt du public. Car, comme dit la loi 2 au digefte, de poüicïtaiionibus 3 tout le bien qu'on fait aux pauvtes eft cenfé fait au public; paree que le public eft chargé de leur entretien; & fournir quelque chofe pour eer entrerien, c'eft décharger le public d'autant. On ne peut nier qu'un tel objet, non-feulement ne foit licite, mais qu'il mérite toute faveur. Si les intéréts des particuliers font refpectables, 1'intétêt public doit être facré. D'ailleurs, comment une difpofition qui regarde les pauvres ne feroit-elle pas favorable , puifqu'elle eft plutot le paiement d'une dette, qu'une libéralité ? Nous ne fommes que les dépofitaires & les économes des biens que la  2.8 6 Caufe de Dieu. Providence nous met dans les mains s ks pauvres y ont une part qui leut aopartient de droit. Loifque nous leur remettons cette part, c'eft plutót la reftitution d'une chofe due que nous faifons, que la donation d'une chofe dont nous étions les maitres. Les paurres font donc nos eréanciers. De quoi, d'ailleurs, Duhalde difpofe-t-il en faveur des pauvres ? Ce n'eft point de fes propres; c'eft feulement des profits qu'il a faits. II a réfervé d fes héritiers les biens que fes patents lui avoient tranfmis: il n'a difpofé cjue de eeux qui étoient Ie fruit de fon induftne ; enforte que la matière de la coiïteftation n'eft autre chofe que fes profits. Les pauvres y demandent une part que leur a aflignée celui a qui la fuceffion eft redevable de ces profits. Les héritiers prétendent les retenir en enfier. Ainfi les deux parties ne fe difputent que pour le gain ; aucune ne combat pour fe préferver d'une perte. Les héritiers font même moins favorables que les pauvres, en ce qu'ils font aflurés d'une partie du gain ; & que , voulant profiter de tout, ils ne conteftent que pour le plus ou le moins. Les pauvres, au contraire, ne deman-  Caufe de Dieu. 2.87 deur qu'a être admis au partage de ce .gain. Cependant la difpofition de Duhalde eft d'autant mieux réglée, qu'elle eft proportionnée au gain qu'il devoit faire dans le commerce ou il s'engageoir fous les aufpices, pour ainfi dire, de la difpofition qu'il avoit écrite. S'il devoit gagner beaucoup, il devoit donner beaucoup j s'il devoit gagner peu, il devoit donner peu : enfin , s'il ne devoit rien gagner, il ne devoit rien donner. Ce qui revient même aux pauvres eft peu confidérable, en proportion de ce que Duhalde laiffe a fes héritiers. Enrrons dans les motifs qui ont engagé Duhalde a difpofer en faveur des pauvres. On peut dire qu'ils font juftes & raifonnables. II avoit deftein d'attirer les bénédictions du ciel fur fon commerce. Dans cette vue,il promet de faire part aux pauvres des profits qu'il fera. II femble que cette difpofition foit un fecours imprévu que la Providence a ménagé aux pauvres, dans ces tems de calamité oü leur misère & leur nombre augmentent tous les jours j tandis que le nombre &c les libéralités de ceux qui Jes aififtoipnt diminuent,  Lob;et de cette difpofition réunie Voyons fi la forme d , On ne peut Penvifager que fous on, tre.potntsde vue dfeSfïïSï We, connne donation entre-vifs Tu ^;rP°rr fsaT°ir de ou incendié; une calamité publique , &c. L'afflidion générale nous fait faire aujourd'hui une rrifte applicationde ces loix. La dureté des tems, la rareté de 1'argent, les révolutions de la fortune, ont été des caufes fuffifantes, & les Nu  2-9X Caufi de Dieu. ventables motifs qui out donné lieu \ 1 acte de DukaUe, Un fils, mineur a la vérité, mais an pellea une riche fucceffion: une veuve mais qux a retiré affez raifonnabiement de ia communauté, envieront-ils aux pauvres unhfo:blele,ours, lorfque Ia hs profits, &ne doit point alcérer les Ws quiont été placés dans ia fociété a la quelle ils'eftfoumis?On les écouEetoit pms favorablement, s'ils fe bat toient pour ne pas perdre. Mais Jaconteibmon qu'ils ont élevée n'a pour but qu un profit plus ou moins grand. 3 - La polhcitation doit avoir pour objet nnterèt public. Or il n'y a pcdnt dedoutequel'mtérêtdes pauvres ne faife parf.e de 1'intérêt public. C'eft cl , qu'il doit être rewrd/ ^ une véritah!^ » u- • .regarde comme table folIlclt"ion ? Ainfi ,W  Caufe de Dieu. 29*5 cette confidération, il eft valable ; & Paction civile que 1'on intente en conféquence eft jufte, légitime & régulière. Mais il y a plus. La pollicitation, qui eft un acte exécutoire par lui-même, fe trouve ici confirmée-par un legs qui eft valable. On n'enrrera point dans le détail des dirférentes manières dont il étoit permis, chez les Romains, de faire des legs de la nature de celui dont il s'agit ici. Par exemple, on confirmoit un legs fait par un marchand dans fon calendrier; c'eft-a-dire, écrit fur le journal de fes comptes. Renfermons-nous dans notre efpcce, &c obfervons d'abord que la claufe du teftament, par laquelle Duhalde recommande i fon exécuteut teftamentaire de confulter }fur fon journal, les articles qui concernent les pauvres , & d'y fatisfaire, eft une nouvelle preuve, & une confirmation de la pollicitation qu'il avoit faite. Or il eft cerrain qu'une dette, même naturelle, une fois reconnue par reftament, produir une acftion civile. Par conféquent, fi on regarde la dette que produit la pollicitation, comme une Niv  ztf Caufe de Dieu dette naturelle, ayant "n teftament eJJe L ' .reconnue P« civile. ' iS ProQült «ne aótion rnnoiftancettXCntondeIa *»« "ne action civile ' P Urpr°" -hofe, finonc4 la vn SS'/16n aUtre foit certaine.9 W du teft«eur 'egiftre, £pf£^Lf T&*°\ fon £n vain di tn if ?Ja/°nfirmenrnulle , une fuLZ 5 j 5 3 Wté «ant tateur arenvov/f ~ »Ior%e le tef- tenu, c'eft comm! 5? qui. ? et01t con- naux. Ainfi cer^ fur fes 1°^- W, con^e ule ««-nouvelle Pollicitation COJ3n^ationdek «nLt^det't" 3CÏOptant I«  Caufe de Dieu. z^y la difpofition de Duhalde eft valable. L'exécution de cette difpofition fait le fecond objet de la caufe. On a propofé deux moyens , pour prouver qu'elle ne pouvoit avoir lieu. L'un eft que cette exécution doit être empêchée par les droits légitimes de 1'enfant & de la veuve : 1'autre qu'elle eft fujette a des retranchements qui 1'anéantiflent. Le premier moyen ne peut faire une férieufe difficulté. En effet, ni 1'intérêt de la veuve, ni 1'intérêt du fils ne doivent préjudicier a celui qui eft acquis aux pauvres. Si l'aéte dont il s'agit eft regardé comme une pollicitation, c'eft un acle entre-vifs , par lequel le mari a pu difpofer des biens de la communauré , même au préjudice de la portion de fa femme. Si c'eft un legs, le mari a toujours pu difpofer de fa propre moitié dans la communauté. Sous l'un & 1'autre point de vue , les pauvres prendront toujours la moitié des profits. S'il s'agit d'une pollicitation, la moitié qui refte doit être partagée entre la veuve & le fils \ paree que 1'aliénation de 1'autre moitié , faite entre-vifs, a Nv  298 Caufe de Dieu. diminaé Ia communauté d'autant: c'eft une^dette qui doit être acquittée fur Ia mahe,&qui diminue, parconféquent, Ia portion delafemme dans la communaute. S'il s'agit d'un legs, la femme prenctra en entier la moitié qui refte:'le rils n aura aucune part dans la communauté 5 ne fuccedera que dans les autres biens: paree qu'alors Paliénation de Ia communauté, faite par teftament, ne Seu?^ qUek «fa tage de communauté füt une queftion a rrairer entre la mère &• le fils. Mais Pour lagittr.il faudtoit que Ie fils eut EJtrr°ëymSU Wüt défendrefes wterets independamment de ceux de fa mere. La queftion eft d'ailleurs inutile quant a prefent, puifqu'il ne s'agit que defcavoir fila difpofition peut avoir &n execution en faveur des pauvres • aucun" qüf°n ïe?eU< aucun prejudice. Ainfi la conteftation qui peut en refulter eft fort ind.rferente £ demandent uniquement le paiement de «. qul ka£ a ^ ^  Caufe de Dieu. 299 On peut obferver feulement que, s'il falloit donner fon avis fur la queftion piécédente, on pourroir établir que, la difpofirion étant une véritable pollicitation , 8c le legs n'étant que confirmatif de la pollicitation , cet acte doit donner atteinte a la part de la veuve dans la communauté. Par conféquent, après avoir donné aux pauvres une moitié , 1'autre moitié devroit être partagée également entre la veuve 8c le fils. Mais il fuffit, fans entrer dans cet examen, d'avoir prouvé que 1'intérêt de la veuve & du fils ne met point d'obftacle a Pexécution que demandent les adminiftrateurs, pour les pauvres. Le fecond moyen, riré des déductions des fommes qui anéantiftent la ptétention des pauvres, n'eft pas plus embarraflant. Sa folution dépend du calcul. Sans s'embarratfer dans un dérail faftidieux decalculs, il n'y a autre chofe a faire, dans ce moment, que d'établir la néceftité de 1'exécution de la difpofition. La liquidation pourra s'en faire dans Pintérieur du bureau de Phopital. Si les héritiers ne font pas contents Aq Peftimation qui a été faite des pierredes , quoiqu'elle leur foit favorable , N vj  300 Caufe de Dieu. lispourront en faire faire me aiirre tation,lhc„t,er eft tem, de i{cco„ Si 1'on veut que ce foit un ieas c'eft "ne hbéfahté que le teftateur ffaite gue 1 henner doit acquitter dontil sagn, eft, ou n'eft pas un vceu. La caufe des pauvres eft foutenue par des jno7ensfifolides,& elle eft fiïï vorable qu'il feroit fuperflu d'e tre- vue, On doit convenir, d'ailleurs, qu'il feioitalfez difficile de trouver un vceu obhgatoireaux yeux de la loi dans un ^^ent,ou,nl'onveut,dans„„1cS  Caufe de Dieu. _ 301 D'après ces raifons, inrervint arrêr, conformément aux conclufions de M. cVAgueJfeau , avocat-général, le 3 avril 1726, qui ordonné que « le teftament de Duhalde, & autres acftes tappellés ,5 dans le teftament, feronr exécutés « felon leur forme & teneur : en conjj féquence condamne de la Planche y 55 en fa qualité de tuteur, a remettre 35 aux adminiftrateurs de 1'hópital les 55 pierreries provenant du legs fair aux 35 pauvres; fi mieux n'aime ledit tuteur, 55 en fadite qualité, en payer la valeur, 3; fuivant l'eftimation qui en a été faire, 53 ou fuivant une nouvelle eftimation , 53 qui fera faite par experts, dont les 35 parties conviendronr; finon qui feront 55 nommés d'oftice : le tout, li mieux 55 n'aime ledit de la Planche , audit 35 nom, payer aux pauvres de l'hópital 53 la fomme de 8oco livres, ce que 55 de la Planche fera tenu d'opter dans 33 quinzaine 5 finon en demeurera dé35 chu. Tous dépens compenfés ». Cet arrêt femble n'avoir pas adopré le fyftême de la pollicitation j mais celui du legs. U a aufli jugé que les principes développés par du Mouïin au fujet de la confirmation d'un aéte contenue dans un autre aóte, n'étoient pas appli-  3°2- Caufe de Dieu «M donation entre-vfftT ' 6,1 ment One ï.i j P" mo° cdl»- w„r;:„ f^^c  Caufe de Dieu. '303 donation des tnêmes chofes \ alors cet acle ainfi rappellé fervira de mémoire, pour indiquer en détail les objets dont je veux que mon legs foit compofé: & ils appartiendront a mon légataire, non en vertu de l'acle de donation, qui n'a d'autre vertu que de fervir de rcnfeisnement; mais en vertu de mon teftament. C'eft encore ainfi que je peux léguer par mon teftament les eftets dont j'ai fair mention a une certaine page de mon regiftre. On ne dira pas que ce legs eft nul, fous prétexte qu'il a pour objer de confirmer un acle nul. Je n'ai pas entendu que la mention infcrite fur mon regiftre fut un acle que je prétendifle confirmer j j'ai feulement entendu qu'il étoit énonciatif des objets de la volonté que je déclare, & que je configne dans mon teftament. Ceci s'applique tout naturellement au teftament de Duhalde. II n'a pas cru que 1'on regarderoit comme un acle la mention qu'il avoit faite des pauvres, dans fes regiftres : mais il a voulu que cette mention fut la mefure du legs qu'il entendoit leur faire.  3° 4 Caufe de Dieu. terne u elles ne vouloient pas s»e„ tenir a ceüe qui avoit été faife , cm devojr la fixer elle-même, d'après les caLuls qul bi avoiem éc'é nP}^f iadopcer.ou de ne pas s'y temt.  O U T R A G E fait a une femme par une autre femme. FRANcOlSE DE LaNKOY , fille d'llll financier, refta orpheline a 1'age de neuf a dix ans. Son père, en mouranr, lui laifia une fucceffion fi embarraflee dans les affaires du Roi, qu'on la regardoit comme nulle. Elle avoit un frère forti d'un premier mariage de fon père, qui étoit riche par la faccelfion de fa mère, & par fes emplois. Ce frère rerira fa jeune fceur chez lui; &, pour réparer les difgraces qu'elle éprouvoir de la fortune, il réfolut de la marier a un fils unique qu'il avoit. Mais ce fils fe rendit indigne du cceur de fa jeune coufine. II fut enfermé a la baftille. II fallut chercher un autre mari. Ce n'étoit pas une chofe facile a. trouver. La jeune de Lannoy étoit fort jolie, elle étoit bien faire; elle avoit de 1'efprit. Tous ces avantages lui attirèrent une foule d'amants: mais pas un  306 Outrage fan d une femme m roaloit cpoufer; outre la beauté on youloude la/ortune • & Ja belle'en etoit depourvue; ou du moins ce qu'elle en avoir étoit fi fött embrouiüe1, qe fe.210'™ s'expofei-dansc'eL Son procureur entrevoyoitbien qu'il « etoit pas impoffible de tirer parti de Ia fucceifiqn du fieur de Lannol Mais al falloit faire des avances pour les W & ce Focureur ne vouloit, ou ne pouvoit avancer fon argent& fon tems. hnhn ll Prefenta a fa cliënte un Au- par fonintelhgence, & par fon efprit' >ntnguant,de débrouiller fes affaire^. Cet Auvergnat éjpit fous-écuyer de Mofuur frère du Roi: mais il „>en avoit que le titre fans fonctions : lefeul avantage qu'i reriroir de cette qualité etoit la facilité de faire lecommene' etac, les refaifoit dans les écuries du gmce,Iesrevendoitavantageufement; &ce commeice le mettou en état dé faire figure dans Paris. La belle de Lannoy, pzr les confeils de fon procureur, fe détermina a époï fer cet homme. II dée^e* C, P? aff-iir^ ^ r c §aSea ü bien les altaires de fa femme, qu'en fort peu  par une autre femme. 307 de tems, elle fe trcmva riche de cent mille livres, toutes fes dettes payées. Mais a peine eut-il éclairci & établi la forturie de fa femme, qu'il mourut. La jeune veuve, riche & belle, ne manqua pas alors d'adorateurs. Il y eut même de fes anciens amants qui offrirent de lui prouver leur conftance par un contrar en forme. Mais, comme leur conduite paffée annoncoit clairement que c'étoit moins fon mérite que fon bien qui les déterminoit enfin a rhyménée , elle leur préféra le fieur Romet, maïtre des eaux & forêts, & veuf de la fceur du célèbre père Bouhours, jefuite (1). (1) Dominlque Bouhours, natif de Paris , fe fit jéfuite a 1'age de fe'ze ans. II fin employé a profefler les ■huinamtés , la rhétorique & la théologie. II fit auffi dss miffions. II mourut a Paris, au college de Louis-leGrand, le 27 mai 170a, dans fa foixantequinzième année. Les occupations dont il rut chargé par le corps dont il étoit membre, & un grand mal de tête qui 1'affligea pendant prefque toute fa vie , ne 1'einpêchèrent pas de fe livrer a la littérature. On a de lui, la rtlation de la mort du duc de Longueville ; les eraredens d'Ariflc & d'Eugêne. Des remarqües Sc des doutes fur la langue francoïfe ; dhdogues fur la maniirt de bien penfer dans les ouvrages d'efprit. Vhiftoire du grand maitrc d'Aubuffon,  308 OutragefaiUunef Profiter de cette dé oWe e Z'r g «te, el e n'avoit point de diamant, d ufet rr^iC^ rpentnt ouvrages, a T fénérai de tom. V, p °Ccafl0n de Barbur d'Aucour ,  par une autre femme. 309 de lui faire faire la dépenfe d'acheter des pierredes. Elle imagina un moven de 1'induire a lui en donner fans qu'elle les demandcit. M. Kornet fut attaqué d'une maladie, dont il guérit en peu de tems. A - fa convalefcence , fa femme fe vêtit d'un habit couleur de minime,& parut plufieurs jours de fuite avec cet habillement. Le mari furpris de certe fimplicité, exhorta fa femme a reprendre fa parure ordinaire; il voulut même lui faire préfent d'un habit riche. Non; dit-elle , j'ai promis a faint Francois de Paule (1) de por ter un habit de minime „ (1) Francais de Paule, fondateur de lordre des Minimes, naquit en 1418 a Faule,ville du royaume de Naples, dans la Calabre citérieure. Son goüt pour la folitude le confina dans un délert, au bord de la mer, oü il fe creufa une celluie dans le roe. La réputation de fa fainteté attira auprès de lui quelques ames pieufes, qui fe batirent des cabanes autour de fon rocher. Elles fe multiplièrent affez , en peu de tems, pour former un couvent nombreux. Ces religieux reconnurent Francois pour leur fondateur & leur fupérieur, & fe nommèrent d'abord les Hermites de faint Francois : mais le faint voulut qu'ils portaffent le nom modefte de Minimes. II leur donna une règle qui fut approuvée par le pape Alexandrc VI, & confirmée par Jules 11,  yo Outmgefah d une femme Jl V°US revenieX tn fantë. U a exauc> >nent;jefUls trop fenfible d cette Jce pour ne pos «eompür ma promJe Le bon monfieur Romer fenrir » . Ie prix du facrifice qu* fa VaZ r avoit fait a 1. co^ri0K?Lg «n carème perpétue ?&itflï ™.da"s «tant beaucoup fréquendans Tl' i ,Ude teurre,lWtinence du beurre eïl ^ pour eux rl-nc ^ 1 eurre elt devenue, taque d'une maladie dangereufe -r,,, ' T prefenced'un faint le guérfroft' I fi^ * Francois de Paule „„■ l • j- ht venir & clans le teTns quT«"p^*/1*^ étoit a fes genoux m$f] Vu fUpfrft,tieux fouillée/quW,? Cnmesdont elle étoit Tour „ui eH dans.^elle ^ Pleffis-lezeu dan^lT 0faumrTJere qi;e C6t °rdre * leur fondateur. Ce nom Xfflf.donno,ent a  par une autre femme. 31 r lard. II falloit un grand fond d'attache* ment pour fe vouer, en faveur de fon rétabliifement, a ce qui flatte le plus une femme jeune & jolie. 11 voulut la récompenfer, & la mettre a portee de fe dédommager de certe privation : 8c afin qu'elle put conciliei 1'accompliflement de fon vceu, avec la richelfe de la parure, il lui donna pour vingt mille francs de diamants. Peu de tems après, elle devint veuve une feconde fois. Sa fortune s'étoit beaucoup accrue , & fes charmes n'avoient point diminué. Elle fongea a un troifième mariage. Dans la foule des afpirants, le fieur de Liancourt fut préféré. 11 étoit fort riche ; mais fes diflipations mirenr fa femme dans le cas de craindre pour fa dot. Elle obtint au chatelet une fentence de féparation de biens. Cette précaurion refroidit un peu 1'union conjugale. Les époux vivoienr cependant enfemble , 8c eurent même des enfants. La terre oü la dame de Liancour palfoir la belle faifon étoit voifine de celle du marquis de Trefnel. Elle y alloit fouvent; elle y étoit accueillie du maïtre j on a même ditdans les écrits  p2 Outrage fait d une femme occafionnés par la conteftation dont fe vais parler. rm'pllp i_ '■ _ x ^ i — uaus ia mai- ion du marquis, plus d'autorité que nen oonnent les droits de la fiml II epoufa la demoifelle de Gaumont. ifs afli, „fes Je ia dame ^ ZwWMr ne torent point du goüt de la jeune marquife; elle les interrompit. Cependant la marquife de Tremel n avant pas lieu de croire que fes appas pulfent otet a fon époux le defir de revoir „ne voifine aimable, réfolut de traiter la dame de Liancour de manière a ne pas lui donner ertvie de reparoïtre chez elle : par-tout oü elles fe renconrroient, elle lui témoignoit la froideur la plus mepnfante. La première fois que Ia marquife fit éclater fon averfion en public, ce fut chez les religieufes de Chaumont dansle Vexin-Francois. Elle fe rendit un jour d leur éojife pour y enrendre un fermon. La fitte de' a dame de liancour y étoit. Elle falua la marquife, mais ne lui offrit point fa place. Les dames furent invitées d la collation qui fe donna après le fermon La marquife fit une réprimande d la demoifelle de Liancour, qui' ne fcavoit mt-elle, ce qu'elle devoit aux femme* de  par une autre femme. ijj' 3e qualité; & ce reprochefut accompagné des exprefiions les plus vives & les plus mortifiantes. Un autre jour, un prédicateur fameux avoit attiré un grand concours cl'auditeurs dans Péglife des nouvelles Cacholiques de Paris. La dame de Liancour s'y rendit , & fut fort embarnifée de fa perfonne: routes les places étoient eccupées. Enfin , après avoir bien cherché des yeux, elle appercut un nègre qui occupoit une chaife. Elle crut que la préférence lui étoit due , & forca le nègre de lui céder fa place. Un inftanr après, arrivé Ia perfonne pour qui ce nègre avoit gardé la ch.iife; c'étoit la marquife de Lrefne!. II fe piai_ gnit a la ^maïtrefle de Ia violence qui lui avoit été faite. La marquife en 'témoigna fon reflentiment a la dame de Liancour; mais en des termes fi piquants , que celle-ci lui dit enfin : il faut, madame, que ce nègre vous tienne bien au coeur, & qu'il vous ferve d plus d'un ufage 3 puifque vous en prene^ffort le parti. Le tems ni le lieu n etant pas propres a donner une plus longue fcène, la marquife fe contenta de répondre a la dame To'rne VI. Q  .314 Ouxtagffa.it a, une femme de Liancour qu'elle fe fouviendroit de ce qu'elle venoit de lui dire. Un autre fermon donna encore occafion a une troifième fcène. La mar^ quife, efcortée de fes laquais, fe rendit, le 20 aour 1^94 , a 1'égüfe de Pabbaye de Gomerfontaine, a une lieue de Chaumont, pour y entendre le panégyrique de faint Bernard. La dame de Liancour étoit déja placée. La marquife affecta d'aller droit a elle; & la trouvanr levée pour la faluer, elle la poulfa hors de fa place , & s'y alilr. La dame de Liancour fe plaignit avec vivacité de cet outrage. La marquife la rraita de petite bourgeoife, de .coqnette , la menaca de la faire malrraiter par fon mari. La dame de Liancour ripofta par d'autres injures, d'autant plus piquantes, qu'elles lignifioient que la f gure de la marquife ne lui permettant pas d'être coqnette, elle exercoit un miniftère commode dans les jntrigues d'amour. Cette altercation aigrit, de plus en plus, la marquife, qui jura de fe venger avec éclar. Mais ce qui mit enfin le comble a fon refientiment , ce fut une fatyre en vers, fous la forme d'une requêre adrelfée a 1'intendant de Paris,  par une autre femme, 31^ j informations & procédures, li aucu« nes avoient été faites pour raifon de »la rixe arrivée entre les dames de S) Trefnel Sc de Liancour , feroient ap-; » porrées au grefte criminel de la cour « Sc qua fa requête il feroit informé».. M. le Nain fut nommé commilfaire, pour ftire cette information. II fe tranA  par une autre femme. ' 319 porta fur les lieux. On fit, en mêmetems, un commandement au greffe de Chaumont du Vexin-Francois de faire apporter en la cour les procédures qui y avoient été faites. La réponfe fut qu'il n'y en avoir poinr eu. M. le procureur-général obtint un arrêt qui ordonna que le lieutenant-criminel & les officiers de ce baillage feroienr tenus de comparoir en la cour , deux jours après la fignification de cet arrêt, pour répondre aux conclufions qu'il voudroit prendre contre eux; Sc qu'a faute de comparoitre , ils feroient interdits des foncrions de leurs charges. Ils comparurent; & après qu'ils eu'-» rent été entendus contradi&oirement avec M. le procureur-général, on ordonna qu'ils « feroient avertis qu'ils » étoient en faute; qu'il y avoit de leur » négligence de n'avoir pas informé de a ce qui s'étoit prJl'é , quoique les par>■> ties n'eneu'Jent renduaucune plainte ; n paree que le fait étoit arrivé fur le » grand chemin ». On les manda; on leur fit entendre la délibération de la cour; on leur enjoignit d'être plus vigilants dans les fonéHons de leurs charges; & on leur permit de fe retirer.- Oiv  320 Outragefait d une femme f°n.' ]n{fl aIors> avoit été muette in, Elle expofe, dans fa requête, que la dou eur dont elle étoit accXéeluito ^ez,ck meme trop W-tems fermé Iabouche;quelleVereUoitin^ deJaprotectmnde Ia cour, fi elK £ 5^1' ,qUe M- IeP«cureurÖ-géné, rai l «oude Ia vengeanee publiqul dom er n;pOUVOirfePlai^e3fa„sfe donnet de nouveau en fpeétacle aux £eur. Mais Imjure étoit trop eruelle Pour qu'elle püt la diffimnler. * Wie a Pavantage de ne s'être attiré la h* neimplacable de la marquife £ „,7 ?f par des q^Iités qui lui r^téPeftime des ho»^eLens II « eftpasbefoin.depeindre eettfm- neufeennemie pourlïfaireconnoïrre. On jugera faalement qu'une femme qui pour vengerdesi„)ures.ini trn'e-U» I'o Tai> aans Ie tems venR anceC en attaquam la conduite & les ^nne^ L autre au contraire, n'attaque que le corps, fans bleflèr la réputaci^n. file piouve m* la perfonne infultée elt ^x^fortequecellequiinfulte ,mai elle ne donne aucune mauvaife tmprefüon fur fa conduite. F Les informations atteftent qu'on n'a point commts Ia dernièreinfulte contre I honneur de la dame de Liancour Les depofitions contiennent, dans le plus grand detail, les circonftances de l\ctionj & de tous ces détails il réfulte bien que fa pudeur a été offenfée qu elle a recu quelques mauvais traite! meiUSl^IS,dIeS ne contiennentrien quietablilfeladernièrelicence Si la dame de Liancour eut été outragee a cet excés fe feroit-elle contentée fer un pareil affront, de s adrelfer aux marecfiaux de France, & de propofer de s en rapporter a leur décifion. Leur tribunal n'eft compétent, dans aucun cas, peur mger des infultes faites aux femmes,&.des réparations qui Ie r font dues; il5 a>mtt par eux-mêmes '  par une autre femme. 325 'aucune force coactive pour obliget une femme a réparer ni pécuniairemenr, ni autremenr, les ourrages qu'elle peut avoit faits a une autre femme. La dame de Liancour ihoifilïoir donc MM. les maréchaux de France comme de fimples arbitres: elle ne pouvoit leur donner d'autre qualité, ni d'autre pouvoir. Or, eft-ce a des arbitres que s'a•dreffera, pour obtenir vengeance , une femme c}ui a recu le plus grand des outrages qu'elle puilTe recevoir? Mais certe accufatrice n'a voulu faire entendre qu'elle avoit été offenfée au dernier degré, qu'après que le public a cru qu'elle 1'avoir été. Ainfi il eft arrivé deux ehofes fort bizarres & fortextraordinaires. La première eft que 1'injure a paru moindre a la perfonne offenfée, qu'a ceux qui n'y avoient point d'intérêt; &C que le public, par fa prévention, a perfuadé a la dame de Liancour qu'elle avoir fouffert 1'offenfe la plus déshonorante & la plus cruelle. Secondement, au lieu que le public auroit du réformer fon opinion fur les dépofitions & fur la vérité du fair, il a, au conrraire, par un renverfemenc 4e 1'ordre naturel, voulu abfolumenc  3rf Outragefait d une femme «eammoder Ia vérité & Ies dépontions a ion opinion.. • ia dame de Liancour n'apporte aucune preuve que les outrages qu'elle a recus aient été portés of i? £££ quelle vottdrott que 1'on crüt L? s lout ere. Elle.pronte de la retenueVe fa pudeur lm prefcrit, pour n'emploler que des expreiïïons détournées, qui domient lieu de penfcr ce qu'elle fait lemblant de vouloir diffimuler. Elle avance meme un fait dont on ne voit aucune tracé dans 1'information, quand elle dit que la marquife recommanda 3les laquais de n avoir aucun égard, &c de pafter toutes les bornes. Quand elle a-ajouté que Ia marquife aenchénfurlacruautédestyrans? e a compte que cette phrafe qui, dan les circonflances, eft vuide de fens exci- reroit afenfibilité du public, a qui la compaffion ne permettroit pas d'appereevoir Ie faux de 1'expreffion. xd^TA ' Pf°lU P T6 r°n VeuiIIe faire «fage de fon bon fens, qui ne verra pas tout 1'artifice caché fous le Ian^e quelle „ent,fur-toutlorfqu'ellep^e de la v.olence qu'elle s'ell faite * * »7« Ie fdence que fa douleur&fi modeftie lm. avoient impofe i  par une autre femme. 327 Comment veur-elle que 1'on croie qu'elle fouffre, en parlant de 1'injure qui lui a été faite, puifqu'elle l'exagéres & que fon récit eft tiftii de facon qu'elle conduit 1'imagination au-delade la vérité? Comment. accordeta-t-on eette extreme modeftie, qui eft la fource de la violence qu'elle fe fait, & des grandes douleurs occafionnées parcette violence, avec le foin qu'elle a pris de faire inv* primer fa requête, 8c de la répandre dans tout Paris ? Comment a-t-elle ofé dire que fa modeftie & fa douleur lui avoient fait garder le filence, puifque, peu de jours après eer accidenr, elle en avoit porté fa plainte au tribunal des maréchaux de France ? Eft-ce que ce tribunal eft plus favorable a la modeftie d'une femme, que les autres rribunaux? Difons donc que la dame de Liancour a plus recherché 1'arr, qu'elle n'a écouté la bonne foi; & que la marquife de Trefnel eft beaucoup moins coupabie , qu'on n'a voulu le perfuader. Ramenons le fait a la vérité. On a confondu le crime public avec une injure particulière ; un attentat fujet a mie peine capitale, avec le violenient:  3 28 Parage fait d une femme Ïodele!5 ^ k b~ & de * LxdamëV, TV^/eft très-biamable lans aoute d avoir expofé, aux infolenees de fes laquais, ia dame J£ Liancour. <-ene-ci peut en demander une réparanon fo.emneile.Mais dès que, ni la ™arquife,nifes laquais, ne font coupaoies d avoir attente ni a Phonneur, Jiaia vie,m aux biens de la dame de Liancour, on ne peut leur infliger aucune peine affiictive. Les laquais font coupables d'infolence d avoir traité de la forte la dame % LTC0Ur- La marquife s'eft laiffée aLer a un empcrtement condamnable, en Ie leur commandanr. C'eft une injure particulière dont la dame dc Liancour eft fondée i fe plaindre Mais ce n'eft pas un crime public, pour la pumtion duquel les loix doivent s armer, & don t la partie publique puifie pourfuivre la -vengeance. Quipourroic douter, fi la marquife & ia dame de Liancour avoient tranfigé fur cette matière, que Ia paree publique ne füt obligée' aux termes de 1'ordonnance, de aarder e filence Voici les termes de cefie de « "os procureurs, & d ceux des fei!  par une autre femme. » gneurs, de pourfuivre inceflamment » ceux qui feront prévenus de crimes is capitaux, ou auxquels il écherra peine » aftlictive, non-obftant roures tranfac» tions Sc ceftions de droits faires par » les parties. Et a 1'égard de tous les » autres , feronr les tranfactions exécujj tées, fans que nos procureurs, ou » ceux des feigneurs puhTent en faire 55 aucune pourfuire». Or ici le public n'eft point offenfé j 1'infulte eft p;rfonnelle a la dame de Liancour; elle feule a été offenfée; elle feule a droir a la réparation. Elle peut ou la régler dans les bornes d'une jufte proporrion, ou la remettre. II faur faire une 'grande différence entre une acftion infolente Sc un crime public. 11 eft inoui que la première ait été punie par un fupplice. On réprime Pinfolence; on condamne ceux qui fe la permettent a des réparations d'honneur, a des aumones. Mais on ne la foumer poinr a la vengeance publique : &, quoique les actes infolents foient fort fréquents, il n'y a point d'exemple qu'il y en ait eu de punis par des peines publiques. Ceux qui n'examinent cette affaire que fuperficiellernent, qui n'y voieuf  33° Outrage fait a une femme qu un fujet propre a fournir matière auxconverfanoHs,ne„ peuvent prendre une jufteidée; üs confondenr les objetsparee qu'ils ne les yoient quï travers des préjugés dont ife n'ont nas ^teretdetravadlerdfedépouiller/ fcwT7que-s règles deJa bie«- eance, de la modération, de 1'honnêtetefont violees : par cette raifon, ils pion. ils en concluent qu'elle eft fU^a^unepeineateverilsfetromiachon nofFenfant que les régies dont mauves qu'a la vie intérieure, a la vie IX'rinfraclion ^'elJes P£™ ^Si£pa" Jaraais^du- - On tut aten aucune ordonnanee aucune loi qui ait mis une aolion U cette nature au nombre des crimes Pubncs &qW anprononcé, contre ceux qui le les permettent, des peines infamances Or c'eft une maxime fmnof T'qHe ks^ne peuvent nouPr & deSJrr^Ue Pou^es faits. pour lefquels les loix en ont ordonné. Oans lapolice de Pétat, c'eft la loi q^quaühelecrime,&quilixe la peine  par une autre femmer 331 pour chaque action puniflable. La fonction du juge fe borne a examiner fi l'accufé eft véritablement coupabie du crime qu'on lui impute. S'il trouve la preuve fuSifante pour opérer la convidion , il n'a plus d'autre foncrion a faire, que d'impofer au coupabie le chatiment auquel la loi L'a déclaré foumis. Mais il eft nécelfaire que cette loi exifte & foit connue des ditoyens j il faur qu'ils foient inftruits que 1'aclion «réguliere qu'ils veulent commettre eft un crime public; afin qu'ils connoiftent la nature de la peine a laquelle ils s'expofent en la commettant. Aurrement ce feroit une injuftice manifefte , de faire encourir une peine infamante a une perfonne qui ne 1'auroit pu prévoir,& qui auroit cru ne commettre qu'une injure parriculière, lorfqu'elle fe rendoit coupabie d'un crime public. Car, il faut 1'avouer, ala honte de 1'huHianité, la crainte du fupplice eft le frein qui arrêre dans la carrière du vice , bien plus fouvent que 1'amour de la vertu, & le defir de ne pas déplaire a. la Divinité.. Mais , dira-r>on , l'acftion a été méditée & ptéparée; c'eft un guet-a-pens..  332 Owmg* fait A une fimme fft. cerrain qu'un crime n„W,V quand H n'a pas été médixé & préparé ^ moins grave que celui qui \'l été. Maisun dékt qui, en lui-même, n'eft Pas un crime public, qui n'eft qu'une ^ureprivée^nechanglpasdenlure&,d,aelitpnve,nedevientpascW Ia marquife a donc lieu d'efpérer que fes ;uges, qui font dégagés de toute prevention, qui ne fe conduifent Pas pat les préjugés du public, mal Par des régies ftables & fondées en^f vérir/rT §er°f CCtte adlion foiJS ^n verirable point de vue. lis ont, fous les " flT'K ^T™011'^ edlèurvir! ^blebouflble. Ilsyverrontclairement les bornes que la marquife amifesa fa vengeance^ilSy verronr Ja d *fc W malgré PafFectation qu'elle a reciierchée dans fes expreffiom, ne peut conduite des magiftrats a penfer quellea recule dernie? affront, & que les témoins ne difent rien qu puiffe favonfer cette idée. P Si Pon fait attention au motif qui amme la marquife a la vengeance -ouvera que fon reffentiment Ct jufte que vonloir 1'obliger a diffimnier lin;ute que lui ont faite les verg  ■par wie autre femme. 333 fatyriques de fon ennemie , c'auroit été trop exiger de la modération d'une jeune perfonne, & d'une femme de qualité indignement outragée. Lors donc que 1'on fera bien inftruit de la vérité; fous quelque face qu'on envifage 1'action, on ne la regardera point comme un crime public, mais comme une injure privée , qui, quelque loin qu'elle ait été poulfée, ne doit point exdter le miniltère de monfieur Ie procureur-général,ni par conféquent, eonduire a une peine infamante. 11 n'y a eu aucun attentat ni a 1'honneur, ni a la vie, ni aux biens de la dame de, Liancour. On voit que la marquife de Trefnel fondoit fa défenfe fur trois moyens, Sa vengeance étoit excufable; la dame de Liancour 1'avoit outragée par une fatyre en vers, qu'elle avoit rendue publique. 20. L'outrage n'avoit pas été porté aux derniers excès. 30. La faute qu'elle avoit commife n'étant pas un délit public, ne méritoit pas de fupplice infamant; mais feulementt une réparation perfonnelle & particulière a celle qui avoir été offenfée. Jettons un coup d'ceil fur chacun dg jpes moyens en particulier.  334 Outrage fait d une femme i°. ïln'exifte, au procés, aucuné preuve que la dame de Liancour füt auteur de cette fatyre dont la marquife ieplaignoir. Ainfi, en fuppofant que ia vengeance particulière put jamais fervir de prétexte au délit dont il s'agit la juftice ne pourroit pas, même, dans ce cas, la tolerer, puifqu'on ne lui admimftre pas la preuve du fait que 1'on veut enger en motif excufable. D'ailleurs, perfonne n'ignore qu'il n eft permis ï qui que ce foit de fe faire juftice a foi-même. Si chacun étoit 1'arbrtre & le miniftre de la vengeance quil croit lui être due , I'anarchie Ptendroit la place des loix ; la licence feroit difparoitre toute police ; & la rorce deviendroit la règle unique des pretentieus & des droits. La dame de Liancour etoit-elle auteur de la fatyre en queftion ? II falloit en rendre plainte le prouver, & demander juftice. Le' magiftrat auroit donné une fatisfadion analogue & proportionnée a 1'oflènfe ; les regies de la pudeur n'auroient point ete violees; & le public n'auroit pas ete icandaiifé. r 2\' ?, T paro" Pas effectivement que le deshonneut de la dame de Lian* cour ait été confommé. Le nègre même,  par une autre femme. ; dont on avoit tant parlé dans le monde, 1 & que 1'on difoit être celui que la mar* i quife avoit chargé de mettre le comble 1 a fa vengeance, ne fe trouva pas a 1'exi pédition. 30. Mais cette circonftance n'empêchoir pas que le crime dont la marquife s'étoit rendue coupabie, ne füt un de ceux dont la pourfuite eft confiée i au miniftère public, & qui doivent être punis par des peines affliclives. II avoit été commis dans un grand chemin ; & rout délit commis dans un 1 grand chemin eft un attentat a la füreté I publique. Si les voyageurs ne font pas I fous la fauve-garde des loix, qui les prorègent dans les routes, il n'y a plus de füreté publique \ il n'y a plus de commerce, plus de liberté, puifque les citoyens n'auront, pour mettre leür honneur & leur fortune a 1'abri, d'autre préfervatif que les muts qui environnent leurs maifons. Aufli voyonsnous que la juftice févit avec bien plus de rigueur contre les crimes commis dans les grands chemins , que contre ceux qui font commis pat-tout ailleurs. Mais le lieu n'eft pas la feule circonftance qui ait aggravé le crime. La pudeur d'une femme eft le bien ie plus  336 Outrage fait d une femme précieux qu'elle puifte poneder : c'eft I - la pudeur que I'honneur du sèxe eft attaché. Toute femme qui l'a perdue eft iivree au mépris public; elle ne peut plus compter fur 1 'eftime & fur la toniideration fi nécelfaires a 1'exiftence foetale. j Les loix ne font pas moins occupées a defendre chaque particulier des coups de lopimon, qu'a la confervation de Ion corps & de fes biens. L'honneur fait une parne intégrante, & peut-êrre la principale partie de chaque être civii • c eft comme une condition, fans laquelle il y a des hommes qui vont jufqu'a croire qu'ils ne doivent pas continuer de vivre. Or la religion, la raifon, la politique, _le bon ordre, tout, en un mot ce qui peut contribuer a formet Sc confereer les fociérés, a concouru pour faire dependre principalement l'honneur des femmes de leur pudeur Je n'entrerai point ici dans 1'examen des motifs qm ont donné lieu a cette opiïiion. Cette matière a été traitée par pluheurs auteurs célèbres. D'ailleurs il ne faut que réfléchir un peu, pour fe perfuader de la juftice & de la néceffité de cette regie. ö1 Mais  par une autre femme. 337 Mais ce tréfor que la nature, la reI ligion & le bon ordre politique onC confié aux femmes, eft un tréfor bien i fragile , confié k des mains bien foibles, > èc cependant expofé fans cefte aux attaques les plus périlleufes. Les femmes 1 vivent avec les hommes ; elles leur font \ moralemeiH&phyfiquementfubordon^ nées j cependant il n'y a pas un homme : qui ne foit l'ennemi, au moins fecret, j de la pudeur de toute femme qu'il aborde. Mais fes entreprife? font arrêrées f par la févérité des loix qui onrpris fous leur protection fpéciale I'honneur d'un ; fcxe qui, par lui-même , feroit incapa;. ble de le préferver des rufes 5c des atI taques auxquelles il eft expofé k tout inftant. La pudeur des femmes eft donc fous la protection du public; teute atteinte qui lui eft portée eft une infraction k la . loi publique, &c mérite une punition publique. D'ailleurs k quels funeftes défordres ne ferions-nous pas expofés, fi 1'effron1 terie des domeftiques n'étoit pas ftriri1 mée.L'aviliflementdeleur étatefl préci-> '. fément le germe de 1'infolenc e k laquelle : ils ne manquènt jamais de s'abandonner iCnvcsceux dont ils ne dépenc'cnt pas. Tomé FI. P  338 Outrage fait d une femme Quefera-ce, fi, loin de tenir toujours en mam le frein qui doit les contenir , ceux de qui ils dépendent immédiatement, non-feulement leur lachent la mam 5 mais lesautorifent, & les excitent a commettre des outrages ? Toutfoumettoit donc la marquife de Trefnet, & les miniftr.es de fa vengeance a la pourfuite du miniftère public ; & aux peines que Ion inflige aux délits publics. Voici 1'arrêt qui fut prononcé le 1 3 mars 1693 , au rapport de M. le Naia. « Pour raifon des infultes & voies de » fait commifes en la perfonne de dame » Francoife de Lannoy } époufe féparée » quant aux biens de Claude Séguier t » chevalier, feigneur de Liancour, par » les domeftiques de la dame de Gau» mont; marquife de Trefnel, par fon » ordre & en fa préfence, & en préfence » de demoifelle Anne de Fleury , fille » de Jacques de Fleury, écuyer, fieur » de Villemarün la cour a déclaré & » déclare la contumace bien acquife » contre ladite damec'e Gaumont, fem» me du marquis de Trefnel, contre " Marolle^ laquais, Lartige, valet-de» chambre du marquis de Trefnel, Jaf» min, Rubbi &c la Fatigue tous les  par une autre femme. 339 ?> trois laquais1; Sc adjugeant le profit, » a condamne, & condamne la dame 5) de Gaumont a comparoir a la grand'5> chambre, 1'audience tenant ; la, étant )3 agenouxdire Sc déclarerque mécham» ment , malicieufement, & comme 99 mal-avifée elle a, de deffein prémé5> diré, fait commettre les infidtes Sc » voies de fait mentionnées au procés, » en la perfonne de ladite de Liancour s » par fes domeftiques, en fa préfence 5> Sc par fonordre, dont elle fe répent, j> & lui en demande pardon. Ce fait, 3> 1'a bannie a peipétuité du reflbrr du 33 parlemenr , lui enjoint de garder fon 33 ban, a. peine de la vie 5 la condamne 33 en 1500 livres d'ameiide envers le 33 Roi j Sc lefdits Lartige Sc Marolle, » d'être menés & conduits és galères du 33 Roi, pour y fervir comme forcats a 33 perpétuité. Déclare tous les biens def33 dits Lartige Sc Marolle , fitués en pays 33 de confifcation, acquis & confifqués »3 a qui il appartiendra. Et a 1'égard def33 dits Jajmin , R-ulhi Sc la Fatigue, 33 les a bannis de cette ville, prévöté Sc 99 vicomté de Paris , du bailliage de j3 Chaumont-en Vexin, pour trois ans; j3 leur enjoinr de garder leur ban , aux 3» peines portées par la déclaration du Pij  340 Outrage fait d une femme p Roi; les condamne chacun en dix liv. » d'ameiide envers ledit feigneur Roi. « Bétouard , dit Picart , laquais du' n marquis de Trejnel, prifonnier a la conciergene, d'être mené & conduit »> ès galères du Roi, pour y fervir 1'ef■■> pace de neuf ans. Condamne , en « outre, ladite de Gaumpnt 8c lefdits »> Lartige , Marolle 3 Bétouard ' ' Jafi ?> min Rubbi & la Fatigue, folidaire» ment en 3 0000 livres de réparations 33 envers ladite de Liancour. ' 33 Et, après que ladite Fleury de Fille,3 martin , pour ce mandée en la cham?> brede la tournelle,aéré admoneftée, ?? 1'acondamnée a aumóner au pain des 33 prifonniers de la conciergeriela fom>) me de ^o livres, 8c aux dépens, a fon 3? égard. 33 Sur 1'accufation intentie contre le 33 marquis de Trefnel, Bourcier, cocher 33 de la marquife, Cordouan 4 dit la Ri.3 vière 3 pallefrenief du marquis , Jean 33 Baptijle £ nègre , 8c Croquet dir Afa3? gw', a mis les parties hors de cour & 33 de procés; ordonné que les prifon33 niers] feroiit mis hors des prifons, 8c' » les écroues dudit Croquet feront rayés 3,' 8c biffés; les dépens compenfés a cet >; égard envers lefdits marquis de Tref-  par une autre femme. 341 j> nel, Bourcier, Cordouan , dit la Itï3) viere , Jean-Baptifte, nègre, & CVöJ> quet. 33 Condamne, en outre, ladite de ■>■> Gaumont, lefdits Lartige, Marolle, 33 Rubbi, Ja/min , Bétouard , dit Pi33 eard, folidairement aux 30000 livres 33 de dommages & réparations, & eil 33 tous les dépens, même en ceux faits 33 contre lefdits . marquis de Trefnel , 33 Fleury , Bourcier, Cordouan , Jean33 Baptifte & Croquet; defquels rrente33 mille Hvres de réparation & dépens 33 ladite de Gaumont fera tenue de les 33 acqatter. » Et néanm:ins o'-donue ladite cour 33 que la fomme de 30000 livres de 33 rcpararion & les dépens adfugés fe33 ront pris fu* fes biens, & fans que 33 fon mari puilfe empêcher l'exécution 33 du préfent arrêt. 33 Et fera la préfente condamnation , 33 de la dame de Gaumont , defdits 33 Lartige & Marolle, écrite dans uri 33 tableau qui fera arraché a un poteatt 33 planté en place publique de Chau13 monr, & en la place de grève de 33 cette ville; & les autres condamna33 tions pat contumace, lignifiées & »3 baillé copie au domicile ou réfidence P iij  342. Öutrage fait d une femme » defdirs Ja/min 3 Rubbi Sc la Fatï*> gue, fi aucune ils ont; finon affiches .» a la porte du palais, fuivant 1 'or» donnance ». M. Gayot de Pitaval, a la fuite de cette hiftoire, en rapporte quelques autres, qui prouvent de plus en plus, que la pudeur des femmes eft fous la proteótion de Ia juftice. Je vas les placer ici, d'après lui. Sous le pontificar de Sixte V, un avocat de Peroufe s'alla établir a. Rome. Son fils devint éperduement amoureux d'une fille de familie-honnête. II la demande en mariage, éV eft refufé. Les parents de cette fille efpéroient que fa beauté lui procureroit un parri plus relevé, & plus avantageux. ^ Norre homme s'avifa d'un ftratagême fingulier, pour les forcer a couronner fes feux. II épia Ie moment ou fa maitreffe fortiroit; & 1'ayant arrêrée dans la rue, il leva le voile dont elle étoit couverte, Sc la baifa au vifage, malgré elle, Sc malgré fa mère qui 1'accompagnoit. II crut qu'une faveur ainfi arrachée publiquement la déshonoreroit, & qu'on feroit forcé, pour réparer fon honneur, de la lui faire époufer.  par une autre femme. 343 La mère alla, fur le champ, demander juftice au Pape j qui ordonna qu'on fit le procés au jeune homme. II éroir protégé par la maifon des Colonnes, qui gagnèrent enfin les parents de la fille. La mariage fut arrêté, & célébré. Au milieu du feftin de la noce, une troupe de sbirres vint arrêter 1'époux, par ordre du gouverneur de Rome, Son père, & la mère de 1'époufe coururent chez le gouverneur, qui leur dit que le Pape leur rendroit raifon. Le lendemain, ils fe profternèrent aux pieds du S. Père, & lui repréfentèrent que le mariage avoit réparé I'honneur de la fille. Vous êres donc farisfairs, dit-il, j'en fuis fort aife. Mais il faut fcavoir fi la juftice eft fatisfaite auffi ; il ne faut pas qu'elle ait lieu de fe plaindre. Puis s'adreflant au gouverneur. C'eft vous, dit-il, qui ftipulez fes intérêrs : êtes-vous fatisfait? Il répondit que la juftice n'étoit point dédommagée du mépris que l'accufé avoit témoigné pour Pautorité fouveraine, en faifant violence en pleine rue a une honnête fille ; &c qu'il en demandoit réparation. Vous lapouvez pourfuivre, P iv  Èti- ®Uim%efat a une femme Le procès fut f k , {), tile Si 1 h " df C?W fuc »*• n e Si 1 honneur des femmes, dit le Pape n eft pas en füreté dans les rue foTs kE^ /e!2fPi-^ns leurs mai! ">ns, ht h Ion fouftre que de parei's artentats foient récompenfés l le SST ceue vue,il n'eft point d'homme dHuelque qualité, de ouelqu'érar $ d?^f?S'^in- ^ulté -emre uxites cel es qui font i FRome. f en ne «««^t de bornes aux prétentions ambitieuss des témérairef II y auroit plus de barrières pour an£e Ie .nariages dlff roporti^nSl indt cents L autorite que la nature & la loi ont depofée dans les mains paternellen -deviendroit iilufcire Lcrneiies da,i;eieCTpable/UE attac!l^Iachaine5 dans Ie lieu meme oü le crime avoi e comnns^la douleut conduifit Suf7 J°Lir\aPrès' f* malheureuft epoule au tombeau..  par une autre femme. 345 Ce Pape veilloit également a la pudeur de tputes les femmes, de quelque condïtion qu'elles fuffent. Une fervante étant allee, au milieu de la niilr, chercher une fage-femme, pour fa maïtreffe, Peftafier d'un gentilhomme 10main la rencontre, lui éteint fa chandelle, & veut la baifer au viftige, La fille crie : il prend la fuite, Sixte V en fut infkuit trois jours après. 11 fit des reprimandes au gouverneur fur fa négligence ; lui ordonna de faire le procés a 1'infdlent, qui fut fufi tigé tout ie long de la rue oü il avoit voulu prendre cette liberté. La dame Maréchal} époufe du fieur Jean de la BroJJ'e Mor lat y femme dö condition, foupconnoit fon mari de lui être infidèle; & accufoit le fieur de la Bujferoüe de 1'éntretenir dans fon défordre. Elle lui eri fit des reproches; & k querclle fut poulfée filoin, que la Buffer olie, autorifé par le mari préfent, k jetta fur un lit, & lui donna le fouet. Elle porta fa plainte au parlement, qui la renvoya devanr le lieutenantcriminel de Souvigny en Bourbdnnois. Ce juge commenca l'inftru&ion; mais étant décédé, elle fut renvovée devant P -  -34? Outragefait d une femme Ie lieutenant-cfiminél de Moulins, La BufferolU, par fentence du 21 mai 1728, renduep.trcontumace, « fur » declare duement arteint & convaincu » d avoir proferé d Ia dame dt la Broiïe » les mjures mentionnées au procés & » d avoir exercé fur elle les outra^es' 8c » mauvais traitements, auffi mention» nes au procés. Pour répararion, il fut » condamné aux galères pour neuf ans » prealablement flérri des lettres G. A, Sur 1'appel, intervint arrêt, Ie 31 mfs 1739, qui « mit }a fentence dont » etoit appel au néant: & , p0lir repa_ » racion des cas mentionnés au procés » condamna la Bujferolle a comparoir » en Ia chambre du préfidial de Mou» Ims, en préfence de ladite Magde» Urne Maréchal, & de douze perfon» nes qu'elle voudroit choifir : & H » nue tête & a genoux, dire & décla- " rer.(l,,e/./Ec"11érairems»r> & comme »mal-avife, il a proferé les injures , » & commis les excès & voies de fait » mentionnés au procés, dont il fe re» pent & demande pardon a ladite » Jftdtt*/; lui fait dé- " snT d,e £e tro^r jamais ès lieux » ou fera ladite Magdeldne Maréchal ■  par une autre femme. 347 » Sc fera term de fe retirer des lieux 3> oü d pourroit la trouver; 8c de fortir ,1 de ceux ou elle pourra aller, auili-tót 33 qu'il la verra, fous peine de puni33 tion corporelle. Le condamne , en 33 outre, en deux mille livres de répa33 rations civiles, Sc en tpus les dé» pens, tant de caufe principale, que 33 d'appel. Permis a ladite Maréchal de 33 faire imprimer Sc afficher le préfent 33 arrêt par-tout oü befoin fera, aux 33 frais Sc dépens dudir la Bujferolle». Deux raifons, fans doute, déterminèrent la cour a ne pas regarder 1'action de la Bujferolle comme un délit public; Sc en conféquence a ne lui pas infliger de peine afflictive. i°. La Bujferolle étoit ami dn mari, Sc en polfeffion d'aller dans la maifon quand il jugeoir a propos. Son procédé n'étoit point, comme celui de la matquife de Trefnel, le réfultat d'un deffein prémédité. La querelle s'éroit élevée. II s'étoit oublié dans 1'ardeur de Pa colère 5 Sc le lieu oü il 1'avoit exercée n'étoit pas public. i°, II avoit été autorifé., Sc cornmè excité par la préfence du mari. Auili eette autorifation fur le motif de la fépaiation de corps Sc de biens qu'obtint la dame Maréchal. P v]  MARIAGE MAL ASSORTI. Le mémoire que 1'on va lire a ete préjenté au confeil, & fut tres-répandu dans le public: Ce nejl past affaire qm y efi trah* *<* qui le rend intéreffant; on en vou tous les jours de pa7 J.: twuve ^pendant plaijamment racontés. Mals louvrage intêreffe beaucoup parlajineffe des idéés, la jL geretè & Les agréments du ftyle. MÉMOIRE POUR dame A nni-Chri s t i n e vjoues. conjeil-fouvcram d'Alface. M on marl, dans les agiratiom d'une desenmes de tous les fancömes c-uelt  Mariage mal ajjbrti. 34^ lal préfentoit. Je me fuis vue long-tems en proie i ce que I'autorité domeftique peut permettre de violences a un homme naturellement inquiet, fans que j'aie néanmoins oppofé, a fes outrages, que des fentiments paifibles, La patience & la douceur qui, dans notre sèxe, agiilent avec tant de force & de fuccès, n'ont pu ranimer fon affection , & calmer fes fureurs. II a pris les voies honteufes de la procédure : il a porté au confeil-fouverain Phumiliante hiftoire de fes foupCons : il a attaqué ma conduite par fes écrits injurieux,. dont 1'opprobre rejaillit fur lui, Car, fuppofant véritables les fautes énormes dont il m'accufe, peut-il nier qu'il n'eüt autant d'intérêt a les renir fecretes, qu'a y remédier? N'auroit-il pas du fentir que les coups qu'il me portoit, pour établir contre moi , dans le monde, un préjugé d'adultère & de dilfolution, tomboient d'abord fur lui-même? Un procédé fi furieux n'avoit point encore, jufqu'a. préfent, déconcerté ma patience, Pour ramener mon mari a des fentiments raifonnables, pour 1'attendrir fur fes propres intéréts, j'ai employé le miniitère de plufieurs per-  5 «5 O Manage mal ajforti. fonnes, dont ies confeils & les démarches devoient lui infpirer de la conhance & du refpect. Leur fecours n a pas eu plus de fuccès, que ma ïbumiflion. Enfin, après avoir.inutilementt mis en ceuvre tout ce que j'ai cru caoable de ie roucher, je fuis concrainte dè déren dre ma réputation par les voies d'éclat qu'il a pnfes pour 1'attaquer. Avant que d'entrer en matière je voudrois régler, avec moi-même, deux choies dehcates; qui font les égards que je dois conferver encore pour mon man, & Ia manière de traiter des faits ou ndicules , ou fcandaleux , dont il faut que je parie. Si je prends le tori lerieux, on dira que je fuis de mauvaiie humeur; on dira que je traite impitoyablement M. de Kinglin. Si j'écris. avec quelque forte de gaieté, on me reprochera que je raille, & que cela n'eft point a fa place. Mais enfin, comme i embanas eft égal des deux cètés je crols queAJ'e prendrai ce dernier parri.. A coup sur, il ennuiera moins; & j'ai mreret qu'on hfe mon mémoire. FAIT. Je n'avois que feize ans, lorfque  Mariage mal ajforti. 3^1 fépoufai M, de Kinglin, agé de foixante-cinq ans, &c qui étoit aveugle. Ses riclielfes, le crédit que lui donnoit fa charge ,* éblouirent ma familie , qui,. fans entrer dans les autres conlidérations, détermina mon obéiffance. Je ne rrouvai point, dans les chaines houorables de ce mariage, ce qu'on m'y Air 0,- Ac ax„**„* st* 1 at tranquillité. L'humeur ombrageufe de mon mari éclata dès les premiers Jours que nous. fumes enfembie; & j'eus la mortification de nepas jouir un feul moment des prérogatives de la nouveauté, qui aflujettiftent les hommes les plus farouches a quelque cornplaifance. M..de'King'in me mit d'abord fous 1'infpection d'un vieux laquais, auquel il coiifia les délicates fonctions de due- gne. Picard (c'eft le nom de ma gouvernante) donna a fes devoirs plus d'étendue que n'en petmet la bienféance.. Ilnefecontentoit pas de m'accompagner hors dulogis-, il me fuivoit d'une chambre a 1'autre, fans égard même pour les rnoments de liberté les plus indifpenfables. Desdéfiances (i outtées, & auxquelles je n'avois pas eu le tems de préparer ma  ï<)ï Mariage mal ajforti. foumiffion, me plongèrent dans une mélancolie afFreufe. Mon mari m'en fit galamment k guerre , & me reprocha le peu dégout que je pr^nois a des preuves fi fenfibles de fon amour. Jufques-la, je ne me ferois point imaginée qu'un aveugle püt être épris d'une femme qu'il n'a jamais vue, Une paffion fi étrange i Ia nature, in mfpira de 1'indulgenee pour le ridicule & la férocité des fentiments qu'elle mfpiroit. Je prévoyois d'ailleurs que ce frivole ouvrage d'une imagination echaurfée par le portrait flatteur qu'on lui avoit fait de ma perfonne , s'évanouiroit en même tems, que les illufions de la fenfualité. Je ne me trompai pas. L'amour échappa bientót des foibles liens qui le rerenoienr. Mon mari perdit, avec les premières amorces de la paffion, toute fimpatience & Ia fiireur de fes empreffements. Mais Ia jaloufie n'eut pas les ailes fi fortes que l'amour. Après un efior de quelques jours , elle revint au gite. Les inquiétudes de M. de Kinglin ne cefsèrent point avec fa paffion. II fe figara que les ënnémls du célibat alloient me hvrer une furieufe guerre; &il craignit que, preflee par des corrupreurs &  Mariage mal ajforii. 3 7 3 dangereux, je ne cédafle enfin aux mouvements violents du tempérament qu'il croyoit inféparables de mon age. Lepéril lui parur évident: il redoubla fa vigilance. Je ne pouvois pas faire un pas dans la maifon, dans mon appartement même, dontil ne fallut lui rendre compte. Il examinoit mes moindres paroles; & jufqu'a mon filence, tout lui faifoit ombrage. Les héritiers collatéraux, qui ne le voyoient plus , depuis notre mariage , fe reconcilièrent avec lui, dans ces circonftances. Ils fe fervirent, pour 1'irriter contre moi, de tout ce que la haine peut fuggérer d'impoftures &c de perfidie. •Cependant, comme 1'averfion entre les époux n'opère pas toujours lacontinence qu'ils auroient fortfouhaité pouvoir infpirer a M. de Kinglin 3 ils craignirent que quelque brufquerie de tempérament ne le rapprochat de moi. Trop habiles, pour commettre ainfi leur fortune au -hazard de voir naitre un fuceeffeur, ils firententrer dans le lit de mon mari une fervante dont il avoit eu trois enfants, & qui étoit d'une trempe a ne rien lailfer faire a 1'hymen de tout ce que pourroit exécuter l'amour. Quoique les fatigues du libertinage  3 <, 4 Mariage mal affbm. euiTent fait de grands défordres fur U Perfonne de cette fille , Ia paffion de M. deKinghn fe ralluma pour elle, avec beaucoup de violence. II Pavoitaimée avant qu'il fut aveugle; & le fouvenir de ce qu'alors iMui avoit trouve de charmes, lui rendit fa poffeffion auffi aimable, qu'elle avoit pu I etre : femblable a ceux qui, parmi les ruines de Pannquité, admirent tout ce qu'ils n'y voient point. Je youdrois épargner au leef eur le lcandale de ceftains faits, dans ia difcuffion defquels il faut que j'entre a prelent. Mais, comme je ne pourrois les iuppnmer fans deffervir ma caufe , je ne reftecomptable au public , que d'e la mamère de les traiter; & s'il pareït que J aie fait mes efforrs , pour couvrir, par Ie tour & le choix des expreffions ce que la vériré a de trop Ilbre, je cro'irai n'avoir aucuns reproches a me faire, ni a effuyer. Peu de jours après queM. de KingM eut rendu fes criminels embralfements a MqrLmni, je m'apperais qu'il recevoit myfténeufement, matin &foir, la Vlfite d'un baigneur. Je trouvois fort phifant qu'il prït un foin fi particulier de fa perfonne, pour plaire a une créa-  Mariage mal ajforti. 3 $f ture que les ravages du tems Sc de la débauche avoient entièrement flétrie. Mais je ne demeurai guère dans cette erreur. II parut inquiet; Sc fes inquiétudes allèrent bientbt jufqu'a 1'impatience la plus outrée. Tout fon corps étoit dans un mouvement , dans une agitation continuelle. Ce que je foupconnai de plus bonnête , fut que Marianne lui avoit donné la gale; je ne me trompois pas. Cette faveur avoit été accompagnée d'une autre. 11 étoit afiailli par un nombre prodigieux de petits infectes s, qui, feuls parmi les plus vils , portent un nom que 1'on a honte de prononcer. Ils lui faifoient une guerre fi cruelle , qua voir 1'aétivité de fes mains a. fournir par-tout du fecours, on eür cru qu'il avoit un morceau du linge faul qui embrafa Hercule. Nl.de Kinglin , défefpéré d'une aventure fi défagréable, s'en expliqua avec Marianne ; Sc il eut avec elle une longue fcène, qui fe dénoua par la caraftrophe ordinaire. Le crime fut charié, il palfa des reproches, a l'inveébive, & des injures, aux coups. La pauvre fille, qui ne pouvoit concevoir qu'elle eut fait un fi grand mal de fouiller 1'hermine de fon amant, ne recut pas la correct ion  3^6 Mariage. mal a(forti aveclerefpea&iadoaütfconvenaDleS, Eüe fe m1E fur Ja défenfive; & lotion s echauffant toujours , chacun , de fon cote, ene au meurrre. Tour Ie domefcique accourt: j"arrivé j on les fépare. «nr^ ^fV^.envova chercher la garde, refolu de faire emprifonner Marianne. Maïs je crus devoir empêJier qu il ne donnar ce fpeétacle au public Je lahsevaderparune fenêtre, Jd'aide d une cchelle qu'une bonne voifine nous rendit. Apres cette charitafile expedinon , je retoufnai fur le champ de batail e pont voir fi mon man n'étoit point bieifé. Je lui ÊrouVai le vïfage' en ianglaneéf Mais mes alannes cefsèrent bientot- &jen'eus befoin que de ma boite a mouches, pour mettre un aPpateil a fes bleifures. F II s'étoit attendu aux criaÜlenes & au tracas qu'une femme offenfée pouvoit faire dans une occafion fi propre a mettre la raifon du cóté de 1'emportement. La douceur demon procédé le furprit&le toucha II voulut me donner des marqués diftinguees de fa reconnoilTance : & il me dit, mais de 1'air & du ton qui conviennent aa/eig„eur & maUre . u ^ - femme, embralfezmoi. Vouspouvez, * des aujourd hui,rentrerdans moniit»  Manage mal ajjbrtl. 3^7 Les fruits de la reconciliarion ne me tentcrent point; je ne voulois pas me fervir de la femme du baigneur. Je rémoignai donc a mon mari, le plus civilerrient qu'il me fut poflible, que j'attendrois fans impatience , qu'il eut renvoyé les étrangers qui couchoient avec lui, tk dont il avoit tant de peine a fe défaire. 11 s'offenfa de mon refus, comme li j'euffe été dans l obligation d'heberger fes hótes. Nous voila brouillés fur nouveaux frais. Ses patents , que la difgrace de Marianne replongeoit dans les inquiétudes de 1'avenir 5 fe 'prefsèrent, fans qu'il en fut befoin, d'empêcher que la paix ne fe conclüt entre lui & moi. lis aigrireiït fa mauvaife humeur. Ils excitèrent fes foupcons, pat la malignité de leurs conjecf ures j fur mes acbions les plus indifïérentes. Ils lui firent entendre que ma conduite réfervée avoit, au fond, fa politique & fes intéréts; que mes foins a vouloir paroitre fage étoient plutot un voile dont je couvrois des affaires de cceur, qu'une certitude de ma vertu ; que jeune & belle (ce font mes ennemis qui parient) je me trouvois expofée fans ceffe, aux attaques des foupcons, & cju'il étoit bien difficile que, dans un  358 Mariage mal afforü. age oü la raifon eft encore en enfance, je fortiffè innocernmenr de tant de périls agréables. C'eft ainfi, qu'après avoir paré la vi&ime, ils 1'égorgeoient. Enfin ils préfentèrent a la jaloufie tous les objets capables de la remuer violemment. La perfécution devint fi cruelle; on me rendit fi malheureufe, quejecroyois la fureur de mes ennemis épuifée. Mais un accident imprévu les mit en érat de travailler a me rendre mon mari irréconciliable x c'éroir le comble de mes infortunes , & oü fe terminoit toute Tétendue de leurs deffèins. II eut, en huit jours, deux attaques d'apoplexie, qui fournirent a fes héritiers une occafion fort naturelle de ne point défemparer de la maifon. La dame Poireau}(a fceur, arriva de lacampagne, 6c prir un appartement au logis , pour être plus aportée de fecourir le malade. Les foins, les veilles, les inquiérudes, les larmes , toutes ces fauftes démonftrations de douleur furent employées avec fuccès. M. de Kinglin 3 convaincu du tendre & fincère attachement de fes parentséplorés, oublia qu'ils étoient fes héririers. II reent, comme des témoignagesde leur zèle, toutes les calomnies qu'ils lui débitèrent fur mon compte.  Mariage mal ajforti. 359 Ils avoient drefle entr'eux le cilïu d'une intrigue qu'ils fuppofoient que j'eufte avec un jeune homme. Ce jeune homme étoit un des ces petits-maitres évaporés, fur lefquels on ne laiiferoit pas tomber im regard , lans le ridicule i de leurs manières, qui excite quelquefois la curiofité. On ne pouvoit choilit plus mal le héros du roman. Les aventures n'étoient pas mieux imaginées : nulle preuve, ni vraifemblance même dans une accufarion fi grave. Et ce qu'on" alléguoit de plus décihf pour me convaincre d'adultère, eft que le cavalier avoit envoyé, a neuf heures du matin, rechercher fon manteau dans mon antichambre , d'oti il réfulroit que nous avions pafte la nuit enfemble. Si un foupcon de cette nature trouvoit grace dans le monde, la réputation des femmes dépendroit de la pluie & du beau- tems. Ce fait, loin de monrrer les apparences du crime , ne préfente rien a quoi la médifance la plus déchainée puifte donner un mauvais tour. Cependant M. de Kinglin but a longs traits un poifon fi mal préparé. Je voudrois qu'on pur croire, pour fon honneur, que 1'apoplexie avoit un peu dérangé les opéra'  3 Mariage mal ajjbrti. tions du jugement. Ce qui va fuivre le perfuadera peut-être. II s'i-magina ,oufeighit de croire qu'il lui étoit furvenu une de ces maladies cruelles, que le venin de la prqftit'ution communiqué. Un médecin , qu'il Confulta, neluitrouvant, après un examen en forme, aucun indice qui put caraétérifer les apparencesmême de cette maladie, jugea fort raifonnablement qu'il falloit traiter M. de Kinglin en malade imaginaire. Il lui fit prendre, fous le nom de fudorifique, une ptifanne légère, propre arafraïchir les entrailles de monfieur, trop abreuvées de liqueurs &c de vin ; ce qui pouvoit bien avoir part au délire. Mon mari, perfuadé qu'on travailloit férieufement a le guérir du- prérendu mal dont il fe plaignoit, voulut joindre, aux avis du döfteur, ceux du chirurgien. Celui qui fut appellé traita tout net de vjfions ou d'impofture les douleurs du malade ; & ne fcachant point dans quelle vue on lui donnoit des remèdes qu'il ne croyoit pas indifférents, il bla.ma la conduite du médecin, & alla lui en faire des reproches chez lui-même. Le tncdecin le mit au fait; il lui expliqua les  Mariage mal a/Joni. 361 les raifons qu'il avoit eues; la ptifanne fut approuvée. M. de Kinglin re vin t a la charge, pour convaincre 1'incrédule chirurgen. Après un récit iufidèle de fa maladie [ il ofa me 1'imputer; il aifura que j'érois moi-même dans les remèdes, «Sc il voulut que, furie champ, je fuffe vifitée. La honte d'un foupcon fi outra^eux m'accabla : ce que 1'on exigeoit de moi fit rougir ma pudeur; mais enfin les intéréts de mon innocence prévalurent &c me déterminèrent. Le chiturgien attefta qu'il ne m'avoit trouve que de légères marqués d'une mdifpofition très-ordinaireaux femmes, & donton ne pouvoit rien conclure de' defavantageux a leur conduite. Ce que je viens de rapporter prouve combien l'aDoolexie avmr mie a„ a 'r__ • , . i i «" 1,11 uciur- dre le jugement de M. de Kinglin. Ce que j'ai encore a dire fur le déréglement ::de fon imagination , n'eft pas moins :decihr. On verra bientót de quelle autorité , pour ma caufe, font ces faits ifluine paroiflent actuellement d'aucune conféquence. Mon mari a roujours craintles efprits &ils'etoit forgé, fur cela, bien des chimères. Mais, depuis 1'apoplexie fes Tome FI. Q '  ->6i Mariage mal afforti. terreurs paniques avoient augmenté. Le£ vieux contes que les nourrices emploient au lieu de verges , lui faifoient impreffion. Le dirai-je enfin ? II craignoit le loup-garou, le juif-erranr. Je fuis perfuadée que Ie lecteur s'arlère ici, & me blame d'avoir mis en ceuvre ces puérilités, qui, loin de paro'irre utdes a ma caufe , femblent mar-quer une difette afbreide de raifons & de moyens. Pourquoi, dira-t-on , s'accrocher au ridicule dans un poinr de fait oü il ne faut que des preuves ? Mais ce ridicule eft, par lui-même, une preuve évidente de mon innocence, & de la foibleffe d'efprit de Paccufateur. C'eft ce que la fuite va développer. Un jour que , m'amufant a vifiter dans le grenier ma provifion de fruits , je jettois par la fenêtre des pommes pourries, une de ces pommes romba fur une fonnette qui fervoir pour 1'appartement de M. de Kinglin. Le til d'archal ébranlé fit mouvoir , dans la chambre, les anneaux a travers defquels U palfoit. Mon mari, qui éroit alors avec un père Auguftin , & un de nos laquais, leur demanda : qui fonne? L'un & 1'autre direnrn'avoir touché a rien. Le voila faifi de frayeur, &c fur le champ, il ré-  Mariage mal ajjbrti. 363 {blut de quitter une maifon oüles efprits jreviennent. Bientbt après cette fcène, que j'avois ptéparée fans le fcavoir, j'entre dans fa chambre. 11 me fair une longue hiftoire du prodige arrivé, & me déJare qu'il yeut aller demeurer aiileurs. La maifon étoit li inommode & li trifte, que je ne pus me fca voir mauvais gré d'avoir fourni 1'incident qui obligeoit M. de Kinglin de la quitter. Mais, comme les efprits ne remuoient plus , 1'emprelfementdedéloger diminua. Ma femme-de-chambre me fit fouvenir , dans ces circonfbances , qu'il y avoit encore,augrenier, du fruit pourri. J'avouerai, de bonne-foi, que je vifai a la fonnette : le charme réuiiit; nous délogeames. La dame Poireau, moins crédule , par malheur , que M. fon frère, s'avifa, deux mois après, de vouloir examiner par elle-même, s'il y avoir, dans 1'aventure , quelque chofe d'extraordinaire; & courageufement, elle s'offrit d'aller palfer une nuk dans la maifon. De mon cóté, je rins confeil avec ma femme-de-chimbre. Nous ne doutions point que ma belle-fceur ne regardat comme une fupercherie 1'aventure de la Q i  364 Mariage mal afforti. fonnette, & que, préfumant que c etoit mon oavrage , elle ne cherchat a s'en éclaircir, pour m'en faire un crime auprès de M. de Kinglin. L'expédient le Plus naturel pouc détourner ce coup , etoit de Peffrayer elle-même par une apparition concertée ; 8c c'eft a quoi nous nous déterminames. Ma femme-dechambre fe chargea de trouver des ac^ teuts. Elle diftribua les premiers róles a deux laquais du logis : nous leur fournimes des décorations ? 8c autres chofes nécelfaires, des draps , une citrouille vuidée, la chaine du puits, des flambeaux, 8c du vin pour les entre-ades. Tandis que nous dreftions fecrétement 1'appareil de ce fpedacle comique, la dame F'oireau que les approches du péril rendoient plus timide, fe faifoit du coutage par raifon, 8c préparoit fa conftance aux plusrudes épreuves. Enfin elle prit jour pour cette fameufe expédition; & s'appuyant de 1'intrépidité de M. Poireau fon fils, ils fe tianfportèrent enfemble fur les lieux , accompagnés feulement de notre cocher, 8c d'un gros chien de baffè-cour. On leur laifta tout le tems de vifiter la maifon, &-de fatiguer leur vigilance pat des rondes inutiles. Mais, quand  Mariage mal afforti. 30^ nous jugeames qu'ils pouvoient être affioupis, mes gens entrèrent par une fauffe-porte, dont je leur donnai la clef, que mon mari m'avoit laiflee en garde. La pièce fur mal jouée. Les fpectres firent leurs róles avec li peu de précaution, qu'a peine donnèrent-ils un moment le change. Le chien aboie, le cocher fe léve, court, crie au voleur. Les deux fantómes déconcertés cher.chent a. s'évanouir. Le cocher les fuit; le chien les galoppe. Ils échappent cependant, malgré la fourche & le matin. Mais, a quatre pas du logis, la patrouille les rencontre, s'en faifit, & les mène au corps-de-garde. Dans ce défordre, la clef, dont j'étois feule dépofitaire, refta a la fauffeporte ; ce qui dénoua toute 1'intrigue , & fir voir que la pièce étoit de ma facon. La dame Poireau donna, a cette aventure, la plus mauvaife explication qu'elle put imaginer. Elle fe récria beaucoup fur 1'infolence Sc la hardieife de 1'entreprife ; elle fit entendre a mon mari qu'il devoit regarder cette fcène noclurne comme un eflai que j'avois prétendu faire de la complaifance de mes domeftiques, pour les Qlij  3 66 Mariage mal ajjorti. porter enfuite a des témérités plus grandes contre fes intéréts; peut-être même a des attentats fur fa vie. M. de Kinglin, faifi tout enfemble de crainte & de fureur, laifla échapper des paroles menacantes qui me furent rapporties. Je me rerirai chez un de mes parents, "pour y attendre, en füreté , la fin de 1'orage. Mon mari, dès le lendemain , envoya chercher ce parent, & lui dit que j'avois eu tort de prendre fi chaudement 1'alarme J qu'il ne penfoit plus a ce qui s'étoit paffé ; que je pouvois revenir, qu'il m'en prioit même de tout fon cceur. Cette nouvelle me fit un plaifir inexprimable ; mais ma joie s'évanouit comme un éclair. Je me préparois I fortir, pour retourner chezM. de Kinglin, lorfque notre cuifinière entra dans la chambre, hors d'haleine & route effrayée. « Oü allez-vous, ma» dame? me dit-elle. Si vous revenex j> a la maifon, vous êtes morte. J'en»> tendis, hier au foir, une converfa9» tion que M. de Kinglin & madame fa fceur eurent enfemble fur votre » compte. Elle. lui demanda pourquoi, » après les rours que vous lui aviez « faits, il vouloit encore vous recevoir. » Elle ajouta que vous le haïïliez a la  Mariage mal afforti. 367 s, mort, & que vous feriez capable de a 1'empoifonner. A quoi M, de Kinglin. » répondit i je ne lui en donnerai pas * 4e rems. J'affeéte de la douceur, pour au mieux jouer mon róle, Quand je ft devrois mourir fur un échaffaud, „ je la ruerai. Je ne me foucie point de „ ce qui men arrivera, pourvu qu'elle „ meure, & que ce foir moi qui aie le „ plaifir de la faire expirer. Mais com« ment ferez-vous , lui dit fa fceur, » vous qui êces aveugle ? Je ne ferai „ femblant de rien , je la prierai de ,> me mener dans mon cabiner, je fer» merai la porce comme a mon ordi» naire, je la tiendrai fous le bras , & ft je ne la manquerai pas On ne me blamera point de n'avoir' ofé, dans ces circonllances ? rerourner chez mon mari. Je demeurai oh j'érois;,. fort embarralfée du partique^ je devois prendre. Après y avoir donné quelques (nomertts de réflexion, je fentis combien il m'importoit que cette dépofition füt faite en préfence de quelqu'un dont le témoignage eut de 1['autorité.Dans ce delfein , j'envoyai prier M. de Chavigny 3 gouverneur de Colmar, de me venir voir, pour une affaire pref-£inte, II vint; 6c la fervante lui répéta ; Qiv  3 68 Manage mal afforü. dans les termes que j ailmployés fe tem dece complot exécrable/ 'me maï1 laderP—tterchezmon ven ' Je/°UlUSme^etrerdans«"couven t ;ufqu a ce qu>ori ttQmk j, denou reumr, ou de nous féparer a aOUabJe'. Mais, comme tomes les routes qm conduifent au fuccès & au «pos étorent fermées pour moi fes xeltgIeufesde Colmar, f qui leur rè'e defendde prendre des penfionnaires ne purent me recevoirfce qui poï lih .réfo'urion qu'" Prenoit de pro- J-o/«.7« & aux autres héritiers les -oyensde confommer leur onvree de nous rendre irréconcihables m°on S V . Fr ^ affaire declatqui in erefsat entre nous la délicateffe du Point dhonneur& de la réputation lour parvenir a leurs fins, ils Ua que ,e fiifle féqueftrée dans un couvent les tormes par une procédure extraordinaire. Ainfi , fans fe mettre en pefne q- 1 Wation füt après coupon-  Mariage mal afforti. 369 nue injufte, ils le poufsèrent a employer , dans fa requête , comme des crimes avérés, roures les calomnies qu'eux-mêmes avoient forgées. Ils me font parler a leur gré, dans certe requête. Mais ce qu'ils voudroienc perfuader que j'ai dit prouve évidemment que ce qu'ils avancent eft faux. M. de Kinglin expofe, en termes dont il ne me convient pas de me fervir, que je lui ai communiqué une de ces maladies que produit le mélange des amours. II en allègue, pour preuve inconteftable, que m'ayant dit que je n'avois guère d'obligation d celui qui m'avoit fait ce fa tal préfent puifque 3 convaincue d'adultère } j'allois être enfermée ; je lui avois répondu qu'il falloit que ce füt un capitaine de la garnifon. Je demande s'il eft vraifemblabïe qu'une femme, innocente ou criminelle, s'avoue coupabie d'une indignité li monfrrueufe, a moins que d'avoir le poignard fur la gorge. II étale, d'une manière aufti choquante , fes autres griefs. 11 réclame 1'autorité des loix, la févérité des ordonnances contre moi & mes domeftiques, pour lui avoir fait peur des efprits. Je voudrois fcavoir fi les loix &  37Q Mariage mal ajjbrü. les ordonnances ont prévu un cas li fingulier, & quelles peines elles prononcent contre une femme de dix-huit. ans, atteinte & convaincue d'un attentat fi noir. M. de Kinglin conclur, premiétefiieht, a ce que la cour lui permerte de faire informer du contenu dans fa requête. Secondemenr, qu'elle ordonné que.je ferai vue & vifitée incelfammentpar trois chirurgiens qu'il nomme, fcavoir Marquis , Michel 3 & Vergues. Troifièmement-que , ~par provijïon ±. je fois enfermée dans un couvent, de crainre, dit-il, que je n'abufe de mon corps,& qu'au grand mécontentementdu fuppliant, & au préjudice de fes héritiers légitimes, je ne donne un héritiec faux & fuppofé. On voit bien ici que c'eft la dame Poireau elle-même, & les autres parents de mon mari qui parient. Ce dernier trait les caractérife. Mon mari, dans le défordre d'une colère violente, n'étoit pas capable de s'occuper d'autres intéréts, que des fiens propres. II s'appuie fans befoin , de ceux de fes héritiers. N'eft-ce pas une preuve certaine que la ïequête eft leur ouvrage ? Quel ouvrage!  Mariage mal aJJbrtL 371 iï n'y a pas un mot qui ne décèle leurs vues les plus fecreres, qui ne dévoile leur imparience de s'aflurer, par anticipation, 1'hérédité. II requiert enfin que mes deux laquais , pour avoir prêré leur miniftère a Papparition des efprits, foient arrêtés & conduits a la conciergerie du palais. Sur cette requête, préfentée a la chambre ou mon mari a un grand crédit (circonftance a temarquer) il y fut, le même jour, rendu un arrêt qui en adjuge toutes les conclufions. Il faut avouer que la juftice, fi lente a prononcer fes oracles, a eu bientöt mis, dans eette occafion, le poids dans fes balances. Le confeil permet d'informer •. cela me paroit régulier. On m'accufe, il eft dans 1'ordre de chercher des preuves Sc" des témoins, pour éclaircir le fait. Maison en devoit demeurerla. Cependanr, tout de fuite, on fulmine ma condamnation. Je ne voudrois pas, fur une querelle domeftique la plus légère, & ou il ne s'agiroit que de donner le fouet a un enfant, avoir juge avec tantde précipitation. Voici 1'arrêt v> de précipitation. V oici i arret:  373; Manage mal ajforü. . Tout confidéré, notre confeil} faifatit drou Jur ladite requête3 a permis\ & permet aufuppliant de faire informer pardevantles confcillers-rapportcurs des faits contenusen ladite requête, clrconftar.ces O dependances. Ordonné qu'Anne-Chriftine Gomès fera vue & vifttée par trois chtrurguns;favoirles nommés Marquis, Muhel & Fergues , & fequeflrée dans la, communauté desreligieufes d'Inderlinden «dmtenmjeulement: ala charge par le fupphant de leur payer la penfton ; d elles enjotnt de la nourrir fans retard & délai a peine de faife de leur temporel. Ordonné en'. outre, que les nommés la Noix & Jmhoff feront pris & appréhendés au corps , & conduits 'es prifons de la conciergene du palais , pour ene leur procés Jan è- parfait, fuivant la rigueur des ordonnances , &c. Je fins bien heureufe de ce que M de Kinglin ne s'avifa point d'articule'r , dans ia plainte, quelque crime capital: je crois qu'il auroit demandé que l'on me coupatle zoxxpar provifwn. Ce péril tout imaginaire qu'il eft3 me fait trem' bier. Information, faite en conféquencf  Manage mal affbrti. 373 de 1'arrêt, n'eft compofée que de témoins que mon mari a rous corrompus par des bienfaits, ou intimidés par des menaces. Je vais mettre le public en état de n'en pas douter. Les feuls qui dépofent avoir vu des" indices d'adultère, font ces mêmes laquais pourfuivis criminellement par M. de Kinglin } pour avoir conrrefait les efprirs. On fe fouvienr qu'ils furenr afrêtés par la patrouille, & conduits au corps-de-garde. Comme ils éroienr propres a porter les armes, quelqu'un profita de 1'occafion pour les engager. On leur dir qu'il n'y avoir que ce moyen , pour éviter les fuites facheufes du procés, lis s'enrólèrenr; on les mena a Brifack. Mon mari, lorfqu'il eut commencé la procédure, réfolut de faire prendre ces deux hommes, a quelque prix que ce fur; perfuadé que , fous promefle de les mettte en liberré , il les engageroit a dépofer conrre moi. II éroir queftion de s'afturer d'eux a Brifack : la chofe n'éroir pas facile. 11 eur recours a 1'autorité du gouverneur, qui lui accorda cette grace, tk lui écrivir, a ce fujet, la lettre fuivante , dontj'aienmain le pré\ cieux priginal.  3.74 Mariage mal ajfortl,. LETTRE bz Monsieur de R * * ^ Gouverneur de Brifack 3 A Monsieur de Kinglin:. A Brifack j le r fèvrier 171-1. « Je vous envoie, monfieur, les deus » domeftiques qui font nécelfaires pour n les procédures que vous faites faire j> contre madame votre époufe. L'offi» cier, préfent perteur, qui eft chargé » de les conduire a Colmar, a ordre de » les remettre iceux qui viendront les » recevoir , de votre part , & que » vous m'avez indiqués. J'ai joué le róle 3» qui a été convenable, pour intimider » ces jeunes-gens , afin qu'ils déclarent ja ce qu'ils fcavent, en leur promettant » que , pourvu qu'ils ne cachent rien, » je tacherai de les tirer d'affaire ; mais 33 que, s'ils veulent biaifer dans les inn terrogatoires qu'on leur fera , je les. 33- abandonnerai a- leur mauvaife defti33 née. Au refte , monfieur, fi j'en avois«'cru.tous les mauvais difcours qui fe  Mariage mal ajfortl. yjif. }j font tenus,, &c ce qu'on m'a mandé de )> Colmar, jen'aurois jamais entre dans. » la négociation ou je me fuis engagé » pour votre fervice. Erles officiers les » plus crédules ont été a. même de ne » point fe fier a votre parole, ni a la sj mienne, perfuadés qu'on les vouloit s) tromper. Enfin j'ai levé routes les dif» ficultés, & 1'on m'a repréfenté ces, s> domeftiques. Je fais pour vous, en j> cette occafion, ce que je ne ferai plus 3j pour perfonne. Mais les gens d'hon3> neur doivent contribuer a la fatisfac» tion de ceux qui fe trouvenr dans le j) cas oü vous êtes. Je fuis, monfieur 3> tièsreflentiellement, &cj?.. M. dé R ** a raifon d'aflurer M. de Kinglin, qu'il eft ejfendellemention ferviteur. On nepeur porter plus loin qu'il. le fait , la complaifance pour un amL 11 paroit même, dans fa lettre, qu'il répugne a en donner des marqués li fingulières. J'admire le facrifice ; &c il n'y a per-* fonne , avec de la délicateffe fur la réputation , qui ne le ttouve extraordinaire. Je ne m'arrête point a difcuter l»s,*  37^ Mariage mal affbrti. endroits de cette lettre qui me fourni^ Jent des reproches invincibles contre les deux témoins. La fimple lecWfuffit pour fentir qu'ils ont été intimidés : & ce qui acheve de démontrer cette vérité importante, c'eft que, peu après 1'interrogatoire, mon mari ce/fa fes pouriuites, & les mit en libetté. Ne voit-on pas bien clairement que tant d'indulgence, après tant de bruit & de frais eft Ie prix qu'il avoit mis a leurs dépolitions ? r ' M. de.Kinglin & fa familie, malgré le iucces de leurs témérités, ne goutoient pas, fans inquiémde, le plaifir de Ia vengeance. Ils craignoient que je ne trouvalfe quelque reffource imprévue pour me juftifier , & qu'ils ne fulfent contramts de répareri'oppreftion, quand mon mnocence fe feroit jour. . Ponr s'alfurer, a tour hazard, 1'impunite, ils proposèrent a mon père de pafter une tranfacfion qui me féparat de corps & de biens, au moyen de laquelle -la procedure extraordinaire , commentree contre moi,demeureroitnulle &c fans eftet. Mon père, qui connouToit combien elt ratigante &c périlleufe une guerre de  Mariage mal ajforti. 377 I chicanes & de procédures, dans un tfi1 bunal ou la partie a un grand crédit , : regarda comme u-n avantage les propo; fitions de paix qu'on me faifoir. Lorfque les préliminaires furent régies, c'eft-a-dire la féparation de corps Sc de biens, & le défiftemenr du procés criminel, 1'on convint des autres arj ticles. Mon père confentit pour moi, attendu que j'étois mineure, une renonciation a tous les avantages portés par I mon contrat de mariage, jufqu'auxpréfents de noces qui m'avoient été donnés.' II s'obligea de me tenir dans un couvent, Sc d'y payer ma penfion, pendant la vie ; de mon mari. II fur encore ftipulé qu'au cas que mon père mourut, fes héritiers feroient chargés de la même claufe. II is'obligea de me faire agréer Sc rarifier la ::tranfaction dans trois femaines; a faute de quoi elle feroit nulle. Mon père, qui craignoit 1'éclat & les nembarras du procés, aurant que le crédit de M. de Kinglin _, crut ne pouvoir : rien faire de plus utile pour moi , que de facrifier ma fortune a mon repos. Il :me forca de ratifier la tranfaélion. Je n'avois que dix-huir ans; je n'étois pas m droit de difcuter mes intéréts.  378 Mariage mal ajfortï. Mais , comme la violence emporre avecfoi la nullité des conventions qu'elle a epdgées, & qu'une volonté contrainte n'eft pas une volonté , aujourd'hui que je fuis majeute, jemectois bienfondée a me pourvoir contre cette ttanfaction extorquée. _ Les fimples Iumières du bon fens me öiclent qu'un actefi monftrueuxne peut trouver grace dans aucun tribunal, Séparer de corps & de biens une femme mineure , la faire renoncer a toutes fes conventions matrimoniales, la forcer de confentir a. être renfermée a fes dépens dans un couvent •, qu'aurois-je pu attendre de plus févère & de plus ignominieux dans la convicbion du crime dont je fuis fauflement accufée ? Tout ptouve la nulli-té de cetre tranfaction , déteftable ouvrage des parents de mon mari. Mais oü me pourvoir? Dois-je artendre, du confeil fouverain d'Alface, la juftice qui m'eft due ? Les parenrs de M. de Kinglin } intérefles a ma perte, y ont, aufli bien que lui, un grand crédir. Que n'ai-je point a craindre d'eux dans une telle conjoncture , après la condamnation que , fur une fimple allégation ils ont obcenue con-  Mariage mal ajforti. 379 -tre moi; après qu'ils ont fait prononcer une fcparation de corps & de biens par un noraire , fans que le confeil ait puni une licence li pernicieufe ? Je ne pourrois reparoïrre dans la pro- I vince, qu'on ne me rrainat indignement I dans lecouvenr, oü toute communication de confeil me feroit interdire. Pri- ; vée d'ailleurs de mes conventions matrimoniales , qui feroient toute ma i relfource, je fuis bors d'état d'y aller vivre. La faveur de ces circonftances Sc mes droits, le caradère de l'accufé, 1'irfégularicé des procédures , Sc même de j 1'arrêt, me font efpérer, de la bonté du I Roi,que Sa Majesté me donnerapour : juge le parlement de Paris , oü je fuis 1 acfuellemenr chez une parente, uniqüe 1 afyle que je puifle trouver. L. C. de Saint Jory ,avocat au parlement de Metz. Madame de Kinglin fut d'aborde'coute'e favorablement; & Uyt a tout lieu de penjer que , fi elle n'avoit pas abandonné fes pourfuites , elle auroit obtenu ce qu'elle demandoit. Mais, peu de tems après la publication de ce mémoire y & au moment  380 Mariage mal ajforti. ou le con/dl du roi fe difpofoit d lui ren* drejuflue , fon mari vint d mourir. Sa beauté lui procura un fecond mariage avantageux, qui la mit en étatdefepaf. fer des biens qu'elle vouloit recouvrer. Son fecond mari d'ailleurs ne voulut pas qu'elle continuat un proces dans lequel elle ne pouvoit réuffir qu'en prouvant des ventesfcandaleufes, & qui ne pouvoient que couvrtr de home la mémoire de fon premier époux.  I MARIAGE AVORTE. Voici un fecond mémoire forti de la même plume que le précédent. Je penfe qiiony trouvera autant de Jel, autant defineffe, & autant de légéreté. \ II ef bon, avant de lire ce mémoire, de connoitre celle qui en efl t objet. Voici fon portrait, tracé par £ auteur du mémoire. PORTRAIT i 'de Mademoifelle de Cha tillon. Mademoifelle de Chat'dlon étoit une 1 grande fille, bife & sèche, d'une phy: fionomie ambigue, d'un maintien équii voque. Elle fe préfentoit de bonne : grace , s'afféyoit de mauvaife \ danfoir : noblement, marclioit mal. Elle avoit ordinairement de 1'efprit, rarement du bon fens, jamais de la raifon. Elle étoit vive dans fes reparties , turbu. lente dans fes manières, froide dans i le courroux, évaporée dans la joie. ! Ses geftes, fes paroles, fon action.  Mariage avorte. sout avoit Pa&ivité d'un éclair ; tout annoncoit 1'orage, la grêle , le tonnerre. Elle avoit du penchant a l'amour, de 1'averfion pour la belle galanterie. Délicateftè , inquiétude , difcrétion, myftère, ménagement, petits foins, chanfonnettes & billets tendres, ïoutes les graces riantes & légères qui accompagnent le véritable amour, lui déplaifoient mortellement. Elle vouloit du brufque, de 1'éclat, du bruyant. Elle étoit coquette; mais pat imitarion, d'après les modèles les plus vils 8c les plus décriés» MÉMOIRE 'POUR le fieur Louis Rustaing de Saint-Jory , genril-homme ordinaire de M. le duc d'Orléans, défendeur 8c demandeur. CONTRE demoifelle JeaNNE-Genevieve aubert de ChATILLON,fi/'e majcure3 dcmandereffe & défenderejfe, Je publie i regret un mémoire contre mademoifelle de Chatillon. Mais, eniaftant toujours injures fur injures, elle  Mariage avortê. 383 I me réduit a la trifte néceflité d'être 1 jnexorable. J'aurois lieu d'attendre que, : portant plus loin ma retenue, on ne me foupconnat d'une lache indifférence # ■ ciui digère pailiblement les affronts. II eft difticile de faire avec modération le récit des outrages que j'ai recus I d'elle. Mais la noirceur de fon parjure me fuggère en vain des paroles de fu; reur & de vengéance , je n'emploierai 1 que des raifonnements rranquilles. Ils perfuadent mieax que des invecftives. Je f<:ais d'ailleurs que les dames, quoiqu'elles puiflent faire, ne perdent jamais le droir d'être traitées avec ref-, peét. Au mois de novembre 1711 , j'allai a Villers-Cotterets, poiit des affaires qui demandent, tous les ans, ma pré! fence. Mademoifelle de ChatUlon y eroit ! depuis peu. Je n'avois point I'honneur ! de la connoitre ; j'avois ouï dire feuleI ment qu'elle avoit en mariage quinze ou vingt mille livres de rente. Le hazard nous fit rencontrer enfem1 ble. Elle recut, avec plaifir, mes vifites, que je rendois fans delf-dn. Je dois dire, k fa louange, qu'elle a, fur les beautés les plus parfaites, Pavantage de li'infpirer que des feux légitimes; on nf  384 Mariage avorte. s'attaché a elle, que pour Pépoufer. Je n alpirois point i cet honneur : je ne cherchai donc point a lui plaire. Elle fcur expliquer mon indifférence; & crur qu'il y auroit du mérite a Ia vaincre. Pour y parvenir, elle me mit en ntuation de ne pouvoir lui réfifter lans ingrantude. Elle m'offrit fon cceur cc la main. Ce fgroit faire, 4 mademoifelle de Lhattllon, un torr irréparable, que de ne pas remarquer un trait de fa modeftie. Elle préfume fi peu du pouvoir de les charmes, qu'elle m'avoua ingénuement qu'elle défefpéroit de m'infpirer une ventable tendrelfe, perfuadée qu'il n y avoit que fon bien qui mit fa perlonne dans un point de vue agréable. 11 eft vrai que la reconnoilfance ne fit pas, dans mon cceur, autant de c-he- —, *^ , diuuur en avoit tait dans celui de mademoifelle de ChatUlon Je jouilfois d'un bénéfice affermé 2400 livres. J'attendois, dans Pétat eccléfiaftique, de nouvelles graces qui m'étoient promifes, & qui ne pouvoient me manquer. Tout ce que m'offroit mademoifelle de ChatUlon me paroiffoic fort incertam; je ne pouvois me réfoudre. Mais elle employa toute fon adrelïe  Manage avorté. 38^ adrefle &c fon induftrie a me petfuader. Elle me dit que fon père avoit pour elle mie tendreife aveugle ; que la difproportion de mes biens ne feroir point un obftacie a notre alliance , puifque j'avois d'aillears tout ce que fon père pourroit fouhaiter dans un gendre. Elle ajouta que, fi, par un caprice imprévu, il refufoit fon confentement, elle étoit majeure; & qu'au moyen des actes de fommation relpectueuie, elle fe mettroit a 1'abri de 1'exhérédation. J'aurois eu mauvaife grace £ me défendre plus long-tems. Je ne réfiftai pas a mademoifelle de ChatUlon. Tout ce qu'alors elle exigea de moi de plus difficile, fut que j'obferverois prés d'elle un extérieur vif &c paflionné. J'ai confommé, dans des foins ü pénibles, töus les rnoments que j'ai paifés avec elle. ! Alais je ne prétends pas rirer vanité de ma perfévérance; nous ne nous fom: mes vus que quinze jours. Quoique je fuffè perduadé que ma familie approuveroit un établiifement qui paroilfoit avantageux du cèté de la Ifortune, je ne jugeai pas a propos de lll'inftruire .de ce qui fe paifoit, que je Kï'eulfe donné le tems a nos prémiers Tonic VI. R  3 S c5 Mpfiflge avortê. engagements de fe fortifier, oü de fe rorripre. Mademoifelle de ChatUlon me donna des preuves de fa tendrefle, qui femr bloient m'óter tout fujet de craindre fon inconftance. J'appris cependant des chofes qui m'allarmèrenr. On me dit qu'elle avoit beaucoup aimé un jeune financier, qu'on appelloit le fieur du R .. . , & que le bruir avoit couru dans la province, qu'elle devoit 1'époufer. Cette nouvelle me donna de 1'ombrage. Je me rappellai toutes les circonftances de mon aventure. II me paroiifoit que mademoifelle de ChatUlon m'avoit offert fa main rrop brufquement. Je voulus éclaircir certains foupcons qui pouvoient devenir, après le mariage , d'affreufes verites. J'approfondis cette affaire; j'eus des preuves certaines que le fieur du R . .. n'avoit point vu la demoifelle depuis quatre ou cinq mois. Enfin, après une recherche exacte de leur conduite, je n'eus pas lieu de craindre que mademoifelle de ChatUlon deitinat rien de premature au mariage qu'elle m'avoit propofé avec tant de vivacité. Je lui témoignai quelque jaloufie : mais je lui cachai ce que mes foupcons  Mariage avorté. 387 avoient de plus injurieux. Elle me protefta que jamais elle n'avoit aimé véritablement le fieur du R. . . & qu'elle avoit rompu tout commerce avec lui. Elle employa les pleurs , les ferments , les démonftrations les plus naïves & les plus tendres , pour me raifurer. Et , comme elle craignoir que les gens qui avoient fair naïtre mes inquiétudes , ne revinlTent a la charge , & ne démentiffent, par. quelque témoignage irréprochable, fes défaveux perfides, elle me propofa de nous lier irrévocablement par une promelfe de mariage qui conrint un dédit de 30000 livres. J'acceptai ce parti, avec d'autant plus de joie qu'étant obligé de retourner incelfamment a Paris, je craignois que , pendant mon abfence , fon premier amant ne vint rallumer des feux peutêtre mal cteints , & que je ne fufle la dupe de la confiance que j'aurois eue en elle. Nous nous fimes donc, l'un a 1'autre réciproquement, une promelfe de mariage , dont voici les termes. Promesse de Mariage; Nous foujjïgnés, Louis Ruftaing de Saint -Jory & Jeanne-Geneviève AuRij  3 83 Mariage avorté. bert de ChatUlon , reconnoijfons devant Dieu nous être pris pour légitimes époux | & nous engageons naturellement notre foi , promettant de nous pré/enter d let fainte églife , pour y célébrer notre manage, & de paffer contrat, quand l'un de nous le requerra de 1'autre , fous peine de joooo livres de dommages & intéréts pour celui qui voudra fe dédire ; attendu que, pour nous unir enfemble , nous avons de part & d'autre , rtjkfè des partis qui nous convenoient. Fait a Fillers^Cotterets, le i 8 décembre 1711. Signé, Louis rustaing D£ SAiNT-JoRY , JeaNNü- Geneviève Aubert de Chatillon. Fait doublé entre nous. Mademoifelle de ChatUlon , qui juf- vjucs - ia , n avoit pu conientir- a mon retour a Paris , malgré les ordres preffants & réitérés que j'avois eus de m y rendre, permit enfin, fur la foi de 1'engagement que nous venions de contracter enfemble, que , dès le lendemain je partiife. Elle écrivit ces lettres a mon pere & a ma mère,  Mariage avorté. 389 Lettre de mademoifelle de ChatUlon d ma mère } du tg décembre ijn. Madame, Je profite de cette occafion , pour vous affurer de mes tres-humbles refpecls , & de l'empreffement ou jejuis d'avoir I'honneur de vous connoitre , afin de vous marquer moi-même la fatisfaclion que j'ai de trouver tout-a-la fois un mari tel que je deftrois , depuis long-tems, & une familie auffi agréable & auffi charmante que la votre. J'y entre avec des difpofitions trop favorables , pour que vous puiffie^ douter un inf ant du refpecl avec lequel je fuis votre &c. de Chatillon. Lettre de mademoifelle de Chatillon a mon père. Monsieur , C'eft pour vous affurer de mes trèshumbles refpecls, & de la parfaite fatifi faclion que j'ai d'être avec mon mari. Je l'aime avec une tendreffe qui ne fera jaRiij  39° Mariage avorté. mais égalée que par l'efiime & la confidérauan que j'aurai toute ma vie pour vous. C'eft avec ces fentiments que je fuis & Jerai toute ma vie, &c. ChATILLON Dl S. jory. Je vousfupplie de n'étre point en peine de monfieur votre fils : j'en ai bien du join, ér ne lui ferai point inhumaine. Autre s du ig dècembre ijzz. Monsieur, Pour cet te fois , & contre ma coutume ; ma crainte a prévalu fur mon plaifir (i) & je me privé de celui que j'aurois eu d 'retentr encore monfieur votre fils ici. Mais l appréhenfion de vous déplaire , en prolongeantfon abfence, me fait confentir d Jondepart. Tene^ m'en compte , je vous enjupphc, puifque fy ai beaucoup de meme. 11 eft jufte que vousfioye^ inftruit de la conduite que nous avons eue tous deux. PremVerement nous nous fommes (O Mademoifelle de ChatUlon fait ici céder fon plarfir a fon devoir. Mais elle avoue de bonne f0! qne les facrifices de cette' efpece ne lm font pas familiers. C'eft ce qu elle n a que trop vérifié depuis.  Mariage avorté. 391 I toujours trouvés d'accord; & il ne m'a pas 3 étépoffthle de rien refufer. Ainfi, monfieur 3 votre fils doit être content de moi. Je ne le fuis pas moins de lui ; puifqu'il I m'a appris des chofes que je ne fcavois I point} qui font fort utiles. Je vous les j diraij s'ille juge a propos. Pour moi, je I ne veux plus vous marquer que le profond ! refpecl avec lequel je fuis, &c. Chatillon de S. Jory. Je trouVai ma familie dans des difpcfitions favorables a mon établiffement. Il eft vrai que mon père me parut fort allarmé de la démarche hardie que mademoifelle de ChatUlon faifoit auprès de lui. H lui fembloit qu'on devoit tout craindre d'une fille qui, a lage de vingtcinq ans, ignoroir encore les devoirs de la pudiciré. Je fis encore tous mes efforts, pour excufer cette imprudence : mais il . ne me fut pas poflible de raflurer mon père. II infèra, de la conduite préfente de mademoifelle de ChatUlon , qu'elle en auroit une plus irrégulière a 1'avenir. La vérité de toute cette affaire n'eft point vraifemblable. Car qui pourroit s'imaTiner que , dans la fituation ou tnademoifeiie de Chaüllon Sc moi, nous" Riy  3 9 2 Mariage avorté. etions elle Wat A fe choifirun autre epoux ? C'eftpourtantce qui eft arrivé Jappnsque ^ üem du R . . . éio\z i Villers-Cotterers; qu'elle renouoit avec lui les anciennes habitudes, & qu'elle ne menageoit aucune des bienféances que les engagemems avec moi lui prefcnvoient. Je lui en écrivis , mais avec beaucoup de circonfpection. Ellè me répondit .en ces termes : r AJ%a' tdeS reProche' que tu me fais f«'f /e ne fuis pas dans le cas dt'.les, merker, puifque je ne l'ai point mande. Peut-etre a-t-il entendu parler de mes nouvelles amours, & qu'il vient luimme en apprendre la vérité. 11 efl d platndre de n'être pas venu plutSt rece. voir les affurances de matendreffe. Je ne puism'empêcher d'en avoir pour un amant auffi conftant qu'aimable. Adieu , car je Jens de/a ton dépit de ce petit aveu. Je Juis d toi , ta femme. Quoique cette lettre ne füt que trop figmhcative, je feignis de 1'avoir tróüvee equivoqueJ afin de lui ménager une retraébanon plus facile & moins honteufe Mais , au lieu de fe juftifier Sc de colorer fon inconftance de quelques pretextes, elle ajouta 1'infuite ï la per-  Mariage avorté. 393 fidie. Elle m'écrivit les deux lettres fuivantes : Le ib janvier lyn. En gr ace , reprene\ votre colere: elle me platt} & me convhnt mille fois mieux que les affurances que vous me faites de n'être jamais qua moi : elle a un certain rif que j'aime d la fureur. S'il ne tient 3 pour vousy mettre 3 qu'a vous en fournir les fujets 3 vous n'en manquere^ pas : je ferois plutót l'impojfible. Je vous remercie j monfieur s de ce que vous \ oule^ bien faire pour me plaire; mais je vous en quit. e. Je ne veux plus vous voir deformais ni complaifant y ni amoureux j je ne vous fouhaite plus quen colere. Adieu 3 f apporterai tous mes foins a vous en procurer tous les jours de nouveaux fujets. Je n'en fuis pas moins, pour cela 3 monJieur , votre tres-humble fervante. ChATILLONo Autre , quelle na ni datée 3 ni fignée. Je vous ai aime' un jour & demi d la fureur; mais pas un moment de plus. Monfieur ... que je prie de vcus le marRv  394 Mariage avorté. Tn£r-3neVeut fas ïen *«rg*r : je V0U3 en injtrms mot-même. Adieu. ' r/6-/?'écrlvls PIUS a demoifelle de ChatUlon pour ne me pas expofer davantage a fes ridicules emportements. Mais , ayant appris qu'elle étoit fur ie point d epoufer le fieur du R . . ;e déconeertai leurs mefures, par des oppofition s que je formai k leur mariagef Mademoifelle de ChatUlon, pourme faire departlr Je mon oppofition, me fit adigner a 1'officialité , ou elle obtint une fentence qui (a condamna en i c liv datunone &auxdépens, déclaranulfê ia promefle de manage , & renvoya les parties par-devant le juge féculier/pour les dommages & intéréts. J'mterjettai appel de ce jugement au pnmat. Non que je ne fentifle queï premier juge avoit déféré aux maximes canomques, en annullant la promefle ais de lappela la primatie, donner Ie ems a mademoifelle de ChatUlon de rerlechirfur Pimportance de mes prétentions, perfuadé qu'elle me propoferoit im accommodement raifonnabie pour mes dommages & intéréts. Les, femmes les plus coquettes pren-  Mariage avorté. 39^ i nent quelque foin de fauver le fcandale i de leurs avencures. Mais mademoifelle • de ChatUlon n'a pas voulu foumettre fes plaifirs a la tyrannie de fa répuration. I Elle me fit afligner de nouveau a 1'ofli. ciaiité , & déclara , par un aóte autheni tique , qu'elle étoit groife, des ceuvres ; d'un aurre , d'environ cinq mois ; &C > demanda que, faure par moi de Pépoufer j dans la huitaine, dans ce glotieux état, je fulfe condamné a lui donner mainlevée de mon oppofition. Le procédé furieux de mademoifelle de ChatUlon , qui fe deshonoroir gratuitement, fit horreur a tout le monde. Fonem animum prtsftant rebus quas turpiter audent (i). Juven. fat. 6, v. 97. Je ne jugeai pas a. propos de défendre contradictoirement a 1'ofHcialité. Je . laiffai prendre défaur , 6c j'interjettai (1) M. Gayot.de Pitaval, qui croyoit avoir, & qui a afluré plufieurs fois le public qu'iï av.oit non-feulement le talent d'écrire fupéTiéurement en profe, mais qu'il poffédoit 1 art de la poéfie la plus fublime, a traduit ainfi ce vers de Juvenal: Leur courage ejfrontè paffe leur turpitude. R vj  39 6 Mariage avorté. appel au primat de cetce feconde fentence. - Mademoifelle de ChatUlon , impa_ tienree de conclure fon mariale fufpendu par mon appel, m'a traduit au chatelet. Ses conclufions portent que je lerai condamne a donner main-levée de rnon oppofition ,& a lui payer jooco livres de dommages & intéréts. Le confeil de mademoifelle de ChatUlon a-r-il dü ignorer que lejuge féculier ne peut donner main-Ievée de mon oppofition , puifque ce point eft de la compétence du juge eccléfiaftique : que 1 oa.aal a deja prononcé fur cela , & que ze primat en eft faifi en confcquence de mon appel ? Le juge féculier ng peiit ftatuer iur les aommages & intéréts. Quand ils ' «ie feront adjugés tels que je les efpère, je n h.-fiterai point a me départir yolontairement de mon appel au primat. 11 n eft donc queftion, entre nous, au chatelet, que de 1'exécution du dédn de trente mille livres, énoncé dans la promefle de mariage. Tous les tribunauxadjugent les domrnages & interets a celui qui prouve que la partie n'a pas exécuté la promelfe de manage qui eft en bonne forme. £t a  Mariage avorté. 3 97 les cours fupérieures ont jugé quelquefois arbitrairemenr contre le droit ftipulé par écrit, c'èft dans les deux cas que voici. Le premier, quand celui qui exigeles dommages & intéréts produit un écrit qu'il a figné en état de minorité.. Alors on a moins d'égard a fon droit, quoique fa partie eut figné 1'acte en mijorité. La raifon de cela eft que le péril des dommages & inrérêrs ftipulés par écrit doit être égal entre les contraéftants j ce qui ne fe rencontre pas dans cette efpèce. L'autre cas , auquel les tribunaux reftreignent lesdommages & intéréts ftipulés par écrit, c'eft quand ils excèdent la forrune des conrraclants. Alors , par confidération , on mitige les peines. Je ne fuis ni dans Tune, ni dans l'autre de ces elpèces. Mademoifelle de ChatUlon & moi, nous étions majeurs, lorfque nous fimes la promelfe de mariage avec le dédir de 30000 liv. Notre fortune eft égale. Mon père eft confeiller au parlemenr deMetz ^intendant général des maifons & hnances de monfeigneur le duc d'Orléans j j'ai I'honneur d'êrre l'un desgentilshommes ordinaires de S. A. R. Le père de la  39°* Mariage avorté. demoifelle jouit de biens confidérables. II eft revêtu des charges de fécrétaire du roi, & de controleur du tréfor royal. . 11 eft vrai qu'elle n'a aétuellement rien d'acquis. Mais j'attendrai patiemment qu'elle jouilfe du riche établiftement que fon père lui deftine, II eft a remarquer que, quand même je ne ferois pas fondé fur une promefle refpecftive& déterminée, Ia cour auroit egard a ce que, dans 1'efpérance d'époufer , j'ai perdu, par abdication, un benefice de z4oo livres de rente, & qae le fcandaleux éclat de notre convention m'écarté de toutes fortes de vues pour 1-erat eccléfiaftique. La demoifelle alléguera peut - être qu'elle m'a fait offre a 1'officialité de m'epoufer dans ia huitaine. Mais, en bonne foi, n'étoit-ce pas me faire 1'iniulte Ia plus marquée ? Elle me fomme de 1'epoufer dans huit jours, & déclare qu elle eft grofle des ceuvres d'autrui. eft"ce Pas déférer une option, & mettre en même-tems , un obftacle invincible a l'un des- partis offerts ? Epouftir mademoifelle de ChatUlon lansflemlTure, c'eft tout ce que peut faire de plus hardi un galanr hbmme • mais epoufer mademoifeHe ^ ChatUlon  Manage avorté. 399 deshonorée par 1'aveu public de fon infamie , c'eft rout ce que peut faire un malheureux , né pour la honte & pour 1'opprobre. Je n'envie point au fieur du R . . . . fa conquête;, je ne plaide poinr pour la lui difpurer. Que la demoifelle me fatisfafle fur mes dommages & intéréts , jeme départiraiavec joie de mon appel a la primarie. Le fieur du R.... m'a fait dire plufieurs fois qu'il me confeilloit en ami de me déporter: je veux lui rendre confeil pour confeil. Super filiam luxuriofam confirma cuftodiam tuam■ j ne quando faciat te in opprobrium venire inimicis. Ecclefiaft. cap. 41 j v. 12. M. de S. Jorry nous apprend que la. caufe ne fut point plaidée. Mademoifelle de Chatillon entra en compofition fur les dommages & interets ; & il lui donna, main-levée defon oppofition. Peu de jours après fon mariage dit-il, elle re'gala Jon mari d'un Jruit premature. 11 y eut , fur cette bagatelle 3 de grands débats dans le ménage. Le mari , défefpéré jfurieux, fe répandit en injures j brifa miroirs &  <%oo Mariage avorté. porcelaines , confondit la femme avec les meubles, & enfin pvitfa hors de la maifon la nournce & l'enfant La mère m'envoya run & l autre comme une reflhution quelle dit qu'elle me devoit en onfaence. Je me piquai de gcncrofité, cv lui remis libéralement la dette. Elle mourut peu de ums «pres dans une fauaüon fon trijle.  PRÉTENDU HERMAPHRODPTE. Cette affaire efl difcutée dans une requête rédigée par M. Gayot de Pitaval, & qu'il a fait imprimer, dans fon recueil, telle qu'il 1'avoit faite. Je vas donner le récit du fait dé ga gé des réflexions & des tours d'éloquence de cet auteur. ]V[arguerite Malaure naquit en 166^ a Pourdiac , village du diocèfe de Touloufe. A peine vit-elle le jour, qu'elle perdit fes père Sc mère. Le curé de cette parouTe en prit foin, Sc la fit élever. Quand elle fut en age de fe procurer fa fubfiftanee par elle-même, elle alla a. Touloufe, oü elle fe mit au fervice d'une femme de la ville. En 16%6, érant agée de vingt-un ans, elle tomba malade. On la porta a 1'Hötei-Dieu. Le médecin , en la vifitant, la trouva confor-  402 Prètcndu Hermaphrodite. inée d'une manière tout extraordinaire : il n'avoit jamais rien vu de pareii, & jugea que c etoit un hermaphrodite , qui participoit même beaucoup plus au fexe mafculin i qu'au fexe féminin. II fit beaucoup de bruit de cette découverte, & il n'auroit tenu qu'a Marguerue Malaure de réparer fon in digence, li elle eut voulu s'abandonner aux regards des curieux. Mais jamais elle ne pur fe réfoudre a facrifier les loix de la pudeur aux befoins les plus prelTants. Ce ne fut qu'avec beaucoup de peine qu elle fouffrit la vifite des médecins nommés par les magiftrats. Sur le rapport que firent cesdoéteurs , & d'après 1'avis des vicaires-généraux qui furent coniuu-es, on obligea notre prétendu hermaphrodite a prendre 1'habit d'hom- ma Le motif de rt>m* Af-AC,,,* ... -- — lluil que les loix romaines veulent qu'un hermaphrodite foit placé, quant aux effets civils, dans le sèxe qui paroit être le dominant ; & qu'il en ait les ptérogatives. ( i) II eft nécelfaire, fans doute, que (i) Quxritur hrmaphrodkum cui cotnparamus . Et magts puto ejus fixus fenibreiyoi.d-unfils.quifuc baptifé, ie i7 du meme mois, en Péglife de S. Merry.paroiflèdefes père & mère, ious k nom de Charles-Francois Harrouard. *■ II fat mis d'abord en nourrice: mais Barroaard, enchanté de fe voir père a . ion age ne put fouffrir que fon fils füt eloigne de lui; il k fit nourrir dans fa xnanon. Dans lecarême de 1704 , la jeune remme accoucha d'un fecond enfant' Le vieux mari fe crut trompé, & fe' perfuada qu'il n'avoit aucune part a ce iecond accoucbement. Outre certaines raifons qui pouvoient f « moins ie faire douter de fa paternité il ne voyoitpas de bon ceil les fréquente]  Fils défavouL- 417 vifites que deux particuliers, plus jeunes &c plus amufants que lui, rendoient a fa femme. II prit patience, autant qu'il put. Il iit fes efforts, pour la déterminer amicalement a faire celfer des vilites qui lui portoient ombrage. Tout ce qu'il put gagner, c'eft qu'on mit un peu plus de myftère dans les rendezvous. Mais on ne pur les lui cacher tout- ■ a-fait: il perdit patience. Le 7 aout 1705 , Harrouardfe rendit chezun commiifaire quirecutfa plainte,, portant entt'auttes qu'il avoit eu le malheur d'époufer Marie Adam, qui} depuis leur mariage } avoit vecu dans un aefordre prefque public 3 avec deux particuliers 3 dont l'un fe nomme Fromentin de Ven-deuil, & l'autre Mercier; & 3 quoique depuis deux ans 3 il n'eüt pas approchJ defa femme } elle^itoit pourtant accouche'e,. depuis peu , d'une file, dont il ne pouvoit pas, par confèquent 3 croire être le père; que fa femme fe vantant & lui reprochant publiquement que les enfants quelle avoit mis au monde ne tenoient rien de lui; &' ajoutar.t qu'elle en auroit bien d'autres fans fa participation; il avoit lieu de juger que Charles - Francois Harrouard n'e'toif point fon ouvrage. II ajoutoitque j le n odobre 1702:5, Sv,  4i 8 Fils défavouê, far les dix a onze heures du ma tin 3 Charles-Francois Harrouard mourut de convulfions 3 en préfence de plufieurs perfonnes ; que Marie Adam , quiperdoit, par cette mort, l'efpérance de s'emparer unjour du bien du plaignant3 bien fubfiltué au profit de fes enfants , emporta le cadavre de cet enfant 3 fur lesfiept a kuit heures de la meme journée 3 & fuppcfa qu'il n'étoit point mort ; qu'il étoit fimplement attaqué de convulfions qui le rendoient comme mort ; que trois ou quatre mois après, elle fit venir la nourrice 3 avecun enfant fuppofé 3 qui avoit 3 a peu près3 l'dge & la reffemblance de celui qui étoit mort ; qu'elle U fit porter che^fa mère3 & che^.tous fes parents , & leur fit entend re que c'étoit i'enfant qu'on avoit cru mort de convufions ; que , malgré fa réfifance 3 cet enfant avoit été nourri dans fa maifon j mais que, las defouffrir qu'on donndt fi hardiment & fi publiquement le nom de fon fils a un enfant fuppofé, il avoit tellement éclaté, que 3 depuis deux mois , fa femme 1'avoit fait for.tir de fa maifon , fans qu'il feut l'endroit ou e'le le faifoit nourrir. * ^ Cetre première plainte ne fut fuivie d'aucune procédurè. Mais , 1'année d'aptès i il en rendit deux, cpi n'avoient  Fils dêfavdué. 419 pour objer que la mauvaife conduite qu'il imputoit a fa femme. Celles-ci furent fuivies d'une information & d'un décret d'aifigné pout être ouï contre Mercier & Vendeuil. Mais, appaifé par les carrefles d'une femme jeune & jolie, il pria, par lettre , le lieutenant-criminel de ne point continuer la procédure criminelle, attends qu'il fe défiftoit de fon accufation en adultère \ fa femme lui ayant promis de renoncer a tout commerce avec Mercier & Vendeuil. Pour gage de la réconciliation , la femme , qui avoit fouftrait Penfant en queftion aux fureurs de fon mari, en le mettanten penfiona S. Denis, le reprit dans la maifon. Cette réconciliation fut encore cimentée par la naiflance d'un nouvel enfant, dont Marie Adam accoucha au mois de novembre 1707. Le bon homme ne douta point que ce fecond garcon ne fut le fruit de l'amour de fa femme pour lui. Cetre fécurité rendit ce nouvel enfant 1'objet de toutes fes affeéHons , & altuma route fa haine contre celui que fa femme avoit fait rentrer dans la maifon. II communiqua cette avertion a fon cpoufe j &c d'aecord enfemble, ils le Svj  42o Fils dèfavoué. mirent enpenfion chez Elifabeth Benceqm étoit alors femme d'un nommé Mion , maïtre d danfer. Quoique ce Mion &c fa femme ne duilent pas être fort opulents , puifqu'il paroit que leur unique reficurce confiftoit dans les rétrib. tions que le mari retiroit des perIonnes qu'il faifoit danfer dans les gumguettes , ils ne laifsèrent. pas de nournr cet enfant, pendant plufieursannees , fans recevoir de penfion. Six mois après 1'expulfion de1'enfant, Harrouard mourut en juin 1708. Les patents affemblés nommèrent la veuve rutnce dupetit garcon ne en 17o7, fans faire mention d'aucun autre enfant ^hjabetk Ber.cc devint veuve de mT" / ff°ufa ' en fecondes noces, &e/Uc foldat aux gardes. Au mois dodobre 1,7ï ,,, elle mena, chez-la veuve Harrouard, 1'enfant qui lui avoit ete confié , & demanda le paiement de fts penfions La veuve répondit d la Veibec qu elle ne la connoiflToit point & ne connoüfoit point 1'enfant donc elle hu parloir. _ La conteftation inftruite au chatelet mtervmt fentence, le 2 mars ,7i2 oui portoit qu'apres aue Delbec & fa femme avoientjoutenu & mis enfait que Charles-  Fils défavoué. 421 Francois Harrouard avoit été mis en penfion cheit eux par ia demoifelle Harrouard, quil avoit été nourri chez Guiilaume Harrouard ; foutenu le contraire par la. demoifelle Harrouard, permis aux parties de faire preuve de leurs faits. La veuve Harrouard interjetta appel de cetre fentence ; le tuteur que la juftice avoit nommé a 1'erifant intervint,. &c demanda que fon mineur fut maintenu dans fon état de rils de Gu 'nlaume Harrouard & de Marie Adam; qu'il lui füt enjoint de le reconnoirre pour tel, & de le trairer filialemenr \ qu'il lui füt fait défenfes de vendre & d'aliéner fon bien au préjudice de fon hls; enfin qu'il für ordonné qu'il viendroit a partage des biens de la fucceilion de fon père, fuivant la coutume , avec Andrï-Guillaume Harrouard fon frère. La veuve Harrouard, pour fe défendre , demanda que Delbec &c fa femme fuffent interrogés fur des fairs qu'elle. fir figniiier, & dans lefquels elle foutenoit que 1'enfant- défavoué étoit ie fils naturel d'un nommé T artarin, qu'elle & fon mari,n'ayantpoint d'enfants,s'étoient fait un plaifir d'élever : mais qu'étant ac~ couchée d'un enfant en 1.707 j elle.remh  4^2 Fils défavoué. 1'enfant entre les mains Les  Fils défavoué. 43 3 Les témoins qui dépofent de la fuppofition de 1'enfant, dans 1'information faite a la requête du mati, en racontent les flits de la même manière a peu prés qu'il les a dépofés dans fa plainte; fi ce n'eft qu'il acherchéa en faire tomber tout 1'odieux fur fa femme ; & a faire croire que la complaifance feule 1'en ayok rendu complice. Au lieu que les témoins les chargent également tous les deux. On ne peut donc , puifqu'ils le déclarent coupabie lui-même, les foupconner d'avoir été gagnés ou corrompus. S'il les avoir féduits, il les auroit engagés a faire tomber fur fa femme, tout le poids de 1'accufation. Mais on voit facilement que le Iangage de cette plainte n'a été infpiré que par un mouvement de colère paflager; & que le fait eft cs^x Harrouard n'avoit tramé la fuppofition en queftion, que pat un excès de tendrefte pour fa femme , & pour la faire jouir, après fa mort, des biens fubftitués. a On ne peut fuppofer , d'un autre cóté, que le mari eut formé feul le deffein de ravir 1'état a fon propre enfant, puifqu'il auroit fürement trouvé un Tome FI. X  434 'Fils défavoué, obftacle invincible dans la réfiftance dg fa femme, Dira-t-on que 1'efpèce de réfiftance qu'elle oppafa a 1'expulilon de 1'enfant étoit eoncertée entre eux, & n'avoit pour but que de mieux en impofer ? Mais fi 1'enfaiït eür été véritablement leur enfant, certe oppofition ne faifoitelle pas échouer le projer du défaveu criminel ? Nepréparoit-elle pas a 1'enfant des armes pour réclamer 1'état que 1'on vouloit lui ravir ? D'ailleurs, comment le père s'y eft-il pris pour conftarer la fuppofition de part, qu'il vouloit faire celfer, nouobftant la réfiftance eoncertée de fa femme ? C'eft dans une plainte en adultère contre elle. Auroit-elle confenti a cette accufation déshonorante , fi 1'expuliion qu'exigeoit le mari eut été collufoire ? La réliftance de cette femme n'avoit donc d'autre principe, que le defir d'avoir un enfant qui la garantit des fifties de la fubftitution dont les biens de fon mari étoient grévés. Mais ce motif ne fublïftanr plus , &c la naiflance d'un fecond enfant 1'ayant raffiirée fur les craintes qui 1'avoient poitée a s'en fuppofer un , elle a yoliIu  Fils défavoué. 43 ^ femettre les chofes dans leur état & faire ceifer un crime qui n'avoit plus d'objet. On objecf era fans doute, contre 1'tn* formation du mari, quelesordonnanees i n'ont admis qu'une voie pour prouver la naiifance des enfants ; c'eft 1'extrait baptiftaire; & une voie pour prouver le : décès; 1'extrait mortuaire. Tout autte : moyen doit être douteux & incertain , & ne peut être écouté dans une quef; tion de cette importance. Si cette propoütion étoit admife dans 1 toute fa généralité , on ne pourroit jamais parvenir a prouver le crime de fuppofition de part. Ceux qui le projettent prennent toujours leurs mefures pour : trouver un appui a leurs menfonges dans :! les regiftres deftinés i être le cïépor de 1 la vérité \ &c ce délit refteroit toujours impuni. Voici donc la diftincfion qu'il fiat , faire. On ne peutattaquetl 'état d'un enfant iparlavoie del'enquête. Si 1'ordcnnance |:réprouve la preuve par témoins pour j:une fomme qui excède cent livres , a |:plus forte raifon 1'interdir-elle dans une [queftion importante, de laquelle dépend le fort de toute une familie. Tij  436 Fils défavoué. Mais on peut intenter une accufation pour crime de fuppofition de part, &C Pinftruire par la voie de 1'informarion , comme les autres crimes. Mafcardus , dont Popinion eft conforme a celle de tous les auttes jurifconfultes;, décide que, fuivant la loi, deux témoins feront unepteuve parfaite de la fuppofition de part. Porrb probabitur Juppofïtus partus planè per duos tefles , juxta leg. ubi numerus, ff. de teflib. Mafcard. conct. i 147. n. 3. Les jurifconfultes ont été plus loin. lis ont décidé que , quoique dans les crimes ordinaires, on ne puiffe entendre pourtémoin celui qui eft complice, cependant le contraire doit avoir lieu pour le délit dont il s'agit, paree que, dans ce cas, il feroit fort difHcile de découvrir autrement Ja vérité. L'intérér public exige que Pon tienne ouvettes toutes les voies qui peuvent tendre a la preuve du crime , afin qu'ii ne refte pas impuni, & que la licence ne foit pas autorifée. II n'en eft pas ainfi en matière civile. Lafacilitédetrouver des témoins, qui, en dépofant faux, ne courent pas les mêmes rifques qu'en matière criminelle, a obligé le légiflateur, pour Pin-  Fils défavoué. 437 térêt de la vérité, a reftreindre la preuve teftimoniale aux cas de peu d'imporrance. D'après ces régies, quoique Marié Adam s'accufe elle-même d'avoir commis le crime dont elle veut arrêter les e£ fets, elle doit être écoutée; & fon témoignage vient a 1'appui de ceux qui compofent 1'information faite a la requête de fon mari. On ne peut titer aVantage de ce que Guillaume Harrouard n'a pas fuivi la procédure, après fon information. La preuve qui a été acquife une fois , fubïifte toujours dans la main du miniftère public , qui n'abandonne point la pourfuite du crime. D'ailleurs , on ne voit point de rétraótation formelle , de la part d'Harrouard; on ne voit aucune déclaration qui rende a 1'enfant 1'état qu'il prétend lui avoit été ravi* D'ailleurs , on prouve la mort de Charles - Francois Harrouard 3 par un extrait mottuaire. II eft vrai que les noms y fonr déguifés : mais il eft prouvé, par 1'informarion , que Guillaume Harrouard avoit donné un mémoire pour inférer ce déguifement dans 1'extrait mortuairequifut fabriqué par fes ordres. I) ne faut pas argumenter de la difteTrij  43 8 _ Fils défavoué. rence qui fe trouve entre cet adte Sc 1'extrait baptiftaire; puifqu'on a eu intention de les éloigner il fort l'un de l'autre, qu'on ne püt pas dire qu'ils concernoientla même perfonne. Et ce complot formé de déguifer 1'extrait mortuaire, prouve que celui qu'on produit appartient a Charles - Francois Harrouard t Sc par conféquent, ètablir fon decès. / Ce qui confirme de plus en plus cette venré , c'eft qu'on défie de trouver un extrait baptiftaire aS. Roch, ou ailleurs, d'un enfant baptifé fous les noms qui font énoncés dans 1'extrair mortuaire. Une feconde information vient au fecours de la première. On dira , fans doute, qu'elle eft faite contre. un étranger, puifqu'elle eft feite contre Crancier huiftier , accufé d'ayoir fuborné les témoins qui ont dépofé que 1'enfant en queftion eft fils de Guillaume Harrouard. Mais , fi la perfonne contre qui cette procédure étoit dérigée fe trouve étrangère a la caufe , le fait dont il y eft queftion , eft bien analogue a cette même caufe , puifqu'il fert a découvrir Pmtngue & les reftbrts cachés que 1'on fait mouvoir pour furprendre la juftice; & 1'on voit que le prétendu Harrouard  Fils défavoué. 439 n'eft point innocent, puifqu'il eft mi» même complice de la fubornation, ayant été préfenté aux témoins fubornés. Mais , pour ne rien laifler a defirer de rour ce qui peut concourir a la decouverte de la vérité , on prouve que celui qui fe préfente pour partager , en qualité d'enfanr, la fucceflion de Guillaume Harrouard, eft Nicolas-Jean Tartaria , fils de Jean Tartaria , & de Charlotte Bence, qui eft la fceur & EUfabeth Bence. Ce fait, qui eft établi par les informations , eft encore prouvé par un extrair baptiftaire tiré des regiftres de la paroifle de S. Hyppolite, fauxbourg de' faint-Marcel. 11 paroit, par cet ade, que le 25 novembre 1702 , un Els de Jean Tartaria, & de Charlotte Bence fut baptifé dans cette églife, & nommé JXicolas-Jean Tartarin, & qu EUfabeth Bence fut marreine de 1'enfant. Que 1'on joigne a toutes ces preuves , le refus que Delbec & EUfabeth Bence fa femme ont fait de répondre judiciairement fur des faits décififs, qui conduifoient a. la vérité , &c la mettoient dans tout fon jour; ne fera-t-on pas parfaitement convaincu que celui qui veut ici Tiv  44° Fils défavoué. fe donner on état qui ne lui appartient pas, elt un importeur ? Outre ces raifonnements, que de ré- fiexions fe préfentent encore a 1'efprit pour fortifier la vérité ! Qu'eft devenu Nicolas-Jean Tartarin qui a ete baptifé dans 1'églife de S. Hyppolite? Qu en a-t-on fait ? Eft-il mort ? M-d vivant ? Oü eft-il ? EUfabeth Bence * marreine, fceur de la mère de 1'enfant, eft en état d en rendre raifon. Le rerus qu'elle fait de répondre juridiquement fur cet article, ne dépofe-t-il pas contre elle ? 1 On fuppofe qu'enmettant cet enfant en penfion, on eft convenu de pavet trois cent livres par an, pour fa nournture & ion entretien. Mais Guillaume //^r^^demeuroit a Paris ; il v tenoir une maifon honnêre. Eft-il croyable qu il air été charger de la nourriture, de 1 entretien & de Péducation de fon fils: qui ? ü abord un joueur de violon de guinguettes- & enfuite un foldat aux gardes (i). Cette idéé fuffiroit feule pour demontrer la faulfeté du roman. av2i?'r ffa^°™bIe" ce ^rps étöit décrié, uepuis quelques années.  Fils défavoué. 441 Autre circonftance. Guillaume Harrouard meurt en 1708. On ne fonge ipoint acet enfant, donton fait aujourid'hui tant de bruit. On ne le comprend ipoint dans le nombre des enfants du [défunt; on fait tous les arrangements Judiciaires concernant lafucceifion , fans ifaire aucune mention de lui; on ne lui fait point porter le deuil ; on ne paie point fes penfions. EUfabeth Bence &C ifon mari n'en fonr point étonnés; ils In'en témoignent aucune inquiétude. Le premier mari meurt; le fecond mari ; qu'elle époufe garde la même conduite. 11 trouve chez fa femme un enfant étran;ger , qui ne lui rient ni par la parente , ni par aucun autre lien ; qui appartient la des parents aifés, qui ont promis une „penfion annuelle de 300 livres. Et cet homme, qui n'a de reffource, pour viI vre, que fa paie miliraire, fouffre qü'un I pareil enfant foi t totalement a, fa charge! IL'impofture ne fe dëcèle-t-elle pas elle- II même ? Comment prétend-on détruire tant 11 de preuves convaincantes ? Par deux )i moyens : 1'extrait baptiftaire & la pofI fellion d'état. II n'y a , fans doute, point de titre ' plus fort &c plus refp^clable qu'un exT v  441 Fils défavoué. trairbaptiftaire ; mais il faut cue ce foit 1 extrait baptiftaire de celui qui ie pro- Nous ne fommes pas ici dans ce casia. Le perfonnage qui veut ufurper 1'etat d enfant de Guillaume Harrouard & de Marie Adam, emprunte & sattribae Un extrait hnnnfl-,;™ Ar , „ —r^.™m. i-LidJi^er : e elt celui de OM-Fr^óU Harrouard. ^ il ne falloit, pour fe faire incQ dans une familie, que fe faire déiivrerl acte baptiftaire d'un des membres de cette familie qui feroit décédé , rien ne feroit certain dans la fociété : & au moment ou 1'on s'y attendroit le moins un pere , un enfant verroient parokre tout dun coup, un héritier, un cournier qua s ne connofrroient point & qm viendroit ufurper, ou partager une fuceeffion que le fang & k J0i fé- P^dllés * CiUi ^ fer°ient ainfl dé' II ne fuffit do.nc pas, pour fe donner unem,def réWravecun bap^airealamam. II faut que celui qm fe I apnlzque, /ufhfie qu'il eft eFecnvement I'individu que cet acte concerne. Mais ici, non-feulement deux en-  Fils défavoué. 443 1 quêtes juftifient que celui qui fe die t Charles-Francois Harrouard3 eft un imj pofteur; mais on lui oppofe deux acres i d'une authentieke aufti refpectable , que i celle de 1'écrit dont il veut faire ufage , i Sc qui prouvent qu'il n'eft pas celui dont il eft fait mention dans 1'extrait baptiftaire. L'un eft l'aóte mortuaire de Char\ les-Francois Harrouard, auquelappartenoir cet acfe bapriftaire; Sc l'autre eft 1'extrait baptiftaire de Nicolas Jean Tartaria, qui eft notre impofteur lui même. Or il eft bien clair que fi CharlesFrancois Harrouard eft mort, ilne peut pas être celui qui ufurpe aujourd'hui fon nom , Sc qui veut même ufurper fon exiftence. Et fi cet ufurpateur eft Nicolas-Jean Tartarin, il ne peut pa's être Charles-Francois Harrouard. Quant a la polfeftion d'état, elle fe réduit a trois circonftances. La première, que 1'enfant ait été élevé dans la maifon , Sc qu'il ait été traité comme tel par les père & mère. La feconde , qu'ils 1'aient fouvent nommé Sc appellé leur fils. La troilième, qu'il ait été connu Sc traité dans le public comme 1'enfant des père & mère qu'il s'artribue. Voila ce que les jurifconfultes appellent traclatus cy educatie On peut confulter MenoTvj  444 Fils défavoué. Mus queft. & caufis ,cafu 89, num. 9S. II faut convenir, Sc c'eft une vérité univerfellement adoptée, que la pofteflion d erar eft une préfomption convaincante. Mais celle dont 1'impofteur fe prevaut n'a point été réelle. Premièrement, il n'a d'autte pteuve de fa poifeffion, que celle qu'il tire de Ia plainte rendue par le feu fieur Harrouard en 1705, dans laquelle il convientpofitivement que 1'enfant en queftion a eténourri, dans fa maifon , pendant quelque tems, comme lui appartenant; Sc des articles fur lefquels Ia veuve Harrouard a voulu faire inrerroger DelbecSc fa femme, dans l'un defquels elle dit que cet enfant fuppofé'a ete nourn chez elle, du vivant de fon man, en 1705, jufqu'en 1707. Mais il eft une maxime au pa'ais quejerfonne nïgnore; c'eft que la confeffion ne fe divife point en matière. civile. Quand une partie fait un aveu qui aplulieurs branches, il faut rejetter ia declaration, ou 1'admettre toute en«ere ; foit qu'elle foit favorable a celui qui I a faite; foit qu'elle lui foit préjuoiciable : mais on ne peut féparer ce qm eft contre lui , pOUr rejetter ce qui eitaion avantage.  Fils défavoué. 44^ Or il eft bien vrai que le fieur Harrouard convient que eer enfant a été nourri chez hit5 mais il dit, en même tems, qu'il n'y a été amené que par intervales, qu'il n'y a demeuné que trèspeu de rems, &c toujours malgré lui. II ne 1'a jamais regardé que comme ua érranger, que fa femme introdu; roit dans fa maifonj & qu'il a enfin chaftc fans retour. Eft-ce - la. une déclaratioa dont on puifte induire une reconnoiffance légale ? Eft-ce-la le la»gage d'un père qui avoue fon enfant ? Les articles fignifiés pat la veuve Harrouard 3 pour faire interroger Delbec &C fa femme, ne fonr pas plus favorables. Si elle dir > dans un article, qu'il a été nourri chez elle pendant quatre ans elle foutient, dans ceux qui précédent & qui fuivent, que c'étoit un enfant ■fuppofé , un enfant qui avoit été emprunté d'tlqaèeih Bence, pat 1'entremife d'une fage-femme, en 1703. Secondemenr 1'impofteur n'a jamais, été reconnu ni par la familie du fieur Harrouard, ni par celle de la demoifelle Adam. On ne voit aucun parent venir a fon fecours, 011 n'en entend aucun fe récrier contre l'injuftice barbare d'une mète qui veut chafler  44^ Fils défavoué. 1'enfant de la maifon, le dcpouiller de fon nom, de fon patrimonie; en un mot de fon exifterice civile, pour le plonget dans la honte de la batardife. Ainfi , quand on fuppoferoit qu'il auroit eu, pendant quelque tems, la poffeflion de 1'état qu'il réclame , ce ne feroit pas une pofiellion publique, telle qu'elle eft requife, pour opérer cette préfomption convaincante, que les jurifconfultes ont adoptée : elle feroit furtive & clandeftine; incapable de faire préfumer un jufte titre. Troifièmement, cette pofleffion d'état, toute furtive qu'elle eft, a été interrompue par ceux meme qui Pavoient introduite. On les a vus bannir 1'intrus de leur maifon, pour 1'y rappeller enfuite, pendant quelque tems: & enfin Ten exclure totalement. On argumente, en faveur de Krhpofteur, d'un arrct rendu le 4 décembre 16} 8 , en faveur de la fille du fieur Cognot} médecin (1). Mais les circonftances font bien différentes. II ne s'agiftbit point alors, comme aujourd'hui, (1) L'hiftoire de ce prorès fe trouvera dans la fmtc de ce Recueil.  Fils défavoué. 44/7 de fuppofition de part, prouvée pat des informations. On n'oppofoit point a la demoifelle Cognot tin autre extrait baptiftaire, que celui qu'elle rapportoit en fa faveur. II y avoit une tranfaction paffee en 1617 par fon père lui-même, qui, dans cet aéte, s'étoit obligé de payer les nourritures fournies a cette fille pendant quatorze ans : un interrogatoire fubi par la mère, ou elle avoit découvert elle-même fon ftraragême. Enfin il y avoit un enchainement de preuves auxquelles il éroit impolfible de réfifter: tout dépofoit, tout perfuadoit en faveur de la demoifelle Cognot: tout dépofe, tout perfuade contre celui qui veut aujourd'hui être le fils de la veuve Harrouard. Mais, pour diffiper jufqu'au moindre nuage, on ne fe borne pas a prouver que 1'impofteur n'eft poinr fils du feu fieur Harrouard 5c de fa veuve \ on offre Ia preuve qu'il eft fils de Jean Tartaria. Ce n'eft pas le cas oü Pon puiffe dire que Pon veut prouver par témoins 1'état d'un enfant. La preuve eft déja faite t ou du moins très-avancée; on demande feulement de 1'achever & de la perfectionner. On fe conforme, en cela, sL  44°" Fils défavoué. 1'ordonnance, qui permet la preuve par témoins, quand il y a un commencément de preuve par ecrit. On dit a 1'impofteur ; « vous préten» dez être Charles - Francois, hls de » Guillaume Harrouard & de fa femme. » On prouvé, par des informations, » que vous êtes un enfant fuppofé. On >> produit 1'extrait mortuaire qui établit » la^mort de Charles-Francois ; & en » même tems, on prouve que vous » êtes Jean Tartarin t batard de Jean » Tartarin, & de Charlotte Bence. On » prend la fuppofition dans fa fource; » on voit fon progrès. On vous dé» montreque 1'extrait baptiftaire, dont » vous voulez vous prévaloir, eft ufur» pé ; que votre pofleftion d'état eft => clandeftine. Toutes ces pteuves font » foutenues par plufieurs préfomptions » convaincantes. A quoi tient-il que la » vérité qui s'élève contre vous, ne » foit teconnue, puifque tout concourt >• a la manifefter? » Après cela, peut-on donner a la demoifelle Harrouard un enfant que la nature & le fang défavouent, que les parents & le public rejettent ? Que la juftice lui donne donc des entrailles de mère, pour un enfant fuppofé, avant  Fils défavoué. 449 que de le lui attribuer : ou plutót, qu'elle défavoué elle-même un enfant que la nature, que la vérité & les titres profcrivent. Tels étoient les moyens employés par la veuve Harrouard. Voici comment ils furent combattus. Malgré les fages précautions prifes par nos ordonnances , pour alfurer Pétat des hommes, la décifion des queftions qui le concernent, eft toujours aufli difhcile, quelle eft importante. Tantót la jaloufie d'un père le détermine a exclure un fils auquel il craint de n'avoir pas donné la nailfance ; tantót une prédile&ion aveugle lui fait immoler l'un a la fortune des autres. C'eft quelquefois un amour paternei mal entendu, qui l'engage a renoncer a fes enfans, pour les tranfporter dans une familie plus riche , & a les abandonner, pour rendre leur fort plus heureux. On a vu des collatéraux, avides d'une fucceflion opulente, fouftraire 1'héritier, le fils de la maifon, qui les en écartoit. On a vu des importeurs eftrontés entreprendre d'ufurper la place d'un homme abfent, ou d'un hérkier décédé.  410 Pits défavoué. Dans ces conteftations finguKèrêsj formees par les plus vives paflions qui puiftent agiter Ie cceur humain , la véirite toujours cachée fe laiiTe a peine entrevoir. Elle préfente d la juftice un crime certam mais elle lui dérobe la connoiffance du coupabie ; & la variété des circonftances rend incertaine 1'application des principes le* plus fürs dans d'autres matières. • Sr6* foahaiter q«e la nature eut etabii des fignes certains qui puffent prevenir toutes les erreurs qUe ces entreprifes peuvent occafionner journeilement dans 1'ordre civil, & qui puf. ient autonfer ou confondre le défaveu des pères & mères. Mais fa voix même eft devenue fufpecte; & on ne peut plus eiperer de la foreer a s'expliquer clairement par ces épreuves innocentes qui ont autrefois réuffi ; mais que la malice des homines plus expérimentés rendroit a préfent inutiles. Le public regarde ces fortes de caufes comme un fpeétacle digne de Ia cunofité. Les défenfeurs des parties ïntereiTeés y trouvent une ample matiete, pour déployer leurs connoifiances & leurs talents. Mais les ju-es ny trouvent que des épines, & ont  Fils défavoué. 4?* befoin de la fagacité la plus péné-> trante, pour fe faire jour a rravers les difficultés inhérentes a la queftion, Sc celles qu'y ajoucent encore les ralents du défenfeur de la mauvaife caufe. L'événement de 1'appel de la fen* rence du 1 mars 171 2 , & des demandes formées depuis, dépend de 1'cclairciflement d'un feul fair. II s'agit uniquement de démêler a qui 1'enfant dont il s'agit doit la naiflance. Eft-il fds de Marie Adam & de Guillaume Harrouard} II faut encore examiner li Marie Adam doit être admife a faire la preuve qu'elle demande. Pour pénétrer, s'il eft pofllble, le myftère que 1'artifice de 1'une ou de l'autre des parties veut dérober aux yeux de la juftice, il faut d'abord faire le tableau de toutes les preuves rapportées pour ou contre 1'érat de 1'enfant; examinet enfuite de quel poids elles peuvent être, èc lefquelles doivent prévaloir. Pour établir 1'état de 1'enfant, il faut foigneufement raffèmbler les faits. On rapporte d'abord un extrait baptiftaire de 1701 d'un hls né cju mariage de Guillaume Harrouard & de Marie Adam, qui avoit été nommé  411 Fils défavoué. Charles-Francois. Cette naifiance elt encore prouvée par la plainte même que Harrouard avoit rendue en 1705 s par la déclaration de Marie Adam, & par les articles fignifiés, fur lefquels elle vouloit faire interroger Delkec Sc fa femme; & depuis 1701, jufqu'en 1707, il y avoit eu, dans la maifon d'Harrouard, un enfant qui étoit regarde comme fon fils, On prétend, au contraire, que le hls d'Harrouard étoit décédé en 1702 ; que 1'enfant qui avoit paru depuis, dans cette maifon, étoit uri enfant fuppofé, qu'on avoit rendu a fes patents aufli -tót apres la naiffance d'un fecond fils, dont Mane Adam étoit aecoucfiée en 1705 • &que, ni Harrouard, ni elle, n'avoient pris fom de cet enfant poftiche, depuis qu'ils 1'avoient mis hors de chez eux. Voila le fyftême de Marie Adam. Elle emploie, pour le prouver, Pinformarion faite en lyotf, a la requête d Harrouard; celle qui a été faite en ï7M, a fa requête; un extrait mortuaue du 6 novembre 1702, qu'elle prétend être celui de Charles Harrouard. Elle offre de prouver par témoins , que lenfant qu'elle défavoué eft fils de Jean Tartaria Sc de Charlotte Bence. Pour  Fils défavoué. 4^3 fortifter ces preuves, on joint un grand nombre de circonftances; on fait valoir des préfompuons. On objecte encore Ie défaut de la reconnoiflance de la familie dans un tems non-fufpecr.; les plaintes du père; le défaut de reflèmblance dans les traits du vifage ; le peu d'apparence qu'une femme voulüt s'avouer coupabie de la fuppofition d'un enfant pendant fept ou huit années, pour éviter de reconnoitre celui a qui elle avoir donné la naifiance. Voila, fous un feul point de vue, tout ce qui a été propofé pour défendre, ou pour contefter 1'etat de 1'enfant. II s'agit donc de parcourir les preuves , & de les rapprocfier les unes des autres. On commencera par celles que rapporte 1'enfant. 11 feroir, en effer, inutile d'examiner ce qu'on lui oppofe, fi les preuves de fon état fe trouvent infuffifantes par elles-mêmes. On préfente d'abord un extrait baptiftaire de 1701 , portant que Charlesr Francois, fils de Guillaume Earrouart} jgi de Marie Adam, eft né au mois a§ feprembre 1701,  414 Pils défavoué. Un extrait baptiftaire étant un titre de la plus grande importance pour aflurer 1'état, on ne s'arrêtera pas lon*tems a prouver , non-feulement la faveur , mais la certitude de la preuve qui réfulte d'un tel acfe, pour établir 1 etat d'un enfanr, II a non-feulement Ia force de toutes les preuves écrites, qui 1'emportent de beaucoup fur celles qui ne font que tefnmomales; il recoit un nouveau deeré ct'autonré des regiftres dont il eft tik Ce font des regiftres publics, revêtus des formes prefcrites par les ordonnances, deftinés a être les dépofitaires de la foi publique fur la naiifance des enfants. Enfin nos ordonnances mettent cette preuve au-deifus de toutes les autres. C'eft celle que 1'ordonnance de 16-6-7 exige mdifpenfablement. Elle ne permet même d'en employer d'autre, que quand la pene des regiftres empêché qu on ne puifte les rapporter. II eft donc certain qu'un enfant qui pour preuve de fa naiifance, rapporte' ion extrait baptiftaire, a pour lui le titre le plus authentique, le tcmoigna^e le plus fidéle & le plus nécefiaire de fon etar.  Fils défavoué. 4^ Cependant il y a des occaiions oü il eft encore obligé d'aller plus loin: li ceux, par exemple, qui conteftent 1'état, en convenant de 1'extrait baptiftaire, difent qu'il fe 1'applique fauflement, qu'il concerne un autre individu, Sc qu'ils le prouvent par ce qui s'eft pafte dans I'intérieur de la familie depuis fa naiifance. Car il eft certain que, ft 1'extrait baptiftaire peut bien fervir a prouver qu'un certain jour il eft né un enfant dans une familie, il ne fuftit pas pour prouver que celui qui veut fe 1'appropner foit véritablement celui qui a, été baptifé comme fils d'un tel. Auffi 1'enfant en queftion joint-il , a 1'extrait baptiftaire qu'il rapporte , la preuve que, pendant plus de cinq années, il a demeuré dans la maifon de ceux qu'il prérend être fes père & mère, Sc qui l'ont fait élever comme leut enfant. Les preuves qu'il en produit ne font point fufpeeftes : cefont les déclarations de fes père & mère, inférces dans des aéles qu'ils n'ont pas diétés dans le deffein qu'ils puiftent lui être utiles. En 170? , Harrouardaccuh fa femme d'aldultère : Sc inféra, dans fa plainte a des faits qui regardoient une fuppoficio»  416 Fils dijavoue. d'enfant. Gr il convienr, a cette occafion, que, depuis 1701 ,jufqu'en 1705, il a eu, dans fa maifon, un enfant qui avoit été élevé comme fon fils, Sc reconnu pour tel par fes parents. On apprend d'ailleurs par les fairs & articles, fur lefquels Marie Adam a voulu faire interroger Delbec, que ce même enfant y a été ainfi élevé jufqu'a la fin de 1707. Elle ajoute donc ellemême deux années au féjour que cet enfant, de Paveu de fon mari , a fait dans fa maifon. Et ce qu'il eft fort important de remarquer, c'eft qu'elle convient, par le même aéte, que cet enfant qui a été élevé dans fa maifon comme fon enfant Sc celui de fon mari, eft le même que celui qui étoit chez Delbec au moment ou elle faifoit fignifier cet aéte, & dont ce même Delbec lui demandoit les penfions dont ils étoient convenus. De ces aveux faits unanimement par ie mari Sc paria femme; aveux qui ne font pas concertés , puifque ceux de la femme n'ont étéfaits que depuis qu'elle eft veuve, & que d'ailleurs chacun deux les aconfigncs dans desaétesqui avoient pour objet Ie défaveu de 1'enfant; de ces aveux, dis-je, il réfulte que celui qui  Fils défavoué. qui réclame aujourd'hui fon état avoit été regardé, pendant plufieurs années, comme fils d:'Harrouard, Sc élevé comme tel. Voila donc une poffeflion d'état qui; jointe a un extrait baptiftaire , ne laifferoit aucun lieu de doute, fi toutes ces preuves n'étoient contredites par d'autres dont il faut examiner le poids Sc 1'autorité. En effet, a quoi ferviroit a 1'enfant qui réclame de faire voir «qu'il a été élevé Sc nourri dans la maifon d' Harrouard, comme fils ? II n'en pourroit pas conclure qu'il fut effeótivement ce fils, s'il étoit vrai que Charles-Francois Harrouard fut mort en 1702, & qu'il ne dut les foins que 1'on a pris de fon enfance qu'a une fuppofition ou concer! tée enrre Harrouard Sc fa femme , ou conduite par la femme feule. Les preuves de cette fuppofition font .confignées dans la plainte de 1705 • dans 1'information de 1706; dans celle ide 1713 ■ dansles faits & articles fignifiés a Delbec Sc fa femme par Marie •Adam, Sc dans 1'extrait mortuaire de 11702. La manière dont Ia plainte de 1705 ;eft rédigée, Sc la procédure qui a été Tome FI. y  45 8 Fils défavoué. faite depuis, méritent une fingulière attention. La plainte contient deux patties. Dans la première, Harrouard fe plaint du défordre dans lequel vivoit fa femme avec un nommé Vendeuil. II dit enfuite qu'elle eft accouchée en 1.701 d'un fils baptifé fous fon nom , dont il croit n'être pas le père; que ce rils eft mort le 22 oófobre i~7o2 : mais que fa femme a fait apporter , quelque tems après , un enfant fuppofé , qui pafla pour le iien , quoiqu'il eut vu mourir celui qui lui sppartenoit. Dans la feconde partie , il détaille des fairs nouveaux relarifs a une nouvelle intrigue de fa femme avec un nommé Mercier. II n'a fait d'abord, aucune procédure fur cette plainte. L'année fuivante, il en rendit deux autres, qui n'étoient remplies que de faits concernant la conduite de fa femme. Sept jours après , elles furenr fuivies d'une information. II écrivit enfuite au heutenant-criminel, pour le prier de ne poinr poufler la procédure criminelle plus loin , paree que , calmé paria promefle que lui rit fa femme de ne plus voir ni Mercier ni Ven* deuil, il fe défifta de fes plaintes.  Fils défavoué. 4^ Or plufieurs raifons affoibiiflent les inductions que 1'on veut tirer de ces 1 pièces. D'abord , ne voit-on pas le peu de ! vraifemblance qu'il y a dans les faits qui ) y font racontés ? i °. Le motif de la fuppofition eft de | procurer a la femme la jouiffance des ! biens fubftitués. Ce motif eft abfurde • I ou au moins inintelligible. Comment I veut-on qu'une femme, foit qu'elle ait I des enfants, foit qu'elle n'en ait pas, I puiftè efpérer que la naiifance & la* vie li d'un enfant lui donneront des droits j fur des biens qui appartiennent a fon mari a la charge d'une fabftitution dont il eft grevé ? z°. Harrouard dit qu'il a vu fon enI fant mottjque fa femme lui en a fait appoiter un autre en 1702. Cependant il garde le filence; & ce n'eft que quarre ans après qu'il s'avife de parler de cette fuppofition, quand il a élevé & nourri cet enfant chez lui, comme fon propre fils. Outre ce défaut de vraifemblance ' dans les faits contenus dans les plaintes, ! il eft bien diificile de nepasfe perfuader > qu'ils n'ont été dictés que par la jaloufie ;i aontHarrouardéxoktowmsntc; & 1'on Vi;  4&0 Fils défavoué. eft autorifé a penfer que cette paffion s'étoit reliement emparée de fon efprit, & lui avoit tellementéchauffé 1'imagination, qu'elle Pobfigea d'accufer fa femrue d'adultère. On nepeut lire ces plaintes, fans être perfuadé que cette accufation a été fon principal objet : il femble ne parler de la fuppofition d'enfant qu'hiftoriquement, a 1'occafion des autres fairs. Ne voit-on pas que ces faits qui concernent la fuppofition , font enveloppés dans ceux qui précédent &c qui fuivent. & qui ne concernent que Paccufation d'adultère ? S'il avoit véritablement accufé fa femme de lui avoir fuppofé un enfant, ce chef d'accufation n'auroit pas éré moins grave, que le premier. Cependant on le perd de vue dans 1'inftruction. Lors de l'inftruction , le lieutenantcriminel a été tellement perfuadé qu'il n'étoit queftion que d'une accufation d'adultère, qu'il a décrété Mercier 8c Vendeuil^ fans rien ordonner contre la nourrice , ni contre aucun de ceux qui étoient indiqués .comme complices de ia fuppofition. E>eux circonfttm.ces manifeftenf cju£  Pils défavoué. 461 tèttë fuppofition n'étoit point 1'objet üHarrouard. La ptemière eft fon défiftement. Car, quelles en font les conditions ? Que fa femme ne verra plus ni Vendeuil, ni Mercier ; qu'elle facrifiera a fon repos les deux objets de fa jaloufie. Si la fuppofition d'enfant 1'avoit inquiété , il auroit exigé , de fa femme , quelque déclaration, ou du moins que cet enfant fornt de fa maifon, pour retourner chez fes véritables parentss Mais il n'en parle point; & il eft cettain que , lors de Pinformarion, qui eft du mois de juillet, &c de fon défiftement , qui eft du i 3 du même mois , cet enfant étoit dans la maifon d'Harrouard. La preuve en eft écrite dans une plainte du 30 juin, dans laquelle il a dir, a la fin, que fa femme a fait revenir dans fa maifon 1'enfant qu'elle lui a fuppofé. Ce peu de vraifemblance dans les circonftances des plaintes; les motifs qui paroiftent avoir excité Harrouard a les rendre & a s'en délifter, empêchent qu'elles ne foient d'un grand poids. Mais, en leur donnant ici toute la force qu'on peut leur fuppofer, elles ne contiennent tout au plus qu'une déVüj  ;4  478 défavoué. fixée par un aéte authentique. Ü a fallu rapprocher celle du décès. Or cette arlecration fortifie, de plus en plus, les foupcons. La preuve du décès s'évanouir dans les différentes déclarations des père & mère , par les contradictions qui s'y rencontrent fur des chofes effentieiles. La procédure criminelle faire par le père ne regarde que I'accufation d'adultère; elle a été abandonnée. La preuve teftimoniale , pour prouver le décès, n'eft pas recevable. Ce que 1'on a donné pour l'extrait mortuairê de 1'enfant ne peut lui être appliqué. Que refte-t-il donc a Marie Adam, pour foutenir fon défaveu ? Elle a cependant encore un moyen. Elle prétend que 1'enfant qu'eMe défavoué eft fils de Jean Tartarin. Mais rien ne le prouvé. Elle rapporte un extrait baptiftaire de Jean Tartarin, fils de Jean Tartarin: & que prouve-t-il ? Que Jean Tartarin a eu un fils ; mais non pas qu'il ait été fuppofé a la place du fils d1'Harrouard. _ On veut trouver cette preuve dans les faits & articles fur lefquels Marie Adam a voulu faire interroger Delbec & fa femme,, S'ils font vrais, dit-elle, ils.  Fils défavoué. 479 prcuvenc que c'eft Tartarin qui eft Pentan t fuppofé. Or, aux termes de Pordonnance , ceux a qui ils ont été fignifiés ne s'étant pas préfentés pour y répondre dans les délais, ils font tenus pour avoués & font, par conféquent, toute la preuve qu'ils peuvent faire. Dans une queftion d'état oü,comme on 1'a fait voir, les preuves teftimoniales doivent être rejettées, on ne peut fe prévaloir d'un femblable moyen contre 1'enfant qui réclame le lien. Quand Tartarin & fa femme auroient fubi 1'interrogatoire ; quand ils feroient con vernis de tous les faits les plus favorables au fyftême de la veuve Harrouard, leur déclaration ne pourroit faire aucun préjudice a 1'enfant. Comment voudroiton employer contre lui des déclarations faites pat des étrangers ; tandis que celles des père & mère même n'ont aucun poids en juftice ? II n'y a donc nulle preuve a cet égard. II eft vrai qu'on a demandé a la faire, 1 cette preuve. Mais on a fait voir, & on 1 ne peut trop le répéter, que Pen ne doit |pas faire dépendre 1'état des citoyens 1 d'une preuve teftimoniale. II n'y en eut jamais, d'ailleurs, de 1 moins admiftible, que celle que Pon ' demandoit,  4^O Fils défavoué. On prétend prouver que 1'enfant défavoué eft fils de Jean Tartarin, né d'un mauvais commerce avec Charlctte Bence. Cependant l'extrait baptiftaire le dir légitime, Comment concilier la requête oü 1'on demande a faire preuve de la batardife avec cet extrait baptiftaire ? Et comment admettre une preuve qui tendroit a órer 1'état de légitimitéa un enfant qui n'eft point partie dans la caufe ? En fecond lieu, fur quel fondement attribue-t-on cet extrait a 1'enfant qui prétend êrre fils de Guillaume Harrouard 8c de fa femme ? Le feul prétexte qu'on allègue, eft que Ia mère de Jean Tartarin eft fceur, ou proche parente de la femme de Delbec ; 8c que celle-ci eft la marreine de 1'enfant. II pourroit y avoir quelque foible lueur de vraifemblance dans cet arrangement, fi cette prétendue parenté étoit prouvée. Mais on eft bien éloigné de cette preuve, L'extrait baptiftaite produir eft bien celui de Jean Tartarin, fils de Jean Tartarin. Mais la mère eft Charlotte tz Bence , avec un article; 8c la femme de £>elbec s'appelle EUfabeth Bence, fans article,  Fils défavoué. 481 article. Ce n'eft donc pas le même nom -y elles ne font donc pas fceurs; elles ne font donc pas de la même familie. Ce n'eft pas tout. On a dit qa'Elifaleth Bence, femme Deikec, étoit la marreine de Jean Tartarin, batard de fa fceur ; & la marreine énoncée dans 1'acfte baptiftaire mis fous les yeux de la juftice eft £///^er^LEBAs.Lesparentsde la femme de Delbec font nommés dans fon contrat de mariage, & dans cette lifte, perfonne n'eft appellé le Bas. Ainfi il eft démontré, par titre authentique, que le rils de Jean Tanarin, qui fe nom me aufli Jean Tartaria , & qui a été baptifé a faint Hyppolite le 2 5 novembre 1702, n'eft point batard, comme la veuve Harrouard Pa avancé; qu'il n'eft point fils de Charlotte Bence 3 comme la veuve Harrouard Pa avancé; mais de Charlotte le Bence; qu'il n'a point eu pour marreine E li/dl eth Bence; comme la veuve Harrouard Pa avancé ■ mais EUfabeth le Bas. II n'y a donc ni preuve, ni commencement de preuve que 1'enfant défavoué par cette veuve eft le fils de lartarin. Mais il y a preuve qu'elle n epargne ni les calomnies, ni les mtnfonces \ pour foutenir fon odiet.x fyftême qu'elle Tomé VI. X  48 i Fils défavoué. 11e craint pas d'en être convaincue, puif- qu'elle adminiftre elle-même la preuve écrite des faufletés qui forment fes moyens. Après avoir démontré qu'il feroit dangereux Sc contraire aux régies d'adrnettre la preuve demandée, après avoir détruit les inductions que 1'on a voulu rirer des dépofitions des témoins entendus en 1706" & 1713,1!eftinutiledes'arrêter aux conjecïures 'que Marie Adam 3. voulu faire valoir pour fa défenfe. En général, les conjecftures joinres a. une preuve , peuvent aider a la rendre coraplette ; mais elles ne peuvent, par elles-mêmes, former aucun corps de preuve. D'ailleurs celles que 1'on a fait valoir font très-foibles. Pas un des parents d'Harrouard, ar-on dit, ne reconnoit celui qui le réclame pour fon père. C'eft un argument que 1'on peut rétorquer *. car pas un des parents ne s'eft' joint a Marie Adam, ni a fon fecond hls, pour foutenir qu'il eft unique. Ils reftent en fufpens, Sc u'ofent peut-être approfondir un myftère oü ils craignent dé voir trop clair dans la conduite de leur parente. Ils attendent que les lumières oe la cour leur apprennent le parti qu'ils doivent prendre.  Fils défavoué. 483' Ona ajouté que cet enfant ne reflemble ni a Harrouard 3 ni a Marie Adam, II eft aflez nouveau que 1'on veuille, dans un défaut de reflemblance, trouver un moyen judiciaire. II eft arrivé quelquefois que la reflemblance parfaite de ceux qui réclamoient un père Sc une mère, a fait naitre quelque doute en leur faveur, paree qu'il eft fi rare que deux perfonnes fe reflèmblent \ parfaitement,qu'on fe perfuadé aflez volontiers, quand cela arrivé , qu'ils tiennentl'un a l'autre parlesliens du fang. Mais, quoique cette conformité de traits donne lieu a cette idéé, par fa rareté , c'eft abufer du raifonnement, que de foutenir qu'une filiation n'eft pas réelle, paree que celui qui 1'allegue ne reflemble pas au père qu'il réclame. De rout ce qu'on vient de dire, il réfulte deux faits importants pour la décifion de cette affaire. II eft prouvé par un extrait baptiftaire, Sc par 1'éducation , qu Harrouard a eu un fils en 1701 ; & que c'eft le même qui fe préfente. Car le décès de 1'enfant né en 1701 n'eft point prouvé : or a qui peut-on attribuer l'extrait baptiftaire, fi ce n'eft a celui qui a été élevé dans la maifon comme fils ? Xtj  484 Fils défavoué. Outre cet acte , cet enfant a, en fa faveur, la déclaration d''Harrouard, & i'aveudefa femme, jufqu'en 1707; depuis 1707 , il a toujours été chez Del- ec ; & perfonne ne contefte que c'eft le même individu qui, a cette époque, fut remis entre les mains de fa femme par les fieur & dame Harrouard. C'eft ici le lieu de répondre a un moyen dont cette veuve a voulu fe prévaloir , pour détruire la preuve de la polfeflion d'état, que Pontire, en faveur de fon fils , des aveux confignés dans la plainte rendue par fon mari. C'eft une maxime, dit-elle, qu'en matière civile, les aveux ne fe divifent point. D'ou elle conclut que , fi Pon veut croire Harrouard, lorfqu'il dit que 1'enfant en queftion a été élevé chez lui, H faut aufli Ie croire, quand il dit, en même tems, que ce même enfant étoit un enfant fuppofé, & qu'il le connoiflbitpout tel. La raifon eft que celui qui veut fe fervir en juftice de la confeflion de fa partie adverfe, ne peut en admettre un chef qui eft a fon avantage, & rejetter ce qu'il croitluiêtre contraire; il faut la prendre telle qu'elle eft faite! II n'y a pas de raifon pour admettre une partie de ce que dit un homme fur le même objet, & rejetter l'autre partie.  Fils défavoué. 48? , Cette maxime, que 1'on allégue , eft un brocard dont les praticiens fuperficiels abufent fouvent. Mais fut quelle loi eft-elle fondée ? on défieroit bien d'en citer une précife. Auffi Henrys (1), torn. 2 , dans fa (1) Claude Henrys étoit avocat du roi au bailliage de Forez fa patrie. II avoit des connoiffances fort ètendues dans le droit canon & civil, dans 1'hiftoire, dans le droit civil,'& dans les intéréts des princes. Plufieurs miniftres, tant de France que des pays étrangers, lui ont fait I'honneur de le confulter fur des matières d'état. 11 n'étoit pas moins recommandable par fa probité, fa politefle , & fon défintéreflement, que par fes lumières. 11 nous a laiffé un excellent recueil d''arrêts, fur lefquels Bretonnier a fait des obfervations. Henrys orna fa colleétion de notes utiles & agréables. Dans les unes il éclaircit des queftions de droit; les autres font femées d'érudition littéraire. Terrajfon y a fait auift des additions, qui ont été imprimées dans 1'édU tion de 1738 , en quatre volumes in-fol. Henrys eft mort en 1662. Barthelemi-Jofeph Bretonnier, dont je viens de parler, naquit a Montrotier pres Lyon , en 1656. II étoit fils d'un médecin. II fe fit avocat, & exerca fa profelfion avec fuccès. On a de lui Fédition de Henrys, dont je viens de faire mention. Un recueil par ordre alphabttique desprïncipales queflions de droit, qui fe jugent diverfement dans differents tribunaux du royaume. Le chancelier d''Aguejjeau, qui avoit toujours eu deflein de rendre la jurif- Xiij  4o*£ Fils défavoué. fixième queftion pofthume, rapportefes cas oü la confellïon fe divife en marière civile. i°. Lorfque le fait que 1'on ne veut pas divifer de la confeffion, eft combattu par une forte préfomption. r°. Lorfqu'outre la confelfion, on a une preuve teftimoniale du fait principal prudence uniforme, engagea M. Bretonnier k ce travail.; il 1'exécura d'une manière digne des vues de ce grand magiftrat. Ce jurifconfulte a encore laiffe des mémoires fur les affaires importantes dont il avoit été chargé. Us font moins eftimés que fes autres ouvrages.. Il mourut a Paris, en 1727. Matthieu Terrajfon , dönr j'ai auffi parlé, a I occafion de Henrys, naquit a Lvon, de parents nobles, en 1-669, & fe. "fit recevoir avocat a Paris en 1691, II s'attacha particuhéremenr au droit romain; & les connoiffances qu'il y acquit, le rendirent 1'oracie de toutes les provinces du droit écrit refforrifJant a Paris. Cette étude ne le priva pas de Ia fatisraftion de travailler aux belles-lettres. II fut affbcié, pendant cinq ans, au travail du journal des fcavants. Cet homme, auffi eftimable par fes connoiffances, que par fa douceur, mourut a Paris, en 1714, a^é de föixante-fix ans. On a imprimé le recueil de fes oeuvres, qui coi:fntent en difcours , plaidoyers , confultations , &c. Peut-être a t-il, dans fes plaidoyers , trop prodigué 1'efprit & lerudinon. On trouve qu'il eft quelquero^s plus fleuri quefolide, & que les agréinents ie ion ftyle tont tort a la force de fon raifonnement..  Fils défavoué. 487 que 1'on veut détacher de la confeffioh. Ter le fait que la veuve Harrouard voudroit ne pas féparer de la confeifion que fon mari a confignée dans fa plainte, eft la fuppofition de 1'enfant. Mais la vérité de cette prétendue fuppofirion n'eft-elle pas combattue , non-feulement par des préfomptions ; mais pat un titte folemnel, & par une véritabie polfeflion d'état ? Ainfi les circonftances de cette caufe réuniflent a la fois les deux cas ou Henrys attefte qu'il y a lieu de divifer la confefiion. Au refte, il y a une loi romaine qui prouve formellement que la confeflion peut fe divifet en matière civile. Le jurifconfulte propofé 1'efpèce d'un homme qui confeftè par une lettre, qu'il eft dépofitaire de dix livres d'or, & ajoute que le père du dépofanr lui devoir dix écus. La loi décide que cette lettre ne produit point d'obligation au profit du. dépofitaire , & qu'elle ne contient que. la preuve du dépot (1).. (1) Titius Sempronise faluteiro Habere me k vobis auri plus minus decem & difcos dtios , faccum fignatum ; ex quibus mit i debe1 tis decem, quos apud Titium depoluiftis : item-quos Trophimati decem- irem ex ra1tione patris veftri decem ,.& quod excurriu Quaro an ex eju/modi fcripturd aligua obliga--üo aata fit-, fc'dicet, quod ad Jolam. pecunia  488 Fils défai 'oue. La raifon eft que c'eft la force de la vérité feule qui a arraché 1'aveu du dépór. Mais la déclaration de cette créance qu'il réclame n'a pas la même caufe; Sc 1'on eft fondé a foupconner qu'il Pa inventie , pour éviter, s'il le pouvoit , la reftitution du dépot. Le juge doit donc faire fa principale etude du cceur de 1'homme. II doit pcnétrer Ie motif qui engage un plaideur a parler, & chercher a diftinguer les divers principes qui ont donné matière aux différentes parties de fa confeftion. Le but qu'il doit fe propofer, tant en matière civile, qu'en matière criminelle, c'eft de découvrir la vérité. Si, dans les circonftances dont on vient de parler, on ne divifoit pas la confeffion , on fermeroit les yeux a la vérité, pour fe rendre efclave d'une vaine maxime de pratique. Ces régies, au furplus , font connrmées par la jurifprudence des arrêts. On en trouve un, dans le journal du palais, du 3 aoüt 1678. En voici un caufam attinet ? Refpondit: ex epiftold de aui quaritur, obligationem quidem nullam natam videri, fed probationtm depofitarum rerum im- pleri poffe. An autem is quoque qui deberi féi tavit 'in eddem epijioLi decem, probare pojju ho c a ladite Adam dele recevoir chez elle » en ladite qualité , & de le traiter h» lialement.il fut donné acteaCW«3> Francois Harrouard, de ce qu'il con» fentoit que, fur fa parr en la fucceffion » de fon père , Delbec & fa femme 3> fuifent payés de la fomme de 1025 » livres pour les penfions échues le 16 >i octobre 1711, enfemble de celles qui »> font échues depuis , & qui écherront 3» a 1'avenir , tant que ledit Charles33 Francois Harrouard rellera chez eux. >i Afor/'e ij roi au chatelet en 1704, confeiller au parlementen 1706, maitredes requêtes en 1-07; avocat-général au parlement,le 12 décembre 1713 , cx eft mort le 1 aoüt 1715. II avoit un talent ; écidé pour 1'éloquence; & auroit fans doute occupé une des premières places parmi les orateurs , s'il n'eut pas tant compté fur fa facüité. II étoit frère de Germ.ün-Louis ChauvïMi, garde des fceaux, miniftre & fecrétaire d'état au département des affaires étrangères. Fin du tome Jixième.  " * "