VERZAMELING W. H. SURINGAR 1ÏÜÜT  IN T E RE S SaN TjE S, LES JinS~ËTM.ENS QUI LES ONT DÉCIDÉES. Ridigêes de nouveau pcir M. R I c H E R , ancien Avocat au Parlement. TOME HUITIÈ^fÈ»; A AMSTERDAM. Chezi Michel Rhey. '774'  Et fe trouve a Paris, che^ la. veuve savoie, rue S. Jacqucs. Saillant & Nyon, rue Saint-Jean-de-: Beauvais, Le Clerc, Quai des Auguftins. Cellot , ImpriiJieur, rue Dauphine» La veuve Desaint, rue du Foin, Dwrand , neveu, rue Galande. Delalain , rue de la Comédie Franse.' MouTARD, Quai des Auguftins Bailly, Quai des Auguftins,  TABLE DES PIÈCES Conrenues dans ce huitième Volume.1 Les nouvelles Caufes font marquées d'une ètoile. Uistoire des coup/ets auriJ bucs d Jean-Baptific Roujfeau. page i Religieufe prétendue hermaphrodut. 4or Mariagc attaqué, confirmé var   AVERTISSEMENT Sur l''affaire de Rouffeau. J e prévois que VHifloire des couplets attribués au grand Rouffeau ne fera pas du goüt de bien des le&eurs. Abftracïion fake du nom de eet homme lï juftement célèbre, ce proces n'a rien dintéreffant 3 ni par lui - même , ni par la manière dont je me fuis cru obligé de le rédiger. II n'elt oueftion que de fcavoir qui^ de Rouffeau ou de Saurin, sl com^ pofé, ou du moins fait porter chez Boindin, des couplets infames qui furent répandus dans le public, en 1710. Si une queftion de cette nature fe fut agitée entre des gens obfeurs, ellè auroit été confondue dans ce tas de proces qui fe décident journellement au palais 3 a iij  vj A VERTISSEMENT. dont Je public n'a aucune connoiifance, qui font oubliés de ceux mêmes qui les ont inftruits, a mefure qu'ils font jugés, & dont les traces fe perdent dans Ia pouffière des grefFes. Celui-ci n'auroit certainement pas alors trouvé place dans les Caufes célèbres ; peut-être même ne feroit-il pas parvenu a la connoilTance du tér da&eur de eet ouvrage. II n'eft don c digne d'atteniion que par 1'intérêt que prennent naturellement ceux qui cultivent ou qui aiment les belles-lettres, atout cequi regarde les hommes illuftres qui ont fait honneur aux mufes. ^Quant a la rédaction, la nature m eüt-elle douéjdes talents néceffaires pour 1'orner des graces de Ia narration , je n'aurois pu qu'avec beaucoup de peine réparer, par eet ornement, la fécherelTe intrinfèque du fujet. II ne s'agit que d'un fait unique, accompagné d'un fort petit nombre de circonftances  A VERTISSEMENT. vij qui n'offrent rien de fatifaifant ni pour lNïfprit^ni pour l'imagination.. Un paquet cacheté a été porté chez Boindin. Voila le fait. Par qui a-t-il été porté? Eft-ce par Guillaume le favetieri eft-ce par Olivier le décroteur ? Voila les circonftances qu'il faut difcuter, pour pénétrer, s'il eft poffible, jufqu'a la vérité, après avoir percé les nuages dont la perfide induftrie du coupable 1'a enveloppée. Quelle part peuvent prendre k un fait & a des circonftances de cette nature ceux qui n'ont que de 1'indifférence pour tout ce qui ie paffe fur le Parnaffe? Que Rouffeau foit coupable , ou qu'il foit innocent; que le cceur de ce poëte fut fouillé de tous les vices, ou qu'il fut vertueux; que leur importe? Les découvertes qu'ils pourroient faire fur fes qualités, bonnes ou mauvaifes,ne valent pas, a leur gré, la peine qu'ils facrifient une heure de leur tems at une leébure aiv  viij A VERTISSEMENT. dont ils ne retireroient que de 1'ennui. Us ne feroient même pas dédommagés par Ia petite fatiffaérion de voir leur attention foutenue par un grand nombre de raifonnements. Je n'ai prefque fait autre chofe, que copier les pièces • dans lefquelles j'aicruque la vérité étoit confimiée. Je pouvois difficilement fuivre un autre plan. Ce n'eft pas par des préfomptions; ce n'eft pas par des raifonnements que Ion' peut combattre avec fuccès des préjugés infpirés & rendus prefque univerfels par des écrivains dont les ouvrages font entree, les mains de tout le monde , & méritent, a bien des égards, les applaudiffemen ts qu'ils recoivent. II eft un moyen, je le fcais, & je 1'ai vu pratiquer, de s'épargner les difcuffions & les raifonnements, pour accréditer ou pour combattre des faits qu'on veut établir ou détruire. C'eft de fe  A VER TISSEMENT. ix dönner foi-même pour autorité; d'afFurer qu'on en a une connoiffanceperfonnelle; de s'appuyerfur Je témoignage de gens en place avec qui on a vécu familièrement; fur tout d'avoir foin de n'invoquer leur fuffrage que quand ils font morts; ou enfin, fans prendre tant de précautiops, de décider, d'un ton tranchant,que la chofe doit être comme on décide qu'elle eft. i Mais'j'avöue qüe je ne me ju ge poinc- revêtu d'une autorité fufrifante, pour efpérer que 1'on me croie fur ma parole, & pour me flatter que i quelque tranchant que put être le ton que je prendrois en pronomcant une décifion fèche en matière de faits fujets a conteftation , on y déférat aveuglément. Je craindrois, d'un autre cóté, que, fi je prenois fur moi de eiter une converfation que j-aurois eue ayec une perfonne dé» a v  ar A VER TISSEMENT. cédée, on ne m'accusat de ia fuppofer. J'ai donc été forcé, pour établir la vérité que j'ai cru voir, de 1'appuyer fur les piéces qui la prpuvent : mais cette manière de Pétablir n'a pas d'attraits pour ceux qui ne s'occupent de la lecture que par manière de pafletems. II efr. une autre clafTe de lecteurs qui ne font pas indifférents fur ce qui concerne notre poëte; mais qui ne trouveront pas bon qu'on ait loué fon génie ; qu'on foit parvenu a le juftifier des vices que la calomnie lui a imputés , & a ie laver d'une accufation fous le poids de laquelle il n'a fuccombé que par 1'impéritie de ceux a qui il avoit donné fa confiance, pour Ja conduite de fa procédure. J'avertis ces efprits prévenus qu'ils ne trouveront pas leur compte dans la manière dont cette caufe eft  A VER TISSEMENT. xj préfentée, & dans les conféquences qui réfultent des piéces que je mets fous les yeux du le&eur. J'avoue, de bonne foi, qu'admirateur des talents de Rouffeau, & trouvant toujours un plaifir fenlible a la lecfure de fes ouvrages, j'ai fouhaité que ce grand hom me fut innocent des reproches dont il a été couvert pendant fa vie, & dont fesenvieux ne ceffent de vouloir fouiller fa mémoire : j'ai fouhaité qu'un poëte qui chante la divinité fur un ton ii fublime,& qui paroit fi perfuadé des vérités dont il charme nos oreilles ; qu'un poete qui préfente la vercu fous des traits fi propres a Ia faire aimer, ne fut ni impie, ni hypocrite, ni vicieux. Mais ce defir n'a fait qu'animer mes recherches 3 fans nuire a la fincérité avec laquelle j'afpirois k la connoifTance du vrai. Si cette fincérité ne m'eüt conduit qu'a la découverte d'un coeur corrompu, a vj  xij A VER TISSEMENT. d'un homme coupable du crime quia occafionnéfacondamnation, j'aurois fans doute été fiché de voir tant de talents réunis avec tant de vices; & Rouffeau eüt été, a mes yeux, une preuve de plus que le génie n'efl pas toujours 1'apanage de la vertu. Mais le lecteur auroit trouvé, dans mon ouvrage, la preuve de fes vices & de fon crime : je 1'aurois fournie avec la franchife que tout écrivain doit a la vérité. Je lis avec admiration & avec plaifir, les écrits de Sallufle. Je fuis ravi de la précifion, de la force & de 1'énergie de fon flyle. Ses defcriptions, fes portraits, fes harangues font a mes yeux des chers-d'ceuvre; & je voudrois qu'un écrivain quis'élève fi fortement & avec tant de chaleur contre le luxe, 1'avarice & les autres vices de fon tems, n'en eüt pas été coupable lui-même. Mais je ne peux m'empêcher de recon-  A VER TISSEMÈNT. xiif noitre en lui un homme dont les rnsurs étoient ü dépravées, qu'il fut noté d'infamie & dégradé du rang de fénateur; un homme qüï Gonfomma tout fon bien par fes débauches; qui, ayant été rétabli dans 1'ordre desfénateurs par JulesCé/ar, & fait gouverneur de Numidie, ravagea cette province paf fes exaclions & par les injuftices' les plus criantes. En un mot, fi je vois dans Sallufle un écrivain admirable, & qui mérite, en cette" qualité, toute la gloire dont il jouit) j'y vois un homme qui f comme membre de 1'état politique, mérite toute notre averfion<< Mais , quand on a pris la peine d'examiner les moeurs óeRouJfeau3& de fcruter dans fon-cceur, loin de trouver ce monftre d'hypocrifie^ de perfidie & d'ingratitude que la calomnie & 1'pnvie nous ont dépeint, on voit un homme fincére" mentpieux, reconnoiffant, généreux, invariablement attaché aux  xiv AVERTISSEMENT. loix de Fhonneur, & les foutenanC avec une noble ferme té. Je concois que ce jugemenc paroitra un paradoxe a ceux qui ne connoilTent Rouffeau, que par des oui-dire ; & révolteraceux qu'une prévention aveugle a foulevés contre ce célèbre poëte. Mais je fupplie les perfonnes qui fe font laiffées prévenir fans examen, & qui ont la bonne foi d'avouer,fans rougir, une erreur enfantée par 1'aveugle renommée, de prendre la peine de me lire; & j'ofe leur promettre que la perfonne de Rouffeau leur paroitra aulli eftimable, que fes ouvrages font admirables. Je ne fuis pas Je premier, au refte, qm ait ofé faire 1'apologie des vertus de cette illuftre vi&ime de la calomnie. Le fils du grand Raune qui a été long-tems, avec lui, dans une relation intime, Ie voyoitfous Ie même afpeft, & 1'a publié dans une lettre imprimée a la tête du recueil de celles de  A VERTISSEMENT. xv Rouffeau. cc C'eft, dit-il, dans les » lettres écritesa meffieurs Boutet, » les confidents de toutes fes » peines, que j'ai le plaifir de Ie »ïuivre depuis 1711, jufqu'k fa » mort, & que je le vois toujours » le même, foutenu dans toutes » fes difgraces par une efpérance Jj admirable dans la providence; J5 regardant les malheurs de toute » fa vie, comme lapunition d'une » jeunelTe coupable devant Dieu; j> fi éloigné de toutefprit d'intérêt, » toutpauvrequ'il eft, qu'il pouffe ">■) la noblelfe desfentimentsjufqu'a « la fierté; plein de tendrelTe & de wfidélité pour fes amis, plein de x> reconnoiffance pour fes bienfai« teurs; fi rempli de confiance en y> eux,qu'il nedoutejamaisdeleurs w bonnes intentions. Quoiqu'un v emploi confidérable qui lui eft n promis, & dont ftfême les pro» vifions font fcellées 3 s'éloigne » toujours de lui, il croit toujours m Ie polTéder, &, pendant deux  xvj A VER TISSEMENT. ü ans, il mache d vuide 3 toujours » content, paree qu'il fe perfuade m que ce bien qu'il attend n'eft: » difFéré que pour fon avantage, »Qïiand il perd les bonnes i> graces de fes protefteurs, il ne >5 feplaintpas d'eux; &, quoique, Aj dans fon inutile voyage de Paris3 »il neut trouvé dans M. le comte » duLuc qu'une ftérile compaffion 5> fuivie de froideur , dans quelle 33 défolation n'eft-il pas quand il P.. apprend la nouvelle de fa mort \ 5i> U n'a devant les yeux que les 5* anciennes obligations. Et voila 53 ce qui me fait mieux eonnoitre ?>fon cceur, que fes aflurances » continuelles de reconnoiffance k 53 meffiears Boutet. Eh ! comment 3t n'être pas fincérement attaché a n deux amis qui ne changèrenc 53 jamais pour lui, & coururent, 53 dans tous leSftems, audevant de »fes befoi ns ? . . , . 55 Je fuis édifié, Monfieur, de ,2? la tendreife avec laquelle il  AFERTISSEMENT. xvlj 5> recoit fon frère (le père Léon$ >3 earme déchauffé), quand il lé ö retrouve a la cour de Bruxelles j 33 & de la manière dont il regrette t) de n'avoirpoint,comme ce frère w fi fage, fait un bon ufage de fes )> talents. ?5 Cetefpritdereligionfetrouve « dans toutes fes lettres. Lorfqu'il 3?apprend qu'il eft condamné atf 33 banniffement, il reconnoit que j 93 s'il eft condamné pour fes épi93 grammes, il eft jugé a la rigueur $ 93 mais qu'il mérite cette punitiom 99 II publie fans ceffe fon repend*1 93'de 34 épigrammes dont il rcr.giê ?3 devant Dieu & dcvant les hom33 mes. II ne ceffe de fe plaindre du 33 fupplément que les libraires de 93 Hollande ont mis a fes ouvrages^ 93 & qui, de fon aveu , ne fait 33 honneur ni au livre s ni d tau^ 33 teur, ni d Vèditeur. II apprend 93 de quelle manière un feigneuf f3 Anglois tira, de lui, la cönnoif-  xviij AFERTÏSSEMENT* 33 fance de ces épigrammes, qu'il ?' ne voulut jamais communiquer^ 33 mais que fa fincérité 1'empêcha 9> de défavouen » Lorfque M. Brojfette lui de» mande des éclaircifTements fuf 55 quelques endroits de fes ouvra33 ges, il fe contente de lui répon33 dre que la plupart des chofes 3J auxquelles il a fait allufion, font 33 forties de fa mémoire; & que, 3'd'aillcurs, elles feroient, d'un >3 texte innocent, un commen33taire criminel. Quand il parle 35 des écrits nouveaux, on le voit 33 toujours condamner les pièces J3 libres, & les fatyres contre les 33 perfonnes en place : il ne parle 33 jamais des puifTances qu'avec 35 refpeót. 55 On ne le foupconnera poinc 35 d'avoir été jaloux des talents des 37 autres, puilque fitótqu'il a lu un «ouvrage en profe ou en vers, 33 dont il a été content, il recher-  rA VERTISSEMENT. xix » che 1'amitié des auteurs, & ne » refufe jamais fes confeils a ceux V qui les lui demandent. v Lorfqu'il fe croit certain d'un 3? emploi dans les Pays-Bas, il anv nonce qu'il recoit, pour la der35 nière fois, la penfion de M. le 55 duc d'Orléans, paree qu'il n'eft 55pas jufte, dit-il, de matiger a » deux atteliers. Et, quand M. le 55 baron de BreteuïL lui envoie » cette penfion , il s'informe s'il 55 n'y ajoute rien, paree qu'il ne 55 doit, dit-il, reuvoir de Var gent 55 que d'un prince. II foutient tou33 jours cette pauvreté fiére, même 35 en recevant les bienfaits annuels 53 de M. Boutet. II eft dans 1'in55 tention de leur rendre tout, 35 quand il aura fait fortune par 55 fes a&ions, aveclefquelles on eft 55 toujours, dit-il, comme un che» valier errant3 d la veille ou d'être )) Empereur, ou d'être rouè de coups 5? de baton. Et lorfqu'il a éu le 53 fort d'un chevalier errant, &  3tx A VERTISSEMENT. 9i qu'il eft tombé dans la misère'j 99 il croit s'acquitter envers M. de 99 Montheri 3 en lui donnant fes h tableaux, qui j dans foii imagi99 nation, étoient d'un grand prix. » II eft impoffible de ne pas 99 admirer la fermeté avec laquelle 99 il refufe de profiter des lettres 93 de rappel que M. le Grand99 prieur & M. le baron de Bre93 teuil obtinrent pour lui, & Ia 99 manière dont il fcait accorder, 99 dans deux lettres qu'il écrit a ce 93 fujet, Ie mépris dubienfait, avec 93 la recönnoifTance pour les bien93 faiteurs. On dira peut-être qu'il 33 fut moinsfier en 1738 , lorfqu'il fcdemanda un fauf-conduit, ou , 33 paree qu'il n'avoit plus que deux 33 ans a attendre s des lettres de 93 furannation; puifqu'on voitmê33 me, par une lettre, qu'il va juf99 qu'a fouhaiter qu'on fafte du93 moins revivre les lettres de rap33 pel. J'ignore fi 1'ennui du féjour >3 deBruxelles, depuis qu'il y eut  AVERTISSEMENT. xxj w perdu l'amitié d'un feigneur au~ M quel il écoit très-attaché, fi 1'a-» m mour de Ja patrie redoublé par ?i 28 ans d'abfence, & deux attan ques d'apoplexie avoient affoiblj ?> fon courage. Je puis feulemenr, 35 vous affurer qu'il conferva , njufqu'a la mort, 1'éfpérance de la révifion de fon proces, lorf. ?3 qu'il ne feroit plus obligé de f5 33 mettre en état. » Voila Rouffeau, Monfieur, » tel que je le vois dans fes lettres, 33 &c. ». On trouvera, dans Ie rédt de cette caufe, les preuves détaillées de tous les faits qui ont fourni le portraitque 1'on vient de voir. On y verra, en même tems, que M. Racine n^eft parvenu a fecouer la prévention dont lahaine avoit empoifonné le public contre notre poëte, qu'après avoir été avec lui dans une liaifon de correfpondance qui le mit a portee de pénétrer au fond de fon cceur, d'y voir a dé^r  xxij A VER TISSEMENT. couvert prefque toutes les vertus oppofées aux vices que Penvie & Ja calomnie lui avoient imputés. On verra (page xi) jufqua quel point el les avoient prévenu M. Racine contre Rouffeau; qu'il n'a fallu rien moins que 1 evidence , pour ramener le premier a rendre a 1'autre la juftice qui lui eft due, & qu'il eft même étonnant que la vérité ait eu alTez d'afcendant fur lui, pour lui arracher un préjugé qu'il avoit, comme on le verra, prefque fucé en naiffant. II eft incroyable (& cecidoit être un exemple du peu de fond que Pon dok faire lur les réputations appuyées fur des faitsvagues, & dont la preuve n'eft confignée nulle part) il eft incroyable jufqu'a qutl point la calomnie avoit répandu &c infinué fon poifon contre le malhemmx Roufjeau. M. Rollin lm mandoit, le 10 mars 1736, k Poccafion de Pépitre en vers que Ie poëte lui avoit adreifée : et Voici  A VER TISSEMENT. xxiïj » uneréflexion qui regarde Ja ma» nière dont vous parjez de vousv même dans quelques endroits de » votre épitre. Les fentiments non wfeuJementdeprobité,maisdereli» gion & de piété qui y écJatent de » temsen tems, m'ont touché pref. >» que jufqu'aux larmes, & j'y ai » étéfenfible au,delade toutceque n je puis vous dire. Mais j'aurois wdefiré que, dans d'autres en» droits, vous vous fuffiez expri» mé en des termes plus timides, n & qui marquaffent moins d'af* a> furance. » Vous n'ignorez pas combien 5) le public eft prévenu contre vous, » Certaines pièces de vers, qu'on »dit être contraires k la religion » & a la pureté des mceurs (car »je ne les ai point lues) vous ont » abfolument décrié dans fon ef« prit, & ce fentiment eft prefque » univerfel. C'eft devant ce public, »juftement alarmé & indigné du »tort que font ces dangereux vers  jrxiy A VER TISSEMENT, 33 a la piété & aux mceurs3 que 33 vous paroifTez aujourdhui trop 93 plein, ce me femble, de con33 fiance en vous-même & dans 39 votre vertu, comme fi elle étoit 93 fans cache & fans reproche. 93 Une innocence bien reconnue, 33 une répucation bien affermie, j> qu'on en.treprend de déchirer j) par de faufTes & de noires accu»fations, eft en droit de fe dé3) fendre avec force, & même avec 33 quelque hauteur contre la calom3) nie. Mais, quand on y a donné 93 quelque lieu, un ton plus doux 9) Sc plus humble convient quand 33 on paroit devant fes juges. Le 93 repentir du palTé peut feul nous 93 reconcilier avec eux. 33 Je vois, avec joie, tout le pu33 blic fe réunir a louer vos poéfies, 39 & a en admirer la juftelTe, la 39 force, 1'énergie. Mais je vou93 drois, comme le fouhaitoit Ciccv ron pour fon frère, qu'on ne sjmk point d'exception a vos 33 louangcs  A VERTISSEMENT. xxt v Jouanges : non patiar te cum ex* J? ceptiom laudari ». Je neconnois point Ia lettreque Rouffeau écrivit en réponfe. Mais voici quel fut 1'effet qui en réfulta: «Je reconnois, Monfieur, lui 33 écrivoit M. Rollin Je 29 mai M 1736, que, dans ce que je vous 53 aa écrit, j'ai trop compté fur le 33jugement d'autrui, n'ayant ja33 mais Juaucun des vers trop libres 33 qu'on vous impute, & ne ccn3>noifTant point Jes arréts dont 33 vous me parlez. J'ai trouvé ici 33 les efprits prefque généralement 33 prévenus contre vous : je parJe y> des perfonnes les plus modérées 33 & les plus équitables; & je me » iuisJaiflé entrainer, fans examen, '3 a une opinion que je croyois" 33 bien f ondée. En quoi, Mon33 fieur, je reconnois que j'ai fait 33 une grande faute, dont je vous 33 demande pardon de tout mon 33 cceur,- & qui me lanTeroit une >3 douleur inconfolable, fi votre Tome VIII. b  xxvj A VER TISSEMENT. n lectre nè me faifoit connoitre 33 que cette faute, quelque fenfible w qu'elle vous ait été, ne change » rien de vos difpofitions a mon t) égard. »J;ai d'autant plus tort de v m'être livré aveuglément k des n jugements étrangers, que, dei) puis que j'ai fait une amitié par» ticulière avec vous, je riai rien » connu 3 de votre part, que de fage3 n de réglê 3 de vertueux (i). Vos » lettres ne refpirent par-tout, que »probité 3 que raijon, & même 53 que religion. J'en ai parlé ainfi » k tous mes amis. Je me fuis fait » un plaifir d'en montrer quelques »endroits plus propres k faire m connoitre vos fentimentsóc votre » cara&ère. Je n'ai pu vaincre les n préjugés anciens, & j'ai eu le » malheur d'y céder moi-même, >j au lieu de les combattre & de les 53 furmonter, paree qu'une longue (i) Cette liaifon avoit cQminencé dès le mois de féyrier 1729.  AVERTISSEMENT. xxvij » expérience m'avoit fait connoitre »de vos difpofitions. Mon impru» dence & ma témérité m'auront »> dumoins procuré eet avantage, » d'effacerde rnonefprittoutfoup* « con, & d'en,écartertous les nua» ges qui, fans cela, y auroient tou» jours laiffé quelque obfeurité ». Je le demande aux ennemis les plus acharnés de Ia réputation de Rouffeau, ü quelqu'un avoit ofé leur éctïvc qu'iis font abfolument décnés dans l'efprit du public, & que cefentiment eft prefque univerfel ... . Quils font trop pleins de confiance en eux-mêmes & en leur vtrtu, commefielk étoitfans tache (yjans reproche... Quun ton plus doux & plus humble convient quand on paroit devant fes jures • que le repentir du paffe peut feut nous reconciher avec eux. Je leur demande,dis-je, s'ils auroient fait a I audacieux cenfeur une re'ponfe qui lui eüt donné lieu de leur écrire que fa faute, quelque fenfibij  xxvij A VER TISSEMENT. ble quelle leur ah été , ne change rien de leurs difpofitions d fon égard; & d'ajoucer: je vousfupplie d oublier tout ce que ma lettre contenoitde téméraire & d'injufle. La, votre me répond pleihementde votre bon emir, & du pardon fincére que vous maccorde7c Qu'ils avouent donc, ces perfécuteurs aveugles, que Rouffeau fcavoit pardonner, & être affez jufte pour régler les mouvements de fon coeur fur les intentions & les lumières de ceux qui le reprenoient; & que fon amitié n'étoit point le tribut de 1'éloge & de 1'adulation , ni fa haine celui d'une jufte critique. M. Racine &c M. Rollin n etoient pas les feuls hommes de poids qui regardaflent Rouffeau comme un homme vertueux. Je ne parle point de MM. le comte duLuc, le baron de Breteuil, le Grand-prieur, &c. &c. ceux qui prendront la peine de lire 1'hiftoire de fon procés, verront que 1'abbé  AVER TISSEMENT. xxix d'Olivet, les PP. Tournemïne > Brwnoy 3 Bougeant en avoient la même opinion; & Ion verra que celle de 1'abbé d'Olivet, fur-tout, étoit fondée fur des motifs irréfiftibles. Je ne ferois pas embarraffé de trouver la fourcedetant de calomnies; & d'une entr'autres qui a fait une telle imprefïïon fur plufieursefprits, qu'ils n'en font pas encore revenus. On a accufé notre poëte d'avoir manqué afon bienfaiteur, 6c d'avoir piqué le fein qui f avoit ranimé (i) : je ne ferois pas em- (i) On a imprimê que Rouffeau avoit c«mpofé j contre le baron de Breteuil, une fatyre intitulée la Barona.de, qu'il 1'avoit lue a la ducheffe de Saint-Pierre, & que le fait étoit attefté par des papiers originaux de madame duchaflelet, fille 'du baron. Mais ce fut ce même baron de Breteuil qui, en 17obtint & fit fceller des lettres de rappel de ban pour Rouffeau i & qui lui écrivit^a cefujet, des lettres pleines de marqués de la plus haute eftime , & de 1'amitié la plus zèlée & la plus tendre. On les trouvera dans 1'hiftoire de ce procés. Le baron de Breteuil eft mort en 1728 ; &, jufqu'a cette époque, Rouffeau en pajle b iij  xxx J VER TISSEMENT. barraïTé de découvrir par quel artifice on lui a fufciré une foule d'ennemis, en publiant une lifte de noms qu on prétendoic que Rouffeau avoit infultés dans fes ouvrages, quoiqu'aucun de ces noms ne toujours comme d'un amï, comme d'un protecteur, avec lequel il eft en correfpondance hee. Voici ce qu'il en dit lui-menie dans une lettre datee du 22 mai 1736, imprimée en ttollande , la même année, & qui fe trouve dans le cinquième tome du recueil de fes lettres. Après avoir rappellé certains faits qui concernent un de fes ennemis, & qu il tenoit du baron de Breteuil, il ajoute : « Ce que fe » ne rapporterois même pas, fi ce n'étoit » pour montrer, par ce témoignage d'un com« merce familier, foutenu fans interruptiori " vingt ans durant avec un des plus illuftres » am.s que j'aie jamais en, quelle eft 1'impu- " dence d'un qui ofe avancer que j'ai j> manqué a mon bienfaiteur pendant » que fon amitié & ma reconnoiffance font » un fait avéré publiquement dans mes ouj' vrages mêmes, dont un des plus confidéra» bles eft 1'épitre que fe lui ai adreffée». Comment la prétendue Baronade a-t-ellë laiffé fubfifter, entre le prote&eur Sc Is protégé, une amitié ft zèlée & fi perfévérante? On verra, d'ailleurs, que cette acculation eft abfolument démentie par le cara&ère prouvé de RouJ[eauy  A VERTISSEMENT. xxxj fe trouve dans fes écrits. Je me conrenterai de mettre fous les yeux du leéteur une anecdote, oü Ton va voir que Rouffeau s'eft: attiré des ennemis par fes bienfairs. On imprimoit, en Hollande, en 1731 ,un libelle incitulé: Eloge hiflorïque du fieur Rouffeau , par M. BrolTette. A la première nouvelle de cette impofture, M. Broffette protefte que 1'ouvrage n'eft pas de lui. Rouffeau, qui connoiffoit le coeur de fon ami, n'eut pas de peine a le croire. Tous deux cherchèrent 1'auteur, & trouvèrent que c'étoit 1'abbé Lenglet. Rouffeau écrivit fur le champ en Hollande, a quelques amis qu'il pria ou de faire arrêter 1'imprelfion, ou de faire faifir 1'édition, fi elle étoit faite. Mais, dit-il, comme, dans un pays oü la licence ne pafte que pour liberté, 1'autorité fait plus que la difcipline, il s'adrefTa a M. 1'ambaflab iy  xxxij A VER TISSEMENT. dcurdeFranccquinevouJutpas sy cmployer, fans avoir un ordre ilabbed'O^fonami , pour Ie pner d obtenir eet ordre de M. LAauvehn , garde des fceaux & min,flre des affaires étrangères « Je crois même, ajoute Rouffeau. " dans fa Jettre, que fi on fefroit »-un peu Jes pouces k ce prêtre, -qui ofe mafquer fes calomnies » du nom d'un honnête homme, » on apprendroit bien des chofes » qui pourroienr faciliter de plus »grands édaireiffements. Car il "ne faut pas dourcr qu'il n'aic "confuke, pour ce hel ouvrage, * f* fns defafphèrc&dont $ ion deflem pouvok lui merker »la confiance. Car, pour moi, « qui ne lui fuis connu que par " £ Plaifo que je lui ai fait a » Vienne, en lui faifant toucher » cent ducats pour un manufcrit, » la veille du jour qu'on devoit Ie « mectre en prifon pour ce qu'il  AVER TISSEMENT. xxxiij » devoica fon auberge,& qui ne » 1'ai jamais vu ni devant, ni après, v je ne vois ni comment, ni pour» quoi il pourroic m'en vouioir, » ni oü il auroit pu prendre de » quoi faire un livre concre moi w. II paroic que 1'entremife de 1'abbé d'Olivet n'eut pas le fuccès que Rouffeau en avoit efpéré. Ufic porter fes plaintes aux états généraux, par M. le comte de SinTindorff, & par M. le marquis d'A~ cunha, qui obtinrentlafuppreflion de Ia pièce, & du livre même ou. elle étoit imprimée. II rend compte de ces faits a M. Lajféré, dans; une lettre du 5 décembre 1732.;& ajoute le détail fuivant fur ce qui s'eft palfé entre 1'abbé Lenglet.. & lui : a Son nom m'étoit tout-a-fait 33 inconnu en 1721. Ce fut vers » la fin de cette année-la qu'il r> vintchez moi a Vienne,oü j'étois ?? encore, en s'annoncant fous le n nom d'un chanoine de Tournai. b v  xxxiv AVERTISSEMENT. v II me dit qu'il étoit envoyé du » chapitre de cette cathédrale pour « obtenir la révocation de M. 9j Ernejl, qui en avoit été nommé »doyen par les Hollandois, lors 93 de leur régence. Je lui ofFris de 99 lepréfenter aux chefs du confeil 93 fuprême des Pays-bas ; & j'en »parlai, dès le jour même, au wcomte ÜOropéfa, alors chan99 celier de ce confeil, & a M. le 99 comte de Si^indorjft chancelier 39 de la cour. 33 M'étant venu voir deux jours 33 après, je lui témoignai 1'envie 33 que ces deux feigneurs avoient 33 de le connoitre, & de le voir. Je ?:>fus furpris du peu d'emprefTe33 ment qu'il me marqua a cette wpropofition.il me rendit, de3i puis,deux vifitesen quatre jours, 33 fans m'en parler, & ce ne fut 33 qu'a la troifième que, lui ayant 33 dit que M. de SÏTÏndorffm'avoic 33 de rechef follicité de Ie lui ame93 ner, je le trainai chez ce minif-  AVER TISSEMENT. xxxv 53 tfc, plütöt que je ne 1'y menai. >j M. de Sirindorff le recut très>y bien. II ne lui dit pas un mot du js> fujet de fon voyage, & fortit, 33 au bout d'une demi-heure, de at chez lui, fans y avoir remis les 33 pieds depuis.PourM.d'Oro/^e/ij i) il ne 1'a jamais vu. »Il'y avoit déjafixfemainesqu'il w étoit a Vienne, & qu'il me ve33 noit voir, au moins, de deux m jours 1'un, en m'entretenant de 33 toutes fortes de particularités 33 tant de la régence, que des 33 princes & des miniftres qui Ia jy compofoient, fans me jamais yy dire un mot de fa députation, 33 a laquelle je ne fongeois déjk 33 plus, lorfqu'un jour il me téj3 moigna la douleur qu'il avoit de 33 n'avoir pu , depuis un fi long33 tems, obteniruneaudiencede M. 33 leprince Eugène. J'en parlaia ce 35 prince,qui me dit nettement que 33 c'étoit un homme dangereux; & >3 qui me conta même que, dans le  xxxvj A VER TISSEMENT. » tems qu'il commandoic 1'armée » en Flandres, s'étant offert a S. » A. par le canal de M. Hoendorff, » de lui faire voir, pour cinquante » piftoles, les mémoires des inten» dants, il avoitrecu ces cinquante » piftoles, dont le prince n'a ja>» mais entendu nouvelle depuis, « non plus que des mémoires, qui, *> fuivant ce qu'il écrivit, huit jours » après, a M. Hoendorff, avoient » éte faifis chez lui, par ordre du miniftre. » Cette confidence ayantrendu » mes réceptions plus froides que » de coutume, il s'abftint enfin de » me venir voir. Je fcus pourtant " qu'a la fin, par les follicitations » du fieur Boyer qui a foin de Ia » bibliothèque du prince, il en » avoit obtenu une audience, qui >» eft la feule qu'il ait eue, & qui » ne dura qu'un demi - quart*> d'heure. * Cependant M. Duboufa , »-alors chargé des affaires 'de*  A VERTISSEMENT. xxxvij « France, avec qui j'avois vécu » chez M. le comte du Luc, & » que je voyois, comme tous les « autres miniftres étrangers avec » qui je paffois ma vie, me de» manda ce que c'étoit que eet »j abbé, & me dit, fous le fceau » du fecret, qu'il avoit ordre du >j cardinal Dubois de découvrir ce » que eet homme faifoit a Viennc, »& de tacher même, quand il » feroit fur fon retour, de s'affurer » de fa perfonne, ou du moins dé » fes papiers. Je lui dis que je ne » fcavois rien de lui, finon ce qu'il »m'avoit dit au fujet de fon » voyage, que je ne croyois pas » fortréel; écqu'au furplus,le jour » que je lui rendis ma première » vifite, je 1'avois trouvé occupé » a travailler a des tables chrono« logiques: ce qui ne m'avoit pas » paru un exercice digne d'alar3> mer le gouvernement. » M. Dubourg me dit qu'il m avoit fait toutes les diligences  xxxvlij A VER TISSEMENT. » poflibles pour en fcavoir da» vancage ; qu'il y avoit prés de »J trois mois qu'il le faifoit fuivre; » que fon valet de chambre, qui » étoit du même pays que le valet » de eet abbé,nedéfemparoit point m de fon hötellerie, qui étoit vis" a-vis de fa maifon; qu'il n'avoit »' pu découvrir autre chofe, finon » qu'il étoit tous les matins jufqu a "midi dans fa chambre, d'oü il » ne fortoit que pour aller chez un " joueur de violon de 1'empereur, »»nommé Piani, marié a une' » Francoife, d'oü il ne revenoit » chez lui , qU'a onze heures » du foir. C'eft en effet tout ce » que M. Dubourg m'a dit avoir » jamais écrit a M. le cardinal fur »> fon chapitre. »II y avoit prés de trois mois " que je n'avois vu eet abbé, lorf"qu'environ le commencement » de mai, il me- vint trouver, pour » me dire que les remifes qu'il « attendoit d'Amfterdam lui ayant  A VER TISSEMENT. xxxix » manqué, il fe trouvoit dans un »> extréme embarras, & que, li je » pouvois faire enforte que M. le J5 prince Eugène voulüt s'accom» moder d'un manufcrit très-cuJ3 rieux qu'il avoit apporté, & du » livre original de 1'évêque de Ma» laga contre les Jéfuites, il m'au>;> reit la dernière obligation. II 33 m'apporta lui-même ces deux J3 livres que je remis au prince qui, >3 les ayant examinés, ordonna a ?3 fonfécretairedeluicomptercent >3 ducats, avec lefquels il fatisfk 33 fon hoteffe, qui étoit fur le point >3 de le faire mettre en prifon, & 33 fedifpofa a retournerenFrance. 33 Comme je fongeois, en ce 33 tems-la, a partir pour les Pays33 bas, il m'offrit obligeamment de 5> me donner une place dans fa >3 chaife, ócmt je le remerciai fort » civilemeritr II vint me revoir 33 plufieurs fois, me prefTant töu33 jours fur cette ofFre, dont je me  xl A VER TISSEMENT. » défendis toujours, fans lui en » dire la véritable raifon. » Enfin je m'en débarraffai tout 53 a-fait au commencement de wjuin, en lui difant, comme il » étoit vrai, que je m'étois engagé » a fake le voyage avec M. le 53 Rhingrave^&z que nous devions » partir enfemble huit jours après. v Je Ie vis changer de vifage a ce wdifcours, & j'avoue que je fuis » encore a deviner Ia raifon de 3? 1'efpèce de faififfement qu'il me '3>!aiffa voir a cette occafion. Je » pris congé de lui la-deffus; mais >3 je crus auparavant, fans trahir 33 le fecret que M. Dubourg rn'a33 voit confié, que la charité vou>3 Joit que je lui donnaffe avis de i^s'arrêter auxPays-bas, ou en 33 Hollande, puifqu'il avoit de 53 I'argent a y recevcfir, avant de 33 rentrer en France^ bü , fuivant 55 ce qu'il m'avoit dit lui-même, 53 fon voyage fait fans permiffion  A TER TISSEMENT. xlj wpourroit lui avoir fait quelque 9j affaire, qu'il valoit mieux ac» commoder de loin, que de prés. » Voila, raon cher monfieur, » dans l'exa£te vérité, tout le comD merce que j'ai jamais eu avec » 1'abbé en queftion. Je le laiffai v a Vienne; je partis, au mois de wdécembre, pour 1'Angleterre, » & ce ne fut qu'a mon retour au wmois de juillet fuivant,que n j'appris qu'il avoit été arrêté a » Strasbourg, oü il étoit refté fix r> mois en prifon; & qu'a fa fortie , n il avoit écrit a Vienne que c'étoit j? moi qui 1'avois fait mettre en 5? prifon, fur les avis que j'avois » donnés au miniftre. II feroit bien »aifé, fi la chofe en valoit la » peine,den vérifler lafauffeté au M bureau des affaires étrangères; & je ne doute point qu'on ne w trouve les lettres que M. Du» bourg a écrites, en ce tems-la, r> & dans lefquelles je fms per-  jflij A VER TISSEMENT. » fuadé, fi ce qu'il m'a dit eft vrai, 55 qu'on ne trouverarien qui charge » 1'abbé Lenglet par rapport a ?31 etat; du moins fur aucun fait >3 qui foit venu a ma connoiflance. 35 Jevousprie,Monfieur,fi vous 35 en trouvez 1'occafion, de vouloir 35 bien faire lire cette lettre a M. »Hérault; & même, fi vous Ie 55 jugez nécelfaire, den faire paffer 55 Ie conteau a M. de Maurepas » par Ie moyen de M. le Grand55 pneur, qui a laiffé ici, en moi, 53 un fténle, mais paffionné admi33 rateur de fa politeffe, cc de 1 e55 lévation de fes fentiments. J'at53 tends ce fervicede la vieille ami>3 tié qui vous intércffe a moi, 33 &C. 53. II faut remarquer que cette lettre eft du 5 décembre i7jz & 1'abbé Lenglet n'eft mort que Ie* 16 janvier 175,5. Ainfi Rouffeau, qui fouhaitoitque les faits contenus dans fa lettre fuffent coanus  AVERTISSEMENT. xliij des miniftres, ne craignoit pas que fon ennemi les démentit. II étoit facile d'ailleurs d'en trouver la preuve (i). C'eft ainfi, & eet exemple n'eft pas unique, que Rouffeau s'eft attiré des ennemis par fes bienfaits. La nature lui avoit donné des talents qui font honneur k fa patrie, & contribueront, chez la poftérité la plus reculée , a la gloire de fon fiècle; elle avoit orné fon coeur des principales vertus fociales. Mais la fortune s'eft fervi des uns & des autres pour le facrifier k l'envie'& k la haine : & je me flatte que les amis de la (i) Je dois encore avertir ïcï que cette 1 ettre fait voir combien les auteurs du dietionnaire hiftorique en 8 volumes in-Sa. 1771, font peu exa&s fur Partiele de 1'abbé Lenglet, relativement, fur-tout, a la nature de fes liaifons avecle prince Eugène. Le metif qui le fit connoitre de ce prince, en 1708, n'étoit pas a la gloire de 1'abbé; & 1'on voit qu'il n'a jamais pu être queftion de lui confier la bibliothèque du prince,  xliv A VERTISSEMENT. vérité effuieront fans peine la lecture peu agréable que je leur offre, peur y trouver la juftification de XHorace Francois. CAUSES  CAUSES CELEBRES E T INTÉRESSANTES, Avec les jugemens qui lcs 0nt décidées, ^^^^^ HISTOIRE *>« covers attr1buésajea^ Baptist* Rovsszau, O wie monde aentendu par, ' ■ TSM* <■» grand nom. i  2 Hijloire des coupkts ces jugements. Ils font prefque toujours di&cs par la prévention; & cette prér vention eft infpirée par les liaifons littéraires de ceux qui prononcent, Dès que Rouffeau parut, la fupério-< rité de fes talents, & les progrès rapides de fa réputation, lui Hrent prefque au-r tant d'ennemis , qu'il fe trouva d'écrivains lancés dans la carrière oü iL fe jnontra d'abord avec tant d'avantages. On cabala contre la gloire; & le tems n'a pas éteim la cabale : fa mémoire eft encore en butte aux traits de 1'envie : la poftérité feule pourra lui impofer un filence abfolu , &c rendre a ce grand homme les honneurs purs qui lui font dus. II a élevé la lyre francoife jufqu'aij ton de Pïndare & d''Horace. Mais 1'éclat brillant de fes fuccès poëtiques n'eft pas, relativement a. 1'affaire dont je vais rendre compte, un titre de juftification. Rouffeau peut, comme poëte, être affis au tempte de mémoire, a cöté d'Harace; & cependant être coupable des affrettx couplets qui ont occafionné fon banniffement. S'il eft impoffible aujourd'hui de Ten juftifier aux yeux du juge qui ne voit que par ceux de la loi, & ne prononce que fur les preuves acquifes par les formes juridi-  attribaès d J. B. Rouffeau. 3 ques; on peut parvenir , au moins, a faire revenir fur fon compte ceux que le préjugé Sc 1'entêtement n'empêchent pas de fe rendre aux preuves morales. Dans le récir que je me propofe de faire, je préfenterai au le<£teur les pièces & les moyens qui furent expofés a la juftice Sc au public dans le tems de l'inftrudion du procés. J'y joindrai les faits &c les raifonnements qui fe trouvent dans un mémoire pofthume du fieur Boindin, témoin oculaire de 1'affaire , 8c qui même y fut compromis. Je puiferai de nouvelles lumières dans les lettres de Rouffeau, Sc dans quelques autres ouvrages. Je difcuterai, chemin faifant, la foi qui eft due a ces pièces ; Sc ne me permettrai d'autres réflexions que celles auxquelles je ne pourrai me refufer d'après les faits bien établis. Pour jetter, fur cette affaire, tout le jour dont elle eft fufceptible, il me paroit néceftaire de faire connoitre les principaux perfonnages d'une querelle qui a fans doute fait bien du tort a 1'honneur Sc aux progrès des mufes francoifes. Les peines Sc 1'ignominie qu'éprouva Rouffeau, a 1'age de 43 ans, tems ou le feu poè'tique eft dirigé par un  4 Hifloire des coup/ets goüt que la réflexion 8c 1'expérience ont épuré, interceptèrent fans doute beaucoup de chefs d'oeuvre qu'auroit encore enfantés ce génie abandonné a fon effort, libre des cruels aiguillons du chagrin, & éclairé par la fréquenradon habituelle des gens de lettres. II en faifok la remarque lui-même, dans une lettre datée de Soleure, le ö'février ï 71 % : « Vous me flattez bien agréable» ment, difoit-il, monfieur, en m'ap35 prenant que M. de Ckandhu n'a pas 35 rrouvé mes foibles poéfies indignes de t> fon approbation. Peut-être, fi les in?5 juftices que j'ai iouffertes , depuis dix 3) ans, m'avoient laiffé la liberté d'ef35 prit néceffairepour cultiver les mufes, 35 je me ferois rendu plus digne de pa?5 roitre d.evant des yeux auOi éclairés ?3 que les fiens 53. Dans une autre lettre poftérieure de vingt-huit ans a la précédente, il difoit encore : « j'ai lu X M, »> 1'abbé cX-Olivet, trois odes facrées. s> C'eft tout ce que j'ai fait depuis long?5 tems. Rien ne m'excite ici a travailler, ?» & je ne fcais ce que c'eft que de 33 m'expirer fout feul. II n'y a, dans cé 33 pays, ni connoilfeurs ni curieux; 8c >> il £uit accommoder fon goüt a celui  attribués d J. B. Rouffeau. ? t-> des gens avec qui 1'on a a vivre. Dieu 5J m'a donnc, fur cela, un caraclère ü alfez flexible, »3 H&c res & jungle j junB.es & fef» vat amlcos ». Jean-Baptijle Rouffeau , fils d'un cordonnier qui demeuroir, dit-on , rue des noyers a Paris, naquit en 1669. Son père ne ncgligea rien pour fon éducation, & le fit ctudier dans les colléges les plus renommés de la eapitale. On trouve, dans les opufcules de feu M. Rollin (1), imprimés en 1771 , chez les frires (1) Charles Rollin étoit fecond fils dc Pierre Rollin, maitre coutellier a Paris. II naquit le 30 janvier iéói , & fut deftiné, comme fon frère ainé, a fuivre la profeffion du pére , qui leur fit avoir, a 1'un &a 1'autre, des lettres demaitrife, dés leur plus tendre jeuneffe. Un bénédictin des Blancs-mameaux, dont Charles alloit fouvent entendre & fervir Ia meffe, appercut,en lui, de grandes difpofitions pour les lettres, & lui procura .une bourfe aü collége du Pieffis. II fit fes études avec tant d'éclat, qu'on le forca, a 1'age de 22 ou 23 ans, d'aeccpter la' place de profeffeur en feconde, au méme collége, que quitta M. Herfan, qui eft ce maitte excellent dont il eft parlé clans la lettre quiadonné occafiona cerie note. Rollin devint profeffeur d'éloquence am eollège royal ., & paffa fucceffivemeut par AH;  6 Hijloire des couplets Et'ienne, une lettre dü 17 mars tftf $ dans laquelle eet homme eélèbre écri- toutes les dignités de 1'tMiiverfité ? qu'il reinplit avec éclat. Perfonne ne fut peut-être plusjnodefte que lui; perfonne auffi ne feutint avec plus de fermeté les prérogatives des places qu'il ocenpa. Amelot de la Houffaye , clans fes mémoires>a Partiele prèfèance, rapporte qu'a une thèfe de droïtyle retteur, Charles Rollin, ne foujfrit jamais que l'archevêque de Scns ( Fortin de la Koguette ) prit le pas fur lui. M. Rollin a ptofité de 1'autorité que lui donnoit cette place , pour introduire dans 1'univerfité des ufages pieux & utiles, qui fubfiftent encore. Devenu principal du collége de Beauvais,-il rendit célèbre cette maifon , qui étoit alors fans écoliers, & fans dif» eipline. Voici un traitqui prouve a quel point il s'éroit attiré la confiance du public. Uit homme de province, qui ne connoiffoit M. Rollin que de réputation, lui amena fon fils, pour être penfionnaire aBeauvais. M. Rollin fe défendit de le recevoir, fur ce qu'il n'avoit pas un pouce de terrein , qui ne fut occupé ;. &, pour 1'en convaincrej.il lui fit parcourir tous les logements. Ce père ne chercha point a exprimer fon chagrin par de vaines exclamations. Je fuis venu,. dit-il, expres a Paris ; je partirai demain : je vous enverrai monfils avec un lit. Je n'ai que lui ; vous le mettre{ a la cour, a la cave , fi vous voule^: mais il fera dans votre college ; & de ce moment-li %. je nen aurai aucune inquiêtude. II le fit comme il 1'avoit dit. M. Rollin fut obligé de recueillir le jeunehomme , & de 1'établir dans fon propre cabi-  üttribüés d J. Ê. Rouffeau. 7; Tok a Rouffeau : » Avez-vous oublie » que nous fommes frcres de hit, que * tious avons été nourris & élevés dans n la même école, & que nous avons, n quoique dans des années différentes, 33 recu les le^ons d'un ma'itre excellent, «et, jufqu'i ce qu'il lui eüt ménagé une place • ordinaire. II quitta la principalité de Beauvais en 1712 i & fe retira dans une rriaifon particuliere oh il fe livra entièrement a la compofition de fes ouv rages. II mourut le 14 abord sS1)^1" de S^-Denys , felgneur rl« Samt-Evremont nacn,; , r fvT ie gneur de a trois lieues tIp r!? ^nys-te-Guaft , ^6x3.1 ewf/fuCr)rtances.^ Premier avrH cienned•hbffeN "j^0" "°ble & a"maifon% u N™ndie-- Je nom de een- i i'étude S d/oif y Der-trir tra71Ié un an «Want que16 an T ? part' des armes> capitaine1 en x^n fe "™va, en qualité de spreuves de fa bravoure dans les aéïions  attribués d J. B. Rouffeau. 9 tout le mérite du jeune pocte. M. RouilU j directeur général des rinances, le générales & dans les combats finguliers. A ^tte qualité, qui contribue tant a donner du lurtre dans le monde, il en joignoit d'autres qui ne font pas toujours le partage des militaires. 11 avoit un grand fond de cette politeffe aifée & agréable, qui vient du caraétère, que 1'ufage perfeftionne & embellit; Sc cette politeffe étoit affaifonnce de tous es agréments du bel efprit, mais un peu ternie par un penchant invincible pour la caufticité. Ces avantages lui attirèrent Peftime & 1'amitié des militaires les plus diftingués de fon tems. Le prince de Condé , pour avoir toujours 5. Evremont auprès de lui, & jouir des agréments de fa converfation, lui donna la lieutenance de fes gardes. S. Evremont fe permit, dans des entretiens particuliers avec fes amis , quelques plaifanteries fur le cornpte du prince , qui en fut inftruit, & le lieutenant des gardes fut difgracié. II fe lia d'amitié avec le fur-intendant Fouquet, & feuten profiter pour arranger fa fortune. Pendant les guerres civiles, S. Evremont refta fidéle au roi, & parvint au grade de-maréchal-de-camp. II fut du nombre de ceux a qui le traité des pyrénées déplut. II écrivit, a cefujet, une lettre au maréchal de Créquy. Elle parvint au Roi qui en fut mécontent. Ce prince qui avoit, en outre , dit-on, des raifons particulières de fe plaindre de S. Evremont, prit prétexte de la lettre, pour ordonner qu'on le mit a labaftille. II en fut averti a tems , & fe retira en Angleterre , oü Charles 11 lui fit 1'accueil qu'il nié- A v  10 Hijloïre des coup Iets prit enfuite auprès de lui. II le fuivoic par-töut j.fanifaire. ufage du pouvoir de- ritoit. La faineufe duchefle de Ma{arin>, dont: on trouvera Fhiftoire dans la fuitc de ce recueil, s etant retirée dans le même pays „ 5". Evremont la vit fouvent,. & lui adreffa une grande partie de fes ouvrages. Il mourut a Londres r le 20 Septembre 1703 , agé de 90= ans. II fut inhumé a Wettminfter, au milieu des rois & des grsnds hommes d'Angleterre. 11 conferva, jufqu'a Textinéiion de la vie, une fanté parfaitc ,une mémoire heureufe, & un jugement net & folide. Son enjouement,: loin de le quitter, fembloit s'accroitre avec fes années. II fe plaifoit dans la compagnie des jeunes-gens; & le récit de leurs 'aventures 1'amufoit. II étoit fenfible au plaifir de la table, mais n'en aimoit pas le luxe & la fomp». ruofiré; il recherchoit la délicateffe & la propreté. II avoit toutes les qualités du cceur qui eonftituen- 1'honnète homme, 1'homme hon"nête, & 1'homme aimable. Quoique fon ftyle paroiffe fentir le travail & 1'étude, il eft pourtant certain qu'il écrivoit avec beaucoup de facilité, & que les changements& les correétions qu'il vouloit faire quelquefois ne va* loient pas ce qu'il avoit écrit d'abord. Sesécrits annoncent de 1'érudition; mais une érudition polie & convenable a un homme de fon état & de fa qualité. II a quelquefois la profondeur d'un philofophe , réunie a la délicatetTe d'un homme du monde : mais il aimoir trop 1'antithèfe & les pointes. Au refte, ce n'étoitpasun génie: peut ètre mêmequ'en ïexaminant avec attention3 ne lui trouve-  óttrihites a J. B, Roujftau. i r ce protecteur, ni pour avancer fafortune par des emplois lucratifs, ni pour fatiffaire fon ambition par des places étrangères a un homme voué aux mufes. En vain M. Chamillard vöulut lui faire aceeprer une direétion générale des fermes en province \ il la refufa conftammcnt. II parloit ainfi, a. ce fujet,. a 1'abbé de Chaulieu (i) fon ami v foit-on d'autre talent ,■ que celui d'écrire. Ses produ£tions avoient cependant un fuccès fi étonnant, que le libraire Bartin payoit des écrivains, pour lui faire du S. Evremont. II faut avouer néanmoins que , fi 1'on retranche du recueil de fes ouvrages ce qu'il a écrit fur les Grecs & les Romains, fur la paix des Pyrénées, fur la retraite du duc de Longueville en fon gouvernement de Normandie, fur la converfation d'umaréchal d'Hocquincourt avec le père Canaye, fur les chofes qui font d'ufage dans la vie , le refte mérite a peine' d'être lu. Ses vers ne font point d'un poëte; ee font rout-au-plus des vers d'un bel-efprit. Ses comédies n'ont ni intèrêt,. ni comique. Ses ouvrages ont été recueillis , en 1726 a Amfterdam, en cinq volumes in-iz-. Sur cette édition, on en a fait une a Rouen en fept volumes in-12 : ce font les deux meil'eures. (1) Guillaume Amfrye de Chaulieu, Seigneur de Fontenay dans le Vexiu normand , naquit dans le chateau de Fontenay en 1639. II étoit fifs de Jacqties Amfrye de Chaulieu, maitre des «omptes a Rouen,, avec brevet de confeiller Avj;  12 Hlfioirc des coup tets Quelle honte, bon Dieu! Quel fcandal* au Parnafie, d'état. Le duc de Vendame, généralifïime des srrnees de France, & le grand-prieur de ^ • i,ion . ere' tous deux Petitsfils de Henn IFtkde Gabrielle d'Eftrées ,.charmés de a gaiete du caraftére, & des agréments de leiprit de Chaulieu, fe 1'attachèrent, Vécu*ent familièrement avec lui, & lui firent avoir 30000 hv. de rente en bénéfices. Le grandpneur lui donna un appartement agréable au temple. C'eft la que fe donnoient ces repas delicieux aflaifonnés paria délieateffe , par Ia gaieté & par 1'efprit. Ses poéfies font ingémeufes, faC1les, orrginales, charmantes: a la morele prés , qui eft celle d'Epicure, a laquelle il avoit conformé fes meerits. Une volupté delicate fut toujours le fond de la vie de 1'abbé de Chaulieu II goüta les plaifirs de 1'efprit' de Ia table & de 1'amour, jufqu'a la fin de fes jours. 11 mourut le 27 juin 1720, agé de 81 ans. La meilleure & la plus complette éditiofi de fes ouvrages, eft celie de Paris, 175 <, en deux petits volumes in-12. II étoit fort lié avec Jkoufeau, aux grands talents duquel il rendoit juftice. II lui écrivoit dans la pièce qui a donné cccafion a la réponfe dont il eft parlé dans le texte: Mon amitié, Hepuis Iong-tems, Ne voit qu'avec impatience Qu'il ne mangue a tes agréments, Rouffeau, qu'un peu plus d'aboiKÜnc*, Mais il eft honceux a la France Que ton cfprit & tcs talents We la doiyent qu'a la finaace.  üttr'ibucs d J. B. Rouffeau. 13 De voir un de fes candidats Employer la plume (YHorace A liquider un compte , ou drefler des états. Dure plutot 1'honorable indigence Dont j'ai fi long- tems effayé Rouffeau étoit recherché a. la cour &C a Paris, comme le plus grand poëte de fon tems. II étoit au comble de la gloire; il touchoit au moment d'entrer a 1'académie francoife, & d'être honoré d'une de ces penfions dont le gouvernement récompenfe le mérite littéraire^ lorfqu'il fut arrêté dans fa courfe par la cataftrophe qui fait le fujet du procés dont je vas écrire 1'hiftoire. Ce n'eft paint a moi de raifonner fur le mérite de ce grand homme, de combattre 1'opinion de ceux qui veulent flétrir les lauriers immortels qu'il a cueillis fur le Parnaffe; de leur prouver 1'excellence & le fublime de fes ouvrages , par un examen détaillé des différentes pièces qui ont élevé fa gloire au comble 5 par des réflexions fur les différents genres de poë'fie qu'il a portés a la perfeétion. Je laiffe ce foin a des  14 Hiftoite descoupïets mains plus nabil es que la miemie, &S plus exercées dans ce genre de travaiL Je me bornerai a dire ici que je fuis enlevé par la noblefle des penfées, la pureté du ftyle , la juftetfe des expreffions dans fes odes. C'eft le feu de Pindare Sc d'Horace. Peut-être même a-t-il quelques avanrages fur celui-ci. « PluS fage Sc « plus exaót qu'Horace », dit M. le duc de Üivernois> dans fes excellentcs-refiexions fur te génie d'Horaee s de Defpréaux & de Rouffeau ., « fon pinceau eft plus » lèchéfes couleurs font plus empa» tées, fes ouvrages font plus finis ».. II n'eft pas moins parfait dans fes odestirées des pfeaumes ». Ses cantiques,. » dat 1'illuftre Sc délicat auteur que je » viens- de citer, font admirables » pleins d'idées , de tours, d'expref» fions, d'images fublimes.. Quand » Rouffeau veut peindre le maitre, le » eréateur du monde, le Dieu des ar» méés, le fl.au des méchants, fon: » pinceau eft d'une hardieiïe & d'une» nobleife inimitables.I » Un autre talent, dit encore M. de N'.. »> qui immortalife les ouvrages de Rouf*>fequ } eft celui de choifir heureufement » les expreffions. Chaqtie mot eft a fa » f lace , Sc celui qu'il emploie eft tou-  attribuès d J. E. Rouffeau. if »■ jours 1'ünique & le vrai. Voila peut„ être le feul point de retfemblance en„ tre Horace Sc lui. Aufli les épïtres du„ fecond me paroiflent avoir aifez d'a» nalogieavee celles du premier. Horace * fe fert d'une tournure de vers aifée,, » & dont le ton familier fupplée a 1'har„ monie, & joint les graces libres de la>, profe, a la vive précifion de la poene.„ Rouffeau a employé une mefure de „ vers pen eftimée chez nous ,,avantlui * & inconnue dans le genre d'ouvrage « oü il 1'a portée, II y riuTemble lefc „ «races de Marot, & de Lafontaine ; „ fl les épure & les ennoblit quand il lé? „ faut : & cachant un travail profond „ fous 1'air agréable d'une liberté élé„ gante, il réunit, dans fes vers,laclarté,, » 1'aifance, la noblelTe & la naïveté. II „ égaie fa philofophie par fes images„ toujours nouvelles, & roujours plu* „ animées.-11 ne crie pas fi haut que „■ Defpréaux; mais il fe fait mieux * entendre. U ne déclame pas 5 il ne prê» che pas : il raifonne J il parle , il 5» peint ». M. de N. après avoir dit que la ten'drefle & la galanterie ne font pas db domaine de Boiieau & de Rouffeau,. ajoute : « il y a cependant quelques-  lê Hiftóire des coup/ets » épigrammes &c quelques contes du ft dérruer qui font marqués au coin de » ces deux qualités aiiriables. II faut » prendre garde ici a une chofe ; c'eft » qu'il ya, dans ces petits ouvrages, » deux mérites d'un genre différent. Il » y a la penfée, ou le fentiment qui » conclut & qui conftate 1 epigramme; » & il y a la manière d'amener cette » penfée. Ce demier talent doit fe rap«porter a la manière de conter, & s> Rouffeau Ie poiTédoit a merveille'. Il » eüt été le maitre cïHorace dans ce » genre d'écrire. Celui-ci a inféré quei» ques contes dans fes fatyre-f & fes épift tres. Les allégories font juftes& fines, « les préceptes font raifonnables, la fa» ble eft nette & concife. Mais la Fonft taine n'avoit pas paru, &c Hof ace ri'éP toit pas la Fomaine. Sa manière de » conter tient un peu de la précifion « seche de PhUre, dont il étoit pref» que contemporain. Peur-être étoit-ce *i la le goüt des Romains ; peut-être >■> auifi ne s'accommodoient-ils de cela " mieuX. » Rouffeau, continue M. de N. nourri » non-feulement des anciens, mais de » ces modernes a qui il ne raanque,  'attrlhués d J. B. Roujfeau. ij « pour ainfi dire, que 1'antiquité , a 55 puifé heureufement dans les fources 55 au avoient ouvert Marot & la Fon>3 taine. Auiïi conte-t-ii admirablemenr. « Pas un mot qui ne foit oü il doit être; 33 pas un de manque ; pas un de trop. 11 33 femble que celui qu'il emploie en j3 rime ait été inventé pour le mettre a. 33 la fin du vers oü il le place. Rien ne 33 languit, tout marche, tout teud a fa 3> fin, & jamais il ne bielTe cette unité 33 précieufe , d'oü réfulte la vraie beauté 33 des ouvrages d'efprit. . . . 33 Chacun fcait comment les épi33 grammes de Rouffeau font nées fous si fa main; & fon mérite eft établi fur 33 tant de titres inconteftables , qu'on 33 peut, fans oftenfer fa mémoire, avouer 33 que, dans ces petits ouvrages, le fond 35 n'eft pas a lui. Les vieux livres & la 35 converfation le lui fournifloient: mais 35 ce qui eft uniquement a. lui, c'eft la 35 manière. Je ne parle point de fes 33 épigrammes fatyriques; je erois que 33 perfonne n'en réclamera les penfées ; 33 & fi c'eft un mérite de médire plai33 famment, celui-la reftera tout entier & a Roujfeau Voici le dernier coup de pinceau qu*  3 8 Hijloire des cöupleis donne M. de N. anx ouvrages de È&irf. feau. « II ne manque pas de colorisj « mais fa manière n'eft pas univerfelle > » il eft parfait dans la fienne; mais, » dès qu'il en fort, fon pinceau n'eft » plus le même. II n'a qu'un eerele d'i>> dées dont il tire un parti prodigieux; 33 mais, en les déguifant, il ne les mul* tiplie point. C'eft un excellent jp'ein3> tre de portraits; il ne voit pourtant 53 pas la nature en beau, & il la peint 33 comme il la voit, avec une force &s *> une hardieffe extrêmes Je ne fcais li ce jugement n'eft pas un pen trop rigoureux. Encore une fois, ie laiiTe a d'aucres- le fo*n d§ 1'esaftiirïef* Je n'ai ni le tems, ni le talent de développer les idéés qu'il me fait naitre : je ne placerois pas, d'ailleurs, une differtation de ce genre, dans un recueil de Caufes célebres. Qu'il me foit feulement permis d'appuyer mon opinion fur le génie de ce pocre admirable, par Ie fuffrage d'un prince qui, de 1'aveu de tout le mowdepolfédoit un goüt fur & épuré fur tous les oüvrages d'efprit: c'eft M. le Duc d'Orléans,- Régent* « Voici un fait qui vous regarde, dit' & Brojjette, dans une de fes lettres a  -dttribuês d J. S. Rouffeau. 1$ Rouffeau (i), que je tiens d'un terftoiri » auriculaire. Quelque tems après la » publicatión des fables de M. de la * Motte, on en paria au coucher de „ monfeigneur le Régent, Deux óu „ trois courrifans, amis de M. de la » Motte 3 afteótèrent, a. plnfieurs re» prifes, de relever le mérite des fables „ nouvelles, fans que le Régent dit un » feul mot. Enfin, après un long fiience, y> S. A. R. repondant a fa penfée , dit « tout haut i il faut convenir que nous »■ n'avons de véritable poëte que Rouf*> feau». Je ne dirai plus qu'un mot iur ies> ouvrages. II eft le eréateur de deux genres de poé'me, qu'il a portés a la perfedion \ la cantate & {'allegorie. Les; Italiens lui ont foumi 1'idée de la première y mais il a été bien plus loirt qu'eux. Ses cantates font des poè'mesréguliers, aufli agréables a fa ledure,; que le meillenr opéra eft fade & ennuyeux 5 & cependant le muficien y trouve tout ce qu'il faut pour employer toutes les relTources de fon art. Êlles refpirent cette poéfie d'expreflïon, ce ftyle pittorefque 5.ees graceslégères, qut (1) Je parïerai dans la fuite, d'e Brojfette,  %6 Hijloire des couplets torment le véritable caraclère de ce genre. Quant a 1'allégorie, aucun poëte, avanc Roujfeau, n'avoit effayé ce travail; & perfonne, depuis, n'a ofé entreprendre de marcher fur fes pas. On auroit pu difficilement atteindre a la force, a la folidité qu'il a feu aiettre dans ces petits pocmes, & aux agréments dont il les a affaifonnés. Je ne parlerai point de fes comédies: il faut avouer qu'il n'a pas réu/Ti dans ce genre, & que, hors le Flaneur, dont le caractere eft très-biën repréfenté, les autres font peu dignes du théatre & de la lecture. On y trouve cependant de fort bonnes tirades. Je ne prétends pas, au refte, que toutes les pièces de poéfie forties de Ia verve de Roujfeau foient marquées aii coin du génie. II lui en eft fans doute échappé de très-médiocres. Mais quel eft le poëte qui n'eft pas expofé au même reproche ? L'Énéïde, ce chef-d'ceuvre de 1'efprit humain , marche-t-elle toujours d'un pas égal ? Horace3 ce père, ce maitre du gout, eft-il exempt de tout reproche ? Ne trouve-t-on , dans fes ouvrages, aucun palTage , aucune pièce indigne de lui ? P'ailleurs que 1'on faffe  attribués d J. B. Rouffeau. i r attention combien les malheurs qu'a éprouvés Rouffeau onc du caufer de diftradions a fon goüt, 8c amortir le feu de fon génie! Quant au caractère de ce grand homme , fes ennemis, d'un cóté, 1'ont peinc fous les traits les plus hideux. Si on les en croit, il étoit impie, inquiet, capricieux, imprudent, vindicatif, envieux, flatteur, fatyrique, ingrat, hypocrite, &c. L'acharnement avoit été pouffé li loin , la calomnie avoit fait tant de progrès , & tellement établi le préjugé contre lui, que le rils du grand Racine, connu principalement par fes pocmes de la Religion & de la Gr ace, écrivoit a un de fes amis dans une lettre du 4 janvier 1749 , imprimée a la tête du reicueil des Lettres de Roujfeau: « Je vous » avoue, monfieur, que, dans ma jeu» nelfe, ne connoiffant Rouffeau que par. » les difcours publics , les vers faits con» tre lui, & la chanfon contenantl'hifs> toire de Yingrat enfant (1), je me figu- (1) Voici cette chanfon , qui parut dans le tems que 1'académie francoife fembloit être dans la difpofition d'admettre Roujfeau au nombre de fes membres. Elle eft dans la forme & dans !e goüt de ces mauvais vaudevilles connus fous le nom de pont-ncufs. Autrcay,  z% Hifloire des couplets rois, en l'entendant uommer, un ima> pie, un fils dénaturc, un homme pêtrj. »n eft le principal auteur. II fut aidé par Lamotte , & par quelques autres enaemis de Roujfeau. HlSTOlRE vèritable & remarqualte, arrivée i Vendroit d'un nornmé Roux , fils d'un cor~ po ns ier ; Uquel ayant renié fon père , le diable en prit poffejjion. Sur fair des pendus.' Or écoutez, petits & grands, L'hiftoire d'un ingrat enfant, Fils d'un cordonnier honnête-homme; Ft vous allez apprendre comme Le diable, pour punition, Le prit en fa pofTeffion. Ce fut un beau jour k mid!, Que fa mère au monde le mit. Sa naiffance eft afTez publique; Car il naquit dans la boutique ; Dieu ne voulant qu'il put nier Qu'il étoit fils d'un cordonnitr. Le père n'ayant qu'un enfant L'éleva très-foigneufement; Aimant ce fils d'un amour tendre ^ Au collége lui fit apprendre  dttribués d J. B. Rouffeau. 23 p de fiel & de bile, perfide k fes amis, P ingrat a fes bienfaiteurs ; & j'allois Le latin comme un grand feigneur f Tant il le fcavoic tout par cceur. Puis il apprit pareillement A jouer fur des inftruments , A faire des airs en mufique; Et puis il apprit la pratique; Car le père n'épargnoit rien Pour en faire un homme de bien» A peine eut-il atteint quinze ans ^ Qu'il renia tous fes parents. II fut en Suède , en Angleterre Pour éviter monfieur fon père; Plus traitre,plus ingrat, helasl Que ne fut le rouffeau Judas. m Pour s'introduire auprès des grands Fit le flateur, le chien couchant: Mais, par permiffion divine, II fut reconnu a la mine ; Et chacun difoit, en tous lieux, Que ce flateur eft ennuyeux! Et, pour faire le bel efprit1  *4 Hifloire des Couplets *> jufqu'a m'imaginer, fur la foi de la ff chanfon, qu'il avoi: J'^fl louche, 1Q Se mit a coucher par écrit Des opéra, des comédies, Des chanfons remplies d'infamies } Ohaatant des ordures en tout lieu, Lontre les ferviteurs de Dieu. 9 Un jour, en honnête maifon; 11 fe verniflbit d'un faux nom. ;On 1'honoroit, fans le connoitre. Son père vint chauffer le maitre, S'ecne, en le voyant : mon fils l (Aulfitot le coquin s'enfuit. Auffitót entra dans fon corps Le diable nommé Couplegor. Son poi) devint roux, fon ceil louche; li lui wit de travers la bouche; tt de fa bouche de travers Sortoient des crapaux & des vers, Un jour diezmonfienrfraKHOMf 11 y vormt tout a Ia fois Ues ferpents avec des vipères; 1 ous couverts d'une bile noire ƒ MkSon au poëme de Roujfeau coatre Franc**, i) col  attribuès a J. B. Roujfeau. 2<$ 'u col tortu, &c la bouche de travers. » A la première lettre que je recus de » lui, lorfque j etois a Lyon, je ne ré- Et chez monfieur 1'abbé Piquant *} 11 en a vomi tout autant. :::r ë Or rlonc ayant mordu quelqu'im Qui n'étoit pas gens du commun , Ces geus lui cafierent les cötes Avec une canne fort groffe , Dont il eut très-grand'douleur Tant fur le dos, que dans le cceur. Of Vous , père & mère, honnêtes gens," A qui Dieu donne des enfants, Gardez-vous bien qu'ils ne 1'approchent: Vous en recevriez du reproche : II les jendroit, pour votre ennui, Auffi grands fcélérats que lui. Or prions 1» doux Rédernpteur Qu'il marqué au front eet importeur; Afin qu'on fuie ce déteftable, Comme le précurfcur du diable. Car Noftradawus a prédit Qu'il doit engendrer 1''Antcchrift. * -Allufion an poeme contre 1'abbé Pic. Terne VIII. B  2,6 Hifloire des coup Iets » pondis qu'avec crainte, paree que je » loupconnois la fmecrité de fes comn pliments; & même, lorfque je le vis , m pour la première fois, a Paris en 1738, j> je confervois encore quelque refte de si mes anciens foupcons. Quelle force » impreffion font fur nous les vers fan tyriques ! Et que ceux qui cn font les »» auteurs font coupables! » J'ai appris depuis, continue Raj> cine (&cle caraótère des perfonnes qui jj me 1'ont affijré m'a forcé a. les croire), jj que Rouffeau j tandis qu'il étoit res> cherché a la cour & a. Paris, & très» ami dans les maifons oü un homme jj décrié pour fes mceurs ou pour les s> difcours, n'eüt point été recu , n'avoit s> jamais rougi de fa naiffance; qu'il résj pétoit toujours qu'il étoit né comme » Horace} & qu'il n'a jamais coüté de 53 larmes a. fon père , que des larmes de 53 joie. Le bon-homme ne pouvoit les 33 retenir, lorfque, dans les maifons oü s3 il portoit fes ouvrages, il s'entendoit s3 félicitfer fur les ouvrages de fon fils ». II paroit que le reproche d'impiété, dont on a cherché a le noircir, pendant fa vie , & dont ceux qui s'acharnent k le perfécurer tachent de flétrir fa mé«Tsoire, n'eft fondé que fur une pièce  attribuès d J. B. Rouffeau. 17 . de vers incitulée Ylncrédule jou la Moy. fade. Voici comment M. Racïne s'explique, a ce fujct, dans la lettre que je viens de citer : « Rouffeau ne fut ja» mais 1 auteur d'une pièce de vers très» impies, dont on doit oublier jufqu'au » «ure, & qui lui fut attribuée, paree » qu'on lui atrribuoit alors tous les vers » fcandaleux, & qu'il y avoit donné » beu : ce qu'il a toujours avoué en gé« miffant». , /?ott^a écrivoit, a ce fujet, a M. du L'gfon (1), dans une lettre datée de ï>oleure, le 8 oótobre 171a : « Ce » qu'on appelle la Moyfade, c'eft-a« dire, un fragment de trente-quatre » vers, fur des nmes en iques & en » fe' (2), n'eft point de moi, & ne fcau- (1) M. du Ljgnon ètolt un gentilhonnwie de Provence. II fortit du royaume, des fon enfance, avec fes parents, pour eaufe de rehgton, & fe refogia a Laufane; aprésy avoir recu une bonne éducation , i! voya^ea en It.be. De retour k Laufane, il s'attacna" la geographie, & forma le projet d'un dietionaire geographique. On a pronté de fon travail pour corriger & augmenter le diétio naire de la Martimère. II fit connouTance avec Rouffeau a Soleure , oii il alloit fouvent voir M. le cornte du Lue, qui y étoit ambaiTadeur, K dont il etoit parem. * (2) Je ne connois cette pièce, qUe poujr Bij  28 Hifloire des couplets „ roit en être, puifque je n'avois pas „ treke ans, lorfqu'on me les a appris. a) Jepcurrois prouver que je les ai récL•> tés , en i , k des gens qui font en*» core en vie; 8c, quoique ces vers 5) foient affez profaiques, ils font néan„ moins au-delfus de lage que j'avois w en ce tems-la, oü je n'étois même pas >9 encore affez fage , pour concevoir s> toute 1'horreur qu'ils doivent infpirer. »> Un nommé Lourdier } qui étudioiten 5> philofophie, dans le même collége oü 95 je failois maxhéterique, me lesdon«5 na. 11 mourut quelques années'après ; ,j 8c je prie Dieu de lui pardonner,auili«5 bien qu'a. mei, le fcandale que ce 1'ayoir v.ue dans une édition des ceuvres de Roujfeau, faite a Bruxelles en 1732, deux petits volumes in-12. EUe eft , dans cette édition , de 74 vers; les quarante-deux premiers font fur différentes rimes , & les 32 derniers font tous terminés en ique & en té: j'ignore d'oü proviennent ces 42 vers qui précédent ie fragment dont parle Rouffeau. Mais, en iifant le tout attentivement., on s'appercoit fans peine que ce n'eft pas la même plume qui a compofé les (deux morceaux. Ce font, au refte, des impiétés groffiéres, dénuées de principes,, de raifonnements, & profaïquement, fouvent même placement écrites. Ea un mot on n'y trouve point la yerye de Rouffeau.  attribués a J. B. Rouffeau. 29 «< malheureux fragment a produit On invoque encore, pour appuyer davantage le reproche d'impiété, les épigrammes trop libres échappées »a quelques moments de fon loifir, Combien de pièces de ce genre moins bierj faites & plus fales encore, ne trouvet-on pas dans des poëtes qui n'ons point encouru, pour cela, 1'accufation d'impiété ? d'ailleurs- il n'a celTé de regrerter ces produétions du libertinage d'efprit d'un jeune homme. Brojjette 3 dans une lettre datée du 28 aoüt 1715 , avoit envoyé a Rouffeau} une epigramme de Defpréaux, qui ne le cède en rien, pour Ia faleté, a celles de notre poëte. « Je connoilTois , lui répond ce» lui-ci, & fcavok même par cceur la n petite epigram me de M. Defpréaux a jj que vous avez eu la bonté de m'en» voyer. . . . m. Defpréaux n'a point n donné cette épigramme au public (1), » pour ne point donner prife aux cen» feurs trop fcrupuleux; paree que, me y> difoit-il, un ouvrage févère peut bien « plaire aux libertins : mais un ouvrage m trop libre ne plaira jamais aux per- (1) Broffe/tc 1'a inférée dans fon comentalre fur 1'art poëtique de Boileau. b iij  3 o Hifloire des coup Iets » fonnes févères. C'eft une maxime ex-» « cellente, qu'il m'a apprife trop tard, » & que je me repens fort de n'avoiï » pas toujours pratiquée». Dès le 19 février 1712, il écrivoit a fon ami M. Boutet: « Je vous remercie « d'avoir fait ma cour a M. le premier » préiident, en lui donnant un de mes » livres. Quant a 1'envie qu'il vous a « témoignée^ d'avoir les épigrammes » que je n'ai point fait imprimer; ou» trequ'a vousparler très-franchement, » je fuis très-faché de les avoir faites, » il me paroit qu'il ne conviendroit pas j> de les donner a un tel magiftrat. Non » que je veuille les défavouer; je fuis » incapable de défavouer ce que j'ai » fait ; mais je ne me crois plus en age » d'approuver en moi ce que je me » croyois permis, il y a vingt«cinq ans ». Dans une autre lettre du 6 janvier 1722, on voit que, d'une édition de fes ceuvres qu'il préparoit, il retranche trente-quatre épigrammes , dont il demande pardon a Dieu; & il répète 1'expreffion de ce regret en différents endroits. « Je voudrois, difoit-il le 22 fé« vrier 1722, que tout le monde put » les oublier comme moi: ce font les » feuls vers que j'aie a me reprocher  attribuês a J. B. Rouffeau. 31 « devant Dieu & devant les hommes n. Roujfeau fit un voyage X I.ondres en 1723, pour y faire faire, fous les yeux , une édition de fes ceuvres. On y ajouta, quand il fut parti d'Angleterre, un fupplément, dont il parle en ces termes, dans une lettre a M. Boutet, datée de Bruxelles, le 7 juillet 1724 i « Le fcp33 plément dont vous me parlez a été 33 imprimé fans ma participation ; mais 33 il n'eft que trop fidéle & trop exaót, 33 n'y ayant rien qui ne foit de moi; & 33 tout ce que j'ai fait digne de rcpro33 bation s'y trouvant fans exception 33 quelconque. Une perfonne d'un rang 33 auquel on ne peut rien refufer, exi33 gea de moi, a Londres, cette con» feffion de mes folies paffées , fur un 3> manufcrit qu'elle me préfenta, auquel 33 je ne pus me difpenfer de faire les 33 changements & les retranchements 33 qu'elle me demanda. Tout s'eft trouvé 33 imprimé après mon départ s. Ses ennemis, qui ont cherché partout des armes pour 1'accabler, lui ont reproché d'avoir dit, en parlant de ces mêmes épigrammes, que cetoit les gloria patri de fes pfeaumes. L'auteur du livre platement & ridiculement méchant, intitulé I'anti-Roujfeau 3 1'accufe Biv  32 Hifloire des couplets d'avoir expliqué ce qu'il entendoit pat le mot annexe employé dans une de fes épigrammes, en difiint que c'étoit comme S. Jean-U Rond } relativement a Notre-Dame ; paree que S. Jean-leRondétoitunc fort petite églife détruite depuis quelques années; & qui , dans le tems qu'elle exiftoit, étoit batie contre un des cótés du portail de celle de NotreDame de Paris. Mais Rouffeau n'a écric aucune de ces mauvaifes plaifanteries. S'il les a permifes a la liberté d'une converfation familière & échauffée par la gaieté de la table , ce font des traits d'un libertinage d'efprit, auquel le cceur n'a point de part, que 1'étourderie de la jeunelfe laiffe échapper ; mais que la raifon épurce parl'age défavoue, & dont elle fe repent. Eh ! quel eft 1'homme d'efprit qui n'a pas de pareilles faillies a fe reprocher, s'il n'a toujours été retenu par les principes & la pratique d'une dévotion dominante ? Ceux qui les retiennent & les rapportent par efprit de vengeance, font plus coupables que 1'auteür même, auquel la chaleur de 1'imagination animée par la gaieté, les a arrachées avant qu'il les eüt réfléchies. Au refte les lettres que Rouffeau a  attribués a J. B. Rouffeau. 33 écrites a fes amis, depuis fon malheur, refpirenc une piété fans fard, & qui pare du cceur. Ce n'eft point un Tartufe qui ioue la religion dans le tems qu'il 1'outrage : ce n'eft point un bigot qui affeóte le ftyle de la piété, & la place a tout propos. C'eft un homme pieux, qui n'en parle que quand Poccafion s'en préfente; qui ne prêche perfonne; & qui, dans les cas ou les circonftances 1'exigent, fe repofedans les bras de la Providence. Quand fa mémoire lui rappelle des chofes affïigeantes, il puife naturellement fa confolation dans la vraie piété. II écrivoit de Vienne en Autriche, a. fon ami M. Boutet, le 2 juillet 1720 : " II y a » bientot dix-huit mois que toutes mes » hardes font aBruxelles : nous devions » partir dans huit jours, & cependanc » nous fommes encore ici, fans fcavoir » quand nous en partirons. Pour moi, „ je ne m'en informe plus :- celui qui » difpofe de toutes chofes, difpofera »j de moi, fuivant fa volonté. Nos prow jets ne la déterminent point. Le plus» fur eft'donc de n'en point faire, & de » fe laiffer conduite. Je lui dois le re» pos dont la bonté du plus grand Prince m de l'E u-op." me fait jouir ici : je lui » dois 1'eftime & la contiance dont \'j b v  3 4 Hifloire des conplets » luis honoré par tout ce qu'il y a de » plus grand. Ce font des graces que « Dieu m'a faites, que je ne mérite » point. Mon devoir eft de 1'en remer» cier, & de ne lui rien demander au» dela de ce qui me convient, dont il » n'appartient qua lui de juger, & non » pas a moi. Voila les fentiments qui » fe fortifient en moi tous les jours, & » que mes ennemis ne me foupconnenc » guère. » L'indigne oppreffion oü je me trouve , depuis tant d'années » , dit-il dans une autre lettre du premier feptembre 1736-, adreffée a 1'abbé Desjontaines, » quelque jufte qu'elle puiffe « être dans 1'ordre de la Providence, eft » .la plus grande injuftice qui ait été » commife dans 1'ordre de la juftice hu» maine. Elle a fait mon fupplice pen^ » dant long-tems. Mais enfin 1'age, les '» réflexions &c la miféricorde divine » m'ont appris a ne la plus regarder » que comme une expiation des fautes »> dont il n'appartient qua Dieu feul de ». fe réferver la punition, & dont ma n jeuneire n'a été que trop coupable de» yant lui. Ce fentiment, monfieur, a « c'té une fource de confolations pour » mo., au milieu de toutes les perfécu-  attrihués d J. B. Rouffeau. 3 5 n tions que j'ai eiTuyées : & je puis vous j> dire,avec vérité, que ce n'eft que dej> puis le tems qu'il s'eft formé en moi, jj que j'ai fenti en quoi confifte effen>j tiellement la vraie gaieté Sc la vraie jj liberté d'efprit». Roujfeau écrivoit, le 10 novembre 1738, a un ami qui cherchoit a le confoler, p<*r les relTources que fournit la piété, des chagrins que lui caufoient fon exil, 1'état déplorable de fa fortune, & une paralyfie fur le cöté gauche qu'une attaque d'apoplexie lui avoit laiifée, Sc lui mandoit: " Rien n'eft plus jj confolant ni plus chrétien, que tout j> ce que vous me faites 1'bonneur de jj m'écrire. Le refte dépend de moi, » puifque c'eft a moi feul de profiter jj des lumières que la grace me donne jj par vous, & par les infpirations dont jj elle ne me iaiffe point manquer. Car, jj fi je fais le mal que je hais, je vois jj alfez le bien que j'aime, Sc je n'ai jj befoin que d'un peu de force pour jj exécuter ce que je fcais que j'ai a jj faire. C'eft cette force que je demande » a Dieu de tout mon cceur, Sc que je jj devrois trouver dans ma propre foiw blelTe, puifque rien ne fortifie plus Bvj  36 Hifloire des couplets » 1'ame, que les fouffrances du corps >«. Sont-ce-la les réflexions, eft-ce-la le ftyle d'un hypocrite ? Ceux a qui il écrivoit ainfi n'éroienr pas de ces dévots donr on ne capte la bienveillance qu'autant qu'on 1'eft, ou qu'on arfecte de 1'être foi-même. C'étoit des particuliers qui, d'ailleurs, ne pouvoienr influer ni fur fa fortune, ni fur fa réputation. Aulli M. Racine difoit a Broffeue, dans une lettre qu'il lui écrivoit de Soiffons, le 10 mars 1741 : «■ Les « lettres que Rouffeau m'a écrites font 33 remplies de fentiments de religion »3 qui lui font honneur. Ses ennemis >i l'ont accufé d'hypocrifie : certe acca33 fation me paroit bien injufte. Quel » intérêt avoir-il de me tromper ; & y jspouvoit-il fonger dans des lettres w qu'il écrivoit fi rapidement? Je fuis >j convaincuque ces fentiments de piété 33 qui s'y trouvenr, il les avoit dans le 33 cceur, de même que certairis mouve33 rrients d'aigreur contre quelques per- fon nes, qui font caufe de traits un 33 pen vifs >3. En effet on ne fe charge du mafque touj mrsgïnant de l'hypocrifie, que lorfqu'on croi; avoir intérêt de féduire le  attribués d J. S. Rouffeau. 37 public ou quelques grands par les dehors de la piété. Mais voit-on que Roujfeau ait jamais employé ce ftratagême, pour s'a.quérir des proteéteurs, & fe procurer fon retour en France ? A-t-il jamais cherché a s'infmuer parmi les -dévots? A-t-il fait quelques démarches pour s*attirer leur bienveillance, & animcr leur zèle en fa faveur? Toutes fes liaifons Qc fes relations fe bornoient a quelques feigneurs, auprès defquels la dévoticn n'étoit pas un titre pour en obtenir du fe.onrs ; &c aux gens de lettres qui n'avoient poiur eu part a fa difgrace, & qui ne tenoient en rien a fes ennemis. II n'étoit, pour ainfi dire, pieux, que dan» le particulier. 11 prariquoit rous les devoirs extérieurs de la religion, mais fans affe£tation, & fans cherther a fe faire remarquer. M. Racine , qui parle en témoin oculaire, attefte que « M. & raa« dame Aved, édifiés de fes difcours, » pendant les trois mois qu'il fut chez - » eux caché (en 1738),ont voulu quelj» quefois, pouréclairür leurs foupcons, » 1'épier, quand il fe croyoit feul enfer« mé dans fa chambre, & 1'ont fouveut » trouvé en prières Mais, quand il traite avec fes pro^  Hifloire des coup Iets te&eurs, on le voit fans cefle invoquer Sc réclamer fon honneur; & c'eft eet honneur dont les regies & le cri lui font accepter ou refufer les bienfaits qui lui font offerts. C'eft par le même principe que fe prouve la calomnie de ceux qui lont accufé d'être flatteur. Quand il lui feroit échappé quelques traits de flatterie, quel eft Ie poëte qui n'eft pas plus ou moins expofé a ce reproche ? II en eft même pen qui ne 1'aient mérité a plus jufte titre que douffeau. 11 loue bien rarement. J'ai peu loué ; j'euffe mieux fait encore De louer moins , Dit-il, dans fon épïtre a Marot. « Tiès-éloigné d'être flateur, ditM. '» Bacine, dans une lettre du 4 janvier » 1749 > déja citée, il n'étoit pas même » aflez courtifan, & pouflbit trop loin » une fierté qui a peut-être caufé fes » malheurs. II étoit fufceptible d'im>• preflions dont il ne revenoi: que très» difficilement. Trop prompt a aimer j> & trop prompt a hair, il donnoir fa n con'iance aifément, & la retiroit de » même. II étoit, ce que vous aurez » peine a croire, très-facile a accorder  atiribuh d J. B. Roujfeau. ^cy n fon amitié; & il le reconnoiffbity » quand il a dit : n Car , je 1'avoue ( & je 1'ai bien payé ) , » J'ai des humains trop chéri 1'amiué. Le fentiment de 1'amitié ne rélide guere dans un cceur qui ne connoit pas celui de la reconnoiffance : auffi cette vertu étoit-elle le partage de tioufjeau.. Cependant on Pa accufé de la plus noire ingratitude. On 1'a accufé d'avoir déchiré fes bien-faiteurs par des vers fatyriques. Quels font donc ces bienfaiteurs qu'il a ainfi déchirés ? Ou font les pièces qu'il a publiées contre eux ? On n'en cite point. Produiroit - on comme preuves de Pingratitude qu'on lui reproche, quelques épigrammes lancées contre certains particuliers Sc certains auteurs ? Mais ces particuliers Sc &c ces auteurs avoient-ils protégé Rouffeau ? Que de fujets de plainte, au contraire , n'avoit-il pas contre la plupart d'entr'eux ? A 1'égard des autres, il les a attaqués comme Boilcau attaquoit les mauvais écrivains de fon tems. Voici le feul trait que 1'on trouve détaillé aufujet de fon ingratitude. On a imprimé, en Hollande, un recueil de vers, fous le titre de porte-feuille d*  40 Hïjloire des couplets Rouffeau. II y a , a Ia vérite, dans cette miférable compilation, plulieurs pièces qui font de lui, & qu'il avoit condamnées a I'oubli. Mais il y en a un grand nombre qui lui ont été fauffementattribuées. On y a inferé une épigramme contre 1'abbé èlOLivu (ij. Un homme (1) Jofeph Thoulier d'Olivet naquit a Salins en 1682 Son père étoit confeiller au parlement de Befancon. II entra , de bonne heure, chez les jéfuitesr oii il effaya fes talents comme poéte, prédicateur & humanifte. Ii quitta la fociété a l age de 33 ans , pour venir a Paris vivre dans le"fein des lettres. II fe nr, en peu de tems, une telle réputation , que 1'académie francoife le choifit par la feule confidération de fon mérite, quoiqu'il fut abfent, & occupé, a Befancon, a rendre les derniers devoirs a fon père expirant. Cette compagnie fe contenta du témoignage d'un ami de 1'abbé d'Olivet, qui attefta que ce fcayant aipiroit a eet honneur II s'attacha principalemenr a letudede fa l.ingue , fans, pous cela, néftliger les langues anciennes. Les ouvrages de Cic.ro 1 étoient pour lui un fujer perpéruel d'admiration. Dés fa première jtuneffe , il eur les liaifons^es plus érendues, & les plus illuftres. II eut pour amis 1'évèque de SoifTons & toute ia maifon de ilLryle fijavant Hu /,1e père Harduuin, le père Tourne:*nt , Dejpréaux, R uffeau, le préfident Bouhier. Newton & Pope lui ont donné les témoignages de Ia plus haute eftime. II avoit 1'accès le plus familier chez le cardinal dt  attribuês cl J. B. Rouffeau. 41 cclèbre , qui a toujours perfccuté Rouffeau, pendant fa vie, & qui s'eft perpétuellement acharné contre fa mémoire , abufe de 1'imputation que le com> pilateur a faite a Roujfeau de cette épigramme, pour 1'accufer d'ingratitude envers 1'abbé cxOIivee, qui avoit toujours témoigné de 1'amitic a notre poëte, & qui s'étoit même prêté a uu projet pour le faire revenir en France. Mais 1'abbé cYOlivet le juftifie pleinement de cette accufation par une lettre inférée dans les récréations littéraire&j, iinprimées a Lyon en 1766. «< Le portefeuille de Roujfeau, dit le 5) cclèbre académicien , eft une bro» chure imprimée en Hollande, conte» nant quelques vers qui font de: lui> Fleury, auquel il ne detnanda jamais rien pour lui même. Cependant fon économie a procuré a fes héritiers une fucceflïon opulente. 11 eft mort le 7 oftobre 1768. Ses puvrages font une édition de Cicéron en neuf volumes in-4°. La traduftion de différents ouvrages da même auteur , & des philippiques de Démofthènes : l'.hifioïre de Vacadim.it francoift: temarqucs Jj/rRacine ,in-i2 : penfèes de Cicéron, 'pour fervir aVéducatioi de la jeunejfe Toutes les tradudions de 1'abbé iïQlivet font géaësalement eftimées.  I 42 Biftoire Jes coup Iets » Sc beaucoup d'autres qu'on a tort de » lui attribuer. » De cenombre, eft une épigramme » iur mon hiftoire de lacadémie : la » voici : » Lefteur, qui vousfentez 1'ame aiTezintré» pide » Pour lire jufqu'au bout la légende inflpide »JJe ce compilateur ingénieux & fin • »> Vous apprendrez., du moins, a fa lèéture .» entière , " Q"'. !??s deux 311 fcon fens rompt Ie plus ea »vifiere, » L'apologifte de CW/j, » Ou le cenfeur de la Bruyère. » Ces vers feuls, qui me concernent » dans Ie livre en queftion, font d'un » nommé Mahuet, avocat de Rlieims , » qui avoit un frère chargé des affaires » de M. le duc A\4rembergs Sc qui alloit » fouvent a Bruxelles, oü je 1'ai vu. " Ro"feau, qui fcavoit que j'étois ca« pable d'entendre raillerie , 1'engagea » a me réciter cette épigramme, donsje » prenois la dérenfe, tandis que Rouf»feau foutenoit qu'il y avoit contra» diétion d'idées entre un ouvrage infi» pide, Sc un auteur ingénuux & fin. » Quoi qu'il en foit, le bon Mahuet fut  attribuès a J. B. Roujfeau. 43 t> trés - content de moi, & m'aflaflina w enfuite de quantité de vers latins, » pires cent fois que fes vers francois ». II ne doit certainement, après ce témoignage de 1'abbé d'Olivet, qui n'eft pas mendié, refter aucune tracé de certe imputation. Mais en voici une autre, dont il ne paroit pas plus difficile de le laver. Le duc d'Aremberg avoit donné, chez lui, un azyle a Roujfeau, & avoit ajouté a ce bien-fait, toutes les marqué* polïibles deconfiance, de confidération, & de géncrofité. Ils fe brouillèrent en 1757} & les ennemis de Roujfeau ont public que fa difgrace fut occafionnée par une fatyre en vers que le poëte corapofoit contre fon bien-faiteur, quand celui-ci le furprit la plume a la main , dans le tems qu'il la couchoit par écrit. Je ne m'arrêterai point a. réfuter un hiftoire aufli méchamment & aiïffi abfurdement compofée. Voici ce qu'en dit M. 'liacine, dans la lettre déji citée: « On m'a alTuré qu'il n'avoit jamais « été renvoyé d'une maifon refpectable j> oü il demeuroit , pour avoir fait des » vers contre le maitre de la maifon; 33 & cette difgrace qu'il effuya m'a été » racontée d'une manière qui ne lui fit »> aucun déshonneur »,  44 Hijloire des couplets Roujfeau en parle liii-même , en ces termes, dans- une lettre datée de Bruxelles , le 2 8 Oétobre 17 3 7 , Sc adreflee au père M.- « Je ne pouvois, mon réjj vérend père, recevoir une plus douce » confolation, que celle que m'a donné s» votre lettre,,dans Pétat accablant oü jj je me trouve actuellement. Notre 3» cher Sc ïlluftre pere Brumoy vous en 3J aura appris le fujet, que je lui ai ex» pliqué dans deux lettres. M. le duc 33 cVAremberg, après une amitié de 22 »> ans , devint tout-a-coup mon plus 33 cruel perfécuteur, par le défaveu s» d'une vérité ,dont je lui ai rappellé a 33 iui-meme toutes les circonltances , >» & dont il eft inconcevable qu'il ne fe " fouvienne pas..Vous fentez Pimpref33 fion qu'un pareil coup de malfue doit 33 faire fur moi, par Pavantage qu'en 33 peuvent tirer mes ennemis >3. On ne voit pas que jamais il fe foit permis, depuis, aucune vivacité, aucun trait, je ne dis pas fatyrique, mais de mauvaife humeur contre le duc üAremberg. Et il falloit bien que le motif de leur brouillerie ne für pas une de ces noirceurs qui infpirent nécelfairemenj nne jufte haine dans le coeur de ceux qui les éprouvent contre ceux qui les con>  attribufo d J. B. Rouffeau. 4$ mettent, puifque ce duc n'a jamais ceffe de prendre intérêt a ce qui regardoit Rouffeau. Quelques mois après leur ruptare , il lui envoyale quarrier d'une penfion qu'.il avoit coutume de lui payer. Je me flattois de le recevoir a. titre dami 3 dit Roujfeau a celui qui le lui apporta : puifque j'ai eu le malheur de" perdre fon amitié, je ne dois plus avoir de part afts iienfaits. II paroit même qu'il ne perdit pas les bonnes graces de madame la ducheffe ÜAr.emberg. Les eüt-il confervées s'il eüt été coupable du crime que la calomnie lui aimputé ? M. Rollin , dans une lettre du xj aoüt 173 8, mandoit a. Roufi feau : « j'ai mis trois livres dans le pa.» quet que j'ai adreffé a madame la » ducheffe d! Aremberg par le carroffe „ de Bruxelle, & je 1'ai pciée de vouloir j> bien vous les faire rendre; ce qu'elle ■» fera fans doute promptement & avec » joie ». Enfin, dans la dernière maladie de Rouffeau , le duc d'Aremberg donna ordre qu'on eüt grand foin de ■lui, & envoya fes domeftiques a. fon convoi, avec des flambeaux. Non-feulement Rouffeau ne fut point ingrat, mais il fut reconnoiffant, & ti'oublia jamais les bienfaits qu'il avoit  46 . HLfloire des couplets Cecus. Lorfqu'il qukta la France, il fe retira en Suifle, chez M. le comre du Luc, qui y étoit alors ambalfadeur. M. le baron de Breteuil, touché de 1'état oü étoit réduit Roujfeau qu'il aimoit, avoit fait une efpèce de quête, pour lui fournir des fecours pécuniaires. Rouffeau, a qui M. de Breteuil voulut faire croire que la fomme qu'il lui propofoit, yenoit de M. le duc A'Orltans, lui ccnvit le 2 o juillet 1712, en ces termes, qui annoncent, en même tems , & la confidération refpecïueufe qu'il avoit pour M. le comte du Luc, & la noble nerté de fes fentiments : cc Je ne puis » croire qu'après m'avoir donné tant de » marqués de 1'intérêt que vous prenez « amon honneur, vous l'ayez fi peu *> ménagé dans cette occafion, en don» nant lieu de croire que je fuis aban» donné de tous mes amis, & que tous » les moyens d'adoucir ma fituation »me font indifférents. Vous fcavez, » monfieur, de quelle manière je penfe; » & fi vous avez encore les lettres que " j'ai eu 1'honneur de vous écrire de y> Bade, vous y verrez que mes fenti53 ments font bien éloignés de ceux d'un 3' homme baffement intéreifé. Depuis " que je fuis ici, plufieurs perfonnes  attrïbuis d J. B. Roujfeau. 47 n m'ont écric pour m'offrir leur bourfe, »» que je n'ai point acceptée \ Sc M. 1'am» baffadeur, qui me donne , dans fa » maifon, un afyle Ci généreux, m'a » fait plufieurs fois la même offre, fans »> que je m'en fois prévalu. Je fcais u mieux qu'homme du monde me paffer »> de tout; & h la néceffité m'y forcoit, »» il feroit bien plus naturel d'accepter si les fecours offerts par un ami, que >3 d'en aller chercher chez les gens que , »» peut-être, je ne connois point. Que 3-3 diroit M. le comte du Luc, & quel " mépris n'auroit-il pas pour moi, s'il 33 me croyoir capable d'une telle baf» feffe, & fi je donnois lieu de croire »3 que ceux qu'il protégé ont befoin de >3 fe faire quêter ? Je n'ai de véritable j5 proteétion que la fienne. Au nom de >' Dieu, monfieur, ne m'expofez point sak perdre, en hafardant 1'eftime »s dont il m'honore ; & s'il eft vrai que 55 vous ayez, entre les mains, pour j5 moi, d'autre argent que celui de la >5 gratification que M. le duc d'Or/éans >3 m'a faite, ayez la bonté de rendre au 33 plutót ce malheureux argent a ceux 5> qui vous 1'ont donné, Sc de vouloir «3 bien détromper le public de la faufle  48 Hifloire des couplets » idee qu'il pourroit prendre de moi,' „ &c. ». Sauf a courir les rifques d'ennuyer, un moment, quelques-uns de mes lecteurs, je vaisfuivre tous les traits d'attachement pour M. le comte du Luc, que Roujfeau a confignés dans fes lettres. Il eft tems, & je n'en dois pas laiffèr échapper 1'occafion, de juftifier la mémoire de ce grand homme des imputations atroces dont 1'envie s'eft efforcée de la noircir. Les expreffions de fa gratitude, que je vas rapporter, font d'autant plus lincères, qu'il n'avoit pas lieu de s'attendre que les perfonnes auxquelles il écrivoit, les communiquaffent a ce comte^ & que fon refroidilfement n'a point alréré 1'affedtion que la reconnoiffance avoit imptimée dans le cceur du protégé. II mande a.M. Boutet, dans la première lettre qu'il lui écrit de Vienne, le 15 juillet 1715 : " M. le prince Eugène j> m'a témoigné des bontés extraordi« naires, & fa première converfation » avec M. 1'ambaffadeur (M. le comte 35 du Luc) n'a prefque roulé que fur moi. »j Je vous dirai même, entre nous, que l> je refterois auprès de lui, fi je voulois; jj mais  attribués d J. B. Rouffeau. 49 n mais des nceuds trop facre's m'attachent n a. M. le C. du Luc, pour m'en fe'parer n jamais 3 que quand la néceffité m'j )■> contraindra »„ II écrivoit au même, le premier feptembre 171 5 : «Je puis vous dire 3 en j» confidence, que je ferois trés-confidé« rablement placé, fi je 1'avois voulu, m Sc qu'il ne s'agit pas moins que d'une » fortune bien au-deffus de celle qu'on » dit a. Paris que j'ai. Mais je ne me » vante de rien, Sc n'ai même aucun » deifein de me faire le moindre mé» rite d'un facrifice qui ne me coüte » rien. Vous connoiifez mon définté35 relfement, & vous ne fcaurie^ comn prendre tout mon attachement au comte >3 du Luc. Je voudrois que fa fanté füt js meilleure : fes fréquentes incommodi» te's empoifonnent toute la joie que je 33 pourrois goüter en ce pays-ci. II me >3 tient lieu de tout, & rien ne paroit me n confoler du malheur d'en être privé. On n ne fcauroit être heureux, quand le n cceur n'eft pas content». Dans le voyage que Rouffeau fit a Paris en 173 8 , il ne trouva plus, dans M. le comte du Luc3 qu'une ftérile compaffion, accompagnée de beaucoup de froideut: c'eft tout ce qu'il recueillit des Tomé VIII. C  c}0 Hifloire des couplets vilites qu'il fit a. eet ancien proteéteur; qui logeoit chez M. de Vintimille , fo« frère, archevêque de Paris. Voici comment il s'en plaint, dans une lettre du i o mai 1739, adrelfée a M. Aved. « 11 3» ne me revient rien du cótc de 1'arche? m vêché. Mais, quoique dans la plus cri,» tique de toutes les fituations de ma as vie, je n'y aie recu que des lecons afs> fez amères, dont je n'avois nul be5> foin, je noublierai jamais les anciensj nes obligatipns que j'ai a M. le comte » du Luc; & le paffé 1'emportera tou3> jours fur le préfent ». M. le comte du Luc mourut le 19 juil|et 1740, dans fa quatre-vingt-feptième année. Roujfeau, dans une lettre du 29 du même mois, en parle ainfi au même M. Aved: « Hélas, mon cher ami, j e ne ss m'attendois plus a pleurer autre chofe, 5» que mes infirmités. Quel fujet de lars> mes, & quelle perte viens-je de faire, 3» bon Dieu! Qui pourra me remplacer as un ami du mérite, de la verra, de la s> bonté & de la folidité de M. le comte ,1 du Luc. Confolez-moi, mon cher ami, i» fi je puis être confolable «, Dans une autre lettre, datée du même jour, & adrelfée a Brojfetie, il parle jsneore de ce malheur, dans ces termes;  attribués d J. B. Roujfeau. 5 t «< Mes véritables peines font celles de 33 1 'ame \ & aótuellement Dieu me fait w paffer par une nouvelle épreuve plus » douloureufe qu'aucune de ma vie pafjj fée. Je pleure la mort de M. le comte j» du Luc; & en voila. pour le refte de 33 ma vie. Qu'ai-jeacraindredéformais, jj que de furvivre aux amis qui me ref»j tent? & puis-je en trouver a. qui je »j fois attaché par de plus étroites oblij> gations, par des exemples plus fensj libles de générofité , de grandeur »3 dame, de fenfibilité pour les déplai9» firs d'autrui, &c de courage a y cherjj cher du remède? Dans le tems de »j mes plus grands malheurs, il avoit » trouvé le moyen de me rendre heu93 reux, & je 1'ai été véritablement tout 3» le tems que j'ai yécu avec lui ». Dans une lettre du 4 aout 1740, il difoit a M. Racine: « Le piaifir que me u fait le commerce d'un ami fi confo9j lant (il parloit du célèbre Piron, qui étoit pour lors avec lui a laHaye) : « le »> piaifir que me fait le commerce d'un jj ami fi confolant, ne peut me diftraire » de la douleur que me lailfe la perte » de M. le comte du Luc, le plus folide » «5c le plus vertueux ami que j'eufie  ^2 Hifloire des cóuplets » clans le monde, & dont les bontés 91 feront toujours profondément gravées »j dans mon ccEur. Cette impreffion, » ajoutée a mes infirmités, en redouble jj 1'amertume a un point qui me laiffe, 93 pour le préfent & pour 1'avenir , fans 3j aucune forte de confolation >3. II répétoit a M. Aved, le 4 aoüt 1740: « Je fcais, mon cher ami, tout ce qui 93 fe peut dire pour confoler un cceur « comme le mien fur la perte d'un ami. 33 Mais on n'eft point le maitre des deJ3 grés de fenfibilitc \ & je ne puis ou93 blier ce que je dois a feu M. le comte >3 du Luc} comme il m'eft impoffible de « chalfer de ma mémoire tout ce que je »» dois aux amis qui me reftent». Enfin, il écrivoit a M. Titon du T'riht, le 14 aoüt 1 -740 : « Mes infirmités » redoublent. J'en fuis a ne pouvoir 33 me tranfporter nulle part, ni a pied, 53 ni en carroffe, & pardeffus tout, je 33 fuis défefpéré de la perte que je viens. 33 de faire de M. le C. du Luc, a qui 9? j'ai des obligations qui rendoient fa 3? vie fi néceffaire a la miemie, que je 93 ne dois plus fonger déformais qu'a J3 1'aller joindre, le plutót qu'il plaira a w Dieu, dans le fein de 1'éternité, oü  attrihués a J. B. Rouffeau. 53 » tout ce que nous connoiffons, dans » ce monde, de vercu , doit lui affurer jj le plus parfait bonheur 33. Roujfeau parloit ainfi, fort peu de tems avant fa mort, & lorfqu'il*étoit affligé d'une paralyfie qui lui laiffoit a peine 1'ufage de quelques membres, &t qu'il étoit réduit a fublifter uniquement des générofités de M. Boutet. Le lecteur n'a vu jufqu'ici ce poëte témoigner fa reconnoiffance que par des expreffions, confignées a la vérité dans des lettres éciïtes en un tems non-fufpeét, & adreffées a des perfonnes qui n'étoientpas a portée d'en tirer avantage en fa faveur. Mais voyons cette vertu mife en aétion. Voyons Roujfeau lui facrifierfes intéréts les plus chers, &c un bien-être affuré. Tout le monde a otiï parler du fameux comte de Bonneval. Tout le monde a feu que quelques mécontentements bien ou mal fondés qu'il éprouva a la cour de France, le dcterminèrent a paffer au fervice de 1'empereur. Ses talents militaires le firenr parvenir promptement au grade de lieutenant-felt-maréchal des armées de ce prince : il fut en même tems nommé confeiller du confeil aulique de guerre. C ii]  ^4 Hifloire des couplets II eut un démêlé très-vir avec Ie marquis de Prié, fous-gouverneur des PaysBas, & avec le prince Eugene 3 qui pr©tégeoit le marquis de Prie'. La part que le prince avoit prife dans ce démêlé fut la fource d'autres démêlés encore plus vifs entre lui perfonnellement & le comte de BonnevaL On en vint même jufqu'a ces défis fur lefquels les loix d'Allemagne ne font pas moins févères que celles de France. Le comte de Bonneval fut déféré au confeil aulique; &, pour fe dérober aux pourfuites que 1'on faifoit contre lui, il fe réfugia a Venife. Peu de tems après fa retraite en cette ville, il apprit qu'il y avoit un parti formé pour 1'enlever, & le conduire a Triefte, ville de la domination de la maifon d'Autriche, & fituée vis-a-vi» de Venife, de Parure cóté du golfe. On devoit le condtiire, de-la, a Vienne, oü il auroit eu, pour partie, devant le confeil aulique, le prince Eugene j dont le crédit étoit aufli grand, que le reffenriment opiniatre dont il étoit animé. Ce fut encore pour fe dérober a ce nouveau péril, que le comte de Bonneval3 tronvant un vaiffeau qui faifoit voile vers la Bofnie, province de 1'empire Ortoman, s'y réfugia»  attribuis d J. B. Rouffeau. % . Un an après fa retraite dans ee pays^ I'empereur le fit réclamer comme déferteur. Pour parer le coup dont il étoit menacé, il fe détermina a prendre le turban, qui eft la marqué diftinétive de ceux qui font profeffion du culte mahométan. Devenu, par-la, fujet du GrandSeigneur, il ne fut plus expofé aux pourfuites de fes ennemis. II parvint aux plus grands emplois de 1'empire Mufulman. II fut nommé bacha de Karimanie, & mourut le iz mars 17479revêtu de la dignité de général des bombardiers , &c de bacha a trois queues. Le comte de Bonneval3 avant qu'il eüt quitté la France, étoit au nombre des protecteurs de Roujfeau , & lui conferva fes bonnes graces pendant fon féjour a la cour de Vienne. Quand notre poëte y arriva, il trouva que la protection du prince Eug'ene lui étoit toute acquife, par les foins du comte de Bonneval. « Me voici a Vienne, écrit-il a n M. Boutet le 15 juillet 1715, oü j'a» vois préccdé M. le comte du Luc de » quelques jours. ... Je me trouve » a cette cour, au bout de douze jours , » comme je me fuis trouvé a celle de as France au bout de douze ans; avec la » diflérence que je n'y ai point d'enC iv  56 • Hiftoire des coup [ets 35 neenis. Tous les princes &c tous les 33 feigneurs parient notre langue , & 33 la plupart en connoiffent les agré3> ments mieux que nous-mêmes : en33 forte que je m'y fuis trouvé a la mode 33 avant que j'y fuffe arrivé, & que tout 33 ce qu'il y a de diftingué a montré de 33 1'empreffementa. me voir. M. le prince 33 Eugène m'a témoigné des bontés ex33 traordinaires, &c ». On verra bientöt que Roujfeau avoit, en trés-grande partie, obligation de eet accueil aux foins que le comte de Bonneval s'étoit donnés de prévenir tout le monde en fa faveur. Mais le prince ne s'en rinr pas a une affection ftérile. « Mes affaires, difoit 33 Roujfeau a M. Boutet, dans une let'33 tre du 30 janvier 1717,font prefque 33 réglées : j'aurai un emploi dans les 3» Pays-Bas, & le prince a eu la bonté 33 de me faire toucher mille écus par »s provihon. Jugez de fa générofité. 33 L'année paffée, deux jours avant la 33 bataille de Petervaradin, il m'envoya 33 un diamant de 4000 livres que je 33 porte aétuellement au doigt, & que 33 je tacherai de conferver toute ma vie. 33 Vous voyez que ma fortune fe rétaj-3 blit. Comme je n'avois jamais voula  attribués a J. B. Rouffeau. » avoir, de M. le comte du Luc, que fa >♦ table & le logement, j'avois épuifé » auprès de lui, le peu qui me reftoit. j> Je ne puis vous dire quelle » place m'efl deftinée. ... Je ne fuis » für que d'avoir un emploi, fans fca« voir lequel. Le prince Eugène} qui j> doit s'y rendre au retour de la cam33 pagne , m'y inftallera lui-même >t. Le 20 février 1723 , il écrivoit, de Londres, au même , « qu'il voyoit,. 33 par toutes les lettres qu'il recevoit 33 de M. le prince Eugène qu'il rrou3» veroit fes affaires faites, ou bien 33 avancées. L'emploi qu'on fonge a me 33 former, dit-il, eft de mille écus, qui »> vaudroient chez vous, aujourd'hui, 33 prés de 8000 livres >3. En un mot il' étoit dans Ia plus haute faveur auprès. du prince ; il couehoit au moment de fe voir pourvu d'une place utile, & qui lui aurolt affuré, pour le refte de fes jours, une fubfiftance honnête , quancl faffaire du comte de Bonneval arriva.. Roujfeau vole au fecours de fon ami. 11 part de Bruxelles , pour fe rendre $. Vienne ; Sc y emploie tout le crédit qu'il avoit auprès du prince Eugène en faveur du comte. Mais écoutons-laparler lui-inême.. «■ N'attribaez pas?, aï C w  5 8 Hijïoire des couplets » cubli, écrivoit-il a M. Boutet le pre« mier avril 1725 , le filence que je » vous ai gardé pendant mon féjour a »» Vienne. L'affaire malheureufe d'un >5 ami plus illuftre par fon mérite, que. 35 par fa nailfance & fes dignités, ne 55 m'a pas permis de m'occuper d'autres 35 foins, que de ceux de le fervir : Sc » le péril prefque inévitable qu'il y avoit 35 a foutenir fes intéréts , demandoit " toute 1'attention dont je pouvois être 55 capable, pouraccorder ma füretéavec 35 les devoirs de Pamitié. J'ai eu le bon33 heurd'en être venu a bout, &: de remr> plir des devoirs prefque incompati3' bles, fans me commettre-. Mais croyez 33 que , pour vingt années de plus que " cequi me refte a vivre, je ne voudrois 3> pas avoir a recommencer ce même 33 exercice qui m'a tenu alerte depuis *> quatre mois. J'ai eu la confolation de 35 fcavoir que ma conduite a été ap33 prouvée. 33 Faites-moi fcavoir ce qu'on dit daim 33 le public de l'affaire Sc de la perfonne 33 du comte de Bonneval; je fuis curieux 53 de fcavoir ce qu'on en penfe oü vous3' êtes. II faut efpérer que M. le prince. 5> Eugène} qui eft irrité maintenant, ne35 Ie fera pas long-tems, Sc fera toujours  attribués d J. B. Roujfeau. 79 m ce héros que j'ai dépeint, quand j'ai jj die : » Au milieu de la paix, au milieu des ha-: » fards, ir La vertu, la fageffe, & 1'amour des beaux n arts j> Furent les fondements de fa gloire fuprêj> me; si Et modefte vainqueur de cent peuples jj foumis, jj Ce fut en apprenant a fe dompter foi» jj même, jj Qu'il apprit a dompter fes plus fiers en* jj nemis jj. Rou ffeau parle enfuite, dans cette lettre, de fen emploi, dont il paroiffoit que Pon s'occupoit toujours, & auquel on cherchoit même a. donner une confiftance ftable, en revêtiffant fes provilions de toutes les formalités légales. Mais le zele qu'il avoit témoigné en faveur du comte de Bonneval, lui fit perdre la proteótion du prince Eugine3 Sc 1'emploi. Mais écoutons-le lui-même. II mandoit a M. Boutet, le 1 o 110vembre 172$ r « J'efpère avoir le dé55 cret de 1'empereur a la fin de ce mois: j> ce qui rendra mon établuTement plusjj folide, qu'il ne 1'auroit été avec une, C vj  #0 Hifloire des couplets >} fimple patente de M. le prince Eu~ » Je ne fuis point furpris qu'on ait t> penfé peu avantageufement a Paris. » de l'affaire de M. ie C. de Bonneval. » On ne peut nier- qu'ïl n'y ait eu une 35 vivacité imprudente dans fa conduite 33 envers le prince j & la fenfibiüté 35 qu'on lui connoït lur le point d'hon3.3 neur, ne fuffit pas pour Pexcufer. sj Mais ptufiëurs circonfrances le.jufti53 fient, Il a e,u tort. dans la forme, & 33 grande raifon dans le fonds. Le tsms 33 & la bonne conduite de fes amis ont js développé ce qu'il y avoit d'obfcur 33 dans cette affaire, dont il y a tout liea 33 de croire qu'il fortira a fon honneui'. si La rcputation qu'il s'eft acquiie dans 3» les armées-, la fupériorité de fon génie, jj & 1'étendue de fes lumières lui ont m atriré des amis &£ des ennenüs a •35 Vienne. Mais les premiers ont pris 33 ledeffus, & les feconds.commencent » a capituier II écrivoit , le zo oclobre fuivant: « A !''gard de ma fïtuation avec M. le 3-5 prince Eugène, je. vais. vous. la dire 3» naturellement. Je fuis parti de Vienne 33 auffi bien avec lui, que jamais. De» » puk que je fuis ici, je lui ai éccir , 3t  attrihués d J. B. Rouffeau. 6*r » il m'a fait réponfe a L'ordinaire : mais » je ne me flatte .point que, quelque *r diftrète qu'ait été ma conduite dans; „ 1'affaire de M. le comte de Bonneval, » mon amitié pour 1'un n'ait fait quel» que brèche a 1'autre.. II faudroit ne pas » connoitre les hommes pour en juget » autrement. Ce font des chofes fat-ales » que toute la prudence humaine ne J fcauroit parer.; & tout ce qu'elle peut » faire, c'eft de fe mertre i couvert de » tout reproche. Je m'en ferois attiré un „dont toute l'eau de la nier n'autoit pa melaver,fi j'av is manque' au comte» de Bonneval, a- qui j'ai mille obliga33 tions , & fur-tout celle- de la- connoif33 fance du prince, & qui, ayant mille 33 fujets de fe plaindre, n'a jamais .33 manqué que par une vivacité impru33- dente, qu'un honnéte homme ne IcauJ3 roit regarder comme un crime. Je ne 33 Fai poinr approuvé' en cela-, & le 3-3 prince le fcair bien ; mais je n'auroi's 33 pu l'abandonner dans le refle,fans me 33 déshonorer. Je fuis trop chatouilleiix. 33 fhr rhonneur, pour cultiver quelque: 33 amitié que ce puiffe ttre par des coinj3 p'aifances de cette nature ». Ce fut a cette occafion, & a peu-près,  61. Hifloire des couplets dans ce tems-la, que Rouffeau fit gramme fuivante: Eft-on héros , pour avoir mis aux chaineS Un peuple, ou deux? Tibère eut eet honneur. Eft-on héros en fignalant fes haines Par fa vengeance ? Oétave eut ce bon* heur. Eft-on héros, en régnant par la peur ? Séjan fit tout trembler, jufqu'a fon maitre^ Mais de fon ire éteindre ie falpêtre ; Sgavoir fe vaincre, & réprimer les flots De fon orgueil; c'eft ce que j'appelle être Grand par foi-même voila mon héros. Cependant le prince Ëuglne lui éctïvoit de tems en tems, & lui écrivoit avec fa bonté ordinaire \ mais il abandonna le deffein de lui procurer un emploi \ & la perte ue cette proteótion ne lui laiffa d'autre reftource,. pour vivre, que lagénérofité de quelques amis particuliers. Quoique fon attachement pour le comte de Bonneval fut la fource de fon infortune , eet attachement ne fouffrit aucune altération dans fon coeur. Quinze ans après 1'aventure dont je viens de pariet, & lorfque Rouffeau étoit appefanti fous le poids de la maWie dont il mourut, il écrivoit a M*  attribués d J. B. Roujfeau. % 'Aved: « J'efpère que le bacha de Kara-n manie ne fera pas faché de voir ma; trifte figure gravée. Je le regrette tous „ les jours de ma vie. Quelle perte pour » la fociété ! Quel dommage que tant s» de bonnes qualités foient tombées en *> pure perte pour le public » ! Quel eft celui, entte les détraóteurs de Roujfeau , qui pourroit produire, en fa faveur, des titres auffi fürs de la bonté de fon cceur, & d'une reconnoiffanceauffi cara&érifée, auffi fuivie, & auffi inébranlable? Je n'ai cité que ces deux traits, comme les plus frappants; & ja pourrois en rapporter milie autres, qui démontrent que cette vertu fi rare étoit un des principaux ornements de fon cceur.. On a accufé Roujfeau, car quels vices ne lui a-t-on pas imputés, d'être envieux. Mais comment juftifie-t-on cette accufation? Eft-ce par quelques traits de fatyre répandus dans fes ceuvres conrre* certains auteurs? Je citerai encore Boileau , qui a patfé fa vie a déclamer contre les mauvais écrivains; & qüi, par cette perfévérance, a préfervé , pendant fon fiècle, le bon goüt des attaques que lui portoient les Cattins de fon tems.-  64 Hiflcire des coup/ets Mais queis font donc les traits d'envie que Ton produit contre Rouffeau? Car, dans tout ce que la haine a écrir contre lui, je ne vois que des allégarions, &■ point de preu/es.. Q iel eft 1 ouvrage, quel eft le livre contre lequel il s'eft injuftement élevé? Q.iels font les traits de fatyxe que 1'enviefeule lui ait dictés? O.i voit, au contraire , par la lecture de fes lettres, qu'aulll tót q a'il a lu un ouvrage en profe ou en. vers, dom il a été content, il recherche 1'amitié des auteurs , & ne refufe jamais fes confeils aceuï qui les lui deniandent, quoiqu'ils courent la même carrière que lui; e'eft-a-dire, qu'ils travaillent dans le genre lyrique. Ses lettres vont encore nous fournir fa juftification fur eer ob)et; & 1'on va voir qu'il étoit bien éloigné de s'attribuer la première place au parnaffe, de fe mettre en fureur contre ceux qui n'auroient pas voulu la lui accorder, & de les pourfuivre avec un acharnemenr que rien ne peut modérer. « Vous m'avez fait un piaifir biets 3> fenfible, écrivoit-il a Broffette le 4. * juillet 173 o, en me faifaht cohnortre * la. tradjctioa.de la Ritrachomyoma-r  attrihués d J. B. Rouffeau. 6? » chie. C'eft un chef-d'ceuvre ; & il n'y » avoit que M. Boivin (i), au monde, » capable d'exécuter li bien une entre- (1) Jean Boivin naquit a Montreuill'Argilé, petite ville de la haute Normandie , diotèfe de Lizieux. II mourut a Paris, Ie 29 Oétobre 1726 , agé d'environ 65 ans. II étoit profeffeur en grec, au collége royal; garde de la bibliothèque du roi; de 1'académie francoife ; penfionnaire de celle des belles-lettres, & honoraire de celle de la Crufca. Une vafte érudition, beaucoup de talents littéraires,' des mceurs douces , une probité conftante, modefte, officieufe , lui procurèrent & lui confervèrent, jufqu'a la mort, des amis illuf- | tres parmi les gens de condition, & parmi | les gens de lettres. Ses ouvrages connus font, entr'autres, X apologie d'Homi e , fur le bouclier d'Achille, Cet ouvrage fut compofé ï 1'occafion de la querelle de madame Daciet ! avec la Motte fur Homire. La tradugion de la Batrachomyomachie d'Homire, ou le combat des rats & des grenouilles , en vers francois, fous fon nom latinifé en Biberimero. h'adipe de Sophocle , & les oifeaux d'Aiiflophane traduits en francois. Des poïjïes grecques , dans lefquelles on retrouve prefque toute Ia douceur ÜAnacrésn. Une traduótion de Yhijloire hi?antinede Nicéphore Grégoras. Eüe eft exacte, I élégr.nte , précédée d'une préface curieufe , & de notes pleines d'érudition. 11 avoit époufé une nièce de M. le Ha i, garde des eftampes de la bibliothèque du roi, & mari de la célèbre demoifelle Cliiron, dont je vas. bientöt parler.  £é Hijloire des couplets ti prife fi difficile. La defcription anas> tomique des difterentes bleflures qui 3> enfanglantent le combat de ces deux j> petites troupes guerriètes, eft une 3> chofe que j'avois toujours cru impof33 fible de rendre naturellement & no33 blement en francois : & il faut que 33 je vous corifie que, dans cette idéé, .3 il m'avoit palfé par la tête, lorfque s> je lus, la première fois, 1'original, il si y a plus de trente ans, de le traduire 33 en vers, a la manière de Chapelain , >3 qui, comme vous fcavez, excelle dans 33 ces fortes de détails, ou il fe coms> plait particuliérement. 33 Un ouvrage fuivi, tout compofé as de vers pareils a ceux-ci : n Vets ou l'êpaule gauché a la droite e/l conti jointé .... ** & d'une lourde ii hache » De fon roéufle corps une main lui dètache^ 11 &c. ») n'auroit pas laiffé de plaire par Ia fin33 gularité du ridicule; & je ne conce33 vois pas qu on put faire un autre ufage 33 en francois du comique A'Homère. Je »3 fuis détrompé ; mais ma furprife n'en sj efl pas diminue'e pour eela. Je vois bien  attribuès a J. B. Rouffeau. 6j »> ce que M. Boivin a fait; mais je ne >j concois pas comment il Va pu faire ». Eft-ce-la le langage d'un envieux?' Que 1'on cite bien des poëtes qui avouent franchement qu'un autre a exécuté avec fuccès un ouvrage qu'ils croyoient euxmêmes au-delfus de leurs forces. Mais eontinuons,& 1'on va voir un trait de modeftie dont aucun de ceux qui ont perfécuté RouJJeau, fous prétexte de fes vices, ne feroit peut-être pas capable. Brojfette lui écrivoit, le 16 mars 17 3 o; « On a joint a la tradudion de la Batra» cliomyomachie d'Homère, un poëme jj héroïque en trois chanrs , intitulé les » cerifes renverfées, dont voici le fujet: » deux dames, avec un cavalier, paf» foient dans la rue S. Germain-PAu» xerrois. Leur carroffe , accroché par j' une cbarrette, renverfa un panier de j» cerifes. La fruitière, & toutes fes voi»» fines, fe jettèrent aux portières, & fai>i firent les rênes des chevaux. II fallut, » pour s'en débarraffer, payer le dom" jj mage. Voila tout le fujet du poëme. » Feu M. Boivin} en me 1'envoyant r „ m'a appris que 1'illuftre madame le >. Hay auparavant connue fous le nom jj de mademoifelle Che'ron, & dont il n avoit époulé la nièce, étoit rauteur  6 8 Hijloire des couplets " de ce poëme; Sc que 1'aventure qui " y eft décrite, étoit arrivée aM. le Hay, " fon mari, & a elle. Je conferve pré" cieufementun exemplaire qu'elle m'a" voit donné, en 1714, de pkuieurs " pfeaumes qu'elle avoit traduits en vers " francois, & qui, fans les vötres, fe" roient les plus beaux que nous ayons " en notre langue ». Roujfeau, dans fa lettre du 4 jiiillet 1730, répondit ainfi , a. la fuite de ce que j'en ai copié plus haut : « Pour le » petit poëme des cerifes, j'ai ailifté d » fon accouchement. Jevoyois, en ce » tems-la, prefque tous les jours, made.» moiMleChéron. J'étois allé chez elle, » le jour de 1'aventure qui lui avoit » donné naiffance. Elle le commenga le » même foir. Deux jours après, elle » men fir voir le premier chant; & le " cinquième jour, elle me le lut tout* entier. Je n'ai jamais connu tant de » mérite, joint a tant de modeftie, que » dans cette femme, qui, a ne la con« fidérer que par le feul talent de Ia » poéfie, pouvoit être regardée comme » 1'honneur de fon sèxe, Sc de fon fiè» cle. Quelle force dans fes vers! Quelle » majefté dans fes pfeaumes ! Fous me » partei des mkns;jc les donnerois tous  attribués d J. B. Roujfeau. 69 » pour la feule paraphrafe du 1 o 3 , Bene» die, anima mea, Domino (1) », (1) Qtioiqu'il y ait de belles chofes dans cette paraphrafe , Rouffeau eüt fait un mauvais marché. tlifabeth-Sophie Ckéron, Alle d'un peintre en émail, de la ville de Meaux, naquit a Paris le 3 Oitobre 1648. Elle époufa, après avoir abjuré les erreurs de Calvin, M. le Hai, ingénieur du roi. Mais elle a toujours été plus connue fous fon premier nom. Elle excella dans Tart de peindre en portratts & en tabieaux. 11 y en a de fa compofition dont les gens de goüt font grand cas. On dit qu'elle peignoit, de mémoire, des perfonnes abfentes , avec autant de refTemblance que fi elle les avoit eues fous les yeux. Elle fut recue de I'académie de peinture &fculpture; & celle des Ricovrati de Padoue, en 1'admettant au nombre de fes membres , 1'honora du furnom ó'Erato. Elle fcavoit auffi très-bien la mufique, poffédoit les langues fcavar.tes, & avoit beaucoup de talents pour la poéfie. On a d'elle: Effai des pfeaumes & cantiques mis en vers, & «nrichis de figures. Mademoifelle Ckéron avoit appris 1'hébreu, pour mieux entrer dans le fens des pfeaumes & cantiques qu'elle vouloit traduire. Les figures font de Louis Ckéron, fon frère. Le cantique d Habacuc, & lepfeaume 103 , traduits en vers fr.mcois avec des eftampcs. Les cerifes renve'fées, poëme héroïque en trois chants , imprimé avec la traduétion de la Ba'rachomyomachie, traduite par M. Boivin. Mademoifelle Ckéron mourut a Paris le 3 fep» tembre 1711.  yo Hijïoire des couplets II faut faire attentionque mademoifelle Cheron étoit morte en 1711. Ainfi Roujfeau n'avoit aucun intérêt de la flatter en 173 o. C'étoit donc la feule modeftie qui lui infpiroit le jugement qu'il portoit de fes propres ouvrages, en les comparant a. ceux du même genre produits par mademoifelle Che'ron. Mais ce n'eft pas la feule occafion oü il a donné des preuves non-équivoques de cette vertu. II mandoit k 1'abbé Desfontaines (1); « M. le Franc m'a en- (1) Pierre- Francois Guyot Desfontaines , fils d'un confeiller au parlement de Rouen , naquit en cette ville, en 1685. Après avoir été 15 ans parmi les jéfuites, il les quitta, & fut pourvu de la cure de Thorigny en Normandie, dont il fe démit bientot. II eft principalement connu par fes talents pour la critique, qu'il a exercés dans fes ouvrages périodiques, tantöt fous le titre de nouvellifle du Parnajfe , tantot fous celui d'olfervations fur les ècrits modernes , & enfin de juzements fur les ouvrages nouveaux. S'il n'eüt écouté que fon goüt, fes critiques auroient été communément affez juftes : mais fa plume étoit quelquefois conduite par la paffion. Au refte, on lui a Tobligation d'avoir toujours combattu avec courage & avec fuccès contre le néologifme. On a, de lui, outre fes ouvrages périodiques, une traduótion de Virgile , qui eft la moins médiocre de celles qui exiftent. Gulliver traduit de 1'anglois, &c. II a eu part a la traduc-  attribués d J. B. Rouffeau. 71 » voyé fa traduétion du pfeaume Super 5i flumina Babylonis. J'ai été follicité » plus d'une fois de travailler fur le » même pfeaume, & je n'ai ofé l'entrem prendre, dans la crainte de refler trop 3» au-dejjous de mon original. M, le Franc » a bien fait de ne pas s'arrêter au même >> fcrupule, Sa traduciion m'a. paru exit cellente, Finiffons par le jugement que Rouffeau portoit lui-même de fes ouvrages. BroJJette, qui méditoit de faire un commentaire fur Molière} defiroit auffi d'en faire un fur notre poëte, Sc le prioit, a eet effet, de lui éclaircir quelques allufions qu'il croyoit appercevoir dans certaines de fes pièces. Roujfeau , après lui avoir parlé de Molière, lui répond, dans une lettre dun janvier 17 3 7 :« Voila, »> monfieur, les auteurs qui méritent 33 qu'on fe donne la peine de les éclair* 33 cir; & non des fubalternes comme moi, »> dont il importe fort peu que les idees 33 foient tranfmifes a la pqfte'rité, quand 33 même les ouvrages feroient affez heu» reux pour y parvenir; Je ne ferois 33 même guères en état d'y contribuer- tlon de de Thou, & au dï&ïonnaïre néologique. &c.  •ji Hifloire des eouplets » la plupart des chofes auxquelles j'ai » pu faire allufïon dans mes écrits étant » forties de ma mémoire, Sc y en ayant » plufieurs autres dont 1'explication w pourroit faire, d'un texte innocent, r> un commentaire fatyrique, a quoi je v ne confentirai jamais : la manière » dont je penfe aujourd'hui étant fort m différente de celle dont je penfois il w y a vingt ans »>. II écrivoit a. M. Racine , le 2 5 feptembre 1740 : « J'attends avec impajj tience les nouveaux commentaires » que M. Brojfjecte promet fur Boileau. n Quant a. mes ouvrages, fur lefquels » vous voudriez voir auffi un commens) taire, ilss'expliquerontd'eux-mémes, 3» s'ils le peuvent. Je ne fuis point un »» auteur a commentaire: tant d'honneur. » n'appartient pas a un homme auffi fri» vole que je le fuis». Je crois avoir fuffifamment prouvé que Rouffeau, loin d'être fouillé des vices dont 1'envie Sc la haine 1'ont chargé, étoit doué des vertus contraires. II écoit pieux, fans être bigot, Sc fans faire fervir la religion a fes intétêts. II étoit reconnoiffant, au point d'être toujours fenfible aux bienfaits recus, fans que le refroidiffement de fes amis lui en  attribués d J. B. Roujfeau. j-> €n fit perdre le fbuvenir, & de fe facrifier lui-même pour les obliger. II fcavoit rendre juftice aux talents fans envie, il fcavoit même les accueillir, & leur donner les éloges quils méritoient: j'en pourrois citer cent traits qui font bonnetir a fon goüt, a fon difcernement «Sc a fa franchife, fi je ne craignois d'alonger encore ces détails, qui le font peut-être déja trop. Le refte de fon hifitoire me fournira 1 'occafion de faire remarquer en lui d'autres vertus encore. Paifons aux autres perfonnages de la querelle. Jofeph Saurln naquit a Courtefon, dans la principauté d'Orange ,'én i 6", 9. 11 éroit fils d'un miniftre de la religion proteftante a Grenoble. II exerca luimême , de fort bonne heure, cette fonction a Eure en Dauphiné. II éroit d'un caraótère vif & impétueux. S'étant emporté, dans un de fes fermons, il fut ■obligé de quitter la Franceen 1^83. II feretira a Genève, d'oü il paiTa dans 1'état de Berne. II obtint Ia cure d'Yverdun, pofte qui lui procuroit un établiffement honnête & agréable. II fut obligé de le quitter peu d'années après. II en a rejetté la caufe fur des querelles de religion , & a publié, dans fon mémoire Tome VUL D  74 Hijloïre des couplets contre Roujfeau , les circonftances da fon cvafion de la Suiffe. Mais on peur. dire que les aventures qu'il y détaiile ont plutót 1'air d'un roman, que d'une relation diótée par la vérité, Bien des gens ont attribué le motif de fa fuite a. des aótions qui auroient mérité la mort. J'aurai occafion d'en paler dans la fuite. Je dirai feulement ici que fon apologie n'a pas empêché beaucoup de perfonnes de penfer qu'il ne s'étoit é vadé d e laSuilfe que pour fe fouftraire aux pourfuites de la juftice , qui avoit la main ouverte pour le faifir. De ce nombre étoit le Jieur Boindin, qui 1'accufe expreffément de s'être fait connoitre a. Paris par des tours femblables a ceux qui Pavoierit obligé de s'y réfugier. II en cite, pour exemple, un trait que je crcis devoir m'abftenir de rapporter. Quoi qüil en foit, pour oppofer, dit-on , un afyle fur aux pourfuites qui fe faifoient contre lui, il répanditque ces pourfuites étoient une perfécution qui n'avoit que la jaloufie pour motif, Sc la religion pour prétexte. II fe flatta qu'un miniftre proteftant qui vouloit, de fon propre mouvement, entrer dans 1'églife catholique, feroit bien accueilii en France, protégé &c récompenfé pa?  aitribuêé a J. B. Roujfeau. 5" 7 le gouvernement. Dans ce point de vue, il s'adreiïa au grand BoJJ'uet, évêque de Meaux (1): II étoit bien fur qu'en fe (1) Jacques-Èenigne Bojfuet, naquit a Dijon le 27feptembre 1627,, d'une familie de robe noble & ancienne. On a dit, mais on n'a pas prouré qu'avant d'embraffer fctat eccléfiaffique, i! avoit figné un contrat de mariage avec Hiademoifelle Defvieux, rille d'efprit & de mérite, dont il fut toujours l'ami; & cette liaifon a donné lieu a des foüpco'ns calpmnieux, fans doute , fur les fentiments particuliers de M. Bojfuet, rdativement a 1'incompatibihté des facrements de 1'ordre & du manage, il fut recu doétem- de la maifon de Niyarre cn 1652. Retourné k Metz oü il étoit chanoine , 1'éclat de fes talents pour la prédication & pour la controverfe, s'étendit julque dans la capitale & a la cour. II prècha devant le roi, 1'avent de 1661, & le carême' de 1662. Ce prince fut fi fatisfait, qu'il fit eenre, en fon nom, au père du prédicateur intendant de Soiffons, pour le féltciter d'avoir un fils qui 1'immortaliferoit. Le roi lui conféra 1'évêché de Condom, & peu après lut confial'éducationde monfeigneur le dauphin Croyant que les foins épifcopaux étoient incompatiblcs avec 1'affiduité qu'exigeoit cette ' éducation , il fe démit de fon èvêché. Ce fut pour eet illuftre élève, & pour lui repré fenterfousuncoup d'ceil les lecons d'hiftoire qu il lui avoit données, qu'il compofa fon ad. «iirable difcours fur ïhiftoirt univerfelte il fut récompenfé des foins qu'il avoit' pris pour leducauon de monfeigneur le dauphin, Dar Dij  7 6 Hijloire des couplets rendant profélyte de ce prélat, Pécla? que la répntation de ce grand homme donneroit a fa converfion, ne manqueroit oas de le faire connoitre a la cour, donr' les bienfaits feroient proportionpès au crédit dont jouiiToit M. Bojfuet,. II ne fe trompa pas. Il fut bien aceueiili par Louis XIV, eur des penfions, &c fut recu a l'académie des fciences, en qualité de gcomètre, en 1707, avec diftinétion. On n'a de lui qu'un nombre .de trés-bons extraits inférés dans le Journal des fcavants auquel il travailloit; & beaucoup de morceaux intéreifants», recueillis dans les mémoires de Pacadéiiiie des fciences. II mourut en 1737, }a charge de premier aumónier de madame la xkuphine en 1680 , & par 1'évèché de Meaux en 168 1. Je ne parlerai point ici de fon affaire avec M de Vindon, au fujet du livre de Yexplïcationdes maximes des Saints, ni des autres ouvrages quil'ont immortalifé 3 & qui le font reearder comme le dernier père de 1 eglife. ïls'ont étérecueillis, en 1743.* en 12 vo!umes • in-40 On en prépare une nouvelle édinon «lusexafte, & plus coraplette. Je ne ferai point non-plus 1'éloge du génie & des talents de cc grand-homme; on le trouve par tout. Cer homme unique fait un de; principaux omerr.ents du fiècle de Louis XIV. \\ mourut le avnL 1704, »&é de 76 ans, 6 mois 8c $6 jours.  tittribués a J. B. Rouffeau. 77 d'une fièvre léthargique, a lage de foixante dix-huit ans. Tont le monde fe.réunit affez a reconnoitre dans Saurin un caraétère ferme , incapable de fe défifter d'une rcfolution prife une fois, mais capable de tout faire pour y réuffir. Peu de gens ont cru fa converfton fnicère, & beaucoup ont etc perfuadés qu'il la vendit fort cher a M. de Meaux', jaloux d'acquérir i la foi des fujets inftruits » tels qu'on doit fuppofer que 1'eft un miniftre proteftant. S'il eft vrai qu'il ait factifie fa religiom a fon intérêt, & qu'il ait foutenu ce facritice par une hypocrifie de prés de quarante ans, cette circonftance prète a. bien des foupcons. Antoine Houdar de la Motte étoit fils d'un chapelier de Paris, & naquit le 17 Janvier 1Ó72. Prefque tous les talents de eet homme célèbre fe réduifoient a de 1'efprit; & il crut que 1'efprit de voit fuppléer a tout ce qui lui manquoit d'ailleurs. 11 avoit, outre 1'efprit, un goür naturel, mais que la culture n'avoit pas dirigé vers le vrai. Ne s'étant précautionné d'aucune des connoiflances qui s'acquièrent par 1'étude & par une lecture réfléchie ; s'en étant toujours uniquement rapporté a fes propres idéés, D iij  78 Hifloirc des coup/ets & en ayanr fait le feul objet de fes me'-' ditations, il a ignoré les régies que les anciens nous ont tranfmifes, regies qui feules peuvent conduite au vrai beau le génie qui s'y foumet. Quand on a VÓulu les lui mettre fous les yeux, il les a frondées. II a été plus loin: n'ayant aucune idee des langues originales, il a fait ce que font les ignorants; il a méprifé, ou affecté de méprifer la fcience qu'il n'avoit pas; il 1'a même tournée en ridicule, & a foutenu que fes propres lumières étoient un guide bien plus fur dans la carrière du goüt, que les rapfodies qu'on vouloit 1'obliger a prendre pour modèle. II en eft venu a croire que, les talents ne fe perfectionnant que progreifivement, c'étoit de fon tems feulement que 1'on étoit enfin parvenu a appercevoir le vrai beau; auquel il n'a accordé d'autre fource que nos mceurs & nos idéés nationales. II n'avoit pas 1'imagination aifez nourrie, pour voir qu'il eft des beautés intrinsèques qui fe prêtent a toutes les mceurs & a. tous les coftumes. . La Motte eft parti de-la, pour fouteiiir que les anciens étoient fort inférieurs aux modernes; &, pour établir fon fyftême, fans avoir ni aucune teinture de  attribües d J. B. Roujfeau. 79 la langue grecque, ni des moeurs des Grecs, ni des préjugés d'après lefquels ils penfoient & écrivoient, fans fe douter même de leur coftume, il a voulu juger leurs ouvrages. Pour infpirer au public le mépris qu'il croyoit avoir pour Homère, il a traduit eet homme inirriitable , & n'entendant pas le texte, il Pa mis en vers francois fur une mauvaife ver/ion. Y en eüt-il eu une paffable, il n eut pas été en état d'en juger. Sapré-» vention vint encore au fecours de fon ignorance. Dans le deffein oü il étoit de faire paroitre fon original ridicule, il eut grand foin de réalifer les défauts* imaginaires que fon goüt obfeurci par le préjugé qu'il s'étoit formé, lui faifoit appercevoir. Auffi d'un corps nourri, plein d'embonpoint, & de vie , s'il eft permis de parler ainfi, tel que Plliade , il en fit un fquélette décharné &c dégoutant : il fubftitua, a la chaleur qui anime eet ouvrage divin , un froid qui le rend plus ennuyeux & plus plat, que ces miférables contes de fées dont les nourrices amufent leurs enfants. La même préfomption qui Pavoit érigé en juge d1'Homire, lui a diclé des differtatious fur Pindare , Sophocle, Euripide 3 Sc fur tous les anciens, dont il Div  8 O Hifloire des coup tets a réglé les rangs, & apprécié le merite,, d'un ton auffi décifif que s'il eüt été conftitué, par le dieu du goüt lui-même, le réformateur, & le maitre des cérémonies du parnaffe. Peut-on comprendre, encore une fois, comment eet homme eut la confiance de sompter affez fur fon efprit, pour juger des écrivains dont il n'entendoit pas la langue, & lorfqu'il n'avoit aucune des connoilfances néceffaires pour les entendre, & les appréder même dans une bonne tradu&ion? Cet homme fingulier, après avoir ainfi attaqué le goüt dans fafource, après avoir voulu prouver, par fon propre exemple, & par fes poéfies, que 1'on peut parvenir au plus haut degré de la perfection, fans connoitre les anciens ; perfuadé que le tems que 1'on emploie a les lire & a les méditer eft un rems perdu qu'ils font de mauvais modèles, & qu'en les imitant on ne peur que s'égarer, s'ayifa auffi de décrier la poéfie, a laquelle il devoit toute fa renommée. La verlificarion , felon lui eft une folie ; folie ingénieufe, a la vérité ; mais c'eft toujours unc folie. Un homme qui s'amufe a mefurer fes penfées, & a compofer fes expreffions, de manière qu'elles foienr enchainées par un certain nombrede fyl-  dttrïbucs cl I. B. Rouffeau. 81 , labes, qu'elles forment une cadence qui l n'a rien de rcel, & qui n'eft que conventionnelle, qu'au bout d'un cercain \ nombre fixé, elles frappent Poreiiie par i le même fon; un tel homme eft un vé,' ritable' charlatan , qui fait adroitement ! paffer des grains de millet par le rroir i d'une aiguiile fans avoir d'aurre merite, : que celui de la difficulté vaincue. Pour ! réalifer, autant qu'il étoit en lui, cette I idéé fingulière, Sc faire contrafter la !poéfie avec la profe, en faveur de celle; ci, il fit un (Edipe en profe, qu'il oppofa a fon (Edipe en vers. Ces prétenrions bizarres Sc enfmtées ■. par Pambition de créer Sc de produire des idéés nouvelles, d'être le précepteur • du genre humain , en lui monrrant fes vieiiles erreurs, pour le rappeller il la ivérité , n'ont fait aucune impreflion. Les uns les ont rcfutées par des diffenations I en régie; d'autres fe font contentés de i les ridiculifer par des épigrammes : SC la mémoire de ces fyftêmes éphémères y que 1'on ne connoit prefque plus, Sc I dont on ne parle que pour s'en ?,mufer , ï ;ne fera confervée que par ces épigram; mes, que leur tour piaifant, le fel dont . files fontaffaifonnées, Sc le nom de leur Dv  8x Hifioire des couplets auteur, qui eft Roujfeau, tranffnettront j a la poftérité. Ces ouvrages, ainfi que tous ceux qui font fortis de la piume de la Motte, pétillenf d'efprit \ & c'eft 1'efprit qui y tient lieu de raifonnement. Ce ïv'eit pas ' que la raifón ne fe rencontre quelque- j fois fous fa plume, & que cette raifon 1 n'ait de la profondeur. On y trouve encore des traits ingénieux, des images! agréables, des idees délicates. Mais, en général, fa profe eft précieufe, épigrammatique, & quelquefois forcée. II penfoit avant d'écrire; mais , en écrivant, il étoit plus occupé des mots que de la^ chofe, & n'ayant réglé fon goüt fur aucun modèle, le clinquant du ftyle étoit la principale beauté qu'il connut. Sa profe, malgré ces défauts, eft fupérieure a fes vers. II s'eft acharné a. décrier la poéfie; & cependant il s'eft exercé dans prefque tous les genres de poéfie. II a compofé quatre tragédies : les Machabées en 1711 , Romulus en 1 yix y■, Inss de Cujlro en 171 $, (Edipe en 1716. On a dit, avec raifon, de la première, que ce n'eft qu'un recueü de pieux madrigaux, Sc de lieux communs de mo-  attribués d J. B. Roujfeau. 83 rale. On trouve, dans ia feconde, de 1'efprit, mais on n'y voit ni force, ni élévation, ni chaieur. On reproche au perfonnage de Romulus de n'ètre qu'un iufipide Céladon. La pièce A'Inès de Cafiro n'a ni pureté-, ni éléganee dans le ftyle, ni régularité dans la conduite. Mais il s'y trouve des fcènes & des fituations touchantes qui Tont foutenue, &c qui la font toujours voir avec piaifir. On a rendu juftice a fon (Edipe, par 1'oubli oü on 1'a laiffé tomber. Entre fes comédies, le Magnifique a eu du fuccès, & fe foutient par 1'efprit & par les graces qui le caractérifent. De douze opéra dont il eft auteur, fix font reftés au théatre : l'Europe galante; Iffe'; Amadis de Grece ; Omphale; le Carnaval & la Folie; Alcione. Toutes , ces pièces ont un air d'uniformité qui dccèle une imagination peu féconde, &, un goüt peu exercé ; c'eft-a-dire, que 1'on a pris lui-même pour fon propre modèle. Mais Pefprit de 1'auteurafuppiéé a ce dcfaut par des agréments qui feront fubfifter ces pièces autant que le théatre lyrique. Pour excufer le froid qui glacé a 1? Dvj  B4 Hifloire des couplets leeture de fes odes; le peu de choix qut lègne dans les expreffions , le défauC d'harmonie dans les vers, en un mot le peu de génie qu'on y trouve, on dit qu'il y a de la raiion, de la profondeur tk de la finefle; qu'elles contiennent des penfées dignes de Socrate &c de Montagne ; & que ces.penfées, aux yeux d'un philofophe, valent bien des images poétiques. Oui, aux yeux d'un philofophe qui ne fe connoitroit pas en poéfie \ aux yeux d'un philofophe qui ignoreroit que chaque ouvrage a fon caraétère propre qui le diftingue; & que ce que la Motte appelloit fes odes, n'étoit autre chofe r comme dit fort plaifamment & fort judicieufement Roujjëau, que de froids dïxains rédigés par articles ; & qui n'ont dit-il ailleurs, qu'un défaut, c'eft que 1'auteur les devoit faire en profe. La Motte a fait quelques odes amoureufesquifonr plus dans le genre, que les précédentes 5 il y en a même dont la leélure fait beaucoup de piaifir: c'eft qu'a force d'efprit, il a feu approcher de l'expreffion du fenlimenr. Je ne parle point de fes fables j perfonne n'en prend la défenfe, & il eft «rfiverfellement avoué que le ftyle n'y  attrihués a J. B. Rouffeau. t <$ eft point naturel, qu'il eft forcé, femé d'exprefiions alambiquées , précieufes Sc ridicules. II afait un panégyrique de Louis XIV3 dont la lecfure n'eft pas fupportable, tant 1'adulation qui y rcgne d'un bout a 1'autre eft fade & outrée. II trouve matière 'a louange dans des chofes qu'il eüt peut-être fallu au moins palier fous ftlence. Quant au caractère de la Motte, fi 1'on en croit Boindin,cèzo'n un homme fouple & adroit; mais foible &z lache a proportion, a qui le ciel avoit donné le eeeur en efprit, & qui cachoit, fous uit faux air de bonté & de fimplicité, 1'ame la plus doublé & la plus maligne , comme on en peut juger, continue-t-il, par une iufinité de traits, & entr'autres pat la manière dont il dépofa dans l'affaire, des coups de baton donnés ^2xMalafcry qu'il affirma, avec ferment, n'avoir point vu donner , fous prétexte, difoitil depuis, pour s'excufer, qu'ayant la vue baffe, il n'avoit fait que les entendre. D'après ce portrait tracé par un contemporain , qui a beaucoup vccu avec lui, il femble que la. Motte s'eft peins  86 Hifloire des coup Iets lui-même par ces vers qu'en lit dans fon ode fur l'amour-propre : Que nos vertus font prés du vice! L'intérêt feiri peut nous mouvoir. L'homme, par goüt de la jofiice, Rarement s'immole au devoir. Souvent la clémence eft adreffe; La modération, pareffe, L'équitè, peur des chatiments. Cent vertus que Terreur couronne Sont de vains noms, que 1'orgueil donng A fes adroits déguifements. 11 eft vrai que, quoiqu'il ait effuyé beaueoup d epigrammes, il n'en eft forti aucune de fa piume , on ne voit de lui aucun écrit fatyrique. Dans fa querelle fur les anciens, il ne répondit aux injures de madame Dacier (i) que par des (i) Anne le Teve, filie du fcavant Tannegui h Fevre, fut auffi fcavante que fon père. André Dacier faifoit fes études a Saumur, fous Tannegui le Feve, qui étoit alors entièrement occupé cle Féducation de fa fille. Le jeune Dacier devint amoureux de la rille de fon maitre : elle avoit les mêmes goüts, & s'occupsit des mêmes études, que le jeune-homme. L'union de leurs efprits forma celle de leurs coeurs. Ils fe marièrent en 1683, & abjurèrent,deux ans après, la religion proteftante. Madame Dacier avoit donné, dès 1674, une  attdbués a J. B. Rouffeau. 87 raifonnements accompagnés de politeffe &c d'aménité. Mais il craignoit les em- belle cdirion des hymnes & des épigrammes du poëte Grec, Callimajue , natif de Cyrène en Afrique, garde de la fameufe bibliothèque de Ptolotnée lJhiladclphe. L'antiquité regardoi; ce poëte comme le modèledes poëtes élégiaques. Ses élégies font perdues. Pour revenir a madame Dacier, elleorna fon édition de Callimaquede plufieurs fcavantes remarques. Elle mit au jour de fcavantscommentasres fur plufieurs auteurs pour 1'ufage de monfeigneur le davphin. Ona d'elle , une traduétion de trois comédies de Plaute, & de celles de Tè-ence. Ces verfions font faites, en général, avec goüt Sc avec exaétitude. Une traduétion d'Homère , avec «ne préface & de fcavantes notes, Ses ouvrages contre la Motte a ï'öccafion de la qtierelle des modernes contre les anciens. On a dit que 1'ouvrage de la Motte fembloit être •celui d'une femme d'efprit; & 1'écrit de madame Dacier 1'ouvrage d'un fcavant. Elle a traduit Anacrion & Sapho , & deux pièces d'Arifiophane. Elle avoit fait auffi des remarques fur 1'écriture fainte, qu'on la follicita de publier. Mais elle répondit qu'une femme doit lire & méditer les livres facrés pour règler fa conduite ; mais que , fuivant S. Paul, elle doit garder un refpeflueux filence. La reine Chrifline , frappée de la réputation de madante Dacier, lui fit faire des compliments, & lui écrivit même pour Fattirer a fa cour. Cette femme célèbre mourut en 1720 a 69 ans. Elle avoit eu trois enfants : une fille qui fe fit religieufe: une autre fille Sc un fils qui moururent  <5S Hijloïre des coupletg barras & les fuites d'une querelle perfonnelle : d'ailleurs c'étoit le moven de s'aifurerbien desfuffrages, les injures ne fout pas des raifons;& elles indifpofent contre celui qui les dit, a I'avantage de fon adverfaire- Souvent la clémence eft adreffe j. La modération-, parefte. La Motte fut admis a. Pacadcmie franc,oife le 8 janvier 171 o , Sc mourut le 16 décembre 17 31, étant dans fa foixantième année. On dit que ce quï contribua a le rendre célèbre de bonne heure, c'étoit le talent qu'il avoit de bien lire , le mauvais paroiffoit excellent dans fa bouche^ Auffi fes fables furent-elles écoutées avec tranfport aux alfemblées de 1'académie francoifie : Sc Pimpreffion avoit été fi forte Sc fi avantageufe, que,quand elles virenr le grand jour, on eutpeine ales apprécier aleur jufte valeur. Nicolas Bo'indin naquit a Paris le 29 mai 1676. II étoit fils de Nicolas Boindin> procureur du roi au bureau des de bonne h?nre. Sa vertu, fa générofité, fa fermeté & fon égalité d'ame !ui ont fait autahl d'honneur que fes ouvrages.  attribuésa J. B. Rouffeau. finances. Il montra, dès fon enfancey une inclination fingulière pour le vrai, Sc une détermirration décidée a ne croire; que ce qu'il pouvoit comprendre. Curieux, dit-il dans un mémoire pofthume qu'il avoit compofé fur fa vie 8c fur fesouvrages, qu'on a fair imprimer a la tête de fes oeuvres, curieux d'apprendre les raifons de tout ce qu'il voyoit, 65 peu fatisfait de la plupart de celles qu'on lui donnoit, il commenca dès-lors a. fe défier des kimières 8c de la bonne foi des hommes; & cette défiance ne fit qu'augmenter dans la fuite, lorfqu'on voulut Lii apprendre a connoitre fes lettres. La contradiction qu'il ttouvoit entre la manière dont on les pro no nee féoarément, & la prononciation qui réfulre de leur affembiage dans les mots qui en font compofés , lui paroiffoit abfurde, 8c le révoltoit a tout moment contre fon maitre. L'étude de la philofophie fcholaftique lui parut une nouvelle abfurdité, N'y ayant trouvé que des mots & des termes barbares, au lieu des chofes 8c des idéés claires auxquelles il s'attendoit, il la quitta brufquement, pour faire fon droit, qu'il ne gouta pas da-  9o Hïfto'tre des ecuplets vantage, ma's riemt il rerriplit le tems," pour obtenit la rmalité d'avocatqui lui étoit néceflaire pour être en etatde remplir un jour la charge de fon père. A-zant de fe préparet férieufement a la remplir, il voulut effaycr ie métier des armes, entra dan? les mou-quetaires, Sc ht la campagne de 1696. Mais la foiblefle de foii tempérament ne lui permettanr pas de foutenir la fatigue du cheval, il la finit avec peine, quitta le ïervice, Sc fe livra au repos du cabinet. Maitre alors de fes occupations, il fe partagea, dit-il, entre les lettres Sc la philofophie, Sc fe remplit, ajoute-t-il, de ce que nous avons de meilleur en 1'un Sc 1'autre genre : & voici, d'après lui -même, les fources oü il puifa. II s'occupa a lire les auteurs dramatiques, Sc fur-tout les comiques, comme Plaute, Térer.ce, Ariftophane, parpréférence aux tragiques, tels Efchyle s Sophoch 3 Euripide ; car, pour Cicéron, Virgile s Hom'ere ,Sc les autres grands modèles de Pantiquité, il n'en fut que faiblement touché, & leur préféroit, fans facon Luc'ien, Taats, Horace, Sc les autres anciens qui penfent, dit-il, a la moderne. II fe remplit enfuite de la lec-  attribuès a J. B. Rouffeau. 91 ture de Defcartes, de Bayle & de Fontenelle, dont il déclare qu'il fit toujours fes délices.. Ce fur avec ces provifions de littérature & de philofophie qu'il parut (en i6"$>8 ) a 1'affemblée qui fe tenoit alors au café de la veuve Laurent. Ce café étoit dans la rue Dauphine," au coin de la rue Chriftine. C'étoit, en ce tems-la, le rendez-vous de tous les jeunes gens qui avoient du talent pour la poéfie, 1'éloquence, les fciences exactes, ou les arts; en un mot c'étoit la pépinière de toutes les académies. Entre ceux qui y brilloient, Bolndin diftingua deux efprits différents, tous deux, dit-il, excellents dans leur genre $. quoique d'un goüt & d'un caraótére fort oppofés. L'un d'eux, ajoute-t-il, gracieux ,' doux, enjoué, & n'ayant d'autre défaur que d'être quelquefois un peu trop fin & trop délicat, étoit le célèbre M. de la Motte, dont le talent pour la poéfie lyrique venoit de fe déclarer par fon ballet de YEarope galante. L'autre, férieux, auftère, & même un peu dur; mais d'une nerteté, d'une force & d'une étendue admirables, étoit lefameux Saurin 3 fi connu depuis par  £|2 Hijloire des coup/ets fa difpute avec M. Rolle,&c plus encofè par fon procés concre Rouffeau. Sa difpure avec M. Rolle , qui étoit un trésgrand géomètre, rouloit fur la géométrie. Son procés avec Rouffeau, eft celui dont il s'agit ici. II fembieroit que Eoindin eft en contradicfion avec lui-même, dans les deux portraits de la Motte, que je viens de tracer d'après lui. Mais il faut faire attention que, dans le premier, il parle de fon vtai caraétère; & dans celui-ci, il parle de 1'extérieur qu'il s'étoit fait,. & de fes talents. Dans 1'un il peint la Motte examiné du cóté du cceur; & dans 1'autre, il le'peint en fociété, & dans le cabinet, la p'lume a. la mam. Comme 1'un avoit, continue Boindin, tout ce qui pouvoit fervir a ornef 1'imaginarion , & 1'autre tout ce qui peut contribuer a former le jugement, il fe propofa de tirer un doublé avantage de ce.commerce. Mais un plus grand rapporr dage, joint a. un égal penchant pour le théatre, le lia pïus étroitement avec la Motte; & le premier fruit de leur liaifon, fut une comédie qu'ils firent enfemble,en 1701» intitulée les trois Gaf ons. II s'éleva en-  amibids d J. B. Rouffeau. 93 fuite une querelle entre eux Sc leurs amis refpeétifs fur le plus ou le moins de part que chacun d'eux pouvoit y .avoir. Elle ne valoit pas la peine d'être réclamée. Mais , pour terminer la querelle , & mettre le monde a portee de juger de leurs talents, ils en composèrent chacun une féparément. « Celle de jj M. de la Motte, dit Boindin, quoi'ft que beaucoup plus délicate & infiniw ment mieux écrite, ne réuffit que mér 55 diocrement, paree que le fujet en 35 étoit trifte & fugubre. C'étoit la Maai trone d'Ephèfe. Celle de M. Boindln , » au contraire , quoique beaucoup plus 35 foible, & infiniment moins délicate s 33 eut un plein fuccès; paree que le fujet » en étoit plus riant, Sc Pintrigue pius 33 piquante. C'étoit le Bal d'Auteuil. ». La franchife de eet aveu fait certaiïiement honneur au cceur de Boindin , ,aIoux de faire connoitre la yérité, qu'il défavoua publiquement une édition de fes ccuyres de théatre, dans laquelle cn avoit ihféré les Trois Gafcons & le Port de mer, fans faire mention de la part que la Motte j avoit eue. II fe dépecha de défabufer le public de Terreur dans laquelle ce filence auroitpu 1'induire, Sc déclara dans des lettres fur les fpeclacles que, de ces trois pièces, il n'y avoit que le Bal d'Auteuil qui füt.entiérement de lui; que les deux autres étoient de lui «5c de M. de la Motte en commun, & ajouta que « bien loin de vouloir s'at» tribuer la part que M. de la Motte y » pouvoit avoir, il feroitravi, au con» traire, que la part qu'il y avoit lui-r  aitribucs ei J. B. Roujfeau. nf \> même püc être atttibuée a M, dé la 53 Motte». Ces ouvrages firent connoitre les tj> lents, 8c le firent recevoir, en 1706 , de Pacadémie des infcriptions 8c belles-» lettres. Au refte Boindin avoue hü-rr>ême qu'il avoit une humeur ëxtrêmemenr. particuliere ; 8c que ce défaut, joint a un grand définréi effcment, ne lui permettoit pas de faire les moindres demarches pour fa fortune & fon avancement ; 8c fon goüt pour Pindépendance alloit fi loin, qu'il Pempêchoit de cher* cher a fe faire des prote&eurs, ou a ménager ceux que' fon mérite lui avoit faits. « Cependant, malgré fon indifféw rence & fon peu d'ambition, AitBoin3j din lui-même, il ne laiffa pas d'avoir k des amis puiffants, qui fe chargèrent 33 d'avoir des vues pour lui. M. c\'Om33 Ireval} fon cbufirt, pour le faire con33 noitre de M. le Duc, alors premier 33 miniftre, ne craignit point de 1'affo33 cier a une partie de fes fondlions de 33 lieutenant-général de police \ & le fit 33 commettre, par arrêt du confeil, pour 53 travailler conjointeraent avec lui daii'% 33 différentes affaires}  5)6 Hifloire Jes couplets » D'un autre cóté , M. Ie comte de ] s, Morville 3 donr il étoit allié, avoit eu- ] „ trepris de le faire entrer a l'académie „ francoife, malgré tous les obflacles » qu'y faifoit iiaitre M. de la Motte, n avec qui il avoit été autrefois fi étroi3j tement lié, mais qui étoit devemi fon ,« ennemi mortel, depuis l'affaire de n Roujfeau: Sc il y a bien de 1'apparence ,) que M. de Morville y auroit réuffi, fi g, M. le Duc étoit refté plus long-tems i », en place. Mais le changement qui 6» arriva dans le miniftère, la difgrace » de M. de Morville & de M. d'Omfoes? val, qui en fut une fuite, Sc la. mort j « de 1'un Sc de 1'autre de ces protec« teurs, qui arriva peu de tems après , ,5 renversèrent tous les projets qu'ils n avoient formés pour M. Boindin, Sc n le laifsèrent plus expofé que jamais js au reffentiment de M. de la Motte, 35 qu'il ne s'étoit cependant attiré, que j w pour avoir paru douter que Rouffeau « fut le véritable auteur des couplets jj qui lui étoient atttibués; doute bien 3) pardonnable a un homme accufé lui« même d'y avoir eu part, & qui avoit 33 un grand intérêt de faire voir qu'U i> n'en étoit pas complice ». J'ai copié les prepres termes de Boindin , I  attrtbuès d J. B. Roujfeau. ,| e'in, paree que ce paffage répond a ceux : -qui onr voulu rendre eet auteur fufped ■•' fur le témoignage qu'il a ren du a 1'inI nocence de Rouffeau, dans le mémoire J pofthume dont j'ai parlé plus haur. Pourquoi, dit-on, au bout de quai rante-trois ans, Boindin a t-il voulu laifI fer, en mourant, une accufation auI thentique contre trois hommes qui 'ne 1 font plus ? Ces trois hommes font SauI rin 3 ia Motte & Malafer 3 dont je vas 'bientót parler. C'eft , continue-t-on ,: i -que le mémoire étoit compofé il y avoit | plus de vingt ans; c'eft que Boindin les I haïffoit tous trois; c'eft qu'il ne pouvoit I pardonner a la Motte, de n'avoir pas j-follicité pour lui une place a. 1'académie y francoife, & de lui avoir avoué que la ii profeflion publique qu'il faifoit d'a1 théifme lui donneroit rexclufion. II s'éI toit brouillé avec Squrin, qui étoit, coms me lui, un efprit altier & inflexible. II i s'étoit brouillé de même avec Malafer ( homme dur & impoli. Ces motifs de foupcon contre la fin- rcérité dei?0/W/72cencernant l'affaire de \ Rouffeau 3 ne font .fondés ni fur la certitude des conjedures, ni fur la vérité mes faits, Qu'importe qu'il y eüt vingt ans, Tomé Vllly £  *>8 Hijloire des couplets plus ou moins, que Boindin , quand il eft mort, eut fair le mémoire dont il ] s'agit. L'époque de fa rédaétion n'influe en rien fur les vérités qu'il peut contenir. Et, en fuppofant que la colère 1'eüt dióté au moment oü il a été écrit, les vingt années que 1'on dit s'être écoulées entre fa compoiition & fa publication, étoient bien fufHfantes pour éteindre cette colère, & reftituer a la vérité tous fes droits, fur-tout, de la part de Boindin, en qui tous ceux qui 1'ont fréquenté, reconnoiffent un attachement opiniatre pour les vérités qu'il connoiffoit.Etquand cette pritendue colère 1'auroit infpiré d'abord, &c lui auroit déguifé les faits en les préfentant i fon imagination autrement qu'ils n'étoient, cette ; paffion a dü s'amortir par le laps de tems, radtère dur & féroce, accoutumé, par sa état, aux faulfetés & aux fuppofitions, » cc qui, gour loutenirion commerce, » avoit, dans le grand monde, des afj3 fociés fecrets, comme des la Faye, des » Melon 3 des Noes : témoin les copies 3» tirées furtivement chez le premier, » d'après les Aibane (i) de M. Arouet, » Sc remifes frauduleufement par notre (i) Francois 1'Aibane, peintre célèbr,e, fils d'un marchand de Bologne, naquit en cette ville en 1578. II y époufa une très-belle femme , dont il eut douze enfants qui reffembloient tous a leur mère; enforte qu'il trotivoit, dans fa familie, les modèles de Vènus,, des Graas, des Amours & des autres divinités qui font un 11 bel eftet dans fes tableaux. Mais aufiï, n'étant point forti de fa maifon pour trouver des modèles, on lui reproche une uniformité trop monotone dans fes figures & dans lts graces forties de fon pinceau. II mourut en 1660, après avoir vècu heureint pendant 8a ans. Le roi poffède plufieurs de fes tableaux. M. le duc ÜOrUans en a aufli quelques-uns.  attrihuês d J. B. Rouffeau. 103 » homme a la place des originaux , & » les faux témoins qu'il fit entendre » dans fon affaite des coups de baton , » pour éviter d'en porter la peine, &c » en faire payer les frais a celui qui les 33 avoit recus ». J'ignore quelle eft cette affaire des coups de baton dont parle Boindin. Mais on fcait que Malafer miria une de fes filles a Collins, peintre de Pacadémie de S. Luc & marchand de tableaux. Ce Collins poffédoit parfaitement Part de réparer ceux que la vétufté ou quelque aurre accident, avoient altérés. Ace talent utile, il joignoit celui de copier fi parfaitement les originaux, que perfonne n'ofoit lui en confier; fur-tout anrès Paventure de M. Arouet. " Malafer n'étoit pas plus fcrupuleux pour les fonds, que pour les tableaux qu'on lui confioit. M. Melon (1) lui (1) N. Me'on naquit a Tulle , & s'attacha. au duc de la Force, qu'il engagea a établir Tacadémie de Bordeaux. Ce duc , de retour a Paris, le fit connoitre de M. le Régent, dont il ne fut jamais fécretaire en titre, mais qui 1'employa 'dans les affaires les plus importantes , & pafloit, avec lui, des heures entières a difcuter les points les plus intéreffants de fon adminiftration. 'Melon mourut a Paris en 1738. Ona,de lui, un ejfai politique fur: Eiv,  104, Hifloire des couplets remitde 1'argent, pour faire „en Kollande, un achat confidérable de tableaux,. fur lefquels il paroiffoit que les deux affociés devoient faire un profit confidérable. Les tableaux furent achetés &. revendus : mais M. Melon ne put jamais fcavoir fi cette affaire avoit fruófifié, & eut même beaucoup de. peine a retirer fes fonds.Ce trait qui fit du bruit, dans le tems eft encore L la connoiffance de perfonnes qui en ont été témoins , 8c qui 1'atteftent, quoiqu'elles n'aient aucun intérêt, öc neprennent aucune part a ce qtri conceme l'affaire de Rouffeau.. Cependant un homme célèbre, qui n'a ceffé d'attaquer les ouvrages 8c la perfonne de Rouffeau 3 a cru qu'il importoit a fes vues que Boindin fut confï«léré, dans cette affaire, comme un 'le commerce, oü cette matière eft traitée err grand, avec un efprit droit & lumineux, & fuivant les regies de la probité. On y trouve des principes clairs de commerce, de politique & de finance. Son ftyle eft male 8c nerveux; mais défiguré par des fautes de langage. II a encore fait impnmer Mahmoud le Gafnevidc. C'eft une hiftoire allégorique de la régence du duc d'Orle'ans. La leéhire en eft utile. Enfin on a recueilli plüfïeurs diflerrations qu'il avoit compofées peur 1'académie de Bordeaux,  attribués d J. B. Rouffeau. i of homme auquel la prévention avoit arraché des menfonges en faveur de celui qu'il vouloit défendre : Sc, pour le combattre, il s'eft contenté d'écrire légèrement, Sc de faire imprimer que ceux qui ont fréquenté le comte de Noce Sc Melon , fécretaire du régent , fcavent que c'eft une infigne calomnie, que de dire qu'ils étoient aftociés avec Malafer, petit jouaillier. Et c'eft d'après cette affertion , fans doute , que 1'auteur du diclionnaire hiflorique 3 imprimé en 1772, en fix volumes in-Z°. aflirme quele mémoire de Boindin } fur l'affaire de Rouffeau , eft très-circonftancié , Sc très-calomnieux. Mais on n'ajoute pas un feul mot, pour appuyer cette imputation. 11 me femble cependant que la juftice Sc 1'honnêteté ne permettent pas une accufation auffi grave que 1'eft celle d'une calomnie infigne, fi elle n'eft foutenue par des preuves plus elaires que le jour; Sc que 1'accufateur qui n'eft pas armé de cette preuve, mérite, » jufte titre, qu'on lui rétorque cette accufation, Tous ceux qui ont eu occafion de citer Boindin , Sc tous ceux qui l'ont connu perfonnellement, affurent qu'iï Ev  io6 Hifloire des couplets étoit imperturbablement attaché a ce.qu'il croyoit vraii, & qu'il n'y avoit rien. qu'il ne fjt pret a facrifier a eet attachement. Ce qu'il voyoit , par luimeme, il étoit tout naturel qu'il le ctut fermemenr. Mais, en outre, il lui étoit impolïible de dire autre chofe que ce qn'il croyoit; Sc il étoit incapable de dire ce qu'il ne croyoit pas. Ce témoignage lui eftrendupar ceux mêmes qui s'efForcent de répandre des foupeons fur la vcrité des faits contenus en fon métnoire. Que Boindin n'ait pas tiré , de ces faits, des conféquences bien juftes; cela eft poifible; Sc la facon de penfer qu'on lui impute fur les vérités de. la religion eft la preuve qu'il étoit bien éiöigné d'être toujöurs confequent.. Mais, tout rhauvais raifonneur qu'il pouvoit être, il n'en eft pas moins croyable fur les. faits dont ii parle en témoin oculaire y Sc lorfqu'il parle ainfi, il mérite beaucoup plus de foi, que ceux qui , en les niant, fe contentent, pourappuyer leurdénégation, d'affurer, fans autre preuve, que c'eft une infione calomnie. Et Boindin , en ce cas, mérite encore bien da"Vantage la préférence fur fes accufa-  aanblies d J. B. Roujfeau. 107 I teurs, s'ils fe font acqnis la réputation 1 de n'être pas toujours fort fcrupuleux 1 fur la vériré; Sc s'il eft de 1'intérêt de I leurs paillons de donnet un démenti. I ifolé fur les fairs qui les gênent. Mais , dira-t-on, Boindin peut être I fufpeót dans cette'affaire, paree qu'il eft 1 avantageux pour le fyftême qu'il a era3 braffé, que Malafer fut en fociété de jj commerce avec des perfonncs qui puffent le foutenir, en cas d'attaque de la part de Rouffeau. Cet appui le rendoit" bien plus hardi dans la perfécution dont. I on vouloit qu'il fut un des inftruments.. t1 De ce qu'un fait eft favorable a un fyftême, s'en fuit-il qu'il eft faux? Et: l cette circonftance autorife-t-elle a. le nier , quand il eft attefté par un témoin oculaire, & auquel rout le monde rend la juftice de dire de lui qu'il n'attefte jamais que ce qu'il croit vrai? II y a plus : ce n'eft pas la paffion qui a infpiré: & Boindin le fyftême qu'il a adopté. S'il. 1'eüt écoutée , 1'efprit de vengeance1'auroit porté, comme je 1'ai fait voir, dans le parti oppofé. 11 n'a donc adoptécelui dans lequel il s'eft rangé, que paree; qu'il acruy voir la vérité. La préventiom ne lui a donc pasfafcind.les yeux fur.ee.' E.vji  ïc>3- Mifloin des couplets qu'il voyoic: il a même percé les nuagey qu'elle pouvoit oppofer a fes regards.. D'ailleurs il'ne répugne ni a la. vraifemblance, ni a 1'honnêteté, ni a 1'expérience , que des perfonnes de condition aient fourenu des marchands, en leur prêtant des-fonds , pour un intérêt. ufuel Sc légitime. Mais , au furplus „ quant a M». Melon } il n'étoit point: homme de condition; il s'occupoit dela théorie du commerce, fur laquelle iL a écrit avec fuceès. Qu'y a-t-il donc d'étonnant qu'il- ait confié des. fonds a. Malafer pour négocier des parties que fes lumières pouvoient lui- faire envifager comme fruétueufes ? Car il n'eft poinr vrai que Malafer ne fut. autre chofe qu'un peth jouaillier. II eft. de notoriété qu'il faifoit un- commerce eonfidérable de tableauxSc 1'on ficait que ce trafic ne peut être fruótueux qu'autant que celui qui 1'entreprend a toujours des fommes prêtes pour faire face aux occafions qui fouvent fe préfentent inopinément. Et il n'eft pas ftirprenant que Malafer trouvat desfecoursdans labourfedeMM. Melon Sc laFaye, avec lefquels il éroit en Iiaifon, & qu'il voyoit tous les jours au café de la veuve  attribuès dj. B. Roujfeau. i ütjf Laurent. Enfin le fait particulier que j'ai rapporti plus haut, étoit > claris le tems % de notoriété publique. Mais fuppofons que cette notoriété füt une erreur qui eüt trompé Boindin , comme elle avoit trompé le public, le jugement qu'il a porté du caraétère de Malafer n'en feroit pas moins vrai; & tout le monde avoue, ou du moins perfonne ne combat les trairs qu'il rapporté , pour prouver que ce marchand. étoit un fourbe de profeffion, d'un caraétère dur & féroce, accoutumé , pat état, aux faufletés &c aux fuppofitions, J'ai cru devoir difcuter ici la foi qui eft due a. Boindin , paree que je fuis obligé , pour éclaircir la matière de ce procés, de faire ufage du mémoire pofthume qu'il a laifie a ce fujet. C'eft dans eet écrit, & dans celui que Rouffeau fit imprimer alors pour fa défenfe, que je puiferai les faits, en y inférant les débats que Saurin y a oppofés.. La comédie du Capricieux de Rouffeau avoit été repréfentée, pour la première fois, le vendredi 17 Décembre 1700. Roujfeau en parle ainfi lui-même dans ijne lettre qu'il écrivoit a M. Du*  HO Hijloirc des couplets ché (i) : » Permettez-moi, mon cher j? ami, de vous faire un petit reproche.. » D'oü vienr que m'écrivanc un mois » après la première repréfentarion de » ma comédie, bien informé de fes » diverfes forrunes , que M. Defmaréts » (ij, a qui vous aviez fait réponle,; (i) Jofeph-Francois Duché de T'ancy, fils d'un gentilhomrae ordinaire de la chambre du roi, naquit a Paris ,.en 1668. La marquife de Mainunon, ant vu quelques-uns defescflais, le chargea de compofer des poéfies facrées a Pu fa ge des élèves de S. Cyr; & celles qu'il compofa s'y chantent encor.-. 11a donné au théatre francois, trois tragédies, Jonatas, Abfalon & Débora : la feconde eft reftée II eft auteur de fix opéra : les fête galantes ; les les amours de Momus, Tiieayène & Carièlêe; Céphale & Procris; S lla; Iphigénie. II fut admis dans 1'académie des infcriptions & belles lettres, & mcurut en 1-0.4, dans la trente ■ feptième année de fon agé. II avoit une grande douceur dans le car ttère, & beaucoup d'agréments dans 1'efprit. II étoit fort lié avec Rouffeau , & ils faifoient enfemble les charmes des fociétés oü il fe trouvoient. (a) Francois-Séraphin Regnier Defmaréts,' öu Marais, naquit a Paris en 163?. II étoit d'une familie noblé, originaire de Saintonge. A 15 ans,il traduifit, en vers buiiefques, la Batrachomyomachie d'H.mère. Son age fit regarder cette traducüon comme un prodige. En 1667, il compofa une ode en italien, que:  attnbues a I. B. Rouffeau. 111 >»■ vous avoit mandéesj d'ou vient donc s^ » dis-je, mon ami,que vous m'écrivez, » d'un air myftérieux , ces feules pais roles : je vous félicite du fuccès qu'a » du avoir le Caprici&ux ? En bonne » foi, eft-ce avec moi qu'il faut prendre >• de ces polkeffès réfervées & fèches? sa penfez-vous que. j'eulfe trouvé mau» vais que vous m'euffiez écrit : j'ai été » kien étonné d'apprendre le mauvais fort v> de votre première repréfentation ? Non 5 1'académie dé la rrufca de Florence prit pour une traduétion de Pétróne; & lorfqu'elle fut défabufée, elle neprit d'autre vengeance de fon erreur, que d'admettre celui qui 1'avoit caufée au nombre de fes membres. Trois ans après, il fut recu k 1'académie francoife , qui lui donna la place de fécretaire perpétuel, en 1684. II eut plufieurs bénéfices; & s'il ne parvint pas a l'épifcopat, il en fut empêché, diton , par la traduétion d'une fcêne voluptueufe du Paftor F:do. II mourut a Paris en, 1713,agé de 81 ans. Les qualités de fon cceur Pont autant honoré, que fes talents. On a,. de lui, une grammaire francoife, dans laquelle on trouve le fond de ce qu'on a dit de mieux. fsr la laneue. Une traduflion d''Anacrion ,.en vers italiens. Des poéfies francoifes, latines & italiennes réunies. La traduétion de quelques ouvrages de Cicéron. XJhifloire des démélés. de la France avec la cour de Rome, au fujet de V-affaire des Corfes. L'abbé Regnier paffe po.ur: un de nos raeilleurs écrivains.  112 Hijloire des couplets »7 rnon cher Duché3 ce n'eft point de-* n vant des gens comme vous que je r> fuis honteux de ma mauvaife fornme» De qui eft-ce qu'un malheureux rece» vra des confolations, fi ce n'eft de-fes » amis; & comment pourront-ils le con*> foler, lorfqu'ils ignoreront, ou feinn dront d'ignorer ce qui lui arrivé ? Ce » n'eft pourtant pas en cette occafion , » que j'en ai eu le plus de befoin; la » pièce s'eft relevée, 8c a été fort applau53 die pendant onze repréfentations, 8c 33 auroic été a vingt, fi les comédiens ■n avoient voulu y joindre une petite 53 pièce : ce qui, au lieu de cent piftoles 33 que m'a valu cette comédie, m'en » auroit valu deux cents. Maisapprenez »i la plus cruelle chofe qui puiffe arriver jj a un homme 8cc ». Quoi qu'il en foit, la pièce de Rouffeau n'eut pas un fuccès brillant; 6c il faut convenir que, fi elle n'eft pas au rang des mauvaifes, elle ne méritoic pas un fort différent de celui qu'elle * eu.. Pendant que cette comédie fe traïiroit, pour-ainfi-dire, de repréfentations en repréfentation, parut 1'opéra d'He'jronne.} le mardi n Octobre 1700,  'éutrièués d J. B. Roujfeau. s 13 Cette tragédie lyrique fut recue avec un applaudiffement univerfel. Les paroles étoient de Danchet (1) , la mufique de Campra (1), & les balets de Pécourt (3). (1) Antoine Danchet naquit a Riom en 1671. Après avoir profeffé la rhétorique a Chartres, il obtint une place a la bibliothèque du roi, & devint membre des académies francoife & des infcriptions. II mourut a Paris, en 1748. Ses ceuvres eonfiftent en quelques opéra qui ont été applaudis , & fans lefquels fon nom feroit peut-être reflé dans 1'oubli, non-obftant quelques tragédies qu'il a hafardées fur le théatre frangois, & qui rTont eu aucun fuccès. II a auffi compofé des odes, des cantates & des épitres en vers , qu'on ne lit point. Danchet avoit un peu d'efprit, fans génie. Ses eeuvres ont été recueillies en 4 volumes in-12 a Paris 1752. II v règne un caraéière de douceur faftidieufes qm ne permet pas d'en foutenir long-temsla. leéiure. (2.) Andrè Campra naquit a Aix en i^óo,. & mourut a Verfailles »en 1744. Après s'être fait connoitre par des motets exécutés dans des églifes, il devint maitre de mufique de Notre Dame de Paris. II compofa enfuite des opéra, & eut, dans ce genre, les plus grands fuccès. Non-obftant la révolution arrivée dans la mufique, on voit toujours , avec piaifir, fon Europe galante, fon carnaval ds Venife, fes fétes vénitiennes, fon Hifione, fonAlcide, &c. II a fur-tout Part d'exprimery avec jufteffe , le fens des paroles. (3) Pécourt étoit, dans fon tems,,un des  114 Hifloire des couplets Ce fuccès mortifia Rouffeau, qui ctoic, & a toujours été, fort entêté dumérite de fes pièces de théatre. II faut cependant avouer que, s'il n'eüx eu d'autre titre que fes ouvrages en ce genre, loin de parvenir a la gloire immortelle qu'il s'eft acquife , fon nom feroit a peine connu aujourd'hui. Quoi qu'il en foit, 1'avantage qu'un homme tel que Danchet remporta fur lui, lui donna de Phumeur. II exprima fon mécontentement par un couplet de chanfon dont les vers étoient combinés pour être cbantés fur un des airs de 1'opéra d'Hejione ; celui dont les paroles commencent ainfi : Que l'amant qui devient heureux}SCc. 11 faut remarquer que ceux qui Sfkquentoient le café de la veuve Laurcnt formoient deux faétions ; 1'une étoit dans le parti de Rouffeau , Sc 1'autre dans celui de la Motte. Le premier avoit pour amis les auteurs les plus connus parmi ceux qui alloient au café; entr'autres la Lojje (i) Sc Duché. La Motte premiers danfeurs de Topéra. II conipofoit auffi des ballets, dans lefquels il avoit toujours foin de fe réferver un róle. (i) Antoine de la Foffe, feigneur d'' Aubigny,' fils d'un orfévre de Paris, naquit vers Pan  Aitrïhuh d J. B. "Roujfeau. ï i fione, dit Saurin, dans le mémoire w qu'il fit imprimer pour fa défenfe, le 55 fieur Roujfeau vint au café. II dit a >3 M. de la Motte, croyant n'être en53 tendu d'aucun autre, le couplet conw tre meflieurs Collajfe (i), Campra j devint auteur dramatiqne qua I'age de 6o ans. (i) Fafcal Co'lajfe naquit a Rheims en Champagne , vers Tan 1640. 11 apprit la mufique étant enfant de chceu-r a Péglife de S. Paul a Paris. Lulli lui trouva du talent. Après 1'avoir employé a battre la mefure a Popéra, il lui fit obtenir une des quatre charges de maitre de la chapelle du roi. II iuccéda a Lammert, dans la place de fur-inïendant de la mufique de la chambre, Sc coa-  attribués d J. B. Rouffeau. 117 ]i '» Bérin (1) & Pécourt. II pria M. dc la I 31 Motte de le dire, & de 1'attribuer ï j 33 M. 1'abbé Pic (2) cgntre qui le lieur : ferva 1'autre charge. ii recut beaucoup de gratifications du roi, qui ne le rendirent pas plus riche; il fe ruina a chercher la pierre J philofophale. ii a mis plufieurs opéra en muJ lique. Le dernier eft Fyrrhus & Polixene, J dont les paroles étoient de la Serre, & qui i tomba. Cette chüte lui dérangea totalement ü 1'efprit. ii mourut trois ans après eet accident, : yers 1'an 1709 , agé d'environ 70 ans. ii 1 paroit qu'il avoit été lié avec Roujfeau, puifque ce fut lui qui mit en mufique fon i opéra de Jafon, en 1Ó9Ó. Us fe font brouillés i: depuis, & Roujfeau a laché, contre ce mufiJ cien , une foule de traits fatyriques. J'ignore I la caufe de leur divifion, a moins que le i| poëte n'ait attribué au muficien la chüte de ci fon opéra. (1) Bérin étoit deffinateur du cabinet du i roi, & muficien; a 1'opéra. Collajfe avoit J époufé fa fille. (2) Je n'ai aucune notlon fur 1'abbé Pic'. j Je fcais feulement qu'il eft auteur de deux J opéra : les. Saifons , qu'il donna en 1695 , & I la Naijfanee de Vinus en 1696. Roujfeau en I parlpit ainfi a Ducl\é, dans une lettrq du 13 % hovembre 1696 : « Je ne vous dirai rien de ij ij notre cher abbé Pic, fi ce n'eft qu'il va t| ■>•> toujoHrs de mal en pis, & qu'il a fait, 3» depuis peu, un divertifTement pour Lulli 3) le fur-intendant, au prix de qui, la Naijfanee 1 y de Venus eft une Énéide j>.' Collajfe a fait la li mufique de ces deux opéra, Le premier a  ïi8 Hifloire des couplets p Roujfeau avoit déja. fait une fatyre (i), » M. de la Motte lui déclara que tout ce j> qu'il pouvoit faire, étoit de ne le pas » nommer lui-même; & récitant le cout, plet a. quelqu'un , après que le fieur » Roujfeau fut forti, M. de Maunoir 3 » qui étoit préfent, dit : nous ne vous » en demandons point l''auteur ; Rouffeau 11 vous 1'a dit trop haut, & il m'a mis » du fecret fans le vouloir. Ce couplet n étoit fur un air de 1'opéra A'HéJione; » &c c'eft le premier de prés de cent » couplets que le fieur Roujfeau a faits » depuis fur le même air. » Sur ce premier couplet, le fieur » Roujfeau a comme ébauché la cons> duite monftrueufe qu'il tient aujouf« d'hui fur les autres. II prévint, par n des embrafièments, le fieur Pécourt, » au cul-de-fac de 1'opéra; & il lui tint » ce difcours : // paroü dans le monde ■> une chanfon contre vous, que des gens » malins m'attri! uent : mais je vous ai » trop d'obligation, & vous ave\ trop de n raijon de me compter entre vos amis ; du fuccès & a été repris plufieurs fois: 1'autre n'a pas réuffi. Rouffeau s'eft permis beaucoup de traits fatyriques contre 1'abbé Pic , auquel il a fouvent joint Collajfe. {t ) La Picade , ou ï opéra de Naples.  attrihuês d J. B. Rouffeau. 119 j> vous ne me croire^ jamais affe^ ingrat, 39 ni ajje^ fou pour vous avoir joué un 33 pareil tour. Il joignit les ferments aux jj embratfades, &, bon comcdien qu'il m eft, il fe donna un air d'innocence sj qui convainquit peut-êcre le fieur Péjj ciw«. Voila la fcélérate hypocrifie jj ajoutée a la calomnie qu'il avoit voulu ij jetter d'abord fur M. 1'abbé Pic ». Cette hiftoire conduit affez adroitement a la juftification de Saurin. Elle fait, dés le début, un tableau du caraótère &c des manceuvres qu'il lui impor.oit d attribuer a Rouffeau, & induit tout naturellement ceux qui font préyenus ou qui fe laiffent aifément préyenir, a croire que ce dernier étoit capable de la calomnie dont Saurin prétendoit qu'il le noirciffoit. Mais , outre que cette narration manque de vraifemblance en quelques points , Boindin , témoin occulaire , Boindin, qui avoit intérêt de charger Rouffeau, la raconte autremenr. Après avoir parlé du couplet, & du motif qui 1'avoit infpiré, il continue ainfi: " Mais ■3> Rouffeau ne voulant pas cependant fe j» brouiller avec ceux qui avoient coh opéré a 1'opéra d'HéJïone, il fe contenta jj de le réciter tout bas a 1'oreille a  120 Hifloire des couplets w Duché; Sc ce fut par un par hafard jj &C contre fon intention ,que Maunoirt »5 qui étoit dans un coin de la cheminée, 55 Sc qu'il ne voyoitpas, lui en entendit 55 faire la confidence. Comme ce tés5 moin n'étoit point engagé au fecret, 95 tout le café en fut bientot informé; » Sc ce fut poür s'en venger que Roufv feau fit les cinq premiers couplets qui » ont fervi de modèle& de patron pour jj tous les autres 55. Ce récit eft beaucoup plus naturel que le précédent. Rouffeau Sc Ia Motte n'étoient pas amis. 11 eft donc contre toutes les régies de la prudeuce que le premier, auquel on attribue tant de fineffe dans Part de la fourberie, eüt été choifir fon ennemi, pour lui confier un fecret qu'il lui importen: de tenir caché , Sc poufler même la confiance jufqu'a vouloir engager eet ennemi a mettre fur le compte d'un innocent un crime dont il devoit être flatté de pouvoir accufer Rouffeau avec fondement. II étoit bien plus naturel qu'il le versat dans le fein de Duché, dont la probité Sc la difcrétion lui étoient connues, Sc avec iequel il a toujours été lié d'amitié. Cependant il fe pourroit nue Boindin fe fut auffi trompé fur le  attribués a J. B. Rouffeau. r ^ i ftpm du confident; car il y a apparence, comme on va le voir bientot, que Duché étoit alors a la campagne. D'ailleurs quel intérêt Ci prefiant Rouffeau pouvoit-il donc avoir de craindre fi fort d'oftenfer le danfeur Pécourt ? C'eft ce que Saurin ne nous explique point; & 1'on ne trouve mille part aucune tracé de cette proteftation affectueufe qu'il impute i Roujfeau. " Peu de jours après 1'aventure de ce »» couplet, continue Saurin ,011 enjetta, » fous les tables du café, cinq ou lix x> autres. Ils n'attaquoient encore que Ie « ridicule j tout le monde en rit, hors » les intérelTés, qui n'héfirèrent pas un j» moment fur 1'auteur. C'eft Roulfeau; È» c'efi ce rnauvais cceur; je lui citois 3» Hérodote avant hiery difoit 1'un -y je ,j> n'ai dit cette circonflance qu'a. lui 3 33 difoit 1'autre: ce ne fut qu'une volx ,,. iLes plaintes que Saurin, dans cette tirade , met a. la bouche de 1'un de fes intetlocuteurs, eft relative a ces vers qui jfe trouvent dans le fecond des coupletsapn queftion : Que Véderité petit vieillard, Quart de fcavant, grand babillard, Jmportun citeur d'Hérodote De fes vieux contes, 6v. ■ Tomé VIII. F  12X Hijloire des couplets _ On voit combien Saurin étoit atItentiF & adroit a profiter des circonftances , & même a les imaginer aii befoin, pour charger fon adverfaire. II eft nécelfaire que je copie encore ici trois vers tirés du premier de ces couplets. II en fera beaucoup queftion dans la fuite. Que dans fon fait carnet le pefant abbi Maumeaet Laifft pourrir fes vers maujfades , &c. Saurin convient donc lui-même que ces cinq couplets n'attaquoient que \e ridicule de ceux qui y étoient nommés, Boindin eft'd'accord avec lui fur eet objet. » Ces premiers couplets, dit-il, „ ne faifoient qüeffleurer le ridicule 8> de quatre ou cinq particuliers qui » donnoient affez de prife a la plaifan3. terie: mais, comme ils n'entendoient s5 pas raillerie , & qu'ils ne ceffoient de 33 menacer l'auteur, Rouffeau prit enfin p le parti d'abandonner le café ». Cependant ceux qui ont voulurendre Boindin fufpeét dans fon récit, n'ont pas craint de dire afiirmativement 33 qu'il eft très-faux que les cinq pre5> miers couplets reconnus pour être de » Roujfeaus ne fiflent qu'effleurer le ridi-  attribuès d J. B. Rouffeau. 123 » cule de cinq ou fix particuliers, comme " le dit le mémoire ». Et pour prouver cette dénégation, on cite cinq-vers qui ne fe trouveht point dans ces cinq premiers couplets. Mais le ton d'afliirance ne doit point en impofer, & ne doit pas l'emporter fur le récit de deux témoins oculaires , & tous les deux intéreffés a charger Rouffeau. Quoi qu'il en foit, il paroït que tout le monde fe réunit pour attribuer ces cinq couplets a Roujfeau, quoiqu'il ne les ait jamais avoués, & qu'il n'y ait jamais eu d'autre preuve qu'il en fut 1'auteur, que les conjeétures que for-r mèrent ceux qui fréquentoient le café. Saurin fait enfuite un long narré de ce qui fe paifa dans 1'intervalle de ces cinq premiers couplets, a ceux qui ont fait la matière du procés. Voici comment Boindin le réduit: « Soit que Roujl »feau voulüt soter a lui-meme tout » moyen de reparoitre au café, foit qu'on » fongeat dès-lors a 1'en éloigner pour tou» jours, il fut inondé, i diverfes reprifes, » de couplets plus piquants& plus inju» rieuxqueles premiers, & la chofe allafi » loin, que les parties intereffées tinrent » plufieurs confeils, & voulurent prenv dre des mefures, pour en arrêter le \ F ij  124 Hifloire des couplets » cours, & pour s'en venger. Mais ij „ arriva comme de toutes les affaires ou „ ü s'agit de 1'intérêt commun j chacun « fe repofa fur autrui de la punitipn, « & perfonne ne jugea a propos d'agir » pour les autres >>. Mais ccoutons, ace fujet, les plaintes que Rouffeau verfoit lui-même dans le fein de' 1'amitié, par fa lertre a M. Ducké, du n février 1700. Voici comrnent il continue cette lettre, après le morceau que j'ai rapporté plus haut : « Mais apprenez la plus cruelle chofe « qui puiife arriver a un homme. On a » fait des chanfons fur un air de loper* „ qui fe joue aujourd'hui j & depius v trois femaines, il en paroit, tous les „ jours, de nouveau couplets, mais les y, plus atroces & les plus abominables „ du monde, a ce qu'on dit, contre tous „ ceux , fans exception, qui yont au „ café de madame Laurent. J'ai fort de „ dire, fans exception; car je fuis ex« cepté , moi; & cela, joint a ce quelles „ font fort bien rimées la plupart, a i, fait foupconner que j'en étois 1'auteur: „ de forte qu'avec les fentiments que M vous me connoinez, # 1'intégnté dont je crois , fans vanité, que per» fonue ne peutfe louer a plus juft|  aurïbués aJ.B. ïtouffeau. 11% h titre que moi, me voila, fans y penfer, h mis au nombre des monfti.es qu'il » faudroit étouffer a frais communs. j> Car il n'y a point de termes qui puifis fent exprimer la noirceur dont je jj ferois coupable, fi les meilleurs amis >» que j'aie eus, gens qui m'ont donné » récemment, al'occafion de ma pièce , jj & en mille autres, des preuves de » leur amitié , Sc de 1'intérêt qu'ils « prennenten moi, gens , en un mot, » dont je fuis fur; li ces gens-la, dis-je, >> étoient 1'objet que j'euffe pris pour s» mes fatyres : mais encore quelles *> fatyres ! Pour moi le parri que j'ai n pris, a été de faire une déclaration 35 que j'étois prêt a figner que 1'auteur 33 de ceslibelles eftle plus grand coquin » du monde \ je 1'ai même mife en » rimes, comme vous vefrez par 1'epi— 33 gramme que je joins a. cette lettre : »3 Sc, cela fait, j'ai renoncé, pour le 3» refte de ma vie, a aller dans tous les 5> lieux publics, ou en effet, des gens 33 connus courent un fort grand rifque 33 par le mélange inévitable de gens 33 qu'on ne connoit point, & même de 3> ceux qu'on connoit par fois pour malis honnêtes gens. Je m'en trouve trèsj) bienj&, depuis 15 jours que jeceffed'y F iij  ix6 Hijloire des couplets j> aller, jefuis devenubeaucoupplusatta»j ché a mes affaires, plus affidu a voir jj bonne compagnie, & meilleur écono« me de mon tems. II me falloit un maljj heur comme celui-la pour me defliller js les yeux, & me défacoquiner de la hanj> tife d'un lieu qui, au bout du compte, s» n'honore pas ceux qui le fréquentent. j> La pauvre madame Laurent, qui n'en m peut mais, y perdraplus que perfonne: sj car j'apprens que prefque tous ceux jj qui alloient chez elle, ont déferté ». Voici 1'épigramme que Roujfeau enYoya a M. Duché, avec cette lettre : Auteur caché , qui f]ue tu fois, Brigand des forêts du Parnaffe , Qui de mon ftyle & de ma voix Couvres ton impudente audace, Vil rimeur, cynique effromé, Que ne t'es-tu manifetté ? Nous euffions tous deux fait nos röles; Toi d'aboyer qui ne dit mot; Et moi de choifir un tricot Qui fut digne de tes épaules. Ce fut a-peu-près dans ces circonftances, que parurent les odes de la. Motte, contre lefquelles Roujfeau lacha Pcpigramme, dans laquelle il reproche plaifamment a ce poe'te de n'avoir pas fait fes odesen profe. 1 a Motte répliqua par une nouvelle ode, dans' laqueile,  attribuésaj. B. Rouffeau. i x? fous prétexte d'établir que la vertu eft la vraie nobleffe, ce fils d'un chapellier reproche indireótement a Rouffeau fit naiffance. Les chofes en étoient la, lorlque la troupe de ceux qui étoient attaqués dans ces couplets, quife multiplioient tous les jours , prit le parti de s'affembler chez le fieur de Villiers; & pour que perfonne n'allat interrompre la déhbération, on tint le projet de cette aflemblée très-fecret, •> Cependant Rouffeau , foit par polttique , foit par quelqu'autre motif , chercha a. fe reconcilier avec les offenfés, & le hafard voulut qu'il allat, fur le midi, chez le fieur de FUUcrs, le prier de fe rendre médiateur de la reconciliation qu'il defiroit. Le fieur ae. Vdliers lui apprit alors qu'on deVQit s'affembler chez lui 1'après midi, & avifer au parti qu'il y avoit a prendre pour arrêter le cours de ce torrent de couplets, & obtenir vengeance de l'auteur. La Motte étoit du nombre des convoqués, il arriva avant deux heures, & apporta un paquet cacheté qu'il dit avoir trouvé a fa porte, en fortant pour fe rendre a 1'affemblée. On défait le paF iv  328 Hijloire des couplets quet; on y trouve douze couplets abo^ minables, dontle premier commencoïE ainii : Fats ajJembUs che^ de Villiers ; ' Parmi hs fats troupe d'élite t D'un vil cafédignes piliers, Craignei la fureur qui m'irrite. &C, L'auteur de ces nouveaux coupkrs étoit donc inftruit de iaffemblée; Sc il en avoit été inftruit affèz-tót pour poiivoir compofer fes couplets avant qu'elle fe format. Ce n'étoit donc pa» Rouffeau. Mais écoutons Boindin : « II eft certain, dit-il, que, dés ce s> tems-la, plufieurs des parties inté« reffées dans les couplets, foupconnè» rent qu'ils n'étoient pas tous de Rouf» feau, Sc que quelqu'autre profitoit de » 1'occafion pour fatisfaire, en même 3' tems, fa malignité & fa vengeanre. « II y en eut même un paquet apporté « par la Motte chez M. de Villiers, Sc » qu'il difoit avoir trouvé k fa porte, » qui ne pouvoit pas être de Roujfeau : » la preuve eft évidente. Roujfeau, in» formé qu'il paroiffoit tous les jours de » nouveaux couplers, entreprit de s'en » juftifier, Sc courut chez toutes les par» nes intérelfces, juftement m jour  atvibués d J. B. Rouffeau. 129 % qu'elles devoient s'alTembler a. ce fü,j jet chez M. de Villiers. C'étoit même » un fecret au café que cette affemblée \ ,> & Roujfeau ne 1'apprit qu'a midi 8c „ demi chez M. de Villiers, chez qui » elle devoitfe tenir. Cependant, avant » deux heures, il fe trouva non-feulejj ment un envoi de douze couplets sj adreffés a ceux qui devoient s'y troü» ver; mais ces douze couplets étoient 53 tranfcrits de la rrrain gauche, en ca» ra&ères d'impreffiou j 8c c'étoit le pa« quet qué la Motte y apporta, Sc qu'il « y avoit plus d'une heure, difoit-il, j> qu'on avoit jetté a fa porte Arrêtons-nous un inftant, & mettons la vérité de ce fait important dans fon jour. Celui qui a fait les couplets dont il s'agit ici, fcavoit que ceux qui y font maltraités devoient s'affembler 1'aprèsmidi chez le fieur de Villiers. C'eft a eux qu'il parle , au moment même oü ils font enfemble: Fats ajjemblês che^ de Villiers. La convocation de cette affemblée étoit un myftère pour tous ceux qui n'en devoient pas être \ 8c par conféquent pour Roujfeau qui en étoit 1'objet j puifque c'étoit a lui qu'on attribuort ce torrent de couplets dont on vouloit arrêter le cours, 8c faire punir 1'auteur, Fv  130 Hijloire des couplets quand on auroit trouve les moyens de le convaincre en juftice. Elle doit fe tenir a deux heures j Rouffeau en eft inftruit a midi: les couplets faits pour la compagnie fe trouvent a la porte de la Motte une heure avant fon arrivéechez le fieur de Villiers. Rouffeau 3 s'il en étoit Pauteur, n'avoit donc eu qu'une heure, tout au plus, pour compofer cent huitvers, de huit fyllabes chacun, pour ics tramcrire ue ia mam gauche Sc en caractères d'imprimerie ( opéranon qui ne peut fe faire qu'avec lenteur ) pour faire lepaquet, & 1'envoyer myftérieufement a fa deftination ; & 1'on fcait qu'une démarche myftérieufe ne peut guère fe faire avec célérité. « L'impoifibilité morale Sc phyfique jj de cette compofition & de cette tranfm criptionmomentanée, continue Boin» din, donna de terribles foupconscon- » tre ie porteur du paquet; Sc plufieurs jj perfonnes de 1'affemblée, & entr'au» tres Boindin Si Grimarêt dememèrQut n convaincus que tous ces nouveaux cou» plets n'avoient d'autre but, que d'ai»> grir les efprits contre Rouffeau, Sc n d'empêcher le racommodement qu'il « cherchoit. II eft même certain que la j> Motte Sc Malafer commencèrent dès-  attribués a J. B. Rouffeau. 131 » lors a fe défier de Boindin & de GWn ware'r, 8c qu'il parut encore, depuis, » plus de quarante autres couplets dont » on ne jugea pas a propos de leur faire » part j car il y en eut au moins 70 ou »> 72 , 8c ils n'en virent jamais que 25 l> ou 3 O >». Ceux qui veulent rendre Boindin fufped de prevention, pour détruire le raifonnement que 1'on vient de lire, le réfutent ainfi : « Boindin dit que Rouf¬feau n'avoit pu avoir, en une heure, » le tems de compofer 8c tranferire ces » vers diffamatoires. C'eft la Motte qui » lesapportaj donc la Motte en eft au» teur. Au contraire, reprend-on,c'eft, » ce me femble, paree qu'il a la bonne i3 foi de les apporter, qu'il ne doit pas 13 être foupconné de la fcélérateffe de 33 les avoir faits. On les a jettés a fa 33 porte , ainfi qu'a. la potte de plufieurs 33 autres particuliers. 11 a ouvert le pa3» quet, il y a trouvé des injures arroces 33 contre tous fes amis, 8c conrre lui»3 même; il vient en rendre compte j 33 rien n'a plus l'air de 1'innocence ». Mais i°. cette réfutation eft toujours favorable a Roujfeau, 8c confirme même le fait qu'il n'a pas eu le tems de compofer les couplets, pour les faire trou,F vj  132 Hifloire des couplets ver, a point nommc, a. la porte cle la. Motie : elle ajoute même une circonftance qui juftifieroit Roujfeau de plus en plus. S'il n'avoit pas eu le tems de compofer, de tranferire les vers 8c de les envoyer chez la Motte s il en avok eu bien moins encore pour en faire faire 8c en envoyer au même moment n la porie de plufieurs autres particuliers. Dira-t-on que ces différentes copies ont été faites par différents écrivains a la fois , & envoyées, au même inftant, par différents commiffionnaires? Mais, quand ces différents fcribes 8c ces différents commiffionnaires n'auroient pas plus employé de tems, attendu leur concurrence, qu'il n'en auroit fallu pour un feul, la même difficulté fubfifte encore • il a toujours fallu compofer cent huit vers, les copier, en faire un paquet & les envoyer en moins d'une heure : & fi 1'auteur a employé plufieurs opérateurs a la fois, il a fait une imprudence qu'on ne peut foupconner, il a compromis un fecret a plufieurs ames mercénaires qui pouvoient le trahir. On doit donc regarder comme certain que Roujfeau n'eft pas, & n'a pu être 1'auteur de c;s douze couplets.  attribuês dj. B. Rouffeau, 133' 20. Boindin n'affirme point que la, Motte fut auteur des couplets; il dit-feülement que les circonftances firent naftre contre lui de rerribles foupcons , &que quelques membres de 1'affemblée pensèrent que ces vers n'étoient point 1'ouvrage de Rouffeau, mais de quelqu'un de fes ennemis, 30. De ce que c'eft la Motte qui a apporté ces vers, 8c les a lus a Paffe mblée , il ne s'enfuit pas néceffairemens qu'il n'en fut pas 1'auteur. 11 fe trouveroit bien peu de coupables, fi 1'on prenoir pour preuves juftificatives les préeautions qu'ils prennent, pöur fe donnet le manreau de Pinnocence. II paroit que tous ces différents mouvements ne produifirent'rien d'intéreffant: il fembloit même que toutes ces querelles devoient refter fans fuite, par la réconciliation de Rouffeau &c de la Motte , qui fe fit chez Bóileau , & par 1'entremife de eet arbitre du parnaffe. Saurin avoue , lui-même, que la Motte s'eft toujours loué, depuis fa réconciliation , du procédé de Roujfeau. Cette réconciliation a même donné lieu a une anecdote littéraire , qu'il eft bon de confetver. Tout le monde connoit 1'ode de Roujfeau, fur la naijfanee  134 Hiftoire des couplets de monfeigneur le duc de Bretagne. La dernière ftrophe de cette pièce, quand elle patut dabord, étoit ainfi concue r Si pourtant quelqu'efprit timide. Du Pinde ignorant les dérours, Oppofoit les regies d'Euclide Aux défordres de mes difcours, Qu'il fcache que, fur le Parnaffe, Le dieu dont autrefois Horace Apprit a chanter les héros , Préfère le fougues lyriques A tous les froids panégiriques Du Pïndare des jeux floraux. Ce dernier vers regardoit la Motte s qui avoit remporté plufieurs prix aux jeux floraux. Rouffeau, après fon raccommodement avec lui, changea les fix derniers vers de cette ftrophe, comme ils font dans toutes les éditions de fes ceuvres: Qu'il fcache qu'antrefois Vïrgïle Fit même aux mufes de Sicile Approuver de pareils tranf;x>rts; Et qu'enfin eet heureux délire Des plus grnnds maitres de la lyre Immortalife les accords. «' Les chofes, continue Boindin } dej» meurèient en eet érat, jufqu'au mois jj de février 1710, qu'il reparut de nou*  attribués d J. B. Rouffeau. 13 % »> veaux couplets fur le même air, du jj même ftyle, & contre une partie des >j mêmes perfonnes ; mais oü on avoit jj jugé a propos de mêler des gens de jj qualité & des militaires, & qui donm nèrent lieu a trois différents procés; w fcavoir, a celui de la F are contre Rouf jj feau; z celui de Roujfeau contre Saujj rin ; & a celui de Saurin contre fon jj favetier. jj Pour fe mettre au fait de ces noujj veaux couplets, continue-t-il, il faut jj bien remarquer dans quelles circonfjj tances ils parurent. La Motte venoit jj d'être recu a 1'académie, RouJJeau jj étoit fur le point d'y entrer; & la penjj fion de Defpréaux étoit prés de va}j quer par fa mort. Cette penfion ne jj pouvoit vraifemblablernent regarder jj qu'un académicien, & Rouffeau ne jj 1'étoit point encore -y mais il étoit tout j» prêt de le devenir, & il étoit beaujj coup plus connu a la cour que la Motte: jj de manière que, s'il avoit été une fois >» recu a 1'académie, il n'y a point a dou» ter qu'il n'eüt eu plus de parr que la jj Motte, non-feulement a cette penj» fion, mais encore a toutes les autres jj faveurs de la cour. Ainfi Rouffeau n'ajj voit plus qu'un pas a faire, & qu'un  1^6 Hiftoire des couplets >■> moment a. attendre pöur être au comj> ble de fes vceux. Et c'eft dans ces citj' conftances fi délicates, lorfqu'il avoit 3> tant d'intérêt de fe contenir, que pa53 rurenf les nouveaux couplets qui lui 53 firent donner des coups de baton, j3 1'empêchèrent d entrer a Pacadémie, 33 & 1'obligèrenr, quelque tems1 après, jj de quitter la France. 33 Ces réflexions, continue Boindin , • fuffifoient feules pour faire juger fi 33 ces couplets étoient de lui. Mais il 33 eft bon de remarquer que la Motte j3 &c Saurin fongeöient a partager en'tre » eux la penfion de Defpréaux , & que * 1'abbé Raguenet (i), leur ami com- (i) Francois Raguenet, natif de Rouerr, remporta le prix d eloquence k 1'académie francoife en 1689. En 1704, il donna, relativement a la mufique, un parallelle d:s hahens & des Francois. II préféroit les premiers, & fe fbndoit fur les raifons qui ont été réchauffées depuis. II s'éleva, a ce fujet, une querelle pareille a celle que nous avons vue de nos jours : elle finit, de même, par ennuyer le public; & la queflïon refta indécife, comme il eft arrivé, il y a quelques années. Les autres ouvrages de 1'abbé Raguenet font les monuments de Rom:, ou defcription des plus bcaux ouvrages de peinture, de Jculpture, &c. Paris 1700 & 1702 , in.,2. Cet ouvrage lut fit donner la qualité de citoyen Romain,  atttibués k J. B. Rouffeau. i ff si rtiurt, leur avoit confeillé de compoI » fer enfemble quelque morceau qui I » pütleurfervirde titre pour 1'obtenirj | „ & qu'enfin, fur le bruit que Rouffeau i » alloit être recu a 1'académie, il fut dit j n publiquement au café, qu'un moyen I j> füf de 1'en empêcher feroit de com1 » pofer des couplets dans fon ftyle , qui |-5> lui fufcitaffent quelqu'affaire, & lui I » fiffent donner 1'exclufion. » Tous ces faits, ajoute Boindin",' | s> font de notoriété publiquc, & tels que I » les plus %eïes partifanis de la Motte 1 » & Saurin n'en fcaufoient difconvenir> I » fans s'expofer drêtre démentis par tou/t I js ceux qui alloient au café de la LauI y> rent Achevons de mettre fous les yeux da 1 leóteur les réflexions que Boindin a cru | devoir faire précéder fon récit des faits. I «Au refte, continue-t-il, comme'on I qu'il a toujours prifcdepuis ce tems-la. Uhif i toire d'Olivier Cromwel, in-40. ccrite un peu 4 fèchement. Hiftoire de 1'ancien teftament, ij Jn-12. Hiftoire du vicomte de Turenne. C'eft une $ froide gszette de toutes les aétions militaires 4 de ce "grand-homme. On lui a attribué le (1 voyage de Jacqucs Sadeur aux terres auftrales. ;| Mais ce rommelt du cordelier apoftat Gaat briel Foigni. L'abbé Raguenet 1'a tout- au-jlus t| traduit.  f jS Hiftoire des couplets „ n'avoit pu parvenir, par les anciens }, couplets, a faire maltraiter Rouffeau, I „ paree qu'on n'y avoit intéreffé que I „des poëtes, & des gens de lettres, ! „ gens naturellement pacifiques, & in„ capables d'en venit aux voies de fait, „ on eut la précaution, dans ceux-ci, „ d'y attaquer 1'honneur de madame » de V. . k . . & d'y outtager Al. & j „ madame La F. . . . par 1'endroit du i „monde le plus fenfible, perfuadés „ que c'étoit le moyen de rendre la j „ vengeance plus prompte & plus eer- ] „ taine; & c'eft ce que 1'événement n'a | ^ que trop juftifié ». Nonobftanc la publicité que Boindin, témoin oculaire, affure qu'ont eu les faits qu'il rapporte, on s'eft avifé d'écrire, plus de quarante ans après, cette prétetidiie réfutation: « Boindin prétend „ que le jouaillier Malafer &c Saurin le „ géomètre s'unirent avec la Moite pour „ empècher Rouffeau d'obtenir la pen- ; „ fion de Boileau , qui vivoit encore en „ 171 o. Seroit-il pollible que trois per- ' „ {onnes de profeffions fi différentes fe ; „ fuffent unies & euffent médité enfem- 1 ,, ble une manceuvre fi réfléchie, fi in„ fame & fi difficile, pour priver un ci- ' „ toyen alors obfeur d'une penfion qui 1  attribués dJ.B. Rouffeau. 139 '„ ne vaquoit pas, que Rouffeau n'auroic „ pas eue, & a laquelle aucun de ces „ trois affociés ne pouvoit prétendre ». II faut convenir que ce n'eft pas la raifonner; c'eft trancher; c'eft dire : ces faits font faux, paree que je dis qu'ils font faux. II eft vrai que Boindin, en parlant de ces trois hommes, a dit, vers le commencement de fon mémoire, que « ce fut dans le fein d'un pareil trium» virat que fut congu le projet dont il 55 s'agit. Malafer en donna 1'idée , Sau53 rin en fournit les moyens, & la Motte 33 fe chargea de l'exécution«. Quoique ces rrois perfonnes fuffent de profeflions différentes, il n'eft point impoflïble qu'étant ennemies de Rouffeau, elles fe fuffent liguées pour le perdre. Malafer s'étoit infinué dans le café des beaux efprits \ & ce café s'étant trouve partagé en deux p rtis, il s'étoit rangé dans 1'un, contre 1'autre \ &, comme il étoit d'un caraétère violenr, il avoit mis beaucoup de chaleur en faveur de ceux dont il s'étoit déclaré partifan. Ne voiton pas tous les jours des gens s'échauffer jufqu'au fanatifme pour des affaires qui leur font abfolument étrangères. Et il n'eft pas étonnant que Malafer fut li zèlé pour la Motte &c Saurin ; depuis  t^ó Hiftoire des couplets dix i douze ans, ils paffoient leur v'ïi?Jfl chez lui, Sc y prenoiënt fouvent leui'sjj repas. Sa chambre étoit le lieu particu- II lier ou le tenoient les affemblées des 1 partifans de la Motte. Au reftö, quelle I |>art pouvoit-il avóir dans 1'exécution du complot? II avoit imaginé qu'on pdu-j Voit faire un ouvrage & 1'attribuer a Rouffeau, Rien n'eft plus naturel que de Voir une idéé auffi fimple pafter par Ia tére d'un' homme atrabilaire, contre un autre homme qu'il haïffoit, II paroit • thèiaè qu'il n'en faifoit pas myftère, puifque la propofition en fut faire en ] plein café. Ainfi , il ya lieu de croire que I'idée du projet eft toute la part qu'il a eue dans l'affaire, puifqu'il n'a point etc partie dans le procés. Quant aux deux autres; 1'un étoit pocte,l'autre étoitgéomètre, Sc en cette qualiré, membre de 1'académiedes fciences. Ces deux états leur donnoient éga- | jement lieu d'afpirer aux bienfaits^u \ Roi; Sc, comme la penfion de Boiledu ctoit de iooo livres, fomme coiffidérable alors, il étoit plus facile de déterminer la cour a en former deux récompenfes que de 1'engager a Ia faire palier fur une feule tcte. II eft vrai que cette penfion n'étoït -  attribuès ciJ.B. Roujfeau. 141' |«as encore vacante, puifque Boileau étoit Eivant alors. Mais fes infirmités, qui fe 1 multiplioient de jour en jour, annonIpïiènt une mort prochaine; Sc elle arI riva effeclivement le 11 mars 1711. N'aI t-on jamais vu prendre des mefures d'a* I vance pour obtenir les dépouilles d'un chomme que 1'on voit approcher du terai me de fa vie ? Mais, dit-on, Roujfeau, qui étoit I alors un citoyen okfiur 3 ne 1'auroir pas I eue. Ce n'étoit donc pas la peine de fe charger d'une manceuvre fi infame & fi ij difhcile, Roujfeau étoit un citoyen obfcur eft I 1710'. L'auteur de 1'ode a la fortune y | l'auteur de 1'ode fur la naiffance de M. )! le duc de Bretagne; l'auteur de tant de j chefs-d'ceuvre qui avoienr porté fa gloire i au comble, étoit un citoyen obfcur ! Mais celui même qui lui reproche cette obfcurité convientque ce grand homme étoit alors protégé par deux fecretairea d'état • MM. de Pontchartrain & VoiI fin. La protedion de ces deux miniftres \ ne pouvoit-elle donc pas donner unej jufte efpérance d'obtenir la penfion? I De quel drpit enfin règle-t-on les prei tentions que pouvoient avoir alors la. \ 'Mom Sc Saurin ? Ne fe croyoiem>ils pa$  142. Hiftoire des couplets deux hommes importans ; 1'un pour les 1 ouvrages qu'il avoit donnés au public; ] 1 autre pour fes connoiffiances en géomé- j trie ; Sc paree que, de miniftre protef- I ftant, il s'étoit fait catholique ? Voyons maintenant comment les cóu- j plets furent apportés, i qui ils furent adrelfés, & par qui ils furent divulgués. Je tirerai ce récit du mémoire de Boindin qui, quant au fond, dit les mêmes chofes que Rouffeau 3 Sc Saurin luimême. Un des premiers jours du mois de février 171 o, fur les onze heures du matm, un petit décroteur vint apporter au café de la Laurent un paquet cacheté, adreffé au fieur Boindin de 1'académie des inferiptions : Sc, comme il ne fe trouva pas pour lors au café, le décroteur alla le porter chez lui, rue Garancière, Sc le remit a fon frère qui étoit fur la porte, pour fortir. A fon retour, le fieur Boindin ayant ouvert ce paquet, fut très-furpris d'y rrouver quatorze couplets plus infames Sc plus outrageants que les anciens. II | réfolut de n'en parler a perfonne, & s'in- 1 forma feulement,de fon frère,comment étoit fait le petit décroteur qui les avoit remis.  attribuês d J. B. Roujfeau. 143 Mais étant venu le foir au café, il apprit que le paquet y avoit été apporté Ëe matin, & comprit, par les ricanne. ments de Malafer, qu'il fcavoit de quoi il s'agifloit, & qu'il en avoit apparemment de femblables. C'eft ce qui 1'obli| gea d'aller , le foir même, chez la Motte javec Malafer, Saurin & Rouvroi, déliI bérer fur les mefures qu'il y avoit a pren} dre pour en découvrir l'auteur. Les avis fe trouvèrent pattagés. Celui j de Boindin 8c de Rouvroi étoit de tenit l la chofe fecrete, & d'attendre qu'on i' en apportat un nouveau paquet, afin de prendre fur le fait celui qui 1'apporte1; roit. L'avis de la Motte & de Malafer, : • au contraire, fut de publier les couplets, &c d'en faire part a tous les intéreffés, fous prétexte que, plus il y auroit de furveillants, plus il feroit aifé d'en découvrir l'auteur ; qu'il falloit au moins en pailer au fieur la Faye qui voyoit : tous les jours Rouffeau, & qui, par la , facilité de fuivre & d'étudier fa conI duite, étoit plus a portée qu'un autre de , découvir la vérité. « J'ai, ajoutoit la ! » Motte, un intérêt particulier de rai» fonner ainfi. Ami déclaré que je fuis jj de Roujfeau, je voudrois fcavoir k j» quoi m'en tenir avec lui, 8c 11 'être  *44 Hiftoire des couplets y 'pas exppfé a la perfidie déguifée fous »» le nom d'amitié. jj. Malgré ces raifons, Saurin prit fe parti de Boindin, & fit promettre a la Motte & a Malafer de garder le filence, Mais, dit Boindin, comme ces vers n'ayoient pas été faits pour demeurer fdcrets, la Motte, malgré la parole qu'ü avoit donnée, les récita, dés le lendemain matin, au fieur la Faye, capitaine aux gardes, dans un coin du café; &C Boindin , en y en trant, fut tout étonnc de voir que tout le monde en avoit cortnoiffance. Lefoupcon, dit Saurin, fut prompt, invariable &C unanime. Malafer, qui avoit auffi recu une copie des couplets, la remit a la Faye; mais a. condition qu'il ne feroit point affigné en témoignage, en cas que l'affaire allat en juftice. La Faye qui, dans ces versj, ptoit plus outragé que perfonne , n'exarnina pas la chofe davantage, il fuivit le torrent du préjugé ; & perfuadé qiie c'étoit Roujfeau qui en étoit l'auteur„ jl forma la réfolution d'en tirer vengeance. A eet effet, il attendit Rouffeau, un foir au fortir de 1'opéra, & lui .donna plufieurs coups de canne dans la £ue des Bons-enfants. Roujfeau fe fauva ^an^le palais-royal, 8c rendit plainte Ie lendemain  attribucs d J. B. Rouffeau. 't 44; lendemain chez le commiifaire Daminois. La Faye, de fon cóté, rendic plainte chez le commiffaire Bitton t obtinr permiffion d'informer. Boindin, voyant la tournure que prenoient les chofes , prit la précaution dalier faire fa déclaratiouchez le commiflaire, fans dépofer fon exemplaire : mais il paroit qu'il avoua que le bruit public imputoic le libelle a Rouffeau. Sur cette déclaration appuyée de quelques détails qui formoient des préfomptions, Rouffeau fut décrété de prife de corps. Des pprfonnes de confidération s'entremirent pour appaifer cette affaire : les deux parties fe donnèrent refpeétivement un déliftement, fur lequel Rouffeau obtinr, a la grand'chambre, le 24 mars 1710, un arrêt qui, fur les conclufions des gens du Roi, le déchargea de 1'accufation. ^Cependant Boindin , qui craignoit d'être compromis dans cette affaire, crue .devoir prendre des précautions, pour s'en garantir. A eet effet, il réfolut de remettre fon paquet entte les mains de M. le procureur-général. Mais Saurin Je pria de le lui prêter, fous prétexte de le faire voir a M. Pavocat-général, donc il étoit protégé, & de qui il vouloit, Tomé VIU, q *  ï 46 Hiftoire des couplets difoit-il, prendre Pavis fur la conduite que devoient tenir les perfonnes outragées dans les couplets. Dans le même tems, un des garcons du café de la Laurent appercut, dans la rue Dauphine, le petit décroteur qui avoit apporté le paquet au café, & de-U chez Boindin. On le fit venir: il convint du fait. Boindin 3 qui foupc/mnoit toujours que Roujfeau pouvoit bien ne pas Être l'auteur des vers qui faifoient tant de bruit, Sc qui fouhaitoit de fe procurer la certitude fur cette affaire, demanda, a ce décroteur, qui lui avoit reïnis ce paquet ? Celui-ci répondit bonuement qu'il lui avoit été remis, au coin de la rue Chriftine, par une efpèce de frotteur ou favetier, qui lui avoit donné ïrois fois pour fa peine, & qu'il le reconnoïtroit bien s'il le voyoit. Boindin jcroyant avoir le bout du fil? voulut engager Saurin a fe joindre a. Jtxi, pour trouver, a 1'aide du petit décroteur , le favetier ou frotteur qui avoit remis le paquet. lis fe donnèrent rendez-vous, pour faire enfemble cette perquifition. Mais Saurin manqua au rendez-vous, Sc laiffa Boindin courir inu- ] tilement tout Paris. Ce petit décroteur, aommé Charles  attrihuès d J. B. Roujfeau. 147 Olivier, d'après 1'ouverture qu'il avoit donnée a. Boindin dans le café, avoit été entendu dans 1'information fait-e a. la requête de la Faye par le commiffaire Biyoton:il avoit dépeint jufqua 1'habitde pinchina clair, avec les manches k la marelote, que porroit, ce jour-la., celui qui lui avoit remis le paquet. Boindin, dans fes courfes, avoit appercu un favoyard auprès du café de Dupuis 3 dont 1'habit étoit a peu-ptès femblable a celui qu'O//vier avoit dépeint. On les confronta chez le commiifaire Chaux. Mais Olivier 1'ayant examiné, déclara nettement que ce n'étoit pas lui qui lui avoit remis le paquet au coin de la rue Chriitine. Ainfi toutes les recherches Sc toutes les perquifitions de Boindin n'aboutirent a rien. Mais il inftruifit Rouffeau des démarches qu'il avoit faites , & du bout de hl qu'il avoit trouvé. Celui-ci, qui, malgré fon arrêt de décharge, n'étoit pas difculpé dans le public, fe mit fur la tracé qu'on lui avoit indiquée, pour trouver le frotteur ou favetier dépeint par le petit décroteur. Rouffeau, après avoir bien réfléchï •fur le portrait qu'il en avoit fait, crue reconnoitre un favetier nommé Guil'iaume Arnould}ap\ travailloit k la porte Gij  148 Hiftoire des couplets de Saurin , 8c qui faifoit ordinairemene fes commiffions. II fuit cette idee, 8c conduit lui-même le petit décroteur a 1'endroit de 1'hótel des Urfins ou étoit la boutique du favetier, pour voir s'il le reconnoitroit. Non-feulement le décroteur reconnut le favetier, mais le favetier reconnut fi bien le décroteur , qu'il en perdit la tramontane, changea plufieurs fois de couleur, &c ne put feulement pas lui enfeigner la demeure de Saurin. Il fe trouva même, par le plus grand hafard du monde, qu'il avoir, ce jour-la, le même habit qu'il portoit quand il lui remit le paquet, habit dont la defcription avoit été fi bien faite fijt mois auparavantjdans 1'information de la Faye, 8c qu'il avoit ceffé de porter pendant plus de trois mois. Rouffeau, ne doutant plus alors que ce ne fut Saurin qui avoit envoyé les couplets, &que, s'il venoit a bout de le prouver, fon innocence ne fut dans tout fon jour, s'adreffa a. M. èüArgcn■ fon , lieutenant de police, 8c le pria de le conduire dans cette affaire. M. d'Ar* genfon lui donna un homme a lui, nommé Milet, exempt de robe-courte, qui logeoit dans 1'hotel des Urfins, & pat tonféquent a portée 4e Saurin & de ibj^  attribuès d J. B. Roujfeau. 1-0 ïavetiër. Ce magiftrat confeilla, en même tems, a Rouffeau, de mettre tout en ceuvre, pour tirer la vérité du favetier , avant que de fe potter pour accufateur contre Saurin. On fut deux mois fans pouvoir déterminer le favetier a convenir du fait: ëc il faut avouer, dit Boindin, qu'on employa alors, pour tirer de lui la vérité , tous les moyens que 1'on auroit pu employer pour le fuborner, s'il n'avoit pas été effeétivement leporteurdu paquet. Rouffeau convient lui-même, dans fon mémoire, quel'exempt Mileta. offert de 1'argent a Arnould, pour le clélerminer a dire la vérité. Quand on fut parvenu a force de menaces & de promeffes, a le déterminer a convenir de bonne foi que c'étoit lui qui avoit remis le paquet au décroteur, & que c'étoit Saurin qui Pen avoit chargé, on Pengagea a faire le récit de toutes les circonftances devant plufieurs témoins, afin qu'il ne put plus fe dédire lorfqu'il s'agiroit de le déclarer en juftice. On avoit d'autant plus lieu de craindre qu'il ne variat, que Pon fcavoit que Saurin, inftruit par le favetier luimême des mouvements qui fe faifoient, ne négligeoit rien pour 1'engager au fiG iij  i<$0 Hiftoire des couplets lence. Mais on Ie crut lié , quand il eut fair fon récit en préfence de plufiears témoins. Toutes ces mefures étant prifes, Rouffeau imagina qu'il étoit tems d'agir. Mais il fut mal confëillé. II comptoit furunnombrefuffifantde témoins pour opérer une conviction juridique : il fe trompoit. II n'avoit qu'un témoin oculaire, qui étoit Guillaume Arnould : carle décroteur n'avoit rien decommun avec Saurin , il ne 1'avoit jamais vu; il ne connoifibit que le favetier qui lui avoit remis le paquet. Les témoins devant qui on avoit fait parler Arnould, ne faifoient qu'un avec lui, puifqu'ils ne fcavoient que ce qu'il leur avoit dit, Sc qu'ils n'avoient rien vu par eux-mêmes. Et pour comble de mal-adreffe , Roujfeau fe priva lui-même du feul témoin oculaire qu'il eüt : il rendit plainte contre Arnould qui, par cette procédure, fe trouvant accufé, ne pouvoit plus être témoin. Quoi qu'il en foit, Rouffeau , fur fa plainte , obtinr permiffion d'informer. II fit entendre le petit décroteur Sc les cinq témoins devant qui le favetier avoit tout avoué. Sur les charges , le favetier fut dccrété de prife de corps, Sc conduit aux prifous du fort-l'évêque,  attrihuèsd J. B. Rouffeau. i«; t le 2 3 feptembre 171 o , après rrtidii Le lendemain , il fut interrogé. Sur fon inrerrogaroire , Saurin eft décrété de prife de corps, arrêté aquatre heures & demie du foir, & le fcellé eft appofé fur fes papiers. II eft interrogé; fon interrogatoire, qui contient 77 articlesj dure jufqu'a onze heures du foir. Sur eet interrogatoire , intervient fentence qui ofdonne le récollement & la confrontation des témoins, & qü'Arnould fera récollé en fon interrogatoire, & eonfronté au nommé Saurin-, Toutes ces opérations fe font le même jour, 24 Septembre. Le même jour encore, Arnould eft récollé & eonfronté. II eft néceffaire de mettre fous les yeux du lecteur les principaux articles des dépofitions , des interrogatoires , des récollements & des confrontations. L'information du z 3 Septembre étoit Compofée de cinq témoins : Charles Olivier 3 agé de 16" ans, décroteur y Jacques Fleury 3 garcon charron, demeurant au cabaret de YAraignée, rue de la haute vannerie, proche 1'hotel des Ürfins; Marie Bidault, fa femme jnaitreue fage-femmej Anne Vilmairef G iy  1)2 Hijloire des couplets leur fervance, & Louis Limoufin, huiflief au chareler. Voici les reproches que Saurin a propofés contre ces cinq témoins, dans une requête qu'il préfenta au chatelet, le i x décembre 171 o ; mais il paroit qu'ils font reftés dans les termes de la limple allégation. On n'en voit aucune preuve, Charles Olivier a pu être corrompu par Roujfeau , a. force d'argent. Jacques Fleury & fa femme ont été long-tems en prifon au chatelet, accufësde vol. Leur écrou, que Saurin dit avoir produit avec fa requête , n'a point été rayé; d'oü il conclud qu'ils font fortis fans être déchargés de Paecufation. II ajoute que la femme a été furprife en flagrant délit avec un guichetier, qui fut chaifé. II ne dit rien contre Anne Vitinaire leur fervante. Louis Limoujin } huiffier, avoit été interdit par arrêt, pour avoir fait un emprifonnement fur un ordre faux & fuppofé. Enfin Saurin a dit, au fujet de Guillaume Arnould, qu'il avoit été furpris, volant le tronc de S. Landry fa paroilfe, 5cc.  attribuès d J. B. Rouffeau. i< % Voici 1'extrait de leurs dépofitions. Charles Olivier, décroteur, arc de 16 j&ns, dépofe que, « dés le mois de juillet, L, le fieur Roujfeau Pétoit venu cherche'r L, dans la rue S. André , qu'il Pavoit l„ reconnu pour être celui qüi 1'avoit l„ chargé de porter un paquet cacheté |„ au fieur Boindin dans le café de la L, veuve Laurent; que ne Payant pas \„ trouvé au café, il étoit allé a fa del„ meure, rue Garancières, qu'un garcon l„ du café lui avoit indiquée; que la. il Iavoit remis le paquet a une petfonne l„ qui fe trouva fur la porte, & qui lui \3, dit que le fieur Boindin étoit forti. Que le favetier Payant reconnu, Sc Ivoyant qu'il le reconnoiffoit luiImême, parut troublé, fe mit a chan|„ ter, Sc ne répondit aux queftions du j„ fieur Roujfeau 3 que des chofes qui I „ n'avoientpas de fuite 8c n e fignifioient 1 „ rien ». Anne Vilmaire dépofe, » qu'ayanl l '„ été chercher Guillaume Arnould3 a. fa | „ boutique , de la part de fa maitreffe, 1 „ pour venir parler a elle, comme ils / 1 venoient enfemble, une fille de fa I,, connoiffance, a lui, les auroit joints, ISc lui auroit demandé oü il alloit; &C ,, claré plufieurs fois que Saurin, de q i il faifoir journellement les commif- : „ fions, 1'avoit chargé de faire porter • „ le paquet au café de la veuve Laurent ,, pat le premier décroteur ». Jacques Fleury dépofe, en outre, «< que Guillaume lui a dit que le paquet 3, avoit été porté un dimanche matin, „ Sc qu'il croit, autant qu'il peut s'en ,, fouvenir, que c'étoit le dimanche s, gras) Sc que le fieur Saurin 1'auroit ?, accompagné ledit jour dimanche ». j LaBidault dit fimplement que c'étoit un dimanche matin 3 au mois de février ; & la Villemaire, que c'étoit le dimanche ; g>as. Fleury Sc fa femme ajouteiit que, »• Guillaume leur a conté que le fieur I 5, Saurin, après avoir fait porter le 5, paquet, lui avoit dit d'aller au plus vite changer d'habit, a caufe de la vefte rouge qu'il avoit alors, afin de | n'etre plus reconnu : qu'il a porté, ] s, pendant deux mois, fon habit des 1  attribuês d J. B. Roujfeau. i ^ dimanches\ Sc que, pour le dé dom-. „ mager de porter ainfi ledit habit qu'il „ ufoit, ledit Saurin lui en a donné un „ noir des fiens, qu'il a vendu ». La Bidault ajoute, « que Guillaume ' ...a \ .li. o, i r?» : a COllCc a ene cx a. ricury , iuu iii.ili , que le fieur Saurin, après hu avoi» fait porter fon paquet, lui avoit dit d'aller,au plus vite, changer d'habit, ,, a caufe de la vefte rouge qu'il avoit „ alors , afin de n'être plus reconnu \ „qu'il a porté, pendant deux mois, „ fon habit des dimanches, Sc que, pour le dédommager de porter ainfi „ ledit habit qu'il ufoit, ledit Saurin ,, lui en a donné un noir des fiens qu'il „ a vendu; & ledit Saurin a dit a „ Guillaume de porter quelque tems fon „ habit des dimanches ». Fleury 3 fa femme Sc Limoufin, dépofent encore, « que Guillaume leur a „ dit que le fieur Saurin lui avoit donné 5 o fois, Sc qu'en fortant de la „ rue dauphine, après le paquet porté, il 1'avoit mené dans un autre café de „ la rue des Arcis,-oü il lui avoit fait „ boire un verre de ratafia ». Enfin tous les témoins de la première information atteftent que Guillaume leur a dit que Saurin avoit cacheté, G vj  ij 6 Hiftoire-des couplets devant lui, le paquet oü étoient les verf infames, après lui en avoir fait la lec~ ture. Louis Limoujin ajoute une circonftance. II dit, « qu'un mois, ou environ avant fa dépofition, qui eft du 2 3. feptembre, étant allé voir, fur le foir, „ le nornmé Fleury Sc fa femme., il y. trouva un particulier qu'on nommoit „ Guillaume, qui dit plufieurs fois, en 3, fa préfence , pendant le foupé, que le fieur Saurin de 1'académie lui avoit „ donné une lettre cashetée, avec des ,, vers des plus infames, pour la donner ,, a un décroteur, & la faire, par lui, porter a on café rue Dauphine; que le 3, fieur Saurin 1'avoit fuivi jufqu'a 1'en- trée de la rue Dauphine ». Interrogatoire de Guillaume Arnould, du 24 feptembre 1710.. « Enquis s'if y x quelqu'un a Paris i, qui le connoifle, & qui puiffe répon,, dre de lui? „ A dit que le fieur Saurin x qui eft „ de 1'académie des fciences , & de•j, meure a 1'hotel des Urfins, répondra ,, de lui; qu'il le connoit paiticuliè- rement, Sc Penvoie affez fouvent  üttrihués & J. B. Roujfeau. i V, porter des papiers chez M. le procus, reur-général, rue pavée. „ Enquis s'il fcait pour quoi il eft arrêré ? „ A dit qu'il n'en fcait rien : que „ revenanr de porter de 1'ouvrage dans „ une maifon voifine du cabaret de „ l'Araignée, hier au foir, & fuivaut de „ la lumière que portoit unegfemme, il „ defcendit avec elle, & fut furpris que „ deux particuliers le prirent & Pem„ menèrenr, qu'entr'autres , parmi ces „ deux particuliers, étoit un petit ar„ cher, dont la foeur demeure dans la j, même maifon oü demeure 1'oncle de ,, luirépondant, rue de la. Savaterie, 5, appellé Meufnïer. „ Enquis fi le fieur Saurin ne lui „ donna pas un paquet a. portet, dans ,3 le tems du carnaval dernier ? . „ A dit que non ; que le nommé Mikt s exempt, lui a déja demande y, plufieurs fois Ia même chofe, & qu'il „ lui a fait la même réponfe. „ S'il n'eft pas vrai qu'on a parlé plu„ fieurs fois z lui répondant, du paquet „ en queftion , depuis qu'il a été enje v°yé ? ; „ A dit qu'il n'y a jamais eu que jj» ledit Miletj exempt, qui hii en ait  tfé Hiftoire des couplets 3, parlé, 1'ayant envoyé querir exprèsi,, Enquis s'il n'eft pas vrai que ledit fieur Saurin lui a recommandc de n'ea jamais parler a perfonne ? „ A dit qu'il ne peut pas difconvenir plus long-tems de la vériré, & qu'il eft vrai que le paquet en queftion , ,-, dont il ne fcait pas le contenu, & qui ,, lui fut donné cacheté, fut mis ésmains dé lui répondant, par ledit Saurin , chez ledit Saurin même ,= avec ordre de le mettre entre les mains d'un décroteur; pour quoi il ,, lui donna deux fous neufs, valant ,, trois fois, & lui dit de le faire porter 3, au café de la veuve Laurent. Que ledit Saurin fuivit lui répondant & le décroteur a qui lui répondant 1'avoit remis; ledit Saurin ne voulant pas être 3, connu de celui qui donneroit le paquet. Dit de foi-même que, quand le pa5, quet en queftion eut été porté par le 3, décroteur au fieur Boindin , rue Garencière, oü ledit Saurin 1'avoit fuiv i, ledit Saurin & lui répondant, difpa5, rurenttous deux de la vue du décro„ teur, &c que Saurin & lui répondant, 3, retoumèrent a. 1'hótel des Urfins. Se fouvient que ledit Saurin lui donna,  attribuès d J. B. Rouffeau. i ^cj* pour fa peine, douze ou quinze fois; „ mais ne furent point boire enfemble „ dans un café, ni ailleurs. ,, Enquis fi ledit paquet n'étoit pas j, écrit de la main dudit Saurin ? ,, A dit que ledit Saurin ne lui en',, convint pas. ,, 'Dit de lui - même que Milkt „'. „ exempt, lui a voulu donner de 1'ar„ gent pour convenir de la vérité, èc „ qu'il ne lui a pas voulu avouer. „ Enquis en quel lieu il donna la „ lettre ou paquet au décroteur ? „ A dit que ce fut dans une rue qu'il „ croit qu'on appelloit larueChriftine, „ en un endroit oü fe mettent ordinai„ rement des crocheteurs. „ Enquis s'il ne fcavoit pas que c'éj, toit des vers contre des perfonnes de „ condition, qui étoient enfermés dans „ ladite lettre, & que c'étoit ledit Sau- rin qui les avoit compofés ? „ A dit qu'il n'en fcavoit rien. „ Dit de foi-mème que la boutique f„ oü il travaille eft vis-a-vis de lacham„ bre oü couche ledit Saurin; & que „ le jour qu'il remit entre les mains du „ décroteurle paquet dont il s'agit, ledit „ Saurin 1'appella le matin par fa fe„ nctre -} qu'il y fut, 8c qu'enfuite 1'af-  i6o Hiftoire des couplets 5, faire fe pa(fa ainfi qu'il nous 1'a dit % „ & qu'il pouvoit être alors dix a onze) j, heures du matin. Enquis fi lui répondant n'avoit pasi, vu 1'original des vers; s'il ne fcait pas oü il eft& s'il n'a pas dit a quelques j, perfonnes qu'il leur montreroit les ,, vers en queftion qui les feroient rire ? ,, A dit qu'il 1'avoit dit ainfi a U h Fleury. „ Dit de foi-même que ledit fieufi '3, Saurin a dans fon tiroir les vers en queftion, & qu'il lui a dit qu'ils étoienC droles. „ Enquis dans quel tems ledit Saurim 5, tint ce difcours ? ,, A dit que ce fut trois ou quatre '„ jours après qu'il eut envoyé lefdits vers 3, au fieur Boindin, „ Enquis fi ledit fieur Saurin ne 1'a >, pas fait changer d'habit? ,, A dit que oui; que le fieur Saurin ,, lui donna, le même jour de 1'envoi de fï la lettre en queftion, un jufte-au-corps ,, noir, n'ayant pas voulu qu'il contiy, nuat de porter le jufte-au-corps cou„ leur d'olive qu'il avoit lorfque ledit „ Saurin lui donna un ccupout 1'aider „ k avoir un jufte-au-corps pour les fètes & dimanches.  attribuésd J. B. Rouffeau. l6ï Enquis s'il ne fcait pas qu'on a pour,, fuivi le fieur Roujfeau accufé fauffe„ ment d'être l'auteur defdits vers, quoiqne ce foit le fleur Boindin qui le „ foit? „ A dit qu'il a ouï dire audit Saurin, 5, qu'il y avoit un grand procés pour ces „ vers; que, dans ce tems, il lui dit de „ n'en jamais parler a perfonne, & le „ menaca de le maltraiter, s'il en par- loit\ Dit, de foi, què les fêtes & dimanches, ledit Saurin, depuis les „ vers en queftion portés, lui dcnnoit „ cinq ou fix fois, pour n'en pointpar„ Ier; qu'outre cela il eut un écu de 3 ,, livres 13 fois d'autre part, & 1'habit „ noir dont il nous a parlé, & qu'il a „ depuis vendu. ,, Enquis comment étoit lé jufte-au„ cotps que lui répondanr avoit le jour ,, qu'il donna au décroteur le paquet „ 1'adreffe du fleur Boindin dont il s'a-> „ A dir qu'il avoit Ie même jufte-aucorps qu'il a préfentement, dont les „ manches font a. la matelotte; qu'il Ta „ repris depuis quelque tems, ayant „ été trois ou quatre mois, fans le „ metare.  ioi Hiftoire des couplets „ Dit de foi-même que ledit Saurin Sc lui ne vïrerit pas porter, par le dé„ croteur, la lettre en queftion au fieur „ Boindin, rue Garencière; maislefuivifeaÉ feulement de vue jufqu'au café „ de la Laurtnij après quoi ledit fieur y, Saurin & lui répondant retournèrenc „ a 1'hótel des Urfins ». Sur ce Arnould avoit déclaré que les vers en queftion étoient dans le tiroir du fieur Saurin 3 on ht perquifition; Sc 1'on en trouva en effet un exemplaire , dont il eft néceffaire de faire la defcription; 1'honnêteté ne përmet pas de les tranfcrire en entier.- Les eouplets font au nombre de 14, de neuf vers chacun. Dans chaque couplet il y .a un repos après le quatrième vers ; enforte que chaque couplet fe trouve partagé comme en deux partiesy dont ies quatre premiers vers compofent la première, & les cinq autres la dermere. Chaque ftrophe commence par un vers dont la terminaifon eft mafculine • la terminaifon du fecond eft féminine f lé troifième rime avec le premier, Sc le quatrième avec le fecond. Les'deux premiers vers des cinq qui compofent *a fecondepartie de chaque couplet font- !  'auribués a. J, B. Roujfeau. I £3? fnafculins , & riment enfemble. Le fuivant eft feminin, & riirie avec le dernier de la ftrophe; 1'avant-dernier rime avec le cinquième & le fixième. Voici „ pour exemple, le dixième couplet. II eiv fera queftion dans la fuite. « O mon cher ami Maumenet ,' 3» Digne d'ailleurs de mon eftime 3 j) Si je reviens au cabinet, jj J'y fuis entrainé par la rime. » Qu'il eft fale ce cabinet! 3) Que tupèfes-j cher Maumenet! 3) Ta feule préfence m'affomme. 3> Quand tes vers plairont, Perrinea! 3> Quittera Genève pour Rome ». Du refte, on trouve, dans toute la pièce des fautes de profodie, des motsde trois fyllabes employés comme s'ils n'en avoient que deux,'& des mots de deux fyllabes employés comme s'ils en avoient trois. On y trouve des hiatus 3 des vices de langage, des renverfements de couftruétion, &c. A 1'égard de laforme de 1'écrittrouvé fous le fcellé de Saurin, il étoit fur quatre feuillets, cotés 1 , 2, Sec. Sc tracé tout entier de fa main, avec ce titre : Copie des nouveaux couplets re'pan-dus dans le public  5 64 Hiftoire d&s rmmlato _ Les deiix premiers vers de toute m iuüi amu ecnts : » Onpll^ f„ro „..kl r — . "uuuie mes lens r 3» Quel feu nouveau dans mes veine*»! Le mot nouveau . nJ jlf«; t~, Vers deux fyllabes de trop, eft rayé avec: Le quatrième couplet finit par ces deux" vers : « Canne k Saurin le lendem'ain, 3> Qui ne le crut pas d'avantage ni Et voici le cihquièrüé : « Au nom qui vient de me frapper, « Ma fureur s'irrite & redouble. 3> Comment fe laiffe-t-on duper 3> Par cé faux cozur, cette ame doublé > « Son zèle contre les frondeurs, 3> Contre nos mceurs fes airs grondeurs: » Dont il veut fe faire un mérite, 3' Cachent les noires profondeürs " Du plus fcélérat hypocrite ». Ce couplet eft écrit de fuite , & lans aucune rature. Enfuite étoient ces éinq vers ; « C'eft par lui que s«eft égaré «L'impie auyifage effaré,  Qttribuês a 7. B. Roujfeau. 16 £ » Condamné par nous a la roue, j) Boindin athée déclaré j> Que 1'hypocrite défavoue >>, Mais le dernier vers n'eft pas écrit ^ il n'y a que le Q qui le commence; le refte eft demeuré en blanc Ces quatre vers, &c le Q qui devoit commencer le cinquième font barrés; 8: au deffous df* ces vers barrés, font écrits ceux-ci; « Je le vois ce perfide cceur, j> Qu'aucune reügion ne touche," j) Rire au dedans , d'un ris moqueur^ 3> Du Dieu qu'il confeffe de bouche. 3) C'elt par lui, &c. ». Les quatre vers barrés plus haut, le cinquième commencé, font écrits de fuite, Sc fans rature, Sc forment la fixième ftrophe complette de la pièce. Au haut du verfo du même feuillet, les cinq premiers vers de la même ftrophe font écrits une feconde fois, SC effacés. Après, on lit de fuite le feptième couplet, Sc les autres. II faut encore faire une remarque, qui aura fon application par la fuite. Malafer avoit auffi, comme je 1'ai déja. dit, recu une copie de ces vers; écrite du même caraétcre que celle de Boindin j c'eft-a-dire, de la main gauche4  ï 66 Hiftoire des couplets .Sc en lettres figurées comme 1 impreffion; j J'ai dit encore qu'il 1'avoit remife a. lal Faye, Sc que celui-ci, lors de fon pro- ■ ces avec Koujjeau , 1 avoit depoiee chez: le commillaire hi\oton, le z6 fevner: 171 o. Or, dans cette copie de Malafery, si n y avoit onginairement que treize: .couplets; paree que, apres ce vers ;: Par ce faux cceur, cette ame doublé,, qui eft Ie quatrième de la cinquième ftrophe, onavoitpaffc de fuite aux cinq derniers de la fixième : C'efi par lui que s'efl égcré, &.c. cequi formoit une ftrophe complette, Sc faifoit difparoüre les cinq derniers vers de la cinquième, Sc les quatre premiers de la fixième. Mais, par un renvoi écrit fur un quarrré de papier féparé, on avoit reftitué les neuf vers qui forment la ftrophe qui avoit difparu. Sur le même exemplaire fourni pa£ Malafer, le dernier vers de la feconde. ifrophe étoit ainfi : « Et les noirs tours de leur foupleffe ». II étoit pareil dans Pexemplaire enVoyé a Boindin. Mais dans celui de Malafer, on 1'avoit effacé, de manière cependant qu'il fe lifoit encore, Sc ou j avoit fubfeitué celui-ci :  ■ Qttribuès d J. B. Roujfeau. i6y « Dis nous les tours de leur foupleffe »i L'auteur s'adreffe a fa rnufe, qu'il a invoquée plus haut. Enfin le premier vers de la neuvième ftrophe étoit, dans 1'exemplaire trouve chez Saurin, Sc dans celui de Malafer, congu ainfi : « Je te vois o beneft Danchet»: _ Et dans celui, de Boindin , il étoie ainfi : « Je te vois innocent Danchet»: La defcription que 1'on vient de faire de 1'exemplaire trouvéchez Saurin, eft tirce de fes défenfes. Mais Boindin préjtend que eet exemplaire étoit abfolurnent conforme a celui de Malafer, tant pour les ratures, que pour les renvois ; Sc 1'on verra les conféquences que cha^ cun d'eux a tirées de cette conformité, ou de cette différence. Ces deux pièces étoient entre les mains de la juftice, quand Saurin (ubk fon premier interrogatoire, dont voici les principaux articles :  J 68 Hijloïre des couplets gxtrait de l'interrogatoire fu bi par Jofeph Saurin 3 dgé de 52 ans t le 24 fep* jtembre 171 o,. « Enquis s'il n'a jamais été repris de *> juftice ? 45 A dit que non. 35 Enquis s'il n'a jamais été accufé dg v quelque mauvaife aébion ? 55 A dit que non. 55 Enquis s'il n'a pas fui d'un lieu a * un autre pout éviter les accufations p formées contre lui ? 35 Adit que-non^ 33 Enquis s'il n'y a pas eu d'informa-r «3 tions faites contre lui au bailliage j> d'Yverdun ? » A dit que non , Sc que d'ailleurs U »> ne feroir pas obligé de répondre. >3 Enquis quelle accufation il y eut s3 de formée contre lui, dans laquelle il .13 a été décrété de prife de corps ? 53 A dit qu'il n'eft pas certain s'il y 33 avoit contre lui un décret de prife» de-corps.; qu'il le craignoit, paree que 33 le prieur d'Eure s'étoit plaint qu'il ,35 avoit prêché contre 1'églife romaine, ff Sc tenu des difcours féditieux, j> Enqui^  mtrihuès d J. B. Rouffeau. 169 » Enquis s'il connoit Guillaume Ar'%* nould? jj A dit que non. 33 Enquis s'il eft vrai qu'il emploie w ledit Guillaume Arnould a faire fes *> commiffions ? 35 Adit qu'il ne connoit point du tout s> Guillaume Arnould, mais connoit le « nommé Guillaume, fils d'un nommé jj Denis, favetier, dontil fe fert quelf> que fois pour faire fes commiffions. jj Enquis depuis quand il fe fert dudit « Guillaume, & combien il lui donne jj pour chaque commiffion qu'il faitpour » lui ? jj A dit qu'il s'en fert depuis quels> ques années, que tantót il lui donne » plus, tantot moins, felon leloigne35 ment du lieu oü il ï'envoie en com■j miffion. » Dit, de foi, que quelquefois, les sj fêtes &c dimanches, ledit Guillaume 9» vient le voir, que c'eft alors qu'il le » paie, & lui donne tantot cinq fois, » tantöt fix fois. jj Enquis s'il n'a pas fait audit Guilsj laume quelque gratification extraordi«j naire, depuis quelque tems ? »_A dit qu'il y a quelque tems qu'il ï» lui a donné trente fois, ou un écu: Tome Vlll. H  170 Hiftoire des couplets s> argent qu'il lui devoit, pour ne 1'avoir >j pas payé autant qu'il avoit coutume »> de le faire. >j Enquis s'il n'a pas auffi donné audit » Guillaume un habit noir ? v A dit que oui. » Enquis quel jour il lui a donné 31 1'habit ? j> A dit qu'il ne s'en fouvient pas. jj Enquis s'il n'eft pas vrai que ce fut » dans le même tems qu'il lui donna » 1'écu dont il nous a parlé? 35 A dit que non, & que ce fut quel»> que tems après. » Enquis s'il n'eft pas vrai que, le » même jour qu'il donna 1'habit audit ?> Guillaume, il 1'avoit chargé de faire *> tenir une lettre ou paquet dans un *? eudroit ? » A dit que non, autant qu'il peut jj s'en fouvenir. rr :_ >:i _>_n. • _ >-i 1 / » i^mjuis 5 11 11 cir pas vrai qu 11 ae- j» fenciit auait Uuulaume de porter da11 vantage 1'habit qu'il avoit lorfqu'il n lui envoya faire la commiffion en «> queftion ? j> A dit que non; qu'il ne fcait ce que » c'eft que la commiffion en queftion. » Enquis fi 1'original des vers en quef- i> tion n elt pas cnez lui répondant ?  attribués d /. B. Rouffeau. i j% » A dit que non: mais qu'il en a une w copie, qu'il a écrite fur 1'exemplaire *» de M. Boindin. » Enquis qui avoit en voyé ledit exenv » plaire audit li eut Boindin f » A dit qu'il n'en fcait rien; qu'il eft » perfuadé que c'eft le fieur RouJJeau, k » qui on les a attribués. " Enquis s'il n'eft pas vrai que c'eft s> lui-même qui a fait tenir audit fieur » Boindin 1'exemplaire des vers en »» queftion ? 33 A dit que non. » Enquis s'il n'eft pas vrai que, pour 3> les faire tenir au fieur Boindin, il rejj mit le paquet oü étoient lefdits vers »> audit Guillaume Arnould, dont il fe »3 fert pour faire fes commiffions, pour 3» les remettre entre les maiiis d'un dé» croteur ? 33 A dit que non: mais qu'il fcait bien » que le fieur Milety exempt, a mandé .3 deux ou trois fois ledit Guillaume is Arnould, pour 1'obliger ï dire que is c'étoit lui répondant qui lui avoit >3 remis le paquet, lui avoit même offert 33 de 1'argent pour cela, & 1'avoit me33 nacé; qu'un archer avoit auffi tenté, »> de la part dudit Milet, la même voie *> auprès dudit Arnould, & lui a voulu Hij  Ijl Hiftoire des couplets s, donner trois écus, pour lui faire dir§ s> ce qui eft faux. » S'il n'eft pas vrai que, lorfque lui >. répondant chargea ledit Guillaume ,> Arnould des vers en queftion, il lui sj donna deux fois neufs pour le décros> teur qu'il chargeroit du paquet ? a> A dit qu'il ne fcait ce que c'eft. » S'il n'eft pas vrai que, de la cham3> bre oü couche lui répondant, on voit »> la boutique oü travaille ledit Guilm laume Arn&uld , favetier ? 3» A dit que oui. » S'il n'eft pas vrai qu'il appella, de » fa fenêtte, ledit Guillaume Arnould ^ » fur les dix heures du matin , le même 53 jour qu'il lui donna le paquet oü 33 étoient les vers en queftion, al'adreffe j> du fieur Boindin, pour les lui faire j3 rendre par un décroteur au café de la 33 veuve Laurent? sj A dit qu'il ne fxait rien de touc cela. 33 Si lui répondant ne fortit pas, ledit 33 jour, avec ledit Guillaume Arnould; ■ x> s'ils ne furent pas enfemble au coin de ' » la rue Chriftine ; fi, en ce lieu, ledit s» Guillaume Arnould ne donna pas ledit w paquet a un décroteur, avec deux fois neufs, & ne lui dit pas de le porter  attribués d J. B. Roujfeau. si au fieur Boindin, au café de la veuve jj Laurent ? jj A dit qu'il ne fcait rien de toul jj cela. 3j S'il n'eft pas vrai que le dit fieur ti Boindin ne fe trouva pas au café de jj la veuve Laurent, & que le décroteur j-j fut porter le paquet en fa demeure, jj rue GarencièreJ jj A dit qu'il ne fcait rien de tout cela; ij A feulement appris, au café, que, jj quand on y avoit appörté le paquet eii queftion, pourle remettre audit fieur sj Boindin, ledit fieur Boindin n'y étoit jj pas. j> S'il n'eft pas vrai que lui répondant jj & le dit Arnould fuivirent de vue lejj dit décroteur chargé dudit paquet , jj & ne fe retirèrent que quand ils 1'eujj rent vu entrer dans lecafé de la veuvejj Laurent ? jj A dit que cela eft faux. 35 S'il n'eft pas vrai qu'alors lui répon» dant, & ledit Gauillaume Arnould jj retournèrent a 1'hótel des Urfins; qu'il jj fit chang'er d'habit audit Guillaume sj Arnould; lui donna un habit noit pour 3j mettre a tous les jours, & un écu, pour jj 1'aider a en acheter un pour les fêtes » & dimanches, Hiij  174 Hiftoire des couplets » A dit que tout cela eft faux; qu'il » a donné 1'habit noir en queftion long» tems après que le paquet du fieur " B,°'nd!r{ a élé Porcé, & ne 1'a jamais » obhee a chanaer A'hiW,r » S'il n'eft pas vrai que lui répondant » a defendu audit Guillaume Arnould » oe parier a perlonne qu'il eür remis le » paquet de vers en queftion a un dé» croteur pour faire tenir au fieur Boin» din , & qu'il „e lui a fair des préfenrs » que pour 1'obliger a fe taire ? » A dit que c'eft un impofteur. » S'il n'eft par vrai que lui répondant » ademeuréaucloitreSaint-Thomas du « Louvre? » A dit que oui. » S'il n'y a pas eu une affaire contre » quelqu'un ? » A dit qu'il n'a point eu d'autre af» faire civile que contre un chanoine, a » qui il avoit mis de 1'argent en dépot, » dontil fut obligé, paria fuite, de "prendre une obligation, paree qu'il » avoit yiolé le dépot & 1'avoit em» ployé a fon profit. » Enquis fi ladite obligation n'étoit » pas de 3 ooo liv. » A dit que oui; que ledit chanoine » eft mort; qu'il fit 1'hopital-général  attribués d J. B. Rouffeau. 17^ §, Iégataire univerfel, &c fit mention , „ dans fon teftament, qu'il avoit a;quitté cette date, quoique cela ne füt pas „ véritable, & que, pour acheter fon „ repos, dans une lüccefïion qui ne ,, confiftoit qu'en quelque peu de meu„ bles, il fe conrenta de joo livres, &C „ quittanga Pobligation. „ Enquis pourquoi il s'eft mis lui„ même dans les chanfons diffamatoires „ faites au mois de février dernier.? „ A dit qu'il ne s'y eft point mis, & ,, ne les a pas faites* „ S'il n'eft pas vrai qu'il ne s'y eft „ mis que pour faire romber fur d'au„ tres, que fur lui, lefoupcon d'en être „ l'auteur, quoiqu'il le füt effeótive- ment ? „ A dit qu'on lui prête mal-a-ptopos „ des motifs d'un ouvrage qu'il n'a point fait. „ Slil n'eft pas vrai que, pour faire „ tombet le foupcon de la compofition „ fur le fieur Roujjeau , il a affeóté d'i„ miter ceux que ledit fieur Rouffeau „ avoit faits neuf ans auparavant fur „ 1'abbé Maumenet, & d'y en glufer „ quelques-uns qui font prefque fem„ blables? „ A dit qu'il n'a aucune part dans Hiv  3 33 33 176 Hiftoire des couplets „ iuus leimts vers: nu' „ que celui qui a fait les vers fur 1'abbé » Maumtntt a fait tous les autres. - xux icmontre que ce qui fait en„ core connoitre que ces vers dont eft „ queftion font de lui répondant, c'eft 33 qu H sy trouve plufieurs expreffions gafconnes , & qu'il eft le feul dans le 3, care de la veuve Laurent qui parle de 3, A dit qu'il „'eft pas I'auceur- des , vers en queftion, & qu'il y a des ' Perfon»es de toutes nations qui vont , au café „. ^ v Extrait de Vinterrogatoire fubi par Guiï Uume Arnould, le 17 Oclob/e 1710/ Enquis s'il n'a pas été plu„eiirs fols, chez Je nommé Fleury & fa femme pendant le mois de juillet dernier ? 33 A dit que oui. ,, S'il n'eft pas vrai que lui répondant „leur ayant paru chagrin, il leur fit 3, entendre qu'il 1'étoit a 1'occafion de ,5 certame commiffion qu'il avoit faite 33 pour Ie fieur Saurin ? "^v&afafemme qu'un diman«.cnemaun, au mois defévrierder-nier  attribués d J. B. Roujfeau. 177 3, ledit Saurin lui avoit fait leóture chez 5, lui de vilains vers qu'il venoit d'é- crire, les avoit cachetés en fa préfence 3, avec une chandelle qu'il avoit été lui allumer, Sc 1'avoit engagé de les faire rendre , par un décroteur, au café de 3, la veuve Laurent, rue Dauphine. ,, A dit que tout cela eft véritable ,-, excepté qu'il n'a point dit que ledit „ Saurin lui a fait la lecture de vilains ,-, vers, Sc- qu'il les ait vus cacheter. ,, Dit,.de foi, qne la fervante dudit ,, Saurin, trois ou quatre jours après 1'envoi dudit paquet en queftion, vint ,, a. fa boutique de la part dudit fieur „ Saurin, lui dire de ne point parler 3, qu'il eüt'porté, ni fait porter le paquet ,-, en queftion , lui recommanda le fe- cret, Sc lui dit de n'en rien direa fon ,, père, ni a fa mère. Que cependanc „ fon père 1'a feu, Sc que la même fer„ vante a dit a. fon père de n'en point „ parler; que fon père dira la même 3-, chofe, auffi bien que la fervante, qui„ en doit fgavöir plus que perfonne. „ Enquis du nom de ladite fervante-1 ,:, dudit Saurin. ,, A dit qu'elle fe nomme Char/otte^ ,, qu'elle eft blonde, de moyenne taille,? ,,. Sc paroit agée d'environ 27 ans,ilv  178 Hiftoire des couplets „ Enquis ü ladite Cha, lotte n'a pa* „voulu le dérournerd'allerchez ledit „ Fleury & fa femme? »A dit que cela eft véritable, & „ qu alors.la fervante de la Fleury éroit „ avec lui i qui peut dire la même j, chofe. „ EnqUis pourquoi ladite Charlatte „ vouloit 1'empêcher d'aller chez ledit 3, Fleury ? A dit que c'eft paree qu'elle fg doutoit que c'étoit pour l'affaire dont 3, il s agit. „ Enquis fi ladite fervante fcait qm „ c'eft hu répondant qui a fait rendre „ ledit paquet de vers par un décroteur ,,. au café de la veuve Laurent ? „ A dit qu'elle fcait que lui icpon- „ uanc a rait porter lariirp pm-* „o. nprrrti-ani- — Ct 1 '1 1 _ „ Enquis fi ladite fervante fcait que „ ledit Saurin fut avec lui répondant „ quand il donna ladite lettre au dé„ croteur,. pour la rendre dans ledit „ A dit qu'il n'eft pas certain ff elle „le fcait, ou. non; mais qu'elle étoit „ préfente quand ledit Saurin remit a » lui répondant la lettre a 1'adreffe du  attribués d J. B. Rouffeau. 179 ,» fieur Boindin, Sc lui dit de la porter, „ ou faire porter au café de la veuve „ Laurent.. ,, Enquis s'il n'y a point d'autresper„ fonnes que la fervante 8c ledit Saurin „ qui lui aient recommandé le fecret a „ ce fujet ? A dit qu'il n'y a que ladite fer- vante & ledit fieur Saurin qui le lui „ aient recommandé. Qu'a la vérité, „ deux jours après ledit paquet rendu, „ la femme dudit fieur Saurin le fit venir au troifième étage dans la cui,, fine,le tirad quartier, Sc luidemanda „ oü fon mari avoit envoyé lui répon,, dant, le jour de 1'envoi en queftion, ,, a. quoi il fit réponfe qu'il 1'avoit en„.vové au café de la veuve Laurent, oü. „ il avoit envoyé un décroteur; 8c ladite. „ demoifelle Saurin lui répartit qu'elle fgavoit bien ce que c'étoit, & qu'ili „ n'avoit que faire d'en rien dire.- ,, Enquis fi lui répondant a dit audit; „ Saurin que Milet, exempt, avoit voulm 3> 1'engager a dire la vérité ? ,, A dit que oui, Sc que ledit Saurltu ayantfcu delui répondantqujl n-'avoit: „ pas voulu 1'avouer audit Milet., il iüis „ dit qu'il avoit bien fait, Sc que, s'ill „ 1'envoyoitxhercher une.feconde fois „ H v]j  ■ °, Hiftoire des coup Iéts „ il 1'envoyat promener. Le mena enai Ante chez M. Chardon, procureur, „ rue des deux Portes, pour lui dire ce „ que Milet lui avoit demande, Sc la „ réponfe qu'il lui avoit faite; & voulut. ai enfuite Ie mener chezun commiffaire. a, pour en faire une plainte; ce que lui „ répondant ne voulut pas. Et ledit Milet s, ayant, quelque-tems après, envoyé ai chercher lui répondant, il en donna „ avis audit Stut Saurin, qui lui dit de „ n'y point aller, Sc de Penvoyer pro„ mener. Non-obftant quoi il alla chez „ ledit Milet, qui 1'exhortaune feconde a, fois d dire la vérité, ceque luirépona, dant ne voulut pas faire. » Enquis ce que ledit Saurin lui avoit » recommandé de dire chez ledit fieur o> Chardon? » A dit qu'il lui avoit dit de dénier » la venté audit fieur Chardon: ce qu'il " nr> e» préfence de plufieurs perfonnes » qui y étoient, & de 1'époufe dudit »> fieur Chardon. » Enquis fi, le même jour que le pa^ »» quet de vers en ciuet>i«n *Ar*ca ... » fieur Boindin fut porté aü café de Ia » veuve Laurent par un décroteur a qui » le répondant 1'avoit remis, ledit Snuft rin &c hu' ne furent pas au café de la  attribués d J. B. Rouffeau. 18 f si veuve Jofeph , rue des Arcis, ©ü ledit ;j Saurin lui donna une pièce de 50 fois m & un verre de ratafia ? jj -A dit que ce fait eft véritable. ss Enquis fi, depuis ledit tems, leditss Saurin ne lui a pas donné cinquante « fois par femaine, pour 1'engagèr au3> fecret? » A dit que non ; Sc qu'il ne lui; 31 donnoitque cinq ou fix fols, tous les w dimanches, pour qu'il ne dit rien. ss Enquis pourquoi il a dénié ci-de-~ »» vant avoir feu qu'il y avoit, dans le 33 paquet dont il s'agit, plufieurs cou~ s» plets de vers infames, puifqu'il l'a dit »s a différentes perfonnes; ce qu'il n'eüt 3» pas pu faire, s'il ne l'eüt pas feu? 33 A dit qu'il ne le fcavoit pas quand 3» ledit Saurin lui donna la lettre. Qu'il jj eft bien vrai que ledit Saurin lui dit jj lors que c'étoit des vers qui y étoient; 33 mais qu'il ajouta que c'étoit un de fes ss amis qui les lui avoit envoyés, Sec ». Le 2 o oétobre 171 o, le père, la mère &c ie frère de Guillaume Arnould furent entendus en témoignage. Denis Arnould père, dépofe « qu'un 33 jour du carnaval dernier, qu'il ne peut ss eoter, Guillaume fon fils vint lui dev finander fon habit, lui difant que le  i8z Hiftoire des couplets » fieur Saurin lui avoit dit de quitter fa » vefïe rouge, paree qu'il avoit porté un *» paquet qu'il avoit donné a un décro» teur, pour le faire rendre au café de * k vewt Laurentque fon fils avoit »» cté quatre mois fans porter fa vefte • » que le fieur Saurin lui avoit donn! » un jufte-au-corps noir; que la fervante » du fieur Saurin eft venue plufieurs fois » recommander a fon fils, en fa pré»» fence, de garder le fecret; & que fa » femme lui a dit qu'elle avoit empê» ché leurdit fils d'aller chez un com» miifaire, oü le fieur Saurin le vouloit » mener, pour faire une déclaration ». fauffe, de n'avoir point porté le pa» quet rue Dauphine, au décroteur, par » lequel il l'a fait rendre au café de la >* veuve Laurent». Siceanne Meufnier, mère de Guillaume .dépofe « qix'im jour du cama>. » val dernier, fon fils, qui s'étoit ab» fente plus de deux heures, lui avoit Wit, etant de retour, que le fieur Sau». rin 1'étoit venu prendre pour le me» ner rue Dauphine, & lui faire porter » un paquet qu'il avoit donné a un dé"-croteur, &c. Que Milets exempt, » leur voilin, ayant fait au mari d'elle » depofante, & i leur fijs, plufieurs,  attribués d J.B.R oujjeau. i S y n queftions au fujet dudit paquet port-é. » au café, pour en fcavoir la vérité, font » fils, qui a peu d'efprit, le feroit allé » dire au fieur Saurin, qui lui dit da y> n'y pas aller. Qu'étant un jour, a la w fin de juillet, ou au commencemens 53 d'aoüt, chez le fieur Arouet, tréforiec 3> de la chambre des comptes, ou elle si va, prefque tous les jours, faire la « grcfle befogne de la maifon, fon fils 33. y eft venu. lui demander la clef du jj coffre ou elle ferre fon jufte-au-corps 3» gris, lui difant que le fieur Saurin. 33 l'attendoit chez, lui, pour le mener ss cltez un commiffaire, pour y faire fa 33 déclaration qu'il n'avoit point porté » le paquet en queftion cacheté, & cela 33- dans la vue que Milet cefsat de s'en 35 informer. Qu'elle dépofante ayant dit 33 a fon fils qu'elle ne vouloir pas qu'il 3» eüt la témérité de faire, en juftice, 33 une fauife déclaration, lui repréfen55 tant qu'un bédeau de leur paroiffe, 35 pour une affaire femblable, avoit été 35 pendu en effigie, & l'auroit été en 33 effet, s'il ne s'étoit fauvé. Qu'elle s'en si vint, en même tems,. dire la même 33 chofe au fieur Saurin qui, par comj3 pofition avec elle dépofante, la pria » de permettre a, fon fils de venir feule-  184 Hijloire des couplets è ment faire fa déclaration verbale ene» » la dame Chardon de n'avoir poinc b» porté ledit paquet avec lui dans Ia s> rue Dauphine.-D'oü fon fils étant de >> retour lui auroit dit qu'il 1'avoit ainfi j> faite,. en préfence de trois meffieurs » qui lui avoienr paru de conféquence.* « Qu'elle a regret d'avoir permis a fon jj fils de faire cette démarche, Sc ne 1'a) sj faite que pat confidération de la fem« » me du fieur Saurin, qui étoit malade,jj Sc de leur familie compofée de feptS jj enfants «j. Denh Arnould, frère de Guillaume j> a dépofe « qu'il fe fOUvient qu'au mois jj de juillet dernier, Guillaume Arnould s» fon frère lui parut chagrin, & que, » lui en ayant demandé le fujet, il lui «i dit que Milet, exempt, lui avoit fait; jj plufieurs queftions au fujet d'un pass quet cacheté qu'il avoit porté pour le sj fieur Saurin Sc remis a un décroteur jj dans la rue Chrifiine, pour le rejj mettre au fieur Boindin au café de la s» veuve Laurent, rue Dauphine. A apjj pris de fa mère que ledit fieur Saurin. j> avoit Voulu mener fon frère chez un j» commiffaire, pour déclarer, contre « vérité, qu'il n'avoit point porté ledit sj paquet cacheté 5.même avoit été trou-  'üttribuès d Jt. B. Rouffeau. ï $ $ « ver ledit fieur Saurin, pour lui dire » qu'elle ne vouloit point qu'il fit faire' jj a. fon fils une fauffe déclaration; Sc 33 que , malgré tout ce qu'elle avoit dit 3> audit fieur Saurin, il avoit mené fon 33 frère chez la dame Chardon, oü il lui 33 avoit fait dire tout ce qu'il avoit vou3» lu, profitant du peu de génie de fon si frère. A oui- dire a fes père Sc mère 33 que Charlottc, fervante dudit fieur i3 Saurin, depuis cette démarche, eft 33 venue, plufieurs fois, dire a- fon frèrey ss de la part dudit fieur Saurin, de gar33 der ie fecret, & de ne parler a per»3 fonne du paquet cacheté. Mais ladite 33 Charlotte n'en a jamais parlé audit' 33 dépofant, non plus que ledit fieur 33 Saurin, ni autre de fa part 33, Saurin fut interrogé, de nouveau, le" a 3 oótobre 171 o. Voici les principaux. articles de fon interrogatoire Extrait de /'interrogatoire fuli par Is Jieur Saurin 3 le z$ Oclobre 1710. « Enquis pourquoi il dénie de faire » des vers, puifqu'il eft convenu d'être » l'auteur de 1'épitre faite contre le neus*'  iSj fon zèle contre les frondeurs , Sc fon >j chagrin contre les mceurs corrom» pues? » A dit qu'il n'en eft pas l'auteur; » qu'il ne faut que les lire, pour voir j> qu'il y eft traité d'atne fauft'e & doub!ey n Sc de fcélérat hypocrite ; d'athée fair> fant des diftiples, Sc de fodomite, jj que perfonne ne prendra ces qualités )) pour des éloges. » A lui remontré que ces vers font » de lui; qu'il convient qu'il n'eft pas »j poëte de profeffion; qu'a la vérité il » a fait quelques vers en fa vie; & qu'il » s'y trouve des fautes de quantité, » comme religion qu'il fait de trois fyl» hbesy pre'cieux qu'il fait de deux fylij labes ; Sc que les mêmes fautes fe trou» voient dans les vers qu'il avoit adref>s fés au fieur de la Motte ; outre les ex»j preffions gafconnes qui s'y lifent, com» me font ces mots: le plus doux réglijfe, t» faux cceurs, fats au pluriel. 55 A dit que les vers ne font pas des» lui répondant; qu'ainfi ce n'eft pas a » lui a rendre raifon des fautes qui s'y  i88 Hiftoire des couplets h trouvent; que tous les connoilfeursj' * jugent ces vers de main de maitre. ,: » Les fautes qui y font, font ou affec- 1 * tées, ou des licences prifes en faveur I ü de la précifion. » Enquis pourquöi il a écrit les mots 1 * de Bragelogne Sc cigogne, Brageloigne \ » & cigoigne ¥■ » A dit que c'eft qu'ils étoient ainfi » ecnrs dans 1'original que le fieur Boin- * dm lui a prêté, & fur lequel il a tiré A Ia copie en queftion: " S'il n'eft pas vrai que eerte préteu» due copie eft un fecond original écrit * d'après le premier, ayant une rature tf du mot nouveau dans le premier cou- * plet; quatre vers rayésfurla deuxième * Page, & cinq vers rayés fur la troi«' fièfne ? >> A dit que ce n'étoit qu'une fimplé sv copie, & non un original, foit pre» mier, foit fecond, que, loin que les * ratures fafient voir que c'eft un origis> nal,. elles découvrent au contraire i * que ce n'eft qu'une fimple copie. Que » le fieur Alarie, auquel il avoit prcté » fa copie, Sc qui 1'avoit gardée plu- * fieurs jours, lui avoit fait appercevoir' * au café que le mot nouveau étoit de' \ * trop pour la mefure du vers: Sc ce fut  attribués d J. B. Rouffeau. i 89 » au café qu'il corrigea cette faute, eti 55 barrant le mot avec un crayon qu'il jj avoit dans fa poche. Qu'a 1'égard des I quatte vers rayés au verfo, il avoit »? fauté les quatre ptemiers vers du cousj plet, en tranfcrivant; qu'enfüite il jj écrivit les quatre vers qu'il avoit fau?. ?j tés ; enfuite écrivit les quatre vers »> qu'il avoit précédemment écrits; Sc » cela fans aucune correcHon; Sc que »» par diftraétion, les cinq vers quifinif37 fent le couplet font répétés dans la 3> page fuivante, fans correótion, Sc bar>» rés. jj Enquis li c'a été fur les mêmes vers écrits en caraótères déguifés, qui ont i, été paraphés par le commiffaire Bi^o„ ton (i),le 16 février dernier, conte„ nant trois feuilles Sc demie, cotées „1,2,3,4, par ledit commifTaire, ,, qu'il a écrit Sc copié de fa main les „ vers trouvés chez lui répondant ? » A dit, apiès avoir vu lefdits vers „ écrits d'une éeriture contrefaite, Sc ,, paraphés le 16 février dernier dudit „ commiffaire Bi%oton, qu'y ayant eu (1) II s'agit ici de la copie que Malafer, avoit remife a Lafaye , & que celui - ci avoit dépofée chez le commiffaire Bi^otor., «juand il readit plainte contre Rouffeau.  190 Hiftoire des couplets deux exemplaires de ces mêmes ver» „ qui vanent en certains mots, il ne » fcait pas fur lequel des denv pv^™- „ plaires il a fait la copie trouvce chezs „ lui; croit cependant que c'eft fur celles „ du fieur Boindin. „ Dit, defoi, que,copiantpartieparr „ mémoire, partie en regardant 1'exem-„ plaire qui étoit fous fes yeux, & les; „ excmpianes variant, comme on adit,, „ en certains mots, il peut avoir mis '! „ dans fa copie, quelques mots qui, ne „ fetrouvant pas dans 1'exemplaire qu'il. „ avoitpréfent,fetrouventdans 1'autre. „ A lui remontré que la pièce trou„ vée chez lui répondant eft loriginal „ de la pièce oü les mêmes vers ie li>, fent en éeriture déguifée : ce qui fe „ voit par Ie dernier vers du fecond „ couplet, ou, dans celui trouvé chez „ lui, font éctits ces mots: Et les noirs „ tours de leur foupleffe; lequel même „ ayant été écrit dans celui en éeriture „ contrefaite, fe trouve corrigé, quoi„ qu'il puifie fe lire encore, & qu'on „ ait fubftitué ces mots: Dis-nous les „ tours de leur foupleffe. „ A dit que la pièce trouvée chez lui „ n'eft qu'une copie; & que, s'il a mis „ dans fa copie: Et les noirs tours dt  attribués d J. B. Roujfeau. 191 5, leur fouplejfe, c'eft paree qu'ils étoient 3, écrits dans 1'un defdits originaux (1). Ce fait, lefdits vers écrits d'une éeriture contrefaite contenus aux ttois 3, feuillets, & un demi-feuillet, ci-de5, vant parphés par le commiffaire Bi,, \oton, ont été, de nous & de 1'accufé, 3, paraphés, ne varietur. ,, S'il n'eft pas vrai qu'il n'a affeéré de meier 1'abbé Maumenet dans les 3, couplets dont il s'agit, que pour faire 3, foupconner Roujfeau d'être l'auteur 3, du tout; & de déchirer des perfonnes 3, de confidération, que pour les irriter 3, contre Roujfeau. ,, A dit qu'il n'a jamais fait de vers ,, contre perfonne, & n'eft point 1'au,, teur de ceux qu'on lui impute; & qu'il eft bien plus vraifemblableque le fieur ,, Roujfeau , qui a fait les premiers vers 3, contre 1'abbé Maumenet, de Jon aveu (1) Ce vers eft, dans la copie de Boindin ^ comme dans 1'exemplaire de Saurin: Et les noirs tours de leur fouplejfe. Or il peut fe faire que la copie de Malafer, avant de patïer dans ïes mains de Lafaye, eüt été vue parun conti oifleur en vers, qui, trouvant celu;-la trop dur, lui en a fubftitué un plus doux: Dis-nous les tours de leur fouplejfe,  i^i Hiftoire des couplets 1» (i), a fait auffi les autres contre 1'abbé p, Maumenet dont il s'agit,,, Le 24 feptembre ii-710, Saurin fut eonfronté avec Guillaume Arnould; " & 3i leóture faite de 1'intefrogatoire dudit 5, Guillaume, Saurin a dit pour repro,, ches que ledit Arnould peut avoir été P> corrompu par argent, ou intimidé par „ menaces, n'a propofé autres repro?i ches. „ Ledit Guillaume Arnould a dénié lefdits reproches Charles Olivier, décroteur, fut eonfronté le ï6. Saurin dit, " pour reproj, ches contre le témoin que, s'il eütac„ compzgné,Guillaume Arnould, quand „ il lui remit le prétendu paquet, le té3, moin devoit le reconnoitre, comme 3, il a reconnu Arnould (2), (1) Encore une fois, ou eft-il coBfigné eet sveu que Saurin impute a Rouffeau > Boindin. ne le croyoit pas, puifqu'il s'eft efForcé, comme onl'avu, de prouver, & peut-être a-t-il prouve que les cinq couplets de 1700, ;ou ils agit de 1'abbé Maumenet, ne font pas de Rouffeau. r (2) Le faux de ce reproclie faute aux yeux' 61 Saurin étoit véritablement coupable du' manége dont il étoit accufé, il n'a eu garde de *e montrerau décroteur, puifque ce n'étoit .> Par  attribués a J. B. Rouffeau. iyf „Par le témoin a été dit Wil no connoit point 1 accufé. „ Leéture faite de la dcpofition dudit témoin, 1'accufé, a fon égard, a dé„ mé la dépofition, & a dit qu'il voit „ que c'eft un jeu joué par Rouffeau fa „ parae adverfe, qui a corrompu le „ témoin préfent & Guillaume Arnould, „ favetier, &: qu'il en donne pour preu„ ve ce que Milet, exempt, a pratiqué „ pour corrompre ledit Guillaume Ar* „ nould, a 1'inftigation de Roujfeau,,. Le 14 o&obre 171 o, Fleury & fa femme furent confrontés a Saurin. U dit, pour reproches contre le mari, « que c'eft un frirmnn nn ,r^l»„- o. „ un témoin apofté par Milet; & con„ tre la femme, que c'eft une femmo „ de mauvaife vie, du complot dudit „ Milet, & que c'eft elle oui a n«ri. x . - r —- ■que pour ne pas s'expofer * en être reconnu I qu .1 a employé 1'entremife du favetier. Or li le decroi-«ni-1'a vu %™ ., . . „ . „, ,.c nuyuent, u n a pu le vo;r que comme un palTant qui marchoit idans la rue, & qui n'avoit rien de commurt wee \ homme qui lui remettoit le paquet 11 n a donc pas plus fait d'attention a Saurin 3u a toutes les perfonnes qui paffoient, en ffleme tems, dans la rue. II na donc pas pu le reconnoitre a la confrontation, Tome VLII. j  'i'94 Hiftoire des couplets s, qué & corrompu Guillaume Arnould^ j, i 1'inftigation de Rouffeau, „ La femme interpellée de déclarer? "„ précifément quel dimanche du mois „ de février Arnould lui avoic dit qu'il „ avoit porté le paquet en queftion. „ A dit que c'étoit le dimanche gras „. Anne Vilmairc, leur fervante, fut; confrontée le même jour, " Interpellée de déclarer fi c'eft de la propre bou„ che de la fille dont elle a parlé dans, fa dépofition , qu'elle a entendu dire a, a Guillaume Arnould de n'aller pas ou „ ilalloit,acaufedel'affairequ'ilavoit», Jt re'pondu « qu'elle n'a point entendu, „ de la bouche de la fille, ce difcours, „ Sc ne 1'a f Ci ce qu'il dit de la nommée Chat>, ia fervante, ne lui a pas été fuo-„ géré depuis qu'il eft en prifon, & par „qui? „ L'interpellation faite, ledit Guillaume Arnould a dit que perfonne ne », lui a fuggéré de rien dire contre la „ fervante de 1'aceufé. „ L'accufé nous a requis d'interpel5, Ier ledit Guillaume Arnould, s'il n'eft „ pas vrai qu'il a dit a lui accufé chez „ le fieur Chardon, avocat, en préfence „ de M. i'avocat-général , entr'autres „ chofes, qu'un archer 1'avoit niené au „ cabaret, Sc lui avoit offert de I'argent „ pour le faire dépofer contre lui ac„ cufé. A quoi ledit Arnould avoit ré„ pondu, tenant un verre a la main: „ je veux que ce verre de vin que je ziens i „ la main}mefervedepoifon3Jt cequ'on „ veut me faire dépofer efl vrai; Sc, fur „ cette réponfe, ledit archer auroit tiré „ trois écus neufs de fa poche, & les „ auroit mis devant ledit Arnould, en j, difant : je te donne ces trois écus. „ Si.tu dis ce que M. Milet veut te s, faire dire, il t'en donnera bien da'fJ vantage. x> Ledit Guillaume Arnould eft de?  iy6 Hiftoire des couplets meuré d'accord du contenu en kdite „ interpellation (i) „. Les autres témoins furent confrontés les 4 , 8 Sc 16 novembre. Louis Limoufin, huilÏÏer, fut " inter„ peilé de déclarer fi Fleury } fa femme, „ ou. Milet ne 1'avoient pas invité au repas dont il a parlé dans fa dépofi,, tion, pour entendre Guillaume qui y mangeoit auffi? ,, A dit que ce n'a point été eux qui 1'ont invité audit repas; mais que c'a .,, été le fieur Roujfeau qui 1'y a engagé: „ qu'ils mangèrent la, Fleury, Guillau„ me, lui témoin Sc d'autres perfonnes, „ un poulet d'inde; ne fgait qui le paya. faut bien faire attention a la facon dont la queftion & la réponfe font rédigées. On ne demande pas a Guillaume, s'il eft vrai qu'un archer 1'avoit mené au cabaret, & lui avoit offert de 1'argent, &c. Mais on lui demande s'il eft vrai qu'il ait ditchez^M. Chardon qu'un archer favoit mené, Sic. Ainfi la réponfe afErmative du favetier n'eft pas un aveu du fait enluimême ; maisun aveu qu'il 1'a raconté thez M. Chardon; & comme il a toujours foutenu, depuis, que cè qu'il avoit dit , dans cette maifon, a finftigation de Saurin , étoit faux, cette hiftoire fe trouve enveloppée dans la réprobation qn'il a répandue fur tout c» gu'il y avoit dit,  attribués a J. B. Rouffeau. 15/7 „ Interpellé de dire fi, avant le repas, Milet Sc la Fleury ne lui avoient pas parlé de cette affaire ? „ Le témoin a dit que la Fleury lui „ en avoit parlé le même matin, ne lui en avoit point parlé auparavant, Sc 5, que Milet ne lui en a point parlé avanc „ Pemprifonnement de Guillaume. „ Enfin interpellé de dire fi la Fleury ne lui dit pas le matin ce que ledit Guillaume devoit dire en mangeant „ enfemble? Le témoin a dit qu'elle lui dit feulement qu'elle le Teroit jafer touchant „ le fieur Rouffeau. Denis Arnould, père de Guillaume, **. interpellé de dire fi Milet lui a parlé „ plufieurs fois du paquet ? Le témoin a répondu qu'il a été une fo^s chez Milet, dont la femme „ 1'avoit mandé a 1'cccafïon de l'affaire ,, en queftion , laquelle lui demanda fi „ fon fils avoit porté une lettre pour le „ fieur Saurin dans la rue Dauphine ; fur quoi il répondit qu'il n'en fcavoit „ rien „. A la confrontation de Denys Arnould, frère de Guillaume, le fieur Saurin propofa pour reproches que " ce témoin 3y ayant feu que le fieur Saurin faifoit Iiij  f98 Hiftoire des couplets s, rechercher la vie de fon frère, a etc? „ chez lui Saurin faire des menaces en „ ces termes: On recherche la vie de mon „frère ; mais je fcaurai bien par Ier & „ m'en venger. Et le témoin, trois fe„ maines, ou environ après 1'emprifon„ nement de fon frère, alla au café de „ la veuve Laurent s Sc lui demanda ou demeuroit le fieur Rouffeau; laquelle „ lui ayant répondu, pourquoi il lui fai„ foit cette demande , le témoin avoit „ dit qu'il vouloit 1'aller voir, fur ce „ qu'il tenoit fon frère prifonnier fi long-tems, puifqu'il avoit promis qu'il ,, n'y refleroit que trois ou quatre jours* „ Sur le premier de ces reproches, le témoin avoue qu'il a été chez le fieur „ Saurin, Sc dénie qu'il y ait fait de$ „ menaces. „ Sur le fecond reproche, le témoin „ demeure auffi d'accord qu'il eft vrai „ que, depuis 1'emprifonnement de fon „ frère, il a été au café de la veuve Lau„ rent;qu'il lui demandaoü demeuroit s, le fieur Roujfeau; ne lui paria poinp „ qu'il eüt envie d'aller voir le fieur Rouffeau, quoiqu'il en eüt envie ; & dénie d'avoir déclaré que c'étoit au „ fujet de ce qu'il tenoit fon frère pri?, fonnierii long-tems, après avoir pror  'attribués a J. B. Rotijfedü. i 5)9 J, mis qu'il ne le feroit que trois ou qua- 9, tre jours. ,, Interpellé de déclarer en quel tems ,, précifément fon frère lui parut trifte» „ Le témoin a dit qu'il ne fe fouvient pas bien du tems que fon frère ,, lui avoit paru trifte, que le commiffaire mit, de lui-même, dans fa dépofition, le mois de juillet dernier, fans „ qu'il lui ait dit* Qu'il eft vrai que lé commilfaire lui demanda li ce n'étoit pas dans ledit mois, fur quoi il lui „ répondit qu'il ne pouvoit pas s'en fouvenir. ■ 3, Interpellé de déclarér fi c'a été Guil^, laume Arnoidd£on frère, qui luia dit s, que lui accufé l'ait voulu mener chez un commilfaire faire une fauffe déclaration, & s'il 1'a dit ainfi devant le commilfaire oü il a dépofé? „ Et par le témoin a été dit que fon frère lui a dit que Faccufé 1'avoit voulu mener faire une déclaration chez „ un commiffaire mais ne lui a point dit que c'étoit pour faire une jfdufje „ déclaration, 6c que ce terme faujje a été ajouté par le commiffaire. „ Interpellé de déclarer s'il n'eft pas vrai que Taccufé avoit accoutumé de donner de vieux habits a Guillaume;  ioo Hiftoire des couplets .„ 8c s'il n'en donnoit pas auffi a lui tea, mom, dans le tems qu'il faifoit fes 3, commiffions? ,, Et par le témoin a été dit qu'il eft 3, vrai que 1'accufé lui avoit donné un 5, de fes vieux habits, dans le tems qu'il 5j faifoit fes commiffions „. Voila toutes les pièces de la procédure que j'ai pu ramaffer. Je vas mettre fous les yeux du ledeur les indudions qui en ont été tirées de part & d'autre. De ces dépofitions 8c de ces interrogatoires, Boindin a tiré fept conféquences. ; On a appris, dit-il, par cette procedure: i°. Que c'étoit effedivement I« favetier qui avoit remis Ie paquet au petit décroteur, au coin de la rue Chriftine. 2°.^ Que c'étoit Saurin qui 1'avoit chargé de le remettre a un décroteur, & qui lui avoit donné deux fois neufs valaut trois fois, pour payer le décroteur. 3°. Qu'après avoir conduit Ie décroteur dans la rue Garencière, il étoit allé J trouver Saurin au café de Jofeph , qui ' lui avoit donné un écu, 8c fait boire un Yerre de ratafia. Ce troilièaie fait eft, a la vérité, in-  attribués a J. B. Roujfeau. 101 I diqué par la procédure : mais il faut i avouer qu'il n'eft rien moins que prouve. 4°. Qu'appréhendant que fon habit ne le fit reconnoitre, Saurin 1'avoit c obligé de le quitter, & lui avoit donné i un de fes vieux juftes-au-corps noirs. 5°. Que, fur les perquifitions qu'on , faifoit a ce fujet, Saurin 1'avoit mené u chez la dame Chardon faire une faufle 1 déclaration en préfence de M. 1'avocatj général. 6°. Que Saurin avoit voulu 1'engai; ger d'aller faire la même déclaration chez un commiffaire, mais que fa mère i s'y étoit oppofée , &c avoit été fe jetter j aux piedsde madame Saurin, pour 1'en i empêcher.. Boindin a apparemment trouve ce dernier füt dans quelque pièce de la - procédure qui n'eft pas venue a ma connoiffaftce.- /°. Enfin que Saurin avoit lui-même fait, au favetier, la leéïure des couplets — I de lur imputer une baffeffe auffi indigne i de lui. Ses ouvrages ne font remplis ; que aes piaintes qu il en rait au public. 11 eft même fi perfuadé que les nns &£ ; les autres viennent de la même fource, ji que, fur 1'avis qu'il a eu que la veuve V laurent avoit dépofé les anciens chez le commiffaire Chaud, il a demandé qu'il fut permis d'en informer, s'éton| nant fort que les originaux de ces an\ciens couplets n'euffent pas fervi au projcès qui a été intenté contre lui, puifqu'on dit qu'ils étoient de la même éeriture , que les nouveaux. La veuve Laurent a dit qu'elle avoiï remis les originaux d'une vingtaine chez B§ commiffaire Chaud3 mais fans pren-;  212 Hiftoire des couplets dre atte de dépot: elle ne dit point par : rqui elle en a été empêchée. Pour Ie commiffaire Chaud, il dit, dans fes défenfes,, qu il prit ieulement, dans ce tems, Ja copie de fept on huit, & qu'il ne fcait ce qu'ils font devenus. II eft facheux que Pon ne puiffeforcer le commiffaire Chaud a rapporter ces anciens vers, piufqu'il n'en a point donné d'ade, ni a. nommer ceux qui ont eu foin de les retirerde fes mains. Le fieur RoujJ'sau avoit lieu d'efpérer qu'on les trouveroit chez lui. Mais ce que dit ce commiffaire dans fes défenfes ne s'accorde point avec la dépofition de Ia veuve Laurent; & 1'un & 1'autre s'accordent ■encore moins avec le fieur Saurin, qui, le 19 février dernier, apprit lui-même au fieur Rouffeau, en parlant a fa perfonne, en préfence d'un grand magif-? trat, que les couplets répaudus dans le ■café en différents tems, étoient montés au nombre de foixante-douze, faifant fix a fept cent vers. Comment pouvoitil fcavoir cju'il y en avoit précifément foixante-douze, puifque la veuve Laurent dépofe qu'elle avoit tout brulé, fans en parler a perfonne, a la réferve d'une vingtaine, qu'elle aYoit portés au commiffaire Chaud?  attribués d J. B. Rouffeau. % 13 C'eft cependant fur le préjugé que le 1 fieur Saurin & les gens de fa cabale ré•| pandent, depuis dix ans, dans le pu' blic, contre ie fieur Roujfeau, i 1'occa: fion de ces couplets, dont il recherche j| avec tant de foin les originaux, fans IJ que fes ennemis ofent les repréfenter, ij c'eft fur ce préjugé, dis-je, que, depuis I ce rems-la, le fieur Roujfeau fe voit exy pofé a tous les traits de la calomnie la 1 plus outrée , qu'il n'a pas eu un ami I qu'on n'ait effayé, par toutes fortes de j voies, de lui enlever ; qu'il n'a pas fré1 quenté une maifon oü on ne fe foit acharne a le decrier par des lertres d'avis & des libelles diffamants; que la plupart des cafés, oü, depuis dix ans il ne va point, fe font foulevés contre lui ; que, plus les gens qui le connoiffent ont pris plaihr a parler a fon avantage, plus ceux qui ne le connoiffent point, fe font opiniatrés a en dire du mal. Ils lui ont fait un crime affreux d'un trèspetit nombre de vers échappés a fa jeuneffe, & qu'une paffion peut-être un (>eu iuiprudente pour le ftyle de Marot ui a infpirés , plutót qu'aucun libertinage; fes ennemis mêmes ne 1'ayant jamais attaqué de ce coté-la. Enfin ils gnt poulfé la mauvaife. foi jufqu'a qua-  tl4 Hiftoire des couplets lifter de fatyres une ou deux allégories| ingénieufes, oü perfonne n'eft nommé ] & dont l'application eft uniquementf 1'ouvrage de la malice de quelques lec-: teurs. On s étonnera fans doute que Ie fieur "Rouffeau s'attache plus a fe difculper des; calomnies qu'on lui a impofées, q.u'i rendre fon ennemi odieux. Mais il continue d'agir par les mêmes principes qui lont porté a former 1'accufation. Unj- quement occupé a détromper le publici des fauffes impreffions qu'on lui a données, il cherché a gagner fon eftime: qu'il n'avoit point mérité de perdre. II fonge moins a fe venger du cruel ennemi qui lui a fait fouffrk une perfécution fi violente, qu'a faire connoitre: combien il eft éloigné de tout ce qu'oni {i eu ta mangmte de lui imputer. C'eft pour cela même qu'il ne rap-- pene pomt ia vie la conduite paflée: du fieur Saurin. \\ n'importe en effet: au fieur Rouffeau que de faire connoirre: que le fieur Saurin eft le feul coupable : del'envoi des vers en queftion, qu'ils; font partis de lui, comme de la première main , 8c , par une conféquence : que les circonftances de la caufe ren- ■ dent infaillible, qu'il eft l'auteur de:  attribués d J. B. Roujfeau. x\f Ces mêmes vers. C'eft une vérité donc on demeurera convaincu, lorfqu'orj aura réuni & récapitulé les principau£ faits du procés, Premier. Fait certain] Guillaume Arnould a rendu le paquet aü décroteur , il 1'avoue par fon interrogatoire, il reconnoit le décroteur a la confrontation, & le décroteur le reconnoit pour avoir recu de lui ce rnêm$ jpaquer. Deuxième Fait. Guillaume Arnould avoit recu ce oa- CHiet de la main du fieur Saurin , pour le remettre a. un décroteur. II le dit dans fes interrogatoires: il le fourienr a fa jconfrontation avec le fieur Saurin ; fon Ipere & fa mere depofent la même chofe, &, dans leur confrontation avpr le fipnr ÏSaurin, ils perfiftent. i A ces faits pofitifs, qui font tels que la loi les defire pour affurer le crime iiid'un coupable, fi 1'on joint toutes les ijcirconftances qui les accompagnent, la vérité fe tcurne en évidence, & la preu-» fe en conviótion. Le fieur Saurin con vient que Guifa  a 16 Hiftoire des couplets laume Arnould, dont la boutique eft fous fes fenêtres, faifoit feul toutes fes commiffions, depuis deux ans. QueL autre que le fieur Saurin auroit pu le charger de celle-ci, pour la faire paffer par les mains d'un tiers ? II convient qu'il lui a donné un habit noir \ &c cet habit fe trouve donné précifément dans le tems que les versfont du bruit dans le monde ; & lorfque, pour perdre le fieur Roujfeau, on cherchoit celui qui avoit remis le paquet au décroteur. Guillaume Arnould a changé d'habit dans le tems qu'on faifoit des pourfuites contre le fieur Roujfeau. Celui dont il fe fervoit auparavant eft demeuré enfermé pendant cinq mois ; ce n'a été que lorfque le fieur Saurin a era l'affaire affoupie, qu'il lui a permis de le reprendre. S'il n'y avoit pas eu de myftère ; fi 1'on n'avoit pas eu en vue de déguifer Guillaume Arnould, lui auroit-on fait acheter un jufte-au-corps pour laiffer repofer lefien,dans un tems oü la moitié des ouvriers vendoient leurs nipes, pour avoir de quoi vivre ? II eft donc vrai que le fieur Saurin avoit envie d'empêchet que Guillaumo Arnould ne füt reconnu. Le père, la mère  attribués a J. B. Rouffeau. 117 mère & le fils difent la même chofe; & les obfervations qulon vient de faire ne perrnettent pas d'en douter. Mais que peut-.on oppofex a une cifconftance de 1'interrogatoire de Guillaume Arnould? \\ dit que les vers era queftion étoient dans le tiroir du fieur Saurin, 8c qu'il Jm a dit qu'ils étoient dróles. Dans quel tems lui tient-il ce difcoórs ? Lorfqu'ils éreient encore ignorés du public, trois ou quatre jours après 1'envoi, & avant que les gens du café en fuffent inftruits. On trouwe ces mêmes vers fous le ficellé. On les trouve dans la forme, tout au moins, d'un fecond original; c'eft-a-dire, avec quelques ratures &c quatre vers tranfpofés qui font une partie des couplets compofés contre le fieur Saurin lui-même. Ce qui prouve qu'en les faifant, il étoit plus embarrafie fur fon fujet,.que fur celui des autres. Or on demande fi, en voyant d'ailleurs toutes les preuves qui réfultent des informations, quelqu'un peut fe perfuader que Guillaume Arnould eut deviné fi jufte fur un fait dont il ne devoit narurellement avoir aucune connoiffance, a moins qu'il n'eüt eu, fur cela, des entretiens avec le fieur Saurin '? Et Tomé VUL K  218 Hiftoire des couplets quelle pouvoit être la caufe de ces entretiens & de cette communication , fi ce n'eft que le fieur Saurin s'étoit fervi d'Arnould pour envoyer les vers au café? Ce font-la. de ces faits qui, étant une fois certains, ne laüfent plus de doute fur la vérité des autres. Qu'on répande, après cela, dans le monde, que le fieur Saurin ne fcait point faire de vers. Le public ne 1'a cru que paree qu'on lui caclioit que le fieur Saurin avoit avoué, dans fes interrogatoires, qu'il en avoit fait, dans fa jeuneffe, pour fes maitreffes, Sc qu'il étoit l'auteur de ceux qui paroiffoient contre le "fieur la Motte} fur ce qu'il avoit quitté la Trape , pour faire des opéra. Qu'on publie qu'il n'eft pas naturel que le fieur Saurin fe foit peint luimême d'une manière fi affreufe, Premiérement, il eft bien difficile de pénétrer les replis du ceeur humain, Sc fur-tout de celui d'un méchant homme. En fecond lieu, pour peu qu'on faffe at-: tention ,on trouvera que le fieur Saurin ne s'eft peint que par de mauvais fentiments ; qu'il ne s'eft dit que des injuresj qui tombent d'elles-mêmes, Sc qui nfl font jamais d'impreftion ; pendant qu'il 3 peint tous les autres par des faits hptl  attribués d J. B. Roujfeau. 219 1 ribles, ou par des ridicules putrés. 11 i s'eft bien gardé de toucher fes voyages j deGenève & de Suiffe, ni 1'hiftoire du | chanoine, qu'un autre que lui n'auroit l pas manqué de relever (1). U s'eft don- (1) II eft certain qu'un fatyrique ne fait I Voir qu'une méchanceté révoltante, lorfqu'il j attaque uniquement les fentiments de ceux I qu'il veut déchirer,&n'appuie pas fes injüres I fur des faits tirés de leurs habitudes. Touta rimpreflion qu'il fait fe tourne contre luimême, quand on le voitchercher a pénétrer dans les replis fecrets des cceurs, fans que 1'on voie par quelle route, par quel indice il y a été conduit. Auffi l'auteur des couplets en queftion ne s'eft pas borné a ce genre do fatyre , contre ceux fur qui il a exercé fa rage. II a attaqué leurs mceurs, dont il fait des portraits abominables. II a attaqué les maris fans ménager ni les chofes ni les expreffions \ dans la partie de 1'honneur a laquelle eux & leurs femmes font le plus fenfibles. Quant a Saurin, on ne lui reproche que desfentimeius qu'il auroit eule plus grand intérêt a déguifer, s'il les eut eus, & pour lefquels, en effet, il ne paroit pas qu'il ait jamais donné prife fur lui.' I On y a joint, il eft vrai, un trait fur fes l mceurs; mais qui étoit notoirement faux : & ' 1'on n'a pas dit un mot touchant les bruits qui : couroient alors fur fes aventures aGenève '; & en Suiffe; touchant fa querelle avec le cha noine de S.Thomas-du-Louvre. Ces bruits i prêtoient cependant bien a la méchanceté ! d'un fatyrique auffi détenniné, 8c qui paroic Kij  220 Hiftoire des couplets né, au contraire, un zèle marqué contre ceux du café qui parloient mal de i'état & de la religion. Après cela, que deviennent les injures qu'il s'eft dites? Lui ont-eiles fait quelque tort dans le public? A-t-il perdu quelques-uns de fes amis? Si elles étoient véritables, on ne pouvoit 1 en convaincre, & il les cachoit fous de belles apparences. II 1'a li bien prévu, qu'il n'a pas craint, dans {"oogbal qui s'eft,trouvé chez lui, d'efficer ce qui étoit commencé contre le fieur Boindin, pour continuer a parler de lui-même fur le même ton, afin d'6.ter tout foupcon fur fon fujer. Enfin dira-t-on encore que Guillaume Arnould a été fuborné? Pour croire une fubornation auffi imaginaire, & qui eft le refuge ordinaire de tous les criminels ccnvaincus, il faudra fuppofer,en même tems, que le fieur Rouffeau, juftific par un arrêt, eüt voulu, de deffein pré.médité, s'expofer a un danger plus fort que le premier. tléchrer a Saurin , fans ménagement, la haine 'fa plus implacable. Comment 1'a-t-il épargné fur cies objets qui 1'auroient fi fort mortifïé ; fur lefquels il fe défendoit avec tant de foin, & que la malignité publique auroit adoptés avec tant de piaifir?  attribués d J. B. Roujfeau. 2,21 •II faudra fuppofer que, dans le deffein de faire une calomnie arroce, il' eut, entre plufieurs poëtesde profeffion , & fes ennemis déclarés y choifi par préférence le fieur Saurin ; c'eft-a-dire , un homme qui ne pafloit pas pour poëte ,. mieux foutenu, plus appuyé que tous les poëtes du café; un homme qwi avoit etil'art de furorendre plufieurs perfonnes de confidération, &z d'en faire fes amis. 11 faudroit fuppofer que,. pour perdre un homme qui lui fiifoit gagner fa vie, Guillaume Arnould feroit convenu que le fieur Roujfeau, qu'il n'a jamais vu y rendroir plainte contre lui, qu'il informeroit, qu'il le feroit décréter de prife de corps, qu'il le feroit arrêter par fix archers lorfqu'il ne s'y attendoit point,. & qu'il le feroir conftituer au fort-l'éveque ; que la, il feroit interrogé par ML le lieutenant-criminel, qu'il nieroit tout pendant les premiers arricles de fon interrogatoire; qu'il diroit même d'abord, fans qu'on le lui demandat, qu'un exempt, nommé Milet, avoit Voulu lui donner de Pargent; & qu'après s'être bien défendu lui & le fieur [Saurin fon maitre, preffé par des inrerirogatoires réitérés, il avouc-roit qu'il ne K iij  222 Hiftoire des couplets peut plus réfifter a la force de la vérité : qu'enfuite, il entreroit dans le détail de tous les faits, qu'il rapporreroit même des circonftances qui ne pouvoient être fc^ues ni fnggérées parun autre, & quife font trouvées véritables. Tou^ela eft il 1'effet de la fubornation ? Ên-ce ainfi qu'on s'y prend pour corrompre, non pas un témoin, mais un accufé ? Et cette fubornation prétendue n'avoit-elle point fini, ou paru finir dans le tems de fes confrontations avee le fieur Saurin ? Le décroteur a donc auffi été fuborné? On a donc encore eu 1'adreffe de fuborner le père Sc la mère de Guillaume Arnould ? En vérité, il faut fuppofer bien de la fermeré , bien de 1'efprit &C bien du concert entre quatre perfonnages de ce caraótère, pour imaginer qu'ils ne fe démentiront point Sc ne fe cou- j perontenrien dans leurs confrontations j avec un homme auffi arrificieux Sc auffi habile a prendre fes avantages, que 1'eft,; le heur Saurin. Mais combien ont-ils recu, pour faire ce piaifir au fieur Rouffeau qu'ils ne connoiffent point, contre Je fieur Saurin qui leur a toujours fiüt du bien? On ne le dit pas; & on ne s'appercevra point qu'ils aient eu moven  attribués d J. B. Rouffeau. 2x3 tle changer d'habit ui les uns, ni les autres, a 1'occafion de ce procés. Cette chimère de fubornation étant non-feulement détruite, mais le fait même en étant impolïible a concevoir, 'que réfulte-t-il des preuves du procés? La loi porte que celui qui a trouvé un libelle diffamatoire, & qui, au lieu de le brüler, 1'a rendu public, en fera préfumé l'auteur; Si quis famofum libellum,fve do' mijjive in publico3vel quocumque loco ignarus repererit, aut corrumpat prihs quam alver inveniat; aut nulli confiteatur inventum : Jl verb non ftatim eafdem chartulas velcorruperit} veligne confumpferit3 vel vim earum manifeflaverit : sciat se , quasi auctorem hujusmodi delicti, capitali sententie subjugandum. L. ï . Cod. de Jam. libellis. Mais n'a-t-on ici que la feule préfomption de la loi ? Le fieur Saurin fait-il voir qu'il a trouvé ce libelle par hafard ? Ne fe fentoit-il point coupable de 1'avoir fair, lorfqu'il prenoit rant de précautions pour nepas donner a. connoitre qu'ilpartoit de lui, dans le tems qu'il le rendoit public? Le cas de la loi eft celui oü fe trouvent Boindin & Malafer. N'y a-t-il rien de plus dans la conduite du fieur Saurin ? Pourquoi a-t-il multiplié fes préKiv  224 ' Hiftoire des couplets fenrs a- Guillaume Arnould, pour Peagager a garder le filence? Pourquoi un tcu d'extraordinaire ? Pourquoi ce changement d'habit ? Le fieur Saurin ne fe xeprochoit-il rien, lorfqu'il envoyoit fi fouvent fa fervante recommander le fecret a Guillaume Arnould Sc a fes père 8c mère? C'eft encore un fait prouvc au procés. Ne craignoit-il rien, lorfqu'il ■vouloir obliger Guillaume Arnould k aller déckrèr chez le commiffaire qu'un exempt avoit voulu le fuborner? A la verité, il neut pas lieu d'être content de la mère de ce malheureux, lorfqu'elle refufa de ,douner a fon fils la cief du cóftré pour avoir fon habit des dimanches , afin de paroirre devant le commiffaire, & lorfqu'elle alla dire au fieur Saurin qu'elle ne fouffriroit point que fon hls fit un faux ferment en juftice. Mais le fieur Saurin ne fe rebuta pointSc obtinr du moins de Guillaume Arnould qu'il iroit dans une maifon pour j ^j^tu ic ouii avoit appns. Lorsdonc qu'on-voit une fuite de circonftances de mcchancercs qui partent du même homme, Sc qui tendent toutes a préparer des précaurions contre Pavemr, n'eft-il pas vifible que cet "ujuuic, convaincu de I envoi myfté-  attribués Ê J. 3. Rouffeau. 225 jbAeux du paquet, eft l'auteur des vers qui y étoient contenus ? Pourquoi a-t-il nié cet envoi, qui eft ! fi bien prouvé ? C'eft qu'il a craint que ; ce ne füt un degré pour le convaincre j du furplus. Telle eft la conduite qu'a tenue le fieur Saurin. On ne rapporte point ce qu'il a fait directement contre le fleur Rouffeau. Non content de la perfécution qu'il a fufcitée contre lui, il s'eft préfenté chez la plupart des juges pour les prévenir. Les autres déclamoient, Sc faifoient peu d'impreffion. Mais lui, avec unefeinte modeftie, d'un air com~ pofé & compatiffant, il femble plaindre | le fieur Rouffeau; il exalte fes talents, j & cherché, en même tems, des cou| leurs Sc des préfomptions pour irifinüer. ij qu'il eft le feul auteur des vers infames. I qui paroiffënt.. Si jamais un homme a mérité d'êtte I plaint, on peut dire que c'eft le Sr Rouf¬feau. II eft fur qu'avant qu'on feut calöm- II nié, il étoit bien venudu public; Sc que,, depuis ce tems-Ia,il aeu le malheur de perdre jufqu'a 1'eftime de fa plupart: de .. fes amis. Il s'eft vu décréfé de prife-de1.corps fur la feule dépolition du fieut ; Boindin fon ennemi déelaré depuis dix Kv  226 Hijloire des couplets ans, impliqué lui-même dans les vers en queftion, & fe regardant comme partie, lequel a ofé affirmer que le fieur Rouffeau étoit coupable, fur despréfomptions tirces uniquement de fon imagination. C'eft fur cela feul que le fieur Rouffeau a effuyé, trois mois durant, des pourfuites criminelles, fuivies du fouievement de toute la terre. Si un préjugé auffi funefte eüt été foutenu de la moihdre des preuves qui font établies contre le fieur Saurin, a quoi n'auroit-il pas dü s'attendre ? Et que n'auroit-il- pas en effet mérité ? De tous les crimes qui troublent la fociété, il n'y en a peut-être point de plus punifïable, que la fatyre direóte Sc outrée. Mais fi celui-la eft un méchant homme qui compofe un libelle affreux, quel nom peut-on donner a celui qui, 1'ayant compofé, en charge un innocent, lui fait des ennemis mortels de fes plus particuliers amis, pourfuit fecrétement fa perte; 5c fomente lui-même, ou direétement, ou par fes émiffaires, la perfécution dont il eft l'auteur? Telle étoit la défenfe de Roujfeau, a Iaquelle je vas joindre des obfervations, par iefque!IesZ?o/«ii///2aterminéfon mémoire. i °. Les nouveaux couplets de 1710,  attribués d J. B. Rouffeau. 227 dit-il, étoient une fuite Sc un renouvellement des anciens qui avoient paru en 1700; & de ces anciens couplets de 17C0, il n'y en avoit que cinq qui fuifent fürement de Rouffeau ; Sc celui contre 1'abbé Maumenet en étoit un. 2*. Les autres, au nombre de plus de 70, furent, dèsce tems-la, foupconnés par les parties intérelfées , d'être d'une autre mam; Sc il yen eut entr'autres un paquet de douze, apporté par la Motte chez M. de Villiers, qui ne pouvoient pas être de Rouffeau. 30. Dés-la le foupcon des parties intérelfées furies autres couplets étoit trèsbien fondé, & il y a bien de Papparence que ces douze apportés par la Motte chez M. de Villiers avoient été faits pour empêcher le raccommodement que Rouffeau recherchoit. , 40. S'il eft certain, comme on n'en fcauroit donter, que les anciens couplets de 1700 n'étoient pas de Rouffeau, a. plus forte raifon y a-t-il lieu de croire que les nouveaux de 1710 n'en étoient pas non plus. 50. Dans quel tems & dans quelles circonftances ces derniers couplets parurent-ils ? Quel motif Sc quel intérêt Kvj  aiS Hiftoire des couplets Rouffeau auroit-il pu avoir de les faire ; Sc d'y rappeller, dans les même termes, celui contre 1'abbé Maumenet, qui étoit de lui, & qu'il avoit avoué ? 6°. Quel motif & quel intérêt au contraire n'avoient pas fes ennemis de les compofer & de les lui imputer, pour Pempêcher d'entrer a 1'académie, ou il alloit être recu, d'obtenir la penfion de Defpréaux qui étoit fur le poinr de vaquer, & de profiter, pour cela, deFaccès qu'il avoit a la cour ? 7°. Peut-on douter que ce n'ait été dans cette vue qu'on ait fait entrer dans ces nouveaux couplets, des perfonnes de la première qualiré ; Sc un militaire capable Sc obligé par état d'en venir aux voies de fait, pour venger fon honneur& celui de fa femme? 8°. N'étoit-ce pas une lettre dechange de coups de baton payable a vue, que ces nouveaux couplets? Sc Pévénemenr ne 'Pk-t4P pas bien juftifié ?- 9°. Si ces nouveaux couplets eufienr «éde Rouffeau, ce feroir donc lui quiles auroit adrelfés a Boindin, St qui lesi lui auroit fair porrer par deux différentes perfonnes. Caril eft certain que le petif décroteur les tenoit d'un autre qui crai-  attribués aJ.B. Rouffeau. 11 f? gnoit d'être reconnu. Mais pourquoi, dans ce cas, employer deux perfonnes, une feule ne fumfoit-elle pas? io°. Si c'eft au contraire Saurin qui les a fair porter par fon favetier ; comme ce favetier étoit connu chez la Laurent, ilfalloit nécelfairement les remettre a un autte, & avoir recours au petit décroteur, pour les rendre fürement a leur adrelfe. 11°. Si ce n'étoit pas le favetier de Saurin qui remit le paquet au petit décroteur, commenr ce décroteur auroit-il pu fi bien le défigner, faire fon porrrait chez le commilfaire Bi^oton , &c dépeindre jufqu'afon habit de pinchina clair, avec les manches a la matelotte, & fa vefte rouge, fix mois avant qu'il le retrouvat avec le même habit dans fa boutrque, a la porte de Saurin ? 12°. Pourquoi fe favetier auroit-il quitté & celfé de porrer cet habit, pendant plus de ttois mois; & pourquoi Saurin luien auroit-il donné un autre, fi ce n'eüt été pour empêcher que cet: habit ne le fit reconnoitre? 13°. Pourquoi ce favetier, en voyant: arriver le petit décroteur a fa boutique,, fe feroit-il troublé & déconcerté jufqu'au, point de ne lui pouvoir enfeigner la:.  23 ö Hijloire des couplets demeure de Saurin , s'il ne 1'eüc pas reconnu pour celui a, qui il avoit remis le paquet au coin de la rue Chriftine ? 140. Pourquoi enfin le reconnut-il, & en fut-il reconnu a la confrontation, s'il n'avoit été chargé du paquet par Saurin} S'il avoit été fuborné pour en faire un faux aveu, le petit décroteur Pauroit donc été auffi? Et, en ce cas,. pourquoi n'en a-t-il pas été accufé ? 15 °. Mais fi le favetier avoit été fuborné , s'il n'avoit pas porté les couplets, li Saurin ne les lui avoit pas lus , comment auroit-il pu deviner qu'il y en avoit une copie écrite de fa main, dans le tiroir de la table de fon cabinet ? Et comment cette copie fe feroit-elle effecrivement trouvée dans le tiroir indiqué, lors de la levée du fcellé? 16°. Si cette copie n'étoit pas la minute de l'original, s'il étoit vrai que Saurin 1'eütcopiie d'après celle adrelfée i Boindin , pourquoi ne lui eff-elle pas conforme? Pourquoi les quatorze couplets n'y font-ils pas de fuite & fans renvoi, comme dans celle de Boindin (0? (1) II faut faire attent'on que Saurin a toujours dit que la copie trouvée dans fon tiroir avoit été tirée fur le paquet envoyé a  attribués d J. B. Rouffeau. 23 f 170. Pourquoieft-elle, au contraire, conforme a celle que Malafer fournit k la Faye, lors de fon information ? Pourquoi n'a-t-elle que treize couplets d'un contexte, & un quatorzième, par deux différents renvois, comme celle de Malafer ? 1 3°. Pourquoi Malafer ne remit-il cette copie a la Faye, qua condition qu'il ne le feroit point ailigner pour dépofer dans fon information; pour n'être point obligé de déclarer comment il 1'avoit eue (1) ? 190. La parfaite conformité de ces deux copies, qui n'ont Tune & 1'autre que treize couplets d'un contexte, &C qui en ont également un quatorzième ajoute après coup, non par un feul renvoi, pour inférer ce quatorzième cou- Bo'mdln, qu! le lui avoit prêté; que Texeinplaire de Boindin contient 14 couplets de fuite, fans renvoi, & fans rature ; tandis que la copie de Saurin étoit défigurée par les ratures & les renvois dont la defcription eft plus haut, p. 162. (i)ll eft bien fingulier, en effet, queRouf fcau n'aitpas iinaginé, & que fes confeils ne 1'aient pas averti qu'il falloit remonter a la fource de la copie que Malafer avoit fournie. Cette cannoiffance juridiquement acquife au-roit infailliblement manifefté le myflère.  2%% Hiftoire des couplets piet tout entier entre les autres, mais par deux différents renvois quicoupent un de ces treize couplets en deux, pour ajouter, a la moitié de ce couplet coupé en deux, une nouvelle fin, & a fon ancienne fin un nouveau cömmencement, ne prouve-t-elle pas évidemment que la copie écrite de la main de Saurin, &c trouvée dans le tiroir de la table de fon cabinet, que le favetier avoit indiquée, eftl'original fur lequel les couplets de Malafer, écrits de la main gauche en caraótères d'lmpreffion , ont été copiés, pendant qu'il n'y en avoit encore que treize; & que le quatorzième y avoit cté ajouté après coup, & par réflexion , contre Saurin , par les deux renvois en queftion ? On fe contenta d'abord de I'ajouter pareillement & de la même manière, fur la copie de Malafer écrite de la main gauche en caradtères d'impreffion , pour être envoyée a Boin.iin, Mais, par une feconde réflexion, on jugea enfuite a propos , pour effacer toutes traces de la première , & prévenir le foupcon que cette addition réfléchie d'un quatorzième couplet contre Saurin, pouvoit faire naitre, de remettre au ner, & de tranfcrire la copie de Malafer, de ia main gauche & en caraétères d'im-  attribués a J. B. Rouffeau. 223 preffion; & d'y mettr'e les quatorze couplers de fuite, Sc d'un feul contexte, fans aucune coupure, Sc fans aucun renvoi; en un mot, telle qu'elle a été envoyée a Boindin. zo°. Enfin le changement de 1'cpithete, ó bene ft Danchet, qui fe trouve également dans la copie de Malafer Sc dans 1'origiml de Saurin , en celle d'innocent Danc'ret qui fe lit dans la copie de Boindin , Sc qui a paffe en proverbe, eft une preuve évidente que ce n'étoit point d'après la copie de Boindin, que Saurin avoit tiré celle qu'on trouva chez lui, comme il le dir dans fon interrogatoire ; Sc qu'au contraire cette copie écrite de fa iriaift, Sc treuvée dans Je tiroir de la rablede fon cabinet indiquée par le favetier, étoit le véritable original fur lequel 1'exemplaire de Malafer avoit été copié. Auffi eft-ce fur cette dernière contradiétion, dont Saurin ne put fe tirer dans fon interrogatoire, fans fe couper Sc fe confondre lui-même (1), que le (1) Si 1'on veut prendre la peine de jetter les yeux fur J'interrogatoire de Saurin, du 23 Octobre 171 o, on y verra un embarras & des contradiótions capables de faire naitre an moins de violents foupcons,  234 Hijloire des coupletè lieutenant - criminel écrivit a M. Ié comte de Pontchartrain, en lui rendant compte de cette affaire, habcmus confitentem reum. Mais , pourra-t-on dire, fi Saurin etoit coupable, pourquoi n a-t-il pas ete condamné \ pourquoi a-t-il été décharge de 1'accufation avec dépens ? A cela, quatre réponfes bienfimples. 1 °. C'eft que 1'accufateur de Saurin & fon confeil s'étoient rrompés en croyant avoir deux témoins direóts contre lui, en la perfonne du favetier & dn petit décroteur; au lieu que ces deux témoins n'en faifoient qu'un, puifque le décroteur ne tenant le paquet que du favetier, ne pcnvoit rien prouver contra Saurin 3 & qu'en matière criminelle, un feul témoin &c rien, c'eft la même chofe, 2°. C'eft que 1'on avoit véritablement employé avec ce témoin unique, pour tirer de lui la vente, les memes moyens qu'on auroir pu employer, pour le fuhorner; & que, par-la, on avoit rendu fon témoignage fufpeét. 3°. C'eft que Rouffeau , au lieu de s'en tenir a 1'envoi des couplets par le favetier, qui étoit fufiifanr pour rendre Saurin coupable, & pour le faire con-  attribués d J. B. Rouffeau. 2,2$ damner, entreprit encore mal-a-propos j &c fans néceffité, de 1'accufer, contre toutes les apparences, d'être l'auteur de ces couplets, póur n'en point accufet perfonnellement la Motte , par ménage ment pour 1'académie. 40. Enfin, paree que le préjugé public étoit contre RouJJeai/y&C qu'audéfaut de preuves fuffifantes contre Saurin, la cabale des dévots & le vent de Ia cour déterminèrent les juges en fa faveur. Le fieur Saurin, pour rendre fa défenfe favorable au fond , fit valpir d'abord quelques préjugés établis, difoit-il, fur des faits notoires, ou fur des preuves inconteftables. Aprës avoir expliqué ces préjugés, il entreprend de prouver, par Pirrégularité de la procédure du fieur Roujfeau , pat les informations faites a fa requête, par la qualité des témoins, par la confrontation, & par ce qu'ils ont déclaré a la confrontation, I. Que 1'accufation dont il s'agit n'eft fendée que fur les déclarations de Guillaume Arnould, gagné & corrompu par argent; & fur les ouï-dire de ce garcon fuborné, rapportés par des témoins pré-  236 Hiftoire des couplets paf és, apoftés&payés par ledit Roujfeau. II. Que les déclarations que Ton a aftedé de faire faire au favetier par des interrogatoires, en qualité d'accufé, & celles que quelques- uns des autres témoins dépofent avoir entendues de fa bouche, font fauffes, contradictoire* les unes aux autres dans des circonftances importantes, détruites par une déclaration contraire que le même favetier a faite en préfence d'un grand magiftrat, & d'autres perfonnes de confideration- & ft" pleines d'abfurdirés, qu'elles font même incroyables a tout homme de bon fens. Prejugc's contre le Préjugés en faveuf fieur Rouffeau. du fieur Saurin. I. Le fieur Rouf ƒ. Le fieurSmtm Jeau eft poé'te de n'a jamais fait de profeffion : fon ca- chanfons, ni aucune raótère particulier rime, depuis l'aae eft d'imiter le ftyle de quin^e ens; deMarot.M&ndes l'exception d'une e- chanfons licentieu- pure au fieur de la fes, & des fatyres Motte , fon ami outrées. Tous ceux particulier; qu'il a qui le connoiffent luc d cet ami, qui  attribués d J. B. Roujfeau. 237 Préjugês contre le Préjugés en faveur fieur Rouffeau. du fieur Saurin. fcavent que c'eft lui-même 1'a corripriucipalement a ge'e avec quelques ces efpèces de poé- autres. Cette èpüre lies qu'il doit fa ejl fur une matVere réputation. II eft bien oppofée a .celle lui-même obligé des chanfons dont d'avouer qu'il a il s'agit. Elle ejl fait des epigram- au procés : le fieur mes & d'aurres Rouffeau Va fait vers , dont il ne imprimer & 1'a de~ j)eut excufer la li- bitée, Mejfieurs les cence & le débor- jugesfontpriésd'en dement , qu'en faire la comparaivoulanr les faire fon avec les couplets paffer pour des fau- qu'on veut imputer tes échappées a fa au [leur Saurin 5 & jeuneffe, & a une il fe tient ajfuré paifion trop forte qu'ils demeureront d'imitér le ftyle de pleinement perfuafrlarot. dés que l'auteur d'u¬ ne épüre fi pleine de fentiments de piété & de religion , ne peut être eelui des chanfons qui  3,38 Hijloire des couplets Préjugês contre le Jieur Rouffeau, Préjugés en faveur: du fieur Saurin. font le fujet du pro* ces, II. II y a eu des couplets faits, il y neuf ou dix ans , de même qualifé que ceux en queftion. Plufieurs perfonnes qui vont au café de la veuve Laurent y étoient fort mal traités.On les attribuoit publiquement au Sr Roujfeau, II n'eft pas pofiible que la veuve L aurent qu'il a fait entendre, & qui avoit été réduite a le prier de ne plus venir chez elle, a caufe des querelles qu'il caujfoit a 1'occafion de IL. Perfonne n'a. jamais attribui aucuns vers libres & fatyriques au fieur Saurin. // fait fa principale étude de la géométrie ; tl mene une vie trèsréguliere; les fcavants l'efiment; les gens de bien l'aiment; le fieur curé de Saint-Landry, homme d'un mérite diftingué, de qui il eft paroijften, rend publiquement un té~ moignage avantageux de fes mceurs & de fa conduite. II n'y a que le fieur Rouffeau, qui,pour  attribués d J. B. Rouffeau. 239 'Préjugés contre le Jieur Rouffeau. ces vers, n'en ait parlé en fa dépofition. Le fieur Rouffeau étoit d'ailleurs piqué contre la plupaft de ceux qui vont au même café. II n'a pu s'empêcher de faire demander au fieur Boindin article 2 de fon interrogatoire , s'il n'y a pas eu un complot fait dans le café de la veuve Laurent } pour empêcher le fieur Rouffeau d'être de 1'académie francoife ; & fi plufieurs perfonnes d'efprit, qui s'y affemblèrent 11e s'y trouvèrent pas Préjugés en faveur du fieur Saurin. fe difculper des vers en queftion , les veut rejetter fur le fieur Saurin. D'ailleurs,prefque tous ceux dont ïhonneur eft fcandaleufement & cruellement déchiré dans les couplets, perfonnes d'efprit & d'érudition poétes eux - mêmes , pour la plupart, qui connoiffent le ftyle & le génie du fieur Rouffeau, experts tres - capables d'en juger, font irïsperfuadés qu'il en eft l'auteur. II a beau publier que le fieur Saurin les a faits; aucun n'a voulu l'en croh  24° Hiftoire des couplets Préjugés contre le Préjugés en faveur I Rn„(rM„ J. /:...-,r' ■ j ^v^u^wc^k, uu iictir jflür/c. 3l cette occafion (i)? Dans Pintetro.gatoire de la fervante du fieur Saurin il lui a fait demander, article 28 , fi le fieur Saurin n'a pas dit qu'il empêclieroit bien que le fieur B.ouffeau fut de' 1'académie ? (0 Fignore la réponfe de Boindin a cet interrogatoire. Mais .on a vu que, dans fon mémoire pofthume , il a attefté bien pofitivement la vérité du fait; qu'il a invoqué, pourgaranr, la notoriétépuhlique; qu'il a défié qui que ce foit de dire le contraire , fous peine d'efTuyer un démenti public. re : ils perfiflent' tous a dire que les coupletsfont certainement du génie & du ftyle du fieur HoufTeau., & que le fieur Saurin n'efi pas capable d'un tel ouvrage , nipar fon cceur, ni par fon efprit. Toutes ces perfonnes habiles & intérejfees dans les couplets, en penfent cV en difent encore cequ'elles en ont dit & penfé, lorfque les couplets ont paru. Quel  kttribues d J. B. Roujfeau. 24 Préjugés contre le Préjugés en faveufi fieur Roulfeau. du fieur Saurin^ Quel motif de j Vengeance pour un j pocte ! Quelle rai- ï fon pour croire I qu'il eft l'auteur I des vers outra- ï geants contre ceux I parquiils'imagine i avoir été oftènfé I par un endroit fi 1 ienfible! I lll.USr Rouf- UI.le fieur %m 1 feau n'eft point at- rin , au contraire3 i taqué dans les cou- efl traité 3 dans les I plets; on n'y parle couplets 3 de la ma- I point de lui, ni en niere la plus cruelle. ! bien, ni en maL II cv la plus atroce. II \ prétend que c'eft y eft traité rf'ame (pour faire croire doublé, flChomme < plus facilement qu'aucune religion qu'il en eft 1'au- ne touche; qui rit \ teur, & que le fieur au dedans du Dieu Saurin , aqui il les qu'il confeife de i attribue, a afieété bouche , de fcé- j&'y parler de lui- lérat hypocrite , Tome VUI% L  l^Z Hiftoire des couplets' Préjugé contre le Préjugés en faveuf fieur Rouffeau, du fieur Saurin,. même; mais avec i/'Athée , conduiuaénagemenc, fant les autres dans' /'athéifme, & dans le pêché abominable, Cefont la. 3felon le fieur RoulTeau, des mènagements d. ï'égard du fieur Saurin, des injures vagues &fans conféquence 3 qu'il s'eft dites d luimême ,feulementpour détourner la penfee qu'il fut l'auteur des couplets ; comme s'il (tvoit pu prévoir qu'il en feroit accufé; lui d. qui on najamais rien imputédans ce genre* Ne vo.it-on pas , au contraire} que ces injures attaquent le fieur Saurin par l'endroit le plus fenfible ? Que peut dire l'ennemi le plus cruel, dont la conféquence foit plus dangéreufe contre lui ? A quoi fe verrolt cxpofé un miniftre converti, qui fulfifte 3 avec une familie nombreufe ^ des penüons du roi& du der gé 3 qu'il doit d la bonne opinion qu'on a de fa probité3 & de la fincérité de fa converfion 3 fi on pouvoit le foupconner d'irréligion 3 d'athéifriie 3 & de l'horrible pêché dont on j l'accufé dans les couplets ? Pcut-c\n feule*  attribués dJ.B. Roujfeau. 2 43 Préjugés en faveur du fieur Saurin. tnent imaginer qu'un homme d'efprit & de honfens} tel que le fieur Rouffeau repréfente lui-même le fieur Saurin, ait pu fe peindre avec des traits fi noirs & fi dangereux pour lui 3 dans Vefpérance bizarre & incertaine de faire tornier fur Rouffeau le foupcon d'avoir fait les couplets (1) ? Enfin le fieur Rouffeau a fait informer contre le fieur de la Faye 3 des coups de canne qu'il prétendoit en avoir recu , 8c que, dans fa plainte, il qualifie d'affaffinat. Le fieur de la Faye3 de fa part, fit informer contre le fieur Rouffeau, qui fut accufé d'être l'auteur des couplets » &c décrété de prife de corps. II eft vrai que, par arrêt du 24 mai '1710, le fieur Rouffeau fut renvoyé de 1'accufation : mais de quelle nature eft (1) Saurin ne répond pas a la préfomptha du filence obfervé dans les couplets, fur les inotifs que la chronique fcandaleufe donnoit a fa fuite de Suiffe, & fur le vrai fujet de fon affaire avec le chanoine de Saint Thomas du Lourre. Lij  244 Hiftoire des couplets ce renvoi? C'eft un arrêt par défaut, pourfuivi a 1'audience , a la diligence du fieur Roujfeau, qui a demandé d'être renvoyé de 1'accufation , attendu le défiftement qu'il n'avoit obtenu du fieur de la Faye,quen fe défiftant lui-même des pourfuites qu'il faifoit, pour raifon du mauvais traitement qui n'étoit pas dénié ; & encore il eft renvoyé fans dommages & intéréts, & fans dépens. A la vérité 1'arrêt pprte que M. de la Moignon , avocat - général, a été ouï: mais il ne porte point qu'il ait fait le récit des charges. Ceux qui font inftruitj de la procédure criminelle fcavent que c'eft par cette différence qu'on diftingue les arrêts qu'on regarde, quoique par défaut, comme étant rendus en connoilfance de caufe, & devant fubfifter, de ceux qu'on regarde comme fujets a être anéantis par 1'oppofition. Un homme qui fe feroit fenti innocent auroit-il pourfuivi un pareil arrêt ? S'en feroit-il contenté ? Le fieur Roujfeau a-t-il bien raifon de fe glorifier, autant qu'il fait, d'avoir été renvoyé de 1'accufation formée contre lui ? Croit-il que 1'on ne voit pas que c'eft une grace qui lui a éré accordée parcompenfation. de la peine que le fieur de la Fay e 3 fe  attribués d J. B. Rouffeau. 24*5 faifant juftice a lui-même, lui a fait •fouffrir ? SüBORNATION DU GARCON SAVETIER; Le fieur Roujfeau fentoit bien, & difoit même haurement, cjue nonobftant fon arrêt, il reftoit, contre lui, une impreffion odieufe dans l'efprit de plufieurs perfonnes, & principalement de ceux qui ont été offeniespar les couplets. II ajoutoit qu'il cherchoit plus a fe difculper, qua rendre odieux le fieur Saurin , qu'il difoit être fon ennemi. II falloit donc qu'il rejettat fur un autre 1'imputation dont il étoit chargé. Le fieur Saurin a eu la préférence,_foit paree que le fieur ReuJJeau cherchoit a. fe procurer k la fois le doublé avantage de fe difculper, & en même tems de fatisfaire fa haine j foit paree qu'il a cru que les circonftances le mettroient plus aportée de réuffir contre le fieur Saurin. En effet 1'exempt Milet eft le principal acteur dont le fieur Roujfeau s'eft fervi. Cet exempt eft voifin du fieur Saurin. Guillaume Aruould, garcon favetier, demeure k fa porte. II fcavoit que ce garcon avoit Pentrée dans la rnaifon du fie«r Saurin, qui fe fervoit L iij  24 imr\rn fon odieufe contre lui dans PtChryr ri? n!„\ Jieurs perfonnes ; & que , pour réparetf 1 uuuage que ia reputation louftre, li d uujiiic luwte ion attennon pour rechercher. non-ff>nlpmpi-if l'^m--,,» j'.,., r.•. , i tfciit^ui u uil 11 fame libelle; mais encore ceux dont il s'eft fervi pour le répandre dans le monde, & qu'il a appris qu'Arnould, favetier, eft celui qui 1'a mis ès mains d'Q/4 jver, décroteur. Comment accorder cet empreffemenr, & cette négligence apparente, fans rien faire pendant plus d'un mois? N'eft-il pas vifible que c'eft paree qu'il a fallu du i tems, pour ménager 1'efprit du favetier, & le réfoudre a être emprifonné, & aj ïeponcire lur des interrogatoires, au lieu de faire une dépofition ? Lafeconde obfervation. Les interpellations faites a Limoufin ticuliérement, & m'envoie affez fou,j vent porter des papiers chez M. le ptW cureur-général, rue Pavée». Si Guillaume avoit réfolu férieufement de dénier le fait dont il étoit accufé , & qu'il avoit tant de fois récité; chez la Fleury _, c omme il a fait dans lei premiers articles, il n'auroit eu gardei  attribués a J. B. Roujfeau. 267 de découvrir d'abord qu'il avoit coutume de porter des paquers pour le fieur Saurin. C'eft cependant ce qu'on lui fait dire fur le premier article de ce premier interrogatoire. Par 1'article 8 , on lui demande fi Ie fieur Saurin ne lui donna pas, dans le tems du carnaval dernier, un paquet ? H répond que non; que Pexempt Milet lui a demande plufieurs fois la même chofe, £c qu'il lui a fait la même réponfe. II faut fe rappeller ici la déclaration faite par Guillaume chez Mc Chardon. On vouloit tacher de la dérruire, ou de I'éluder. C'eft pourquoi il parle, de luimême, de Milet,8c des demandes qu'il lui a faites. _ Sur quelques articles fuivants, il dénie avoir donné le paquet au décroteur. A Partiele 24, on voit encore une .afteétation de nommer Milet, fans néceffité. En effet , on lui demande s'il n'eft pas vrai qu'on lui a parlé plufieurs fois du paquet en queftion? II répond qu'il n'y a que Milet qui lui en ait parlé. On verra encore mieux, par la fuite, Ie motif de cette affeélation. Par Partiele 25, on lui demande s'il «p'eft pas vrai que Ie fieur Saurin lui a Mi;  2 6*8 Hiftoire des couplets recommandé de ne parler a. perfonne de 1'envoi du paquec? Sur cette demande, dont la dénégation étoit facile ï un accufé qui auroit voulu fe défendre férieufement, Guillaume répond qu'i/ ne peut pas difconvenir plus long-tems de la vérité: vient enfuite 1'hiftoire'qu'on luiavoit fuggérée, Sc qu'il avoit tant de fois répétée. On verra, plus bas, combien cet aveu eft contraire a la vérité, aux dépofitions des témoins, aux déclarations de Gauillaume lui-même dans la fuite de ce premier interrogatoire , 6c dans un fecond qu'il a prêté. Par Partiele 26, enquis fi le paquet n'étoit pas écrit de la main du fieur Saurin j a dit que le fieur Saurin ne lui en convint pas, Cette demande 6c cette réponfe n'ont certainement aucun rapport i Milet -y 6c cependant Guillaume revient a Milet, &t dit de lui, fur le même article, que Milet lui a voulu donner de Vargent, pour convenir de la vérité, & qu'il ne lui a pas youlu avouer. C'eft ici une preuve bien évidente dtl complot. On auroit pu prétexter que , lorfque Guillaume a parlé de Milet dans les articles qui précédent le 2 5, pendant  attribués d J. B. Roujfeau. 2.65 qu'il fe défendöit d'avoir porté le paquet, il en a parlé pour fe difculper. Mais, après le faux aveu qu'il venoit de faire, pourquoi dire, de foi, fur Partiele 16 & hors de propos, que Milet a voulu lui donner de Pargenr pour convenir de la vérité ? Peut-on douter que ce ne foit une inftrucf ion qui lui avoit été donnée, pour éluder la force de la déclaration faite chez Mc Chardon, en faifant dire, fans même qu'on le lui demande , que, fi Milet lui a voulu donner de Pargent, c'eft pour le faire convenir de la vérité ? On prouvera, dans un moment , que c'eft, au contraire, pour Pengage r a dépofer faux. Par Partiele 28 , on lui demande s'il ne /fait pas que le paquet contenoit des Vers contre des perfonnes de condition , & que c'étoit le fieur Saurin qui les avoit compofés ? 11 répond qu'il n'en fcait rien, & ajoute, de lui-même, que fa boutique ejl vis-a-vis la chambre du fieur Saurin ; que le jour qu'il remit le paquet en queftion entre les mains du décroteur , le feut Saurin l'appella le matin par la fenêtre: & l'affaire fe pajfa comme il 1'a rapportie; qu'il pouvoit être lors, dix d on^e heures du matin. Miij  2.70 Hiftoire des couplets Cette circonftance eft importante £ elle fournit une preuve démonftrative de la fauffeté de toute la déclaration du favetier, qui a prétendu avoir été chargé du paquet un jour de dimanche. On dé» veloppera cette preuve dans la fuite. ParPartiele 42 ,on lui demande comment étoit le jufte-au-corps qu'il avoit cc jour-la ? II répond que c'étoit le même que celui qu'il avoit préfentement, dont les manches font a la matelotte 3 &c. C'eft encore ici une preuve du complot. Un homme qui répond que, lors du prétendu envoi du paquet, il avoit le même jufte-au-corps qu'il a préfen» tement fur lui, a-t-il befoin de dire autre chofe ? Le juge, en voyant Pac» cufé, ne voit-il pas bien comment fon habit eft fait ? II y a donc de Pafiécfation a faire remarquer, fans en être en7 quis, que les manches du jufte-au-corps qüil a fur lui font a la matelotte. On ne devineroit pas par quelle raifon Guillaume fait lui-même cette remarque , fi ©n ne fcavoit cni Olivier, décroteur, avoit dépofé, au mois de février, dans 1'information faite a la requête du fieur la Faye, que celui qui lui avoit remis le paquet entre les mains étoit vêtu d'un  attribués d J. B. Roujfeau. zjt jufte-au-corps de pinchina dak, donr les manches étoient a la matelotte. C'eft pour cela que Guillaume prend foin de faire, defoi-même, cette remarque, pour avertir le juge que les manches de fon jufte-au-corps font faites d la mattlotte. La fubornation eft donc démontrée 5 8c il eft, en même tems, démontré que l'hiftoire racontée par le favetier eft fauffe & controuvée. Mais il refte quelques réflexions a faire fur ce qu'il a dit pour éluder la déclaration qu'il avoie faite devant un grand magiftrat; fcavoir, que Milet lui avoit fait offrir trois . neufs, avec promeffe de lui en dender davantage pour 1'engager a dépcfer contre le fieur Saurin. On a vu que, dans fon premier interrogatoire , il a affeété de dire, devant Sc après le técit de fon hiftoire prétendue , que Milet lui a demandé plufieurs fois fi c'étoit lui a qui le fieur Saurin avoit donné le paquet, pour le faire porter au café; Sc que Milet lui avoic offert de 1'argent; & il a fait toutes ces déclarations, fans en être enquis, Sc même hors de propos ; Sc pour avoir feulement*occafion de dire que, fi on Miv  Vj1 Hiftoire des couplets lui a offert de 1'argent, ce n'étoit qtlë pour I'obhger a dépofer la vérité. Le fieur Roujfeau a trouvé que Guillaume ne s'étoit pas encore affez expliqué fur cet objet. U vouloit lui faire dire exprefTément que la déclaration faite chez Me Chardon étoit fauffe, & que Guillaume ne 1'avoit faite qu'a la pnère du fieur Saurin ; mais qu'il avoit refufé de dépofer la même chofe chez un commilfaire. Dans cette vue, le fieur Roujfeau a fait prêter un fecond interrogatoire a Guillaume. Par Partiele i 5 , il lui fait demander Sil n'a pas dit au fieur Saurin que Milet 1'avoit voulu engager a dépofer ia vérité ? II répond quW, & que le fieur Saurin lui avoit dit qu'il avoit bien fait de ne pas avouer , cv qu'il l'envoydt promener s'il l'envoyoit chercher unefecondefois. Que le fieur Saurin le mena enfuite cher Me Chardon , pour lui faire part des interrogations de Milet & de fes réponfes. Qu'il voulut enfuite le mener che^ un commiffaire j pour y faire la même déclaration, mais qu'il ne le voulut pas. Que MileE l'envoya chercher une feconde*fois, pour  attribués a. J. B. Roujfeau. 273 lui faire dire la vérité% mais qu'il ne le Voulut pas. Par 1'article 16, on demande ce que le fieur Saurin lui avoit recommandé de dire chez Me Chardon; il répond qu'// lui avoit dit de dénier la vérité. Deux réflexions fur ce fecond interrogatoire. La première. II n'y avoit aucun motif, pour interroger Guillaume une feconde fois. Le lieur Roujfeau, depuis que ce favetier avoit été interrogé le 24 feptembre, avoit fait faire deux informations par addition. Dans Putte, il avoit fait entendre M£ Coulon, procureur; & dans 1'autre, la veuve Laurent. Mais il n'a pas feulement entrepris de les faire récoler ni confronter. A quel propos un fecond interrogaroire le 17 ocfobre, puifqu'il n'étoit furvenu aucunes nouvelles charges ? Seconde réflexion. Pourquoi faire demander a Guillaume Arnould, fi Milet avoit voulu 1'engager a dépofer , & ce que le fieur Saurin lui avoit recommandé de dire chez M Chardon ? Cette demande pouvoit-elle tendre a autre chofe qua donner occafion a Guillaume de dire que la déclaration qu'il avoit faite en préfence d'un grand magiftrat M v  174 Hiftoire des couplets n'étoit pas véritable; & luifournir, eft même tems, un prétexte pour fe difculper , en difant qu'il avoit refufé de faire la même déclaration chez un commiffaire, Sc d'en rendre plainte? Qn verra, dans un moment, que révénement a trompé 1'atrente du fieur Roujjeau; paree qu'a la confrontation fur ce fecond interrogatoire, Guillaume a confirmé lui-même la déclaration qu'il avoit faite chez Me Ckardon, Sc détruit touc ce qu'on lui avoit fuggéré de dire dans fes interrogatoires, pour ticher d'en éluder la force. Tout ce que le fieur Roujjeau a prétendu tirer de ces évafions fuggérées au favetier, fe réduit a. infinuer adroiteïnent que, fi Milet z offert, Sc fait offrir de 1'argent a Guillaume Arnould 3 car on ne le peut pas nier, ce n'eft que pour lui faire dire la vérité , Sc que fa dépofition n'en eft pas moins vraie. Deux réponfes. i°. En fuppofant que 'Milet n'eut offert, Sc fait offrir de 1'argent au favetier, que pour lui faire dira k vérité , fa dépofition n'en devroit pas moins être rejettée. La loi 17, §. i , cod. de tejlihus 3 porte : Sed& fi aliquis, probationibus, datione velpromijjione pe*< mniarum tos corruptos ejfe ojlenderit  attribués dj. B. Rouffeau. 27^ etiam eam allegationem int eg ram ei feryari pr&cipimus. Sur ce texte, Godefroi a mis cette note: Satis ejl ad e/evandam tejlis fidem s Ji probetur ei data vel promijja pecunia. Dans un traité de reprobatione tejlium } inféré dans Bartole, nomb. 22, il eft dit: Reprobantur Jï, promiffionc pecunia vel donatione, verum vel falfum tulerint tejlimonium. En effet, quel moyen y a-t-il de diftinguer fi le don ou la promeffe d'argent eft pour engager le témoin a dépofer la vérité, ou pour le déterminer a un faux témoignage? Quelques termes qu'emploie le féduóteur, peut-il trouver une voie plus facile pour corrompre, que celle d'otfrir & de donner de I'argenx ? Cette régie ne doit-elle pas furtout avoir fon application dans une efpèce comme celle-ci, oü toute 1'aótion ne roule que fur la déclaration de celui a qui 1'argent a été offert, & fur des ouï-dire dont il eft feul la fource? 20. Le fieur Roujjeau n'eft pas heureux en aLlégations. 11 eft faux. que Milet li'ait offert & fait offrir de 1'argent au favetier, que pour 1'engager a dire la vérité. Il ne faut, pour s'en convaincre, que fe rappeller une remarque qui a déja été M vj  2,7 ö lli toire des couplets faite. Après le fecond interrogatoire de Guillaume Arnould du 17 oótobre, il a été eonfronté au fieur Saurin le 24. En finiffant la confronration, & avant de figner, le fieur Saurin a requis. M. le lieutenant-criminel d'interpeller Guillaume Arnould, s'il n'eft pas vrai qu'il a dit a Paccufé, chez le fieur Chardon s avocat, en préfence d'un grand magiftrat, qu'un archer 1'avoit mené au cabaret , & lui avoit offert de 1'argent pour le faire dépofer contre lui accufé; qa Arnould avoit répondu qu'il vouloit que le verre de v'n qu'il tenoit d la main lui fevit de poifon }fi cc qu'on vouloit lui faire dépofer étoit vrai. Et, fur cette réponfe, 1'archer tira trois écus neufs de fa poche, les lui offrit, en lui difant: je te donne ces trois écus : fi tu dis ce que M. Milet veut te faire dire, il t'en donnera bien davantage. Et Guillaume Arnould eft demeuré d'accord du contenu en 1'interpellation. On n'a pu fe difpenfer de répéter cet «ndroit de la confrontation, pour en faire 1'application. En premier lieu, 011 n'offre a Arnould les trois écus neufs ,8c beaucoup davantage , s'il veut dire ce que Milet veut lui faire dire, qu'après qu'il a affuré avec  attribués dj. B. Rouffeau. 277 ïmprécation, que ce qu'on vouloit lui faire dépofer étoit faux. Ce n'eft donc pas pour lui faire dépofer la vérité, qu'on lui offre de 1'argent , tk qu'on lui en promet bien davantage; c'eft , au contraire, pour 1'engager a dépofer ce que Milet vouloir qu'il dit; puifque 1'offre n'eft faite qu'après 1'imprécation, & pour la faire rérraéter, 5c faire dire en juftice le contraire du fait avancé fous la garantie de cette imprécatiom En fecond lieu; fi Pon ensreprenoir encore de lui faire donner de nouvelles explications fur ce qu'il a dit, pourroiton ajouter quelque foi a un homme qui rétraóteroit ce qu'il eft demeure d'accord d'avoir affuré avec une telle ïmprécation (1)? (1) Ces raifonnements du fieur Saurin font une pure pétition de principe. II demeure toujours en queftion, fi c'eft le fait affuré avec imprécation par Arnould qui eft vrai; ou (i c'eft celui qu'il a détaillé lors de fa confrontation. Les expreffions ne font rien a la chofe : que 1'archer, en offrant de Fargent a ce favetier , lui ait dit que c'étoit pour qu'il dit ce que Milet vouloit qull dit, ou que c'étoit pour dire la vérité, c'eft Ia même chofe : il fera toujours queftion de fcavoir fi ce que Milet youloit faire dire étoit la vérité; & fi Timpf^  %y& Hiftoire des couplets Le fieur Roujjeau s'eft encore imaginé qu'il pourroit faire confirmer les déclarations de Guillaume Arnould par les dépofitions de fes père & mère, & de fon frère. Voici commenr il s'y eft pris pour les forcer a dépofer a fon gré. Après le fecond interrogatoire fubi par Guillaume le 17 oótobre, il fut reconduit en prifon pzrBertier, exempt de la même compagnie que Milet. Auiïkót qu'ils furent arrivés au fort-1 evêque , cet exempt, fans ordre, & fans aucun motif apparent, fit mettre Guillaume Arnould au fecret. Le lendemain , i 8 o&obre, le fieur Roujjeau donna fa requête, afin d'avoir permifïion d'informer par addition^ &c en même tems on rt fcavoir au père &C a la mère que leur fils étoit refierré, &c en danger d'être pu,:i comme faux témoin. Ils déposèrent le zo. cation du favetier n'étoit pas un parjure.' Mais cette iiaprécatèon même ed-elle vraie ? GuilËutmt or- riem bien , dans confrontation , conaau je J'aiobfcrvé ,qmh fait 1'hif, toi;'' ;' eétte impréeatjon cht & Chardon : T|r ,< 1 dit pap,, cornme Saurin s'efforce de l'infimret-, qua eetee hiftoire fiojt vraie. II dit, iu contraire, qua tout ce q i u a dit chez M. Chardon eft faux.  attribués a J. B. Roujfeau. 179 Denis Arnould père dépofe qu'un Jour du carnaval dernier, qu'il ne peut eoter, fon fils vint lui demander fon habit, paree que le fieur Saurin vouloit qu'il quittat fa vefte rouge,a caufe d'un paquet qu'il avoit remis a un décroteur, pour le faire rendre au café de la veuve Laurent; que fon fils- a été quatre mois fans porter fa vefte, & que le fieur Saurin lui avoit fait préfent d'un habit noir» Jl ajoute que la fervante du fieur Saurin a recommandé plufieurs fois a fon fils, «n fa préfence, de garder le fecret. Que fa femme lui a dit qu'elle a empêché leur fils d'aller chez un commiffaire faire une fauffe déclaration au fujet dtt paquet. Sa femme dépofe qu'un jour du carnaval dernier, fon fils, qui s'étoit abfenté plus de deux heures, lui avoit dit que le fieur Saurin 1'avoit mené rue Dauphine, pour lui faire rendre un paquet, Sec. Que Milet ayant fait, a fon rnari & a fon fils , plufieurs queftions touchant le paquet, celui-ci, qui a peu d'efprit, 1'étoit allé dire au fieur Saurin, Sec. Elle ajoute qu'étant un jour a travailler dans la cuifine du fieur A rouet, tréforier de la chambre des co mptes, fon,  l8ó Hiftoire des couplets fils lui demanda la clef du coffre oü elle ferre fon jufte-au-corps gris, pour aller , avec le fieur Saurin, dêclarer chez un commiffaire , qu'il n'avoit point porté le paquet en queftion : qu'elle s'y oppofa ; & que le fieur Saurin la pria de permettre au moins a fon fils d'aller chez la dame Chardon déclarer verbalement qu'il n'avoit point porté ce naquet. Que fon fils, de retour, lui dit qu'il avoit fait cette déclaration en préfence de trois mefïieurs qui fiü avoient paru de conféquence : qu'elle étoit fachée d'avoir confenti a cette démarche qu'elle n'avoit permife que par complaifmce pour la dame Saurin, qui étoit malade, 8c par confidération d'une familie compofée de fept enfants. Denis Arnould, frère de Guillaume, dépofe qu'au mois de juillet dernier fon fi ere lui parut chagrin, &c. Foye% fa dépofition , pag. i S4, II eft aifé de faire voir que ces trois dépofitions du père, de la mère & da frère de Guillaume, n'oiit eu pour objet que de le difculper, qu'elles font pleines de contradicftions, & qlie le commiffaire qui les a rédijrées n'y a pas employé l'exacftitude qu'il devoir. Pourquoi ce commiffaire affecte-t-il  attribués dJ.B. Roujfeau. 281 &e faire dire a Denis Arnould que c'eft dans le mois de juillet que fon frère lui a paru trifte, fi ce n'eft pour faire cadrer cette époqueavec ladépofitionde Fleury^ & de fa femme ? D'ailleurs, pourquoi 1'écrit-il de lui-même, fans que le témoin le lui ait dit,& lorfqu'il a répondu, au contraire, qu'il ne pouvoit s'en fouvenir? Mais voici quelque cliofe de plus grave. Le même Denis Arnould dit, a fa confrontation, que fon frère lui a dit que le fieur Saurin 1'avoit voulu mener faire une déclaration chez un commiffaire , mais qu'il ne lui a poinr dit que c'étoit pour faire une fauffe déclaration, & que ce terme jaujje a ete ajoute par le commiffaire. On a déja obfervé que le prineipal motif du fecond interrogatoire de Guillaume & de 1'information par addition, dans laquelle le fieur Roujjeau a fait entendre le père &c la mère d'Arnoulds étoit pour le difculper d'avoir rendu un faux témoignage au préjudice de la déclaration qu'il avoit faire chez la dame Chardon , en préfence de plufieurs perfonnes de confidération. li falloit, pour cela, faire dire que cette déclaration  182 Hiftoire des couplets étoit fauffe. Le frère dépofe que fa mère lui a dit que le fieur Saurin avoit voulu mener fon frère faire une déclaration chez un commiffaire; ce qui ne fervoit de rien aTintention du fieur Roujjeau ; c'eft pourquoi on trouve, dans la dé» pofition, une fauJJ'e déclaration. Mais, a la confrontation, le témoin n'a pas eu 1'affurance de le foutenir. Il déclaré que ce terme fauffe a été ajouté par le commiffaire, & que lui témoin ne 1'a point dit. Ce n'eft pas Ie feul endroit ou la foi du commiffaire eft fufpeéte. Dans la dépofition óïAnne Vilmaire, fervante de la Fleury, on lui fait dire qu'ayant été chercher Guillaume Arnould a fa. bou« tique , de la part de fa mairreffe, comme ils marchoient enfemble, une fille de fa connoijfancea lui, les auroit joints , & lui auroit demandé ou il alloic , & dit > qu'il prit garde, d caufe de l'ajfairc qu'il avoit ; & les auroit quittés. II n'y a perfonne qui ne croie, en lifant cette dépofition, que la fervante de la Fleury a eHe-mème entendu ce dif- ; ( cours de la bouche de la fille rencontrée pilt hafard en chemin. Cependant, dans j fa confrontatie», elle déclaré qu'elle ne f  attribués a J. B. Rouffeau. 283 j 1'a feu que par le rappere que Guillaume lui en a fait. Ces déguifementSj ces altérations, j; ces détours adroits de ce que dit un témoin d'un fens a un autre, ne font pas eertainement des preuves de fincérité & d'exactitude. A la confrontation de Denis Arnould^ frère de Guillaume, le fieur Saurin 1'a reproché, paree qu'ayant feu que le fieur Saurin faifoit faire des perquifitions fur la vie de fon frère, il avoit menacé le meur Saurin de s'en venger, en difant iqu'il fcauroit parler: & trois femaines, |ou environ, après 1'emprifonnementde fon frère, il alla trouver la veuve Lau\rent, & lui demanda ou demeuroit Ie ijfieur Roujjeau. Pourquoi, lui dit-elle, ïfaites-vous cette demande ? —Je veux iPalier voir, paree qu'il tient mon frère '• prifonnier trop long-tems, ayant promis qu'il n'y rejleroit que trois ou quatre jours. Sur ie premier de ces reproches , le témoin avoue qu'il a été chez le fieur \Saurin, & dénie les menaces. Pourquoi .donc y alloit-il, dans le tems qu'il déiclare lui-même avoir feu que le fieur \Saurin faifoit rechercher la vie de foa frère ?  4 §4 Hiftoire des couplets Sur le fecond reproche, le témoin I convient qu'il a été au café de la veuve i Laurent, depuis 1'emprifonnement de : fon frère; qu'il demanda la demeure du [ fieur Roujjeau, mais ne dit pas qu'il eut : envie de 1'aller voir , quoique ce füt:j effecfivement fon delfein. Ce fait, quoique dénié en partie> ne lahTe pas d'être* très-important. Ce té- ■ moin avoue qu'il a été chez la veuve 1 Laurent} pour lui demander la demeure i du fieur Roujjeau, Sc qu'il avoit envie de 1'aller voir, quoiqu'il fuppofe n'avoir pas manifefté ce delfein. II dénie i aulTi avoir dit qu'il vouloit lui parler, paree qu'il retenoit fon frère en prifon, quoiqu'il eüt promis qu'il n'y feroit que trois ou quatre joursj Pour peu qu'on réfléchiffe fur la déclaration de ce témoin, il n'y a perfonne qui ne foit perfuadé qu'il n'a eu intention d'aller voir le fieur Roujjeau, pendant qu'il retenoit fon frère en pri- ; fon, Sc qu'il le pourfaivoit en appatence , que pour lui faire des reproches de ce qu'il ne tenoit pas la parole qu'il avoit donnée, que Guillaume ne feroit ' prifonnierque trois ou quatre jours. C'eft en effet ce que Denis Arnould a déclaré  attribués d J. B. Roujfeau. 285 en préfence de plufieurs témoins (1). D'ailleurs les concradiétions, & la Jaulïeté de ces trois dépofitions font vij fibles. La mère dit qu'elle a empêché | (0 J''gnore fi ce fait a été déclaré par Denis yArnould en préfence de plufieurs témoins; il j p'en eft fait nulle mention dans ce que j'ai vu I de la procédure. Mais, quand il feroit vrai, I que prouveroit il? Rouffl-au étoit partie civile 1 au procés, & pourfuivoit les accufés. C'eft i fur fes pourfuites que Guillaume avoit été | arrêtè. Or il eft tout naturel que Ie frère de ce 1 malheureux ait été trouver Roujjeau , pour fe plaindre de la rigueur qu'on exeicoit contre lui, a fa requête, & que Roujjeau ait répondu j qu'il falloit prendre patience; que c'étoit une É «ffaire de trois ou quatre jours. Et cette pro;i meffepouvoit être fondée fur ce que Roujjeau, 1 perfuadé que Guillaume avoit porté le paquet i par ordre de iaurin, n'étoit coupable que'des I dénégations qu'il avoit faites en préfence de I plufieurs perfonnes ; mais qu'il laveroit cette . faute, en avouant fincèrement le fait a la juf1 ticej fous la foi du ferment. Mais cette proI mefie ayant été faite trop légèrement, & I 1'efFet ne dépendant pas de celui qui 1'avoit t faite, Denis a pu dire qu'il vouloit en aller i faire fes plaintes a Roujfeau , & y être allé en | effet. Cette marche eft toute naturelle, & ne 1 donne ouverture a aucun foupcon de complot. I Saurin 1'a bien fenti. C'eft pourquoi il a voulu I faire entendre que Guillaume n'avoit confenti a être emprifonné , qu'a la charge qu'il ne le ; feroit que trois ou quatre jours. Mais oü eft la 1 preuve de ce prétendu traité ? Ce qu'il dit i;i 1 p'en fpuniit aueune,  2.86 Hiftoire des couplets Slum, Ap ^,.nn or 1„ :f . . ... IC CUllliUll-- faire; & que, par compofition, elle luii a permis d'aller faire la déclaration chezi M Chardon, JJe.us Arnould, au contraire, dit que fa mère défendit a Guillaume d'aller chez M ; Chardon; & que, nonobftant fa défenfe , il y alla. II y a une aurre contradiétion, en ce que Ia mère du favetier dépofe que Milet a interrogé plufieurs fois fon mari & fon fils a jours & heures différents fur 1'envoi du paquet en queftion; & le *nari, au contraire, dit a la confrontation, qu'il n'a été qu'une fois chez Milet, dont la femme lui demanda fi fon fils avoit porté une lettre pour M, Saurin, dans Ia rue Dauphine? Sur quoiil répondit qu'il n'en fcavoit rien. Cela eft bien différent de ce que la femme a dit que Milet 1'avoit interrogé plufieurs fois a jours &c heures différents (i). (1) Le fieur Saurin n'eft pas fidele dans les faits , & n'eft pas heureux dans les conféquences qu'il en tire. S'.'lon lui, Sufanne Meufnier, mère de Guillaume, a dit dans fa dépofition, fon fils a jours & heures différents : ce qui n'eff pas exad, change beaucoup le fens de la dcpofition , & donne lieu a la prétendue contraéittion dont le fieur Saurin veut fe prévaloir,  attribués d J. B. Roujfeau. 287 On ne s'arrêtera point ici a réfuter ce que le mari & la femme ont dit, que Elle dit que Milet, exempt, leurvoifin , ayant fait au mari d'elle dépofante, & a leur fils , plufieurs queftions, au fujet dudit paquet porté au café, pour en ff avoir la vérité, fon fils, qui a peu d'efprit &c. V. p. 182 La dépofirion ainfl rétablie, & dépouillée de la circonftance rapportie avec affeélation des jours & des heures différents, ne contient rien de contradiéloire avec celle d'Arnould père, quiditfnnplenient qu'il n'eft allé qu'une fois chez Milet, & qu'il 3 parlé a la femme de cet exempt. Mais il ne fuit pas, de cette déclaration, que Milet n'a pas fait plufieurs queftions au père de Guillaume, même fi 1'on veut, a différents jours 8c k différentes heures. Ainfi les chofes rétablies dans leur véritable état, toute contradiótion difparoit, & il ne refte qu'une infidélité cendamnable , de la part du fieur Saurin. D'ailleurs , quand les pièces du proces feroient, fur cet objet, telles qu'il le dit, quel avantage en tireroit-il ? Lacontradiélion entre le mari & la femme, feroit-elle donc affez effentielle, pour les faire regarder comme faux témoins ? Qu'un témoin raconte, de différentes manières, une circonftance qui lui eft perfonnelle , ou dont il parle de vifu, fe dépofition pourra être fufpeéle , fi les v;.riations portent fur des particularités effentie!lesa & telles qu'on doit prèfumer qu'elles ont dü Ïiaroitre affez frappantes, pour fe graver dans a mémoire. Mais fi ce font des minuties, ent des chofes qui doivent paroitre telles a ccu<$ ■tm'elles n'intéreffent point, la mémoire pe>45  2/88 Hiftoire des couplets le fieur Saurin avoit fait préfenr a Guil-1 Jaume,d\m habit noir,pour appuyer ce;] fa dépofition, que c'étoit le dimanche vras. Guillaume, lui-même, dans Partiele |de fon fecond interrogatoire, convientque ce fut un dimanche matin, au mois de février, qa'il fut chargé' pa'r le Tome VIII. %V  iqo Hiftoire des couplets fieur Saurin de faire rendre les vilains vers au café de la veuve Laurent (vqyqj pag. 176). x , . II paroït donc prouvé, d'après le rcciC des témoins Sc de Guillaume, que cela §'eft palfé un dimanche matin.^ Cependant, dans fon premier interrogatoire, il dit, de lui-même (il faut copier encore fes termes, ils font pré- , cieux), que la boutique oh il travaille ejl ' vis-a-vis la chambre ou couche le fieur' Saurin ; & que le jour qu'il remit entre -. les mains du décroteur le paquet dont ijk s'agit, le fieur Saurin l'appella le matin; par la jenctre ; qu u y jut, v qu w*em 1'a faire fe pajfa ainfi qu'il nous 1'a. dit A & qu'il pouvoit être, lors, dix d 0/2£S! heures du matin. La contradiéHon frappe d'abord. LesJ trois témoins dépofent que Guillaum^ leur a dit que la chofe fe pa(fa un dit manche matin; ils ajoutent même le diX manche gras. Guillaume, dans fon fe-j j :~~^m„*r~\rp> A\t pffptT-ivemenlS COI1U 111LC1-I.ugai.uii>-, ~" T que ce fut un dimanche; Sc cependant.J ll a du, dans ion premier iinciiug.iT toire, qu'il étoit a la boutique oü if rmvaille. fous la fenêtre du fieur Sqm rin, d'oü il l'appella, & qu'enfuüe Paf-, faite fe paffa comme il 1'a contce»  attribués dj. B. Roujfeau. 2.91 De cette contradiétion, deux conféquences néceffaires , qui anéantiflènt la déclaration de Guillaume. La première, eft qu'il n'eft pas poffible que ce foit le fieur Saurin qui ait remis a Guillaume le paquet, pour le faire porter par le décroteur; puifqu'il paroït par 1 information du fieur la Faye que ce paquet avoit été porté plus de quinze jours avant le dimanche gras, qui étoit le x mars; & que Fleury, fa femme &r leur fervante dépofent que Guillaume leur a dit plufieurs fois , que ce fut le dimanche gras que le fieur Saurin le chargea du paquet (1). Seconde conféquence. Guillaume a conté k Fleury & a fa femme , que le fieur Saurin, après lui avoir fait porter le paquet, lui avoit dit d'aller, au plus C1) C'eft Guillaume qu'il/aut croire ici, preterablement aux autres, puifqu'il park d un fait qui lui eft perfonnel; & que les autres ne parient que par ouï-dire. Or il a toujours parlé d'un dimanche, & jamais du dimanche gras. Quant aux autres, qui s'efforcentde fe rappeller ce qu'il leur adit, on voit que leur mémoire vacille fur le point hxe d une époque qu'il leur importoit peu d etabhr. Ainfi il n'y a point ici de contradiction proprement dite, ni qui puifie iaguietter la/uftice, ^ *  2.9 * Hiftoire des couplets vue , changer d'habit, d caufe de la vejle rouge qu'il avoit alors , cjïn de n'être pas reconnu ; qu'il a porté, pendant deux mois, fon habit des dimamhes, & que , pour le dédommager de porter ainfi ledit habit, qu'il ufoit, ledit Saurin lui en a donné un noir desjiens, qu'il a vendu. La Bidaut ajoute que ledit Saurin a dit d Guillaume &c finiflant par les mots fcéle'rat hypocrite, quoique, dans 1'exemplaire du fieur Malafer, ces cinq] vers ne foient écrits qu'après le renvoi fur le carré de papier qui eft féparé. i°. Le fieur Rouffeau allègue, comme preuve que le fieur Saurin eft auteur des vers, qu'on y voit qu'il a eu des ménagements pour lui-même , & qu'il s'étoit renfermé dans 1'injure d'hypocrite : « Car, dit-il, dans la copie qui « a été trouvée chez le fieur Saurin, j> après le vers qui finit par le mot hyjj pocrite , il palfoit tout d'un coup a ï ar>j ticle du fieur Boindin. Mais, ayant jj apparemment jugé que cela n'étoit „ pas affez fort, il a effacé les quatre 55 vers contre Boindin qu'il avoit déjl jj écrits, & revient fur lui-même dans jj quatre autres vers, oü il traite le chajj pitte de fon athéifme : après quoi, il 5* rend au fieur Boindin la place qu'il jj lui avoit ótée ». C'eft ici que fe fait 1'application de Pobfervation'qui a été faite, que la première partie de chaque couplet commence par deux vers, dont 1'un a la terminaifon mafculine, Sc 1'autre fémi?  3*4 Hiftoire des couplets mne : & qu'au contraire, la/econde partie de chaque couplet, confiftant en cinq vers, commence par deux vers mafculins. U y a donc de 1'abfurdité l fuppofer, comme le fait le fieur Rouffeau , qu'apres le mot hypocrite, qui, dans la copie trouvée chez le fieur Saurin, finit une ftrophe ,il ait prétendu paffer ï Partiele du fieur Boindin ; puifque cet article auroit commencé par deux vers rnafcuhns, dont les premiers mots font: C'eft par lui que s'eft e'gare. . ,Cette ahfmd"é n'a pu, fans doute, echapper aux lumières d'un pocte auilï nabile que le fieur Rouffeau. Mais il en avoit befoin, pour donner une couleur a 1'idee chimérique que cette copie eft un fecond original. 3°. On doit confidérer dans quelle ntuation devoit être le fieur Saurin Iorf quil a fait cette copie, & celle qu'il a enyoyee a M. 1'abbé Bignon. II avoft vlJ & rexemplaire du fieur Boindin, & celui du fieur Malafer. II ne faut pas douter qu'il ne les eüt lus plufieurs fois. Ainfi, lorfqu'il copioit fur 1'exemplaire qui étoit devant fes yeux, il copioit en parae de mémpire,pourfuivre 1'aótivité  attribués a J. B. Roujfedu. Ijö? Ordinaire a un homme qui ne fonge qu'a finir promptement un ouvrage qui 1'ennuie. Faut-il donc s'étonner que le fieur Saurin ait fait quelque erreur en copiant ces couplets, & qu'il ait enfuite fait des ratures ? Mais heureufement ces erreurs font direétement oppofées a 1'idée de fecond original. Un homme qui auroit compofé feroit-il tombé dans 1'erreur d'écrire, après un couplet fini, quatre vers qui jamais ne pouvoient faire le commencement d'un autre couplet , comme il a été démontré ? C'eft cepertdant la première erreur. La feconde erreur eft d'avoir recopié, au haut de la page, les cinq vers qui étoient écrits a Ia fin de la page précédente, commenc.ant par les mots: C'efé par lui que s'eft e'garé, & faifant la fin du fixième couplet. II eft vifible que c'eft une fimple erreur de copifte, qui pafte d'une page a une autre. Peut-on dire qu'un homme compofe, lorfqu'il écrit deux fois de fuite, & fans aucun intervalle, cinq vers, fans y changer un feul mot; & qse, s'appercevant de fon erreur, il barre les cinq derniers? On ne fcauroit trop remarquer que,  3 O 6 Hiftoire des couplets dans toute la copie, il n'y a pas un mof1 de corrigé dans les vers, fi ce n'eft le mot nouveau, qui eft de trop dans le fecond vers du premier couplet. A 1 egard de ce mot, il n'eft barré qu avec du crayon: ce qui indique qu'il y a eu de 1'intervalle entre la faute & la corre&ion ; puifqu'autrement le fieur Saurin auroit rayé ce mot fur le champ avec ia même plume & la même encre, comme il a fut les autres ratures, t II a même expliqué, dans fon fecond interrogatoire, de quelle manière le fieur Alarie lui a fait appercevoir, & cqrriger au café la faute du mot nouveaut qui étoit de trop dans le fecond vers. Car cette même copie, que 1'on voudroit faire paifer pour un fecond original, a été plufieurs jours entre les mams du fieur Alarie. Seroit-il poffible, d'ailleurs, qu'un homme qui auroit compofé, eüt écrit un vers de onze lyuabes dans un mivrme r,„i porte aucun, qui ne foit précifément de neuffyllabes? Ou du moins, feroit-il poilible qu'il ne fe füt auffi-tót appereu de fon erreur? Le fieur Saurin, qui ne s'eft ,jéja que trop arrêté a cette difcuffion fur la copie des couplets trouvés chez lui, fe dif-  attribués d J. B. Roujjeau. yóf jpenfera de fuivre le fieur Roujfeau dans iles differtations poétiques. 11 croit d'ailleurs avoir fuffifamment fatsfait aux pbje&ions qu'elles contiennent par fes Iréponfes au fecond interrogatoire qu'il |a fubi le i j oef obre. On ne peut fe difpenfer d'obferver, lavant de finir, que le fieur Poufjeau ne ■peut foutenir 1'accufation qu'il a forIrnée contre le fieur Saurin, que fur les ïdéclarations de Guillaume Arnould dans fes interrogatoires. Tous les autres témoins ne dépofent que de ce qu'ils pretendent lui avoir ouï-dire. (i). Un témoin unique ne peut jamais faire foi en juftice : Manijejll fancimus ut unius omninb tejlis refponjio non audiatur} etiam si i>r^clarj£ curi^e ho- nore pr^efulgeat. L. 0 , §. i , cod. de i tejlib. A plus forte raifon un malheut reux favetier, toujours renté par fon ia» oidigence. Cela feul fuffiroit pour faire (1) II en faut excepter le décroteur Charles I Olivier, qui dépofe de vifu. Mais fa dépofition ne charge qu'indireftement le fieur Saurin; '8c la chaine qui lioit Olivier au fieur Saurin étant rompue par la qualitê d'accufé qui a été l donnée a Guillaume, Olivier ne prouve plus I rien contre le fieur Saurin, auquel il n'a vu tl faire aucune démarche, & qu'il ne connoit 1 même pas de vue.  I 308 Hiftoire des couplets rejetter le témoignage de Guillaume Am hould. Mais Ie fieur Saurin a encore 1'av-rnJ tage que ce garcon favetier demeurej accord que MM» lui a offert de 1'ar—I gent pour 1'engager a dépofer, «3c quill eft evident, paree qui a été obfervé,] tire aes mterrogatoires & des confron-tations , que ce malheureux a fuccombé I aiatentation, Sc s'eft laiffé gagner Sc; Corrompre. Telle étoit la défenfe refpeótive des deux parties. II étoit impoffible que Rouffeau ne fuccombat pas. Jen ai déja ïndiqué les raifons. II me femble que, d'après les faits qui réfulrent de la procedure , il eft impoffible a des yeux nonprévenus, de ne pas voir que le paquet porté chez Boindin, étoit forti de la mam de Saurin. Mais voila tout ce que 1'on peut fe permettre de croire. De ce fait, il me paroit qu'il en réfulte néceifairement que Rouffeau n'eft pas l'auteur des couplets; mais que Sau- Tin fcavoir dntA pmir TI < _ — v-<.v/n. ktl .tiucur. ii n a point paru avoir recu de paquet; paree que, dans la marche qui avoit été adop- j tee, il ne devoit être réouté mnnr.ïrr« eer ouvrage autrement que par hafard.  attribués d J. B. Roujfeau. 3 09 11 s'étoit chargé d'en faire 1'envoi at Boindin. S'il eut été juridiquemenf prouvé qu'il avoit accepté cette fonction3 & s'en étoit acquitté, il étoit, dés» lors, convaincu, au moins, de complicité; & auroit, en même tems , ouvert une route facile pour arriver jufqu'a 1'auteur, dont on auroit pu 1'obliger a déclarer le nom •, ou que 1'on auroit pu découvrir par les recherches auxquelles la procédure faite contre lui, dans cet efprit-la, auroit donné lieu. De-la, toutes les précautions qu'il prit, pour interrompre la tracé qui conduifoit, de lui, ■1 Boindin. Si Saurin , ayant envoyé le paquet, Sc ayant été obligé de prendre des circuits pour détourner la vue du lieu d'ou cet envoi étoit parti, eüt encore déclaré avoir rec,u perfonnellement un paquet, il auroit pu , a la vérité, quoique le tenant de la première main, fuppofer qu'il lui étoit parvenu par quelque voie rénébreufe , dont il auroit dit ne pouvoir indiquer le 6.1. Mais il auroit multiplié, I par-la, fes embarras,-& donné lieu a un plus grand nombre de circonftances capables d'éventer la tracé qui menoit i 1'origine des couplets. (Qomment, d'après ces réflexions i  310 Hiftoire des couplets Malafer, qui étoit viliblement du conw plot, a-t-il déclaré qu'il connoiflbit 1 libelle, & a-t-il fait voir 1'exemplaire. qu'il en avoit? Et commentRouffeau, ou ceux qui ie confeilloient, n'ont M pas vu qu'il étoit de la dernière importance d'impliquer ce Malafer dansi la procédure, & de travailler a découvnr de quelle main il tenoit la copie1 qu'il avoit fait voir ? La forme même de: xrette copie fembloit inviter a cette re-cherché : les ratures & les renvois dont: elle étoit pleine annoncoient qu'elle ne- toit pas éloignée de la première main., tt c eft Ia une des fautes qui a conduit; Roujjeau a fa perte. Saurin fut plus adroit. II étoit important pour lui que 1'on ne put croire, ou du moins que 1'on ne püt prouver que' 1'envoi fait a Boindin partoit de chez lui; &, pour couper pied a toute conjeóture, a cet égard, il emprunta 1'exemplaire de Boindin, afin que 1'on crüt que cë- j toit par-la uniquement qu'il avoit connu lehbelle. Et, s'il avoua, dans Ia fuite, qu'il avoit aufïï eu celui de Malafer fous les yeux, il fut conduit a cet aveu par la configuration de la copie trouvée chez lui. Mais cet aveu, qu'il ne put éviter, I & auquel il n'étoit pas préparé, le jetta!  attribués d J. B. Roujfeau. 311 dans toutes ces tergiverfations que 1'on remarque dans fes interrogatoires fut cet objet: &, pour peu qu'on les life avec attention, on appercoit qu'il s'étoit arrangé pour paroitre n'avoir eu connoilfance des couplets que par 1'exemplaire que Boindin lui avoit prêté: & s'il eüt pu s'en tenir-la, cette précaution , jointe a celles qu'il avoit prifes pour couvrir la fource de lënvoi fait a Boindin 3 auroit produit > pour lui, une fécurité entière. Une feconde faute de Roujfeau a été de s'obftiner a vouloir accufer & convaincre Saurin d'être l'auteur des couplets. Rien ne pouvoit le conduire a cette conviction. Peut-être que, s'il eüt mieux pris fes mefures, il auroit réuffi a. prouver que le paquet recu par Boindin , partoit de chez Saurin. Mais il ne s'enfuivoit pas de-la. que Saurin en füt l'auteur. Laforme de 1'exemplaire trouvé chez lui pouvoit bien faire naitre quelques inquiétudes. II étoit difficile de comprendre comment, fur un exemplaire correcl; &c fuivi, tel qüétoit celui de Boindin, on avoit pu tirer une copie auffi irrégulière & auffi difforme, que 1'étoit celle que Saurin avoit faite de fa propte main. Mais ces inquiétudes ne  511 Hiftoire des couplets formoient pas une conviétion; & Boin~\ dinv-lui-même en étoit fi peu touché 4J qu'il paroit perfuadé que Saurin .1 étoit' pas l'auteur des couplets, & femfelé les; imputer i la Mme. Enforte que cette: accufation étoit au moins téméraire, 8c: expofoit Roujjeau a fe voir condamné i aux dépens, domrnages & intéréts de i 1'accufié. Mais la plus grande de toutes les Fautes commifes par Roufjeaa, fut de fe pnver lui-même du témoignage de Guillaume Arnould, en changeant fa quahté de témoin en celle d'accufé. J'ai expliqué plus hautcomment cette procedure mit Roujfeau hors d'état de fournir aucune preuve juridique des accufations quil avoit intentées. Joignez a cela les démarches faites auprès de Guillaume, pour le détachet du parti de Saurin, démarches qui avoient tous les caracfères d'une fubornation ; joignez encore la faveur que Saurin feut fe&procurer par fes proteétions, quii'emporterent enfin fur celles de Rouffeau. Toutes ces circonftances réunies donnèrent heu aux jugements dont je vas rendre compte. Par fentence du chatelet de Paris, »u iz décembre 1710, Saurin a été fe " décharge  attribués d J. B. Roujfeau. 314 I» décharge des plaintes, demandes Sc |» accufations contre lui faites, ordonné I» que 1'écrou fait de la perfonne dudit » Saurin, fera rayé Sc biffé ; & ledit » Rouffeau condamné en 4000 livres de »» domrnages &■ intéréts envers ledit » Saurin, Sc aux dépens du procés : a « 1'égard & Arnould, les parties mifes » hors de cour, les dépens, a cet egard , « compenfés. Faifant droit fur la re» quête dudit Saurin, tendante a ob» n tenir permiffion d'informer de la fuj3 bornation de témoins, permis audit » Saurin d'informer de ladite fuborna15 tion; Sc cependant ordonné que ledit .j Arnould feroit arrêté Sc recommandé » ès prifons dudit chatelet». Ce jugement qui, par les raifons que ie viens d'expofer , étoit régulier au :ond, effraya Rouffeau. 11 crur nnpfnn idverfaire ne devoit fon fuccès qua la oroteétion, & qu'il n'avoit d'autre reffource, pour fe tirer d'affaire, que de lui enleverfes protetSteurs , en leur faiTant connoïtte 1'homme qu'ils protépqient. 11 fe reudit, fut le champ, en (ttilfe, chez M. le comre du Luc, qui ' étoit amballadeur. II implora fon lutorité, pour fe faire délivrer les pièes qui prouvoient combien fon enneTome VUL O  314 Hiftoire des couplets mi étoit peu digne de la faveur qu'il avoit feu fe procurer. Ses recherches ne furent pas inutiles, comme je le ferai voir dans la fuite. « L'arrêt que le parlen ment a rendu contre moi, écrivoit-il jj a 1'abbé Desfontaines , le 3 o feptem- . » bre 1730', n'étoitpoint'contradiétoire. » II fut rendu dans le tems que j'étois sj allé en Suiffe chercher des mémoires: u & que ne déterrai-je point, en moins j$ de deux mois (1) >»! Cependant Saurin eut le crédit de fufciter a, Roujfeau un nouvel adverfaire bien redourable. Ce fut M. le Pro- ■ cureur-général. Ce magiftrat préfenta ,, le 7 janvier 1711 , une requête, dans; laquelle il expofa que « le fieur Leriget: jj de la faye ayant fait informer au cha- • » telet de Paris, &c obtenu décret dej " prife-de-corps contre Jean-Baptife : jj Roujfeau, a. caufe des vers diffamants >» j» que celui-ci avoit répandus dans le;» jj public; cependant 1'accufateur avoitt» n tranfigé avec 1'accufé, qui avoit ob--« jj tenu, le 24 mars 1710, un arrêt pari > (1) L'éditeur des lettres de Rouffeau a cruj , tlevoir fupprimer ici le détail dans lequel ill entroit fur ces découvertes. Mais j'aurai.i occafion, dans la fuite, de rétablir cettes' omifllon.  attribués a J. B. Roujjeau. 31 ^ ! » défaut, par lequel il avoit été dc» chargé de 1'accufation, dépens com| » penfés, fans que le récit des informaj» tions eüt été fait a la cour. Un tel I" arrêt ne pouvoit Ie décharger valaI»'blement, par rapport au ProcureurUi général du Rol. Qu'il avoit d'aillems hi été avertique Rouffeau avoit compofé I» & produit, dans Ie public, plufieurs j» autres libelles diffamatoires de la mêI» me qualité ; & qu'étant important h> qu'un crime qui eft de fi grande conI» féquence pour 1'honneur des families I» Sc pour la tranquillité publique, ne I» demeure pas fans pourfuite ; Je Proi> cureur-général requiert qu'il plaife a. I» la cour le recevoir oppofant a lëxéj>> cution de 1'arrêr par défaut; faifant b droit fur 1'oppofition; enfemble fur |> 1'appel interjetté par Roujjeau de la |> permillion d'informer, information, fa Sc décret de prife-de-corps contre lui |> décerné par le lieutenant-criminel au P chatelet, a ia requête du fieur de la % Faye, mettre 1'appellation au néant: \f ordonner que ce dont avoit été apI pellé fortiroit effet, Sc permettre au •> Pro cureur-général du Roi de faire inI former par addition, tant des faits | contenus en la plainte du fieur la O ij  316 Hiftoire des couplets „ Faye, que des faits expofés dans fa » requête ; &c en conféquence -que le « procés commencé au chatelet contre » Roujfeau, feroit fait & parfait en la » cour, fur tous les faits en queftion, 3> a la requête du Procureur-général du s> Rol». A cette requête, M. le Procureur» général joignit les anciens couplets &C les nouveaux, avec lamoyfade (1), douze épigrammes très-libres., comme pièces de convi&ion. Les conclufions du miniftère public lui furent accordées par arrêt prononcé a 1'audience, le 14 mars 1711. Saurin, de fon cóté, demanda, par une requête, quën confirmant la fentence du chatelet, on procédat a 1'inftruébion de la fubprnation de témoins. Sur cette requête, intervint un fecond arrêt, le 17 mars [711 , par lequel, « la 3, cour ayant égard a la requête de Sau- » rin , ordonna que la fentence fortiroit ,> effet, & qu'il feroit néanmoins pro»> cédé en icelle, pardevantle confeillersj rapporteur, a l'information en fuborii nation de témoins, a la requête dudit (1) On a vu, p. 27 ce qu'il faut penfer de la Moïfade, & fi Ton peut 1'attribuer a tfiouffeqUf.  attribués d J. B. Rouffeau. 31 y i> Saurin ; pour, icélle faite, être com>» muniquée au procureur-général, pour n être ordonné ce que de raifon. Et, fur 35 1'appel interjetté par Roujfeau &c par 33 Arnould , de ladite fentence, met 33 leur appellation au néant, & les con33 damne en Tarnende & aux dépens >3. Cet arrêt changea abfolument la face des chofes. La fentence du chatelet étant confirmée, Saurin fe trouvoit irrévocablement déchargé des plaintes 2c accufations que Roujjeau avoit intentées contre lui ; ainfi ii étoit entiérement dépouillé du role défavorable d'accufé : &, en même tems, il fe trouvoit revêtu , par le même arrêt, de celui d'accufateut, puifqu'il étoit admis a pourfuivre Roujfeau en fubornation de témoins. Mais la pofition de celui-ci étoit devenue bien plus critique, que ne 1'avoit jamais été celle de fon adver- Saurin, ayant été déchargé de 1'a.ccufarion, devenoit un innocent perfécuté, auquel la juftice fembloit devoir toute proteétion contre Roujfeau, qui, par une fuite néceffaire de ce jugement, ne pouvoit être, aux yeux de« tribunaux, qu'un calomniateur puniffable. Mais il n'avoit pu foutenir fa calomnie , que Oiij  31$ Hiftoire des couplets par un autre crime, par la fubornation des témoins qu'il avoit fait entendre a ,1'appui de Pimputation dont il avoit voulu noircir un homme que la juftice ayoit cru de voir déclarer innocent. Ainfi Saurin n'avoit plus d'inquiétude fur fon fort. La juftification qu'il venoit d'ob• tenir étoit irrévocable; il n'avoit plus de condamnation a redouter. II ne pouvoit craindre non-plus de fuccomber dans 1'accufation qu'il avoit intentée contre Roujfeau. Celui-ci n'avoit pu, pr le fecours des témoins, établir un fait jugé- faux , fans que ces témoins fuffent de faux témoins; & ils ne pouvoient avoir dépofé le faux, dans une affaire qui, par fa nature, leur étoit indifférente , fans avoir été fubornés par celui qu'elle intéreffoit. Ainfi Roujfeau étoit, pourainfi-dire, convaincu de fubornation , fans qu'il füt befoin de procédure: fa conviétion étoit tacitement confignée dans 1'arrêt; Sc Saurin ne pouvoit qu'être affuré du fuccès de 1'accufation qu'il avoit intentée. Telles étoient les conféquences néceffaire des fautes que Rouffeau , ou fes confeils, avoient commifes dans la procédure faite au chatelet. Mais ces conféquences en firent  dttribuês d J. B. Rouffeau. 319 naitre d'autres encore plus funeftes a Roujfeau , que celles-ci. II étoit jugé que Saurin n'avoit eu aucune part ni dire'&e , ni indireéte aux couplets \ Sc ce jugement étant contradictoire, étoit irrévocable. Roujjeau, a la vérité, en avoit auffi obtenu un contre la Faye, qui 1'avoit déchargé de 1'accufation intentée contre lui comme auteur des couplets. Mais cet arrrêt étoit un arrêt concerté entre les parties, qui avoit même été prononcé par défaut : ainfi il pouvoit être révoqué par la voie de Poopofition : Sc fi aucune des parties intéreffées dans ces affreux libelles ue nrenoit, cette voie, elle étoit toujours ouverte au miniftère public, qui en rit ufage, comme on 1'a vu dans la requête du 7 janvier 1711. Et ce qu'il y avoït de cruel, pour Roujfeau, dans cette circonftance, c'eft que; par la marche de la procédure, dans laquelle fes confeils Pavoient engagé, il reftoit feul expofé a cette accufation. II avoit dénoncé Saurin a la juftice, comme auteur des couplets: Saurin, de fon cóté, ne s'étoit pas contenté de fe défendre de cette accufation; il 1'avoit rejettée fur fon accufateur. Ainfi, aux yeux de la juftice, 1'un des deux étoit Oiv  3 20 Hifln'irp sf/>? m,,*,?**. fe coupable. Saurin eft déclaré innoJ vair par i arret. /io^ porre donc. ieul le poids de cette imputation.. ^r,iuiui Dien prendre garde que, quoique les circonftances autoriiaflent cette accufation; il n'étoit pas convaincu; & la procédure faite jufqu'ak>rs n'avoit rien produit qui püt conduite a cette conviction : il falloit y arnver par une-nouvelle information/ Ce qui mettoit le comble a la défaveur dans laquelle Roujfeau venoit de tomber, c'eft qu'il étoit notoirement auteur de plufieurs épigrammes fortfales: & que fes ennemis étoient paryenus a Ie faire regarder, dans le public, comme celui de cet écrit infame, connu fous le nom de la Moïfade. Dans cette pofition, il fe vit tout d'un coup abandonné de fes amis, de fes protefl:eurs, & du procureur même qui s'étoit chargé d'occuper pour lui au parlement ; auquel cependant il avoit comme je le ferai voir Ken-tor, Iailfé une procuration : en forte que, fi Rouffeau a été jugé par contumace, c/a été contre fon mtention, & contre fa volonte. Voici enfin 1'arrêt définitif, rendu Ie 7 avnl i7iz. « La cour, ayant aucu-  attribués dJ.B. Roujfeau. 3I i 35 nement égard a la requête de Saurin, n du 16 février dernier, déclaré la conjj tumace bien inftruite contre Jean« Baptifle Rouffeau; 8c adjugeant le jj profit d'icelle, pour les cas réfultant 33 du proces, a banni Sc bannit ledit 33 Roujfeau a perpétuité du royaumej a> & Guillaume Arnould, Jacques Fleury, jj Marie - Angélique Bidault, chacun 3> pour neuf aiis, de cette ville, préas vêté Sc vicomté de Paris ] leur enjoint 33 de garder leur ban fur les peines poraa tées par la déclaration du roi. Déclaré sa tous Sc un chacun les biens dudk 35 Roujfeau fimés en pays de confifcation w acquis & confifqués a qui- il appar33 tiendra; fur iceux, & autres non sa fujets a confifcation, préalablement 33 pris cinquante livres d'amende envers 33 ledit feigneur roi, Sc cent livres de 33 réparation civile envers ledit Saurin. ss Condamné ledit Arnould , ledit >a Fleury } Sc Marie-Angélique Bidault , 35 chacun en trois livres d'amende envers as le roi, interdit Slmon Milet, pour un» an, de 1'exercice Sc fonctions de fa a» charge, le condamné a aumöner la ss fomme de trois livres au pain des » prifonniers de la conciergerie du pari lais;.6c folidairementavec ledit FoufOv  322 Hifloirc des couplets }>feau,&c lefdits Arnould, & Fleury, &e » Marie- Angélique Bidauld, a ladite » fomme de cent livres de rcparation » civile ci-deffus adjugée audit Saurin s » & a tous les dépens auffi folidaire» ment. Et fera ladite condamnation, " a 1'égard dudit Roujjeau , écrite dans » un tableau qui fera planté en la place » de Grève de cette ville de Paris. Fait » en parlement, le 7 avril 1711 ». Avant de démontrer que Roujjeau n'a point été condamné, par cet arrêt, comme auteur des couplets, mais firn-. plement comme fuborneur de témoins, je crois devoir expliquer quelle étoit alors fa pofition perfonnelle..11 écrivoit, de Soleure,aM. Boutet (i), le 15 avril (1) M. Boutet, payeur des rentes , raflembloita fa table plufieurs beaux efprits , qni parolflbient être d'intelligence.Quand la jaloufie les divifa, '6k qu'il vit que Roujjeau devenoit 1'objet de leur perfécution & de le.ur haine, il prit hautement fon parti; & comme il fut toujours perfuadé de fon innocence, jl lui conferva, tant qu'il vécut, une amitié conftante & utile. M. Boutet de Montheri, fon fils , hérita des fentiments de fon père , & en donna des preuves a Rouffeau , par des ténérofités fixes & annuelles, qui redoubfoient dsus fes malheurs & dans fit dernière maladie. De tels particuliers, dit M. Racine, dans une de fes kttrcs impriuiécs 3 la tête de celles de  attribués a J. B. Roujjeau. 323 1712 : » Je ne puis comprendre fur n quel prétexte on a pu fonder le jugen ment qu'on vient de rendre contre jj moi. Si c'eft fur la fubornation, il eft » trop doux : fi c'eft fur les vers qu'on. » a eu le front de m'attribuer, il lëft: » encore trop. Si je fuis banni pourjj mes épigrammes3 c'eft une autre affaire. ' jj Je ne me plains point d'avoir été juge jj d la rigueur fur une chofe fur laquellejj je paffe mol-même condamnation. C'eft" jj ce que je vous fupplie de m'expli» quer, auffi bien que le tems de mon; jj banniffement. Non que j'aie en vue: jj qu'il finiffe; je ne juls parti de Paris » q'u'en intention de n'y rentrer que- jj quand on m'aura rendu juftice „. " Si j'étois capable de confolation, je la j> trouverois dans les expreffions ten— jj dres & généreufes dont votre lettre: j> eft remplie, dans la compaflion trés— jj obligeante pour moi, que M. le ducjj d'Orléans a fait voir aM. le baron de » Breteuil, & dans les lettres que M„. KoujJeau,nemèï\tent-\\s pas lë nom AèMécènes;, plutöt que ces grands (eigneurs qui croientc protèger les lettres, quand ils ont permis ai quelque bel-efprit, leur flateur, des'ennuyer." a leurs tables? Un des defcendams.>dé-Mi. E-oute.t occupe eneore.ailuellement fach'argé,. O-vjj  324 Hiftoire des couvlets « le grand-prieur m'a fait 1'honneur de J » meerite régulièrement. Si vous lifiez » ieccres, ^ue je conlerve, vous na « rouginez pas des bontés que vous 35 avez pour moi, &c. ». Par une autre lettre écrite a.M..Z)/zcAe' le ii mai 1713-, il lui mandoit : " Votre générofité mëncóurageraa vous 33 fupplier de me rendre un nouveau j 33 fervice , en me tirant d'une inquié33 tude ou je fuis depuis fort long-tems, 33 Sc que je ne confierai qua vous feul| 33 jufqua ce qu'elle foit éclaircie. Voici 33 le fait. 33 Avant que le chatelet m'eüt jugé, as on me donna la connoilfance d\m » procureur au parlement, hommede « beaucoup d'efprit. Je lui trouvai beau» coup de capacité, & un grand zcle 53 pour ma caufe, dont il connoiffoit la «juftice, comme moi-même. II me >3 rendit même de bons offices, qui 3> m'attaché-rent a lui: Sc lorfque je pris » la réfolution de venir ici, je la lui « confiai, Sc il me promit non feule« ment de m'écrire, mais de veillera 35 mes intéréts, comme fi j'étois préfenr. 35 II m'a tenu parole durant un mois j » & fur la fin de janvier, ilm'écri vit une » longue lettre, dans laquelle il m'écri-  attribués d J. B. Rouffeau. 3 2, ƒ » voit que les difpofitions fe trouvöient n favorables pour moi au parlement , Sc 33 quën profitant de quelques conjonc53 tures qu'il me fpécifioit, la face des 33 chofes y pourroir changer. Pour le3 33 faire valoir, en mon abfence, il me 3' demandoit une procuration en blanc. » Je la lui envoyai le o février, accom" pagnée d'une fort grande lettre. Je lui »> écrivis encore, le 11 du même mois, 3» pour le prier de nën faire ufage qu'a 33 propos, paree qu'il me revenoit d'ail3> leurs que Paii du bareau, qui décide j' aujourd'hui de tout, ne m'étoit pas fi 3» favorable qu'il le croyoit. Je le pnois 3' de voir, fur cela , deux dames de 33 conlidération qui font dans mes inté33 rêts. II ne les a point vues, & ne m'a 3» point fait réponfe. Je lui récrivis en33 core une troifième lettre le 16 mars. 3' Point de nouvelles. Enfin, monfieur, 33 depuis queje luiai envoyé maprocura33 tion, jen'ai plus entendu parler de lui. » Cependant j'ai appris, avec une 33 furprife non pareille, que mon affaire as avoit été jugée au parlement, fur la 33 fin du carême. Ce qui ne devoit point 33 arriver, puifque je n'avois point relevé » mon appel. J'ai donc compris- qu'il » falloit que cet appel eüt été televé ou  ^26" Hiftoire des couplets» par M. H. ou par quelque autre, en » yertu de la procuration en blanc que » je lui avois adreffée. Mais, en même » tems, fon filence m'a fait juger, ou j> qu'il m'avoit trahi; ou que, mes let« tres ayant été interceptées, maprocu» ration étoit tombée entre ies mains de y mes ennemis, qui s'en étoient fervis, » a mon préjudice :.ce qui me paroit » alfez difficile a croire. : » Voila, monfieur , ce que je vou33 drois édaircir; & pour y parvenir , il 3« faudroit qu'une perfonne de confiance a» eut une converfation avec cet homme:: 33 &c quel autre feroit plus capable que 3. vous de pénétrer ce myftère, fi vous 3> vouhez bien, a toutes vos bontés 33 paffées , ajouter encore celle de 1'aller 33 trouver, cru de le mander chez vous? 33 Vous fcauriez pourquoi fon grand 3' zèle s'eft réfroidi fi fubitement; Sc. » pourquoi il a ceffé tout d'un coup de 33 faire réponfe a trois de mes lettres; 33. pourquoi il ne m'a pas accufé la récep" tion de ma procuration; quel ufage 3' il en a fait? Pourquoi, s'il n'en a point '3 fait , j'ai été jugé au parlement, fans >» avoir appellé? Pourquoi enfin il n'a 33 point vu deux dames qu'il étoit conj' venu d'aller trouver de ma pan, Sc  attribués aJ. B. Roujjeau. 327 ii que j'avois préparées a fa vifice ? Queip que efprit qu'aitcet homme-la, vous « 1'auriez bien-tóc vu a. revers ». Si 1'on veut lire ces lettres attentivement, Sc fans p'révention , je cfois que1'on reconnoïtra fans peine quëlles ne, font pas dans le ftyle d'un homme qui craint d'être reconnu coupable du crime, pour lequel on le pourfuit. II ne veut que fe défendre, Sc n'eft inquiet que du motif qui a pu engager fon procureur a. ne pas fuivre fa défence,. 11 eft facheux que les éditeurs .des-, lettres de Rouffeau n'aient pu nous tranfmettre les reponfes qu'ón lui fai-foit; on y trouveroit certainement des lumières fatisfaifantes fur cette affaire, Sc fur beaucoup d'autres circonftances de fa vie. Mais on peut y fuppléer ici, en faifant attention a 1'état oü étoit alors la procédure. L'arrêt obtenu, a 1'audience , par M. le procurèur.général, le 14 mars 171-1-, en recevant ce magiftrat oppofant a celui da 24 mars 1710, avoit remis Rouffeau dans les liens du décret de prife-de-corps prononcé contre lui a la requête du fieur Ia Faye. Cependant il étoit abfent; Sc tout le monde fcait que la juftice ne peut entendre aucune défenfe, de la  3^8 Hiftoire des couplets part d'un accufé,. q.ui eft décrété , tanf qu'il nefemetpas en état, cëft-a-dire, tant qu'il n'obéit pas aux ordres de la' juftice, en fe rendant en prifon. Ainfi ie procureur qu'il avoit chargé de fa procuration n'en pouvoit- faire aucun ufage, tant que 1'abfencede celui de qui tl la tenoit lui interdifoit abfolument la faculté de propofer aucune défenfe. Voila le motif de 1'inaction de ce procureur. Quant a 1'appel dont Rouffeau fe plaint, il peut fe faire qu'il eüt été interjetté en yertu de la procuration, dans un tems ou les démarches de M. le procureur - générat étoient encore feeretes & ignorées. La fentence eft du 12 décembre 1710. La procuration de Rouffeau eft du 9 février 171 ï. Ainfi elle a pu fervir i mrerjetter appel fur le champ. II eft vrai que la requête de M. le procureur général eft du 7 janvier 1711 : par-co iféquew intermédiaire a la fentence,. & a Ia procuration. Mai< le procureur chargé par Rouffeau ne devoit avoir aucune communicacion de cette requête, qui n'avoit nulle relation avec la fentence du 12 décembre 1710. En effet cette dernière fentence ne ftatuoir que fur le procés qm s'étoit éle vé  attribués"d J. B. Roujjeau. 52^ entre Saurin 8c Roujfeau, Sc ne concernoit en rien celui qui avdft été terminé par 1'arrêt du 24 mars 1710 entre ce dernier & la Faye. La requête de M. le procureur-général, 8c 1'arrêt rendu en conféquence remettoient en vigueur l'action intentée contre Rouffeau, qui ne faifoit, a eet égard, que changer d'adverfaire , le miniftère public étant fubrogéa la Faye.Ainfi la fignification de cette requête & de tout ce qui en a été la fuite a dü fe faire au dernier domicile de Roujfeau connu en france, 8c non X celui du procureur, dontle miniftère ne pouvoit plus être mis en ufage, dès u u y avoit un decret de prue-de-corpS ecerne. 8c aae 1'accufé n'érnir r>ac pr« prifon. Voila pourquoi ce procureur n'a fait aucune fonófcion , 1'intervention de M. le procureur-général les lui ayant toutes interdites en cette affaire. Quant au filence qu'il a gardé avec Rouffeau, je ne fcais a quoi 1'attribuer, fi ce n'eft peut-être ala crainte de fe compromettre. Mais revenons a 1'arrêr de condamnatiou. J'ai dit que Saurin, en fe défendant contre Roujfeau, d'être l'auteur des couplets, avoit rétorqué cette imputa' tion contre fon adverfaire. Mais, mieux  33° Hiftoire des couplets conduit que Roujjeau, il n'avoit pas pris de concKifions direétes acet égard; il n'avoit parlé de ce fait, que dans le corps de fes défenfes, fans 1'articuler expreffément; c'étoit plutót une indication du coupable qu'une accufation, ou même une dénonciation régulière. U s'eft toujours aftreint, après avoir été déchargé de 1'accufation, a ne pourfuivre fon ennemi que comme coupable de fubornation de témoins. Voila le point' unique ou laqueftion fe trouvoit réduite, depuis la fentence du chatelet, entre Roujfeau & Saurin. 11 eft vrai que M. le procureur-général, par fa requête du 7 janvier 1711, s'étoit porté accufateur contre le premier, pour raifon de libelles diffamatoires par lui répandus dans le public. Mais 1'arrêt rendu a. 1'audience, fur cette requête , le 27 mars fuivant, femble encore avoir reftreint la procédure a 1'accufation intentée par Saurin en fubornation de témoins. Auffi , en examinant attentivement 1'arrêt définitif, 011 voit qu'il ne prononce que fur ce chef. Le crime qui eft puni n'eft pas expreffément énoncé dans 1'arrêt; il eft compris fous cette expreffion vague, que les cours fouveraines ont coutume d'eni-  attribués d J. B. Roujfeau. 331 ployer: pour les tas réfultant du proces;, ce qui ne peut fournir aucune lumière. Mais quelle eft la bafe de ce jugement ? C'eft la requête de Saurin, qui avoit demande que Rouffeau étant abfent, & la contumace ayant été valablementinftruite contre lui, il füt déclaré coupable de fubornation de témoins, & , comme tel, condamné envers lui en tels domrnages & intéréts, & que cette condamnation s'étendit contre les témoins fubornés. Telle eft en effet' 1? prononciation de 1'arrêt qui, d'un "même trait, frappe fur tous les coupables, & ne met de différence entr'eux, que pour le tems que doitdurer la punition. Le corrupteux eft plus coupabje fJU£ ceux qui ont fuccombéa la féduótion; fon bannillement eft a. perpétuité; & ceux qu'il a induit* au crime ne font bannis que pour neuf ans. Or, s'il eüt été queftion, dans ce jugement, de la compofition des couplets, 1'arrêt auroit-il enveloppé tous les accufés dans la même difpofition? Si Rouffeau eüt été coupable de ce crime, n'en auroit-on pas fait une claffe a part, pour lui impofer la peine qu'auroit mérité ce délit, auquel les autres accufés n'avoiene. pu paniciper?  - 3^ 2, Hiftoire des couplets On voit, au contraire, qu'ils font tous tompris dans une feule & même difpofition, qu'ils font tous frappés d'une peine commune & de la même na.ture; hormis que celui qui avoit induit les autres a commettre le délit dont ils font punis, recoit un coup plus fort, qui le jette dans les Hens de la mort civile & opère la confifcation de fes biens. Qui fcait même fi la rigueur exercée contre lui n'eft pas le fruit de fon»abfence & de fa contumaee? Qui fcait fi Rouffeau, étant entendu par fa bouche, & indiquant les fources & les motifs des pratiques employees pour parv. nir a la fubornation des témoins, n'eut pas réuffi a prouver qu'il n'avoit fuivi les conleifs qui lui avoient été donnés a cet égard, que pour faire éclater la' vérité, que Saurin tenoit toujours enchainée par 1'afcendant qu'il avoit fur Guillaume Arnould, & par les préfents qu'il lui faifoit? On a vu qu'il y a, au procés, des indices de cette vérité afTez forts pour déterminer le fuffrage , non pas des juges quine peuvent prononcer que d'après des preuves juridiques, mais des particuliers non prévenus, dont la croyance , en matière de faits, eft déterminée par des preuves morales, oa  attribués d J. B. Rouffeau. 333 1 même par de fortes préfomptions , : quand elles ne font pas balancées par ' d'autres préfomptions aufli fortes, ou j plus fortes. 11 paroit même que le ma| giftrat qui préfidoit alors a la police, ] &c qui avoit chargé Milet de découvrir j Ij vérité, étoit perfuadé que Saurin la | tenoit cachée. Mais cet exempt, qui n'étoit pas délicat fur le choix des moyens, avoit confondu ceux qu'il faut ] employer pour arriver a la vérité, avec ceux que les coupables mettent en ufage { pour la dérober aux yeux de la juftice, * jj Je fuis très-aife, écrivoit Rouffeau | a M. Boutet le 10 mai Ï714, que | « vous ayez parlé a. M. A'Argenfon} qui 1 jj me témoigne une bonne volonté dont I »> je ne fuis encore digne que par men I ,} innocence. On ne peut être plus tou-r ) 55 ché que je le fuis des marqués de | 33 bien veillance qu'il continue de me 3? donnet dans ma difgrace. II fcait I 33 mieux que perfonne combien elle eft I ss injufte, & la vérité lui eft connue 1 3» comme amoi-même.C'eft une grande I 33 confolation de fcavoir qu'on n'a point ss a rougir devant un homme aufli ver1 j3 tueux & auffi éelairé ». On fcait, d'ailleurs, que les condam-* nations par contumaee n'opèrent pas,  3'3 4 Hiftoire des couplets & ne peuvent opérer la convi&ion de 1'accufé, puifqu'elles ne portent que fur les aüégations fournies contre lui, aux fence, adoucir cette rigueur, foit ea  i 33 6 Hiftoire des couplets prouvant que les fairs qu'il avoit déter-l miné Arnould a dépofer, étoient vrais;; foit au moins en faifant voir qu'il avoict eu des raifon s probabi es, pour les croire; tels. Au refte, que 1'on examine la .conduite de Roujjeau après fa condamna- • tion , & 1'on reconnoïtra en lui 1'aifu- ■ rance & la fermeté d'un innqcent qui ! ne veut d'adoueilfement dans fon fort: qü'autant que fon honneur fera réparé, Voici. une anecdote qu'il eft important a la réputation de ce grand-homme de mettre en détail fous les yeux du leóteur. Je vas copier toute la correfpondance a laquelle elle donna lieu. Elle fera connoitre, de plus en plus, le véritable cara&ère d'un homme juftement célèbre, & contre lequel la calomnie s'eft ü forr & li perfévéramment acharnée. Sa difgrace ne lui avoit pas fait perdre rous les amis qu'il avoit dans le royaume. II avoit confervé entt'autres , M. de Vendome, grand prieur de France; M. de la Vrlllihe, miniftre & fécretaire d'état; M. le baron de Breteuil; Madame de Flamenvllle, &c. II parojt que ces protectenrs fongeoient férieufement, & travailloient même3 a 1'infcu de Roujjeau, a lui procurer w 4.  p . attribués dj. B. Roujfeau. 337 I procurer fon retour. II en fut inftruit j par M. Boutet, auquel il écrivit, le j premier Juin 1712 : « Toutes les voies ; »> de retourner en France ne mefont pas. a égales , & mes malheurs ne m'onc 35 point aflez fubjugué pour me faire 33 oublier ceque je dois amonhonneur, » C'eft une juftice qu'il me faut, & non » pas une grace, qui me feroit plus js cruelle encore, que tous mes malw heurs jj. Cependant M. le Grand-pricurSk MY le baron de Breteuil, qui trouvèrent» a. cet égard, plus de facilité fous la régence, que fous le règne précédent; obtinrent, dans le plus grand fecret y &c a. 1'infcu de Roujfeau , des lettres de rappel de ban en fa faveur, qui furent même fcellées, & auxquelles il ne ; manquoit que la forme de lënrégiftre-* ment : les voici : e tittres de rappel en faveur de Jean-> Baptiste Rousseau. « Louis, Sec. Nous avons recul'hurriJ ble fupplication de Jean- Baptifle „ Rouffeau de 1'académie royale des inf„ criptions., faifant profeffion de la rep ligion catholique, apoftolique & ro~ Tcme rillt p  338 Hiftoire des couplets „ maine, contenant que, par arrêt de}| „ notre cour de parlement de Paris, du 1 ,, 7 avril 171 2 , tems auquel il étoit eni „ Suiffe auprès de notre ambaffadeur,, „ il a été condamné , par contumaee, a , un bannifTement perpétuel hors de! „ notre royaume, fous prétexte de quel- • „ ques vers impies 8c fcandaleux qui i „ s'étoient répandus dans le public, 8c : „ dont on Pauroit aecufé d'être l'auteur • „ auprès de notre procureur-général ;; „ &c, quoiqu'une pareille accufation ne 1 „ foit 1'effet que de la mauvaife volonté: „ de fes ennemis, & qu'il ne lui foit: „pas difficile de s'en juftifier, s'il fe ,, mettoit en état de pouvoir purger fa , contumaee; néanmoins, pour éviter t, les longueurs des procédures ordinai- 1 „ res en pareil cas, & en même tems, „ pour s'épargner le féjour de la prifon, „ qui eft pareillement indifpenfable; il „ a été confeillé d'avoir recours a notr» „ clémence pour obtenir de nous des. „ lettres de rappel de fon bannifTement, „ qu'il nous a très-humblement fait „ fupplier, i la faveur de notre avéne„ ment a la couronne, de vouloir lui accorder. A quoi ayant égard , & „ voulant favorablement traiter ledit ,j Roujfeau fuppliant: de Tavis de notre.  attribués d J. B. Roujfeau. 339 „ très-cher amé & oncle leduc d'Oriéant „ régent, de notre très-cher & amé „ coufin le duc de Bourbonde notre „très-cher Sc amé oncle, le duc du „ Maine, de notre très-cher & amé „ oncle, le comte de Touloufe, & autres „ pairs de France, grands Sc notables ,, perfonnages de notre royaume, & de „ notre grace fpéciale, pleine puiffance jj Sc autorité royale, nous avons rap„ pellé, quitté Sc déchargé, rappellons , „ quittons Sc déchargeons, par ces pré„ fentes fignées de notre main, ledit „ fuppliantdela peine de bannifTement perpétuel prononcée contte lui par j> ledit arrêt de notre parlement de „ Paris dudit jour 7 avril 1712, ci-arta„ ché fous le contre-fcel de notre chan„ cellerie; & icèlui avons remis Sc ref„ titué, remettons Sc reftituons en fa „ bonne renommée & en fes biens, „ non d'ailleurs confifqués, impofant, „ fut ce, fdence perpétuel a nos prc„ cureurs-généraux, Sc leurs fubftituts „ préfents & a venir, Sc k tous autres : „ k la charge toutefois de fatisfaire aux ,, autres condamnations portées par „ ledit arrêt, fi fait n'a été, Sc s'il y „ écheoit. Si donnons en mandement a „ nos amés Sc féaux confeillers, les Pij  54° Hiftoire des couplets „ gens tenant notre cour de parlement* " t Parfr-S' & * tous autres nos- jufticiers >, SC officiers qu'il appartiendra, que „ ces prefences ils aient a faire enrcgif„ trer, Sc du contenu en icelles faire „ jouir & ufer ledit fuppüant pleine,, ment, paihblement & perpétuelle„ ment, celTant Sc faifant ceifer tous „ troubles& empêchements contraires „ Car tel eft notre bon piaifir. Et afin „ que ce foit chofe ferme & ftable £ „ toujours, nous avons fait mettre notre „ lcel i cefdites préfentes, données i „ paris au mois de février, l'an de grace „ 1716-? Sc de notre règne, le premier. „ Signe, Louis ; & fi,r le repli, par le „ roi , le duc d'Orléans régent pré/ent. „ ^igne Phelipeaux; Sc féellées du „ grand-fceau de cire verte „. Ces lettres furent d peine'ê'xpédiées ; que madame de Flamenville, perfuadée qu'on ne pouvoit rien apprendre de plus agreable a Roujjeau ; voulut fè donner le merite, auprès de lui, de lën inftruiré la. première. A peine Roujfeau eut-il recu la lettre de cette dame, qu'il la renvoya a M. le baron de Breteuil, inclufe dans celleci, datee du 2.1 mars 1716-: » Je recois avee le dernier étonne-;  Attribués d J. B. Roïïfféau. 341 5, ment, monfieur, la lettre que je vous envoie de madame de Flamenville. Je he fcaurois penfer que ce quëlle con„ tient foit vérirable, après tout ce que „ j'ai eu 1'honneur de vous écrire : & „ s'il ne 1'eft pas, je ne devine pas a quelle intention elle m'eft écrite. Je j, fuis perfuadé que mon honneur vous „ eft trop cher, pour avoir fait des dé„ marches qui meferoient bien plus de „ tort que tous les arrèts du monde, fi ,, elles étoient vraies. Vous fcavez quels „ font mes fentiments, «Sc que des „ graces & des accommodements né con„ vlennent qu'a des frippons, & non d un „ honnête-homme injujiement opprimé, Ainfi je ferai en repos fur la lettre 5, que je vous envoie jufqu'a votre ré„ ponfe. Au nom de Dieu , monfieur, „ ne me mettez pas hors d'état de faire ,, voir d toute la terre , comme je fuis fur „ de le faire un jour , l'injufiice qui m'a „ été faite. Talmerols mieux être mort, que defortir d'opprejfion par unehonte „ qui feroit irréparable. Je fuis avec ,, toutle refpecfimaginable, &c. ,, Un accommodement avec Saurin, „ jufte ciel! Cela n'eft pas croyable,,,. Le 30 du même mois, Roujfeau écrivit cette lettre a M. Boutet. « 11 eft Piij  3 42 , Hiftoire des couplets „ inutile , monfieur, de répéter a uri homme auffi fage que vous ce que je „ vous ai marqué tant de fois de mes „ difpofitions fur mon retour. Vous les „ fcavez, & vous me connoiffez affez „pour ne me pas foupconner d'être ca„ pable de changer. Quelles que puif„ fent être les mefures que M. le baron „ de Breteuil a prifes, & qu'il ne m'a „ point communiquées, fans préjudi„ cier a la reconnoiffance que j'en aurai „ toute ma vie, je crois devoir vous ,, dire , pour la dernière fois, qu'elles „ feront perdues pour moi, fi elles „ opèrent toute autre chofe que ma j> juftification pleine & entière, & telle „ qu'un homme d'honneur eft en iroit de „ l'attendre, quand il a fouffert une in» „ juftice. Si cela n'eft pas poffible , il eft „ certain que mes amis travailleront „ mieux pour moi, en m'abandonnant. ,, // ne s'agit point, pour moi, de retour„ ner en France, mais de confondre iim~ „ pqfture qui m'a noirci, & de me „ mettre en état de paroitre devant les „ hommes, comme je paroitrai un jour „ devant Dieu. Tout autre plan feroit „ me déshonorer, & je fouffrirai plu„ tót la mort, que d'y acquiefcer.C'eft „ ainfi que j'ai toujours parlé &c penfé j  attribués dj. B. Rouffeau. 343 8c c'eft ainfi que je parlerai 8c penfe„ rai toute ma vie. „ II me feroit, a la vérité, bien „ doux de pouvoir jouir a Paris d'une „ fociété auffi chère que la votre. Mais, „ de la manière dont on a jugé a propos de tourner la chofe, il n'y faut plus „ penfer, & prendre un autre parti. On ?, ne peut m'accufer de précipitation : „ il y a fix ans que j'attends avec une „ patience & un filence dont il y a peu „ dëxemples dans un homme auffi ini„ quement traité. Depuis que je fuis a „ Vienne, je n'ai prêté 1'oreille a rien, „ 8c j'ai attendu, avec une tranquillité „ peu conforme a mes befoins, le réful„ tat des opérations dont mes amis „ m'ont bercé. II eft bien tems que je „ prenne ma réfolution 8c , puifque ma patrie n'a point voulu de moi, on ne doit point trouver mauvais „ que je m'en faffe une nouvelle pour „ le refte de mes jours. ,, M. le Grand-ptieura agi, dans cette „ affaire, avec tant de bonne-foi, 8c „ de bonté pour moi, que je lui ferai „ obligé, toute ma vie, autant que s'il „ rn'ëut fait véritablement piaifir. 11 a „ un cceur admirable , &, en toute „ autre occafion , j'aimerois mieux Piv  344 HLJloire des couplets V ™ourir> que de rifquer de lui „ plaire ,, Mes ennemis n'ont pas fujet d'être: '„aiarmés de mon prétendu crédit,, » puifqu'il n'a opéré qu'une chofe (i)| qu'ils reeardernisnr ™iv.,w„ i O IC (,UI11- „ bie de leur tnomphe, fi j'étois affez „ abandonne de Dieu, pour y donner „ mon confentement. Cependant je „ vois , par ce que vous me mandez de ,:, leurs mquiétudes, que les remords & „ Ia crainte les travaillent toujours. II „ eft aifé de connoitre, i la manière „ dont ils fe nennent alertes fur mon „ chapitre, que la nature parit en eux,' „ & qu'ils feront toujours dans un étar " Jf?» tant mais, fi vous le fouhaitez. » J'ajouterai a cela que, fur le bruit « qui s'étoit confufément répandu qu'on » vous avoit envoyé une lettre de ca» chet portant permiiïïon de revenir en » France, fai dit a tous ceux qui m'en » ont parlé que vous n'aviez aucun def» fein d'y revenir, & que ce bruit com» mun etoit faux: ce que 1'on a cru d'au*> tant plus facilement, que M. de Pen» teridher a ditque M. le prince Eugène i  attribués d J. B. Roujfeau. 347 w vous menoit en Hongrie faire la cam» pagne avec lui. Ainli foyez en repos. s> Mais auffi fouvenez-vous que, fi vous » ne paffiez pas par les formalités donc ss j'ai amplemenr écrit a M. le comre » du Luc, votre retour en France desa viendra impraticable au bout de cinq sj ans, qui eft le terme que 1'on a pour s> purger la contumaee (1). J'avoue que ss mon amitié a été plus loin, & même 33 contraire a votre intention matquée 33 dans plufieurs des lettres que vous » m'avez écrites depuis fix mois. Mais (1) M. le baron de Breteuil n'étoit pas inftruit de la forme judiciaire. II eft certain qu'un accufé condamné par contumaee a une peine emportant mort civile peut, pendant les cinq premières années de fa condamnation, anèantir le jugement prononcé contre lui: il fuffit qu'il ie repréfente & fe conftitue pri(1 fonnier. Cette démarche fait touttomber,& il faut recommencer la procédure contradic'1 toirement avec lui. Après les cinq ans, fa • repréfentation feule ne produit aucun effet en ( fa faveur , fi elle n'eft accompagnée de lettres I du prince, qui 1'autorifent a fe défendre & a i fe juftifier contradiétoirement, & qu'on I nomme , lettres pour efler a droit. Cette voie ! eft toujours ouverte au contumaee, quelque -: tems qui fe foitècoulé depuis fa condamnation. \ V. le Traité de la mort civile, oü cette matière . eft difcutée. Pvj  348 hi/ioire des couplets 3-, j'ai voulu, après avoir confulté vos" I » amis que j'ai ci-deffus nommés, vous » fervir malgré vous-même. II n'y avoir, » pour le faire, d'autre cfiemin que cex lui que j'ai pris. » Ce que j'ai fait, jufqu'a préfent, a> demeurera enfeveli dans un profond a> oubli, puifque vous Ie fouhaitez; &, ai pour me fervir des termes de votre « lettre , ce que j'ai fait jufqu'ki n'eft » pas affez avancé pour vous mettre hors *> d'état de faire voir d toute la ter re „ •*> comme vous dites are fur de le faire 9) un jour , l'injuflice qui vous a été faite. » Je vous prie de faire voir cette leto> tre a M. Ie comre du luc, & d'être » bien perfuadé que 1'éloignement &c m le tems ne diminueront jamais 1'ef■» time & la tendre amitié que j'ai pour •« vous. , 1 »» Je r'ouvre ma lettre, pour vou? » dire que fi, par quelque hafard que ! 3> je compteróis heureux pour moi, par 55 1'envie que j'ai de vous revoir, vous 33 jugiez a propos de vous fervir des let- : 33 tres que j'ai, elles ne peuvent valoir 33 que pendant le cours d'une année, ?3 pour être enregiftrées au parlement. » Elles font datées du mois de février ■ dernier. Bien eft-il vrai que, pour en  attribués df. B. Roujfeau. 349-' '»> obtenir I'enregiftrement, il faut avoir 55 fatisfait a la partie civile, & que, par » conféquent, il faudroit avoir payé n Saurin ». Rouffeau répondit a cette lettre, le 21 avril fuivantr en ces termes; « J'ai recu , monfieur, la lettre que 3» vous m'avez fait 1'honneur de m'és> crire le 4 de ce mois. Mais M. le » comte du Luc n'a certainement pas j» vu celle que vous me dites lui avoir » écrite fur le même fujet, & a laquelle j> vous me témoignez attendre fa ré53 ponfe & la mienhe. II faut qu'elle ait 35 été foufflée au bureau de Paris, ou 31 perdueparquelqu'autre inconvcnient. 53 Je me contentetai donc de répondre 3> a celle que j'ai recue de vous. Je com33 mencerai par vous dire, monfieur, 33 que, quoique je ne fois nullemenc 33 dans la difpofition de profiter des; »» foins que vous avez bien voulu vous 33 donner a mon infcu, je ne vous en 33 fuis pas moins obligé, le principe qui 33 vous a fait agir m'étant également 33 cher &glorieux. J'avouerai même que j 3> pour un homme qui fe fentiroit cou» pable, la voie que vous avez prife ne, 33 fcauroit être meilleure. Mais, mon$? fieur, je me flatte que vous ne me re-  3?o Hiftoire des couplets j> gardez par comme tel, puifque vous 3> m'aifurez de votre eftime , & je mé» rirerois de la perdre, fi j'étois alfez » malheureux pour me prévaloir du bé3» néfice que la loi accorde a ceux qui » le font. Je vous ai toujours tenu le y> même langage depuis cinq ans que je » vous écris réguliérement. Je ne vous »> en tiendrai jamais d'autre, & je fuis » incapable de penfer autremenr. Vous » fcavez parfaitement mes difpofitions » a cet égard : M. le Grand-prieur &C » tous mes amis les fcavoient auifi : & » quand il m'a fait 1'honneur de m e" crire qu'il approuvoit ma délicateffe, j> & que vous m'avez mandé que rien » ne fe feroit que je ne pulfe approu« ver, je m'étois imaginé que mes amis » trouveroient un moyen, ou de faire « tomber la peine fur celui a qui elle » eft due, ou du moins de faire caffer » un arrêt injufte, qui flétrit ma répu»' tation. Bien loin de cela, le moyen » dont vous me parlez ne feroit que lui » donner une nouvelle force, & un nou» vel avantage a mes ennemis,qui n'at« tendent qu'après cela, pour me fermer la bouche a jamais, & me con» fondre a toute éternité. Ne leur don»> nons pas ce plaifir-la, moirfieur:j*ai-  attribués a J. B. Roujfeau. 3 ^ r » me bien la France; mais j'aime encore » mieux mon honneur 8c la vérité. Quel» que deftinée que 1'avenir me prépare, 3) je dirai comme Ph'rfippe de Comincsr ,■> Dieu rn'affllge 3 il a fes raijons ; mais n je préférerai toujours la condition d'ê» tre malheureux avec courage3 d celle 53 d'être keureux rvec infamie. 33 Jufqu'a. préferit, comme vous dites „ fort bien, il n'y a rien de gaté. Je vous >} conjure inftamment de ne point paf* „ fer ourre, & de fupprimer les lettres „ que vous avez obtenues, dont je rends „ mille refpeétueufes graces a ceux qui „ me les ont accordées, mais dont je „ ne fuis pas homme a me fervir. 3) J'ai lu votre lettre a M. le comte du „ Luc, qui fcait bien qu'on n'a pas de „ confeils a donner, fur de pareilles 5, matières, a un homme de mon age. 9, Je vous prie de faire voir celle-ci a 33 M. le Grand-prieur3 8c a rous ceux „ qui ont,comme lui,de la bonté pour „ moi. Du refte, je vous répète encore , „monfieur, que, quoique mes idéés „ foient différentes des vötres, mes feu„ timents font tels qu'ils doivent 1 etre, j, &c que ma reconnoiffance répond pax„ faitement a vos bontéssj.  35^ Hiftoire des couplets Enfin Rouffeau écrivoit a Broffette (i]■* lc 10 avril 1717:» J'aurois pu, il y a „ long-tems, en trouver une (fortune) „ affez confidérable en France, & mê„ me affez glorieufe, s'il eut été polfi„ ble d'accorder mon honneur avec >, mon retour. Mais j'ai tout rejetté ; » &, quand je vivrois autant que les „ patriarches, jamais je ne mettrai le „ pied dans le royaume, que je n'aie „ obtenu des réparations & des fatis- (1) Claude Brojjèttenêk LyOrt en 1671; fut dabord jéfuite, & enfuite avocat. II pafTa par les charges municipales de cette ville , oü il mourut en 1746 agé de 75 ans. II a laiffé la réputation la plus intafte fur fes fentiments & fur fes mceurs. On a, de lui, Vhiftoire abrêgée de la ville de Lyon, & un nouvel éloge hiftorique de cette ville. Ces deux ouvrages font écrits avec une élégante précifion. II a donné un commentaire hiftorique & critique fur les ceuvres de Boileau. On y trouve beaucoup de chofes trés - intéreffantes & trés curieufes. Mais il y a quelques détails minutieux. Le commentaire fur les auvres de Regnier a les mêmes qualités, & les mêmes défauts. Sa correfpondance avec Rouffeau nous apprend qu'il avoit préparé beaucoup de matériaux, pour commenter auffi Molière. La mort 1'a prévenu, & il paroit que fon travail a été perdu. Hen vouloit faire autant pour Rouffeau, gui a toujours refufé de s'y prêter.  attribués d J. B. Roujjeau. 3 ? $ \, fa&ions proportionnées aux injures SC é, aux injuftices qui m'y ont été faites. Si „ mes amis veulent faire quelques dé„ marches fur ce plan-la, a la bonne 3, heure: finon, ils me connoiffent affez ,, pour être fürs que je défavouerai pu„ bliquement &c par écrit toutes celles „ qu'ils pourroient faire, pour me mé„ nager un retour indigne de moi. C'eft „ ce que j'aurois déja fait, fi on avoit „ pouffé les chofes jufqu'a préfenter, „ malgré moi, mes lettres de rappel au „ parlement ». Eft-ce-la le langage; eft-ce-la la conduite d'un coupable ? II ne faut pas des réflexions bien profondes, il ne faut que du fentiment, un peu de connoiffance du cceur humain, avec quelque expérience du monde, pour fe laiffer aller, d'après cettte conduire , au moins a un préjugé bien fort en faveur de Tinnocence de Roujjeau. Mais voici une pièce qui, a mon avis, porte fa juftification jufqu'a 1'évidence morale, & doit, en même tems, fixer 1'opinion qu'il faut avoir du caraotère & des mceurs de ce grand homme. On y verra auffi quel étoit fon projet, pour faire voir a toute la terre l'injuftice qui lui avoit été faite. C'eft une lettre.  5?4 Hiftoire des couplets de M. 1'abbé d'Oüvet I M. le préfident Bouhier (i), du 4 novembre 1730. (1) Elle fe trouve dans le cinquième tome (des iettres de Roujfeau fur différents fujets impnmées a Genève (Paris) 1750. L'éditeur y a ajouté cette remarque : u Cette lettre eft » imprimée dans la Bibliothèque raifonnée, tome »> 11, i74r 3 avec cette note : Une copie de »' la lettre de M. 1'abbé A'Oliva nous étant 5» tombee entre les mains, nous avons trouvé jj la piece trop curieufe, pour en refufer la * communie tion au public. Nous ofons nous » flatter que 1'illuftre auteur ne trouvera pas 5> mauvais que nous en ayons porté ce juge« ment, & fait cet ufage. Tout ce qui fort de ï' fa plume eft précieux a ceux qui fe con>> nmuent en ouvrages de goüt & d'efprit ». Ainfi cette lettre a été imprimée & publiée dans deux ouvrages différents du vivant de 1 auteur, qui ne 1'a jamais défavouée,quoique les faits qu'elle contient foient d'une telle importance , qu'il n'auroit pas manqué de ener a la fuppofition , fi elle lui eüt été fauffement attribuée. II eut même été de fon devoir, en ce cas, de pourfuivre la fuppreffion des ouvrages cü elle fe trouve inférée. Mais Je filerace de ce célèhrp prrUr-,;?, „,ir, .„ ........ , oum IGLUIU- mandable par les qualités de fon cceur, que par fes ouvrages, eft une preuve de 1'authenticne de la pièce. Je ferois même fort tenté de croire qu'elle n'a pas vu le jour fans fon aveu • U que lui, ou M. le préfident Bouhier, auquel elle eft adrelfée, qui vivoit encore quand elle parut la première fois , & qui n'a pas réclamé  attribués d J. B. Roujfeau. 3 5^ I Après lui avoir parlé des motifs qui 11'avoient engagé a s'aller promener en 1 Fiandres, il continue ainfi: ' . Inon plus, en ont fourni la copie, afin de 1 rendre a un homme qui a fait tant d'honneur I au Parnafle francois, la juftice qui lui eft due. iComment, en effet, une lettre de cette naI ture feroit-elle tombée en des mains étranijgères fans la participation de celui qui 1'a i écrite ou de celui qui 1'a rec,ue ? Et celui-ci |pouvoit-il honnêtement, & fans fe comproSmettre, trahir la confidence de fon ami? On ■ n'a cependant vu, ni de part, ni d'autre, aucune «plainte, aucun défaveu. Ils Font donc avouée atous les deux; & cet aveu tacite eft un certiIftcat authentique de la vérité de la lettre. Ce ïcertificat acquiertun nouveau degré de certiItude,fi 1'on faitattention'aucaractère des a corirefpondants, qnineleurpermettoitpasde foufifrir qu'on mit leurnomalatete d'un pareilouBVrage, s'il leur eut été fauftément attribué. Q J'ai déja fait connoitre 1'abbé iVOlivet Je.in \ Bouhier étoit préfident a mortier au parlement de Dijon. II naquit, en cette vil'e, en 1673. II fut admis a 1'académie francoife en 1720 , : & mourut a Dijon en 1746. 11 s'adonna a la poéfie dés fa jeuneffe , & donna une traduétion en vers du poëme de Pètrone fur la guerrs ,civile , & de quelques morceaux A'Ovide 8c de Virgile, avec des remarques qui annoncent un fgavant profond. II a traduit, avec 1'abbé d'O/iwr, les Tufculanes de Cicéron. On diftingue , par le peu de précifion , les morceaux qui font de fa main , d'avec ceux qui font de fon ami. II a fait imprimer des lettres fur le*  3^ Hiftoire des couplets ." Des cinquante jours que j'ai éra 3» hors de Paris, j'en ai fait deux part'sl ■3, dont j'ai conftamment paffe l'une 1 s, dormir , & 1'autre d ne rien faire. Je£ 3, n'aurois pas autre chofe a vous racon„ ter, fi Bruxelles ne me foutniffoit uin », article intéreffant. A une lieue döi „ cette ville, la voiture publique, oüï „ je tenois gravement mon coin, fut! 3, abordée par un earroffe bourgeois „ ou étoit un homme feul, qui me de3, manda. Auffi-töt, de part & d'autre,, „ nous defcendimes, & il m'embraffa,, „ maïs avec une ardeur que je rendoiss 5, mal, ne fcachant qui c'étoit. Vous ne\ 3,remettei pas, me dit-il, le pauvre'. »' Rouffeau ! A ces mots, jugez s'il fut: „ embraffé a fon tour* Une prairie bor- ■ „ doit le chemin; nous y pafsames; Sc : 3, la, pendant une demi-heure de pro- ■ „ menade, nous donnames 1'effor a nos i 3, fentiments réciproques. Après quoi „ nous nous rendimes chez M. le duc : ,, cl'Arernberg, qLl'il avoit préparé fur ' ,„ mon arrivée. Je trouvai, chez ce fei„ gneur, dont legrand nom &c le mérite Therapeutes; des ditfertations fur différents auteurs de 1'antiquité; des ouvrages de jurifprudence, &c.J&c< On renmrque dans tont *e qui fort de faplume, une grande érudition. D '  attribués d J, B. Rouffeau. 3^7 , nous écrire de loin a loin ; mais let„ tres de pur compliment, ou de littérature. Ainfi fon ame ne pouvant m'ê^ j, tre connue, j'avois réfolu d'aller bride ,, en main avec lui, quand je ferois a „ Bruxelles. Je fus agréablement furpris d'y voir les plus honnêtes gens, „ &c gens a qui le bel efprit n'impofe „ point, emprelfés a lui donner des „ marqués d'amitié. Qu'on ne dife pas ,j que c'eft qu'il eft habile afe mafquer: „ car la conduite dans Bruxelles eft bien„ tót percée a jour , & je doute que „ la noblelfe de Flandres, délicate au „ point qu'elle 1'eftfur Phonneur, gouj, tat long-tems un homme équivo que. »* Mais ces couplets? Vous matten-?  3? 8 Hiftoire des couplets „ dez Ia: & c'eft juftement oü j'en veuxc a, venir. Prenez d'abord lapeine. de lire; ï, 1 ecrir fuivant». MÉMOIRE. « Roufleau fut accufé, au mois de ft-s, vrier 1710, d'être auteur de plufieurs; „ chanfons diffamatoires ,répandues dans t „ un café ou il avoit été autrefois, mais: „ ou , depuis dix ans, il n'avon plus : „ d'hahltude; & compofées contre des per- ■ „fonnes dont plufieurs étoient de fes „ amis , dijférentes, ou tout-d-fait inconnu'es. „Au mois de mai de la même année 3 )■> ll fefie relever de cette accufation par s, un arrêt du parlement: & 3 peu de tems | „ après , ayant eu des preuves que Sau„ rin, de 1'académie des fciences, étoit] „ l'auteur vérltahle de ces mêmes chan„fons, illes produifit en juftice, & lefit 3, arrêter au mois de feptembre. ,, Quoique ces preuves fuffent plus „ clalres que le jour, la proteclion de \ „ Saurin fe trouva plus forte. II fut dé„ chargé de 1'accufation ; & M. le procu„ reur-général, ayant fait cajfer 1'arrêt de décharge de Roufleau, le pourfuivit „ en fon nom 3 pour raifon des mêmes  attribués d J. B. Roujfeau. 3^5/ chanfons , & lefit bannir du royaume. ,, Toutes monftrueufes qu'ont été ces „ procédures, elles fe trouvent appuyées „ par des arrêts. II n'eft plus queftion de „ chercher la vérité dans l'ajfiftance des „ tribunaux ; & la voie de l'autorité eft i} la feule qui refte pour y parvenir, ,, Peut-ctre cette voie s'ouvriroit-elley ',,fi 1'on connoijfoit Saurin, Les quatre dernieres années qui ont précédé Jon 9, retour en France , il a vécu en SuiJJe , oh il faifoit les fonclions de miniftre. ,, Ses talents pour la prédication, joints d une profonde hypocrifte, l'avoient „ fait confidérer dans le canton de Berne; t, & cette confdiration auroit toujours „ duré ,fi une infinité de vols publics n'a„ volent enfin defftllé les yeux. Le bruit „ que ces vols exciterent iobllgea de Je „fauver, pour éviter les pourfuites de la „ juftice , qui, après fon évafion , fit „ faire des informations juridiques de fes larcins , dont on a une copie tirée des „ archives de la chancellerie de Berne. 11 „fe re tl ra d Scha Jou Je, d'ou il écrivit d „ un miniftre de Morge, nommé Gonon, „ qui avoit été fon ami intime ; CV il lui „fit, dans plufieurs lettres , une peinture „fi touchante de fon repenür, un aveu t,Ji humble de fes crimes, & une expofi-  %6o Hiftoire des couplets tionfipathétique de fa misère 3 que Cfi bon-homme attendri fit pour lui une j, collecfe de quarante écus 3 qu'il lui fit fr, tenir d Cajfel. Ce peu d'argent lui donnant de quoi vivre quelque tems 3 il écrivit d feu M. 1'Evêque de Meaux, que la leclure de 4* fes livres 1'avoit éclairé fur plufieurs 6, erreurs de la communion olt il étoit né, & qu'il defiroit fineerement d'ern„ brajfer la religion catholique. M. de s, Meaux lui obtlnt un pajfeport 3 recut t, fon abjuration 3 & lui fit donner la pen„fion que le Rol accorde aux miniftres w convertis. „ Depuis ce tems-ld 3 il s'eft fait con9, noitre d M. 1'abbé Bignon, qui 1'a fait „ recevoir dans 1'académie des fciences ; 5, & il jouit 3 depuis nombre d'annces 3 a „ divers titres , de grof es penfions du „ Roi. „ Toute la Hollande 3 toute la Suiffe „ & une partie de 1''Allemagne3 ou la „ mémoire de fes crimes eft auffi récente 3,que le premier jour3 voit3 avec un „fcandale injurieux au gouvernement de „ France, un perfonnagefiindigne tenir )y fa place dans une académie compofée |s de tout ce qu'il y a de plus illuflre dans t) le royaumei & 1'on s'étonne qu'il ait  attribués d J. B. Rouffeau. 361? t) ft long-tems abufé le Roi & fes mi„ nijlres 3 malgré la foule de témoignages y, qui s'élèvent contre lui 3 depuis plus de y, trente ans. „ On peut s'en informer d M. le comte ,, du Luc, qui a étéambaffadeur en Suiffe » Fefpace defix ans: & ft 1'on croit ejfec„ tivement que la gloire du gouvernement y, foit intéreffee dans le triomphe fcanda„ leux d'un fcélérat s & dans l'opprejfion „ d'un homme innocent fü eft aifé depar„ venir,par la vérité connite , d la con„ noiftance de celle qui eft encore cachée. )} En voici les moyens. „ De ces lettres qu'il écrivit au mi„ ni/ïre Gonon, lors defa fuite, il s'en ejl confervé quatre , dont trois font en ori„ ginal.^ 11 y fait fa confejfion 3 l'aveu de yyfes crimes y & nommèment de fes lary, eins. 11 s'y reconnoü digne de l'èchay,faud3 & n'oublie aucun terme pour exyy citer la compajfwn de celui dont il at» }, t end fon der nier fecours. „ On a encore une lettre qu'il écrivit d) ce même miniftre, en 171 2 , au retour yy d'un voyage qu'il venoit de faire fur ti» yy vement d Laufane 3 ou il n'arriva que yy la nuit3 & en repartit un quart-d'heure „ après , fur l'avis qu'il eut que les maM giffrats de Berne, avertis de fon arriTome FIII. O  %6% HIJloire des couplets ' vee, avoient donné ordre d leurs baillis }, de l'arrêter. Cette dernlère lettre, qui eft Jignée jfervira de pièce de camp ar ai- Si donc une perfonne d autorite, choifie par le gouvernement, lui repré» „fentoit ces mêmes lettres iune après , 1'autre, lorfqu'il s'y attendro.it le moinst & le menacok de les rendre publiques, s, & de le faire chaffer honteufement de >t l'academie & du royaume, comme un impofleur qui a dés honoré 1'un & F autrz, & qui a furpris la religion du Roi & de]es miniftres,en fe faifant accorS) der, fous le tltre d'homme de bien, des 5, honneurs & des graces dom il étoit in,, digne ; & ft cette même perfonne au~ ,SJ torifée exigeoit, pour l'unique prix de fa gra':es & du filence du gouvernement^ 3J l'aveu du fait, des circonftances & des 3, complices de l'affaire des chanfons , a. 3, faute de quoi., dans le moment, & avant , que de fortir de la chambre, il feroit 0, chaffé & diffamé comme voleur con» vaincu ; il eft hors de doute que Saurin 3, avoueroit ce qu'on demande ; & cela, 3,fuffiroit a -RoulTeau, qui fera content, 3, pourvu que le gouvernement foit con3, vaincu de fon innocence & de l'injuf yi dcc oui lui a été faite..  attribués a f B. Roujfeau. 363 5, Mais U faudroit que la chofe fut j -5-5 conduite dans le plus profond feil „ cret ; ces impofteurs ayant une infinité „ d adherents, par qui Saurin pourroit || ,, être avertifur le moindre indice: tous I „ ceux qui ont contribué d fon triomphe „ ayant déformais le même intérêt que i| -y lui d tacher fa home. Apostille. „ Au casque ma propofttion foit gok je me rendrai d Lille avant l'exé|,, cudon,fousprétexte d'y voir quelques I „ amis. Le commandant aura un ordre \ »faret de me conjlgner aux portes. Et |„ / I'événement fait juger que j'aie eu ' » dejfein de compromettrc le miniftère, j„ on fcaura ou me prendre pour me pu:L, nir , comme le plus indigne & le plus Ufcélératde tous lesfourbes. Rousseau. „ Voila, monfieur, -ce qui m'a été I' conné Par M. Roujfeau, i mon re„ tour de Hollande. Car j'ai eu la cuL nofité de pouffer jufqu'a Amfterdam, ft mais fans m'arrêter nulle part. J'ai vit L tout avec tant de rapidiré, que je n'ai L rien vu. Comme nous étions trop inL, terrompus i Bruxelles, il me propofa U de me retirer, pendant cinq diix jours,  364 Hiftoire des couplets „ dans un chateaude M. le duc cVdrem» bergs iitué aux portes de Louvain. 11 „ y apporca fes papiers, je les examinai, „ de mes yeux, avec foin. Ce qu'il al,, lègue dans fon mémoire eft vrai, Sc „ n'eft que trop vrai. Pourquoi faut-il ,, qu'un homme qui a 1'efprit & le fca„ voir de M. Saurin , n'ait pas toujours „ été un honnêce homme? Vous jugez „ bien , au refte, que, li je vous com„ munique ce mémoire, c'eft qu'on me „ 1'a permis expreffément. „ J'ai repréfenté que, pour tout ce ,, qui s'appelle affaires, j'étois d'une im„ bécillité fans égale , que, s'il furve„ noit le moindre embarras, je n'aurois „ que vous a confulter, &c j'ai fait les „honneurs de votre amitié, comme „ d'un tréfor dont je difpofe a mon » gré- ,, Quant a préfent, la manoeuvre eft „ limple. Tout ce que j'ai promis, &c „ tout ce qu'en effet je puis, c'eft de ,, faire que ce mémoire foit lu a. nos ,, puiffances, &bien appuyé. Je réponds „ del'amique j'emploierai. Mais le fuc„ cès, quel fera-t-il ? A vous parler fans „ fard, je crains qu'il n'y ait ici une ,s doublé chimère. Premiérement, qui ,3 fe chargera d'une pareille coramif>  üttribïiès d J.B. Roujfeau. 36'^ j, fion? D'ailleurs, fi le perfonnage eft tel qu'on le dépeint, un fcélérat qui „ ait vieilli dans 1'hypocrifie, viendras, t-on a bout de 1'intimider ? ,, Quoi qu'il en foit, 1'événement ne 5, me regarde pas. J'ai feulement a exa„ miner ce que j'y mets du mien : &c plus je 1'examine, moins je m'en fais „ de fcrupule. Gar 1'accufé efl,coupa„ ble, ou il ne 1'eft pas. S'il ne 1'eft pas, „ ce tête-a-tête ne 1'expofe a rien. S'il „ 1'eft, ni fa fortune, ni fa réputation „ n'en fouffriront, il en fera quitte pour 5, un peu de honte, devant un feul té„ moin. Peine bien légère, au prix de „ celle qu'il caufe depuis vingt ans. „ Pour moi, en attendant que la vé,, rité fe découvre pleinemenr, j'avoue 5, que deux ou trois chofes me préj, viennent en faveut de Roujjeau. L'une, „ qu'étant maitre d'imprimer a fon en„ nemi une flétriflure ineffa^able, en „ publiant les adres &c les procédures „ dont il a des copies le'galife'es, il réfifte „ conftamment a cette tentation, qui „ feroit 1'écueil d'une ame vulgaire. „ Mais, de plus, ayant eu, dés le cominencemeiic ae ia rcgeuLc, iulic „ pouvoir de revenir a Paris, il ne voti„ lut rien écouter, a moins qu'on ne Qhj  366 Éiftoire des cwpléts 3, lui accordat les moyens de fe juftifierv y, On eut beau lui offrir des lettres de „ grace, tournees de quelle manière il „ voudroit. Jamais le prince, qui defiroit paffionnément fon retour, neut 3, fa force dordonner la révifion de fon 3, procés: & le pocte, quelqu'agrément „ qu'il dut fe promettre dans le fein de „ fa patrie, neut pas la foibleffe de re„ noncer a fon honneur. „ Permettez, monfieur, que j'etjcenfe un rel caraétère. Et pour nous „ en tenir au mémoire que je vous en„ voie, ne fait-il point d'impreilion fut „ vous? J'y vois un homme qni peut „ ne pas connoitre les autres ; mais ap„ paremment il fe connoit lui-même, „ Quoi ! pouvant demeurer tranquille „ ou il eft, il affronteroit les prifons de „ Lille, & braveroit le miniftère 8c la :..n.: r. i- : 1:■ .e „ 1'enhardiffoit pas ? „ Voici encore une preuve bien forte,". ,, au moins pour moi. Pendant que nous „ avons ete a ia campagne, auiii leuls „ que s'il n'y avoit eu que lui & moi fur ,, la terre, nous parlant du matin au „ foir, & faifant.paffer en revue toutes ,, fes anciennes connoiffances de Paris,. f „ je ne lui ai pas vu la moindre aigreur  dttritues d J.B. Rouffeau. 367 5, contre les perfonnes attaquées dans,-, les couplets, excepté M. Saurin, &C ,, un autre qu'il eft inutile de nommer, Pout tout le refte, je ne vois pas mê„ me qu'autrefois, il y ait eu, de fa part, „ ou jaloufie, ou fujet de plainte. Sans ,, que je fois des plus fins,-j'aurois dé- voilé, par quelque petit coin, fur tout ,, a. la longue, une ame fauffe. Mais non; „ il a toujours cette forte d'ingénuitéqui n'eftpoint rare dans le pariften; & il a enié la-deffu? une franchrfe tudefque y bien é'.oignèe du caraclère qu'on lui at-„ tribue. En un mot fa converfation m'a„ beaucoup inftruit, car il fcait beaiw „ coup; & je F ai trouvé, au fond, le mell,, leur homme du monde, pourvu qu'on' „ ne réveille point 1'idée de fon exiL,, Sur cet article, comment fa bile ne,-, feroit-elle pas émue? Veut-on exiger d'un homme se qui n'eft pas dans3, 1'humanité?' ,, Je tiens donc, ou plutot je cröis U tenir le vraifemblable. Mais le vrai „ & 1'évident, je ne le tiens pas. Ren,,, fermons-nous dans les fage« préceptes,, de Carnéade, puifque la dialeóHque„ ne peut nous mener plus loin. Saurin „ eft un fcélérat. Donc il a fait les cow^ plets». Jë vous paffe 1'antécédent, & je Qiv  3^8 Hiftoire des couplets j, nie la conféquence. Saurin les a en~ ,, voyés au café. Donc il les a faits. Je j . « "ens 1'antécédent pour certain, & je j 3, me encore la conféquence. Qui donc ,, les a faits , ces couplets abominables ? 3, En vérité, je n'en fcais rien, & n'ai „ nulle envie de le fcavoir. Je fuis fa„ ché feulement qu'ils faifent perdre a 33 la France un poëte qui alloit a 1'ims> mortalité, du même pas que les Ra3, cines & les Defpréaux. Car, quoique 33 le génie fe porte en tous lieux, il faut a un pocte le féjour de la capitale, 33 pour conferver cette fleur d'expreffion 3, qui tient a 1'urbanité. Hélas ! celui-ci „ doit fes difgraces a la fupériorité de „ fes.talents. Une efpèce d'oftracifme a été le fruit d'une réputation trop écla„ tante. Je n'ai rien de tel a craindre • „ il s'en faut du tout au tout: mais bien' 3, lom de courir après la gloire, quand „ même j'aurois la folie de m'imaginer 33 que j'y puis atteindre, il me femble „ que je la fuirois. Rien ne vaut la ,, pnère du fage : mendicitatem & divi3, das ne dederis mihi. Tout ce que 1'é„ mde a d'utile eft indépendant du fuc„ cès. Elle nous occupe , voila Putile. „ A 1'égard du {nccès, quand nous 9Jfommes imprimés, c'eft alfez qu'fj  attribués d J. B. Roujjeau. 369 nous laiffe le courage de recommen„ eer a nous occuper de même. Je vais, „ dans ces difpofitions, me réconcilier „ avec ma plume Sc mes livres. Adieu, monfieur». La haine Sc la jaloufie foutenues par de 1'efprit peuvent fans doute s'élever contre les conféquences qui réfultent de ces pièces, en faveur de Roujfeau: on peut même s'épargner la peine de mettre fon imagination en dépenfe, pour les attaquer. II eft fi aifé de dire, d'un ton affirmatif, qu'elles font fuppofées , que tous ceux qui ont connu M. le Grand-prieur Sc M. le baron de Breteuil, fcavent qu'ils ne fe font point mêlés des affaires de Roujfeau. On peut fe citer foimême pour autorité, & dire qu'on étoit fort lié avec eux, Sc qu'on en tient la déclaration de leurpropre bouche. On peut fouter que 1'on fcait certainement que jamais 1'abbé cl'Olivet n'a écrit la lettre aue je viens de ttanferire, que, quoiqu'il ait furvécu plufieurs années a. la publication réitérée qui s'en eft faite de fon vivant, fans aucune plainte, fans aucune réclamation de fa part, il 1'a cependant défavouée, dans le particulier; en préfence de plufieurs perfonnes qui jfont m.Qnes. On peut même alléguer ,  37° " Hijloire des couplets pour preuve de la fuppofition de cette lettre, que les faits qu'elle contient touchant Saurin , font évidemment faux ; on peut fe donner foi-même pour garant de cette fauffe té, en difant, fans> le prouver, & affurant qu'on doit être cru fur fa parole, qu'on a fait faire des perquifitions en*Suiffe, & qu'on n'y a trouvé aucun veftige de ces faits. Mais ce defpotifme fur la croyance publique ne fubjugue plus perfonne , & ne fait que manifefter les paffions de ceux qui entreprennent de 1'exercen Quoi qu'il en foit, j'ignore fi 1'abbé cYOiivet fit quelques mouvements pour Pexécution du projet que Roujjeau lui avoit confié mais s'il en a fait, elles. pnt été fans fuccès. Cependant ce profcrit infortuné en conferva 1'efpoir jufqu'en 17 $6, & tenta même de fe procurer, a cet effet, le crédit de 1'Archiduchene-gouvernanre des Pays-Bas. Cette princeffe étoit fort pieufe, & fon confeffeur avoit du crédit fur fon efprit„ i?our le mettre dans fes mtétèts, Rouffeau s'adrelfa au P. Tournemine (ij|, qu'il (i) Rene'-Jojeph de Tournemine étoit un des hommes les plus fcavants qui aient exiftê cher les Jéfuites. II fut long-tems chargé de la yédaéiion du jöurnal de Trévoux, qu'il ora»  attrihués d J. B. Rouffeau. 371 pria d'écrire en fa faveur au P. Amyot, chargé de la ci^afcience de la Gouvernante. <■<■ Mes malheurs, difoir-il a. ce „ religieux, dans une lettre du 25 fep„ tembre 175^, vous font connus, Sc „ vous connoilfez mon innocence, dont. „ feu M. Robert, le plus éclairé Sc le„ plus vertueux de mes juges, vous a „ paru lui-même convaincu. 11 nes'agi„ roit que du témoignage d'un homme „ aulft refpeétable que vous fur mes „ mceurs, mon caraótère, Sc 1'iniquité. „ des perfécutions que j'ai effuyées ^ d'un grand iiombre de differtations bien faites fur différents fujet?, & cT'excellemes analyfes. Mais on lui a reproché de ne s'être pas toujours laiffé guider panTéquité dans les jugements qu'il portoit fur les ouvrages dont il rendoit compta dans ce journal.11 étoit néh Rennes „ & étoit iffu d'une des plus anr ciemres maifons de la Bretagne. Gette naiffance ,- jointe a une vafte érudition lui avoient infpiré une fierté dont fes-confrèresfe plaignoient beaucoup. Mais les étrangers ,.. 3 1'égard defquels il étoit forr communicatif ne s'appercevoient point de ce défaut. On a, de lui, une très-bonne édirion de Menochius „ & une èdition de 1'hiftoire des Juifs de Prideaux. 11 mourut a Paris en 1739 , igé de 78 ans. Plufieurs perfonnes , qui ne.font pasmortes, atteftènt qu'i' étoit convaincu dfc Jünnocence ÖA-Roufleau,  'j-ji Hiftoire des couplets „ pour 'm'ouvrir une voie a ma jaftiff„ cation & au rétablijfemenr de mon i „ honneur & de ma tranquillité. Une J „ lettre de votre main au R. Pv Amyot, I „ confeifeur de rArchiducheffe, dans „ laquelle vous me rendriez la juftice 3, que vous daignez me rendre dans les votres, fufliroit pour cela. ... Je „ vous prie de vouloir bien rendre ce 5, temoignage, non a 1'ainkié, mais a votre propre confcience, s'il eft vrai, 5, comme j'ofe m'en aflurer, qu'elle 3, vous parle e» ma faveur J'ignore encore quelle fut la fuite de cette nouvelle tentarive > mais elle n'eut aucun fuccès. La fortune de Roujjeau étoit dans l'état le plus déplorable & le plus précaire. J'ai déja dit que fon attachement pour le comte de Bonneval, Sc la chaleur avec laquelle il prit la défenfe de cèt ami, auprès du prince Eugène, refroidit les bonnes intentions de ce proteéteur, Sc lui fit perdre un emploi honorable Sc lucratif qu'il lui deftinoit. II fe trouva fans autre reffburce, que celle de fes ouvrages qu'il perdit encore. II alla, en 1723, a Londres, oü il fit faire une édition de fes oeuvres, qui lui produifit vuae fomm.e confidérable. « Je  attribüés d J. B. Roujfeau. 373 juge, écrivoit-il de cette ville a M. „ Boutet, paree que j'ai déja dépenfé, „ que fix mois de féjour ici me coute„ ront au moins 2 5 o guinées, qui font prés de huit mille francs de votre „ monnoie, quoique je ne mange ja- mais chez moi. Du refte les frais de „ mon voyage me font bien payés par „ mon édition: &c d'ailleurs je fuis com„ blé des honneurs qu'on me fait, &c „ des bontés que tout le monde a pour moi». II placa les fonds qui lui reftèrent de cette édition dans ia compagnie d'Oftende, qui lui produilirent , pendant quelques années, environ deux. mille livres de revenu. Cette compagnie fut fupprimée, Roujfeau perdit &C fon revenu & fon capital,ck fut réduit a. Punique relfource d'une penfion que M. Boutet lui faifoit tenir tous les mois. C'eft dans cette pofition qu'il tenta tous les moyens de rentrer dans fa patrie, ou il efpéroit vivre plus a fon aifes Sc, en même tems, parvenir a fa juftification. Mais il ne découvroit pas ce dernier motif a tous ceux qu'il mettoit en ceuvre : 'il ne s'ouvroit qu'autant qu'il connoifibit fon monde, felon que la prudence 1'infpiroit, &c qu'il croyoie deYoir plus ou moins de confiance i*  374 Hiftoire des coupletsr ceax qu'il employoit. II s'adreffa a ur* ami qu'il avoit parmi les jéfuites ; &c dans la lettre du 2 8 octobre 1737, aprèslui avoir parlé du changement de M. le duc ÜAremberg i fon égard, il ajoute r « Je voudrois que mes amis puffent ob», tenir pour moi un fauf-conduit, a la „ faveur duqtiel je me tranfporterois jL „ Paris. Ce feroit Ie comble du bon„ heur pour moi d'aller revoir ma pa„ trie, & de fortir d'un pays oü je me „ confume, de jour en jour, de trif,, teffe & d'amerrume ». Dans une autre lettre du r 5 décembre fuivant: « Que je fuis malheureux, „ difoit-il, mon R. P. Dans le paquet „ que je vous avois adreffè par la pofte le 2.8 du mois paffe, & qui fe trouve j> égaré, j'avois mis la copie des lettres „ de rappel expédiées pour moi au mois „ de février 1716. Je fuis hors d'état „ de réparer cette perte ; & 1'original „ fcellé de ces lettres étant demeuré dans la caffette de feu M. le baron „ de Breteuil, qui les avoit obtenues,, „ je ne puis fcavoir ce qu'il feradevenn „ après fa mort. Mais, comme elles fu„ rent expédiées par feu M. de la Fril„ lière, on en pourra rrouver Ia minure „ dans le bureau de fon. fuccefleur j 6?  attribués d J. B. Rouffeau, 37^ „ c'en eft affez peut-être pour pouvoisr >5 demander des lettres de furannation t „ a moins qu'on ne trouvat plus a-pro„ pos d'obtenir de nouvelles lettres de; „ rappel fur le modèle des premières qui étoient très-honorables pour moi „ & très-bien couchées. C'eft fur quoi „ les perfonnes au fait de ces forte9 „ d'affaires pourronr décider mieux que moi- J'en pafferai par tout ce que nos „ amis jugeront Apropos de faire pour moi. Je connois leur fageffe, leur in„ telligence & leur bonté. Ce fera ici la* „ dernière de mes importunités a cft- fujet, & j'attendrai leurs ordres. Je: „ ne fbupire qu'après ce moment heu„ reux de les ernbraffer.. . . . Vous ne „ devez pas être étonaé de la vivacité „ de mes defirs : le bonheur de revoir „ ma patrie, & d'y terminer tranquil- lement le peu de jours qui me ref„ tent, eft la feule chofe qui puiffe me „ confoler d'un exil de 26 ans, & de „ toutes les perfécutions que la calom„ nie m'a fait effuyer depuis plus de. On voit qu'il ne parle a ce jefuite; que du defrr de terminer un exil fi long: & fi pénible. Mais il fe met plus a découvert avec un-autre de fes amis, fan&  376 Hiftoire des couplets cependant dévoiler entiérement le fond de fon fecret. II vouloit venir parler luimême aux protecteurs de fon ennemi, & leur faire voir, par la repréfentation des pièces qu'il avoit mifes fous les yeux de 1'abbé d'Olivet, quel étoit 1'homme qu'ils protégeoient : &, fuivant.toujours fon fyftême, il déclaré bien qu'il veut démafquer fon perfécuteur; mais tient fecret le moyen qu'il veut employer a cet effet. C'eft dans cet efprit qu'il écrivoit a M. Hardlon (i) le 7 janvier 1738 : « Je „ ne puis affez vous marquer ma re„ connoiffance de 1'intérêt que vous pre„ nez a ce qui me regarde. Je ne vois „ de meilleur confeil a fuivre, que ce- (1) JacquesHardionnaqmtzTovirsQn 16S6. II entra dans 1'académie des infcriptions en 1711, & a 1'académie francoife en 1730. II avoit publié plufieurs diflertations fur YHiftone de l'orlgine & des progrès de la rhêtorique dans la grèce, & fe difpofoit a les réduire en corps d'ouvrage, quand le roi le chargea, en 1748, d'enfeigner a mefdames de France feshlleslagéographie,l'hiftoire&la fable. Ce fut pour 1'ufage de fes auguftes éléves , qu'il compofa fon hiftoire poëtique; un traité de Ia poéfie francoife & de la rhêtorique; & enfin ion hiftoire univerfelle, dont il a donné 18 volumes in-12. II eft mort a Paris,'au mois de feptembre 1766.  attribués d J. B. Roujfeau. 377 5, lui que vous me donnez d'écrire a M. „ le cardinal {de Fleury). Mais je crois qu'il eft bon d'atrendre, pour cela, qu'il „ vous ait dit fon fentiment fut 1'épitre que vous lui avez communiquée. Pour „ peu qu'il me foit avantageux, c'eft une „ ouverture toute naturelle pour lui en „ faire mon remerciement, dans lequel ,, je puis inférer, en peu de mots, quel„ que chofe de plus effentiel. J'en ai ufé „ de cette manière, quand M. deSéno5, ^an lui préfenta mon ode a la paix , „ & fon éminence me fit une réponfe }, très-gracieufe, fur laquelle ce même M. de Slno-zan, fans me connoitre que par Pentremife d'un ami com„ mun, entreprit de me procurer un „ retour qu'on me fit efpérer honorable „ & éclatant, 5. Roujjeau re vient a la charge, danss une autre lettre encore écrite a M. Har-dion le 16 du même mois. « J'ai regardé,, 5, dit-il, avec aifez d'indifterence la dif— „ grace deM. C. . . . que jenecon-j, nois pas, puifque vous le voulez ,, „ mais qui fürement me connoit encore i moins. Vous en conviendriez, fi j o- • >, fois groffir ma lettre du récit de la s, converfation tenue, a mon fujet, en- ■ „ tre lui & M. de Se'no^an, au mois d'ayril dernier, & fur laquelle j'ai „ prié celui-ci de ne point paffet plus 3, avant. Je refpecfe les dignités; mais je ne fiiis cas de ceux qui les pofsè„ dent, qu'autant que je les en trouve s, dignes: &c un homme en place qui „ refufe, chez lui, 1'entrée a la vérité, ne mérite pas d'y être. Je n'ai de- \ ,j mandé, & ne demande encore d'au„ tre grace, que celle de pouvoir mettre s> ceux qui y font en état de juger entre „ moi tk un homme protégé par eux- ] „ mêmes. C'eft toute la fatisfaétion que „ je prétends de trente années de perfév cutionj aptès quoi je les laifle maitres  . attribués aJ.B, Roujfeau. 381 „ d'en ufer comme il leur plaira. Quant „ au refte, de la facon dont jepenfe, „ tout eft patrie pour moi. Je me trouve „ fort bien oü je fuis, faute de mieux : „ mais je me trouverois fort mal en „ France, fi je me voyois réduit a y vivre comme on me 1'a propofé, Sc L, autrement qu'il ne convient a un L homme aufli pur & aufli irréprocha- L ble. aue 1 oie me vanter de l etre, Sc moins. périlleufes M. Rollin, les jéfuites, M. Racinex &c avec eux, des perfonnes de la plus haute diftinótion fe donnèrent tous les mouvements poffibles pour gagner le jnagiftrat dont j'ai parlé, rien ne put etat auroit du empêcber de le compofer. II fut long tems exilé a la Flèche. On a , de lui, deux excellents ouvrages hiftoriques : Vhiftoire des guerres & des négoc'utions qui précédèrent le traité de Wefphalie, fous les minijlères de Richelieu & de Makaria, 2 vol. in-12 , & l'hijloire du Traité de Wejlpkalie, 2 vol. in-40. ou 4i/j-i2. Ces deux ouvrages font dignes des plus grands éloges, & d'être lus de ceux qui cherchent a s'inftruire agréablement. II a fait un catéchifme très-bitn écrit, mais dont le dogme & la morale n'ont pas plu a tout le monde. II a compofé trois comédies en profe : la femme doBcur ; le Saint déniché ; & les Quakers Francois, ou les nouveaux tremhleuts. Ces trois pièces ont pour but de ridiculifer les partifants de M. Paris. II y a quelques fcènes. qui ont du fel, mais la plupart font fort en-, rnjyeufes..  _ attribués a J, B. Roujfeau. 387 lui arracher fon confentement pour que Rouffeau, dont 1'exil devoit finir légalement le 4 mai 1742, reftat a Paris. Suivant nos loix5 le laps de trente années, a compter du jour de 1'exécution ■de fon arrêt par efEgie, lui donnoit le droit d'y refter impunément : ainfi il n'avoit plus que deux ans & quelques mois a attendre pour ne plus devoir fon féjour en France a la complaifance de qui que ce foit: il y feroit demeure fous Ja prote&ion inviolable de la loi. Cette confidération , jointe a celle des infirmités & de la misère du grand homme pour qui tant de perfonnes honnêtes foilicitoient, ne put vainere 1'obftinatior» du magiftrat qui protégeoit Saurin, même après fa mort. Roujjeau reftant i Paris , fe feroit juftifié, & il ne pouvoit le faite fans compromettre 1'équité & le difcernement de ceux qui avoient protégé fes ennemis. C'eft a. cette conltdé■>. II écrivoit a M. Racine, le 10 février ï 7 3 9 : « L'illufion eft enfin diflipée ; il eft tems de prendre fon parti. Tous „ mes amis, fans exception, approu- vent celui que j'ai pris de m'en re„ tourner d'oü je fuis venu, puifque M. . . . veut abfolument me guérir de la maladie du pays ». Enfin il mandoit, de Bruxelles, a M,. Racine, le 2.0 février 1739': " Je vous ferai obligé d'informer M. Brojfette des raifons qui m'ont obligé de quit- tt-r Paris. M. . . . d;t maintenanï Riij  39<3 Hijloire des couplets „ que, fi on lui eüt parlé, il m'eüt ,, donné toutes les facilités poifibles „ pour y refter; enforte que fa con„ icieiice fcrupuleufe, qu'il a fait fon„ ner fi haut en parlant a M. Rollin 3 „ eüt cédé a quelques recommandatiens ». Voit-on, dans ces expreffions un homme qui fe reproche quelque nouvelle faute, quelque nouvelle indifcrétion ? Voit-on même qu'il craigne que fes amis 1'en accufent ? Il impute tout fon malheur i un feul homme, de qui il dépendoit de le tolérer en France, mais dont rien ne put flcchir la rigidité, 5c 1'on voit, par le procés, que la même perfonne avoit ouvertement protégé Saurin , dés le principe de l'affaire. Voici même un trait qui caraétérife la docilité avec laquelle Rouffeau foumettoit fon reffentiment aux confeils de fes amis. C'eft M. Racine qui le rapporte dans une de fes lettres imprimées a la tête du recueil de celles de Roujfeau. « Pendant le féjour, dit-il, qu'il fit eu „ 17 3 8, a Paris, oü il trouva, dans fes „ puiffants proteóteurs, de la compaf- fion , & de meilleurs fecours dans la „ bourfe de M. Boutet, & dans la mai„ fon du fameux peintre M. Aved, qui  attribués dj. B.R ouffêau. 191 , lui donna un afyle, il vit plus d'une , fois M. Rollin, & lui montra un jour , fon teftamênt.Leteftamentd'unhom, me qui n'a rien n'eft pas long. Son „ principal objet avoit été d'y déclarer ;, fon innocence. II y répétoit ce qu'ii „ avoit dit I Bruxelles aux approches de „ la mort: mais il v aioutoit le nom de „ l'auteur des couplets. M. Rollin, de „ qui j'ai appris cette particularité, lui „ repréfentaque, s'il étoit innocent, il Jï avoit raifon de mettre tout en oeuvre „ pour faire connoitre fon innocence ; mais que la religion ne lui permet„ toit pas de nommer le coupable, quand même il feroit Stut de ne pas fe trompet. Roujjeau, docile a cette remontrance» fupprima fon tefta3, ment». C'eft ici le lieu de placer une obfervation qui ne fera pas indifférente relativement a certains lecteurs. Ce n'étoit point 1'efprit de parti qui avoit procuré a Roujfeau des amis & des prote&eurs. M. Racine, M. Rollin & les jéfuites avoient également époufé fes intéréts , & fe concertoient même enfemble pour lui rendre fervice; &: rout le monde eft inftruit de 1'antipathie que les querelles de religion avoient mife entre eux. Riv  Hiftoire des eouplets _ Quoi qu'il en foit, cette illuftre victime de fa propte gloire & de 1'envie qu elle fit naitre, fe vit dans la néceffité de s'expatner une feconde fois, & pour toujours. Le chagrin s'empara de fon ame, dont les maux fe communiouèrent au corps. On voit, par les lettres qu il ecnvit a différentes perfonnes, depuis fon retour a Bruxelles, jufqu'a fa mort, que fes infirmités augmentoient chaque jour; &, pour tromper les maux de corps & d'efprit qui I'affligeoient, il changeoit de place continuellement, alfan* fans cefie, de la Haye a Bruxelles, & de Bruxelles a la Haye. Ce qui mille cqmble a fon affliótion, ce fut de voir mi il lui falloit abfolument renoncer a ootenir les moyens de mettre fa juftification au grand jour. II mandoit d M. Laane} le j7 novembre 1739 : « Je « n'ai que de mauvaifes nouvelles a » vous dire de ma fanté ■ j'en fuis pré» jBfttemerif au romarin & aux grams " « gemc-vre, que 1'on m'a confeillés, » Sc dont je me bourre de facon d de» venir le gibier le plus exquis de la «ra* renne d'un anthropophage. Voila fes » remedes ou je fuis réduit, depuis mon " v°yage de Paris, qui m'a afflig' le » corps Sc 1'efprit. J'étois heorwx,  attribués a J.B. Roujfeau. 393 *s quand je n'efpérois, ni n'attendois » rien. Quand reviendra ce tems ? Après » ma mort, a laquelle je n'ai rien de & plus important, que de me bien pré»■ par er ». Ce fut dans cette circonftance que Roujfeau prit le parti de faire connoitre fon ennemi au public. L'intérêt de fa juftification 1'avoit empcché, tant que Saurin avoit vécu, de publier les pièces qu'il avoit contre lui. Cette indiferétion auroit imprimé, comme dit M.. 1'abbé d'Olivet, une ftétriffure inerfacable a fa partie adverfe : mais il n'en feroit rien réfulte en faveur de Roujfeau. Le public, en apprenanr que Saurin étoit j coupable de plufieurs crimes, n'auroir pas écé, pour cela, convaincu de 1'innocence de 1'autre, & il n'y auroit plus eu de moyen de forcer Saurin a dire la vérité fur Partiele des couplets.. C'eft eette | confidération fans-doute qui a empêché M. 1'abbé d'OUvet & M. le préfident» Bouhier de livrer au public la lettre du I 4 novembre 17J0, &c Je mémoire qui y eft inféré. (J'auroit été trahir ie fecret: i de Roujfeau j. & lui fermer ajamais la.. I route qu'il vouloit fuivre, pour parve— i nir a fa juftification. La mort de Saurin- 1 ne levapas encore tows les obftacles qrvi  394 Hijloire des couplets „-.'oppofoient a la publication de ces pièces. Rouffeau, qui n'avoit jamais perdu de vue la révilion de fon procés, vouloit arracher a la mémoire de Saurin les protecfeurs puiffantsqui lui reftoient, mais il n'auroit fait que les irriter, s'il eüt diffamé publiquement leur protégé. « Vous êtes vengé, lui auroient-ils dit; jj &c fi Saurin étoit coupable des crimes •> que vous lui imputez, vous ne 1'êtes 35 pas moins de celui dont vous voulez j» encore le charger, & pour lequel vous 33 avez été condamné. II eft jufte que sj vous fubiffiez la peine prononcée con53 tre vous ». Mais le Yoyage de Rouffeau a Paris lui avoit appris que ces ménagements étoient déformais inutiles ; & 1'on vit paroitre la lettre de 1'abbé d'Olivet dans les ouvrages publics. Roujfeau , de fon cóté, livra aux auteurs du journal helvétique la lettre que £ aurin avoit écrite en 1711 au miniftre Gonon, dont il eft parlé dans le mémoire que 1'abbé d'Olivet inféra dans celle qu'il écrivit a M. Bouhier le 4 novembre 1730. Cette fatisfaétion ne lui rendit ni la la tranquillité d'efprit, ni la fanté du corps. II écrivoit a M. Racine, le 25 feptembre 1740 ; « Voici la derniere \  atmbués d J. B. Roujfeau. 3 of *s lettre que je vous écrirai de la Haye. )> Je m'embarque, fans faute, après dese main, pour reporter a Bruxelles une Ti fanté plus déplorable de beaucoup , » que je ne 1'ayois a mon départ. Je vis s> dans les douleurs &c les lamentations. » Job s'en plaignit, il en paria. Je ne » fuis pas plus patiënt que Job, &c je j> vous ptie d'excufer la foiblelfe que » j'ai de vous en parler. Mais n'oubliez « pas, s'il vous plait, que dans le corps »5 le plus cacochime qui foit fur la terre, » loge le cceur le plus ferme Sc le plus » conftant en amitié que vous connoif» fiez , &c ». Cette lettre eft, felon les apparences, la dernière que Roujfeau ait écrite. II partit de la Haye, comme il 1'avoit, annoncé, &, dés le premier jour du voyage, il fut attaqué, dans la barque qui le tranfportoit, d'une violente apoplexie. 11 arriva demi-morr a Anvers , d'oü fon domeftique, qui lui étoit attaché depuis long-tems, manda a. M. Racine que fon maitre étoit dans un lit d'auberge, privé de 1'ufage de fes membres, & de la parole. II ne lui reftoit qu'une foible connoilfance, dont il donnoit de foibles fignes. Le P. Berruyer, auteur de 1'hiftoire du peuple de Dieu, R vj  3 9 6 Hijloire des couplets fe trouva a Anvers, & par les fréquentes vifires qu'il lui rendit> témoigna 1'intérêt qu'il prenoit a fon malheur* II recut fes facrements avec beaucoup de marqués de piété. L'apoplexie dégénera en paralyfie; & fans les fecours de M.. Boutet, qui lui faifoit tenir cent florins par mois, il feroit péri de misère.. «« Voila, ajoute M. Racine, 1'état de. j> cet iiluftre poëte, qui prouve main» tenant ce qu'il a dit autrefois,. que » 1'homme eft un parfait miroir de dou» leurs; Sc dans peu, on dira de lui t m. il meurt enfin peu regretti. 11 ne le » fera que des partifants du bon goüt, » dont le nornbre s'éclaircit de jour en »> jour j>. Rouffeau pa/fa ainfi un mois dans ui> cabaret a Anvers. On vint a bout de 1c tranfporter enfin dans fa maifon a Bruxelles. La il' eut abondamment tout ce. qui étoit nécefiaire a Tétat oü il fe trouvoit , par les ordres de M. le duc è'Jt remberg, de M. de Lannoi, & de M. le. pnnce de la Tour-Taxis, qui envoyèrentlenrs domeffiques, avec des flambeaux, d fon eonvoi, II expira, après une agonie. d,e plufieurs mois, le 17 snars 1741 „ agé de 72. ans. C'eft ainfi que le grand Rouffeau  attribués d J.B. Roujjeau. 397 termina fa carrière. II y entra porté fur le char de la gloire, & au bruit des applaudiffements redoublés du bon goüt. Les hurlements de la haine & de 1'envie ne purent les étouffer. Elles fe-* mèrent fa route de ronces & d'épines ,, & n'oublièrent rien pour faire tomber le Pindare Francois dans la honte &£ dans, le mépris. Leurs efforts ont été vains 1 Le génie de ce poëte s'eft fait jour au travers des obftacles qu'elles lui ont oppofés, & fera palier fes lauriers. jufques chez la poftérité , qui de manel era compte a fes perfécuteurs des ouvrages admirables interceptés par les chagrins dont ils Pont entouré. C'eft en vain que Pon s'efforce de. ravaler fes talents poëtiques 5 fes ouvrages feront toujouts 1'écueil cii fes. détracFeurs iront échouer. C'eft un modèle qu'on leur reprochera toujours, pour peu qu'on les life encore, de n'avoir pas pris pour règle. Quant a fon caraétère, contre lequel la calomnie eft prefque parvenue a armer le préjugé, je crois avoir prouvé,. par une fuite de faits avérés,. que Rouffeau étoit doué de la plupart des vertus. contraires aux vices qu'on lui reproche,. « Ce fera une grande, perte que Po»  35*8 Hijloire des couplets fera, dit M. Rollin, en parlant de „ Roujjeau a M. Desforges Meillard k „ 1'occafion de la maladie dont il eft 5, mort. Outre qu'il étoit un poëte „ excellent, il avoit beaucoup de probité; „ & c'ejl de quoi le public n'ejl pas ajje% „ perfuade. Je ftjais, de perfonnes bien „ dignes de foi & de refpect, qui 1'ont „ connu de prés a Bruxelles, que, „ pendant le long féjour qu'il y a fait, ,, on n'a jamais eu de reproches a lui „ faire. Pendant fa dernière maladie, „ prés de recevoir le viatique, & d'aller „ paroïtre devant un juge a qui 1'on ne „peut rien cacher, il profeifa publi„ quement qu'il n'étoit point l'auteur „ des couplets qui Pont fait condamner „ a fortir de fa patrie. Dans une telle „ conjonérure, on ne cherché point a „ en impoferaux hommes. II m'arépété „ plufieurs fois la même chofe dans le „ voyage qu'il a fait k Paris, & il ne „ refte aucun doute fur cet article ». Quelque complette que me parohTe la juftification de Roujfeau, j'aurois pu lui donner encore un degré fupérieur d'évidence, en mettant dans tout fon jour Patrocité de fes ralomniateurs, fi M. Racine ne s'étoit pas mêlé de 1 edi-' rion du recueil de fes lettres. C'eft lui-  attribués d J. B. Rouffeau. 399 même qui nous apprend que , par une injufte délicateffe, il a fait fupprimer ce qui auroit pu confondre les ennemis de la gloire & de la perfonne de Rouffeau. Dans une lettre qu'il écrit a 1 'éditeur de ce recueil, il lui mande : «< je » vous exhorte a fupprimer plufieurs de » ces lettres qui, loin de lui faire tort, 3> font voir qu'il a été cruellement dé» chiré, & d'une manière bien perfide, ij par des hommes qui ne lui avoient 33 que des obligations. C'eft pour 1'honj3 neur de la lictérature qu'il faut »3 anéantir des faits fi odieux. Laiffons >3 dans leur bonne opinion ceux qui 33 croient que les belles-lettres répan33 dent toujours, dans ceux qui les culj3 tivent, cette humahité qu'annonce 03 Pépithète que nous leur donnons en 33 latin jj. Je le demande : ce motif pouvoit-il être fuffifant aux yeux de Péquité, pour empêcher de démafquer la calomnie , & de rendre fon luftre a 1'innocence opprimée ? Cette confidération n'autotorife-t-elle pas le crime a s'armer avec avantage contre la vertu? Faut-il donc que la gloire attachée aux belles-lettres procure 1'impunité aux fcélérats qui les cultivent ? M. Racine a, dans fes mains.  40O ff. des cnu. at. dJ.B.R. la preuve qu'u .j homme donc il admiroit les tajeots & la probité, a écé la viéttme de 1'ingracirude & de la perfidie; ilfupprime cecce preuve, & laiffe a.ringraticude& d la perfidie, tous lears avancages!  RELIGIEUSE r&ÉTENDVE HERMAFHROBITE. j4.NGÉLiQUE de la Motte d'Apremonl entra, au commencement de i'année i6z$ , en qualité de novice, dans Pabbaye de BlefTac. Une indifpofition Pobligea d'en fortir. Au jnois de novembre de la même année , elle fut admife, en la même qualité, dans le monaftère des filles-Dieu de Chartres, ordre de S. Auguftin. La dame Anne de Salar de Bouron , tante maternelléde lademoifelle cl'Apremont, en étoit prieure. II ne paroit pas que, jufqu'a ce moment, rien eüt annoncé, dans cette fille,' »i une conformation, ni des inclinations extraordinaires & vicieufes. Elle prononca fes vceux, dont Pafte fut conlïgné dans les regiftres publics. Elle vécut, dans ce couvent, pendant plufieurs années , fans donner lieu a aucun reproche fur fa conduite, foit quant aux mceurs, foit quant a Pobfervance de la rcg!c. Depuis 1644, jufqu'en 1649 , elle. fortit plufieurs fois du couveat pour  402 Religietife prétendue Venir a Paris; 8c toujours avec la permiffion par écrit des grands-vicaires de Pévêque de Ghartres. Mais elle étoit alors agée de plus de 40 ans, 8c fa vie paiïëe n'avoit pas donné lieu de foup•conner que ces forties, qui étoient motivées , tantöt de quelque maladie, tantót de la pourfuite de quelque affaire, euffent des caufes criminelles. En 1651 , la dame de Salar, agée de 71 ans, réfigna fon prieuré a la fceur üApremont fa nièce, en forme de coadjutrice : elle étoit alors agée de 45 ans* Sur la nomination de M, le duc d'Orléans, elle eut fon brevet du roi, & fes bulles de Rome , le 13 feptembre de la même année. Elle prit polfeifion du prieuré, le 19 feptembre, avant que fes bulles fuffent arrivées, 8c la réitéra le 1 o février 16" 51, après les avoir recues. Tous ces aftes n'éprouvèrent aucune contradiéHon. 11 ne paroiffoit même pas qu'on put lui reprocher aucune incapacité ni réfultant de fa perfonne, ni réfultant de fes mceurs. Sa tante mourut le premier juin 16< 4. Cette mort rendit la dame d'Jpremont titulaire du bénéfice, dont elle prit, de nouveau, poffeffion , le premier juin fuivant.  hermapkrodite. 403 Dans la mèrae année, M. Lefcot évê-* I que deChartres,faitdéfenfesdcettenouvelle prieuré de recevoir aucune novice a la profeffion, apeine de nullité, jufqu'a ce qu'il eüt fait fa vifite. Cette défenfe ne formoit aucun préjugé ni contre 1'état, ni contre les mceurs, ni contre 1'adminiftration de cette fupérieure.Quatrereligieufes feulement compofoient toute la communauté des filles-Dieu de Chartres. II pouvoit fe faire que le prélat fongeat a. | fupprimer un monaftèrefi peu nombreux qu'il étoit impoffible que la régie y füt 1 obfervée, ou a le réunir a un autre. < Un grand-vicaire du diocèfe fit une vifite, dans lecouvent; & tout ce qui I réfulta de cette vifite, fut que deux I religieufes, fous différents prétextes, I demandèrent a fortir du monaftère. Quelle conféquence peut-on tirer de-ld, contre la prieuré ? Combien de religieufes ne feroient pas la même demande , fi elles croyoient être exaucées! M. levêque de Chartres mourut fur ces J entrefaites, & fans avoir prononcé au- I cun jugement. Le vifiteur de 1'ordre fit aufli une vi- I fite, le 19 mai 16^5 5. Celle-ci eft un j peu plus défavorable a la prieuré. Son procés-verbal porte qu'il n'y a point de  404 Religimfe prkendue clöture, que la föeur de Vilkmorlhu. a voulu paiier en fecret j mais que la prieuré Ten a empêché, qu'il a réitéré la défenfe de recevoir les novices a profellion j que la prieuré a refufé de figner le procés-verbal, & en a même empêché la leéture par le bruit d'une fonnette. Ce détail annonce qu'il y eut de 1'humeur entre ce viliteur & la religieufe ; mais on n'y voit rien qui annoncat des dérèglements, ni des infraétions feandaleufes a la régie. D'ailleurs les préjugés qu'ils pourroient faire naitre font détruits par un autre procés-verbal de vifite faire par le chapitre de Chartresy le fiège étant vacant, en ocfobre 1^5 6. Les commiifaires trouvèrent, dans 1'ef-. prit de la prieuré, une fupériorité fans orgueil, & dans celui de fes religieufes , une obéilfance fans contrainte, toute la diftribution de leur tems & de leurs ceuvres fort utilement faite , & conforme a la régie de S. Auguftin : la maifon bien règlée : un confefïeur fort zèlé : la cloture gardée. La vifite n'aboutit qua ordonner q.ue la grille d'un parloir d'enhaut füt rendue plus régulière, & qu'une porte du couvent füt achevée. Cependant, un an après la mort de  hcrmaphrodite. 40 la fceur de Salar de Bouron, la foeur Dam'dly, religieufe de Clairets, ordre | de Ckeaux , obrint, en cour de Rcme, des provilions du prieuré des filles-Dieu | de Chartres, comme vacant par le décès de la faun" de Salar; ou, portoient les bulles, quel que foit le motif I de cette vacance, le bénétïce eft accordé, : par le pape, d 1'impétrante : per obitum, li aut alio quovis tnodo. Ces bulles contenoient encore une autre claufe , qui étoit elfentielle, vu les circonftances oü fe trouvoit la fceur \ Dam'dly. Elle étoit religieufe , Sc avoit | fait fes vceux dans 1'ordre de Cïteaux : | or elle ne pouvoit polféder un bénérice f dans 1'ordre de S. Augufiin, fans y être L transférée : la bulle contenoit la claufe de cette tranflationj pourvu, néanmoins, | que 1'ordre oü elle alloit entrer., füt plus ou au moins auffi auftère que celui qu'elle quittoit. Duin medo ibj par vel arcdor vigeat obfervantia. Autremenc la grace étoit nulle : alïcquin prafens * grada nulla. Sur ces bulles, la fceur Damilly prit poffeffion , le 3 feptembre 165 5 , trois ans , fept mois après la fceur d'Apremont. Celle-ci forma oppofition d cette prife de poifeffion. Lafoeuröa/ni//y,obtintf'  406 Religieufe prétendue le premier oótobre 1655 , au grandconfeil, commiffion, a 1'effet de fe faire maihtenir dans la poffeffion qu'elle avoit prife. Les chofes reftcrent en cet état, pendant fix ans- Ce long filence fembleroit autorifer a préfumer que la fceur Damïlly avoit abandonné une pourfuite a. laquelle on 11e voit aucun prétexte. Les titres fur lefquels la poffeffion de la fceur d'Apremont étoient fondés , paroiffoient hors d'atteinte. Nomination de M. le duc d'Orléans 3 comme apanagifte : brevet du roi fur cette nomination : bulles du pape : prife de poffeffion réguliere Sc fans oppofition : jouiffance paifible pendant plus de trois ans. Quant a la régularité de la prieuré Sc de fon monaftère, nulle preuve de dérangement, ni même de relachement : les proces - verbaux annoncent, tout-au-plus , un peu de négligence fur 1'exaétitude de la clöture : mais on ne voit pas qu'il y eut aucun fcandale a ce fujet. Quel motif avoit donc pu déterminer la démarche de la fceur Dam'dly ? Si elle parut garder le filence, pendans fix ans, elle ne reflapas, pour cela, oihve. Elle obtint fecrétement per{niflion d'informer des vies Sc mceurs  hermaplirodite. 4e? de Ia fceur d'Apremont, de fa conforrnation perfonnelle , 8c de la vie criminelle de quelques-unes des religieufes foumifes a fon gouvernement. De cette information , Sc des perquifitions qu'elle fit, il réfulta que la fceur Duvivier vivoit habituellement dans le crime avec des vignerons du voifinage qui entroient dans le convent par cette même porte qui n'étoit pas achevée, 6e que les commiifaires du chapitre avoient ! ordonné d'achever; 8c qu'elle avoit été féconde, au moins une fois. Mais, difoit-on , pour la défenfe de * la dame d'Apremont 3 fi quelques religieufes font tombées dans le défordre, pourquoi en accufer & en punir la prieuré ? Elle doit veiller, fans doute, a la conduite de celles dont le foin lui eft confié. Mais il y a des défordres qui trompent toute la prudence hurnaine. Ceux quis'abandonnent auxplaifirs criminels de 1'amourévitent tous les yeux, prennent toutes les précautions pofiibles pour fe dérober a tous les regards, 8c écarter, même jufqu'a 1'ombre du foupcon. li ne faut donc pas que la fupérieure foit refponfable d'un crime qu'elle n'a pu connoitre, ni, par-confér quent, empêcher.  4.08 Religieufe prétendue Cette réponfe auroit pu excufer la négligence de la fupérieure, fi la clóture du convent, dont elle eft fpécialement chargée, eüt été obfervée. II faut cependant convenir que ce motif n'eüt pas été un motif de deftitution, fi la prieuré eüt été exempte de crimes perfonnels. Mais il réfultoit, de la même information , que la fceur d'' Apremont avoit abufé de fon fexe , & avoit, a cet effet, féduit de jeunes filles : une de fes complices avoit même dépofé de ce fait. Le défenfeur de la dame & Apremont fe récrioit contre ce témoignage. Quoi! difoit-il, la complice du crime fera témoin contre 1'accufée d'un même crime ! Toutes nos loix <5c nos maximes s'élcvent contre ce témoignage. On écoutera un témoin qui dépofe de fa propre turpitude, pour en faire fupporter la peine Sc le fupplice a un autre! Les deux criminelles tiennenta leur crime comme a une chaine \ & de ces deux efclaves du pêché, on fouffrira que 1'une couvre 1'autre de fon infamie „ & 1'afferviffe encore plus étroitementa fon efclavage! Ce crime, que ce témoin auroit dit avoir partagé, n'eft-il pas le reproche de fon témoignage? Y en eut-il jamais un jneilleur 5c plus recevable? Encore  hermaphrodlte. 40* Encore, fi ce témoin étoit accufé; fi on lui faifoit fon procés; fi, dans fort interrogatoire, il déclaroit fon complice: en ce cas, la juftice peut avoir quelque égard a fa dépofition, qui pourtant n'opéreroit pas feule la convicftion de la perfonne qu'elle accuferoit. Mais qu'une perfonne qui n'eft point accufée avoue fa honte, pout 1'étendre jufque fur une autre ; demeure daccord d'un commerce infame, pour en faire tomber le reproche fur fon infame complice , elle ne peut fervir qu'i tendre des piéges pour faire punk 4in innocent tout-au-plus, pour perdre peut-etre un crkninel, & fauver ui% coupable. ; Après-tout, ce témoin, q«i charge ainfi la dame d''Apremont, s'en avife bien tard. Dans la vifite qui fut faite en 16 s 5 >011 entendit toutes les religieufes • tmrent-elles ce langage ? Qui a donc pu faire changer celle-ci, fi ce n'eft la féduóhon ? Si cette telicienff» eb* f*>„t^ j' /v tcuc nature, öc li la dépoIfinon n'eut été appuyée de circonftances qui la corroboroient, il eft certain iqu'elle n'auroit produit, tour-au plus, ique des foupcons qui n-'auroient jatnai» Tome VU. £  41 o Religieufe pretendue pu conduire a un j ugement. Mais on rapportoit une lettre écrite par la pneure a cette religieufe; lettre qui refpiroit l'amour le plus ardent & le plus criminel. D'ailleurs , il étoit prouvé que celle-ci n'étoit pas la feule perfonne du fexe qui eüt étél'objet des débauches de la fceur d'Apremont. Enfin il étoit conftant que cette prieuré ne s'étoit pas bornée aux perfonnes du fexe, pour affouvir fes monftrueux defirs; elle avoit auffi provoqué des hommes, & les avoit fait fervir d'inftruments a fes abominations (i). ■ II fuivoit de ces faits que la fceur d'Apremont devoit être rangée au nombre de ces êtresextraordinaires que Ion appelle hermaphrodites. D'oü 1'on concluoit qu'elle étoit incapable de poiféder aucun bénéfice, que, par-confé-i quent, fes prifes de poffeffion n'avoient opéré aucun effet, & qu'ainfi le prieuré des filles-Dieu étoit toujours refté vacant, depuis la mort de la fosur de Salar. par une conféquence nécefuire, on (i) Ce que j'ai dit, tome VI, page 414; doit faire entendre comment s'exécutoient ces operatións monftrueufes , qui font incornpatibles dans les fujets régulièrement orga«ifés.  hermapïirodite, ' 41 r prér-endoit que la fceur Dam'dly avoic été légitimement pourvue de ce bénéfice, qui étoit vacant de droit, lorfqu'elle en avoit pris poffeffion fur la collation du pape accordée a la nomination du roi, & a la préfentation de M. le duc d'Orléans* Ainfi , dans ce fyftême, la réfignarion faite par la fceur d''Apremont, d la fceur Tiercelin , de ce bénéfice , étoit nulle; paree que, n'y ayant jamais ea de droit, elle n'avoit pu en donner 2. perfonne. Ces raifonnements partoient d'un faux principe. Les crimes reprochés i la fceur d'Apremont ne font point dans la lifte de ceux qui font vaquer les bénéfices ipfo faclo ; ils font feulement matière a un jugement qui déclaré le bénéfice vacanr. Mais, tant que ce jugement n'eft point intervenu, le titu,laire pofsède toujours, fon bénéfice n'eft pas vacant. On ne peut donc ni Tobtenir légitimement, ni en prendre poffeffion. La fceur Dam'dly n'a donc aucun droit au prieuré qu'elle réclame. Elle n'a, par-conféquent, point d'intérêt d pourfuivre. 1'accufation qu^elle a intentée. Car , en fuppofant que cette accufation füt fondée, & qu'il en fuivït Sij  412 Religieufe prétendue une condamnation contre 1'accufée, le benefice ne feroit vacant que du moment de cette condamnation, & n'appartiendroit pas a 1'accufatrice qui ï'a obtenu dans un tems oü ellene pouvoit 1'obtenir, puifqu'il étoit rempli. Refte a fcavoir fi 1'état d'hermaphrodite imputé a la fceur & Apremont n'opère pas, en fa perfonne, une incapacité telie que le bénéfice dont elle jouit n'eüt jamais puréfider fur fatête. Alors, non-obftant fes provifions & fa prife de poffeffion, il auroit vaqué, de droit, a la mort de la fceur de Salar ; la fceur Dam'dly 1'auroit légitimement obtenu, & en feroit la véritable titulaire. Mais, i°* Aucun texte de droit ne met 1'état d'hermaphrodite au nombre des vices qui opèrent 1'incapacité de pofféder des bénéfices, & nous voyons que toutes les loix civiles admettent ceux qui ont ce défaut, a toutes les fonttions, même publiques, qui font du reffort des perfonnes du fexe qui prévaut dans 1'hermaphrodite. On croyoit alors que ces êtres extraordinaires participoient aux deux fèxes, mais plus ou moins a 1'un qu'a 1'autre. i°- Mais oü eft la preuve que la fceur $ Apremont foit dans ce cas ? Elle a été  hermaphrodite. 413 fecue, au moment ou elle eft venue au monde, au nombre des êtres vivants, fous la qualification de fille, elle a été élevée comme fille, elle a été recue religieufe comme fille, elle a été nommée coadjutrice comme fille, elle eft devenue fupérieure comme fille , il y a cinquante-cinq ans qu'elle eft en poffeffion de fon état de fille, & trente-fix ans de celui de religieufe. Elle a donc prefcrit irrévocablemenr fon état. Et, quand elle auroit le défaut qu'on lui reproche, elle feroir dans le cas des loix qui Veulent qu'on s'attache au fexe qui prévaut, & que la nature indique, La fceur d''Apremont ayant, fuivant ces loix, choifi fon fexe, il y a cinquante ans, ou du moins depuis qu'elle eft dans Page de raifon, fera-t-on recu a troubler fon état ? ., C'eft en vain que Pon demande que la fceur d'Apremont foit vifitée, a 1'effet de vérifier fa conformation. Mais, outre qu'une pareille vifire eft contraire aux bonnes mceurs, aux loix de la puteté, & au refpeét dü a une vierge confacrée a Dieu, qu'en réfulteroit-il ? Quand même lafceur A'Apremont feroit telle que le prérend la fceur Dam'dly , quand elle participeroit aux deux fexes,  ■ 414 Religieufe prétendue il feroit toujours conftant que le fexe féminin prévaut chez elle. Sa conformation ne 1 auroit donc pas rendue incapable du bénéfice qu'elle pofsède; il ne feroit donc pas vacant : il n'apparïiendroit donc pas a la fceur Dam'dly. Sur ces moyens refpe&ifs, inrervint arrêt au grand-confeil, le 29 décembre 1661 , par lequel il fut ordonné « qu'a» vant faire droit, le procés feroit fait » & parfait par PofKcial de Chartres a i' la dame d''Apremont 3 & a Ia fceur » Duvivler, a la charge du cas privi» légié, pour lequel il fut dit qu'afiif>j teroit le lieutenant-criminel du bail» lage de Chartres, lequel' feroit pa» reillement le procés a toutes les per§3 fonnes féculières complices des cas &C 3j crimes imputés aux fceurs d'Apremont >y 8c Duvivler; circonftances & dépenm dances: qu'a cette fin les charges Sc >3 informations feront portées, & ladite » Duvivler transférée dans les prifons 33 de ladite officialité : &c "cependant 33 qu'il fera pourvu a l'adminiftrarion 33 dudit prieuré par 1'évèque de Charw tres, dépens réfervés, & fans que le » préfent arrêt pui Me nuire a la fcEiir ss Tïercelin réfignataire de la fceur d'A33 premont 3»,  hermaphrodae. 41 <£ Le procés ayant été porté a Chartres, k. inftruit par 1'ofhcial Sc le lieucenantcriminel conjointement, ces deux juges « déclarèrent la fceur & Apremont at» teinte Sc convaincue d'avoir abufé » de 1'un 8c de 1'autre fexe avec des n hommes & des femmes, 8c d'avoir j» féduit de jeunes filles >>'. En conféquence, 1'official « déclara *> fes vceux nuls Sc invalides, & fon » bénéfice vacant Sc impétrable de • droit Sc de fait} ordonna que fes n habits de religieufe lui feroient otés; » qu'elle garderoit prifon perpétuelle; » 1'ufage des facrements lui fut interr, dit, jufqu'a ce qu'elle füt en péril de >> fa vie Le lieutenant-criminel « condamna »> la fceur d'Apremont a faire amende » honorable devant la porte de 1'éghfe » dii monaftère, 8c la, dire que mécham» ment 6c fcandaleüfement elle avoic « abufé de 1'un 8c de 1'autre fexe, 8c » avoit corrompu de jeunes filles, dont n elle fe repentoit, demandoit pardon » a Dieu, au roi, a la juftice 8c a la » communauté du couvent; 8c enfuite » qu'elle feroit attachée a. un poteau » qui feroit dreffé devant 1'églife du ». couvent, pour y être étranglée, 8c Siv  416 Religieufe prctendue » Ion corps etre enfuite brülé avec fo* » proces ». Par Ie même jugement, «« fe fceur » Duvivier futdéclarée atteinte & con» vaincue d'avoir eu commerce avec » quelques vignerons du voifinage, & «condamnee a accompagner Ia fceur » d ^™»«,« a fon fupphee, a I'amende « honorable, &a jeuner ». L'affaire ayant été portée par appel au grand-confeil, on ordonna que la iceur Apremont feroit vifitée. On nomma quatre médecins , quatre chirurgiens, & deux matrones, qui tous furentd avis qu'elle avoit les deux fexes. Mais il ne furent pas d'accord fur celui qm prevaloit. La plus grande partie jugeoit néanmoius que c'étoit le mafculin,_& tous convenoient qu'elle ne pouvoit ni engendrer ni concevoir par les defauts effentielsde fon organifaftcm. Wie etou con vaincue d'avoir plus abufé du fexe de 1'homme, que du fexe de la femme Elle avoit fouffert, & même Javonfe les débauches de 1a fceur Dumvier. La fentence fur néanmoins infirmée par arret du grand-confeil. «La dame » d Apremontfutcondamnée feulement a avoir le fouet par la main du bourreau  hermaphrodite. 417 w en feeree Sc en prifon, Sc k être en»> fermée le refte de fes jours, & fes » bénéfices déclarés vacants & impétra-r » bles. La fceur Duvivier fut condamnée >j a avoir pareillement le fouet fous la » cuftode, & k être enfermée aux mag»> delonnettes a Paris, le refte de fes » jours ». Je n'ai pu me procurer une connoiffance de cet arrêt plus particuliere, que celle qu'en donne M. Gayot de Pitaval, J'ignore ce qu'il a prononcé fur la demande de la fceur Tiercelin réfignataire , qui avoit préfenté une requête au grandconfeil, le zz décembre 1661, afin d'être recue partie intervenante, d'être maintenue audit prieuré en vertu de la réfignation a elle faite, & d'être autorifée a prendre palfefiion fur un certificat de banquier, dans une cbapelle ds 1'églife de S. Germain-de-l'AuxeEois \ d la charge de la réitérer fur les lieux , quand elle auroit obtenu fes bulles eu cour de Rome. Sur cette demande, le confeil, par fon arrêt du 19 du même mois, avoit exprefïément réfervé les droits de la réfignataire- 11 étoit donc biendifücile qu'il n'en fit pas mentiora dans fon arrêt définitif. Fut-elle mabv-  >}i8 Religieufe prêtendue tenue, ou fut-il ordonné qu'elle inftruiroit plusamplement? Fut-elle déboutée de fa demande ? Si elle en fut déboutée, eft-ce pour raifon de 1'incapacité de la réfignante, ou parle défaut de 1'expédition, ou de 1'arrivée de fes bulles ? II feroit important d'avoir des éclairciffements fur cet objet : on fcauroit fi le confeil a jugé que la fceur & Apremont étoit incapable par elle-même, & en conféquence de fa conftitution naturellende pofféder des bénéfices: ou ft cette incapacité a réfulté feulement de fes crimes, Sc de la condamnation qui a été prononcée en conféquence. La fceur Damilly, de fon cóté, ne pouvoit pas être maintenue. Elle étoit d'un ordre différent de celui duquel dépendoit le bénéfice. Les bulles qu'elle avoit obtenues prononcoient a la vérité fa tranflation : mais fous la claufe expreffe que 1'ordre oü elle entroit feroit autant ou plus rigide que celui qu'elle quittoit; autrement la grace étoit nulle ; alioquin graüa nul/a. Or il eft conftanr que 1'ordre de Citeaux, d'oü elle vouloit fortir, eft plus auftère que celui de S, Auguftin oü elle vouloit entrer. Sa tranflation étoit donc nulle, aux termes  J hcrmaphrodite. 419 mêmes de la bulle qui la contenoit. Elle étoit donc incapable de pofféder le bénéfice qu'elle pourfuivoit. Voici une hiftoire que M. Gayot de "Pitaval a inférée a. la fuite de la précédente. Le bruit fe répandit a. Caftres que le fieur Rafanel 3 précenteur de 1'églife cathédrale, étoit hermaphrodite, Sc ce bruit fut accrédké par les calvinifles. Le fieut Delmas, prébendier de la même églife, prit droit de ces bruits „ pour jetter un dévolut fur ce bénéfice» La caufe portée devant le fénéchal de Carcaffonne, il fut ordonné , fur 1'offre du fieur Rafanel 3 que celui-ci feroit viiité , a- la charge que le fieur Delmas fe mettroit en prifon, Sc fe foumettroir; a payer 3000 liv. d'amende, que la. vifite feroit faite par deux médecins Sc deux chirurgiens, & qu'il feroit donné caution pout le paiement de i'amende. Le fieur Delmas interjetta appel de ce jugement au parlement de Touloufe» II prétendit que la fentence étoit d'autant plus injufte, que le dévolutairen'étoit obligé de configner que 300 liw Le fieur Rafanel foutint que 1'accufation' intentée contre lui étant infamante ëc fcandaleufe , contre un prêtre conftitué en dignité, il étoit jufte qu'au cas que; Sv)  4*0 Religieufe prétendue le fieur Delmas fuccombat, il donnat cauuon : &, quoique cette vifite düt lailfer des impreflions défagréables dans les efprits, il vouloit bien le foumercre a cette épreuve , pour convaincre fon adverfaire de calomnie. Leparlementretintlacaufe, & ordonna, fur Porfre du fieur Rafanel de fe faire vifiter, que tous deux fe conftitueroient prif/onniers, le 15 juin 1652. Le même arrêt nomma deux médecins & deux chirurgiens, pour procéder a cette vifite devant un commiffaire de la cour , a la charge d'y procéder dés le lendemain. Le fieur Rafanel fut vifité. On ne lui trouva aucune marqué du fexe féminin. II demanda réparation de la calomnie. Les deux avocats firent tous leurs efforts, 1'un pour exagérer 1'affront que fa partie avoit fouffert ; 1'autre pour atténuer le crime du fieur Delmas, qui s'étoit lailfé féduire par Popinion du public» Après les plaidoieries refpedfives, 1» Cour, fur lechamp, envoya chercher le fieur Delmas, & ordonna qu'il fe mettroit agenoux dansle parquet d'audience , & demanderoir pardon a 1'é.glife, au roi, a la juftice & a Rafanel, de ce que témérairement, frauduleu-  hermaphrodite, 421 fement & calomnieufement il 1'avoic accufé d'êcre hermaphrodite; le condamné d'ailleurs en 200 liv, d'amende envers la partie, & 100 liv. en ceuvres pies, &c aux dépens. Elle ordonna, en outre, qu'il feroit pareille fatisfaótion a la porte de 1'églife cathédrale de Caftres , en préfence du chapitre & des confuls. Le fieur Delmas s'acquitta de cette réparation a 1'audience , demanda pardon deux fois au fieur Rafanel, qui lui dit, la larme a 1'eeil, qu'il lui pardonnoit de bon cceur. L'arrèt eft remarquable par la fingularité du fait, & paree que le parlement s'abftint de prononcer aucune peine qui reudit irrégulier le fieur Delmas, qui s'étoit laiffé féduire par un faux bruit, que fa cupidité avoit réalifé a fes. yeux. Cet éccléfiaftique , il faut 1'avouer , étoit cependant bien défavorable. Je doute que 1'on doive ménager un homme qui ne craint pas de couvrir urn prêtre d'infamie, pour envahir fon bénéfice ; & qui ofe recourir at la procédure la plus éclatante, pour affouvir fa cupidité , fans autre fondement qu'urt bruit populaire 1 & ce bruit n'étoit fon.de  $11 Relig. prétendue hermaph. que fur ce que le fieur Rafand ne prit les ordres que fept ans après qu'il fut chanoine, quoiqu'il eüt 1 age fuffifant; & fut ce qu'il n'avoit dit qu'une feule fois la melfe en fa vie.  MARIAGE ATTAQUÉ, CONFIRMÈ PAR ARRÊT. IjE fameux comte de BuJJy Rabutirt joue un des principaux róles dans cette affaire. Je 1'ai fait connoitre, par une note, qui fe trouve au tome VII, page 328 ; je n'en parlerai pas davantage. Quant a 1'afFaire dont il s'agit ici, je ne la ferai connoitre qu'en copiant les. mémoires que le fieur de Ia Riviere fit imprimer dans le tems ; je ne pourrois. y toucher fans leur faire tort. Je croyois, dit-il, qu'il ne feroit pasimpoffible au tems de modérer des fureurs injuftes, & que lage pourroit peut-être remplacer la raifon dans une jête de 70 ans. J'efpérois même,fuppofé que le fieur de BuJJy me méprifat: autant qu'il dit, qu'il apprendroit, de jna conduite, a ne pas fe donner^ la peine de haïr ce qu'on n'eftime pcinr. Cependant rien ne lui peut fairequitter fon train naturel d'impoftures t il eft plus vif que jamais fur la calomnie t  414 Manage attaqué, il écrit jour & nuit contre moi; & il veut foutenir, jufqu a la dernière goutte de fon encre, la guerre-qu'il m'a déclarée. Bien loin de faire fervir fon efprit a fa colère, fa colère a éteint ce qu'il avoit d'efprit ;Sc, quoique le public nedaigne plus s'amufer de fes ouvrages , ni moi m'enoffenfer, il fe divertita combattre avec des armes qui ennuient tout le monde, qui ne bleffent perfonne, Sc qui ne deshonorent que lui. Je ne réponds pas a fes injures par des injures : il y a long-tems que fa conduite & fa réputation m'ont prévenu dans tout le mal que je pourois dire de lui. Je ne prétends pas non plus en dire du bien; car je n'aime point a parler pour n'être cru de perfonne. Je veux donc fimplement donner a mes juges les titres de mon mariage, Sc mettre en évidence une vérité qu'on n'a pu détruite; mais qu'on a voulu obfcurcirpar toutes fortes de fauffetés Sc de chicanes. Le fieur de la Rivihe donne enfuite la copie de fon mariage avec la marquife de Coligny, fille du comte deBujffy], des lettres qu'elle lui a écrites, des preuves de la groffeffe de cette dame, de la naiffance de leur enfant, & de plufieurs ades qui prouvoiem leur ma-  confirmê par arrêt. 425 tiage } & ajoute : Je ne penfe pas qu'avec de pareilles preuves , il y ait de mariage mieux établi que le mien, ni de naiffance plus cercaine que celle de mon fils. II eft vrai que, n'ayant point appris comme 1'on fe marioit, je n'ai pas figné le regiftre , quoique la dernière ordonnance aic enjoint aux curés d'y faire figner les parties, pour les baptèmes & les mariages. Mais , comme ce n'eft que pour une plus grande précaution, elle ne dit point d peine de nullite. Quand il eft queftion d'un facrement, elle confeille, plutöt qu'elle n'ordonne \ &c les juges, qui font les véritables interprètes, fcavent bien que 1'efprit de 1'ordonnance n'eft point d'annuller, par un défaut de fignature, un mariage fait devant fon propre curé entre perfonnes majeures & indépendantes. Un enfant ne feroit donc pas chretien, dont le parrein n'auroit pas figne le baptiftaire ! Le mariage ne dépend point de ce qui fe fait après. Le curé n'eft que le premier témoin : Dieu feut confère le facrement. II ne demande que le confentement des parties; &, comme il voit jufqu'au fond des cceurs, il laiffe aux contrats civils la néceftité des ligna» rures, pour en afturerles conventions,.  42,6 Mariage attaqué, Mon mariage, & 1'état du regiftre qui en fait foi, font entiérement conformes aux décrets des fainrs conciles. J'ai époulé une femme agée de trentehuir ans, veuve, & libre par les loix. Elle me fomme de confentir a la diffolimon du mariage qu'elle a fait avec moi; elle appelle comme d'abus de ce mariage : donc il eft fait. Elle avoue ellemême ce qu'elle nie : en plaidant pour n'être point mariée, elle dit qu'elle 1'eft t elle eft vaincue par fes propres armes. Mais , en fecret, elle applaudit a fa défaite;elle nattend fon honneur que de ma viétoire ; &, quelque conduite que fon père lui faffe garder, on ne perfuadera jamais qu'une femme de fon mérite renonce de bonne foi fon mari & ion enfant; marche, de fon bon gré, fur fa religion, fur foir honneur, fur la liberté de fa condition, & fur une paffion légitime. Quoique le fieur de Bujpy ne foit pas partie capable pour contefter mon mariage, fa fille étant agée de trente-huit ans, il eft aifé de voir que je n'en ai point d'autre que lui. Perfonne n'ignore qu'il eft le principe & le foutien de la pourfuite odieufe, dont le fuccès qu'il cherché déshonoreroit a jamais fon propre  confirmè par arrêt. 427 lang : Sc chacun regarde ce père crue! comme le tyran de fa fille, le perfécuteur de fon gendre Sc de fon perit-fils, éc 1'ennemi de lui-même. II n'y a impofture qu'il ne falfe imprimer Sc plaider tous les jours contre moi; Sc il vient encqre de faire prendre a fon avocat la matière de fa réplique dans des pièces qui viennent d'être déclarées fauffes, avec toutes celles dont il s'étoit dé'yï fervi. Ce mémoire donne une idéé légere de raffaire. En voici un autre 3 de la même main, qui la fait mieux connoitre par les détails dans lefquels il entre. Le fieur de Bufty , ne fcachant par oü foutenir la pourfuite odieufe qu'il a eu 1'aveuglement d'intenter contre moi, a pris, jufques ici, toutes fes raifons dans fes injures 5 &, fans fonger que fes injures n'étoient pas des raifons, il a mis Ia confiance de fon droit en dix-huit libelles diffamatoires, oü il n'y a ni efprit, ni vérité. Comme il eft connu pour auteur fatyrique de profeflion, je 1'ai laiflé travailler de fon métier: je me fuis repofé de ma réputation fur la fienne ; Sc 1'envie de plaire a mes juges par une conduite aufli touchante que ma caufe eft jufte, m'a fait garder un filence dont.  42.8 Mariage attaqué, malgré les égards de gendre a beau-père, je n ecois que trop difpenfé. Cependant, comme quelqu'un pourroit entin infulter a ma patience, & actribuer a foiblefïe 1'eftet d'une modération convenable a la qualité de mon procés ; j'ai cru qu'il étoit a propos de me mettre en vue aux gens qui ne me connoiffent point; & que, fans donner a mon récit d'autres parures que celles de la vérité, je devois dire au public un mot de moi & de mon affaire. Par bonheur pour Ie fieur de BuJJy, mon beau père, je fuis négentil-homme; Sc je commence par donner un démenti imprimé a quiconque diroit le contraire. U y a eu des charges dans ma maifon ; Sc les gens de mon nom s'étant alliés a des demoifelles, j'ai cru que j'en pouvois époufer une qui avoit moins de bien que je n'en avois naturellement. J'ai été élevé comme on élève les gens de qualité. J'ai foutenu, dans la fuite, les foins de mon éducation. J'ai acquis de l'eflime dans ma profeilion, Sc des agréments dans Ie monde. J'ai des amis, Sc je ne dois point mes ennemis a mes défauts. Je fortis de 1'académie a feize ans. J'allai a Ia guerre 1'année d'après. J'ai eu i'honneur de fervir auprès du Roi dans  confirmê par arrêt. 41$ toutes fes glorieufes campagnes : j'ai été aide de camp dans fes armées, Sc capitaine de chevaux-légers. J'ai coujours eu beaucoup d'envie de m'élever; 8c fi j'avois pu me faire une fortune felon mon courage, je n'aurois point de procés avec le fieur de BuJJy. La dernière paix étant faite, je me retirai en Bourgogne: je demeurois avec dame Chrijlïne-Charlotte-Paule de Rochechouart, ma fceur utérine. J'étois voifin, Sc fort connu du fieur de BuJJy : je ne fbngeai point a le voir. II s'offenfa de ma négligence, il m'en fit des reproches; il me preffa d'aller chez lui; Sc j'y fus , pour le malheur de ma vie. 11 avoit, auprès de lui, dame Lomfe de Rabutin, fa fille d'un premier lit, veuve, depuis long-tems, de meffire Gilbert de Langeac, fieur de Coligny. Le fieur de BuJJy exercoit, fur fa fille, un empire abfolument tyrannique. Sa familie lui avoit confeillé, plufieurs fois , de fe fervir-de la liberté de fa condition, pour fecouer un joug qui la rulnoit de toute manière. Elle mouroit d'envie de fe tirer de fervirude, Sc elle tne regarda comme un homme qui pouvoit aider ï fes deffeins. Elle me donHt d/abprd beaucoup de marqués de diiq  43o Mariage attaqué, tinótion. Ses lettres ont été reconnu es ^ Sc font produites au procés. 'Peu de jours après, plus preifée, je ■trois, par fes malheurs, que par mon mérite, elle m'avoua 1'eftime qu'elle avoit pour moi: nous nous fimes même une promeffe de mariage datée du mois d'o&obre 1679, produite au procés; Sc elle m'a dit que, quand je ne 1'épouferois que pour la tirer des mains de fon père, elle m'auroit roujours une obligarion éternelle. Madame de Coligny n'a de défaut, que d'avoir eu un père; &c je répondis bienrót a tous les fentiments dont elle m'honoroit. Au bout d'un an, je la demandai en mariage au fieur de BuJJy. 11 me 1'accorda a des conditions : fes lettres font reconnues Sc produites. Je les exécutai; & il m'a manqué de parole. Sa fille, outrée contre lui, réfolut de le quitter. Elle n'avoit point de maifon. Par contrat du 1 odobre i6$o , elle acheta la terre de Lanty, Sc elle y alla demeurer. Quelques mois après, le fieur de BuJJy fut obligé d'aller a Dijon. II gardoit fa fille a vue depuis douze ans. Elle me manda qu'il ne falloit pas laiffer échap|>er une occafion qu'elle cherchoit de-;  confirmè par arrêt. 431 puis fi long-tems, & qu'elle me conjuroit de partir pour Lanty aufïi-tot que j'aurois recu fa lettre. Dès que j'y fus, elle me dit que fon père nous ayant trompés, il falloit le réduire par la nécellité, & que notre contrat de manage étant figné dès le 4 mai i6~8i , ce qui faifoit plus de fix femaines, elle vouloit abfolument m'époufer. Notre mariage fut célébré en préfence de tous les domeftiques de la maifon , & de deux amies de ma femme. Quelques jours après, je la quittai, pour lui donner le tems de fe déclarer a fon père. Elle lui avoua fon état. II ne fe fouvint plus de 1'aveu qu'il m'avoit donné; & mon abfence lui donnant la liberté d'entreprendre tout ce que lui infpiroient fes mouvements condamnables, il emmena fa fille dans un couvent, &c la forca, le poignard fur la gorge, d'entrer dans un procés qui n'eut, & qui n'aura jamais d'exemple. Elle me manda, en m'envoyant un certificat de mariage, par une lettre reconnue & produite, qu'elle étoit entre les mains d'un barbare, qui la gardoir entre le fer & le poifon; qu'elle avoit, tous les jours, trente fois, la mort x waindre j que fon feul regret étoit de  "431 Mariage attaqué, ne 1'avoir pas encore trouvée ; qu'elle ine demandoit pardon de fa conduite, & qu'elle ne la gardoit que par une néceflité indifpenfable. Suppofé que la fille du fieur de BuJJy eut été un bon parti, je n'aurois rien fait, en 1'époufant, qne le fieur de Buffy n'eut fait a. ma place. Ainfi ce n'étoit point moi qui mérkoisfes reflenriments. Cependant, fans fonger aux raifons qu'il avoit de ne point outrer le caractère de père , il garda une conduite qui fit hotreur a tout le pays. II commenca a faire des manifeftes contre moi; & il eut même I'audace d'en envoyer un au Roi. Sa Majefté eut la bonté de vouloir bien que je lui donna/Te ma réponfe, les titres de mon mariage , & une connoifTance particulière du fond de mon procés. Cela n'a point empêché le fieur de Buffy de continuer fon imprudente entreprife. II n'a écouté ni les amis, ni les raifons, ni ma patience : il n'a fuivi que les fureurs fufpeftes des plus mauvais principes; & jn'a fongé, depuis deux ans , qua m'accabler des injures qu'il avoit deftinées a. cent perfonnes. L'honneur de fon alliance me coüte |>lus de la moitié de mon bien. II a recu, de  confirme par arrêt. 433 de moi, tous les refpects que je lui devois, Sc tous les refpeéts que je ne lui | de vois point, jufqu'a lui prêter de 1'argent. Cependant rien ne 1'a touché. Il fait des preuves de ma naiffance, que je lui aurois données plus juftes, s'il avoic été affez curieux pour me les demander. II m'öte jufqu'a la moitié de mon nom. Veut-il m'oter la vie ? Dois-je appaifec fa vanité irritée fi injuftement? Si quelque chofe m'a confolé dans une oppreffion fi longue Sc fi injufte, c'eft que j avois affaire a un homme con-, nupourn'avoir jamais épargné fes amis, ni la vérité même, en difant du bien de lui -y né dangereux la plume a la main Sc d'ailleurs le meilleur homme du monde. On n'eft pas furpris de lui voir atta* quer un facrement -y car ce n'eft pas la première fois qu'il n'a pas ménagé des matières refpeétables. Mais on ne peut comprendre le procédé d'un père qui ne travaille que pour déshonorer fon propre fang, en voulant détruire un ma-: riage qui'n'a d'autre défaut que de n'avoir pas été arrêté par fa vanité. Perfonne ne croit que j'ai époufé Ia fille du fieur de BuJJy pour avoir des protedions a la cour, des, amis dans le TomeriIU X  434 Mariage attaque, monde, ou du crédit en paradis. On fcait que c'eft un homme qui, étant né avec fix mille livres de rente, s'eft trouvé une fois plus riche que fon grandpère. Mais il n'y a point de proportiort entte l'accroiffement de- fa fortune, Sc Vaceroiflement de fon orgueil. 11 ne s'en tient pas a vouloir traiterde chimère un mariage de notoriété publique, Sc fait entre perfonnes indépendantes; il veut èncore fupprimer la naiflance d'un enfant qui en eft iflu; Sc c'eft en 1'honneur de cette entreprife qu'il a fait■ , depuis peu, un livre qui ne déshonore que fin auteur. Je ne réponds point en détail aux fauffetés dont il eft rempli : ce feroit donner du poids a 1'impofture. Je dirai feulèment qu'ayant feu la groflefle de ma femme par d'es lettres qu'elle m'a ccrites , depuis même qü'on la force de plaider contre moi-, Sc qui font reconnues Sc produites au procés, je téfohfs de veil'.er a la füreté de fon fruit, & dé ne le pas laifler a la merci d'un homme capable de tout. J'apptis donc, a force d'argent Sc de foins, que ma femme étoit partie de Lanty ; qu'elle avoit couché au faux-bourg S. Antoine; que, de-la, on 1'avoit ameuée Sc cachée  Confirmè par arrêt. 43 5 a Paris pour y faire fes cöuehes. Sur cela, je donnai au fieur de BuJJy un petit train a mes dépens. J'étois tous les jours informé des maifons ou il entroit, & je découvris enfin qu'il avoit mis fa fille è 1'hotel de Briffac, maifon garnie, rue des deux écus. Monfieur le lieutenant-civil le Camus y envoya un commiffaire a ma requête. Le père Sc la fille furent ttouvés & interrogés. La fille dit qu'elle s'appelloit Gabrielle Dumas s qu'elle étoit femme de Jacques Dupuis > gentilhomme de Bretagne. Le père fe nomma le fieur Dumas; Sc, comme c'eft 1'homme du monde le plus foible fur la louange, en lui difant qu'on connoiffoit par-tout le Grand-Bujfy Rabutin 3 il avoua que c'étoit fon nom. Ce fait eft prouvé par un procés-verbal produit au procés. Les interrogés refusèrent de figner leur dépofition; & Pon mit, i la porte de leur chambre j un exempt Sc quatre archers. Meffieurs le lieutenant-civil le Camus Sc procureur du roi de Rianty s'étanc tranfportés le lendemain fur les lieux, ils ne trouvèrent plus que les coffres oü étoient les hardes, la-vaiffelle Sc le portrait de ma femme. Tous ces faits fonr Tij  436 Mariage attaqué, prouvés par procés - verbaux produitSi Les magiftrats fcurent que les prifonniers «'étoient déguifés, & fauvés a Ia pointe du jour. Je remis mes troupes en campagne. On fuivit les fugitifs, & 1'on démêla leur marche Sc leur conduite. Le jour de leur fuite, ils fe retirèrent dans un moulin a Vaugirard. Ils n'en fortirent qu'a la nuit- U's allèrent chercher une retraite dans le faux bourg S. Germain, &, après beaucoup de peine , on les reent dans un cabatet de la me du Foijr, Le fieur de Bujfy , le lendemain au foir, alla chercher Boucher 1'accoucheur. Dès qu'il fut arrivé, ma femme accoucha. Boucher a dépofé de ces faits, & fa dépofition eft au procés. Dix heures après, on eut 1'inhumanité de la faire tranfporter dans une autre maifon, rue de la Planche. Elle y fut onze jours, Sc on la mena, de-la, dans le couvent des filles de Sainte-Marie, rue S. Antoine,ou elle parut arriver de la campagne, un peu fatiguée du yoyage. Le lendemain de fes couches, le fieur de BuJJy porta lui-même mon enfant chez une nourrice, dans la rue Champrleixri. Mefjjeurs le lieutenant-civil Sc  confirmé par drrêt. 437 procureur du roi s'y tranfportèrent; Sc cette petite cféature fut fecöurue fix heures après qu'elle fut abandonnée. Cette affaire fut portee & plaidée au parlerhent. La couf, informée de la vérité*, eut la bonté de donner un tuteul a mon fils. Ses jngesfont devenus fes protecfteurs. Tout le monde lui remplaee la Ï" itié que fon grand-père lui refufe ; & )ieu, qui a pris jufqu'ici un foin vifible de cet enfant, foutiendta 1'honneur en faveur de 1'innocence. J'ai d'autres preuves particulières & fans réplique, que je ne mets pas ici. Elles augmenteront, a 1'audience, la confufion du fieur de Bujfy; Sc toutes les faulfetés dont il fera convaincu , Ie rendront encore coupable de celles dont il m'accufe. Cependant, quelque fuite qu'il doive craindre d'une conduite qui fera bientót pénétrée, il court d la hortte avec confiance : il s'affure du bon fuccès de fon affaire, comme s'il étoit infaillible & irnpeccable. II dit que le parlement penfera plus d'une fois a faire ƒ erdre le procés a ün homme comme lui (1), Sc il chante, 1 (1) M. Gayot de Pitaval rapporte, k 1'occafion de ce trait, qu'un prélat infatué de Tiij  438 Mariaga attaque, comme il a toujours fait, fon ttiompbe avant fa vidoire. Quelle vidoire , bon Dieu, pour un père, qu'un gain de caufe qui déclareroit fa rille une inhrme, fon enfant illégitime; & cela par ,im arrêt du parlement inféré au greffe, pour le tems préfent, & pour la poftérité ! II y a deux ans que le fieur de Bujy me défigure par-tout le monde, &, quoique ma patience m'ait coüté plus que le refte de mes malheurs, je 1'aurois pouffée encore plus loin, fans 1'intéret de ma réputation. Je fcais ce que je dois au père de ma femme, & au grand-père de mon fils : mais je n'en fcais pas moins ce que je dois k moi-même. Nos premiers devoirs nous regardent, & je dois plus k mon honneur qu'a mon beaupère. J'efpère qu'il paroitra bientot devant des juges amis de la vérité, qui Ia démêlent quand on la cache, qui la défendent dès qu'ils la trouvenr, qui foutiennent 1'innocent contre le coupable, qui rendent juftice k tout le mond* avec une probité incorruptibfe. fa qualité difoit, en parlant d'une perfonne de fa familie qui mourut après avoir mené une vie déréglée : Dieu y penfera plus d'une fois, avant que de damner un homme d« cette qualité,  confirmé par arrêt. _ 439 Le comte de Bujfy fit intervenir, en fa faveur une foule de perfonnes de la plus haute qualité, fes parents & fes alliés, comme la marquife deSèvigné} le duc d'Aumont, le maréchal de Luxemlourg, le duc de Gêvres, le duc de Saint» Agnanle maréchal d'Humieres, le duc de Vivonne, le maréchal d'Ejïrées , le duc de Montaujier, le duc de Saint-Si» mon, le duc de Choifeul, le duc de Cha» rojlt Sec, Sec, &c, qui tous conclurent a ce qu'il fut fait défenfes au fieur de la Rivière de fe dire, ou prendre la qualité de mari de la dame de Coligny ; Sc pour 1'avoir fait, qu'il füt condamné en telles réparations qu'il plairoit a la cour, fauf au procureur-général du roi a prendre , pour 1'intérêt public, telles conclufions qu'il aviferoit bon être. Le comte de Bujfy avoit pouffé 1'animofité jufqu'a dtminder , par une requête précife du 8 mai i<3"8i, qu'il füt fait défenfes au fieur de la Rivière de prendre la qualité de meffire Sc de cheyalier} non plus que le nom de la Ri» vière3 Sc que ces nom Sc qualités fuffent rayés de!tous le&acftes Sc ptocédures oü il les a employés, Sc il le nommoit partout H'enry-Francois Rivière. Le fieur de la Rivière, de fon cóté, Tiv  44° Mariage attaqué, avoit fait intetvenir fes parents, par requête du i o mars 1684, pour défendre, difent-ils, 1'houneiir de leur familie. Entre ces parents étoient le marquis de Sandaucour, beau-frère , la comteffe de Conche, fceur; le feigneur de Montierre, matécbal de camp, gouverneur deSaintDizier & de Riblemont, oncle, &c, &c. Cette parenté ne figuroit pas par 1'éminence des titres, comme celle du comte de Bujjy: mais elle étoit compofée d'une foule de perfonnes de diftindtion. Enfin la marquife de Coligny, femme du fieur de la Rivière, avoit préfenté, ou plutót fon père lui avoit fait préfenter une requête le 19 juin i6$z , par laquelle elle demandoit acte de ce que, attendu qu'il n'y avoit jamais eu de mariage célébré entre elle & le fieur de la Rivière, & que c'eft par erreur & mauvais confeil qu'elle avoit interjetté appel comme d'abus d'une prétendue célébration de mariage qui n'avoit jamais été, elle déclaroit qu'elle n'entendoit point être appellante comme d'abus, cette formalité éüant abfolumqüt inutile ; mais qu'elle concluoit fimplement a ce que défenfes fuffent faites au fieur de la Rivière, de fe dire mari de ladite mar-  confirmé par arrêt. 141 qüife de Coligny; Sc, pour 1'avoir fair, qu'il fur condamné en telles réparations qu'il plairok a la cour, &c en tous les dépens , domrnages Sc intéréts. 3} Les chofes étant en cet état, intervint arrêt le 1 5 juin 1684, par lequel •■ il fut donné acte a la marquife de Com ligny du défiftement par elle fait de » fon appel comme d'abus, & il fut dit r> qu'il n'y avoit point abus. En confé3) quence il fut enjoint a la dame de Co33 ligny de reconnoitre le fieut de la Ri33 vière pour fon mari, & de retourner 33 inceflamment avec lui. Il leur fut en33 joint de traiter 1'enfant ilfu de leur >3 mariage comme leur enfant légitime; >3 Sc furent cond'amnés tous les deux en n chacun cinquante livres pour le pain 33 des prifonniers de la conciergerie du 33 palais. Faifant droit fur les conclu33 lions du procureur-général du roi, il 33 fut ordonné que Dupoijfon, curé de 33 Lanty, feroir ajourné a comparok en »3 perfonne, pour répondre aux conclu0 lions du procureur-général du «roi. Le » comte de BuJJy condamné aux dépens »» envers le fieur de la Rivière ; tous les 33 autres dépens compenfés». II y a une ohfervation importante a  4.42. Mariage attaqué, faire , a 1'occafion de cet arrêt. On a Ti. que les parties n'avoient pas figné, fur le regiftre, 1'acte de leur mariage , 8c, cepi^idant ce mariage eft confirmé. Anciennement les aétes authentiques n'étoient fignés que par 1'officier qui les fecevoit, fans que les parties les fignaffent: on en trouve la preuve dans une foule d'anciennes chartres. L'atteftation de Pofficier public fuffifoit pom lier les parties contraótantes, comme fi elles euffent figné. Cet ufage étoit une fuite néceffaire de 1'ignorance des fiècles barbares, oü il étoit du bel air de ne fca-r voir ni lire ni écrire. Et il faut bien encore aujourd'hui que la fignature des officiers publics fupplée a celle des perfonnes qui veulent faire des aótes, Sc qui ne fcavent pas figner. Par une fuite de cet ufage ancien, les premières loix qui ont établi les regiftres de baptêmes, mariages Sc fépultures,fe font contentées d'exiger que chaque aóte füt infcrit & figné par le curé, fans requérir d'autre fignature. Mais 1'ordonnance de 1667, tit. 20, art. 1 o, veut que les aétes de mariage foient fignés par les perfonnes mariées, Sc par quatre témoins j Sc s'ils ne fcar  confirmé par arrêt. 443 vent pas figner, ils doivent le déclarer fur 1'inte.rpellation qu'il eft ordonné au curé ou vicaire de leur faire. II faut obferver, d'un autre cóté, que cette formalité, qui n'a pour but que d'établir la preuve du mariage, ne touche ni a 1'elfence du contrat, ni a 1'effence du facrement. Ainli le défaut de fignature n'emporte pas nullité, puifque le défaut même d'infcription fur le regiftre ne 1'emporteroit pas. Tout ce qui en réfulteroit, c'eft que, fi au défaat de la preuve qui réfulte de 1'infcription fur le regiftre, il ne s'en trouvoit pas une autre, ce mariage ne pourroit fe eonftater civilement. Si cependant les conjoints, le mariage étant légitimement contraété d'ailleurs, abufoient de cette liberté civile, pourfe marier chacun X une autre perfonne, ils n'en commettroient pas moins un facrilège. Mais ce motif ne doit difpenfer perfonne de 1'exécution d'une loi fi refpectable par Pautorité d'oü elle eftémanée, & par la fageffe qui 1'a infpirée , & quiconque 1'enfreint eft repréhenfible. Voila le motif qui a fait condamner les fieur & dame de la Rivière chacun en 5 o livres d'aumóne, & qui a fait ordonner au curé de Lanty de fe rendre aux  144 Mar. au. confirm.par arrét. •pieds de la cour, pour répondre aux cönclufions du procuieur-général. II étoit plus puniflable que les contraétants. C'étoit a lui, comme officier public en cette partie, a les avertir de leur devoir 3 & a cxiger qulls le rempliffent. Fin du tome huitümc.