VERZAMELING W. H. SURINGAR "Slis-  CAUSES CELÈBRES e t INTÉRESSANTE S, A v f. c . LES JUGEMENS QUI LES ONT DÊCIDÉES. Rédlgécs de nouveau par M. R i é H E R , ancien \ Avocat au Parlement. ',sy TOME NEUVIÈME. A AMSTERDAM, Chez Michel Rhey. 1774.  F,t fe trouve a Paris, che?t La veuve Savoie , rue S. Jacques. Saillant &Nyon, rue Saint- Jean-deBeauvais. Le Clerc, Quai des Auguftins. Cellot, Imprimeur, rue Dauphine. La veuve Desaint , rue du Foin. Durand, «eve«,rue Galande. Delalain , rue de la Comédie Francoife. Moutard , Quai des Auguftins, BaillYj Quai des Auguftins.  TABLE DES PIÈCES Contenues dans ce neuvième Volumen Les nouvelles Caufes font marquces i d'une étoile. JS^ADEMOISELLE de CkoifeuL page i * Queflion d'état. 2ZI * Le fruit d'un adultère peut-U être légitime / 287 Mariage attaqué après vingt-quatre ans de co-habitation, & après Ia mort de la femme. 298 * Mariage entre le beau-frère & la beliefoeur. 3^7 * Bènéficier adultère. 42 <   CAUSES CÉLEBRES E T INTÉRESSANTES, Avec les jugemens qui ks ont décidées. MADEMOISELLE DE CHOISEUL. Cett.e caule,par les principes qui y font difciités, mérite 1'attention de ceux qui étudient la j'urifprudence. C'eft ce qui m'a déterminé a la traicer avec uise certaine étendue, & a. mettre les raifonnements des parties en oppofkion. Quelquefois même je reviens eu quelque force, fur mes pas, pour diiliTomc IX. A 1  2 Mademoljèlle de Choifeur. per 1'illuuon aan raifonnement qui a pu féduire. Auguste DE Choiseul, quatrième fils de Céfar duc ie Ch ifeul, fut d'abord chevalier de 1'ordre de Saint-Jean de Jérufalem , & ab-bé commendataire des abbaves de Saint-Sauveur de Rhédon, Sc de Bonneval. II alia fervir en Candie , avec le titre de maréchal de camp. Après la mort de fon frère ainé, tué au fiège d'Arnheim, il prit la qualité de comte du PleJJïs. 11 fervit avec diftinction , dans plufieurs fièges & dans piufieurs batailles.Son neveu, qui fetrouva avec lui au fiège de Luxembourg, y fut tué, Sc, par fa mort., tranfmit a fon oncle, la dignité de duc &c pair. Le nouveau duc , après avoir fait encore plufieurs campagnes, fut envoyé en étage a Turin au mois de feptembre 1696 , pour 1'exécution du traité de paix fait avec le duc de Savoye, &c revint a, ' Paris au mois de janvier 1697. II y mounu, au mois de janvier 1704, agé de 68 ans. II avoit époufé , en premières noces, Lu if.-Gabrhllt de la Baume le BLnc (k lx Fat/ière; foeur de Carl s-Frincois cue dc la Vallïere . de Ma ximilien-Henry Ch&vaUer de la Fallière t Sc de Marie*  Mademoifelle de Choifeul. 3 Jolanddela Vallure mariée en premières noces au marquis du Broffay, mort en 1714 j & en fecondes noces, a JeanLouis de Ponteve^, comte de Tournon. Ces quatre frères & fceurs étoient coufins-germains de Ma, ie-Anne de Bourbon princefle de Conti, fiile du Roi Lou s XIV & de Louife-Francoife dc la Baume le Bldnc duchefle de la Fallière. Le duc & la duchefTe d- Choifeulne demeuroient point enfemble, & fe voyoient rarement, quoiqu'il n'y eüt pas de divorce entre eux. La duchefle mourut le 8 oébobre 1698, agée de 3 3 ans. Le duc époufa, en fecondes noces Mar ie Bouthiller de Chavigny, qui mourut Ie 11 juin 1728, & ne lailfa point de poftérité. Du premier mariage , naquit une fille, le 30 janvier 1683. Les foins de fon enfance & de fon éducation furent confiés a la dame de Choifeul, abbeiTe du Sauvoir, prés la ville de Laon, fceur du duc de Choifeul. Un fils, qui naquit le 10 novembre 1688, fut élevé dans la maifon paternelle, & y mourut le 1 3 aout 1690. Le 5 o.dobre 1 z, madame de  4 Mademoifelle de Choifeul. Choifeul accoucha d'une feconde fille ; qui fut aulli envoyée a 1'abbaye du Sauvoir. On tarda jqfqu'au 3 o janvier 1694 X faire adminiftrer aux deux demoifelles de Choifeul les cérémonies du baptcme. L'ainée, nommée Marie-Louife-Gabrielle , étoit agée de onze ans \ Sc la cadetre, nommée Marie-Louife-Thérefe, de deux ans. Le duc de Choifeul. n'affifta point a ce baptême, qui fe fit a Laon, & fe contenta d'y envoyer trois perfonnes, pour y être préfentes en fon nom. A la mort de la duchefTe de Choifeul, fon mari fut nommé tuteur honoraire de fes deux filles; Sc Latouche, fon intendant, leur tuteur onéraire. On a prétendu, dans 1'e cours de cette affaire, que ni le duc de Choifeul, ni Latouche n'avoient été nommés tuteurs; &, de gette prétention, on a voulu tirer des indudions, qu'il n'eft pas encore tems de développer. Quoi qu'il en foit, il eft certain qu'ils ont pris cette qualité, Sc en ont fait les fonótions dans plufieurs aétes. Je n'entrerai point dans le détail de ces aétes; il eft inutile au fond de 1'affaire que je traite, Sc ne feroit que prolgn-  Mademoifelle de Choifeul. ger un récit qu'il faut abréger, fans eil rien retrancher d'efTentiel. A la mort du duc de Choifeul, on trouva deux teftaments j 1'un du 19 juillet 1701, & 1'autre du 10 juillet 1704. L'objet de ces deux teftaments étoit de racheter , par des aumónes, les négligences de fes devoirs , pendant qu'il avoit été dans 1'état eccléfiaftique. C'eft -dans cette intention qu'il lègue cent mille livres aux pauvres. Je ne fais point de ton a. mes enfant s per' cette difpofition , dit-il dans fon fecond teftament; ces cent.mille livres nétant pas de mon bien. En effet cette fomme lui avoit été donnée par fa feconde femme. Sans entrer dans un plus long détail de différents faits minutieux, dont cette caufe fut chargée dans le tems de la plaidoirie, il eft certain d'un cóté, qu'il a toujours agi & toujours parlé, dans les aótes émanés de lui, comme n'ayant d'autres enfants que deux filles ; & d'un autre cóté , qu'il s'eft toujours affez peu occupé de leur éducation &c de leur fortune; qu'il doit, en un mot, être compté au nombre des pères indifférents. Les families paternelle & maternelle Aiij  6 Mademolfelle de Choifeul. fe comportèrent auffi comme ne connoiffant que deux demoifelles de Choifeul. L'inventaire fut fait, après la mort du duc, a la requête de fa veuve, & dè fes deux filles du premier lit. Latouche, leur tuteur onéraire , provoqua les parents des deux cótés. ^ Les ducs de Briffac & de Béthuné, a Ia tête des parents paternels; la princeffe de Conti, a la tête des maternels, furent d'avis de faire émanciper 1'ainée, agée de xi ans, & de donner des tuteurs a la cadette, qui n'avoit que 13 ans. Le duc de la Vallilre fut nommé curateur honoraire de 1'ainëe, & tuteur honoraire de la feconde. Latouche fut encore ch argé de la tutele & de la curatelle onéraire. Danstoutes les procédures occafionnées, après la mort du duc de Choifeul, par le dérangement de fes affaires, on n'a connü dans les tribunaux, que deux demoifelles de Choifeul, feules filles & uniques héritieres de M. le duc de Choifeul. Ce font les qualités de toüs les arrêts rendus en cette occafion. La ducheffe de Choifeul, en mourant, n'avoit recommandé que deux filles a la princefie de Conti. Cette princeffe, voyant le dérangement des affaires du duc dc Choifeul, obtint du Roi une pen-  Mademolfelle de Choifeul. 7 (ion de 2000 liv. pour chacune de ces deux filles. Les brevets du Roi font da 16 novembre 170(3. La rriarquife de la Valliere , mère da duc de la Valliere ,aïeule maternelie des demoifelles de Choifeul, décéda en 1707 é Dans tous les acfes paffés a cette occafion , entre la maifon de la Valliere &C elles , il n'eft faitnulle mention d'autres enfants du duc de Choiful, & de fa première femme. En 1708, 1'ainée devint majeure. Elle reprit toutes les inftances de fa maifon, & ne connut qu'une foeur. Efi 1710, étant tombée dangereufement malade au monaftère des filles de Sainte-Marie, oü elle étoit penfioiinaire, elle fe fit tranfporter, &c mourut quinze jours après, chez le nommé Lacomme & fa femme, qui avoient été au fervice de la mère des demoifelles de Choifeul, & fort avant dans fa confidence. La malade fit fon teflament chez eux; ils ne lui parlèrent d'aucune autre fosur, que de celle qui étoit connue de tout le monde j & elle les a'ccabla de fes bienfaits. Marie - Louife - The'rèfe de Choifeul , feconde rille, fut connue alors, dans les deux families, a la Cour & a Paris j A iv  8 Mademolfelle de Choifeul comme fille unique du feu duc de ChoU Jtul Le Roi réuait fes bienfaits fur elle leulejil la granfia des 4000 livres de peniion partagées auparavant entre les deux foeurs , Sa Majefté voulant, porte le brevet, donner des marqués de fa bonte a celle qui refle. On alTembla encore les deux families pour dehbérer fur les intéréts de MadernorfdU tie Choifeul. On confomma avec elle feule le partage des Wffions du rnarqms & de la marquife de la Vadurejes aïeul & aïeule maternels & père & mère du duc de la Vallilrè U lui échut une terre en Breta^ne efti:mee 58750 liv. & 11228 Uy.pour foulte de partage.. La marquife de CUrambault, veuve en premières noces du comte Duple^s frere du duc de Choifeul, fit le } Mai }719, une donation k la demoifelle de Choifeul, des droits qu'elle avoit fur Ia iucceffion de fa fceur aïnée, fans faire nulle mention d'une autre fceur. Dans la même annee, la demoifelle de Choifeul recut, elle feule, le rembourfement des 21 228 liv. de foulte, comme héritière de fon aïeule. En 17zo, on lui renditcompte de fa tutele; elle décéda cette mème année?  Mademoifelle de Choifeul. g en pofleilion de fon état de fille ünlqlie du duc & de la duchelfe de Choifeul, ÓC ne fe doutant même pas qu'elle eüc encore une foeur au monde. Après fa mort, le duc & le chevaiier de la Valliere arrangèrent fa fucceliion entre eux, Sc en jouirent- tranquillement pendant deux ans. Les chofes étoient en eet état, lorfque, le 30 juin 1723 , on mit fous les yeuxdu lieutenant-criminel, uneplainte qui lui étoit rendue au nom d'Anonyme de Choifeul, feule Sc unique héritière du duc Sc de la ducheffe de Choifeul. Cette anonyme de Choifeul avoit toujours été connue jufqu'alors fous le nom de mademoifelle de Saint-Cyr, d'une des terres de ia marquife d'Hautefort , qui 1'avoit élevée. Ainfi je la nommerai mademoifelle de Choifeul, lorfqu'on pariera pour elle ^ Sc mademoifelle de SaintCyr , quand on pariera contre elle. Elle expofoit, dans eet acte, « qu'elle » étoit née de madame la duchefïè de « Choifeul, le 8 oftobre 1697, au vu » Sc au feu de M. le duc de Choifeul, » Sc de toute fa familie; qu'elle avoit » été élevée fous leurs yeux par lesfoins v d'une dame a qui madame de Choi■v feul 1'avoit recommandée en mouA v  io Mademoifelle de Choifeul. »> rant, a caufe de 1'abandon abfolu sj dans lequel M. le duc de Choifeul » lailïbit fes filles j qu'elle avoic tou3> jours été vue & c hérie de fes paren tsj 35 que fon état ne lui a jamais été con3» tefté, & qu'elle fe trouve 1'unique *3 héritière de M. & de Madame de j3 Choifeul •«. Les motifs de cette plainte fe réduifoient a deuxfaits.Le premier étoit que « ceux qui s'étoient mêlés des affaires 33 de M. le duc de Choifeul, après fon ss décès, avoient affecté de ne la point »3 comprendre dans les qualités des actes >» qu'ils avoient fait faire; & que cette 33 réticence n'a pu avoir d'objet que de 3» fupprimer fon état, & de la fruftrer 33 de fes biens ». Sur ce chef, elle ne nomma perfonne ; elle ne connoilfoit que le délit dont elle fe plaignoit; les coupables lui étoient inconnus. Le fecond fait étoit que « après la ss mort de madame de Choifeul, il avoit ss été détourné plufieurs effets defafuc33 ceffion par Latouche intendant de M. 35 le duc de Choifeul, & par d'autres, & 33 qu'il ne lui en avoit été fait aucune 33 juftice ». Elle obtint permiflion d'informer3 5?  Mademoifelle de Choifeul. 11 informa en effet. Les tcmoins, au lieu de dépofer des faits qui compofoienr 1'objet de la plainre, déposcrent de la nailfance de la plaignante j &, par une ordonnance du 10 juillec 1713 ,1'arraire fut renvoyée a 1'audience. II lui manquoit deux chofes bien effentielles : un extrait baptiftaire, &c une partie adverfe : car Latouche, que 1'on accufoit, étoit mort deux ans avant 1'accufation. L'extrait baptiftaire fut bientót trouvé. L'exemple des deux défuntes filles du duc de Choifeul prouvoit qu'il n'avoit pas été fort exact a faire adminiftrer a fes enfants les cérémonies du baptême; d'ou ceiie-ci concluoit qu'il n'avoit pas été plus attentif pour elle. En conféquence, elle fe préfenta, Ie 13 juillet 1713 , a Saint-Sulpice, oü, par Ie miniftère d'un prêtre facile, \'anonyme devient Auguftine Francoife de Choifeul. D'un autre cóté, pour avoir une partie , on fait créer un curateur a la fuccellion vacante de Latouche; on continue les pourfuites contre ce phantême, qui demande lui-même que la procédure criminelle foit convertie en procédure civile ; &c le 7 feptembre 1713 , le lieutenant-criminel, attendu le décès de Avj  12 Mademoifelle de Choifeul.. Latouche accufé, renvoya les parcies a" fe pourvoir par-devant le lieutenantcivil. Les chofes en eet état, mademoifelle de Choifeul munit de lettres de bénéfice d'inventaire : & fe difant héritière du duc & de la ducheffe de Choifeul, «11e fit ailigner, le 17 feptembre 1723, M. le duc de la Fallière, au Chateler, pour le faire condamner a lui coinmuniquer 1'inventaire fait après la mort de la marquife de la Fdlière, mère du duc, & aïeule de la demoifelle de Choifeul; a lui reftituer les effets des fueceflïons du duc & de la ducheffe de Choifeul; &c a fe défifler de la pofleflion des immeubles des différentes fucceffions échues , dont elle étoit unique héritière. Le uc de la Vallière , pour défenfes , foutint cni'Augufline-Francoife, fe difant de Choifeul, devoit, d'abord, par des pièces authentiques, établir fon état, qui étoit conteflé. A ce langage, la demoifelle de Choifeul crut reconnoitre, dans le duc de la Fallière, Tailleur de la fuppreffion des preuves de fon état, & fe détermina a le pourfuivre par la voie extraordinaire. Maïs, fur la première requête qu'elle préfenta au lieutenant-criminel, il or-.(  Mademoifelle de Choifi ul. t 3 donna qu'attendu la qualité du duc de la Valïtere, les parcies fe pourvoirci.'nt a la cour des Pairs. Elle prit, devant les chambres alfemblées , les mèmes conclufions qu'elle avoit prifes devant le lieutenant-criminel , & demanda 1'apport des informations. La première queftion qu'il y avoit a décider, étoit de lcavoir ii la demoifelle de Saint-Cyr pouvoit ctre admife a prendre la voie criminelle contre le duc de la Valüïre. Ce duc, difoit-on, a été témoin de la grolfelfe de la duchelfe de Choifeul; il a été témoin oculaire de la naiffance de 1'enfant j il a promis a la mère d'en prendre foin \ il a fuivi eet enfant dans tous les tems, fans jamais le perdre de vue. Mais quand il s'agit de lui rendre fon bien, dont il s'eft emparé, il dit que cette fille eft une inconnue, une étrangère ; que fon état eft contefté j qu'elle doit en rapporter des preuve3 foutenues par des pièces authentiques. Celui qui fait cette objeétion eft le même qui a préfidé a tous les adres de la familie j qui en a retranché le nom de fa nièce , pour lui fouftraire la preuve qu'il veut aujourd'hui qu'elle lui tap-  14 Mademoifelle de Choifeul. porte, & pour fe maintenir, i h faveur de ce défaur, qui eft fon fait, dans une DoiTeirion injufte. II de-mande quel eft le dekt pour lequel on le pounuit criminellement:c'eft cette fouftraótionqui forme edélit; & c'eft lui qui eft le coupable. Si donc les faits font tels que la demoifelle de Choifeul les rapporte, le deht du duc de la Valliere eft certain & elle eft en droit de demander une' juftice que la Cour ne peut lui renner. . Si, au contraire, ces faits ne font pas vemables, il fautque mademoifelle de Choifeul fubiife la peine de la calomnie. Or, comment éclaircir la vérité, autrement que par les informations ? II faut donc les lire, pour favoir fur lequel des deux doit tomber la fevérité de la juftice : il faut qu'elles foient appottées au greffe de la Cour. Le duc de la Vallière fe retranche j en difant que 1'aifaire a été civiliféê dans fon principe,puifque Ielieutenantcnminel, après l'avoir renvoyée d'abord a fon audience, s'en étoit totalement delTaifi, en ordonnant de fe pourvoir devant le juge civil. Mais il y a plus que tout cela3 c'eft que mademoi-  Mademoifelle de Choifeul. r <; felle de Choifeul, dit-il, a in renté fa demande contre. le duc de la Vatlière par la voie civile. Or, cette demande a pour objet la queftion d'état: Sc s'étant' pourvue au civil fur cette matière, elle ne peut plus reprendre la voie extraordinaire. Mais le duc de la Valliere ne fait pas attention que le renvoi i 1'audience criminelle civilife fi peu, que le juge y peut prononcer un décret contre 1'accufé j Sc peut même ordonner que 1'affaire fera inftruite par récolement Sc confrontation, quand le cas 1'exige. II eft vrai que le renvoi devant le juge civil dénature la procédure criminelle , Sc lui imprime le caraétère de la procédure purement civile. Mais cette métamorphofe n'a lieu que pour ceux qui font en caufe. Or le renvoi, dont le duc de la VaU licre veut fe prévaloir, n'a été prononcé qu'avec le curateur a la fucceffion vacante de Latouche, , qui étoit coupable de recélé. €e duc ne peut donc en tirer avantage, puifqu'il n'a pas été ordonnc avec lui; & que le fait qui 1'a occafionné étoit abfolument diftincf de celui pour lequel il eft aótuellement pourfuivi.  ^Mademoifelle de Choifeul. ri'a nrii ' m']demoife^ de Choifeul refarivi' 'Y™ ' aUCimes ^lufions relatives a fon état. Elle a conciu a la ^cuaondes biens dont le duc de la ralUère devou lui re„dre compte: elle n a pas |tnagi ^ fi K ■ S ci?r & de Ia d-he(fe demande d crre maintenue dans fa filiaU "on . k connoifTant comme il la con«01t elle étoit perfuadée que, loin de vouioir attaquerfonétat, il efit été Ie premier ale défendre contre ceux n * -^"^luiporceracteinte. * fair In °° ^ P^P" dire *« fait aucune procédure civile relative a fonetat, & que, par-ld, elle fe foit inrerditelWme la%oie cnminelle que quland Ie duc A la Vallihe l'a armee rout d'un coup dans la route :;voit choifie'en fa* pielledevoitprouverla qualité qu'eiie prenon. Alors elle efc retournée veis je heutenant - criminel, & bi * dit: Je vous ai rendu plainte d'un tU\ *m ^ certain : mais, comme je n en connoiflbis point les auteurs, ie ne vous ai nommé perfonne. Celui qii  Mademoifelle de Choifeul. 17 ö travaillé a la fupprellion des preuves de mon état vient s'offrir a moi: nul n'a pu 1'entreprendre , que dans la vue de m'öter mon bien. Or, des que le duc de la Vallière veut profiter injuftement de la fupprellion qui eft 1'objet de ma plainte, & s'approprier par-la les biens qui font 1'apanage de 1'état qu'il me contefte, c'eft contre lui que je la dois diriger. Is fecit fcelus cui prodeft. Le duc de la Vallière foutient qu'il n'eft point coupable: mademoifelle de Choifeul foutient qu'il eft convaincu. C'eft la lecture des informations qui feule peut amener la décilion. On connoitra fi la demoifelle de Choifeul eft une calomniatrice; ou fi, au contraire, elle eft une vi&ime qu'on veut accablet par le crédit, & a qui, par cette feule raifon, la juftice doit toute forte de proteótion. Le duc de la Vallière rcpondit qu'on Paccufoit d'avoir affecté de fupprimer le nom & 1'exiftence légale de la demoifelle de Saint-Cyr dans les aótes de familie paffés après la mort du duc de Choifeul. On a caradérifé cette réticence de fuppreflion des preuves de 1'état. Mais quels titres, quelles preuves de filiation a-t-on pu enlever a une per-  ï8 Mademoifelle de Choifeul fonne quiconvient n'en point avoir > .Ld une enfant qui fort des ténèbres, « apres avoir demeuré cachée vin*ti« ans dans la maifon de la marquife d Hautefort, oü elle n'a été connue que ious le nom étranger A J««-Cyr. Poiut dextrau baptiftaire; aucun titre, tel de voir, & les a rendues. » II. Le 8 odobre 165,7, madame » de Choifeul eft accouchée d'une fil'e ; » qm eft la demoifelle de Saint-Cyr] » dans la maifon que M. le duc de Chol »Jeul & elle avoient a Paris, rue de » Verneuil, fauxbourg Saint-Germain • » &, pendant fes couches, elle avoic « recu les vifites d'ufage en pareille »> occafion. » III. L'enfant, venant au monde; » fut ondoyé, a caufe du péril immi» nent de mort eii il fe trouva, parle *> nommé Z promirent d'en prendre foin. 35 VI. Madame de Choifeul confia £ 33 la marquife d'Hautefort deux de fes 3» portraits, Sc quelques autres efFets , 33 pour les remettre a la demoifelle de , j3 Saint-Cyr. 3-3 VII. Après la mort de la ducheffe 33 de Choifeul, la marquife d'Hautejort 33 fit revenir la demoifelle de Saint33 Cyr de Meudon ou elle étoit en nour*> ricë, Sc la mit chez une autre nourrice 33 a Paris, rue S. Anroine. 33 VIII. Quelque tems après, Ia nour»s rice Sc l'enfant furent mis, par la » dame d'Hautefort, rue Princeffe, chez i3 la nommée Laf alle, boufangère. 33 IX. Pendant que l'enfant Sc Ia 33 nourrice demeuroient rue S. Antoine, j3 M. le duc de la t^allisre alloit fou33 vent chez la femme- Lacomme, qui ss avoit été femme-de-chambre de ma33 dame la ducheffe de Choifeul, pour y >3 voir l'enfant; la marquife d'Hautefort TomelX. B  iG Mademoifelle de Choifeul. >■> conduifoit, chez Lacomme, la nour-* jj rice Sc l'enfant, qu'elle alloit pren>» dre rue S. Antoine, afin que M. le •• duc de la Vallière vit l'enfant, qu'il n a continué de voir rue Princeffe : Sc » a cette occafion, M. le duc de la Val>■> lieie a fait a cette nourrice les prés) fents qui font d'ufage de la patt des is perfonnes proches. » X. A 1'age de deux ans Sc demi, li l'enfant fut r_etiré par la marquife 33 d'Hautefort, dans fa maifon, oü elle ss a pris foin de 1'élever jufqu'a fa majos> rité : & pendant tout ce rems, M. le » duc de la Vallure a continué de la 33 voirtrès-fouvent chez la dzmed'Hau33 tefort. )3 XI. La demoifelle de Saint-Cyr eft 3) le même enfant dont madame de 33 Choifeul eft accouchée le 8 octobre 33 i6yy. 33 XII. Qupiqu'elle ait porté le nom is de Saint-Cyr, qui eft une des terres » de madame d'Hautefort, elle étoit »3 connue fous fon véritable nom de * Choifeul. " XIII. La première nourrice de la 33 demoifelle de Saint-Cyr, eft la nom33 mée Martine Loin, lors femme, Sc « a préfent veuve du nommé de Marne,  Mademoifelle de Choifeul. 27 » XIV. La feconde nourrice de Ia 33 demoifelle de Saint-Cyr, eft la nomj3 mée Nicole Lalouette , lors femme Sc »3 mainrenant veuve du nommé lersy. 33 XV. La demoifelle de Saint- Cyr a i> eu,pour gouvernante, Adrienne-Ca33 therine Thomas , lorfqu'elle étoit rue 33 Princeffe; Sc cette gouvernante 1'a 3) fuivie chez la marquife d'Hautefort, 33 Sc a été auprès d'elle jufqua quatorze 33 ans. » XVI. M. le duc de la Vallière eft ji convenu a plufieurs perfonnes, que la 33 demoifelle dc Su.nt-Cyr étoit fille de 33 madame la ducheffe de Choijeul fa j3 fceur ". Pour appuyer la demande qu'elle avoit formée d'être admife a la preuve de ces faits, elle rapportoit une lettre de la marquife de Tournon adreffée a Ia marquife d'Hautefort, Sc con^ue en ces termes : « Je fuis bien fachée, Madame, 33 que ce foit la mauvaife fanté de ma33 demoifelle de Saint-Cyr, qui m'empê33 che d'avoir 1'honneur de vous voir, 33 ne connoiffant de plus grand plaifir 33 que celui de vous affurer de ma re33 connoiffance •'. Elle parle enfuite des différentes Brj  2,8 Mademoifelle de Choifeul. affaires que le cardinal Dubois devoit lui procurer a la recommandation de la daine d'Hautefort. Elle la remercie de ce fervice, & de beaucoup d'aurres; elle fe plaint de 1'état de fa fanré; parle d'une maifon de campagne qu'elle a louée, & de 1'efpérance oü elle eft que Ie bon air pourra la rétablir j Sc continue en ces termes : i' Je n'aurai plus rien a fouhaiter, que r> de voir finir 1'affaire que vous fcavez, «5 qui eft affurément ce qui- rend malade j) faimable chanteufe, qui fe fit tant « prier. Mon ami, que j'eftime fort, n que vous vites chez moi dimanche, sj Sc qui s'en alla, croyant que vous j» youliez me parler, me dit hier qu'il n feroit charmé de vous voir ici, pour u vous dire ce qu'il penfe de cette af» faire , oü il ne voit aucune difficulté; u mais oü il croit qu'il faudroit beau»> coup de diligence, & d'habijes gens s> qu'il vous nommera, Voyez, Mada» me, fi demain famedi, ou dimann che, vous ne pourriez pas donner une ii heure après votre diner; il m'a dit sa de le lui mander pour s'y trouver: Sc, w comme j'ai vu .tous mes parents, i» nous ferions en repos. Je veux que )j l'enfant fe pqrte bien , ou vieune  Mademoifelle de Choifeul. 29 h malade. Je ferai charmée de cette »> converfation, & du plailir de voua » aflurer de mon tendre Sc refpeftueux » attachement. Permettez qu'il n'y aiï i> ni compliment, ni fignature». L'énigme, difoit la demoifelle de Choifeul, n'eft pas difficile a devinerj elle fe découvre au premier coup-d'ceiL II n'eft pas douteuxque, dans cette lettre, l'aimable chanteufe, que fon affaire rend malade} & Venfant qui, malade ou en fanté, doit affifter ala converfa-> tion fur laquelle le rendez-vous eft demande , ne foit la même perfonne. Sa préfence ne pouvoit être néceiTaire , elle ne pouvoit même être admife a une converfation auifi importante, qu'autant qu'il s'agiffoit de traiter 1'affaire qui la rendoit malade. II n'eft pas plus douteux que cette perfonne délignée fous les termes de l'aimable chanteufe Sc de ? enfant qui doit venir au rendez-vous malade ou en fanté, ne foit celle qui, chez la dame ÜHautefort, portoit le nom de la demoifelle de Saint-Cyr. Deux raifons le prouvent. La première eft que la demoifelle de Saint-Cyr, l'aimable chanteufe}Sc l'enfant y font également délignés malades. B iij  30 Mademoifelle de Choifeul. La feconde eft que la dame de Tournon y dit précifément que c'eft la mauvaife fanté de mademoifelle de SaintCyr qui 1'a empêchée de voir la dame d'Hautefort. Que falloit-il donc pour faire ceder 1'obftacle, & pour engaoer Ja dame d'Hautefort de fe trouver au rendez-vous ? II falloit oh que la demoifelle de Saint-Cyr fe portat bien, ou que, quoique malade, elle y accompagnat la dame d'Hautefort. C'eft précifémeni la raifon pour laquelle la dame de Tournon fimt, en difant qu'il faut que l'enfant fe porte bien > ou vienne malade. ^ Dès qu'il eft évident que l'enfant , l'aimable chanteufe, & la demoifelle de SJnt-Cyr étoient la même perfonne, il ne refte plus de doute que ce ne fut Paffaire de la demoifelle de Saint-Cyr qu'il étoit queftion de trairer dans la converfation propofée ; d'autant plus qu'elle n'en a jamais eu d'autre, que celle dont elle attend aétuellement Ia décifion; & que la dame de Tournon prend grand foin de marquer qu'elle a vu fes patents, & qu'ainfi elle fera en repos. C'étoit donc une affaire que Pon n'auroit ofé traiter devant les parents , puifque leur arrivée auroit troublé la  •Mademoifelle de Choifeul. 31 converfation. Ön ofe donc dire qu'il n'y a perfonne qui, en lifant cette lettre avec attention , n'y reconnouTe precikment 1'afF.iire dont il s'agit. Or de quelle manière la dame de Tournon en parle-t-elle ? Sur le reat qu'elle dit elle-même en avoir fait a fon ami, elle allure qu'il l*a trouvee fans difficulté. Pour que eet ami 1 eut trouvée fans difficulté , il falloit ncceifairement qu'elle lui eüt avoué que la dernoifelle , que 1'on nommoit deSawtCyr, étoit la fille de fa fceur; paree qu'il n'y a perfonne de bon fens qui puiffe trouver une affaire fans difficulté, s'il a lieu de croire que le fond n'en eft pas vrai. . r Cette lettre eft donc une reconnoilfance bien formelle & bien décifive, de la part de la dame de Tournon, de la cerritude & de la vérité des faits artv culés par la demoifelle d: Choifeul. Mais, avant d'engager la plaidoine dans laquelte on devoit difcuter la valeur de ces preuves, on confeiüa a la demoifelle de Saint-Cyr de prendre les moyens de terminer fon affaire dehmtivement, & de ne pas laiffer derrière elle des perfonnesqui pourroient luccetfivement lui fufcicer de nouveaux proB iv  32. Mademoifelle de ChoiCeuL cesfur e mêmeobjer. Le chevalier dt la ValUere & Ja dame de T /« W«„^leur frère. Elle les fit affigner, Pour voir declarer commun avec euxle /ugement qui interviendroit. Et en «e?S poure%er derdes lumieres de leur propre bouche, elle les 'tss*mtoiis * *f- * Ie premier. On prétendit que festrl ponfes etoienc captieufes, & qu'il évitoit toujours de heurter contre l'un de ces deux ecueils, ou de dénier une vé«te dont tout le monde fcavoit qu'il etoit parfaitement inftruit; oude faire des aveux contraire* au fyftême qu'il defendoir. Dans le premier cas , 3 ft deshonoroit: dans Je fecond cas, il auroit perdu fbn procés. J'examinerai, e„ parlant des moven*la vente & la- valeur de cette impatation, qU1 afa4t la bafe de la difcuffion de Jon imerrogatoire faite par le défenfeur de la demoifelle de Saint-Cr- Quant i la marquife de fou'non y elle ma formellemenc tous les fairs Mais on verra que fa lettre, qui lui fa reprefentee,l.'embarraffa.  Mademoifelle de Choifeul. 3 3 Le chevalier de la Vall'tère rcponoic franchement aux interrogatoires qui lui furent faits, & donna lieu a la demoifelle de Saint-Cyr de fe prévaloir de fes réponfes. C'eft avec ces pièces que eet individu forti fubitement des ténèbres, pour prétendre a une place dans une desplus illuftres maifons du royaume, alloit porter fa caufe a 1'audience. Mais fa démarche fut fufpendue par une dccouverte inopinée.. Elle apprit que Leduc, accoucheury mort il y avoit dix ans, avoit lailfé un fils; & que ce hls étoit poftelTeur d'un li'vre-journal, dans lequel-fon pèreécrivoit, avec fbin, tout ce qui regardoit les opérations de fon art. Ayant articulé dans les faits dont elle demandoit a. faire la preuve, que c'étoit L duc c\u\ avoit délivré- la ducheffe dé Choifeul, lorfqu'elle 1'avoit mife au monde, elle crut qu'elle pourroit tirer quelques lu-r mières de ceregiftre. Dans cette idéé, elle fomma Leduc fils, le i aoüt 1724 , de fe trouver, le lendemain , chez Jourd in _, notaire5 pour y repréfenter le journal de fon père; afin qü'en fa préfence, on tirat & collationnat les articles qui s'y trouveBy.  34 Mademoifelle de Choifeul. roient concernant 1'accoiichement de Ia ducheiTe de Choijul, du 8 ocfobre ZeAc fils comparut chez le notaire ; il y repréfenta le regiftre-journal de fon père , &c en indiqua hok articles qui cóncernoient la ducheffe de Choifeul. On y lifoit que■•«• le 6 feptembre 1697, » Leduc fut mandé la première fois , >j pour voir madame de Choifeul. II ob«ferve, dans une vifite du 9 , qu'elle » étoit bientot au terme d'accoucher. II » conjeéture, par les fignes qu'il rap« porre, que la groffeffe avoit pu comA meneer dès le mois de décembre » 1696. Dans une autre vifite, il rend » compte qu'il 1'a faignée. Enfin , a Ia n date du 7 octobre 1697, il marqué » qu'ayant été mandé fur les lix heures » du foir, pour voir madame de Choi» Jeul, il 1'a trouvée en travail; que le » 8 , entre deux & trois heures du maj> tin, elle eft accouchée d'une groffe n fille , qu'on lui a donnée a mettre » en nourrice , & qui a été, le 11, a m Meudon. II mit une marqué a 1'en» fant, fous le jarret gauche, & un » peu plus bas, avec trois légères fcari» fications faupoudrées de poudre a jj canon ». Marqués ineffacables, Sc que  Mademoifelle de Choifeul. 3 5 la demoifelle de Choifeul dit au procés qu'elle portoit toujours. « Leduc rend » compte d'un bapt-ême aSaint-Etienne» du-Mont , ou l'enfant fut nommée » Julie, fans nom de père ni de mère, « de parrein , ni de marreine. Il rend *> compte de tont 1'argertt que madame » de Choifeul lui a donné, jour par » jour, pour les nourrices &c entre» tiens de l'enfant. II remarque qu'il a » donné 4 liv. 1 o f. pour le carroiTe » qui a mené l'enfant dont madame » de Choifeul étoit accouchée, en nour» rice, i Jean de Marne, jardinier dans * » le pare de Monfeigneur ». Ces articles font fuivis de beaucoup d'autres, dans lefquels 1'accoucheur ccrivoit, jour par jour, tout 1'argent que madame de Choifeul lui donnoit, pour fatisfaire a la dépenfe de l'enfant: on y voit qu'il a recu de madame la marcchale de Choifeul trente huis neufs. C'étoit fon paiement. Ces détails furent tranferits dans le procés-verbal qui fut dreflè chez le 110caire. La demoifelle de Choifeul requit le dépót de ce regiftre, afin qu'on en put conftater la vérité avec les parties intéreifées. Leduc y confentit. Mais , comme il s'y trouvoit beaucoup d'auB vj  3 6 Mademoifelle de Choifeul. tres anecdotes_ écrangères a 1 affaire ac-' UieJle, & qui concernoient d'autres, families, il mit, a ion confentement, la condition.qu'on ne laifieroit ouv.ert , du regiitre, que les feuilles, fur lefquelles. les.articles extraits Sc collanonnés étoienr écrirs, &. que. le furolus feroit.ficelé & cabh«*é de fon cachet.. La demoifelle de Choifeul foufcrivit a la condicibn.qu'exigea la dif-rétioa de LeJur.Xe regiftre demeura dépofé y en eet état,. entre les mains.de Jour-, dain , notaire,. Elle en. demanda la, *vérificattdn;. &. tous, les., efforts. du duc de laValliire n'empêchèrent pas qu'elle. ne ^füt, ordennée par fentence des Requêtes du Palais. Appel de cetxe fentence en la Grand'Ohambre, M.. Gilberc de Voifins crut> que fon miniftère lengageoit a s'oppo-, fer a cette opéra-tiou. 11, croyojt qu'il,. feroit d'une conféquence dangereufe d'admettre une pareille pièce pourétablir la preuve d'un état contefté; Sc conclut ace qu'elle fut rej.ettée,.Cependant la fentence fut confirmée. En effet Ia vérification du regiftre n'ajoutoit rien a fon authenricité,_& laiffoittoujours la liberté d'adopter, ou de; rejeaer., fuivant les. circonftauces, &:  Mademoifelle de Choifeul. d'après 1'examen des moyens refpectifs, les induétions qu'on en voudroif tirer. Le duc de la Vallière, revenu aux Requêtes du Palais, y demanda la communication du regiftre en, fon entier. Les juges fe firent apportercejournal, 1'examinèrent eux-mêmes , & n'y ayans trouvé que fix articles, outre les huit tranfcrits dans le procés-verbal , qui puffent regarder 1'afFaire dont il s'agifioit, ils ordonnèrent la communication de cesquatorze articies feulement, fans déplacer, 8c. par les mainsde 1'un d'en-? tr'eux, Ils ne crurent pas qu'il fut utile aux intéréts de M. le duc de la Vallière de lui réveler, 8c a fes confeils, les: myftères amoureux que 1'accoucheur avoit confiés afon regiftre. M. de la Vallière interjetta. encore appel de cette fentence, 8c demanda^ qu>u cas qu'on ne jugeat pas a propos, d'ordonner la communication du livra entier, il fut fupprimé comme infame, 8c incapable deproduire aucune preuve.. A la Grand'Chambre , . après. avoir examiné le regiftre , on connrma la fentence, &le duc de la Vallière fut ex-* prelfément débouté de fa requête, tendant a la fuppreiïïon..  38 Mademoifelle de Choifeul. Ainfi le duc de la Vallière , après avoir cumulé incident fur incident, & appel fur appel, fut enfin obligé de plaider au fond devant un tribunal dont il avoit voulu, par deux fois confécutives, faire réformer les Jugements. On plfiida, de part & d'autre, pendant plufieurs audiences. Les opinions furent parragées, & 1'affaire futappomtée. La demoifelle de Choifeul appejla de la fentence qui appointoir. Ainfi la Grand'Chambre fut faifie du fond de 1'affaire. Je ne ferai qu'un feul corps des moyens qui furent employés refpectivement par les parties dans les deux tribunaux ; & commencerai par ceux dont mademoifelle de Choifeul compofa fa défenfe par 1'organe de M. Normand (i). (i) Les verrus & les talents $AUxh K-ér* tnand rendront toujours fa mémoire chère & celebre au baneau. Jamais il ne fe chareea d'une caufe , qu'il ne leut examinée auparavant en juge intègre & impartial. Sll ia trouvoit mjufte, mille autorité, dans le monde n etoit capable de Fobliger a la défendre. M; is tl y confacroit tous fes talents a celles qu'il croyoit bonnes. A eet araour fincère du vrai, »1 joignoit beaucoup. d'èlévation d'efprir, une eloquence mile,parée de la beauté de  Mademoifelle de Choifeul. 39 Cette défenfe fe rcduifoit a deux propofitions, qui venoient a 1'appiu de 1'unique demande de mademoiielle de Choifeul. Eile fe bornoit a prétendre qu'elle devoit être admife a prouver , par témoins, qu'elle étoit fille de M. Sc de Madame de Choifeul. Et elle fondoit cette prétention fur ce que, i°. Lorfqu'un enfant, fur la naiffance duquel on veut jetter de 1'obfcuf ité, pofe des faits circonftanciés , Sc capables par eux-mêmes de conduire a la connoilfance exaéle de fon état, la 1'organe, & de 1'élégance noble du débit. Loin que 1'intérêt fut le mobile qui metten t fes talents en aaion, on 1'a vu fouvent nonfeulement défendre fesclients gratuitement, mais les fecouriï de fabourfe, dans leurs befoins. S'il avoit le don de bien défendre les caufes dontil fe chargeott, il en avokun bien plusprécieux encore ,c'étoit celui d'epargner auxplaideurs, en les conciliant, les défagrements, & les dépenfes des procés. II etoit devenu le confeil, 1'arbitre & 1'ami des plus erandes maifons du royaume. 11 démêloit par tout le vrai, le montroit & lefoutenoit avec une amènité perfuafive , & une fermere inébranlnble. II eft bien facheux que perfonne n'ait pris la peine de recue.lhr fes ceuvres. On a celles de Gauticr , & 1'on n a pas celles de Normand ! U étoit fils d'un procureur aü Parlement, 6c mourut en 1745 » fort avancé en age.  '4o Mademoifelle de Choifeuï. f reuve teftimoniale en doit être admffe, ^dependamment de tour commencetnent de preuve par écrie. Ia nr' ?■ PT auCorifer 1,idmiffion de ^ preuve teftimoniale, Je commenee- TeZ / PrTVn Pf éefit étoic"«efTaicet'i rde7lfelJe rempliroit cette condmon, & bien au-dela;puif. que les preuves littérales qo'elle «p. po tefunWentpourforme/kdémoiP, récW P C°mPIetce del'«atqu'elle. I. La première propofition eft fondéefurledroit commun, fur les difpofi«ons des loix civiles, fur celles de» ordonnances du royaume, fur la iuriS P^ des arrêts,. fur 1'équité naturelle & fur I miqulté évidente que h Pjopofirion contraire entraineroi? avec Pour établir ces différents moyens ; ilfaut, tour dun coup, entrer dans la difcuilion de ceux que M. Ie duc de la ralltcrey opnofe C'eft dans Ja contrad éhonque Ia. vérité fe manifefte avec plus d'évidence. On peut retrancfier d'abord I'avan. fóge que le duc de la Fa/Üère veut tirer }de ce que la demoifelle dt Chaifeul  Mademoifelle de Choifeul. 4.T ■pas été admife, par les aótes de fa maifon , a participer, avec fes fceurs, aiut biens qui leur étoient communs. Si ceux qui avoient connoiiTance de fon état avoient eu la bonne-foi de la faire comprendre dans ces actes, les droits de fa naiifance lui auroient été confervés. Ce n'eft donc qua 1'infidélité de ceux qui ont prélidé a. ces aótes , qu'elle eft redevable du procés que la fupprellion de fon état 1'oblige de foutenir : & fi on 1'avoit placée dans le rang qu'elle devoit y tenir, elle ne feroit pas obligée d'implorer le fecours de la preuve teftimoniale , qui ne fut ja tls fiat, defende caufam tuam inftrui tnentis & argumentis quibus potes. Si | votre état eft contefté, il n'y a rienque | vous ne puiffiez employer pour le déJ fendre. Rapportez des acles , ü vous | en avez: au défaut d'acfes, faites valoir I des conjeftures; toutcequi conduirai $ la découverte d'un fait aufti intéreffant I pour la fociété, fera toujours légitime. I Üoli enim te/les ad ingenuitatis proba- > iionem nonfufficiunt. Car le fuffrage des : témoins n'eft pas le feul moyen qu'ou' puiffe employer , pour prouver la naiffance. Elle eft feule decifive, fi vous > 1'avez: mais elle peut vous manquer.En :cecas, employez d'autres armes, ne Xiéghgez rien ; Sc tout ce que vous Tome. IX, Q  .5 o Mademoifelle de Choifeul aurez a dire pour une caufe auffi favo> rable, fera bien accueilli. Mais, dit-on , la dernoifelle de Choi¬feul abufe de la loi; elle force, elle change même le fens des mors qui la compofent, Ces termes foli teftes non fufficiunt, ügnifient que la preuve teftimoniale feule ne peut jamais conftater 1'état d'un homme. EcoutoHS donc les interprètes du droit, Godefroy ne 1'a pas laiffée fans explication, « Ne dites pas, dit eet au3> teur, que 1'état d'un citoyen ne puilfe » fe prouver par la feule dépofition des ?3 témoins, ifolée de toute autre preu« ve ». Ne dicas ingenuitatem folis tefti~ bus probari non poffe. « Dites plutot 55 qu'il fe prouve, non-feulement par la ?j preuve teftimoniale, mais parlesaétes 31 Sc par les inducKons ». Sed potilis 3 non tantum teflibus , fed & inflrumentis & argumentis probari. II reprend enfuite les termes de la loi; Soli enim tefles non fufficiunt. « Les feuls témoins ne 53 font pas fuffifants ; c'eft-a-dire, ce sp n'eft pas la feule preuve a. laquelle on j3 puilfe avoir recours. Et, pour que Ia >5 loi put être entendue autrement, j? continue-t-il, il femble qu'elle auss rpic du dire que 1'état d'un enfant ne  Mademoifelle de Choifeul. $ r S pouvoit pas être prouvé par témoins ». Porrb videbatur dicendum tejlibus ingenuitatem probari non pojffe. Je viens de vous expliquer, dit Godefroy, le véritable fens de la loi. Et pourquoi 1'ai-je fait? C'eft qu'il fembleroit, a fuivre littéralement les termes dans lefquels elle eft concue, qu'elle auroir voulu dire que 1'état des hommes ne peut fe prouver par le feul fuffrage des témoins. Mais n'allez pas vous y trompet. Ne dicas folis tejlibu - probari non pojfe ; ce n'eft-la ni le fens, ni 1'efprit de la loi. Dites plutót, avec elle, que la preuve teftimoniale n'eft pas la feule qui foit décifïve , non folummodb ; mais que tout autre genre de preuve aura la même autorité, pourvu qu'il conduife a connoitre la vérité. Perfonne n'ignore que la glofe a, parmi nous, la même autorité, que la loi même. Or de quélle manière explique-t-elle le mot Solii'•<< On n'admet » pas les témoins feuls, a 1'exclufion des >> autres preuves ». Soli non admittuntur, ut alia probationum fpecies excludantur. C'eft-a-dire que la preuve teftimoniale n'exclut pas les autres preuves ; mais que feule, elle eft décifive, quand les autres preuves manquent. II Gij  $t Mademoifelle'de Choifeul n'y a point d'interprètes, on peut Ie« corüulrer tous, qui n'expliquent le moe Soli dans le même fens. Comment trouveroit-on, dans la loi romame, une exclufion de la preuve teftimoniale en matière d'état, puifqu'alprs cette preuve étoit, pour ainfi dire, 1'unique qui % autorifée par le droit commun, pour tous les cas, en toutes matières, & en toutes occafions ? II n'y avoit rien de fi important, qui ne fe décidatpar la feule autorité de la preuve teftimoniale, Ce n'eft que pour marquer la prote&ion fingtilière qui eft clue d 1'état des citoyens, que ia loi que 1'on vient d'examiner avertit qu'en cette matière, non-feulement la preuve qui étoit autorifée par le droit commun fera décifive; mais qu'on recevra même tout autre genre de preuves qui, peutctre dans d'autres cas, ne fourniroient que des ïnducfions légères & peu capa, bles de décider. II eft donc certain, dans le droit civil , que la preuve teftimoniale ne peut Jamais être refufée d celui qui en a befoin, pour défendre 1'état qu'on lui veut erdever, quand même il n'auroit aucun commencement de preuve par écrit. Cette preuve eft de droit communy  Mademoifelle de Choifeul. ^ elle eft la première, la plus ancienne de toutes les preuves. Elle eft établie par la loi divine elle-même. In ore duorum aut irium teflium jlabit omne verbum. « La s> dépofltion de deux ou trois témoins s> formelejugement». Dansnosmceurs, elle étoit, avant les ordonnances dont on va parler, comme dans le droit romain, & dans le droit divin, feule décifive en toutes matières. C'eft d'après elle que s etabliiToient la filiation , les conventions, &c généralement tout ce qui peur intérelfer les citoyens, &c les lier les uns aux autres. Cette maxime, certaine en foi, n'a pu recevoir d'atteinte que par une loi qui tak abolie; & uniquement dans les cas expreiTément énoncés dans la prohibition. S'il s'en trouve quelqu'un qui n'y foit pas exprimé, il faut néceifairement en conclure qu'il eft refté dans 1'ordre du droit commun , & de la légillation primitive. La première que le duc de la Vallière a appellée a fon fecours, eft 1'ordonnance de 1539. Elle a,dit-il, établi, pour la première fois, des regiftres de baptêmes & de fépulture: donc elle ne pennet pas qu'on admette d'autre preuve de 1'état des hommes, que C iij  $4 Mademoifelle de Choifeul «elle qui réfulre des regiftres publics: Cet argument n'eft qu'un fophifme,' dont l'dlufion fe diilïpe bien aifémerrt. Cette ordonnance, dans aucune de fes dilpofitions, ne parle ni de preuve teftimoniale, ni de preuve parécrit, ou litterale;elle ne rejette, elle ne condamne aucun genre de preuves dans aucun cas. Depuis 1'article 4farce **•■■»*■  Mademoifelle de Choifeul. L'expérience n'apprend que trop que les fentiments de la nature ne font pas toujours fupérieurs aux paifions dont les hommes font agités; & 1'on n'a pas attendu bien long-tems , pour s'apperÉevoirque la loi des DouzeTables avoit trop compté fur la nature, en donnant jaux pères le droit de vie 6c de mort fur leurs enfants. Quelle relfource, en effet, la nature pourroir-elle attendre des entrailles d'un père jaloux ? Quand une fois celui qui eft tourmenté de cette frénéfie cruelle fe fera mis en tête que l'enfant que fa femme porte dans fon fein peut être le fruir de l'infidéliré, que n'entreprendra-t-il pas, pour fe défaire d'un objet qui, dès avant fa naiffance, étoit celui de fon averfion? Ce n'eft plus comme un père barbare qu'il faut le regarder, paree qu'il ne croit pas être père , & que la fureur qui le déchire, ne lui permet plus de voir ni la mère, ni l'enfant autrement qu'avec des yeux ennemis. Sera-t-il donc le maitre, paree qu'il eft infenfé , d'enlever pour jamais a cetjte vidrime malheureufe 1'état qui lui appartient, & qu'elle a re$u également de la nature & de la loi ? Mais, dira-t-on, la nature ne par-  70 Mademoifelle de Choifeul lera-t-elle pas dans Je cceur de la mère > EHe pariera fans deuce : mais ce feu prelque toujours pour obliger cette Piere tendre d facnfier 1'état dl fon entant a des intéréts qui lui paroïtront encoreplus precieux. Elle feI trouve» forcee pour dérober la victime aux acces de fon jaloux, de feconder fes vues, ou meme de les prévenir: & Cer enfant perdra, fans relfource, les droits quefanaiJTanceluiattribue Allons plus ioin. La demoifelle de »t°f "Ir,l'°L1Ve danS un cas P1™ Propre a devoiler toute Phorreuif du fyf- reme quon luioppofe. Si, comme il ui eft arnve, une mort prématurée enleve les pere&mèredePenfantavant que fon nom ait été tnferit dans les regiftrespub lcS) rendra-t-on d'avides collateraux es mam-es de le retrancher de Ia fociété civile? ou lui fera.t-on un cnmedenavoirpu,drdgede fk mois ou d un an acquérir ou conferver des preuves Wales de fa naifTance? LX ï de Pareil,es maximes eroient autorifées, que de cirovens de«neureroienr fans état! L'ordre politique feroit renverfé, J'impunité feroit acquife au crime de fuppreffion de part flent on ne pourroit acquérir la preuve!  Mademoifelle de Choifeul. 71 tl eft aifé de concevoir que dix mille enfants légitimes feroient facrifiés dans ce fyftême barbare , avant que, dans le fyftême oppofé , un feul impofteujr eüt réuifi. Mais, dit-on, la preuve teftimoniale eft fi incertaine, qu'on ne peut aflez en prévenir le danger. Si le fecours eft dangereux, ce n'eft que pour celui qui s'y trouve réduit: il peut trouver fes preuves dépéries. Mais il ne peut jamais y avoir ni incertitude, ni danger pour celui contre lequel la preuve eft admife, puifque le fait ne peut être conftaté que par le concours Sc 1'unanimité des fuffrages des témoins; Sc que ces conditions, encore une fois, ne fe rencontrent jamais oü la vérité n'eft pas. D'ailleurs , eft-ce que la preuve teftimoniale ne décide pas feule de la vie des hommes ? Pourquoi ne décideroitelle pas de leur état ? Dira-t-on qu'en matière criminelle, elle opère eet effet, paree qu'il n'y en a point d'autre ? Y en a-t-il donc d'autres pour celui dont les regiftres. ne parient point, ou lorfqu'on s'eft fervi de ces regiftres pour fe préparer des armes contre lui ? Eft-il le maitre de fe  ll MddemoiJellede Choifeul. choifir des preuves ? Ne doit-on pas lui JHier nfage de celles auxouelles la cce aflèz habi e pour luj retrancher les t'tres que la loi avoit ordonné de lui preparer, ou que fes père & mère h'au- rompasallezvècupourlesluiprocurer, fjudra-t-il qu'il folt condamnè\ perdrè ion etat pour jamais, tandis qu'il pourrouen etabhr la preuve par 1'audition «es témoins ? Quant aux arrèts cités par le duc de Ia Valk. re, le premier , du x n>ars a 64.1 , eft rapporte par Joe/i e (,}. Mais on feroit fort embarraiTé d'en titer une confequence jufte : 1'auteur n'en rapportepasla plusk'gèrecirconftance. ? Le fecond arrêt eft celui du Gueux L T°n> d°nt ^i^pporté 1'hiftoire dans le premier tome de cerecueil. (0 Lucien Soefve, nntif de Paris v fut reen avoc l6 6i &M„^™'J ™ avocats en 1695 , agé de 78 ans II Kf en deux volumes f«./^ un 6f„ i T' rets du Parlement de Pari, ™ „ l "F «m r»,,.,. Jans, au ncmbre de S CÊt ouvra8e » ™>é, Ote/C tions notables, tant de dmh > V J on trouve les moyens employés de nart & u  Mademoifelle de Choifeul. 73 II y avoit, dans le procés , deux circonftances importantes. L'une, il étoit ptouvé que le fils de la Vacherot, auquel 011 vouloit fubftituer celui du mendiant, étoit décé,dé. L'autre-, il y avoit eu une inftance en reglement dejuges, •dans laquelle M. de la Moignon, lors maitre des requêtes, & depuis premier p^réfident, avoit interrogé le père Sc l'enfant. Le père étoit convenu que l'enfant étoit fon fils - & le fils avoit ■ reconnu le mendian,» pour fon père. II ne s'agiffoit même5 plus de 1'état de l'enfant, lors del'arrêt;on n'étoitoccupé; : que de fixer Ia peine due a 1'impofture, Sc de juger une prife a partie contre les juges de Vernon, accufés d'avoir donné des inftruótions aux importeurs. Par Parirêt, on prononga un hors de» : cour fur la prife a partie; Ie mendiant : & fon fils furent élargis des prifous , Sc ,| conduitsa 1'höpital. Voila tout ce que eet arrêt a jugé. Le troifième arrêt, qui eft de i6$gj eft auffi rapporté dans le premier rome de ce recueil. C'eft celui de Jouj tipt, qui vouloit être déclaré fils d'une femme qm n'avoit jamais eu d'enfants. 11 fut fait défenfes a eet impofteur, de fe Tome IX. X)'  74 Mademoifelle de Choifeul. dire fils de Marfault Sc de fa femme qu'il réclarnoit pour fes père Sc mère. Mais cette décifion étoit fondée fur trois circonftances. i°. On rapportoit un brevet d'ap- prentilfage, qui donnoit a Joublot un père Sc une mère cerrains, dont il avoit toujours porté le nom. 2°. L'enquête qui avoit été faite de 1'autorité des premiers juges, étoit nulle, a la vérité: mais elle démontroit 1'impofture, par 1'abfurdité des faits, & par la contradidion des témoins. 3°. La dame Marfault avoit mis en fait cjue jamais elle n'avoit eu d'enfants : elle avoit été vifitée; Sc par le procés-verbal de vifite, le fait étoit prouvé. II n'eft; pas étonnant que, dans de telles circonftances, on ait cru devoir arrêter le progrès de Pimpoiture. Le quatrième arrêt eft de 1691, Sc c'eft celui duquel on prétend tirer le plus d'avantage. Mais il s'écarte en un mot. Francoife Coulon vouloit devenir fille de Pierre Davril, Sc cl'Anne Laval fon époufe. Elle fe difoit née en 1 £5 o , Sc rapportoit, pour le prouver, le certificat d'un religieux , qui étoit réellement fils de Davril, qui la reconno*ffoit potir fa fceur, Sc atteftoit qu'elle  Mademoifelle de Choifeul. 7^ ctoit née dans la même année que M. Brouffel (1) fut arrêté. On ^répondoit que, puifque, felon elle-même , elle étoit née en 165 o, elle ne pouvoit être fille de Davril, mort en 1640. Le certificat du religieux étoit détruit par ce feul fait. Cependant on j ajoutoit encore 1'atteftation de fes fupérieurs , qui déclaroient que c'étoit un fripon, capable de tout faire pour du vin. Ce certificat portoit d'ailleurs avec lui, une doublé preuve de fa fauffeté. II fixoit la naiffance de la prétendue fille de Davril a 1'année oü M. Brouff'el avoir été arrêté. Or eet événement avoit pour époque 1'année 1648, époque qui ne peut pas plus fe concilier que 16^0 avec la mort de Davril arrivée en 1646. 1 Enfin la contradiótion qui fe trouvoit i fur le tems de la naiffance de cette fille' I entre le certificat du religieux, &le fait que fa prétendue fceur avoir articulé étoit plus que fuffifante pour démontrer ; l'impofture de 1'un & de 1'autre. II étoit donc impoffible d'admettre la preuve ] „ ^ C eft ce conf"eiuer au parlement, dont : Vemprifonnement fin foccafion des barricades, fous la minorité de Louis XIV. Dij  Mademoifelle de Choifeul. teftimoniale d'un fait dont fa fauffeté étoit démontrée d'avance par écrit. II ne réfulte donc autre chofe de ces arrêts, finon que toutes les fois que' quelqu'un fera alfez téméraire pour demander a faire preuve par témoins d'une filiation détruite par des écrits, il faudra bien fe garder del'admettre. Mais jamais on ne trouvera d'arrêt qui ait décidé que le feul défaut de commencement de preuve par écrit fuffife pour empêcher la preuve reftimoniale. Cette preuve, quand il niefl pas évident d'ailleurs que Ie fait pour lequel on réclame, eft faux, eft admifïible dans le cas même oü il n'y auroit pas de poffeffion d'état, ni fecrete, ni publique. Cette poffeffion n'a jamais paru «tre une condirion néceffaire &préalable a 1'admiffion de la preuve teftimoniale. £n effet, un enfant aura perdu fes père Sc mère en naiffant, & leur mort précipitée ne leur aura pas laiffé le tems de prendre part a. fon éducation, ou du moins de lui laiffer des preuves par écrir de fon véritable état; & il fera privé des droits de fa naiffance! C'eft une vifion auffi chimérique, qu'elle eft edieufe.. On verra, au refte, par 1'arrêt de Tocquelln, dont je rapporterai 1'hiftoire a la fuke de ceHe-ci, que la juftice  Mademoifelle de Choifeul. 77 n'exige ni commencement de preuve par écrir, ni poffeffion d'état, pouradmettre un enfant a faire preuve, par témoins, de fa naiffance. Ainfi, quand la demoifelle de Choifeul n'auroit aucune preuve littérale de 1'état qu'elle réclame, la teftimoniale ne lui pourroit être refufée, fans violer les loix les plus faintes de la fociété civile. A plus forte raifon lui doitelle êtte accordée , li, comme elle va le .faire voir, les faits qu'elle demande a prouver, font établis par avance fur des . écrits qui ne laiifent aucune reffburc* a . 1'équivoque. . II. La demoifelle de Choifeul rapporte quatre pièces qui font plutót une démonftration complette, qu'un^ commencement de preuve par écrit de 1'état qu'elle réclame. Ces quatre pièces font 1'interrogatoire fubi par M. le duc de la, Vallière ; celui du chevalier fon f rère; da lettre de la marquife de Tournon, &c le regiftre de Paccoucheur. Je n'entrerai point dans le détail des réponfes de M. le duc de la Vallière ; elles font toutes négatives. Mais Me Normani a prétendu y trouver au moins une demi-confeffion de fa part touchant D ii-j  78 Mademoifelle Je Choifeul. Ia filiation de mademoifelle de Choifeul. M. de la Vallière n'a jamais artieule jundiquement que fa partie adverfe ne pouvoit être fille de madame ie Choifeul, fans être le fruit d'un adulsere. Mais, dit eet avocat, c'eft le prétexte dont ce duc fe fervoit dans le monde, pour excufer fes démarches; & c'eft dans eet efprit que toutes fes reponfes font rédigées. Le commiffaire qui 1'a interrogé ne lui paria jamais que de la troifième fille de madame de Choifeul; & toutes fes reponfes fe réduifent a dire qu'il ne connou point de troifième fille de M. & de Madame de Choifeui. Cette affeótation de joindre toujours ie mari & la femme annonce qu'il croyoit bien que la demoifelle de Saint-Cyr pouvoit être fille de madame de Choifeul, mais qu'elle n'étoit pas fille de M. de Choifeul. Voici une de fes reponfes, par Iaquelle on peut juger de toutes les autres : c'eft le même fond, en termes différents. Art. Interpelle' de rèpondrz paf om, ou par non , s'il ne fcait pas que la demoifelle a pelle'e de Saint-Cyr, e(l fille di madame la ducheffe de Choifeul fa fceur.  Mademoifelle de Choifeul. 79 Rép. Bellz interpellation ! Madame de Choifeul, ma fceur, ne m'a jamais^ dit qu'elle eüt une troifème file ; je nat vu ni feu de gfoffeffe en 1697,6" par conféquent point d'accouchement dans ladite année (1). Je n'ai jamais vu la demoifelle de Saint-Cyr en poffeffion d'état de fille de M. & de Madame de Choifeul • je n'ai jamais feu que madame de Choifeul l'ait 1econnue pour fa fille, pendant fa vie, ni a fa mort s non plus que NL le duc de Choifeul pour lafimne. Ainfi je ne reconnois que deux filles de M. & de Madame de Choifeul, qui font toutes deux moties; jefuis bien furpris qu'on me demande autre chofe; & par (onféquent je dis pofitivement que non. Voila donc un non pofitif ,& tel que le commiffaire 1'avoit demande plufieurs fois inutilement a M. le duc de la Valliïre. Mais c'eft un non tiré par conféquence d'un raifonnement que la (1) M. de la Vallière fe défendoit de la connoiffance perfonnelle qu'on lui attribuoit de la groffeffe & de la couche de madame dt Choifeul, en difant qu'il étoit part. pour 1'arméé en mai 1697, & qu'il n'en étoit revenu qu'a la fin d'oftobre. II le dit entr'autres, dans fon interrogatoire ,article 8. C'eft peurquoi il dit encore ici qu'il n'a vu ni grollene , ni accoucheinent. . D iv  8o Mademoifelle de Choifeul. jjueftion n'exigeoit pas. Aufif n'eft-ce pas fur Ie fait que tombe la dénégation yatsfurlafuppofoionqu^lavoud^ . deptetei.dreque.n'ayant jamais vu la , dem01r 1Je d Ckoifiul > ^ a JM d enfant de Monfieur&de Madame dc ' -Ma£ TfU jamais f?u AT. fi. ™™ 1'èuflent reconnue co°nf ^^P-^-füretéde confuenceconclure queA/o^é^• f™^ «<-/n'avoient jamais eu une tromeme fille. II a cru qu'en ne feW «nt jamais MonJUur de Madame dt Choifeul, il parviendroit i concilier fes interets avec les ouvertures de «>£■ quil avoit eues pour fes amis. rni^—i1 nattéquequelquunfe" a duPc de,cet artifice? Ne voit-on pas clairement Ia réticence voilée fous ces expreffions j & n'y decouvre-t-oa pas 1 aveu tacite des faits fur iefquels ii ^^^^^ Quant d la lettre de la dame de Tour. ™«, ; ai fut voir plus haut( page z7 ifruïêS, indudlio"s q»e la demoifelle de Chotfeul en tiroit en fa faveur. L'interrogatoire du chevalier de U 'vTf7:rOU aI>lU dG Ces P*«ves. 11 eft expreifcment coovemi que  Mademoifelle de Choifeul. 81 madame de Choifeul, fa fceur, a eu quatre enfants; un garcon ót<-trois filles; que fa mèse, toute fa familie & lui ont été témoins de fa-groffeffe en 1697 j qu'il fcait que cette fille a été élevée par la dame marquife d'Hautefort, fous le nom de Saint-Cyr; que fa fceur, étant a 1'extrêmité, lui a dit qu'elle avoit recommandé cette troifième fille, rant a la dame marquife d'Hautefort, qu'a M. le duc de la Vallière, & qu'ils lui avoient promis d'en prendre foin. Enfin, a ces différentes preuves, fe réunit celle qui réfulte du livre de 1'accoucheur. J'a rapporté plus haut ( page Z4) ce qu'il contenoit. La demoifelle de Choifeul, dans une plainte rendue en 1723 , deux ans avant la découverte de ce regiftre, ayoit articulé les principaux faits qu'il contieiit. De trois adverfaires qui s'oppofent a fa demande, il s'en trouve un qui n'ofe nier ce qu'elle foutient, &c qui, fans les fecours qu'il a trouvés dans la doctrine de Péquivoque, auroit étéforcé de foufcrire a fa condamnation j c'eft le duc de la Vallière. Un fecond foutient hardiment la dénégation , fans fe fouvenir qu'il aformellement reconnu la vérité dans une Dv  n2 Mademoifelle de Choifeul lettre qui lui eft échappée : c'eft la dame de Tournon Le troilième convient de tous les faits • & ils fe trouvent confirmés par Ie detail exaót qu'un accoucheur, mort huit ans avant le procés, en avoit fait vmgt ans avant fa mort, dans fon regiftre-journal : c'eft le chevalier de la Fallure. Si le commencement de preuve par cent étoit néceftaire pour parvenu a la preuve teftimoniale, cette condition ne fe trouveroir-elle pas remplie, & bien au-dela, par les preuves littérales que 1'on vient de rapporrer ? Mais M. le duc de la VaWlre ne fe rend pas; & les approches de la conviéhon ne font qu'animer fa réfiftance & fes efforts. La dame de Tournon, ditïl, a écrit une lettre : mais elle alfute que cette lettre ne vous regarde pas: il faut 1'en croire. Oh a-t-il pris que la parole de Ia dame de Tournon doit 1'emporter fur 1'autorité de fon écriture ? II faut diftinguer les tems. Elle parle aujourd'hui comme une perfonne livrée a la pallion d'un frère ainé, que 1'intérêt a rapproche d'elle, & qui eft en état de lui faire fentir, a chaque inftant du jour  Mademoifelle de Choifeul. 83 ce qu'elle perdroit, en s'éloignant de U1M. de la Vallière attaque enfuite Ie regiftre de 1'accoucheur. La première obje&ion qu'il oppofe a ce monument, c'eft que 1'ordonnance de 166"7, au défaut de regiftres publics, ne donne ia confiance qua des ccrits émanés des père & mère. Mais on a déja prouvé que cette lol fubftitue, aux regiftres pnblics, les regiftres ou papiers domeftiques, ou Ia preuve teftimoniale. Or le journalde 1'accoucheur n'eft point 1'écrit d'un étranger. C'eft 1'écrit d'un homme qui rend compte d'un miniftère néceffaire ; compte rédigé il y a vingt-hun ans, qui contient tous les faits articulés par la demoifelle de Choifeul, dont 1'auteur eft mort huit ans avant la naiffance du procés, & qui, par conféquent, n'a pas travaillé pour lui plaire. La feconde objection confifte a dire que Leduc annonce bien, dans fon journal , 1'accouchement d'une dame de Choifeul ;mais qu'il ne dit pas que ce foit la ducheffe de Choifeul. D'aüleurs , il dit qu'ü a regu trente louis de Ia maréchale de Choifeul. Or la maréchale & la ducheffe, n etoient pas atfez bien D vj  84 Mademoifelle de Choifeid enfemble pour que 1'une s'entremit des affaires de 1'autre. La demoifelle de Choifeul a articulé ; iJ % qu'eüe étoit née de madame la ducheffe de Choifeul, le 8 odtobre I697 5 que Leduc avoit été fon accoucheur; & que c'étoit le fieur Hchctius ■ medecm qui le lui avoit donné. Elle decouvre, prés de deux ans après, le regiftre-journal du même accoucheur, qui dcraille les circonftances de ïaceouchement de madame de Choifeul, d'une fnaniere abfoiument conforme aux faits articules par la demoifelle de Choifeul. - t-e-s; faits font reconnus par une partie defesadverfaires, comme devant être attnbues a n d,irU,rr* J„ nL^-r. , „jjy, ut \~nuueui. si paree que Leduc s'eft contenté de nommer madame de Choifeul,. il reftoit im doute fur le choix de laducheffe, ou • dune autre, ce fait feroit éclairci par es témoins. Le fleur Helvetius & tous ies autres répéteront ce qu'ils ont défa dir, que cefut par le fecours & p3r fe inimftere de Leduc, que la ducheffe de Choifeul accoucfaa d'une fille, le 8 oébo- Quand Leduc a parlé de la maréchale de Choifeul, ce n'eft pas qu'elle aic jaöaais pns part a 1'éducatiou de 1'ea-  Mademoifelle de Choifeul.^ fant dont la ducheffe étoit accouchée. 11 a nommé par erreur la maréchale, qui avoit alors prés de quatre-vingt ans , pour la ducheffe. llfcavoit que la femme qu'il avoit accouchée étoit d'un ordre éminent; & il n'eft pas extraordinaire que, n'ayant jamais eu, avant eet événement , aucune relation avec la maifon de Choifeul\&c fcachant qu'il y avoit, dans cette maifon, une maréchale 6c une ducheffe, il ait confondu 1'une avec 1'autre. _ . M. le duc de la Vallihe fait une troifième objeétion, & dit qu'il fe trouve une contradiétion évidente entre le détail du regiftre, & les faits que-la demoifelle de Choifeul avoit amcules dans fa plainte de 172?. La plainte portoit que lagrofteffe de la ducheffe deChoifeul avoit été publique; qu'elle étoit accouchée dans fa maifon , au vu & au feu de M. le due de Choifeul,_ & que l'enfant avoit été ondoyé en naiftant, a caufe du pcril de mort dont il avoit été menacé. Leduc, au contraire, ne parle, dans fon regiftre , que d'un accouche• ment myftérieux.- L'enfant lui eft confié, pour Ie mettre en nourri. e \ \\ le fait baptifer fur une paroiffe étrapgère j, il ne parle ni de péril de mort, ni dor*:  8 6 Mademoifelle de Choifeul. doiement: il dit, au contraire, que madame de Choifeul eft accouchée d'une grolfe fille, qu'il a fait baptifer a SaintLtienne-du-Mont. t La demoifelle de Choifeula dit, elle repète & offre de prouver que la groffelfe de madame fa mère, en i697 a ctepublique. En effet elle IaifTeroit voontiers d M. le duc de la Vallière la Jiberte de choifTr, d la cour 8c d la ville entre tous ceux qui out vècu avec la duchelfe de Choifeul, les perfonnes qu'il voudroit qu'elle frr entendre pour témoins. Elle ajoute, non pas comme on le ruppofe, que m-adame fa mère accoucha au vu & au feu de M. de Choifeul mais qu'elle accoucha, dans fon hotel rue de Vernetfil, au vu & au feu de fa familie & de fes domeftiques. Oron ne peut pas préfumer qu'une femme qui accouche dans fa maifon, ait voulu que ion accouchement fut feeret. Quand on veut fe cacher au public, d fa familie , a Ion man, on a foinde prendre d'autres precautions. A 1'égard de 1'ondoiement, il eft vrai que Leduc n'en parle pas. Mais cette arconftance n'en eft pas moins certame. II n'eft pas étonnant qu'entre tou-  Mademoifelle de Choifeul. 87 tes celles dont il rend compte , il lm en. foit échappé une. Pour qu'il fe trouvat une contradiction réelle a eet egard , entre le récit de la demoifelle de Choifeul & ce qu'on Ut dans le jounial, U ne fuffit pas que ce fait ne s'y trouve point,il faudroit que le contraire y fut Lrit. C'eft ce qui n'eft pas. Il y eft fait mention d'un baptème, a la yente : mais eft-il donc incompatible qu un enfant , après avoir été ondoyé, foit admis aux cérémonies du baptème ? Mais, dit-on, tout ce qui s eft paiie lors des couches de madame de Cho1' feul, d'aprèsle regiftre même de Leduc, indique un myftère qu'on a voulu rendre impénétrable. Quoiqu'il n'y ait eu de myfteieni dans la groffelfe, ni dans 'accouchement, on ne peut nier qu'il n y en ait eu dans 1'éducation. Quel en eft le motif? C'eft ce qu'on ignore, & ce quil n'eft pas permis de pénétrer. Qui icait, en effer, ce qui fe palTa pour lors entre les deux époux? Qui fcait fi la demoifelle de Choifeul ne fut pas deftinee a £tre une de ces viótimes malheureufes que les loix ont voulu fecounr, en mdiquant & autorifant toutes fortes fources pour connoitre Sc conferver Utat des hommes ?  88 Mademoifelle de Choifeul Ce qu'il y a de certarh, c'eft que kS precautions Prifes pour cacher 1'éduca- groffefle de la mère, Sc fon accouchement, ne furent jamais une raifon déterminante contre 1'état de eet enfant. Autrernent route voie a la réclamation ■ feroit fermée. C'eft en effet le myftère ■ qui y donne toujours lieu. Point de myftere, point de procés. Un enfant, dont Ia naiifance & 1'éducation ont été pubhques, n'a point a craindre de fe ■ voir redu.it k prouver 1'état qu'il a poliede toute ft vie. ■ Les conteftations de Vef^ A.rx. ci, 11 ont donc jamais d'autre principe que le myftère. Ainfi, dire quek p 2e que rapp mademoifelle ie C/W^/ ndique du nayftère, c'eft reconnoire Ia neceflicé inrfitW>nAku j„ i> / rlir . Kr —r"""»y« uc i approrondir . & comme on ne peut y parvenir que par la preuve teftimoniale \ il fauc accefTairementy avoir recours. oi i on difoit a mademoifelle o Mademoifelle Je Choifeul. raifon, dont tout 1'avantage, fur Ia leufe. II eft bien éloigné, dit-il, de vouloir aeeufer fa fceur d'un crime. Cependanr, felon lui, fi on veut en croire Ie regiftre de Leduc, 1'enfantdont a ducheffe de Choifeul feroit accouchée M i ƒ e, 1597' n'auroit P« a™ir M. Ie duc de Choifeul pour père. II y avoit quatre ans qu'ils n'habitoientplus enfemble. D'ailieurs Leduc a fixél'épo- cjue de la groffetfe au 28 décembre i69€.. U. de Choifeul, qui étoit en otageaTtmn dès le mois de feptembre precedent, n'en eft de janvier ,^7. L'époque de la conception n eft qu'une conjeéture, fi pon veut. Mais la conjecf ure exprimée par Jaccoucheur, fuppofe quV)n ]ui a £ des queftions; & ces queftions ne pouvoient etre fiirpc r,,r ^„ j j x, . r w" r1" "'-ludHie ae ^noi- Jj«t, qu autant qu'elle fe feroit mife dans le cas deconcevoir. Orelle n'a pu en courirlesrifques queparunadultère. Le regiftre de Leduc, en fuppofant qu'il dmve faire preuve, fait donc preuve d un crime; & p2Ut-on fonder une lé*itinute fur un crime ? ö On répond, avec fuccès, qu'il n'e& pas vrai d'abord que le mari &c la femme eulfent ceffé d'habiter enfemble  'Mademoifelle de Choifeul. 91 plus de quatre ans avant les couches de madame de Choifeul. Ils n'avoient qu'un même hötel i Paris. M. de Choifeul' etoit le maïtte d'y voir fa femme quand il le iugeoit a propos. Jamais ü n'y a eu de féparation entr'eux-, on ne rapporte aucune preuve de divorce : & quand on en rapporteroit, elle feroit ïnualejelle ne prouveroit pas que le mari & la femme 11e fe font pas vus maritalement.^ Quant au féjour aTurin, il n'en refulte pas deconféquencesplus concluantes; paree que le retour, que M.de la Vallière fixe lui-même au mois de janvier 1697 , le rend totalement mdifrerent. En effet, du dernier janvier, au 8 oótobre, il y a huit mois & huit joiirs: il fuffit que le jour de 1'accouchement fe trouve dans le neuvieme mois du retour , pour écartet foupcon des conféquences que M. le duc 'de la Vallière ofe tirer du féjour de M. le duc de Choifeul a Turin. A 1'égard de la conjeóture de 1'accoucheur fut l'époque de la conception, il fembleroit, a entendre M. le duc de la Vallière, que le colloque quil iuppofe entre madame de Choifeul & Ion chirurgieti,fe feroit palfé dès les premiers moments de fa groffelfe; que dès les premiers moments de fa groffeffe, elle en  5)2- Mademoifelle de Choifeul auroit mdi"™,^ 1„ r. „ J . --~~jUv iC nane: öc que Ie dmgresdeeette groflèSè auroi? éé dans le regiftre de 1'accoucheur, ju Wan moment de .juiquau Que fnn7P°lm0m s'évanouiftent dès Ptem^f Cb^-/' Pour ^ première fon qu'au mois de feptembre S ,r Êm fiSnes toques d'une gtoflefle, qu'elle auroit cru appercevór au mois de décembre i69t* i\ n??n refu teroit autre chofe, fi *ce qu elle fe feroit tromPée.L'événeml7 «emeprouveroitfon erreur, puifqu'unè eoncepnon- formée dès Ie mois dT dé? cembrex^, & un accouchement d„ o occoore ,*97 , fuppoferoient, eontre Ie cours ordinaire de la nature que madame de Choifeul auroit porté fon fruitpendantneufmois&demi Lobjeftion n'eft donc qu'une èlii«ered'aatant plus odieufè, que ceIui qui fe Ia permet n'ignore nas aTaZÏÏ nferoit d aucun fecours pour fon fyf. J??5 7Cn qu 11 convient que M 6 ^demoifellede Choifeul. 1 adultère ne fair pas cefler i'effet de k regie. On pourroit appuyer fon avis par cenrauror^S:maisafllffit.deciterP arm du 15 hun 1^3 , qui jugea légitune un enfknt-donr la mère avoit été déciarée adultère, a lWafion de la grolTeffedont ce mème enfant étoit le fj/f di°nC^S Vrai i'^dultère ' faffe ceder la règleparer is eft, &c. Et ü pour faire volr que fa caufe eft fimlu? vaife qu d „e peut la foutenir qu'eu cumulant les erreurs, &poUr faire fentir 1 exces de fes égarements. En effet, quand on lui palTeroit cette dodfcnne permcieufe, quelle reftource pourro,t-il en efpérerPIlconvient aZ labfence deM. le duc de Choifeul dure quejufqu'au mois de janvier itf57. Madame de Choifeul n eft accouchée que aans le neuvieme mois de fon retour. Comment for une pareille abfence pourroit-il fónder un adultère > La demoifelle rfff réunit (0 On trouvera rhifto» de cetsm", ^ 1 fu.te de celui de Toc^linf donc,  Mademoifelle de Choifeul. 97 donc, en fa faveur, les preuves les plus capables de conduire a la vérité qu'elle réclame. Le duc de la Valliere répondoit qu'il fe trouvoit chargé du foin de repouifer les attaques que 1'on vouloit porter a deux maifons, dont la demoifelle de Saint - Cyr venoit troubler 1'ordre &C 1'économie qui y onr toujours régné.La défenfe de ce duc fe trouvoit écrite dans une foule d'actes folemnels , qui ccnftatent 1'état dans lequel ont toujours vècu les deux families de Choifeul &c de la Vallière. A ces aclres, fe joint la notoriété publique, & le tcmoignage de ceux mêmes qui favorifenr aujourd'hui 1'entteprife téméraire de la demoifelle de Saint-Cyr. Les père &.mère, fur lefquels elle a fixé fon choix, ne lont, de fon propre aveu, jamais connue pour leur fille. Les deux families de Choifeul & de la Vallière , & le chevalier de la Vallière luimème, dont elle regarde le témoignage comme fon plus folide appui, ne Pont jamais connue comme fille du duc & de la ducheffe dc Choifeul. Six fuccefïions ont été ouvertes pendant le cours de vingf fix années: cent occafions de mort Tome IX. E  9 8 Mademoifelle de Choifeul. Sz de mariage, & beaucoup d'autresr événement, font furvenus dans les deux families, fins que la demoifelle de Saint-Cyry ait pris aucune part: & cette dame diftinguée, qui fe déclare fi haurement fa protedtrice , a rendu contre elle un tcmoignage d-e vingt-fix ans, en Pélevant dans une obfcure fimplicité, fous un nom étranger a celui de Choifeul, ^ Qu'oppofe la demoifelle de SaintCyr a tant de monuments publics, dont h cri s'éléve contre elle ? Elle eftréduite a articuler des faits d'une naiffance fecrete & myftérieufe, qu'elle demande afoutenir par la foi des témoins. Elle a vu flétrir, par Parrêt du 1e> mai 1724, Partifice qu'elle avoit mis en nfage pour fe procurer des témoignages qui apPuyairent fes projets ambirieux. Cet échec na point abattu fon courage. Elle a employé deux années a chercher les moyens de le parer; Sc fes recherches n'ont eu d'autre fuccès, que de découvrir 1'autcar d'un répertoire fans auroriré, 011 elle a trouvé un nom de Choi' feul fcandaleufement inferit. Voila néanmoins ce qu'on appelle, avec confiance, des lumières qui mettent dans la dernière évrdence 1'état de  Mademoifelle de Choifeul. 99 : la demoifelle de Saint-Cyr, & qui doiI vent la faire fortir de 1'obfcurité qui fut toujours fon partage, pour entrer avec éclat dans une des plus illuftres families du royaume, dont elle n'a jamais fait partie. Mais ce que la demoilelle de SaintCyr appelle des lumières éclatantes, la 1 fageffe de nas légiflareurs les a profcri| tes, comme ne pouvant avoir d'autre ! effet que d'introduire la confufion &c I les défordres les plus pernicieux a la 1 fociété: &, quand nos loix n'auroient > pas eucette prévoyance contre la preuve par témoins, le pen de vraifemblance des faits articulés, la contradiótion oü •> ils font entr'eux, foit avec les fecours dont on les appuie, foit avec les monuments publics de ia familie de Choifeul; enfin Pinntilité de ces fairs qui ne portent pas même le moindre caraébère de poffeffion d'état, toujours néceffaire en 1 pareil cas, tout cela feroit fufrifant pour 1 démafquer 1'artifice. La demoifelle de Saint-Cyr fonde tout Pefpoir du fuccès qu'elle fe promet, fur deux propofitions. Pour en faire voir toute PHlufion , il' eft néceffaire de rappeller les vrais principes de la matière. Et, pour les bien entendre, il fant Eij  Too Mademoifelle de Choifeul. èxaminer Sc définir ce que c'eft que 1'écat des hommes. C'eft, en effet, dans ces principes du droit public, que 1'on a puifé les décifions dans toutes, les queftions d'état, dont Pintérêt de la fodécé n'eft jamais féparé. Le droit naturel feul reconnoit une efpèce d'égalité entre les hommes. Mais le droit civil & municipal range les hommes dans différents ordres, Sc leur alïigne différents degrés : on diftingue les perfonnes libres, Sc les efclaves; les,pères Sc les fils de familie; les enfants légitimes& lesbatards; 1'homrrie en dignité, & 1'homme privé, Sec. C'eft ia différence de ces qualités qui forme 1'itar, des perfonnes; 8c 1'harmonie univerfelle du tout politique, réfulte de 1'ordre qui règne dans les différents corps, qui font autant de membres de ce tout; entr'autres dans les families, qui, par elles-mêmes, font des corps plus anciens que 1'état: enforte que la qualité de citoyen fe tire de 1'engagement particulier que chaque individu contrade envers fa patrie de concourira la confervation de 1'harmonie univerfelle, fuivant la place qu'il occupe dans 1'état politique, Sc la rela-  Mademoifelle de Choifeul. 101 tion qu'il a avec le corps entier dont il eft membre. Ainfi 1'objet du droit civil, dans l'établifTement des loix, a été d'entretenir eet ordre univerfel de la république, en fixant des régies pour la folidité des conventions, & la gradation des fucceilions dans les families, fe premier principe des queftions ci'étar , eft donc de rcjetter ce qui peut troublcr cette harmonie univerfelle. L'état des perfonnes n'eft autre chofe, en effet, que le rang qu'elles tiennent dans quelques-uns des corps particuliers qui compofent le corps politique de tout l'état. Dans ces corps particuliers, fe trouve celui des gens obfeurs, dont on ignore 1'origine. Ce n'eft pas être fans état que d'être dans ce rang. Ceux qui y font n'exiftent pas moins comme membres du corps : leur état eft moins illuftre ; mais ils font toujours partie du corps univerfel de la fociété. S il fuffifoit d'être rangé dans cette efpèce de perfonnes, pour avoir droit de fe placer dans quelque familie a. fon choix, ce feroit un admirable privilege pour tous ceux qui font nés dans 1'obfcurité, ou qui affeérent d'y être nés. En ignorant ce qu'ils font, ou affeétant Eiij  102 Mademoifelle de Choifeul. de le cacher, ik anroient la libecté de devenir ce qu'ils voudroient me; & , fcusprétex-te qu'on ne fcauroit indiquer leur véritable origine, ik feroieirt les maittes d'en choifir une a leur gré dans les plus illuftres families. Ce n'^eft donc pas lahfer un citoyen fans état, que -de le fixer dans ou état obfcur. C'eft, au contraire, lui conferver l'état Sc Ie rang qu'il a toujours eu dans la fociété ; c'eft conferver 1'harmonie générale & univerfelle du corps politique, qui feroit bientót renverfé, fi chacun avoir lechoix de la place qu'il y doit renir. Dela, il £uit que, quand une perfonne obfcure veut déranger réconomie particuliere des membres qui compofent une familie, en s'y introduifant fans en avoir jamais fait partie, il faur nécelfairement qu'elle ait un tkre légitime qui lui donne ce droit. En effet, fi la loi civile n'autorife pas un citoyen a dépouiller un autre citoyen , on ne dit pas d'une fuecefiion opulente, mais de la fomme la plus modique, ajaaoins qu'il n'ait un tirre légitime qui lui en attribue la propriété : a plus force raifon , combien eft-il néceflaire d'avqirun tkre folemuel pour;  Mademoifelle de Choifeul. 103 priver un autre citoyen de fon état? Car c'eft enlever l'état d'autrui, que dc vouloirs'infinuer dans fa familie, quand on n'en a jamais fait partie; c'eft vouloir lui donnet un parent qu'il n'a recu ni de la nature, ni de la loi \ c'eft vouloir faire poffer le bien d'une familie dans des mams qui, fuivant 1'ordre de la fociété, n'y doivent avoir ^.ucune part. Pour fixer au jufte 'le point de la queftion dont il s'agk ici ^ il ne faut que fe repréfenter, d'un cóté, quelle a été jufqu'ici la pofkion de la demoifelle de Saint-Cyr; c'eft-a-dire, le rang &c la quaiité dont elle a joui jufqu'a. préfent dans la fociété; de 1'autre co té , quelle a été 1'harmonie particuliere des maifons de Choifeul & de U Vallïere , dans lefquelles elle veut prendre rang.^ L'état naturel de la demoifelle de Saint-Cyr , & le feul dont elle fok en poffeffion, dcpuis vingt fix ans,eftun état d'obfcurké , étranger aux families de Choifeul & de la Vallïere. La poffeffion dans laquelle elle a été , eft d V/oir toujours porté un nom étranger a ces deux families, de n'avoir, de fon propre aveu, jamais été reconnue., ni même connue ni de M. ni de Madame de E iv  104 Mademoifelle de Choifr^l Choifeul, m d'auctin de ceux qui pe„- aST5 n avoirpns aucune part Telie eft Ja notoriécé de l'état de Ja «ete refulte d'une w6mté d'actes au Wteirapaoa, depuis l'époque qu'elle e leannentéfon aétion. Elle réi * 2 vetwacite de la dame d'JSfc.,^ e e meine mnmeamie des deux fo- n les .nftrmtedetouslesévénements <}"\y lom: arrivés, qui a élevé la de- ^1,é^^-^i^slapréto a aucun membre des deux maifons comme ,leur parente. Cette notoriété .efukeenhndela conduite du cheva- f^genhaut, qui aaJbftéA tous les aétes dont on vient de parler, & qui a ff a°^/,detnière décédée, comme n y ayanx point d'autre enfant de M. & de Madame de Choifeul. 'La queftion d décider fe réduit donc a fcavoir li la demoifelle de Saint-Cyr ctat dobfeunte, qu'elle a prefcric par  Mademoifelle de Choifeul. 10% I une polfeiïïon de vingt-iïx années, peut le qirrtter, pour palier fubitement dans I la condition éclatante de fille d'un duc ! & pair de France j & troubler, par cette efpèce de mctamorphofe , 1'économie de deux families illuftres; économie qui a pour bafe la bonne-foi oü étoient tous les membres qui les compofent, que M. & Madame de Choijeul n'avoient laiffé que deux héritières, qui font décédées. Si, du moins, la demoifelle de SaintCyr fe préfentoit avec quelque titre qui pür colorer fa prétention', on feroit moins étonné de fa témérité. Rappürte-t-elle un extrait baptiftaire en forme, qui conftate fa naiifance & fa filiacion ? Cet acte feul lui fuffiroit. Mais le papier qu'elle préfente, pour en tenir lieu, n'eft propre qu'a exciter 1'indignation de la juftice. C'eft elle qui, de fon autorité privée, fuppofe qu'elle n'a pas recu le baptéme; qui, dans le cours de la conteftation, fe fait adminiftrer ce facrement fous condition, & qui, en age de majorité, diéte elle-même a un prêtre facile le nom fous lequel elle veut exercer fon ufürpation. Si la juftice daignoit feulement jetter un coupd'oeil fur un pareil titre,elle ouvriroit a. tous les Ev  f 06 Mademoifelle de Choifeul. impofteurs une entree facile dans toutes les families qu'iis vondroient fe choifir. Supplée-t-elle a cc défantpar quelque titre'de -pöffeflion de l'état auquel elle afprre ? Non-feulement elle n'en a pas un feul; mais tous ceux qui exiftent lui font contraites. Que demande-s-'elle donc ? A prouver par cémoins, non pas quelle pofsède l'état auquel elle afpire; mais que la ducherfe de 'Choifeul eft accouchée le 8 oóto'ke t«j7j & que c'eft d'elle qu'elle eft accouchée : & pour tout appui de cette demande, elle al'lègue, a 1'égard de 1'accouchement, le témoignage du chevalier de la Vallure dans fon interrogatoire fur faits & articles > & a I'égard de fi naiftance , elle propofe comme titre de filiation le répertoire fcandaleux d'un chlrurgien. La déclaration d'un parenr qui parie aujourd'hui d'un fait qu'il a nié, par la conduite , pendant vingt-fix ans ; le journal d'un chirurgien qui peut s'appliquer a route autre perfonne qua celle a qui on impute la mater-niré dont it s'agit, font-iis fuffifants , en mntière d'état, pour fake admettre la preuve vocale? Voila le point de la caufe.  Mademoifelk-de Ckoifiut. xoy Pour parvenir a la décider, il faut diftinguer deux eas : celui d'une perfonne qui eft en poffeffion d'un étar qu'on veut luiravir; & celtu d'une perfonne qui veut abdiquer elle-même celui qu'elle pofsède, pour monter dun plus éminent., Dans la première efpèce, vient-on troublerun homme dans la poffeffion de fon état ? Tout fe foulève contre celui qui veut Pen priver : tout favorife celui qui eft troublé dans un état dont il jouit au vu & au feu de toute la cité. La feule poffeffion lui fuffit ; la notoriété publique lui tient lieu des titres de fa naiffance. C'eft ce qui a fait dire a Mornac (i), fur la loi 6 ,jf. de (i) Antoin'e Mornac étoit né a Tours. I! fut recu avocat au parlement de Paris en 1579 , & mourut a Paris en 1619. II fut nn des plus célèbres Jurifconfukes de fon tems. II réunit la fcience des loix romaines & la connoiffance des loix du barreau : aufli avoitil entrepris de conférer le droit-écrit, avec le droit francois. La mort interrompk eet ouvrage , dont ce qui nous reik Fait beaucoup regretter ce qui manque. Ses ccuvres ont ére imprimées en quatre volumes ïn-fidto en 1724. On a auffi des vers de fa facon : mais ils contribuent pour bien peu de chofe a fa réputation. E vj  108 Mademoifelle de Choifeul. hisquifuntfui vel al. fur. quïl fuffit que celui dont on contefte la filiation, ioit nómmé & reconnu publiquement pour fils, & que 1'opinion univerfelle lui attribue cette qualite. Satis e(Je ut . quïs nomïnetur jiiius & publid agnofcatur'j palamque hdbeatur, & credatur apud omnes. C'eft a cette efpèce que fe rapportent toutes les loix qui ont veillé avec tant d'attentiou a la confervation de l'état des hommes, & que la demoifelle de Saint-Cyr a tant vantées. C'eft ce qui a dérerminé routes les natïpris a admetrre la preuve par témoins, pour fuppléer aux monuments publiés, & aux preuves écrites qui peuvent queiquefois manquer. C'eft a cette efpèce, en un mor, que fe rapportent tous les' textes répandus dans les titres de Jlatu hom. & defide injlrument. qui ont été cites par la demoifelle de Saint Cyr. Ainfi , lorfque la loi 8 , ff', de Jlatu hom.^ dccide que 1'erreur qui peut s erre ghifée dans'Ie titre de filiation , ne peut nuige a l'état des enfmts : qon Udi Jtatum liberorum } ob tenorem inftrumenti mali concepti; lorfque Ia loi 6 au code, dejide infirum. décide que la perte même du titre de naiifance ne peut  Mademoifelle de Choifeul 109 ébranler l'état, ces loix en fuppofent la poffeffion. Des perfonnes craignant qu'on entreprit de rendre leur état incertain, foit \ caufe de la perte du titre , foit a caufe de 1'erreur qui s'y rrouvoit, vont confulter le jurifconfulte : ilcalme leurs in? quiétudes, en décidant que leur état leur fuflit, & que la poffeffion leur tien* lieu de tout. La loi 9, au code de nuptiis, luppole eneore la poffeffion d'état. Elle parle d'un nuriage fait publiquement, * de la naiffance de l'enfant, auffi publiqua que le mariage même. Sij vicinis vel alüs fciemibus, uxorem liberorum procreandorum caufa domi habuifti, & ex eo matrimonio (dia fufcepta eft. _ Cette éclatante poffeffion foutient alors i'état des enfants, quoiqu'ils ne rapportent point le titre de leur naiffance. ; Mais, dans la feconcte elpece , beaucoup plus commune, paree qu'elle part de 1'ambition qui porte pr.fque tous les hommes ï fortir de 1'obfcüntcj A ne fuffit pas , pour conquém un etat dönt on n'a jamais joui, de venir oftnr a la juftice de prouver , par témoins, qu'on eft né d'une telle mère. Cette cu>  110 Mademoifelle de Choifeul conftance, bien plus dangereufe par fes confequences, tend précifémenr d déranger 1'ordre de la fociété, & * renverfer celui des families; au beu que > dans la première efpèce, on ne tend qua le conferver. II faut alors remonter juiqua Ia nailTance, & 1'établir par des «tres pubhes, & fi authentiques, qu'ils puilfent conftater la vérité. Dans la première efpèce, il s'agit d eviter de perdre un état qu'on pofsède. Le grand principe, comme en toute matière d'intérêt, eft que la poffeffion fn&f.poffideo, quiapojjldeo. . -Uans Ia feconde efpèce, qui eft celleei,iisagit d'acquérir un rang qu'on na point II faut dépouiller un héritier du fang de la poflèffion, dans laquelle al eftlui-meme du bien qu'on veut lui enlever. II faut dépouiller deux families de la poffieffion oü eiles font dene point comprer , parmi leurs membres, un mconnu qiu n'a jamais participé d leurs dignites & d leurs honneurs. II faut donc des titres publics; & la feule preuve par témoins ne fuffit pas. ■ ™ a cette elpece qu'on peut rapporter les autres loix. La lor 2 , cod. de "Jtdus. La loi i9,f. de probat. Les preuves de la fifiarion ne confiftent pas  Mademoifelle de Choifeul. 111 feulement dans la dépofition des témoins, dit la première. Probaaones qua defilïts dantur , non infola affirmatione tejiium confiftunt. Défendez votre caufe, dit la feconde, par tous les raifonnements & les titres que vous pourrez mettre en oeuvre : les témoins feuls ne fuffifent pas, pour établir votre état. Dêfcnde caufam luam argumentis & inftrumentis quibus potes ; Joli enim teftes ad ingenuitatis probationem ■, non Jujjitiunt. Les termes négatifs & excluhrs employés par la loi, ne peuvent recevoir aucune interprétation, fur-tout quand elle enfeigne ce qui peut conduite a la preuve de l'état, injlrumenüs & argurr entis. En effet, fi la preuve par témoins •eut été fuffifanre , la rcponfe du junijconfulte auroit été ridicule. On a cru , avec une nore de Godsfroy (i) mal entendue , éluder la déci- (i) Denls Godefroy étoit fils de Lèon Goi defroy, confeiller au ■chatelet de Paris, & naquit le 17 oaobre 1549- 11 s'acquk 5 en qualité de jurifconfulte, une grande reputation. Mais fon attachement pour les erreurs de Calvin, le forcèrent .de fe tetirer a Genève. II enfeigna le droit dans quelques uni ■ verfités d'Allemagne. Onvouhitlui doivner,  ï 12 Mademoifelle de' Choifeul. fion daire de cette loi. Mais il s'en faut bien qu'il ait penfé ce qu'on lui fait dire. 11 exannne tous les cas dans ielquels il s'agit de prouver l'état; &c dit que, fuivant les circonftances, la preuye fe peut faire par témoins, comme par des acles & des arguments: & ia note ne conduit a autre chofe qua norre diftindtion; c'eft-a-dire , que quand un homme eft en poffeffion de Jon etat, il peut s'aider, quand on le lm contefte, de la preuve teftimoniale. Voila Ie vrai fens de la note de eet auteur, qui renvoie aux loix citées, lefquelles fuppofent toutes la poffeffion d etat; & ajoute enfuite: «il faut dire » que Ia liberté ne peut pas fe prouver » pas témoins; paree que l'époque de » Ia naiffance d'un homme libre s'inf» ent fur un regiftre, au moment qu'il » vient au monde ». en France , la chaire de Cujas ; mais fa reKgion Jempecha d'accepter eet emuloi. II mourut au mois de feptembre i6a2,'aeé de fmxante-treize ans. Entre un j^rand nombre d ouvrages fort.s de fa plume Je plus connn eft le Corpusjuns cmlh, a^ec des notes, fofi gn un chef dW.vre de fclartfi , de précifion & derudtnon. Ses autres ouvrages ont étè «««Ui, & unprimés en Wlande, ft.  Mademoifelle de Choifeul. 113 II en eft de même du fentimenr de Cujas, auteur de la glofe (1)'. Lorfqü'il ralfemble, fur la loi 5 , de ftatu hominum, toutes les différentes preuves que 1'on peut rapporter pour conftater l'état d'un citoyen, il eft vrai qu'il met la preuve teftimoniale de ce nombre. Mais a-t-il dit qu'elle fuffifoit feule ? La conféquence que 1'on tire de fes expreffions eft aulfi peu jufte, que fi, fous prétexce qu'il met la relTembiance au (1) Jacqucs Cujas naquit a Touloufe , en 1520, de patents de la liedupeuple: mais fon génie & 1'étucle 1'ont rendu le plus hatule & le plus célèbre de nos jurUconfbites. Ses intevprétations du droit romain , qui forment ce qi;e nous appellons la glofe, ont prefqu'autnnt d'autorité que la loi même. Le Roi luipermit de prendre fïance parmi les conléillers du parlement de Grenoble, oü il enfeignoit le droit. Quand les profeffeurs Allemands le citoient, dès fon vivant, ils portoient, en fignc de retpeft, la main au bonnet. En un mot, c'eft, ds tous les interprètes - modernes, celui qui a pénétré le plus avant dans les myftères des loix & du droit romain. Cujas, après avoir enfeigns a Touloufe, a Cahors, a Valence, aTurin, mourut a Bourges , oii il s'étoit fixé , en 1590. La meilleure édition de fes oeuvres , eft celle dc Fab: rt, a Paris 15 59 , eri dix volumes >n-fof. Celle de Nivelle donnée par Cujas lui-même, eft fort rare.  114 Mademoifelle de Choifeul. nombre des conjecfures favorables l k hhation, on atmbuoit a ce grand homrne d'avoir penfé que la reffemblance eft une preuve fuffifame de la naiflance. Quel avantage la demoifelle de Smntfyrpeat-elle donc tirerdes loix romaines lorfqu'elle n'a jamais poffédé un ieul mftant l'état qu'elle réclame? Si quelqu'un vouloit lui contefter celui dont elle eft en poffeffion, fi on vouloit lm enleverle nom de Saint Cyr, elle pourroit trouver, dans ces loix' des principes favorables. Mais , quand elle veut paffer, de fon état, dans un autre, les loix qu'elle invoque 1'arrêtent elles-mêmes , tant qu'elle ne fe prcfentera qua la faveur d'une preuve teftimoniale. Paffons donc a nos loix nationales. L'ordonnance de 1539, art. 5 1 ,pour prévenir les dangers de la preuve teftimoniale qui, jufques-ü, n'avoit en que trop de cours, fur le fondement de deux décrétales d'Alexandre III & d'Innocent III, établit Ia néceffité de temtdes regiftres de baptêmes qui pufient fervir de monuments publics de la naiffance. Mais cette ordonnance ayant été né-  Mademoifelle de Choifeul. 11 f | gligée, celle de Blois prit de nouvelles \ précautions dans l'article J 8 1 , puur la faire obferver. Elle ordonne aux gretfiers en chef de pourfuivre les curés , deux mois après la fin de chaque année, pour apporter les regiftrss de mariages, baptèmes & fépulturesj & cela, pour éviter ia preuve par témoins, que 1'on eft fouvent obligé de faire en juftice touchant les naiffances & les mariages. Les efforts qu'on a faits afin d'éluder 1'autorité des ces ordonnances, & d'etablir que, dans 1'inftitution des regiftres publics, elles ont eu pour objet, j non d'aflurer l'état des citoyens, ma» j feulement de fixer lage & la majorité ; I que le mot éviter ne fignifie pas exclure I la preuve par témoins, mais feulement I la rendre moins fréquente ; tous ces I efforts, dis-je, ne font que pures fubtilités , qui ne tendent qua appuyer un paradoxe combartu tant de fois par les Bignon, les Talon, ces grandes lumières de la rnagiftrature & du barreau 5 combattu par tous ceux qui les ont précedés & füivis dans le miniftère-pubhc de la parole; & qui ont tous interprèré, comme 011 vient de le faire, les loix romaines 6c les ordonnances du royau- me.  116 Mademoifelle de Choifeul. • A-t-on cité quelqu'auteur grave qiil aitpenféque les regiftres publics faifoient foi de Page feulement, & non de l'état? Quoique 1'ordonnance de ij jj) n'emploie que le mot majorité, ij n'y a qu a ouvrir Rébuffe (i), qui a donné un commentaire fur cette ordonnance, dès Pannée 15 5 o;on y verra que la preuve de Pétat eft Pob-et des regiftres. Hac profijjio probabit legitimum vel fpurium. Le mot naiffance, dont fe fert 1'ordonnance de Blois , ne comprend-il pas (i) Pierre Rébuffe, naquit a BaiüarÖitós, aupres deMontpelüer.en 1487. II enfiigna ie droit a Montpellier, a Touloufe, a Cav ,',*BourSes> & enfin a Paris. Le Pape , faV/J> 'llr la réputation de fon mérite , luioftntune place d'auditeur de Rote On voulut auffi le faire confeiller ou préfident au Grand-Confeil, & fuccedivement conieiller aux Parlements de Rouen , Touloufe Bordeaux & Paris Mais il oréféra le repos a ces places. II fut fait prêtre a face d^ loixante ans , & mourut dix ans après II poiTedoit le latin, le grec & 1'hébreu Ses pnncipaux ouvrages font Praxis -beneficiorum;un traité fur la bulle in ccend Domini ■ des notes fur les regies de chancellerie ; des commentaires fur les ordonnances & édits de nos Rois. Tous ces écrits font en latin, & fort eftimés,  Mademoifelle de Choifeul. 117 l'état, auffi bien que 1 age. L'attention inquiete du légiflateur fur la forme des regiftres, pour leur donner foi en juftice, ne marque-t-elie pas alfez qu'il a été occupé d'une preuve plus impor[ tante, que celle de 1'age ? Mais, fans entrer dans un plus long detail fur ces anciennes ordonnances, examinons celle de 1667, qui eft la dernière loi du royaume, & qui a perfectionné les précédentes. Le titre XX de cette ordonnance raffemble & règle tout ce qui concerne ï les différents genres de preuve littérale & teftimoniale, & les différents cas ou ceile-ci peut être admife. Les fix premiers articles concernent j la- matière des conventions. Les fuivants, jnfqu'au quatorzième exclufivement, ctabiiffent la nécellité & la forme des regiftres; ce qu'ils doivent contenir, le jour de la naiffance, le nom de l'enfant, ceux des père & mère, du parrein & de la marreine. Ainfi ce n'eft pas feulement la preuve de 1'age que le légiflateur veut alfurer , il s'occupe avec ! - autant de foin de celle qui doitconftater la naiffance & l'état de l'enfant. L'artLie 14 établit une exception a Ja règle générale. Si les regifires font  ï 18 Mademoifelle de Choifeul. perdus, dit eet article , ou s'U n'y en a jamals eu , la preuve en fera recue tant par titres que par témoins ; & en 1'un & 1'autre cas, les baptêmes y mariages & fépulturespourront kre juflifiés tant par les regiftres & papiers domeftiques desphres & mères décédés , que par témoins. Voila donc quelle eft la dernière loi du royaume. Lorfque les regiftres publics exiftent, c'eft la feule preuve de l'état des hommes qu'elle autorife; 8c elle n'admet une autre preuve, que quand il ne fe trouve point de regiftres, foit qu'il n'y en ait jamais eu, foit qu'ils aienr été perdus. II faut donc commencer par prouver qu'il n'y a point eu de regiftres, ou qu'ils ont été perdus.; voila. la première condition , fans laquelle la preuve teftimoniale ne peut être admife. Ces termes en 1'un & 1'autre cas font limitatifs, 8c par conféquent excluent tous auttes cas. Les deux conditions lont même jointes enfemble & reprifes cumulativement; tant par les regiftres ou ■papiers domeftiques des pères & mères s que par témoins. C'eft ce qui détruit I'argument de la demoifelle de Saint-Cyr. \\ confifte a dire : Si Fordonnance de 166'j avoit  Mademoifelle de Choifeul. 119 j voulu exiger un commencement de ) preuve par écrit, elle s'en feroit explij quée en matière d'état, comme en matière de conventions. Ne 1'ayant pas fait, . elle n'exclut point la preuve par témoins. Donc, en matière d'état, elle n'exige pas un commencement de preuve I par écrit. Mais eet argument n'eft qu'un fophifme, qui difparoit a la lumière de I 1'ordonnance même. En matière de J conventions, il faut un écrit; voila la 1 loi générale. En matière d'état, il faut I des regiftres pour le prouver ; voila | encore la difpofition générale a eet 1 c^ard. Au défaut d'écrit, en matière de conventions, la loi admet la preuve I par témoins, pourvu qu'il y ait un : commencement de preuve par écrit. , Voila 1'exception a. la règle qui concerne les conventions: & 1'exception a celle qui a été établie pour prouver l'état, eft lerecours ala preuve teftimoniale , pourvu qu'on ait des papiers doj meftiqües émanés des pères & mères , décédés, qui faftent un commencement de preuve par écrit. Mais ce commen; 1 cement de preuve eft limité a ce qui eft 1 émané des pères & mères. La raifon en eft bien fenfible. Ce qui  ï 20 Mademoifelle de Choifeul. caraétérife l'enfant, ce qui le place dans une familie , c'eft d'être né d'un père & d'une mère unis par un mariage public. Filius eft, dit la loi, qui ex viro & uxore nafcitur .... ftmul commorantibus .... fcientibus vicinïs. II faut donc que celui qui veuts'appliquer cette définition, & qui, fans aucun titre, fe dit enfant de tels père &: mère, ait quelque écrit émané d'eux , quiindique la filiation qu'il s'attribue. C'eft pourquoi 1'ordonnance a profcrit tout ce qui n'eft pas 1'ouvrage des père & mère, tout ce qui peut'partir d'une main étrangère. Ce feroit en effet retomber dans tous les inconvénients auxquel's la loi a remédié ;ce feroit rendre la fatyre ou la calomnie maïtreffe de l'état des hommes, & le faire dépendre d'un libelle diffamatoire. La loi ne connoïtdonc d'autre preuve de filiation, que les regiftres publics , quand ils exiftent dans la forme qu'elle a prefcrite. Alors les commencemenrs de^ preuve par écrit font rejettés avec la même rigueur, que la preuve teftimoniale ; & ce n'eft que quand il n'y a point eu de regiftres, ou qu'ils ont été perdus,qu'elle permet, non pas Iapreuve par témoins, ifolée de tout autre fe- cours;  ■ Mademoifelle de Choifeul. ni Cours \ mais la preuve par témoins préparée par les regiftres ou papiers domeftiques des père & mère. En vain, pour échapper a des difpofitions li précifes , la demoifelle de Saint-Cyr prétend-elle que 1'ordonnance ne peut regarder ceux dont les regiftres ne parient point; & que, dans ce cas, il faut juger la queftion comme fi les regiftres n'exiftoient pas , ou comme s'ils étoient perdus. Sans eela, idit-elle, le fort d'un enfant que fes père & mère auroient négligé de faire baptifer ik qu'ils auroient abandonné, a 1'inftant de fa naiffance, par caprice , ou par jaloufie, feroit bien déplorable. La loi, en lui refufant tout fecours, favoriferoit donc 1'injuftice de ces parents dénaturés, fi ede ne vouloit pas au : moins écouter la preuve teftimoniale. ( Elle Padmet en matière criminelle, oü I il s'agit de 1'honneur & de la vie. Pourquoi la refuferoit-elle, quand il s'agit de l'état? Ce grand argument trouve fa réponfe dans les principes du droit puiblic, & dans ceux de POrdonnance. Quand on dit que la loi ne regarde point ceux dont les regiftres ne parJent pas, c'eft la rendre abfolumenr, Tome. IX' F  122 Mademoifelle de ChoifeuL iriutilë. Tout homme obfeur, done Porigine fera inconnue, ou dont il elpere qu on ne penetrera pas le lecret, & qui voudra ufurpet un état illuftre ? ne'manquera pas de dire que les regiftres ne parient pas de lui. Paria, il triomphera des précautions de la loi; & ce quelle a fait pour empêcher la preuve teftimoniale, y conduira néceffairement. En effet, comment celui qui fe préfente fous un nom ufurpé prouve-r-il que les,regiftres ne parient pas de lui? 11 1'allègue, mais il ne le prouve pas; & fon aliégation même he peut être démentie : car, quand on feuilleteroit tous les regiftres du royaume, comment pourroit-on y trouver un artirle applicabie a une perfonne obfeure, que 1'on ne connolc pas ? Un impofteuraura toujours 1'avantage de dire avec confiance : les regiftres ne parient pas de moi. II eft alfuré qu'on ne peut prouver i le contraire, & le faire déchoir du rang j auquel ii veut s'élever, en lui repré- j fentant fon véritable extrait baptiftaire, Ainfi, avec cette confiance,il fappe la Joi par lés fondements, & s'introduit, par le fecours de deux témoins, dans pglle familie qu'il voudra?  Mademoifelle de Choifeul. 113 D'ailleurs, 1'ordonnance ne dit pas que la preuve teftimoniale fera recue , quand 1'acte baptiftaire ne fe trouvera pas infcrit fur les regiftres \ mais quand. il ne fe trouvera pas de regiftre. Ces deux chofes , qu'on veut confondre, font bien diffcrentes ; & le cas prévu des regiftres qui n'exiftent pas, exclut abfolument celui des regiftres qui exiftent. En effet, quand il n'y a point de regiftre, c'eft le cas oü , la preuve prefcrite par la loi devenant impoftible , il faut y fuppléer par une autre preuve. Mais quand les regiftres ont été exactement confervés, leur filence fur l'état qu'on réclame, joint au défaut de poffellion d'état, eft une preuve que eet état n'a jamais appartenu a celui qui le demande. En ce cas, aucune preuve ne peut prévaloir ; autrement 1'ordre de la fociété feroit expofé tous les jours a être renverfé; & fans titre de filiation, fans poffeffion d'état, un importeur qui diroit: les regiftres n'ont point parlé de moi, viendroit, avec le fecours de quelques témoins , s'introduire dans une familie, &c y jetteroit la coixfufion &c le défordre. Ce n'eft point un iaconvénient, par  124 Mademoifelle de Choifeul. rapport a la fociété en général, tk ati public, de ne pas accorder la preuve teftimoniale a un enfant qui vit dans 1'obfcusité, fous prétexte qu'il eft peutêtre né dans la condition diftinguée qu'il réclame. Laiffer eet inconnu dans l'état oü il a été toute fa vie, c'eft laiffer fubfifter 1'ordre public & 1 harmonie qui règne dans la fociété, & dans les families qui la compofent. En tout cas, li c'eft-la un inconvénient, il n'eft pas comparable a celui de renverfer, fous ce prétexte incertain , tout ce qu'il y a de plus fage dans la difpolition des loix, &c deplus néceffaire pour prévenir des défordres funef-. tes ala fociété. La loi, raffurée par la nature, veut bien courir le rifque de la bizarrerie ou de la fureur dé quelques pères ou mères ( & il n'y a point encore d'exemple bien avéré qu'aucun ait abufé de ce pouvoir, jufqu'a ne laiffer nul écrit de fa paternité ) la loi a préféré un inconvénient-, qui ne peut arriver que par un prodige d'horreur, a celui de confier la preuve de l'état des hommes qui font fans titre & fans poffeffion, a la dépofition de quelques étrangers indifférents , pu corrompus.  Mademoifelle de Choifeul. ïlj Mais , quand on fuppoferoit que 1'exception de 1'ordonnance püt s'éteiv i dre au cas ou le regiftre garderoit le I filence fur celui qui réclameroit un état, la demoifelle de Saint-Cyr n'y gagne: roit rien. Elle ne prétendra pas, fans ; doute, que cette extenfion fe feroit' v, fans les conditions qui accompagnent I 1'exception. Ces conditions font un I commencement de preuve confignce j| dans les écrits domeftiques des père : êc mère. Or les regiftres de Saint-Sulpice font ; dans la meilleure forme,& la demoifelle 1 de Saint Cyr n'y trouve aucun veftige i de la naiffance d'une troifième fille de M. & de Madame de Choifeul: en ouI tre elle n'a aucune poffeffion de l'état I auquel elle afpire, ni preuves écntes émanées des père & mère; circonftan1 ces abfolument néceffaires , & fans lefquelles la preuve ne peut être admife. Si la loi a donné, en matière criminelle, fa confiance a la preuve teftimoniale, c'eft qu'elle n'a pu faire autreI ment. II eft impoffible, dans cette maI tière, de parvenir par une autre voie a la I connóiffance de la vériré. Ainfi on ne | pourroit 1'exclure, fans introduire Vim* i punité. Mais, en matière d'état, la loi F iij  li6 Mademoifelle de Choifeul. a etabh des monuments publics, pouj ie precautionner contre la preuve vocale, que la néceffité Ta forcée d'admetrre pour les crimes. _ L'impofture a des reffources en matière d etat. La nouveauté des aventures fat-tont quand elles intérelfent des perfonnes diftingnées, forme des partiss que ceux qLU les embraffent foutiennentavec chaleur. Bien des gens don-aent pour faits certains, ou des conjeclures favorables al'opinion qu'ils ont cpoufee, ou des anecdotes qu'ils ne gavent que par ouï-dire, & qu'ils f0iU valoir comme s'ils en avoient une connoiflance perfonnelle; & infenfiblemenc on debite comme vrai ce qui n'a de iondement que 1'imagination. Tous ceux qui ont entrepris d'ufurper un état n'ont jamais manqué de témoins corrompus ou féduits. En matière criminelle, la crainte j d etre confondu a une confrontation par tinaccufe que 1'intérêt de fa vie ou de ion honneur rend plus pénétrant re- j nent un faux témoin. En matière d'état, un témoin livré a I'impofture ne cramt point d'être déconcerté dans une enquête i laquelie fe borne toute 1'inftruction civile, par rapport a lui; au  Mademoifelle de Choifeul. ^ ï 17 llieu que les témoins confrontés a lacJcufé courent rifque , s'ils font faux J témoins, de fe voir faire leur proces. La Jurifprudence , difoit-on , a tou- I iours maintenu ces ïages ui****»*? 3 — 1 a toujours repouffé ceux qui, pour con- quénr un etat ian:> uut, 7. faire admettre a la preuve teftimoniale. On pourroit citer une foule d'arrets. On en trouve un dans Soêjve , du l février 1641, contre Mark Damme ; dans le journal des audiences, un du i janvier 1653, contre un impofteur qui fe prétendoit fils de M. de la Porce, ialtre des requêtes; & deux autres, dansle même recueil, 1'un en 16X6 , 1'autre en 1691. Ces arrers ont ete rendus contre des impofteurs, qui n'ayant point eu de polfeflion, vouloient fe faire un titre de la preuve vocale : ils ont été exclus. Pour détruire les indudions que La demoifelle de Saint-Cyr vent titer en fa faveur, des arrêts cités pour elle , il raut rappeller ce qu'on a toujours entendu par pofleffion d'état. C'eft ce que les auteurs appellentrra&HM & f ducauo ; qu'ils réduifent a trois circonftances. i°. Que l'enfant ait été éleve dans la r iv  128 Mademoifelle de Choifeul ?• Que les père & mère 1'aient fon vent nommé &appeJlé Jeur nJs °U" 3 • Que l'enfant ait été connu & traite dans ]e public, comme 1'enW desjpcrefc mère qu'il s'attnbue (f) ronlbncee s'appuie £ 1'autotzté de Un pareil traitement fait en public de la part des père & mère, eftce qui ^ppelleunepleinepofTeffiond'éatX pandje traitement & I'éducation ont d'état! retS ' ' ^ k ^^Polfemor, ^ Mais il eft important d'obferver que fo t neHCa?°n'Ce traitCment filillT fo en?"/ S ^ fUbJicS' foit ^ o.ent fecrets doivent toujours être cractcnfel enfant, ce qui lui affiane «n rang dans la fociété, eft d'être°né dun Père & d'une mère unis pï £  i mariage public. F'rfius eft qui ex viro & I uxorc nafcitur. Il faut donc qua défaut j de titres, ce foit la reconnoiifance des a! père & mère qui forme la polfeihon ' d'état. Voila pourquoi 1'ordonnance de 1667 veut que, faute de regiftres publics , on ait recours aux papiers particuliers de familie, émanés de la propre main du père , ou de la mère ; & por■ tanr reconnoiifance exprefie de l'enfant qui les réclame. ] Quand celui qui fe dit fils de tels ) père & mère, a d'un ^oté des preuves | écrites émanées d'eux, & que , de 1'au1 tre cóté, il articule des faits pofitifs I qui caraótérifent une polfeffion de fors } état, c'eft alors que la preuve par téj moins eft admife.'Et c'eft dans ie conI cours de ces deux circonftances qu'onts u été rendus tous les arrêts qu'on a voulu oppofer a M. le duc de la Vallïere. La demoifelle de Saint Cyr,,m contraire, n'a aucune preuve écrite ni dus duc, ni de la ducheffe de Choifeul, qu'elle appelle fes père & mère : tous I les aétes de la familie s'élèvent contre } elle. La ducheffe de Choifeul mouraiite i 'd'une maladie de langueur , & ayant sout le tems. de rendre juftice afafdle., F v  130 Mademoifelle de Choifeul. fi elle en avoit eu une troiïiêrne, n'a lailfé aucun écrit qui en parlat. Le duc de Choifeul a furvècu fept ans a fa femme ; il a fait deux teftaments: il a pouffé le fcrupule jufqu'a. vouloir faire reftituer aux pauvres le revenu de fes bénéfices qu'il croyoit leur appartenir; Sc une ame auifi timorée, aufti attentive a rendre a cliacun ce qui lui appartenoit, aura oublié fa fille; aura voulu lui ravir fon étati Quelle eft donc la pofieffion d'état a Pombre de laquelle la demoifelle de Saint Cyr fe préfente en juftice,comme rnembre de la maifon de Choijeul? C'eft d'avoir porti, pendant vingt-fix ans, un nom étranger a cette maifon; d'avoir eté totalement ignorée du duc Sc de la ducheffe qu'elle appelle fes père Sc mère, du duc de la Valli re, de la marquife de Tour non fa fceur, de la marquife ae la Valli:re, mère du duc du chevalier de la Vallïere lui-mème • des demoifelles de Choifeul, de Ia princeffe de Conti; de n'avoir pris aucune part aux événements arrivés dans les deux families; de n'avoir participé a aucun des bienfiiits répandus par le Roi fur les demoifelles de Choifeul • de n'avoir été connue ni i la cour, ni a Paris z  Mademoifelle de Choifeul. 131 ni dans aucun tribunal, fous ce nom , êc comme fille de M. 8c de Madame de Choifeul. Mais il y a plus ; les faits dont elle demande a faire preuve ne la conduiroient pas a la conquête de l'état auquel elle afpire. Qu'elle prouve, tant qu'elle voudra, qu'elle a été mife en nourrice a Meudon, transférée a Paris, & mife en penfion rue Princefie, élevée par la dame d''Hautefort \ vifitée, dans fon enfance, par M. le duc de la Vallïere, &c. Si elle ne prouve, en même tems, que tout cela s'eft fait au vu, au feu 8c de Pordre de M. 8c de Madame de Choifeul, en leur qualité de père 8c de mère, il ne réfultera, ni d'aucun de ces faits en particulier, ni de tous ces faits réunis, qu'elle eft leur fille. Sa preuve eft donc inutüe; elle y eft donc non-recevable. Mais, pour la fuivre dans rous les retranchements, & ne lui laiffer aucune reffource, examinons ce corps de preuves déja acquifes,qu'elle prétend être fi redoutable. ^ 11 fe réduit a quatre atticles: a 1'interrogatoire de M. le duc de la Vallière-y a la lettre de la marquife de Tournon ; F vj  132 Mademoifelle de Choifeul a 1'interrogatoire du chevalier de la FaU lière, & au journal de Leduc. Quant a 1'interrogatoire de M. le duc de la Valllere, qu'on le life tant qu'on voudra, qu'on mette, pour 1'interorétfer, fon imagination a la torture', il n'en réfultera jamais autre chofe oue la dénégation formelle de la groffeffe & de l'accouchement de la ducheffe de Choifeul. S'il a toujours perfifté nettement dans cette dénégation , on ne peut, fans une témérité inouie, lui faire le reproche injurieux d'avoir cru & d'avoir voulu infinuer, que la groffeffe de fa fceur étoit le fruit d'unelnfidéhté faire ï fon mari. Quand on repend précifément qu'on n'a vu, qu'on n'a feu aucune groffeffe, aucun accouchement, cela exclut toute approche ,. foit du mari, foir d un amant. A I'égard de la lettre de la marquife de Tournon, il faut obferver d'abord que , dans fon interrogatoire, elle a nié perfévéramment, fans aucune variation, lans aucune équivoque, & fous la foi d'un ferment plufieurs fois réitéré, qu'elle eüt jamais eu connoiffance ni de la groffeffe, ni de 1'accouchement dont on lui parloit» D'après cela, que 3'on faffe tel com-  '' Mademoifelle de Choi feul. i3 3' mentaire que 1'on voudra fur le rapport qu'on prétend trouver, dans cette lettret entre l'aimable chanteufe malade & la demoifelle de Saint-Cyr entre 1'affaire indubitable dont rk eft : parlé dans cette lettre, & 1'affaire dont il s'agit ici qu'on fuppofe , fur ce pretendu rapport, que la dame de Tournon participoit alors au projet de reclamation; que, par des raifonnements entortillés , & fur des conjecïures meertaines, tuées d'une lettre émgmanque en en conclue que cette pièce contienï un aveu formel de l'état de la demoiI felle de Saint-Cyr, eet argument eft : auffi concluanr, que celui qu'on veut i tirer de 1'interrogatoire du duc de U l Vallïere. En effet, quand,on vort que ia dame ' de Tournon n'a pas ouï-parler , pendant vinen convaincre que rappeller les faits auxquels il a eu part juiqu'au moment de fon interrogatoire. II a affifté a 1'avis de parents en i7g8 oü il n'eft parlé que de deux demoifelles de Choifeul. II a partagé la Wffion de la marquife de la Vallière 3a meré, fans qu'il füt queftion d'une troifieme demoifelle de Choifeul. La dermère des deux eft décédée en 1721 le chevalier de la Vallière s'eft porté lonhentier-ilaagi, en «tre qualité , avec reflexion , puifqu'après s'être porté heriner, il a paffé un compromis avec fonfrere & fa fceur, héritiers comme Jui, & avec le marquis de Clermont legataire univerfel , pour régler les' droits que chacun pouvoit avoir dans ia fucceffion de la demoifelle de Choifeul. Des aéïes auffi publics écartent certainementl'idée d'une troihéme nièce. 11 dit, ala vérité, que madame la ducheffe de Choifeul a eu un garcon & troisfaliesj qu'elle eft accouchée de la oermere, en i697, & qu'elle lui en a parie avant que de mourir. Cependanr quand on 1'mterroge fur les différentes nournces qui ont été données i eet en*ant, fur les différentes maifons oü ejie  Mademoifelle de Choifeul. 137 a été mife en dépot, il répond qu'il n'en Jcait rien. On 1'interpelle enfin, avec réitération de ferment , de déclarer pofitivement & cathlgoriquement, par oui Eft par non, s'il fcait, ou ne [cait pas^ que la demoifelle 'dont l'état efi contefié par M. le duc de la Vallière, élevée par la dame d'Hautefort, fous le nom de Saint-Cyr, eft fille née de madame la ducheffe de Choifeul fa fceur. Après ferment réitéré, a dit qu'il le croit. Ainfi, d'après lui-mëme, il n'eft aucunement favorable au fyftême de la demoifelle de Saint-Cyr. 11 attefte, ifr eft vrai, que la ducheffe fa fceur eft accouchée, en 1697, d'une troifième fille. Mais il a perdu la tracé de cette fille, & ignore fi c'eft la demoifelle de Saint-Cyr. Elle n'eft donc pas , rehtivement a lui, en poffeffion de fon état, puifqu'il n'a jamais ni vu ni connu cette troifième fille ; qu'il ignore^ ce qu'elle eft devenuej. qu'elle peut être morte, fans qu'il le fcache ; ou être un individu différent de la demoifelle de Saint-Cyr. 11 dit, il eft vrai, qu'il croit que la demoifelle de Saint-Cyr eft cette troifième fille qu'il attribue a fa fceur. Mais cette expreffion n'annonce qu'unè fimple apinion j & fur quoi ett-«U#  J38 r Mademoifelle de Choifeul. fondée, cette opinion, puifque, de 10H propte aveu, il n'a aucune connoilTance des faits qui feuls peuvent identifier la demoifelle de Saint-Cyr & la prétendue troifième fille de madame de Choifeuk? ■ Or une opinion, qui n'a aucuft fondement, peut-elle balancer le témoignage du duc de la Vallière, de la marquife de Tournon, & la conduite contraire du chevalier même, pendant vingt-fix ans ? 11 ne refte donc d'autre refiourceala demoifelle-de Saint-Cyr, que le livre de 1'accoucheur. On écarté, d'un mot, 1'induction que Ia demoifelle de Saint-Cyr prétend nrer dés ■ jugements préparatoires intervenus au fujet de eet écrit. Ils portent avec eux, le préfervatif fur le mérite ée lapièce. La cour ne s'eft pas conteusee du correétif ordinaire, fans préiudice du droit des parties au principal elle en a ajouté un fecond : & fans que le prefent jugement puiffe être tiré d confequence,- direclement, ni indireclement. Quand le duc de la Vallière demanda quelejournal de Leduc füt reietté, il foutenoit qu'étant une pièce infame'en elle-meme, qui ne pouvoit voir le jour  Mademoifelle de Choifeul 13) par rapport au public, la demoifelle de Saint-Cyr ne devolt pas avoir te rare privilege d'en tirer ce qu'elle pretend qui la concerne, pendant que la faculte d'en tirer le même avantage eft ïnterdite a toute autre perfonne, par le iecret auquel il eft condamné. Cependant il y a lieu de préfumer, pv les precautions que 1'ona prifes pouratTurer le iecret du furplus de eet écrit, qu'il contient beaucoup d-'autres «necdotes qui pourroient foumir matière a des proces pareils a celui-ci. Or i'infamie de cette piece eft aüez caraftérifée, foit par les défenfes faites au notaire d'en délivrer des extraits, foit par le refus qu'a efluyé le duc de la Vallière lui-même d'en avoir communication.Mais, en décidant que ce monument, tout infame que la cour Ie iugeoit elle-même, devoit etre joint a la caufe,elle n'a pas décidé de quel poids il pouvoit être. Elle a même declare expreffémenr, par la réferve dont on vient de pariet', qu'elle entendon que les parties en difcutaiTent la vale un Elle n'a donc pas cru que ce füt un vchicule fuffifant pour intioduire la preuve teltimoniale. . K Examinons-le donc en lui-meine,  140 Mademoifelle de Choifeul. Plufieurs raifons s'élèvent pour le faire reierrpr 1 i ■ r°. C'eft une pièce étrangère au père. a la mcre & a la familie. Or, en mattere de conventions, 1'ordonnance de 1667 n admet la preuve teftimoniale cju autant qu'elle eft appuyéed'un comwencement de preuve par écrit: Sc ü eft mconftable que ce commencement de preuve doit être émané de la perionne meme qu'on attaque, & contre gin on veut s'en fervir. En feroit-il autrement en matière detat, quand" 1'ordonnance, au défaut fe regiftres publics, n'admet de preuve eenre que es papiers domeftiques, lorfqu ris lont 1 ouvrage des père & mère ? Celui qlu prétend ê[re enfant d rel pere& d'une telle mère, attaque ou cespere & mère, ou leur familie après leur deces. II n'a point de titre de filiation ■ &, poury fuppléer, il demande Ia preuve par témoins. II faut donc, du moins, dans les cas oü 1'ordonnance permet cette preuve, qu'il ait auffi un commencement de preuve écrite éma«ce des pere Sc mère, fi c'eft eux qu'il attaque, pour les condamner i le recevoir comme tel.Car il feroit inoui q„e *U» titre, fans quelque écrit de Ia tLdi  Mademoifelle de Choifeul. 14T. I des père & mère, qui puilfe faire pré| fumer ce titre, fans aucune poiLsifion 1 d'état avec eux, le premier iiïconnu put devenir leur fils. A plus forte raifon, quand les père Sc mère font mortsj quand leurs enfants, qui leur ont fuccédé exclufivement, font morts, quand vous attaquez deux families dont vous' voulez déranger 1'ordre & l'état, faut-il nécef1 fairement qu'a défaut de titres , vous apportiez quelque preuve écrite; foit : qu'elle dérive des père &c mère que 1 vous réclamez ; ou de ceux que vous l dites avoir été vos frères &c faeurs; ou \ du moins de quelque membre de ces ; families que vous attaquez. Si 1'on ad1 mettoit des notes fabriquées par toutes forres de mains indifféremment, ce ' feroit ouvrir la plus vafle carrière a i'impofture. Ün chirurgien n'eft ici qu'un étranger, une perfonne privée. Son écrit n'a pas plus de privilège que celui de tout autre particulier. N'étant point du corps , de la familie, les ordonnances ne donnent pas plus de poidsafontémoignage, qu'a celui d'un autre. Mais il y a plus: la qualité de 1'auteur ne peut fervir ici qua faire rejetter  142 Mademoifelle de Choifeul. les veftiges qu'il a killes de fon indifcrétion, en.confiant au papier tous les événements fecrets oü fon fecours a été nécelfaire. L'art de la chirurgie, fi utile en luimême, deviendroit-il donc, de tous les arts, le plus funefte a la fociété? Un chirurgien, snaitre de tous les états & de toutes les conditions, pourra donc, a l'avenir, flétrir, afongré, les perfonnes les plus pures & les plus fages , par de faux mémoires rédigés par erreur, ou par furprife? II pourra fournir des titres au premier impbfteur qui aura reuiïï a le corrompre, & pourra 1'introduire dans les families les plus ïlluftres. 2°. Ce regiftre ne doit point être admis, paree qu'il ne prouve riem II fait mention d'une naiffance fecrete & myftéfieufe , d'une fille viiée pour ne jamais être admife aux honneurs de la ï;gitimité,abandonnée aun chirurgien, baptifée dans une paroiffe étrangère, marquée de flétriffures ignominieufes \ qui ne furent jamais le caraftère d'une' naiffance légitime. On ne prend point de pareilles précautions pour conferver l'état d'un enfant qui nait dans le fein de la légitimité. La loi a pourvu a ce  Mademoifelle dg, Choifeul. 143 fiu'ü faut pour le tui conferv.er. Ces fjgnaux, d'ailleurs, étant ar.bitraires, ne peuvent jamais avoir Le cara&ère requis, pour annoncer une vérité .dont la preuve ne doit rien laiffer d'équivoque ni pour la juftice, ni pour le public. Quelle relation y a-t-il entre les marqués dont parle Leduc, &c queporte effedivement la demoifelle de Saint-Cyr, & un enfant du duc Qc de la ducheffe de Choi* feul ? , ïl s'agit donc néceflairement, dans cetarticle du regiftre, d'une'aventure fecrete confiée a un chirurgien. Or ce feroit le combie de 1'injuftice, de meti tre cette aventure fur le compte d'une femme , plutot que fur le compte d'une autre; a moins qu'il n'y ait des preuves plus claires que le jour que c'eft elle qui en eft 1'héroïne. Oriln'y a, dans eet écrit, aucune circonftance qui caraótérife exclufive- ment la ducheffe de Chpifeul. Sa qualité & fa demeure n'y font point défignées. 11 n'eft dit, dans aucun endroit, que ce foit elle pofitivement. Et même , a en juger par 1'écriture de Leduc, ce n'eft point madame la ducheffe de Choifeul dont il a voulu parler. 11 y a deux families dont la pronon.;  144 Mademoifelle de Choifeul ciation, quoique différente, feconfond conimunément : Choifeul & Choifeuil. Or M. le duc de Choifeul étoit de la première de ces deux families, & jamais fon nom ne s'eft écrit autrement. Cepeudant, dans le regiftre en queftion, on trouve conftamment Choifeuil. Et qu'on ne dife pas que c'eft-la une minutie. En matière d'état, tout eft de rigueur; & Leduc avoit certainement aifez de connoiltance du monde, pour ne pas ignorer la différence de ces deux families. II eft parlé, dans ce regiftre, de Ia maréchale de Choifeul, qui a, dit-on , paye trente louis, pour 1'éducation de l'enfant. On a répondu que Leduc s'eft trompé, qu'il a mis le mot maréchale, pour celui de ducheffe. Mais fi Leduc s'eft trompé fur la quaIité , quelle foi peut-on ajouter a ce qu'il dit ? On déguife les noms dans ces fortes d'aventures. Souvent le chirurgien lui-même eft trompé fur la perfonne. Pourquoi faire tomber cette erreur injurieufe fur la ducheffe, plutót que fur Ia marquife ou comteffe ? II y avoit alors, dans le royaume, fept on huit dames marquifes, ou comteffes de Choifeul. La  Mademoifelle de Choifeul. r 45 La dénomination de la maréchale de Choifeul ne peut fixer les idéés fur celle 'des dames de Choifeul dont Leduc vouloit pari er. Vu 1'age de la maréchale, il ne peut être fait mentioh d'elle que comme ayant eu le fecret de i'aventure: mais cette circonftance n'mdique pas plus une dame de Choifeul, qu'une I autre. Au contraire, Penrremife de la : maréchale ne fert qu'a .éloigner 1'idée i de la ducheffe; paree qu'il eft de noto| riété publique qu'elles n'avoient au1 cune liaifon enfemble; pas même celle j, de pure cérémonie. II eft vrai que les faits écrits fur le journal de Leduc ont quelque relation J avec la fable imaginée par la demoifelle I de Saint-Cyr. Elle dit qu''elle a éténour- ii rie var la femme de Jean Marne 3 jardinier dans le pare de Meudon , dont il eft parlé dans le regiftre. Elle affure quelle : porte les cicatrices annoncces dans ce journal; &c, pour prouver fon identité v avec la perfonne dont il eft parlé, elle 1 propofe de vérifier ce fait, par les voies I convenables que la prudence de la cour j pourra lui fuggérer. Mais, en lui accordant cette preuve 1 ignominieufe , il n'en pourra réfultec I autre chofe, finon que la demoifelle de Totne IX, G  146 Mademoifelle de Choifeul. Saint-Cyr eft celle donc le journal fait menrion. Mais ce fait eft fort indifférent. Car elle peut être cette fille, fans être fille de madame la ducheffe de Choifeul. C'eft cependant ce fait unique qu'elle doit prouver; & le journal ne 1 etablit aucunement ; il ne 1'indique même pas. 3 °. Les contradiótions qui fe remarquent entre ce qui eft écrit dans ce regiftre , le roman imaginé par Ia demoifelle de Saint-Cyr, &c les faits notoires tk publics, démentent totalement 1'application qu'on en veut faire a madame Ia ducheffe de Choifeul. Première contradiclion. Suivant Ia demoifelle de Saint-Cyr, tant dans fa plainte, que dans fa requête du 11 mai 1724, elle eft née de Madame la ducheffe de Choifeul, au vu & au feu de M, leduc de Choifeul, & de toute fa familie. Madame la ducheffe de Choifeul a été enceinte en 1697 ; fa groffeffe a été publique ; connue de fes amis & de fa familie; pendant cette groffeffe, elle a recu des vifites des perfonnes qu elle avoit coutume de voir, Le 8 oclobre 1697 , e^e accoucha d'une fille , qui efl la demoifelle de Saim-Cyr , dans la maifon que M. le duc de Choifeul £ elle avoient 3 rut de  Mademoifelle de Choifeul. 147 Verneuil. Cce enfant, qui eft toujours la demoifelle de Saint Cyr, a été élevè fous les yeux de la familie > par les foins d'une dame 3 a qui madame la ducheffe de Choifeul F avoit rLCommandée en mourant. Comment concilier cette publicité •avec les faits dontparle Leduc,cn\ïne font que myftère, obfcurité, détours? C eft ua enfant recu par un chirurgien, qui 1'enlève auiïi-töt, & le fait baptifer, fans que perfonne de la familie aflifte au baptême : & ce n'eft pas la mère , ce n'eft aucun parent qui cherche & choifit la nourrice; c'eft un chirurgien que 1'on n'avoit jamais vu auparavant, qui eft chargé de cette fonclion, &c qui s'en acquitte de manière que la nourrice eft ignorée de tout le monde, excepté de lui. Seconde contradiclion. La demoifelle de Saint-Cyr fuppofe que le péril imminent de mort oü elle fe trouva en naiffant, engagea ceux qui étoient préfents a raccouchement a 1'ondoyer; & ce fait avoit été attefté par la marquife d'Hautefort, par Lacomme & fa femme, dans 1'information profcrire par 1'arrêt du 19 mai 1724. Leduc} au contraire, parle d'une groffc file, qu'il na fait bapGij  148 Mademoifelle de Choifeul. rifcr que le lendemain, fans dire un feul mot du péril de mort, ni.de 1'ondoiement. L'exprefiion même dont il fe fett annonce que l'enfant étoit en pleine fanté. On ne dit point, d'un enfant moribond, que c'eft une grojje fille. Troifième contradiclion. Selon le journal , l enfant fut baptifé a S. Etiennedu-Mont, Sc uommé Julie. Selon la demoifelle de Saint Cyr, elle s'eft préfentée i Saint-Sulpice, .& s'eft fait nommer A ugufiine- Francoife, com me n'ayant point encore recu les cérémonies du baptême. Dès qu'elle .s'applique le journal de Leduc, c'eft dans les regiftres de Saint-Etienne-du-Mont qu'elle doit chercher le titrp de fa filiation, fous le nom de Julie. Mais vqici une raifon qui doit entièrement faire perdre au journal de Leduc le ^privilege dont on veut le décorer^ d'être regardé, dans cette caufe , comme un commencement de preuve paj; écrir. Pour établir que ce journal parle de madame la ducheffe de Choifeul, vous n'avez que la reffe.mblance incertaine du nom. Or cette préfomption eft du nombre de celles qu'onn'admet jamais; paree qu'elles ne peuvent jamais quf  Mademoifelle de Choifeul. 149 flötter dans le doute. Ici, ce doute même n'exifte pas, puifque les idéés font fixées par les faits que vous articulez, & qui font contraires a ceux que I Leduc a confignés dans fon regiftre. A ce doute, que vous voulez faire I naitre, & qui eft contraire a 1'honnêteté publique, onoppofe une préfomption qui, dans 1'incertitude, doit 1'emporter, puifqu'elle eft étayée de cette honnêteté 5 que vous heurtez de front , en appliquant votre journal a la ducheffe de Choifeul. La femme dont il eft parlé dans ce j regiftre, étoit grafie le 28 décembre 1696. Ce fait y eft écrit en deux endroits.Cependant M. le duc de Choifeul, depuis plus de quatre ans, n'habitoit plus avec fon époufe; leur divorce étoit public. Lorfqu'il venoit de Verfaiües a Paris, il demeuroit au Temple, pendant que la ducheffe demeuroit rue de Verneuil. Tous les actes qu'il a paffes a Paris le juftifient. _ Quand même ce divorce auroit ceffe, votre préfomption feroit encore fans fondement. A l'époque de cette groffelfe, M. le duc de Choifeul étoit ablent depuis quatre mois. II étoit en btage, avec M. le duc de Foix, dès le mois de Giij  r ^ o Mademoifelle de Choifeul. feptembre précédent, ï Ia cour de Savoye ; & n'en eft revenu qu'a Ia fin de janvier i697. Les regiftres de I'£tat,& les iettres de meflieurs de Foix Sc de Choifeul conftatent 1'abfence de celui-ci. Vous outragez donc la mémoire de la ducheife de Choifeul; vous lui imputez un adultère : vous n'établifiez votre fyftême & votre prétention que fur une préiomption dont la preuve ne peut être admife , la loi ne fouffrant pas que 1'on foit autorifé a prouver ce qui eft malbonnête; paree qu'elle regarde ce qui eft mal-honnête comme impoffible , fi la preuve n'accompagne la dénonciation. Ne dites pas que 1'accouchement Sc Ia naiffance d'un enfant eft un fak fur lequel le chirurgien n'a pu fe trompet, quoiqu'il ait pu errer fur le tems de Ia conception; que M. le duc de Choifeul ctant revenu a la fin de janvier 1697, vous trouvez, depuis ce tems , jufqu'au 8 oótobre, un intervalle fuffifant pour que les couches remontent a une conception légitime. ,-°n confond, fur le champ , cette cvafion par votre journal même! On y trouve le fait de Ia conception au 1$ décembre i696, auffi phyfiquemenr prouvé, que 1'accouchement. Leduc  Mademoifelle de Choi feul. iy parle , en deux endröits, de cette époque de la groffefle, 6c parle, en mem* tems, du frgne qui en a hu naitre la préfomption, tant a lui, qu'a ce Je qtH le confultoit. Cette fuppreflion ü eit vrai, n'eft pas toujours un pronoftic ceitain, puifqu'elle peut furvenii-dans e cas du célibat le plus exaéf. Mais Ti la femme qui confultoit leduc ne s etett pas expofée a devenir grolTe, l'état ou elle fe trouvoit, auroit été de la comp,tence d'un médecin, & non pas d un accoucheur. L'accident qui occahonnoit la confultation, la confultation & la profeffion de celui que 1'on coniultoit réunis, fuppofent donc 5c alfurent phyfiquement que la femme avoit couru les rifques d'une grolfefle. _ Vous ne pouvez pas diviler les preuves qui réfultent du journal de Leduc. 11 parle d'une groflelTe certame au 13 décembre 1696; & s'il a pu fe trompet fur ce fait, celle qui 1'a confultc 11 a pu fe trompet fur la caufe du fign* qui lui faifoit craindre d'être groffe. Or voici 1'argument qui en ieluite. Le journal de leduc ne peut jamais s'anpliquer k madame la ducheife de Choifeul, puifqu'il fuppole que celle dont vous prétendez qu'il veurparler, KJ IV  i?2 MaJemoifelhdeChoireul. 1?U deve/ir PoCTe que par un aduïter attendu que fon man -étoit abien: depuis quatre mois, au moment de ia conception. Vous voulez donc, car voila tout 1 effet que peut produire votre journal * Vons vou ez , fur une reflemb/ance incertame de nom, prouver un adultère', cer/Cnme en tirer une miff^celegntime^i'abri de la maxi- f cequi eftétonnantici,&en même tems fait horreur, c'eft que toutes les Feuves de la demoifelle}* Saint-Cyr «e conduifent que la. Mais on répond par un raifonnement naturel que es. régies des bonnes niceurs Sc de 1'honnêteté pubiique ren- dentrefpecbableauxyeuxdelaloi& de fes miniftres. Le journal de Ltdm de^nr S'aPPll(l»er » madame on>Tf> 9 FT qUeCette aPPÜcation que le texte du hvre ne rend pas mdifPenfable, la rendroit coupable Tan guiten^Sc Ie crime ne fe préfum" £ r^n'£ft d°nC PaS fLir Je duc delaValUrt que doit tomber ce reproche odieux fait * fa fceur. A Dieu TJe t llÜ 'lmPme «uepareille f«C* U affirme qu'd ne pa  . Mademoifelle de Choifeul. 15 3 grouë, qu'il n'a point connu d'accouchement en 1697. U n'accufe donc pas fa fceur d'adultère; &, de ce qu'il na pas vu que fa fceur füt coupable , il juge qu'elle ne 1'a pas été. De 1'autre cote , au contraire , de ce que Leduc parle d'une femme qui étoit encemte dans un tems oü madame de Choifeul ne pouvoit 1'être fans être coupable d un crime, on conclut qu'elle f'étoit. Laquelle de ces deux conféquences les proteéreurs & les vengeurs des mceurs & de 1'honnêté publique doivent-ils admetrre? Mais que la demoifelle de ^aint-Cyr ne s'y trompe pas •, fi ce journal, qu'elle adopte pour titre de fa filiation, etoit cru il ne ferviroit, fuivant le texte precis 'des loix, qu'a 1'exclure elle-même de l'état auquel elle afpire. _ La loi 6, ff. de his qui funt ftu vel alieni juris, définit l'enfant, celui qui eft né du mari & de la femme : Fdtum effe definimus, qui ex viro & uxore ejus nafc tur. Elle ne dit pas que le fils eft celui qui eft né de la femme, comme fi par une fuite ncceflaire, le man etoit indifpenfablement obligé de le reconnoitre: il faut, au contraire, qu'il ioit fils de 1'un & de 1'autre. La loi le pre-^ G v  r «5 4 Mademoifelle de Choifeul iume toujours ainfi, quand une femme vit avec fon mari, & accouche publiquement dans:1a maifon qu'elle habire avec bi. Voila 1 effet de ce fentiment gave dans le ecmr de tous les hommes , bc fonde fut 1'honnêteté publique, pater ejfuem nuftU demonflrant. Quand la merea reconnu eet enfant, quand elle J a cleve comme le fruit de fon mariage, au vu & au feu de fon mari, qui nes?en «11 jamais plaint, alors on entreprenJron en vam d'attaquer l'état de eet -enfant:1a. poffeffion publique,la bonne foi la préfomption de droit réciament en fa faveur. Mais, lorfqu'un inconnu, qui n'a aucune poffeffion d'état,veut faire ufaRe . de cette prefomption, fur le fondement V-neCru' <1U1 Prouve que fa naiffance eft illegitime , tandis que Ia mère qu'il s attnbue ne demeuroit point avec fon man ; la 1Qi veut-ellé qu'on savende que, prenant Pimpofture pour la°vé! nte, on admette comme commencement de preuve par écrit d'une filiation iegunne, un titre d'infamie ? N'efr-ce pas alors que les régies les plus communes & Pintérêt public fe Téumffent, afin qu'on ne divife point ia preuve refultant d'un écrit qui prouve  Mademoifelle de Choifeul. 15 J une naiffance, mais une naiffance illè- eitime? „ , • j Si le journal de Zedac eft le titre de la demoifelle de Saint-Cyr, en j jolgnant toutes les circonftances de fa vie obfcure , on doit lui apphquer ce que dit Menochius: « La préfomption en „faveur du mariage n'a point lieu, „ lorfqu'elle eft combattue par plufieurs „ autres préfomptions. Si Titius a cte „élevé, traité & nommé comme le „ fils d'un adultère, & que la voix pu„ blique & la renommee pubhent le „ vice de fa naiffance; dans ce cas, on •> ne le préfume pas fils du man, mais „ de l'adultère(i) ». Quel érrange paradoxe, de voulmr que le regiftre de Leduc puilfe fonder cette préfomption : pater eft quem juji* nupti& demonftrant! t ) La caufe n'a-t-elle pas ete prejugcc par le céièbre Jéróme Bigr.on, dans une efpèce bien moins odieufe, que celle de la demoifelle de Sauit-Cyr? La t-i\ Declaratur ut locum non habeat heet canjeLa, auando plures *\ï* rent- ut fi Tiuus fuit educatus & traBatm (* nomïnatL tanquam filius adulten , & «ncurrU etfam pulliJ vcx &> farnf J oc_ cafit, non prtefumitur filius manti, fed adultm.^ -  i =5 6 Mademoifelle de Choifeul. femme, qui avoit vècu dans un divorce public avec fon mari, n'avoit jamais reconmi.pour rille celle qui fe préfentoit Cependant, elle n'avoit jamais pu oubher. Elle 1'avoit retirée auprès d elle en quahté de domeftique, & ld avoit fait un legs modique par fon teftament. Le mari, après le décès de fa femme, avoit agi comme n'ayant point d enfant, & avoit tranfigé, fur ce pié, avec les Collatcraux de fa femme. Je ne icais queües raifons déterminèrent, dans la fuite, ce particulier k marier cette hlle comme fa rille légitime: mais il labandonnabientötaprès, & difpofa ibnnes ^ d'aUtreS La rille prétendue voulut rentrer dans les biens de fa mère. Elle attaqua les hennen collatéranx qui en jouifW:& par arrêt du parlement de Rouen, elle fut admife a la preuve par témoins de fa filiation. Enquête fu faite. Mais les collatéranx s'étant pou vusenrequete-civile, 1'affaire fut renvoyee au parlement de Paris. Etce aui determina Jeröme Blgnon i conclure contre cette fille, afin que les collaté! xaux fuirent mamténus dans la poffeffion des biens qu'ils avoient recueillis, c'eft  Mademoifelle de Choifeul. itf eue les merries preuves qui pouvoient faire croire que cette fille avoit pour mère Francoife Signy, qu'elle reclapioit, prouvoient, en meme tems, qu'elle n'étoit pas fille de fon man (i). Qu'auroit penfé ce grand homme-de la caufe de la demoifelle de Saint-Cyrf Elle afpire a un état dont elle n'a aucune tracé de poffeffion, ni de la part du père,ni de la part de la mère; tandis que la poffeffion publique des deux families oü elle veut entrer, la condamne. Elle propofe cependant, pour commencement de preuve par ecnt, un titre infame par lui-mÊme, qui ne s appliquealamère qu'elle s'attnbue que «ar une reffemblance equivoque de nom; & qui, s'il méntoit quelque foi, ne prouveroit qu une naiffance illegi- time. . i • La marquife de Tournon , qui etoit en caufe, fit valoiri fous des couleurs pürreBardct naquit a Montagnet, bourgade du Bourbonnois , en M9i, & mourut a MouVinsen 1685 , agé de quatre-v.ngt-quatorze ans. II acquit de la réputation au barreau. On a,delui,unrecueild'arrèts en deux volumes in.folio, publié par Berroyer, |ion du ferment oblige de garder, c'eft ; fe rendre, en même tems, coupable de perfidie & de parjure. Faut-il rendre cette vérité encore . plus fenfible ? Perfonne n'ignore qu'il i n'y a point de puiflance fur la terre qui ait droit d'obliger un confefteur a révéI Ier ce qui lui a été confié fous le fceau I de la confeflion. Mais il ne faut pas fe I perfuader que cette obligation abfolue i: de garder le fecret foit particuliere aux con?e(feurs; elle s'étend a tous les hommes que Pexercice d'une profeflion publique , néeeflaire & utile a la fociété, établir les dépofitaires forcés du fecret d'au trui. 11 y en a une raifon fans réplique.' Ceux qui verfent ces fecrets dans le fein des hommes publics, ne le font-j  I6X Mademoifelle de Choifeul pour ainfi dire, qu'involontairement: ilsy font: comme contrahits par la loh imoeneufe de la nécemté, qui leur attaché eet aveu, en les obligeant dï recourir aux lumières, U'^pénenceV & au mmiftere de ceux qui, par leun c V r TOlca"°n> font devenus, filonof fi par)erj Jesinftm_ ments bonorables dont la diviniré fe > *rt pour fecourir f hmanité dans fes befoins, & dans fes miieres u, quiconque eft affez infame pour reve er des fecrets qu'il n'a appris que dans 1 exercice d'une profedion pubüque, manque, toiit a-la-fois, a Ja imure, a 1'humanité, & a ia relieion rneme. ° a la demoifelle que pour onftater le vice de fa nailfance,&Pour rroubler le repos des cendres de celle dont elle mvoque la maternité. Les circonftances détaillées dans ce re-iftre annoncent un accouciiement felret myftcneux, clandeftin. Un enfant Ié' gutme du duc & de la ducheife 3t Choifeulautoit-il été confié ï Leduc feul ioit pour le faire baptifer, foit pour le «nettre en nourrice ? Auroit-il été baptüc dans une paroilfe éloignée, étran-  Mademoifelle de Choifeul 163 gère ? Auroit-il été flétri de ces marqués | ignominieufes,qui ne conviennent qua un enfant de ténèbtes? Quand cette naiffance ainfi circonftanciée fe trouve accompagnée d'un acre de baptême, 0111'on ne donne 111 père , nimère a l'enfant, & fuivie d'une éducation obfcure pendant vingt-fix ans , ou on lui fait potter un nom qui lui eft étranger; fon illégitimité n'eft-elle pas démontrée , en fuppofant qu'on put I admettre le regiftre de Leduc ? C'eft en vain qu'elle veut fe préva- i l^ïr ]o rpalp nater is eft auem iufta i nupt'u demonjïrant. On a hut voir que, S toute utile, toute facrée qu'elle peut j ètre, elle n'a point d'application a la j pofition de la demoifelle de Saint-Cyr. Ces raifonnements qui, au premier eoup-d'ceil, ont quelquechofe de féduifant, ne reftèrent pas fans réplique. On va les reprendre dans 1'ordre oü ils ont été propofés. Une partie des idéés que 1'on a déja expofées, vont encore palier fous les yeux du leóteur. Mais la difI cuffion qu'exige cette caufe, impofe la I néceffité de ce doublé emploi. Si les jurifconfultes ne Pimprouvent pas, je ferai fatisfair. C'eft pour eux prmcipa-  ÏÖ4 Mademoifelle de Choifeul Jement que pecris:' je'ne cherche que Jubiidiairemenr 1'arnufement des autres ledeurs; & fi je m'en occupe , c'eft quand la matière qui me tombe fous les mams, peut s'y prêrer. Les adverfiir^c 1-, A~ i k-noijeul, en voulant 1'exclure de la preuve teftimoniale, n'ont pu nier que ce genre de preuve eft le plus ancien & leplus authentique ;■ que la néceffité en avoit formé l'ufage 5 que le droit commun 1'avoitconfervé, & qu'il n'étoit pas douteux qu'avant nos dernières ordonnances, il ne fut cgalement recu dans toutes fortes de matières. . Quelle eft la conféquence de ce principe ? C'eft que l'ufage de la preuve teftimoniale, en matière d'état, comme én toute autre, n'a pu celfer parmi nous, fans une loi qui 1'ait aboli. Quelle eft donc cette loi? CVfl- rt„'™ ,,>„ ! _„ vjU KJli J2 ^ Jas encore trouve, & ce qu'on ne trouvera jamais, en matière de filiation. Un ufage érabfi dans tous les facies ne s'efface poinf fans une prohibition exprefie, qui ne fe rrouve ni dans 1'ordonn. de 15 3 9, ni dans celle de Blois , qui lm eft poftérieure de quarante ans. Quel a donc été 1'objet de ces deux ordonnances ? D'établir des monuments  Mademoifelle de Choifeul. ft>«j( publics qui puflent fuppléer la preuve teftimoniale. Mais cette preuve n'a pas été bannie a I'égard de ceux auxquels la prévoyance des regiftres feroit inutile. EUes ont donc laiflé la règle relle que le droit commun 1'avoit établie : elles ont uniquement voulu donner un nouveau fecours aux citoyens, fans leur £ter ceux dont ils jouiflbient auparavant. La voie de la preuve teftimoniale étoit ouverte a tous ceux dont l'état étoit incertain; la même voie 1'eft encore a tous ceux pour qui les regiftres publics n'ont pas fixé Tincertitude de leur état. L'ordonnance de Moulins a prohibé expreffément la preuve teftimoniale, en matière de conventions.-Point de prohibitions en matière d'état. Qu'en réfulte-t-il ? Que la loi a voulu dans un cas, ce qu'elle n'a pas voulu, dans 1'autre. Ainfi, toutes les fois que les regiftres publics ne pourront produire 1'effet auquel ils font deftlnés , la preuve teftimoniale , qui tire fa fource du droit commun , &c qui n'eft prohibée par i aucune loi, reprendra toute fa force, &c viendra néceftairement au fecours. Dira-t-on que, dans ce cas, ces ordonnances exigent un commencement.  166 Mademoifelle de Choifeul. de preuve par écrit, & qu'elles veulent que ce^ préalable prépare & autorife 1'admiflion de la preuve teftimoniale ? Mais cette condition feroit une exception a la prohibition. C'eft-a-dire, que la preuve teftimoniale feroit prohibée, dans le cas même du lilence ou de 1'abfence des regrttres; fi ce n'eft quand celui qui la réclame auroit un commencement de preuve par écrit. Or cette exception fuppoferoit une prohibition. 11 n'y a point de prohibition: il n'y a donc point d'exception. L'ordonnance de 166-j n'a rien changé a. la difpofition des loix antérieures, elle n'a fait que rendre, a. la preuve teftimoniale , en matière de conventions , une partie de ce que l'ordonnance de Moulins lui avoit óté. Elle lui a confervé, par une difpofition exprelfe, en naatiète d'état, ce que les loix antérieures avoient confervé par leur filence. II fera pafte des acbes de tout ce qui excède la fomme de ioo livres. Nulle preuve teftimoniale ne fera recue en ce cas, même pour le dépót volontaire, S'il n'y a commencement de preuve par ecnt. Elle admet beaucoup d'autres exception^ on ne parle que de celle-ci.  Mademoifelle de Choifeul. iCf Or il n'y a point d'ambiguité dans une pareille exception. La prohibition eft exprefle; on ne peut s'en affranchir j qu'en fatisfaifant a la condition de 1'exj ception; d'autant plus que la prohibition eft jufte, & que les motifs en foiu | décédés, que par témoins. Voila donc deux genres de preuve que l'ordonnance admet au défaut des regiftres publics: elle veut qu'on recoive | 1'une aufli bien que 1'autre; c'eft-a-dire, qu'elle ne permet pas que celui qui eft réduit a la malheureule néceflité de I prouver fon état pat „témoins, puilfe êtte privé du fecours des papiers domeftiques, s'il y en a. Mais peut-on dire qu'elle ait propofé ces papieis  ïfj8 Mademoifelle de Choifeul. comme un adminicule nécefïaire pour .conduire a la preuve teftimoniale? Elle n'impofe pas aPadmiflion.de la preuve teftimoniale la condition d'être foutehue par des regiftres domeftiques: elle en impofe une autre; & c'eft la feule qui foit écrite dans l'ordonnance. S'ii n'y apoint de regiftre, la preuve teftimoniale fera recue. II faut donc la recevoir, toutes les fois que les regiftres publics ne dérermineront pas 1'érat de celui qui réclame. Comment ia receyra-t-on ? Tant par les regiftres & papiers domeftiques, que par témoins. Ce n'eft donc qiPaprès que cette preuve eft faite, que 1'on peut jugerli elle eft conforme a Pefprit & a la difpofition de l'ordonnance. Mais cette ordonnance veut que Poncommence parl'admettre: II n'eft pas queftion de fcavoir en quoi elle confifteraj les juges'n'ont qu'un point a examiner, pour ï'admetrre ou la rejetter. Les regiftres prouyent-ils, ne prouvent-ils pas ? Si les regiftres ne prouvent pas , l'ordonnance leur enjoint de recevoir la preuve; Sc ne parle, en ce cas, d'aucune condition. Car il faut une preuve enfin, puifque Ie filence du regiftre peut être Peffet'de la  Mademoifelle de Choifeul. 169 la prévarication; laquelle apu s'étendre aufli fur les papiers domeftiques. Si c'eft le père qui eft le prévaricateur, il fe fera bien donné de garde de fabriquer lui-même des écrits qui fuppléeroienr au filence des regiftres ; filence qui feroit fon propre ouvrage. Si la fraude provient d'un autre que du père, le prévaricateur, qui a eu le feeree d'empècher 1'infcription de l'acbe baptiftaire fur le regiftre, ne„ pourroit-il pas aufli avoir celui de fouftraire les papiers dans lefquels le père auroit fait mention de l'état de fes enfants ? Et voila. pourquoi l'ordonnance s'eft bien donné % de garde de faire dépendre 1'admiilion I de la preuve teftimoniale de la repré- fentation des papiers domeftiques.ComI ment donc M. de la Vallïere pourroit-il ' fe flater d'impofer a la preuve dont il j s'agit une condition que la loi ne lui 1 impofe pas, & que la fagefle ne lui a J pas permis d'impofer? C'eft en vain qu'il s'écrie: Quoi, pour un intérêt pécuniaire de 100 liv. nulle preuve teftimoniale ne peut être recue fans un commencement de preuI ve par écrit \ & dans une matière aufli 1 importante que celle de l'état, on rece1 - . Tornt IX, H .  17© Mademoifelle de Choifeul. vra la preuve teftimoniale fans une par reille condition ! Dès qu'il eft conftant que la loi n'a point adtnis cette condition, cette exclamation n'eft qu'une vaine critique de la loi. Mais il eft aifé de la juftifier. Ce n'eft point par 1'importance de la matière qu'elle s'eft déterminée. La loi n'a d'autre objet que d'aflurer le triomphe de la vérité dans tous les cas pü la maüvaife.foi peut chercher a la eompromettre. Elle ne voit que 1'intérêc en lui-même, fans s'occuper de fon étendue \ &c ptend la voie néceffaire pour 1'écarter dès que, quel qu'il foit, il fe préfente pour cacher la vérité. Ici le motif qui a dicfé la prohibition de la preuve teftimoniale en matière de convention, eft qu'il dépend des parties de les rédiger par écrit, & qu'elles doivent s'imputer de ne 1'avoir pas fait, Mais toutes les fois qu'il aura été, pn ne dit pas impoffible, mais peu faciie d'acquérir la preuve écrite, füt-il queftion d'un million , la preuve par .ïémoins fera recue fans commencemenc de preuve par écrit, même en matière de conventions, Suivons la marche de 1'ordonnance fte 1667 j 1'efprit qui a animé le lé-  Mademoifelle de Ckciful. 171 giflateur va paroltre dans tour fon jour. L'article 2 du titre 20 contient Ia difpofition générale. II porte qu'il fera pafte des acfes de tout ce qui excédera la fomme de 100 liv. même pour dépot volontaire, & que nulle preuve ne iera recue en ce cas, fans un commencement de pteuve par écrit. Les articles fuivans admettent plufieurs exceptions. La première fe trouve a la fin du même article, qui déclare n'entendre rien innover 3 pour ce regard 3 en ce qui s'obferve en la juftice des juge & con-, fuls des marchands. La preuve teftimoniale eft admife l dans ce tribunal, fans aucun commencement de preuve par écrit, de quelque importance que puilfe être 1'objet j & la loi, en déclarant qu'elle ne veuc rien innover a eet ufage, 1'autorife expreffément. Ce n'eft pas que la preuve écrite fut abfolument impolfible; mais fouvent elle feroit difficile. On fcaic que les négociants traitent ordinaireraent leurs affaires les plus importantes dans les foires & dans les marchés, ou ils n'ont pas toujours lacommodité d'affurer leurs conventions par écrit. ÏJ ij  ï Mademoifelle de Choifeul, L'article 4 excepte encore, de la pro-»' hibition de la preuve teftimoniale, le 'i cas du dépot fait en logeant dans une | •hótellerie, entre les mains de 1'hóte &c \ de 1'hotelfe; paree qu'il n'eft pas d'ufage de palfer des aótes en pareil cas. II faudroit autant d'aétes & autant de décharges que 1'on parcourroit d'hórellenes ; la loi n'a pas voulu affujettir les voyageurs a un joug fi incommode. L'article 3 accorde le même avantage au dépot néceffaire qui fe fait en cas d'incendie, ruine 3 tumulte 3 ou naufrage. Un homme dont la maifon brüle n'a rien de fi prelfé, que de fauver & de porter chez fes voifins ce qu'il peut «avoir de plus précieux. Il feroit ridicule qu'au milieu d'un pareil tumulte, on exigeat, de lui, qu'il s'amusat a. faire rédiger des reconnoilfances par ceux a qui il les conhe, & qui veulent bien 5'en charger. L'article 3 finit par une exception générale qui explique nettement le motif de toutes les exceptions'particulières, & qui étend 1'application z tous les cas de la même efpèce, qui n'ont pas été prévus: N:'entendons exclure la prcu» ve par témoins , en cas d'accidents impréyus ? ou on ne pourroit avoirfait des acies%  Mademoifelle dè Choifeul 173II n'eft donc pas vrai, en général ,. qu'nn intérêt pécuniaire de 100 liv. ne puilfe fe prouver par' témoins, fans commencement de preuve par écrit.. Cette propofition eft jufte dans les cas ordinaires, & faufle dans rous les cas oü il n'a pas été au pouvoir de la partie de fe procurer des preuves écrites. Ces principes pofés , raifonnons , puifque M. de la Vallïere le veut ainfi, de la matière de l'état a. celle des eonyentions. Mais a quel genre de convent-ions l'état peut-il fe rapporter. Serace a celles dont les parties peuvent facilement fe procurer des preuves écti1 tes ? II faudroit ctre infenfé pour 1'ima| giner. Un enfant qui nait n'eft pas le maitre d'alfurer fon état par des preuves I écrites; il ne le . peut pas davantage I quand il eft avancé en age. Peut-il for1 eer ceux a qui il appartient, de les lui j procurer? II faut donc, en raifonnant de 1'un . a. 1'autre , mettre l'état au rang des cas dans lefquels on ne peut avoir fait des I acles. Or l'ordonnance veut que ,' dans tous les cas de cette efpèce, la ï pteuve teftimoniale foit admife fans i commencement de preuve par écrit. Donc, en matière d'état, qui fans, Hüj  174 Mademoifelle de Choifeul. doute embrafle ces cas, il feroit ridicule de 1! exiger. La matière d'état, d'ailleurs, n'a-telle pas fes difpofitions apart dans l'ordonnance ? En propofant les regiftres publics comme la preuve la plus ordinaire de lage, du mariage & des décès, elle n'en exclut aucune autre j & elle fuit toujours le même fyftême. Ces regiftres font, a I'égard de l'état, ce que font les adfes a I'égard des conventions. Eft-il facile aux contraétants de s'aflurer de leur foi réciproque, par des écrits ? Point d'autre preuve. Ont-ils été dans 1'impoJfibilité de fe procurer ce gage de leur engagement ? La preuve teftimoniale vient au fecours. Le regiftre repréfente ces aétes. Si ceux dont l'état eft compromis peuvent facilementtrouver, dans ces monuments, Ia preuve dont ils ont befoin , point d'autre preuve. Si on y fouve une preuve deftréfcuive de leur fyftême, ils n'ont rien a y oppofer. Mais fi , par la négligence ou la mauvaife volonté de ceux que la nature & les circonftances avoient rendu maitres de leur état, cette preuve n'exifte pas, ou s'il y a impoffibilité de la former, c'eft le cas de ces aceidents imprévus, ou Pon n'aura pu faire d'acfes : la  Mademoifelle de Choifeul. i?J toreuve teftimoniale, ou les regiftres K papiers domeftiques yfuppléent; & la loi n'exiee pas que 1'une foit introduit* i par 1'autre. ... ■ . Vous corrompez, dit-ön, 1 ordonnance , quand vous prétendez que 1'une ou 1'autre de ces preuves fuftit pour fatisfaire a fa difpofition & que les deux ne doivent pas neceffairement I concourir. .. Ce reproche fe rétorque naturelle, ment contre ceux qui le font. Sur qui en effet pourroit romber Pacculation de corrompre l'ordonnance, fi ce n eft iur ! ceux qui, par une traducbion aufli lorcée qu'elle eft artificieufe, voudroient [ en détourner le vcritable fens ? I Pour répondte a 1'idée de M. le duc { de la Vallïere, il faudroit trouver une prohibition expreffe dans l'ordonnance, ; & qu'elle eüt dit qu'en matière de filiai tion , nulle preuve teftimoniale ne lera recue fans un commencement de preuve 1 par les regiftres & papiers domeftiques ' des pères & mères décédés. Si telle ent , été fintention de ceux qui ont travaille • i la rédaftion de cette loi, ils fe fetoient ! expliqués autrement. _ > Mais on voit, au contraire, quüs n'ont entendu permettre la preuve pat H iv  'tj& Mademoifelle de Choifeul. les regiftres domeftiques, qu'au défant 'de toute autre, & qu'ils ne 1'admettent que quand oneft privé de la preuve teftimoniale j que loind'exiger que celleci foit etayée par 1'autre, ils n'ont pas voulu qu'on écoutatces regiftres, quand le temoms pouvoient parler. Qu'on ouvre le procés-verbal de l'ordonnance on y trouvera que , dans le projet redige, Sc mis fous les yeux des commiflaires, P0lir avoir leur avis, 1'article etoit ainfi concu : « Si les regiftres " lo,lc Perd"s, ou qu'il n'y en ait ia" ma?s eu, il en fera fait preuve par » regiftres ou papiers domeftiques des » peres Sc mères, ou de 1'un d'eux vi» yants ou décédés, ou par témoins, fauf » a Pautre partie, Sec». L'intention du légiflateur eft bien clairemeut énoncée dans cette rédacoon pnmitive. II ne requiert pas ces deux genres de preuve cumulative5ent3.1l ne veut pas que 1'une ferve d ïntroduction a Pautre; il permet 1'une au defaut de Pautre. S'iln'y a point dc regiftres publics 3 la preuve fe fera par regiftres ou papiers domeftiques, ou par Umoins. r ■ Écoutons les réflexions des commiffaires , 8c Pon verra que leur inquié-  Mademoifelle de Choifeul. 177 i tude n'eft tombée que fur ces papiers | domeftiques, & nullement fur la preuve I teftimoniale. Ils n'ont donc pas eu intention qu'une preuve qu'ils vouloient faire rejetter fervit d'appui a celle qui leur paroilfoit fans difficulté. - m. de la Moignon, premier prélident, dit que « l'article veut que 1'on » ajoute foi aux regiftres des pères vi/ „ vants ou décédés. Qu'il falloit les refy> treindre aux pères décédésmarce qu'au}> trement ces regiftres n'étant que de » Jimp.les certificats , 1'on n'y auroit pas .} jj davantage d'égard qu'a des lignatures I jj privées, lefquelles n'ont point de j » date, tant qu'un homme eft vivant. 3> Que d'ailleurs 1'exécution de eet 1' n article pouvoit produire de grands » inconvénients , par la prédilëótion ss qu'un père pourroit avoir pour un de j; » fes enfants , au préjudice des autres; n dont cependant il feroit conftitué » juge , & il dépendroit de lui de metsj tre fur fon regiftre ce que bon lui | w fembleroit. • jj De plus, un des enfants pourroit » avoir procés contre une partie étranis gère ; & il feroit encore moins jufte ».qu'un père le put décider par écrit en I >j faveur de fon fils », Hv4  178 Mademoifelle de Choifeul. M. Pujjbrt, qui avoit rédigé l'ordonnance par ordre, &C fous les yeux du Roi, répondit que « les coulidérarions » de 1 article font expliquées dans 1'ar3' ticle même, en ce qu'il porte que 3> cette preuye de regiftre domeftique 3> ne fera recue que quand toute autre m manquera ». D'après ces canfidérations , & quelques autres inutiles ici, l'article fut rédigé tel qu'il eft. On lui a confervé le fens qu'il ayoit, a 1'exception de ce qui concerne la foi due aux regiftres des pères vivants, qui leur fut totalement retranchée. II fuit , au refte, de ce procés-verbal, que la preuve tirée des regiftres & papiers domeftiques, quelques dangereufes qu'en puident être les conféquences , décide néanmoins feule de l'état des hommes ; puifqu'elle eft recue' tfkand toute autre manque. II s'en fuit encore que , dès qu'elle n'eft recue que dans ce cas-la, on ne peut douter que la preuve vocale ne lui foit préférée \ & qu'elle n'ait par conféquent le même avantage de décider feule de l'état des hommes, toutes les fois que le iilence ou 1'imperfection des regiftres rendxont fon fecoufs néceffaire.  Mademoifelle de Choifeul. 179. On a dit au duc de la Valliïn que, fi Ia preuve teftimoniale décidoit feule de ■ la vie des hommes, on pouvoit bien lui , conher auffi,au moins en cas de nécefi; fité, la décifion de leur état. Il a ré1 pondu qu'on eft -forcé, en matières criI minelles , de recevoir ces rémoiguages, paree qu'il n'y a point d'autre voie, &: qu'elle eft alors bien moins dangereufe ; puifque la confrontation met toujours 1'accufé en état de confondre les témoins qui ont été corrompus. Mais , dans l'état ou 1'on a réduit la : demoifeile de Choifeul, a-t-elle une autre preuve? En matière civile, d'ailleurs, on ne manque pas de préfervatifs contre la corruption des témoins. N'a-t-on pas la ,: feeulté de les reprocher ? L'enquête n'eft-elle ps refpective ? C'eft un avantage que 1'accufé n'a pas en matière crijninelle. Dès que la demoifelle de Choifeul a établi qu'on ne peut lui refufer la preuve teftimoniale , fans qu'il foit nécelTaire qu'elle ait un commencement de preuve par écrit, c'eft furabondamment qu'elle prouve qu'elle eft nantie de ce commencement de preuve. Mais, dans une affaire de cette importance , Hvj  ï 8 o Mademoifelle de Choifeul. elle ne doit rien négliger, ne füt-cë que pour dilliper les impreflions que le duc de la Vallière s'efforce de faire fur 1'efprit dn public. C'eft contre le regiftre de 1'accoueheur que les adverfaires de la demoifelle- de Choifeul ont principalement réimi leurs efforts, paree qu'ils fentent bien que c'eft une pièce décifive. Trois obfervations fnr cette pièce» ] ï°. Ce n'eft pas Ie hafard qui produic j cette uniformité entre les faits articulés par mademoifelle de Choifeul, Sc ceux qui font incrits fur le regiftre de Leducx lëcouvré depuis qu'elle les a articulés. I Un événement aufli capable de porter la conviétion .dans les efprirs n'eft du f qu'a 1'exacfe vérité.. 2°. M. le duc de la Vallière revienr fans ceffe a une objection qui confifte adire que, pour qu'une preuve écrite -conduife a la preuve teftimoniale, il ■\ faut qu'elle établiffe une quafi-poffefïion; d'état, c'eft-a-dire, une éducation, fecrete ft 1'on veut, mais qui paroiftèpro-, «éder du père ou de la mère. Suppofons, pour un moment, Ia nécefïité du cara&ère effentiel que Alle duc de la Vallière demande dans un commencement de preuve par écrit ,  ' Mademoifelle de Choifeul. 181 ne fe trouve-t-il pas dans le regiftre de Leduc? i En effet, Ia demoifelle de Choifeul a eu le malheur de perdre fa mère a 1'age d'un an. En quoi peut confifter 1'édueation d'un enfant agé d'un an ? A payer les mois de fa nourrice. Or Leduc declare que c'eft madame de Choifeul ellemême qui lui a remis l'enfant dont elle étoit accouchée , que c'eft par fonordre qu'il 1'a mife en nourrice, Sc que c'eft d'elle qu'il a recu tout 1'argent qu'il a donné a la nourrice. Sou regiftre fait donc foi de cette prétendue quafi-pofleffion d'état. Ainh , fuivant M. le duc de la Vaüiïre luimême , il raflemble tous les caraétères que 1'on fuppofe néceftaires pour luï donner la force du commencement de preuve par écrit. 3°. Ce regiftre prouve non-feulemenr ,Ia naiffance de l'enfant dont madame 'de Choifeul eft accouchée le 8 oétobre. i697, mais encore que eet enfant eft la même perfonne qui réclame aujourd'hui. Leduc lui a fait une marqué que mademoifelle de Choifeul porte encore, Sc qu'elle portera vraifemblablemenr toute fa vie. Cette marqué ne dénote pas un enfant qu'on ait voulu perdte.11  182 Mademoifelle Je Choifeul. ne faut pas un autre témoignage, pour être affuré que, fi madame de Choifeul avoit aflez vècu pour voir celfer les confidérationsqui 1'ont engagéeau myftère, elle autoit rendu k fa fille toutce qu'elle lui devoit. C'étoit une précaution qu'elle preaoit pour ne pas perdre un enfant que des circonftances qu'on ne peut pénétrer 1'obligeoient a cacher. Toutes les dérifions qu'en fait M. le duc de la Vallière font voir qu'il en comnoit les conféquences; & il fent bien que cette marqué porte avec elle Ia preuve la plus vive & la plus éclatante de la vérité. Quand on veut que le commencement de preuve par écrit, qu'on fuppofe neceffaire pour être admis a la preuve teftimoniale, foit émané des père & mère, on fait une propofition qui renferme plus d'une erreur. On a déja démontré Pühfiöa de cette chimère. En effet l'ordonnance de i667 ne parle pas des regiftres & papiers domeftiques, comme d'un commencement de preuve par écrit j mais comme d'une preuve complette par elle-même, au défaut de route autre preuve. Or, felon M. le duc de la Vallière lui-même, ce n'eft  Mademoifelle de Choifeul. \ 83 pas une preuve complette qu'il peut demander. Ce n'eft donc qu'un commencement de preuve. Or il n'y a rien dans l'ordonnance qui détermine ce commencement de preuve a des écrits émanés des pères & mères. II feroit, d'ailleurs , difficile de rapporter un écrit moins fufpeft, que celui qui procédé d'un homme qui a prêté a la mère un miniftère auifi néceftaire , que celui d'un accoucheur. ( Mais, diton,la déclaration portee par ce regiftre n'eft qu'un fimple témoignage , qui n'a pas même la force d'une dépolition. Si 1'accoucheur etoit vivant, on ne pourroit le faire entendrequ'après avoir été admis a la preuve. Comment donc fa déclaration pourroitelle fervir pour conduire a l'admiftion de cette preuve ? Cette objeólion feroit bonne, sü s'a, dans leurs bras, l'enfant naiflant, diI ront fi c'eft a la duchefle dc Choifeul, ou a une autre, qu'ils ont prêté leur fe1 cours. Le fieur Helvétiui apprendra I quelle eft cette dame de Choifeul a qui il a donné Leduc pour accoucheur; qui eft celle qu'il a vifitée pendant fes coul ches, quand elle eft accouchée; de quel : fexe étoit l'enfant, & ce qu'il eft deI venu. Si 1'on veut, dit on, bien faire atteni tion au regiftre de Leduc, non-feuleI ment il ne peut autorifer la preuve tefi timoniale, mais il doit néceflairement 1'exclure, par deux raifons décifiyes. La 1 première fondée fur les contradidions que M. le duc de la Vallière prétend  ï88 Mademoifelle de ihoifeüt trouver entre ce regiftre, & 'les faitS articulés par mademoifelle de Choifeuh La feconde, fur les indudions qu'il rité de l'époque que Leduc donne a la grolfelfe de madame de Choifeul. Trois cöntradictioiis. La première, mademoifelle de Choifeul a parlé d'un accouchemeut public fait au vu & au feu de toute la familie du mari. Leduc n'annonce qu'obfeurité & ténèbres dans fon regiftre.. z°. Elle a fuppofé qu'elle h'avoit point été baptifée; Leducpzrte d'un baptcme. 3°. Elle dit qu'elle a été ondoyée; Leduc n'en dit mot. 1 °. C'eft abufer des termes , que de les prendre fi fort a la lettre. Dès que Ia duchefle de Choifeul eft accouchée dans •fon hotel, oü tous fes parents avoient la hberté d'aller & venir a leur gré , qu'on ne dit point qu'on leur en ait ihèerdit 1'entrée; quele duc fon époux n'étoit point féparé d'avec elle; mademoifelle dc Choifeul a pu dire que fa mère étoit accouchée au vu & au feu de toute la familie. Pour qu'il y eüt eonttadiótion fur ce poinr, il faudroit que Leduc eüt dit que les couches fe font faites clandeftinement, & hors de la maifon. II ne le dit point, ni rien qui puilfe induire ale croire.  Mademoifelle de Choifeul 189 • 2.0. Mademoifelle de Choifeul a iignoré qu'elle eüt été baptifée. Mais rétoit-elle obligée de fcavoir ce qu'elle ; ne pouvoit apprendre par elle-mêmei : Et fon ignorance fur un fait dont il lui Ökoit impoifible de s'inftruire , otera-t: elle toute créance au . regiftre de 1'acjcoucheur? Rien, au. contraire , ne fprouve mienx que ce n'eft pas dans le 1 regiftre qu'elle a puifé ces faits, & qu'il I n'etoit pas découvert alors : & la vérité 1 du regiftre fort, pour ainfi dire, du fein. I. de cette contradiction, Enfin,-mademoifelle de Choifeul dit I qu'elle a été ondoyée; Leduc n'en parle I S'il n'en parle pas, il ne la contred't I donc pas. Pour contredire, il faut par- 1 Ier. D'ailleurs, il n'y a point d'incom- I patibilité entre 1'ondoiement &c le bap- 1 tcme : tous les jours on ondoie un en- I fant, auquel on fupplée enfuite les I cérémonies du baptcme. ( Allons plus loin. Quand ces préten-: I dues contrariétés feroient aufli rcelles., | qu'elles font chimériques; qu'en réful- j teroit-il ? Quand mademoifelle de Choi- 1 feul auroit dit affirmativement que M, 1 de Choifeul étoit préfent qua,-d fa feirme eft accouchée, 3c quella ne h?  I iqo Mademoifelle de Choifeul. prouveroit pas : quand, après avoir dit : quelle n'a pas été baptifée, le baptême I feroit prouvé: quand, après avoir dit : qu'elle a été ondoyée, Leduc & le? témoins avec lui diroient qu'elle ne 1'a I pas été; fi elle prouvoit bien que madarne de Choifeul eft accouchée le 8 oébobre i6e,7j qu'elle eft accouchée d'une fille par Je miniftère de Leduc, Sc qu'elle eft le même individu-que eet accouchement a mis au jour,enferoitelle moins la fille de M.& de Madame de Choifeul? Faut-il être efclave des formalités, quand la vérité fe fait jour, fans leur fecours ? N'en faut-il pas fe- j couer le joug en faveur de cette même vérité, qui nous pénètre de fa lumière ? Mais revenons au vrai. Mademoifelle de Choifeul eft d'accord, dans les 1 faits importants &c capitaux , avec le regiftre, avant qu'il fut découvert: & ces prétendues contradiétions, dans les : faits qui ne font point effentiels , ne fervent qu'a prouver qu'elle n'avoit pas vu le regiftre, lorfqu'elle articula ces faits. C'eft avec le fecours de ce regiftre qu'elle a appris la caufe & * h nature de la marqué qui y eft décrite telle qu'elle eft imprimée réellepent fur fon corps, marqué qui forme ■u  Mademoifelle de Choifeul. 191 «n fignaUment de recoimoiifance& évident, qu'il ferme la bouche a 1'in* crédulité même. Le parallèle du fecret du par le confeifeur, a celui du chirurgien, ne prou: ye rien. La loi qui impofe un filence fi abfolu aux confefteurs, émane de Dieu. même, qui 1'a a.ccordée a la néceflité du facrefhent de pénitence, duquel la plupart des pécheurs craindroient de s'approcher, s'ils n'étoient furs que leurs crimes demeureront autant ignorés, que s'üs ne les avoient pas avoués. Le feeree que doivent les chirurgiens,au contraire, ne procédé que de la loi humaine donc i le juge peut difpenfer dans un os imporrant. Auifi M. le duc de la ValI lière a-til fuccombé, quand il^ a deI mandé que le regiftre füt rejetté. Mais '\ s'il eüt été queftion du regiftre d'un ; cpnfefieur dans le même genre, la cour i ne 1'auroit regardé qu'avec horreur, 8c ! en auroit fupprimé, fur le champ,juf■ qu'au moindre veftige. Au lieu qu'elle a voulu que celui de Leduc füt con' fervé. Elle a donc eu intention que 1'ou • en fit ufage. Après avoir établi que les prétendues ; contradidions qu'on lui impute font , imadnaires ,il faut voir fi les induétions  192 Mademoifelle de Choifeul. qui en réfultent font telles, qu'il mérite d'être profcrit a ee titre. La demoifelle de Choifeul, dit-on, ne peut divifer fon adte; il faut qu'elle le prenne en fon entier. Le regiftre, feion elle, prouve Paccouchement; il applique, fi Pon veut, eet accouchement a la ducheffe de Choifeul. Mais, en le lui ap~ pliquant, c'eft Paccufer d'un adultère. Admettra-t-on la demoifelle de Choifeul i prouver ■ un adultère contre celle qu'elle veut fe donnet pour mère ? Et, quand on 1'y admettroit, quel fruit en poutroit-elle recueillir, puifqu'un enfant né de 1'adultère ne peut jamais afpirer a l'état de légitimité ? Lorfque la demoifelle de Choifeul, pour répondre a Pobjeótion, a diftingué, dans le regiftre de Leduc, ce qui eft de fait, d'avec ce qui n'eft que conjecture , ce n'a pas été pour 1'intérêt de la caufe ;car elle n'en a nul befoin : elle n'a voulu que vènger madame fa mère des foupcons injurieux & calomnieux_ dont M. le duc de la Vallière ▼ouloit accabler la mémoire de fa propre fceur. II fuppofe, fur l'époque que Leduc donne a la conception, mje converfation  Mademoifelle de Choifeul. 19 ■$ tion dans laquelle madame de Choifeul, au mois de feptembre 1697, eft cónvenue de s'être expofee, le iH décembre 1696, a. devenir mèfe. Mais le duc de Choifeul étant abfent alors, 1'aveu qu'elle a fair eft ncceflairement 1'aveu d'un adultère. La demoifelle de Choifeul veut bien* le fuppofer. Elle ira plus loin, & ce n'eft pas ie feul av.mtage qu'elle pourroit donner a M. de ia Vallière. Elle fuppofera que M. le duc de Choifeul, de retour de-Turin, au mois de janvier 1697 , eüt accufé fa femme d'aduitcre , & qu'il Peut fait condamner pour raifon de ce crime co mm is le 28 décembre 1696. Qu'en réfulteroit-il, par rapport a l'état d'un enfant dont elle feroit accouchée , dans fa maifon , en pleine liberté, dans le neuvième mois du retour de fon mari, le 8 oclobre 1697? L'enfant qui feroit né de madame de Choifeul, eu de pareilles circonftances , en feroit-il moins enfant de fon mari ? . Mais, dit-on , eft-ceque la règle pater is eft n'a pas des exceptions ? Sans doute elle a des exceptions. Mais quelles exceptions ? L'abfence du mari ou de la femme ; mais abfence telle TomelX. I pleine liberté, dans le neuvième mois  194 Mademoifelle de Choifeul. qu'il ne leur ait pas été poflible pliyfiquement de s'approcher: la maladie du mari; mais maladie qui 1'ait abfolument privé de la faculté générative. La loi ajoute vel alia causd. Mais il eft bien aifé dejuger, par 1'exemple des deux premières , que c'eft une caufe d'impoflibilité phyfique , que la loi exige. En effet, 1'arrêt de la Loyfel, de 1678, que le duc de la Vallière cite, & qui n'eft rapporté dans aucun endroit, ne fait que confirmer la maxime. Cet arrêt, dit-il, jugea illégitime un enfant né d'une femme adultère, après dix-huit mois de prifon, & trois jours après la condamnation. Cela peut être : dix-huit mois de prifon, & d'une prifon aflez bien fermée pour que le mari ne put y avoir entrée, mettent entre les deux époux une barrière aflez forte, pour qu'on ait pu la placer au nombre des caufes d'exception admifes paria loi. Quelle application un tel préjugé pourroit-il avoir a une femme qui, quoique condamnée, feroit reftée en liberté dans fa maifon; que fon mari auroit pu voir a toutes les heures du jour & de Ia nuit; qui feroit accouchée dans le neuvième mois de la préfence  Mademoifelle de Choifeul. ï 9 ^ ] réelle 5c actuelle de fon mari ? Seroit-il donc impolfible que le mari füt père de I l'enfant? Si 1'impoilibilité n'y eft pas, I 1'exception de la loi ne cefie-t-elle pas abfolument? Le Brun cite un arrêt précis, par : lequel un enfant dont uae femme adul: tére étoit accouchée dans la prifon, fut jugé légitime fur 1'unique témoignage : du geolier de cette prifon, qui avoit dé- claré que le mari y étoit entré une feule. fois. Le fleur Vivante pourfuit fa femme j comme adultère fur la naiffance clanï deftine d'un enfant qu'il attribue a un i étranger : les accufés font condamnés ; le mari 1'eft lui-même, quatre jours I après, a reconnoitre l'enfant pour le i fien. C'eft, dit-on, qu'il n'y avoit pas de circonftances affez fortes pour juij ger la fréquentation des époux imj pollible. Quelles feroient donc ici les circonf1 tances décifives qui établiroient cette prétendue impoffibilité; on ne dir pas ; dans le cas préfent, mais dans celui oü 1'on iroit, jufqu'a. fuppofer madame de ' Choifeul condamnée pour un fait antéirieur au z«S décenibre 1696, le mari lij  zyS Mademoifelle de Choifeul. préfent au mois de janvier 1697,1^ femme acouchée dans fa maifon, au mois d'oétobre fuivant ? Iroit-on aux enquêtes , pour fcavoir qui feroit le père de l'enfant? Ainfi, par rapport a. la caufe en ellemême, M. de la Vallière peut donner carrière a. fon imagination. Qu'il prête a la conjecture la réalité d'un fait, & d'un fait prouvé juiqu a la démonftration : que s'en fiüvra-t il ? La femme aura eu une habitude criminelle au mois de décembre 16961 mais l'enfant dont elle fera accouchée dans fa maifon, au mois doctobre fuivant, n'en fera pas moins l'enfant de fon mari. Les chofes eii font-elles réduites a, ce point? Madame la ducheffe de Choifeul a vècu & eft morte en pleine poffeffion de fon état; elle n'a jamais été ni accufée ni condamnée; & paree que fon mari a été abfent pendant quelques mois, pourroit-on fe faire un prétexte raifonnable, ou même fpécieux, d'un accouchement furvenu neuf mois après le retour de fon mari, pour la charger d'un adultère ? Ce n'eft pas moi, dit M. le duc de la Vallïere , qui 1'en accufe : c'eft vous? même qui voulez le prouver, puifque,  Mademoifelle de Choifeul 19*7 I Vous employez, pour commencement . de preuve, une pièce qui fixe l'époque i de la grolfeffe au 28 décembre 1696. I Vous ne pouvez la divifer. Mademoifelle de Choifeul ne cherche • ij point a divifer fa preuve; elle la prend J dans tout ce qu'elle contient. Mais la I loi qui lui interdit cette divifion ne la I condamne pas a confondre une con1 ieclure avec des faits réels & pofitifs. . - Leduc voit madame de Choifeul en 1 feptembre 1697; il dit qu'elle eftgrof1 fè ; voila un fait. II la revoit le 8 octoI bre fuivant; il dit que ce jour-Pa elle eft jj accouchée d'une fille, a. laquelle il a fait 1 une marqué , & qu'il a envoyée en'nour1 rice a Meudon. Voila encore des faits fi pofitifs. i 11 ajoute qu'on lui a dit que certain J figne a celfé le 2,8 décembre 1696; d'oii 1 il conclut que c'eft-Ia l'époque de la % groffeffe. Voila la conjeéture. II n'y a | point de naturaüfte , tel qu'il feit, ni I même de femme , quelqu'expérience :| qu'elle puiffe avoir, qui, par rapI port a elle-même, puiffe jamais déterI miner, fur un pareil figne, l'époque a d'une conception. Ce qui n'eft effen} tiellement qu'une conjeérure , n'acjl querrapasle caracbère d'un fait pofirir, Hij  i 98 Mademoifelle de Choifeul. par la feule raifon qu'on le trouve dans le regiftre d'un accoucheur; & jamais on n'alfujettira perfonne a donner aune conjedure la foi qui n'eft due qu'au fait pofitif. Qui eft- Eft-ce fon frère, qui voudroit attribuer a cette conjedure la force & le caradère d'un fait pofitif ? A quoi fe réduit donc 1'objedion ? A rien. Quand tous les principes qui la fondent feroient véritables ; quand, au lieu d'un raifonnement fur la conception de l'enfant dont madame de Choifeul étoit enceinte , Leduc attefteroit formellement qu'elle s'eft avouée a lui coupable d'une foibleffe a l'époque du mois de décembre 1696, eet aveu pourroit rendre madame de Choifeul criminelle; mais il n'empêcheroit pas que le mari, qui étoit préfent dès le mois de janvier 1^97, fut le père de l'enfant né au mois d'odobre fuivant, & qu'il ne fut fon père légitime & naturel, en même tems. L'objedion a donc beaucoup moins la criaque du regiftre pour objet, qu'une  Mademoifelle de Choifeul. i 99 déclamation calomnieufe contre la rnémoire de madame de Choifeul; déclamation fondée fur une conjedure chimérique, abfolument incapable de produire une conféquence raifonnable. ■ II ne refte qu'a parcourir fommairement les autres pièces qui parient en. faveur de mademoifelle de Choifeul. • Je ne parlerai plus de Piuterrogatoire de M. le duc de la Vallière. Quelques efforts que 1'on ait faits pour en tirer parti, il eft certain que, dans le fond, on n'y peut voir qu'une dénégation conftante de tous les faits qui concernent la naiffance & l'état de fa partie adverfe. Quant a la lettre de la marquife de Tournon , elle a déclaré, dans fon interrogatoire, que 1'affaire dont elle parle dans cette pièce, ne regarde point la demoifelle de Choifeul: elle a ajouté b qu'il y a quinze ou feize ans , qu'elle „ aüa chez la dame d'Hautefort. Elle y » vit une petite fille , qu'elle croir , » autant qu'elle peut s'en fouvenir, » qu'on appelloir Saint-Cyr, & que la » dame d'Hautefort lui dit ëtre la fille » d'un gentilhomme limoufin , dont » elle prenoit foin ». 11 fembleroit,a 1'entendre, qu'elle liv  200 Mademoifelle de Choifeul. n'auroit vu cette petite fille, qu'on appelloit Saint-Cyr, qu'une f0[s e„ fa vie. Cependant, avant la naiffance du proces, elle voyoit la dame d'Hauefort rres-amdumenr; elle lui déclare même, dans fa lettre, qu'elle lui avoit plus d'obligation qu'a tout 1'univers enfemble. Elle ne voyoit point la dame d'Hautefort, qu'elle ne vit la demoifelle de Saint-Cyri elles ne fe quittoient jamais. Au furplus, vainement la marquife de Tournon s'obftine-t-elle a dire que fa lettre ne s'applique point a mademoifelle de Choifeul: vainement, pour donner le change, dit-elle que 1'affure , dont elle a parlé dans la lettre, lui étoit perfonnelle, & avoit pour objet une grace qu'elle vouloit demander au cardinal Dubois. Comment appliquer cela a une affaire qui rend malade une aimable chanteufe ; a une affaire fur laquelle on oflre ut) rendez-vous a la marquife d'Hautefort; a une affaire, a la difcuffion de laquelle il faut que l'enfant affifte malade, ou en fanté -y a une affaire que 1'ami de la marquife de Tournon trouve fans difficulté,pour laquelle d doit nommer a la marquife d'Hau-  Mademoifelle de Choifeul, zoi I tefort de bons confeüs, & bien capaJ bles de la conduire ? Rien de tout cela | ne peut reffembler a une affaire perfon1 nelle a la marquife de Tournon ; moins i encore a une grace qu'elle eüt a demanI der au cardinal Dubois. Ainfi, la marquife de Tournon ne | pouvanr donner a fa lettre un fens raiJ fonnable, fi elle n'eft appliquée a. madei moifelle de Choifeul 3 cette pièce doit | être regardée comme une reconnoif1 fance par écrit, de fa part, que la deI moifelle de Saint-Cyr, eft mademoil felle de Choifeul. A I'égard de 1'interrogatoire du cheI valier de la Fallière, il eft convenu que f fa fceur avoit eu quatre enfanrs; que fl lui, fa mère &c les domeftiques de I fa mère 1'onr vue groffe en 1697; j qu'elle eft accouchée de fa troifième 1 fille dans la même année; que certe | troifième file a été élevée par la mar] quife d'Hautefort , fous le nom de I Saint-Cyr; que madame de Choifeul 3 1'avoit recommandée a la dame d'Hausj tefort, auifi bien qu'a M. le duc de la 1 Valïihe; qu'il en a été informé paria i ducheffe fa fceur elle-même, lorfqu'elle I étoit mourante. Enfin , fur ce qu'on lui I demande fi la perfonne a la requête de I v  2.02 Mademoifelle de Choifeul. qui il eft interrogé, eft la même dont madame fa fceur eft accouchée en 1697, ï il répond qu'il le croit. II feroit difticile de trouver un aveu plus formel & plus authentique de tous les faits articulés par la demoifelle de Choifeul. Un interrogatoire , dit-on , n'eft pas une pièce. _ Un interrogatoire eft un aébe judiciaire & authentique, foutenu de 1'autorité du juge, & de la fignature de la parrie, dont 1'objet eft de faire preuve contre celui qui eft interrogé, ut confitendo vel mentiendo fefe oneret, dit la loi. La pre ave qui en réfulte eft telle qu'elle va jufqu'a détruire les actes paffés en faveur de la partie qu'on inter¬ rogé , quand elle fait des conreüions qui les renverfent. Mais, dit-on, fi 1'interrogatoire fait preuve contre celui qu'on interrogé, il ne peut en faire aucune contre des tiers. Cela eft vrai, quand celui qu on inrerroge eft une parrie étrangère, qu'on ne traduit en juftice, que pour acquérir fon témoignage dans une affaire qui ne i'intéreffe pas perfotmellemenr. Mais, quand c'eft une partie principale & néeeffaire; quand fon intérêt eft le même  Mademoifelle de Choifeul. 203 que celui des autres parties auxquelles on oppofe fon aveu, alors ce qui fait preuve contre lui, fait au moins une demi-preuve contre les autres. Ne peuton pas oppofer le tcmoignage d'un alfocié a celui-avec qui il a contracté fociété ? M. de la Vallïere prétend , qu'en donnant a 1'interrogatoire de M. le chevalier fon frère tout 1'effet qu'il peut avoir, il n'en réfulteroit aucune preuve; paree que , dit-il, quand on 1'interroge iur 1'identité de la perfonne, il répond qu'il le croit. Or cette réponle, qui indique un doute, ne peut former un tcmoignage affirmatif. Pour faifir le vrai fens de cette réponfe, dans laquelle on prétend trouver 1'expreiiion d'un doute, il faut la rapprocher de celles qui la précédent. Le chevalier de la Vallïere dit, dans le même interrogatoire , que , depuis 1701 , il n'a pas vu la dame d'Hautefort ; il n'a donc pas vu non plus , depuis ce tems , la demoifelle de Choifeul; on ne voyoit pas 1'une fans Pautre. Il ne pouvoit donc pas alfurer bien politivement que c'étoit toujours la même perfonne , puifqu'il 1'avoit perdue de vue pendant vingt-deux ans, &c que, dans  204, MademoL'felle de Choifeul. eet intervalle, elle étoit paflée de l'état de la plus tendre enfance, a eet age ou la taille & tous les traits font définitivement formés , & n'ont prefque plus rien de commun avec ce qu'ils étoient a 1'age de quatfe ans. Mais il parle bien afhrmativement fur la groffefle de fa fceur, fur fon accouchement, fur 1'éducation, fur le nom qu'a porté l'enfant dont fa fceur eft accouchée, II y a donc eu conftamment un accouchement , une éducation, & un nom donné a l'enfant, c'eft le nom de Saint-Cyr. Mais celle qui a formé la réelamarion vingt-quatre ans après la nailfance de l'enfant eft-elle le même individu qui eft né en 1697 ? // le croit. Pouvoit-il répondre autrement ? La eertitude la plus complette de l'état des hommes n'eftfondée que fur 1'opinion. Qui eft-ce qui m'alfure que celui que fon a toujours regardé comme mon frère, eft la même perfonne dont ma mère eft accouchée a tel jour & a telle heure? C'eft qu'on 1'a toujours cru, & qu'on le croit encore. Ai-je, moi-même, d'autre motif de crédibilité , que le témoignage de ceux qui m'entourent, fur ma propre filiation? Que de circonftances auroient pu m'introduire dans une  Mademoifelle de Choifeul. 2.0^ familie qui me feroit étrangère, fans que I perfonneeutconnoiftancedecetteefpèce de tranfmutation morale ? Mais je trois que je fuis le même individu dont il | eft conftant quema mère eft accouchée i a tel jour & a telle heure; paree que J ceux qui ont aflifté ï fes couches t qui I m'ont tenu fur les fonts de baptême, s] qui m'ont vu aller en nourrice & en i revenir, Sec. me 1'önt toujours alfuré, 1 Sc ont réglé tous les aétes de leur vie , 1 qui me font relatifs , en conféquence de I la filiation qu'ils m'ont attribuée & 1 c'eft ce témoignage univerfel Sc confii" tant qui a formé mon état. Ce n'eft S donc que fur la foi d'autrui que je crois 1 erre véritablement Sc identiquement I celui qui doit occuper la place que je ï tiens dans la fociété. • Eft-il donc étonnant que le chevalier 1 de la 'Vallïere ait rendu, par 1'expreffion i je crois, le genre de certitude qu'il peut I avoir fur 1'identité de la perfonne qui 1 réclame en 1711 , avec l'enfant né en I 1697? Ainfi, pour lever toute 1'incerI titude qui pourroit naitre de 1'exprefï fion du chevalier de la Vallïere, il ne 1 s'agit que de fcavoir fi l'enfant qu'il a E vu en 1701 , qui fe nommoit de SaintI Cyr, eft la même perfonne qui réclame  löG Mademoifelle de Choifeul. aujourd'hui. Or, c'eft furquoi perfonne ne forme aucun doute, Quand on oppofe que Ie chevalier de la Vallière a fait des acbes qui détruifent fon interrogatoire, il faut rétorquer 1'argument, en difant que fon interrogatoire détruit ces actes. Quand il les a paffes, mademoifelle de Choifeul ne lui demandoit rien. Mais, quand elle 1'a traduit au tribunal de la juftice, après 1'avoir lié par la force du ferment, c'eft aux vérités qu'il eft forcé d'avouer contre fon imérêt,que la foi • eft due. Finiffons. Quelles que foient les preuves que 1'on vient de rapporter, il ne s'agit point, quant-a-préfent,'de les canonifer ; tout ce qu'on en a dit eft furabondant; ce n'eft point ici le tems de les examiner, & d'en déterminer 1'effer. La demoifelle de Choifeul demande a prouver, tant par titres que par témoins, ks faits de fa naiffance; elle n'a befoin d'aucun véhicule, pour 1'y conduire. Elle trouve , dans l'ordonnance, une diftincfion qiri tranche. Ce n'eft point .i 1'importance de 1'objet que la loi accordeon refufe la preuve teftimoniale,  Mademoifelle de Choifeul. 207 mais a la poflibilité ou a 1'impoflibilité des autres preuves. S'agit-il d'un fait fur lequel la partie ait pu faire un acte ? Nulle preuve teftimoniale ne fera recue fans un commencement de preuve par écrit. S'agit-il d'un fait fur lequel il n'a pas été au pouvoir de celui qui a intérêt de le prouver , de faire des actes? Quelque confidérable que foit 1'objet , la preuve teftimoniale fera recue , fans aucun commencement de preuve par écrit. En matière d'état, s'il n'y a point de ïegiftre public, la preuve fera recue tant par titres, que par témoins. 11 faut donc commencer par la recevoir: ce n'eft que quand elle eft faite, que 1'on peut juget fi elle eft telle que l'ordonnance 1'exige, & que les juges l'ont ordonnée. C'eft donc alors feulement que 1'on peut entrer dans 1'examen du mérite des actes; toute difculfion préalable eft prématurée. Enfin, li les adminkules étoient néceffaires pour autorifer la preuve teftimoniale , rien ne manque a 1'évidence de celles que la demoifelle de Choifeul rapporre4: & le foin que la providence a pris de les lui conferver, ne lui per-  2.08 Mademoifelle de Choifeul. met pas de dcuter que la vérité ne furmonte les obfbules qu'on voudroit oppofer a fon triomphe. ^ M. Gilbert de Voïfins, alors avocatgénéral, expofa le fait, reprit en fubftance. les moyens refpeótifs des parties. Quant a fon avis perfonnel, il établit, après avoir difcuté les loix romaines & les ordonnances, qu'il y a deux principes en matière d'état. Ou il faut une preuve folemnelle tirée du regiftre; ou cette preuve authentique venant a manquer, il faut ce qu'il y a de plus fort & de plus capable de convaincre , pour admertre la preuve par témoins. Nous ne difons pas, ajoutoit-il, qu'il faille un commencement de preuve par écrit. Nos ordonnances font, en cela , conformes au droit romain : elles s'en font rappoitées, fans rien déterminer, a la prudence des juges, que les circonftances fe oient pencher d'un ou d'autre cöré. Difons donc avec confiance, d'après le droit civil: Défendez votre caufe avec tous lesaófes & tous les raifonnements que vous pourrez mettre en oeuvre. Defende tuam caufam inftrumentis & argumentis qu/bus pot es. Quant aux titres mis fous les yeux de la juftice, le chevalier de la Vallière,  Mademoifelle de Choifeul. IOC) | üans fon interrogatoire, reconnoit la perfonne qui réclame fon état; la mari quife de Tournon ne la reconnoit point; mais une lettre de fa part fait naitre : une préfomption. Le duc de la Vallïere I donne lieu a quelque ombrage; mais la demoifelle de Saint-Cyr n'a point de 1 poffeffion d'état; elle n'a ni ade, ni repiftre qui parle pour elle. Les préi| fomprions, les foupcons joints a la déI claration du chevalier de la. Vallïere, font bien quelque chöfe : mais ce n'eft pas aflez. Dans cette fituation petit-on ne pas defirer des lumières plus étendues , avant que d'admettre la preuve • par témoins ? C'eft dans cette vue qu'on I produit le regiftre du chirurgien. | On y trouve 1'hiftoire de 1'accoucheJ ment d'une dame de Choifeul. On y I trouve même les circonftances de eet I accouchemenr. Tout quadre avec^ ce I qu'articule la demoifelle de Saint Cyr, I fi 1'on en excepte 1'ondoiement: car le resnftre parle d'un baptême; il patle : aufli d'une maréchale, &c non d'une I ducheffe de Choifeul. Cet accoucheur s'eft pu tromper fur le rang , fur la qua! lité; mais le nom de l'enfant, le jour | de la naiffance étant les mêmes, tout  210 Mademoifelle de Choifeul. tend a fortifier la prétention de la de- moifelle de Saint- ' yr. Deux circonftances font effentielles-; dans ce regiftre. D'abord il parle d'un I accouchement myftérieux d'une dame i de qualité: on lui confie l'enfant fitót: après fa naiffance , pour le mettre en nourrice. Tout confirme donc 1'idée d'un myftère: en ufe-t-on ainfi, non pas a I'égard d'un duc & pair, mais même d'un bourgeois ? Ajourons cette marqué odieufe, ce figne dont il eft fait mention; tout ne refpire-t-il pas la clandeftinité ? On a vu des pères barbares fouftraire l'état de leurs enfants; au/li n'eft-il pas fans exemple qu'on ait vu ces enfants réuflir malgré la barbarie & 1'inhumanité de leurs pères. La feconde circouftance effentielle eft que ce regiftre fi exact, fi détaillé , indique même l'époque d'un commencement de groffeffe. On envoie chercher l'accoucheur dans le mois de décembre \6<)6. La ducheffe de Choifeul lui explique les motifs qui lui font craindre d'être groffe. De retour chez lui, il met fur fon regiftre qu'elle eft groffe du z8 décembre 1696; il obferve même que c'eft le quatrième de la lune. Doit-on faire attention a ce que  Mademoifelle de Choifeul 111 dit eet accoucheur? Doit-on regardet cela comme une fimple conjedure, &c Jmême comme une erreur? N'importe, il faut toujours conlidérer que 1'accoucheur n'a pu faire de telles re marqués que fur les foupcons que la femme qui le confultoit pouvoit avoir qu'elle étoit | grolfe. Or cette femme n'a pu fe trom; per fur la caufe de fes foupcons. Garii dons-nous de faire une telle application ;, a la ducheife de Choifeul; elle n'a jamais j été féparée de fon mari, quoiqu'ils n'aient pas toujours eu une demeure i commune. Mais il éroit, dans ce tems , en ótage a Turin ; il n'annonce même ; fon retour prechain que pat une lettre il du 8 janvier 1Ó97. Appliquera-t-on ua |re"iftre faifant mention d'un commencement de groffelfe au mois de décembre 1696 a une femme dont le mari eft abfent pendant tout ce mois , & pendant plufieurs mois auparavant ? Les parties conviennent, de part & d'autre, qu'il n'eft revenu qu'au mois de janvier de 1'année fuivante. La préfomption des I bonnes mceurs & de 1'honnêteté publiil que fe révolte contre cette application. : Mais il s'agit de découvrir la vérité; ] c'eft 1'unique point qui intéreffe les li parties.  1\ i Mademoifelle de Choifeul. Faifons une hypothèfe : fuppofonS que ce regiftre puilfe s'appliquer a la duchefle de Choifeul: rrifte & odieufe fuppofitión; mais néceflaire a la caufe» On convient que le duc de Choifeul eft revenu a la fin de janvier ; la duchefle fa femme avoue une groffeffe commencée dans le tems qu'il étoit abfent depuis plufieurs mois. Dira-t-on qu'elle s'eft méprife, qu'elle a cru être grofle , quoiqu'elle nè le fut pas? II n'y a pas d'apparence. Le foupcon qu'elle a de fon commencement de groffeffe prouve qu'elle s'eft expofée a concevoir, &, en même tems, que c'eft avec une autre, qu'avec fon mari. Le fruit qu'elle croit porter eft donc illégitime. Elle accouche en fecret; elle veut cacher l'enfant; on le confie a un accoucheur (nous fommes toujours dans 1'hypothèfe ). Elle n'a pu, dansles circonftances oü elle étoit, avoir une co-habiration réelle avec fon mari; il étoit en ótage dans une cour étrangère. II s'en fuivroit donc, en s'attachant aux faits énoncés dans le regiftre , qu'elle feroit accouchée d'un enfant qui ne feroit pas de fon mari. On fcait la force de la règle qui vént que le mariage démontre la paternité. Mais elle fuppofe une préfomption  Mademoifelle de Choifeul. % 11 ii-_.il j l-u:*..: i. : , ~_ cette prciomption na pas heu, quand il a été impofïible qu'ils s'approchaf? I Pent. - Si donc ce regiftre attefte la naiffance ; de la demoifelle de Saint-Cyr, il attefte I une naiflance fecrete; car on ne peut I rien diftinguer, ni divifer dans ce reI gifcre. Un fait certain eft que la femme a déclaré l'époque du commencement de fa groffefie, dans un rems oü fon I mari étoit abfent. C'eft un point dont || on ne peut douter. S'il ne s'a^iftbit que de rejerter ce ij regiftre, on en auroir trop dit: mais la I cour ayant jugé a propos de Padmettre, I pour donner la liberté aux parties de le I difcuter, afin de voir s'il peut ètre refl; gardé comme un commencement de I preuve par écrit, il réfulte de eet exafl men, qu'il établituniquement la naif- i fance d'un enfant adultérin. Permettez-nous , en fmiifant, difoit J M. Gilbert de Voifins, de rapporrer ce I que difoit M. Bignon 3 dans la célcbre ii affaire de la Hache : Examinant avec li foin cette caufe, il y a affe\ de lumières ; & de preuves pour connohre que l'inti- l ,a nu,, f, Vr-,-,^-;r_ Aa q;~„„ /..._ quelle tnjailtiblement a eu ceite file des  214 Mademoifelle de Choifeul. 1 ceuvres de quelqu'autre que de fon marU Nous n'adoptons point ce difcoursjj nous ne hafardons point ces expreffionss dans une queftion fi critique, fi delicate ; nous ne faiibns point de compa—■ raifon.Nous avons toujours appréhendé; les fuites funeftes d'un pareil regiftre.. Les faits odieux qu'il contient nous ont: effrayés dès le premier inftant. Ce magiftrat conclut enfin a ce que! la demoifelle de Saint-Cyr fut déboutée: de fes demandes; & que, faifant droit: fur fes conclufions, il fut ordonné que i le regiftre qui étoit entre les mains de Jourdain notaire füt apporté au greffe de la cour, pour, en la préfence d'un de Mellieurs, Leduc fils prcfent, ou duement appellé, être fupprimé ou brülé, Qu'il foit permis d'examiner & de pefer les motifs qui déterminèrent les conclufions de M. 1'avocat-général. II jugeoit que la demoifelle de Saint-Cyr ne pouvoit prouver qu'elle étoit fille de madame la ducheife de Choifeul, fans prouver, en même tems, qu'elle étoit batarde adultérine. EFaprès le regiftre, la groffelfe avoit commencé dès le mois de décembre 1696. Et la preuve que cette époque étoit vraiment celle de cette groifeffe, c'eft que ta duchefle  Mademoifelle de Choifeul. javoit témoigné a fon accoucheur qu'ouItre qu'elle avoit des raifons particulières Ipour croire qu'il étoit poilible qu'elle leut concu dès ce mois de décembre, lelie avoit été avertie de la réalité de fon jfoupcon, par le figne qui annonce ordijnairement la fécondité, Or il étoit Iprouvé, par les actes publics de 1'Etat, que fon mari étoit abfent plufieurs mois avant cette époque, & cette abfence n'a ceffé que plus d'un mois après. La' caufe de cette abfence étoit telle qu'il étoit moralement impoffible que le duc de Choifeul eüt fait un voyage, quelque précipité qu'il eüt pu être. Donc, fi la demoifelle de Saint-Cyr eft le fruit de cette groftefte , fa naiflance eft adultérine. Mais, ne peut-il pas fe faire que Leduc ait, de lui-même, fi-é cette époque , d'après la déclaration d'une fupprellion qui n'eft pas, a beaucoup prés, la marqué certaine d'une groflefle ? Suivons les dates énoncées dans le regiftte. C'eft le 6 feptembre i<-97, que Leduc voit madame de Choifeul, pour la première fois. Elle étoit conftamment enceinte alors, puifqu'elle eft accouchée dans le mois fuivant. Or rien n'annonce que cette damg ait reporté le foupipn  2,16 Mademoifelle de Choifeul. du commencement de fa groffeffe jufii qi.au mois de décembre précédent;! mais pour mettre fon accoucheur a por-i téede juger de fa fanté, elle fa averti que la fuppreffion avoit commencé dés; ce tems-ld. II aura conje&uré dela, fanss s'expliquer davantage avec elle, que Ia: grolfeffe acluelle étoit la caufe du fymptonae commun, mais incertain, dontelle; lui avoit parlé; Sc fans plus de précau"tion, il aura, fur fon regiftre, confondui le commencement de la grolfeffe avec: la fuppreffion. Ainfi, d'après fon cal-cul, la dame de Choifeul devoit, aui moment de fa vifite, être, a peu de i -jours pres, au terrne de fon accouche- • ment. Cependant eet accouchement a été i reculé jufqu'au 8 oéfobre fuivant. La groffeffe auroit donc duré dix mois complets, Sc plus. Nous aurons occafion d'examiner, dans la fake de ce recueil, fi 1'on doit ajouter foi aux grpffeffes prolongées au-dela de neuf' mois. Mais, fans nous arrêter ici a eet examen, il eft aifé de juftifier la naiffance de la demoifelle de Saint-C\r, Sc de lui donner, d'après le regiftre même, une origine légitime, II eft eeltaih, Sc toutes les  | Mademoifelle de Choifeul. nj les parties en conviennent, que M. le Mduc de Choifeul étoit a Paris a la fin de ■janvier 1.97. Or, de la fin de janvier, Jau 8 oclobre, il y a neuf mois. L'abJfence de M. de Choifeul ne peut donc Iporrer aucun préjudice a la légitimité |«e l'enfant, piufqu'entre fon retour &• B'accouchement, il y a plus d'efpace "b-u'il ne faut pour établir fa paterniré. Et la juftice doir d'autant plus fe prêter ï cette préfomption, que la loi lui en Fait un devoir; qu'elle eft favorifée par ies époques & par le cours ordinaire de la nature : au lieu que la conjecbure pré:ipitée. de 1'accoucheur eft démentie par le tems oir 1'accouchement eft arrivé. Ainfi, que Pon fuppofe , tant qu'on ■ roudra, que certains aveux, de la part de madame de Choifeul, ont autorifé la xmjeéture de Leduc, qu'on la fuppofe, :n un mot, coupable d'un adultère :ommis au mois de décembre 1696, ©ut annonce que fa groifeffe n'étoit poinr Ie fruit de cette foibleffe : & juand elle auroit perfévéré dans le dcTordre jufqu'au tems oü le cours ordiïaire de la nature permet feulement de ixer le commencement de ia groifeffe, A préfence du mari a tout couvert, Sc Tomé IX. K  218 Mademoifelle de Choifeul. a légicimé cette grofTefle, dès fon principe. Ce font-li vraifemblablement les motifs qui ont déterminé 1'arrêt qui fut ren du le i 5 avril 171-, par lequel il fut permis a. la demoifelle de Saint-Cyr de faire preuve, tant par titres que par témoins, des faits qu'elle avoit articulés dans fes requêtes, & permis a fes parties adverfes de faire la preuve contraire; &, pour 1'exécution de 1'arrêt, les parties furent renvoyées aux Requêtes du Palais. Cet arrêt: fut rendn a la pluralité de vingt-deux voix contre neuf. M. le prinee de Conti, père de celui d'aujourd'hui, fe trouva a toutes les audiences , & fut de 1'aivia qui forma 1'anrêt. On tenta. tous les moyens poflibles^ pour en empêcher Pexécution , foit en demandant au Roi une déclaration intarprétative de l'ordonnance de 166 j , qui eüt un effet antérieur a la naiffance de la caufe, & qui privat la demoifelle de Saint-Cyr, dans les circonftances oü elle fe trouvoit, de la preuve par témoins, fo;t en demandant la caffation de 1'arrêt, foit enfin en demandant une furféance pendant dix ans. L.'aftaire examinée dans un confed  Mademoifelle de Choifeul. % r g v„uj-v_ xi ƒ aiuu ui. jL/lua (.Uil — nderable dans letat, ü fat juge que 1'arrêt ne pouvoit fouffrir la plus legére altération; & la preuve que rit mademoifelle de Choijeul aux Requêtes du Palais fut abfolument concluante. En conféquence , par fentence du bédeau de la paroiife de Degre , elevoit chez lui une fille nommce Louife Dufeu. II imagina de fuppofer qu'elle étoit iifue de fa femme depuis leur mariage,& qu'on lui avoit cache & fa grolfelTe Sc 1'accouchement. Le iieur Tocquelin avoir, pour amis intb mes deux fergents qui, par 1'avantage quils en retiroient, avoient intérêt de favonfer fes débordements, & d'applaudir d toutes fes idéés. Mais il ne leur x —- —aam uc s en renir a la limpie calomnie, ils lengagèrent d donner a cette fcêue fcaudaleufe tout 1'éclat  Quejlion d'état. 11^ Iqu'acquièrent les affaires fingulières jdans les tribunaux. Les mefures concertées a eet effet, le ijfieur Tocquelin fe fervit de la main d'un acierc , pour écrire a Janfon de lui ametjner la fille qui étoit enpenlion chez lui. \ Janfon obéit, & 1'on prit, fur le champ, ales voies que 1'on crut les plus propres ijpour faire déclarer Louifon fille des fleur i|& dame Tocquelin. Mais 1'attention des agents de cette imanceuvre infernale ne s'étendit pas jfur toutes les parties de la machine Iqu'ils vouloient faire jouer. Louifon iln'étoit agée que de quinze a feize ans, ïn'étoit point émancipée, & n'avoit ni jjtuteur, ni curateur. On fe contenta de ■lui faire préfenter une requête au jugeIprévót du Mans , comme li elle eüt été 1 émancipée, & fous la fimple autorité jdu nommé Godard, qui prit la qualité jde fon curareur aux caufes. Le procuJreur du Roi déclara qu'il fe joignoit a. icette minenre; &, fur fes conclufions, Jle juge permita cette fille d'affïgner les ïfieur & dame Tocquelin, pour fe voir condamner a la reconnoitre pour leur Hfille. A cette demande, on oppofa deux jpièces qui doivent paroitre décifivejt K v  216 Qucflion d'état. La première- eft le propre extrait baptiftaire de la réclamant.. II eft concu en ces termes : Extrait des regiftres de baptême de la paroiffe de Saïnt-Vïnctnt du Mans. « Le 30 mai i8, nous a été préja fenté un enfant fémelle par Marie » Briere, femme de Julien Papin, de » la paroiffe du Pié de cette ville, fille » de Louife Dufeu, de Ia paroiffe de n Saint-Denis d'Anjou, & d'un père a y> nous inconnu, ainu que lachte Briere 3'nous adéclaré, qui a été nommée « Louije, par Alarm Frujjon , charpen« tier, fon parrcin, & Catherinz Mo35 reau , fa marreine , femme dudir » FrufJ'on, de la paroiife de Saint-Ger}■> mainde cette ville, qui ont tous déclan ré nefcavoirfigner.S/^/z., F.Dugasi. » Et plus las eft écrit f Je, prêrre, ba« chelier de Sorbonne, & curé de ladite *> paroiffe foulligné, certifie 1'extrait ci*> deffus véritable, & conforme a 1'ori« ginah Au Mans, ce 1 3 février 1714. 33 Signé, Robert ». La feconde pièce qui fut ffgnifiée, étoit cópie de 1'aéte de 170 2, par lequel ceux que Louifon réclamoit pour fes  Queflion d'état. 227 père Sc mère s'étoient féparés. II n'éroic parlé, dans eet acte, que de deux enfants males, fans aucune mention d'une fille. Cependant Louijon étoit née en 1698. Elle n'étoit donc pas leur fille. L'auroient-ils oubliée ? Au mépris de pièces aufli concluantes, le prévöt rendit une première fentence , qui permit a Loulfe Lhtfeu de faire preuve par témoins de fon état prétendu. Cependant, loin d'avoir un commencement de preuve par écrit en fa faveur, elle étoit repouffée par un extrait baptiftaire en forme, qu'elle ne défavouoit pas, qu'elle ne pouvoit défavouer, Sc qui lui donnoit un père Sc une mère différents de ceux qu'elle réclamoit. La dame Tocquelin interjetta appel de cette fentence en la fénéchauffée du Mans, Sc demanda, par une requête exprès, qu'il fut fait défenfes de mettre ce jugement a exécution. L'appel fut recu; mais il fut ordonné que la demande en défenfes d'exécuter la fentence du prévot ne feroit jugée qu'avec le fond de 1'appel. Cette difpofition autorifoit Louife Du feu a. faire 1'enquète admife par le prévot. Elle n'a pas man-  228 Quejlion cTk.~t. qué de profirer de eet avantage. L'eu- quête a été faite. La dame Tocquelin interjetta appel | des deux fentences, & de ce qui avoit: füivi, au Parlement. Elle fondoit fa dé-; fenfe fur trois moyens. I. Löuife Dufeu, mineure a^ée de qumze a feize ans, n'a pu formerYade- mande n'étant affiftée que d'un curateur aux caufes. Tout le rnonde fcait qu'un mineur ne peutagirén juftice, s'il n'agit fous 1 autorité d'un tuteur, & que le curateur aux caufes ne peut lui fuflire, s'il n'a obtenu des Iertfes d'émancipation qui le délivrent de Pautorité du tuteur. Or fi la loi impofe au mineur non \ émancipé la néceilité d'être aidé, dans toutes les occafions, des lumières & de Paurorité d'un tuteur, y en a-t-il on ce fecours lui foit plus néceiTaire que quand il s'agit d'intenter & de fuivre une demande auffi importante, que celle qu'agité aujourd'luii Louife Dufeu - _Y en a-t-il oü la fuggeftion puifie fi fort influer que dans unequefuon d'état? Ne devoit-on pas la garanttf des fuites de Pimprudence , qui eft ' Papanage de fon age, en la mettant :  Queftion d'état. 229 | fous la tucele de quelqu'un qui put i exammer li ce qu'on tui difoit de fon % état prétendu étoit une illufion, ou une I ■ vérite ? Sans ces précautions, on verrolt | tous les jours des enfants incertains de l leur état, troubler 1'honneur & le repos 1 des families. ( Si donc Louife Dufeu n'a pu proceder 1 fous la fimple autorité d'un curateur J aux caufes, tout ce qui a été fait fur | cette bafe , eft nul. 11 eft vrai que ce vice de procédure I s'eft trouvé pallié depuis ; on a révoqué I 'JGöddrd, ciltatëur aux caufes; Janfon, l chez qui demeuroit Louifon , a été nommé tuteur par autorité de juftice. II a préfenté fa requête, pour obtemt \ përmifiioo de reprendre 1'inftance. | Mais cette procédure, faite pour tecriiier la précédente , ne ferr qu'a, manifefter que 1'on a été convaincu des nullités dont elle étoit infectie, 11 y a plus; elle les conftate de manière qu'on I 'ne peut plus les affacer. C'eft un principe inconreftable, que ce qui eft nul dans fon principe, ne peur jamais ëtre réalifé par la fuite. Lorfque Janfon a été nommé tuteur , ïl pouvoit bien former une nouvelle acd don ; mais il ne pouvoit reprendre ee  2-3° Queflion d'état. chaos de procédures, monftrueux dans ion origine ,a qui on ne peut ■ ^ donnet une forme légale , quelques efforts que 1'on puiffe faire, & quelaue tournure qu'on puilfe imaginer. • j '>,LUnd °n fuPPoferoit que les inges du Mans étoient autorifés au fond a ordonner 1'enquête qu'on leur demandoit, quand elle prouveroit tout ce quon veut qu'elle prouve, la bafe ur laquelle elle porte étant caduque, i enquête croule avec elle. Ij fe trouve des cas, il' eft vrai, ou ia rigueur de la forme cède _ la juftice du fond; & quoiqu'il ne foit pas permis de toucher aux loix, on peut cependant quelquefois en adoucir les confequences. Onaccorde ces maximes, J .01j <-Onvient même que, quand li s agit de 1 etatd'un enfant,l'on doit fouventneghger des formalités fcrupufuf j Pour veilier uniquement fur Ie fond.Mais il faut, pour cela, qu'il yait quelque moyen apparent , quelque iorte préfomption: autremenr il doit «re permis a 1'innocence pourfuivie a employer tous les moyens qui tendent a fadefenfe, & qui peuveJnt faire connoitre les vices qui fe rencontrent dordinaire dansles fyftêmes imagmés  Queflion detzt. r$* par ie menfonge & par 1'impofture. li. Les juges du Mans n'ont pu permettre k Louife Dufeu de prouver fon état par témoins, tant paree qu ü ny avoit aucun commencement de preuve par écrit, que paree qu'il exifte un extrait baptiftaire en bonne forme. Pour établir le premier membre de cette propofition, on fit valoir une partie des moyens que j'ai développes dans 1'affaire de mademoifelle de Choifeul. Et 1'on faifoit 1'application de ces moyens , en difant que Loufie Dufeu n a jamais pu fe prévaloir d'aucun commencement de preuve par ecrit de l'état auouel elle afpire. Elle ne peut dire que ceux chez qui elle aete clevee & nourrieaient fait aucun traite avec la dame Tocquelin ; que la dame Tocquelin ait jamais écrit k perfonne en a faveur, ni qu'elle ait jamais donne^la moindre marqué qu'elle la^Tf Comment les juges de la prevore du Mans ont-ils pu lui permettre de prouver par témoins fon état prctendu? oi, dans la thèfe génerale, ils n'ont pu lui petmettre de faire cette preuve ; a plus forte raifon ont-ils du s'en abftemr, quand ils on vu qu'on lui oppoioit un extrait baptiftaire en règle.  2^ , Queftion d'état. On ctebliflóit, enfuite, par les raïfonnements & par jes antorirés y «nee. dans Ia caufe précédente, qu'url extrait baptiftaire eft un acte authentique, qul coaftare l'état d'un enfant & preTve. °° * PeUt °Ppofer ™e nar"/; r ^ ?foit-°"> 1'enquête faite par Z0H,/ Zty^ ne conclut rien en fa faveur: au contraire, 1'interrogatoire que le fleur Zo^//* a été obf- , de lubir pendant le cours de la procédure demontre clan-einent qu'elle n'eft mfa nlle, m cel e dp f~n ,4-'/-- Cette enquête roule uniquement fur des om-dire. Dans le nombre infini de temoms qui ont été entendus, aucun na dcpofe qu'il füt certain de la troifième grolfeffe de la dame Tocquelin • aucun n'a dit avoir été préfent d fon accouchement, ni avoir connoiffance quelle eut pns aucun foin de louife fufeu. Ceux d'entr'eux dont les dépofitions fembleroient donnet quelque lueur parient toujours d'un nommé GueU "h; & i paroit que l'enfant en quef- l.omfe Dufeu avec ce particulier : c'eft hnquia payé les penfions de l'enfant, qui a veille a fon entretienj c'eft tou-  Quejlion d'état. 133 Jours a lui qu'on s'eft adreffé, quand on ja eu befoin de quelque chofe pour fa fubliftance. Si, par mi les témoins, il s'en trouve btielques-uns qui dépofent des faits lontraires aux intéréts de la dame Tocquelin , leurs dépolitions font obkures, ou contradtöoires : elles font d'ailleurs entièrement détruites par la déclaration que le Geur Tocquelin a été obhgc de faire. On lui a fair fubir un interrogatoire 1 fur faits & articles , au fujet dë la naififance de la fille qu'il a voulu lui-même ■ introduire dans fa familie. II avoue, t-enpropres termes, fur 1'artile 3, que , « quoiqu'en 1698, tems de la nailfance „ de cette fille, il fut en bonne mtel» li-ence avec la demoifelle fonépoufe, >' „ qu'il büt, mangeat & demeurat avec „ elle, cependant il n'a jamais eu de „ connoillance ni de la groffefie, 111 de i» fon accouchement prétendu ^ ». II n'eft pas poiliblede trouver une réponfe plus précife , & plus favorable aux ïn, ïérêts de la dame Toe uelin. Perfonne ne pouvoit être mieux inftruit de fon état 1 que fon mari, qui demeuroit avec elle J : & qui y eft encore demeuré quatre an-. , nces après la naiflance de Louifon.  234 QueJHon d'état. > II eft vrai que Ja déclaration du pèrtf n eit nas r~ii;~„-„ - 1 i • ,r gardent comme fufpeéte j paree que, difent-elles, ieJ On eft toujours für de la mag ternite. mais Ipup^ lant eft toujours incerrain. Cependanti quand la déclaration du père fe trouve COnrnrmo r> ^-11- J_ 1. v „ u_iamere, I on ne' peut douter qu'elle ne lui donne plus de> force & plus d'autorité j & fi pon jette quelquefois celle du père, c'eft quand elle eft oppofée k celle de Ia ie mme. D'après ces obfervations , il eft facile, difoir la rlim» x i <, - - x v^ucun , cie de- truire les moyens de Louifon. Ils fe reduifent a deux queftions; 1'une de fair 'n^™ J„ j_ • ' , _„ x ouut uc uioir. La queftion de fait eft celle fur laquelle elle s'étend le plus ,& celle qui cependant mérite ie moins d'attention. i ous les details qu'elle ofe mettre fous es yeux de la juftice, font tirés de 1 enquête qu'on lui a Jaifl? fairemais, comme on a prouvé la nullité dè cette enquête, il eft inutUe de s'y arrêter davantage. Quant a la queftion de droit, je ne parlerai point des loix ni des arrêts qui  Queftion d'état. Itf A\Cmrï* Ar nart & d'autre; il en [ 1 UJ. nnpfl-inn dans la caufe ,1 UC-Ut-llJ' V»- -j...-. précédente. Tout ce qu'il y avoit de particulier a celle-ci, c'eft que Loui/e Dufeu foutenoit qu'on ne pouvoit irU abjecler fon extrait baptiftaire, attendu que le père n'y étoit pas nomme, &C n'avoit pasügnë. Mais ce défaut même prouve la baifefle & 1'obfcurité de l'état de Louifon , en la déclarant batarde. Si, au contraire, le père eut été nommé dans fon extrait baptiftaire, elle feroit légitirne, puifque |c'eft cette indication qui diftmgue les jbatards des enfants nés en légmme mariage. ■ ^ . | C'eft en vain que Louife Du-eu ïmplore,en fa faveur, 1'autorité de 1'orIdonnance de 1667. Le prévöt du Mans, dit-eile, s elt conrormc * tc^ veut que la preuve par témoins foit admife , lorfque les regiftres de baptême font perdus. Or qu'ils foient perdus, ajoute-t-elle , ou qu'ils enoncentfaux, c'eft la même chofe. lei le regiftre de la paroiffe de Saint-Vmcent du Mans énonce le faux ; puifqu'il lui donne pour mère Louife Dufeu, tandis qu'elle eft conftamment fille de la dame Tocquelin.  5-3 6 Oueflinn J' Mais il eft Ap r^rrU . n _ _ bncfait foi en juftice, tant qu'il n'eflfi ™ Fn m voie oe 1 inlcnptioiii de faux. L'homme public eft l'homme. de h nr 1>„ /i- / ... , vu», i u L.inncue pour lui don -il net toute fa confiance; elle la lui cótk ierve, tant cmè 1'on nP n,--„„- »3 , . * f'-"ïC UU 11 ft. prevanque: & cette preuve ne peutj -acquérir que par la voie de 1'inGriJ ™" uc «ux. j.e curé, ou le prêtre bul le reprefente eft , relativemènt aü| acres nut cN-/%-:. r i ----- «... ""«'vciit inr ies regiltres de: baptemes mariages, &c. l'homme de; laloij c eft elle qui lui met la plumei i la mam pour les rédiger; elle donnés toute fa foi a la rédacïión qu'il fait • « -k*« i- Lunnance qu ei Je lui a donnée: tc elle ne lui retire cette confiance, que quand 1 eft prouve, parle réfulrat d'une mlcription de faux, qu'elle étoit déplacee. Or tant que Louifon n'aura point recours ï cette voie, 1'acbe qu'on lui oppofe aura toujours le même poids & la même autorité- & pon fera rou! jours fondé a lui dire, d'après eet ' a&e, qu'elle n'eft par fille des fieur & dame Tocquelin, mais qu'elle eft batarde de Louife Dufeu. Telle étoit, en fubftance, la défenfe de a dame Tocqu ti„. pour établir celle de la luie qui réclamoit fa maternité,  Queftion d'état. 237 t faut rep rendre les faits dès leur orifine, Sc les fuivre dans toutes leurs urconftances. Les détails dans lefquels ie vas entrer paroïtront peut-être minuieux : mais ce défaur eft compenfé par leur fingularité. D'ailleurs, il eft nécef[aire de les raconter, c'eft 1'unique foute qai, dans cette affaire, peut nous conduite a la vérité. Les diflentions qui avoient agité le meur Tocquelin Sc fa femme fembloient, en 1^98, avoir fait place au calme. Ce ll fut alors que la dame Tocquelin, qui 'lavoit déja donné naiflance a deux entfants males, devint enceinte, Sc acicoucha d'une fille. Quoiqu'elle demeuirat alors avec fon mari, elle prit la I bizarre rclblution , non-feulemenr de i lui cacher fa groflelTe, mais même de I fiire expofer fon fruit, Cependant les ; fentiments naturels prévalurent enfin ; elle fe détermina a prendre foin de fon 1 enfant, Sc a lui fournir les chofes né* \ ceflairesala vie: mais elle perfifta touI jours d?.ns la réfolution de cacher fa I groflelTe a fon mari. Elle y réuflit. Toute la ville du Mans i Je fcavoit; le Geur Tocquelin feul 1'ignora I toujours, Ede avoit ? entr'autres pré'  238 Qiieflion d'état. cautions, pris celle de coucher, dès» qu'elle fut groffe, dans une chambre féfl j)arée. La nuit du 28 am? mai 1698 , ellei fentit les approches de 1'enfantementJ Sa principale^ inquiétude étoit que fom mari n'en eüt comioiffance : elle pritt la précaution de faire mettre une ar— moiré yis-a-vis la porte de la chambre,, afin qu'il n'entendit rien. Sur le minuit, elle envoya chercher: le nommé Guïnoifeau, pour 1'accou- i cher. Ce chirurgien frappa a la porte d'un de fes voifins appellé Gaujjart, revenu depuis peu de 1'armée, & le pria de 1'accompagner, fans lui dire oü il alloit. Gaujjart prit fon épée, fuivit 1'accoucheur. Lorfqu'ils furent arrivés fous leporche de la Cigogne , qui eft une place de la ville du Mans, Ie chirurgien pria Gaujfart de demeurer dans ce pofte pendant une demi-heure, ou environ ; après lequel tems il viendroit le reprendre. Ayant donné cette configne, GuU noifeau alla trouver la dame Tocquelin, & regut une fille, dont elle accoucha. Dès que eet enfant fut venu au monde, elle ordonna qu on 1'emportat, & ne vouliir pas même le voir: elle craignit  Qiteftion d'état. 2,39 nue cette vue ne fit triompher les fentiments naturels , & ne changeat la jréfolution qu'elle avoit prife. La petite Elle fut enlevée avec tant de ptécipitation, qu'on négligea même de lui donner les premiers fecours; enforte que, clans le tranfport, eile penfa per^dre la vie. Ceux qui amftèrent a eet accoucheinent prenoient, avec tant de précipitaikion, les meiures néceiTaires pour en iécarrer les veftiges de la chambre oü il \s'etoit fait, qu'ils ne firent pas atten;tion qu'ils avoient jetté du fang par la ffenêtre; enforte que les premiers qui pafsèrent le lendemain pres de la mai[fon du fieur Tocquelin, dirent hauteè'ment qu'il falloit que quelque méchante ifemme eüt voulu noyer fon enfant dans un puits qui étoit auprès de cette | maifon. -Dès le matin , tout le quartier fut . inftruit de eet accouchement, & tout j le monde en parloït. La dame Tocque\ lln fut informée de ces bruits : pour les t diffiper, elle réfolut de paroïtre en puI blic. Le fur-lendemain de fes couches. étoit le jour de la Fête-Dieu. Elle alla a 1 la proceifion. Mais cette précaution ne fetvit qua manifefter ce qu'elle voa-  Ho Queflion d'hat. leit cacher. Son imprudente forrie dans Ia firuation oü elle étoir, full caufe qu e le fe trouva mal a la prol ceffion. Elle penfa mourir dans Ie cheJ min; & Ion évanouifTement apprit fo«J accouchemenra ceux qu, 1'ignoroient - • le man fur le feul qm „'en entendk pas parler. Le chirurgien , après avoir déiivré Ia mere, iortir avec un nommé GW™ ' qm avoit eré préfent a 1'accouchement' & qm emporta l'enfant dans fes bras! Ils pnrent le chemin du porche de la Cigogne, ou Gaujjart les attendoit. Dès quil les appercur, il vint au-devant deux, cc&uenn Im remit l'enfant Le chirurgien renrra chez lui. Guérln dit a Gaujjart de le fuivre avec 1'entzm Guenn étoit fi troublé , qu'il paffa par différentes rues , fans fcavoir oü il afloir. Gaujjart qui s'en appercut, lui demanda, i différentes fois, c« qu'il vouloit faire de cët enfant, & le me™? de ,erlui lai^r, s'il ne mettoit fi,, ! a/a courfe. Guïrin lui répondit qu'il eut a le We & cju'il marchoitfans Javoir ou il allon. Gaujjart propofa de potter 1 enfant chez le nommé Fruf. fin, .ardinier de Guérin, qui demeu- I i »w au Grenouher, l'im des fauxbourgs de !  Qiieflion d'état. 241 de la ville du Mans. Guèrln remercia Gauffart de 1'avis : ils le féparèrent, &c iiprirent des chemins différents, pour larriver au même endroit. Ils frappèrent a la porte du jardin : la femme de FruJJon vint ouvrir; Guémn lui paria en particulier, & elle fe chargea de l'enfant. Après 1'avoir exa- i miné, elle trouva qu'il étoit baigné dans fon fang, & en danger de perdre la vie : elle le fecourut de fon mieux, &c prit la précaution de le baptifer. Dès le matin , elle envoya chen.her la nom- j mée Papin, pour fcavoir li les fecours ^qu'elle avoit donnés avoient réulli, & ljn le danger étoit celfé. Le lendemain, 3 o mai 169 8 , Guérin )'& Gaujfart allèrent demanderdes nouvelles de l'enfant. Guérin pria. Frujfon & fa femme de le faire perter a la pa- iroilfe de Saint-Vincent, pour être bap- jitifé, & les pria de lui donner le nom de Louife; la dame Tocquelin s'appelloit 'Louife. On envoya chercher la femme Papin, que 1'on chargea de porter la petite fille i 1'églife. 11 faut pefer routes les circonftances de ce baptême : elles font dirigces par la fraude. On prend le tems de la nuit; il étpit dix heures du foir. La ville du Tornt IX. L  241 Quejlion d'état. Mans contient dix»huit paroiffes. Fruf-l, fon demeuroit au Grenoulier, fur laa i paroiffe de Saint-Germain ; elle eft peis! nombreufe ; il y étoit connu. On choiiitt la paroilfe de Saint-Vincent, lituée aujj ctEur de la ville, & éloignée du Gre—I noulier. Guérin prit les devants, pourJ faire tout préparer, & prévenir les re—I tardements qui auroient pu nuire auu myftère. Quand Fruffon Sc fa femme! arrivèrent a 1'églife, avec la femme: Papin, qui portoit l'enfant, ils trou— vèrent le prêtre qui les attendoit aux< fonts baptifmaux : la petite fille fut baptifée & nommée Louife; on lui fup— pofa une mère qui n'a jamais exifté, Sc: 1'on déc'.ara que le père étoit inconnu.. On a vu 1'extrait baptiftaire plus haut.. Si 1'on examine eet acfe, il ne ref-4 pire que la fraude Sc le myftère. Quii eft-cé qui attefte que Louife Dufeu eft: mère de l'enfant qui fut alors préfenté ?? C'eft la nommée Brière, ou femme; Papin. Mais coramem pouvoit-elle le; fcavoir? Elle 11e 1'avoit vu, pour lat première fois, que dans la maifon de; Fruffon , quand elle y fut appellée, poun: juget de l'état oü il étoit. Elle ignoroit: alors qui 1'avoit apporté , & d'oü on 1 1'avoit apporté. Elle n'étoit pas plas. i.  Quefiion d'état. 243 I inftruite, quand elle le préfenta au baptême; ou fi elle avoit quelques no,: tions de plus, elle ne pouvoit les tenir ; j. que de l ruffon ou de fa femme, qui ne fcavoient eux-mêmes que ce que Guérin . &t Goujfart avoient bien voulu leur i j dire. I Mais il eft conftant qu'ils ne leur Iavoient rien dit, ou du moins qu'ils avoient dit des chofes bien vagues. En effet, quand, après la cérémonie du baptème , oü , comme 1'on voit, Fruffon &c fa femme furent muets fur la .: -naiffance de l'enfant ,011 propofa acelle. ci de fe charger de nourrir la petite • fille , elle voulut, avant que de s'y enI gager, ftjavoir a qui elle appartenoit. ■ ? Ceux qui la remirent, 1'affurèrent qu'elle I pouvoit fe charger fans crainte de eet II enfant, qu'il appattenoit a la dame ri Tocquelin. )[; Quant a cette Marie Briere qui fait e la déclaration, elle n'a pu dire que ce J qu'on lui avoit prefcrit de dire. Car, fi J 1'on fuit bien la marche des faits, 011 ne Ivoit point par quelcanal ellea pufcavoir que la mère de eet enfant s'appelloit ZouifeDufeu,&zqu.'elle étoit de la paroilfe J de Saint-Denis d'Anjou. Oü demeuroit 1 4'ailleurs cette prétendue Louife Dufeu , Lij  9-44 Queflion d'état. quand elle eft accouchée au Mans; flirt? quelle paroiffe, dans quelle rue, chez:j qui?Tout cela eft inconnu,& perfonne: n'en parle. Saint-Denis d'Anjou eft un petit vil-lage éloigné de la ville du Mans d'en- • viron deux lieues. Le curé de cette paroiffe donna un certificat, par lèquel il 1 atteftoit qu'il avoit fait une exacfe re- ■ cherche fur tous les regiftres de baptêmes, mariages Sc fépulrures de fa pa- ■ roilfe , & qu'il na point trouve qu'il y ait jamais eu de fille ni de femme du nom de Louife Dufeu dans lad. paroiffe. JSt le curé & les habitants de la même paroiffe ont attefte, par un certificat commun , ri'avoir jamais feu ni connu qu'aucune perfonne de ce nom ait habitc, ni demeuré, ou foit fortie de ladite paroiffe , & n'avoir mime aucune connoif* fance qu'ily ait aucunefamilie, ni perfonne de ce nom , dans toutes les paroijjes (irconvrifines, Ce certificat eft du ij mai 1714, II eft donc prouvé que Ia mère que 1'on vouloit attribuer a cette fille n'a jamais exifté, Quant au père, en décja-r tant qu'il eft inconnu, c'eft dcclarer que 1'on veut faire un myftère de la naiffance de l'enfant, Mais fuivons  Queflïon et état, 245 fon hiftoirc; & te myftère va bientöt fe dévoiler. La petite towfi dcmeura, pendant deux ans Sc demi, ou environ, chez : cc tems, ce fut la dame Tocquelin qui, par les mains de Guérin, lui fburnit toutes les chofes dont elle avoit befoin. C'eft elle qui a pourvu au linge & aux autres hardes ; c'étoit même de fes vieilles robes , qu'elle en faifoit faire a l'ufage de eet enfant, qui n'en a pas porté d'autres tant qu'il a été chez Fruffon. Quand la dame Tocquelin fut interrogée en juftice, on lui repréfenta les reftes des vêtements que la petite fille avoit ufés pendant qu'elle avoit demeuré au Grenoulier; on lui a demandé fi elle les reconnoiffoit j elle a dit que non. Mais plufieurs témoins les ont reconnus pour être faits d'étoffes qu'ils avoient vues fuccelfivement a la dame Tocquelin , &C a la petite Louife, Pendant que celle-ci a demeuré chez; Fruffon , plufieurs perfonnes, ayant entendu dire qu'elle étoit fille du fieur Tocquelin & de fa femme , ont eu la curiofiré de Palier voir. Leurs amis, leurs patents y font allés; & tous ont déclaré avoir reconnu, fiu" la 6&tè de L nj  Queflion d'état. l'enfant, des dentelles qui avoient fervl a h mère; ils ont reconnu pareillement plufieurs autres vètements. Ces faits furent prouvés par Penquête. Les parents , fur tout, ont déclaré qu'en i > manquer, Sc d'amener avec vous I*  Queflion d'état. 2^ f i » jeune fille qui demeuré chez vous , » qui s'appelle Louife: c'eft pour lui ; » procurer un avantage coufidérable. » Du Mans, ce 5 février 1714)». Seconde lettre: « Mafere Janfon, » celle-ci eft pour vous dire que M. : » Parence, procureur du Roi, fouhaite jj que vous veniez lui parler cejour» d'hui, la préfente recue, avec la » jeune fille qui demeuré chez vous , j> qui s'appelle Louife : c'eft pour lui » procurer un avantage confidérable, a » quoi les chofes fe trouvent difpo» fées ; &c ainfi ne négligez pas cette 1 » occafion; car les affaires pourroient » changer. C'eft de la part de M. Pa» renet; procureur du Roi, chez qui e » on a été , il y a déja quelque tems, a ss ce fujet. Ne manquez pas de venir, 35 & d'amener , avec vous, la jeune 35 fille nommée Louife, & on paiera 5» votre dépenfe. Mademoifelle Haude35 kourg fouhaite aufli vous parler 53. Ces deux lettres furent écrites & envoyées le même jour, par un expres , qui avoir ordre de ne pas dire de quelle part il venoit. Janfon ne put, ou ne voulut venir que le lendemain, quoique le meflager, pour Pengager a fe rendre le même jour, lui dit qu'il venoit Lvj  2.?2 Quefiion d'état. de la part dit fieur Tocquelin, qui lui avoit défendu de le nommer. Le lendemain, Janfon fe renditchez le fieur Parence, qui le renvoya, avec la jeune fille, chez Haudebourg, notaire. Celui-ci les envoya chez le fieur Tournier, oü le lieur Tocquelin arriva prefqu'aufiï-tót. Ayant examiné la jeune fille, il lui trouva uu air de familie , avoua hautement qu'il en étoit le père, & lui fit donner a boire & a maneer. Louife étoit alors agée de feize ans , & capable, par conféquenr, de fentir les avantages qu'elle de voit retirer du changement qui fe préparoit dans fon état. Elle attendoit, avec impatience, que fon père achevat 1'ouvrage qu'il avoit commencé. Mais la réflexion caufa une révolurion dans les idéés du fieur Tocquelin. D'un córé, la tendrelfe paternelfe, & les reproches de fa cqnfcien.ce le prelfoient de rendre a fa fille fon yérirable état : de 1'autre, il éroit arrêté par 1'éclat qu'il prévoyoit bien qu'une pareille reconnoiffance ne pourroit manquer de produire; il ne pou-i voit rendre juftice a fa fille, fans s'ext pofer au reproche de 1'avoir méconnue fi long tems, & d'avoir compromis fon' état, par ce coupable filence.  Queftion ePctzt. 2^3 ' Dans cette incertitucle, il va trouver le fieur Parence, Sc le prie de ne pas pretfer la reconnoiffance de fa fille. ït II eft toujours facheux, lui dit-il , „ d'être réduir a faire un fi grand écl t „ dans le public ; qü'il feroit bien aiié „ de 1'éviter; qu'il prendroit des tem„ péraments avec fa femme, pour pour„ voir a 1'éducation, nournture Sc en„ treden de fa fille ». Le ma ponfe très-fingüKère; mais qui prouve \ qu'elle n'a pas ofé faire un défaveu fi formel. On lui demande fi elle n'étolt t pas enceinte en 1697 ; fi elle n'avoit pas 1 alors deux fils ; fi elle n'a pas caché fa groffelfe 5 fi elle n'a pas accouché d'une ) fille, le foir de la fête de Sainc-Ger3 main, la huit du 18 au 29 mai \ fi elle \ n'a pas'donné ordre de la faire baptifer I fous des noms fuppofés ; fi elle n'a I pas pris foin d'elle dans fon enfance ; fi elle ne lui a pas fourni tout ce qui I étoit néceffairej en un mot, interrogéc - fur toutes les circonftances de la naiffance Sc de 1'éducation de fa fille, Ia  Qiieflion d'état. dame Tocquelin a répondu ces mots ij, chaque article:^^ que le contenu auu prefent interrogatoire efl impertinent., Enforte qu'elle n'a ofé répondre préciJ lement i elle acraint que fon cceur neJ fit fortir la vérité, au travers des men--i ionges qu'elle auroit pu faire. Ij y a cependant deux articles, aux-l quels elle a fait des réponfes précifes;; & ces réponfes prouvent encore fon' embarras. On lui demande s'il n'eft pas vrai quUlle a délivré, ou fait délivrer \ l'extrait baptiftaire de fa fille. • Voici fa réponfe : A dJclaré qu'ayant cte informée de la plaidoirie de l'avocat de cette prétendue fille, elle a délivré \ ledu extrait baptiftaire, pour fe défen- uc l* eaiomme qu'on pruendo'n lui faire. . Autre demande : Interrogée a. quelle fin elle 1'a délivré, ou fait délivrer? . Réponfe : A déclaré employer ce qu'elle a dit au précédent article, en réponfe ■au préfent. Mais, la dame Tocquelin a levé &C fait fignifiercet exttait baptiftaire, pour repouffer la calomnie qu'elle dit qu'on vouloit lui faire: qu'elle enfeigne donc ce qu'eft devenue la fille dont elle eft accouchée la nuk du zS au z9 mü  Quejlion d'état. 1(5*98 j qu'elle apprenne a fa fille qui eft cette Louife Dufeu qu'on lui a fuppofée pour mère ; qui eft ce père inconnu. Elle doit le fgavoir, puifqu'elle fijait le tems de la naiflance de la fille qui agit contre elle j & ayant feu trouver , i point nommé , fon extrait baptiftaire, elle doit faire connoitre a cette jeune fille qui font fes parents. 11 refte a examiner les moyens qui • ont été propofés contre Louife Toert quelin. Un a objecte, en premier ncu^uc 1'enquête étoit nulle, paree que Louife Tocquelin n'avoit été afliftée que d'un ^.„r-.fonr Apc \p mmmencement du pro- i cès, Sc que ce n'étoit qu'après coup \t qu'on lui avoit donné un tuteur j que ij ce qui eft vicieux dans fon principe, ne i peut jamais valoir. ! La réponfe eft fimple. Louife Tocquelin auroit pu agir même fans curateur. ] Dans ime queftion d'état, on ne doit I pas s'arrêter a la procédure; c'eft par le i fond qu'on décide , Sc non pas par la ! forme. D^illeurs , il eft de principe qu'un mineur peut améliorer fa condition , meliorem conditionem facerepotefl. Les fecours Sc la proteétion que les loix accordent aux mineurs, ont pour  2 6O Quejlion d'état. objer de prévenir les pertes qu'ils pourroient fouffrir par leur inexpérience &r la foibleffe de leur jugement; mais non pas, pour les emDccher Ae- fair* bonnes affaires , & de profiter d'un avantage, quand il ie prdente. Cela eft fi vrai que, quand un mineur fe plaint en juftice d'un aéte qu'il a paifé, on examine, s'il a été léfé, ou s'il ne 1'a pas été. S'il n'a pas été léfé, 1'acf e fubfifte, & eft ratifié , fans que fa minonté puiffe être alléguée avec fuccès par celui qui, n'étant pas mineur, prétendroit y perdre. La loi en a même fait une maxime. On n'annule pas, ditelle, tout ce que fait un mineur; mais feulement les actes qui lui ont été furpns par la fraude j ou qui lui ont enlevé ce qui lui appartenoit, ou quand il a manqné de gagner ce qu'il pouvoit <*agner, & qu'il s'eft obligé de faire^e qu'il ne peut faire. Non omnia qua minores ann'n viginti quinque gerant, irrita funt ;fed ea tantum qua, causd cognitd, ejufmodi deprehenfa funt, ut fi ab alils circumventi, vel fud facilitc^ decepti , aut quod hahuerunt amïferunt ; aut quoi acquirere emolumentum pottierunt, omïferunt; aut fe oneri, quod non fufclpere ■"•**-> ovugaveru.t. L. 44, Jf. de min.  Quejlion d'état. 1G1 |En un mot, quand on reftitue un mijnent, ce n'eft pas tant paree qu'il eft | mineur , que paree qu'il a été léle. Non \ reflituitur canquam minor , fed canquam j lafus. Or de quoi s'agit-il dans le procés J intenté par la mineure? II s'agit de la ; tirer de 1'état de batardife & d'ignomiI nie , de l'état de mifère ou fes paI renrs 1'ont plongée, pour lui rendre lia qualité de citoyenne qui lui appar| tient, & le droit 'aux fucceffions qui l pourront lui écheoir en cette qualité : i en un mot, il s'agit de la faire pafler , j; du néant, a une exiftence. honorable. Si | elle réudit, elle n'aura certainement | pas travaillé a. fon détriment, & il n'y I aura pas lieu a la reftitution. Si elle ne | réuftit pas, elle n'aura fait de tort a « perfonne, & elle portera feule la peine | de fa téméraire entreprife. II faut donc écarter cette première ; objeétion. Pour répondre plus clairement aux i autres objeólions, il faut les rapproclier ] fous un feul point de vue. La dame * Tocquelin foutient que la demande for1 mée par Louife Tocquelin , pour fe faire I recoimoitre, & la permiffion qui lui a \ été accordée de faire preuve de foa  2. C 2 Quejlion d'état. état, eft conttaire aux ordonnances 8ê aux loix du royaume; qu'on ne peut admertre une pareiile preuve, fans vouloir renverfer les loix, permettre les: fuggeftions, rendre les impofteurs maï~ tres de choifir les families dans lefquelles ils voudroient entrer, & fe choifin reis père & mère qu'ils jugeroient ai proposj que, quand il y a un extraitt baptiftaire, le fort de l'enfant eft fixé.. II n'eft plus permis alors de douter; il I faut s'en rapporter aux regiftres publics,, ici.^ucis ia 101 öc ia juitice le repofentdu foin de la tranquiüité & de l'état des families. a ces ob;eótions, deux reponfes. Nos ordonnances n'excluentpas la preuve par témoins, pat rapport a l'état des enfants. En fecond lieu, quand les regiftres de baptême & les déclarations qui y font faites feroient, pour 1'ordinaire, pleine foi de l'état des enfants} quand il ne feroit pas permis de faire preuve contre ce qui y eft contenu, on n auroit pu, pour cela, débouter Louife Tocquelin de fa demande, dans les circonftances particulières ou elle fe trouve. La première propofirion s'établit eii nn mot. Qu'on Hfe, tant qu'on voudra,  Qiieflion d'état. 263 les ordonnances ou font confignées les régies fur cette matière, on n'y trouvera autre chofe, finon qu'elles n'ont ordonne les regiftres publics, que pour fixer la majorité, ou la minotité des hommes} mais non pas pour régler leur état, L'extrait baptiftaire eft une des preuves de la naillance des enfants ; mais cette preuve ne donne pas 1'exclufion aux autres} une telle exclufion feroit injufte. En effet, il y a bien de la difterence entre la preuve de lage, Sc celle de la filiation qui fe tire des regiftres de baptême. L'enfant eft d'ordinaire préfenté a Péglife aufli-tot qu'il eft né. Le prêtre qui le baprife eft en état de certifier, fur les regiftres, qu'il 1'a baptifé un tel jour: il eft, en cette partie, une perfonne publique qui remplit fon miniftère; on doit ajouter foi au témoignage qu'il rend par rapport au baptême qu'il a donné. Mais a I'égard de la filiation, le prêtre n'en peut rendre aucun témoignage -y c'eft un fait qui lui eft étranger. Il ne peut écrire que ce qu'on lui en dit, fans êtte ni en état, ni en droit de le critiquer. Voila. pourquoi les autres  2^4 Quejlion d'état. preuves ne font pas interdites par rapji port a la filiation des enfants. Aaffll cette preuve a-t-elle toujours été admife,| tant par tirres que par témoins, même; depuis les ordonnances, qui ont établii les regiftres; &c les textes de ces loix; autorifent cette jurifprudence. Quant a la feconde propofition , on i foutient que, quand les déclararions: faites dans les regiftres de baptême i feroienr, pour 1'ordinaire, pleine foi, par rapport a l'état & a la naiflance des enfants , quand il ne feroit pas permis de faire preuve contre ce qui y eft contenu, cette règle ne pourroit porter aucun préjudice a Louife tocquelin dans les circonftances particulières oü elle fe trouve. L'ordonnance de i66j dit que la preuve de 1'age fe fera par des regiftres en honneforme. Suppofons que, fous le mot dge, ou doive comprendre l'état & la naiflance de 1'enfantjil eft toujours certain que le regiftre ne peut faire foi que quand il eft en bonne forme. Or Part. 9 nous apprend quelle eft cette forme que la loi exige : Dans l'article des baptemes3 y eft-il dit, fera fait mentiondu jqur de la naiffance; & feront nomme's  Qucflion d'état. 26^ tommés l'enfant, le père & la mère, le tarrein & la marreine. Si on manque de déclarer le jour de a naiflance de l'enfant, le nom de fon >ère, ou celui de fa mère, le regiftre i'eft pas en forme \ il ne peut faire foi n juftice; & il eft alors permis a Tenant de faire preuve, par témoins, de on état. Dans 1'efpèce acfuelle, on a déclaré ue l'enfant qui a été préfenré au bapsme, le 30 mai 169$, étoit fille de .ouife Dufeu & d'un père inconnu. Le nir de la naiflance de l'enfant n'eft pas larqué. Le regiftre n'eft donc pas en onne forme \ il ne peut donc pas faire ai en juftice. D'ailleurs fi, comme le regiftre le éclare, le père eftinconnu, il lu| eft onc permis de le chercher pour le mnoitre. II lui eft aufli permis de chercher fa lère, puifqu'on lui en a fuppofé une u'on a nommée Louife Dufeu , & que:tte Louife Dufeu n'a jamais exifté. e n'eft pas le parrein & la marreine e l'enfant qui ont déclaré que Ia mère ippelloit Louife Dufeu ; c'eft une fem[e appellée Papin ; le regiftre y eft ;écis : fuivant que ladite Papin nous l'a Tome. LX. M  2 66 QiiefLion d'état. déclaré. Or cette femme appellée Papini ne pouvoit fcavoir le nom de la mère: de l'enfant, puifque c'étoit une voifine: de Fruffon, que 1'on avoit appellée pour s porter l'enfant a. 1 'églife. II eft prouve ,, d'ailleurs, comme on 1'a déja dit, que: Louife Dufeu eft un nom imaginaire,, que perfonne n'a jamais porté ni au vil-lage de Saint-Denis d'Anjou, ni dansï aucun des villages circonvoifins. Un extrait baptiftaire, dans lequelI on donne pour mère a un enfant une: perfonne qui n'a jamais exifté, & dans; lequel on déclaré que le père de l'enfant: eft inconnu, eft-il un acte fuffifant pour: priver un citoyen de fon état, & 1'em- ■ pêcher de demander permiflion d'en.i faire preuve ? On vient de juger dans ce même : tribunal , difoit Louife Toquelin, unel efpèce qui a beaucoup de rapport al. celle qui s'agite actuellemenr. Marie de Boifé fe prétendoit fille naturelle du ,. comte dePaulmi. On argumentoit d'un i extrait baptiftaire, qui portoit qu'au mois de février 1Ó82, on avoit bap-:j rifé, en la paroifle de Trogne en Anjou , une fille nommée Marie, dont la mère étoit Francoife Demée ; a I'égard ' du père, on avoit mis pater ignotus ;  Quejlion d'état. 267 père inconnu. Marie Boifé avoit obtenti rapé fentence au Domaine qui lui permettoit de faire preuve quelle étoit fille {naturelle du fieur de Paulmi. Les héritiers du fieur de Paulmi initerjertèrent appel de cette permiifion ide faire enquête. Ils s'efforcèrent de |faire valoir f'intérêt des families. Ils i|dirent que la preuve autorifée par la jfentence du Domaine, étoit contraire ja l'ordonnance : ils invoquèrent les arijrêts qu'on a coutume de citer dans ce# ilfortes d'arfaires. Dans 1'intervalle de 1'appel a Ia plaiidoirie, on entendit huit témoins, qui i|ldépofoient que Francoife Demée, mère jde Marie de Boifé, étoit fille du maitre Id'hotel du comte de Paulmi, lors agée hde fei^e ans ; qu'elle tenoit compagnie la la demoifelle de Paulmi, agée de quatorze a quinzeans. Le jeune comte étoit ientré dans la fociété de ces deux jeunes iperfonnes , il avoit ptis part a leurs lamufements & a leurs jeux. Enfin Franco/Jé Demée devint grolfe, & accoucha »,d'une fille. Le comte de Paulmi avoit 'fait voir, par des petits préfents, & par certaines démarches, qu'il s'étoit intéreffé a ce qui regardoit cette petite fille. Mij  26*8 Quejlion d'état. Ces circonftances, jointes a quelques'; autres alfez légères , déterminèrent la i Cour, malgré les efforts des héritiers ; du comte de Paulmi, a autorifer Ten-' quête, & adéclarer enfuite que le comte : de Paulmi étoit père de Marie de Boifé, a laquelle on accorda une penfion de 500 liv. L'exttait baptiftaire de Louife Tocquzlin porte que fon père eft inconnu. 11 lui eft donc permis de le chercher , comme il i'a été permis a. Marie de Boifé, On entroit enfuite dans beaucoup de détails, que j'épargnerai au lecteur; je ne pourrois' que répéter & ce que j'ai déja dit a 1'occafion de cette caufe, & ce que j'ai expliqué en traitant celle de mademoifelle de Choifeul. M. d'Agueffeau, qui porta la parole comme avocat général, après avoir fait le tableau de la fingularité de cette caufe , ajouta que celui que la réciamante appélloit fon père, fembloit n'y paroïtre que pour augmenter cette lingularité : que, par une conduite aufli extraordinaire, que digne de cenfure, il gardoit, dans un combat aufli intéreliant pour lui, une efpèce de neutralité j 8c que n'pfant ni rgconnohre, ni  'Queftion d'état. 2, £9 i fléfavouer celle quï fe difoit fa fille, il | faifoit in'ure a fa femme, a cette fille, : & cerrainement a hii-même. II dit enfuite que 1'ordre qui lui pa: roiffoit le plus fimple & le plus naturel, dans 1'explication d'une caufe fi étendue, étoit d'examiner d'abord la de| mande qui avoit introduit cette affaire , J & qui avoit été formée par une mineure, fans 1'affiftance d'un curateur J nommé par le juge. Examiner_enfuite J la fentence qui avoit prononcé fur cette 1 demande, & qui, dans une queftion 1 d'état, avoit permis la preuve par té1 moins. Enfin examiner 1'exécution de l cette fentence, & la forme de 1'enquête 1 qui 1'a fuivie. | II ne paroït pas que les raifons allei guées pour excufer le défaut du curaI teur , foient fuffifantes. 11 eft vrai ti qu'un mineur n'eft pas lié par- une incai pacité entière ; s'il a befoin d'un^ con|; feil & d'un défenfeur pour 1'aiTifter , | lorfqu'il paroit dans un tribunal, il J n'eft pas, pour cela, incapable de pa\ roitre en jugement. Dela ces décilions | conftantes des arrêts, par lefquels la ,' Cour avoit approuvé des demandes e» retrait lignager formées par un mineur, cui auroit perdu le fruit de fon adion, 4 r M üj  270 Quejlion efétat. s'il eut rendu fon delfein public, ea demandant d'abord un curateur. Et' Pour ne point s'écarter de 1'efpèce de la caufe, il ne paroitpas pofiible d'attaquer, par le feul défaut de curateur, une demande formée par un mineur qui, privé de la vue de fes patents yiendroit fe préfenter feul devant le juge, lui expoferoit fon état, & hu demanderoit un défenfeur. Mais ce n'eft pas ainfi que la mineure qui réclame aujourd'hui a forme fa demande. Elle ne s'eft pas prélentee au juge, pour lui demander un curateur 5 elle a fuppofé qu'elle étoit aiiiitee d'un défenfeur légitime. Le juge, de fon cóté, ne s'eft pas contenté de recevoir la requête, & de nommer un curateur, après 1'avoir recue , il a fuppofé, avec elle, cette partie eifen«elle de la procédure} &, pat-li, il a donné un jufte fujet a la dame Toequetin de fe plaindre qu'on 1'avoit ouiigee de plaider, fans lui donner un contradiéleur légitime. Mais il fautexaminerfil'autoritéde ceux qui exercent le miniftère-public n'a pas entièrement réparé ce défaut. Lorfque le procureur du.Roi a de-  Quejlion d'état. ijl mandé afte de ce qu'il amorifoit, en Eft que de befoin, la mineure; ou ü ,avoit voulu dire fimplement quilfe joianoiti elle, pour obliger fes parents I In r^ronnoitre. ou lui donner les moyens de parvenir a la connoiflance de fon état : alors il n'avoit feit-que remplir un devoir de fa charge Ou ü avoit voulu dire quelque chofe de plus , & fuppléer, par fon autorite, au aetaut de tuteur & de curateur. Alors il a fait plus qu'il ne pouvoit faire, plus quil ne convenoit l un homme charge du miniftcre-public. Si les magiftrats qui ont 1'honneut d'en exercer les/onctions doivent veiller aux interets de ceux qui font dans un age ou Us ne peuvent y veiller eux-mêmes ce n eit pas précifément comme defenfeurs des mineurs, mais plurót comme defent feurs du public, toujours mterefk dans la caufe des mineurs. La qualité de tuteur ou curateur des particulier* eft au-deffous de ceile que leur donne leur cara£tère;&le public eft la feule par-, tie pour laquelle ils doivent elever leur voix. . , 11 n'y a donc pas lieu de croirequon puiffe excuferce premier défaut qui fe rencontre dans la procédure de la mi- Miv  27* Queftion J>état. Site LT ^ decelJe 9* I f taiCe en la Prevêté du Mans - fur ll ^-Paroirpasqu'eljefoirv^ «»nent plus importante; & DnMr u k j ? daVec Je fair, confidcrer d'a l exam n/ r ^T^5 des ^ > & & des ZV ; pnnc,?es'des ,s frrcts qu d mit a ors fon* iesyeuxdela juftice. C'eft dans cette lon avoltp fépr£f ]etousle q e laWde mademoifelle d^yg Je ES e^T d%fuire a PaPP^tion qilï e'vlfita ia caufe particuiière. ^presavozrétabliJesprmcipesgéné.  Queftion d'état. 273 raux,dit-il, il femble que la même difficulté refte encore, dam leur application, a chaque affaire , & que 1'on peut toujours demander, après avoir reconrru que la preuve par témoins eft admiffible dans les queftions d'état, quels font les cas dans lefquels on doit 1'admettre,. Sc quelle eft la qualité des circonftances qui peuvent déterminer les magiftrats a accorder cette permiifion. 11 eft facile de réfoudre cette difficulté, en établiffant trois régies tirées des décifions des arrêts. II faut, en premier lieu , qu'il y ait un défaut total de regiftres, ou du moins un jufte foupcon que les regiftres. contiennent une erreur. Si 1'on a négligé de faire adminiftrer les cérémonies du baptême a un enfant, il n'y a point de regiftres, relativement a lui. Quant a Terreur qu'on peut y inférer, il y en a un exemple dans 1'affaire de Marie de Boifé, fille du comte de Paulmi. En fecond lieu, il faut que les faits dont on demande la preuve , foient aflez forts pour mérirer i'attention desjuges, aflez circonftanciés, pour paroitre vraifemblables, Sc qu'ils ne fe combattent pas mutuellement. M y  274 Queftion d'état. Enfin, il faut qu'il fe trouve quelque efpèce de commencement de preuve que 1'on tire ou des écritures privées y I ou de fairs qui ne foient point conteftcs entre les parties. C'eft donc a ces trois régies generales 1 qu'il eft a propos de s'attacher, pour connoït-re fi, dans les circonftances Sc dans 1'efpèce particuliere de Ia caufe ies premiers juges ont du permettre Ia preuve par témoins, que la loi les rendoit maitres d'admettre ou de refufer ; mais qu'elle les averrifibit de n'admettre ou de refufer qu'avec la plus grande circonfpeétion, & la plus müre réflexion. Par rapport a la première règle , fi | Pon jette la vue fur 1'exrrait baptiftaire de celle qui réclame ici un état, on trouve, de tous cötés, matière a une infinité de foupcons qui naiflent de 1'aéte même , Sc qui donnennm jufte fujet de douter de la vérité des déclarations dont on a chargé les regiftres publics : tous les termes de eet acte font connoïrre un deflein marqué de cacher au public la nailfance de l'enfant. On lui a donné pour parrein & pour marreine, Ia nourrice même, & Ie mari de cette nourrice. Cette circonf- tance, peu couliderable en elie-même,  Quejlion d'état. 2. ;•; devient importante dans cette caufe. On n'y déclaie point le nom du père j de l'enfant; Sc par ia, eer extrait baptiftaire forme un doute qu'il ftmbie ij ncceflaire d'éclaircir. Quel que puilfe ;[ être ce père inconnu , il faut, de deux ] chofes 1'une, ou que l'enfant fon réi duit a ignorer toujours quel eft fon père; ou qu'il lui foit permis de le chercher. i S'il eft injufte de vouloir lui cacher, pour >| toujours, fauteur de fa naiffance, on peut écouter favorablement cette fille, lorfqu'elle déclaré qu'elle a retrouvé ce ] père, & qu'il ne lui manque plus que le ] fecours d'une preuve teftimoniale pour I ralfurer cju'elle 1'a retrouvé. 1 ' Le nom de baptême de la mère ré| clamée, Sc celui qu'on a donné a la fiilei, I fe trouve conforme. ■ ■ _ Mais ce qui mérite une veritable $ attention, c'eft la faxifleté prefque dér montrée du nom propre Sc de la demeure de la mère. C'eft en vain que 1'on acherché le nom Dufeu dans les regiftres de la paroiffe de S'aint-Denys enAnjpu; le curé & les habitants onc déclaré, par un certificat, que non-feulement ils n'ont point trouve ce nom fur les regiftres, mais qu'ils ne con«oifloient même aucune perfonne qui M vj  276 Queftion tFétat. feut porté, ni dans le village de SaintDenys en Anjou, ni dans les villages voifins : 3c cequi peut être encore plus confiderable, c'eft que, depuis prés de hint ans, que dure cette conteftation, on n'a vu, on n'a indiqué aucune perfonne qm portat ce nom , & encore moins que 1'on put regarder comme la mere de la réclamante. Les regiftres contiennent donc une taufle enonciation. Louife eft donc dans ia meme fituation , que ceux qui n'ont aucun extrait baptiftaire, & que ceux W> en aya"t un, ne peuvent le trouver paree que les regiftres font perdus. A l'egard des circonftances qui rétultent des faits articulés par la réclamante , il faut examiner fi elles onr tous les caracfères qui paroiffent nécefiaires pour détermiüer le juge i admettre une preuve tOHjours daiagexeule, paree qu'elle ne peur jamais être exempte de tout foupcon" La première circonftanee qui réfulre de Ia réunion de plufieurs fairs, eft 1 opinion publique fur la grofTeffe & 1 accouchement de la dame Tocquelin Jjï ia naiffance & fur 1'éducation de la hüe : c'eft précifément ce qui eft indique par la loi: aliquando yeluti confen-  Queftion d'état. 277 1 tiens fama confirmat ejus rei de qua «1 qu&ritur fidem. *" En fecond lieu, les faits détaillésqiri fe trouvent dans les dépofitions des témoins , paroiffent méiiter la plus ' grande attention. Marie Filleul, ein■ quante-troifième témoin , parle des 1 circonftances de Paccouchement ; le j nommé Gaujjart, quatrième témoin, 1 parle de celles de 1'enlèvement de Pen; tant auifi-tót après fa naiflance : la fem: me de Fruffon, neuvième témoin , explique celles de 1'arrivée de la petite i Louife, dans fa maifon \ comment elle i fut baptifée , & quelle fut fon éducat tion. La dépofition de Gauffart, enI tr'autres, eft d'aurant plus confidérable , a I'égard de 1'enlèvement, que ce témoin attefte qu'il a été lui- même 1'inltrument dont on s'étoit fervi, pour 1'exécuter. A ces dépofitions, on peut ajouter celle du curé du Crucifix, qui contient des détails très-intéreffants. 11 nart cependant une difficulté fur la date oü la réclamante a fixé 1'accouchement attribué a la dame Tocquelin. Elle afture que est événement a pour ' époque la nuit du 28 au 29 mai 1698, Pour expliquer en quoi confifte cette difficulté, il eft néceffaire de remarqueï  2 7 8 Queftion d'état. quelafêce de Sainr-Gprmnin ». 28 naai, & qu'en i69S , celle du Saint- [ Sacrement eftarrivée le lendemain a9- u« iCS icmoins s accordent a dire que l'enfant eft né 1'un A* ^ jours; mais les uns difent que c'eft la Wilt du a7 au z-8 } & les autres, que c eft la nuit fuivante. Ü y a encore deux lans certams, fuivant 1'enquête : 1'un que la dame Tocquelin eft fortie le zi mai, pour aller jouer chez une de fes amies , ou elle fe trouva incommodéeI autre qu'elle étoit auffi fortie le i9 mai Pour aller voir palTer la proceffion du' oaint-Sacremenr. Toute la queftion , a eet égard, coniiite donc a fcavoir fi ces deux faits font poftvrieurs a Taccouchement, ou fi 1'accouchement eft intermédiaire. On a fuppofé, dans le cours de cette caule, fur le fondement des dépofitions d'une partie des témoins , que I incommodité qui avoit forcé la dame tocquelin de quitter la maifon de cette amie chez qui elle étoit aüée pour jouer, Je 28 n'etoit autre chofe que le fentiment des premières douleurs qui lui annoncoient la fin Aa A __?/r./r-. - —* ^ jiioneue: qu elle etoit accouchée la nuit fuivante >V~ quelle avoit eu aflez de force, ou  Queftion d'état. ^79 j de témérité pour fe montrer, dès le matin même, dans une cérémonie publique. Quelque furprenante que foit une J telle aétion, comme elle n'eft pas fans exemple, on peut la croire , & en tirer j des conféquences bien confidérables | dans cette caufe. D'autres témoins , & ceux même qui J paroiffent le mieux inftruits du fecret J de cette affaire, prétendent que la dame 1 Tocquelin eft accouchée le jour de Saint* J Germain au matin; que ce jour-la, elle [ alla jouer .chez fon amie, ou elle fe 1 trouva mal; & le lendemain a la proI teflion. Ainfi elle ne feroit pas fortie le 1 matin meme, mais feulement le foit I de la naiffance de fa fille ; cette fortie I très-imprudente 1'ayant incommodée , 4 elle avoit été obligée de retourner chez 1 elle; le lendemain T pour réparer 1'im3 preffion que cette aventure avoit pu 1 faire dans les efprits, elle avoit voulu I paroitre en public, avec la même amie 5 chez laquelle elle s'étoit trouvée mal le ( jour d'auparavant. ' Mais il eft inutile, pour l'objet préfent de la caufe, de s'arrêter plus longtems i certe obfervation, qui a meme échappé aux parties.  2So Queftion d'état. La troifième forte de circonftancess relulte des indices muets, comme des» fiabits qu'on dit venir de Ja mère comme la relfemblance. Ce point ne merite nas unp -il peut proceder de mille caufes fort fimples & naturelles. II ne mériteroit même pas que 1'on en parlat, s'il n'étoit entoiire d'autres faits qui lui donnent une lorre de confiftance. Une quatrième & dernière forte de circonftances, & celle qui paroït la plus lorte de toutes, eft cette efpèce de reconnoiirance tacite, de Ja dame Tocquehn dont on a parlé dans la caufe. Louijcm s'eft pas contentée d'affiurer a Ia Cour qu'elle avoit été reconnue comme fille de la dame Tocquelin , par plufieurs perfonnes de la ville du Mans, f même pat fa grand'mère maternelle' & par la fceur du fieur Tocquelin - elle a pretendu que la vérité étoit forrie de la boucne même de celle qui la défavoue. Elle a établi ce fait fi favorable a la demande, par Ia dépofition de plufieurs témoins, entr'autres par celle de la femme Janfon, cinquante-deuxième témoin, A I'égard des reconnoiffances du pere, on en tire la preuve, i°. des  Quejlion d'état. 281 difcours vagues qu'il a tenus en difrc: rents endroits, & en différents tems. 20. D'autres difcours plus précis qu'il atenus chez Hl&ebourg. 30. Enfin, des j déclarations faites chez le fieur Parence, Ij avocat du Roi, vingtième témoin de I Penquête. Telles font toutes les circonftances 1 qui ont été propofées par la réclamante, i & qu'elle a expliquées en détail devant : les premiers juges, pour obtenir la permiffion de faire entendre des témoins» ; Elles paroiffent très-confidérables en : particulier. Mais, fi on les réunit tou\ tes, fi on les examine enfemble, & : fous un feul point de vue, elles acquiè1 rent un degré de force qui les égale prefque a ces preiomptions qui tiennent .lieu de preuve. La réclamanteva plus loin : elle pré- I tend qu'il y avoit, en caufe principale , 1 un commencement de preuve écrite; i fcavoir les lettres du père. j A la vérité, ce commencement de ij preuve n'eft pas parfait, paree que ces 4 lettres n'ont pas été avouées & recon4 nues juridiquement. Mais il y a, fur I Pappel, un autre commencement de I preuve bien plus confidérable; fcavoir , 1 une procuration >du père, qui explique  2.82 Quejlion d'état. fon interrogatoire, & qui fait voir qu'il ne lui refte plus qu'un foupcon qu'ili n'auroit pas dü former, puifqu'il n'é~ toit pas encore féparé de fa femme en: Ainfi, quand on auroit pu regarden comme trop foible le commencementt de preuve qui a fervi de motif a laa permiflion de faire entendre des témoins, il eüt été difüciie d'en trouven un plus fort que cette proairaticn, &: cette déclaration faite par le père, le 9^ fevner 171 9. Je 1'ai rapportée plus haur,, PaS- 25(J- Les conditions delirées par les loix; & par les ordonnances pour admettre i la preuve teftimoniale, fe renconrrent ■ donc ici. Mais il faut fufpendte fon jugement fur 1'événemenr de cette preuve. Ce ne feroit pas la première fois qu'un importeur fe feroit préfenré fous des apparences capables de féduire la juftice même. Mais, après avoir fait: illufion par un tiffu artificieux de men- ' fonges, la lumière de la vérité vient 1 enfin a percer, & le replonge dans les tenebres du menfonge, d'oü il s'étoit natte de pouvoir fortir un jour. La dame Tocquelin pourra relever les  Quejlion d'état. 283 jcontradi&ions qu'elle découvrira dans lies dépofitions des témoins ; elle en pourra, de fon cóté, faire entendre ll'autres. Mais, dans l'état oü fe trouve la caufe, s'il n'y a pas a(Tez de faits eeritains pour décider fans aucun doute, il ly en a aflez du moins, pour chercher a éclaircir la vérité. I Ainfi, quoique la fentence foit irréIgulière dans la forme, elle eft réguliere i au fond. II ne refte qu'a expliquer, en peu dë Jmots, ce qui concerne 1'exécution de «cette fentence & la confeétion de TenAquête. II eft important aux deux parties ique la procédure foit réguliere, afin que , quel que foit 1'événement au fond, 11'arrêt définitif ne puiffe être attaqué jjpar la partie qui fuccombera. 1 Suivant la difpofition précife de l'ordonnance de 1667 , art. 14 du titre des ; enquêtes, il doit être fait mention, au , commencement de la dépofitlon du témoin , s'il eft ferviteur ou domeftique, parem ou allié de 1'une ou de 1'autre des \parties , & en queldegré. Etl'arr. 20 pro- nonce la nulhte de toutes les enquêtes ou ces formalités n'auront pas été oblervées. Or le juge dont eft appel les a abfo-.  - 284 Queftion cCétat. lument omifes; & 1'on ne volt pomt quelle eft la caufe d'une négligence fi.' évidente, d'une contravention fi formelle. 11 a cm apparemmenr que fon proces-verbal de comparution des témoins,, oü cette mention avoit été faire,, étoit fuHifant. Mais il s'eft trompé," puifque, i°. ce proces-verbal eft eni forme de procés-verbal, & non d'enquêce. z°. Les termes de l'ordonnance ne fouffrent pomt d'autre interprétation. D'ailleurs les témoins n'avoient pas repréfenté au jugel'exploird'aflignation qu'ds avoient recu, pour aller en dépofition : du moins il n'en eft fait mention ni dans le procés-verbal, ni dans 1'enquête. Ainfi cette enquête eft nulle. Mais il y a lieu d'en faire une nouvelle, en réformanr ce qu'il y avoit d'irrégulier dans la procédure des premiers juges. Conformément aux conclufions de M. d'Agueffeau, par arrêt du 3 aoüt 17^2 , « Ja Cour mit 1'appellation & la » fentence dont étoit appel au néant • » déclara la procédure & 1'enquête nul» les; permettantnéanmoins a Louife , » fe difanr fille des fieurs & dame Toc-  Queftion d'état. 28? » quelin, de faire preuve des faits qu'el| „ le a articulés, & a la dame locquelirt , „ de faire preuve du contraire, & ce „ dans trois mois'; & pour eet effet, I r^nvnie les oatties en la fénéchauffée „ du Mans : ordonne,a eet effet, que „ Jean Janfon demeurera curateur a ia „ foi-difant fille Tocquelin; fi mieux li „ n'aiment les juges de la fénéchauffée j; „ en nommer un autre d'office. Pourra „ ladite Louife faire entendre de nou- ' „ veau les témoins entendus dans Ten» quête déclarée nulle, aux frais de „ Louis Gaceau, lieutenant en la pré„ voté du Mans , qui a fait ladite en« quète , laquelle, a eet effet, ave'c le I „ procés-verbal d'enquête , fera portee I„ en ladite fénéchauffée du Mans, pour „ fervir de mémoire feulement. Sur la „ demande en provifion , les parties » font pareilkment renvoyées en la „fénéchauffée du Mans, pour y être „ ftatué, s'il y a lieu. Et faifant droit » fur le réquifitoire du procureur-géné» ral du Roi, enjoint audit Gaceau \ d'obferver l'ordonnance; & , fuivant : » icelle, de faire déclarer aux témoins ,5 s'ils font parents, alliés, ferviteurs ou » domeftiques des parties, & d'en faire  280" Quejlion d'état. » mention au commencement de cha- ■ » que dépofnion des enquêtes ». Par fentence. du 21 janvier 172'j 3 Louife Tocquelin fut maintenee Sc gar- ' dée dans fon état de fille légitime des fieur Sc dame Tocquelin, enjoint a eux de la regarder & traiter comme telle, Sec. Cette fentence 'fut enfin confirmée par arrêt du i7 juillet 1724.  ■ 287 * LE FRULT D'UN ADULTÈRE PEUT-IL ETRE LÉGITIME? X^E fieur Bouillerot de Fivante, maltre ' d'hótel de madame la ducheffe d'Ori Uans , avoit époufé Marie - Anne de , Laune. Ils vècurent long-tems enfem! ble , en bonne intelligence, Sc eurent ( plufieurs enfants de leur mariage. Ils i acbetèrent la terre desTaboureaux, ou ils paflbient une grande partie de 1'année. Le mari, fous prétexte de quelques infirmités , s'abftint de coucher avec fa femme. Celle-ci, de fon cóté, commenca a fe relacher de la retentie dont elle avoit, jufqu'alors, fait pro! feiïion. Elle fit connoiffance, & il paroit qu'elle forma une liaifon iutime aveclefieut Quinquel, fieur de la VieilleFerté, qui avoit fa terre dans le voil finage. Le fieur de Fivante vint a Paris, en 1690 , pour fervir fon quartier. Sa femme devint enceinte pendant fon abfence. Elle prit foin de cacher fa grolfeife} Sc fon mari s'étarit trouvé  a88 Le fruit cTun adultère abfentau mois de février i69j elle accoucha fecréremenc dun enfant male lans aucun fecours, & fans autre témoin qu'une femme-de-chambre & le leur Quinquel, qui ondoya l'enfant, & le fat mettre chez une nourrice. Le curé du lieu fut inftruit de la naiflance de eet enfant, & fe plaighit fi fort de ce qu'on ne 1'avoit pas bapnfe, qu il fallut le porter a 1'églife. Le bedeaufutfonparrein, & la nourrice iamarreine : il fuc nommé Mathurin% & infcrifc fur les regiftres, comme fils teMarit-AnntdcLaunc, fans aucune niention du père. Toute cette intrigue parvint , au niois de juillet iö9i, aux oreilles du fieur deV^ante; Sc, dans une plainte qu il rendit au Chatelet de Paris, il mk en fait que fa femme avoit poufle Ja debauche fi lom , qu'elle étoit accouchée, a fon infeu , d'un enfant qu'elle avoit concu des ceuvres du fieor QuinT quel. Sur cette plainte, il obtint un décret depnfe-de-corps, qu'il fit mettre ? ^ecution • & par fentence du Chatfelet, la femme fut déclarée atteinte Sc convamcue d'adultère , & comme telle condamnee a être renfermée, pendant deux ans, dans un convent, pendant lequel  -peut-il être légitime ? 289 i lequel tems fon mari pouvoit la voir «Sc j la reprendre, fi bon lui fembloit: finon, i Sc ledit tems paffe, elle feroit rafée Sc i gardée dans ledit couvent, le refte de fes j jours y a la charge que le fieur de Vi| vante paieroit fa penfion , a prendre , r| en premier lieu, fur les biens de fadire a femme , & fubfidiairement fur ceux \ duditd'e Vivante. En conféquence ladite | de Laune fut privée de fes dot, douaire I Sc priciput, droits de communauté Sc I conventions mattimoniales portées par i fon contrat de mariage, dont la jouif| fance fut attribuée au mari, Sc la pro- Ipriété aux enfanrs procréés d'elle Sc de fon mari. Le fieur Quïnquel fut con■ damné au bannilfemenr pour fix ans, I Sc en (jooo livres de réparations civiijj les. Cette fentence fut confirmée par i arrêt, a I'égard de la femme. Quant au i fieur Quïnquels il purgea la contumace; i Sc fut condamné fimplement , a être 1 admonefté en la chambre, & condamI né, pour tous dommages & intéréts, { aux dépens. Cependant la nourrice chargée de 1 1'enfanr fit afiigner, en 1692, le fieur de J' Vivante , pour qu'il eüt a le reprendre, ) Sc a lui paver fes nourritüres. Le fieur Tomé IX. N  290 Le fruit d'un adultère de Vivante ruit le fieur Quinqaèl e« i caufe, pour voir ordonner qu'il en de- • meureroit chargé, en vertu de 1'arrêt : qui 1'avoit eondamné comme coupable d'adultère avec fa femme a 1'occafion dela naiffance de eet enfant même. Pendant la conteftation , on nomma • un tuteur a l'enfant. Ce tuteur demanda que fon pupille fut maintenu & gardé en fa qualité d'enfant légitime, & dé- f claré fils du fieur de Vivante & de MarieAnne de Laune fa femme, étant népen- i l dant leur mariage. L'affaire fut évoquée aux Requêtes I du Palais, en vettu du committimus du 11 fieur de Vivante, & olaidée pendant I plufieurs audiences, en la feconde cham- j bre. Sur la queftion de la légitimité de penfant, les parties furent appointées \ &c il fut ordonné que, fur les biens de Ja mère de eet enfant, on préleveroit I yne penfion de 15 o liv. a fon profir. On interjetta appel au Parlement de I fette fentence, & 1'on demanda, par une requête , que la Cour évoquat le I Principal, pour le juger a 1'audience. M. Chrétien de la Moignon , fils de M. Ch ~etien-Francois de la Moignon t lors avocat-général & petit-fils du preffjipf préfident, dont j'ai parlé torn. 5 ,  peut-il être légitime ?" 291' I pag.. 110, fut chargé de la défenfe de I l'enfant. II dit que la fentence dont | étoit appel, ne pouvoit fe foutenir. Elle accordoit a 1'enlant une penfion fur les biens de fa mère. Mais elle n'en avoit plus , puifque 1'arrêt qui 1'avoit déclarée adultère, 1'en avoit dépouillée. Cette portion du jugement étoit donc illu: foire. L'appointement prononcé fur le furplus ne fembloit pas mieux fondé, puifqu'il étoit aifé de le juger a 1'au: dience, $c d'épargner, par conféquent ; aux parties, les frais d'une inftruétion {toujours trop longue, & toujours fort • couteuie. A moins cependant que la Cour ne crut de voir furfeoir le juge- I ment de l'état de l'enfant jufqu'au tems de fa majorité, en lui accordant une l penfion, pour fubfifter jufqu'a ce tems. Telle étoit la jurifprudence des Romains, Ils vouloient que la défenfe de ceux dont on conteftoit l'état ne füt pas confiée aux foins d'un tuteur x ou d'un curateur. La chofe étoir trop 1 importante, pour qu'on ne crut pas ; devoir attendre que la perfonne qu'elle mtérelfoit put faire valoir fes droits Iplle-même. Mais fi la Cour trouvoit a propos dc Nij  19 2" fruit d'un adultère juger le fond dès-a-préfent, il n'y avoit pas de difficulté de déclarer l'enfant ? fils légitime des fieur Sc dame de Vivante. 11 eft né pendant leut mariage; Sc cette circonftance fuffit pour établir fon droit, fuivant la maxime pater eji quem nupt'u demonflrant, qui forme une préfomption fi forte, qu'elle n'admet paint de preuve contraire. L'opinioa même des doéteurs, de Benedicli (i) entr'autres, eft que la dénégation du père , & la déclaration de la mère, que eet enfant eft d'un autre que du mari, ne nuiroit point a fon état; il fuffit, pour qu'il foit légitime, qu'il foit né pendant le mariage, quand même la mère feroit convaincue d'adultère. (i) On le nomrae quelquefojs Benediflus} rnais plus fouvent Beneditti. II étoit né a Cabors, & commenca a ctudier le droit a Touloufe en 1471. II fut d'abord profefleur dans 1'univerfué de Cahors. II fut confeiller au Parlenjent de Bordeaux ; enfuite en celui de Touloufe , qui Ie députa au Roi Louis XII. II paroit qu'il étoit mort en 1520. II a fait un commentaire fur le chapitre Raynutius aux déerétales, de tefiam. II commente chaqug mot, & traite toutes fortes de queftions , a la yérité av^c beaucoup d'érudition , mais fans ordre , de forte qu'on s'y perd j mai$ onpeut fe fauver a 1'aide de la table4 cjui eft gmple & bien faite,  peut-il être légitime' ? 293 Je ne répéterai point ici ce qui a été .dit, dans le tome V de ce recueil, a i'occaiion de la caufe de la belle Epicière, ou cette matière a été amplement traitée, pag. 234 &fuiv. 8c pag. 277 & fuiv. 11 faut feulement fe rappeller ici la diftin&ion qui y eft établie d'après les loix , 8c d'après la jurifprudence. Si la conception de l'enfant dont on difpute l'état eft antérieure a l'accufation d'adultère intentée par le mari contre fa femme,cette accufation ne préjudicie point a l'état de l'enfant, s'il n'ya d'autres circonftances qui prouvent évidemment que le man n'a pu avoir part a cette conception, foit paree qu'il, étoit abfent, foit paree qu'il étoit attaqué d'une maladie qui le privoit totalement de la faculté générative. Mais (i l'enfant n'a été con^u que depuis Taction en adultère intentée, 8c s'il n'y a point eu de réconciliation entre le mari & la femme, cette circonftance impofe filence a. la règle pater is eft, Sec. Sc la préfomption eft contre la légitimité de l'enfant. Or, dans le cas dont il s'agit ici, le fieur de Vivante étoit, il eft vrai, dans les entraves de fon quartier de fervice, quand l'enfant dont il s'agit fut con^u. NU;  2 9 4 cVun adultère Mais ce fervice ne Pattachoit pas relleinent, qu'il ne put quelquefois trouver le tems d'allerpalfer quelques moments aupres de fa femme. Quant a Ia fanté , il n'adminiftre aucune preuve de Pindifpofition qu'il prétend avoir mis obftacle au devoir mantal. On Pa toujours vu agir & faire toutes fes fonérions, comme un homme qui jouit d'une fanté entière. II ne peut donc fe prévaloir d'aucune des prefomptions qui peuvent faire celfer celle qui réfulte de la règle peter is ej?,8cc. II eft prouvé, i Ia vérité, & même rage que fa femme vivoit dans 1'adultère a l'époque de la conception de l'enfant. Mais il ignoroir ce défordre» & vivoit dans la plus grande union avec elle. Qui donc dirafi l'enfant provient du mari, ou de Padultère » Ils la i*cquentoient concurremment. C'eft ici le cas d'appliquer la maxime pater is *(i quem nupt'u demonftrant. Dans le doute, la loi tranche la difficulté, en affignant la paternité a celui auquel Phonnêteté publique & la tranquillité des famdles veulent qu'elle appartienne. On a beau alléguer, pour fouTemrla batardife de l'enfant, que Ie  peut-il être légitime f 2 ff j fieur Quïnquelfréquentoit eette femme, i dans le voifinage de laquelle il faifok { fa réfidênce, tandis que le mari étoit a Paris attaché au fervice de madame la ducheife d'Orléans; que cette fréquentation habituelle étoit prouvée par 1'information \ que cette preuve avoit fervi de bafe a 1'arrêt qui avoit prononcé fur ; 1'adultère \ que la mère avoit caché fa I grolfeffe, fon accouchement & l'enfant \ s qu'elle 1'avoit fait baptifer en fon nom I feulement, & avoit déclaré qu'il n'apparrenoit point a fon mari. Toutes ces i circonftances n'étoient pas fuftifantes I pour former une préfomption capable I de détruire ni même d'affoiblir celle qui I réfulte du mariage, a. 1'ombre duquet «, nailfent les enfants. Tous ceux qui vienI nent au monde fous les aufpices de eet I augufte facrement, font, par cela feul, a légitimes, a moins qu'il n'y ait des cirt conftances telles qu'il foit phyfiquei inent impoflible de préfumer la pateri nité du mari. Le fieur Quïnquel, de foncoté, fouteI iioit qu'il étoit extraordinaire que le fieur '| de Vivante prétendït le charger de nouri fit fes enfants. Que,fi fa femme s'étoit i abandonnée a plulieurs perfonnes, comme il s'en étoit plaint devant le lieuteNiv  1C)6 Le fruit cTun adultère criminel, c etoit fa faure, &c il devorr s'imputer de n'avoir pas mis plus d'ordre dans fa maifon. Mais il ne devoit pas ptoüter de fa négligence, pour fe fouftraire aux foins & a la dépenfe de 1'entretien & de 1'éducation de fes enfants. Acesraifonnements, ilajoutoit, en partie, ceux que 1'on. avoit mis en oeuvre pour la défenfe de l'enfant. Enfin, M. d'Agucflèau, avocat-général, dit qu'a la vérité la jurifprudence romaine vouloit que 1'on fufpendit Ie jugement d'une queftion d'état jufqu'a la majorité de celui auquel on le conteftoit, mais que cela ne s'obfervoit point en France; paree que, fi le mi- i neur, lors de fa majorité, prétendoir n'avoir pas été fuffifamment défendu , la voie de la requête-civile lui étoit on¬ verre. D'ailleurs il n'y avoit pas lieu de 1 préfumet qu'il füt dans le cas de recou- '; nr ace moyen, ne pouvant être déclaré autre chofe qu'enfant légitime. La pré- 1 fomptión en fa faveur eft trop forte, j pour être détruite par Ia dénégation du ' j^cic (x ia aeciaration de Ia mère. Ce I que dit le père ne peut faire de préjugé que quand il parle de fon fis. Grande I prajudicium offert confeffio patris pro fillo. L. i , §. uaff. de acauif,& al.  peut-il être légitime ? 2,97 überis. Enfin, il n'y a que deux caufes qui puiffent empêcher de croire que l'enfant qui natt pendant le manage eft légitime : la longue abfence- du mari, ou une maladie qui le privé de la f aculté d'engendrer. Si longa fit mand abfentia , vel valetudo, qux, generare impediat. L. 6, ff', de his qui funt fui} vel alieni juris ; ce qui ne fe rencontroit pas dans l'efpèce préfente : il n'y avoit ni abfence telle qu'il la faut pour établir une impoffibilité phylique, ni maladie prouvée qui puiffe faire croire que le mari étoit incapable de devenir père. Par arrêt du 15 juin , la fentence fut mife au néant; le piincipal évoqué , l'enfant maintenu <3c gardé dans la poffeffion de fon état, avec injon&ion au fieur de Vivante de le reconnoitre pour fon fils légitime; ri .•.,-;.,„. i i rornaines avoient fixé les degrés d'affiJ . » - "u«aities mariages entre ceus qm fe tiennent-paree lien, au premie* i .° ' - fcui voir aans la loi 4, Jf. de gradibus & affinibus. Après avoir expofé, dans le plus grand détail, tous les degrésd'afnW,. an nombre «.«^oi» cenu dont li s'agit ici voici comment elle s'exprime au §. 7] Hos uaque inter fe, qubd affmitatis causa parentum inter fe liberorumque loco habentur,- mairimonio copulari neJas eft. La loi 4, au code Théodofien «i? incedis nunrür r~~-.. . ' V fit „tf _ y-N. , . ' / ^iincue. « un doit regarder .„.v xi^cnueux, oit-eüe, celui qui. ff "y"riL uc ia remme,le permet « d epoufer la feeur de cette femme. Les *> enfants qui nailfent d'une telle al- ----- ru,cm clTe leguimes, m « avoir part i la fucceffion de leur » pere ». Tanquam inceftum commiferit habeatur qui , poft prloris conjugis amifJionem, fororem ejus in matrimonium proprium crediderit fortiendam . . . Ulo fin/- J,,/,;* :-./-. \ , ' ' ' uijciuiuro quod ex hoe nntubernio nee füii leghimi habebuntur,  après la mort de la femme. 309 nee in facris patris erunt, nee paternam, ut fui, fufcipient hareditatem. La même prohibition fe trouve dans le code de Juftinien, au titre de inceflis & inutiliius nuptüs , dans les loix 5 , 8 & 9, Enforte que les légiflateurs chrétiens tó'ont fait que confirmër ce qui aypit été ftatué par les païens. Quant aux décifions de 1'églife, elles Ifont en fi grand nombre, fi répétées dans. [tous les fiècles, qu'il faudroit un volume pour les tranferire. Le canon 1 8 du premier concile d'Orléans, le canon 4 . du quatrième concile de Paris, le canon i 11 du concile d'Autun, ceux de MayenI ce, de Vormes, de Reims, tous prononcent anatbême & interdiction contre celui qui époufe les deux fceurs. j Non liceat duas forores, alteram poft i alteram , in conjugium accipere. Les capitulaires de Charlemagne font conformes ! aces canons. Le légiflateur déclaré également ineeftueux celui qui abufe de la fille de fa femme , celui qui époufe I' les deux fceurs, celle qui époufe les deux ; frères, ou qui époufe fucceifivement le père 6i le fils (1). (1) Si quis viduam uxorem duxerit, & pojlea cum filiajlrd fud fornicatus fuerit, feu. 4uobus fororibus nupferït, aut fi qua duobus.  §10 Marage attaque Ies onze premiers Ciècles leglile, pn ne trouvera aucun exempl «qu'elle fe foir relaVk^ r.'.. .cc perionne n mnnrp n,^ U non du manage etoit portee jufqu'aul ucgLc uc coniangiunité, &} lulqu'au ctuarrièine d'affini^ r„ j;r- ' r j " UUU-i pline avoit meme étendu cette prohi4 -bition jufqu'au quatrième degré de lal fognation fpirituelle, qui eft celle quil r- ciitic un parrein cc unei marreine, d'une pan, & ceux dont ils tIPIinont 1«„ 1 IJ lca ciuancs ae iautre, cv: encore entre le parrein & la rilleule , & Ia marreine &c le filleul. Enforte que, comme dit faint Auguftin , faclum ttïam licitum propter visinitatem horrebatur ilüchis. On a même en hor. reur un acte qui eft permis, paree qu'il a quelque analogie avec un acte ilh> «te. De civit. Dei, lib. 5 , cap, 16. On pourroit citer cent exemples de Ia ferrnete des Papes,& du courage avec lequel les évêques ont réfifté aux follicitationsdes Rois Sc des Empereurs, au fujet de la conceffon des difpenfes de mariage, dans les cas même de fimple affinité fpirituelle, ou dans des fratnbus nupferit, fiu cum pain e> M0 3 taks copulutwnes anathemati^re. Capitul. lib t cap. #8, Balui torn. 1, p. 8j6 6- 857. '  après la mort de la femme. 311 j; degrés éloignés. Tel eft celui du roi \l Robert, hls de Hugues-Capet. II étoit jl rnarié dès 995 avec Berthe , veuve I &'Eudes, comte de Blois, L/an 998 , ■ Gregoire V déclaré ce mariage nul dans ; le concile de Rome, pour caufe de 4 parenté & d'affinité fpirituellle, Robert ■ ayant d'abord refufé de déférer au conj cile, fut excommunié, & fon royaume i 1 mis en interdit. On n'avoit encore tien 1 yu de femb'able en France : 1'excomr si munication fit un tel eftet, que Robert \ fe vit abandonné de tput le monde. I Deux feuls domeftiques lui reftèrent ; I mais ils avoient foin de purifier par le I feu tout ce qu'il avoit touché. Robert I effrayé de cette défettion, prit enfin le parti de renvoyer Berthe, i'an 998;^ ! fon premier mariage fut tellement ree gardé comme nul, que *, peu de tems e après, il époufa Confiance, fille de I Cuillaume Taille/er , comte de TouI loufe, la plus belle & 1'une des plus r méchantes femmes de fon fiècle. On en pourroit citer une infinitc I d'autres exemples. Mais il fufht d'obI ferver que le relachement qui s'étoit I introduit, depuis le douzième fiècle, fur le fair des difpenfes de mariage , : paroit avoir été arrêté par les canons du  212 Mariagre attaauê concile deTrente. Les canons 5 , 4 Sc: 5 de la feit. 14 confinnent la rédudtionïll J»c Aortrl* „„I f : ...... 1 »A. 1 *j.v.j vi^-gi^o qm njimuiciu les empecnements dirimants, tant a 1 esard de la cpnfanguinité, qua I'égard de 1'affi-nité. L'afrlnité a deux degrés; la confan- ■ guimte en a quatre. Mais, en même tems, on prononce que les difpenfes feront rares & gratuites; que jamais on n'en accordera du premier degré de confanguiniré ou d'affinité. A I'égard du fecond, on ne fe relachera qu'entre des princes purlfanrs, Sc pour le bien public. In fecundo verb gradu nunquam dtfpenfetur, nifi inter magnos principes, & propter caufam publicam. L'objet du concile a été de réparer les plaies que les trois on quatre fiècles précédents avoient faites a la pureté de la difcipline, Sc a 1'obfervance des anciennes régies. II fuit, de ces principes, que, fi Ie Pape avoit accordé au marquis^ Sailly une difpenfe du premier degré d'affinité, elle feroit vicieufe Sc abufive, comme contraire a la loi divine, a la loi naturelle & a la loi civile, aux décilions des conciles, Sc fpécialement a, celle du concile de Trente. Employons é  après la mort de la femme. 313 Employons encore un moyen très• prelfant. Une maxime des plus refpec- ] tables & des plus inviolables de notre ,\ droit, eft que le mariage étant compofé fldu facrement Sc du contrat civil, le ij conttat recoit Ion être Sc fa perfeciion dde la loi divine, & de 1'autorité du ïjmagiftrat. On anéantiroit 1'autorité (1 royale dans le prince Sc dans les déposjfitaires de fon pouvoir} fi on adoptoit jle langage des adulateurs de la cour de ctRome, qui ne donnent d'autres bornes ;ja la puiflahce du fouverain pontife, que Jfa volonté. Ainfi toute difpenfe qui pafle les Wimites du droit commun , qui blelfe la ijdifpofition des faints décrets , ou les iufages &c la police publique , doit être jlrejettée ,& ne peut produire aucun effet; la moins qu'elle ne foit confirmée par des lettres-patentes enregiftrées, Cet ^argument eft appuyé fur 1'art. 42 des ilibertés de 1'Eglife gallicane, Sc furie 2.x de l'ordonnance d'Orléans. Le Pape, difent nos libertés, ne peut dlfpenfer , pour quelque caufe que ce foit, rMe ce qui eft du droit divin & naturel, ni de ce qui eft défendu par les faints canons. \ L'ordonnance d'Orléans s'exprime iinfi: Defendons a tous juges de notre Torne IX. O  314. Mariage attaqué royaurne d avcir aucun egard . . . auxi„ difpenfes oclroyées contre les faints de¬ er ets & conriles ; d peine de privation de leurs offices . . . . & ne pourront les: impétrants de telles difpenfes s'en aider, , s'ils n'ont de nous congé & permiffton. On eft meme fondé a croire que le concile de Trente a placé les décretst dont on vient de parler, a la recommandation du roi de France. Voici 1'inftrucrion que Charles IX avoit fait donner a fes ambaffadeurs, Sc aux prélats qui devoient aififter au concile. Retineantur antiqui, aut novi confiituantur confanguinïtaüs, affinitatis & cognaïionïs fpiritualis gradus , intrd quos non liceat, obtentu cujusvis difpenfationis , matrimonium contrahere , nifl folis re- \ gibus & principibus 3 & propter bonurn publicum. Que 1'on conferve les anciens, que 1'on établiffe même de nouveaux degrés de confanguinité, d'arïinité Sc de cognarion fpirituelle ; qu'aucun de ] ceux qui fe trouveront liés par ces de-', grés n'en puilfe obtenir difpenfe,fi ce! n'eft lesrois & les princes, pour le bien public, Pour appliquer a notre efpèce, ces faiutes & fages loix , qui avoient été infpirées par le gouvernement a ceux cjui devoient repréfenter 1'églife de  après la mort de la femme. 31^ France dans un concile, il fuffit d'avoir démontré que la difpenfe du premier degré d'affinité eft contraire au droit divin, au droit natutel, & aux faints canons. Et ceux du concile de Trente font d'autant plus refpeétables ici, qu'il a ftatué d'après la demande du Roi. lUrégléles degrés de confanguinité, d'affinité & de cognation fpirituelle ; il a prononcé une exclufion abfolue de toute forte de difpenfe au premier degré de confanguinité & d'affinité: il ne la tolère, dans le fecond degré, nijï inter magnos principes, & propter publicam caufam. Donc toute autre difpenfe eft défendue par le concile même. Donc les canons ne permettent pas au Pape de faire graee( ce font les termes de Pare. 42 de nos libertés) lorfqu'il s'agit de difpenfer au premier degré d'affinité. En tout cas, le contratcivil eft dans la main du fouverain. L'ordonnance anéantittout 1'eftet de ces gracesodieufes, contraires a 1'ordre public, fi Pon n'a point obtenu le congé & la permijfwn du R'i. Or le marquis de Saïlly n'a obtenu aucune permiflion du Roi; il ne produit aucune lettre-patente, ni aucun titre, de quelque nature que ce foit, qui la. contienne. O ij  316 Mariage attaqué Les capitulaires de Charlemagne avoient déja, comme on 1'a vu, anathématifé ces alliances inceftueufes. Ainfi tout fe réunit pour profcrbe une difpenfe fi illégitime. La donation portee au contrat du prétendu mariage du marquis de Sailly doit donc être an- nullée , puifqu'elle n'a pour motif^ qu'une alliance qui n'a jamais pu exifter. Second moyen d'ahus. La difpenfe eft obreptice Sc fubreptice, en même rems. On commet 1'obreption , quand , pour difpofer le Pape a accorder plus facilement la grace qu'on lui demande, on lui expofe un fait faux : & la fubreption a lieu, lorfqu'on diftimule une vérité dont la connoiifance auroit pu empêcher le fouverain pontife d'admettre la fupplique. Or Peftet de chacun de ces deux vices, & a plus forte raifon de tous les deux, lorfqu'ils font réunis, eft d'annuller radicalement la difpenfe; enforte qu'elle ne peut jamais être d'aucune valeur. Quditet vel minima fuhreptio funditits gratiam ab initio annullat', ita ut nunquam pofted valere pojjit. C'eft ainfi que s'explique Dumoulïn Sc M. Louet ion commentateur, fur le nomb.  après la mort de la femme. 317 % de la règle de verïfimili notïtid. En effet, c'eft la bonne foi & la vérité qui font les fources uniques des graces, paree qu'elles feules peuvent déterminer la volonté du fupérieur , & Ie mettre en état de mefurer fon pouvoir, & d'en faire ufage. Si la grace eft accordée fur un ou plufieurs motifs déterminants, & tels qu'ils puiffent exciter la juftice a difpenfer de la règle générale , fi ces motifs font faux, le fupérieur eft trompé, & il a fait ce qu'il ne vouloit pas faire. II a difpenfé, paree qu'après 1'expofé qui lui a été mis fous les yeux, il a cru qu'il y avoit lieu a difpenfe. Mais eet expofé eft faux : il a donc accordé ce qu'il ne vouloit pas accorder, puifque fon confentement étoit conditionnel \ c'eft-a-dire, qu'il étoit fubotdonné a la vérité de 1'expofé. Si cette vérité ne fubfifte pas , comme elle eft 1'unique bafe de la grace, la grace ne peut pas fubfifter non plus. Auffi trouve-t-on dans toutes celles qui émanent de la cout de Rome, cette claufe : fi preces veritate nitantur, qui les annulle, fi elles ne font pas fondées fur la vérité. Mendax orator careat impetratis. Or ici, pour démontrer 1'obrepOiij  3lc* Mariage attaqué tjon. il ne faut que rapprocher les trots iupphques. Dans la première, du mois de novembre i679, le marquis de Aaüfy demande préciférnent la difpenfe du premier degré d'affinité , qui n'a pu le comwéter que par la confommarion du manage. Donc il reconnoit qu'il 1'a confommé : car le doute du banquier, an fatisfecerit debito matrimoniali, ne' peut jamais être .Ie doute du marquis, qu'on ne fcauroit foupeonner d'avoir la-deffus, une mémoire chancelante. Dans la feconde fupplique du 25 fevrier 1680, le banquier ne doute plus : i\ eft parfaitement éclairci; il demande la difpenfe au premier degré d'affinité. Cette venté eft confirmée par le certificat de 1'évêque de Noyon , qui a entendu, dit-il, des témoins dignes de foi. Le témoin le plus digne de croyance eftle marquis, qui, fans doute, n'a pas voulu tromper fon évêque. La confommarion du mariage eft donc un fait inconteftable : il a été allégiié dans les fix premiers mois qui ont fuivi immédiatement le mariale &la mort ÜAdrienne de Cre'aui; dans nn tems, par conféquent, ou la mémoire de ces événements étoit récente. On a fuivi le même plan, pendant plus de dix années. C'eft dans cette idée  ■ après la mort de la femme. 319 ( que le marquis de Sailly a fait u» , voyage a Rome, qu'il a agi, folhcite , ! &c employé fes proreéteurs. Tous les } faits qui ont fervi de prétexte a la^oifpenfe du premier degré d'honnetete j publique, font donc faux. En effet eni tr'autres caufes d'empêchement d'honnêteté publique , on compte le manage 1 contradté tk non confommé. Quoiqu'un tel matiage ne produife pas d'affinité , on a cru cependant que la pureté des mceurs & la décence devoient le faire prohiber, même en ce cas, entre lefurvivant, & les parents du défunr , jufqu'au quatrième degré. Mais fi le mariage a été confommé , ce n'eft plus d'honnêteté publique. feulement qu'il faut obtenir difpenfe j c'eft d'affinité : & fi 1'on fuppofe, dans la fupplique, que la femme eft morte intacte de la part de fon mari, Sc que la difpenie d'honnêteté publique foit accordée fur cette fuppofition, il eft évident qu'elle eft nulle. Or ici, c'eft le menfonge & Terreur qui ont donné 1'être k la grace ; elle eft, par conféquent, obreptvce & abufive. En effet, on a expofé a^Adrienne de Créqui n'avoit point confommé le ma1 ria?e : omninb intacla} & in nn'/o penitus b Oiv  3 20 Mariage attaqué «uentata• C'eft for ce fondement «Mi lePapeenpmta fofficial d'infomèrS ^ „s pai i mtornution 3 il apprend quil n'y a point eu de confommanon & par conféquenr point de p.emier degré d'affinité contract, ü 7\Z ^ dlWe dn premier degré d honnete publique. Voici les termes öu bier: Quod primi public* honefiaüs CwT* 1- £X Pr*m&s P'ovenientibus. Ceft-a-dire que, fi Pexpofé eft fidéle, ture! 9 difpenfe de Cette "a" On équivoqueroit en vain fur le mot 'Jfatte, qm feprouve dans le bref, ac ICrtll ex linn & „,. ....... i „ v«wfI/ ex fl/rero con anguinucus vel affinicaüs graduum mpeir™s difP^- H eftd'ufage&de ftyle dans tous les brefs & bulles de Jfpenfe qu'ou obtient en cour de «ome, d ajouter cette alternative : confangumnaus vel affinuacis. Mais ici, i objet princmal, celui par lequel commencela difpenfe, eft Iepemier de" é de;uftice&d'honnêtetépPublique.Etbe ZJrT Pi;éteXte de doute, a eet egard , c eft que le cas ju ,« deo[é j, f_ nctetc publique font incompatibles Le ^age eft confommé, olilne Pefl Pas: s il eft confommé, c'eft le cas de  après la mort de la femme. 3x1 la difpenfe d'affinité; s'il ne 1'eft pas, c'eft le cas de la difpenfe de 1'honnê- jteté publique. II faut conclure qu'après que le mar- jquis de Sailly a dit, dans les premiers tems, appuyé du témoignage de foü lévéque, qu'il étoit dans le cas du pre- Imier degré d'affinité, il a impofe aa Pape, quand il a dit, dans fa dernicre fupplique, qu'il étoit feulement dans le cas de la difpenfe d'honnêteté publi- I que. Celle.qu'il a obtenue eft donc évidemment nulle.^ Troifume moyen d'abus. Tous les vices qui peuvent infeóter | un acte, fe recontrent dans la fentence de fulmination de 1'official de Noyon. I Point de conclufions du promoteur: car | on ne peur pas donner ce nom a celui qui en a fait les fonftions. Ou eft fa commiffionj' Point d'information; car 1 on ne peut pas appeller ainfi une enquête informe, compofce de deux téi moins qui ne donnent pas Ia plus légere inftrucfion fur les faits contenus dans la fupplique. Quelle précipitation dans la procédure; on la voit commencer &c être terminée en cinq heures. L'official O v  3*2, ■ Maria oe attaqué ne fait feulement pas dépofer, dans fon grerfe, la commiffion qui lui étoit adrelfée, dont il étoit exécuteut, & qui doit être annexée aux minutes de la procédure, pour conftater le pouvoir en verru duquel il a agi. Mais il n'avoit garde de confïgner cette pièce dans un dépot; elle auroit été Ia preuve perpétuelle qu'il avoit palTe les bornes de fa miffion ; enforte que c'eft lui feul qui eft auteur de la difpenfe, puifqall a fuppofé au Pape «ne volonté qu'il n'afkit pas. Quel étoit le pouvoir de ce commiffaire ? II devoit informer s'il étoit vrai que le mariage n'eut pas été confommé, & pat conféquent s'il étoit vrai que les' impétrants n'euffent befoin que de la difpenfe du premier degré d'honnêteté publique. Quelle eft fa condition eftentielle que le Pape appofe ? II faut que les faits expofés foienr conformes a la vérité atteftée par des gens dignes de foi j fans quoi la difpenfe n'eft d'aucun ufage : Etjp, per Informationem eamdem, preces veritate niti repereris. L'official a trahi fon devoir; il n'a point rempli la condition eftentielle de fa commiffion ; il n'a entendu aücun témoin fur le fait de la confommation. Sa confciencè étoit chargée de cette  après la mort de la femme. 323 procedure erfentielle : fupei quo, dir le Pape , confeientiam mam oneramus. II ne fe débarraife point de cepoids; il méprife la loi écrite dans le bref, & difpenfe du premier degré d'affinité. Quatrième & dernier moyen d'abus. II ne pouvoit y avoir de mariage fans difpenfe. On vient de voir que la fulmination fourmille d'abus , Sc que la difpenfe eft nulle. Par conféquent, point d'acbe de célébration. Le curé marie le marquis de Saïlly avec Charlotte de Créqui, comme deux perfonnes libres : il ne fait mention , dans Pacte de célébration, ni de la difpenfe, ni de la fentence de fulmination, ni de la publication des bans. II n'y a eu que deux témoins de la célébration du mariage, quoique l'ordonnance de Blois en exige quatre, a pei'ne de nullité» Perfonne de la maifon de Créqui n'affifta a ce mariage : on avoir intérêt de dérober eet ouvrage de ténèbres aux. yeuxde la familie. Le marquis de Sailly avoit en fon pouvoir le bref & la fentence de fulmination , qu'il cachaavec grand foin. II vouloit rendre le myftère de fes démarches impénétrable. O vj  324 Mariage attaqué Le marquis de Sailiy répondoit que 3 la différence qui diftingue la confan- I guinité de 1'affinité eft fenfible L'em- ' pkhement qui réfulte de la confanguinité a fa fource dans la nature : celui j qui provient de 1'affinité n'eft fondé j que fur les bienféances, & fur 1'hon- i nêtété publique : les degrés d'affinité ne fout que des fiétions. Confanguinei jure \ naturall & intrinfeco conjuncli funt, af- \ ff nes y ab extrinfeco. Aufli la confanguinité forme un empcchement qui va jufqu'au quatrième degré; & celui qui nait de 1'affinité eft terminé au fecond degré. ^ On n'a jamais prétendu que le Pape put accorder une difpenfe au premier degré de confanguinité, ni en direéte f ni en collatérale; cependant il en accor- '\ de au premier degré d'affinké. C'eft enfin une erreur de penfer que 1'empêchement au premier de^ré d'af- " unitc ïoit ae ciroit divm & naturel.Le ccmre de Créqui a invoqué le lévitique. Mais il faut, dans le lévitique, diftingaer les précepres qu'on appelle levitua /uu.uaua, ue ceux qui lont fondés fur le droit naturel. II n'y a que ces derniers dont le Pape ne peut difpenfer. C'e-ft 1'obfervation de Fe'yret, liv. 5,  après la mort de la femme. 3 2 <} chap. 3 , n. 5 j & ü cire, a cette occafion, le dernier concile. Or on ne peut pas dire qu'un empêchement politique, qui tire fon origine d'une fidion, provienne du droit naturel. j _ Si même on a recoursau texte du lévitique , on n'y trouvera pas que le mariage avec les deux fceurs foit prohibé , fi ce n'eft quand elles font vivantes toutes les deux. Sororem uxoris tu& in pellicatuin non accipies; nee revclabis mrpitudinem ejus, adhuc 'dia. vivente. C'eft donc dans le droit pofitif uniquement qu'il faut chercher la fouice de 1'empcchement qui provient de 1'affinité au premier degré; & 1'on ne doure point que le Pape, qui ale pouvoir de lier Sz de délier, ne puiffe difpenfer de ce qui eft ordonné par le droit pofitif. La difpenfe eft appellée, relaxio juris communis, remocio obftaculi. C'eft une exception du droit commun; c'eft la deftrudion d'un obftacle. En un mot, comme dit Rcbuffe, de difpenfat. in grad. prohib. in primo gradu qffinitqüs datur difpenfatio; quia hoe impedimentum eft a. jure canonico invenutm. On difpenfe du premier degré d'affinité, paree que eet empêchement eft une invention du droit canonique. Ajoutons ï ces autorités, celle de M,  320 Mariage attaqué 1'avocat-général Bignon, portant la parole dans la caufe du mariage de Char- n ?arbrer > avoic éPoufé Barbe Barbter fa nièce. II y avoit eu difpenfe au fecond degré de confanguinité, & au premier degré d'affinité. Ce magiftrat repréfenta qu'a I'égard de la première difpenfe, le Pape avoit fes parnlans, qui foutenoient que fon pouvoir s'étendoit jufques-H ; & fes adver1-nres, qui lui difputoient cette faculte. Mais qu'a I'égard de 1'affinité, ou cognation fpirituelle , qui n'eft ni de droit divin, m de droit naturel, maisleulemenr établie par les conftitutions canomques, on ne peut douter que e Pape n'en puiffe difpenfer, comme d le neut faire a I'égard de tout ce qui eft de droit pofitif. L'arrêt, qui eft du i i décembre 1664, eft rapporté par Soejve ttom. 2, cent. ? ,chap. 29. Les exemples de ces fortes de difpenfes fon en fi grand nombre, que ceftuneecrange témérité de contefter aux Papes un droit dont ils font en Vu c j°n,?, d,epuis fi lo»g-^ms, comme chefs de I eghfe. On pourroit citer plulieurs exemples de fouverains dont les mariages ont été fondés fur de pareilles difpenfes. Si on oppofe que de reis mariages ne tirent point i conféquence  après la mort de la femme. 3 27 pour ceux des particuliers, on rcpondra que tous les hommes, a quelque dignité qu'ils foient élevés , font foumis i la même loi; que fi 1'empêchement du premier degré d'affinité étoit de droit divin, les plus grands feigneurs de la terre ne pourroient valablement en être difpenfés ; qu'un mariage ne peut être iicite pour un enfant de 1'églife, & prohibé pour 1'autre. Aufli les Papes n'ont jamais accordé de difpenfe, dans le premier degré de confanguinité, aux puifiances les plus éievées; mais feulement au premier degré d'affinité. Le droit divin ne fe ghe poinr, & ne conncit point de rang parmi les hommes. La confanguinité & 1'affinité ne fe réglent donc pas par les mêmes principes. Mais retranchons-nous dans un exempie qui a plus de rapport a notre efpèce. Charles de Créqui, maréchal de Prance , a époufé fucceffivement, en 1595 & 1623, Magdeleine de Bonne, &t Francoife de Bonne, fosurs, filles du ronnétable de Lefdiguières; tk Charles de Créqui, fecond du nom , fils du maréchal , a époufé Catherine de Bonne, fa tante. Oh comprend bien qu'ils ont obtenu des difpenfes du Pape.  3^8 Mariage attaqué En 1654, le fieur Saillant, médecin de Beauvais , époufa Antoinette Adriau, dont il eut plufieurs enfants. Après la mort de fa première femme , il époufa fa belle-fceur, dans des circonftances 011 il fembloit que tout dut s'oppofer a cette alliance. Jen rendrai compte après cette caufe. Ces difpenfes, au refte,ne font pas nouvelles; puifque le comte de Créqui eft convenu qu'elles étoient rares avant le onzième fiècle, 6c qu'elles font devenues fréquentes. Anéantira-t-il toutes celles qui ont été accordées, en pareil cas, depuis dix' fiècles ? Elles ont été conürmées par des arrêts de la Cour autant de fois que lbccafion s'en eft préfentée : fi elles n'euffent pas été obtenues, ou Helles euflent été annullées, plufieurs perfonnes illuftres ne iouiroientpas des biens & des honneurs qui ont appartenu a leurs ancêrres. Que devient 1'applkation qu'a voulu faire le comte de Créqui de 1'art. 42 des libertés de 1'Eglife galiicane, &c de 1'art. 22 de l'ordonnance d'Orléans ? i'empêchement du degré d'affiniré n'eft pomt de droit divin. Quoique nous ne connoiftïons pas, en France, dans le fouverain pontife, un pouvoir abfoiu  après la monde la femme. 329 & arbitraire, on ne s'eft point encore avifé de lui difputer le droit de difpenfer d'un empêchement qui n'eft que de bienféance &c de politique, & qui n'eft fondé que fur les loix humaines & les difpofitions canoniques: les conciles ne lui ont point oté ce pouvoir. Le comte de Créqui tire une induction de 1'art. n de l'ordonnance d'Orléans. Cet article, dit-il, fait défenfe aux iupes d'avoir aucun égard aux difpenfes accordées au préjudice des décrets des conciles, & déclaré que les impétrants ne pourront s'en fervir fans permiihon du Roi: les permiifions s'accordent par lettres-parentes enregiftrtes. Oü font les lettres - patentes du marquis de Sailly ? On répond que cet arricle ne con- \ cerne que les difpenfes accordées au fujet des provifions des bénéfces. Les termes : Défendons a tous juges , en ju- • geant le poffeffbire des bénèfices , de¬ voient bien prelerver ie comte ae créqui de 1'illufion qu'il a bien voulu fe faire ; puifqu'ils prouvent évidemment que l'article eft reufermé dans ce feul cas. S'il éroit vrai, d'aillcurs, que la difpenfe au premier degré d'affinité füt  33° Mariage attaqué contraire au droit divin & naturel lesl .. .... r-^„tC5 „e pourroienr lever um rel empêchement. Le droit divin eftl • , , ,"L« iCi pruuances : il n'a* jamais etc d ufage d'obtenir des lettres-1 patentes dans la matière dontil s'agit I en il n eft ni!»fli™ j. &, »1 p a ?ml,c ue anpenler dun empêchement qui provient dn droitcanonique»fl °» en obtenoit, elles leroient lurabondanres. . La difpenfe eft anaquée par 1'obrep«on. Le comte de Créqui accufe le marquis de Sailly d'avoir fait au Pape un expofecontraire i la vérité, Jorfqu'il a alkguc que le mariage n'avoit point été confommé; ce qui „e produit qu'un empêchement d'honnêteté publioue • II avoit pourtant befoin d'une difpenfe' au premier degré d'affinité; difpenfe qui auroit eté beaucoup plus difficile. penie nulle, paree que la vérité eft Ia condition efTcnti^l^ J»^ nv-sTgiaces au on acenrdf» ° On répond que le marquis d* .W/y n elt ni tiirifrr>nC^« ..: ... , ; . .'^"'u,a' canonute, m theologien. Tout ce qu'il fcait c'eft qu il a époufé Adrienne de Créqui qu'il n a point confommé le mariage, & qu'il H amfiexpofé au Pape. \\ n'a jamais  après la mort de la femme. 331 sjfait la diftinftion inter matrimonium \ratum, & matrimonium confummatum. [1 [1 n'a point feu fi la difpenfe étoit plus 1 difficile dans un cas, que dans 1'autre , ■! ni quel nom ces deux fortes de difpenfes 3 avoient. En tout cas, il a obtenu la dif: penfe, même en cas de confomma1 tion j puifque la grace eft accordée dans . le bref du Pape. Le mot affinité, qui y eft inféré , n'eft point de ftyle : il n'éroit point néceftaire d'ajourer que c'éi toit le premier degré d'affinité , ïlprès que le comte de Créqui avoit expofé quil demandoit a époufer fa bellefoEur. Vainement diroir-on que laconfommation fuit toujoutS de prés la célébra: tion ; qua la vérité Adrienne Eli\abeth de Créqui eft tombée malade peu de jours après la célébration; mais qu'avant la maladie dont elle eft décédée,le marquis de Sdilly a eu plus de tems qu'il ne lui falloit pour confommer le mariage;qu'en 1 679 , dans une première fupplique ,1e marquis de Sailly a demande une difpenfe au premier degré d'affinité, qui ne lui étoit néceftaire, qu'en fuppofant la confommation ; ce qui emporte une reconnoiftance de la confommation.' On convient qu'un amant 6c une è  312, Mariap-e attanui roaltteOe qui deviennent époux, s'em-J k^upui orcinairement de le témoignerj leur amour. Mais rerr« vioa^;'ri «ai quelquefois arrêtée par des contre-rem J naturels. Toutes les nouvelles mariéesi pameers ne le livrent pas avec une egale faciliré, & plufieurs, foit par modeftie, foit pat d'autres raifons, reculent leur défaite. Mais il ne faut pas chercher bien lom la caufe qui a empêché la confommati»n du premier mariage du marquis de Sadly. 11 * expofé qn'Adrienne-Eli\abeth de Créqui omninb intacla fuit, & in mdio peniths attentata. Elle étoit languiflante; fa maladie s'eft déclarée peu de jours après; la mort a fnivi. Le comte de Créqui, pour foutenir .."T""" dum mjuneuie, que celle qu'il foutient ici, fera-t-il recevable a faire valoir une préfomption de confommation deftituée de toute preuve, & démentie par un fait pofitif, aliégué dans un tems non fufpeét? Les deux fuppliques du marquis de. Sailfy nefe contrarient point. Le doute du banquier n'eft d'aucune confidératjon, & n'eft point du fait du marquis de Sadly. On peut enfin demander le  après la mort de la femme. 33} plus, quand on n'a befoin que du hnoins. Toute la conféquence qu'on en pourIroit tirer, eft qu'en fuppofant la confommation , la difpenfe en auroit été accordée, comme on le prouve par la itaxe de la componende, qui eft de 2400 liv. * n Ou eft 1'obreption? Ou eft la fubreption ? Y a-t-il quelque contradi&ion entre le doute du banquier, & le fait po1 fitif que le mariage n'a point été cqn| fommé? L'obreption & la fubreption j font une fauffeté fuggérée Sc une vérité j Kcëéejaljitasfaggejta, tacita ventas. i 11 n'y a, dans la fupplique, rien de pareil. . 11 n'y a point d'abus dans 1 nomolo!] gatiöh & dans la fulmination du refi crit de cour de Rome. Vainement aci cufe-t-on l'official de Noyon de précipitation : la matière , n'étant pas con1 tentieufe , n'exigeoit aucun délai: ü ne , s'agiffoit que de vérifier les empéchements dont les parties avoiént obtenu I difpenfe, , . 11 y avoit trois faits a eclaircu. 1 . Les parties' avoient-elles expofé letir I vétitable degré de confanguinité ? On  334- Mariaa-p rttts,„,,t «e prétend point qu'ils fuffent plus prol 11C 1(JI1[ expoie : ainü a cet egard, il n'y a pas la moindre apl parence ae critique. z°. II fklloic véii*« Ie premier mariage avec AdrienneElpabcth de Créqui, fceur germaine de; Charlotte de. Cr黄; . o c. i. - _.»y„t. } . ^L ia connoil-4 iancede ce*ic étoit furabondante. Ill .vvui.iu»c a icavoir ii ie mariage n'avoit pas etc: confommé, comme le marquis de Sadly 1 avoit expofé. II a été interloge; il a parlé, dans un interrogatoire Je langage de la fupplique. Un plus ample ec airciffement étoit inutile ; d autant plus qu'en fuppofant la confommation , Ie Pape le difpenfoit précifement du degré d'affinité. Pour ce qui concerne le pouvoir de l oïhcial, il a fuivi littéralement ce qui etoit porté par le refcrit, en difpenfant du prem.ej. degré d'affinité, fans qu'il lut oblige dedémêler fi cette difpenfe etoit ablolument néceiTaire , ou fi elle n'avoit été que furabondante. En lln mot ,1'official, ayant fuivi les termes du refcrit, s'eft renfermé dans les bornes de Ion pouvoir. II eft aifé de répondre d la critique de Ia célébration du mariage. Si on n'y a point fait mention de la publication  après la mort de la femme. 335 Bes bans , ni de la difpenfe , on ne doit tas conclure qu il n'y a pas eu un ban ipublié , & qu'on a été difpenfe des deux kutres. Le curé attefte qu'il n'eft pas tdans l'ufage, & on le voit par fes reIgiftres, de rappeller les bans, dans les [actes de célébration. A I'égard de la difpenfe & de la fentence de fulmination, ne .fuffit-il pas que tout cela exifte? Le défaut de deux témoins, quand il produiroit une nullité, ne feroit-il ) pas couvert par la longue poffeffion des mariés ? D'ailleurs, la célébration a été 1 publique, puifqu'elle s'eft faire en pré3 fence des perfonnes les plus confidérables de la familie. Après avoir ainfi détruit les moyens \ d'abus oppofés par le comte de Créqui , 1! on 1'attaquoit lui-même par des fins de non-recevoir ; c'eft-a-dire, par des } moyens légitimes qui lui ótoient le | droit d'attaquer le mariage. Ce droit n'appartient qua ceux qui J ont puiflauce & autorité fur les conj tractants, tels que font les pères, mères | & autres afcendants. Ce droit même 1 n'eft bien fondé, en leurs perfonnes, 1 qu'autant qu'ils n'ont pas confeiaij , car, s'ils ont donné leur confentement.  3 3 6 Mariage attaqué ou dans le tems'du mariage , ou depuis qu'il a été conrrafté, la juftice cefte'c de les ecouter. Comme le droit det contefter les mariages eft un droit exorbitant, on ne demande pas même que» Ie pere ait confenti exprelTément lors* de Ia célébration; c'eft aflez qu'il ait' traite favorablemenr les enfants iflus; du manage ; ou donné i la perfonne: epoufeela qualité de femme de fon nis. On fe contente même de fon filence, quand, ayant connu le mariage il 1'a laiflé fubfifter long-tems, fan?s'en plaindre : on regarde ce filence comme une approbation ; & on refufe aux en* Jams lafaculté d'attaquer le mariage de leur frere. Si on pouvoit admettre les coliatéraux pour contefter le mariage, on concoit aifémenc que le moindre degré d'approbationfuffiroit pour les dépouiller de cette acf ion. Ici, on trouve, de la part du comte de Créqui, 1'approbation de la recherche, la quahré de marquife de Sailly donnée a Charlotte de Créqui; des contrats pafles avec Charlotte de Créqui en qualité d'époufe autorifée du fieur raar ' i donne qu aux peres, meres, tuteurs &é | (Curateürs; aceux, en un mot, qui tien-i j nent les manés fous leur puiftancei EV • A 1 1 til ncore, apres un certam age, le droit des pères &c mères s'éclipfe, comme celui du tuteur; &, ce qui eft encore plus prelfant, les pères & mères ne font j pas écoures lorfqu'ils réclament contre i le mariage d'un enfant mineur, après j Payoir, on ne dit pas approuvé, mais i fimplement reconnu & tolcré» En vaiij on s'écrie que Pabus eft urn  après la mort de la femme. 339 ijvice qu'aucun laps de tems ne couvre, jl&qu'aucun confentement, aucune apJprobation ne peut effacer. Ces grandes Imaximes auroient pu fe propofer avec Jfuccès par le miniftère-public, pendant Ique le mariage dont il s'agit iubfiftoir. IMais, dans la bouche du comte & de jla comtelfe de Créqui, elles ne font f d'aucune valeur, fur-tout après la diflbllution du mariage. Car, en ce cas, le Jcollatéral eft repoiuTé par deux fins de f non-recevoir. La première eft fa qualité de collatéral ^ & la feconde eft qu'il fe plaint d'un prétendu abus qui n'exifte plus, & qui ne 1'intérefle qu'indire&ement. Dela nait encore une autre fin de non-recevoir. On demande a. la comtelfe de Créqui fi le mariage dont elle fe plaint a porté quelque préjudice au feu comte de Créqui, ou a fes enfants; 011 ne trouve, dans fes écritures, qu'exclamations pathétiques fur la fainteté du facrement, & fur le facrilège d'un mariage inceftueux. Mais quel intérêt a-t-elle a venger le facrement ? En quoi la prétendue profanation &le prétendu facrilège ont-ils oftenfé fa fortune, fes biens, ou fa confcience ? On ne parle que de fa fortune 5c de Pij  34° Mariage attaqué Ces biens; car, pour fon honneur, c'ef Je comte lui-même qui Pa attaqué, el dénoncanr comme concubinage & com me incefte une union que tout le publiii regardoit comme un mariage régulief êc légitime.. Si la comtelfe de Créqui veut dire hl vérité, il faut qu'elle avoue que ce quii blelfoit fon mari, & ce qui blefle lés «nfants, ce n'eft pas le mariage, mais la donation portée par le contrat dei matiage. Elle fait bien fentir elle-même que c'eft-la 1'unique motif de fes démarches, quand elle dit, avec emphafe, que cette donation eft immenfe.: Ainfi le mafque eft levé; ce n'eft plus | la prétendue profanation, ni le prétendu j incefte q,ui a excité le zcle du comte de, i Créqui; c'eft un intérêt d'une autre: nature; c'eft un intérêt non-feulementi profane & fordide; mais indirect &: : éloigné. . Si Charlotte de Créqui n'avoit point! fait de donation , fon mariage auroit i éfé canonique; ce n'eft que cette fatale; 1 donation qui 1'a converti en concubi-- 1 nage & en incefte. L'intérêt de la com-- i telfe de Cré,ui eft étranger au mariage; [ tonfidéréen lui-même, & abftradtiopl ) faite des accelïoires. Pour avoir le droit: (  après la mort de lafcnft&e. 341 Jjd'attaquer & de combattre un mariage^ al faut avoir droit fur la perfonne qui ï'J'a contrafté, il faut avoir quelque iijïntérêt a fon état. Car, a I'égard de& Jpiens & de la difpofition qui en a été: |faite par le contrat de mariage, comme lelie ne touche point a 1'union facra«mentale des deux époux, elle eft indifférente, & par conféquent incapable de «former un intérêt légitime qui autorife |a répandre des nuages fur la validité dn «facrement. •I L'iutérêt qu'un feigneur haut-jufticier -Itrouveroit a faire déclarer batards les> Jenfants de fon jufticiable, ne le rensldroit pas partie capable pour débattre le almariage de leur père , quoique ce mailïiage déclaré nul ouvrit, a ce feigneur„ inne fucceflion a titre de déshérence. S'il y avoit un cas oü il füt permis aux collatéraux d'intenter une pareille aftion, ce feroit lorfqu'il y auroit des. enfants provenus d'un mariage clant^deftin, ou célébré fans forme ni folemjjjnité. Alors il s'agit d'empêcher des. jbatards de s'introduire dans la ligne, -1de déshonorer la familie, & d'enlever a. jijperpéruité le bien qui n'appartient qu'aa 1 vrai & légitime lignager. Eacore , dans •f ce cas-la même, les collatéraux qui ont Piij  342 ^fariage attaqué admis & approuvé ce mariage, ne font! pas en droit de 1'attaquer. La poftefïïonf puDiique , pendant un tems coniidéra-.l ble . eft un anridnrp fiiiï pn nr-,.ir\r les vices. Cette réflexion fournit encore nne< fin de non-recevoir, qui fe tire de tl connoiffance que le comte de Créqui & èue du mariage de Charlotte fa fceur I avec le marquis de Sailly j connoiffance: fuivie de mille approbations, réitérées: en mille occafions, fans mélange d'au— cune réclamation , ni proteftatioii contraire. N'eft-il pas, en effet, étrange de voir: aujourd'hui la comteffe de Créqui traiter: fa belle-fceur de concubine, d'incef— tueufe, après qu'en toutes rencontres-: -fon mari & die lont publiquement, Sc a la face de toute la terre , traitée Sc regardée, pendant vingt-quatre ans entiers, comme femme & légitime époufe du marquis de Sailly! Qu'a tel le fait, pour mériter que le tombeau ne fut pas un afyle pour fa mémoire ? Cette fin de non-recevoir en produit encore une autre. Le comte de Créqui ayant laifTe vivre Charlotte fa fceur en poffeffion paifible de fon mariage, il n'eft pas recevable a le combattte après  après la mort de la femme. ft mort de cette feur: k celle-ci n'eft pas feulement fondée fur les conhde-rations d'humanité & de rehgipn f om veulentque le fépulcre foit un aiy e inviolable contre toute recherche de \x Uie & des aétions des morts; elle eit encore fondée fur 1'indignité de la politique dont a ufc le comte de Créqui. II a vu le mariage dont il s'agit f ü # yu la donation qui en faifcit la principale condition ; il n'a cependant pas ole contefter le mariage pendant que fa fieur a vécu : car cette fceur pouvoit furvivre a fon mari ; alors la donation gtciit fans effet. Dans ce cas, il auroit etc dangereux de 1'avoir offenfée, paree qu'elle pouvoit le punir, en le pnvant de fon bien. Aufli, pendant qu'elle a vécu, le comte de Créqui a-t-il garde le plus profond filence fur fon prétendu ! incefte. Mais, quand elle eft motte, j quand elle ne pent plus ni pter, ni donner , c'eft alors que fes cendres i commencent a devenis. les cendres d'une inceftueufe. Que Pen juge h une accufaticn d'incefte, étpuffée pendant la vie par politique & par intérêt, peut j commencer après la mort de la prétendue coupable. f P iv  344 Mariage attaqué rr0a ^P%uo" , Pour Ie comte de Lnqm, qu il n'avoi,. point été informé duconttat dê mariage-que ni lui, „i aucun parem de la maifon de Créqui nl dZTl fig"ej°nne i'avoit point mis en/n rfinenCe d£S ^«^rchesfaites en cour de Rome pour obtenit la dif- !£:ViZïfamh^ «oit réguliere , & c eft uniquement fur cette préfomption qu'il a donné a fa fceur la qualité de marquife de Sailly. \\ „e Pe0r't(I"e/-lesapparenceS extérieure,. L erreurde Wtoit impénétrable par ies artifiees dont Ie marquis dfc J«L avoit enveloppé fes démarches. ^ ToirW$ ,ln'a 5roduit' nim*mefait vmi fon contrat de mariage autrement que nar exrran-. j>„.a- j° m„ „>„ -1 • -""-^ oe célébration "a ^a,mais F™'- Ia difpenfe eft toujours demeurfe dansfaVffeffion,& vu le jour qu'en i7l8- depuis le proces commencé. Or c'eft 1'infpeclion feule de ce bref qui pouyoit en faire connoftre la nulJire, öclartiflce mis en pratique Dour fromper le Pape. C'eft de ce SSuenient queréfultent les égarements dé 1 official deNoyon dans faTentence de fulminauon. Nulle prudence iuuname  après la mort de la femme. 34^ ine pouvoit dévoiler cette erreur, tant ij que le marquis de Sailly a tenu ce bref icaché. Mais, indépendamment de ces ré{ponfes, il eft de maxime que les fins de |non-recevoir ont toujours ére oppofées ifans fuccès, lorfqu'il y a abus, & que lla loi & 1'ordre public ont été violés. Rien ne peut couvrir l'abus , paree que kien ne peut déroger a 1'autorité du. jRoi, 3 1'intérêt de 1'églife lui a aucune fin de non-recevoir. L'abus kine fois formé eft imprefctiptible; plus ■ui vieillit, plus il eft abus, paree que. iles effers contraires a 1'ordre qui en rétfultent , fe mukiplient journellemenc Abufus perpetub & continuo gravat; adeoque ab eo in perpetuum appellatur.. fTellement que , ni 1'autorité des jugeiments, ni le conlentement privé des parties, ni la longueur du tems ne lui peuvent faire préjudice, dit Févret^ liv. 1, chap. 2 , n. 10. Abufus caufa dekerior, qub antiquior,. dit M. Louet y. de infir. n. 30. « Dans les chofes qui i» intéreftent la difciplinc de 1'églife , 35 ou les loix du royaüme , dit Chopin L de facrd polk. lib. 2, t'a. 6 , on a touï?v  34^ Mariage attaqué » jours la liberté d'appeller commei >■> d'abus, quelque fdence que 1'on ait: » gardé ; paree que 1'on ne peut pref- • s) crire contre la vérité ». Une infinité; d'arrêts ont confacré ces maximes; nosi livres en font pleins. Si, par quelques arrêts en petit nom-bre, on a déclaré des héritiers collaté- ■ raux, des pères & des mères même,, non - recevables dans 1'appel comme \ d'abus du mariage de leurs parents &c enfants; c'eft, en premier lieu , paree \ qu'il n'y avoit aucun doute fur la vali- ■ dité du mariage quant au facrement.. 2°. Que le conrrat, par rapport a la loi publique, faifois- feul la matière du doute. Des enfants nés fous la foi du mariage, exciroient la compaflion &c fubjuguoient le fuffrage du juge : une partie de la familie approuvoit leur état : la longue poffeflion de cet étar impofoit, en quelque forte,'filence a la loi. L'inaction des père ou Jmère, quelque apparence de réconciliatlon, fai- ■ fbient préfumer leur confentement X une alliance qu'ils atirolenr pu faire annuller. Voila les-cas oü 1'indulgence de la Cour a puni la trop longue inacf ion des parents.  après la mort de la femme. 347 Mais, dans Pefpèce du procés, on ne doit point avoir égard aux rins de nonrecevoir que 1'on propofe. En effet, le filence ne peut donner aucune force a. la difpenfe dans le cas de 1'incefte. C'eft la difpenfe qui a dü donner 1'être au. mariage , pour fauver 1'incefte ; & fi la difpenfe eft nulle, elle n'a pu produire le mariage. S'd n'y a point eu de mariage , le filence gardé fur une alliance criminelle n'a pu 1'ériger en manage. Il faut conclure, de ce qu'on a dit, qu'il n'y a ni facrement, ni contrat civil; par conféquent point de poffeflion d'état. Car, pour polféder un état, il faut que cet état ait pu exifter, & il ne peut y en avoir pour un homme qui époufe fa belle-fceur. La loi civile & la loi eccléfiaftique s'y oppofent également. Qu'opère donc Ie filence des parents? 11 ne peut fournir plus d'avantage que leur confentement formel. Or leur confentement n'empêcheroit ni l'abus, ni la profanation du facrement dans le cas d'une alliance inceftueufe : donc les fins de non-recevoir qu'on oppofe ne peuvent former aucun obftaclea 1'action du ccmte de Créqui: donc ces - exceptions font-mal imagmces.  Mariage attaqué Quant au fond, on foutenoit que les difpenfes de confanguinité &c d'affinité marchent d'un pas égal, quand elles font au premier degré, & le Pape ne peut pas plus difpenfer de 1'une, que de 1'autre. Mornac, fur la loi ai, au digefte, de ritu nuptiarum, rapporte deux arrêts qui ont déclaré abufives des difpenfes furprifes dans ies premiers degrés d'affinité. A I'égard des exemples , Ir 1'on retranche celui de Vaillant 3 il n'y en a pas un feul qui ne foit réduit au premier degré d'honnêteté publique. Tel eft celui de Henri VUL II fut prouvé junmquement que le prmce Anus n'avoit pas confommé le mariage. Tel eft celui du prince de Portugal j tel eft ce¬ lui des deux rois de Pologne : lept témoins du plus haut rang affirmeren t;, fur les évangiles, qu'il n'y- avoit point eu de confommation. Si le maréchal de Créqui époufa fucceffivement les deux filles du connétable de Lefdiguières, c'eft paree que Pamée mourut fubitement, en fortant de 1'églife. A I'égard de Vaillant, c'eft un exemple folitaire. II étoit allé a Rome; il y ayoit acquis un domicile,. par un  après la mort de la femme. 349 féjour de deux ans avec fa belle-fceur. Li le Pape le difpenfa, la il fut marie comme diocéfain du Pape: dn en impofa point au Pape : la fulmination fut régulière. 11 obtint enfuite des lettrespatentes confirmatives-, elles furent enregiftrées. Ainfi le facrement & le contrat civil furent confirmés par 1'arret qui éprouva cependant de grandes contradictions. Le marquis de Sailly croit-il qu on prendra pour un moyen fcneux lignorance dans laquelle il dit etre de la différence qui fe trouve entre matrimonium ratam, & matrimonium confummatum. Le ridicule qu'il cherche a ietter fur ces exprelfions de palais , ^ n'empèchera pas qu'elles n'aient une ficmification reëlle , & qu'elles n'expriment des choles qui doivent etre connuesdetous les cïtoyens quiviyent lous Pempire des loix. Cet empire s'etendiur tous les ordres ,tous les ordres Fui doivent Être foumis , & doivent le reïpecter, ainfi que les expreffions qu'emploient fes miniftres pour faire entendre fes oracles. , . D'ailleurs, fi le comte de Créqui avoit cru, jufqu'alors, que fa qualité le d-ifpenfoit de connoitre le langage-d.es  3 JO Mariage attaqué loix, quand il s'eft- troiJ< ^ d arcouiknces qui exigeoient qu'il\ e le faire eclairer par fon banquier; & lon ne preAimei.a pas qu'il ait négligé dele faire dans une circonffance aufli importante pour lui. Préfumerat-on aufli qu'étant W de rente ans feulement, 3 „e fe {o°m~ «e qu en idee avee Adrienne de Créqui qui etoit jeune & bien faire? Qui pou- toient5?^^1,1!"10" ^^uC toieut tous deux également, & dont leur anrour refpedif redoubloit leur denrsPLa maladie ne s'eft pas d'abord declaree; elle nefe fit fentir que quelq«es jours après. Ainfi elle eft morte non pas tntacTa, mais feulement abfaue conceptn prolis. J1 d'^T? de Ia comP°»ende,quifut dabord de 30000 liv. & enfuite réduit a-Mooo hv. prouve qu'il s'aghfbit d'une d lpenfe du premier degré d'affinité, dont le hen avoir - fo[m, £ confommation du mariage avec fa pre!' «femme. Car le taux de la Sfpenie pour le premier degré d'honnê^pubhquenemontepafacinqc^ Enfin, la qualité de collatéral n'a  après la mort de la femme. 3 <; r jamais formé , par elle-même, un mie d'excliüion en cette matière. La tol 13» au code de tïberali causd, décide que l'état d'un défunt ne peut être mis en queftion. Mais fi'on réclame des biens cu'ilapoflédés, qui fe trouventdans la fucceflion, & qui pourroient etre re^ cueillis par fes fils, alors ceux qui pretendent y avoir quelque droit, peuvent. aeiter la queftion de fon état, & demander une décifion folemnelbs Cette loi a été adoptée par 1'edit dn mois d'avril i695. L'art. 34 interdit. aux juges féculiers la connoiftance des matières purement fpirituelles; & leur enjoint même de les renvoyer.^' Si ce „ n'eft, yeft-il dit, qu'il n'y eut appel „ comme d'abus .... ou qu'il s'agit „ d'une fuccejjion , -ou autres eft ets , a „ l'occafion defquels on treiteroit de, „ l'état des perfonnes dicédées, ou de „ celui de leurs enfants ». Voici cequi fepratique coiiftamment acet égard. En matière d'appel comme d'abus , on diftingue les moyens Rappel abfolus, & ceux qui font relatifs. Les moyens d'abus abfolus , font •ceuxqui font fondés fur des difpcfitions irritantes de l'ordonnance; c'efta-dire , fur-des difpofitions qui pronon-  5^2, Mariage attaqué *V «"t la nuilitéabfolue du mariale dans a célébration-duqael onnaplVulJ les fbrmafités qu'elle a ordonnées. Ces moyens n'ont pas pour objet Pincet de quelques perfonnes en particulier : ils rendenr Ie inariage nul dans fon pri ! #;pe.Teleftle défaut de préfence du pioprecuré. r mWm°yende cette»«ure peut être popofc par tous ceux qui ont intérêt de le faire vaiou, par des bénriers colla, teraux contre Ie furvivant du man ou de la femme, qui veut exercer contre eux les conventions ftipulées dans le contrat de mariage. On fe fonde, pou 1 s pnver de leur bien, fur unacieVu "exifte pas,puifquil eft nul dans fo Pnncipe. Us ont donc ^ de |£a valoir cette nullité, puifque c'eft Ie feul -oyen dont ils puilfent/e défendre de luuuftice qu'on veut leur faire fup- Les moyens d'abus relatifs, font pas abfolue, mais feulement relative a une certaine perfonne. Ces moyens ne peuvent. etre objectés que par les perfonnes que les difpofnions de 1'ordonnance tranfgrellée regardenr. I ar exemple, quand un mineur s'eft  après la mogde la femme. 3 f j marie fans le confentement de fes père, mère , tuteur" ou curateur , l'abus ne peut être propofé & valablement releve que par les père, mère, tuteur ou curateur. On a cru devoir leur accorder^ le droit de venger lern: autorité méprifée; mais les collatéraux ne feroiené^pas recus a propofer cette objection , quia ejufrnodi nuUitas eorum refpeclu non fuit pronunciata. Or ici, la nullité dont il s'agit eft certainement une nullité de la première efpèce, une nullité , par conféquent, dont les collatéraux peuvent faire ufage avec fuccès: il s'agit d'un incefte. Eft-il moyen plus abfolu pour la nullité d'un mariage ? En eft-il qui le vicient davantage dans fon principe ? Enfin, pour la défenfe du marquis de Sailly, on avoit cité plufieurs arrêts, qu'on avoit ajufté le mieux qu'on avoit Pu, pour en faire des préjugés^en fa faveur. Celui qui paroiffoit lui être le plus favorable, avoit été rendu en la Grand'Chambre, le 13 mars 1680. Charles de Clèves avoit époufé , en fecondes noces, Jeanne Clement, mèce de fa première.femme. Après la mort de ce particulier, le nommé Ledoux,  3 ijl JWarrrrov *t*si*,-,,A fon parent & fon hfritier, i„ter;ett5 appel comme d'abus de.la célébration du mariage. Charles de Clèves, difok-il 1 ? >T!r C/?ment> aliiés au fecond degre dafbnité, fe fontmariés fans difpenle. Mais Ledoux avoit approuvé Ie manage ^ndant la'vie de Charles de Ueves, & meme depuis fa mort. M. de la Mo1Snon, avocat-générai, releva 1'affcmte & le défaut de difpenfe, & dit qu il y avoit abus; mais que 1'approbation donnee par Ledoux le rendoit nonrecevable a le propofer. Ce qui fut juge par 1'arrct, qui Je déclara non-recevable. Mais, dans cette efpèce, la bonne toi de parties étoit connue. Les parents des deux cotes furent préfents au contrat de mariage & a la célébration du facrement: iF n'y avoit nulle fraude pratiquce, nul titre recélé. Ici, au contraire, Ie comte de Créqui n'a eu aucune connoiuance des aétes qui ontprécédé accompaené & fuivi U - 5 j r r ■* * f^lcuuu ma- c ^ c,-fa,fa!Ur arec le "wrq"" ^ •W/v. Sil les a cru mariés, s'il s'eft comporte avec eux d'après cette idéé , c eft umquement fur la foi de leur déclaration , & fur ce qu'ils ont publiquement vecu comme" üels. Ce n'eft  après la mort de la femme. 3 5 % que quand la mort de Charlotte de Créqui lui a permis de jetter un regard critique fur les titres de cette uuion, qu'il en a connu l'abus, Sc qu'il s'eft plaint du tort qu'on vouloit lui faire a 1'ombre d'une co-habitation criminelle. Tant que fa fceur a vécu , il étoit dans la bonne foi; Sc n'imaginoit pas qu'elle put palfer fa vie dans une conjonction aufli criminelle. Il n'avoit d'aiUeurs aucun intérêt' qui le portat a pénétrer un myftère dont on lui fermoit tous les abords.Il n'aouvert les yeux que quand. il a eu lg droit de le faire, quand on a oppofé a fes droits fucceflifs une donation qu'il ne connoiflbit pas. \\ a voulu en voir le titre \ il 1'a trouyé vicieux & 1'a attaqué. Ce n'eft point la politique qui lui a fermé la bouche , tant que fa fceur a vécu; c'eft fon ignorance , Sc le défaut d'intérêt. Sa fceur étoit la maitrelfe, de fon vivant, d'ufer a fon gre de fes biens, de les partager avec qui elle jugeoit a propos; perfonne n'avoit le droit m de s'en informer, ni de la critiquer. Sa conduite n'eft donc autre chofe que la marche qui lui a été infpirée par la raifon „ par le droit Sc par la décence. Enfin, intervint arrêt, au Parlement  316 Mariage attaqué, &c. cePuISj]ei • 2 "encequx touche 1'appel comme d'a"bus delexecution du bref du 17 mal » ^9°, de la fentence de fulmination " du ^7 janvier, &acte de célébration - de .manage du i9 février i*<„ , fans "^arreter amc fins de non-recevoir, il «fot dit qu'il avoit étémal,nuhWnr & abufivement procédé, exécuté: Je *> manage Bat en conféquence déclaré » tÏÏcrét5^ ?T-^lement co" tradte & executc:le marquis de Sailly » condamne en tous les dépens ». * U eft evident que la difpenfe obte- nee & fubrept.ee. Sa première fupplique & e certifirar- A» i" * "7 m„„ t-ernncat de 1 eveque de Noyon annoncoient que le lztï&OQ jyoit «c confommé. II falloir donc une diWe d'affinité au premier degré & °brue <3u'au Premier deg . d honn.etete. Ayant donc époufé fur mP,^ k 7r o Sc ec01[r radica emen abufif- & c genre ^ abfolu, le comte vcmz cette forte d etude ; & il y fut confirmé dans Ie voyage que fon père lui fit faire avec lui en Angleterre oü Ie Roi lui avoit ordonné de fe rendre, pour acheter plufieurs méAaiïU. qui y étoient entre les mains de quelques curieux. De retour a. Paris, le jeune Vaillant fit f°n,COGrs de médecine ; &, pendant qu'il étoit fur les bancs, il compofa un Traité de la nature & de l'ufage du café 8c trouva encore des moments oour 1'etude de la bonne antiquité. II fut recu doébeur-régent de la faculté de Paris en i69i. En 1701, il fut admis a Pacadémie des infcriptions. II donna plufieurs diflertations curieufes fur des médailles. II compofa aufli une explieation de certains mots abréeés ou let-  3:6x Mariage entre le beau-frère tres iniriales, qui fe trouvent k 1'exer- . gue de pr'efque toutes les médailles d'or du bas-empire, au moins depuis Conftïintin , jufqu'a Leon l'Ifaurien, La mort avoit. prévenu le delfein que fon père avoit eu d'y travailler. Vaillant fils fit encore une differtation fur les dieux Cabires, par laquelle il termina fa carrière littéraire. 11 n'eut, pendant les deux ans qu'il furvécut a" fon pète, qu'une fanté fort dérangée. II mourut le 17 novembre 1708, dans fit quarante-quatrième année. Jean-Foi Vaillant époufa en 16-^ 4 ; dans la ville de Beauvais, Antoinette Adrian, De ce mariage, naquirent plufieurs enfants; entr'auttes trois filles. y • .4 1- •. r Antoinette aarian avoit une ïccur, nommée Louife. Adrian, qui fe laiffa aller a. commettre un incefte avec fon beaufrère, dont elle eut un enfant. Elle accoucha dans la propre maifon du fieur Vaillant, fous les yeux de fa fceur. Après la mort de fa femme, Vaillant enleva fa belle-foeur, pour lors encore mineure. Elle étoit fous la curatelle de Pantale'on Adrian fon frère aïné,qui rendit plainte, & obtint, en 1661, permiflion d'informer. II infor-*!  & la bzlle-fceur. 363 ma. Vaillant fut décrété de prife-decorps, Sc par fentence du 17 janvier 166}, Louife Adrian fut interdite de 1'aliénation de fes biens-immeubles , avec défenles a tous notaires d'en recevoir aucun acte. On informa de nouveau en 1668. Ces deux informations , difoit-on, étoient concluantes, & prouvoient la naiffance de l'enfant inceftueux, & les faits de 1'enlèvement. Cependant Vaillant Sc fa belle-fceur fe rendirent a Rome, & obtinrent, pour fe marier, une difpenfe du Pape, au premier degré d'affinité, fans que la fupplique contint d'autre caufe, que Peftime réciproque qu'ils avoient concue 1'un pour i'autre. En conféquence , ils furent mariés aRome même, le 15 janvier 1664. Ifaac Adrian, théologal de 1'églife deBeauvais, Sc Jean Adrian, curé de Góincourt, frèrês de Louife Adrian , touchés de 1'injure que la conduite de leur fceur avoit faite a leur familie, Pexhérédèrent, par leur teftamenr. Outre ces deux frères, qui n'avoient, Sc ne pouvöient avoir de poftérité , par leur érat, Louife Adrian avoit deux faeurs, Savanne Sc Nicole, qui, vivant dans le célibat, n'avoient point d'en-  3 64 Mariage entre le heau-frère fants. Quant a Pantaléon Adrian, il avoit époufé Marguerue Carré, dont il avoit eu deux filles : ainfi Louife Adrian étoit héritière préfomptive , four moitié, & fes deux nièces , pour autre, de fes deux frères eccléfiaftiques & de fes deux fisurs. Le euré de Goincotirt, non-content du teftament qu'il avoit fait, contenant 1'exheredation de la lcEur Louife, fit avec fes deux fixurs, Su^anne ScNico/e, une-donation mutuelle Sc réciproque de tous leurs biens; & v tous les trois enfemble, firent une feconde donation au pront des mies de fantaleon Adrian leur frère. Su^anne Sc Nicole fe firent enfuite carmélites i Amiens. Les teftateurs, les donateurs, en un snot tous les frères & fceurs de Louife Adrian étant décédés , les filles de Pantaléon fe mirent en devoir de recueillir le fruit des aétes faits en leur faveur. Louife Adrian prétendit que ces actes ayant pour motif la haine que leurs aujteurs avoient concue contre elle , a caufe de fon mariage avec le fieur Vaillant , qu'ils avoient prétendu être hiceftueux, devoient être déclarés nuls, puifque cette union étoit légitime \ Sc qu'aiiifi ces acbes ne devoient point  & la Belle- fceur: 36$ Pempècher de recueülir fa part dans lesfucceftions de fes frères & losurs. A cette prétention, les donaraires ©ppofoient, i°. que 1'exécurion de la difpenfe d'affinité au premier degré,, dont on ne produifoit qu'une copie, étoit abufive j & que, par une confé* quence néceftaire, le mariage de Louife Adrian avec le fieur Vaillant étoit nul & inceftueux. Donc le motif qu'on difoit avoir fervi de prétexte aux adtes contte lefquels on téclamoit,. étoit fondé. En cöuféquehce , les donarairesinterjettèrent appel comme d'abus de. ce prétendu mariage* 2°, Les teftaments d'Tfaac &c de Jean Adrian JSc les donations qui avoient été faites, ne pouvoient être valablement conteftés, tous ces a&es étant revêtus des formalités requifes par la loi, & contenant des difpofitions licites au profitde perfonnes favorables &c capables de les recevoir. Pendant ces conteftations, Louife Adrian vint a décédet; & laiffa quatre enfants de fon union avec le fieur Vaillant, du nombre defquels étoit JeanFrancois-Foi, dont j'ai parlé. Le père fut élu tuteur. Mais cette éleétion n'ëtoit pas Pouvragede la familie des Adrian ; fes. Qdj  3 6*6" Mariage entre le heau-frère propres amis, qu'il avoit convoqués, lui déférèrent cette qualité. H en fit ufage pour reprendre les conteftations pendantes; ik, fous prétexte que deux de fes enfants étoient nés a Rome , il obtint, au mois de décembre 1679, des lettres-patentes, par lefquelles le Roi confirmoit la difpenfe du Pape, voulant que les quatre enfants nes du mariage en queftion, fuffent tenus pour légitimes, fans que leur état put Être contefté ; qu'ils puffent lucccder a tous les droits de leurs père & mère, comme fi le mariage avoit été fait entre perfonnes non-alliées, & dans le royaume. Et a I'égard des deux enfants nés a Rome, le Roi vouloit* qu'ils fuffent ïiaturalifés , & tenus pour régnicoles, a Peffet de jouir de tous les privilèges attachés a la qualité de fujets du Roi. Enfin Sa Majefté confirmoir, en tant qu'il dépendoit d'elle, la difpenfe accordée par le Pape. Les filles Adrian formèrenr oppofition a Penregiftrement de ces lettres; & foutinrent que le Roi, qui n'entend jamais, par ces fortes de graces, faire aucun préjudice au droit d'autrui, n'avoit pas voulu donner atteinte aux donations faites au profit des appellantes j  & la helle--fieur. 367 & encore moins entendre confirmer une difpenfe au premier degré d'afiv nké, dont 1'exécution étoit abinive , contraire aux bonnes mceurs, aux loi-x civiles & canoniques, & aux ordonnances du royaume. Pour établir les deux-moyens fur leiquels devoi't porter le jugement dc la conteftation , on fe ptopofoit de demontier , i°.que la difpenfe dont on a enfin pris communication, eft fort fufpecte , & extraordinaire dans la forme en laquelle elle eft rapportée j # .que, quand elle feroit véritable, & expédiée de la manière en laquelle toutes les difpenfes de mariage s'expédient foit qu'il y ait componende, ou qn'u n'y en ait pas, 1'exécution en feroit abufive. t %°. Les exhérédations portees par les teftaments cVlfaac & Jean Adrjan, & les donations dont il a été parlé, ne peuvent être raifonnablement -contef.tées par les enfants incqftueux du fieur Vaillant. A I'égard de la difpenfe au premier degré d'affinité, fur laquelle le fieur Vaillant fonde uniquement fon droit, c'eft une pièce inutile, foit qu'on regarde la forme fous laquelle elle a éte  3^8 Manage entre hheau-frhe Ptefentee foit que Pon confidère Pexécution qu'on lui a donnée. Dans la forme, elle eft fufpecte tV ne peut paflèr que pour Peffet de la cof V^s un officier de 1'inquifition, qui\ tait parler Ie Pape. 4 Cela eft fi vrai, qu'on n'a ofé Ia préWr auyicaire-général de Rome/at r! , eColC pour en faire Cette préfomption fe fortifie mr h. par laffectation de ne point produire longinal de cette prétendue difpenf ? fok dli ï°n d°P^. q^iqu'eliè ^datee de x66y, vingtansiupa- La preuve que cette difpenfe eft leffetdelafubreptioii,s'érabLencoil a prde dejoindre, a la copie de cette di^enfe, un certificat de hrr.aire ex! p^itionna.re en cour de Rome,'fon i & fon banquier. On doit d'autant 2 ^°T-f0ia ««"ificar, qu'il attefte un fut contraire ala pratique  & la belle-fceur. 3 69 univerfelle de la cour de Rome. Toutes les difpenfes de mariage s'expédientalafecrétairerie des brefs,&non point a 1'inquifition. Enforte que, fi la conteftation pouvoit fe décider par des certihcats de banquiers en cour de Rome,ils certifieroient tous.que les difpenfes de mariage , en quelque degré qu'elles foient accordées ,. ne s'expédient jamais que par des brefs en par— chemin, fcellés en cire rouge fous 1'anneau du pêche.ur; & non fur une fimpls feuille de papier.. Auifi, lors de la communication de 1'original de la prétendue difpenfe du Sr Vaillant-, les appellantes firent remarquer a M. le rapporteur.que l'esécutions de cette difpenfe avoit été renvoyée au vicaire-général de Rome , pour la fuiminer, &c qu'elle ne 1'avoir poinr été , puifqu'on ne rapportoit aucun aóte de fulmination. Le rapporteur interpella le fieur. Vaillant de repondre a cette. objection. II dit qu'on ne lui avoit donné-autre chofe que ce. qu'il produifóit fi-tua récit fabuleux de la ma»ière. dont hl préteudoit avoir obtenu cette.difpenfei iit, pour donner un air. de vérité au certificat de. Lemaire , il ajouta 0.1,1e-les Qv.  3 70 Manage entre le beau-frère difpenfes qui s'expédient a. Rome » quand les parties font [préfentes , ne s'expédient pas par des brefs, mais en la forme en laquelle celle qu'il rapportoit avoit été expédiée j c'elt-a-dire, en vertu d'un décret de 1'inquifition ; & que Lemaire &c Corradus 1'avoient ainfi vu pratiquer dans les difpenfes au premier degré d'afnnité. 11 alla plus avant. II foutint qu'ayant demeuré plus d'un an a Rome, il y avoit acquis un domicile j & , que, par conféquent, fon mariage y avoit pu etre célébré, comme il 1'avoit été, fur une difpenfe dont la forme étoit en ufage dans le lieu ou il s'étoit marie. Mais , i°. cette difpenfe n'ayant point été fulminée par le vicaire-général de Rome, auquel elle étoit adrelfce; & le mariage dont il s'agit ayant été célébré fur une difpenfe au premier degré d'affinité fans aucune fulmination , il feroit nul, même a I'égard de deux Italiens, dont les difpenfes doivent être adrelfées aux ordinaires pour les fulminer, fuivant 1'avis de ce même Corradus , dont le fieur Vaillant a voulu fe prévaloir. i°. II n'avoit, a Rome , aucun domicile d'origine ni d'habitation, qui put  & la belle-fceur. 371 )l le difpenfer de faire fulminer fa pré1 tendue difpenfe a Beauvais. II étoit né ï Francois \ fon vrai, fon unique domij cile, &c celui de Louife Adrian étoient a 1 Beauvais, oü le fieur Vaillant, en par| tant pour aller a Rome, avoit lailfé fes a domeftiques, & les trois filles qu'il avoit i eues d'Antoinette Adrian. Le féjour que ces deux inceftueux | ont fait a Rome n'ayant eu , pour obI jet, que de folliciter une difpenfe, S dans la penfée de retourner , auffi-tót j qu'ils 1'auroient obtenue, a Beauvais , I oü étoit leur domicile, eft le même j que celui des perfonnes de province , I qui viennent aParis, pour folliciter le > jugement de leurs procés. Ils n'y acquiè1 rent point de domicile, quoiqu'ils y 1 demeurent un an & plus , a caufe du ij delfein qu'ils ont de retourner chez eux, | après la décifion du procés. Pour s!affurer que le fieur Vaillant i avoit delfein de revenir en Frauce , I quand il partit pour Rome, il ne faut s que lire fes propres écritures, dans lef;j quelles il expofe qu'il partit de Beauvais avec Louife Adrian, en i66x, pour 'i aller demander au Pape une difpenfe I au premier degré d'afhniré, fondée fur I 1'eftime réciproque qu'ils avoienr connue I .Qvj  372 Mariage entre le beau-frere 1'un pour 1'autre; qu'ils obtinrent cette difpenfe au mois de décembre 1663, que leur mariage fut célébré le 15 janvier 1664, un mois après, & qu'au mois d'avril fuivant, ils revinrent a Beauvais.. Le motifde leur mariage, Iapenfée de folliciter en perfonne leur difpenfe-, llefpfit de revenir en France, leur retour auffi-tót que leur mariage eut été célébré a.Rome, toutes. ces. circonftanr ces font voir que Vaillant Sc Louifs Adrian n'ont point changé le domicile qu'ils avoient a Beauvais. 30. La diftipcfion que Vaillant veut établir entre ceux qui font folliciter les difpenfes par des banquiers, & ceux qui les follicitem en perfonne, n'a aucun fondement. En effet, fi cette prérention avoit lieu, Sc fi le Pape difpenfoit aux premiers degrés de paren té &• d'affinité gratuitement en faveur de ceux qui iroient a Rome folliciter leurs difpenfes , il en arriveroit deux grands inconvénients ; le premier que les mariages au premier Sc fecond degré de parente & d'affinité feroient fort communs eu. France. Le fecond, que cetr appas donneroit occafion aux Francois d'aller fouvent a Rome, Sc dc:  & la Betfe-fceur. 373. .faire revivre infenfiblemeiit les entre'prifes de la cour de Rome, qu'on a eu tant de peine a réprimer. ^ 4°. Corradus, fur 1'autonte duquel Lemaire prétend fonder ce qu'il avance dans fon certificat, eft d'un avis tout oppofé, & décide que toutes les difpenfes de manage s'expédient, pour les I-taliens, & autres préfents ou abfents,. par des brefs adrelfés aux ordinaires. Dans fon livre intitulé praxis djf' pmfationum , loin d'enfeigner-que l'ufage des difpenfes au premier degre d'affinité, qui n'ont d'autre caufe que 1'eftime réciproque de deux inceftueux, étoit étabii de fon 'tems, il faitau contraire, marcher 1'affinité qui vient du melange du. fang , de pas égal avec la patente \ & afture qu'il faut une caufe raifonnable pour difpenfer, H qu'on ne s'y détermine, pour le fecond decrré, qu'entreles grands princes, ffc pour une caufe publique. II condamne donc, fans diftindion, routes les difpenfes au premier degré de parenté X d'affinité. Corradus va plus loin. Dans fon livre 7 , au-commencement du premier chapitre , il dit qu'autrefois les difpenfés s-accordoient en forme gracieufe, c'efta-dire , fans aucune commiffion adreffée  3 74 Mariage entre le beau-frère a perfonne pour faire la vérincation des fairs avances dans la fupplique; on en taiioit la preuve a Rome. Mais, dit-il cela a eté changé, & les déerets des conciles ont décidé que toutes les difpenfes feroient envoyées extra curiam homanam, aux ordinaires des lieux, W'inonntficaufu&pncibus verificatis tam demum apoftoücd automate difpenfarem. II ■ répète Ia même chofï aa chapitre z, iï.3i,3*, oü il ajoute : tamen f°rm« gratiofa hodiè regula- ■ riter non datur, prtfertim in difpenfauonibus m trimonialibus ; fed ad praP. cnptum concilii Tridentini, omnes difpenfationes expediuntur in formd comMfloria; ac propterek committuntur O'dinari0> ut, cognitd precum veritate, ai/p en/et. 5 Au chapitre 4, n. 10 clu même livre, H dit que pendant la vacance du fiège, ou la maladie de 1'ordmaire, les difpenfes font adrelfées di'évêque voihn: les difpenfes font expédiées felon la jualire des degrés dans lefquels elles Jont demandées; enforte que celles qui lont du trois au quatrième degré s'expédient per officium minoris gratie • fi ceft au troifième degré feulement, cancel/arium;8t,Ci elles font au fecond  & la belle-fceur. 375 degré, ou du premier au fecond, per prafecluram brevium, & fub annulo pijcatoris; & conclut que toutes les difpenfes', fans aucune diftiuclion , qui ne font pas expédiées par un bref fous Fanneau du pêcheur , doivent être rejettées comme furprifes ou faufles. Si prater diclum Jiylum ac morem & obfervantiam Romana curLt cxpediuntur , tanquam fufpecla defalfo erunt rejicienda. II eft donc démontré que Corradus , fur 1'autorité duquel Lemaire a voulu appuyer le certificat qu'il a donné qu vendu au fieur Vaillant, n'eft pas d'avis que les difpenfes s'accordent aux Italiens, ou a ceux qui font en cour de Rome, au premier , ou autre degré d'affinité, par un décret de 1'inqiufition. II penfe, au contraire, que les difpenfes de mariage ne font que des mandements , des commifiions adreffées aux ordinaires des impétrants, pour difpenfer. Mais, quand il n'y auroit pas autant de raifons qu'il y en a , de croire que la difpenfe en queftion a été furprifei la facilité, ou a 1'avarke d'un officier de 1'inquifition, qui a fait parler le Pape a fon infcu, 1'exécution en feroit toujours abufive parmi nous.  37<* Mariage entre le beau-frère- Le mariage de Vaillant avec fa bellefceur eft infedé de fept moyens d'abus. r°. La difpenfe qui en fait la bafe procédé d'un décret de 1'inquifition, que nous ne reconnoiffons point en France. D'ailleurs, comme on vient de le voir, il n'eft pas dans la forme ufiré* en cour de Rome; ainfi elle feroit nulle a Rome même. Cette prétendue difpenfe eftau premier degré d'afnnité,.& a été furprife dans des circonftances qui, feules , en opéreroient la nullité. II y avoit trois filles vivant.es nées du mariage du fieur Vaillant avec Antoinette Adrian, fceur germaine de Louife ; & pendant ce prer mier mariage, il y a eu un commerce mceftueux: ce fait eft juftifié par 1'infosmation de 1688,& par le rapt de fédudion de Louife Adrian , qui n'aurcit pas confenti » fon enlèvemenr, & ne feroit pas allee avec Vaillant a Rome-, folliciter une difpenfe au premier deg-oé d'affinité, fi, depuis long-tems, elle n'eut vécu avec lui dans une habituele criminelle.. Ces deux circonftances d'incefte 8c d'enfanrs encore vivants, rendent la dipenfe nulle & contraire a toutes les lfcix.ciyiles & canoniques, au refped dü  & la belle-foeur. 377 au facrement, aux bonnes mceurs,, i 1 nonnetete publique, öcc. 3°. La difpenfe eft obreptice. Les raifons qui ont détetminé a 1'accorder ne font pas exprimées. L'eftime réciproque qu'on allègue de la part des deux impétrants , ne fut jamais une caufe capable de porter le Pape a accorder une difpenfe au premier degré d'affinité. Si de pareilles raifons étoient écoutées, il n'y a point d'incefte que 1'on ne parvint a juftifier. 40. Certe difpenfe n'a été adreffée a aucun official du royaume, pour êtrè fulminée \ & elle auroit du 1'ètr* a 1'official de Beauvais. Louife Adrian & le .fieur: FaMlant*éto\ent regnicoles, & avoient leur domicile a Beauvais; 50. Ce mariage n'a pas été célébré par le propre curé; mais par le curé de . Saint-Laurent de la ville de Rome , qui n'éroit pas le paftenr de la paroiffe des parries, & qui célébra ce mariage, fans que la difpenfe au premier degré d'affinité eüt été fulminée par le vicairegénéral de Rome , auquel elle étoit adreffée pour la fclminer. 6°. La célébration de ce prétendu mariage a été faite au préjudice de l'accufation de rapt de. féduction, qui fa  "278 Mariaer*. />r>tr* L h**,, pourfuivoit i Beauvais contre Vaillant 1 contre lequel il y avoit décret de pnfe-1 s-i^ , icncence ü interdictlom tujure juouije Adrian. 7°. Louife Adrian, dans fes écriruress du ,6 juillet i677, a déclaré que fes; .^w^o ^«11 lorme oppolmon a Home 3>our «mpêcher 1'obtention de la difpenfe dont il S'2gir, & célébration de ion manage avec Vaillant, k Pape pafla outre , accorda la difpenfe, & ordonna la célébration du mariage.'Ce qui eft une véritable entreprife fur la junfdi&ion contentieufe, entreprife abuiïve. Les moyens d'abus étant expofés ious les yeux de la juftice, il eft facile d etabhr qu'une difpenfe d'affinité au premier degré eft réprouvee par les dé- . yy*, ^ 1C rap£ peat , diipenler du premier degré d'affinité, que du premier degré de parente. Vaillant prétend que 1'affinité n'eft autre chofe qu'une ficfion, & un empêchement de bienféance, comme étoit ladoption parmi les Romains. Mais que répondra-t-il aux ritres du droit canon, oü, quand il eft queftion des degres prohibés, on confond toujours ia parenté & 1'affinité: de confanguiiiuau  & la belle-four. 379 \& affinitate. Le canon Porrb j , de inceft. hupt, cauf. 3 5 , queft. $, y eft précis, & prononce même anathême contre ceux jqui penferoient autrement. Si, fecunMum divinatn fentendam, ego & uxor Xmeafumus una caro, profectb miki, & ilii \mea fuaque parentela propinquitatis una. ïefficitur. Quocircd ego & foror uxoris Xmea in uno primo gradu erimus ; &c. . . ► iQui verb aliorshm fen dunt', antechrifti lfunt,& quibus tantb fortius vos oportet icavere, quantb aperdus deprehcndids ïillos divinis legibus repugnare. On pourroit faire ici une longue lifte chronologique des conciles tenus en |France,qui ont défendu abfolument les )lmariages entre alliés au premier degré, (&c qui prouvent que 1'églife les a rouj jours eus en horreur, particulièrement i quand il y a eu incefte, ou des enfants ! du premier mariage. On a été jufqu'a douter fi un homme j quiaeu des enfants de fa femme, & l qui a commis un incefte fecrer avec fa , belle-fceur, ne perdoit pas le droit de : continuer de vivre maritalement avec i fa femme, & fi cette co-habitation ma- ritale n'eft pas un incefte. Mais on n'a s jamais mis en queftion fi le Pape pouvoit I."*' '' "*  380 Mariage entre le beau-frere permettre d'époufer la fceur d'une femme dont on a eu des enfants. Le pape Innocent III, qui a permis les mariages après le quatrième degré de parente & d'affinité, qui, auparavant, étoient reculés jufqu'au feptième degré, eut 1'indulgence, pour les juifs nquvellement convertis, d'accorder des difpenfes a ceux qui avoient époufé les veuves de leurs frères, fuivant la loi de Moife, qu'ils fuivoient a la lettte avant leur converfion. Mais il leur défendit d'en contraéter de pareilles après qu'ds auroient recu le baptême. Propter mfirmitatem genus ejufdem concedimus ut matrïmoniis contraclis cum rclicüsfr&trum utantur,fitarnen ,ftatïbus deceden■tibus fine prole, ut femen defunclï ,juxta legem Mofaïcam fujeitarent, cum talibus contraxerunt, ne tales fibi de catcro, pojlqudm ad Jidem venerint, co u/ent prohibentes. Cap. 9 , extra de divort. On paffoit enfuite a 1'examen des difpofitions du concile de Trente, des loix Romaines & des capitulaires donrj'ai beaucoup parlé a 1'occafion du mariage du marquis de Sailly. Quant a la jurifprudence, ouvrons Févret, il nous fournit, liv. 5, chap. ^, a- 3 , deux exemples qui font bien dé-  & la bdle-faur. 381 cififs contre Vaillant, quoiqu'il ait voulu tirer avantage du fecond, Cec auteur rapporte qu'un particulier voulant époufer la fceur d'une fille dont il avoit abufé fecrétement, & mettre fa confcience en süreté , s'adrelfa au pape Martin V, pour avoir difpenfe. Ce pontife ne voulut pas prendre certe décifion fur fon compte. 11 confulta -les plus fameux doóteurs de fon tems. Plufieurs furent d'avis que le Pape auroit pu difpenfer, fi le mariage eüt été contraété; mais qu'il ne pouvoit donner le pouvoir de le contraóter. Poterat difpenfare in cafu matrimonü jam contracli ; non poterat in cafu contrahendi, i *' Et la-defius, continue Févret, Anto« nin (1), dont il a tiré ce récit, ne dit (i) Saint Antonin, archevèque de FloI rence, naquit a Florence en 1389. II entra , flans 1'ordre des Jacobins a feize ans. La république de Florence 1'employa en plufieurs ambaffades, auprès des papes Nicolas V, Calixie III, & Pie 1% H étoit fcavant dans le droit canonique & civil, & dans 1'hinorre ! Cccléfiaftique. Eugène IVle nomina ,en 1446, 3 1'archevèché de Florence. II mourut le 2 mai 1459 , agé de foixante-neuf ou foixantedix ans. Airicn VI le canonifa en 1523.. II a écrit une Somme théclopque, Summa tktoLgica, une Somme hiftorique, Summa hijlo-.  382 Mariage entre le beau-frère n pas que la difpenfe fufdke eür étS » accordée par Marün Vt mais feules> ment que fiimpetrans obdnuit difipen»fadonem remanendi cum uxore cujus 1 » fororem prius carnaluer cognoverat, " 'lcL eJTe judicio relinquendum. Telle» ment qu'il ne confte point que la dif» penfe fufdite ait été accordée ». L'autte exemple, tité de Févret, concetne le célèbte d'Urfé, auteur du roman de 1'Aftrée (1). II époufa*£>/<™tf rica, en trois parties. Le dernier ouvr.ige remonte jufqu'au commencement du monde , & vient jufqu en 1459 > qui ft" 1'année de Ia mort de 1'auteur. C'eft une compilation faite fans choix, qui a cependant été imprimée plufieurs fois , ainfi que la Somme théologique , & une Somme de la confeffion , dont il eft pareillement 1'auteur. II a encore fait un écrit fur les difciples allant a Emmaüs, & un Traité des vertus. (1) Honoré d'Urfé, comte de ChateauNeuf, marquis de Valromey, naquit a Marfeille en 1567. II étoit fils de Jacques d'Urfé, & de Renée de Savoye, marquife de Baugé. La maifon d'Urfé étoit très-ancienne, & une des plus confidérables du Forez. Arnold, feigneur d'Urfé (terre qui a donné le nom at cette maifon ) vivoit en 1256; & 1'on fcait que les terres ne pouvoient alors être poffédées que par les vrais nobles; il n'y avoit point alors d'annoblis. Cette maifon a été éteinte dans Jofeph-Marie de Lafcaris d'Urfé, '  & la belk-fxur. 383 \de Chateau-Morand après fon frère aine. iMais ce mariage ne fe rit que quand iirlarquis d'Urfé & de Baugé, mort a Paris le 13 o&obre 1724, agé de foixante-douze ans. jiLes fubftitutions ont tranfmis fa fucceflion a iLouis-ChriJlophe de la Rochefoucauld, mar} quis de Langeac, petit-fils de la fceur du mar1 quis d'Urfé. Pour revenir a Honoré d'Urfé, il fut le Icinquième de fix fils, & frère de fix fceurs. 1 Après avoir fait fes etudes a Marfeille & a } Tournon , il fut envoyé a Malte , pour faire | fes caray'anpas. Mais le célibat n'étant pas de J fon goiit, il abdiqua 1'ordre avant d'avoir | prononcé fes vceux. Anne d'Urfé fon frère B avoit époufé, en 1574, Diane de Chevillac | de Chdteau - Morand , feule héritière de fa 1 maifon , qui étoit fort riche. Elle s'avifa , 1 après plus de vingt ans de mariage, de fe 1 plaindre de rimpuiifance- de fon mari; & le fit 1 déclarer nul. Anne d'Urfé {e fit eccléfiaftique, j fut chanoine & comte de Lyon , & prieur de | Montvetdun. On a divers ouvrages de fa 1 facton , entr'autres la Diane, en cent quarante 1 fonnets, & la Hiérofolyme imitie du poëme I duTafie. Diane d: Chateau-Monmd refta libre pen: dant quelques années. Honoré d'Urfé, frère b du mari dont on 1'avoit féparée, regrettant de I voir fortir de fa maifon les grands biens i qu'elle poffédoit, la détermina enfin de 1'époufer. Mais k-s deux époux ne vécurent pas I long-tems en bonne intelligence. Le mari fut J bientöt dégoüté par la malpropreté de fa femme , toujours environnèe de grands»  3O4 Mariage entre le beau-frère 1'ainé eüt été déclaré impuifTant. Ot Hmpiullance étant un empêchement diri- chiens , qui caufoient dans fa chambre , & menie dans fon lit, une faleté infuportable. D'ailleurs, d'Urfé avoit compté fur des enfants qui conferveroient, dans maifon, les biens de celle de Chtvïllac. Mais, au lieu d'enfants, fa femme ne mettoit, tous les ans , que des ruoles au monde. II fe retira en Piémont, oü il mena une vie tranquille & heureufe, & mourut a Ville-Franche en 1625-, agé de cinquante-huit ans. Ce fut vraifemblablement pendant fon féjour en Piémont, qu'il compofa le célèbre roman de l'Jftrée. Voulant faire valoir ua grand nombre de vers qu'il avoit compofés pour fes maitreffes , & raffembler en corps' plufieurs aventures amoureufes qui lui étoient arrivées, il s'avifa d'une invention très-agréable. II feignit que, dans le Foreft, il y avoit eu, du tems de nos premiers Rois, une troupe de bergers & de bergères qui habitoient les bords de la rivière du Lignon, & qui, affez accommodés des biens de la fortune , ne laifldient pas néanmoins, pour leur feul plaifir, de mener paitre eux-rr.êmes leurs troupeaux. Tous ces bergers & toutes ces bergères jouiflant d'un fort grand loifir, f amour ne tarda guère a les y venir troubler, & produifit une quantité d'évènements confidérables. D'Urfé y amena toutes fes aventures, parmi lefquelles il en mêla beaucoup d'autres , & enchaffa les vers dont j'ai parlé, qui, tout méchants qu'ils étoient, ne laifsérent pas d'être foufFerts, & de paffer a la faveur mant.  & la belle-foeur. 38^ mant il n'y avoit point eu de manage; par , conféquent point de confanguinité con- | de 1'art avec lequel il les mit en oeuvre. Car il foutint tout cela d'une narration également vive & fleurie, & de caradlères aufli flnement imaginés , qu'agréablement variés I & bien fuivis. II compofa ainfi fon roman , qui lui acquit beaucoup de répuration, & 1 fut fort eftimé de tous les gens de gour, j quoique la morale, qui ne prêche que 1'ajmour& la molleffe, en foit vicieufe, & a bleffc même quelquefois la pudeur. II en lit quatre volumes, qu'il intitula Afirée, du jnom de la plus belle de fes bergères. Après ij,fa mort, .5 Honoré, a former le fufdit object, j s> après avoir reconnu le fufdit mariage, \ j c vouetres-ingemeux, ont un fondement vérï- I 1 table dans l'hiftoire de 1'auteur, ou dans celle des galanteries de la cour de Henri IV. II s'eft dèguifé lui-même, fous les nom de \ Céladon 8f de Syïvandre, Mademoifelle de \ Chdteau-Morand, y eft fous les noms d'Aftrée • r (St de iJïane. Henri IV, fous celui du Grand I Enric ; Gabrielle Deftréts, fous celui de Daphniie, &c. Voyez les éclairciffements de A*, \ P Patru fur l'hiftoire del'Aftrée,&L la douzième * i differtation de M. Huet. La meilleure édi- j p tion de cet ouvrage eft celle de Paris 1753 , en dix volumes w-12, par 1'abbé Souchay. |" On a encore de d'Urfé un poé'me intitulé i1 Sirene s fk des épitres morajes.  & la belle-foeur. 387 » & paffe divers contrats avec leïdits i|» malies». On reprenoit enfuite les loix du léviItique, dont j'ai parlé dans la caufe précéidente \ Sc 1'on difoit, i°. que le mariage jayant été élevé a la dignité de facrement, lies arguments Sc les exemples que 1'on pouvoit tirer de ceux des juifs Sc des payens, ne peuvent être appliqués aux jrègles prefcrites par 1'églife pour la céléjbration des mariages des chrétiens. 20. La plus faine parrie des docjreurs font d'avis que le droit naturel Sc divin ne permettent pas d'époufer la Iveuve de fon frère \ Sc fe fondent entr'autres fur ce que le mari & la femme 'devenant une même chair, la femme ,de mon frère m'eft au même degré que rr on frère , & me ticnt lieu de fceur. Si, par le lévitique, il ne m'eft pas permis d'époufer la veuve de mon 011•cle, quïa caro patrui eft, il m'eft encore mioins permis d'époufer la veuve de ■mon frère, paree que mon frère m'eft plus proche d'un degré que mon onfcïe. Et cette conféquence eft d'autant plus jufte,que le lévitique en a fait une prohibirion expreffe aux chapitres 18 Sc 10. Uxoretn Jracres fui nullus accipiac, Rij  388 Mariage entre le beau-frère vel turpitudinem fratris tui non revelabisr , quia turpitudo fratris tui eft. II ne faut pas dire que cela fe doit entendre quand le frère eft encore vivant ; paree que, tant que le frère eft . vivant, fon frère ne peut jamais époufer fa femme. Ainfi, cette loi auroit été inutile; il y avoit une autte loi dans le lévitique & dans le décalogue qui défendoit 1'adultère. Si mitchatus quis juerit cum uxore alterius , morte moriatur, Après cette loi générale contre les adultères, quelle néceifité y auroit-il eu d'en faire une particuliere, pour défendre qu'un frère com nut adultère avec la femme de fon frère vivant ? II y a plus; les mêmes loix défendent d'époufer la femme de fon père, de fon oncle paternel & maternel, & de ion trere. (Ju eft la radon de diftinguer, Sc de dire qu'il faut entendre ces loix du frère vivant; Sc qu'il faut les entendre du père & de 1'oncie morts ? II eft certain qu'il n'y en a auciine. L'exemple d'He'rode repris par faint Jean, de ce qu'il vivoit avec la femme de fon frère, eft fameufe dans ces matières. On a prérenduque la réprimande 4e faint Jean étoit fondée fur ce que ce  & la belle-foeur. 389 •J prince avoit pris fa belle-foeur, fon 1 frère étant encore vivant. Mais faint ï Auguftin, faint Chryfoflome, & tous les y\ bons critiques, penfent que le précur\feur ne blame Hérode, que paree qu'il k avoir époufé la veuve de fon frère, qui x avoit une fdle vivante de fon premier I mariage. Mais, dit-on , il eft vrai que le lévi1 tique défend d'époufer la femme de j fon frère : turpitudinem uxoris fratris I tui ron revelabis, quia lurpitudo fratris i tui eft. Mais, ajoute-t-on , il s'explique ï d'une manière bien différente a I'égard I des deux fceurs. Sorores uxoris tua in i vellicatum iilius' non accipies, nee revelaI bis turpitudinem ejus adkuc illd vivente. 1 11 eft donc défendu, clans tous les cas, 1 d'approcher de la femme de fon frère : kt turpitudinem uxoris fratris tui non revei labis. Mais il n'eft défendu de s'unir I avec la fceur de fa femme, que pendant i que la femme eft encore vivante: adi hu: illd vivente. i°. Saint Baftle (1), dans fon épitre (1) Bafrfe naquit a Céfarée en Cappadoce, vers la fin de 329. II fi.it ami de faint Grégoire dc Na^ran^e. II s'attacha d'abord au ban cau. Mais, voulant fe livrer tout-a-faitils pénitence , il fe retira dans un defert ie la proR tij  39° Mariage entre le beau-frère aDiodore, foutient, au contraire, qu'il étoit défendu, par ce paffage du lévi-jj tique, d'époufer fucceifivement les deiixji foeurs; & prouve fa Denfép Pn rlif^J qu'il faut étendre, dans cet'te circonf-f| tance, ia prohibition d'un cas a 1'autre f &, comme il étoit défendu au mari par ia loi üe Moiie, d'avoir la fceur de : ïaremme pour concubine, il ne pouvoit aufli contrader mariage avec elle. 2°. Philoa le juif (i), au livre de vince du Pont, oü Emeüe fa mère, & Macrine '«voienr prececle. 11 fut élu.malgré lui, évêque de Céfarée , & rêfifla aüx iol icitations & aux msnaces de 1'einpereur , 4u. vvuiiu ïengager dans le parti des Anens. H mourut en 379. II étoit fort erand ma>s fort fee. II parloit fort lentement: & ion zele étoit toujours conduit par la prudence. On a une tres belle édition de fes osuvres, en trois volumes in-foho. On y trouve des homélies, des lettres, des commentaires.dcs traités de morale. Son ftyle eft eleve & majeftueux, fes raifonnements proronds , fon erudition vafte. On le comparoit aux plus célèbres orateurs de 1'antiquité, Of on peut le placerau nombre des pères de' rêghfe les plus éloquents. La plupart des momes osiemaux ont puifé leur réde dans les avis qu'il donnoit par lettres, pendant fa follmide , a faint Grégoire de Nananzt & a plufieurs autres. 1 ' (1) Philon étoit narifd'Alexandrie.dune  & la belle-fceur. 391 fpeciaübus legibus, dit d'abord , comme une chofe certaine, qu'il n'ctoit pas f.imille juive facerdotale. II fut chef de la cT putation ctue les juifs envoyèrent a Cah«i/^pour le juftifier auprès de ce pnnce , des accufations intentées contre eux par les Grecs d'Alexandrie. S'il ne rénffit pas dans fa négociation, les mémoires qu'il rton* a laiffés a ce fujet, prouvent nèanmoins qu il s'y comporta avec beaucoup d'efprit, de prudence & de courage. Nous avons de lm plufieurs autres ouvrages, prefque tous compofés fur 1'Ecriture fainte. Un des plus conmis eft fen livre fur la vie contemplative , fous ie nom de Thérapeutes,,óótot il écrit l'hiftoire édifiante. On a mal-a-propos cru qull entendoit, fens ce nom, les premiers chrêtiens : mais il ne parle que d'une fefle particuliere chez les Juifs, air» faifoient profenion d'une plus grande perfeétion , que celle des autres hommes. De cinq livres d'hiftcite qu'il avoit compotes fur les maux que les Juifs foaffrirent fous 1'empereur Cttius, il n'en eft refte que deux. II les fttt a Rome en plein fénat; L ils furent ft goutés, qu'on ie* fit meme dans la bibliothèque publique. Cet auteur écrivoit avec cbaleur. II eft plein de beli~s penfées:il s'étolt familiarifé avec les explications allégoriques & métaphoriques des Egyptiens. 11 a mérité le furnom de Plaion Juif. La meilleure édition de fes ceuvres, eft celle de Londres 1742. , deux volumes in-fol. Son traité de 1'atUifme & de la fuperftivicn a été traduit en Francois, & imprimé a Affifterdam 1740, in-40. R iv  39 * . Mariage entre le beau-frère Permis a un frère d'époufer k fceur de Plus permis i un homme d'époufer k pi re du lévitique, oü il eft dit que celui qui épqufe k femme de foufréTè fait une chofe illirir. ■ ^ / T ' raifnn i &' Par Ja meme wiion, celui qU1 époufe k keur de fa femme, qui lui eft au même de^ é faL «galement Une chofe llhcite Saint ^W;*, fuP Je ch • -od^d.quekloiquieftiriteda" les W 9 ' 116 regafeie Pas fe^ment es perfonnes qui y font nommées, mais toutes celles qui font au même deg Autrement elk contiendroit une ab- rïï J'T >aUt°ri/eroit^n crime hornble j pmfqu en défendant expreffément a^eau-pere d'époufer fa brï, mpU dmtm nurus tu« non revelabis s „uia «xorfilu tui eft, & „e défendant p s expreflément au gendre d'époufer P£ belle-mere , il s'en fuivroit qif'un homme pourroit ér>,-mf%r !„ j > > -r-—^ "itic aeia remCette loi ne ftatue donc pas pour les perfonnes qu'elk nomme expS ment; mais pour toutes celles qui font ^ meme degré. Enforte que k belk-  & la belle-fceur. 393 ïhère étant auffi proche au gendre, que la bru 1'eft au beau-père, il faut étendre la difpofition de cette loi, du beaupère au gendre j & pat une conféquence néceifaire , a tous les autres cas femblables. La même loi qui défend exprefféfnent au frère d'époufer la veuve de fon frère, défend implicitement au mari qui furvtt fa femme d'en époufer la fceur. Quia, ficutfrater jratris, ha foror fororis caro & turpitudo efl; ita ut tam uxori qudm tnaritO hötc ratio communis fit. Vaillant, outre les moyens que 1 on vient de réfuter, oppofoit deux fins de non-recevoir. La première fe tiroit de la qualité de collatéraux dont fes parties adverfes étoient revêtues. Cette prétendue fin de non-recevoir a été traitée dans la caufe précédenten j'y renvoie le lecteur. La feconde fin de non-recèvoir réfultoit de deux actes. L'un étoit une lettre écrite par Ifaac Adrian a fon frère Pantaléon Adrian, père des appellantes , par laquelle il avoit approuvé le mariage de Louife Adrian avec Vail- ■ lam, puifqu'il lui marquoit qu'on pou- * voit les lailfer aller enfemble. R v  394 Manage entre le beau-frère . ^conde pièce étoit un acte du iet juiJet 1674, dans lequel Zowyê ^d/7*a avoit ptis la qualité de femme de Vaillant ;&c cet aéte avoit été figné, fans aucune réclamation , par Marguerite Ca/rd, mète,& alors tutrice des appellantes. Quant 1 la lettre, i* elle étoit adreffée i Pantaléon Adrian , leur père. Jdle devoit donc être entre leurs mains. & elle fe trouve dans celles de Vaillant, c'eft qu'il 1'a interceptée. II n'en peut donc tirer avantage j auttement il proiiteroit de fon dol. 1°. Cette lettre fait connonre qu7faac Adrian avoit confulté, en 1664 des perfonnes prévenues pat Vaillant. Mais, 1'affaire ayant été , depuis, folemnellement confukée, & les vices de la difpenfe ayant été te marqués , Ifaac Adrian ,'mieux inftrult, interjetta appel' d'une fentence renckje au Chateletje J3 juin i662, par laquelle on avoit donné ia qualité a Louife Adrian de femme de Vaillant, & foutiut que cette qualité devoit être rayée. Cette procédure étoit poftérieure de quatre ans a la lettre en queftion. 3 3°. La validité on l'abus de la difpenfe futprife par Vaillant ne dépend pomt de la facon de penfer d'Ifaac  & la belle-foeter. 395 Adrian; mais de 1'examen que la Cour doit faire de cette pièce, 6c des fuites qu'elle a eues. Quant a l'a&e de 1674, quoique la fignature de la mère & tutrice des appellantes, ne foit pas, a beaucoup prés, une ratifiqation du mariage de Vaillant, néanmoins, depuis leur émancipation , elles ont obtenu , en tant que de befoin , des lettres de refcilion contre cet acte , fondées fur ce que leur tutrice n'a pu leur potter préjudice, enfignant, pendant leur minorité, un acbe dont le fieur Vaillant prétend tirer avantage, pour attaquer les droits qui leur font acquis par les titres dont il eft tems de parler. Les enfants inceftueux du fieur Vaillant ne font pas en droit de contefter les teftaments d'Ifaac & de Jean Adrian , ni la donation mutuelle faite entre Jean, Nicole & Su^anne. II faudroit que leur état fut fixé, Sc que la Cour eüt confirmé, en leur faveur, une difpenfe au premier degré d'affinité:, accompagnée de circonftances qui doivent la rendre odieufe : il y a, on ne peut uop le rappeller, trois enfants vivants du premier mariage du fi«ut Vaillant, & il a vécu dans 1'incefte R vj  3 9 6 Mariage entre le beau-jrère avec la 'fceur de fa femme encore vir , vante, mère de ces enfants. Mais, quand ce mariage feroit confitmé, non-obftant tous les vices monfttueux dont il eft infecté, le fieur Vaillant , en fa qualité de tuteur des enfants du fecond lit, feroit mal-foncjé a critiquer ces actes. II dit que 1'exliérédation de Louife Adrian, prononcée par les teftaments d'Ifaac Sc Jean fes oncles, eft nulle, paree que le motif de cetre exhérédation n'en eft pas exprimé; ou que du moins il y eft exprimé d'une facon fi vague , qu'elle n'offre rien de pofitif. Mais , i°. lfaac a dit expreifément qu'il exhérédoit Louife Adrian pour caufe de fes mauvais déportemenrs. II n'avoit pas befoin , pour fe faire entendre , d'en dire davantage. Ces déportements n'étoient que trop publics Sc trop connus. Elle avoit, par la publicité de fa vie fcandaieufe, fair une injurefi attoce a fa familie, qu'elle en devoit être retrauchée par 1'indignité qu'elle avoit encourue. fal!oit-il donc qu'un prêtre, un doóteur de Sorbonne, un théologal détaillit les circonftances. des débauclies inceftueufes de fa fceur? Quant a Jean Adrian,curé de Goin-  & la belle-fceur. 397 'coutt,on voit, il eft vrai, qu'il avoit rayé, dans ion teftarnent, la claufe d'exhérédation j mais il a mis une apoftille en marge, écrite de fa main, par laquelle il déclaré que la difpofition eft bonne, non - obftanr la rature. Ce changement juftifie qu'il n'a rien fait qu'après y avoir muremenr penfé. D'ailleurs, la prohibition portee par les loix d'exhéréder les enfants fans caufe, ne regarde que les pères & les mères, & nullemenr les collatéraux, auxquels on ne peut obje&er ni la prétérition, ni 1'inofticiofité. Enfin, les teftaments dont il s'agit font faits par des perfonnes capables de refter; & font faits au profit de perfonnes favorables &c capables de recevoir. Quant a la donation , on 1'attaque par trois moyens. Elle n'a pas été infinuée au bailliage de Clermont, dahs 1'étendue düquel une p.-rtie des biens donnés fe trouve fituée. Elle eft donc nulle. Mais cerre objection eft fans fondement. On n'entrera pomt ici dans les détails topographiques qui furent mis, a cet égard, fous les yeux de la juftice, pour prouvê'r que les biens n'avoient  398 Mariage entre le beaufrèrt point leur afiïette dans le djflriót de Cl erin ont. Le fecond moyen étoit que cette donation n'avoit été faite qu'en haine du mariage du fieur Faillant avec Louife Adrian. Mais cette allégation eft contraire au motif énoncé dans Pafte même, oü il eft dit qu'elle a été faite en confidération de Parfeftion que les donateurs & les donataires fe portoient réciproquement. Si, fous un prétexte li futile , on donnoit atteinte a cette donation, il n'y auroit donc plus de moyen ouvert pour punir les frères & fceurs qui déshoBorent leurs families. Enfin, cette donation n'étoit pas entre-vifs, mais a caufe de mort, puifqu'elle avoit précédé, de fort peu de tems, Pentrée de Su^anne & de Nicoie Adrian. dans le noviciat des Carmelites d'Amiens. Mais, tant qu'elles n'ont point été engagées dans 1'état de religieufe, rien ne lioit la faculté qu'elles avoient de difpofer a leur gré, de leurs biens. Le fieur Vi'dlant répondoit que fon mariage avoit été paifible depuis 1664, jufqu'au commencement d€^6f^.Mar-  & la helle-fxur. 399 guerite Carré, veuve du fieur Pantaléon Adrian, étoit la feule qui 1'eüt attaqué par la voie de 1'appel comme d'abus. Le fieur Faillant, lors du procés que fa femme foutint a 1'occafion de Pinterdiótion prononcée contre elle au Chatelet, lui avoit donné, en qualité de mati, une procuration pour défendre leurs intéréts & leurs droits communs. Pendant tout le couis du procés, il n'y eut aucune ptoteftation eontte les qualités du mari & de la femme. Ce procés fut terminé par une tranfaéfion du 16 juillet 1670. Dans cet acbe , fion-feulement Margueriu Carré traita avec fa belle-fceur comme femme du fieur Faillant, mais elle. exigea une caution de Louife Adrian, femme Faillant, pour obliger fon mari a ratifier cette tranfacPion, lorfqit'il feroit revenu de fes voyages. Cette fin de non-recevoir étoit appuyée fur la conduite de Pantaléon Adrian, qui, depuis 1'interdicfion de fa fceur, jufqu'au jour oü il eft mort, avoit gardé le plus profond filence fur le mariage de cette fceur. II eft vrai que , pendant tout ce tems, il avoit joui, en qualité de curateur, du bien de i'interdite j & ce n'eft que quand elle a de-  400 Mariage entre le beau-frere mandé la reftitution des jouiffances & riu pnx dc fes meubles qu'on avoit vendus, que 1'on s'eftavifé de critiquer fon manage. Mais indépendamment de ces fins de non-recevoir, 1'appel étoit mal-fondé, * m) lf} aPP«yoitque fur des fairs faux ou alteres. Le premier moven d'abus que 1'on oppofe, eft q„e la difpenfe qui a fervi de bafe au mariage, eft émanée de 1'inqu.fition, dont les décrets nefont pas reconnus en France. Ce moyen, qui femble avoir fait dabord quelque impreffion , s'écarte d Ja fimple lecPure de la difpenfe, & du proces-verbal de fulmination. m. On y voit d'abord que Louife Adrian mftruite que Ja congrégarion du faint Urnce n eft point compétente pour accorder les difpenfes d'affinité au premier degré, s'eft adreffée au Pape luimeme, qui peut feul ocProyer ces fortes de graces. La fupplique rapportée dans Ia difpenfe s'exprime ainfi : Bea"f^ pacer, Lndovka Adrian, devoVfhma oratrix Sanclitati veftr* humilhme exponit, &e. On voit enfuite que ceft le Pape qui prefcrit lui-même les demarches néceffaires pour parvenir a-  & la bellf-foeur. 401 Pobtention de la grace qu'on lui demande : Tandem Sanclitas veftra jnbere dignata eft ut prmdiclus Joannes tutb in urbem veniret. Et c'eft au Pape uniquement, c'eft aux ordres émanés de lui directement, que 1'on obéit. Hic monitus de clementijftmo Sanclitatis veftra refcripto, iliicb mandatis paruit. C'eft enfuite au Pape que les deux fuppliants s'adreffent conjointement : Uterque ad bcatijfimit Sanclitatis veftra pedes pervolutus , pro dicia difpenfadonis gratid enixe fupplicat. Enfin , ce ne font point des commiffaires, ce n'eft point une congrégarion de cardinaux qui prononcent j c'eft le Pape : SancliJJïmus D. N. Alexander Papa feptimus, negocio mature difcufto, Oratoribus gratiam pedtam conce ffit, & executionem difveufationis cornmiftt eminendftimo cardhiali-vicario. II eft bien vrai que 1'inquifition eft entree pour quelque chofe dans cette opération. Quand les deux parties qui demandent une dipenfe font a Rome , le Pape renvoie leur fupplique a une congrégarion de cardinaux, tantót a 1'une, tantót a 1'autre, mais uniquement pour 1'examiner & en faire le rapport a faSainteté en perfonne. Quand le jugement déhnitif d'une affaire eft de  402 Mariage éntre le heau-frère la compétence de 1'inquifition, les cardinaux qui forment cette congrégarion s affemblent dans le palais deftiné pour ces affiemblées, délibèrent entr'eux, prononcent de leur propre autorité , & au nom de la congrégarion. Mais ici, ils le font aiTemblés devant le Pape, &c nont agi que comme commillaires, pour préparer, & non pour prononcer ie jugement. In congregatione S.R.E. & unïverjaüs inquifitionis habita in palach apojiolico Montis Quirinatis coram S . D. N. D. Alexandro divina provtdentid Papd feptimo. Enfuite c'eft le Pape qui prononce lui-même la grace : Sanmjjimus Dominus nofter Alexander Papa feptimus Oratoribus gratiam puitam concejjir. ^ En conféquence, le cardinal-vicaire, a qui la commiffion de cette difpenfe accordée par le Pape eft renvoyée, dit dans fon procés-verbal: Comparaverunt D. D. Foy Vaillant & Ludovica Adrian, qui expofuerunt & narraverunt , &c. quod a Sanétitate fua fub die fextd decembris 166} , gratiam difpenfationis receperunt; qui quldem Em. D. cardinalisvicarius, judex commiffarius pradlclus , fupra decreta emanata Sanótiffimi D. N. Papae , ed qu* decet reverentia accepit j  & la belle-foeur. 403 rldh & legit. Les décrets, comme 1'on voit, ne font pas émanés du faint office ou de 1'inquifition ; mais emanata S. D. N. Papa. Et s'il eft dit, en d'autres endroits, mediante facrd congregatione inquifitionis, ce n'eft que relativement a. 1'information qui lui avoit été confiée : negocio maturè difcufio, comme dit le Pape. Le fieur Faillant feroit bien malheureux fi, paree que le Pape a choifi une congrégarion de cardinaux , uniquement pour faire une information, cette précaution étoit un prétexte pour anéantir une grace qui eft émanée de 1'autorité légitime, &c revêtue de toutes les fermes ufitées a Rome en pareil cas. Mais il eft évident qu'elle eft exempte de tous les vices qu'on lui a reprocnés. Elle n'eft point émanée de l'inquifitionn c'eft le Pape qui 1'a accordée luimême. On s'eft beaucoup récrié fur ce que ce n'étoit pas le vicaire-général, auquel elle étoit adreffée, qui Pa fulminée ; & 1'on voit que c'eft le vicairegénéral qui Pa fulminée. Mais le Pape peut-il difpenfer au premier degré d'affinité? Cette difpenfe, dit-on, excède fon pouvoir, puifqu'elle eft contraire aux loix divines 6c humai-;  404 Manage entre le beau-frère «es, a la difpofition des coneileT au conale de Trente entr'autresqui ne n1a?si!mprVe^fanSd0Ut"f4am: Panes d ' j ,fera volr 9ue les fitif. U1UU£UVW, & du droit poLes patriarches, qui vivoient fous ia tems, en relation direcfe avee Dieu les deux 7 ^ T60'^^ Jes deux fceurs Zw & Rachel, Qm ::desd:coufinesFrmain-- ^ëS^fJ,n^e tems'&eneut ües enfants, defquels eft forti le peuple  & la belle-foeur. 40? chéri de Dieu (1). Thamar époufa fucceflivement deux fils de Juday fils de Jacob (z). Dieu ne réprouvoit donc pas ces fortesd'alliances \ autrementil 11'auroicpas manqué d'en avertir ces faints patriarches, dont il dirigeoit la conduite par les oracles qu'il leur annoneoit luimême. . Auffi voyons-nous que, quand il a jugé a propos de donner une loi écrite X fonpeupleal apromulgué, par labouche de Moïfe , dans le dix-huitième chapitre du lévitique, la lifte des perfonnes auxquelles il défend de s'allier par le mariage; & 1'on n'y voit aucune prohibition d'époufer les deux fceurs. II eft vrai qu'il défend d'époufer la femme de fon frère, lorfqu'il dit turpitudinem uxoris fratris tui non revelabis , quia. turpitudo fratris tui ». Sans entrer ici dans la queftion de fcavoir fi le frère d'Me'rode vivoit encore quand Herode prit fa femme , queftion fort agitée par les critiques , l'hiftoire nous apprend que les Papes n'ont pas regardé 1'affinité au premier degré en collarérale, comme un empêchement indiffoluble. Anus , roi d'Angleterre, avoit époufé Caeherine, fille  408 Manage entre le beau-frère de Ferdinand , roi d'Efpagne. Henri VIU, fon frère, lui fuccéda au tróne dAngleterre. Jule II lui donna difpenfe pour époufer fa belle-fceur, veuve de fon frère; & il Pépoufa. LouifeMarie de Gon^guc de Cleves, devenue veuve de Fencejlas, roi de Pologne, époufa Jean-Cafimir, frère de ce prince. Pierrelf roi de Portugal, époufa, en 1668 , la reine Marie deSavoie, veuve ÜAlfonfe VI, auquel il avoit fuccédé. : On ne peut donc prouver que le manage avec les deux fceurs foit défendu pat la loi divine. Jettons un coup d'ceil fur les loix pofitives. II eft certain que la liaifon qui fe forme par Ia naiffance eft bien plus forte que celle que produit 1'affinité. Les degrés d'alliance dont il eft parlé dans le droit civil & canonique , ne font que des fictions inventées par les hommes & infpirées par des raifons de bien-féance, qui font fubordonnées aux circonftances. Mais les degrés de confanguinité font formés par la nature même , & ne font foumis a aucune variation. Gradus adfinitatis nulli funt, dit Ia loi 4, ff. §. i > dc ërad- & affia. Aufti les mariages ne  & la belle-fceur. 409 «e font-ils prohibés , dans le cas de 1'affinité, qu'en ligne directe, comme j du beau-père avec fa bru, ou fa petitej bru ; de la belle-mère avec fon gendre , j ou fon petit-gendre , óVc. Hos inter fe , 1 quod qffinitatis causd parentum libero| rumque loco habentur s matrimonio copuï lari nefas eft. L. ead. §. 7. Aufli, du tems de la république , 1'affinité n'étoit point un empêchement J pourle mariage, puifque Plutarque,qui ■I nous apprend que M. Crafjiis époufa la \ veuve de fon frère , rapporte ce fait I comme une chofe fort fimple, & ne dit I point que ce mariage fut contraire ni J aux loix, ni même aux bonnes mceurs. 1 Cicèron, cet interprete &c ce défenfeur I zèlé des loix , dit, fans aucune obfer•vatiou ctitique, que Metellus, après la imort de Fecilia fa femme, époufa la j fceur de cette femme. ValerMaxime Jparle du même fait, & ne fe permec iaucune réflexion. Ces exemples ont conduit quelques tjurifconfultes a dire que 1'affinité qui fe 'contracte par le mariage ceffe par la .diifolution du mariage. Ut nuptiis con.trahitur affinitas , ita folutis eam diffolvi yvoluerunt; a. 1'exception cependant de celle qui fe contraéte en ligne directe Tome IX. S  410 Mariage entre le beau-frère qu& parentum & liberorum loco futrant, Ils croient que les degrés produits par 1'affinité font de la même nature , que ceux qui venoient de 1'adoptipn, lefquels celfoient avec 1'adoption. Audi voit-on que les empêchements ïnrrndnirs nar le droir canon, a 1'oc- cafion des degrés d'affinité, ont été fu- - ï jets a des variations: car le mariage a été autrefois défendu jufqu'au feptième degre 5 & 1 on ne voit d autre railon de cette prohibition, fi ce n'eft que la j liaifon que 1'affinité produit dans ces degrés eft déja affez forte, fans la refferrer-encore par des mariages qui peuvent & doivent fervir a 1'union d'autres families , propter charitatem ampliandam. Mais les difpenfes, dans les cas 011 la nature ne s'y oppofe pas, doivent être accordées favorablement, &c favorablement accueillies. Elles nous ramènent au droit naturel, qui nous laiffe la liberté du choix pour le mariage , d'oü diépend tout lebonheur de notre vie. II eft vrai que le concile de Trente femble avoir confirmé la prohibition de fe maner dans les premiers degres d arfinité. Mais la queftion fe réduit a fcavoir fi le Pape peut difpenfer desd'ifppfltious du droit canonique.  & la belle-fxur. 411 La difpenfe n'eft autre chofe qu'une «xception au droit commun: relaxatïo juris communis. Loin de détruire la loi, elle ne fait que la fortifier davantage: en y apportant des exceptions particulières, on la confirme pour les autres cas. II faut convenir, en même tems, que le droit divin & le droit naturel ne font fufceptibles d'aucune exception , tk que le Pape n'y peut porter aucune atteinte. Mais il peut difpenfer du droit pofitif. C'eft pourquoi Re'buffc dit qiie la difpenfe eft valable pour le premier degré d'aftinité, paree que cet empêchement n'a été êtabli que par le droit pofitif. In primo gradu affinitatis datur difpenfatio , quia hoe impedimentum e(l a jure canonico inventum. De difvenf. in grad. prohih. Le concile de Trente a même décidé, can. 3, feff. 24, que P-Eglife peut difpenfer des degrés de confanguinité & d'affinité marqués pat le lévitique. II va jufqu alancer Panathême contre ceux qui voudroient foutenir le contraire. Si quis dixer'u eostantum eonfanguinitatis & affinitatis gradus qui ievitico exprimuntur, pofje impedire matrimonium conirahendum, & dirimere contraclum • nee pojfe ec.ïejtam nonnullis difpenfare, aut Sij  4i2 Mariage entre le beau-frère conjiituere ut plurcs impediant $■ dirimant ; anathema Ju. En effen, fi on examine la chofe en elle-même, indépendamment des autorités , on verra que la loi des degrés défendus par le lévitique doit être regardée comme une fnnple loi temporaire &c cérémonielle j & non comme une loi perpéruelle & morale. Cette opinion eft fpudée tant fur les exceptions qui fe trouvent a cette loi dans 1'écriture même, que fur ce que ces difpofitious, n'ayant pour bnt que de fauver ce qu'on appelle 1'honnêteté publique, peuvent s'étendre plus ou moins, felon que les raifons du bien public peuvent prévaloir fur cette forte de décence, qui ne paroit avoir aucune liaifon avec les devoirs moraux. Au refte, il ne faut point d'autre preuve que le Pape peut difpenfer des degrés prohibés par le concile, que le i concile lui-même, qui, dans la feffiou 25 , chap, 27, veut que tous les décrets de réforme qu'il a dreirés foient fubprdonnés a 1'autorité du faint Siège. pofiretnb fancla jynodus omnia & Jïr.gula,fub quibufcumque claufulis & verU;, qu£ de mbrum reformatione atque tscclejiajïicd difciplina. tam fub felicif  & la belle-faur. 41$ r ecordationïs Paulo 111, ac Julio II} cuam beatijjimo Pio IV, Pont. Maximo, hoe facro concillo fiatuta funt, declarat ha decreta fuiffe , ut in his falva femper autorhas Sedis Apoftolhs, & fit, & efje inteüigatur. Après ces obfervations, il eft facile «i'expliquer comment fe doit enrendre le chapitre 5 de la feflion 2.4 du même concile. II porte : In contrahendis matrlmoniis, vel nulla omnino detur difpenfatio, vel rarb ; id que ex causd & gratis concedatur. In fecundo gradu nunquam difpenfetur, nifi inter magnos ptincipes > yel obpublicam caufam. Cette difpofition a deux parties.^ La première contient une prohibition generale & indéfinie de difpenfer, fi ce h'eft en quelques cas. Nulla detur difpenfatio y vel rarb. Ces termes, vel rarb, marquent qu'il y a des cas & des degrés dans lefquels le Pape peut difpenfer. Mais le concile ne les a point expliqués. II lailfe donc au Pape le pouvoir & 1'autorité d'examiner ces cas , & les degrés dans lefquels il peut difpenfer. Or, cette liberté ne peut s'étendre que jufqu'au premier degré d'affinité; car on ne difpenfe pas du premier degré de Confanguinité. Siij  414 Mrtlage entre le beau-frère La feconde partie contient une difpofition plus expreffe, & femble ne permettre les difpenfes au fecond degré, qu'entre les grands princes,& pour des caufes qm intérelfent la chofe publique. Inter magnos principes, & 0b publicam caufam. Mais cette prohibition ne peut être appliquée qu'au fecond degré de confanguinité. On n'a jamais étendu cette rigueur jufqu'au fecond degré d'affinité ; & 1'alliance entre le mari tk la coufine germaine de fa femme eft fi pen confidérable, qu'il ne feroit pas meme néceftaire d'avoir recours a 1'autorité du Pape, pour avoir difpenfe de f époufer. La liaifon formée au fecond degré d'affinité eft bien moins confidérable que celle qui réfulte du fecond degré de confanguinité : Pune eft formée par la nature & parle lang - Pautre n'eft qu'une fiétion de droit, fuivant les termes de la loi déja rapportée: Gradus offinitatis propriè nulli funt, quia affines ab qffinibus non generantur. Cette prohibition ne peut pas non plus être appliquée au premier degré d'affinité, puifqu'il eft dit : infecunda gradu nunauam difpenfetur. Dela treis conféquences. i°. Laprohi-  & la belk-Jceur. 41^ jition portee par le concile fur le fecond. decrré, ne peut être entendue que du fecond degré de confanguinité. z°. La défenfe de difpenfer au premier degre d'affinité ne peut être comprife que dans la première partie du canon rapporté plus haut. In contrahendis matnmoniis, vel nulla omninb detur difienfatio, vel rarb. }°. Cette prohibition établie pour le premier degré d'afhmté, eft fufceptible d'exceptions; & c'eft le Pape qui eft le juge des cas ou ces exceptions peuvent avoir lieu, puifque le concile dit feulement, nulla detur, yel rarb. i A Mais, quoique la liaifon qui nait du fecond degré de confanguinité foit plus forte , que celle qui nait du premier degré d'affinité, & quoique le concile ne femble avoir permis l'ufage des difpenfes pour le fecond degré de confanguinité, qu'entre les grands princes, &: pour 1'intérêt public,cependant on voit tous les jours les Papes donner de ces fortes de difpenfes a des particuliers •, & elles font admifes en France. II fe fert alors du pouvoir & de 1'autorité que le concile lui a donnés par ce paroles: Q_us. fiatuta funt in hoe facro concilio, ittl decreta fuiffe, ut in hls falva femper S iv  4i 6 Mariage entre le beau-frère autoritas fcdis apoftolicé & fit & e(Te intelligatur. ' Les regiftres de ia cour de Rome font plems de difpenfes accordées Par les lapes, depuis le concile de Trente, a des perfonnes d'une condition médiocre, dans le fecond degré de confanguimte.Grégoire XI11, qui vivoit après le concile de Trente, donna difpenfe, en M75 > aun oncle qui avoit été difpenfe pont époufer fa nièce, de fe maner en lecondes uoces, avec la fceur de cette niece, qui étoit morte. On a vu plufieurs mariages entre f oncle & la nièce adoptés en France par les arrêts de la Cour. Le 14 décembre 16-64, par arrèt rendu en la Grand'Chambre, le mariage de Charles Barbier, avec Barbe Barbier fa nièce, dont il etoit tuteur & parrein, fut confirmé, lm 1 appel comme d'abus qui en avoit ete interjetté. Autre arrèt du 1 5 mars 1672, rapporté au journal des audiences , qm confirme le mariage de Maodeleine de Broc, avec Sebaflien de Broc ion grand oncle paternel, célébré fur une^difpenfe de cour de Rome. J'ai parlé, a 1'occafion de la caufe precedente, du mariage d'Honoréd'Urfé avec les deux fceurs fucceftïvement. Ön  & la belle-foeur. 417 a vu un mariage dans une efpèce bien plus fingulière. Nicolas Carnot, après avoir époufé en premières noces, le 1 o oótobre 1609, Marie. Sauvage, époufa, en fecondes noces, le 13 janvier 1640 , Marie Kimbert, fille de Magdeleine de Sainte-Marie, laquelle étoit.iffue d'un premier mariage de Marie Sauvage; enforte que fa feconde femme étoit petite-fille de la première \ ce qui formoit un Hen de confanguinité au fecond degré en direote. Cette alliance parut fi icandaleufe au procureur du Roi au Chatelet, qu'après la mort de Carnot, il rendit plainte , le 11 octobre 1675 , contre Marie Rimbert, fit informer, ik la fit décréter de prife-de-cotps. Elle fe pourvut au Parlement } & ayant fait - voir que fon mariage étoit autorifé par une difpenfe du Pape, elle fut déchargée de l'accufation (1). Dans le tems même que Pon plaidoit (1) Je doute que, fi ce mariage eüt été attaqué du vivant de Carnot, on eüt juge ainfi. Mais il ne réfultoit aucun inconvénient de ce mariage, qui n'avoit point produit d'enfants; & il étoit inutile de troubler les cendres de Carnot, qui étoit mort en poffeffion de fon état, & fur la bonne-foi d'une difpenfe. S v  418 Mariage entre le 'beau-frère cette caufe, il fubfiftoit plufieurs mariages , tant avec les deux fceurs fuccefïivement , qu'entre Tonele & la nièce; & ces alliances ne caufoient aucun trouble, aucun fcandale public, M. HéUot, confeiller en la cour des Aides, &c Leroy, orfévre, qui avoient époufé leurs nièces, vivoient tranquillemenr avec leurs femmes. Le mariage de M. de Luynes avec mademoifelle de Montbafon fa nièce, n'avoit eu pour motif, aucune conlidération du bien public. Ces mariages font cependant foufferts. Louis XIII avoit même donné difpenfe a un lieutenant de RobeCourte d'Iffoudun, qui étoit de la religion prétendue réformée, d'époufer la foèuï de fa femme qui étoit morte. On a vu, dans la caufe précédente, que le maréchal de Créqui avoit époufé les deux fceurs. M. de Retour, capiraine de cavalerie, avoit fait un mariage dans le même cas. Le marquis de Longueval paya ioooo liv. pour cette difpenfe; le pape Innocent X vouloit Ia taxer a. 30000 liv. & la mettre a ce prix a Ia componeiide. Mais il en fut détourné par la conlidération des pahvres: s'il eüt perlifté a exiger cette fomme, la difpenfe n'auroit pas été levée, & les  & la belle-foeuf. 419 pauvres auroient perdu cette rétribution. Le Sr de la Chenaye, gentilhomme de M. le comte d'Armagnac, avoit époufé les deux filles de la dame d''Armagnac ; Sc n'en avoit obtenu difpenfe que du dernier légat venu en France; & même après avoir confommé le mariage. Le fieur de Saint-Maurice, gentilhomme de Bourgogne, avoit époufé les deux fceurs, Sc n'en avoit obtenu difpenfe qu'après avoir été marié. Le tfoifième moyen d'abus qne 1'on oppofoit a la difpenfe obtenue par le fieur Vaillant, confiftoit a dire que 1'on n'y avoit point exprimé les caufes pour lefquelles elle avoit été accordée. Mais ce fait fe trouve détruit par la difpenfe même; puifqu'elle porte qu'elle a été accordée pour les raifons expliquées dans la fupplique , dont la principale eft le danger de la damnation des parties, fi on ne 1'accordoit pas : Propter rationes in libellis fupplicibus expojitas 3 quarum potijjima ob imminente periculo alioquin aterna damnationis petitur. Pour quatrième moyen, on oppofoit que la difpenfe devoit être adreffée a, des officiaux de France , pour être fulr Svj  42C3 Mariage entre leb eau-frère minée; & on a prérendu qu'elle ne 1'avoit même pas été a Rome par le cardinaj-vicaire, auquel elle avoit été renvoyée. Mais le fieur Vaillant rapporroit le procés-verbal de fulmination en bonne forme. Or cette fulmination a pu être faite a Rome. Car il y a une grande différence entre les graces qui font accordées a ceux qui font préfents in curid, & les graces qui font accordées a ceux qui font extra curiam. Les premières, quand elles ont pour objet des degrés de parenté ou d'affinité trèsproches, font accordées par le Pape , fur des mémoriaux préfentés a Sa Sainteté. Elle en renvoie 1'examen , foit i la congrégarion du concile, foit a la congrégarion de 1'inquifition , fuivant la qualité de la grace : &, après avoir pris Pavis de la congrégarion ainfi déléguée, elle donne la difpenfe , & en renvoie 1'exécution au cardinal-vicaire de la ville de Rome. Mais a I'égard de celles qui s'accordent aux perfonnes qui font extra, curiam, elle eft renvoyée aux officiaux des lieux, pour informer. ,11 eft cerrain que la difpenfe accordée au fieur Vaillant Sc k Louife Adrian fa femme, a dü être expédiéc- & fulmi-  & la belle-fceur. 4** née de la première facon ; elle n'a pu être renvoyée, pour 1'information , t 1'ofticial de Beauvais, 8c les impetranrs n ont pu fe marier ailleürs qu'a Rome. Ils étoient in curid, quand ils ont lolUcité & obtenu cette grace, & ü y avoit plus d'un an qu'ils y demeuroient; ce kit eft juftifié par la difpenfe meme. Or le domicile d'un an, fuivant nos ordonnances mêmes, conftitue 1'Ordinairedes lieux , Ordinaire des parties qm ont acquis ce domicile dans fon terntoire. cc Défendons a tous curés & pterres, dit „1'édit du mois de mars 16-97, tant „ féculiers que réguliers, de conjoindre „ en mariage autres perfonnes que ceux „ qui font leurs vrais & ordmaires pa„ roiifiens, demeurant actuellement & » publiquement dans leur paroifle, au „ moins depuis fix mois, i 1'egard de „ ceux qui demeuroient auparavant w dans une autre paroifle de la meme „ ville, ou dans le même diocele Cf „ depuis un an pour ceux qui demeuroient „ dans un autre diocèfe ». Aux termes de cette lol, le fieur Faillant & fa femme n'avoient donc plus , en France, aucun domicile relativement au mariage; & la ville de Rome etoit le feul qu'ils euflent alors. lis ne pou-  422 Mariage entre kbeau-frère c\TCtnTfemarierailleursiie^nS cette ville.Lepape réumffoit donc alors deux qualucs: celle de fouverain Pon! nre en vertu de laquelle il avoit dif- P mes ont donc dü fe conforrner au dencek nrdlOCère'-PU1^Ue W ^ dence les y foumettou uniqueinenr & «ont pu pratiquer les ufages de'la W ,a laquelle les loix mêmes de ce loyaume les déclaroient étranaers reia«vementaractedontils'agtlfoit Le cmquième moyen d'abus eft rétute par ce qui vient d'être dit. On opPofeque le mariage de Louife Adrian napu etre célébré a Rome/en vertu de cette d^penfe, par un curé qui n'étoit point le propre cuté des parties midle! Par"eS aV°ient leur do- P'rocho. Mais le fieur VaMan TL femme encore nne fois, avoient leur mT ClleaRome'P!-d-a„avantïe manage : ilsetoient partis de Beauvais 1C i2^lietI^, Pour aUera Rome.  & la belle-fceur. _ 423 Ils ont été mariés le 15 janvier i66*< Ils avoient donc conftamment leur domicile dans cette capitale du monde chrétien: & ayant été mariés par le cure de laparoilTe fur laquelle ils habitoient, ils ont fatisfait a k difpofition du concile de Trente, & aux loix du royau- m il convhat, au moins tacitement, qu'il n'avoit aucuns reproches a oppofer aux témoins entendus; èc par une fuite néceftaire, il s'avoua coupable de 1'adultère dont il étoit chargé. En conféquence, intervint fentence «n l'ofticialité de Rouen, le 5 février 1675, qui condamna le Halleur z jeunerT pendant trois mois, le vendredi de chaque femaine, a réciter a genoux les fepr pfeaumes pénitentiaux, a aumoner la fomme de 3 o liv. aux prifon-  428 Bénêficier adultère: uiers de Ia prifon épifcopale, & aux frais du procés. Et 1'on ajouta que ce jugement lui ferviroit de première monition. Ce qui emporte la menace d'une plus grande peine, en cas de récidive. Le Halleur fut obligé de quitter la place qu'il occupoit dans 1'églife de Saint-Ló: mais il trouva le moyen de fe faire pourvoir de la cure de Fontaine-le-Bourg. II faut obferver ici que cette cure dépend de 1'abbaye de Fefcamp,qui exerce une jurifdicFionquafiépifcopale fur les dix .pareiffes de la ville , 8c fur feize autres paroiffes fituées dans Je diocèfe de Rouen. Elle fait exercer cette jurifdicf ion par un official qu'elle eft dans l'ufage de choifir parmi fes moincs. La punition canonique impofée a le Halleur, par la fentence dont je viens de parler, 8c 1'éloignement oü la réfidence qu'exigeoit fa axre le tenoit de la ville de Rouen, ne lui fit pas perdre 1'habitude criminelle qu''il avoit formée avec la femme dont j'ai parlé. Le promoteur de 1'abbaye de Fefcamp, inftruit de la vie fcandaleufe de ce curé, fait informer pardevant fon official. II réfulte de rinformation, que le  Bénêficier adultère. 429 Halleur a continué de fréquenter la même perfonne. Elle alloit fouvent le voir a Fontaine-le-Bourg, & couchoit au presbytère. 11 n'y avoit qu'un feul lit, qui étoit celui du curé. II avoit chez lui deux enfants, dont 1'un s'appelloit Pierre & 1'autre Noël, La femme s'en difoit la mère, &, fuivant le bruit commun, le curé en étoit le père. Quand leur mère n'étoit pas au presbytère, ils couchoient avec le pafteur dans le même lit. Mais, quand elle y étoit, ils alloient eoucher dans 1'écurie avec le valer; enforte que la chambre reftoit libre pour leur mère & pour le curé, Non conrents de la facilité fcandaleufe avec laquelle ils fe voyoient a la campagne, ils voulurent s'en procurer une pareüle a la ville. Le curé loua une chambre a Rouen, proche les Cordeliers. Dès qu'il y étoit arrivé, la femme venoit le trouver; & les voifins étoient alfurés , quand ils la voyoient paffer , que le curé de Fontaine-le-Bourg étoit a Rouen. On remarquoit que, dès qu'elle étoit entrée dans la chambre, on tiroit les rideaux des fenêtres; on leur portoit des pièces de patifferie , & tout ce qui étoit nécelfaire aux plaifns de la  43° ' Bénèficier adultère, table. On ne doutok pas qu'ils ne s'en procuraffent d'autres en même-tems. Les voifms épioient toutes leurs actions; obfervoient le tems que la femme entroit; celui oü elle fortoit. Un foir qu'il étoit un peu tard, lorfqu'elle s'en alla, elle fut fort mal-traitée par des inconnus. Enfin le fcandale étoit venu a un tel exces, que, quand ce prêtre entroit, foit de jour, foit de nuit dans la maifon du mari de certe femme, les enfants des voifins s'attrotipoient devant la porte, & quand il en fortoit, lors même qu'il palfoit dans la rue , fans yentrer, ils faifoient des cris & des huées, qui avertifioient tout le monde de fa préfence. Outre ces faits, prouvés par 1'information, on avoit remis a 1'official de Fefcamp deux lettres qui firent partie de la procédure. Le Halleur reconnut qu'elles étoientde fa main. Elles avoient été écrites dès le tems de la première accufation intentée devant 1'official de Rouen ; mais elles ne parurentque dans le fecond procés. Ces lettres étoient adreflees, il eft vrai, a Marguerite le Halleur, fceur du curé. Mais les termes dans lefquels elles écoient co^ues ne pouvoient con-  Bencficicr adultère. 43 r J venir ni être appliqués qu'a la femme J auteur du fcandale qui avoit occafionné le procés. Elles commencent 1'une & 1'autre s I par des lettres capirales; fcavoir, M. un I A, une F, la particule ET, un C & une 1 H liés enfemble, &c un C tout feul. On j interprétoit ces abréviations par ces mots : Mon aimablc femme cv chère compagne. Et ce qui prouve, difoit-on, | que ces lettres ne peuvent fignifier autre ) chofe, c'eft que, dans la fuite, il parle \ ouverrement de leurs affaires com[ me de chofes communes entr'eux; ; il parle même de leur hymenée, de leurs chers enfants, &c fe qualifie luimême de fidéle mari. Cette qualification n'eft pas, a la vérité , écrite tout au I long; mais elle eft défignée par les lettres T. F. M. La fubftance de ces letttres eft relative aux mceurs & aux qualités des parties. 11 marqué qu'il eft dans le dernier défefpoir d'avoir appris que les granclsvicaires de M. 1'archevêque de Rouen \ avoient dit a ceux qui leur avoient parlé en fa faveur, qu'il falloit abfolument qu'il quittat la ville ; qu'il ne pouvoit s'y réfoudre , & qu'il n'y avoit point d'extrêmités auxquelles il ne s'exposat  431 Bênéficler adultère. plurót que d'en venir la , qu'il ne la quitteroit jamais ; après toutes les chofes facheufes qu'elle avoit fouffertes pour Pamour de lui; que fi Pon perfiftoit a vouloit 1'y obliger, il palTeroit en Hollande , plutót que d'y confentir, & qu'il lui feroit toujours auJli fidéle , qu'elle lui avoit été;que la feule penfée de fe féparer d'avec elle, Sc d'avec fes deux chers enfants , fon petit fils Pierrot Sc fon petit fils Noël/ot, lui donne mille coups de poignaids dans le fond du coeur. Au rede, ces deux lettres font remplies de termes ihdécents; la paifion y eft exprimée fans ménagement ; les plaifirs groffiers de Pamour y font dépeints avec toutes les expreffions réprouvées par la pudeur & par Phonnêteté. En un mot, on y voit une ame perdue dans le vice, qui a fecoué le joug de toute difcipline, Sc renoncé a faire aucun retour vers la vertu. Ces deux lettres combinées avec 1'information, détenninèrent Pofficial de Fefcamp i décréter 1'accufé d'ajournement perfonnel. II prêta interrogatoire fur Ie tout, &, comme la première fois, prit droit par les charges. Intervint fentence le 3 janvier 1(378, qui  Bénéficïer adultère. 433 qui le condamna a jeüner tous les merrj credis & vendredis de chaque femaine, 1 pendant un an, & a dire a genoux , ces jours de jeune, le miferere ; a aumóner 2 5 liv. aux pauvres de Fefcamp, li & aux frais de juftice. II eft dit en 011tre que ce fecond jugement vaudra pour feconde monition , comme de recidive. Ces deux jugements ne firent aucune I impreffion fur le Halleur. C'eft aflez : 1'efret que produifent, fur les coeurs i infenfibles a la honte, des jugements I qui n'ont rien de rigoureux, & dont * 1'exécution eft: confiée a la liberté des 1 condamnés. t Environ trois ans après, le 7 février lïfjSi, un particulier nommé Denis le Bourg fe rend dénonciateur, contre Ie curé de Fontainede-Bourg, en 1'officia! lité de Fefcamp , pour continuation de fcandale public avec la même femme , & pour indécence dans l'adminiftration des facrements. Le dénonciateur J.articuloitque ce curé avoit laiffé mourir «des paroifliens fans les adminiftrer, Iquoiqu'il en eut été requis. L'oflicial de Fefcamp fit informer ide nouveau , a la requête du promoiteur. II fut prouvé que le Halleur avoir Terne IX. T  434 Bènèfccier adultère. toujours continué de vivre fur le même pied avec la meme femme \ qu'il avoit laiffé mourir un de fes paroilliens fans confelfion, & qu'en deux autres occalïons, pour prévenir un pareil reproche, il avoit donné le viatique a des perfonnes qui étoient dans le délire , & qui avoient perdu route connoillance. Quoiqu'on eüt pu , fur ces charges, prononcer'un décret de prife-de-corps , cependant 1'official de Fefcamp fe contenta de lacher un décret d'ajournement perfonnel. Cette dernière procédure, qui pouvoit avoir des fuites plus férieufes que les deux précédenres, commenca a alarmer le Halleur. II ne prit pas, cette fois-la, droit par les charges \ il eur recours aux reflources de la procédure , pour éviter 1'interrogatoire qu'il devoit fubir. 11 préfenta requête au Parlement de Rouen, & remontra que 1'oflicialité cie Fefcamp eft une enrreprife fur les droits cpifcopaux, qu'un religieux ne peut etre official, En conféquence, il demanda d'être recu appellant comme c!e juge incompétent , & la furféance de toute la procédure. Ce qui fut accordé fur requête non-communiquée.  Bènèjicier adultère. 435 Sur la fignihcarion de cet arrêt faite au promoteur, il y forma oppofition ; & par un autre arrêt rendu le 17 mai \ 6-8 , fur les conclufions de M. le procureur-général, il fut ordonné que le premier feroit rapporté comnae furpris; que , fur 1'appel, les parties viendroient a 1'audience avec le procureur-général, Sc que cependant il feroit paffé outre, par Pofficial de Fefcamp, a 1'inftruétion du procés. Ce fecond arrêt fignifié a le Halleur, il préfen ta, au Parlement, une feconde requête , par laquelle il repréfenta qu'il avoit mal-a-propos qiialifié fon appel d'incompétence, Sc le convertit en appel comme d'abus. II demanda que 1'arrêt du 17 mai füt rapporté comme furpris, Sc qu'on le renvoyat, pourprêter interrogatoire devant un des confeillers de la Cour. Mais il ne put obtenir autre chofe qu'une ordonnance portant que cette requête feroit comrnuniquée au promoteur , pour y répondre : ainfi 1'arrêt du 17 mai fubfiftoit dans toute fa force. En conféquence , 1'offieial continua fa procédure; Sc le promoteur ayant requis que le Halleur fut afligné pour comparoitre en perfonne a PefFee d'être Tij  4.36 Bènèjicier adultère. guï fur les nouvelles charges du proces ,1 Sc que cependant il lui fut fait défenfes de célébrer les faints myftères, il intervint une fentence conforme a ce requifitoire , qui fut fighifiée le 4 de juin. Le 17 du même mois, le promoteur rendit plainte de ce que le Halleur, non-obftant la fignification qui lui avoit été faite le 4, avoit fait les fonétions paftorales dans fa paroifle. II obtint permiflion d'informer;& le fait futconftaté. Sur la communication de la dernière requête de le Halleur au Parlement, les parties eurent audience le 17 juin; Sc fur les conclufions du miniftère-public, le Halleur fut débouté de fa requête, Sc renvoyé , pour prêter interrogatoite , devant 1'oflicial, avec défenfes de faire aucunes fonctions. L'arrêt Sc la fentence fignifiés a le Halleur, il ne comparut point; Sc par fentence du premier juillet, faute d'avoir comparu, 1'ajournement perfonnel fut converti en déctet de prife-decorps. Dans Pintervalle du décret a la fignification, il préfenta encore requête au Parlement , par laquelle il remontra qu'il étoit malade , Sc que, ne pouyant fe tranfpertera Fefcamp, il fupplioit la  Bén éficier^ adultèré. 437 Cour d'ordonner que 1'official & le promoteur fe tranfporteroient a SaintGervais, qui eft une haute-juftice dépendant de 1'abbaye de Fefcamp, pour y recevoir fon interrogatoire , offrant, a" cet effet, de fe rendre dans la prifon de cette haute-juftice. Toute irréguliere qu'étoit cette demande, elle lui fut accordée. Mais il éluda long-tems de fe mettre en prifon. Enfin obligé d'obéir, il prcta interrogatoire, fubit les rccolements & confronrations; & par fentence définitive du 27 oétobre 1681, le Halleur « fut déclaré duement atteint & conn vaincu d'avoir, par récidive, & au « mépris des monirions canoniques & « lui faites auparavant, hanté & fré55 quenréavecfcandale la femme mariée 35 dénommée au procés ; même d'avoir, j> au préjudice de la fufpenfe a lui fignijj fiée , fait les fonótions paftorales dans 33 la cure de Fontaine-le-Bourg, négligé 33 d'adminiftrer les facrements a quel33 ques-uns de fes paroiiiiens, &£ admi3) niftré les autres indécemment. Pour 33 punition & réparation defquels cri33 mes,ilaété déclaré irrégulier&privé de 33 fon bénéfice, lequel eft vacant & impé» ttable. Au furplus, il eft condamné Thj  43 8 Bènèjicier adultère. j> en 20 liv. d'aumone, pour être diftii>> buées par les ttéforiers en charge aux » pauvres de la paroifle de Fontaine-lë51 Bourg, Sc de fe retirer inceflamment a» dans un féminaire pour fe recueillir, 35 Sc y apprendre a vivre conformé33 ment a fon caraétère; & la jeüner , x pendant fix mois, les mercredis & * les vendredis, dont il repréfentera » certificat du fupérieur ; Sc condamné 33 aux dépens envers Denis le Bourg, » dénonciateur, & depuis, partie cij> vile ». Tel eft le jugement dont le Halleur interjetta appel comme d'abus. A 1'occafion de cet appel, il foutint trois propohtions. i°. Un religieux de 1'ordre de SeintBenou, difoit-il, ne peut exercer une charge d'official. 2°. Dans la pratique de la jurifdiction eccléflaftique, il eft abfolument néceftaire, avant que de rendre un jugement dérinitif fur une accufation , d'ufer de ttois monittons précédentes ; Sc le défaut de 1'une de ces monitions emporte la nullité du jugement. 3°. Dans le cas d'un adultère commis par un eccléflaftique, la privarion de fon bénéfice n'eft pas une peine convenable a la qualité du crime.  Bènèjicier adultère. 4^9 I. La fonétion d'official, qui eft une fonétion de judicature , eft eftènfiëilement publique, & incompatible avec la qualité de moine,qui fignifie un folitaire, une perfonne reclufe,& touta-fait tetranchée du ccmmerce des homnies. i 11 y a, d'ailleurs, en la perfonne des moines, une incapacité légale qui les exclur de 1'exercice des charges publiques. Elle réfulte de leur condition, qui les approche, en beaucoup de chofes, de l'état des efclaves. Par leur profeflion , ils font vceu d'une obéiifance aveugle a leurs fupérieurs ; ils ne confervent m leur liberté, ni même leur volonté. Aufli ne les confidère-t-on, dans le droit, que comme des perfonnes qui n'ont point d'exiftence morale : pre mortuis j & pro nullis habentur. Mais , quand ils auroient la capacité légale qui leur manque, ils ne feroient pas fuflifants pour remplir cette place, lis ignorent les loix , les ordonnances , les ufages, dont la connoiflance eft abfolument néceftaire pour exercer les fonctions d'official , & ne peut s'acquérir dans les monaftères, ou Pon pafte fa vie dans la prière & dans 1'exercice des vertus chrétiennes; oii Tiv  44° Bênéficier adultère. 1'on ne parle jamais de tout ce qui regarde le commerce du monde. D'ailleurs, le titre d'official eft un titre d'honneur & de prééminence accompagné d'autorité & de puilfance pubfique. Celui qui en eft décoré juge ies perfonnes Sc les chofes eccléfiaftiques. Ces fonétions éminentes font m.ompatibles avec la fimpficité, 1'humilite, les abaiffements, Sc 1'anéantiflement de la vie monachale. Ceux qui en ont jetté les premiers iondements étoient des anachorètes , qm s étoient tetirés dans les déferts les pfus cloignés, pour s'attacher uniquement au fervice de Dieu, vivre dans lauftcnte, les larmes Sc la pénitence. Aufli etoient-ils bien éloignés de fonger a s'attirer de 1'autorité fur les autres hommes , & d relever leurs perfonnes par la digiiité & 1'éclat des charges pubhques. r Lorfque la difficulté de vivre dans ies dcferts les dérermina, dans la fuite des tems, as'approcher des villes, Sc i vivre eu commun, ils n'étoient quelaïques, &n'étoient confidérés que comme tels. On ne les diftinguoir du commun des faiques, que par la profeflion particuliere qu'ils faifoient de s'attacher i  Bènèjicier adultère. 44,1 Dieu. Ce fut par grace qu'on leur accorda, dans ce tems-la, la permiffion d'avoir un prêtre dans chaque communauté, pour 1'exercice des devoirs de la. religion. Mais ils étoient bien éloignés de fonger a acquérir des dignitis eccléfiaftiques, qui font eüentiellement incompatibles avec l'état laïque. Si depuis on s'eft laifie aller a les recevoir dans les ordres facrés de 1'églife ',' a caufe de leur 'doélrine, de leur. vertu & de leur piété, ce n'a pas été pour faire parrie du corps du dergé;, ils n'ont jamais été confidérés dans. 1'églife, que comme un corps diftinét y qui ne pouvoit entrer dans fa hiérarchie. C'eft fur ce fondement que les anciens canons (1) ont défendu aux moines de faire , hors de leurs maifons „ aucunes fonélions publiques, comme de baptifer, d'adminiftrer le facrement: de péuitencede villier Sc aftilter les, malades, d'enterrer les morts , de chanter les meifes folemnelles ,. Sz même de ptêcher; a moins qu'ils n'y fuffent au^ torifés par les évêques» (i). Cap. 9. cap. 19 &• cap. zö ,Cauf. T&i T v  442 Bènificie'r adultère. Les fon&ions du clergé & 1'exercice de Ia jurifdiction eccléfiaftique font donc ablolument incompatibles avec la condition monachale 5 & il eft contre les regies, contre la dignité de la hiérarchie de voir des moines exetcer la jurifdicFion épifcopale fur les fuppots du clergé; paree que cela ne fe peut iaire lans renverfer 1'ordre des chofes , » lans elever ce qui doit naturelleinent refter dans 1'abailfement Sc dans 1 humilité. Mais fi cet ufage blelfe l'état eccléfiaftique , il ne blelfe pas moins la condition des moines. Rien n'eft plus contraire comme on 1'a déja dit, a la vie des lohtaires, que 1'exercice du barieau, oül'on voit, & oü 1'on entend une infinité de chofes qui leur renouvellent les idéés des vices & des intrigues des affaires du monde, dont ils fe font lepatés pour jamais. C'eft d'après ces principes, que quelques-uns de nos auteurs Francois ont decidé qu'il ne falloit point fouffrir ces fortes de melanges qui confondent 1'ordre du clergé avec l'état monaftique. Fevree, dans fon traité de l'abus, liv, 4, chap. j, n°. 6, dit que les religieiu » ne fe peuvent entremettre en 1'exer-  Bènèjicier aduhere. 4^3 » cice d'aucune jurifdiction, foit fécu» lière ou eccléfiaftique. Nihil enim hay> bent commune cum publicis aclionibus j> & ad curiam pertinentibus. L. 17 , i) cocl. de epifc. & cler. Les définiteurs » de la Rote tenoient, avant le con» cile de Trente, que les religieux pro3> fès ne pouvoient être vicaires, ni >■> ofticiaux , ni procureurs de 1'évêque : » mais le concile, fejf. zys cap. 4, de » ref. leur ayant permis cum juperioris j> licentid, alicujus prdati fe fubjicere »obfequio, on a cru qu'ils pouvoient 3» accepter la charge d'officiaux, par la 33 permiftion de leurs fupérieurs; ce qui 33 n'eft pas re^u en France. C'eft pour» quoi il y auroit abus , fi un évêque , 33 archidiacre, ou autre fondé en jurif3» diclion, avoit établi un religieux pour 33 official. Abufivum id effe contrarium3» que monafiicA profefjioni, fi epifcopo33 rum vel archidiaconorum fierent qffi33 ciales religiofi. Mornac , ad L. placet 3> cod. de epifc. & cler ». Gui-Pape (1) avoit penfé de même. (1) Gui-Pape naquit a Saint-Symphorien d'Ozon en Dauphiné, dans le diocèfe de Lyon. II fut fait confeiller au confeil Delphinal en 1442, étant agé de quarantedeux ans, & époufa Louife Guillon, fille Tvj  444 Bènèjicier adultère. An monachus poffit ejje officialis , videlur quod non, quia pro mortuo habetur, &c. Decif. 5 }. La jurifprudence a adopré ces opinions. Boucncl (i), dans fa bibliotbèqufe VEcicnne Guillon, préfldent unique de ce confeil. Lorfque Louis XI eut érigé ce confeil. en parlement, Gui-Pape fut pourvu d une charge de confeiller. Ce prince 1'em, pfoya dans des négociations imponantes. IL mourut en 1475, agé de foixante-treize ans, ou environ. II a taiffé plufieurs ouvrages , dont le plus eftimé eft Decifione» Gratianopohta.i que Blondeau a fait reimpnmer en deux volumes in fol. fous le titre de Bibliothèque canonique. On garde a la bibliothèque du Roi, des journaux maaufcnts de fa facon, oü il marquoit avec foin & difcernement toutes les chofes quiarnvoient de fon tems. Ses ennemis lui fufcuerent des affaires qui le firent mettre k la iaftüle, maisileji foxtit bientöt par les.  Bènèjicier adultère. 44 canonique, au mot official, rapporté unarrêt du Parlement de Paris, du i& février 16-16", conforme a. cette doctrine. Un religieux profes de 1'ordre de Saint-Auguftin, prêtre & curé, eft fair official par un archidiacre de Charrres ,. en fon archidiaconé.. Un particulier &c le procureur-général interjettèrent appelcomme d'abus de fes provifions. Sur 1'appel du particulier , les parties furent. raifes hors de Cour & de procés , paree, qu'il n'avoit aucun intérêt. Sur celui du miniftère-public, il fut dit qu'il y avoit. abus, quoiqu'il fut prêtre, & a&uellement pourvu d'une cure.. On trouve, au journal des audiences,', un arrêt du z Aoüt 166}, qui a jugdqu'un Jacobin, docteur de Sorbonne,; ne pouvoit remplir une prébende théologale dans 1'églife collégiale du Beuil, quoique la fondation eüt été faite en fa-, faveur, qu'elle eüt été approuvée par 1'archevêque de Tours , qui étoit diocéfain; & revêtue de lettres-parentes*. Cependant un Jacobin, dans ces fortesde cas , eft moins défavorable qu'un. Bénédiétin. Le Jacobin n'eft pas obligé,, fóins de M. le Jai, depuis premier préfi» dent du parlement de Paris, qui étoit fon ami' particulier».  44^ Bènèjicier adultère. par les conftitutioris primitives de fon ordre , de vivre dans la retraite, comme les difciples de faint Eenou. L'abbaye de Fefcamp, voudroit el!e fe privaloir de 1'exemprion dont elle joint depuis plufieurs fiècles ? Mais ce feroir vouloir autorifer l'abus par la pofleflion. 11 eft vrai qu'il y a eu des tems & des circonftances oü les exemptions étoient favorables, & meme néceflaires; mais le tems ayant changé, & les caufes qui leut avoient donné lieu ayant cefle, il femble qu'il eft jufte qu'elles ceflent aufii. Ce font des privileges contraires au droit commun, qui foumet tous les diocéfains ala jurifdicfion de 1'évêquedu lieu; & qui, par conféquent, ne peuvent être perpétuels. Ainfi, feroit-il jufte que , paree que, dans un tems peut-être oü une grande partie du clergé étoit dans une ignorance groifière , & que, jaloux des vernis & de la fcience des moines, les féculiers les perfécuroient en toute occafion , on a fouftrait l'abbaye de Fefcamp a. une vexation momentanée, feroit-il jufte, dis-je, qu'un privilège exorbitant qui n'étoit dü qu'aux circonftances , dëmeurat perpétuel ? Seroit -  Bènèjicier adultère. 447 il jufte qu'on laifsat fubliftet, fur le clergé d'aujourd'hui, une tache qui n'a étéimprimée fur celui qui exiftoit alors, qu'en punition de fon ignorance? En un mot, feroit-il jufte de maintenir les religieux de Fefcamp dans ledroitd'une exemption qui n'a plus aujourd'hui ni fondement, ni raifon, & qui eft contraire a la jurifdicPion légitime des évêques, a 1'ordre ancien, 8c a 1'autorité générale des églifes, a la décifion des premiers conciles \ 8c notammenc a celui de Chalcédoine, qui déclaré les moines, comme les clercs, foumis en toutes chofes, a 1'autorité des évêques. On pourroit encore appuyer cette vétité du fuffrage de plufieurs Papes ; 8c s'il s'en trouve quelques-uns qui n'y foienr pas favorables, c'eft qu'ils avoient été élevés parmi les moines, 8c étoient paffes du cloitre au pontificat. Mais, en tout cas, la raifon 8c le bon fens ne permettront jamais que 1'intérêt général du clergé foit facririé a 1'intérèt particulier d'une communautc religieufe , & que les conftitutions paruculières de quelques Papes prévalent fn? les déctets généraux des conciles &c de toure 1'églife affemblée. Ce fut par ces raifons que celui de  44°* Bênificier aduhcre. Confiance tévoqua toutes les exemp"ons, pour rendre a la loi générale , affoiblie par le relachement du fiècle , fon ancienne vigueur, & 1'ctendre partout. _ Si, non-obftant 1'autorité de ce concile, quelques communautés fe font confervées dans La poffeifion de leurs exemptions, c'eft un abus, qui ne s'eft maintenu que par la négügence des. évêques, & par la faveur des moines en cour de Rome. Ces fortes de privileges font donc toujours demeurés révocables & fujets i 1'examen, dès qu'on les conéefte. Mais , quand 1'exemption de Fefcamp feroit irrévocable, les fonctions d official ne pourroient jamais être exercéesparles religieux de cette maifon. Cet office leur appartient a tous en commun : &, comme les évêques & les feigneurs ne peuvent exercer leur jurifdiéhon par eux-mêmes, les moines qui en ont une, foit féculière, foit eccléfiaftique , ne la peuvent non plus exercer, & doivent commettte d'autres perfonnes pour en faire les foncPions en leur place. II. Le Halleur prcrendoic enfuites  Bénêficier adultère.^ 449 que , quand 1'ofhcial de Fefcamp auroit eu jurifdicFion fur lui, fa fentence n'ert feroit pas plus réguliere, n'ayant pas été précédée de trois monitions. On ne conteftera certainement pas que les tribunaux eccléfiaftiquès font foumis auxformes prefcrites par i'évangile. 11 eft conftant que l'ufage des monitions a tiré fon origine de la charité chrétienne , du confeil, ou du précepte de 1'évangile qui en joint d'avertir fon frète qui tombe en faute jufqu'a trois fois , avant que de le dénoncer en juftice : & quoique cela n'air point été prefcrit pour fervir de loi dans les procédures judiciaires que 1'on fait pont la pourfuire de la vengeance publique, néanmoins 1'églife, toujours animée de 1'efprit de charité , qui cherche plutot 1'amendement des pécheurs, que leur condamnation, s'eft conformée a cet ufage. III. Enfin, 1'accufé prétendoit qu'aux termes des canons, 1'adultère n'étoit pas un crime qui dut faire perdre le bénéhce a celui qui en eft coupable. Il fe fondoit fur ceque le pape Alexandre III, dans le charx 4, exc. de judleiis , a dit que 1'évêque en pouvoit difpenfer comme des autres crimes. De adulterio.  4 5 O Bènèjicier adultère. ut de.aliis minoribus criminibus, epifco- pus potefi difpcnfare. On répondoir pour I'abbé & les religieux de Fefcamp, que c'éroir mal-apropos que 1'on comparoit les moines a des efclaves. Les moines, il eft vrai, onr, en quelque forte, dépofé leur volonré dans les mains de leur fupé ■ fieur. Mais cette abdicatien volontaire n'a eu, pour motif, que de s'interdire le pouvoir de faire le mal, & de s'impoler la nécefliré de faire le bien. Leur volonré n'eft point liée pour faire de bonnes acPions, Sc des afbons utiles a 1'églife. On ne peut donc induire, de leur etat, une incapacité d'exercer les charges Sc offices eccléfiaftiques, tels que les officialités. 11 femble, au contraire, que perfonne n'eft plus propre qu'eux , pour les remplir. Etant détachés des embarras des affaires , il paroit qu'ils font plus a portée de rendre la juftice , que les eccléfiaftiques féculiers. llhs enim tantb plus difpllcet alhna malitia , ejuantb longihs difcejferunt èfud, difoit Yves de Chanres. II eft vrai que les moines, dans Ie commencement de leur établiffement, n'étoient que de fimples laïques, Sc  Bènèjicier adultère. 451 ^u'ainfi ils ne pouvoient exercer les charges eccléfiaftiques, dont leslaïques font abfolument incapables. II eft encore vrai que , quand ils ont été admis aux ordres facrés, 1'églife ne les a confidérés que comme des étrangers qui ne pouvoient entrer dans la hiérarchie. Mais cette exclnfion ne pto cédoit pas d'une inoapacité intrinféque. En recevant les ordres, ils recevoient la puiffance attachée aux ordres , comme les autres cletcs. II faut cependant avouer que leurs vceux forment un obftacle qui, en certaines chofes , arrêté & fufpend 1'effet de cette puiffance. Mais quand cet obftacle eft levé par la permiffion du fupérieur,alors ils peuvent exercer les fonctions de leur ordre , fi 1'évêque joinr fa permiffion a celle du fupérieur. Monachi, etfi in dedkaüonc fui presbyteratüs, feut & cateri factrdotes , baptlfandi, prxdicctndi, peznitentiam dandi , peccata remittendi, beneficiis ecclefiafticis perfruendi, rite poteftatem accipiunt , ut amplius & perfeciius agant ea qux facerdotalis offcii effe fanciorum patrum confïitutionibus comprobantur , tarnen executionem fu& poteflatis non habent, nifi d populo fuerint elecli, & ab epif  4 $ 2- i?ènèficier adultère. copo , cum confenfu abbatis, ordinat't. Can. i o, 16 , q.i. . .Enforce <ïue moines n'ont point d incapacité qui les empêche, quand ils qnt recu les ordres, d'en exercer les Whons, & d'être revêrus des charges pubhques de 1'églife. II y a feulement un obftacle, qui réfulte de 1'obéilTance qu ils ont vouée a leur fupérieur. Mais quand cet empêchement eft détruit par le confentement de ce fupérieur, joint acelui de 1'évêque, ils ont, comme les autres clercs, toute Ia capacité attachée a l ordre dont ils font décorés. 5Ie,n', daas cet arrangement, ne blelfe la hiërarchie. Quand les moines font les foncrions eccléfiaftiques; quand ils deflervent des bénéfices, quand ils exercent des charges publiques : ce n: eft pas comme moines , mais comme clercs , au moyen de la difpenfe de leurs luperieurs. Aliud enim convenit cuique ex eo quod monachus ■ aliud ex eo qubd clericus eft. Ex eo qubd monachus eft, Jua & aliorum pèccaia deftendi habet officium; ex eo qubd clericus, docendi & pafcendi populum. Can. 3 9 , cauf. 1 6 q. t. Aufli les plus grands prélats, qui ont lait 1 ornement de 1'églife, comme iaint Ambroife, n'ont jamais fait diffi  Bènèficier adultère. 4^3 culcé, quand leur troupeau a eu befoin de fecours , d'en tirer des cloitres Sc des monaftères. Et n'eft-ce pas dans cesfaimtes retraites que 1'églife, pendant plufieurs fiècles, a rrouvé fes plus grandes lumières? N'eft-ce pas de la que font fortis tant de grands hommes qui ont rempli avec tant d'éclat les premières places de la hiérarchie ? Pour ne point fortir de 1'ordre de Saint-Benoit, on comptoit, lors de la plaidoirie de cette caufe, qu'il avoit fourni quatte mille évêques , feize cent archevêques, cinquante pattiarches , deux cenr cardinaux, Sc quarante papes , dont vingt-cinq ont été canonifés. Puifque ces vingt-cinq papes fe font fanétifiés dans le gouvernement de Pé1 glife, il faut bien qu'ils 1'aient conduite faintement. Or peut-on foutenir que les moines ; qui peuvent être évêques, archevêques, cardinaux , papes, ne puiffent pas_exercer une charge d'official, quand ils en ont la petmiifion de leur fupérieur? Mais , dit-on, il eft défendu aux moines de s'immifcer dans les affaires féculières. II eft vrai: mais cette prohibition eft commune aux clercs Sc aux moines; Sc elle ne regarde, 8c ne peut  45 4 Bènèficier adultère. regrrder que les foncFions des jurifdictions féculières. ■ On ajouteque les moines n'ont ni la fcience ni la pratique des affaires, & que ces connoiffances ne fe peuvent acquérir dans les monaftètes. Cela eft encore vrai, généralemenr parlant. Mais il eft vtai aufli que, dans le particulier, il y en a qui en font capables, foit qu'ils en foient inftruits avant que de fe faire religieux, foit que, depuis leur profeflion , ils aient été faits procureurs de leur maifon , & s'y foient particulièrement appliqués par 1'ordre de leurs fupérieurs. Mais voyons quel eft l'ufage en France, & quel eft le fentiment de nos auteurs , fur cette matière. Gui-Pape, en fa décifion examine fi un moine peut être official, ou grand-vicaire d'un évêque; &, après avoir propofé diverfes raifons de part & d'autre, il décide, en diftinguant le moine fimple, & le moine qui a une adminiftration & une fupériorité furies auttes. A I'égard du moine fimple, il ne peut être official, s'il n'en a obtenu le confentement & la petmiflionde fon fupérieur. Sinè fuperïoris fui , vel abbatis, vel epifcopi 3 cui immediate fubefl 3 licenüd.  Bènèjicier adultère. 4^5 Mais, a I'égard de cekd qui a fupériorité & adminiftration fur les autres, & qui n'a point de fupérieur au-delfus de lui, Gui-Pape eft d'avis qu'il peut être official. Quia cum ei concedatur adminijlratio , & etiam per confequens conceditur converfatio cum hominibus laicis & aliis; & ia caujïs facularibus multb magis judicare; & in caujïs fpirjtualikus & laicis prafidere. Nam , cum ei permittatur id quod majus, multb Jortius id quod minus. Pour confirmer fon opinion, il ajoute la connoiflance qu'il avoit lui-même de l'ufage; & dit qu'il Pa vu pratiquer ainfi dans les officialités de Lyon &c de Vienne. 11 eft vrai que Fe'vret eft d'un avis contraire ; & donne pour raifon que les moines ne doivent point fe mêler des affaires féculières , &c ne font point expcrimentés dans les affaires du barreau : non funt periti difceptationumforenjïutn. 11 appuie fon opinion fur celle des définiteurs de laRote, avant le concile de Trente, qui prétendoient que les religieux profès ne pouvoient être ni vicaites, ni officiaux, ni promoteurs des évêques. Mais il convient que le concile de Trente a autrement décidé, &c qu'il a permis, par le canon 1 , de la ceflïon 24 de reform, aux religieux, de  4^6 Bénéfioler adultère. fe foumettre a 1'autorité des prélats. Au refte, les raifons fur lefquelles il fonde fon opinion, n'ont aucune folidité. Car, comme on 1'a déja dit, Ia défenfe de fe mêler des affaires féculières, tombe fur les clercs, comme fur les moines; Sc 1'ignorance du droit Sc delapratique ne peut nuirè qu'a ceux en qui elle fe rencontre, Sc nullement a ceux qui fe trouvent capables. En effet, Févret femble fe ccntredire lui-même, au titre 3 , de la jurifdiction volontaire des grands-vicaires, n°. 9, 011 il dit que les religieux peuvent être inftitués grands - vicaires des évêques , avec la permiffion des fupérieurs. Or, quelle-raifon pourroit-il y avoir de permettre aux moines d'exercer , en qualité de grands-vicaires, les fonctions épifcopales , Sc de les exclure de celle de 1'officialiré, qui eft une des principales ? Rébujfe, au titre de vicarüs epifcopi, n°. 30, décidequ'un religieux peut être vicaire d'un évêque, cum fuperioris licentïq. II en excepte les religieux mendiants, auxquels ces fonétions font interdites par la première clémentine. Cependant on pourroit rapporter des exemples de mendiants qui ont été grands-;  Bènèjicier adultère. 457 grands-vicaires, avec la permiffion de leurs fupérieurs. Mais cequi tranchera ici la queftion, c'eft la poffeffion conftanre & immémoriale oüfonr les moines de Fefcamp, & toutes les abbayes de leur ordre, qui ont de pareilles exemptions, d'exercer, par eux-mêmes, les foncuons de 1'officialitc. Les abbés commendataires ne le pouvant faire, ils commettent des religieux de leur abbaye. II fuffit que ceux qu'ils choififlent aient les qualités requifespar l'ordonnance; & ces qualités fe bornent a être prêtre & licencié en droir canon. Pour établir la poffeffion do'nt on patle ici, oh a produit plufieurs fentences rendues depuis 13 6^3 , jufqu'a* préfent dans les abbayes delaChaife-Dieu, deCluny, de Rhedon en Bretagne, de Saint-Fiorent de Corbie , de SaintDenys en France, de Saint-Etierme de Caert, tc de Saint - Martin d'Aumalée. On trouve, il eft vrai, des intervalles dans lefquels ces officialités ont cté exercées par des prêtres féculiers. Mais c'eft quand il ne s'eft pas trouve de religieux qui en fuflènt capables; ou Tornt IX. V  4^8 Bènèjicier adultère. quand il a plu aux abbés d'ufer de la liberté qu'ils ont dans leur choix, On pourroit encore citer plufieurs arrêts de différents Parlements qui ont confirmé & autorué les procédures faixes par les öfficiaux religieux , fur les appellarions d'incompétence, quand, d'ailleurs , il ne s'y eft point trouvé d'abus. Refativement ï 1'affaire dont il s'agit, il y a eu arrêt en 16"81 , par lequel le Halleur, fur les conclufions da rniniftère-public, a été renvoyé en 1'officialité 'de Fefcamp, pour fon procés lui être füt & parfait, quoiqu'il s'en défendit fous prétexte de 1'incompétence &c de l'abus qu'il teprochoit a cette officia1'ité. En conféquence de eer arrêt, il en .eft intèrrehu plufieurs autres , a 1'ocpafïon de dirrérents incidents fufcités par le Halleur pour traverfer la procédure. La Cour a toujours autorifé 1'official de Fefcamp a continuer 1'inftruction & le jugement du procés. Quant a, 1'exemption, quoique le droit n'en foit pas favorable, & qu,e toutes les exemptions aient été révoquées par le concile de Confiance, on en a, depuis ce tems-la, confervé un grand nombre , tant paree qu'elles n'éi ?jienc pas daas le cas de l'abus que F014  Bén èjicier adultère. ^ g vouloit profcrire, que paree qu'elles étoient autorifées par la néceffite & 1'urilité de 1'églife, ou par la volonré des fondateurs. C'eft le fentimenr de faint Bernard, qui, après avoir déclamé contre l'abus des exemptions, ajoute: Non nulla tarnen monafteria jïta in diverfis epifcopatibus qubd fpecia/ius pertinuerint ad fedem apoftolicam, ab ipsd fui fundatione per voluntatem fundatorum, quis nefciat ? Sed aliud eft quoi -largitur devotio, aliud quod molitur ambitio impatiens fubjeclionis. Lib. j ' de confiderat. ad Eugen. UI, cap. 4. L'exemption de Fefcamp eft de la nature de celles que faint Bernard approuve, puifqu'elle a été accordée d'abord par Robert, archevêque de Rouen, a la prière de Richard 1 fon frère, qui en étoit fondateur, & confirmée par le pape Benou VIII, a la requête de Ri. chard II, aulli fondateur. Fefcamp a joui, pais ce tem;, da fon exemption , fans aucun trouble ; ce qui fait préfumer qu'elle eft du nombre 4e celles qui mentent d'être refpecPées. Car,outre que ce privilègepeut avoir été ftipulé par le contrat de f ondation , recue & confirmée par le pape, le Roi $c les archevêques de Rouen , il peut fi»  460 Bènèjicier adultère. faire que, lors de fon établiflement, on ait donné aux archevêques des dédommagements fi grands, qu'il ne leur feroit peut-être pas avantageux de remettre les chofes dans l'état ou elles étoient auparavant. Quoi qu'il en foit, c'eft aux archevêques de Rouen, s'ils jugent que leur cglife fouffre quelque préjudice , que leur jurifdicfion foit diminuée, que ieurs droits foient ufurpés, a intervenir; &, tarit qu'ils garderont le filence, 8c que le miniftère-public ne croira pas devoir élever fa yoix pour eux, perfonne n'a le droit d'agiter ces queftiqns,nidefe plaindre d'un prétendu abus qui ne peut nuire qu'a leurs intéréts 8c a leur autorité. Ce n'eft pas que les gens du Roi ne foient quelquefois dans le cas de venir au fecours de ceux qui négligent des droits dont la conferyation importe a fordre public. Mais ils ne doivent pas compromettre leur miniftère fans des raifons preflantes, & fans beaucoup de circonfpeótion. lis ne doivent pas écouter la voix d'un accufé qui tache de s'écbappef des liens de la juftice, oü fa inauvaife conduite 1'a fait tomber; & qui, ne fe rrouvant pas aflez fort pour les rornpre pat lui-même, appelle le  Bénéfieier adultère. 461 procureur-géncral a fon fecours, & tache de le féduire , & de l'exciter fous des prétexres d'abus & d'intérêt public , ;ï contefter le pouvoir du juge qui Pa condamné. Mais le parquet doit d'autant moins prêter 1'oreille a fes invitations, que la queftion que cet accufé veut faire agiter, eft une pure récriminati,on , & qu'elle eft abfolument intitile pour le jugement du procés dont il s'agit. Outre que la procédure qui a fervi de bafe a ce jugement a été autorifée par des arrêts qui ont toujours renvoyé, fur les divers incidents qui fe font préfentés , pardevant Pofficial de Fefcamp; quand il n'y auroit eu aucun arrêt, quand il feroit conftant que cette exemption feroit abfolument abufive, le jugement renducontre 1'accufé ne laifferoit pas de fubfifter, pourvu qu'il füt rendu dans les formes. 11 eft en effet fondé fur une poffeffion immémoriale; fur 1'opinion du public, qui eft accoutumé a regarder Pofficial de Fefcamp comme un juge légitime : ' circonftances qui établiffent, en ces occalions , une efpèce de droit commun. Mais, dit-on, fi fofficialité de FefVüj  4